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Full text of "Biographie universelle ancienne et moderne, ou, Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes : Ouvrage entièrement neuf"

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BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 

ANCIENNE  ET  MODERNE. 
PRA  —  RAK. 


DE  L'IMPRIMERIE  D'EVERAT, 

aUE   DU    CADRAN,    N<*.    l6. 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE , 

ANCIENNE  ET  MODERNE, 


ou 


HISTOIRE,  TAU  ORDRE  ALPHABETIQUE,  DELA  VIE  PUBLIQUE  ET  PRIVEE  DS 
TOUS  LES  HOMMES  QUI  SE  SONT  FAIT  REMARQUER  PAR  LEURS  ECRITS  , 
LEURS  ACTIONS,  LEURS  TALENTS,  LEURS  VERTUS  OU  LEURS  CRIMES. 

OUVRAGE     ENTIÈREMENT     NEUF, 

RÉDIGÉ  PAR  UNE  SOCIETE  DE  GENS  DE  LETTRES  ET  DE  SAVANTS. 


On  doit  des  égards  aux  vivants;  on  ne  doit  «uz  morts 
que  la  vérité.  (VoLT.,;^rem(ér«£e«rBmrOEdipe.) 


TOME   TRENTE-SIXIE 


A   PARIS, 

CHEZ  L.   G.   MICHAUD,  LIBRAIRE  -  ÉDITEUR , 

PLACE    DES    VICTOIRES  ,    N®.     5. 


182.3. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ott^a 


irn 


littp://www.archive.org/details/biographieuniam36mich 


VW»V»WVVV»»¥V»»>«'V»V<>»VVVVVVVV»W>V*»V»»»*<'VVVWVW»VVVVV>WVVV»VVVVVV»VVVVVV^^ 


SIGNATURES    DES    AUTEURS 


DU  TRENTE  -  SIXIEME   VOLUME. 


MM. 


MM. 


A.  B— T. 

Beuchot. 

L — M — E. 

Lamotte. 

A G — R, 

AUGER. 

L— O. 

LÉO. 

A.  R— T. 

Abel-Remtisat. 

L.  K-E. 

La  Renaudiùre. 

A T. 

H.  AUDIFFRET. 

L — s E. 

Lasalle. 

B— K. 

BÉGIIf. 

I-— Y. 

L'Ecuï. 

B— RJ. 

Barbier  neveu. 

M— É. 

MONMERQUÉ. 

P— u. 

Beaulieu. 

M— ON. 

Marron. 

C— AU. 

Catteau-Calletille. 

M-T. 

Marguerit. 

C.  M.  P. 

Pillet. 

N— H. 

Nauche. 

C — Y — R. 

CUVIER. 

N— o. 

NlCOLO-PoULO. 

D— B— S. 

D0BOIS  (  Louis  ). 

P— c— t. 

Picot. 

D— G. 

Depping. 

P.  D— T. 

Paul  Duport,  ' 

D.  G— o. 

De  Géramdo. 

P— E. 

Ponce. 

D— G— s. 

Desgenettes, 

P.  L. 

Prévôt-Lutkens. 

D— L— E. 

Delambre. 

P.  p.p. 

Prévost  ,  professeur. 

D.  L.  P. 

De  La  Place. 

p— s. 

PÉIUÈS. 

D— N— u. 

DAUNon. 

R— D. 

Reinaud. 

D— p— s. 

Du  Petit-Thouars. 

R— R. 

Roger. 

D— u. 

DnvAU. 

Si  —  D. 

SiCARD. 

D— z— s. 

Dezos  de  la  Roquette. 

s.  M— N. 

Saint-Martin. 

E-c  D-D. 

Éméric-David. 

s— K.     ' 

Stapfer. 

F— s. 

Eyriès. 

s.  s— 1. 

SiMONDE    SlSMONDI. 

F.  P— T. 

Fabien  Pillet. 

St.  s— N. 

Saint-Surin. 

F—T. 

FoissET  aîné. 

s— V— s. 

De  Sevelinges. 

F— Tj. 

FoissET  jeune. 

T— D. 

Tabaraud. 

c — CE. 

Genge. 

T— NN. 

Takn  (  Le  baron  de). 

G— N. 

Guillon  (Aimé.  ) 

V— R. 

Vergek. 

G — RD. 

Guérard. 

V.  s.  L. 

Vincens-Saint-Laukent 

L. 

Lefebyre-Cadchy. 

w— R. 

Walckenaer. 

I. — B — E. 

Labouderie. 

w— s. 

Weiss. 

L — DB. 

Lkstrade. 

z. 

Anonyme. 

BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE. 


««VVVVVVVVVVVVVVVV\\VVVVVVVVVVVVVV\^VVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVV^ 


PrADES  (Jean-Martin  de), théo- 
logien, doit  la  sorte  de  célébrité  qui 
s'est  attachée  à  sou  nom,  uniquement 
à  une  Thèse  irréligieuse,  qui  fut  com- 
me le  premier  signal  d'une  agression 
ouverte  contre  le  christianisme,  jus- 
qu'alors attaqué  seulement  par  des 
ouvrages  clandestins,  11  était  né ,  vers 
i7'3o  ,  à  Castel-Sarrazin  ,  d'une  fa- 
mille noble.  Comme  ses  parents  le 
destinaient  à  l'état  ecclésiastique  ,  il 
vint  continuer  ses  études  à  Paris  ,  au 
séminaire  de  Saint-Sulpice,  et  prit , 
avec  les  ordres  sacrés  ,  ses  premiers 
degrés  en  théologie.  11  forma  ,  bien- 
tôt après ,  une  liaison  assez  intime 
avec  les  principaux  rédacteurs  de 
l'Encyclopédie  ,  et  fournit  à  cet  ou- 
vrage plusieurs  articles ,  tels  que  celui 
de  Certitude.  Il  se  présenta ,  vers  la 
fin  de  1 75 1 ,  pour  recevoir  le  docto- 
rat; et,  après  avoir  rempli  les  for- 
malités d'usage,  il  soutint,  le  18 
nov.  ,  en  Sorbonne ,  une  Thèse  qui 
causa  le  plus  grand  scandale.  On  re- 
connut qu'il  y  avançait  des  proposi- 
tions contraires  à  la  doctrine  de  l'E- 
glise ,  sur  l'essence  de  l'ame  ,  sur  les 
iiotions  du  bien  et  du  mal  moral  , 
sur  l'origine  de  la  société ,  sur  la 
loi  naturelle  ,  et  sur  la  religion  ré- 
vélée ,  sur  l'économie  des  lois  de 
Moïse,  sur  les  miracles,  etc.  5  en- 
fin ,  qu'il  poussait  l'oubli  des  con- 
venances au  point  de  comparer  les 

xxxvi. 


guérisons  opérées  par  Jésus  -  Christ 
à  celles  qu'avait  pu  faire  Escula- 
pe.  Elle  fut  censurée  par  la  Sor- 
bonne :  plusieurs  prélats  s'empres- 
sèrent de  la  condamner;  et  le  par- 
lement de  Paris  décréta  l'auteur. 
L'abbé  de  Prades ,  à  qui  le  duc  de 
Richelieu  avait  ofTert  un  asile  avec 
des  secours  ,  crut  plus  prudent  de  se 
réfugier  en  Hollande  ;  il  y  composa 
son  Apologie  (  175:2,  in-é**.  )  ,  à' la- 
quelle Diderot  joignit  une  troisième 
partie, qui  renferme  la  réfutation  d'un 
mandement  que  l'évèque  d'Auxerre 
venait  de  publier  contre  la  Thèse  de 
l'abbé  de  Prades  (  F.  Diderot,  XI, 
3 1 8).  Cette  Apologie  fut ,  à  son  tour, 
réfutée  par  le  savant  père  Brotier , 
en  1753  (  F.  Brotier).  Sur  les  re- 
commandations de  Voltaire  et  du 
marquis  d'Argcns  ,  l'abbé  obtint  , 
quelques  mois  après ,  la  place  de 
lecteur  du  roi  de  Prusse ,  et  se 
rendit  à  Potsdam  ,  où  il  fut  ac- 
cueilli comme  une  victime  de  la  per- 
sécution. Voltaire,  qui  reçut  Tabbé 
de  Prades  à  Berlin,  et  qui  lui  donna 
le  surnom  de  frère  Gaillard  ,  le 
ti'ouvait  naïf ,  gai,  instruit  et  capa- 
ble de  s'instruire ,  intrépide  dans  la 
philosophie,  dans  la  probité,  et  dans 
le  mépris  pour  les  fanatiques  et  les 
fripons  (/^.  la  Correspond,  généra- 
le ).  Quoi  qu'il  en  soit ,  l'abbé  eut  le 
bonheur  de  plaire  à  Frédéric  ;  et  il 
I 


2  PRA 

en  reçut ,  outre  une  pension ,  deux 
canouicals ,  l'un  à  Oppelu ,  et  l'autre 
à  Gloçjau  :  mais  raflcction  que  lui  té- 
moignait le  roi .  ne  pouvait  manquer 
d'exciter  la  jalousie  des  courtisans. 
Penilant  la  j:;iierre  de  Sept-Ans  ,  l'ab- 
bè  de  Prades  s'était  retire  dans  Mag  • 
debourg  :  accusé  d'être  en  corres- 
pondance avec  un  secrétaire  du  duc 
de  Broglic,  et  de  l'instruire  des  niou- 
venienis  de  l'armée  prussienne,  il  fut 
mis  aux  arrêts  dans  sa  chambre  ; 
mais,  comme  Frédéric  sut  bientôt 
qu'il  n'avait  mandé  que  des  nouvel- 
les indifTcrenles  ,  il  eut  la  ville  pour 
prison.  A  la  paix,  il  reçut  Tordre  de 
se  rendre  à  Glogau  ,  avec  le  conseil 
de  ne  pas  sortir  de  cette  ville  sans 
nécessité,  et  surtout  de  ne  s'y  mê- 
ler et  de  ne  parler  de  rien  (  Voyez 
les  Souvenirs  de  Berlin  ,  par  Thié- 
baull  ,  troisième  édition  ,  iv,  368  ). 
L'abbé  de  Prades  obéit  ;  il  s'était  re- 
concilié depuis  long-temps  avec  l'E- 
glise ,  par  une  rétractation  solennelle 
des  principes  contentis  dans  sa  Thè- 
se :  il  devint  archidiacre  du  chapi- 
tre de  Glogau  ,  et  mourut  dans  celte 
ville,  en  1782.  Il  est  auteur  de  VJ- 
brégé  de  Vhistoire  ecclésiastique  de 
Fleury  (  suppose)  traduit  de  V an- 
glais Berne  (  Berlin  )  ,  1 76'^  ,  2  vol, 
pet.  in  -8°.  La  Préface  ,  comme  on 
sait  ,  est  du  roi  de  Prusse  ;  elle  est 
remplie  d'invectives  contre  le  chris- 
tianisme. On  trouva  ,dans  les  manus- 
crits de  l'abbé  de  Prades  ,  une  Tra- 
duction complète  de  Tacite ,  que 
l'académicien  Mérian  ,  chargé  de 
l'examiner  ,  jugea  très  -  bien  écrite, 
et  aussi  fidèle  que  pouvait  l'être  une 
traduction  française  :  elle  n'a  cepen- 
dant pointélé  imprimée;  et  l'on  igno- 
re ce  qu'est  devenu  le  manuscrit.  On 
assure  qu'avant  sa  sortie  de  France, 
l'abbé  de  Prades  travaillait  à  un 
Traité  sur  la  vérité  de  la  Religion: 


PRA 

s'il  a  terminé  cet  ouvrage ,  il  est  éga- 
lement resté  inédit.  W — s, 

PRADON  ,  poète  décrié,  sur  le- 
quel il  existe  fort  peu  de  détails  po- 
sitifs ,  naquit  à  Rouen  (i).  L'épo- 
que de  sa  naissance  est  iguurée.  Le 
prénom  de  Nicolas  qu'on  lui  don- 
ne généralement  n'est  peut-être  pas 
le  sien  (  Voyez  J.  -  B.  Micuault  , 
■2"  note  ).  Il  vint ,  d'assez  bonne 
heure  dans  la  capitale,  où  il  fit  jouer, 
en  16741  Pirame  et  Thisbé,  avec 
un  brillant  succès,  dont  il  fut  rede- 
vable aux  ennemis  de  la  gloire  de 
Racine.  L'année  suivante  ,  Tamer- 
lan  ou  la  Mort  de  Bajazet ,  qui  va- 
lait un  peu  mieux,  n'obtint  pas  les 
mêmes  applaudissements  ;  ce  qu'il  ne 
manqua  point  d'attribuer  aux  efforts 
de  l'envie.  wSa  réponse  si  connue  à 
l'aîné  des  princes  de  Conti  ,  en  sor- 
tant de  la  première  représentation  , 
prouve,  quand  on  la  supposerait 
inventée  par  la  malignité  ,  quelle 
idée  on  se  formait  de  son  ignorance. 
Le  prince  lui  avant  fait  observer 
qu'il  plaçait  en  Europe  une  ville  si- 
tuée en  Asie,  il  répondit  :  «  Je  prie 
»  votre  altesse  de  m'excuser,  car  je 
»  ne  sais  pas  trop  bien  la  chronolo- 
»  gie.  »  Quoi  qu'il  en  soit ,  voici 
comment,  dans  un  Avertissement 
au  lecteur,  il  ose  s'exprimer  sur  le 
mérite  de  sa  pièce  :  «  Peut  -  être  vi- 
»  vra-t-elle  autant  sur  le  papier  que 
»  certains  ouvrages  qui  ne  tirent  leur 
»  succès  que  de  la  déclamation,  dont 
»  les  acteurs  sont  les  maîtres,  et  qui 
»  ne  réussit  que  pour  eux.  »  C'était 
désigner  ouvertement  Pvacine  ,  qui 
prenait  la  peine  de  former  ses  ac- 
teurs ;  c'était  faire  entendre  que  ceux- 
ci  ,  pour  lui  plaire,  s'attachaient  ex- 
clusivement à  bien  jouer  ses  pièces. 

(i)  Sur  la  paroisse  de  Sainl-Vivieu ,  «n  iC3î  ,  se- 
lon les  Mem,   biogr,  et  Unir,  de  31.  Guilbeit,  il , 

i85. 


PRA 

Ebloui  par  les  cnconragcments  d'u- 
ne violente  cabale,  Pradon  se  fit  un 
jeu  de  lutter  contre  le  grand,  homme 
qui  consolait  la  France  de  la  vieil- 
lesse de  Corneille.  En  1677,  ^^  °P" 
posa  Phèdre  et  ffippoljte,  dont  la 
composition  lui  avait  à  peine  coûte 
trois  mois,  au  fruit  admirable  d'un 
travail  de  plusieurs  années.  Le  triom- 
phe passager  qu'il  remporta,  est, 
sans  contredit,  l'un  des  scandales  les 
plus  affligeants  que  notre  littérature 
ait  à  déplorer.  On  connaît  le  sonnet 
que  madame  Deshoulicres  eut  alors 
le  malheur  de  composer  (  Foj\  son 
article  ).  Trop  sensible  à  l'humilia- 
tion de  paraître  un  moment  vaincu 
par  son  indigne  rival ,  l'auteur  de 
tant  de  chefs  =  d'œuvre  condamna, 
pendant  douze  ans,  son  génie  à  une 
entière  inaction,  malgré  les  exhor- 
tations courageuses  de  Despréaux. , 
consignées  dans  une  de  ses  belles  Epî- 
frcs  (la  septième).  Racine  le  fils  nous 
apprend  quels  furent  les  moyens  em- 
ployés par  la  duchesse  de  Bouillon 
et  le  duc  de  Nevers,  son  frère ,  pour 
rendre  inévitable  la  chute  de  Phèdre. 
Ils  dépensèrent  quinze  mille  francs 
à  retenir  les  premières  loges  pendant 
les  six  premières  représentations  de 
l'tme  et  de  l'autre  pièce  (Mémoires 
sur  la  vie  de  Jean  Racine,  1808 , 
page  66).  Voulant  donner  le  change 
au  public,  l'écrivain  méprisable  qui 
profitait  des  manœuvres  de  la  hai- 
ne ,  ne  rougit  pas  d'élever  la  voix 
contre  la  persécution,  et  de  signaler 
ses  adversaires  comme  des  inti'igants 
de  coulisses,  accablés  par  «  l'arrivée 
»  d'un  second  Hippolyte  à  Paris.  » 
Il  se  déchaîna  surtout  contre  Des- 
préaux, dont  il  parodia  deux  vers 
(2  de  la  manière  suivante  : 

(a)     La  famille  en  pSlit,  et  vit  en  frémissant 
Uaus  la  coudre  du  greflb  un  potte  naissant. 
(  ÉpUre  V,  vers  Ij5-ii6.  ) 


PRA  3 

La  caljalc  en  pâlit ,  et  vit  en  ficmissant 
Vu  second  Hippolyte  ^  sa  barbe  naissant. 

«  La  satire ,  dit  -  il  ensuite ,  est  une 
»  bête  qui  ne  me  fait  point  de  peur, 
»  et  que  l'on  range  quelquefois  à  la 
»  raison,  etc.  »  C'est  ainsi  qu'il  pré- 
ludait aux  critiques  dont  nous  aurons 
heu  déparier.  Subligny  vanta  le  plan 
de  Pradon,  qu'il  mitau-dessusdecelui 
de  Racine.  Le  Dictionnaire  histori- 
que a  confirmé  sur  parole  ce  ju"-e- 
ment  absurde  dicté  par  l'animosfté. 
C'est  ce  qui  paraît  avoir  déterminé 
Laharpe  a  le  réfuter,  par  une  ana- 
lyse à  laquelle  il  n'y  a  rien  à  répli- 
quer (Coz/r^  de  littérature  ,  1821, 
tome  V,  pages  564 -578).  Voltaire 
s'est  amusé  à  rapprocher  la  déclara- 
tion d'amour  d'HippoIyte  dans  les 
deux  pièces,  pour  faire  connaître  le 
style  des  deux  poètes  {Préface  de 
la  première  édition  de  Mariamne). 
Si  la  description  du  monstre  passe 
pour  être  trop  poétique  dans  la  bou- 
che de  Théramènc,  assurément  on 
ne  fera  point  le  même  reproche  au 
récit  que  Pradon  met  dans  celle  d'I- 
das.  On  peut  s'en  convaincre  par  ces 
vers-ci  : 

Sa  forme  est  d'un  taureau;  ses  yeuxetses  nazeaux 
Répandent  un  déluge  et  de  flammes  et  d'eaux 

«  Toute  la  différence  qu'il  y  a  entre 
»  Pradon  et  moi,  c'est  que  je  sais 
»  écrire,  »  disait  Racine.  Cela  est 
vrai;  mais  ,  comme  cette  différence 
en  suppose  une  très -grande  dans  la 
manièredesentiretdepenser,elleéta- 
bht  un  intervalle  immense  entre  l'un 
et  l'autre.  Que  l'on  examine, en  effet, 
les  ccMceptions  qui  semblent  leur 
être  communes;  et  l'on  verra  qu'el- 
les sont  aussi  différentes  que  leurs 
facultés.  Si  l'on  s'en  rapporte  à  Tau- 
tcur  le  plus  disposé  à  se  flatter  avec 
une  excessive  complaisance,  la  Troa- 
^e,  jouée  en  1679,  ca^tùysiV atten- 
tion particulière  de  Louis  XIV.  De 
I.. 


4  PRA 

toutes  ses  pièces ,  Statira  (  fille  de 
Darius  ,  veuve  d'Alcxaudrc  ) ,  est 
celle  dout  il  se  félicite  le  moius.  Il 
espère  cependant  «  que  la  lecture 
»  pourra  n'eu  pas  déplaire  ,  puis- 
»  qu'elle  a  paru  assez  bien  écrite  aux 
»  plus  délicats.  »  Les  cornpilaleurs 
d'anecdotes  ont  répète' ,  d'après  Vi- 
giicid  Marville  (Bonav.  d'Argoune  ), 
que  Pradon  alla  se  placer  daus  la 
foule  du  parterre  ,  afiu  d'entendre 
les  jugements  dont  sa  traj^cdie  serait 
l'obietjquo,  pour  se  mieux  déguiser, 
il  se  réiniit  à  ceux  des  spectateurs 
qui  la  sifflaient:  qu'un  niousrpietaire 
eu  prit  la  défense  contre  Ini-inèiuc, 
sans  le  coiuiaîlre  ;  qu'ayant  j)ersisté 
dans  son  imprubation  simulée  ,  il 
perdit  son  chapeau  et  sa  perruque , 
donna  un  soufflet,  reçut  plusieurs 
coups  de  plat  d'épéc,  et  gagna  tris- 
tement la  porte  pour  faire  panser  ses 
blessures.  Ces  détails  ont  bien  l'air 
d'un  conte  imagine  à  plaisir.  Com- 
ment se  persuader  qu'un  rimeur  gon- 
flé d'amour-propre  siffle  une  de  ses 
productions,  et  se  batte  contre  Tun 
de  ses  plus  chauds  partisans.  ?  En 
1688,  Hegulus  eut  vingt-sept  repré- 
sentations de  suite;  aussi  l'auteur, 
dans  l'ivresse  de  sa  gloire  ,  qu'il 
croyait  assurée,  commence- 1 -il  sa 
Préface  par  ces  mots  :  «  Le  succès 
»  de  Uégubis  a  été  si  grand,  que  son 
»  titre  seul  pourrait  servir  d'apolo- 
»  gie  pour  répondre  à  quelques  cri- 
»  tiques.  »  Lorsque  le  comédien  Ba- 
ron  remit ,  en  \';i.i ,  cette  pièce  au 
théâtre  ,  clic  n'y  reparut  pas  sans 
éclat.  Elle  n'est  dépourvue  ni  d'inté- 
rêt ni  d'art  dans  la  conduite  :  la  dic- 
tion en  est  faible,  sans  doute,  mais 
elle  est  assez  pure;  et  quelquefois 
même  elle  a  de  li  noblesse.  11  serait 
pos  ible  d'eu  conclure  que  l'auteur, 
avec  beaucoup  plus  de  travail ,  avec 
beaucoup  moins  de  présomption,  au- 


PRA 

rait  figuré  peut-être  au  rang  des  écri- 
vains qui  méritent  quelque  souvenir. 
Il  rend,  à  la  vérité,  son  héros  amou- 
reux, suivant  un  vieil  usage,  alors 
trop  généralement  consacré.  S'il  n'a 
pas  vu  qu'il  aurait  été  plus  convena- 
ble de  s'en  écarter,  il  a  du  moins 
senti  que  son  sujet  ne  lui  pertneltait 
pas  d'y  déférer  eniièremenl.  Pour  y 
avoir  intro'luit  peu  d'.:mour,  il  se 
croit  obligé  d'employer  une  excuse  : 
«  Je  n'y  en  pouvais,  dit- il,  mettre 
»  davantage  avec  bienséance.  »  Sci- 
pioH  Z'.-//r/c<a"«,  représenté  en  1O97, 
est  la  seule  pièce  qu'il  n'ait  pas  f.iit 
précéder  d'une  préface.  Saint  Marc, 
dans  son  Coinmenlairc  sur  Boileau, 
l'altribiu'à  de  Pradcs,  sans  toutefois 
apjiuyer  d'aucune  autorité  une  oj)i- 
nion  contraire  au  sentiment  com- 
mun ,  et  démentie  par  des  témoigna- 
ges contemporains.  Selon  toute  ap- 
j)arence,  il  a  voulu  ])ailer  (Wirsace, 
roi  fies  Parthes,  que  le  Royer  de 
Pradcs  fit  jouer  en  i(î(JG,  long-temps 
avant  (jue  Pradon  fût  en  évidence, 
et  que  l'on  domie  malàpropos  à  ce- 
lui-ci, comme  le  remarque  Niceron. 
Telles  sont  les  sept  tragt-dies  pu- 
bliées sous  ce  titre  :  les  OEuvres  de 
Pradon  ,  divisées  en  deux  tomes  ^ 
nouvelle  élition,  corrigée  et  aug- 
mentée, Paris  ,  1744»  il- '■->'•  Le  pè- 
re Mceron  fait  mention  d'ime  Anti- 
gone, si  mal  reçue,  qu'elle  ne  fut  pas 
imprimée.  Electre,  Germanicus  et 
Tarquin  eurent  le  même  soi  t.  r>a  se- 
conde de  ces  trois  pii-ces  est  la  moins 
inconnue,  à  cause  d'une  épigranime 
de  Racine.  Quoique  Scipion  soit  in- 
séré parmi  les  œuvres  de  l'auteur, 
l'existence  en  serait  ignorée  sans  une 
autre  épigramrae,  qui  est  de  J.  -  B. 
Rousseau.  L'article  Pradon  ,  dans 
les  Anecdotes  dramatiques  ,  offre 
un  résumé  dont  il  n'est  pas  inutile 
de  rapporter  les  principaux  passa- 


PRA 

ges.  «  Ou  ne  peut  sans  iujusiice ,  y 
»  est-il  dit,  refusera  ce  poète  de  l'cs- 
»  prit,  de  l'imagination,  de  la  faci- 
»  lité,  ctc Ceux  qui  ne  pronon- 
cent point  d'après  les  vers  de  Dcs- 
preaux,  avouent  qu'il  »  savait  con- 
»  duire  régulièrement  une  tragédie  , 
»  en  ménager  les  incidents,  y  placer 
»  des  peintures  vives ,  des  traits  lieu- 
»  reux,  des  situations  intéressantes, 
»  quelquefois  neu\es;  des  mouvc- 
»  ments  forts  et  véhéments.  »  Les 
éditeurs  dvs  Annales  poétiques  adop- 
tent à  -  peu  -  près  cette  décision.  Ce 
concert  d'éloges  semble  devoir  être 
d'un  certain  poids;  mais  il  démon- 
tre seulement  que  les  faiseurs  de  re- 
cueils et  de  compilations  trouvent 
bien  plus  commode  de  se  copier  , 
en  prononçant  sur  la  foi  des  an- 
ciens journaux,  que  de  lire  les  ou- 
vrages soumis  à  leur  examen.  Il 
n'est  point  d'auteur  tragique  dont 
la  lecture  soit  plus  insipide  que  celle 
de  Pradon.  Pour  la  supporter,  il  faut 
s'être  imposé  l'obligation  de  le  juger 
en  conscience  :  si  quelquefois  il  ré- 
veille l'attention  fatiguée,  ce  n'est 
guère  que  par  l'excès  du  mauvais  goût 
et  de  la  platitude.  Ses  moments  d'uis- 
piratiousont  si  rares,  etsipeu  soute- 
nus par  l'expression ,  qu'il  serait  diffi- 
cile de  découvrir  chez  lui  un  morceau 
irréprochable.  Nous  exceptons  Ré- 
gulus,  dans  lequel  il  s'est  vraiment 
surpassé.  L'abbé  Sabatier  avance 
qu'il  avait  surtout  du  talent  pour  la 
poésie  légère  ,  et  que  «  l'on  a  reienu 
«plusieurs  de  ses  madrigaux  »  (  Les 
Trois  siècles  de  la  littérature  fran- 
çaise ).  Il  est  cependant  versificateur 
encore  plus  trivial  dans  ses  poésies 
fugitives  que  dans  ses  pièces  de  théâ- 
tre. D'ailleurs  ,  on  ne  cite  de  lui  que 
ce  quatrain  ,  envoyé  à  une  personne 
dont  il  ne  pouvait  toucher  le  cœur, 
ce  qu'il  voyait  par  les  lettres  qu'il 


PRA  5 

en  recevait  : 

Vous  n't'cn'vei  que  pour  écrire; 
C'est  pow  vous  un  amusement. 
Moi ,  qui  vous  aime  tendrement , 
Je  n'écris  que  pour  vous  le  (lire. 

Ce  reproche  aimable  et  délicat  s'a- 
dresse, suivant  Sabatier,  à  M''<=.  Ber- 
nard, auteur  de  la  tragédie  de  i?rï/fM5. 
Pradon  effectua  la  menace  qu'il  avait 
faite  de  se  venger  des  traits  lancés 
par  Desprc'aux.  Il  publia  d'abord  uff 
examen  du  Discours  au  roi,  et  des 
trois  premières  Satires  ,  que  sa  mo- 
destie ordinaire  lui  fit  intituler  :  le 
Triomphe  (le  Pradon,  1684,  in- 
12.  Dans  le  frontispice,  il  est  repré- 
senté sous  la  figure  de  Mercure,  qui 
fustige  un  satyre  ,  par  ordre  de  la 
justice. Ensuite  il  A  onn3i  ses  Nouvelles 
Remarques  sur  tous  les  ouvrages  du 
sieur  D***  ,  1 085  ,  in- 1 2.  Il  y  passe 
en  revue  les  neuf  premières  Sati-res  , 
les  neuf  premières  Épîtres ,  l'Art  poé- 
tique et  le  Lutrin.  Le  ressentiment 
l'égaré  au  point  de  le  faire  presque 
toujours  déraisonner  et  descendre  au- 
dessous  de  lui-même.  Ces  deux  opuscu- 
les ,  auxquels  il  n'a  pas  mis  son  nom , 
sans  toutefois  le  cacher,  sont  curieux 
par  la  bassesse  du  langage  ,  par  l'ex- 
cès du  ridicule,  par  une  insigne  mau- 
vaise foi.  Saint-Marc  lui  attribue  aus- 
si \e Satirique  français  expirant ^Co- 
logne,  1689,  volume  de  58  pages 
qui  roule  uniquement  sur  la  m".  Sa- 
tire ,  et  suivant  lequel  on  remarque 
plus  de  six  mille  fautes  considéra- 
bles dansles  ouvrages  de  Despréaux. 
Pradon  exhale  encore  son  animo- 
sité  dans  plusieurs  pièces  de  vers 
contre  ce  dernier,  ainsi  que  dans 
une  comédie  contreRacine ,  intitulée  : 
le  Jugement  d'Apollon  sur  la  Phè-r 
dre  des  anciens.  Niceron  ,  qui  ])rend 
à  la  lettre  les  hyperboles  du  satiri- 
que contre  les  femmes,  trouve  fort 
judicieuse  la  réponse  que  lui  fit  Pra- 
don ;  réponse  injurieuse  et  fort  pla- 


6 


PRA 


te.  11  est  divertissant  de  voir  ccliii-ci , 
dans  son  Ejntre  à  .-ilcandre ,  insul- 
ter à  l'amitié  respcctaMe  de  nos 
deux  poètes  les  plus  parfaits  : 

Si  rtoilcau  dr  Racine  rmltruso  rinlrn'l, 
A  dcfcodre  Itoiloan  RsiciDr  est  ton]uurs  \iTvi\ 
O»  rimrurs  rjuz-tilf'sl'un  l'autre  se  cl>atuiiill<iit , 
T.làe  leur  fado  «uceof  tnur-^tour  se  barbouiHent. 

Si  Pradon  s'était  contenté  de  suivre 
Ja  carnère  dramatique  ,  sans  autre 
ambition  que  d'étendre  l.i  mesure  de 
ses  talents  par  le  travail  ,  ou  lui  au- 
rait peut-être  accorde  quelque  estime 
pour  des  succès  mérités;  ou  ,  dans  le 
cas  Contraire,  on  aurait  oublié  sa  fé- 
condité mallicureubc:  mais  une  aveu- 
gle présomption  lui  fit  croire  qu'il 
pourrait ,  sans  le  secours  de  l'étude  , 
s'clevcr  au-dessus  des  plus  hautes 
renommées.  Il  arma  contre  lui  de  re- 
doutables adversaires  ;  et  la  plus  fâ- 
cheuse célébrité  s'est,  pour  jamais  , 
attachée  à  son  nom.  Sou  épitaphefut 
probablement  composée  d'avance: 

Ci-gil  le  poète  Pradon , 
Qui ,  darant  <|uaraii(e  aot ,  d'une  iii  deor  sans  pareille  , 
Fil ,  &  la  bnrlie  d' Apolliin  , 
l'C  uiéijie  laitier  f]ue  Corui-ille. 

Suivant  les  biographes ,  il  mourut 
-  d'apoplexie  à  Paris,  en  janvier  1698, 
dans  un  ;îge  très-avancé.  H  aurait  eu 
soixante  -  six  ans,  d'après  M.  Guil- 
bert ,  qui  l'a  fait  naître  en  i032  ; 
mais  il  doii  être  né  postérieurement 
à  cette  date,  puisque  dans  la  préfa- 
cede  Tamerlan,  imprimée  en  1G76, 
il  parlï  de  lui  comme  «d'un  jeune  aii- 
»  teurqui  commence,  »  en  se  cora- 
parani,  d'une  manière  indirecte  ,  à 
Racine,  qui  avait  alors  trente  -  sept 
ans.  St.  S — n. 

PR^POSITIVUS ,  théologien  du 
treizième  siècle,  est  qualifié  Cremo- 
nensis ,  dans  quelques-uns  des  ma- 
nuscrits de  ses  ouvrages.  Albéric  de 
Trois- Fontaines  le  dit  né  en  Lom- 
hardic  ;  et  Tiraboschi  l'a  compris 
au  nombre  des  Italiens  qui  ont  cnl- 


PRtE 

tiré  les  lettres.  On  ignore  la  date  de 
sa  naissance;  mais  il  avait  probable- 
ment déjà  fait  un  assez  long  séjour  à 
Paris,  lorsqu'il  devint,  en  \:>.oQ^ 
chancelier  de  l'église  de  cette  ville  : 
en  cette  qualité,  il  s'engagea  à  la  plus 
exacte  résidence ,  par  un  serment 
consigné  dans  un  acte  de  l'évêipie 
Odon  ,  qui  est  daté  de  120-^,  et  dont 
Claude  Héraéré,  du  Boulay,  Casimir 
Oudin ,  ont  transcrit  le  texte  latin  , 
comme  un  monument  des  rapports 
du  chancelier  de  la  cathédrale  avec 
les  écoles.  On  a  lieu  de  croire  que 
Pra:positivus  n'a  pas  conservé  long- 
temps cette  dignité;  car  Albéric  lui 
donne  un  successeur  des  l'an  120g. 
Il  faut  qu'il  soit  mort  en  cette  année- 
V.i ,  ou  qu'il  se  soit  retiré  dans  sa  pa- 
trie ,  ce  qui  est  moins  probable.  Ce- 
pendant Ducange  et  Oudin  le  font 
vivre  jusqu'en  1217,  parce  qu'Albe- 
ric  reparle  de  lui  après  1209  ;  mais 
c'est  à  l'occasion  des  chanceliers  qui 
lui  ont  succédé ,  et  sans  faire  enten- 
dre qu'il  vécût  encore.  Son  principal 
ouvrage  est  une  Somme  de  théologie, 
dont  on  n'a  rien  imprimé,  sinon 
quelques  pages  à  la  suite  du  Péniten- 
tial  de  Théodore.  Le  surplus  est  iné- 
dit ;  mais  les  copies  manuscrites  en 
sont  fort  nombreuses,  ce  qui  prouve 
qu'on  a  fait,  an  moyen  âge,  beau- 
coup d'usagedc  ce  livre.  Il  s'en  est  re- 
trouvé des  manuscrits  en  Italie  ,  en 
Angleterre,  en  diverses  abbayes  et  ca- 
thédrales de  France;  dans  les  biblio- 
thèq:ies  des  maisons  de  Sorbonne  et 
de  Navarre;  et  il  en  subsiste  plu- 
sieurs dans  celle  du  Roi  à  Paris.  Prac- 
positivus ,  comme  les  autres  docteurs 
de  son  temps,  expliquait  le  Maître 
des  sentences  ( /^.  1>ombard,  XXIV, 
64 1 -642  ) ,  dans  ses  livres  ,  et  dans 
ses  leçons  publiques.  Il  a  composé 
aussi  un  Commentaire  du  Psautier  , 
que  la  bibliothèque  du  Roi  possède 


manuscrit ,  et  qui ,  bien  que  tout-à- 
fait  distinct  de  la  Somme,  est  rc'di- 
}^é  dans  le  goût  et  dans  les  formes 
de  la  scliolastique.  On  conservait,  à 
Saint-Victor  ,  ses  sermons  qu'Albe- 
ric  déclare  excellents.  Enfin ,  il  a 
laissé  un  livre  sur  les  Offices  divins, 
que  dom  Pez  a  remarqué  parmi  les 
manuscrits  d'une  bibliothèque  de 
Saltzbourg.  Quoique  admiré  par  Al- 
beric,  et  cité  honorablement  dans  la 
Somme  de  saint  Thomas ,  Prœposi- 
tivus  n'occupe  qu'un  rang  fort  obs- 
cur parmi  les  théologiens  :  ses  écrits 
n'ont  excité  aucune  curiosité,  parce 
qu'en  effet  ils  ne  contiennent  rien  qui 
ne  se  rencontre  ailleurs  sous  les  me 
mes  formes.  D — n — u. 

PRiETORIUS  (Matthieu), 
docteur  luthérien,  ne  à  Memel  en 
Prusse  ,  vivait  dans  la  dernière 
moitié  du  xvii*'.  siècle.  U  avait  été 
quelque  temps  secrétaire  de  Jean  So- 
bieski  ,  roi  de  Pologne.  Depuis  il 
exerça  pendant  vingt  ans,  en  qualité 
(le  ministre ,  les  fonctions  pastorales 
à  Nibhudz.  De  longues  études  sur 
l'origine,  les  causes  et  la  nature  de  la 
réformation  de  Luther,  lui  avaient 
fait  entrevoir  que  la  scission  qui  en 
fut  le  résultat ,  n'avait  pas  eu  de 
motifs  légitimes  ;  qu'en  beaucoup  de 
choses  ,  les  deux  communions  sem- 
blaient se  rapprocher;  qu'il  y  aurait 
peut-être  moyen  de  s'entendre  sur  les 
points  de  division ,  et  qu^il  ne  serait 
pas  impossible  de  se  réunir.  Pénétré 
de  cette  idée  ,  Prœtorius  composa 
un  ouvrage  intitulé  :  Tuba  pacis  ad 
universas  dissidentes  in  Occidente 
ecclesias,  seu  Discursus  théologiens 
de  unioiie  ecclesiarmn.  Ce  livre ,  pu- 
blié ,  pour  la  première  fois,  à  Ams- 
terdam ,  en  1 685,  fut  envoyé  par 
l'auteur  à  l'université  de  Kœnigs- 
berg  ;  et  l'on  imagine  bien  qu'il  ne 
manqua  pas    de   docteurs    protes- 


PRiE  7 

tants  qui  en  entreprirent  la  réfuta- 
tion. Presqu'en  même  temps ,  ou 
peu  après ,  un  autre  personnage  s'oc- 
cupait de  ce  projet  de  réunion  sous 
des  auspices  plus  imposants.  Chris- 
tophe Royas  de  Spinola  ,  d'abord 
religieux  de  l'ordre  de  saint  Fran- 
çois ,  puis  successivement  évêque  de 
Tina  et  de  Neustadt,  et  confesseur  de 
l'impératrice  Marie  Thérèse,  femme 
de  Léopold  I*^'". ,  travaillait  dans  les 
mêmes  vues.  L'évcque  de  Neustadt 
était  habile  théologien ,  et  fort  ins- 
truit dans  les  matières  de  contro- 
verse ,  surtout  quant  aux  points  qui 
divisent  l'Éirlise  romaine  de  la  Con- 
fession  d'Augsbourg.  Il  avait  eu  des 
conférences  avec  les  ])rotcstants  , 
et  il  sut  leur  inspirer  de  la  confiance. 
L'empereur  Léopold,  à  qui  il  avait 
fait  part  de  son  plan ,  l'approuva 
et  investit  l'auteur  des  pouvoirs  né- 
cessaires pour  traiter  cette  affaire 
importante.  On  sait  que  Bossuet ,  à 
qui  l'évcque  de  Neustadt  en  référa , 
prit  part  à  la  discussion  ,  et  qu'en- 
suite il  s'établit,  sur  le  même  su- 
jet ,  une  correspondance  entre  l'c- 
vêque  de  Meaux  et  Leibnitz  ,  la- 
quelle malheureusement  n'eut  au- 
cun résultat  (  V.  Molanus  ,  XXIX , 
280  ).  Il  paraîtrait ,  d'après  les  da- 
tes ,  que  l'initiative  de  cette  œuvre 
désirable  appartiendrait  à  Prœto- 
rius ,  quoiqu'on  ne  voie  pas  que,  dans 
toute  la  correspondance  ,  il  ait  été 
fait  aucune  mention  de  lui  ou  de  son 
livre.  Au  reste  il  ne  se  contenta  pat 
d'écrire  et  d'inviter  les  communions 
dissidentes  à  revenir  à  une  religion 
si  longtemps  professée  dans  le  pays 
oîi  elles  subsistent  :  il  voulut  donner 
l'exemple  ,  et  rentra  dans  le  sein  de 
l'Église  ;  il  y  reçut  même  le  sacer- 
doce ,  obtint  la  cure  de  Strasbourg 
(en  Prusse) ,  et  ensuite  la  prévôté  de 
Weiherstadt  en  Poméranie.Ilymou- 


8  FRiE 

rut,  en  1707  ,  avec  la   rcpulalion 
d'un  prelaf,  vertueux  et  cclairc.  Ou- 
tre l'ouvrage  ci-dessus,  qui  fut  réim- 
primé à  Cologne  en  181 1 ,  on  a  de 
Prœtorius  :  1.   Orbis  Gothicus  ,  Oli- 
va,   1G84.  4  part.  ,in-fol.;  curieux 
et  recherché.   11.   Mars  ç;othicus , 
i6ç)i  ,  1698,  in-fol.;  suite  du  pré- 
cédent. 111.  Un  Mémoire  sur  l'an- 
cienne langue  des  habitants   de   la 
Prusse,  inséré  loin.  2  tics  yicta  Bo 
rus^ica.  IV.  Une  Histoire  de  Pniise 
demeurée    inédite  ,    mais  dont   on 
trouve  quelques  fragments  dans  V Er- 
lœuterte  PreiiSien.  La  Tuba  pacis, 
etc.  ,  a  été    nouvellement  traduite 
en  allemand  ,  par  M.  Biuterin  ,  cure 
catholique  à  Bilk,  près  Dusseldorf, 
et  publiée  à  Aix-l.i  Chapelle,  sous  le 
titre  à\4ppel  à  lu  reunion,  adressé 
à  toutes  les  églises  d'Occident  qui 
diffèrent  dans  leur  croy  ance.  Le 
traducteur  y  a  joint  une  Préface  et 
des  Notes  savantes.  L — y. 

PRAM  (  Chrltien  ) ,  poète  da- 
nois ,  né  en  Norvège  ,  en  i7r>(3, 
remporta,  dès  sa  première  jeunesse, 
des  prix  de  poésie  à  la  société  royale 
des  belles  lettres  de  Copenhague ,  qui 
fît  imprimeries  pièces  couronnées  , 
dans  le  Recueil  de  ses  mémoires.  En 
1785  ,  il  fit  paraître  un  poème  épi- 
que en  quinze  chants,  intitulé  Stœr- 
kadder  ,  d'après  le  nom  du  per- 
sonnage principal  ,  héros  fameux 
dans  l'histoire  des  temps  héroïques 
du  Nord.  Ce  poème  n'est  pourtant 
pas  du  genre  sérieux;  et  Pram  a  été 
inspiré  plutôt  par  la  Muse  de  l'A- 
riostc  que  jjar  celle  d'Homère.  Les 
littérateurs  danois  conviennent  que, 
quoique  la  verve  du  poète  se  ralen- 
tisse souvent,  sa  composition  ren- 
ferme de  très-beaux  passages.  Il  fit 
trois  tragédies  :  Damonet  Pithias  ^ 
1789;  Frode  et  Fingal  ,  17Q0; 
Olinde  et  Sophronie ,  insérées  dans 


PRA 

le  Recueil  dramali(|uc  de  Rahbek. 
Ces  pièces,  trop  froides  pour  le  théâ- 
tre ,  mais  bien  versifiées  ,  ont  eu  peu 
de  succès  sur  la  scène.  Ses  trois  co- 
médies ,  le  I\'ègre  ,  V Ecole  du  ma- 
riage et  le  Fuits,  n'ont  pas  été  im- 
primées. Il  a  écrit  aussi  un  opéra 
sérieiix,  Lagertha,\m\n-'imc  dans  la 
Mi  ne  n^a  de  son  ami  Rahbek,  1789, 
et  un  opéra  comique ,  la  Sérénade 
ou  les  A'ez  meurtris,  171)").  Dans 
ses  Contes  en  prose,  il  prit  pour 
modèle  le  genre  léger  et  b.idiu  de 
Voltaire;  on  estime  ses  héroïdes  et 
ses  idylles.  11  coopéra,  avec  Hahhek, 
à  la  rédaction  de  la  Minerva  ,  qui  fut 
long  -  temps  le  meilleur  recueil  pé- 
riodique littéraire  du  Danemark,  et 
qui  a  duré  depuis  178:")  jusqu'en 
1807.  Il  a  aussi  fourni  plusieurs 
morceaux  intéressants  aux  Mémoi- 
res de  la  Société  de  littérature  Scan- 
dinave ,  dont  il  était  membre  ,  tels 
qu'un  Discours  ,  avec  des  Notices  , 
sur  la  statistique  du  D.inen)ark  .et un 
Mémoire  sur  la  population  de  la 
Scandinavie.  Pram  était  membre  de 
l'administration  générale  du  com- 
merce et  de  l'économie  publique  à 
Copenhague ,  et  avait  le  titre  de  con- 
seiller-d'étaf.  Dans  sa  vieillesse,  il 
obtint  un  emploi  plus  lucratif  dans 
l'île  Saint-Thomas,  aux  Antilles,  on 
il  mourut,  en  décembre  i8'ii,apr(S 
moins  de  deux  ans  de  séjour.  D — g. 

PRASLIN  (Charles  et  Cesap.  du 
Plessis  ).  F.  CnoisEUL. 

PRASLIN  (  César- Gabriel  de 
CuoisEUL,  duc  DE  ),  pair  de  France, 
lieutenant-général  des  armées  du  roi, 
niinistre-d'état .  etc.  ,  né  à  Paris  ,  le 
l 'j  août  1 7 1 9,.  de  Hubert  de  Choiseul 
et  de  Louise  Henriette  de  Re.iuv.iu, 
remplaça,  dans  l'ambassade  de  Vien- 
ne ,  son  cousin  ,  le  duc  de  Choiseul- 
Stainville,  lorsqueceliiici  fut  appelé, 
en  1758,  au  ministère  des  affaires 


PRA 

étrangères.  Deux  ans  après ,  il  re- 
vint à  Paris  recevoir  ce  département 
mcnieduducdcClioisciil,qiiileliii  re- 
mit ,  gardant ,  pour  le  moment,  ceux 
de  la  guerre  et  de  la  marine.  Ce  fut 
M.  dePraslin,  alors  appelé  le  comte 
de  Choiseul ,  qui ,  après  avoir  négo- 
cié de  concert  avec  son  parent, 
signa  le  traite  de  1763,  par  lequel 
fut  terminée  la  malheureuse  guerre 
de  Scpt-Ans:  eu  la  prolongeant ,  on 
n'eût  fait  qu'accoître  les  malheurs 
de  la  France,  et  s'exposer  à  la  né- 
cessité de  recevoir  des  conditions 
plus  rigoureuses.  On  céda  le  Canada, 
que  l'un  ne  pouvait  reconquérir;  et 
cet  abandon  fat  compensé  par  la  res- 
titution de  nos  plus  riches  colonies. 
Dnnkerque  ne  put  être  soustrait  à  la 
servitude  qui  lui  avait  été  imposée 
en  d'autres  temps  :  mais  à  peine  la 
paix  eut-elle  été  signée  ,  que  se  pré- 
parèrent de  toutes  parts  ,  dans  nos 
ports  ,  les  moyens  de  balancer  un 
jour  la  puissance  navale  de  nos  éter- 
nels rivaux  ,  et  de  soulever  leurs 
états  d'Amérique.  Le  comte  de  Choi- 
seul  fut ,  à  cette  époque,  créé  duc  et 
pair  ,  sous  le  nom  de  duc  de  Praslin. 
Il  rendit  à  son  cousin  le  ministère  des 
affaires  étrangères ,  et  reçut  celui  de 
la  marine,  qu'il  a  depuis  conservé. 
C'est  lui  qui ,  avec  une  suite  et  un 
zèle  que  l'état  de  sa  santé  ne  semblait 
pas  permettre,  répandit,  parmi  les 
officiers  ,  un  vif  désir  d'instruction  , 
et  exigea  d'eux  des  connaissances  po- 
sitives. Les  élèves  furent  soumis 
à  des  examens  sévères  :  Borda  fut 
admis  dans  le  corps  de  la  mari- 
ne ,  auquel  ses  talents  devaient  être 
si  utiles  ;  Chabert  et  Cardonie  fu- 
rent chargés  de  lever  ,  l'un  la  carte 
de  la  Méditerranée  ,  l'autre  celle  des 
parages  de  Saint  -  Domingue.  Deux 
grands  voyages  furent  exécutés  pour 
b^assurer  de  la  perfection  des  nou- 


PRA  9 

ve^les  montres  marines  de  Leroi , 
et  Berthoud,  etc.  Ce  fut  aussi  le  duc 
de  Praslin  qui  conçut  le  projet  d'un 
nouveau  vovagc  autour  du  monde , 
qu'un  seul  Français  avait  fait  jus- 
qu'à cette  époque  ;  et  ,  il  ne  né- 
gligea aucun  moyen  d'en  assurer  le 
succès  ,  et  de  le  rendre  utile  à  la  na- 
vigation et  aux  sciences  (  V.  Bou- 
GAiN VILLE  ).  fiOrsqu'il  fut  disgracié, 
il  s'occupait  déjà  depuis  long-temps 
d'un  code  de  législation  pour  les  co- 
lonies, lequel  aurait  tendu  eilicace- 
ment ,  mais  sans  secousses ,  à  rendre 
le  plus  bel  hommage  à  l'humanité 
par  une  amélioration  successive  du 
sort  des  esclaves.  Cependant  la  plus 
grande  activité  régnait  dans  les  ar- 
senaux :  d'habiles  ingénieurs  sou- 
mettaient leurs  procédés  aux  lois 
d'une  théorie  perfectionnée  ,  et  por- 
taient l'art  de  la  construction  plus 
loin  que  les  Anglais  eux  mêmes. 
Quelques  -  uns  de  ces  ingénieurs  , 
demandés  par  la  cour  d'Espagne , 
allèrent  à  Cadix  ,  à  Carthagène  , 
et  jusque  dans  l'île  de  Cuba ,  don- 
ner à  nos  (idcles  alliés  des  leçons 
et  des  exemples.  Lorsque  le  duc  de 
Praslin  partagea  (  il\  déc.  1 770  )  la 
disgrâce  de  son  cousin  (  Voy.  Cuoi- 
SEUL,  VIII,  433  ),  il  laissa  dans  nos 
ports  soixante-dix  vaisseaux  de  li- 
gne, cinquante  frégates,  et,  dans  les 
magasins  ,  les  bois  et  tous  les  maté- 
riaux nécessaires  pour  accélérer  de 
nouvelles  constructions. D'immenses 
travaux  avaient  agrandi  et  fortifié  le 
port  de  Brest  ;  et  l'arlillerie  de  la 
marine  avait  été  entièrement  régé- 
nérée. A  l'époque  où  Louis  XV  exila 
ses  ministres  ,  tout  était  prêt  pour 
commencer  la  guerre  avec  une  su- 
périorité due  à  des  forces  réelles  ,  au- 
tant qu'à  la  fausse  sécurité  qu'on 
avait  su  inspirer  à  nos  ennemis.  Le 
duc  de  Praslin  aussi  simple,  aussi 


10  PR\ 

modeste  que  le  duc  de  Choiseul  était 
brillaut ,  et  confiant  dans  ses  for- 
ces, passait  assez  ç;cueralouient  pour 
être  soumis  à  rinflucnccde  sou  cou- 
sin :  et  cependant  il  est  très -vrai 
que  jamais  celui-ci  n'a  rien  fait 
sans  le  consulter;  qu'en  toutes  occa- 
sions, il  lui  montrait  une  difércuce 
qui  prouve  combien  il  sentait  l'uti- 
lité de  ses  conseils.  Le  duc  de  Pras- 
lin  avait  toujours  aimé  et  cultivé 
les  lettres;  il  écrivait  avec  noblesse 
et  pureté  :  on  en  peut  juger  par 
un  écrit  qu'il  publia  au  commen- 
cement de  la  guerre  d'Amérique , 
pour  réfuter  une  assertion  révullante. 
lieaumarcliais,  enivré  des  espérances 
de  fortune  que  lui  inspirait  son  com- 
merce clandestin  avec  les  insurgés , 
et  se  croyant,  sans  doute ,  déjà  deve- 
nu une  puissance  ,  s'avisa  ,  lors 
des  premières  ho^tilités,  de  publier 
en  son  propre  nom  ,  une  espèce  de 
manifeste  contre  la  Grande-Bretagne. 

11  s'y  in  lignait  d'un  prétendu  ar- 
ticle secret  du  traité  de  17O3,  par 
lequel  la  France  aurait  conjcnti  à  li- 

) miter  le  nombre  de  ses  vaisseaux. 
Rien  n'était  plus  faux  :  non  -  seule- 
ment une  telle  condition  n'avait  ja- 
mais existé ,  mais  les  négociateurs 
anglais  n'avaient  même  p.is  osé  for- 
mer une  si  odieuse  prétention.  Les 
deux  ministres,  auteurs  du  traité, 
crurent ,  avec  raison  ,  devoir  protes- 
ter contre  une  calomnie  si  injurieuse 
au  nom  français  ,  et  dont  l'opprobi-e 
«ût  rejailli  sur  eux.  Le  duc  de  Pras- 
lin  mourut  le  i5  octobre  1785  :  il 
était  membre  honoraire  de  l'acadé- 
mie des  sciences  ;  et  l'on  a  son  Élo- 
ge par  Condorcet.  Z. 

PRAT    Dv\  r.  DiPRAT. 

l'KATEOLUS.  r.  DiPBLAU. 

l'UATKCS.  r.  Despbls  (Louis). 

i'RATlLLl  (  Fra>«,ois-Mabie  ), 
savant  et  laborieux  antiqnairc  napu- 


PRA 

litain,  embrassa  l'état  ecclésiastique, 
fut  pourvu  d'un  canouicat  de  la  ca- 
thédrale de  Capoue,  consacra  sa  vie 
entière  aux  recherches  d'archéolo- 
gie et  à  l'étude  des  inscriptions  et 
des  médailles,  et  mourut,  en  1770, 
âgé  d'environ  soixante  ans.  Indepou- 
darame/it  d'une  édition  de  Vllisto- 
ria  principum  Lonç,obanloruin ,  en- 
richie de  la  Vie  de  l'auteur  (  f.  Ca- 
nnlle  PELLtGRiNi,  XXXIII ,  284); 
de  Notes  et  de  Pièces  inédiles,  Na- 
])les,  i7^^)-iJ4'  ^  vol.  in -4".,  dont 
les  trois  derniers  contiennent  de 
nombreuses  Di.ssertations  de  Piatil- 
li,  on  a  du  savant  chanoine  de  Ca- 
poue  :  \.  Des  Lettres  sur  dillcTcnts 
objets  d'antiquités  ,  insérées  dans  la 
Raccolta  Calo^erana  :  Lctteru  nel- 
la  qnale  sispie-^n  un  unticn  tiiurmo, 
in  citi  ii  fa  memoriadi  G iuve  Orten- 
se  ,  tome  XXV  ni;  —  Ltttcru  sidi'in- 
ilaiiiinicnto  del  silu  dclV  anlico  E- 
(juotnticn  neiil'Jrfiini  ,  tome  xxxj 
c'est  aujourd'hui  Foggia  dans  la  Ca- 
pitanate; — Lettcrnnella  quale,  sul- 
la  spiegazione  di  un  antico  marmo 
di  fresco  sctivato,  si  chiarifica  l'e- 
sistenzadc'Uaculonia  di  Bauli  peu- 
ple de  la  Campanic  ),  tome  xxxix  ; 
—  Letterasopra  una  morwlu  di  Gu- 
glithno  II ,  il  liuniio  ,monarca  dél- 
ie duc  Sicilie ,  tome  xi.iv.  11.  Délia 
via  Appia  riconnsciuta  e  descrittti 
da  Uoma  a  Lrindisi  lib.  /k,  Naples, 
1 74^  •  il  -  fol.  Cet  ouvrage  est  plein 
d'érudition  ,  et  orné  de  cartes  qui 
représentent  la  voie  Appiennc  (f^. 
Appils  Claudius,  II,  33.">),  et  les 
plans  des  villes  que  traversait  ce 
chemin,  l'im  des  plus  beaux  ouvra- 
ges df-s  Romains,  l/aulcury  a  inséré 
un  grand  nombre  d'inscriptions  iné- 
dites et  une  foule  de  détails  curieux, 
parfois  éloignés  de  son  sujet ,  mais 
qui  attestent  l'étendue  de  ses  re- 
cherches. L'abbé  Gcsualdo  lui  rc- 


PRA 

proche  de  n'avoir  pas  su  prolîtcr  as- 
sez des  Mémoires  qui  lui  avaient  c'te 
communiques  ,  pour  donner  à  son 
livre  toute  la  perfection  dont  il  e'tait 
susceptible.  (  Voy.  les  Osservazinni 
criliche  sopra  la  storia  délia  via 
^■Jppia,  Naples,  1^56,  in- 4*^.)  On 
trouve  deux  longs  extraits  de  l'ou- 
vrage de  Pratilli,  dans  le  Journal 
des  savants  de  i-jSo.  III,  Leltera 
di  una  nioneta  singolnre  del  tiran- 
no  Giovanni,  ibid.,  1748,  in  -  S'». 
C'est  l'explication  d'une  monnaie 
unique  du  tyran  Jouannes  ou  Jean, 
qui,  s'étant  fait  proclamer  empereur 
à  Rome,  en  423, après  la  mort  d'Ho- 
norius,fut,  bientôt  après,  assiège 
dans  Ravcune ,  et  finit  par  tomber 
au  pouvoir  de  Thcodose-le- Jeune, 
qui  lui  fit  trancher  la  tête  ,  au  mois 
de  mai  42  5,  IV.  De^  consolari  délia 
provincia  délia  Carnpania,  Disser- 
tazione,  ibid. ,  1757.  V.  Délia  ori- 
gine délia  metropolia  ecclesiastica 
délia  chiesadiCapoa.  Dissertazio- 
ne,  ibid.,  1758,  in-4''.  Pratilli  s'at- 
tache à  défendre  les  droits  de  la  mc'- 
tropole  de  Capoue,  et  à  démontrer 
sa  préeraincncesur  celledeBènèvent, 
contre  l'opinion  de  Pompée  Sarnelli 
et  d'autres  écrivains.  W — s. 

PRATO  (Jérôme  da  ) ,  savant 
philologue,  né,  vers  1710,  à  Véro- 
ne ,  après  avoir  terminé  ses  études 
avec  succès,  entra  dans  la  congré- 
gation de  l'Oratoire, dite desPhiiip- 
pins  (  F.  S.  Philippe  Neri  ) ,  parta- 
gea sa  vie  entre  l'enseignement  et 
l'étude,  et  mourut  en  1782.  Il  est 
principalement  connu  par  l'édition 
qu'il  a  donnée  de  V Histoire  de  Sul- 
pice  Sévère,  Vérone  ,  1741  -  54,  2 
vol.  in-4''. ,  et  qui  est  encore  la  mcil- 
leux'c  de  cet  ouvrage.  L'impression 
en  est  très-belle;  et  le  texte,  revu  sur 
d'anciens  manuscrits,  passe  pourctrc 
assez  correct.  Enfin  le  savant  éditeur 


PRA  ir 

l'a  enrichie  de  Notes  et  de  Disserta- 
tions, dans  lesquelles  il  éclaircit  plu- 
sieurs faits  historiques ,  ou  répond 
aux  critiqiiesde  Jean  Leclerc  {Foj\ 
SuLP.  Sévère).  Ce  travail  de  Prato 
a  été  jugé  très- rigoureusement  par 
les  rédacteurs  des  Acla  eruditorum 
Lipsiensium  (V.  l'ann.  1 759).  On  ci- 
te encore  de  lui  :  L  Une  Dissertation 
sur  l'épitaphe  de  Pacificus,  archi- 
diacre de  Vérone  ,  insérée  dans  la 
Raccolta  Calogerana,  tomes  xi  et 
XIV  (  F.  Pacificus,  xxxii,  338  ). 
II.  De  chronicis  lihris  ab  Eusehio 
Cœsariensi  scriptis  et  editis  ;  ac- 
cedunt  grœca  fragmenta  ex  libre 
primo  olim  excerpta  à  Syncello  , 
Vérone,  i75o,in-8°.        W — s. 

PRATT  (  Charles  ),  comte  Cam- 
DEN,  jurisconsulte  anglais,  dont  le 
père  était  parvenu,  en  1 7  i8,à  l'em- 
ploi de  président  du  banc  du  roi, 
naquit  en  171 3.  Après  avoir  re- 
çu une  bonne  éducation  à  Eton  et  à 
l'université  de  Cambridge ,  il  fré- 
quenta le  barreau,  et  se  fit  recevoir 
avocat.  Pendant  plusieurs  années,  sa 
clientellefut  si  peu  nombreuse,  qu'il 
se  vit  a  u  m  ornent  d'abaprl  onner  cette 
profession.  En  1754,  d  f^'t  nommé 
au  parlement  par  le  bourg  de  Down- 
lou,  dans  le  Wiltshire  ;  cinq  ans 
après  il  obtint  la  place  de  greffier  ou 
juge-assesseur  de  Bath  ,  et,  la  même 
année,  celle  de  procureur-général 
du  roi.  Au  mois  de  décembre  1761, 
il  fut  appelé  à  la  présidence  de  la 
cour  des  plaids  communs ,  et  reçut 
le  titre  de  chevalier;  et  en  1762,  le 
grade  d'avocat  du  roi  (  serjeant  ai 
law  ).  Pratt  présida  la  cour  des 
plaids  communs  avec  autant  de  di- 
gnité que  d'impartialité,  et  montra 
une  profonde  connaissance  de  la  lé- 
gislation civile  et  politique  de  soti 
pays.  Lorsque  Jean  Wilkes  fut  ar- 
rêté et  conduit  à  la  tour  sur  un  war- 


la  PRA 

rant  général  (i),  Pratt  lui  accorda 
un  habeas  corpus  ;  et  lorsque  Wil- 
kes  se  présenta,  le  0  mai  i^GS, 
devant  la  coiir;lcs  plaids  coraniuns, 
ce  magistrat,  impartial  comme  la 
loi  ,  le  ileeliarf;ea  de  son  emprison- 
uemeiit  à  la  Tour,  apris  avoir  ex- 
pose ratl'aiieavee  un  rare  talent.  La 
coiiiluite  qu'il  tint  dans  celte  occa- 
sion ,  et  dans  l'alTairc  îles  impri- 
meurs liu  Nortli-Biiton,  lui  fit  ob- 
tenir une  grande  popularité.  Le  lord 
maire ,  les  alilern)cn  et  le  conseil 
commun  de  la  ville  de  Londres  ,  lui 
ullVirent  les  franchises  de  leur  cor- 
poration dans  une  boîte  d'or,  et  fi- 
rent placer  son  portrait  à  Guildliall, 
avec  une  inscription  honorable.  Le 
corps  f  liie  guild  )  des  marchands 
de  Dublin  ,  et  la  corporation  des 
chirurgiens- barbiers  de  la  même 
ville  ,  lui  adressÎMcnt  aussi  leurs 
franchises.  D'autres  villes  eu  agirent 
de  même  à  son  égard.  En  i'jG5  il 
fut  crée  pair  de  la  Grande  Bretagne, 
sous  le  litre  debaron  Cainden;el,  au 
mois  de  juillet  i'0(i,  il  succéda  à 
lord  Northington  ,  dans  l'ofliee  de 
grand-chaneelier.  (Juoiipj'il  eût  c'tc 
clevé  à  la  pairie  sous  l'administra- 
tion Rockingham  ,  il  n'eu  soutint 
pas  tous  les  actes  dans  le  parlement  ; 
il  se  prononça  au  contraire  avec 
la  plus  grande  vigueur  contre  l'acte 
dcclaraloirc  ,  qui  reconnaissait  au 
parlement  le  dioit  de  faire  des  lois 
obligeant,  tiaiis  tous  les  cas,  les 
colonies.  Quelque  id.ie  que  l'on  puis- 
se se  faire  des  opinions  de  lord 
Camdcu  ,  on  ne  peut  disconvenir 
qu'il  ne  conservât  uniformément  sou 
indépendance.  II  la  poussa  au  j)oint 
de  parler  en  faveur  de  la  suspen- 
sion de  la  loi   pour  empêcher  l'cx- 

d'  Ordrr  d'arrestation  rt. uni  ♦■ii  tt*nn<  s -^t-ntraiix, 
->■■'.>  Ji'signrr  nuixinativemcut  la  |i«rM>aiM:  ou  le;  |i«r- 
toautf  qu'il  cuucemc. 


PR.V 

portation  du  Lie  à  une  ëpoquc  où 
l'on  craignait  la  disette,  quoiqu'il 
sût  bien  qu'il  encourrait  par  -  là 
la  haine  publique.  Ayant,  à  cette 
occasion,  fait  une  réponse  sardo- 
nique  a  lord  Temple,  il  fut  vive- 
ment tance  par  Jimius  ;  mais  il  ne 
donna  aucune  attention  aux  invec- 
tives de  cet  écrivain  mystérieux 
(  Lettre  Go)  {'i).  Il  sut  obtenir  l'es- 
time de  tous  les  partis, dans  l'exer- 
cice de  ses  fonctions  de  lord  (  hancc- 
lier.  Sa  perspicacité,  srs  talents  ,  sa 
connaissance  aprofondie  des  lois  et 
de  la  constitution  de  son  pays  , 
la  clarté  avec  laquelle  il  exposait 
ses  opinions,  et  son  extrême  po- 
litesse, mêlée  de  dignité  ,  faisaient 
obtenir  à  ses  décisions  le  respect  et 
la  confiance  :  mais  comme  il  per- 
sista dans  son  opinion  contre  la  taxe 
des  Américains,  à  laquelle  il  s'oppo- 
sa fortement  et  publiquement  tou- 
tes les  fois  que  l'occasion  s'en  pré- 
sentait, il  reçut  en  i  n-jo  la  démission 
de  son  emjtloi.  Le  parlement  s'é- 
tant  asscmljlé  au  mois  de  novembre 
de  la  même  année  ,  lord  Camden  s'é- 
leva avec  vigueur  ,  dans  la  chambre 
haute,  contre  les  principes  professés 
par  lord  iMansfield,  sur  la  liberté  de 
la  presse  et  les  droits  des  jurés  (  y. 
Mansfield);  et  il  s'engagea,  d'après 
la  loi  et  les  précédents  ,  à  prouver 
pul)Iii[ucment ,  que  ,  malgré  l'appro- 
bation donnée  par  tous  les  juges  du 
banc  du  roi  ar.x  doctrines  de  son 
adversaire,  elles  étaient  en  opposi- 
tion avec  la  législation  de  l'Angle- 
terre. INIais  lord  Manslield  refusa  d'ac- 
cepter le  déli  ;  et  les  hommes  éclai- 
rés et  impartiaux  purent  croire 
qu'il  ne  gardait  le  silence  que  parce 
qu'd  n'avait  aucune  raison  péremp- 

(»j  L'aulrur  df»  Lrtlr*»  de  Jiiinut ,  daiu  l.i  dut- 
iiM  re  Ketire  qu'il  a  prrite  ,  rend  n«anirioiii!i  juklit  e 
.1MX  grands  talrnU  ri  aux  belles  qualités  de  lord  Cam- 


PRA 

loire  à  opposer  à  son  antagoniste. 
Lord  Camden  continua  de  s'oppo- 
ser aux  mesures  adoptées  contre  les 
Américains  :  mais  ,  au  mois  de  mars 
I  nSi  ,  le  ministère  ayant  été  renou- 
velé' en  conséquence  des  désastres 
éprouvés  par  les  armes  anglaises  en 
Amérique  ,  lord  Camden  fut  nommé 
président  au  conseil ,  emploi  qu'il 
conserva  jusqu'à  la  fin  de  sa  carriè- 
re; si  l'on  eu  excepte,  cependant,  le 
court  espace  de  temps  que  dura  le 
ministère  de  la  coalition.  11  tut  lui 
des  fermes  appuis  de  W.  Pitt ,  con- 
tre les  piîucipes  dcsorganisalcurs 
des  révolutionnaires  français.  Nom- 
mé corale,  au  mois  de  mai  1786,  il 
mourut  le  18  avril  1794.  Des  écri- 
vains appellent  lord  Camden  le 
grand  boulevard  de  la  loi  anglaise. 
Ou  lui  atlribac  un  pamphlet  intitulé: 
Becherches  sur  la  nature  et  l'effet 
du  writ  ^^habcas  corpus  ,  le  grand 
boulevard  de  la  liberté  anglaise  , 
etc. ,  etc.  Lord  Camden  avnit  épousé 
une  fille  de  Nie.  JelTreys.  D — z — s. 
PRATT  (  Samuel  -  Jackson  ), 
écrivain  anglais,  né  à  Saint-Yves, 
dans  le  comté  de  Huntington  ,  le 
jo'irdeNoël  1740,  d'une  très-bonne 
famille  ,  fut  élevé  \  Felsiead ,  collège 
du  comté  d'Essex.  Abbot  Roding  , 
manoir  de  cette  famille,  situé  dans 
le  dernier  comté,  est  connu  dans 
l'histoire,  pour  avoir  été  la  résidence 
de  lord  C.ipcls,  et  pour  avoir  servi 
quelque  temps  d'asile  à  Elisabeth  , 
poursuivie  par  la  jalousie  de  sa  sœur 
Marie.  Pratt  éprouva  aussi  très-jeune 
les  vicissitudes  de  la  fortune  :  ses  pa- 
rents n'approuvèrent  point  une  in- 
clination sur  laquelle  il  avait  fondé 
des  espérances  d'établissement.  Ces 
contrariétés,  non-seulement  lui  oc- 
casionnèrent de  grandes  pertes  d'ar- 
gent en  procès ,  mais  nuisirent  au 
développement  de  ses  dispositions 


PRA 


i3 


naturelles.  Cependant  peu  d'écri- 
vains anglais  ont  plus  que  lui  con- 
tribué à  l'instruction  et  à  l'amu- 
semont  de  leurs  compatriotes;  ses 
nombreux  ouvrages  se  font  remar- 
quer  par  la  délicatesse  des  senti- 
ments et  par  l'éclat  de  l'imagina- 
nation.  Aussi  plusieurs  des  recueils, 
si  abondants  dans  la  littérature  an- 
glaise ,  sont  ornés  de  morceaux 
choisis  qui  lui  appartieiuicnt.  Il 
embrassa  un  instant  l'état  ecclé- 
siastique, et  il  habitait  Petcrborough 
en  177  I,  lorsqu'il  envoya  ,  à  V An- 
imal remisier  de  Dodsley  ,  une  belle 
Elégie  intitulée  ,  les  Perdrix ^  et  trois 
autres  petites  pièces  de  vers  qui  dé- 
celaient mi  talent  précoce.  Le  poème 
de  la  Sympathie  ,  et  celui  des  Pleurs 
du  iiénre  ,  furent  très-bien  accueillis: 
le  premier  eut  six  éditions  en  peu  de 
temps;  et  le  dernier,  composé  au 
moment  de  la  mort  de  Goldsmitu ,  a 
été  placé  en  tète  d'une  belle  édition 
des  poésies  de  ce  dernier,  après  avoir 
été  imprimé  séparément.  U  Ombre 
de  Shakspeare ,  poème  en  l'hoimcur 
de  Garrick,  fut  souvent  récité  sur 
le  théâtre  ;  les  personnages  des  piè- 
ces que  cet  acteur  représentait  le 
mieux,  expriment  leur  douleur,  dans 
ce  poème,  chacun  selon  son  carac- 
tère. On  distingua  surtout  le  Tiiom- 
phe  de  la  bienfaisance  ^  que  Pratt 
composa  dans  l'intention  de  secon- 
der le  projet  d'une  souscription 
pour  élever  à  Jean  Howard  une 
statue,  que  le  modeste  philanthrope 
refusa  par  deux  lettres  adressées  aux 
souscripteurs.  Dès  1774,  Pratt  avait 
quitté  l'état  ecclésiastique  pour  le 
théâtre;  mais  le  peu  de  succès  qu'il 
obtint  dans  les  rôles  d'JIamlet  et  de 
Philasler ,  quoiqu'il  possédât  supé- 
rieurement le  talent  de  déclamer,  le 
détourna  de  cette  carrière.  Il  se  mit 
alors  à  faire  des  livres,  qu'il  publia , 


i4 


FUA 


tantôt  sous  le  voile  lïc  l'anonyme, 
tantôt  sous  le  nom  de  Coitrtney  Mel- 
vioth,  cl  composa  en  même  temps 
des  nièces  dramatiques.  Il  tira  aussi 
parti  de  son  talent  pour  la  déclama- 
tion ,  en  donnant  des  séances  publi- 
ques en  Anf;lcterre,  en  Ecosse  et  en 
Irlande.  Dans  une  de  ces  tournées, 
il  se  (ivaquelcpie  temps,  vers  178a, 
à  Balh  ,  où  il  <leviiil  associe  d'un  li- 
braire. Enfin,  il  vuyaj;ea  sur  le  con- 
tinent ,  pour  y  recueillir  des  obser- 
vations et  les  publier  a  sou  retour. 
Pralt,  ardent  ami  de  l'ordre,  a  tou- 
jours manifeste  de  l'èloignement  pour 
l'exagération  des  partis  ;  il  en  donna 
des  preuves  dans  l'année   I7<)7,  au 
moment  de  la  révolte  de  la  Hotte, 
en  composant  deu\    Lettres ,   qu'il 
adressa   aux   inaiins  de  la  vieille 
u^ngh'terre,  cl  au.r  soldats  anglais. 
Ces  lettres  respirent  l'enerf^ie  et  le 
courage  du  veiitable  patriotisme  :  la 
première  eut  six  éditions  en  quelques 
semaines.  Il  composa  enron-  dans  le 
même  esprit  une  petite  brochure  in- 
titulée :  .\olre  vieille  forteresse  sur  le 
roc.  Pralt  mourut  à  Birmingliam,  le 
4  octobre  i8i4,  après  avoir  éprou- 
ve, comme  on  le  voit,  une  grande 
variété  d'événements  dans  sa  vie.  Ses 
autres  ouvrages  sont  :  1.    Observa- 
tions sur  les  yuits  d' }'oung,Lon- 
dres,  1774»  i77<3,  in-S".,  eu  forme 
de   lettres.  11.    Pensées  lihres  sur 
l'homme,  sur  les  animaux  et  sur  la 
ProK-idence ,  contenant  l'histoire  de 
Benipius ,    1773-1777,  6  vol.  in- 
1 1  ;  nouvelle  édit. ,  1 788  ,  4  ^'t)l.  in- 
12.  L'auteur  s'est  peint   lui-même 
sous  le  nom  de  Benignus  ou  du  plii- 
lantrope.  1!  paraît  avoir  voulu  imi- 
ter la  singularité  de  Sterne,  et  il  n'a 
fait  que  nuire  à  l'intérêt  de  son  ou- 
vrage. Les  Pensées  libres   contien- 
nent plus  de  philosojihie  ,  de   ri- 
chesse d'idées,  de  tableaux  varies 


PRA 

(]iic  TrisMra  Sliandy;  mais  si  celui- 
ci  fatigue  par  sa  bi/.arrerie,  son  dé- 
sordre et  son  obscurité,  l'autre  ne  fa- 
ligue  pas  moins  par  la  reclierclie  . 
les  longueurs  et  les  répétitions,  lll. 
Le  Sublime  et  la  beauté  de  V Ecri- 
ture ou  Essais  sur  des  passages  choi- 
.w'i  des  écrivains  sacrés,  1777,  -'• 
vol.  in-ii.  Les  trois  éditions  qui  ont 
suivi  n'ont  qu'un  volume.  IV.  ./polo- 
gie  de  la  vie  et  des  écrits  de  David 
Hume,  1777.  V.  f\y  âge  s  pour  le 
cœur,  écrits  en  France,  Londres, 
1777,  1  vol., petit  iiiB".  VI.  1/ Elè- 
ve du  plaisir,  Londres,  1779,  "2 
vol.  in- ri;  trad.  en  français,  par 
Lrmierre  d'Argy,  Paris,  1787,  u 
part.  iii-i-.>..Celteeriti'|uedes  Lettres 
de  Clieslerlield  a  été  jugée  peu  pro 
j)reau  but  que  l'auteur  «^c  proposait , 
decoinballreles  principes  liccncicuv 
du  seigneur  anglais.  Pialt  composa 
un  autre  livre  intitule  :  V Elève  de  la 
vérité,  Londres  ,  pour  détruire  l'im- 
pression  qu'avait  laissée  le  premier. 
VU.  Le  f'illagede  Shenslone  ,  ou 
le  nouveau  Paradis  perdu,  Lctri- 
dres  ,  1780  ,  3  vol.  \n-\-x.  Le  J'il- 
lage  de  Shenslone  a  pour  objet  de 
faire  voir  l'impossibilité  d'établir 
une  société  iilopicnne,  telle  (jue  le 
poète   Slienstoiie   l'avait   imaginée. 

VIII.  Emma  Corbett,  ou  les  M  ai- 
lleurs d'une  guerre  civile ,  Londres , 
1781 ,  3  vol.  in-1'2.  Ce  roman  a  eu 
neuf  éditions  ;  il  a  été  irr.duit  en  fran- 
çais ,  d'abord  par  Sauscuil  ,  sous 
le  lilre  à' Emilie  Corbett,  Londres 
et  Paris  ,  1783  ,  3  vol.  in  -  lu. 
Verlac  en  a  donné  une  traduction 
abrégée  sous  le  titre  de  Ilammon 
et  Corbett,  Paris,   1789,  in-  \'i. 

IX.  Mélanges,  Londres  ,  1785  ,  4 
volumes  in-8<».  ;  recueil  qui  contient 
plusieurs  des  pièces  de  poésie  dont 
on  a  parlé.  X.  Le  Triomphe  de  La 
bienfaisance ,  2^^.  édit. ,  Londres  , 


PRA 

178(5,  in-4''.  On  attiibiiaiî  ce  poè- 
me ,  qui  est  le  chef-d'œuvre  de  l'au- 
teur daus  ce  genre  ,  à  plusieurs  écri- 
vains distingués,  avant  qniePratt  eût 
réclamé  l'houneur  qui  lui  apparte- 
nait. XL  Paysages  en  vers.   XI ï. 
h' Iliwtanilé  ou  les  droits  de  la  na- 
ture,  poème, Londres,  1788,  in-4'^. 
Ce  poème  peut  être  considéré  comme 
une  suite  de  celui  de  la  Sympathie. 
XIIL  \j  Officier  réformé  :  trad,  de 
l'anglais,  Paris,    1788,  1  vol,  in- 
la.  Ce  roman  a  été  traduit  de  non- 
veau   par  M.  F.   G.  Lussy  ,   mais 
moins  bien  que  la   première  fois , 
sous  le  litre  de  l' Officiera  la  demi- 
paje ,  Paris  ,  Lcnonnant  ,  i8o3  ,  2 
vol.  in-i'2.   XIV.   G lanures faites 
dans  le  pays  de  Galles,  en  Hol- 
lande, en  JVestphalie ,  i795;  troi- 
sième édit.  ,  1796  ;  qf/atricme  édit., 
1798,  3vol.  in-8''.  XV.  Glannres 
faites    en    Angleterre  ,   Londres , 
1799  , 3  vol.  in-b*^.  XVI.  Tableaux 
de  lachaumière ,  Poème  ,  1 8o3  ,  in- 
4°.  Ces  trois  derniers  ouvrages  ont  eu 
beaucoup  de  succès;  mais  on  repro- 
che au  premier  des  détails  prolixes. 
XNW.  Secrets  de  famille,  1797,  5 
vol.  in- 12.  L'auteur  a  fait  des  retran- 
chements, l'année  suivante,  à  une 
nouvelle  édition,  en  2  vol.  ,  de  ce 
roman ,  qui  a  été  traduit  en  français , 
par  Mi"^  Mary  Gay- Allart  ,  5  vol. 
in- 18.  XVIII.  Moisson  dans  Vinté- 
n'eî/r  (Harvest  home  ) ,  recueil  com- 
posé de  morceaux  fournis  par  des 
amis  des  lettres ,  et  de  pièces  an- 
ciennes, i8o5,  3  vol.  in-8*'.  MX. 
John  and  Dame   (  ou  les   loyaux 
habitants  delà  chaumière) ,  poème, 
i8o3  ,  contenant   la   Sympathie  , 
dixième  édition  ,  les  Paysages  en 
vers,  et  les  Tableaux  de  la  chau- 
mière. XX.  Poésies,  1808,  in-80. 
XXL  Le  Contraste,  poème  ,  1808, 
iu-i  2,  XXII.  Le  Cabinet  de  la  poé- 


PKA 


i5 


sie,  contenant  les  meilleures  piè- 
ces des  poètes ,  depuis  Millon  jus- 
qu'à Beattie,  1808,  G  vol.  in-8". 
XXIII.  The  lower  world,  poème, 
1810,  in- 1 2.  XXIV.  Description 
de  Leamingion-Spa  ,  dans  le  comté 
àcfFarwick,  in-12.  XXV.  Poèmes 
et   Recherches  dramatiques  de  J. 
Brackct ,  publiée  avec  sa  vie ,  1 8 1 1 , 
2  vol.  in-12.  XXVI.  Pièces  de  théâ- 
tre :  la   Belle  circassienne ,    1780, 
in -8''.;  cette  tragédie,  dans  laquelle 
le  principal  rôle  fut  rempli  par  la 
comtesse  de  Derby,  eut   un  grand 
nombre  de  représentations  ;  —  VE- 
cole  de  la  vanité ,  comédie,  1785, 
in  -  8".  ;  —  le  Nouveau  cosmétique , 
1790  ,  in.8''.  ;  — le  Feu  et  la  gelée ^ 
opéra-comique,    i8o5,   in-8".j  — 
Hail  fellow  ,  wellmet  (  le  Compé- 
rage,  drame,  i8o5,  in-8°. — Epreu- 
ves de   l'amour,  opéra  -  comique, 
i8o5,  in-8°.   Quatre  autres  pièces 
n'ont  ])oint  été  imprimées.    B-r  j. 
PIxAUN  (  Paul  baron  de  ) ,  célè- 
bre amateur  des  arts ,  né,  on  i548  , 
à  Nuremberg,  d'une  famille  patri 
cicnne,  annonça  ,  dès  sa  jeunesse  ,  le 
goût  qui  fit  le  charme  de  sa  vie.  Il 
se  rendit  on  Italie,  où  il  vécut  dans 
l'intiraitédcs  poinires  les  pUis  distin- 
gués de  cette  époque  brillante,  tels 
que  les  Carrache  ,  Lanfranc,  Jean  de 
Bologne,  etc.;  il  parcourut,  pondant 
quarante  ans,  l'Italie  et  rATlemagne, 
pour  satisfaire  sa  curiosité ,  et  par- 
vint à  former  une  collection  de  ta- 
bleaux, digne  d'un  souverain.  Elle 
venait  d'être  transportée  à  Nurem- 
berg ,  où  il  se  proposait  d'achever  , 
au  milieu  de  sa  famille  ,  une  vie  que 
sa  passion  pour  les  chefs-d'œuvre  des 
arts  avait  entièrement  remplie;  mais 
quelques  jours  avant  celui  qu'il  avait 
fixé   pour  son    do'part  ,  il  mourut 
subitement  ta  Bologne,  le  16  juillet 
16 16.    Sa   collection  ,    conservée 


i6 


PRA 


par  ses  descendants,  a  e'tc  de'critc 
par  de  Murr,  Nuremberg  ,  1797,  in- 
in-8^.  ,avcc  "  plauch. ,  ce  volume  est 
orne  du  ]iortrait  de  Paul  de  Praun 
(  Forez  Mlrk  ,  XXX  ,  4-5^  )•  I-'t's 
amateurs  reclierchent  encore  le  Re- 
cueil d'estampes  d'après  les  dessins 
du  cabinet  de  Praun  ,  (  gravé  par 
Mareath  et  J.  Thcod.  Prestol) ,  Nu- 
remberg ,  1776-78,  grand  in  -  fol. , 
COI. tenant  48  pièces.  —  (George- An- 
dreSop  lime  baron  dePbau>),  savant 
numismate,  de  la  même  ramillc  que 
le  précèdent,  ne  à  Vienne,  en  1701, 
fut  ministre  d'état  à  la  cour  de  Brims- 
\vick,  et  mourut  le  29  avril  178(3. 
Il  est  auteur  de  quelques  ouvrages  , 
en  allemand  ,  estimés  surtout  des 
amateurs  de  la  science  monétaire;  ce 
sont:  I.  Traitédesmonnaies,c\.\>\\n' 
ci  paiement  des  monnaies  alleman- 
des, anciennes  et  modernes  ,  lielm- 
stadt ,  1 739  ,  in  -  8». ,  ibid. ,  1741  , 
in-8'^.  :  l'auteur  y  ajouta  ,  en  17G8, 
nn  supplément,  tiré  seulement  à  5o 
exemplaires.  Outrelcsmonnaies  alle- 
mandes, ce  livre  traite  des  monnaies 
françaises ,  espagnoles,  hollandaises, 
anglaises  et  danoises.  La  troisième 
édition,  que  l'on  doit  à  J.F.  Klot/xli, 
Leipzig,  1748,  in -8».,  est  aug- 
mentée des  monnaies  suédoises  ,  rus- 
ses et  polonaises.  IL  Collection  nii- 
jnismati'jue  de  Brunswick -Lune- 
bourg  ,  ou  Recueil  de  monnaies  , 
tirées  des  difTérents  cabinets  de  ce 
])ays,  Nuremberg,  1747  ,  in-4*'-  Hï- 
Bibliutheca  Brunsvico-  Luncburgen- 
sis  ,  scriptores  rerum  Brunsv.  Lun. 
justn  ordine  dispositos  cxhibens  , 
VVolfenbutel ,  i744>  "1-8".  Ce  livre, 
qui  est  écrit  en  allemand  ,  nonobs- 
tant son  titre  latin  ,  est  rare  (  Foj. 
la  Bibl.  curieuse  de  Dav.  Clément , 
V,  277  ;.  L'auteur  y  fit ,  depuis  ,  nn 
supplément  considérable ,  demeuré 
inédit ,  aucun  libraire  n'ayant  voulu 


PRA 

s'en  charger.  Le  Nouveau  Mercure 
d'Altona  (  1788,  no.  II  ,  p.  88  ) 
en  annonçait  une  nouvelle  «dition  , 
totalement  refondue  jiar  Wolfram  , 
qui  devait  paraître  à  la  foire  de  Pâ- 
ques de  la  même  année.  W .  Galerie 
complète  des  sceaux  de  Brunswick- 
Lunebourg ,  1779  et  ann.  suiv. ,  9 
part.  in-4". ,  tiré  à  5o  exemplaires. 
La  seconde  édition  ,  donnée  par  A. 
Kemer  ,  professeur  à  llelmstadt  , 
BrunsAvick,  V789,  in-8''.  ,  est  aug- 
mentée d'inic  Vie  de  l'auteur.  V.  Eu  , 
français:  Méditation  sur  V excellence 
de  la  religion  chrétienne  ^  '7^^7  •>  '"" 
8''.0n  lui  a ,  inal-àpropos,attribuéles 
Anecdotes  de  la  cour  de  France  , 
sous  Louis  AI  F  Cl  le  régent ,  tirées 
principalement  des  lettres  de  la  du- 
chesse d'Orléans  (  Charlotte- Elisa- 
beth de  Bavière  ) ,  avec  un  Essai  sur 
l'homme  au  masque  de  fer  ,  Stras- 
bourg (  Brunswick  ) ,  1789  ,  in-8'*. 
(  en  allemand  ).  Meusel  nous  ap-' 
prend  que  ce  livre  est  du  comte  Aug. 
Fcrd.  (le  Vellheim.  W — s. 

PRAXILLA  de  Sieyone cultiva  la 
poésie  avec  distinction  ,  et  florijsait , 
suivant  Eusèbc ,  dans  la  lxxxii'^. 
olympiade,  quatre  siècles  et  demi 
avant  J.-C.  Elle  excella  surtoutdans 
la  composition  des  Scolia  ,  sorte  de 
poésie  qui  se  chantait  dans  les  fes- 
tins ,  suivant  Athénée,  qui  ,  sons  ce 
rapport ,  la  place  au  même  rang 
qu'Alcéc  et  Anacréon.  Elle  s'exerça 
aussi  dans  le  genre  lyrique  et  dithy- 
rambique. Le  temps  nwis  a  privé 
de  ses  ouvrages.  Tout  ce  qui  s'en 
est  conservé  se  réduit  à  un  vers  d'u- 
ne Ode  qui  portait  le  nom  d'Achil- 
le, à  deux  vers  d'une  autre  Pièce, 
et  à  trois  vers  d'un  de  ses  Scolia. 
Sur  des  fragments  aussi  courts ,  il 
est  impossible  de  se  foimer  une  idée 
du  mérite  de  leur  auteur.  Antipater 
nomme  Praxilla  dans  nne  de  ses  épi 


PRA 

grammes,  consacrée  à  la  gloire  des 
Femmes  qui  se  sont  illustrées  par 
leur  talent  poétique.  Tatieii  rappor- 
te que  sa  statue  fut  faite  par  Lysip- 
pe.  Si — D. 

PRAXITÈLE,  statuaire  grec,  est 
\m  de  ces  maîtres  éminemment  il- 
lustres qui  ont  attaché  leur  nom  aux 
grandes    révolutions   opérées  dans 
les  arts.   Il   n'est  personne  ,  disait 
Varron,  quelque  peu  d'instruction 
qu'il   ait  reçue  ,   qui   ne   connaisse 
Praxitèle.  La  plu])art   des    auteurs 
anciens  qui  en  ont  fait  l'éloge,  le  re- 
présentent comme  s'étant  distingué 
par  une  finesse  dans  les  contours  , 
par  une  grâce  dans  les  attitudes  ,  et 
surtout  par  une  délicatesse  dans  l'ex- 
pression des  affections  douces  de  l'a- 
rae ,  qui  annoncent  de  nouveaux  pro- 
grès dus  à  son  siècle,  et  particuliè- 
rement à  son  génie.  Une  si  puissante 
considération  doit  nous  faire  soigneu- 
sement rechercher  l'époque  à  laquel- 
le il  appartient.  Malheureusement 
aucun  des  écrivains  qui  ont  parlé 
de  ce  célèbre  sculpteur  ne  nous  a 
fait  connaître  ni  le  lieu,  ni  l'année 
de  sa  naissance,  ni  le  nom  de  son 
maître,   ni  la  date  de  sa  mort.    Il 
est   très -vraisemblable   qu'il   était 
Athénien  :  ce  fait  semble  du  moins 
se  déduire  de  ce  qu'il  habitait  Athè- 
nes dans  sa  jeunesse.  Pline  le  place 
avec  Euphranor  à  la  civ*^.  olympia- 
de. S'il  avait  entendu  indiquer,  par 
cette  date,  l'âge  moyen  de  Praxitèle, 
comme  on  l'a  pensé  généralement,  il 
se  serait  évidemment  trompé.  Win- 
kelmauu,  adoptant  celteopinionsans 
discussion,  a  supposé  que,  dans  la 
civ^.  olympiade  ,  Praxitèle  était  sur 
le  milieu  de  sa  carrière.  Il  est  résul- 
té de  cette  fixation  que ,  dans  son 
système,  ce  maître  a  fleuri  avant  Ly- 
sippe.  Praxitèle,  suivant  lui,  a  créé 
ce  qu'il   appelle  le  beau  stjle  ,  et 

XXXA'I. 


PRA  17 

c'est  sous  la  main  de  Lysippe  que 
cette  manière   a  acquis  ensuite   sa 
plus  haute  perfection.  Heyne ,  qui, 
dans  son  traité  des  Epoque  s  de  V  art  ^ 
a  relevé  plusieurs  erreins  de  son  il- 
lustre compatriote ,  place  également 
Praxitèle  à  la  civ^.  olympiade.  Ce 
maître  s'est  trouvé  par-là  plus  an- 
cien que  des  artistes  auxquels  il  a 
réellement  succédé,  et  dont  les  ou- 
vrages laissaient  encore  voir  des  im- 
perfections qui  disparurent  sous  son 
ciseau.  L'universalité  des  modernes 
s'est  conformée  à  la  doctrine  de  ces 
deux  savants.  Personne  n'a  remar- 
qué que    Pline   lui  -  même  assigne 
directement  ou  indirectement  trois 
époques  bien  distinctes  à  Praxitèle. 
Il  le  place  d'abord  à  la  civ*^.  olym- 
piade. Il  dit  ensuite  ,  au  chapitre 
deux  du  livre   xxxv  ,    que  Praxi- 
tèle était  contemporain  du  peintre 
Nicias  ,  et   qu'il  n'était  pas  satis- 
fait de  ses  ouvrages  tant  que  Nicias 
ne  les  avait  pas  recouverts  de  son 
vernis  encaustique.  Or,  Nicias  était 
élève   d'Antidote    et  celui  -  ci  élè- 
ve d'Euphranor.  Il  résulte  de  ce  fait 
qu'il  devait  y  avoir  entre   Euphra- 
nor et  Praxitèle  ,  bien  que  Pline  les 
ait  rangés  sur  la  même  ligne,  une  dif- 
férence au  moins  de  quarante  ans,  et 
que,  par  conséquent,  si  Euphranor 
appartient  à  la  civ^.  olympiade  , 
Praxitèle  doit  être  placé  au  plutôt  , 
pour  son  âge  moyen,  à  la  cxii^.  ou 
à  la  cxiii'î.   Ceci  est  conforme  au 
texte  de  Pline  ,  qui  dit  (  liv.  xxxx  , 
ch.  XI  ),  que  plusieurs  écrivains  pla- 
çaient Nicias  à  la  cxii'-".   olympia- 
de j   qu'il  vivait  encore  sous  Atfale 
I^'".,  roi  de  Pergame-  que  ce  roi  lui 
offrit  soixante  talents  de  son  tableau 
représentant  la  descente  d'Ulysse  aux 
enfers  ;  et  que  le  peintre,  déjà  riche, 
aima  mieux  faire  présent  de  ce  ta- 
bleau à  la  ville  d'Athènes,  sa  patrie. 


i8 


PRA 


Cet  auteur  ajoute  que  ce  Nicias  est 
bien  celui  dont  il  a  parle  à  l'occa- 
sion de  PiaxiîMc  :  hic  est  IVicias  de 
quu  dicehat  PraxUeles  ,  etc.  L'as- 
sertion de  Pline,  au  sujet  d'Attale, 
renferme  une  erreur.  Attalc  ne  moula 
sur  le  trône  que  la  seconde  année 
de  la  cxxix*.  olympiade.  C'est  Pto- 
IcmecSoter,  lorsqu'il  était  roi  d'É- 
cvpie,  qui  offrit  à  Nicias  soixante 
talents  de  son  tableau.  Nous  ne  pou- 
vons récuser  à  cet  égard  le  tcinoi- 
pnaj;e  de  Plutarqnc.  et  d'jEIien.  Or  , 
Ptoleniée  Sotcr  ne  fut  déclare  roi 
que  dans  la  cwiii"^.  olympiade.  C'est 
])ar  conséquent  vers  la  cxviii''.  que 
Nicias  ,  dt-jà  connu  dans  la  cxii". , 
se  trouvait  parvenu  au  plus  haut 
degré  de  «a  gloire.  Cet  espace  s'c- 
tend  de  l'an  33i  à  l'an  3o5  avant 
J.-C.  Telle  est  aussi  l'époque  où 
florissait  Praxitile.  Ce  fait  resui- 
te non  -  seulement  de  cc^  passages 
de  Pline  ,  mais  de  plusieurs  au- 
tres jfoints  historiques.  Pr.usanias 
dit  que  Praxitèle  se  rendit  célèbre 
trois  générations  après  Alcamène. 
Pline  place  Alcamène  ,  avec  Phi- 
dias, à  la  Lxxxiv*'  olympiade.  Cet- 
te fixation  n'est  point  exacte.  Al- 
camène étant  élève  de  Phidias  ,  il 
faut  admettre  entre  eux  une  diffé- 
rence au  moins  de  quinze  ou  seize 
ans  ;  et  cela  nous  place  au  plutôt , 
pour  l'àgc  moven  d'AÎcamènc,  à  la 
Lxxxviii"^.  olvmjiiadc.  De  plus,  nous 
savons  qu'ajuès  la  rrutréc  de  Thia- 
sybuleà  Athènes,  Alcamène  exécuta 
les  deux  statues  colossales  d'Hercu- 
le et  de  Minerve,  que  cet  illustre 
banni  et  ses  compagnons  consacrè- 
rent à  Thèbcs ,  dans  le  temple  d'Her- 
cule, eu  mémoire  do  l'iiospilalitc 
qu'ils  avaient  reçue  des  ïhébains. 
Or,  le  retour  de  Thrasybule  date 
de  la  première  année  de  la  xciv^. 
olympiade  :  ce  n'est  donc  pas  trop 


PRA 

avancer  l'àgcraoyen  d'AIcamènc  que 
delcplacerà  rolynjpiadet.xxxviii''. 
^lais  si  ,  à  ces  quatre  -  vingt  -  huit 
olympiades  nous  en  ajoutons  vingt- 
trois,  pour  les  trois  générations  qui 
séparent  Alcamène  d'avec  Praxitèle, 
nous  arriverons  à  la  cxi'^.  olympia- 
de; et  en  effet,  à  cette  époque,  ce 
dernier  était  jeune  encore,  juais  il 
pouvait  déjà  s'être  illustré  par  de 
grands  ouvrages.  Rien  n'est  plus 
connu  dans  les  anecdotes  des  arts 
que  l'amour  de  Praxitèle  pour  Phry- 
në.  Sa  liaison  avec  cette  courtisa- 
ne ne  se  bornait  point  à  un  simple 
commerce  de  galanterie  :  elle  était 
fondée  sur  une  passion  réciproque, 
que  Phryné  ne  désavouait  point ,  et 
dont,  au  contraire,  elle  tirait  vani- 
té. Il  dut  par  conséquent  y  avoir  en- 
tre ces  deux  personnages  des  conve- 
nances d'âge,  autant  (|ue  des  rap- 
j)orts  d'esprit  et  de  goût.  Or,  c'est 
dans  la  cxi''.  olympiade  qncPiiiyné 
brillait  de  tout  l'éclat  de  la  jeunesse  et 
de  la  beauté.  C'est  dans  la  deuxii-me 
année  de  cette  olympiade  qu'Alexan- 
dre détruisit  la  ville  de  Thèbcs  ;  et 
c'est  aussi  vers  ce  temps  ,  que  Phry. 
nédiit  offrir  de  la  reconstruire.  Cette 
jactance  ,  brillante  à  quelques  égards, 
n'aurait  dû  paraître  que  hoiilensc  et 
ridicule  ,  si  lorsqu'elle  amusa  la 
Grèce  ,  Phryné  eût  déjà  été  sur  le 
retour.  C'est  pareillement  dans  la 
CXI*,  olympiade  qu'Apclles  vil  cette 
beauté  célèbre  sortant  des  eaux  de  la 
mer,  aux  fêtes  d'Eleusis,  et  qu'il 
peignit ,  d'après  ce  modèle,  sa  Vé- 
nus Anadyomène.  Cette  date  est  obli- 
gée en  ce  qui  concerne  .4 pelles  ;  car 
auparavant  il  c  tait  encore  à  l'écolcdc 
Parapluie,  où  il  n'entra, comme  l'on 
sait,  qu'après  avoir  reçu  des  leçons 
d'Ephore  dans  la  ville  d'Ephèse  ;  et 
il  partit  pour  l'Asie,  à  la  suite  d'A- 
lexandre, d'où,  après  la  mort  de  ce 


PRA 

prince,  il  se  rendit  à  la  cour  d'Autijço- 
iie  et  à  celle  tle  Ptolcine'c.  La  passion 
de  Praxitèle  pour  Plirynë  ,  doit  da- 
ter de  cette  époque  :  elle  continua  les 
années  suivantes  ,  et  donna  occasion 
aux  trois  statues  de  Vénus  ,  et  aux 
deux  statues  de  Pliryné  elle-même  , 
que  Praxitèle  modela  d'à  près  sa  maî- 
tresse. Théophraste  enfin,  par  son 
testament ,  que  Diogène  Laërce  nous 
a  conservé,  légua  aux  philosophes 
Péripatéliciens  un  jardin  où  ils  pour- 
raient se  livrer  à  leurs  études,  et 
dans  lequel  il  voulut  être  inhumé. 
Auprès  de  ce  jardin ,  il  avait  l'ait  éle- 
ver un  temple  et  un  musée  ,  ornés 
de  staiucs  ,  de  tables  géographiques 
et  d'autres  monumeiits.  Tous  ces  ou- 
vrages ne  se  trouvaient  pas  terminés 
au  moment  de  sa  mort.  Il  ordonna 
qu'une  statue  d'Aristote,  déjà  exécu- 
tée ,  serait  placée  dans  le  temple.  Il 
avait  en  outre  demandé  à  Praxitèle 
une  statue  ,  grande  comme  nature, 
de  ISicomaqnc,  fils  d'Aristote;  déjà 
il  avait  payé  à  cet  artiste  le  montant 
du  modèle  en  argile  :  le  marbre  n'é- 
tait pas  achevé;  il  chargea  ses  exé- 
cuteurs testamentaires  de  faire  ter- 
miner  cette    statue   par    le    même 
sculpteur,  et  d'act|uitler  le   restant 
de  la  dépense.  Or , Théophraste,  qui 
l'ut  le  successeur  d'Aristote,  comme 
chef  de  l'école   des  Péripatéticiens 
dans  la  cxiv^.  olympiade,  mourut 
la  3^.  année  de  la  cxxiii''.  Rien  ne 
peut  faire  présumer  que  son  testa- 
nu'ut  soit  de  beaucoup  antérieur  à  sa 
mort  :  il  est  évident ,  au  contraire, 
que  Diogène  Laërce  n'aurait  pas  pu- 
blié ce  testament ,  si  Théophraste 
eiit  exécuté  lui-même  les  opérations 
dont  il  chargeait  ses  héritiers.  On  ne 
peut  douter,  d'un  autre  coté,  que  le 
Praxitèle  dont  il  s'agit ,  ne  soit  bien 
l'auteur  de  la  Vénus  de  Guide  ;  car  il 
n'a  existé  dans  l'antiquité  que  deux 


PRA 


ïO 


sculpteurs  de  ce  nom,  ainsi  que  nous 
le  prouverons  tout-à-riieiiro  par  un 
passage  d'une  scholie  de  Théocritc  , 
qui  le  porte  textuellement;  et  le  se- 
cond de  ces  deux  maîtres  ,  qui  était 
en  même  temps  ouvrier  en  argent , 
florissait  au  temps  dcGicéronct  de 
Pompée.  Il  est  par  conséquent  cer- 
tain que  Praxitèle  ,  l'auteur  de  la 
Vénus  de  Guide  ,  vivait  cucore  dans 
la  S*^,  année  de  la  cxxiiic.  olympiade. 
Ces  synchronismes  assignent  des  da- 
tes à  chacunedes  principales  époques 
de  sa  vie.  On  peut  placer  sa  nais- 
sance vers  la  4*^-  année  de  la  civ'^. 
olympiade,  c'est-à-dire,  à  l'an  3(3i 
avant  J.-G.  :  c'est  la  date  de  sa  nais- 
sance que  Pline  a  prise  pour  son  âge 
moyen.  Dans  la  cxi".  olympiade, 
lorsqu'il  conçut  sa  passion  pour 
Phryné,  il  était  âgé  de  vingt-six  ans 
environ  ;  et  en  l'an  280  avant  J.-C., 
lors  de  la  mort  de  Théophraste  ,  il 
en  avait  soixante-quinze.  Si  l'on  veut 
comparer  l'état  des  arts  et  de  l'ins- 
truction publique  ,  entre  Athènes  et 
Rome,  on  trouve  que  Praxitèle  na- 
quit l'an  3c)3  de  la  fondation  de  celte 
dernière  ville  ,  et  qu'il  était  jîarvenu 
vers  la  fin  de  sa  carrière  en  l'.:.onée 
468.  La  fixation  de  l'âge  de  Pra.li- 
tèle  nous  montre  pourquoi  Alexan-' 
dre  lui  préféra  Lysinpe,  loisqu'il 
choisit  un  sculpteur  qui  fût  seul  au- 
torisé à  représenter  son  image.  Ly- 
sippc  qui  exécuta,  dans  la  eu'',  olym- 
piade ,  la  statue  de  l'athiète  Pyrrhus 
d'Élée ,  et  qui  vivait  encore  dans  la 
CXTV'-.,  lors  de  la  bataille  de  Lamia, 
ne  pouvait  pas  être  âgé  de  moins  de 
cinquante-neuf  à  soixante  ans  ,  lors- 
qu'Alexandre  partit  pour  la  guerre 
d'Asie;  tandis  que  Praxitèle  n'en 
avait  alors  que  vingt-sept  ou  vingt- 
huit;  et  l'on  conçoit  qu'Alexandre  dut 
préférer  un  maître  illustré  par  plus 
de  quarante  ans  de  travaux, et  jouis- 


20 


PRA 


sant  d'une  imnïCDse  rcpulalion  ,  à  un 
jeune  homrac  dont  le  nom  était  en- 
core loin  d'avoir  un  si  grand  éclat. 
Le  fait  rapporte  par  Pansanias  ,  que 
les  habitants  de  Thespies ,  après 
avoir  consacré  la  statue  de  l'Amour, 
de  Praxitcle  ,  dans  le  temple  de  ce 
dieu  ,  V  plactrenl  une  autre  statue  de 
la  même  divinité,  de  la  main  de  Ly- 
sippe,  ce  fait  ne  change  licn  à  la 
chronologie  de  ces  deux  maîtres  , 
puisque  Lysippe  exerçait  encore  son 
art  dans  la  cxii^.  olyrapia.le,  lors  du 
passage  du  Granique  ,  et  même  dans 
la  cxiv*.  Un  passage  où  Vitruve  dit 
que  Praxitèle  sculpta  un  des  quatre 
côtés  du  tombeau  de  Mausole  ,  s'ex- 
plique par  lui-même  ;  car  l'auteur 
ajoute:  D^aiiires  croient  que  ce  fut 
Timothée.  Quelques-uns  des  ouvra- 
ges de  Braxitèle  se  rangent,  sinon 
d'une  manière  absolument  certaine  , 
du  moins  avec  toute  apparence  de 
vérité  ,  sous  des  dates  qui  corres- 
ponilent  à  celles  que  nous  venons 
d'établir.  Les  sculptures,  apparem- 
ment en  bas-relief,  qui ,  suivant  le 
témoignage  de  Slrabon ,  couvraient 
presi|uc  en  entier  l'autel  du  temple 
d'Kpiièse  ,  ne  furent  exécutées  ,  sui- 
vant les  écrits  du  même  auteur  , 
qu'après  que  les  reconstructions  du 
temple  eurent  été  achevées.  Or  l'in- 
cenJie  qui  le  ravagea, eut  lieu  la  pre- 
mière année  de  la  cvi'^.  olympiade. 
On  voit  que  vingt.drux  ans  après  ,  ou 
la  seconde  année  de  la  cxii*=. ,  lors- 
qu'Alexandre  alla  y  sacrifiera  Diane, 
les  travaux  étaient  terminés  ou  sur 
le  point  de  l'être  ,  puisque  déjà  on  y 
avait  placé  une  statue  de  Philippe , 
roi  de  Macédoine  ;  mais  ils  ne  durent 
pas  être  achevés  long-temps  aupara- 
vant. Nous  pouvons  donc  admettre 
que  les  sculptures  de  Praxitèle  ,  pla- 
cées days  ce  temple  ,  appaitieiment 
à  la  cxi*^.  olympiade  ou  tout  au  plus 


PRA 

à  la  ex*".  Le  Satyre  d'Athènes  et  le 
Cupidon  de  Thespies  ,  furent  aus- 
si au  nombre  des  productions  de 
sa  jeunesse.  II  donna  ce  dernier 
chef  -  d'œnvre  à  Phryné  (  Foyez 
ce  nom ,  XXXIV  ,  24^  )  ;  et  par 
une  suite  de  ces  habitudes  des  Grecs, 
chez  qui  des  idées  élevées  s'unis- 
saient si  fréquemment  atix  égare- 
ments des  passions  et  aux  excès 
même  de  la  licence  ,  elle  en  fit 
hommage  à  la  ville  de  Thespies  ,  sa 
p.itrie,  qu'Alexandre  venait  de  dé- 
vaster. 11  fut  consacre  dans  un  an- 
cien temple  de  l'Amour;  et  grâces  à 
cette  destination  religieuse,  il  deviot 
une  sorte  de  dédommagement  pour 
une  ville  <]u'av.iit  ruinée  le  (1  eau  de 
la  guerre,  et  que,  sous  le  gouver- 
nement des  Romains,  des  oppres- 
seurs avides  dépouillèrent  successive- 
ment de  tout  ce  qu'elle  renfermait  de 
précieux.  Thespies  n'est  plus  rien  , 
dit  Cicéron  :  mais  elle  conserve  le 
Cupidon  de  Praxitèle  ;  et  il  n'est  au- 
cun voyageur  qui  n'aille  la  visiter 
pour  connaître  cette  belle  statue.  Cet 
Amour  était  en  marbre  :  ses  ailes 
étaient  dorées  ;  il  tenait  son  arc  à  la 
main.  Caligula  le  fit  transporter  à 
Rome  ;  Claude  le  rendit  aux  Thes- 
picns  :  Néron  les  en  priva  de  nou- 
veau j  il  fut  alors  placé  sous  les  por- 
tiques d'Octavie,  où,  peu  de  temps 
après,  un  incendie  le  détruisit.  Il  pa- 
raît que  Praxitèle  exécuta  deux  au- 
tres figures  de  l'Amour  ,  toutes  deux 
en  bronze  ,  soit  que  ces  figures  fus- 
sent de  simples  répétitions  de  celui 
de  Thespies  ,  soit  qu'il  eût  change 
ffuelque  chose  dans  la  composition. 
Elles  sont  mentionnées  ,  l'une  et 
l'autre ,  dans  les  descriptions  de 
statues  antiques  de  Callistrate.  La 
ville  de  Parium,  dans  la  Propontide, 
possédait  uneautre  statuedel'Amoin', 
delà  main  de  Praxitèle.  Celle-ci  était 


PRA 

en  marbre,  comme  celle  de  Thespics  : 
c'est  celle  qui  enflamma  ,  disait-on  , 
la  passion    d'Architas   de  Rhodes. 
Lorsque  Ne'ron  enleva  celle  de  Thes- 
pies ,  les  habitants  en  firent  faire  une 
copie  aussi  en  marbre,  par  un  sculp- 
teur athénien  ,  nommé    Ménodore  , 
à  qui  Pline  attribue  quelques  autres 
ouvrages.  C'est  enfin  une  autre  ré- 
pétition en  marbre  de  la  statue  de 
Thespies ,  et  de  la  main  de  Praxitèle, 
que  Verres  ravit  à  Heïus  ,  riche  ci- 
toyen de  Messine ,  et  dont  il  orna 
son  musée.  La  multiplicité  de  ces  ré- 
pétitions nous  dit  assez  quelle  estime 
avait  obtenue  le  monument  original. 
Le  Satyre  ou  le  Faune  auquel  Phry né 
préféra  le  Cupidon ,  fut  placé  à  Athè- 
nes ,  dans  un  temple  situé  sur  la  rue 
des  Trépieds.  Il  était  en  bronze;  sa 
réputation  ,  accrue  de  jour  en  jour  , 
le  fit  surnommer  Périboëtos  ou  le 
Célèbre.  Ce  fut  sans  doute  ,  aussi , 
pendant  la  jeunesse  de  Phryné ,  que 
furent  exécutées  les  deux  statues  de 
Vénus  qui  illustrèrent  la  ville  de  Ces 
et  celle  de  Cnide.  La  première  était 
vêuie  ,  la  seconde  était  nue.  On  sait 
quelle  fut  l'admiration  de  l'antiqui- 
té pour  ce  dernier  chef  -  d'œuvre.  Le 
Jupiter  de  Phidias  ,  et  la  Vénus  de 
Cnide,  de  Praxitèle,  paraissent  avoir 
été  regardés ,  dans  des  genres  diffé- 
rents, comme  les  deux  productions 
les  plus   achevées   de   la  sculpture 
grecque.  Tout  le  monde  connaît  ce 
mot  de  Pline  :  De  toutes  les  extré- 
mités de  la  terre ,  on  navigue  vers 
Cnide ,  pour  y  voir  la  statue  de  Vè' 
nus.  Le  roi  Nicomède  offrit  aux  Cni- 
diens ,  s'ils  voulaient  la  lui  céder , 
d'acquitter,  en  échange,  la  totalité  de 
leurs  dettes  ,qui  étaient  fort  considé- 
rables. Ils  refusèrent  cette  proposi- 
tion ;  et  c'est  avec  raison  ,    ajoute 
Pline  ,  car  ce  chef-d'œuvre  fait  la 
splendeur  de  leur  ville.  Une  troi- 


PRA 


21 


sième  statue  de  Vénus  ,  Ixireillcment 
eu  marbre ,  se  voyait  dans  la  ville 
de  Thespies.    Les  deux   statues  de 
Phryné  datèrent  à-peu-près  du  même 
temps,  c'est-à-dire  de  la  cxn^.,de 
la  cxiii^  onde  la  cviv®.  olympiade. 
Phryné  devait  être  jeune  encore , 
mais  il  fallait  aussi  que  sa  renommée 
l'eût   dès  long-temps  ennoblie  aux 
yeux  de  la  Grèce,  lorsqu'elle   osa 
ériger  elle-même  sa  statue  dans  le 
temple  de  Delphes.  Cette  statue  était 
en  bronze  doré  :  elle  fut  placée  en- 
tre celle  d'Archidamas  ,  roi  de  La- 
cédémone ,  et  celle  de  Philippe ,  père 
d'Alexandre,  Sur  la  base  était  tracée 
cette  \uscr\\nïon:Phrjyné,  Thespien- 
ne ,  fille  d" Epicleus.  Cratès  disait  que 
cettestatue  était  un  trophée  del'intem- 
pérance  des  Grecs.  Plutarque  ajoute, 
en  rapportant  ce  mot,  que  Cratès 
n'aurait  p«s  dû  moins  s'indigner  de 
voir,  dans  le  temple  de  Delphes,  tant 
de  statues  honorer  les  guerres  intes- 
tines par  lesquelles  la  Grèce  avait 
déchiré  son  propre  sein  ,  et  Apollon 
entouré  des  honteux  témoignages  de 
l'avarice    et    de   l'inhumanité    des 
rois  et  des  peuples.  L'autre  statue  de 
Phryné  était  en  marbre.  Ce  furent 
les  habitants  de  Thespies  qui  l'éri- 
gèrent  dans  leur  propre  ville.   Ils  la 
placèrent  dans  le  temple  de  l'Amour, 
auprès  de  la  statue  de  Vénus,  que 
nous  venons  de  citer.  Une  des  pro- 
ductions les  plus   considérables  de 
Praxitèle  ,  ce  furent  les  sculptures 
dont  il  orna  les  deux  frontons  du 
temple  d'Hercule,  de  la  ville deThè- 
bes  :  elles  représentaient  les  travaux 
d'Hercule.  Il  est  assez  vraisembla- 
ble qu'elles  furent  exécutées  vers  la 
deuxième  année  de  la  cxvi«.  olym- 
piade, lorsqueCassandrerebâtitréel- 
leracnt  k  ville  de  Thèbes.   Mais  on 
peut  d'autant  moins  l'affirmer,  qu'A- 
lexandre ne  détruisit  aucun  destcm- 


22  PRA 

pics  ,  ni  de  Thcbos ,  ui  de  Thcspics. 
C'eût  été  un  sacrilège  qui  l'eût  ren- 
du infâme  aux  yeui  dos  Grecs.  Quoi 
qu'il  eu  soit ,  ces  sculptures  furent 
placées  d.ms  les  frontons,  bien  lonj;- 
leinps  après  la  construction  du  tem- 
ple ,  puis'jue  nous  avons  vu  Alca- 
inonc  orner  rinte'ricur  de  deux  sta- 
tues de  sa  main  ,  daus  la  xci  V. 
olympiade.  Ce  fait  prouve  que  les 
sculptures  de  Praxitèle  étaient  en 
roudebosse .  comme  celles  du  Par- 
thc'non  d'Athènes  ;  et  il  confirme 
l'opinion  ju.stement  adoptée  aujour- 
d'hui, (pie  les  sculptures  (pu  ornaient 
les  front  ons(ie>  te  m  pi  es  grecs,  étaient 
généralement  en  ruiide  -  bosse.  Les 
autres  ouvrages  de  Praxitèle  n'ont 
point  de  date  précise  ;  mais  l'épo- 
que où  llorissait  ce  maître,  se  trou- 
vant fixée,  il  ne  s'agit  plus,  pour 
l'histoire  de  l'art  ,  tpie  de  con- 
naître CCS  cliefs-<J'œuvre  ,  et  d'en  ap- 
précier le  mérite.  On  voyait  à  Man- 
linée ,  dans  le  temple  de  Latone  et 
de  ses  enfants  ,  les  statues  de  Latonc, 
de  Diane  et  d'.Aj)ollon,  posées  sur 
le  même  soubassement.  Autour  de 
cette  base  étaient  des  bas-reliefs  re- 
présentant une  Muse  et  le  satyre 
Marsyas  qui  jouait  de  la  flûte.  C'est 
ce  monument  que  Pausanias  dit  avoir 
été  sculpté  trois  générations  après 
Alcaraèiie.  Dans  le  temple  de  Junon, 
de  la  même  ville,  était  représen- 
tée Junon  ,  assise  sur  un  trône  , 
ayant  a  ses  côtés  Hebé  et  Minerve. 
Dans  le  temple  de  Cérès,  à  Athènes, 
étaient  placées,  l'une  auprès  de  l'au- 
tre ,  des  statues  de  Cérès  ,  de  Proser- 
pine,  et  d'Jacchus,  ou  de  V Enfant 
des  mystères  :  celui-ci  tenait  en 
main  un  flambeau  ;  sur  le  mur  voi- 
sin était  tracée  cette  inscription  ,  qui 
d'abord  honora  l'artiste,  et  qui  en- 
suite illustra  le  monument  :  Ouvrage 
de  Praxiltile.   Hors  de  la  porte  qui 


PRA 

conduisait  d'Athènes  à  Phalci'c ,  était 
un  tombeau  au  -  dessus  duquel  se 
voyait  un  guerrier  armé  et  debout  , 
auprès  de  son  cheval.  Le  nom  de  ce 
militaire  était  inconnu  ;  sa  ligure  et 
celle  du  cheval  étaient  de  Praxitè- 
le. Dans  la  citadelle  on  montrait 
une  statue, de  Diane  Urcutronia,  ou 
Diane  de  la  Tauride ,  divinité  de 
l)rauron  ,  bourgade  de  l'Attiipie  ,  que 
la  tradition  attribuait  au  même  ar- 
tiste. La  ville  de  Mégare  possédait 
j)lusieurs  ouvrages  de  sa  iiiaiii  :  c'é- 
tait, dans  le  temple  de  la  Fortune, 
une  statue  de  cette  déesse  ;  dans  celui 
de  Latone ,  des  statues  de  Latonc, 
de  Diane  et  d'Apollon  ,  peut-être  des 
répétitions  du  monument  de  Man'.i- 
née  ;  dans  le  temple  de  Hacchus  ,  un 
Satyre  en  marbic,  plari;  auprèsd'une 
statue  de  Bacchus  ,  dont  la  consécra- 
tion remontait  aux  temps  liéronpies: 
leSatvre  tenait  une  coupe  ipi'il  pré- 
seiilait  au  dieu;  celui-ci  était  couvert 
de  vnilcs  ,  à  l'exception  ilu  visage  : 
il  était  honoré  sous  le  nom  de  y-*rf- 
trous  ,  c'est-à-dire  ,  Dii'inité  dont 
le  culte  vient  île  nus  jièves  ;  ce  qui 
peut  servir  a  prouver  «pie  le  culte  du 
LSacclius  des  mystères  était  plus 
ancien  chez  les  Grecs  que  celui  du 
Bacchus  dcThèbes.  Dans  le  tamplc 
de  Vénus  Praxis  ,  ou  Vénus  Prati- 
quante ,  de  la  même  ville  ,  dont  la 
statue  était  fort  ancienne  et  en  ivoire, 
Scopasavaitélevé,auprèsdeladéessc, 
des  figures  de  l'Amour,  du  Désir  et 
de  la  Passion  ,  génies  dont  le  carac- 
tère répondait  à  celui  de  Vénus ^ra- 
tiquanle.  Praxitèle  rendit  ce  monu- 
ment plus  draraatifjue  ;  et,  d'une  re- 
présentation peu  intér^-ssante ,  il  (it 
n;i  ensemble  moral  :  d'un  côté  de  la 
déesse,  il  plaça  Pytho  ou  la  Persua- 
sion ,  de  l'autre,  P  are  gare ,  la  Con- 
solation ou  la  Consolatrice  :  évi- 
dente allégorie  des  jouissances  illici- 


PRA 

tes  où  la  passion  cnlraîiic,  expres- 
sives ira.igos  des  séductions  qui  aiuc- 
nent  la  faute  ,  et  du  repentir  qui  la 
suit.   A  Platc'e  ,  dans  le  temple  de 
Juuon,  étaient  une  statue  de  Jiuion 
adulte,  et  une  figure  de  Rliée,  te- 
nant dans  ses  mains  une  pierre  en- 
veloppée de  langes  ,  toutes  deux  en 
marbre.  A  Lcbadc'c ,  dans  la  Pho- 
cide  ,    c'est  une  des  branches  des 
beaux-arts ,  que  Praxitèle  fut  chargé 
d'honorer:  dans  un  temple  situe  près 
delà  ville,  au  milieu  d'un  bois  sacre, 
il  éleva  nue  statue  à  Trophonius  , 
célèbre  architecte,  réputé  fils  d'A- 
pollon, nn  des  deux  frères  qui  aA'aicnt 
bâti  l'ancien  temple  de  Dcljihes  ,  in- 
cendie la  première  année  de  la  lvmi*'. 
olympiade.  Ce  personnage  ,  regardé 
comme  divin,  à  cause  de  ses  talents, 
tenait  on  main  un  sceptre  autour  du- 
quel étaient  entortillés  des  serpents  , 
emblèmes  de  la  puissance   de    sou 
génie    et    de    sa    supériorité    dans 
son  art.  A  Argos  ,  dans  le  temple 
de  Latone  ,    se  voyait  une  statue 
de  Laîone,  de  la  main  du  même  ar- 
tiste :  à  Anlicyre  ,  ville  de  la  Phoci- 
de ,  une  statue  colossale  de  Diane  j  la 
déesse  tenait ,  de  la  main  droite ,  un 
flambeau;  son  carquois  était  suspen- 
du derrière  ses   épaules  ;  un  chicu 
était  à  ses  côtés.  Des  ouvrages  non 
moins  précieux  ornaient  la  ville  d'E- 
lis  :  dans  le  temple  de  Junon  ,  c'était 
un  Mercure  en  marbre ,  portant  Bac- 
chus  enfant  ;  dans  le  temple  de  Bac- 
clius  ,  c'était  ce  dieu  lui-même,  sta- 
tue de  bronze  ,  que  Callistrate  a  dé- 
crite ,  et  qu'il  loue  comme  un  chef- 
d'œuvre  du  premier  ordre.  Divers 
auteurs  citent  d'autres  monuments, 
qui  ne  paraissent  pas  avoir  été  faits 
pour  des  temples  :  ce  sont  un  grou- 
pe ,  vraisemblablement  en  bas-relief, 
représentant  l'enlèvement  de  Proser- 
piue;  une  Cércs  ramenant  sa  fille  des 


PRA 


23 


enfers,  dite  par  cette  raison  Catagu- 
sa,  ou  celle  (jiii  ramène;  une  ligure 
de  Pan ,  portant  une  outre,  qu'on  sup- 
posait pleine  de  vin,  et  appelée  l' OÈ- 
nophore  ;  une  femme  présentant  une 
couronne,  appelée >S<e/;/H<5a;  une  fera- 
me  vieille  et  malpropre,  suivant  le 
sens  de  sa  dénomination,  puisqu'on 
l'appelait  la  ^);i7/07iè«e,  mais  qui  vrai, 
semblableracnt  ,  comme  il  s'agit  de 
6culp'ure,  était  u  o  femme  mal  vê- 
tue, et  peut-cln  la  Pauvreté  person- 
nifiée ;  une  Niobé ,  souvent  cclcbrée 
par  les  poètes;  des  figures  do  nym- 
phes ,  des  Menadcs  ,  une  Danaé.  Pli- 
ne cite  d'autres  ouvrages,  statues  ou 
bas-reliefs,  qu'on  voyait  à  Rome  de 
son  temps  ;  savoir  :  une  Vénus ,  dans 
le  temple  de  la  Félicité;  un  Tripto- 
lème,  une  Cérès,  il  nomme  aussi  une 
Flore ,  dans  les  jardins  Servilieus  ; 
une  figure  de  la  bonne  Fortune,  et 
un  dieu  Bonus  d'cnlus,  au  Capitole; 
un  Silène,  un  Apollon,  un  Neptune, 
dans  les  édifices  d'AsiniusPoUion  •  et 
mie  des  figures  les  plus  ingénieuses 
pour  la  composition  ,  les  plus  élé- 
gantes pour  les  contours,  les  plus  cu- 
rieuses dans  sa  signification  mytho- 
logique que  puisse  avoir  créées  le  ci- 
seau de  Praxitèle  :  nous  voulons  par- 
ler du  jeune  Apollon,  appelé  vulgai- 
rement au  temps  de  Pline,  le  San- 
roctone  ou  le  Tueur  de  lézards.  La 
tradition  attribuait  enfin  à  Praxitè- 
le des  statues  des  douze  Dieux,  que 
l'on  voyait  à  Mégarc,  dans  le  tem- 
ple de  Diane  prolectrice ,   et  mê- 
me deux  chevaux  en  marbre,  qui 
furent  placés  posléiieurcmcnt  sur  la 
porte  du  Panthéon  d'Athènes,  coijs- 
truit  par  Adrien,  et  qu'on  y  voyait 
encore,   auprès  de  beaucoup  d'au- 
tres   sculptures   antiques  ,   en   l'an 
1575.    Ou    sent  que,   dans  une  si 
longue   énumération  ,   il  faut  faire 
la  part  des    traditions  fausses  ,    et 


24  PRA 

surtout  celle  de  l'iiilorél  il  de  la  va- 
nité ,  dont  le  génie  s'est  applique, 
dans  tous  le3   temps  ,  à   donner  de 
g,nin  Js  noms  à  leurs  propriétés  pour 
en  accroître  I.i   valeur.  Jamais  no- 
tamment Praxitèle  ne  peut  avoir  corn- 
j)osë  une  statue  de  Pylore,  divinité 
d'origine  romaine,   et  que  les  Grecs 
de  son  temps  ne  connaissaient  point. 
Mais  il  faut  se  rappder  aussi  que 
les  artistes  grecs  se  livraient  à  l'é- 
tude de    leur    art    de  fort    bonne 
heure,  et  que  ,  lorsqu'ils  remplis- 
saient   une   longue    carrière  ,    s'ils 
avaient  auprès  d'eux  ,  comme  Poly- 
clcte,  de  nombreux  élèves,  ou,  com- 
me Praxitèle,  des  fils  qu'ils  associas- 
sent à  leurs  travaux,  ils  pouvaient 
facilement   produire  un  très-grand 
nombre  d'ouvrages.  Le  nom  de  Pra- 
xitèle, dans   la  sculpture,  cl  celui 
d' A  pelles  dans   la   peinture  (  nous 
avons  vu  que  ces  deux  maîtres  étaient 
parfaitement   du   même  âge  ) ,  ces 
deux  noms  ,  disons-nous  ,  signalent 
une  époque  trop  brillante  dans  l'his- 
toire de  l'art  grec,  pour  que  nous  ne 
devions  pas  nous  aj)pliquer  à  con- 
Daître  exactement  le  genre  de  mérite 
du  célèbre  sculpteur  qui  est  le  sujet 
de  celte  notice.  Les  éloges  que  lui 
ont  accordésles  anciens,  difTerent  es- 
sentiellement de  ceux  qu'ils  ont  don- 
nés à  Phidias,  et  à  Polyclèle,  chefs 
des  écoles    précédentes.    Ils   admi- 
rent dans  les  ouvrages  de  Phidias, 
l'élévation  de  la  pensée, la  gravité, 
l'ampleur  ,  la  majesté  du  style.  Dans 
ceux  de  Polyclèle,  quoique  les  per- 
sonnages soient  généralement  plus 
jeunes  ,  ils   reconnaissent  la   même 
dignité,  la  même  grandeur,  accom- 
pagnées  d'une  correction  plus  ha- 
bituelle, et  surtout  d'une  élégance 
plus  soutenue.  ÎNLiis  durant  les  cent 
quarante  huit  ou  les  cent-cinquante 
années  écoulées  de  la  mort  de  Phi- 


PRA 

dias  à  celle  d'Apelles  et  de  Praxitèle, 
l'art,  abstraction  faite  du  génie  des 
maîtres  ,  s'était  honoré  par  de  nou- 
veaux progrès.  La  grâce  et  l'expres- 
sion, objet  particulier  de  l'attention 
de  ce  grand  peintre  et  de  ce  gr.iud 
sculpteur,  s'étaient  plus  intimement 
associées  à  la  beauté   des   formes. 
Trois  qualités  bien  distinctes  dans 
les  portraits  que  les  anciens  nous  ont 
tracés  de  Praxitèle,  formaieiit  l'at- 
tribut particulier  de  ce  maître  :  l'une 
était  une  parfaite  vérité  dans  l'imita- 
tion, ou  eu  d'autres  termes,  une  fi- 
délité du   ciseau  ,  qui    représentait 
l'extérieur  du  corps  humain  ,   sim- 
plement et  noblement,  et  cependant 
avec  toutes  les  inflexions  qui  sont  le 
signe  de  la  vie,  qualité  fondamentale 
dont  la  correction  est  inséparable  , 
et  qui  n'est,  à  proprement  parler, 
qu'une  correction  achevée;   l'autre 
était  une  élégance ,  une  délicatesse 
dans  les  contours,  propres  à  embellir 
au  plus  haut  degré  les  figures  des 
déesses  et  celles  des  jeunes  dieux;  la 
troisième  enfin  était  l'exprosion  des 
émotions  douces  de  l'ame.  Le  sl)le 
de  Praxitèle  était  fin,  noble,  soute- 
nu; il  n'avait  rien  d'austère,  ni  mê- 
me de  très-ressenli.  On  ne  cite  de  lui 
aucune    figure  ni  d'Hercule,  ni  de 
Jupiter.  11  ne  tenta  point  celle  ex- 
pression d'une  douleur  violente,  où 
Agcsander  devait  exceller  trois  cents 
ans  après  lui ,  el  qui  fut  le  dernier  et 
le  plus  miraculeux  e/Torl  i\n  ciseau 
grec.  Vérité ,  grâce ,  ex  pression  tem- 
jiérée,  tels  fuient  les  titres  de  gloire 
du  rival  d'Apelles ,  el  tels  furent  aus- 
si les  riants  objets  auxquels  ces  deux 
grands  maîtres  atlathèrent  le  goût  et 
l'étude  de  leur  siècle.  «  Ly-)ippc  et 
»  Praxitèle,  dit  Quintilien  se  sont  ap- 
»  proches  de  la  vérité  au  degré  le  plus 
»  convenable.  »    IMot  remarquable  , 
par  lequel  Quiiitilicn,  en  répélaut  une 


PRA 

opinion  (Icveiuie  générale,  loue  ces 
de-'X  maîtres  de  représenter  fidèie- 
luent  le  vrai, en  ne  saisissant  toute- 
fois que  le  nécessaire  ;  de  rejeter  les 
détails  inutiles  et  minutieux  ;  d'ê- 
tre animés  sans  cesser  d'être  tran- 
quilles, expressifs  sans  cesser  d'être 
grands.  L'airain  s'amollit  sous  la 
main  de  Praxitèle,  dit  Callislrate  ;  il 
s'anime  ,  il  devient  une  ch;iir  moel- 
leuse, il  trompe  les  sens.  Ce  Bacchus, 
ajoute  t-il ,  ne  marche  point,  mais 
on  sent  qu'il  est  prêt  à  marcher.  Les 
prosateurs  et  les  poètes  s'expriment 
à  cet  éaard  dans  les  mêmes  termes. 
«  Vénus  est  vivante  à  Cnide,  dit  ]Maxi- 
»  me  de  Tyr  ;  elle  respire  dans  le 
»  marbre.  Les  dieux,  dit  un  poète, 
»  avaient  changé  Niobé  en  pierre  : 
»  Praxitèle,  animant  cette  pierre,  a 
»  fait  revivre  Niobé.  »  Même  admi- 
ration pour  le  style.  «  Toutes  les 
»  beautés  qui  embellissent  l'Amour, 
»  se  retrouvent  dans  son  image,  dit 
»  Callistrate;  je  reconnais  ici  le  raaî- 
M  tre  des  dieux.  —  Paris  ,  Achille, 
»  Adonis,  ont  dévoilé  mes  charmes  , 
»  disait  Vénus  ;  mais  Praxitèle  ,  où 
»  m^a-t-il  vue?  —  A  l'aspect  de  la 
»  déesse  de  Cnide,  Minerve  et  Ju- 
»  non  se  dirent  l'une  à  l'autre  : 
j>  N'accusons  plus  Paris.  »  —  Mê- 
me enthousiasme  pour  l'expression 
des  afTcctions  de  l'ame.  Suivant  Dio- 
dore  de  Sicile  ,  Praxitèle  excelle 
à  rendre  sensibles  les  émotions  du 
cœur  :  «  dans  les  yeux  de  rcBac- 
•.)  chus,  se  manifeste  le  trouble  de 
»  l'ivresse ,  dans  son  sourire  le  sen- 
»  timcnt  delà  volupté.  »  C'est  enco- 
re ainsi  que  s'exprime  Callistrale. — 
«  Sa  Danaé  est  belle  ,dit  un  poète... 
»  mais  ses  nymphes  inspirent  la  gaî- 
»  té.  —  Dans  la  grâce  de  cette  figure 
»  de  Vénus  ,  dit  Pline ,  on  reconnaît 
»  la  cause  de  la  passion  de  Praxitèle 
»  pour  Phryné;  dans  l'expression  du 


PRA 


25 


»  visago,le  motif  de  son  cspéran- 
»  ce.  »  D'accord  avec  les  poètes ,  Ci- 
céron  regarde  les  têtes  de  Praxitèle, 
c'est-à-dire,  l'expression  qui  les  ani- 
me, Praxitelia  capita,  comme  une 
des  créations  les  plus  admirables  et 
les  plus  difficiles  où  puisse  atteindre 
l'intelligencehumaine.wOnvoitdans 
»  le  temple  de  Cnide,  dit  encore  Pline, 
»  un  Bacchus  de  Bryaxis  ,  un  Mercu- 
»  re  de  Scopas  :  le  plus  bel  éloge  de 
»  Praxitèle ,  c'est  qu'en  présence  de 
^)  ces  beaux  ouvrages ,  on  n'est  occu- 
»  péque  de  sa  Vénus.»  En  admettant 
qu'il  faille  retrancher  quelque  cho«e 
aux  exagérations  des  poètes,  toujours 
est-il  certain  qu'd  a  dû  y  avoir,  dans 
les  ouvrages  qui  en  étaient  l'objet ,  un 
mérite  particulier  et  transcendant, 
par  où  ils  surpassaient  tout  ce  qu'on 
avait  le  plus  admiré  jusqu'alors.  Il 
paraît  prouvé ,  par  cette  opinion  una- 
nime de  l'antiquité,  que  Praxitèle 
s'éleva  au  -  dessus  de  Phidias  et  de 
Polydète ,  en  deux  points  ,  savoir  r 
la  finesse  des  contours  etl'expressioa 
des  alTections  tempérées,  qui  offrent 
un  caractèredistinctif ,  telles  que  l'a- 
mour, le  désir,  la  joie,  la  tristesse. 
Occupés  des  grandes  améliorations 
qu'ils  opéraient  dans  le  dessin, Phi- 
dias et  Polyclète  n'avaient  pas  por- 
té l'art  jusqu'à  cette  imitation  com- 
pliquée; elle  fit  la  gloire  de  Praxitèle. 
Après  tant  de  louanges  données  à  ce 
maître  par  les  ecnvauis  anciens  ,  il 
est  naturel  de  se  demander  si  le  temps 
a  respecté  quelqu'un  de  ses  ouvra- 
ges :  aucun  ne  paraît  être  parvenu 
jusqu'à  nous.  La  Vénus  de  Cnide, 
ayant  été  transportée  à  Constanti- 
nople  ,  y  périt  ,  en  même  temps 
que  le  Jupiter  Olympien  de  Phi- 
dias ,  la  figure  de  l'Occasion  ,  de 
Lysippe ,  et  un  grand  nombre  d'au- 
tres statues,  dans  un  incendie  qui 
eut  lieu   vers    l'an   475-   Nous   ne 


a6 


PRA 


connaissons  jusqu'à  prosent  que  des 
copies  des  ouvrages  de  Praxitèle; 
laais  rnuthenlicilc  en  est  incontes- 
table. On  rej;arde  gciieraleuient  lo 
(iiipidoM  du  \  atic.in,  conserve  long- 
fc'nips  dans  le  Musffe  français  ,  sous 
1»'  n".  (33  ,  couirnç  une  copie  antique 
de  celui  de  Thespies.  J.B.  Visconti, 
père  d'Hnnius  Quirinus ,  était  plus 
porté  à  le  croire  une  copie  de  celui 
de  Parcs  (  Mus.  Pio  -  Clem.,  tome 
I ,  pi.  XII  ).  Il  serait  dilllcile  de  pro- 
I  loiicer  entre  ces  deux  opinions.  Seu- 
Joment  la  multiplicité  de  ces  imita- 
lions  ,  toutes  semblables  l'une  à  l'au- 
tre, prouve  qu'elles  ont  ètè  exécutées 
d'après  le  même  original,  lequel  ne 
jpeut  être  qu'un  des  Cupidons  de  Pra- 
;xitèle,  et  vraisemblablement  le  plus 
/Célèbre.  D'Hancarvillc  cite  une  de 
«ces  copies  antiques,  qu'il  dit  la  plus 
Ibellede  toutes  celles  qu'il  avait  vues, 
et  qui  se  trouvait,  de  son  temps,  en 
Angleterre,  dans  la  collection  de  M. 
Towneley  (  Bech.  sur  l'origine  des 
arts  delà  Grèce, tome  i,pag.  345). 
—  I^e  FauRc  en  repos,  qu'on  a  vu 
ausi4  dans  notre  Musée,  sous  le  n». 
5o,  et  dont  il  existe  un  grand  nom- 
bre de  répétitions,  est  regardé  com- 
me une  copie  de  son  Faune  ou  de 
6011  Satyre  Périboëtos ,  ou  le  Célè- 
bre, Les  Grecs  désignaient  par  le 
nom  de  satyres  les  personnages  agres- 
tes que  nous  appelons  des  faunes  ; 
et  ils  ne  donnaient  des  jambes  de 
chèvres  qu'aux  panisques.  Cette  opi- 
nion sur  le  Périboètos  est  celle 
de  Winkelmann  (  Histoire  de  l'art , 
livre  i\-,  chapitre  2  )  ,  et  de  Vis- 
conti (  Musée  Pio-Clcmenlin  ).  On 
voit  à  Home,  dans  le  Musée  du  Va- 
tican et  dans  divers  palais,  un  grand 
nombre  de  statues  qui  sont  évidem- 
ment des  copies  de  la  Vénus  de  Cni- 
de.  Il  en  a  été  publié  une,  dans  le 
Musée  Pio  •  Clément  in  (  tome  i ,  pi. 


PRA 

XI  ).  Elle  a  été  gravée  avec  une  dra- 
perie, tpii  n'est  (pi'une  pièce  de  rap- 
port. Nous  possédons  à  Paris,  dans 
le  jardin  des  Tuileries,  sur  la  ter- 
ra-ise  du  midi,  une  cojne  en  bronze 
de  cetic  statue  du  Vatican  :  elle  est 
nue;  mais  l'artiste  qui  l'a  moulée,  a 
supprimé  le  vase  sur  lequel  la  Vénus 
de  Cnidc  tenait  sa  draperie  suspen- 
due. L'authenticité  de  toutes  ces  co- 
{>ies  est  prouvée  par  leur  ressem- 
)lance  avec  la  figure  de  Vénus,  re- 
présentée sur  plusieurs  médailles  de 
la  ville  de  Cnide.  Nous  possédons 
dans  notre  Musée  royal  (  n".  Gq), 
une  Tète  antique  de  marbre,  que 
Visconti  regardait  comme  ayant  ap- 
partenu à  tuie  copie  de  la  Venus 
de  Cnide,  et  qu'il  trouvait,  d'une 
lenuté  dii'ine.  Klle  faisait  partie  de 
la  c(»llection  Horghèse  {Stanz.  \ , 
n".  -if}].  Le  buste  drapé  aiupu-l  elle 
est  adaptée  est  un  ouvrage  du  dix- 
septième  siècle.  Les  voyageurs  et  les 
antiquaires  citent  comme  un  chef- 
d'œuvre  de  la  plus  rare  beauté  ,  une 
Tête  semblable  à  celle  -  la  et  eu 
bronze,  qui  se  voit  en  l'Espagne,  au 
château  royal  de  Saint  -  lldcfonse. 
La  même  Tête  se  retrouve,  vue  de 
face  ,  sur  deux  beaux  médaillons 
d'argent  de  la  ville  dr  Cnide,  tlifFé- 
rents  l'un  de  l'autre,  tous  deux  tiès- 
rares,  et  vraisemblablement  uni(pu's. 
L'un  des  deux  fait  j)artiede  la  riche 
collection  de  M.  Kiiight,à  Londres; 
l'autrcaétédécouverttoutréreinment 
dans  l'Asic-Mineure  :  il  apj)articntà 
un  amateur  de  Paris  (i).  Mais,  detou- 
tes  les  copies  an  tiques  des  ouvrages  de 
Praxitèle ,  il  n'en  est  point  de  plus 
curieuse  et  de  plus  intéressante  que 
celle  de  son  jeune  Apollon,  aj)pelc 
le  Sauroctone.  L'authenticité  de  ces 
deux  dernières  figures  est  indubi- 

(i)  M.RoUin,  au  Palais  Ruy il. 


PRA 

table  ,  soit  à  cause  de   la  descrip- 
tion que  Pline  a  laite  de  l'original  , 
soit  par  la   ressemblance  qui  existe 
entre  elles.  De  plus,  elles  sont  d'u- 
ne conservation  presque  parfaite  ; 
elles  n'ont  été  reslaure'cs  que  dans 
quelques   extrémités  :  les  têtes,  no. 
tammcnt,   en  sont   antiques.  Celle 
de  bronze,  qu'on  voyait  dans  la  vil- 
la Albani,  ne  saurait  être  l'original 
de  Praxitèle,  comme  le  présumait 
Winkclmann  {Monwn.  iiied.,  n^. 
4o  )  ;  elle  laisse  trop  à  désirer  pour 
cela  :  mais  elle  a  servi  à  constater  la 
fidélité  des  autres  copies.  Celle  que 
nous  possédons  dans  notre  IMuséc 
royal ,  et  qui  est  en  marbre  (  n^.  19 
du  Catalogue  actuel),  est  une  des 
mieux  conservées  ;  elle  vient  de  la 
galerie  Borghèse  {Stanz.  11,  n°.  5). 
Il  y  en  a  une,  aussi  en  marbre,  dans 
le  Musée  du  Vatican  (  Mus.  Pio- 
Clem.,  tomei,  \A.  xiii).  Il  en  existe 
plusieurs  autres.  Quelques  -  uns  de 
ces  monuments  sont  habilement  cra- 
vés  ,  dans  le  Musée  français^  publié 
par  MM.  Robillard  -  Péronville  et 
Laurent ,  et  dans  le  Musée  des  anti- 
ques,  publié  par  M.  Bouillon.  Ces 
diverses  copies  nereproduisont  point 
sans  doute  les  ouvrages  de  Praxitèle 
dans  toute  leur  beauté;  mais  elles 
suffisent  pour  nous  donner  une  idée 
des  qualités  qui  distinguaient  son  sty- 
le. La  tête  de  la  Vénus  de  Guide,  no- 
tamment, et  l'Apollon  dit  Sauroc- 
tone,  de  notre  Musée,  malgré  quel- 
ques imperfections  qu'on  remarque 
à  regret  dans  cette  dernière  figure  , 
nous  mettent  à  même  d'apprécier 
avec  justesse  l'élégance,  la  finesse  et 
l'esprit  que  les  anciens  admiraient 
dans  les  chefs-d'œuvre  de  ce  célèbre 
artiste. — Praxitèle  eut  deux  fils,  qu'il 
instruisit  dans  son  art,  Cépbisodotc 
et  Eubulus,  Cépliisodote  ou  Céplii- 
sodore,  fut  le  plus  illustre  (  F.  Ct- 


PRA 


'J7 


piiisodore).  Il  paraît  avoir  travail- 
lé à  la  cour  des  rois  de  Perganie.  Le 
nom  d'Rubulus,  aveclaqualificatioa 
de  fils  de  Praxitèle ,  se  voit  sur  ua 
Hermès ,  placé  autrefois  à  la  Villa  Nc- 
groni  {Mus.  Pio-Clem.,  tome  vi , 
pi.  2T  ,  pag.  36  ;  Cayliis,  ^cadéiii. 
des  inscript.,  tome  xxv,  pag,  333). 
Les  deux  frères  travaillaient  quel- 
quefois en  commun.  Ils  exécutèrent, 
notamment  de  celte  manière,  une 
statue  de    Bellone,  placée    par  les 
Athéniens  dans  le  temple  de  Mars, 
et  une  statue  de  Cadmus,  dans  la 
ville  de   Thèbes.   Praxitèle   forma 
aussi  \\n  élève,  nommé  Paniphile, 
auteur  d'une  statue  de  Jupiter  bos- 
pilalicr  ,  qu'on  voyait  à  Rome ,  au 
temps  de  Pline,  dans  les  jardins  d'A- 
sinius  Pollion.  —  Il  y  eut  un  second 
Praxitèle,  modeleur  en  argent,  cé- 
lèbre par  la  beauté  de  ses  bas- re- 
liefs,  Pline  le  dit  contemporain  de 
Pompée.  Nous  savons  d'ailleurs  qu'il 
représenta,  dans  nnedescs  compo- 
sitions, l'aventure  qu'on  racontait  de 
l'acteur  Roscius  ,  contemporain  lui- 
même  de  Pompée  et  de  Cicéron  :  il 
s'agit  de  Roscius  enfant,  entouré  , 
dans  son  berceau ,  par  un  serpent  qui 
reposait  contre  sou  sein  :  c'est  Cicé- 
ron qui  rapporte  ce  fait.  Théocrite 
(Idylle  cinquième),  place  dans  la 
bouche  d'un  de  ses  bergers,  l'éloge 
d'un  vase  dont    il  attribue  le  tra- 
vail à  Praxitèle.  Le  scboliaste  dit,  à 
cette  occasion ,  qu'il  a  existé  deux 
artistes  de  ce  nom  :  V ancien,  qui 
était ,  dit-il ,  statuaire;  et  le  nouveau, 
qui  était  sculpteur  d'ornements;  et  il 
ajoute  que  ce  dernier  vivait  sous  le 
roi  Démétrius  ,  et  que  c'est  de  celui- 
là  que  parle  Théocrite.  Il  faut  dis- 
tinguer deux  parties  dans  cette  scho- 
lie,  celle  où  l'aateur  dit  qu'il  a  exis- 
té deux  Praxitèle,  et  celle  où  il  pa- 
raît croiîc  que  Théocrite  parle  du 


28  PRA 

second.  En  distinguant  deux  Praxi- 
tèle, et  en  n'en  distinguant  (jne  deux  , 
le  scholiastc  couliiiue  ce  qui  a  clc 
dit  ci-ilessus ,  que  le  Praxitèle,  nom- 
me dans  le  testament  deTheophras- 
ic,  est  bien  l'auteur  de  la  Venus  de 
Cnidf;  et  que ,  par  conséquent,  ce 
maître  vivait  encore  la  troisième  an- 
née de  la  oxM!!'.  olympiade,  28(3 
ans  avant  J,  C.  Le  système  chrono- 
logique que  nous  avons  voulu  éta- 
blir est  par-là  pleinement  confirme'; 
et  l'époque  où  Uorissait  ce  grand  ar- 
tiste ,  ne  saurait  présenter  désormais 
aucun  sujet  de  doute.  Quanta  ce  que 
l'auteur  ajoute,  que  le  ^econd  Praxi- 
tèle vivait  sous  le  roi  Dt-mètrius  ,  et 
que  c'est  de  celui-là  que  Tlicocrite  a 
voulu  parler,  il  y  a  dans  ce  passage 
une  erreur  e'vi  lente.  Les  deux  Pra>ki- 
tcle  vivaient  l'un  et  l'antie  sous  un 
roi  Dcmctiius,  savoir  ,  le  statuaire, 
sous  Demelrius  Poliorcète,  fds  «l' An- 
tigène, et  contompoiain  de  Plolé- 
mceSoter  ;   et  le  sculpteur  d'orne- 
ments, sous  Demelrius  III ,  qui  était 
lui  même  contemporain  de  Ciceron 
et  de  Pompée.  Or,  Tlièocrile,  cpii  Uo- 
rissait sous  Ptolèméc  Sotcr  ,  et  sous 
Ptolémée  -  Pluladelphe,  ne  saurait 
avoir  parlé  que  du  statuaire.  Rien  ne 
prouve,  à  la  vérité,  que  celui-ci  ait 
jamais  scidpté  de  vases  ;  mais  com- 
me le   remarque    très-justement   le 
mèinescliuliasteje  passage  deXbéo- 
«rite  ne  signilic  point  que  le  cratère 
«lont  parle  le  berger  Comatas  ,  exis- 
tât   réellement.  Le   poète    emploie 
le  nom   de   Praxitèle,  pour  relever 
le  mérite  du  présent  que  ce  berger 
veut  offrir  à  sa  maîtresse.  C'est  une 
manière  détournée  de  louer  un  artis- 
te qu'il  pouvait  avoir  connu  dans  ses 
jeunes  ans  ,  et  dont  le  nom  excitait 
depuis  long- temps  l'entliousiasme 
de  la  Gicce  (2\         R— c  D — n. 

,i'  C«t  «rtide  tM  e»lr«it,  jiii>i<{uc  ccu»  Jï  l'h.- 


PRA 

PRAY  (Geobge),  savant  et  la- 
borieux historien,  naquit  le  ii  jan- 
vier  i"j-î3  ,  a  Krsek-  Ljvarini,  dans 
le  comté  de  Neytra ,  en  Hongrie  (  i  ). 
Il  embrassa  l'inAtitnt  de  Saint-Ignace 
dès  qu'il  eut  terminé  ses  études  :  il 
enseigna  sucressivemcnt  les  belles- 
lettres  ,  la  philosophie  et^la  théolo- 
îiie,  dans  dillérents  collèges ,  et  se 
dislin^iua  surtout  comme  professeur 
de  poésie  au  Themictniim ,  à  Vien- 
ne. A  la  suppression  des  Jésuites  ,  il 
fut   nommé  conservateur  de  la  bi- 
bliothèque rovalede  Rude  ,  et  histo- 
riograplie  du  royaume  de  Hongrie, 
avec  un  traitement  honorable.   Les 
talents   dont  il  fit  preuve  ,  lui  mé- 
ritèrent  bientôt   irilluslres    protec- 
teurs :  comblé  des  bienfaits  de  l'im- 
pératrice   Marie  -  Thérèse  ,    et    du 
prince  de  Kaunitz,  il  fut  nommé  par 
l'empereur   Léopold  ,   chanoine  du 
grand  Varaflin  ,  et  obtint  de  l'em- 
pereur   François    II    (  aujourd'hui 
léguant  ) ,  la  riche  abbaye  de  Tor- 
mova.  Pray  mourut  à  Pesth  ,  le  7.3 
septemb.  iHoi.  L'académie  de  cette 
ville  Ht  célébrer  ses  obsètpies  avec 
la  plus  grande  pompe.  Outre  quel- 
ques Ouvrages  (lepolémifpie  ,  et  des 
vers  latins ,  entre  autres  un  Poème 
à  l'impératrice  de  Russie,  qui  l'en 
récompensa   par  le  don  d'une  mé- 
daille d'or  ,  on  a  de  lui  :  1.  De  it.sli- 
tulione  ac  venntu  falcnnum  lihii 
rfuo,Tyrnau,  i'].\(),  in-8".  Les  cri- 
tiques allemands  parlent  de  ce  poè- 
me avec  éloge.  IL  Annales  veleium 


dias  ^t  àr%  dfui  Pnlyclrle,  d'un  oiiTrag'  iii<  dil  <lr 
routeur  intitule:  Hiiloire  Chronologique  de  la  Sculp- 
ture ancienne  conjirmie par  lei  monumtnit. 

(i)  I>ef  biographra  allrmandii  varinnt  liraiiruup 
lur  la  date  rt  le  lieu  de  naiiitaoce  de  rr  «avrfnt  je'- 
fruite  :  n'Mi*  airoD*  Riiivi  la  nritire  aullH'nlHjuf  rlfitmee 
en  iBiti  ,  par  »im  confri  re  <!aballeto,  d.inn  l'Apprii- 
dit  au  i«.  Siipp'i'uKDt  du  hiMiniherit  trnplrrum 
'OC,  Jefu,  d'aj>r<'«  la  biographie  s^ifcialt  de  Pray, 
eompoMrr  par  Michel  Pailner. 


PRA 

Ifiinnorwh  ,  Avanan  et  ffungaro- 
I  niin  ah  anno  ante  Christ.  -2 1  o  ad 
annum  Christigg'j  ,  Vienne,  i'jOi , 
in-fol.  L'auteur  déclare,  dans  la  pré- 
face, qu'il  a  reçu  de  grands  secours, 
pour  ce  travail,  de  son  confrère  le 
savant  Erasm.  Froelich  ;  il  a  beau- 
coup profité  de  V Histoire  des  //uns , 
par  de  Guij;nes.  111.  Dissert ationes 
historicu-criticœ  in  annales  veleres 
//unnorum  ,  ibid. ,  1774  »  in-fol.  Ce 
volume  contient  des  Dissertations,  au 
nombre  de  dix  ,  pleines  de  rcclier- 
clies  et  d'érudition.  IV.  Annales 
regum  /lungariœ ah  annoChr.  997 
usque  ad  annum  i5()4  deducli  , 
ibid.,  i7()4-7o,  5  vol.  in-fol.  Ces 
trois  ouvrages  ne  doivent  point  cire 
séparés  ;  mais  le  Recueil  en  est  très- 
rare  en  France.  V.  Epistola  res- 
ponsoria  ad  Dissert ationem  apolo- 
^eticani  Innocenta  Desericii....  de 
initiis  ac  majonbus  Ifungarorum  , 
Tyrnau  ,  176'^,  in-8°.  VI.  Episto- 
la  responsoria  in  parlem  primant 
Dissertationum  Bened.  Cettn^  ibid., 
1 768  ,  in-S».  VII.  FitiP  sanclce  Eli- 
sabethœ  viduœ  et  B.  3/argaritœ 
virginis ,  ibid.,  1770.  Vlll.  Dis- 
sertatio  historico-criiica  de  sacra 
dextrd  D.  Stephani ,  priini  //unga- 
riœ  régis,  Vienne,  1771,  iu-4". 
W.Disserlatio  deprioratu  Auranœ^ 
ibid.,  1773,  in  4".  X.  Dissertalio 
de  sancto  Ladislao  rege ,  Pcsth, 
1774,  in-4*'.  XI.  Disserlationes 
historico-criticœ  de  sanctis  Salo- 
inone  rege  et  I/emerico  duce  //un. 
garice ,  ibid.,  1774,  in-4".  XII. 
Spécimen  hierarchiœ  //ungaricœ  , 
j  ibid. ,  1776-79,  2  vol.  in-40.  XIII. 
Index  variorum  ïihrorum  hiblioth. 
universitatis  Budensis ,  Bude ,  1 780- 
8r  ,  2  vol.  in-4'*.  XIV,  Imposturœ 
218  in  Dissertatione....  Benedicti 

Cetto de  Sinensium  imposturis , 

détectée  et  convulsœ  ,Yi\\à.c.  1781, 


PRE 


29 


in-8'\  On  trouve  à  la  suite,  les  let- 
tres inédites  du  P.  Hallcrstein  ,  mis- 
sionnaire à  la  Chine.  Dans  une  deuxiè- 
me réponse  à  Cetto  ,  publiée  en  1 789, 
Pray  donna  un  précis  de  la  contro- 
verse sur  les  rits  chinois  (  f.  JMai- 
GROT  )  ;  et  il  traita,  peu  après,  le 
même  sujet  avec  un  grand  détail,  en 
allemand,  Augsbourg ,  1791-92, 
3  vol.  in-8^.  XV.  //istnria  resum 

TT  •  •  • 

Hunganœ  stirpis  Austriacœ ,  ibid. 
I  799  ,  in-8".  XVT.  /lisloria  regimi 
//ungariœ  cum  nutitiis  prœms  ad 
cognoscendum  velerem  regni  sta- 
tum pertinentibus  .ih'id.  ,  1801,  3 
vol.  in-S".  C'est  l'abrégé  du  grand 
ouvrage  de  Pray  ;  il  est  très-esfimé. 
XVII.  De  sigillis  regum  et  regina- 
rum  /{ungariœ  pluribusque  aliis 
syntagma ,\h\à. ,  1 8o5  ,  in-4^.  I/au- 
teur  a  laissé  un  grand  nombre  d'au- 
tres ouvrages  ,  et  plusieurs  manus- 
crits ,  qui  ont  passé  dans  la  biblio- 
thèque de  l'archiduc  Joseph  ,  pala- 
tin de  Hongrie.  On  trouvera  les  ti- 
tres des  uns  et  des  autres  dans  la  Vie 
de  G.  Pray  ,  par  Cl. -Michel  Paitner, 
et  dans  le  Supplément  du  P.  Cabal- 
lero  ,  à  la  Bibl.  soc.  Jesu. ,  2''.  par- 
tie ,  p.  118  et  suiv.  L'Oraison  fu- 
nèbre de  Pray,  par  l'al)bé  Léopold 
de  Schalfralh ,  a  aussi  été  imprimée. 
W— s. 
PRÉAU(GiBRiEL  du).  Foy.  Du- 

PRÉAU. 

PRÉCIPIANO  (HuMEERï-GuiL 
LAUME ,  comte  DE  ) ,  l'un  des  plus 
illustres  prélats  du  dix-septième  siè- 
cle ,  naquit,  en  1626,  à  Besançon  , 
d'une  noble  et  ancienne  famille  de 
Gènes  ,  établie  depuis  plus  de  deux 
siècles  dans  le  comté  de  Bourgogne. 
Après  avoir  fait  ses  premières  études 
aA'ec  succès ,  il  alla  les  continuer  à 
Constance  et  à  Louvain  ,  et  revint,  à 
Dole ,  prendre  ses  degrés  en  droit 
et  eu  théologie.  11  fut  bientôt  pourvu 


3o 


PRE 


lie  riclics  bénéfices .  ti  cnlrc  autres  , 
d*un  canoiiical  de  la  calhcdr.ile  do 
Besançon.  Sis  taUnls  lui  uu-iitcreut 
rcstime  de  ses  cuni'rcrcs,  «jui  le  revê- 
tirent ,  fu  i(i6i  ,  de  la  dij;uile  de 
haut-dovcn:  mais  la  valiilite  de  sou 
elecliuu  fut  cuntestec  par  le  Saint- 
Siéçe;  et  il  n'he&ita  pas  à  faire  le 
sacrifice  de  ses  droits  au  maintien 
de  la  pai\.  Peu  aprè5,  il  fut  nommé 
conscillcr-clerc  au  parlement  de  Ouïe, 
et  en  itiO^,  députe,  avec  Amhroise- 
Plulippc  (  F.  ce  nom  ) ,  a  la  diète  de 
Ratislionne  ,  où  il  se  distingua  par 
son  zcle  pour  la  dcfeusc  de*.  interét5 
delà  province,  lise  rendit,  en  it7i, 
à  Madrid ,  pour  concerter  avec  le  mi- 
nistère espagnol  les  mesures  propres 
À  (;arantir  la  Franche  Comte  d'une 
nouvelle  inv.isiuii  des  Français.  La 
capacité  qu'il  montra  dans  celte  cir- 
constance ,  le  fit  de-*i^iier  nicmbrc 
du  conseil  suprême,  chargé  de  la  di- 
rection  des  atliiires  de  Bourgogne  et 
des  Pavs-Bas.  Dix  ans  apri>a,  il  fut 
rccom|K-usc  de;  ses  services  par  l'c- 
v^chc  de  Bruges  ;  et  ayant  pi  is  pos- 
session de  son  siège,  il  s'appliqua 
tout  entier  à  goiiveriur  son  dioeève, 
datas  lequel  il  fit  flcuiir  le.s  bonnes 
nia-urs  et  les  lettres.  Son  attachrnienl 

f»our  le  troupeau  que  la  Providence 
ui  avait  confié,  était  si  grand,  «pril 
faillit  un  ordre  du  souverain  pon- 
tife ,  pour  le  forcer  d'accepter  ,  eu 
lGç)0,  rarchrvcclic  de  Malines.  Il 
s'attacha  surtout  a  prc"seivrr  son 
nouveau  dioré-sc  deserreurs  du  Quts- 
Helisme,  publia  plusieurs  lettres  p.is- 
torales  pour  mettre  les  fulèlcs  en 
parde  contre  les  novateurs  ,  et  em- 
ploya tous  les  moyens  de  douceur  et 
de  persuasion  pour  ramener  le  P. 
Quesnel  avant  de  condamner  sa  doc- 
trine (  r.  OtnsfiEi.  ].  L'inépuisable 
cbarite'  de  ce  prélat  envers  les  y)au- 
Trcs  ,  et  sa  ^iélé  sincère,  lui  iuéiilf> 


PRE 

rent  ratlbciicu  de  tout  son  diocèse, 
qu'il  g04iverna  pendant  vingt-un  ans, 
avec  un  ù\c  et  une  prudence  admi- 
rables. Il  mourut  à  Bruxelles  ,  le  <) 
juin  i-ji  I  ,  à  Tàge  de  quatre-vingt- 
cinq  ans,  et  fut  transporté  dans  le 
tombeau  «pi'il  s'était  fait  préparer 
dans  le  chœur  de  la  cathédrale  de 
Malines,  à  côté  de  celui  de  sou  frère 
Pro>per  -  Ambroise  Pntci  pi  a  >o  , 
mort ,  eu  170-,  lieutenant  -  général 
des  armées  d'ENpagne.  On  trouve 
son  épil.iphe  dan>  le  GalUa  cliris- 
tiarui.  Ce  prélat  avait  pour  devise  : 
Aon  in  filadio  ieii  in  mnnine  Domi- 
ni.  Son  portrait  a  été  gravé  par  Van 
Somerrn  .  form.  in- .4".        W — s. 

PRKCY  !  Loi  is-Fn  ANÇOis  Phnni  w , 
comte  de  ),  d'une  aneienne  fimillc 
du  D.iuphioé  que  les  giu-riev  (\r  reli- 
gion fnrcèrenta  se  léfngier  rn  Bour- 
gopue  vers  le  miltpu  du  sei/.ième 
sièele,  naquit,  le  iri  janvier  17»^, 
à  Semnr  en  Rrinnnais.  Kniré,  dès 
r^ge  de  treize  ans  dans  le  réginunt 
de  Picardie,  <lont  un  de  ses  oncle» 
était  colonel  ,  il  til ,  en  Allemagne  , 
les  campagnes  de  17"),!  à  17(1^.  .\  la 
paix  ,  il  fut  emplove  à  rinstrucliiui 
de  son  corps,  dont  il  ne  larda  |ias  a 
devenir aide-m.-jjor. ("est  en  cettequa- 
litt  qu'il  fît  la  campagne  de  Corse,  en 
1774-  Lors  de  la  formation  de.sbalail' 
Ions  de  eha«.seuis,  ru  1781,011  lui 
donna  le  comnnudenieiil  de  celui  des 
\  osges ,  qui  se  fit  remarquer  par 
6a  bonne  tenue  ,  par  sa  discipline, 
et  surtout  par  le  front  d'.iirain  qu'il 
opposa  aux  agitateurs  ilu  Midi,  lors 
(ïvs  premiers  troubles  de  la  révolu- 
tion ,  dans  Tes  villes  de  (iolliourc , 
Lunel  ,  Perpignan  et  Montpellier. 
Nommé,  eu  1 71)  i  .coloncldu  ir  ginienl 
d'Aquitaine,  Précyiefiisa  celle  éléva- 
tion, voulant  se  rapprocher  diiRoi, 
auprès  duquel  seulement  il  croyait 
qu'on   pouvait  servir  ulilenitnl    la 


I 


PRE 

France.  Celte  même  année  il  fui  <ip- 
pcle  à  Paris  pour  coucoiuir,  avec 
le  iliic  de  Brissac,  à  fujincr  la  garde 
constitutiount-ile  ilc  Louis  X\  1  ,  à 
laquelle  il  fnt  attaché,  par  le  choix 
spécial  du  monarque,  en  qualité  de 
lieutenant -colonel.  Cet  emploi  lui 
fournit  l'occasion  de  donner  chaque 
jour  de  nouvelles  preuves  d'habileté 
pour  le  service  ,  et  de  dévouement 
pour  la  famille  royale.  C'est  à  son  in- 
fluence que  l'on  dut,  en  grande  partie, 
le  boa  esprit  dont  se  montra  bientôt 
animée  cette  nouvelle  garde,  mal- 
gré les  éléments  disparates  de  son 
organisation.  On  s'aperçut  qu'elle 
allait  continuer  les  gardes-du-corps  ; 
cl  comme  les  chefs  du  parti  révo- 
lutionnaire n'avaient  détruit  ceux-ci 
que  pour  isoler  le  trône,  ils  ne  tar- 
dèrent pas  à  se  débarrasser  d'une 
troupe  dévouée ,  qui  en  aurait  dé- 
fendu les  approches.  La  garde  fui 
licenciée;  quelques  débris  en  res- 
tèrent dans  la  capitale.  Précy ,  qui, 
sans  autre  titrcapparentquesonzèle, 
continuait,  par  ordre  de  Louis  XVI, 
un  service  de  fidèle  surveillance  au- 
près de  ce  prince  et  de  sa  famil- 
le ,  était  l'arae  et  le  chef  de  ces 
braves.  TiC  fo  août,  il  en  avait  réu- 
ni ,  ;iux  Tuileries,  près  de  cent  cin- 
quante ,  auxquels  s'étaient  ralliés 
d'autres  royalistes.  Il  sollicita,  mais 
en  vain ,  la  permission  d'agir ,  et 
combattit  de  sa  personne  dans  les 
rangs  des  Suisses.  C'est  là  que  ,  re- 
marqué par  Louis  XVI ,  au  moment 
où  ce  prince  quittait  son  palais  pour 
n'y  plus  rentrer,  il  eu  fut  salué 
parcelle  exclamation  «  Aul  fidÈi.e 
PrecyI  (  I)  »  Échappé,  comme  jiar 
miracle,  au  massacre  des  Suisses ,  et 
de  ses  compagnons  d'armes,  dont 

fi)  Le  roi  Lfiuis  XVUI  vient  d'autoriser  la  fa- 
mlllf  (iu  comte  de  Precy  à  placer  cea  paroles  jxrur 
deyis© ,  daus  s<-s  nriuesi 


PRE  3ï 

plur,  de  cinquante  périrent  dans  le 
chàleau,  Precy  survécut  à  celte  preu- 
ve de  son  dévouement  ;  mais  fidèle 
à  la  loi  qu'il  s'était  imposée  de  ser- 
vir le  roi,  au  plus  près  possible ^  il 
crut  devoir  attendre,  au  seiti  mê- 
me de  la  France,  de  nouvelles  oc- 
casions de  tirer  l'épée  pour  les  jours 
de  Louis  XVI ,  ou  pour  les  droits 
de  sa  couronne.  L'attont.it  du  ai 
janvier  ne  lui  laissait  plus  que  ce 
dernier  espoir  ,  lorsqu'une  circons- 
tance inattendue  et  mémorable  sem- 
bla lui  oflVir  le  moyen  de  le  réali- 
ser. La  France  était  alors  livrée 
aux  mouvements  irréguliers  du  fé- 
déralisme, sorte  d'insurrection  in- 
complète et  bâtarde  de  l'hypocri- 
sie politique,  contre  l'anarchie  ré- 
volutionnaire. Quoique,  dans  l'intcn- 
tion  des  meneurs  de  cette  époque  ,  il 
ne  fût  là  question  ,  à  proprement 
parler,  que  de  la  dispute  et  de  la 
conquête  du  pouvoir  entre  deux  fac- 
tions également  coupables,  mais  di- 
versement sanguinaires,  il  n'est  pas 
moins  vrai  de  dire  qu'on  pouvait 
avec  de  l'habileté  ,  en  détourner  les 
efforts  ,  et  en  faire  servir  les  masses 
au  rétablissement  de  l'aulorilé  légi- 
time. Cette  probabilité  politique  ti- 
rait une  nouvelle  force  de  la  posi- 
tion particulière  des  Lyonnais  ,  qui, 
par  l'emprisonnement  à  main  ar- 
mée de  leur  municipalité  jacobine 
dans  la  /ournée  du  29  mai  1 798  , 
par  l'exécution  de  Chalier  (  roj.  ce 
nom  ,  Vil,  G'i8),  à  la  suite  de  cette 
victoire  ,  et  surtout  par  la  rupture 
de  tous  liens  d'obéissance  à  la  Con- 
vention, nepouvaiciit  plus  en  attendre 
qu'une  guerrea  raort,etselrouvaient 
par -là  dans  l'inévitable  alternati- 
ve de  l'extermination  ou  du  triom- 
phe. Rendues  plus  graves  encore 
par  l'importance  et  l'étendue  de.s 
moyens  combinés  qu'offrait  la  ligue 


3i  PRE 

offensive  et  défensive  de  trente-trois 
départements ,  ces  cousidcralions  dé- 
teiraincrent  Precy  à  repondre  aux 
Tœux  des  Lyonnais  ,  qui,  cédant  aux 
lionorables  souvenirs  qu'il  avait  lais- 
sés dans  leur  ville  ,  où  son  régiment 
s'était  trouvéengarnison,  en  1787  , 
vinrent  lui  offrir,  dans  sa  retraite 
de  Scmur ,  le  commandement  de 
Tarmcc  fédérale ,  formée  des  con- 
tiuîionts  départementaux.  Cette  ar- 

r  .    .  .  '         •   j     •   ■ 

mee  intérieure  était  destinée  a  af;ir  , 
soit  par  la  Bourgogne  ,  pour  l'atta- 
que de  Paris  ,  soit  par  le  Berri ,  pour 
y  protéger,  au  besoin  ,  la  formation 
â'un  sénat  anti -conventionnel.   Si 
ce  n'était  encore  la  que  des  prépara- 
tifs plus  ou  moins  éloignés  d'une 
restauration   monarchique ,    on   ne 
saurait  disconvenir  qu'en  réunissant 
ainsi  sous  les  mêmes  drapeaux  ,  des 
Français  de  tous  les  partis  ,  nobles  , 
plébe'ions  .  républicains  ,  patriotes  , 
royalistes  émigrés  ou  non ,  c'était 
du  moins  y  marcher  par  le  chemin 
le  plus  court  ;  par  le  seul  ,  au  res- 
te ,  dont  les  circonstances  permis- 
sent   l'emploi.     Éclater    avant    le 
temps,  déployer  le  drapeau  royal 
avant  d'eu  avoir   assuré  l'honneur 
par  la  victoire,  c'eût  été  tout  com- 
promettre en  pure  perle.  Invariable 
sur  ce  point ,  comme  dans  tout  ce 
qui  tenait  au  plan  de  service  et  de 
fidélité  qu'il  s'était  tracé  à  l'égard 
des  Bourbons,  Précv  ue  permit  ja- 
mais le  dé|)loiement  extérieur  d'au- 
cun des  insignes  du  royalisme  ,  dont 
le  premier  effet  eût  été  de  semer  le 
mécontentement  dans  une  partie  de 
ses  troupes.  Travailler  pour  la  royau- 
té sous  les  formes  de  la  république  , 
tel  était  le  caractère  qu'il  fallait  con- 
server à  une  insurrection  mixte  dans 
ses  éléments ,  afin  de  la  rendre  una- 
nime dans  ses  résultats  en  faveur  du 
trône.  Tel  est  aussi  le  caractère  dont 


PRE 

Précy  marqua  les  divers  actes  de  son 
autorité.  Le  premier  usage  qu'il  en 
ilt  ,  fut  d'armer  une  foule  d'émigrés 
du  dedans  ou  du  dehors,  dont  Lyon 
était  devenu    l'asile  ou   le   rendez- 
vous;  de   maintenir  la  permanence 
des  sections;  de  consacrer  l'autori- 
té administrative  de  l'assemblée  gé- 
nérale ,    investie  des   fonctions  du 
gouvernement  ;   de   briser  les   fers 
de   cinquante  -  sept  prêtres    catho- 
liques, que  les  jacobins   vaincus  au 
39  mai  avaient  destinés  au  massa- 
cre ;  enfin  de  rendre  à  la  religion  le 
plein  exercice  de  son  culte,  liberté 
qui  s'étendit  pendant  toute  la  durée 
du  siège  aux  diverses  parties  de  la 
province  occu|)ées  par  les  détache- 
ments lyonnais.  Réduit,  par  la  défec- 
tion des  troupes  fédéralistes  à  l'af- 
freuse i*erspeclive  d'un  siège,  pour 
lequel  rien  n'avait  été  complètement 
prévu  ,  il  se  hâta  de  chercher  des  se- 
cours au-dehors.  Des  commissaires 
furent  envoyés  à  la  cour  de  Turin  , 
à  l'armée  de  Condé,  et  dans  les  can- 
tons Suisses.  La  réponse  du  prince 
fut  noble  cl  chevaleresque,  mais  ne 
laissa    aucun    espoir  :   on    n'obtint 
que  des  promesses  en  Hcivétie;  et 
des  dérnonslrations  généreuses,  mais 
insiilbsantes  ,  de  la  part  de  la  Sar- 
daigne.  Au  lieu  d'un  secours  de  dix 
mille  hommes  ,  dont   rien  ne  ])ou- 
vait  arrêter  la  marche  jusqu'aux  ri- 
vages   du    Rhône   pour   donner   la 
main  aux  Lyonnais  ,  on  poussa  mol- 
lement dans  la  Tarentaise  nnefaibic 
colonne  de  quelques  bataillons  tar- 
des ,  que  Kellermann    fit    attaquer  , 
l)attre   et  refouler  dans  les  monta- 
gnes ,  par  des  détachements  tirés  de 
son  corps  d'armée  de  Lyon.   Bien- 
tôt le  siège  commence.   Le  8  août 
1  793,  le  premier  coup  de  canon  fut 
tiré  sur  la  ville ,  avant  que ,  dans  une 
circonvallation  militaire  de  près  de 


PRE 

sept  iieucs  ;,  on  eût  eu  le  temps  de  re- 
muer la  terre  pour  les  retranchements 
et  les  redoutes.  On  précipita  les  ap- 
proches; et  la  place  fut  attaquée  au 
plus  près  par  une  armée  de  quarante 
mille  hommes  {'>.).  Instruits,  des  les 
premières  rencontres  ,  aux  dépens 
de  leurs  troupes ,  de  ce  que  ])ou- 
vait  la  valeur  des  assiëge's,  et  n'es- 
pe'raut  plus  d'en  venir  à  bout  par  un 
simple  coup  de  main,  comme  ils  s'en 
étaient  flattes  d'abord,  les  procon- 
sids  campes  sur  les  hauteurs  de  Mout- 
essui ,  eurent  recours  à  l'astuce,  et 
cherchèrent  à  semer  la  méfiance  et  la 
division  entre  les  habitants  et  les  au- 
torités civiles  et  militaires.  Un  mes- 
sage insidieux,  envoyé  dans  la  place 
le  17  août,  promettait  clémence  et 
protectionaux  habitants,  pourvu  que 
dans  une  heure,  la  ville  ouvrît  ses  por- 
tes et  livrât  ses  chefs.  La  dépêche  si- 
ffîie'e  Dubois  -  Crance',  Gauthier  (  de 
l'Ain),  Frauçois-Cliristoplie  Keller- 
mann ,  fut  remise  au  général  Précy , 
qui  s'empressa  d'en  donner  commu- 
nication pleine  et  sincère  au  conseil 
du  gouvernement  de  la  Cite.  Après  sa 
lecture  ,  le  général  se  lève  :  «  Mes- 
»  sieurs  dit-il ,  j'ai  ceint  l'épéc  d'a- 
»  près  le  vœu  du  peuple  de  Lyon  : 
«  jela dépose,  jusqu'à ccque son  vœu, 
»  de  nouveau  librement  exprimé  , 
»  m'engage  à  la  reprendre.  »  On 
convoque  aussitôt  les  trente-deux  sec- 
tions de  la  ville;  et,  dans  le  court  in- 
tervalle de  quelques  heures,  vingt 
mille  signatures  ,  dont  un  trop  grand 
nombre  devinrent  depuis  des  ar- 
rêts de  mort,  ratifient  le  pacte  ju- 
ré entre  les  soldats  et  leur  général. 
Pour  premier  usage  de  cette  con- 


PRE 


33 


(?.)  L'armc'e  conventionnelle,  composée  d'abord 
de  quarante  raille  hommes ,  s'élevait  à  la  fil»  du  siè- 
ge à  cent  mille  bomnies  ,  dout  trente-six  mille  de 
trouiies  de  H 
la  garnison 
avec  les  Autrichiens. 


ligne  ,    parmi  lesquelles  on  distinguait 
de  Valencieunes,  qui  venait  de  capituler 


XXXVI. 


firmation  de  pouvoir ,  celui  -  ci  ré- 
pond à  son  tour  aux  représentants 
par  un  message,  muni  de  sa  signa- 
ture et  de  celle  de  plusieurs  officiers 
de  son  état-majorj  message  par  le- 
quel il  rend  les  membres  du  Comité 
de  salut  public  nominativement  res- 
ponsables, sur  leur  tête,  de  la  sûreté 
de  la  famille  royale  détenue  au  Tem- 
ple. On  sait  que  ce  ne  fut  qu'après  la 
clxute  de  Lyon,  que  fut  ordonné 
le  supplice  de  la  reine.  Aux  masses 
toujours  croissantes  des  assiégeants 
soulenues  par  une  nombreuse  artil- 
lerie ,  dont  les  ïgu\.  ne  se  taisaient 
ni  le  jour  ni  la  nuit,  Précy  ne  peut 
opposer  que  quatre  mille  cinq  cents 
hommes  de  toutes  armes,  dont  un 
tiers  ,  toujours  hors  des  murs  pour 
proléger  les  arrivages,  tient  la  cam- 
pagne, et  fournit ,  sur  un  rayon  de 
douze  lieues,  des  détachements  dans 
Rive  de  Gier  ,  Saint  -  Chamond  et 
Saint  -  Etienne.  La  trahison ,  pire 
que  les  bombes  et  les  machines  in- 
fernales de  l'eniierai  (  V.  Morand), 
réclamait  en  outre,  dans  l'intérieur 
de  la  ville,  une  surveillance  armée, 
pour  a  rrêter  les  ra va  ges  continuels  d  u 
feu  ,  mais  surtout  pour  contenir  une 
masse  de  vingt  mille  ouvriers,  infec- 
tés de  jacobinisme.  Après  plus  dedeux 
mois  de  cette  lutte  inégale,  semée  de 
combats  et  de  victoires ,  le  général 
Précy  voit  sa  troupe  réduite  à  quinze 
cents  combattants,  parmi  lesquels  une 
moitié  seulement  se  montre  disposée 
à  tenter  avec  lui  les  hasards  d'une 
sortie  à  travers  l'armée  assiégeante. 
La  trahison  avait  permis  à  cette  ar- 
mée.dans  la  journée  du 29  septembre 
1  -jgS  .  d'amener  son  canon  aux  por- 
tes de  la  ville  et  sur  les  liaïUeuis  qui 
la  couronnent  :  les  sections  parle- 
mentaient avec  le  quartier  -  général 
des  assiégeants  (  Voy.  Couthon  et 
Dubois  de  CRANÇÉ)joti  parlait  d'ar- 


34  PRi^ 

rangements,  dcat  le  ^icnit reflet  eût 
V.é  de  livrci' le  gt^ncral  et  ses  com- 
pagnons d'armes  dans  les  raainsdes 
proconsuls  couvenlionnels  :  ajou- 
tez à  tout  cola  une  population  de 
ceottrcutc  mille  aines  ,  qui,  man- 
quaut  de  pain  et  de  toute  autre  nour- 
lituie ,  rendait  plus  alarmants  les 
projets  des  jacobins  ,  dont  l'.T.;dace 
croissait  avec  les  angoisses  du  sie'ge. 
Dans  cet  état  déiespere,  ne  pouvant 
pas  plus  capiluleravec  la  faim  qu'avec 
la  Convention ,  le  général  lyonnais 
se  décide  à  la  sortie.  Forcé ,  par  les 
embarras  toujours  plus  compliqués 
de  sa  position  .  à  re\ccuter  en  plein 
jour,  sous  le  feu  des  assiégeants,  il 
dcbouclic,  le  r)  octobre  1793,  sur  la 
rive  droite  de  la  Saône,  à  h  tète  de 
sept  cents  hommes  divisés  on  trois 
-corps,  dont  les  deux  premiers  tra- 
versent en  combattant  les  lignes  en- 
iiomies,  mais  dontio  troisième  ,  for- 
iHaut  l'arriore-garde,  sous  K-s  ordres 
du  comte  de  Virieu  ,  est  taillé  en  pic- 
ces  ,  ce  qui  laisse  Prccy  sans  ressour- 
ces pour  l'exécution  de  son  plan.  Il 
avaii  le  projet  de  passer  la  Saonc  au- 
dessus  de  Trévotix ,  de  gagner  le  dé- 
partement du  Jura  ;  et,  pénétrant  en 
Suisse  par  les  montagnes  de  Saint- 
Claude, d'aller  se  ranger  avec  sa  trou- 
pe sons  los  drapeaux  du  prinrodeCon- 
dé.  Tralii  par  le  sort  et  proscrit  par 
la  Convention  ,  il  erre ,  pendant  j)!ii- 
sieurs  jours  ,  dans  les  bois  ,  accompa- 
gné dedeuT  de  ses  soldats  qui  lui  ser- 
vaient de  guides  3),  et  trouve  enfin  , 
■an  village  de  Sainte  -  Agathe  ,  dans 
les  montagnes  du  Forez ,  une  re- 
traite assurée  chez  de  bons  culti- 
vateurs (4),  qnc   n'inlirnida   point 


(3^  Giron  rt  Corperet.  Le  premier  eut  mort  ;  le 
»^r-iiid  habite  Pari.<.  11  a  êlK  dtcore  de  ia  cruix  de 
la  U  f  on  d'bonncar 

i  Ugoalt  et  Madioier  :  lis  Torrat  prrsente/i  par 
>].  de  Prérr, en  iSi4^  à  Montienr  le  coœtf  d'Aitoi». 
L':>,nalt  .'tuf  estvita»! ,  et  dari>  un  c(at  peu  fortune. 


PRE 

la  peine  de  mort  dont  les  décret.** 
auraient  puni  leur  généreuse  hospi- 
talité. Caché  pendant  neuf  mois  d.ins 
un  souterrain,  d'où  .plus  d'une  fois, 
il  entendit  la  voix  des  satellites 
que  le  Comité  de  salut  pid)lic  en- 
voyait à  sa  recherche,  il  ne  put  ef- 
fectuer sa  sortie  du  royaume  que 
six  semaines  après  la  chute  de  Ro- 
besjiierre.  A  son  arrivée  à  Turin  , 
le  roi  Victor- Amédée  s'empressa  de 
l'attacher  à  son  élat-major-général  , 
avec  le  grade  de  colonel  d'infanterie. 
Lehrevet  exprimait,  selon  la  furnuilc 
ordinaire,  la  condition  d'iui  serment 
direct  d'obéissaufc  et  de  fidélité  à 
S.  M.  S.irde.  Précv,  qui  crut  \(»ir 
dans  celte  clause  une  atteinte  portée 
à  sesdevoirsde  sujet  français,  avant 
repoussé  respectueusement  la  faveur 
qu'on  lui  offrait,  le  monarque  v mit  le 
comb'e  en  le  dispensant  du  serment. 
Le  comte  de  Pi  écy  s'occupait,  dans  ce 
nouveau  grade,  delà  lovéed'ini  corps 
franc  ,  d'après  un  plan  cdiicortéavec 
MM. Des  Estôles,Wickhani  ministre 
d'Angleterre,  et  le  comte  de  Maistie, 
quand  des  ordres  de  S.  M.  Louis 
XVIII  l'appelèrent  à  Vérone,  où 
l'attendaient  l'accueil  le  plus  flatteur, 
la  confiance  la  jilus  honorable.  Dans 
sa  picmièreaiidiencede présentation, 
roinme  il  s'était  incliné  avec  respect 
pour  baiser  la  main  de  son  souve- 
rain :  «  Non  ,  s'écria  S.  M.  en  le  re- 
»  levant  avec  bonté ,  et  lui  tondant 
»  les  bras  ,  le  déj'enseur  rie  Lj  on  , 
»  doit  embrasser  son  roi.  »  Invité  à 
dîner,  un  antre  jour  (  c'était  nn  ven- 
dredi ) ,  chez  ce  prince  :  «  M.  de 
»  Précy ,  lui  dit  S.  M.  en  entianf  , 
w  vous  ne  trouverez  aujourd'lmi  qm 
»  du  maigre;  il  faut  être  observateur 
»  zélé  des  lois  de  rEglL-îC  ,  pour  me 
»  riter  de  Dieu  un  serviteur  aussi 
»  fidèle  que  vous.  »  Précy  fut  bientôt 
admis  à  la  connaissance  des  plans 


PRE 

de  restauration  monarchique ,  pré- 
parcs  au -dehors  par  nos  princes, 
et  dont  l'exécution,  confiée  aux  as- 
sociations   secrètes    de  l'intérieur , 
devait  amener  la  contre-re'voUuion 
par  un  mouvement  national,  dégagé 
de  toute  iuterveution  étrangère.  11  se 
livra,  sous  les  ordres  du   roi  ,   aux 
travaux  de  diplomatie  ,  d'organisa- 
tion et  de  correspondancequ'exigeait 
cette  grande  machine  ,  dont,  malgré 
son  zèle  et  celui  de  plusieurj  autres 
royalistes  dévoués  ,  l'intiigue  et  des 
vues  particulières  vinrent  trop  sou- 
vent déranger  les  ressorts  ,  et  com- 
promettre les  résultats.  Il  fit  partie  , 
avec  Dandré,  le  marquis  de  Vezet , 
et  l'abbé  Lamarre,  delà  régence  for- 
mée à  Augsbourg,   sous   l'autorité 
immédiate  du  roi,  pour  diriger  les 
opérations  de  V institut  philantropi- 
qiie  ,  qui,  par  une  chaîne  d'associa- 
tions dont  Lyon  était  le  point  central, 
étendaient   l'organisation    royaliste 
dans  l'est  et  le  midi  de  la  France ,  de- 
puis le  Var  jusqu'au  Jura  ;  et,  par  wn 
commissariat-général,  établi  à  Bor- 
deaux ,  pouvait  lier  les  mouvemetits 
de  cette  pariie  de  l'ouest  à  ceux  delà 
Vendée,  coin  prise  elle  même  dans  un 
autre  plan,  sous  la  direction  immé- 
diate de  Monsieur  ,  conite  d'Artois. 
En  1 79G  ,  Précy  se  rendit  en  Angle- 
terre ,  pour  remplir  ,  auprès  de  ce 
prince,  relativement  à  ces  objets, une 
mission  politique,  qui  le  mit  dans  les 
rapports  les  plus  honorables  avec 
le  gouvernement  anglais  ,  et  lui  faci- 
lita  les  moyens  d'être  utile  à  une 
foule  de  royalistes  émigrés  ou  lyon- 
nais ,  dont  aucun  n'implora  jamais 
en  vain  son  crédit  et  son  zèle.  Au 
retour  de  ce  voyage  ,  il  visita  la  cour 
de  Vienne,  oii  il  reçut  de  Madame 
Royale,  un  accueil  digne  de  Testime 
particulière  que  la  reine  avait  eue 
pour  lui,  et  que  cette  princesse  lui 


PRE 


35 


avait  si  souvent  témoignée  dans  les 
temps  malheureux  qui  précédèrent 
la  catastrophe  du  10  août.  I/archi- 
duc  Charles  lui  donna  aussi  ,  dans 
plus  d'une  occasion  ,  des  marques 
touchantes  de  la  sienne  :  tout  émigré 
tout  proscrit,  qui  pouvait,  auprès 
de  ce  prince, se  réclamer  du  général 
des  Lyonnais  ,  obtenait  une  sauve- 
garde dans  toute  l'Allemagne.  Au  18 
fruct.  (4sept.  1797  ), Précy  vint  ha- 
biter le  chàtaeu  de  Burbcrg  sur  le  lac 
de  Constance ,  après  avoir  été  force 
d'abandonner  la  Suisse,  à  l'approche 
des  troupes  du  Directoire.  Un  grand 
nombre  defructidorisés  ,  parmi  les- 
quels se  faisaient  alors  remarquer  , 
par  l'ardente  vivacité  de  leur  roya- 
lisme ,  MM.  De  Gérando  et  Camille 
Jordan,  se  réunissaient  fréquemment 
chez  lui  dans  sa  retraite  d'Uberlin- 
gen  ,  où  l'on  s'occupait  en  commun 
des  moyens  de  combattre  cette  ré- 
volution, qui,  n'étant  jamais  attaquée 
que  partiellement,  devait  long  temps 
encore  triompher  de  tous  les  obs- 
tacles. La  Suisse,  qu'elle  boulever- 
sait, voulut  essayer  du  moins  de  pé- 
rir dans  une  attitude  guerrière.  Le 
grand-avoyerSteiguer ,  cet  homme 
au  caractère  et  aux  vertus  antiques  , 
appela  à  son  secours  le  général  Précy, 
qui  ne  se  souvint  alors  des  promes- 
ses mal  gardées  de  plusieurs  cantons 
Suisses ,  à  l'époque  du  siège  de  Lyon, 
que  pour  montrer  un  eaipressement 
plus  généreux  à  défendre  ceux  qui 
l'avaient  abandonné  :  mais  il  n'était 
plus  temps;  Brune  venait  d'envahir 
la  Suisse.  Stciguer  et  Précy  se  ren- 
contrent dans  ces  malheureuses  cir- 
constances :  l'avoycr  et  le  général  se 
jettent  dans  les  bras  l'un  de  l'autre, 
et  pleurent  sur  des  maux  qu'ils  n'ont 
pu  prévenir ,  qu'ils  brûlent  de  ré- 
parer. Les  progrès  des  armées  fran- 
çaises dans  la  Souabe ,  après  la  dé- 
3.. 


3G  PRE 

faite  (les  Russes,  forcèrent  Prccy  à 
quitter  la  ville  il'Aiigshourg  ,  où  les 
.ilTaircs  de  l'aj^enco  royale  l'avaient 
lixe  pendant  plusieurs  années.  C'est 
vers  ce  temps,  qu'il  eut  de  fréquentes 
entrevues  avec  Suwarou,  dont  il 
possédait  l'estime  ,  et  qu'il  se  lia 
d'une  amitié  particulière  avec  Pi- 
cliegni ,  échappe  des  déserts  de  Si- 
Tiamari.  11  vivait  retire  à  Bareuth  , 
dans  les  états  du  roi  de  Prusse,  sous 
la  protection  de  ce  monarque  ,  avec 
sa  femme  et  sa  fille  encore  en  bas 
âge.  lorsqu'il  fut  arrête  en  i8no, 
ainsi  qu'un  de  ses  neveux  ,  et  plu- 
sieurs de  ses  amis  ,  à  la  demande 
du  gouvernement  consulaire ,  par 
l'entremise  dcBeurnonville  qui  était 
alors  ambassadeur  à  Berlin  [f.  1m- 

EtRT   Coi.OMK"»    \Xr,  'aoO,CtBElR- 

^•o^  VI  i.i.K  au  Su  p.  \Arrtté  par  des  sol- 
dats Prus>i<ns,  rillustredéfenseiude 
Lyon  fut  jeté  dans  un  rliàteau-foil. 
11  n'en  sortit ,  au  bout  de  dix-huit 
mois,  qu'après  avoir  vu  ses  fers  ag- 
•cravés  par  les  frais  énormes  d'u- 
ne procédure  criminidle  ,  dont  l'é- 
clat, si  humiliant  pour  le  pays  qui 
ne  savait  pas  l'empccher,  fut  peut- 
î-tre  aVors  la  seule  transaction  pos- 
sible, en  faveur  de  la  victime,  en- 
tre les  exigeances  de  la  force  et 
les  dégradations  de  la  faiblesse 
(5\  I.e  duc  de  Brunswick  se  hâ- 
ta de  réparer  de  pareils  torts.  Prc- 
cy et  sa  famille  reçurent  dans  ses 
états  l'accueil  le  plus  empressé  :  ils 
furent  logés  dans  le  château  ducal 
de  Wolleubutel;  et  le  vieux  compa- 
gnon d'armes  du  grand  Frédéric  ne 
cessa  d'honorer,  par  ses  égards  et  sa 
noble  familiarité,  dans  le  défenseur 


PRK 

de  Lyon ,  cette  valeur  dont  ce  prin- 
ce allait  bientôt  être  appelé  à  faire 
un  dernier  usage,  si  mallieureux  pour 
son  pays  ,  si  f  ital  à  lui-niènu'.  Les 
événements  militaires  qui  coûtèrent 
la   vie  au   duc    de   Brunswick ,   et 
laissèrent,  a])rès  la  bataille  de  léna  , 
son  pays  ouvert  à  l'invasion  fian- 
çaisc,  forcèrent  Précy  de  se  retirer 
d'abord  a  Hambourg,  et  ensuite  à 
Francfort ,  avec   sa   famille.  C'est 
de  là  qu'il  crut    ne  pas  devoir  re- 
pousser les  odres  qui  lui  furent  faites 
par  le  maréchal  Lefèvre,  de   négo- 
cier sa  rentrée  en  France  (()\  dont  le 
climat  était  devenu  indispensable  au 
rétablissenvent  de  sa  santé,  presque 
entièrement  ruinée  par  ses  longues 
traverses.  En  i8io  ,  il  lui  fut  permis 
de  revenir  dans  sa  patrie,  sous  la 
clause  expresse  de  se  tenir  éloigne 
de  Lvon,  à  une  distance  au  uïoins  de 
quarante  lieues.  Cette  condition,  d'a- 
bord sévèrement  exigée  ,  fut  ensuite 
adoucie  ;  et,  vers   iSra  ,  Précy  , 
après  avoir  habité  Dijon,  put  revoir 
enfin  ses  foyers  paternels.  Il  vivait 
à  Marcignisur-Loiie,  au  sein  de  sa 
famille  ,  à  l'époque  de  la  restaura- 
tion. Il  vint  à  Paris  en  juin  iSi/j.pré- 
scnta  au  roi  plusieurs  officiers  de  la 
garde  royale  de  Louis  X\  I,  fut  nom- 
mé lieutenant  général ,  et  ilécoié  du 
cordon  rouge.  En  août,  il  reçut  le 
commandement  de  la  gardf  natio- 
nale de  Lyon,  où  il  fut  accueilli  avec 
nn  culhousiasme  général,  et  que  l'on 
peut  rcg.irder  comme  un  hommage 
rendu  moins  encore  à  ses  talents  mi- 
litaires, qu'à  ses  qualités  morales. 
Le  retour  de  Biiona parte  en  i8ij  , 
sembla  ,   par  une   combinaison  d'é- 


{ 'j^  Buiju^vrle  in«i.'-tail  pour  IVxtmdition  du  pri- 
tonniiT,  et  celui-ci  lu- iJut  mjU  salut  qu'aux  dciuar- 
cnc»  du  comte  dcHardoolx-rg,  son  aini  ,  ctiurtrjut  à 
1  lutrixruioodc  la  reiur  de  Hruve ,  auprès  du  rui 
•oD  ppoux ,  (]a'oba«daiait  fortrtucut  te*  agenti  b *D- 


(*)''.  Personne  ne  contribua  ploft  nu  sutti'*  de  cetl-' 
nc'goci'iti'iu  que  le  depiitu  l'olliu^ird  ,  rpii ,  au  r<  - 
lourde  son  exil,  par  iuil«  ilii  iR  l'riiiliil.jr  ,  a\aiit 
été  Domiiie  au  corps  li  ^i.<Jalit',  deiuand.i  ,  l*  deux  re- 
prtMrS  ,  à  Huonaparte  lui-niêine  ,  eu  plniic  Audiourr, 
Icraj'pcldcsoii  Uiustreamijdunt  il  tU>it  aussi  l'idlii 


PRE 

vcnemcnls  bien  singulière  ,  l'appe- 
ler une  sceondc  fois  à   la  défense 
de  leur  ville.  Aux  premiers  bruits 
de  l'invasion,  il  reunit  autour  de  lui 
les  ofllciers  de  la  garde  nationale  et 
les  anciens  du  siège.  Ou  résolut  de 
former  un  corps  d'élite,  pour  lequel 
on  obtint,  en  un  jour,  près  de  huit 
cents  inscriptions  volontaires  ,  et  de 
se  porte.!"  à  la  rencontre  de  rennemi, 
en  s'appuyant  néanmoins  sur  la  vil- 
le ,  dont  ou  voulut  même  commen- 
cer à  fortifier  les  approches.  Toutes 
ces  mesures  ,  que  semblait  devoir 
couronner  la  présence  de  Monsieur, 
croulèrent  eu  un  instant,  par  les  dis- 
positions de  la  garnison,  qu'on  se 
trouvait  dans  l'impuissance  de  ré- 
duire  par    la  force  ou    de  gagner 
par  des  largesses.  11  n'y  avait  plus 
qu'à   fuir.    Précy   suivit   le    prince 
à  Paris  ,    où  il  fut  d'abord  arrc- 
I       té,  puis  relâché  sous  surveillance. 
'       Rendu,  par  le  retour  du  Roi,  au  com- 
mandement de   la   garde  nationale 
lyonnaise,  il  en  cessa  les  fonctions 
aumoisd'août  i8iG,en  vertu  d'une 
ordonnance  du  roi,  qui  le  nommait 
inspecteur  honoraire  de» gardes  na- 
tionales du  département  du  Rhône; 
sorte  de  retraite  gratuite  ,  qui  lui 
permit  de  quitter  Lyon ,  et  de  re- 
venir à  Marcigni.  C'est  là  que  l'at- 
tendaient  les  soins  de   sa  famille, 
et  les  épreuves  d'une  longue  et  dou- 
loureuse maladie,  qu'il  supporta  sans 
faiblesse,  et  à  laquelle  il  succomba, 
dans  des  sentiments  religieux  ,  le  ^5 
août    1820  ,  à  l'âge   de  soixante- 
dix  -  huit  ans.  Il  avait  écrit  dans 
son  testament  :  «  Je  recommande 
»  aux  bontés  du  Roi ,   madame  de 
»  Précy  ,  ma   digne   épouse,  dont 
»  l'âge  et  la  modique  fortune  pour 
»  ront  paraître  à  S.  M.  dignes  de  sa 
»  muniiiceucc.  d    Circonstance  qui 
révèle  le  désintéressement  dont  il  sut 


PRE  37 

toujours  honorer  sa  conduite.  Lors- 
qu'cn  181 4  011  conçut  le  projet  de 
hàlir  à  Lyon  une  église  expiatoire 
en  l'honneur  des  victimes  du  siège, 
monument  dont  Monsieur,  comte 
d'Artois,  posa  la  première  pierre, 
Précy  fut  nommé  président  du  co- 
mité chargé  de  diriger  cette  pieuse 
construction ,  aujourd'hui   entière- 
ment achevée.  C'est  là  que,  le  29 
septembre  1821  ,  jour  anniversaire 
d'un  des  faits  d'armes  les  plus  mé- 
morables du  siège ,  on  a  transporté 
son  cercueil, avec  tous  les  honneurs 
militaires,  depuis  Marcigni  jusqu'à 
Lyon.  C'est  aussi  dans  son  enceinte, 
que  ,  par  les  soins  réunis  du  conseil 
lyonnais  et  d'une  commission  for- 
mée à  Paris,  de  plusieurs  anciens 
officiers  du  siège,  on  élève  actuelle- 
ment, en  marbre  de  Carrare,  d'après 
les  dessins  de  M.  Cochet ,  architecte 
de  la  ville ,  un  double  monument  fu- 
nèbre en  l'honneur  du  général  etdes 
soldats,  dont,  au  moyen  de  fouilles 
nombreuses ,  on  a  recueilli  les  tristes 
restes  dans  un  même  ossuaire.  D'une 
collection  assez  volumineuse  de  pie- 
ces  relatives  à  l'histoire  de  notre 
temps,  et  que  Précy  avait  eu  le  des- 
sein de  rassembler  en  un  corps  d'ou- 
vrage ,  il  n'avait  pu  sauver  ,  lors  de 
son  arrestation  à  liareuth ,  que  deux 
écrits  :  l'un  sur  sa  retraite  militaire, 
à  la  tète  des  Lyonnais ,  le  9  octobre 
1798;  et  l'autre  sur  les  événements 
personnels  de  sa  fuite  et  de  sa  pros- 
cription en  France,  jusqu'à  sa  sor- 
tie du  royaume,  en  1794*  Confiés 
par  sa  veuve  au  secrétaire  de  la  com- 
mission lyonnaise  à  Paris  ,  ces  deux 
précieux  manuscrits  feront  partie  de 
la  noiivelhj  histoire  du  siège  de  Lyon, 
dont  celle  commission  s'occupe  de- 
puis deux  ans,  et  pour  laquelle  le 
conseil-général  du  Rhône  et  le  con- 
seil municipl    de  Lyon  ont  volé 


38  PRE 

quelques  sommes,  dans  leur  session 
de  i8aa.  L — de. 

PREISLER  f  JtAN-JusTiN) ,  pein- 
tre et  f^ravcurà  rcau-forlc,  ne'  à  N'> 
rembfr;;,  en  i<i()S  ,  fut  directeur  de 
l'académie  de  Nuremberg.  Il  a  grave' 
avec  soin  et  intelligence  plusieurs 
planches  à  l'eau  -  forte  ,  parmi  les- 
quelles on  rem.irque  une  suite  de 
cinquante  pièces  d'après  les  dessins 
deBoucIiartlon, représentant  les  plus 
belles  statues  anticpics  qui  existent  à 
Rome  ,  mais  surtout  une  partie  des 
sujets  qui  composaient  les  plafonds 
peints  par  Rid)ens  ,  dans  l'église  des 
jésuites  à  Anvers.  Cette  suite,  qui  ren- 
ferme vingt  pièces  ,  y  compris  le 
frontispiceet  les  portraitsile  Rubens 
et  de  Van  Dyck  ,  est  d'autant  plus 
précieuse,  que  l'église  des  jésuites 
ayant  été  détruite  qjirique  temps 
après  par  un  incendie,  les  gravures 
de  Preisler  sont  tout  ce  qui  nous  res- 
te de  ces  beaux  ouvrages.  Il  mourut 
à  Nuremberg  ,  en  1771.  —  George- 
Martin  pRLisLEB  ,  son  frère  ,  ne  en 
1700,  se  distingua  dans  le  même  art 
par  plusieurs  pièces  destinées  à  faire 
partie  de  la  galerie  de  Florence,  et 
surtout  par  la  gravure  de  quelques- 
unes  des  statues  antiques  de  la  gale- 
rie de  Dresde.  Les  planches  de  cette 
collection,  que  l'on  doit  à  (i.  M.  Preis- 
ler ,  se  distinguent  avantageusement 
de  celles  des  autres  graveurs  par  la 
correction  du  dessin.  Il  possédait 
parfaitement  cette  partie  si  impor- 
tante de  l'art,  et  en  donnait  des  le- 
çons publiques  à  l'académie  de  Nu- 
remberg ,  dont  il  était  l'un  des  plus 
habiles  professeurs.  On  reut  voir  la 
liste  de  ses  ouvrages  dans  le  Manuel 
de  V Amateur,  àv.  Rost.  11  mourut  en 
août  1754. — Jean-Martin  Pr.EisLEn, 
second  frère  des  précédents  ,  ne  en 
1715  ,  reçut  les  premiers  principes 
de  son  frère  George -Martin  ,   et  sc- 


PRE 

journa  ein([  ans  à  Paris  ,  où  son  es- 
tampe de  DaAd  et  d'AlngaU ,  d'a- 
Î)rès  le  Guide  ,  lui  fît  une  réputation 
jonorable.  Appelé  ensuite  à  Copen- 
hague ,  il  v  fut  nommé  graveur  du 
Ro»  ,  et  professeur  à  l'académie  de 
jieinture.  Il  v  a  travaillé  avec  succès 
d'après  plusieurs  maîtres  français  et  ^ 
italiens;  et  son  estampe  de  \iiSlatue 
en  bronze  de  Frédéric  /^  paiSally, 
lui  fait  le  plus  grand  honneur.  H 
Tnourut  à  Copenh.igue  en  i7<)'|. — 
Valentin  -  Daniel  Preisler  ,  aufrc 
frère  des  piécédetus,  et  le  j>lus  jeu- 
ne des  fils  de  Jean-Dani(  1  ,  se  livra  , 
comme  ses  frères,  à  l'art  de  la  gra  vu 
re  ,  surtout  en  manière  noire.  Né  m 
17  17,  il  séjourna  quelijues  années 
auprès  de  son  frère  Jean-Martin  ,  a 
Copenhague  ,  et  vint  s'établir  à  'Zu- 
rich ,  où  ,  sous  le  nom  de  S.  VV.dch, 
il  grava, d'après  les  dessins  de  !•  iiess- 
li  ,  le  portrait  de  la  plupart  des 
bourgucmesircs  de  Zuric  Ii.  Il  mou- 
rut à  Nuremberg  en  1705.  —  Jean- 
George  Preisler,  fils  de  Jean-iNI.ir- 
tin, 'cultiva  aussi  la  gravure.  Wille, 
qui  avait  été  l'ami  de  son  père,  se 
jiliit  à  lui  iWimer  ses  soins  ;  et  le  jeu- 
ne Preisler  fut  reçu  membre  de  l'ara- 
démiede  p<inture  de  Paris,  en  1787. 
Son  morceau  de  réception  fut  sa  bel- 
le gravure  du  tableau  de  Déilale  et 
Icare.  On  peut  voir, dans  le  Manuel 
deV Amateur, àv^ost,  la  descrijition 
de  son  œuvre ,  qui  renferme  treize 
portraits  et  quatorze  sujets  liisto- 
ri'pies  ;  cntout  vingt  -  sept  pièces. 
C'est  par  erreur  que  ,  dans  celte 
description  ,  on  attribue  à  Jcan- 
Gcorge  la  gravure  de  la  statue 
équestre  de  Frédéric  V  d'après  Sal- 
ly  ,  qui  est  de  Jean-Martin  ,  son  pè- 
re. La  pièce  par  laquelle  cet  artiste  a 
terminé  sa  carrière  dans  la  gravure, 
est  la  Madona  delta  Sedia ,  d'après 
Raphaël.  P— s. 


PRE 

PRÉMARE  (Le  Père  Josepu- 
Heisri  )  ,  savant  jésuite  français  , 
est  celui  des  missionnaires  de  la 
Chine  qui  a  fait  les  plus  ç;rauds 
progrès  dans  la  littérature  de  cet 
empire,  et  qui  a  le  mieux  apro- 
fondi  la  théorie  de  la  langue  et  les 
antiquités  chinoises.  Ou  ignore  le  lieu 
et  l'époque  de  sa  naissance  ;  mais 
on  sait  qu'il  était  du  nombre  des  je- 
suiles  qui  partirent  de  la  Rochelle, 
le  7  mars  iG9<S,  pour  aller  prêclier 
l'Evangileà  la  Chine.  11  fit  son  voya- 
ge en  sept  mois  ,  sur  le  vaisseau 
V .4mphitnle ,  dans  la  compagnie  des 
PP.  Bouvet,  Domenge,  Baborier.  Il 
y  avait  en  tout ,  sur  ce  vaisseau,  on- 
ze missioiniaires  jésuites ,  parmi  les- 
quels plusieurs  ont  jeté  beaucoup 
d'éclat  sur  la  mission  de  la  Chine. 
Le  P.  Prémare  arriva  ,  le  6  octobre, 
à  Sancian;  et,  le  17  février  de  l'an- 
née suivante ,  il  écrivit  au  P.  de  la 
Chaise  nne  relation  de  son  voyage 
(  I  ) ,  avec  quelques  détails  qu'il  avait 
recueillis  au  sujet  du  cap  de  Bonne- 
Espérance  ,  de  Batavia  ,  d'Achen  et 
de  Malacca.  Dans  les  premiers  temps 
de  son  séjour,  il  dut  s'occuper  unique- 
ment d'étudier  la  langue,  pour  se 
mettre  en  état  de  remplir  ses  fonc- 
tions dans  les  provinces. On  apprend, 
par  une  lettre  qu'il  adressa  au  père 
Le  Gobif^n  ,  le  i'^''.  novembre  1700 
(i)y  qu'il  était,  à  cette  époque,  à 
Yonan-tchcou-fou,  dans  le  Kiang- 
si  ;  et  l'on  aperçoit  aisément  qu^il 
était  encore  sous  l'influence  de  ces 
impressions  dont  un  voyageur  a  tant 
de  peine  de  se  garantir  au  premier 
abord,  et  de  se  guérir  par  la  suite. 
Le  côté  faible  des  institutions  chinoi- 
.<!es  l'avait  uniquement  frappé  jusque- 
là  j  et  ces  abus ,  inévitables  dans  l'ad- 


PI\E 


3î) 


(1)  Leur,  édlf.,  t.  XVI,  p.  338. 
(a)  LjHp.  idi-f.,  t.  XVI ,  11.  3b2, 


minisfration  d'nn  vaste  empire ,  et 
dont  tant  de  voyageurs  superficiels 
ont  fait  des  tableaux  plus  ou  moins 
rembrunis ,  étaient  tout  ce  qu'il  avait 
eu  le  temps  de  remarquer.  Le  savant 
missionnaire  avait  conçu  des  Chinois 
une  opinion  ph'.s  favorable,  et  il  re- 
connaissait pleinement  la  fausseté  de 
ses  préventions,  quand  il  écrivit  la 
lettre  (3)  où  il  réfute  si  complète- 
ment les  fables  et  les  absurdités  dont 
sont  chargées  les  Belations  tradui- 
tes de  l'arabe  pnr  l'abbé  Renaudot, 
et  dont  \c?,  notes  et  les  additions 
du  traducteur  sont  loin  d'êlre  exem- 
ptes. Ce  livre  célèbre  ,  dont  plu- 
sieurs passages  ne  dépareraient  pas 
la  collection  des  Contes  arabes  , 
a  ,  de  tout  temps  ,  excité  l'indigna- 
tion des  missionnaires  de  la  Chine, 
parmi  lesquels  plusieurs  se  sont  at- 
tachés à  en  relever  les  inexactitudes; 
mais  la  réfutation  du  P,  Pi-cmare  est 
la  plus  complète  et  la  plus  solide. 
Dès  -  lors  ce  savant  s'était  consacré 
à  l'étude  de  la  langue  et  de  la  lit- 
térature chinoises,  non  plus  com- 
me la  plu[)art  des  autres  mission- 
naires, dans  l'unique  vue  de  rem- 
plir les  devoirs  ordinaires  de  la  pré- 
dication, mais  en  homme  qui  vou- 
lait ,  à  l'exemple  des  plus  diustres 
d'entre  eux,  se  mettre  en  état  d'é- 
crire en  chinois  sur  des  sujets  de 
religion,  et  chercher  lui-même,  dans 
les  monuments  nationaux ,  des  armes 
pour  repousser  l'erreur  ,  et  faire 
triompher  la  vérité.  Ses  succès,  dans 
cette  nouvelle  carrière,  furent  si  mar- 
qués ,  qu'au  bout  de  quelques  années, 
il  put  composer  en  chinois  des  livres 
qu'on  estime  pour  l'élégance  du  sty- 
le. Ce  fut  en  s'occupant  de  recher- 
ches aprofondies  sur  les  antiquités 
chinoises ,  que  le  P.  Prémare  se  trou- 

C3)  Leur,  édif.,  t.  XXI ,  v  »S3. 


4o  PRE 

va  conduit  à  embrasser  un  système 
singulier,  qui  avait  setliiit  plusieurs 
des  raissioiinairos  delà  Chine, et,  ce 
qui  est  Lien  remarquable,  précisé- 
ment ceux  (jui  avaient  le  raieu\ctndic 
les  anciens  auteurs  chinois,  O  sys- 
ti*rac ,  ilont  nous  avons  dcjà  dit  uu 
mol  dans  un  autre  article  (  f'oyez 
FovijLtT,  XV,  357  ),  consislaU  à 
rechercher  dans  le  King  et  dans 
les  moniiraents  littéraires  des  siè- 
cles qui  avaient  précédé  l'incendie 
des  livres,  des  traces  de  traditions 
qu'on  supposait  transmises  aux  au- 
teurs de  ces  livres  ,  par  les  pa- 
triarches fondateurs  de  l'empire  chi- 
nois. Le  sens  quelquefois  obscur  de 
certains  passages,  les  interprétations 
diverses  (ju'ou  en  avait  aonnées  à 
différentes  époques  ,  les  allégories 
contenues  dans  le  livre  des  Vers , 
les  énigmes  du  livre  des  Sorts  , 
l'analyse  de  quelques  Svmboles  , 
étaient,  pour  les  missionnaires  pré- 
venus de  ces  idées  ,  autant  d'argu- 
ments propres  à  les  fortifier  dans 
une  opinion  qu'ils  regardaient  com- 
me favorable  à  la  propagation  du 
christianisme.  C'était  certainement 
dans  cette  vue,  et  non  pour  exciter 
•me  vaine  curiosité,  qu'ils  s'atta- 
chaient à  répandre  ces  notions  ex- 
traordinaires {!\).  Mais  la  persévé- 
rance que  le  père  Prémare  et  les 
autres  mirent  à  soutenir  ces  idées, 
et  les  conséquences  outrées  que 
quelques-uns  d'entre  eux  voulaient 
en    de'duire ,    leur  attirèrent  beaii- 


(  Vl  '^  P-  Pt"  marc  ,  parlant  d'un  de  »r,  ouTrajci  , 

di-Ml  il  ,.r  .,,,,.  ,t,,,„     I..I...     •■'.«-■':.  K..iinuoDt  1 
••  '  lU  je  c<j3s*- 

■  •"'  '  criU,  c'iil 


»  et . 
■>dc> 


.1  .  ■  ■  M    ■    ,  .  .  u  .   .j     I  ..i.i    ifjtrlil*: 

■  ir  <.(iliic  ,  «-t  r"iii|>«iH'    \e»  A>/l^. 

.   I  iioiqu**  fiifiLiftiui  in*4  Mjiiteiiu 

..  ..•    y  ni  ml  pluj  dr  (r<-iit«  ans  danioïc»  tlu- 

MUi  OtU  l«ft  iaiMlrs.  n 


PRE 

coup  de  désagréments  de  la  part  de 
ceux  qui  ne  partageaient  pas  leur 
manière  de  voir  ,  et  qui  eu  ratta- 
chaient l'examen  à  la  grande  querelle 
des  Jésuites  et  des  Dominicains,  sur 
l'esprit  des  rites  et  des  céicmouiex 
chinoises  et  sur  l'atliristne  piéten- 
du  des  lettrés.  Des  lioinnics  moins 
passionnés  ne  laissaient  pas  de  dé- 
sapprouver les  opinions  dos  Jésuites 
sur  l'antiquité  chinoise;  et  Fourni  ont, 
à  qui  le  P.  Prémarc  avait  fait  paît 
de  ses  idées  à  cet  égard,  avoue  qu'el- 
les ne  lui  avaient  jamais  paru  vrai- 
semblables ,  p.irce  tjue.  dit-il ,  les  an 
ciens  (Minois  n  étaient  pas  fircphc- 
tes.  Il  ctail  bien  naturel  d'accueillir 
avec  deliance  un  système  si  étrange, 
et  dont  les  suites  pouvaient  paraître 
si  graves;  mais,  ce  qui  était  moins 
juste,  c'était  de  suspecter  les  lumiè- 
res ou  la  bonne  foi  d'hommes  res- 
j)ectables,  qui  n'étaient  pas  moins 
distinguée  par  leur  .science  que  par 
leur  |)rubité.  Dneût  mieux  fait  d'exa- 
miner les  faits  sur  lesquels  reposaient 
leurs  assertions ,  et  de  voir  si  ces 
faits  n'étaient  j)as  susceptibles  d'in- 
terprétations plus  naturelles  que  cel- 
les (ju'ils  proposaient.  C'est  ce  que 
peu  de  personnes  pouvaient  essayer 
à  celte  époque,  et  ce  qui  a  été  fait 
depuis,  de  manière  à  jusliber  eom- 
plèlcrnenl  le  P.  Prémare  et  ses  ctjm- 
pagiions, des  allégations  injustes  dont 
ils  avaient  été  l'objet.  On  a  leronnii, 
en  lisant  sans  r rejugés  ces  mêmes  li- 
vres, qu'ils  contenaient  en  ellèt  des 
vestiges  nombreux  d'opinions  et  de 
doctrines  lu-es  dans  l'CJecident,  et(pii 
avaient  dû  être  j)orlées  à  la  Chine,  à 
des  époques  très-reculées.  Mais  on  a 
fait  voir  en  même  temps, rpic  ces  opi- 
nions et  ces  doctrines,  ou  le  P.  Pré- 
niaie  avait  cru  voir  des  débris  des 
traditions  sacrées,  ou  des  notions 
anticipées  du  christianisme,  appar- 


PRE 

tenaient  à  cette  thëolo<^ic  orientale  à 
laquelle  Pytbaçorc,  Platon  ,  ctrcco- 
le  entière  des  Néoplatoniciens  ont 
fait  de  si  nombreux  emprunts  (5). 
Les  PP.  Preraare  ,  Bouvet  ,  Fou- 
quet  et  plusieurs  autres  étaient  donc 
tout  aussi  fondes  à  rechercher  des 
idées  et  des  dogmes  analogues  à  ceux 
du  christianisme,  dans  le  Sing-li,  le 
I-king,  l'Invariable  milieu,  et  dans 
Jes  écrits  de  Tehouang-lseu,  de  Lao- 
Tseu  et  de  Hoai-nantseu  ,  que  Ta- 
vaientété  Eusèbe,  Lactance  et  saint 
Clément  d'Alexandrie  à  voir  des  pro- 
phéties dans  les  livres  du  faux  Or- 
})hée  ,  ou  d'Hermès  le  Trismégiste. 
On  voit  que  ces  rapprochements, 
qu'où  attribuait  à  un  faible  ou  à  une 
sorte  de  travers  d'esprit,  montrent 
au  contraire,  dans  ceux  qui  les  ont 
proposés ,  une  vaste  érudition  et  une 
profonde  conuaissaTice  des  ouvrages 
philosophiques  des  Chinois.  Les  faits 
recueillis  par  le  P.  Prémare  étaient 
exacts;  sa  manière  de  les  expliquer 
se  ressentait  seule  de  l'influence  sous 
laquelle  il  avait  entrepris  ses  recher- 
ches. Il  v  a  lieu  de  croire  que,  d'a- 
près cette  explication,  on  lira  avec 
moins  de  défaveur  un  morceau  très- 
intéressant  du  même  auteur , intitulé, 
Rcchevclies  sur  les  temps  antérieurs 
à  ceux  dont  parle  le  Chou  -  king , 
et  sur  la  mythologie  chinoise,  et  in- 
séré, par  Deguigncs ,  à  la  tête  du 
Chou-king  traduit  par  le  P.  Gaubil , 
sous  la  forme  d'un  Discours  prélimi- 
naire. Le  P.  Amiot  a  traité  (G)  avec 
beaucoup  de  sévérité  cet  ouvrage ,  le 
seul ,  avec  les  courts  extraits  donnés 
par  Deshautesraycs  (  F^oy.  ce  nom  ), 

(.•>)  Ou  j)eut  voir  les  nieuvcs  et  les  di-velopjjc- 
iiicuU  de  ceUc  .i.sSKrtioii  daus  iiii  Hlimuiie  sur  lu  vie 
et  les  opinions  tt^  I.uo-lseu,  philosophe  chinois  du 
sixième  siècle ovaiil noire ci<.;Mviaoive  luà  Tacadt- 
inie  en  187,0,  et  qui  fait  pHilie  Ju  t.  V)l  de  sesMe- 
aïoires  ,  inaiuteuaut  s ^us  jiresne. 

(G)  Ti/ém.  c/iin.,  t.  Il,  j>.  i^o. 


PRE 


4t 


où  les  personnes  qui  ne  savent  pas 
le  chinois,  puissent  chercher  quel- 
ques extraits  des  plus  anciens  livres 
sur  les  traditions  fabuleuses  de  la 
Chine.  Il  en  veut  surtout  aux  nom- 
breuses citations  dont  ces  Recher- 
ches sont  ajipuyées.  On  voit,  selon 
lui,  d'un  seul  coup-d'œil,  que  deux 
ou  trois  auteurs  très  -  peu  volumi- 
neux ont  pu  les  fournir  toutes.  Cet- 
te innocente  supercherie  est  effecti- 
vement facile  à  reconnaître,  au  peu 
de  précision  des  indications,  dans 
les  Mémoires  de  plusieurs  mission- 
naires ,  et  notamment  du  P.  Cibot  et 
du  P.  Amiot  lui-même;  mais  le  P. 
Prémare  n'avait  pas  besoin  d'y  re- 
courir. Ses  lectures  immenses  et  la 
variété  de  ses  connaissances  en  fait 
de  livres  chinois  anciens  ou  moder- 
nes,  sont  trop  bien  attestées  d'ail- 
leurs ;  et  il  n'en  faudrait  d'autre 
preuve  que  sa  Notilia  liiiguœ  Sinicœj 
le  plus  remarquable  et  le  plus  im- 
portant de  tous  ses  ouvrages ,  le  meil- 
leur,  sans  contredit,  de  tous  ceux 
que  les  Européens  ont  composés  jus- 
qu'ici sur  ces  matières.  Ce  n'est  ni 
unesiraple  grammaire,  comme  l'au- 
teur le  dit  lui  -  même  trop  modeste- 
ment,  ni  une  rhétorique,  comme 
Fourmont  l'a  donné  à  entendre;  c'est 
un  traité  de  littérature  presque  com- 
plet ,  oi!i  le  P.  Prémare  n'a  pas  seu- 
lement réuni  tout  ce  qu'il  avait  re- 
cueilli sur  l'utagc  des  particules  et 
les  règles  grammaticales  des  Chinois, 
mais  où  il  a  fait  entrer  aussi  un  grand 
nombre  d'observations  sur  le  style, 
les  locutions  particulières  à  la  langue 
antique  età  l'idiome  commun,  les  pro- 
verbes, les  signes  les  plus  usités  ;  le 
tout  appuyé  d'une  foule  d'exemples 
cités  textuellement ,  traduits  et  com- 
mentés quand  cela  était  nécessaire. 
Quillant  ia  route  battue  des  grammai- 
riens latins,  que  tous  ses  devanciers, 


4i 


PRE 


Varo,Moutigny ,  C.islorano ,  HTaleiit 
pris  pour  mutlèlcs  ,  l'auteur  s'est  crcfe 
uiicinetbucic  toutci;oiivclle;on  plutôt 
il  a  cLeiclic  à  rendre  toute  iiiétliodc 
superflue,  en  siibstitunnt  .iu\  règles 
les  phrases  luèuies,  d'.jprès  lesquel- 
les ou  peut  les  recomposer.  Ce  seul 
mot  reutVime  à-la-fois  Télope  du  tra- 
vail du  P.  Preaiare.  et  la  seule  rrili- 
«pie  fi)ndécdont  il  oflVe  le  sujet.  I/.ui- 
teur  a  inj;e  les  autres  par  lui-inèmc; 
et  il  a  cru  que  l'on  consentirait,  eom- 
mc  lui,  à  apprendre  le  chinois  par 
la  pratique,  au  lieu  de  l'étudier  par 
la  théorie.  Il  a  peut-être,  ainsi  qu'où 
l'a  dit  ailleurs  ;7  ) ,  trop  oonsidcrc  les 
eas  particuliers  ,  au  lieu  de  les  réunir 
en  forme  d'observations  générales. 
Osonletdindes  matériaux  excellents 
pourunouvra<;eâ  faire  ,  plutôt  qu'un 
ouvrage  véritabicuieut  achevé.  Cet- 
te forme  que  le  P.  Prémaica  laissée 
."i  sa  notice  ,  est  ce  qui  l'empèeha, 
dans  le  tcmi-s  ,  de  la  faire  graver  à 
la  Chine,  et  ce  qui  s'opposera  tou- 
jours à  ce  (pi'on  la  publieen  Europe, 
j>arcc  qu'en  trois  petits  volumes  in- 
4". ,  elle  ne  contient  guère  moins  de 
douze  mille  exemples  ,  et  de  cin- 
quante mille  caractères  chinois.  On 
ne  peut  dire  que  le  plan  qui  y  est 
suivi ,  convienne  à  un  livre  élémen- 
taire destiné  aux  commençants;  mais 
quand  ou  a  déjà  uvc  teinture  de  la 
langue,  on  peut  puiser  dans  cet  ou- 
Trageles  notions  delitlératiire  qu'au- 
trement on  ne  pourrait  .se  procurer 
queparuMc  lecture  assidue  des  meil- 
leurs écrivains  chinois  ,  continuée 
pendant  de  longues  années.  Le  P. 
Premare,  qui,  depuis  I7'i7,  entrete- 
nait avec  Fournioiit  une  correspon- 
dance suivie  ,  et  qui  montrait ,  dans 
toutes  ses  lettres,  le  plus  grand  em- 
presscinenl  pour  fournir  à  rit  acadé- 

(■:)  EUm.  d*  U  gmmm.  chin.,  pref.  ^    X. 


PRE 

luicien  tous  les  secours  qu'il  récla- 
mait de  lui  ,  dut  croire  qu'il  lui 
causerait  uu  plaisir  singulier  en  lui 
annonçant,  à  la  (in  de  1728  ,  qu'il 
lui  envoyait  une  grammaire  à  l'aide 
de  laquelle  on  pourrait ,  à  l'avenir  , 
faire  de  rapides  jirogrès  dans  l'étude 
du  chinois.  Malhcureuscinent ,  l' our- 
moiit  avait  aussi  rédigé  une  gram- 
maire; ou  ,  pour  mieux  dire,  il  avait 
traduit  de  l'espagnol  celle  du  P. 
Varo  (8,.  Le  fruit  des  peines  qu'il 
s'était  données  ,  les  mérites  qu'il 
croyait  avoir  acquis  ,  tout  lui  sem- 
bla anéanti  en  un  moment  par  cette 
annonce  d'un  livre  avec  li'(|uel  il 
-sentait  bien  que  le  .sien  ne  pour- 
rait soutenir  la  concurrence.  Il  faut 
voir  avec  quelle  naïve  désolation 
il  raconte  cet  événement  (9);  car 
c'en  fut  véritablement  un  pour  lui. 
Il  se  hâta  de  remettre  lui-  même, 
à  la  bibliothècpicdu  Roi,  avant  l'ai - 
rivée  de  l'ouvrage  de  son  ami  ,  le 
manuscrit  de  la  Gramtnalica  sini- 
ta,  de  le  faire  coter  et  ])aiapher 
par  l'abbé  Mignon  ;  et  quand  la  j\i>- 
tice du  P.  Premare  lui  fut  parvenue, 
il  s'autorisa  de  ces  précautions  ])our 
composer  lui-même  un  examen  com- 
paratif des  deux  ouvrages,  et  faire 
voir  qu'ds  étaient  d'accord  sur  I<îs 
points  importants, quoiipielesien  fût 
ineilU-ur.  Il  pid)lia  cusuiie  le  n-sultal 
de  cell<coinj)araison,dansla  préface 
de  sa  Grammaire.  Le  P.  Piemarc 
n'existait  plus  a  ré[K)que  ou  parut  ce 
livre;  maisavani  sa  mort  il  avait  eu 
connaissance  des  précautions  que 
Fourmont  prenait  pour  empêcher 
que  sa  I\olH'e  ne  fût  trop  connue  : 
«  Vous  dites  (  lui  écrivait  -  il  ,  en 
1733  ),  qu'on  a  fait  tout  ce  qu'on 


(A,)  Voyrs  lei  rircoiutanre*  de  ce  plagiat ,  clanj 
lef  EUm.  de  la  gramm.  rhm. ,  prrf.  p.  XIV. 

ff))  f'iiialogite  des  ouvrages  d:  di.  Fouimvnt  l'ai- 
re, \>.  100. 


PRE 

a  pn  peur  vous  tirer  des  mains  ma 
Notice.  Si  c'est  par  envie  ,  et  pour 
arrêter  la  vôtre ,  cela  est  injuste  ;  si 
c'est  pour  la  voir  et  pour  apprendre, 
cela  est  louable.  Seulement  les  ter- 
mes   tirer  des  mains  ,  ne  me  plai- 
sent point.  Quand  je  vous  l'ai  en- 
voyée, j'ai  su  à  qui  je  me  confiais  ; 
et  je  n'ai  jamais  songé  que  vous  seriez 
seul  à  la  lire.  Je  ne  l'ai  laite  que  pour 
rendre  l'étude  du  chinois  familière 
aux  missionnaires  futurs  ,  et  à  tous 
les  savants  de   l'Europe,  qui  sont 
comme  vous  curieux  des  antiquite's 
chinoises.    »  (lo)  Mais   Fourmont 
survécut  à  sou  ami  :  l'ouvrage  de 
celui-ci  fut  perdu  de  vue;  et  il  est 
resté  oublie  jusqu'à  ce  que  l'auteur 
de  cet  article  en  ait  rappelé  le  sou- 
venir ,  en  publiant  les  obligations 
qu'il  avait  au  P.  Prémare  (i  i).  Le 
manuscrit  autographe  du   P.  Pré- 
mare, que  possède  la  bibliothèque  du 
Roi ,  est  en  trois  petits  vol.  in-4". , 
et  non  pas  en  cinq,  comme  le  dit 
Fourmont ,   sur   papier  de  Chine , 
plié  double  :  les  caractères  sont  d'une 
main  chinoise  ;  l'écriture  latine  en 
est  difficile  à  lire  en  plusieurs  en- 
droits. Il  eu  a  été  fait ,  sur  cet  ori- 
ginal ,  une  copie  très-exacte  ,  ce  qui 
garantit  de  la  crainte  qu'on  pourrait 
avoir  ,  qu'un  manuscrit  si  précieux  , 
qui,  vraisemblablement  ne  sera  ja- 
mais imprimé,  ne  vienne  un  jour  à 
se  perdre   ou  à  se  détruire.  Outre 
cette  Grammaire  ,   le  P.   Prémare 
avait  encore  fait ,  en  compagnie  avec 
le  P.  Hcrvieu  ,  un  Dictionnaire  la- 
tin-chinois. 11  avait  mis  en  chinois 
presque  tout  ce  qu'on  trouve  dans 
Danet,  sans  oul)lier  une  seule  phra- 
se qui  donne  aux  mots  un  sens  et  un 

(10)  Lettre  écrite  îi  Fourmont,  de  Macao ,  le  5 
octobre  1733,  (Annal,  aiicyclop. ,  1817,  8  ,  V,  p.  i3.) 

(11)  Voy.  la  ^irtffate  des  Eléments  de  la  gramm. 
chinoise, de)k  citée,  Paris,  182». 


PRE 


43 


usage  nouveaux.  Cet  ouvrage  formait 
un   gros  volume  in-4°.   Ou  ignore 
s'il  a  été  envoyé  eu  Europe.  Prcma- 
re  avait  aussi  traduit  du  chinois,  un 
drame  intitulé  :  Tchao  chi  kou-eul 
(l'Orphelin  de  la  maison  deTchao). 
Cette  pièce,  qui  a  fourni  à  Voltaire 
quelques  situations  dans  son  Orphe- 
lin de  la  Chine  ,  a  été  recueillie  par 
Duhalde  {\'i)\  et  jusqu'à  la  publi- 
cation de  la  comédie  traduiie  en  an- 
glais ,  par  M.  Davis  ,  c'était  le  seul 
échantillon  sur  lequel  on  pût  juger, 
en  Europe,  du  théâtre  chinois.  Ou 
doit  encore  au  P.  Prémare  l'acquisi- 
tion d'un  grand  nombre  de  livres 
chinois  qu'il  a  envoyés  à  Fourmont 
pour  la  bibliothèque  du  Roi ,  et  par- 
mi lesquels  il  faut  distinguer  la  col- 
lection de  cent  pièces  de  théâtre, 
composées  sous  la  seule  dynastie  des 
Youan  (i3)  ,  les  treize  livres  classi- 
ques ,  plusieurs  romans  et  recueils 
de  poésie  ,  etc.  La  correspondance 
duP.  Prémare  était  fort  étendue  ;  et, 
à  en  juger  par  les  quatre  lettres  en- 
tières ,  et  par  divers  extraits  des  au- 
tres qui  ont  été  publiés  ,  elle  devait 
contenir  beaucoup  de  détails  intc'res- 
sans.  Malheureusement  Fourmont, 
qui  était  celui  auquel  le  missionnaire 
écrivait  le  plus  souvent,  n'en  a  pres- 
que conservé  aucune  ,   ou  du  moins 
il  ne   s'en  est  trouvé  qu^lne  seule 
dans    ses   papiers.   Nois   connais- 
sons trois  ouvrages  du  P.  Prémare  , 
écrits  en  chinois  ;  la  Fie  de  S.  Jo- 
seph {Ci\Ui\.  de  Fourm.  N.  cclxxv), 
qu'il  avait  composée  en    1718  ou 
j^,g  .    —  le  Lou-chou  chi-i  ,  ou 
véritable  sens  des  six  classes  de  ca- 
ractères (  idem  N.  xx  ) ,  ouvrage  où 
l'auteur  expose,  sur  l'origine  des  ca- 


(12)  Descitpl.  de  la  Chine,  t.  111,  p-  34»  i  '"-'"'• 
(i3J  Cette  dynastie  n'a  régué  que   lOf,  aus,   de 
jîSg  a  i368. 


/,4  PRE 

lar tèrcs  chinors  ,  ces  Iivpotlièsps  m  • 
5;iilièrfs  dont  nous  avons  parle  plus 
haut  ;  —  o'iliii  un  politTraitc  sur  les 
•lUributs  de  Dieu  ,  qu'il  a  iiiscrc  dans 
sa  .\otitiit  Imutue  siniciv  ,  comme 
un  cvcmplc  de  la  manière  dont  on 
peut  ccrin-  m  chinois  sur  les  ma- 
tières de  rclijjion.  On  possède  enco- 
re a  la  Libliothèq'.ic  du  llui  (]ucl(p)cs 
Traites  en  latin  et  en  franr;MS ,  qui 
tous  ont  pour  objet  dViaMir,  de  (lè- 
vcloppcr  et  de  jnslilier  les  syslèracs 
d'cxpliration  des  caractères  et  des  an- 
tiquitcsde  la  t",iiine,embr.issèsparles 
PP.  Bouvet  et  Premare.  Piiisieurs  de 
ces  traites  sont  tie  la  main  du  P.  Prc- 
mare  ,  et  composes  par  lui  en  par- 
tic  sur  les  matéiiaux recueillis  parle 
premier.  On  v  trouve  aussi  les  ori};i- 
nauxdepiusieursde  seslettres,  adres- 
ses au  confesseur  de  Louis  \V  ,  et  à 
d'autn's  personnes.  On  a  vu  plus  haut 
que  trois  de  ses  lettres  avaient  ctc 
publiées  dans  le  Herueil  des  Lettres 
édifiantes.  Une  quatrième  ,  qui  était 
restée  dans  les  papiers  de  Fourmont, 
a  ele'  donnée  par  M.  Klaproth  ,  dans 
les  Annales  encyclojîcdiques  :  elle 
renferme  un  jugement  très-sévère  et 
très-fondé'  sur  la  (irammaire  de 
Fourmont ,  adressé  à  Founuonl  lui- 
même  ,  et  exprimé  avec  luic  candeur 
et  une  sirjccrilc  dignes  d'éloges.  Le 
P.  Prémarc  avait  eu  trois  attaipics 
d'apoplexie,  en  1 781  ;  et  l'on  crai- 
gnait que  la  paralysie  nVn  fût  la 
suite.  On  attribuait  ces  accidents  à 
la  trop  grande  ardeur  avec  laquelle 
il  s'était  livre  à  l'étude  du  chinois. 
Il  survécut  peu  d'années  aux  pre- 
mières atleinies  de  ce  mal ,  et  mou- 
rut à  la  Chine  ,  vers  1734  ou  i-jSj. 
Il  est  fâcheux  de  laisser  des  lacunes 
bi  m-allipliécs  ,  au  sujet  des  dates  et 
ries  autres  circonstances  de  la  vie 
d'un  missionnaire  aussi  illustre.  La 
faute  en  est  aux  rcdacieurs  des  Let- 


PRF 

très  édifiantes  ,  qui  ont  négligé  tic 
rendre  au  P.  Prémare  nn  hommage 
qu'ils  ont  payé  à  la  mémoire  de  pJu- 
sieurs  île  ses  compagnons  (jui  n'a- 
vaient pas  rendu  aux  lettres  de  si 
importants  services.      A.   R — t. 

PUKMI  RUrAlCT  (LA^r.l:^r  nt  ), 
né  au  village  du  même  nom  ,  dans  les 
environs  d'Arcis-sur-Aube  ,  vivait  à 
la  fin  du  quatorzième  siècle.  11  mou- 
rut, en  i.|i«S,  secrétaire  du  duc  de 
Herri.  C'est  à  ce!  auteur  que  l'on  doit 
la  première  traduction  française  du 
Déeamernn  de  lioccace  ,  qu'il  entre- 
prit à  la  requête  de  Simon  Du  Hois  , 
valet  de  chambre  île  Charles  VI. 
Lenglet  du  Fresnoy  prétend  cpie  cette 
version  est  de  i^iS.  Comme  Pre- 
mierfaiel  ne  savait  pas  l'italien  ,  il  lit 
d'abord  traduire  le  Décaméron  en 
latin  ,  par  le  cordelier  Antoine  d'A- 
rezzo.  C'est  sur  cette  version  cpie  fut 
entreprise  la  traduction  française. 
Preinierfaict  ne  borna  pas  là  ses 
travaux  :  on  avait  déjà  fait  pisser, 
dans  la  langue  française,  plusieurs 
ouvrages  importants,  grecs  et  latins  : 
à  ces  traductions  il  ajouta  celles  des 
Economiques  d'Aristote,  des  Ol'-ii- 
vres  de  Sénèquc  le  philoso|ihe  ,  des 
traités  de  Cicéron  sur  l'Amitié  et  sur 
la  \  icillesse.  T^a  traduction  du  Déca- 
méron parut  en  l'iS.^  ,  vers  l'époque 
«le  l'impression  des  autres  ouvrages 
de  Prcmierfaicl.  Quelques  autres  de 
SCS  traductions  n'ont  pas  été  livrées 
à  l'impression,  telles  que  f>c  livre  de 
Tulles  fCicéron)  delà  \' icillesse,  écrit 
en  I  4o5  ,  et  les  Cas  des  nobles  hom- 
mes et  femmes,  '  dcBoccaceJ  trans- 
lates du  latin  en  françois,  en  i/joçj: 
ces  d(ux  nianuscritssont  conservés  à 
la  Bibliothèque  de  Genève.     D-ri-s. 

PUÉMOMVAL  (  ANDiu^-PitnRi: 
LL  GuAY  DE  ),  littérateur,  naquit  en 
171G,  à  Charentou  ,  de  parents  ai- 
sés ,  qui  ne  négligèrent  rien  pour  lui 


PRE 

procurer  une  bonne  cilucation.  Son 
|ÙTC  ainviit  souhaite  qu'il  embrassât 
l'ctat  ecclésiastique  ,  ou  qu'il  se  fît 
avocat;  mais  il  se  sentit  autant  d'c- 
loic;nemcnt  pour  ces   deux  profes- 
sions, que  deguùt  pour  les  sciences 
exactes  :  il  finit  par  quitter  la  maison 
paternelle,  et  s'établit  au  centre  de 
Paris,  sous  le  nom  de  Prémontval, 
qu'il  conserva  depuis.  Il  se  lit  bien- 
tôt connaître  en  annonçant  un  cours 
gratuit  de  mathématiques,  science 
dont  l'ctude  était  alors  peu  répan- 
due; et,  grâces  aux  éloges  des  jour-  * 
iialistcs,  ce  cours  fut  iVëquentc  par  un 
grand  nombre  d'auditeurs  ,  parmi 
lesquels  on  remarquait  des   dames 
et  des   étrangers  ;  et  il  donna  des 
leçons  particulières,  dont  le  produit 
le  faisait  subsister.  Les  premiers  suc 
ces  de  Prcmontval  avaient   éveillé 
l'envie  ;  son  amour- propre  excessif 
et  ses  décisions  tranchantes  lui  sus- 
citèrent une  foule  d'ennemis.  La  plu- 
part de  ses  écoliers  l'abandonnèrent; 
son  père  l'avait  déshéi  ité  :  mal<-ré 
son  économie,  il  eut  bientôt  épuisé 
ses  ressources;  il  contracta  des  det- 
tes, qu'il  fut  dans  l'impossibilité  d'ac- 
quitter :  avec  wn  secours  de  i,uoo 
fr.  qu'il  reçut  de  la  générosité  de 
Fontenelle  ,  dont  il  n'était  pas  con- 
nu (  0 ,  il  partit  à  pied  pour  Genève 
emmenant  avec  lui  la  filîe  du  méca- 
nicien Pigeon  ,  qui,  de  son  écolièrc 
était  devenue  sa  maîtresse.  De  Gcnè- 
,     ve,  les  deux  fugitifs  se  rendirent , 
I    en  1744,  à  Fribourg,puis  à  Bàle,  oL 
ils  se  marièrent;  et  Prémontval  em- 
brassa,  peu  après,  le  protestantisme 
(2),  dans  l'espoir  d'obtenir  une  chaire 

(i)  Une  1<  ttrc  de  Be.miée,  insérée  au  .Journal  de 
':'":" y-*  mars  1778  ),  nous  a,,prend  avec  quelle 
délicatesse  lo..tenelle  rcndU  service  à  Prémonhal. 
m.  Barbierl  a  reproduite  <Ians  son  Dictionnaire  des 
ononjrm.^s ,  u».  ÔSOg  du  ia  ?.e.  édit. 

(1)  Sir  m.  en  croit  Heniua  ( //o/.  lùiér.  de  la 
j^sje  ) .  Preraontval  avait  dej.uis  Ions-te.„,,s  uu 
•ecret  peuchwut  pour  le  protestantisme  :  et    disi'àg  ■ 


PRE  45 

de  philosophie  ou   de  mathémati- 
ques, qui  lui  fut  refusée.  II  séjourna 
aussi  quelque  temps  à  I\[orges,  quit- 
ta la  Suisse  en  1 749,  parcourut  avec 
sa  femme  l'Allemagne  ,  la  Hollan- 
de, composant  des  brochures  pour 
les  libraires,   faisant  le  métier  de 
correcteur  dans  les  imprimeries  ,  et 
trouvant  à  peine   de  quoi  subsister 
par  son  travail.  Sur  la  recommanda- 
tion de  quelques  persomies  charita- 
bles ,  madame  de  Prémontval  obtint 
la  place  de  lectrice  de  la  princesse 
Guillelm^jc  de  Prusse  (3),   avec  un 
traitement  de  y,oo  écus.  C'élait,dans 
leur   triste  situation  ,  uiîe  fortune 
considérable  :  ils  se  hâtèrent  de  par- 
tir pour  Berlin;   et,  quelques  mois 
après  son  arrivée  (1752),  Prémont- 
val fut  reçu  membre  de  l'académie 
(4)-  Ilnetarda  pas  à  sebrouilleravec 
la  plupart  de  sts  confrères;  et  sou 
humeur  caustique  s'exerça  particu- 
lièrement sur  Formev,  celui  de  tous 
qui  lui  avait  rendu  le  plus  de  servi- 
ces :  mais  il  reconniit  plus  tard  ses 
torts,  et  se  réconcilia  sincèrement 
avec  ce  savant.  II  donna  des  leçons 
de  grammaire,  d'histoire  et  de  ma- 
thématiques, et  partagea  son  temps 
entre  ses  devoirs  d'académicien   et 
le  soin  de  ses  élèves,  dont  plusieurs 
lui  firent  beaucoup  d'honneur.  Les 
distractions  de  son  ménage  l'empê- 
cLèrent  d'entreprendre  aucun   ou- 
vrage de  longue  haleine  ;  mais  il  pu- 
blia un  grand  nombre  de  petits  écrits 
contre  la  philosophie  de  Wolf  (  F. 
ce  nom  ) ,  et  un  journal  de  gram- 


de  d,x-so|.ta„s,  li  avait  adressé  au  P.  Tournemine 
«ne  su.te  de  lettres  cculre  le  dogme  de  l'EucharisI 
t.e  (.es  lettres  lurent  imprimées,  sans  son  aveu, 
Londres,  1731.,  lu  80.  ' 

(3)  C'était  l'épouse  du  prince  Henri. 

(^)  Denina  prétend  que  Prémontval  fut  admis  ', 
J  académie,  sans  pension  ;  mais  Tlnébault  ^  Voiire 
n.rs  de  Herlin  ).,  dit  au  contraire  que  .vlauperluis 
lit  ajouter  au  titie  d'académicien,  une  pension  de 
20Ù0  ir. 


46  PRE 

inaire  ,  clans  lequel  il  nYpargna  pas 
les  critiques  au\  Français  réfugies. 
Cet  ouvrape  eut  beaucoup  de  succès 
eu  Allemagne;  clPrèuioiitval  je  flat- 
tait d'être  nomme  à  la  chaire  de  lan- 
«rue  fraiitaisc  que  le  roi  de  Prusse 
venait  de  fonder  à  l'école  militaire 
de  Berlin  :  mais  ayant  appris  qu'elle 
avait  été  donnée  à  Toussaint,  dont 
il  s'était  fait  un  ennemi  sans  le  con- 
naître personnellement ,  i\  fut  telle- 
ment accable  de  cette  nouvelle  ,  que 
la  fièvre  le  prit.  11  tomba  dans  le 
délire ,  ne  parla  et  ne  rêva  plus  que 
de  Toussaint ,  demandant  à  tous  ceux 
qui  l'approchaient,  s'il  était  vrai 
nu  il  arm'dt  ?  11  mourut  au  bout  de 
quelques  jours  ,  le  3  septembre  i  764 
(5).  Frëmontvalavaitdes  connaissan- 
ces variées,  et  ne  manquait  pas  d'es- 
prit ;  mais  son  caractère  bizarre,  et 
son  liumeur  difficile  ,  empêchèrent 
ses  contemporains  de  lui  rendre  jus- 
tice :  d'ailleurs  il  n'a  laissé  aucun 
ouvrage  qui  puisse  recommander  son 
nom  à  la  postérité.  Outre  des  Mé- 
moires et  des  Dissertations  sur  diffé- 
rentes questions  métaphysiques,  in- 
sérés dans  le  Recueil  de  l'académie 
de  Berlin,  on  cite  de  lui  :  I.  Dis- 
cours sur  l'utilité  des  mathéinati- 
<7He5,  Paris,  174*^  7  •""i'^-  'I-  -P'-^- 
cours  sur  la  nature  des  quantités 
que  les  mathématiques  ont  j)our  ob- 
jet,  ibid.,  174'-*^  in  lu.  111.  Dis- 
cours sur  la  qualité  du  nombre  , 
1743  ,  in- 12.  IV.  Discours  sur  di- 
verses notions  préliminaires  à  Vêtu- 
de  des  mathématiques,  1743,  in- 
12.  V.   L'Esprit  de   Fontenelle  , 


(S)  Celle  date  est  celle  que  Pcnina  ,  qu'on  doit 
supposer  bien  inlurmé,  douue  ùJaniui'tdc  Preraoi.t- 
^al;  et  sou  timuigoagi"  est  coulirme  pnr  celui  de 
Tliii-tault,  qui  dit  que  PrémoutTal  était  niuit  cinq 
ou  ^ix  moi'  arant  son  arriTCC  à  i'eriin,  où  l'on  sait 
iju"il  se  rendit  vers  la  fin  de  i7*i.(.  Cei>eudaDl  la 
t'rance  Lttéiaiie  retarde  la  mort  de  notre  acadtnii- 
cicu.juwju'eniTfr;;  et  cette  errcui-  a  cte  reproduite 
dans  lo  Domreau  DiV'.  f>ist.  eut.  et  biiliogr. 


PRE 

la  Haye  (Paris  )  1744 1  ^753, 1767, 
in-i'j,«  Jen'ai  en  garde, dit l'anteiir, 
d'associer  mon  nom  à  celui  de  Fon- 
tenelle ,  sur  le  frontispice  de  cet  ou- 
vrage; mais  j'ai  fait  m<'ttie,  à  la  pla- 
ce, une  vignette  qui  n'est  autre  chose 
que  mon  cachet,  un  pré ,  une  moji- 
tagneetiwc  vallée,  letout  surmon- 
té d'un  soleil  qui  dissipe  les  nuages, 
avec  cette  devise  :  Illuminât  et  fœ- 
cundat  (  Voy.  le  Dictionnaire  des 
./énonrmes  àe  M.  Barbier ,  deuxiè- 
me édition,  n".  53()(j).  VI.  Mémoi- 
res pour  servir  à  l'histoire  de  INI.  de 
Prémontval,  la  Haye,  1749»  in-u". 
Suivant  Hirsching,  ils  sont  assez  in- 
signifiants ,  et  pleins  de  réticences, 
de  déclamation  et  de  charlataneiie. 

VII.  Panagiana  panurgica ,  ou  le 
faux  éi>angéliste,'ïhid.,  1750,   in- 

8",  C'est  une  critique  très-virulente 
de  l'ouvrage  des  Mœurs ,  que  Tous- 
saint avait  publié  sous  le  nom  de 
Fanage  (Voy.  Toussaint  ).  L'ab- 
bé d'Artigny  la  trouvait  excellente. 

VIII.  Pensées  sur  la  liberté,  1  750, 
in-8°.  IX.  La  Monogamie ,  ou  l'u- 
nité flans  le  mariage ,  1751,8  vol. 
in-8".  Il  y  prouve,  par  toutes  sortes 
de  raisons,  d'autorités  et  il'exem- 
ples,  que  la  pluralité  des  femmes  est 
contraire  à  la  religion  et  à  la  saine 
poliliijue.  X.  Du  hasard  sous  l'em- 
pire de  la  Providence ,  1 754 ,  in-S". 
XI.  Le  Diogène  de  d' Alembert , 
ou  /)iogcjie  décent ,  1754  ;  deuxiè- 
me édit.  ,  augm.  d'un  tiers,  I755, 
2  vol.  in-8°.  D'Alembert  avait ,  on 
ne  sait  pourquoi  ,  souhaité  à  chaque 
siècle  un  Diogène,  mais  plus  retenu 
et  plus  décent  que  celui  d'Athènes. 
Prémontval  s'empara  de  cette  idée  : 
mais  ,  si  l'on  en  croit  l'aLLé  Saba- 
tier,  l'esprit  d'indépendance,  la  hai- 
ne des  hommes,  et  l'impiété  la  plus 
décidée  ,  forment,  dans  cet  ouvra- 
ge ,  un  délire  perpétuel.  (  Voyez  les 


PRE 

Trois  siècles  de  la  liltérat.  )  XÏI. 
Cause  bizarre  ou  Pièces  d^un procès 
ecclésiastico  -  civil,    1755,  iu  -  8". 

XIII.  Fues  philosophiques  ou  Pro- 
testations et  déclarations  sur  les 
principaux  objets  des  connaissances 
humaines,   2  vol.  in-S".   1757-58, 

XIV.  Préservatif  contre  la  corrup- 
tion de  la  langue  française  en  Al- 
terna s^ne ,  Berlin,  1759  à  1764,  7 
part,  en  2  vol.  in-8^''.  Les  deux  der- 
nières parties  sont  intitule'es  :  Projet 
de  conférences  publicpies  sur  l'édu- 
cation. Formey  a  publie  VElo^e  de 
Prëmontval  ,  dans  le  cinquième  vo- 
lume des  Mémoires  de  l'academ.  de 
Berlin  ;  et  TM.  François  de  Neufcliâ- 
tean  ,  une  Notice  sur  cet  écrivain  , 
dans  le  Nécrologe  des  hommes  cé- 
lèbres pour  l'année  1770.     W — s. 

PRÉMONTVAL  (  Marie-Anne- 
Victoire  Pigeon  d'Osangis  de  ;  , 
épouse  du  pre'ce'dent  ,  née  à  Paris  , 
en  1724  ,  était  fille  d'un  habile  mé- 
canicien (i).  Elle  annonça  ,  dès  son 
enfance  ,  des  dispositions  pour  les 
sciences  ,  que  son  père  cultiva  lui- 
même  avec  soin  :  il  lui  faisait  lire  les 
meilleurs  auteurs  ,  et  s'appliquait  , 
en  même  tcaps  ,  à  former  son  juge- 
ment. Prémontval  ,  qui  aA'^ait  reçu 
des  leçons  de  Pigeon,  se  chargea,  par 
reconnaissance  ,  de  continuer  l'édu- 
cation de  sa  fille;  mais  bientôt  il 
conçut  pour  elle  une  passion  vio- 
lente ,  et  lui  persuada  de  le  suivre 
dans  les  pays  étrangers  (  V.  l'article 
précédent).  Nommée  lectrice  de  la 
princesse  Guillelmine  de  Prusse,  en 
1752,  M'"'5.  de  Prémontval  s'acqnit- 

(t)  Jean  Pigeon  fl'Osausis  ,  memljrc  de  la  socitte 
des  arts,  ne  en  iGS/j  à  Doiizi  eu  Nivernais,  mort 
en  ijSg  .aconstniit  une  Pendule  très-remarquable 

Sourie  temps,  qu'on  voit  maintenant  au  cabinet  du 
luséum.  Le  mécanisme  eu  est  expliqué  dans  une 
■brochure  intitulée  :  Deseiiplion  d'une  sphère  mou- 
vante ,  d'un  globe  monte  d'une  façon  particulière  et 
d'un  nouveau  planisphère  pour  les  distances  et  les 
groseurs  des  planètes,  le  tout  selon  l'hyputhcse  de 
tiopernic ,  par  Jean  Pigeon  ,  Paris ,  1 7 1 4  >  in- 1  î. 


PRE  4n 

ta  de  cet  emploi  de  manière  à  méri- 
ter la  bienveillance  de  sou  auguste 
protectrice.  Elle  avait  beaucoup  d'es- 
prit .  et  était  aussi  aimable  que  son 
mari  l'était  peu.  A  l'élégance  de  ses 
manières,  on  aurait  cru  ,  dit  Denina 
(  Hist.  littéraire  de  la  Prusse  ) 
qu'elle  avait  toujours  habité  la  cour. 
Elle  ne  survécut  que  peu  de  mois  à 
sou  mari,  et  laissa  la  réputation 
d'une  femme  savante  et  vertueuse. 
Cependant,  quelque  temps  après  sa 
mort ,  un  jeune  homme  (2)  vint  à 
Berlin  ,  avec  une  petite  fille  de  sept 
à  huit  ans  ,  qu'il  prétendit  avoir  eue 
de  M"!^,  de  Prémontval  ;  et  en  con- 
séquence il  attaqua  le  testament  par 
lequel  elle  avait  institué  son  Ic'ga- 
taii^e  Guill.  de  Moulines  ,  le  traduc- 
teur des  Ecrivains  de  l'Histoire  Au- 
guste et  à'Ammien  Marcellin  (  V. 
Moulines  )  :  il  fut  renvoyé  de  sa 
demande  ,  n'ayant  pas  pu  fournir 
de  preuves  de  sou  allégation;  mais 
la  réputation  de  M'"*^.  de  Prémont- 
val en  souffrit.  Outre  la  part  qu'elle 
eut  à  plusieurs  des  ouvrages  de  son 
mari ,  elle  a  publié  une  Vie  intéres- 
sante de  son  père,  sous  ce  litre  :  le 
Méchaniste  philosophe  ,  ou  IMémoi- 
res  concernant  plusieurs  particulari- 
tés de  la  vie  et  des  ouvrages  de  Jean 
Pigeon,  la  Haye,  1750,  in-8°.  W-s. 
PPvESLES  (  Kaoul  de  ) ,  premier 
du  nom  ,  appelé  ailleurs  Paid  de 
Prayères  ,  avocat  du  quatorzième 
siècle  ,  vint  exercer  sa  profession  de 
Laon  à  Paris.  Dans  sa  déposition  au 
procès  des  Templiers  ,  eu  1809,  il 


fî.)  Cet  aventurier  se  nommait,  suivant  Denina, 
.yrt/Ty,- mais  selon  Thièbault  [Soui'enlrs  de  Berlin  ), 
c'était  le  libraire  Zacharie  ;  il  est  assez,  singulier 
que  les  deux  seuls  écrivains  qui  aient  parlé  de  rette 
anecdote  ,  ne  s'accordent  ;)as  sur  le  nom  du  princi- 
pal personnage.  Le  premier  paraît  douter  de  la  vé- 
rité des  laits  qu'il  rapporte;  mais  Thièbault  est  en- 
tré dans  des  détails  affligeants  pour  l'honneur  de 
Mn^<^.  de  Prémontval,  par  suite  de  sa  haine  contre 
Moulines,  qu'il  ne  prend  pas  l.i  peine  de  dissimultr. 


48  PRE 

prend  le  titre  ilc  jurisconsulte  et  d'a- 
vocat do  la  cour  du  roi  ,  que  lui  don- 
nent aussi  les  Cluoniiiucs  de  Saint- 
Denis.  Les  lurilicrs  d'Eugucirand 
IV  de  Couci  lui  lirent  présent  de  la 
terre  de  Li^i ,  ;iu  diocèse  de  Mcaux , 
en  iJii  ;  et  Pliilippc-le-Bel  l'att.t- 
rha  ,  la  même  année,  à  sa  personne  , 
en  qualité  de  sou  secrétaire.  Les  ser- 
vices rendus  par  Raoul  à  la  reine 
Jeanne  de  Navarre  ,  et  à  sou  llls 
Louis- le-Hutin  ,  semblaient  lui  pro- 
mettre ,  sous  le  règne  de  ce  prince  , 
un  accroissement  de  lortune  et  d'hon- 
neurs ;  mais  Louis,  prévenu,  le  lit 
jeter  dans  une  prison  ,  comme  com- 
plice de  Pierre  de  Latilly  ,  chancelier 
de  France,  dans  l'empoisonnement 
de  Philippe  le- Bel.  Les  formes  lurent 
violées  à  l'égard  de  Raoul ,  et  la  con- 
fiscation générale  deses  biens  l'ut  pro- 
noncée. Son  innocence  éclata  enfin 
par  le  résultat  de  l'enquête  dirigée 
contre  lui  ;  et  le  roi ,  reconnaissant 
son  erreur  ,  ordonna  la  restilulion 
de  ses  biens  ,  et  lui  en  accorda  de 
nouveaux.  Philippe  -  le  -  Long  l'a- 
uobiit ,  et  le  nomuia  conseiller  au 
parlement,  en  iJip.  Raoul  vivait 
encore  en  i3u5,  mais  il  était  mort 
eu  i33i.  11  consacra  une  i)artie 
de  ses  richesses  à  des  fondations 
pieuses  ,  et  procura,  eu  i3i3,  ré- 
tablissement du  collège  qui  porta  son 
nom  ,  a  Paris  ,  jiisiju'à  la  fin  du  dix- 
huitième  siècle.  Ses  biens  passèrent , 
à  défaut  d'eufanb  légitimes  ,  à  Raoul 
de  Prcsles  ,  son  neveu  ,  qui  exerçait 
la  profcNsion  des  armes.  A  la  posté- 
rite  de  ce  dernier  appartenait  sans 
doute  Jeanne  de  Picsie,  fille  d'un 
sieur  de  Lizi ,  et  maîtresse  de  l'hi- 
lippc-ie-Iîon  ,  dont  elle  eut,  en  \/\2t , 
Antoine  ,  Làtard  de  Bourgogne  ,  tige 
des  .«seigneurs  de  Bcures.      F — t. 

PRESLES    ^Iaoul   de),   troi- 
sième du  uoin,  (ils  naturel  de  Raoul 


PRE 

!<■>.  et  deWarie  Desportes,  fut  con- 
çu prnda.'il  la  détention  de  son  père, 
et  le  perdit  à  l'âge  de  dix  ans.  Il 
chercha  des  ressources  dans  la  pro- 
fession ilu  barreau,  s'y  acquit  un  nom 
honorable,  cl  s'appliqua  ,  en  même 
temps  aux  lettres.  Lue  pièce  latine  , 
intitulée  la  Muse  ,  le  fit  connaître  de 
(Charles  V  ;  et  ce  prince  jeta  sur  lui 
les  yeux,  pour  traduire  la  Cité  de 
Dieu ,  de  saint  Augustin  :  une  pen- 
sion de  quatre  cents  livres  d'or,  por- 
tée ensuite  à  six  cents,  fut  attachée  à 
celleciitrcjuise,  et  continuée  a  Raoul, 
après  (ju'il  l'eut  terminée.  En  13*^3, 
Raoul  fut  nommé  m.iîlre  des  leqiiètes; 
et  le  roi  ajouta  a  cette  faveur  des  let- 
tres de  légitimation.  Haoul  ne  survé- 
cut que  deux  ans  à  son  bienfaiteur, 
étant  mort  le  i  o  novembre  1 3S3 ,  âge 
de  soixante-sept  ans.  On  a  prétendu  , 
par  erreur ,  qu'il  dirigea  la  conseienri- 
de  Charles  V  ;  ce  prince  ne  se  servit 
jamais,  à  cet  effet,  que  de  religieux  de 
l'ordre  de  Saint-Domini(jur  :  le  tiln 
de  conseiller  des  marchands  forain^ 
de  marée  ,  à  Paris  ,  ([ue  ])ortail 
Raoul ,  et  un  passage  sur  le  chapitre 
3G  du  livre  i5  de  sa  Iradurtion  de 
la  Cité  de  Dieu,  passage  d'où  l'on 
peut  inférer  qu'il  était  marié  ,  s'op- 
posent même  à  la  supposition  qu'il 
fût  engagé  dans  les  ordres.  Les  ou- 
vrages conservés  de  cet  écrivain  , 
sont  :  L  La  Cité  de  Dieu  ,  traduite 
et  accompagnée  d'un  commentaire 
charge  d'une  éridition  Ires-remai- 
quablc  pour  le  temps.  Raoul  la  com- 
mença à  la  Toussaint  de  1371  ,  et 
l'avait  achevée  la  veille  de  la  Saint 
INIartin  d'îiiver,  eu  1375.  Elle  fut 
imprimée  à  Abbeville,  en  14HG,  '.i 
vol.  in-fol. ,  et  réimprimée  à  Paris  , 
dans  le  même  format  ,  en  1531. 
Trente  manuscrits  fuient  collation- 
nés  pour  la  perfection  de  <  (  tte  ver- 
sion ,  dont  le  Commentaire  fournit 


PRE 

quelques  notions  précieuses  pour  no- 
tre histoire.  II.  Compendium  mo- 
rale de  repuhlicd ,  ouvrage  de  jeu- 
nesse ,  derncuré  manuscrit.  III.  La 
Mme ,  dont  nous  avons  parle ,  fut 
également    composée    par   l'auleur 
dans  sa  jeunesse  ;  car  il  y  fait  men- 
tion  des  compagnies  d'aventuriers 
qui  ravageaient  la  France ,  de  ma- 
nière à  indiquer  la  date  de   i365. 
C'est  une  alle'gorie  très-compliquée , 
très-bigarrée  ,  sur  les  malheurs  de 
son  temps.  IV.  Discours  sur  V  Ori- 
jlamme.  C'est ,  sous  un  titre  Irorn- 
peiir,  la  paraphrase  d'un  verset  àc 
la  Bible  ,  et  une  pieuse  allocution  à 
Charles  V  ,  qui  venait  de  déclarer  la 
guerre  à  TAngleterre  ,  en  iS^g.    V^. 
Trailé  de  la  puissance  ecclésiasli- 
que  et  séculière ,  abrégé  du  Son^e 
du  Fergier,  dont  l'auteur  élague  les 
digressions  {F".  Ch.  Louviers  ).  On 
l'a  cru  aussi  le  rédacteur  de  ce  Songe, 
sur  le  fondement  que  le  roi  le  char- 
geait,comme  illedit  lui-même,  d'ou- 
vrages secrets  ;  mais    ce  raisonne- 
ment  est   insuffisant.    Nous   avons 
perdu  la  ti-aduction  du  Boi pacifique^ 
par  Raoul  de  Presle ,  et  ses  Chroni- 
ques ,  depuis  le  commencement  du 
monde  ,  jusqu'au  règne  de  Tarqnin- 
le-Supcrbc.   On  lui  attribue  encore 
une  traduction  de  la  Bible ,  que  d'au- 
tres donnent  à  Oresme.  F.  dans  le 
tome  i3  du  Recueil  de  l'académie  des 
inscriptions  deux  Mémoires  de  Lan- 
celot  sur  Raoul  de  Presles.  Pasquicr 
a  confondu  le  père  et  le  fils.      F — t. 
PRESSAVIN,  chirurgien  à  Lyon, 
y  avaitformé  un  cabinet  anatomique , 
danslequelsesennemisnevirent,plus 
tard,  qu'un  Lycée  dans  le  genre  de 
l'Aréiin.  Lors  de  la  révolution,  Pres- 
sa vin,  comme  tantde  gens  de  son  état, 
en  embrassa  les  principes  avec  cha- 
leur,et  remplit  les  fonctions d'oflicier 
municipal  et  de  procureur  delà  corn 

XXXVI. 


PRE 


49 


mune.  Legseptembrc  1792,  jourdcs 
massacres  à  Lyon ,  il  se  rendit  au 
château  de  Pierre-en-cisc,  et  par- 
vint ,  ainsi  que  ses  collègues,  à  sau- 
ver momentanément  de  la  fureur  des 
assassins  quelques  officiers  du  régi- 
ment de  Royal-Pologne.  Un  long  tia- 
jct  était  à  parcourir;  et  les  magis- 
trats imaginèrent  de  couvrir  de  leur 
écharpe  les  prisonniers.  Ils  entraient 
à  l'holel-de-ville,  où  devait  être  leur 
sûreté,  lorsque  les  brigands  massa- 
crèrent précisément  l'oflicicr  que  con- 
duisait Pressavin;  circonstance  mal- 
heureuse qui  lui  fut  amèrement  re- 
])rochée ,  et  dont  il  paraît  injuste  de 
lui  faire  un  crime.  Pressavin  fut  dé- 
puté à  la  Convention  nationale.  Dans 
le  procès  de  Louis  XVI,  il  vota  con- 
tre l'appel  au  peuple  ,  pour  la  mort 
et  contre  le  sursis.  Hors  cela ,  il  n'at- 
tira jamais  sur  lui  l'attention  publi- 
que. Resté  dans  robscurilc,  il  était 
Je  cette  majorité  saine  d(!  la  Con- 
vention ,  qui  laissa  faire  le  mal  ;  et 
l'on  doit  conclure  du  moins  qu'il 
faisait  partie  de  ceux  qui  ne  l'ap- 
prouvaient pas,  puisqu'eu  septem- 
bre 1 793 ,  il  fut  expulsé  de  la  société 
des  Jacobins.  Demeuré  membre  de  la 
Convention  ,  sans  avoir  été  ni  pros- 
crit, ni  proscripteur,  il  ne  fut  pour- 
tant pas  réélu  pour  les  Conseils  que 
créait  la  constitution  de  l'an  ui  ;  mais 
en  l'an  vi  (  1798),  il  fut  nouime 
membre  du  Conseil  des  5oo  pour 
deux  ans ,  par  le  département  du 
Rhône.  Il  ne  retourna  pas  à  Lyon  : 
et  l'on  ignore  où  et  comment  il 
a  fini  son  existence.  On  a  de  lui  : 
1,  Traité  des  maladies  des  nerfs , 
dans  lequel  on  développe  les  vrais 
principes  des  vapeurs  ,  1769,  in- 
I  '1  ;  réimprimé  sous  le  titre  de  Nou- 
veau Trailé  des  vapeurs ,  ou  Trai- 
té des  nerfs,  177  i  ,  i»i-  "^  ;  tra- 
duit   en    allemand  ,    Nuremberg  , 


JO 


PRE 


\'}'J'X,  in-S'^.  II.  Traite  des  ma- 
ladies vénériennes  .  où  l'on  indi- 
que   un  mmi'Citu   remède,    17^3  , 

ÏD  -  8".,  de  384  P'"»?-  I^<^"'  '7^7  '  •' 
avait  déjà  annonce  son  nonvcan 
moyen  cnratif.  III.  V^irt  de  prolon- 
çer  In  vie  et  de  conserver  la  santé, 
i-jBO,  in-8°.  ;  traduit  en  cspacjnol, 
Madrid,  1799.  in-8".     A.   R — t. 

PUESTET  (.IKAN^.  prôlrc  do  l'O- 
ratoire, était  fds  d'un  Imi^sirr  de 
r.ba)lon  «ur-Saonr.  11  cuira  jcnne  au 
serviee  du  P.  Maicbranche.qni  s'ap- 
pliqua à  cultiver  ses  heureuses  dispo- 
sitions pour  les  sciences,  le  mit  en 
éial  de  donner  des  leçons  de  mathé- 
inali(|iies,  cl  le  fit  admettre  dans  sa 
coiipri;;aliun,cn  1675.  Preslel  était 
alors  à^c  de  vinf;l  sept  ans ,  et  venait 
de  publier  la  prcniicrc  cdilion  de  ses 
Eléments  de  înallicinatiques.  La  se- 
conde édition, aupnienléc  de  moitié, 
parut  en  >()Kc),  •.>.  vol,  iu-/|"*.  Il  s'en 
fit   nue  troisième   en   Hollande,  en 
iG<)i,  sous  In   rubrique  de  Paris; 
mais  elle  est  1res  défectueuse.  La  pré- 
face conlient  une  rcfut.ilion  de  Wal- 
lis  ,  qui  accusait  le  P.  Prcslct  d'avoir 
dérobé  à   son   comj)atriote    H.iriot 
toute  Li  partie  de  ralpcbrc.  L'auteur 
suit ,  dans  son  ouvraj;e ,  les  traces 
de  Descartes;  mais,  comme  ce  grand 
pliilosoplie  n'avait  écrit  que  pour  les 
savants,  il  explique,  et   met  à  la 
portée  des  commençants  ,  Us  ])rin- 
cipes    trop   succincts  de  son    mo- 
dèle. Aussi  l'ouvraç^e  est  -  il  recom- 
mandable  par  un  <;rand  nombre  de 
problèmes  curieux,  destinés  .1  exer- 
cer les  jeiuies  matlicmaliciens.  Char- 
ge, par  SCS  supérieurs,  d'aller  pren- 
dre possession  d'une  chaire  de  ma- 
thématiques  qu'on  venait  d'établir 
au  collège  de  Nantes ,  on  lui  suscita 
tant  de  tracasseries  ,  par  la  crainte 
(jue  ce  nouvel  ctablissemont  ne  nui- 
sît à  la  chaire  d'hydrographie,  rcccm- 


PRE 

ment  fondée  par  les  étals  de  ï>rcl.i- 
tagnc  dans   la   maison    des    Jésui- 
tes, qu'il  fut  obligé  de  rcnoiuTr   à 
sa  mission.  Il  se  rendit  alors  à  An- 
gers pour  le  même  emploi ,  et  s'en 
a(^uitla  avec  beaucoup  de  distinc- 
tion. Son  discours  d'ouvorlure  est 
imprimé  à  la  suite  de  ses  lUéincnts 
de   mathématiques.   Le  pcre  Pres- 
lel, Itiurmcuté  sans  fondement  par 
l'idée    que   ses    confrères   n'avaient 
pas  pour  lui  tous  les  égards  qui  lui 
étaient  dus  ,  parce  qu'il  avait  (-té  au 
service  du  P,  Malebranehe,  sortit  do 
l'Oratoire  en  i(i89;  mais  il  y  rentra 
l'année  suivante ,  et  fut  envoyé  à  Ma- 
rines ,   près  Ciisors,  où  il  mourut  , 
l'année   même    de  sa  rentrée  (  le  H 
juin   iG<)0  ),  T  — n. 

PRKSTON  (Gru.i.ATrMK  ),  né  le 
•a8juillel  i74';>.,  à  Edinbourg,  étudia 
à  la  haute  école  ,  et  ensuite  à  l'iuii- 
versité  de  celle  ville.  Ses  parents  le 
placèrent  chez  rim|>rimcur  Ruddi- 
man  ,  dont  le  frJ-re,  Thomas,  célèbre 
grammairien  ,  l'ayant  occupé  à  co- 
jiicr  ses  ouvrages  ,  commença  sans 
doute  à  lui  dormer  le  g<iùl  de  la  lit- 
térature. Il  vint  à  Londres  dès  l'âge 
(le  dix-huit  ans  ,  numi  d'une  lettre  de 
recommandation  pour  (i,  Strahan, 
imprimeur  du  roi  ,  qui  l'employa 
d'abord  comme  compositeur  ,  cl  en- 
suite comme  correcteur.  Preston  con- 
sacrait ses  heures  de  loisir  au  culte 
des  muses  ,  et  à  des  recherches  sur  la 
franc  maçonnerie,  qui  (iuil  par  de- 
venir chez  lui  une  véritable  passion  , 
à  laquelle   il  sacrifia  beaucoup   de 
temps  ,  son  argent  et  sa  santé.  Il  eut 
le  désagrément  de  voir  la  loge  de 
V Antiquité ,  dont  il  était  Maître,  rc- 
jctéc  du  sein  de  la  franc-maçonnerie  : 
mais  enfin  une  réconciliation  cul  lieu; 
et  la  loge  de  V  Antiquité  fui  rétablie 
au  premier  rang  qu'elle  occupe  en- 
core. Il  voulut ,  à  sa  mort ,  y  fonder 


PRE 

une  chaire  qui  avait  existe  pendant 
sa  maîtrise.   Sa   passion   pour  l'art 
raaçonique    ne    le    de'tourna    point 
cependant  des  devoirs  de  son    état, 
qu'il  remplit  avec  distinction   pen- 
dant  cinquante  -  cinq  ans.     Tl   me'- 
rita    et  obtint  la    confianrc  de  G. 
Strahan,  qui  lui  donna  la  direction 
de  son  grand  établissement,  et  lui  fit, 
en  mourant,  une  pension  via£;ère.  Le 
fils  de  cet  imprimeur  eut  la  mcmc 
confiance  en  Preston  ,  et  se  l'associa 
dans  une  branche  importante  de  son 
commerce.  Ses  talents  ,  comme  cor- 
recteur ,   furent  souvent  utiles  aux 
Hume,  atix  Gibbon,  aux  Jolinson 
ctauxBlair.  Il  mourut  le  i^r.  avril 
1818  ,  laissant  une  fartuno  considé- 
rable ,  qu'il  partn^^ea  judicieusement 
entre  ses  amis  et  ses  domestiques, 
Preston  fit  à  la  société'  des  francs- 
maçons  un  legs  de  3i,5oo  fr.  conso- 
lides ,  dont  I  'l5oo  fr.  furent  affectes 
à  une  école  de  charité  pour  le  sexe. 
Ses  çuvrages  écrits  en  anglais ,  sont  : 
I.  Eclaircissements  sur  la  Franc- 
Maçonnerie  ,  Londres  ,    1772  ,  in- 
12  ;  la  13*^.  édition  de  cet  ouvrage 
a  e'te  donne  par  S,  Jones,  en  1821  , 
in- 12.    IL  Calendrier  du  Franc- 
Maçon  :  ce  calendrier  fut  établi  par 
Preston.  IIL  Chronique  de  Londres: 
il  fut  éditeur  de  ce  journal  ,   et  y 
fournit  un  grand  nombre  d'articles. 
IV.  Catalogue  des  JAvres  de  Bud- 
diman  ,  in-S».  —  Un  autre  Preston 
(Guillaume) ,  ne  en  Irlande,  et  mort 
vers  1809,  ^  laissé  une  traduction  an- 
j     glaise  des  ^rgonaiiliques  de  Valc- 
I     rius  Flaccus  ,  3  vol.  in-12;  des  Poé- 
sies, 2  vol.  in- 180.;  et  un  assez  grand 
nombre  de  bons  articles  de  littératu- 
re, insérés  dans  les  Transactions  de 
la  Société  irlandaise  ,  dont  il  était 

membre.  B n  j 

PRESTRE  (Sebastien  le),  'r. 
Vauban. 


PRE  5.1 

PRETI  (Mathias),  ou  le  Cala- 
rnESE,  peintre,  naquit  en   i(5i3  ,  à 
Taverna,  petite  ville  deCalabre.  Ses 
dispositions  pour  la  peinture  s'an- 
noncèrent dès  son  enfance  A  l'âge  de 
dix-sept  ans,  il  vint  à  Rome,  re- 
joindre un  de  ses  frères ,  nommé 
Gregorio,  qui  cultivait  le  même  art 
avec  assez  de  succès  pour  avoir  ob- 
tenu le  titre  de  prince  de  l'académie 
de  Saint-Luc.  Gregorio  lui  fit  étudier 
les  plus  belles  figures  antiques  et  les 
tableaux  les  plus  célèbres  de  Rome  • 
et  il  mérita  ainsi  la  protection  du 
pape  Urbain   VITL    Le    Guerchin 
ayant,   à  cette  époque,   envoyé  à 
Rome  son  fameux  tableau  de  Sainte 
Pétronille ,  ce  chef  d'œuvre  (  qui  a 
figuré  pendant  plusieurs  années  au 
Musée  du  Louvre  )   n'eut  pas  plu- 
tôt frappé  les  yeux  du  jeimc  Preti 
qu'il  se  hâta  de  se  rendre  à  Cenfo 
où  se  trouvait  le  Guerchin  ,  pour  y 
prendre  des   leçons   de  cet  habile 
niaîfre,  dont  il  ne  tarda  pas  à  méri 
fcrl'amilié.  Jaloux  de  se  perfection- 
ner dans  son  art ,  il  ne  voulut  com- 
mencera peindre  que  lorsqu'il  serait 
])rorondément  versé  dans  la  science 
du  dessin:  c'est  à  l'âge  de  vingt-six 
ans   seulement    qu'il   prit  les  pin- 
ceaux pour  la  piemière  fois.  II  pei- 
gnit une  Madetène  d'une  manière  si 
parfaite,  que  le  Gucrclîin  hii-nicmc 
la  faisait  admirer  à  ceux  auxtpicls  il 
la  montrait.  IMais  ce  n'çtait  pas  as- 
.scz  pour   Prefi.   Il  parcourût   une 
partie  de  l'Europe  ,  pour  y  éludier 
les  plus  belles  productions  des  diffé- 
rentes écoles.    Après  une   absence 
de  six  ans,  il  revint  à  Rome;  et 
les  premiers  ouvrages  qii'il  y  exécu- 
ta furent,  \\n  Christ  deça'?it  Pilate, 
cl  r.nc  Pénélope  chassant  ses  amants 
diipalais  rZ'f/'(>'5.';e.  Ils  furent  trouvés 
si  beaux  ,  qu'on  les  attribua  d'abord 
au  Guerchin.   Les  protecteurs  que 
4.. 


5i  pui: 

lui  .nvaient  .itliri's  sts  t.iloiits  .  obtin- 
rent du  p-Tp«^  sim  ailtni.ssiou  dans 
l'ortirc  ilc  >I.iIf<'.  A  peine  avait-il  ctd 
reçu  en  qualité  île  clievalier  île  jus- 
tice ,  qu'une  aventure  ilans  laquelle 
il  blessa  ;;rièvemcnt  un  spatlassiu  que 
protégeait  l'auibassailcur  de  l'empe- 
reur ,  le  força  de  quitter  Uoinc  ,  et 
de  se  refu;;ier  à  Malte  ,  où  il  acquit 
la  bienveillance  du  j;raui.l-inaîtrc  en 
fiikaut  son  portrait,  et  en  peignant 
pour  bii  un  tableau  représentant  la 
Décollation  de  saint  Jean.  Celte 
protection  ne  dura  pas  lon^-tetnps. 
t^oniine  il  était  en  course,  suivant 
les  statuts  de  l'onlrc ,  sur  une  galère 
de  la  religion  ,  avec  plusieurs  che- 
valiers ,  l'ua  de  ces  derniers  le  plai- 
santa sur  sa  noblesse.  Preti,  pique, 
le  frappa  si  rudement ,  qu'il  le  laissa 
presque  pour  mort  :  condamne'  à  la 
prison  pour  ce  délit ,  il  se  sauva  sur 
une  feloMipie  qui  se  rendait  à  F^i- 
vounic.  Il  trouva  dans  cette  ville  le 
nonce  que  la  cour  de  Rome  envoyait 
à  IMadrid  ;  et  ce  prélat  l'emmena  en 
Espagne,  où  Preti  se  fit  connaître 
avantageusement.  Le  nonce  étant  re- 
tourne' à  Rome  après  la  mort  du 
fjape  Urbain  VIII ,  Preti  revint  avec 
ui  dans  cette  capitale  ,  où  Lanfranc 
et  Piètre  de  Cor  tune  occupaicjit  le  pre- 
mier rang.  Il  n'y  fut  occupe  que  de 
travaux  peu  importants.  C'en  fut  as- 
sez pour  le  décider  à  se  rendre  à  Bo- 
logne, etàCento,  où  il  revit  leGucr- 
chin,son  maître:  il  travailla  quelque 
temps  à  Modèneel  à  Florence.  Ayant 
appris  la  mort  de  Lanfranc,  il  se  ren- 
dit en  toute  hâte  k  Rome  ,  pour  oblc- 
nird'ctre  charge  de  terminer  les  pcin- 
turcsde  Sant-Andrca  dclla  Valle,que 
le  Dominiquin  avait  commencées, et 
que  Lanfranc  n'avait  pu  achever.  Pre- 
ti fut  préféré  à  ses  concurrents;  mais 
un  de  ses  rivaux  cconduits  ayant 
ciitiqué  ses  peintures ,  il  se  battit 


PRE 

avec  lui,  le  blessa  dangrreusonicnt , 
et  fut  obligé  d'aller  chercher  un  asile 
.\  Naples.  La  peste  venait  de  ravagev 
celle  ville  ;  et  il  était  défendu  ,  sous 
les  peines  les  plus  sévères,  d'y  laisser 
péiiélrcr  lesétranger.s. Ignorant  cette 
défense,  il  arrive;  la  garde  s'opposo 
à  son  pas>age  ,  et  un  soldat  le  couche 
en  joue.  Prtti  le  jette  mort  sur  la 
place  ,  et  en  désarme  un  secoiul  qui 
le  menaçait  ;  on  parvient  cependant 
à  le  saisir,  et  à  le  mettre  en  prison.  Le 
vice-roi,  auquel  on  rapporta  cet  évé- 
nement ,  connaissant  le  mérite  de 
l'ai  liste  ,  le  sauva  d'un  jugement ,  et 
lui  imposa  ,  pour  toute  punition  ,  de 

f ceindre  sur  les  huit  portes  de  la  ville 
es  sainls,  protecleursde Naples.  Les 
temps  n'étaient  j)as  favorables;  cl  il 
n'eut  d'abord  que  j»eu  d'ouvrages  : 
maisipichpips  tableaux,  (pi'il  exiriit  i 
pour  deux  riches  particuliers,  le  mi- 
rent bientôt  eu  vogue.  Les  religieux 
deSan-PietroàM.ijelh,  le  chargèrent 
de  peindre  un  des  sollltes  de  leur 
église.  Celte  entreprise  devait  com- 

f>rendre  plusieurs  t  dileaux  tirés  de 
a  vie  de  sainte  (atherine.  Il  avait 
Ctab'i  son  atelier  dans  le  bas  de  l'é- 
glise :  calculant  l'eilèlquc  produirait 
son  ouvrage  lorstpi'il  serait  en  place, 
il  le  peignait  à  grands  traits  et  d'une 
manière  heurtée.  Les  iiioines  ,  qui  ne 
voyaient  dans  cetableauipi'unc  ébau- 
che grossière  ,  refusaient  de  l'accep- 
ter. On  nomma  des  arbitres  qui  de'- 
cidcient  qu'il  fallait  le  placer.  Lors- 
que l'ouvrage  put  êtie  vu  à  sa  vé- 
ritable distance,  il  fut  déclaré  ex- 
cellent ;  et  les  moines  eux  -  mêmes 
furent  les  premiers  à  l'admirer;  ils 
prièrent  le  Calabrèse  d'achever  les 
autres  tableaux  qui  restaient  à  faire  ; 
il  refusa  d'abord  ,  et  consentit  enfin  à 
finir ,  sur  les  lieux ,  ceux  qui  représen- 
taient la  Dispute  de  la  Sainte  avec 
Cint^uante  docteurs ,  et  son  Martj- 


PRE 

re.  Ce  n'est  qu'à  Malte  qra'il  exécuta 
les  autres;  et  c'est  de  là  qu'ils  furent 
envoyés  à  leur  destination.  Le  grand- 
maître  le  chargea  des  peintures  de  la 
cathédrale:  il  mit  treize  ans  à  les 
terminer.  L'Ordre  en  fut  tellement 
satisfait ,  qu'il  lui  accorda  la  com- 
raanderie  de  Syracuse,  avec  une  pen- 
sion considérable.  Freti  revint  enco- 
re à  Naples  ,  puis  retourna  à  Malte , 
où  il  exécuta  quelques  derniers  ou- 
vrages, bien  inférieurs  à  ceux  qu'il 
avait    déjà    produits.    Son    barbier 
l'avant  blesse  en  le  rasant ,  la  gan- 
grène se  déclara  ;  et  il  mourut   en 
1699,  après  deux  mois  de  soulTran- 
ce  ,  âge  de  quatre-vingt-six  ans.  L'âge 
avait  entièrement  change  son  carac-- 
1ère  :  dans  les  dernières  années  de  sa 
vie,  il  ne  travaillait  plus  que  pour 
les  pauvres;  et  lorsqu'on  lui  repré- 
sentait qu'un  IraA'ail  aussi  obstiné 
altérait  sa  santé',  il  répondait  :  Que 
deviendraient  les  pauvres  ,  si  je  ne 
travaillais  point?  11  possédait  à  fond 
la  science  du  dessin;  mais  dans  cette 
partie  ,  il  se  distinguait  plutôt  par  la 
vigueur  que  par  la  grâce  et  la  déli- 
catesse ;  quelquefois  même  il  tombe 
dans  la  pesanteur.  Son  coloris  non 
plus  n'avait  rien  d'aimable  ,  niais  il 
était  fortement  empâté:  il  sait,  par 
le  moyen  duvclair-obscur ,  faire  déta- 
cher tous  les  objets  ;  et  ses  tableaux 
ont  un  ton  cendré,  qui  semble  fait 
pour  les  sujets  tragiques  et  mélan- 
coliques :  aussi    peignait-il  de  pré- 
férence des  martyres  ,  des  pestes  , 
d(3s  actes  de  repentir.  Sa  méihodc 
était  de  peindre  au  premier  coup  , 
quoique   toujours   d'après   nature  , 
sans  attacher  une  grande  importan- 
ce  à   la  correction    et  à  l'expres- 
sion des  sentiments.   C'est  en  cela 
qu'il  s'écarte  de  l'école  des  Carraches, 
et  surtout  de  celle  du  Domini(|uiu  et 
de  Raphaël,  et  que  l'on  voit  qu'il  ap- 


PRE 


53 


partient  à  tnic  époque  où  les  artistes 
commençaient  à  dédaigner  les  vrais 
modèles.  La  longueur  de  sa  vie,  san 
activité,  sa  rapidité  au  travail,  cx- 
])liquent  le  nombre  presque  incroya- 
ble de  vastes  fresques  et  de  grande» 
compositions  à  riiuile  qu'il  a  exécl^ 
tces  ,  malgré  le  temps  qu'ont  dû  lui 
dérober  ses  voyages  multipliés.  Il 
n'est  presque  pas  de  ville  en  Italie, 
qui  ne  possède  de  ses  tableaux  ;  ils 
sontcommuus  en  Espagne  ,  à  Mallo, 
en  Allemagne  et  en  France. Le  Musée 
du  Louvre  en  contient  deux;  le  Mar- 
tjrede  saint  André,  et  Saint  An- 
toine abbé ,  visitant  dans  le  désert 
saint  Paul  Ermite.  Le  même  éta- 
blissement renfermait  un  troisième 
tableau  du  même  maître  ,  rej)résen- 
lant  le  Reniement  de  saint  Pierre  , 
qui  provenait  de  la  galeriede  Vienne^ 
il  a  clé  rendu  en  181 5.  P^ — s. 

PRÉTOT  (  E.  A.  Pni LIPPE  de  ). 
r.PmEiPPE,  XXXIV,  i83. 

PREUSCliEN  ;  Augustin-TuÉo- 
pniLE  ) ,  né,  en  1734,  à  Diclhart  en 
Basse-Ilessc  ;,  entra  dans  l'étal  ecclé- 
siastique ,  et  eut  la  charge  de  diacre, 
d'abord  à  Grunstadt ,  puis  à  Carls- 
rulie  ,  où  ,  en  1 79)- ,  il  l'ut  ])romu  au 
rang  de  conseiller  ecclésiastique.   Il 
est  auteur  de  plusieurs  écrits  sur  la 
théologie  ,  l'histoire  et  la  politique  ; 
entre  autres,  des  Monuments  des 
anciennes  révolutions  physiques  et 
politiques  en  Allemagne  ,   surtout 
dans  les  contrées  du  Uhin  ,  Franc- 
fort, 17B7  ,  in-S*^. ,  et  du  Précis  des 
principales  révolutions  des  contrées 
du  rjtin ,  sous  les  Romains  et  les 
Germains  y  ibid. ,    1788  :  mais  ce 
qui  a  fait  la  réputation  dePreuschcn, 
c'est  son  invention  de  la  typoraélrie, 
dont  il  a  rendu  compte  en  allemand, 
dans  son  Précis  de  Vhistoire  trpo- 
métrique  ,  Bâlc  ,   1778  ,  in  -  8».  ,  et 
dans  un  autre  ouvraL;;c  inlilulé:  3Io- 


nunient  consistant  en  une  carte  tj- 
pornétritjue  de  lu  proi>ince  de  Sau- 
senJierg  ,    i-jbS  ;  il  en  avait  dou- 
né  le  premier  aperçu  eu  français , 
sous  ce  îilrc:  Essais  préalables  sur 
la  tjpométrie ,  ou  le  niojen  de  dres- 
ser les  cartes  ç,èo^raphiipies  à  lu 
faiyn  des  imprimeurs  ,  Cailsrulie, 
!•;•;(),  iii-S*^.  La  typoiuctriccst  l'art 
d'imprimer  des  plans  à  i\ndc  de  ty- 
pes mobiles.  Sans  avoir  jamais  pra- 
tique la  tvpograpliie  ,  Preuscheu  con- 
çut le  projet  de  cette  méthode  d'im- 
prcssiou  ,  et  en  (it   part   .1   Haas  , 
fondeur  de  caractères  à  li.We  :  celui- 
ci  l'aida,  par  des  observations  prati- 
ques ,  à  perfectionner  sou  procède  , 
»l  fut  le  premier  à  rexccuter.  Il  fou- 
dit, en  formedc  types  parallelij)ipèd  es, 
toutes  les  ligures  employées  dans  les 
plans  et  les  cartes ,  en  donnant  la 
forme  de  prismes  aux  caractères  des- 
tines à  être  places  obli(|iiement.  Une 
précision  jnatlièmjtii|ue  était  néces- 
saire pour  i|ue  ces  types  ,  de  formes 
diverses,  se  joignissent  parfaitement. 
PreuscUen   eut   le  bonheur  de  réus- 
sir, après  quelques  essais,  quoique 
le  typographe  Breilkopf,  a  Leipzig  , 
qui,  lors  des  premières  nouvelles  de 
cette  invention  ,  en  reclama  l'hon- 
neur   pour  lui  -  même  ,    et  fournit 
en  effet  queNiues    ècliantilluns  ,  ait 
j)rctendu  (pi'ii   était  impossible  d'a- 
dapter les  types  les  uns  aux  autres  , 
de  matière  a  fiire  ce  qu'on  appelle, 
en  termes  d'imprimerie  ,  une  forme. 
L'exécution  d'une  carte  du  canton  de 
Bàle  en  J77G,  et  d'une  carte  de  la 
Sicile  en  1777,  ne  laissèrent  pas  de 
doute, sinon.surrutiiitède  latypomc- 
trie  ,  dii  moins  sur  la  possibilité  de 
l'excculion.  Haas  le  fils  a  pcrfectiou- 
uc  ce  procédé  (  /'.  Haas,.  PreuscLen 
mourut  le  24  mars  i8o3.      D — g. 
PHÉVILLE    (  Pitar^E  -  Louis 
DucLs  ,  dit  ) ,  Comédien  Français  , 


PRE 

naquit   à    Paris,  le    17    septembre 
i7'.u  ,  de  parents  pauvres,  qui  le 
destinant  à  l'état  ecclésiastique  ,  le 
firent  recevoir    dans  une   p.iroisse 
de  cette  ville ,   en  qualité  d'enfant 
de  cluvur.  Mécontent  de  ses  chefs  , 
le  jeune  Dubiis  prit  le  jurti  de  s'en- 
fuir pour  courir  le  monde;  et ,  ayant 
bientôt  vu  la  lin  J'uu  pain  de  qua- 
tre livres  ,  son  unique  avoir ,  il  se 
trouva  trop  heureux  d'être  accueil- 
li par  des  maçons  que  ses  joyeu- 
ses manières  avaient  divertis.  Peu  de 
temps  apiès  ,  il  fut  retrouvé,  cl  ra- 
mené à  la   maison   paternelle  ,  puis 
place  chez  nu  procureur.  Par  nial- 
Iieur,  ou  plutôt  j)ar  bonheur  ,  tout 
ce  qui  est  du  ressort  de  la  chicane  ne 
lui  déplut  guère  moins  que  la  truc  lie: 
il  s' échappa  de  nouveau  ,  et  alla  s'en- 
gager en  province  dans  une  troupe  de 
mauvais  comédiens.  Un  assez  bou 
acteur  de  la  comédie  Italienne  ,  nom- 
mé Dehesse,  lui  avait  doiuié  (jiielques 
conseils  ;  et  la  nature  eut  bientôt  f  lit 
pour  Préville  ((jui  dès-lors  adopta  ce 
nom  ) ,  beaucoup  plus  (jue  n'auraient 
pu  faire  les  plus  habiles  professeurs. 
Nous  ne  le  suivrons  pas  dans  ses 
voyages  qui  durèrent  environ  (piinzc 
ans.  Il  suffit  de  dire  (pi 'après  avoir 
quelque  temps  végété  p.irnii  de  véri- 
tables histrions  ,  il  obtint  successive- 
ment des  succès  sur  les  théâtres  d<' 
Dijon  ,  Rouen  ,  Strasbourg,  et  qu'il 
était  devenu  directeur  de   celui    de 
Lyon,  lorsque  les  genlilshonimes  de 
la  chambic  l'appelèrent  à  Paris  pour 
y  débuter.  Il  s'était  déjà  montré  dans 
cette  capitale,  quelque  temps  aupa- 
ravant ,  mais  sur  uue  scène  trop  peu 
digne  de  lui  ,  celle  de  la  foire  Saint- 
Germain  ,  dirigée  alors  par  IMuunet; 
et  il  n'avait  pas  voulu  s'y  fixer.  Ce 
fut  le  ,».o  septembre  1703,  qu'il  parut 
pour  la  première  fois  sur  le  théâtre 
de  la  Comédie-Française.  Il  fut  ap- 


FRE 

plaudi  dans  le  Crispin  du  Légataire  , 
et  dans  celui  des  Folies  amoureu- 
ses ,  dans  le  Sganarelle  du  Médecin 
malgré  lui  j  mais  aucun  de  ces  rôles 
ne  le  fit  briller  autant  que  celui  de 
La  Bissole  du   Mercure  galant.  11 
fut   assez  heureux  pour   y  vaincre 
toutes  les  préventions  qu'avaient  con- 
çues contre  lui  et  les  amis  de  Pois- 
son ,    dont  la  mort  toute  récente 
causait  de  justes  regrets  ,  et  les  par- 
tisans d'Armand,  excellent  acteur 
qui   avait   alors  ,   eu  cliet"  ,  l'em- 
ploi  des    comiques.   Il   faut  ,   tou- 
tefois,  rendre  justice  à  ce  dernier: 
loin  de  vouloir  nuire  à  Préville ,  dont 
le  talent  aurait  pu  lui  porter  om- 
brage ,  il  se  fit  un  plaisir  de  lui  être 
utile  ;  et  l'on  raconte  même  qu'au 
moment  de  jouer  devant  le  roi ,  à 
Fontainebleau  ,  les  principaux  rôles 
du  Mercure  galant,  il  eut  la  généro- 
sité de   feindre  une  indisposition , 
afin   de   procurer    au  jeune   débu- 
tant l'occasion  de  se  produire  à  la 
cour.  Louis  XV  fut  tellement  satis- 
fait du  nouvel  acteur ,  qu'il  voulut 
qu'on  lui  expédiât,  le  soir  même  , 
son  ordre  de  réception  :  «  Jusqu'ici , 
»  dit  le  roi  au  maréchal  de  Kiche- 
»  lieu  ,  j'ai  re<;u  beaucoup  de  comé- 
»  diens   pour  vous ,   Messieurs  les 
»  gentilshommes  de  la  chambre  :  je 
»  reçois  celui  -  ci  pour  moi.  »   Ce 
fut  le   20  oct.  1753,  que  Préville 
obtint  cette  faveur ,  ou  plutôt  cette 
justice  si  bien  confirmée  dans  la  suite 
par  les  suffrages  unanimes  du  pu- 
blic ,  suiïVages  qu'il  eut  le  bonheur 
de  mériter  jusqu'à  l'époque  de  sa 
retraite  ,  qui  eut  lieu   trente -trois 
ans  après  (le  i'^''.  avril  1786  ).  Ce 
jour  dut  causer  d'autant  plus  de  re- 
grets qu'il  fut  aussi  marqué  par  la 
retraite   de  madame    Préville,   de 
Brizard  et  de  mademoiselle  Fanicr. 
Ces  quatre  sujets,  dont  la  perte  étuit 


PRE  55 

si  difficile  à  réparer ,  firent  ensemble 
leurs  adieux  au  public  dans  la  par- 
tie de  chasse  de  Henry  IV.  «  Ils 
étaient  tous  les  quatre  assis  à  la  mê- 
me table  ,  au  troisième  acte  de  cette 
comédie;  et  le  public,  en  voyant 
ainsi  rassembles  quatre  talents  qu'il 
chérissait ,  et  dont  il  jouissait  pour 
la  dernière  fois  ,  leur  donna  les  mar- 
ques du    plus  profond  attendrisse- 
ment. «  Cette  scène,  eu  eiïèt ,  fut  ex- 
trêmement touchante  :  elle  ne  s'effa- 
cera jamais  du  souvenir  des  ama- 
teurs qui ,   comme  l'auteur  de  cet 
article,  en  furent  témoins.  Prévillc 
se  relira  dans  la  ville  de  Scnlis, 
avec   une  pension   d'environ    cinq 
mille  francs.  Il  y  vivait  heureux  et 
tranquille  au  sein  de  sa  famille ,  lors- 
qu'eu  1791 ,  les  comédiens  français, 
faisant  mal  leurs  affaires ,  le  suppliè- 
rent de  venir  à  leur  secours.  11  y 
consentit  ;  et  l'on  peut  juger  de  l'em- 
pressement avec  lequel  tout  Paris 
se portaanthéàtredu faubourg  Saint 
Germain  ,  ]iour  revoir  cet  acteur 
chéri.  Mais  Prévillc  avait  alors  plus 
de  soixante  dix  ans;  et  s'il  n'avait 
presque  rien  perdu  de  son  talent  j 
ses  forces  physiques ,   du  moins  , 
commençaient  à  trahir  son  zèle.  Il 
retourna  dans  sa  retraite  en  1792  , 
aux  approches  de  la  terreur  ;  et, 
deux  ans  après  ,  lorsque  ses  anciens 
camarades,  incarcérés  comme  sus- 
pects ,  furent  rendus  à  la  liberté ,  il 
entendit  encore  leur  voix.  Ce  vieil- 
lard rentra  de  nouveau  au  théâtre , 
pour  y   rester  jusqu'au  i  1   février 
1795  ,  jour  plus  fatal  pour  lui  sans 
doute   que  ne  fut ,  quelques  années 
après,  le  jour  même  de  sa  mort.  Au 
milieu  de  la  représentation  du  Mercu- 
re-Galant, où  il  avait  été  vivement 
applaudi,  il  donna  subitement  quel- 
ques signes  d'aliénation  mentale;  et, 
quoique  les  spcctalcurs  ne  s'en  .ipcr- 


56 


PRE 


çïrsscht  pas  ,  il  sentit  avcB  une  ex- 
trême affliction  l'impossibilité  de 
pousser  plus  loin  sa  carrière  théâ- 
trale. En  etïï't ,  de  retour  à  Senlis  , 
où  des  chagrins  domestiques  ache- 
vèrent de  désorganiser  sa  tête,  il 
n'eut  presque  plus  de  moments  lu- 
cides. Sa  lillcaince,  la  seule  cpii  lui 
restât  ,  le  reçut  alors  chez  elle,  a 
Bcauvais,  où  il  mourut,  le  18  dé- 
cembre 1799,  dans  la  soixanle-dix- 
iieuvième  année  de  son  âge.  Tous  les 
Huteurs  dramatiques  ,  tous  les  ac- 
teurs ,  tous  les  hommes  de  goût  qui 
ont  vuPréviile,  le  considèrent  coju- 
nic  celui  des  favoris  de  Thalie  qui  , 
chez  nous,  a  le  plus  approche  de  la 
j)erlVction.  Goldoni  s'est  plu  à  lui 
rendre  un  hommage  public  d'estime 
et  d'admiration.  Dorât  lui  a  consacre 
des  vers  flatteurs,  dans  le  [locrae 
de  la  déclamation  théâtrale  ;  Mole 
prononça  l'éloge  de  Préviile  vivai.t , 
dans  une  séance  publique  du  Lycée 
des  Arts,  le  11  août  1793,  à  l'occa- 
sion d'une  cérémonie  où  l'on  cou- 
ronnait le  buste  de  cet  excellent  co- 
médien. Cet  éloge,  qui  est  très-em- 
])hati que,  a  été  imprimé,  ainsi  (pi'unc 
Notice  beaucoup  plus  sim|)le ,  sur 
Préville,  qui  fut  lue  par  Dazincourt 
au  I>vcée,  le  6  janvier  1800,  et  im- 
primée dans  la  même  année.  Lahar- 
pe,  dans  sa  correspondance  litté- 
raire avec  le  grand  diic  de  Russie  , 
a  déclaré  que  la  perle  de  Préviile 
serait  peut-être  irréparable.  Gar- 
rick  s'était  lié  d'amitié  avec  ce  der- 
nier, cl  l'appelait  familicremenl  l'en- 
fant gâté  de  la  nature'.  Enfin  l'au- 
teur du  Vieux  comédien ,  TM.  Pi- 
card ,  a  voulu  reproduire  ce  célèbre 
comique  dans  le  principal  rôle  de  la 
pièce  qui  porte  ce  titre,  et  a  dit ,à  ce 
sujet,  dans  la  préface  :  «  Quand  je 
)>  rencontre  des  amateurs  de  la  bon- 
T>  i.e  et  vieille  comcdic,  qui  n'ont 


PRE 

»  pas  Vn  Préviile ,  je  ne  pciil  îîi'emt 
»  pêcher  de  les  plaindre.  J'ai  vu 
«  des  acteurs  naturels  ,  mais  froids  ; 
»  j'en  ai  vu  d'autres  pleins  de  cha- 
»  leur,  mais  souvent  outrés;  Pré- 
»  ville  réunissait  au  naturel ,  la  cha- 
»  leur ,  l'esprit ,  la  grâce  et  la  verve. 
1)  Jamais  comédien  n'est  mieux  en- 
»  tré  dans  la  pensée  de  l'auteur.  » 
11  faut  avouer  aussi  qu'aucun  comé- 
dien français  n'a  été  plus  honoré 
que  lui,  du  moins  après  sa  mort.  Un 
des  préfets  du  département  de  l'Oiso 
(  Cambry  )  lui  a  fait  élever  un  mo- 
nument à  Beauvais.  La  gravure  et  la 
sculpture  ont,  à  l'cnvi,  reproduit 
les  traits  de  son  visage;  et,  en  1800, 
ime  jolie  pièce  de  MM.  Chazet  et 
Dupaty  a  été  jouée  en  son  honneur 
au  Théâtre- Français,  sous  le  titre  du 
Buste  de  Préville.  Ce  célèbre  acteur 
était  d'une  taille  médiocre  et  d'uuo 
figure  agréable.  Son  visage  rond ,  ha- 
bituellement doux  et  riant,  prenait, 
avec  une  facilité  surprenante,  les 
caractères  lés  plus  opj)osés.  Sa  voix 
était  claire  et  sonore  ;  et  il  en  variait 
les  inflexions  avec  un  nattirel  parfait, 
surtout  dans  le  médium.  Sa  pronon- 
ciation n'avait  ])as  originairement 
toute  la  netteté  désirable;  mais  ou- 
tre que  les  habitués  du  théâtre  s'é- 
taient facilement  accoutumés  à  son 
grasséiement ,  il  avait  eu  l'art  de 
mettre  à  profit  jusqu'à  ce  léger  dé- 
faut pour  donner  plus  de  comique  à 
sa  diction.  Néanmoins,  jamais  le 
travail  ni  la  moindre  aflcctation  ne 
se  faisaient  sentir  dans  son  jeu.  Il  s'i- 
dentifiait tellement  avec  ses  person- 
nages, qu'on  cite  plusieurs  circons- 
tances où  certains  spectateurs  furent 
entièrement  dupes  de  l'illusion.  Une 
fois  ,  se  préparant  à  jouer  le  rôle  de 
La  Rissole,  qui  est,  comme  on  sait, 
celui  d'un  soldat  ivre,  il  se  sentit  for- 
tement arrî'té  dans  la  coidissc  par  \\n 


PRE 

factionnaire  ,  qui  ne  voulait  pas  le 
laisser  entrer  sur  la  scène  :  «  Cama- 
»  rade  ,  lui  disait  cette  sentinelle,  au 
»  nom  de  Dieu,  ne  passez  pas  :  vous 
»  me  ferez  mettre  au  cachot  !  »  On 
assure  qu'il  devait  à  Garrick  une 
partie  de  ce  talent  si  vrai  avec  lequel 
il  savait  peindre  progressivement 
tous  les  degrés  de  l'ivresse;  et  l'on 
rapporte  ,  à  ce  sujet,  une  anecdote 
assez  curieuse  dont  nous  retranchons 
à  regret  les  détails.  Preville,  dans 
une  partie  de  campagne  qu'il  faisait 
avec  le  Roscius  anglais ,  eut  la  fan- 
taisie de  jouer  une  scène  d'ivrogne, 
et  s'en  acquitta  fort  habilement. 
Quelques  heures  après  l'on  dîna  ; 
et  Garrick,  au  sortir  de  table,  fei- 
gnant à  son  tour,  d'avoir  bu  trop 
de  vin ,  joua  si  admirablement  la 
maladresse  d'un  cavalier  ivre  qui  se 
laisse  tomber  de  cheval  après  mille 
€t  mille  extravagances  ,  que  Prévilie 
poussa  un  cri  d'elfroi,  et  se  précipita 
pour  le  relever,  convaincu  qu'il  de- 
vait au  moins  être  fracassé!  Gar- 
rick, alors,  éclata  de  rire;  et  Préville, 
stupéfait,  avoua  que  de  sa  vie  il  n'a- 
vait reçu  une  meilleure  leçon.  On  ra- 
conte qu'à  l'époque  où  il  jouait  à 
Rouen,  Preville  n'avait  pu  se  défendre 
d'un  peu  de  penchant  à  la  charge, 
et  qu'il  y  était,  chaque  jour,  encou- 
ragé par  le  mauvais  goût  du  public. 
Un  petit  bossu  de  la  ville  eulla  gloire 
de  le  ramener  dans  la  bonne  voie ,  en 
affectant  défaire  éclater  le  plus  grand 
mécontentement  toutes  les  fois  que 
les  spectateurs  prodiguaient  à  l'ac- 
teur en  vogue  des  marques  de  satis- 
faction. Surpris  et  mêaie  pique  au 
vif,  Préville  voulut  enfin  avoir  une 
explication  à  l'amiable  avec  ce  juge 
si  sévère;  et  celui-ci,  homme  plein 
d'esprit ,  n'eut  pas  de  jieine  à  lui  faire 
reconnaître  la  vérité  de  cet  axiome  : 
J^ien  ji^est  beau  que  le  vrai.  Doué 


PRE  57 

d'une  extrême  mobilité  d'esprit  et  dô 
visage ,  et  d'une  rare  agilité ,  il  excel- 
lait à  jouer  tous  les  rôles  de  valets 
sans  exception  ,  y  compris  Figaro, 
qu'il  établit ,  le  premier ,  au  théâ- 
tre ;  et  personne  ne  l'a  égalé  dans 
l'art  de  saisir  avec  une  finesse  ex- 
quise ,  cachée  sous  les  apparences 
de  la  bonhomie  la  plus  naturelle,  le 
côté  comique  des  choses.  Le  brillant 
succès  avec  lequel  il  remplit  des  rôles 
d'un  tout  autre  caractère ,  tels  que  lo 
marquis  de  Clainville .  le  bourru 
bienfaisant ,  le  père  d'Eugénie  ,  le 
Michau  de  la  Partie  de  chasse  , 
Freeport ,  Antoine,  nous  autorise 
à  dire  qu'aucun  genre  tenant  à  la 
comédie  ou  au  drame  ne  lui  était 
étranger.  Son  admirable  talent  ne 
se  refusait  même  pas  à  l'expres- 
sion du  pathétique.  Quant  à  son 
caractère  dans  le  monde,  plusieurs 
comédiens  nous  l'ont  représenté  en- 
clin à  la  domination  et  à  la  tracas- 
serie :  mais  quel  acteur ,  membre 
d'un  comité ,  ou  plutôt  d'un  tripot 
comique  ,  n'a  pas  été  plus  ou  moins 
l'objet  de  ce  reproche  banal?  A  l'é- 
poque où  les  comédiens  obtinrent , 
des  héritiers  de  Voltaire ,  la  statue 
en  pied  de  cet  homme  célèbre ,  Pre- 
ville, dit -on  ,  s'opposa  à  ce  qu'elle  _ 
fût  placée  dans  le  foyer  public  de  la 
comédie  ,  et  la  fit  reléguer  au  garde- 
meuble  ,  d'où  elle  ne  sortit  que  pour 
passer  dans  le  vestibule»,  qui  est  la 
place  des  laquais.  Les  admirateurs  de 
Voltaire  firent  grand  bruit  de  celte 
petite  afTaire;  et  Préville  fut  long- 
temps en  butte  à  leur  ressentiment. 
On  peut  croire  ,  pourtant ,  que  l'in- 
tention de  Préville  n'était  nullement 
d'insuller  à  la  mémoire  d'un,  poète 
illustre.  Uniquement  voué  au  culte 
de  Thalle  ,  qu'il  plaçait,  par  cette 
raison ,  fort  au-dessus  de  celui  de 
Melpomcne  ,    il    tenait  à  honneur 


58 


PHE 


d'empêcher  qu'un  autour  tragique 
lui  rcprcsonte  on  piod  dans  un  lieu  où 
lepi-Tcde  la  cuîncdiencligiirait  qu'eu 
buste.  Son  motif,  du  moins,  était 
cxcnsablo.  Provillc,  au  surplus  ,  ctail 
bon,  sensible,  et  surtout  };cucrcux.  : 
sa  libéralité  allait  même  trop  loin  , 
puisqu'ello  l'a  toujours  cmpcché  de 
mettre  de  l'ordre  dans  ses  allaires. 
Sans  être  précisément  lettré  ,  et  sans 
allicher  le  bol-esprit ,  il  se  faisait 
rechercLcr  îles  «i^ens  de  lettres  par 
l'agrément  de  sa  conversation  ;  et 
«piebjues  autours  lui  ont  été  redeva- 
bles des  conseils  los  plus  salutaires. 
On  lui  attribue  généralement  ce  mot 
cpif^rammatiquc  sur  Dazincourt  : 
C'est  un  bon  comique  ,  plaisanterie 
à  part.  Quoitpic  jovial  et  bon  con- 
vive, il  ne  s'est  jamais  abaissé  au 
métier  de  boulTondc  société.  Ayant 
été  invité  à  suupor  chez  un  riche  (i- 
naucier ,  qui  paraissait  compter  sur 
lui  pour  rarausemcut  d'tuie  compa- 
pnie  Doiubreusc ,  il  joua  à  ce  uiodcrue 
Turcarct  le  tour  de  souper  sans  dire 
mot ,  et  de  s'en  aller  au  dessert. 
Cet  acteur  était  membre  de  l'Ins- 
titut :  long-temps  avant  la  révo- 
lution ,  il  avait  été  mis  par  le  roi  à 
la  tète  d'une  école  de  déclamation  ; 
et  il  fat  nommé  professeur  a  la  for- 
mation du  Conservatoire.  La  Vieil- 
lesse (le  F  réville  ,  comédie,  repré- 
sentée sans  succès ,  au  théâtre  de  rO- 
déon  ,  le  3  janvier  1818,  avait  pour 
sujet  une  anecdote  des  plus  dou- 
teuses ,  mais  à  coup  sûr  très-peu  co- 
mique,  puisr|u'cllc  rappelait  l'hor- 
rible temps  delà  terreur.  Celte  pièce 
est  de  l'auteur  de  la  Petite  Fille.  On 
représente  ,  depuis  quelques  années  , 
au  théâtre  des  Vai  iétés  ,  sous  le  titre 
de  Prëville  et  Taconnet ,  une  petite 
comédie  eu  vaudevilles,  qui  ne  man- 
que ni  d'esprit  ,  ni  de  gaîté.  Une 
lillc  de  Prévillc  avait  épousé  l'infor- 


PRl-: 

tunéde Chamois  (rédacteur du  Jour- 
nal dos  Théâtres,  et  ensuite  du  Mo- 
deralcur),  qui  fut,  eu  171)'-»,  nue 
des  victimes  do  septembre.  (  f^oj\ 
CuAUNois.  )  —  M"" .  Préville  (  Ma- 
delèue-Angélit|uc-]Michelle  Drouin  ), 
femme  de  notre  grand  acteur, était 
elle-même  attachée  au  Théâtre- 
Français  ,  où  elle  remplissait ,  avec 
beaucoup  de  succès  ,  les  premiers 
rôles  de  la  comédie  ,  et  ceux  de 
l'emploi  des  mères  nobles.  Elle  s'y 
distinguait  surtout  par  l'esprit  ,  la 
grâce  et  la  noblesse  de  son  jeu.  (^el- 
le actrice  se  retira,  on  même  temps 
que  son  mari ,  en  1786,  et  mourut 
deux  ans  avant  lui.  11  est  à  remar- 
quer ,  en  outre  ,  que  deux  frères  et 
un  neveu  de  Préville  ont  suivi  assez 
heureusement  la  cari  1ère  du  théâtre: 
l'un,  //y acinthe  J)ul>Ui, i>rcm\L'i  ilau 
seiir  a  l'opéra  ;  l'autre  ,  Duhns  tic 
Champville  ou  Soli  ,  chargé  des  rô- 
les d'amoureux  au  Théâtre-Italien. 
Le  fils  de  ce  dernier  (  Champville  } 
ajoué  près  de  vingt  ans,  a  la  Coméilie 
1-  rançaisc  ,  los  troisièmes  comiques  ; 
Cl  il  est  mort  en  j8o.i.  11  s'était  fait 
une  sorte  de  réputation  dans  le  rôle 
de  Pourceaugiiac.  Ou  a  j>ul)lié  ,  en 
1 8 1 3 ,  des  Mémoires  tic  Prévillc  ,  1 
vol.  in  8".,  orné  d'un  portrait,  et,  en 
en  1823  ,  mic  nouvelle  édition  de  ce 
même  livre  ,  arrangée  dans  un  moil 
leur  ordre  par  M.  Oiirry.  Ces  IMé- 
moires  ne  sont  pas  l'ouvrage  de  Pré- 
ville ;  ils  ont  été  rédigés  ,  d'après 
quelques  notes  de  cet  acteur,  par 
M.  Cahaissc  ,  que  ces  seules  ini- 
tiales K.  S.  désignent  au  public. 
F.  P— r. 
PREVOST  (  René  )  ,  né  à  Uoul- 
Icns  ,  en  it)(J4,  embrassa  l'état  ec 
elésiaslique  ;  il  prit,  en  mars  1705  , 
possession  de  la  cure  de  Saint-Mau- 
rice, près  Amiens,  et  mourut  le  •i\ 
décembre  1 73G.  On  ade  lui ,  U  s  Fa 


PRE 

Ules  de  Phèdre  traduites  en  frun- 
cois ,  avec  le  latin  à  côté ,  «wg- 
mentées    de  huit  fables  ,    expli- 
quées d'u7ie   manière   très-facile, 
avec  des  rem  arques  ,  1702,  in- 1 2  ; 
1728,  iii-12;   1776,  iu-i'2.  Le  P. 
Daire  (dans  son  Ilist.  de  Doullens  ) 
dit  que  Prévost  a  laisse  un  Phèdre  et 
uu  Térence  charges  de  Notes  nom- 
breuses. — Claude  Prévost,  chanoi- 
ne régulier  et  bibliothécaii'ede  Sain- 
te-Geneviève, à  Paris  ,  né  à  Auxer- 
re  le  'l'i  janvier  1O93,   fit  profes- 
sion ,  le  23  novembre  1710;  puis  , 
après  avoir  enseigné  la  philosophie 
et  la  théologie ,   fut  chargé  du  soin 
de  la  bibliothèque.  Il  remplissait  ces 
dernières  fonctions  lorsqu'il  mourut, 
le  i5  octobre  i75'2.  Il  n'a  rien  pu- 
blié^ et  l'on  présume  que  ce  qui  re- 
tint sa  plume  ,  fut  l'exemple  des  dis- 
grâces ({u'eut  à  essuyer  le  P.  Le  Cou- 
rayer.  11  avait  cependant  fait  d'abon- 
dantes collections  :  1".  une  Biblio- 
thèque des  chanoines  réguliers  ;  1°. 
un  Recueil  des  Fies  des  saints  cha- 
noines ,  tant  séculiers    que  rég,u- 
liers,  par  ordre  chronologique;  3**. 
Histoire  de  toutes  les  maisons  de 
chanoines  réguliers.  11  avait  même 
à-peu-près  fini  une  Histoire  de  V ab- 
baye de  Sainte-Geneviève  ;  et  pres- 
que tout  ce  qui  se  trouve  sur  celte 
maison  dans  le  tome  vu  du  nouveau 
Gallia  christiana,  eu  a  été  tiré.  Il 
avait  fourni  des  matériaux  à  l'abbé 
Lebeuf,  pour  le  Catalogue  des  écri- 
vains Auxerrois,  qui  fait  partie  de 
l'Histoire   d'Auxerre.   La  France 
littéraire  de  1769  ,  tome  ir  ,  page 
95  ,   lui  attribue  la   traduction  de 
Phèdre ,  qui  est  de  René  Prévost. 
A.  B— T. 
PREVOST  (  Isaac-Blnedict  ) , 
physicien   et  naturaliste  ,  naquit  à 
Genève,  le  7  août  1755  ,  de  parents 
peu  favorisés  de  la  fortune.  Sa  prc- 


PRE 


59 


mière  éducation  fut  Irès-irrégulièrc: 
il  ne  prit  pas  goût  aux  études  du 
coilégc;  on  le  plaça  dans  une  pen- 
sion d'iuie  petite  ville  voisine  ,  où  il 
ne  pouvait  recevoir  qu'une  instruc- 
tion très-bornée.  Il  entreprit  succes- 
sivement deux  apprentissages  ;  l'un 
de  gravure,  à  peine  commencé;  l'au- 
tre de  commerce,  qui  lui  ollraitdes 
espérances  llattcuses,  mais  auquel  il 
renonça  pour  cultiver  les  sciences 
avec  autant  de  succès  que  d'ardeur. 
Après   quelques  vains  essais  de  sa 
vocation  littéraire ,  il  trouva ,  enfin , 
une  place  assortie  à  ses  goûts  ,  et  où 
ses  dispositions  naturelles  purent  re- 
cevoir   le   développement    dont    il 
éprouvait  le  besoin.  M.  Delmas  de 
Montauban ,  respectable  chef  de  fa- 
mille, lui  fit  proposer  de  se  chaiger 
de  l'éducation  de  ses  fils.  Bén.  Pré- 
vost accepta,  et  se  rendit^  en  octobre 
1777,  dans  cette  ville,  qui  devint 
pour  lui  une  seconde  patrie.  Il  avait, 
à  cette  époque  ,  peu  de  science  ac- 
quise; mais  il  était  facile  de  reconnaî- 
tre son  aptitude  à  en  acquérir ,  et  en 
particulier  son  talent  et  son  goût  poul- 
ies mathématiques.  En  peu  d'années 
il  y  fit  de  grands  progrès.  En  même 
temps  qu'il  satisfaisait  ses  goûts  stu- 
dieux ,  il  ne  négligeait  pas  des  de- 
voirs d'une  autre  nature.  De  ses  éco- 
nomies ,  il  acquittait  quelques  dettes, 
et  faisait  à  sa  sœur  et  à  ses  parents 
des  dons  pris  sur  ses  propres  jouis- 
sances. Il  en  usa  de  même  dans  la 
suite  ,  et  remplit  toujours ,  avec  au- 
tant de  zèle  que  de  délicatesse  ,  les  de- 
voirs  de  frère  et  de  fils.  Dans  son 
ardeur  pour  l'étude  ,  il  ne  voulut 
point  écouter  quelques  propositions 
qui  lui  furent  faites  pour  améliorer 
sa  situation,  se  bornant  adonner  des 
leçons  dans  des   pensionnats   par- 
ticuliers. Vers  la  fin  de  sa  carrière 
studieuse  ,  il  s'attacha   principale- 


6o 


PKE 


ment  à  la  pliysiquc  et  à  Thisloire 
naturelle.  ^Lil^re  rincgularitc  de 
ses  prcraicres  ctuclcs ,  et  le  défaut 
de  secours  pour  y  suppléer,  il  sut  se 
frayer  seul  la  route  qu'il  avait  résolu 
de  suivre,  et  devint  bientôt  un  excel- 
lent observateur.  11  vécut  près  de 
riiabile  astronome  Duc  La  Cliapelle , 
tt  se  lia  d'amitié'  avec  lui.  Compté 
parmi  les  fondateurs  de  racadcmie 
des  sciences  de  Montauban  ,  et  allilic 
à  plusieurs  autres  sociétés  savantes 
(i),  il  correspondit  avec  quelques- 
uns  de  leurs  membres  les  plus  dis- 
tingués ,  en  particulier  avec  ses  com- 
patriotes Le  Saçi^c,  Scnebier,  Gosse  , 
Jurine,  Hubir,  Mauuoir.  Mais  sa  plus 
ancienne  et  plus  constante  liaison 
fut  celle  qui  l'unit  jusqu'à  la  mort  à 
son  parent  Pierre  Prévost,  qui  lui 
avait  voue  toute  son  estime,  et  qu'il 
envisageait  comme  un  frère.En  1810, 
il  fut  appelé  à  la  chaire  de  philoso- 
phie dans  la  faculté  de  théologie  pro- 
testante de  Montauban,  et  rcniptit 
avec  zèle  les  devoirs  que  lui  impo- 
sait cette  place.  Ses  disciples  le  trou- 
vèrent toujours  prêt  à  seconder  leurs 
cflbrls,et  lui  étaient  attachés  comme 
à  un  père  et  à  uu  ami.  Il  vécut  dans 
Je  célibat ,  de  son  modique  revenu  , 
sans  autre  ambition  que  de  se  rendre 
utile  et  de  contribuer  à  l'avancement 
de  la  science  par  ses  travaux  assidus. 
Bénédict  Prévost  mourut  à  Montau- 
ban, le  18  juin  i8if),  àla  suite  d'une 
courte  maladie,  dans  le  sein  de  sa 
famille  adoplive,  qui  était  celle  de 
ses  premiers  et  plus  chers  élèves.  On 
n'a  de  lui  qu'un  ouvrage  publié  sépa- 
rément, et  qui  a  fort  peu  d'étendue  , 
mais  qui  seul  aurait  suffi  pour  lui 

(l)  R^iKilict  Trcv.  »l  €  l.iit  mriul  rc  de  la  sorirld 
dt  i>liTni{ne  «t  d'hi.stoiir  nalunllr  de  r.ciiivo,  cor- 
rr»ix>ml«iit  de  la  tocù  te  calvaoirpie  ri  <l\l.  rtricilt 
dr  t'irn  ;  dw  vrit  t.  »  ait  dicalt-<  tt  dt  mrdrciiir  j>ra- 
li<p.-  rie  Mr'DtjicUiiri  de  celles  du  snialeurj  des 
Kicnccs  tic  LiOc,  et  d'^ciulatioo  de  Lotuatme. 


PRE 

assurer  l'estime  des  naturalistes  et  la 
reconnaissance  des  cultivateurs.  Il 
est  intitule  :  Mémoire  sur  la  cause 
immédiate  de  la  carie  ou  du  char- 
bon des  bleds  ,  et  de  plusieurs  au- 
tres maladies  des  plantes  ,  Paris  , 
1807.  Il  y  prouve,  par  de  nombreu- 
ses expériences  ,  variées  avec  beau- 
coup de  sagacité  ,  que  le  sulfate  do 
cuivre  est  le  meilleur  préservatif  do 
ce  fléau  des  moissons.  Le  nonibro 
des  Mémoires  queB.  Prévost  a  insérés 
dans  divers  recueils  scientifiques  est 
considérable  ;  voici  les  titres  des 
principaux  :  — Sur  divers  moj  ens  de 
rendre  visibles  à  la  vue  les  émana- 
tions odorantes  (  Annal,  de  chimie  , 
1797.  ) —  Observations  sur  un  in- 
secte aquatique  (  ibid.  )  —  Mémoire 
sur  la  rosée  (  ibid. ,  1 802.  )  —  Sur  le 
ralentissement  des  corj>s  légers  dans 
l'air  (  ibid.  ,  1819.  )  —  Remarques 
sur  l'arais,née  des  jardins  (  iJibl. 
britann.,  1801.) — Surle  modcd'é- 
mission  de  la  lumière  (\\nA.,  i8i.'ï.) 
Parmi  ses  manuscrits,  dont  le  cata- 
logue se  trouve  dans  la  Notice  de  sa 
vie  et  de  ses  écrits  (2),  on  ilistinguc 
ses  divci^  journaux  d'observations, 
et  son  Cours  de  philosophie  ration- 
nelle ,  malheureusement  incomplet. 
En  général,  les  écrits  de  ce  savant  por- 
tent une  enipreinle  d'originalité  ,  ()ui 
leur  donne  du  jirix  ,  et  qu'il  faut  at- 
tribuer ,  sans  doute ,  à  la  manière 
dont  il  avait  acquis  les  connaissances 
qu'il  possédait.  Il  avait  été  scui  pro- 
pre maître  presque  dans  tous  les 
genres.  P.   P.  p. 

PRÉVOST  (  PiEBRE  ),  peintre  de 
panoramas,  naquit  à  Montigni,  ])rè.s 
de  Châteaudun,  en  1704.  Ses  pa- 
rents étaient  des  cidtivateurs  jouis- 
sant d'une  sorte  d'aisance,  mais  non 


(1)  \oliee  lU  la  vie  et  lîet  éerilt  A'ïtanr-Béni- 
tUct  rrevoilfà  GcDvvc,  tlicx PMcboud ,  i83u. 


PRE 

assez  riclics  pour  lui  donner  l'cdu- 
cation  qu'aurait  exigée  le  goût  qu'il 
manifestait  pour  les  arts.  Cependant 
sou  inclination  était  tellement  pro- 
nonce'e ,  que  son  père  se  de'termina  à 
faire  un  sacrifice,  et  à  l'envoyer  à 
Paris.  Lorsque  Prévost  arriva  dans 
la  capitale,  il  avait  déjà  passe  la  pre- 
mière jeunesse;  mais  il  eut  le  bon- 
heur de  trouver  dans  Valcnciennes 
un  maître  qui  se  ]>Iut  à  cultiver  ses 
rares  dispositions.  Cet  habile  pro- 
fesseur ne  cessait  de  lui  recomman- 
der l'étude  de  la  nature  ,  et  celle  du 
Poussin  et  de  Claude  Lorrain.  L'e'- 
lèvc  faisait  son  profit  de  ces  sages 
leçons ,  et  se  perfectionnait  chaque 
jour  dans  sou  art.  Mais ,  dcnuc  de 
fortune,  et  désirant  venir  au  se- 
cours de  sa  famille,  il  s'imposa,  pen- 
dant plusieurs  anne'es,  toutes  sortes 
de  privations.  Sa  persévérance  fut 
enfin  récompensée;  et  les  ouvrages 
qu'il  exposa  au  salon  du  Louvre 
commencèrent  à  le  faire  connaître 
avantageusement.  Il  sembla  destiné  , 
sous  le  rapport  de  l'exécution  ,  à 
maintenir  en  France  le  genre  du 
paysage  à  la  hauteur  où  le  Poussin 
l'avait  élevé.  Il  paraissait  annoncer  la 
même  sagesse  dans  la  composition  , 
le  même  grandiose  dans  les  lignes,  la 
même  noblesse  dans  le  style.  Cepen- 
dant ,  malgré  un  talent  incontesta- 
ble ,  il  n'eût  peut-être  obtenu  que  le 
second  rangparmi  les  peintres depay- 
sage,si  une  découverte  nouvelle  uc 
fût  venue  lui  faire  embrasser  un  genre 
de  peinture  dans  lequel  il  est  demeu- 
ré sans  rival.  Il  s'agit  de  l'invention 
des  panoramas.  Ce  n'est  point  ici  le 
lieu  de  discuter  si  cette  découverte  a 
été  importée  en  France  par  l'Améri- 
cain Fulton ,  ou  si ,  comme  on  le  pré- 
tend, Prévost  est  en  droit  de  la  récla- 
mer pour  son  propre  compte.  Dans 
les  beaux-arts ,  les  véritables  créa- 


PRE 


6i 


tours  sont  ceux  qui  les  portent  à  leur 
plus  haute  perfection;  cl,  sous  ce 
point  de  vue,  personne  ne  peut  éle- 
ver de  plus  justes  prétentions  que 
Prévost  à  une  découverte  qui  l'a  il- 
lustré. Paris  fut  d'abord  le  pre- 
mier tableau  qui  le  fit  connaître.  De- 
puis cette  époque,  il  en  a  exécuté 
dix  -  sept  autres,  où  l'on  a  vu  sou 
talent  se  perfectionner  graduelle- 
ment, ci  arriver  enfin  k  celte  matu- 
rité au-delà  de  laquelle  il  est  diilicile 
d'ima;;incr  quelque  chose  de  supé- 
rieur. Parmi  ces  panoramas  succes- 
sifs ,  les  plus  remarquables  sont  ceux 
de  Rome ,  de  Naples  ,  à' Amster- 
dam, de  Boulogne  ^  de  Tilsitt ,  de 
/Fagram,  à^ Anvers ^  de  Londres, 
de  Jérusalem  et  d'Athènes ( i  ).  Tou- 
jours fidèle  imitateur  de  la  nature  , 
c'est  sur  les  lieux  mêmes  qu'il  allait 
copier  les  tableaux,  qu'il  rendait  en- 
suite avec  une  si  rare  perfection  ;  et 
il  devait  être  doué,  à  un  bien  haut 
degré,  de  la  mémoire  des  yeux,  puis- 
qu'il se  contentait  de  prendre  sur  les 
lieux  de  simples  croquis, d'une  gran- 
de exactitude  linéaire  il  est  vrai,  et 
que  tous  les  détails  existaient  seule- 
ment dans  sa  mémoire:  souvent  mê- 
me il  les  exécutait  long-temps  après 
les  avoir  dessinés.  C'est  dans  l'inten- 
tion de  reproduire  la  vue  des  lieux 
les  plus  célèbres  de  la  Grèce  et  de 
l'Asie,  qu'il  s'embarqua  ,  en  1817  , 
avec  M.  de  Forbin;  et  nous  devons  à 

(i)  A  ne  ;iai'leique  du  panorama  de  Rome  ,  c'est, 
comme  dans  celui  de  Paris,  plus  encore  le  paysage 
et  le  fonds  qui  produisent  une  véritable  illusion, 
<jue  les  fabriques  ,  surtout  celles  des  devants.  Le  lieu 
d'où  est  pris  le  point  de  vue  ,  soit  à  Paris  le  Louvre, 
soità  Rome  le  Capitole  ,  itant  au  centre  du  tableau 
circulaire  et  sous  l'œil  du  spectateur,  la  coin-  du 
Louvre  et  le  Campo  Vaccino  paraissent  jjetits  et 
resserrés.  Ce  sout  seulement  lesdeuxiiiine  et  troisiè- 
me plans  qui  se  développent  à  mesure  qu'ils  s'éloi- 
gnent, par  l'elFet  de  la  digradation  :  de  sorte  que 
les  objets  les  moins  distincts  sont  uniquement  ceux 
qui  semblent  les  plus  étendus.  Il  eo  résulte  que  dto 
grandes  enceintes  ou  de  grandes  masses  sont  vues  seu- 
lement sou.s  un  petit  angle,  et  manqurnt  leur  eflet  , 
dans  les  picniiiTS  plans  des  Panoramas.     G — CE. 


6a 


PRE 


ce  voyage  lcsdcu\  l)oaiix  pauorainas 
de  Jérusalem  cl  d'.Ithèncs.  Prévost 
s'occupait  de  I.i  peinture  de  relui  de 
Constanùnople ,  lorsqu'une  fluxion 
de  poitrine  ,  qu'il  avait   contrarte'e 
en  peignant  le  panorama  d'Alliènes, 
l'enleva  ,  le  9  janvier  i8j»3  ,  à  l'âge 
de  cinquante- neuf  ans.   Depr.is  son 
voyage,  sa   santé   n'avait  fait  que 
s'alie'rer.  Il  avait  eramene  avec  lui 
son   neveu  ,   le   jeune   Cocliereau  , 
tout  -  à  -  la  -  fois  son  élève   et  son 
ami,  cl  dont  les  premiers  essais  nro- 
raetlaient  un  peintre  d'un  grand  ta- 
lent. 11  eut  le  malheur  de  le  perdre 
dans  la  traversée.  Le  chagrin  qu'il 
en  ressentit,  le  frappa  dans  son  exis- 
tence. L'entreprise  des  Panoramas , 
dans  laquelle  il  était  doublement  in- 
téressé, et  comme  artiste  et  comme 
capitaliste,  lui  avait  fait  contracter 
des  dettes  considérables  ,  qu'il  était 
parvenu  à  éteindre.  Sou  projet  était 
de   consacrer  désormais  les  fruits 
de  son  pinceau  au  soulagement  des 
indigents.  La  mort  ne  lui  permit  pas 
de  réaliser   ses  vues  bienfaisantes. 
PciJ  de  peintres  ont  su  ,  avec  autant 
de  talent  que  lui,  reudreles  dilTérents 
aspects  de  la  campagne,  et  rcpro- 
dniresur  la  toile, avec  une  vérité  aussi 
frappante,  la  nature  dans  tous  ses 
détails  et  sous  toutes  ses  formes.  Ja- 
mais l'illusion    n'avait  été  poussée 
plus  loin.  Sa  manière  varie  suivant 
les  objets  ou  les  sites  qu'il  représen- 
te. Ainsi ,  le  ciel  de  Tdsitt  n'est  pas 
celui   de  Jérusalem  ou  d'.'\tlièncs  ; 
l'asjwct  nébuleux  de  Londres  forme- 
un  contraste  avec  celui  de  Naples.  Il 
n'est  pas  jusqu'à  la  plaine  de  Wa- 
gram,  où  la  furréc  de  l'artillerie,  cel- 
le de  l'incendie  de  plusieurs  villa£;cs 
qui  brillent,  se  distinguent  parfai- 
tement des  nuages  qui  parcourent  le 
ciel,  et  des  vajieurs  qui  indiquent  le 
cours  lointain  du  Danube.  Jamais 


PRE 

l'exactitude  n'est  sacrifice  à  l'cfTet , 
et  c'est  par  la  seule  vérité  qu'il  cher- 
che à  être  piquant.  Un  de  ses  talents 
fut  de  choisir,  pour  l'aider  dans  ses 
travaux,  que  leur  étendue  ne  lui  per- 
mettait pas  d'exécuter  seul  ,  des  ar- 
tistes dont  le  mérite  était  en  harmo- 
nie avec  le  sien.  Il  suilit  de  nommer 
IMM.  Bouton  et  Daguerre.  Comme 
peintie  de  paysages,  ses  tableaux  à 
l'hiiile  prouvent  que  le  travail  de  ses 
Panoramas  n'avait  point  appesanti 
sa  main;  ils  sont  peints  avec  une 
grande  légèreté,  cl  remarquables  par 
le  charme  et  la  vérité  du  coloris  : 
c'est  siu'tout  dans  la  gouache,  qu'il  a 
porté  l'exécution  au  dernier  degré 
de  perfection.  P — s, 

PREVOST  DE  LAJANNÈS  (  Mi- 
chkl),   magistrat  et  jurisconsulte, 
issu  d'une  famille  ancienne  ori'^inairc 
jlc  Bretagne ,  naquit  à  Orléans  ,   en 
iOf)0.  De  bonnes  études,  au  collège 
des  Jésuites  de  .sa  ville  natale,  le  ii- 
rent  assez  remarquer  pour  (|ue  ses 
maîtres  désirassent  se  l'attacher  coin 
me  collègue.  Entré  dans  le  noviciat 
de  cette  cttngrégation  ,   la  faiblesse 
de  son  tempérament  ne  lui  permit 
pas  d'en  supporter  long -temps  les 
travaux  et  les  austérités  ;  mais  dès- 
lors  il  forma    des   liaisons  et   des 
relations  littéraires   avec  des  reli- 
gieux dont  il  appréciait  le  mérite, 
sans  adopter  toutes  leurs  opinions. 
Pourvu,  en  179.0,  d'une  charge  de 
conseiller  au  prcsidial  et  an  ehàtelet 
d'Orléans ,  il  s'assit  sur  les  lianes  que 
son  père  honorait  encore.  Entraîne 
par  goût  et  par  devoir  vers  l'étude 
de  la  jurisprudence,  Prévost  de  La 
Jannès  désira  réunir  à  l'application 
dc.>  lois  comme  magistrat,  leur  en- 
scigncmenl    comme    professeur.    Il 
obtint,  en  1731  ,  la  chaire  de  droit 
français  en  l'université  d'Orléans,  oii 
déjà,  depuis    \j>.^ ,  il  possédait  une 


PRE 

pince  de  docteur  aî^J'cge.  Il  se  livra 
dès-lors ,  avec  plus  d'ardeur  encore  , 
à  l'étude  du  droit ,  que  cependant  ii 
sut  allier  avec  celle  des  lettres  et  des 
sciences.  Nourri  de  la  doctrine  de  Bo- 
rnât ,  il  avait  pris  pour  base  de  ses 
travaux ,  ce  principe  si  fécond  en 
grandes  conse'quences  :  que  la  juris- 
prudence ne  peut  être  bien  conçue  , 
ni  utilement  enseignée  ,  qu'autant 
qu'on  la  rattache  aux  préceptes  du 
droit  divin  et  aux  règles  de  l'equite' 
naturelle,  unique  fondement  de  toute 
saine  législation.  Considcrëe  sous  ce 
point  de  vue ,  clic  lui  paraissait  aussi 
susceptible  de  démonstration  que  les 
mathématiques  et  les  autres  sciences 
exactes,  puisque  les  idées  du  juste  et 
de  l'injuste  ne  sont  pas  moins  im- 
muables que  celles  des  figures  et 
de  l'étendue.  Cette  pensée  une  fois 
])ien  saisie  ,  ses  leçons  de  droit  se 
trouvaient  tracées  d'après  x\n  plan 
absolument  neuf ,  que,  quelques  an- 
nées plus  tard  ,  devait  perfectionner 
Pothier,  son  collègue  et  son  ami, 
qui  lui  succéda  pour  le  surpasser.  Le 
besoin  d'une  nouvelle  classification 
des  lois  du  Digeste  s'était  aussi  offert 
de  bonne  heureà  l'esprit  observateur 
de  PrpVost  de  la  Januès,  qui  l'avait 
cxccute'c  en  grande  partie.  C'est  par- 
ce qu'il  avait  apre'cie'  toutes  les  dif- 
ficulte's  d'une  semblable  entreprise  ; 
c'est  parce  qu'aussi  modeste  que  zèle, 
il  avait  reconnu  dans  un  autre  toute 
l'cteudue  de  talent  et  de  pcrséve'- 
rance  indispensables  pour  la  condui- 
re à  une  issue  heureuse,  qu'il  con- 
damna ses  essais  à  l'oubli ,  dès  qu'il 
eut  décide  Pothier  à  se  charger  de 
cette  noble  tache.  Honore'  de  l'estime 
et  de  la  correspondance  du  chance- 
lier d'Aguesseau,  Prévost  s'empressa 
de  mettre  le  Papinien  français  en  re- 
lation avec  ce  ministre,  dont  les  ju- 
dicieuses observations  et  la  haute 


PKE 


63 


protection  furent  si  utiles  à  la  res- 
tauration des  Pandcctes.  Pre'vost  ne 
cessa  ,  tant  qu'il  vécut ,  d'aider  Po- 
thier de  ses  conseils ,  de  ses  recher- 
ches ,  de  ses  encouragements  j  et  son 
nom  restera  inscrit  avec  honneur  sur 
la  liste  des  savants  qui  ont  eu  quelque 
part  à  la  plus  sid)lime  conception 
qui  ait  existé  en  jurisprudence  (  F. 
Pothier  ).  Prévost  de  la  Jaunes  était 
persuade  qu'il  pouvait  rester  fidèle 
au  culte  voué  à  Thémis,  sans  aban- 
doiuier  la  culture  des  belles-lettres, 
de  la  philosophie  et  des  mathéma- 
tiques ,  et  que  même  des  études  de  ce 
genre  devaient  tourner  au  profit  de 
la  science  des  lois.  Il  agit  toujours 
d'après  cette  conviction.  De  là  ,  sans 
doute,  cet  esprit  d'ordre  et  d'ana- 
lyse, cette  pureté  de  style  et  cette 
grâce  de  diction  ,  qui  caractérisent 
toutes  ses  compositions ,  même  celles 
de  droit.  Il  conserva  toute  sa  vie 
d'intéressantes  relations  avec  les  sa- 
vants et  les  littérateurs  distingués  de 
son  temps,  et  fut  Tun  des  membres 
les  plus  assidus  et  les  plus  laborieux 
de  ia  Société  littéraire  de  sa  ville  na- 
tale. Prévost  de  la  Jaunes  ,  comme 
tous  les  magistrats  de  la  même  épo- 
que, se  montra  aussi  bon  chrétien 
que  juge  intègre  et  professeur  éclairé. 
11  vécut  célibataire,  et  mourut  à  Or- 
léans, le  20  octobre  1749,  laissant, 
sur  des  matières  de  droit  et  sur  divers 
sujets  de  littérature  ,  des  manuscrits 
auxquels  une  mort  prématurée  l'a 
empêché  de  donner  la  dernière;  main. 
Ses  ouvrages  imprimés  sont:  I.  Cou- 
tumes d' Orléans ,  avec  les  notes  de 
Fournier  et  de  Dumoulin ,  et  des 
Observations  nouvelles ,  en  commun 
avec  Pothier  et  Jousse  ,  Orléans  , 
1740,  2  vol.  in-i  2.  Le  Discours  his- 
torique sur  les  coutumes  en  général 
et  sur  celles  d'Orléans  en  particulier  ; 
l'éloge  de  Delalande,  réimprimé  aussi 


fi4  PRE 

dans  les  Mémoires  du  P.  Niceron  , 
tome  xLiii  ;  le  Traite  des  profits  et 
droits  scigiiein  iaux  ;  et  les  Notes  sur 
les  titres  des  tutiUes  ,  des  servitudes 
des  prescriptions  ,  des  donations  et 
des  testaments,  appartiennent  à  Pré- 
vost do  la  Jannès  seul.  II.  Les  Prin- 
cipes de  la  jurisprudence  française , 
exposés  sui^'ant  l'ordre  des  dii-erses 
espèces  d'actions  qui  se  poursuivent 
en  justice ,  Paris,  1750,  1  vol.  in- 
1 2  ;  le  même  ouvrage ,  Paris ,  1771, 
•X  vol.  in-1'2.  Cette  nouvelle  édition  , 
donnée  par  Boucher  d'Argis,cuntieiit, 
de  plus  que  la  première ,  trois  Dis- 
cours de  Prévost  sur  des  sujets  de  ju- 
risprudence, et  une  table  des  matières. 
III.  Parmi  ses  manuscrits,  on  dis- 
tinguait :  une  Histoire  de  la  vie  et 
des  ouvrages  de  Jean  Domat ,  qu'en 
ï^^l,  Prévost  était  dans  l'intenlion 
dé  publier;  mais  l'imnression  éprou- 
va divers  obstacles,  dont  le  princi- 
pal était  l'opposilion  du  censeur 
royal  Ilardion,  qui ,  taxant ,  on  ne 
sait  trop  sur  (piel  fondctnciit,  l'ou- 
vrage, de  jansénisFue  ,  exigeait  de 
nombreuses  corrections, qui  l'eussent 
dcliguré,  et,  par-dessus  tout,  le  re- 
tranchement absolu  de  tout  ce  qui  , 
dans  cet  écrit,  avait  trait  à  Pascal , 
t  »  compatriote  et  intime  ami  (le  Domat. 
Cet  Eloç;e,  réuni  à  deux  ouvrages  iné- 
dits do  Prévost ,  faisait  parlic  de  la 
bibliothèque  publique  de  la  ville 
d'Orléans.  Ce  recueil ,  indiqué  au 
Catalogue  de  1777,  par  D.  Fabre,a 
disparu,  ainsi  que  plusieurs  autres, 
lors  du  désordre  momentané  qui 
exista  dans  cet  établissement ,  à  l'é- 
poque des  troubles  révolutionnaires. 
Le  rédacteur  de  cette  Notice  possède 
quelques  manuscrits  d'ouvrages  iné- 
dits de  Prévost  de  La  Janncs  ,  dont 
les  plus  remarquables  sont  :  IV.  Mé- 
moire à  monseigneur  le  chancelier 
(  d'Agricsscau  ),  sur  le  projet  d'un 


PRE 

nouveau  Traité  du  droit  français , 
1 7  3 1  ; — Exposition  abrégée  du  sjrs- 
teme  général  du  droit  français^  ou 
Plan  des  lois  civiles  de  France  y 
mises  dans  leur  ordre  naturel  ;  — 
Plan  du  Traité  des  principes  du 
droit  français,  rapportés  au  droit 
naturel  et  aux  lois  romaines.  V. 
Dissertation  sur  les  principes  de  la 
distinction  des  deux  puissances,  spi- 
rituelle et  temporelle ,  et  sur  le  vé- 
ritable fondement  île  l'appel  com- 
me d'abus.  Cotte  Disseitation  est 
suivie  d'un  excellent  Kxtiait  dos 
meilleurs  auteurs  qui  ont  cent  sur 
le  droit  des  souverains,  touchant 
l'administration  de  l'Eglise.  W.  Dis- 
cours sur  la  nécessité  de  fixer  la  ju- 
risprudence par  des  lois  <pii  éten- 
dent ou  resserrent  les  dispositions 
du  droit  naturel,  suivant  l'utilité 
des  citoyens.  VII.  Discours  sur  les 
devoirs  qui  concernent  l'usnç^e  de 
la  parole,  où  l'on  examine  par- 
ticulièrement la  question  de  savoir 
s'il  est  permis  ,  dans  quelque  cas  , 
de  parler  contre  sa  pensée.  VI II. 
Plusieurs  Discours  en  latin  et  en 
français,  prononcés ,  en  diverses  oc- 
casions solennelles  ,  à  l'univorsilé 
d'Orléans,  de  i-j'X^  à  17/19.  D.  L.  P. 
PRÉVOST -D'EXILES  (  Antoi- 
ne-François ) ,  l'un  des  plus  féconds 
écrivains  du  dix-huiliènio  siècle,  vil 
le  jour  à  Hosdin,  place-forte  de  l'Ar- 
tois, en  1G97.  Son  père  ,  procureur 
du  roi  au  bailliage  ,  avait  ciiK]  fils  , 
et  savait  concilier  les  devoirs  de  sa 
charge  avec  les  soins  qu'il  donnait 
lui-même  à  leur  éducation  :  Prévost, 
le  second  de  ses  enfants  .  fut  ,  au  sor- 
tir de  ses  mains  ,  confie  aux  .lé- 
suites  qui  dirigeaient  le  petit  collè- 
ge d'Hesdin.  On  sait  combien  ces 
f)ères  s'empressaient  d'attirer  dans 
eur  société  les  sujets  dont  la  capa- 
cité leur  ctait  connue,  cta>'cc  quelle 


PRE 

iuteîligence  ils  se  prévalaient  de  leur 
asccudaiit  sur  l'esprit  de  ceux  qu'ils 
avaient  distingue's  parmi  leurs  élè- 
ves, Prévost,  séduit  par  les  discours 
de  SCS  maîtres ,  commença  presqu'en 
même  temps  son  adolescence  et  son 
noviciat.  Mais  refiervescence  de  son 
âge  et  de  sou  imagination  ne  tarda 
guère  à  changer  d'objet  :  on  le  vit 
avec  e'tonnement  passer,  à  seize  ans, 
dans  les  rangs  de  l'armée  comme  vo- 
lontaire. La  rigueur  de  la  discipline, 
la  perspective  trop  éloignée  de  sou 
avancement,  enfin  l'amour  de  l'é- 
tude, lui  luent  reporter  ses  regards 
sur  la  société  qu'il  avait  quittée.  Il 
se  jeta  de  nouveau  dans  les  bras  des 
Jésuites  ,  qui  l'accueillirent  ,  non 
comme  un  coupable  repentant,  mais 
comme  un  enfant  chéri.  Cet  en- 
gouement fut  encore  de  courte  du- 
rée, et  s^évanouit  devant  une  passion 
impérieuse.  Les  émotions  des  sens 
poursuivirent  le  jeune  novice  sous 
les  parvis  du  cloître;  son  cœur  ou- 
vert à  toutes  les  illusions,  et  son  tem 
pérament  combustible  ,  le  sollici- 
citaieut  à  chercher  la  liberté.  Il  se 
lança ,  pour  la  deuxième  fois,  dans  la 
carrière  des  armes,  ravi  d'échanger 
les  entraves  d'une  règle  religieuse 
contre  la  vie  plus  animée  des  jeunes 
militaires.  Il  ne  pouvait  douter  qu'il 
s'exposait  à  une  véhémente  inipro- 
bation  de  la  part  de  sa  famille;  il  en 
prévint  les  éclats  en  rompant  toute 
communication  avec  elle.  L'amabi- 
lité de  son  caractère  ,  les  agréments 
de  son  esprit  et  de  sa  figure ,  furent 
pour  lui  d'heureux  titres  de  recom- 
mandation dans  la  société ,  surtout 
auprès  des  femmes.  Il  ne  se  refusa 
point  à  la  multiplicité  des  jouissan- 
ces qui  lui  étaient  offertes  :  il  épuisa 
tous  les  transports  de  la  jeunesse  ;  il 
s'abandonna  à  tous  les  mouvements 
de  la  dissipation.  Un  violent  amour, 
xxxvi. 


PRE  65 

trahi,  vint  bientôt  désenchanter  son 
existence  et  empoisonner  ses  plai- 
sirs. Assailli  de  réflexions  mélancoli- 
ques ,  il  se  réfugia ,  à  vingt-deux  ans , 
dansl'ordredes  bénédictins  de  Saint- 
Maur,  comme  dans  le  seul  asile  où  il 
pût  désormais  respirer  en  paix.  La 
nouvelle  destinée  à  laquelle  il  se  con- 
sacrait ,  ne  fut  connue  qu'après  la 
prononciation  de  ses  vœux.  Elevé  à 
h  prêtrise  par  l'évêque  d'Amiens,  il 
remplit  d'abord  les  fonctions  de  l'cn- 
seigneuieut.  La  ville  d'Evreux  de- 
manda aux  bénédiciins  un  prédica- 
teur, pour  le  carême;  le  choix  tom- 
ba sur  Prévost,  La  froideur,  qui  est  le 
plus  grand  défaut  dont  ceux  qui  par- 
lent en  public  aient  à  se  garantir  ,  ne 
pouvait  être  le  sien  :  l'élégance  de  ses 
discours ,  l'éclat  des  images  qu'il  y 
mêlait  sans  négliger  la  solidité  du 
raisonnement,  produisirent  une  vive 
impression  sur  le  nombreux  audi- 
toire qui  venait  jouir  de  son  talent; 
et,  lorsqu'il  partit  après  avoir  re- 
cueilli des  applaudissements  unani- 
mes, la  ville  qui  l'avait  appelé  lui 
exprima  son  regret  de  ne  le  point 
posséder  dans  son  sein.  Prévost  fut 
ensuite  envoyé  à  l'abbaye  de  Saint- 
Germain-des-Prés,  oi!i  l'élite  de  la 
congrégation  était  renfermée.  Là  de 
savants  religieux,  mettant  en  com- 
mun leurs  recherches  ,  entrepre- 
naient d'immenses  travaux  d'érudi- 
tion, qui  auraient  effrayé  l'homme  de 
lettres  le  plus  courageux ,  abandon- 
né à  ses  propres  forces.  Dom  Pré- 
vost fut  associé  à  leurs  veilles,  et 
coopéra,  sans  être  soutenu  par  son 
goût ,  à  ces  vastes  monuments  qu'é- 
levait la  patience  de  ses  confrères. 
Un  volume presqu'entier  du  Gallia 
christiana  est  de  sa  main.  Il  se  dé- 
lassait de  ce  travail, en  improvisant, 
dans  les  longues  soirées  des  bénédic- 
tins, et  à  leurs  instances,  des  récits  et 
r. 


66 


PRE 


des  fictions  qui  K-  rattnchaicnt,  par 
ses  souvenirs,  nu  vaste  tlu-àtrc  dont 
il  s'était  éloi£;ru''.  Ce  fut  au  milieu  de 
la  poussitrc  des  bibliollicqucs  et  des 
manuscrits  d'un  genre  bien  oppose, 
qu'il  composa  les  deux  premiers  vo- 
lumes des  Mfin'iiresd'un  homme  île 
qualité.  Le  commerce  de  ses  doctes 
conlrèrcs  avant   pour  lui  peu  d'at- 
traits,   il   se    retirait  IVcqiictnmcnt 
dans  sa  cellule,  où  il  se  mettait  en 
communication  avec  les  morts,  c'est- 
à-dire  avec  ses  livres.  Cette  solitude 
réveilla   la  faiblesse  de  son  cœur  : 
comme  saint  Jérôme  dans  sa  retraite 
de  Bethléem  ,  il  était  assieî;c  par  les 
images  du  monde  auquel  il  s'e'lailde- 
robé;  et  les  passions  recommençaient 
à  remuer  le  cœur  de  cet  esclave  fugi- 
tif, ([ui  n'avait  fait  que  se  tlonuer 
d'autres  chaînes.  Il  désira  de  rentrer 
dans  la  société;  mais  l'indissolubilité 
de  ses  vœux  lui  enlevait  cet  espoir.  Il 
fallut  se  contenter  d'circ  transfère'  à 
l'abbaye  deCluni,  dont  la  règle  était 
plus  douce.  Le  bref  de  tran.slatiou 
fut  accorde'  par  ia  cour  de  Rome  : 
une  dernière  formalité,  celle  de  ful- 
miner ce  bref,  devait  être  remplie 
par  l'évêque   d'Amiens.  Ce   prélat 
e'tait  favorable  à  Prévost;  mais,  r,c 
laissant  dominer  par  nue  volonté 
e'trangère  ,  il  prit  la  résolution  de  ne 
fulminer  le  bref,   qu'après  que   le 
concessionnaire   aurait    allégué    de 
meilleures  raisons  que  la  vague  in- 
quiétude de  son  caractère.   Ce[>en- 
dant  dom  Prévost  était  sorti  secrète- 
ment de  Saint -Germain -des -Prés  , 
comptant  sur  le  succès  de  sa  traiis- 
lation  :  des  lettres  qu'il  avait  laissées 
dans  l'abbaye ,  avertissaient  ses  su- 
périeurs des  motifs  de  son  évasion. 
()uc\  fut  son  étonnen.ent  après  cette 
démarche,  lorsqu'il  fut  informé  des 
intentions    de   l'évêque    d'Amiens, 
dans  les  dispositions  duquel  il  avait 


PRE 

pleine  confiance!  Atterré  de  ce  coup, 
il  s'enfuit  en  llollanile,  résolu  dy 
fixer  son  séjour.  Le  comiueree  éten- 
du des  libraires  de  ce  pays  en  livres 
français,  lui  od'rait  une  existence  à- 
la-fois  conforme  à  ses  goûts  et  utile 
à  sa  gloire.  Il  y  acheva  les  Mémoires 
d'un  liiimmetlc  ijualité ,  dont  la  pu- 
blication (  17  tg)  obtint  le  plus  grand 
débit.  Les  chagrins  qui,  dans  la  cul- 
ture des  lettres,  font  trop  souvent 
la  compensation  des  succès  ,  vinrent 
encore  le  traverser  dans  cet  asile. 
La  Hollande  était  pleine  de  familles 
françaises  qu'y  avaient  poussées  les 
persécutions  religieuses  :  il  était  na- 
turel que  Prévost  contractât  des  liai- 
sons avec  plusieurs  de   ses  compa- 
triotes réfugiés.  11  eut  l'occasion  de 
Connaître  à  la  Haye  une  jeune  pro- 
testante que  sa  naissance,  sa  beauté, 
son  esprit  et  ses   talents  .igréablcs 
n'avaient  point  sauvée  de  l'uidigen- 
ce  ;  et ,  avec  cette  délicatesse  (|ui  ilon- 
ble  le  prix  du  service,  il  olViit  et  fit 
accepter  ses  secours.  La  belle  pro- 
testante, touchc'<'de  ce  procédé,  lais- 
sa croître  dans  son  co-ur  im  senti- 
ment qu'elle  pouvait  confondre  avec 
la   lecounaissance.  Elle  proposa  sa 
main   à    l'ami  qui  y  avait  tant  de 
droits;  mais  il  lui  déclara  ({uc  les 
principes    de   l'honneur   humain^ 
non  moins  que  sa  conscience  ,   lui  " 
défendaieiit    de    ron)pre    les    lien^ 
dans  lesquels   il    était   eng.igé  ;    et 
que  de  plus  cette  union    lui  inter- 
dirait à  jamais  le  retour  dans  sa  pa- 
trie, U  laquelle  il  ne  se  sentait  pas 
capable  de  renoncer.  L'amante  ne 
fut  point  ébranlée  par  ces  francUcs 
représentations,  et  voulut  le  suivre 
en  Angleterre,  où  il  passa,  qiiebpic 
temps  après.  L'abbé  Lenglel-Dufjes- 
noy  ,  écrivain  négligé  ,  accoutumé  , 
dans   ses  écrits  ,    à   une   causticité 
iusuflisaute   pour  racheter  l'incor- 


PRE 

rection,  la  pesanteur  et  la  inaus- 
saderie  de  son  style,  profita  de  cette 
circonstance  pour  se  venger  de  Pré- 
vost ,  qui  avait  refuse  de  rendre 
hommage  à  la  vérité  d'une  de  ses 
remarques.  Le  satirique  abbé ,  alté- 
rant celte  aventure  ,  s'cflorça  de  je 
ter  de  la  défaveur  sur  les  mœurs  de 
l'ex-bénédictin,  l'accusa  de  refuser 
son  assentiment  à  toute  croyance  re- 
ligieuse, et  même  d'avoir  manqué 
aux  lois  de  la  probité.  L'olFensé  se 
défendit  avec  une  modération  é-^ale 
à  l'animosité  de  son  adversaire;  et 
les  gens  de  bien  applaudirent  à  sa 
justification.  Le  troisième  reproche 
tourna  même  à  sa  gloire,  en  le  met- 
tant dans  la  nécessite  de  révéler  qu'il 
avait  fait  quelques  dettes  pour  se- 
courir des  infortunés  ,  et  qu'il  était 
sur  le  point  de  se  libérer  de  ces 
emprunts  honorables.  Pendant  cet- 
te polémique  ,  sa  plume  ne  resta 
point  oisive  ;  il  puljlia  successive- 
ment à  Londres  ;  Cléveland  ou  le 
Philosophe  ans^lais  ,  (  1732  )  et 
V Histoire  du  chevalier  Desgrieux 
et  de  Manon  Lescaut  (t^S'i).  Il 
entreprit  en  même  temps  une  feuille 
périodique  intitulée  le  Pour  et  le 
contre,  dont  la  manière  n'était  point 
calquée  sur  les  ouvrages  du  même 
genre.  Fidèle  à  son  prospectus,  et 
aidé  de  son  extrême  f.icilité,il  con- 
duisit ce  recueil  jusqu'au  vingtième 
vol.  (i)  C'est  un  assemblage  d'anec- 
dotes ,  de  récits,  de  traductions,  de 
jugements  sur  les  productions  de  la 
littérature  anglaise  :  tous  ces  mor- 


(1)  Les  70  volumes  se  composent  de  ipS  liuméros  : 
n  la  lin  du  tome  X  est  uue  table  des  i  o  premiers  vo- 
lume:»;  à  la  fin  du  tome  XX,  une  table  desio  der- 
niers volumes  Prévost  ayant  interrompu  deux  lois 
soD  travail,  la  plus  grande  partie  des  tomes  II  et 
XVII ,  et  tout  le  tome  XVIII  ne  sont  pas  de  lui.  Sur 
Je  frontispice  du  tome  XVIII,  ou  lit  même  par  Til . 
I>.  S.  M.  Dansictomc  XVI  c'est  au  n".  7.!\n  que  com- 
mence le  travail  de  (Lclévre  de  )  LSaiut-Marc  ,  rjui 
lut  le  suppléant  de  Pri'vost.  A.  B — T. 


PRE 


G7 


ccaux  sont  disposés  avec  un  désor- 
dre qui  en  rendait  la  lecture  encore 
plus  piquante  ;  et  rimpariialiié  du 
critique  ne  s'y  dément  jamais.  Pré- 
vost nourrissait  un  désir  très-vif  de 
revoir  sa  patrie.  Mais  avant  de  re- 
mettre le  pied  sur  le  sol  de  la  Fran- 
ce ,  la  prudence  lui  conseillait  de  se 
tenir  en  garde  contre  ses  ennemis 
qui,  réduits  jusqu'alors  à  exhaler 
leur  haine  dans  des  libelles ,  saisi- 
raient avec  joie  le  moment  d'exercer 
contre  lui  une  persécution  plus  acti- 
ve. II  voulut  se  mettre  à  couvert  sous 
des  noms  respectables  :  le  prince  de 
Gonti  et  le  cardinal  de  Bissy  lui  ob- 
tinrent l'autorisation  de  reparaître 
sans  crainte,  et  déporter  le  costume 
ecclésiastique  séculier.  Le  prince  lui 
diwma  un  témoignage  de  ])lus  de  son 
estime,  en  lui  faisant  accepter,  par 
des  instances  obligeantes,  le  titre  de 
son  aumônier.  Ses  travaux  littérai- 
res semultiplicrent  avec  une  incroya- 
ble rapidité.  Il  publia,  en  1735,  le 
Doyen  de  Killerine,  que  suivirent 
neuf  autres  productions ,  à  des  inter- 
valles très-rapj)rochés.  Compromis 
par  un  nouvelliste  qu'il  secourait  de 
sa  bourse,  et  dont  il  corrigeait  les 
feuilles  ,  il  faillit  payer  de  sa  liberté 
la  part  que  lui  attribuait  faussement 
ce  misérable  à  des  articles  qui  avaient 
indisposé  l'autorité,  et  il  fut  obligé  de 
fuir  à  Bruxelles  ;  mais  l'orage  se  dis- 
sipa promptement ,  et  son  retour  fut 
sans  danger.  Quelque  temps  après  , 
il  entreprit ,  sur  les  instances  du 
chancelier  d'Aguesscau  ,  de  rédiger 
en  \m  même  corps  d'ouvrages  le  pré- 
cis des  Voyages  dont  il  existait  Aes 
relations,  à  partir  de  l'époque  de  la 
décoiiverte  du  Cap  de  Bonne-Espé- 
rance jusqu'à  nos  jours.  Letravailde 
l'abbé  Prévost  ne  fut  d'abord  qu'une 
traduction  libre  d'une  Collection  ana- 
logue que  publiait  une  société  de  sa- 
5.. 


68  PRF. 

vants  anglais.  C'était  à  leur  nation 
qnc  semblait  appnleiiir  par  préfé- 
rence l'honneur  ifun  tel  monument  : 
cependant  ils  s'arrêtèrent  au  septiè- 
me volume  in  4°- j  rejetant  sur  le 
couvernement  rabandon  de  leur  ta- 
che. Prévost,  marchant  seul  désor- 
mais ,  et  n'ayant  à  subordonner  son 
plan  qu'a  ses  propres  conceptions, 
eut  besoin  de  faire  de  plus  laborieu- 
ses recherches;  mais  le  public  y  <;a- 
gna  doublement.  Les  matières  fu- 
rent disposées  dans  un  ordre  plus  sa- 
tisfaisant; les  vovageurs  de  toutes 
les  nations  trouvèrent  place  dans  le 
tableau  gênerai  des  mœurs,  des  usa- 
ges ,  des  lois,  des  monuments,  des 
arts  et  de  l'histoire  naturelle  des  di- 
vers pavs;  les  repctiliuns  et  les  lon- 
gueur>  disparurent.  Mais  c'est  sur- 
tout lorsque  l'auteur  arrive  au  dou- 
zième vol  unie,  et  à  r  Amérique,  qu'on 
Erend  une  idée  avantageuse  des  ame- 
orations  qu'il  était  capable  de  pro- 
curer à  l'ensemble  de  l'ouvrage.  Ce 
sont  ces  quatre  derniers  volumes  qui 
justifient  le  compliment  que  la  du- 
chesse d'Aiguillon  fit  à  l'auteur  : 
«  Vous  po;irricz  faire  mieux;  mais 
»  persoi.uc  ne  pouvait  faire  aussi 
»  bien.  »  L'infatigable  abbe  se  dé- 
lassait de  te  vaste  travail ,  en  natu- 
ralisant parmi  nous  les  romans  de 
Richardson.  Paméla  ,  Clarisse  , 
Grandissun,  fuient  reproduits  dans 
notre  langue  par  sa  plume  élégante. 
Il  rendit  à  l'original  le  service  d'en 
élaguer  les  détails  surabondants  ;  et, 
quciquv'  humeur  qu'en  témoigne  Di- 
derot ,  ces  suppressions,  conseillées 
par  le  goût,  ont  très-bien  diâsimulé 
aux  lecteurs  français  le  plus  grand 
défaut  des  compositions  de  ce  ro- 
mancier, jusquc-ià  peu  connu.  Grâce 
au  traducteur,  elles  firent  plus  de 
fortune  en  France  que  dans  le  pays 
qui  les  avait  vues  naître.  L'abbé Pré- 


PRE 

vost ,  dans  les  dernières  années  de  sa 
vie,  avait  dit  adieu  au  monde,  qui  lui 
devenait  indiiVérent  depuis  que  le 
ressort  des  passions  avait  cessé  de 
l'animer.  Possesseur  d'une  petite  mai- 
son à  Saint  Firmin,  près  de  Chan- 
tilli ,  il  aimait  à  s'y  recueillir;  et 
faisant  un  retour  sur  sa  vie  aventu- 
reuse, il  projetait  d'y  finir  ses  jours 
dans  d'austères  pratiques,  et  do  pu- 
rifier sa  plume,  trop  longtemps  oc- 
cupée d'écrits  frivoles,  en  composant 
des  ouvrages  utiles  à  la  religion.  Un 
fragment ,  trouvé  dans  ses  papiers, 
apprit  quels  étaient  ces  ouvrages  qui 
devaient  consumer  ses  dernières  for- 
ces. Le  premier  aurait  eu  pour  ob- 
jet de  prouver  la  religion  par  ce  que 
les  connaissances  humaines  ont  de 
plus  ceitarn;  le  deuxième  aurait  re- 
tracé la  conduite  conslaiite  de  Dieu 
pour  le  maintien  delà  fui  chrétienne; 
le  dernier  enfin  aurait  développé  l'es- 
prit de  la  religion  dans  l'ordre  de  la 
société.  Une  mort  tragique,  aussi  ex- 
traordinaire que  les  événements  de 
sa  vie  agitée,  mit  un  terme  à  ses  der- 
nières pensées  littéraires.  Le  •l'i  nov. 
i';()3,  comme  il  traversait  la  forêt 
de  Chanlilli ,  une  apoplexie  soudaine 
le  renversa  au  pied  d'un  arbre.  Des 
paysans  relevèrent  ce  corps  privé  de 
mouvement,  et  le  remirent  au  cure' 
le  plus  voisin.  La  justice  fut  appelée 
pour  constater  la  dérouvei  te  et  l'e'- 
tat  du  prétendu  cadavre.  L'oflicior 
public,  descendu  sur  les  lieux,  agit 
avec  une  précipitation  déplorable, 
et  ordonna  l'ouverture  du  corps. 
Quelle  consternation  se  peignit  sur 
tous  les  visages ,  lorsqu'un  cri  dé- 
chirant de  la  victime  eût  révélé  son 
existence!  La  main  glacée  de  l'opé- 
rateur s'arrêta;  mais  le  fer  meurtrier, 
enfoncé  dans  les  entrailles,  y  avait 
attaqué  les  sources  de  la  vie.  Les 
yeux  de   l'infortuné  ne  se  rouvri- 


PRE 

lent  im  moment  que  pour  le  con- 
vaincre de  l'horreur  de  sou  sort.  Il 
succomba  presque  sur-le-cbamp  au 
coup  dirige'  par  une  erreur  si  cruel- 
le :  il  était  dans  sa  soixante-septième 
année.  11  serait  trop  long  d'éuumé- 
rer  tous  ses  ouvrages,  qui  forment 
plus  de  cent-soixaute-dix  volumes  : 
il  suifit  de  mentionner  ceux  qui  lui 
font  le  plus  d'honneur;  et  ils  sont  en- 
core assez  nombreux  ('2).  Son /^t5fot- 
TV  des  voyages ,  continuée  par  Quer- 
lon  etSurgy,a  paru  de  y'^l\^h  ^']'jo, 
et  comprend  vingt  volumes  iu-4''. , 
avec  la  table.  Une  deuxième  édition, 
fort  augmentée,  fut  publiée,  de  1747 
à  1780,  en  vingt-cinq  volumes,  mê- 
me format.  Il  existe  une  seule  édi- 
tion in-i2,  en  quatre-vingts  volumes. 
On  doit  savoir  gré  à  Laharpe,  d'a- 
voir retouché  cette  histoire  ,  d'en 
avoir  mieux  coordonné  les  faits ,  et 
d'ayoir  resserré  le  tissu  un  peu  lâche 
de  la  composition  primitive.  Les  ro- 
mans de  Prévost  composent,  après 
ce  volumineux  travail ,  la  plus  gran- 
de partie  de  sa  fortune  littéraire.  Les 
peintures  sombres  et  déchirantes 
plaisent  à  son  imagination  :  on  s'est 
accordé  à  le  reconnaître  comme  le 
Crébillon  du  roman.  Il  a  ouvert  en 
ce  genre  une  école  opposée  à  celle 
de  Lcsage  :  celui-ci  a  porté ,  dans  ses 
légères  fictions ,  la  comédie  et  son 
génie  observateur  :  Prévost  a  donné 
aux  siennes  le  caractère  du  drame. 
Tous  deux  sont  variés ,  fidèles  au 
naturel  ;  l'un  a,  tout-à-la-fois  ,  plus 
d'art  et  plus  d'originalité;  nul  ne  l'a 
surpassé  dans  la  manière  qui  lui  est 
propre;  il  n'a  guère  fait ,  il  est  vrai , 
que  dérouler   des  scènes  à   tiroir, 


(2^  En  1739  on  publia  ,  sous  le  nom  de  Prtvost , 
des  Mémoires  d'un  comte  et  de  fonjils ,  qu'il  désa- 
voua. Tout  récemment  on  a  pris  le  mimfc  tour  pour 
appeler  ratlention  du  )>ubljc  sur  la  Nièce  de  Téki- 
l' ,  1822  ,  4  volumes  Ju-12.  A,  B — ï. 


PRE 


69 


mais  il  ne  permet  pas  à  l'intérêt  de 
languir.  L'autre,  plus  fécond,  doué 
d'une  plus  grande  facilité  d'inven- 
tion, ménage  trop  peu  la  vi'aisem- 
blance,  s'embarrasse  dans  des  lon- 
gueurs, pèche  le  plus  souvent  dans 
l'enchaînement  des  parties  de  son 
plan  ,  ou  plutôt  paraît  s'abandon- 
ner à  sa  verve  sans  être  guidé  par  le 
fil  d'un  plan  antérieurement  tracé: 
chez  lui  l'action  est  trop  fréquem- 
ment ralentie  par  les  réflexions  dé- 
mesurées qui  chargent  ses  récits  ;  en- 
fin plusieurs  de  ceux  qui  lui  ont  suc- 
cédé ,  l'ont  effacé  dans  le  talent  de 
disposer  les  ressorts  des  passions. 
Quoi  qu'il  en  soit  ,  les  Mémoires 
d'un  homme  de  qualité,  le  Doyen 
de  Killerine  ,  Clé^éland  et  Manon 
Lescaut,  conservent  un  grand  nom- 
bre de  lecteurs.  Cette  dernière  pro- 
duction, dégagée  des  défauts  que  îa 
critique  a  signalés  dans  les  autres  ro- 
mans de  Prévost,  est  sans  contredit 
son  chef-d'œuvre.  11  était  impossi- 
ble de  mieux  graduer  l'intérêt,  et 
d'inspirer  les  plus  tendres  émotiens 
en  faveur  de  deux  héros  de  mauvai- 
ses mœurs,  et  dont  les  sentiments 
sont  continuellement  exposés  à  des 
épreuves  dégradantes.  Clévéland 
avait  fait  les  délices  de  J.-J.  Rous- 
seau ;  et  les  impressions  d'un  pareil 
juge  répondent  assez  du  mérite  atta- 
chant de  ce  livre.  Le  Monde  moral 
n'offre  que  des  esquisses  agréables,  et 
n'a  pu  être  achevé  par  l'auteur,  qui 
se  proposait  d'y  fondre  des  études 
importantes  du  cœur  humain.  Les 
Campat^nes  philosophiques  ,  V His- 
toire d'une  Grecque  modenie, V His- 
toire de  la  jeunesse  du  comman- 
deur de  ***,  les  Mémoires  d'un  hon- 
nête homme,  sont  des  compositions 
faibles  ou  défectueuses  ,  bien  infé- 
rieures aux  premières  :  on  voit  aisé- 
ment qu'elles  ont  été  dictées  par  une 


70  PRE 

spéculation  mcccantilc.  On  rogrcltc 
qur,  sollicite  pai-  îles  iiiotils  sem- 
blables, rabl)e  Prévost  ait  consacre 
sa  plume  à  la  traduction  Je  trois  ou- 
vra{;es  anglais  aussi  médiocres  que 
les  Mémoires  pour  servir  à  V histoire 
de  lu  vertu  ;  ALmoran  et  Hamet , 
et  les  Lettres  de  Mentor  h  un  jeune 
seipieur.  La  Fie  de  Cicéron ,  par 
IMiddleton ,  fut  une  importation  plus 
heureuse  dans  notre  littérature.  L'ab- 
bé Prévost  no  s'astreignit  pas  au  rôle 
lie  simple  traducteur  :  il  mudilia  les 
formes  de  ce  morceau  biof^raplii- 
que,  sacrifia  les  digressions  et  les 
réflexions  inutiles  ;  et  l'on  put  s'en- 
quérir, avec  un  plaisir  constant ,  de 
toutes  les  particularités  qui  font  res- 
sortir l'écrivain  illustre  et  le  grand 
citoyen.  A  cet  ouvrage  se  rattachaient 
comme  complément,  les  Lettres  de 
Gicéron  à  ses  amis  :  Prévost  traduisit 
(  i745},cellesquisontécri:rsaBrutus, 
et  celles  que  l'orateur  romain  adresse 
ad  Familiures.  les  mêmes  que  le  pu- 
blic a  nommées  familières ,  avec  la 
même  impropriété  (i'eiprcssiou,qui 
lui  a  fait  appeler  Lettres  provin- 
ciales, le  chef-d'œuvre  de  Pascal. 
La  correspondance  de  Cicéron  peut 
être  considérée  comme  un  excellent 
morceau  d'histoire  sur  une  époque 
mémorable:  le  traducteur  l'a  rejtro- 
duite  avec  autant  de  rapidité,  d'ai- 
sance et  de  naturel ,  que  s'il  eût  con- 
fié au  papier  sa  propre  pensée;  ce 
mérite  ne  permet  pas  de  s'apercevoir 
de  quelques  inexactitudes  et  de  légè- 
res incorrections  échappées  à  une 
plume  dont  le  trait  est  presque  tou- 
jours pur  et  d'une  élégante  simpli- 
cité. Les  notes  qui  accompagnent  le 
texte  se  font  lire  avec  le  même  plai- 
sir :  elles  ont  été  fournies,  pour  la 
plupart,  par  Middlelon.  Prévost  a 
traité  l'histoire ,  mais  d'une  manière 
trop  passagère  et  trop  p<  u  soignée, 


PRK 

pour  se  placer  parmi  nos  historicii» 
au  rang  que  son  talent  pouvait  lui 
assigner.  Son  Histoire  de  Margue- 
rite d'Anjou ,  qui  retrace  les  san- 
glantes discordes  des  maisons  d'York 
et  de  Lauc.istic;  celle  de  Guillau- 
ine-le-Conquérant ,  fondateur  d'une 
nouvelle  dvnastie, à-la-fois  grand  et 
barbare,  sont  des  sujets  intéressants, 
mais  où  il  ne  s'est  pas  assez,  confor- 
mé à  la  sévèie  gravité  et  au  ton  éle- 
vé du  genre.  La  critique  crut  y  rc- 
(  onnaitre  les  h.ibitudes  du  roman- 
cier; et  (pioiqu'il  répétât  qu'il  avait 
dépouillé  les  vieilles  chioniques ,  cl 
qu'il  avait  puisé  aux  sources  les  plus 
pures ,  il  resta  soupçonné  d'avoir  été 
aussi  peu  scrupuleux  que  S.iinl-Réal 
et  Vertot,  et  fut  comjité  parmi  les 
écrivains  île  leur  école.  On  lit  un  tout 
autre  reproche  à  V Histoire  de  la 
maison  de  Stuart ,  par  Hume,  qu'il 
fit  passer  en  notre  langue  ;  ce  fut 
lui  qui  créa  en  France  la  ré])u- 
tatiuu  du  célèbre  historien  écos- 
sais ,  comme  il  avait  fait  celle  de 
Richardson.  Mais  celte  fois  son  sty- 
le avait  perdu  de  son  coloris,  et  il 
avait  écrit  prcsqu'avec  la  même  né- 
gligence que  M"'",  lielot.  qui  nous  a 
donné  les  autres  parties  de  l'ouvrage 
de  Hume  (3).  Il  voulut  aussi  s'exer- 
cer sur  l'histoire  de  notre  président 
De  Thon;  mais  il  n'acheva  que  le 
premier  volume  de  cette  entreprise, 
qui  fut  abandonnée  à  la  rédaction 
bàtivc  de  quelques  spécidateurs  lit- 
téraires. Parmi  les  obligations  de 
notre  littérature  à  l'abbé  Prévost,  il 
faut  rappeler  qu'il  répandit  la  con- 
naissance des  productions  étrangè- 
res ,  et  qu'en  familiarisant  les  Fran- 


cs'. C<  lie  Traducliun  a  ttc  dqiuû  •oignciisc-iupnt 
revue  sur  le  telle  aJig]ai>  ,  corrigée  d'uu  b<iul  .'i  Tau- 
trc  ,  et  rt'imprimée  en  1811),  10  toIuidcs  Îd-R".  , 
suivi*  Je  13  anlrei  qni  colitiitnoeot  U  cnnlinuatinn 
de  V  f/iftoire  tC  An^Uleirc  de  Uninc,  Jiar  SinolleM, 
Adolflioii ,  et  M.  D.  I" 


PRE 

çnis  avec  ce  surcroît  tle  richesses,  il 
ne  chercha  pointa  corrompre  la  dé- 
licatesse nationale  par  des  théories 
contraires  aux  traditions  consacre'es; 
il  n'éleva  point  d'autels  au  mauvais 
j^oût.  Dans  les  neuf  premiers  volu- 
mes du  Journal  étranger^  comme 
dans  le  Pour  et  le  Contre^  sa  criti- 
que est  judicicute,   inolTcnsive,  et 
porte  sur  ries  objets  qui  méritent  l'at- 
tention. On  sait  avec  quels  ménage- 
ments il  repoussa  les  hostilités  de 
Dcsfonlaiiirs  ,  et  avec  quelle  impu- 
dence ce  fougueux  folliculaire  ,  re'- 
A'c'lant  son  secret,  lui  écrivait  :  «  Al- 
»  cer  riiourrait  de  faim,  s'il  vivait 
»  eu  paix  avec  ses  ennemis,  »  Il  n'eût 
tenu  qu'à  lui  de  couper  les  vivres  à 
de  pareils  ennemis.  En  se  confiant 
moins  dans  l'accueil  que  faisait  le 
public  aux  produits  de  sa  plume,  et 
en  travaillant  avec  moins  de  préci- 
pitation ,  il  eût  défie  une  critique 
malveillante.  Mais  il  e'crivait  avant 
tout  pour  son  plaisir,  et  s'inquiétait 
peu  de  ne  point  parvenir  arec  un 
gros  bagage  à  la  postérité.  D'ailleurs, 
avec  la  facilite'  extraordinaire  que 
lui  avait  départie  la  nature ,  on  se 
résout  rarement  à  composer  avec 
maturité  ,  et   l'on   revient    encore 
moins  volontiers  sur  le  re'sultat  d'une 
première  inspiration.  Cette  facilite', 
qui  dominait   l'abbci  Prévost  e'tait 
telle,  qu'on  assure  qu'il  pouvait  se 
mêler  à  une  conversation  sans  que 
sa  verve  fût  ralentie  pour  la  compo- 
sition ,  ou  l'ordre  de  ses  idées  inter- 
verti. Il  était  franc,  d'un  caractère 
généreux,  d'une  bonté  à  toute  épreu- 
ve; il  avait  gardé ,  des  amertumes  de 
sa  vie  ,  une  humeur  mélancolique, 
que  le  désir  de  plaire  lia  faisait  con- 
centrer en  lui -même.  Lorsque  les 
passions  l'eurent  laissé  à  ses  goûts 
jiaisibles  ,  il  ne  connut  licn  de  plus 
délicieux  que  le  repos  de  son  cabi- 


PllE  71 

net  et  le  commerce  de  l'araitie'.  II 
sut  toujours  apprécier  les  convenan- 
ces ;  et  au  milieu  des  irrégularités 
qui  marquèrent  sa  vie,  il  se  tint  en 
garde  contre  des  écarts  scandaleux. 
L'exercice  d'une  bienfaisance  active, 
et  la  décence  dont  il  s'environna  de- 
puis son  retour  clans  sa  patrie,  cou- 
vrirent ce  qu'avait  eu  de  turbulent  et 
désordonné  la  première  moitié  de 
sa  carrière;  et  même  dans  ses  torts,, 
il  ne  cessa  pas  de  mériter  l'indulgen- 
ce. Sa  plume  était  devenue  tout  son 
patrimoine;  et  on  doit  l'excuser  si, 
au  détriment  de  sa  gloire  ,  il  mit  son 
talent  au  service  d'un  libraire.  D'ail- 
leurs il  mérita  les  plus  grands  élo- 
ges par  son  parfaitdésintéressement. 
Le  fermier-général  Laboissière,  qui 
l'aimait,  lui  offrit  de  faire  les  frais 
d'impression  de  l'Histoire  des  voya- 
ges. Ces  avances  aiiraient  produit  à 
l'*auteur  un  bénéfice  de  près  de  cent 
raille  francs  :  il  ne  voulut  point  y 
consentir.  Le  même  financiei  le  pres- 
sa encore  en  vain  d'accepter  ime 
pension  viagère  :  il  opposa  une  cons- 
tante résistance  à  ces  offres  répétées  ; 
et  voyant  les  enfants  de  Laboissière 
indisposés  contre  lui ,  il  s'éloigna  , 
avecdignitc,de  cette  maison,  où  il 
devenait  un  objet  de  jalousie.  On  a 
donné  plusieurs  éditions  des  OlLuvres 
choisies  de  l'abbé  Prévost,  sans  y 
comprendre  son  Flistoire  des  voya- 
ges :  une  des  meilleures  est  celle  qui 
porte  l'indication  de  Paris  et  d'Ams- 
terdam, 1783  85,  39  V.  in-8«.  :  elle 
a  été  reproduite  ,  en   1810,  parles 
presses  de  l'imprimeur  Leblanc,  qui 
a  mis  à  la  tête  une  Notice  étendue 
sur  l'auteur.  Prévost  a  encore  atta- 
ché sou   nom  à  une  traduction  de 
Cléopâtre,  tragédie  anglaise,  et  à  un 
Manuel  lexique  ,  comprenant  les 
mots  techniques  de  la  langue,  ouvra- 
ge  utile  ,    souvent  réimprime  ,  et 


72 


PRE 


qu'a  fait  oublier  le  Dictionnaire  des 
sciences  et  des  arti,  par  Lunicr.  On  a 
donné  sons  son  nom  un  recueil  pos- 
thume de  Cuntes  ,  aventures  et  faits 
singuliers,  17(34,  î  vol.  iu-ii  (  ti- 
rés du  Pour  et  Contre  ).  Ses  Pen- 
sées, précédées  d'un  abrégé  de  sa 
fie,  ont  éié  publiées  la  mcmcaunée, 
iu-ijt,  par  M.  Dupuis.        F — t. 

l'KKVOSf  D'EXMES  [  Fkan- 
(^ois  LE  },  prit,  suivant  les  uns,  son 
surnom  du  lieu  de  sa  naissance,  près 
d'Argentan  ,  en  Normandie;  il  était 
né,  suivant  d'autres,  à  Coudehard  , 
villaj;e  voisin  de  ce  bourg ,  le  "29 
septembre  17^9.  Après  avoir  ache- 
vé ses  classes  ,  il  étudia  (pielque 
temps  le  droit,  qui  ne  fut  pas  de  son 
goût.  Il  préféra  l'état  militaire,  et 
fut  reçu  dans  les  pardes  du  corps  de 
Stanislas,  roi  de  Pologne.  Le  Prévost 
y  connut  Tressan  ,  Boufllcrs  ,  Saint- 
Lambert,  et  d'autres  personnes  dis- 
tinguées de  la  cour  de  Luiiéville. 
Une  Ode  qu'il  envoya  au  concours 
de  l'académie  de  Nanci ,  obtint  une 
mention  lionorable;et  ce  succès  aug- 
menta sou  goût  pour  les  lettres.  Plu- 
sieurs fois  ,  Stanislas  le  chargea  de 
composer  des  divertissements  pour 
les  fêtes  de  sa  cour;  mais,  ennemi 
de  la  souplesse  et  de  l'intrigue ,  Le 
Prévost  ne  sut  pas  profiter  des  cir- 
constances pour  amcliorer  son  sort: 
il  quitta  le  service  ,  revint  dans  son 
pays  ,  s'y  maria  ,  et  remplit  une  pla- 
ce de  judicature,  dont  il  fut  bientôt 
dégoûté.  Des  chagrins  domesli(jues 
le  décidèrent  à  quilterla  Normandie; 
il  vint  alors  à  Paris.  Le  cardinal  de 
Rohan  lui  confia  l'atlministraliondes 
revenus  d'une  de  ses  abbayes  ,  dans 
l'Artois.  Le  procès  du  collier  ,  qui 
renversa  le  cardinal ,  priva  aussi  Le 
Prévost  de  cette  place,  et  le  réduisit 
à  vivre  de  sa  plume.  C'était  une  tris- 
te rtiiource  :  après   plusicur.s   an- 


PRE 

nées  de  travaux  et  de  peines,  il 
alla  mourir  dans  l'hôpital  de  la  Cha- 
rité, en  1793.  On  a  de  lui  :  I.  Les 
Thessaliennts^  ou  Arlequin  au  sa- 
but,  comédie  en  prose,  \']^'2  ,  in- 12. 
IL  La  Eci'ue  des  feuilles  de  Fréron, 
175G,  in- 12.  Cet  ouvrage,  que  La- 
harpe  attribue  à  l'abbé  de  La  Porte 
(  roj-.  Porte,  xxxv  ,  450) ,  est  don- 
né ,  pa  r  la  France  littéraire  de  1 7  ^9, 
à  un  Prévost,  que  la  France  littérai- 
re de  i769'(  f'ojcz  Hkuhail,  xix, 
'j4^>)  surnomme,  par  erreur,  Saint- 
Lucien.  III.  La  Nouvelle  réconcilia- 
tion, comédie  en  lui  acte  et  en  prose, 
Lunéville,  1758,  iu-i.i.  IV.  Les 
Trois  Rivaux  ,  opéra  comique  en  uu 
acte  et  en  vers ,  1 758 ,  in- 1  x.  V.  Ar- 
lequin aux  enfers,  ou  \* Enlèvement 
de  Colombine ,  comédie.  1760,  in- 
8°.  VI.  La  Réunion  de  l'amitié,  de 
la  nature  et  de  la  reconnaissance  , 
pièce  en  un  acte,  17O3,  in-4".  VIL 
Réflexions  sur  le  sj  sterne  des  nou- 
veaux filiilosophes ,  17G1  ,  in-  ri. 
VIII.  Le  Nouveau  Spectateur  y  ou 
Examen  des  nouvelles  pièces  de 
théâtre,  avec  les  ariettes  notées , 

1776,  3  cahiers  in-<S".  IX.  Rosel , 
ou  l' //om me  heureux ,  l'j'ji),  in-8".j 

1777,  io-H".  X.  Le  Temple  de  V A- 
mour  et  de  VJIjmen.  1778,  in-12. 
XI.  Julien  Leroy,  in-8". ,  sans  date, 
de  3i  pages  ;  c'est  une  Notice  sur  cet 
horloger  célèbre.  XII.  Lully  musi- 
cien, in -8°.,  sans  date,  de  48  pag  , 
destiné,  ainsi  que  le  précédent,  à 
une  Biographie  d'artistes.  C'est  évi- 
demment par  faute  d'impiession  que 
Prévost,  page  iG,  appelle  Parny 
(  au  lieu  dcHarny)  le  collaborateur 
de  Favart  et  Laujon.  X 1 1  \. Entretiens 
philosophiques  y  ou  le  Philosophe  du 
Luxembourg ,  sur  les  académies  de 
jeu,  sur  les  journalistes ,  sur  les 
spectacles  du  boulevard,  sur  le  Mu- 
sée de  Paris,  1785,  in  -  li.  XIV. 


PRE 

Examen  des  jus,ements  opposés, 
portés  par  MM.  le  marquis  de  Xi- 
menès ,  Daunou  et  le  chevalier  de 
Cuhières ,  sur  la  question  suivante  : 
De  rinfliience  de  Boilcau  sur  la  lit- 
térature française,  1787,  iu^<>.  XV. 
Critiques  sur  le  salon  de  peintu- 
re, I  787  ,  in  -  8°.  XVI.  Trésors  de 
littérature  étrangère ,  1784,  tome 
1 ,  en  a  parties ,  in- 1 2.  Ce  Recueil  de- 
vait païaître  par  livraisons,  à  la  llndc 
chaque  raoisj  il  n'en  a  ete  publie  que 
dcuxlivraisons.  XVII.  Vies  des  écri- 
vains étrangers  ,  tant  anciens  que 
modernes ,  1781 ,  1787  ,  "2  vol.  in- 
8".  Le  premier  contient  les  Vies  de 
Lockman  et  de  Pilpaï,  suivies  d'un 
Éloge  de  Métastase;  le  secoîid  con- 
tient la  Vie  du  Dante,  suivie  de  la 
Chasteté  de  Joseph .  scène  française, 
qui  n'y  a  pas  grand  rapport  ;  c'est 
encore  un  recueil  qui  a  e'të  disconti- 
nue'. Prévost  d'Exmes  a  eu  part  à  la 
rëdaclion  des  Etrennes  du  Parnas- 
se^ a  coopéré  à  quelques  Journaux  , 
et  avait  traduit  plusieurs  Romans  de 
l'anglais.  Ces  manuscrits  ont  dispa- 
ru ,  ainsi  qu'une  Histoire  de  la  der- 
nière guerre  de  l'empereur  contre 
les  Turcs.  Dcsessarts  et  IM.  Erscli  di- 
sent que  Grainville  a  composé  un 
Eloge  de  Prévost  d'Exmes ,  sans  in- 
diquer s'il  est  imprimé  :  nous  l'avons 
cherché  vainement;  mais  Dcsessarts 
doit  en  avoir  eu  communication,  car 
l'article  que,  dans  ses  Siècles  litté- 
raires, il  a  donné  à  Prévost,  contient 
des  renseignements  qui  ne  peuvent 
venir  que  de  bonne,  source  ,  et  font 
regretter  que  les  articles  de  ce  genre 
soient  si  rares  dans  les  Siècles  litté- 
raires. A.   B— T. 

PREVOST  SAINT-LUCIEN 
(  Rocu-Henri  ) ,  né  à  Paris  ,  le  j6 
janvier  1740  ,  fut  reçu  avocat  au 
parlement  de  Paris  ,  le  3  février 
1767  ,  et  mourut  le  4  juin  1808.  Il 


PRE 


73 


avait  quitté  le  barreau  pour  les  let- 
tres. On  a  de  lui  :  I.  Plusieurs  piè- 
ces de  théâtre  imprimées ,  et  non 
représentées  ;  c'est  ainsi  que  s'ex- 
prime l'Annuaire  intitulé  les  Specta- 
cles de  Paris  (  années  1 782  à  1 787  ), 
Dans  les  années  1778  a  1781  ,  cet 
Almanach  donne  les  titres  de  quatre 
pièces  ;  mais  trois  paraissent  appar- 
tenir à  Prévost  d'Exmes.  Ij' Opéra 
manqué,  176g,  in-i8,  ne  lui  est 
pas  contesté;  voici  les  titres  de  quel- 
ques autres  :  les  Plaisirs  de  Fran- 
conville  ;  Salut  aux  trois  cousines; 
le  Tableau  inspirant  ;  le  Betour  du 
couvent  ;  la  Fable  est  notre  histoire  ; 
la  Bonne  aventure ;V Amant  et  l'A- 
mitié,  allégorie.  Aucune  de  ces  piè- 
ces ne  se  trouvait  dans  la  collection 
de  Pont-de-Veyle.  II.  Divers  3[é- 
moires  et  contestations  dans  quel- 
ques procès.  III,  Moyens  d'extirper 
l'usure  ,  ou  Projet  d'établissement 
d'une  caisse  de  prêt  public  sur  tous 
les  biens  des  hommes,  177 5,  in- 12  ; 
1778,  in- 12.  C'est  à  l'effet  produit 
par  ce  livre  que  l'on  attribue  l'établis- 
sement du  Mont-de-I'iclé,qui  prête, 
comme  on  sait,  au  prix  modique  d'un 
pour  cent  par  mois.  Mais  les  inten- 
tions de  Prévost  n'en  sont  pas  moins 
louables.  W .Moyens  très-ôimplesde 
convoquer  les  états  généraux  sans 
qu'il  en  coûte  un  sol  au  roi ,  1789, 
2  vol.  in- 18.  L'auteur  prenait  déjà 
le  titre  d'ancien  avocat  •  c'était  an- 
noncer qu'il  avait  renoncé  à  son  état. 
V.  De  la  nécessité  d'établir  un  jurj 
constitutionnel  pour  le  mainlien  de 
la  déclaration  des  droits  de  l'homme 
et  de  la  constitution  française  ,  in- 
S''.  Cet  opuscule  doit  être  de  1 79.5 
ou  1796.  C'est  par  erreur  qu'on  lui 
assigne  quelquefois  la  datede  1799;, 
car  il  est  inentionné  dans  le  tome  m 
i[c\a Franceliltéraire\>av  M.  Ersch , 
volume  qui  est  de   1798.  On  pour- 


74  PRK 

rait  croire  que  c'est  celte  brochure 
({ni  a  donne  l'idce  du  scnatconser- 
vatcnr  institue  par  la  conslitiitioii 
de  l'an  S:  nous  avons  vu  ce  corps  , 
établi  pour  veiller  au  maintien  de 
cette  constitution  ,  être  consulte  à 
chaque  violation  et  la  sanctioinicr 
bassement.  VI.  Formules  pour  par. 
i'fuir  (Ut  divorce,  et  Déci  ion<!  tics 
principales  questions  qui  pem'cnt 
s'y  rencontrer ,  179^,  in-8".  ^  II. 
Obsen-atii  ns  sur  le  mode  de  divor- 
ce pour  incompatilnlilé  d'humeur  , 
surla  nécessité  de  le  conserx'er  com- 
me le  seul  mode  de  divorce,  et  sur 
Punique  réforme  à  faire  à  la  loi  du 
divorce,  *i  797  ,  iu-H".  Mil.  Des 
divers  modes  indiqués  par  la  loi  pour 
pan'cnirau  divorce,  avec  les  formu- 
les usitées  à  Paris,  17«)9,  m-S".  ; 
(piatricme  édition  ,  in- 1  ». ,  sans  date. 
IX.  Principes  élémentaires  de  lu 
f^rammaire  française,  1 800,  in- 1 1  j 
la  4"-  e'dition  r?t  de  iHo-.  X,  l/.I- 
rit  h  m  él  ique  simple ,  déni  outrée  en  six 
leçons;  opuscule  contenant  les  qua- 
tre règles  ,  et  dont  la  4''.  édition  cit 
aussi  de  1807.  XI.  La  Grammaire 
française  et  V  Orthographe  appriies 
en  huit  leçons,  in-  12  ;  la  4"'.  édition 
est  de  179B;  la  \x'.  de  1807.  XII. 
La  Syntaxe  française  ,  apprise  en 
huit  leçons,  in-n;  la  4'^-  édition 
tst  de  1807.  Cet  ouvrage  et  le  pre'ce'- 
dent  ont  etc  reunis  sous  le  titre  de  la 
Grammaire  ,  V  Ortho 'graphe  et  la 
Syntaxe  de  la  langue  française  , 
iZ"^.  e'iiition  ,  1807  ,  1  volumes  in- 
12.  Le  second  volume  fut  même 
reimprime  eu  i8i3  sous  le  titre  de 
1 J*^.  édition.  C'esl  le  cas  de  reuiar- 
«jucr  (pi'il  y  a  au  juoius  un  peu  de 
rljarlataricric  dans  tontes  ces  an- 
nonces d'éditions.  XIII,  Méthode 
wuvelle  par  laquelle  un  enfant  ou 
un  étranger  peuvent  connaître  et 
écrire  correclement  tous  les  mots 


PRI 

de  la  langue  française  en  huit  jours, 
1 7(|8  .  iù  8'\  XI Y.  De  la  nécessité 
de  réformer  la  loi  du  17  nivôse  an 
•->. ,  quant  au  mode  de  la  dévolution 
des  successions,  ^"i)[),  in-8'\  XV. 
Pe  la  nécessité  de  rendre  au  peuple 
français  le  droit  d^ émettre  son  va'u 
par  des  cahiers  ,  etc. ,  i  799,  in-8'*. 
XVI.  \i  -  Irilhmélique composée .rup. 
prochant  l'ancienne  et  la  nouvelle 
manière  de  calculer ,  1 800  ,  in- 1  u. 
X  \  1 1 .  J'étition  sur  V arrêté  des  Con- 
Htls  rendu  le  ■jtii  messidor  an  ix  , 
sur  la  question  de  savoir  si  les  pro- 
spectus d'ouvrages  ,  etc. ,  peuvent 
être  considérés  comme  avis  impri- 
mé\  ,  et  comme  tels  assujétis  au 
timbre  ,  1801  ,  in-8".  XVI II.  Pro- 
jet de  règlement  pour  l'organisation 
d'une  nouvelle  administration  des 
Montsde  Piété,  1804,  in-8'\  XIX. 
Histoire  de  T  Empire  français  sous 
le  règne  de  son  premier  empereur 
Naptdéon  Bonaparte ,  i8r>');  trois 
livraisons  seulement.  XX.  Histoire 
de  la  conquête  faite  en  soixante- 
trois  jours  (  du  !.'"'■  octobre  au  -i 
de'cenibre  i8o5  )  par  V empereur 
Napoléon  ,  i8o5  ,  in-8".  XXI.  Lo- 
gique du  premier  âge  de  la  raison  , 
1807  ,  in-ivi.  XXII.  Des  articles 
dans  divers  journaux  ,  par  exemple 
dans  \cJournalency  clopédujue.  V.u- 
fin  il  a  coope're'  à  Wlrt  de  faire  et 
d'employer  le  vernis ,  par  Walin  , 
177.».,  in-8".,  imprime  aussi  sous  le 
titre  de  VArt  du  peintre  -  doreur- 
verni  sseur.  A.  B — T. 

PRICK(Jkan)  ,  ne  à  Londres  ,  en 
iGoo,  d'une  famille  originaiie  dd 
pays  de  Galles  ,  fit,  au  collège  de 
W\'Stminster  ,  ses  premières  éludes 
qu'il  alla  ronlirmer  à  Oxford,  dans 
celui  de  Christ.  Aprèsavoir  embras- 
se la  religion  eatlioli([ue,  il  s'attacha 
à  la  famille  d'.\rundel,  et  passa  en- 
suite à  Florence ,  où  il  fut  reçu  doc- 


PRI 

tcur  eu  droit  civil.  A  son  retour  eu 
Angleterre,  il  suivit  le  comte  de 
Stratford  ,uomrae  vice-roi  d'Irlaude, 
où  il  forma  des  liaisons  avec  le  sa- 
vant Uslier.  La  disp;race  de  sou 
protecteur  l'obligea  de  revenir  eu 
Angleterre.  Quelques  écrits  ,  publies 
eu  laveur  de  la  cause  royale  ,  lui 
valurent  une  longue  détention.  Étant 
retourne  à  Florence,  le  e;raud-duc 
le  nomma  garde  du  cabinet  des 
médailles  et  des  antiques,  puis  pro- 
fesseur de  grec,  à  Pise.  Il  se  rendit 
quelque  temps  après  à  Venise,  dans 
le  dessein  d'y  publier  le  Lexicon 
d'Hesycliius,  projet  qui  n'eut  point 
d'exécution.  De  là  il  se  rendit  à  Ro- 
me, y  mérita  la  faveur  du  cardi- 
nal François  Barbcrini,  et  mourut  , 
en  1676,  dans  le  couvent  des  Au- 
gustins  ,  où  il  avait  passe  les  derniè- 
res années  de  sa  vie.  C'était  un  critique 
savant  dans  la  littérature  sacrée  et 
profane  ;  mais  il  manque  souvent 
de  justesse  dans  ses  raisonnements. 
«  On  voit ,  dit  R.  Simon  ,  une  gran- 
»  de  érudition  dans  les  ouvrages  de 
))  cet  habile  scholiaste.  Il  semble  mè- 
»  me  l'avoir  afTcctée,  faisant  venir 
»  très  -  souvent  à  sou  secours  ,  les 
M  écrivains  profanes  ,  tant  grecs  que 
»  latins.  Il  a  imité,  en  quel([ue  clio- 
»  se,  la  méthode  de  Grotius,  dont 
»  il  fait  l'éloge,  bien  qu'il  l'ait  re- 
»  dressé  en  plusieurs  endroits.  Il 
»  l'a  aussi  justifié   en  beaucoup  de 

I     »  lieux,  contre  Bèze,  et  contre  les 

i  »  autres  nouvcaus  traducteurs  ,  ain- 
u  si  que  l'ancien  interprète  latin  , 
»  sans  néanmoins  Fépar<:ner  lors- 
»  qu  il  a  jnge  que  sa  version  u  e- 
»  tait  pas  exacte.  »  On  a  de  lui  : 
I.  Notre  et  Observatiunes  in  apo- 
lo^iam  Apulei  ^  Paris,  iG35,  in- 
4".  II.  Notœ  in  II  lih.   metamor- 

i     phos.  Apulei  ^  Goiul^i ,  \63o,  in-S°. 

'      III.  In  undeciin  Apalcianœ   meta- 


PRI 


7^ 


moqyhoseos  lihr.  Annotatioiies  uhe- 
riores  ,  ibid.  IV,  Index  scriptor. 
tjiii  in  ïlesjchii  grœco  vocabnlario 
hualantur,  à  la  suite  du  Lexique  de 
Schrevelius,édit.  de  1GG8.  V.  Mat- 
thœus  ex  sacra  pagina  sanctis 
Patribus  grœcisque  ne  laiinis  Pen- 
tium scriptoribus  illustratus  ,  Pa- 
ris ,  1647  ,  in-8''.  VI.  Annotatio- 
nes  in  Epist.  Jacobi,  ibid.  ,  1G46, 
in-8**.  \ll.  Acta  Apostolor.  ex  sacra 
pagina,  sanctis  Patribus  ,  gnecis- 
que  ac  latinis  gentiiun  scriptoribus 
illustrât  a,  ih'id.,  16^7,  in  8"'.  VIII. 
Annotatinnes  in  lib.  Psalinorwn  , 
Londres,  1G60.  IX.  Comment,  in 
varios  N.  T.  libres  ,  ibid.  ;  et  dans 
le  cin(inièmc  tome  des  Critiques  , 
édit.  de  Londres.  X.  Lettres  eu  latin 
et  en  anglais.  T — d. 

PRI  CE  (  Cu  ARLES  ),  aventurier 
anglais ,  était  fils  d'un  fripier  de  Lon- 
dres. Dès  son  enfance,  il  montra  sou 
penchant  pour  la  ruse  et  la  trompc- 
lic  ,  exerça  cette  funeste  adresse 
chez  son  père  et  ses  amis  ,  et  fut 
chassé  de  la  maison  paternelle.  Titaut 
entré  ensuite,  eu  qualité  de  valet 
de  chambre,  chez  un  gentUbommc 
anglais ,  il  fit  avec  lui  le  tour  de  l'Eu- 
rope. Il  se  trouvait  à  Copenhague 
au  moment  où  le  procès  de  Struen- 
séc  et  de  la  reine  y  fut  instruit. 
Cette  affaire  l'intéressa  si  vivement, 
que,  tout  domestique  qu'il  était ,  il 
écrivit  une  brochure  pour  détendre 
l'innocence  de  Mathilde.Ce  fut  peut- 
être  la  seule  action  honorable  de  sa 
vie.  De  retour  à  Londres  ,  il  essaya 
toutes  sortes  de  professions ,  et  fut 
successivement  comédien,  cliangeur, 
colporteur  de  billets  de  loterie,  bras- 
seur et  marchand;  mais,  ayant  fait 
banqueroute,  il  fut  mis  dans  la  pri- 
son du  banc  du  roi ,  où  pourtant  il 
ne  resta  pas  long-temps.  Il  en  sortit 
pour  devenir  le  plus  grand  escroc  de 


"jô  PKi 

Londres.  Il  s'associa,  d'abord ,  avec 
une  femme  qui  partageait  ses  honteux 

1>cuchants,il(ii'iitilscdiiisilelcpousa 
a  nièce.  Dis  'ju'il  l'ut  MJrd'c're  Lien 
seconde,  il  médita  un  grand  plan  de 
filouterie.  Il  fit  croire  a  sa  femme 
que  la  tante  venait  de  mourir:  mais 
ilctalilit  celte  dcrnicredaiis  uu  (jiiar- 
lier  solitaire  de  la  ville;  et  ce  fut 
clici  elle  qu'il  forma  luie  fabrique  de 
laux  billets  de  bantpie,  dont  i\  exé- 
cuta toutes  les  pariirs  lui  -  même. 
Pour  les  débiter  ensuite,  sans  être 
découvert,  il  employa  son  adresse 
extraordinaire  dans  les  travestisse- 
ments ,  dont  il  avait  peut  -  être  fait 
les  premiers  essais  chez  son  père  le 
fripier.  Ses  billets  ,  reconnus  faux 

Sar  la  banque,  jetèrent  Talarme  , 
'autant  plus  que  les  déguisements 
varies  que  Price  empluyait,  empê- 
chaient de  douuer  son  vrai  signa le- 
lement.  Il  se  montrait  quelquefois 
chez  les  changeurs  comme  un  gout- 
teux, ayant  les  jambes  très-enflées  , 
cl  le  visage  à  moitié  caché  sous  un 
grand  chapeau  et  dans  une  vieille 
redingote.  Il  aflectail  d'ailleurs  le 
baragouinage  d'un  étranger.  Quand 
il  était  déguisé.  Priée  avait  tant 
d'assurance,  qu'il  osait  se  présenter 
même  chez  les  personnes  de  sa  con- 
naissance pour  les  tromper.  Il  vint 
acheter  chez  uu  pharmacien  un  re- 
mède, et  donna  une  bank  -  note,  sur 
laquelle  il  se  (il  rendre  le  surplus  du 
prix.  Le  billet  était  faux.  L'apothi- 
caire ,  ayant  rencontré ,  quelques 
jours  après,  dans  un  café,  Priée, 
qu'il  connaissait  et  qui  alors  n'était 
pas  déguisé,  lui  conta  le  tour  qu'on  lui 
avait  joué.  «  Il  faut  avouer,  dit  Pri- 
»  ce,  en  faisant  l'étonné,  qu'il  y  a 
>>  d'adroits  coquins  dans  le  monde.  » 
11  se  présenta  chez  un  marchand  de 
sa  connaissancc,mais  avec  le  visage  et 
les maios jaunes,  comme  s'd  avait  la 


PRI 

jaunisse.  Le  commis  lui  indiqua  uit 
remède  contre  ce  mal  :  Priée  le  re- 
mercia, revint  ensuite  avec  son  teint 
natiu'el,  donna  une  bank  -  note  au 
cofuniis  pour  le  récompenser,  et  le 
pria  de  lui  en  changer  ijuclques  au- 
tres.   Elles  furent    toutes  déclarée» 
fausses    par    la    banque.    Le   mar- 
chand vint  r.iconter  à   Priée  ce  qui 
s'était  passé  dans  sa  boutique;  et  Pii- 
ce  témoigna  beaucoup  de  curiosité 
fie  connaître  tous  les  détails  de  l'af- 
faire.   Le   changeur,    (|ui    d'aborti 
avait  escompté  les  bUlets  ,   eut  un 
procès  avec  le  marchand:  Priée  alla 
voir  celui-ci,  pour  s'informer  de  la 
marche  de  la  poursuite.  Cej>endant , 
«uhardi   par  ses  succès,   il  poussa 
Faudaee  si  loin,  qu'à  la  (in  il  lut  re- 
connu par  les  agents  de  la  bantjuc  et 
arrêté.  Ou  fit  des  perquisitions  chez 
lui ,  sans  rien  trouver.  Sa  femme  n'é- 
tait instruite  de  rien.  La  crainte  (pic 
la  justice  ne  parvînt  à  découvrir  son 
atelier ,  engagea  le  coupable  à   tout 
avouera  sa  femme,  et  à  l'envoyer 
chez  sa  tante,  pour  qu'on  détruisît 
les  outils,  qui  seids  pouvaient  prou- 
ver sou  crime.  Toiit  fut  détnnt  en 
effet:  cependant,  tourmenté  j»ar  des 
remords.il  se  pendit  dans  sa  prison, 
en  17H().  On  l'avait  vu  ,  pendant  ses 
friponneries,  sous  quarante-cinq  dé- 
guisements cl  rôles  divers.      D — g. 
PRICE  (  RicuAno  ),  minisire  dis- 
sident ,  et  écrivain  politiqu*'  anglais, 
naquit,  le  'i3  février  i  "/.l'S,  à  Tynton, 
dans  le    comté  de  (îlamorgan  ,   au 
pays  de  Galles.  Son  père,  ministre 
d'une  congrégation  calviniste  ,  lui  fit 
donner  une  éducation  soignée  ,  (juoi- 
qu'il  le  destinât  à  suivre  la  carrière 
du  commerce,  et  mourut  en  1739. 
Le  jeune  Price  termina  ses  études  à 
Londres,  et  s'appliqua  ,  comme  il  le 
disait  souvent  lui-même,  avec  ardeur 
et  ravissement,  aux  mathématiques, 


PRT 

àlaplnlosoptiectàlathéolojçic.Ilfiit 
ensuite  [ilaco  aupiî's  d'un  IM.  Slreat- 
CcIJ  ,  et  y  resta  près  de  treize  ans  , 
comme  son  chapelain  et  son  ami. 
Dans  l'intervalle,  ilofîiciaitde  temps 
en  temps  dans  plusieurs  congre'£i;a- 
lions  dissidentes.  En  1707  ou  1758, 
il  fit  paraître  sa  Rd'ite  des  princi- 
pales questions  et  difficultés  en  mo- 
rale,  dont  il  revit  une  troisième  e'di- 
lioD.  Cet  ouvragic  lui  fit  obtenir  une 
grande  réputation  comme  mcta- 
phvsicieu.  En  17GG,  il  réunit  en 
corps  d'ouvrage,  et  sous  la  forme 
de  Dissertations  ,  les  diflerents  ser- 
mons qu'il  avait  prêches  ,  et  les  pu- 
blia ,  en  1 767,  avec  trois  autres  Dis- 
cours sur  la  Providence^  sur  \c?,Mira- 
des  ,  et  sur  la  Réunion  des  hom- 
mes vertueux  dans  un  état  à  venir. 
Ces  dissertations  lui  procurèrent  , 
la  connaissance  du  premier  mar- 
quis, de  Lansdown  ,  à  cette  époque, 
comte  de  Shelburnc.  Piice  qui  avait 
jusqu'alors  borne  ses  études'  à  des 
sujets  de  morale  et  de  théologie, 
essaya  de  traiter  des  sujets  philoso- 
phiques ,  et  fit  insérer  quelques  mor- 
ceaux assez  remarquables  dans  les 
Transactionsphilosophiquesdclàso- 
cie'té  royale  de  Londres,  qui  l'avait  ad- 
mis,en  i765,aunombredeses  mem- 
bres. L'application  qu'il  apportait  à 
ses  méditations,  était  si  vive,  qu^on 
assure  que  ses  cheveux  qui  étaient 
noirs  ,  devinrent  en  peu  de  temps 
presqu'entièrement  blancs.  En  1 769, 
il  publia  son  Traité  sur  les  tonti- 
nes (  On  Reversionarj  pajments  ) 
qui  contenait ,  outre  une  grande 
variété'  d'objets  ,  la  solution  de  plu- 
sieurs questions  sur  la  doctrine  des 
annuités;  des  plans  pour  établir  sur 
de  bons  principes  ,  des  associations 
de  personnes  âgées  et  de  veufs  ou  de 
veuves  ;  et  un  exposé  des  imperfec- 
tions des  sociétés  de  cette  espèce, 


PRI  77 

que  l'on  créait  conlinucllcincnl  à 
Londres  ,  et  dans  d'autres  parties  du 
royaume.  Cet  ouvrage  est  peut-ctrc 
ce  qu'il  a  fait  de  mieux.  Vers  la  fia 
de  17^)9,  l'université  de  Glasgow 
lui  conféra  le  degré  de  docteur  en 
théologie ,  sur  la  demande  de  quel- 
ques-uns de  ses  amis  de  Londres 
qui  acquittèrent  ,  à  sou  insu  ,  les 
droits  que  ce  corps  savant  prélevait 
afin  de  laisser  croire  au  docteur  Pri- 
ée, qu'il  avait  été  nommé  gratuite- 
ment à  cause  de  la  haute  opinion  que 
l'on  avait  de  son  mérite.  Son  ouvra- 
ge sur  les  tontines  fut  suivi  ,  en 
1772  ,  de  son  Appel  au  Public 
sur  la  dette  nationale.  Le  but  prin- 
cipal de  ce  livre  était  de  rétablir  le 
fonds  d'amortissement,  qui  avait  été 
éteint  en  1733  ;  et  quoique  cette  pro- 
position rencontrât  alors  beaucoup 
d'opposition  ,  on  l'a  vue ,  quelques 
années  plus  lard,  adoptée  par  lepar- 
lement,  et  devenir  l'un  des  princi- 
paux boulevards  du  crédit  public. 
Mais  la  manière  dont  il  envisageait 
les  affaires  de  l'état ,  et  ses  craintes 
exagérées  de  voir  diminuer  la  popu- 
lation ,  n'étaient  point  fondées  sur 
les  faits ,  et  n'ont  point  étéconfirraées 
par  l'expérience.  Les  mêmes  opi- 
nions, et  d'autres  d'une  espèce  plus 
générale,  le  portèrent  à  s'opposer 
aux  mesures  qui  se  terminèrent  par 
la  guerre  d'Amérique.  En  1775,  il 
publia  ses  Observations  sur  la  Li- 
berté civile  j  sur  la  justice  et  la  po- 
litique de  la  guerre  avec  l'Amérique^ 
qui  furent  suivies  ,  en  1777  ,  d'une 
brochure  conçue  dans  le  même  esprit, 
et  intitulée  :  Observations  sur  la  na- 
ture du  gouvernement  civil.  Les  prin- 
cipes que  Priée  émit  dans  ces  deux 
ouvrages ,  furent  accueillis  diverse- 
ment. Tandis  que  les  uns  les  vantaient 
comme  des  chefs-d'œuvTc ,  les  autres 
jtrétendaient  qu'ils   étaient    tout- à 


fait  cliiracriqucs ,  dangereux  en  thdo- 
rie,   cl  tendant  ,  dans  Icms  effets  , 
au  renversement  de  tons  les  gonvi-r- 
ncmenls.  Quel^ne  opinion  qn'on  se 
forme  de  ces  ouvrages  ,  on  ne  peut 
disconvenir    qu'ils    exercèrent    une 
grande  influcnoe.  Le  dernier  lui  va- 
lut les  reincrcîmenls  de  la  Cour  du 
Cojisi-il  comimtri  .  qui  déclara  que 
ses  principes  étaient  les  seuls  avec 
lesquels  ou  pût  défendre  l'autoi  itc  lé- 
gislative suprême  de  la  Grande-Bre- 
tagne sur  les  Colonies.   Il  reçut  en 
même  temps  une  boîte  d'or  de  la  va 
leur  de  5o  livres  sterling.  Après  la 
publication  de  ces  deux  brochures  , 
Price  avait  résolu  de  ne  plus  se  mê- 
ler des  discussions  puliti(|ues;  mais 
il  avait  résolu   plus   (ju'il   ne  pou- 
vait tenir.  Toutes  les  l'ois  que  le  gou- 
vernement prescm'iiit  un  jeûne,   il 
profitaildc  l'occasion  pour  exprimer, 
dans  des  Sermons  ,   ^es  senlinienls 
sur  la  conduite  de  la  guerre ,  et  sur 
les  conséquences  fâcheuses  qui  de- 
vaieuten  résulter.  Ces  digressions  lui 
attireront  un  nombre  immense  d'au- 
diteurs ;  car  ,  amis  et  ennemis  ,  tous 
voulaient  entendre  ce  qu'il  disait  sur 
uu  sujet  aussi  important.  Le  congrès, 
touché  de  tant  de  zèle  en  faveur  de 
l'Araérique,  invita  Price  avenir  rési- 
der chez  un  peuple  qui  savait  appré- 
cier ses  talents  ;  mais  il  ne  jugea  pas 
à  propos  d'accepter  celte  ollie.  Un 
Essai  sur  la  population  de  l'Angle- 
terre ,  qu'il  publia   en  1779,  man- 
que d'exactitude  ,  faute  de  renseigne- 
ments sufl'isants.  Le  docteur  Pries  tley 
ayant  publié  des  Recherches  sur  la 
matière  et  sur  l'esprit ,  Price ,  qui  ne 
partageait  pas  toutes  ses  opinion>, 
fit  paraître  quelques  Observations  à 
ce  sujet  ;  ce  qui  occasionna  entre  eux 
une  correspondance  amicale,  qui  fut 
])ubliée  sùùs  le  titre  de  Disussion 
libre  des  Doctrines dumatérialisme, 


PRI 

et  de  la  nécessité  philosophique. Vers 
le  même  temps,  il  adressa  des  Ob- 
servations imporiantes  à  la  Société 
pour  les  asmrances  équitables  ,  qui 
se  trouvent  dans  l'introduction  à  un 
ouvrage  de  INL  Morgan  ,  son  neveu  , 
sur  la  Doctrine  des  annuités.  Les 
services  que  Price  et  Morgan  rendi- 
rent à  cette  société  ,  sont  générale- 
ment reconnus.  Après  la  cessation 
des  hostilités  ,  et  la  mort  du  marquis 
de  Uockingham  ,  lord  Shelbuine  qui 
fut  misa  la  tète  de  l'administration  , 
oll'rit  à  Priée  la  place  de  son  secré- 
taire particulier,  que  celui-ci  accepta. 
On  aurait  tout  aussi  bien  pu  lui  don- 
ner la  place  d'écuyer  cavalcadour, 
a  dit  un  ami  de  Price.  Per)dant  le 
temps  de  son  ministère,  lord  Shel- 
burne  employa  les  talents  de  Price 
a  rédiger  ini    projet   pour    amortir 
la  dette  nationale  ,  et  présenta  une 
résolution   à  rc   sujet  à  la  chambre 
des  lords.  Mais  comme  il  ne  tarda 
pas  h  quitter   l'administration,    ec 
projet    fut   momentanément   aban- 
donné. L'auteur  lefît  néanmoins  con- 
naître  au   public  ,  en  publiant  son 
Etat  des  dettes  publiques  et  des 
finances ,  en  janvier  17^3  ,  avec  un 
plan  d'emprunt  pour  le  rachat  des 
dettes  publiques.  Pitt,  s'élant  déter- 
miné à  présenter  au  parlement  uu 
bill  pour  réduire  la  dette  de  l'état, 
consulta  le  docteur  Price,  et  reçut 
de  lui  trois  plans  distincts  ;  l'un  des- 
quels forme  la  l)ase  de  l'acte  pour 
réduire   la   dette  publique,  adopté 
en   1786,  et  qui  a  contribué,  plus 
qu'aucune  autre  mesure,  à  élever  le 
crédit  de  son  administration.    Les 
amis  du  docteur  reprochent  à  Pitt 
d'avoir  suivi  le  plan  le  moins  elll- 
cace  des  trois  qui  lui  avaient  été 
fournis,  et  de  ne  pas  avoir  reconnu 
publiquement   les    obligations   qu'il 
avait  à   ce   savant  (  P^cj'.   Pitt  ), 


PRI 

En  1784,  Pricc  publia  des  Ob- 
servations sur.  Vimportance  de  la 
révolution  américaine ,  et  sur  les 
rnojens  de  la  rendre  utile  au  mon- 
de. Il  plaça,  à  la  suite,  une  lettre 
de  Turgot ,  et  le  Testament  de  For- 
tune Ricai'd  (  T^oj.  Mathow  de  La 
Cour),  qui  présente  une  appiicatioîi 
intéressante  de  l'exposé  fait  par  le 
docteur  Priée ,  de  la  puissance  de 
l'intérêt  composé  ,  et  des  usages 
auxquels  on  peut  l'appliquer  pour 
l'utilité  du  genre  humain.  En  1786, 
il  publia  un  volume  de  sermons  sur 
des  sujets  pratiques  et  sur  des  doc- 
trines l'eiigieuses  :  dans  le  dernier, 
il  établit ,  et  défend  avec  chaleur , 
l'hypothèse  des  Ariens  ,  à  laquelle 
il  était  lui-même  attaché,  contre 
les  Trinitaires  d'ime  part ,  et  les 
modernes  Unitaires  de  l'autre.  Il 
se  sentit  vivement  blessé  de  la  con- 
duite du  docteur  Priestley  et  de  M. 
Lindsay ,  qui  s'attribuaient  exclu- 
sivement la  qualification  d'Unitai- 
res ,  laquelle  appartient  également 
aux  Juifs  etauxMahomélans,  et  trai- 
taient avec  mépris  les  opinions  de 
ceux  qui  ne  partageaieut  pas  celles 
qu'ils  avaient  adoptées.  Les  Ser- 
mons pratiques  eurent  du  succès  :  ils 
avaient  pour  sujet  la  Sécurité  et  le 
Bonheur  d'une  conduite  vertueuse  ; 
la  Bonté  de  Dieu  ;  et  la  Résurrec- 
tion de  Lazare.  Les  autres  publica- 
tions dePrice  qui  méritent  d'être  ci- 
tées ,  sont ,  un  Sermon  .sur  V Evi- 
dence d'une  période  à  venir  d^a- 
mélioration  dans  l'état  du  gerwe 
humain^  avec  les  moyens  et  Vo- 
blisation  d'en  rapprocher  le  te^'ine  , 
prononcé,  en  1787  ,  devant  les 
fondateurs  et  les  jjrofesseurs  du  nou- 
.yeau  collège  des  dissidents,  à  Hack- 
ney  ;  et  un  Discours  sur  l'Amour 
de  la  patrie ,  prêché,  le  4  novembre 
1789 ,  devant  la  société  réunie  pour 


PRT  79 

célébrer  la  révolution  de  1G88.  Dans 
ce  dernier  Discours  ,  Pricc  déploya 
son  zèle  accoutumé  pour  ce  qu'il 
appelait  les  grands  principes  de  la 
liberté  civile  et  religieuse  :  en  le 
terminant,  il  prit  tout  -à  -coup  un 
air  d'inspiration  et  de  triomjihe  , 
fixa  l'attention  de  ses  auditeurs  sur 
la  révolution  de  France ,  et  la  pré- 
senta à  leurs  yeux  comme  le  com- 
mencement d'ime  nouvelle  ère  de 
bonheur  pour  le  monde.  Il  proposa 
en  même  temps  de  former  une 
étroite  liaison  entre  les  meneurs  de 
la  révolution  française  et  le  peu- 
ple anglais  :  mais  ses  vaines  théo- 
ries ,  qu'il  eût  été  impossible  de 
mcttie  en  pratique  dans  quelque  so- 
ciété d'hommes  que  ce  fût,  et  qui 
en  offrant  des  modèles  fantastiques 
à  l'imagination  ,  tendaient  à  rendre 
ses  sectateurs  mécontents  des  gouver- 
nements sous  lesquels  ils  vivaient, ne 
produisirent  que  peu  d'effet.  Piltétait 
ministre;  et  Burke  écrivit  un  chef- 
d'œuvre  qui  anéantit  les  dangereux 
sophismes  de  Price.  La  majorité  des 
hommes  de  lettres  d'Angleterre  fa- 
vorisaient, il  est  vrai,  les  innovations 
qui  s'opéraient  en  France  ;  et  en  li- 
sant les  invectives  que  Price  oppo- 
sait aux  solides  raisonnements  de  son 
éloquent  adversaire  ,  il  eût  semble 
que  ce  dernier  était  le  seul  qui  envi- 
sageât d^un  œil  peu  favorable  la  ré- 
volution française.  Cependant  tous 
les  correspondants  intimes  de  Pricc 
ne  partageaient  pas  ses  opinions  exa- 
gérées. Son  biographe  cite,  àccsujet, 
un  personnage  qui  ne  saurait  être 
suspect;  c'est  le  célèbre  John  Adanis, 
qui  ,  après  avoir  été  ahibassadéur 
des  Etats-unis  à  Londres  ,déviïit 
vice -président  et  ensuite  président 
de  cette  réunion  de  républiques.  Dans 
une  longue  lettie  qu'il  écrivit  au  doc- 
teur Price  pendant  ses  discussions 


So  PRI 

avec  Biirkc  ,  loin  de  le  iVlicitcr  sur 
ses  piiucijHs  et  Mirlcs  opinidiisdont 
il  se  coustitiiait  le  ilcfenseur  ,  Jolin 
Adams  s'exprime  eu  termes  (\e  mé- 
pris en  parl.âiitdela  révolution  fr.m- 
çaise  ;  et  après  avoir  deinandé  quel 
bien  on  pouvait  attendre  d'uneiiation 
d'atliecs,  il  conelut  eu  prédisant  la 
dcslructiuu  d'un  million  d'èires  hu- 
mains eomrae  une  eonse'quence  pro- 
bable de  cet  évcueraent  (0.  Eu 
i'j()i  ,  Pricc  fut  atteint  d'une  ma- 
ladie cruelle  dont  il  avait  été'  me- 
nacé depuis  plusieurs  années,  et  qui 
le  mit  au  tombeau  ,  le  19  mars. 
Ses  divers  ouvrages  politiques  et 
religieux  doivent  être  appréeics  dif- 
fcremmeut  suivant  qu'ils  suut  ,  ou 
non,  infectés  de  cesprincipes  qui,  en 
c\agér.iut  les  vraies  et  excellentes 
doctrines  de  liberté,  sont  devenus, 
dans  ce  siicle  ,  le  fléau  de  la  socié- 
té humaine.  Il  parait  quePrice  écri- 
vait de  bonne  foi;  mais  il  n'avait  pas 
assez  de  sagacité  pour  découvrir  le 
mal  qui  pouvait  résulter  de  la  pro- 
pagation des  principes  dont  il  s'é- 
tait fait  le  promoteur.  Lors  qu'il 
ne  prenait  pas  pour  base  des  docu- 
ments erronés  ,  il  étoit  ingénieux,  ha- 
bile ,  et  souvent  profond.  Ses  maniè- 
res étaientdouces  et  sociables;  et  tous 
ceux  qui  conversaient  avec  lui ,  ou 
qui  parcouraient  ses  écrits,  ne  pou- 
vaient s'empêcher  d'être  frappés  du 
contraste  étonnant  qui  existait  entre 
bii  et  les  écrivains  controversistes 
avec  le>que1s  il  marchait  ordinaire- 
ment. Les  Mémoires  de  sa  vie  ont 
été  publiés,  eu  1 8 1  "j ,  par  son  neveu, 
William  Morgan,  membre  de  la  so- 


(1^  Qarlc{ii«*aniiFo  pluitanl,  Jobo  Adams,  daaa 
fOU  ouTr-^r  iiititulr  ,  Htiloiredei  princifitUi  répu- 
hli  7  .  <■*  Déjenie  lUt  conihluiioni  Hei 

A*'"  Iff  atiat/utt  de   Turgol  ^  aVIrva 

fori'  le»  priiicipr*  de  Prire,  rt   proi.- 

is  tfut  U  Ufuuiratir  pare  ctail  l«    pire  d«    loua  lr« 
frmrrmf$na>t'. 


PRI 

ciclé  royale  de  Londres ,  un  vol.  in- 
S".  On  seul  qu'ils  ne  doivent  être 
consultés  qu'avec  déiiancc.     D-z-s. 

PlUDi:.\LJX  ;JtAN),  savant 
théologien  anglican ,  évêque  de  Wor- 
cester ,  iiacpiit  en  iTï^S,  à  Sta\vford 
dans  le  Devonshire.  Après  lui  avoir 
appris  à  lire  et  à  écrire  ,  son  père, 
qui  était  charge  d'une  nombreuse 
famille  ,  et  qui  n'e'lajt  pas  riche  ,  le 
présenta  ,  pour  l.i  place  d'enfant  de 
chœur  ou  de  clerc  de  paroisse,.!  L'g- 
borow  ;  mais  il  fut  su])])lanté  par  un 
concurrent,  l'ependaut  le  [eune  Pri- 
deaux  obtint,  (l'une  dame  puissante, 
des  secours  pour  faire  (piehpies  étu- 
des et  apprendre  le  latin.  En  iSqG, 
il  fut  admis  au  collège  d'Kxeler,  à 
Oxford  ,  et  se  distingua  par  de  ra- 
pides progrès.  La  force  de  son  tem- 
pérament, dit  Hayle  ,  lui  permit  de 
s'appliquer  autant  (pi'il  voulut  ,  et  la 
bonté  de  sa  mémoire  lui  (it  recueillir 

Sromplcment  et  amj>lement  le  fruit 
c  son  applic.ition.  Trois  ans  après, 
il  prit  le  degré  de  bachelier-*s-arts. 
En  itio'i  ,  il  fut  associé  aux  uiem- 
])res  de  ce  collège  ;  et  en  i  (>  1 2  ,  il  en 
devint  recteur  par  la  moit  du  doc- 
teur IloUand.  Il  renjplit  ces  fonc- 
tions pendant  trente-deux  ans  ,  d'une 
n)anière  si  distinguée,  qu'il  y  attira 
un  grand  nombre  d'écoliers  ;  et  il  les 
poussa  telienient  au  travail  ,  que  la 

{dupart  d'entre  eux  devinrent  capa- 
(les  de  servir  honorablement  l'Ktal 
et  l'Kglise.  Robert  Abbot  ayant  été 
nommé  à  l'évêchéde  Salisbury ,  Pri- 
deaux  le  remplaça  dans  la  chaire  de 
professeur  roy.d  de  théologie,  qu'il 
occupa  près  de  trente  -  sept  ans  , 
avec  la  plus  grande  sagesse,  dans 
les  tcmjis  les  plus  dilheiles  ,  et  au 
milieu  des  discordes  civiles  et  reli- 
gieuses. Il  fut,  jusfprà  cinq  fois,  vice- 
chancelier  de  l'université.  En  1 64 1  , 
le  marquis  d'Haîuilfon,  qui  avait  été 


PlU 

son  c'Ièvc,  le  fit  nommer  à  revêchc 
de  Worccstcr;  mais,  bicniot  après, le 
monarque  ayant  été  renverse  ,  le 
parti  dominant  excommunia  Pri- 
deaux  ,  et  le  priva  de  ses  revenus. 
Ce  zélé  royaliste  se  vit  réduit  à  une 
telle  détresse,  qu'il  fut  oblige  de  se 
défaire  de  sa  précieuse  bibliothèque 
pour  sa  subsistance  11  mourut  en 
i65o  ,  à  Bredon  ,  dans  le  comté  de 
Worccstcr  ,  léguant  à  ses  enfants , 
pour  tonte  succession  ,  une  honora- 
ble paui'reté ,  la  crainte  de  Pieu  , 
et  le  secours  de  ses  prières.  On  a 
de  ce  docte  prélat:  1.  Tahulce  ad 
(trammaticam  ^rœcani  inlroduc- 
toricv  ,  Oxford  ,  i(3o8  ,  in  -  4°- 
II.  Tirociniuiii  ad sjllogismum con- 
texenduni ,  necnoii  heplades  logicœ , 
sive  inonita  ad  ampliores  tractatus 
introducloria  ,  imprimés  avec  la 
Grammaire  grecque.  Ce  sont,  au  ju- 
gement de  quelques  Anglais,  les  meil- 
leurs ouvrages  de  Pricb-aux.  III.  Cas- 
tigatio  cujusdarn  circnlatoris  ,  qui 
R.  P.  Andream  EudivinonJ ounnein 
Cydonium  soc.  Jesu  seipsum  nun- 
cupat ,  opposita  ipsius  calumniis  in 
epistold  Isaaci  Casauhoni  ad  Fron- 
tonein  Vucœum  ,  Oxford,  iGi4, 
in  -  8".  Cet  ouvrage  polémique  est 
plein  d'amertume,  comme  tout  ce 
que  les  Protestants  ont  écrit  con- 
tre les  Jésuites.  IV.  figinti  duce 
lectiones  de  totidem  religionis  ca- 
pitibus  prœcipuè  hoc  tempore  con- 
troversis^  Oxford,  iG48,  in-fol.  V. 
Tredecim  Orationes  inaugurales  et 
alia  opuscula ,  Oxford,  iG48,  in- 
fol.;  dans  le  même  volwme  que  les 
Thèses  de  théologie.  VI.  Fasciculus 
controi'ersiarum  théologie  arum,  ad 
junioruni  aut  occupalorum  captura 
sic  colligalus,  Oxford,  lO/jC),  i65 1, 
in  -  4".  VII.  Conciliorum  synopsis  ; 
aved'ouvrage  précédent.  VIII.  Scho- 
lasticœ  iheologiœ  sjntagma  mne- 

XXXVI. 


PlU 


8i 


monicuni,  Oxford,  iGji  ,  in  -  4". 
Les  articles  iv,  y,  vi,  vu  et  vin 
ont  été  recueillis  par  Jean  Henri  Hei- 
degger ,  et  réimprimés  a  Zurich  , 
1672,  in  -  4"' ,  avec  une  Préface  de 
l'éditeur,  et  un  Examen  théologique 
du  sentiment  de  Pridcaux  sur  l'ori- 
gine des  évèques,  la  juridiction  tem- 
porelle du  clergé  ,  le  divorce,  et  Ta- 
néantissement  du  monde  ,  par  Sa- 
muel Dcsmarest.  IX.  flfanuductio 
ad  theologiam  polemicam,  Oxïord, 
1G57  ,  iu  -  8".,  publié  par  Thomas 
Barlow,  depuis  évèque  de  Lincoln. 
Le  docteur  Prideaux  a  composé  quel- 
ques autres  ouvrages  de  théologie  et 
de  littérature,  qui  11c  sont  plus  re- 
cherchés maintenant;  et  un  grand 
nombre  de  Sermons,  imprimés  pen- 
dant sa  vie  et  depuis  sa  mort.  L  kk. 
PhlDEAUX  (  HuMPiiaii Y  ) ,  sa- 
vant historien  et  aiiliquaire ,  naquit , 
en  1G48  ,  à  Padstow  ,  dans  le  comte 
de  Connvall ,  d'une  famille  honora- 
ble ,  et  qui  a  ])roduit  plusieurs  hom- 
mes distingués.  Ses  ])arents  ,  qui  le 
destinaient  à  l'état  ecclésiastique,  l'en- 
voyèrent dans  les  meilleures  écoles 
du  comté ,  et  ensuite  à  Wctsminster , 
où  il  fit  de  grands  et  rapides  progrès 
dans  la  connaissance  des  langues  et 
de  l'antiquité.  Admis  à  l'académie 
d'Oxford ,  à  l'âge  de  vingt  ans ,  il 
fut  reçu  bachelier,  en  1671Î;  et,  par 
le  conseil  du  doyen  Fell  ,  il  publia , 
la  même  année  ,  une  édition  de  Fie- 
ras ,  avec  des  notes  ti'ès-utiles.  Il  en 
préparait  une  de  la  Chronique  de 
Jean  Malala  ;  mais  il  interrompit  ce 
travail  pour  s'occuper  de  l'explica- 
tion des  fameux  marbres  d'Arundel, 
dont  lord  Howard  venait  de  faire 
présent  à  l'académie  d'Oxford  (  Fof. 
Arundei.  ,  II ,  557  ).  Il  fut  promu , 
peu  après ,  au  grade  de  maître-ès- 
arts  ;  et ,  en  1679  ,  le  comte  de  Not- 
tinghara  lui  donna  la  cure  de  Sainî- 


8i 


PRI 


Clcincnt.  Prideaiix,  dont  la  rcpiita- 
tion  croissait  de  jour  cii  jour  ,  fut 
nommé  presque  dans  le  mcnic  temps 
professeur  d'Iiebrcu  au  collège  de 
Christ-Cliurch  ,  et  pourvu  de  plu- 
sieurs biMuliccs.  Enfin  ,  après  avoir 
reçu  le  doctorat  en  théologie,  il  s'é- 
tablit dans  la  prébende  de  Norwich  , 
et  se  trouva  bientôt  engage  dans  des 
disputes  de  controverse,  (jui  produi- 
sirent divers  écrits  ;  il  combattit  avec 
xèle  l'esprit  d'indilfcrencc  religieuse 
qui  s'était  introduit  en  Angleterre  à 
la  suite  des  troubles  politiques  ,  et  il 
défendit  les  droits  du  clergé,  mon- 
trant la  nécessité  de  suppléer  par 
des  taxes  à  l'insulVisance  des  revenus 
ecclésiastiques.  La  mort  d'Ed.  Po- 
cokc  laissa  vacante  la  chaire  d'hé- 
breu de  l'académie  d'Oxford  :  on 
l'offrit  à  Prideaux,  qui  la  refusa;  mais 
il  s'en  repentit  dans  la  suite.  Tour- 
menté ,  depuis  plusieurs  années,  par 
les  douleurs  de  la  pierre  ,  il  se  sou- 
mit, en  i"  10,  à  l'opération  :  elle  fut 
faite  par  un  chirurgien  mal-habile, 
et  jamais  il  ne  put  se  rétablir  entiè- 
rement. Il  reprit  cependant  les  tra- 
vaux qu'il  avait  été  forcé  d'ir>tcr- 
romprc  ;  et  malgré  l'airaiblissemenl 
de  sa  santé,  il  vint  à  bout  de  termi- 
ner V Histoire  des  Juifs,  ouvrage 
oui  mit  le  sceau  à  sa  réputatiou.  Pri- 
ûeaux  mourut,  doyen  de  Norwich  , 
le  r*'.  novembre  17^4  ^  ^  '''*fif'  ^^ 
soixantc-dix-sept  ans  ,  et  fut  enterré 
dans  la  nef  de  la  cathédrale.  Outre 
plusieurslivrcsf/<;  co«troime,  cjui  ne 

1)euveut  offrir  aujourd'hui  qu'un  fai- 
)le  intérêt ,  et  la  traduction  latine 
des  deux  Traités  de  Mairaonidcs ,  De 
jure  pauperis  et  peref^iini  apud  Ju- 
dceoSy  in -4°.  ,  avec  le  texte  hébreu 
et  des  notes  ,  on  a  de  lui  :  1.  Mar- 
mora  Oxoniensia  ex  Aiundellianis, 
Seldenianis  aliisque  conjlata ,  cum 
pcrpeluo   commentario  ,    Oxford  , 


PRl 

iG"j("», in-fol.  Cette  édit.  est  défigurée 
par  de  nombreuses  fautes  typogra- 
phiques ;  mais  elle  est  encore  reciier- 
chée  ,  parce  qu'elle  contient  quelques 
savantes  Dissertations  qu'on  ne  trou- 
ve pas  dans  les  éditions  beaucoup  plus 
correctes  et  plus  belles,  publiées  par 
Maittaire  et  Chaiuller  (  /'.  ces  noms). 
II.  fie  de  Mahomet ,  i()()7  :  elle 
est  savante  ,  mais  moins  estimée  que 
celle  de  Gagnier  (  /'.ce  nom).  Il  en 
parut  trois  éditions  dans  la  même  an- 
née :  elle  a  été  traduite  en  français 
par  Daniel  de  I.arroque  ,  Amsterd. , 
i(><)8,  in-S".  figur.  ;  et  avec  des  aug- 
mentations ,  Paris  ,  i()f)f).in-iu.  III, 
Traité  de  l'orii^ine  du  droit  des 
dîmes  (enangl.  ),  1709.  IV.  J/is- 
toire  des  Juifs  et  des  jieuples  voi- 
sins, depuis  la  décadence  des  royau- 
mes d  Isracl  et  de  Juda  jusquît  la 
mort  de  Jésus- Christ  (  en  tingl,  )  , 
Londres  ,  1715-18,  6  vol.  in  -  H".  ; 
cet  ouvrage  eut  un  succès  prodigieux 
en  Angleterre:  il  y  en  eut  dix  à  douze 
éditions  dans  l'espace  de  cpichpies 
années.  L'une  des  plus  estimées  est 
relie  de  Londres,  179.0  ,  'i  vol.  in- 
fol.  On  a  retranché  de  la  traduction 
française  les  passages  dans  Iisf[uel8 
l'auteur  s'exprimait  d'ime  manière 
trop  peu  mesurée  contre  les  catholi- 
ques ;  mais  elle  est  augmentée  de 
deux  Dissertations  du  P,  Tourne- 
mine  :  l'une  sur  la  ruine  de  Ninive 
et  la  durée  de  l'empire  Assyrien  ;  et 
la  seconde,  sur  l'autorité  des  livres 
de  l'Ancien  -  Testament  que  les  pro- 
testants n'admettent  pas  comme  au- 
thentiques.Cette  traduction ,  (pie  l'on 
doit  à  deux  écrivains  anonymes  ,  a 
clé  imprimée,  pour  la  première  fois, 
à  Amsterdam,  i7';i'2,  5  vol.  in- 12  : 
mais  les  éditions  les  plus  estimées 
sont  celles  d'Amsterdam,  i7'->.B,  G 
vol,  in- 1 '2,  ou  1744»  2  vol.  in-4". 
Les  cuneux  recherchent  aussi   les 


PlU 

excmpl.gr.  p. ,  qui  sont  fort  rares,  de 
l'édition  de  Paris  ,  174-^,6  vol.  in- 
1-.Î.  Il  règne,  dans  cet  ouvrage,  un 
peu  de  confusion  ;  et  le  style  n'en  est 
point  agréable:  mais  on  ne  peut  trop 
admirer  l'eruditioîi  de  l'auteur  ,  l'e'- 
tcudue  et  Tabondance  de  ses  recher- 
ches ,  et  la  sagacité'  avec  laquelle  il 
explique  une  foule  de  points  rcste's 
obscurs  malgré  le  grand  nombre 
de  commentateurs  des  livres  saints. 
L'ouvrage  que  le  docteur  Shuckford 
a  publie  pour  servir  à'Intrudiiction 
à  l'Histoire  des  Juifs  ,  par  Prideaux , 
n'a  pas  obtenu  le  mctnc  succès.  Le 
Plctionn.  de  Chaufcpiè  contient  uu 
article  sur  Prideaux ,  rédigé  sur  les 
renseignements  fournis  par  le  fils  de 
ce  gavant.  W — s. 

PRIERAS  (  SiLVESTRE  ).  Fuy. 
Mazolum. 

PRIESTLEY  (  Joseph  ) ,  savant 
théologien  et  célèbre  physicien  an- 
glais, né  en  17 33,  à  Fieldhead,  près 
de  Lceds,  était  fils  d'un  marchand 
qui  professait  la  religion  calviniste 
ou  presbytérienne.  Doué  de  dis- 
positions très  -  heureuses  ,  il  s'ap- 
pliqua d'abord,  dans  les  écoles  où 
il  fut  placé  .  à  l'élude  de  diver- 
ses langues  ,  et  notamment  de  l'hé- 
hreu.  Il  montra  du  penchant  pour 
l'arianisme,  et  se  pénétra  dès-lors  de 
la  lecture  des  ouvrages  d'Harlley  ; 
lecture  qui  eut  de  l'influence  sur 
ses  opinions.  Au  sortir  de  ses  clas- 
ses, il  oLlint  l'emploi  de  ministre 
d'une  faible  congrégation  à  Nccd- 
ham-Market,  en  Suffolk,  et  trois 
ans  après  un  emploi  pareil  à  Nampt- 
wich  en  Gheshire.  11  se  livra  dès-lors 
à  l'enseignement  de  la  jeunesse,  et 
en  même  temps  à  des  expériences 
de  physique,  science  pour  laquelle 
il  avait  conçu  une  sorte  de  passion , 
et  où  il  a  trouvé  ses  véritables  li- 
tres.à  l'estime  publique.  Une  gram- 


PRl 


8: 


maire  anglaise,  composée  sur  un 
nouveau  plan  en  faveur  de  ses  e'iè- 
ves ,  et  qui  est  encore  en  usage  au- 
jourd'hui ,  le  fit  connaître  comme  au- 
teur, en  17G1  :  il  y  relevait  dans 
les  ouvrages  de  David  Hume,  quel- 
ques incorrections  de  style  ,  que  ce 
grand  historien  fit  disparaître  dans 
les  éditions  suivantes.  Sur  la  re- 
nommée du  savoir  et  des  talents  de 
Priestley,  les  chefs  de  l'académie 
dissidente  de  Warrington  le  choisi- 
rent pour  y  enseigner  les  langues  :  il 
joignit  bientôt  à  ses  leçons  des  cours 
d'histoire  et  de  politique  générale* 
et  plein  des  objets  qui  l'occupaient 
journellement,  il  confia  au  papier 
le  fruit  de  ses  méditations.  De  ce  tra- 
vail résultèrent  son  Essai  sur  le  guu- 
vernement ,  un  Essai  sur  un  cours 
d'éducation  libérale ,  et  ses  Tablet- 
tes biographiques  {Chart  of'Biogra- 
phy) ,  dont  l'idée  et  l'exécution  ont 
été  généralement  approuvées  (  i  ).  Un 
voyage  qu'il  fit  à  Londres  l'ayant 
mis  en  rapport  avec  B.  Franklin, 
Watsou  et  Price,  ces  savants  l'en- 
couragèrent dans  le  dessein  de  don- 
ner une  Histoire  de  l'Electricité.  Cet 
ouvrage  parut  en  1767  :  à  la  suite 
d'un  exposé  clair  et  bien  fait  de  l'ori- 
gine et  des  progrès  de  cette  branche 
de  la  science,  on  y  trouvait  décrites 
plusieurs  expériences  nouvelles  et  in- 
génieuses ,  prémices  heureuses  de  cet 
esprit  inventif  et  pénétrant  qui  de- 
puis a  si  fort  distingué  Priestley  dans 
le  domaine  de  la  physique.  Réim- 
primé plusieurs  fois  ,  traduit  dans 
les  langues  étrangères,  ce  livre  ouvrit 
les  portes  de  la  Société  royale  à  son 
auteur,   qui    fut  par  la  suite  alta- 

(1)  Cliantrcau  a  douuo  celte  carie  en  fiaiicaisà  la  siiilc 
de  sa  traduction  des  Tabler  clininolngi./iws  de  Jac<^. 
Blair  ,  i^ft.î  ,  in-40.  Au  i-pstf  la  grande  Carte  hf.stori- 
(jue  de  Priestk-y  iiVst  guère  qu'une  imitation  do  Ja 
MiippemoiHle  hlsloriiintt  jmldiee  <mi  ■  l"i  aiifc  dî-s 
J75o  (  V.  13AKBEAU  Dfi  LA  liiiUYÈUK,  lil,  33G). 

G.. 


84  PRI 

ché  ii  presque  toutrt  1^  acad<^mics 
des  scicncos.  Apn^s  un  séjour  de  sept 
années  à  \Varriii,;toii,  Pricsllcy  alla 
s'ëlablirà  Lecds  ;  et  cette  translation 
donna  une  direction  nouvelle  à  ses 
pensées.  Mis  à  la  tète  d'une  conjure- 
galion  de  dissidents,  il  reprit  avec 
ardeur  ses  études  thcologiques;  et  la 
lecture  d'un  opuscide  du  docteur 
Lardncr  le  rendit  socinien.  Un  grand 
nombre  d'écrits  de  controverse  se 
succédèrent  rapidement  sous  sa  plu- 
me. Heureusement  cependant  la  théo- 
logie n'absorba  point  toute  son  at- 
tention. Le  moyeu  qu'il  employait 
pour  prolonger  ,  sans  fatigue,  le 
travail,  était  d'en  varier  l'objet; 
cl  la  physique  ne  fut  pas  négligée. 
Habitant  dans  le  voisinage  d'une 
brasserie  ,  il  se  mil  à  examiner  les 
elTcts  que  produit  ,  sur  les  ani- 
maux et  sur  la  llamme  des  bougies, 
ce  fliiide  gazeux,  qui  s'é(  happe  de  la 
bière  en  fermenlalion  ,  qu'on  ap- 
pelait a\oTS  air  flic ,  et  qu'on  nom- 
me aujourd'hui  f^a:  acide  carboni- 
que :  SCS  expériences  le  conduisi- 
rent à  construire  un  appareil  simple 
destiné  à  imprégner  l'eau  de  ce  flui- 
de, appareil  qu'il  rendit  public  en 
ï^-jl.  Dans  un  Méinoiie.Iu  la  même 
aunc'e  à  la  Société  royale,  et  qui  ob- 
tint la  médadie  de  Copicy,  destinée 
au  meilleur  travail  de  physique  pro- 
duit dans  l'année,  il  annonça,  entre 
autres  découvertes,  celle  du  gaz  ni- 
treux  ,  et  rai>p)ication  qu'il  en  faisait 
pour  éprouver  la  pureté  des  airs 
difierents.  Après  avoir  reconnu  (juc 
l'air  commun  vicié  par  la  combus- 
tion ,  la  fermentation ,  la  respiration  , 
la  putréfaction,  était  constamment 
rétabli  dans  son  état  nalurel  par  la 
propriété  qu'ont  les  végétaux  de  lui 
rendre  ses  principes  vivifiants  ,  il 
parvint  ,  en  1774  ,  cn  appliquant 
la  chaleur  d'au  verre  ardent  à  des 


PRt 

chaux  de  mercnre ,  à  obtenir  pu- 
re et  isolée  cette  portion  ,  la  seule 
respirabic,  ilc  l'air  atmosphérique, 
que  les  animaux  eonsomment  ,  que 
les  végétaux  restituent,  que  les  com- 
bustions altèrent.  Il  la  nomma  l'air 
(lépldo'j^istiijué  ;  c'est  ce  que  nous 
nommons  oxygène ,  et  ce  que  la  chi- 
mie moderne  a  reconnu  eommc  le 
principe  de  la  combustion  et  de  la 
respiration  ,  ainsi  que  l'élément  es- 
sentiel à  presque  tous  les  acides. 
Priestley  prouva  lui-même,  ]>ar  ses 
expériences  lues  à  la  Société  royale  , 
en  177(3 ,  que  l'oxygène  agit  sur  le 
sang  au  travers  des  vaisseaux  du 
poumon,  cl  que  c'est  à  son  action 
qu'est  duc  la  coideur  rouge  du  sang 
artériel.  Li  théorie  de  Lavoisier  se 
fonde  principalement  sur  les  expé- 
riences de  I^iiestley  et  sur  celles  de 
Cavenilish  ;  (  ependant  Priestley  ne 
voidut  jamais  l'adopter,  et  persista 
à  soutenir  celle  du  pldogistiquc  , 
malgré  les  réfutations  le>  plus  pc- 
remptoires.  Le  succès  (lu'avait  ob- 
teini  son  Ilistuirede  l' l'électricité  lui 
donna  l'idée  de  traiter  sur  le  même 
plan  celle  de  quelques  autres  scien- 
ces ;  et,  en  I77>'.,  il  publia,  par  sous- 
cription, V Histoire  etVétuL  actuel 
des  découvertes  rclatii'cs  à  la  vi- 
sion, à  la  lumière  et  aux  couleurs  , 
in-Zj''.  Mais  l'ouvrage  ayant  été  froi- 
dement accueilli  du  public,  ce  contre 
tem  ps  lui  fit  tourner  ses  vues  d'un  au- 
tre côté.  Après  une  résidence  de  six 
années  à  Leeds ,  il  accepta  l'oflrc  que 
lui  fit  le  comte  de  Shelburne  (  de- 
puis marquis  de  LansdoNNu  )  de  ve- 
nir habiter  près  de  lui  en  Wilfshire, 
à  litre  de  bibliothécaire  :  mais  le 
vrai  but  de  ce  seigneur  ,  en  se  ratta- 
chant, claitde  jouirdc  lasociétcd'un 
homme  instruit.  Une  position  aussi 
avantageuse  laissait  à  Priestley  assez 
de  loisir  pour  ses  occupations  faro- 


PRI 

vîtes.  Ce  fut  là ,  en  elTct ,  qu'il  dtendit 
sa  réputation  comme  physicien.  11 
ausmcDta  de  bcaucoiip  la  Disserta- 
tion  qui  avait  ete  couronnée  par  la 
Société  royale,  et  en  dédia,  en  1774» 
à   lord  Shelburne  une  seconde  édi- 
tion. Il  en  a  public  successivement 
6  volumes ,  les  trois  premiers  sous 
le  titre  à^ Expériences  sur  les  diffé- 
rentes espèces  d'air;  les  trois  au- 
tres  sous  celui  à" Expériences  sur 
différentes  branches  de  la  philoso- 
phie naturelle.  Dès  l'appariiion  de 
ses  premiers  volumes,  Priestley  se  vit 
comble'  d'honneurs  littéraires  :  heu- 
reux s'il  n'eût  pas  été  détourné  de 
travaux   précis  ,    récompensés   par 
des  découvertes  importantes ,  pour 
être  lancé,   sans  retenue,  dans  les 
spéculations  vagues  de  la  métaphy- 
sique I  En  1775,  il  publia  nn  Exa- 
mende la  doctrine  du  Sens  commun, 
telle  que  la  concevaient  les  docteurs 
Reid,  Beattie  et  O.Avald;  il  y  traitait 
ces  savants  avec  une  dédaigneuse  ar- 
rogance ,  dont  il  se  repentit,  dit-on, 
par  la  suite.  Cet  examen  n'était  que 
le  prélude  du  dessein  qu'il  avait  de 
mettre  dans  un  plus  grand  jour  la 
théorie  d'Hartley  sur  l'entendement 
humain;  ce  qu'il  elFectua  peu  de  temps 
après  :  mais  les  hommes  sages  lui 
surent   peu  de   gré    d'avoir   rendu 
moins  rebutante   l'exposition  d'un 
système  aussi  peu  démontré  qu'au- 
cun autre,  et  dont  un  esprit  faux 
peut  tirer  des  conséquences  dange- 
reuses. Déjà  il  avait  avancé  publique- 
ment la  docli  inc  de  la  nécessité  philo- 
sophique ;  ce  tut  dans  une  Disserta- 
tion mise  eu  tête  de  l'ouvrage  d'Hart- 
ley ,   qu'il    commença    d'exprimer 
quelque  doute  sur  la  spiritualité  de 
l'aine  humaine.  Accusé ,  à  cette  oc- 
casion ,  d'incrédulité  et  même  d'a- 
théisme ,  il  n'eu  fut  pas  effrayé  :  il 
avait  pour  principe  cunsiaul  de  sou- 


PRI 


85 


tenir ,  sans  ménagement ,  ce  qui  lui 
paraissaitla  vérité ,  quels  que  pussent 
^'tre  les  résultats  d'une  telle  conduite. 
11  crut  devoir  faire  un  aveu  plus  po- 
sitif de  sa  conviction  d'une  ame  ma- 
térielle ,  et  publia ,  en  1 767 ,  ses  Re- 
cherches sur  la  matière  et  l'esprit , 
où  il  donna  l'histoire  des  doctrines 
concernant  l'ame  ,  et  produlsithardi- 
ment  le  système  qu'il  avait  adopté. 
Ce  volume  fut  suivi  d'une  Défense 
de  l'unitarianisme ,  ou  de  la  simple 
lujinatiitc  du  Clirist,  en  opposition 
à  sa  préexistence,  avec  une  Défense 
de  la  doctrine  de  la  Nécessité.  On 
peut  présumer  que  la  défaveur  at- 
tirée sur  lui  par  ces  écrits  ,  fut  la 
cause  du  refroidissement  que  lord 
Shelburne  lui  témoigna  vers  ce 
temps.  Ils  se  séparèrent  peu  après, 
mais  sans  écht;et,  suivant  une  con- 
vention antérieure  ,  Priestley  tou- 
cha exactement  ,  depuis  ce  jour 
jusqu'à  sa  mort ,  une  rente  annuelle 
de  cent  cinquante  livres  sterling.  Il 
alla  s'établir  alors  à  Birmingham, 
détermine,  sans  doute,  parla  faci- 
lité que  ce  séjour  lui  offrait  de  dispo- 
ser d'ouvriers  habiles  pour  la  cons- 
truction de  ses  appareils  de  physique, 
et  par  l'avantage  d'y  trouver  réunis 
plusieurs  chimistes  et  mécaniciens 
distingués,  notamment  Watt,Withe- 
riuo; ,  Bolton  et  Kier.  Des  amis  de  la 
science  ,  qui  partageaient  aussi  ses 
opinions  religieuses  ,  se  cotisèrent 
pour  subvenir  aux  frais  de  son  nou- 
vel établissement.  On  le  choisit  bien- 
tôt pour  occuper  une  place  de  pas- 
teur dans  la  principale  église  dissi- 
dente de  la  ville  ;  et  cette  circons- 
tance ramena  ,  plus  que  jamais  ,  son 
attention  sur  les  matières  théologi- 
ques, il  publia  son  Histoire  des  cor- 
ruptions du  Christianisme ,  et  l'His- 
toire des  premières  Opinions  concer- 
nant Jésus-Christ  j  ouvrages  qui  le 


86 


PRI 


mirent    vivement  aux   prises   avec 
M.  Bndcock.  et  le  ilocteur  Hor«ley. 
Il  réclama  ,  avec  ijcauconp  de  cba- 
Icur ,  en  faveur  des  dissidents  ,   les 
droits   qu'on  leur  refusait  ,  écrivit 
jusqu'à  vingt  volumes  pour  procla- 
mer leurs   plaintes  ,   n'obtint  rien 
pour  eux  ,  mais  se  fit  au  moins  re- 
garder comme  le  plus  habile  et  le 
plus  danç;ercnx  des  adversaires  de  la 
religion  dominante.  Aussi  ctait-cc  une 
grande  recommandation  au\  bien- 
faits du  gouvernement ,  que  d'avoir 
combattu  les  opinions  de  Priestlev  : 
on  dit  que  plus  d'un  ecclésiastique  en 
fut  recompense  par  l'cpiscopat.  Il  di- 
sait assez  plaisamment  à  cette  occa- 
sion :  C'est  donc  moi  gui  nila  feuille 
des  bénéfices  d'An'j,leterrc  !  Ses  Let- 
tre s  familières  aux  habitant  ■>  de  Bir- 
mingham cxaspérrrent  ses  ennemis 
peut-être  moins  encore  par  le  carac- 
tère des  opinions   qu'il  exprimait, 
que  par  le  ton  de  plaisanterie  ironi- 
(pie  qui  y  régnait.   C'est  ainsi  qu'il 
s'était ,  pour  ainsi  dire  ,  signalé  lui- 
même  à  l'inimadversion  populaire, 
quand  la  diversité  des  opinions  rela- 
tives à  la  révolution  française  vint 
augmenter  l'irritation.  Ondut  le  sup- 
poser favorable  à  ce  grand  événement. 
Aussi  les  chefs  de  notre  république  le 
proclamèrent  citoyen  français  ,  et 
membre   de    la   Convention' ,  pour 
prix  de  la  réponse,  en  forme  de  Let- 
tres ,  qu'il  fit  aux  célèbres  Réflexions 
d'Edmund  Burke  sur  les  suites  pro- 
bables  de   la   révolution   française. 
S'il  ne  put  exercer  les  fonctions  de 
conventionnel ,  il  se  para  du  moins 
toujours  du  titre  de  citoyen  français , 
qu'il  ne  devait  sans  doute  qu'à  une 
méprise,  puisque   l'écrit  qui  le  lui 
procura  est  uniquement  eu    faveur 
des  dissidents  anglais.  Au  contraire 
de  ce  qui  se  passait  ailleurs  ,  les 
émeutes ,  à  Birmingham ,  menaçaient 


PRT 

les  révolutionnaires  ;  mais  ils  n'en 
ci'Icbrcrent  pas  moins  ,  par  un  ban- 
quet ,  l'anniversaire  de   la  prise  de 
la  Bastille,   le  I4  juillet  i7<)i.    Le 
docteur  Priestley  évita  de  s'y  trou- 
YCiron  l'accusa  cependant  d'avoir 
provoqué  cette  bravade  ;  et  la  popu- 
lace, après  avoir  détruit  le  lieu   de 
réunion  des  convives ,  se  dirigea  vers 
sa  maison ,  où  tout  fut ,  eu  peu  de 
moments  ,  la  proie  des  flammes  et 
An  marteau. Il  perdit ,  en  cette  occa- 
sion ,  une  riche  bibliothèque  ,  son 
cabinet  de  jihysique ,  une  foule  de 
papiers  précieux.    les  maisons  de 
plusieurs  de  ses  amis  curent  le  même 
sort  ;  et  le  désordre  dura  trois  jours. 
On  fit  une  enquête;  quelques  dédom- 
magements lui  furent  albuiés  :  mais 
l'intérêt  et  la  libéralité  de  ses  admi- 
rateurs firent  davantage  jiour  le  con- 
soler de  sa  catastrophe.   J'it.uit  allé 
à  Londres,  il  obtint  la  place  de  mi- 
nistre de  la   congrégation  d'Hack- 
ney  ,  que    la  mort  de  son    ami  le 
docteur  Pricc  venait  de  laisser  va- 
cante. La  ressource,  inappréciable 
dans  toutes  les  fortunes  ,  d'un  goût 
vif  poTir  l'étiule  ,  aurait  pu  lui  faire 
oublier  ses  malheurs  ,   s'il   n'avait 
pas  éprouvé  aussi  dans  la  capitale 
les  mauvais  effets  de  l'anirnadver- 
sion  publique,  qu'à    la    vérité  sou 
caractère  n'était  pas  propre  à  adou- 
cir. «  Comment  les  préventions  des 
»  Anglais,  dit  un  écrivain  qui  pa- 
»  raît  impartial,  auraient -elles  pu 
»  cesser ,  lorsque  contre  toute  rai- 
»  son  il  accusait  les  magistrats,  le 
»  clergé  ,  et  même  le  gouvernement, 
»  de  ce  qui  avait  été  commis  par 
»  une  populace  effrénée,  et  qu'il  ap-     ?! 
»  pelait   du  peuple  et   des  lois  de 
»  l'Angleterre    à    des    associations 
»  étrangères  î  »  Priestley ,  harcelé 
dans  son  pays  ,  résolut  d'aller  cher- 
cher le  repos  en  Amérique.  Il  choisit 


PRI 

saresidcuceàNorthumberland,  ville 
de  Pennsylvanie  ;  et ,  voulant  désor- 
mais se  borner  aux  travaux  du  cabi- 
net ,  il  refusa  une  chaire  de  cbimie, 
qui  lui  fut  offerte  àPhiladcIpliie.  Les 
premiers  temps  de  son  séjour  dans 
le  Nouveai;-Monde,  furent  moins  heu- 
reux toutefois  qu'il  ne  l'avait  espé- 
ré :  l'administration  de  John  Adams 
îui  témoigna  de  la  dc'bance  ;  mais  il 
en  fut  tout  autrement  quand  M,  Jcf- 
ferson  occupa  la  présidence.  Aussi 
lui  dëdia-t-il  son  Histoire  ecclésias- 
tique ,  à  laquelle  il  travaillait  depuis 
long-temps.  Une  maladie  qu'il  essuya 
en  1801  ,  et  que  l'on  a  attribuée  au 
poison , affaiblit  extrêmement  ses  or- 
ganes digestifs  ;  et ,  de  ce  moment , 
il  ne  fit  plus  que  languir.  Son  esprit 
cependant  ne  perdit  presque  rien  de 
sa  force  et  de  son  activité.  C'est  dans 
l'intervalle  qui  s'écoula  depuis  son  dé- 
périssement graduel  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  le  6  février  1804 ,  qu'il  com- 
posa ,  entre  autres  écrits  :  Jésus  et 
Socrate  comparés;  et  Comparaison 
des  dijjérents  sj  sternes  des  philoso- 
phes grecs  as^ec  le  Christianisme, 
Quelques  minutes  avant  d'expirer, 
il  se  fit  transporter  dans  une  chau- 
mière. Il  exprima,  jusqu'au  dernier 
moment,  sa  persuasion  d'un  état  fu- 
tur, où  la  punition  ne  sera  que  cor- 
rectionnelle,  et  où  les  êtres  raison- 
nables finiront  par  être  tous  heu- 
reux. Retraçons  en  peu  de  mots  le 
caractère  du  Dt".  Pricstley  ,  comme 
homme  et  comme  savant.  On  est 
disposé  à  penser  qu'il  était  naturel- 
lement bon  et  bienveillant  :  il  l'était 
même  envers  lesanimaux, ainsi  qu'on 
peut  en  juger  par  la  joie  qu'il  témoi- 
gna, lorsqu'il  découvrit  que  l'air  ni- 
treux  pouvait,  dans  les  expériences 
faites  pour  éprouver  la  pureté  des 
différents  airs  ,  remplacer  tes  pe- 
tits animaux  dont  il  causait  à  re- 


PRl  87 

gret  les  souffrances.  La  constance 
de  son  amitié  pour  le  docteur  Price, 
malgré  la  différence  de  leurs  opi- 
nions ,  et  quoiqu'ils  aient  souvent 
écrit  l'un  contre  l'autre ,  est  honora- 
ble pour  tous  deux.  On  le  trouvait 
habituellement  doux,  facile  et  mo- 
deste. 11  n'était  point  jaloux  ,  même 
de  sa  propre  gloire  :  il  lui  suffisait 
que  le  bien  se  fît ,  n'importe  par  qui. 
Il  est  affligeant  de  voir  la  socié- 
té humaine  mise  en  péril  par  des 
hommes  tourmentés  d'un  faux  zè- 
le philantropique  ;  mais  cette  in- 
conséquence est  assez  commune. 
Comme  physicien  et  comme  chi- 
miste, les  talents  de  Prietslcy  fu- 
rent du  premier  ordre.  Ses  recher- 
ches et  ses  éci'its  ont  beaucoup  con- 
tribué à  l'avancement  de  la  science. 
Il  sut  d'abord  très-peu  de  chimie  j 
et  c'est  à  son  ignorance ,  sur  ce  point, 
que  lui-même  attribuait  l'originalité 
de  SCS  résultats:  plus  instruit,  il  se 
lût  borné  commodément  à  suivre 
quelque  roule  tracée  ,  au  lieu  qu'il 
fut  obligé  de  s'en  frayer  une  ,  en  re- 
doublant les  efforts  de  son  esprit  in- 
vestigateur. «  On  peut  affirmer  , 
»  dit  Aikin  ,  que  la  chimie  pneu- 
»  malique  ne  doit  à  aucun  savant 
»  isolé  autant  qu'à  Pricstley ,  dont 
»  les  découvertes  ont  donne  à  celte 
»  branche  de  la  science  une  face 
»  nouvelle,  et  ont,  dans  un  hautdc- 
»  gré  ,  contribué  à  en  faire  la  base 
»  d'un  système  qui  éclipse  tous  les 
»  systèmes  antérieurs  ,  et  qui  ouvre 
»  un  champ  sans  borne  aux  progrès 
»  dans  la  connaissance  de  la  na- 
»  ture  ,  et  les  procédés  de  l'art.  » 
Du  reste ,  dans  ses  écrits  scientifi- 
ques, il  ne  faut  chercher  que  le  fond  : 
il  ne  songeait  pas  d'abord  à  com- 
poser un  livre  méthodique  ;  il  vou- 
lait que  le  public  jouît  proraple- 
ment  du  fruit  de  ses  veilles.  Gom- 


88  PRI 

nre  tWologîni  ,  ses  ennemis  mê- 
me ont  rcconmi  son  (*niditionot  son 
habileté  dans  la  controverse  ;  donc 
«irtont  d'une  extrême  fécondité  ,  il 
ne  laissa  jamais  aucune  attaque  sans 
rcpoiisc  :  mais  ses  écrits,  comme  le 
dit  le  docteur  Johnson ,  «  sont  pro- 
pres à  tout  ébranler ,  et  n'établis- 
sent rien.  »  ('i)  Le  nombre  de 
SCS  ouvrages,  dans  la  liste  donnée 
par  Rotermund  ,  s'élève  à  cent 
quarante -cinq  ;  et  leur  collection 
forme  70  volumes  in  -  8^.  Parmi 
ceux  dont  nous  n'avons  pas  en- 
core parlé  ,  nous  citerons  :  les  Iristi- 
tulivns  de  la  religion  naturelle  et 
révélée ,  '77v-74'  3  vol.  in-8'\;  des 
Notes  sur  V Ecriture ,  4  vol.  ;  et  un 
j;rantl  nombre  de  morceaux  insérés 
dans  les  Transactionsphilosnphiques^ 
dans  le  Monthly  ^fagazine  ,  le  Mé- 
dical Eepositor^  ,  le  Journal  àc  Ni- 
cholson  ,  etc.  ; — Essaisurle  phlo^is- 
tique,  trad.  en  français  par  Adet,  Pa- 
ris. i7()8,  in-8''.; — Des  Leçons  sur 
V  histoire;— Leçons  sur  l'art  oratoire 
et  la  critique.  Ses  Expériences  sur 
les  différentes  espèces  d'air  ^  ont 
été  traduites  en  français  ,  par  Gi- 
belin ,  1777  ,  Q  vol.  in-ia  ,  fig. 
Dans  sa  Réponse  à  VAç^e  de  la 
raison  ,  de  Th.  Par  ne  ,  il  se  mon- 
tre l'admirateur  de  Robespierre.  Sa 
Grammaire  anglaise  a  été  tradui- 
te  en  français  par   F.  M.  Bayard, 

(1)  Zélé  pour  l'uniCai  ianisme  ,  Pricsllev  voulut 
donner  à  sa  |>ct  te  église  un  culte,  des  prières  et  une 
liturgie.  V.e  fut  r..lijet  d'un  de  ses  e'crils,  oîi  il  per- 
met a  chacun  indifféremment  d'administrer  la  cène. 
Il  ridijjca  un  journal  (  Thenlngical  reposilorr,  l'I"^- 
88,  (j  vol.  in-8°.  ),  et  il  invitait  à  lui  cnv^ver  de» 
rocliercLes  sur  la  religion.  Quoiune  son  christianis- 
me se  réduisit  à  peu  de  chose,  il  publia  néanmoini 
de»  Lettres  à  un  philosophe  incrédule.  Il  adressa  de» 
lettres  aux  Juifs,  pour  le»  jjresscr  de  rc<  ounaitre 
J.-C.  pour  If  Messie  ,  et  écrivit  contre  Cilihon  ,  con- 
tre les  di!>ciplcj  de  Svcdenborg ,  contre  IV/ge  de  la 
ratshn  de  Th.  Pavnc,  contre  Volocy  et  son  livre 
de»  Ruines ,  contre l'Or/gine  des  cultes ,  dcOnpui<i, 
etc.  :  cha<}ue  année  voyait  éclore  de  lui  des  ouvra- 
f;e»  oii  il  soutenait  d'une  main  la  rcvelation,  et  l'c'. 
Lraulait  de  l'autre.  P — c — T. 


PRI 

1 790 ,  hi-6".  Ses  Lettres  en  réponse 
ans  Réflexions  de  Burke  ,  l'ont  été 
également ,  1791  ,  in-8**.  On  a  pu- 
blié, eu  1806  ,  en  anglais  ,  les  Mé- 
moires du  docteur  Friestley  ,  a 
vol.  in  8**. ,  continués  jusqu'à  sa 
mort,  par  son  fils  Jos.  Priestley  ,  et 
Observations  sur  ses  écrits ,  par  Th. 
Cooper  et  Wm.  Chrislie.  Sa  Vie. 
par  J.  Corry  ,  a  paru  en  i8o5  ,  in- 
8°.  Son  Éloge  historique  a  été  lu 
à  l'Institut,  eu  i8o5,  par  l'auteur 
de  cet  article.  C — v — r. 

PRIEUR  (  Philippe  le  ) ,  en  la- 
tin Friorius,  naquit  à  Saint- Vaast 
(  pays  de  Caux  )  ,  au  commence- 
ment du  dix  -  septième  siècle.  Il 
étudia  les  belles  -  lettres,  les  ma- 
thématiques ,  la  théologie,  les  lan- 
fyies  orientales,  l'histoire,  le  droit 
canon  ,  et  s'y  rendit  assez  habi- 
le. 11  fut  nommé  professeur  dans 
l'université  de  Paris;  mais,  en  iG(io, 
il  fut  contraint,  pour  des  niolifs  que 
nous  ignorons  ,  de  quitter  sa  riiaire, 
et  de  se  retirer  dans  une  petite  ville 
où  il  eut  beaucoup  à  soullrir.  Au  bout 
de  quatorze  ans,  il  revint  dans  la  ca- 
pitale ,  et  y  mourut  en  1G80.  Nous 
avons  de  lui  :  I.  Tcrtulliani  opéra 
curn,  variorum  commenlariis-,  etc.  , 
Paris,  it)G4  et  1O75  ,  in-folio. 
Il  n'y  a  de  Le  Prieur  qu'mie  courte 
Dissertation  ,  quelques  sommaires  et 
quelques  Notes.  U.S.Cj  priant  opéra 
cum  notis  Rigaltii  et  aliorum;acce- 
dunt  scripta  Minucii  Felicis  ,  Arno- 
bii,Commodiani,  nec  non  Julii  Fir- 
mtci  ,  Paris  ,  iGGG,in-fol.  Balu- 
ze  estimait  si  peu  les  Notes  de  Le 
Prieur,  qu'il  n'en  a  jamais  fait  usa- 
ge dans  sa  belle  édition  des  Oeuvres 
de  Saint  Cypiien.  IIL  S.  Optati 
opéra  :  accedunt  Facundi  Ilerinio- 
ncnsis  episcopi  opuscula  ,  cian  no- 
tis et  observationibus  vanorum ,  Pa' 
ris  ,  1G7G  ,-in-fol.  La  préface  de  Le 


PRI 

Prieur  est  insignifiante.  EUïes-Dii- 
pin  reproche  à  cet  éditeur  d'avoir 
ajoute  de  nouvelles  fautes  à  celles  de 
ses  prédécesseurs  ,  et  de  n^avoir  ja- 
mais constdté  les  manuscrits.  IV. 
^inimadversiones  in  libruni  Prœa- 
dainitarum ,  in  quibus  confutatur 
nupenis  scriplor,  et  primum  om- 
nium hominum  fuisse  Adamum  , 
defenditur ,  Elzevir,  i(356  ,  petit 
in-i2.  Cet  opuscule  est  presque  tou- 
jours joint  à  l'ouvrage  dont  il  est  la 
réfutation.  On  l'a  souvent  confondu 
avec  un  autre  qui  porte  à-pcu-près 
le  même  titre,  et  qui  est  du  père  Dor- 
may.  Le  faux  nom  d'Eusèbe  Ro- 
main ,  sous  lequel  il  a  paru  ,  a  été 
Une  source  d'erreurs  pour  la  plu- 
part des  bibliographes.  La  première 
édition  du  Dictionn.  des  Anonymes, 
11".  I  f,i5o,  rattril)uaitàdom  Mabil- 
Jon.  V.  De  literis  canonicis  Disser- 
tatin  ,  cum  appendice  de  tractoriis 
et  sj-nodicis ,  Paris,  1675,  in-S**. 
Cette  Dissertation  ,  qui  n'est  qu'un 
extrait  d'un  immense  travail  que 
l'auteur  avait  fait  sur  l'histoire  ec- 
clésiastique ,  ne  manque  pas  d'inté- 
rêt; elle  est  pleine  d'éiudition.  Nous 
avons  puisé,  dans  un  Avis  au  lecteur^ 
le  peu  que  nous  racontons  sur  Le 
Prieur,  royez  les  Mélanges  de  litté- 
rature tirés  des  lettres  de  Chape- 
lain, où  l'on  apprend  que  Le  Prieur 
travaillait ,  en  iG5c) ,  à  l'édition  des 
Glossaires  grecs  recueillis  par  Ch. 
Labbé.  L — b — e. 

PRIEZAC  (  Daniel  de  )  naquit , 
en  iSgo,  au  château  de  ce  nom, 
dans  la  paroisse  de  Saint-Salve,  en 
Bas-Limousin,  à  peu  de  distance  de 
Brives.  Il  fit  ses  études  à  Bordeaux, 
se  distingua  dans  le  barreau  ,  fut  re- 
çu docteur-régent  de  la  faculté  de 
droit  en  161 5  ,  et  y  professa  ,  pen- 
dant dix  ans ,  avec  beaucoup  de  suc- 
cès. Ses  plaidoyers  ,  et  quelques  dis- 


PRI  89 

cours  prononcés  en  de  grandes  oeca- 
sions  ,  portèrent  sa  réputafion  jus- 
que dans  la  capitale.  M.  Séguicr,  étant 
devenu  chancelier,  l'attira ,  en  1 G35, 
à  Paris,  et  lui  procura  une  charge 
de  conseiller- d'état  ordinaire.  Il  fut 
reçu  de  l'académie  française ,  en 
ibSg,  et  mourut  en  1662,  après 
avoir  donné  au  public  les  ouvrages 
suivants  :  1.  Discours  prononcés  par 
31.  Daniel  de  Priezac,  Bordeaux, 
162  I  ,in-8".  Les  trois  premiers,  qui 
sont  en  français,  furent  prononcés 
à  la  réception  du  marquis  de  Yille- 
roi  ,  en  qualité  de  sénéchal  de 
Guienne  ,  à  celle  de  M.  de  Bar- 
reaux ,  sénéchal  du  Bazadois,  et, 
à  la  première  entrée  du  duc  de 
Maïenne  ,  au  parlement  de  Bor- 
deaux. Le  quatrième, enlatin,  a  pour 
titre  :  Oratio  solemnis  habita  in 
scholis  utriusque  juris  academiœ 
Burdigalensis  qud  Papiniani  nata- 
litia  ex  veleri  Justiniani  instituto 
renovavil.  Il  a  été  réimprimé ,  avec 
quelques  légers  changements,  dans 
ses  Mélanges.  II.  P  indiciœ  Galli- 
cœ  adversus  Alexandrum  patri- 
cium  Annachanwn  ,  Paris,  i638  , 
in-8'\;  Amsterdam  ,1a  même  année, 
même  format;  réimprimé  dans  ses 
Mélanges  ;  traduit  en  français  par 
Jean  Beaudoin,  sous  ce  titre:  Dé- 
jense  des  droits  et  des  prérogatives 
des  rois  de  France,  etc.,  Paris, 
1639  ,  in-8°.  Cet  ouvrage  fut  com- 
posé par  ordre  de  la  cour  ,  pour  ré- 
pondre à  celui  de  Jansénius,  depuis 
évêque  de  Ypres ,  qui  avait  paru  , 
en  i636  ,  sous  le  nom  à'Alexander 
patricius  Armachanus  ;  et  sous  ce 
titre:  Mars  Gallicus  seu  dejustilid 
armoruin  et fœderum régis  Galliœ. 
L'auteur  flamand,  sujet  du  roi  d'Es- 
pagne ,  contre  lequel  la  France  avait 
fait  des  alliances  avec  les  princes  pro- 
lestants,  attaquait  ces  alliances  sur  uu 


go  PRT 

ton  très  -  vif.  L'auteur  iVauçais  mit 
la  même  chaleur  dans  sa  réponse. 

III.  Observaiiom  sur  un  livre  in- 
titulé a  Philippe  le  Prudent,  (ils  de 
»  Ch.ules-Quiut,  vurilic  roiléç;itimc 
w  de  Portuç;al  .  et  compose  eu  l.ilin 
»  par  Jean Caraniuel,  «Paris,  i(J4o, 
iii-S**.  C'est  encore  ici  un  ouvrap;e 
de  corainandc  ,  compose  par  ordre 
de  la  cour,  cii  faveur  de  la  maison 
de  Braf^ance,  contre  le  roi  d'Espagne. 

IV.  Paraphrase  sur  les  Psaumes, 
Paris,  1O43  ,  in-i2.  CetleParaphra- 
se  en  vers  n'est  que  sur  cuh)  psau- 
mes, et  su  ri' hymne  .^t'e /h  </mi/t//rt. 
\'.  hvs  Priiùleti^es  de  la  f'iergentère 
de  Dieu  ,  in-8". ,  trois  tomes  ,  itiJH- 
5o  et5  I .  \l.Six DiscoursfiulilKfueSy 
Paris,  in  4"-,  deux  tomes,  ib3?.  et 
54.  VII.  Miscellaneorumlibri  duo, 
i()j8,  in-4". ,  publics  par  son  (ils. 
(a-s  iMclanpcs  conlitnnent  :  J)e  The- 
midis  oraculis.  —  JJe  liomanorum 
lepwi  in  Gallid  acceptât ione.  — 
Qualis  expetendus  sit  juns  cano- 
nici  prnfessor. — Papiniani  natali- 
tia  ex  prescriptu  Juitiniani  célébra- 
ta.  —  Qucestio  repa  ,  ulrùm  reus 
poitulatus  qui  ad  principem  exter- 
nufi  confus,it  ,  naliK'o  suo  principi 
hune  reposcenti  dedi  ac  t  radi  dcbeat, 
nd  Innocenliuin  X.  —  Disputatio 
leiiilima  in  conlroK'ersid  viotd  in- 
ter  apostolicœ  camerœ  copiito- 
rcm  ,  actorem ,  et  E.  Card.  Bar- 
berinum ,  eicellentissimumque  ur- 
bisRomœ  prœfectumdefensorem. — 
T'indiciœ  ,  etc.  VIII.'  Le  Chemin 
delà  f^loire  ,  Paris,  iG<io  ,  in-11, 
IX.  Tribonianus  à  censura  sospes  , 
Paris,  i(3Go  ,in-4".  Tons  ces  ouvra- 
ges prouvent  la  variété  des  connais- 
sances de  l'auteur.  Les  Vindiciœ 
offrent  des  recherches  curieuses  sur 
l'uriç^ine  de  la  monarchie  française  , 
sur  la  loi  saliquc,  et  sur  divers  autres 
points   inle'rcssanls  de    noire    his- 


PRI 

toiro.  —  Son  fils  ,  Saloraon  de 
Priezac  ,  est  connu  par  les  ouvra- 
ges suivants  :  I.  Cavipeslre  Gnlliœ 
miraculum  ,  seu  forts  Bellausius 
(  FonlainebleaJi  )  ,  Paris,  1O47  '  '"" 
4*^.  II.  Histoire  des  éléphants ,  Pa- 
ris, iGjo,  in-1'2,  avec  un  fronlis- 
picc  grave.  III.  Lœtitia  publica, 
seu  fuustuf  Ludovici  \ir  in  Lute- 
tiain  reditus ,  Paris,  i()49j  iu-4**- 
IV.  Jean  Christinœ  repnœ y  Paris, 
i655,in-4'*.  Dans  Wïvertisscment , 
l'auteur  se  plaint  du  silence  que  cette 
reine  avait  garde  envers  lui  ,  après 
qu'il  lui  eut  fait  présent  d'un  de  ses 
ouvrages.  V.  Dilucida  de  coloribus 
dissertatio,  Paris,  i()'i7,  in-K".  VI. 
Jconasini,  Paris,  iGSq,  in-4".  VII. 
/.  Card.  Mazarini  Icotiis  historica- 
spécimen,  Varis ,  i()Go,  in-4".  VIII. 
JDissertatio  de  bcllo  et  pare  ad  K. 
C  Mazarinum,  Paris  ,  i()()(),  in-4"- 
IX.  Mons  f'alcrianus,  Paris,  i()()r, 
in-4".  X.  Dissertation  sur  le  I\il, 
Paris,  i(><)|,  in-8".  Toules  ces  piè- 
ces sonten  prose. On  conservait,  à  la 
bibliothèque  de  8aint-('jermain-des- 
Prés ,  divers  manuscrits  des  deux 
Priezac.  T — d. 

PHIGNANO  (Bartuei.emi  de  ). 
P^.  Urisain  VI  ,  pape. 

PRILKSZKY  (  Jean  Baptiste  ), 
jésuite,  né  à  Prilev/. ,  en  Hongrie,  le 
i()  mars  i'jof^,  docteur  en  théologie, 
puis  professeiu'  de  philosophie  à  l'u- 
niversité de  Tyrnau  ,  était,  en  1773, 
directeur  du  collège  de  Cassovic,  ou 
Kaschau.  L'on  ignore  l'cpoquc  de 
sa  mort.  II  est  conmi  par  plusieurs 
ouvrages  relatifs  à  l'Histoire  e<(  Ic- 
siasliquc  ,  parmi  lesquels  on  distin- 
gue :  .^cta  sanclorum  J/unpario'  ex 
J.  Itollandi  continuatoribus  ,  aliis- 
quenovemscriptoribuscxcerpta,'lyi- 
nau,  1744-  — Notitia  SS.  Patrum  , 
qui  duohus  primis  Ecclesiœ  secu- 
lisjloruerunt ,  ibid. ,  1753  ,  in -8". 


PRI 

— S.  Crpriani  Carthnginiensis  acta , 
et  script  a  omnia  in  suinmam  redac- 
trt,clc.,ibid. ,  Ï761  ,  in  fol.  —  .-icta 
et  scripta  S.  Thecphili  patriarches 
Aiiticcheni,  et  M.  Minutii  Felicis  in 
summam  redacta,  etc. ,  ibid. ,  i  ■^64, 
in-8°. — S.  Jiistiniacta  et  scripta  an- 
notaiionibus  illustrata  ,  Caschau  , 
i';65,in-4''.  —  Acta  et  scripta  SS. 
Gregoiii  IVeocœsariensis ,  Dionrsii 
Alexandriniet  Methodii  Lrcii  illus- 
trata, ibid.,  i-jGë.  Oncoiniak  deliii 
plusieurs  autres  ouvrages  de  moindre 
importance.  Le  P.  Pnleszky,  était, 
eu  1744  »  professeur  e'mcïite  de  phi- 
losophie à  l'université  de  Tyrnau  , 
lorsqu'un  de  ses  élèves  ,  le  comte 
Charles  Esztcrhazy  de  Galantha  ,  fit 
imprimer  a  Vienne,  en  recevant  le 
grade  de  docteur  en  philosophie  ,  le 
savant  ouvrage  du  P.  Frolich  ,  inti- 
tule :  Annales  compendiarii  regnm  et 
renim  Syriœ ,  munis  veteribus  illus- 
trati ,  deducli  ab  obita  Alexandri 
Magni  ad.  Cn.  Pompeii  in  Sériant 
adventuni ,  cum  amplis  prolegome- 
nis.  Comme  le  comte  Eszlerhazy  fît 
sans  doute  les  frais  de  cette  édition^  ou 
n'y  )nit  pas  le  nom  du  véritable  au- 
teur de  l'ouvrage;  on  se  contenta ,  en 
y  [tlaçant  celui  du  protecteur,  d'ajou- 
ter ces  mots  :  Ex  prœleclionibus  J. 
B.  Prileszky  è  societate  Jesu ,  etc. 
Ces  mots  ont  fait  croire  à  l'abbëDe- 
claustre  ,  qui  a  re'digé  la  Table  du 
journal  des  Savants,  que  le  P.  Pri- 
leszky  e'tait  effectivement  l'auteur  de 
ce  livre.  On  pourrait  penser  au  moins 
qu'il  avait  été  rédigé  d'après  ses  le- 
çons, ex  prœlectionïbus  ;  mais  l'ap- 
probation du  P.  Antoine  Vanossi , 
placée  en  tête  de  cette  première  édi- 
tion ,  suffit  pour  lever  tous  les  dou 
tes.  On  y  ht  ces  mots  :  Annales 
compendiarii ,  etc. ,  à  P.  Erasmo 
Frœlich ,  è  societate  Jesu  composi- 
ti ,  et  à  tribus  memorat ce  socetatis 


PRI  91 

patrilmsde  more  rei'isi.  Ccl  ouvrage 
fut  rciu) primé  à  Vienne,  en  1^54  ,  un 
vol.  in-ful.,  avec  le  nom  de  son  véri- 
table auteur  ,  qui  y  fit  quelques  légè- 
res additions  ou  corrections  ,  et  y 
joignit  une  table  des  monogrammes 
ou  abréviations  qui  se  trouvent  sur 
les  médailles  grecques  (  P^.  Froe- 
Licn).  S.  M — N. 

PPJ?.TAT  (Claude-Frakçois-Ma- 
RiE  ),  archevêque  de  Toulouse,  était 
né  à  Lyon  en  1747-  I'  entra  dans  la 
congrégation  de  l'Oratoire,  et  il  ré- 
sidait à  Douai  lorsque  la  révolution 
éclata.  11  en  embrassa  les  principes, 
à  l'exemple  d'un  grand  nombre  de 
ses  confrères.  Le  premier  fruit  qu'il 
relira  de  cette  démarche,  fut  d'être 
nommé  curé  constitutionnel  de  Saint- 
Jacques  de  Douai.  A  cela  ne  se  bor- 
na point  sa  fortune  ecclésiastique  , 
dans  l'ordre  du  parti  auquel  il  s'était 
voué.  Bientôt  il  fut  élu  évêque  du 
département  du  Nord  ,  dont  le  siège 
avait  été  fixé  à  Cambrai;  et,  le  10 
avril  1 791,  il  reçut  la  consécration 
épiscopale.  Sa  prise  de  possession 
et  son  installation  eurent  lieu  au 
mois  de  mai  suivant.  Quelques  scru- 
pules néanmoins  lui  survinrent  ;  il 
sentit  que  sa  mission  n'était  j)oint 
canonique  ,  et  il  regretta  de  s'être 
laissé  aller  à  de  mauvais  exemples  : 
mais  les  temps  étant  devenus  plus 
orageux  encore  ,  il  fut  effrayé  du 
système  de  terreur  qui  dominait , 
et  remit  ses  lettres  de  prêtrise  à  la 
Convention  ,  dans  la  séance  du  v3o 
brumaire  an  11  (20  novembre  1 793). 
En  179B,  Primat  assista  au  concile 
des  évêques  constitutionnels  ,  tenu  à 
Paris,  dans  l'église  de  Notre-Dame: 
on  l'y  transféra  à  l'évêché  de  Ulione- 
et-Loire(Lyon).Il  eut,  en  i8oa,  sa 
part  dans  les  nominations  qui  se  fi- 
rent à  la  suite  du  concordat,  et  il 
fut  nommé  archevêque  de  Toulouse. 


9? 


PRI 


Favorijrd  par  Bnona parte,  et  proK'ge 
par  un  deses  anciens  coufi  cres  de  l'O- 
raloiie.  alors  loutpiiissant  (Fouchc), 
il  fui  ,  le  -iÇ)  mai  180O,  appelé  au  sc- 
uat-conservateur  ,  et  il  y  siégea  jus- 
qu'à la  restaura  lion.  Pendant  les  cent- 
jours,  (181  5) une  chambre  des  pairs 
ayant  étc  créée  ,  il  en  fut  nomme 
membre;  mais  il  n'y  parut  point  , 
rtant  resté  dans  sou  diocèse  où  , 
dès  -  lors,  il  ne  s^occupa  plus  que 
de  ses  devoirs  d'évêqne  et  du  soin  de 
son  troupeau,  auquel  il  devait  bien- 
tôt cire  enlevé.  Il  mourut  à  Toulou- 
se, le  10  octobre  iSiCJ  ,  à  la  suite 
d'une  attaque  d'apoplexie  ,  dont  il 
avait  été  frappe  à  Villemur,  où  il 
était  allé  pour  administrer  la  con- 
lîrjnaliùu.  Après  avoir  parlé  de  ce 
que  la  carrière  ccc!esia^tiquc  de  Pri- 
mat peut  avoir  offert  de  repréliensi- 
l)lc  ,  il  serait  injuste  d'omettre  ce 
qu'il  a  fait  pour  réparer  ses  torts. 
Aussitôt  après  sa  nomination  à  l'ar- 
chevèché  de  Toulouse,  il  s'euipres- 
.sa  d'écrire  au  pape  ,  pour  le  piicr 
d'aj;récr  son  repentir  et  sa  soumis- 
sion ,  et  sollicita  sa  réconciliation 
avec  l'Église.  11  soutint,  depuis,  cet 
acte  de  rétractation,  par  une  condui- 
te qui  ne  s'est  jamais  démcnlic  , 
vécut  esliraé  ,  et  fut  regretté,  dans 
son  diocèse,  pour  sa  piété  et  sa  bien- 
faisance. Il  était  membre  de  l'aca- 
démie de  Toulouse  ,  (  t  de  celle  des 
jeux  Flur.iux.  L — y. 

Pl'.IMATICCIO  (François  ),  ou 
PRL'MATICE  ,  peintre  ,  naquit  à  Bo- 
logne, en  i-Î!)o,  et  lut  successive- 
ment élève  d'Innoccnzio  da  Iinola 
et  de  Ramiughi ,  surnommé  le  Ba- 
gnacavallo.  Mais  ce  fut  surtout  pen- 
dant les  six  années  qu'il  passa,  sous 
la  conduite  de  Jules  Romain ,  à  Mau- 
toue,  qu'il  fit  les  progrès  les  plus  ra- 
pides. C'est  sous  la  direction ,  et  <i'a- 
près  les  dessins  de  ce  faraud  inailrc 


PRÏ 

qu'il  fxécut.i,  dans  le  château  du  T  , 
deux  frises  en  sluc ,  représentant 
V Ancienne  Milice  romaine,  qui  fi- 
rent connaitre  tout  ce  dont  il  était 
capable.  François  I*'''. ,  qui  voulait 
réunir  à  sa  cour  les  liommes  habiles 
dans  tous  les  genres  et  de  tous  les 
pays,  avant  demandé  au  mar(|uis  de 
Man  toue  un  peintre  capable  dediriger 
les  embellissements  de  son  château 
de  Fontainebleau  ,  ce  prince  lui  en- 
voya le  Primatice  ,  qui ,  au  premier 
abord  ,  sut  gagner  la  conGance  du 
roi.  Le  Rosso  ,  ou  maître  Roux  ,  qui 
l'avait  précédé  en  France  d'une  an- 
née, était  alors  intendant  des  bâti- 
ments de  la  couroiuie.  Primaticcio 
ne  put  voir  sans  jalousie  la  faveur 
dont  jouissait  un  artiste  qu'il  regar- 
dait comme  un  obstacle  à  la  sienne. 
Chaque  jour  quelque  nouvelle  mar- 
que d'animosité  signalait  la  haine 
qui  existait  entre  les  deux  rivaux. 
Le  roi,  fatigué  des  scènes  scanda- 
leuses qu'une  habitude  de  neuf  an- 
nées semblait  accroître  chaipic  jour, 
prit  le  parti  de  renvoyer  le  Piima- 
tice  dans  sa  pairie  :  mais  ,  toujours 
généreux,  cl  ne  voulant  pas  que  ce 
renvoi  eût  l'air  d'une  disgrâce,  il  le 
chargea  de  parcourir  l'Italie,  pour  j 
y  recueillir  quelques  statues  antiques  ' 
dont  il  voulait  enrichir  la  France. 
Pendant  l'absence  de  Piimaticcio  ,  le 
Rosso  mourut;  cl  aussitôt  le  roi  jeta 
les  yeux  sur  le  premier  pour  lui 
donner  la  place  d'intendant  des  bâ- 
timents. Il  revint  en  toute  hâte,  rap- 
portant avec  lui  cent  vingt-cinq  sta- 
tues ,  et  un  nombre  considérable  de 
bustes  antiques,  ainsi  que  les  moules  , 
du  Laocoon,  de  la  Fénus  de  Médi-  | 
cis  et  de  V  Aria  due ,  qui  furent  jetés  ' 
en  bronze  et  placés  dans  les  jardins 
de  Fontainebleau.  Il  avait  égalenu  nt 
I  apporté  les  creux  delà  colonne  Tr.i 
juuc.  Le  toi  crut  ne  pas   pouvoir  le 


I 


PRI 

récompenser  trop  dignement;  et  c'est 
alors  qu'il  lui  donna  la  riche  nbbaye 
de  Saint-Marliti  de  Troyes.  Il  sem- 
blerait que  la  mort  de  sou  prédéces- 
seur eût  dû  éteindre  sa  jalousie:  mais 
elle  était  trop  enracinée  chez  lui;  et 
sous  prétexte  de  faire  diverses  amé- 
liorations au  château  de  Fontaine- 
bleau ,  il  fît  abattre  plusieurs  des 
constructions  que  le  Rosso  avait  éle- 
vées. Il  commença  dcslors  ses  gra^ids 
travaux  de  peinture  dans  l'iiuérieur 
du  château.  Tant  que  François  P"", 
vécut ,  il  conserva  lu  faveur  de  ce 
monarque  :  Henri  II  ne  lui  témoigna 
pas  moins  de  considération.  Fran- 
çois II  le  nomma  commissaire-gé- 
néral des  bâtiments  de  l'état ,  dans 
toute  l'étendue  du  rovaurae.  Ce  n'é- 
tait pas  seulement  comme  peintre 
que  Primaticeio  dirigeait  tous  les 
travaux  relatifs  aux  beaux  -  arts  : 
il  s'en  mêlait  également  comme  ar- 
chitecte. C'est  lui  qui  donnait  les 
plans  et  les  dessins  de  tous  les  ou- 
vrages de  sculpture  ,  d'ornements  , 
d'ameublement,  de  fontaines,  d'or- 
fèvrerie et  même  de  spectacle ,  qui 
s'exécutaient  à  la  cour.  Cette  su- 
prématie qu'il  exerçait  sur  les  arts 
blessait  souvent  l'amour  -  propre 
des  artistes  dont  il  prétendait  di- 
riger les  ouvrages  ;  et  les  détails 
que  Benvenuto  Gellini ,  l'un  d'entre 
eux, donne,  dans  ses  Mémoires,  des 
prétentions  du  Primatice,  n'en  sont 
pas  une  des  parties  les  moins  pi- 
quantes ;  à  travers  l'exagération  bien 
naturelle  à  la  vanité  blessée  d'un  ar- 
tiste, on  aperçoit  dans  le  Primatice 
une  conduite  que  le  talent  même  ne 
saurait  toujours  justifier.  Ce  n'est  pas 
lui  qui  donna  les  dessins  du  tom- 
beau de  François  P»", ,  à  Saint-Denis , 
comme  le  prétendent  tous  ses  histo- 
riens. Des  documents  authentiques, 
tires  des  archives  de  la  Chambre  des 


PRI 


9^ 


comptes ,  prouvent  que  la  France 
n'avait  pas  besoin  de  recourir  à  des 
étrangers  ,  pour  élever  ce  beau  mo- 
nument. Ce  fut  Philibert  de  Lorme 
qui  en  donna  les  plans  :  Germain 
Pilon  et  d'autres  artistes  également 
français  furent  chargés  de  l'exécu- 
tion. On  sait  que  c'est  le  Primatice 
qui  avait  construit,  pour  le  cardinal 
de  Lorraine ,  le  premier  château  de 
Meudon  ,  abattu  depuis  pour  faire 

f)'ace  à  celui  que  l'on  construisit  pour 
c  Dauphin  ,  fils  de  Louis  XIV.  C'é- 
tait surtout  d.ins  le  châtea<i  de  Fon- 
tainebleau qu'il  avait  déployé  tout 
son  talent,  comme  peintre,  l^a  Ga- 
lerie d'Ulj^sse snitout  était  regardée 
comme  un  des  plus  beaux  ouvrages 
de  ce  genre  qui  existât  en  France. 
Les  fresques  dont  il  avait  orné  Ja 
salie  des  Ccnt-Suisses,  dans  le  mê- 
me palais  ,  et  qui  représentaient  aus- 
si des  sujets  tii'ds  de  la  vie  d'Ulysse, 
en  faisaient  le  plus  bel  ornement. 
Le  temps  n'a  rien  épargné  de  ces 
peintures;  et  sans  les  gravures  qui 
en  ont  été  faites,  il  ne  resterait  pas 
de  tracede  ces  compositions,  dans  les- 
quelles on  reconnaît  un  talent  éminem- 
ment  poétique.  Les  altitudes  de  ses 
figures  sont  savamment  contrastées  : 
on  y  reconnaît  le  style  léger  et  gra- 
cieux ,  quoique  parfois  un  peu  manié- 
ré, du  Parmesan;  mais  cette  manière 
n'est  point  dépourvue  de  noblesse,  et 
le  grandiose  y  domine  toujours.  En 
général,  sa  touche  est  vive  et  franche; 
et  son  ton  de  couleur  ne  manque  pas 
de  cette  vérité  historique  qui  ne  re- 
pousse pas  la  sévérité.  La  rapidité 
avec  laquelle  il  travaillait ,  l'a  peut- 
être  porté  à  négliger  quelques  parties 
de  ses  tableaux  :  mais  la  correction 
qu'il  sut  mettre  dans  ses  principales 
figures  ,  prouve  qu'il  aurait  pu  la 
mettre  également  dans  les  moindres 
accessoires.  On  ne  peut  nier  que  son 


94  PRI 

exemple  n'ait  contribue  à  maintenir 
le  bon  goût  des  arts  en  France  ,  pen- 
dant tout  le  temps  qu'il  en  dirij^ea 
les  travaux  ;  mais  c'est  pousser  i'exa- 
cc'ralion  trop  loin  que  de  dire  avec 
Vasari ,  ou  même  avec  Fclibicu,  que 
sous  lui  tout  devint  excellent ,  et  que 
les  artistes  les  plus  liabilcs  que  pos- 
sédait la  France,  cliaugèroul  de  ma- 
nière pour  adopter  la  sienne.  Les 
ouvrages  de  Jean  Cousin  ,  de  Ger- 
main Pilon ,  et  surtout  de  Jean  Gou- 
jon, repondent  sulîisamment  à  cette 
assertion.  Le  Primatice ,  comble 
de  faveurs  et  de  richesses  par  quatre 
rois  successifs,  mourut  octogénaire, 
à  Paris  ,  en  1 570.  Le  iNIusce  du  Lou- 
vre possède  deux  tableaux  de  ce  maî- 
tre :  l'n'i  représente  >Sct/'i07J  rendant 
à  Mlucius  son  épouse^  l'autre  est 
une  Composition  alléi^uriijue  dont  le 
sujet  est  inconnu.  Ses  dessins  ,  arrê- 
tes o."dinairementd'uneraanièrenctte 
et  précise,  oflient  des  beautés  cgiles 
à  celles  du  Parmesan  ,  et  se  foui  re- 
connaître aussi  par  un  peu  de  ma- 
nière qui  rappelle  l'ccolc  Florentine. 
Le  IMuse'e  du  Louvre  en  possède 
six,  dont  quatre  avaient  ctè exécutes 
dans  le  cliàleau  de  Fontainebleau. 
(  F^.  Notice  des  dessins,  émaux,  etc. , 
que  renferme  la  galerie  d'Apollon,  ) 
On  a  beaucoup  grave  d'après  ce  maî- 
tre :  nous  citerons  seulement  la  Ga- 
lerie du  cJurteau  de  Fontainebleau, 
représentant  les  travaux  d'Ulysse, 
dessinés  par  Primatice,  peints  par 
Nicolo  (  V.  AcBATE  )  ,  gravés  par 
Tbéodore  Van  Thuldeu,  avec  l'ex- 
plication morale  à  chaque  sujet ,  58 
pièces  in-fol.  P — s. 

PRIMEROSE  (  Jacques  ),  méde- 
cin habile,  mais  systématique,  na- 
quit, vers  la  (in  du  seizième  siècle, 
à  Saint- Jean- d'Augeli,  selon  Eloy 
(  Diction,  de  médecine),  ou  à  Bor- 
deaux, selon  Astruc  (  Maladies  des 


PRI 

femmes)  et  M.  Portai  {  Ilist.  de 
Vanatomie),  de  parents  écossais.  11 
était  (ils  d'un  ministre  de  la  relii;ion 
réformée  ,  qui  ne  négligea  rien  pour 
cultiver  ses  dispositions.  Après  avoir 
achevé  ses  études  de  philosophie 
à  Bordeaux ,  où  il  reçut  le  degré 
de  maître  -  es  -  arts,  il  se  rendit  à 
Paris,  pour  suivre  les  cours  de  la  fa- 
culté de  médecine.  Une  pension,  que 
lui  faisait  le  roi  Jacques,  son  souve- 
rain, fournissait  à  toutes  ses  dépen- 
ses, et  le  mit  en  mesure  de  voyager, 
pour  fréquenter  les  savants  et  enten- 
dre les  plus  illustres  professeurs.  Il 
reçut  le  bonnet  de  docteur  à  Mont- 
pellier,  en  1O17  ,  et  jjartit  sur  -  Ic- 
champ  pour  l'Angleterre  ,  où  sa  ré- 
putation l'avait  précédé.  Il  se  (il  agré- 
ger  au  collège  de  médecine  d'Ox- 
fonl,  s'établit  dansrYork.shire,ets'y 
fit  promptemenl  connaître  par  des 
succès  multipliés  dans  la  pratique  de 
sou  art.  Les  dillerents  ouvrai;es  ipi'il 
publia  depuis, aiiuoucc Ht  un  homme 
instruit  et  un  assez,  bon  observateur  ; 
mais  il  eut  le  tort  impardonnable  de 
nier  la  circulation  du  sang,  démon- 
trée récemment  par  Guill.  Harvey 
(  V.  ce  nom),  et  de  pousser  l'entèle- 
ment  jusqu'à  5e  refuser  à  l'évidence, 
opposant  des  raisonnements  aux  ex- 
périencesdes  plus  habiles  anatoinis- 
tes.  Primerose  nia  de  même  l'exis- 
tence des  vaisseaux  chilileres,  pré- 
tendant que  ces  vaisseaux  sont  in- 
visibles ,  et  qu'ils  n'ont  pas  de  tronc 
aj)parent  (  Voy.  V Ilist.  de  l'anatu- 
mie ,  par  M.  Portai,  11,  5i'2).  Ce 
médecin  mourut,  vers  iGfio,  dans 
un  âge  avancé.  Parmi  ses  nombreux 
ouvrages,  on  se  contentera  de  citer  : 
1.  Exercilaliones  et  aniniadvcrsio- 
nes  in  librum  de  mutu  cordis  et  cir- 
culationc  san^uinis  adi>crsàs  Gui. 
Ilnrveum,  Londres,  iG3o;  Lcyde, 
1O39,  in-4°-  II.  Academia  Mons- 


PRI 

peliensis  et  laiirus Munspcliaca ^Ox- 
ford  ,  i63i,  iu  -  S'*.  ;  rare.  III.  De 
vulgi  erroribus  in  viedicind  lihri  if, 
Amsterdam,  i63g,  iii-12;  réimpri- 
mé plusieurs  fois  en  Hollande;  trad. 
en  anglais,  par  Robert  Witie  ;  et  eu 
français  ,  par  de  Rostagny  ,  Lyon  , 
1689,  in-  8"^,  Cet  ouvrage  ,  comme 
on  voit ,  eut  beaucoup  de  succès  : 
mais  quoiqu'il  contienne  des  remar- 
ques curieuses  et  intéressaates ,  il  est 
aujourd'hui  presque  oublié  ,  tandis 
qu'on  recherche  toujours  le  Traité 
de  Laurent  Joubert  sur  les  Erreurs 
populaires  (  V.  Joubert  ).  IV.  En- 
chiridion  medico-praclicum ,  Ams- 
terdam ,  i65o  ou  1654,  in-  12.  V. 
Ars  pharmaceutica ,  ibid. ,  i65i, 
in- 12.  VL  De  morhis  mulieruin  et 
symptomatis  libri  r,  Rotterdam, 
i655  ,  in -4'*.  Cet  ouvrage,  fruit  de 
l'expérience  et  de  la  longue  pratique 
de  l'auteur  ,  est  fort  estimé.   VIL 
Destructio  Jundamentorum  inedi- 
cinœ  P'opis.Fortun.  Plempii,  ibid., 
1657,  iu-4'*.,  fig.  (  P^.  Plempius  ). 
Primerose  ne  pouvait  pardonner  à 
cet  habile  médecin  d'avoir  fini  par 
reconnaître  la  circulation  du  sanc, 
après  en  avoir  douté.  VIII.  De  j'e- 
hrihus  libri  iv  ,  ibid. ,  i658  ,  in-4*'. 
IX.  De  morbis  puerorum,,   ibid., 
1659,  in-T2.  W — s. 

PRIMUS  (  Marcus-Antonius  ) , 
général  romain,  naquit  à  Toulouse, 
d'une  famille  patricienne.  Il  porta  , 
dans  son  enfance ,  le  surnom  de  Bec- 
co,  mot  celtique  ou  gaulois  ,  qui  s'est 
conservé  dans  notre  langue  (  Voyez 
Suétone,  Fie  de  Fitellius,  ch.  18); 
et  quelques  auteurs  modernes  ont 
cru  pouvoir  en  conclure  qu'il  était 
d'origine  gauloise.  Il  réunissait  les 
qualités  et  les  défauts  les  plus  propres 
à  séduire  la  multitude.  Brave  et  gé- 
néreux à  l'excès,  d'une  activité  et 
d'une  patience  infatigables ,  mais  cs- 


PRI 


y'ï 


prit  entreprenant  et  audacieux,  ca- 
chant son  ambition  sous  le  voile  du 
bien  public,  il  ne  voyait,  dans  les 
dissensions  civiles  ,  que   le  moveu 
d'accroître  son  crédit  et  ses  riches- 
ses. Une  faute  grave,  mais  qu'on  ne 
doit  pas  juger  trop  sévèrement,  puis- 
qu'il la  commit  sans  intérêt  person- 
nel (  i),  l'avait  fait  exclure  du  sénat. 
Il  y  fut  rappelé  par  Galba ,  lors  de 
son   avènement  à  l'empire  ;   et   ce 
prince  lui  donna  le  commandement 
d'une  des  légions  stationnées   dans 
laPannonie.  Il  oiïrit  ses  services  à 
Othon  contre  Vitellius  ;  et  il  se  dé- 
clara l'un  des  premiers  pour  Vespa- 
sicn.  Son   éloquence  vive  entraîna 
toutes  les  légions  de  la  Pannonie  -  et 
il  décida  ses  collègues,  incertains  sur 
le  parti  qu'ils  devaient  prendre,  à 
porter  la  guerre  en  Italie.  Primus  se 
chargea  de  leur  en  ouvrir  les  che- 
mins :  aA'ec  un  petit  corps  d'infante- 
rie et  de  cavalerie  ,  formé  à  la  hâte, 
il  s'empara  d'Aquilee  ;  et,  profitant 
du  premier  moment  de  surprise ,  il  se 
rendit  maître  de  tout  le  pays  jusqu'à 
Vérone,  dont  il  fit  le  centre  de  ses 
opérations.  Les  légions  qu'il  avait  re- 
çues de  la  Pannonie  et  de  la  Mœsie ,  lui 
donnaient  les  moyens  de  continuer 
sa  marche;  mais,  forcé  de  remettre 
le  commandement  de  l'armée  à  deux 
consulaires,  il  allait  être  prive  de  la 
gloire  d'exécuter  le  plan  qu'il  avait 
conçu.  Deux  séditions,  dont  Primus 
fut  sans  doute  le  secret  instigateur  , 
le  débarrassèrent  de  ses  rivaux  •  et 
le  choix  des  soldats  le  rendit  seul 
chef  d'une  armée  qu'il  })roraettait  de 
conduire  à  la  victoire.  Jaloux  de  jus- 
tifier la  confiance  des  troupes  ,  il  se 
hâte  de  marcher  sur  Crémone,  avant 
que  les  lieutenants  de  Vitellius  aient 


(i)  11  avait  eu  la  coii|>able  cc;n]ilaisance  de  signer 
comme  témoin  un  testament  sui>])Osé,  fait  ml  béne  • 
Gce  d'un  de  ses  ami».  . 


96  PRT 

eu  le  temps  de  leniiir  leurs  forces. 
Un  coralial  sanglant  et  long  -  temps 
indécis  ,  l'amène  sons  les  mnrs  de  la 
ville.  Les  soldats,  à  qui  l'espoir  du 
biilin  fait  oublier  leurs  fatigues  et  dé- 
robe le  danger  ,  demandent  à  l'atta- 
quer sur  -  le  -  champ  ,  et,  maigre  la 
résistance  des  assiégés,  l'emportent 
d'assaut.  Quatre  jours  après,  cette 
cité  florissante  et  populeuse  ne  pré- 
sentait plus  que  des  ruines  teintes  de 
sang('2).  Primusne  put  supporterlui- 
îucme  cet  horrible  spectacle.  Il  ra- 
mena dans  rillyrie  ses  soldats  char- 
gés de  dépouilles  odieuses  ,  et  dépS- 
cha  des  courriers  à  Vespasien,  ainsi 
<pie  dans  la   Germanie  et  dans  les 
Gaules ,  pour  y  annoncer  sa  victoire. 
L'hiver  l'obligea  de  quitter  les  plai- 
nes humides  du  Pô.  11  partit,  emme- 
nant avec  lui  une  partie  de  ses  légions; 
traversa  l'Apennin,  sans  trorver d'au- 
tres obstacles  que  ceux  que  lui  oppo- 
saient les  neiges  et  la  difllculté  <ies 
chemins,  et  vint  camper  à  ('arsula  , 
pour  y  attendic  le  reste  de  son  ar- 
mée. Les  troupes  de  Vitellius  ,  pos- 
tées à  Narni,  n'avaient  aucune  con- 
fiance dans  leurs  chefs.  Primus  se 
ménagea  des  intelligences  dans  leur 
camp,  séduisit  les  ofllciers,  par  l'es- 
poir des  récompenses  de  Vespasien  ; 
ébranla  la  fidélité  des  soldjts ,  en  leur 
montrant  l'inutilité  de  la  résistance, 
et  les  vit  bientôt  se  ranger  sous  ses  or- 
dres avec  leurs  enseignes  et  leurs  dra- 
peaux. Il  distribua  ces  légions,  dont 
il  se  méfiait  encore,  dans  les  villes 
de  rOmbrie;  et,  laissant  des  forces 
sufllsantes  pour  les  contenir  ,  il  s'a- 
vança vers  Rome.  Il  avait  prévenu 
Vitellius  de  sa  marche  ,  en  l'invitant 
à  quitter  volontairement  un  trône 


(»■)  Tacite  a  diciit  la  piisi'  de  Cicmoiic  cl  1rs 
CYunemrijti»  qui  la  proccdcrt-Dt ,  avec  beaucoup  de 
détails, daiu  le  livre  III  de  sou  Histoire  ;  et  il  n'epar- 
t,W  cas  à  Priniu»  den  repruchc»  lrux>  mérilM. 


PRI 

qu'il  ne  pouvait  plus  défendre.  Mais 
tandisque  le  faibleempercur  négocie, 
dans  l'espoir  d'obtenir  des  conditions 
moins  rigoureuses  ,  les  soldats   de 
Primus,  qu'il  ne  peut  retenir,  s'em- 
parent de  Rome,  etmassacrentl'em- 
percur  (/'oje; Vitellius).  Primus, 
accueilli  comme  un  libérateur,  fut 
décoré ,  par  le  sénat ,  des  ornements 
consulaires  ,  et  vint  habiter  le  palais 
impérial,  qu'il  dépouilla  de  ses  ri- 
chesses. H  commanda,  pendai:t  quel- 
ques jours ,  en  maître;  et  rien  ne  se 
fit  que  par  ses  ordies  :  mais  ,  à  l'ar- 
rivée de  IMucieu,  tout  changea  de 
face.  On  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir 
que  le  favori  de  Vespasien,  jaloux, 
du   succès  de  Primus,  cherchait  à 
l'éloigner;  et  chacun  l'abandonna. 
Primus  se  flatta  que  Vespasien  ,  plus 
juste,  se  montrerait  reconnaissant 
des  services  qu'il  lui  avait  rendus; 
mais  ce  prince,  prévenu  contre  lui, 
le  reçut  froidement ,  et  ne  lit  aucun 
cllbrt  pour  le  retenir  à  sa  cour.  Primus 
alors  prit  le  parti  de  se  retirer  dans 
le  lieu  de  sa  naissance,  et  d'y  cher- 
cher ,  dans    la   culture  des  lettres  , 
l'oubli  de  ses  rêves  ambitieux.  Il  vé- 
cut plus  de  trente  ans  dans  cette  re- 
traite ,  qu'il  avait  embellie,  n'cntrc- 
Icnaiit  de  relations  à  Rome  qu'avec 
quelques  personnes  qui  partageaient 
sou  goût  pour  les  lettres.  On  apprend, 
paruneEpigrauimedcMartial(liv.x, 
•^3),  que  Primus  était  parvenu  ,  tran- 
quille et  heureux ,  à  l'àgc  de  soixante- 
quinze  ans  ;  et  qu'il  voyait  s'appro- 
cher sans  crainte  le  terme  de  sa  vie. 
Ainsi ,  l'on  peut  conjecturer  que,  ne' 
sous  Tibère,  il  mourut  au  plutôt  l'au 
Ç)9,  la  première  année  du  lègne  de 
Trajan.  Dans  plusieurs  autres  de  ses 
hpigrammes  (liv.  ix ,  i  o  i  ;  et  x ,  3a, 
']3).,  Martial,  son  ami,  fait  un  grand 
éloge  des  vertus  et  des  talents  de  Pri- 
mus ,  dont  il  avait  oublié  les  torts  de 


PRI 

jennesse,  expiés  par  une  conduite  ir- 
réprochable. On  croit  que  Primus 
avait  composé  plusieurs  ouvrages; 
mais  on  ne  connaît  de  lui  que  deux 
Fragments  de  ses  allocutions  aux 
légions  de  la  Pannonie  ,  conservés 
par  Tacite.  W — s. 

PRINCE  (le  ).  r.  Le  Prince. 

PRINGLE  (Jean),  l'un  des 
médecins  les  plus  distingues  du  der- 
nier siècle ,  naquit  à  Stickel-Honsc , 
comté  de  Roxburg,  dans  le  nord  de 
l'Angleterre  ,  le  lo  avril  l'jo^.  Pré- 
paré par  la  culture  des  belles-lettres, 
il  alla  ,  à  Leyde ,  étudier  sous  Buer- 
Laave  ,  et  présenta  ,  en  1730,  pour 
être  reçu  docteur  en  médecine  ,  une 
Dissertation  qui  avait  pour  titre  :  De 
marcore  senili.  Venu  à  Edinbourg, 
dans  l'intention  de  pratiquer  la  mé- 
decine, Pringle  y  fut  nommé  pro- 
fesseur-adjoint de  philosophie  mo- 
rale et  de  pneumatique ,  dénomina- 
tion par  laquelle  il  faut  entendre  ici 
la  métaphysique.  En  174'^  il  devint 
médecin  ordinaire  d'armée  ,  fut  ra- 
pidement promu  au  grade  de  méde- 
cin en  chef  d'hôpitaux  ,  et  enfin  à 
celui  de  premier  médecin  des  ar- 
mées. Il  servit,  enFlandrectcn  Alle- 
magne, jusqu'en  1 745, et,  depuis  1746 
jusqu'en  1749?  ^ii  Angleterre  et  en 
Ecosse.  Pringle  courut  des  dangers 
à  la  bataille  deDettingue,  et  montra 
un  sang  -froid  qui  plut  aux  troupes. 
Il  se  fit  encore  plus  d'honneur  en 
provoquant  une  convention,  d'après 
laquelle  les  hôpitaux  furent  consi- 
dérés comme  neutres  par  les  com- 
battants des  différentes  nations.  Il 
s'était  procuré  des  topographies 
très  -  détaillées  ;  ce  qui  le  mit  à  mê- 
me de  répandre  des  instructions  pour 
toutes  les  positions  oîi  l'armée  pou- 
vait se  trouver.  La  maladie  que  Prin- 
gle avait  le  plus  à  redouter,  en  Flan- 
dre et  en  automne  ,  était  la  dysea- 

XXXVI. 


PRI 


97 


terie ,  tantôt  aiguë  ,  et  plus  souvent 
encore  d'une  longue  durée.  Ce  fut 
contre  cette  ennemie  qu'il  dirigea  tous 
ses  efforts.  Il  observa  judicieusement, 
ce  que  n'avait  point  fait  Sydenham  , 
que  la  dyssenterie  est  fort  souvent 
contagieuse  ;  et  partant  de  cette  im- 
portante  donnée,  il  a  indiqué  les 
précautions  à  prendre,  et  les  mesu- 
res   qu'il  convient  d'adopter  pour 
s'opposer  à  la  propagation  de  celte 
maladie.  Ce  fut  en  1 749  que  Pringle 
vint  s'établir  à  Londres  avec  le  titi-e 
de  médecin  du  duc  de  Gumberiand  , 
second  fils  du   roi  George  II.   Eu 
i']5i  ,'û  publia  la  première  édition 
de  sou  traite  des  maladies  des  ar- 
mées,  qui  fit  beaucoup  de  sensa- 
tion ,  et  fut  également  bien  accueil- 
li dans  le  monde  savant   et   dans 
l'armée.  La  société  royale  de  Lon- 
dres lui  adjugea  ,  la  même  année  ,  la 
médaille  fondée  par  Conicv  ,    pour 
ses  expériences    sur  les  antisepti- 
ques. En  1750,  Pringle  avait  adres- 
sé à  Mead ,  et  publié,  une  lettre  fort 
remarquable  sur  la  fièvre  des  prisons, 
maladie  très-dangereuse,  qui  avait 
déjà  fixé  l'attention  publique   lors- 
qu'elle se  développa  en  1757  aux 
assises  d'Oxford  ,  et  qui  venait  de 
reparaître  aux  sessions  de  l'Old  Bay- 
ley.  On  attribue  justement  cette  ma- 
ladie, qui  est  contagieuse,  à  l'entas- 
sement des  hommes  sains, à  plus  forte 
raison  à  celui  d'hommes  souffrants 
ou  malades.  Pringle  donna  une  his- 
toire fort  exacte  de    l'invasion  de 
1 750  ,  et  rappela ,  à  cette  occasion  , 
SCS  propres  observations  dans  les 
armées,  et  celles  d'Huxham  dans  les 
hôpitaux  de  Plymouth.  Ayant  dé- 
finitivement quitté,  en  1758,  leser- 
vice  de  Tarmée ,  il  s'établit  à  Lon- 
dres ,  fut  d'abord  agrégé  au  collè- 
ge des  médecins,  puis  membre  ordi- 
naire et  associé  d'un  grand  nombre 

7 


q8 


PRI 


d'académies  étrangères.  Il  occupa,  à 
à  la  cour, (les  places  honorables,  et 
finit  par  être  premier  me'decin  du 
Roi ,  qui  ledécora  du  titre  de  baron- 
net, déjà  héréditaire  dans  la  branche 
aînée  de  sa  famille.  Entre  dans  la 
Société  royale  depuis  \'].\  '> .  Pringle , 
membre  du  conseil, en  17:"».'),  i^Cj, 
17 70  et  177.1,  fut,  vers  la  (in  de  cet- 
te même  année  ,  nommé  président , 
place  constamment  occupée  par  des 
hommes  de  la  plus  haute  considé- 
ration. Il  se  distingiia  dans  celte 
magistrature  littéraire,  par  six.  dis- 
cours prononcés  sur  divers  travaux 
auxquels  la  Société  royale  avait 
adjugé  le  prix  fondé  par  sir  Go- 
defroi  Copley  pour  encourager  le 
perfectionnement  des  sciences.  La 
Société  royale  se  trouva  divisée  d'o- 
pinions comme  toute  la  nation,  au 
sujet  de  la  guerre  d'Amérique.  Prin- 
gle  ,  (|ui  ilesirait  l'émancipation  des 
colonies  ,  essuya  des  contrariétés , 
à  la  suite  desquelles  il  donna  sa 
démission  de  la  présidence  dans 
les  derniers  jours  de  1778.  Il  ap 
partenait  aux  plus  ccli-bres  cor- 
porations savantes  de  l'Iùirope,  et 
accueillait  chez  lui,  avec  empresse- 
ment et  urbanité,  les  savants  de  tous 
les  pays.  Sa  santé  s'étant  altérée, 
il  partit  pour  Edinbourg  dans  l'in- 
tention de  s'y  fixer ,  et  revint  à 
Londres  ,  où  il  mourut  le  18  jan- 
vier i78'2.  Il  fut  enterre  avec  de 
grands  honneurs,  et  on  lui  éleva  un 
mausolée  dans  l'église  de  Westmins- 
ter, à  côté  des  bustes  de  Freind  ,  de 
Mead  et  de  Haies ,  ses  amis.  Les  ou- 
vrages de  Pringlc  ,  qui  eurent  une 
graiide  vogue  de  son  temps ,  sont  en- 
core fort  estimés  aujourd'hui.  La 
plupart  doivent  être  continuellement 
médités  par  les  ofllciers  de  santé 
mditdires.  En  voici  les  principaux  : 
I.  Dissertatio  inauiruralis  de  mar- 


PRI 

core  senili,  Leyde,  1780,  grand  in- 
8*.  II.  Several  accounts  of  the  suc- 
cessofthe  vilnim  ceratum  antimo- 
nii  (  Essais  de  médecine  d'Edin- 
bourg,  5*^.  v.  )  III.  Observations  of 
the  nature  and  cure  ofhospital  and 
poal  fevers  ,  in  a  letter  to  D''-  Ri- 
chard Mead  ,  Londres  ,  1750  et 
1753,  in-8'^.  IV.  Experimcnt  s-  upon 
septic  and  antiseptic  substances  , 
M'ith  remarks  relatinç^  to  theiruse 
in  the  theory  ofinedicine,  in  several 
papers  read  be  fore  the  rojalSociely. 
Ses  expériences  sont  insérées  dans  le 
volume  des  Transactions  philoso- 
phiques pour  17,51  ;  et  elles  ont  été 
publiées  de  nouveau  avec  l'ouvrage 
suivant  :  V.  Observations  on  the  di- 
seases  ofthe  rïrm>-,  Londres,  in-8°. 
Une  cinquième  édition  parut  en  1  765 
in-4''. ,  et  la  dernière  du  vivant  de 
Pringle,  en  17G8.  Cet  ouvrage  a  ctd 
publié  en  français  sous  le  titre  sui- 
vant ••  Observations  sur  les  mala- 
dies des  armées  dans  les  camps  et 
dans  les  f^arnisons,  avecdes  Mémoi- 
res sur  les  substances  sepli(jiies  et 
antiseptiques  ,  Paris,  175.')  ,  in- 12  ; 
ibidem,  1771  ,  même  format,  édi- 
tion revue,  corrigée  et  augmentée. 
VI.  Discours  sur  quelques  nouveaux 
procédés  pour  conserver  la  santé 
des  marins ,  Londres,  1770,  in-4". 
Pringle  légua  de  nombreux  manus- 
crits au  collège  de  médecine  d'E- 
dinbourg,  aux  conditions  expresses 
qu'ils  ne  seraient  point  publics  ,  et 
ne  sortiraient  jamais  de  la  bibliothè- 
que. Ce  savant  praticien  était  ennemi 
des  méthodes  fondées  sur  la  théo- 
rie, qu'il  regardait  comme  trop  va- 
gue et  trop  peu  avancée.  Il  parais- 
sait envisager  l'empirisme,  c'est-à- 
dire,  la  pratique  appuyée  sur  la  seu- 
le observation  ,  comme  la  meilleure 
méthode.  Il  faut  du  moins  que  cet 
empirisme  soit  raisonné,  lui  disait  un 


PRI 

cle  ses  confrères  :  Le  moins  quil  se 
pourra  ,  repondit  Pringle  ;  c'est  en 
raisonnant  que  nous  avons  tout  gdté. 
Il  avait  eml)rassé  à-la  fois  presque 
toutes  les  sciences  physiques,  la  phi- 
losophie spéculative,  l'erudiiion,  la 
théologie  même  :  il  aimait  à  ras- 
sembler autour  de  lui  les  savants  les 
plus  célèbres.  Il  avait  adopte,  com- 
me Nevvton  ,  l'opinion  des  unitaires 
rigides  ;  mais  il  n'adoptait  en  entier 
aucune  des  communions  chrétien- 
nes. On  a  imprime  de  lui  une  Lettre 
sur  le  sens  des  prophe'ties  de  Daniel 
(  F.  MiGHAELis,  XXVIll,  542  ). 
Voyez  sa  Vie  en  anglais  par  Kippis, 
à  la  tête  des  six  discours  dont  nous 
avons  parlé;  et  son  Eloge  en  fran- 
çais par  Vicq  d'Azir ,  et  par  Condor- 
cet.  D — G — s. 

PRIOLO  (  Benjamin),  historien, 
ne,  le  premier  janvier  1602,  à  Saint- 
Jean  d'Angeli ,  descendait  d'une  fa- 
mille patricienne  de  Venise  ,  qui  a 
donne'  des  doges  à  la  re'publique.  Ant. 
Priolo  ,  son  bisaïeul,  vint  fort  jeune 
en  France  ,  épousa  la  fille  d'un  gen- 
tilhomme de  Saint  onge;  et  ce  mariage, 
dans  lequel  il  n'avait  consulte  que 
son  inclination  ,  n'ayant  point  eu 
l'aveu  de  ses  parents ,  qui  le  déshéri- 
tèrent ,  il  se  fixa  dans  le  pays  de  sa 
femme.  Julien  ,  l'un  de  ses  petits- 
fils  ,  fut  le  père  de  Benjamin  ;  il  avait 
embrassé  la  réforme  ,  et  dépensé  la 
plus  grande  partie  de  son  bien  dans 
les  guerres  de  religion  :  en  mourant, 
il  laissa  son  fils  presque  sans  fortune. 
Benjamin  n'avait  que  quinze  ans  lors- 
qu'il perdit,  à  quelques  mois  de  dis- 
tance ,  son  père  et  sa  mère.  Doué 
d'heureuses  dispositions  ,  et  surtout 
d'un  goût  très-vif  pour  l'étude  ,  il 
passaitdéjà  les  jours  et  les  nuits  à  lire 
les  auteurs  grecs  et  latins.  En  quit- 
tant Orthez  ,  oii  il  avait  été  élevé  ,  il 
vint  à  Montauban  ,  et  se  rendit  eu- 


PRI 


99 


suite  à  Leyde ,  attiré  par  la  réputa- 
tion de  Dan,  Heinsius  et  de  Vossius  ; 
et  pendant  trois  ans  qu'il  séjourna 
dans  cette  ville,  il  mit  à  profit  les  le- 
çons de  ces  habiles  maîtres.  Il  alla,  de 
Leyde  à  Padoue ,  étudier  la  philoso- 
phie sous  César  Crémonini,  et  For- 
tunio  Liceli  ;  mais  auparavant  il  fii 
un  voyage  à  Paris  pour  voir  le  célè- 
bre Grotius,  et  lui  demander  des  con- 
seils. Après  avoir  terminé  ses  cours, 
il  revint  en  France  réclamer  les  pe- 
tites sommes  qui  lui  étaient  dues,  et 
repartit  pour  l'Italie,  dans  le  dessein 
d'aller  à  Venise  ,  se  faire  reconnaître 
comme  un  descendant  des  Priuli. 
Après  avoir  justifié  de  ses  titres  au 
sénat,  il  fut  créé  chevalier  ;  mais  il 
ne  put  obtenir  d'être  rétabli  dans  les 
prérogatives  dont  avaient  joui  ses 
ancêtres.  Obligé  ,  par  défaut  de  for- 
tune, de  tirer  parti  de  ses  talents  ,  il 
gagna  la  confiance  du  ducdeRohan, 
qui  était  alors  au  service  des  Véni- 
tiens, fut  chargé,  par  ce  prince,  de 
négociations  avec  la  cour  d'Espagne , 
et  le  suivit  dans  la  Valteline ,  où  il 
signala  son  sang-froid  et  sa  valeur 
dans  différentes  renconires  (  F.  Ro- 
HAN  ).  Après  la  mort  de  son  illustre 
protecteur  ,  Priolo ,  marié  depuis 
quelques  mois  ,  prit  le  parti  de  se  re- 
tirer, avec  safemme,  dans  une  petite 
terre  qu'il  avait  achetée  à  Sacconaï , 
près  de  Genève  :  il  y  demeura  dix 
années ,  goûtant  un  repos  qu'il  dut 
regretter  dans  la  suite,  et  partageant 
son  temps  entre  l'élude  et  l'éducation 
de  ses  jeunes  enfants.  Le  duc  de  Lon- 
guevllle,  appiéciant  le  mérite  et  la 
capacité  de  Priolo,  le  demanda  pour 
secrétaire,  en  i(348  ,  et  le  conduisit 
au  congrès  de  Munster.  L'année  sui- 
vante ,  l'riolo  revint  h  Genève,  régler 
ses  affaires  ,  et  amena  sa  famille  en 
France  ,  où  le  duc  deLongueville  de- 
sirait le  fixer.  En  passant  a  Lyon  ,  il 


BmLK:)THecA 


100 


PRT 


eut,  avec  le  canlinal Barberini, quel- 
ques conférences,  qui  le  dctcrrainèrent 
à  rcntrenlansle  sein  de  l'eglisecatlio- 
lique  ,  et  il  fit  son  abjuration  avec 
tonte  sa  latuille.  Outre  une  pension 
de  laoo  liv.  que  lui  donna  le  duc  de 
Loii{;ueville  en  recompense  de  ses 
services  ,  il  obtint  différentes  grafifi- 
calions,  et  il  aurait  pu  jouir  d'un  sort 
tranquille;  mais  Priolo,  entraîne  par 
son  admiration  pour  le  grand  Coude, 
s'unit  aux  mécontents  ])endant  les 
troubles  de  la  Fronde ,  et,  maigre 
les  elVorts  du  cardinal  Mazarin  et 
de  II  reine  ,  persista  dans  le  parti 
qu'il  avait  emltrassc  ,  dont  \\  parta- 
gea les  revers.  Déclare  rebelle  par  un 
arrêt  du  parlement,  ses  biens  furent 
confisques  ,  et  il  fut  oblige  de  pretj- 
(!re  la  fuite  pour  se  soustraire  à  la 
vengeance  de  ses  ennemis,  (^uand  les 
princes  eurent  fait  leur  paix  avec  la 
cour  ,  Priolo  ,  compiis  dans  l'am- 
nistie, oublia  ses  rêves  d'ambilion  , 
et,  apri's  avoir  recueilli  les  débris  de 
sa  fortune,  ne  songea  plus  qu'à  vivre 
tranquille  dans  un  doux  commerce 
avec  les  muses.  Ce  fut  alors  qu'il 
écrivit  l'histoire  des  événements 
dont  il  avait  été  le  témoin,  et  quel- 
ques autres  ouvrages  ,  dont  on  par- 
lera tout  à-l'heure.  Les  liaisons  qu'il 
avait  conservées  à  Venise,  le  firent 
choisir  pour  y  remplir  une  mission 
secrète;  mais,  en  se  rendant  eu  Ita- 
lie, il  mourut  d'apoplexie,  à  Lyon  , 
en  1667,3  l'âge  de  soixante-cinq 
ans.  A  beaucoup  d'esprit  naturel  , 
Priolo  joignait  des  connaissances  va- 
riées; mais  il  avait  trop  de  penchant 
pour  les  idées  paradoxales,  et  il  af- 
fectait ,  en  matifre  de  goût ,  une  in- 
dépendance d'opinion,  qui  lui  fai- 
sait porter  des  jugements  singuliers 
sur  le  mérite  des  grands  écrivains  de 
l'antiquité.  Il  préférait  Séncque  à 
Ciccron ,  Lucain  à  Virgile,  et  Catulle 


PRI 

à  Horace.  Son  admiration  pour  Titc-  j 
Live  était  si  grande,  que,  désespérant 
de  pouvoir  jamais  atteindre,  même 
de  loin,  à  la  perfection  de  son  style, 
il  prit  Tacite  pour  modèle  ,  en  écri- 
vant son  Histoire  des  guerres  de  la 
Fronde.  Elle  est  intitulée:  Abexcessu 
Ludoi'ici  XIII ,  de  relus  GalUcis 
hisloriaritm  lihri  m  ,  Cliarlevillc 
(Paris),  i665,  in-4".  ,  avec  le  por- 
trait de  l'auteur  (  i  ).  Parmi  les  autres 
éditions,  on  distingue  oelle  d'L'i  redit, 
i()()9,  in-i'i,  sortie  des  presses  d'EI- 
zevier,  et  celle  de  Leipzig,  iGHG, 
in -8".  ,  publiée  par  Chr.  -  Fred. 
Francken  ,  qui  l'angnicnta  de  <|uel- 
ques  lettres  et  de  notes  instructi- 
ves :  cette  Histoire  est  écrite  ,  sui- 
vant Bayle ,  avec  une  fiberté  fort 
éloignée  de  la  flatterie  ;  et  le  style  en 
est  vif  et  plein  de  feu.  Cependant 
elle  est  tombée  dans  l'oubli  ,  peut- 
être  parce  que  nous  avons  de  meil- 
leurs livres  en  français  sur  cette 
époque.  Priolo  laissa  plusieurs  ou- 
vrages en  manuscrit  :  f'itanda  in 
vild  seit  de  slultitid  hiunamc  ^enlis 
lihri  ir.  —  Qiiœstiomirn  naturalium 
seu  de  re  phintarid  veleriim  et  re- 
centioriim  lihri  m.  Priolo  nous  ap- 
prend que  cet  ouvrageélail  le  fruit  de 
trente  années  d'application  ;  et  il  se 
plaint  que  quelques  personnes,  par 
un  coujtable  abus  de  confiance,  cher- 
chassent à  lui  ravir  l'honneur  qu'il 
avait  droit  d'espérer  d'un  travail 
qui  lui  avait  coûté  tant  de  fatigues 
et  de  soins.  —  Knfin  ,  outre  sa  pro- 
pre Vie  ,  il  avait  écrit  celle  du  duc 
de  Rohan  ,  son  bienfaiteur,  et  celle 
de  César  Crémonini  ,  dont  il  avait 
suivi  les   leçons  dans  sa  jeunesse  à 


(i)  Priolo,  pourtoodrr  le  goût  du  piililic  ,  avait 
publie,  CD  ifj«)i  ,  les  cinq  j>i<-iiiiirs  livr's  de  .»oii 
Htsloire:  dans  la  préface  de  l'ed.  de  i<i65,  il  ré- 
pondit aux  critiqurs  qu'on  avait  fa. tr»  de  son  ouvr»- 
cp  ;  mai«  il  ne  longea  pas  à  en  proGter  pour  le  per- 
fectionner. 


Padoue  j  et  enfin  le  Jugement  sur  les 
auteurs  grecs  et  latins ,  etc.  On  a  la 
F'ie  de  Friolo ,  en  latin  ,  par  Jean 
Rliodius ,  Padoue ,  1 662 ,  de  6  pap;.  ; 
et  Paris,  même  année  ,  in-4''.  Baylc 
s'en  est  servi  pour  rédiger  l'article 
qu'il  lui  a  consacre'  dans  son  Dic- 
tionnaire. Ou  peut ,  en  outre ,  con- 
sulter les -f^/emo/rej  deNiceron,  tom. 
XXXIX.  W — s. 

PRIOR  (  Matthieu  ),  poète  et  di- 
plomate anglais,  naquit  le  21  juillet 
1 664 (vieux style),  àWinburn,  dans  le 
Middlesex,  siuvant  le  docteur  John- 
son, et  a  Winborne,daris  le  comte  de 
Dorset  (1),  suivant  d'autres  e'cri- 
vaius.  A  la  mort  de  son  père,  qui 
exerçait ,  dit-on  ,  à  Londres  ,  la  pro- 
fession de  menuisier,  le  jeune  Prior 
fut  confié  aux  soins  de  Samuel  Prior, 
son  oncle,  qui  tenait  près  de  Charing- 
Cross,la  taverne  delà  Basade {Rum- 
iner tavern  ) ,  où  s'assemblait  le  club 
des  savants.  Samuel  Piior  envoya 
son  neveu  à  l'école  de  Westmins- 
ter ,  où  l'élève  se  fit  remarquer  par 
son  application  et  ses  succès.  Après 
y  être  resté  quelque  temps ,  Prior  re- 
vint dans  la  maison  de  son  bienfai- 
teur, pour  l'aider  dans  ses  travaux  et 
apprendre  sa  profession  :  c'est  ce  qui 
a  fait  dire,  avec  peu  d'exactitude,  à 
Voltaire,  que  le  poèteanglaisef  fljfori- 
ginairement  un  garçon  cabaretier. 
Dans  SCS  heures  de  leisir,  Prior  s'at- 
tachait à  l'étude  des  classiques  latins, 
et  fut  bientôt  distingué  par  les  per- 
sonnes du  grand  monde  qui  fréquen- 
taient la  taverne  où  il  demeurait.  Un 
jour  que  le  comte  de  Dorset  y  était 
venu  avec  d'autres  seigneurs,  il  s'éle- 
va une  discussion  littéraire  sur  une 
ode  d'Horace ,  auteur  favori  de  Priorj 
et  la  compagnie  ne  pouvant  s'accor- 


(i)  ^orezà  ce  sujet  le  Genlleman'i  magazine  ,  t. 
I.xn,p.  802. 


PRI  ïoi 

der  à  ce  sujet,  l'un  des  seigneurs  dit 
à  ses  compagnons  :  «  Nous  sommes 
»  divisés  sur  nos  critiques  ;  mais  si 
»  je  ne  me  trompe ,  il  y  a  ici  un  jeune 
»  garçon  qui  est  en  état  de  nous  met- 
»  tre  dans  la  bonne  voie  ;  »  et  il  nom- 
ma Matthieu  Prior.  On  le  fit  venir,  et 
il  donna  une  explication  qui  satisfit 
complètement.  Le  comte  de  Dorset, 
frappé  de  la  modestie  et  du  savoir 
de  ce  jeune  homme ,  résolut ,  dès  ce 
moment,  de  lui  faiie  parcourir  une 
carrière  qui  fût  plus  eu  harmonie 
avec  ses  talents  et  son  génie,  que  celle 
qu'il  avait  embrassée.  Il  le  plaça,  en 
1 682 ,  dans  le  collège  de  Saint- Jean , 
à  Cambridge^  et  Piior  y  fit  des  pro- 
grès si  rapides,  qu'en  1680,  il  fut 
élu  membre  de  cette  corporation  , 
place  qu'il  conserva  jusqu'à  sa  mort. 
Par  suite  d'une  coutume  établie  dans 
le  collège  de  Saint-Jean  ,  on  envoyé 
tous  les  ans  au  comte  d'Exeter,  quel- 
ques pièces  de  vers  sur  un  sujet  reli- 
gieux, en  reconnaissanced'undonfait 
à  cet  établissement  par  un  des  ancê- 
tres de  ce  seigneur.  Ce  fut  à  cette  occa- 
sion que  Prior  fit  paraître ,  en  1 688 , 
un  poème  intitulé  la  Divinité.  Quoi- 
que cet  opuscule  n'ait  pas  un  mérite 
transcendant ,  il  servit  à  faire  con- 
naître son  auteur.  La  pièce  de  vers 
que  Prior  adressa ,  la  même  année,  à 
la  comtesse  d'Exeter,  pour  célébrer 
son  talent  sur  le  luth,  et  ses  vers  sur 
le  fameux  tahle^u  de  S énèque  mou- 
rant dans  un  bain,  font  supposer 
qu'il  était  plus  ou  moins  en  rapport 
avec  la  famille  de  cette  dame.  La  mê- 
me année  (  1C88  ) ,  suivant  les  uns  , 
ou  mcmc  en  1687  ,  suiyantVJnnual 
register,  et  la  Fie  de  Prior,  par 
Samuel  Huinphrey,  il  publia,  avec 
Charles  Monîaigu,  depuis  lord  Ha- 
lifax, qui  étudiait  dans  le  même  col- 
lége ,  et  était  devenu  sou  ami  intime  , 
la  Biche  et  la  Panthère  inétamor- 


102  PRI 

phnsées  en  rat  de  ville  el  en  rat  de^ 
champs,  pour  tourner  eu  ridicule  la 
liiche  et  la  Panthère,  satire  viru- 
lente que  Drydeu  avait  fait  paraître 
contre  l'église  anglicane,  et  en  fa- 
veur du  catholicisme  (2).  Speuce 
prétend  que  Drydcn  parut  très-seu- 
sible  à  cette  attaque;  ce  qui  semble 
peu  probable.  «  Drvdcn  ,  dit  Jolui- 
»  son ,  était  trop  hdbitiié  aux  liosti- 
V  lilés  ,  pour  que  sou  repos  pût  être 
»  troublé  par  de  semblables  adver- 
»  saires.  Si  l'on  pouvait  supposer 
»  que  cotte  critique  lui  eût  causé 
»  quoique  cliagiiu,  il  n'en  aurait 
»  rien  fjit  paraître.  »  Ce  poème  néan- 
moins produisit  à  son  auteur  des 
avauta;;es  plus  solides  que  le  plaisir 
de  toiirnienler  Dryden  ;  et  Prior,en 
venant  à  Londres,  attira  tellement 
l'attention  ,  qu'en  i()«)i  il  fut  eu- 
vovéau  con'^rès  delà  Haye,  en  qua- 
lité de  secrétaire  d'amb.jssade.  Prjor 
avait  éié  l'ennemi  de  Drvdi-n  ,  quel- 
ques années  avant  la  révolution  ,  et 
n'avait  pas  craint  de  représenter 
ce  grand  écrivain  comme  un  miséra- 
ble prosateur,  dans  une  satire  ano- 
nyme ,  à  laquellt*  il  ne  songea  proba- 
blement pas  avec  beaucoup  de  satis- 
faction ,  dit  IMalone ,  lorsqu'il  fut  lui- 
même  devenu  Torv-  Cette  .«atirc,  et 
celle  qu'il  écrivit  sur b's  pactes  mo- 
dernes .  m  if'H-j  ou  iliSH  ,  sont  les 
seule<i  qu'il  ait  publices.  11  paraît  d'a- 
près la  préfaced'un  Traite  sur  le  sa- 
voir.  resté  minuscrit,  et  cpii  était  au- 
trefois en  la  possession  de  la  ducliesse 
douairière  oe  Portiand  ,  qu'il  s'abs- 

(•x^  Celle  piice  Je   v«t<  i»*  te  trouve  pa*  f\-^u%  \a 

Îruatrif-nie  fdilion  des  Ol-iivrr*  de  Prior  ,  puMiee  à 
xmdri-s,  ta  17^),  1  volumes  in-ii,  [lar  Siiiiiuel 
Humplirey,  et  que  l'auteur  du  Pltiliiqiie  an^'ait  , 
indique  iit-aiimoint  rouinie  la  meilleure.  Cet  éditeur 
»  jirù  1*  Miigulière liberté'  de  m'Ier  aux  poctici  de 
Prior,  iiou-trulemeut  det  pièces  de  ven  de  »  fa- 
çon, nuù  de  petits  poèmes  composé*  par  d'aut'et 
auteurs  ,  et  dont  quelques-uns  sont  d'une  indéceuce 
rrroltante  II  a  mis  en  t/'ie  du  secund  volume  une 
▼  ie  de  Prior  ,  et  n'a  doDoe  que  U  talilc  d«s  luiiticres 
à»  ce  volume. 


PRI 

tint,  par  prudence  ,  de  ce  dangereux 
emploi  de  ses  talents.  Dans  le  m.mus- 
crit  que  nous  venons  de  citer,  Prior 
parle  ainsi  de  lui-même:  «  Quant  à 
»  moi,  je  me  sentis  de  tiès-boune 
»  heure  entmîné  vers  la  poésie,  et 
«  j'éprouverai  toujours  cet  enlraîne- 
»  ment ,  tant  que  je  pourrai  penser. 
»  Tout  ce  que  je  me  rappelle  de  ma 
»  première  jeunesse,  c'est  que  je  fai- 
»  sais  des  vers.  Je  choisis  (îuy  de 
»  VVarwick  ,  pour  mon  premier  hé- 
«  ros,  et  je  tuai  Colborn  le  géant 
»  avant  que  je  fu^se  assez  grand  pour 
»  èlrc  envoyé  à  Wesliuinster.  I\Iais 
»  il  m'arriva  deux  accidents  qui 
M  m'empêchèrent  d'eue  com|)lète- 
»  ment  dominé  par  ma  muse.  Je  fus 
»  élevé  dans  un  collège  oii  la  prose 
»  était  plus  à  la  mode  que  les  vers  ; 
»  et  aussitôt  que  j'eus  pris  mes  pre- 
»  miers  degrés  ,  je  fus  envoyé  à  la 
»  lljye  comme  secrétaire  du  roi.  Là, 
M  j'avais  assez  à  faire  à  étudier  mon 
"français  et  mon  hollandais ,  et  à 
»  rhanger  le  style  térencien  en  celui 
»  des  articles  et  des  con^'entions. 
»  Ainsi  celte  poésie,  qui  par  la  pente 
»  de  mon  esprit,  pouvait  devenir 
»  l'artaire  de  ma  vie,  en  fut  seide- 
»  ment  l'amusement,  par  le  bonheur 
»  de  mon  éducation,  et  d'apiès  la 
»  perspective  de  quehpie  petite  for- 
»  tune  à  faire  et  l'amitié  de  per- 
»  sounagcs  élevés  à  cultiver.  Je  ne 
»  me  lançai  pas  beaucoup  dans  la 
»  satire,  parce  que,  quelque  agréable 
»  qu'elle  soit  aux  écrivaius  et  à  ceux 
1)  qui  l'encouragent  ,  les  résultais  en 
»  sont  fort  souvent  dangereux.  »  Ces 
maximes  prudentes  paraissent  avoir 
servi  de  guide  à  Prior,  pendant  la  plus 
grande  partie  de  sa  vie.  Sa  conduite 
à  la  Haye  fut  si  agréable  au  roi  Guil- 
laume, qu'à  son  retour,  il  le  nom- 
ma l'un  de  ses  gentilshommes  de  la 
chambre.  Ces  fonctions  lui  donnant 


I 


PRI 

peu  d'occupations ,  on  suppose  que 
Prior  passa  quelques  années  à  culti- 
ver la  littérature.  En  1693  ,  il  écri- 
vit, sur  la  mort  de  la  reine  Ma- 
rie, une  ode  fort  longue,  qui  fut 
présentée  au  roi.   Deux  ans  après 
(  1697  ),  il   fut  employé  de  nou- 
veau dans    les  aflaires    publiques  , 
et  nommé  secrétaire  d'ambassade  au- 
près   des  pléuipotentiaires    anglais 
envoyés  au  congrès  de  Ryswick.  Il 
fut  chargé  d'apporter  en  Angleterre 
le  traite  qu'ils  avaient  conclu,  et  re- 
çut à  cette  occasion  un  présent  de 
deux  cents  guinces.  Plusieurs  auteurs 
anglais ,  dont  Chaufepié  a   adopté 
l'opinion,  prétendent  que  Prior  fut 
nommé ,  la  même  année  (  1 697  ) ,  se- 
crétaire-d'état  pour   l'Irlande.    Ce 
qu'il  y  a  de  certain ,  c'est  que  le  doc- 
teur Robert  Freind  le  dit  positive- 
ment, dans  l'épitaphe  latine  compo- 
sée par  lui  en  honneur  du  poète  ,  et 
gravée   sur  le  monument  qui  lui  a 
été  élevé  dans  l'abbaye  de  Westmins- 
ter, \f  Jnnual  résister  place  à  Tan 
1 699  la  nomination  de  Prior  à  ce  pos- 
te important.  Ensupposantqu'il  l'ait 
réellement  occupé  en   1697  '  ce  qui 
nous  paraît  douteux ,  quelque  respec- 
tables que  soient  les  autorités  qui  af- 
firment ce  fait  (3),  cène  fut  que  fort 
peu    de   temps  ,    puisqu'en   janvier 
1698  il  accompagna  ,  comme  secré- 
taire d'ambassade  ,  le  comte  de  Port- 
land,  ambassadeur  extraordinaire  au- 
prèsde  la  cour  de  France.  On  raconte 
qu'un  jourqu'il  examinait  lesappar- 
tements  de  Versailles,  la  personne 
qui  lui  servait  de  guide  ,  lui  fit  re- 


(3^  Nous  ppusons  que  les  auteurs  cites  pai-  Cliaute- 
j)io,  et  les  rédacteurs  de  VAnniial  résister,  out 
coufonJule  poste  de  sous-secrctaire-d'etat,  que  Prior 
occupa  PU  l'igr)  ,sous  my'ord  Jersey,  avec  celui  de 
secri  tairc-d'rtat  pour  rirlaude.  Gordou,  qui  a  écrit 
l'Hi.-.toire  de  ce  royaume  ,  ne  dit  |>as  un  mot  de  Prior; 
«t  il  aurait  sans  doute  fait  mention  de  lui  ,  s'il  eût 
réellement  rempli  les  fonctions  qu'on  lui  attribue. 
Chalmerg  partage  l'opimun  que  nous  émettons  ici. 


PRI  io3 

marquer  les   tableaux  de  Lebrun  , 
représentant  les  victoires  de  Louis 
XIV  ,  et  lui  demanda  si  le  palais 
du  roi  d'Angleterre  avait  de  sembla- 
bles décorations.  «  On  voit  partout , 
fait-on  répondre  à  Prior,  les  monu- 
ments des  actions  de  mon  maître, 
excepté  dans   son  propre  palais.  » 
Lorsque  la  mission  du  comte  de  Port- 
land  fut  terminée  (juillet   1698), 
Prior  se  rendit  en  Hollande,  auprès 
du  roi.  A  la  suite  d'une  longue  au- 
dience, dans  laquelle  on  assure  qu'il 
donna  d'utiles  conseils  à  Guillaume 
III  sur  les  moyens  de  rendre  le  parle- 
ment favorable  aux  traités  départage 
de  la  succession  d'Espagne,  qui  ve- 
naient d'être  arrêtés  entre  la  France, 
l'Angleterre  et  les  Provinces-unies  ; 
il  fut  envoyé  à  Londres  avec  des  dépê- 
ches importantes.  A  son  arrivée,  il 
devint  sous-secrétaire  d'état  d.ins  le 
département  du  comte  de  Jersey  ; 
poste  qu'il  ne  conserva  pas  long- 
temps ,  le  comte  de  Jersey  ayant 
bientôt   après    reçu    sa    deniis.sion. 
Prior  en  fut  presque  aussitôt  dédom- 
magé par  la  place  lucrative  de  com- 
missaire du  commerce.   On  assure 
qu'à  la  même  époque,  Guillaume, 
dont  il  avait  su  gagner  la  confiance  , 
le  chargea  de  plusieurs  négociations 
secrètes  auprès  de  Louis  XIV.  En 
1700  ,  il  fut  créé  maître-ès  arts  ,  et 
publia  l'une  de  ses  compositions  les 
plus  longues  et  les  plus  remarqua- 
bles ,  le    Carmen  sœculare  ,   dans 
lequel  il  emploie  tout  son  ?  l'.ent  pour 
célébrer  les  grandes  actions  du  règne 
de  Guillaume  :  il  faut  croire  qu'il 
pensait  alors  tout  ce  qu'il  écrivait. 
il  représenta  Easl-Greenstead ,  dans 
le  comtédc  Dorset,  au  parlement  qui 
se  réunit  en  1701  ;  et  il  y  vota  jiour 
la  mise  eu  accusation  des  lords  qui 
avaient  conseillé  au  roi  les  traités  de 
^larta^c,  traités  dans  lesquels  il  avait 


io4  PRT 

été  lui-même  oflicicllement  employé, 
quoique  ses  partisans  prétendent 
qu'il  ne  les  avait  jamais  approuvés. 
(F.  PonTLA^•D,XXXV,47I.^  L'An- 
gletcrrc  ayant  obtenu  des  succès  con- 
tre la  France,  après  l'avènement  de 
la  reine  Anne  (  170'.),) ,  Prior  exerça 
ses  talents  poétiques  pour  célcbi  er  la 
gloire  de  son  pays  ,  dans  nne  Epitre 
à  Boileaii ,  sur  la  victoire  de  Blen- 
heim  ,  remportée  par  Marlhorough  , 
en  170'!.  Vo'laire  ne  trouve  de  bon, 
dans  ce  petit  poème,  qu'une  apostro- 
phe à  Boileau ,  qu'il  a  ainsi  traduite  : 

Salyriqiie  flalleur  ,ti\  qui  prij  Un;  de  jx-ine 
Pour  cbaiiU-r  que  Louis  i>'a  jKiiiit  passe  le  RliiD. 

Les  raotsque  nous  avons  soulignés  ne 
se  trouvent  pas  dans  l'ouvrage  de 
Prior  ,  qui  reproche  seulement  à 
Boileau  d'fli'oir  invoqué  les  neuf 
Muses  dans  son  Epîlrc  iv*=, ,  pour 
dire  que  I.onis  XIV  n'avait  point 
passé  le  Hhin.  Après  la  bataille  de 
Rumillics  (170G),  Prior  fit  paraî- 
tre une  Ode  que  Johnson  considère 
comme  la  seule  des  compositions 
produites  par  cet  événement ,  dont 
ou  ait  conservé  le  souvenir,  V^ers  la 
même  époque,  Prior  publia  un  vo- 
lume de  ses  Poésies,  avec  le  Pané- 
gyrique de  son  premier  Mécène,  le 
comte  de  Dorset,  mort  depuis  quel- 
que temps.  Ce  Rcrueil  commence 
par  y  Exercice  de  collège ,  et  finit 
le  Poème  à,' Henri  ti  Emma  ^  imi- 
té de  la  Fille  aux  cheveux  châ- 
tains,  (  Nut-brounmaid),  ancienne 
ballade  de  Chaucer.  «  Henriet  Em- 
»  ma,  dit  Jonhson,  est  le  plus  long 
»  des  essais  erotiques  de  Prior  :  c'est 
»  un  dialogue  long  et  ennuyeux  ,  qui 
»  n'inspire  ni  estime  pour  Henri, 
»  ni  inlértt  pour  Emma.  L'exemple 
»  de  cette  dernière,  qui  se  résout  à 
»  épouser  un  meurlri'n-  condamné 
1)  à  mort ,  et  a  le  suivre  dans  tous 
»  les  lieux  où  la  crainte  du  supplice 


PRI 

»  et  le  désir  de  corameltre  de  nou- 
»  veaux  crimes  pourraient  le  con- 
»  duire,  ne  saurait-ctre  donné  pour 
»  modèle  ;  et  l'épreuve  à  laquelle 
1)  Henri ,  qui  se  trouve  être  ensuite 
»  le  lils  d'un  roi ,  soumet  la  cons- 
»  tance  d'^ni/nrt,  est  ridiculement 
»  choisie.  »  Ce  poème  a  été  traduit 
en  français,  1764,  in-ia.  Piior , 
qui  avait  été  nommé  par  les  Wliigs  , 
l'un  des  commissaires  de  la  douane, 
au  commencement  du  règne  delà  rei- 
ne Anne,  et  destitué  ensuite  par  le 
même  parti,  comme  trop  attaché  aux 
Torys,  se  réunit  ouvertement  à  ces 
derniers  après  sa  disgrâce.  Le  but 
des  Torys  était  de  mettre  un  terme  à 
la  guerre,  et  de  renverser  leurs  anta- 
gonistes. Pour  y  parvenir,  ils  décla- 
maient contre  la  dilapidation  des  de- 
niers publics,  l'avarice  et  la  rapacité 
des  généraux  :  ils  cherchaient  enfin 
à  rendre  impopulaires,  et  la  guerre, 
et  ceux  qui  la  dirigeaient.  H  paraît 
que  Prior  les  aida  de  sa  plume,  en 
faisant  insérer  difTérenls  morceaux 
dans  V Examiner  ,  ouvrage  pério- 
dique, publié  par  les  aigles  du  parti 
Tory  :  on  cite,  entre  autres,  sa  cri- 
tique des  vers  adressés  à  Godolphin, 
par  le  D.  Garlh  ,  à  l'occasion  de  la 
chute  de  ce  ministre  arriA'ée  en  1710. 
Addison  défendit  ce  dernier,  à  ce  su- 
jet, dans  le  ffln^  examiner ,  et  lan- 
ça sévèrement  Prior,  I-es  Torys,  qui 
tenaient  en  ce  moment  les  rênes  du 
gouvernement,  résolurent  de  profi- 
ter de  leur  position  pour  procurer 
la  paix  à  l'Europe  ;  et  comme  Prior 
jouissait  de  la  confiance  du  comte 
d'Oxford  (  Harlcy),  premier  lord 
de  la  trésorerie  ,  on  l'envoya  sui- 
vre à  Paris ,  sans  caractère  officiel  , 
(  juillet  17  1 1),  les  négociations  déjà 
entamées  par  l'abbé  Gaultier  (  Voy. 
ce  nom  )  :  mais  ses  pouvoirs  étaient 
tellement  restreints ,  qu'il  n'était  au- 


PRI 

torisé  qu'à  entendre  les  propositions 
de  la  cour  de  France,  et  à  les  trans- 
mettre aux  ministres  de  la  reine.  On 
se  souvint  parfaitement  de  lui  dans 
cette  cour  e'trangère,oi'i  ilavaitsu  se 
faire  estimer  pendant  le  séjour  qu'il 
y  avait  fait  en  qualité  de  secrétaire 
d'ambassade  des  comtes  de  Port- 
land  et  de  Jersey.  Mais  voyant  qu'il 
ne  pouvait  rien  discuter,  ni  arrêter , 
etqueson  rôle  était  tout-à-fait  passif, 
le  maïqiiis  de  Torcy  ,  alors  ministre 
des  affaires  étrangères  de  France  , 
crut  indispensable  d'envoyer,  avec 
des  pleins-pouvoirs  ,  en  Angleterre  , 
Mesuager,  homme  habile,  en  ma- 
tière de  commerce  surtout  (  Vojez 
ce  nom  ).  Cet  agent  s'y  rendit  au 
mois  d'août  171 1  ,  accompagné  de 
Prior  et  de  l'abbé  Gaultier.  Dès  son 
arrivée  ,  Prior  instruisit  la  reine 
de  la  venue  du  négociateur  français. 
La  première  conférence  ,  à  laquelle 
Prior  et  l'abbé  Gaultier  assistèrent, 
eut  lieu ,  le  '26  août ,  chez  le  comte 
de  Jersey.  Ce  fut  ensuite  dans  la  mai- 
'Sonmêmede  Prior  que  les  ministres 
anglais  jugèrent  convenable  de  tenir 
les  autres  conférences  ,  afin  de  ne 
pas  donner  l'éveil  aux  ennemis  de  la 
paix.  Lorsqu'on  fut  convenu  des 
points  principaux,  Bolingbroke,qui 
était  chargé,  en  Angleterre,  du  por- 
tefeuille des  affaires  étrangères  ,  an- 
nonça à  Rlesnager  que  Prior  serait 
adjoint  à  l'évèque  de  Bristol  et  au 
comte  de  Stafford ,  en  qualité  de  troi- 
sième plénipotentiaire  de  la  reine  au 
congrès  qui  devait  se  tenir  à  Utrecht. 
Il  ne  le  fut  cependant  pas,  «  parce 
î>  que  ,  dit  Torcy  ,  les  ministres  an- 
»  glais  y  trouvèrent  apparemment 
1)  des  obstacles  qu'ils  n'osèrent  iVan- 
«  chir  ;  et  la  place  demeura  vacan- 
•»  te.  »  Ce  qu'il  y  eut  d'extraordinaire, 
c'est  que  l'évèque  de  Bristol  et  le 
comte  de  Stafford  n'avaient  pas  le 


PRI  io5 

secret  de  la  reine  sur  l'article  d'Es- 
pagne, la  première  condition  fonda- 
mentale de  la  paix  ,  et  qu'il  avait  été 
confié  à  Prior.  Ce  dernier  joua  , 
dans  cette  grande  affaire  ,  un  rôle 
fort  important.  On  peut  s'en  faire 
une  idée,  ainsi  que  de  l'opinion  qu'on 
avait  de  ses  talents,  par  ce  que  Bo- 
lingbroke  disait  de  lui  dans  une  lettre 
qu'il  écrivait  à  la  reine  :  «  Le  lord 
»  trésorier  (  Oxford  )  proposa  ,  et 
»  tous  les  lords  furent  du  même  avis, 
»  que  M,  Prior  devait  être  ajouté  à 
))  ceux  qui  avaient  pouvoir  designer, 
»  par  le  motif,  qu'ayant  traité  per- 
w  sonncllement  avec  M.  de  Torcy , 
»  il  est  le  meilleur  témoin  que  nous 
»  puissions  produire  du  sens  dans 
»  lequel  les  engagements  préliminai- 
»  res  ont  été  arrêtés.  D'ailleurs  com- 
»  me  c'est  de  tous  les  serviteurs  devo- 
»  tre  Majesté  qui  ontété  initiés  ause- 
»  cret, celui  qui  est  le  plus  versé  dans- 
»  les  affaires  de  commerce  ,  si  vous 
»  jugez  convenable  de  l'employer 
»  dans  le  futur  traité  de  commerce , 
»  il  sera  important  qu'il  ait  été  par- 
»  tie  intervenante  dans  la  conclusion 
»  de  la  convention  qui  doit  être  la 
»  règle  de  ce  traité.  »  Des  relations 
directes  s'établirent  ensuite  entre  le 
marquis  de  Torcy  et  Bolingbrokej  et 
les  conférences  d'Utrecht  commen- 
cèrent le  i'^''.  janvier  1712.  Mais 
elles  avançaient  si  lentement  que  le 
ministre  anglais  fut  envoyé  à  Paris  , 
au  mois  d'août  de  la  même  année  , 
pour  arranger  les  différends  avec 
moins  de  formalités  ;  et  une  suspen- 
sion d'armes  futbientôt  conclue(  19 
août  17  12).  Prior,  qui  avait  accom- 
pagné lord  Bolingbruke  à  Versail- 
les, eut,  après  son  départ  (octobre 
I  7  1 2  ),  le  litre ,  et  remplit  les  fonc- 
tions de  ministre  plénipotentiaire  (4), 

(4)  Sa  commission  aiait  été  signée  par  la   reine 
Aime,  le  i3  (24)  s^pteuibre  1717.. 


lOÔ 


PRI 


bien  que  plusieurs  écrivains  anglais 
prc'toudent  à  tort  qu'il  n'avait  pas 
de   caractère  officiel.  Il   se  rendit 
néanmoins  en  Angleterre  presqu'en 
même  temps  que   loid  Bolingbro- 
te  ,   afin   de   mettre  sons  les  yeux 
do  la  reine  ,  des  dépcclies  que  Louis 
XIV    adressait    à    celte    souverai- 
ne ,  pour  lui  annoncer  la  résolution 
qu'il  avait    prise  ,  quoique  avec  une 
extrême  répiif^nancc  ,  d'abandonner 
aux    Hollandais  la  ville  importan- 
te de  Tournai  ,   sous   la   condition 
que   cette   cession   tranclierait  net- 
tement et    déciderait  les  difficultés 
de   la   négociation."  Prior   revint  à 
Paris,  au  mois  de  décembre  1712  , 
porteur  d'une   convention  qui  pro- 
longeait ,  de  quatre  mois ,   la   sus- 
f)ensi()n  d'armes,  et  d'une  lettre  par 
aquelle  Anne  annonçait  au   roi  de 
France  ,    la  nomination  du  duc  de 
Shrewsbury  comme  son  ambassa- 
deur extraordinaire ,  en   remplace- 
mont  du  duc  d'Hamilfon  ,   qui  ve- 
nait d'être  tué  dans  un  duel.  La  mis- 
sion du  duc  de  Shrewsbury  n'était 
que  temporaire:  lorsqu'elle  fut  ter- 
minée et  qu'il  revint  en  Angleterre 
(  août  1 7  1 3  ),  Prior  resta  en  France 
avec  son  ancienne  qualité  de  minis- 
tre plénipotentiaire.  On  peut  donc 
regarler  comme  extrêmement  dou- 
teux le    refus    attribué  au   duc   de 
Shrewsbury  d'être  associé  avec  un 
homme  d'une  aussi  basse  extraction 
lie  Prior.  Pendant  tout  le  temps  que 
ura  la  mission  de  ce  seigneur,  Prior 
ne  joua  qu'im  rôle  secondaire,  bien 
que  ses   talents  ,  Joints  à  l'extrême 
confiance  que  lui  accordaient  le  com- 
te d'Oxford,  Bolingbroke,  et  même 
Louis  XI \'  et  le  marquis  de  Torcy, 
cmpêchassentqu'il  pût  jamais  êtreto- 
talement  éclipsé.  D'ailleurs,  même  à 
cette  époque,  il  traitait  souvent ,  en 
son  nom  personnel,  des  affaires  très- 


PRI 

graves   qui    intéressaient   les    deux 
cours;  et  Louis  XIV  l'envoya  plu- 
sieurs fois  eu  Angleterre  ,  soumet- 
tre à  la  reine  Anne  des  dépêches  se- 
crètes d'un  intérêt  majeur.  Quelque 
honorable  que  fût  le  poste  que  Prior 
occupait,  il  paraîtrait ,  d'après   sa 
correspondance  avec  lord  Bolingbro- 
ke ,  que  le  traitement  qu'on  lui  avait 
alloué  ne  suffisait  pas  pour  soutenir 
convenablement  sa   dignité  (5)  ,  et 
qu'il  ne  cessait  de  solliciter  son  rap- 
pel. Leu9sept.(v.st.)  17  1 3,  Boling- 
broke lui  annonce  que  le  comte  d'Ox- 
ford a  enfin  réglé  la  récompense  de 
ses  services  ,  qu'il  va  revenir  à  Lon- 
dres, et  que  le  marquis  de  Torcy  est 
prévenu  qu'il  sera  remplace  par  le 
général  Ross.  Cette  récompense  pro- 
mise à    Prior  ,  était    probablement 
l'une  des  places  de  commissaires  de 
la  douane,  qui  rapportait  i  5oo  louis, 
et  qui,  étant  devenue  vacante  par  la 
nomination  de  M.  Wilhworth  à  la 
légation  de  Bade  ,  lui  fut  elVeclive- 
ment  donnée.  Malgré  toutes  nos  re- 
cherches ,  nous  n'avons  pu  décou- 
vrir  si    Piior    retourna  réellement 
en  Angleterre  :  mais  ,  s'il  quitta  son 
poste  à  la  cour  de  France, ce  ne  peut 
être  qu'au  commencement  de  1714 
(  avril  ou  mars  )  et  pour  tiès-peu  de 
temps  ,  puisqu'on  le  voit  figurer,  au 
mois  de  juin  ,  avec  son  ancienne  (pia- 
lité  de  ministre  plénipotentiaire  de  la 
reine,  dans  les  négociations  qui  se 
suivaient  à  Versailles ,  pour  la  dé- 
molition des  fortificitions  de  Dun- 
kerqnc  et  la  suspension  des  travaux 
du  canal  de  Mardick.  Il  paraît  que 
Prior  ,    qui  n'avait  pas    été    initié 
dans  les  démarches  faites  par  les  mi- 
nistres de  la   reine   Anne   en  faveur 
du  chevalier  de  Saint  -  George  (  le 


(5)  Prior  fait  alliisioD  ù  sa  position  dillicilc  ,  d->as 
nu  |m<  me  adresse  i  la  reine  pour  lui  faire  connaître 
qu'il  manquait  de  vaisselle  plutu. 


PRI 

prétendant  ) ,  dëmarclies  aux  quel- 
les la  cour  de  France  et  cette  sou- 
veraine elle  -  même  n'éîaient  pas 
étrangères,  en  eut  connaissance  ,  en 
17 12  ou  1713  ,  et  qu'il  ne  s'y 
montra  pas  contraire.  Mais  le  re- 
fus formel  que  fît  ce  prince  mal- 
heureux d'embrasser  la  religion  an- 
glicane, et  la  mort  de  la  reine  sa 
sœur,  firent  évanouir  sans  retour  les 
justes  espérances  qu'il  avait  dû  con- 
cevoir. Ce  fut  le  12  août  17141  (juc 
la  reine  cessa  de  vivre  ,  quatre  jours 
après  la  disgrâce  du  comte  d'Ox- 
ford ,  immédiatement  suivie  du  court 
triomphe  de  Bolingbroke  ,  alors 
chef  du  parti  Tory  (6).  L'avéncment 
de  George  P*".  n'apporta  d'abord 
aucun  changement  dans  la  situation 
de  Prior ,  quoique  ce  prince ,  en  mon- 
tant sur  le  trône ,  eût  commencé  par 
écarter  les  Torys  de  tous  les  em- 
plois .  pour  les  donner  exclusivement 
aux  Whigs.  Prior  continua  de  rem- 
plir en  Franceles  fonctionsdo  minis- 
tre plénipotentiaire,  et  de  suivre  les 
négociations  entamées  entre  les  deux 
cours,  jusqu'au  mois  de  janvier  1715, 
que  le  comte  de  Stairs,  nommé  pour 
le  remplacer,  dès  le  22  novembre  pré- 
cédent ,  se  fut  rendu  à  son  poste  (  V . 
Stairs).  Après  beaucoup  d'hésita- 
tion ,  après  avoir  résolu  alternati- 
vement de  revenir  en  Angleterre  , 
malgré  les  dangers  qui  l'y  atten- 
daient ,  puis  de  rester  en  France 
pour  y  attendre  les  événements  (sans 
que  cette  dernière  résolution  paraisse 
avoir  étél'efTet  d'une  contrainte  pour 
dettes  ,  comme  Chalmers  l'a  pré- 
tendu) ,  Prior  quitta  enfin  Versailles 
le  27  mars    1715.  Arrivé  à  Boulo- 


(6^  C'est  donc  par  errpur  que  plusieurs  écrivains 
anglais ,  et  entre  autres  Chalmers  ,  daus  sou  Général 
biographical,  dictionitaiy^  preteudent  que  ,  le  i^''. 
aoiii  1714  ,  arriva  la  chute  des  Torjs  ,et  ^e  Prior 
ouba  avec  eux. 


PRI 


107 


gne ,  il  feignit  d'être  malade ,  afin 
d'attendre  les  réponses  d'un  exprès 
qu'il  avait  envoyé  à  Londres,  et  n'ar- 
riva dans  cette  ville  que  le  4  avril. 
Le  20  juin  suivant  (7) ,  il  fut  mis  en 
état  d'arrestation  dans  sa  propre 
maison  ,  sous  la  garde  d'un  sergent , 
sans  que  les  mesures  sévères  qu'on 
prenait  à  son  égard  diminuassent  sa 
gaîté  naturelle.  On  lui  fit  subir,  quel- 
ques jours  après  ,  un  interrogatoire  , 
à  la  suite  duquel  il  fut  surveillé  de 
plus  près.  En  juillet,  un  comité  se- 
cret du  conseil  privé  ,  présidé  par 
Robert  Walpole  ,  se  rendit  chez  lui , 
et  l'interrogea  avec  la  plus  grande 
sévérité  :  mais  il  soutint  qu'il  ne 
savait  autre  chose  que  ce  que  l'on 
avait  trouvé  dans  ses  lettres.  Con- 
duit par  un  messager  devant  lord 
Townshend  ,  il  reçut  de  ce  seigneur 
les  épilhètes  les  plus  injurieuses  (  co- 
quin, scélérat),  parce  qu'il  persistait 
dans  ses  dénégations  ,  et  ne  voulait 
pas  rendre  témoignage  contre  le  com- 
te d'Oxford.  Robert  Walpole,  Avhig 
ardent  et  vivement  animé  contre 
Prior  ,  proposa  contre  lui  un  acte 
d'accusation,  qui  n'eut  cependant  au- 
cune suite.  En  1 7  1 7  ,  George  pr. 
accorda  une  amnistie  ,  dont  les  en- 
nemis de  Prior  le  firent  excepter 
(8)  ce   qui  ne   V empêcha  pas  d'ê- 


(7)  Quelques  auteurs  anglais  ,  parmi  lesquels  nous 
citerons  Cbalmers  .  pn  tende  I  que  Prior  arriva  en 
Angleterre  dans  le  mois  de  mars;  que,  le  ^5  de  ce 
même  mois,  on  lança  un  warrant  contre  lui ,  et  que  , 
le  lo  /'i/'i ,  Robert  Waljiole  proposa  contre  lui  un 
acte  d'accusation.  Nous  sommes  à-peu- ))rès  certains 
qu'il  y  a  ici  deux  erreurs  de  date  :  ce  qui  est  surtout 
constant,  c'est  qne  Prior  ne  quitta  Boulogne  que 
dans  les  premiers  jours  d'avril 

(8)  Lorsque  Prior  remit  au  comte  de  Stairs  qui 
venait  le  remplacer  à  Versailles  .  tous  les  papiers  de 
la  It^gation  ,  il  fit  la  faute  grave  de  ne  pas  les  exami- 
ner auparavant  :  il  eu  ri'sulta  que  la  correspondance 
privée,  et  souvent  fort  licencieue  ,  que  Bolingbroke 
avait  suivie  avec  lui ,  et  qui  compromettait  un  gratid 
nombre  de  dames  anglaises  de  haut  parage  avec  les- 
quelles ce  dernier  avait  des  intrigues  galantes,  s  y 
trouva  comprise.  Lord  Slaiisne  garda  pas  le  secret; 
et  Prior  s'attira  ainsi  des  ennemis  acharnés  qui  em- 
jJoyèrent  tous  les  moyens  pour  le  perdre. 


io8  PRI 

tre  mis  en  Uhei-té  quelque  temps 
après  ,  sans  avoir  été  soumis  à  uu 
jugement,  ni  par  conséquent  à  aucu- 
ne peine.  Ce  fut  pend;nit  son  em- 
prisonnement, qu'il  écrivit  V Histoi- 
re de  l'aine  (  Aima  ) ,  poème  divisé 
en  trois  chants  ,  et  le  seul  ouvrage 
dePrior  dont  Pope  désirait  cire  l'au- 
teur. Voltaire  en  fait  un  grand  éloge 
dans  ses  Lettres  philosophiques  ou 
Mélanges  de  littéral.^  fondus  quel- 
quefois dans  son  Dictiiin.  philosophi- 
que :  «  Cette  histoire,  dit-il,  est  la 
»  plus  naturelle  qu'on  ait  faite  jus- 
»  qu'à  présent  sur  cet  èlre  si  bien 
»  senti  et  si  mal  connu.  L'ame  est 
«  d'abord  aux  extrémités  du  corps, 
»  dans  les  pieds  et  dans  les  mains  des 
»  enfants;  delà  elle  se  place inseusi- 
»  blement  au  milieu  du  corps  dans 
»  l'âge  de  puberté;  ensuite  elle  mon- 
»  te  au  cœur,  et  là  elle  produit  les 
))  sentiments  de  l'amour  et  de  l'iié- 
»  roïsme  ;  elle  s'élève  jusqu'à  la  tète 
»  dans  un  âge  plus  mûr,  elle  y  rai- 
»  sonne  comme  elle  peut  ;  et  dans  la 
«  vieillesse  on  ne  sait  plus  ce  qu'elle 
»  devient  :  c'est  la  sève  d'un  vieil  ar- 
M  bre  qui  s'évapore  et  ne  se  répare 
»  plus.  Peut-être  cet  ouvrage  est -il 
»  trop  long  :  toute  plaisanterie  de- 
w  vrait  èlre  courte;  et  même  le  sé- 
))  rieux  devrait  bien  être  court  aus- 
»  si.  »  Johnson  en  porte  un  juge- 
ment plus  sévère  :«  \j  Histoire  de 
»  Vame  ,  dit  cet  écrivain ,  est  écrite 
»  à  l'imitation  à'Hudibras,  et  a  quel- 
»  que  ressemblance  avec  cet  ouvra- 
»  ge.  Hudihras  manque  de  plan  , 
»  parce  qu'il  a  été  laissé  imparfait  ; 
»  et  V Mistoirc  de  l'ame  est  impar- 
»  faite,  parce  qu'il  semble  quesouau- 
»  teur  lui  -  même  n'a  jamais  eu  de 
>'  plan.»  Priorétaitrcnduàla  liberté; 
mais  c'était  tout  ce  qu'il  possédait. 
Quelque  considérables  qu'eussent  pu 
être  les  profils  qu'il  avait  retirés  de 


PRI 

SCS  emplois,  il  ne  lui  restait  rien;  et , 
avec  tout  son  talent,  il  se  trouvait  , 
à  cinquante  -  trois  ans  ,  en  danger 
d'être  plongédans  la  détresse, n'ayant 
pour  subsister  que  sa  petite  place 
(  fellowship  )  au  collège  de  Saint- 
Jean  ,  qu'on  lui  avait  souvent  repro- 
ché d'avoir  conservée  pendant  sou 
élévation.  «  Elle  me  servira  jieut-èlre 
»  un  jour  à  vivre,  »  disait-il  à  ceux 
qui  lui  en  parlaient.  Comme  il  était 
généralement  connu  et  estimé,  on  le 
pressa  d'ajouter  de  nouveaux  poè- 
mes à  ceux  qu'il  avait  déjà  impri- 
més, et  de  les  publier  par  souscrip- 
tion. L'expédient  réussit  par  les  soins 
de  quelques  amis,  qui  firent  circuler 
son  prospectus,  et  par  le  moyen  que 
d'autres  amis  employèrent  en  rete- 
nant l'argent  des  souscriptions  afin 
qu'il  ne  le  dissipât  point.  Le  jirix 
de  chaque  exemplaire  était  de  deux 
guinées;  et  toute  la  collection  en 
produisit  quatre  mille.  Loid  Har- 
ley,  fils  du  comte  d'Oxford,  dont 
Prior  avait  toujours  été  l'ami  et  le 
jjartisan  ,  joignit  à  cette  somme  wne 
somme  égale  pour  l'achat  de  la 
terre  de  Down-Hall  :  Prior  devait 
en  avoir  la  jouissance  pendant  sa 
vie;  et,  après  sa  mort,  elle  devait 
revenir  à  lord  Harlcy.  Prior  pos- 
sédait alors  Volium  cum  di^nitate  , 
dont  les  beaux  -  esprits  et  les  phi- 
losophes ont  si  souvent  désiré  de 
jouir.  «  Mais  il  semble,  dit  John- 
»  son,  que  les  hommes  qui  ont  oc- 
»  cupédcs  emplois,  vivent  rarement 
»  long- temps  dans  un  état  complet 
»  de  repos.»  Il  est  du  moins  certain, 
à  l'égard  de  Prior  ,  que  ,  dès  cette 
époque ,  sa  santé  alla  toujours  en  dé- 
clinant. 1 1  se  plaint  de  sa  surdité,  qu'il 
attribue  à  ce  qu'il  a  pris  trop  peu 
de  soin  de  ses  oreilles  ,  lorsqu'il 
n'était  pas  sûr  de  conserver  sa  tê- 
te sur  ses  épaules.  Il  avait  formé 


PRI 

le  dessein  d'écrire  V Histoire  de 
son  temps;  mais  cet  ouvrage  e'taiî 
peu  avancé,  lorsqu'une  fièvre  de  lan- 
gueur l'emporta  Je  i8  sept,  lyai  , 
dans  la  cinquante- huitième  année  de 
son  âge.  Il  mourut  à  Wimple  ,  rési- 
dence du  comte  d'Oxford ,  auprès  de 
Cambridge  ,  et  fut  enterré  dans  l'ab- 
bayede  Westminster,  où  on  lui  érigea 
un  monument  à  ses  propres  frais;  car 
il  avait  mis  à  part ,  pour  cet  objet , 
une  somme  de  cinq  cents  livres  ster- 
ling. Plusieurs  de  ses  poèmes  fu- 
rent publiés  après  sa  mort  :  en  i  n^o 
on  fit  paraître  Y  Histoire  de  son 
temps,  compilée  d'après  les  manus- 
crits originaux  de  Prior.  Cette  com- 
pilation ,  disent  les  écrivains  anglais, 
est  peu  digne  de  lui  :  et  l'on  est  porté 
à  croire  qu'elle  a  été  falsifiée  en  par- 
tie ,  si  même  elle  ne  l'a  pas  été  en  to- 
talité, Prior  légua  au  collège  de  Saint- 
Jean  ,  comme  pour  le  dédommager 
de  ce  qu'il  avait  conservé  les  émolu- 
ments de  la  place  qu'il  y  occupait  , 
son  portrait  peint  en  France  par  La 
Belle  ,  et  dont  Louis  XIV  lui  avait 
fait  présent;  et  en  outre,  des  ouvrages 
pour  la  valeur  de  deux  cents  livres 
sterling,  avec  la  faculté  de  les  choi- 
sir parmi  tous  ceux  qui  composaient 
sa  bibliothèque.  «  Quelque  éminent 
»  que  fût  Prior  ,  dit  Johnson,  par 
»  ses  talents  et  par  la  position  qu'il 
»  a  occupée,  ses  contemporains  nous 
»  ont  transmis  sur  lui  peu  de  rensei- 
»  gnements.Il  est  donc  fort  difficile 
»  de  tracer  son  caractère  particu- 
»  lier,  et  de  faire  connaître  sa  ma- 
»  nière  habituelle  d'exister.  Il  vivait 
»  à  une  époque  oia  la  rage  de  chaque 
»  parti  dévoilait  dans  ses  adversai- 
»  saires  tout  ce  qu'il  aurait  été  de 
»  leur  intérêt  de  cacher  ;  et  comme 
»  on  a  dit  peu  de  ma!  de  Prior,  on 
»  peut  en  conclure  qu'il  y  en  avait 
»  peu  de  connu.  Il  ne  craignait  pas 


PUT 


[09 


»  de  provoquer  la  censure;  car  lors- 
»  qu'il  abandonna  lesWhigs  ,  sous 
»  le  patronage  desquels  il  était  d'a- 
»  bordentrédans  le  monde, il  devint 
»  un  Tory  si  ardent  et  si  déterminé, 
»  qu'il  ne  fréquentait  pas  volontiers 
»  les  hommes  qui  professaient  uneo- 
»  piniondifTérente.wIlétaitundessei- 
zeTorys  qui  se  réunissaient  chaque  se- 
mainc,  et  qui  étaient  convenus  de  se 
donner  l'un  l'autre  le  titre  de  frère 
(  9  ).  Suivant  l'opinion  de  Pope  , 
Prior  n'était  bon  (|u'à  faire  des  vers  : 
il  le  trouve  encore  moins  propre  aux 
affaires  qu'Addison  lui  -  même.  On 
a  pu  se  convaincre  ,  par  ce  que 
nous  avons  dit  des  travaux  de  Prior 
et  de  la  considération  dont  il  jouis- 
sait, combien  ce  jugement  est  peu 
fondé.  Addison,  placé  dans  un  rang 
élevé  ,  y  montra  une  incapacité 
complète  ,  et  fut  obligé  de  le  quit- 
ter presque  avec  ignominie.  Prior,  au 
contraire,  fut  chargé,  sous  les  règnes 
de  Guillaume,  d'Anne,  et  même  de 
George  I*^''.,  par  des  hommes  tres-ca- 
pablesd'apprécicr  son  mérite,  et  dans 
des  circonstances  où  l'on  avait  be- 
soin d'hommes  de  talent ,  de  suivre 
des  négociations  de  la  plus  haute  im- 
portance et  hérissées  de  difficultés; 
et  l'on  n'eut  jamais  que  des  éloges  à 
lui  donner.  Nous  avons  vu  l'opinion. 

(9)  M  Dans  les  dernières  années  du  règne  «le  la  rei- 
»  ne  Anne,  dit  Voltaire  ,  le  docteur  Swift  forma  le 
»  dessein  d'établir, dans  lasocicte  royale  de  Londres, 
>>  fondée  en  1660,  une  académie  pour  la  langue,  à 
>>  l'imitation  de  l'académie  française.  Le  comte  d'Oi- 
«  ford  et  Hulingbrokeappuyaieutce  projet. Les  raem- 
»  bres  qui  devaient  composer  cette  académie  étaient 
»  tous  des  gens  de  mérite  :  c'étaient  Swift,  Prior, 
«  l^o|ie,  Cungrève,  etc.,  etc.  Mais  la  reine  mourut 
»  subitement;  les  Wbigs  se  mirent  dans  la  tète  do 
i-i  faire  pendre  les  jjrolectours  de  l'académie  ,  ce  qui 
»  porta  un  coup  mortel  aux  belles-lettres.  »  Il  est 
probable  que  cette  académie  naissante  dont  parle 
Voltaire,  ist  la  même  cbose  que  la  réunion  dont  il 
est  fait  mei/tion  dans  Textrait  de  Johnson  ,  que  nous 
avons  cite. On  trouve,  dans  les  pièces  officielles  du 
temps  ,  que  Prior  fai>ait  partie  des  vingt-un  mem- 
bres composant  la  société  pour  récompenser  le  mé- 
rite. On  n'avait  choisi  que  des  grands  seigneurs  ou 
des  gens  de  lettres  ,  qui  pussent  par  eux-mêmes  pro- 
téger ou  admettre  des  peraomies  de  talent. 


110  PRI 

que  Bolingbroke,  excellent  )iige  en  ces 
matières,  énonce  tormellement  sur 
l'habileté  supérieure  de  Prior  dans 
les  questions  de  commerce.  On  sait 
d'ailleurs  qu'il  exerçait  une  p;rande 
influente  sur  le  marquis  de  Torcv  , 
ministre  fort  éclairé  ,  connaissant 
paitaitement  les  hommes  ,  et  dont 
la  maison  était  presque  devenue  cel- 
le de  Prior,  qui  y  soupait  presque 
tous  les  soirs,  et  semblait  être  uu 
des  membres  de  la  famille.  Cet- 
te intimité  dans  laquelle  il  vivait 
aussi  avec  le  comte  d'Oxford  et 
lord  Bulinpibroko,  et  l'estime  qu'il 
avait  su  inspirer  à  Louis  XIV',  avec 
lequel  il  causait  souvent  et  familiÏMe- 
mcnl,nous  font  regarder  cominefort 
suspectes  les  accusations  de  quelques 
auteurs  anj;lais  ,  qui  ont  écrit  qu'il 
menait,  dans  sa  vie  privée,  une  con- 
duite fort  irréf;ulière,  et  ne  fréquen- 
tait que  la  mauvaise  et  même  la  basse 
corapa};nie.  Suivant  Johnson  ,  dont 
les  critiques  ont  été  trouvées  un 
peu  sévères  ,  les  poésies  de  Prior 
oflTrent ,  en  général ,  peu  d'imagina- 
tion ,  mais  une  grande  correction,  de 
la  facilité,  de  l'esprit  et  beaucoup 
d'art.  Il  lui  accorde  le  talent  de  ra- 
jeunir une  vieille  histoire,  de  maniè- 
re à  procurer  un  nouveau  plaisir, 
a  Prior  ne  tombe  jamais ,  dit-il  ;  mais 
il  est  rarement  sublime  :  on  «ent  qtie 
ce  n'est  qu'à  force  de  travail  qu'il 
s'élève  au-dessus  de  la  médiocrité.  Il 
a  des  vers  pleins  de  vigueur  ,  mais 
peu  de  vers  heureux;  ils  roulent,  mais 
ne  coulent  jamais  de  source.  »  Plu- 
sieurs de  ses  Poèmes  sont  écrits  en 
rimes  irrégulières.  On  ne  peut  pas 
dire  de  la  collection  de  ses  ouvra- 
ges, de  ses  contes  surtout,  que 

La  mère  en  prescrira  la  lecture  h  sa  fille. 

Sa  réputation  paraît  reposer  prin- 
cipalement sur  son  Salomon,  ou  la 
Fanité  du  monde.  Ce  poème  ,  que 


PBI 

Cowpcr  regarde  comme  le  meilleur 
ouvrage  que  Pnor  ait  écrit,  soit  que 
l'on  considère  le  sujet  ou  l'cxécu- 
lion,  a  plus  de  deux  mille  sept  cents 
vers,  quoique  Voltaire,  qui  se  con- 
tente de  dire  qu'il  est  trop  long  ,  ne 
lui  en  donne  que  quinze  cents.  Il  est 
divisé  en  trois  livres,  avant  pour  ti- 
tres :  la  Science^  le  Plaisir  et  la 
Puissance.  «  L'auteur,  dit  Johnson, 
l'a  beaucoup  travaillé.  Quelques  mor- 
ceaux sont  pleins  d'élégance;  d'au- 
tres s'élèvent  jusqu'au  sublime;  mais 
il  manque  d'intérêt ,  qualitésans  la- 
quelle les  autres  ne  sont  rien.  L'en- 
nui dont  on  ne  saurait  se  défendre 
eu  le  lisant,  provient,  non  de  l'imi- 
forrnilé  du  sujet,  car  il  est  suflisam- 
nient  diversifié,  mais  de  l'ordre  con- 
tinu et  uniforme  de  la  narration. 
INIalgrc  ses  défauts  ,  plusieurs  passa- 
ges du  Salomon  procureront  de  l'ins- 
truction et  du  plaisir  à  celui  qui  le 
parcourra.  Dans  d'autres,  le  poète 
apprendra  à  écrire,  et  le  phih  s>)phc 
à  raisonner.  »  Ce  poème  a  été  traduit 
en  lilin  ,  par  G.  Dobson.  On  assure 
que  Prior  avait  fait  cinq  Dialogues 
des  Morts  ,  que  la  duchesse  de  Port- 
land  possédait  en  manuscrit.  Les  ou- 
vrages poétiques  de  Prior  ont  eu  un 
grand  nombre  d'éditions.  D — z — s. 

PRIORATO.  Foy.  Gualdo. 

PRISCIE[N(Pfl/.s-c/.//vr/.s-), célèbre 
grammairien,  de  Césarée  ,  florissait 
au  commencement  du  quatrième  siè- 
cle. Il  eut  pour  maître  Théoctiste , 
qu'il  nomme  l'honneurde  l'éloquence 
{omnis  eloquenliœ  decus) ,  et  auquel, 
après  Dieu  ,  il  se  reconnaît  redeva- 
ble de  ses  progrès  dans  la  culture  des 
lettres.  Il  avait  embrassé  le  christia- 
nisme, comme  le  prouvent  plusieurs 
passages  de  ses  écrits.  On  ignore  les 
particularités  de  sa  vie;  mais  Cassio- 
dore  nous  apprend  qu'en  5*25,  Pris- 
cien  dirigeait,  àConstanlinople,  une 


PRI 

école  justement  fameuse  par  le  grand 
nombre  d'élèves  qu'elle  avait  pro- 
duits. vSon  principal  ouvrage  est  \m 
Traité  de  grammaii-e  en  dix  -  huit  li- 
vres, qu'il  dédia  ,  non  pas  à  l'empe- 
reur Julien,  comme  Augustin  Dati  et 
d'autres  auteurs  l'ont  avancé  ,   mais 
au  consul  Julien,  son  protecteur,  le 
même  peut-être  à  qui  l'on  doit  la 
traduction  latine  de  V Abrégé  des 
Novelles.  a  Priscien  ,  dit  un  philolo- 
gue allemand  ,  est  parmi  les  gram- 
mairiens latins,  autant  que  nous  les 
connaissons  jusqu'à  présent,  un  des 
plus  importants;  la  simple  inspec- 
tion de  V Index  aiictoruin  fait  voir 
le  nombre    considér.ible    d'auteurs 
grecs  et  latins  qu'il  a  cités  ,  et  copiés 
en  grande  partie  littéralement ,.  et 
dont  la  plupart  sont  perdus   pour 
nous.  Personne  n'a  traité  la  gram- 
maire latine  avec  autant  de  dévelop- 
pement :  il  a  connu  et  consulté  tous 
les  grammairiens  antérieurs,  depuis 
Varron  et  Verrius  Flaccus  ,  jusqu'à 
Donat  etNoiiiusMarcellusj  et  il  a  fré- 
quemment transcrit  leurs  opinions. 
Sous  le  rapport  de  l'examen  philo- 
sophique de  la  langue,  sous  celui  de 
la  multitude  des  règles  grammati- 
calcs,de  la  sagacité,  des  connaissances 
littéraires,  du  style,  il  surpasse  tous 
ses  prédécesseurs ,  sur  lesquels  il  a 
d'ailleurs  l'avantage  de  connaître  la 
langue  grecque;  ce  qui  l'a  mis  à  por- 
tée d'établir  un  parallèle  continuel 
entre  le  grec  et  le  latin  :  mais  ce  qui 
nous  rend  surtout  précieux  cet  au- 
teur, c'est  la  grande  quantité  de  frag- 
ments d'auteurs  grecs  qu'il  nous  a 
conservés  (  I  ),»  Sa  Grammaire  a  servi 
de  base  à  l'enseignement  delà  langue 
latine  ,  jusqu'à  l'époque  de  la  renais- 
sance des  lettres  :  aussi  la  plupart 
des  grammairiens  du  moyen  âge,  tels 

(i)  Gazette  littéraire  de  léna  ,  année  1822  ,  dé- 
cembre ,  no.  234. 


PRI  m 

que  Jean  de  Garlande  ,  Alexandre  de 
Villeneuve,  etc.,  n'ont  guère  fait  que 
l'ahréger.  Elle  a  été  imprimée,  au 
moins  six  fois,  dans  le  quinzième 
siècle,  avec  la  plupart  des  autres  ou- 
vrages de  Priscien.   L'édition  qu'on 
regarde  comme  la  première ,  est  sor- 
tie, en  I  470,  des  presses  de  Vindelin 
de  Spire ,  à  Venise  :  cet  habde  im- 
primeur en  donna,  deux  ans  après, 
une  seconde  ,  également  in  -  folio. 
Le  P.  Audiffredi  en  cite  une  édilion 
qu'il  croit  imprimée  à  Rome,  par 
Hulric  Han,  vers  147  1  (  Voy.  Catal. 
Bomanar.  edit.  p.  ^ç^l).  Enfin,  il 
en  existe  deux  de  Venise,  de  l'année 
1476.   Les    éditions   postérieures  à 
celte  date,  ne  sont  point  recherchées; 
et  parmi  celles  du  seizième  siècle,  qui 
sont  très  nombreuses ,  on  ne  fait  cas 
que  des  éditions  de  Florence,  Giunti, 
i5'25,in-4<'. ,  et  de  Venise,  Aides  , 
1527,  même  format.  Toutes  sont  fai- 
tes d'à  près  des  manuscrits  défectueux, 
et  laissent  beaucoup  à  désirer  sous  le 
rapport  de  la  correction.  Le  savant 
Elie  Vinet,   qui  se   proposait  d'en 
donner  une  meilleure  ,  avait  cherché 
pendant  vingt-cinq  ans,  sans  pouvoir 
le  trouver ,  un  ancien  manuscrit  qui 
contient  les   mots   grecs  dont  s'est 
servi  Priscien.  Putschius  a  publié 
dans  les  Grammaticœ  latince  auto- 
res  antiqui {Ihmu  ,  i6o5,  in-40.), 
la  plupart  des  ouvrages  de  notre  au- 
teur ,  avec  les  correciions  de  Jos. 
Scaliger  ,  de  Gruter  ,  de  David  Hoes- 
chel  et  de  Riltershusius  ;  et  cette  édi- 
tion ,  supérieure  aux  précédentes  ,  a 
long-temps  été  estimée  des  savants  : 
mais  on  sait  actuellement  qu'elle  est 
très-fautive  (2)  ;  on  y  trouve  :  L  De 

(2)  p.  Boodam  avait  (léj,\  signalé,  en  1759  (  f^ar. 
iec<.),  rincorrectionde  cette  édition  ,  en  prouvant 
par  une  multitude  d'exemples,  que  de  tous  les  au- 
teurs contenus  dans  le  recueil  de  Putschius,  Pris- 
cien était  celui  qui  avait  le  plus  souffert  de  la  négli- 
gence  de  cet  éditeur.  (  Voy.  Sax,  Onomast.,  Il,  ao.) 


lia  PRI 

octo  partibus  orationis  libri  16,  de- 
que  constnictione  enrumâem  libri  1. 
il.  Partitiones  versiium  su  .Enéi. 
dosprincipalium.Ccst un  Commen- 
taire {grammatical  snr  le  premier 
vers  de  cliaqiie  livre  de  l'Eiieide.  III. 
De  accent ibus  liber.  W .  De  dccUna- 
tione  nomintim  liber.  V.  De  versi- 
buscomicis  liber.  VI.  De  Pneexerci- 
tamentis  rhetoricœ  ex  Hemiogene 
liber. Ce  petit  Traite,  pid)Iic  pour  la 
première  t'ois  ,  à  la  suite  de  ruuvra;;c 
de  Jean  Sulpitius,  De  componcndis 
et  ornandis  epistolis  ,  Rome,  i49'  » 
in-4**.,a  été  insère  par  Pitliou  dans 
les  Bhetoreslatini,  ib^g,  in  -  4°-  , 
elc.  Dans  l'édition  la  pins  récente 
des  œuvres  de  Priscien  ,  dont  nous 
allons  parler  tout-à-l'lieure  ,  le  texte 
grec  d'Hermogène,  publie  pour  la 
première  fois  par  Heercn  ,  a  ètc  rais 
en  regard  de  la  traduction  latine  de 
Priscien.  VII.  De  figuris  et  numi- 
nibus  numerorum  et  de  numis  et 
ponderibus  liber.  Elic  Vinet  a  public 
cet  Opuscule  ,  avec  ses  corrections  , 
dans  un  Recueil  de  petits  traites  sur 
les  poids  et  mesures  des  anciens  , 
Paris  ,  i56'j,  iu-S".  ;  il  a  été  réim- 
prime' avec  l'ouvrage  d'Hotmann  : 
Dere  mimarid  Piomanoriun  ,  ibid. , 
i58j,  iu-8*', ,  et  insère  par  Gra;- 
Tius  dans  le  tome  xi  du  Thesaur. 
anliqnil.  Eomanar.  Lindcmann  a 
donne ,  à  Leyde  ,  eu  1 8 1 8 ,  une  édi- 
tion entièrement  reA'ue,des  Opéra 
minora  de  Priscien,  i  v.  in-8".  Au  res- 
te le  petit  Ojjuscule  De  ponde ril  us 
et  mensuris  ,  publié  sous  le  nom  de 
Fannius,  n'est  (pi'une  mauvaise  com- 
pilation absolument  sans  critique: 
elle  n'a  pu  qu'égarer  les  commenta- 
teurs qui  lui  ont  attribué  quelque 
confiance  ,  au  lieu  de  s'en  tenir  aux 
classiques  grecs  et  romains  (3).  Onat- 

(3)  ConiiJcr,  ^énér.  <ur  l'évaluai,  d;(  monnaie! 
fTtcj.Hrvmtjp»!  M.LelruDnc. 


PRI 

tithueàPriscien: E.rpositio  in  Théo- 
phrastiim  de  sensu  ,  phantasid  et 
intellectu;  inséré  dans  un  Recueil  de 
traités  philosophiques,  publié  parles 
Allies,  1497  et  i5iO,in-fol.  11  a  tra- 
duit,  en  1087  \%r?,  latins  hexamè- 
tres, le  poème  de  Denys  le  périégetc 
(  r.  Demvs,  XI,  I  1 5  )  ;  et  cette  ver- 
sion, moins  poélique  et  plus  exacte 
que  celle  d'Avieniis  ,  ofTrc  quelques 
additions  (4),  quoiqu'elle  ait  luic  cen- 
taine de  vers  de  moins  que  le  texte. 
On  trouve  une  pièce  de  vers  de 
notre  grammairien  iur  l'astronu- 
jiiie,  dans  l'opuscule  de  hedv.  :  De 
ratic^ne  computi.  Une  édition  com- 
plète des  Œuvres  de  Priscien  ,  col- 
lalionnée  sur  les  manuscrits  anciens, 
a  été  publiée  récemment  ,  avec  des 
notes  ,  à  Leipzig  ,  par  M.  Krehl  : 
Prisciani  Cœsarien>is  opéra,  18 iç)- 
■>.o  ,  1  vol.  in  -  8".  Le  philologue 
Schneider  a  jugé  sévètcment  celte 
nouvelle  édition  ,  exécutée  il  est  vrai 
avec  un  peu  de  rapidité.  Cependant 
elle  a  de  grands  avantages  sur  les 
précédentes  parles  corrections  faites 
au  texte ,  d'après  la  comparaison 
des  meilleurs  manuscrvts  ;  correc- 
tions (|ui  sont  importantes,  sut  tout 
(juand  il  s'agit  des  fragments  d'au- 
teurs anciens  cités  par  Priscien.  On 
peut  voir,  dans  la  Gaz.ette  littéraire  de 
léna  ,  mois  de  décembre  i8i'2,  n'^'^. 
234-36,  une  analyse  très- détaillée 
de  cette  édition.  Nicol.  Frischlin  a 
publié  une  comédie  satirique  ,  sous 
le  titre  de  Priscianus  va/iulans  , 
contre  les  mauvais  grammairiens  de 
son  temps.  —  Théodore  Priscien  , 
médecin  grec,  vivait  à  la  cour  de 
Constantinople,  vers  l'an  38o.  Ses 
ouvrages  ,  sur  la  diète  ,  sur  les  ma- 
ladies des  femmes  ,  etc. ,  ont  été  tra- 

(.))  Saiolc-Croix  ,  Mém.  sur  les  petits  géograpliei 
nnaens ,  n"  it^  {  Journ,  des  Say.  ,  avril ,  lySg  ,  p 


PRI 

duits  par  lui-même  en  latin  ,  et  insè- 
res dans  les  Medici  anliqui  des  Ai- 
des ,  i547,  in-fol-  La  meilleure  édi- 
tion est  celle  qu'a  donnée  J.-M.  Bern- 
liold,  Anspach,  1791,  iu-S». — Jean 
Glandorp  (  F.  ce  nom  )  a  fait  con- 
naître dans  son  Onomasùcon  Roma- 
num  ,  plusieurs  autres  Prisciens  : 
un  tyran  de  ce  nom,  sous  Antonin- 
Je-Pieux;  nu  jurisconsulte  auquel  est 
adressé  un  rescrit  d'Elagahaie  ,  in- 
ge're  au  Codc-Justinien  ;  un  philoso- 
phe du  temps  de  l'orateur  Symma- 
que;  Prisoien  le  lydien  ,  commen- 
tateur du  livre  de  The'ophraste  i?e 
Sejisii ,  contemporain  de  Sim plicius  j 
deux  évêques ,  dont  un  assista  au  cou- 
cilc  de  Conslaiitinople  en  38  t. 

D— G  et  W — s. 
PRTSCILLIEN  ,  hérésiarque  du 
qualriciiie  siècle  ,  était  Espagnol  , 
d'une  famille  noble  et  riche,  réunis- 
sant à  ces  avantages  un  naturel  heu- 
reux ,  de  l'esprit ,  de  l'éloquence  ,  et 
des  connaissances  très-étendues.  Sa 
vie  était  régulière,  ses  moeurs  aus- 
tères ,  et  sa  réputation  honorable- 
ment établie.  Un  nommé  Marc  , 
Égyptien  de  la  ville  de  Memphis , 
et  Manicliéen  ,  étant  venu  en  Es- 
pagne ,  y  eut  pour  disciple  Aga- 
pé,  femme  de  quelque  distinction. 
Imbue  des  erreurs  du  manichéisme, 
elle  séduisit  un  rhéteur  nommé  El- 
pidius,  et  tous  deux  communiquè- 
rent le  poison  de  l'hérésie  à  Priscil- 
iien.  Les  bonnes  qualités  de  celui-ci 
n'étaient  pas  sans  mélange.  Priscil- 
lien  élait  vain.  Il  paraît  qu'il  fut  flat- 
té de  devenir  chef  de  secte,  et  de  don- 
ner son  nom  à  celle  qui  commençait 
à  s'établir.  Il  usa  de  tous  ses  moyens 
pour  la  propager,  et  employa  pour 
cela  son  crédit  et  ses  richesses. 
Il  chercha  d'abord  à  s'attacher  des 
hommes  d'un  haut  rang  ,  et  il  y  rous- 
sit. Bientôt  il  eut  des  disciples  des 

XXXVI. 


PRT  Ji3 

deux  sexes,  de  tontes  condlîions;  cj 
compta  même  parmi  eux  des  évêques, 
entre  antres,  Instantius  ctSalvior.-< 
qui  furent  les  premiers  et  les  prin- 
cipaux soutiens  de  la  nouvelle  doc- 
trine. Aux  erreurs  du  manichéisme, 
elle  joignait  celles  des  gnostiques  , 
dessabelliens,  et  d'autres  sectes  nou- 
velles. On  y  enseignait  que  l'ame  hu- 
maine était  de  la  même  substance 
que  la  Divinité;  qu'à  chaque  partie 
du  corps,  que  Ton  divisait  en  douze 
portions,  présidait  un  des  signes  du 
zodiaque.  On  y  condamnait  l'usage 
de  la  chair  des  animaux  ;  parce  que  , 
disait- on  ,  elle  n'était  point  l'ouvra- 
ge de  Dieu,  mais  des  anges.  Le  dé- 
mon n'avait  point  été  créé.  Principe 
du  mal ,  il  était  sorti  du  chaos  et  dos 
ténèbres.  Jésus-Christ  n'avait  pas 
pris  la  nature  humaine:  il  n'était  né 
et  n'avait  soulfert  qu'en  apparence. 
Ces  sectaires  proscrivaient  le  ma- 
riage ,  qu'ils  regardaient  comme  une 
union  illégitime,  dont  ils  rompaient 
les  liens;  mais,  dans  des  assem- 
blées nocturnes,  où  ils  priaient  nus, 
ils  se  livraient  à  toute  sorte  d'im- 
puretés. Ils  autorisaient  le  mensonge 
et  même  le  parjure,  quand  cela  était 
nécessaire  pour  couvrir  les  secrets 
de  la  secte.  Ils  ajoutaient  aux  saintes 
Ecritures,  qu'ils  interprétaient  à  leur 
manière,  de  faux  actes  ,  tels  que  ceux 
de  saint  Thomas,  de  saint  André, 
etc. ,  etc.  Tout  le  midi  de  l'Espagne 
se  trouvait  infecté  de  cetic  hérésie 
lorsqu'Hygin,  évêque  de  Cordoue, 
effrayé  de  ses  progrès  ,  en  aver- 
tit Idace  ,  évêque  de  Merida  (i), 
qui  la  déféra  au  concile  de  Sar- 
ragoce  ,   en    38o.   Priscillfen  ,   El- 

(1)  Quelques  auteurs  pretfiiilenl  que  c'rst  j.uur 
avoir  iiial  omprisle  sens  c!e  Sulpice  Sevtre ,  qu'on 
donne  îi  Idacc  le  t/tre  d'evi'que  de  Merida  ,  1 1  qu'au 
lieu  à'Emerilœ  civilKtis,  il  faut  lire,  emerilœ  celn. 
lis  ,  ce  qui  siguifie  seulement  qu'ldare  était  d'un  âge 
avancé.  A'/e  dss  Pères ,  par  Godescard  ,  Versailles  . 
i8ii,p.  88. 

8 


ii4 


PRI 


pidiiis  ,   et  les   lieux   cvèquos    Ins- 
lanlius   et   Salvien  y  fuient  cites  ; 
mais   ils   n'osèrent    s'y    prcseuler. 
Un  ilccrct  V  condamna   leur  doc- 
trine, et   exeummiinia  Iïvj;in,  qui  , 
après  avoir  le  i)rcinicr  dénonce  riie- 
résic  ,  avait  admis  les  hérétiques  à 
sa  communion.  On  char<;ea  de  son 
exécution  Idacc  ,  et  Itliacc  evèqiie 
de  Sossube  (i].  Cette  condamna- 
tion, au  lieu  d'intimider  les  nouveaux 
hérétiques,  les  irrita,  et  les  rendit 
plus  hardis.  Priscillien  n'était  que 
laie  ;  Instanlius  et  Salvien  le  con- 
sacrèrent évè(iiic  d'Avila  .   croyant 
par-là  fortifier  leur  parti.  Ce  n'était 
ni  le  courage  ni  la  volonté  qui  man- 
quaient à  Idace  et  à  Ilhace  ,  pour 
poursuivre  les  coupables  ;  la   suilc 
prouva  même  qu'ils  ne  mirent  à  cette 
poursuite  que  trop  d'anleur  et  de 
passion  :  mais  voyant  que  les  pris- 
cillianistes  n''étaient  point  elTrayés 
de  l'anathème  lancé  contre  eux,  ils 
eurent  l'imprudence  de  s'adresser  à 
l'autorité  séculière  ,   cl  d'y  porter 
une  cause  réservée  au  juf;emcnt  de 
l'Église.  Ils  obtinrent  de  l'empereur 
Gratien  un  rcscrit  qui  bannissait  les 
hérétiques.  Obligé  de  fléchir,  Priscil  ■ 
lien  résolut  de  se  rendre  à  Rome  , 
près  du  pape  Damasc  ,  pour  essayer 
de  se  justifier.  Il  partit  avec  Salvien 
et  Instantius.  En  passant  par  l'Aqui- 
taine, ilsy  répandirent  leurs  erreurs, 
et   y  firent  quelques  prosélytes.  A 
Auch  ,  ils  débauchèrent  Euchrocie, 
femmede  Delphidius,  orateur  et  poè- 
te célèbre,  et  sa  fille  Procula,  We<y/m', 
dit  Sulpice-Sévère,/i/if  insennone 
hominum  ,  Priscilliani  stitpro  ^ra- 
vidant ,    sibi    ^raminibus    parlurn 
abegisse.  Les  trois  hérétiques  ,  ar- 


(»)  SoMi>b«  ,  ville  d'Ii»[iagne  ,  tjiie  l'on  ne  connaît 
point ,  dit  Flcur>'.  U  ^>arait  (jue  c'c^lOssobona  ,ao- 
eiftmrmtBt  rié(;r  rpisropal  de  la  Lusitanie,  aa]our- 
dliiii  Estombar,  daoi  le  rojaunie  dei  Algan  es.  [Ibid.  1 


PRI 

rivés  à  Rome  ,  sollicitèrent  en  vaia 
une  audience  du  |>ape  :  Dan»ase  relu 
sa  de  les  voir.  Salvien  mourut  à  Ro- 
me. Priscillien  et  Instantius  revin- 
rent par  Milan,  et  ne  reçurent  pas 
de  saint   Ambroise  un  meilleur  ac- 
cueil. Repoussés  partout,  ils  eurent 
recours  à   Macedonius  ,  maître  des 
oirices;et,   l'ayant   gagné   par   des 
présents,  ils  obtinrent ,  p.ir  son  cré- 
dit ,  un  nouveau  rcscrit  du  prince  , 
qui  annulait  celui  qui  avait  prononce 
leur  bannissement ,  et  qui  les  réinté- 
grait dans  leurs  sièges.  Alors  ils  pour- 
suivirent l'évccpie  Ithacc  comme  les 
ayant  persécutés  injustement.  Ilhace, 
obligé  de  fuir  ,  se  retir.i  à  Trêves, 
près  de  (jiegoire  ,  vicaire  du  [)réfel 
du  prétoire,  qui  le  prit  sous  sa  pro- 
tection. Cependant  (îratien  avait  été 
détrôné  et  mis  à  mort  :  cette  révolu- 
tion avait  appelé  Maxime  à  l'empire, 
et  l'avait  rendu  maître  des  Gaules. 
Ithace  qui,  outre  la  commission  dont 
l'avait  charge  le  concile   de    Sara- 
gocc  ,   avait  des  injures  à  venger, 
porta  ses  plaintes  au  nouvel  empe- 
reur,  et  en  l'ut  écouté.  Maxime  or- 
donna que  Priscillien  ,  Instantius  et 
leurs  principaux  adhérents,  se  pre'- 
sentasseut  à  Bordeaux  ,  devant  un 
concile  ,  qui  se  tint  en  38^.  Instan- 
tius ,   interrogé  le  premier  ,  y    fut 
condamné.  Priscillien  ,  en  ayant  ap- 
pelé à  Maxime,  fut  conduit  à  Trê- 
ves ,  oij   l'empeicur  tenait  sa  cour. 
Ithace  y  renouvela  ses  accusations, 
avec  toute  la  violence  qu'inspire  la 
haine.  Il  ne  s'agissait  plus  d'une  pu- 
nition simplement  canonique,  mais 
de  la  peine  capitale.  Quoique  saint 
Martin  f|ui  se  trouvait  alors  à  Trêves, 
délestât  l'hérésie,  il  crut  devoir  re- 
procher à  Ithace  son  acha  nu  ment,  et 
refusa  de  communiquer  avec  lui  et 
ceux  de  sou  parti ,  connus  depuis 
sous  le  nom  d'Ithaciens.  Les  ins- 


PRI 

tances  du  gaiut  ne  purent  empêcher 
que  Priscillicn  et  plusieurs  de  ses  par- 
tisans ne  fussent  condamnes  à  mort. 
Saint  Martin  supplia  Maxime  d'é- 
pargner leur  sanj;  et  ce  prince  le 
lui  promit  :  mais  après  le  départ  du 
saint,  sur  les  instances  desithaciens, 
la  sentence  fut  exécutée.  Cette  ri- 
gueur n'éteignit  point  i'hc'resie.  Les 
sectateurs  de  Priscillicn  emportèrent 
ses  ossements  ,  lui  firent  de  magnifi- 
que funérailles ,  et  l'honorèrent  com- 
me un  martyr.  Sa  doctrine  prévalut 
encore  long-temps  en  Espagne ,  mal- 
gré les  nombreuses  condamnations 
dont  elle  fut  frappée.  Outre  les  deux 
conciles  cités  ci- dessus,  il  s'en  était 
assemblé  un  à  Tolède,  en  4oo  ,  oii 
l'on  dressa  un  formulaire  que  de- 
vaient souscrire  ceux  qui  deman- 
daient à  se  rétracter.  En  407  ou 
408,  l'empereur  Honorius  avait  pu- 
blié des  lois  sévères  contre  les  Pris- 
cillianistes.  Cependant  ils  étaient  en- 
core en  grand  nombre  en  447-  Tur- 
ribe  ,  évoque  d'Astorga  ,  en  écrivit  à 
saint  Léon;  et  ce  pape,  dans  une 
lettre  en  réponse  {  la  quatre-vingt- 
treizième  de  celles  qu'on  a  de  lui  ) , 
confirme  toutes  les  condamnations 
qui  avaient  été  portées  contre  eux. 
Enfin,  le  concile  de  Bragiie,  eu  563 , 
reprit  encore  le  même  sujet  en  consi- 
dération. On  y  lut  la  lettre  de  saint 
Léon  ,  après  quoi  on  condamna  de 
nouveau  la  doctrine  de  ces  sectaires , 
qui  ne  tardèrent  pas  à  disparaître. 
L— Y. 

PRIVAT  DE  MOLIÈRE.   Foj. 
Molière. 

PROBAFALCONU.  T.  Falco- 

3VIA. 

PROBUS    (   MaRCUS  -  AURELIUS- 

V  ALERius  ) ,  né  dans  l'IUyrie,  à  qui 
l'empire  devait  déjà  doux  chefs  il- 
lustres ,  Claude  II  et  Aurélicn,  attira 
sur  sa  jeunesse  les  regards  de  Valé- 


PRO 


n5 


rien,  qui  le  créa  tribun,  quoiqu'il 
n'eût  pas  l'àgc  requis  par  les  règle- 
ments militaires.  Vain([ueur  des  Sar- 
matcs  ,  il  se  signala  successivement 
en  Afrique  ,  dans  le  Pont ,  sur  le 
Rhin  ,  près  du  Danube ,  du  Nil  et 
de  l'Euphrate.  Il  fit,  pour  Aurélicn, 
la  conquête  de  l'Egypte  ,  et  tempéra 
souvent,  par  sa  mâle  fermeté,  la 
cruauté  de  cet  empereur.  Tacite  lui 
confia  le  commandementde l'Orient. 
Probusl'ut  proclaméauguste, par  les 
troupes,  après  la  mort  de  ce  prince, 
malgré  l'usurpation  passagère  de 
Florianus.  Le  sénat,  flatté  par  ses 
déférences,  confirma  le  choix  des 
soldats  ,  l'an  276.  Probus  était  dans 
sa  quarante-quatrième  année.  11  pro- 
tégea les  frontières  de  la  Rhétie,  con- 
fina les  Sarmates  dans  leurs  déserts, 
détruisit  un  grand  nombre  de  forte- 
resses dans  le  pays  des  Isauriens  , 
et  apaisa  des  troubles  dans  la  Hau- 
te-Égyple.  La  Gaule  ,  long  -  temps 
en  proie  aux  ravages  des  Germains, 
fut  délivrée  par  ses  victoires.  Il  pé- 
nétra chez  ces  barbares ,  et  les  ré- 
duisit à  se  soumettre  aux  conditions 
qu'il  leur  imposa.  Il  fit  élever,  pour 
servir  de  barrière  à  leurs  excursions, 
une  large  muraille,  fortifiée  de  tours, 
et  embrassant  un  circuit  de  deux 
cents  milles,  depuis  le  Rhin  jusqu'au 
Danube.  Il  mêla  aux  troupes  natio- 
nales le  contingent  de  soldats  qu'il 
avait  exigé  des  barbares,  ayant  soin 
de  le;  disséminer  en  petits  détache- 
ments, et  établit  sur  les  frontières, 
des  colonies  formées  des  fugitifs  et 
des  prisonniers  des  nations  vaincues, 
dans  la  double  vue  de  garnir  de 
soldats  et  d'agriculteurs  les  points 
menacés.  Ces  moyens  artificiels  ne 
lui  réussirent  pas  toujours;  et  le  goût 
des  barbares  pour  l'indépendance 
lui  donna  souvent  à  combattre  des 
ennemis  intérieurs  ,  incorporés  par 
8.. 


irb 


P1\0 


4iu-mémc  à  ses  sujets.  Saturnin  ,  qui 
s'était  icvolte  dans  l'Orient,  Bono- 
se  et  Proculus,  qui  avaient  imite  cet 
exemple  dans  la  Gaule,  ce'Jcrent  à 
son  génie  infatigable  et  constamment 
heureux.  Presque  tous  ces  succès 
étaient  l'ouvrage  de  sa  valeur  per- 
sonnelle. Il  en  dut  d'autres  à  des  gé- 
néraux habiles  ,  dont  plusieurs  ré- 
gnèrent après  lui,  tels  que  Carus , 
Dioolètien,  Maxiraien  ,  Constance  et 
Galère.  Pacificateur  de  l'empire,  il 
panit  à  Rome  dans  toute  la  pompe 
d'un  triomphateur,  l'an  .iSi .  La  paix 
jiour  lui  ne  fut  point  oisive.  Comme 
il  avait  autrefois  fait  exécuter  en  É- 
cvptc  un  grand  nombre  d'ouvrages 
d'utilité  publique ,  il  exerça  les  bras 
de  ses  soldats  à  couvrir  de  vignes 
les  coteaux  de  la  Gaule  et  de  la  Pau- 
nonie,  et  à  opcrerdes  dessèchements 
dans  son  pavs  natal.  Enfin  sa  sévé- 
rité et  des  paroles  imprudentes  qu'il 
laissa  échapper  sur  la  possibilité  pro- 
chaine de  licencier  des  troupes  trop 
considérables,  indisposèrent  contre 
bii  les  légions  :  elles  se  révoltè- 
rent ,  comme  il  présidait  à  leurs  tra- 
vaux ,  près  de  Sirmium  ,  et  le  percè- 
rent de  raille  coups.  Revenue  de  ses 
mouvements  de  fureur,  cette  armée 
regretta  son  chef,  et  lui  érigea  un 
monument  honorable,  l'an  ■?.H'2.  V.^ 
dans  les  Recueils  de  l'académie  des 
inscriptions  (  tome  xiii ,  pag.  437  , 
M.  ) ,  les  Reclierches  de  Bimard  de 
la  Bastie,  sur  la  durée  de  l'empire 
de  Probus ,  d'après  quelques  médail- 
les de  ce  prince.  F — t. 

PROBUS  (  ^MiLius  ).  Voy.  Con- 
wÉlius  Népos. 

PROCACCINI  (Hercule),  sur- 
nommé X  Ancien^  peintre  d'histoire, 
naquit  à  Bologne,  en  1  52o.  La  juste 
célébrité  des  Carraches  ne  lui  per- 
mettant pas  d'espérer,  dans  sa  pa- 
trie, les  mêmes  succès  que  ces  habi- 


PRO 

les  maîtres,  il  se  transporta ,  ^\ç(:  sa 
l'.nnille,  à  IMilan,  où  ses  fils,  déjà 
savants  dans  la  peinture,  ouvrirent 
une  école,  qui  est  devenue  célèbre. 
C'est  surtout  à  Parme  et  à  Bologne 
qu'Fierciilcadonnédes  preuves  de  sou 
liabilcté  ;  et  c'est  principalement  lo 
Corrège  qu'il  cherchait  à  imiter.  A 
l'exemple  des  Florentins,  son  dessin 
est  un  peu  minutieux  dans  les  détails, 
et  son  coloris  manque  d'éclat  ;  mais, 
dans  les  autres  parties,  il  estgracieux , 
soigné  et  aussi  exact  que  les  meilleurs 
peintres  de  son  temps.  Le  soin  extrê- 
me qu'il  apportait  à  ses  ouvrages  a 
pu  le  préserver  de  ce  style  maniéré 
vers  lequel  l'art  commençait  à  incli- 
ner, et  le  rendre  propre  à  faire  un 
excellent  professeur ,  dans  lequel 
doivent  surtout  dominer  la  sagesse 
et  le  bon  goût.  Aussi  est-il  sorti  de 
son  école  une  foule  d'élèves,  parmi 
lesquels  il  sullit  de  nommer  un  So- 
maccliini,  un  Sabbaliui,  uiiBertoja, 
et  surtout  ses  trois  (ils,  Camille,  Ju- 
les-César, et  Charles-Antoine,  père 
d'Hercule  le  Jeune.  (îe  chef  d'une  il- 
lustre famille  vivait  encore  en  1  ^i^r . 
—  Camille  Procaccim  ,  fils  aîné  du 
précédent,  naquit  à  Bologne, en  l'Sl^i), 
et  reçut  de  son  père  les  premières  le- 
çons de  son  art.  C'est  particulière- 
ment dans  les  airs  de  tête  et  dans  l'ar- 
rangement des  tons,  que  l'exemple 
paternel  se  fait  apercevoir.  Néan- 
moins, dans  les  ouvrages  qu'il  a  soi- 
gnés davantage,*  il  montre  plus  de 
vivacitéetdesaillie,  et  sait  employer 
les  demi-teintes  avec  ])lus  d'artifice. 
Cependant  il  sentit  que  les  leçons  de 
son  père  ne  lui  sufïisaient  pas;  et , 
si  l'eu  doit  en  croire  quelques  -  uns 
de  ses  historiens,  il  eu  reçut,  à  R07 
me  ,  de  Michel-  Ange  et  de  Raphaël 
lui-même.  Mais  ce  fut  surtout  le  Par- 
mesan qu'il  s'efforça  d'imiter;  et 
beaucoup  de  ses  ouvrages  découvrent 


PRO 

la  conformile  de  geaie  qui  existait 
cutre  ces  doux  artistes.  Il  eut  une  fé- 
condité d'invention  surprenante ,  et 
lUie  grande  laciiité  de  pinceau.  Ses 
compositions  brillent  par  un  natu- 
rel,  une  douceur,  mi  piquant,  qui 
flattent  toujours  les  yeux,  s'ils  ne 
satisfont  pas  également  la  raison. 
Mais  cela  ne  doit  pas  surprendre  : 
ayant  secoue,  presque  au  sortir  de 
sa  première  éducation ,  le  frein  que 
son  père  avait  impose  jusqu'alors  à 
la  fougue  de  son  imagination,  etayant 
fait  à  lui  seul  l'ouvrage  de  dix  pein- 
tres ,  à  Bologne  ,  à  Ravenne,  à  Reg- 
glo  ,  à  Plaisance,  à  Pavie  et  à  Gènes, 
celte  activité  lui  a  mérité  le  surnom 
du  Vasari  et  du  Zuccaro  de  la  Lom- 
bardie ,  quoiqu'on  puisse  dire ,  sans 
crainte  de  se  tromper,  qu'il  les  sur- 
passe ,  et  pour  la  douceur  du  style  et 
pour  la  force  et  l'éclat  du  coloiis. 
C'est  à  Milan  qu'il  a  exécuté  ses  ou- 
vrages les  plus  considérables  ;  mais 
tCKis  ne  sont  pas  d'un  égal  mérite.  Les 
uns  peuvent  être  regardés  comme 
ses  chefs-d'œuvre ,  tandis  que  les  au- 
tres ne  peuvent  avoir  un  certain  prix 
qu'aux  yeux  de  ceux  qui  se  laissent 
éblouir  par  les  noms.  Parmi  les  pre- 
miers sont  les  peintures  de  l'orgue 
de  l'église  métropolitaine,  dans  les- 
quelles il  a  représenté  David  jouant 
de  la  harpe  et  quelques  traits  de  la 
vie  du  roi-propliètc.  Cependant  Mi- 
lan ne  renferme  de  lui  rien  qui  soit 
comparable  au  Jugement  dernier 
dans  l'église  de  Saint  -  Procolo  de 
Reggio.  Cette  peinture  passe  pour 
une  des  plus  belles  fresques  que 
possède  la  Lombardie.  On  peut  en 
dire  autant  du  Saint  Roch  ç^uéris- 
sant  les  pestiférés  ^  dont  s'cllrayait 
tant  Annibal  Carraclie  lui  -  même, 
quand  il  fut  cliargé  de  faire  un  pen- 
dant pour  ce  tableau.  Les  peintures 
qu'fiiTculc  a  exécutées  dans  le  dôme 


PRO  H7 

de  Plaisance  ,  par  ordi'C  du  duc  de 
Parme ,  et  en  concurrence  avec  Louis 
Garraclie ,  sont  belles,  et  peintes  avec 
pi  us  de  soin  que  ses  autres  ouvrages  ; 
elles  représentent  le  Couronnement 
de  la  /"i'erg-e.  Cependant  malgré  leta- 
lentqui  brilledans  celte  belle  compo- 
sition ,  le  voisinage  du  rival  avec  le- 
quel il  était  en  concurrence,  semble 
le  rapetisser.  La  nouveauté  des  idées 
du  Carracbe  ne  sert  qu'à  faire  voir 
combien  les  siennes  sont  communes, 
et  il  paraît  froid  quand  on  le  com- 
pare avec  son  concurrent.  Mais  Pro- 
caccini  reprend  tout  son  avantage 
lorsqu'il  n'a  plus  à  le  disputer  avec 
Cari  aclie ,  et  il  se  montre  lui  des  pre- 
miers artistes  de  sou  époque.  Le  Mu- 
sée du  Louvre  possédait  deux  tableaux 
de  ce  maître:  l'un  ,  représentant  la 
Vierge  assise  sur  un  trône  élevé  ^ 
ojjrant  Jésus  aux  hommages  de 
saint  Jérôme,  de  saint  George  et 
de  saint  Francois-d' ylssise ,  prove- 
nait de  Modène  ;  l'autre ,  dont  le  su- 
jet était  une  Descente  de  Croix ,  ve- 
nait de  la  galerie  de  Vienne.  Ils  ont 
été  rendus  tous  deux  à  l'Autriche ,  en 
i8i5.  Camille  s'est  aussi  amusé  à 
graver  à  la  pointe  ;  et  ses  estampes  , 
d'une  exécution  libre  et  savante,  sont 
très  -  recherchées  des  connaisseurs. 
Les  têtes  de  ses  figures  ont  souvent 
la  finesse  de  celles  du  Parmesan  ,  et 
les  autres  extrémités  sont  dessinées 
avec  précision.  Ces  pièces  ,  au  nom- 
bre de  cinq  ,  représentent,  le  Repos 
en  Égjple,  traité  de  trois  manières 
différentes  ;  un  Saint  François  rece- 
vant les  stigmates  :  il  porte  la  date 
de  1592;  et  enfin,  une  Transfigura- 
tion. Cette  dernière  estampe  ,  d'une 
très-grande  dimension  ,  est  divisée 
en  deux  planches.  11  est  extrême- 
ment difficile  d'en  trouver  de  belles 
épreuves  ,  attendu  quei'eau-forte  n'a 
pas  bicu  mordu  sur  la  planche  sujié- 


ii8  PRO 

rieurc.  Camille  mouruî  à  Mibn ,  en 
iG'iô.  —  Julcs-Cosar  Procacciki, 
frère  du  preccdeiit ,  et  le  plus  habile 
peintre  de  cette  f.Triiille,  naquit  à  Bo- 
logne ,  en  ir>48,  et  dnt  à  son  père 
les  premiers  eîèiuens  du  dessin.  Apres 
avoir,  pendant cpielque  temps,  exer- 
cé la  seulpture  avec  distinction  ,  il 
rcfsoint  de  se  livrer  à  la  peinture, 
dont  re\ercicc  était  moins  f".ili{;anj. 
Il  fréquenta,  dans  Bologne,  l'atelier 
des  Carraclies  ;  et  l'on  raconte  que, 
piqncpar  une  plaisanterie  d'Annibal, 
il  le  frappa  et  le  blessa  :  cet  accident 
l'obligea  dequ  tter  Bologne  ;  et  c'est 
alors  que  toute  la  famille  des  Procac- 
cini  alla  fî\er  sa  demeure  à  Milan  , 
où  elle  ouvrit  son  e'cole  de  peinture. 
Jules-César  étudia  spécialement  les 
ouvrages  du  Corrège;  et  l'opiniun  de 
tous  les  connaisseurs  est  que  per- 
sonne n'a  su  aussi  bien  que  lui  saisir 
la  manière  de  ce  grand  maître.  Djns 
les  talileauK  d'appartement,  compo- 
sés d'un  petit  nombre  de  figures  ,  et 
où  riraitalion  est  moins  diflicilc  ,  on 
l'a  souvent  confondu  arec  son  mo- 
dèle ,  quoique  che?.  lui  la  grâce  ne 
paraisse  point  innée,  comme  dans 
le  Corrège ,  et  que  sa  couleur  ne  soit 
pas  aussi  vigoureusement  empâtée. 
Une  Madone,  de  sa  main,  (pii  existe 
.i  Rome,  dans  l'église  française  de 
Saint-Louis,  a  été  gravée  récemment 
par  un  artiste  liabde ,  comme  une 
production  du  Corrège.  Mais  c'est 
surtout  dans  les  palais  Sanvitali ,  à 
Parme ,  et  Careghi  à  Gènes ,  qu'il 
s'est  le  plus  rapproché  de  son  ori- 
ginal. Quelquefois  le  désir  de  donner 
de  la  grâce  ou  du  mouvement  a  ses 
figures  ,  le  jette  dans  l'aflectation. 
C'est  le  défaut  qui  se  fait  remarquer 
dans  son  Martyre  de  saint  JVazaire^ 
tableau  qui  satisfait  j)ar  l'ensemble, 
par  l'harmonie  ,  par  la  grâce  ,  mais 
danslequel  le  mouvementdu  bourreau 


PRO 

paraît  un  peu  exagéré.  On  a  de  Ju- 
les-César un  grand  nond)re  dévastes 
compositions ,  telles  que  le  Passasse 
de  la  mer  Ratifie  ,  dans  l'église  de 
Saint-N  ictor  à  Milan  ,  et  celles  sur- 
tout qu'il  a  laissées  à  Gènes  ,  et  dont 
on  peut  voir  la  description  dans  lo 
i>oprani.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  vrai- 
ment admirable,  c'est  que  dans  cette 
quantité  presque  innombrable  d'ou- 
vrages, il  s'est  toujours  montré  exact 
dans  le  dessin  ,  varié  dans  l'inven- 
tion ,  étudié  dans  le  nu  et  dans  les 
<lr3peries  ,  et  d'un  grandiose  où  se 
découvre  évidennneut  le  génie  des 
Carraclies. Dans  la  sacristiede  Notre- 
Dame  de  Sarona  ,  on  voit  une  de  ses 
peintines  représentant  »S/rjVit  ^-fndré^ 
saint  Charles  et  saint  ^Iinbroise,  qui 
a  tout  le  sublime  de  cette  école,  à 
moins  qu'on  ne  dise  qu'à  l'imitation 
des  Carraches  ,  il  a  tiré  ses  insjiira- 
tions  des  magnifi(pies  compt)sitions 
dont  le  Corrège  a  orné  la  ville  de 
Parme.  Le  Musée  du  Louvre  .ivait 
de  ce  maître  un  Saint  Sébastien j 
provenant  de  l'église  de  Saint-Celse  , 
à  Milan  (  Notice  de  l'exposition  de 
1798  )  ;  et  il  possède  encore  nn  ta- 
bleau représentant  la  Fierç^e  ,  l'En- 
fant-Jé^us,  saint  François  d'y/ssise^ 
saint  Jean- Baptiste  et  ste.  Catherine 
(t).  Comme  son  frère  Camille,  il  a 
cultivé  la  graviueà  l'eau-f^rte;  mais 
on  ne  connaît  de  lui,  en  ce  genre  , 
qu'une  seule  pièce  in-4". ,  représen- 
tant ime  Petite  Fierté  et  V Enfant- 
Jésus.  Il  mourut  à  Milan  ,  en  iGuO, 
la  même  année  que  son  frère  Ca- 
mille.—  Charles-Antoine  Procacci- 
m  ,  le  dernier  des  fils  d'Hercule  (2), 
se  livra  d'abord  a  la  musique;  mais, 

(i)  O  Ublcau  a  tté  Rravc  par  Hrnrir|iii  /..  I,e;  Mui 
svv  au  Lfjuvre  a  aiuai  exutat' ,  en  1801  et  1  Hi  1  ,  ijua* 
Ire  deuins  à  la  plume,  de  Cam^le  et  de  Julea-Cesar 
l'rocaccini. 

(a)  I-e  nouveau  Dicliniin.  Iiiflorii/iie ,  rnlii/ue  cl 
hiogr.  (  tom.  XXII ,  p.  Î87  )  ,  B  fait  deux  j)cr»ouiia- 


PRO 

cnlraîne  par  l'exemple  de  ses  frères , 
il  voulut  étudier  la  peinture;  et,  com- 
me il  commença  un  peu  tard  à  s'y 
adonner,  il  ncfutjam.iis  un  habile 
peintre  de  figures.  Il  n'en  est  pas  de 
même  comme  paysagiste  et  peintre 
de  fleurs  et  de  fruits.  I!  fit  un  assez 
grand  nombre  de  tableaux  de  ce 
genre  pour  plusieurs  galeries  de  Mi- 
lan ,  qui  plurent  à  la  cour  d'Espagne, 
à  laquelle  cette  ville  appartenait  à 
celte  époque.  On  lui  demanda  pour 
ce  royaiiuîe  un  grand  nombre  de  ta- 
bleaux.—  Hercule  Procaccini  sur- 
nommé le  Jeune  ^  pour  le  distinguer 
de  son  aïeul ,  naquit  à  Milan ,  en 
iSgb.  Il  fut  d'abord  élève  de  son 
père,  puis  de  JulesCcsar, son  oncle. 
Lorsqu'il  produisit  ses  premiers  ou- 
vrages, l'art  commençait  à  décliner; 
tout  était  d'une  déplorable  unifor- 
mité ,  nul  caractère  ,  nulle  beauté 
dans  les  proportions ,  nulle  vivacité 
dans  l'expression  ,  nulle  grâce  dans 
le  coloris.  Hercule  ne  contribua  pas 
peu  à  cette  décadence  ;  et  le  seul 
côté  par  où  il  soit  recommandable, 
c'est  une  imitation  (éloignée)  du  style 
des  Carracbes  ,  qu'il  tenait  de  son 
oncle ,  et  l'on  ne  peut  nier ,  toutefois, 
qu'il  n'ait  fait  prouve  d'un  véritable 
talent  dans  plusieurs  de  ses  tableaux, 
tels  que  V  Assomption  qu'il  a  peinte 
à  Sainte- Marie-Majeure  de  Berga- 
me  :  il  y  a  manifesté  une  manière 
grandiose,  du  génie  ,  et  une  heureuse 
imitation  du  style  du  Corrège.  Son 
père  l'avait  laissé  héritier  d'une  for- 
tune considérable.  Il  put  donc  se  li- 
vrer à  la  générosité  de  son  caractère; 
et  son  amabilité  et  sa  longue  vie  du- 
rent lui  donner  une  assez  grande  in- 

SCs  de  ce  peintre  :  l'iiii,  qu'il  nomme  Carlo- Anto- 
nio, (juittH  ,  dit-il ,  la  miisi(|ue  pour  la  peinture  ;  et 
Tautre  ,  qu'il  disigne  sous  le  nom  de  Charles-An- 
loiiii' ,  et  qu'il  fait  neveu  du  précédent,  quitta  bien- 
tôt la  ])ciuture  pour  la  luusique.  Les  lecteurs  de 
celte  compilation  doivent  être  accoutumés  à  y  voir 
de  jiareilles  bévues.  Z, 


PRO  119 

flucncc  sur  les  artistes  de  Milan, 
]>our  que  tous  ceux  qui  venaient  étu- 
dier le  nu  à  Tacadémie  qu'il  avait 
ouverte  dans  sa  maison ,  se  soient 
empressés  d'adopter  sa  manière.  Il 
fit  plusieurs  tableaux  pour  la  gale- 
rie de  Turin  ;  et  le  duc  de  Savoie  le 
décora  d'une  chaîne  d'or.  Le  Musée 
du  Louvre  a  possédé  un  tableau  de  ce 
maître  ,  représentant  le  Mariage  de 
la  Fierté  :  il  a  été  rendu  à  l'Au- 
triche, en  i8i5.  L'auteur  mourut  à 
Milan  ,  en  167G,  âgé  de  quatre-vingts 
ans.  —  André  Peocacciki,  peintre  et 
graveur  à  l'eau -forte  ,  naquit  à  Ro- 
me ,  en  1667.  Rien  n'indique  qu'il 
ait  été  de  la  famille  précédente.  Il 
fut  élève  de  Carie  Maratti,  nommé 
directeur  delà  manufacture  de  tapis- 
series établie  à  l'hospice  de  Saint- 
Michel  à  Rome,  et  l'un  des  ar- 
tistes choisis  par  Clément  XI ,  pour 
peindre  un  des  douze  prophètes  , 
dont  ce  pape  avait  chargé  les  plus 
habiles  peintres  de  Rome ,  d'orner 
l'église  de  Saint  -  Jean  de  Latran. 
C'est  de  lui  qu'est  le  Daniel.  Il  a 
montré  dans  cet  ouvrage  qu'il  était 
un  des  meilleurs  élèves  du  Maralti  ; 
et  ce  travail  lui  fit  tant  d'honneur, 
qu'il  fut  appelé  à  la  cour  d'Espagne, 
en  17^0,  et  y  obtint  le  litre  de  pein- 
tre du  cabinet  du  roi.  André  orna  les 
palais  royaux  d'un  grand  nombre 
d'ouvrages  des  plus  rccommanda- 
bles  ,  pendant  les  quatorze  années 
qu'il  demeura  dans  ce  royaume.  Il 
mourut  à  Saint-lldcphonse^  en  1 784; 
et  l'on  voit  son  tombeau  chez  les 
Franciscains  de  Ségovie,  Il  avait  cul- 
tivé la  gravure  à  l'cau-forie,  d'après 
ses  propres  compositions  et  celles 
de  Raphaël  et  de  Carie  Maralti.  Les 
pièces  qu'on  a  de  lui  sont  au  nombre 
de  sept.  P — s. 

PROCIDA  (Jean  de),  gentilhom- 
me napolitain,  chef  de  la  conjura- 


110  PRO 

tien  coulre  les  Français  ,  connue 
sous  le  nom  de  \  cprcs  siciliennes, 
naquit ,  vers  Tau  \À2:t,  d'une  famil- 
le noble  de  Palerrae.  Il  suivit  les  e'co- 
Icsde  médecine,  long-temps  célèbres, 
de  celte  ville;  et  jusqu'à  la  lin  de  sa 
\ie  ,  il  couscrva,  dans  une  carrière 
bien  diflcrente,  la  réputation  d'un 
savant  médecin.  L'empereur  Fredé- 
lic  H,  qui  aimait  et  protégeait  les 
tjlenls,  approcha  Jean  de  Procida 
(le  sa  personne,  cl  lui  accorda  sa 
coufiance.  Ses  fils  ,  Conrad  IV  et 
Manfrcd  ,  le  comblèrent  de  bienfaits; 
et  ce  gentilhomme,  témoin  des  bril- 
lantes qualités  de  ces  princes  alle- 
mands, (jui  s'en'orçaieiit  d'attirer  les 
Musulmans  en  Italie  (  i),  et  de  la  dé- 
faveur que  le  cierge  leur  portait  j)ar 
ce  motif,  avait  cunçu  pour  ces  prin- 
ces un  amour  enthousiaste.  La  moi  t 
de  Manfred ,  et  la  conquête  des  Deux- 
Siciles  par  les  Français  ,  causèrent  à 
Procida  une  vive  douleur;  et  la  con- 
duite hautaine,  avide  et  cruelle  de 
Charles  d'Anjou  et  de  ses  ofliciers  al- 
luma sa  haine  contre  ce  monarque 
et  toute  sa  nation.  Lorsque  Con- 
radin  entra  en  Italie  pour  recouvrer 
l'héritage  de  ses  pères  ,  Jean  de 
Procida  prit  les  armes  en  f,iveur 
de  ce  jeune  piince.  Tous  ses  biens 
furent  confisqués  après  la  victoire 
de  Charles;  lui-même  il  se  retira  au- 
près de  Constance  ,  fille  de  Manfred 
et  reine  d'Aragon,  dernière  héiitière 
de  la  maison  de  HohenstaulTen.  Il 
y  fut  reçu  comme  un  sujet  fidèle  et 
un  ami  zélé;  et  il  fut  créé  baron  du 


(l)  Alix  t- mûipnagcs  dn  bisturieiu  anlips  qui  at- 
teikcnt  ce  fait,  it  ipic-  nou*  aTons  indiquû  à  l'nrt  icle 
PlEKRE  DtS  ViGSES(  XXXIV,  3:^8,  nol.  4  ),  nD 
duit  ajuutpr  celui  dr  Makrizi  :  crt  ecriTaiu  ,  daui 
sa  D«»crijiti>>D  de  l'E(;rptp  (  »rl.  Damiette  ),  dil|»>- 
(•(•Tenirol  que  Frédéric  il  envoya  srcrèteuieiit  au 
«olthan  Maltk-Salrli ,  uo  deputi-  decuis.-  en  inar- 
cluud  ,  pour  lui  anaoncrr  le  jiruchaiii  d('|i.-irt  du  roi 
de  France  .  et  que  ce  fol  cet  avi»  qui  i'ri|;agea  le 
•cllhan  à  inrtir  prrci|iitamtnrnt  de  la  Syrie  priai- 
IXgypte  (  Voy-i'tfu/.  des  Ciotsudct ,  Vil ,  -uy  ) 


PRO 

royaume  de  Valence ,  seigneur  de 
Luscen,  Bcuizzano  et  Palma.  Ce  u'é- 
taient  p.is  des  fiefs  ou  des  richesses 
qui  pouvaient  faire  oublier  à  Proci- 
da la  mort  tragique  de  Manfred  et  de 
Conradin,  le  malheur  de  sa  patrie, 
et  l'oppression  tic  ses  conciloyeiis. 
Les  correspondances  qu'il  avait  con- 
servées dans  les  deux  royaumes  ne 
l'entretenaient  que  des  vexations  des 
Français,  de  leur  injustice,  de  leur 
cruauté,  et  surtout  du  mépris  qu'ils 
aflictaieiit  pour  les  Italiens  :  elle» 
nourrissaient  sa  haine  et  son  désir 
de  vengeance.  11  instruisit  Constan- 
ce et  Pierre  III ,  roi  d'Aragon,  sou 
iiiaii,  des  plaintes  des  Siciliens,  (|iii, 
plus  éloignés  du  trt'>nc,  étaient  aban- 
donnés par  Charles  d'Anjou  à  ses 
lieutenants,  et  vexés  d'une  maniè- 
re plus  cruelle.  Il  somma  Cons- 
tance ,  comme  seule  héritière  de 
la  maison  de  liulienstaullèn,  com- 
me invoquée  par  Conradin  sur  son 
échafaud,  de  recueillir  sa  succes- 
sion, et  de  venger  son  supplice; 
et  lorsqu'il  vit  qu'elle  et  sou  mari 
hésit.iient  à  entreprendre  sans  al- 
liés une  guerre  aussi  hasardeuse,  il 
Tendit  tous  les  biens  qu'il  tenait  de 
leur  libéralité  ,  pour  eu  employer  le 
prix  ,  dans  ses  voyages,  à  susciter 
des  ennemis  à  Charles,  il'iin  bout  à 
l'autre  du  mondealors  connu.  Il  par- 
courut d'abord  les  Deux-Siciles,  eu 
i2-f);  il  reconnut  bientôt  qu'il  ne 
pourrait  soulever  les  provinces  deçà 
le  Phare  ,  que  les  armées  françaises 
parcouraient  chaque  jour  ,  et  que 
l'œil  du  maître  observait  sans  cesse. 
Mais  il  trouva  la  Sicile  lasse  de  l'op- 
pression :  les  barons,  les  habitants 
des  villes  et  les  paysans,  étaient  éga- 
lement disposés  à  tout  oser.  Chaque 
outrage  nouveau  qu'ils  avaient  à  sup- 
porter, pouvait  faire  éclater  la  le- 
bc'lion  ;  et  Procida ,  en  préparant  ses 


PRO 

concitoyens  à  la  vengeance,  fut  con- 
traint de  les  retenir,  pour  attendre 
roccasion  favorable ,  et  pour  concer- 
ter leurs  elForls.  Il  sentit,  avant  tout, 
la  nécessite  deprocurcrdesarmesàla 
nation,  et  d'obtenir,  pour  les  ache- 
ter, les  subsides  de  quelque  prince. 
Pierre  d'Aragon  avait  besoin  de  tou- 
tes ses  ressources  pour  lever  l'armëe 
avec  laquelle  il  seconderait  la  révol- 
te des  Siciliens:  mais  Jean  de  Pro- 
cida  se  rendit  à  Constantiuople,  au- 
près de  l'empereur  Michel  Paléolo- 
gue,  que  Charles  d'Anjou  était  alors 
sur  le  point  d'attaquei'.  Il  reçut  de 
lui  une  somme  d'argent  considéra- 
ble, dont  il  employa  la  plus  grande 
partie  à  pourvoir  d'armes  ceux  des 
Siciliens  sur  le  zèle  desquels  il  pou- 
vait le  plus  compter.  Il  se  servit  du 
surplus  à  la  cuur  de  Rome, dont  il  dé- 
sirait obtenir  l'aveu  pour  son  entre- 
prise. Il  se  présenta  au  pape  Nicolas 
m  ,  sous  l'habit  de  moine  francis- 
cain, qu'il  portait  toujours  dans  ses 
voyages;  et  il  s'assura  (jue  ce  pontife 
ne  soupirail  pas  moins  que  lui  après 
le  moment  où  l'Italie  serait  délivrée 
du  joug  des  Français.  Malheureuse- 
ment Nicolas  III  mourut  peu  de  se- 
maines après  cette  entrevue.  Procida 
retourna  en  Grèce  ,  pour  tirer  de 
l'empereur  de  nouveaux  subsides. 
Eu  1281  ,  il  en  rapporta  vingt-cinq 
mille  onces  d'or  ,  qui  servirent  à 
compléter  l'armement  du  roi  d'Ara- 
gon. Après  lui  avoir  remis  cette  som- 
me, il  revint  encore  en  Sicile;  et  il 
parcourut  cette  île  sous  divers  dégui- 
sements, pour  communiquer  à  ses 
compatriotes  cette  haine  profonde  et 
implacable  contre  les  Français  ,  qui 
l'animait  lui  -  même.  Il  ramena  les 
nobles  à  Palerme,  pour  qu'ils  pus- 
sent diriger  le  mouvement  populai- 
re ,  dès  qu'un  nouvel  outrage  des 
Français  l'exciterait;  et,  sans  for- 


PRO  lai 

mer  de  complots,  sans  fixer  d'avan- 
ce un  jour  pour  l'explosion  de  la 
haine  du  peuple,  il  attendit  un  évé- 
nement qui  devait  naître  de  lui-mê- 
me, et  qui  ne  pouvait  pas  tarder. 
En  effet,  Procida  n'eut  point  une 
part  directe  au  massacre  des  Fran- 
çais, commencé  à  Palerme,  le  3o 
mars  1282  (2) ,  pendant  que  les  vê- 
pres sonnaient,  et  continue  pendant 
tout  le  mois  suivant  dans  les  autres 
parties  de  l'île.  L'insolence  d'un  sol- 
dat, nommé  Drouet,  qui  voulut  fouil- 
ler une  jeune  femme  sous  ses  habits 
au  sortir  de  l'église,  en  fut  la  cause 
immédiate.  Mais  Jean  de  Procida 
avait  disposé  le  peuple  à  ne  suppor- 
ter plus  aucun  outrage;  il  étendit  de 
proche  en  proche  un  incendie  que 
le  hasard  avait  allumé;  il  réunit  les 
communautés  insurgées ,  et  leur  fit 
promettre  de  se  défendre  mutuelle- 
ment ;  enfin  ,  il  tourna  contre  le  mo- 
narque même,  la  vengeance  nationa- 
le, qui  n'avait  d'abord  pour  objet 
que  les  subalternes.  Il  courut  auprès 
de  Pierre  III,  avec  les  syndics  de 
toutes  les  communautés  de  Sicile, 
pour  lui  déférer  la  couronne,  et 
implorer  ses  secours  ;  et  depuis  ce 
moment,  de  concert  avec  Roger  de 
Loria,  gentilhomme  calabrois,  qui 
avait  quitté  son  pays  lorsque  les 
Fiançais  en  avaient  fait  la  conquête  , 
il  fut  le  conseiller  fidèle  des  monar- 
ques Aragonais,  qui  se  succédèrent 
en  Sicile.  Il  dirigea  leurs  efforts 
pour  la  défense  de  sa  patrie;  et  sa 
prudence  déjoua  souvent  les  em- 
bûches de  leurs  ennemis.  Lorsque 
Jacques  ,  second  fils  de  Pierre  III , 
qui  lui  avait  succédé  eu  Sicile  ,  vou- 


(?.)  CVlait  le  lendemain  de  Pâques.  Voltaire  se 
trompe  également ,  dans  la  première  édition  de  son 
liiitoire  i^éiiérale  ,  où  il  place  cet  événement  le  dr- 
niancie,  et  dans  ses  Annales  de  l'Eni/nie  ,  où  il  le 
met  le  mardi.  Cette  dernière  date  seml)Ie  cependant 
confirmée  ])ar  le  témoignage  de  Faicllî. 


11-2  PRO 

lut,  eu  i2ç/> ,  fi'assiircr  la  couronne 
d'Aia!;on,  en  abandonnant  cette  île 
aux  Français  ,  Procida  déclara  qne 
les  Siciliens  ne  le  reconnaissaient  plus 
pour  roi;  et  il  engagea  ses  couijta- 
triotcs  à  offrir  la  couronne  à  Fréde'- 
ric,  le  troisième  frère,  qui,  par  sa 
l>ravouro,  assura  la  liberté  de  la  Si- 
cile Procida  vécut  assez. long-temps 
pour  voir  ses  compatriotes  recueil- 
lir le  fruit  de  ses  travaux  ,  et  la  paix 
rétablie,  en  i3o'i  ,  entre  les  deux 
royaumes,  qui  demeurèrent  indc- 
pendanLs.P.irver.uà  la  dernière  vieil- 
lesse, il  donna  encore  «es  soins,  com- 
me médecin  ,  à  G.uillior  Caraccioli  , 
un  des  courtisans  de  Charles  II ,  qui, 
atteiut  d'une  maladie  dangereuse , 
demanda  permission  à  son  maître 
d'aller  se  faire  traiter  par  le  même 
homme  qui  avait  renverse  Charles 
I*^"".  d'un  de  ses  trônes,  et  mis  des 
bornes  à  l'ambition  et  à  la  puissance 
de  la  maison  d'Anjou.  \  ovez  les 
Eclaircissemtntssurles  f'cpres  Si- 
ciliennes, par  Hréquigny,  publiés  par 
S.iinte-Croix  ,  dans  le  Mna^asin  en- 
cj'clop.,  1^'=.  année  n,  /^^)Ç)•^^3.) 
S."  S— I. 
PROCI-US,  philosopliegrcc,  na- 
quit le  8  février  de  l'an  /jii  de  l'ère 
vulgaire  :  on  le  conclut  de  divers 
renseignements  ,  et  surtout  de  son 
thème  natal,  que  son  historien  IMa- 
rinus  a  rapporté,  et  que  Fabririns 
explique.  Il  mourut  le  i-^  avril  4^'JJ 
il  y  avait  eu  ,  en  raiinéc  précédente, 
une  éclipse  de  soleil ,  marquée  en' 
effet,  dans  les  tables  astronomiques, 
au  i3  janvier  484.  Selon  ce  même 
INIarinus ,  Proclus  a  vécu  soixante- 
quinze  ans;  calcul  qui,  au  juemier 
coup-d'reil ,  semblerait  inexact  :  mais 
il  s'agit  d'années  lunaires ,  usitées 
alors  chez  les  Grecs  ,  et  un  peu 
plus  courtes  que  les  années  julien- 
nes. On  a  commis,  sur  l'époque  de 


PRO 

sa  naissance ,  deux  erretu's  plus  gra- 
ves. Les  uns  l'ont  fait  vivre  au 
deuxième  siècle  de  Tère  chrétien- 
ne ,  trompés  par  le  nom  de  Piiitar- 
que ,  l'un  de  ses  maîtres,  qu'ils  ont, 
mal-à-propos,  confondu  avec  Plutar- 
que  de  Chéronée  (  1  ).  Tes  autres  ,  et 
particulièrement  Lambecius ,  retar- 
dent, an  contraire,  sa  naissance  jus- 
qu'à l'an  443,  ot  sa  mort  jusqu'en 
Lit  S  ou  'iiQ,  parce  qu'ils  supposent, 
S)ir  la  foi  de  Zonaras  ,  qu'il  brûla  la 
flotte  de  Vitalicn  avec  des  miroirs 
ardents,  à  la  manière  d'Archiniède  ; 
sur  la  foi  de  Théophane  et  d<'  Cc- 
dréuns  ,  qu'il  prédit,  en  5 18,  la  mort 
de  l'empereur  Anaslase.  Ou  ers  faits 
sont  chimériques,  ou  il  faudrait  les 
rapporter  à  quelque  atitre  Proclus  ; 
car  celui  dont  nous  parlons  ,  avait 
déjà  eu,  dans  son  école,  deux  succes- 
seurs ,  Marinus  et  Isidore,  quand 
Anastase  régnait.  Proclus  est  sou- 
vent surnommé  Lycien,  et  considéré 
comme  natifdrXanthe;  mais  «i  nous 
en  croyons  INÎarinus,  il  naquit  a  By- 
zancr,  où  ses  parents  étaient  venus  , 
de  Syrie,  fixer  leur  séjour,  et  où 
il  reçut  la  première  éducation.  Sa 
mère  s'appelait  Marcella  ,  et  son 
père  Pafricius  ,  à  moins  que  ce  nom 
ne  désigne  une  dignité.  De  Constan- 
tinople  ou  de  Xanthe  ,  il  fut  envoyé, 
fort  jeune  encore,  à  Alexandrie  .  où 
il  suivit  les  leçons  du  grammairien 
Orion  et  du  rhéteur  Léonas  ,  profes- 
seurs alors  renommés.  Il  fréquenta 
aussi  les  e'coles  que  les  Romains 
avaient  dans  cette  ville ,  et  y  apprit 
la  jurisprudence  ,  élude  que  lui  avait 
recommandée  son  père,  à  qui  elle 
avait,  (lit  on,  valu  beaucoup  de  con- 
sidération et  de  crédit.  Léonas  dis- 


(1)11  s'agit  di?  PltiUrquc  fil»  de  Ncslfiriii»  :  il  avait 
r  rrit  un  commcDlaîi  r  sur  leA  trois  livrrs  d'Aristoti^ 
/'••  y^n<;n;î ,  cité  par  Sinj^licius  ,  inaiscfiii  c*(  (icrdii.  i 

Il  était  AtbéDiai. 


PRO 

tingu.i  le  jeune  Procîns  :  il  l'admet- 
tait dans  sa  société  la  pins  intime  et  à 
sa  table  ;  il  le  traitait  comme  son  lils  : 
oblige  d'aller  à  Ryzance,  il  le  prit 
pour  compagnon  de  voyage;  et  l'c- 
lève  eut  la  satisfaction  de  revoir  sa 
propre  patrie,  sans  cesser  de  profiter 
des  leçons  et  des  soins  de  son  maître. 
Dcrclourdans  Alpxandric,Proclus  y 
étudia  la  philosophie  éclectique  on 
syncrétiipie,  sousOlvmpiodore  {i)  , 
dont  il  comprenait  parfaitement  la 
doctrine,  inintelligible  à  presque  tous 
les  autres  auditeurs  :  il  retenait  et 
re'citait  ime  leçon  entière  ,  dont  pas 
un  seul  mot  n'avait  pu  se  fixer  dans 
la  mémoire  de  ses  condisciples.  Hc'- 
ron ,  le  second  de  ce  nom  (  F.  XX  , 
2B9  ) ,  lui  enseigna  une  plus  vérita- 
ble science  ,  une  philosophie  plus 
re'elle  ,  les  mathématiques.  Cepen- 
dant l'école  d'Alexandrie  perdait  son 
éclat;  Syrianus  avait  quitte  cette 
ville,  et  s'était  retiré  dans  Athènes  , 
l'antique  patrie  des  arts  et  des  scien- 
ces ,  et  y  allait  succéder ,  pour  l'en- 
seignement du  platonisme,  à  Pbitar- 
que  ,  fils  de  Nestorius.  Proclus  ,  à 
peine  âgé  de  vingt  ans  ,  s'y  rendit, 
déjà  précédé  d'une  réputation  hono- 
rable ;  on  l'accueillit  avec  une  faveur 
extrême.  Plutarque  lui  expliqua  le 
Phédon  de  Platon  et  quelques  livres 
d'Aristote  ,  et  le  recommanda  ,  en 
mourant,  à  Syrianus.  Celui-ci  le  con- 
duisit de  l'aristotélisme  et  du  plato- 
nisme à  la  théologie  et  à  la  science 
des  mystères.  Proclus  ,  à  l'âge  de 
I  vingt-huit  ans  ,  écrivit  un  commen- 
taire sur  le  Timée.  Depuis  ,  Asclépi- 
génie  ,  fille  de  Plutarque  ,  lui  apprit 
les  arts  magiques  des  Chaldéens  ;  et 
il  ne  tarda  point  à  se  faire  initier  aux 
mystères  d'Eleusis. Il  s'occupait  aussi 


(7.)  n  est  designé  dans  Trirticle  consacre  à  un  au- 
tre Olymiiiodoi-e,  XXXI,  6o4» 


PRO  iciS 

d'études  politiques  ,  et  passait  pour 
habile  dans  celte  matière:  il  donnait 
des  consultations  aux  magistrats  et 
aux  cités.  Syrianus,  en  mourant  ,  le 
désigna  pour  son  successeur:  l'école 
qu'il  lui  léguait  ,  était  devenue  fort 
lucrative ,  à  ce  que  nous  apprend 
Damascius , dansPhotius.  Outre  cinq 
leçons  par  jour  ,  Proclus  tenait  en- 
core des  soirées  littéraires,  en  sorte 
qu'il  lui  restait  fort  peu  de  temps  à 
consacrer  £i  la  composition  de  ses 
livres  :  il  en  écrivit  néanmoins  un 
grand  nombre,  où  il  associait  ses 
propres  doctrines  à  celles  d'Orphée, 
de  Pylhagore ,  de  Platon,  d'Aristote, 
de  Plolin  ,  de  Porphyre  et  de  Jam- 
bliquc.  On  distingue  entre  ses  nom- 
breux élèves,  Hiérius,  fils  de  Plu- 
tarque, Asclépiodote,  Zénodote,né- 
gius,  et  Marinus  ,  qui  a  écrit  sa  vie, 
et  qui  lui  a  succédé  dans  sa  chaire 
de  phdosophie.  C'était  sans  doute 
en  la  prenant  après  Syrianus ,  vers 
l'an  45o  .  que  Proclus  avait  reçu  le 
surnom  de  rncfAôyoç ,  qui  veut  dire 
successeur.  Il  ne  paraît  pas  qu'il 
l'ait  constamment  occupée  durant 
les  trente-cinq  années  suivantes  ;  car 
son  historien  parle  de  persécutions 
qui  l'obligèrent  de  sortir  d'Athènes  : 
il  fit  un  voyage  en  Asie,  et  en  profita 
pour  étudier  les  rites  de  ces  contrées. 
Après  un  an  de  séjour  en  Lydie  ,  il 
revint  eu  Grèce  ,  et  recommença 
d'instruire  les  Athéniens.  11  mourut 
dans  leur  ville ,  à  l'âge  de  soixante- 
quinze  ans  ,  comme  nous  l'avons 
dit:  il  avait  été  souvent  malade, 
particulièrement  de  la  goutte,  et  ne 
s'était  jamais  marié.  Tels  sont  les 
faits  les  plus  vraisemblables  de  sa 
vie:  nous  avons  cru  devoir  les  sépa- 
rer des  contes  que  Mariuus  y  entre- 
mêle. L'Opuscule  de  Marinus  est 
moins  une  notice  biographique  qu'u- 
ne sorte  de  panégyrique,  calqué  sur 


u4 


PRO 


le  système  des  vertus  platoniques , 
non -seulement  de  celles  qui  sont 
connues  sous  le  litre  de  cardinales  , 
mais  de  celles  encore  que  i'ecole 
d'Alexandrie  avait  distinguées  par 
les  noms  de  physiques  ,  morales 
tlie'orctiques  et  tbeuri^iques.  Il  suit 
de  là  que  la  succession  clirotioio- 
s^ique  des  faits  n'est  pas  toujours 
l)ion  établie  dans  celte  Notice;  et 
c'est  par  conjecture  seulement,  (pie 
nous  avons ,  à  l'exemple  de  Brucker, 
placé  ,  entre  la  mort  de  Syrianus  et 
celle  de  Proclus  ,  le  voyage  de  r e!ui- 
ci  en  Asie,  et  son  séjour  en  Lydie. 
Du  reste,  les  fables  racontées  par 
IMarinus  sont  aussi  à  recueillir,  par- 
ce <pi'clles  servent,  ainsi  que  l'a  ob- 
servé le  même  lirucker,  à  expliquer 
et  à  caractériser  les  doctrines  de  ces 
philosophes.  Il  faut  donc  savoir 
<pic  Proclus,  attaqué  ,  dans  sa  jeu- 
nesse ,  d'une  maladie  jugée  incura- 
ble,en  fut  guéri  par  Apollon,  qui  lui 
apparut  cl  lui  toucha  la  tête;  qu'a- 
vant de  repartir  de  Byzance  avec 
Léonas  ,  il  eut  des  entretiens  noc- 
turnes avec  Minerve,  qui  lui  con- 
seillait d'aller  à  Athtiies  ;  qu'il  re- 
tourna pourtant,  quelque  religieux 
qu'il  fût,  à  Alexandrie;  mais  que, 
peu  de  temps  après,  il  se  souvint  de 
l'avis  de  la  déesse  ,  cl  déserta  les  le- 
çons d'Olympiodore,  pour  se  trans- 
porter auprès  de  Plutarque  et  de 
Syrianus  ;  qu'au  moment  où  il  en- 
trait dans  Athènes  ,  le  portier  de  la 
\'\\\c\m(\a:  J'allais  fermerles  portes 
si  vous  n  étiez  venu,  paroles  qui  pré- 
sageaient évidemment  qu'il  rétabli- 
rait l'éclat  de  l'école  socratique.  Il 
se  préparait  par  des  jeûnes  aux  ap- 
paritions d'Hécate  et  de  plusieurs 
autres  divinités  ;  il  jeûnait  surtout  le 
dernier  jour  de  chacjue  mois  ,  et  cé- 
lébrait les  nouvelles  lunes.  Il  avait 
imc  petite  sphère,  au  moyen  de  l.i- 


PRO 

quelle  il  attirait  la  pluie  ,  tempérait 
la  chaleur,  empêchait  les  tremble- 
ments de  terre  ,  et  opérait  des  gué- 
risons  miraculeuses  ,  pour  lesquelles 
néanmoins  il  employait  aussi  des 
liymnes  et  des  prières.  Un  jour  , 
avant  mal  au  pied  ,  il  y  mit  un  em- 
plâtre qu'un  oiseau  vint  enlever  :  il 
comprit  que  c'était  un  heureux  pré- 
sage; mais  il  osa  dcmauiler  un  ora- 
cle plus  rassurant, et  pcudantson  som- 
meil ,  un  dieu  vint  lui  baiser  les  gc- 
nouxel  lui  rendre  la  santé.  Une  autre 
fois,  sans  qu'il  fût  malade,  Dieu 
lui-même  se  montra  à  ses  regards, 
lendit  vers  lui  la  main  droite  ,  et  le 
déclara,  d'une  voix  haute  et  sonore, 
l'honneur  de  la  ville  d'Athènes.  Aus- 
si arriva-t  il  (ju'uu  personnage  im- 
portant, nommé  Uufiu ,  survenant  au 
milieu  d'une  leçon  de  Proclus  ,  vit 
ime  auréole  autour  de  sa  tête  ,  cl  se 
prosterna  religieusement  devant  lui. 
Ce  Kuiin  lui  oUVitdes  trésors  ,  qu'il 
refusa;  et  ÎMaiinus  admire  ce  désin- 
téressement, plus  cpi'il  netonvicnt, 
peut-être  :  car  Proclus  était  né  de  |>a- 
rents  riches;  Nestorius  lui  avait  fait 
un  legs  considérable ,  et  son  éco- 
le lui  rapportait  beaucoup  d'argent. 
Brucker  a  relevé  plusieurs  autres 
contradictions  dans  cette  légende  : 
Proclus  méprise  la  douleur;  et  dès 
qu'il  ressent  l'indisposition  la  plus 
légère  ,  il  a  recours  à  des  remèdes  de 
bonne  femme,  à  des  enchantements  , 
à  des  formules.  On  le  loue  de  son 
célibat  ;  et  l'on  avoue  qu'il  n'observe 
point  ime continence  parfaite.  Il  est 
exempt  de  toutes  les  faiblesses  hu- 
maines ,  cl  cependant  colérique,  em- 
porté, insatiable  de  louanges.  11  n'ai- 
me que  la  vérité,  et  il  mêle  au  culte 
de  la  mère  des  dieux  ,  à  celui  des  au- 
tres divinités  ,  les  superstitions  les  i 
])lus  grossières.  Mais  enfin  son  visage 
resplendit  de  rayons  célestes  ,  il  cit 


PRO 

sobre  ,  et  il  renoncerait  à  Tusafije  des 
viandes  si  Plutarqne  ne  lui  avait  con- 
seille d'en  user  pour  fortifier  son  tem- 
pérament, et  pour  vivre  avec  plus 
de  sainteté  :  telle  est,  en  un  mot ,  la 
vénération  que  ses  lumières  et  ses 
vertus  inspirent ,  que ,  lorsqu'on  l'en- 
terre dans  le  tombeau  de  sou  maître 
Syrianus  ,  toute  la  ville  d'Athènes 
assisie  à  ses  funer.iilles ,  et  le  pro- 
clame le  plus  heureux  des  mortels. 
Cette  Notice  de  IMariuus  a  pour  second 
titre  UîOL  h'^y.iu.o'Ax; ,{])elà  félicite): 
elle  est  destinée  à  montrer  que  le  pla- 
tonisme perfectionne  est  le  souverain 
bien.  Elle  n'avait  ëte'  qu'incomplc- 
trtnent  publiée  avant  l'édition  que 
Fabricius  en  donna  en  inoo;  on 
en  doit  à  M.  Boissonade  ,  depuis 
«8i4  ,  une  édition  plus  correcte  et 
plus  savante.  Cette  Vie  fournit  la  clef 
des  doctrines  professées  par  Pro- 
clus,  par  ses  maîtres,  par  ses  dis- 
ciples, et  imaginées  surtout  pour  être 
mises  en  opposition  au  christianis- 
me, dont  ils  étaient  ennemis  déclarés. 
Proclus  est  un  hiérophante  pliUot 
qu'un  philosophe  :  il  aspire  à  être  le 
pontife  de  toutes  les  religions  de  l'u- 
nivers; ilchante  tous  lesdieux,  excepté 
celuides  chrétiens.  Il  puise,  le  plus 

I  qu'il  peut,  dans  les  livres  d'Homère, 
d'Orphée,  de  Zoroastre,  productions 
évidemment  supposées  ,  qu'il  prend 
ou  donne  pour  authentiques.  Il  s'effor- 
ce d'y  rattacher  les  institutions  de 
Pythagore,  les  dogmes  de  Platon,  et 
même  quelques-unes  des  observations 

I  d'Aristote  ,  et  d'en  composer  un  sys- 
tème qui  néanmoins  demeure  si  con- 
fus ,  qu'on  n'a  point  réussi  encore  à 
en  présenter  un  exposé  complet,  clair 
et  méthodique.  Ce  qu'on  y  voit  d'a- 
bord déplus  positif, c'est,  comme  l'a 
remarqué  Fréret ,  la  résolution  de 
faire  descendre  d'îs  Orphiques  et  non 
des  Égyptiens,  les  doctriiifis  de  Pytha- 


PRO  ii5 

gore,  deTimée  de  Locres  et  de  Pla- 
ton, Il  répèle  après  les  Orphiques  , 
que  le  sceptre  de  l'univers  fut  d'a- 
bord entre  les  mains  de  Phanès,  c'est- 
à-dire  de  Bacchus,  passa  dans  celles 
delà  Nuit,  puis  d'Uranus,  puis  de 
Saturne  ,  ensuite  de  Jupiter,  qui  rè- 
gne depuis  qiî'ila,  dit-on,  détrôné 
son  père,  mais  qui  sera  forcé  de  cé- 
der la  place  à  Bacchus ,  premier  et 
dernier  souverain  du  monde.  Cette 
mythologie  est  du  moins  fort  claire: 
il  s'en  faut  que  la  métaphysique  de 
Proclus  le  soit  autant.  On  sait  que 
la  philosophie  alexandrine  fait  tout 
dériver  d'un  principe  unique  :  en 
conséquence ,  Proclus  enseigne  que 
la  pluralité  ne  saurait  précéder  l'u- 
nité ;  que  l'une  et  l'autre  n'ont  pu 
co  m  raencer  d'exis  ter  en  même  tem  ps  ; 
que  l'unité  est  essentielle  et  produit 
d'abord  la  dualité,  puis  toutes  les  plu- 
ralités ,  le  fini  et  l'infini.  De  là  pro- 
viennent toutes  choses,  par  voie  de 
mélange  :  de  là  diverses  triades,  tant 
réelles  que  rationelles  :  l'être  ,  la 
vie  et  l'intelligence  ;  ou  bien  la  vie  , 
l'intelligence  et  l'amej  l'infini,  le  fi- 
ni et  la  vie;  ou  bien  l'essence,  l'iden- 
tité et  la  variété;  ou  bien  encore  la 
limite  ,  l'illimitation  et  le  mélange  : 
car  on  rencontre  çà  et  là  ces  diffé- 
rentes expressions  dans  les  livres  de 
Proclus  ,  soit  qu'elles  répondent  aux 
mêmes  conceptions  ,  soit  qu'elles 
aient  chacune  un  sens  particulier.  A 
ses  yeux  ,  les  idées  sont  des  essences 
pures  et  immortelles  ,  subsistantes 
en  elles  -  mêmes,  et  non  en  autre 
chose  :  leur  mwlionexTprimele grand 
hjménée  des  êtres  (3);  mais  la  subs- 
tance universelle  ,  genre  de  toutes 
les  substances  ,  est  l'être  absolu  ,  le 


(3)  Celte  expression,  et  celks  qu'on  lira  eu  narac- 
tiies  italiques  dans  les  lignes  suivantes  ,  sont  em- 
ployées par  BI.  De  Gc'rando,  dans  un  expose  de  la 
doctrine  de  Proclus, 


iî6  PRO 

point  culminant  de  tous  hs  ctres 
réels.  Fîien  avant  Pruclus,  on  avait 
rccominaiulcf  à  l'homme  de  se  con- 
naître liii-incnic  ;  c'est  le  coininon- 
ceiucnt  de  toute  ctiidc  :  on  s'cinpa- 
riiit  tic  celte  maxime,  Proclus  dit 
que  la  parfaite  connaissance  de  nous- 
raèracs  consLsle  à  jui^enlts  facultés 
jHir  l'essence  ,  et  des  actes  par  les 
facultés.  Il  distinj;ue  cinq  ordres  do 
fonctions  dans  l'ame  :  les  sensations, 
puis  le  sentiraeiit  que  l'ame  acquiert 
d'elle-même  comme  unie  au  corps, 
et  comme  di.stinrte  de  lui  ;  ensuite 
les  lumii-res  supérieures  par  lesquel- 
les elle  corrii;c  les   notions  impar- 
faites; en  quatrième  lieu,  le  retour 
de  l'ame  sur  elle-même,  pour  consi- 
dérer sa  propre  essence  et  y  décou- 
vrir rimaj^edu  monde ;enlin ses  rap- 
ports avec  les  autres  âmes  quelcon- 
ques.  Les  connaissances  se  divisent 
aussi  en  cinq  ordres  ,  selon  qu'elles 
ont  pour  objet,  ou  les  choses  maté- 
rielles ,  ou  les  caractères  comminis 
aux  ubjets  sensibles  ;  ou  l'unité  ,  au- 
trement dite  l'absolu,  conduisant  à 
la  recherche  des  causes  par  déduc- 
tion de  conséquences;  ou  la  contem- 
plation immédiate  des   êtres  et  des 
essences;  ou  en  dernier  lieu  ,  les  cho- 
ses supérieures  à  l'entendement. Cc-tte 
cinquième  science  est  la  plus  élevée  ; 
aussi  prend-elle  le  nom  d'exaltation 
ou  de  utAx.  Ce  dernier  progrès  a 
manqué,dit-oii ,  a  plusieurs  philoso- 
j<hes,  par  exemple,  à  Arislotc;  mais 
Platon  y  tendait  :  Ainmonnis  Sac- 
cas  ,  Plotin  ,  et  surtout  Proclus  ,  v 
sont  parvenus.   Cet  aperçu  général 
de   la   doctrine  de  ce  dernier  au- 
teur  nous  dispensera  d'entrer  dans 
un  examen  particulier  de  chacun  de 
ses    livics.   L'éuumération  seule  en 
serait  dcjà    fort  longue  ,    m   nous 
retendions  à  tous  ceux  qui  sont  au- 
jourd'hui perdus;  ils  sont  au  nom- 


PRO 

lire  de  plus  do  vingt ,  entre  lesquels 
nous  ne  rappellerons  que  des  Traités 
sur  la  mère  des  dieux  ,  sur  la  (liéo- 
logie  d'Orphée  ,  sur  les  oracles;  des 
Commentaires  sur  les  deux  poèmes 
d'Homère,  sur  les  Eni:éades do  Plo- 
tin, et  sur  le  Pluvdun,  le  J'htvdrus 
et  les  Lois  de  Platon,  Les  livres  de 
Proclus  contre  le  christianisme  ont 
aussi  disparu,  à  l'exceplion  do  ce 
qu'en  a  transcrit  Jean  Pliilopon  ,  en 
les  réfutant.  Le  Commentaire  sur  les 
Harmoniques  de  Plolémée  subsiste  ; 
mais  il  est  resté  manuscrit.  Quant 
aux  ouvrages  dont  on  a  publié  ou  le 
texte  grec  ,  ou  seulement  des  ver- 
.sions  latines,  ou  de  siuijiles  ex- 
traits, quelques-uns  appartieinient 
aux  belles-lettres  ,  la  plupart  à  la 
philosophie.  Dans  la  première  classe 
se  pré>entent  d'abord  des  Hymnes 
au  Soleil ,  aux  Muses ,  et  deux  à  Vé- 
jius,  Brunck,en  les  insérant  au  tome 
II  de  ses  .4nalecta  ,  y  a  joint  deux 
)>etites  pièces,  l'une  de  huit  vers  et 
l'autre  de  quatre.  Les  Hymnes  avaient 
paru  à  la  suite  des  poèmes  attribués 
a  Orj)hee,chezles  Juntes,  à  Florence, 
en  i5oo  ,  in-4".  ;  chez  les  Aides  ,  à 
Venise,  in  8". ,  en  i  *>  1 7  ;  etc.  Pro- 
clus avait  compose  beaucoup  d'au- 
tres poésies  ,  qui  ne  se  retrouvent 
plus.  Sa  Chrestomathie  graramati- 
calect  poétique  n'est  coniitie([uc  par 
les  extraits  qu'en  a  donnés  Photius. 
On  les  a  imprimés  à  part .  avec  la 
Version  latine  d'André  Schott ,  à 
Francfort,  en  090,  in  4"- ;  ils  con- 
tiennent une  Notice  sur  la  vie  d'Ho- 
mère,qucLéonAllatius  ainséiHicdans 
son  livre  De  patrid  Homeri,  Lyon, 
iG4(» ,  in-8".  Ce  cpii  reste  des  Sclio- 
lics  de  Proclus,  sur  le  Poème  des 
œuvres  et  des  jours  d'Hésiode  ,  a  été 
publié  à  Venise,  in- 4",,  on  i537; 
à  Bàlc,  en  l544i  i"-B".  ;  et  à  Ley- 
dc  ,  m-4**. ,  eu  i6o3.  En  imprimant 


PRO 

le  livre  de  George  Charoboscns  , 
sur  les  figures  poétiques, Frédéric  Mo- 
rel  y  joignit  uiieDissertationdePro- 
clus  sur  la  poésie  (gr.-lat.  Paris,  i  G 1 5, 
in- 1 2 ).  Le  même Morel  a  mis  au  jour, 
eu  1577,  in-4*'. ,  le  texte  grec, sans 
nom  d'auteur,  d'un  Traité  du  style 
e'pistolaire,  que  depuis,  eu  1597, 
Commelin  a  imprimé  iu-8*'.,  sous  le 
nom  de  Libanius  ,  avec  une  Version 
latine  :  les  intitulés  de  quelques  ma- 
nuscrits attribuent  à  Proclus  cet 
Opuscule ,  qui  ne  vaut  guère  la  peine 
d'être  revendiqué  pour  lui  ni  pour 
personne.  Ses  livi'es  de  philosophie 
ont  excité  beaucoup  plus  de  curiosi- 
té ,  même  ceux  qui  ne  sont  connus 
que  par  des  traductions  en  latin.  Tel 
est  d'abord  son  Traité  de  la  Provi- 
dence ,  du  destin  et  de  la  liberté , 
traduit,autreizième  siècle,  par  Guil- 
laume de  Morbeka,  etdont  Fabricius 
a  transcrit  53  chapitresdans  sa  Bi- 
bliothèque grecque  (  t.  IX,  de  l'édi- 
tion de  Harles  ).  C'est  le  premier  ar- 
ticle du  Recueil  des  œuvres  de  Pro- 
clus ,  que  M.  Cousin  a  entrepris  ,  en 
i8'20  ,  et  dont  il  a  paru  quatre  vo- 
lumes ,  à  Paris,  chez  Eberhart,  iu- 
8'\  Proclus,  après  avoir  distingué 
la  Providence ,  de  la  destinée,  distin- 
gue aussi  la  sensibilité  organique  et 
passive,  de  l'intelligence,  qui  s'élève 
par  degrés  jusqu'à  l'enthousiasme  ; 
et  il  ne  veut  pas  non  plus  que  l'on 
confonde  avec  les  notions  imparfai- 
tes ,  acquises  par  les  sensations  ,  ni 
la  science  qui  procède  })ar  analyse 
ou  par  synthèse ,  ni  surtout  les  exta- 
ses ou  illuminations  intellectuelles  , 
par  lesquelles  on  aperçoit  immédia- 
tement la  vérité.  Intermédiaire  en- 
tre Dieu,  qui  ne  choisit  pas,  parce 
qu'il  est  absolument  bon,  et  la  raa- 
tièrequine  peut  choisir,  parce  qu'elle 
est  inerte ,  l'homme  jouit  d'une  li- 
berté véritable,  quoique  limitée.  Le 


PRO  127 

même  GuillaumedeTVIorbeka  a  traduit 
les  réponses  de  Proclus ,  à  dix  objec- 
tions ou  questions  sur  la  Providence; 
opuscule  dont  Fabricius  n'a  donne 
qu'un  sommaire  ,  et  qui  est  imprimé 
pour  la  première  fois  en  entier  dans 
le  tome  !*='■.  de  l'édition  de  M.  Cousin. 
Il  en  est  de  même  du  traité  des  maux, 
intitulé  par  le  traducteur  du  treiziè- 
me siècle  :  De  suhsistentici  malo- 
rum.  Selon  Proclus ,  ce  qu'on  appelle 
mal  physique  est  un  bien, un  résultat 
de  l'ordre  général.  Le  mal  n'existe 
ni  dans  les  dieux  ,ni  dans  les  anges, 
ni  dans  les  démons  ,  ni  dans  les  hé- 
ros. Il  ne  consiste,  à  l'égard  des 
âmes ,  que  dans  la  faiblesse  qui  les 
fait  descendre  vers  les  choses  maté- 
rielles. Les  biens  dérivent  d'une  cau- 
se unique  ,  nécessaire,  éternelle;  ils 
sont  réels,  ils  ont  une  hjpustase; 
les  maux  naissent  de  mille  causes  in- 
déterminées, et  ne  sont  que  des  priva- 
tions. On  peut  s'étonner  que  l'ortho- 
doxe Guillaume  de  Morbeka  ait  aus- 
si traduit  l'Institution  théologique  de 
Proclus;  car,  en  certains  articles , 
elle  se  rapproche  beaucoup  des  dog- 
mes d'Arius;  et  ce  n'est  point  la  seule 
occasion  où  l'on  remarque  des  res- 
semblances entre  l'arianisme  et  le 
néo-platonisme.  La  version  de  Guil- 
lau me  est  demeurée  manuscrite; celle 
d'Emile  Portus  accompagne  le  texte 
grec  dans  l'édition  in-folio  de  Ham- 
bourg, en  1618;  et  l'on  a  de  plus 
une  traduction  latine  de  Fr.  Patrizi , 
imprimée  sans  le  texte,  dès  i583,à 
Ferrare,  in-80.  L'ouvrage  contient 
les  preuves  de  iii  propositions, 
donc  la  plupart  sont  fort  obscures 
ou  très- inexactes.  Il  ne  faut  pas  le 
confondre  avec  une  théologie  plato- 
nique, en  six  livres,  qui  toutefois 
offre  à  -  peu  -  près  les  mêmes  idées  : 
c'est  un  tissu  de  vaines  controverses, 
auxquelles  Platon  n'a  jamais  songé  ; 


1^8 


PRO 


on  y  reconnaît  los  traces  des  dispu- 
tes qni  venaient  d'agiter  l'Orient ,  au 
troisièmeetauqiialrièniesièclc.  Lam- 
bccius  assure  qu'il  existe  une  version 
manuscrite  de  ces  livres,  par  le  mê- 
me Ijnillaume  de  IVIorbeka;  mais  ils 
ont  été  retraduits  par  Emile  Portus, 
et  ont  paru  ainsi  en  latin  en  même 
temps  qu'en  grec,  à  Hambourg  ,  en 
i(h8  ,  avec  l'ouvrage  pre'cc'lent. 
C'est  dans  le  troisième  de  ces  livres 
que  se  trouve  un  passage  sur  l'arae 
des  l)ètes ,  qucBaylea  discute  (  Dict.' 
arl.  Perdra  ) ,  et  qui  accorde  aux 
brutes  ,  non  pas  une  ame  raisonna- 
ble,  mais  une  ame  sensitive,  capa- 
ble de  mémoire  et  d'imagination,  f.e 
comr.icntaire  sur  le  Timée  de  Pla- 
ton ,  que  Proclus  chérissait  comme 
Sun  meilleur  ouvrage,  quoique  ce  lût, 
à  ce  qu'il  semble,  son  premier  essai, 
a  péri  en  grande  partie.  Les  cinq  li- 
vres qui  eu  restent,  ^ont  joints  aux 
OEuvrcs  de  Platon,  dans  les  éditions 
de  I  534  et  I  5()6  ,  in-folio.  Ce  com- 
mentaire est  fort  savant  :  beaucoup 
d'anciens  auteurs  y  sont  cités.  De 
tousles  livres  de  Platon,  leTimée  est 
celui  où  il  a  le  plus  développé  son 
système  sur  la  nature  des  choses, 
sur  l'univers  sensible  et  l'univers  in- 
telligible ;  mais  l'explication  de  Pro- 
clus s'arrête  au  tiers  de  ce  livre  ,  et 
V  ajoute  plus  de  difTicultés  qu'elle 
n'en  éclaircit.  Dans  les  deux  éditions 
qui  viennent  d'être  citées ,  on  a  mis  , 
à  la  suite  de  ce  Commentaire,  ce  qui 
reste  des  obserN'ations  de  Proclus 
sur  le  Traité  de  la  république.  Son 
travail  sur  le  premier  Alcibiade  n'é- 
taitconnu  que  par  des  extraits,  et  par 
une  version  latine,  très-incomplète, 
de  Marsile  Ficin  :  M.  Cousin  vient 
d'en  publier  le  texte  grec  dans  les  to- 
mes II  et  m  de  son  édition  de  Pro- 
clus. Des  manuscrits  de  la  bibliothè- 
que du  Roi  lui  ont  fourni  ce  teste  j 


PRO 

il  a  recueilli  des  variantes  dans  ceux 
de  Venise  et  de  Alil.tn  ;  il  y  a  joint 
les  extiaits  latins  de  Marsile  Fii  in  ,(t 
ce  qui  se  retrouve  d'une  version  lati- 
ne d'Hermann  Gogava,que  Lambe- 
cius  avait  indiquée,  et  qui  était  iné- 
dite. Dans  sou  quatrième  volume, 
IVI.  Cousin  a  donné  les  deux  premiers 
livres  du  Commentaire  de  Proclus  , 
sur  le  Parménide,  d'après  quatre 
manusciitsde  la  bibliothèque  royale 
de  Paris,  avec  des  fragments  de  la 
traduction  latine  de  Gogava  ,  tirés 
de  la  bibliothèque  de  Vienne  :  rien 
encore  n'avait  été  publié  de  ce  com- 
mentaire, ni  en  grec  ni  en  latin. 
IM.  Frédéric  Creuzer  a  commencé,  à 
Francfort,  une  édition  de  quelques 
ouvrages  de  Proclus;  mnis  ce  sera 
celle  de  M.  Cousin,  quand  elle  sera 
complète  .  qui  propagera  la  connais- 
sance des  écrits  de  cet  auteur,  et  y 
jettera  toute  la  lumière,  même  tout 
l'intérêt  dont  ils  sont  susceptibles. 
La  Préface  générale  et  les  Préambu- 
les particuliers  de  chaijue  article  se 
recommandent  par  une  latinité  élé- 
gante, parmi  style  animé,  et  par  une 
saine  érudition.  Aux  quatre  volumes 
publiés  par  M.  Cousin  ,  il  faut  join- 
dre celui  qu'on  doit  aux  recher- 
ches de  1\I.  Boissonade  ,  et  qui  a 
paru  à  Leipzig,  en  i8'.>.o,  in-8".  , 
sous  le  titre  d'Extraits  des  scholies 
de  Proclus  sur  IcCratyle  de  Platon, 
scholies  dont  il  n'avait  été  rien  im- 
primé jusqu'alors  :  le  savant  éditeur 
lesatiréesdetroismanuscrits,  l'un  du 
Vatican,  et  les  deux  autres  de  la  Bi- 
bliol.  du  Roi ,  tous  trois  peu  anciens. 
Les  autres  livres  de  Proclus  tien- 
nent aux  sciences  physiques  et  ma- 
thématiques, et  ne  sauraient  offrir 
aujourd'hui  aucune  notion  profita- 
ble. Deux  livres  ,  intitulés  du  Mou- 
vement ,  sont  ]»rincipalement  ex- 
traits  de    la   physique    d'Aristotcj      ! 


PRO 

ils  ont  éié  imprinK^s  en  grec  ,  à 
Baie,  en  i53i ,  in  -  8".  ;  et  avec  la 
version  latine  de  Velsius,  en  i545  , 
in-b^. ,  dans  la  même  ville  ;  il  en 
existe  une  traduction  française  par 
Forcadcl,a  Paris,  i565.  Proclus  a 
laisse' ,  sur  le  premier  livre  des  Elé- 
ments d'Eiiclide,  des  scliolies  que 
Barocci  a  traduites  en  latin  (Padoue , 
i56o,  in-fol.  );  et  Th.  Taylov,  en 
anj^lais  (  Londres,  1788  et  1789,  2 
vol.  iu-4*'«  ),  et  dont  le  texte  j2;rec 
accompagne  celui  d'Euclide  ,  dans 
l'édition  de  Baie,  in-fol. ,  i533,  et 
dans  celle  d'Edouard  Bernard,  qui 
y  joignit  une  version  latine  (  Voy.  le 
Journal  des  savants,  i707,p,  894  ) 
(4).  Le  Traité  de  la  sphère,  de  Pro- 
clus (  qui  n'est  qu'une  copie  littérale 
de  plusieurs  chapitres  de  Geminus  ), 
a  paru,  réuni  à  d'autres  anciens  li- 
vres d'astronomie,  dans  le  volume 
in-folio  ,  imprimé  par  Aide,  à  Veni- 
se, en  1499;  il  a  eu  pour  traducteurs, 
en  latin,  Th.  Linacer,  Élie  Vinet, 
JeanLaurembcrg,  M.  Hopper,  Jean 
Bainbridge  (  Londres,  1 6ao,  in-4'*.  )  j 
en  italien,  Ignace  Danti  (Floren- 
ce, !  5'23 ,  in-4''.  ) ,  et  Tito  Scandia- 
nese  (  Venise,  3  55C,  in-4°.  )  Son 
livre  des  Posiùons  astronomiques , 
avant  de  paraître  en  grec,  àBàle,  en 
1540,  in-4°.,  était  connu  par  une 
version  latine  de  Gt^orge  Valla,  im- 
primée in-folio,  à  Venise,  en  1498 
(5),  On  lui  attribue  de  plus,  un  écrit 

(4)  Ce  commentaire  ,  divisé  en  quatre  livres,  est 
d'une  prolixité  fatigante  ;  mais  on  y  apprend  plu- 
sieurs choses  curieuses  concernant  l'histriire  dosnia- 
tfcématujues;  on  y  voit,  par  exemple,  qu'Euclide  est 
le  quatorzième,  chez  les  Grecs,  qui  ait  donné  des 
éléments  de  géonjétrie.  D — x. E. 

(5)  Dans  cet  ouvrage  ,  plus  considérable  que  le 
précédent ,  quoique  assez  n.édiocre,  Prorlus  expose 
la  doctrine  de  Ptolémee  sur  les  parallaxes  ,  les  éclip- 
ses et  les  orbites  des  pJauîtcs.  Il  y  paraplirase  la  des- 
cription que  Ptolemée  nous  a  laissée  de  hes  instru- 
ments. L'édition  grecque,  que  M.  l'abbc  Halma  vient 
denous  eu  donner, en  iSïo,  avec  une  traduction  fran- 
çaise ,  a  été  faite  sur  les  manuscrits  2363  et  23q7.  de 
•a  bibliothèque  du  Roi.  La traductiunlaliae, donnée 

XXXVI. 


PRO  ,  129 

sur  les  e'cîipses,  qui  n'a  été  publié 
qu'en  latin,  à  la  suite  des  tables  as- 
tronomiques de  Jean  Schrœtcr  ,  à 
Vienne,  in-4«.,  i55i.  Enfin  l'on  a 
un  monument  de  son  goût  pour  l'as- 
trologie ,  dans  une  Paraphrase  du 
Tétrabihle  attribué  à  Ptolemée  : 
Mélanchthon  a  mis  au  jour  le  texte 
grec  de  cette  paraphrase,  en  i554, 
à  Bàle,  in-8".  Telles  sont  les  diver- 
ses productions  de  Proclus  (6).  A 
considérer  l'étendue  de  ses  connais- 
sances et  la  variété  de  ses  travaux , 
il  occupe  un  rang  distingué  dans 
l'histoire  littéraire  du  cinquième  siè- 
cle. Peut-être  à  une  époque  plus  heu- 
reuse, eût-il  recueilli  et  répandu  de 
vives  lumières.  Il  eût  donné  des  di- 
rections plus  utiles  à  ses  vastes  étu- 
des ,  à  l'activité  de  son  imagination , 
à  la  puissance  de  sa  pensée.  Il  a  ex- 
cité, parmi  ses  contemporains,  un 
entliousiasme  qui,  depuis  trente  ans, 
semble  se  renouveler  en  Allemagne , 
en  Ecosse,  et  même  en  France.  M. 
Cousin  l'a  éloquemment  loué  :  MM'. 
De  Gérando,  Buhle  ,  Tennemann  , 
Tiedemann,  etc.,  ont  exposé  ses 
doctrines,  et  les  ont  jugées  dignes 
d'attention.  Diderot,  au  contraire, 
l'avait  déclaré  le  plus  fou  de  tous 
les  éclectiques  ;  et  auparavant ,  le  ju- 
dicieux  et  savant  Brucker  n'avait 
guère  vu  dans  ses  livres  qu'un  tissu 
de  visions  ou  d'impostures.  Buri"ny, 
qui  a  écrit  (  Mém.  de  Vacad.  des 


par  Valla,  est  fort  inexacte,  défigurée  par  des  fautes 
gi-ossières,  et  surtout  par  la  licence  qu'il  a  prise  de 
changer  plusieurs  passages  ,  par  exemple  ,  lorsqu'il  a 
substitué  à  la  description  de  l'astrolabe,  qui  servait 
aux  observations  astronomiques,  celle  d'un  autre 
astrolabe  ,  qui  est  une  projection  stéréographiquc  de 
la  sphère  céleste  sur  un  ulau.  C'est ,  Comme  l'autre 
astrolabe,  une  invention  d'Hipparque  ;  et  Valla  nous 
en  ensuigne    la  construction  d'après  un   ouvrage  de 

Philoponus,  mathématicien  d'Alexandrie   D I, E. 

(6)  Ilarlescite  de  plus  un  traite  des  vertus  mora- 
les et  civiles,  et  destacnltis  de  l'ame,  dont  on  a  im- 
primé à  liorae,  en  i5/(».  ,  in-go. ,  non  le  texte  ,  mais 
une  version  latine,  par  Baphaél  Mambla,  compo- 
sée d'extraits  des  livres  philoso]ihiques  de  Proclus. 


i3o 


PRO 


inscript,  et  belles-  lettres,  t.  xx\i  ) 
une  Notice  sur  sa  vie  et  sur  trois  de 
ses  ouvrages  ,  ceu\  qu'où  ne  possède 
que  traduits  en  latin,  par  Guillaume 
de  Morbika,  trouve  que  son  style 
est  obscur  ;  sa  manière  d'écrire  , 
très-confuse;  ren>enible  de  ses  li- 
vres, un  cImos  de  niaticres  mal  dij;é- 
rées  ;  sa  science  fausse,  et  son  sys- 
tème absurde.  Mais  ni  la  scvcritè  de 
ses  censeurs,  ni  le  desordre  de  ses 
propr<'S  livres  ,  ne  font  autant  de 
tort  à  la  mémoire  de  Proclus,  que 
IMiistoire  de  sa  vie,  telle  que  l'a  écri- 
te M.iriiius ,  son  élève  et  son  succes- 
seur :  elle  ne  laisse  en  doute  que 
la  question  de  savoir  si  les  synrretis- 
tc.s,  depuis  Ammouius  Saccas  jus- 
qu'à Pioclus  ,  ont  été  des  fourbes  , 
ou  seulement  des  illuminés.  D  >-u. 
PROCLUS  (SAl^T)  avait  été 
secrétaire  de  saint  Jean-Chrysoslo- 
mc;  il  fut  nommé,  en  4'-''^  >  chè- 
que lie  Cyiique  ,  et  n'exerça  point 
celte  fonction  ,  quoiqu'il  soil  quali- 
fié e/'i5C0^izi  Crzicenus,  dans  l'inti- 
tule de  la  version  latine  de  ses  Ho- 
mélies. Pour  récompenser  son  zèle 
et  son  éloquence,  on  le  fit  archevê- 
que de  Constaiitiuoplc  ,  en  434.  Il  a 
occupé  et  honoré  celte  di{;nité  jus- 
qu'au Il  juillet  44^1  époque  de  sa 
mort.  Tillemont ,  qui  a  écrit  son  his- 
toire (  .Vem.  ecclesiasticj. ,  t.  xiv, 
p.  ^oi-nio  ),  préfère  celte  date  du 
la  juillet  à  celle  du  i.\  octobre,  jour 
de  la  fcte  de  saint  Proclus.  Ce  fut 
pendaiit  son  épiscopat  que  s'inlro- 
duisit  l'usape  de  chanlcr  le  Trisa- 
pon  ;  Trois  fois  saint).  La  plupart 
de  ses  écrits  ont  été  publics  en  grec 
et  en  latin,  par  E'menhorsiius,  à 
Leyde,  en  1617  ,  in-8'\,  et  moins  in- 
complctemcnta  Rome  ,  en  i63o,  in- 
4°.  ;  en  latin  dans  la  Bibliothèque 
des  Pères,  édition  de  Lyon;  et  en 
français  (  par  N.  Fontaine  J ,  a  la 


PRO 

suite  de  Saint  Clément  d'Alexandrie, 
Paris,  i(i(V>,  in  8".  Ils  consistent  en 
vingt-une  Homélies,  nn  Opuscule  sur 
la  liturgie,  une  Épître  sur  la  foi, 
une  Epître  synoditpie  en  faveur  de 
saint  Athanase,  et  quel(]nes  autres 
Lettres  ou  fragments.  Léon  Allatiiis 
et  Hichaid  Simon  doutent  de  l'au- 
theiiticité  de  l'opuscule  ou  fragiuent 
sur  la  liturgie  ou  la  messe  lîntrc 
ses  homélies  on  distingue  un  éloge  de 
saint  Jean  Chrvsostonie,  que  toute- 
fois on  ue  possède  que  mnlilc  ,  et 
en  langue  latine  ;  trois  Sermons 
sur  la  fctc  de  Pâques  ;  deux  sur  celle 
de  Noël,  et  un  sur  la  Sainte  \ieigc, 
oii  l'hérésie  de  Neslorius  est  réfutée. 
Des  citations  faites  par  les  auteurs 
des  siècles  suivants  nous  apprennent 
queProcliis  avait  composé  plusieurs 
autres  Discours,  qui  se  sont  perdes. 
Mais  les  catalogues  de  la  Hiblinlh. 
Bodléienne  etde  Montfaiicon  lui  attri- 
buent àlortdeseléuientsdetliéologic  : 
c'est  la  Théologie  platonique  de  Pro- 
clus Diadochus,  qu'on  a  |)rise  pour 
nn  ouvr.tge  de  l'archevèipio  de  Coiis- 
tantinople.  —  H  y  a  en  pIu^i^urs  au- 
tres Procui's,  Pruculiis  ou  Prorlès  : 
Fabriciiis  en  compte  environ  vingt- 
cinq,  la  plupart  antérieurs  au  phi- 
losophe successeur  de  Syrianus. 
Nous  n'en  indicpierons  que  cinq  :  Vax- 
tychius  Proclus,  grammairien  du 
deuxième  siècle,  né  a  Sicca  ,en  Afri- 
que, précepteur  de  l'empereur  Arito- 
uin  ,  qui  le  lit  proconsul.  Vopiscus 
el  Trebi'llius  Pollio  font  mention  de 
lui,  cl  n'apprennent  que  ce  que  nous 
venons  d'en  dire.  —  Proclus,  nalif 
de  Naucrate,  professeur  d'éloquence 
à  Athènes,  élèvedu  sophiste  Afirien, 
et  maître  de  Philostrate,  qui  parle 
de  lui  :  ce  Prorlus  ,  dans  ses  haran- 
gues, imitait  Hippias  et  Gorgias;  il 
avait  conservé  jusqu'à  l'âge  de  qua- 
tre-vingt-dix ans,  une  mémoire  pro- 


PRa 

diçicuse,  supérieure  à  celle  de  Si- 
monide.  Il  est  mort  dans  le  cours  du 
troisième  siècle  de  l'ère  vulj^aire.  — 
Pboclus,  préfet  de  Constantinoplc, 
sous  Thëodose,  mis  à  mort  l'an  lo 
du  règne  de  cet  empereur  (  889  ).  Il 
avait  lait  élever  en  trente-deux  jours 
un  obélisque  dans  rivppodrorae  delà 
ville  :  c'est  le  sujet  d'inie  inscri]>tiou 
en  vers  ,  inséice  au  livre  iv  de  l'An- 
tholo<;ie  grecque,  et  traduite  en  qua- 
tre vers  latins,  |)ar  lingues  Grotius. 
—  Après  le  philosophe  Proclus,  on 
trouve  le  PuocLus  6vîioo-/sît/;ç,  que 
Zonaras,  Ccdrenus,  el ,  sur  leur  au- 
torité ,   Lanibecins  ,    ont   confondu 
avec  lui.   C'est  ce    Proclus  ,   inter- 
prète  des  songes  ,   qui    brûla    une 
flotte   de  Vitalien  ,    non  avec  des 
miroirs,  mais  avec  du  soufre,  à  ce 
que   dit   Jean  IMalalas.  On  raconte 
qu'il  prédit  la  mort  de  l'empereur 
Anastase.   — Procope,  Suidas,  et, 
d'après  eux,  Banduri,  parlent  d'un 
Proclus,  jurisconsulte  sous  l'empe- 
reur Justin   II,  au   sixième  siècle; 
une  statue  lui  fut  élevée  au  bas  de  la- 
quelle se  lisaienl  six  vers  grecs,  re- 
cueillis au  livre  iv  de  l'Anthologie. 
D— >— u. 
PROCOPE,  historien  grec,  na- 
quit à  Césarée,  en  Palestine,  vers  le 
commencement   du   sixième  siècle. 
Après  avoir  professe  la  rhétorique 
dans  sa  patrie,  il  vints'établir  à  Cons- 
taniinople,  où  il  donna  des  leçons 
d'éloquence,  et  plaida  plusieurs  cau- 
ses. On  distingua  ses  talents  :  il  fut 
appelé  à  remplir  des  fonctions  publi- 
ques. Attaché,  comme  secrétaire  ,  à 
Bélisaire ,  il  le  suivit  dans  les  guerres 
d'Asie,  d'Afrique  et  d'Italie.   Pour 
récompenser  les  services  de  Proco- 
pe, Justinien  l'auoblit  par  le  titre 
d'illustre,  le  fit  sénateur,  et  enfin 
préfet  de  Constantinoplc ,  en  062 , 
selon  la  Ghronagrapbiede  Théo^ha- 


PRO 


i3i 


nés.  II  paraît  néanmoins  avoir  es- 
suyé quelques  disgrâces  :  il  se  plaint 
d'ctrc  mal  payé  de  ses  travaux;  on 
lui  en  retenait  le  salaire  :  il  était  mê- 
me resté  sans  emplois  durant  plu- 
sieurs années.  Voilà  tout  ce  qu'on 
sait  de  sa  vie;  il  mourut  à  l'âge  de 
plus  de  soixante  ans,  peu  avant  ou 
peu  après  la  fin  du  règne  de  Justi- 
nien ,  à  qui  Justin-!e  Jeune  succéda, 
en  565.  Les  savants  modernes  ont 
agité  les  deux  questions  de  savoir  si 
Procope  était  chrétien  ,  et  s'il  a  exer- 
cé la  médecine.  Eichel  et  La  Mothe 
le  Vaycr  ,  qui  le  déclarent  païen  , 
sont  obligés  d'avouer  qu'en  plusieurs 
endrdits  de  ses  livres,  et  surtout  de 
son  Traité  des  édifices,il  parle  le  lan- 
gage des  chrétiens  de  son  siècle; 
mais  ils  allèguent  d'autres  passages, 
q\ii annoncent  faptotlaccédulitéd'un 
idolâtre,  tantôt  rindiffcrcnce  d'un 
sceptique.  C'est  tirer  des  conséquen- 
ces trop  rigoureuses  de  quelques  ex- 
pressions légèrement  employées,  et 
d'ailleurs  inconciliables  entre  elles. 
L'ensemble  de  ses  ouvrages  laisse 
l'idée  d'un  écrivain  qui  professait  le 
christianisme,  sans  l'altérer  même 
paraucunedes  hérésicsde  son  temps  : 
c'est  ainsi  qu'en  jugent  Vossius  ,  Fa- 
bricius,  Harlès  et  Meusel  ;  seulement 
il  serait  permis  de  penser  avec  Nie. 
Alemanni  et  Guillaume  Cave,  que  sa 
croyance  n'était  point  assez  scrupu- 
leuse pour  lui  interdire,  en  toute 
circonstance,  les  opinions  ou  les  pa- 
roles qui  pouvaient  accidentellement 
offenser  les  dogmes  ou  les  pratiques 
de  l'Eglise. Cave  dit  plus  :  selon  lui, 
Procope  n'était  ni  tout-cà  fait  pa'icn, 
ni  tout-à  fait  chrétien  :  avec  les  chré- 
tiens, il  méprisait  les  superstitions  des 
gentils  ;  avec  les  païens ,  i!  croyait 
que  la  vertu  et  la  vérité  pouvaient 
se  rencontrer  encore  hors  du  chris- 
tianisme; avec  les  uns  et  les  autres , 

9*- 


i32  PRO 

il  adorait  un  seul  Dieu  ,  créateur  de 
l'univers.  On  a  remarque  daus  ses  li- 
vres des  dèlaiLs  si  exacts  sur  les  ma- 
ladies et  sur  les  remèdes  employés 
contre  elles ,  il  a  surtout  si  habile- 
ment  décrit   la   peste  qui   rava{:;ca 
Couslantiuople,  eu  543  ,  qu'on   a 
prétendu  qu'il  exerpit  l'art  de  f,aé- 
rir.  Nos  docteurs  modernes  l'unt  en 
quelque  sorte  reçu  médecin  :  ils  lui 
ont  cousarré  des  articles  dans   les 
histoires  de  celte  profession.  Le  ju- 
risconsulte Tiraqueau  l'a  crée  mé- 
decin en  chef  de  l'arracc  de  Bclisai- 
re;  Freind  a  pris  soin  d'extraire  de 
ses  écrits  tout  ce  qui  semble  annon- 
cer une  connaissance  aprofondie  de 
l'art  médical  :  à  ce  titre,  Procope  oc- 
cupe une  place  dans  le  Diclionnairc 
historique  de  la  médecine,  d'Kloy  ; 
dans  r Histoire  de   l'anatomic  et  de 
la  chirurgie,  de  M.  Portai  (  t.  i,  p. 
120  ),  etc.  Ou  n'a  cependant  aucune 
preuve  positive  qu'il  ail  exerce  celte 
profession  ;   on  le  voit  homme  de 
lettres,  homme  d'état  ,  homme  pu- 
blic ,  secrétaire  ,  historien ,  sénateur, 
préfet:  qu'il  ail  été  de  plus  médecin, 
Fabricius,    Ha  ries  ,  Tiraboschi  et 
bien  d'autres  n'en  veulent  rien  croi- 
re. Ses  Œuvres  consistent  ce  huit  li- 
vres historiques,  \m  livre  d'Histoire 
eecrctc ,  et  six  Discours  ou  livres  sur 
les  édifices.  Le  premier  de  ces  trois 
ouvrages  est  divisé  en  deux  parties  ; 
l'une  intitulée  Guerre  des  Perses; 
et  l'autre  Guerre  des  Goths;  cha- 
cune en  quatre  livres.  Mais  il  n'y  a 
véritablement  que  les  deux  premiers 
livres  qui  aient  pour  objet  les  guer- 
res soutenues  contre  les  Perses,  de- 
puis  l'an  ^oS    jusqu'en   553  :    les 
deux  suivants  racontent  les  expédi- 
tions des  Vandales  et  des  Maures 
tu  Afrique ,    depuis  Sçp   jusqu'en 
545.    A   l'égard  des  livres   v  ,  vi 
et  VII ,  ils  ne  concernent  réellement 


PRO 

(juc  les   guerres  contre  les  Goths, 
guerres  dont  l'Italie  lut  le  théâtre  , 
et  qui,  commencées  en  487, finissent, 
dans  Procope,  à  la  mort  de  Taias, 
en  5 12;  le  viii<^.  est  une  sorte  de 
supplément  général ,  qui  embrasse 
diverses  matières.  Ces  huit  livres  in- 
téressent par  la  vérité  des  récits  ,  par 
une   peinture  fidèle  des  mœurs   de 
ces  nations  barbares,  et  par  l'élé- 
gance du  style,  malgré  quelques  in- 
corrections. Ou  trouve  une  analyse 
des  deux  premiers  dans  Photius;  et 
de  tous  les  huit  dans  la  préface  de  la 
continuation  qu'en  a  faite  Agalhias 
(  f.  ce  nom,  1 ,  uHo  ).  Le  11'.  et  le 
ni*,  livre  de  la  Guerre  des  (ioths, 
servent  à   rectifier  plusieurs  détail» 
doiuiés  par  Paul  Diacre  :  Gaillard  en 
a  fait  cet   usage  dans   un  Mémoire 
inséré    parmi    ceux    de  l'académie 
des  inscriptions  et  belles  lettres  (t. 
xxxii).  L'ouvrage  de  Léonard  Bru- 
ni d'Arezzo,  mis  au  jour  sous  ce 
titre  :  De  bello  ilalico  adversus  Go' 
thos  gesto  libri  quatuur  (Koligno, 
1470,  iu-fol.  ) ,   n'est,   en  grande 
partie,    qu'une  traduction  de  Pro- 
cope, que  Bruni  n'avait  point  nom- 
mé ,    et  dont   il   croyait    possttlcr 
l'unique  manuscrit.  Paul  Jove,  Là 
Molhe  le  Vayer  et  d'autres  critiques 
ont  reproché  ce  plagiat  à  Léonard 
Arétin,  qu'Apostolo  Zeno  a  essayé 
d'en  justifier  (  F".  BnuM,  VI ,  120- 
12 1).  Un  second  ouvrage  de  Proco- 
pe, considéré  quelquefois  comme  le 
ix*^.  livre  du  précédent,  est  intitule  : 
Anecdotes ,  ou  Histoire  secrète.  Con- 
traint à  beaucoup  de  réticences  dans 
ses  huit  premiers  livres  ,  l'auteur  de'- 
clare,  en  commençant  celui-ci,  qu'il 
va  révéler  les  faits  qu'il  a  dû  taire  , 
et  développer  les   causes   de  ceux 
qu'il  a  pu  rapporter.  Craignant  de 
n'être  pas  cru  quand  ses  récits  au- 
ront vieilli ,  il  invoque  le  témoigna- 


PRO 

s;e  (le  ses  contcmporaÏDs  ,  dont  phi- 
sicurs  ont  vu  Thcodora  et  Justiiiicii , 
tels  qu'il  va  les  dépeindre.  Ces  Mé- 
moires contiennent  en  cil'etde  terri- 
bles correctifs  aux  e'lo;;es  que  Pro- 
cope  avait  prodigues  à  Juslinien  ;  et 
ce  qui  concerne  Thëodora  est  d'un 
tel  caractère,  que  les  éditeurs  du 
dix-scpticme  siècle  ont  cru  devoir  en 
supprimer  ])lusieurs    articles ,    pu- 
bliés depuis  par  La  Monnoye,  dans 
le  iMenagiana.  Lëvesque  de  La  Ra- 
valière  (  Acad.  des  inscript. ,  t.  xxi), 
et  Marmontel  (  Préf.  de  Bélisaire  ), 
ont  soutenu  que  Procope  n'était  point 
l'auteur  de  cette  production  scanda- 
leuse. Suidas,  disent-ils  ,  est  le  pre- 
mier qui  la  lui  ait  attribuée,  six  cents 
ans  après  le  rè^^ne  de  Justinieu  : 
As;atliias  au  sixième  siècle,  et  Pho- 
tius  au  neuvième  ,  ne  l'avaient  point 
indiquée  ,  en  faisant  mention  de  ses 
autres  écrits.  On  n'y  veut  reconnaître 
ni  son  style,  ni  surtout  son  caractère 
moral.  On  ajoute  qu'il  est  peut-êrre 
mort  avant  Justinien  ,  qu'il  lui  a  du 
moins  fort  peu  survécu,  tandis  que 
l'auteur  des  Anecdotes  semble  dire 
au  contraire   que   les   personnages 
dont  il  parle  ont  depuis  assez  long- 
temps   cessé    d'exister.  La    Rava- 
lière  conjecture  que   cet  auteur  est 
l'avocat  Évangèle  ,  dépouillé  d'un 
domaine  par  Justinien,  ainsi  qu'on 
le  lit  à  la  fin  de  ce  livre  même.  Dès 
le  dix-septième  siècle,  Guyet,  Eicliel, 
et  même  La  Mollie-le-Vayer  avaient 
élevé  des  doutes  sur  l'authenticité  de 
cette  Histoire  secrète;  et  l'on  aime- 
rait k  regarder  comme  apocryphe , 
comme  la  production  d'un  libellistc 
obscur  et  anonyme  ,  un  livre  où  Bé- 
lisaire, tant  préconisé  ailleurs  par 
Procope ,  est  presque  aussi  maltraité 
que  l'ingrat  empereur  dont  ce  géné- 
ral avait  défendu  la  cause.  Cependant 
il  n'est  pas  vrai  de  direque  personne, 


PRO 


i33 


avant  Suidas ,   n'ait   attribué   cette 
con) position  à  Procope  :  il  en  avait 
été  déclaré  l'auteur,  non  à  la  vérité 
par  Évagre ,  quoique  Vossius  l'assu- 
re ,  mais  par   Eudoxie  ,  qui   vivait 
et  régnait  au  milieu  du  onzième  siè- 
cle. C'est  d'ailleurs  encore  aujour- 
d'hui l'opinion  commune  :  elle  a  été 
professée  par  Montesquieu,  Gibbon 
et  Haiiès,  de  même  qu'auparavant 
par  Nie.  Alemanni,  Maltret  et  Fabri- 
cius.  Unpoint  surlequel  on  s'accorde, 
c'est  que  ce  livre  si  fameux  fait  peu 
d'honneur  à  Procope ,  surtout  lors- 
qu'on le  lit  après  ceux  où  il  a  ren- 
du   à   Justinien  de  si  magnifiques 
hommages  :  le  malheur  d'avoir  loué, 
décrédite,  sinon  la  satire  ,  du  moins 
le  satirique  ;  et  l'on  risque  peu  de 
se  tromper  ,  en  supposant  que  des 
mécontentements  personnels  ont  dic- 
té   ces    palinodies.    Tour  -  à  -  tour 
courageux  ou  servile  ,  dit  Gibbon, 
enivré  par  la  faveur ,  ou  aigri  par  la 
disgrâce,  Procope  écrivait  des  in- 
vectives   après    des    panégyriques. 
Trop  d'exemples  apprennent  que  la 
contradiction  la  plus  scandaleuse  en- 
tre ces  deux  genres  d'écrits ,  n'est 
point  une  raison  de  douter  de  l'au- 
thenticité des  uns  ni  des  autres.  La 
vérité  intrinsèque  de  cette  histoire 
secrète  de  Justinien  (  V.cç  nom, 
xxii,  i-jS-iSÔ  )  ,a  été  l'objet  d'une 
contestation  plus  sérieuse.  Thomas 
Rive  j  Gabr.  Trivor,  J.  Eichel  (  V. 
ce  nom,XIÏ,59'2,  SgS),  La  Mothe  , 
le  Vayer  ,  Ludewig  ,  Invernizzi,  ont 
pris  la  défende  de  l'empereur  contre 
l'historien.  Si  l'on  en  croit  Eichel, 
protestant  zélé,  Procope  faisait  sa 
cour  au  pape,  en  dénigrant  un  prin- 
ce trop  peu  soumis  à  l'autorité  pon- 
tificale. Nie.  Alemanni, au  contraire, 
a  prétendu  que  ces  Anecdotes ,  dont  il 
se  faisait  l'éditeur,  méritaient  une  plei- 
ne croyancej  et  Montesquieu  a  donné 


i34  PRO 

du  crédit  à  cette  opinion.  Ce  grand 
écrivain  déclare  cependant  qu'il  eût 
e'té  oatiirelleraent  peu  disposé  à 
l'adopter  ,  parce  que  les  éloges  que 
Procopea  faitsde  Juslinien  dans  ses 
autres  ouvraj^es  ,  affaiblissent  son 
téiuoi«j;na£;e  dans  celui-ci  ,  où  il  le 
peint  comme  le  plus  stupide  et  le 
plus  cruel  des  tyrans  :  mais  iijou- 
te  iMontesquieu  ,  «  deux  choses 
M  font  que  je  suis  pour  l'Histoire 
»  secrète  ;  la  première,  c'ot  qu'elle 
»  est  mieux  liée  avec  l'élonnanic  fai- 
»  blesse   oii   se   trouve    l'empire  à 

»  la  (in   de  ce  rèj;ne l/autrc 

»  est  un  monument  q'ii  cxi.stc  en- 

»  core les  lois  de  cet  empereur, 

»  où  l'on  voit ,  d.ins  le  cours  de  quel- 
»  qucs  années,  la  jurisprudence  va- 

»  fier  davantage  qu'elle  u'a  fait 

»  en  3oo  ans....  Ce  prince  vendait 
»  également  ses  jugements  et  ses 
»  lois.  »  Gibbon  aussi,  tout  en  mé- 
prisant un  auteur  qui  se  f.iit  d'adula- 
teur libelliste,  parce  qu'd  se  voit 
frustré  d'une  partie  des  récompenses 
promises  a  ses  flatteries  ;  tout  en 
écartant  des  fables  absurdes  et  de 
grossières  inivectives  ,  par  exemple, 
que  Juslinicn  était  un  âne,  un  démon, 
qui  avait  pris,  comme  sa  femme 
Ihéoflora,  une  ligure  humaine  pour 
détruire  le  genre  humain;  Gibbon 
admet  la  |)lupartdcs  Anecdotts  re- 
cueillies par  Proropc,  et  même  les 
plus  lionteuscs;  il  les  trouve  prou- 
vées par  leur  nature  même  ,  et  par 
des  témoignages  iiu(henti(pies.  Quoi 
qu'il  en  soit,  ce  livre  ne  paraît  pas 
complet  :  apparemment  de  nouvelles 
favcursobleuiics  par  l'autour, l'auront 
déterminé  a  l'interrompre.  Il  l'écri- 
vait l'an  i(i  du  règne  de  Jiistiiiien  , 
c'est-à-dire  en  5J3.  Son  Traité  des 
édiliresconslruiîs  ou  réparés  sous  les 
auspices  de  cet  eni[)ereur,  se  compo- 
se de  six  NarralioDS,  discours  ou  li- 


PRO 

vres  ,  production  fastidieuse ,  quoi- 
qu'on en  puisselouer  l'exactitude.  Les 
huit  piemicrs  livres  d'histoire  n'a- 
vaient pas  pleinement  satisfait  l'or- 
gueil du  monarque;  Helisaire  v  paraisr- 
sait  avec  trop  d'éclat  :  pour  obtenir 
une  récompense,  ou  même  un  par- 
don, Procope  décrivit  les  édilices  im- 
périaux ,  et  y  exalta  la  pieté,  la  mu- 
nificence de  son  prince ,  bien  supé- 
rieures ,  disait-il,  aux  vertus  puéri- 
les des  conipiérants  et  des  législa- 
teurs pa'iens.  C'est ,  comme  nous 
l'avons  dit  ,  le  plus  cluétien  des  ou- 
vrages do  Proeope;  mais  c'est  aussi 
celui  où  il  se  moulrele  pluseourtisari. 
Conrad  (  iesner  fa»t  mention  des  Orai- 
sonsAc  Procope  iiM|>rimées.i  IM  lien- 
ce  ,  en  i538.  iu-S".  C'est  peut-être 
une  Version  latine  des  harangues, 
directes  et  indirectes  ,  trop  fiéquen- 
tes  dans  ses  livres  d'histoire,  ou 
bien  son  Traité  des  édifices,  souvent 
annoncé  comme  un  Recueil  de  six 
discours  ou  oraisons.  Ouaiit  aux 
Kj>îtres  qui  lui  ont  été  quelquefois 
attribuées,  elles  sont  de  Procope  de 
(iaza,  ainsi  qu'il  sera  dit  dans  l'ar- 
ticle qui  suivra  cclui-ri.  On  ne  con- 
naît donc  de  Procope  deCésarée,quc 
les  trois  ouvrages  dont  nous  venons 
de  parler,  et  dont  les  prinripanx 
manuscrits,  les  éditions  et  les  Ira- 
dtictious  vont  être  indiijués.  La  Hi- 
bliolhè(pic  rovalc  de  Paris  jjossède 
des  copies  manuscrites  du  Traité  des 
édifices,  et  des  huit  livres  sur  les 
guerres  des  Perses,  des  Vandales  et 
des  Goths.  Ces  huit  livres  se  retrou- 
vent réunis  aussi  en  des  manuscrits 
d'Aiigsbourg  et  de  Rome,  (^n  cou- 
serve  des  eopies  ])ar!icul.ères  des 
quatre  premiers  a  \  cuise  et  à  Flo- 
rence; des  quatre  derniers,  à  Flo- 
rence, a  Mil  in  ,  Ji  rKsciiiial  ;  de  la 
Description  de*  édilices  ,  a  Florence 
et  à  Aiigsfoourg.  Les  manuscrits  de 


PRO 

l'Histoire  secrète  sont  plus  rares. 
La  bibliollièqne  du  Vatican  en  ren- 
ferme un ,  que  Baronius  ,  quoique 
prépose  à  ce  dépôt ,  ne  connaissait 
point,  puisqu'il  regrette  (.^/m.  548, 
n".  i\  )  la  perte  de  cet  ouvrage. 
Les  huit  livres  d'histoire  n'ont  clé 
d^abord  im{)rimés  qu'en  latin  ;  tra- 
duits, les  quatre  premiers  par  Ra- 
phaël de  Volierra,  les  quatre  autres 
uar  Christophe  Persona  ,    Rome  , 
ijoQ,    in-fol.  Déjà  l'on   avait  lu, 
sans  le  savoir  ,  une  très-grande  par- 
tie de  ceux  qui  concernent  la  guerre 
des  Golhs  ,  dans  l'ouvrage  de  Léo- 
nard Aretin  sur  ce  sujet.  C'était  en- 
core en  latin  seulement ,  qu'on  réim- 
primait ces  huit  livres  à  Bâle,  en 
i53i ,  etavec  Zosime  ,en  i  j-jG  ,  in- 
fol.  :  le  texte  n'a  paru  qu'en  1607, 
par  les  soins  de  David  Hoeschel  (  F. 
ce  nom  ,  S.X  ,  44?  )  1  d'après  divers 
manuscrits,  et  spécialement  d'après 
celui  d'Augsbourg,  ville  oîi   cette 
première  édition  a  été  publiée  ;  elle 
est  de  format  in-fol.  Un  court  frag- 
ment de  ce  texte  avait  été  imprimé 
à  Paris  ,  en  i  579  ,  avec  une  Version 
latine  de  Pierre  Pilhou  ,  à  la  tête  du 
Code  des   Visigoths.  Hugues   Gro- 
tius,  en  publiant,  en  i055,  son  His- 
toire des  Goths  ,  des  Vandales  et  des 
Lombards  ,  y  fit  entrer  une  nouvelle 
Traduction  latine  de  six   livres  de 
Procope  ,  et  de  quelques  extraits  de 
ses  anecdotes.  L'édition  la  plus  com- 
plète des  œuvres   de   cet    écrivain 
grec,  est  celle  du  P.  Maltret,  en 
grec  et  en  latin  ,  2  vol.  in-fol.  ,  im- 
primés au  Louvre,  en  1662  et  i663, 
et  faisant  partie  de  la  collection  des 
historiens  Byzantins.  Elle  comprend 
l'Histoire  secrète,  dont  le  texte  grec 
avait  été  publié,  pour  la  première 
fois  ,  à  Lyon  (  et  non  à  Leydc  ) .  en 
1623  ,  in-fol. ,  avec  une  Version  la- 
tine et  des  Notes  savantes ,  quoique 


PRO 


i35 


un  peu  partiales  ,  de  l'édtteur  Nie. 
Aleraanni(^.  ce  nom  ,  I,  ^S  1,^82). 
l\  ne  manque  dans  cette  première 
édition  ,  comme  dans  celle  de  Mal- 
tret et  dans   celle  de  Venise  ,    en 
1729,  que  les  deux  passages  obscè- 
nes insérés  ,  en  1715,  au  tome  pre- 
mier du  Menagiana.  Le  Traité  des 
édifices    se   trouve    joint   aux    au- 
tres   ouvrages  de  Procope  ,    dans 
quelques-unes  des  éditions  que  nous 
venons  d'indiquer;  savoir,  dans  cel- 
les de  i53i  ,  de  1G07  ,  de  i603  et 
de  1 729.  On  a  des  Traductions  fran- 
çaises de  la  Guerre  des  Perses  ,  par 
Guill.  Paradin,Lyon,  i576,in-8''., 
et  par  Manger,  Paris,  iG69,in-i2; 
des  huit  livres  d'Histoires,  et  des 
six  livres  des  Édifices  ,  par  Martin 
Fumée  (  F.  cenom,  XVI ,  182),  Pa- 
ris, in-fol.  1587;  de  divers   mor- 
ceaux de  Procope,  par  le  président 
Cousin  (X,   125,   126),  dans  son 
Histoire  de  Constantinople ,  Paris, 
iG72,in-4".  et  in-i2.BenedettoEgio, 
de  Spolète,  a  traduit  en  italien  les 
huit  livres  d'histoire  ,  et  la  descrip- 
tion des  édifices,  Venise,  in -8*»., 
1 544^1  1547.  ^^  version  anglaise 
des  huit  premiers  livres  ,  par  Hol- 
croft,  Londres,  iG33  ,  in  8°. ,  a  été 
suivie,  en  1674,  de  celle  de  l'His- 
toire secrète  ,  à  Londres  aussi ,  et 
dans  le  même  format.  J.  Paul  Rein- 
hardt  a  enrichi  de  Notes  sa  Traduc- 
tion allemande  des  Anecdotes  ,  Leip- 
zig ,  1753  ,  iu  8-*.  Entre  les  Notices 
modernes  de  la  vie  et  des  ouvrages 
de  Procope  de  Césarée,  les  plus  éten- 
dues  et   les    plus   instructives  sont 
celledeLa  Molhe  le  Vayer,  dans  ses 
Jugements  sur  les  historiens  grecs , 
et  celles  de  Fabricius  dans  le  tome 

VI  de  la  Bibliothèque  grecque,  et  de 
Harlès ,  son  continuateur,  dans  le  t. 

VII  de  la  nouvelle  édition  du  même 
ouvrage.  D — rf — v. 


i36 


PRO 


PROCOPE  DE  Gaza  ,  rhéteur  et 
théologien  grec,  naquit,  vers  la  fin  du 
cinquième  siècle  ,  dans  la  ville  de  la 
Palestine  dont  le  nom  se  joint  au 
sien  pour  le  distinguer  de  plusieurs 
autres  Procopcs.  Il  exprimait  sa  pro- 
fession de  rhéteur,  ou,  comme  on 
disait,  de  sophiste  ,  vers  l'an  620  , 
sous  le  règne  de  Justin  l'^<^.  ;  et  il 
prolongea  sa  carrière  sous  celui  de 
Justinien.  On  n'a  point  d'autres  ren- 
seignements sur  sa  vie,  (juoiqu'on 
possède  l'Oraison  funèbre  où  ses  ta- 
lents ont  été  cclobrés  par  Choricius 
(  ^^  ce  nom  ,  VIII ,  l\6  )  son  dis- 
ciple et  son  successeur.  Fahricius  a 
publié  cet  Eloge  dans  le  tome  vin  de 
l'ancienne  édition  de  sa  Bibliothèque 
grecque.  Procope  de  Gaza  avait  pris 
dans  Homère  les  textes  de  plusieurs 
Oraisons  ou  déclamations  .  qui  sont 
perdues,  excepté  deux  qui  ont  été 
publiées,  l'une  par  Villoison,  dans 
ses  ^necdota  çprœca  ;  l'autre,  par 
Iriarte,  dans  le  Cataloguedes  manus- 
crits grecs  de  Madrid  :  la  première 
est  un  éloge  de  l'empereur  Anastase; 
et  la  seconde ,  une  monodie  ou  la- 
mentation sur  la  ruine  de  l'église  de 
Sainte  Sophie  à  Con«tantinopIe,  ren- 
versée par  un  tremblement  de  terre. 
Soixante  lettres  du  m^me  Procope 
se  lisent ,  en  crée  ,  dans  la  collection 
d'Kpîtres  publiée  par  Aide,  à  Venise, 
en  i/joo,  iu-.^".:  en  grec  et  en  latin, 
dans  celle  de  Genève,  in-fol. ,  iGoG: 
mais  il  en  existe  environ  soixante 
autres  dans  des  manuscrits  de  Ma- 
drid et  de  Florence.  (  f^riy.  Bandini , 
Catal.  mss.  ç^rœc.  Bill.  Laur.  11 , 
i85  .  Z~i\  ,  etc.)  L'un  drs  person- 
nages à  qui  Procope  de  Gaza  écrit , 
s'appellf  Jérôme;  et  Tsaac  Vossius 
en  a  voulu  conclure  que  Procope 
et^it  routem])orain  du  docteur  de 
l'Église  célèbre  sous  ce  nom  ,  et  mort 
en  420  :  cette  erreur  a  été  réfutée 


PRO 

par  dom  Marlianay,  qui  se  trompe 
néanmoins  en  disant  que  saint  Jérô- 
me n'est  jamais  allé  en  Egypte  (  F. 
la  Bibliolh.  choisie  de  J.  Leclerc , 
x.WM  ,  I  /,3-i  4t>  ).  Comme  Procope 
de  Césarée  a  été  aussi  qualifié  >o- 
phiue  ,  on  l'a  cru  quehpufois  l'au- 
teur de  ces  Epîtres;  mais  les  manus- 
crits qui  les  contiennent  portent  ex- 
pressément le  nom  de  Procope  de 
Gaza.  Les  autres  ouvrages  de  celui- 
ci  sont  des  Commentaires  sur  la  Bi- 
ble; savoir  sur  l'O.  tateutpie,  sur  le 
Cantique  des  cantiques  ,  sur  les  Pro- 
verbes, et  sur  Jsaie.  On  désigne  par 
ce  nom  d'Octatcuque  les  huit  ])re- 
miers  livres  de  l'Ancieu-Tcstimc  iif  ; 
mais,  comme  lub.serve  Cas.  Oiulin, 
le  terme  d'heplaleuquc  conviendrait 
mieux  ,  puisqu'il  s'agit  des  cinq  li- 
vres de  Morse  et  des  deux  suivants  , 
intitulés  Josué  et  les  Juges.  11  est 
vrai  que  Procope  a  laisse  aussi  des 
scholics  sur  les  quatre  livres  des 
Rois ,  et  sur  les  deux  livres  de  Para- 
lipomènes  ;  mais,  à  ce  compte,  ce 
sont  eu  tout  treize  livres  et  non  pas 
huit.  Les  Commentaires  sur  les  sept 
premiers  et  sur  le  Cantique  des  can- 
tiques ,  n'ont  paru  que  traduits  en  la- 
tin, par  Conr.  Clauser,  et  Harlra. 
Hambcrger  ,  à  Zurich  ,  en  i  5^3  ,  iu- 
fol.:  cette  version  est  peu  estimée. 
Meursius  a  donné  en  grec,  ot  avec  la 
traduction  latine  de  Louis  Lavater, 
ou  plutôt  de  Hamberger,  les  Scholics 
sur  les  Rois  et  les  Paralipomènes  , 
Leyde  ,  1610,  in-4''. ,  et  dans  le 
recueil  desOEuvres  de  Meursius,  in- 
fol.  ,  tome  VMi  ,  col.  1-124.  L'ex- 
plication des  Proverbes  de  Salomou 
est  rf'stée  manuscrite,  et  se  trouve  à 
la  Bibliothèquedu  roi  à  Paris;  mais  le 
commentaire  sur  Isa'ic  a  été  publié, 
en  grec  et  en  latin  ,  par  J.  Courtier , 
à  Paris  ,  en  i58o  ,  in  -  fol.  Pho- 
tius ,  en  reprochant  à  Procope  de 


PRO 

Gaza  un  peu  de  prolixité',  loue  son 
savoir  et  sa  diction  ,  plus  pure  et 
plus  ornée,  dit-il,  qu'il  n'appartient 
à  un  commentateur.  On  cite  ses  tra- 
vaux bibliques,  comme  l'un  des  pre- 
miers exemples  des  recueils  appele's 
Chaînes^  ou  des  scholies  plus  an- 
ciennement composées  sont  réunies 
pour  ne  former  qu'un  même  tissu  ; 
cependant  Moslieim  a  observe,  avec 
raison ,  que  Procope  de  Gaza  n'est 
point  un  simple  compilateur;  il  jète 
au  moins  dans  son  travail  plusieurs 
idées  qui  lui  sont  propres.  Quoiqu'il 
ait  du  goût  pour  les  explications  mys- 
tiques ,  il  s^attache  souvent  à  éclair- 
cir  le  sens  littéral.  Ses  écrits,  depuis 
longtemps  négligés,  ne  sont  pas  d'un 
homme  sans  talent  et  sans  instruc- 
tion. (  Foyez  les  Notices  qu'en  ont 
données  G.  Cave,  Hist.  litter.  ec- 
cles.  1 ,  5o4  ;  G.  Oudin  ,  Comment, 
de  Script,  eccles.^  i,  i372;doniCeil- 
lier ,  Hist.  des  ant.  ecclés. ,  xvi , 
3.i0;  Fabricius  et  Harlès,  Bibl.  s;r.^ 
tome  vni,  563-5^)5  ,  etc.  )  —  En- 
tre les  autres  Procopes  ,  au  nombre 
de  plus  de  dix ,  on  peut  distinguer 
Saint  Procope ,  martyr  sous  Dioclé- 
tien,  au  commencement  du  4".  siè- 
cle; —  Procope  d'Edesse ,  préfet  en 
Palestine,  sous  Anastase  i^^. ,  et 
dont  Procope  de  Césarée  fait  men- 
tion dans  le  5*^.  livre  des  Edifices  ; 
—  Procope  diacre,  auteur  de  quel- 
ques panégyriques  de  saints  ,  restés 
manuscrits,  à  l'exception  de  celui  de 
saint  Marc ,  qui  a  été  inséré  dans  la 
collection  des  Bollandistes  et  dans  la 
Bibliothèque  des  prédicateurs  de 
Combefis;  — Procope  prêtre,  qui  pa- 
raît le  véritable  auteur  d'un  Traité 
sur  les  douze  apôtres  et  les  soixante- 
douze  disciples  de  J.  C. ,  souvent  at- 
tribué à  Dorothée  ,  évêque  de  Tyr  , 
(  F".  Dorothée  ,  XI ,  SgS  )  ;  —  et 
Procope ,  archevêc[ue  de  Césarée , 


PRO 


i37 


en  Cappadoce,  qui  prit  parti  pour 
Photius  dans  le  concile  tenu  à  Cons- 
taiitinople,  en  8nf).        D — jv — u. 

PROCOPE  COUTEAU  (  Michel 
CoLTELLi,  plus  connu  sous  le  nom  de), 
médecin,  né  à  Paris,  en  1 684,  était  fils 
de  François  Procope ,  noble  palermi- 
tain,  qui  lepremier  établit  en  France 
un  café  ,  où  se  réunirent  bientôt  les 
nouvellistes  et  les  littérateurs  (i% 
Destiné  d'abord  à  l'état  ecclésiasti- 
que (2),  il  y  renonça  pour  étudier  la 
médecine,  et,  après  avoir  terminé  ses 
cours  avec  succès  ,  reçut  le  doctorat 
en  1708.  Quoique  contrefait,  petit 
et  d'une  figure  peu  agréable,  Procope 
eut  le  secret  de  se  faire  aimer  des 
femmes  ,  qui  contribuèrent  beaucoup 
à  sa  réputation.  La  vivacité  de  son 
esprit,  sa  complaisance  et  son  inta- 
rissable gaîté,  le  faisaient  rechercher 
avec  en)pressement.  Il  s'occupait 
très-peu  de  médecine  ;  mais  il  fré- 
quentait assidûment  les  spectacles  , 
jugeant  les  pièces  nouvelles  ,  et  don- 
nant aux  acteurs  des  conseils  dont  ils 
se  trouvaient  fort  bien.  Procope  fut 
marié  deux  fois  ;  sa  seconde  femme 
était  une  Anglaise,  qui  possédait  une 
grande  fortune  ;  ce  qui  lui  permit  de 
se  livrer  à  son  goût  pour  la  dépense. 
Par  la  mort  de  cette  femme,  il  tomba 
dans  un  état  voisin  de  l'indigence  , 
mais  sans  perdre  sa  gaîté  :  il  mourut 
à  Chaillot  le  'x  i  déc.  1^53.  Outre  plu- 
sieurs Pièces  de  vers ,  insérées  dans 
les  Journaux  et  les  Recueils  du  temps , 
on  a  de  Procope  -.Arlequin  Balourd, 
comédie  en  cinq  actes  et  en  prose , 
jouée  à  Londres  ,  en  1719; —  V As- 
semblée des  Comédiens ,  comédie  en 
un  acte,  1724,  non  imprimée.  — 
Avec  Romagnesi ,  les  Fées  ,  comé- 

[1^  Le  café  Procope  devint  célèbre  dans  le  dix- 
Luitième  siècle;  c'était  le  lieu  oùse  réuni'îsaieut  les 
beaux-esprits  et  les  amateurs  de  la  littérature. 

(2)  A  l'âge  de  neuf  ans  il  prèclia  dans  l'église  des 
Cordeliers  ,  un  sermon  grec  de  sa  comyositiou. 


.33 


PRO 


die ,  1 736;  —  Pypnûiion ,  comédie, 
1741.  —  Avec  Lagrangc,  Ja  Ga- 
Çeure,  i  7  1 1  ;  —  et  eiifui  avec  Guyot 
delMerville,  les  Deux  Basiles,  ou  le 
Boni  an  ,  comédie,  1743.  On  cite 
encore  de  Procope  :  1.  .-inalrse  du 
sr-^teme  de  la  tiiUiration  ,  décrit 
par  Hecquot,  dans  son  Traite  de  la 
di;;csti<>n  ,  Paris,  17  ij  ,  in  lu.  C'est 
une  critinue  assez  vive  de  i'upiniua 
de  Hecquet.  Le  médecin  Burde|;a- 
raye  en  ay.int  pris  la  défense  ,  Pro- 
cope lui  repli'jiia  par  un  Extrait  des 
beautés  et  des  vé  itéscontenuesdans 
lu  Piépoti^e  de  Borde^araye ,  i  -  1  3  , 
in-  \i.  II.  Lettre  sur  la  maladie  du 
Boi  [  a  Mtti  )  174  j  ,  in-8  '.  ;  crrit 
contre  La  Peyionio.  I!I.  Discours 
sur  les  mot  eus  d'établir  une  honne 
intelligence  entre  les  médecins  et 
les  cliirurpcns ,  prononce  aux  éco- 
les de  médecine,  le  dimanche  iG 
janvier  174G,  in  -  i».  C'est  une  fa- 
cctie.  IV.  L\-ttt  de  faire  des  gar- 
çons ,  Montpellier  ^  Paris  ),  sans  da- 
te (  1748  ),  -2  part.,  in  -  12.  Cet  ou- 
vrage dont  on  trouvera  l'-irialyse 
dans  les  Cinq  Années  littéraires  de 
CJémenl  tonner.,  Lettres  m  cl  v  ), 
contient  l'examen  des  dillércnls  sys- 
tèmes sur  la  génération  :  il  est  écrit 
d'une  manière  assez  aj;réable.  Quant 
au  moyen  que  Procope  y  indique, 
c'est  un  b.idinage  que  Millot  a  eu  le 
tort  (le  preudrc  au  sérieux,  et  de  dé- 
velopper ilaiis  VArt  de  procréer  les 
se  tes  à  volonté  {  f\  Jacq.  -  André 
Millot  ,  XXIX,  5  »  ).  Giraud  a  pu- 
blié un  poèuic  comique  en  G  chants  , 
intitulé  :  Li  Procupiade  ou  l'Apo^ 
théose  du  docteur  Procope  ,  1 7  j4  1 
in  -  I  i  {T'\  CI.Mar.  Giraud  ).  \V-s. 
PKOCOPILS  ANTHLM lus,  em- 
pereur d'occident,  r.   Amuemils, 

II. -^47. 

PROCOPÏUS  (  Demetrius  ) .  na- 
tif de  Moscopolis  ,  en  Macédoine  , 


PRO 

florissait  an  commencement  dn  dix- 
huitième  siècle.  C'était  un  homme 
fort  instruit ,  plein  de  zèle  pour  les 
lettres  ,  el  d'amour  pour  sa  patrie. 
Il  composa,  dans  l'année  179.0,  un 
excellent  ouvraçe  coiiiin  de  tous  les 
philologues,  intitulé:  E7rtTJT;tr;otivn 
eTzx^jtOur.ii;  ,  etc.,  c'est-à-dire,  /:«//- 
meiation  abrégée  des  savants  grecs 
du  siècle  passé ,  et  de  quelques  uns 
du  siècle  présent.  C'est  à  Fabr iciiis 
que  nous  devons  la  publication  de 
cet  ouvrage.  Ce  savant  bibliographe 
en  ayant  reçu  une  copie  de  Buka- 
rcst ,  l'inséra  ,  en  1722  ,  dans  le  i  1  '^. 
volume  de  sa  Bihl.  ^np(7i.,avec  une 
traduction  latine.  Les  Notices  qu'il 
reiifennc,  au  nombre  de  99,  sont 
fort  courtes,  la  plupart  sans  aucune 
date  ,  et  rangées  sans  ordre  appa- 
rent. Eugenius  liiilgari, savant  prélat 
grec  ,  auteur  d'un  grand  nombre 
d'ouvrages  (  /^.  son  article,  XIII  , 
4oi  ),  faisait  tant  de  cas  de  celui 
tie  Procopius  ,  qu'il  le  copia  presque 
tout  entier  lorsqu'il  composa  l'in- 
Iroduclion  de  sa  fameuse  I^ogique, 
ouvrage  plein  de  profondeur  et  d'é- 
rudition, écrit  en  grec  ancien.  Un 
négociant  grec  établi  à  Peslli,  nom- 
me Zavira,  homme  très  -  instruit , 
mort  il  y  a  quelques  années  ,  a  com- 
posé un  Suppleiiicnt  a  l'ouvrage  de 
Procopius.  Ce  supplément  reste  en- 
core inédit;  mais  il  en  existe  plu- 
sieurs copies  en  Grèce.  Ou  dit  beau- 
coup de  bien  de  ce  travail.     N — o. 

PKOCOPOWITZ  TutopuANE), 
archevêque  russe  ,  né  à  Kiov  ,  en 
1G81,  d'un  marchand,  fit  ses  études 
à  l'académie  de  celte  vdle  ,  dont  son 
oncle  était  recteur  ,  et  séjourna  trois 
ans  à  Rome,  pour  s'appliquer  à  la 
théologie,  à  la  philosophie  et  aux  lan- 
gues.De  reioureii  Hiissie,il  futappelé 
par  le  métropolitain  de  Kiov,  a  la 
chaire   de  poésie.    Ayant  fait  ,   en 


PRO 

1705 ,  des  vœuK  monastiques  ,  il  re- 
çiUlcnom  dcThe'ophiine,  sous  Icrjnel 
il  fut  connu  des -lors  :  les  années  sui- 
vantes ,  il  professa  la  rhétorique  ,  la 
philosophie  /  la  métaphysique  ,  la 
morale ,  et  même  îa  physique  et  les 
mathématiques.  Appelé  dopuis  à  en- 
sei;;uer  la  théoloj^ie  ,  qu'il  avait  étu- 
diée avec  un  esprit  dilTérent  de  celui 
des  tlié()lop;iens  russes  ,  et  qu'il  pro- 
fessait d'ailleurs  avec  une  éloquence 
remarquable,  il  y  acquit  une  f;raiide  ré- 
putation. Oljligé,  eu  qualité  de  préfet 
de  l'académie  ,  de  haranguer  le  czar 
Pierre  1^'".,  lors  de  son  passage  par 
Kiov  en  170G,  Théophane  i)lutà  ce 
prince,  qu'il  loua  ensuite  en  diverses 
occasions  solennelles  ,  telles  que  la 
victoire  de  Pullava,  la  première  flot- 
te russe ,  le  retour  du  czar ,  etc.  Il 
prêcha  plusieurs  fois  devant  lui,  l'ac- 
compagna dans  l'expédition  contre 
les  Turcs;  et  à  son  retour,  Pierre  le 
créa  igoura.ine,  ou  abbé  du  monastè- 
re de  Bratakov,  et  recteur  rlc  l'acadé- 
mie de  Kiov.  Théophane  fut  consulté 
ausujet  deplusieursafiairesimportan- 
tes.  Pierre  l'cleva  ,  en  i  7  18  ,  au  siège 
cpiscopal  de  Pleskov  et  Narva  ;  et 
deux  ans  après ,  il  lui  donna  l'arche- 
vêché de  ÎVovogorod ,  dignité  dont 
Procopovvitz  n'exerça  les  fonctions 
qu'après  la  mort  de  son  bienfaiteur. 
Quoiqu'il  fût  l'un  des  membres  les 
plus  distingués  du  clergé  ru'sse,  il 
seconda   tontes   les  a-ucs    de  Pieire 
tendant  à  diminuer  l'autorité  et  l'in- 
fluence du  sacerdoce.  Il  pensait  d'une 
manière  très  -  indépendante  sur  les 
matières  religieuses  ,  se  montrait  to- 
lérant euvers  les  autres  cultes,  sur- 
tout envers  les  protestants  ,  et  il  tra- 
vailla sans  cesse  à  guérir  les  Busses 
de  leurs  préjugés  les  plus  grossiers. 
Dans  son  Histoire  ecclésiastique  ,  il 
cherche  à    prouver  que  la  religion 
grecque  a  été  mêlée  de  dogmes  étraii- 


PRO 


189 


gerg.  Il  rédigea  une  instruction  reli- 
gieuse à  l'usage  du  peuple.  Les  cours 
qu'il  avait  professés,  ayant  été  écrits 
par  ses  auditeurs  ,  circulaient  en  ma- 
nuscrit dans  toute  la  Russie.  Théo- 
phane était  le  premier  orateur  ecclé- 
siastique que  la  Russie  eût  produit. 
Ce  qui  a  nui  à  l'éloquence  de  son  sty- 
le, c'est  d'avoir  été  trop  imité  de 
l'ancien  slavon  ,  et  des  divers  dia- 
lectes de  cette  langue.  Ami  des  let- 
tres,  Théophane  avait  formé   une 
des  plus  grandes  bibliothèques  qu'on 
eût  vues  dans  cet  empire,  et  qui  passa 
ensuite  à  l'université  de  Novogorod, 
Il  fit  recueillir  ,  dans  les  guerres  dé- 
vastatrices de  Livonie  ,  les  collec- 
tions de  livres  abandonnés  par  les 
savants  en  fuite  ;  et  ces  trésors  litté- 
raires allèrent  grossir  les  bibliothè- 
ques russes.  11  réforma  l'instruction 
publique  ,  et  même  le  clergé,  fonda 
un  séminaire  à  Novogorod  pour  cent 
soixante  élèves,  fit  traduire  en  russe 
de  bons  livres  étrangers  ,  éleva  de 
beaux  édifices,  aida  de  ses  moyens 
pécuniaireslesétudiantset  les  maîtres 
indigents.  Ce  fut  lui  qui  rédigea  la  ré- 
ponse  du  clergé  russe,    à  l'exposé 
que   la  Sorbonnc  avait  j)rcsenté  au 
czar    pendant  son  séjour  à   Paris  , 
pour  l'engagera  contribuer  à  l'union 
des  églises   grecque  et    latine  (   F". 
Pierre,  XXKIV,  3.56).  Les  impé- 
ratrices Catherine  et  Aune  lui  don- 
nèrent leur  confiance.  Occupant  la 
première  dignité    ecclésiastique    en 
Russie,  il  fut  appelé  à  sacrer  succes- 
sivement trois  souverains  ,  l'impéra- 
trice Catherine  I^e.^  en  1724,  Pierre 
11,  en  1728,  et  l'impératrice  Anne,  en 
1 780.  Il  mourut  le  iJ septembre  1736, 
Plusieurs  de  ses  ouvrages  tbéolugi- 
ques  furent  imprimés  en  Allemagne, 
après  sa  mort;  ce  sont  :  L  Miscel- 
Za;i(îrtiac7a,Breslau,  i  745.  II.  Chris- 
tiana  orthodoxa  doctrina  de  gralui- 


i4o  PRO 

td  peccatoris  per  Christum  justiftca- 
tione  ,]]yc>\i\n,  i-jGS-Oç).  111.  Trac- 
tatus  de  processione  SpiritihSancti, 
Gotha,   i7;'.î.   Il  y  adopte  les  o[ii- 
uionsdes  Protestants  sur  la  justifica- 
tion des  pc'cheiirs.  IV.  Chrislianœ 
orthodoxie   theolosjcB  ,   tora.   i-v, 
Kœnigsbcrg  ,    1773  ,  et  ann.  suiv. 
Pour  préparer  les  esprits  à  la  suppres- 
sion du  patriarcat  et  aux  reformes 
que  le  czar  méditait  au  sujet  de  la 
juridiction  ecclésiastique,  Thc'oplia- 
ne  fit  paraître  un  écrit  intitule  :  Dis- 
quisitio  historien  bi^œ  qitestionum , 
etc.,  Pe'tersbourg,  17J11  .  in-4". ,  où 
il  ])('int  vivement  le  danger  qui  ré- 
sulte de  la  trop  grande  autorité  du 
clergé  lorsqu'elle  n'est  pas  soumise 
à  l'autorité  civile.    Parmi  ses  au- 
tres écrits  ,  nous  citerons  encore  un 
Traité  sur  le  mariage  ,  réfutant  l'o- 
pinion alors  commune  des  Russes  , 
qui  ne  regardaient  pas  comme  légi- 
time le  mariage  d'une  personne  de  la 
religion  grecque  avec  une  personne 
d'une  autre  religion.  On  a  de  lui  des 
Mémoires  politiques  ,  des  écrits  po- 
lémiques ,  des  pièces  de  vers  latins  , 
même  des  satires.   C'était  un  esprit 
universel  ,    di^ne    de    seconder    les 
grands  projets  de  son  maître  pour 
la    reforme  de  son   empire  encore 
barbare,  mais  trop  dévoué  peut-être 
aux  volontés  despotiques  du   czar. 
L'explication  de  la  singulière  loi  fon- 
damentale par  laquelle  Pierrel'^''.  pré- 
tendit régler  à  sa  fantaisie  la  succes- 
sion au  trône,  est  de  Tliéophane  : 
elle  parut  en  i  ''l'y.  ,  sous  le  titre  de  la 
Vérilé  de   la  volonté  Souveraine . 
ïl  avait  rédigé  aus^i  par  ordre  de 
Pierre  ,   une   Ordonnance  au   sujet 
des  moines  avec  un  Héglement  pour 
le  clergé  et  le  synode  :  elle  ne  fut 
promulguée  qu'eu  1721  ,  sous  l'im- 
pératrice Catherine.    Après  la  mort 
^  Pierre  l*^"".  ,   il  publia  en  russe 


PRO 

et  en  latin  ,  sous  le  titre  de  Lacrymœ 
Roxolaniv  ,  Kcval ,  1726,  l'oraison 
funèbre  et  le  récit  de  la  dernière  ma- 
ladie de  cet  empereur;  on  l'a  traduite 
en  français  dans  le  Journal  des  sa- 
vants de  décembre  i7>.6.  Le  latin, 
peu  étudié  par  le  clergé  russe,  lui  était 
familier;  il  avait  fait  paraître,  dans 
lesdeux  langues,  le  sermon  prononcé 
sur  la  bataille  de  Pultava.  Voyez 
V Essai  de  V Histoire  de  Now^orod 
par Z,irrtAmfc, Copenhague,  177  i . 

D  — G. 

PRODICUS,  célèbre  sophiste  ,  ne 
dans  l'île  de  Céos  (i    ,  florissait  en- 
viron quatre  cents  ans  avant  Jésus- 
Christ.  11  fut  disciple  de  Protagoras, 
qu'il  égala  par  son  éloquence.  Ses 
talents  lui  méritèrent  l'estime  de  ses 
compatriotes  ,  qui  l'envoyèrent  plu- 
sieurs fois  en  ambassade  dans   les 
principales  villes  de  la  Grèce;  et  par- 
tout il  se  fit  de  nombreux  admira- 
teurs. En  arrivant  à  Athèi>es,  il  ex- 
posa le  sujet  de  sa  mission  dans  un 
discours  qui  ,  malgré  les  vices  de 
son  débit,  fut  couvert  d'applaudis- 
sements tmanimcs.  Profitant  de  la 
disposition  favorable  des  esprits  ,  il 
ouvrit  ,   peu    de  temps  après  ,   une 
école,  où  s'empressèrent  d'accourir 
les   hommes  les  plus  distingués.  Il 
visita  ensuite  Thèbes  ,  Lacédémone  j 
et,  dans  ces  deux,  villes ,  il  reçut  de 
grands  honneurs.  Depuis  que  les  so- 
phistes ,  à  l'exemple  de  Protagoras 
(2) ,  avaient  mis  un  prix  à  leurs  le- 
çons ,  ils  cherchaient  mutuellement 
à  s'enlever  leurs   élèves.  Prodicus , 
plus  avide  ou  plus  adroit ,  les  efTa- 
ça  tous  :   il    avait  des    espèces   de 


(i)  A  tiili5  nu  loiilis,  l'uue  des  (jnatre  vill»  do 
Ceoii  (aujourd'hui  Z<-a.) 

{■t.y  Selon  Gariacr  (  Disserl.  sur  le  Cralyle  de 
Platon  ,  dans  le»  Mim.  de  l'nnad.  dei  intcr.  ,  X\XII , 
p.  5r>f))  ,  ce  fut  Prodicm  <|ni ,  le  jirpmier,  t.ixnsm 
Ifron  ;  uiai-i  rette  opiuion  est  Cfjiitrrditc  \y>iT  d'au* 
tre*  témoi|4na{)es  Don  moins  refpcciabirt. 


PRO 

courtiers  charges  de  lui  trouver  des 
disciples  parmi  les  jeunes  gens  des 
plus  riches  familles  ;  et  d^ailleurs  on 
sait  qu'il  faisait  payer  ses  leçons  de- 
puis deux  oboles  jusqu'à  cinquante 
drachmes,  suivant  leur  importance 
et  la  fortune  de  ses  auditeurs.  Il  ne 
parlait  jamais  sans  préparation  :  or- 
dinairement il  écrivait  ses  discours 
et  se  contentait  de  les  réciter  ;  mais  , 
pour  se  donner  l'apparence  de  la 
facilité,  il  avait  traité  tous  les  sujets 
que  les  rhéteurs  nomment  lieux 
communs  ;  et  il  partageait ,  même 
avec  Protagoras  et  Gorgias  ,  l'hon- 
neur de  les  avoir ,  le  premier ,  mis 
en  ordre  et  distribués  par  classes. 
Prodicus,  d'une  santé  délicate,  était 
obligé  de  se  ménager  continuellement. 
Aussi  Platon  feint- il  qu'un  jour  So- 
crate  le  trouva  dans  son  lit ,  enve- 
loppé d'un  grand  nombre  de  peaux 
et  de  couvertures  (  Voj.  le  Prota- 
goras ).  Xénophon  nous  a  conservé 
(  Memorahil.  lib.  ii  ) ,  une  espèce 
d'apologue  de  Prodicus ,  regardé  par 
les  critiques  comme  un  des  mor- 
ceaux les  plus  précieux  de  l'antiqui- 
té :  c'est  Hercule  entre  le  vice  et  la 
vertu  ,  figurés  par  deux  femmes  qui 
tâchent ,  à  l'envi ,  de  l'attirer.  Ce  su- 
jet ,  que  le  pinceau  et  la  gravure  ont 
reproduit  plusieurs  fois,  a  été  ifnité 
par  Lucien  dans  la  pièce  intitulée  le 
Songe.  Il  nous  reste  encore ,  dans 
VAxlochus  de  Platon  ,  l'extrait  ou 
l'analyse  d'une  harangue  dans  la- 
quelle Prodicus  se  proposait  de  ras- 
surer ses  auditeurs  sur  la  crainte 
de  la  mort.  Le  style  de  ce  sophiste 
était  pur ,  simple ,  noble  et  élégant. 
Il  avait  fait  une  étude  spéciale  de  la 
véritable  signification  des  mots  ,  et 
en  avait  déterminé  le  sens  avec  une 
exactitude  minutieuse.Outreun  Trai- 
té des  synonymes.,  il  avait  composé 
sur  les  différente^  parties  de  la  Rhé- 


PRO  i4i 

torique  ,  divers  ouvrages  dont  on 
doit  regretter  la  perte.  Prodicus  pas- 
sait pour  un  savant  consommé  dans 
la  physique ,  science  qui  comprenait 
alors  toutes  les  choses  divines  et  hu- 
maines. Les  magistrats  d'Athènes  en 
ayant  interdit  l'enseignement  public 
comme  dangereux  pour  la  religion  , 
Prodicus  ,  ainsi  que  les  autres  so- 
phistes ,  prit  le  titre  fastueux  de  pro- 
fesseur de  vertu ,  et,  pendant  long- 
temps, eut  le  secret  d'échapper  à  ses 
ennemis  j  mais  tourné  en  ridicule 
par  Aristophane  (  dans  les  JVuées  et 
les  Oiseaux) ,  il  fut  enfin  traduit  en 
justice  et  condamné  à  boire  la  ciguë, 
comme  corrupteur  de  la  jeunesse. 
La  mort  de  Prodicus  est  postérieure 
de  quelques  années  à  celle  de  Socrate, 
que  l'on  met  au  rang  de  ses  disciples  : 
ainsi  l'on  peut  conjecturer  que  le 
sophiste  de  Céos  ,  mourut  dans  uu 
âge  avancé.  Tout  ce  qu'on  sait  de  sa 
doctrine  religieuse  se  trouve  dans  un 
passage  de  Cicéron  {De  naturd  Deo- 
rum  ,  i  ,  42  ) ,  par  lequel  on  voit 
que  Prodicus  pensait  que  la  recon- 
naissance des  hommes  avait  peuplé 
le  ciel  de  toutes  les  choses  qui  leur 
sont  utiles.  Dans  des  temps  posté- 
rieurs ,  on  a  noirci  sa  mémoire  ,  en 
l'accusant  des  plus  infâmes  débau- 
ches ;  mais  Hardiou  remarque  qu'on 
n'aperçoit  ni  dans  Aristophane  ,  ni 
dans  Platon,  ni  dans  Xénophon, 
rien  qui  puisse  confirmer  cette  accu- 
sation ;  et  il  en  conclut  que  Prodicus 
pouvait  bien  n'avoir  pas  été  plus 
coupable  à  cet  égard  que  Socrate  qui, 
de  son  vivant ,  essuya  les  mêmes  re- 
proches. Outre  le  Dict.  de  Bayle  , 
on  peut  consulter  la  Dissertation  sur 
l'origine  et  les  progrès  de  la  rhéto- 
rique dans  la  Grèce.,  par  Hardion, 
dans  le  Recueil  de  l'académie  des 
inscrip.  xxi  ,  i58  et  suiv. ,  et  celle 
de  G.  A.  Gubaeus ,  intitulée  :  Xeno- 


ilii  FRO 

phontis  Tlercules  Prodicius  et  Siîii 
Ilalici  Scipiô, perpétua  iiold  illustra- 
ti ,  pnrini^sd  de  Prodico  dissertatio- 

ne,  Leipzig,  1707? '"-^''-    W— s. 

FRODHOMUS.  T.  Tueodoee. 

PUOPERCE  [SextusAvbelius 
Phopertjus  ) ,    le  moins   connu  , 
mais  non  le  moins  célèbre  des  clc- 
giacjnes  latins  ,  était  né,  suivant  l'o- 
pinion la  plus  commune,  à  Meva- 
nia  ,  ville  d'Onibrie  ,    aujourd'hui 
Bevagua  (  ducbc  de  Spolète  ).  Quel- 
ques ciiliq\ies  font  remonter  sa  nais- 
sance a  r.ui  de  Roiuc  ixjo  :  M.  Schϔl 
en  fixe  l'cpoquc  ,  avec  })Ius  de  vrai- 
semblance, à  l'an  702  ,  Si  ans  avant 
J.-C.  Son  père,  clievalier  romain, 
prosciit  avec  les  restes  du  parti  d'An- 
toine, fut  éj^orgc,  dit-on  ,  sur  l'autel 
de  Jules-César  ;  et  s'il  est  vrai,  com- 
me l'ont  cru  tous  les  biographes ,  que 
cet  ordre  barbare  ait  été  donné  par 
Octave,  il  est  difllcile  de  pardonner 
à  Propercc  les  louanges  qii'd  a  pro- 
diguées au  vainqueur,  fihéritage  pa- 
teriK'l  avait  été  dévoré  par  les  guer- 
res civilc>.  le  jeune  Projierre  vint  à 
Rome,  où  l'appelaient  les  études  et 
les  exercices  du  barreau  :  mais  ,  à 
peine  a-t-il  revêtu   la   robe  virile, 
qu'une  passion  impérieuse  vient  lui 
révéler  qu'il  est  poète;  et  les  vers 
brûlants  que  lui  inspire  la  courtisa- 
ne Hostia ,  le  désignent  bientôt  au 
patronage    de    Mécène  et  a\\\   fa- 
veurs de  son  maître.  Ces  faveurs  n'é- 
taient point  désintéressées.  Ccprn- 
dant  Properce  refusa  toujours  d'a- 
baisser   l'épopée   à  ces  adulations 
qu'il  laissait  tomber  sans  scrupule 
dans  des  élégies  où  le  nom  du  trium- 
vir qui  fut  heureux  à  Actiuin  ,  n'est 
presque  jamais   séparé  de  celui  de 
Cvulhie  :  c'est  le  nom  sous  lequel  le 
poète  a    immortalisé  sa  maîtresse. 
Celte  femme  ne  nous  est  connue  que 
par  les  vers  de  son  amant;  et,  lors- 


PRO 

qu'il  vante  eu  elle  le  talent  de  la  poé- 
sie ou  celui  du  chant ,  il  est  permis 
de  ne  pas  le  croire  entièrement  sur 
parole.  Des  liaisons  plus  honorables 
rem|ilirent  le  reste  d'une  vie  qui  fut 
courte  comme  toutes  celles  qu'on 
abandonne  au  plaisir.  Tous  les   ri- 
vaux de  Properce,  ïibulle,  Ovide, 
Gallus  ,  le  second  Mécène  de  la  cour 
d'Auguste,  parlagèrent  avec  Bassus, 
Ponticus  et  d'autres  poètes  contem- 
porains, l'amitié  du  chantre  de  Cyu- 
thie.  Kien  n'erapèchede  conjecturer 
que  la  confidencedcs  premiers  chants 
de  rÉnéide  ne  lui  fut  pas  refusée  :  la 
dernière  élégie  du  ii*'.  livre  est  un 
magnifique   hommage    rendu    à   ce 
poème  et  au  génie  de  Viigile.  La  date 
delà  mort  de  Properce  a  divisé   les 
critiques  comme  celle  de  sa  naissan- 
ce. La   10*^.  c'égie  du  iv".  livre  des 
Tristes  ne   permet  guère  de  douter 
qu'il  n'ait  survécu  à  Tibulle  ;  Ovide 
y  parle  en  termes  exprès  de  son  inti- 
mité avec  Pioperce,  et  se  plaint  que 
les  destins  lui  aient  envié  celle  de  son 
rival,  qu'il  place  foimellement avant 
Propercc  ,  dans  l'ordre  des  temps: 
or  nous  savons  que  les  Muses   pleu- 
rèrent en   même  temps   Tibulle   et 
Vii'srile  ,   dont   on  fixe  la    mort    à 
l'an  de  Rome  735;  il  faut  donc  re- 
culer celle  de  Properce  jusqu'à  l'an 
•^42  (  l'i  avant  J.  C.  )  Ou  prétend 
avoir   retrouvé   son   tombeau,  en 
172^  ,  à  Spello  (  i),  à  six  milles  de 
Bevagna  ,  sous  une  maison  qu'où  ap- 
pelle encore  la  maison  du  poète  ('2). 
Nous  n'avons  de  Properce  que  ses 
Élégies,  distribuées  eu  quatre  livres. 
Un  mot  de  Martial ,  qi  i  les  appcll 


^1)  L'anriptinc  Tli^pellum  ,\'aue  dos  ueiif  ville* 
d'<  liiilirir,  ijui  se  diij)utcut rbouiieurd'a\o!r  Junue 
Je  jour  à  Proj»erce. 

(•';  Vuv.  Ii-i  Mémoires  de  Trévoux  ,ln:ii  \'  /.i  ,  j». 
8?3-4  ' ,  et  la  Dissert,  de  t'.-C.  Couradi:  Ol  '■eivulio 
cr  tien  de  mpnuineiilo  Properlii  ^  cto.  daiif  U»  Acta 
eruditorum  ,de  ijaS,  ]k  3t>3. 


PRO 

les  vers  delà  jeunesse  de  Properce 
(3),  pourrait  être  invoque  à  l'appui 
des  conjectures  tpi'a  fait  naître  un 
vers  attribue  à  Properce,  par  Ful- 
gence,  et  qu'on  a  cherche  vaine- 
ment dans  les  poésies  de  Tarai  d'O- 
vide, telles  qu'elles  nous  sont  par- 
venues. Mais  il  ne  faut  pas  se  hâ- 
ter de  regarder  ces  conjectures  coia- 
me  des  preuves  suflisantes  de  la 
perte  d'une  partie  des  poésies  de 
Properce.  Celles  dont  nous  jouis- 
sons suffisent  à  sa  gloire;  et  bien  peu 
décompositions  du  siècle  d'Auguste 
sont  plus  dignes  d'être  étudiées  par 
les  amis  de  l'antiquité.  L'élégie  ,  na- 
turalisée à  Rome  par  Catulle  ,  avait 
souri  aux  chants  un  ])cu  a[)res  de 
Gallus,  et  surtout  à  la  pureté  des  ac- 
cents si  vrais  et  si  mélodieux  du  mé- 
lancolique 'iibuUe.  Propercc  voulut 
être  le  premier  dans  l'éiégie  passion- 
née. Quintilicn,  qui  paraît  préférer 
le  chantre  de  Délie  ,  avoue  que  son 
rival  partageait  deson  temps  les  suf- 
frages; et  la  postérité  a  long-temps 
hésilé  entre  ces  deux  poètes,  comme 
les  Romains  et  les  Grecs  entre  Plii- 
létaset  Calliraaque,  comme  les  cri- 
tiques du  dernier  si' de,  enire  deux 
autres  amis,  dont  il  n^est  plus  per- 
mis de  séparer  les  noms  de  ceux  de 
Properce  et  de  Tibulle  :  Berlin  et 
Parny.  Aujourd'hui  les  rangs  sont 
fixés  ;  et  la  place  de  Properce  est 
marquée  un  peu  au-dessous  de  Ti- 
bulle, mais  beaucoup  plus  près  de 
lui  que  d'Ovide  ,  leur  ami  commun. 
Son  style,  fort  de  mouvements  et  d'i- 
mages, })lein  dans  sa  précision,  et 
par  sa  précision  même  un  peu  obs- 
cur, manque  trop  souvent,  nous  ne 
dirons  pas  de  naturel,  mais  de  ce  mol 
abandon  qui  nous  charme  quand 
nous  lisons  Tibulle.  Il  est  vrai  aue  la 


0)  Carmen juvcnilePropei t.  épigr.ï,  189,!.  XIV. 


PRO  143 

lyre  de  Tibulle  n'a  qu''un  Ion;  et,  si 
Properce  a  moins  de  sentiment ,  il 
est  plus  varié ,  plus  riche  en  idées. 
«  Né  pour  la  haute  poésie,  dit  Par- 
»  ny  ,  il  a  peine  à  se  renfermer  dans 
»  les  bornes  du  genre  élégiaque  : 
»  il  met  trop  souvent  entre  Cyn- 
»  thie  et  lui,  tous  les  dieux  et  tous 
»  les  héros  de  la  fable.  Ce  luxe  d'é- 
»  rudition  a  de  l'éclat  :  mais  il  fati- 
»  gue  et  refroidit  parce  qu'il  manque 
»  de  vérité.  L'ame,  préoccupée  d'un 
»  seul  objet ,  se  refuse  à  tant  de  sou- 
»  venirs  étrangers:  la  passionne  con- 
»  serve  de  mémoire  que  pour  elle- 
»  même.  »  On  a  essayé  de  le  justi- 
fie:-, endisant  que  ces  allusions  conti- 
nuelles à  la  mythologie,  qui  sont  de 
l'érudition  pour  nous,  étaient  pour 
les  Uomains  des  souvenirs  de  tous 
les  jours.  Mais  ceux  qui  savent  lire 
Properce  ne  peuvent  s'empêcher  de 
reconnaître  un  peu  d'ostentation  dans 
tonte  cefte  science  dont  il  surcharge 
ses  élé-ies  ;  et  l'on  ne  doit  pas  ou- 
blier que  le  même  reproche  a  été  en- 
couru par  C;)llima(iue,  celui  de  tons 
les  Grecs  qu'il  alTertait  le  plus  de 
suivre  comme  modèle,  puisqu'il  se 
glorifie  du  titre  de  CalUmaque  ro- 
main. Le  caractère  même  de  la  dic- 
tion décèle  fréquemment  dans  Pro- 
perce,  l'étude  des  poètes  grecs.  Sa 
versification  se  distingue  par  le  re- 
tour presque  habituerd'un  mot  po- 
lysyllabe à  la  fin  de  ses  pentamètres. 
Ovide  et  Tibulle  terminent  presque 
toujours  leurs  distiques  par  un  ïam- 
be ;  et .  si  l'on  peut  s'en  fier  au  juge- 
ment d'ime  oicille  éliangère,  ccUe 
chute  a  bien  plus  de  grâce  et  d'har- 
monie. Properce  a  mérité  un  repro- 
che plus  grave,  celui  d'avoir  outra- 
gé plus  d'une  fois,  dans  ses  Elégies  , 
cette  décence  que  Tibulle  respecte 
toujours.  On  a  blâmé  ce  dernier  dç 
n'avoir  pas  été  fidèle  à  àes  courtisa- 


i44  PRO 

nés;  mais  Propcrcc  ne  nous  apprend- 
il  pas  lui-mcinc  que  ses  vers  furent 
beaucoup  plus  fidèles  à  Cyutliie  que 
son  amour?  N'est-ce  pas  la  volupté 
qui  le  ramène  sans  cesse  auprès  d'el- 
le? 11  cli.mte  ses  sensations  plutôt 
que  sa  maîtresse;  et  cette  fougue  ar- 
dente qui  le  caractérise ,  est  bien 
plus  dans  son  imagination  que  dans 
son  cœur.  C'est  cette  ima|;inalion  qui 
l'entraîne  à  des  mouvements  vrai- 
ment lyriques,  soit  lorsqu'il  célèbre 
les  triomphes  d'Auguste ,  soit  lors- 
qu'il j)rie  pour  CynlLie  malade  ,  ou 
lorsqu'il  gémit  sur  le  naufrage  de  Pe- 
tus  ,  soit  dans  son  Dithyrambe  à 
Bacchus  (I.  3,  el.  17),  ou  dans 
l'Hymne  qu'il  chante  à  la  gloire 
d'Hercule  èl.  9,1.  4  )•  C'est  enco- 
re à  rimagination  flexible  de  Pro- 
perce que  rauticpiitc  doit  les  deux 
plus  beaux  modèles  qu'elle  nous  aij^^ 
transmis  dans  l'Hèroide  ,  celle  de 
Cornelie  à  Paulus  et  celle  tl*Aretliu- 
se  à  I.ycotas  (3*^.  et  i  1"^.  ,  I.  4  )• 
L'èJilion  princeps  des  Poésies  de 
Properce  porte  la  date  de  février 
i47'-'-»  petit  in-4".,  sans  autre  dé- 
signation. La  seconde,  en  faveur  de 
laquelle  ou  a  réclame  la  priorité 
(  Sexti  Aurelii  Propertii  Elet^. ,  I. 
IV,  in-^^-idc  164  p.,  sans  date), 
paraît  avoir  été  imprimée  avec  les 
caractères  de  Th.  Ferrand  de  Hrcs- 
cia ,  vers  i473.  Le  manuscrit  sur 
lequel  avaient  été  faites  les  copies 
qui  ont  servi  à  ces  éditions  ,  était 
fort  altéré  par  le  temj)s.  Turnèbe, 
Muret  ,  Passerai  et  d'autres  zélés 
commentateuis,  se  sont  efforcés  de 
rétablir  le  texte  primitif,  encore  mu- 
tilé par  les  corrections  de  Scaliger. 
Mais  la  diction  du  poète ,  hérissée 
d'allusions  aux  traits  les  moins  con- 
nus de  la  Fable  et  d'ellipses  qui  ne  lais- 
sent presque  jamais  entrevoir  les  idées 
intermédiaires  dont  il  craint  d'cm- 


PRO 

barrasser  sa  marclie,  a  plus  d'une 
fois  rebuté  ses  admirateurs  ;  et  c'est 
peut-être  le  moins  lu  de  tous  les  clas- 
siques. Nous  citerons  encore  l'édition 
de  Barth  ,  Leipzig,  1777  ,  in  -  8".  ; 
celle  de  Burmann  ,  publiée  par  \ an 
Santen  ,  1 780 ,  in  -  4".  •,  et  celle  de 
Kuinoel ,  Leipzig,  i8o5,  2  vol.  in- 
8".  Les  Elégies  de  Properce' accom- 
pagnent ordinairement  les  Poésies 
de  Catulle.  Parmi  ses  traducteurs 
en  prose,  nous  nommerons  Delong- 
champs,  dont  la  version  française, 
publiée  en  1772,  a  été  réimprimée, 
avec  des  éclaircissemenlstrès  utilesà 
l'intelligence  du  texte,  en  i8o.>.  (•.>.  v. 
in-8'\};  il  estdillicile  de  vaincre  plus 
de  dillleullés  avec  plus  de  bonheur  ; 
—  La  Houssaye,  178')  ;  —  Piètre  , 
1801.  La  traduction  envers  de  Don- 
ne-Baron a  paru  en  i8i4;  celle  de 
J.-P.-Ch.  de  Saint-Araand  a  été  an- 
noncée comme  la  pins  complète  en 
vers  français.  Les  Elégies  de  Pro  • 
perce,  réduites  à  trois  livres,  ont 
aussi  été  traduites  en  vers  français, 
par  M.  Mollcvaul  de  l'acarlémie  des 
inscriptions,  qui  en  a  donné  luic  se- 
conde édition  in-18,  en  iSii.  Pro- 
perce a  fourni  des  traits  d'une  heu- 
reuse imitation  à  André  Chénicr  et  à 
Berlin.  F — t  j. 

PHOSPER  (  Saint  ) ,  surnommé 
d'Aquitaine  ,  pour  le  dislingucr  de 
quelques  autres  personnages  du  mê- 
menoni,étaitnédans  cette  province, 
en  4o3  ,  selon  l'opinion  la  [ilus  com- 
mune. H  s'appliqua  ,  dès  sa  jeu- 
nesse, à  l'étude  des  belles-lettres  et 
de  la  poésie  ,  et  y  lit  de  très-grands 
progrès.  l\  se  retira  dans  la  suite  en 
Provence;  et  l'on  présume  qu'il  était 
à  Marseille  ,  lorsque  saint  Augustin 
adressa  au  clergé  de  cette  ville  les 
livres  de  la  Correction  et  de  la  Grâ- 
ce. Ceî  deux  ouvrages  ayant  été  cri- 
tiqués amèrement  par  quelques  ce- 


I 


PRO 

c^ésiastiqucs  ,  comme  tendant  à  de- 
truiie  le  libre  arlùtre ,  saint  Prosper 
crut  devoir  informer  l'cvêqued'Hip- 
pone  de  ce  qui  se  passait  à  Mar- 
seille :  il  fut  confirme'  dans  celte  re- 
solution par  Hilairc,  homme  pieux 
et  instruit ,  avec  lequel  il  s'était  lie 
d'une  étroite  amitié;  et  saint  Augus- 
tin leur  repondit ,  en  leur  envoyant 
les  livres  de  la  F  rédestination  et  de 
la  Persévérance ,    qui   contiennent 
une  réfutation  solide  de  toutes  les 
objections  de  ses  adversaires.  Apres 
îamort  de  i'évcquc  d'Hippone,  saint 
Prosper  fît ,  avec  Hilaire ,  le  voyage 
de  Rome  ,  pour  instruire  le   pape 
des  progrès  des  semi-pe'bigiens;  et 
Célestin  ,  qui  occupait  alors  le  siège 
pontifical,  s'empressa  de  combat- 
tre les  nouvelles  erreurs  dans  une 
lettre  dogmatique  aux  ëvèques  des 
Gaules.  Cédant  aux  instances  d'Hi- 
laire ,  saint  Prosper  entreprit  aussi 
de  réfuter  une  doctrine  qu'il  jugeait 
dangereuse  ;    et  ce  fut  alors   qu'il 
composa  le  Poème  contre  les  in- 
grats ,  c'est-à-dire  contre  les  se'mi- 
pe'lagiens,  qui  se  montraient  ingrats 
envers  la  grâce  de   Jésus  -  Christ. 
Cet  ouvrage,  indépendamment  du 
mérite  du  sujet ,  est  écrit  avec  une 
élégance  et  une  chaleur  assez  remar- 
quables.   Sur   l'invitation  du  pape 
saint  Léon-Ie-Grand,  saint  Prosper 
revint  à  Rome  vers  l'an  440j'^t  ache- 
va d'écraser  le  pélagianisme  ,  qui 
recommençait  à  lever  la  tète  dans 
la  capitale  du  monde  chrétien.  Plu- 
sieurs   auteurs    assurent    que  saint 
Léon  le  prit  pour  secrétaire  ;  mais 
Buonamici  regarde  ce  fait  comme 
inadmissible,  à  raison  de  la  diffé- 
rence qu'on  remarque  entre  le  style 
concis  et  nerveux  de  saint  Prosper, 
et  celui  des  lettres  qu'on  a  sous  le 
nom  de  saint  Léon  [F".  Buonamici , 
De  Claris  pontificiarum  epistolar. 

XXXVI. 


PRO 


t45 


scriptorihiis  ).  La  contestation  qui 
s'éleva  (  444  )  >  touchant  le  jour  au- 
quel on  doit  célébrer  la  fête  de  Pâ- 
ques ,  fournit  à  saint  Prosper  l'occa- 
sion de  montrer  l'étendue  de  ses  con- 
naissances dans  les  malhématiques 
et  la  chronologie.  11  composa  même 
h  ce  sujet  un  Cycle  paschal  de  quatre- 
vingt-quatre  ans;  mais  ce  curieux 
monument  ne  nous  est  point  parve- 
nu. D'après  la  chroniq:ie  de   Mar- 
cellin  ,  on  conjecture  que  saint  Pros- 
per vivait  encore  on  403.  L'Église 
célcbie  sa  fête  le  a5  juin.  Les  ou- 
vrages de  saint  Prosper  ont  eu  un 
grand  nombre  d'éditions;  les  meil- 
leures sont  celles  de  Paris,  171 1,  in- 
ful. ,  pnbl.  par  Mangeant  et  Le  Brun 
des  Maretlcs ,  (  et  celle  de  Rome  , 
1702,  donnée  par  Foggini,  sur  la- 
quelle a  étéfaite  celle  de  Paris,  1760, 
ainsi  qne  la  Traduction  française  , 
ibid. ,  1 76'i,  avec  des  noies.)  Les  sa- 
vants   éditeurs  l'ont  enrichie  d'un 
Index  très -ample,   et  d'une  Vie  de 
saint  Prosper ,  tirée  du   tome  xvi 
des  Mémoires  pour  servir  à  l'His- 
toire ecclésiastique,  par  Tillcmont. 
Elle  contient  :  les  Lettres  de  saint 
Prosper  et  d'Hilaire  à  saint  Augus- 
tin et  cà  Rufin  ,  avec  les  deux  Traites 
de  Tévcque  d'Hippone  ,  qui  servent 
de  réponse.  —  Le  Poème  contre  les 
ingrats,  dont  on  a  déjà  parlé  :  il  a  été 
trad.  en  vers  franc.  parLeMaistre  de 
Sacy,  Paris,  1646;  souvent  réimpri- 
mé; i65o ,  etc. ,  avec  la  trad.  en  pro- 
se, par  le  même,  de  la  lettre  à  Rufin. 
— VEpitaphe  des  hérésies  de  Nesto- 
rius  et  de  Pelage,  suivie  de  quelques 
autres  petites  pièces  de  vers.  — Plu- 
sieurs Réponses   aux  partisans    du 
pélagianisme,  entre  autres  à  Cassien. 
— Une  partie  d'un  Commentaire  sur 
les   Psaumes,  abrégé  de  celui  de 
saint    Augustin.  —  Un  Eecueil  de 
sentences  tirées  des  ouvrages  de  ce 
10 


liG 


PUO 


saint  docloiir,  en  prose  ,  et  traduites 
en  vers  latins  ;ct  enfin  une  Chroni- 
que qui  finit  à  l'an  ^j3  { i  ).  Les  au- 
tres ouvrapcs  qui  font  partie  de  cette 
édit.  ne  peuvent  point  être  attribues 
à  saint  frosper  d'Aquitaine,   dout 
les  Œuvres  (  anllicnti(pies)   ont  e'te 
trad,  en  français  par  Lc([ueux ,  Paris, 
i-di  ,  in-iu.  On  peut   consulter, 
pour  plus  de  détails  ,  V Histoire  lit- 
téraire de  la  France,  n,  378-406. 
—  Pbosper  Tiro  ,  poète  que  l'on  a 
souvent  confondu  avec  le  précèdent, 
était  né  dans  les  Gaules,  et  peut-être 
luèine  dans  la   province  d'Aquitai- 
ne ,  vers  la  fin  du  quatrième  siècle. 
On  conjectiire  «pi'il  tenait  un  rang 
distingué  dans  le  inonde  par  sa  nais- 
sance, par  ses  lidiesses,  ou  par  les 
charges  qu'il  exerçait.  Les  ouvrages 
qu'on  lui  attribue  annoncent  un  es- 
prit très-cultivé ,   et  un  talent   re- 
niari]uable  pour  la  poésie.  Doin  Ri- 
vet ,  qui  l'appelle  un  gnnd  lioinme  , 
regrette  que  l'antiquité  ne  nous  four- 
nisse pas  de  lumières  sur  un  écri- 
vain   qui  paraît   avoir  fait  en   sou 
temps  l'ornemcul  de  sou  pays  (  J/ist. 
littér.  de  la  France  ,  11  ,  3i5     :   il 
regarde  Tiro  comme  le  véritable  au- 
teur de  quelques  ouvrages   publics 
avec  ceux  de  saint  Prospcr  d'Aqui- 
taine ,  entre  autres  du  petit  Poème 
adressé   par  un    mari  à  sa  femme 
(Poèma  conjugi!,  ad  uxorcm  ) ,  que 
quelques  critiques  attribuent  à  saint 
Paidin.  On  a  ,  sous  le  nom  de  Tiro, 
une  Chronique  imprimée  plusieurs 
fois  à  la  suite  de  celle  de  saint  Pros- 
per ,  dont   elle  n'est  guère    qu'un 
abrégé  ;  mais  elle  en  dillère  par  j)lu- 


f  i)  C«Ue  ChroDiqHe  et  celle  de  Prosper-Tiro  ont 
braoconp  occujic  1m  s»vants.  Oulrp  Im  antrars  rite» 
)>arFabriciiu  (  bibl,  lai.  ) ,  et  dans  U  BM.  hiilor. 
de  la  Franre,  tom.  Il  ,  u*^.  i6oo5-7  ,  on  pont  mn- 
sullfr  l'oarrage  de  Jean  Vaudrr  Hagcn  ,  intilulc  : 
Ohiervationei  in  Pro.'peri  Aqiutanici  Chionicon  in- 
tt^ram  ejust/ua  84  annomm  cjclum ,  i-33  ,  iu-/}"- 


PRO 

sieurs  passages  qui  semblent  prou- 
ver que  l'auteur   partageait  les  er- 
reurs du   sémipélagianisme. — Pros- 
PiR    d'Afrique  ,    ainsi  nommé  du 
lieu  de  sa  naissance  ,  floiissait  éga- 
lement dans  le  linquième  siècle.  Il 
avait  fait  ses  études  à  Caitliage.  Pour 
échappera  la  pcisécutiou  des  Van- 
dales,  il  passa  dans  l'Italie  ,  oii  l'on 
conjecture  qu'il  se  fixa.  Il  est  auteur 
de  ditiers  ouvrages  attribués  à  saint 
Prosper  d'Aipiitaine,    cl    imprimés 
dans  le  Recueil  de  ses  ouvres,  tels 
que  le   Traité  de  la  vocation  des 
f^entils  ,  et  V Epitre  à  la    f'iera^e 
Démélriade ,  etc.  (u)         W — s. 
PROSPKR-ALPIN.  F.  Alpini. 
PROST   (  Ji:aw  -  Ci,Aun£  ),  sur- 
nommé le  capitaine  Lacuson,  né  à 
Longchaumois ,  près  Saint-Claude, 
a  laissé,  dans  sou  pays  ,  une  réputa- 
tion qui  a  ,  pour  ainsi  dire,  passé  en 
proverbe.  La  tradition  attribue  les 
choses  les   plus   extraordinaires  et 
les   plus   atroces  à  ce  militaiic  au 
service  d'Kspagne,  qui  fit  la  guerre 
de  partisan  en   Franche-Comté   de 
i635  a   it)5c).  Ivi  terreur  qu'il  avait 
inspirée  aux  habitants  de  la  Bres- 
se Jurassienne,   était  telle,  qu'elle 
avait    perpétué    jusqu'à    nos   jours 
une    oraison    qui ,    assimilant    La- 
cuson  à   la    fièvre,    leur   clcrncllc 
ennemie,  servait  à  demander  à  Dieu 
de  les  préserver  de  ces  deux  fléaux. 
Une  enquête  faite  par  le  parlement 
de  Dole,  sur  la  conduite  de  I^acu- 
son,  l'a  justifié  complètement   des 
crimes  qu'on  lui  imputait,  Kn  iG58, 
vingt  communes  ,  représentées  cha- 
cune  par   trois   députés ,  des  ma- 
gistrats ,  des  docteurs  en  droit  et  un 
médecin  ,  attestèrent  sa  générosité  ,  >   .■ 
ainsi  que  sa  bravoure.  Pour  que  l'é-      | 

(»)  V07.  JtM.  Antelmi ,  De  vtrif  operihns  SS.pa- 
tru'n  Lconit  M.  cl  Prosperi  Aquitantci  diiseilatio- 
nes  cnticct  fVn'ii,  i68(),  iii-4''- 


PRO 

loge  fût  complet,  certains  juges  le 
louèrent  même  de  les  avoir  aidés 
dans  l'instruction  du  procès  de  plu- 
sieurs sorciers.  Lacnson  défenditsiic- 
cessivcineiit ,  contre  les  arniëes  de 
Louis  XIV,  les  principaux  cliàtcaux 
du  premier  plateau  du  mont  Jura  : 
mais  sa  re'sidence  favorite  était  le 
manoir  de  Saint- Laurent-la-Roclie 
(  près  de  Lons-Ic-Saunier  ; ,  dont  les 
ruines  dominent  les  vastes  plaines  de 
la  Bresse  et  le  duché'  de  Bourgogne. 
C'est  de  là  qu'il  partait  souvent  pour 
s'emparer  des  convois  faiblement  es- 
cortés, et  pour  rançonner  les  petites 
villes  environnantes.  Un  monument 
singulier ,  que  l'on  voit  encore  à  Gui- 
seaux  ,  rappelle  une  de  ses  entrepri- 
ses. Sur  l'un  des  panneaux  de  la 
boiserie  en  chêne  de  l'église  parois- 
siale, on  l'emarque  nu  renard  dans 
une  chaire  ,  prêchant  des  poules 
qui  ouvrent  un  large  bec  :  ceci, 
diaprés  un  ancien  titre  et  la  tra- 
dition ,  rappelle  qu'un  soldat  de  La- 
cuson,  déguisé  en  capucin,  intro- 
duisit, par  surprise,  ses  compagnons 
dans  celte  ville  qu'ils  pillcrent ,  et 
dont  les  habitants  se  vengèrent  par 
cette  allégorie.  Cet  aventurier  mou- 
rut au  siège  de  Milan ,  dans  les  rangs 
espagnols.  Z. 

PROST  DE  ROYER  (  Antoine- 
François  ) ,  né  à  Lyon  le  5  septem- 
bre 1729,  fils  d'un  avocat,  fut  lui- 
même  destiné  au  barreau,  et,  après 
avoir  achevé  ses  études  dans  sa  pa- 
trie, vint  entendre,  à  Paris,  Co- 
chin  et  Lenormant.  11  n'avait  pas 
vingt  ans  quand  il  revint  à  Lyon,  et 
fut  chargé  de  prononcer  le  discours 
pour  l'installation  des  nouveaux  ma- 
gistrats. Il  se  distingua  bientôt  dans 
son  état;  mais,  en  même  temps  qu'il 
défendait  des  intérêts  ]n-ivés,  il  s'exer- 
ça sur  des  matières  d'intérêt  public. 
La  confiance  de  ses- concitoyens  le 


PRO 


147 


nomma  administrateur  des  hôpi- 
taux ,  puis  cchevin  ,  en  1778  et 
1774,  et  président  du  tribunal  de 
commerce.  Devenu  lieutenant  -  gé- 
néral de  police,  en  1772,  il  se 
montra  administrateur  habile  et 
magistrat  désintéressé.  Vainement 
lui  offrit  -  on  un  jour  mille  louis  s'il 
consentait  à  conserver  le  monopole 
pour  la  vente  du  grain.  11  refusa  éga- 
lement une  somme  de  vingt  mille 
écus,  qui  lui  fut  proposée  pour  qu'il 
permît  la  vente  de  bleds  avariés. 
Cependant,  alors,  sa  fortune  avait 
beaucoup  soufFerl  deson  dévouement 
au  bien  public.  En  1780  ,  sa  com- 
mission fut  révoquée  ;  et  Prost  de 
Royer ,  rentré  dans  la  vie  privée  se 
chargea  d'une  nouvelle  édition 'du 
Dictionnaire  des  arrêts  de  Brillun. 
Le  cinquième  volume  était  sur  le 
point  de  paraître  ,  quand  le  rédac- 
teur mourut ,  dans  le  besoin  ,  le  21 
septembre  1784.  On  ne  trouva  chez, 
lui  qu'uiic  pièce  de  vingt-quatre  sous. 
M.  Moulin  prétend  même  que  sa  mi- 
sère était  extrême,  et  que  sou  bou- 
langer lui  refusa  du  pain.  Lyon  se 
porta  en  masse  à  ses  funérailles. 
La  ville  avait  tenu  sur  les  fonts  bap- 
tismaux sa  fille,  qui  fut,  en  con- 
séquence, nommée  Ljonne.  Prost  de 
Royer  était,  de  son  temps,  le  seul 
homme  à  Lyon  qui  connût  le  droit 
public.  Turgot  en  faisait  beaucoup 
de  cas;  Voltaire  et  le  prince  Henri 
de  Prusseluiécrivircnt:  c'était  l'hom- 
me que  la  ville  de  Lyon  présentait 
aux  voyageurs  distingués,  l'tmpe- 
pereur  Joseph  IT  ,  le  grand  -  duc  de 
Russie,  depuis  Paul  P». ,  le  roi  de 
Suède ,  etc.  On  a  de  lui  :  I.  Lettre  à 
monseigneur  V archevêque  de  Lyon, 
dans  laquelle  on  traite  du  prêt  à  in- 
térêt à  Lyon ,  appelé  dépôt  de  l'ar- 
gent ,  Avignon  (Lyon,  1763),  in- 
8».  Le  commerce  de  Lyon  était  alar- 

ÏO.. 


iA8 


PRO 


me  des  principes  que  l'on  répandait 
sur  le  prêt  à  inlcrcl  ,  qui  était  qua- 
lifié d'usure.  Prost  de  Royer  prit  la 
plume,  et  traita  la  question  sous  six 
rapports:  i".  le  droit  naturel;  a^. 
l'état  des  choses  et  les  conséquences; 
3*^.  le  droit  ilivin  ;  4"-  les  opinions 
humaines, et  la  doctrine  de  ri"s;lise; 
5°.  ledroit  civil;  G",  le  droit  civil  par- 
ticulier au  commerce  de  Lyon.  Des 
tliéolof;icns  de  Lvon  écrivirent ,  on 
luèuie  temps  que  Prost  de  Royer,  les 
uns  dans  le  même  sens  (pie  lui ,  les 
antres  dans  un  sens  opposé  :  mais  le 
prêta  intérêt  subsista  ,  et   subsistera 
lon!;-temps  ;  c'est  l'amedu  commer- 
ce (t%  Voltaire, àipii  Prostde  Royer 
avait  envoyé  son  Opusc\ile,  l'en  re- 
mercia par  une  lettre  très-flatteuse; 
et,  six  ans  après,  il  fit  entrer  cet  écrit 
dans  un  Recueil  qu'il  publia  sous  ce 
titre  :  L<"''  Choses  utiles  et   agréa- 
bles [  1 7(>()- 1770,  3  vol.  in-8°.  ;  on 
le  comprit  même  dans  les  ouvrac;es 
de  \  «'liaire  (  Xouveanx  Mélanges  , 
neuvième  partie);  mais,  dans   ces 
deux  éditions ,  le  nom  <le  l'auteur  est 
imprime  tout  au  lonç; .  avec  la  i]ua- 
lité  de   Procureur  -  général  de  la 
ville  de  Lyon,  que  n'a  jamais  etie 
Prost  de  Rover.  Dans  ces  deux  der- 
nières éditions,  on  a  supprim*»  un 
préambide  de  dix  àcn/.e  pactes.  On  a 
que'quefuisattribiu'  .1  Voltairela  I.et. 
tre h  l' archevèijtie de  Avon. M.  Ersrli, 
qui  la  comprend  parmi  les  ouvrages 
de  Prost  de  Rover,  ajotite  toutefois 
après  ,  le  mot  supposé  -.  il  est  hors  de 
doute  cependant,  d'après  les  recher- 

(1  ;  DaDS  mjeniiirrs  Jiiuro  la  qiioti'iD  a  itc  de 
nouTrau  agitée  :  de  jiarl  rt  d'anirr  le»  rcrits  ae 
«ont  rauJtjplic«;  et  le  '\u\itiiA\'  Ami  de  la  religion  rt 
du  roi  V  '*'^-  54^  ,  54-^  I  54-  ^)  en  n  dooné  une  liste 
fort  nombreuse  :  nous  n'indiquerons  que  le  Pré- 
tendit mystère  de  l'usure  dévoilé  ,  par  M.  l'abbé 
Barttnnal ,  i8ia,  a  toI.  in-S".  ;  et  les  Dmc/'a/ion» 
fur  le  prit  de  commet re  ,  par  le  feu  cardinal  de 
La  LuT«TD«,  eo  trois  volumes,  dont  le  premier  a 
èié  publie'  rn  avril  i8i3.  Ces  deux  ecclésiastiques 
«e  dcdareut  tu  (avciJr  du  prit  i  intérêt. 


PRO 

clies  que  nous  avons  faites  et  les  ren- 
seignements obtenus  en  conséquen- 
ce ,  que  cette  Lettre  appartient  à 
Prost  de  Royer.  «  L'édition  de  i  7(x'> 
porte  pour  siç;nature  les  deux  lettres 
D.  R.;deRoyer\ll.  Lettre  sur  l'ad- 
ministrât ion  municipale  de  /><)«, 
i-G") ,  in- 12.  111.  Mémoire  sur  lu 
consen-ation  des  enfants,  1778,  in- 
S**.    IV.    De  V administration   des 
fermes ,  1782,  in  -  8"*.  V.  Diction- 
naire de  Jurisprudence  et  des  arrêts, 
ou    Jw  imprudence   unis'erselle   des 
parlements  de  France  et  autres  tri- 
bunaux, par  feu  M.  lirillon  ,  nou- 
i'clle  édition  ,  aw^mentée  des  ma- 
tières du  droit  naturel,  du  droit  des 
^en5,  etc.,  tomes  iv,i78i-8  j,  in/i". 
On  donnait  cet  onvrape  comme  mic 
nouvelle  e'dition  de  celui  de  Rrillon; 
mais  Camus  a  très  -  bien  remarqué 
que  les  deux  ouvraj;es  ont  peu  de  res- 
semblance. Prost  de  Royer  avait  cru 
devoir  prendre  le  titre  du  Diction- 
naire de  Rrillon,  pour  pouvoir,  à 
l'abri   de  ce  nom  ,   développer  des 
idées   hardies,    et   qu'on   l'eût  em- 
pêché d'émettre  autrement.  L'ouvra- 
ge devait  avoir  vingt  -  quatre  volu- 
mes :  il  contient  des  articles  de  Lc- 
trosne,  Portalis  et  autres  jurisconsul- 
tes distiiijiués  de  cette  époque.  Mais 
le])riiici|ial  collabor.iteur  él.iit  Jean- 
François-Armand  Riolz.  néà  Rhodez 
en  mars  17 'J-i,  morllc -AHiléc.  18  il. 
Riolz  avait  même  pris  le  litre  de  con- 
tinuateur de  Prost  de  Rover  ;  après 
avoir  mis  au  jour  le  cinquième  vol. 
qui  était  prêt  à   la   mort  de  Prost       h 
de  Royer  ,  Riolz  a  publié  un  sixième,       I 
puis  un  seplif-nie  volume  :  le  dernier 
motcst  Assiii^nation.  Baron  du  Soleil 
a  prononcé,  le  3o  novembre   1784, 
l'éloge  de  Prost  de  Rover,  imprimé 
en  I  785  ,  iii-8".  M.  Moulin  .qui  ,sous 
le  nom  de  Onuplire.a  fait  imprimer, 
en  181 5,  une  Notice  nécrologique , 


PRO 

pour  servir  à  l'éloge  de  M.  J.-F.- 
A.  Riolz  ,  y  parte  beaucoup  de Piost 
de  Royer,  et  même  a  rais  à  la  suite 
«ne  Dissertation  sur  le  célèbre  M. 
Prost  de  Royer  et  le  fameux  Mer- 
lin de  Douai.  M.  Lemoutcy  avait , 
ic  premier,  honoré  la  mémoire  de 
son  illustre  compatriote  ,  par  un  ar- 
ticle daté  de  Lyon,  le  i\  octobre 
i'j84,  et  inséré  dans  le  Journal  de 
Paris  du  7  novembre  1784.  A.  B-x. 
PROÏADE  (  Saint  ) ,  évêque  de 
Besançon  ,  d'une  famille  illustre  , 
était,  suivant  quelques  critiques  ,  lils 
ou  du  moins  très-proche  parent  de 
Protade,  maire  du  palais  de  Bour- 
gogne. Il  se  consacra  de  bonne  heure 
au  service  des  autels  ,  et  mérita ,  par 
sa  piétéet  par  ses  lumières ,  ralïeclion 
de  l'évcque  Nicet,  qui  l'admit  dans 
son  intimité.  Protade  lui  succéda, 
vers  l'an  61 2  ou  61 3,  sur  le  siège  de 
Besançon  :  il  s'attacha  constamment 
à  maintenir  la  discipline  dans  son 
diocèse,  dont  il  bannit  les  simonia- 
ques ,  et  qu'il  parvint  à  garantir  des 
opinions  dangereuses  qui  infestaient 
les  pays  voisins.  Le  zèle  du  saint 
prélat  étendit  au  loiu  sa  1  éputation  : 
le  roi  Clotaire  II  le  consultait  sou- 
vent; et  à  l'exemple  de  ce  prince  les 
plus  grands  seigneurs  avaient  recours 
à  ses  lumières.  Protade,  pour  mettre 
lin  aux  disputes  des  clercs  touchant 
les  cérémonies,  composa  un  Biluel , 
qui  continue  d'être  cité  sous  le  nom 
de  ce  prélat,  quoique  les  nombreux 
changements  qui  y  ont  été  faits  dans 
la  suite  des  temps  ,  l'fiient  rendu  un 
ouvrage  entièrement  neuf  :  il  a  été 
publié  par  Duuod  dans  les  Preuves 
de  l'histoire  de  l'église  de  Besançon  , 
p.  xviu-Lxi  (  à  la  suite  de  V Histoire 
dupremier  royaume  de  Bourgogne), 
d'après  un  manuscrit  du  douzième 
siècle,  qui  a  disparu  des  archives  de 
la  métropole  de  Besançon,  ainsi  qu' un 


PRO  149 

grand  nombre  d'autres  monuments 
précieux.  Protade  mourut  en  61^  , 
le  10  février,  jour  où  l'Eglise  célèbre 
sa  fête.  On  conserve  la  plus  grande 
partie  de  ses  reliques  dans  l'église 
Saint-Pierre,  où  il  étaitinhumé  à  côté 
de  son  prédécesseur;  et  elles  sont  ex- 
posées à  la  vénération  des  fidèles 
dans  les  calamités  ])ubliques.  Sa  Fie 
par  P.  Fr.  Ghilllet  a  été  insérée  dans 
les  Acta  sanclorum  ;  et  D.  Rivet 
lui  a  consacré  une  Notice  dans  V His- 
toire littéraire  de  la  France,  m, 
53 1 .  W— s. 

PROT  A  GORAS ,  célèbre  so  phiste , 
était  né  dans  Abdci^e  ,  vers  l'an  488 
avant  J. -G.,  qui  répond  à  laLxxiii^. 
olympiade.  On  ne  s'accorde  point 
sur  le  nom  île  son  père  :  les  uns  le 
nomment  Méandre  ,  d'autres  Arté- 
mon.  L'extrême  pauvreté  l'avait  re'- 
duit ,  dans  sa  jeunesse,  à  faire  le  mé- 
tier de  portefaix.  Un  jour  qu'il  ap- 
jiorlait  à  la  ville  une  charge  de  bois 
fort  pesante, Démocriteaperçut  avec 
surprise  que  ses  bûches  étaient  pla- 
cées de  manière  à  diminuer  le  poids, 
ou  du  moins  l'embarras  du  fardeau. 
Ne  pouvant  croire  que  ce  jeune  hom- 
me eût  pu  trouver  lui-même  cet  ar- 
rangement géométrique ,  il  le  pria  de 
délier  sa  charge,  et  de  la  refaire 
dans  la  même  forme.  La  promptitu- 
de avec  laquelle  Protagoras  répon- 
dit à  son  désir  ,  accrut  l'élonnement 
du  philosophe  ,  qui  l'admit  dès-lors 
au  nombre  de  ses  disciples  ,  et  ne  né- 
gligea rien  pour  cultiver  ses  disposi- 
tions. Protagoras  fut  bientôt  en  état 
de  se  passer  de  ses  leçons;  et,  après 
avoir  enseigné  quelque  temps,  dans 
les  environs  d'Abdère ,  la  grammai- 
re ,  qui  comprenait  alors  la  rhétori- 
que ,  la  poésie  et  la  musique,  il  ou- 
vrit une  école  dans  Athènes.  Son 
premier  soin  fut  de  persuader  aux 
jeunes  gens,  qu'ils  devaient  tout  quit- 


i5o  PRO 

ter  poiirs'altachcr uniquement  à  lui, 
s'ils  voulaient  faire  de  rapides  pro- 
grès dans  les  sciences  et  dans  la  ver- 
tu. Sur  la  foi  de  ses  magnifiques  pro- 
messes on  court  enfouie  à  ses  leçons. 
Périclès  lui  -  même  fut   curieux  de 
l'euteudre  ,  et,  coiuine  les  autres  ,  il 
fut  séduit  par  son  élocjueiice  et  par 
la  singularité  de  sa  doctrine.  Deux 
choses  contriljuèrent  beaucoup  à  la 
grande  réputation  de  Protagoras  :  la 
première  c'est  qu'il  mit  un  prix  à  ses 
l«çon$(i);eiroudutenconclure  qu'il 
était  supérieur,!  lous  les  autres  sophis- 
tes, puisfpi'il  vendait  très-cher  cecpic 
ceux  -  ci  donnaient  gratuitement.  La 
seconde  c'est  qu  il  ne  parlait  jamais 
que  d'une  manière  cuignxatique;  mé- 
thode qu'il  tenait  de  Democrite  son 
BJ.iîlre  .  d'FIcra(  lite  surnomme  ïeté- 
nelireux,  et  de  quelques  autres  philo- 
sophes, qui  s'étaient  persuadés  qu'on 
ferait  moins  de  cas  de  leur  doctrine 
s'iJs  la  rendaient  trop  intelligible. 
<^)uoi  qu'il  en  soit,  Protagoras  amas- 
sa de  grandes  richesses  :  selon  Pla- 
ton ,   ce   philosophe   avait  plus  ga- 
gné, lui  .seul ,  que  n'auraient  pu  le  fai- 
re Phidias  et  dix  autres  statuaires 
aussi   habiles.  Platon,  son  ennemi 
décbré  (  V.  le  Dialng.  intitulé  Fro. 
ta^oras  ) ,  convient  que  ce  sophiste 
avait  l'imagination  vive  et  féconde  , 
•  me  mémoire  heureuse  et  une   rare 
éloquence.  A  ces  qualités  brillantes, 
il  joignait  un espiu  souple,  et  savait 
captiver  l'attention  de  ses  auditeurs  , 
ou  la   réveiller   par  qrjciques  traits 
inattendusque  lui  fournissait  sa  rastc 
érudition  :  personne  n'était  plus  ha- 
bile dans  l'art  de  discuter  ,  dont  on 
le  regardait  comme  l'inventeur,  mais 
qu'il  avait  au  moins  perfectionné;  et 


(t)  M  paraStqnece fut  Protaeorasijrii' fit /e  premier 
pa>er  ttaitçoua.  On  dit  >{u'il  u'exigoait  |mj  moiua 
Je  cent  mines (co^'iToii  ïooo  fr.  i  de  iliai  iiu  (!<•   ,e» 


PRO 

il  réduisait  presque  toujours  ses  ad- 
versaires au  silence.  L'étude  apro- 
fondie  qu'il  avait  faite  des  poètes,  lui 
fournissait  sans  cesse  des  exemples 
et  des  citations;  mais  il   les  enten- 
dait le  plus  souvent  fort  mal,  suppo- 
sant de  la  finesse  dans  leurs  moin- 
dres mots.  D'un  autre  côté,  Prota- 
goras  était  vain,  hardi,  présomp- 
tueux; il  parlait  de  ses  rivaux  avec 
mépris  ,  et  de  lui-même  avec  nue 
confiance  qui  le  faisait  admirer  de 
la  multitude,  mais  qui  déplaisait  aux 
gens  sages.  Kous  avons  le  précis  de 
la  doctrine  de  ce  sophiste  dans  le 
Ihéétcte  de  Platon;  il  en  avait  doiiud 
lui-même  le  sommaire  au  oomiuen- 
cemcntde  son  Traité  (le  lu  nuture  y 
souscetteespcced'énigme:  L'homme 
est  la  mesure  de  toutes  choses,  de 
celles  qui  sont  en  tant  qu'elles  sont , 
et  de  celles  qui  ne  sont  p-as  en  tant 
(pi'elles  ne  sont  pas.  De  ce  principe  , 
dont  on  trouvera  l'explication  et  le 
dévelojjpement  dans  la   INutice   de 
Hanlion,  citée  à  la  fin  de  cet  ailiclc, 
il  résultait  que  toutes  les   opinions 
étaient  vraies,  puisque  chaque  hom- 
me restait  le  juge  des  siennes  ;qu'ain- 
si  tout  devenait  arbitraire  et  sujet  à 
la  fantaisie ,  les  lois ,  la  vertu  ,  le 
juste  et  l'injuste;  que  l'on  pouvait 
par  conséquent  soutenir  le  pour  et 
le  contre  sur  quelque  sujet  que  ce  fût; 
et  même,  si  l'on  voulait,  contester  la 
possibilité  de  disputer  pour  et  con- 
tre. Il  fallait  bien  en  ellet  que  l'élo- 
quence de  Protagoras  fut  très-sédui- 
sante, pour  qu'elle  fît  supporter  à 
ses  auditeurs  de  pareilles  absurdités, 
que  Platon  a  pris  la  peine  assez  inu- 
tile de  réfuter  dans  celui  de  ses  Dia- 
logues que  l'on  vient  de  citer.  Après 
avoir  acquis  beaucoup  de  renommée 
et  de  richesses,  Protagoras  visita  les 
principales  villes  de  la  Grèce,  pour 
y  continuer  son  tra&c  ;  il  passa  dans 


PRO 

la  Sicile,  où  il  demeura  long-temps , 
et  de  là  dans  la  grande  Grèce.  Ce  fut 
alors  qu'à  la  prière  des  habitants  de 
Thuriura  ,  il  donna  des  lois  à  cette 
petite  republique.  11  revint  enfin  dans 
Athènes  la  première  année  de  la  xc*^. 
olympiade  (  /\'2.o  ans  avant  J.-C.  ), 
suivi  d'un  grand  nombre  d'étrangers 
qu'il  attirait  après  lui  par  les  char- 
mes de  son  éloquence.  Peu  de  temps 
après,  ayant  lu  publiquement  un  de 
ses  ouvrages,  dans  lequel  il  disait 
qu'il  ne  pouvait  s'expliquer  sur  la 
nature  des  Dieux,  ne  sachant  s'il  y 
en  avait  ou  s'il  n'y  en  avait  pas  ,  il 
fut  dénoncé  comme  impie  par  un 
nommé  Pythodorus,  et  condamné  à 
mort,  ou  selon  d'autres,  au  bannis- 
sement. 11  s'enfuit  sur  une  barque, 
et,  pendant  quelques  jours,  erra  d'île 
en  île;  mais,  surpris  par  une  tempê- 
te ,  il  lit  naufrage  ,  et  périt  à  l'âge  de 
soixante-dix  ans  ,  dont  il  en  avait 
passé  quarante,  dit  Platon,  à  faire 
le  métier  d'empoisonner  les  âmes. 
Protagoras  avait  compo.sé  divers 
Traités  sur  la  rhétorique,  la  physi- 
que et  la  politique;  mais  ses  ouvra- 
ges, dont  Fabricius  rapporte  les  ti- 
tres {Bibl.  grceca,  lib,  ii,  cap.  23  ), 
furent  recherchés  avec  le  plus  grand 
soin,  et  brûlés,  par  l'ordre  des  ma- 
gistrats ,  dans  la  place  publique  ,  de 
sorte  qu'il  n'en  reste  aucun.  Saint 
;  '  Clément  d'Alexandrie  a  voulu  dis- 
|B  culper  Protagoras  du  reproche  d'a- 
théisme: tout  son  crime,  dit-il,  était 
d'avoir  pénétré  plus  avant  que  le 
commun  des  hommes  dans  les  ténè- 
bres de  l'idolâtrie.  Les  plus  célèbres 
disciples  de  ce  sophiste  furent  Euri- 
pides  et  Prodicus.  Diogène  Laërce 
a  écrit  sa  Vie;  mais  on  consultera 
plus  utilement  la  Notice  intéressan- 
te de  Hardion  (  Dissertât,  sur  l'ori- 
gine et  les  progrès  de  la  rhétori- 
fjue  ) ,  dans  le  tome  xv  des  Mémoi- 


PRO 


i5i 


res  de  l'acad.  des  inscriptions,  p. 
148-159.  W— s. 

PROTATS  (Saint),  frère  de  S. 
Gervais  ,  suivant  les  actes  de  saint 
Vital ,  était  lils  de  ce  dernier  et  de 
sainte  Valérie ,  morts  martyrs  vers 
l'an  G2 ,  l'un  à  Ravenne ,  l'autre  à 
Milan.  UneÉpîtreaux  évêques  d'I- 
talie ,  attribuée  à  saint  Ambroise , 
donne  ,  sur  la  vie  et  le  martyre  des 
SS.  Gervais  et  Protais,  dans  un  style 
barbare,  des  particularités  qui  ne 
conviennent  ni  à  l'esprit  ,  ni  au  ca- 
ractère de  ce  prélat ,  et  qui  ont  fait 
rejeter  cette  lettre  comme  apocryphe 
par  les  Bénédictins  éditeurs  de   ses 
OEuvres.  L'Épître  de  ce  Père  à  Mar- 
celline  ,  sa  sœur,  est  le  seul  acte  au- 
thentique où  l'on  puise  quelques  dé- 
tails, siu-  les  circonstances,  non  delà 
vie  et  de  la  mort  ,  mais  de  l'exhu- 
mation du  corps  de  ces  saints.  D'a- 
près le  motif  qu'Ennodius  avait  placé 
sous  Néron  le  martyre  de  saint  Na- 
zaire  ,  et  vu  le  petit  nombre  de  vic- 
times de  la  foi  que  l'église  de  Milan 
pouvait  compter ,  ou  a  cru  devoir 
mettre  saint  Gervais  et  saint  Protais 
au  rang  des  plus  anciens  martyrs  de 
Milan.  Le  Ménologe  des  Grecs  et  les 
Bollandistes  ont  suivi  le  même  sen- 
timent, (/^oj.  aussi  J.-Ant.  Sassi, 
Dissert,  apologet. ,  Bologne,  ï  709.  ) 
Ce  qui  est  certain ,  c'est  qu'on  avait 
perdu  la  mémoire  de  ces  martyrs  , 
comme  celle  de  leurs  noms  ,  quand 
on  découvrit  leurs  corps  au  quatrième 
siècle.  C'était  à  l'époque  où  l'impéra- 
trice Justine  ,  mère  de  Valentinien , 
persécutait,  àlasuscitaliondes  Ariens, 
la  foi  catholique ,  et  Ambroise  qui  la 
défendait.  Une  nouvelle  église  avait 
été  édifiée  par  les  soins  du  prélat  ; 
mais  il  desirait  trouver  des  reliques 
de  martyrs  pour  la  consacrer  selon 
l'usage.  Une  vision  ,  rapportée  par 
Paulin  son  secrétaire  et  l'auteur  de  sa 


i5a 


PRO 


vie,  lui  rdvcla,  suivant  saint  Augus- 
tin ,  en  quel  lieu  étaient  les  reliques 
des  SS.  Gcrvais  et  Protais.  Un  vif 
prcsscntiineiit  porta  soudain  l'évèquc 
a  faircfouillcr  la  terre  devantlestom- 
bcaux.  des  SS.  Félix  et  Nabor.  On 
trouva  ,  en  eflet  ,  dans  cet  endroit, 
deux  S(niclettes ,  très-grands  et  en- 
tiers ,  dont  les  os  étaient  dans  leur 
situatiou  naturelle  ,  sauf  la  tèie  sé- 
parée du  corps  ,  avec  des  marques  de 
sang ,  qui  annonçaient  des  martyrs 
décapites  :  on  ne  dit  pas  si  leurs  noms 
étaient  inscrits  sur  leur  tombe.  Les 
corps  furent  transportés  ,  le  jour  mc- 
ine,  à  la  basilique  de  Faiiste,  aujour- 
d'iiui  saint  Vital,  et  le  lendemain, 
au  milieu  d'un  grand  concours  de 
peuple,  à  la  basili(pie  Arabrosienne. 
C'est  durant  celte  tianslation, comme 
l'atteste  sjint  Anihroisc,  et  comme 
le  témoigiieiit  Paulin  et  saint  Augus- 
tin ,«ju'ar!iva  le  miracle  célèbre  d'un 
aveugle  i:onnu  à  Milan  ,  sous  le  nom 
de  révère  ,  qui  ,  ayant  touché  le 
brancard  où  étaient  portées  les  reli- 
ques ,  recouvra  la  vue ,  et  resta  de- 
puis attache  au  service  de  la  basili- 
que, comme  une  preuve  vivante  de 
cet  événement.  Saint  Ambroisc,  à  ce 
sujet,  adressa  au  peuple,  en  l'hon- 
neur des  martyrs  ,  un  discours  sur  la 
foi  catholique  ,  qu'il  a  inséré  dans  la 
Lettre  à  sa  sœur.  Les  Arions  furent 
confondus  malgré  leurs  railleries  ;  et 
les  violences  exercées  à  leur  instiga- 
tions contre  l'évèquc  «le  Milan  et  les 
Chrétiens  fidèles  ,  s'arrêtèrent.  La 
fêle  des  deux  saints  est  célébrée, 
dans  l'Église  latine  ,  le  19  juin, 
jour  où  leur  translation  cul  lieu  , 
on  38(j  ,  selon  Tdlemont  ;  mais 
l'Kglise  grecque  les  lionorc  au  i  4  oc- 
tobre, époque  où  elle  présume  <|u'ils 
furentdécapités.  Parmi  les  églises  an- 
ciennes établies  sous  leur  invocation, 
celle  de  Kome,  élevée  dès  le  cinquic- 


PBO 

me  siècle,  fut  due  au  legs  d'une  da- 
me romaine.  Celle  de  Paris, sous  les 
mêmes  noms  ,  existait  dès  le  temps 
de  Saint-Germain  ,  vers  550.  Ce  fut 
onze  cents  ans  après,  lors  de  la  re- 
naissance de  l'art ,  que  fut  retracée, 
d'après  la  tradition  ,  l'histoire  de 
saint  Gervais  et  de  saint  Protais, 
dans  les  six  tableaiix  qui  décoraient 
la  nef  de  cette  église.  Le  premier, 
de  liCsueur ,  nous  montre  les  deux 
saints ,  suivant  la  lettre  attribuée 
à  saint  Ambroisc ,  coiuluits  ,  par 
l'ordre  d'Astasius,  devant  la  statue 
de  Jupiter,  pour  sacrifier  aux  idoles. 
(/''.  l'arlirlc  LtsuLun,  où  est  carac- 
térisé ce  beau  tableau  ,  dont  l'estam- 
pe, exécutée  par  Baquoy,  en  1^17  , 
a  fait  oublier  l'ancienne  gravure  en 
thèse.  ) —  Le  second  ,  du  beau-frère 
de  Lesueur,  d'après  l'esquisse  de  ce 
dernier,  représente,  Selon  la  même 
Épîlre,  saint  Gervais  expirant  sous 
les  coups  de  fouets  plombés,  (|iioi(|ue 
les  deux  frères  eussent  été  décapités. 
—  Le  troisième  tableau  ,  la  Vccolla- 
tiuii  de  saint  Protais,  est  deSébastieu 
Bourdon.  Ce  peintre  devait  êlrecliar. 
gé  de  l'exécution  des  six  tableaux  ; 
mais  la  manière  libre  dont  il  parla 
des  miracles  des  saints  (jcrvais  et 
Prolais  fit  révo<jiicr  cette  commis- 
sion, y'oy.  son  article  ,  et  les  Con- 
iidératians  sur  la  vie  et  les  oin>ra- 
ges  de  JUjunlon  (  jiar  Xavier  Ad- 
ger),  in -H".,  Paris,  1H18. — Les  trois 
autres  tableaux  :  W'IpjxirUion  des 
Saints  à  Ambroisc,  V Invention  des 
reliques  ,  et  leur  Translation  ,  sont 
de  Philippe  (^hamp-igne.  Des  six  ta- 
bleaux dont  les  copies,  en  tapisse- 
ries, sont  restées  à  la  même  église,  la 
Notice  du  Musée  en  désigne  (jualre, 
au  Louvre  ,  deux  de  Chain pague  ,  et 
deux  de  Bourdon  et  de  Le  Sueur  , 
tous  dilléraut  pour  la  vérjlé,  la  cou- 
leur ou  l'expression,  (j — CE. 


PRO 

PROTH  ou  PERROT  (  Jean  ) ,  né 
vers  i4io  ,  au  village  de  Brottes  , 
près  de  Chauraont  en  Rassigui ,  fit 
ses  vœux,  au  Val  des  Lcolicrs  ,  en 
i449'  Envoyé  aussitôt  à  Paris,  dans 
la  maison  de  Saintc-Calherine  ,  il 
prit  ses  degrés  en  Sorbonne.  Apres 
avoir  reçu  la  prêtrise,  il  quitta  Paris, 
eu  1452,  pour  revenir  au  Val  des 
Ecoliers,  où,  l'année  suivante,  il  fut 
élu  prieur  ,  d'une  voix  unanime.  Ce 
fut  eu  i454)  T'e  Proth  convoqua 
le  chapitre  général  de  l'ordre  ,  et  y 
publia  des  statuts  relatifs  à  lu  réforme 
de  la  discipline.  En  i456  ,  les  défi- 
nileurs  lui  conférèrent  extraordinai- 
renieut  la  juridiction  de  la  maison  de 
vSaintc-Cathcrine  ,  à  Paris ,  où  il  se 
rendit  aussitôt.  Reçu  docteur  de  Sor- 
buune,  le  i  i  janvier  1462,  il  y  com- 
mença ,  dès  le  lendemain  ,  ses  leçons 
de  théologie,  qui  furent  îrès-applau- 
dies  ,  et  lui  méritèrent  la  protection 
de  Louis  XI ,  roi  de  France ,  et  de 
René ,  roi  de  Sicile.  Ce  dernier  prince 
le  nomma, en  i  4^)9  ,  son  confesseur, 
sonaumônier  et  son  prédicateur.  C'est 
dans  le  cours  de  la  mcme  année, 
que  le  pape  Paul  II  confirma  au  Val 
des  Ecoliers  les  privilèges  que  cet  or- 
dre avait  i-eçus  en  i463;  il  l'exempta 
de  la  juridiction  desévèques, et  institua 
l'abbé  de  Saint-Germain  ,  conserva- 
teur de  ces  immunités.  Fixé  dans  les 
étals  du  roi  René,  Prolh  mourut  à 
IMarseille  ,  le  17  juillet  i474-  Mau- 
poin,  prieur  de  Sainte-Caîlierine , 
quoiqu'il  eût  eu  des  démêlés  assez 
vifs  avec  Proth  ,  lui  fît  une  épitaphe 
honorable.  D — b — s. 

PROTOGÈNES  ,  peintre  grec  ,  a 
fleuri  vers  la  cxii'^.  olympiade  ,  336 
ans  avant  Jésus-Chrisl.  Cette  époque 
célèbre  par  le  degré  de  ])erfeclion 
que  tous  les  arts  atteignirent  dans  la 
Grèce,  vit  briller  surtout  des  pein- 
tres qui  furent  sans  modèles  et  sans 


PRO  1 53 

imitateurs  digues  de  balancer  leur 
réputation.  Cicéron  range  ,  dans  cet 
ordre  élevé  ,  Apeîles  ,  Protogènes , 
INicomaque  et  Aëtion.  Prologènes 
était  né  a  Canne  ,  ville  de  Carie ,  sou- 
mise aux  Rliodiens.  Suidas  seul  le 
fait  naître  à  Xanthe ,  ville  de  Lycie. 
Ses  commencements  furent  obscurs, 
et  la  pauvreté  les  rendit  sans  doute 
difficiles  ;  on  ignore  quel  fut  son  maî- 
tre ,  et  la  nécessité  le  contraignit 
long-temps  à  s'occuper  de  travaux 
indignes  de  son  génie:  réduit  à  pein- 
dre les  ornements  des  vaisseaux  ,  il 
passa  cinquante  années  de  sa  vie , 
sans  éclat,  sans  fortune,  sans  répu- 
tation. Sa  constance  et  ses  talents 
triomphèrent  enfin  des  obstacles  que 
le  sort  semblait  lui  opposer  ;  et  peut- 
être  la  justice  que  lui  rendit  Apelles, 
qui  se  trouvait  alors  au  faîte  de  la 
gloire  ,  contribua-telle  à  le  tirer  de 
son  obscurité.  Sachant  que  les  ta- 
bleaux de  Prologènes  n'étaient  ni  re- 
cherchés ,  ni  payés  ,  il  en  acheta  un , 
cinquante  talents  ,  et  laissa  même 
croire  qu'd  voulait  le  revendre  com- 
me son  propre  ouvrage.  Les  com- 
patriotes de  Protogènes  ouvrirent  les 
yeux  sur  son  mérite  ;  et  ses  suc- 
cès s'accrurent  avec  rapidité.  Apelles, 
étant  venu  à  Rhodes  ,  se  rendit  chez 
lui,  pendant  qu'il  était  absent;  et 
a3'ant  obtenu  d'une  servante  de  l'in- 
Iruduire  dans  son  atelier  ,  il  traça  , 
sur  une  toile  qui  s'y  trouvait  toute 
préparée,  un  tiait  (  t  ) d'une  précision 
remarquable,  et  se  retira  sans  se  faire 
connaître.  Protogènes,  de  retour,  s'é- 
cria qu'Apelles  seul  avait  pu  faire 
une  pareille  esquisse  :  mais ,  sur  le 


(i)  Ce  mot  a  henucoup  exercé  les  cominentiitiiiis, 

(IbUtIa  plupart  ont  cru  qu'il  ne  s'agissait  que  d'une 

simple  ligne.  M.  Quatrcnière  de  C^uincy  a  fait  voir 

u'il  fallait  l'entendre  il'un  dessin  au  trait.  (  Voyea 

\lcm.  de  L'inslil. ,  Acad.  des  inscript.  V,  7'=.  31cm., 


et  Journ.  (h;s  .tur.  ,  avril  i89.3  ,  p.  ziO,  tt  le  MoQtt- 
siit  ciicycl.  de  1808  ,  iv  ,  i53  (t  4''7- ) 


i54 


PRO 


trait  même  de  son  rival ,  il  essaya  de 
dessiner  un  contour  plus  parfait ,  et 
recommanda  qu'on  le  fît  voir  à 
Apollcs .  s'il  revenait  encore,  ce  qui 
arriva.  Celui-ci,  jugeant  son  dessin 
inférieur  au  trait  de  Protoj;cnes,  pro- 
fita de  la  place  qui  restait  potir  exé- 
cuter un  troisième  croquis  plus  par- 
fait encore  ;  et  Proto£;cues  ,  eu  le 
voyant,  s'ccria  qu'il  était  vaincu.  11 
courut  au  port ,  chercha  son  émule 
avec  empressement  ;  et  ,  de  ce  jour  , 
l'amitié  la  plus  étroite  les  unit,  sans 
que  la  rivalité  de  succès  et  de  talents 
leurdtrtinàt  la  moindre  jalousie.  Cet- 
te toile,  inémoiable  par  cette  cir- 
constance sinp;ulièrc ,  fut  conservée 
lonp- temps  comme  un  monument 
de  l'amitié  et  des  talents  de  ces 
grands  artistes  ;  elle  fut  placée  par 
la  suite  à  Rome  dans  le  palais  des  Cé- 
sars. Pline  annonce  qu'on  l'v  voyait 
avec  ravissement  au  milieu  des  plus 
beaux  ouvrages  ,  quniipi'd  n'y  pariit 
que  quelques  traits  déjà  bien  eflacés. 
tllc  péril  dans  l'incendie  qui  dévora 
cet  édifice  et  tous  les  clicfs-d'œuvrc 
»|u'il  contenait.  Au  surplus,  ce  récit  a 
donné  lieu  a  de  longues  discussions 
sur  ce  qu'on  devait  entendre  par  les 
lignes  cl  les  traits  que  Protogèiies  et 
Apelles  avaienl  ainsi  tracés  successi- 
vement sur  la  nicine  toile  ;  et  nous 
avouons  «pie  le  sens  dans  lequel  nous 
avons  rapi'orté  cette  anecdote,  quoi- 
que vraisemblable,  peut  être  con- 
testé ,  eu  prenant  a  la  lettre  ,  les  ex- 
]ïrcssions  du  texte  latin.  Protogcnes, 
devenu  célèbre  dans  la  Grèce  ,  n'ou- 
blia pas  sa  modeste  origine,  et  se 
plaisait  même  à  la  rappeler.  Ayant 
peint,  dans  les  Propylées  d'Athènes, 
un  tableau  de  Nausicaa  ,  il  mêla  dans 
les  ornements  de  la  bordure,  des  al- 
Iribiils  de  vaisseaux  pour  désigner  à- 
lafois  l'artiste  et  sou  ancien  métier. 
Suivant  quelques  ciitiqucâ  ,  il  jwraît 


PRO 

qu'il  repnîsenta,  dans  ce  môme  vesti- 
bule de  l'Acropolis  ,  deux  navires  sa- 
crés ,  nommés  le  Paraliis  et  Wtm- 
moniuiies.  11  semble  .  au  reste,  que 
le  sort  des  ouvrages  de  Protogèues 
fut  nepréparer  pour  lessiècles  à  venir 
des  sujet  sd'inlerinin.iblesdiscussions. 
Les  écrivains  de  l'antiquité  ont  cite 
commeson  chef-d'œuvre  le  tableau  qui 
représentait  lalysus  ;  mais  de  ce  la- 
lysus  on  a  fait  un  dieu  ,  un  héros , 
un  llcuve  ,  une  ville  morne,  enfin  un 
chasseur.  Quoi  qu'il  en  soit  ,  Proto- 
gènes  employa  sept  années;»  teiniiner 
ce  tableau;  et  pour  avoir  l'esprit  plus 
libre  en  y  travaillant ,  il  ne  prenait 
qu'une  nourriture  très-légère,  et  vi- 
vait de  lupins  cuits  dans  l'eau.  Il 
avait  à  peindre,  dans  cet  ouvrage  , 
un  thien  écuniant  de  fatigue  et  de 
chaleur  :  vingt  fois  ,  il  recommença 
sa  gueule  béante  sans  pouvoir  l'ex- 

firimer  avec  vérité.  Enfin  le  hasard 
e  servit  au  moment  où  ,  avec  une 
éponge ,  il  efl'açait ,  de  dépit ,  ce  «pi'il 
avait  fait.  Le  même  trait  est  attribué 
à  Apelles  pour  l'écume  d'un  che- 
val ;  et  probablement  l'une  de  ces 
deux  anecdotes  a  été  copiée  sur  l'au- 
tre. Suivant  Pline,  Protogènes  peignit 
ce  tableau  ,  avec  quatre  couches  de 
couUur  ,  disposées  de  manière  à  ce 
que  l'une  étant  détruite  par  le  temps, 
la  suivante  devait  reproduire  l'ou- 
vrage dans  toute  sa  beauté;  ce  qui 
]'araît  également  dijllcilc  à  com- 
j)rendre.  Du  reste ,  en  le  voyant  , 
Apelles  lui  -  même  fut  muet  d'ad- 
miration :  il  s'écria  enfin  que  le  tra- 
vail était  merveilleux  et  l'ouvrage  in- 
comparable; mais  ce  qui  le  conso- 
lait ,  c'est  que  les  siens  l'empor- 
taient par  la  grâce  ,  qui  leur  donnait 
un  mérite  divin.  Le  tableau  de  la- 
lysus devint  l'honneur  de  Pdiodcs  ; 
et,  s'il  faut  croire  un  fait  rapporté 
par  plusieurs  bistoricus  avec  quel- 


PRO 

qiws  légères  variations ,  celte  ville 
dut  même  son  salut  à  la  possession 
de  ce  chef-d'œuvre.  Demc'trius  Po- 
liorcètes  ,  qui  l'assiégeait,  se  prépa- 
rant à  brûler  un  faubourg  qui  lui 
fermait  les  approches  de  la  place  , 
fut  instruit  que  le  tableau  de  lalysus 
décorait  un  des  édifices  destines  à 
être  livre's  aux  flammes  ;  il  aima 
mieux  renoncer  à  son  entreprise,  que 
de  se  faire  reprocher  une  perte  si 
déplorable  pour  les  arts.  Pendant  ce 
siège.  Protogènes  habitait  tranquil- 
lement une  petite  maison  placée  au 
milieu  des  lignes  des  assiéîreants. 
tonne  de  sa  sécurité  ,  Dèmétrius  le 
fil  venir  ,  et  lui  demanda  comment  il 
pouvait  rester  ainsi  avec  confiance 
en-dehors  des  murs  :  «  Je  sais ,  répli- 
qua Protogènes  ,  que  vous  faites  la 
guerre  aux  Rhodicns  ,  et  non  pas 
aux  arts,  »  Déraétrius  prit  à  cœur  île 
défendre  l'asile  du  peintre,  et  y  mit 
nu  poste  pour  le  protéger.  Cette 
circonstance  augmenta  encore  la  ré- 
putation du  tableau  que  Protogènes 
avait  peint  ainsi  au  milieu  du  bruit 
des  armes.  Pour  que  le  contraste  fût 
complet ,  il  avait  pris  pour  sujet  un 
Satyre  se  reposant  et  jouant  sur  ses 
pipeaux  ;  près  de  lui ,  était  un  fût  de 
colonne,  sur  lequel  une  caille  s'était 
posée.  Elle  était  peinte  avec  tant  de 
goût  et  de  vérité,  que  lorsque  l'ou- 
vrage fut  exposé  au  regards  du  pu- 
blic ,  tous  les  yeux  se  portèrent  sur 
la  caille  ;  et  le  Satyre  ,  quelque  admi- 
rable qu'il  fût,  n'attira  ni  l'attention, 
ni  les  éloges.  Bientôt  des  cailles  pri- 
vées qui  se  trouvaient  dans  ce  lieu  , 
vinrent  becqueter  celle  que  Proto- 
gènes  avait  si  bien  peinte.  Il  sentit 
alors  qu'il  avait  mis  trop  de  soin  et 
de  perfection  à  ce  qui  ne  devait  être 
que  l'accessoire;  et  il  effaça  lui-même 
cette  caille,  dont  l'cfl'et  avait  été  si 
complet.  Parmi  les  principaux  ou- 


figures 


PRO  i55 

vragcs  de  Protogènes  ,  on  citait  en- 
core, Cidippe,  Tlepolême  ;  Philis- 
cus  ,  auteur  tragique  ,  dans  l'attiludc 
d'ur)  homme  qui  médite;  un  Athlète, 
le  roi  Antigone  ,  la  mère  d'Aristote  , 
enfin,  Alexandre, etle dieu  Pan.  Il  pa- 
raît aussi  qu'il  peignit  à  Athènes  , 
dans  le  conseil  des  Cinq-cents  ,  plu- 
sieurs législateurs.  Sous  le  règne  de 
Tibère  ,  on  voyait,  ta  Rome,  des  des- 
sins et  des  es(|uisses  de  Protogènes  , 
qu'on  regardait  comme  des  modèles 
du  beau  idéal.  Son  tableau  de  lalysus 
fut  enlevé  de  Grèce ,  et  placé  à  Rome 
au  temple  de  la  Paix,  où  il  périt 
dans  un  incendie.  Protogènes  fut  de 
plus  très  -  bon  modeleur;  et  il  avait 
coulé  plusieurs  belles  statues  de  bron- 
ze. Suidas  rapporte  qu'il  avait  écrit 
deux  livres  sur  la  peinture  et  sur  les 

PROTOSPATA.  Foj.  Lupus.' 
PROUSTEAU  (  Guillaume  ) ,  j'u- 
risconsulte,  né  à  Tours,  en  iG'iG , 
d'un  marchand  ,  étudia  sous  les  Jé- 
suites à  la  Flèche ,  et  au  collège  de 
Louis-leGrand  ,  fit  ses  cours  de  droit 
à  Poitiers  et  à  Orléans ,  et  se  fixa 
dans  celte  dernière  ville,  où  il  suivit 
le  barreau  pendant  quatre  ans.  Le 
désir  d'augmenter  ses  connaissances 
en  jurisprudence  ,  le  fit  voyager  en 
Hollande ,  en  Allemagne ,  en  Italie  et 
en  Espagne  ,  où  ,  pendant  les  années 
16G0  et  1661  ,  il  se  mit  en  relation 
avec  la  plupart  des  jurisconsultes 
éclairés  que  possédaient  ces  diverses 
contrées.  De  retour  à  Orléans,  il  y 
obtint  au  concours  une  chaire  de 
droit ,  en  1668.  Sa  philosophie  pra- 
tique ,  la  solidité  de  ses  leçons  ,  et 
l'usage  qu'il  faisait  de  sa  fortune, 
lui  procurèrent  la  réputation  la  plus 
honorable.  En  1709,  il  mérita,  par 
ses  lajgcsses  dans  une  disette  ,  le 
surnom  de  Père  des  pauvres.  Prous- 
teau  était ,  en  outre,  un  bibliophile 


i56  PRO 

t'clalrd.  Il  employa  la  succession  d'un 
frère,  mort  dans  le  commerce,  à 
l'acquisition  tlcla  biljliotlicqncd'llen- 
ri  de  \  alois  ;  et  lit  imprimera  Lcvde, 
en  iG8i  ,  les  ^otes  de  ce  savant  sur 
le  Lexique  |j;rec  d'Harpocralion ,  et 
les  Obser\  .liions  de  IM.uissac  ,  notes 
dont  le  manuscrit  était  tombe  dans 
ses  mains  avec  les  livres  de  l'auteur. 
Eu  iOi)4'  Prousleau  légua  sa  collec- 
tion aux  bénédictins  de  Bonne-Nou- 
velle d'Orléans  ,  à  condition  (pi'ellc 
serait  ouverte  au  public  trois  jours 
de  la  semaine.  Léon  Mery  ,  conser- 
vateur de  celte  bibliothèque  ,  en  pu- 
blia le  catalogue  en  i-j'ii  ,  Orléans, 
in^".  ;  rcimprimcavec  desadditions, 
en  17';';  (  r.  Fabre,  XIV  ,  -iS  ).  On 
lit  au-devant  divers  éloges  du  dona- 
teur (i).  Prousteau  mourut  d'apo- 
plexie ,  à  Orléans  ,  le  19  mars  170.5, 
saus  avoir  ètc  marié.  On  a  de  lui  : 

I.  V  tAo^i'  junèbre  de  Vesmahis  ^ 
chanuined' Orléans,  in-i  2  (eu  latin). 

II.  Trois  discours  latins  sur  la  Péni- 
tence ,  Orléans,  1G80  ,  in-4*'.  III. 
/îecitativnes  ad  legem  23  conlrac- 
tiisJJ'.deregulisjuris,  ibid.,  j084, 
in-4".  Il  Y  réfute  Sauraaisc,  qu'il  as- 
sure s'être  montré  ,  dans  son  Traité 
de  Miiluo ,  plus  philologue  que  juris- 
consulte. La  partie  de  la  jurispru- 
dence ,  dans  le  Catalogue  précité,  fait 
beaucoup  d'honneur  à  Prousteau , 
par  la  méthode  cl  l'exiictitude  qui  y 

.ont  présidé,  l'oj  .  aussi  le  Catalogue 
des  Manuscrits  de  la  bibliolh.  d' Or- 
léans ,  par  A.  Septier,  1820,  iii-S". 

F— T. 

PROVANXHÈRES  (Siméon  de), 
médecin ,  né  vers  i  54o  ,  à  Langrcs  , 

(1)  CiUc  Ltl<li>,(liique  coulieiit  ciiTiroD  a-j,ooo 
vulumcs  :  >I.  Prtit-Ra<iel  (  Recherche»  >ur  !<•»  bi- 
bliuth. ,  ji.  353  )  en  cuinptc  eu  France  vingt-(]uatre 
plu»  uonibreuscs  :  ce  qui  u'ciiijjiclic  pas  le  nouveau 
Picl.  hisl.  crit.  el  biblogr.  de  dire  qu'elle  e(a<tcuD- 
>idéree  comme  la  plus  nrlie  n//iei  celle  de  l'aiii  ; 
et  c* n'e.-l  (tas  ta  seule  balourdise  que  reufeime  l'ar- 
ticle qn'il  a  coutacrti  ik  Prouste«u. 


PRO 

de  parents  aisés  ,  alla  continuer  ses 
éludes  à  Montpellier,  où  il  reçut  le 
grade  de  docteur  :  il  visita  le  L;iuguc 
doc  et  la  Provence,  et  vint  à  Paiis, 
résolu  de  s'y  fixer.  Cependaut,  sur 
les  observations  de  quelques  amis, 
il  s'établit  à  Sens,  y  lit  un  mariage 
avantiigeux,  et  acquit  de  la  réputa- 
tion par  son  habileté  dans  la  prati- 
(]ue.  Des  services  rendus  lors  d'une 
é|)idémic,  lui  niérilèrent  le  titre  de 
médecin  du  roi;  et  il  fut  député  par 
la  ville  de  Sens  aux  états-généraux  de 
iGi  4-  Kt'iiit  retourné  (juehiiie  temps 
après  à  Paris,  il  y  mourut  au  mois 
de  juillet   1017.    Ses   restes   furent 
rapportés  à  Sens,  sa  patrie  adopti- 
ve,  et  inhumés  à  la  cathédrale,  où 
l'on  voyailson  tombeau  décoré  d'une 
é[>itaphe.  Les  vers  que  les  beaux-es- 
prits de  la  province  s'empressèrent 
de  composer  à  sa  louange,  ont  ctc 
recueillis  par  J.-R.  Aiuolph,  sous 
ce  titie  :  Siineon.  l'rovenclicrii  tii- 
iniilas  à  variis  poëtis  erecliis.  Sens , 
1617,  in-4".  de  81  pag.;  très-rare. 
Ce  médecin  était  fort  instruit  pour 
le  temps ,  et  bon  praticien ,   mais 
mauvais  observateur.  On  a  de  lui  :  I. 
Des  Traductions  de  la  Chirurgie  de 
Jacq.  HouUier,  Paris,  i57G,in-iO; 
et  de  la  Chirurgie  de  Fernel,  enri- 
chie de  brièves  annotations,  et  d'une 
méthode    chirurgique  ,    Toulouse  , 
1  ÔO7,  in-8".  II.  Le  Prodigieux  en- 
fant pétrifié  de  la  ville  de  Sens  ; . 
avec  une  légèie  et  briève  question 
probIémati(pie  des  causes  naturelles 
de  l'induration  d'icelui ,  traduit  du 
latin  (  de  Jean  Ailleboust  (1)  )  ?  et 
accru  de  l'opinion  du  traducteur  sur 
ledit  problème  ,  Sens ,  1 582  ,  in-8". , 
fig.   Il  s'agit  «l'un  cas  très-rare  en 
chirurgie.  Un  fœtus,  reconnu  du  sexe 
féminin,  fut  extrait  du  corps  d'une 

(1 ,  J.  Aiileljoust ,  d'Aulun  ,  inedeciu  .'t  Sens  ,  de- 
vint premier  médecin  du  roi  Henri  III, 


PRO 

femme  de  soi5:ante-huit  ans,  (jui, 
depuis  vingt-huit,  éprouvait  tous  les 
symptômes  d'une  grossesse.  Il  est 
plus  que  probable  que  nos  deux  ob- 
servateurs prirent  rossification  des 
parties  solides  de  ce  fœtus  pour  une 
véritable  pétrification.  L'ouvrage  a 
été  inséré  dans  nu  recueil  d'opuscu- 
les :  De  diutwnd  graviditate,  Ams- 
terdam, i66'2.  III.  Aphorismorum 
J/ipjwcratis  enarratiopoëtica,  Wnd.j 
i6o3  ,in-!^^^'.  de  67  pag.  A  la  suite  de 
cette  traduction  en  vers  latins  des 
Apborismes,  Provanclières  a  publié 
son  Opinion  (  en  latin  )  sur  l'enfant 
pétrifié.  IV.  Histoire  de  l'inappé- 
tence d'un  enfant  de  Vauprofonde 
près  Sens;  de  son  désistement  de 
boire  et  de  manger,  quatre  ans  onze 
mois,  et  de  sa  mort,  ibid.,  1G16, 
in-S''.  de  45  feuillets.  Toutes  les  édi- 
tions antérieures  sont  plus  on  moins 
incomplètes  ;  et  l'on  doit  joindre  à 
celle-ci  :  Cinquième  discours  apolo- 
gétique d'un  enfant  de  Vauprofonde, 
pour  les  causes  surnaturelles  de  son 
inappétence,  ibid.,  1617  ,in-8'^.  de 
33  feuillets.  Cet  ouvrage  ,  recherclié 
des  curieux  ,  suffirait  pour  prouver 
que  l'auteur  n'avait  pas  le  talent 
d'observer,  puisqu'il  n'a  pu  trouver 
dans  la  nature  une  cause  plausible  du 
phénomène  qu'il  avait  eu  sous  les 
yeux  pendant  toute  sa  durée.  La  cri- 
tique que  publia  de  cet  ouvrage  un 
de  ses  confrères  ,  caché  sous  le  nom 
à'Andro^j^ne ,  n'apprend  également 
rien;  rnais  les  médecins  liront  avec 
plus  de  fruit  :  Histoire  véritable 
non  moins  rare  que  merveilleuse 
d'un  enfant  qui  a  vécu  en  santé  ,  al- 
lant et  venant,  sans  boire  ni  man- 
ger, avaler  ou  sucer  quoi  que  ce  soit, 
l'espace  de  cinq  ans,  par  Thomas 
Montsainet ,  chirurgien,  Sens,  1616, 
in-8°.  de  38  pag.  Provanclières  a 
traduit  eu  latin  les   Quatrains  de 


PRO  i57 

Pibrac,  in-B*^.;  et  il  a  laissé  en  ma- 
nuscrit la  Traduction  de  quelques 
morceaux  des  poètes  grecs,  La  Noti- 
ce sur  ce  médecin,  insérée  dans  le 
Magasin  encjclopédique  (  an  vii, 
179g,  tome  VI ,  p.  47G  ) ,  contient 
quelques  inexactitudes  qu'on  a  évi- 
tées dans  cet  article.  W — s. 

PROVINS  (  Le  p.  Paciî ique  de  ). 
Voj.  Pacifique. 

PROYART    (    LIEVAIN-BONAVEN- 

TURE  )  ,  historien  ,  était  né  ,  vers 
1743  ,  dans  la  province  d'Artois. 
Après  avoir  achevé  ses  études  au  sé- 
minaire de  Saint- Louis ,  à  Paris,  il 
embrassa  l'état  ecclésiastique,  et  ré- 
solut de  se  consacrer  à  l'enseigne- 
ment. Long-temps  ,  il  remplit  les 
fonctions  de  sous-principal  au  col- 
lège de  Louis-le-Grand  ;  et  il  fut  en- 
suite chargé  d'orc;aniscr  le  collège 
du  Puy,  qui  devint  bientôt ,  sous  sa 
direction ,  l'une  des  écoles  les  plus 
florissantes  du  royaume.  Quelques 
ouvrages,  publiés  par  l'abbé  Proyart, 
Tavaient  déjà  fait  connaître  d'une 
manière  avantageuse  ,  quand  la  ré- 
volution éclata.  Il  se  réunit  au  petit 
nombre  d'écrivains  restés  fidèles  aux 
principes  de  la  monarchie  ,  et  com- 
battit avec  courage  les  projets  des 
novateurs.  Son  zèle  fut  récompensé 
])3r  un  canonicat  de  la  cathédrale 
d'Arras  ;  mais  il  en  jouit  peu  de 
temps.  Condamné  à  la  déportation 
pour  avoir  refusé  de  prêter  un  ser- 
ment qui  répugnait  à  sa  conscience, 
il  se  retira  dans  les  Pays  -  Bas  ,  où 
les  malheurs  et  les  privations  de 
l'exil  ne  ralentirent  point  son  ardeur 
pour  le  travail.  L'abbé  Proyart  eut 
l'honneur  de  complimenter  ,  au  nom 
des  prêtres  français  ,  l'empereur 
François  II ,  à  son  arrivée  à  Bru- 
xelles ;  et  il  reçut  de  ce  prince  les 
éloges  dus  à  sa  fidélité.  La  guerre 
l'ayant  obligé  de  chercher  un  nouvel 


i58 


PRO 


asile  flans  la  Francoiiic  ,  il  y  fut  ac- 
cueilli par  le  priucc  de  Holicnlolu'- 
Barlenstcin  ,  qui  le  uotnina  sou  ooii- 
seiller  cctlcsiastique ,  et  le  chargea 
spccialcmcnl  de  la  distribution  i\es 
secours  aux  soldats  français  que  le 
sort  des  combats  avait  rendus  pri- 
sonniers. 11  s'acquitta  de  cette  mis- 
sion avec  un  zèle  admirable,  bra- 
vant ,  ainsi  que   les  collègues  qu'il 
avait  associes  à  celle  œuvre  de  clia- 
ritc  ,  les  dangers  de  la  contagion  qui 
moissonnait  nos  mallicnreux  soldats. 
Le  concordat ,  signe  par  le  gouver- 
nement français  avec  le  Saint-Siège, 
ayant  permis  aux  ecdèsiasliques  de 
revoir  leur  patrie,  l'abbè    Proyart 
revint  en  France,  s'èlabUt  à  Saint- 
Germain;  et  ayant  mis  en  ordie  les 
nombreux  matériaux  qu'il  avait  ras- 
sembles sur  riiisloirc  de  la  révolu- 
tion ,  fit  paraître  l'ouvrage  intitule  : 
Louis  Xf'I  et  ses  vertus  ,  dont  il 
adressa  le  premierexemplaireau  clii-f 
du  gouvernement.  Maigre  cette  pré- 
caution ,  l'ouvrage  fut  sai;>i  par  la 
police  V  17  février   1808);  et  l'au- 
teur enferme  à  Bicètre,  où,  man- 
quant de  tout ,  pendant  un  hiver  ri- 
goureux ,  il  ne  tarda  pas  d'clre  at- 
taque d'une  hydropisie  de  poitrine. 
Ses  amis  ,  informés  de  sa  situation  , 
obtinrent  ,   à  force  de  démarches  , 
qu'il  serait  transféré  au   séminaire 
d'Arras,  où  il  pourrait  recevoir  les 
secours  que  réclamait  son  état.  L'ab- 
bé Provart,  mourant,  fut  conduit  à 
Arras  sous  la  garde  d'un  gendarme; 
mais  la  voiture  n'étant  arrivée  que 
daiis  la  nuit,  il  ne  put  ctre  remis  an  lieu 
de  sa  destination.  On  le  déposa  chez 
une  de  ses  parentes;  et  il  y  expira  , 
(juelques   jours  après  ,  le  '}/i   mars 
1808 ,  à  l'âge  de  G5  ans.  Ses  obsé- 
(jues  furent  célébrées  avec   toute  la 
pompe  que  permettaient  les  circons- 
tances. Outre  quelques  brochnrcs  qui 


PRO 

n'oflVent  que  peu  d'inte'rêt,  on  a  de 
l'abbé  ^royarl  :  L  1/ Ecolier  ver- 
tut'ux  ,  ou  Vie  édiliante  d'un  écolier 
de  l'université  de  Paris  (  Decalogne  \ 
3''',  édit.  ,  1778,  et  souvent  irini- 
primc  depuis.  11.  Jli^toire  de  Loan- 
go ,  Aakon<;o  et  autres  royaumes 
iV.lfrique,  1776,  in-i>.  ,  avec  une 
carte;  Irad.  en  allemand  et  en  sué- 
dois. 11  rédigea  cet  ouvrage  sur  les 
Mémoires  de  MM,  Belgarde  et  Des- 
courvières  ,  ses  condisciples,  alors 
missionnaires  dans  la  Cocliiiicliiiic. 
La  \^''.  partie  contient  une  descrip- 
tion du  pays  et  des  mœurs  des  habi- 
tants ,  suivie  de  quelques  détails  sur 
leur  langue;  la  u''.  renlerme  l'his- 
toire de  la  mission  française  ,  de 
I7(i(j  à  1773.  111.  La  J'ie  du  dau- 
phin ,  père  de  Louis  xri ,  1180, 
in-  li  (  Voyez  Louis  ,  xxv  ,  i/jo  ). 
Proyart  donna  aussi ,  pour  le  prix 
propose  par  l'académie  française  , 
un  it/y^'e  du  même  prince.  IV.  La 
fie  du  dauphin ,  père  de  Louis  sr , 
1783,  .1  vol.  in-f),  (  F.  BotuGo- 
GNE  ,  V  ,  376  ).  V.  Histoire  de 
Stanislas  ,  roi  de  Pologne  ,  duc  de 
Lorraine  et  de  Bar,  1784,  '2  vol. 
in-iu,  ouvrage  intéressant  et  bien 
écrit  :  le  portrait  de  Charles  xii  , 
qui  termine  le  3"'.  livre  ,  peut  être 
cité  comme  ihj  modèle  en  ce  genre 
de  composition  histori(jue,  \\.  De 
V Education  publique  et  des  mojens 
d'en  réaliser  la  léforme  .  projetée 
dans  la  dernière  assemblée  du  cierge' 
de  France,  1785,  in-ia  (i).  VIL 
La  rie  de  Louis-Gabriel  Dorléans 
de  La  Motte  ,   évêque  d'Amiens  , 

1788,    in-l'i    (    F.    DORLEANS  ,    M, 

58f)  ).  VIII.  Le  Modèle  des  jeunes- 
gens,  dans  la  vie  de  Claude  Le  Pe- 
lelier  de  Sousi ,  mort  le  3  juillet 


^1     tÀt  •.uvrdgc  ne    fait  ))oiiit  [«ai lit  Je  IVUitioa 
couiplcte  auupDcec  ii  la  iùi  de  l'articje. 


PRO 

i685  (-2).  IX.  La  Fie  de  Mada- 
me Louise  de  France  (  Vojez 
Louise  ,  xxv  ,  9.62  ).  X.  Vie  de 
Marie  Leczinska,  reine  de  Fran- 
ce (3)  (  Foy.  Marie  ,  xxvii  ,71). 
XL  Louis  xvi ,  détrôné  avant  d'ê- 
tre Roi,  Londres,  1800,111-8".  (4) 
XIL  Louis  wi  et  ses  vertus  aux 
prises  avec  la  perversité  de  son  ne- 
de,  Paris,  1808,  5  vol.  in-80. 
Ces  derniers  ouvrages  sont  utiles  à 
consniter,  quoique  moins  bien  écrits 
que  les  premières  productions  de 
l'auteur  ,  ([ui  d'ailleurs  y  montre 
quelquefois  un  peu  trop  de  cre'du- 
lité.  Le  dernier  surtout  renferme 
des  digressions  sans  fin  ;  et  près 
de  deux  volumes  y  sont  employés 
à  combattre  les  pbilosopîics ,  les 
illumine's  et  les  francs  -  maçons. 
Les  OEwres  complètes  de  l'abbc' 
Proyart  ont  été  publiées  à  Paris  , 
en  1822  ,  17  volumes  in-  8<*.  On 
trouve,  à  la  tête  du  second  volume 
(  le  I  *'■.  de  Louis  XFIet  ses  vertus  ) , 
une  Notice  sur  l'auteur ,  dans  laquelle 
on  lui  attribue  une  Histoire  de  Ro- 
bespierre ,  restée  sans  doute  inédite  ; 
car  on  ne  la  voit  indiquée  dans  au- 
cun Catalogue.  On  cite  encore  de  lui 
un  Eloi^e  de  Louis  XFI,  Manbeim , 
1799;  Paris,  i8o3;  et  il  a  donné  une 


(a)  Cette  date  ,  constatée  par  le  Mercure  de  juil- 
let iG*<5,  doit  rectiHer  Ci  Ile  qu'on  a  indiquée  à  l'ar- 
ticle PeletiER,  t.  XXXIII,  p.  7.77.,  note. 

(3)  L'auteur  éprouva,  pourrirapression  deceli- 
vre  ,  lies  obstacles  incroyables  de  la  part  de  la  cen- 
sure :  il  en  rend  compte  ,  ainsi  que  de  la  diUiculté 
qu'il  avait  rencontrée  à  faire  imprimer  et  à  présen- 
ter au  roi  la  Vie  du  Dauphin  (  n°.  ni  ) ,  dans  une 
brochure,  iutituléc  :  Méiuoiie  assez  curieux  ,  in-i2 
deic)|)ag.  ,  qui  parait  dater  de  1787  ou  1788,  mais 
qui  est  très-rare  ,  et  ne  se  trouve  dans  aucune  édi- 
tion des  Otlnvres  comyléles  de  Proyart. 

(4)  Cette  édition  ,  qui  est  l'origiuale  ,  contient  532 
pages,  plus  le  frontispice.  L'auteur  ayant ,  sous  le 
gouvernement  consulaire  demandé  à  rentrer  eu  Fran- 
ce, on  ne  lui  en  accorda, dit-on,  la  permission, qu'au- 
tant qu'il  ferait  des  retranchements  à  son  livre.  Ce 
fut  alors  que  parut  l'édition  de  Paris,  i8o3  ,in-8"., 
sur  le  frontispice  de  laquelle  on  lit  ;  Seule  avouée 
par  V  auteur,  A.  13 — T. 


PRO 


159 


e'dition  de  V Histoire  abrégée deV E- 
f^Z/5e,par  Lhornond,  continuée  jus- 
qu'au concordat  de  Pie  VII ,  Lyon  , 
180G,  in -12.  W — s. 

PRUDENCE  {AuRELius  Pru- 
DENTJUS  Clemens),  poètc  chré- 
tien ,  né  l'an  348  ,  dans  la  pro- 
vince ïarragonaise  ,  en  Espagne  , 
reçut  une  éducation  soignée,  et  s'ap- 
pliqua surtout  à  la  culture  des  let- 
tres et  de  la  poésie. Dans  sa  jeunesse, 
il  exerça  la  profession  d'avocat,  et 
fut  ensuite  nommé  juge  ,  ou  ,  selon 
Tillemont,  gouverneur  de  quelques 
villes. II  quitta  la  toge  pour  les  armes, 
et  \int  à  la  cour  de  l'empereur  Ho- 
norius  ,  qui  le  revêtit  d'une  charge 
honorable;  mais  c'est  par  erreur  que 
quelques  écrivains  supposent  qu'il  fut 
crééconsul.Loin  d'augmenter  sa  for- 
tune  dans  ces  emplois,  il  l'avait  beau- 
coup diminuée  par  ses  largesses  ;  et 
d'injustes  procès  que  lui  suscitèrent 
ses  ennemis ,  le  dépouillèrent  de  la 
plus  grande  partie  de  ce  qui  lui  restait. 
Le  malheur  n'abatîit  point  son  cou- 
rage ;  et  s'il  regretta  sa  fortune,  c'é- 
tait pour  la  partager  avec  les  pauvres. 
Des  motifs,  qu'on  n'a  pu  deviner, 
l'obligèrent  de  recourir  à  la  protec- 
tion de  l'empereur:  il  fit  le  voyage  de 
Rome  ,  en  407  (suivant  Tillemont), 
et  j)rofita  de  son  séjour  dans  la  ca- 
pitale du  monde  chrétien  pour  visi- 
ter les  tombeaux  des  saints  martyrs. 
Dès  qu'il  eut  terminé  ses  alTaires,  il 
rentra  dans  la  solitude  qu'il  s'était 
choisie  eu  Espagne  :  il  y  passa  le 
reste  de  sa  vie  dans  la  prière,  la 
pratique  des  actes  de  piété  et  la  cul- 
ture des  lettres  ;  mais  on  ignore  l'c- 
poque  de  sa  mort.  Dans  sa  jeunesse  , 
il  avait  partagé  les  excès  et  les  dérè- 
glements qui  sont  l'écueil  de  cet  âge; 
mais  il  reconnut  enfin  les  erreurs  de 
sa  conduite ,  et  les  expia  par  un  re- 
pentir sincère.  Il  nous  apprend  qu'il 


i6o 


PRU 


avait  cinqiiantc-scpt  ans  ,  quand  il 
j)rit  la  résolution  de  ne  plus  exercer 
que  sur  des  sujets  chrelicns  son  ta- 
lent pour  la  poésie.  Tillemout  croit 
que  Prudence  avait  déjà  publie  les 
deux  lii'res  contre  Synim.ique  ,  dans 
lesquels  il  combat  ,  avec  un  {;entrcnx 
courage  ,  son  projet  de  relever  l'autel 
de  la  Victoire  ,  détruit  par  (iratieu  , 
et  réclame  l'abolition  des  specta- 
cles de  gladiateurs,  qui  paraissent  , 
on  ellet ,  avoir  êlc  supprimes  dès 
l'aunee  4^3  (  i  \  Dos  caiiti>pics  , 
des  hvmnes,  et  la  réfutation  des  hé- 
résies de  sou  temps,  composent  les 
autres  ouvrages  de  Prudence ,  qui 
portent  tous  des  titres  grecs.  Il  a 
rcnni,  sons  ce\m  àc  Cal  lie  m  eri  non , 
des  prières  pour  les  dillèrcntes  par- 
ties lie  la  journcc  ,  et  des  hymnes , 
dont  rR;;lisc a  consacre  quelques-imes 
dans  ses  OllJces.  Le  livre  intitule 
Jpolhensis  renferme  diverses  pièces 
contre  autant  <le  sectes  d'herelicpies  ; 
celui  qui  a  pour  titre  ,  J/iiinarlipe- 
nia  ,  c'cst-a-iiire  ,  de  l'origine  des 
pèches,  contient  la  rcfulalion  des 
erreurs  des  Marcionites  (  /'.  Mar- 
cioN  ).  Le  Feristephanon  ,  c'est-à- 
dire  Des  couronnes  ,  est  un  Recueil 
d"li\niiies  à  la  louange  des  martyrs, 
et  priui  ipaleinentdeceuxd'Kspagne. 
La  Psycfiomachia  ,  ou  le  combat  de 
l'anic  ,  e>l  la  description  des  assauts 
que  noi  s  livrent  les  passions  ;  et  en- 
Iju  le  Vitlochaion  ou  le  manuel ,  est 
un  recueil  de  traits  tires  de  l'Ancien 
et  du  Nouveau  Testament,  exprimés 
en  autant  de  quatrains,  (iennadc,  qui 
cite  ce  dernier  ouvrage  parmi  ceux 
que  l'on  doit  .a  Prudence,  lui  en  at- 
tribue encore  doux  qui  sont  perdus  : 
une  Exhortation  cin  martyre;  et,  sous 
le  ûlrc  iV I/exameron  ,  un  commen- 
taire sur  les  premiers  chapitres  de  la 

'i'   r)"»nr<-»  le»  <-alruI§  ilr  1  i!li-nionl  ,  Prudence 


PRU 

(icnèse.Jean  Leclerc  (  Biblioth.  uni- 
i'erselle ,  tome  xii  \  et  Bayle(  Dirt. 
historique),  reprochent  à  Prudence 
d'avoir  avance  (pielques  opinions  qui 
ne  sont  point  orthodoxes  :  mais  on 
doit  l'excuser  de  s'être  trompe  dans 
des  matières  doiit  il  n'avait  pas  l'ail 
une  élude  aprofondie  ;  et  d'ailleurs  il 
est  im|)ossil.le  de  douter  de  la  sincé- 
rité de  sa  foi.  Quelques  critiques  trou- 
vent son  style  un  peu  rude,  et  relè- 
vent plusieurs  fautes  qu'il  a  com- 
mises contre  la  prosodie  :  mais  tous 
conviennent  que  ses  dillérentes  com- 
positions respirent  un  véritable  en- 
thousiasme ,  et  qu'aucun  poète  chré- 
tien n'a  montré  plus  de  connaissances 
dans  l'histoire  et  les  aiiti(piités.  Il 
existe  un  Ires-grand  nombre  d'édi- 
tions des  poésies  do  Prudence.  Le 
savant  Fabricins  en  a  publié  la  liste 
avec  son  exactitude  ordinaire,  dans 
la  Jjihl.  lalina  et  dans  la  llihl.  mcd. 
et  infiuid'  lutinilatis.  On  se  bornera 
donc  à  citer  ici  les  principales.  La 
première  est  un  petit  iu-4".  golh.  de 
i<)(j  feuillets,  sans  date  et  sans  nom 
d'imprimeur,  mais  que  l'on  croit  sor- 
tie des  presses  de  Uich,  PafTroed,  à 
Deventer,  vers  i49^  [fAc  Manuel 
du  libraire ,  par  M.  Brunet  )  {'x).  Les 
OKuvresde  Prudence  font  partie  des 
Pdfliv  christinni ,  iiuprim.  par  les 
Allies  ,  à  Venise  l'ioi  -  u  ;  mais  la 
prétendue  édition  que  l'on  veut  que 
ces  habiles  typographes  en  aient  don- 
né ,  en  I  J 1  b  ,  iii-8". ,  annoncée  avec 
afTcctation  dans  le  Catalogne  Fosca- 
rini ,  n'est  qu'une  édition  lyonnaise 
sans  date,  qui  doit  avoir  été  im- 
primée vers  1J02.  Parmi  les  édi- 
tions postérieures ,  les  curieux  re- 
cherchent   surtout    les   suivantes  : 


(i',  J^e  Rrcnril  «l'hymn»»  inliluli- ,  Cnihemerinon  , 
»  fil-  impi  iiiii-  tejwri'iuriit  -  V  ieiiue  ,  iii-.(°.  ,  vit»  la 
Go  du  qiiinziinic  «ii'cU.  Cet  opuMuU'  ,de  a8  feuil- 
lets ,  «*t  tré*-raic. 


PRU 

Hauau,  i6i3  ,  iu-8^. ,  avec  des  no- 
tes de  divers  auteurs  ,  et  publiées 
])ar  Jean  Weitz;  —  Amsterdam, 
Dan.  Elzevicr,  1(367,  deux  tomes  en 
un  vol.  in-  12,  avec  les  notes  de 
ÎNicol,  Heinsius; — Paris,  1687  '  ^'^' 
4"*.,  avec  les  notes  d'Etienne  Cha- 
niillart-:  c'est  l'un  des  plus  rares  vo- 
lumes de  la  collection,  Ad  usum 
Delphini  ;  —  Colof;ne  ,  1 701  ,  petit 
iu-8^.  :  elle  fait  partie  de  la  colleclion 
Furioruin; — Avec  les  notes  de  Chris- 
toplic  Gcllarius ,  Halle,  1708  ou 
1789,  in-8'^.  —  Rome,  1788-89, 
1  vol.  in-4''.  :  cette  belle  édition  due 
aux  soins  deFr.  Arevalo,  fait  partie 
d'un  Recueil  des  OEuvres  des  poètes 
chrétiens;  —  Parme  (Bodoni)  1789, 
•-4  vol.  gr.  in  8'\  ,  édition  revue  sur 
les  manuscrits  du  Vatican,  augmen- 
tée de  variantes  et  de  diverses  leçons: 
c'est  la  plus  complète.  Outre  les  au- 
teurs cités,  on  peut  consulter  la  Vie 
de  Prudence ,  dans  les  Mémoires  de 
Tillemont,  X,  56o-66.      W — s. 

PRUDENCE  (Saint  )  le  Jeune. 
V.  Galindo,  XVI,  332. 

PRUDENT  (  JOSEPH-HIPPOLYTE- 

AuGUSTiN  VAUCHOT,plusconnusous 
le  nom  de  Père  ) ,  capucin  ,  naquit , 
en  1743,3  Faucogney,  petite  ville  de 
Franche-Comté;  il  embrassa  la  vie 
religieuse  à  seize  ans  ,  et ,  après  avoir 
achevé  ses  études  théologiques  et  re 
çu  les  ordres  sacrés,  fut  chargé  de 
l'enseignement  des  novices.  Bientôt, 
par  les  conseils  du  P.  Dunand  ,  son 
confrère  (  F.  Duna>d),  il  employa 
tous  ses  loisirs  à  l'étude  de  l'histoi- 
re ,  et  se  mit  sur  les  rangs  pour  dis- 
puter les  prix  que  proposait  l'acadé- 
mie de  Besançon.  En  1776,  il  rem- 
porta le  prix  d'éloquence,  par  V E- 
lo^e  de  ?^icoIas  Perrcnot ,  chancelier 
de  l'empereur  Charles-Quint  (  Foj. 
GuANVELLE  );  et,  l'année  suivante  , 
il  en  obtint  deux  :  celui  d'histoire , 

XXXVI. 


PRU  ,6, 

par  une  Notice  sur  les  monuments 
romains  dont  il  existe  des  vestiges 
en  Franche-Comté;  et  celui  d'a-^ri- 
culture,  par  une  Dissertation  sur 
les  causes  et  les  caractères  d'une  ma- 
ladie qui  aflligeait  plusieurs  vigno- 
bles de  la  province.  Celle  Disserta- 
tion fut  imprimée  aux  frais  du  gou- 
vernement (Besançon,  1778,  in-è*^.), 
et  distribuée  avec  profusion  dans  les 
campagnes  :  mais  le  triomphe  du  P. 
Prudent  fut  de  peu  de  durée.  Un  ano- 
uyme  contesta  la  justesse  de  ses  ob- 
servations ,  dans  une  brochure  inti- 
tulée: ^(?/Ze,tio?wrf'M«  vigneron  (  Ve- 
soul ,  1 778  ,  in-8«.  ),  et  versa  le  ri- 
dicule à  pleines  mains  sur  l'auteur 
et  l'ouvrage  couronnés.  Le  P.  Pru- 
dent découvrit  que  le  malin  vigneron 
cachait  l'abbé  Ijavcrci  (1)  ;  et,  n'o- 
sant lutter  contre  un  adversaire  que 
sa  causticité  rendait  redoutable,  il 
prit  le  parti  de  dénoncer  l'éciit  ano- 
nyme ,  comme  injurieux  à  l'acadé- 
mie et  à  l'ordre  entier  des  Capucins. 
Celte  démarche ,  blâmée  de  tout  le 
inonde  ,  n'eut  pas  le  résultat  qu'il  es- 
pérait. Le  parlement  refusa  d'inter- 
poser son  autorité  dans  une  querelle 
toute  littéraire  ;  et  l'abbé  Baverel  , 
par  un  nouveau  pamphlet,  plus  mor- 
dant que  le  premier  (  Observations 
sur  la  Dissertation ,  etc.,  1779,  in- 
8".  ) ,  acheva  de  désoler  son  advei-- 
saire  ,  qui  cessa  d'ambitionner  les 
palmes  académiques,  qu'il  eût  payées 
trop  chèrement ,  en  les  achetant  do 
son  repos.  Le  P.  Prudent  se  renfer- 
ma dès- lors  dans  les  devoirs  de  son 
état,  qu'il  remplissait  avec  beaucoup 
de  zèle.  A  la  suppression  des  ordres 
monastiques,  il  se  retira  dans  sa  fa- 
radle,  et  mourut  à  Fontaine,  prés 
de  Luxeuil,  le  '28  août  1 797..  Outre  un 
assez  grand  nombre  de  Mémoires  tt 

(OL'al)béBavorel  est  mort  à  Be.^^anr,  n,  Te  i8  sei.- 
tembrc  1827..  (.  Voy.  son  article  au  Supplcmcnl.  ) 


t6-2  PRU 

de  Dissertations  dans  le  Pecued  de 
l'académie  do  Besançon,  il  a  laisse  , 
manuscrits  ,  un  Cours  de  lan^uela- 
tine,  jilusicurs  Traités  de  théolo- 
gie,  des  Sermons ,  des  Panég}ri' 
ques,  etc.,  que  l'on  conserve  dans 
sa  famille.  Les  deux  seuls  ouvrages 
qu'il  ait  publiés ,  sont  :  I.  Disserta- 
tion qui  a  remporté  le  prix ,  au  ju- 
sement  de  l'académie  de  Besancon, 
en  i''"7  ,sur  le  sujet:  Quels  sont  les 
caracttTi-S  et  les  causes  d'une  mala- 
die qui  commence  à  attaquer  plu- 
sieurs vignobles  de  Francbe-Comté, 
et  les  moyens  de  la  prévenir  ou  de  la 
guérir,  Besançon,  i77H,in-8'J.  ;  el- 
le est  citée  avec  éloge,  dans  le  Théâ- 
tre d'a^ricuUureà'0\'\ncrde  Serres, 
éd.  de  1804.  II.  rie  de  sainte  C7m- 
re,  Paris,  1782,  in- 1 a.     W — s. 

PHLSIAS,  roi  de  Bilbynie  ,  et 
fameux  p.ir  son  dévoûnunt  scrvile 
au  sénat  romain  ,  était  surnommé 
Cunéi^os  oM  \e  Chasicur.  Polybc  a 
fait  de  lui  un  portrait  que  dom  Thuil- 
iieret  RoUin  traduisent  ainsi  :  «  Ce 

V  roi  deBitbynic,ducôté  du  corps, 
»  n'avait  rien  qui  prévînt  en  sa  fa- 
v  venr  ;  il  n'était  pas  mieux  avanta- 
j)  gé  du  côté  de  l'esprit.  Ce  n'était 

V  par  la  taille  qu'une  moitié  d'hora- 
T.  me,  et  qu'une  femme  par  le  rœur 
»  et  le  courage.  Non-seulement  il 
»  était  tinride,  mais  mou  .  incapable 
»  de  travail;  en  un  mol ,  d'un  corps 
»  et  d'un  esprit  elTcminés.  défaut 
»  qu'on  n'aime  nulle  part  dans  les 
»  rois  ,  mais  qu'on  aimait  moins  cn- 
»  core  qu'ailleurs  che;.  les  Bithy- 
»  niens.  Les  belles  lettres,  la  pbiloso- 
wpbie,  lui  étaient  paif.iitenient  in- 
»  connues.  Enfin  il  n'avait  nulle  idée 
»  du  beau  ni  de  l'honnête.  Nuit  et  jour 
»  il  vivait  en  vrai  Sardanapale. "Pour 
déterminer  l'époque  où  commence 
son  règne,  on  doit  distinguer  plu- 
sieurs Prusias.  Slrabon  en  indique 


PRU 

un,  contera  porain  de  Cyrns  cl  dcCfûe- 
sus,  au  si.xicme  siècle  avant  l'ère 
vulgaire;  et  Sévin ,  dans  son  premier 
IMéinoire  sur  les  rois  de  Bitliynie 
(  ^-icad.  des  inscript.,  t.  xii  ),  ue 
convient  pas  que  ce  passage  de  Slra- 
bon soit  aussi  altéré  que  l'a  prétendu 
PaulmierdeGrantemesnil.  Toutefois 
ce  n'est  point  à  ce  prince  (|ue  Sévin, 
dans  son  troisième  Mémoire  (  ibid., 
t.  XVI  ),  applique  le  nom  de  I^rusiaS 
premier,  mais  au  (ils  de  Ziélas.  Les 
(iaidois  avaient  mis  à  mort  ce  roi 
Ziélas,  vers  le  milieu  ou  la  fin  de  la 
cxxxv".   olympiade  ,   c'est-à-dire, 
vers  l'an  ^38  avant  J.-C.  Prusias  l»^"". 
régna  sur  les  Billivuiens  depuis  ce 
temps  jusqu'à  l'an  190,  selon  Vail- 
lant (  ^Ichœmen.  Imp.,  11,  o->. i  ); 
jusqu'en   188,  selon   Sévin.  C'était 
donc  ce  premier  Prusias  qui,  en  220, 
et  durant  les  années  suivantes  ,  s'al- 
lait avec  les  Rliodiens    contre  les 
Bvzanlins,  et  taillait  en  pièces  les 
Gaulois  qui  infestaient  la   côte  de 
riiellespont  (  Polyb.,  liv,  iv  et  v  ). 
C'est  lui  encore  que  Tite-Live  nous 
montre  menaçant,  en  207,  les  fron- 
tières du  royaume  de  Pergame,  et 
forçant  ainsi  Attalc  l*"' .  (  r.  ce  nom  , 
Il ,  Gi()  )  de  renoncera  la  conquête 
de   l'Élolie,    Le  même   Prusias  est 
compris,  en  204,  au  nombre  des 
rois  alliés  du  peuple  romain;  il  est 
invité,  en  if/j,  à  se  confoirncr  aux 
dispositions  du  traité  conclu  avec  le 
roi  de  Macédoine,  Philippe,  dont  il 
avait  épousé  la  sœur  A  pâmée.  Quel- 
que temps  après  ,  Antiochus  ,  roi  de 
Syrie,  lui  envoya  des  ambassadeurs 
pour  lui  représenter  que  les  Romains 
songeaient  à  détruire  toutes  les  mo- 
narchies ,  et  à  fondre  dans  leur  em- 
pire tous  les  empires  de  la  terre  :  dé- 
jà Nabis  et  Philippe  avaient  subi  le 
joug;  on  attaquait  maintenant  Antio- 
chus ;  le  tour  de  Prusias  viendrait 


PRU 

ensiiile.  Ces  réflexions  ébranlaient  le 
roi  dcBithynie.ct  l'auraient  entraîné 
à  s'armer  contre  Kome,  sans  les  mes- 
sages et  les  lettres  qu'il  reçut  de  cette 
république.  C'est  à  tort,  lui  écrivaient 
les  Sci pions,  qu'on  accuse  Rome 
d'être  l'ennemie  de  la  royauté  :  An- 
dobalès  et  Masinissa  ne  lui  doivent- 
ils  pas  au  contraire  l'allermissement 
de  leurs  trônes  et  l'accroissement  de 
Icurpuissance?  Les  roitelets  qui  nous 
ont  été  fidèles  en  Espagne,  ne  sont- 
ils  pas  devenus  des  rois  ?  hegulos  se 
acceptas  infidem  in  Hispanid  reges 
reliquisse  ("Tile-Live  ).  L'ambassa- 
deur Livius  survint ,  et  ajouta  qu'en- 
tre Aniiocbus  et  les  Romains,  la 
victoire  ne  serait  jamais  incei'taine, 
et  qu'il  y  avait  peu  de  profit  à  re- 
chercher l'amitié  des  vaincus.  Pru- 
sias  promit  la  plus  exacte  neutralité; 
il  fit  plus,  si  nous  en  crovons  Ap- 
pien  :  il  se  déclara  pour  les  Romains. 
Sévin  n'en  veut  pas  convenir  ,  d'a- 
bord parce  que,  dans  le  dénombre- 
ment des  auxiliaires  de  Rome  con- 
tre Anfiochus,  il  n'est  fait  mention 
ni  de  Pnisias,  ni  de  troupes  Bithy- 
niennes;  ensuite  parce  qu'après  la  dé- 
faite du  roi  de  Syrie,  celui  de  Bi- 
tliynie  fut  dépossédé  de  l'une  de  ses 
provinces,  par  un  décret  du  sénat.  Il 
s'agissait  de  la  Phrygie ,  qu'on  adju- 
geait à  Eumènes  ,  roi  de  Pergarae ,  et 
que  Prusias  s'abstint  de  revendiquer. 
Anuibal  exilé  {F.  ce  nom,  II,  212- 
iri  )  se  voyait  forcé  de  sortir  des 
élats  d'Antiochus  :  il  se  retira  d'a- 
bord dans  l'île  de  Crète,  puis  en  Ar- 
ménie; enfin  en  Bithynie,  à  la  cour 
de  Prusias,  qui  mourut  peu  de  temps 
après.  —  Il  suit  de  là  que  ce  monar- 
que ne  doit  pas  être  confondu  avec 
son  fils  Prusias  II  ou  Cunégos,  qui 
ne  monta  sur  le  trône  qu'en  190,  ou 
plutôt  188,  mais  à  qui  pourtant  les 
Dictionnaires  historiques ,  et  le  nou- 


PRU  ,63 

vel  Art  de  vérifier  les  dates  avant 
J.-C. ,  attribuent  presque  tous  les 
faits  que  nous  venons  d'indiquer. 
C'est  une  erreur  qui  remonte  à  Sigo- 
nius,  et  que  Henn  Valois  a  victorieu- 
sement combattue  :  elle  a  été  relevée 
aussi  par  M.  Scliweighœuser,  dans 
son  excellente  édition  de  Polybe  {  t. 
vin  ,  p.  i4i  ).  Oulre  que  le  premier 
de  ces  rois  est  distingué  par  son 
surnom  de  Boiteux  (  -/yVoq  ),  et  le 
deuxième  parccluideChasseur(-/uvï;. 
yoq  ),  il  faudrait,  pour  les  confon- 
dre en  un  seul,  supposer  un  règne 
d'environ  quatre-vingt-dix  ans,  qui 
n'est  aucunement  admissible.  Ainsi, 
c'est  à  Prusias  II ,  fils  de  Prusias  le 
Boiteux,  et  petit-fils  de  Ziéias,  que 
s'appliquera  la  Notice  qui  va  suivre. 
11  avait  épousé  la  fille  de  Philippe  , 
roi  de  Macédoine  ,  nièce  de  sa  pro- 
pre mère.  Parvenu  au  trône,  il  prit 
les  armes  contre  Eumcnès ,  roi  de 
Pergame,  et  remporta  ,  secondé  par 
Annibal ,  plusieurs  victoires  sur  mer 
et  sur  terre.  Un  jour  qu'il  hésitait  à 
livrer  une  bataille,  parce  que  les  en- 
trailles des  victimes  n'annonçaient 
rien  d'heureux  :  «  Eh  quoi  !  lui  dit 
»  le  héros  de  Carlhage,  comptez- 
»  vous  plus  sur  le  foie  d'une  vache 
»  que  sur  les  conseils  et  le  bras  d'An- 
»  nibal  ?  »  Les  Romains  qu'alar- 
maient les  succès  du  roi  de  Bithynie, 
et  dont  les  ressentiments  contre  le 
général  carthaginois  étaient  impla- 
cables, enjoignirent  à  Prusias  de  leur 
livrer  ce  grand  capitaine  ,  ou  de 
le  tuer  ;  et  cet  ordre  allait  être  exé- 
cuté, quand  Annibal  le  prévint  en 
s'empoisonnant. Cette  lâchetéde Pru- 
sias a  été  exposée  sur  la  scène  fran- 
çaise par  plusieurs  poètes,  spécia- 
lement par  Thomas  Corneille  et  par 
Marivaux.  M.  Firmin  Didot  a  com- 
posé, sur  le  même  sujet ,  luie  tragé- 
die non  représentée,  où  il  a  réussi 


i64  PRU 

à  rendre  moins  ignoble,  el  jvir  eou- 
séquentpUisilmniatiqneJe  caraclèrc 
du  roi  de  Bilhyiiic:  mais  l'inexora- 
ble  histoire  a  couvert  ee  prince  d'un 
opprobre  éternel.  Malgré  ses  com- 
jjlaisanceset  sa  dociliic,  les  Romains 
ircurcnl  aucun  égard  aux.  humbles 
prières  qu'il  leur  adressa  en  faveur 
du  roi  de  Macédoine  Persée ,  son 
boaufrère.  A  l'époque  du  détrône- 
menl  de  Persée ,  et  de  la  destruction 
du  royaume  de  Macédoine  en  167, 
Prusias  s'empressa  de  venir  se  pros- 
terner devant  le  sénat  romain  :  re- 
vêtu d'un  costume  abject,  et  la  tête 
rasée,  il  l)aisa  le  seuil  de  la  salle,  se 
déclarant  l'atlVanchi  de  Rome,  et 
saluant  les  pères  conscrits  comme 
ses  dieux  sauveurs  :  un  roi  ajoutait 
à  l'art  des  courtisans  ,  des  infamies 
encore  nouvelles.  Polybe  raconte 
ces  détails;  mais  Tite-Live,  qui  cite 
ici  cet  historien  grec,  rapporte  au- 
paravant ce  qu'eu  disent  les  histo- 
riens latins  :  Hâc  de  FrusiiV  noslri 
scriptnres.  Or  ,  selon  ces  écrivains  , 
le  roi  de  Bithynie,  reçu  à  Cnpouc 
par  le  questeur  Scipion  qu'on  avait 
envoyé  à  sa  rencontre ,  entra  dans 
Rome,  suivi  d'une  troupe  nombreu- 
se, gagna  le  Forum,  et, monté  sur  le 
tribunal  du  questeur  Cassius  ,  dit  à  la 
foule  qui  l'environnait,  qu'il  était 
venu  |K)ur  saluer  les  dieux,  le  sénat 
et  le  peuple  de  Rome,  pour  les  féli- 
citer d'avoir  vaincu  le  roi  Persée,  et 
soumis  à  leur  empire  les  Macédo- 
niens et  les  lllyricns.  Des  maisons 
avaient  été  préparées  pour  le  rece- 
voir ,  lui  et  sa  suite  :  il  passa  deux 
journées  à  visiter,  conduit  par  le 
questeur,  les  temples  ,  la  ville  et  les 
principaux  citoyens  :  le  troisième 

Iour,  il  se  présenta  devant  l'assem- 
»lée  des  sénateurs  ,  les  corapliiueiita 
sur  leurs  triomphes;  il  retraça  ce  qu'il 
avait  fait  lui-même  dans  cette  guerre, 


PRIT 

et  demanda  qu'on  lui  permît  de  sa- 
crifier au  Capitolc,  en  l'honneur  des 
succès  de  Rome;  et  qu'on  voulût  bien 
renouveler  l'alliance  contractée  avec 
lui,  en  legratidant  d'un  territoire  pris 
sur  Antiochus,  et  occupé  sans  titre 
parlesGaulois.il  finit  en  recomman- 
dant son  fils  Nicnmède  à  la  bienveil- 
lance du  sénat.  On  accueillit  ses  de- 
mandes :  seulement  on  lui  annonça 
quedes  commissaires  envoyés  sur  les 
terrains  f|u'il  réclamait,  verraient  si 
l'on  pouvait  les  lui  remettre  sans 
blesser  la  justice.  Congédié  avec  cette 
réponse  et  avec  des  présents  consi- 
dérables, il  fut  reconduit  ,  toujours 
par  le  questeur  Scipion  ,  jus'|u'à  ses 
vaisseaux.  Ce  récit  déshonore  un  peu 
moins  Prusias;  mais  la  plupart  des 
historiens  modernes  s'en  tiennent  à 
relui  de  Polybe ,  persuadés  sans  dou- 
te que  l'assassin  d'Annibal  a  dil 
descendre  au  dernier  deç;ré  d'abjec- 
tion. Vers  l'an  i50,  il  attaqua  le 
roi  de  Pergame  ,  Attale  ,  successeur 
d'Ktimenès  ,  le  vainquit,  entra  dans 
sa  capitale,  pilla  les  temples,  enleva 
ou  brisa  les  statues  des  die\ix  ,  ren- 
versa et  brûla  tout  ce  qui  se  ren- 
contra sur  sa  route.  Diodore  de 
Sicile  raconte  que  le  ciel  punit  ces 
sacrilèges  ]iar  des  maladies  mortel- 
les, qui  afiligcrent  les  troupes  bithy- 
niennes  ,  el  qui  épargnèrent  leur  mo- 
narque bien  plus  coupable.  Attale, 
dans  sa  détresse  extrêm»*,  eut  recours 
aux  Romains ,  à  qui  les  succès  de 
Prusias  donnaient  déjà  de  l'ombrage, 
et  qui  l'invitèrent  en  effet  à  rentrer 
dans  les  anciennes  limites  de  son 
royaume.  Comme  le  roi  de  Bithynie 
ne  se  pressait  pas  d'obéir,  ils  prirent 
un  langage  plus  impérieux;  et  il  fal- 
lut non-seulement  1  esiitner  au  roi  de 
Pergame  ses  états,  mais  encore  s'en- 
gager à  lui  fournir  vingt  galères  pon- 
tées ,  et  à  Ini  payer  en  vingt  ans  cinq 


PRU 

cents  talents,  outre  les  cent  qu'Attalc 
devait  recevoir  à  l'instant  même,  com- 
uie  indemuitc  des  pertes  qu'il  venait 
de  sourt'nr.  Ces  conditions  pouvaient 
sembler  dures  à  Prusias;  mais  Rome 
traitait  ainsi  les  rois  sujets.  Celui  ci, 
eu  149.  chargea  sou  fils  Nicomèdc, 
d'aller  offrir  au  sénat  romain  de  nou- 
veaux hommages, eu  réclamant  tou- 
tefois une  réduction  des  sommes  à 
payer  au  roiAttaie.  Néanmoins  cette 
mission  n'était  qu'apparente:  un  oJBFi- 
cier  appelé  Menas,  qui  accompagnait 
le  jeuue  prince,  avait  ordre  de  l'assas- 
siner. Par  cet  attentat,  Prusias  vou- 
lait favoiiser  d'autres  fils  qu'il  avait 
eus  d'un  second  hymen  ,  et  qu'il  fai- 
sait élever  dans  Rome.  Nicomède, 
averti  par  Menas  lui-même,  échappe 
au  péril  ,  et  revient  en  Bithyuie. 
Appieu  et  Justin  fournissent  ces  dé- 
tails :  le  texte  de  Justin  a  été  traduit 
par  Pierre  Corneille,  dans  la  préface 
de  sa  tragédie  de  Nicomcde ,  où  le 
courage  et  les  talents  de  ce  personna- 
ge contrastent  si  heureusement  avec 
l'extrême  ignominie  du  roi  son  père. 
Mais  il  ne  faut  point  encore  chercher 
là  l'histoire;  Nicomède  est  un  autre 
tyran  qui  moule  sur  le  trône  par  uu 
parricide  (  F.  Nicomède,  XXXI , 
liio  )  :  ligué  avec  des  étrangers ,  par- 
ticulièrement avec  Attale,  et  soutenu 
parle  plus  grand  nombre  des  Bithy- 
niens,  auxquels  Prusias  s'est  rendu 
odieux ,  il  le  chasse  de  sou  palais ,  et 
le  force  à  se  réfugier  dans  un  temple, 
où  ce  prince  expire  ,  l'an  1 48  ,  près 
de  l'autel  de  Jupiter,  sous  le  fer  des 
assassins  ;  et,  à  ce  qu'assurent  Diodo- 
le  de  Sicile  ,  Justin ,  Appien ,  Zona- 
ras,  et  l'auteur  de  l'Épitome  du  cin- 
quantième livre  de  Tile-Live ,  sous 
les  coups  de  son  propre  fils.  Ainsi 
périt  ce  prince  lâche  ,  superstitieux 
et  sanguinaire,  qui  avait  trahi  ses 
alliés ,  opprimé  ses  sujets ,  ordonné 


PRY 


i65 


la  niorlde  sou  fils,  et  avili  la  majesté' 
royale.  Sou  histoire  est  recueillie 
dans  les  divers  auteurs  classiques  , 
cités  en  cet  article:  elle  n'a  été  ras- 
semblée nulle  part;  elle  est  éparsc 
en  plusieurs  volumes  de  Rollin  ;  et 
Sévin ,  qui  avait  entrepris  des  Anna- 
les complètes  des  rois  de  Bithyuie, 
ne  les  a  conduites  que  jusqu'à  la  mort 
de  Prusias  l'^''.  ou  le  Boiteux  :  il  n'a 
pas  achevé  le  Mémoire  qui  devait 
éclaircir  les  détails  du  règne  de  Pru- 
sias II  ou  Cunégos.       D — n — u. 

PRUSSE.  Fof.  HENRI  et  WIL- 
HE[>MINE. 

PRYCE  (  Guillaume  ) ,  médecin 
anglais,  né  en  Cornouailles,  et  mort 
vers  la  fin  du  dernier  siècle,  croyait  à 
l'alchimie,  et  faisait  des  opéralions 
pour  atteindre  le  but  de  ses  rêves; 
mais  il  s'occupa  d'une  manière  plus 
utile  ,  eu  complétant  les  travaux  de 
son  compatriote  Borlase  (  Foy.  ce 
nom,  V  ,  187  ) ,  par  la  composition 
de  deux  ouviagcs  importants  :  l'un 
est  la  minéralogie  de  sa  province, 
Minevalos^ia  Cortmhiensis,  Londres, 
1778,  in-fol.  ;et  l'autre, une  Gi'am- 
maire  et  un  Vocabulaire  de  la  lan- 
gue de  ce  pays ,  qu'il  voulait  aider 
à  conserver  ,  mais  qui  de  nos  jours 
a  cessé  d'être  une  langue  vivante- 
Cet  ouvrace  est  intitulé:  Archœolo- 
gia  Cornu  Britanica;  or  an  essay 
to  préserve  the  ancient  cornish  lan- 
gu(i;;e ,  1 790  ,  iu-4'^.  D — g. 

PRY1NNÈ(  William),  juriscon- 
sulte anglais,  plus  fameux  par  son 
courage  que  par  ses  nombreux  écrits, 
naquit,  en  1600,  à  Swanswick , 
dans  le  comté  de  Somerset.  De  l'é- 
cole de  Bath  et  de  l'université  d'Ox- 
ford ,  il  passa  au  collège  de  jurispru- 
dence de  Lincoln's-Inu  ,  à  Londres. 
Malgré  les  connaissances  qu'il  acquit 
dans  la  science  des  lois  ,  ce  ne  fut 
pas  sous  ce  rapport  qu'il  commença 


i66  PRY 

de  se  faire  nonnaître.  Il  montrait 
une  {grande  rigidité  de  principes  et 
de  mœurs  ;  et  les  prédications  d'un 
puritain  distingué  le  gaf;ncrent  faci- 
lement à  celte  secte.  Hientùt   ii  se 
mit  à  écrire  contre  ce  qu'il  appelait 
les  desordres  du  siècle ,  tels  que  la 
frisure  des  cheveux ,  l'usace  de  boire 
a  la  santé,  le  papisme  et  I  arminui- 
risrae.  Ses  écrits   contre  l'arminia- 
nisrae  et  la  juridiction  des  évèques, 
indisposèrent  fortement  contre  lui 
Laud  et  d'autres  prélats  ,  qui ,    s'il 
faut  l'en  croire,  épièrent  l'occasion 
de  lui  fiiie  éproirvcr  les  cflèts  de 
leur  haine.  Cette  occasion  se  pré- 
senta vers  iG33.  Il  venait  de  mettre 
au  jour  un  voliune  in-4"  de  looo  pa- 
ges, intitule ///jtno-m<iifà-,  {le  fouet 
des  comédiens  ,  )  dirigé   contre  les 
spectacles  et  les  acteurs.  On  y  lisait , 
k  la  table  des  matières  seulement,  un 
mot  outr.igeant  pour  les  femmes  qui 
*e  produisent  sur  le  théâtre.  Los  en- 
nemis  de  l'auteur   ne   manquèreut 
pas  d'insinuer  au  roi  que  ce  passaf;c 
tombait  expressément  sur  la  reine, 
qui  récemment   avait  joué  un  rolo 
dans  une  pastorale  exécutée  à  So- 
merset-House;  et  bien  qu'il  fût  cons- 
tant   que   la    publication    du   livre 
avait  précédé  de  six  semaines  le  di- 
vertissement royal ,  le   maheureux 
Pryiinc,  citédevaiit  la  Chamhreéloi- 
Ztf'e,  fut  condamnéà  paver  une  amende 
de  5ooo  livres,  à  sortir  de  l'univer- 
sité ,  à  êtreattachéau  pilori  endcux 
endroits  différents,  en  perdant  une 
oreille  à  chaque  station,  et  à  garder 
une  prison  perpétuelle.  Ce  supplice, 
trop  rigoureux,  même  quand  il  eût  été 
mérité ,  il  le  subit  avec  la  fermeté 
que  peut  donner  le  sentiment  d'u:ie 
conscience  pure  :  mais  son  ressen- 
timent s'exhala  ,  en  prison  ,  dans 
des  pamphlets  virulents  ,  contre  ses 
persécuteurs.  Un  de  ces  pamphlets , 


PRY 

intitulé  ,  Nouvelles  d'Ipswich  ,  où 
il  les  traitoit  A^ évèques  de  Lucifer\ 
exécrables  traître.  JoufS  dé\-orants, 
fut  l'objet  d'une  nouvelle  poursuite 
devant  le  même  tribunal,  qui  le  con- 
damna à  paver  une  amciuicde  5ooo 
livres,  à  perdre  lo  reste  de  ses  oreil- 
les, et  à  être  marqué  sur  chaque  joue 
des  lettres  S.  L.  ,  comme  libclliste 
schismatique.  La  sentence  fut  exécu- 
tée en  1G37.  Mais  l'ame  de  Prynne 
étaità  l'épreuve  des  tourments.  Trans- 
féré successivement  à  Caernarvon- 
Castle ,  et  à  l'île  de  Jcrsev,  il  con- 
tinua d'exercer  sa  plume  jusqu'en 
1O.40  ,  lorsfpi'éclata  la  révolution 
politique  qui  le  rendit ,  avec  beau- 
coup d'autres,  à  la  liljortc.  Il  cuira 
dans  Londres  comme  en  triomphe 
(  f'ojez  Bastwick  et  BunTON  ). 
Elu  membre  du  parlement  parNew- 

Eort,  en  Cornouailles  ,  il  y  com- 
attit  vigoureusement  l'épiscopat. 
Quand  Laud  fut  mis  en  jugement, 
Prynne  put  se  donner  le  plaisir  de 
la  vengeance;  car  ce  fut  lui  prin- 
cipalement (|ui  ct)ndnisit  ce  pmrès. 
Après  la  victoire  des  pai  lementaires, 
il  fut  nu  des  commissaires  visiteurs 
de  l'université  d'Oxford ,  et  il  déploya 
beaucoup  de  zèle  pour  l'établis- 
sement du  presbytérianisme  :  lors- 
qu'il vit  les  indépendants  prendre  le 
dessus  ,  tout  son  intérêt  se  tourna 
vers  le  parti  vaincu;  et  il  employa 
son  crédit  pour  faire  goûter  les 
propositions  du  roi:  mais  l'elTet  du 
discours  qu'il  prononça  dans  cette 
occasion  ,  fut  neutralisé  par  l'inter- 
vention de  l'épée  ;  on  sait  comment 
l'armée  empêcha  la  pacification  dé- 
sirée. Prynne  fut  un  des  membres 
des  communes  qui  expiirent,  dans 
les  cachots ,  une  généreuse  opposi- 
tion. Le  refus  de  payer  les  taxes  , 
et  l'audace  qu'il  eut  de  braver  la 
puissance  de  Cromwell  et  les  siens. 


PRY 

dans  diverses  publications,  le  firent 
resserrer  davantage,  en  i65o.  Le 
plaisir  d'écrire  ,  qui  était  en  lui 
une  véritable  passion,  semblait  le 
consoler  de  sa  captivité  :  on  comp- 
te qu'il  produisit,  de  if)55  à  1660, 
quarante  -  six  Traités  différents  sur 
des  sujets  de  relij^ion  et  autres.  La 
tyrannie  et  l'ingratitude  du  gouverne- 
ment usurpateur  le  faisaient  soupirer 
après  la  restauration  de  la  monar- 
chie. Son  zèle  pour  le  retour  de  Char- 
les II  fut  si  impatient,  et  s'exprima  en 
des  termes  si  indiscrets ,  que  le  géné- 
ral Monk  crut  devoir  le  réprimer. 
La  ville  de  Bath  choisit  Prynnepour 
son  représentant  au  parlement  répa- 
rateur en  1660.  La  restauration  ac- 
complie, il  eut,  entre  autres  emplois, 
la  place  de  gardien  des  archives  de  la 
Tour  de  Londres  ,  place  qui  conve- 
nait à  son  goût  comme  à  sa  capacité. 
Mais  il  semblait  destiné  à  ne  jamais 
jouir  du  repos  :  ayant  été  reconnu 
auteur  d'un  écrit  public  en  1661  , 
contre  un  bill  relatif  aux  corpora- 
tions, il  se  vit  obligé  de  demander 
pardon  à  la  chambre  des  commu- 
nes, pour  éviter  im  châtiment  plus 
grave.  Ketiré  à  Lincolu's  -  Inn  ,  il 
y  mourut,  le  i\  octobre  16G9.  ^on 
vaste  savoir  était  le  fruit  d'une  in- 
croyable patience  et  d'une  grande 
mémoire  que,  par  malheur,  le  juge- 
ment n'accompagnait  pas  assez.  On 
en  jugera  par  ces  traits.  De  tous  les 
crimes  reprochés  à  Néron,  le  plus 
grand,  aux  yeux  de  l'auteur  de  l'î^ji'- 
trio-mastix ,  était  d'avoir  fiéqueu- 
té  le  théâtre  et  joué  la  comédie.  Sui- 
vant lui,  chaque  pas  de  danse  est  un 
pas  vers  l'enfer.  Il  n'avait  de  la 
science  des  lois,  suivant  Clarendon, 
que  ce  que  la  lecture  peut  en  donner. 
C'est  un  des  plus  infatigables  écri- 
vains qu'on  puisse  citer.  Wood  sup- 
pute que,  depuis  qu'il  atteignit  l'âge 


PSA 


167 


d'homme  jusqu'à  sa  mort ,  Prynne  a 
dû  écrire  une  feuille  chaque  jour  de 
sa  vie.  Il  a  laissé4ovol.in-foi.etin- 
4'^.  :  bagage  littéraire  ,  qui  n'aurait 
point  sauvé  son  nom  de  l'oubli,  s'il 
n'eût  pas  mérité  d'être  transmis  à 
la  postérité  par  son  dévouement  et 
ses  souffrances  pour  la  cause  de  la 
liberté.  Les  moins  inconnus  de  ses 
ouvrages  sont  :  I.  Exact  chronolo- 
gical  vindication ,  etc.,  ou  Preuves 
de  la  suprématie  des  rois  d'Angle- 
terre en  matière  ecclésiastique,  Lon- 
dres, 1666-68,  3  vol.  in-fol.  Ce  li- 
vre, connu  sous  le  nom  de  Becords 
ou  Extraits  d'archives ,  est  recher- 
ché à  cause  de  sa  rareté,  les  deux 
premiers  volumes  ayant  péri,  à  la 
réserve  de  70  exemplaires,  lors  de 
l'incendio  de  1666.  II.  Une  édition 
améliorée  de  V  Abrégé  des  archives 
de  la  Tour,  de  sir  Rob.  Cotton  ,  in- 
folio. III.  Observations  sur  la  4®. 
partie  des  Institutes  deslois  anglai- 
ses, Y-^r  Coke  ,  in-fol.  IV.  f^'^rits  ou 
E dits  parlementaires ^  4  vol.  in-4''. 
Prynne  méritait  à  trop  juste  titre  une 
place  parmi  les  auteurs  malheureux  : 
l'Anglais  Israeli  lui  a  consacré  quel- 
ques pages  dans  son  piquant  ouvra- 
ge intitulé  :  Calamities  of  authors. 
On  peut  lire  aussi,  sur  sa  condamna- 
tion ,  V Histoire  d' Angleterre  de 
Hume,  trad.  en  français  (  1819,  in 
8°.  ) ,  tom.  \n ,  p.  384  et  suiv.     L 

PRZYBILSKI,  savant  polonais  du 
dernier  siècle  ,  professa  long  temps 
la  littérature  ancienne  à  l'université 
deCracovie,  On  a  de  InldesTraduc 
tions,  en  polonais,  des  Poésies  d'Hé- 
siode ,  et  de  plusieurs  ouvrages  an- 
glais. Stanislas- Auguste  lui  donna 
une  médaille  d'or  pour  sa  Disserta- 
lion  sur  l'excellence  et  l'utilité  de  la 
chirurgie.  C — au. 

PSALMANAZAR  (  Geopge  )  est 
1g  nom  supposé  d'un  savant  dont  la. 


i68 


PSA 


vie  fui  partagée  en  deux  portions  qui 
semblent  n'avoir  pu  appartenir  au 
même  individu.  Dans  la  dernière 
nioiliede  sa  carrière,  et  pendant  un 
demi-siècle,  ii  s'est  fait  chérir  par 
sa  piètc  et  sa  Tcrlu  ,  s'est  illustre 
])ar  des  travaux  aussi  solides  qu'im- 
portants, et  a  joui  de  l'estime  uni- 
verselle et  de  la  considération  la 
mieux  méritée.  Dans  la  première 
partie  de  son  existence,  après  avoir 
reçu  une  éducation  distinguée  ,  il 
s'est  successivement  et  volontaire- 
ment laissé  dégrader  jusque  dans  les 
derniers  rangs  de  la  société;  il  a  ram- 
pé dans  les  plus  vils  emplois  :  cou- 
vert des  liaillons  de  la  pauvreté,  et 
rongé  de  la  lèpre  des  misérables , 
il  se  montre  à  nous  sous  un  aspect 
hideux  et  dégoûtant;  et  sa  bassesse 
et  son  hypocrisie  le  font  juger  indi- 
'  gne  de  la  pitié  qu'il  inspirait.  Nous 
n'avons  pas  besoin  ici  de  travailler  à 
démêler  le  vrai  au  milieu  dos  exagé- 
rations et  des  fictions  contradictoires 
de  l'amitié  ou  de  la  haine:  celui  au- 
quel il  a  été  donné  de  présenter  un 
si  étrange  contraste,  nous  apprend 
lui-même  toutes  les  circonstauces  de 
sa  vie.  Nous  pouvons  nous  lier  aux 
Mémoires  qu'il  nous  a  laissés.  Dans 
ses  pages  sincères  ,  on  n'aperçoit  ja- 
mais l'homme  qui  s'excuse  ,  mais 
toujours  le  chrétien  qui  s'accuse.  De 
lui  seul  nous  apprenons  tout  ce  qu'il 
y  a  de  plus  honteux  pour  sa  mémoi- 
re; et  ce  qu'elle  ofTie  de  glorieux  ,  il 
faut  le  chercher  dans  le  témoignage 
descs  contemporains  et  dans  le  grand 
ïnonumeiit  littéraire  dont  il  fut  le 
principal  auteur.  Son  respect  pour 
son  père  et  sa  mère  lui  a  fait  dérober 
à  la  postérité  son  véritable  nom  et 
le  lieu  de  sa  naissance;  le  voile  dont 
il  s'est  enveloppé  à  cet  éf;ard  ,  n'a 
jioint  été  soulevé  ,  et  ne  le  sera  pro- 
bablement jamais.  Ou  sait  seulement, 


PSA 

par  ses  récits ,  qu'il  naquit  de  parents 
catholiques,  dans  le  midi  de  la  Fran- 
ce ,  sous  le  beau  ciel  du  Languedoc 
ou  de  la  Provence ,  et  en  l'année 
iG-jç).  Sa  familleétait  ancienne,  mais 
déchue.  Il  n'avait  que  cinq  ans  lors- 
que son  j)ère  fut  obligé  de  s'cloigncr 
et  d'aller  vivre  à  près  de  deux  cents 
lieues  de  son  domicile.  Sa  mère  , 
malgré  l'abandon  de  son  mari  et  son 
peu  de  fortune ,  n'ayant  que  lui  pour 
fils  ,  consacra  tous  ses  moyens  à  lui 
donnerla  meilleure  éducation  qu'il  lui 
fût  possible.  Kiivoyé  à  une  école  du 
voisinage,  tenue  par  doux  moines 
de  l'ordre  de  S.unt- François  ,  il  y 
lit  voir  une  aptitude  surprenante  et 
une  prodigieuse  facilité  pour  appren- 
dre. En  peu  (le  temps  ,  il  surpassa 
ses  condiscij)les.  Ce  succès  fut  pour 
lui  un  malheur:  il  exalta  le  penchant 
à  la  vanité  qui  lui  était  naturel  ;  il 
ins|)ira  ,  en  sa  faveur,  à  ses  maîtres, 
une  indulgence  qui  lui  fut  fatale.  Ou 
l'envoya  ensuite  dans  un  collège  de 
Jésuites,  situé  dans  une  ville  (pii  était 
le  siège  d'un  archevêché,  pcuéloigné 
de  l'école  où  il  avait  reçu  sa  premiè- 
re instruction.  lia  réputation  ipi'il 
avait  acquise,  et  les  éloges  exagérés 
de  ses  premiers  maîtres,  le  firent 
placer  dans  une  classe  beaucoup  trop 
forte  pour  son  âge  et  pour  ses  moyens. 
11  eut  il  lutter  contre  des  camarades 
plus  âgés  et  plus  savants  :  la  crainte 
de  rester  en  arrière  lui  fit  f.iirc  des  cf. 
forts  extraordinaires  ;  il  parvint,  si- 
non à  les  surpasser,  du  moins  à  les 
suivre.  Comme  eux,  et  à  leur  grand 
étonnement,  il  subit,  au  bout  de  l'an- 
née ,  les  examens  nécessaires  pour 
entrer  en  rhétorique.  Ce  succès  fut 
encore  pour  lui  un  malheur.  Non- 
seulement  il  le  rendit  plr.s  présomp- 
tueux ,  mais  il  le  plaça  sous  un  maî- 
tre incapable.pn  avait  coutume,  dans 
ce  collège,  de  changer  tous  les  ans  le 


PSA 

professeur  de  rhétorique.  Si  notre 
jeune  étudiant  n'était  pas  venu  avant 
Vn^e  dans  cette  classe ,  il  aurait  évite 
de  se  voir  arrêté  dans  ses  progrès,  A 
cette  époque,  les  Je'suiles  cherchaient 
à  altiier  dans  leur  société  trois  sor- 
tes de  personnes  :  les  nobles  ,  les  sa- 
v.inls  et  les  riches.  Le  professeur  de 
rhétorique  dont  il  est  ici  question ,  ap- 
partenait à  celte  dernière  classe;  il 
était  fils  d'un  marchand  opulent.  Il 
passait  le  temps  à  rire  et  à  badiner 
avec  ses  élèves;  et,  pour  déguiser  son 
ignorance,  au  lieu  de  leur  expliquer, 
comme  il  l'aurait  dû,  les  orateurs 
grecs,  qu'il  n'en  tendait  pas,  il  entre- 
prit de  leur  montrer  le  blason,  la 
géographie,  les  fortifications.  Notre 
jeune  écolier  perdit  ainsi,  sous  lui , 
le  goût  de  l'étude  des  langues  et  de 
la  belle  littérature:  il  acquit  une  va- 
riété de  notions  incohérentes ,  qui 
eurent  par  la  suite  une  fatale  influen- 
ce sur  sa  conduite.  Il  vit  qu'il  était 
possible ,  avec  de  l'audace,  de  par- 
ler de  beaucoup  de  choses  sans 
les  connaître  ,  et  de  se  donner  , 
sans  travail,  Tapparence  du  savoir. 
Sa  mère  lui  écrivit  pour  lui  appren- 
dre que  le  supérieur  d'un  petit  cou- 
vent de  Dominicains  allait  ouvrir  un 
cours  de  philosophie,  et  elle  l'enga- 
gea à  venir  le  suivre.  Le  jeune  hom- 
me s'y  détermina  d'autant  plus  facile- 
ment ,  qu'il  s'apercevait  bien  qu'il  per- 
dait son  temps  au  collégedes  Jésuites: 
il  le  quitta,  et  entraîna  avec  lui  quatre 
deses  camarades.  La  philosophied' A. 
ristote,  de  saint  Thomas-d'Aquin  et 
d'Albert-le-Grand,  enseignée  par  les 
Dominicains,  lui  parutbeaucoupplus 
obscure,  et  surtout  moins  amusante , 
que  les  leçons  qu'on  lui  avait  données 
en  dernier  lieu  ,  dans  son  collège.  Ce- 
pendant le  dominicain  ,  qui  le  consi- 
dérait comme  son  meilleur  élève,  le 
prit  en  affection,  et  voulut  le  faire 


PSA  i6g 

entrer  dans  son  ordre.  Il  aurait  cédé 
à  ses  instances^  si  sa  mère  ne  s'y  fût 
opposée.  Elle  consentit  seulement , 
par  déférence  pour  le  professeur,  k 
envoyer  son  fils  étudier  la  théologie 
sous  un  maître  dominicain,  dans  une 
université  voisine.  Transplanté  tout- 
à-coup,  à  l'âge  de  quinze  ans,  dans 
une  ville  populeuse ,  qui  lui  offrait  le 
spectacle  nouveau  du  luxe,  des  riches- 
ses ,  de  la  dissipation  et  des  plaisirs, 
il  acheva  de  perdre  le  goût  qu'il  avait 
eu  pour  le  travail,  et  ne  fut  plus  ani- 
mé par  le  noble  désir  de  se  distin- 
guer. Il  suivit  cependant  d'abord 
les  leçons  de  son  maître  de  théo- 
logie :  mais  il  eut  la  mortifies tiou 
de  se  trouver  avec  des  condisci- 
ples bien  plus  âgés  que  lui,  qui  dé- 
jà suivaient  ce  cours  depuis  àcux 
ans.  Jusqu'alors  il  avait  toujours 
été  à  la  tète  de  ses  camarades  :  sa 
vanité  fut  profondément  blessée  de  se 
voir  relégué  dans  les  derniers  rangs. 
Il  cessa  bientôt  d'assister  aux  leçons 
du  professeur,  etse  mit  à  parcourir  la 
ville  où  il  était ,  à  dessiner  des  vues  de 
ses  environs,  à  se  promener  avec  des 
jeunes  gens  de  son  âge,  et  même  avec 
des  femmes.  C'est  ainsi  que  se  passa, 
dans  l'oisiveté  la  plus  complète,  mais 
sans  aucune  action  coupable ,  l'an- 
née de  sa  théologie.  Il  avait  écrit  à  sa 
mère  le  peu  de  progrès  qu'il  faisait 
dans  ses  études  ;  elle  lui  envoya  de 
l'argent,  et  lui  ordonna  en  même 
temps  de  se  rendre  à  Avignon ,  chez 
un  riche  conseiller,  qui  consentait  à 
le  prendre  pour  précepteur  d'un  de 
ses  neveux ,  encore  enfant.  Il  y  res- 
ta peu  de  temps,  et  obtint  une  place- 
plus  lucrative,  toujours  en  qualité 
de  précepteur,  dans  une  famille  plus 
riche. On  lui  confia  un  élève  plus  grand 
et  même  plus  âgé  que  lui ,  et  qui .  par 
sa  taille ,  le  surpassait  de  toute  la  tête, 
mais  qui,  pour  apprendre,  manquait 


170  PS A 

également  de  volonté  et  d'aptitude. 
Aussi  notre  jeune  précepteur,  au  lieu 
de  se  fatiguer  à  l'instruire,  passait 
avec  lui  tout  son  temps  à  jouer  de 
la  viole  ou  de  la  flûte.  Il  le  quitta 
bientôt  pour  entrer,  avec  des  appoin- 
tements plus  cniisidcrables,  chez  un 
homme  riche  et  d'une  grande  nais- 
sance, qui  lui  confia  ses  deux  en- 
fants, dont  le  plus  âgé  avait  sept  ans. 
Leur  racrc  les  gâtait  :  c'était  une  fem- 
me jeune  ,  jolie  ,  vive  et  spirituelle , 
dont  le  mari  était  lourd  et  adonné  à 
l'ivrognerie.  Kllevit  avec  plai>ir  au- 
près de  ses  enfants  un  jeune  profes- 
kcur  docile  à  toutes  ses  volontés  , 
complaisant  pour  toutes  ses  faibles- 
ses. Mais,  loin  de  chercher  à  la  sé- 
duire, il  crut  se  donner  à  ses  youx 
de  l'importance,  en  alfoctant  une 
dévotion  outrée  et  une  chasteté  iné- 
branlable, qui  n'étaient  point  dans 
5on  cœur.  Il  déguisait  la  pauvreté  de 
ses  parents  ,  et  exagérait  l'.intiquilc 
de  sa  race:  mais  son  habillement 
chétif ,  sou  dénùment,  résultat  de  sa 
mauvaise  économie  et  de  sa  négli- 
gence, démentaient  ses  discours,  (icl- 
jc  qu'il  voulait  tromper,  le  pénétra 
facilement.  Au  lieu  de  la  considéra- 
lion  quM  avait  espéré  obtenir  par 
sa  dissimulation  et  ses  mensonges,  il 
n'excita  en  elle  que  la  pitié  et  le  mé- 
pris. Cependant, comme  il  était  d'une 
figure  agréable,  le  goût  (ju'cllc  avait 
pour  sa  personne  surmontait  le  dé- 
dain que  lui  inspirait  la  folle  vanité 
du  jeune  homme;  et  elle  lui  fit  des 
avances.  Sa  gaucherie,  son  inexpé- 
rience ,  l'embarras  de  déposer  le 
masque  de  vertu  dont  il  s'était  pa- 
ré, les  rendirent  inutiles.  Après  di- 
verses tentatives  ,  renouvelées  par 
intervalles,  pendant  l'espace  de  six 
mois,  et  toujours  infructueuses,  elle 
changea  tout -à -coup  à  son  égard, 
ft  ne  lui  témoigna  que  la  plus  froi- 


PSA 

de  LiidiHcrcnce  ;  puis  elle  auuouça 
l'intention  de  partir  et  d'emmener 
SCS  fils  avec  elle,  sans  dire  à  leur 
précepteur  s'il  devait  les  accompa- 
gner, ou  si  elle  le  laisserait  avec 
son  mari,  ou  enfin  si  elle  le  i enver- 
rait. Il  ne  comprit  pas  que  cette  con- 
duite n'était  qu'un  nouveau  moyen 
pour  triompher  de  lui.  Quand  elle 
vit  que  sa  ruse  ne  répond.iit  point  à 
l'clfet  qu'elle  en  attendait .  elle  lui  fil 
dire  par  son  mari,  r|u'cllc  gouver- 
nait à  sa  volonté,  qu'on  n'avait  plus 
bcsoiiideses  services. Quoiquele  pré- 
cepteur eût  prévu  ou  craint  cet  événc 
ment  ,  il  en  pr.rut  tris -aHligé.  La 
dame  voulut  en  profiter,  et  fit  sur  l« 
jeune  pédagogue,  la  miit  même  de 
son  départ,  un  dernier  e.ss;/i  de  ses 
charmes,  (pu  fut  infructueux.  Alors, 
jOutree  de  dépit,  elle  lui  fit  signi- 
fier sou  congé  définitif  ,  par  uue 
femme  de  chambre,  qui  ne  lui  lais- 
sa pas  ignorer  l'opinion  que  sa  mai- 
tresse  avait  de  lui,  et  la  cause  de  son 
expulsion.  Il  se  rendit  de  nouveau  à 
Avignon,  oiiilsevit  bientôt  dénué  de 
tout,  ne  recevant  rien  de  sa  mère, 
à  laquelle  il  avait  écrit.  11  alla  à 
Bcaucaire  ,  dans  le  moment  de  la  foi- 
re, et  emprunta  de  l'argent  de  plu- 
sieurs marchands  de  sa  connaissan- 
ce :  il  reçut  des  secours  de  quel- 
ques moines,  qu'il  parvint  à  intéres- 
ser à  son  sort,  en  se  faisant  passer 
pour  un  jeune  homme  de  famille  pro- 
testante,  converti  à  la  icliaion  ca- 
tholique  ,  et,  pour  cette  raison,  per- 
sécuté par  son  père.  De  retour  a  A- 
vignon,  il  réussit  à  se  faire  délivrer 
par  lesupérieur  d'un  couvent,  un  cer- 
tificalqui  constatait  qu'il  était  un  jeu- 
ne étudiant  en  théologie,  Irlandais 
d'origine,  obligé  de  quitter  son  pays» 
et  qui  allait  à  Rome  en  pèlerinage. 
Il  aperçut,  dans  une  chapelle,  un 
accoutrement  complet  de  pèlerin 


PS  A 

aux  pieds  de  la  statue  d'un  sahil  au- 
quel on  l'avait  consacré  :  il  s'en  re- 
vclit,  sortit  de  l'église  et  de  la  ville; 
et ,  ainsi  déguisé,  il  prit  le  chemin 
de  Rome.  Demandant  Taumônc,  en 
latin ,  à  tons  les  religieux  qu'il  ren- 
contrait, il  recueillit  quelques  som- 
mes ;  et  quand  sa  bourse  se  trouvait 
garnie,  il  cessait  de  mendier,  non 
par  honte,  mais  par  indolence,  et 
dépensait  son  argent  dans  les  auber- 
ges ,  avec  jîlus  de  facilité  qu'd  ne 
l'avait  acquis.  Lorsqu'il  n'en  avait 
plus  ,  il  se  remettait  à  mendier.  La 
route  qu'il  suivait  ,  le   conduisit  à 
peu  de  distance  du  lieu  où  résidait 
Si  mère.  11  ne  put  résister  au  désir 
de  l'aller   voir  j    néanmoins    crai- 
gnant d'être  reconnu,  il  n'osait  pas 
se  produire   dans  sa  ville   natale  : 
il  s'y  glissa,   comme  un  coupable, 
à  la  faveur  de  la  nuit;   et  ce  fut 
de  nuit  aussi  qu'il  entra  dans  la  mai- 
son paternelle.   Sa  mère  l'accueil- 
lit avec  tendresse  :   cepenrlant,  au 
bout  de  deux  ou  trois  jours,  elle 
l'engagea  à  se  rendre  auprès  de  son 
père,  qui  pourrait  peut-être  , disait - 
elle,  lui  procurer  des   ressources. 
Cette  proposition  l'élonna  d'autant 
plus  ,  que  son  père  était  fort  éloigné, 
et  qu'un  commerçant  delà  villcavait, 
récemment,  rapporté  qu'il  se  trou- 
vait dans  mi  état  peu  prospère.  No- 
tre jeune  pèlerin  pensa  qu'un  de  ses 
cousins,  pour  lequel  sa  mère  témoi- 
gnait beaucoup  d'alTection,  avait  une 
f)arttrès  grandedansle  conseil  qu'el- 
elui  donnait.  Celle-ci,  s'apercevant 
de  l'impression  fâcheuse  que  faisait 
sur  son  fds  sa  proposition ,  n'épargna 
rien  pour  le  persuader  delà  tendresse 
qu'elle  lui  portait,  et  lui  dit  qu'en  l'en- 
gageant à  faire  ce  voyage,  elle  desi- 
rait seulement  qu'il  allât  vérifier  par 
lui-même  la  condition  où  se  trouvait 
son  père;  mais  s'il  n'était  pas  satis- 


PSA  17 1 

fait  de  l'état  de  sa  fortune  ou  de  sa 
générosité  envers   lui,  elle  lui  re- 
commanda de  revenir  et  de  ne  pas 
rester  plus  d'un  an  éloigné  d'elle, 
à    moins   que  ce  ne   fût  pour  son 
avantage.   Il  consentit  à   tout,  re- 
vêtit de  nouveau  l'habit  de  pèlerin, 
et  se  rendit ,  par  le  secours  des  au- 
mônes qu'il  recueillait ,  dans  cette 
partie  de  l'Allemagne  qu'habitaitson 
père.  Cette  contrée  avait  été  ravagée 
par   la  guerre.  Il  rencontrait   sou- 
vent, sur  les  routes,  des   cadavres 
rongés  parles  chiens,  ou  suspendus 
par  douzaines  à  des  gibets:  c'ciaient 
de  ces  soldats  licenciés,  qui,  a  près  la 
paix  deRyswick,  n'ayant  plus  ni  l'eu 
ni  lieu,  parcouraient  le  pays  en  ban- 
des nombreuses,  pillaient  les  villes 
comme  les  villages  ,  et  dont  on  fai- 
sait prompte  justice  quand  on  pou- 
vait s'en  saisir,  les  laissant  ainsi  ex- 
posés après  leur  mort,  pour  épou- 
vanter ceux  qui  aui'aient  voulu  les 
imiter.  Cette  vue  remplissait  de  ter- 
reur l'ame  de  notre  jeune  pèlerin:  il 
courut  de  grands  dangers.  Cepen- 
dant il  parvint ,  sans  accidents  fâ- 
cheux, à  rejoindre  son  père,  qui  le 
reçut  avec  tendresse,  mais  qui,  par 
sa  pauvreté ,  était  hors  d'état  de  lui 
offrir  aucun  moyen  d'existence.  Il 
songea  donc  à  revenir  auprès  de  sa 
mère.  Son  père  le  détourna  de  ce 
projet,  par  des  raisons  sur  lesquelles 
il  a  cru  devoir  garder  le  silence.  En- 
gagé, par  les  conseils  paternels,  à 
chercher  l'instruction  et  la  fortune 
eu  parcourant  TEurope,  il  imagina, 
quoique  seulement  âgé  de  dix  -  sept 
ans,  un  moyen  de  déguisement  plus 
propre ,  selon  lui,  à  lui  attirer  de  la 
considération  et  des  secours  que  ce- 
lui de  pèlerin  irlandais.  Les  leçons 
de  géographie  de  son  professeur  jé- 
suite lui  avaient  fait  pressentir  com- 
bien on  savait  peu  de  choses  sur  la 


IJ-i 


PSA 


Chine,  le  Japon  et  les  contrées  les 
plus  orientales  de  l'Asie.  Il  résolut 
de  se  faire  passer  pour  un  Japonais 
natif  de  l'ile  de  Formose  ,  qui  avait 
r'te  converti  à  la  rolipon  chrétienne. 
Il  iina;:;ina  un  nouvel  alphabet,  une 
nouvelle  pramraaire,  une  nouvelle 
division  de  l'année  en  vingt  mois  , 
une  nouvelle  religion  ,  et  tout  ce  qui 
était  propre  à  accréditer  le  rôle  qu'il 
voulait  jouer.  Il  s'habitua  à  écrire 
avec  les  carartèrcs  qu'il  avait  inven- 
tes ,  et  se  fit  un  certificat  calque'  sur 
celui  d'Avignon  ,  et  avec  les  mêmes 
signatures,  qu'il  contrefit.  Il  se  gar- 
da bien  de  confier  sou  projet  à  son 
père  ,  homme  d'honneur  ,  qui  au- 
rait eu  horreur  de  cette  fourberie; 
et  il  le  quitta  ,  en  lui  persuadant 
qu'il  allait  suivre  ses  avis.  Il  se  diri- 
gea sur  l'Alsace,  passa  à  Cologne  et 
ensuite  à  Landau,  où  il  devint  sus- 
pect, par  le  récit  qu'il  faisait  aux 
soldats  de  ses  avcnliires  et  de  son 
origine  japonaise.  On  le  prit  pour 
un  espion  ;  on  le  jeta  dans  un  cachot, 
et  il  fut  sur  le  point  dVlre  fusille  : 
ïuais  on  se  contenta  de  le  chasser  de 
la  ville,  avec  injonction  de  n'y  ja- 
mais rentrer  ,  sous  les  peines  les  plus 
sévères.  C^tte  leçon  ne  le  corrigea 
point.  Il  erra  ainsi  en  Allemagne,  en 
Brabant,  en  Flandre,  trouvant  par- 
tout des  hommes  insouciants  ou  in- 
crédules, recueillant  quelques  aumô- 
nes ,  qui  étaient  promptemcnt  dissi- 
pées. De  plus,  les  habitudes  indolen- 
tes et  avilissantes  qu'un  tel  genre  de 
vie  lui  faisait  contracter,  le  rendirent 
insensible  à  la  honte.  Il  ne  songeait 
pas  au  besoin  de  renouveler  ses  vê- 
tements et  son  linge  ;et ,  par  sa  mal- 
propreté et  le  mauvais  état  de  ses 
liaillons  ,  il  devint  plus  repoussant 
que  les  mendiants  les  plus  dénués.  Il 
en  résultait  qu'on  n'ajoutait  pas  foi 
à  l'éducation  qu'il  disait  avoir  reçue, 


PSA 

ou  qne,  s'il  par>'enait  à  en  dnnncr 
des  preuvesà  des  personnes  éclairées, 
elles  se  défiaient  de  lui,  comme  de 
(juclqu'un  dont  l'abaissement  ne  pou- 
vait s'expliquer  que  par  le  crime. 
Lorsqu'arrivédans  une  grande  ville, 
il  demandait  refuge  dans  un  hôpital, 
sans  égard  pour  ses  certificats,  qu'on 
ne  lisait  point,  on  le  plaçait  toujours 
parmi  les  plus  misérables  et  dans  les 
endroits  les  plus  sales.  Il  fut  enfin 
couvert  de  vermine ,  et  infecté  par 
tout  le  corps  d'une  gale  viiulente.  Il 
se  félicite ,  dans  ses  Mémoiies ,  de  ce 
dernier  fléau,  j>arce  qu'il  l'eiMpêcha 
de  devenir  l'instrument  du  liberti- 
nage. Dans  diverses  grandes  villes 
de  Brabant  ,  il  y  avait  des  espè- 
ces de  religieuses  non  cloîtrées  , 
nommées  Béguines  ,  qui  parcou- 
raient les  rues  et  les  maisons  pour 
visiter  les  pauvres  et  leur  procurer 
des  ressources.  Des  femmes  indignes, 
se  cachant  sous  cet  habit  resj)crta- 
ble,  cherchaient  qiiehpulois ,  dans 
la  classe  des  vagabonds  ,  des  jeunes 
gens  bien  faits  ,  qu'elles  emmenaient 
avec  elles,  sous  prétexte  de  les  faire 
connaître  à  des  dames  pieuses  et  cha- 
ritables, qui  devaient  les  secourir, 
taudis  qu'elles  les  conduisaient  chez 
des  dames  d'un  autre  genre  et  dans 
un  tout  autre  but.  Notre  faux  Japo- 
nais fut  plusieurs  fois  choisi  par  ces 
entremetteuses  ;  et  les  traces  de  la 
maladie  honteuse,  que  sa  nudité  tra- 
hissait, le  faisaient  aussitôt  renvoyer. 
Quoiqu'il  fût  resté  jusqu'alors  inno- 
cent de  tout  commerce  criminel  avec 
les  femmes  ,  il  avoue  que  la  faim  et 
la  misère  lui  auraient  rendu  le  refus 
impossible  s'il  avait  été  mis  à  cette 
épreuve.  Dans  l'abîme  de  malheur 
où  il  se  trouvait  plongé,  il  se  ressou- 
vint de  sa  mère,  et  eut  un  instant  le 
projet  de  l'aller  rejoindre;  mais  sa 
vanité'  se  révolta  de  l'idée  de  se  mon- 


PSA 

Ircr  à  elle  dans  Tctat  où  il  se  trou- 
vait ;  et  il  aimait  mieux  périr  que  d'e'- 
prouver  un  soulagement  à  ce  prix. 
Taudis  qu'il  était  h  Liège,  où  il  re- 
cevait, de  l'hôpital,  la  pitance  du  pau- 
vre ,  il  apprit  qu'un  recruteur,  loge' 
dans  un  des  faubourgs  de  la  ville  ap- 
partenant aux  Hollandais,  engageait 
des  jeunes  gens  pour  le  service  des 
Provinces-unies.  Il  détermina  une 
douzaine  de  ses  compagnons  men- 
diants à  s'aller  offrir  à  ce  racco- 
leur.  Sa  petite  taille  et  sa  grande 
jeunesse  lui  faisaient  croiie  qu'il  se- 
rait refusé  :  il  l'espérait  même  j 
car,  étant  né  dans  une  ville  de  gar- 
nison, il  avait  conçu,  dès  son  en- 
fance, de  l'aversion  pour  le  métier 
de  soldat.  Mais,  à  sa  grande  surpri- 
se, le  recruteur,  après  l'avoir  inter- 
rogé, le  garda  ,  tandis  qu'il  se  défit 
de  toutes  ses  autres  recrues,  en  faveur 
de  divers  officiers  dont  il  était  l'a- 
gent. 11  lui  procura  de  la  nourriture 
et  des  vêtements  décents.  Il  essaya  , 
par  des  bains,  des  saignées,  des  fric- 
tions, de  le  guérir  de  la  gale,  et  ne 
put  y  parvenir.  11  l'emmena  néan- 
moins à  Aix-la-Chapelle ,  où  il  tenait 
un  café  et  un  billard,  dans  une  des 
plus  belles  parties  de  la  ville,  et  em- 
ploya notre  faux  Japonais  à  la-fois 
comme  garçon  de  café  et  comme  pré- 
cepteur, pour  enseigner  à  lire  à  son 
fils.  Ce  limonadier  fournissait  aussi 
en  ville,  pour  les  salles  de  bal  et 
d'assemblées ,  tout  ce  qui  était  né- 
cessaire aux  rafraîchissements  j  il  y 
envoya  plusieurs  fois  le  faux  Ja- 
ponais, qui  eut,  par-là  ,  occasion  de 
voir,  pour  la  première  fois  ,  le  beau 
monde  dans  tout  son  éclat.  11  fut  tel- 
lemment  frappé  de  cette  vue ,  qu'elle 
lui  inspira  un  projet  qui  tenait,  dit- 
il  ,  de  l'extravagance  et  de  la  folie, 
et  qu'il  s'abstient  de  mentionner  dans 
ses  Mémoires,  par  la  crainte  de  la 


PSA 


173 


mauvaise  impression  qui  pouvait  eu 
résulter  pour  les  esprits  faibles  et 
sceptiques.  «  Mais,  tant  que  je  vivrai, 
»  ajoute-t-il,  je  ne  l'oublierai  jamais; 
»  et  je  remercîrai  toujours  la  Provi- 
»  dence  de  m'avoir  détourné  de  l'exé- 
»  cution  de  mon  idée.  J'aurais  suc- 
»  combé  à  la  tentation,  si  j'avais  été 
»  envoyé  seulement  une  fois  de  plus 
»  dans  un  de  ces  lieux  si  dangereux 
»  pour  moi;  mais  ma  maladie  cuta-» 
»  née,  dont  on  voyait  des  traces  sur 
»  mes  mains ,  détermina  mon  maître 
»  à  m'en  interdire  l'entrée.  »  Ainsi  , 
il  fut  deux  fois  préservé,  par  lo 
fléau  dont  il  était  affligé ,  de  mal- 
Leurs  plus  grands  ,  selon  lui  ,  que 
tous  ceux  qu'il  a  subis.  Une  circons- 
tance fortuite  le  fil  sortir  de  chez  ce- 
lui qui  l'avait,  à  la  vérité  par  inté- 
rêt ,  sauvé  de  la  misère.  Celui  -  ci  se 
trouvait  absent ,  et  était  allé  à  Spa; 
sa  femme  avait  besoin  de  lui  faire 
dire  dans  un  délai  déterminé,  de 
revenir  sur-le-champ  :  elle  envoya  , 
malgré  lui,  notre  aventurier,  qui 
s'égara  sur  la  route,  et  qui,  craignant 
d'être  grondé  par  sa  maîtresse,  d'a- 
voir mal  rempli  sa  commission,  prit 
le  parti  de  s'évader ,  non  sans  éprou- 
ver quelques  remords  de  son  ingrati- 
tude envers  son  maître  ;  mais  il  les 
fit  disparaître,  en  formant  la  réso- 
lution de  retourner  vers  son  père,  et 
ensuite  vers  sa  mère,  par  le  même 
chemin  qu'il  avait  déjà  parcouru. 
Malheureusement,  en  passant  à  Co- 
logne, il  se  laissa  engager,  avec  une 
inconcevable  étourdcrie  ,  dans  les 
troupes  de  l'électeur;  et  les  soldats, 
ses  camarades,  ajoutantfoi  à  ce  qu'il 
leur  disait,  il  se  fit  passer,  non  plus 
pour  im  Japonais  converti ,  mais 
pour  un  Japonais  encore  païen  ,  et 
adopta  le  nom  de  Salmanazar,  qu'il  a 
légèi'ement  altéré  depuis,  pour  le  ren- 
dre moins  semblable  à  celui  du  Livie 


174  PS A 

des  Rois,  Sa  vanitc  trouvait  un  cer- 
tain plaisir  d.ms  la  surprise  qu'exci- 
taient -SCS  binsplièmes  sur  les  ventes 
les  plus  sacrées  de  la  religion,  et  aus- 
si dans  ses  discussions  avec  les  ecclé- 
siastiques qui  entreprenaient  de  le 
convertir.  Il  clianp,ea  de  régiment  , 
eut  diverses  aventures,  et  passa  dans 
diverses  garnisons,  s'y  complaisant 
toujours  dans  ses  impustures ,  et 
éprouvant  une  folle  jouissance  à  abu- 
ser de  la  crédiiiilé  de  ses  compa- 
gnons d'armes.  Snn  régiment  fut  en- 
voyé au  port  de  l'Ecluse,  dont  le  che- 
valier Lauder,  gentilhomme  écos- 
sais, d'un  caraclrie  respectable,  était 
gouverneur  .-mais  il  avait  pour  au- 
mônier un  de  ses  parents ,  nomme 
lunes,  prêtre  debaucUt,  hypocrite  et 
ruse,  qui  lit  connaissance  avec  le  soi- 
disant  Japonais.  I/aumùnier  ,  sans 
être  sa  dupe  ,  vit  tout  le  parti  qu'il 
pouvait  tirer  lui-même,  pour  son 
avancement  ,  de  la  fable  que  lui  dé- 
bitait Salmana7.ar.  11  lui  enstigtia 
l'anglais, qu'il  ignorait,  et  lui  j)crsua- 
da  de  se  laisser  convertir  par  lui  à  la 
religion  anglicane,  et  de  se  faire  ba|v 
tiser.  Notre  fau\  asiatique,  qui  n'a- 
vait alors  que  dix-huit  ans,  se  prêta 
à  cet  impie siratagème.  Le  brigadier 
Lauder  fut  le  parrain  du  nouveau 
nëophite:  il  le  nomma  George.  Innis 
obtint  de  Coin|ton  ,  évèque  de  Lon- 
dres, une  pronio.'iou,  pour  prix  des 
soiiisqu'il  s'elaildonnés.  Le  nouveau 
converti  eut  son  congé ,  et  fut  en- 
voyé à  Londres  ,  où  sa  renommée 
l'avait  précédé;  et  l'on  ne  douta  point 
qu'il  ne  fût  natif  de  Formose,  quand 
on  le  vit  manger  de  la  viande  et  des 
racines  crues,  et  écrire  couramment 
en  cai  actcres  inconnus.  lunes  le  for- 
ça de  faire  une  traduction  en  langa- 
ge de  Formose,  du  catéchisme  an- 
glican ,  qui  fut  placée  ,  par  l'évê- 
que  de  Londres ,   au  nombre  des 


PS  A 

manuscrits  les  plus  curieux  de  sa 
bibliothèijue.  Encourage  par  le  snc- 
c'cs  de  son  imposture,  l'aventurier 
y  mit  le  comble,  eu  publiant  ,  sous 
son  nom  supposé  de  (ieorge  Psal- 
manazar,  une  Description  de  l'île 
de  Formose,  dans  bupiclle  se  trou- 
vaient gravés  son  Alphabet  formo- 
san  ,  des  ligures  des  divinités  du 
pays ,  les  costumes  des  habitants  , 
leurs  temples  ,  leurs  éililiccs  ,  leurs 
navires, et  une  carte  del'ilc  Formose 
et  des  îles  du  Japon,  L'auteur  n'avait 
que  vingt  ans  quand  il  publia  ce  ro- 
man géographique.  Quui(ju'on  n'eût 
alors  d'autre  description  de  l'île  de 
Formose  que  celle  du  m  inistrr  hollan- 
dais (ieorge  («indidi  us  et  de  riùossais 
Wright ,  il  eût  été  facile  de  s'a>surer, 
par  un  examen  attentif,  (|ue  celle  de 
Psalmanazar  n'était  qu'une  (iciiou 
grossière  :  mais  le  fanatisme  pliiloso- 
phi(|uc  et  le  zèle  de  la  piété  s'en  mê- 
lèrent, et  changèrent  une  discus- 
sion scientifique  en  une  (pierelle  de 
religion.  Comme,  dans  sa  nlation, 
il  disait  qu'il  avait  été  sédiut  j)ar 
un  jésuite,  qui,  en  partant  de  son 
pavs,  l'avait  engagé  à  vohr  le  tré- 
sor de  son  père;  les  Jésuites,  et 
surtout  le  pire  Fonleney,  l'attaquè- 
rent avec  violence.  D'un  autre  coté, 
plusieurs  membres  (le  la  sociétéroya* 
le  .  tels  que  les  Ilalley,  les  Mead  ,  les 
Woodward  ,  qui  étaient,  et  surtout 
le  premier,  connus  par  leur  oppo- 
sition aux  dogmes  fin  (  hrislianisme, 
n'ajoutaient  point  foi  à  la  j)rétendiie 
conversion  d'un  jeune  Japonais,  qui, 
dans  son  livre  et  ses  discours  ,  sou- 
tenait la  vérité  de  la  révélation  évan- 
gélique  ,  avec  toute  la  science  d'un 
théologien.  Ils  le  considéraient,  non 
sans  raison  ,  comme  un  hypocrite  et 
un  imposteur;  mais,  dans  leur  em- 
portement et  le  désir  qu'ils  avaient 
de  le  démasquer  ,  ses  antagonistes 


/ 


PSA 

prétendirent  avoir  de'couvcrt  ce  qu'il 
était,  et  avancèrent  sur  lui  plusieurs 
faits  controuvés.  Il  fut  facile  aux 
hommes  pieux  qui  croyaient  à  la  sin- 
cérité' du  nouveau  converti ,  de  re'- 
futer  leurs  assertions.  Ainsi  la  fraude 
s'accrédita  par  les  moyens  mêmes 
qu'on  prenait  pour  la  combattre. 
George  Psahnanazar  parut  aux  yeux 
du  public  religieux  un  ncophite  sin- 
cère, que  persécutaient  les  fanati- 
ques et  les  incrédules.  Son  caractère 
personnel  contribuait  beaucoup  à 
atTermir  sa  réputation  de  bonne-foi. 
Indolent  et  insouciant,  il  se  montrait 
dépourvu  d'ambition  ,  plutôt  pro- 
digue qu'intéressé ,  et  irréprochable 
dans  sa  conduite  cl  dans  ses  mœurs. 
Ses  apologistes  disaient  :  a  Sans  au- 
»  cun  vice,  il  possède  toutes  les  ver- 
»  tus ,  une  piété  sincère  ,  une  grande 
»  candeur  d'arae,  un  attachement  à 
»  tous  ses  devoirs.  Quel  intérêt  peut- 
j)  il  donc  avoir  pour  se  rendre  coii- 
»  pable  d'une  si  abominable  profa- 
»  nation  que  celle  dont  on  l'accuse? 
»  Lors  même  qu'il  en  aurait  conçu 
»  l'idée,  sa  jeunesse  et  son  inexpé- 
»  rience  ne  le  rendraient-elles  pas  in- 
»  capable  de  soutenir  un  pareil  rô- 
»  le?  »  Ces  raisons  parurent  irré- 
cusables; et  il  passa  généralement 
pour  constant  que  Psahnanazar  était 
nn  natif  de  Formose.  Sa  relation 
fut  considérée  comme  authentique, 
et  citée  comme  une  autorité  ;  elle 
eut  plusieurs  éditions,  et  fut  traduite 
en  diverses  langues.  Ce  succès  cou- 
pable changea  le  sort  de  notre  aven- 
turier ,  mais  non  pas  son  caractère. 
Il  resta  toujours  enclin  à  la  paresse 
et  à  la  dissipation.  Envoyé,  aux  frais 
de  l'évêque  de  Londres  ,  à  l'univer- 
sité d'Oxford  ,  pour  y  compléter  ses 
études  ,  il  ne  profita  que  faiblement 
de  ce  grandbienfait  :  suivant  la  pen- 
te de  son  inconstance  naturelle  ,  il 


PSA 


.75 


se  fit  de  nouveau  pre'cepteur ,  puis  au- 
mônierde  régiment;  puis  enfin,  retom- 
bant  dans  son  indolence,  il  vécut,  sans 
état  et  sans  profession,  des  libéralités 
de  personnes  pieuses,  qui  s'étaient  co- 
tisées pour  lui  assurer  une  petite  pe'n- 
sion.  Il  passa  ainsi  encore  douze  ans 
dans  cette  espèce  d'afiaissement  mo- 
ral,dans  cet  engourdissement  de  l'amo 
qui  n'excluait  pas  chez  lui  la  vivacité 
de  l'esprit  et  la  sensibilité  du  cœur; 
car  son  penchant  à  l'amour  ne  r«n- 
traîna  jamais  dans  le  libertinage.  Il 
était  timide  et  sincère  avec  les  fem- 
mes :  jamais,  malgré  les  nombreu- 
ses occasions  qui  se  présenièrent  à 
lui,  il  ne  se  laissa  influencer  dans 
ses  attachements  par  Ja  vanité  ou 
l'intérêt  ;  et  il  fut  une  fois  captivé 
par  une  passion  violente  et  durable. 
Peut-être  eut-elle  un  effet  salutaire 
par  le  changement  qui  s'opéra  en  lui 
vers  l'âge  de  trente-deux  ans  :  ce 
changement  fut  complet ,  mais  non 
subit.  Quelques  livres  religieux  qu'il 
lut  alors,  commencèrent  à  lui  inspi- 
rer une  conviction  entière  de  la  vérité 
du  christianisme,  et  ensuite  une  piété 
fervente ,  qui  fit  naître  en  lui  le  désir, 
et  bientôt  après  la  terme  volonté,  de 
travailler  à  son  entière  conversion. 
Pour  y  parvenir  ,  il  renonça  d'abord 
aux  bienfaits  de  ceux  qu'il  avait  abu- 
sés ;  résolu  à  vivre  de  sou  travail  , 
il  apprit  l'hébreu  ,  annonça  aux  li- 
braires, qu'il  traduirait,  pour  un  jus- 
te salaire,  tous  les  livres  qu'ils  dé- 
sireraient, poui'vu  qu'ils  ne  fussent 
point  contraires  à  la  religion  et  à  la 
morale.  Il  se  créa  ainsi  des  moyens 
d'existence  et  une  indépendance  qui 
rélevaient  à  ses  propres  yeux  :  dès- 
lors  il  s'e'oigna  des  femmes  ,  des  so- 
ciétés ,  des  plaisirs;  il  vécut  dans  la 
solitude,  partageant  son  temps  entre 
le  travail  et  la  prière.  Le  célèbre 
Johnson,  qui  l'a  fréquenté  à  cette 


17G  PSA 

c'poquc  ,  dit  qu'il  n'a  point  connu 
d'hornrac  plus  doux  ,  plus  modeste  , 
plus  simple,  plus  excellent.  Si  la 
conviction  de  Geoij^e  Psalmanazar 
dans  la  ve'iité  du  chrislianismc  fut 
pleine  et  entière,  exempte  de  doute 
et  d'iu-silation  ,  il  n'en  fut  pas  de 
lucuie  relativement  aux  dillVrente^ 
sectes  qui  reconnaissent  celle  religion 
divine.  11  hésita  long-iemps  entre  les 
catholiques  et  les  anglicans.  Un  écrit 
de^diarles  Lesley,  sur  celte  malièrc, 
le  fit  |>encher  en  faveur  de  ces  der- 
niers. Il  avoue  cependant  que  l'unité 
de  rÉ;;lisesous  les  rapports  politi- 
ques et  religieux  ,  serait  un  grand 
bienfait  :  mais  Dieu  ,  dit-il  .  s'est 
manifesté  à  nous  jtour  nous  guider 
selon  sa  grâce  ,  et  n'a  pas  voulu  rom- 
pre les  liens  de  charité  qui  nuus  unis- 
sent avec  ceux  qui  inlerprctent ,  d'une 
manière  dilférente  de  la  nùtre ,  sa 
parole  divine,  .\u  reste  il  trouva  dans 
ses  scnlinicnts,  une  source  de  jouis- 
sances pures  ,  inaltérables  ,  et  une 
triuquillité  d'aine  qui  n'était  trou- 
blée que  par  le  repentir  que  lui  ins- 
pirait sa  conduite  pissée.  Il  eût  dé- 
siré en  faire  une  confession  publique, 
non -seulement  afin  de  désabuser 
ceux  qui  avaient  été  et  qui  étaient 
encore  dupes  de  son  imposture,  mais 

fioiir  se  punir  lui  -  même  par  la 
lontc  d'un  tel  aveu.  Il  fut  retenu  par 
l'idée  ,  qu'en  agissant  ainsi ,  il  four- 
nirait des  armes  aux  ennemis  du 
christianisme  ,  et  que  les  personnes 
pieuses  qui  avaient  pris  son  parti 
;ïvec  chaleur  ,  seraient  immolées  à 
la  risée  publique  et  aux  railleries  de 
leurs  antagonistes.  Par  cette  raison  , 
il  n'écrivit  ses  Mémoires  qu'à  l'âge  de 
^3  ans  ,  pour  qu'ils  parussent  après 
sa  mort  et  après  celle  de  tous  ses 
bienfaiteurs.  Cependant  il  avait  com- 
pose, pour  nu  Traité  de  géographie 
qui   fut  publié   en    17^7  >  l'arlicle 


PSA 

Formose,  uniquement  afin  d'avoir 
occasion  de  rétablir  la  vérité  sur  ce 
qui  concernait  cette  île  (i).  Quand 
on  le  questionnait  dans  le  monde 
sur  ses  aventures  et  sur  la  relation 
qu'il  avait  publiée  ,  il  gardait  un  si- 
lence significatif ,  ou  changeait  de 
conversation, de  manière  à  trahir  ex- 
près le  secret  de  sa  pensée.  Mais  il 
éprouva  qu'il  est  plus  facile  d'établir 
l'erreur  que  de  la  détruire  :  car  mal- 
gré ses  elTorts  ,  sa  relation  de  For- 
mose fut  long  temps  citée  comme 
une  autori  té  ('î);  et  de  nos  jours  même  , 
desauteurs,  ignorant  encore  l'origiiio 
de  cette  relation  ,  (pioiqu'elle  soit  in- 
diquée dans  beaucoup  d'ouvrages, 
en  ont  donne  de  longs  extraits  ,  où 
se  lit  tout  ce  qu'elle  offre  de  plus  ima- 
ginaire ,  sans  s'apercevoir  de  l'absur- 
dité de  tels  récits  (3).  Vers  i^So.on 
publia  les  premiers  numéros  d'une 
vaste  entreprise  littéraire  ,  proposée 
par  souscription,  dont  le  projetavait 
été  formé  par  un  M.  Crockat,  et  le 
plan  dressé  par  M.  Sale,  habile  dans 
les  langues  orientales  :  c'était  une 
histoire  universelle  de  tous  les  peu- 
ples du  monde.  Comme  cet  ou- 
vrage obtenait  peu  de  succès .  les 
propriétaires,  ayant  appris  que  Psal- 
manazar  avait  dirigé  ses  études  sur 
l'histoire  ancienne  ,  lui  proposèrent 
de  coopérer  à  cette  entreprise  :  il  y 
consentit,  à  condition  que  l'ouvrage 
serait  rédigé  dans  un  tout  autre  es- 
prit que  celui  qui  avait  présidé  à  son 
début,  et  qu'au  lieu  de  se  moiilrer 
contraire  mw  saintes  Eriiturcs  ,  on 
s'yconforracrait,  et  on  les  prendrait 


{t)  Cu'tffltle.Kyttem  ofgeogfapliy,  l-'|',■^^t^.  i»  , 
|>.  i5i. 

(î)  VoycTY  Histoire  générale  tirs  t'ojn^ei  ,fj\c\, 
in-n  ,1.  \XI ,  p.  i58ct  1IJ7. 

(3)Voy«T.G.  Uoiichcr  de  lal\i<-l.av<li?ri(- ,  Bihlio  • 
fhet/ne  univenrlU  des  voyaees  ,  iSnS,  iii-S".,  (.  V, 
)i.  »Rr|  :  c'rnt  la  seule  description  de  Vrrmofe,  que 
rel  aulrar  iudique  ,  K  il  en  donne  iiu  long  catr'it. 


PSA 

pour  base.  Il  eut  beaucoup  de  peine 
à  obtenir  ce  point;  et  un  des  bail- 
leurs de  fonds  le  supplia  ,  par  inté- 
rêt pour  l'entreprise,  de  ne  pas  se 
montrer  trop  orthodoxe.  Dès  que 
Psalmanazar  eut  rais  au  jour  les  vo- 
lumes dont  il  était  l'auteur,  le  nom- 
bre des  souscripteurs  augmenta  con- 
sidérablement. Alors  on  ne  se  plai- 
gnit plus  de  son  orthodoxie,  et  il 
fut  prié  de  continuer.  Il  consacra  le 
reste  de  ses  jours  à  ce  j^rand  ouvra- 
ge ;  et  mourut  en  1763 ,  à  l'âge  de 
83  ans  ,  regretté  de  tous  ceux  qui 
le  connaissaient ,  et  de  tous  les  amis 
des  lettres  et  de  la  solide  érudition. 
Il  légua  tout  ce  qu'il  possédait  à  une 
dame,  nommée  Sarah  Rewalling , 
qu'il  appelle,  dans  son  testament,  son 
amie.  Elle  publia  ses  Mémoires  ;  ils 
sont  intitulés  :  Mémoires  de  **** 
communément  connu  sous  le  nom 
de  George  Psalmanazar  ,  Lon- 
dres ,  1764,  in-80.  ,  eu  anglais. 
Son  portrait ,  assez  mal  gravé  ,  se 
trouve  en  tète  de  cet  ouvrage.  —  Sa 
relation  ,  ayant  pour  titre  ,  Descrip- 
tion de  Vile  de  Formose  ,  en  Asie 
etc. ,  dressée  sur  les  Mémoires  de 
George  Psalmanazaar  ,  parut  d'a- 
bord en  anglais  ,  en  1704,  in- 4^.  ; 
ensuite  elle  eut  trois  éditions,  in- 1 2, 
en  français,  1705,  1708  et  171-2:  il 
en  existe  aussi  une  traduction  en  al- 
lemand, par  Ph.Chr.Hiibncr,  Fianc- 
fort ,  1712,  in- 12;  171O,  in-8". 
Nous  indiquerons  ,  d'après  lui-mê- 
me ,  les  parties  de  l'Histoire  univer- 
selle, dont  il  est  l'auteur:  I.  U His- 
toire des  Juifs,  depuis  Abraham 
jusqu'à  la  captivité  de  Babjrlone. 
II.  L'Histoire  des  Celtes  et  des  Scj- 
thes.  III.  L'Histoire  ancienne  de  la 
Grèce  ,  durant  les  temps  fabuleux 
ou  historiques.  IV.  La  Suite  de 
V Histoire  des  Juifs ,  depuis  leurre- 
tour  de  la  captivité  de  Babylone 

XXXYI. 


PSA  177 

jusquà  la  destruction  au  temple  de 
Jérusalem  par  Titus.  V.  V Histoire 
des  anciens  empires  de  Nicée  et  de 
Trébizonde.  VI.  V Histoire  ancien- 
ne de  V Espagne.  VII.  Celle  des 
Gaulois.  VIII.  Celle  des  Germains. 
Et  dans  la  seconde  édition  :  IX.  La 
Suite  de  V Histoire  de  Thèbes  et  de 
celle  de  Corinthe.  X.  La  Retraite 
des  Dix  -  mille.  XI.  La  Suite  de 
l'Histoire  des  Juifs  (  depuis  la  des- 
truction de  Jérusalem parTitus jus- 
qu'à l'époque  où  fauteur  écrivait). 
Dans  toutes  les  biographies  anglaises 
ou  françaises  que  nous  avons  eu  oc- 
casion de  compulser,  l'article  de  cet 
aventurier  extraordinaire,  de  cet  es- 
timable et  laborieux  écrivain,  est  à- 
la-fois  inexact  et  incomplet.  W — r 
PSAMMENITE,le479'=(Oet  der- 
nier des  rois  d'Egypte,  apparteiiait  à 
la  dynastie  des  Saïtes,  la  vingt-sixiè- 
me des  races  royales  qui  dominè- 
rent en  ce  pays.  Jules  Africain  le 
nomme Psammecheritès.  Il  étàitfils 
d'Amasis  ;  et  il  lui  succéda,  au  mo- 
ment même  où  Cambyse  s'avançait , 
à  la  tête  d'une  puissante  armée,  jiour 
envahir  l'Egypte.  Quand  ceroi  de  Per- 
se fut  arrive  sur  la  frontière  ,  en  l'an 
5^5  av.  J.-C,  le  prince  qu'il  venait 
détrôner  n'existait  plus.  Psamme- 
nite  essaya  de  défendre  le  royaume 
dont  il  liéritait.  Il  se  posta  sur  la 
branche  Pélusiaque  du  Nil ,  avec  tou- 
tes ses  forces  ,  com])osécs  d'Egy])- 
tiens,  de  Grecs  et  de  Cariens.  Une 
sanglante  bataille  décida  du  sort  de 
l'Egypte.  Psammenite  fut  complè- 
tement défait;  les  restes  de  son  ar- 
mée s'enfuirent  en  désordre  ,  et  lui- 


(1)  Tel  était  le  calcul  egyi't'*-"  ,  selon  niot!o,e, 
couCrmé  par  M^ne  tlion .  Leur  accord  avec  lieiodole 
elles  Livres  Saints,  douneime  Chranolniiie  cgy/j- 
tienne  ,  neuve ,  précise  et  discutable  daus  loùtis 
ses  parties.  Elle  a  été  cemiuuuiquee  à  l'acadi  inio 
des  luscriptious ,  eu  décembre  iS?.?.  ,  et  juiu  iSf.'S. 


178  PSA 

même  se  réfugia  dans  Mempbis,  où 
il  fut  de  suite  assiège  par  Carabyse. 
Stlon  Ctcsias,  la  trahison  facilita  les 
succès  du  tiumarijue  persan  :  les  ponts 
du  Nil  lui  furent  livres.  Cin(juautc 
mille  Egyptiens  et  vingt  mille  Per- 
sans périrent  dans  cette  journcV.  I.a 
capitale  fut  concpiise  ,  son  rui  f.iit 
prisonnier;  et  l'Egypte  entière  de- 
vint la  proie  des  Perses.  Psanirac- 
nite  n'avait  règne  que  six  mois.  11 
fut  abreuvé  d'outrages  par  son  vaiu- 
queiu";son  fils  aine  fut  égorgé  ,  et  ses 
filles  traitées  eji  esclaves.  Cependant 
Caïubyse  fut  si  touché  de  la  force 
d'ame  que  l'infortuné  monarque  mon- 
tra dans  cette  circoustance,  qu'il  i'é- 
pargi.a;  et  il  était  di>;po*>é  à  lui  ren- 
dre le  gouvernement  de  l'Egypte  , 
selon  l'usage  des  Perses  ,  qui  con- 
fiaient ordinairement  aux  fils  des  roiâ 
vaincus,  les  états  ipie  leurs  pères  a- 
vaimt  possédés  :  le  fils  de  Cyrus 
en  aurait  agi  de  même  s'il  n'avait  pas 
appréhendé  que  le  prince  égyptien 
ne  se  révoltât  dans  la  Miite.  P.sam- 
menite  fut  retenu  à  la  cour  ,  tiaité 
avec  Loimeur,  cl  envoyé  ensuite  à 
Suses,  avec  «ix  raille  Egv[)tiens  cap- 
tifs. Mais  ,  accusé  plus  tard  d'avoir 
tenté  lie  faire  soulever  les  Egyptiens , 
ou  lui  fit  boire  du  sang  de  taureau  ; 
et  il  en  mourut.  S.  IM — >. 

PSA  M  MIS,  (ils  de  Necos  ou 
Nechao  H  ,  fut  le  .J-G"^  roi  ilc  l'E- 
gypte ,  et  le  sixième  de  la  vingt- 
sixième  dynastie.  On  lui  donnait 
aussi ,  selon  Jidcs  Africain,  le  nom 
de  Fsammiticlius ,  son  aicul  ,  de 
sorte  qu'il  aurait  été  le  second  mo- 
narque égyptien  de  ce  nom.  Le  mê- 
me auteur  et  Eusèbe  l'appellent  en- 
core Psammuthis.  So\is  son  règne, 
une  ambassade  des  Elécns  vint  con- 
sulter les  plus  sages  des  Egyptiens, 
surla  bonté  des  usages  qu'ils  avaient 
établis  pour  la  célcbraticu  des  jeux 


PSA 

olympiques.  Ces  usages  furent  blâ- 
més par  le  prince  égyptien  ,  à  cause  • 
do  la  partialité  qu'on  y  montrait  pour 
les  Cirées.  Psammis  mourut  dans  une 
expédition  contre  les  Ethiopiens.  Il 
avait  régné  six  ans  comptés,  ou  cinq 
années  révolues  du  20  janvier  ^u)C) , 
au  18  janvier  51)4  avant  J.  -  C  Son 
fils  Apriés  lui  succéda.  S.  M — n. 
PSAMMITIQUE,  le  premier  roi 
de  l'Egypte  qui  ait  ouvert  l'entrée 
de  son  royaume  aux  étrangers  ,  et 
qui  y  ait  attiré  les  Grecs,  él.til  le  «pia- 
trième  prince  de  la  dynastie  des  Sai- 
tcs.  Eils  d'un  certain  INecos  ,  qui 
avait  été  mis  à  mort  j)ar  le-»  Ethio- 
piens ,  maîtres  de  l'Egypte,  P>aui- 
Diilique  ,  jeune  encore  ,  avait  été 
emmené  en  Syrie,  pour  le  sous- 
traire aux  recherches  des  vain- 
queurs. Après  la  retraite  des  Ethio- 
piens, il  fut  rappelé  dans  sa  patiie, 
par  les  habitants  du  nome  Saite. 
Il  parait  que  Icn  Elhiopiens  ,  à  leur 
départ .  avaient  l.ii>..sc  l'Egypte  dans 
le  trouble  et  dans  la  divi.-iun  ,  et  (pic 
les  premiers  princes  de  la  vingt - 
sixième  dyna>lie  fiirenl  loin  d'a- 
voir l'autorité  souveraine  sur  tout  le 
royaume.  Eu  elFet ,  quand  Psammi- 
tique  devint  roi ,  en  l'an  ({(i-j  av.  J.- 
C. ,  après  Necos  ou  Nechao  l*"'  ,  cpii 
était  sansdoute  son  parent,  il  fut  ob- 
ligé départager  le  pouvoir  avec  oii/,c 
autres  rois;  ctl'Egyple  fut  aIor->ilivi- 
sée  en  douze  souverainetés  particu- 
lières. C'est  cette  espèce  de  gouver- 
nement que  les  Grecs  ont  désigne 
par  le  nom  dcJodecarchie.  Les  dou- 
ze rois  réglaient  en  commun,  dans 
des  conseils  généraux,  tout  ce  qui 
était  relatif  aux  affaires  de  l'état. 
Cet  ordre  de  choses  subsista  durant 
quinze  ans.  Un  oracle  avait  |)ré- 
dit  que  l'empire  de  l'Egypte  eiitière  ' 
appartiendrait  à  celui  des  douze  rois 
qui  ferait  un  jour  des  libations  avec 


PS  4 

une  coupe  d'airain.  Un  jour  donc 
que  tous  ces  rois  sacrifiaient  en  com- 
mun ,  dans  le  temple  de  Vulcain  ,  à 
Mcmpliis  ,  il  se  trouva  que  legiand- 
prètre  ,  qui  distribuait  les  coupes 
d'or  dont  ils  se  servaient,  n'en  avait 
apporte  ,  par  hasard  ,  que  onze. 
Quand  ce  fut  le  tour  de  Psammiti- 
qiie,  qui  était  ie  dei/iier,  il  employa 
son  casque,  qui  était  d'airain.  Cet 
incident  causa  de  l'inquiétude  à  ses 
collèi^ues,  qui,  ne  pouvant  le  pu- 
nir d'un  acte  non  pre'me'dité,  le  re- 
lëgucrent  dans  son  jîjouverncmcnt , 
en  lui  enjoignant  de  ne  plus  se  mêler 
de  l'administration  générale.  Il  ne 
faut  voir  dans  cette  histoire,  racon- 
tée par  Hérodote,  (|u'une  de  ces  mi- 
nuties vraies  ou  fausses  que  les  Orien- 
taux aiment  encore  actuellement  à 
joindre  au  récit  des  grands  événe- 
ments, et  qui  n'importent  en  rien  au 
fond  des  choses.  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
paraît  quel'ambition  de  Psammitique 
excita  les  soupçons  de  ses  collègues  , 
qui  crurent  devoir  prendre  des  pré- 
cautions contre  lui,  et  le  confinèrent 
dans  les  cantons  qui  formaient  sou 
partage.  Peut-être  même  l'historiet- 
te d'Hérodote  n'est  -  elle  autre  cho- 
se que  le  travestissement  populaire 
de  ce  que  nous  disons.  Psammitique 
était  maître  des  régions  marécageu- 
ses et  maritimes  qui  terminent  l'E- 
gypte du  côté  du  nord  :  c'était  une 
excellente  position,  soit  pour  se  dé- 
fendre, soit  pour  s'assurer  des  res- 
sources. Le  commerce  actif  que  ses 
sujets  faisaient  avec  les  Grecs  et  les 
Phéniciens,  lui  procura  de  grandes 
richesses,  et  le  mit  en  relation  avec 
beaucoup  de  priuces  et  de  peuples 
étrangers.  Ses  collègues,  pour  préve- 
nir ses  desseins  ,  prirent  les  armes 
contre  lui.  Psammitique  fit  venir 
alors  des  troupes  mercenaires  de  l'A- 
rabie :  U  engagea  beaucoup  de  Ca- 


PSA 


Ï79 


riens  et  d'Ioniens  à  son  service ,  et 
se  trouva  en  état  de  résister  à  ses  en- 
nemis.Les  deux  partis  furent  bientôt 
en  présence,  dans  la  partie  occiden- 
tale de  l'Egypte,  à  Momemphis,  non 
loin  du  lac  IMaréotis.  Psammitique 
y  dut  la  victoire  a  la  valeur  de  ses 
alliés.  Plusieurs  de  ses  collègues  pe'- 
rirent  dans  la  bataille  ;  les  autres  se 
retirèrent  dans  la  Liby^,  renonçant 
pour  toujours  à  l'empire.  Comme, 
selon  Diodore,  la  durée  de  la  dodé- 
carchie  fut  de  quinze  ans,  cet  événe- 
ment dut  arriver  en  l'an  Oju  avant 
J.-C.  C'est  ainsi  que  Psammitique 
devint  seul  souver.iin  de  l'Egvpte. 
11  ne  se  borna  pas  à  témoigner  sa 
reconnaissance  pour  les  Cjiccs  ,  à  la 
valeur  desquels  il  devait  l'empire,  en 
leur  donnant  les  sommes  qu'il  leur 
avait  promises  :  il  leur  céda  enco- 
re des  terres  et  des  habitations  si- 
tuées sur  les  rives  du  Nil ,  auprès  de 
Bubastis ,  sur  la  branche  Pélusiaque. 
Les  Ioniens  étaient  séparés  des  Ca- 
riens  parle  cours  du  fleuve.  Psammi- 
tique, en  plaçant  des  colonies  sur  les 
frontières  d'Egypte,  du  côté  de  la 
Syrie,  avait  sans  doute  Tintentiou 
de  les  employer  à  la  défense  de  son 
royaume  ;  et  le  nom  que  portaient 
ces  établissements  en  est  la  meilleure 
preuve. Xeurs  ruines  subsistaient  en- 
core du  temps  d'Hérodote  ,  qui  les 
visita  :  elles  ])ortaient  alors  le  nom 
de  ÏToarô;rc!?a,  c'est  -  à  -  dire  les 
Camps.  C'étaient  donc  des  postes  ou 
cantonnements  militaires  pour  les 
troupes  grecques,  que  Psammitiqueet 
ses  successeurs  eurent  toujours  à  leur 
solde.  Sous  le  règne  d'Amasis,  les 
descendants  de  ces  Grecs  vinrent  s'é- 
tablir à  Memphis,  où  ils  furent  ap- 
pelés parce  prince,  pour  qu'ils  lui 
servissent  d'appui  contre  les  Egyp- 
tiens. En  toute  occasion,  Psammiti- 
que montra  une  extrême  partialité 
12., 


i8o 


PS  A 


envers  îles  ctrnnj;ers  qui  lui  avaient 
été  si  utiles.  Dans  une  expc'dilion 
qu'il  fit  en  Syrie  ,  il  leur  assigna  la 
])lace  d'honneur  ,  et  les  mit  à  l'aile 
droite,  tandis  que  les  Egyptiens  fu- 
rent placés  à  la  gauche.  Le  niécon- 
tenteinrnt  des  troupes  nationales  fiît 
tel.  qu'il  en  résulta,  vers  riiitcrieur 
de  l'Afrique,  une  émigration  qui  eut 
la  plus  grandeinlliiencesur  la  civilisa- 
tion de  ces  contrées  peu  connues  (  i  ). 
Quand  P>aininiliqiii'   fiit  devenu  le 


PSA 

paisible  monarque  de  l'Egvple,  il 
s'occupa  d'augmenter  les  ressources 
de  ses  états,  pour  en  accroître  les 
revenus  :  il  est  à  croire  que  son  affec- 
tion pour  les  étrangers  et  toutes  les  fa- 
cilités qu'il  leur  accorda  pour  com- 
mercer dans  son  royaume ,  n'avaient 
pas  d'autre  motif.  Tous  les  Grecs,  qui 
venaient  chercher  fortune  en  Egyp- 
te ,  étaient  sûrs  d'y  êtfe  Lien  ac- 
cueillis. 11  fit  même  élever  ses  en- 
fants à  la  manière  des  (îrecs  ;  et   il 


(■U'.it  <%<n<'cn<i.t  iiii'.Tt..ii|  .iiit  jrru. r  ver»  Tr- 
|MA{ur  du  lri<<iii|>lir  ili-  Puiniiiitiqur  »ur  -r«  rivant , 
|wir  ci>bM-qnt*itl  |wii  ^pri  «i  l'au  G  »i  av.  J,  C  l>rus 
c«i)t  qiiaraiilt*  luiUr  lii'iiinirs  dr  \»  (-u.%t<-  militaire 
«(•«ndoiiiM  mit  aliir»  K-urs  rantonnciiirnl»  de  Oa- 
|ililir,,dr  >lari  a  r>  d'Lk  iilialitior,  lur  lr>  fniDlir- 
rr>de  S_\rir  ,  dr  l->l>yr  rt  dr  !Nt4»r.  ■>«  ,  rootrc  Tii- 
aagr  ,  on  1rs  arait  la>»>r«  tnjis  an*  mus  In  rrlrvrr. 
IUalK-rrntriiLtlii<>|iir,a)>and>)niuiutrn  LïY|>trlrur» 
IVmiut-*  rt  lriir>rur.iiit<.  Puuimiliquv  mit  rai  runit 
tout  en  frtiTrr  j>'iur  le*»  nigai^rr  à  rcrt-nir  daiu  leur 
patrir  :  on  <  <>on.>il  rrii<'r(;u|u«'  rt  ludccriile  r>prr>- 
iMiii  dr  Irur  nfu».  <!i-«  EKy|i|iriii  rruunri  rriit  pour 
jaaiait  d  Iriir  |u.t«  rt  à  Irun  ramilli-i  ;  rt  iUoinliuur- 
rrnt  *!••  n  mfi:li  r  Ir  Nil.  rn  l'i-ufoufant  daiiaira  iiro- 

f I.ii'«  ■!•   I   Mri<|iii' .  iu>4|u'^  unr  di«tancr  dr  tjiia- 

In-  tir  t-  1.  1.  .\i.;.(i  u  au-drlà  d'I'Jt-pliauti.r  ,  au- 
e  •lit  .11.  <l' ••II.  il.  M,  r<jr  i|ur  rrltr  drillii  rrvillrrat 
I  I  i:ii' I'  di- l'i.^yplr;  cr qui  uuut  conduit  .'i  uuc  la - 
1:1.1. Il  J  U<|urllr  na(  TOTa^mn  niodrmr*  nr  t  ait 
|i^<i'.it'jirparTi'Uu»Oltrriui^ratiucirrMrmlilcl>raii- 
ttHi|>^  la  rrtnitr  dn  Maiurl<>uLt  riliapiM-»  au  niaa- 
s^rrr  ui  il»-u>r  p.tr  Mi>liainiurd-.\li.  IN  ont  fui  juiqu'j 
unr  »Ui»  ^raiidr  dittaurr  dant  l'iulcrirur  de  l'.^rn- 
«iiir  ^.  Cn  traient  Turent  nccnrilli,  j^r  Ir  n.i  d'Ii- 
Ikiui'ir  ,  t^ui  Irur  cunrrda  Ir  pav»  d'un  pnipir  ro- 
iwuii.Apr'»  •'rni'irr  rrndiia  matin  t,  il»  s'y  rtaLli- 
irnt  ,  rt  y  Inrau-rtot  uDr  nation  ptii««antr  ,  que  Irj 
Ctrri-sunl  <  unnur  anu»  Ir  nom  li'  Iniom, Un  ,  c'ut-i- 
dire,  I  >  Em.^rc'  trlun  llrrudotr  ^  lik.  Il  ,  •;  3o  \ 
lU  I  oHaii'ut,  m  rlliiupiru  ,  Ir  nom  JC .l'niàch  ce 
qui  »i^uitir,  erux  qui  «r  lienngttt  a  la  gauche  tlitiot, 
Strabou  (  <»<l.igro/M. ,  lih.wi.  (\.  --0  ;  lib.  XVII, 
l'-'S  T*''  '-"l  •""»'  mi-iition  dr  crttr  cnlunir  d'L|;v|>- 
lien»  <  iil.  9  Ku  miliru  dr  l'Afrique  :  ma»  il  Ira  place 

{Juspri^,  dr>lcror  ,  rt  il  leur  doniir  le  aom  dr  .Vrm- 
■nfr»,  c'i»t  -  j -dire  ,  t'rniu  </'<ii/'riiri.  Il»  y  ocru- 
(«ieiit  un  patt  nomme  Tcnétii  ,  •(  il*  ■ib«-i->airut 
aut  loi»  d'une Trmmr.  Ou  trouve  la  mrmrrhnM-di.ua 
Pli»,  i  //,,i.  nal.  ,  lib.  \l  ,  cap.  3o  )  ,  qui  puilc  dr» 
Si-iuhricUs  .M>unii>l  une  reine.  l.radrronv<  rlrtf^i. 
tit  rrit  inuiri.t  ru  I.liiiupie  ,  aur  Ira  riyr*  du  Nil  «u- 
piririir,  par  Ir  vi.jasr.ir  (lailliaud  ,  ruuriiiia«'Ut  une 
iiuuii'lir  t-uutirniation  de  ce  fait.  Aii-drl.'i  dra  li>n« 
qu'il  Liuit,  an  t.  .lurr  de  raiauD  .rrpuudte  j  l'anti- 
que 51  i  rué,  eu  rrmunlai.t  IrNil,  il  a  iinrunlri'  de* 
riiiii.»  rvu'.rrlrad'iuai  ri|>li.ioa  ru  raia<  terra  liirro- 
■f  U  I Jiiqu-»  t  ryptirns.  B<  rump.<gm'(  de  l>.i»-rrlu-la  qui 
1  ■  T,  M'utrut  lr>r<pluil»ii'unr  rrinr  triompluntc,  C- 
j.:ir  .■  tTiminr  Ira  r..i>  vaiuqut-ura  le  aont  sur  Ira  m«- 
nuturnl>drl'i:.:vplc.Ilrat  iiu)»uiblrd'iiidii|iu'rqurl 
fit  Ir  %ri  ilablr  tel  ineiJr  la  ri  t  r.iitr  dis  É^y-itirna  fuei- 
lir«;  mais  il  e»t  pn.l.al.le  qu'il»  anirrut  a.>aex  loin 
aur  io  rici  rucuro  iucuuui-s  du  Nil  bla   c:  ce  uni 


nous  If  lui  I  prrsumer  ,  l 'isl  ci  tic  circon>Ianre  ,  rcr- 
tainrnirnl  birii  importitutr  ,  nipiuirtre  par  llrrudotr, 
ipii  dit:  «  11  rat  crrtaiii  que  le  Nil  >  iriit  dr  l'oiirari 
M  mat«  on  ne  prut  rien  a*^urrr  •ur  ce  qu'il  r*t  nii- 
»  drU  Ji'<  Yii(i>mo/ri.inrrt>d..lib.  Il  ,  S  :ii.1  »  Il  ni 
F' aultrr'vidrmmrut  que  la  lui  tir  dr  ir  llriivr  qui  Iru- 
veraait  le  iia%a  dr  »  Autnmolra,  ou  dr»riiiî{;rra  l'.^vp- 
tirna  ,  couluil  lie  l'uurst  ;  rt  c'est  rd'rclivrmrDl  l.<  lii- 
rrrliun  mniiur  du  Nil  lllaiic  iusqu'.'i  son  r.mflui  ni 
avec  le  Nil  lUru  ,  c|ui  >ient  du  sud.  I.ra  deux 
flcuvra  rriinia  rontinui-nt  Irur  ruuia  vrrs  le  nord. 
Lra  Automiileade\Biriit  d'iuc  elle  luit  loin  drs lieux 
où  .Slraliiin  ri  Plinr  plurent  1rs  Srmbrilrs  ,  qui  snnt 
crr|H-iidant  les  mt-inea.  Mai«  duit-<>D  prendre  absolu- 
ment à  la  Irttrr  Irf  exprrasiuiu  de  ers  uiitrurs?  rien 
t\\  oblige  ;  car  ces  rcrivains  ,  rn  disant  que  Ira  ré- 
fugies rf:y|itii  us  orcupairut,  de  Irurtenips  ,  tel  pav«, 
D*en(rndrnt  |Bas  dire  qu'ils  n'occupairiit  que  rc  p.iys, 
1 1  qu'ils  n'en  av.iirnl  jamais  poaat'dr  d'uiilrrs.  On  va 
Tuir,  aurontiaire,  que  ces  auteurs  doniirnl  liini  au> 
LxTptirOs  (Ira  I  tablissrmrnta  non  loin  ilr  Même  , 
mais  f|u*ils  leur  en  aaaigurnt  encore  d'iiutrea  ,  .'i  une 
tr^a-|;r.<ndr  distance  dr  ce  lieu;  rt ,  roiiiiiie  ils  Ira 
mettent ,  |m>ui  la  plupart ,  aur  le  rote  libyen  du  Nil  , 
il  rat  iiiduliiuble  qu'ils  etaitiil  ailiies  .'•  1»  gauche  du 
fleuve  Kl.anr,  avant  el  apri  a«oii  ronfltient  avec  les  rr- 
viirea  d'I.tliiopie.  t/est  aur  l'iiutnriti'  d'Krutostbi'- 
urqui'  Strahon  parle  d'unr  ile  roriiirepar  le  Nil,  au- 
dessua  dr  Meroe  ,  où  habitaient  les  l'ugitira  égyp- 
tiens venus  rn  Lthiopiedll  temps  de  Psuliiinilique.  Il 
dit  qu'ils  étaient  gouvernes  iiar  une  frninie  ,etiiii'i|.s 
rrcoiiuaissaient  la  siiprrinade  du  aou\eiuiii  qui  ré- 
gnait à  Ml  ror.  .Stialiun  fait  encore  iniation  ,  iliuis  un 
autre  endroit  (  tiéogrnftliie ,  livrr  XVll  ,  p  7W)  ) , 
de  cettr^niêiiie  ile.  voiainr  de  ^Terue  ,  ajires  avoir 
parle  du  (lays  de  7'crné<ii  ,  situe  dans  l'intérieur  des 
trrrrs,  et  qui  riait  saiia  duutr  le  vrriLible  pavs  des 
rériigies  Lgyptirns  (  ibid.,  liv.  ,  XVI  ,  p.  770  1.  O 

3u'il  dit  de  ce»  rr|;ioas  est  tin-  de-  écrits  (i'Arterai- 
orr  ,qui  avait  vuyafjé  en  Afrique.  Pline  donne  quel- 
ques détails  de  plus  (  l/in.  nal.,  lib.  VI  ,  cap.  jol  : 
il  rapporte  que  .selon  Aristornon  ,  qui  avnit  été  en- 
voyé à  .Mer<M.'sons  leri'|;iiedrPt<léméc-Pliiladrl|>fae, 
ootruuv-iit,  à  cinq  iouruérs  de  Méroé ,  aur  lu  rive 
libyenne  du  Nil ,  une  v  ille  appelée  'J'ulet,-  et  qu'ù  dou  • 
Ke|ouinees  plus  loin  ,  1  lait /«ar,  ville  desL^vplien* 
qui  av.iirnl  fui  la  domination  de  Ps;iinniilique  ,  et 
qui  y  baliitaieut  depuis  trois  cents  ans  ^  t.ette  ville, 
selon  lliiifi ,  était  appelée  Sn/jrs  ,  nom  qui ,  commo 
eelui  d'E'ar,  sigoitiait  é/ra/<ger<  ,  sans  doute  dans 
la  laugue  du  f-iy»  )■  On  voit,  par  ces  ili  tails,  que  le 

itays  des  Aiilomolea  et  une  de  leurs  principales  vil- 
rt  etaitutsituésa-aex  avant  dans  l'intérieur  de  l'Afri- 
que, II  est  doue  à  (Toire  que  leur  territoire  s'éteu- 


PSA 

contracta  des  alliances  aveclcs  Athé- 
niens et  d'autres  peuples  de  la  Grè- 
ce. Il  s'occupa  aussi  d'embellir  sa 
capitale  de  plusieurs  beaux  monu- 
ments. Ou  lui  attribuait  ,  selon 
Hérodote  ,  les  propylées  méridio- 
nales du  ^rand  temple  de  Vulcain  , 
à  Mcmplus  .  le  mur  d'enceinte  de 
tout  cet  édifice  ,  ainsi  que  plu- 
sieurs autres  bâtiments  ,  et  même  le 
célèbre  labyrinthe.  Psammiliquc  fit 
encore  long-temps  la  guerre  en  Sy- 
rie ,  où  ses  troupes  restèrent  vingt- 
neuf  ans  ,  devant  la  ville  d'Azotus  , 
dans  la  Phénicie.  C'est  sans  doute 


dait  bien  nu  -  delll  I^n  elTet ,  en  continuant  sa  nar- 
ratin'i  ,  Pline  place  leur  métropole  dans  Tlle  de 
Semhohilis  ,  qui  devait  être  encore  plus  loin  ,  puis- 
que Pline  procède,  dans  cette  partie  de  son  livre,  en 
allant  du  nord  au  sud.  Ceci  es!  confirmé  d'ailleurs  par 
un  passage  dtï  même  auteur,  qui,  sur  Vautorîté  d'un 
voyageur  nomint- Bion  ,  met  vinj;t  journées  de  dis- 
tance ent'e  Méroé  et  Vile  Seraboljltis..  Comme , 
selon  Aristocréon,  Esar ,  ville  égyptienne  d'Ethio- 
pie ,  t-tait  située  à  dix  -  sept  joumérs  de  Meroé  ,  il 
s'ensuit  que  leur  capitale  était  à  trois  journées  au- 
delà;  et,  comme  rien  nedonne  lieu  de  penserqu'elle 
ait  été  placée  sur  l'extrême  frontière  du  pays  qu'ils 
occupaient  ,  il  est  probable  que  leur  territoire  s'é- 
tendait encore  à  une  plu.s  çrande  distance.  Entre  l'î- 
le .Si  mbobitis  et  Méroé  ,  on  trouvait  plusieurs  autres 
îles,  avec  des  villes  qui  appartenaient  à  ces  Egyp- 
tiens. La  plus  voisine  de  Serabobitis  était  l'île  des 
Sembrites  ,  où  résidait  leur  reine.  Une  ville  du  nom 
d'Asar  ou  K'ar ,  déj.ù  porté  par  une  des  cités  égyp- 
tiennes de  l'Ethiopie  ,  venait  ensuite  ;  p»iis  Daron  , 
dont  la  dénoiuination  s'appliquait  de  même  à  une 
double  localité;  l'ile  deMedoé.qui  contenait  la  vil- 
le d'Asal  et  lile  Garodès,  avec  une  ville  du  mê- 
me nom,  tandis  que,  sur  la  rive  du  fleuve  ,  on 
voyait  les  villes  de  Navos,  Modundas,  Andatis,  et 
beaucoup  d'autres.  La  colonie  égyptienneavait  aus- 
si des  établissements  sur  la  rive  droite  du  Nil;  c'est 
là  qu'était  située  une  de  leurs  villes  appelée  Daron  , 
et  une  autre  nommée  S'ni.  (  Contra  in  asarico  lalere 
Dnrnn  o/ipiditm  esse  eorum....  Cnput  enriini  in  in- 
siilà  Seinbohili ,  et  terlinni  in  Arahiâ ,  Sai.)  Il  est 
donc  constatât  par  tous  ces  faits  que  les  descendants 
de  ces  fugitifs  Egyptiens  possédaient,  vers  le  troi- 
sième siècle  avantnotreère^toutes  les  régions  situées 
sur  les  deux  rivs  du  Nil ,  ainsi  que  les  îles  de  ce 
fleuve  ,  au-del;i  de  Méroé  ,  en  allant  au  sud  vers  le- 
fleuve  Blanc;  que  leur  métropole  était  alors  à  vingt 
journées  de  cftte  ville;  et  conséquement  que  leur 
territoire  devait  s'étendre  dans  uu  éloignement  plus 
considérable  vers  le  sud-ouest ,  de  manière  à  attein- 
dre le  fleuve  Blanc  ,  en  le  remontant  peut-être  à  une 
assez  grande  hauteur  ,  Cf>mme  l'iudiqucutd'ailleurs 
les  distances  données  par  Hérodote  ,  et  la  direction 
de  l'ouest  à  l'est,  qu'il  attribue  au  cours  supérieur 
du  Nil  ,  circonstance  très-importante,  qui  ne  peut 
s'appliquer  qu'au  Nil  Blanc  ,  le  seul  des  fleuves  de 
cette  région  qui  ccmlc  ainsi.  S,  M— N 


PSA 


i8i 


pendant  qu'il  était  occupé  de  ce  siège, 
qu'il  sut ,  par  ses  présents,  arrêter  la 
marche  victorieuse  des  Scythes,  qui, 
après  avoir  rendu  tributaires  tous 
les  princes  de  l'Asie  ,  s'avançaient 
dans  la  Palestine,  pour  porter  leurs 
armes  eu  Egypte.  Cet  événement 
dut  arriver  en  l'an  6^(3  avant  J.-C; 
car  c'est  vers  cette  époque,  qui  ré- 
pond à  la  treizième  année  de  Jo- 
sias  ,  roi  de  Juda  ,  que  le  prophè- 
te Isaïc  annonçait  la  prochaine  ir- 
ruption des  Scythes  dans  la  ter- 
re d'Israël.  Psammitique  vint  à  leur 
rencontre,  pour  les  dissuader  d'en- 
trer dans  ses  états.  On  voit ,  par 
la  narration  d'Hérodote  ,  que  les 
Scythes  avaient  déjà  pénétré  jus- 
qu'à  Ascalon,  non  loin  des  frontières 
de  l'Egypte.  La  tentative  attribuée  à 
Psammitique  pour  s'assurer  si  les 
Egyptiens  étaient  le  plus  ancien  peu- 
ple du  monde,  est  trop  connue  pour 
que  nous  fassions  autre  chose  que 
de  la  rappeler  :  toute  l'utilité  pour 
nous  ,  du  moyen  qu'il  employa ,  se 
réduit  à  nous  apprendre  par  quel- 
le expression  les  anciens  Phrygiens 
désignaient  la  nourriture  journaliè- 
re de  l'homme.  Psammitique  mourut 
après  un  règne  de  cinquante-quatre 
ans ,  laissant  la  couronne  à  son  fils 
Necos  II.  Ses  années  royales  durent 
compter  depuis  le  G  février  667 
iusqu'au  24  janvier  61 4  avant  J.-C. 
S.M— N. 
PSAMMITIQUE,  descendant  du 
précédent,  régnait  en  Egypte,  en  l'an 
400  avant  Jésus-Christ,  non  avec 
la  plénitude  de  la  puissance  souve- 
raine ,  mais  seulement  comme  vassal 
du  roi  de  Perse.  Vers  cette  époque, 
Tainus,  satrape  de  l'Ionie,  se  réfugia 
en  Egypte  avec  sa  flotte  cl  ses  trésors. 
Il  redoutait  la  colère  de  son  souve- 
rain Artaxerxès ,  roi  de  Perse ,  parce" 
qu'il  avait  pris  part  à  la  révolte  dfr 


l82 


PS  A 


Cyrus  le  jeune  ,  frère  de  ce  prince. 
Cet  ofllciiT  ,  quoique  Persnn  d'ori- 
gine,était  ne  à  Mrnipliis:il  crut  donc 
trouver  un  asile  auprès  de  Ps.inuuiti- 
qiie ,  comptant  d'ailleurs  sur  le  sou- 
venir des  services  qu'il  avait  rendus 
autrefois  au  priuce  égyptien.  Le$  tré- 
sors que  Tamus  apportait ,  teiilt  rent 
la  cupidité  de  Psainmifique  ,  qui  , 
joignant  la  cruauté  à  la  plus  odieuse 
ingratitude,  (it  pèiir  le  satia|ie  d'Io- 
uic,avcc  toute  sa  famille,  cl  s'empa- 
ra de  sa  flotte  et  descsriclicsscs.  C'e^t 
là  tout  ce  qucnoussavonsdecePsani- 
ïnifique.  Il  eut  pour  successeur  Nc- 
plieriiès  I*^'.,  qui  régna,  en  897  av. 
J.-C.  ,  comme  prince  indépendant, 
et  fut  le  premier  roi  de  la  viugt  -  neu- 
vième dynastie,  nommée  des  Mt-n- 
désiens.  —  Aristote  nous  a  conser- 
vé le  souvenir  (1  )  d'un  autre  Psam- 
MiTiguE  ,  dont  le  nom  sulVit  pour 
révéirr  un  fait  important  ,  resté 
entièrement  inconnu  jusqu'à  présent. 
II  était  fils  de  Gordius  ou  Gorgias, 
frère  de- Périandrc,  tyran  de  Corin- 
thc ,  et  il  fut  son  successeur,  selon  le 
même  Aristote,  qui  nous  apprend 
encore  qu'il  gouverna  Corinlhe  pen- 
dant trois  ans  et  demi.  Nous  profi- 
terons de  cette  occasion  pour  sup- 
pléer ,  en  peu  de  mots ,  à  ce  qui  a  été 
dit  dans  l'article  PtniA.NDr.E  ,  sur  l'é- 
poque de  la  moi  t  de  cet  homme  cé- 
lèbre. Ce  point  de  chronologie  ne 
présente  pas  ,  à  beaucoiip  près,  tou- 
tes les  diflirid;é>  dont  Li  Nauze  , 
I.archer,  Clavier,  et  plusieurs  au- 
tres savants  l'ont  cnviionné,  en  se 
laissant  guidrr  j)lutùl  par  des  sys- 
tèmes particiilicis  ,  que  par  les-faits 
et  les  autorités  qu'ont  allégués  les  an- 
ciens; de  sorte  qu'en  celte  circons- 
tance ,  comme  en  bien  d'autres  ,  ils 
ont  jeté  dans  l'histoire  ancienne  de 

(t)  Arist.  Polit.,  IiTj.  \,  cap.  ii. 


PSA 

la  Grèce,  une  confusion  et  nnc  in- 
certitude qui  i1*v  ont  jamais  été.  I.c 
chronologisie  Sosicrate  de  Rhodes 
(  2  )  mettait  la  mort  de  Périandrc 
quarante  ans  avant  Crésus, c'est-à-dire 
avant  la  prise  de  Sardes,  fixée  par 
cet  auteur  à  l'an  545  avant  J.-C.  ,en 
la  quatrième  année  de  la  xlviii*". 
olympiade.  Cet  te  date,  qui  se  retrouve 
dans  la  chronique  d'Kusèbe  (3)  , 
place  donc  la  mort  de  Périandrc  eu 
l'an  585  avant  J.-('.  :  en  ajoutant  à 
celte  date,  les  années  de  Périandre 
et  de  Cypsélus  son  père,  la  durée  du 
gouvernement  des  Pryfanes ,  la  som- 
uiedes  règnes  réunis  des  rois  de  Co- 
rinlhe jusqu'à  Aletès,  le  temps  écoidé 
entre  lin,  et  le  retour  di^  lléraclides, 
puis  l'espace  compris  entre  ce  retour 
cl  la  prise  de  Troie,  tous  intei  valles 
dont  la  durée  est  connue  ,  l'on  ar- 
rive naliircllemrnt ,  sans  la  moindre 
lacune .  jusqu'à  la  véritable  époque 
de  ce  grand  événement.  Oiielqiics  lé- 
gères dilllcul  tés  de  détail  (pii  restent 
encore  ,  s'expliquent  aussi  aisément 
et  par  de  simples  distinctions.  C/est 
donc  en  l'an  585  avant  J.  -  C. ,  que 
Psammitiqiie  succéda  ,  sur  le  ti  ônc 
de  (>)rii:tlie  ,  à  son  oncle  Périan- 
drc. Comme,  selon  Aristote,  il  régna 
troisanset  demi,  c'est  en  l'an  58^  av. 
J.  C.  qu'il  faut  placer  probablement 
la  fin  ne  son  règne;  et  te  gouvernement 
républicain  ,  inlerrompii  par  la  dy- 
nastie des  Cypsélides  ,  fut  alors  réta-  1 
bli  à  Corinlhe.  Nous  ignorons  com- 
ment celte  révolution  s'opéra  ;  mais 
ce  qu'il  importe  de  remarquer  , 
c'est  le  nom  égyptien  de  ce  dernier 
prince  de  la  ra(  e  de  Cypsélus  ,  nom 
particulier  à  la  dynastie  qui  occupait 
alors  le  trône  d'Egypte  ,  à  cette  dy- 
nastie dont  les  fréquents  et  intimes 
rapports  avecles  Grecs  sont  bien  con- 

(  i)  .'IpurI  Diog.  Laert.  in  Peiinnd.  ,  lilj.  I  ,  §  99. 
P)  Eu»eb.  Chronic. ,  p.  33i  ,  efdit.  Mediol. 


PS  A 

mis.  La  libcrtedn  commerce  avec  l'E- 
gypte dut  ètresiirtout  très-avantageu- 
se à  la  ville  de  Corinliie,  qui  étaità 
cette  époque  une  des  cite's  les  })lus 
commerçantes  de  la  Grèce.  C'est  sons 
Pèriendic   qu'elle  parvint   au    plus 
h.uit  degré  de  splendeur,  et  que  les 
richesses  des   Cvpse'lides  acquirent 
tant  de  cclébrilc.  11  est  vraisemblable 
qn'ils  les  durent  à  leurs  fréquentes 
relations  avec  l'Egypte  :  le  nom  du 
neveu  de  Periandie  est,  sans  doute, 
l'indication  d'une  alliance  plus  étroite 
entre  ces  deux  pays  ;  et  Psammitique 
I*-'"".  ,  qui,  selon  Diodore  de  Sicile  (4) 
avait  t'ait  élever  ses  enfants  à  la  ma- 
nière des  Grecs ,  avait  bien  pu  donner 
une  de  ses  filles  à  Gorgias  ,  frère  de 
Périandre  ,  qui  appartenait  à  l'une 
des  plus  illustres  fannllesde  laGièce. 
G'c-st  à  cette  circonstance  ,  dont  la 
vraisemblance  est  assez  évidente,  que 
le  fils  de  Gorgias  aurait  dû  le  nom 
de  Psammitique,  qui  serait  alors  celui 
de  son   a'ieul  maternel  ,  comme  on 
le  pratiquait  assez  souvent  chez  les 
Grecs.   Cette  alliance  entre  la    race 
royale  de  l'Egypte  et  la  famille  des 
Cypsélides,  dut  s'efTectuer  sous  le  rè- 
guedePcriandrc(6.i5-585av.  .l.-C.), 
et  du  temps  même  du  grand  Psammi- 
tique (  65'2-Gi4  av.  J.-C.  ),  qui  était 
morldepuis  vingt-neuf  ans,  quand  le 
priuccdu  même  nom,  quenous  regar- 
dons comme  son  petit  -  (ils  ,  monta 
sur  le  trône  de  Corinlhe.    S.  M — w 
PSAMMUS.  4G4^  roi  d'Egypte, 
et  le  3^.  de  la  4*^'  dynastie  des  Ta- 
nitcs,  la  23*^.   des  races  royales  de 
l'Egypte  ,  successeur  et  peut  -  être 
lils  d'Osorrhon  ,  occupa    le   trône 
pendant  dix;    anne'es  comple'es  ,  ou 
neuf  années  re'volues ,  depuis  le  iG 
mars  8  1 9,  jusqu'au  1 4  du  même  mois 
8 1 G  av.  .1.  -  G.  Il  eut  pour  successeur 

(i)  Lib,  I,S  Gy. 


PSA  i83 

\n\  personnage  nomme  Zet,  que  nous 
avons  de  fortes  raisons  de  croire 
avoir  e'te'  sa  fdle.  S.  M — n. 

PS,\MMUTHIS,  roi  d'Egypte, 
est  lé  3<'.  de  la  i<=r*=.  dynastie  mende'- 
sienne  ,  révoltée  contre  les  Persans  : 
tout  ce  que  nous  savons  de  lui ,  c'est 
qu'il  succéda  en  l'an  38o,  avant  J.-C. , 
à  Acboris,  dont  il  était  sans  doute 
fds  ,  et  qu'il  n'occupa  le  trône  qu'un 
au  seulement:  Népbe'ritès  II  fut  son 
successeur.  S.  M — n. 

PSAUME  (Nicolas),  en   latin 
Psalineus ,  pieux  et  savant  prélat , 
ne',  en  i5i8,  à  Chaumont-sur-Aire  , 
dans  le  Barrois ,  c'tait  fils  d'un  pau- 
vre laboureur.  11  fut  élevé  par  les 
soins  d'un  oncle,  qui,  voyant  en  lui 
de  véritables  dispositions,  lui  fit  con- 
tinuer ses  études  dans  1rs  universités 
de  Paris  ,  d'Orléans ,  et  de  Poitiers; 
et  lui  résigna,  en  1 538, sou  abbayede 
Saint   Paul  de   Verdun.    Deux  ans 
après  Psaume  embrassa  la  règle  des 
Prémontrés;  ayant  été  ordonné  prê- 
tre ,  il  revint  à  Paris  faire  un  cours 
de   théologie ,  et    soutint  plusieurs 
tlièses,qtji  commencèrent  sa  réputa- 
tion. Au  chapitre  général  de  la  con- 
grégation, il  réunit  la  majorité  des 
suiliagcs  pour  la  place  de  supérieur  ; 
mais  il  ne  fut  point  confirmé  dans 
celte  dignité  ,  par  suite  de  quelques 
intrigues.  Il  alla,  peu  de  temps  après, 
à  Rome  ,  solliciter  la   canonisation 
de  saint  Norbert  (  F.  ce  nom  );  et 
à  son  retour,  il  passa  par  Trente, 
où  le  concile  venait  d'être  convoqué: 
il  fit  part  à  cette  assemblée  des  mesu- 
res qu'il  jugeait  les  plus  propres  à  ar- 
rêter le  relâchement  de  la  discipline 
dans  les    communautés    religieuses. 
En  1.548,   le  cardinal  de  Lorraine, 
qui  coiniaissait  les  talents  de  Psau- 
me, lui  donna  l'évêché  de  Verdun  , 
privé  depuis  long-temps  d'un  pas- 
teur. Psaume  assista,  l'année  suivan- 


iS4 


PS  A 


te  ,  au  synocie  de  Trêves  ;  et ,  en 
i55o,  il  fut  dcpiitc  au  concile  de 
Trente,  où  il  prononça  deux  dis- 
cours ,  l'ini  sur  r.ihns  des  be'iuTices 
possèdes  en  comtnende,  et  l'antre  sur 
les  droits  des  e'vcques  ,  dont  il  mon- 
tra l'institution  divine  dans  la  per- 
sonne des  apôtres.  Ce  (ut  alors  ,  dit- 
On,  que  les  réflexions  de  quelques  pré- 
lats italiens  provoquèrent  la  fameuse 
réponse  de  Danes  (  foj'.  ce  nom  ); 
d'autres  auteurs  attrihuent  cette  ré- 
ponse à  Psaume  liii-rnênie.  Les  be- 
soins de  son  dioroi^e  rol)lij;èrent  d'y 
revenir  à  la  (iu  de  la  session;  et  il  ne 
iié{;li};ea  rien  pour  le  préserver  de 
l'hcrésie.  L'empereur  Charles-Qiiint 
ayant  assiette  Metz, en  i  j5a,  les  ha- 
bitants de  Verdun  etlrayés  résolurent 
de  rétablir  et  d'aiiç;mentcr  les  forti- 
fications de  cette  ville.  Leur  cvèquc 
donna  ,  dans  cette  circonstance  ,  l'e- 
xemple des  sacrifices  pécuniaires,  et 
se  mit  lui-même  à  la  tôte  des  travail- 
leurs ,  portant  ,  comme  im  simple 
ouvrier,  des  matériaux  dans  une  hot- 
te. La  démolition  de  l'antique  abbaye 
de  Saint-Paul ,  située  sous  les  rem- 
parts ,  ayant  été  ju;;ée  nécessaire  à 
la  défense  de  la  ville,  il  y  donna  son 
conspiiteiuent  ,  quoiqu'à  reprcl  ,  et 
la  fit  reconsiniire  à  ses  frais  dans 
l'enrlroit  où  naj^uère  elle  subsistait 
encore.  Rion  n'égalait  le  zèle  et  la  vi- 
gilance de  ce  prélat  :  il  déjoua  tous 
les  projets  des  sclitieux,  et  sut  les 
contraindre  enfin  à  respecter  le  cal- 
me dont  jouissait  son  diocèse.  Les 
fauteurs  de  l'hérésie  ayant  tente  de 
surprendre  Verdun,  d.ins  h  nuit  du 
2  au  3  septembre  lôOi  ,  Psaume 
prit  si  bien  ses  mesures  qu'ils  furent 
repousses  avec  perte  d'un  j^rand 
nombre  des  leurs.  Il  retourna  ,  la 
même  année,  avec  le  cardinal  de  Lor- 
raine ,  au  concile  de  Trente,  et  fut 
nommé  secrétaire  de  la  congrégation 


PSE 

charc;ée  de  présenter  les  décrets  sur 
la  réforme  des  évèques.  Après  la  clô- 
ture du  concile  ,  il  se  hâta  de  revenir 
dans  son  diocèse,  pour  remédier  aux 
désordres  qui  s'y  étaient  introduits 
pendant  son  absence,  et  y  fit  rece- 
voir leconcile,  dcuitil  publia  les  .ictes 
dans  un  recueil  dedic  au  ciinlinal  de 
Lorraine.  Ce  digne  prélat  mourut 
le  ()  août  i5'y5,  et  fut  enterré  dans 
son  église  cathédrale,  où  l'on  voyait 
son  tombeau  décoré  d'une épitaphp 
qu'il  s'étaitcomposée.  Outre  des  Êtii. 
lions  des  Statuts  du  svnode  de  Trê- 
ves ,  des  Actes  ilu  concile  de  Trente , 
du  Missel  et  de  quelques  autres  livres 
à  l'usage  de  son  diocèse,  on  a  de  lui  : 
L  exposition  de  la  Messe ,  ^î>^i/^. 
II.  Présewatifs  contre  les  change- 
ments de  religion  ,  Verdun  ,  1 503  , 
in-8'.  111.  Le  Traiet  liàif  portrait 
del'Éplise  catholique,  Reims, i5'^4» 
in-8".  IV.  Medulla  votorum  cl  sen- 
tenliarnm  Patruin  concilii  Tridcnti 
ni  super  prœcipuis  inaterii'i  proposi 
lis  in  comiresdlionihus  ah  adx'entii 
card.  Lntharinginci  citm  episcopis 
Gallis  ad  finem  concdii.  Le  journal 
des  opérations  du  concile  a  été  pu- 
blié par  Hugo,  abbé  d'I'.stival,  dans 
le  tome  i*^"".  du  recueil  intitulé  :  Sa- 
cra anlifptitatis  nioiiumeuta ,  pré- 
cédé d'iuie  Viederaufeur.  D.  Calmet 
reproche  à  l'abbé  d'Kstival  d'avoir 
retranché  près  de  la  moitié  du  ma- 
nuscrit qu'on  lui  avait  communiqué, 
et  que  l'on  conserA'ait  à  l'abbaye  de 
Saint- Vannes  {f^.  la  H ibliolh.  de  Lor- 
raine ,  p.  -y -jS  ).  Quelques  ouvrages 
de  Nicolas  Psaume  sont  restés  manus- 
crits. On  peut  consulter  la  ï'ic  de 
ce  prélat,  dans  l'histoire  de  Verdun 
(  p.ir  Roussel  ),  p.  43i-66.  W — s. 
PSKLLUS  (  Michel  ) ,  le  plus 
célèbre  et  le  plus  fécond  des  écrivains 
grecs  du  onzième  siècle ,  naquit  à 
Constantinoplc,  d'une  famille  patri  ■ 


PSE 

cicnne  ,  mais  dëcluie  de  sa  première 
splendeur.  Sa  mère  eut  de  la  même 
couche  trois  enfants ,  deux  filles  et 
un  garçon.  Pscllus  nous  apprend 
qu'en  venant  au  monde ,  il  ne  jeta 
pas  une  larme ;et  il  assure  que,  dans 
tout  le  cours  de  sa  vie ,  il  conserva  , 
même  dans  les  circonstances  les  plus 
critiques  ,  l'œil  sec  et  le  visage  riant. 
H  fut  mis  dans  une  c'cole  à  l'âge  de 
cinq  ans;  et  la  lecture  devint  bientôt 
pour  lai  un  amusement  qu'il  préfé- 
rait a  tous  les  jeux  et  à  tous  les  plai- 
sirs de  l'enfance.  La  rapidité  de  ses 
progrès  détermina  sa  mère  à  s'im- 
poser des  sacrifices  peur  cultiver  en 
lui  d'aussi  heureuses  dispositions. 
Il  c'tudia  la  philosopliie,  la  théo- 
logie, les  mathématiques  ,  la  méde- 
cine, et  contribua  beaucoup  par  son 
exemple  à  ranimer  le  goût  des  lettres 
et  des  sciences  parmi  ses  compatrio- 
tes. Ses  talents  et  son  zèle  restèrent 
long-temps  sans  récompense.  Il  se  fit 
enfin  connaître  de  l'empereur  Michel 
Stratiotiqiie,  qui  le  revêtit  de  la  di- 
gnité de  sénateur,  et  le  députa  vers 
Isaac  Comnène,  que  le  choix  de  l'ar- 
mée appelait  au  trône  de  l'Orient 
(  lo^T  ).Psellus  sut  se  ménager  la 
protection  d'Isaac  ;  et ,  malgré  les 
intrigues  de  la  cour,  il  conserva  la 
faveur  de  Constantin  Ducas  ,  qui  le 
chargea  de  l'éducation  de  son  fils  Mi- 
chel ,  surnommé  depuis  Parapina- 
ce.  L'histoire  reproche,  avec  raison , 
à  Pscllus  de  s'être  plus  occupé  de 
rendre  son  élève  un  savant  gram- 
mairien ,  que  de  le  former  à  la  science 
du  gouvernement.  Lorsque  Michel 
monta  sur  le  trône  (1071  ) ,  Psellus 
devint  son  principal  conseiller^  mais 
il  ne  fut  point  assez  habile  ou  assez 
heureux  pour  conjurer  le  danger  qui 
les  menaçait  l'un  et  l'autre.  Michel 
fut  expulsé  par  Nicéphore  Boloniate; 
et  Psellus ,  dépouillé  de  ses  biens  et 


PSE 


18! 


de  ses  dignités  ,  fut  relégué  dans  un 
monastère  ,  où  il  mourut ,  peu  de 
temps  après  (vers  1079),  dans  un 
âge  très -avancé.  11  est  auteur  d'un 
grand  noml)re  d'opuscules  ,  dont  Fa- 
bricius  a  rapporté  les  titres  dans  lo 
tome  V  de  la  Bihl.  grœca,  (  etllar- 
lès  ,  tora.  X  de  la  nouvelle  édition.  ) 
Comme  la  plupart  traitent  de  ma- 
tières théologiques  ou  métaphysi- 
ques, qui  ne  présentent  plus  aucun 
intérêt,  on  doit  se  borner  à  rap- 
peler les  principaux  :  I.  Paraphrasis 
inArislotelisUbrumperl  hermenias 
(  de  interprelatione  )  gr.  ,  Venise  , 
Aide  ,  i5o3  ,  in  -  folio  ,  à  la  suite 
du  commentaire  d'Ammonius  sur  le 
même  ouvrage  (  Voj.  Ammonius). 
W.Couiinenlarii  in  octo  lihros  Aris- 
totelis  de  physicd  miscultalione  , 
ibid. ,  Aide ,  i554  ,  in-fol.  :  le  texte 
grec  est  encore  inédit.  Cette  trad. 
latine  est  de  J.  B.  Camozi.  III.  De 
lapidum  virtutibus,  gr.  et  lat. ,  Tou- 
louse ,  1 61 5  ,  in  8°.  Celte  édition  a 
été  publiée  par  le  savant  Maussac 
(  F.  ce  nom  )  ;  J.  Et.  Bernard  en  a 
donné  une  seconde,  plus  correcte,  et 
augmentée  d'un  Fragment  sur  la 
couleur  du  sang,  d'a])rès  l'opinion 
des  médecins  persans,  Leyde,  \']^5, 
in-80.  IV.  De  victus  ratione ,  de- 
que  facultalihus  et  siicci  qualitate 
libri  duo.  Le  texte  est  inédit;  mais  la 
traduction  latine,  qu'on  doit  à  Laur. 
Valla  ,  a  été  souvent  réimprimée  , 
dans  le  seizième  siècle.  Ce  n'est  qu'une 
compilation.  V.  De  quatuor  rnathe 
maticis scientiis :  arithmeticd,  mu- 
sicd,geomelricdet  astronomid,  com. 
penr/;»ni,  gr.,  Venise,  i53'Ji,  in.8''.  : 
cette  éd. ,  publiée  par  Arsène,  arche- 
vêque de  Monembasie  ,  est  la  pre- 
mière du  texte  grec  (  F.  le  Mari,  du 
libraire  ,  par  M.  Brunet).  U Abrégé 
d'arithmétique  a  été  réimprimé  sé- 
parément, Paris,  Wéchcl ,   i538, 


i86 


PSE 


in-4°.  Guill.  Xyî.iiidcr  en  donna  une 
nouvelle  e'ditioti  sous  ce  tilre:  Pers- 
picuus  liber  de  quatuor  malhejiui- 
ticis  scii'nliis  .  Bàlc,  i5")()  ,  in-S".  , 
et  y  )oif;nit  une  version  latine.  I/.in- 
ne'e  suiv.iule  ,  Kl.  Vinet  pnbli.i  la 
version  latine  de  l'onvra{;e  (lePsellus 
(  P.iris.  i-)57  ,  in-8^.  );  mais  il  sup- 
prima  In  ipiatrièrne  partie,  qui  tnitc 
(le  l'astronoinic ,  comme  iueomplètp, 
et  la  remplaça  par  le  Traité  t,e  la 
sphère  de  Proclus.  VI.  De  omnu'a- 
rid  doctrind  ,  capita  et  (puvstioitcs 
ne  responsiones  i()3  C'unplcctens. 
Ce  traite  a  ele  public  j)ar  J.  Ail). 
Fabiieius.  d'après  un  manuscrit  de 
la  J{ilj|.  de  Hamhourj;  ,  avec  une 
version  latine,  dans  le  tome  v  de  la 
Bihl.  grœca,  70-180.  VU.  Ife  ope- 
ratione  Dœmnnitm  dialnpis  ,  gr.  et 
lat. ,  Paris,  it)i5,  in  8".  Cette  cli- 
tion  ,  la  première  du  te\tc  ,  est  due 
au\  soins  de  Gilh.  Gaiilniin  (  T'tn  . 
ce  nom  ).  Une  iraduclion  latinedeec 
livre  avait  dej.i  paru  dans  un  Uc  ■ 
cueil  de  plusieurs  opuscules,  pub'ie 
par  les  Aides  ,  en  i  îç);  et  ir)iO,qui 
commence  par  le  Traité  de  Jambli- 
qiie  :  De  mysteriii  J-Jpyptinriim[  /'. 
J.4mdliqi:e  ).  Pierre  Murel  ou  Mo- 
reau  ,  de  Tours,  traduisit  l'ouvrage 
de  Psellus  en  français  et  en  latin  , 
Paris,  I  ^77  ,  in  8«.  ;  et  c'est  1 1  ver- 
sion latine  de  IMurel,  f]uc  (jaulmin  a 
reproduite  dans  son  édition  ,  qui  est 
rare  et  recliercliée  dcscuriiiix.  \  111. 
Expositio  (  metrica  )  in  Canticum 
Canticorum  ;  publiée  par  Meursius 
avec  des  notes  ,  dans  lui  V.ecueilfyn 
renferme  les  paraplMa^esd'Kusèbect 
dePolycliron,  sur  le  môme  caiilique, 
J.eyde,  i(Ji7  ,  in-/,".  IX.  Limhi  in 
inlia  et  virlutes  ;  ana<^nç^e  in  Tan- 
tnlum  et  Cyrcen  ,  et  allcporia  de 
Sphinrre,  gr.  ht.  .  Bàle  ,  i.-)44  ,  in- 
8°.  La  version  latine  est  de  Conrad 
Gcsner.  X.  Synopsis  Vgum  versibus 


PSI 

lamlicis  et  politicis  s.r.  cum  notis 
tt  vers.  Intind  Fr.  Bosquet ,  P.iris  , 
i()3'i  ,  in-K".  Meermann  a  inséré  cet 
uiivrai^e  dans  le  premier  volume  du 
Tliesaiinis  juris  [  î'.  ME^n]\lA^^•  )j 
et  liOiii^-Henri  Teucher  en  a  donné 
une  meilleure  édiiiiui  avec  les  notes 
choisies  de  Corneille  Sieben  ,  Leip- 
zig, 1781),  in  8". de  i44  p;<?;ps.  XL 

Opus  uluin  de  terrœ  situ  ,  frj.wd  et 
nm£;;ii<////. ne;  ce  morceau  ,  de  (3  ou 
7  p'î;es  in-4". ,  porte  le  nom  de 
Psellus  dans  le  m.iniiscrit  du  P.  Sir- 
nioiiil ,  )>bis  complet  que  celui  d'Dx- 
ford  .  (pie  lliiil«(m  cite  sous  le  nom 
deNicepliore  IMemmidas,  et  (]u'il  so 
proposait  d'insérer  à  la  suite  de  son 
édition  de  Denys  le  Périégèle.  foj>'. 
le  Mém.  de  Sainte-Croix  sur  la  col- 
lection des  Petits  {:éo};ra|ilus  i  Jintrn. 
dessa\.'.,nyT\\  1  78(),p.  7.  ',  1  .^11  existe 
des  ouvrages  inédits  de  Psellus,  à  la 
bili'iotli('(pif  du  Kui,  et  dans  diverses 
bil.lidtlièq. d'Allemagne (  1  \  Al'atiiis 
a  recueilli,  dans  le  cliap.  3o  de  son 
Traité  De  Psellis  et  eoruni  srriplis 
Diatriba,  t(uis  les  éloges  prodigués 
à  cet  écrivain  .  sans  pouvoir  rélia- 
biliter  son  anrieniie  réputation.  Ou- 
tre la  Bibl.  de  Fabi  iciiis  et  llai!ès,on 
peut  consulter  ,  pour  plus  de  détails  , 
Ou  lin  :  Cnnun.  de  Sciiptor,  eccles.  y 
ir,  pig.  ()',r)-85.  V^^— s. 

PSINACHES,  4.'5 1*-.  roi  d'Égvpte, 
le  ()'■.  de  la  S*",  dyiiaslic  des  T. miles, 


fl  I.r  yUif  iiiruilart  <!<•  r.  s  nianilirrili ,  < 'isl  la 
{*/irnnnfif'iffh.e  lïe  VnvMun  ,  cotitriiaul  Thûtoirc  de 
(  (iiist  >■■(<■■  '|>lr,  tJciHiit  U  mort  de  Jc^»  Tzitiii»!' s , 
iiKqii'ian  T'iiur  <\e  t  oii'lJiilin  Duiat  (oT^  -  '"0  V 
l'M-ilii«,  aya  1  rtv  lioiniiic  d'rlal,  a  pu  trniismctlrr  à 
1^  |»'»?l  Til»*  df»  reii9ri»;iicinci'l<  f-iirir-ui  ,  «'t  »oii  rf- 
ril  nt  vridiiiiK,  tout'»  lr>  Tais  c|iir  la  )>»  nJ'id  ne 
l'i  tiare  pu  ■>(.('.•(  .luvrnui- forin.'  dmiruii  sii|>|il('iui'at 


,.r.M,u.- 


iiidi-ppiiuldr  de    l'Iii-tnire    l'V7.  iilin»-.  M. 


llnM* ,  •!  i|ui  l'iiii  duil  iiDC  frirl  liuDUe  «fliliuii  de  t^i'on 
!.•  niarr.-.  Pari»,  iSio.  in  -  fol.  .  |.t.  |.ar.-  c.  Ile  de 
l'histoire  Je  l'sello»  ,  ronlimial'iir  de  l.euii.  <  le  savant 
)ielleni»leii>iD'lra  au  Imle  de  l'Hiitiiir  grec  um-  yi-i"- 
»ioii  latine,  ,iver  de»  iioles,  it  un  rrrneil  de  f.rlliei 
inàiitrt  de  Pm-IIu*  ,  lirécs  de  diirirenls  iual>u.srril> 
(ireude  la  Kibliolliéciuc  du  lîoi ,  et  relaÙTCS  aai  af- 
laire*  de    ri)K.(pc  ou  il  vimit.  A — T. 


PSI 

la  a  I*.  (îes  dynasties  égyptiennes,  suc- 
cesseur d'Osoclior  ,  icp;na  neuf  ans, 
depuis  le  5  mai  1021 ,  jusqu'au  3  du 
moine  mois  ioi3  avant  J.-C,  com- 
mencement de  la  première  année 
royale  de  Psusennès  II,  qui  le  rem- 
plaça sur  le  trône.  8.  INI — N. 

PSUSF.INNÈS  ^^ ,  447^  roi  d'É- 
gyplc,ctle  o^e. delà •>.  1  <'.  dynastie, suc- 
cesseur de  Smendès  ,  le  même  que  le 
célèbre  Osymaiidyas  ,  fut  roi  pen- 
dant quarante-un  ans,  depuis  le  19 
mai  lo'-'^  jusqu'au  9  mai  1087 
avant  J.-C. ,  première  année  royale 
deson  successeur  Nepherclierès  II. — 
PsusENi^Ès  II  ,  7*.  et  dernier  roi  de 
la  mèmcdynastie  ,  remplaça  Psina- 
cliès  ,  et  régna  trente-cinq  ans  ,  de- 
puis le  3  mai  i  o  1 3  jusqu'à»!  25  avril 
979  avant  J.-C.  ,  qu'il  fut  remplacé 
par  Sesonchosis ,  le  fondateur  de  la 
dynastie  des  Bubastites,  qui  est  le 
même  que  le  Sésac  de  l'Ecriture. 
8.   M— N. 

PTOLÉMÉE  I'-^,  surnommé  So- 
rr/?,  fondateur  de  la  dynastie  macé- 
donienne, qui  rétablit  la  monrircliie 
ép;yplienne  détruite  par  Cambyse  , 
était  (ds  de  Lagus,  simple  garde-du- 
corps  de  Philippe,  père  d'Alexan- 
dre ;  mais  comme  sa  mère  avait  été 
long-temps  la  maîtresse  du  loi ,  qui 
l'avait  fait  épouser  à  L.Tgus  lors- 
qu'elle était  enceinte  ,  Pto!émée  pas- 
sait pour  être  réellement  fils  do  Phi- 
lippe. Il  était  ainsi  frère  d'Alexan- 
dre; et  il  appaitenait  à  la  race  des 
Héraclides,  à  laquelle  il  se  rattachait 
encore  par  sa  mère,  Arsinoé  ,  fille 
de  Méléagre,  issu  du  sang  royal. 
C'est  sans  doute  à  cette  illustre  ori- 
gine, autant  qu'à  ses  belles  qualités, 
qu'il  dut  l'auiilié  d'Alexandre  et  le 
crédit  dont  il  jouit  à  la  cour  de  ce  con- 
quérant. Ptoléraée  ne  reconnut  cepen- 
dant jamais  d'autre  père  que  l.agus  ; 
et  c'est  de  lui  que  ses  descendants  ont 


PTO 


187 


reçu  le  nom  de  Lagides.  De'jà  sous 
Alexandre ,  la  compagnie  des  gardes 
que  Plolémée  commandait,  était  ap- 
pelée Lactée.  11  naquit  vers  l'an  3Go 
avant  J.-C.  ,dans  TEordée,  province 
de  la  [\lygdonie  ,  qui  faisait  partie  de 
la  Macédoine.  Chez  les  anciens,  l'o- 
rigine des  grands  hommes  est  tou- 
jours accompagnée  de  circonstances 
extraordinaires.  On  raconte  donc 
qu'après  sa  naissance,  Plolémée  fut 
exposé  par  sa  mère  sur  un  bou- 
clier d'airain.  Un  aigle  le  couviit 
aussitôt  de  ses  ailes  ,  pour  le  dé- 
fendre des  ardeurs  du  soleil  et  des  in- 
jures de  l'air,  et  s'empressa  de  pour- 
voir à  sa  nourriture.  C'étaient-là  des 
présages  certains  de  la  future  gran- 
dcm-  que  les  dieux  réservaient  à  cet 
enfant.  S'il  fût  né  quelques  siècles  plus 
tôt,  il  ne  nous  en  faudrait  peut  -  cire 
pas  davaniagepour  révoquer  en  dou- 
te son  existence,  et  pour  le  reléguer 
parmi  les  personnages  appelés  mal- 
a-propos  mylliologiques ,  parce  que 
leur  histoire  est  mêlée  de  quelques 
circonstances  fa])idcuses  et  assez 
indifTérentes  par  elles-mêmes.  Quoi 
qu'il  en  soit„Plolémée  ,  adopté  par 
Lagus,  fut  élevé,  dès  son  enfance,  à 
la  cour  de  Macédoine  ;  et  il  y  rem- 
plit auprès  d'Alexandre  les  fonctions 
domestiques  réservées  aux  enfants 
des  familles  les  plus  distinguées,  ipii 
contractaient  ainsi ,  dès  l'âge  le  plus 
tendie,  une  étroite  amitié  avec  l'hé- 
ritier du  trône.  Aussi  l'attachement 
de  Ptolémée  pour  Alexandre  fut-il  très- 
grand  :  il  en  montra  aussi  beaucoup 
pour  la  reine  Olympias.  Lorsque  peu 
avant  sa  mort,  Philippe  se  brouilla 
avec  celte  princesse,  et  qu'il  la  ré- 
pudia ,  Ptolémée  embrassa  avec  ar- 
deur le  parti  d'Alexandre  ,  qui  avait 
pris  à  celte  occasion  les  armes  con- 
tre son  père  ;  et  quand  la  paix  fut 
faite  ,  appréhendant  le  courroux  de 


i88 


PTO 


Philippe,  il  resta  dans  l'Epirc,  où 
il  s'était  retire ,  et  ne  revint  en  Macé- 
doine qu'après  la  mort  du  roi.  Dès 
qu'AicKandre  fut  monté  siir  le  trône 
(  en  33"  avant  J.-C.  ) ,  il  s'empressa 
de  témoigner  sa  reconnaissance  à 
Ptolcincc  ,  en  l'admettant  parmi  ses 
gardes  intimes,  qui  n'étaient  qu'au 
nombre  de  sept.  Celte  favcurfut  pour 
lui  le  f;agc  de  la  constante  amitié' 
d'Alexandre;  et  Plole'me'e  ne  cessa 
de  lui  donner  ,  en  toute  occasion ,  de 
nouvelles  preuves  de  sa  fidélité.  Il 
suivit  son  maître  sur  les  bords  du 
Danube,  contre  les  Tribilles,  sous 
les  murs  d:-  ïlièbes;  et  enlin,  dans 
la  guerre  d'Asie.  Sa  valeur  se  si- 
gnala sur  les  bords  du  (Iranique. 
Blessé  devant  Halicarnasse  ,  Alexan- 
dre lui  confia  le  gouvernement  de  la 
Carie,  et  lui  laissa  un  corps  de  trou- 
pes pour  achever  la  conquête  de 
cette  province.  Ptolcracc  ne  tarda 
pas  à  triompher  d'Orontob.tles,  qui 
la  défendait  :  puis  il  la  remit  .i  la  rei- 
ne Ada,  qiM  en  était  la  légitime  sou- 
veraine; et  il  se  hâta  d'aller  rejoin- 
dre Alexandre,  qu'il  trouva  en  Cili- 
cic  j)eu  avant  la  bataille  d'Issus.  De 
ce  moment  il  ne  quitta  presque  plus 
le  héros  macédonien  ,  vil  avec  lui 
les  remparts  de  Tyr,  les  rives  du 
Nil  ,  les  sables  de  la  Libye.  Rcvemi 
en  Asie,  il  combattit  encore  dans  les 
plaines  d'ArbclIes,  où  la  victoire  et 
l'empircderAsic  restèrent.!  Alexan- 
dre. Depuis  lors,  l'expélition  de  ce 
conquérant  ne  fut  plus  qu'une  mar- 
che triomphale.  Babvlone  ,  Susc  et 
Persépolis  se  rendirent  sans  résis- 
tance. La  conquête  de  cette  dernière 
ville  fut  célébrée  par  des  fêtes  ma- 
gnifiques et  des  sacrifices  solennels. 
Mais  ,  au  milieu  des  transports  de 
joie  et  des  chants  de  triomphe,  les 
Grecs  animés  d'une  soudaine  fureur 
à  la  vue  des  palais  bâtis  par  les  mo- 


PTO 

narqucs  qui  avaient  livré  aux  flam- 
mes les  temples  et  les  cités  de  la 
Grèce  ,  s'abandonnent  aux  trans- 
ports d'une  vengeance  insensée  ;  et 
bientôt  la  ville  de  Cyrus  n'est  plus 
qu'un  monceau  de  cendres.  La  célè- 
bre courtisane  Thais  ,  maîtresse  de 
Ptolémée,ct  .Athénienne  de  naissan- 
ce, fut  la  première  ."i  donner  le  si- 
gnal de  l'incendie.  Alexandre  se  re- 
mit .Tussitôt  en  route  pour  achever 
la  ruine  de  Darius  :  mais  il  apprit 
bientôt  la  trahison  de  Dessus,  et  il 
n'eut  plus  qu'à  venger  la  mort  de  sou 
infortuné  rival.  Ik'ssus  ,  se  sentant 
trop  faible  pour  résister  aux  Grecs  , 
fuyait  vers  l'Oxus  ,  où  il  devait 
se  joindre  aux  Scythes  qui  avaient 
promis  de  combattre  pour  lui.  Le 
roi  de  Macédoine  détaclia  donc 
Ptoléméc  avec  un  corps  de  cavalerie 
d'élite  pour  le  gagner  de  vitesse. 
Celui  -  ci  mit  dans  cette  expédition 
une  célérité  incroyable.  Un  espace 
de  dix  journées  de  marche  fut  fran- 
chi en  quatre  jours,  cl  bientôt  le 
traître  Dessus  fut  ramené  chargé  de 
fers.  Les  guerres  opiniâtres  que  l'on 
soutint  ensuite  contre  les  Scythes  et 
les  Indiens  fournirent  encore  à  Plo" 
léméc  de  nouvelles  occasions  de  si- 
gnaler ses  talents  et  sa  valeur.  Des 
passages  difficiles,  des  places  regar- 
dées comme  inexpugnables ,  fiuent 
enlevées  de  vive  force.  Emporté  par 
son  bouillant  courage  ,  Alexandre 
escalade  seul  les  murs  de  la  ville 
des  Oxydraques  :  il  est  blessé  griè- 
vement ;  et  sa  mort  était  inévita- 
ble, si  Plolémée  n'eût  couvert  de 
son  corps  le  héros  imprudent.  Ce 
général  commandait  une  des  trois 
grandes  divisions  de  la  flotte  d'A- 
lexandre; il  la  conduisit  depuis  le 
confluent  de  l'IIydaspcavec  l'Indus 
jusqu'à  l'embouchure  de  ce  dernier 
fleuvedansl'Océan.  Plolémée  fulalors 


PTO 

chargé  du  ç;ouverneincut ,  et  de  la 
conquête  delà  région  marilimc  ,  qui 
s'étend  à  l'occident  de  l'Indus.  Quand 
il  eut  dompté  les  Orites ,  les  Arabitcs, 
et  d'autres  peuples  barbares,  il  s'em- 
pressa de  rejoindre  Alexandre  ,  qu'il 
accompagna  jusqu'à  Suse,  où  le  roi , 
pour  resserrer  l'union  qu'il  voulait 
établir  entre  ses  sujets  Grecs  et  Per- 
sans, fit  célébrer,  avec  de  grandes  so- 
lennités ,  le  mariage  de  la  plupart  de 
ses  officiers  avec  les  filles  des  prin- 
cipaux seigneurs  Persans  et  Mèdes. 
Ptolémée  reçut  pour  épouse  Artaca- 
ma  ,  fille  d'Artabaze  ,  illustre  par 
l'inviolable  fidélité  qu'il  avait  mon- 
trée envers  son  souverain  léiiitime. 
Il  fut  ainsi  beau-frère  d'Eumenès  , 
qui  épousa  Artonis,  autre  fille  d'Ar- 
tabaze. Bieutôtaprcs, Ptolémée  suivit 
Alexandre  dans  l'expédition  contre 
les  Gosséens.  Ce  peuple  soumis  , 
Alexandre  vint  à  Babylone  ,  où  il 
mourut,lea2Juin3.i4avant  J.-C.  Ce 
grand  événement  est  une  époque  re- 
marquable dans  la  vie  de  Ptolémée: 
jusqu'alors  l'honneur  de  servir  et  de 
combattre  sous  un  roi  aussi  puissant, 
et  sous  un  tel  capitaine,  avait  été  sa 
seule  ambition  ;  nous  le  verrons  main- 
tenant constamment  occupé  du  soin 
de  s'assurer  d'abord,  et  de  conserver 
ensuite  une  partdes  vastes  conquêtes 
auxquelles  il  avait  contribué  ,  pour 
y  fonder  une  domination  durable. 
Au  courage  guerrier  ,  il  joignaittrop 
de  talents  et  de  belles  qualités  pour 
ne  pas  réussir  dans  une  telle  entre- 
prise. Aussi  transmit-il  à  ses  descen- 
dants un  royaume  florissant,  qui  sub- 
sista plus  long -temps  qu'aucun  des 
états  fondés  par  les  Macédoniens. 
Alexandre  prévoyait ,  en  expirant  , 
que  sa  mort  serait  le  signal  de  grands 
événements  :  il  connaissait  trop  bien , 
sans  doute,  les  généraux  qui  avaient 
partagé  ses  triom^ihes  ,  pour  croire 


PTO  189 

qu'ils  pussent  obéira  d'autres  que  lui. 
Mourant ,  pour  ainsi  dire  ,  sans  en- 
fants (car  son  fils  Hercule,  né  de 
Barsine,  fille  de  Darius,  n'avait  que 
quelques  mois) ,  environné  de  guer- 
riers tous  pleins  de  génie  et  de  va- 
leur,  son  orgncil  était  peut-être  flatté 
d«s  sanglantes  funérailles  que  lui  pré- 
paraient tant  de  vaillants  capitaines  se 
disputant  un  empire  que  lui  seul  avait 
fondé.  C'est  là  l'idée  qui  l'occupait 
sans  doute  quand  il  remit  son  anneau 
à  Perdiccas ,  en  prononçant  ces  mots 
devenus  si  célèbres  :  Au  plus  di^ne. 
Alexandre  avait  à  peine  fermé  les 
yeux  ,  que  déjà  la  discorde  était  dans 
sa  cour  et  dans  son  armée;  déjà 
chacun  de  ses  oflicicrs  songeait  à  s'as- 
surer, par  les  armes,  une  portion  de 
ses  étals.  Sept  jours  s'écoulèrent  sans 
que  l'on  pensât  à  rendre  les  derniers 
devoirs  au  roi.  Enfin  l'infanterie  ma- 
cédonienne mit  un  terme  à  ces  démêlés, 
en  proclamant  roi  Arrhidée,  fils  de 
Philippe,  né  d'une  courtisane  ihes- 
salienne.  Les  généraux  ,  et  toute  la 
cavalerie  ,  voulurent  s'y  opposer  ; 
Ptolémée  proposa  même  de  parta- 
ger aussitôt  l'empire.  Cet  avis  ne 
fut  pas  adopté.  Les  deux  partis 
finirent  par  s'entendre.  On  arrêta 
qu'Arrhidée  serait  reconnu  roi  ,en 
prenant  le  nom  de  Philippe  ,  en- 
core cher  aux  Macédoniens  ,  et  qu'il 
partagerait  la  couronne  avec  Her- 
cule, et  le  fils  qui  pourrait  naître 
de  Koxane,  femme  d'Alexandre,  qui 
était  enceinte.  Arrhidée  était  inca- 
pable de  régner  par  lui-même  :  on 
confia  donc  le  gouvernement  et  la 
tutelle  des  rois  à  Perdiccas,  qui  se 
trouvait  ainsi  tenir  le  premier  rang 
dans  l'empire.  On  procéda  bientôt 
a])rcs  au  jiartage  des  provinces  j  et 
Ptolémée  obtint  l'Egypte  avec  la  Li- 
bye ,  ainsi  que  plusieurs  parties  de 
l'Arabie  et  de  la  Syrie  limitrophes  de 


iç)o  PTO 

l'Éjîvptc.  Clcoincncs  a  qui  Alexandre 
avait  confu'  le  soin  d'achever  la  coiis- 
tniclioii  d' Alexandrie ,  était  alors 
cbir^e  de  l'adiniiiistration  de  ces  rc- 
j;ions.  IMali^ré  cet  arrangement  ,  il 
était  diflirilc  que  la  bonne  harmo- 
nie subsistât  long-temps  ;  Perdicras 
ne  tarda  pas  à  manifeste  i  son  ani^^i- 
lion:  jaloux  de  voir  l'iolenue  si  bien 
partage,  il  tenta,  par  de  secrètes  ma- 
nœuvres ,  de  le  dépouiller  de  son  gou- 
vernement. Celui-ci,  informe  de  tou- 
tes ces  menées  ,  cl  sachant  d'ailleurs 
que  son  lieutenant  Cléomines  était 
un  partisan  de  Perdiccas,  quitta  pré- 
cipitamment li.ibylone,  pour  .iller 
prendre  possession  de  l'Kgvpte,  et 
il  tua  Cléornénes,  qui  voulait  l'en  em- 
pêcher. I.e  premier  soiti  de  Ptolémée 
fut  de  s'attacher  les  cœurs  des  égyp- 
tiens :  l'humanité  et  la  justice  qu'il 
montra  envers  eux  ,  ainsi  que  sa  gé- 
nérosité ,  lui  acqiiirent  de  nombreux 
partisaiis;  il  réunit  des  troupes,  con- 
tracta des  alliances  avec  les  rois  ses 
voi-Mos,  et  bientôt  il  n'eut  plus  rien 
à  craindre.  Cependant ,  pour  mieux, 
se  mettre  a  l'abri  des  entreprises  de 
Perdiccas ,  il  envoya  des  ambassa- 
deurs à  Antipater,  gouverneur  de 
Macédoine  ,  qui  redoutait  ,  comme 
lui ,  l'ambition  de  ce  général.  Le  ma- 
riage de  Ptolémée  avec  Eurydice, 
fdlc  d'Antipater,  rendit  cette  alliance 
plus  intime.  Il  est  à  croire  que  la 
première  femme  de  Ptolémée  était 
morte  quand  il  contracta  ce  nouveau 
mariage.  Il  serait  possible  cependant 
qu'à  l'imitation  d'Alexandre,  Ptolé- 
mée ait  eu  plusieurs  femmes  en  mê- 
me temps:  il  est  au  moins  certain 
qu'il  en  fut  ainsi  par  la  suite,  et  que 
cet  usage  fut  assez  commun  parmi 
les  successeurs  d'Alexandre.  Librede 
toute  inquiétude,  Ptolémée  ne  s'oc- 
cupa plus  que  de  terminer  les  monu- 
mcuts  et  les cdiÛces  d'Alexandrie,  et 


PTO 

de  régler  l'organisation  intérieure 
de  l'Egypte.  Un  événement  impré- 
vu contribua  puissamment  à  éten- 
dre sa  don)ination.  Les  principaux 
citoyens  de  Cyrènc,  chassés  de  leur 
pairie  par  une  émeuie  populaire , 
vinrent  chercher  un  asyle  en  Egypte. 
Ophellas  fut  envoyé  avec  un  puissant 
corps  de  trou[)es  pour  les  lét.djlir 
dans  leurs  possessions.  Pour  lui  ré- 
sister,  les  démocrates  de  Cyièue, 
conclurent  la  paix  avec  un  autre 
parti  d'exilésCyiénéens  ,  qui  étaient 
venus  de  Crète,  où  ils  avaient  engagé 
dans  leur  querelle  uu  général  nommé 
Thimbron.  Réunis  avec  les  nierce- 
naiiesde  Thimbron,  ils  assiégeaient 
Cvrène.  Les  deux  partis  marchè- 
rent contre  Ophellas  ,  sous  les  or- 
dres de  Thimbron,  qui  fut  vaincu, 
pris  et  mi:>  à  mort.  Ophellas  s'empa- 
ra de  tout  le  pays  :  Cyrènc  perdit  sa 
liberté, et  fui  réunie  a  l'Egypte.  Ce- 
pendant Perdiccas  poursuivait  tou- 
jours ses  projets  ambitieux  :  il  vou- 
lut faire  périr  Antigonc  ,  et  le  dé- 
pouiller de  son  gouvernement.  Celui- 
ci  s'enfuit  auprès  d'Antipater,  alors 
en  guerre  avec  les  Etoliens.  La  pyix 
fui  bientôt  faite  ;  et  des  ambassa- 
deurs se  rendu  enl  en  Egyj)te,  où 
ils  pressèrent  Ploléiuée  de  s'armer 
pour  la  défense  commune.  Voyant 
qu'il  fallait  combattre,  Perdiccas  ré- 
solut de  marcher  d'abord  contre  Plo- 
léméd.  Lue  prédiction  du  célèbre  de- 
vin ArislanJjedcTelmisse,  avait  pro- 
mis un  bonheur  sans  mélange,  et  une 
éternelle  indépendance  à  la  terre  qui 
(levait  posséder  le  corjjs  d'Alexandre. 
Comme  tout  le  monde  était  jaloux 
de  s'assurer  un  si  précieux  dépôt ,  ce 
fut  le  sujet  d'une  grande  dissension. 
Perdiccas  voulait  faire  transporter 
en  Mact-doine  les  restes  du  cou(|ué- 
ranl.  Ptolémée  desirait  qu'ils  fussent 
déposés  eu  Egypte  dans  la  ville  qui 


PTO 

portait  son  nom.  Anliidëe,  aulrc 
gc'nëral,  qui  était  lUi  mciue  sentiment, 
et  qui  était  peut-être  dans  les  intérêts 
de  Ptuléinée ,  partit  de  Babylonc  , 
avec  une  armée  considéral)le ,  pour 
conduire  à  D.imas ,  et  de-!à  en  Eii,vp- 
te,  le  corps  d'Alexandre  dont  il  était 
gardien.  11  vainquit,  en  route,  Po- 
îémon  ,  partis-'iu  de  Perdiccas  ,  qui 
entreprit  de  l'arrêter  dans  sa  marche. 
Ptolémée,  qui  s'était  avancé  pour  le 
recevoir  ,  à  la  tète  d'une  armée  ,  re- 
vint en  Egypte  ,  où  il  fit  déposer 
provisoirement  les  restes  d'Alexan- 
dre, à  iMempliis,  d.uis  un  magnifi- 
que tombeau ,  en  attendart  (ju'on 
pût  érigf-r  à  ce  grand  homme  un 
mausolée  digne  de  lui  ,  dans  la  ville 
qu'd  avait  fondée.  Perdiccas  arriva 
bientôt  à  Damas  ;  et  il  fit  tant ,  qu'il 
décida  Arrhidéc  ,  frère  d'Alexandre, 
à  marcher  avec  lui  contre  Ptolémée. 
Le  jeune  Alexandre  ,  fils  de  Pioxane  , 
et  son  frère  Hercule,  étaient  aussi  dans 
son  camp  :  c'était  donc  au  nom  des 
rois  et  comme  pour  soutenir  les  droits 
des  légitimes  hériàers  d'Alexandre, 
que  Perdiccas  entreprenait  cette  ex- 
pédition. Arrivé  devant  Peluse  ,  il 
voulut  s'assurer  de  celle  place  im- 
portante :  il  en  fit  le  siège  ,  mais 
ce  fut  sans  succès  ;  un  ancien  canal, 
qu'il  avait  rétabli  pour  défendre  son 
camj)  ,  détruisit  tous  ses  ouvrages. 
Le  découragement  et  la  désertion 
se  mirent  parmi  ses  soldats.  On  pré- 
férait les  manières  douces  et  gé- 
néreuses de  Ptolémée  ,  à  la  dureté 
et  à  la  hauteur  de  Perdiccas.  Celui-ci 
appréhendantlesefietsd'une  plus  lon- 
gue inaction  ,  résolut  de  brusquer  les 
événements  ,  et  de  pénétrer  ,  sans 
tarder,  dans  le  cœur  de  l'Egypte.  Il 
décampa  de  nuit;  et  une  marche  for- 
cée l'amena  promptement  devant  une 
forteresse  appelée  le  Mur  des  Cha- 
meaux :  il  fut  repoussé  par  Ptolémée 


PTO 


191 


qui  l'altcndaît.  Ce  contre-tengps  ne 
le  rebute  cependant  pas  encore  :  il 
continue  sa  marche,  en  remontant  les 
rivesduNil,  et  parvientainsi  jusqu'à 
la  hauteijr  de  Memphis.  Là,  il  veut 
tenter  le'  passage   du   fleuve  ,  pour 
s'emparer  d'une  île  située  en  face  de 
cette  ville  :  il  est  de  nouveau  repousse' 
avec  une  perleconsilérable.Gctéchec 
porte  au  comble  l'exaspération  de  son 
armée;  et  Perdiccas  est  immolé  par  ses 
})ropres  soldats  ,  qui, sous  les  ordres 
de  Python  ,se  réunissent  aux  troupes 
d3  Ptolémée.  Ainsi  péril  Perdiccas  ,en 
l'an  3'À'i  avant  J.-G.  Ptolémée  aurait 
pu   facilement  lui  succéder  dans  la 
tutelle  des  rois  cpi'il  avait  tn  son  pou- 
voir; mais  il  préféra  la  puissance  qu'il 
avait  acquise,  à  ce  frivole  honneur. 
Celte  charge  fut  donnée  à  Python, 
et  à  Arrhidéc,  celui  même  qui  avait 
livré   à    Ptolémée  les   restes  inani- 
més  d'Alexandre.  Débarrassé  d'un 
rival  si  redoutable  ,  Ptoléniée  n'eut 
plus  rien  à  craindre  pour  les  pro- 
vinces qui  lui  étaient  échues.  Un  nou- 
veau partage,  ordonné  par  Anlipater, 
vint  lui  eu  confirmer  la  possession. 
Il  voulut  y  en  ajouter  d'autres  ;  et  il 
tenta,  par  des  offres  très-brillantes  , 
d'engager  Laomedon,  qiu  avait  ob- 
tenu le  gouvcinement  de  la  Syrie  ,  à 
lui  abandonner  celte  région.  6ur  sou 
refus  ,  Nicanor  v  entra  suivi  d'une 
puissante  armée.  Laomedon  fut  vain- 
cu et  pris  ;  mais  peu  de  temps  après  il 
parvint  à  s'échapper  ,  et  trouva   un 
asyle   eu  Carie,  auprès    d'Alcétas , 
frère   de    Perdiccas.    Ptolémée  prit 
part  en  personne  à  cette  expédition; 
et  pendant  que  son  lieutenant  Nicanor 
s'empar.iit de  la  Syrie,  il  se  rendait 
maître  de  la  Phcnicicet  delà  Judée. 
Il  soumit  Jérusalem,  dont  il  renver- 
sa les  murailles  ;   et  il  emmena  en 
captivité  trente   mille  Juifs  ,    qu'il 
incorpora  dans  sou  armée.  De  nou- 


vcauïëvënemcuts  atlirèrcnt  vers  l'A- 
sie, rattciitiou  du  maître  ilc  l'Egypte. 
Anlipatcr  ctiit  mort  ;  et  Polyspcr- 
clion  était  devenu  tuteur  des   rois. 
"Kciiui  avec  Kumenès  ,  beau-frère  de 
Ptoleniec  ,  dont  ou  craignait  la  va- 
leur et  l'audace ,  il  commençait  à  de- 
venir redoutable  à  tous  les  ofllcicrs  qui 
s'étaient  partagé  l'empire  d'Alcxan- 
die.  Cassandre  ,  peu  content  de  la 
charge  de  chiliarque  qu'il  avait  à  la 
rour  des  rois  ,  voulait  être  remis  en 
possession  de  la  Macédoine  ,  que  son 
nère  avait  gouvernée.  11  ne  larda  doue 
|>as  à  ouvrir  des  négociations  secrè- 
tes avec  ^ligont  et  Ptolcmce;  et  une 
alliance  ni  conclue.  Pioléniéc  devait 
cuvover  sa  llotle  daus  l'Hillespont  : 
bientôt  elle  fut  en    mer;  il  se  ren- 
dit lui-même  à  Zephyriiim  en  Cili- 
cie,  où  il  tenta  vainement  d'ébranler 
la  fidélité  des  soldats  et  des  olllciers 
d'Eumencs.  Trompé  dans  ses  espe'- 
rances,  il  quitta  ce  lieu  ,  en  envoyant 
ÎSicanor   combattre  ,  dans  l'Helles- 
pont ,  ClitMS ,  amiral  de  Poly>per- 
chon,  tandis  qu'avec  une  autre  i»ar- 
tie  de  sa  flotte  ,  il  appareilla  pour  la 
Phénicieafindcs'opposerii  Eumenès, 
qui  avait  fait  une  irruption  dans  la 
Svrie.  L'arrivée  inattendue  de  Ptolc- 
inée,  et  la  nouvelle  de  la  défaite  de 
Clitus ,  arrêtèrent  la  marche  d'Eu- 
menès,  qui  renonça  sur-le-champ 
à    son    eutrepiise  et  se  porta  vers 
les  satrapies  supérieures.  Piolémc'e, 
ne  trouvant  plus  d'ennemis  ,  se  con- 
tenta de  renforcer  les  garnisons  des 
places  de  Phénicie  ,  et  s'en  revint  en 
Egypte,  eu  l'an  817  avant  J.-C.  La 
guerre  continuait  plus  vivement  que 
jamais  en  Asie  et  en  Euroj>e;  elle  lut 
signalée  par  de  grands  et  mémora- 
bles événements:  raaisPtoléraécévita 
d'y  prendre  une  part  active.  Tran- 
quille dans  ses  états,  il  s'occupait 
d'embellir  la  ville  d'Alexandre, d'aug- 


PTO 

mentcr  ses  troupes  ,  de  rendre  se» 
Hottes  et  SCS  places  formidables  :  il 
avait  trop  de  prudence  pour  livrer  , 
sans  nécessite ,  aux  chances  de  la 
fortune  et  aux  hasards  de  la  guerre, 
les  états  qu'il  avait  su  acquérir.  Il 
se  ménageait  en  silence  les  moyens  de 
se  mettre  pour  jamais  à  l'abri  des 
événements  ,  et  fut  merveilleusement 
servi  par  la  situation  des  pro\  inces 
quiluiélaienléchues  :  partout  la  mer 
et  des  déserts  leséparaient  du  théâtre 
de  la  guerre;  et  ses  états  étaient  un  re- 
fuge assuré  pour  tous  ceux  de  ses  an- 
ciens compagnonsque  les  revers  delà 
fortune  obligèrent   de  chercher  un 
asyleeuEgvptc.  L'ambi  lion  d'An  tigo- 
neforçaenlinPtoléméedepieiidrepart 
encore  une  fois  aux  sanglants  démê- 
lés qui  déchiraient  l'empire  d'Alexan- 
dre. Pour  éviter  le  sort  d'Kiinienès, 
de  Python  et  de  plusieurs  autres  gé- 
néraux macédoniens, Séleucus  fut  con- 
traint d'abandonner  Babvlone.  Suivi 
de  cinquante  chevaux  seulement,  il 
atteignit  l'Egypte,  où  il  fut  très-bien 
accueilli  par  Plolémée,  enl'an  3  1  j  av. 
J.-C  Seleticus  ne  tarda  pas  à  le  dé- 
cidera conclure  une  alliance  plus  in- 
time avec  Cassandre  et  Lysimaque  , 
pour  résister  de  concert  à  Anli^onc 
leur  ennemi  commun.  Quand  celui-ci 
fut  informé  de  cet  accord  ,  dont  il 
craignait  les  conséquences  ,  il  voulut 
resserrer  les  liens  d'amitié  qui  l'a-    • 
vaieiit  uni  autrefois  avec  ces  princes. 
Sur   son   invitation ,    les   ambassa-    • 
deurs  des  allies  vinrent  le  trouver    i 
à   Mallus    en    Cilicie,    au    moraent    ' 
où  il  se  préparait  à  entrer  dans  la 
Syrie  supéiieure.  Ces   envoyés  de- 
mandaient la  Cappadoce  et  la  Lycie 
pour  Cassandre,  la  Phrygie  belles-    . 
ponlicpie  pour  Lysimaque  ,  la  Syrie    i 
supérieure  pour  Plolémée,  et  la  13a-    i 
bylonie  pour  Séleucus.  Ils  exigeaient 
en  outre  le  partage  des  trésors  cule- 


1 


PTO 

vcs  à  Euinenës  ,  sans  quoi  la  guerre 
était  inévitable.  Ces  propositions  fu- 
rent rcjetëes  avec  nicfpris  par  Anti- 
gone ,  qui  vint  aussitôt  mettre  le 
siép;e  devant  Tyr  ,  en  l'an  3i4  avant 
J-C.  Dans  le  même  temps,  Sèleucus 
parcourait  les  côtes  de  l'Asie  -  Mi- 
neure, à  la  tête  d'une  flotte  de  cent 
voiles  ,  inspirant  partout  la  terreur 
aux  alliés  d'Antigone.  Celui-ci,  pour 
se  faire  de  nouveaux  partisans  ,  re- 
coiuiut  l'indépendance  absolue  des 
villes  grecques  :  il  ne  retira  cepen- 
dant pas  de  grands  avantages  de 
cette  démarche,  parce  que  Ptoleniee 
et  ses  alliés  ne  tardèrent  pas  à  faire 
une  déclaration  semblable.  Peu  après 
Cassandre  ,  satrape  de  Carie,  em- 
brassa le  parti  des  alliés ,  et  leur 
fournit  des  troupes  ,  et  une  flotte 
considérable  ,  commandée  par  Poly- 
clilus.  Elle  opéra  sa  jonction  avec 
les  forces  navales  qui  étaient  sous  les 
ordres  de  Ménélaiis ,  frère  de  Ptolé- 
mée.  Les  deux  généraux  firent  alors 
voile  de  concert  vers  la  Pamphylie, 
pour  y  combattre  Théodore,  ami- 
ral d'Antigone,  et  Périlaiis  qui  com- 
mandait sou  armée  de  terre.  Ils 
remportèrent  une  victoire  complè- 
te :  Théodore  fut  tué  ,  et  Périlaiis 
fait  prisonnier.  La  flotte  victorieu- 
se se  porta  ensuite  vers  l'île  de  Cy- 
pre  ;  et  de  là  elle  vint  à  Peluse ,  oij 
Ptolémée  combla  d'honneurs  les  of- 
ficiers qui  l'avaient  si  bien  servi.  In- 
formé de  ce  revers,  Anligone  aban- 
donne le  siège  de  Tyr  ,  dont  il  laisse 
le  soin  à  son  fils  Démétrius  ,  et  il  re- 
tourne dans  l'Asie  3Iineure  pour  y 
combattre  le  satrape  de  Carie.  Cepen- 
dant Démétrius  surnommé  depuis  Po- 
liorcetes  ou  \e  preneur  de  villes,  pres- 
sait avec  vigueur  la  ville  de  Tyr ,  qui 
fut  forcée  de  se  rendre,  après  une 
résistance  de  quinze  mois,  en  3i3 
ayant  J.-C.  La  garnison  et  les  parti- 

XXXVI. 


PTO  193 

sans  de  Ptolémée  obtinrent ,  par  la 
capitulation  ,  la  faveur  d'aller  re- 
joindre l'armée  de  ce  prince ,  qui 
occupait  encore  la.  Célésyrie,  qu'elle 
ne  tarda  pas  d'abandonner  pour  ren- 
trer en  Egypte.  Comme  la  révolte 
des  Cyrénéens  suivit  de  près  la  prise 
de  Tyr ,  Ptolémée  ne  put  défendre 
la  Syrie  :  il  fut  obligé  d'envoyer  une 
armée  et  une  flotte  du  côté  de  la  Li- 
bye. Quand  celte  guerre  fut  terminée 
par  la  soumission  des  rebelles  ,  il 
quitta  l'Egypte,  et  vint  avec  sa  flotte 
attaquer  l'île  de  Cyprc ,  dont  les 
princes  étaient  presque  tous  attachés 
au  parti  d'Antigone.  Cette  expédi- 
tion était  de  la  plus  haute  importance 
pour  Ptolémée,  parce  que  celte  île 
commandait  les  côtes  de  la  Phénicie, 
et  que  c'était  avec  les  forces  navales 
qu'il  en  avait  tirées,  qu'Antigoneavait 
conquis  ce  dernier  pays.  Les  rois  de 
Cypre  furent  vaincus  et  dépouillés 
de  leurs  états,  que  Ptolémée  donna  a 
Nicocréon  ,  roi  de  Salamine,  le  seul 
d'entre  eux  qui  fût  attaché  à  son 
parti.  Ptolémée  ne  borna  pas  là  son 
expédition  ;  il  fit  une  descente  sur  la 
côle  de  Cilicie  ,  où  il  prit  Mallus  et 
plusieurs  autres  villes.  Démétrius , 
averti  de  cette  subite  invasion ,  quit- 
ta aussitôt  la  Phénicie ,  pour  re- 
pousser l'ennemi  •  mais  il  arriva  trop 
lard  :  Ptolémée  était  déjà  reparti 
pour  l'île  de  Cypre.  Démétrius  re- 
vint alors  dans  ses  cantonnements  de 
Phénicie,  que  ses  troupes  n'avaient  ja- 
mais cessé  d'occuper ,  tandis  que 
Ptolémée  cinglait  vers  l'Egypte.  Au 
printemps  de  l'an  3iu,  ce  prince 
fit  un  armement  formidable  pour 
recouvrer  la  Phénicie  et  ses  pos- 
sessions en  Syrie.  Il  partit  de  Pe- 
luse à  la  tête  de  son  armée  ,  et  A^int 
camper  à  Gaza,  en  présence  de  Dé- 
métrius ,  un  peu  inférieur  en  forces. 
Ses  amis  lui  conseillaient  d'éviter 
i3 


,94  PTO 

la  bataille  ;  mais  Déme'trlus  n'écouta 
qu'une  valeur  imprudente  :  et  vint 
pre'scnicr  le  combat  à  sou  adversaire, 
à   Gal.una   en  avant  de  Gaza.  Les 
deux  princes  rivalisèrent  de  vaillance 
dans  celte  journée  :  opposés  l'un  à 
l'autre  ,  ils  payèrent  de  leur  person- 
ne comme  de  simples  soldats.  Scleu- 
cus,  qui  avait  accompagné  Ptolémc'e, 
ne  montra  pas  moins  de  valeur.  Mal- 
gré tous  ses  efforts ,  Dcmctriiîs  ne 
put  obtenir  la  victoire  :  obligé  de  re- 
culer, il  voulait  se  défendre  denièrc 
les  murs  de  Gaza;  mais  on  le  poursuivit 
si  vivement,  qu'il  ne  put  mettre  ce 
projet  à  exécution.   Les  vainqueurs 
entrèrent  dans  la  ville  pêle-mêle  avec 
les  vaincus,  et  ils  s'en  empalèrent 
de   vive  force  ,  tandis  que   Démé- 
trius,  trompé  dans  ses  espérances, 
se  retirait  à  Azot.   H  avait  perdu 
la  plus   grande  partie  de  sa  cava- 
lerie ;   huit  mille  hommes  avaient 
été  faits  prisonniers  ,  et  cinq  mille 
autres  étaient  restés  sur  le  champ 
de  bataille.  Aussi  généreux  que  bra- 
ves ,    CCS   deux  rivaux   se  donnè- 
rent   réciproquement   des    preuves 
de  leur  estime  :  on  décerna  des  ob- 
sèques magnifiques  aux  guerriers  qui 
avaient  succombé  ;  et  l'un  renvoya 
à  Dénictrius  les  bagages  qu'on   lui 
avait  enlevés  ,  ainsi  que  tous  ceux  de 
ses    amis  et  de  ses  serviteurs   qui 
avaient  clc  faits  prisonniers.  Sidon  , 
Tyr  et  la  Phénicie  toute  entière  res- 
tèrent au  pouvoir  de  Ptolémc'e,  qui 
poussa  plus  loin  ses  avantages  ,  et 
soumit  la  plus  grande  partie  de  la 
Syrie,  tandis  que  Séleucus,  à  la  têle 
d'un  détachement  ,  se  portait  vers 
la  Babylonie,  pour  se  remettre  en 
possession  du  gouvernement  dont  il 
avait  été  dépouillé.  Cependant  Démé- 
trius  ayant  reçu  des  renforts  venus 
de  la  Cilicie,  et  réuni  les  débrisde  son 
armée,  qui  s'était  encore  grossie  par 


PÏO 

les  garnisons  de  plusieurs  places ,  se 
trouvait  de  nouveau  en  état  de  tenir 
la  campagne.  Il  occupait  la  plus 
grande  partie  de  la  Syrie  supérieure , 
et  il  ne  tarda  pas  à  devenir  inquié- 
tant pourPiokiiiéc,quienvoya,  pour 
le  repousser, un  nombreux  corps  d'ar- 
mée sous  les  ordres  de  Cillés  :  mais 
ce  général  fut  défait ,  et  tomba  en- 
tre les  mains  de  Démétrius.  Celui- 
ci  ,  non  moins  généreux  que  Ptolé- 
raée ,  s'empressa  de  lui  renvoyer 
Cillés  ainsi  que  tous  ceux  de  ses 
amis  qui  avaient  été  faits  prison- 
niers. Cette  victoire  changea  com- 
plètement la  face  des  alliiires.  Dé- 
métrius reprit  rufTensive.  Antigonc 
passa  bientôt  le  mont  ïaurus  avec 
une  j)ui5sante  armée  ,  et  se  joignit  à 
son  fils  triomphant.  Plolémée  vit 
sans  peine  que  l'avantage  ne  serait 
pas  pour  lui ,  s'il  tentait  de  combat- 
tre en  Syrie  :  les  forces  étaient  trop 
disj.roportionnées.  Dans  une  telle 
situation  ,  la  valeur  aurait  été  inu- 
tile ;  il  prit  donc  le  parti  de  la  re- 
traite ,  préférant  se  défc  ndre  en  Kgyp- 
tc  ,  où  tout  l'avantage  était  pour  lui, 
comme  il  availfait  autrefois  en  com- 
battant Perdiccas.  Avant  d'abandon- 
ner la  Syrie,  il  fit  raser  les  fortifica- 
tions d'Acre,  de  Joppé,  deSaniarie, 
de  Gaza ,  et  de  plusieurs  autres 
villes  :  il  rentra  en  Egypte  avec 
un  immense  butin,  et  n'ayant  éprou- 
vé aucune  perte.  Aniif^onc,  deve- 
nu maître  de  presque  toute  la  Sy- 
rie sans  avoir  livré  de  combats,  ne 
poussa  pas  plus  loin  ses  conquêtes  : 
il  n'essaya  pas  d'attaquer  l'Egypte;  et 
Ptolémée  futlibre  de  transporter  sur 
un  autre  pays  le  théâtre  de  la  guerre. 
Il  se  dirigea  encore  une  fois  vers 
l'Asie-Mineure,  et  descendit  dans 
la  Carie,  où  il  vint  assiéger  Halicar- 
nasse ,  qui  fit  une  vigoureuse  résis- 
tance. Démétrius  fut  alors  obligé  d'à- 


PTO 

bandouuer  Babylone,  qu'il  avait  re- 
conquise sur  Séleucus,  pour  voler  à 
la  defeuse  de  cette  place  importante. 
La  subite  arrivée  de  Dëmëtrius  con- 
traignit Pioléme'e  de  repasser  la  mer. 
D'autres  succès  ,  qui  suivirent  celui- 
ci  de  près  ,  amenèrent  bientôt  la 
paix  entre  toutes  les  parties  belligé- 
rantes ,  également  fatiguées.  Cette 
paix,  ou  plutôt  cette  trêve,  dans  la- 
quelle on  ne  comprit  pas  Séleucus  , 
fut  de  courte  durée.  On  reprit  les 
armes  en  l'an  3io  ;  et  Ptoiéméc 
en  donna  le  premier  signal.  Sons 
prétexte  qu'Antigone  continuait  de 
tenir  des  garnisons  dans  plusieurs 
villes  grecques  déclarées  libres, il  fit 
faire  une  descente  dans  la  Cilicie  ,  où 
diverses  places  furent  conquises. 
Cette  entreprise  n'eut  cependant  au- 
cune suite:  Léonide,  qui  l'avait  faite, 
ne  put  résister  a  Démétrius  ;  et  il  fut 
contraint  de  se  rembarquer  avec 
perte.  Ptolémée  craignit  que  ce  re- 
vers n'entraînât  la  défection  de  l'île 
de  Cvpre  ,  où  il  savait  qiielNicoclès, 
roi  de  PapLos  ,  était  partisan  d' An- 
tigène. Pour  conserver  cette  île  si 
importante  ,  il  résolut  de  se  débar- 
rasser du  prince  qui  le  trahissait.  Un 
corps  de  troupes  investit,  par  ses  or- 
dres, le  palais  du  roi  sans  défense  ; 
et  ce  malheureux  prince  périt  dans 
cette  catastrophe ,  avec  toute  sa  fa- 
mille (  F.  NiCOCLÈs  ,  XXXI,  225  ). 
C'est  ainsi  que  Ptolémée  s'assura  la 
paisible  possession  de  cette  île.  En 
l'an  Bog  ,  il  fit  un  grand  armement 
maritime  pour  venger  les  revers  que 
ses  généraux  avaient  éprouvés  en 
Cilicie;  et  il  se  mit  en  mer  au  prin- 
temps pour  soumettre  les  côtes  de 
l'Asie-Mineure.  11  s'empara  de  Pha- 
sélis  en  Pampbylie  ,  et  passa  de  là 
en  Lycie,  où  il  n'eut  pas  de  moindres 
succès.  Xantlius  fut  prise  ;  Caunus 
et  Myndus  ,  en  Carie,  se  rendirent 


HTO  195 

également;  et  l'île  de  Cos  lui  fut  li- 
vrée par  Ptolémée,  neveu  d'Antigo- 
ne.  C'est  a  cette  époque  et  en  celte 
île  que  naquit  Ptolémée  Pbiladelphe, 
qui  devint  dans  la  suite  roi  d'Egyp- 
te. Sa  mère,  Bérénice,  avait  voulu 
suivre  son  mari  dans  cette  expédi- 
tion. Cette  femme ,  veuve  d'un  Macé- 
donien obscur,  dont  elle  avait  des  en- 
fants,  était  arrivée  en  Egypte  avec  la 
fille  d'Antipater  ,  sa  cousine,  quand 
celle-ci  y  vint  })our  épouser  Pto- 
lémée. La  beauté  et  les  mâles  quali- 
tés de  Bérénice  lui  gagnèrent  le  cœur 
de  ce  dernier,  qui  en  fit  à  la  fin  sa 
femme  :  elle  prit  tant  d'empire  sur 
lui,  qu'Eurydice,  son  autre  épouse^ 
fut  obligée  d'abandonner  l'Egypte; 
Bérénice  le  décida  nième  à  préférer 
pour  sa  succession  les  enfants  qu'elle 
lui  donna  ,  à  ceux  qui  étaient  nés  de 
la  fille  d^Antipater.  Cependant  Pto- 
lémée ne  perdait  point  de  vue  le  soin 
de  terminer  l'expédition  qu'il  avait 
entreprise.  Des  députés  de  la  Grèce 
vinrent  le  trouver  dans  l'île  de  Cos, 
pour  l'engager  à  passer  en  Europe  : 
il  fit  voile  vers  les  Cyclades,  où  il 
s'empara  d'Andros  ;  Megare  ,  Co- 
rintbe  et  Sicyonc  lui  ouvrirent  leurs 
portes.  11  parcourut  tout  le  Pélopo- 
nèse;  mais  bientôt ,  mécontent  des 
Grecs,  qui  ne  lui  avaient  point  four- 
ni les  vivres  et  les  subsides  promis  , 
il  fît  avec  Cassandre  un  accord  ,  par 
lequel  ils  renonçaient  à  rendre  la  li- 
berté aux  villes  grecques  ,  chacun 
devant  conserver  celles  qui  étaient 
eu  son  pouvoir.  11  mit  alors  des 
garnisons  dans  Corinthe  ,  dans  Si- 
cyone  ,  et  partit  pour  Alexandrie. 
Sa  présence  était  nécessaire  en  Egyp- 
te; la  révolte  d'Ophellas,  gouver- 
neur de  Cyrène,  lui  causait  quel- 
ques inquiétudes  ,  qui  ne  furent  ce- 
pendant pas  de  longue  durée.  Ophel- 
las  fut  entraîné  par  Agailioclès  , 
i3.. 


196 


PTO 


tyran  de  Syracuse,  dans  une  folle 
expédilion  contre  Cartilage  ,  où    il 
fut  trahi  par   son  allié,  qui  le    fit 
assassiner.  Son  armée  alors  passa 
au  service  d'A^athoclcs;  et  Cyrc- 
né   rentra  sons  la   doniiualion   de 
Ptolémée.  Vn-s  le  même  temps,  An- 
tigène fit  pe'rir ,  à  Sardes,  Cle'opàtrc  , 
iCÊur  d'Alexandre,  et  veuve  d'Ar- 
rhidee,  qui,  sollicitée  à-la-fois  par 
tous  les  officiers  qui  s'étaient  partage 
l'empire  de  son  ficre ,  s'était  décidée 
pour  Ptolémée.  Elle  périt  la  dernière 
de    la   race   du   conquérant    macé- 
donien :  depuis  long-temps  Arrhi- 
déc  était  mort;   Olympias  ,    mère 
d'Alexandre,  avait  suivi  sa  victime 
dans  la  tombe;  les  deux  rois  Alexan- 
dre le  Jeune  et  Hercule,  avaient  été 
égorgés  par  leur  tuteur,  et  les  Macé- 
doniens n'avaient  plus  d'autres  sou- 
verains que  les  anciens  compagnons 
de  leur  héros  .  qui  n'avaient  pas  en- 
core osé  ceindre  le  diadème.  Cepen- 
dant la  guerre  continuait  avec  vi- 
gueur. Eu  l'an  307,  Démétrius  aban- 
donna la  Grèce,  d'où  il  chassait  les 
garnisons  de  Ptolémée;  et  il  revint, 
par  l'ordre  de  sun  père,  vers  les  cô- 
tes do  r.\sie-Mineure,  pour  aller  de- 
là attaciuer  l'ilede  Cypre.  Il  tenta,  en 
passant,  d'engager  les  Rbodieiis  dans 
son  parti  :  ce  futcnvain  ;  ils  restèrent 
fidèles  à  l'alliance  de  Ptolémée.  Une 
armée  et  une  autre  flotte  attendaient 
Démétrius  sur  les  côtes  de  Cilicie  : 
sans  tarder,  il  tourne  ses  voiles  vers 
l'île  de  Cvpre,  et  débarque  à  Carpa- 
sia;  les  vdies  voisines  sesoumeltent: 
Cerde  ces  succès, Démétrius  se  dirige 
vers  Salamiue ,  où  Ménélaus ,  frèrede 
Ptolémée,  et  commandantdel'ile,  se 
trouvait  à  la  tite  de  forces  considé- 
rables. Celui-ci  s'empressa  de  mar- 
cher à  sa   rencontre    pour  lui   li- 
vrer bataille  :lesdeux  armées  étaient 
à-peu-près  égales  en  nombrej  la  vic- 


PTO 

toire  fut  pour  Démétrius:  Ménélaus 
perdit  beaucoup  de  monde ,  et  se  vit 
obligé  de  cherclior  un  asyle  dans  les 
murs  de  Salamine,  où  il  ne  tarda 
pas  d'être   assiégé.    Démétrius    mit 
en  usage,  au  siège  de  cette  place,  tou- 
tes les  ressources  de  son  génie  :  ses 
machines  ne  cessèrent  de  battre  les 
remparts,  sans  amener  la  reddition 
de  la  ville;  les  assiégés  opposaient 
la  plus  vigoureuse  résistance.  Cepen- 
dant ils  étaient  réduits  à  la  dernière 
extrémité,  quand  Ptolémée,  infor- 
mé de  leur  détresse,  arriva,  pour 
les   secourir,  à   la   tête  d'une   for- 
midable armée  de  terre  et  de  mer.  Il 
avait  cent  quarante  vaisseaux  longs 
pour  le  combat ,  et  deux  cents  b.îti- 
mentsdc  transport ,  chargés  de  trou- 
pes ,  avec   les(piels  il   parut  dans  la 
rade  de  Paphos,  qui  se  rendit  à  la 
première  sommation;  bientôt  il  fut 
devant  Citium,à  deux  cents  stades 
de  Salamine,  à  la  vue  du  c.inip  et 
de  la  flotte  de  Démétrius,  (|u'il  délia 
sur-le-champ  au   combat.   Pendant 
ce  temps-là,  des  émi.ssiiies  envoyés 
par  terre,  portaient  à  INIénélans,  avec 
l'espoir  d'une  prochaine  délivrance  , 
l'ordre  de  quitter  le  port  de  Salami- 
ne pendant  la  bataille  qui  allait  s'en- 
gager ,  et  de  venir  rejoindre  son  frè- 
re  avec  tout  ce  qu'il  avait  de  vais- 
seaux. Démélriub  ,  non  moins  imj)a- 
tient  de  combattre  que  Ptolémée,  fit 
aussitôt  ses  dispositions  :  il  laisse  son 
amiral  Aniisthènes,  pour  contenir, 
avecquinzevaissear.x,  la  flotte  assié- 
gée; et  sans  tarder  il  vogue  à  la  ren- 
contre de  Ptolémée,  avec  cent  huit 
navires  qui  lui  restaient.  Ouoiqu'in- 
férieur  en  forces,  il  n'hésita  point  à 
attaquer;  la  bataille  fut  terrible  :  les 
deux  armées  et  les  deux  chefs  rivali- 
sèrent de  courage  dans  cette  journée 
mémorable.  La  résistance  fut  des  [)lu5 
opiniâtres  des  deux  côtés;  mais  à  la 


PTO 

fin,  les  vaisseaux,  de  Ptolémée  furent 
presque  tous  pris  on  détruits.  Ce  fut 
en  vain  que  Mënoetius,  envoyé  par 
son  frère,  parvint  à  triomplicrd'An- 
tislhèncs,  et  à  sortir  du  port:  il  ar- 
riva trop  tard,  i'aOairc  était  déci- 
dée; et  il  n'eut  rien  de  mieux  à  faire 
que  de  rentrer.  Apris  cette  défaite, 
Ptolémée  regagna  Cilium  ,  avec  huit 
bâtiments  ,  les  seuls  qu'il  eût  sauves. 
Hors  d'état  désormais  de  rétablir 
ses  affaires  dans  ces  parages,  il  fit 
voile  pour  l'Egvplc,  tandis  que  son 
frère  rendait  à  Démétrius  la  ville  de 
Salamine,  et  tout  ce  qui  lui  restait 
de  soldats  et  de  vaisseaux.  Pour  Dé- 
métrius, il  se  montra  vainqueur  aussi 
généreux  ,  qu'il  avait  été  guerrier  ha- 
bile et  vaillant:  content  de  son  triom- 
phe et  de  l'importante  conquête  qu'il 
venait  d'achever,  il  rendit  la  liberté 
à  tous  ses  prisonniers,  parmi  les- 
quels étaient  Lcontiscus  ,  iils  de  Pto- 
lémée, et  son  valeureux  frère  Mé- 
nélaus;  et  il  les  renvoya  en  p]gypte, 
charges  de  présents  magnifiques. 
Quand  Antigone  reçut  la  nouvelle  de 
la  victoire  et  des  exploits  de  son  fils, 
il  fut  transporté  d'une  telle  joie,  que 
croyant  sa  puissance  à  l'abri  des 
coups  du  sort  ,  il  ceignit  le  dia- 
dème, et  le  premier  entre  tous  les 
successeurs  d'Alexandre,  il  osa  pren- 
dre le  titre  de  roi ,  qu'il  s'empressa 
de  partager  avec  Démétrius.  Pi- 
qué d'une  telle  audace,  et  pour  faire 
voir  qu'un  revers  aussi  terrible  n'é- 
tait pas  capable  d'abattre  son  coura- 
ge, Ptolémée  n'hésita  point  à  prendre 
un  titre  dont  il  ne  se  croyait  pas 
inoins  digne.  Il  se  déclara  donc  roi, 
en  l'an  io-j,  après  avoir  possédé 
pendant  dix  -  sept  ans  l'Egypte  , 
comme  gouverneur.  Cet  exemple 
fut  bientôt  imité  par  Séleucus  ,  par 
Lysimaque  et  par  Cassandre.  An 
tigonc  se  disposait  cependant  à  pro- 


PTO  197 

fiter  de  sa  victoire;  et,  l'année  sui- 
vante, il  résolut  de  porter  ses  ar- 
mes en  Egypte.  Ses  troupes  se  réuni- 
rent à  Antigonia,  ville  qu'il  avait 
fondée  non  loin  des  lieux  où  Antio- 
che  fut  bâtie  quelques  années  après: 
quatre  -  vingt  mille  hommes  d'in- 
fanterie, dix  mille  chevaux  et  qua- 
tre-vingt-trois éléphants  se  mirent 
en  marche  pour  l'Egypte, et  vinrent 
camper  à  Gaza,  tandis  que  De'mé- 
trius  longeait  la  côte  avec  cent  cin- 
quante bâtiments  de  guerre  et  cent 
vaisseaux  de  transport.  Cette  flotte 
eut  beaucoup  à  souffrir  des  mauvais 
temps:  plusieurs  navires  furent  jetés 
sur  les  côtes  de  Syrie  on  d'Egypte. 
Ce  revers  n'arrêta  cependant  pas 
Antigone  :  son  armée,  abondam- 
ment munie  de  vivres ,  franchit  le 
désert  et  arriva  sur  les  bords  du 
Nil.  Avec  l'aide  de  sa  flotte,  il  vou- 
lut forcer  les  bouches  du  fleuve  et 
remonter  son  cours;  mais  il  ne  put 
y  parvenir  :  Ptolémée  était  sur  ses 
gardes  ;  il  avait  pourvu  à  la  sûreté 
(le  son  royaume  :  toutes  les  côtes  de 
la  mer,  toutes  les  rives  du  fleuve, 
étaient  garnies  de  troupes;  et  partout 
il  déjoua  les  entreprises  de  ses  ad- 
versaires. Démétrius  ayant  voulu 
forcer  le  Pseudosloma  ou  la  Fausse 
embouchure,  fut  repoussé  avec  perte. 
Il  éprouva  un  pareil  échec  devant 
la  bouche  Phathmetique.  Voyant 
alors  qu'il  était  irapossil)le  d'obtenir 
aucun  avantage  sur  une  côte  défen- 
due partout  par  des  marais  et  des 
bas-fonds,  il  prit  le  parti  de  se  reti- 
rer, laissant  à  l'armée  de  terre  le 
soin  d'achever  seule  cette  entreprise. 
Pour  comble  de  malheur,  l'inonda- 
tion survint  alors;  elle  arrêta  toutes 
les  opérations;  les  vivres  manquè- 
rent :  la  désertion  se  mit  dans  l'ar- 
mée ,  et  y  fit  en  peu  de  temps 
des  progrès  51  alarmants,  qu'il  fallut 


tç^  PTO 

songer  à  la  retraite;  Anrigonc  s'en 
reloiirna  en  Syrie,  avec  le  dessein 
ae  revenir  attaquer  l'Égvpte  dans 
une  saison  plus  favorable.  Ptolcmce 
ne  l'inquicta  point  dans  sa  retraite  : 
satisfait  de  voir  le   royaume  qu'il 
avait  fonde  délivre  d'un  aus>i  redou- 
table ennemi,  il  rendit  de  solennelles 
actions  de  grâces  aux  dieux  ;  et  ils'em- 
pressa  de  faire  savoir  aux  rois  ses  al- 
liés ,  les  désastres  d'Antiîione,  et  l'ac- 
croissement  que  ses  forces  avaient  ob- 
tenu par  les  soldats  de  son  eunemi, 
qui  étaient  passés  sous  ses  drapeaux. 
Après    cette    malheureuse    expédi- 
tion ,  les  deux  rois  se  firent  la  guer- 
re avec  moins  de  fureur.  Ptolémée 
ne  tenta  pas  de  recouvrer  la  Plié- 
nicieet  les  provinces  qu'il  avait  pos- 
sédées en  Syrie  ;  et  Aniigoue,  trop 
occupé  en  d'autres  jiavs,  ne  songea 
plus  à  porter  ses  armes  en  Egypte. 
Pendant  deux  années,  ils  ne  firent 
aucune  entreprise  l'im  contre  l'au- 
tre. Ptolémée  ,   tranquille  dans  ses 
états,  se  borna  seulement  à  envover 
aux  Rliodiens  quelques  secours  en 
hommes  et  en  vivres.  Sans  ces  se- 
cours, les  Rliodiens,  vivement  pres- 
sés  par  le   redoutable    Démétrius  , 
n'auraient  pji  oppo.serlagloi  ieuse  ré 
sistanre  qui  a  rendu  si  célèbre  le  siè- 
ge qu'ils  soutinrent  alors  (  f.  Dlmi!- 
TBiL'S .  XI ,  3 1  ).  Tout  en  leur  four- 
iiissant  des  secours  de  toute  espèce, 
Ptolémée  engageait  les  Rliodiens  à  ne 
pas  négliger  les  occasiousqu'ils  pqur- 
raient  trouver  de  faire  la  paix  avec 
Antigonc  :  ils  profitèrent  de  cet  avis. 
Démétrius,  lassé  d'un  siège  si  long 
et  siopiiiiàtre,leur  offritdcs  propo- 
sitions qui  furent  agréées;  et  la  paix 
fut  conclue,  à  la  condition  que  les 
Rhodiens,  qui,  par  ce  traité,  deve- 
uaient  les  alliés  d'Antigoue ,  ne  se- 
raient pas  tenus  de  prendre  les  armes 
contre  Ploléme'e.  Lesdeiix  rois  trou- 


PTO 

valent  également  leur  compte  à  la 
neutralité  dccctte république,  à  cause 
ducommerce  immense  qu'elle  faisait 
avec  leurs  états.  Une  ambassade  so- 
lennelle fut  envoyée  au  temple  de  Ju- 
piter Ainmon,  pour  eonsidtcr  l'ora- 
cle, et  lui  demaiuler  s'il  ne  convenait 
pas  de  révérer  Ptolémée  comme  un 
dieu  ?  Sur  la  réponse  afllrmative  de 
l'oracle,  plusieurs  édifices  publics  lui 
furent  consacrés.  C'est  de  cette  épo- 
que ,  selon   plusieurs  auteurs,  que 
date  le  surnom  de  Soter,  qui  sert  à 
distinguer  le  premier  des  Lagides  ; 
et  il  l'aurait  dû,  selon  eux,  à  la  re- 
connaissance   des   Rbodieus.    Pour 
nous,  nous  pensons  qu'il  en  était  dé- 
core depuis  qu'il  avait  pris  le  titre 
de  roi ,  selon  l'usage  des  Egyptiens , 
qui   distinguaient   ainsi   chacun  de 
leurs  souverains  par  des  surnoms  des- 
tinés à  rappeler  la  divinitè(|u'ils  leur 
attribuaient  ;  et  les  Rhodiens  furent 
peut-être  les  premiers  des  drccs  (|ui 
se  conformèrent  à  cette  coutume.  Ce- 
pendant les  relations  des  rois,  succes- 
seurs d'Alexandre  ,  restaient  toujours 
sur  le  même  pied.  L'état  de  guerre 
subsistait  sans  qu'on  y  mît  beaucoup 
d'ardeur.  Ptolémée  ne  j)renait  qu'u- 
ne part  bien  indirecte  à  tous  ces  évé- 
nements ;  il  ne  semblait  pas  songer  à 
recouvrer  les  provinces  qu'il  avait 
perdues  :  Antigone  étendait  son  em- 
pire; etDémétiius,  qiiiétait  passé  eu 
Europe,  aflrancliissait  toutes  les  villes 
grecques  ,  et  chassait  du  P('loponnc- 
se  toutes  les  garnisons  de  Ptolémée. 
A  la  fin,  l'arrogance  et  les  prétentions 
d'Aiitigone  s'accrurentà  un  tel  point, 
que  les  rois  songèrent  à  s'unir  plus 
étroitement,  et  à  agir  avec  j)Ius  de      i 
vigueur  pour  l'intérêt  coniimin.  Ly- 
simaque  et  Cassandre  ,   qui   étaient 
menacés  d'une  ruine  procliaine.  en- 
voyèrent des  ambassadeurs  à  Séleu- 
ctis  et  à  Ptolémée ,  qui  s'engagèrent     I 


PTO 

à  les  seconder  avec  toutes  leurs  for- 
ces. En  l'an  So'i  avant  J.-C. ,  Anli- 
gone  fut  oblige  de  soutenir  la  guerre 
sur  tous  les  points.  Lysimaque  pas- 
sa l'Hellespout, et  l'attaqua  le  pre- 
mier. Antigonequitta  aussitôt  la  Syrie 
pour  le  repousser.  Lysimaque,  infor- 
me'deson  approche, résolut  d'éviter 
le  combat ,  jusqu'à  l'arrivée  de  Séleu- 
cus  ;  et ,  en  l'attendant ,  il  prit  ses 
quartiers  d'hiver.  Antigone  profita 
de  ce  délai  pour  rappeler  Démétrius, 
qui  était  encore  dans  la  Grèce.  Ce- 
lui -  ci  s'empressa  de  repasser  la 
mer;  et  bientôt  il  fut  arrivé  à  E- 
phèse.  11  reconquit  l'Ionie,  d'où  il 
chassa  les  troupes  de  Lysimaque. Une 
armée,  commandée  par Cassandre,- 
ne  tarda  pas  à  le  suivre  en  Asie:  Dé- 
métrius l'attaqua ,  et  le  battit  en  plu- 
sieurs rencontres  ;  mais  il  ne  put 
l'empêcher  d'aller  rejoindre  ,  à  Hé- 
raclée  ,  les  forces  de  Lysimaque. 
D'un  autre  côté,  Ptoléraée  était  sorti 
de  l'Egypte,  avec  une  puissante  ar- 
mée; il  soumit  rapidement  la  plupart 
des  villes  de  la  Célésyn'c  :  Sidon 
l'arrêta  seule  pendant  long  -  temps. 
Sur  la  fausse  nouvelle  que  Séleucus 
et  Lysimaque ,  vaincus  par  Antigone, 
avaient  été  obligés  de  s'enfermer 
dans  les  murs  d'Héraclée,  et  que  le 
vainqueur  revenait  défendre  la  Syrie, 
Ptolémée  accorda  aux  Sidoniensuue 
trêve  de  -cinq  mois  ,  et  se  hâta  de 
revenir  en  Egypte,  oi!i  il  passa  l'hi- 
ver ,  tandis  que  Séleucus ,  descendu 
des  satrapies  supérieures ,  était  venu 
prendre  ses  cantonnements  en  Cap- 
padoce.  Au  retour  du  printemps  ,  en 
l'an  3oi,  tous  les  rois  furent  en  me- 
sure de  combattre  Antigone ,  réuni 
à  son  fils  Démétrius.  Les  armées , 
à  -  peu  -  près  égales  en  nombre  ,  se 
trouvèrent  en  présence  dans  les  plai' 
nés  d'Ipsus,  enPhrygie.  Cette  batail- 
le décisive  fixa  sans  retour  les  desti- 


PTO  iQg 

nées  des  successeurs  d'Alexandre. 
Antigone  y  périt  à  l'âge  de  quatre- 
vingt  -  six  ans,  après  avoir  perdu 
presque  toute  son  armée.  Démétrius 
ne  conserva  que  cinq  raille  hommes 
d'infanterie  et  quatre  mille  chevaux, 
avcclesquels  il  se  retira  dans  Ephèse. 
Mais  les  vainqueurs  se  brouillèrent , 
quand  il  fallut  partager  les  provin- 
ces conquises.  Séleucus  se  réunit 
alors  à  Démétrius,  qui  trouva,  dans 
celte  alliance ,  les  moyens  de  con- 
server une  partie  de  sa  puissance. 
Pour  Ptolémée ,  il  s'unit  avec  Lysi- 
maque, et  il  lui  donna  en  mariage  sa 
fille  Arsiuoé.  Il  reconquit  une  portion 
de  l'île  de  Cypre,  recouvra  la  plus 
grande  partie  de  la  Phénicie ,  et  les 
autres  provinces  qu'il  avait  autrefois 
possédées  en  Syrie;  mais  Salamine, 
Tyr  et  Sidon  restèrent  encore  au  pou- 
voir  de  Démétrius,  qui  avait  conser- 
vé l'empire  de  l.i  mer.  En  l'an  3oo, 
Magas  ,  fils  de  Bérénice  et  beau-fils 
de  Ptolémée,  reconquit  Cyrène,  qui 
s'était  révoltée  depuis  quelques  an- 
nées,et  qu'on  n'avait  pas  jusqu'alors 
eu  le  loisir  de  soumettre.  L'année 
suivante ,  Démétrius  et  Ptolémée  fi- 
rent la  pais,  par  l'entremise  de  Sé- 
leucus, qui  élait  devenu  gendre  de 
Démétrius;  et  Ptolémée  maria  sa 
fille  Ptolémaïs  à  ce  dernier ,  qui 
envoya  de  son  côté  à  la  cour  d'A- 
lexandrie, son  ami ,  le  jeune  Pyrrhus, 
héritier  du  trône  d'Épire  ,  pour  y 
être  garant  de  la  paix  qu'il  avait  ju- 
rée. Les  belles  qualités  de  Pyrrhus 
lui  concilièrent  sans  peine  l'amitié 
de  Ptolémée  et  de  Bérénice,  sa  fem- 
me. On  lui  donna  pour  épouse  Anti- 
gone, née  du  premier  mariage  de 
la  reine;  et  on  lui  fournit  des  trou- 
pes et  de  l'argent  pour  remonter 
sur  le  trône  de  son  père ,  ce  qui  ar- 
riva en  298  avant  J.-C.  Pyrrhus , 
pour  ténioignèr  sa  rèconnaîssaricè 


300 


PTO 


envers  le  roi  d'Egypte  ,  donna  le 
nom  de  Ptolemce  .ui  premier  de  ses 
fds,  et  (il  bâtir,  en  Kpire,  une  ville 
appelée  Bérénice.  C'est  dans  la  mê- 
me année  que  le  roi  d'Kgvpic  jeta  les 
fondements  du  phare  d'Alexandrie, 
rev;ai-de  comme  nnc  des  merveil- 
les du  monde,  et  en  confia  la  eons- 
trucliou  a  rarchitectc  Sostrate  de 
CniJe.  Cependant  le  caractère  re- 
muant de  Dcme'triiis  ne  lui  permet- 
tait pas  de  garder  bien  lidèlement  la 
paix  :  des  a»  tes  d'boslilitc  la  troublè- 
rent plus  d'une  fois.  Ptolemee  d'ail- 
leurs desirait  recouvrer  les  villes  ma- 
ritimes de  Plienicie,  et  Salainine  de 
Cyprc  ,  restées  au  pouvoir  de  Dcme- 
trius.  I.a  moit  de  Cassandre,  roi  de 
WacèiUiine,  arrivée  en  ^97  ,  et  les  di- 
visions de  ses  fds  ,  fouriurent  bientôt 
une  nouvelle  occupation  au  génie  en- 
treprenant de  Dèmeirius ,  qui  en  pro- 
fita pour  agrandir  ses  possessions  en 
Grèce.  Quant  à  Ptolènu^ ,  il  accorda 
sa  lillel.ysandra.qu'd avait  eue  d'Eu- 
rydice, a  Alexandre,  bis  de  Cassan- 
dre ,  maître  d'une  partie  de  la  Mace'- 
doine.  Li  flotte  qui  la  conduisit  à  son 
mari  fut  ibargèede  secoiir.r  en  mê- 
me temps  I^acliarès,  tyran  des  Albc- 
nieiis  ,  qui  avait  implore  l'assis- 
tance du  roi  d'Egypte  ,  et  était 
alors  assiège  par  IJc'mctrius.  Cette 
tentative  n'eut  aucun  succès.  Pa- 
trotlc ,  amiral  de  Ptolemee,  n'a- 
vait fpic  cent  cinquante  vaisseaux  ; 
et  Dcmctrins,  maître  de  la  mer, 
lui  en  opposait  le  doubla.  Il  fal- 
lut donc  se  retirer,  et  abandonner 
Athènes,  qui  tomba  au  pouvoir  de 
l'ennemi,  en  iijt).  Pendant  que  Dc- 
metriiis  s'occupait  d'enlever  la  Ma- 
cédoine aux  enfants  de  Cassandre,  il 
oubliait  de  défendre  ses  possessions 
orientales,  dont  l'tolème'c  se  rendait 
maitre  peu  -  à  -  peu.  Enfin  ,  en  l'an 
294,  celui-ci  s'empara  de  Salamine , 


PTO 

laissée  «ans  secours  ;  il  y  trouva  sa 
femme  Eurydice,  ainsi  que  Phi  la  , 
femme  de  Deme'trius,  et  ses  enfants. 
Content  d'avoir  recouvré  l'île  de 
(îvpre,  Plolêmêe  ne  voulut  pas  rete- 
nir ces  illustres  captifs  ;  mais  il  les 
renvoya  cli.irgcs  de  présents  à  DcniC' 
trius  ,  devenu  roi  de  Macédoine  par  la 
mort  des  filsde  Cassandre ,  Aiitipatcr 
et  Alexandre.  Les  autres  places  (pic 
Dèmêlrius  |)ossêtlait  eiicoie  .sur  les 
cotes  de  la  Phènicie  et  de  l'Asit-Mi- 
neure  ,  ne  tardèrent  pas  à  tomber 
entre  les  mains  de  Ptolênjce,  qui  les 
réunit  à  ses  états.  Depuis  lors  Pto- 
lemee n'eut  plus  ni  l'occasion  ,  ni 
.sans  doute  la  volonté,  de  jïiendrc 
part  aux  événements  (pii  agilaieut 
encore  le  monde.  Cette  j).irtic  de  son 
règne  présenteiinelacuiie  mal  remplie 
par  quelques  faits  de  médiocre  im- 
portance, échappés  au  silence  de 
l'histoire.  Pendant  cette  longue  paix, 
il  put  s'occuper  à  loisir  de  l'oigaiii- 
salion  du  beau  royaume  qu'il  devait 
à  sa  sagesse  et  à  son  courage,  (j'est 
sans  doute  alors  qu'il  termina  1rs  j)a- 
lais,  les  temples  et  les  autres  ('tliliccs 
d'Alexandrie,  tels  que  le  tombeau 
d'Alexandre,  le  Phare,  l'Ileptasliide, 
l'Hippodrome, et  \cSerajiœum  ,  qu'il 
fit  construire  pour  un  nouveau  dieu, 
que,  sur  la  foi  d'iiu  songe,  il  envoya 
chercher  jusipi'a  Sinope.  (i'élail  plu- 
tôt une  nouvelle  statue  (pi'uiie  nou- 
velle divinité  :  car  il  est  |)eriiiis  de 
croiie  que  Sérapis,  dont  le  nom  est 
bien  égvptien  ,  était  révéré  depuis 
long-temps  en  Egypte  ;  et  peut-être 
voulut-on  que  la  translation  mer- 
veilleuse d'une  statue  venue  d'un 
pays  si  lointain  ,  rendît  le  nou- 
veau temple  plus  respectable  aux 
yeux  du  peuple.  Les  historiens  n'ont 
j)as  manqué  de  nous  apj)rendre  la 
date  d'un  événement  aussi  impor- 
tant pour  les  Alexandrins,  dontiié- 


PTO 

rapisfut  toujours  la  priuripale  divi- 
nité. C'est  eu  Tau  -289  qce  Ptolemée 
cuvova  deinauder  à  Scydrothémis  , 
])rii!cc  de  Siuope,  la  statue  tautde- 
si»  e'e  ;  et  ce  n'est  qu'en  'i8G  ,  après 
trois  ans  de  négociations,  qu'elle  par- 
viîit  enfin  à  Alcxaiidiie.  Cependant 
la  paix  doiit  Ptolcmc'e  jouissait,  fut 
sur  le  point  d'être  troublée.  De'mc- 
triiis ,  ne  se  contentant  pas  du  trône  do 
Macédoine,  dont  il  était  tranquill& 
possesscir ,  (It,  en  l'an  S190,  un  im- 
inetisc  armement  pour  passer  en  A- 
sie,  et  pour  recouvrer  les  pays  qui 
avaient  appartenu  à  son  pcre.  Plus 
de  cent  mille  combattants  et  cinq 
cents  vaisseaux  étaient  prêts  pour 
cette  expédition.  Comme  elle  mena- 
çait éi;alcment  Lysimaque,  Séleucus 
et  Ptoléraée,  les  trois  rois  contractè- 
rent inie  nouvelle  alliance:  ils  enga- 
gèrent Pyrrhus  dans  leur  ligue;  et 
bientôt  ils  se  mirent  en  mesure  de 
prévenir  leur  ennemi.  Lysimaque  et 
Pyrrhus  se  préparèrent  à  faire  une 
invasion  dans  U  Macédoine,  tandis 
que  Ptolemée   paraissait    dans    le.^ 
mers  de  la  Grèce,  avec  une  flotte 
très  considérable.  La  double  entre- 
prise de  Lysimaque  et  de  Pyrrhus 
eut  un  plein  succès  :  Démétrius,  vain- 
cu, fut,  en  très-  peu  de  temps  ,  dé- 
f)Ouillé  du  royaume  de  Macédoine  j 
a  plus  grande  partie  de  ses  soldats 
passèrent  au  service  de  Pyrrhus.  En 
vain  cliercha-t-ilà  se  maintenir  dans 
la  Grèce:  bientôt  réduit  à  s'embar- 
quer avec  les  débris  de  son  armée,  il 
passa  dans  l'Asie-Mineure  ,  où  il  fit 
quelques  entreprises  dans  la  Lydie  et 
la  Carie.  Une  attaque  contre  la  Cili- 
cie  fut  sans  succès  :  vaincu  et  pris 
par  son  gendre  Séleucus,  il  ne  recou- 
vra plus  sa  liberté,  et  fut  gardé  pri- 
sonnier jusqu'à  sa  mort,  dans  le  fort 
de  Chersonesus  ^  en  Syrie.  Ptoléraée 
revint  alors  jouir,   dans  ses  états, 


PTO 


201 


d'une  paix ,   qui  ne  fut  plus  inter- 
rompue. Déjà  parvenu  à  un  âge  très- 
avancé,  le  (ils  de  Lagus  s'occupa  de 
►régler  tout  ce  qui  était  lelatif  à  sa  suc- 
cession ,  pour  mettre  son  royaume  à 
l'abri  des  révolutionsquiavaienttour- 
menlé  la  Macédoine  après  ia  moitde 
Cassandrc,  et  des  sanglants  démêlés 
qui  déjà  commençaient  à  troubler  la 
famille  de  Lysimaque.  Il  ne  voulut  pas 
laisser  à  la  fortune  la  décision  d'un 
objet  aussi  important.  Deux  de  ses 
femmes  lui  avaient"  donné  dos  en- 
fants màlcs  ;  l'aîné  de  tous,  Ptole- 
mée, surnomme   Céraumis ,  ou  le 
Foudre,   à  cause  de  son  bouillant 
courage ,  était  né  d'Eurydice  ,  fille 
d'Antipaler.  Ptolemée  lui  ])réierait 
l'aîné  des  enfants  qu'il  avait  eus  de 
Bérénice.  Son  amour  pour  la  mè- 
re ,   associée  depuis    long-temps   à 
sa  puissance  ,  et  admise  à  partager 
le  titre  de  dieux  sauveurs ,  0i:OT  211- 
TIIPOI,  qui  les  distingue  entre  tous 
les  souverains  de  l'Egypte,  contri- 
bua sans  doute  autant  à  cette  pré- 
férence que  l'aversion  que  pouvait 
lui  inspirer  le  caractère  emporté  de 
Céraunus.  Ptolemée,  surnommé  de- 
puis Philadeljihe  ,  fils  de  Béréni- 
ce ,   fut   donc  déclaré   héritier   du 
trône,  malgré   l'avis    contraire   du 
célèbre  Démétrius  de  Phalère,  que 
le   roi    avait   consulté    à   ce  sujet. 
Cette  décision  irrita  tellement  Cé- 
raunus, qu'il  se  retira  aussitôt  chez 
Lysimaque,  avec  Méléagre,  son  frè- 
re. Ptolemée  ne  se  borna  pas  à  cette 
préférence.  Voulant  donner  au    fils 
qu'il  avait  choisi  une  marque  plus 
particulière  de  son  amour  ,  en  ab- 
diquant la   couronne  ,  il   descendit 
volontairement   du  trône,  en   l'an 
285  avant  J.-C,  après  avoir  pos- 
sédé l'Egypte  pendant  trente  -  huit 
ans  :  d'abord  ,  pendant  dix-sept  ans, 
comme  simple  gouverneur,  et  peu- 


201  FfO 

dant '2 1  ansavcc  Ictilre  deroi.  L'inau- 
guration du  nouveau  prince  se  lit  avec 
nne  pompe  inapnilique.  Athcnee  (i) 
nous  a  conserve,  d'après  l'Iiisto-" 
rien  (",alli\ènc  ,  le  reril  des  céré- 
monies qui  se  célébrèrent  en  cette 
occasion.  Ptoléniée  survécut  deux 
ans  à  son  ahdic.ition  ,  et  tuonrut ,  en 
l'an  .«83  avant  J.-C,  ^i;é  d'enviiun 
80  ans,  laissant  la  répuialiun  d'un 
prince  aussi  distingue  par  son  génie 
que  par  les  hautes  qualités  de  son  amc, 
et  digne  d'.ivoir  fondé  et  transmis  à 
ses  descendants  un  florissant  empire. 
Déjà  révéré  de  son  vivant ,  sous  le  ti- 
tre de  Sott-r on  Ditit  sam'eur,  on  con- 
tinua, depuis  sa  mort,  de  mettre  son 
nom  dans  tous  les  actes  publics,  a  près 
celui  d'Alexandre.  Cet  usa^^e  dura  au- 
tant <pie  la  monarcliic.  Sous  le  règne 
de  Ptolemée,  les  savants  et  les  |)lii- 
losophes  abonlèrcnt  de  tous  les  cotés 
en  Egypte,  où  ils  e'iaient  sûrs  d'être 
bien  accueiliis  par  un  prince  (jui  était 
lui-même  fort  instruit.  Il  av.tit  com- 
posé en  elTcl  uiu-  Hisloiie  de  la  vie 
et  des  expéditions  d'Alexandre,  dont 
on  ne  saurait  trop  regretter  la  perte. 
Elle  existait  encore  du  temps  d'Ar- 
rien  ,  qui  en  fit  un  grand  usage ,  cl 
qui  la  cite  fort  souvent.  Ploléméc 
était  aus>i  en  commcrre  de  lettres 
avec  le  philosophe  Théophraste. 
L'accueil  que  ce  monarque  (it  aux 
savants  ,  et  la  fondation  du  Mus«%, 
donnèrent  naissance  à  cette  école 
d'Alexandrie,  qui  eut  nne  si  grande  in- 
fluence sur  les  sciences  et  sur  les  let- 
tres. C'est  encore  à  Ptoléniée  qu'on 
attribue  la  fou'lation  de  la  célèbre  bi- 
bliothcqiicd' Alexandrie,  établie  selon 
d'autres  par  Pliiladdplie.  .Si,  comme 
l'assurent  quelques  écrivains  ,  Démé- 
triiis  de  Phalèrc  fiU  cliargédc  la  gar- 
de de  cette  bibliothèque,  après  Zc- 

t<  Lil».  T,  $10. 


PTO 

nodotcd'Ephcse,  précepteur  des  en- 
fants de  Ptoléniée ,  ce  serait  là  une 
preuve  assez  forte  en  faveur  de  la 
jïremière  opinion  ;  car  il  est  impos- 
sible (p)e  Déniélrius  ,  détesté  de  Plii- 
ladelplic  |)0ur  l'avis  qu'il  avait  donne 
à  son  père  ,  ait  jamais  occupé  une 
telle  place  sous  le  règne  du  (ils. 
Il  fut  au  contraire  exilé  dans  le  no- 
me Busirite.  PtoIémée  avait  v\\  qua- 
tre femmes.  Artacama  ,  lille  d'Arta- 
ba7e  et  sœur  d'.\rthonis ,  femme 
d'Eumenès ,  ne  lui  donna  pas  d'en- 
fants. De  la  courtisane  Thaïs  ,  il  eut 
Leontiscus.  Lagus,  et  Irène,  mariée 
à  un  roi  de  l'île  deCvpre.  D'Eury- 
dice, (ille  d'Antipater,  i\  eut  Ptole- 
mée Ceiaunus,  Meléagre  et  deux  bi- 
les, Ptoléuiaïs,  fenjraedcDemétrius 
Poliorcetes  ,  et  Lysandra  ,  mariée 
d'abord  à  Alexandre,  fils  de  Cassan- 
dre,  puis  à  Agalhocle,  fils  de  Lysi- 
raaquc.  Pour  Bérénice  ,  quand  elle 
épousa  PtoIémée,  elle  avait  déjà  trois 
enfants,  et  elle  lui  en  donna  (piatrc 
autres.  Les  premiers  étaient  :  Ma- 
gas,  depids  roi  de  C.yrène;  Anti- 
gone,  femme  de  Pyrrhus  ,  et  Théo- 
gène  ,  femme  d'Agathoclc  ,  roi  de 
Syracuse.  Les  autres  furent:  Plolc- 
mce  Philadelphe,  qui  liciita  du  trô- 
ne, Argée,  Arsiuoé,  d'aboid  femme 
de  Lvsimaquc,  puis  de  son  frère  le 
roi  dl'.gvple  .  et  Philote'ra  .S.  ]M-^. 
P TOLKMÉK  II ,  surnommé  P/n- 
I.ADEIPIIE,  né  dans  l'île deCos  ,  vers 
l'an  309  avant  J.-C.  ,  avait  envi- 
ron vingt-cpiatrc  ans  quand  son  père 
lui  céda  la  couronne  d'Egypte  ,  ({u'il 
posséda  trente-huit  ans,  deux  ans 
pendant  la  vie  de  son  père  ,  et  trente- 
six  seul.  Ses  années  royales  comptè- 
rent du  'i.  novembre  28λ  avant  J.-C., 
jusqu'au  '24  octobre  ?.^'] ,  époque  du 
règne  de  PtoIémée  Evergètes.  Ce 
prince  n'était  pas  doué  ,  corrime 
son  prédécesseur  ,  des  vertus  guèr- 


PTO 

ricres  ,  trop  souvent  nécessaires 
pour  fonder  les  empires.  La  nature 
lui  avait  donne  un  tempérament  fai- 
ble et  maladif,  qui  ne  lui  ])ermet- 
tait  pas  de  supporter  les  fatigues  de 
la  querrc  ,  dont  il  remit  toujours  le 
soin  à  ses  généraux.  INIais  si  Pliila- 
delplie  n'avait  pas  la  valeur  et  le  gé- 
nie de  Soter ,  on  voit  au  moins  ,  par 
tout  ce  que  ranti(|uite  nous  a  trans- 
mis de  lui ,  qu'il  était  amplement  doue' 
des  qualités  qui  conservent ,  étendent 
cl  fout  fleurir  les  états.  Sous  lui,  l'em- 
pire Egyptiense  maintint  dans  le  rang 
jiolilique  qu'il  devait  à  son  fondateurj 
ses  généraux  le  firent  respecter  au- 
deliors,  tandis  (pi'unc  paix  rarement 
interrompue  et  une  sage  adiniiiistra- 
tion  élevèrent  au  plus  haut  degré  sa 
prospérité  intérieure.  Les  sciences 
et  les  lettres  ,  encouragées  par  ce 
prince  ,  brillèrent  du  plus  vif  éclat  ; 
le  commerce ,  protégé  et  facilité  ,  ré- 
pandit partout  ses  bienfaits  ;  des  (^ 
tés  nouvelles  s'élevèrent  sur  tous  les 
points  du  royaume;  des  forteresses 
en  défendirent  les  approches;  l'au- 
lique  cité  phénicienne  d'-^ce,  actuel- 
lement Acre  ,  fut  agraiulic  ,  et  déco- 
rée du  nom  de  Ptolemàis.  D'autres 
villes,  dans  la  Cyréna'ique ,  portèrent 
le  même  nom  ;  on  bâtit  Philadel- 
phie,  dans  la  Célésyric  ;  [)hisicurs 
autres,  en  témoignage  de  l'attache- 
ment qu'il  avait  conservé  pour  sa 
mère,  reçurent  le  nom  de  Bérénice; 
beaucoup  de  lieux,  en  plus  grand 
nombre  encore,  eurent  le  nom  à'Ar- 
sinoé ,  sa  sœur  et  sa  femme  bien  ai- 
mée. Deux  villes  de  la  Cyrénaupic  , 
une  de  l'île  de  Cypreet  une  quatrième 
dans  la  Cilicie,  furent  aussi  appelées 
u4rsinoé, ainsi  que  Patara  dans  la  Ly- 
cie  ;  il  y  en  eut  encore  une  autre  à 
l'extrémité  du  golfe  Arabique  :  mais 
la  plus  puissante  de  toutes  fut  celle 
que  Philadelpbe  bâtit  sur  les  bords 


PTO 


!203 


dulacMceris,  et  qui  donna  son  nom, 
au  nome  Arsinoite  ,  qui  répond  au 
Faïouiii  des  modernes  ,  région  en- 
vironnée partout  de  déserts,  et  qui  ne 
comnuuiique  avec  la  grande  vallée 
du  INil  que  par  une  langue  de  terre 
fort  étroite.  Celte  dernière  ville  fut 
décorée  par  un  grand  nombre  de 
monuments.  Le  roi  y  fit  éi  iger  un 
superbe  obélisque  de  quatre-vingts 
coudées  de  hauteur  ,  que  Ncctaiièbe 
avait  fait  tailler  autrefois;  et  il  re- 
compensa magnifiquement  l'aichi- 
tecte  Satyrus  ,  qu'il  avait  chargé  de 
cette  opération.  Content  des  états 
dont  il  avait  hérité  ,  et  qui  étaient 
fort  considérables ,  (  car,  outre  l'E- 
gypte, la  Cyréna'ique,  la  Phénicie , 
et  les  contrées  de  l'Arabie  et  de  la 
Syrie  limitrophes  de  l'Egypte  ,  il 
possédait  encore  l'île  de  Cypre,  plu- 
sieurs des  Cyclades  ,  ainsi  que  pres- 
que toutes  les  côtes  méridionales 
de  l'Asie-Mineure  ,  et  le  littoral  de 
la  Thrace),  il  ne  paraît  pis  que 
Philadclphc  ait  fait  aucune  tentative 
pour  y  ajouter  :  il  ne  prit  les  armes 
que  pour  les  défendre ,  et  dirigea 
ses  vues  vers  un  but  plus  réel  et  plus 
utile  à  son  peuple;  ce  fut  vers  les 
sources  du  INil  ,  vers  les  régions 
intéiieures  de  l'Afrique,  et  sur  les 
rivages  de  la  mer  Erythrée.  Sou 
amiral  Timosthcnes  ,  et  plusieurs 
autres  officiers ,  parmi  lesquels  on 
distingue  Arislocréon  ,  Bion  ,  Basilis 
et  Simonides  ,  furent  chargés  de  re- 
monter le  Nil  ,  et  d'explorer  ou  de 
soumettre  la  Nubie  et  tous  les  autres 
pays  qui  bordent  les  rives  du  fleuve, 
juscpi'à  une  très-grande  distance  dans 
le  sud  ,  pour  reconnaître  les  pro- 
ductions du  sol  et  les  forces  ainsi 
que  les  mœurs  des  barbares  ,  et  les 
ressources  commerciales  de  toutes 
ces  régions  inconnues.  En  soixante 
jours,  Timosthènes  parvint  de  Syène 


ao4 


VIO 


jusqu'à  Mcroé;  et  Artstocréon  s'a- 
vança plus  loin  en  tournant  vers  l'oc- 
cident,   t.milis   que  d'autres   péné- 
traient plus  au  su J  .dans  des  contrées 
restées  inconnues  aux  vovaf;eurs  mo- 
dernes. Toutes  ces  tentatives  n'cm- 
pcclicrent  pas  PhiUdelplie  de  s'oc- 
cuper bpaucoup   du  commerce  ma- 
rilime  de  l'Rî^ypfe  avec  l'Inde    et 
les   autres  re|;ions  situées  dans  les 
mers    orientales.    Il   (il    rétablir   le 
canal    qui,  sous  les   anciens    rois, 
unissait   le  j;uire  Arabique   avec   la 
M'é  lilerrance.  IMiilublplie  avait  re- 
connu sans  peine  toute  l'utilité  d'une 
coramunicalion  qui  rendait  rEj;yp- 
tc  maîtresse  du  commerce  du  monde. 
Ce  canal   était  abandonne  depuis  le 
rc};ne  de  Darius  (ils  d'Ilystaspes,  qui 
av.iit  voulu  le  faire  reparer  ;  le  roi 
d'I^^'vpie   le  fil  de;;a|;er  des  sables 
qui  l'avaient  obstrue  ,  et  il  le  mit  en 
ctat  de  recevoir  des  bâtiments  t  har- 
pes ,  de  sorte  que  ,  sans  aucun  dé- 
barquement ,    les   marchandises   de 
l'Inde  pouvaient  passer  dans  la  Mé- 
diterranée.   Straboii  (  lib.    xvii,  p. 
8oJ  )   donne   cent  coudées   de  lar- 
};cur  à  ce  canal.  Il  s'éteii  lait  depuis 
les  environs    de   Bubisle  ,  où  il  se 
jetait  dins  la  branche  Pelusiaquedu 
^il,  jusqu'aux  lacs   amers,  auprès 
de  renfoncement   septentrional    de 
la    mer    Kouge,  et    communiquant 
avec    cette    mer.    C'est    auprès   de 
celle  issue  que  fut  bâti  le  fort  de 
Cljsma,  ainsi   nomme  sans  doute 
des  écluses  et  des  barrières  qui  étaient 
dans  sou   voisiua';e ,  pour  s'oppo- 
.serà  l'irruplioi.  des  eaux  de  l'Océan 
Arabique  dans  la  Mc'iiterranéc,  dont 
riufèrioritédeniveauestun  fait  main- 
tenant bien  reconnu.  Il  avait  de  mê- 
me été  remarqué  par  les  anciens.  C'est 
aussi  sur  cc  canal  et  assez,  près  de  son 
embouchure  ,non  loind'Ucroopolis, 
que  Ptolémée  Pbiladclphc  avait  fjii 


PTO 

cous[r\i\rc  Arsinoè  au  Golfe.  L'ou- 
verture de  celte  grande  commuuica- 
tioii  commerciale  ne  fut  pas  la  seule 
entreprise  de  cegenrecxécutéepar  ce 
jirinre.  Pour  l'avantage  p.irliculier 
des  habitants  de  la  Haute-Egypte, 
qui  ,  trop  éloignés  du  grand  canal, 
n'en  reliraient  que  peu  d'uiilitc,  il 
fil  tracer  nue  double  roule  (pii  con- 
duisait à  travers  le  désert  (pii  .sépare 
le  Nii  de  la  mer  Uoiige,  ilepuis  (lop- 
tos,  .sur  le  (Icuve,  jusqu'aux  ports  de 
Myos-horiiios  et  de  Hèréiiice  sur  la 
mer.  Pli  iladel  plie  cm  ploya  ses  sol  dais 
aux  travaux  de  cette  roule,  qui  fut 
garnie  de  bàtim«'nls  disposés  de  dis- 
tance en  distance  pour  les  stations  des 
voyageurs  ,  avec  des  citernes  el  des 
jiuits  creusés  à  de  Irès-graiides  pro- 
fondeurs. Tous  les  rois  d'KgypIe  de 
la  race  des  PlolémcVs  allai  lurent 
toujours  une  grande  importance  aux 
Voyages  de  découvertes  el  aux  navi- 

K lions  lointaines.  C'est  à  eux  que 
anciens  durent  toutes  les  connais 
sauces  géogiapliiipies  qu'ils  avaient 
sur  le  golfe  Arabique  et  l'océan  In- 
dien ,  el  dont  il  ne  nous  est  resté 
qu'une  portion  bien  incomplète  et 
bien  confuse.  C'est  à  ces  voyages 
intéressants  qu'il  faut  attribuer  l'o- 
rigine de  tous  ces  noms  grecs  dis- 
séminés sur  les  pl'tgcs  orientales  jus- 
qu'aux extrémités  du  monde.  De  mê- 
me que  les  navigateurs  modernes  , 
les  officiers  envoyés  par  les  Plolé- 
raéesse  plaisaient  à  transporter,  dans 
des  régions  éloignées,  les  souvenirs 
de  la  patrie;  et  ils  aimaient  à  don- 
ner aux  nouvelles  terres  (pi'ils  dé- 
couvraient ,  les  noms  de  leurs  souve- 
rains ou  de  leurs  compagnons,  com- 
me des  témoignages  immortels  des 
belles  entreprises  qu'il  n'était  pas 
moins  glorieux  de  concevoir  que 
d'exécuter.  Les  îles  de  Dioscoride, 
d'Agathoclcs,de  Timagcnes,  de  Polj. 


PTO 

be,  de  Socrate,  de  Straton  ,  de  My- 
ron,  d' Agathon,  de  Diodore  et  de  Phi- 
lippe; les  ports  de  Scrapion,  d' Anti- 
pluie  et  de  Pylhangefliis  ;  les  promon- 
toires Pytholaiis  et  Diogenes,  nous 
ont  certainement  conserve  les  noms 
de  hardis  navigateurs ,  depuis  long- 
temps oublies,  mais  qui  furent  aussi 
célèbres  dans  les  siècles  où  ils  vécu- 
rent, que  le  sont  parmi  nous  les  Cook, 
les  Bongainville,  les  LaPèrouse.  Ti- 
raoslhcues ,  qui  avait  déjà  remonté 
le  JXil  jusqu'à  Meroé,fut  aussi  char- 
gé par  PliilaJelphc  d'explorer  les 
côtes  du  golfe  Arabique.  Des  mis- 
sions pareilles  furent  confiées  à  Aris- 
ton  ,  à  Salyrus  et  à  PLudème.  Le  roi 
d'Egypte  ne  se  borna  pas  à  ces  na- 
vigations déjà  fort  utiles  par  elles- 
mêmes  :  il  fit  partir  des  flottes  qui 
couvrirent  les  cotes  de  la  Troglody- 
tique  et  de  l'Ethiopie,  d'établisse- 
ments maritimes  ,  ou  de  colonies 
militaires  et  marchandes  ,  destinées 
à  faire  respecter  ou  à  étendre  sa  puis- 
sance dans  ces  parages  si  éloignés  de 
ses  états.  Le  premier  de  ces  établis- 
sements fut  la  ville  de Philotéras, sur 
la  côte  égyptienne  de  la  mer  Rouge  ; 
elle  fut  bâtie  par  Satyrus  ,  qui  avait 
été  chargé  de  reconnaître  les  côtes 
de  la  Trogloclytique  et  les  lieux  pro- 
pres à  la  chasse  des  éléphants  :  il 
lui  donna  le  nom  d'une  sœur  du  roi. 
Arsinoé  bâtie  plus  au  sud  ,  au  fond 
du  golfe  de  Charandra ,  était  arrosée 
par  un  ruisseau  qui  reçut  le  nom  de 
Ptolemœïis;  elle  n'était  pas  bien  éloi- 
gnée de  Mj'os-hormos,  s^nlrc  établis- 
sement du  même  genre  encoreplusau 
sud.  Bérénice  dont  on  a  cru  récem- 
ment avoir  retrouvé  les  ruines  ,  fut  la 
plus  méridionale  des  villes  élevées 
sur  le  rivage  du  désert  qui  sépare  la 
partie  égyptienne  du  Nil ,  de  la  mer 
Rouge.  Bien  loin  au  midi,  sur  la 
côte  de  la  Troglodytique  ,  on  Irou- 


PTO 


2o5 


vait  la  ville  de  Ptolémaïs,  surnom- 
mée Epitheras  ,  située  dans  une 
presqu'île,  non  loin  d'un  lac  appelé 
Monoléus  :  comme  elle  était  bâtie  au 
milieu  même  du  pays  où  se  faisait 
la  chasse  aux  éléphants,  elle  tira  de 
celte  circonstance  son  surnom  d'^"- 
pilheras  (c'est-à-dire  pour  lu  chas- 
se). Elle  fut  fondée  par  Eudème  ,  qui 
avait  été  envoyé  après  Salyrus ,  pour 
faire  ces  établissements  de  chasse.  Les 
barbares  du  voisinage  voulurent  le  re- 
pousser; Eudème  fut  obligédcrecou- 
rir  aux  armes  :  des  fortifications  le 
mirent  d'abord  à  l'abri  de  leurs  atta- 
ques ;  il  parvint  ensuite  à  gagner  la 
confiance  de  ces  peuples,  et  il  finit  par 
faire  alliance  avec  eux.  Une  chaîne 
non  interrompue  d'établissements,  de 
forts,  de  stations  commerciales  qui 
s'étendaient  bien  loin  au  sud-est, 
jusqu'au  détroit  de  Bab-el-mandcb  , 
et  même  bien  au-delà  ,  assuraient 
aux  Grecs  la  possession  et  le  com- 
merce exclusif  de  toutes  les  côtes 
africaines.  Parmi  toutes  ces  villes, 
dont  les  ruines  attestent  peut-être 
encore,  sur  ces  plages  lointaines,  tous 
les  efforts  du  génie  entreprônant  des 
Grecs,  on  remarquait  une  autre  ville 
de  Bérénice ,  située  dans  un  canton 
habité  par  des  Sabéens  ,  qui  étaient 
sans  doute  venus  delà  côte  opposée. 
C'est  cette  ville  que  Pline  appelle  (iib. 
VI,  c.  y.9  )  Bérénice  Fanchrjsos , 
surnom  qu'elle  devait  probablement 
aux  abondantes  mines  qui  se  trou- 
vaient dans  son  voisinage.  Plus  loin 
était  encore  une  autre  Arsinoé ,  eten- 
fin  une  nouvelle-^emî/cesurnommée 
Epidiré ,  parce  qu'elle  était  placée 
dans  la  partie  la  plus  resserrée  du 
détroit  qui  unit  le  golfe  Arabique 
avec  la  mer  Erythrée ,  auprès  du  cap 
Dire,  qui  commandait  la  sortie  de 
ce  détroit.  L'or ,  l'argent ,  les  perles  , 
les  pierres  précieuses ,  l'ivoire ,  les 


3o6 


PTO 


aromates ,  en  un  mot  toutes  los  pro- 
ductions rares  et  précieuses  de  ces 
re'gions  ,  appartenaient  alors  aux 
Grecs  ,  qui  les  portèrent  tians  le  res- 
te du  raontle;  et  elles  ue  contrib'iè- 
rcnt  pas  peu  à  élever  au  plus  haut 
dej;re'  l-i  splendeur  et  la  puis.-^ance  de 
l'empire  des  Ptolemees.  Il  ne  parait 
pas  que  les  Grecs  aient  tente  ,  à 
cette  époque,  de  faire  des  établisse- 
ments sur  la  côte  orientale  du  golfe 
Arabique  ,  ou  dans  les  mers  plus 
lointaines  :  les  nuligèiies  étaient  sans 
doute  trop  puissants  et  trop  civilises 
pour  le  souffrir.  Ces  côtes  furent  re- 
connues, mesurées,  explorées  etdécri- 
tes;  et  les  Grecs  se  bornèrent  à  y  né- 
gocier avec  les  Sabéens  ,  les  Minéens, 
les  Homeriti's  et  les  Indiens.  Ils  du- 
rent en  retirer  de  plus  grands  avan- 
tages ,  que  s'ils  avaient  voulu  s'y 
établir  à  main  armée.  Ce  sont-là  1rs 
entrepri>es  qui  distinguent  cminera- 
mcnt  le  règne  de  Ptolémée  Pliila- 
delphe,  entre  ceux  de  tous  les  autres 
princes  Lagides  ;  et  ce  sont  précisé- 
ment les  faits  que  les  modernes  ont 
néglige  le  plus  de  recueillir,  quoiqu'il 
soit  absolument  nécessaire  de  les  con- 
naître pour  se  faire  une  juste  idée  de 
la  puissaiif  e  des  rois  grecs  en  Egypte. 
De  plus ,  c'est  un  moyen  de  compren- 
dre plusieurs  points  de  l'histoire  de 
l'empire  égyptien  avant  l'invasion 
de  Cambyse  ;  car  c'est  à  l'cxeniplc 
des  anciens  rois  que  Philadelphe  fit 
rouvrir  le  canal  des  deux  mers,  creuse' 
autrefuis,  à  ce  qu'on  raconte,  par 
Sésostris  ;  et  c'est  encore  en  les  imi- 
tant, qu'il  couvrit  les  côtcsdc  la  mer 
Rouge  de  ses  Hottes  et  de  ses  colo- 
nies militaires  et  commerciales.  De 
nombreuses  colonies  égyptiennes  s'é- 
taient anciennement  répandues  dans 
ceç  parages.  Partout  les  olViciers  de 
Philadelphe  trouvèrent  d'antiques 
monuments  des  rois  ses  prédéccs- 


PTO 

seurs  ,  ils  virent ,  au-delà  du  détroit 
de  Bab-el-mandeb  sur  la  côte  Mo- 
sylitiqiie  ,  des  colonnes  triomphales 
qui  y  subsistent  peut-être  encore , 
et  qui  étaient  destinées  à  marquer 
le  terme  des  conquêtes  de  Sésostris 
vers  ces  plages  lointaines.  La  plupart 
du  temps  ,  les  navigateurs  grecs  ne 
filent  que  rétablir  tl'auciens  établis- 
sements égyptiens ,  dont  ils  piireut 
possession ,  en  relevant  leurs  ruines 
et  en  leur  imposant  de  nouveaux 
noms.  Les  successeurs  de  Philadel- 
phe surent  parfaitement  apprécier 
l'importance  de  ces  établissements  , 
qui  ne  furent  jamais  abandonnés  sous 
leur  règne.  Plusieurs  rois,  et  Evcrge- 
tcs  H  entre  autres  ,  y  donnèrent  une 
attention  particulière. Il  ne  p.uaitpas 
que  les  Romains,  ajirès  la  mort  de 
('>léop;îlrc  ,  aient  pris  possession 
de*-es  dépendances  si  éloignées  de 
l'Kgvjile  :  elles  se  conservèrent  ce- 
pendant ;  et  elles  furent  visitées  par 
les  navigateurs  grecs  et  romains  ,  (pii 
négociaient  dans  les  mers  orientales. 
Un  prince  aussi  avide  dedécou\ertes 
et  de  connaissances  nouvelles  que  l'é- 
tait Philadelphe, devait  aimer  les  let- 
tres :  son  nom  est  encore  cité  avec 
honneur  parmi  ceux  des  jirinccs  qui 
accordèrent  la  plus  haute  et  la  plus 
noble  protection  aux  savants  j  et 
l'histoire  ne  peut  lui  reprocher  que 
la  rigueurdont  il  usa  envers  l'illustre 
Démétriusde  Phalère(  Foj.  Di'mi'- 
Tr.ius,  XI.  4**  )•  Sous  le  règne  de 
Philadelphe  ,  la  bibliothèque  d'A- 
lexandrie ,  fondée  par  son  père, 
fut  achevée.  11  n'épargna  ni  les 
rjccherchcs  ,  ni  les  dépenses  ,  pour 
y  réunir  une  immense  quantité  de 
monuments  littéraires, qu'il  fit  ache- 
ter ou  copier  dans  les  pays  les  plus 
éloignés.  C'est  alors  ,  si  l'on  en  croit 
une  tradition  très-ancienne  et  très- 
répandue  ,  que  fut  exécutée  la  pre- 


PTO 

luière  version  des  Livrts  saints  en 
langue  j^recque.  Quoique  le  récit 
détaillé  de  l'entreprise,  que  l'anti- 
quité nous  a  laisse  (  T^.  Arisile),  ne 
soit  peut  être  pas  vrai  dans  toutes 
ses  circonstances  ,  il  peut  néanmoins 
contenir,  et  nous  pensons  qu'il  con- 
tient en  efFetun  certain  nombre  d'in- 
dications exactes  sur  l'origine  de 
cette  version  fameuse,  la  seule  qui  eut 
cours  chez  les  fidèles  pendant  les 
premiers  siècles  deTEglise.  Comme, 
dès  l'époque  même  de  la  fondation 
d'Alexandrie,  les  Juifs  vinrent  en 
grand  nombre  s'établir  dans  cette 
ville ,  qu'ils  y  obtinrent  de  grands 
privilèges  sous  Ptolémée  Soter,  et 
qu'ils  s'y  multiplièrent  beaucoup  , 
ils  durent  fixer  l'attention  de  Plii- 
ladelphe  d'une  manière  particulière; 
et  comme  la  langue  grecque  était 
déjà  très-répandue  parmi  eux,  rien 
n'empêche  de  croire  que ,  sous  le  rè- 
gne de  ce  dernier,  ils  n'aient  eu  eux- 
mêmes  besoin  de  traduire  les  Livres 
saints  dans  un  idiome  qui  leur  était 
familier.  Ce  n'est  pas  en  se  bornant 
à  rassembler  ,  à  grands  frais ,  une 
multitude  de  livres  ,  que  le  roi  d'E- 
gypte manifesta  son  amour  pour  les 
lettres:  sa  munificence  ne  se  signala 
pas  avec  moins  d'éclat  en  faveur  des 
savants  ,  et  de  tous  les  hommes  dis- 
tingués par  un  mérite  ou  des  ta- 
lents éminents.  Ses  bienfaits  allaient 
les  chercher  partout;  et  une  multi- 
tude de  poètes,  de  savants  et  de  phi- 
losophes vinrent  à  sa  cour ,  de  toutes 
les  parties  de  la  Grèce.  Parmi  eux 
on  voyait  Slraton  de  Larapsaqiie  , 
qui  avait  été  son  précepteur,  Theo- 
crite  de  Syracuse ,  Callimaque  ,  Ly- 
cophron  de  Chalcis ,  les  autres  poè- 
tes qui  forment  la  célèbre  pléiade 
poétique  d'Alexandrie  ,  le  fameux 
critique  Zoïle  ,  et  beaucoup  d'au- 
tres. L'antiquité  qui  nous  a  conserve' 


PTO  ao7 

une  quantité  de  faits  sufîlsanle  pour 
donneruneassezjuste  idécdes  choses 
glorieuses  entreprises  par  Philadcl- 
phe  afin  d'étendre  la  prospérité  de 
son  empire,  ne  nous  a  transmis  qu'un 
très-petit  nombre  de  renseignements 
isolés  sur  les  événements  politi- 
ques au  milieu  desquels  il  se  trou- 
va. 11  est  facile  de  juger  que,  sous 
son  règne,  l'Egypte  garda  toute  la 
prépondérance  que  Ptolémée  Soter 
avait  su  lui  donner  :  mais  il  nous 
est  difficile  de  voir  d'une  manière 
bien  nette  la  part  qu'elle  prit  dans  les 
sanglants  démêlés  qui  continuaient 
de  diviser  les  successeurs  d'Alexan- 
dre. Tandis  que  l'Egypte  conservait 
la  paix  dont  elle  avait  joui  les  derniè- 
res années  de  Soter,  des  haines  et  des 
crimes  atroces  troublaient  la  cour 
de  Lysimaque.  La  fuite  de  Ptolémée 
Céraunus  ,  frère  de  Philadelphe,  en 
avait  été  le  signal.  Céraunus  avait 
cherché  un  asyle  chezleroi  deTlirace, 
parce  que  sa  propre  sœur  Lysandra 
avait  épousé  Agatlioclès  ,  fils  de  ce 
prince.  Arsinoé, femme  du  vieux  Ly- 
simaque ,  également  sœur  de  Cérau- 
nus, mais  née  d'une  autre  mère,  de 
Bérénice  qui  avait  aussi  donné  la  nais- 
sance à  Philadelphe  ,  craignit  d'être 
un  jour  victime  de  la  haine  qui  divi- 
sait les  deux  frères.  Des  crimes  dont 
on  peut  voir  ailleurs  le  détail  (  Foj. 
Ptolemée  Cébaunus ,  pag.  260 
ci-après  )  ,  amenèrent  la  mort  d'A- 
gathoclès  et  une  nouvelle  fuite  de 
Céraunus  ,  qui  se  retira  auprès  de 
Seleucus ,  avec  sa  sœur  Lysandra. 
Le  roi  de  Syrie  résolut ,  sur  ses  ins- 
tances, de  faire  la  guerre  à  Lysima- 
que ,  et  s'engagea  de  plus  à  le  placer 
sur  le  trône  d'Egypte  ,  après  la  mort 
de  son  père.  C'est  alors  que  Phila- 
delphe sollicita  et  obtint  la  main 
d'Arsinoé,  fille  de  Lysimaque,  et  qu'il 
contracta  une  intime  alliance  avec  ce 


ao8 


PTO 


prince.  Sotcr  nioiinit  vers  la  même 
époque;  et  les  hostilités  entre  Selcu- 
cus  et  Lvsimaquc  ne  tardèrent  pas  ,'i 
commencer.  La  guerre  lut  bientôt 
terminée  par  la  mort  du  roi  de  Thra- 
ce,qiii  périt  sur  le  champ  de  bataille. 
Alors  Céraunus  pressa  Selcucusd'sc- 
coniplir  sa  promesse:  mais  ses  dé- 
lais ou  ses  refus  irritèrent  tellement 
le  bouillant  fils  de  Sotcr  ,  qu'il  assas- 
sina Seleucus.sept  mois  après  la  mort 
de  Lvsimaque.  Tous  ces  événements 
mirent  Arsinoc,  veuve  de  ce  dernier 
roi,  entre  les  mains  de  son  implaca- 
ble frère.  Cette  princesse  s'était  re- 
tirée dans  Cassandrce  ,  la  seule  des 
villes  de  son  rovaume  qui  n'eût  pas 
subi  le  jo'ig  du  vainqueur.  Céraunus 
sut  l'en  tirer  par  de  feintes  démons- 
trations d'amitic.  Quoi(pie  le  caractè- 
re perfide  et  cruel  de  ce  monarque  lût 
bien  coniui  d'Arsinoé,  elle  fut  trom- 
pée par  ses  promesses  insidieuses  ,  et 
elle  consentit  à  l'épouser.  A  peine 
cette  malheureuse  princesse  et  ses 
enfants  furent  ils  en  la  puissance  de 
Céraunus  ,  (pie  celui-ci,  foulant  aux 
pieds  les  terribles  serments  (pi'il  avait 
prononcés  devant  les  dieux  de  leur 
commuile  patrie,  et  guidé  par  sa 
cruelle  ambition  autant  que  par  la 
haine  profonde  qu'il  ressentait  pour 
sa  sœur  et  pour  la  race  de  Lvsima- 
que,  s'abandonna  à  tous  les  trans- 
ports de  sa  fureur.  Les  noces  étaient 
à  peine  achevées;  .\rsiuoé  venait  d'ê- 
tre décorée  du  diadème  avec  ses  deux 
fils  Lysimaque  et  Philippe,  quand 
Céraunus  se  rendit  avec  son  armée 
dans  Cassandrée  ,  qui  avait  été  le  Ii(;u 
de  refuge  de  cette  famille  infortunée. 
Aussitôt  il  s'empare  de  la  place  ,  et, 
jetant  le  masque,  il  ordonne  le  meur- 
tre des  enfants  de  Lysimaque.  Ils 
furent  immolés  dans  les  bras  mêmes 
de  leur  mère,  qui,  livrée  au  plus  vio- 
lent désespoir,  alla  se  réfugier  dans 


PTO 

l'île  r^ve're'e  de  Samothrace  ,  où  elle 
trouva  au  pied  des  autels  un  asylo 
contre  les  fureurs  de  son  exéciabic 
frère.  Elle  resta  dans  ce  lieu  inviola- 
blejusqu'à  ceque  Philadephela  filrc- 
den)ander  à  Sosthènes ,  qui  gouverna 
la  Macédoine  après  la  mort  deCérau- 
uus  ,  et  l'expulsion  de  IMcléagre,  qui 
avait  cherché  à  monter  sur  le  trône 
après  lui.  .Après  tant  de  misèics  et 
d'infortunes.  .Arsinoé  goûta  eidin  le 
repos  et  !e  bonheur  à  la  cour  d'un 
frère  qui  l'aim.iit  tendrement.  Cette 
amitié  si  vive  excita  la  jalousie  de  la 
fille  de  Lysimaque  ,  qui  avait  épouse 
Philadolphc  ;  et  de  concert  avec 
Amyntaset  Chrysippeson  médecin, 
elle  forma  le  projet  de  faire  périr  sou 
mari.  Ses  complices  ex|)ièreiit  par 
leur  mort  ce  criminel  dessein  :  pour 
la  reine  ,  Pliiladelphe  se  contenta  , 
en  la  répudiant ,  de  la  dépouiller  du 
titre  suprême,  et  de  la  reléguer  à 
Coptos,  dans  la  Thebaidc,  où,  plus 
tard,  elle  reçut  la  mort  par  les  ordres 
de  son  mari.  Hieiitôt  après  il  associa 
à  l'empire  et  épousa  sa  sœur  ché- 
rie. Il  avait  déjà  trois  enfants  de 
sa  première  fenrtnc  :  il  n'en  eut  au- 
cun de  sa  sa-nr  ,  trop  âgée  alors 
pour  être  encore  m  rc.  Les  enfants 
de  son  frère  lui  tinrent  lieu  des 
(ils  qu'elle  avait  perdus  :  elle  eut 
pour  eux  toute  la  tendresse  d'une 
mère.  C'est  sans  doute  vers  la  même 
époque  ,  qu'une  conspiration  d'Ar- 
gée,  frère  de  Philadeij)lie,  fut  décou- 
verte et  punie.  Lnc  entreprise  sem- 
blable de  son  autre  frère  Mcic'agre  , 
qui,  après  son  cxj)iilsion  de  la  M.icé- 
doine,  avait  obtenu  im  asyle  dans 
l'île  de  Cypre  ,  n'eut  pas  plus  de  suc- 
cès. Vainement  ce  iMéléagre  voulut 
soulever  cette  île  ;  il  fut  pris  cl  mis 
à  mort.  Sous  le  gouvernement  de 
Philadelphe  ,  l'Egypte  était  restée 
long  -  temps  étrangère  aux  événe- 


PTO 

menls  politiques  qui  agitaient  la 
scène  du  monde.  Apres  la  mort  de 
Pyrrhus,  roi  d'Epire  ,  qui  fut  tue' 
dansArgos  en  l'an  272,1a  Grèce  en- 
tière se  vit  sur  le  point  d'être  envahie 
par  les  armées  d'Anligone,  fils  de  De- 
inëtriiis,roi  de  Macédoine;  et  elle  im- 
plora l'assistance  de  Ptolcmce.Patro- 
cle  lut  charge  d'aller  secourir,  avec 
une  flotte  considérable,  le  roi  de  La- 
cédcmone  Are'us  ,  chef  des  Grecs  li- 
gne's  contre  les  Macédoniens.  Anti- 
gène était  en  guerre  avec  les  Gau- 
lois :  les  alliés  remportèrent  donc  , 
sans  peine ,  quelques  succès  ;  mais 
quand  ce  prince  revint  triomphant , 
ils  n'osèrent  lui  résister ,  et  firent 
précipitamment  leur  retraite.  Anli- 
gone  vint  attaquer  les  Athéniens  , 
qui  demandèrent  du  secours  à  Phi- 
iadclphe  ;  et  Palrocle  rejjassa  la  mer 
])Our  les  soutenir.  Aréus  se  l'emit  aus- 
si en  campagne  ;  leurs  armées  réu- 
nies tentèrent  de  faire  lever  le  siège 
d'Athènes.  Aréus  battit  les  troupes 
d'Antigonej  mais  il  ne  put  sauver  la 
ville  :  bientôt  il  fut  contraint,  par  le 
manque  de  vivres,  de  songer  à  la  re- 
traite; et  Athènes,  obligée  de  recevoir 
une  garnison  macédonienne ,  n'en 
fui  délivrée  qu'en  256,  lorsqu'Anti- 
gone  rappela  ses  soldats  pour  résister 
à  une  invasion  faite  en  Macécloinepar 
Alexandre,  fils  de  Pyrrhus,  Par  recon- 
naissance envers  Philadelphe ,  les 
Athéniens  donnèrent  alors  le  nom 
de  Ptolémaïs  à  une  de  leurs  tribus. 
Plus  tard  ,  le  roi  d'Egypte  eut  à 
soutenir  une  guerre  plus  sérieuse  , 
mais  qui  cependant  n'eut  aucun  zé- 
sultat  fâcheux  pour  son  royaume. 
Magas,  son  frère  utérin,  gouvernait 
la  Cyrénaïque,  depuis  1^  mort  d'O- 
phellas  :  il  était  resté  long -temps 
fidèle  à  son  beau -père,  et  ensuite  à 
son  frère;  mais  excité  par  sa  femme 
Apame'e,  fille  d'AntiochusSoter,  roi 

XXXVI. 


PTO 


209 


de  Syrie ,  il  se  révolta ,  et  prit ,  à  ce 
qu'il  paraît,  le  titre  de  roi,  puis 
marcha  contre  l'Egypte,  avec  des 
forces  considérables.  Il  s'empara  de 
Parétonium,  ainsi  que  de  presque 
toute  la  Libye  maritime;  et  déjà  il 
touchait  aux  frontières  de  l'Egyj)- 
te,  quand  la  nouvelle  de  la  révolte 
des  Marmaridcs  le  contraignit  de  re- 
tourner à  Cyrène.  Cependa)!t  Phila- 
delphe était  en  mesure  de  se  défen- 
dre :  il  attendait  de  pied  ferme  les 
Cyrénéens  ,  et  il  se  préparait  à  pour- 
suivre Magas  dans  sa  retraite  ,  lor>- 
que  la  rébellion  de  ses  troupes  mer- 
cenaires vint  l'arrêter  dans  sa  mar- 
che. Quatre  raille  Gaulois,  qui  étaient 
à  son  service  ,  voulurent  se  rendie 
maîtres  de  l'Egypte,  et  il  se  vit  obU- 
gé  de  tourner  ses  armes  contre  eux; 
il  réussit  enfin  à  les  renfermer  dans 
une  des  îles  du  Nil ,  non  loin  de  la 
bouche  Scbeunytique  ,  où  il  les  fit 
tous  périr.  La  guerre  ne  tarda  pas 
à  se  rallumer  entre  Philadel|)he  et 
Magas  :  celui  -  ci  fut  encore  l'agres- 
seur ,  et  il  parvint  à  engager  dans 
sa  querelle  son  beau  -  père  Antio- 
chus  Soter.  Cette  diversion  ne  lui 
fut  pas  d'une  grande  utilité  ;  car 
Philadelphe  se  hâta  de  prévenir  le 
roi  de  Syrie  ,  en  faisant  attaquer  les 
états  de  ce  piince  par  tons  les  peu- 
ples barbares  qui  étaient  ses  voisins. 
Les  entreprises  de  Magas  n'eurent 
pas,  de  leur  côté,  beaucoup  plus  do 
succès.  La  guerre  traîna  en  longueur: 
Magas  proposa  de  marier  sa  fille  uni- 
que Bérénice  ,  au  fils  de  Pîoléniée 
de  manière  à  réunir,  après  lui,  l'E- 
gypte et  la  Gyienaï(jue  sous  tm  mê- 
me monarque  ;  mais  il  mourut  avant 
la  conclusion  du  mariage.  Sa  veuve 
Apamée,  qui  n'avait  consenti  qu'à  re- 
gret à  cette  union,  s'empressa  d'en- 
voyer en  Macédoine  offrir  la  couronne 
et  la  main  de  .=a  fille  à  Démétrius,  frè- 

i4 


2IO  PTO 

re  (l'Aniij;oiiP  ,  né  du  célèbre  Deiuc- 
iritis  Pdliorcctcs  ,  et  de  Ptolcnia'is  , 
GIledoPtolémccSotcr.CcpiiMCc  arri- 
va biontùt.iCyrciic.Sa  beauté  lui  ga- 
p;na  le  cœur  de  la  reine;  mais  sa  hau- 
teur le  rendit  odieux  au  reste  de  la 
famille  rov.ile  ,  aux  grands  et  à  l'ar- 
mée. Tout  le  monde  fut  contre  ^ui  ; 
et  Hérc'nire,  qu'il  était  venu  épouser, 
se  mit  à  la  tcledu  complot.  Les  cou- 
jurés  vinrent  ratta(|ucr  (!ans  le  pa- 
lais, et  rimniolcrcnt  dans  le  lit  même 
de  la  reine,  qui  faillit  périr  elle-raè- 
me  en  voulant  le  défendre  :  sa  fille 
Ijcrénicc  eut  beaucoup  de  peine  à  la 
tirer  de  liiir<;  mains.  .Après  une  aussi 
tcrril>le  ra!a.stro|)lic,  .Apaniée  se  re- 
tira en  Svi  ic  ,  auprès  de  son  frère 
Anliochus  le  Dieu  ;  et  Bérénice  alla 
épouser  ,  .1  Alexandrie  ,  le  lils  de  Plii- 
ladelphc.  l.a  fuite  d'Apamée  amena 
entre  les  rois  d'Eizypte  et  de  Syrie 
une  guerre  qui  fut  longue  et  cruelle  , 
mais  dont  on  ne  connaît  pas  les  cir- 
consliuces.  A  la  fin  ,  les  deux  rois  . 
également  las  d'\uic  lutte  désastreuse, 
convinrent  de  faire  la  paix.  Philadel- 
phcdunnasa  (illc  Bérénice  pourépou- 
.sca  .\nliochus.  qui  avait  déjà  des  en- 
fants de  Lao'lice  sa  femme,  encore 
vivante  ;  et  il  y  joignit  la  condition 
que  la  couronne  de  Svrie  reviendrait 
aux  enfants  de  sa  fille.  Cette  clause 
semble  indiquer  que,  dans  cette  guer- 
re ,  lavanlage  avait  été  pour  le  roi 
d'Egvpte.  Ptolémée  dota  rirliemcnt 
sa  fille,  et  la  conduisit  lui  -  même 
par  mer  à  Séicucie-  sur-l'Orontc  , 
cil  ses  noces  avec  .Antioclius  furent 
célébrées  avec  la  plus  grande  magni- 
ficence. La  reine  Arsinoé,  femme  de 
Phîladclplie  ,  mourut  peu  après  son 
retour.  Le  roi  chargea  l'architecte 
Dinocratc  de  lui  élever  un  tem- 
ple magnifique  à  Alexandrie  ;  et  cet 
édifice  n'était  pas  achevé  quand  il 
mourut  lui-même,  en  l'an  ^47,  à  l'â- 


PTO 

ge  de  soixante-trois  ans,  après  un  rè- 
gne de  trente-huit  ans ,  laissant  d'Ar- 
sinoé,  fille  de  I-ysimaquc  ,  trois  en- 
fants ,  Ptolémée  Evergeles  ,  son  suc- 
cesseur, Lysimacpic  et  Bérénice.  Il 
avait  eu  un  grand  nombre  de  maî- 
tresses, Didvma  ,  Biblystichc,  Aga- 
thoclée,  Stratonice  et  beaucoup  d'au- 
tres. Plusieurs  belles  médailles  d'or, 
frappées,  sans  doute,  sous  le  règne 
d'Kvergetes,  nous  présentent  les  traits 
de  Philadelphe  et  d'Arsinoé  ,  et  au 
reveVs  les  images  de  Soter  et  de  Bé- 
rénice. D'un  côté,  on  lit  la  légende 
«EP-N  SiiTIIPnN,  des  dieux  sau- 
veurs ,  et  de  l'autre,  WKUN  AAKA- 
<I'ii\  ,  des  dieu t  frères;  telle  est 
la  manière  constante  de  désigner  Phi- 
laïK'Iplie  et  Arsinoé  sur  les  moiiii- 
menls  de  l'I'.gypte.  C'est  prol).d)lc- 
ment  à  la  tendre  amitié  (pi'il  avait 
pour  sa  sœur ,  que  le  second  des 
Ptolémécs  dut  le  surnom  de  Phila- 
delphe ,  qui  fut,  à  ce  quM  paraît, 
en  usage  de  son  temps  ,  comme  nous 
en  avons,  au  reste,  la  |)reuve  irrécu- 
sable dans  une  belle  médaille  d'or  de 
la  reine  Arsiiu)é,  qui  porte  la  légende 
AI'ÏINOFIi;  'M  NAAKA'I'OV  ,  d'ylrsi- 
noé- Philadelphe  ^  et  la  date  Van  33 
LAF  du  règne  de  son  mari.  Cette  date 
qui  se  rapporte  aux  années  Ol^i  et 
a5 1  avant  J.-C. ,  ne  peut  s'appliquer 
qu'à  la  seconde  des  femmes  de  Pto*- 
lémée.  On  peut  induire  de  là  cpie  tou- 
tes les  autres  médailles  ,  sans  date, 
qui  présentent  la  même  tète  et  la  mê- 
me légende,  appartiennentà  la  même 
reine  .  et  non  a  la  première  Arsinoé, 
fille  (Je  Lysimaque.  Il  n'est  guère  pié- 
sumable  qu'une  femme  qui  avait  par- 
tagé si  peu  de  temps  le  trône  ,  qui 
avait  voulu  aHenter  aux  jours  de  son 
mari ,  et  qui  avait  été  mise  à  mort 
par  ses  ordres  ,  ait  jamais  pu  parti- 
ciper aux  honneurs  divins  iéscrvés  , 
en  Egypte  ,  à  tous  les  souverains 


PTO 

morts  ,  même  sous  le  rh^xie  de  Pto- 
le'mc'e  Evcrgctes  ,  son  propre  fils. 
Sur  la  fameuse  iuscriplion  d'Adnlis, 
ce  prince  se  dit  bien  positivement 
fils  des  dieux  y4delphes  ,  enfants 
des  dieux  Soters ,  de  manicpc  à  lais- 
ser peu  de  doute  à  cet  e'j^ard.  11  est 
probable  aussi  que  la  prêtresse  on 
canéphore  d'Arsinoe-Philadelphe  , 
raentiomieedans  l'inscription  de  Ro- 
sette ,  et  dans  les  actes  publics  de 
l'Egypte,  exerçait  son  ministère  en 
l'honneur  de  la  même  princesse  ,  et 
«ion  de  la  première  Arsinoe  ,  comme 
le  pensent  quelques  personnes  qui 
croient  que  cette  institution  fut  fon 
dee  par  Évergetes  P'.,  eu  l'honneur 
de  sa  propre  mère.  Cette  opinion 
ne  peut  être  définitivement  admise 
ou  rejetée,  que  quand  on  aura  de- 
couvert  des  monuments  des  premiè- 
res années  de  Philadelphe  ,  qui,  en 
nous  instruisant  des  surnoms  que 
portait  alors  ce  prince  ,  nous  ap- 
prendront ceux  que  sa  première 
femme  a  pu  porter.       S.  M — n. 

PTOLÉiMÉE  TIT,  surnommé 
EvERGÈTES  (le  Bienfaisant  ),  {\\s  du 
précédent ,  avait  épousé  sa  cousine 
Bérénice ,  fille  de  Magas ,  roi  de 
Cyrène.  Il  était  âgé  d'environ  tren- 
te-six ans  ,  quand  il  monta  sur  le 
trône  :  ses  années  royales  comptè- 
rent du  2  j  ocf.  '.147  avant  J.-C. , 
jusqu'au  18  octobre  ill  .  qui  mar- 
que le  commencement  du  règne  de 
Ptoléraée  Philopalor  son  fils.  Ever- 
getes avait  à  peine  placé  sur  sa  Icte 
la  couronne  d'Egypte  ,  qu'il  fut  en- 
gagé dans  une  guerre  longue  et  opi- 
niâtre ,  contre  le  roi  de  Syrie.  Aussi- 
tôt que  Philadelphe  fut  mort ,  An- 
tiochus  II ,  rappelé  auprès  de  sa 
première  femme  par  l'amour  qu'il 
avait  conservé  pour  elle,  s'empressa 
de  répudier  Bérénice ,  sœur  d' Ever- 
getes :  mais  bientôt  Antiochus  périt 


PTO 


121 1 


empoisonne,  dit-on,  par  Laodice  qui 
redoutait  un  nouveau  changement  de 
son  mari  ;  et  elle  fit  déclarer  roi  son 
fils  aîné  Sélcucus  ,  surnommé  Cal- 
linicus  au  préjudice  du  fils  de  Bé- 
rénice ,  qui  ,  par  le  traite  conclu 
avec  l'Egypte  ,  devait  hériter  du 
trône.  Bérénice  prit  alors  la  fuite 
avec  son  fils  ,  et  s'enferma  dans 
Daphné,  auprès  d'Antioche  ,  où  el- 
le fut  assiégée  par  les  troupes  de 
Séleucus.  Cependant,  comme  le  siège 
traînait  en  longueur,  que  beaucoup 
de  provinces  se  déclaraient  pour  Bé- 
rénice, et  que  son  frère  ie  roi  d'E- 
gypte ,  se  préparait  à  venir  à  son 
secours  ,  on  employa  la  ruse.  Une 
paix  trompeuse  livra  Bérénice,  et 
son  fils  à  leurs  ennemis  ,  qui  les 
firent  assassiner  l'un  et  l'autre.  Ce 
pendant  les  femmes  de  Bérénice  fei- 
gniicnt  que  celte  princesse  avait 
été  seulement  blessée  ;  une  d'entre 
elles  joua  le  personnage  de  la  reine  : 
elles  s'enfermèrent  dans  le  palais  ,  et 
y  résistèrent  aux  attaques  des  parti- 
sans de  Sélcucus,  tandis  que  par  leurs 
lettres  elles  pressaient  Évergetes  de 
venir  délivrer  sa  sœur.  Ce  stratagème 
fut  très-utile  au  roi  d'Egypte,  qui  se 
mit  eu  effet  en  campagne  avec  une 
puissante  armée,  une  nombreuse  ca- 
valerie, et  une  grande  quantité  d'é- 
léphants. Une  flotte  était,  en  outre, 
destinée  à  seconder  les  opérations 
militaires.  Croyant  marcher  à  la 
délivrance  de  sa  sœur,  il  entra  en 
Syrie,  et  envahit  toutes  les  régions 
situées  eu  deçà  de  l'Eu|)hrate. Toutes 
les  villes  de  ces  provinces  embras- 
sèrent son  parti  ;  il  soumit  la  Cili- 
cie  ,  l'ïonie ,  la  Pamphylie  et  toiUe 
l'Asie -Mineure.  De  rapides  succès 
accompagnèrent  partout  ses  armes. 
N'ayant  pu  sauver  sa  sœur,  il  voulut 
au  moins  la  venger,  passa  l'Euphra- 
te  ,  et  conquit  la  Mésopotamie,  la 

14.. 


2ia  PTO 

lî.ibjlonic ,  la  Susiane  et  la  Mëdie.  Si 
l'on  admet  à  la  letlie  le  tëmoi{;nagc 
de  la  célèbre  inscription  d'Adulis  , 
Évcrgètcs  aurait  encore  envahi  la 
P»r.se  et  tous  les  pays  jusqu'à  la  Bac- 
triane,  de  sorte  qu'il  se  serait  rendu 
maître  de  prescpie  tout  l'empire  des 
Seleucitles.  Les  auteurs  anciens  ne 
nous  fournissant  aucun  de't.iil  sur 
celle  guerre,  il  nous  est  bien  dilli- 
cile  de  nous  en  faire  ime  juste  idée. 
Rien  ne  peut  remplir  cette  gran- 
de lacune  historique.  Quoi  qu'il  en 
soit,  il  paraît  que ,  sans  des  trou- 
bles survenus  et»  Egypte  ,  Everg  tes 
aurait  achevé  la  ruine  de  son  enne- 
mi. Ce  prince ,  en  revenant  dans 
.ses  états  ,  garda  la  Syrie ,  et  cé- 
da la  Cilicic  à  Antiochiis  surnom- 
mé Ilierax ,  frère  de  Séleucus  ,  qui 
s'était  joint  à  lui  contre  son  frère. 
Des  garnisons  égyptiennes  restèrent 
dans  la  plupart  des  villes  de  l'Asie 
Mineure.  Les  provinces  au  -  delà  de 
l'Kuplirate  furent  laissées  à  un  général 
nommé  X;intippe,chargéde les defen- 
dre.  Pour  le  roi,  il  rentra  en  Egypte 
avecd'immenses  dépouilles; Cl  parmi 
ses  trophées  ,  on  distinguait  les  sta- 
tues des  dieux  de  l'Egypte ,  que  Cara- 
byse  avait  autrefois  iransporlées  en 
Perse.  Ep  passant  par  Jérusalem, 
il  Gt,  dans  le  temple,  des  sacrifices  et 
de  magnifiques  oflrandes  au  vrai 
Dieu.  La  retraite d'Évergètes  donnant 
à  Scleucus  l'espérance  de  recouvrer 
ses  étals,  il  équipa  une  puissante 
flotte  pour  soumettre  les  villes  qui 
l'avaient  abandonné;  mais  ses  vais- 
seaux furent  détruits  parla  tempête. 
Ce  désastre  lui  procura  ce  qu'il 
n'aurait  peut  -  être  pas  dû  à  la  for- 
ce des  armes  :  toutes  les  villes  qu'il 
voulait  réduire  ,  se  soumirent  vo- 
lontairement. Après  un  tel  retour 
de  foi  tune,  Séleucus  se  crut  assez 
fort  pour  pousser  avec  vigueur  la 


PTO 

guerre  contre  le  roi  d'Egypte.  Il  se 
trompait  ;  il  fut  vaincu  :  Ptolémée 
rentra  dans  la  Syrie,  dont  Séleucus 
s'était  emparé,  envahit  la  Phénicie, 
prit  Damas  ,  Orthosia  ,  et  d'autres 
villes,  ce  qui  contraignit  leprincesc- 
leucide  à  se  retirer  précipitamment 
vers  Antioche.  Dans  cette  extrémité, 
ce  dernier  fit  offrir  à  son  frère  An- 
tiochns  la  souveraineté  des  provin- 
ces de  l'Asie  situées  au-delà  du  Tau- 
rus  ,  à  la  condition  qu'il  joindrait 
ses  forces  aux  siennes  ,  pour  résis- 
ter, de  concert,  au  roi  d'Egvpte. 
Cette  ligue  arièta  Ptolémée,  qui, ne 
voulant  pas  avoir  à  lutter  contre  ces 
deux  princes  à-la-fois  ,  conclut  avec 
Séleucus  une  trêve  de  dix  années. 
Après  cet  accord,  la  guerre  recom- 
mença entre  les  deux  frères  avec  une 
nouvelle  fureur.  Ptolémée  en  profita 
pour  rompre  plusieurs  fois  la  trêve, 
et  pour  ordonner  des  incursions  dans 
la  Syrie  ,  et  jusque  dans  la  Mésopo- 
tamie. C'est  dans  une  de  ces  expé- 
ditions qu'un  des  généraux  de  Sé- 
leucus ,  nommé  Andromaclius  ,  fut 
pris  par  les  troupes  de  Plolcmée ,  en 
poursuivant  Antioch us.  De  nouveaux 
revers  de  fortune  contraignirent  ce- 
lui-ci de  fuir  de  la  Cappadoce,  où 
il  avait  été  chercher  un  asyle,  et  de 
se  réfugier  en  Egypte,  où  il  croyait 
trouver  un  prolecleur  dans  la  per- 
sonne d'Evergètes.  Mais  ce  prince  , 
pour  le  punir  de  l'avoir  empê- 
ché d'achever  la  ruine  de  Séleu- 
cus ,  en  unissant  ses  forces  à  celles 
de  son  frère,  le  traita  en  ennemi, 
et  le  garda  long-  temps  prisonnier. 
Antiochus  ,  cependant ,  parvint  à 
s'échapper  ,  au  moyeu  d'une  courti- 
sane qui  l'aimait  beaucoup  ,  et  qui 
séduisit  ses  gardes.  Il  retourna  dans 
l'Asie-  Mineure,  où  il  continua  de 
faire  la  guerre  à  son  frère ,  à  Alla- 
le ,  roi  de  Pergame ,  et  à  tous  les  au- 


FTO 

très  souverains  de  cette  région.  C'est 
à  son  caractère  turbulent  et  auda- 
cieux qu'il  doit  le  surnom  d'Hierax 
ou  V Epeivier ,  qui  sert  à  le  distin- 
guer entre  tous  les  princes  de  la  ra- 
ce des  Séieucides,   désignes  par  le 
même  nom.  Il  est  diiHcile  de  fixer  la 
date  de  tous  ces  événements  ;  ils  ar- 
rivèrent entre    les    années  •2\!j    et 
227  avant  J.-C.    Jusqu'à  la  décou- 
verte de  la  Version  d'Eusèbe  en  ar- 
ménien, Justin  était  presque  le  seul 
écrivain  qui  nous  en  eût  conservé  le 
souvenir;  et  son  récit  est  trop  concis 
et  trop  confus  pour  que  l'on  puisse 
le  regarder   comme  un  guide  bien 
sur.  La  nouvelle  Chronique  contient 
l'indication  et  la  date  de  plusieurs 
faits  restés  inconnus  jusqu'à  présent, 
et  qui  pourraient  contribuer  à  éclair- 
cir  ce  point  obscur  de  l'histoire  an- 
cienne (i).  Pendant  que  l'Asie  était 
agitée  par  ces  guerres  sanglantes  , 
l'Égyple  ,  qui  les  entretenait ,  jouis- 
sait ,  à  ce  qu'il  paraît ,  d'un  profond 
repos:  Ptolémée  É  vergetés  passait  ses 
jours  dans  les  festins  et  les  plaisirs; 
de  là  le  surnom  populaire  de  Try- 
phon  ,  qui  lui  est  douné  par  plu- 
sieurs écrivains.   Ce  n'en  était  pas 
moins  un  prince  courageux  et  doué 
d'un  esprit  grand  et  généreux;  et  l'on 
peut   encore  le  compter  parmi  les 
rois  qui  illustrèrent  la  race  des  Ptolé- 
mées.  Après  lui ,  le  trône  d'Egypte 
ne  fut  plus  occupé  que  par  des  prin- 
ces presque  tous  indignes  de  régner. 
Sous  lui ,  la  cour  d'Alexandrie  con- 
serva ei.core  toute  la  splendeur  dont 
elle  avait  brillé  sous  son    père  et 
son  aïeul.    Les  sciences  et   les  let- 
tres y  furent  cultivées  ;  les  savants 
et  les  poètes  y  furent  comblés  d'hon- 
neurs et  de  récompenses.  Ce  monar- 
que   ne  négligea  pas  non  plus  les 

(i)  Euseb.  Citron. ,  p.  186  ,  éd.  Mediol. 


PTO  2i3 

établissements  commerciaux  et  mi- 
litaires que   son  père  avait  fondés 
sur  les  côtes  de  la  mer  Erythrée.  La 
belle  et  célèbre  inscription  trouvée 
dans  le  sixième  siècle  à  Adulis,  port 
de  l'Ethiopie   sur  la  mer  Rouge ,  et 
copiée  par  le  moine  Cosraas  Indlco- 
/7Zt?a5(e5(2),  est  un  témoignage  irrécu- 
sable de  la  domination  d'Evcrgètes 
surcctte  côte,  et  de  l'intérêt  qu'il  pre- 
nait à  en  conserver  la  possession. 
Comme  la  dernière  partie  de  cette 
fameuse  inscription  contient  le  ré- 
cit d'une  expédition  militaire  dans 
l'intérieur  de  l'Afrique  ,  et  les  noms 
presque   tous   inconnus  d'un  grand 
nombre  de  peuples  et  de  pays  vain- 
cus ou  subjugues,  ou  en  avait  conc'u 
que  Plolémée  Évergètcs  était  le  con- 
quérant célébré  dans  cette  par.ie  de 
l'inscription,  et  qu'il  avait  en  person- 
ne porté  ses  armes  dans  ces  régions 
lointaines.  Il  est  à-])eu-près  certain 
maintenant  que  la  fin  de  l'inscrip- 
tion d' Adulis  est  relative  à  un  prince 
dilférent  de  celui  qui  est  mentionné 
dans  le  commencement,  et  qui  vivait 
plus  de  cinq  siècles  après  Evergè- 
tes.  C'est  mal-à-propos  que  le  moine 
Cosmas  a  réuni  deux  monuments  qui 
n'avaient  aucun  rapport  ensemble. 
Il  paraît  que  c'est   principalement 
dans  la  vue  de  se  procurer  des  élé- 
phants  de   guerre  ,    que   Piolémée 
Évergètes  fixa  son  attention  sur  les 
établissements   que   sou   père  avait 
fondés  sur  les  côtes  du  golfe  Ara- 
bique.   Simmias  ,  un    de   ses  prin- 
cipaux  oflicicrs,  fut  chargé,   pour 
cet   objet  ,  de    visiter   les    régions 
maritimes  de  l'Arabie   et   de  l'E- 
tliiopie;  et  peut-être  est-ce  à  lui  que 

(2)  Cette  iuscription  a  été  publiée,  pour  la  pre- 
mière fois,  par  Léon  Allatius  ,  d'après  le  manuscrit 
de  Ccsmas  (  Foy.  ce  nom)  ,  sous  ce  titre:  Ploleina/i 
Evcrgetis  III  ,  JEgr/'l-  'egif  Monumentuni  Adu- 
/i7nn»m,Roine,  Mascardi,  i63i  ,  'i\i-l\°.,  deSpag.; 
très-rare. 


•Ji4  PTO 

l'on  doit  l'cioclioii  du  luonnmcnt 
d'Adiilis,  Le  roi  d'Kgvpte  prcu.iit 
bien  ,  comme  nous  l'avons  vu,  une 
part,  tantôt  directe,  taiilôt  indi- 
recte aux  p;uenes  (jiii  tourmentaient 
i'Asie  ;  mais  comme  le  résultai  de 
ces  dissensions  était  de  procurer  à 
ses  c'taLs  une  tranquillité  (jue  rien  ne 
pouvait  troubler  ,  Évcr^ctcs  ne  ne- 
{îligeait  aucun  moyeu  de  conserver 
riiillucnce  ijuc  les  rois  ses  predect-s- 
seurs  avaient  eue  dans  la  Grèce  Ku- 
ropéenne.  Il  se  déclarait  le  protec- 
teur de  la  lif^iie  des  Acliéens,  et  il 
lui  fournissait  des  secours  pour  ré- 
sister aux  !\Iaccdonieiis.  Une  guerre 
survenue  entre  les  Aclicens  et  (ilc'o- 
mènes  ,  roi  de  I.icédémonc,  avant 
porte  Aratus  ,  clief  de  la  république , 
à  rechercher  l'alliance  d'Antigonc, 
régent  de  Macédoine,  de  préférence 
à  celle  du  roi  d'Egypte  ,  qui  était 
trop  éloigné  pour  le  servir  utilement, 
Cléomcncs  devint  l'allié  d'E verge- 
tés. Celui-ci  avait  voulu  d'abord 
reconcilier  le  roi  de  Sparte  avec  les 
Aehéens  ;  il  l'exhorta  fortement  en- 
suite à  ne  pas  s'engager  inconsidé- 
rément dans  une  lutte  inégale  contre 
les  Macédoniens; il  refur.a  même  d'ac- 
corder les  secours  qu'il  lui  avait  fait 
demander  ,  lui  conseillant  de  renon- 
cer à  une  entreprise  inscn>ée.  Cléo- 
raènes  ne  répondit  à  ces  sages  avis 
que  par  des  paroles  pleines  d'ar- 
rogance, et  il  marcha  conlreles  Ma- 
cédunicns.  Complètement  déf.iit  à 
Sellasie  ,  il  ne  lui  resta  plus  d'autre 
ressource,  après  la  prise  de  Lacédé- 
raone  ,  que  de  faire  voile  vers  l'A- 
frique, où  il  fut  très-bien  reçu  par 
le  roi  d'Egypte.  Quand  ce  prince 
connut  toutes  les  belles  qualités  de 
Cléomènes  ,  il  se  reprocha  de  n'a- 
voir pas  mieux  soutenu  un  tel  hom- 
me ;  il  le  traita  nugnifiqucment  , 
rt   lui   promit  les  vaisseaux  et  les 


PTO 

sommes  nécessaires  pour  qu'il  pût 
lecouvier  ses  états.  La  mort  em- 
j'ccha  Eveigctes  de  tenir  sa  parole; 
il  périt  de  maladie  bientôt  après,  à 
la  lin  de  l'an  •rr.i,  ou  au  commen- 
cement de  l'an  •.>/>.  i  avant  J.-C.,  la 
vingt  sixième  année  de  son  règne. 
La  plus  grande  jiarlie  du  j)ouvoir 
étoit  alors  entre  les  n)ains  de  Sosi- 
bius,  son  premier  ministre;  et  c'est 
par  ses  conseils  qu'il  avait  consenti 
à  faire  ])érir  son  frère  Lysimaque, 
qui  avait  Voulu  exciter  des  iroul.ilcsen 
Egypte.  Evergetes  laissa  trois  en- 
fants :  deux  lils  ,  qui  furent  l'iolé- 
mée  ,  son  successeur  ,  et  Magas  ; 
et  une  fille  appelée  Arsinoé  ,  ipii 
moula  aussi  sur  le  trône  en  épousant 
son  frère.  Ptolemee  111,  ainsi  que 
sa  femme  Bérénice,  qui  lui  survécut, 
sont  distingués  sur  les  monuments 
et  les  actes  publics  de  l'Egypte  ,  par 
la  qualification  de  Dieux  K\'er<:^ctcs 
WlIiiN  KVlCITKTiLN'.  Sous  le  nom 
d'yllhloflture ,  on  inslilua,  pour  lié- 
rénice,  un  sacerdoce  particulier,  ana- 
logue sans  doute  ii  la  Cant'phure 
d'Arsinoé-Philadelphe  ,  et  destiné, 
à  ce  qu'il  paraît,  à  conserver  la  mé- 
moire des  victoires  olympiques  ,  et 
des  autres  avantages  remportés  dans 
les  jeux  publics  ,  par  lierénice  ,  qui 
avait  be.iucoup  de  goût  pour  ces 
sortes  de  Iriomplies.  ^".ette  princesse 
est  aussi  distinj; née  .spécialement  par 
le  surnom  d' Ever^elis.    S.  M — n. 

P  T  0 L  É M É  E  I  V  ,  surnommé 
Phu.opator,  sans  doute  à  cause  de 
l'attachement  qu'il  avait  conservé 
pour  la  mémoire  de  son  père,  dont 
ou  l'accuse  cependant  d'avoir  cau- 
sé la  mort,  occupa  le  trône  pendant 
dix-sept  ans  :  ses  années  royales 
comptèrent  du  18  octobre  'm  jus- 
«prau  i3  octobre  '2o5  avant  J.-C. , 
époque  du  règne  de  Ptolémée  Epi- 
phanes  ,  son  successeur.  Philopator 


PIO 

était  assez  jeune  quand  il  prit  les  rèaes 
du  gouvernement  ;  et  comme  d'ail- 
leurs ilavait  peu  d'aplitudc  auxalFai- 
res,  le  ministreSosibius  conserva  sous 
lui  toute  l'influence  dont  il  avait  joui 
sous  le  règne   d'Evergetes.  Ce  mi- 
nistre, jaloux  de  conserver  le  pou- 
voir,  ne  s'occupait    qu'à   plonger 
de  plus  en  plus  le  jeune  prince  dans 
le  sein  des  plaisirs,  et  à  l'entreteuir 
dans  les  passions  les  plus  honteuses  , 
pour  l'éloigner  des  àlFaires.  Le  jeune 
roi  passait  tout  son  temps  ca  festins  et 
en  continuelles  débauches  :  couronné 
delicrre,il  célébrait  les  orgies  ouïes 
mystères  de  Cybèle ,  à  la  manière 
des  Galles  ou  prêtres  de  cette  dées- 
se; de  sorte  qu'il  reçut  du  peuple 
d'Alexandrie  le  honteux  surnom  de 
Gallus.  Cependant,  pour  conserver 
sa  puissance ,    Sosibius   ne  cessait 
d'inspirer  des  craintes  à  son  maî- 
tre, afin  de  se  débarrasser  de  ceux 
qu'il  redoutait,  Magas,  frère  du  roi, 
était  très-aimé  des  troupes  étrangè- 
res qui  étaient  au  service  de  l'Egyp- 
te. Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour 
le  rendre  redoutable  au  ministre, 
qui  ne  tarda  pas  à  obtenir  sa  mort. 
Philopator  nes'arrcla  point  là  ;  ce  cri- 
me affreux  ne  fut  que  le  prélude  d'un 
autre  bien  plus  atroce.  Le  courage, 
la  résolution,  et  les  grandes  qualités 
de  la  reine  mère,  étaient  un  obstacle 
iusurmontable  aux  vues  ambitieuses 
du  ministre;  la  mort  de  cette  prin- 
cesse fut  donc  résolue:  le  conseil  la 
proposa  ;  et  le  roi ,  aussi  lâche  que 
barbare,  y  consentit.  C'est  avec  dou- 
leur  qu^on   voit   figurer  parmi  les 
conseillers  d'un  crime  aussi  affreux, 
le  roi  de  Lacédéinone  qui  était  ve- 
nu  chercher   un   asile   à    la    cour 
d'Evergetes.  C'est  sans  doute  à  cau- 
se du   désir  ([u'il  avait   de  s'assu- 
rer l'appui  d'un  ministre  tout  puis- 
sant ,  que  Cléomènes  prit  part  à  un 


PTO.  2i5 

tel  crime.  Il  en  fut  mal  récompensé. 
Antigone  ,  régent  du    royaume  de 
Macédoine,  venait  de  mourir  ,  et  le 
sceptre  se  trouvait  entre  les  mains 
d'un  jeune  homme  de  quinze  ans» 
Cléomènes   voulait  profiter  de    ce 
changement  pour  recouvrer  ses  e'- 
tats  :    il   ne  cessait   de   presser    le 
roi  de  lui  fournir   les  secours  qui 
lui  avaient  été    prorais.  Le  roi  et 
son  ministre  différaient  toujours  ;  ils 
s'étaient  seulement  contentés  d'ad- 
mettre dans  le  conseil  un  prince  dont 
la  capacité  et  l'expérience  dans  les 
affaires  étaient  généralement  recon- 
nues.   Mais   indigné  de  la  défiance 
qu'on  lui  témoignait ,  et  impatienté 
des  retards  affectés  que  l'on  mettait 
sans  cesse  à  effectuer  \cs  promesses 
qu'on  lui   avait  faites ,   Cléomènes 
s'emporta  en  propos  injurieux,  fut 
mis  aux  fers  ,  trouva  moyen  de  s'é- 
chapper ,  tenta  de  soulever  la  ville 
d'Alexandrie ,    échoua    dans    cette 
entreprise  et  se  donna  la  mort  (  F". 
Cléomènes,  LX,  Sg).  Ainsi  périt  le 
dernier  roi  de  Laccdémone  ,  en  l'an 
220  avant  J.-C.  Philopator  était  alors 
à  Canope,  non  loin  d'Alexandrie,  où 
il  se  livrait  aux  plaisirs  et  à  la  dé  • 
bauche.  11  en  revint  aussitôt  pour 
accabler  d'outrages  le  corps  du  mal- 
heureux Cléomènes ,  qu'il  fit  écor- 
cher  et  mettre  en  croix.  Pour  satis- 
faire sa  vengeance  ,  la  mère ,  la  fem- 
me et  les  enfants  de  cet  infortuné, 
furent  contraints  d'assister  à  ce  spec- 
tacle ,dout  ils  soutinrent  toute  l'hor- 
reur avec  un  courage  admirable  ;  et 
il   les   fit  égorger   ensuite   dans   le 
même  lieu.   Cratésilée  ,    mère    de 
Cléomènes,  fut  immolée  la  dernière. 
Cependant,  depuis  quelques  années  , 
Antiochus  le  Grand  ,  fils  de  Séleu- 
cusCaUinicus,  avait  remplacé, sur  le 
trône  de  Syrie ,  son  frère  Séleucus 
Céraunus.   Quoique  fort  jeune  en- 


2l6 


■PTO 


corc,  il  c't.iit  doue  de  la  plupart  des 
qualités  (pii  foiît  les  grands  rois  :  il 
crut  que  la  mollesse  et  la  lâcheté  de 
Philopator  lui  oITriraicnt  les  moyens 
de  venger  la  Syrie  des  maux  qu'É- 
vergètcs  lui  avait  fait  éprouver  ,  et 
de  se  rendre  maître  des  provinces 
que  les  rois  d'Egypte  possédaient 
encore  en  Asie.  Il  ue  tarda  pas  ,  en 
cflet ,  à  faire  entrer  ses  troupes  dans 
la  Cclcsyrie ,  pour  en  chasser  les  gar- 
nisons de  Plolemee.  11  ne  fut  pas 
heureux  dans  cette  première  tenta- 
tive :  l'Étolieii  Tlie'odotc  lui  résista 
dans  la  ville  de  Girra  ,  et  le  con- 
traiçrnit  d'ajourner  ses  projets  ,  qui 
étaient  d'ailleurs  traverses  par  la  ré- 
volte de  Molon  et  d'Alexandre,  coii- 
venieurs  des  satrapies  supérieures, 
Antiochus  fut  donc  oblige  d'aban- 
donner l'Egypte,  et  de  jnarcber  vers 
l'Orient.  Pendant  que  le  roi  de  Svric 
était  occupe  Icin  des  frontières  de 
l'Kgypte,  Philopator  préparait  les 
moyens  de  lui  résister,  en  contrar- 
tant  une  alliance  avec  Acha^us,  qui 
s'était  déclare'  roi  dans  les  provinces 
de  l'Asiemineure  situées  au-delà  du 
Taurus.  Philopator  lui  renvoya  son 
père  Andromachus  ,  qui  avait  été 
lait  prisonnier  sous  le  règne  d'Éver- 
gètes  ,  et  qui  était  resté  depuis  ce 
temps  en  Egypte,  Après  avoir  pari- 
fié  l'Orient,  Antiochus  était  incer- 
tain s'il  combattraild'abord  Acbaeus 
ou  Ptolc'incc  ;  enfin  ,  sur  l'avis  de 
son  médecin  ,  il  se  décida  à  venir 
mettre  le  siège  devant  Séleucie ,  ville 
située  non  loin  d'Antioche,  à  l'em- 
bouchure de  rOrontes  ,  et  qui  était 
occupée  par  une  garnison  égyptienne, 
depuis  la  conquèle  qu'Évergèles  eu 
avait  faite  ,  ])rès  de  trente  années  au- 
]»aravant.  Elle  fut  prise,  en  l'an  218 
avant  J.-C,  Aussitôt  après,  Théodote, 
qui  lui  arait  résisté  avec  tant  de  suc- 
cès lors  de  sa  picmicrc  expodili'in  , 


PTO 

mécontent  de  l'ingratitude  de  Ptolc'- 
mée  ,  trahit  son  souverain ,  et  livra 
à  Antiochus  les  provinces  qu'il  com- 
mandait, avec  les  places  importantes 
de  Tyr  et  de  Ptoicmais  ;  et  le  roi  de 
Syrie  se  mit  en  marche  avec  toutes 
ses  forces  pour  en  prendre  posses- 
sion, La  nouvelle  de  cette  défec- 
tion obligea  Ptolémce  d'envoyer  un 
autre  général  et  une  nouvelle  ar- 
mée en  Phénicie.  Ce  général,  nom- 
mé Nicolas,  était  Étolien:  il  vint 
assiéger  Ploléma'is  ;  mais  inforiiie' 
quel'armced'Antioihus  approchait , 
il  se  porta  vers  les  défilés  de  Bé- 
ryte ,  pour  les  défendre:  il  y  fut 
bientôt  attaque  ,  et  mis  dans  une  de- 
route  complète  ;  et  tout  le  pays  ,  jus- 
qu'aux frontières  de  rÉgvpte  ,  fut 
soumis  à  Antiochus.  Cependant  tou- 
tes les  forces  de  Ptolémée  étaient 
rassemblées  à  Péluse;  et  les  rives  du 
Nil  avaieutélé  mises  en  étatdedéfense. 
Les  préparatifs  étaient  si  formida- 
bles, que  le  roi  de  Syrie  renonça  pour 
le  moment  à  atta(]uer  l'Egypte.  La 
làchetéde  Philopator  ne  sedémcntit 
pas  dans  celte  circonstance  :  on  ne 
put  l'arracher  à  ses  honteuses  volup- 
tés; il  ne  parut  pas  à  son  armée,  et 
il  laissait  à  ses  ministres  tout  le  soin 
de  défendre  son  royaume,  Agatho- 
clès  et  Sosibius  crurent  rpi'il  était 
prudent  de  faire  traîner  la  guerre  en 
longueur  ,  et  d'amuser  Aniiochiis  par 
des  négociations  trompeuses ,  pen- 
dant lesquelles  on  préparerait  les 
moyens  de  se  défendre  avec  vigueur. 
Une  ambassade  solennelle  fut  en- 
voyée vers  Antiochus; les  députés  des 
Rhodiens  ,  des  Byzantins  ,  des  Cy- 
zicéniens  et  des  Etoliens  s'y  joigni- 
rent, pour  être  médiateurs  entre  les 
deux  rois.  Le  prince  Syrien  lut  dupe 
de  ce  stratagème.  11  perdit  un  temps 
précieux,  que  les  ministres  de  Pto- 
lémée mettaient  à  proGt.  D'immciises 


PTO 

armements  se  faisaient  dans  toute 
rÉgyp!c  ;  des  troupes  mercenaires 
venaient  de  la  Crète  et  de  toutes  les 
parties  de  la  Grèce  :  on  y  réunit 
beauconp  de  soldats  thraces  et  gau- 
lois, des  Libyens,  et  vingt  milleÉgyp- 
tiens  commandes  par  Sosibins.  An- 
tiochus  était  alors  occupé  au  siège  de 
Dora  eu  Pliéuicie  :  cette  ville ,  défen- 
due par  Nicolas  ,  lui  opposait  depuis 
long -temps  une  vigoureuse  résis- 
tance. L'hiver  approchait ,  et  le  roi 
de  Syrie  consentit  à  accorder  aux 
envoyés  de  Ptolémée  une  trêve  de 
quatre  mois  ,  promettant ,  si  on  le 
voulait  ensuite,  de  traiter  à  des  condi- 
tions raisonnables.  Antiochus  croyait 
ses  ennemis  trop  heureux  d'obtenir 
la  paix;  il  ramena  toutes  ses  troupes 
à  Antioclie  ,  se  contentant  de  laisser 
des  garnisons  dans  les  places  qu'il 
avait  conquises ,  et  dans  celles  que 
Théodote  lui  avait  livrées  :  il  ne  pen- 
sait pas  qu''il  fût  encore  obligé  d'en- 
trer en  campagne  pour  en  conserver 
la  possession.  L'hiver  se  consuma 
en  négociations  infructueuses  ,  pen- 
dant lesquelles  les  ministres  de  Ptolé- 
mée travaillaient  sans  relâche  à  aug- 
menter leurs  moyens  de  défense  :  à 
la  fin,  les  ambassadeurs  égyptiens  se 
montrèrent  si  difficiles  ,  qu'Antio- 
chus  reconnut  qu'il  fallait  encore  une 
fois  se  préparer  à  la  guerre.  11  ras- 
sembla donc  toutes  ses  forces  de  terre 
et  de  mer ,  pour  envahir  les  portions 
de  la  Syrie  et  de  la  Pbénicic,qu'd  n'a- 
vait pas  encore  occupées.  Les  Égyp- 
tiens étaient  en  mesure  de  com- 
mencer les  hostilités  :  toutes  leurs 
troupes  de  terre  étaient  réunies  à 
Gaza ,  sous  les  ordres  de  Nicolas. 
La  flotte ,  commandée  par  Périgènes, 
était  prête  à  les  seconder  ;  et  bientôt 
ils  s'avancèrent  sur  l'étroite  côte  de 
Phénicie  ,  pour  arrêter  la  marche 
d'Anliochus.    Ce  prince  avait  déjà 


PTO  217 

soumis  Marathns,  Arad  ,  Béryte  et 
beaucoup  d'autres  places  ;  et  son  ar- 
mée, diviséeen  trois  corps,  qui  occu- 
paient toute  la  largeur  de  la  Phénicie, 
continuait  de  s'avancer ,  protégée  sur 
son  flanc  droit  par  sa  flotte.  Elles 
rencontrèrent  ,  à  la  hauteur  de  Si- 
don  ,  les  Égyptiens  ;  on  eu  vint  aux 
mains.  Sur  mer  ,  l'avantage  fut  dis- 
puté ;  mais  sur  terre,  les  troupes  d'An- 
tiochus  furent  victorieuses  rThéodote 
vainquit  Nicolas  ,  qui  s'enfuit  dans 
Sidon  avec  les  restes  de  son  armée. 
Antiochus  ne  jugea  pas  à  propos 
d'attaquer  cette  ville  :  il  passa  outre  , 
s'empara  de  Scythopolis  ,  de  la  Ju- 
dée ,  et  d'une  partie  de  l'Arabie.  C'est 
alors  qu'il  fut  joint  par  les  généraux 
Cheréas  et  Hippolochus,  qui  abandon- 
nèrent le  service  de  Ptolémée.  Après 
toutes  ces  conquêtes  ,  il  vint  passer 
l'hiver  à  Ptolémaïs.  Au  retour  du 
printemps  ,  en  l'an  2 16  avant  J.-C. , 
les  deux  rois  résolurent  de  pousser 
la  guerre  avec  vigueur.  Ptolémée, 
vaincu  par  les  instances  de  ses  mi- 
nistres ,  s'était  enfin  décidé  à  se  met- 
tre à  la  tête  de  son  armée  :  il  partit 
de  Péluse  avec  soixante- dix  mille 
hommes  d'infanterie,  cinq  mille  che- 
vaux ,  et  soixante-treize  éléphants. 
Antiochuslui  opposait  soixante-douze 
mille  hommes  de  pied  ,  six  mille 
chevaux,  et  cent-deux  éléphants.  Les 
deux  rois  furent  bientôt  en  présence 
sous  les  murs  de  Raphia  ,  entre  Gaza 
et  Péluse.  Après  qu'ils  se  furent  obser- 
vés pendant  cinq  joui'S,  l'engagement 
commença.  Antiochus  obtint  l'avan- 
tage du  côté  où  il  combattait:  ses  élé- 
phants mirent  en  fuite  ceux  de  Pto- 
lémée; et  ce  prince  pusillanime,  frap 
pé  de  terreur ,  se  retira  aussitôt  du 
combat.  Sa  femme  Arsinoé ,  qui  l'a- 
vait accompagné,  se  montra  la  digne 
fille  de  Bérénice  :  les  cheveux  épars, 
elle  parcouraitles  rangs,  exhor,tant 


ai8  PTO 

les  soldats  à  faire  leur  devoir.  Les 
gcnc'raux  Andromacluis  et  Sosibius 
re'sislirent  encore  l'oiidaiit  quelque 
temps  ;  mais,  à  la  lin,  ils  làclièrcnt 
pied.  A  II  tiochus  s'abandonna  ut  incou- 
sidc'reiuent  a  la  poursuite  des  Tuvards, 
ne  s'aperçut  pas  que  les  Ej;jpliens 
avaient  nus  ses  troupes  à  la  gauche 
et  au  centre ,  dans  une  déroute  coin- 
pliite  ;  il  fut  donc  obligé  tle  s'arrêter, 
et  de  venir  rejoindre  les  débris  de 
son  armée  vaincue.  Sa  perle  avait 
été  si  cousidérable  ,  qu'il  fit  aussitôt 
sa  retraite  vers  Raphia  ,  taudis  que 
Ptoléméc ,  rerais  de  sa  frayeur  , 
fut  bientôt  maître  de  cette  place  ,  et 
de  toutes  les  autres  villes  de  la  Pa- 
lestine ,  de  la  Pbcnicie  et  de  la  Célé- 
syrie  qui  avaient  été  conquises.  Pen- 
Oaut  ce  temps  là  ,  Antiochus  conli- 
uuait  sa  retraite  vers  Antioclie  ;  et 
une  ambassade,  envoyée  par  les  llo- 
maiiis  ,  venait  oll'rir  a  Ptoicmée  des 
secours  dont  il  n'avait  plus  besoin. 
Le  roi  de  Syrie  ,  hors  d'état  de  re- 
commencer la  guerre,  et  qui  ne  voyait 
j)as  sans  incpuetudc  .\chaMis  maître 
de  toute  l'Asie-. Mineure  ,  lit  deman- 
der la  pai\  a  Ptoléiuéc,  (pii  lui  ac- 
corda une  trêve  d'un  an.  Ptoléméc  , 
ravi  lie  s'être  tiré  glorieusement  d'u- 
ue  entreprise  aussi  diÛlcilc ,  et  qui 
fait  exception  dans   sa    vie,  quitta 

firom[itcmcnt  la  Phénicie,  dont  il 
aissa  le  gouvernement  à  Andro- 
machus  d'Aspende  ,  et  se  hâta  de 
revenir  à  Alexandrie,  pour  s'y  re- 
plonger dans  toutes  les  infâmes  vo- 
luptés dunt  il  s'était  arraché  à  re- 
gret. Irrité  de  ce  que  le  giaiid-prètre 
des  Juifs  avait  refusé  de  le  laisser 
entrer  dans  le  Saint  des  Saints , 
([uand  il  était  allé  a  Jérusalem  ,  il 
persécuta  cruellciuciil  les  Juifs  d'A- 
lexandrie ,  et  donna  des  ordres  à 
Ions  les  gouverneurs  ,  pour  qu'on 
en  fit  autant  daus  les  provinces.  Rien 


PTO 

ne  pouvait  pUis  tirer  Ptol^icc  de  la 
honteuse  indolence  à  laquelle  il  était 
livré.   Sourd  aux  inuriniues  de  son 
armée,  impaticntcdc  poursuivre  la 
guerrecoulre  Antiochus  j  etoblii;e  de 
réprimer,  parles  armes,  des  révoltes 
intéiicures,  il  se  contenta  d'envoyer 
à   Aclueus  quelques  sccouib  insullî- 
sants;et  ce  chef, qui  menaçait  depuis 
si  longteiaps  l'empire  de  Syrie  ,  suc- 
comba sous  les  ellorts  réunis  d'An- 
tiochus  etd'Altalus,  roidePeigame. 
Philopator  était    entièrement  gou- 
verné par  une  de  ses  maîtresses  nom- 
mée Agalhoclée,  dont  le  frère  Aga- 
thoclès  partageait  le    pouvoir  avec 
Sosibius   :   guidé   par  cette  indigne 
créature  ,    il  s'abandonna  |)lus  (]ue 
jamais  à  ses  débauches  ,  et  il  y  joi- 
gnit les   plus   atroces  cruautés.    La 
reine  .Vrsinoé  ,  long  -  temps  stciiie  , 
donna  enfin  le  jour,  vers  l'an  uoq 
avant  J.  C.  ,  à  un  héritier  du  trône. 
Cet  événement  ,  qui  rendait    cette 
princesse  plus   chère  aux    peuples 
de   l'Egypte ,   réveilla  la    haine  de 
la   maîtresse   favorite  ,    qui  ,    dès- 
lors  ,  mit  tout  en  œuvre  pour  perdre 
sou    infortunée  souveraine.    Elle  y 
réussit  ;  et  Sosibius,  déjà  souillé  du 
sang  de  la  reine  Bérénice,  ne  balança 
])oint  à  conseiller  le  meurtre  de  sa 
fille ,  qui  était  devenue  odieuse   au 
roi  par  ses  reproches  et  ses  repré- 
sentations. Ptoléméc  ne  survécut  pas 
long-temps  à  sa  sœur:  perdu  de  dé- 
bauches et  de  mollesse,  il  mourut  de 
maladie, en  l'an  ioS  avant  J.C. ,  en- 
core à  la  fiour  de  l'àgc,  et  au  moment 
même  où  Antiochus  ,  débarrassé  des 
longues  guerres  (|u'il  avait  été  obligé 
de  soutenir  contre  les  Parlhes  et  con- 
tre le  roi  de  la  Uactriane,  se  prépa- 
rait à  attaquer    l'Egypte  avec  des 
forces  considérables.   Le  iils  de  Phi- 
lopator ,  âgé  seulement  de  ciii<|  ans  , 
fut  déclaré  roi  sous  la  tutelle  d'Aga- 


Pl'O 

thoclès.  Divers  iiioniinicnts  ont  ré 
ccininciit  fait  connaître  (i)  que  le 
quatrième  d^s  Ptolémces  ,  outre  le 
surnom  de  Fhilvpator  ,  avait  aussi 
porté  celui  iV Eupator  !  lié  <\\ni  père 
illustre).  Une  inscription  (.lècouvcrlc 
en  Cypre  par  ]M.  de  Haramcr  {'i) , 
et  contenant  l'expression  d'un  vœu 
adresse  à  Venus  par  les  habitants  de 
Paplios  eu  l'honneur  de  leur  roi , 
le  dieu  Eiipator,  a  fourni  les  moyens 
d'expliquer  un  texte  dilîicile  de  Jo- 
sèphe  (3;,  qui  donne  le  même  sur- 
nom à  Ptolémée  P/ulopator.  Le  pro- 
tocole du  contmt  j:;rec  découvert  de- 
puis peu  ,  et  publie  pour  l.i  première 
fois  par  M.  Bùckh  ,  et  celui  du  ma- 
nuscrit du  cabinet  du  Roi,  apporté 
par  M.  Casati ,  confirment  ce  fait,  en 
donnant  ce  même  surnom  à  la  reine 
Arsinoé,  qui  est  appelé  Philopator 
sur  l'inscription  de  Rosette  (4).  Sous 
ce  prince ,  la  marine  créée  par  ses 
prédécesseurs  ,'  reçut  qr.elque  aug- 
mentation :  l'on  admira  ,  sous  son 
rèîrne,  des  vaisseaux  d'une  crandeur 
(pu  tient  du  prodige.  Plutarqiie(  Fie 
de  Déinétrius  )  décrit  une  de  sc,> 
^:;alères  qui  avait  4o  rangs  de  rames  , 
•i8o  coudées  de  longueur  ,  et  48  d'é- 
lévation à  la  poupe  :  cette  ville  flot- 
tante contenait  4ooo  rameurs  ,  et  en- 
viron 3ooo  soldats  destinés  à  com- 
battre. Plutarque  convient ,  il  est 
vrai  ,  qu'on  ne  put  jamais  se  servir 
de  cet  énorme  bâtiment.  S.  M' — n. 
PTOLÉMÉE  V,  surnommé  Évi- 
PU  AN  ES,  monta  sur  le  trône  d'Egypte 
à  l'âge  d'environ  cinq  ans  :  il  fut  roi 
pendant  vingt-qualrcans.  Les  années 

(i)  Voyrz  Sniiit-JIartiii,  ISolicesiir  Us  Papyrus 
grecs  de  Casati,  Journal  des  savaDls  ,  1872  ,  ]).  5tio. 
—  Lelronue  ,  Becherchcs  pour  siivir  à  l'histuiie  de 
VEi^ypte  sous  les  Grecs  et  les  Romains ,  p.i24,»5. 

(9.)  Topogra/Msche  Aiisichte  f\ienne  ,  181 1,  p. 
i5o. 

(3)  Anlir/.  Jud.j  lib.  XUI,  cap.  3  ,  §  3. 

(4)  Voyez  Saiul-Martlii ,  Journal  des  savants, 
i8ïi  ,  y.  S'ig;  et  1821 ,  p.  56o. 


PÏO 


•219 


de  son  règne  comptèrent  du  i3  octo- 
bre uo5,  jusqu'au  7  du  même  mois 
de  l'an  i8i  avant  J.-C.  ,  première 
année  de  Pîolémce  Philométor.  La 
mort  de  Philopator  fut  tenue  secrète 
pendant  plusieurs  jours.  Agalhoclès 
voulait  s'assurer  les  moyens  de  con- 
server le  pouvoir:  enfin,  après  avoir 
bien  pris  toutes  ses  mesures,  ilfitcon- 
uaîtreau  peuplela  volonté  du  roi,  qui 
lui  avait  conféré  la  tutelle  de  son  jeu- 
ne fils;  et  le  vieux  Sosibius  conserva  la 
principale  part  dans  l'administration 
desallàires.  Désormais  libres  de  toute 
inquiétude,  le  tuteur  et  son  impudi- 
que sœur  se  livrèrent  avec  une  nou- 
velle fureur  à  la  vie  scandaleuse  qu'ils 
avaient  menée  avec  le  dernier  roi: 
leur  licence  ne  connut  aucune  borne , 
et  l'indignation  du  peuple  et  de  l'ar- 
mée fut  portée  à  son  comble.  Aga- 
thoclès  se  brouilla,  pour  son  malheur, 
avec  TIépolème  ,  ministre  de  la 
guerre.  Celui-ci  était  jeune  ,  brave  , 
et  empoi  té  ,  très-  propre  aux  entre- 
prises militaires  ,  mais  de  peu  deca- 
pacité  pour  les  affaires  :  il  ne  tarda 
pas  à  communiquer  au  peuple  la 
haine  qui  l'animait  contre  Agatlio- 
clès.  Le  tuteur  tenta  d'engager  les 
Macédoniens  dans  sa  querelle.  Ses 
efl'orts  furent  vains  :  ils  se  joignirent 
à  TIépolème;  et  tous  ensemble  vin- 
rent assiéger  le  palais  oîi  Agathoclès 
et  sa  sœur  s'étaient  retirés  avec  le  jeu- 
ne roi. Agathoclès, sans  moyen dedé- 
fense,  fut  contraintde  livrer  le  roi,  et 
de  renoncer  à  sa  tutelle.  La  fureur  de 
ses  ennemis  ne  se  calma  cependant 
pas  encore.  On  parvint  à  forcer  les 
poi  lesdu  palais ,  et  à  s'emparer  de  sa 
personne  :  on  prit  aussi  ses  sœurs  , 
sa  mère ,  tous  ses  parents  ,  et  ses 
partisans  ;  et  on  les  conduisit  en  les 
abreuvant  d'outrages  ,  devant  un 
tribunal  qu'on  avait  dressé  à  la  hâtC;, 
et  sur  lequel  on  avait  placé  le  jeune 


aao 


PTO 


Ptolërade ,  qui  fut  o?)ligé  de  pro- 
noncer la  mort  de  tous  ceux  que 
l'indignation  et  la  haine  du  peuple 
avaient  condamnes  d'avance.  A  peine 
la  sentence  fut  prononcée,  que  le  peu- 
ple, s'ab.indonnant  à  tous  les  trans- 
ports desa  fureur,  livraau\  plus  hor- 
ribles supplices  lecoup;il)le  Agatho- 
clcs  et  tous  ses  partisans.  C'est  contre 
sa  sœur  Agathocice ,  que  la  rage  de  la 
populace ,  des  femmes  surtout ,  se  si- 
gnala par  les  rafincments  de  la  plus 
affreuse  cruauté  :  elles  voulaient  ven- 
ger sur  cette  mallieureiL>e  le  meurtre 
de  h  reine  Arsinoé,  dont  elles  ché- 
rissaient la  mémoire.  Polybe  nous 
a  conservé  les  épouvanlables  détails 
de  cette  révolution  :  ils  peuvent  fai- 
re connaître  toute  la  barbarie  et  tou- 
te la  dépravation  de  la  cour  et  du 
peu|)le  d'Alexandrie.  TIépoIcme,  mai- 
tre  du  gouvernement,  ne  fut  pas  long- 
temps d'accord  avec  Sosibius  ,  qui 
avait  TU  avec  regret  la  chute  d'Aga- 
thoclès.  La  capacité  de  ce  vieux  mi- 
nistre, et  sa  longue  habitude  des  af- 
faires, qui  lui  donnait  un  grand  cré  lit 
dans  le  conseil  ,  faisaient  ombrage  à 
ïlépolèrae.  Celui-ci  triumpha encore 
de  ce  rival  reloutable  :  il  le  força  de 
lui  remettre  l'anneau  royal ,  ce  qui 
lui  doima  presque  la  plénitude  du 
pouvoir  souverain.  Cependant,  par 
ses  débauches  ,  et  surtout  sou  incapa- 
cité ,  TIépolémese  montra  bientôt 
tou(-a  fait  indigne  du  haut  rang  qu'il 
avait  usurpé:  il  compromit  le  salut 
de  l'état  par  son  imprudente  con- 
duite ;  et  ,  à  la  fin  ,  il  fut  obligé 
de  remettre  le  pouvoir  à  Aristo- 
mènes  qui  avait  été  l'ami  d'Agatho- 
clès.  Ces  sanglants  démêlés,  et  la 
longue  minorité  de  Ptolémée  Épi- 
phanes  ,oirraient  bien  des  chances  de 
succès  au  roi  de  Syrie  ,  qui,  déjà  sous 
le  règne  de  Philopator  ,  voulait  por- 
ter la  guerre  en  Egypte,  pour  venger 


PTO 

la  défaite  de  Raphia.  Antiochus  fit 
donc  alliance  avec  Philippe  ,  roi  de 
Macédoine  ;  et  de  concert  ils  mena- 
cèrent sur  tous  les  points  les  pos- 
sessions égyptiennes.  Antiochus  ne 
tarda  pas  A  envahir  la  Célésyrie  , 
tandis  que  Philippe  se  rendait  maî- 
tre des  villes  de  la  Chersonèse  cl 
du  littoral  de  la  Thracc,  qui ,  de- 
puis le  règne  dePhiladelphe,  avaient 
toujours  été  occupées  par  des  g.irni- 
sons  égvpliennes.  Cependant  Scoj)as, 
ancien  stratège  d'Ét.  lie,  qui  s'était 
attaché  au  service  de  Ptolémée  ,  était 
passé  en  (irèce  pour  y  faire  des  le- 
vées d'hommes  :  il  en  ramena  des 
forces  considérables  ,  avec  lesquelles 
il  se  mit  en  marche  pour  l'Asie  j 
et,  en  une  cam|)agne,  il  recouvra 
la  Phénicie  et  la  Judée  ,  qui  avaient 
été  conquises  par  Antiochus.  L'an- 
née suivante,  if)()  avant  J.-C.  ,  An- 
tiochus revint  attaquer  la  Phéni- 
cie; et  Scopas,  vaincu  sur  les  bords 
du  fleuve  Paiiius  ,  dans  une  bataille 
long-temps  disputée,  fut  contraint 
de  se  retirer  à  Sidoii ,  où  il  fut  as- 
siégé et  vivement  pressé  par  le  roi  de 
Syrie.  Vainement  les  meilleurs  géné- 
raux de  Ptolémée,  yl^rope  ,  Menéclès 
et  Damoxène,  tentèrent  de  faire  le- 
ver le  siège;  Scopas,  privé  de  vi- 
vres, futobligéde  se  renrlre.  Antio- 
chus s'empara  ensuite  de  (la/.a,  de 
Samarie  et  de  Jérusalem  ,  de  sorte 
qu'il  ne  resta  plus  lien  au  roi  d'É- 
gyple  dans  cette  j)artie  de  l'Asie. 
L'année  suivante  ,  deux  fils  d'Antio- 
chus,avec  une  puissante  armée  de 
terre,  accompagnée  d'une  nombreuse 
flotte  ,  s'emparèrent  successivement 
de  toutes  les  places  que  les  Ptoié- 
mées  avaient  conservées  sur  1rs  cô- 
tes de  la  Cilicie,  de  la  Pamphylic 
et  de  la  Lycie ,  tandis  que  Philij)pe, 
roi  de  Macédoine  ,  s'em[»arait  de  la 
Carie.  Antiochus  s'était  brouillé,  vers 


PTO 

celfeëporjuc,  avec  Philippe;  et  com- 
me dès-lors  il  se  proposaitd'attaqiier, 
en  Europe,  la  république  romaine ,  il 
craignit,  que,  pcndantsonabsence,les 
Egyptiens  ne  fissent  une  incursion  en 
Syrie.  Il  résolut  donc  de  faire  la  paix, 
avec  Aristomenès,  ministre  de  Ptolë- 
lue'e  :  elle  fut  conclue  à  la  condition 
que  le  roi  d'Egypte  épouserait  Cléo- 
pàtre,  Gllcdu  roi  de  Syrie,  qui  devait 
avoir  pour  dot  les  provinces  de  la 
Syrie  dont  la  possession  était  contes- 
tée, le  prince  séleucide  ne  devant 
retenir  que  la  moitié  des  revenus. 
On  remit  seulement  la  conclusion 
de  ce  mariage  cl  l'exécution  de  cette 
dernière  clause,  au  temps  où  le  jeune 
roi  aurait  atteint  l'âge  convenable. 
Cependant  de  nouveaux  troubles  me- 
nacèrent encore  de  compromettre 
l'existence  de  l'empire  des  Ptolé- 
mées  :ils  étaient  causés  par  la  haine 
qui  divisait  le  tuteur  Aristomènes  et 
le  général  Scopas  soutenu  par  tous 
les  Etoliens  au  service  de  l'Egypte. 
Des  révoltes  éclatèrent  sur  plusieurs 
points.  La  ville  de  Lycopolis  ,  plus 
opiniâtre  qu'aucune  autre  ,  fut  assié- 
gée par  le  roi  en  personne  ;  et  il  s'en 
rendit  maître,  après  une  longue  ré- 
sistance, en  l'an  197  avant  J. -G. ,  en 
la  huitième  année  de  son  règne  ,  se- 
lon le  témoignage  de  l'inscription  de 
Rosette.  Les  troubles  ne  furent  pas 
apaisés  par  la  soumission  de  cette 
ville  :  la  guerre  civile  éclata  même 
dans  Alexandrie  ;  et  Scopas  forma 
contre  le  roi  une  conspiration  ,  qui 
fut  déjouée  et  causa  la  perte  de  son 
imprudent  auteur.  Scopas ,  arrêté 
avant  d'avoir  pu  mettre  son  dessein 
à  exécution  ,  fut  jugé  et  condamné  à 
mort  avec  plusieurs  de  ses  partisans; 
et  tous  les  Etoliens  furent  renvoyés 
du  service  de  l'Egypte.  Pour  préve- 
nir de  nouveaux  troubles ,  Aristo- 
mènes crut  devoir  faire  couronner 


PTO 


121 


Ptoicméc  avant  l'âge  fixé  par  les  lois. 
Ce  jeune  prince  avait  alors  douze  ou 
treize  ans.  Les  cérémonies  de  son 
inauguration  se  célébrèrent  avec  une 
grande  solennité ,  en  la  neuvième 
année  de  son  règne ,  comme  nous 
l'apprend  l'inscription  de  Rosette 
et,  à  ce  qu'il  paraît,  le  18  du  mois 
égyptien  de  méchir  ,  qui  répondait 
alors  au  4xanthicus  macédonien  et 
au  27  mars  196  avant  J.-C.  Cepen- 
dant l'entreprise  téméraire  de  Sco- 
pas avait  donné  naissance  à  la  fau^^se 
nouvelle  de  la  mort  de  Ptolémée  : 
elle  parvint  jusqu'aux  oreilles  d'An- 
tiochus,  qui  était  en  Thrace  ,  et  qui 
résolutde  se  rapprocher  de  l'Egypte  ; 
ce  n'est  qu'à  Patare  en  Lycie  ,  qu'il 
fut  désabusé.  Il  voulut  alors  attaquer 
l'ile  de  Cypre  ;  mais  sa  flotte  ,  battue 
par  la  tempête,  fut  jetée  sur  les  cotes 
de  la  Cilicie.  Cependant  Antiochus, 
sur  le  point  de  commencer  avec  les 
Romains  une  guerre  qu'il  méditait 
depuis  long -temps,  voulut  mettre 
à  exécution  le  traité  qu'il  avait  con- 
clu, depuis  six  ans,  avec  Aristo- 
mènes. Il  conduisit  sa  fille  Cléopâ- 
tre  à  Raphia,  où  Ptolémée  l'épousa, 
en  la  treizième  année  de  son  règne 
(  193-192  avant  J.-C.  )  ;  et  il  prit 
possession  des  provinces  qui  for- 
maient sa  dot ,  et  dont  le  roi  de 
Syrie  s^élait  réservé  la  moitié  des  rc- 
A^enus.  Bientôt  après,  Antiochus  com- 
mença les  hostilités  contre  Rome. 
Malgré  l'étroite  alliance  que  Pto- 
lémée venait  de  conclure  avec  le 
roi  de  Syrie  ,  il  ne  cacha  pas  son 
amitié  pour  les  Romains  ;  et  sa  fem- 
me elle-même  montra  ,  en  cette  oc- 
casion ,  plus  d'attachement  pour  les 
intérêts  de  la  famille  dans  laquelle 
elle  venait  d'entrer ,  que  pour  la  sien- 
ne propre.  Ses  ambassadeurs  traver- 
sèrent la  mer ,  pour  solliciter  les  géné- 
raux romains  de  passer  en  Asie ,  et 


ail  HTO 

leur  offrir  toutes  sortes,  de  secours  , 
que  ccnx-ciu'acceplcrcnt  pas.  liCS  pre- 
mières années  du  p;ouvrrneincnt  de 
Ptolcmécavaienléte  heureuses.  La  dé- 
faite d'Antiochus  par  les  Romains  , 
et  sa  mort,  «pii  la  suivit  d'assez  près, 
donnaient  à  rEf;ypte  l'espoir  d'une 
assez  longue  paix  :  elle  n'eut  plus  ,  il 
est  vrai ,  de  guerres  clr.mgères  à  re- 
douter; mais  la  mauvaise  adminis- 
tration .  et  la  tvraunie  de  Piolèmce 
Epiphanes.qui.oerupctiuseid  plaisir 
de  la  chasse  ,  se  laissait  çjouverner 
par  ses  flatteurs  ,  lui  firent  éprouver 
des  malheurs  peut-être  plus  terribles. 
Les  avis  et  les  remontrances  de  son 
ancien  tuteur  Aristomènes  lui  devin- 
rent insupportables.  Il  se  débarrassa , 
par  le  ]koisou,  d'un  censeur  incom- 
mode. Après  ce  premier  crime.  Epi- 
phanes  ,  m  irohaiit  sur  les  traces  de 
son  père  ,  ne  mit  plus  de  bornes  à  sa 
cruauté  et  à  sa  tvrannic  ;  et  des  rebel- 
lions sérieuses  éclatèrent  dans  plu- 
sieurs parties  de  ses  états.  La  ville  de 
Lvcopolis  se  révolta  encore  une  fois , 
ainsi  que  les  pays  environnants.  Po- 
lycrates  ,  général  habile  ,  pressa  les 
rebelles  avec  tant  de  vigueur,  qu'ils 
s'abandonnèrent  à  la  clémence  du  roi. 
Pausiris  ,    .\thinis  ,   Gliesnphus   et 
d'autres  chefs  égyptiens  ,  imitèrent 
leor  exemple  :  ils  vinrent  trouver  le 
monarque  à  Sais,  cl  se  remirent  en- 
tre ses  mains  ,  croyant  obtenir  leur 
pardon.  Ptolémée  abusa   l.îchcment 
de  leur  imprudente  confiance  ;  il  les 
fit  tous  périr  dans  de  cruels  suppli- 
ces. An  rapport  de  Polybe  [i),  ce 
prince  avait  alors  vingt- cinq  ans;  ce 
qui  porte  la  date  de  cette  guerre  ci- 
vile vers  l'an  iH5  avant  J.  -  G.  Nous 
ignorons  presque  tous   les    événe- 
ments delà  fin  du  règne  d'Épipha- 
nes  :  on  sait  souleracnt  qu'à  cette  épo- 

(i)  Escerpl.  dt  virl.  et  vil. ,  y>.  ni ,  éd.  VaJc». 


PTO 

que  il  renouvela  les  traités  faits  avec 
les  Acliécns.  11  mourut  bieufùt  après, 
au  moment  même  où  il  se  piéparait 
ta  faire  la  guerre  à  Séleucus  iv  ,  fiU 
d'Antiochus  -  le  -  Grand.  Aux  trou- 
pes rassemblées  pour  combattre  les 
rebelles  de  son  royaume  ,  il  avait 
réuni  un  grand  nombre  de  merce- 
naiies  venus  de  la  Grèce  :  comme  un 
de  ses  généraux  s'étonnait  qu'il  pût  , 
avec  des  finances  épuisées  ,  soudoyer 
une  aussi  forte  armée,  il  lépondit: 
Les  richesses  de  mes  amis  ne  sonl- 
elles  pas  à  moi?  C'en  fut  assez  pour 
répandre  la  terreur  parmi  les  courti- 
sans, et  ils  se  débarrassèrent  de  leur 
roi  par  le  poison.  Épiphanes  éf.iit 
âge  de  vingt  huit  ans;  il  en  avait  ro- 
gné vingt-quatre.  11  laissa  doux  fils  cl 
une  fille,  sous  la  tutelle  de  leur  mère 
Cléopàtrc  de  Syrie.  Outre  le  surnom 
A' Epiphanes ,  nous  savons,  par  la  cé- 
lèbre inscription  trilingue  de  Uoset- 
le,  que  Ptolémée  V  portait  encore  la 
qualification  A' Euchnriste  ou  très- 
fracieu.r.  Lorsque  le  décret  des  prê- 
tres égyptiens,  en  faveur  de  Ptolémée 
Epiphanes,  qui  nous  a  été  conservé 
par  le  monument  de  Rosette  ,  fut 
rendu,  ce  prince  n'avait  pas  encore 
épousé  11  fille  d'Antiochus  ;  il  lui  fit 
donc  partager  les  titres  qu'il  avait 
déjà  :  aussi  voyons-nous  que  Ptolé- 
mée et  sa  femme  Cléopàtrc  sont 
appelés  dieiLT  Epiphanes  et  Eiicha- 
ristei ,  sur  ime  inscription  du  tem- 
ple d'Anl.Topolis  ,  et  sur  un  autre 
monument  jiublié  récemment  ('2).  II 
est  assez  probaiile  que  c'est  à  l'épo- 
que de  son  inauguration  ,  en  l'an 
neuf  de  son  règne,  que  Ptolémée  V 
joignit  le  surnom  d'Epiphanes  à  ce- 
lui d'Euchariste.  S.  M — n. 

PTOLÉMÉE  VI,  .surnomme 
PiiiT.nvÉTon,  était  âgé  de  cinq  ans 

(1    ljf:tr<itiiw,  Itrchirrchef  pour  servira  l'/iisloire 
de  l'Ë^yple  ioiu  les   Grecs  et  les  Romains  ,  p.  tt. 


PTO 

environ  quand  il  succéda  à  son  père. 
Il  occupa  le  tronc  pendant  trente-cinq 
ans  ,  et  ses  années  royales  comptè- 
rent depuis  le  7  octobre  181  jus- 
qu'au 29  septembre  1 4^5  avant  J.-G. 
La  minorité  de  Philomctor  ne  fut 
pas,  à  beaucoup  près,  aussi  agitée  que 
l'avait  cte  celle  de  son  père  ;  et  l'E- 
gypte en  fut  redevable  à  la  prudence 
delà  reine-mère,  Cleopàtre  de  Syrie. 
Sëleucus  IV,  frère  de  cette  ])rincesse, 
voulut  cependant  profiter  de  la  jeu- 
nesse de  sou  neveu  pour  recouvrer 
l'entière  souveraineté  de  la  Pliénicie 
et  la  Célésyrie  ;  mais  la  mort  le  sur- 
prit au  milieu  de  ses  préparatifs  ,  en 
l'an  1^6 avant  J.-C.  :il  fui  empoison- 
né par  son  ministre  Héliodore.  Les 
démonstrations  hostiles  de  Scleucus 
avaient  porté  la  reine  Cleopàtre  à 
solliciter  pour  son  fds  la  protection 
des  Romains  ,  suprêmes  ai-bitres  des 
rois  de  l'Orient ,  de})uis  les  défaites 
de  Philippe  et  d'Antiochus;  et  le 
sénat  lui  avait  donné  pour  tuteur 
M.  iEmilius  Lepidus,  grand  pontife, 
qui  avait  déjà  été  envoyé  en  am- 
bassade à  Alexandrie  ,  sous  le  rè- 
gne d'Epiphaues.  La  mort  de  Séleu- 
cus  avait  mis  la  plus  grande  confu- 
sion dans  l'empire  de  Syrie:  son  fils 
Démétrius  était  en  otage  à  Roraej  et 
le  traître  Héliodore  qui  s'était  emparé 
du  pouvoir  souverain,  voulait  le  con- 
server, malgré  Antioclius  ,  frère  du 
dernier  roi,  qui  s'approchait,  soute- 
nu par  les  forces  d'hlumenès  ,  roi  de 
Pergame.  Le  roi  d'Egypte,  issu ,  par 
sa  mère ,  du  sang  des  Séleucides , 
avait  aussi  des  partisans.  Antiochus, 
surnommé  Épiphanes  ,  parvint  ce- 
pendant à  surmonter  tous  les  obsta- 
cles, et  à  se  placer  sur  le  trône  de  Sy- 
rie. Vers  la  même  époque,  sa  sœur, 
la  reine  Cleopàtre,  mourut;  et  le  peu- 
ple d'Alexandrie  déféra  la  régence  à 
Eulaeus,  eunuque,  et  à  Lénaeus.  Ceux-ci 


PTO 


aa3 


voulurent  presque  aussitôt  revendi- 
quer la  pleine  possession  de  la  Phé- 
nicie  et  de  la  Célésyrie ,  tandis  que 
de  son  tôle  Antiochus  réclamait  la 
tutelle  de  son  neveu.  Une  ambassade 
des  Romains  vint  alors  pour  renou- 
veler les  traités  de  Ptolémée  avec  la 
république;  mais  elle  ne  fit  rien  pour 
aplanir  ces  dilTérends  :  les  deux  par- 
tisrSe  préparèrent  donc  à  la  guer- 
re. Ptolémée  avait  pris  depuis  peu 
les  rênes  du  gouvernement.  Avant  de 
commencer  les  hostilités,  Antiochus 
fit  partir  pour  l'Italie  une  ambassade 
chargée  d'exposer  au  sénat  la  justice 
de  ses  griefs  ,  et  les  raisons  qu'il 
avait  pour  envahir  les  provinces 
contestées.  IMais  les  Romains  ,  trop 
occupés  de  la  guerre  qu'ils  soute- 
naient contre  Persée  ,  roi  de  Macé- 
doine ,  évitèrent  de  se  mêler  de  c'es 
débats.  Antiochus  n'eut  donc  au- 
cune peine  ta  se  rendre  maître  de 
la  Célésyrie ,  de  la  Phéoicie  et  de  la 
Judée  ,  jusqu'aux  frontières  de  l'E- 
gypte. Ce  prince  se  trouvait  ci  Tyr, 
quand  l'île  de  Cypre  lui  fut  livrée  par 
Ptolémée ,  surnommé  le  Maigre  ,  qui 
en  était  gouverneur.  Ce  traître  fut 
admis  au  nombre  des  conseillers 
d'Antiochus,  et  reçut  pour  récom- 
pense le  commandement  des  provin- 
ces conquises  sur  le  continent  pen- 
dant cette  campagne.  Enhardi  par 
la  timidité  des  ministres  et  des  géné- 
raux de  Philométor ,  Antiochus  se 
décida  à  entrer  en  Egypte  ,  en  l'an 
170  avant  J.-C.  Une  flotte  partit  de 
Tyr  ,  pendant  qu'il  se  mettait  en 
roule  avec  une  puissante  armée ,  et 
un  grand  nombre  d'éléphants.  Pto- 
lémée marcha  aussitôt  à  sa  rencon- 
tre, et  vint  le  combattre  à  Péluse, 
pour  défendre  l'entrée  de  son  royau- 
me. Les  troupes  égyptiennes  furent 
mises  dans  une  déroute  complète. 
Antiochus  se  conduisit ,  dans  cette 


«a4  Pl'O  . 

alTdire,  avec  une  grande  humanité. 
Il  témoij^na  beaucoup  decompassiou 
pour  rcxtrèiue  jeunesse  dePliilorae- 
tor ,  et  le  traita  avec  toute  s»rte  d'é- 
gards.Il  se  reuditeusuiteà  Memphis, 
où  il  se  fit  déclarer  roi,  annonçant  que 
son  dessein  était  de  conserver  le  trône 
à  Philomttor.  Sous  ce  prétexte ,  il 
s'empara  de  plusieurs  des  places 
importantes  de  l'Egypte.  Quand  les 
Alexandrins  virent  que  leur  souve- 
rain était  entre  les  mains  d'Antio- 
cluis,  ils  s'empressèrent  de  créer  roi 
son  jeune  frère  Ptoléniéc  ,  qui  fut 
surnommé  Evergètes.  Coraanus  et 
Ciuéassc  mirent  à  la  tète  des  affaires, 
et  envoyèrent  une  ambassade  au  mo- 
uarque  syrien,  pour  connaître  ses  in- 
tentions. Tous  lesdéj)ulésdes  républi- 
ques grecques  qui  étaient  à  Alexandrie 
se'joignirent  aux  ambassadeurs,  et 
vinrent  au  camp  d'Antioclius,  où  ils 
furent  bien  traites;  mais  ce  prince  se 
contentadeleurexposerles  justes  mo- 
tifs qu'il  avait  eus  pour  reprendre  les 
provinces  d'Asie,  et  entrer  en  Egyp- 
te, se  réservant  de  déclarer  ses  vo- 
lontés ultérieures  quand  il  serait  de- 
vant Alexandrie.  Il  se  rendit  à  ÎNau- 
cratis;  et  bientôt  il  fut  sous  les  murs 
de  la  capitale.  Les  habitants  lui  fer- 
mèrent leurs  portes,  et  se  mirent  en 
mesiuede  lui  résister.  En  même  temps 
Évcrgctcs  et  sa  sœur  Cléopalrc  en- 
voyaient demander  des  secours  àux 
Uomains.  Ainsi  Antiochus  fut  obli- 
gé d'assiéger  Alexandrie:  des  dépu- 
tés rhodiens  vinrent  encore  le  trou- 
ver pour  traiter  de  la  paix  ;  il  les  con. 
gériia,  en  leur  répondant  (juc  Pliilo- 
mélor  était  le  seul  légitime  roi  d'E- 
gypte,  et  qu'il  ne  consentirait  pas  à 
reconnaître  Evergètes.  (k-pcndant  le 
siège  traînait  en  longueur  ,  et  une  ré- 
volte des  Juifs  ,  qui  s'étaient  soule- 
vés sur  la  fausse  nouvelle  de  la  mort 
du  roi  de  Syrie  ,  le  força  de  revc- 


PTO 

iiir  en  Asie.  Avant  de  partir,  il  en- 
voya dos  ambassadeurs  à  Route  ,  ra- 
mena  Philomctor  à  Memphis;  et, 
laissant  garnison  dans  Péluse  ,  il 
marcha  contre  Jérusalem  ,  qui  fut 
prise  et  livrée  au  pillage.  Antiochus 
croyait  qu'en  son  absence  les  deux, 
frères  épuiseraient,  dans  une  guerre 
acharnée  ,  les  ressources  du  royau- 
me :  ils  soupçonnèrent  ses  vues ,  et 
bientôt  ils  furent  d'accord  par  la  mé- 
diation de  leur  sœur  Cléopàtre.  Ils 
partagèrent  le  trône;  et  les  années 
de  ce  double  j  ègne  datèrent  du  5 
octobre  170  avant  J. •('-.;  la  dou- 
zième année  de  Pliilométor  répon- 
dant à  la  première  d'Evergètes.  Les 
deux  rois  se  préparèrent  alors  à  ré- 
sister, de  concert ,  aux  nouvelles  ten- 
tatives qu'Aiitiochii'^pourrail  faire  en 
Egypte,  (-('pendant  les  piières  des 
envoyés  d'Evergètes  et  de  Cléopatrc 
avaient  décidé  lesénat  romain  à  faire 
])arlir  des  commissaires  chargés  de 
régler  les  dillérends  du  roi  de  Syrie 
avec  les  princes  Egyptiens.  Comme 
ces  envoyés  passèrent  par  la  Macé- 
doine et  la  Thrace  ,  ils  restèrent 
fort  long-temps  en  route.  En  atten- 
dant, les  généiaux  des  doux  rois  bat- 
taient la  Hotte  d'Antioclius  dans  les 
eaux  de  l'ile  de  Cyj)re,  taiidis  que, 
par  des  négociations  ,  ils  tàcliaient 
d'engager  les  Achéens  à  leur  four- 
nir un  secours  de  cavalerie  et  d'in- 
fanterie ,  commandé  par  Lycorlas 
et  par  l'historien  Polybe  :  mais  ils 
échouèrent  de  ce  côlé.  Quoique  leur 
demande  eût  été  fortement  apjiuyce 
dans  le  conseil  général  de  la  conlcdé- 
ration  ,  les  Aehéens  se  bornèrent  à 
offrir  leur  médiation.  Au  printemps 
de  l'an  1G8  avant  J.-C.  ,  Antiochus 
rassembla  ses  troupes  pour  attaquer 
encore  une  fois  l'EgYpte.  Quand  il 
fut  arrivé  àRhinocorura, sur  la  fron- 
tière des  deux  royaumes ,  Philomé- 


PTO 

tor  lui  fil  demander  pourquoi  il  ve- 
nait visitcrainsien  cnucniiun  prince 
qui  lui  devait  sa  couronne.  Antiochus 
se  contenta  de  lui  repoudre  qu'il  ne 
desarmerait  pas,  si  on  ne  lui  livrait 
l'île  de  Cypre  et  le  territoire  situé 
sur  les  deux  rives  du  Nil,  autour  de 
Pciuse.  Apres  quelques  jours  de  de- 
lai,  il  se  remit  en  raarclic  en  suivant 
les  bords  du  fleuve ,  et  il  soumit  tout 
le  pays  jusqu'à  Memphis;  puis  il 
vint  camper  à  Eleusis  ,  bourg  à 
quatre  milles  d'Alexandrie.  Les  am- 
bassadeurs que  le  sénat  envoyait 
vers  Antiochus  ,  entraient  près  • 
qu'en  même  temps  dans  la  ville  :  ils 
avaient  attendu  pour  passer  en  Egyp- 
te la  nouvelle  certaine  de  l'entière 
défaite  de  Persëe,  roi  deMace'doine: 
ils  traversèrent  aussitôt  le  Nil,  et  ils 
vinrent  dans  le  camp  d' Antiochus. 
Ce  prince  s'avance,  et  tend  la  main 
à  Popilius  Lenas,  qui  avait  été'  un 
de  ses  amis  à  Rome  ;  celui-ci,  sans 
lui  répondre,  lui  présente  un  écrit 
qui  contenait  les  conditions  impo- 
sées par  le  sénat.  Le  roi  y  jette 
les  yeux  :  J'en  conférerai  avec  mes 
amis ,  lui  répondit  -  il.  Popilius  te- 
nait à  la  main  une  baguette  ;  il  trace 
sur  le  sable  un  cercle  autour  du  roi  : 
^i'antd'ensortir,\inAil-\\Jlmefaut 
une  réponse  pour  le  sénat.  Anûochus  y 
surpris  de  cette  audace,  hésite  un 
instant:  ZTe  bien,  j'obéirai  au  peuple 
romain  >•  et  aussitôt  il  donne  à  son 
armée  le  signal  du  départ.  Popilius 
alors  lui  serre  la  main  ,  et  le  traite 
en  ami.  Si  Persée  n^avait  pas  été 
vaincu ,  il  est  permis  de  croire  qu' An- 
tiochus n'aurait  pas  cédé  si  facile- 
ment ;  mais  aussi  les  Romains  n'au- 
raient probablement  pas  montré 
tant  de  hauteur-.  Depuis-lors  ,  les 
provinces  asiati-^ues  ne  furent  plus 
un  objet  de  contestation  :  elles  res- 
tèrent au  roi  de  Syrie.  Il  fallait  en- 

XXXVI, 


PTO 


l'ilj 


core  faire  restituer  l'île  de  Cypre 
aux  Égyptiens.  Popilius  s'y  rendit  ; 
les  généraux  d'Antiochus  y  luttaient 
avec  avantage  contre  ceux  de  Ptolé- 
mée  :  l'ambassadeur  leur  fit  poser 
les  armes  et  évacuer  l'île  tout  en- 
tière. Les  rois  d'Egypte  délivrés  ainsi, 
sans  combattre  ,  d'un  aussi  redou- 
table ennemi ,  en  témoignèrent  leur 
reconnaissance  aux  Romains  par  de 
solennelles  ambassades.  Malgré  l'é- 
loignement  du  roi  de  Syrie,  la  paix, 
si  heureusemeni  établie  eji  Egypte, 
ne  fut  pas  de  longue  durée:  les  deux 
rois  se  brouillèrent  ;  et  la  guerre  ci- 
vile éclata.  Nous  en  ignorons  les  dé^ 
tails;  nous  savons  seulement  qu'E- 
vergèles  fut  contraint  de  quitter  l'E- 
gypte ,  et  d'aller  à  Rome  implorer 
la  protection  du  sénat.  Cet  événe- 
ment dut  arriver  en  l'an  i64  avant 
J.-C.  Les  deux  frères  avaient  régné 
ensemble  pendant  six  ans  :  depuis 
cette  époque  jusqu'à  sa  mort ,  Phiîo- 
métor  fut  seul  roi.  Ce  second  règne 
fut  de  dix-huit  ans.  Il  paraît  que 
c'est  vers  la  même  époque  que  Phi- 
lométor  épousa  sa  sœur  Cléopatre. 
Cependant  Evergètes  était  parvenu  à 
déterminer  les  Romains  à  intervenir 
dans  les  différends  qu'il  avait  avec 
son  frère  :  des  commissaires  arri- 
vèrent en  Egypte  ,  et  ordonnèrent 
qu'Évergètes  conserverait  le  litre  de 
roi  avec  la  possession  de  Cyrène  et 
de  la  Libye,  tandis  que  Philométor 
aurait  l'Egypte  et  l'île  de  Cypre. 
Evergètes  ne  fut  pas  satisfait  de  cette 
décision  :  après  avoir  pris  possession 
des  états  qui  lui  étaient  échus  en 
partage ,  il  quitta  Cyrène ,  dont  il 
laissa  le  gouvernement  à  un  Égyp- 
tien nOmmé  Ptolémée  Sym-petisisj  et 
il  retourna  à  Rome  pour  demander 
que  l'île  de  Cypre  fût  jointe  à  son 
apanage.  Philométor,  de  son  côte, 
envoya  aussi  des  ambassadeurs  char- 
i5 


336  PTO 

«^cs  de  (IcfenJrc  ses  droits.  Évcrj^clcs 
obtint  cette  fuis  pins  de  faveur  au- 
près du  sénat.  T.  Torqiiatus  et  Cn. 
Meriila  furent  expédies  pour  recon- 
cilier les  deux  frères,  et  faire  donner 
l'île  de  Cvpre  au  plus  jeune.  Celui- 
ci,  après  avoir  (|uitlé  Reine  ,  s'était 
rendu  dans  la  Grèce ,  oii  il  avait 
fait  dos  levées  ,  avec  lesquelles  il 
voulait  s'assurer,  par  la  force, de  l'île 
dont  il  revendi(iuait  la  possession. 
Ses  troupes  étaient  à  Side ,  en  Pam- 

f)liylie,  prêtes  k  s'embarquer,  quand 
es  envove's  romains  ,  qui  voulaient 
terminer  cette  nllairesans  recourir  à 
la  voiedes  armes,  ren;;apèrcnt  à  fai- 
re passer  ses  soldats  en  Libye,  jien- 
danl  ipi'ds  iraient  à  Alexandrie  pour 
décider  Philomélor  h  ubiempérer  au 
Jugement  du  sénat.  Kvergctes  se  ren- 
dit cn  Crète,  et  de  là  en  Afrique; 
les  ambassadeurs  allèrent  en  Kgyp- 
te,  et  n'y  eurent  aucun  succès  :  ils 
revinrent  auprès  du  jeune  Plolé- 
œéc ,  qui  déjà  s'ava^içait  le  long 
de  la  mer  ,  pour  attaquer  avec  son 
armée  le  royaume  de  son  frère.  Au 
moment  où  il  se  jiréparait  à  y  en- 
trer, il  apprit  que  le  gouverneurqu'il 
avait  laisse  à  Cyrène.el  les  liabilants, 
s'étaient  révoltés:  il  fut  donc  obligé 
de  retourner  sur  ses  pas.  Les  Li- 
byens ,  qui  s'étaient  joints  aux  rebel- 
les ,  lui  fermaient  le  passage  :  il  prit 
alors  le  parti  de  faire  end)aiqner 
plusieurs  corps  de  troupes,  destinés 
à  opérer  une  diversion,  pour  qu'il 

f)ûl  combattre, avec  plus  d'avantage, 
es  ennemis  qu'il  avait  en  tète.  Après 
en  avoir  triomphé,  il  parvint  en 
sept  jours  devant  Cyrène  ,  qui  ne  se 
soumit  qu'après  une  longue  résis- 
tance; tant  cette  ville  avait  d'hor- 
reur pour  la  domination  dure  et  ty- 
ranuique  d'Evergètcs.  Pliiloméfor, 
au  contraire  ,  était  très  -  aimé  de 
ses  sujets.  Sa  valeur  et  ses  talents 


PTO 

rappelaient  les  premiers  princes  de 
sa  race,  dont  il  aurait  peut-être 
égalé  la  gloire  si  son  royaume  avait 
été  placé  dans  des  circonstances  aus- 
si favorables;  mais  la  puissance  de 
Home  ne  pcrnieltait  jilus  aux  rois 
de  l'Asie  q\ie  des  vertus  pacifi(]ucs, 
s'ils  voulaient  conserver  le  reste  de 
leurs  ét.ils.  La  résistance  de  Plii- 
lométor  devait  paraître  assez,  étran- 
ge aux  Romains  ,  accoutumés  à  plus 
d'obéissance  de  la  part  des  souve- 
rains de  l'Orient.  De  nojiveaux  dé- 
putés vinrent,  de  paît  et  d'autre, 
liebattre  la  même  question  devant 
le  sénat.  liC  crédit  d'Evergètcs  l'em- 
porta. Menytljillus  ,  envoyé  de  Plii- 
lométor  ,  eut  ordre  de  quitter  Ho- 
me en  cinq  jours  ;  et  son  maître 
fut  retranché  de  l'alliance  de  la  ré- 
publique. D'autres  commissaires  al- 
lèrent porter  à  Cyrène  celte  d('ci- 
sion  ;  et  Kvergètes  fit  aussitôt  des 
préparatifs  militaires  pour  envahir 
l'île  de  Cvpre.  Vers  le  même  tem|>s, 
une  teiitative  d'assas«inat,  dans  la- 
quelle ce  prince  faillit  périr  ,  et 
dont  il  regarda  son  frère  comme 
l'auteur,  lui  fouinit  de  nouveaux 
motifs  pour  attacher  ])lus  fortement 
la  ré|)ul)lique  à  ses  intérêts.  Il  se 
rendit  encore  une  fois  à  Rome  pour 
demandervengeance.  Vainement  Phi- 
lomélor essaya-t-ildc  se  justifier  :  on 
refusa  d'entendre  ses  représenta- 
tions ;  et  le  sénat  lança  un  décret 
qui  autorisait  tous  les  alliés  grecs  et 
asiatiques  à  fournir  des  secours  à 
Évergèles.  Philomélor  fut  donc  obli- 
gé de  braver  le  courroux  des  Ro- 
mains, et  de  se  préparer  à  la  guer- 
re. Sans  perdre  de  temps  ,  il  passa 
en  Cypre,  où  son  frère  vint  le  com- 
battre :  bientôt  leursforces lurent  en 
présence  ,  et  Evergèles  fut  complè- 
tement vaincu.  Contraint  de  s'enfer- 
mer dans  Lapitbus ,  il  y  fut  f^siégé 


PTO 

çl  récluit  h  la  dernière  extrdmltë. 
Philoiuëtor ,  maître  de  le  traiter  en 
ennemi,  proféra  lui  pardonner:  il 
exigea  seulement  de  lui  qu'il  se  con- 
tenterait de  la  Gyre'naïque  ;  il  eut  de 
plus  la  générosité  d'y  joindre  quel- 
ques villes  de  l'île  de  Cypre,  et  une 
certaine  quantité  de  blë  :  enfin  il  pro- 
mit de  luidonnersafillepoure'pouse. 
La  bonne  harmonie  ainsi  consolide'e 
entre  les  deux  frères  ,  ne  fut  plus 
troublée  depuis.  L'Egypte  jouit,  pen- 
dant plusieurs  anne'es,  d'une  pro- 
fonde paix  ;  et  elle  se  rétablit,  sous 
l'heureux  gouverriement  de  Philo- 
métor  ,  des  maux  qu'elle  avait  souf- 
ferts par  les  guerres  civiles  et  étran- 
gères. La  trahison  d'Archias  ,  gou- 
verneur de  Cypre,  qui  entreprit  de 
livrer  cette  île  à  Démétrius  I*^'".  , 
surnommé  Soter ,  roi  de  Syrie,  vint 
rallumer  la  guerre  ;  mais  cette  trahi- 
son n'eut  aucun  succès  ,  et  le  traître 
Archias  prévint ,  par  une  mort  vo- 
lontaire, le  châtiment  qu'il  avait 
mérité.  Pour  se  vengeride  cette  ten- 
tative ,  Philométor  appuya  secrète- 
ment les  mécontents  de  Syrie  ,  et 
favorisa  les  manœuvres  d'Hcracli- 
des  ,  autrefois  ministre  d'Aiitiochns 
Épiphanes  ,  qui  produisit  alors  \m 
fils  naturel  de  son  ancien  souve- 
^j'ain  ,  nommé  Alexandre  Bala ,  et 
parvint  ,  en  l'an  i53  avant  J.- 
C. ,  à  le  faire  reconnaître  pour 
roi  de  Syrie  ,  par  le  sénat  ro- 
main. La  garnison  de  Ptolémaïs , 
secrètement  gagnée  par  le  roi  d'E- 
gypte ,  livra  cette  place  importante 
au  nouveau  prétendant.  Celui  -  ci , 
renforcé  par  les  soldats  qui  avaient 
abandonné  le  parti  de  Démétrius,  et 
par  ceux  qu'il  recevait  de  Philomé- 
tor, fut  promplement  en  état  de  se 
mesurer  avec  son  compétiteur.  Une 
première  affaire  ne  fut  pas  heureuse 
pour  Ijii^  mais  bieotôt  après ,  reuCor. 


PTO 


a^7 


ce  parles  secours  qu'il  reçut,  soit  de 
l'Egypte,  soit  d'Attale  ,  roi  de  Perga- 
me,  d'Ariarathe,  roideCappadoce, 
et  de  Jonathas  ,  pontife  des  juifs  , 
Alexandre  reprit  l'odensivc  ,  eî  vint 
présenter  la  bataille  à  Démétrius  , 
qui  fut  vaincu  et  périt  en  combattant 
vaillamment.  Aussitôt  q'uAlexandre 
se  vit  maître  du  trône  de  Syrie,  il 
demanda  en  mariage  Cléopdtre,  fille 
de  Philométor,  qui  conduisit  lui-mê- 
me sa  fille  à  Ptolémaïs,  où  les  noces 
se  célébrèrent  avec  la  plus  grande  so- 
lennité. Alexandre  eut  de  ce  mariage 
un  fils  nommé  Anlioduis,  qui,  trois 
années  après  la  mort  de  son  père 
fut  reconnu  comme  roi  de  Syrie; 
il  est  désigné  sous  le  nom  d'Autio- 
clius  Dionr.ms.  Quoiqu'Alexandrc 
ne  fût  dépourvu  ni  de  courage  ,  ni 
de  talents  ,  dès  qu'il  n'eut  plus  de  ri- 
val à  combattre,  il  s'abandoiïna  à  la 
mollesse  ,  laissant  tout  le  soin  des 
affaires  à  son  ministre  Aramonius. 
Cet  homme  cruel  et  ambitieux  fit 
partager  a  son  souverr.iu  la  haine 
qu'il  inspira  bientôt  à  tous  les  peu- 
ples delà  Syrie.  Des  révoltes e'clatè- 
rent  sur  plusieurs  points  ;  et  en  l'an 
i47  avant  J.  -  C. ,  Démétrius  ,  sur- 
nommé Nicatur,  fils  aîné  de  Dé- 
métrius, vint  à  la  tête  d'un  corps 
de  troupes  Cretoises,  pour  recon- 
quérir la  couronne  qui  avait  <ij>j>'ar- 
tenu  à  son  père.  En  peu  de -temps 
il  fit  de  rapides  progrès.  Dans  cette 
extrémité,  Alexandre  réclama  le  se- 
cours de  son  beau-père  ,  tandis  que 
de  son  côté  ,  il  ordonnait  des  levées 
et  se  préparait  à  résister.  Philométor 
ne  tarda  pas  à  se  diriger  vers  la  Sy- 
rie ,  avec  une  puissante  armée  de 
terre  et  de  mer  ;  il  soumit  Azot , 
Joppé  ,  et  toutes  les  villes  de  la  Pa- 
lestine, jusqu'à  Ptolémaïs;  Jonathas, 
grand-pontife  des  Juifs ,  vint  le  visi- 
ter à  soa  ga&sagf,  et  retourna  com- 
a5.. 


-218 


PTO 


bld  de  présents  à  Jc'riisnlein.  Comme 
Philomc'tor    mettait    «les    garnisons 
égyptiennes  clans  toutes  les  villes  où  il 
entrait,  Ammonins  conçut  des  soup- 
çons sur  ses  vues.  Persuade  que  son 
but  était  moins  de  secourir  Alexan- 
dre, que  de  s'agrandir  auK  dépens 
de  la   Syrie ,    il    tenta    de    le    faire 
périra  Ptolema'is.  Ses  machinations 
furent  découvertes  ;  et  le  roi  d'E- 
gypte e'crivit  aussitôt  à  Alexandre  , 
en  lui   demandant   le  châtiment  du 
perGJc    Amraonius.    N'obtenant   ni 
réponse  ,  ni  satisfaction  ,  il  crut  que 
son   gendre   avait    partaee    le   cri- 
me  de  son   ministre  ,  et  il   lui   dé- 
clara la  guerre  ,  continuant  sa  mar- 
che ,  et  soiunettant   toutes    les  vil- 
les de  la   Phc'nicie  ,  et  des  côtes  de 
la  Svric  ,  jus(ju'à  Scicucie ,  à  l'eni- 
bouchure  de  lOrnntes.  Là  il  résolut 
de  rompre  tous  les  liens  qui  l'atta- 
chaient encore  à  l'ingrat  Alexandre  ; 
il  rappela  sa  (illc  Cleop.ître,  et  en- 
voya des  ambassadeurs  olfrir  à  De'- 
mclrius  son  alliance  et  ses  seconr<» 
pour  remonter  sur  le  tniue  paternel. 
La    proposition   fut    acceptée   sans 
peine  :  hëmetriiis  prit  pour  femme 
la  lille  de  Philomélor,  et  il  réunit  aus- 
sitôt SCS  forces  à  celles  de  son  beau- 
père,    pour  combattre    Alexandre. 
Philométor  était  toujours  à  Séleu- 
cie  ,  assez   près  rt'Antioche  ,   capi- 
tale delà  Syrie,  lise  dirigea  vers  cette 
ville,  qui  lui  ouvrit  ses  portes  sans 
résistance.  Les  habitants  le  saluèrent 
roi,  et  ornèrent  son  front  d'un  dou- 
ble diadème.  Soit  par  modération  , 
soit  par  la  crainte  d'exciter  les  soup- 
çons des  Romains  ,  Philométor  re- 
fusa le  royaume  qu'on  lui  livrait, 
pour  le  laisser  au  jeune  Démctrius  , 
dont  il  se  déclarait  le  protecteur.  La 
fortune  donnait  alors  au  roi  d'E- 
gypte ,  le  rôle  qu' Antiochus  Epipha- 
nes  avait  joué  autrefois  à  Memphis. 


PTO 

Toutefois  il  eut  beaucoup  de  peine  à 
triompher  de  la  répugnance  que  les 
liabilants  d'Antiochect  les  sold.ilsde 
Syrie  avaient  pour  la  domination 
de  Démctrius,  à  cause  de  la  liaine 
qu'ils  avaient  conservée  contre  lamé- 
moire  de  son  père.  Ils  consentirent 
cependant  à  placer  sur  la  tète  du  jeune 
j>iétendant,la  couronne  qu'ils  avaient 
oll'erleauroid'Egvpte.  Lesdcux prin- 
ces se  disposèrent  ainsi  à  marcher 
contre  Alexandre  ,  qui  ,  à  la  tète 
d'une  puissante  armée  ,  arrivait  de 
la  Cilicie,  où  il  était  allé  soumettre 
des  rebelles.  A  peine  fut-il  entré  en 
Syrie,  qu'il  mi  ta  feu  et  à  sang  le  terri- 
toire d'Antioche.  Lesdcux  aimées  se 
trouvèrent  en  présence  sur  les  bords 
de  rOKnoparas  ,  dans  les  environs 
d'Antioche;  Alexandre  fut  vaincu, 
et  contraint  de  s'enfuir  avec  ciiupiaii- 
te  hommes  seulement  :  il  alla  cher- 
cher un  asylc  chez  un  chef  arabe, 
nomme  Zabdiel  ,  déjà  chargé  par 
lui  de  garder  le  fils  qu'il  avait  eu  de 
Cleo  pâtre.  Xi'ahi  parée  perfide ,  il  fut 
assassiné;  et  quehpies  jours  ajirès  sa 
tète  fut  portée  à  Philomélor.  Quant 
à  ce  prince  ,  il  avait  trouvé  la  mort 
aux  lieux  mêmes  qui  venaient  d'cire 
le  théâtre  de  sa  victoire.  Son  che- 
val ,  elfrayé  des  cris  d'un  éléphant, 
l'avait  jeté  à  terre;  et  il  s'était  si 
griJ'vement  blessé,  qu'il  expira  peu 
de  jours  après  ,  au  moment  où  les 
médecins  se  préparaient  à  le  trépa- 
ner ,  et  lorsqu'on  lui  eut  annoncé 
la  mort  de  son  ennemi.  Il  avait , 
depuis  la  mort  de  son  père ,  régne 
trente-cinqans,  pcndantlesquels  iloc- 
cupa  six  ans  le  trône  avec  Evergctcs. 
Il  laissa  trois  enfants  ,  un  fils  encore 
fort  jeune  nommé  Ploléraée  ,  sa  fdlc 
Cleo  pâtre  mariée  à  Démétrius  ,  et 
une  autre  Cleo  pâtre  promise  à  Éver- 
gètcs.Cefutsousson  règne  qu'Onias, 
fils  du  pontife  juif  Osias  ,  réfugié  à 


PTO 

Alexandrie ,  obtint  de  Pliilome'tor  la 
faciiltéde  faire  édifier,  eu  Egypte,  un 
temple  semblable  à  celui  de  Jérusa- 
lem. Pliilome'tor  voulait  peut-être 
séparer  les  Juifs  d'Egypte  qui  étaient 
tort  nombreux ,  de  leurs  frères  de 
Syrie  ,  qui  dépendaient  des  rois  Sé- 
Icucides,  et  se  les  attacher  davantage: 
aussi  accéda-t-il  sans  peine  à  la  de- 
mande d'Onias.  11  lui  abandonna  un 
ancien  temple  à  Bubaste.  Onias  le  fit 
raser;  on  en  purifia  le  sol ,  et  l'on  y 
construisit  un  nouvel  édifice,  desservi 
pardes  prêtres  et  des  lévites.  Ce  tem- 
ple devint  rival  de  celui  de  Jérusalem  : 
il  subsista  fort  long-temps,  et  fut  con- 
nu sous  le  nom  à' Onion  ;  il  était  si- 
tué sur  un  tertre  peu  éloigné  d'Hélio- 
polis ,  du  côté  de  l'orient  :  il  est  nom- 
mé actuellement  Tell  iahoudieh  , 
c'est-à-dire  ,  la  Colline  des  Juifs. 
S.  M— N. 
PTOLÉMÉK(i),  surnommé  Eu- 
PATOR ,  fut  le  successeur  immédiat 
de  PtoléméePhilométor,  La  découver, 
te  d'un  contrat  grec,  dressé  autrefois 
eu  Egypte,  et  publié  pour  la  première 
fois  par  M.  Bockh  -j) ,  uous  a  fait 
connaître  un  prince  de  la  race  des 
Ptolémées,  resté  inconnu  jusqu'à  pré- 
sent dans  l'histoire.  Ce  n'est  pas  que 
les  anciens  nous  aient ,  à  proprement 
parler  ,  laissé  tout-à-fait  ignorer  son 
existence;  mais  aucun  ne  nous  avait 
appris  qu'il  eût  reçu  un  de  ces  titres 
divins ,  réservés  aux  souverains  de 
l'Egypte.  Les  auteurs  mentionnent 
bien  un  fils  de  Philométor  ,  sacri- 
fié à  la  jalouse  ambition  de  son  on- 
cle Évergètes  ;  mais  il  était  réservé 


h'ioil 


i  Ptole 


VII. 


(i)  Si  nous  nappt'loiis  pas  Ptolemce  VU,  ce  nou- 
veau roi  d'Egypte,  c-'estalin  de  lie  pas  chaugerlfS  (\it- 
sigiiatioDs  numériques  adoptées  iu£qu'ici  pour  dis- 
tinguer les  Ptolémiics  ,  et  qui  se  trouvent  indiquées 
daus  plusieurs  articles  de  la  Biographie  universelle. 

(2.yEifrltieningeincr  Ai^yplischen  Vrkuiide  airf 
Papyrus  m  e^iiec/iisclie  CurswschiifC  voni  Jahic 
^<i4  ,  ♦""  ilt!i  Chiistlichen  ZeirtecwniiKy ,  Beriiii , 
iSii ,  it>-4". 


PTO  2>9 

au  monument  dont  nous  venons  de 
parler,  de  le  faire  connaître  plus 
particulièrement.  Ce  contrat,  com- 
me tous  les  actes  publics  de  l'Egypte, 
contient  d'abord  l'énoncé  des  litres 
de  tous  les  souverains  qui  avaient 
occupé  le  trône  avant  les  princes 
régnants, qui  étaientCléopâtre,  veuve 
d'Évergèles  II, et  son  second  filsPlo- 
lémée  Alexandre  l*^"".  Cette  liste  nous 
présente,  entre  le  dieu  F hilométur  et 
le  dieu  Evergètes  ,  son  frère ,  un 
autre  personnage  divinisé  sous  le 
nom  à'Eupator ,  qui  ne  peut  être  que 
le  jeune  fils  de  Philométor,  reconnu 
roi ,  et  ensuite  mis  à  mort  par  Éver- 
gètes. Il  est  probable  qu'Évergctes 
ne  put,  ou  peut-être  n'osa  pas  ,  ôter 
du  catalogue  divin  le  malheureux 
fils  d'un  roi  aussi  aime  que  l'avait 
été  Philométor.  Il  craignait ,  sans 
doute  ,  d'irriter  les  Alexandrins ,  qui 
furent  toujours  redoutables  à  leurs 
souverains,  mais  plus  encore  à  Ever- 
gètes II  qu'à  tout  autre.  Le  surnom 
à'Eupator  (né  d'un  père  illustre) 
donné  au  fils  de  Philométor ,  serait 
lui  seul  la  preuve  de  l'attachement 
que  l'on  conservait  à  la  mémoire  de 
ce  prince.  Il  dut,  à  cet  attachement, 
Thonncur  d'être  déclaré  roi ,  et  d'ê- 
tre ensuite,  long -temps  après  sa 
mort ,  mentionné  dans  les  actes  pu- 
bUcs.  C'est ,  sans  doute,  en  l'an  i  45 
avant  J.-C,  aussitôt  après  la  mort 
de  son  père  ,  que  Ptolémée  Eupator 
fut  proclamé ,  sous  la  tutelle  de  sa 
mère  Cléopàtre  ;  et  c'est  du  29  sep- 
tembre 140  précédent,  qu'il  dut, 
suivant  l'usage  égyptien,  compter 
la  première  et  certainement  la  der- 
nière année  de  son  règne  éphémère  , 
qui  se  perdit  dans  la  durée  de  celui 
de  son  successeur.  On  verra,  dans 
l'article  de  ce  dernier,  le  peu  de  faits 
qui  inléressenlPlolèméc  Eupator,  Le 
nicme  prince  est  mentionne  dans  uii 


23o  PTO 

autre  contra t d'Egypte , écrit  eti  j^rcc, 
et  encore  inéiiit ,  qui  se  trouve  à  \n 
bibliotlioqncdu  Roi  ;3),  8.  M — n. 
PTOLÉMÉE  Vil  ,  surnommé 
Èfebgèi  es  II.  Quand  la  nouvelle  de 
la  mort  prématurée  de  Philonictor 
fut  parvenue  en  Egypte,  5a  veuve 
Cle'opàtre  ,  et  les  grands  de  l'ctat 
s'einpres.'èrent  de  déclarer  roi  sou 
jeune  (ils.  Cleopàlre  lut  chargée  de 
sa  tutelle.  Lorsque  le  incnic  événe- 
ment fut  connu  à  Cyrèue,  où  régnait 
Évergctcs  ,  frère  de  Pliiloniétor  ,  on 
V  prit  des  mesures  pour  s'emparer 
de  l'Égvpte.  Éverçètes  commença 
par  rétlamcr  11  tutelle  de  son  neveu; 
mnis  la  reine  Cléopàtre  rassemblait 
des  troupes  ,  et  se  préparait  à  lui 
résister.  Parmi  ceux  qui ,  dausci-lte 
circonstance  ,  monlrérent  lo  plus 
d'attachement  à  la  mémoire  de  Plii- 
loniétor ,  on  remarquait  Onias,  le 
ponlilV  dc«  juifs  établis  en  Egypte, 
qui  vint  ofliir  ses  services  à  la  rei- 
ne, avec  un  corps  de  troupes  de  sa 
nation.  Cependant  Evcrgctes  ap|)ro- 
cliait  avec  son  armée, el  bient«"»l  il  as- 
siégea la  capitale.  Cette  guerre  ne  lut 
pas  de  longue  durée  :  uiwt  rai  lé  rap- 
procha les  deux  partis.  Ou  convint 
qu'Evergctcs,en  prenant  la  tutelle  du 
jeuuc  Eupator, épouserait  la  rrincmè- 
re.  A  peine  fut-il  entré  dans  .Alexan- 
drie, qu'il  justifia  sa  réputali()n  de 
cruauté,  eu  fiisant  massacrçr  tous 
les  partisans  de  son  neveu,  et  en  égor- 
geant liii-nièmc  cet  enfant  dans  les 
bras  de  sa  mère,  le  jour  de  son  ma- 
riage avec  elle.  Des  meurtres  conti- 
nuels marquèrent  ensuite  chacun  des 
jours  de  sa  puissance:  il  lit  massacrer 
plusieurs  des  Cyrénéens  qui  étaient 
venus  avec  lui  en  Egypte,  parce 
qu'ils  s'étaient  permis  quelques  |)lai- 
sauteries  au  sujet  de  la  coui tisane 

(>j  Journal  Jet  tai-anli ,  i8ia,p. 53ti  it  ^^9. 


PTO 

Irène,  qu'il  aimait  passionnément. 
Les  soldats  étrangers  qu'il  avait  ;uue- 
nés,vivaientà  discrétion  dans  Alexan- 
drie. Pour  se  les  attacher  davantage  , 
il  leur  donnait  pleine  licence.  Pendant 
les  cérémonies  de  son  introuisalion 
qui  eut  lieu  ,  comme  de  coutume  ,  à 
Meniphis  et  selon  les  rits  égvptiens  , 
il  lui  naquit  un  fils  ,  qui  reçut  ,  de 
cette  circonstance  le  nom  de  Mem~ 
l'hitès.  11  résulte  de  là  ,  que  c'est  en- 
viron un  an  après  l'élévation  de  ce 
prince,  en  i4;">  ou  i44  avant  J.-C. , 
que  s'accomplit  cette  formalité  in- 
dispensable. Evergètes  (it  ensuite 
mettre  à  mort  les  principaux  ci- 
toyens d'Alexandrie,  et  tous  les  per- 
sonnages de  la  cour  (jui  avaient  etc 
élevés  avec  son  frère  Pliiloniétor. 
Enlin  las  de  sa  sœur,  dont  il  n'était 
devenu  l'époux  (|ue  pour  s'empa- 
rer delà  couronne,  il  voulut  s'en  sé- 
parer ,  et  mettre  sur  le  trône  sa  niè- 
ce ,  lillc  de  la  reine  et  nommée  aussi 
Cléopàtre ,  celle-là  même  que  Plii- 
lometoi  avait  promis  autrefois  de 
lui  donner  pour  femme.  11  (it  vio- 
lence à  celle  piinresse  ,  et,  ajirès 
cet  outrage  ("ait  à  la  lille,  il  lepu- 
dia  la  mère.  Il  ne  p.~.raîl  pas  tou- 
tefois qu'Evergèles  ait  songé  à  ôter 
à  celle-ci  le  litre  de  leine  ,  le  droit 
d'être  mentionnée  dans  les  actes  pu- 
blics ,  et  sans  doute  i:n  certain 
pouvoir  dans  l'état.  iNoiis  en  avons 
au  moins  la  preuve  par  un  contrat 
égvplien  et  giec,  dalé  du  78  alliyr 
de  l'an  30  d'Évergètes  ,  qui  répond 
au  u'wî  décembre  de  l'an  i3:l  avant 
J.-C.  On  y  voit,  dans  la  partie  ég\p- 
tienne  (i  ),  que  les  deux  Cléopàlies  , 
mère  et  lille,  étaient  nommées  con- 
curremment dans  les  actes  publics,  et 


(1)  yln  Arcount  <<f  tomr  rrreni  Hnroferict  in 
hiernghphical  LlrraUire  ami  Heyplinn  nntir/iiilie'  , 
itirliiiiiii^  ihr  anihor'i  original  ni /ih.Jiri ,  ,lt.,\,y 
llioiuas  VuuDg. 


PTO 

que  la  mère  avait  toujours  conservé 
le  premier  raug.  Sous  le  règne  du 
cruel  Évcrgètes,  Alexandrie  devint 
déserte  ;  tout  le  monde  fuyait  le  joug 
d'un  lyran  aussi  insensé  que  sangui- 
naire: ilfutobligéd'y  appeler,  par  ses 
décrets ,  des  étrangers  ,  qu'aucun 
avantage  encore  ne  pouvait  décider 
à  venir  vivre  sous  ses  lois.  Des  am- 
bassadeurs romains  ,  chargés  par  le 
sénat  de  visiter  les  royaumes  alliés  , 
et  parmi  lesquels  était  Scipion  Emi- 
lien  ,  vinrent  en  Egypte,  l^a  capitale 
était  dans  l'abandon  et  la  solitude: 
ils  eurent  horreur  de  son  indigne  mo- 
narque. Tout  en  lui  justifiait  la  hai- 
ne et  le  mépris  de  ses  sujets.  Sa  mol- 
lesse et  son  intempérance  égalaient 
sa  cruauté  :  toujours  plongé  dans  les 
plus  honteuses  voluptés,  au  milieu  des 
excès  de  ions  les  genres  ,  son  aspect 
était  devenu  aussi  repoussant  que  sa 
conduite  était  détestable.  Posidonius 
le  Stoïcien  ,  qui  avait  accompagné 
les  ambassadeurs  romains ,  nous  a 
conservé  le  portrait  de  sa  diffor- 
mité. Fort  petit  de  taille  ,  l'énor- 
me  ampleur  de  son  ventre  était 
telle  ,  qu^il  pouvait  à  peine  mar- 
cher. C'est  à  cette  infirmité,  pro- 
duite par  son  intempérance  ,  <ju'il 
dut  le  surnom  de  Plijsconon  lere/i- 
/ra,({ucluidonnèrcnl  les  Alexandrins. 
Ce  peuple  léger,  et  presque  aussi  cor- 
rompu que  ses  rois  ,  ne  manquait  ja- 
mais de  désigner  ,  par  nn  sobri- 
quet ,  ceux  d'entre  eux  qui  avaient 
mérité  sa  haine  ou  son  mépris.  Tout 
lui  paraissait  odieux  dans  Evergctes  : 
ce  surnom  lui-même,  qui  semblait 
une  sanglante  dérision,  n'était,  dans 
la  bouche  du  peujile ,  (ju'une  iro- 
nie amère.  Aussi  l'appclait-on  volon- 
tiers Cacergètes  (le  mal-faisant) ,  au 
lieu  à' Evergèies  (  le  bienfaisant  ). 
On  s'étonne  seulement  qu'un  roi  si 
délesté  ait  régné  si  long -temps.  Un 


PTO  a5ï 

seul  homme  soutenait  tout  le  fardeau 
du  gouvernement  ;  et  l'estime  qu'où 
lui  portait,  était  la  sauve-garde  de  son 
indigne  souverain.  C'était  Hiérax , 
gouverneur  d'Alexandrie,  officier  ex- 
périmenté, très-populaire,  et  doué 
des  plus  belles  qualités.  Plusieurs 
fois,  il  subvint,  avec  ses  ressotirces 
particulières  ,  à  la  pénurie  du  trésor 
épuisé  par  les  prodigalités  du  roi  :  il 
retint  ainsi ,  sous  les  drapeaux  du 
prince,  les  mercenaires,  son  seul  ap- 
pui, qui  étaient  prêts  à  le  quitter.  A  la 
(in  cependant  l'mdign^tion  se  mani- 
festa avec  fureur.  C'était  eu  la  dix- 
septième  année  de  son  règne  ,  depuis 
la  mort  de  son  frère  ,  par  consé- 
quent en  l'an  i3o  (a)  :  le  peuple  mit 
le  feu  au  palais  ,  et  Evcrgètes  n'eut 
que  le  temj)s  de  s'enfuir  en  Cypre 
avec  Cléopàtre  la  jeune.  11  paraît 
que  Cléopàtre  la  mère  fut  le  princi- 
pal mobile  de  ce  soulèvement  ',  car 
aussitôt  qu'on  eut  brisé  les  statues  et 
les  images  d'Evergèles,  on  conféra 
le  gouvernement  à  cette  piincesse.  A 
cette  nouvelle  ,  la  rage  du  roi  exile 
ne  connut  plus  de  boines:  appréhen- 
dant que  la  reine  ne  fît  proclamer 
le  fils  (|u'elle  avait  eu  de  lui  ,  et  qui 
était  assez  grand,  il  le  fit  venir  de  Cy- 
rcne  ,  puis  il  donna  ordre  de  l'é- 
gorger, et  de  placer  ses  membres 
dans  une  corbeille  ,  qui  fut  portée  à 
Alexandrie,  et  présentée  à  la  reine  le 
jour  même  «jue  l'on  y  célébrait  la 
fête  de  sa  naissance.  Cet  horrible 
spectacle  glaça  d'épouvante  la  cour 
et  le  peuple  tout  entier,  qui  vit  ce 
que  lui  réservait  un  prince   capa- 

(7.)  M.  l.rtroDuc  est  entré  daus  de  longs  détails 
{' Recherchai  sur  l'hist.  de  l'E^yjjte ,  etc.,  p.  92  ) 
pour  dcteriinuer  la  date  de  cet  événement.  Quoi- 
que sou  résultat  soit  précisément  conforme  ^  ceux 
des  auteurs  qui  s'étaient  occupés  avant  lui  de  dis- 
cuter ce  point  d'histoire  ,  nons  croyons  devoir  nous 
en  écarter  par  la  raison  que  cette  opinion  est  fon- 
dée fur  un  pa.'sage  de  Diodore  mal  entendu.  Cite 
iuexa.lcin.i.t  par  Voillaut,  et  depuis  tuu)ours  adw 
luis  de  cuuiiancc 


j33  FTO 

blo  d'une  telle  atrocité.  Des  deux 
côtes  ,  on  se  prépara  à  la  guerre. 
Evcrgctcs  rassembla  do  grandes  for- 
ces dans  l'île  de  Cyprc;  et  bientôt  il 
les  fit  passer  en  Egypte.  Hégclochus, 
sou  général ,  y  battit  Marsyas  ,  qui 
commandait  les  troupes  de  Cle'opà- 
tie,  le  (it  prisonnier,  et  l'envoya  au 
roi  qui  le  traita  avec  bonté.  Evergc- 
les  espérait  ,  par  cet  acte  de  clémen- 
ce, auquel  on  ne  s'attendait  pas,  ra- 
mener vers  lui  io6  peuples  de  l'E- 
gypte. Cependant  CIcopdtre  se  dé- 
fendait toujours  dans  Alexandrie. 
Elle  implura  le  secours  de  son  gen- 
dre Déméirius  Nicaior  ,  roi  de  Sy- 
rie, qui  était  depuis  peu  do  retour 
de  sa  longue  captivité  chez  les  Par- 
thcs  :  elle  lui  oilrait  même  la  sou- 
Tcraineté.  Celui  ci  réunit  aussitôt  îles 
troupes  ,  et  vint  mettre  le  siogc  de- 
vant l'eluse  ;  mais  il  ne  tarda  pas  à 
le  lever  pour  marcher  contre  Antio- 
che  qui  venait  de  se  révolter.  Déjà 
les  rebelles  avaient  fourni  des  se- 
cours à  Evergctes.  La  retraite  de 
Déméirius  laissant  Cléopàlrc  sans 
espoir  de  délivrance,  clic  chargea 
toutes  ses  richesses  sur  ses  vais- 
seaux ,  et  alla  chercher  un  asylc 
en  Syrie ,  chez  sa  fille  ,  la  femme 
de  Déinétrius.  Alexandrie  se  rendit 
alors.  Lorsqu'Evergèlcs  fut  rétabli 
sur  sou  trône ,  voulaut  se  venge^de 
Démétrius ,  il  suscita  contre  lui  ua 
aventurier  (  F.  Alexa-ndhe  Zabi- 
NAS,  I,  5o9\  qui  IcdétiÔua  :  Démé- 
irius complètement  défait ,  chercha 
un  asyle  à  Tyr,  où  sa  femme  le  fit 
assassiner,  l'an  iiVi  avant  J.-C.  (  f. 
Dlml'triusNicator,  XI,  4o.)  Cléo- 
pâtre  devint  alors  reine  de  Syrie,  et 
ellecontinua  la  guerre  contre  Alexan- 
dre (  roy.  Cllopatre,  IX,  67  ). 
Cet  usurpateur  avait  su  se  concilier 
ralTcction  des  peuples:  il  résista  cou- 
rageusement ,  et  crut  pouvoir  se  pas- 


PTO 

scr  du  Eoi  d'Egypte,  son  protecteur, 
lia  lutte  désavantageuse  dans  la- 
quelle la  reine  de  Syrie  se  trouvait 
engagée  ,  la  porta  à  rechercher  l'ap- 
pui de  son  pareut,  qu'Alexandre  dé- 
daignait. Par  l'entremise  de  sa  mère 
Cléopàtre,  autrefois  femme  d'Ever- 
gctes  ,  et  qui  s'était ,  à  ce  qu'il  pa- 
raît ,  réconciliée  avec  son  mari,  elle 
sollicita  des  secours  et  l'alliaiue  de 
son  fils  Antiochus  avec  Tryphèiie  , 
(il le  d'Évergèles  II  ,  et  de  Cleopàtio 
la  jeune.  La  négociation  eut  un  plein 
succès  ,  le  mariage  fut  décidé ,  des 
secours  furent  envoyés  ;  et  Alexan 
dre  vaincu  fut  réduit  à  se  donner  la 
mort.  Evergètes,  rétabli  sur  son  trô- 
ne, y  resta  en  paix  .  justpi'a  l'épocpic 
où  il  cessa  de  vivre.  L'histoire  ne  nous 
a  rien  transuiis  sur  ce  cpii  se  passa 
pendant  ce  laps  de  temps.  ÎS'ous  sa- 
vons seulement  qu'avant  sa  mort,  il 
voulut  unir  l'aîné  des  fils  qu'il  avait 
eus  de  Cléopâtrc  la  jeune,  avec  sa 
fille  Cléopàtre,  que  ce  jeune  prince 
aimait  passionémcnt.  La  reine  avait 
bcaucouj)  d'aversion  pour  son  fils 
aîné,  et  lui  piéféraitle  cadet  ,  nom- 
mé Alexandre  :  elle  conseilla  dune 
à  son  mari  d'envoyer  les  nouveaux 
époux  en  Cyprc,  non  pour  y  régner, 
mais  dans  une  sorte  d'exil  ,  aiiu 
qu'à  l'epoquc  de  la  mort  du  roi  , 
Alexandre  pût  monter  sur  le  trône, 
se  trouvant  seul  dans  la  capitale. 
Évergetes  II  cessa  de  vivre  à  la  fia 
de  l'an  117,  ou  au  commencement 
de  l'an  1 16  avant  J.-C.  ,  vingl-neiif 
ans  après  la  mort  de  son  frère  Phi- 
lométor-  Comme  avant  de  régner 
seul  en  Egyj)to  ,  ce  prince  avait  déjà 
été  déclaré  roi ,  et  qu'il  avait  partage 
le  trône  j)cudaut  six  ans  avec  son 
frère;  que,  depuis  cette  époque,  il 
n'avait  jamais  cessé  d'être  roi  de 
nom  et  d'ellét ,  il  compta  les  années 
de  sou  règne ,  de  son  premier  avc'nc- 


PTO 

ment:  nous  eu  sommes  assurds  par  le 
témoignage  de  Porphyre  dans  Eusè- 
be(33.  Ainsi  tous  les  monuments  de 
l'Egypte ,  qui ,  avec  le  nom  d'un  Pto- 
léméc  ,  portent  ,  sans  autre  désigna- 
tion ,  une  date  qui  dépasse  la  durée 
du  plus  long  règne,  qui  est  dctrente- 
/     Luit  ans  ,  appartiennent  incontcsta- 
Llemcnt  h  Évergètes  IL  Les  années 
de  ce  roi  doivent  donc  se  supputer 
h   partir  du  5   octobre   170  avant 
J.  -  C. ,  jusqu'au  1 1  septembre  1 17, 
pendant  l'espace  de  cinqnante-trois 
ans  accomplis ,  de  sorte  qu'il  peut 
encore  se  trouver  des   monuments 
datés  de  l'année  54  ,  qui  fut  aussi  la 
première  de  Ptolémée  Soter  II ,  sou 
successeur.  Evergètes  II  laissa  ,  en 
mourant,  cinq  entants  nés  de  sa  niè- 
ce Cléopàtre  :  Ptolémée  Soter  II,  qui 
fut  son  successeur;  Ptolémée  Alexan- 
dre, qui  régna  également;  Cléopàtre 
mariée  d'abord  à  Soter  ,  puis  à  An- 
tiochus  le  Cyzicénien  ,  roi  de  Sy- 
rie; Tryplîène ,  femme  d'Antioclius 
Grypus  ;  et  Sélène  ,    aussi   femme 
de   Soter  II  ,  puis   du  même  An- 
tioclius  Grypui  ,  enfin  d'Antiochus 
Eusèbe.  On  croit  qu'il  eut  aussi  une 
autre  Cléopàtre  ,  mariée  à  son  frère 
Ptolémée  Alexandre  P'".  (4);  mais 
lien  ne  démontre  l'existence  de  cet- 
te princesse.   De  sa  maîtresse  Irè- 
ne, Evergètes  II  eut  un  fils  naturel, 
Ptolémée  Apion  ,  qui  devint  ,    par 
son  testament,  souverain  de  la  Cy- 
rénaïque.   En  mourant  ,   Evergètes 
laissa  sa  couronne  à  sa  femme  Cléo- 
pàtre la  jeune,  qui  fut  libre  d'ap- 
peler au  trône  qui  elle  voudrait  de 
ses  fils.  Ce  prince  si  cruel ,  et  dont 
le  règne  fut  si  désastreux  pour  l'E- 
gypte ,  aimait  cependant  les  lettres  : 


(3)  Porpli.   a/md  Euselj.   Chron. ,   \>.  117,  cdit. 
Mcdiol. 

(4)  LelrouDc,  Kecherchsi  pour  servir  à  Vliisl.  âc 


PTO 


2S: 


il  avait  hérité  de  ce  goût  particulier 
aux  princes  de  sa  race;  peut-être  mê- 
me eut-il  encore  plus  d'ardeur  qu'au- 
cun de  ses  prédécesseurs  :  il  eu  reçut 
le  surnom  de  Philologue.  Le  célèbre 
grammairien   Aristarque    avait   été 
sou  précepteur.  Il  auguionia  consi- 
dérablement la  grande  bibliothèque 
d'Alexandrie  ,    et   fonda   plusieurs 
établissements  du  même   genre.   11 
étendit  partout  ses  perquisitions  pour 
se  procurer  soit  des  originaux  ,  soit 
des  copies  de  manuscrits  précieux  : 
il  n'épargnait  aucune  dépense  pour 
y  parvenir.   En  donnant  quinze   ta- 
lents   d'argent  aux   Athéniens  ,    il 
acquit  la  faculté  de  faire  copier  di- 
vers ouvrages  de  Sopliocle,  d'Euri- 
pide et  d'Eschyle.  Quand  des  étran- 
gers arrivaient  dans  ses  états  ,  le  roi 
ne  manquait  pas  de  chercher  à  obte- 
nir des  copies  des  livres  qu'ils  con- 
naissaient ,  ou  de  ceux  qu'ils  possé- 
daient. Les  savants  devaient  se  res- 
sentir d'un  amour  aussi  vif  pour  les 
livres:  beaucoup  d'entre  eux  eurent , 
en  effet ,  part  à  ses  bontés.  Au  sur- 
plus ,  comme  il  ne  se  contentait  pas 
d'aimer  les  lettres,  et  qu'il  les  cultivait 
lui-même  ,  l'amour-propre  d'auteur 
a  pu  ,  plus  d'une  fois  ,  .se  confondre 
avec  la  générosité  royale  ,  et  la  mu- 
nificence du  prince  fut  peut-être  la 
récompense  d'une  admiration  adula- 
trice ,  ])lutôt  que  celle  d'un  véritable 
talent  ;  d'ailleurs  l'amour  des  livres 
et  des  lettres  n'est  pas  toujours  as- 
socié à  un  génie  ou  à  un  goût  supé- 
rieur :  c'est  alors  une  manie  ridicu- 
le ,  plutôt  qu'une  qualité  louable;  et 
c'est   peut-être  dans   celte  dernière 
catégorie  qu'il  faut  placer  les  passions 
littéraires  d'Evergètes.  Avec  une  telle 
faiblesse  ,  il  est  rare  que  les  encoura- 
gements ne  soient  pas  souvent  mê- 
lés de  tracasseries;  de  j)lus  ,  au  mi- 
lieu des  révolutions  {.■ausccs  par  l'am- 


234  PTO  PTO 

bition  on  la  rniauté  de  rc  pdnco,  il  lirait  y  envoyer.  Eudoxc  de  Cyzi- 
esldilUciledc  cioireqiiohcaiirQup  de  que,  lioni me  assez,  instruit  et  entre- 
gens de  lettres  ne  scsoicnt  pastrouves  prenant,  qui  se  trouvait  en  K;;ypte, 
parmi  ses  adversaires  :  il  est  certain,  où  il  elurchait  à  se  procurer  des  ren- 
du moins,  que  sa  haine  poursuivit  .scignements  sur  l'intérieur  de  l'AIVi- 
tous  ceux  qui  avaient  été  honores  de  tpie  et  siu-  le  cours  supc'ricurilu  Psil , 
la  prolecliondePhilome'tor.  I-enoni-  fut  charge  de  cette  expédition  :il  pai- 
bre  des  f;ens  de  lettres  pcrsecules  |)ar  lit  a  vie  une  forte  cargaison  destinée 
i-*,verj;»'les  fut  si  considérable  ,  selon  à  dos  échanges  ou  à  des  présents  ;  et  il 
Athénée  ,  que  ces  fugitifs  sufli.ent  r;ipporta  ,  au  retour,  des  aromates  , 
))Our  rallumer  à  Athènes  et  dans  le  des  pierres  précieuses,  et  une  multi- 
I  este  de  la  Grèce,  le  goût  des  lettres,  tmle  d'objets  raresct  ciirieux  ,dont  il 
qui  s'y  était  presque  éteint  au  milieu  ne  retira  pas  le  profil  qu'il  espérait , 
des  guerres  civilesetétiangèrcs.Kver-  j)airt'  (pie  le  roi,  qui  avait  ordonné 
gètes  avait  composé  vingt -quatre  li-  l'expédition,  s'appropria  le  tout,  [.es 
vres  d'histoire  ,  plusieurs  fuis  cités  faibles  renseigiieiuents  (|ue  Posido- 
par  Athénée  ,  ipii  leur  donne  le  titre  niiis  nous  doiuie  dans  Strabon  (5), 
il'v7T0!/v)r,;/7.T2, ou  .1/f>nt»iVtfi. D'après  sur  le  premier  voyage  d'Iùidoxe  de 
les  indications  qui  nous  ont  été  con-  (Aznpie,  ne  peuvent  suHire  pour  nous 
servées  par  cet  auteur  ,  nous  voyons  faire  recoimaîire  les  pays  (pi'ii  visita, 
quecetouvrageembrassaitdes  oi.jels  11  est  seulement  très -vraisemblable 
assez  variés  ,  et  que  ce  devaient  être  qu'il  alla  plus  loin  que  les  navigateurs 
des  espèces  de  Màlanç^es  relatifs  ,  en  envoyés  par  Phila.lelphe.Un  voyage 
grande  partie  ,  à  I  histoire  naturelle,  dans  des  régions  déjà  visitées  ,  et  oii 
La  même  passion  <pii  jxirlait  Kver-  l'on  avait  des  ctablissenients  eoni- 
gètes  a  réunir  tant  (lemomnnents  lilté-  uïcrciaux  (pii  n'avaient  \r,is  etéaban- 
raires, dut  lui  faire  ordoimer,  1  l'imi-  donnés,  n'aurait  cerlainement  pas 
talion  de  Ptolemée  Phila.lelphe,  i\cs  excité  un  si  vd'  intéièt.  Il  est  très- 
voyages  de  découvertes  dans  les  jiays  probable  tpriùidoxe  visita  l'Inde, 
lointains.il  paraît  cirectivemenl  qu'il  pairie  de  son  guide.  Les  autres  voya- 
commanda  quelques  entreprises  de  gcs  qu'il  entreprit  dans  les  mêmes 
ce  genre  .  et  que,  sous  son  règne,  les  mers,  ont  fourni  matière  à  de  gran- 
élablissements  maritimes  de  l'Egyp-  des  discussions  :  les  ims  ont  cru 
te  ne  buent  pas  négligés.  Il  desirait  pouvoir  conclure,  des  notions  que  les 
particulièrement  ac(|ucrir  des  con-  anciens  nous  ont  transmises  sur  ces 
naissances  sur  le  cours  du  Nil  dans  expéditions ,  qu'lùidoxe  avait  exécu- 
les  régions  intérieures  de  l'Afri  pie.  té  par  mer  le  tour  de  rAfri(|iie;  les 
Le  hasard  ayant  jeté  ,  sur  les  cittes  aulresont  regardéce  navigateiircom- 
de  la  mer  Erythrée  ,  mi  Indien  dont  me  un  imposteur,  et  les  récits  rpii  le 
tous  les  viitnp aguons  étaient  morts  concernent  comme  des  fables  indi- 
de  faim  dans  la  traversée,  les  garde-  gnes  de  toute  confianae  (  f^oj'.  Eu- 
côles  l'amenèrent  au  roi  :  on  n'en-  noxE,  XIII.  408  ).  Pour  nous  ,  rien 
tendait  pas  son  langage;  mais  quand  de  ce  que  rapporte  Posidoiiius  ne 
il  eut  appris  un  peu  de  grec  ,  il  ra-  nous  semble  justilier  de  teU  *ioup- 
coiita  les  circonstances  de  son  voya-  çons.  Ou  n'y  voit  i)as  ,  il   r-t  vrai  , 

ge,  parla  de  son  pays  ,  et  offrit  de  " 

guider  les  ofliciers  que  le  roi  vou-        ■/.;  i.ii..  u,  v. yB. 


PTO 

tlu'Eudoxo  ait  f.iit  le  périple  de  l'A- 
Iriqiie  ;  mais  les  détails  qu'il  présente 
ont  quelque  cliosede  si  simple  ,  de  si 
naturel  et  de  si  naïf;  en  un  mot  ils 
paraissent  si  conformes  à  la  nature 
des  choses  et  aux  vraisemblances  , 
qu'on  cherche  vainement  ce  qui  a 
ru  donnerlieu  à  cette  incrédulité  (6). 
S.  M— N. 
PTOLÉMÉE  VIII ,  surnommé 
SoTER  II,  fus  d'Evcrgètes  II.  Son 
père,  en  mourant,  avait  laissé  la  cou- 
ronne à  sa  femme  Cléopâlre,  en  lui 
donnant  la  faculté  de  choisir  qui  elle 
voudrait  de  ses  deux  fds  pour  le  pla- 
cer sur  le  trône.  Cette  femme  ambi- 
tieuse préferait  le  plus  jeune;  elle  au- 
rait bien  voulu  Tassocier  au  pouvoir: 
mais  le  peuple  d'Alexandrie  la  con- 
traignit de  donner  la  couronne  à 
l'aîné,  qui  était  alors  dans  l'île  de 
Cypre ,  comme  on  l'a  vu  plus  haut. 
La  reine  fut  doue  obligée  de  le  rap- 
peler, à  son  grand  regret  ,  et  de 
partager  le  trône  avec  lui.  Les  mo- 
numents nous  font  voir  que,  dans 
ce  partage ,  elle  se  réserva  le  premier 
rang;  son  nom  fut  toujours  placé  le 
premier  dans  les  actes  publics  (i). 
ils  comptèrent  en  même  lcm[)s  les 
années  de  leur  double  règne  ,  ainsi 
que  le  prouve  un  contrat  sur  papy- 
rus,  de  la  bibliothèque  du  Roi,  en- 
core inédit.  Cet  acte  est  daté  du  g 

(G)  Il  nous  paraît  constant  qu'Eudoxe,  dans  son 
premier  voyage  ,  reconnut  la  cote  orientale  de  l'A- 
frique ,  jusqu'à  une  grande  distance  dans  le  sud  , 
et  il  y  obtint  des  renseignements  ,  desquels  il  crut 
pouvoir  conclure  qu'il  y  avait  moyen  de  taire  par 
mer  le  tour  de  ce  continent.  Pour  vérifier  cette 
conjecture  ,  Eudoxe  ,  de  retour  dans  sa  piitrie  ,  s'é- 
tait rendu  îi  Cadix  ,  dans  le  but  d'explorer  la  côte 
Occidentale  de  la  même  partie  du  monde.  Il  par- 
vint dani  cette  nouvelle  navigation  jusqu'à  des  lieux 
habites  par  des  jieuples  qui  parlaient  la  même  lan- 
gue que  ceux  (ju'il  avait  visités  dans  sou  premier 
voyage  ,  ce  qu'il  reconnut  par  un  vocaijulaire  qu'il 
avait  eu  la  précaution  de  recueillir.  Ce  fait  remar- 
quable démontre  qu'Eudoxe  possédait  un  talent  d'ob. 
servalion  d'un  ordre  très-relevé,  et  il  est  propre  à 
mspirer  la  plus  grande  confiance  dans  ses  récits. 

(t)  Voyez  l'article  que  j'ai  inséré  dans  le  Journal 
liii  savants,  »82i ,  p.53G. 


PTO 


231 


eprphi  de  l'an  if  de  la  reine  Cleo- 
pdtre  et  du  roi  Ftolémée,  dieux 
Philometors  et  Soters  (2);  ce  qui 
correspond  au  25  juillet  de  l'an  1 13 
avant  J.-C.  Les  années  des  deux  sou- 
verains datèrent  du  9,1  scptembiei  i-j 
avant  J.-C.  Le  même  acte  et  d'au- 
tres monuments  font  voir  que  Pto- 
lémée  VIII  portait,  outre  le  surnom, 
de  Soter,  celui  de  Philoinetor ,  qui 
tous  deux  lui  étaient  communs  avec 
sa  mère.  En  rappelant  son  lils  aîné 
de  l'île  de  Cypre,  la  reine  le  contrai- 
gnit d'abandonner  sa  femme  Cléo- 
pâtre,  avec  laquelle  il  était  marié 
depuis  quchpies  années,  pour  épou- 
ser Séléué,  une  autre  de  ses  sœurs  , 
qu'elle  croyait  sans  doute  plus  dis- 
posée à  lui  obéir.  On  ne  voit  pas  que 
celte  princesse  ait  joui  de  l'honneur 
d'être  mentionnée  dans  les  actes  pu- 
blics. La  première  femme  de  Soter 
resta  donc  dans  l'île  de  Cypre,  dont 
il  paraît  qu'elle  garda  le  gouverne- 
ment. Bientôt  après, sans  le  consen- 
tement de  sa  mère,  elle  épousa  An- 
tiochus  le  Cyzicénien  ,  Taida  de  tou- 
tes les  forces  militaires  de  son  île  , 
dans  la  guerre  qu'il  faisait  à  Anîio- 
chus  (îrypus  ,  auquel  il  disputait  le 
trône  de  Syrie,  et  fut  mi.se  à  mort 
dans  Antioclic  par  les  ordres  de 
sa  propre  sœur  ïryphène.  Malgré 
toute  la  déférence  que  Soter  con- 
servait pour  sa  mère  ,  celte  prin- 
cesse n'en  était  pas  moins  animée  de 
la  même  haine.  L'abandon  de  l'île 
de  Cypre  jiar  sa  fille  Cléopàtre  !ui 
fournil  l'occasion  de  se  rendre  en- 
core plus  redoutable.  En  envoyant 
son  cher  Alexandre  dans  cette  île  , 
avec  le  titre  de  roi ,  elle  se  réservait 
par-là  les  moyens  de  pouvoir  expul- 
ser un  jour  son  autre  fils.  Cependant 
Ptoléraée  Soter,  qui  avait  conservé 

[p.)  Journal  des  savanls ,  1822,  p.  556  et  558. 


a36  PTO 

un  tendre  nltadicniciit  pour  la  mé- 
moire de  Sii  sœur  ('.Icopàtre  ,  avait 
pris  part  aux  troubles  civils  de  la 
Syrie,  et  envoyait  des  secours  au 
inaridcccttc  princesse,  pour  qu'il  put 
la  venger;  cl  bientôt  après,  Triplic- 
iic  jic'rit  sous  le.s  coups  d'Auliuihus 
de  Cy/iquo.  (  r.  Ci.i'opATgi: ,  IX  , 
08  -  ()<j.  )  Antioclius  (irvpus  ,  relu- 
gie  à  Aspeiido  eu  P.iiiipliylic,  fit  de- 
mander en  Ej;vplc  des  secours,  qui 
lui  furent  accordes  ])ar  la  reine-mè- 
re, tandis  que  .  dans  le  même  temps, 
son  fds  Soter  faisait  partir  pourla  Sy- 
rie de  nouvillcs  troupes  deslmees  à 
soutenir  Antioclius  leCyzicènien.  L'n 
traite,  suivi  du  pjrtaj;e  des  derniers 
restes  de  l'enjpire  syrien  enire  les 
deux  frères,  mit,  j)endant  (pielque 
temps,  un  terme  à  ces  calamités.  So- 
ter continuait  de  témoigner  une  amitié 
particulière  pour  Auliuchus  le  Cyzi- 
ccnien.  Ce  dernier  ayant  èlèbattu  par 
Jlyrcan  ,  grandpon'tife  des  Juifs  ,  qui 
press.iit  avec  vigueur  le  siège  deSa- 
marie  ,  ville  dè|H-udante  de  la  Syrie, 
s'adressa  au  roi  d'K^vpte  ,  et  eu  ob- 
tint aussitôt  six  nulle  hommes.  Ce 
dernier  acte  de  souveraineté  acheva 
de  brouiller  Clèopàtre  avec  son  lils  : 
elle  résolut  donc  de  le  chasser  du  tro- 
ue. l*our  y  parvenir,  elle  prétendit 
que  Soter  avait  votdu  la  faire  assas- 
siner ,  et  produisit  plusieurs  de  $cs> 
eunuques  les  plus  dévoues  ,  couverts 
de  blessures  re\-'ies  en  la  défendant, 
il  n  en  fallut  pas  davant.ige  pour  ani- 
mer tout  le  peuple  d'Alexandrie  con- 
tre le  roi.  Ce  prince,  sans  moyen  de 
résistance  ,  fut  oblige  de  s'enfuir  en 
Cypre,  la  dixième  année  de  son  rè- 
gne, en  l'an  loG  avant  J.-C.  La  rei- 
ne litalors  venir  sonauln"  fils  Alexan- 
dre, qui,  peut-être  instruit  d'avance 
de  celte  révolution  ,  était  déjà  à  Pé- 
luse,  d'où  il  se  rendit  d.ins  la  capi- 
tale ,    oif  sa   mère   le    lit  dcclurci 


PTO 

roi.  Plolémée  Soter,  force  de  fuir 
devant  son  implacable  mère,  devint, 
par  son  exil ,  roi  de  l'île  de  Cypre  : 
mais  la  haine  de  la  reine  ne  fut  pas 
encore  satisfaite.  Klle  avait  déjà  en- 
levé à  Soter  une  épouse  tjii'il  ai- 
mait ;  il  fut  encore  séparé,  p;ir  sa 
juère,  de  sa  seconde  femn)e  Séléué. 
Soter  soutenait  toujours  Antioclius 
le  Cyzicénieu  :  Clèopàtre,  appréhen- 
dant que  ce  prince  ne  devînt  as- 
sez puissant  pour  pouvoir  fournir 
à  son  tour  des  secours  à  Soter ,  ne 
se  borna  pas  seulement  à  donner  de>> 
troupes  à  (Irypus  ,  son  rival  :  pour 
allliger  d.ivantage  son  fils  ,  elle  fit 
épouser  Sclénc  au  prince  syrien  (  K. 

Cl.KOrATIU;    Shl.l'NÉ    ,     IX    ,     Oç)     ). 

Kn  l'an  io3  avant  J.-C,  les  habi- 
tants de  Ptoleraais,  vivement  pressés 
par  Alexandre  Jannée,  roi  des  Juifs, 
et  sans  espoir  d'être  secourus  par 
les  rois  de  Syrie  ,  (pii  se  faisaient  l.i 
guerre  ,  envovèrent  en  Cypre  im- 
plorer l'assistance  de  Soter,  lui  pro- 
mettant qu'il  serait  aidé  jiiir  les  ha 
bilaiits  de  Gaza  ,  les  Sidonieiis  cl  le 
tvrau  Zoile,  <pii  régnait  à  Dora,  eu 
Phénicie.  Soter  se  préparait  à  cette 
expédition,  ipiand  une  armée  ègyP" 
tienne  descendit ,  par  l'ordre  de  .sa 
mère,  dans  l'île  oii  il  s'était  réfugié. 
Soter  n'opposa  aucune  résistance  ; 
muiJis ,  an  reste,  à  cause  «le  l'in- 
férioritc  de  ses  forces  que  par  res- 
pect pour  une  mère  si  peu  digue 
d'un  tel  sentiment  :  il  p.issa  eu  Plié- 
iiicic  ,  avec  une  armée  de  trente 
mille  hommes,  pendant  que  les  gé- 
néraux de  Clèopàtre  s'e'mp-i raient 
de  Cypre.  La  nouvelle  de  la  con- 
<jucte  de  cette  île  changea  siibile- 
meiil  l(s  dispositions  des  habilanls 
de  Ptulémais.  Sur  l'avis  de  Démé- 
uetes  ,  citoyen  fort  iiilliKiit  parjui 
eux,  ils  n-solurent  de  fermer  leurs 
[lortes  à  Solcr  ,    et  de   itrcndre    le 


PTO 

parti  de  Clëopàlre  ,  pour   ne   pas 
attirer  contre  cnx  les  forces  de  l'E- 
gypte.   Quoique    Sotcr    fût    infor- 
me de  ce  cbangemcnt ,  il  n'eu  con- 
tinua pas  moins  sa  route ,  et   vint 
tlebarquerà  Sycaminos,  non  loin  au 
sutl  de  Ptoicma'is,  où  il  fut  joint  par 
le  tvran  Zoïle  et  par  les  Gazccns. 
Sa  présence    suflît  pour  décider   la 
retraite  des  Juifs,  qui  levèrent  le  sic- 
p;e  de  Ptoleraaïs,  Cleopàtre,  effrayée 
de  voir  son  fds  si  près  de  l'Egypte 
avec  des  forces  considérables,  fut  tel- 
lement irritée  contre  les  ge'nc'raux  qui 
l'avaient  laissé  sortir  de  l'île  de  Cypre, 
qu'elle  les  fit  mettre  à  mort.  Cepen- 
dant Soter  songeait. à  s'établir  soli- 
dement dans  la  Phènicie.  Après  avoir 
renouvelé  son  traite  d'alliance  avec 
Antiochus  le  Cyzicënien,  il  laissa  im 
corps  de  troupes  chargé  de  continuer 
le  siège  de  Ptolèma'is,  et  il  porta  ses 
armes  dans  la  Judée,  alin  de  punir 
le  perfide  Alexandre  Jannc'e  ,   qui, 
tout   en    l'amusant  par  de  fausses 
promesses,  n'avait  cessé  de  sollici- 
ter secrètement  l'alliance  et  l'appui 
de  Cleopàtre.  Alexandre  leva  ,  pour 
Ini  résister,  une  armée  de  quatre- 
-vingt  mille  hommes.  Soter  n'hésita 
pas  à  venir  l'attaquer  avec  des  forces 
bien  inférieures;  et  il  s'avança  vers  la 
Galilée, où  ilconquit,un  jourde  sab- 
bat, lavilled'Asochis,dans  laquelleil 
fit  plus  de  dix  mille  prisonniers.  Il  se 
rendit  ensuite  maître  de  Sepphoris; 
puis  il  marcha  vers  le  Jourdain  ,  où 
Alexandre  l'attendait,  auprès  d'Aso. 
phon  ,  avec  toute  l'armée  juive.  La 
victoire  fut  long-temps  disputée;  les 
Juifs  se  défendirent  avec  beaucoup 
de  valeur  :  mais  à  la  fin  ils  furent 
contraints  de  céder.  Plus  de  trente 
mille  des  leurs  restèrent  sur  le  champ 
de  bataille;  et  Ptolémée  parcourut  la 
Judée  en  vainqueur ,  répandant  par- 
tout la  terreur ,  pendant  que  ses  gc- 


PTO  237 

néraux  prenaient  de  vive  force  Pto- 
lémaïs.  Cleopàtre  concevant  alors  de 
vives  inquiétudes, ordonna  un  giand 
armement  de  terre  et  de  mer,  dont 
elle  donna  le  commandementà  Cbel- 
cias  et  Ananias ,  fils  d'Onias,  qui 
avait  fondé  le  temple  israélitede  Bu- 
baste.  En  même  temps  elle  envoyait 
dans  l'île  de  Cos  les  enfants  de  son 
fils,   ses  trésors  et  son  testament, 
pour  les  mettre  en  sûreté.  Comme 
Soter   était  dans   la   Célésyrie  ,  où 
il   avait  fait  une   invasion  ,  Ptolé- 
mée Alexandre  ,  par  l'ordre  de  sa 
mère ,  parut  devant  Ptoléniais  ,  avec 
une  flotte,  tandis  que  Ghelcias  arri- 
vait à  la  tête  de  l'armée  de  terre. 
Soter ,  informé  de  leur  approche  , 
quitta   la   Célésyrie  ;    et  ,    par  nu 
autre   chemin  ,    il  se  diiigca   vers 
l'Egypte,  qu^il  croyait  sans  défense. 
Il  se  trompait  ;  car  il  rencontra  une 
armée   assez    forte    pour   l'arrêter 
dans  sa  marche  ,  et  le  contraindre 
à  la  retraite.  Cleopàtre   prit  alors 
l'offensive;  et ,  à  la  tête  de  ses  trou- 
pes ,  elle  vint  assiéger  Plolémaïs  , 
qui  se  rendit.  Elle  conclut  ensuite  à 
Scythopolis  unealliance  avecAlexan- 
dre  Jannée,  roi  des  Juifs.  Soter  s'é- 
tait retiré  à  Gaza ,  où  il  passa  l'hiver  : 
au  retour  du  printemps  ,  ne  voulant 
pas  faire  la  guerre  à  sa  mère  ,  il  prit 
le  parti   de  retourner  en    Cypre  , 
dont  il  se  remit  en  possession  assez 
facilement  ;  et  Cleopàtre  revint  en 
Egypte  ,  abandonnant  les  cotes  de 
la  Syrie  au  roi  des  Juifs,  qui  profita 
de  cette  occasion  pour  s'emparer  de 
Gaza.  11  punit  cruellement  cette  ville 
d'avoir  imploré  l'assistance  de  Soter. 
Il  lui  fallut  une  année  pour  prendre 
Ptolémaïs  ,qui  avait  reconvré  sa  li- 
berté, et  qui  se  défendit  avec  vigueur. 
La  paix  semblait  rétablie  entre  Cleo- 
pàtre et  son  fils,  et  celui-ci  vivait 
tranquille  dans  l'île  de  Cypre,  tandis 


338 


PTO 


Suc  les  guerres  civiles  continuaient 
c  tourmenter  la  Svric.  Les  enfants 
des  deux  Antiochus  rivaux  ,  avaient 
hérite  de  toute  l'ambition  et  la 
haine  de  leurs  père^ ,  et  ils  se  di";- 
jnilaient  avec  la  même  fureur  les 
derniers  restes  du  royaume.  Un  non- 
veau  trait  de  la  liaine  que  la  reine 
d'E'j^vpte  conservait  contre  sou  fils, 
porta  celui-ci  à  passer  encore  une 
fois  en  Syrie,  Se'lené.  qui  avait  été 
femme  de  Piolcmée  Soter  ,  après 
]a  mort  de  Grvpus  el  d'AntiocLus 
de  C\"7.ique,  qu'elle  avait  sncces- 
sivenient  épousés,  contracta  une 
nouvelle  alliance  avec  Aniiocluis  X, 
surnommé  Eusèbes  ,  fils  de  son  der- 
nier mari.  Le  nouveau  mariape  de 
son  ancienne  épou<e  ne  plut  pas ,  à 
ce  qu'il  paraît  ,  à  PloléméeSoter ,  qui 
amena  de  Guide  ,  le  quatrième  lils  de 
Grypus  et  de  Trypliène,  nommé  Dè- 
metrius  .  dont  il  lit  un  compétiteur 
redout.tble  pour  Antiochus  Kuscbes, 
en  lui  fournissant  un  puissant  corps 
de  troupes  ,  avec  lequel  il  le  fit  dé- 
clarer roi  de  Syrie  ,  à  Damas,  en 
l'an  f)"»  avant  J.  -  C.  G-pendant ,  de 
nouvelles  révolutions  survenues  en 
E;;ypte  avaient  causé  la  mort  de 
Cléopàtre,  suivie,  bientôt  après, cic 
la  fuite  du  parricide  Alexandre.  Cx.' 
dernier  événement  arriva  en  la  dix 
neuvième  année  après  l'expulsion  de 
Soler,  par  conséquent  vinj^t-ncuf 
ans  après  l'épocpie  où  il  avait  été  re- 
connu roi  pour  la  première  fois  : 
ainsi  c'est  vers  l'an  H^»  avant  J.-G. , 
que  s'effi'Ctua  la  révolution  qui  le  ré- 
tablit sur  le  trône.  Les  Alexandrins 
furent  à  peine  délivrés  du  second  fils 
de  Cléopàtre  ,  qu'ils  envovèrcnt  en 
Cypre,  pourolïrir  l'Éf^vpte  à  Soter, 
La  conduite  que  ce  prince  avait  tenue 
pendant  son  exil,  le  respect  et  la  défé- 
rence qu'il  avait  [)lu»ieurs  fois  lémoi- 
gnèâ  poup  ^n  uidi^e  tuerc  ,  son 


PTO 

horreur  pour  la  guerre  parricide  dans 
laquelle  il  se  trouvait  engagé ,  le  cou- 
rage qu'il  avait  montre  en  diverses 
occasions,  et  toutes  les  qualités  dont 
il  avait  fourni  d'autres  preuves,  lui 
avaient  gagné  l'estime  et  l'amour 
des  peuples  de  l'Egvpte  ,  et  ses  an- 
ciens sujets  désiraient  vivement  qu'il 
remontât  sur  le  trône.  L'ardeur  (|ue 
le  peuple  d'Alexandrie  montrait  pour 
le  revoir,  lui  lit  donner  le  surnoni 
de  no^jtvôç,  Pothinus ,  c'est-à-dire, 
le  Deiiré.  li  par.iil  qu'il  y  joignit  en- 
core celui  de  Philndel/ihe  (3) ,  qu'il 
avait  assez,  mérité,  soit  par  la  défé- 
rence qu'il  avait  témoignée  pour  les 
injustes  volontés  de  sa  mère,  en  n'es- 
sayant pas  de  ravir  à  son  frère 
Alexandre  la  couronne  dont  f]\c  l'a- 
vait dépouillé  lui-même  ,  soit  par 
la  constante  amitié  qu'd  avait  eue 
jiour  ses  deux  sœurs  ,  qu'il  avait 
successivement  épousées.  Antérieu- 
rement, il  avait  reçu  des  Alexan- 
drins, le  surnom  populaire  de  Lathy- 
nu  ou  le  Pois  chiche  ^  tju'il  devait, 
vraisemblablement  ,  à  quebpie  signe 
particulier  tle  son  visage.  Les  liisto- 
riens  le  désignent  souvent  parce  snr- 
nom.  Les  Alexandrins  ne  pituvaiit  ef- 
facer le  nom  d'Alexandre  du  registre 
ou  ils  inscrivaient  les  rois  ,  ne  tin- 
rent aucun  compte  de  son  règne  ,  et 
supputèrent  les  aimées  de  Soter,  com- 
me s'il  n'avait  jamais  cessé  d'occuper 
le  trône 5  on  a  encore  sur  ce  point  le 
témoignage  formel  de  Porphyre  (4  ). 
Soler  était  à  peine  arrivé  à  Alexan- 
drie, que  son  frère,  réfugié  en  l^ycie, 
fit  une  tentative  pour  s'emparer  de 
l'île  de  Cypie,  qu'il  venait  d'aban- 
donner. Otte  entreprise  n'eut  aucun 
.succès  :  Alexandre  périt  dans  un 
combat  naval ,  où  il  fut  vaincu  par 

(3/  Lrctruujie,  Recherches  pour  itrvir  à  l'hiiloire 
à'F.fiypIe.y.  i  i3, 

(4)  Afiitd  Ciuei>.  Ciuxnit,  |).  n7,  edL  McJiol, 


PTO 

raniiral  Clicreas.  Soter  fut  ensuite 
oblige  lie  l'aire  la  pjuerre  aux  habi- 
tants de  Thèbes  ,  l'ancienne  métro- 
pole de  l'Egvptc  ,  qui  lui  résistèrent 
trois  ans  :  elle  fut  prise,  après  ce 
lon^  espace  de  temps ,  et  livrée  à 
toutes  les  horreurs  de  la  guerre.  De- 
puis lors,  elle  resta  dans  un  état  de  rui- 
ne, dont  elle  ne  s'est  jamais  relevée. 
Sous  le  gouvernement  de  Soter  ,  l'E- 
gypte ,  qui  n'était  pas  déchue  sous 
l'empire  de  samèie  Cléopàtre,  reprit 
nu  rang  honorable  parmi  les  puis- 
sances de  l'Orient:  elle  le  dut  à  l'état 
imposant  de  ses  forces  navales  ;  et 
son  alliance,  ou  plutôt  sou  appui  , 
fut  sollicité  à-la-fois  par  le  grand 
INIithridate  et  par  les  Romains.  So- 
ter ne  prit  pas  ouvertement  le  par- 
ti du  roi  de  Pont  :  il  ne  voulait 
pas  ,  sans  doute  ,  reuoncer  à  l'amitié 
de  Rome  ;  mais  il  laissa  faire  ,  dans 
ses  états  ,  des  enrôlements  pour  le 
service  naval  de  ce  monarque.  Lors- 
qu'eusuite  ,  eu  l'an  85,  Lucullus, 
battu  par  les  pirates,  vint  lui  de- 
mander le  secours  de  sa  flotte  pour 
Sylla ,  qui  assiégeait ,  dans  Athè- 
nes ,  les  troupes  d'Archelaiis  ,  géné- 
ral de  Mithridate,  le  roi  d'Egypte 
traita  avec  beaucoup  de  distinction 
l'envoyé  romain  :  mais  il  se  crut 
assez  puissant  pour  se  refuser  à  sa 
demande;  et  la  république  ,  tiop  oc- 
cupée ,  n'osa  pas  se  venger  de  ce 
refus.  Depuis  que  Soter  était  pai- 
sible possesseur  de  l'Egypte  ,  la 
Syrie  avait  continué  d'être  déchi- 
rée par  les  discordes  sanglantes  des 
princes  séleucides  :  à  la  (in  les  peu- 
ples de  ce  pays  ,  lassés  de  toutes 
ces  guerres,  résolurent  de  se  choisir 
d'autres  souverains;  plusieurs  d'entre 
eux  voulaient  appeler  au  trône  Mi- 
thridate ,  roi  de  Pont  :  Ptolémée ,  qui 
était  proche  parent  de  la  famille 
royale,  avait  aussi  un  puissant  parti. 


PTO 


239 


On  ne  se  décida  ni  pour  l'un,  ni  pour 
l'autre.  On  rejeta  Mithiidate  parce 
qu'il  était  en  guerre  avec  les  Romains , 
et  Ptolémée  ,  parce  qu'en  prejiant 
parti  dans  les  déraclés  des  Séleucides^ 
il  s'était  montré  einiemi  de  la  Syi'ie  : 
on  choisit  donc  Tigrane  ,  roi  d'Ar- 
ménie, alors  le  plus  puissant  monar- 
que de  l'Orient.  Le  second  règne  de 
Ptolémée  Soter  II ,  après  son  n  tour  à 
Alexandrie,  fut  de  sept  ans  et  six 
mois  ;  ce  qui ,  avec  son  j)iemier  rè- 
gne et  le  temps  de  son  exil  en  Cy- 
pre  ,  forme  un  espace  de  Irento- 
ciuq  ans  et  six  mois ,  comptés  dans  la 
liste  des  rois  ,  pour  trente-six  ans , 
parla  raison  que  sa  fille  Cléopàtre, 
veuve  de  Ptolémée  Alexandre  1^='.  , 
qui  lui  succéda,  n'occupa  le  trône  que 
six  mois  environ.  Les  années  royales 
de  Ptolémée  Soter  II  sont  donc 
comprises  entre  le  1 1  septembre  1 1 7 
et  le  12  du  même  mois  de  l'an  81 
avant  J.-C.  ;  et  c'est  certuinemcnt  eji 
cette  dernière  année  qu'il  cessa  de 
régner.  Sa  fille  Cléopàtre  ,  nommée 
par  quelques  e'crivains  Bérénice  ,  lui 
succéda  :  elle  était  la  seule  personne 
du  sang  royal,  qui  se  trouvât  eu 
Egypte  ;  c''ctait  le  seul  enfant  lé- 
gitime qui  restât  encore  à  Soter  :  il 
n'avait  })lus  que  des  enfants  naturels, 
qui  héiitèrent,  parla  suite,  de  ses 
étals  ;  savoir  Ptolémée  XI  ,  sur- 
nommé Neo-Dioiijsus,  et  Ptolémée 
qui  fut  roi  de  Cypre.        S.  M — n. 

PTOLÉMÉE  IX  (surnommé 
Alexandre  /'"'".),  était  le  deuxième 
fils  d'Évergètes  II  et  de  Cléopàtre. 
Après  la  mort  d'Evergètes  II ,  sa  veu- 
ve aurait  voidu  placer  sur  le  trône 
son  S(;cond  fils  Alexandre;  mais  le 
peuple  d'Alexandrie  la  contraignit  à 
donner  la  couronne  à  l'aîné.  Cepen- 
dant,  trois  ans  après,  en  l'an  ii4 
avant  J.-C. ,  Cléopàtre  parvint  à  fai- 
re donner  l'île  de  Cypre  ,  et   le 


1^0 


PTO 


titre  de  roi  à  Aloxanclro.  Sept  ans 
plus  tard  ,  on  107  ,  clic  lui  prorura 
la  couronne  d'Éfijj-pte,  tandis    que 
Sotcr,   chasse  d'Alexandrie,   clait 
obli<^c  de  fc  contenter  de  l'île  que 
son  frère  a])andonnait.  C'est  à  l'ex- 
pulsion illcc;ale  de  Soter,  que  Pto- 
lenice  Alexandre  dut  le  surnom  de 
Parisactus  ou  le  Substitué  (  i  \  Ce 
n'est  pas  de  ce  moment  que  ce  der- 
nier compta  les  années  de  son  gou- 
vernemçnt  :  comme  depuis  sept  ans  , 
il  re;;nait  en  Cypre  ,  la  première  an- 
née de  son  nouveau  rèjiue  fut   con- 
sidérée comme  la  huitième  ,  tandis 
que  la  reine  mère  roui  inuant  de  dater 
comme  Soter  11  ,de  la  mort  d'Ever- 
"ètes  11 ,  était  alors  dans  sa  onzième 
année.  Cette  combinaison  nous  est 
attestée  par  le  tcraoif;nagc  de  Por- 
phyre (.>J.  Le  papynis  grec  ,  publie 
par  M.  Bockh  ,  a  fourni  une  nou- 
velle preuve  de  l'exactitude  de  cet 
écrivain  sur  ce  point.   Cet  acte  est 
daté  du  y.Ç)  tvbi  de  l'an  la  de  Clc'o- 
pàire  ,    la    neuvième    de   Ptoléméc 
Alexandre, (6xïrAevôvT«iJvK).£07ràrp3t{ 
•/.ai  Uzo'l-uxio-j  utôv  tôj  i-v/.-xko-Jui- 
voj'A^Elavj^po-J,  ETO'jç  IB  tôj  )iai0\ 
ce  qui  répond  au   i3  février    io5 
avant  J.-C.  Outre  le  surnom   de 
Parisactus,  qu'il  devait,  sansdoule, 
à  la  populaced' Alexandrie, ce  prince 
portait  encore,  comme  son  frère,  les 
surnoms  léf;anx  de  Philoméior  ci  de 
Soter  :  ils  sont  relatés  sur  le  contrat 
que  nous  venons  de  citer  (3).  La  vive 
amitié  de  Cléopàtre  pour  son  lils ,  ne 
fut  pas  suft'isante  pour  (pi'ils  vécus- 
sent lonj;-lemps  en  bonne  intelligence: 
peut-être  Alexandre  ne  se  montrait- 
il  pasassezdocileà  ses  volontés.  A  la 


(t)  ChampollioD-Figrac,  AnnaUi  de%  La^ulei  , 
».  II,  p.  »»"• 

(•»)  Apuil  Easfb.  Chron.,  p.  117,  cd.  Mediol. 
(3)  Jauntaldet  nxvanU ,  i8»i  ,p.536rt537. 


PTO 

(in  la  tyraimie  et  les  cruautés  de  sa 
mère  lui  inspirèrent  tant  d'horreur, 
qu'il  prit  le  parti  de  se  retirer  en  Cy- 
pre ,  préférant  une  vie  tranquille  et 
assurée,  à  un  pouvoir  accompagne  do 
tant  de  périls  :  Peiiculoso  re^iio  se- 
curam  ac  tutain  vitam  anlejnmens  ^ 
ditjusliu  (4\  Alexandre  s'enl'uit  vers 
l'époque  de  la  couipièle  de  l'île  de 
Cypre  j>ar  les  génér.iux  de  Cléopà- 
tre ,  quand   Sofer   passa  eu   Syrie. 
Comme  ce  dernier  menaça  ,  bientôt 
après  ,  d'envahir  l'EgypIc  ,  un  inté- 
rêt commun  rapprocha  la  reine  de 
son  (ds    :    rappelant  alors    Aloxan- 
dre  ,   l'Ile  lui  donna   le  commande- 
meiitd'une  Hotte  dont  il  sescr\it  pour 
atla(pier  Ploléniais.  Après  cette  ex- 
pédition ,  Alexandre  revint  en  l'Egyp- 
te, où  il   continua  de  régner  avec 
Cléopàtre  ;  mais  sans  v  mettre  plus 
d'accord  tjue  par  le  passé.  A  la  fin , 
Cléopàtre  résolut  de  le  faire  périr  , 
pour  régner  seule  :  mais  elle  fut  pri-- 
venuc  par  Alexandre,  (|ui,  instruit  de 
son  projet,  se  délivra  d'ilie  j)ar  un 
parricide,  en  la  dix  huitième  année  , 
depuis  l'expulsion  de  Soter  11.  Alexan- 
dre fut  ainsi  le  seul  maître  du  pou- 
voir ,  (|u'il  ne  garda  pas  huig-lemps. 
I/un  des  premiers  actes  de  son  au- 
torité fut  de  violer  le  tombeau  d'A- 
lexandre ,  le  fondateur  de  l'empire 
(5).  Le  corps  de  ce  conquérant  avait 
été  déposé  par  Ptolémée  ,  lils  de  La- 
gus,  dans  un  eercued  d'or,  qui  tenta 
la  cupidité  du  nouveau  roi  :  il  s'en 
empara    donc  ,   et  y   fit   substituer 
un    cercueil    de    verre.    Ce   sacri- 
lège ne  lui  fut  pas  d'une  grande  uti- 
lité ;  car,  bientôt  après  ,  son  armée 
indignée  du  menrtie  de  sa  mère,  et 
peut-être  aussi  de  cette  profanation, 
se  révolta,  et  le  chassa  d'Alexan- 


(4)Lil).  XXXIX,  cap.  /j. 
(5)  SlraL.  lib.  XVII ,  p'  ?94- 


PTO 

drie.  Plolcrae'e  voulut  en  vain  reu- 
nir des  forces  pour  punir  les  re- 
belles :  vaincu  dans  un  combat  na- 
val,  pdr  le  général  Tyrrlius,  il  fut 
contraint  de  s'enfuir  à  Myra  en  Ly- 
cie  ,  avec  sa  femme  Cléopàtre  ,  fil- 
le de  Sotcr  II,  et  avec  sa  fille  :  c'est 
alors  que  les  Alexandrins  rappelèrent 
Sotcr.  Alexandre  était  dans  la  dix- 
neuvième    année  de   sou   règne  en 
Egypte  ;  et  il  y  avait  vingl-sept  ans 
qu'il  portait  le  litre  de  roi ,  depuis 
qu'il  avait  reçu  la  couronne  de  Cy- 
pre.  Les  années  de  son  règne  entier 
comptèrent  donc  du  ii   septemla-c 
ii4  jusqu'au   i\  du  même  mois  89 
avant  J.-C.  Le  roi  détrôné  partit 
peu  de  temps  après  de  la  Lycie,pour 
attaquer  l'île  de  Cypre  :  sa  flotte  fut 
battue  par  Chéréas;  et  il  fut  tué  dans 
la  bataille,  laissant  un  fils  nommé, 
comme  lui,  Ptolémée  Alexandre ,  qui 
était  en  ce  moment  dans  l'île  de  Cos, 
où  Cléopàtre,  son  aïeule  ,  l'avait  en- 
vové  douze  ans  auparavant.  S.  M-iv. 
PTOLÉMÉE  X(  ^zEX.iAo/?£//) 
était  fils  d'Alexandre  P'.  Tous  les 
savants  modernes  l'ont  fait  régner 
plusieurs  années  en  Egypte,  et  ils  ont 
prolongé  son  existence  pendant  un 
exil  imaginaire,  bien  long-temps  après 
l'époque  oîi  il  avait  réellement  cessé 
de  régner  et  de  vivre ,  taudis  que  les 
anciens  s'accordent  à  nous  appren- 
dre qu'il  fut  massacré  par  le  peu- 
ple d'Alexandrie  ,  après  avoir  oc- 
cupé   le  trône    pendant  dix  -  neuf 
jours   seulement  (  i  ).  Les    uns   le 
font  exiler  à  Tyr ,  a|3rès  un   règne 
de  six  ans  (2)  ;d'antres  ne  le  laissent, 
il  est  vrai,  sur  le  trône  que  pendant 
dix-neuf  jours  ,  mais  ils  le  font  en- 
core vivre  pendant  seize  ans  à  Tyr 

(ï)  Saint-Martin,  Nouvelles  Becherrhes  surl'épo- 
ijue  de  la  ir.oit  d'Alexnndi e ,  etc.,  p.  9;-iu3. 

;.a)  Vaillant ,  HlstoriaPtoUmceomm  /EfvpU  re- 
gi(/n,p.  129-134. 

XXXV 1. 


PTO 


24  l 


(3);  d'autres  enfin  le  font  mourir  en 
Egypte  ,  après  un  règne  eiFectif  de 
huit  ans  (4),  dont  il  n'existe  pas  le 
moindre  indice  dans  toute  l'antiquité, 
comme  on  en  va  juger  par  l'indica- 
tion de  toutes  les  sources  originales 
qui  seront  mcnlionnécs  dans  cet  ar- 
ticle. A  l'époque  de  la  mort  de  Ptolé- 
mée Sotcr  II,  en  l'an  81  avant  J.-C. 
il  n'existait  plus  qu'un  seul  rejeton 
mâle  de  la  race  légitime  des  Lagidos  : 
c'était  le  fî!s  d'Alexandre  I'^''.  Vin^t 
ans  environ  avant  cette  époque,  au 
moment  où  Sotcr  II  était  en  Syrie  et 
qu'il  menaçait  l'Egypte  d'une  inva- 
sion qui  aurait  pu  lui  rendre  son  trône 
sa  mère  Cléopàtre  avait  envoyé  dans 
l'île  de  Cos  les  enfants  d'Alexandre 
l'^'".  avec  ses  trésors  ,  et  ce  qu'elle 
avait  de  plus  précieux  (5).  Alexan- 
dre Ilétait  alors  un  jeune  enfant    et 
il  était  encoredans  cette  île  quand  son 
père  fut  tué  en  l'an  89  avant  J.-C. 
Bientôt  après,  en  87,  Mithridate , 
roi  de  Pont ,   se  rendit  maître  de 
l'île  de  Cos  ,  où  il  s'empara  des  tré- 
sors de  Cléopàtre  et  d'Alexandre  I^r, 
Le  jeune  Alexandre  tomba  aussi  au 
pouvoir  de  Mitliridate,  qui  l'emme- 
na et  eut  pour  lid  tous  les  égards 
dus   à  sa  naissance   (6).   Quelques 
années  après,  en  l'an  84,  Alexan- 
dre abandonna  le  roi  de  Pont     et 
passa  dans  le  camp   de  Sylla.  Ce 
général  le  prit-  sous  sa  protection  , 

(3)  Viscouli,  Iconographie  grecque ,  t.  m  pa". 
7.5i  ,52.  °' 

(4)  Ctam;)olliou-Figeac ,  Annales  des  Lagides' 
t.  Il,  p.  240-278.  ' 

(5)  Josi-phr,  Anliq.Jud.,\\h.  XIII,  i3  ,  i,  Au- 
jiian.  Mii/trid.,  §23,  t.  1 ,  p.  t)-j5,  édit.  Schweig- 
haeuser. 

(6)  Ka't  rov   Alî^ccvêpou  TzcûrJoc  rôu 
êasrt^sûovTOç  AtyÛTTTou,...  iy  Kw  xara- 

li/.ùç.  Appian.  ,  MithrUL,  §  28  ,  t. 
I ,  pag.  675  ;  et  De  helL  cil>il. ,  lib. 
I ,  §  102  ,  tora.  Il,  pag.  145. 

16 


U4-2 


PTO 


et  l'cmmcua  avec  lui  à  Rome,  quand 
il  eut  fait  la  paix  nvec  Mitliritlalc. 
La  uiort  de  Soteill ,  arrivée  eu  8i  , 
laissaut  la  couronuc  d'Ésjvpte  en- 
tre les  mains  de  sa  fille  Bcre'uirc, 
noniuiccaussiCleopàtre,  veuve d'A- 
lex.imlre  l^"".  ,  Sylla  conçut  le  projet 
de  laire  monter  sur  le  troue  ><>ii  pro- 
té{;e  ,  <pii  devait  avoir  une  tieulaine 
d'aunces  ,  et  qui  était  le  dernier  des- 
cendant mâle  de  la  race  des  Ptole- 
inées.  Sylla  crut  que  c'était  une  rx- 
ccllenle  occasion  pour  tirer  de  l'E- 
gypte lie  p;ntnds  trésors;  il  était  alors 
consul  :  il  lit  doue  déclarer  roi  Ptole- 
mcc  Alexandre  7).  par  un  décrt  t  du 
sénat.  I>e  nouveau  roi  partit  aussitôt 
pour  Alexandrie,  où  il  épousa  la  reine 
Bért-nice-Cléop.ître  ,  sa  belle  nn'ie; 
mais  il  se  conduisit  avec  tant  il'iu- 
soltncc  et  de  cruauté,  qu'on  ne  tarda 
pas  à  se  révolter  contre  lui.  A  peine 
revêtu  du  pouvoir,  il  lit  assassiner 
la  reine,  qui  n'avait  consenti  qu'a- 
vec regret  à  cette  alliance  ;  et  le 
peuple  ,  ainsi  que  1rs  stddats  ,  é{;ale- 
meut  indignés  de  ce  meurtre,  U-  mas- 
sacrèrent dans  le  gvmmse  d'Alexan- 
drie ,  après  un  règne  de  dix  -  neuf 
jours,  selon  le  témoignage  formel 
d'Appieu  et  de  Porphyre  (8  .  [.eurs 
expie>sions  sont  trop  précises  pour 

(•j)  Kaî  TJvr.JT;  ysvopîvov,   k'j>r,-fi- 

(T31T0  pXIlKVJÎV*     A"/£?ZVO'oéviV...    £ÀZ£- 

77û).j/o'J70j.  Appian.  ,  liell.  civil.  , 
lib.  I ,  ^  102. 

■(8)  AV/â tÔvoî /xîv  ot  A).£|av(?p£tç, 
f vv£axa[c?ï/aT/;v  y,pt£ûav  eyo-j~x  rn?  «o- 

yr,i £çy,'/oûusvov  ,  èç  rô  y^pivaitov 

.  SX  TÔ'J  ^ZTiy.sio'j  T:p>jy.y'X'/ôvzî;  e/rft- 
vav.  Appian. ,  Loco  sunrà  laudalo  , 

t,  II  ,    p.   145.     EvV£y.XXtC?;Z7.    Sl'J'/î'jrj- 

fU'v^)^  r,'j.îiiôi-t  àvîD.iv  rvji'tci  ,  xxt  à-j- 
Toç  jro  Twv  £vÔ7t).ojv  £v  Ty  yju'^y.GÎy 


PTO 

laisser  la  moindre  incertitude  sur  ce 
point.  Les  modernes  qui  ont  soutenu 
une  opinion  dilléreutc,  ont  été  trom- 
]H''s  par  des  passages  de  Cicéron  et 
de  (pielques  autres  auteurs,  qu'ils  en- 
temlaient  mal ,  cl  dans  lesipiels  il  est 
parlé  d'un  roi  d'Ei;ypte  qui  avait 
déposé  ses  richesses  à  Tyr,  vu  lais- 
saut, par  son  testament,  ri"'gy|)te 
aux  Romains.  Comme  il  n'rsl  pas 
douteux  que,  dans  ces  passages,  il 
est  question  de  Ptolémec  Alexandre 
II,  ils  crurent  pouvoir  en  conclure 
que  ce  prince  n'avait  pas  été  tué 
après  un  règne  de  dix  -  neuf  jours  , 
mais  seulement  chassé  (  d'autres  , 
comme  ou  l'a  déjà  vu,  lui  donnaient 
un  règne  plus  long).  Ils  supposaient 
donc  qu'Alexandre  s'était  ,  après 
son  expulsion  ,  retiré,  avec  ses  tré- 
sors ,  a  Tyr,  où  il  était  mort,  et 
qu'il  avait  alors  donné  son  royaume 
aux  Romains.  C'est  pour  n'avoir  pas 
fait  aliention  aux  circonstances  qui 
jui'cédèrent  et  amenèrent  l'élévation 
d'Alexandre  11  ,  f|u'on  s'est  tiouipé 
sur  ce  point.  La  (jualilc  il'anii  et  u'al- 
liédes  Romains,  (pie Cicéron  et  Sué- 
tone doiiiieiit  à  Alexandre,  a  fait  pré- 
sumer qu'un  roi  décoré  de  ces  titres 
avait  dû  nécessairement  u(cuper  le 
trône  pendant  quelques  années,  com- 
me si  le  fait  même  de  In  nomination 
de  ce  |»riuce,  par  Sy'la  et  par  le  sé- 
nat, n'en  rendait  pas  pleineiiient  rai- 
son.On  a  pensé  aussi  qu'Alexandre 
n'avait  pas  été  tué,  mais  sdilement 
chassé  ,  parce  qu'il  est  dit ,  dans  un 
des  Prologues  de  Trogue  Pdinpée  : 
Utpoit  Lathyrum  filius  AUxaruIri 
régnant  y  eipuhoque  eo,suJ)eclus 
sil  Ptolema^us  Nothus;  et  que,  rlans 
Suétone,  on  trouve:  Quod  yJleran- 

/■To.  Porphyr.,rtp»d  Euscb.  Chron., 
pag.  120;  edit.  Mediol. 


PTO 

drinl  regern  suiim ,  socium  atque 
amicum  à  senatii  appellatwn  ,  ex- 
pulerant.  Ces  dcuK  passages ,  déjà 
peu  concluants  par  eux  -  mêmes , 
parce  qu'ils  sont  place's  dans  des 
lieux  peu  propres  à  faire  connaître 
leur  véritable  sens  ,  n'indicpient  au- 
tre chose,  au  fond,  que  ce  mou- 
vement populaire  qui  6ta  la  couron- 
ne et  la  vieà  Alexandre,  Comme  dans 
Cicéron  il  est  question  des  tre'sorset 
du  testament  d'Alexandre,  déposes 
à  Tyr,  on  s'est  empressé  d'en  con- 
clure que  le  roi  d'Egypte,  chassé  de 
son  trône ,  s'était  retiré  dans  cette 
ville,  tandis  qu'il  aurait  fallu  exa- 
miner d'abord  si  le  texte  de  cet  au- 
teur assurait  que  jamais  Alexandre 
eût  été  à  Tyr  :  car  enfin ,  ses  tré- 
sors pouvaient  y  être,  sans  qu'il  y 
fût  allé  personnellement ,  au  moins 
depuis  qu'il  eût  reçu  la  couronne 
d'Alexandrie.  Le  texte  de  Cicéron 
ne  dit  rien  de  pareil  ;  il  s'exprime 
ainsi:  Tum^quandb Alexandruinor- 
tuo  legatos  Tyrum  misiinus^  qui  ah 
illo  pecuniain  depositam  nnbis  re- 
cuperarent.  On  y  voit  qu'Alexan- 
dre'avait  déposé  des  trésors  à  Tyr  , 
mais  non  qu'il  y  fût  mort.  11  faut  à 
présent  faire  attention  que  Ptolé- 
mée,  éloigné  de  l'Egypte  qu'il  n'a- 
vait jamais  vue  depuis  sa  tendre  en- 
fance ,  nommé  roi  par  le  sénat,  vint 
de  Rome,  sans  être  appelé  par  les 
Alexandrins,  ni  par  la  reine  Béréni- 
ce; bien  plus,  c'est  avec  répugnan- 
ce que  la  princesse  consentit  à  s'unir 
avec  lui.  La  conduite  d'Alexandre 
ne  justifia  que  trop  sou  aversion. 
Fier  de  la  protection  de  Sylla  ,  rien 
n'égalait  l'insolence  du  nouveau  roi. 
Il  n'était  pas  venu  pour  partager 
long  -  temps  le  trône  avec  Béréni- 
ce: aussi  ne  tarda-t-il  pas  à  l'immo- 
ler. Eu  arrivantenEg''ptesous  detcls 
auspices  et  avec  de  telles  intentions, 


PTO 


243 


Alexandre  dut  prendre  ses  précau- 
tions eu  cas  d'événement.  Les  fré- 
quentes   révolutions   d'Alexandrie  , 
l'expulsion  de  son  père,  sa  mort  tra- 
gique, le  soin  que  sa  mère  Clcopâ- 
îre  et  lui  avaient  eu  de  mettre  leurs 
trésors  en  sûreté  hors  de  l'Egypte, 
durent  porter  Alexandre  à  prendre 
des    mesures   pareilles  II  est   donc 
bien  naturel  de  croire  qu'avant  d'al- 
ler à  Alexandrie,  et  encore  incertain 
sur  l'avenir,  il  avait  déposé  ses  tré- 
sors à  Tyr:  ah  illo  pecuniain  depo- 
sitam, où  ils  restèrent  après  sa  mort, 
quandb  Alexandro  morluo  legatos 
Tjrum  misimus,  et  où  les  Romains 
les  envoyèrent  chercher.  Toutes  ces 
autorités   bien   entendues  prouvent 
que  Ptolémée  Alexandre  II  ,  nom- 
mé   roi   d'Egypte   par    la    faveur 
de  Sylla,  reconnu   comme  ami  et 
allié  des  Romains  ,  vint  à  Alexan- 
drie, après  la  mort  de  Soler  II ,  y 
épousa  ,  malgré  elle ,  sa  belle  -  mère 
Bérénice,  qui  rognait  depuis  six  mois, 
et  la  fit  égorger,  après  avoir  partagé 
la  couronne  avec  elle  pendant  dix- 
neuf  jours.  Ce  forfait  indigna  telle- 
ment le  peuple  d'Alexandrie ,  qu'il 
se  révolta  contre  cet  indigne  pro- 
tégé de  Sylla.  On  l'arracha  du  palais, 
et  on  le  traîna  dans  le  gymnase ,  où 
il  fut  massacré.  Cicéron  avait  pro- 
noncé un  discours  intitulé  :  De  re- 
ge  Alexandrino ,  en  faveur  de  Pto- 
lémée Auletès,  successeur  d'Alexan- 
dre II ,  à  qui  les  Romains   refusè- 
rent  long -temps  le    titre  de  roi, 
parce  qu'on  l'accusait  du  meurtre  de 
son  prédécesseur.  Ce  discours  n'était 
pas  venu  jusqu'à  nor.3;  mais  l'abbé 
Mai   en  a  trouvé   récemment    des 
fragments  considérables ,  ainsi  que 
de  l'ancien  Gom!::cataire  d'Asconius 
Pédianus.  Après  les  avoir  lus ,  on 
ne   peut   plus    douter    qu'effective- 
ment Alexandre  II  n'ait  été  immolé 
16.. 


Q44 


PTO 


par  le  peuple  d'Alexandrie  ,  révolte 
contre  lui.  Rica  n'est  plus  clair  que 
ces  paroles  :  Atque  illiideliam  cons- 
tarevid'io,  regemillmn  ,  cùm  regi- 
nam  si)roreni[C)]suani,  caram  accep- 
tnwqiie  populo,  inanibiis  suis  tru- 
cidassct ,  inttrfectuiii  esse  impctu 
multitudinis.  Asconius  Pcilianus  y 
ajoute  encore,  en  disant  :  Conpeslis 
valdè  prœparatinnibiis Jidem  facit , 
ut    hanc  ciedein    à  populo    Jiiai^is 
Alexandriuo    factam     probartt  , 
non  Ptohvintojubentc  commissam. 
Dans  le  même  Discours,  Ciceron  par- 
le   aussi    des    trésors    qu'Alexandre 
avait  mis  à  l'eVart  à  Tyr  ,   où   les 
Romains  les  envoyèrent   chercher  : 
ylc  primo    quidem  illi>  tempore  , 
quo  pecunia  repetita  esse  ab  Tj- 
ro  et  advecta  Homam  videbalur , 
seposila  jam  nuper  ab  .4li'xa  repe. 
Le  nic|)rïs  (pie  les  Alexandrins  niou- 
trcrent  pour  la  puissaurc  romaine , 
en  massacrant  nn  roi  donné  par  le 
sénat,  mit  ri*lf;ypte  d.4ns  nn  état  de 
puerie  avec  la  république  ,  qui  dura 
fort  lonf;-temps.  Les  Honjains  refu- 
sèrent de  reconnaître  le  roi  nommé 
par  les  Alexandrins.    Ils  se   portè- 
rent héritiers   du   prince   leur   al- 
lié; et,  en  celte  qualité,  ils  envoyè- 
rent chercher  à  Tyr  les  trésors  qu'il 
V  avait  laissés.  Ils  supposèrent  aussi 
que,  par  son  te.staincnt,  Alexandre 
avait  disposé  de  rK5;vple  en  leur  fa- 
veur; et  plusieuis  fois  on  af;ila,  dans 
le  sénat,  la  question  desavoir  si  l'on 
occuperait   militairement  l'Egypte. 


(f{)  CV'tait  l'iisaje  m  Egypte,  <1p  donner  iur  les 
mouuxuculs  et  dmxs  l*-«  at  te»  }>ublù  ^ ,  Je  num  de 
.^o-iir  aux  reinrft  épouses  de»  roî»,  soit  i|u'e]les  fns- 
KHt  uu  lie  fu.-seDt  pas  parentes  de  leur  mari.  Aiusi 
IVrotice,  femme  Je  Pt'.l' luée  Ever^cfes  I".,  est 
appeice  sur  les  monuintul»  Sœur  de  ce  jjrince,  quoi- 
uuMIc  ne  fût  que  sa  cuusine.  Le  même  titre  est 
douué  i  CIri'patre  ,  femme  de  l'tolemee  Cpipha- 
Da  ,  Jont  elle  n'était  pas  même  parente,  .\leiandre 
il  rt.iit  beau-fils  de  Bérénice  ,  que  Cicéron  appelle 


pou 


••lur.  Voyez  i  ce  »ujtl  .M.  Lctronne  ,  Rcchcrchei 
ur  servira  l'histoire  d'Égrple ,  p.  7-11. 


PTO 

Cette  commission  fut  plus  d'une  for* 
brip;uée  par  les  avides  généraux  qui 
décidaient  alors  des  destinées  de 
Rome.  Il  est  à  croire  que,  si  le  sénat 
avilit  cru  cette  entreprise  facile,  ou 
s'il  avait  réellenunl  existé  uu  tcsla- 
ment  d'Alexanilro  en  faveur  îles  Ro- 
mains, il  n'iiurait  pas  balance  à  en 
poursuivre  l'exécution  :  leur  con- 
duite en  d'autres  occasions  senibl;i- 
bles  en  est  nn  sûr  garant.  IMalç^ré 
les  longs  débats  que  cette  iilFaire  pro- 
duisit (ians  le  sénat,  rien  n'est  plus 
problématique  (|ue  l'existence  de  ce 
Icstiiincnt  :  il  sullit ,  pour  en  être  cou 
vaincu  ,  de  lire  ces  [laroles  de  Cicé- 
ron,  qui  s'exprimait  ainsi,  dix-sept 
ans  après  la  mort  d'Alexandre  :  JJi- 
cent  Liiim  decevn'iri ,  iil  qiioddicilur 
à  inullis  et  scpjjè  dictuin  e  t^post  eos- 
dein  coiiiulcs  ,  re^is  yllexanilii  les- 
tamento^repman  illudpopu'i  Homn- 
ni  esse  l'uctuin.  Mais  d'autres  niaient 
l'existence  de  cette  pièce  ;  el  (!)icéron 
n'en  vovail  pas  d'autre  preuve  que 
le  fait  d  envoyer  chercher  i'i  Tyr  les 
1 1  ésors  d  u  r  oi.  Quis  eut  m  ve.s  t  j  dm  hue 
ii^norat ,  dil-il ,  dici  illud  rc^nuiii  , 
testamento  /e^tV  .-Jlexandri,  pupuli 
Romani  esse  factum  .'....  video ,  qui 
testamentumfactumesseconf.rmet: 
aucloritateni  senatds  et  tare  Jiœre- 
dilalis  aditœ  senlio ,  tt\m  ,  cjuan- 
db  Alexandio  morluo  lepatos  Tj- 
rum  misinius  ,  qui  ab  illo  pecuniani 

di'positani  nobis  récupéraient 

Dicitur  contra  ,  nullum  esse  testa- 
mentum  :  non  oporlerepopulum  Uo. 
maïuim  omnium  regnoruiti  appeten- 
tem  videri.  Nous  ignorons  les  sur- 
noms que  Ptolémée  Alexandre  II  put 
prendre  ou  recevoir  pendant  la  du- 
rée de  son  règne  éphémère.  Cicéron 
l'appelle  Alexas^  ce  qui  était  sans 
doute  un  diminutif  en  usage  parmi  le 
peuple  d'Alexandrie.  Son  père  avait 
été  Dommédela  même  manière, selon 


PTO 

le  témoignage  de  St.  Epiphane  et  de 
Cledrenus(io).T.c  règne  d'Alexandre 
II,  selon  Porpliyre  Ci  0,  ne  fut  pas 
compte  dans  la  liste  des  rois  d'Egyp- 
te,non  plus  que  celuide  sabelle-mère 
Beiénice.  à  cause  de  leur  peu  d'ëfcn- 
due  :  ils  furent  confondus  dans  la 
trente- sixième  et  dernière  année  de 
Sotcr  II  (  i3  septembre- 82- 12  sep- 
tembre 81  avant  J.-C.  ).  Toutefois  il 
faut  que  la  durée  de  leur  domination 
ait  dopasse  un  peu  les  bornes  de  l'an- 
née civile  e'gyptienne,  dans  laquelle 
Soter  II  mourut;  sans  quoi  les  an- 
nées de  Ptoléme'e  Aulèiès,  successeur 
d'Alexandre  II,  auraient  daté  du  i3 
sept.  82  ,  tandis  qu'elles  partent  du 
ï-2  sept.  81  avant  J.-C.     S.  M — i*. 

PIOLÉMÉEXI  fut  nommé, par 
le  peuple  d'Alexandrie,  Aulélès  ^  ou 
le  Joueur  de Jliite,  à  cause  de  la  pas- 
sion  désordonnée   qu'il  avait  pour 
cet  instrument ,  et  qui  était  telle,  que 
plus  d'une  fois  il  se  donna  en  spec- 
tacle,  disputant  le  prix,  devant  sa 
cour,  avec  des  musiciens  de  profes- 
sion :  outre    ce  surnom   dérisoire , 
Ptoléme'e  XI  porte  encore  ,  sur  ses 
monuments ,  les  ti  i res  de  Philopaior^ 
Pliiladelphe  et  Neodionysas.  C'est 
sans  doute  eu  mémoire  de  son  père 
qu'il  prit  le  premier  surnom  ;  pour 
le  second,  il  est  à   présumer  qu'il 
marquait  son  amitié  pour  son  frère 
ou  pour  la  reine  Bérénice,  immolée 
par  Alexandre  II.  Quant  au  dernier  , 
JVeodionjsus  ,  q\i'on  a  rendu  raal-à- 
propos(  »  ) ,  par  le  nom  de  Penys ,  il 
signifie  Nouveau  Bacchus,  ou  plutôt 
Nouvel  Osiris ,  car  les  Grecs  con- 
fondaient  assez    ordinairement   ces 
deux  divinités.  Il  paraît   que    c'est 


(10)  s.  Epiplian.  De  mens,  et  poiiilnr.  Oper.  omu., 
t.  Il,  p.  itit).  —  Cediin.,  t.  I  ,  p.  iGt). 

(11)  Ai)iid^\xseh.  Citron.  ,  p.  11^,  éd.  Mediol. 
(1)  CViampoUion-Figeac,  Annale]  des   Lapides, 

t.  II  ,      a  249  1 1  SUIT. 


PTO  a45 

plus  tard  qu'il  prit  ce  nouveau  sur- 
nom (2),  peut-être  autant   afin  de 
témoigner  sa  dévotion   pour  P)ac- 
chus,  (assez  prouvée,  au  reste,  par 
son    goût    pour   les    orgies   bachi- 
ques), que  pour  rehausser  la  divi- 
nité dont  il  était  revêtu  comme  tous 
les  autres  monarques  égyptiens.  Pto^ 
lémée  Aulétès  porte  encore  dans  Tro- 
gne Pompée  ,  le  surnom  de  Nothus  , 
ou   Bdlard.  Après  la  mort  de  Bé- 
rénice et  d'Alexandre  II  ,  il  ne  res- 
tait plus  en  Egypte  aucun  descen- 
dant légitime  de  la  race  des  Lagides. 
Alors  le  peuple  d'Alexandrie  donna 
la  couronne  à  un  fils  naturel  de  Soter 
TI.  Nous  ignorons  comment  cet  évé- 
nement eut  liou  :  nous  savons  seule- 
ment ,  par  Cicéron ,  que  ce  prince  se 
trouvait  en  Syrie.  Cum  ille  rcx  sit 
interj'ectus  ,  hune  puerum  iji  Sjria 
fuisse  (3),  Il  ne  faut  pas  prendre  le 
mot  puer  dans  un  sens  trop  absolu  : 
il  paraît  que  Ptoléme'e  était  déjà  un 
jeune  homme  en  âge  de  régner  par 
bd-même  (4).  Un  frère  plus  jeune 
encore  fut  déclaré  roi  de  Cypre.   Il 
paraît    aussi    qu'Aulélès    se    maria 
vers  la  même  époque  :  le  nom  et  l'o- 
rigine de  son  épouse  nous  sont  éga- 
lement inconnus.  Un  prince  élevé  au 
trône  sans  l'agrément  des  Romains, 
substitué    à  mi    roi  envoyé    par  le 
sénat  et  décoré  des  titres  d'ami   et 
d'allié,  nedevaitpas  s'attendre  à  être 
reconnu  facilement;  trop  heureux  en- 
core de  n'être  pas  dépouillé  de  la 
couronne  qu'il  avait  obtenue.  Aussi, 
malgré  l'élévation  d' Aulétès  ,  les  Ro- 
mains regardèrent- ils  le  trône  d'E- 
c^vple  comme  vacant ,  et  ce  royaume 
comme  dévolu  à  la  république ,  en 

(■>)  Letrouiie,  Rechtrches  pour  sen'ir  à  L'hist. 
d'Égy/Jte,  p.  i/|4. 

(3)  Saint-Martin,  N'otivelles  recherches  sur  V  épof 
nue  de  la  niorl  d'Alexandre,  p.  log  et  suiv. 

(  /i)  Letronnc ,  Recherches  pour  sen'ir  à  l'hisloira 
d'Éjiypte ,  p.  i4>. 


?46 


PTO 


Y*rta  du  lestamcnt  réel  ou  suppose 
d'Alexandre  II.  Cependant  le  sénat 
ne  prit  aucune  mesure  pour  occuper 
rÉcyptc,  se  boruaut  à  faire  venir 
de  Tyr  les  trésors  qu'Alexandre  y 
avait  déposés.  Les  descendants  lé- 
gitimes de  la  race  des  Laç^ides  qui 
existaient  encore  eu   Syrie  crurent 
donc  qu'ils  pourraient  être  facilement 
])referés  à  Aulélts  par  ks  Romains. 
Tigrane  ,    roi    d'Arménie  ,   était   à 
celte   époque  m.iilre  de   la   Syrie, 
dont  il    avait  dépouillé    les    Séleu- 
cides  ;  mais  la  reine  Séléné ,  sœur 
de   Soter   II  ,   et    veuve   d'Antio- 
chus  le   Cyzicénien  ,   avait   encore 
conservé  la  possession  de  quelques 
villes,  de   Ptoléraa'is   entre  autres. 
En  l'an  -.lavant  J.-C. ,  elle  envoya  , 
en  Iialie  ses  deux  (ils,  Antiochus  et 
Séleucus,   nés  d'Antiocluis  EusèLe  , 
pour  y  reclamer  une  couronne  qui 
leur   ajip.irleuait  du   chef   de   leur 
mère.  Aulélcs,   informé  du  but  de 
leur  voyage,  fit  partir  pour   Rome 
des   émissaires  secrets  ,  chargés   de 
traverser  le  projet  des  princes  sy- 
riens,  et  de  procurer  des   amis   à 
leur  maître  dans  le  sénat ,    à    force 
d'argent.  Antiochus  et  son  frère  con- 
sumèrent doux  ans  à  Rome  en  démar- 
ches inutiles  ;  enfin  ,  en  l'an  -  i  ,  ils 
résolurent  de    retourner   en    Syrie. 
En  passant  par  la  Sicile ,  ils  furent 
rançonnés    par  le   préteur   Verres , 
comme  nous  l'apprend  Cicéron.   Ce- 

f)endant  Aulélcs  restait  toujours  dans 
a  même  situation  à  l'égard  des  Ro- 
mains :  plusieurs  fols  la  question  de 
savoir  si  l'on  occuperait  l'Egypte 
fut  débattue  dans  le  sénat  ;  les  amis 
d'Aulélès  eurent  assez  de  crédit  pour 
la  faire  écarter,  mais  pas  assez  pour 
faire  décerner  à  leur  protégé  le  titre 
de  roi  ,  titre  dont  il  se  montrait 
d'ailleurs  bien  peu  digne ,  étant  con- 
tinuellement plongé  dans  la  mollesse 


PTO 

et  dans  la  débauche.  La  guerre  que 
Rome  soutenait  alors  contre  Mithri- 
date ,  détourna  pendant  long-temps 
l'attention  du  sénat  ;  mais  quand  les 
armes  de  la  république  prévalurent 
contre  les  eÙbrfs  du  roi  de  Ptmt  ,  ou 
s'occupa  encore  du  sort  de  l'Egypte; 
elle  excita   de  noureiu  la   cupidité 
des  sénateurs  romains.  Crassus ,  dont 
on  connaît  l'avarice,  voidut,  pend.int 
sa  censuie  en  l'an  G5  ,  rendre  l'E- 
gypte tributaire  ;  mais  son  collègue 
Catullus  s'y  opposa  énergiquement, 
et    il  s'ensuivit  entre  ces  deux  ma- 
gistrats ,   une  division    telle  (pi'ils 
furent  obligés  de  se  démettre  de  leur 
dignité.  Jules-César,  qui  était  alors 
edde  ,  tenta  aussi  de  .«^e  faire  donner 
l'Egypte  par  un  plébiscite  :  ses  dé- 
marches n'eurent  pas  plus  de  succès; 
les   partisans  de  Plolémée  l'empor- 
tèrent encore.  L'année  suivante  ,  G\ 
avant  J.-C.  ,  le  tribun  Ruilus  mit  de 
nouveau  en  péril  l'cxistenced'Aulétès; 
mais,  heureusement  pour  lui,Cicéron, 
au  commencement  de  son  consulat, 
fut  assez  i)uissaiit  pour  faire  révo- 
quer la  loi  qui  oi donnait  la  réunion 
de  l'Egypte  ,  et  (pii  avait  été  adoptée 
par  le  jieuple.  Des  déuioiistrations 
si     pou    amicales    ne  devaient    pas 
atlaclier  Plolémée  à  la  cause  drs  Ro- 
mains :  aussi  paraît-il  ques'il  ne  lour- 
nit  pas  des  secours  à  Mithridate  pen- 
dant sa  dernière  guerre  contre  la  ré- 
publique, au  moins  entreliiit-il  des 
relations  avec  lui.  En  eflét ,  quand  ce 
grand  roi  mouiul,  en  03,  ses  (illes 
Mithridatis    et    INyssa   étaient   fian- 
cées avec  Pt<déniée  Aulétès  et  le  roi 
de  Cypre  son  frère.    Cette  alliance 
n'eut  pas  lieu ,  parce  que  ces  deux 
princesses  furent  enveloppées  dans 
la  dernière  catastrophe  de  leur  père. 
Cette  circonstance  nous  donne  lieu  de 
croire  que  Ptolémée  Aidétès  était  veuf 
alors;  sa  femme  n'était  pas  enconr 


PTO 

morle  au  mois  de  mesori  de  l'an  i  a 
de  son  rèjçne  (5  août-4  septembre  69 
avant  J.-C,  ),  comme  le  prouve  une 
inscription  de  la  même  époque  ,  qui 
fait  mention  de  cette  princesse  (5). 
Il  paraît  que  le  roi  d'Egypte  se  re- 
maria ensuite ,  puisqu'il  laissa ,  à  sa 
mort,  des  enfants  en  bas  âge;  mais  sa 
deuxième  femme  nous  est  aussi  in- 
connue que  la  première  (6).  Après  la 
défaite  de  Mithridate,  Pompée,  lasse 
de  poursuivre  ce  prince  dans  les  mon- 
tagnes et  les  désertsde  la  Scythie,avait 
repassé  le  mont  Caucase  ,  et  était 
venu  porter  ses  armes  dans  la  Syrie. 
C'est  là  qu'il  apprit  la  mort  du  plus 
redoutable  ennemi  de  Rome.  Dans 
cette  expédition,  Pomj)ée  s'avança 
jusqu'aux  frontières  rie  l'Egypte;  et 
Aulétès  s'empressa  de  lui  envoyer  de 
magnifiques  présents.  Il  pria  mê- 
me Pompée  de  lui  fournir  des  se- 
cours pour  réduire  des  rebelles  qui 
troublaient  ses  états  ;  mais  celui-ci 
s'abstint  d'y  entrer  ,  malgré  toutes  les 
offres  brillantes  qui  lui  furent  faites. 
Ce  refus  n'indisposa  pas  le  roi  d'E- 
gypte :  au  contraire  ,  il  s'elforça  en- 
core plus  de  gagner  la  bienveillance 
de  Pompée  ,  et  il  y  réussit  à  la  fin. 
Le  général  romain  faisait  alors  la 
guerre  à  Aristobule  roi  des  Juifs  ;  et 
ce  peuple  résistait  avec  opiniâtreté. 
Pendant  la  durée  de  ceîte  guerre, 
Aulétès  fournit  aux  Romains  des  se- 
cours de  toute  espèce,  en  argent  et 
en  vivres  ;  et  Pompée  en  fut  si  tou- 
clié ,  que  depuis  il  se  montra  toujours 
partisan  du  roi  d'Egypte  :  il  parvint 
aussi  à  lui  concilier  la  bienveillance 
de  César  avec  lequel  il  étaitalorsuni; 

(5)  Letroime  ,  o(ur,  cité  ,  yt.   i3tj  et  i4t>. 

(^o)IVI.  LetroDiie  doutf  (^Rec/t.  fjçiir  servir  à  l'hisl. 
ti'Egrple,  f.  1^3  )  que  jninais  Aulctî-s  se  soit  re- 
marie après  IVpoque  dout  il  s'agit.  U  faut  cependant 
que  ce  prince  ait  contracté  depuis  une  seconde  al- 
liance ,puisqu'au  temps  de  sa  mort,  en  l'an  5?-  avant 
J.-C,  il  avait  plusieurs  enfants  en  bas  âge,  dont 
rainé  même  était  encore  mioeur. 


PTO 


247 


et  c'est  à  lafaveurde  ce  dernier,  qui 
avait  voulu  autrefois   lui  ravir  sa 
couronne  ,  qu'Aulétès  dut  d*êlre  en- 
fin reconnu  par  le  sénat ,  ce  qui  ar- 
riva en   l'an   Sg   avant  J.-C.  Cette 
faveur  ne  fut  pas  gratuite  :  ce  n'est 
qu'à  force  d'argent  que  ses  ambassa- 
deurs Sérapion  et  Dioscorides  purent 
amener  la  conclusionde  cette  affaire. 
La  race  des  Lagides  paya  bien  cher 
cette  grâce  du  sénat:  car,  peu  après  le 
décret  qui  conférait  à  Aulétès  le  titre 
d'ami  et  d'allié  des  Romains ,  un  acte 
du  même  genre  fut   provoqué  par 
Clodius,  tribun  du  peuple,  pour  dé- 
pouiller de  la  dignité  royale  le  frère 
de  Ptolémée  ;  et  l'île  de  Cypre  fut 
réunie  aux   possessions   de    la   ré- 
publique.   Celte   usurpation    excita 
l'indignation   du  peuple  d'Alexan- 
drie ,  qui  avait  conservé  plus  que  ses 
rois  le  sentiment  de  la  dignité  de  leur 
empire  :  il  exigea  de  son  souverain 
un  acte  de  vigueur  dont  il  n'était  guère 
capable  ;  c'était  de  renoncer  à  l'al- 
liance de  Rome ,  en  défendant  par  les 
armes  les  biens  de  sa  famille  ,  ou 
d'obtenir  par  ses  ambassadeurs  que 
les  Romains  lui  laissassent  l'île  de 
Cypre ,  et  annulassent  le  décx-et  de 
Clodius.    Aulétès  ne  fit  ni  l'un   ni 
l'autre:  alors  le  peuple,  accablé  déjà 
de  toutes  les  charges  qu'il  avait  sup- 
portées pour  procurer  à  son  roi  une 
amitié  aussi  onéreuse  et  aussi  illu- 
soire que  celle  des  Romains,  se  ré- 
volta contre  lui.  Aulétès  n'ayant  ni 
troupes,  ni  argent,   ne  put  résis- 
ter aux  rebelles  ;  il  prit  le  parti  de 
quitter  seci  élément  l'Egypte ,  et  d'al- 
ler mendier  ,  en    personne  ,    l'assis- 
tance des  amis  qu'il  croyait  avoir  à 
Rome  ,  afin  de  réduire  à  l'obéissance 
un  peuple  dont  il  n'avait   pas  osé 
partager  la  généreuse  indignation. 
Ce  fut  un  an  après  avoir  été  reconnu 
par  le  sénat ,  que  Ptolémée  s'enfuit. 


lAS 


PTO 


Caton,  qui  avait  éld  nomme  ques- 
teur, et  qui  se  préparait  à  occuper 
l'île  de  Cvpre,  était  alors  à  Rhodes  ; 
Auléti'S  viut  le  trouver ,  espcraut 
obtenir  de  lui  qu'il  suspendît  l'cxc- 
cutiun  de  cette  mesure.  Caton  le 
traita  avec  assez  de  déd.iin;  cepen- 
dant il  luidonna  des  avis  utiles ,  dont 
Aulélès  n'eut  ni  le  courage  ,  ni  la 
prudence  de  profiter.  Calon  lui  fit 
des  reproches  d'avoir  quille  son 
rovaurac  ,  pour  rcclanur  les  se- 
cours des  Romains  ,  après  avoir 
essuyé  tant  de  peine  et  d'opprobres 
pour  acheter  la  hienveillance  des 
chefs  de  la  république.  Il  le  |)ressa 
de  remonter  sur  ses  vaisseaux .  oflrant 
de  le  conduire  lui-même  en  K;;vptc, 
et  de  le  réconcilier  avec  son  peuple. 
Aulclès  voidut  d'abord  suivre  les  avis 
deCaton;inai.s  ilen  fulensuile(iissua- 
dé  pai-  ses  conseillers,  et  il  lit  voile 
pour  Rome.  Cejwndant  les  Alex.in- 
drins  ignoraient  que  leur  roi  était 
passé  en  Italie  :  ils  le  crurent  mort, 
et  placèrent  sur  le  trône  ses  filles 
aînccs,  Cléopitrc-Trvphèneel  Béré- 
nice; puis  ils  envovèrcnt  une  ambas- 
sade en  Svrie  ,  pour  engager  Antio- 
chus  ,  cousin  des  deux  princesses  ,  à 
venir  régner  avec  elles  en  Egypte. 
Antiocluisavailélé  roidcSy'ic  après 
l'expulsion  deTigrane;  mais  depuis 
il  avait  été  dépoudié  par  Pompée,  et 
il  n'était  plus  qu'un  ^i^lplc  particu- 
lier. Il  mourut  presqu'aus>ilot  de 
maladie  ,  avant  d'avoir  pu  profiler 
des  oll'resdes  Alexandrins.  Les  am- 
bassadeurs s'adressèrent  à  son  pa- 
rent Philip[>e,  qui  avait  été  aussi 
roi  de  Syiie,  et  qui  était  fils  d'An- 
tiochus  (jiyp'is  et  de  Tryphène , 
princesse  lagide.  Philippe  avait  ac- 
cepté, et  il  allait  pai  tir  pour  lEgvpie 
quand  Gabinius  ,  lieutenant  de  Pom- 
pée ,  qui  commandait  en  Syrie,  mit 
obstacle  à  son  voyage;]  et  bientôt 


PTO 

après,  le  prince  séleucide  mourut.  11 
fut  remplacé  par  son  cousin  Séleucns, 
frère  d'.\nliochus.  Celui  ci  partit  pour 
l'Egypte.  Ce  pays  n'avait  plus  alors 
qu'une  reine  :  Cléopàlre-Tryplùne 
était  morte  après  un  an  de  règne  en- 
viron ,  et  le  pouvoir  était  entre  les 
mains  de  Bérénice  ,  qui  épousa  Sc- 
leucus.  Elle  en  fut  promptcmeul  dé- 
goûtée, et  le  (it  étrangler.  Scleu- 
cus  fut  remplacé  par  Arclidaus  , 
pontife  de  Bellonoà  Comane  dans  la 
Cappadoce.  C'ét.tit  au  prime  brave 
et  habile,  qui  passait  pour  fils  du 
grand  Mithritiate  Eiipator ,  mais  qui 
était  né  réellement  d'Aiclielaus,  gé- 
néral de  ce  monarque.  Porphyre  (-y) 
donne  deux  années  de  règne  a  Béré- 
nice :  il  en  résulte  que  Ptolémée  fut 
absent  de  l'Égvpte  pendant  trois  ans 
environ.  Les  trois  années  royales 
des  deux  princesses,  filles  d'Aukiès, 
comptèrent  du  -j  septembre  58  av. 
J.-C.  ,au()scpteinl).  55.  Durant  celle 
espèce  d'interrègne  ,  Aulétès  intri- 
guait.i  Rome  pour  obtenir  les  moyens 
de  recouvrer  ses  états.  Reçu  dans  la 
maison  de  Pompée,  il  einployail  le 
crédit  dc.soii  palron  ,  qui  l'appuyait 
fortement  dans  le  sénat.  Lentulus 
Sj)inther ,  qui  était  consul ,  et  qui  de- 
vait avoir,  l'année  suivante,  le  gou- 
vernemeul  de  la  Cilicie  ,  fut  désigne 
pour  reconduire  Ptolémée  dans  son 
royaume.  Les  passions  ,  les  haines, 
qui  divisaient  le  sénat,  ne  permirent 
pas  que  cette  décision  fût  exécutée. 
Sur  ces  entrefaites,  Pompée  fut  éloi- 
gné de  Home  ;  et  Ptolémée  y  resta 
sans  appui.  De  leur  côlé,  les  Alexan- 
diins  s'occu|)aieiilde traverser  lesdé- 
marches  de  leur  roi  ;  une  ambassade 
fut  charpée  de  l'accuser  :  mais  celui- 
ci  trouva  le  moyen  défaire  assassiner 
la  plupart  des  députes;  et  Dion ,  leur 

^J)  Eusrb.  Chron.,  p.  ii8,  cdit. <!<;  Milan. 


PTO 

chef,  ciTraye  ou  gagne,  n'osa  se  pre'- 
senter  devant  le  séuaf.  Cette  action 
odieuse  fournit  de  nouvelles  armes 
aux  adversaires  de  Pompée  et  de 
Ptolëmëc.  On  mit  tout  en  œuvre  pour 
empêcher  lerctablissemeftt  dcceprin 
ce  ;  on  recourut  aux  prodiges  ,  aux 
augures  :  rautoritë  même  des  livres 
sibyllins  fut  invoquée;  on  leur  fit  dire 
que  si  jamais  un  roi  d'Egypte  venait 
implorer  l'assistance  des  Romains, 
il  fallait  le  traiter  en  ami ,  mais  non 
lui  accorder  une  armée.  Personne 
n'était  dupe  de  celle  supercherie  : 
elle  suffit  cependant  pour  arrêter  les 
opérafions.  Aulétcs,  ennuyé  enfin  de 
tous  ces  délais,  se  borna  à  demander 
qu'on  permît  h  Pompée  de  le  recon- 
duire en  Egypte  ,  avec  deux  licteurs 
seulement.  Le  sénat,  qui  ne  redoutait 
déjà  que  trop  l'ambition  de  ce  gé- 
néral ,  n'avait  pas  envie  de  remeiire 
à  sa  disposition  les  ressources  d'un 
royaume  tel  que  l'Egypte.  On  préfé- 
rait voir  cet  empire  épuiser  et  per- 
dre ses  forces  dans  des  agitations  inté- 
rieures. Ptolémc'e  prit  alors  le  parti 
de  se  retirer  à  Ephcse,  laissant  son 
chargé  d'affaires  ,  Ammouius  ,  pour 
défendre  ses  intérêts  auprès  du  sénat. 
Pendant  son  absence,  il  y  eut  encore 
de  nouvelles  discussions  ;  Cic^ron  , 
Hortensius  et  LucuUns  voulaient  que 
Spinther  rétablît  Aulétès  en  allant 
dans  son  gouvernement:  d'autres  re- 
fusaient toute  intervention;  d'autres 
encore  voulaient  que  celte  affaire  fût 
renvoyée  à  Pompée  :  enfin,  après  bien 
des  débats  ,  les  consuls  et  le  sénat 
s'arrêtèrent  à  un  terme  moyen  ,  sans 
prendre  une  décision  précise.  II  ne 
fut  point  rendu  de  sénalus  consulte: 
on  remit,  par  une  simple  lettre  ,  la  di- 
rection de  l'entreprise  à  la  discré- 
tion de  Spinther,  qui,  étant  enCilicie, 
devait  être  plus  à  portée  de  savoir 
ce  qu'il  couvenait  de  faire.  Le  tribun 


PTO  2^9 

Galon  vint  meltrede  nouveaux  obsta- 
cles à  l'exécution  de  celte  résolution. 
Ces  discours  inspirèrent  des  craintes 
à  Spinther  ,  qui  ne  voulut  pas  pren- 
dre sur  lui  les  risques  de  l'expédi- 
tion; et  Piolémée,  n'espérant  plus  rien 
du  sénat,  fut  encore  obligé  de  recou- 
rir à  Pompée,  sou  constant  appui.  Ce- 
lui-ci était  consul  cette  aunée-là  (55 
avant  J.-C,  )  :  il  prit  le  roi  d'Egypte 
sous  sa  protection  spéciale,  et  le  fit 
jjarlir  pour  la  Syrie,  en  lui  donnant 
des  lettres  pour  son  lieutenant  Gabi- 
nius  ,  qui  commandait  dans  cette 
province.  Ce  général  se  préparait 
à  traverser  l'Euphrate,  dans  le  but 
de  rétablir  sur  le  trône  des  Parthes  , 
MithridalirlII  ,  qui  avait  été  détrô- 
né par  son  frère  Orodès.  Ptolémée 
vint  lui  proposer  une  expédition 
semblable  ,  mais  plus  facile.  L'or 
qu'il  lui  prodigua  ,  et  celui  qui  fut 
prorais,  achevèrent  de  le  convain- 
cre. IMalgré  la  loi  qui  interdisait  aux 
gouverneurs  de  faire  la  guerre  hors 
des  limites  de  leur  provuice,  Gal)i- 
nius  résolut  d'aller  en  Egypte:  il  lais- 
sa le  soin  de  la  Syrie  à  son  fils  ,  et 
prit  son  chemin  par  la  Judée,  me- 
nant avec  lui  Aulétès.  Hircan  et  An- 
tipater,  princes  des  Juifs,  lui  four- 
nirent des  secours  de  toute  espèce. 
Bient6lMarc-Antoine,qui  dans  la  sui- 
te  fut  triumvir,  arriva  devant  Péluse 
à  la  tête  de  la  cavalerie  romaine;  et 
secondé  par  les  Juifs  qui  habitaient 
dans  celte  ville  ,  il  s'en  rendit  maître 
presque  sans  coup  férir.  11  se  con- 
cilia rattachement  des  peuples  en  les 
préservant  de  la  vengeance  de  Ptolé- 
mée, qui  voulait  tout  faire  passer  au 
fil  de  l'épée.  Cependant  Archéiaiis , 
le  maii  de  Bérénice  ,  était  prépaie  à 
cette  attaque.  Ce  prince  ,  qui  n'avait 
pas  moins  de  courage  que  de  talents, 
avait  rassemblé  une  flotte  considéra- 
ble ^  et ,  à  la  tête  d'une  forte  armée 


a5o  PTO 

de  terre ,  il  s'avançait  contre  Gabi- 
nius ,  qui  s'était  réuni  à  Antoine  dans 
les  murs  de  Peliiso.  Les  Egvptii'iis 
furent  battus  ;  et  l'année  romaine  s'a- 
vança dans  riuléricur  du  pavs  ,  tan- 
dis que  la  flotte ,  après  avoir  force 
les  bourbes  du  fleuve,  reiuonlail  le 
Nil.  Quoique  les  Alexandrins  eussent 
la  plu<  violente  haine  contre  leur  roi, 
dont  ils  redoutaient  d'ailleurs  le  rt-s- 
sentinii'iit  ,  ils  se  montrèrent  dans 
cette  circonstance  tels  qu'ils  avaient 
toujours  été,  amis  des  IrouIJIes  etdes 
séditions  ,  et  aussi  prompts  à  se  ré- 
volter qu'à  se  laisser  alxittrc  par  le 
moindre  revers.  Archelaùs  voulait 
résister  dans  Alexandrie  :  quand  le 
peuple  vit  qu'il  se  préparai  à  soute- 
nir un  sir^c  ,  les  luurniurcs  (cLitc- 
rent  ;  mais  lorsqu'd  fallut  le  sui- 
vre hors  de  la  place  pour  en  dé- 
fendre les  approches ,  qu'il  fallut 
creuser  des  lusses  ,  tracer  des  li- 
gnes ,  le  mécontentement  fut  sans 
bornes.  Pour  ces  hommes  énervés , 
de  tels  travaux  étaient  plus  pénibles 
que  la  mort  elle  •  même.  I^  posi- 
tion d'Archelaùs  devint  bieut«jt  très- 
crili<|ue:  il  fallut  combattre;  il  le  lit 
avec  courage  ,  mais  sans  succès.  Il 
fut  vaincu  et  lue  dans  le  combat , 
et  Ptoléméc  redevint  souverain  de 
rKj;ypte.  Il  n'v  avait  que  '»i\  mois 
qu'Archeiaus  y  régnait.  Des  liens 
d'hospitalité  l'avaient  autrefois  uni 
à  Marc  -  Antoine  ;  aussi  celui  -  ci , 
afin  de  témoigner  toute  l'estime  qu'il 
avait  conservée  pour  sa  mémoire,  fit 
rendre  de  grands  honneurs  aux  res- 
tes de  ce  malheureux  prince.  Après 
cette  victoire,  .\ulétès  rentra  dans 
Alexandrie,  et  y  lit  mettre  à  mort 
sa  tille  Bérénice,  qui  avait  usurpé  la 
couronne.  Toutes  les  personnes  les 
plus  distinguées  et  les  plus  riches  de 
la  ville  subirent  le  même  sort  ,  pour 
que  leurs  biens  aidassent  à  payer  les 


PTO 

services  des  alliés  d'Aulétès.  Gabi- 
nius  reprit  ensuite  le  chemin  de  la 
Svrie  ,  comblé  de  richesses  :  eu 
pal  tant  ,  il  laissa  un  corps  de  trou- 
pes gauloises  à  Ptolémée  pour  for- 
mer sa  garde  et  le  défendre  contre 
son  peuple  ,  ih)ul  il  ne  fut  pas  plus 
aime  que  par  le  passe.  Gabmius  n'é- 
crivit point  a  Rome  pour  v  f.iire  part 
d'une  expédition  entre|)risesans  l'a- 
veu du  sénat  ,  et  leiativciiunt  à  la- 
qiiellcon  lui  intenta  plus  tard  un  pro- 
cès sérieux  ,  dont  il  ne  se  tira  ifuc  par 
le  crédit  réuni  de  César  et  de  Poni|H'e. 
Ptolémée  régna  encore  trois  années 
environ  ,  après  avoir  été  rétabli  par 
Gabinius  :  nous  ignorons  les  événe- 
ments qui  ariivèrenten  Ki,'Yptc  pen- 
dant cet  espacede  temps.  Ce  roi  mou- 
rut, dans  un  âge  peu  avanré,  aj)rès  un 
règne  malheureux  de  vingt-neuf  .ins. 
Les  années  de  son  règne  comjiti'rent 
depuis  le  iJi  sept.  8i  ,jusqu'.iii  ;"»  sept. 
5i avant  J.-C.  Il  paraît  qu'il  moiii  ut 
vers  l'époque  du  renoiivelunienl  de 
l'année  civile  des  EgyptiriU  ;  car  on 
voit,  |iar  les  lettres  de  Cicèron  (8), 
que  le  bruit  de  sa  mort  se  répandit 
à  Home,  vers  le  i'^'^.  aoijt ,  sous  les 
consuls  Sulpicius  et  Marcellus  (  5'j>, 
ans  avant  J.-C.  )  ;  et  le  mois  d'août 
romain  répondait  alors  aux  mois  de 
sepfembie  et  d'octobre  juliens.  Ou- 
tre les  deiixlillcsdonl  nousavonsdéji 
parlé  ,  Ptolémée  laissa  encore  quatre 
enfants,  deux  filles  et  deux  lils  :  ceux- 
ci  étaient  les  plus  jeunes.  Avant  sa 
mort ,  il  avait  envoyé  à  Rome  des 
ambassadeurs  ,  chargés  d'y  porter 
son  testament.  Pomj)ée  en  l'ut  le  dé- 
positaire. Une  autre  copie  était  gar- 
dée à  Alexandrie.  Il  y  flisposait  de 
son  tronc  eu  faveur  de  l'aîné  de  ses 
fils  et  de  l'aînée  de  ses  filles ,  à  la 
condition  qu'ils  se  marieraient  lors- 

(8)  F^itt.  ad  Famil.  ,  lib.  VIII ,  <-y.  4. 


PTO 

qu'ils  auraient  Tàge  convenable ,  et 
qu'ils  régneraient  conjoinlcinent.  II 
confiait  aussi  leur  tutelle  au  peuple 
romain ,  et  il  les  mettait  sous  la  sati- 
ve-Q;arde  du  traite'  qu'il  avait  conclu 
avec  la  re'publique.  Le  célcbie  anti- 
quaire Baudelot  de  Dairval  a  publié 
une  histoire  de  ce  prince  ,  Paris  , 
169G,  iu-i2.  Quoique  encore  esti- 
mé des  savants  ,  ce  livre  contient 
des  erreurs  assez  graves.  S.  ÎM — iv. 

PTOF.ÉMÉE  XII ,  l'aïué  des  fils 
de  Ptoléraée  Auléiès  ,  n'avait  que 
treize  ans  lorsqu'il  succéda  à  son 
père  ,  tandis  que  sa  sœur  ,  la  fameuse 
Cléopàlre,  appelée,  par  le  testament 
d'Aulétès  ,  a  régner  conjointement 
avec  lui ,  avait  déjà  dix-sej)t  ans  ,  et 
se  trouvait  en  âge  de  gouverner  elle- 
même.  Celte  ditFércnce  d'.îge  les  pla- 
ça dans  une  situation  toute  contrai- 
re ,  et  ne  tarda  pas  à  causer  des 
troubles.  Cléopàtre  fut  reine  ;  et  son 
frère  eut  des  tuteurs  ,  qui  furent  na- 
turellement ennemis  du  pouvoir  de 
Ja  reine.  Potliinus  ,  nourricier  du 
roi  ,  son  précepteur  Théodoto  de 
Chio  et  le  général  Achillas  ,  étaient 
ces  tuteurs.  Comme  ,  par  sou  testa- 
ment ,  Aulétès  avait  placé  ses  enfants 
sous  la  tutelle  du  peuple  romain  , 
Ptolémée  et  Cléopàlre  furent  admis 
sans  dilliculté  au  nombre  des  rois 
alliés.  Cependant  la  guerre  civile  en- 
tre César  et  Pompée  vint  à  éclater. 
Celui-ci  crut  pouvoir  compter  par- 
mi ses  partisans  ,  les  enfants  d'un  roi 
qu'il  avait  placé  sur  le  trône.  Pom- 
pée ,  prêt  à  passer  en  Grèce,  envoya 
en  Egypte ,  son  fils  aîné ,  et  Corn. 
Scipion ,  son  gendre  ,  afin  d'y  le- 
ver des  troupes.  En  témoignage  de 
sa  reconnaissance  envers  le  géné- 
ral romain  ,  Cléopàtre  lui  fournit 
des  grains  en  abondance  ;  et  le  fils 
de  Porapç'c  partit  bientôt  d'Alexan- 
drie avec    une  flotte  de    soixante 


PTO 


25  I 


voiles  et  les  cinq  cents  Gaulois  ou 
Germains  que  Gabinius  avait  laissés 
autrefois  en  Egypte.  Tous  ces  actes 
d'autorité  irritèrent ,  contre  Cléopà- 
tre, les  tuteurs  de  Ptolémée.  Ils  trou- 
vèrent qu'il  serait  honteux  de  rester 
plus  long-temps  sous  les  lois  d'une 
femme  ,  et  ils  excitèrent  contre  elle 
une  sédition  dans  Alexandrie.  Cléo- 
pàtre fut  obligée  de  s'enfuiren  S\  rie, 
avec  sa  jeune  sœur  Arsiiioé,  pour  y 
lever  une  année.  Pendant  que  la  flot- 
te égyptienne  était  en  station  dans  les 
eaux  de  Corcyre  avec  toutes  les  for- 
ces navales  de  Pompée,  le  sort  de  ce 
grand  homme  se  décidait  dans  les 
plaines  de  Pharsale.  Dès  qu'ils  furent 
informés  de  sa  défaite  ,  les  Egyp- 
tiens mirent  à  la  voile  pour  Alexan- 
drie ;  et  bientôt  après ,  Ptolémée  en 
partit  pour  aller  combattre  sa  sœur: 
leurs  armées  n'étaient  plus  qu'à  une 
petite  distance  l'une  de  l'autre,  sur 
les  frontières  de  la  Syrie,  quand  on 
signala  les  vaisseaux  qui  amenaient 
Pompée,  llcroyaittrouver  un  M"ir  asy- 
le  chez  un  prince  qui  lui  devait  sa  cou- 
ronne. Il  se  trompait  :  soit  par  mé- 
pris, soit  par  la  crainte  que  Pompée 
vaincu  pouvait  inspirer  encore ,  soit 
enfin  pour  se  concilier  la  faveur  de 
César ,  Ptoléraée  le  fit  lâchement  as- 
sassiner (  /^. Pompée, XXKV, 3oo  ). 
Cependant ,  comme  on  l'avait  prévu, 
César  parut  bientôt  à  la  hauteur  d'A- 
lexandrie :  sa  flotte  portait  deux  lé- 
gions et  huit  cents  chevaux.  Le  roi 
d'Egypte  était  encore  dans  les  envi- 
rons de  Péluse;  mais  il  se  hâta  de  re- 
tourner dans  sa  capitale,  où  la  nou- 
velle de  la  mort  de  Pompée  avait  causé 
le  plus  grand  désordre.  Le  premier 
objet  qui  s'offrit  aux  regards  de  Cé- 
sar en  débarquant  ,  fut  la  tète  de 
son  malheureux  rival,  présentée  par 
Tliéodote  ,  ministre  de  Ptolémée.  Ce 
triste  spectacle  lui  arracha  des  lar- 


a 5a  PTO 

mes  ;  et  il  ne  put  s'empccLcr  de  t^- 
luoijrner  fonte  son  horreur  contre  les 
auteurs d  un  aussi  intame  assassinat. 
Après  la  mort  de  son  adversaire,  Cé- 
sar n'avait  aucun  motif  de  prolonger 
son  séjour  en  Egypte  :  iictait  au  con- 
traire presse  de  passer  en  AlVicpie,  où 
1rs  débris  d'i  parti  de  Pompée  com- 
mençaient à  se  réunir.  Les  venls  con- 
traires, ou  plutôt  r.imour  <|u'il  avait 
conçu  pour  CIcopàtte  ,  !e  retinrent 
duis  ce  pays.  Les  A'exan.lriiis,  ipii 
voyaient  déjà  de  mauvais  œil  une 
année  étrangère  dans  leurs  murs  , 
s'indignaient  encore  que  les  hon- 
neurs consulaires  effaçassent,  dans 
leur  ville,  la  dignité  royale.  La 
fierté  nationale  était  Messc'c  de  ce 
que  les  Romains  intervenaient  si  sou- 
vent dans  les  alKiires  d'un  état  in- 
dépen  tant.  Leur  mécontentement  fut 
au  cornhlc,  quand  César  voulut  re- 
lier lui  -  même,  avant  son  départ, 
les  dilFérends  du  roi  avec  sa  sœur 
Cléopàtre.  Comme  c'était  sous  son 
consulat  que  leur  père  avait  été  re- 
connu par  le  sénat  et  ailmis  dans 
ralliincc  de  Rome  ,  il  prétendit  de- 
voir être  seul  arbitre,  et  d  donna  or- 
dre à  Ptoléniée  et.i  CIcopàlrc  de  cou- 
gélier  leurs  troupes.  Les  ministres 
du  roi  furent  ég.dement  indignés  de 
ces  prétentions  ;  et  ils  mirent  tout  en 
œuvre  aiin  d'animer  le  peuple  d'A- 
lexandrie, delà  fort  exaspéré  contre 
César.  Olui-ci,  toujours  épris  d'a- 
mour pour  Cléopàtre  ,  montrait  une 
si  gran'le  partialité  en  sa  faveur,  que 
Ptolémée  s'échappa  du  palais  ,  en 
implorant  l'assislince  de  son  peuple 
contre  les  Romains  :  la  position  de 
César,  qui  n'avait  pas  beaucoup  plus 
de  trois  raille  hommes  avec  lui ,  de- 
vint très  -  périlleuse,  au  milieu  d'une 
ville  aussi  populeuse  qu'Alexanlrie. 
Ses  soldats  eurent  bien  de  la  peine  à 
faire  rentrer  le  roi  dans  le  palais  as- 


PTO 

siégé.  Il  prit  le  parti  de  Hre  au  peu- 
pic  le  testament  du  dernier  souverain 
qui  avait  disposé  de  sa  couronne  eu 
faveur  de  l'aîné  de  ses  fils,  destiné  à 
épouser  Cléopàtre,  rainée  de  ses  fil- 
les, et  à  partager  le  pouvoir  avec 
elle: de  plus,  César  s'engagea  .en  sa 
qualité  de  dictateur ,  à  donner  l'île  de 
(ivpre  aux  deux  autres  enfants  d'Au- 
léles ,  Arsinoé  et  le  jeune  Ptoléniée, 
La  sédition  fulinonientanément  ajiai- 
sée  ,  mais  la  guerre  ne  tarda  pas  d'é- 
clater: Pothin,  et  les  autres  ministres 
du  roi ,  mécontents  de  cet  ajrange- 
ment,  se  concertèrent  avec  Achil- 
las ,  qui  commandait  l'armée,  enco- 
re cantonnée  sous  les  murs  de  Pé- 
luse  ,  à  l'ellct  d'écraser  César  dans 
Alexandrie.  Cette  armée,  forte  de 
vingt-deux  mille  hommes  aussi  bra- 
ves qii'expéiimentés  ,  arriva  bien- 
tôt dans  la  capitale  ,  non  moins 
animée  qu'elle  contre  les  Romains  ; 
et  Cu.sar  fut  assiégé  dans  ses  quar- 
tiers. H  avait  eu  la  précaution  de 
s'assurer  du  roi,  qui  envoya,  par 
son  ordre  ,  sommer  Aehillas  de  se 
retirer.  Ce  général  n'eut  aucun  égard 
jinnr  les  volontés  de  son  souve- 
rain captif  :  il  lit  massacrer  les  dé- 
putés qu'on  lui  avait  envoyés  ,  et  se 
prépara  à  presser  la  guerre  avec  vi- 
gueur. Force'  de  se  défendre  contre 
celte  armée  soutenue  par  l'immense 
popidation  d'Alex.indrie  ,  César  fit 
sesdispositioiis  :  il  tenait  le  palaisetle 
port ,  où  Aehillas  vint  l'attaquer  par 
terre  cl  par  mer.  Un  premier  com- 
bat, ausi^i  sanglant  qu'opiniàlrc,  fut 
tout  à  l'avanlage  de  César,  ^c  pou- 
vant se  scrvirdcs  galères  égyptiennes 
qui  étaient  dans  le  [lort ,  à  cause  du 
petit  nombre  de  ses  soldats  ,  il  les  fit 
livrer  aux  flammes.  Vers  le  même 
temps  ,  Arsinoé  ,  sœur  du  roi  ,  par- 
vint à  s'échapperdu  palais  avec  l'eu- 
nuque Ganymède;  et  aussitôt  elle  fut 


PTO 

proclamée  rciuc  ,  par  la  ville  et  l'ar- 
me'c.  Gopcndant  César  envoyait  cher- 
cher  des  secours  à  Rhodes  ,  en  Cili- 
cie  et  eu  Syrie  :  il  demandait  des 
troupes  à  Dornitius  Galvinus  ,  sou 
lieutenant  dans  l'Asie-Mincnie  ;  il 
pressait  I\Ialchus  roi  dcsNabalhéens, 
de  lui  envoyer  de  la  cavalerie.  Ces 
secours  n'arrivaient  pas;  et,  sans  es- 
poir de  retraite  ,  il  lui  fallait  résister, 
avec  ses  faibles  ressouices.  Les  rues, 
les  places d' Alexandrie, furentle  théâ- 
tre de  combats  fréquents  et  acharnés  : 
nombre  d'édifices  furent  dé  ruits;  et 
la  grande  bibliothèque,  fondée  par 
Ptolémée  Philadelplie,  qui  contenait 
quatre  cent  mille  volumes  ,  fut  la 
proie  des  flammes.  Enfin,  craignant 
de  ne  poiwoir  résister ,  César  enp;aç;ea 
Ptolémée  à  s'entremettre  entre  lui  et 
le  peuple  :  cette  démarche  fut  encore 
inutile.  Dans  le  même  temps,  la  divi- 
sion se  mit  parmi  les  assaillants  ; 
Arsinoé  et  Achillas  se  brouillèrent  : 
celui-ci  fut  assassiné;  et  le  commaif- 
dement  fut  donné  à  Oanymède  ,  qui 
poussa  les  attaques  avec  une  nouvelle 
vigueur.  11  fit  couper  les  c.inaiix  qui 
portaient  l'eau  du  Nil  dans  les  parties 
de  la  ville  occupées  par  César.  La 
position  de  celui-ci  devint  alors  plus 
critique; et  ses  troupes  n'euieut  plus 
d'eau  douce,  que  celle  qu'on  leur 
apportait  par  mer.  Le  décourage- 
ment était  général ,  quand  il  apprit 
l'arrivée  de  la  trente  -  septième  lé- 
gion envoyée  par  Dornitius  Calvi- 
nus  ,  avec  des  vivres  et  des  muni- 
tions. Cette  légion,  formée  de  sol- 
dats qui  avaient  servi  sous  Pompée, 
était  à  l'ancre  sur  la  côte  d'Afrique  , 
non  loin  d'Alexandrie  :  César  alla  la 
chercher  en  personne ,  avec  toute  sa 
flotte.  A  son  retour  ,  il  fut  attaqué 
par  les  forces  navales  que  Ganymède 
avait  rassemblées  ;  mais  l'expérience 
des  Rhodiens  qui  montaient  ses  vais- 


PTO  253 

seaux,  le  tira  d'alTaire,  et  le  renfort 
entra  dans  le  port  d'Alexandrie.  Ca: 
revers  ne  découragea  pas  Ganymède. 
Un  nouvel  armement  naval  fut  bien- 
tôt en  état  de  combattre  César  ,  qui 
obtint  encore  la  victoire  ,  grâce  à  la 
valeur  du  Rhodii-n  Euphranor.  L'île 
du  Phare  devint  ensuite  l'objet  de 
combats  opiniâtres  ,  où  l'avantage  , 
long-temps  dis  pu  té  et  chèrement  ache- 
té, resta  enfin  à  César. Une  ambassade 
des  Alexandrins  vintalors  le  trouver: 
ils  olî'raicnt  de  traiter,  pourvu  qu'on 
rendît  la  liberté  à  leur  roi.  César 
soupçonna  que  celle  demande  ca- 
chait une  j)erfidie;  mais,  aimant 
mieux  faire  la  guerre  à  un  roi ,  qu'à 
une  populace  insurgée,  il  laissa  par- 
tir Ptolémée.  Ce  prince  fut  à  peine 
en  liberté,  que  sa  fureur  contrelcs  Ro- 
mains ne  connut  auctuie  borne;  et  la 
guerre  rccouunença  par  mer  et  par 
terre.  Il  est  diQicile  de  prévoir  quelle 
eût  été  la  {'m  d'une  lutte  aussi  inégale, 
si  Mithridate  de  Pergame,  fils  du 
grand  Mithridate  ,  général  brave  et 
expérimenté  ,  qui  était  uni  d'une 
étroite  amitié  avec  César,  n'était  enfin 
arrivé  après  avoir  pris  Péluse  d'as- 
saut ,  avec  les  secours  qu'il  avait  ras- 
semblés  en  Gilicie,  en  Syrie  et  en  Ju- 
dée. Quand  Ptolémée  fut  instruit  de 
son  approche,  ildétachaunej)artiede 
son  armée  pour  lui  disputer  le  passa- 
ge. Les  Egyptiens  firent  une  vigou- 
reuse résistance  ;  et  Mithridate  ne 
dut  la  victoire  qu'à  la  valeur  d'An- 
tipaler  et  des  Juifs  qu'il  comman- 
dait. Ptolémée  et  César  furent  in- 
formés aussitôt  l'un  que  l'autre  de 
cette  bataille  j  et  tous  deux  ils  se 
mirent  en  route  pour  prendre  part 
aux  événements.  Ptolémée ,  secondé 
par  sa  flotte  ,  fut  plus  tôt  en  j)ré- 
sence  de  Miliiridrite.  César  ,  qui  ne 
A'oulait  pas  avoir  un  combat  naval 
à  soutenir,  fut  contraint  de  faire  un 


•id4 


PTO 


long  détour ,  eu  passanl  au-delà  du 
lac   Marc'otis  ,  pour  aller  rejoindre 
SCS    alliés.   Le    roi    était  retranche 
non  loin  de  là  ,  dans  une  forte  posi- 
tion; et  les  Romains  furent  oblij;cs  de 
traverser  un  Lias  du  Nil  ,  pour  en 
venir  aux  mains.  Malgré  la  résistance 
opiniâtre  des  Egyptiens,  leurs  re- 
traiichetnents  furent  emportés  et  leur 
camp  forcé  :  tous  ceux  qui  purent 
échapper  au  carnage,  montèrent  sur 
des  i)  trqucs  pour  regagner  la  capi- 
tale. Il  se  précipita  tant  de  monde 
dans    le  bâtiment  où  était  le   roi , 
qu'il  fut  submergé.  Ainsi  jiént  Pto- 
lémée  :  son  corps,  jeté  par  les  flots 
sur  le  riv.ige  ,  fut  reconnu  à  sa  cui- 
rasse d'or.  César  se  rendait  dans  le 
intMnc  temps   maître    d'Alexandrie. 
Ce  grand  événement,  qui  termina  la 
guerre  la  plus  dillicile  peut-être  où 
César  ait  jamais  été  engagé  ,  celle  où 
il  courut ,  par  son  imprudence  ,  de 
plus  grands  dangers,  iirriva  le  0  des 
calendes  d'avril  ,  ou   iG  mars,  qui 
répondait  alors  au  6  février  jidicn, 
4"  avant  ,T.-C.  Cette  date  incontes- 
table fait  voir  que  le  douzième  des 
Ptolémées  avait  compté  quatre  an- 
nées révolues  de  règne  v  5  septembre 
5*2 — 4  septembre  4B  avant  J.-C),  et 
qu'il  mourut  dans  la  cinquième  (  4 
septembre  4^ —  4  septembre  47  )  , 
qui  fut  aussi  comptie  à  son  succes- 
seur,  selon  l'usage  constant  de  l'E- 
gypte :  cela  confirme  le  témoignage 
de  Porphyre  ^  i  ) ,   qui  donne  à   ce 
prince  quatre  ans  de  règne,  tandis 
qu'un  savant  moderne  (a)  voudrait 
ne  lui  accorder  que  trois  ans  et  sept 
mois  :  cette  opinion,  qui,  au  reste  , 
n'est  pas  nouvelle,  paraît  insoutena- 
ble. Les  antiquaires  sont  convenusde 
donner  au  li!s  aîné  d'Aule tes  ,  le  sur- 

fi)  yt/'ii.l  £iueL.  Chrome,  y.  ii8,  éd.  >Iediol. 
(a)  Ch  inpoUioD-Figeac ,  AmuiUi  dei   LagiJ<s , 
t.  Il,  p.  33S. 


PIO 

nom  de  Dionjsus.  On  ne  le  trouve 
dans  aucun  auteur  ancien.  Divers 
symboles  de  Bacchus,  remarqués  sur 
qucKpies  médailles  qu'on  lui  attribue, 
mais  qui  appartiennent,  peut  -être, 
à  son  père  ,  appelé  Nviiveaii  Bac- 
chus ,  sont  les  scids  fondements  de 
cette  opinion.  Nous  ignorons  donc 
quel  fut  le  suinom  royal  de  ce  jeune 
prince.  S.   M  —  n. 

PTOLÉMÉE  XllI ,  frère  et  suc- 
cesseur du  précéilent, était  le  deuxiè- 
me (ils  de  Ptolémcv  Aulélès.  César 
aurait  bien  voulu  donner  le  tronc  à 
Cléopàlre  .seule  :  mais  (  raignant  que 
cette  décision  n'irritât  encore  une  fois 
le  peuple  ,  et  ne  rallutnâl  la  guerre  , 
il  fit  déclarer  roi  le  jeune  Ptolémée  , 
âgé  seulement  d'une  douzaine  d'an- 
nées. Peu  après  ,  ce  conquérant  fut 
obligé  de  partir,  l)icn  à  regret ,  d'A- 
lexandrie ,  où  son  amour  pour  Cléo- 
])âtre  le  retenait,  et  d'aller  combattre 
Pharnace,  fils  du  grand  IMithrida- 
tft,  qui  avait  envahi  une  partie  de  l'A- 
sie-Mineure.  Il  était  resté  luid  niois 
dans  celte  ville  :  il  se  fit  suivre  par 
une  seule  légion  toute  composée  de  vé- 
térans, et  en  laissa  trois  dans  Alexan- 
drie. Il  emmena  aussi  Arsinoé,  sœur 
de  Cléopàtre,  pour  que  sa  présence 
ne  causât  p'us  de  troubles  dans  le 
royaume.  Cette  princesse  fut  con- 
duite à  Rome  ,  où  elle  servit  à  or- 
ner le  triomphe  de  César.  Depuis 
celle  époque,  tout  le  pouvoir  fut 
à  Cléopàtre  :  et  son  mari  n'eut  que 
le  vain  titre  de  roi.  En  Tan  ^G  , 
les  deux  souverains  firent  le  voyage 
de  Rome ,  où  ils  furent  admis  au 
nombre  des  alliés  de  la  république. 
(  Fuyez  Cléopàtre  ,  IX  ,  70  ). 
On  ignore  quelles  farentlcsactionsde 
Ptoli'mée  XIH,ct  lesurnom  qu'il  put 
adopter:iluiouiut,  tropjeunc  poura- 
voirpuprcudrepartauxafl'aircs,dans 
la  huiiicraeannécdu  lègue  de  sa  sœur 


PTO 

(3  septembre  45  —  3  septembre  44 
avant  J.-C.  )  Il  fut ,  dit-on  ,  empoi- 
sonné par  les  ordres  de  cette  prin- 
cesse, dans  la  quatrième  année  de 
son  règne,  comme  l'atteste  Porphy- 
re   (  I  ).   Ses   années   royales  furent 
donc  comptées  depuis  le  4  sept.  4^ 
jusqu'au  3  septembre  44  ^^'^"t  J-"^^* 
S.  M— N. 
PTOLÉMÉE  XIV,  prince  connu 
sous  ]e  ïiomde  Césarioii,  mais  réelle- 
ment appelé  Ptolémés,  comme  Dion- 
Gassius  (a;  l'atteste,  était  t'As  de  Ju- 
les-Gésar etdeCléopàtre  ,  ladernière 
souveraine  de  l'Egypte.  Il  naquit  en 
l'an  47  avant  J.-G. ,  peu  de  temps 
après  que  Gésar  eut  quitté  l'Ep;ypte, 
quand  la  guerre  d'Alexandrie  fui  ter- 
minée. Gléopâtre  se  gloriliaiten  toute 
occasion  de  la  naissance  illégitime  de 
son  fils  :clle  nefaisaitpas  dillicultéde 
lui  donner  le  nom  de  Gésnr  ;  et  dès- 
lors,  sans  doute,  ellese  préparait  à  lais- 
.ser  la  couronne  de  ses  a'ieux  au  fils 
d'un  Koraain.  Peut-être  même  était-ce 
pour  la  lui  assurer  ,  qu'elle  fit  périr 
Ptolémée  XIII ,  son  frère  et  en  mê- 
me temps  son  mari.  Elle  obtint  enfin 
ce  qu'elle  desirait,  en  l'an  4*2  avant 
J.-G.:  les  triumvirs,  héritiers  et  ven- 
geurs da  Gésar ,  reconnurent  pour 
roi  le  fils  que  le  diclateur  avait  eu  de 
Gléopâtre.  Gette  prince.''Se  comptait 
alors  la  onzième  année  de  son  règne. 
Les  monuments  viennent,  au  reste, 
confirmer  les  témoignages  de  This- 
toire:  on  trouve  encore  dans  les  rui- 
nes  du  temple  de  Deuderah  ,  des 
inscriptions  en  caractères  hiérogly- 
phiques,qui  rappellent  le  souvenirde 
ce  prince,  que  les  écrivains  modernes 
n'ont  pas  admis  au  nombredes  souve- 
rains de  l'Egypte.  H  y  est  nommé 
Ptolémée ,  avec  les  surnoms  de  Néo- 

(i)  Apud  Euseb.  Chron.,  p.  ii8,  t'dit.   de  Milan, 
(îj  Lib.  XLVn,  S  3i,  t.  I,  i).5i3,  ed.Rciuiar. 


PTO  255 

César  ou  Nouveau  César,  d'Etemel^ 
selon  l'usage  consacré  en  Egypte,  et 
de  Bien-aimé  (Visis  (3  .  Le  surnom 
de  Néo  -  CeVr/r  répond ,  sans  aucun 
doute,  au  nom  plus  vidgaire  de  Cé~ 
sarion ,  que  les  historiens  nous  ont 
transmis.  Marc-Antoine,  le  triumvir, 
ne  montra  pas  moins  d'amitié  pour 
le  jeune  fils  de  Gléopâtre  ,  qu'il  avait 
d'amour  pour  la  mère  :  il  le  reconnut 
pour  le  véritable  fils  de  Gésar  ,  pré- 
tendant que  Gléopâtre  avait  été  fem- 
me légitime  du  diclateur;  peut-être 
voulut-il,  en  agissant  ainsi,  blesser 
l'amour  -  propre  d'Octave,  qui  n'é- 
tait que  le  fils  adoptif  de  ce  grand 
homme.  Il  est  au  moins  certain  que 
quand  ils  furent  tout-à-fait  brouillés, 
Octave  lui  reprocha  d'avoir  intro- 
duit dans  la  famille  de  Gésar,  le  fils  de 
Gléopâtre.  En  l'an  32  av.  J.-G. ,  après 
le  meurtre  d'Artavazde,  roi  d'Armé- 
nie, ce  jeune  prince  fut  déclaré  i?oi<^e^ 
Rois  ^  dans  le  temps  même  où  sa  mè- 
re reçut  le  titre  de  Reine  des  rois, 
et  que  les  enfants  d'Autoine  appelés 
aussi  au  rang  suprême ,  recevaient  de 
superbes  apanages.  G'est  à  celte  épo- 
que qu'appartient  la  médaille  latine 
qui  offre  d'un  côté  la  tête  de  Gléopâ- 
tre ,  avec  la  légende  :  cleopatrae 

REGINAE    REGVM   FILIORVM   REGVM: 

et  de  l'autre  la  tête  d'Antoine,  avec 
une  tiare  arménique  auprès  ,  et  la  lé- 
gende :  ANTONI,  ABMENIA  DEVICTA. 

Gléopâtre  et  le  fils  de  Gésar  eurent, 
pour  leur  partage  ,  l'Egypte  ,  l'île  de 
Cypre  et  plusieurs  cantons  de  la  Sy- 
rie et  de  l'Arabie  ,  qu'Antoine  avait 
déjà  donnés  à  Gléopâtre.  L'amitié 
d'Antoine  fut  bien  funeste  au  dernier 
des  Ptolémées.  Quand  le  triumvir 
eut  été  vaincu  à  Actium  ,  en  Tan  3i 
avant  J.  -  G. ,  et  que  ,  poursuivi 
par  son   vainqueur  ,   il    fut   réduit 

(3)  ChampoUion  jeune,  Lettre  à  M.  Dacier,  p.2i. 


a 56  PTO 

à  s'arracher  la  vie  ;  Clcopàtre  son- 
gea à  placer  le  fils  qu'elle  avait  eu 
de  César,  hors  des  atteintes  et  à 
l'abri  de  la  vengeance  d'Auj^ustc  : 
elle  confia  des  sommes  considéra- 
bles à  son  précepteur  Tln-odore, 
alin  qu'il  le  conduisît  en  Ethiopie  , 
et  de  la  dans  l'Inde  ;  mais  ce  traître 
préféra  le  conduire  à  Rhodes,  le 
ramener  ensuite  en  Egypte  ,  et  le  li- 
vrer à  Auguste,  qui,  sentant  com- 
bien un  (ils,  même  illés^itime,  do  Jules 
Cc'sar,  était  redoutable  puur  lui,  le 
lit  aussitôt  mettre  à  mort ,  en  l'an 
3o  avant  J.-(<. ,  peu  de  temps  après 
la  mort  de  Clcopàlrc  :  il  avait  alors 
environ  dix-huit  ans,      S.   M — N. 

PTOLÉMI^'E,  surnommé  Phila- 
delphe,  fils  d'Antoine  et  de  Cléopà- 
trc,  lut  déclaré,  par  son  père,  eu 
l'an  3i  avant  J.-C,  souverain  de  la 
Syrie  ,  de  la  Phéuicie ,  de  la  Cdicic  , 
et  de  toutes  les  régions  comjjrises 
entre  l'Kuphrate  et  rHelJcs[)out , 
dans  le  même  temps  que  son  frère 
Alexandre  recevait  le  litre  de  roi  d'Ar- 
ménie,etdc  tous  les  paysa  conquérir 
jusqu'aux  frontières  de  l'Inde,  et  que 
sa  sœur  Cléopàtre  obtenait  la  Cyré- 
iiaiqnc.  Ptolémée  ne  jouit  jamais  des 
états  qui  lui  avaient  été  assignés  :  il 
fut  biculôt  enveloppé  dans  la  mauvai- 
se fortune  de  son  père.  Il  n'éprouva 
cependant  pas  le  sort  de  Césarion  : 
un  tils  d'Antoine  était  moins  à  crain- 
dre qu'un  (ils  de  César.  Auguste  crut 
donc  pouvoir  se  montrer  clément  sans 
inconvénient.  Ce  prince,  son  frère 
Alexandre  et  sa  sœur  Cléopàtre  ,  fu- 
rent amenés  à  Rome,  où  ils  sidjirent 
une  dernière  humdiation  ,  celle  de  fi- 
gurer parmi  les  captifs  qui  suivaient 
le  char  d'Auguste.  Les  deux  frères 
accompagnèrent  ensuite, en  Numi- 
die,  leur'sœur  Cléopàtre,  qu'Augus- 
te donna  en  mariage  à  Juba,  fils 
de  ce  Juba  auquel  il  avait  restitué 


PTO 

le  rovauracde  ses  pères ,  pour  le  ré- 
compenser des  services  qu'il  en  avait 
reçus  dans  la  guerre  d'Kgvpte.  En 
l'an  25  avant  J.-C. ,  Juba  obtint  eu 
échange  de  ce  royaume,  la  Maurita- 
nie toute  entière  ;  il  paraît  que  les 
frères  de  sa  femme  l'y  suivirent.  On 
ignore  qiu'l  (ut  leur  destin  depuis 
cette  époipie.  S.  IM — n. 

PTOl.EMÉE,  roi  de  la  .Maurita- 
nie ,  né  de  Juba  1 1  cl  de  Cléopàtre  8é- 
lèiie,  (ille  de  Marc-Antoine  et  de  la 
dernière  Cléopàtre  d'Egypte  ,  mon- 
ta sur  le  troue,  vers  l'an  i()  ou  'lo  , 
sous  le  règne  de  Tibère.  11  passait 
pour  un  juiiice  adonné  à  ses  ])laisirs  , 
et  (|ui  laissait  à  ses  alTrancliis  tout 
le  soin  des  aflaires  ,  se  bornant  à 
montrer,  en  foute  occasion  ,  son  at- 
tacliemcnt  à  l'empire.  Il  fournit  des 
secours  aux  généraux  romains  char- 
gés  de  réduire  le  rebelle  Tacfarinas  , 
prince  numide  ,  qui  avait  soulevé 
une  grande  partie  de  l'Afrique.  Pour 
récompenser  Ptolémée  de  ce  servi- 
ce ,  le  sénat  lui  accorda,  en  l'an  y,6, 
sous  le  règne  de  Tibi  re ,  les  or- 
nements triomphaux.  H  vint  à  Ro- 
me sous  Caligiila  ,  qui  était  sou 
cousin,  descendant  comme  lui  de 
Marc- Antoine,  par  son  a'ieule  Anto- 
nia.  Ce  tyran  fut  irrité  de  l'admi- 
ration que  le  peuple  témoigna  pour 
la  robe  de  pourpre  du  roi  des  Mau- 
res. L'iiKjuiétude  que  cette  marque 
d'intérêt  lui  causa,  et  le  désir  de 
s'emparer  des  trésors  considérables 
que  Ptolémée  avait  amassés  ,  lui 
iirent  résoudre  de  le  perdre.  En 
effet,  ce  prince  fut  assassiné  en  re- 
tournant dans  ses  états  j  et  les  deux 
Mauritanies  devinrent  provinces  ro- 
maines en  l'an  ^o.  Ce  ne  fut  cepen- 
dant pas  sans  résistance.  Edémon,un 
de  ses  afliauchis,  voulut  venger  la 
mort  de  son  souverain, cl  alluma  une 
guerre  qu'on  eut  bien  de  la  peine  à 


PTO 

éteindre. Nous  savons,  parletémoi- 
p;nnge  de  Pausanias  que  la  statue  de 
Ptoléiiie'c,  roi  de  Mauritanie,  et  cel- 
le de  sou  pcre  Juba  ,  se  voyaient 
dans  un  gymnase  d'Athènes,  bâti  par 
Ptolémëe  Philadclpbe.  La  base  de  ce 
monument,  élevé  par  la  reconnais- 
sance des  Athéniens  ,  subsiste  enco- 
re :  elle  a  été  vue  par  plusieurs  voya- 
geurs, (pii  ontcopié  l'inscription  qui 
la  décore  (  Sluart ,  Antiquities  of 
yJthens,tom.\u,p\.  58).  On  connaît 
beaucoup  de  médailles  latines  de 
ce  dernier  rejeton  de  la  race  des 
Lagides  ;  elles  ont  pour  légende 
PTOLEMAEVs  REX  ,  et,  au  rcvers  , 
la  date  du  règne  ;  on  n'en  connaît 
pas  au-delà  de  la  dix-neuvième  an- 
née. Il  existe  une  médaille  assez  im- 
portante du  même  prince  ,  qui  porte 
d'un  côté  la  tète  d'Auguste  avec  la  lé- 
gende :  AVGVSTVS  Divi.  F.  ;  et  au  re- 
vers le  nom  de  C.  Laetilius  Ajjalus 
duumvir  quinquennal  (  c.  laetilivs 
APALvs.  II.  V.  Q.  ),  qui  exerçait  sans 
doute  ses  fonctions  dans  ime  des  co- 
lonies romaines  de  la  Mauritanie  : 
elle  présente  de  plus  le  nom  de 
Ptoléiaée  :  rex  ptol.  au  milieu  du 
champ  de  ce  revers.  Ce  monument 
donnei'ait  peutêtie  lieu  de  croireque 
le  règne  de  ce  prince  date  d'une  épo- 
que antérieure  aux  années  19  ou  20 
de  notre  ère,  puisqu' Auguste  ne  mou- 
rut qu'en  l'an  1 5.  On  pourrait  croire 
encore  que  ce  Ptoléméc  avait  été  asso- 
cié à  la  royauté  par  son  père ,  si  l'on 
s'enrapportait  à  une  médaille  décrite 
par  Scipion  Maffe'i  (  i  )  ,  et  qui  offre 
d'un  côté  la  tète  du  roi  Juba  ,  avec 
la  légende:  bex  Ivba  régis  Ivb.e.  f.; 
et  au  revers  un  aigle  avec  les  mots  : 
R.  PTOL.  A.  XVII.  Le  roi  Ptoléniée  , 
l'an  xvii.  S'il  s'agissait  des  années 
de  Ptolémée,  ce  serait  une  tnédaille 
'  "  ■  '■      "        I  ■■       «Il   

^i)  Anlif/.  GaW/a'[,  p.  jit. 
XXXVI. 


PTO  257 

commémorativequ'il  aurait  fait  frap- 
per en  l'honneur  de  son  père  :  mais 
comme  cette  date  pourrait  se  rap- 
porter aux  aimées  de  Juba,  il  en  ré- 
sulterait que  Ptolémée  auraitprolou- 
gé  fort  loin  sa  carrière  ;  car  on  con- 
naît des   médailles    de   la  quarante- 
huitième  année  de  Juba,  cl  rien  ne 
prouve  que  ce  prince  n'a  pas  régné 
davantage.  En  rapprochant  ces  dates 
de  la  durée  du  règne  de  Ptoléméc 
qui  fut  au  moins  de  dix-neuf  ans,  ou 
en  inférerait  que  ce  dernier  roi  de 
la  Mauritanie  aurait  pu  naître  vers 
l'an    20  avant  J.-C.  ,  et  peut-être 
plutôt,  d'où  il  suivrait  qu'il  aurait 
eu   environ  soixante  ans  à  l'époque 
où  Caligula  le  fit  assassiner.  S.  M-n. 
PTOLEMEE  surnommé  u4pion 
c'est-à-dire   le  Maigre  ,  roi  de  la 
Cyrénaique,  était  fils  de  Ptolémée 
Evergètes  II,  et  de  sa  maîtresse  Irè- 
ne. Il  devint  souverain  de  Cyrène 
et  de  toute  la  partie  de  la  Libye  qui 
dépendait  de  l'Egypte  ,  en  l'an  i  in 
avant  J.-C,  par  le  testament  de  son 
père ,  qui  démembra  ainsi  ces  pro- 
vinces au  préjudice  des  héritiers  lé- 
gitimes. L'histoire  ne  nous  a  conser- 
vé le  souvenir  d'aucune  des  actions 
de  ce    prince,  non  plus  que  celui 
d'aucun  événement  arrivé  dans  la 
Cyrénaïque  sous  son  gouvernement. 
Il  mourut  après  un  règne  d'environ 
vingt  ans  ;  et ,  par  son  testament ,  il 
laissa  tous  ses  états  aux  Romains. 
Les  Lagides  perdirent  alors  la  pos- 
session de  la  Cyrénaïque.  Cet  évé- 
nement eut  lieu  sous  le  consulat  de 
Cn.  Domitius  iEnobarbus,  et  de  G. 
Gassius  Longinus  ,  en  Tan  96  avant 
J,  C.  Le  sénat  ne  voulut  cependant 
pas  profiter  de  cette  disposition:  il 
donnalalibertéàtouteslesvillesdela 
Cyrénaïque.  Ce  ne  fut  qu'une  vingîai- 
nc  d'années    plus   tard  que,  pour 
faire  cesser  les  troubles  qui  agitaient 

17 


a58 


PTO 


CCS  pelilcs  républiques  ,  ou  les  rédui- 
sit en  provinces.  On  attribue  à  l*to- 
léincc  Apion  quelques  incd.iillcs  de 
la  Cyrcnaiquc  qui  portent  le  nom 
d'un  roi  Ptolcmc'c,  llTUAliMAIoY 
BAilAEiHZ,  que  rien  ne  désigne  d'ail- 
leurs. S.  M — y. 

PTOLÉMÉE ,  roi  de  l'ilc  de  Cy- 
prc  ,  fils  naturel  de  Ptoleinco  Soler 
il,  devint  souverain  do  Cypre,  dans 
le  mémo  temps  que  son  Irôre  aîné, 
Plulcme'e  Aiiletos  ,  montait  sur  le 
trône  d'Egypte,  en  l'an  8i  avant 
J.-C,  après  la  mort  de  Plolcmcc 
Alexandre  11.  De  même  que  son 
frère  ,  il  devint  roi  sans  l'agrément 
des  homains  ;  mais  il  n'imita  pas 
son  exemple:  ilnclît  anoMue  dèinar- 
clic  aiijuès  du  sénat  pour  être  ad- 
mis d.ms  l'alliance  de  la  république. 
Il  tenait  même  assez  peu  de  compte 
des  Romains,  comuio  il  le  prouva 
en  l'an  (i(j.  P.  Cilodius  ayant  été 
pris  par  des  pirates  en  allant  de 
Syrie  en  Cilicie  ,  ceux-ci  liront  of- 
frir au  roi  de  Cypre  de  rendre  la  li- 
berté à  Codius,  pourvu  qu'il  jiayàt 
sa  rançon.  Ptolcmce  ne  voulut  pas 
leur  donner  plus  de  deux  talents  (  en- 
viron douze  mille  francs  ),  que  les 
pirates  refusèrent.  On  attribue  à  l'a- 
varice la  conduite  du  roi  de  Cy- 
pre. Ce  pi  ince,  en  ellet,  était  aus^i 
économe  ,  que  son  frère  le  roi  d'E- 
gypte était  prodigue  ;  mais  il  pa- 
rait qu'il  fut  plutôt  dirige  dans  celle 
occasion  par  son  aversion  pour  les 
Romains  ,  que  par  lesentimont  qu'on 
lui  suppose.  En  ell'et ,  il  était  alors, 
ainsi  que  son  frère  ,  en  relation 
avec  le  grand  Milliridate,  qui  de- 
vait lui  accorder  en  mariage  sa 
fille  N'yssa,  tandis  qu'Aulétès  aurait 
épousé  son  autre  lille  Mithridatis. 
Ces  deux  piiacesses  moururent  avec 
leur  père  en  l'an  63.  Lorsqu'Aii- 
létcs  eut  été  reconnu  roi  en  l'an  .X), 


PTO 

et  admis  dans  l'alliance  de  Rome, 
le  roi  do  Cypre  ne  fit  rien  pour  ro- 
chercber  inie  semblable  faveur.  Il 
ont  à  s'en  repentir.  L'année  suivante, 
P.  Clodius,  qu'il  n'avait  pas  voulu 
reti l'or  dos  mains  des  pirates,  mais 
qui  avait  été  mis  eu  liberté  sans  ran- 
çon  par  ces  brigands  ,  était    alors 
tribun  du  peuple;  et  il  profita  du  cré- 
dit que  lui  dormait  celte  place  pour 
se  venger  de  Ptolomoo.  Il  rap])cla  le 
prétendu     loslamont    do    Ploléméc 
Alexandre  11 ,  et  présenta  au  pouj)lc 
une  loi  pour  réduircrilc  de  Cy|)ioeti 
province, et  mettrcà  l'encan  les  biens 
du  roi.  Ce  plébiscite  passa  sans  dilli- 
culto.  Clodius,  pour  éloigner  de  Uoine 
Caton  rpi'il  détestait ,  lui  fit  déléguer 
la  commission  d'exécuter  une  nresu- 
rc  que  celui-ci  désapprouvait.  Calori 
fut  donc  nommé  questeur,  et  investi, 
à  son  gr-ind  regret  ,  de  la  puissance 
prétorienne,  pour  aller  prendre  j)os- 
scssion   do   l'île  de  Cypre.  Ainsi  , 
sans  déclaration  de  guerre,  et  contre 
le  droit  des  nations,  on  dépouilla  de 
ses  états  un  prince  (pii  n'était  pas,  il 
est  vrai  ,   reconnu  pour  ami  de  la 
république  ,  mais  qui  n^-n  était  pas 
non  plus  reirnomi.  li'indiguation  fut 
générale  en    Egypte,   quand   on   y 
connirtia  loi  portée  par  Cloflius: sans 
la  lâcheté  d'Aidélès,  la  guerre  aurait 
éclatéentrelesdeux  empires;  et  Rome 
n'eut  pas  consommé  ,  au  moins  sans 
éprouver  de  résistance,  cette  odieuse 
injustice.  Cependant  Caton  neseprcs- 
sail  pas  d'accomplir  les  ordres  dont 
on  l'avait  rliargé;  il  s'était  arrêté  à 
Rhodes  ,  d'oii  il  avait  cnvoyéen  Cy- 
pre, son  ami  Canidius  ,  pour  déci- 
der  Ptolérnée  à  résigner  volontaire- 
ment son  royaume  ,  pr'oniettant  de 
lui    faire   conférer ,   par  le  peuple 
romain,  la  haute  dignité  de  grand 
pontife  de  Vénus  à  Paphos.  Aulélcs 
vint  à  Rhodes  vers  le  même  temps     " 


PTO 

pour  arrêter  la  spoliation  de  son 
frère.  Cette  démarclie  fut  inutile. 
Caton  ne  pouvait  se  dispenser  d'exe'- 
cuter  les  ordres  du  se'nat.  Ptolémée, 
se  voyant  délaissé  par  son  frère  et 
par  les  Égyptiens  que  divisait  la  guer- 
re civile, et  n'ayant  aucun  moyen  de 
résister,  prit  la  résolution  de  renon- 
cera la  vie  plutôt  que  d'abandonner 
volontairement  ses  états  ;  il  s'em- 
poisonna.C'est  ainsi  que  les  Romains 
devinrent  les  maîtres  de  l'ile  de  Cy- 
pre.  Caton  n'y  arriva  qu'après  la 
mort  de  Ptolémée;  il  rassembla  tou- 
tes les  richesses  de  ce  prince ,  qui 
étaient  considérables,  et  lesenvoyaà 
Rome.  Pour  les  Cypricns,ils  comp- 
taient être  déclarés  libres  et  recontuis 
comme  amis  et  alliés  des  Romains,  et 
ils  avaient  vu  avec  plaisir  la  chute  de 
leur  roij  mais  ils  furent  trompés 
dans  leurs  espérances  :  Caton  fit  de 
leur  île  une  province,  qu'il  annexa 
au  gouvernement  de  Cilicie.S.  M-n. 
PTOLÉMÉE  surnommé  Alori- 
tès,  roi  de  Macédoine,  fils  naturel 
d'Amyntas  III ,  devait  son  surnom 
à'Aloritès  à  une  peuplade  macédo- 
nienne ,  chez  laquelle  il  fut  sans 
doute  élevé,  ou  à  laquelle  il  appar- 
tenait peut-ctre  par  sa  mère.  Il  jouit, 
à  ce  qu'il  paraît,  d'une  grande  consi- 
dération dans  la  Macédoine  sous  le 
règne  de  son  père  ,  dont  il  avait 
épousé  une  fille  légitime  appelé  Eu- 
ryone.  La  reine  Eurydice  ,  femme 
d'Amyntas ,  fut  tellement  éprise  de 
ce  prince  ,  son  beau-fils ,  qu'elle  our- 
dit une  trame  pour  faire  péiir  son 
mari  et  placer  sur  le  trône  Ptolémée, 
avec  lequel  elle  eût  partagé  la  puis- 
sance. Sa  fille  Euryone  dévoila  le 
complot  à  Amyntas.  Après  la  mort 
de  ce  prince,  Ptolémée  fit  de  nou- 
velles tentatives  poiirs'emparcr  delà 
couronne,  et  fut  encore  soutenu  pai 
la  reine  Eurydice.  De  concert  avec 


PTO 


259 


un  grand  nombre  de  seigneurs  ma- 
cédoniens, il  se  révolta  contre  Alexan- 
dre II  ,  fils  d'Amyntas.  Celui-ci  de- 
manda du  secours  aux  Thc'bains , 
qui  envoyèrent  Pélopidas  en  Macé- 
doine ,  afin  de  terminer  ce  diifé- 
rend.  A  peine  fut  -  il  apaise,  et 
l'armée  thébaine  retirée ,  qu'A- 
lexandre périt  assassiné  ,  en  l'an 
37 1  avant  J.C.  Son  frère  Per- 
diccas  lui  succéda  sous  la  tutelle 
de  sa  mère  Eurydice;  mais  la  cou- 
ronne lui  fut  disputée  par  Pausa- 
nias  ,  prince  du  sang  royal ,  et  par 
Ptolémée  Aloritès.  Pausanias  fut 
battu  et  chassé  par  Iphicrale  ,  gé- 
néral athénien  ,  dont  la  reine  avait 
implosé  l'assistance.  Bientôt  après 
Perdiccas  fut  obligé  de  soutenir  I.i 
guerre  contre  Ptolémée,  qui  parvint 
à  se  faire  reconnaître  dans  toute  la 
Macédoine,  dont  il  fut  loi  pendant 
trois  ans  environ  (  371-368  ).  Per- 
diccas ne  conserva  qu'une  très-petite 
portion  du  royaume.  Vainement  il 
demandait  du  secours  aux  Athéniens 
et  aux  Thébains  :  ces  peuples  étaient 
trop  occupés  pour  songer  à  le  défen- 
dre. Cependant,  en  l'an  368,  Pélopi- 
das vint  en  Macédoine  sans  ordre 
de  sa  république,  suivi  d'iui  corps 
de  volontaires.  Sa  présence  suffit 
pour  rétablir  Perdiccas  sur  son  trô- 
ne. Ce  général  était  si  redouté  ,  quo 
Ptolémée  n'osa  lui  résister  ,  et  qu'il 
remit  à  sa  discrétion  le  jugement 
des  différends  qu'il  avait  avec  sou 
frère.  Pélopidas  déclara  que  la  cou- 
ronne appartenait  à  Perdiccas  ;  et 
Ptolémée  se  soumit  à  cette  décision. 
Cependant,  comme  le  héros  thébain 
craignait  qu'il  ne  s'élevât  de  nou- 
veaux troubles  après  son  départ,  il 
emmena  en  otage  à  Thèbes ,  le 
frère  de  Perdiccas,  Philippe,  qui 
fut  père  d'Alexandre,  et  Philoxène  , 
fils  de  Ptolémée.  La  pais  fut  ainsi 
17.. 


'i6o 


PTO 


rétablie  «Lins  la  Miire.loinc.  Depuis 
celte  ('poqiic.  il  n'est  plus  (|ucslioii. 
«lans riiistoiic,  tic  FlolLinee  Aloi  ilL's. 
S.  M— I». 
PTOLÉMÉK ,  surnomme  Céraii- 
nus^  on  \^'  Foudre,  roi  de  ÎM.icédoi- 
ne ,  cUit  le   (ils  aine  de   l'iolciuce 
Sotcr  .  premier  roi  d'É|;vple  de  la 
race  des  Lapides,   et  d'hurydice  , 
lille  d'Antip.iter,  Irrité  de  ce  que  , 
mal<^rcles  .ivis  dcDruictrins  de  IMia- 
Ure  ,  son  père  lui  avait  préfère  les  en- 
fants qu'il  avait  eus  de  Bérénice,  ce 
prince   abandonna   rÉj;i;ypte    où    il 
ne  voulait  pas  cire  snjet,  et  se  relira 
aupri?s  de    Lv>imaque,  dont  le  fils 
aîné  Aj;athoclc  av.iit  epuiisé  «a  sœur 
Lvsandra  ,  nc«  comme  lui  d'Kurydi- 
cc.  Il  parailque  Ly>andr  i  parlapciit 
le  ressiiitiiiM  ni  dont  son   friio  était 
anime  contre   Ptoicmee  Soter  et  les 
enfant*  de  Bérénice.  Aussi  la  fille  de 
cette  pi inresse,    Ar.'inoé,   qui   était 
en  même  temps  sœur  et  belle -mère 
de  Lvsandra  ,  à  caïuede  son  maria- 
ge avec  Lvsimaqiie  ,  père  d'A^alho- 
cle  ,  con^ul-elle  de  vives  inquirlu- 
des  de   l'arrivée  de  Céraunus.  Elle 
craignait  pour  les  (Dfantsciu'cllc  avait 
eus  de  Ly^imaque  ,  si  jim.iis  ils  de- 
vaient cire  dans  la  dépendance  (!u 
mari  de  Lysaiidra.   Elle  tenta  donc 
de  faire  empoisonner  Apaibocle  :  ce 
crime   n'avant  pas  réussi,   elle  ac- 
cusa le  prince  qu'elle  voulait  per- 
dre ,  d'avoir  voulu  atUnlcr  aux  jours 
de  son  père;  el  Lvsimaque,  trompé, 
fit  périr  son  fils  innocenl.  Alors  sa 
femme  Lysandra  quitta  la  Tlirace  , 
avec  SCS  frères  Ptoléiuce  Céraiinus  et 
Méléagre,  ses  eufants,  et  Alexandre, 
(ils  de  Lysimaque  et  d'une  femme 
Odrysicnne.  Ilsallcrcnt  tous  à  Baby- 
lone,  auprès  de  Selencus  Nicator  , 
roi  de  Syrie.  Ce  prince  les  reçut  avec 
honneur,  et  promit  à  Céranuus  de 
le  rétablir  sur  le  trône  d'Egypte  , 


PTO 

mais  seulement  aprèi  la  mort  de 
^on  père,  avec  lequel  il  ct.iil  lie 
|>.ir  un  traité.  Ces  événements  (lurent 
arriver  en  l'an  uH/j  av.  J.-C  Ptolé- 
mée  Philadelplie  ,  informe  de  l'ac- 
cueil que  son  frère  avait  éprouvé  à  la 
cour  deSvric,  et  des  promesses  que 
Selencus  lui  avait  faites  ,  voulut  se 
fortifier  par  l'alliance  de  Lysima- 
que ,  qui  lui  donna  en  mariage  sa  fil- 
le Arsinoé.CepcmlanlCéraiinus  et  sa 
sœ«-  Lvsaniira  ne  cessaient  de  pres- 
ser Sélcucns  de  faire  In  guérie  à  I^ysi- 
maquc.  Selencus  s'y  préparait  quand 
il  fut  prévenu  par  Lysimacjiie,  qui-, 
informe  des  intrigues  des  fugitifs  , 
voulut  avi)ir  l'avance,  et  j'assa  eu 
Asie, où  il  penetrajiisquedans  la  Pliry- 
gie.  Les  deux  rois  se  lenconîièrent 
dans  les  plaines  de  Coiiroiipeilium. 
(les  deux  anciens  compagnons  d'A- 
lexandre étaient  les  .seuls  qui  vécus- 
sent encore  ,  car  Ptolémée  Sotcr  ve- 
nait de  mourir;  l'un  avait  soixante- 
dix -sept  ans,  et  l'autre  soixante- 
(piatorze. Us  combattirent  coinniedes 
jcunrs  gens.  Lvsimacjue  fut  vaincu  , 
et  resta  sur  le  champ  de  bataille, 
l'an  v.Si  avant  J.-C.  Ses  ét.ils  tom- 
bèrent au  pouvoir  de  Selencus  ;  et 
Céiaiiiuis  réclama  l'exéciilion  de  \jl 
promesse  que  ce  prince  lui  avait 
faite  avant  la  guerre.  Mais  Selencus, 
qui  avait  déj.i  peut-être  appris  à 
connaître  le  carractère  violent ,  em- 
porté cl  perfide  de  Plolén.co  ,  et  qui 
d'ailleurs  ne  songeait  qu'a  prendre 
possession  des  myanines  delbrace 
et  de  Macédoine  rpi'il  venait  d'ac- 
(piérir  par  la  morl  de  Lysimaque, 
était  impatient  de  revoir  .son  pays 
natal  ,  dont  il  était  devenu  souve- 
rain :  il  opposa  des  réponses  évasi- 
ves  aux  sollieilations  de  Céraiimis  , 
alléguant  que  lui  et  Plolémec  Sotep 
s'ctaiciit  réciproquement  jjromis  de 
ne  jamais  faire  la  guerre  à  leurs  en- 


PTO 

fants.  G^rauniis  ,  trompe  dans  ses  es- 
pérances, n'atlendit  qu'une  occasion 
pour  se  veng;er;  il  la  irouva  bientôt. 
Mal'j^rë  le  refus  de  Seleucus,  il  était 
resté  dans  le  camp  de  ce  prince  .  qui 
se  préparait  à  passer  dans  la  Macé- 
doine ,   où    il   voulait  terminer  ses 
jours.  Lorsque  Seleucus  eut  traversé 
i'Heilespont  et  qu'il  allait  à  Lysima- 
chie,  dans  la  Cliersoncsc  de  Thracc, 
il  fut  assassine  par  Ptolémcc  Cérau- 
nus  ,  sept  mois  après  la  mort  de  Ly- 
siraaquc.  Ccraunus  se  rendit  à  Lysi- 
macliie,  ou  il  prit  lediadème;  et,  sui- 
vi d'une  nombreuse  escorte,  il  revint 
promptement  vers  l'armée  ,  par  la- 
quelle il  fut  salué  roi.  Lorsqu'Anti- 
gonus  Gonatas  ,  fils  de  Démctrius 
Poliorcètes ,  fut  informé  de  la  mort 
de  Seleucus  ,  ce  prince ,  qui  régnait 
dans  la  Gi'cce,  voulut  se  mettre  en 
possession  de  la  Macédoine,  où  son 
père  avait  régné  ,  et  il  y  fit  une  inva- 
sion. Ptoléméc,  qui   avait  à  sa  dis- 
position toute  la  flotte  de  Lysiraa- 
<|ue  ,  y  parut  aussitôt  que  lui  ;  il  ar- 
riva parmerdans  la  Macédoine.  An- 
ligonus  fut  vaincu  ,  et  obligé  de  se  re- 
tirer dans  la  Béolie.  Céraunus  vain- 
quit ensuite  un  fils  de  Lysimaque  y 
nommé  Ptoléméc  et  Monunius  roi 
d'illyrie,  qui  lui  firent  la  guerre  ,  et 
il  demeura  maître  de  tout  le  royau- 
me de  Macédoine,  à  l'exceplion  de 
la  ville  de  Cassandrée  ,  où  sa  sœnr 
Arsinoc,  veuve  de  Lysimaque,  s'é- 
tait retirée  avec  ses  enfants.  Le  nom 
de  son  père  Ptoléméc  Soter  ,  et  la 
vengeance  qu'il  avait  tirée  delà  mort 
de  Lysimaque,  avaient  concilié  à  Cé- 
raunus   l'aU'ection  des    peuples.    Il 
voulut  aussi  obtenir  l'amitié  des  fds 
de  Lysimaque,  en  épousant  leur  mè- 
re ,  qui  était  sa  sœur ,  et  en  les  adop- 
tant  pour  ses  héritiers.  Comme  il 
était  déjà  en  guerre  avec  Antigonus 
Gonatas  et  avec  le  roi  de  Syrie  Antio 


PTO  261 

cluis  ,    dont   il    avait  assassiné  le 
père  ,   il   ne  voulait  pas   avoir   au 
commencement  de  son  règne  un  troi- 
sième ennemi  à  combattre  :  il  en- 
voya  donc    une   ambassade  à  sou 
frère   Ptoléméc  Phiiadelplie  ,  pour 
lui  déclarer  qu'il  avait  oublié  tous 
ses  sujets  de  ressentiment ,  et  faire 
la    paix    avec    lui.    Appréhendant 
qu'Antiochus ,  qui  depuis  peu  avait 
été   battu  par  Antigonus  Gonatas , 
ne  se  joignît  à  ce  [)rince  et  à  Pyrrhus 
afin   de  lui  faire  la  guerre  ,  il   se 
porta    médiateur    entre    ces    trois 
monarques,   il  contracta  lui-même 
une  alliance  avec   Pyrrhus ,  et  lui 
donna   en    mariage  sa  fille ,    dont 
le  nom  est  inconnu.  Coramece prin- 
ce guerrier  se  préparait  alors  à  por- 
ter ses  armes  eu  Italie  pour  soute- 
nir les   Tarenlins  ,    qui  lui  avaient 
demandé  du  secours  contre  les  Ro- 
mains ,    Céraunus   engagea    Anlio- 
chus  à  lui  donner  de  l'argent,  tan- 
dis  qu'Anligonus  lui  fournissait  des 
vaisseaux  ,   et   que   lui  -  même  lui 
prêtait ,  pour  deux  ans  ,  un  corps 
auxiliaire   de   cinq    mille   hommes 
d'infanterie,  quatre  cents  chevaux, 
et   cinquante  éléphants.   Céraunus, 
n'ayant  plus  aucune  inquiétude  sur 
la   possession  du  royaume  que  la 
fortune  lui  avait  donné  ,  songea  à 
se   débarrasser  des  fils  de  Lysima- 
que ,  qu'il  n'avait  épargnés  jusque  là 
que  par  politique.  Nous  avons  ra- 
conté ailleurs  (  Foj.  page  208  ci- 
de.ssus  )    avec  quel  rallinement   de 
cruauté   et  de  perfidie  ,    Céraunus 
exécuta  ce  crime  odieux,  et  com- 
ment sa  sœur  Arsinoé ,  après  le  meur- 
Ire  de  ses  enfants  qui  avaient  été  im- 
molés entre  ses  bras,  se  réfugia  dans 
l'île  de  Samothrace ,  sous  la  sauve- 
garde des  dieux  qui  y  étaient  xévé- 
rés.  Tous  ces  attentats  ne  restèrent 
pas  long -temps  impunis  (Justin, 


a6i 


PTO 


lib.  XXIV  ,  c.  3  )  ;  cl  les  Gaulois  fu- 
rent les  Tcnç;eursde  tant  de  crimes. 
Ces  peuples  répandaient  alors  la  ter- 
reur dans  l'Europe  et  dans  l'Asie, 
qu'ils  menaçaicut  d'une  conquèle 
prociiaine.  Leur  nation  surcliarf;ée 
d'une  trbp  nombreuse  population 
avait  voue  aux  dieux  un  printemps 
sacré;  et  un  essaim  de  jeunes  guer- 
riers avaient  altandoniie  leur  patrie 
pour  chercher  de  nouvelles  demeu- 
res. Divises  en  deux  corps  ,  le>  uns 
ravageaient  l'Italie,  tandis  que  les 
autres  s'étaient  portés  dans  l'illvrie  , 
dont  ils  soumirent  les  peuples.  Ils 
se  pix'parcrent  alors  à  pousser  plus 
loin  leurs  exploits.  Ils  désoUrent  la 
Grèce,  la  Macédoine  et  la  Thracc 
p.ir  leurs  fréquentes  invasions.  La 
terreur  qu'inspirait  le  nom  Gaulois  , 
était  si  grande,  ijue  les  rois  mêmes 
qu'ils  n'avaient  point  altacpiés,  s'em- 
pressaient d'acheter  la  paix  h  prix 
d'argent.  Ils  ne  tarilérent  ])as  à 
passer  en  Asie,  où  ils  ne  furent  pas 
moins  redoutal)les;et,  j)eniiant  près 
«l'un  siècle,  ils  soumirent  à  des  tri- 
buts ,  ou  épouvantèrent  de  leurs  ar- 
mes,  les  successeurs  d'Alexandre, 
Ptolémce  Céraunus  apprit  seul  s.ins 
terreur  l'arrivée  des  (laulois.  Soins 
rev  Macedoniœ,  dit  Justin  ,  P/o^c- 
inœus  aih'entum  Gallorum  intrepi- 
dus  andUùt.  Ces  peuples  qui  avaient 
de")!  fait  plusieurs  invasions  dans 
la  iMacédoine  ,  qui  étaient  toujours 
cantonnés  sur  les  frontières  du  royau- 
me ,  et  qui  avaient  alors  pour  chef 
Beigiiis ,  envoyèrent  demander  la 
paix  et  i;n  subside  à  Céraunus.  Ce- 
lui-ci ,  pensant  que  la  crainte  seule 
les  portait  à  faire  cette  démarche  j 
traita  leurs  envoyés  avec  le  plus 
grand  mépris ,  et  refusa  de  leur 
accorder  la  paix,  à  moins  qu'ils 
ne  livrassent  leurs  armes  et  qu'ils 
ne    donn.itscnt  leurs  clicfs  en  ola- 


PTO 

ge.  Céraunus  refusa  même  un  sc- 
conrs  de  vingt  mille  hommes  que 
lui  oll'rait  le  roi  des  Dardanicus, 
prétendant  que  les  enfants  des  vain- 
queurs du  monde  n'avaient  pas  be- 
soin d'alliés.  Les  Gaulois  ne  lardè- 
rent pas  à  lui  faire  voir  combien  il 
s'était  tromj)é  :  peu  de  jours  après 
ils  furent  en  présence  des  Macédo- 
niens ;  et  Céraunus,  vaincu,  tomba 
percé  de  coups  sur  le  champ  de  ba- 
taille. La  vue  de  sa  tète,  placée  au 
bout  d'une  lance,  acheva  la  défaite 
de  son  armée,  qui  fut  presque  toute 
détruite.  PtoléméeCéraurnis  mourut 
en  l'an  7.80  avant  J.  C.  ,  après  avoir 
occupé,  pendant  un  an  et  cinq  mois, 
le  tronc  de  Macédoine  :  son  frère 
Méléagre  lui  succéda  ;  mais  ,  deux 
mois  après,  il  fut  chassé  par  les  Ma- 
cédoniens ,  qui  furent  eu  jiroio  aux 
discordes  civiles  pendant  plusieurs 
antjées,  tandis  que  les  Gaulois  rava- 
geaient impunément  leur  pays. 
S.  M-  >. 
PTOLÉMKE.filsde  Menncus  l'un 
des  petits  souverains  qui  se  partagè- 
rontlaSyrieaprès  la  cliutedcs  Seleu- 
cides,  étaitdynastcdela  Chalcidènc. 
Cette  région ,  située  dans  le  mont 
Liban  ,  comprenait  les  villes  d'Hé- 
liupolis  et  de  Chalcis,  et  s'clendail 
à  l'orient  jusqu'au  désert  d'Arabie, 
environnant,  au  nord  et  à  l'occident, 
le  territoire  de  Damas.  Ptolémce  pos» 
se  laitencore  la  plaine(leM.irsyas,aQ 
milieu  du  Liban  ,  et  l'iturée  ,  région 
limitrophe  de  la  Judée.  Il  est  proba- 
ble qu'il  tenait  de  son  père  la  souve- 
raineté de  toutes  ces  contrées.  Nous 
ignorons  à  quelle  époque  il  lui  stic- 
ccda.  Il  régnait  déjà  vers  l'an  86 
avant  J.-C. , date  probable  de  la  înort 
d'Antiochus  XII,  roi  de  Syrie.  Il 
faisait  de  fréquentes  incursions  sur 
le  territoire  de  Damas  :  ceux  qui  gou- 
vernaient cette  ville  ,  alors  sans  sou- 


PTO 

verain,  appelèrent  Aréthas,  roi  des 
Nabathëens  ,  et  le  reconnurent  pour 
leur  prince,  à  la  condition  qu'il  les 
défendrait    contre    les   coursea    de 
Ptolëmëe.  Arislohulc ,  roi  des  Juifs , 
fils  d'Alexaudra ,  fil  l  aussi  envoyé  par 
sa  mère  pour  le  combattre  ;  mais  il 
n'obtint  aucun  succès  dans  cette  guer- 
re. Quelques  années  après,  quand 
Pompée,  vainqueur  de  Mithridate  , 
vint  en  Syrie  en  l'an  6i  ,  Ptolémée 
trouva  moyen  de  faire  sa  paix  avec 
lui:  il  évita  le  sort  de  son  parent  Dio- 
iiysius  ,  tyran  de  Tripoli,  qui  fut  ûiis 
à  mort  ;  et  il  conserva  ses  états  en 
donnantà  Pompéela  somme  de  mille 
talents  (  environ  six  raillions  ).  Dans 
la  suite ,  Ptolémée  prit  le  parti  de 
la  famille  d'AristobuJe,   que  Pom- 
pée avait  dépouillée  de  la  souverai- 
neté des   Juifs  II  donna  un    asyle 
dans  ses  étals  aux  frères  d'Alexan- 
dre ,  fils  d'Aristobule,  qui,  vaincu 
et  fait  prisonnier  par  le  lieutenant 
de  Gabinius  ,  avait  eu  la  tête  tran- 
chée à  Antiocbe,   en  l'an  49  avant 
J.-G. ,  par  les  ordres  de  Métellus  Sci- 
pion  ,  partisan  de  Pompée.  Il  envoya 
aussi  à  Ascîlon  son  fils  Philippiou  , 
pour  emmener  dans  ses  états  la  veu- 
ve d'Aristobule  ,  son  fils  Antigone  et 
ses  filles.  Philippion  conçut  de  l'a- 
mour pour  l'uned'elics,  qui  s'appelait 
Alexandra  ,  et  il  l'épousa.  Ce  fut  la 
cause  de  sa  perte.  Ptolémée  devint 
également  épris  de  cette  princesse: 
pour  la  posséder ,  il  fit  périr  son  fils, 
et  il  épousa  Alexandra.   Plus  tard, 
de  concert  avec  Mari  on  ,  tyran  de 
Tyr,en  ^i  avant  J.-G.,  il  recondui- 
sit dans  la  Palestine  Antigone  ,  dont 
il  était  devenu  le  beau-frère.  Il  pa- 
raît qu'il  mourut  bientôt  après  ,  lais- 
sant ses  états  à  son  fils  Lysanias , 
qui  en  fut  dépouillé  et  rais  à  mort,  en 
l'an  36  avant  J.-G. ,  par  Marc  An- 
toine. On  l'accusait  d'avoir  embras 


PTO 


"iCK 


se  le  parti  des  Partlies  lors  de  l'ex- 
pédition faite  en  Syrie  par  Pacorus. 
Ses  états -furent  donnés  en   posses- 
sion à  Gléopàtre.  Il  existe  quelques 
médailles  ,  sur  lesquelles  ce  prince 
syrien  pren(^  le  titre  de  grand-prê- 
tre ,  comme  plusieurs  autres  dynas- 
tes  qui  régnaient  à  la  même  époque. 
S.  M— N. 
PTOLÉMÉE,  prêtre  égyptien 
de   la  ville  de  Mendès ,  avait   écrit 
une  histoire  d'Egypte  ,  divisée  en 
trois  livres.  Gct  ouvrage,  cité  par 
Clément  d'Alexandrie,  Eusèbe  et  Ta- 
tien  ,  était  chronologique,  à  ce  qu'il 
paraît  ;  au  moins  c'est  ee  qu'on  est 
fondé  à  inférer  de  ces  paroles  de 
Clément  d'Alexandrie  :  «.'jç   èv  xotç 
y^^oôvotç xvéypx'li-v  o'Mîvâ-o'ytoç  Uto\ï- 
y.7loç.  Ces  auteurs  le  citent  au  sujet 
d'Amosis  ,  ancien  roi  d'Egypte  ,  qui 
chassa  les  pasteurs  de  son  royau- 
me, et  de  la  sortie  des  Israélites  de 
l'Egypte  ,    événement   qui   semble 
avoir  été  confondu  avec  l'expulsion 
des  pasteurs  ,  par  quelques  anciens 
écrivains.   Il  y  a  lieu  de  croire  que 
plusieurs  dates    importantes  et  fort 
exactes  ,  rapportées  dans  S.   Clé- 
ment d'Alexandrie  ,    et  relatives  à 
l'bistoire  des  Égyptiens  ,  viennent 
de  cet  auteur  ;  celle  de  l'Exode  en 
particulier.  Nous  ignorons  à  quelle 
époque  vivait  Ptolémée  de  Mendès. 
Le  Père  de  l'Église  déjà  cité  rap- 
porte que  le  célèbre   grammairien 
Apion  avait  allégué  son  témoignage 
dans  le  (piatrième  livre  de  son  his- 
toire d'Egypte  :  il  est  donc  probable 
qu'il  vivait  au  moins  sous  le  règne 
d'Auguste,  puisque  Apion  écrivait 
sous  Tibère.  S.  M-n. 

PTOLÉMÉE  (Claude),  ou 
K>avr;j'o;  nrolép.aïoç  ,  le  plus  célè- 
bre ,  sans  contredit ,  mais  non  le 
plus  véritablement  grand  astronome 
de  toute  l'antiquité ,  était ,  dit  -  on  , 


atJ4  PTO 

iiatil  de  PciliLsc  (  >  )  ;  ii^^^s  il  est  cons- 
tant maintenatit  ((u'un  ne  sait  pas 
exactciiicut  le  lieu  de  sa  jiaissauce 
(a;.  II  fleurit  vers  l'.ui  lij  et  jus- 
qu'à l'au  iSpdc  l'ère  vulgaire  (3). 

(O  Oc»!  p«r  rrrrur({ur  l'oo  ■  auooe  a  Ptulriurr  , 
le  f  tirnoDi  rlr  Peluiirla  ,  et  qu'on  lui  a  iiv>igD<-  jxMir 
patrie  la  villr  de  Peluse.  GrttC  erreur,  qui  est  de- 
Teiiue  griH-raJe  .  a  rie  i>roduitr  j>«r  les  prrmirr»  tdi- 
leur»  uu  interprrte*  ar  cet  atlrnooiiir  ,  qui  travail- 
lairut  sur  drs  nngiiMui  irabea.  Ib  ont  Dial  lu  Ir  ii<>in 
peut-rlrenijl  nrit  de  CUu,L„s  .  que  (...ilalt  Ptoli- 
mer.  On  »oil  en  trie  de  la  nmniiir  rdilinu  dr  «on 
AllUJiErstr  y  Alm-i^ritii'n  t  l.  f't<'lr,,nri  l'heludien- 
sn  AUxantinnt ,  a^tiointmorum  jmndpit .  i-tc.  Aver 
uo  mauuMrTit  arabe,  >irn  n't  lait  plut  i'actir  que  de 
•etr-jniprr.  |viur  |>ru  qu'il  fût  rrril  urcli^t-inniruL  11 
•uffil  de l'abaeDce  seul,  d'un  |>«int  diarriliqur  |«nur  li- 
re ^'r^na./jrA  ,  no  iu>'t  qui  Joli  lelirr,  ri  qui  se  lit 
•ffrctirenirnl  cbci  1rs  Arjl.r»  KcU'uitrh.  i.r  nVst 
pa»  autre  cbuae  qur  Ir  |>mi/>jn  rum'in  tir  CJaudiu». 
<Hl  peut  c<il>«iillrr,  j  <.  '  >u'|el  ,  iiIM:  liulrqurM.  l'.jut- 
•io  a  placer  t  U  suilr  dr  aon  Mèmoirr  lur  t'Oplif.  c 
de  Ploie  tiee  (  yoittnmx  iltmoirri  d,-  Cucntlcm  « 
dei  inicr,f,t„,r,< ,  X.  VI.  p.  \n-^l  ).  Les  uTUt», 
trompes  |>ar  celte  maoraise  lecture,  pebaaieBl  asarm 
romuiiiiicmrut  que  le  inruim  de  l'rluuoir  «Tailrle 
doniK  j  Pt'ilrnire,  parre  i|u'il  aT»il  ubsrnre  '.  Pr- 
liue.  Il  est  ronilant  ntaiatritaol  que  j^n^iia  ftiJeiur* 
n'a  fj!!  set  obsrrrations  eu  cr  liru.  Riru  ur  (iruuTc 
abaolumatil  que  crt  astniDome  n'a  pas  ••bserrr  qnri- 

Îoeluis  à  t.<iH>p«  ,  auprès  d'Alriaiulric  ,  ommc 
r  |>.-u*r  M.  l'J.l.r  U^duia  ,  dauisa  Prrfjtr  dr  la  tra- 
docti'iu  fr^ifaue  dr  l'Atmagestr ,  p.  (ji ,  se  f>ndant 
aor  Ir  triu'Mgua|;r  d'<  'Irnipiodorr.  I^tle  niiiuiou  ri 
celte  aulorilr  «ut  rlr  (uniliatlurs  |>ar  M.  i.rtriiuu» 
^Jouraml  €iei  $^vtnli ,  |8i8,  p.  lou  ri  suir.  },  qui 

C ose  que  c'rit  uni.(tirmri,l  ,1  ,im  AJrKttflrir  uur  l'iu- 
ne*  a  fait  luut.  .  ...i».         S.  M—X. 

(»)  Srl.>o  Tli.  .ite.GrecdumojeB 

içe,  autrur  d'w  ■  a  l'ailrcnomif  ,  pu- 

biire  txr  ll-'ulliaii  ,  l'I.,!,  m.  i  t  L,,il  iir  m  TTirhaidr  , 
dans  J  4  ville  fri-i-qur  u^jmutre  Plulciuait  d'Ilrnuias, 
mrtroiv.le  dr  irllr  provinrr.  Il  r»t  pr'ib'bir  quo 
TheodureaTait  puiw  crllr  in.licalion  djn«  qurique 
mitrur  aujiunriiui  prdu  ,  ri  il  srr.iil|x>a>iblr  qu'rllr 
bon*  rit  counailre  la  véritable  patrie  dr  Ptolnure. 
S.  M— M. 

\i)  II  est  impoaaible  de  determiorr  l'époque  de 
I»  mort  de  Ptulemer  :  elle  est  nécrtsairrineut  |ioslr- 
rieure  à  la  date  de  la  damirre  obterv'tinu  astruno- 
miqur  cuiisi|;r>re  dans  son  Almagestr  ,  qui  rst  du  ■< 
pachon  de  V  m  8S8  dr  >abouaaaar,  rr|>ondaol  au 
•»  rnars  i  Ji  de  la  4'.  anacc  ecT|4iciuie  d'Antuiiiii 
le  Pirui.  [1  ,-si  om*taut  qur  Ptoiruire  a  com)<osê 
m*  Geu|;raphie  après  soo  Almageste  ,  puisqu'il  expri- 
me  daus  cr  dcrnirr  <)iiTr.«(;e  l'iulrntiuo  où  il  •  t-it  de 
•'occuper  de  cri  autre  livre:  il  rst  dune  probable  iiu'il 
a  vécu  riicure  asarx  lunf^teuipa  aprrs  l'ejMjque  duut 
nous  vruuus  dr  parirr.  <  >ii  nr  prul  iuvoaucr,  pour 
S'-aoudre  celle  qurstioo,  l'aulonle  du  canuo  dirouo- 
iogique  de  cet  ••uti-ur  ,  i|iii  m-  Irrmiiie  par  Aiitoinu, 
au  rr|:oe  dutpirl  il  aM.f  i.r  iiuc  durer  dr  yingt-tniis 
•na,  pourcroiie  qu'il  soitmort  aprts  crtlr  époque, 
nui  rrimnd  J  l'au  |5().  1^  fjil  .-si  tns- passible;  luaia 
il  faudrait  nu  autre  );arant  qur  ci-  lUuon  ,  contione' 
par  toua  1rs  surcrssriirs  de  Ptulruirc,  it  prolongé 
jusqu'à  la  prise  de  Coiut;iDlio<q<lr  ,  sxim  qu'on  nuiase 
indiquer  ce  qui  appartient  rrrllement  -  Plolrmé* 
et  k  chacuB  de  aes  coutiuuatcurs.  S>  M — ?!• 


PIO 

Nul  u'a  clé  loué  avec  plus  d'exa- 
gcratioii.  Daus  une  Épigraraincgreo- 
que,  en  ipiatre  vers,  qu'on  a  mi- 
se en  ttîte  de  son  ouvrage  le  j)Ius  im- 
portant, on  lui  l'ait  dire,  en  parlant 
de  liii-incme  :  «  Je  sais  que  je  suis 
»)  inorlel ,  et  que  ma  carrière  ne  peut 
»  tîtro  de  longue  dui-ee;  mais  cpiand 
»  je  parcours ,  en  esprit ,  les  roules 
»  des  astres ,  mes  pieds  ne  touchent 
»  plus  la  terre.  Assis  près  de  Jupiter 
»  mémo,  comme  les  dieux,  je  me 
»  nourris  de  la  céleste  ambrosie.  » 
Sci  fontemporains  et  ses  commen- 
tateurs juignint  toujours  à  son  nom 
les  adjeriii's  admirable ,  étunnant  et 
même  {lU'in.  L'école  d'Alex. nulrie  , 
illustrée  par  ses  travaux  ,  est  quali- 
fiée, par  Synésius ,  d'école  divuie. 
Il  avait  donne  à  son  Traite  d'astro- 
nomie le  litre  moileste  de  Compo- 
sition ou  Sjnlaxe  mathématique. 
Ses  éditeurs  ont  cliangé  ce  titre  en 
celui  de  Grande  Composition.  Enlrc 
les  mains  des  traducteurs  arahes  , 
cette  Composition  est  devenue  la 
Tres-gratidt  (y,  M  -y  i-rn .  Almagesti  )  ; 
cl  le  nom  d'Almagesle  lui  e.«il  demeu- 
ré. Il  faut  avouer  que  l'tolémée  avait 
de  quoi  justifier,  jusqu'à  un  certain 

f)uint ,  cette  espère  d'idolâtrie.  Son 
ivre  était  le  seul  dans  son  genre  : 
tous  ceux  d'Ilippanpie  avaient  dis- 
paru. On  trouvait ,  dans  la  Sy  nia  ce. 
une  exposition  claire  du  système  du 
monde,  de  l'arrangemeiil  des  corps 
célestes  et  de  leurs  révolutions  ;  un 
Traité  complet  de  trigonométrie  rec- 
tilignc  et  sjihériqiie;  tous  les  phéno- 
mènes du  mouvement  diurne,  expli- 
qués et  calculés  avec  une  précision 
Lien  lemanpiable ,  surtout  si  l'on 
considère  les  longueurs  et  les  em- 
barras de  l'arithmétique  et  de  la  Iri- 
gonomélric  grecques.  On  y  lisait  en- 
core la  destriplion  de  tous  les  instru- 
ments nécessaires  à  un  grand  obser- 


PTO 

vatoire,  instruments  qu'il  disait  avoir 
inventés  ou  perfectionnes.  Il  y  par- 
iait de  ces  armillcs  célèbres  au 
moyeu  desquelles  il  avait  observe 
l'obliquité  de  l'écliptique  ,  les  équi- 
uoxes  et  les  solstices.  L'une  de  ces 
armilles  était  placée  dans  le  plan  du 
méridien,  et  lui  servait  à  dctcrniiiun' 
les  déclinaisons  de  tous  les  astres. 
L'autre,  placée  dans  le  plan  de  l'é- 
quateur,  luiavait  donné  les  équincxes 
et  la  longueur  de  l'année  ;  le  jour  el- 
le était  en  outre  un  excellent  cadran 
solaire ,  et  la  nuit  un  cadran  sidéral, 
non  moins  utile.  Il  avait  imaj:;iné  un 
quart  de-cercle  mobile,  qu'il  pouvait 
tournera  volonté  vers  tous  les  points 
de  l'horizon.  Avec  cet  instrument, 
il  prétendait  avoir  mesuré  un  arc  du 
grand  cercle  du  globe  terrestre,  sar.s 
cire  forcé,  comme  ses  prédéccsseur.<, 
de  se  diriger  dans  le  plan  du  méri- 
dien. Il  donnait  la  première  descrip- 
tion de  Téquatorial ,  ou  de  la  machi- 
ne parallactique.  Ensuite,  pour  des 
observations  plus  délicates,  il  s'était 
procuré  une  espèce  de  secteur  d'un 
bien  plus  grand  r;iyon,  qui  lui  per- 
mettait de  diviser  le  degré  en  un 
nombrede  parties  beaucoup  |)lus  con- 
sidérable que  ne  l'avait  fait  aucun 
des  astronomes  précédents.  A  l'exem- 
])le  d'Hipparque  ,  et  sans  avoir  vu 
l'instrument  de  ce  grand  astronome, 
il  s'était  construit  un  astrolabe  pour 
composer  un  nouveau  catalogue  d'é- 
toiles ,  et  suivre  commodément  le 
cours  du  soleil,  de  la  lune  et  de  tou- 
tes les  planètes.  A  l'imitation  d'Hip- 
parque ,  il  s'était  également  procuré 
une  dioptre  pour  comparer  les  dia- 
mètres du  soleil  et  de  la  lune.  Pour 
lesrecherchesastrononiiquesde  tous 
les  âges ,  il  avait  construit  un  globe 
céleste  à  pôles  mobiles  ,  sur  lequel 
il  avait  placé  toutes  ses  étoiles,  sui- 
vant leurs  longitudes  et  leujrs  latitu- 


.PTO  i65 

des.  Ce  globe  tournait  autour  de  deux 
pointes  diamétralement   opposées  , 
que  l'on  pouvait  déplacer  à  volonté, 
pour  amener  les  deux  pôles  de  l'é- 
quateur  à  toutes  les  positions  qu'ils 
avaient  pu  successivement  occuper  ; 
ce  qui  mettait  l'astronome  en  état 
de  vérifier,  sans  travail ,  tous  ces  le- 
vers et  couchers  mentionnes  parles 
poètes  elles  autres  écrivains.  Un  sait 
que  ,  dans  ces  premiers  temps  ,  ces 
})héuomènes  foi  niaient  le  seul  calen- 
drier qu'on  eût  pour  régler  les  divers 
travaux  de  l'année  et  les  temps  favo 
râbles  à  la  navigation.  Jusqu'ici  nous 
n'avons  encore  vu  que  le  calculateur 
exact  et  l'observateur  industrieux. 
Pénétrons  plus  avant:  il  nous  expo- 
sera clairement  la  théorie  des  mou- 
vements inégaux  du  soleil  :  il  rappor- 
tera les  temps  des  équinoxcs  et  des 
solstices  ',  il  nous  calculera  ,  de  la 
manière  la  plus  simple,  toutes  ces 
observations  ,  pour  en  déduire  de 
combien  le  centre  de  la  terre  est  éloi- 
gné du  centre  de  ce   cercle  dans  le- 
quel il  suppose  que  le  soleil  avance 
chaque  jour  d'un  mouvement  par- 
faitement uniforme;  il  déterminera 
les  lieux  et  les  temps  où  le  soleil  se 
trouve  ci  la  plus  grande  et  à  la  plus 
petite  distance  de  la  terre;  il  fixera 
la  longueurdel'année,  et  donnera  des 
tables  d'après  lesquelles  nous  pour- 
rons,  en  quelques  lignes,  calculer, 
pour  un  jour  et  pour  un  instant  quel- 
conque, le  lieu  que  le  soleil  occupe- 
ra dans  le  ciel ,  sa  hauteur  méridien- 
ne ,  et  la  longueur  des  ombres  d'un 
gnomon.  Il  est  vrai  que,  dans  ces  cal- 
culs, nous  pourrons  nous  tromper 
d'un  diamètre  du  soleil;  mais  il  n'en 
dit  rien  :  il  ne  s'en  doute  ])as  lui-mê- 
me; et  personne  n'en  avait  le  moin- 
dre soupçon.  Si  vous  passez  au  livre 
de  la  lune,  votre  étonnement  redou 
blera  ;  car  ce  qui  précède,  était  d  éjà 


266 


PTO 


dans  les  ouvrages  d'Hipparque.  Par 
les  éclipses  anciennes  ,  llipparqiic 
avait  reconnu  dans  les  mouvenienls 
de  la  lune  nne  ine'j^alilé  de  cinq  de- 
grés ,  qui  sullisait  pour  ces  éclip- 
ses, mais  non  pour  expliquer  tou- 
tes les  anomalies  du  cours  entier 
de  la  lune.  Faute  d'observations  as- 
sez, nombreuses  ,  ou  plutôt  parce 
qu'il  aurait  voulu  représenter  éga- 
lement bien  toutes  les  observations 
qu'il  avait  faites  dans  tous  les  points 
de  l'orbite  lunaire,  Hipparque  n'avait 
pu  déterminer  les  lois  d'iuépalilé 
tropnombreuses.  Ploléiuée.en se  bor- 
nant à  trois  positions  principales  ti- 
rées d'Hipparque,  imagine  nne  hv- 
potlièse  qui  les  représente  parfaite- 
nient,  au  moyen  d'une  seconde  int-ga* 
lité  de  deux  degrés  et  deux  tiers,  qui 
est  à  son  maximum  dans  les  quadra 
turcs,  c'est-à-dire. dans  les  premier  et 
dernier  quartiers.  Satisfait  de  ce  suc- 
res, bien  remarquable  en  elTet,  quoi- 
que bien  facile,  il  n'examine  pas  si  la 
théorie  qu'd  donne  de  son  heureuse 
découverte ,  n'a  pas  d'ailleurs  quel- 
que inconvénient  très  -  grave  ,  qui 
le  forcerait  à  chercher  une  autre 
explication  d'une  inégalité  <pie  toutes 
les  recherches  postérieures  ont  con- 
lirmée:la  parallaxequ'ilendéiuitest 
trop  forte  de  deux  tiers  de  degré;  il 
n'y  l.iit  aucune  attention.  Il  en  ré- 
sulterait aussi ,  pour  les  instants  des 
quadratures  ,  un  diamètre  apparent 
dont  l'erreur  se  remarquerait  à  la 
vue  simple:  il  n'aperçoit  pas  cette 
conséquence,  ou  bien  il  la  dissimule; 
et  jusqu'à  Copernic  ,  aucun  astrono- 
me n'y  prit  garde,  ou  du  moins 
ne  sut  y  remédier.  Plolémée  est  |»liis 
exact  et  plus  géomètre  dans  le  calcul 
des  éclipses  :  il  est  vrai  cpie,  dans  ce 
livre,  il  ne  fait  que  copier  Hippar- 
que, dont  l'ouvrage  est  perdu;  mais 
il  a  la  bonne  foi  de  le  citer  par- 


PTO 

tout.  Lesractbodes  qu'il  enseigne, qtic 
nous  connaissons  par  lui  seul  et  par 
fiou  commentateur  Théon  ,  servirent, 
sans  amélioration  sensible,  jusqu'au 
temps  de  Keppler  ,  qui  n'y  ajouta 
(pi'unc  chose ,  mais  bien  importan- 
te, le  moven  de  faire  servir  les  éclip- 
ses de  soleil  à  déterminer  les  dillc- 
lences  des  méridiens  entre  tous  les 
lieux  où  la  même  éclipse  a  été  obser- 
vée. Quant  aux  étoiles  ,  Ptoleméc 
assure  positivement  qu'il  en  a  re- 
commencé toutes  les  observations 
avec  un  astrolabe  semblable  à  celui 
d'Hipparque.  D'après  une  observa- 
tion unique ,  qu'il  iiidii|ue  sans  en 
développer  les  détails, il  allirme  que, 
depuis  le  temps  d'Hipj)arque,  toutes 
les  étoiles  se  sont  avancées  de  deux 
degrés  et  deux  tiers  en  longitude  ;  et 
il  en  conclut  un  mouvement  iiiiifor- 
nie  et  général  de  36  secondes  par 
anufe.  Hipparque  ,  en  comparant 
ses  propres  observations  à  celles 
d'Aristille  et  de  Timocharis  ,  avait 
trouvé,  pou r ce  mouvement,  des  quan- 
tités dilFerentes  ,  depuis  /^^^  jusqu'à 
58";  parnn  milieu  ,  il  aurait  pu  en 
conclure  que  ,  suivant  toutes  les 
probabilités  ,  ce  mouvement  devait 
être  de  5o"  ,  tel  qu'il  est  en  elïèt  : 
mais  les  observations  anciennes 
étaient  trop  grossières  pour  donner 
avec  certitude  un  point  aussi  déli- 
cat. Hipparque  se  borne  donc  à  dire 
que  certainement  la  jirécession  uc 
saurait  être  au-dessous  de  36".  Pto- 
lémée  ,  moins  circonspect,  tranche 
la  difficulté  :  il  adopte  la  limite  in- 
férieure posée  par  Hipparque  ;  et 
son  erreur  ne  fut  découverte  que 
700  ans  plus  tanl ,  par  les  Arabes  ; 
parce  que,  dans  l'intervalle,  la  (ire- 
ce  n'avait  produit  aucun  (d)serva- 
teur.  Ptolémée  appuie  son  assertion 
téméraire  d'une  foule  de  calculs  , 
qui  ne  prouvent  réellement  que  deux 


PTO 

choses  :  l'une,  qu'il  n'entend  rien  à 
celte  théorie;  et  l'autre,  que  la  pre'- 
cessiou  est  rcelleraent  de  5o  "  envi- 
ron, et  non  de  36, comme  il  le  répè- 
te à  chaque  fois  qu'il  leimine  un  de 
ses   mauvais  calculs.  Aucune  de  ces 
erreurs  ,  aujourd'hui  .si  évidentes , 
n'avait  été  remarquée  jusqu'ici,  par- 
ce que  personne  n'avait  pris  la  pei- 
ne de  refaire  ces  calculs  suivant  des 
règles  plus  exactes  :  tant  était  gran- 
de la  confiance  que  Ptoléniée  avait 
inspirée  par  des  calculs  plus  heureux, 
dans  lesquels  il  suivait  pas-à-pas  la 
route  frayée  par  flipparque  ;  au  lieu 
que,  dans  l'incertitude  où  il  était  sur 
la  quantité  précise  de  la  précession 
en  longitude ,  ce  père  de  Tastrono- 
mie  n'avait  pas  cherché  à  déterminer 
bien  exacicment  les  variations  qui 
devaient  en  résulter  pour  les  décli- 
naisons des  diverses  étoiles.  Dans  ce 
qui  concerne  les  planètes ,  Ptoléméc 
dut  paraître  et  parut  plus  admirable 
encore  ,   et    surtout    plus   original. 
Hipparque  n'avait  pu  l'ecueillir  que 
des  observations  trop  peu  nombreu- 
ses et  trop  grossières  :  il   avait  du 
moins  vu  combien  cette  théorie  était 
compliquée.  Il   s'assura   qu'il   était 
impossible  de  s'y  contenter  de  l'ex- 
centrique, qui  lui  avait  suffi  pour  le 
soleil;  que  cet  excentrique  ou  que 
l'épicycle  serait  insuffisant ,  s'il  était 
seul  ;  il  annonça  ,  et  c'est  Ptolémée 
qui  nous  l'apprend,  que  l'on  n'y  pour* 
rait  réussir  sans  combiner  ensemble 
les  deux  hypothèses  :  ce  moyen  avait 
déjà  fait  tous  les  succès  de  Ptolémée 
dans  ses  Tables  de  la  Lune  :  il  l'em- 
ploya aussi  pour  les  planètes.  Hippar- 
que avait  travaillé  pour  laisser  à  ses 
successeurs    des    observations    plus 
nombreuses  ,     plus   exactes    et   en 
meilleur    ordre.    Pendant    plus    de 
deux  cent  cinquante  ans  .  aucun  as- 
tronome  ne    se  présenta    pour  re- 


PTO 


'267 


cueillir  ce  précieux  he'ritage.  Pto- 
lémée fut  plus  hardi  ;  mais ,  ce  qui 
paraît  vraiment  étrange,  il  ne  fait  au- 
cun usage  de  ces  observations  d'Hip- 
parque ,  dont  il  vient  lui-même  de 
nous  faire  sentir  toute  l'importance. 
Pour  chaque  planète,  comme  pour 
la  lune ,  il  se  contente  de  trois  ob- 
servations, souvent  assez  grossières, 
et  parfois   très-désavantageuscraent 
placées.  Il  en  conclut  les  lois  de  deux 
inégalités  principales  :  une  quatrième 
observation  ,  la  plus  ancienne  qu'il 
peut  rencontrer,  lui  sert  à  détermi- 
ner le  mouvement  moyen  de  la  pla- 
nète. Pour  en  représenter  plus  exac- 
tement les  inégalités ,  il  imagine  de 
rapporter  ces  mouvements  à  trois 
rentres  dilTcrents.  L'un  était  le  centre 
des   mouvements  apparents  et  iné- 
gaux ;  le  second,  celui  des  mouve- 
ments vrais  et  uniformes  ;  le  troi- 
sième ,  placé  à  égale  distance  entre 
les  deux  autres ,  était  le  centre  des 
distances  constantes  ,  c'est-à-dire  le 
centre  du  cercle  dans  la  circonféren- 
ce duquel  l'épicycle  de  la  planète  se 
mouvait  réellement,  mais  d'un  mou- 
vement dont  il  se  dissimule  l'inéga- 
lité; manquant  ainsi  volontairement 
à  cet  axiome  fondamental  de  l'an- 
cienne astronomie,  renouvelé  depuis 
par  Copernic  ,  que  tous  les  mouve- 
ments devaient  se  faire  dans  des  cer- 
cles ,  et  d'une  manière  parfaitement 
uniforme.   Copernic    lui   en   fit  un 
grave  reproche,  et  trouva  moyen  de 
parer  encore  à  cet  inconvénient  pré- 
tendu. Cette  conception ,  très-singu- 
lière ,  mais  très-ingénieuse, de  Ptolé 
mée  ,  prépara  les  voies  à  l'ellipse  de 
Keppler  :  elle  avait  été  critiquée  très- 
vivement  par  l'arabe  Alpétrage,  mais 
reçue  avec  admiration  par  tous  les 
contemporains  ,  par  tous  les  com- 
mentateurs et  par  tous  les  astrono- 
mes jusqu'à  Copernic, qui  sut  la  mo- 


268 


PTO 


dirier,ft  Keppicr  qui ,  plus  habile, 
osa  la  renverser.  Kllc  régna  dans  tou- 
tes les  écoles,  et  se  répandit  partout, 
dans  l'Asie  ronune  dans  l'Afrique. 
On  se  persuada  ,  pendant  i  .|00  ans  , 
«pic  Ploléniec  avait  déeonvert  le  se- 
cret de  la  nature.  Alnl.onse,  roi  de 
Castille,  fui  le  snd  (ini,  en  adnu-t- 
tant  ,  comme  tous  les  autres,  la  vé- 
rité du  svstcme  ,  se  permit  de  le  dé- 
sapprouver, lorsqu'il  é\j)rinia  le  re- 
gret que  Dieu  ne  l'eût  pas  appelé  à 
Sun  conseil  à  l'instant  de  la  créa- 
tion. Les  platR'tesollrairnt cependant 
les  plicnoraènes  singuliers  des  sta- 
tions et  des  rétrogradations  ;  on  les 
voyait ,  presque  chaque  année  ,  s'ar- 
rêter ,  retourner  sur  leurs  pas  .  s'.ir- 
rêter  de  nouveau  ,  puis  repreridrc 
leur  marche  direrte.  Apollonius  de 
Ferge  avait  démontré  que  ces  ano- 
malies étaient  des  consé  lueiiccs  ma- 
theriiati(pies ,  des  suppositions  anx- 
(piellw  on  était  forcé  de  recourir 
j)our  calculer  leur  marche  inégale 
dans  les  autres  parties  de  leurs  révo- 
lutions. Il  avait  donné,  pour  déter- 
miner ces  irrégularités, dc"»  théorèmes 
qui  se  trouvent  identiipies  aux  règles 
dont  nous  nous  servons  encore  au- 
pturd'liui  ,  quoi<|u'e!lcs  ne  soient 
qu'approximatives  ,  parce  que  ces 
pliénoinènes,  dont  on  a  tant  fait  de 
bruit,  ont  perdu  toute  leur  impor- 
tance depuis  qu'on  en  connaît  bien 
les  causes ,  et  surtout  depuis  qu'on 
fait  un  Usage  plus  général  de  ces  éphé- 
inérides  ,  où  les  lieux  apparents  des 
planètes  sont  marqués  poiu-  tous  les 
jours  do  l'année  ,  ce  qui  dispense  de 
chercher  directement  a  quels  instants 
elles  sont  ou  statioiinaires  ou  rétro- 
grades. Plolémée ,  «jui  nous  a  con- 
servé les  théorèmes  d'Apollonius, 
nous  dit  que  l.i  détnoiistratinii  en 
était  fort  obscure  ;  et  elle  devait  l'ê- 
tre beaucoup  si  elle  l'était  plus  encore 


PTO 

(pic  ceik»  qu'il  a  mise  à  la  place  :  mais 
on  attribua  cette  obscurité  à  la  difli- 
cullé  ilu  problème;  et  Ptoléinée  eut 
encore  le  mérite  d'avoir  renfermé  la 
solution  dans  des  Tables,  qui,  si  elles 
ne  sont  pas  d'une  grande  jirccision  , 
en  rendent  au  moins  le  calcul  très- 
facile.  Une  chose  bien  plus  obscure  , 
et  réellement  plus  dillicile  ])our  les 
anciens,  était  la  tliéoiie  des  latitudes 
apparentes  des  |)liiiiètes.  Pour  les 
reprcs(  iiter,  Plolémée  se  voit  loiTi-  de 
multiplier  les  inclinaisons,  (pi'il  dis- 
tribue entre  ses  exceiitriipies  et  ses 
épicycles  ;  de  rendre  ces  inclinaisons 
variables  ,en  attachant  un  des  points 
de  la  circonférence  à  la  circonférenre 
d'une  roulette  qui ,  venant  à  tourner, 
fait  hausser  ou  baisser  rexlri'!iiit(Mlii 
di.imètreauqiiel  elle  est  atlaihée.  De 
cette  livpothèse  si  compliquée  ,  Plo- 
lémée ne  donne  aucune  preuve  :  il  ne 
rapporte  à  l'ippiii  aucune  observa- 
tion quelconque  ;  et  cependant  il  a 
fallu  (pi'il  en  eut  de  bien  varices  ,  et 
en  bien  grand  nombre ,  pour  liAlir 
un  pared  système.  Ouïe  crut  sur  ce 
point  ,  comme  sur  tout  le  reste  ;  et 
r.iveuglcnient dura  jusqu'à  Keppler, 
qui  sut  donner ,  de  ces  pliciiouièiies 
ininlelligiMes,  une  explication  sim- 
])lc  et  naturelle,  qui  ne  laisse  rien  à 
désirer  :  elle  avait  échappé  à  la  sa- 
gacité de  Copernic,  et  Tyclio  ne 
voulut  jamais  l'adopter.  Telle  était 
donc  la  Syntaxe  mathématique,  mo- 
nument précieux  encore  aii)nurd'liiii, 
puisque  seul  il  renferme  l'histoire 
avérée  de  la  science  ,  et  la  scien- 
ce de  ces  temps  tout  entière.  Bien 
plus  :  Ptolémée  est  encore  ,  ou  du 
moins  passe  pour  être  l'auteur  d'un 
ouvrage  extrêmement  curieux  ,  inti- 
tulé :  Planisphère  de  Ptolémée.  Ce- 
pendant aucun  auteur  grec  ne  lui  en 
fait  honneur  :  Syncsiiis,  admirateur 
enthousiaste  du  dii^in  Plolémée ,  le 


PTO 

donne  au  vieil  Hipparque  (  -xu-u.- 
\xio;  ) ,  dont  il  parle  d'ailleurs  assez 
lëgèrcmeut.  Quoi  qu'il  en  soit  ,  cet 
ouvrage  est  un  Traite  fie  la  projec- 
tion qu'on  nomme  aujourd'hui  sté- 
rèogrnphiqite.  C'est  l'art  de  repré- 
senter sur  un  plan  tous  les  cercles  de 
la  sphère  ;  d'observer  et  de  rendre 
sensibles  aux  yeux  tous  les  mouve- 
ments diurnes  ;  de  trouver  l'heure 
sans  calcul  ,  soit  par  le  soleil ,  soit 
par  les  étoiles.  Cette  théorie  ,  due 
entièrement  à  Hipparque  ,  a  e'tc 
étendue  et  simplifiée  à  quelques 
égards  par  les  modernes  :  mais  les 
démonstrations  d'Hipparquc,  égale- 
ment rigoureuses  ,  reposent  sur  un 
principe  plus  élémentaire  ,  qui  se 
trouve  dans  les  Éléments  d'Euclide, 
au  lieu  que  les  démonstrations  mo- 
dernes ,  dont  la  première  idée  est  de 
Commandino,  s'appuient  sur  un  théo- 
rème tiré  des  Coniques  d'Apollo- 
nius. La  j)rojcction  d'Hipparque  est 
celle  dont  nous  nous  servons  encore 
pour  tracer  les  mappemondes  sur  le 
plan  d'un  grand  cercle  quelconque  , 
et  par  les  procédés  du  premier  inven- 
teur. Elle  sert  également  pour  les 
cartes  partielles  ,  quelque  grande  ou 
quelque  petite  qu'en  soit  l'étendue. 
Le  texte  grec  est  perdu  ;  nous  ne 
possédons  que  la  ir.iduclion  latine, 
d'après  la  version  arabe  de  Maslem. 
Il  est  à  croire  que  c'est  ce  IMasîem  qui, 
faute  de  connaître  le  véritable  au- 
tour, aura  cru  pouvoir  donner  à  Pto- 
lémée  ce  que  celui-ci  n'a  jamais  fait; 
car  Synésius  ,  le  dernier  élève  un 
peu  connu  de  l'école  d'Alexandrie  , 
dit  positivement  que  personne ,  de- 
puis Hipparque  jusqu'à  lui  Synésius, 
ue  s'était  occupé  de  celte  théorie , 
sur  laquelle  Proclus  ,  Pluloponus  et 
Nicéphore  Grégoras,  pour  ne  parler 
ici  que  des  Grecs,  se  sont  exercés  de- 
puis. H  est  un  autre  traité ,  non  moins 


PTO  269 

curieux,  intitulé /?e  VAnaleinme^ 
dont  le  texte  est  également  perdu  ; 
nous  ne  le  connaissons  encore  que 
par  une  traduction  laline,  faite  d'a- 
près l'arabe.  \\  porte  le  nom  de 
Ptolémée  ;  et  nous  n'avons  aucun 
motif  pour  lui  en  contester  la  pro- 
priété. L'auteur  y  traite  de  deux  au- 
tres projections  de  la  sphère  sur  \m 
plan.  L'une  est  connue  aujourd'hui 
sous  le  nom  de  projection  ^nomo- 
niqite  :  les  arcs  y  sont  représentés 
par  leurs  tangentes,  ou  leurs  ombres, 
comme  disent  les  Arabes.  L'autre 
s'appelle  la  projection  orthographi- 
que ,  et  les  arcs  y  sont  représentés 
par  leurs  sinus  verses  Dans  toutes 
ses  constructions  comme  dans  toutes 
ses  démonstrations  ,  l'auteurfait  uni- 
quement usage  des  sinus  ,  sans  jamais 
parler  des  cordes  des  arcs  doubles  , 
ou  de  ces  doubles  sinus  sur  lesquels 
Hipparqueavait  fondétoutesa  trigo- 
nométrie. Si  Plolémée  est  véritable- 
ment auteur  de  V yJfialeriune  ,  il  est 
bien  singulier  que  jamais  il  n'ait  eu 
l'idée  si  naturelle  de  faire  entrer 
ces  sinus  dans  la  trigonométrie  , 
dont  il  aurait  ainsi  considérablement 
simplifié  toutes  les  opérations.  Il  est 
eucoreassezextraordinaire qu'il  n'ait 
pas  même  eu  l'idée  bien  nette  de  ces 
tangentes  qui  jouent  un  si  grand  rô- 
le dans  la  projection  gnomonique  , 
et  qu'il  ail  laissé  à  Albategnius  et 
Aboid-Wefa,  le  mérite ,  si  grand 
et  pourtant  si  facile  ,  d'introduire 
ces  deux  espèces  de  lignes  dans  les 
calculs  trigonométriques.  Il  est  éga- 
lement remarquable  qu' Albategnius , 
qui  nous  a  donné  les  premières  ta- 
bles des  sinus,  n'ait  fait  aucun  usaae 
des  tangentes  m  des  cotangenîes,dout 
cependant  il  a  donné  des  formules  et 
même  des  tables  ,  mais  appropriées 
aux  usages  de  la  gnomonique.  Ces 
changements  importants  ,  les  seuls 


a7o  PTO 

au  reste  que  les  Arabes  aient  faits 
aux  tliëories  de  Ptolémee  ,  n'ont  cté 
connus  eu  Europe  que  noo  ans  plus 
tard  (  y.  Peubbacu  ,  J.  Mu ller  et 
JoAcniM  )  Le  traite  de  V Analemme 
est  d'ailleurs  un  ouvra{;e  où  se  trou- 
ve cou.^ignee  toute  la  théorie  guomo- 
iiique  des  Grecs.  Il  renferme  des  rè- 
gles sûres  et  gconietrifjucs  pour  tra- 
cer les  cadrans  des  heures  antiques 
et  même  e'quinoxiales  ,  sur  un  plan 
quelconque.  Athènes  possède  encore 
aujourd'hui  ,  à  la  tour  des  Vents  , 
huit  cadrans  divers. monuments  pré- 
cieux de  la  science  des  Grecs  en  cet- 
te partie  ;  et  ces  cadrans  ,  dont  les 
figures  et  les  mesures  exactes  ont  cte' 
publiées  par  Stuart,  calcules  de  non- 
veau  par  les  méthodes  de  Ptoicme'e 
et  par  des  formules   modernes  ,  ont 
été  reconnus  d'une  exactitude  frap- 
pante. On  a  donc  raison  de  s'ctonner 
que  Montucla  ait  décidé  si  témérai- 
rement que  la  gnomonique  des  Grecs 
était  entièrement  perdue  ;  et  cette  as  - 
sertion  est  d'autant  plus  inconceva- 
ble, qu'elle  est  consigni'edans  l'ouvra- 
ge même  où  Montucla  nous  oflrennc 
espèce  d'extrait  de  W-inalemme  de 
Ptoléniée ,  dont   sans   doute  il    n'a- 
vait pis  lu  mèineles  premières  lignes. 
Un  troisième  traité,  perdu  comme 
les  deux  autres,  et  dont  nous  n'avons 
qu'une  mauvaise  traduction  latine  , 
d'après  nu  manuscrif  arabe  très-in- 
complet, se  rapporte  plus  directe- 
ment à  l'astronomie  ,   puisqjic  Pto- 
lémee v  donne  ,  de  la  réfraction  as- 
tronomique ,  l'idée  la  plus  complè- 
te qu'on  .'lit  e>ie  jusqu'au  temps  de 
Keppler.  Il  en  expose  la  nature,  la 
cause  et  les  principaux  efTets,  sans 
entreprendre  d'en  mesurer  la  quan- 
tité; ce  qui  n'a  été  fait  qu'imparfai- 
tement par  Keppler,  auquel  il  man- 
quait xm  théorème  cssenliel ,  décou- 
vert vingt  ans   plus  taid  ,  et  dont 


PTO 

D.  Cassini  a  su  profiter,  pour  faire 
beaucoup  mieux.  L'ouvrage  de  Pto- 
lémee a  pour  titre  1'  Ovlique  :  il  n'a 
jamais  été  publié.  La  bibliothèque  du 
Roi  en  a  deux  manuscrits  ;  une  biblio- 
thèque d'Italie  en  possède  un  exem- 
plaire plus  correct,  dont  M.  Venturi 
lious  fait  espérer  la  traduction.  Ou  y 
trouve  des  t.ibics  de  la  refraction  de 
la  lumière,   à  son  entrée  dans  l'eau 
et   dans  le   verre.   Ces   tables   sont 
d'une  exactitude  remarquable  ;  l'au- 
teur de  cet  article  en  a  déduit ,  pour 
les  sinus  des  inclinaisons  des  rayons, 
les  mêmes  rapports  que  Ne\vlon  a 
déduits   de  ses  expériences  ,    dans 
un  temps  où  l'on  croy^iit  l'ouvrage 
de  Ptolémee  perdu    pour   toujours 
(  f'.V  lliil.  Hcl'astron.anctomc  ii, 
p.  /juc)  ).  Ce  traité  d'opti(]ue  est  lo 
seul  ouvrage  que  nous  ait  laissé  l'an- 
tiipiité,   dans    lequel  on    voie  quel- 
que trace  de  physique  expérimentale; 
car  les  Grecs,  grands  discoureurs  et 
métaphysiciens  std)lils,  ont  presque 
toujours  dédaigiu"  rexpcrienceetrob- 
servation.  La  Géni^niphie  de  Ptolé- 
mee ,  malgré  des  erreurs  énormes  , 
est  encore  un  ouvrage  tris-précieux, 
parce  qu'il  est  le  dépôt  le  plus  vaste 
des  connaissances  de  ces  temps  an- 
ciens. Toutes  les  latitudes  y  doivent 
être  fausses,  au  moins  d'un  quart  de 
degré,  parce  qu'on  les  déduisait  des 
ombres  d'un  gnomon  ,  qui  ne  donne 
que  le  lieu  du  bord  supérieur  du  so- 
led  ,  et  qu'on   jirenait  ce  lieu  pow 
celui  du  centre.  Celte  erreur,  incon- 
cevable en  des  mathématiciens  ha- 
biles ,  fut  remarquée   pour   la   pre- 
mière fois  j)ar  les  Arabes.  Ptob-mc'e 
la  commit  lui-même  sur  la  latitude 
d'Alexandrie,  sur  celle  du  lieu  où  il 
prétend  avoir  fait  un  si  gr/md  nom- 
bre d'observations,  avec  des  instru- 
ments qui  n'avaient  pas  cetlc  cause 
d'erreur.  Les  longitudes  géographi- 


PTO 

qrses  devaient  être  bien  plus  de'fec- 
t'ieuscs  encore  :  on  n'avait  rien  de 
mieux  ,  pour  les  déterminer  ,  que  les 
éclipses  de  lune ,  dont  les  temps  ne 
sont  jamais  donne's  qu'en  heures  ,  en 
demies  ,  et  tout  au  plus  en  quarts 
d'heure;  en  soile  que  les  différences 
des  méridiens  ne  peuvent  être  exac- 
tes qu'à  quatre,  dix  ou  quinze  degre's 
])rès,  et  cela  pour  les  lieux  détermi- 
ne's  directement  par  des  observations 
astronomiques  :  qu'on  juge  à  quoi 
l'on  peut  s'attendre  pour  les  positions, 
tirées  des  précédentes  d'après  des 
itinéraires  grossiers.  Mais  ces  derniè- 
res erreurs  ne  peuvent  être  imputées 
à  l'astronome  qui ,  n'étant  jamais 
sorti  de  sa  ville,  était  réduit  à  ti- 
rer le  moins  mauvais  parti  possible 
des  journaux  des  voyageurs  (4). 
On  lui  reprocherait  avec  plus  de 
justice,  la  mauvaise  construction  de 
ses  cartes ,  fondées  sur  les  princi- 
pes les  moins  géométriques  ;  ce  qui 
porterait  à  croire  que,  loin  d'être 
l'auteur  du  Planisphère  qui  porte 
son  nom,  il  n'avait  pas  même  lu  cet 
ouvrage,  où  Hipparque  avait  posé 
les  principes  et  tracé  toutes  les  règles 
dont  nos  géographes  se  servent  en- 
core dans  la  construction  de  leurs 
mappemondes  et  de  toutes  leurs  car- 
tes terrestres.  Nous  ne  parlons  pas 
ici  des  cartes  qui  servent  à  la  navi- 
gation ,  et  dont  l'invention  est  toute 
moderne.  Tous  les  ouvrages  que  nous 
avons  mentionnés,  étaient  destinés 
aux  savants  et  principalement  aux 
astronomes.  En  faveur  des  astrolo- 
gues et  des  calculateurs  d'almanachs, 
Ptolémée  rédigea  une  édition  abrégée 

C4)  Outre  rarticle  MARIN  de  Tyr  ,'  XXVII ,  i5i , 
on  peut  coasuiler  aussi  ,  pour  voir  ce  que  la  gëo- 
grapliie  doit  à  Ptole'mes  ,  et  ce  que  Ptolerace  doit  à 
Marin  de  Tyr,  l'ouvrage  de  M.  Gossellin,  iutilule; 
Giosiaphie  des  Grecf  analysée^  et  le  2«.  vol.  de  ses 
RechiTehes    sur  la    Géogrofjkie    systématique    des 


PTO  271 

et  commode  de  ses  tables  astronomi- 
ques ;  et  pour  la  distinguer  de  la  pre- 
mière ,  il  l'intitula  Tables  manuel- 
les (  *  ).  On  en  trouve  un  extrait 
dans  V Histoire  de  l'astronomie  an- 
cienne ,  tome  II.  Les  manuscrits 
de  la  bibliothèque  du  Roi  en  of- 
frent une  explication  ,  qui  est  sous  le 
nom  de  Ptolémée,  mais  qui  paraît 
l'ouvrage  d'un  pédant  qui  n'aurait 
travaillé  qu'à  se  montrer  bien  savant 
en  se  rendant  inintelligible.  Théon, 
commentateur  de  Ptolémée,  en  a 
donné  une  explication  beaucoup  plus 
claire  et  plus  complète  ,  qu'il  a  mise 
à  la  portée  de  ceux  qui  voudraient 
employer  ces  tables  à  composer  leurs 
horoscopes  ,  leurs  thèmes  de  na- 
tivité, et  autres  (oïic$  judiciaires.  A 
cela  près ,  dans  tout  ce  qu'il  a  écrit 
pour  les  astrologues ,  Ptolémée  n'a 
pas  mis  un  seul  mot  ni  de  trigono- 
métrie ,  ni  d'astronomie  ;  comme  on 
lui  doit  cette  justice  que  le  mot  d'as- 
trologie ne  se  rencontre  pas  une 
seule  fois  dans  ce  qu'il  a  écrit  pour 
les  astronomes.  Il  est  vrai  que  le  mot 
comète  n'y  paraît  pas  davantage  ; 
mais  alors  les  comètes  n'étaient  pas 
du  domaine  de  l'astronomie  ;  Aris- 
tote  les  avait  rangées  dans  la  classe 
des  météores.  Le  plus  grand  ouvrage 
de  Ptolémée  sur  l'astrologie  judi- 
ciaire porte  le  titre  de  Tetrabihle  ou 
Qiiadripartitum.  Procl  us  Diadochus 
a  commenté  le  Tetrahible.  Sa  para- 
phrase a  été  traduite  en  latin  ,  par 
Léon  Allatius  j  et  nous  en  avons, 
dans  les  deux  langues  ,  une  jolie  édi- 
tion sortie  des  presses  d'Elzevir,  en 
i635.  C'est  un  honneur  dontla5jn- 
tnxe  mathématique  n'a  pas  été  ju- 
gée digne.  Nous  avons  encore  de 
Ptolémée  le  Centiloquium ,  c'est-à- 
dire  ,  les  Cent  maximes  ou  théurè- 

(1  ^«yesla  note  i]  ci-api-is ,  jfag.  ^77  cta78. 


17  î  PTO 

mes  astrologiques ,  recueillis  de  ses 
divers  ouvrages.  Boulliaii  a  publie 
de  Ptolcine'e  (^Paris,  iGG3),  un  Trai- 
te du  jugement  et  de  L'empire  de 
l'ame  y  auqut-l  il  a  joint  des  extraits 
d'auteurs  grecs,  dans  lestjucls  nous 
lisons  que  Ptoleinee  demeura  qua- 
rante ans  dans  les  Ptères  ou  ailes  du 
temple  de  Canope;  qu'il  y  grava,  sur 
des  colonnes  ,  les  rcsultats  de  tous 
ses  travaux  ,  avec  cette  iusrription  : 
^u  Dieu  siuweur  ,  Claude  Ptolé- 
mée  (  consacre  )  ses  éléments  et  ses 
hypothèses  mathématiques.  Nous 
avons,  sous  ce  mên»e  litre  à' éléments 
ci  à' hypothèse  s  ,  un  Ti-iitt  fort  suc- 
cinct,  qu'on  attribue  à  Ploleméc,  et 
qui  pourrait  être  curieux,  [ter  les  rrt- 
riantes  qu'il  contient  pour  les  élé- 
ments et  même  pour  les  hypollioses  ; 
mais  Plolcuiée  ,  dans  re  même  écrit, 
nous  dit  lui-même  qu'd  a  travadic 
pour  les  artistes  qui,  en  composant 
leurs  pl.inétaires  ,  clierclicnt  moins 
les  nombres  les  plus  exacts  ,  que  les 
approximations  propres  à  faciliter 
le  travail.  Nous  avons  de  Ptolémee  les 
trois  livres  des  Harmoniques  ,  dont 
VVallis,  dans  le  tome  m  de  ses  Œu- 
vres, nous  a  donné  une  édition  grec- 
que et  latine,  enrichie  de  notes.  Kn- 
fin  Ptulémée  avait  composé  un  Trai- 
té des  trois  dimensions  des  corps  , 
dans  lequel  il  pai  la  le  premier  de  ces 
trois  axes  rectangulaires  ,  auxquels 
la  gconaétric  moderne  rapporte  la 
pCÂÏtloQ  d'uu  point  quelronipie  de 
l'espace.  Nous  avons  exposé  (idélc- 
mcDt,  avec  franchise  et  sans  aucune 
réticence,  les  titres  nondtreux  que  Pto- 
lémée  pouvait  avoir  à  ces  sentiments 
d'à  Imiration  que  ,  pendant  si  lon;;- 
lemps,il  avait  inspirés  à  tous  ses  lec- 
teurs. A  la  vue  de  tant  d'ouvrages 
importants ,  et  uniques ,  •  h.tcun  dans 
leur  genre  ,  en  se  rappelant  les  con- 
naijsances  précieuses  que  seul  il  nous 


PTO 

a  transmises,  et  doDt  on  le  regardait 
comme  l'unique  auteur,  il  était  im- 
possible do  le  considérer  autrement 
que comnieun  \\oiu\ui' prodigieux. Ce 
sentiment  él.iit  tellenieiit  enraciné  , 
que  Keppicr,  qui,  mieux  que  personne, 
sentait  tout  ce  qu'il  y  avait  à  repren- 
dre dans  les  hvpothè^es  de  l'astro- 
uom»'  grec,  Kepplerobligéde  conve- 
nir que  les  observations  de  Plolemc'e 
ne  peuvent  s'accorder  ni  avec  celles 
d'ilipp.irque,  ni  avec  celles  des  mo- 
dernes, aime  mieux  supposer  (pi'il 
est  arrivé  des  perturliations  considé- 
rables dans  les  mouvements  célestes, 
qued'admettrequ'unsi  gr.ind  homme 
ait  pu  se  tromper,  ou  voulu  nous 
induire  en  erreur.  Mais,  en  historien 
lidèle,dnous  est  impossible  de  dissi- 
niider  les  reproches  que,  depuis  plus 
de  cent  ans  ,  ne  cessent  d'adresser  à 
Ptolémee  des  savants  nu  peu  moins 
prévenus  en  sa  faveur.  Halley  ,  dans 
les  Transactions  philosoplii(jues  , 
u".  "io^ ,  p.  ÎM^,  reproche  .i  Alba- 
tcgnius  la  préférence  «pi'il  a  doiuiée 
aux  observations  de  Ptolémee  sur 
celles  d'Ilipparque,  quoiqu'il  n'y  nk 
aucune  comparaison  à  faire  de  l'un 
à  ViUitre  du  côté  de  lliahileté ,  de 
l'industrie  ,  pour  ne  pas  dire  de  la 
bonne- fui.  Les  équinoxes  de  Ptolé- 
mee ne  peuvent  se  concilier  a\>ec 
ceux  d'aucun  astronome  :  il  faut 
les  abandonner  comme  sih>pom:s  et 
A<*.v  ou.sLnyks.  Ailleurs  il  l'accuse 
d'avoir  déguisé  des  fautes  qui  lui 
étaient  bien  connues ,  et  celé  des 
observations  qui  auraient  dévoilé 
l'erreur  de  se^  tables.  Lemonuicr , 
dans  le  Discours  préliminaire  de  ses 
Institutions  astronomiques,  regrette 
que  Ptolémee  ne  se  soit  pas  borné  à 
donner  une  histoire  générale  de 
V astronomie  ;  car  s'il  eut  discuté 
et  recueilli  fidèlement  tout  ce  qui 
pouvait  servir  à  constater  les  élé- 


PTO 

illents  (les  orbites .,11  est  certain  que 
V astronomie  serait  plus  avancée 
quelle  ne  l'est  aujourd'hui  :  mais 
il  a  moins  songé  à  rendre  sa  Sjji- 
taxe  utile  aux  astronomes ,  quà  la 
mettre  à  la  portée  du  commun  des 
hommes;  et  comme  le  vraimojen 
de  perpétuer  ces  sortes  d'ouvrages , 
est  d'unéantir  toutes  les  observa- 
tions qui  peuvent  y  être  contenues , 
il  est  arrivé  quà  l'exception  de 
celles  qu'il  fut  obligé  d'employer  à 
la  construction  de  ses  Tables^  les  au- 
tres observations  astronomiques  ont 
été  perdues  ^le  seulAlmageste  s' étant 
alors  répandu ,  et  la  lecture  des  an- 
ciens auteurs  ,  qui  étaient  d'un  plus 
difficile  accès ,  ayant  été  presque 
entièrement  négligée.  Lalaude  dit 
(  Astroii.  344  )  •■  On  est  persuadé 
que  Ptolémée  n  était  pas  observa- 
teur ^  qu'il  a  tiré  d'/lipparque  et 
des  auteurs  qui  Vont  précédé  ,  tout 
ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  ses  ouvra- 
ges; et  là-dessus  il  renvoie  aux  Me'- 
ijioircs  de  l'académie,  1757,  p.  4'^o  ; 
à  Boulliau  ,  p.  \5i;  aux  Elémcuts 
dcCassini,  p.  igG  et  467.  Ailleurs 
il  dit  que  tous  ceux  qui  ont  voulu 
aprofondir  un  point  quelconque 
d'astronomie  ,  ont  toujours  été  for- 
cés d'abandonner  Ptolémée  ,  sur 
tous  les  points  dont  ils  avaient  fait 
une  étude  particulière.  Tout  rccem- 
nieut,  dans  une  Histoire  de  l'As- 
trououiie  ancienne,  l'auteur  de  cet 
article  a  consacre  un  volume  entier 
à  discuter  la  doctrine  de  Ptoléme'e  : 
il  a  refait  ses  calculs  sans  en  cKceptcr 
un  seulj  et  partout  il  a  e'té  conduit 
à  penser  comme  Halley ,  Lemonnier 
et  Lalandc.  Ce  qu'il  y  a  de  bon  et 
d'irrépréliensible  dans  la  Syntaxe 
mathématique ,  c'est  la  trigonomé- 
trie, c'est  la  partie  piircneut  sphe'ri- 
qiie  ,  et  la  théorie  mathématique  des 
éclipses.  Dans  toutes  ces  parties, Pto- 

XXXVI. 


PTO  273 

Ic'raée  n*a  fait  que  copier  Hipparquc, 
qui  avait  résolu  tous  ces  problèmes 
avant  lui.  Tl  suit  les  mêmes  métho- 
des ,  il   calcule  tous   ses  exemples 
pour  le  parallèle  de  Pihodes,  où  de- 
meurait Hipparquc;  il  n'en  donne 
aucun  pour  le  parallèle  d'Alexandrie, 
qu'il  habitait  lui-même  ,  et  qui  est  de 
cinq  degrés  plus  austral.  D'où  vien- 
drait unchoixsiexlraordinaire, s'il  ne 
copiait  des  exemples  tout  calculés 
pour  s'épaigïier  la  pciue  et  les  inrer- 
titudes  d'un  nouveau  calcul  ?  Ce  n'est 
pas  qu'il  ne  sache  calculer  très-cor- 
rectement :  on  en  juge  par  tout  ce 
qu'il  a  fait  pour  les  planètes.  Si  l'on 
n'y    remarque  ni    un  homme   fort 
adroit ,  ni  un  génie  bien  inventif,  on 
reconnaît  au  moins  mi  homme  don  t  la 
marche  est  sure  ;  on  ne  trouve  à  cela 
d'autre  exception  que  ce  qu'il  a  fait 
pour  déterminer  la   précession  ,  ou 
du  moins  pour  lâcher  de  démontrer 
qu'elle  n'était  que  de  36",  Dans  tou- 
tes ses  autres  oj)ératioi)s  PtoleThécse 
montre  exact,  quoique  toujours  pro- 
lixe et  verbeux.  Ses  calculs  pour  la 
lune  présentent  un  tel  accord  ,  <|ue 
tous  les  astroiioracs  sont  persuadés 
qu'il  a  modifié  les  observations  pour 
les  faire  cadrer  avec  sa  théorie.   Cet 
accord  sisouteuiin'est  pas  celui  qu'on 
peut  espérer  d'un  bon  calcul  com- 
paré à  une  bonue  observation  :  c'est 
celui  qui  existe  nécessairement  en- 
tredeux bons  calcids  faits  sur  les  mê- 
mes tables.   Ptolémée  se  vante  d'a- 
voir imaginé  plusieurs  instruments  : 
il  assure  qu'il  s'en  est  servi  pour  at- 
teindre à  plus  d'exactitude;  mais  i! 
ne  rapporte  aucune  de  ses  observa  - 
tions.  Il  nous  laisse  ignorer  en  com- 
bien de  parties  il  avait  divisé  le  de- 
gré. H  ne  donne  le  rayon  ni  de  ses 
armilles,  ni  de  son  quart  -  â"  -  cer- 
cle ,  ni  même  de  son  astrolabe.  Il 
donne  ,  à  la  vérilc  ,   celui  de   son 
18 


2;/,  PTO 

sccleiir.  qu'il  nomme  ses  règld\  pa- 
rallactiqius ,  sans  ricii  dire  des  c!i- 
Yi^ioIl^  de  la  troisième  règle  ,  qui  te- 
nait lien  de  limbe.  Deux  fois  ^culc- 
mciit  il  paraîtrait  s'être  servi  de  ce 
dtrnicr  instrument  |>our  connaître  la 
parallaxe  de  la  lune;  il  adonc  nè;;lit;c' 
de  rcm|iloyer  à  la  mesuie  de  l'obli- 
quité,  el  à  la  vc'ri(îcati()n  de  la  hau- 
tfur  lu  pôle,  siir  laqutlicil  se  trom- 
pait d'un  quart  de  df<;ré  :  il  ne  pou- 
vait cependant  pas  ignorer  que  ces 
deux  quantités  entrent  comme  don- 
nées dans  le  calcul  que  l'on  compare 
à  rt>b>ervation  pour  eu  conclure  la 
parallaxe.  Avec  ces  éléments  vicieux, 
il  arrive,  en  ell'et.àune  parallaxedont 
l'erreur  excède  deux  tiers  de  degré. 
La  diopirc  était  percée  d'un  Iiou  suf- 
fisant pour  laisser  voir  la  lune  tout 
entière.  Il  ne  dit  pas  si  c'est  Ip  lune 

i «érigée  ou  apogée.  Mais  le  diamètre 
le  la  lune  a  des  %'ariitions  propor- 
tionnelles à  celles  des  paralla\rs. 
Ploléfnér  fait  varier  la  parallaxe  de- 
puis 53' 34"  .  jusqu'à  io4'.  L'iie  ou- 
verture de  54  parties  ,  quiaurait  sulli 
pour  enfermer  la  lune  apogée,  aiiiait 
été  biiii  insuiUsautf  pour  te  diamètre 
périgée,  qui  en  eiit  «  xigé  104.  Une 
ouverture  de  io4  partie»  aurait  ren- 
fermé la  lune  en  tout  temps;  mais 
dans  l'apogée  la  lune  n'eut  cou\ert 
que   5  i  de  ces   parties  :   elle  n'eût 

Suère  rimpli  que  la  moitiédu  cliamp 
c  la  diuptre.  Dans  le  fait ,  les  difiif- 
renccs  sont  bien  ioin  d'être  si  consi- 
dérables :  une  ouverture  de  V)\  par- 
lies  aurait  sufti  pour  contenir  la 
lune  eu  tout  temps  :  la  lune  apogée 
eût  couvert  f)3  de  ces  parties.  Com- 
ment Ptulémée  n'a-t  il  pas  aperçu 
que  les  variations  du  diamètre  ,  et 
par  conséquent  celles  de  la  parallaxe, 
étaient  beaucoup  moindres  que  ne 
l'exigeait  son  hypotiiè'e.  Voilà  ce 
qiii  serait  incomprc'hcnsiblc ,  et  voilà 


FTO 

j'ourquoi  Halley  l'accuse  d'avoir  ct'lé 
des  fautes  qui  lui  étaient  bien  cun- 
7iues,  et  qui  auraient  dévoilé  l'erreur 
de  ses  tables.  Ptolémée  a  ose'  nous 
donner  ses  fausses  parallaxes,  qui  ne 
peuvent  être  sensibles  ipie  pour  celui 
oui  calcule  :  nu  le  p.u  t  il  n'évalue 
les  diamèdes  apparenls  de  l.i  lune, 
dont  les  eireuis  seraient  seii>ibles  à 
la  vue,  et  sans  aucun  instruiiient. 
Nulle  part  il  n'emploie  les  diamètres; 
partout  il  suppose  qu'on  a  observe 
le  Centre  de  la  lune  ,  ce  qui  est  tou- 
jours plus  ou  moins  dilVicile  et 
inexact.  Ce  sont  ces  mauvaises  pa- 
rallaxes, jointes  a  beaucoup  d'autres 
remarques  ,  qui  ont  fait  din-  (juc 
jamais  Ptolémée  n'avait  rien  observé; 
que  les  observations  qu'il  rapporte 
ne  sont  que  des  calculs  faits  sur  ses 
tables  ,  et  qu'il  emploie  comme  des 
observations  réelles  pour  remonter 
aux  éléments  qui  les  lui  ont  fournies. 
Il  est  évident  qu'il  n'a  fait  que  copier 
les  labiés  solaiie^  d'Hipp.ir.|Uf  ;  il 
cmprunle  de  cet  astronome  la  lon- 
gueur de  raniiéc  ,  et  par  coiisécpienl 
le  mouvement  moyen  :  il  a  trouvé, 
dit -il,  comme  Iiipparf[ue,  (}\].  11 
h. ,  et  9a  j.  I  i  11.  pour  les  intervalles. 
entre  le  scislicc  d'été  et  les  deux  eqiii- 
noxes  voisin«.  Aurnni'  des  trois  ob- 
servations n'est  sûre  a  plusieuis  lu  ti- 
res près  :  comment  s»  rait  -  il  possi- 
ble qu'à  -itio  ans  (le  disianc*',  dans 
des  climats  divers  ,  avec  des  insliu- 
menis  dilï'cTents  ,  (Ïlux  a<;tronoinfS 
se  fussent  trompés  précisément  des 
mêmes  qu^^iittés?  Avec  ces  données 
identiques,  Ptolémée  doit  nécessaire- 
ment retro'iveret  trouve  en  cU'et  des 
éléments  jtarfailenient  les  mêiiies  ,  la 
même  excentricité  et  le  même  lieu 
pourl'apogée.  C'est  sur  ces  tab'esqu'il 
a  calcule  ces  faux  cquinoxes  qu'il 
•prétend  avoir  observés;  el  os  tables 
ont  dû  en  effet  lui  rendre  les  deux 


I 


PTO 

înttrvallcs  observes  par  Hipparque. 
il  n'est  pas  moins  évident  qu'il  s'est 
craparé  du  Catalogue d'c'toilcs  l'orme' 
par  Hipparque,  et  qu'il  a  gâté  ce  Ca- 
talogue ,  en  ajoutant  à  toutes  les  lon- 
gitudes ,  '2°  l^o'  ,  au  lieu  de  3^^  4^' 
qu'il  aurait  dû  ajouter.  11  a  pris  à 
Hipparque  l'équation  principale  do  la 
lune  ,  et  l'inclinaison  de  l'orbite  :  il 
pst  à  croire  qu'après  avoir  calculé  ses 
Tables  des  planètes  d'après  les  id^'es 
et  les  observations  d'Hipparque,  il  a 
cilculé  sur  ces  tables  trois  longitudes 
géoceniriques  pour  chacune  des  pla- 
nètes ,  et  qu'il  s'en  est  servi  pour 
retrouver  les  éléments  arrêtés  d'a- 
vance. Mais  comme  il  n'avait  pu 
satisfaire  également  à  toutes  les  ob- 
servations d'Hipparque  ,  tant  à  cause 
des  erreurs  de  la  thco:ic  qu'à  cause 
des  erreurs  des  observations ,  il  a 
gardé  le  plus  profond  silence  sur  les 
observations  originales  ,  qui  par-là 
sont  perdues  pour  toujours.  Tous 
les  astronomes  qui  dressent  aujour- 
d'hui des  tables  ,  ont  soin  de  les 
comparer  à  un  grand  nombre  d'ob- 
servations ;  ils  se  font  un  devoir  d'en 
signaler  eux-mêmes  les  erreurs.  Pto- 
léraée  s'est  dispensé  de  ce  soin  :  il 
n'a  doimé  que  les  t'.ois  observations 
qui,  à  l'en  croire  ,  lui  avaient  fourni 
ces  éléments.  Personne  n'a  fait  ces 
calculs  ,  sans  doute  parce  que  les 
écrits  d'Hipparque  étaient  très-peu 
répandus.  Pendant  six  ou  sept  cents 
ans,  les  tables  de  Ptolémée  ont  servi 
à  la  composition  desalmanachs  :  el- 
les étaient  suffisamment  bonnes  pour 
ces  usages  ;  elles  n'étaient  que  trop 
tonnes  pour  les  opérations  de  l'as- 
trologie judiciaire.  Pendant  tout  cet 
intervalle,  la  confiance  n'a  pu  être 
ôltérée ,  la  réputation  del'auteur  s'est 
soutenue.  Mais  dès  que  les  Arabes 
eurent  commencé  à  faire  des  obser- 
vations réelles  ,   ou  sentit  le  besoin 


PTO  «75 

de  nouvelles,  tables.  Nombn;  d'as- 
tronomes en  composèrent  à  l'envi  de 
moins  mauvaises  ,  et  qui  étaient  en- 
core très-imparfaites  ,  parce  qu'en 
changeant  les  nombres  de  Ptolérae'e 
on  a\ait  conservé  toutes  ses  théories. 
Kepplcr  les  changea  ;  Newton  apprit 
à  ses  successeurs  à  calculer  les  effets 
des  attractions  avec  plus  d'exacti- 
tude qu'il  n'avait  pu  les  déterminer 
lui-même  :  c'est  depuis  ce  temps  que 
les  tables  ont  pu  rivaliser  d'exacti- 
tude avec  les  boiuics  observations  ; 
mais  depuis  ce  temps  aussi,  nous 
ne  voyons  pas  qu'aucun  astrono- 
me fasse  Je  moindre  usage  des  pré- 
tendues ol)servations  de  Ptolémée. 
Si  véritablement  il  eût  exécuté  ce 
qu'il  annonce,  s'il  nous  eût  trans- 
mis fidèlement  un  certain  nombre 
des  observations  qu'il  avait  recueil- 
lies, il  serait  encore  possible  d'ea 
tirer  un  parti  quelconque  pour  cer- 
tains éléments  qu'on  ne  peut  con- 
naître qu'avec  des  intervalles  de  plu- 
sieurs siècles  ,  tels  que  les  mouve- 
ments moyens  des  longitudes  ,  des 
aphélies  et  des  nœuds,  la  diniimition 
séculaire  de  l'obliquité  ,  et  des  incli- 
naisons planétaires.  Après  tout,  nous 
lui  avons  encore  de  très -grandes 
obligations.  1\  n'est  pas  très-sûr  qu'il 
ait  tout  exprès  fait  disparaître  les 
observations  d'Hipparque  :  elles  ont 
pu  se  perdre  par  la  négligence 
des  admirateurs  exclusifs  de  Ptolé- 
mée; il  est  bien  plus  certain  que,  sans 
la  Sjntaxe  mathématique ,  nous  se- 
rions bien  moins  avancés  :  probable- 
ment nous  n'aurions  eu  ni  Kepplcr , 
ni  par  conséquent  Newton.  Ptolémée 
n'a  pas  été  un  grand  astronome, 
puisqu'il  n'a  rien  observé,  ou  que 
du  moins  il  ne  nous  a  transmis  au- 
cune observation  à  laquelle  on  puisse 
accorder  la  moindre  confiance:  il  n'a 
travaillé  que  pour  sa  propre  gloire, 
i8.. 


2^6  PTO 

et  pour  le  commun  des  hommes  , 
comme  r.i  dit  Lemoniiior.  Mais  il 
fut  un  savant  l,iboricu\  ,  ni»  malhc- 
maticieii  distingue  ;  il  a  rassemble 
en  un  corps  de  doctrine  ce  qui  était 
disscmincdans  les  traites  particuliers 
de  ses  prédécesseurs.  II  n'a  donne  à 
sou  çrand  ouvrage  que  le  si  m  pic  litre 
de  ^jntaxe,  »pii  n'annonce  tpie  le 
projet  de  réunir  et  de  coordonner 
des  choses  connues  ;  il  se  montre  ius- 
iruit  de  tout  ce  qui  a  ctc  fait  aAant 
lui  ;  il  se  montre  professeur  habile  , 
quoique  souvent  prolixe  ;  il  s'arrête 
à  de'montrer  lon|;ucment  des  théo- 
rèmes peu  ou  point  utilûs  ;  il  nous 
traîne  péniblement  dans  fous  les  dé- 
tours de  SCS  calculs  numériques.  Il 
aurait  pu  être  plus  sobre  tie  détads 
et  d'exemples,  et  N'étendre  davan- 
tage sur  les  observaiious  et  sur  nom- 
bre de  renseignements  qui  sont  à 
jamais  perdus.  Voilà  les  reproches 
qu'jl  a  mérités  ,  et  les  éloges  qui  lui 
sont  du5.  Quant  à  ce  qui  le  concerne 
personnellement  ,et  à  l'Iiisloire  de  sa 
vie  ,  nous  n'en  ci>nnaissons  aucune 
particularité.  Quehpies  écrivains  pré- 
tendmt  qu'il  était  de  la  rare  royale 
des  Ptoléinées,  et  que,  peu  ambitieux, 
et  d'un  caractère  trancpiiilc,  il  avait 
borne  ses  désirs  a  se  faire  un  nom 
dans  les  sciences  ;  qu'il  avait  vécu 
dans  la  plus  profonde  solitude,  dans 
les  plcres  d'un  tenipîe.  Tous  ces  ré- 
cits paraissent  apocryphes  ;  mais 
que  nous  importe?  il  a  fait  la  Sjn- 
taie  mathématique  ;  on  lui  doit  ou 
on  lui  attribue  le  Planisphère ;V Ana- 
lemme ,  V  Optique  ;  il  a  composé  sa 
Géographie:  ces  titres  sont  assez  im- 
portants pour  que  son  nom  ne  tom- 
Le  jamais  dans  l'oubli.  Il  vivra,  ne 
fût-ce  que  par  le  système  qui  porte 
ce  nom,  quoiqu'il  ne  fût  j)as  son  ou- 
vrage, mais  le  système  de  tous  les 
astronomes  ses  pKfdécesscur.s.  Pto- 


PTO 

léméo  n'a  s»i  trouver  ancune  raisoit 
plausible  pour  l'appuyer  :  il  n'a  pu 
opposer  aucune  objection  raisonna- 
ble au  système  contraire.  Il  se  met 
à  son  aise  eu  se  bornant  à  dire 
que  ce  système  (du  mouvement  de  la 
terre  )est  trop  ridicidc  pour  mériter 
un  examen  sérieux.  Ainsi,  (piand  on 
dit  encore  aujourd'hui  le  Sj  sterne 
de  Ptolèmte  ,  il  faut  entendre  tout 
simplement  le  système  <p»'il  a  sup- 
posé dans  tous  ses  écrits.  Ces  écrits 
ont  eu  pour  la  plupart  de  nombreu- 
ses éditions.  En  >oici  les  principales: 
I.  Alma^estum  Cl.  Ptulemœi  Phc' 
ludirnsis  Alerandrini ,  astronomo- 
rum  principis  ,  opus  iii^ens  ac  no- 
bile ,  omnes  cœlorum  motus  conti- 
nens.  Felicibus  astri.s  eat  in  lurent 
duciu  Petn  Liechtenstein  Colonien- 
sis  Gcrmani  ,  anno  vir<^inci  partûs 
i5i5,  die  decimd  ja.  Fenetiis  , 
ex  olficind  ejusdem  litterand  , 
cum pri\'ilegio.  Cette  édition  ,  en  <a- 
ractères  gothiques, a  conserve  beau- 
coup (le  mots  arabes,  termes  tech- 
niques dont  le  traducteur  ignorait 
sans  doute  les  équivalents  latins, 
Uipparque  y  est  partout  nomme 
Aliraclus.  —  Ptolemœi  Almap^es- 
tum  ,  ei  versione  latind  Geor^ii 
Trapezuntii ,  Venise,  i5'-i5,  infol. 
La  lande  nous  prévient  qu'il  n'a  ja- 
mais pu  voir  celte  édition,  non  plus 
que  celle  de  Paris,  ifJîiO,  in-H". — 
Ptolemu'i  Almap^estum  ,  editum  à 
Lucd  Gaurico,  Paris,  i  jv.^,  Lalandc 
ne  l'a  jamais  vue. — Le  même,  Venise, 
iSiB  ,  in-fol. ,  opus  plane  divinum. 

—  Ptolemœi  malhematicœ  cons- 
tructionis  libri  edente  Heinholdo  , 
Paris ,  1 5Go ,  in-S».  —  Ptolemœi 
regulœ  arlis  mathematicœ ,  avec 
des  notes  de  Reinhold,  lOfjç^,  in-S". 

—  K'f.xjoioj  MrrAîuéio-j  etc.,  édition 
grecque  avec  le  commentaire  de 
Théon,  Bile,  1 538, in-fol. — Idem: 


PTO 

Liber  primits  grœcè  cum  versione 
Rcinholdi  ^  Witteinl)cig,  i54<). — 
Idem,  cdilioii  grecque  et  tVaiiçaisc 
de  M.  Halma,  Paris,  i8i3-i5,  a  vol. 
iii-4''.  H-  Ptolemœi  opéra  omnia  y 
pneter  Geographiam  latine  versa 
(  On  n'y  trouve  ni  le  Planisphère , 
ni  l'Analemme  ),  Hùlc  ,  i54i.  L'ë- 
ditionde  Sch rekenfuchs  est  de  1 55 1 , 

Bàlc  ,   in-fol.    ^    f^OJ.    MoNTIGNOT  ). 

III.  Ptolemœus  de  Analemmate , 
cum  Frederici  Commandini  com- 
mentario  ,  Rome  ,  i5f)'2  ,  in-4*'.  J 
ibid. ,  1573,  in  -  4".  IV.  Ptolemœi 
Flanisphceriuni ,  sphœrœ  atque  os- 
troruni  cœlestiiwi  ratio ,  nutura  et 
motus.  Baie,  i53G  ,  in-4^.  ;  Veni- 
se, i558,in-4°.  V,  Liber  Quadri- 
partiti  Ptolemœi...  Ejusdem  centi- 
loquium  ,  Venise  ,  1 484  ,  in  4"*  J 
Venise,  1 49^  ,  in-fol.  —  Centum 
sententiœ  ,  Venise,  iSiq,  in-4''. 
—  Centum  aphorismi  ,  Cologne  , 
I  544'  in-8".Vl.  Ptolemœus  deprœ- 
dictionibus  astronomicis  seu  qua- 
dripartitiim  grœcè  et  Ictinè  ,  Bàle  , 
i533  ,  in-8".  —   Quadripartitum 

et  Centiloquium ,  Prague,  1610  , 

m- 12.  Vil.  Ptolemœus  de  Ji/pothe- 
sibus  planetarum  ,  Procli  sjdtœra  , 
Londres  ,  iG.>.o  ,  in-4°.  VITI.Pfo- 
leinœi  liber  de  apparentiis  inerran- 
t/«;7i,  cd.  Pélau, Paris,  i63o,  in-fol. 
IX.  Ptolemœi  de  judicandi  facul- 

tate  et  anim.i  principatu inscrip- 

tio  Canohi  in  Serapidis  templo  ,  Pa- 
ris ,  i(363,  in- ^°.  X.  Geographia, 
Vicence  ,  i475,  in-fol.,  en  latin, 
sans  cartes  (5);  Amsterdam  ,  1618, 
in  fol.  avec  les  cartes  de  Mcrrator  ; 
Lyon ,  1 535  ;  Bâle ,  1 54 1  •  L^ édition 

(5)  C'est  l'édition  ))riiicc|if.  Celle  de  Bologne  ,  ini- 
priiucc  chez  Uuniioi<|iie  île  raiiig  ,  sous  la  fausse 
d;ilc  de  1^62  ,  parnit  élie  de  i4<)i-  C'est  le  senti- 
nieut  de  M.  liriiiiet.  y  oyez  [lussi  les  Osservaziuui 
ifitla  ciiizione  deUa  Oeot^rujia  tii  J'olumco  fatia  in 
Jiuliijiiia  colla  tlataileliffGf;  eiposle  du  liailolomco 
Cantba,  liassauu,  i79G,iu-4''.  de  5o  pajj. 


PTO  277 

jiurement  grecque  de  Baie,  i533, 
petit in-4'\, porte  le  titre  dont  voici 
la  traduction  :  Les  huit  livres  de  la 
géographie  de  Claude  Ptolémée 
d' Alexandrie  ,  philosophe  des  'plus 
savans ,  imprimés  avec  toute  l'exac- 
titude possible  (  Voy. ,  pour  plus  de 
détail ,   les  articles  Bertius  ,  Buc- 

KINCK  ,  BRONCnOUST,  MaRCO  BeNE- 

VENTANO  ,  Mercator  ,  Raidel  et 
Servet  ).  XI.  Les  Harmoniques  eu 
trois  livres  ,  ont  été  imprimes  à  part , 
en  1682  ,  in-4**. ,  grec-latin.  On  les 
trouve  au  tome  m  des  œuvres  de 
Wallis,  en  grec  et  en  latin ,  avec  des 
notes,  Oxford  ,  1699.  Kepplor  vit 
avec  ravissement  que  le  livre  m 
tout  entier  est  employé  à  la  con- 
templation de  riiarmonic  des  corps 
célestes.  Keppler  croit  avoir  surpassé 
son  modèle  :  c'est  en  cflet  dans  ses 
harmoniques  ,  qu'il  a  donne  sa  fa- 
meuse règle  des  carrés  des  révolu- 
tions, et  des  cubes  des  distances  (G). 

D— L— E.' 


(G)  Cet  article  serait  iiiconi|ilet  si  nous  ue  parlions 
p  ts  uu  Ciinon  c/intnoLfi^it/ue  des  rois  ,  dout  l'utilité' 
pour  la  clirunolo^ie  est  counue  et  l)ien  iippri'riée  de 
totisceux  t|ui  se  sont  occupés  de  Tbistoiro  ancienne. 

Ce  cauon  luit  partie  d'un  recueil  intitulé  TfpOyStpOt 
ZatVOVîÇ»  c'est-à-dire  TaliUi  iimnuelles  ,  conijMjsé 
par  l'tolcincc,  et  coiuineulé   par   Théon   d'Alexan- 
drie, et  par  plusieurs  autres  astronomes.  Ces  tabltîs, 
destinées  à  lacUiter  les  calculs  ou  les  combinaisons 
ustronomiques,  et  ([ui  ne  sont  fort  souvent  que  des 
extraits  de  l'Almagcstc,  étaient  restées  inédites  jus- 
ipi"i  nos  jours.  Il  n'en  est  p.is  de  même  du  Canon 
ihronolojtii/ite  :  depuis  loii);-lemps  .  il  avait  été  ex- 
trait des  manuscrits  de  Ptolcinee,  et  jniblie  plusieurs 
lois.  Le  Syncelle  ravaitdej.'i  inséré  dans  sa  Cliinno- 
f^iiiuhie;  il  fut  tire  par  Scaliger,  de  cet  ouvraf;e  en- 
core iuedit,  et  inséré  par  lui  dans  son  édition   des 
fragments  grecs  de  la  Chronique  d'Iiuscbe  ,  et  daiib 
ses  autres  ouvrages  chi-onologiqucs.  Petau  l'en  tir.» 
de  nouveau,  et  le  reproduisit  dans  son  grand  ou- 
vrage  ,  avec  toutes  les  Tantes  qui  y  avaient  été  intro- 
duites par  Je  Syncelle  etjiar  Scaligcr.  Calvisius,  qui 
en  avait  reçu  d'Angleterre  une  copie  prise  dans  un 
lu.inuscrit  de  Ptolémée ,  le  plaça  dans  les  deux  édi- 
tions de    sa    Chronologie,   qu'il  donna  en   itiiS   et 
itiao.  Dans  le  même  temps  , lesavautmathématicieii 
Ijaiubridge  en  donnait  une  édition  plus  correcte  ,  :» 
la  suite  du  traité  de  la  Sjibèie  de  Proclus,   Lon- 
dres ,  iC<îo;  on  en  eut  encore  une  autre  quelques 
années  après,  et  ou  la  dut   au   P.   Petau,  qin  ,  eu 
itiiZ  ,  inséra  ce  précieux  fragment  de  chronologie, 
dans  son  /{i(t(0H«nuni   tcmporuin.  linHu,  en  ((JS^ , 


278  PTO 

PTOLOMÉE.  r«>^.  Ptolemke  et 

TOLOMEI. 

PUBlTiK.\  (François),  liisto- 
rioii,  ne,  ou  i  "/n,  àCoinmolaii,  dr.iis 
]a  liAihoiiU'.cmbras.sarinstitul  des  Je- 
suites  ,  cl  fdt  cliargc  siiccessivenient 
d'cnsci{;ner la  philosophie,  la  grara- 
niàire.la  poésie, le piec,réloqueiicc et 
riiistoire  nationale.  Lors  de  la  sup- 
pression de  ccttesocicle,  il  rcniplisï.iit 


Il.>.l»rll  JuDI,.,  ui«'  ..lll.oll  |.l..<  >IU|.I.-  ri  )J.I<  .  >a.  - 
t.  .  ,,.  :.-,  I .  rrilrllln  ;  il  r  «ioul»  l.iut.»  1.»  T«- 
'  '   rrciiollir,  rt  il  ¥   j'ii^iuit  uii  i-uiu- 

Mr;  If  (iiiitfut  inipriuir  ■>  Uniitc 
t  f  «■.•)«>n,   t>r|tiii«,M. 


cl.  .1 ^ 

i'i'ij*  Ualiiia  m  m  |>i. 

l8lf),  »TCC  uur  Iri'l'i 

««ir»  f.| I        •     • 

rilitrr    i 
tâirr  cr 


Ir    rd.ll 

.11  Irir  il.-  |.lll- 

ir   .n>     ■lr>tll>r>  «    r»- 

rit*   de   l*tulritM-r  ,  iiu  4 
■inir  dri  uicirit*.  Hn  rviroi 


▼e  l'un  ri  i  j'.rrt-  ijju«  l'rdtti' »■>/'/'> "<*'*//•  drs  'i'atlrt 
mtinurllet  quM  a  dou'rr,  ru  iSu,  Il  riiiivirnl  iii^in. 
Ir"*iit  <lc  Uir»  «-<)"n«l»r«-  ^11  |»«i  <!<•  iiioli  ir  ii)i><<o- 
«»»»><  tju 'un    d.    (  '  .     '    ■    l'Iiii  iiii- 

|ior(atili    i|iir   I  .    «utl   à 

cautc  dr  •.  tt  .  1  ■■  ii"inii, 

»*iit  i  r.. M        '  '  ,,- 

llcrr  (.\<  _ 

If-mf-f  .  ,  ( 

r  |.-r,.ul  i 


irr   I. 


I  4'.t.4  r   drj>    i.K\p(irtu   pfrvrtitr    trC    a,«tjU|;r  .    cllr 
obtialU  prrhimc».   \'\ja.rmrr    irduMil   d'inc  rD  an- 


tudr  rt  h|.-u  p  <'lii|>U  taO'l  ,  la  {KMltt  lU  aliaolar  rt 
triatiTr  dr  ilijcuiir  dr  rr>  dalr-.  Mai>  ou  ««11  i^bc 
«rtir  iiirtliinlr  ,  etr*  llmtr  |Hjur  \r  liut  iiur  ar  prfH»4>- 
sait  PtoIraïC' ,  |>rut  avoir  i^urluur»  iiiruiivrnit  nti 
daut  uuc  ap|i)icjtioii  tiulunijnr.  1^  iliov  r>t  l'acilo 
a  ctjac'Tdir  ;  rii  aiipputafit  selon  Ir^  aiiiM*r«  «.igur, 
de  l'KgTpIr  ,  ira  n  g  r«  dr«  •ouvrraitai  lialitinnii-  1, 
pt-rsai  •,  ftrrcs  ri  mciiain»,  ciui  m-  rr^lairnl  »ur  drt 
iDaiiiiirs  de  compter  f.irt  dilTrrttilt:»  ,  il  doit  m  rr j- 
•jirrinri.l  en  1^  siUtrr  qnrlt|np<  inexa<  litudr*.  I^ave- 
ritW.lt  «  aniire^t  de  cra  <MjU%rrains,  calculer»  wlun  la 
mrlh'tdc  dr  leur  fiaT»,  drvairut  aT^ocer  on  ri'tarder 
tir  (jurlijiM  «  yxirt  ou  inèinc  de  i^urjqur»  luuia  mr 
lr«  ^ai„,  <  drnoialirrr» d'une  (aron  unii'iiruir  dau«  le 
Canon  Je  rtulrtnee*  llnr  jieul  «trr  exact  r|iir  p<iur  les 
priiirr»  l^iHx,  'pii  >n.-<pulairDt  prt  riwinrnt  de  la 
mrtn*  inauM-rr  !••  aiini'i»  de  leur  piiiwafii'r.  Muia 
pcar  les  eiop*  r<«rt  r.^iuaii>>  ,   lu   dilliratut    |*aauiit 


PUB 

les  foDCiioDs  de  hibliothccairc  à  Kla- 
tow.  Il  professait  riiistoiic  ,  en 
fj-j-a  ,  au  collège  de  Saint-Clciuent, 
à  Pia'j;ue.  Le  reslo  de  sa  vie  fut 
j)arla|;é  entre  renseigncuieiit  et  les 
recherches  historiques  :  il  mourut, 
le  5  juin  1807,  à  fàgc  de  qiiatre- 
vinf;t-ciiiq  ans.  Les  ouvrages  ilc  Pu- 
hit'k.i,  peu  connus  en  France,  sont  : 
l . St'i it'iclimnnloi^ica  reruni  SUivo- 
Jjohemicarmn  ,  uh  ipso  iiulî-  Shno- 
rum  in  Jiuheiniam  adventu  usque  ml 
haptismwn  Jlonii'oi  (en  8()4  )  -,  nd 
nostra  iisifue  tempora  ,  l'iaguc  , 
I7."j8;  'i'".  cdit.  ,  aiipin.,  \  ieniic , 
I7(i8-G(),  in-4".  IL  Histoire  duo- 
mjlui^Kjtie  de  ^a  Hohtine  (  en  alle- 
mand) ,  Prague,  1770  ,  et  ann.  suiv. 
G  Vol.  in-4''.  C)«i  annonçait  ,011  1807, 
qnc  l'auteur  s'occupait  de  roiitinncr 
cet  ouvrage  [Mat;.  cncycL,  i8«>7  , 
IV  ,  4  '^  J  ;  "lais  sa  mort  lit  évanouir 
cette  espérance,  ill.  J)e  anliipiis- 
mnis  iedibus  Slavorum ,  Leipzig, 
1771  ,  in-4".  Cette  Dissertation  ,ain- 
^i  que  la  suivante,  fut  couronnée 
par  la  société  littéraire  fonrlt'e  par  le 
jniiMe  .l.d)loiio\v.ski.  IV.  Disserta- 
tii)  de  f  eiiedi^  cl  Jinelis  ,  Oiimilz, 
1773,  in-8".;  Leipzig,  1773,111  4"- 
Les  Vencdes  cl  les  Winles  étaient 
des  peuples  de  la  Sarfnalie,  pays  qui 


dijj  ipiarat.lr  jolirt  au  leinp»  dr  Plulrnu  r,  ininip  en 
•'attrei^iiaul  .  calculer  le*  aDnm  <[«  ce»  prince»  «e- 
lon  la  nirtiiode  uailrr  alun  ei  L)iipli'.  Il  ni  ent 
ainii  .  ù  pliii  lorle  raiaoïi  ,  pour  te»  rpnipif<i  drs 
|iriDcra  lialivlouielM  et  priMilia.  Ou  >H*  doit  dulli- 
voir  daui  ce  t'.aiiun  ,  liors  tout  cr  (jui  w  lupporlr  '■ 
detfa  (aailfiuoiniifura,  i|urdia  inaicatinu»  .ipproii- 
lOatiTci,  «t  iHjii  dr»  dfti-riniiiatiuii»  bialui  it|iir»  prr- 
ciie»  :  te  uVlait  |ui»  Ir  l>ut  deTaulrur  (  .V,l  (p  mi>- 
niimenl  ciui  a  donne  iiai»aureà  l'ire  de  Nal>oiia,jar. 
tioiuoie  Ir  ('.Alalo^ur  di't  obvTTalioii,  .l^tlollOllli- 
cfoea  ,  fpji  était  à  la  difpottlioii  dr  l*toleinee  ou  dcn 
astrunoiiir»  (|ui  l'av.iirut  prictdc  .1  Alcialidi  ir  ,  in 
rrinontail  |M>  plus  liaul  <|ur  la  prrmirrr  aiiire  dr  11 
prince  bahyluoien  ,  Ptolrinee  a  pris  pour  koii  point 
de  di  purt ,  raiinér  rgvptiruneijui  concourait  ou  ipii 
tombait  dans  cette  preiiiii;rr  année  :  r"r»l  à  celte  <  ii- 
coustancr  l/iot-i-lait  particulière. qu'il  faut  r.ipp<jrti'r 
rori,;inc  de  crllc  i-pr  celelire  ,  toute  axtronoinirpip  , 
rt  'pu  n'io:  jasiaia  riend'biftoviijne  (  /'.  VabonA"»- 
Sili     .  S.   M— N. 


PUB 

comprenait  la  partie  orientale  de  la 
Pologne  et  une  portion  de  la  Russie 
d'Europe.  W — s. 

PUBLICOLA  (Publ.-Vallrius), 
l'un  des  fondateurs  de  la  république 
romaine,  desrendait  d'une  famille  du 
])ays  des  Sabins  ,  qui  s'était  établie 
a  Kome  peu  de  temps  après  la  fon- 
dation de  cette  vdie ,  et  il  y  jouissait 
d'une  influence  qu'il  devait  uniijue- 
ment  à  ses  vertus.  Il  s'unit  à  Bruliis 
pour  expulser  les  Tarquins;  et,  après 
l'abolition  de  la  royauté,  il  deman- 
da le  consulat  :  mais  le  peuple  lui 
préféra  Collalin,  mari  de  Lucrèce  , 
persuadé  (jue  le  souvenir  de  son  inju- 
re le  garantirait  de  toute  séduction. 
Valerius ,  piqué  qu'on  ne  l'eût  pas 
cru  ciipablc  de  la  même  fermeté, 
cessa  d'assister  aux  assemblées  du 
se'nat,  et  de  prendre  aucune  part  aux 
affaires  publiciues.  Cependant,  Bru- 
lus  ayant  convoqué  les  sénateurs 
])our  leur  faire  jurer  une  haine  im- 
mortelle aux  Tarquins,  Valeiiiis,  dit 
Plutarque,  descendit  avec  un  bon  vi- 
sage, sur  la  place,  et  fut  le  pre- 
mier qui  jura  (pi'il  n'épargnerait  et 
ii'omettraitricn  pour  la  defensede  la 
liberté.  La  conspiration  qui  s'ourdit 
bientôt  après,  en  faveur  de  l'ancien 
roi ,  fut  découverte  à  Valerius  ,  par 
im  esclave  nom.uié  Vindcx  ;  et,  dès 
qu'il  eut  recueilli  les  preuves  néces- 
saires ,  il  vint  lui-même  la  déijoncer 
aux  consuls.  Brutus  ,  clouirant  les 
scntimcuts  de  la  nature,  prononça  la 
condamnation  de  ses  deux  (ils  recon- 
nus coupables  :  mais ,  après  ce  grand 
effort,  il  se  hâta  de  quitter  le  tribu- 
nal (  V.  Brutus,  VI,  167  );  et  Col- 
latin,  resté  seul,  aurait  sauvé  tous 
les  autres  conjurés,  si  le  peuple,  ex- 
cité par  Valerius,  n'eût  ordonné 
qu'ils  fussent  tous  misa  mort  le  jour 
même.  La  faiblesse  que  Collatin  avait 
nioutrée,  et  Irs  soupçons  répan'iiis 


PUB  279 

sur  sa  lldélitc ,  l'obligèrent  de  se  de'- 
mettre  du  consulat  (  V.  Collatinus, 
IX  ,  '.'S  2  );  et  Valerius  lui  succéda. 
Son  premier  soinfutdc  récompenser 
Vindex  du  service  qu'il  venait  de 
rendre  à  la  chose  publique:  il  l'af- 
franchit, et,  par  une  faveur  spéciale, 
lui  permit  de  choisir  sa  tribu.  Vou- 
lant ensuite  donner  au  peuple  jme 
preuve  de  la  haine  qu'il  poêlait  aux 
Tarquins,  il  abandonna  leurs  riches- 
ses au  pillage,  et  distribua  leurs  ter- 
res aux  citoyens  les  plus  pauvres. 
Dans  la  guerre  qui  suivit ,  Brutus 
ayant  été  tué,  Valerius  prit  le  com- 
mandement de  l'armée,  acheva  la 
défaite  de  l'ennemi,  lui  fit  un  grand 
nombre  de  prisonniers,  et  rentra  dans 
Rome  en  triomphe.  Le  lendemain, 
il  s'occupa  des  funérailles  de  son  col- 
lègue, dont  ilavait  rapportélecorps, 
et  prononça  son  oraison  funèbre.  Va- 
léi  ius  habitait  une  maison  située  sur 
le  Mont  Velia,  d'oîiil  dominait  la  vil- 
le. Il  neparaissaitpassongeràsedon- 
nerun  collègue;  et  le  peuple,  toujours 
soupçonneux  ,  disait  :  «  Il  loue  Bru- 
»  tus; mais ilimiteTarquin.  «Instruit 
de  ces  murmures  ,  il  fit  raser  sa  mai- 
son ,  et  la  reconstruisit  au  bas  de 
la  monlague.  11  supprima  les  ha- 
ches des  faisceaux  qu'on  portait  de^ 
vant  les  consuls,  et  ordonna  qu'on 
les  baissât  devant  le  peuple  :  il 
diminua  l'autorité  des  magistrats,  en 
permettant  d'appeler  de  leurs  juge- 
ments. Toutes  ces  mesures  rendirent 
Valerius  si  agréable  aux  Romains  , 
qu'on  lui  décerna  le  surnom  de 
Publicola  (i),  qu'il  transmit  à  ses 
descendants.  Avantdes'adjoindre  un 
collègue  ,  il  rendit  encore  plusieurs 
lois  favorables  à  la  multitude  ;  porta 
le  nombie  des  sénateurs  jusqu'à  cent 
soixante-quatre,  et  fit  un  règlement 

(ij  Publicola  ou  Populicola,  qui  lionore  le  peu- 
ple. 


a8o 


PUB 


pour  la  perception  «les  deniers  pu- 
blics ,  qui  fuieut  ilc'posés  dans  le 
temple  de  S.ituriie.  H  nomma  consul 
Spurius  Lucrelius  (  le  père  de  Lu- 
crèce ) ,  et  lui  céda  les  faisceaux  ,  à 
cause  de  son  grand  âge.  Mais  Spurius 
étant  mort  peu  de  jours  après,  le 
peuple  élut  à  sa  place  Marc.  Hora- 
tius,  avec  qui  Valcrius  eut  une  con- 
testation pour  savoir  auquel  des  deux 
consuls  appartiendrait  le  droit  de 
dédier  le  tcmplo  de  Jupitfr  (lapilo- 
lin  (u).  Ce  fut  Horatius  qui  l'empor- 
ta. Valérius  était  consul  pour  la  troi- 
sième fois,  lorsque  le  roi  d'Étrurie 
déclara  la  guerre  aux  Romains  afin  de 
les  obliger  à  rétablir  Tanjuin  dans 
ses  droits.  On  peut  voiries  détails  de 
cette  guerre  mémorable,  aux  arti- 
cles PonSENNA  ,  CoCLtS,  Sc.ï-:VOLA, 

ClÉlie  et  TAr.QtiN  le  Superbe.  Il 
suflit  de  dire  ici  que  Valcrius  la  ter- 
mina par  le  seul  ascendant  de  ses 
vertus  sur  un  prince  digne  de  les  ap- 
précier. Pendant  son  quali  iiine  con- 
sidat  ,  il  défit  complitenient  les 
Sabius ,  et  obtint  une  seconde  fois 
les  honneurs  du  tiiomphc.  ]l  mou- 
rut peu  de  temps  après  ,  l'an  de  Ho- 
me l'a  (av.  J.-C.  5oO,  si  pauvre, 
que  sc^AuiérailIcs  furent  célébrées 
aux  frais  du  public.  On  déposa  sts 
cendres  dans  un  tombeau  (|ui  fut  éle- 
vé dans  l'intérieur  de  la  ville,  dis- 
tinction que  l'on  n'arcorJait  que  ra- 
rement. Les  dames  romaines  portè- 
rent le  deuil  de  Publicola  pendant  un 
an,  Plutarcpie  a  écrit  la  l'ie  de  Va- 
lérius,  qu'il  met  en  paralèle  avec  So- 
lon.  W— s. 

PUBLÏUS  SYRLS  ,  poète  mimi- 
que, florissait  a  Konie  l'an  44  avant 
J.-C.  ;  il  était  encore  enfant  lorsqu'il 
fut  emmené  esclave  à  Rome  :  le  nom 
de  Syrus  lui  fut  sans  doute  donné 

(«^  <)n  p*tjt  »oir  ,  pciir  1.  j  .1.  t..,lj  d  •  ...tic  l   n - 
UtUtU>o,  lite-LiTCct  PluUr<juc. 


PUB 

j)arce  «pi'il  vit  le  jour  en  Syrie.  Son 
maître,  cpie  (pieltjues-uns  nomment 
Domitius  ,  charmé  de  sa  gentillesse  , 
autant  que  de  sa  lîgure  et  de  son  es- 
prit ,  lui  donna  une  éducation  très- 
soignée,  et  l'airrauchit  :  ce  fut  alors 
que  Syrus  dut  prendre  le  nom  de  Pu- 
blius.  Il  se  livra  à  l.i  composition  des 
mimes,  comédies  burlesques,  que 
les  Grecs  aimaient  beaucoup  ,  et 
qui  ne  consistait  d'abord  qu'en  dan- 
ses grotesques  et  en  grimaces.  Tcuit 
l'art  de  ces  acteurs  était  de  bien 
imiter.  Ils  joignirent  à  leui-s  danses 
le  burles(pic  de  la  comédie,  et  l'on 
produisit  ce  (pie  nous  appellerions 
aujourd'hui  des  parades  «-n  action. 
Les  mimes  n'eurent  jamais,  ni  la 
régularité  ,  ni  la  (inesse  ,  ni  le  sel 
de  la  comédie  :  ce  n'étaient  que 
des  scènes  sans  intrigue,  sans  liai- 
son et  sans  dénouement.  Malgré  la 
licence  que  les  mimes  empruntè- 
rent de  l'ancienne  comédie  ,  leur 
objet  principal  fut  cependant  de  faire 
rire  par  le  naturel  avec  kvpiel  ils  imi- 
taient les  défauts  et  les  vices  des 
hommes  connus.  II  parait  que,  dans 
les  cortèges  funèbres  des  H(»mains  , 
on  voyait  une  troupe  d'aft<'iirs  mi- 
miques dont  le  chef,  nommé  archi- 
mirniis^  contrefaisait  les  discours  et 
les  gestes  du  mort  (  f^.  Vespasien  ). 
PubliusSvrus  ,  après  avoir  obtenu  de 
grau'^  applaudissements  dans  plu- 
sieurs villes  d'Italie ,  vint  à  Home 
pendant  les  fêtes  (pie  donnait  Jules- 
César.  11  provoqua  à  un  combat  lit- 
téraire les  poètes  qui  travaillaient 
alors  pour  les  jeux  scèni(pies.  Tous 
acceptèrent  le  défi ,  et  tous  furent 
vaincus.  Jules  César  lui  accorda  mê- 
me la  préférence  sur  Labérius,  cheva- 
lier romain  (  F".  Lakébius).  Piiblius 
Syrus  tempéra  la  licence  des  scènes 
mimiques  par  des  traits  nombreux 
de    morale.    Plusieurs   témoignages 


PUB 

des  anciens  prouvent  que  ce  poète 
jouissait  d'une  liauîe  leputation  dans 
les  plus  beaux  siècles  de  la  littc'ra- 
turo  romaine.  Sc'ncquelui  donne  de 
iirands  éloges  ,  et  saint  Je'ioine  dit 
que  les  Romains  le  lisaient  dans  leurs 
écoles  publiques  (JE^pi,jf.  adLœtam). 
De  très  -  bonnes  pensées  morales  , 
exprimées  avec  une  précision  très- 
remarquable  dans  un  seul  vers  iara- 
bique  et  trocha'ique  ,  composent 
les  sentences  de  Publius  Syrus  ;  elles 
nous  ont  été  conservées  par  Aulu- 
gelle ,  ÎNIacrobe  et  Sénèquc.  On  les  a 
plusieurs  fois  imprimées  à  la  suite  de 
Sénèque  ou  des  fables  de  Phèdre.  La 
plus  aiicicnne  édition  citée  par  Fa- 
bricius ,  est  celle  qu'Érasme  publia 
eu  i5o'.i  (  Bàle  ,  in-4".  )?  d'après 
uu  manuscrit  de  Cambridge.  Les 
meilleures  éditions  sont  celles  de 
Gruter,  d'Havercamp  et  de  Zwiu- 
ger.  M.  Levasseur  a  donne  ,  en 
1811  (Paris,  L'ihiillier,  in-S".  ) 
une  édition  de  ce  poète  mimique, 
avec  des  notes  explicatives  dans 
le  genre  de  celles  de  Jean  Bond. 
Le  texte  est  conforme  à  celui  de 
Gruter  et  d'Havercamp  ,  avec  les 
corrections  proposées  par  l'ingénieux 
Bentley.  Dans  les  éditions  précé- 
dentes ,  les  sentences  de  Labérius  et 
de  Senèque  furent  confondues  avec 
celles  de  Publius.  Le  tout,  rangéordi- 
nairement  par  ordre  alphabétique  , 
forme  neuf  cent  quatre-vingt-deux 
vers.  La  nouvelle  édition  ne  conserve 
que  celles  de  Publius  Syrus;  et  l'édi- 
teur y  a  joint  luie  traduction  litté- 
rale en  prose  (i).  Enfin  l'édition  la 
plus  complète  est  celle  de  J.  G.  Orcl- 
lius,  Leipzig,  1822,  in-S".  camno- 


(t)  Une  trailuctiou  en  vers  français,  de  seateii- 
ces  tirics  de  Syrus  et  d'autics  auteurs  ,  [ireccdée  de 
celle  des  Distiques  de  Caton ,  avec  Je  texte  ktiu  , 
forme  le  Stipplément  <tii  Puili'J'euillc  d'un  rentici , 
par  P.  S.  S.  (PoaD  de  St.  Simon  )  ,  Paris,  i-tf) , 
in-iS. 


PUC  281 

tis  variorum,  et  avec  la  traduction 
grecque  de  Scaliger.  Z. 

PUCCI  (François)  ,  d'une  famille 
noble  et  ancienne  de  Florence  ,  an- 
nonça, dès  son  enfance,  une  grande 
disposition  pour  l'étude  ;  ce  goût  le 
suivit  à  Lyon  ,  où  il  s'était  rendu 
pour  entrer  dans  le  commerce.  11  y 
recherchait  la  société  des  gens  de 
lettres,  et  se  plaisait  surtout  aux 
controverses  des  théologiens  catho- 
liques et  protestants.  Naturellement 
curieux  et  avide  de  nouveautés  ,  il 
adopta  insensiblement,  du  moins  en 
partie,  les  opiinons  dos  derniers.  Dès 
ce  moment ,  il  abandonna  son  état 
de  commerçant,  passa  en  Angleterre, 
et  alla  se  mettre  sur  les bancsdc  théo- 
logie  à  Oxford  ,  où  il  prit  ,  en  1 574, 
le  degré  de  maître-ès-arts.  Son  Trai- 
té De  Fide  in  Deiim  ,  quce  et  (jualis 
sit ,  où  il  combattait  ouvertement  les 
dogmes  du  parti  calviniste,  qui  do- 
minait dans  l'université,  lui  atliia 
de  nombreux  ennemis ,  et  lui  fit  man- 
quer une  chaire  de  professeur;  ce 
qui  l'obligea  de  se  retirer  à  Bàle  , 
où  il  fit  connaissance  avec  Fauste  So- 
cin,dontilaccueillit  les  opinions.  Les 
théologiens  de  cette  ville  le  forcèrent 
de  la  quitter ,  à  cause  de  son  sentiment 
sur  la  grâce  universelle ,  qu'il  exposa 
dansdesthèsesintitulées  :  Universwa 
genus  hurnaTiwn  in  ipsomatris  utero 
efficaciter  particeps  esse  benejicio- 
rum  Christi  et  vitœ  immortalis  et 
beatce,  eîc ,  Pucci  crut  trouver  plus  de 
tolérance  à  Londres;  mais  à  peine  y 
fut-il  arrivé  que  ses  opinions  exoti- 
ques ,  manifestées  avec  trop  de  licou- 
ce,  le  firent  mettre  en  prison.  A ]irès  eu 
ctresorti ,  il  se  réfugia  en  Hollande  , 
et  entretint  inie  correspondance  avec 
Fauste  Socin,  qu'il  combattit  cepen- 
dant sur  certains  points  ,  dans  son 
Traité  De  Immorlalilale  naturaU 
primi  hominis  unie  pcccaiwn.  11  eut^ 


•i8j 


PUC 


a  Anvers ,  clos  lîisputes  avec  les  thco- 
lo<^iciis  de  toutes  les    lelinions  :    a 
Cracovic  ,  il  trouva  ilciix  alcliiinistcs 
anf;lais,    qui  riiiiticreiit    ilans    leurs 
mystères,    csperiiit   tirer   parti  de 
sa  rcfpulatiou  et  de  sou  savoir.   Ils 
lui   persuadèrent  ,    que  ,    par    leur 
commerce  avec  certains  e>prils  ,  ils 
avaient    le    privilège    de   découvrir 
beaucoup  de    choses   inconnues  au 
leste    du    genre   lnnnain.   La    lettre 
latine  qu'd  leur  adressa  ,  en  i  583  , 
atteste  jusqu'à  quel  point  il  était  leur 
dupc(  f^^"^'.  DtE  et  KtLLKV  ).  Mais 
cnlin,  ayant  ouvert  les  yeux,  il  cul 
des  conférences  avec  l'évèquedc  Plai- 
sance, nonce  du  pape  à  Prague  ,  et  lit 
une  rétractation  publique  de  ses  er- 
reurs ,  eu  I  3f)">.  (Jii«I(pirs  années  au- 
paravant .  il  avait  dédié  au  pape  (.\é- 
iniiit  Vlll    l'uuvrage  suivant  :  J)e 
Chisti  Sitlvatoris  rtfuacilate  omni- 
bus et  iin^idis  hoininibiis  fjuatenus 
hnmines  sunt  ,  assert io  catholicn  , 
tic, Gouda,  i3()i,in-H«*.  I/autcurse 
proposait  d'y  proaver  par  la  raison  , 
par  ri'ilcrit'Jre  cl  par  les  SS.  Pères, 
<jiic  J.'sus-CIinst,  en  mourant  ,  a  sa- 
tisftit  pjur  tous   les    liomnies  ,  de 
manière  que  tous  ceux  qui  ont  une 
connaissance  naturelle  de  Dieu  ,  se- 
ront sauvés  ,    quoiqu'ils  n'aient  au- 
cune conuiiisauce  de  Jésus  Christ , 
opinion  directement  contraire  a  la 
parole  même  du  Sauveur,  qui  dit 
que  personne  ne  peut  aller  au  Père 
que   par  le  (ils,  cl  que  ceux  qii  ne 
croiront  point  au   lils  «.eront  con- 
damnés  {Joann.   Xlf  ,    {'y;  Marc 
Xn,    i(J  ).    Puce»  ,    après    avoir 
fait  pénitence  de  ses  erreurs,  fut  or- 
donné prèire.  Il  devint  secrétaire  du 
rardinal    Porapoi    d'Arag'^n    ,  chez 
lequel  il  mourut,  en  1600.  Il  avait 
i.jit  les  deux  vers  suivants ,  qui  attes- 
tent la  sincérité  de  sa  conversion  , 
pour  être  gravés  sur  ^a  fomUe  : 


PUC 

Invem  ftoilum  ,  tpet  rf /ÎV-tuna,  valeir  -. 
yU  mihi  vobiscum  ,-  liuiite  nuni-  altos. 

Col  article  a  été  rédigé  d'après  Dodd , 
(pli  a  tr.ivaillé   sur  des   niainiscrils 
originaux.  Ou  n'y  trouve   rioii   qui 
puisse  juslilicr  ce  que  dit  le  nouveau 
Dictionn.  histor.  critiq.  et  bihliogr. , 
que  Pticci,  étant  n  venu  à  ses  erreurs, 
fut  arrêté  par  ordre  de  l'evêtpic  de 
Salt/hnirg  ,  qui  l'envoya  à  Uoiiie,  où 
il  fut  brûle.  On  peut  consulter  encore 
la  Dissertation  d'ittig  :  JJc  Puce  a- 
nisiiio,  cl  la  Disser:.ilion  de  J.  H.  de 
Gaspari  :  JJc    vitd  ,  fatis  ,   ojn'rihus 
et  oiHtiionibus  Fr.  J'iiccii  Fdiiiini , 
dans  la  Xiiwa  liaccolla  Calogerana, 
tome  3o,   Venise,  i77<3.     A — d. 
PUCCIO.  f'ov.  Capanna. 
PUCKLLE  ;  He >É  ),  abbé  «le  Cor- 
bigni ,  conseiller  au  p  irleituiit  ,  né  à 
Pans  ,  le  i''.  février  i(j33,  était  (ils 
d'un  avocat,  et  nev«'u,  par  sa  mère, 
du  maréchal  de  Catinat.  li  cuira  d'a- 
bord au  service  ,  et  (il  quelques  cam-- 
pagnes  comme  volontaire.  1-e  désir 
de  s'instruire  l'engagea  ciisui  le  à  voya- 
ger ;  il  visita  l'Italie  et  l'Allemagne. 
De  retour  a  Paris,  il  se  décida  pour 
la  magisiraluie  ;  et  après  avoir  passé 
que'cpic  temps  au  séiniiiaire des  bons- 
Ku('a:its  ,  il    prit  le  soudiacoiial  ,  £t 
acheta  une  charge  de  consedlerclerc 
au  parlement.  Sa  conduite  y  lut  celle 
d'un  luagislrat  intègre,   laborieux, 
exact  à  remplir  tous  ses  devoirs.  Il 
passa,  en  170.*  ,  à  la  grand'cham-brc, 
et  se  lit  remarquer,  lorsqu'après  la 
mort  de    Louis  XIV,  le  parlement 
prit  ipiehpie  part  à  l'adminiNlralion 
des  allaires  de  l'état.  Le  duc  d'Or- 
léans le  iioinmi  membre  d'un  conseil 
de  conscience.  L'abbé  Puccllc  acquit 
alors  une  assez,  grainic  influ  nciulans 
sa  compagnie. Outre  sa  capai  itépour 
les  atfaires  ,  il  avait  le  talent  de   la 
parole,  la  repartie  vive,  et  l'art  de 
ma;iier  l:s  esprits.  Dévoué  aux  in- 


PUC 

térèts  de  son  corps ,  et  enclin  à  en 
clendrc  les  pre'ro«a;atives  ,  il  se  mon- 
tra toujours  inflexible  contre  la 
cour  cl  les  ministres.  On  le  re- 
gardait comme  le  chef  d'une  oppo- 
sition qui  se  forma,  peu -à -peu, 
dans  le  sein  du  parlement,  et  qui 
s'accrut  par  la  faiblesse  et  les  va- 
riations du  mitiislère  :  cette  oppo- 
sition fut  surtout  nourrie  par  les 
contestations  élevées  alors  dans  l'É- 
p;lise;  et  la  direction  que  piil  l'abbc 
Pucelle  dans  ces  disputes,  tenait  à 
son  caractère,  à  ses  liaisons,  et  à  ses 
habitudes  assez  frondeuses.  S'il  se 
pièla,  en  1720,  à  l'accommodemeiit 
concerte'  alors,  on  le  vit  toujours 
depuis  favorisant  le  parti  ojiposë  à 
la  Bulle,  et  luttant,  avec  pius  ou 
moins  de  succès,  contre  la  marche 
suivie  par  le  ministère.  Les  Uccucils 
du  temps  contiennent  ses  discours, 
qui  olï'renl  souvent  nne  extrême  vi- 
fiucur.  L'abbé  Pucelle,  il  faut  bien 
l'avouer  aujourd'hui ,  eut  la  faiblesse 
de  se  déclarer  pour  les  miracles  du 
diacre  Paris,  et  de  vouloir  entraîner 
sa  conip,ip;nic  à  en  prendre  la  dé- 
fense :  la  chaleur  qu^d  montra  dans 
celte  occasion,  lui  attira  un  cxd.  Il 
cul  ordre,  en  lyS^,  de  se  retirer  à 
son  abbaye  de  Corbigni ,  au  diocèse 
d'Autun.  De  retour  à  Paris  ,  lorsque 
la  paix  eut  été  faite  entre  la  cour  et 
le  parlement,  il  déploya  la  même  vi- 
vacité ,  jusqu'à  ce  que  ràt:;e  et  les  in- 
firmités l'obligeassent  à  se  rctirerdes 
airiires;mais  il  ue  se  délit  point  '!tsa 
charge  ,  et  mourut  nonagénaire  ,  le 
7  janvier  1745  :  il  était  doyen 
des  conseillers-clercs  ,  et  le  plus  an- 
cien magistrat  de  sa  compagnie.  Les 
appelants  lui  ont  déocrnc,  à  l'envi , 
des  élogfs  ;  et  il  est  vrai  que  ce  ma- 
gistral avait  des  t.ilenls  et  des  qualités 
qui  lin  donn.iienl  droit  à  l'cslinjc  ; 
mai«  il  éponsa  trop   vivenjcnt  nne 


PUF  -283 

cause  qui  flattait  son  esprit  d'oppo- 
sition ,  et  qui  l'entraîna  ,  dans  sa 
vieillesse ,  à  des  démarches  assez 
voisines  du  ridicule.  L'abbé  Pucelle 
était  resté  soiidiacre  ;  on  a  publié  de 
lui  des  lettres  à  M.  Soanen,  évêque 
de  Sciiez  :  elles  prouvent  entre  eux 
une  entière  conformité  de  sentiment. 

P— C— T. 

PUENTE  (  De  la  ).  Foj.  Pont 
et  PoNz. 

PUfENDORF(  Samuel),  un  des 
])lus  grands  publicistes  et  historiens 
du  dis -septième  siècle,  et,  selon 
Biiliic,  le  premier  qui  ait  donné  une 
forme  systématitpie  à  tout  l'en^^^em- 
ble  du  droit  naturel,  s'éleva  ,  par  son 
seul  mérite,  à  la  faveur  des  princes 
et  à  la  fortune.  Fils  d'un  pasteur  de 
Dippoldswald  ,  village  de  la  Misnie, 
et  né  le  8  janvier  i63'2  (i),  il 
reçut  de  son  père  la  première  ins- 
truction. Il  étudia  ensuite  les  huma- 
nités à  l'école  de  Grimma,  la  théo- 
logie à  l^eipzig,  et  la  |)hilosophic 
sous  VVeigel ,  à  Icna  :  ce  fut ,  tJe  tou- 
tes ses  études  ,  celle  qui  lui  plût 
dcivaniage.  Par  bonheur  pour  lui , 
son  maître  ,  au  lieu  de  conduiio 
ses  élèves  sur  le  terrain  aiidedela 
scholaslique,  leur  enseignait  une 
science  plus  raisonnable,  et  qui  mé- 
ritait mieux  le  nom  de  philosophie: 
i!  leur  apprenait  surtout  à  laisonner 
avec  la  précision  des  géomètres. 
Etant  mis  une  fois  sur  celle  route,  le 
jeune  P.ifendorf  y  lit  plus  de  chemin 
qtic  son  maître,  et  tira,  dans  la  suite, 
d'heureux  fruits  de  la  méthode  de 
Weigel  ;  mais  peut-être  fut-elle  aussi 
la  cause  de  la  sécheresse  qui  règne 
dans  les  écrits  de  Pufendorf,  où  il 
eût  fallu   substituer    quel([nefois   à 

(i)  Suivant  J.i-clii'r ,  Il  nai|iiih  à  Flohe,  près  de 
CliemnitT,;  m»is  des  rechiTcliis  ultérieures  iionsa))- 
preiiupnt  que  sou  lieu  natal  l'ut  le  bourg  même  de 
Chcranitz  ,  où  sou  père  était  pasteur,  en  iG37../'ry, 
\es..iula  philo$ophornm  ,  part,  i  8  ,pag.  y^O  ^*  '"'v. 


a84  PUF 

l'exactltiidc  lie  h  dcinoustratiou  les 
fleurs  (lo  rini.igiiintioii  ou  le  iiionvc- 
ntriit  (lo<i  .ictiuiis  ilr,iriiatii|U('s.  Plein 
tiv  l.i  pliiltKopliip  tie  Dcscailos,  de 
la  iiiri>|»i  iitlrmcdi- (.iroliiis,  (ju'il  lut 
avec  avidilc ,  el  Je  la  uictliudc  ri^ou- 
rcu>cdc  Wci^îcl ,  il  oflVil  ses  services 
k  sa  pairie:  mais,  étaut  sans  protec- 
tion ,  et  n'ayant  encore  donne  au- 
cune preuve  de  talents ,  il  n'essuya 
(pic  des  refus  ou  de  vaincs  promes- 
ses, et  s'estima  heureux  d'obtenir, 
en  i<)"»8,  iuie  |)la(e  d'instituteur  au- 
nros  du  lils  du  ministre  de  Suède, 
baron  cle  Ooyet ,  prés  la  cour  de  Da- 
ucmarL..  M.iis,  arrive,  avec  la  lé;;a- 
tiou  ,  à  Copenliaçuc,  au  monicui  de 
la  rupture  entre  les  cours  de  Dane- 
mark et  lie  Suitle  ,il  fut  arrêté  , lui  et 
toute  sa  famdle,  et  ilemeura  captif 
peiiiiaiit  huit  mois.  Ce  malheur  de- 
vint la  source  indirecte  de  son  clév.i- 
tion  future.  Kn  etiet ,  dans  les  loisirs 
de  sa  captivité,  ilaprofonditles  prin- 
cipes  de  Grotiiis ,  d'Hobbis  et  de 
Cumberland  sur  la  société  humaine 
4 1  sur  le">  rapports  des  homme*  entre 
eux.  Il  lui  parut  (piécette  matière  im- 
portante u'avait  pas  encore  été  cnvi- 
saf;ce  sous  toutes  les  faces,  et  'pi'ellc 
était  susceptible  de  nouveauxdévc- 
loppemenls.  Il  jeta  ses  pensées  sur  le 
papier;  mais,  ayant  encore  des  sou- 
venirs récents  de  la  méthode  de 
Weigel  ,  il  proct^a  par  axiomes  , 
théorèmes  «t  corollaires  ,  et  pu  la  en 
géomètre  des  plus  hauts  intérêts  de 
l'espèce  humaine.  11  se  ren«lil  ,  en 
itkio,  avec  son  manuscrit,  d.ins  la 

f latrie  de  Gruttus  ,  le  lit  imprimer  à 
a  Haye,  sous  le  titre  d' hUinents 
iLr  juiisprudetice  univenelle  ,  et  le 
«ledia  à  l'électeur  palatin ,  Charles 
l.oiii».  Ce  prince  reconnut  ,a  travers 
l'ariditcdu  style  d'un  lualhc'aialicien, 
des  pensées  profondes  et  un  ensem- 
ble de  );raiides  vues  :  il  cun^ut  l'idée 


PUF 

de  crder  ,  pour  Pufendorf  ,  une 
ch.?ire  de  droit  naturel  et  des  <ç,vus\ 
ensii^iieiuiut  dont  il  n'existait  pas 
encore  île  modèle  ,  par  la  raison  , 
bien  simple  ,  <|ne  jusqu'à  la  fiuiestc 
scission  du  xW^.  siècle,  le  droil  di- 
vin ,  ce  dopme  conservateur  des  états , 
formait  en  (piel(|ue  sorte  le  droit  pu- 
blic de  l'Kurope,  el  domin:!il  dans 
toutes  les  écoles.  En  i(i(ii,  Pulcn- 
doif  coniineiu,M  ses  <t)uis  à  lleiilel- 
berj^,  el  eut  bientôt  unaudiloueiioiii- 
breiix.  Kucourape  et  réc(iiupen;:é  ,  il 
se  livra  depuis  ,  avec  une  niuivelle  ar- 
deur, à  l'investij^atioii  des  droits  na- 
turels et  des  devoirs  et  (»bli^al  ions  dos 
hommo  réunis ensociélé, et  recueillit 
les  matériaux  de  ses);rands  ouvrages. 
L'éditeur  l'eiiga-^ea  aussi  à  jeter  (piel- 
cpies  lumières  sur  l'origine  de  ce 
corps  à  cent  tètes  ,  qu'on  appelait 
l'Kiupire  gerin.iuiipic  ,  «t  qui  présen- 
tait un  assemblage  bi/.aiic  de  prin- 
ces, de  petites n'publiques, de  prélats 
et  de  chevaliers  ,  tous  plus  ou  moins 
souverains.  Cet  état  de  choses  avait 
toujours  paru  si  sacré,  que  personne 
n'avait  son<:cà  eniiioulrer  les  vices. 
Tout  au  plus  a\ait-<Mi  permis  au  trai- 
té lie  Westphalie  d'v  apjiorter  quel- 
«pies  modifications.  Piifcmlorf  eut  le 
courage  de  remonter  a  l'oiigine  de 
cet  assemblage  informe,  d'en  exposer 
les  droits  ,  d'en  montrer  les  usurpa- 
tions et  les  défauts  ,  el  de  ()roposer 
des  remèdes  aux  grands  abus  (pu 
s'y  étitient  glissés.  Cependant  ,  pré- 
voyant la  rumeur  que  sou  ouvra- 
ge all.iii  produire  dans  le  saint  eni-  \ 
pire  romain  ,  il  envoya  le  maiiiis-  jl 
crit  a  son  frère  haie,  alors  am- 
bassadeur de  Suède  à  Paris;  et  celui- 
ci  le  lit  imprimer  sous  ce  litre:  Un 
statu  iinpciu  Gerinuiuci  ,par  Scvc 
rin  Moii7.anibano  de  Vérone  ,  i !>(>']. 
I.a  rumeur  fut  grande  en  ellct,  dans 
riCiupire,  à  rapparitiuii  de  ce  livrt. 


PUF 

Ij'Autriclienc  pouvait  revenir  de  son 
ctonnoincnt,  nu  sujet  ilc  la  tc'mcrUc 
(l'un  autour  qui  prétendait  porter  la 
lumière  jusque  dans  la  clianrcllerie 
de  ri^mpirc  germanique.  Pufcn- 
tÏMidorf  défendit  son  livre,  sans  oser 
s'en  déclarer  l'auteur  :  son  Traite 
fut  mis  à  l'index  à  Vienne;  on  dit 
même  que  le  bourreau  eut  ordre 
de  le  brù'.or.  Depuis  ce  temps,  d'au- 
tres publu'isles  ont  mieux  éclaire  en- 
core que  Pufendorf  les  droits  et  les 
devoirs  des  membres  du  corps  ger- 
manique, sans  que  personne  ail  ose 
crier  au  scandale  :  tant  la  didèrcnce 
des  temps  est  grande.  Sou  ouvrage 
n'en  fut  jins  moins  rcimpnmc'et  tra- 
duit plusieurs  fois  :  mais  ,  pour  l'au- 
teur ,  il  ne  se  crut  pas  en  sûreté  en 
Allemagne;  et  il  accepta  volontiers 
la  cliaire  de  droit  naturel  ,  que 
lui  oiTrit,  en  1O70,  le  roi  de  Suè- 
de, Qharles  XI,  qui  venait  de  fon- 
der une  université  à  Lund,  en  Sca- 
nie.  Il  y  porta  les  fruits  de  ses  mé- 
ditations; et  ce  fut  à  Lund  qu'il  mit 
au  joui',  deux  ans  après  son  arrivée, 
le  Traité  du  droit  de  la  nature  et  des 
gens  ;  ouvrage  plein  de  reflexions 
solides,  exposées  d'une  manière  lu- 
mineuse ,  et  enchaînées  avec  ordre. 
Quoique  ni  Grotius,  ni  Pufendorf 
n'aient  pénétré  peut-être  assez  avant 
dans  la  nature,  pour  pouvoir  expli- 
quer les  premiers  droits  des  boni- 
mcs  ,  l'un  et  l'autre  eurent  le  mé- 
rite de  substituer  des  raisonnements 
lumineux  aux  définitions  barbares 
qui  n'expliquaient  rien.  Il  y  a  ,  selon 
M.  lenisch  ,  cette  différence  entre  le 
livre  de  Grotius  et  celui  de  Pufen- 
dorf ,  que  le  premier  est  rempli 
d'une  érudition  classique,  et  le  se- 
cond plus  à  la  portée  de  tous  les  lec- 
teurs ;  que  Grotius  s'occupait  peu  des 
principes  ,  et  que  Pufendorf  y  reve- 
nait toujours  ;  que  le  livre  du  premier 


PUF 


a85 


est  bon  à  consulter ,  et  que  celui 
du  second  présente  un  Traité  plus 
susceptible  d'être  lu  d'un  bout  à  l'au- 
tre ;  enfin  que  Pufendorf  a  quelque- 
fois réfuté,  avec  succès,  son  pré- 
décesseur, mais  que  Grotius  a  l'a- 
vantage d'avoir  pénétré  ,  «ous  (piel- 
ques  rapports  ,  plus  profondément 
dans  son  sujet.  On  peut  ajouter  qu'il 
montre  plus  de  modération  que  Pufen- 
dorf dans  ses  préventions  contre  l'É- 
glise romaine,  (.i)  «  En  recherchant 
»  ce  principe  des  droits  et  des  devoirs 
»  de  l'homme,  dit  Huhle  dans  son 
))  Histoire  de  la  Philosophie  mo- 
»  derne,  Pufendorf  distingua  le  pre- 
»  mier  la  raison  et  la  révélation 
))  comme  deu^  sources  de  connais- 
»  sauces  essentiellement  difféi'entes. 
»  C'est-là  un  des  principaux  services 
»  qu'il  rendit  à  la  science.  Il  admet, 
»  avecCirotius,  que  la  sociabilité  est 
»  le  principe  naturel  des  droits  et  des 
»  devoirs  :  aussi  donne- t-on  le  nom 
»  de  Socialistes  à  ses  sectateurs.  La 
))  religion  ne  doit  entrer  en  considé- 
»  ration ,  dans  le  droit  naturel ,  que 
»  parce  qu'elle  resserre  encore  davan- 
»  tage  les  liens  de  la  société ,  et  qu'en 
•»  prescrivant  à  l'homme  des  devoirs 
j)  envers  lui-même  et  envers  les  au- 
»  1res ,  elle  le  rend  plus  apte  à  rem- 

»  plir   le   but   de   la  société 

»  Pufendorf  croyait  que  les  idées 
»  fondamentales  de  la  morale  peu- 
»  vent  être  déterminées  avec  une 
»  certitude  apodictique  d'après  des 
»  principes  indubitables  ,  et  que  la 

(2)  Qiioi<nie  l'iifciidoH  montre  ])cu  do  modéra- 
tion l(irs>|u*îl  narle  dfi  l'Kglisc  romaine  et  des  sou- 
verains i>ontifes;  il  convient  cependant  que  «  la 
»  suppression  de  l'autorité  des  |)apes  a  jeté  dans  le 
»  monde  des  germes  infinis  de  discorde;  car  n'y 
»  ayant  jilus  d'autorité  souveraine  pour  terminer 
)i  les  disputes  <jui  s'élevaient  de  toutes  paits,  on 
»  a  vu  les  protc-itauts  se  diviser  entre  eux  ,  et  de 
>i  leurs  propres  mains  déchirer  lenr»  entrailles, //t- 
rere  protestantes  in  s:ia  i//sorHm  visceia  riepe- 
riint  {  Pufendorf  De  monarch.  pont,  roni  ).  L'aveu 
est  précieux  quand  il  sort  de  la  bouche  d'un  aus6i 
savant  luthérien.  G — RD. 


ti8G  PDF 

»  méthode  inatliématiqHc  leur  est 
M  par  cotisequciU  applicililc.  Il  ilc- 
w  veloppc  donc  les  principes  et  les 
»  caractères  des  actions  inoralis  ; 
n  détermine  le  rapport  de  la  rai>oii 
»  à  Id  moralité  ;  explique  la  coiis- 
»  cienrc  ,  4'ij;norance  ,  l'erreur,  etc. 
u  Puis  il  fixe  la  loi  {générale  pour  la 
»  moralité  des  actions  ,  et  discute  ce 
V  qu'on  doit  entendre  par  maxime, 
»  loi, droit. oblip;atioii,  action  bonne 
u  ou  mauvaise,  etc.  Dans  le  second 

•  livre  ,  il  traite<lu  rapport  de  la  na- 
M  ture  humaine  a  la  Kgalilé  ,  et  tait 
»  voir  que  l'anarchie  ,  ou  l'elat  de 
»  nature  admis  par  Hobhès ,  est  en 
M  contradiction  totale  avec  elle.  Mais 
»  le  droit  de  natuiè  n'a  pas  nccessai- 
11  reinent  besoin  d'exister  avant  la 
»  loi  :  \\  ne  repose  pas  non  plus  sur 
1)  le  cousentenient  unanime  des  i)eii- 
«  pies  ,  ou  sur  l'utilité,  ou  sur  le  lé 
»  moi'^najje  de  la  conscience;  il  est 
»  uni  |iieiMenl  le  fruit  du  besoin  na- 
»  tiirel  de  l'homme,  qui  donne  nais- 
»  sance  aux  droits  et  aux  oblif^a- 
»  lions.  Dan^  le  lioisièmc  livre  ,  l'u- 
9  fendorf  examine  les  prin<ipes  du 
»  droit  des  hommes xiitre  i  ux  :  n'of- 

•  iVnser  personne  ,  reparer  le  m.d 
0  qu'on  a  causé  ,  etc.  Le  quatrième 
»  renferme  les  principes  diidruil  sous 
y»  le  rapport  du  li  manifevlatioii  de 
»  nos  seiiiiraents  ,  la  V(  litc,  le  men- 
»  soupe,  le  serment.  Ensuite  il  s'uc- 
s  cnpedu  droitde  propiie'.c-  Le  cin- 
»  qiucnie  livre  traite  du  prix  de» 
»  choses,  des  conventions. etc. Uan*le 

•  sixième  on  trouve  des  recherches 
»  sur  l'oricine  du  droit  de  domiiia- 
»  tion  ,  des  droits  du  mariajjc  ,  des 
»  relations  entre  parents,  et  entre 
V  maître  et  serviteur.  Ces  objelh  con- 
»  «luisent  Piifendorf  a  développer 
)»  le  droit  publique  dans  le  septiè- 
I)  me  livre.  Le  huitièrac  enfin  est 
»  consacré  aux  principaux  objets  du 


PUF 

»  droit  politique,  aux  qualités néces- 
»  saires  des  lois  sociales  ,  aux  droits 
»  du  pouvoir  souverain  sur  la  vie  et 
»  1(S  biens  des  citovens,  aux  droits 
»  de  la  gucri  e  et  de  la  paix ,  et  ayssi , 
u  par  occasion,  à  quelipies   points 
»  du  droit  des  gens  ».  (^et  ouvr.i^e, 
qui  fut  traduit,  réimprimé  et  com- 
menté dans  presque  toute  l'Europe  , 
irrita  si  fort  deux  lumimes  de  Li:nd  , 
le  professeur  Heckinann  et  le  pasteur 
Scli\\ar7,(pi'ils  le  dénoncèrent  auprès 
del'evèque,  vieillard  jirescpie  twnibé 
eu  enranee  ,  et  le  lireiit  condamner. 
Pufendorf  se  venf;ea  dans  une  bro- 
chure où  il  rendit  ses  adversaires  ri- 
dicules ;  mais  il  ne  put  se  soustraire 
aux  censures  acerbes  des  érudits.  Il 
veut  même  un échanj^ed'injures, em- 
preint (le  toute  la  rudesse  de  latinis- 
tes emportés  (3\    Le  j;ouveiiienunt 
suédois  iin|Misa  silence  aux  deux  aii- 
taponisles  de  Piifeiulurf;  ils  irftdici- 
n-nl  pas,  et  fui  eut  bannis  (lu  royaume. 
U  ne  annéeapièsavoir  donne  son  Trai- 
te du  droit  naturel ,  il  en  lit  paraî- 
tre une  espère  d'abrégé  qui  n'eut  pas 
nutins  de  succès,  et  (|ui  est  connu,  en 
France,  ]»ar   la   traduction  de  l>ar- 
bevrac.  On  juj^ea   (pi'un   savant  qui 
avait  débrouillé  les  cléments  du  droit 
piimitif  .  serait  très-propre  ;•  écrire 
l'histoire:  en  con.«éqiieitee,  il  fiit.ip- 
nelé  à   Stockholm  ,  et  revêt  u  de  la 
charge  de  .secréfaire-d'élat  et  d'his- 
toriographe. Tontes  les  archives  lut 
furent  ouvertes  ;  il  fut  à  portée  de 
eonsuller   les    hommes  qui    avaient 

.1.  c'iiuaivn^n  ri>ll;t<|iir   jair  une  ■/.<■«'- 

.  nira  X"  ".  Piifi.d.'ifl,  rx-ciahilrt 

I  ntitt  aitibitt  iUe  Confia  oninein  vrn- 

'  Liu.n    ■  I  jri  luim  ,  lit  cnrnului  iliiiliiiliis   ri   iiiigu- 

laiii    mriularirnim    aftftx  ^jirr    fiitilia  Jiiii    riilia 

iiioralia     di»lxilica  |>ulo  )  lulv  hoiieito  tl  ei  uJ,lt>  or- 

/•i  inii'.lioie  ri  i^namnmie  inifiuncre  -ifliiil.  El  Pu- 

fvi  dorf  rriioodit  It  cr  Mtoré-  oicia  d'iniiiir..  lir  foo 

i.ii.frin-  I  ..r  uiir  F.//f loin  ailviiiim  /iiiiiini^timum 

\        I  ,ium  ,  loliui  Cermiiniir  rani'ilii'lnrem 

irin  longe  iiiiffiit/rnli."hnitm.  Il  i-ut  )« 

I  ne   L'irhtr  o.llc  r(j>liiiiic'  ruujroyalile 

i(H'    v.u  k  uuni  d"  P.  DuoMi*. 


PUF 

été  ou  témoins,  ou  acteurs,  dans  les 
évc'ncineuts  dont  il  avait  à  faire  le 
récit.  11  écrivit  en  latin  l'histoire  de 
Sue  le  ,   depuis   la   j^uerre  de  'Gus- 
tave-Adolphe en  Alleinaf;ne  jusqu'à 
l'abdication  de  la  reine  Cliristine;  et 
il  consacra  un  autre  ouvrage  à  la  vie 
du  roi  Charles-Gustave.  Ce  sujet  of- 
fre, sans  doute  ,  de  grands  événe- 
ments, des  batailles,  des  exploits  ex- 
traordinaires ,  des  guerres  générales  , 
la  vie  et  l'abdication  d'une  reine  non 
moins  singulière  qu'étonnante;  rien 
ne  manquait  à  l'historien: cependant 
il  n'a  tiré  (ju'un  faible  parti  de  celte 
matière  riche  et  variée.  L'écrivain  est 
julicieux,  méthodique  :  mais  il  man- 
que de  chaleur  et  de  mouvement.  Les 
événements  les  plus  faits  pour  exciter 
de  vives  sensations,  le  laissent  froid: 
«  Il  raconte,  sans  poindre;  et,  com- 
»  me  un  homme  qui,  au  lieu  de  voir, 
»  a  seulenicnt  oui  dire  ,  les  lecteurs 
»  lisent  et  ne  voient  pas  :  sa  narration 
»  marche  toujours  d'im  mouvement 
))  égal  ;   et  nulle  part  des  pensées  vi- 
»  ves  ou  profondes  ne  viennent  rom- 
»  pre  cette  uniformité  ,  »  ajoute  son 
biographe  Icnisch.  Aussi  l'on  a  dit 
de  son  style  qu'il  était  sec  ,   dur  et 
froid  comme    une  proposition    de 
mathémanique.  Dans  quelques  pas- 
sages seulement ,  on  reconnaît  d'heu- 
reuses imitations  de  la  manière  des 
anciens.  Peut-être  les  devoirs  d'his- 
toriographe de  la  cour  ont-ils  impo- 
sé quchpie  gène  à  un  auteur  habitué 
à  écrire  toute  sa  pensée  ;  mais  il  ne 
paraît  pas  que  Pufendorf  ait  possé- 
dé le  génie  de  rhistoire:il  réussissait 
mieux  à  déduire  unenchiînerncntde 
raisonnements  neufs  et  inattendus, 
qu'à  peindre  des  événements.  Cepen- 
dant   la    réputation    de    l'historien 
égala  presque  en  lui  celle  du  publi- 
cisie.  L'électeur  de  Brandebourg,  Fré- 
déric-Guillaume, l'appela  j  en  1686, 


PUF 


'xS-j 


à  Berlin,  pour  lui  faire  écrire  l'his- 
toire de  son  règne,  peu  richecn  grands 
événements:  on  sait  que  cetélecteur, 
qui  se  piquait  d'imiter  Louis  XIV  en 
tout,  voulait ,  comme  lui ,  avoir  des 
maîtresses   et   des    historiographes. 
Pufendorf  ,    nommé  conseiller  au- 
lique,  puis  conseiller  intime  et  as- 
sesseur ,  remplit  néanmoins  sa  tâ- 
che ,  et  la  Cnit  sous  le  règne  de  Fré- 
déric III ,  successeur  de  Frédéric- 
Guillaume.  Celte  Histoire  u^eul  point 
de  succès.  On  lui  demanda  aussi  d'é- 
crire la  vie  de  l'empereur  d'Allema. 
gue ,  Léopold;   mais  il   s'y  refusa, 
dit-on  ,  avec  beaucoup  de  fermeté  , 
soit   qu'il    se   ressouvint   du   mau- 
vais  accueil  fait  à   Vienne    à    son 
livre  sur  l'Allemagne,  soit  qu'il  fût 
las  d'écrire  la    vie   de    souverains 
qui   n'avaient   pas  fait   de  grandes 
actions.  Il  eut ,  en  Prusse  ,    uu  trai- 
tement de  deux  mille  écus  ,  et  ses  (i!- 
les  obtirent   une   pension.    Le   roi 
de  Suède  l'éleva  au  rang  de  baron  ; 
mais  il  ne  retourna  plus  en  Suède  : 
il  mourut  à  Berlin ,  le  26  octobre 
iGç)4-  Suivant  ses  biographes,  Pu- 
fendorf était  un  homme  de  mœurs 
sévères  ,  exempt  de  vanité  ,  et  très- 
laborieux,  même  au   milieu  des  fa- 
veurs dos  cours.  Le  grand  nombre  de 
ses  écrits  fait  foi  de  cette    ardeur 
pour  le  travail.  L'académie  de  bel- 
les-lettres et  d'histoire   de   Stock- 
holm ,  ayant  proposé,  au  concours  , 
l'éloge  du   publiciste  allemand   qiii 
avait  fait  tant  d'honneur  à  la  Suéde, 
décerna  ,  en  1797  ,  le  prix  à  M.  le- 
nisch  ,  de  Berlin.  Cet  éloge,  écrit  en 
latin  ,  est  inséré  dans  le  septième  vo- 
lume des   Mémoires  de  cette  acadé- 
mie ,  S  ockholm  ,   1802.  Pour  l'in- 
dication des  ouvrages  de  Pufendorf, 
nousncsuivrons  qu'en  partie  la  No- 
tice qui  se  trouve  à  la  (lu  de  l'E'oge 
compose'  par  M.  lenisch  ,  en  divi- 


388 


PUF 


santscs  travaux  en  philosoplùqucs  , 
politiques  ,  philolof;i(iiK'S,  et  inelaii- 
^cs.  D'abord  ,  oeuvres  pliilttsoplii- 
qiics  :  1.  Elementa  jnris]>riulenlitv 
naliiralis  methodn  mathemnlicd , 
I.i  Havc,  i()()o.  Pufeiulorf  roineiiait 
lui  -  iiiêine  que  ce  premier  ouvra- 
ge se  ressentait  de  sa  jeunesse.  \\.  De 
existimationc  y  Heiilclherf; ,  \{\{\- . 
m.  De  jure  naluriv  et  î^entium,  lih. 
riii,  Lunil ,  \(J~/i,  in-4"-  ;cumnolis 
variorumà  Gnttl.  Mascoviu,  Leip- 
zig, i'7/|4.''.  vol.  in-/}".  ;trail. eu  fran- 
çais avec  des  notes  par  Harbeyrac  , 
Ainsterd. ,  i  7^9,  1 7  |0  , 3  v.  in-^".  ; 
17J  I ,  lu-S"^. ,  2  vol.  in-4°-  IV.  De 
officiu  homitùs  ac  cù'islil'ri  11,  Lund, 
iti73.in-S".C'cst  l'abregede  l'ouvra- 
précèdent  ;  il  a  ctc  réimprime  plu- 
sieurs fois,  cntrcautresa  Cambiid- 
gc,  1701  ,  in-ra;  Ediiibourg,  ciim 
mnis  Garmirhael ,  1  724  ;  Londres  , 
1735,  et  «758,  cuin  nulis  vnrio- 
nim  et  Johnstnni,  in-8'*.  ;  Leyde  , 
i-fk) ,  cuni  not.  var. ,  'i  vol.  iu-.S". 
îiarbcvrar  l'a  aussi  traduit  en  Iran- 
çais.  V.  Spccimen  contr'iversitirum 
circà  jus  uaturale  ,  Lpsal  ou  plutôt 
Osnabruck,  1O7H.  VL  JJris  ScandU 
ca,  Francfort ,  1686  ,  in-4".  C'est  le 
pamphlet  qu'd  composa  au  sujet  de 
ses  démêles  avec  Hcckinani!.  On  y 
trouve  tout  ce  qui  a  rapport  à  cel- 
te querelle  —  OKuvres  politiques  : 
Vil.  Se^'crini  Monzambnni  l'ero- 
nensis  de  statu  Imperii  gerinamci  , 
i6(3o  ;  trad.  en  français,  Amster- 
dam, i<Wj(),  in- 12.  Ce  ne  fut  qu'a- 
près la  mort  de  Pufendorf  qu'on  ac- 
quit la  certitude  qu'il  e'tait  l'auteur 
de  cet  ouvrage.  VIII.  Dissertalioncs 
academicie  selcctœ  ,  su'C  .'iiiulecta 
poUtica,  Lund,  1O75,  in-8'*.;  Ams- 
terdam ,  ir)<)8,  iu-ia.  IX.  Disserta- 
liu  de  faderihus  inler  Sueciam  et 
GalUain  ,  la  Haye,  1708,  iu-8".  ; 
trad.  en  français  ,    ibid.  ,   1709.  X. 


PUF 

De  habiln  relif^ionis  chrislianœ  ad 
rempublicain,  Hième  .  i()87  ,  in-4", 
XI.  Politische  J)etrachluiigen  dcr 
peistlic/um  Monarchie  desStuhls  zu 
nom.  Halle,  1714(4).  XII.  Dis- 
quisitio  de  repuhlicd  irregulnri  , 
Lund,  i()()i),  iri-i2.  XllI.  JH.sser- 
talio  de  forma  reipublicœ  loma- 
jiœ ,  i6()<)  ,  in-4".  —  Ses  travaux, 
philologiques  consistent  dans  les  édi- 
tions qu'il  a  données  de  Meursii 
miscellanea  laconica  ,  Amsterdam  , 
i()6i  ,  in-4".;  ^^"  Ceramicus  ge- 
viinus  ,  Utrecht  ,  i()()3  ,  in  -  4".  ; 
et  de  Laurembrrgii  Gra'cia  anti- 
f/ua ,  Amsterdam  ,  i()()i  ,  in-4". 
—  Ses  ouvrages  hisfori(pu'S  sont  : 
XI\'.  Georgii  Castriota'  Scander- 
be gi  historia  ,  Sladp ,  1O84  ,  in-i'i. 
XV.  Comment arii  de  rébus  Suecicis, 
ah  expeditione  Gustavi  -  ^'idolphi 
usque  ad  ahdicalionrm  Cliristinœ  , 
Ulreeht.  i()8(l,  in-fol.  \\\.Dcrcbus 
gestis  Ctiroli- Gustavi  SucciiP  régis, 
Nuremberg,  i()()j  ,  \'JM),:>.  vol. 
in-fol.  C'est  le  plus  cslime'de  ses  on 
vrages.  XVII.  J)e  rvbus  gestis  Fre- 
derici  fVilhelmi  magni  electoris 
JJrandenburgici  ,  IJerlin  ,  i()()5  , 
1733  ,  in-fol.  On  a  cru  à  tort  que  la 
dernii'rc  e'dition  avait  été  mutilée  : 
du  moins  OKhichs  ,  dans  ses  Sup- 
pléments aux  historiograplus  bran- 
debourgcois  ,  assure  que  la  réim- 
pression est  eu  tont  conforme  à  l'ori- 
ginal. XVIIl.  De  rébus  gestis  Fre- 
derici  m  electoris  ,  posteà  régis 
commentarinrum  libri  /// ,  Berlin  , 
1784.  Cet  œuvre  posthume  fut  mis 
au  jour  par  le  comte  d'Hci/.bcig. 
XIX.  lunlcilung  zur  Gescbicbte 
dcr  luiapa'iscben  Staalen  ,  Franc- 
fort ,  \(')Hl  ,  in-H'\  ;  trad.  en  fran- 


(  ',)  r.itlc  Drirnpiion  lui 
Vrni/firc  du  /"»/'*?  R**  n'trii 
17.^1  lie  •••n  Intruduclion  «  HiMloirc  <ii'»  iiriiici- 
yant  i  lal.i  di-  l'Iviii'rijM'.  M  y  r<');nc  iior  gniick-  pur- 
li*lil.-.  G  — BD. 


PUF 

çais  par  Rouxcl ,  1 7 1  o,  4  v-  i"-  '  ^  • .  et 

conlinucparOhlcnsclilœger.  La  Mai'- 
linicre  publia  une  oontimialion  fVaii- 
taise  ,  Amsterdam,  i7':i'2;  repro- 
duite avec  l'ouvrage  original  ,  sous 
le  titre  pompeux  (ïlnlroduction  à 
l'histoire  générale  et  politique  de 
l'univers  ;  édition  revue  et  augmen- 
tée par  De  Grâce,  Paris,  17 53  et 
suiv. ,  8  vol.  in-4''.  :  ce  livre  écrit 
d'un  style  lourd  et  d'une  sécheresse 
rebutante,  est,  pourtant,  maigre  les 
inexactitudes  et  les  erreurs  qui  y  do- 
minent, uuc  des  meilleures  produc- 
tions de  l'auteur.  Parmi  les  écrits  sur 
divers  sujets ,  nous  citerons  seule- 
ment :  XX.  Les  Epistolœ  amœbece 
Fufendorfii  et  Groninpi  de  com- 
merciis  pacatorwn  ad  belligéran- 
tes ,  insérées  dans  le  Bibliotheca 
univer^alis  librorumjuridicorum  de 
J.  Groniugius  ,  Hambourg,  1 708  ,  in. 
8**.  —  Isaïe  PuFENDORF  ,  frère  aîné 
de  Samuel,  était  également  un  sa- 
vant et  un  politique  habile  :  il  fut 
chargé  de  missions  diplomatiques 
par  les  cours  de  Danemark  et  de  Suè- 
de, et  fut  pendant  quelque  temps  mi- 
nistre de  Suède  à  Paris  j  il  re- 
présenta ensuite  la  même  puissan- 
ce à  Piatisbonne,  où  il  mourut  en 
iG8f).  On  a  de  lui  divers  ouvrages  , 
dont  les  principaux  ont  été  recueillis 
par  J,-P.  Ludwig  (  Esaiœ  Pufendor- 
Jiiopuscula  àjuvenelucubrata  )  avec 
une  Vie  de  l'auteur,  Halle,  1700, 
in-8''.  On  y  distingue  une  Dissertation 
De  legibus  salicis  ,  et  une  autre  De 
Druidibus.  On  lui  attribue  aussi  les 
anecdotes  de  Suède ,  ou  Histoire 
secrète  des  changements  arrivés 
dans  la  Suède  sous  le  règne  de 
Charles  XI ,  la  Haye  ,  1 7 1 6.  —  Ses 
descendants  existent  encore  dans  le 
Hanovre  :  Tuu  d'eux ,  Frédéric-Isaïe 
DE  PuFENDORF  ,  vicc-présideut  du 
tribunal  de  Celle  ,  mort  en  178.5  ,  a 


PUG  û6y 

publié  plusieurs  ouvrages  sur  le  droit, 
entre  nutvcs:  De  juridictione  germa' 
nicd,  Lcrago,  1740?  1786;  et  Ob- 
servationes  juris  universi  y  Celle  et 
Hanovre,  1744-7G7  ^^ol.;  1780- 
84.  Samuel  n'a  point  laissé  de  des- 
cendants directs.  D — g. 
PUGATSCHEFF.    Fojez  Pou- 

CIIEW. 

PUGET  (Pierre),  qui  fut  en 
même  temps  célèbre  statuaire,  cons- 
tructeur de  vaisseaux  ,  peintre  et  ar- 
chitecte, naquit  à  Marseille,  le  3i 
octobre  1622.  Sa  famille  se  fait  des- 
cendre d'une  maison  déjà  illustre  à 
la  cour  des  comtes  de  Provence  de 
la  première  branchcd'Anjou  ;elles'y 
raiiaclie  par  Christol  de  Pugct,  troi- 
sième fds  de  Jean,  lequel  Jean  fut  qua- 
tre fois  premier  consul  de  la  ville 
d'Aix,en  i54  ',  i:)5o,  i559eti570. 
Simon,  petit-fils  de  Christol ,  et  père 
du  statuaire  ,  était  architecte.  11  pa- 
raît qu'il  mourut  jeune,  et  ne  lais- 
sa qu'un  faible  patrimoine.  L'édu- 
cation de  Pierre  Pugct  fut  extrême- 
ment négligée.  H  s'appliqua  de  bon- 
ne lieurc  aux  beaux-arts  •  mais  il  les 
étudia  mal.  A  l'époque  de  sa  jeu- 
nesse, les  établissements  créés  par 
Louis  XIV  pour  en  aplanir  la  rou- 
te au  génie,  n'existaient  point  en- 
core. L'Italie,  lorsqu'il  alla  y  puiser 
de  l'instruction  ,  était  tombée  dans 
une  décadence  d'autant  plus  funeste, 
qu'elle  croyait  avoir  faitde  nouveaux 
progrès  vers  la  perfection.  Trom- 
pé dans  la  peinture  ,  par  un  maî- 
tre dont  il  dut,  dans  la  suite,  ab- 
jurer les  leçons  ;  sans  guide  dans 
l'architecture,  non  plus  que  dans 
l'art  statuaire;  dominé  par  une  ame 
sensible  mais  ardente ,  par  un  ca- 
ractère brusque  et  impétueux ,  il  se 
montra  pathétique,  gracieux,  grand, 
énergique ,  sublime,  mais  irréguliei-, 
par  la  force  de  cette  impulsion  inté^ 

19 


290 


PUG 


rieare  qu'où  ne  lui  apprit  point  à 
modérer.  La  n.iture  l'avait  fait  ar- 
tiste; et  il  fut  artiste,  cuiuinc  le  vou- 
lait la  seule  u.iture.  A  l'âge  de  qua- 
torre  ans ,  il  fut  place  auprès  d'un 
constnicteurde  galères,  nommé  Ro- 
man, ipii  était  aussi  sculpteur  en 
bois.  A  peine  un  an  s'était  écoule  , 
(pic  Uonian  ,  ne  trouvant  plus  rien  à 
lui  enseigner,  se  reposa  enlièremeut 
sur  lui  de  la  construition  d'une  ga- 
lère. Pugct  ne  se  borna  point  à  en 
diriger  les  travaux  ;  il  en  exécuta  ,  en 
grande  partie,  l«s  sculptures,  de  sa 
propre  main.  Il  était  âgé  de  seize 
ans  quand  ce  bâtiment  fut  lancé  à  la 
mer.  .\  dix-sept  ans,  il  était  en  rou- 
te pour  l'Italie:  il  voyageait  à  pied. 
Arrivé  a  Florence  ,  il  fut  réduit  à  sol- 
liciter des  travaux  pour  subsister.  Sa 
jeurusse,  et  peut-  être  aussi  sa  qua- 
lité d'étranger,  lui  ferniau-nt  tous  les 
ateliers.  Déjà  îcs  bardes  étaient  en 
gage,  lorsqu'il  parvint.!  se  faire  pré- 
senter cher  nn  sculpteur  en  bois, 
qui  exécutait  des   meubles  pour   le 
grand-duc.   Il    lui  fallut  supporter 
plus  d'une  humiliation  ,  avant  qu'on 
lui  permit  de  dégrossit  un  bout  de 
bois.  Quand  ce  travail  fut  terminé, 
il  demanda  la  permission  d'exécuter 
un  scabellon.  Le  maître  jellc  sur  lui 
un  regard  moqueur,  en  lui  disant  ; 
«  En  sere/.-vous  capable?  »  Pugct 
s'était  contenu  iuscpi'à  ce  moment; 
la  patience  enfin  lui  échappe  :  il  sai- 
sit un  i  rayon  ;  et  ,  sans  repondre  un 
seul  mot ,  il  improvise  des  projets 
de  meubles  ,  de  ligures  ,  d'enroule- 
ments ,  d'ornements  de  divers  gen- 
res, avec  tout  le  feu  qui  le  caracté- 
risait. Le  maître  le  regarde  avec  éton- 
nement  :  le  dédain  se  change  en  ad- 
miration; etbieutôt  l'esiimcqu'il  con- 
çoit pour  ce  jeune  homme  est  si  gran- 
de ,  qu'oubliant  les  usages  de  l'Italie, 
il  le  loge  dans  sa  maison  ,  l'admet  à 


PUG 

sa  table  ,  et  le  traite  comme  son  fils. 
Au   bout  d'un  an,    Piiget  est  parti 
pour  Rome  :  il  \oiilait  être  peintre  , 
et  y  apprendre  son  art.  Sou  inaitro 
lui    donna    des     recomiuaiulations 
pour  un  ami  du  Cortone,  qui  jouis- 
sait alors  d'une  réputation  colossa- 
le (  f.  Cortone,  X  ,  19).  Puissam- 
ment sollicité  par  le  maître  floren- 
tin ,  cet  ami  accueillit  Puget  comme 
un  père,  et  le  ])iésenfa  au  Cortone  ; 
lequel,  ayant  visité  ses  portefeuilles, 
le  rei^ut  auprès  de  lui  avec  eniprcs- 
sement.  Le]euiie  peintre  ne  tarda  pas 
d'être  employé  dans  les  travaux  de 
son  maître.  La  tradition  désigne  enco- 
re, dans  le  plafond  du  palais  Baibc- 
rini,  deux  figures  de  Tritons  ,  regar- 
dées  comme  son  ouvrage.  Le  Cor- 
tone ,  appelé  à  Florence  pour  exé- 
cuter des    plafonds   dans  le  palais 
Pilti ,   eniinena   dans  cette  ville  un 
si  précieux  élève.  Son  atladifinent 
pour  lui  croissait  de  jour  en   jour. 
Mais  le  besoin  de  revoir   ses    pa- 
rents et  son  pays  commençait  à  se 
faire  sentir  dans  l'ame  du  jeune  !Mar- 
seillais.  Son  amour  pour  sa  patrie 
est  la  plus  vive  passion  que  ce  grand 
homme  par.'iisse  avoir  éproivée.  vSi 
nous  en  croyons  des  récils  qui  se 
perpétuent  encore  ,  le  Cortone  ,  qui 
avait  une  fille  unique,  et  qui  possé- 
dait de  grands  biens,  lui  lit  en  vain 
les  olTres    les    plus   brillantes.    V.n 
1043  ,  Puget  était  de  retour  à  Mar- 
seille. Sa   première  production  fut 
nn  Portrait  de  sa  mère,  esquisse  ra- 
pide ,   où   l'on  retrouve  irait   pour 
trait,  sa   propre  image  :  ce  Portrait 
existe  dans  le  cabinet  d'un  amateur 
de  la  ville  d'Aix.  A  |»(  inc  Puget  fut-il 
arrivé  que  des  oliiciers  de  marine, 
instruits  du  génie  précoce  qu'il  avait 
manifeste  en  construisant  une  galè- 
re à  l'igc  de  seize  ans  ,  et  ayant  vu 
des  dessins  de  vai*seaux  ,  qu'il  tra- 


PUG 

çait  pour   son  amusement ,   parlè- 
rent de  SCS  talents  avec  tant  d'admi- 
ration au  duc  de  Brezc,  amiral  de 
France,  que  celui-ci  l'appela  auprès 
de  lui  à  Toulon ,  et  le  charf;ea  de  des- 
siner et  de  faire  exécuter  le  vaisseau 
de  guerre  le  plus  mafçiiifiqucmcnt  dé- 
coré que  son  imagination  pourrait 
concevoir.  Ce  fut  alors  que  Piiget,  âge' 
de  vingt-un  ans  ,  inventa  ces  poupes 
colossales  ,  ornées  d'un  double  rang 
de  galeries  saillantes  et  de  figures  en 
bas -relief  et  en  ronde-bosse  ,  qu'on 
imita     proinpteraont    dans    divers 
ports,  et  qui  ont  f.iit  long-temps  l'or, 
nemcntdes  vaisseaux  de  toute  l'Eu- 
rope. Lors  de  rinvenlion  des  armes 
à  feu  ,  le  système  de  décoration  des 
bâtiments  de  mer  avait  dû  changer. 
Les  constructeurs  ne   s'occupèrent 
d'abord  que  de  les  défendre,  autant 
qu'il  serait  possible,  contre  le  choc 
des  boulets.   Bientôt  cependant  ils 
devinrent  plus  hardis;  et  déjà,  avant 
Puget,  on  avait  étnbli  à  la  poupe  une 
paierie  saillante.  Pins  audacieux  en- 
core,  ce  jeune  maître  conçut  l'idée 
de  joindre  à  ce  premier  essai  toutes 
les  richesses  propres  à  former  un 
ensemble  majfstneux  et  imposant. 
Le  vaisseau  qu'il  exécuta  portait  soi- 
xante canons.  T,a  poupe  était  ornée 
de  deux,  galeries,  l'une  au  dessus  de 
l'autre,  de  quatre  figures  colossales 
en  ronde-bosse  et  de  plusieurs  figu- 
res en  bas  -  relief  :  cette  décoration 
présentait  des  allégories  en  l'hon- 
neur d'Anne  d'Autriche,  devenue  ré- 
gentedu  royaume.  Ce  bâtiment,  nom- 
mé la  Pleine^  fut  terminé  en  16^6. 
Peu  de  temps  après ,  un  religieux  de 
l'ordre  des  Feuillants  ,  chargé  par 
Anne  d' Au  triched'aller  faire  ex  éditer 
à  Piome  une  suite  de  dessins  d'après 
les  monuments  antiques  les  plus  cé- 
lèbres de  tous  les  genres,  le  prit  avec 
lui  pour  l'aider  dans  ce  travail.  L'ob- 


PDG  agi 

servalion  attentive  des  cdîfîccs  de 
l'antiquité  développa  chez  le  jeune 
Puget  un  sentiment  dont  il  ne  s'était 
pas  encore  rendu  compte.  Sa  passion 
pour  l'architecture  devint  si  vive, 
qu'il  voulut  en  fairesou  art  favori.  On 
nelui  connaît  point  de  maître  dans  cet 
art,  non  plus  que  dans  la  sculpture  eu 
marbre  :  son  génielui  en  tint  lieu;  mais 
les  emprunts  qu'il  a  faits  à  l'antiq'ie 
montrent  combien  il  l'avait  étudié. 
Dans  ses  projets  de  travail ,  il  devait 
être  ])rincipalement   architecte  ;  la 
peinture  devait  remplir  ses  moments 
de  loisir  :  la  sculpture  était  ce  qui  ap- 
pelait le  moins  son  attention.  La  for- 
tune en  disposa  autrement.  Picvenu  à 
INLarseille  en    i653  ,  il  fut  d'abord 
invité  à  peindre  un  grand  nombre 
de  tableaux  d'église.  Ses  ouvrages 
de  ce  genre  se  succédèrent  rapide- 
ment. Les  villes  de  Marseille ,  d'Aix, 
de  Toulon,  de  Cuers,  de  la  Ciofat, 
s'embellirent   de   ses  productions  , 
tandis  que  quelques  petits  tableaux 
se  répandaient  dans  les  cabinets  de 
divers    amateurs.    \J Annonciation 
et  la  Fisitation  de  la  ville  d'Aix  ^ 
dont  les  figures  sont  grandes  comme 
nature  ;  le  Sauveur  du  monde  ,  de  la 
même  proportion  ;  et  les  petits  ta- 
bleaux représentant  le  Baptême  de 
Conslantintl celui  de  Clons,  aujour- 
d'hui dans  le  Musée  de  Marseille , 
ainsi  qu'un  Portrait  de  lui  ,   peint 
de  sa  main,  qui  se  trouve  à  Mar- 
seille  dans  un  cabinet  riche  de  ses 
ouvrages,  (celui  de  M.  le  marquis  de 
Panissc)  appartiennent  à  celle  épo- 
que. Ces  tableaux,  indépendamment 
de  ceux  dont  il  nous  reste  à  parler  , 
suffisent  pour  faire  apprécier  son  ta- 
lent tout  entier.  Vers  la  fin  de  l'an- 
née  i655  ,  Puget  ayant  été  frappé 
d'une  maladie  grave,  ses  médecins 
lui  conseillèrent  de  quitter  la  pein- 
ture. 11  se  livra,  dès  ce  moment,  à 
19.. 


Il 


agi 


VU  G 


la  sculpture  en  marbre,  dont  au- 
cnn  moiiiimont  public  ne  prouve 
qu'il  je  fût  occupe  jusqu'alors  d'u- 
ne manière  suivie.  La  porte  et  le 
balcon  de  rhôtcl-de-ville  de  TuuIdu 
furent  sou  premier  ouvni|;e.  Ce  mo- 
nument est  enlii'rement  de  lui  :  il  en 
a  été  l'architecte  et  le  sculpteur.  Le 
contrat  qu'il  fit  à  ce  sujet,  avec  les 
consuls  ,  porte  la  date  du  19  jan- 
vier it'5(3.  Son  travail  fut  teiniiiic 
dans  le  courant  de  la  même  année. 
Le  balcon ,  qui  sert  de  rouronncment 
à  la  porte ,  est  soutenu  par  deux 
Termes  ou  Allas,  dont  l'ellbrl  met 
en  contraction  tous  les  muscles,  ce 
qui  fait  apparemment  allusion  aux 
travaux  exécutes  dans  l'arsenal  par 
les  malheureux  que  la  loi  con- 
damne à  ce  penrc  de  peine  Le  IJer- 
nin,  lorsqu'il  vint  en  France  ^  i(i05), 
eut  la  péncro>ité  de  dire  qu'd  s'é- 
tonnait d'avoir  été  appelé  ,  pmsque 
le  roi  possédait  un  si  liabilc  ar- 
tiste. C'est  une  opinion  assez  gé- 
nérale, à  Marseille,  que  la  façade 
de  la  maison  commune,  ou  de  la  La. 
ge  de  cette  ville  ,  est  un  ouvrage  de 
Pupef.  Cette  tradition  ,  adoptée  par 
Piganiol  de  I.a  Force  et  pard'auties 
auteurs  ,  paraît  dénuée  de  fonde- 
ment. Ce  fut  le  7  septembre  iGj3  , 
que  le  conseil  admini>(ratif  de  la 
Commune  délibéra  de  faire  démolir 
l'ancien  hôtel  de  ville  ,  et  d'en  cons- 
truire un  nouveau.  La  première 
pierre  du  nouvel  édifice  fut  posée  le 
•i5  octobre  suivant.  Cette  prompti- 
tude donne  lieu  de  croire  qu'd  y 
avait  déjà  auparavant  un  architecte 
choisi  et  des  plans  arrêtés.  Nous 
avons  dit  que  Puget  revint  de  Rome, 
la  même  année.  A  peine  arrivé,  il 
dessina  un  projet  de  façade  beaucoup 
plus  riche  et  incomparablement  plus 
beau  que  celui  qui  a  été  exéculf.  Ce 
dessin  te  voit  a    MarscUlc  ,    dans 


PU  G 

le  cabinet  d'un  amateur  (  M.  Roi 
landin  ).  Mais  ,  soit  que  la  dépense 
parût  devoir  être  trop  considérable, 
soit  (|ue  les  administrateurs  eussent 
contracté  un  cncafrement  définitif, 
son  plan  nefut  point  adopté.  I/auteur 
du  inonurvent  est  ,  jusqu'à  présent , 
inconnu  :  il  paraît  n'enavoir  été  fait 
mention  nulle  {>art,  dans  les  archi- 
ves de  la  ville.  Une  semblable  néf;li- 
pence  a  quelque  cliose  d'étonnant  : 
mais  les  exemples  n'en  sont  pas  ra- 
res dans  notre  histoire.  Le  buste  de 
Louis  XIV  ,  (|ui  orne  la  façade,  est 
d'un  sculpteur  nommé  Moiel  .  qui 
habitait  Mars'ille.  Les  (piatie  bas- 
reliefs  sont  de  Garava{;ue  ,  que 
Guys  ,  dans  son  ouvrage  intitule 
Maneille  ancienne  et  moderne ,  dit 
élève  de  Piip<  t  ,  et  nie inbre  de  l'aca- 
démie royale.  Ils  n'ont  été  exécutés 
qu'en  i-iH.  Il  n'y  a  de  Piipet ,  dans 
tout  ce  monument  ,  que  l'ecusson 
aux  armes  de  France  ,  dont  nous 
parlerons  tout -à  -  l'heure.  Du  res- 
te, la  gloire  de  ce  maître  s'accroî- 
trait  peu  par  l'invention  de  cette  fa- 
çade,  quel  que  puisse  en  être  le  rac- 
ritf .  Elle  est  hors  de  sa  manière  ; 
cl  il  s'y  niontreiait  au-dessous  du 
graiiil  caractère  (|ui  lui  est  propre. 
A  peine  la  porte  de  l'hôle'-de  ville 
de  1  oulon  venait  d'être  arhevée  , 
que  Pupel  fut  appelé  en  INorman- 
die,  par  le  marquis  de  (îiraidin.  Il 
exécuta  ,  pour  ce  seigneur  ,  dans  sa 
terre  de  Vaudreuil ,  deux  statues  ou 
deux  groupes ,  de  huit  pieds  et  demi 
de  haut  ,  en  pierre  de  Veriion  , 
dont  l'un  représentait  //eiciile,  l'au- 
tre Janus  el  la  Terre.  C'est  alors 
qu'il  vint  à  Paris  ,  pour  la  premiè- 
re fois.  Il  y  fut  connu  de  Le  Pau- 
tre  ,  architecte  ,  à  l'occasion  d'un 
bas-relief  dont  il  avait  modelé  l'es- 
quisse: celui-ci  en  fit  l'éloge  à  Fou- 
quet,qui,dès  ce  moment,   corçut 


PUG 

le  projet   de  le  charger    de  Toutes 
les  sculptures  destinées  à  l'enibellis- 
semeiU  de  son  château  de  Vaux-le- 
Vicomte  ,  et  de  l'envoyer  d'aijord ,  à 
Carrare  ,  choisir  les  marbres  néces- 
saires pour  ces  impurtants  travaux. 
S  irces  entrefaites,  ^Iazarin  qui  enten- 
dit parler  de  lui,  voulut  se  l'altaclier, 
et  chargea  Coibert ,   alors   son   se 
cietaire ,  de   l'engager  à  quitter   le 
surintendant  ,  pour  se  vouer  à   son 
service.   Puget   n'était  pas   homme 
à  trahir   un  engagement  :   les   of- 
fres les  plus  brillantes  furent  reje- 
tées ;  et  peut  être  Golbert  a-l-il  eu  le 
tort  de  se  ressouvenir  ,  étant  miiiis- 
tre,  d'une   négociation  où  il   avait 
échoué   avant  île  le   devenir.  Puget 
partit   de  Paris  pour   Carrare  ,   en 
lôGo.  On  bâtissait,  a  Mar.'ieille,  l'hô- 
tel-dc -ville  :  on  s'occupait  aussi  de 
l'établissemenc  de  la  rue  d'Aix,du 
cours  et  de  la  rue  de  Rome  ,  sur  des 
terrains  qui  se  trouvaient  auparavant 
hors  de  la  ville.  Puget  fut  consulté  : 
il  proposa  de  donner  plus  de  largeur 
à  la  rue  d'Aix  ;  ce  qu'on  ne  fit  point. 
Mais  il  dessina  des  projets  de  façade 
pour  les  maisons  centrales,  et  pour 
celles  des  angles  de  chacune  des  îles 
du  cours  ;  et,  heureusement ,  quel- 
ques-uns de  ses  dejisins  furent  suivis. 
Du  côté  gauche  du  cours,  en  allant 
du  norJ  au  midi ,  à  partir  de  la  rue 
dite  de  l'Arbre  ,  les  maisons  qui  por- 
tent les  numéros  '2,  4  et  G  ;  et  ensuite  , 
en  commençant  a  l'angle  de  la  rue  de 
Noailles,  celles  qui  portent  les  numé- 
ros i,  3, 5,  7, 9,  sont  regardées  corn  me 
son  ouvrage.  Ces  édifices  ofTrent  en  ef- 
fet les  formes  grandioses  q'ui  le  distin- 
guent. Les  cinq  maisons  particulière- 
meni  ,   qui  suivent  la  lue  de  Noail- 
les ,  n''^  1^9,  coordonnées  entre 
elles  de  manière  qu'elles  paraissent 
n'en  former  qu'une  seule,  présentent, 
ainsi  réunies  ,  un  cn&cnîble  plein  de 


PUG  agi 

grandeur  et  de  majesté,  et  bfen  di- 
gne d'une  des  principales  villes  du 
monde.  L'idée  première  de  ces  bâti- 
ments consiste  en  deux  pilastres  io- 
ni(pies  ou  corinthiens  ,  qui ,  du  des- 
sus   du  rez-de-chaussée  ,   s'élèvent 
aux  deux  extrémités   latérales  ,  et 
montent  jusqu'au  faîte.  Un  balcon  en 
saillie  ,  soutenu  par  des  Tritons  ou 
des  Sirènes  ,  couronne  la  porte  prin- 
cipale; et  une  corniche,  qui  règne 
dafis  toute  l'étenduede  l'édifice,  com- 
plète le  beau  système  de  cette  décora- 
tion. Malheureusement  les  propriétai- 
res  ne  respectent  pas  toujours  ces  in- 
ventions de  g^énie.  Le  cours deMarseil» 
le  a  déjà  éprouvé  plusieurs  dégrada- 
tionsdans  les  édifices  dePuget,  qui  en 
sont  le  plusbel  ornement.  Depuis  peu 
de  temps,  cet  habile  maître  avait  éta- 
bli sa  demeure  à  Gènes,  lorsque  Fou- 
quet  fut  disgracié.  Les  Génois  ne  lui 
permirent  pas  de  retourner  en  Fran- 
ce. Les  travaux  et  les  honneurs  se 
succédèrent  ,    et   le  retinrent  dans 
cette  ville,  qui  fut  pour  lui  une  se- 
conde patrie.  Au  moment  de  la  dis- 
grâce de  Fouquet ,  il  avait  commen- 
cé la  statue  dite  V  Hercule  français. 
M.  Guillaume  Sublet  des  Noyers  en 
fit  l'acquisition.  Celte  statue  se  voit 
auj-iurd'hui  dans  une  des  salles  d'as- 
semblée de  la  Chambre  des  pairs:  elle 
esten marbre,  et  de  six  pieds  et  demi 
de  proportion.  Il  exécuta  ensuite  les 
ouvrages  qui  ornent  la  ville  de  Gè- 
nes :  ce  sont,  la  statue  colossale  du 
bienheureux  Alexandre  Saiili ,  et 
celle  de  Saint  Sébastien  ,  de  l'église 
deCarignan  ;  le  groupe  de  V Assomp- 
tion ,  de  l'hospice  dit  Y  Alhers,o ;  la 
figure  de  la  ricrge,  du  palais  Balbi; 
celle  du  palais  Carréga  ;  la  statue  de 
Saint  Philippe  Néri  ;  le  Tabernacle  , 
et  les  Anges  en  bronze  doré  de  l'égli- 
se de  Saint  Syr  ;  l'autel  de  Notre- 
Dame-des  A'igncs;  Icgroupc  de  VEn- 


U94  PUG 

lèi'criient  d' Hélène, du  palais  Spino- 
la.  11  sculpta ,  pour  le  duc  de  Man- 
toue,  ujj  f;iaud  uas-rclief ,  représen- 
tant aussi  W4ssomption.  Tandis  qu'il 
était  prieur  de  la  confrérie  de  l'Aii- 
nonciade,  ou  recon>tr'.ii>ii  une  des 
chapelles  de  celte  e^li>e,  sous  le  ti- 
tre de  Saint  Louis.  Cunstaunnent 
attache  à  son  pays,  Pu^ct  composa 
tous  les  dessins  ,  et  paya  lui  seul  la 
moitié  de  la  dé|>eu5e.  Suivant  le  t»- 
inoignaf;c  du  père  Boupercl ,  qui  cite 
Tourncfort  et  Jean  de  Dieu  ,  ce  fut  le 
Bernin  ,  qui ,  ayant  vu  !es  sculptures 
de  Gènes,  et  la  porte  de  l'hùtelde- 
ville  de  Toulon  ,  luaiiifcsta  auprès 
de  Colbcrt  tant  d'admiration  pour 
CCS  ouvraj;es,  qu'il  décida  ce  minis- 
tre à  rappeler  un  artiste  qui  illus- 
trait sa  patrie  dans  l'etranf^er  d'une 
manière  si  distinguée.  Eu  ellet .  Col- 
bert  invita  Pugct  à  rentrer  en  Fian- 
ce: mais  au  lieu  de  l'apprler  à  Paris, 
il  le  uoniir.a  directeur  de  la  décora- 
tion des  ruisseaux  ,  à  Toulon,  avec 
trois  mille  six-cents  francs  d'ap- 
pointements. Puget  jouissait,  à  Gc- 
ucs,  de  l'existence  la  plus  brillan- 
te. La  maison  Doria  l'avait  chargé 
de  la  construction  d'une  église  pi- 
roissialc,  dont  les  dcs'^insélaiint  dé- 
jà tracés.  La  famille  Sauli  et  la  fa- 
mille Lomellini  le  gratifiaient  cha- 
cune d'une  pension  de  trois  nulle  six 
cents  francs, et  lui  payaient  en  outre 
ses  ouvrages.  Lf  sénat  venait  de  le 
choisir  j<our  peindre  en  entier  la 
salle  du  gnnd-conscil.  Rien  ne  put 
le  retenir.  Arrivé  à  Toulon,  au  com- 
mencement de  1CJG9,  après  un  sé- 
jour à  Gènes  de  sept  à  huit  ans,  il 
fut  sur-Ie  champ  employé  par  le 
duc  de  Beaufort,  diors  amiral,  à  la 
décoration  Au  Vdisseau  -  comman- 
dant le  iV^ig/ïZ/î/^we  de  104  canons  ), 
que  ce  prince  montait  d.jns  la  nial- 
beurcuse  expédition  où  il  perdit  la 


PUG 

vie,  le  'i5  juin  de  la  même  année. 
Cette  construction  fut  exécutée  avec 
une  exlièmc  précipitation.  Comme 
le  duc  manisfcsiait  un  jour  tlu  mé^ 
contentement  de  ce  que  les  travaux 
ne  s'aclievaieul  pas  aussi  rapide- 
ment qu'il  l'aurait  voulu ,  Puget ,  im- 
patienté à  son  tour,  lui  dit  :  «  INIon- 
»  seigneur,  si  mes  services  ne  sont 
»  pas  agréables  à  V.  A. ,  je  la  prie 
»  de  me  donner  mon  congé.  —  Le 
»  roi ,  répon  Jit  le  prince  ,  ne  retient 
»  personne  m.dgré  lui.  »  A  ce  mol, 
Puget  rentra  ilans  son  logis;  et  déjà 
il  était  occupé  à  faire  une  malle 
j)Our  I  clourner  à  Gènes  ,  lorsque  le 
prince,  lui  envoya  un  de  ves  |>ages,  et 
le  lit  invi;er  à  revenir.  Dès  qu'il  le 
revit,  il  fit  un  pas  vers  lui,  l'em- 
brassa, le  pria  d'oublier  le  passé, 
et  lui  donna  do  mar(pies  sincères  de 
son  c>lime  (Hougerel).  Ce  trait  rap- 
pelle Jules  II  à  Hologne ,  disant  à  Mi- 
chel-Ange :  il  ni  a  donc  fallu  te  ve- 
nir chercher '.  (  /'.  MicHKi.- Ange, 
XXVllI  ,  58o  );  mais  il  honore 
d'autant  plus  le  jugement  du  duc  de 
Beaufort,  que  l'artiste  français  était 
encore  loin  d'avoir  oLlenu  l'im- 
mense et  juste  réputation  du  cé- 
lèbre Buonarroli.  La  poupe  du  Ma- 
pnifujue  était  ornée  de  plusieurs 
ligures  en  ronde  hosse,  de  vingt 
pieds  de  haut.  Ce  vaisseau  périt  dans 
l'expédition  où  le  duc  de  Beaufort 
fut  lue.  Puget  exécuta  ensuite  les 
décorations  de  plusieurs  galères , 
notamment  de  celles  qu'on  appe- 
lait la  Commandante ,  la  seconde 
Commandante ,  la  ficloire,  et  de 
quelques  autres  vaisseaux.  On  con- 
serve, ilans  l'arsenal  de  Toulon,  deux 
Benonimées,  deux  Tritons,  la  figure 
d'un  Saui'ape  ,  tous  en  ronde-bosse, 
et  divers  bas-reliefs,  représentant  le 
Soleil,  les  Quatre  Eléments,  les 
Quatre  Saisons,  les  Quatre  Parties 


PU  G 

du  jour  ,  et  d'autres  sujets ,  qui  pro- 
viennent lie  CCS  différents  bâtiments. 
Tandis  qu'il  s'ocriipait  de  ces  sculp- 
tures ,  il  taisait  exécuter  une  machi- 
ne de  son  invention,  propre  à  mater 
et  à  de'raàicr  les  plus  grands  vais- 
seaux. Celle  machine  a  été  employée 
dans  le  port  i!e  Toulon,  jusqu'au  mi- 
lien  du  siècle  dernier.  Il  construisit 
aussi  une  maison  pour  son  habita- 
tion :  elle  est  située  au  voisinage 
du  port ,  sur  un  angle  formé  ])ar 
la  rue  de  rilùtel-de-ville  et  par  celle 
deBourlton.  L'idée  en  est  à-peu-près 
scrablaMe  à  celle  des  maisons  du 
Cours  de  Marseille,  sur  une  moin- 
dre échelle.  Puget  orna  le  plafond 
d'une  des  salles  ,  d'une  peinture  re- 
présentant les  Trois  Parques  :  il  y 
déposa  aussi  son  Portrait ,  peint  par 
lui-même.  Le  tableau  des  Parques  a 
péri  depuis  peu  d'années  :  le  Portrait 
est  maintenant  à  Paris.  Quelques  égli- 
ses deToulon  s'embellirent  de  ses  ou- 
vrages. 11  sculpta  en  marbre  ,  pour 
le  tabernacle  des  Minimes  ,  deux 
Anges  cjifants^  que  nous  avons  vus 
dans  le  Musée  des  monuments  fran- 
çais ,  sous  le  n".  552  ;  et ,  pour  l'autel 
delachapelleditedeCor^M5Z>07H/«t, 
de  la  calnédr.de ,  deux  Anges  en  ado- 
r.illou,  appelés  les  Adorateurs ,  en- 
core aujourd'hui  existants  dans  cette 
église.  Un  projet  bien  plus  impor- 
tant flattait  sa  passion  pour  l'archi- 
tecture; c'était  la  construction  d'un 
arsenal.  Aucun  genre  de  bâtiment  ne 
convenait  mieux  à  un  génie  de  celîe 
trempe.  L'intendant  des  galères,  le 
duc  de  \eudonie  gouverneur  de  la 
province, le  ministre  même,  avaient 
approuvé  ses  plans  :  une  salle  d'ar- 
mesélaildéjà  construite.  L'intendant 
de  Toulon  (it  naine  des  dillicuhés  : 
il  fallut  attendre  une  nouvelle  déci- 
.sion  de  la  cour.  Dans  l'intervalle , 
es  concurrents  de  Puget  employé- 


PUG  295 

rent  un  moyen  plus  expëditif  que 
les  réclamations  :  ils  mirent  le  feu 
à  la  partie  déjà  élevée  ;  tout  de- 
vint la  proie  dos  flammes,  et,  par 
d'autres  machinations  ,  le  projet 
fut  abandonné  (  Bougerel  ).  Navré 
de  douleur  ,  Puget  sollicita  sa  re- 
traite,  et  revint  dans  sa  ville  na- 
tale. Son  premier  travail  fut  d'y 
construire  une  maison,  ou  11  s  eta- 
bbt  avec  sa  famille.  Cet  édifice  est 
situé  dans  la  rue  de  Rome  ,  sur 
l'angle  formé  par  cette  rue  et  par 
celle  de  la  Palun.  La  façade  la  plus 
étroite,  c'est-à-dire,  celle  qui  se 
présente  sur  l'angle,  est  la  principa- 
le. Elle  se  compose,  au-dessus  du 
rès  de  chaussée  ,  de  deux  pilastres 
composites  ,  accompagnant  un  bal- 
con en  saillie,  et  surmontés  d'un 
fronton  qui  forme  le  faîte  de  l'é- 
diiice.  Ce  qui  n'est  pas  moins  à  re- 
marquer ,  c'est  le  caractère  reli- 
gieux de  ladécoration.  On  dirait  que 
Puget  ait  voulu  y  déposer  l'etuprein- 
te  du  sentiment  douloureux  dont 
il  était  pénétré  quand  il  construisit 
ce  monument.  Dans  l'architrave  ,  et 
dans  une  portion  de  la  frise,  au- 
dessus  de  la  fenêtre  du  premierctage, 
est  taillée  une  niche  ronde  ,  où  était 
consacré  un  buste  du  Sauveur  ,  rem- 
placé aujourd'hui  par  une  copie. 
Dans  la  frise  est  tracée  cette  ins- 
cription :  Sahator  Mundi,  miserere 
nobis  ;  et  dans  le  couronnement  qui 
surmonte  la  corniche  de  la  porte- 
fenêtre  du  balcon  ,  se  lit  cette  devise, 
dont  Puget  paraît  avoir  fait  la 
sienne  :  Nul  bien  sans  peine.  Ce 
monument,  plein  dégoût  et  d'élé- 
gance ,  a  été  dégradé  lors  de  l'éta- 
blissement d'une  boutique  ,  par  l'en- 
lèvement du  chambranle  et  de  la 
corniche  de  la  fenêtre  du  rez-de- 
chaussée;  mais  il  est  connu  par  un 
ancien   dessin    qui    subsiste   eaco-' 


2f)£j 


PUG 


re  (i).  Un  édifice  plus  important 
occiip.iit  Piipct  à  la  même  époque  , 
c'était  la  halle  au  poisson  ilu  quar- 
tier tles  Acoules ,  dite  aujonririuii 
la  //allt-Pnget.  Il  en  avait  ol)(ei)ii 
radjudicitiou  ,  en  i67'2  ,  pour  le 
])ri\  d«-  huit  mille  trois  cent  cin- 
(juaiite  livri"s.  Cet  édifice  se  compose 
de  vin};t  colonnes  isolées  ,  d'ordre 
ionique,  disposées  sur  un  carré-long, 
au  nombre  ilc  cinq  sur  dru\  côtés  , 
cl  de  sept  sur  chatiin  des  deux  autres. 
Les  colonnes  sont  élevées  sur  des  sîy- 
lobates,  entre  lesquels  rîgnent  trois 
raiie;s  de  m.inlii's.  I,es  arcs  repo- 
sent directement  sur  les  chapiteaux; 
la  saillie*  du  toit  sert  de  corniche. 
Toutes  ce>  parties,  habilement  com- 
binées, forment  un  ensemble  sin;;u- 
licremcnt  élé'^anl.  Puget  aimait,  dans 
l'architecture  ,  le-»  pensées  neuves  , 
hardies,  grandes,  orij;inales:  mais  cet 
amour  de  la  sinp;ul.irité  était  guidé 
par  un  sentiment  judicieux  qui  le 
tiomp.iil  rarement.  Le  trait  dislinc- 
tif  de  l'édifice  dont  nous  parlons, 
ce  sont  les  colonnes  en  nombre  im- 
pair sur  chaque  façade.  L'antiquité 
olFre  des  exemples  d'une  semblable 
licence.  L'habile  maître  a  senti  que 
des  colonnes  en  nombre  pair  auraient 
domié  aux  façades  utie  gravité  mal 
assortie  avec  l'esprit  d'iu)  moiniment 
où  la  foule  du  piiijlic  qui  monte  et 
descend  les  mirches  ,  se  piésentc 
sans  cesse  en  état  d'agitation.  C'est 
au  nombre  impair  des  colonnes , 
que  ce  bel  étiifice  doit ,  en  partie  ,  la 
piquante  légèreté  qui  le  distingue.  La 
sculpture  occupait  Puget  en  même 
temps  que  l'architecture.  En  1673, 
les  éthevins  lui  demandèrent  un  éciis- 
son  aux  armes  de  Fraficc,  soutenu 


l'i>  C.r  dnan  a  été  retrouvé   p.ir  M.  PmcLaiiil 
•rdutrrU  Hu  departnacut,  de  <|ui  le  zJc  |i..ur  il 
cni.*rr^ati«u    de»  aniieos    moDumciiU    ùûe  l'ha- 


PUG 

par  lieux  anges  enfants,  destiné  à 
décorer  le  portail  de  l'hôtel  de-ville. 
Il  éprouvait  une  si  grande  satis- 
faction à  orner  euîin  sa  ville  natale 
d'une  production  de  son  ciseau , 
qu'il  exécuta  celui-ci  pour  qriinze 
cents  livres  ,  somme  inférieure;!  ses 
déboursés.  Ce  groupe  se  voit  sur  la 
façade  de  l'hôtel-de-ville  ,  toujour.s 
digue  de  ce  grand  statuaire  ,  quoique 
mutdéplusieursfois  dansles  oragesde 
la  révolution.  Pendant  son  séjour  à 
Toidon  ,  Puget  avait  obtenu  de  Col- 
bert  trois  blocs  de  marbre  ,  destinés 
poui-  Paris  ;  et ,  dans  des  moments  de 
loisir,  il  avait  commencé  à  sculpter, 
sans  aucune  destination  ,  le  gruupc 
colossal  de  Milan ,  et  le  grand  bas-re- 
lief d'.V/extiM^rctff  Diogènc.  Aucun 
sujet  ne  pouvait  mieux  convenir  à  la 
sculpture,  et  aucun  n'était  mieux  ap- 
pro[»rié  au  génie  particulier  de  Pu- 
get ,  que  celui  de  IMilon  déchiré  par 
un  lion.  Son  ciseau  plein  de  feu  trou- 
vait, dans  une  scène  si  draïualiipie  , 
l'occasion  de  développer  tout  ce  qu'il 
possédait  de  force  et  de  grandeur 
dans  le  style,  de  vivacité  dans  la 
pantomime,  de  chaleur  et  d'énergie 
dans  l'expression  des  adections   les 

f)lus  passionnées  de  l'ame.  Aussi 
'art  de  la  sculpture  ,  qui  a  produit, 
sans  contredit ,  des  ouvrages  plus 
achevés  ,  n'en  a-l-il  enfanté  aucun 
qui  saisisse  le  spectateur  avec  autant 
de  promptitude  ,  et  qui  le  touche 
plus  profondément.  Ce  groupe,  qui 
n'avait  été  commencé  que  pour  la 
jouissance  pcrsonnellede  l'artiste,  ob- 
tint une  juste  réputation  avant  mè- 
med'ctre  terminé.  Le  Nôtre, ayant  eu 
occasion  de  le  voir,  en  fit  un  si  digue 
éloge  à  Colbcrt ,  à  Louvois,  et  au 
roi  lui-même,  que  puget  reçut  l'ordre 
de  le  terminer,  et  de  l'envoyer  A 
Versailles.  La  caisse  qui  le  ren- 
fermait, y  arriva  au  printemps  de 


PUG 

l'année  i683,  cl  fut  ouverte  en  pre'- 
soncc  de  Louis  XIV  et  de  sa  cour. 
Plusieurs histoiicns  onlraj)porfe  Tcx- 
riamation  echappceà  la  reine  Maric- 
ïhcrèse,  à  l'instant  où  la  figure  se 
trouva  dévoilée  -.yih  lie  pauvre  hom- 
me !  Ce  cri  de  la  pitié  ne  fut  pas  le 
seul  éloge  donné,  dans  celte  occasion, 
au  chef-d'œuvre  de  la  sculpture 
française.  Lebrun  ,  <pû  se  trouvait 
présent  à  cettestène,  eu  Ht  connaître 
quelques  détails  à  Puget ,  dans  une 
lettre  qu'il  lui  écrivit ,  en  date  du  19 
juillet.  «Lorsque  Sa  Majesté,  lui  dit- 
»  il ,  me  lit  l'honneur  de  me  denian- 
»  der  mon  sentiment,  je  tachai  de 
»  lui  faire  remarquer  toutes  les 
»  beautés  de  votre  ouvrage.  Je  n'ai 
))  fait  en  cela  que  vous  rendre  justice  ; 
»  car  ,  en  vérité  ,  cette  figure  m'a 
»  semblé  très-belle  dans  toutes  ses 
»  parties,  et  travaillée  avec  un  grand 

»  art Je  vous  témoignais  (  dans 

»  une  précédente  lettre  )  l'estime  que 
»  )e  fais  de  votre  mérite ,  et  vous 
»  demandais  part  en  votre  amitié  ; 
»  faisant  plus  de  cas  de  l'affection 
»  d'une  personne  de  vertu  comme 
M  vous  ,  que*e  celle  des  plus  quali- 
■»  fiés  de  notre  cour.  »  (  Boûgerel , 
pag.  35,  3G.  )  Nous  avons  dû  rap- 
porter cette  lettre  presque  en  entier, 
parce  qu'elle  prouve  que  Lebrun  ne 
fut  point  envieux  de  Puget,  comme 
on  l'a  faussement  supposé  ,  et  qu'il 
n'est  pas  vrai  que  celui  ci  ait  aban- 
donné la  capitale  à  cause  des  dé- 
goûts que  le  premier  peintre  lui  fai- 
sait éprouver.  On  y  voit,  en  outre  , 
que  Puget  n'avait  pas  quitté  sa  re- 
traite pour  venir  solliciter  des  louan- 
ges à  Paris ,  et  qu'il  était  demeuré 
au  milieu  de  ses  travaux  ,  tandis  que 
son  ouvrage  venait  former  le  plus 
bel  ornement  des  jai'dins  de  Louis 
XIV  :  trait  de  caractère  qui  dément 
beaucoup  de  fausî'cs  chroniques  ,  et 


PUG 


297 


qui  ne  devait  pas  nous  échapper. 
Le  roi  ,  satisfait  de  la  beauté  du 
Jifilon  ,  chargea  Louvois  de  deman- 
der à  Puget  s'il  avait  commencé 
quelque  figure ,  qui  pût  servir  de 
pendant  à  celle-là  ,  et  de  s'informer 
en  même  temps  de  son  âge.  La  ré- 
ponse de  Pujet ,  en  date  du  20  octo- 
bre i6B3  ,  renferme  des  mots  naïfs  , 
qui  nous  offrent  le  portrait  le  plus 
fidèle  de  l'esprit  et  du  caractère  de 
ce  grand  homme.  11  propose  d'abord 
son  groupe  à\4n(lromè(le  ,  auquel  il 
avait  déjà  travaillé  pendant  cinq  ans. 
«  Je  suis  dans  ma  soixantième  an- 
»née,  dit -il  ensuite  au  ministre  j 
»  mais  j'ai  des  forces  et  de  la  vigueur, 
»  Dieu  merci  ,  pour  servir  encore 
»  long -temps.  Je  suis  nourri  aux 
»  grands  ouvrages  ;  je  nage  quand. 
»  j'y  travaille,  et  le  marbre  tremble 
»  devant  moi,  pour  grosse  que  soit 
»  la  pièce.  »  —  Il  fait  ,  après  cela, 
une  description  abrégée  de  quelques 
ouvrages  c.ont  il  a  conçu  l'idée  pour 
l'embellissement  de  Versailles  :  puis 
oubliant  V Alexandre  Sauli,\e  Saint 
Sébastien  ,  le  Milon^  et  tant  d'autres 
belles  figures  ,  il  ajoute  ,  avec  la 
candeur  qui  le  distinguait  :  «  Tou- 
»  tefois  ,  Monseigneur ,  avant  que 
»  de  penser  à  aucun  autre  ou- 
»  vragc  ,  je  crois,  sauf  votre  bon 
))  plaisir ,  qu'il  faudra  attendre  que 
»  mon  Andromède  soit  posée  à  sa 
»  place  ;  et  j'espère  qu'alors  vous 
»  serez  plus  persuadé  de  ma  suffi- 
»  sance.  »  (  Boûgerel,  pag.  38  à  43.  ) 
Louis  XIV,  en  elfct ,  lui  fit  demander 
le  groupe  à^ Andromède ,  qui  fut  pla- 
cé dans  le  parc  de  Versailles,  en 
i685.  Puget  ne  quitta  pas  plus  la 
ville  de  Marseille  ,  dans  cette  occa- 
sion ,  qu'il  ne  l'avait  fait  lors  de  l'en- 
voi du  Milon.  Il  chargea  François 
Puget ,  son  fils  ,  de  présenter  ce  mo- 
nument au  roi.  Ce  fut  à  François  que 


208 


PUG 


Louis  XIV  adressa  ces  nobles  pa- 
roles :  «  Votre  ]icre  est  ç;iMnd  et  il- 
»  lustre  ;  i!  n'y  a  personne  dans  l'Ku- 
»  rope  qui  le  puisse  égaler.  »  IMais 
cet  iiomm.ij^c  rendu  au  génie  par  un 
rei  digne  cle  l'apprécier  ,  n'eut  point 
d'aiitie  ellil  que  celui  de  proclamer 
le  mérite  d'un  artiste  qui  ajiprochait 
du  terme  de  sa  carrière.  Puîiet  ne 
reçut  d'ailleurs  aucune  rccoinpetise, 
aucune  distinction.  Le  groupe  d'-7n- 
dromètle  ne  lui  fut  paye  que  quinze 
mille  francs.  Sept  ans  après,  il  ex- 
posait encore  au  roi,  que  le  marbre 
lui  coûtait  ,  avec  les  frais  de  trans- 
port ,  neuf  mille  cinq  cents  francs; 
qu'il  avait  ,  en  outre,  paye'  des  ou- 
vriers, supporte  d'autres  frais  ,  et 
qu'il  ne  lui  restait  presque  rien  pour 
un  travail  de  six  années  :  son  j^lacet 
demeura  sans  réponse,  Kn  i()H:î  ,  il 
travaillait  encore  au  bas -relief  île 
Violette,  et  il  exe'culait  des  des- 
sins et  des  modèles  de  plusieurs 
figures  qu'il  av.iil  annoncées  à  Lon- 
vois  ,  pour  rembe!lisscinenl  de  Ver- 
.s-iilles.  Celait  ,  cuire  autres  ,  une  sta- 
tue équestre  de  Louis  XIV.  11  s'agis- 
sait aussi  d'une  figure  d'Apollon,  de 
trenlc-liuit  pieJs  ac  haut ,  (pii  aurait 
ctcelevccau-dessus  du  canal,  et  portée 
de  chaque  coté  par  des  ruchers  où  se 
seraient  groupes  des  Tritons  etdesSi- 
rciies.  (^iichpips  tableaux  de  Piigel 
prouvent,  par  réjujque  a  laquelle  ils 
apparlieniicnt ,  qu'il  n'avait  pas  tot.i- 
lemcnt  abandonné  la  |)eiuture.Il  n'a- 
vait pas  cessé  non  plus  d'exécuter  de 
ces  dessins  à  l'encre  de  la  Chine,  oit 
il  a  représenté,  avec  tant  d'esprit  et 
de  vivacité,  des  sujets  de  marine  de 
divers  genres,  des  vaisseaux  amarrés 
on  (luttants,  des  orages  ,  des  combats 
niarilirnes  ,  des  poupes  de  navires 
enrichies  de  divers  onunicnts.  Tan- 
dis qu'il  s'occupait  des  projets  de 
Versailles ,  la  ville  de  Marseille  vou- 


PUG 

lut  crigej-  une  statue  équestre,  a\ 
bronze,  à  Louis XlV,  et  construire 
une  j)lace  qui  serait  consacrée  à  ce 
monument.  Pnget  lut  d'abord  choisi, 
tant  pour  donner  les  plans  des  édi- 
fices ,  <]ue  j)our  exécuter  la  statue. 
La  place  devait  occuper  un  terrain 
alors  obstrué  par  des  b.îliments  du 
parc  royal ,  et  qui  font  aujourd'hui 
partie  de  celle  de  la  Canébièie.  Plus 
de  deux  ans  furent  employés  a  tracer 
les  dessins,  et  à  faire  un  modèle  de 
la  statue  dans  de  petites  proportions. 
Le  cheval  était  représenté  au  galop  : 
il  devait  être  soutenu  ,  s'il  le  fallait  , 
par  des  ligures  de  soldats  ennemis, 
morts  ou  mourants;  ce  qui  aurait 
été  le  premier  exemjile  d'une  slaluc 
cqu.sîrc  dans  un  semblable  mouvc;- 
ment.  Le  prix  était  fixé  à  cent  cin- 
quante mille  litres  ;  l'artiste  fournis- 
sait tous  les  matériaux  (  Archives  de 
Murifille).  Déjà  était  dressé  un  ate- 
lier pour  l'exécution  de  la  (igme  eu 
grand. Tout-à-coup,  sous  le  prétexte 
d'une  économie  de  douze  mille  livres 
que  faisait  espérer  un  sculpteur  nu-iii- 
mé  Clérion  ,  l'exéculicm  fut  suspen- 
due ;  le  contrat  fait  aWc  Puget  fut 
regardé  comme  non  avenu  ,  et  le 
projet  de  GIcrion  adopté.  nuel(|ucs- 
luis  ont  prétendu  qu'un  écheviu  de 
qui  la  maison  devait  se  trouver  mas- 
quée par  les  nouveaux  bàlinunls, 
fut  cause  de  cette  détermination. 
D'autres  ont  dit  que  Puget  avait  re- 
fusé a  cet  administrateur  une  statue 
pour  ses  jardins.  Ou  sent  combien  la 
douleur  de  ce  grand  homme  dut  être 
vive.  Il  partit  sur-le-champ  jiour 
l'aris,  à  l'elTct  de  réclamer  l'exécu- 
tion de  son  contrat.  Loiivois  le  pré- 
senta a  Ijouis  XIV.  Ce  prince  lui  re- 
fléta les  paroles  honorables  qu'il 
avait  adressées  à  son  fils,  à  l'occasion 
du  ^roui^c  d' A ndroincdc ,  et  lui  don- 
na, de  &a  main,  une  médaille  d'or, 


PUG 

portant  pour  légende  les  mots  :  Féli- 
citas publica,  M;iis  sa  réclamation 
demeura  sans  clîct.  Après  six  mois 
de  séjour  à  Paris  ,  oîi  il  était  arrivé 
dans  l'été  de  l'année  1G88,  il  repar- 
tit pour  Marseille  ,  sans  avoir  rien 
obtenu.  Clérion  ne  réussit  pas  da- 
vantage :  aucun  des  deux  projets  ne 
fut  exécuté.  Revenu  dans  sa  patrie  , 
Pugct  ne  parut  occupé  que  du  besoin 
de  s'unir  à  ses  concitoyens  par  de 
nouveaux  liens.  Il  bâtitune  maison 
dans  un  jardin  situé  hors  de  la  ville, 
sur  des  terrains  occupés  aujourd'hui 
par  la  nie  de  la  Troisième  Calade , 
et  par  les  maisons  qui  la  bordent  au 
nord.   Dans   la   partie  supérieure  , 
vers  la  rue  Font^ate,  était  l'édifice 
principal  ,  composé  d'une  salle  ron- 
de ,  éclairée  par  un  dôme,  et  accom- 
pagnée de  deux  j»avi[lons.  Dans  la 
partie  inférieure  ,   sur  la  rue  de  la 
Falun^  il  construisit  une  chapelle, 
où  il  établit  une  fondation  pieuse. 
Le   milieu    de   l'emplacement  était 
occupé  par  des  plantations.  Un  des 
pavillons  subsiste  encore  ,  sembla- 
ble, par  la   noblesse   du   style,  à 
une   ruine  antique  entourée  d'édi- 
fices modernes  (  dans  l'enceinte  de 
la  maison  de  la  Troisième  Calade, 
qui  porte  le  numéro  27  \  C'est  dans 
cette  habitation  que  Puget  passa  ses 
dernières  années  ,  travaillant  sans 
cesse, et  se  vengeant,  par  l'excellence 
des  ouvrages  qu'il  léguait  à  la  posté- 
rité, de  l'inconcevable  indifTércnce 
de  ses  contemporains.  L'énergie  de 
sa  main  se  soutint  jusqu'à  la  fin  de  sa 
carrière.  C'est  de  l'an  1689  à  1694, 
qu'il    construisit  l'église    de   l'hos- 
pice delà  Charité.  Une  nef  ovale, 
ceinte  de  douze   colonnes    d'ordre 
corinthien,  qui  soutiennent  un  tam- 
bour et  une  coupole  également  ova- 
les ;  un  vestibule  et  trois  chapelles, 
disposés  autour  de  cette  nef,  l'un 


PUG  299 

eu  face  de  Tautrc,  en  forme  de  croix  : 
telles   sont  les    parties    principales 
dont   se  compose  l'intérieur  de  cet 
édifice.  Le  dehors ,  isolé  de  toutes 
parts  ,  est  décoré ,  dans   tout  son 
pourtour  ,  de  pilastres  corinthiens. 
Le  tambour  et  la  coupole  ,   élevés 
au-dessus  de  ce  premier  ordre,  font 
admirer  une  noblesse  et    une   gra- 
vité éminemment  convenables  à  la 
maison  de  ])iété  que  ce  petit  tem- 
ple décore.  Pugct  ne  vit  point  termi- 
ncr  ce  monument.  Ce  fut  son  fils  qui 
en  dirigea  la  construction  après  lui. 
Le  portique  extérieur  ,   qui  devait 
être  orné    de    quatre  colonnes ,  n'a 
point  été  achevé.  La  dernière  pro- 
duction du  ciseau  de  ce  grand  maî- 
tre ,  fut  un  de  ses  plus  beaux  ouvra- 
ges. Tout  ce  que  sa  jeunesse  avait 
imj)rimé  dans  le  marbre,  de  feu  et 
de  mouvement ,  s'y  trouve  réuni.  Ja- 
mais il  n'avait   donné  à   la  pierre 
plus  de  souplesse,  à  une  scène  dra- 
matique plus  de  vérité,  à  l'expres- 
sion de  la  douleur  plus  de  justesse 
et  d'énergie.  Cet  admiiable  ouvrage 
est  le  bas -relief  représentant  la  Pes- 
te de  Milan  ,  qui  se  voit  à  Marseille, 
dans  la  salle  du  conseil  de  la  Santé. 
Puget  l'avait  commencé  pour  M.  de 
la  Chambre,  curé  de  la  paroisscde 
Saint-Barthéleini  ,  de   Paris.   Il   ne 
vécut  pas  assez  pour  le  terminer  en- 
tièrement; et  ce  travail  est  demeuré 
dans  un  état  d'imperfection  ,   dont 
on  s'aperçoit  à  peine.  Les  adminis- 
trateurs l'ont  acquis  du  petit-fils  de 
Pugct,  moyennant   10,000  liv.  ,  et 
une  rente  viagère  de  5oo  liv.  Il  a 
cinq  pieds  de  haut  ,  sur  trois  et  de- 
mi de  large,  et  renferme  quinze  fi- 
gures   de    diverses  proportions.  A 
tous  les  arts  du  dessin  ,  Puget  joignait 
le  talent  de  la  musique.  II  chantait , 
et  jouait  habilement  de  divers  ins- 
truments.  Cet  amusement  embellit 


3ûo  PLTi 

sa  vieillesse.  Son  casin  de   la  rue 
Fontgiite ,  animé  par  sa  présence  , 
était  devenu  le  temple  de  tons  les 
b^'anx.  arts.   C'est   la    que  ce  grand 
liumme  cessa  de  vivre,   après  une 
courte  maladie,  le  idécemhre  \i^\)'\. 
11  a   produit  trop  d'ouvrac;os  pour 
f|uc  nous  puissions   les  nuiitionncr 
tons.  Aux  tableaux  que  nous  avons 
déjà  cités,    nous  joindrons,  parmi 
ceux    dont    les   ligures   sont    gran- 
des comme  nature,  \u\c  Sainte- Fa- 
taillii  ,    tableau   d'un    dessin    noble 
et  d  une  bonne  couleur,  uù  la  (i-^ure 
«le  Saint  Joseph  paraît  cire  le  por- 
trait de  Puget  V  a  Aix  ,  chez  M.  Boycr 
de    Fonscolombc  )   ;     la     f'ier^e  , 
VEnJant  Jéuis  et   Saint- François 
(dans  l'église cathédraledeToulon  ); 
une  .Annonciation  [  tableau  retouché, 
dans  la  même  église  )  ;  une  rocation 
(le  Siiinl- Matthieu  ,  dans  l'éulise  de 
Château  -  Combert  ,    au    terr«)ir    de 
Marsedie  )  ;  un  Saint  Jean-Hajitis- 
te  dam  le  désen  '  autrefois  dans  la 
palenedu  Palais-royal  )  ;  wnv  .Ado- 
ration des  Bergers  ,   esquisse  ven- 
due publiquement  à  Paris  ,  vers  les 
années  i8o4  on  i8o0.  Parmi  les  ta- 
bleaux de  petite  dimension  ,  nous  ne 
devons  pis  oublier  une  Fterf^e  re- 
gardant l'Knfant -Jésus  couché  sur 
un  coussin  ,  t.tbleau  singidièremeiit 
reinanpiable  par  le  bel  empâtement 
et  l'éneigie  de  la  couleur  (  dans  la 
collection  de  M.   le  marquis  de  Pa- 
rtisse, au  château  d'EntrevcMes  );  nu 
tableau  d'un  ton  fin  et  transparent, 
représentant   l'Intérieur  d'une  cha- 
pelle  que   Piigct  devait    construire 
dans  l'église  cathédrale  de  Toulon  , 
et  où  il  a  reproduit  son  tableau  de 
V  Annonciatinn    à  Aix  ,  dans  le  beau 
cabinet  »le  M.  le  minpiis  Magnan  de 
la  Roquette  )  ;  une  Sainte-Famille  , 
d'un   coloris  qui  tient  de  celui  du 
Cortone  ,  mais  fin  et  riant ,  qu'on 


PU  G 

voyait  dans  le  cabinet  de  feu  M.  Fhi- 
fourny,  architecte  ;  nue  Vierge  en- 
st'iiXnant  à  lire  à  l'Enfant  Jésin  ,  et 
une  Finie  en  Ef;^}lte  ,  qui  faisaient 
partie  de  la  colleclioii  de  Boyerd' A- 
giiilles,  et  qui  ont  été  gravées  pir  J. 
Coélmans  (  f.  BoYtn  ,  V  ,  4'-'"'  )  5 
nue  Elucation  d' Achille ,  un   Dé- 
liis;e  universel  y  etc. ,  etc.  Parmi  les 
ouvrages  de  scul|ituie,  nous  devons 
citer  un   Portrait  de  Louis  XI F  ^ 
en  médaillon,  et  une  statue  de  Fau- 
ne ,  l'iiii  et  l'autre  en  marbre  (  chez 
M.  de  Panisse  1  ;  une  Tète  du  Sau- 
rfHr ,  aussi   en  maibie,  qu'on   dit 
provenir  de  la  C(dlectioii   de  Boyer 
d'Aguiles  (  à  Marseille,  chez  INI.  Ger 
mond):  un  bas-relief  en  marbre,  repré- 
sentant Saint  Jean  liajttiste  enfant; 
un  mo<lèle  en  terre  cuite  de  la  statue 
équestre  de    Louis  A7/",  projetée 
pour  la  ville   de  Marseille  ,    oit   le 
cheval  est  représenté  au  galop  ;  un 
modèle   du   Milon,   aussi  en    terre 
cuite  (  à  Aix,  dans  le  cabinet  de  M. 
Magnan  de  La  Hoquette  '  ;  un  modèle 
en  cire  de  la  statue  équestre  de  lAmis 
XI  f^  ,  projetée  pour  Versailles,  oii 
le  cheval  porte  sur  trois  pie/ls^  con- 
formément à  la  lettre  de  Puget  à  Lon- 
vois  'il  IMarseille,  chez  un  aiualeur), 
etc.  M.  lie  Panisse,  que  nous  avons 
cité  plusieurs  fois,  possède  des  des- 
sins représentant  la  Poupe  du  vais- 
seau iionnné  la  Heine ^  et  aWcàw  Ma- 
gnifique ,  ainsi  que  ceux  de  la  ])lace 
Royale  projetée  pour  la  ville  de  Mar- 
seille. Dans  la  belle  suite  de  dessins 
de  !M.  le  marquis  de  La  Guv  ,  on  en 
voit  un  de  la  main  de  Puget,  repré- 
sentant une  Chapelle  du  Saint  -  Sa- 
crement, projetée  pour  la  cathédra- 
le de  Toulon.  M.  de  Bourguignon  de 
Fabregoiile,  .i  Aix  ,  conserve  ,  dans 
sa  riche  collection  ,  le  dessin  du  Ta- 
bernacle projeté  pour  l'église  de  l'An- 
noneiade  de  Gènes.  Le  cabinet   du 


I 


PUG 

Roi  renferme  plusieurs  dessins  de 
luaiinc.  II  s'en  trouve  dans  divers  ca- 
binets. La  re'volufinn  a  cause  la  jier- 
tede  plusieurs  grands  tableaux  de  Pu- 
get  :  on  ne  retrouve  pkis  à  Toulon ,  un 
S'.-Félix;  à  la  Valette,  unS'.-Ifer- 
mentaire^  un  S'. -Jean  écrk'ant  l'A- 
pocafypse  ;  une  Agonie  de  S'. -Jo- 
seph. Pnget ,  comme  tous  les  liorn- 
mcs  doues  d'un  génie  original  et  irrc- 
gulier,  a  ete  diversement  apprécie. 
Ceux  qui  ont  clierclie  dans  ses  ou- 
vraces  la  pureté  des  contours  anti- 
ques  ,  n  ont  voulu  y  reconnaître 
rien  de  bien,  par  la  raison  qu'ils  y 
ont  rencontré  rarement  ce  goût  ex- 
quis et  cette  correction  achevée. 
D'autres,  frappes  de  ses  écarts,  mais 
étonnés  de  la  vérité  qu^il  imprime 
dans  les  méplats  des  chairs,  l'ont 
appelé  le  Riihens  da  la  sculpture. 
D'autres  enfin  ,  admirant  la  variété 
de  ses  talents,  sa  fierté,  sa  grandeur, 
sa  pathétique  expression  ,  l'ont  sur- 
nommé le  Michel-.  Jnge  de  la  Fran- 
ce. Aucun  de  ces  rapprochements 
n'est  parfaitement  exact  :  Puget  ne 
ressemble  à  personne.  Les  chairs  que 
formeson  ciseau  sont  pénétrées  d'une 
chaleur  dont  l'art  de  Rubens  n'aj)- 
proche  point,  malgré  la  magie  de  ce 
grand  peintre.  Rccherche-t-un  dans 
la  sculpture  rexpression  des  affec- 
tions de  l'ame?  Pugel  se  montre  au 
moins  l'égal  de  Michel- Ange ,  et  peut- 
être  il  le  surpasse.  Considère-t-on 
plus  particulièrement  la  noblesse  et 
l'élégance  du  style?  Michel -Ange, 
au  confraire ,  est  supérieur  à  Pugct. 
Dans  la  peinture,  celui  -ci  soutien- 
drait rarement  la  comparaison.  INIi- 
che!-Angc  est  grand  par  son  savoir; 
Puget  doit  davantage  à  son  organi- 
sation. Tout,  ou  presque  tout ,  en 
lui, est  le  produit  du  sentiment.  Ses 
émotions  le  dirigent ,  plutôt  que  la 
théorie  de  l'art:  on  peut  mêmedou- 


PUG 


3oi 


ter  qu'il  se  soit  jamais  fait  une  théo- 
rie ;  mais  sou  ame  élève  soih  ciseau  , 
parce  qu'el'e  est  elle  même  forte  et 
élevée.  Dansla  composition  deses  ta- 
bleaux ,  il  est  généralement  simple  : 
il  se  livre  aussi  moins  habituellc- 
iiient  que  dans  la  sculpture  à  son 
efTervescence  naturelle.  On  dirait 
quelquefois  que  la  crainte  de  tomber 
dans  le  fracas  de  son  maître  ,  a  re- 
tenu sa  main.  Il  y  a,  par  cette  rai- 
son, du  choix,  à  faire  dans  ses  ou- 
vrages. Si  une  alleclion  vive  le 
rend  à  lui-même,  en  reprenant  son 
caractère  propre  ,  il  retrouve  sa 
grandeur.  Il  redevient  exj)ressif  et 
touchant ,  dès  qu'il  s'abandonne  à 
la  nature.  Quant  au  coloris  ,  il  n'a 
aucune  manière  habituelle.  Tantôt , 
il  offre  dans  ses  teintes  une  lucidité  , 
une  finesse  ,  qui  rappellent  ce  que  le 
Cortone  présente  de  plus  brillant: 
tantôt  il  est  gris  et  monotone;  tan- 
tôt, au  contraire,  son  pinceau  dé- 
j)loie  une  richesse  de  tons,  une  force 
de  clair-obscur,  dont  le  Caravage,  ou 
le  Guidedans  ses  meilleurs  ouvrages, 
offrent  à  peine  des  exemples.  Tel  est 
le  tableau  du  Sauveur.  Les  anges  en- 
fants ,  groupés  dans  des  nuages  aux 
pieds  de  la  figure  principale,  sont 
aussi  admirables  pour  la  couleur  que 
pour  le  dessin.  Un  de  nos  plus  ha- 
biles artistes  du  sièclederniei-,  Pierre 
Julien,  disait  en  présence  de  ce  ta- 
bleau :  «  Puget  est  aussi  grand  pein- 
»  tre  que  grand  sculpteur  ».  Dans  la 
sculptuie,  comme  dans  la  peinture  ^ 
il  varie  son  style  avec  ses  sujets.  Mais 
il  a  souvent  le  tort  de  ne  pas  appor- 
ter assez  de  sévérité  dans  le  choix  de 
ses  modèles.  Avide  du  grand  par  une 
disposition  naturelle  ,  il  recherche 
en  même  temps  la  vigueur  des  for- 
mes ,  pour  rendre  j)iusfacilcmentré- 
nergiedes  alîectionsde l'ame;  et,  dans 
ce  désir  d'atteindre  à  une  expression 


3oi 


PUG 


vive,  il  sacrifie  souvent  l'elo'ç^nnce  à 
la  force.  La  nature  lui  parait  lu'llc 
aussitôt  tiirelle  est  ample  et  rolniste. 
En  ce  qui  concerne  ses  incorrections  , 
elles   n'alteifjnent   jamais    les  lij;nes 
centrales  de  ses  fif;nres.    L'ensemble 
en  est  toujours  juste;  les  mouvements 
en  sont  toujours  |)rccis.Dela  cctteap- 
parcncede  vérité  qui  saisit, cl«*s  qu'on 
les  aperçoit ,  malgré  ce  qu'elles  peu- 
vent offrir  d'incorrect.  Si  dans  la  vio- 
lence de  l'expression  ,  un  muscle  trop 
contracte  s'ecarle  de  sa  position  na- 
turelle ,  l'imitation  de  la  chair  pro- 
duit, mèmed.tiis  ce  snoment,  une  dlu- 
sien  qui  dedommaçje  de  l'altératiou 
des  formes  :  la  beauté  se  place  encore 
à  côté  du  défaut.  Un  des  caractères 
dislinctifs  de  Puget ,  c'est  la  disposi- 
tion qui  le  porte  vers  des  sujets  tra- 
giques. Plus  la  scène  est  pathétique  , 
plus  son  génie,  qui  se  retrouve  dans 
son  clément, s'élèveetacquiertdc  nou- 
velles forces.  Si  dans  une  semblable 
occasion,  la  grandeur  du  style  s'unit 
à  la  chaleur  de  l'expression  ,  comme 
dans  le  Milon  ,  il  touche ,  il  étonne,  il 
devient  sublime.  C'est  sous  cet  as- 
pect qu'il  faut  juger  ce  grand  maître 
pour  l'apprécier  dignement.  Quand 
on  se  place  avec  lui  a  cette  hauteur, 
on  lui  pardonne  ses  impei  fectiuns  , 
parce  qu'on  reconnaît  que  le  génie 
peut  ditllcilement  s'élever   si  haut , 
sans  acheter  sa  sublimité  par  (}uel- 
ques  écarts.  Une  droiture  que  rien  ne 
pouvait  ébranler  ,   un   désintéresse- 
ment à  toute  épreuve  ,  de  la  naïveté, 
de  la  bonté  ,  de  l'emportement ,  tel 
ét.iit  son    caractère  :  il   ne    savait 
endurer  ni  les  exigences,  ni  la  hau- 
teur. On  cite  qndqiies  mots  de  lui , 
qui  aclièventde  nous  f.tiie  connaître 
son   caractère    fier  et  indépendant. 
Man>>ard  s'étant  permis  de  lui  dire 
que,  s'il  voulait  exécuter  la  statuedu 
roi  au  prix  proposé  par  Clériou ,  on 


PUG' 

lui  donnerait  la  préférence  :  «  Me 
»  comparer  à  Clérion  ,  dit  Puget  !  je 
»  ne  puis  être  mis  en  paiallèlequ'avec 
»  les  cavaliers  l'.^lganîe  et  IJernin.  » 
Louvois,  qui  marchandait  ses  hono- 
raires    au   sujet  d'un    des  colosses 
proposés    pour  Versailles  ,    lui  dit 
que  le  roi   ne  ])ayait  pas  davanta- 
ge un  général  d'armée  :  «  J'en  con- 
»  viens  ,  repartit  l'artiste;   mais  le 
»  roi  n'ignore  pas  qu'd  peut  facile- 
))  ment  trouver  des  généraux  parmi 
»  le  grand  nombre  d'excellents  olll- 
»  ciers  qu'il  a  dans  ses  troupes  ,  et 
»  qu'il  n'y  a  pas  en  France  plusieurs 
»  Puget.  »  Toutefois  ,  il  faut  se  res- 
souvenir  que   Puget    parlait   ainsi, 
dans  un  moment  où  il  était  pénétré  du 
sentiment  de  l'injustice  qu'il    avait 
soufferte  :  il  rentrait  dans  le  droit  ilc; 
se  juger  lui-même,  quand  ou  l'appré- 
ciait si  mal.  On  trouvedans  la  collec- 
tion lie  Hoyer  d'.\guilles',  un  portrait 
de  Puget,  peint  de  sa  main,  (piilerc- 
pré>enteàgéd'environ  vingt-(  iiiqans  : 
il  est  gravé  à  la  manière  noire  par 
Hardoin  Coussin  ,  natif  d'Aix,   Le 
portrait  ,  peint  aussi  par  lui ,  qui  ap- 
partient à  M.  de  Panisse  ,  a  été  gravé 
a  l'eauforte  ,  in-H".  ;  il  porte  les  let- 
tres L.  C.  F.  Celui  de  sa  maison  de 
Toulon ,   est    inédit.    Un  quatrième 
portrait,  peint  par  son  (ils  ,1e  repré- 
sente dans  les  dernières  années  de  sa 
vie.  On  le  voit  à  Paris  ,  chez  une  daine 
descendante  d'un  de  ses  hères.  II  a 
été  gravé  par  Jeaurat ,  in -fol.  Un 
buste  en  terre  cuite  ,  de  la  main  do 
Veyrier  ,  et  rpii  le  représente  âgé  de 
plus  de  soixante  ans  ,  ouvrage  d'une 
bonne  exécution  ,  orne  la  collection 
de  IVL  de  bourguignon  ,  déjà  citée. 
L'académie  de  Marseille  a  propose* 
son  éloge  pour  un  sujet  de  juix  ,  ea 
1801.  T.e  prix  a  été  décerné  le  i'>. 
avril  iSo-j.  Ce  concours  a  fait  naître 
plusieurs  discours  qui  ont  été  im- 


PUG 

primes  :  i<».  Elop;e,  etc.  sans  nom 
d'auteur  (  par  M.  Duchesnc  l'aï- 
ne'  ,  premier  employé'  au  cabinet 
royal  des  estampes,  à  Paris);  ui®. 
par  M.  L.  D.  Fcraud  ;  S**,  par 
M.  Alplionse  KaLbe.  Le  prix  a  c'te' 
décerné  à  un  Discours  (encore  inédit) 
de  l'auteur  de  cet  article.  Ln  antre 
ouvrage  a  suivi  ceux-là  ;  il  est  inti- 
tulé :  Essai  sur  la  vie  et  les  ouvra- 
sses de  Pierre  Puget ,  par  Zenon 
Pons,  Paris,  1812,  in-S*^.  La  Vie 
de  Pierre  Puget ,  écrite  par  le  père 
Bougcrel,  de  l'Oratoire,  que  nous 
avons  citée,  se  trouve  dans  ses  Mé- 
moires pour  servira  V histoire  de  plu- 
sieurs hommes  illustres  de  Proven- 
ce. L'hommage  rendu  par  l'aca- 
démie de  Marseille ,  a  appelé  une 
nouvelle  attention  sur  ce  grand  ar- 
tiste. En  1807,  l'administration  mu- 
nicipale a  fait  élever  au-devant  de 
sa  maison,  rue  de  Rome  ,  une  co- 
lonne surmontée  de  son  buste,  exé- 
cuté par  Chardini,  et  portant  cette 
inscription  :  A  Pierre  Pu^et ,  sculp- 
teur ,  peintre  et  architecte  ,  Mar- 
seille ,  sa  patrie ,  qu'il  embellit  et 
honora ,  etc.  Cette  colonne  est  po- 
sée sur  une  fontaine  qui  existait 
auparavant  dans  le  même  emplace- 
ment. Puget  n'eut  qu'un  fils  ,  nommé 
François  ,  architecte  ,  et  assez  bon 
peintre  de  portraits.  On  voit  un  ta- 
bleau de  lui  clans  la  collection  du  Roi: 
il  renferme  huit  figures  vues  à  mi- 
corps  ,  qui  sont  des  portraits  de 
Lulli  ,  de  Quinault,  et  de  plusieurs 
autres  poètes  et  artistes  du  siècle  de 
Louis  XIV,  au  nombre  desquels  l'au- 
teur s'est  placé  lui-même.  François, 
mortcn  i'yo'],n'a  eu  qu'unfils,  nom- 
mé Pierre-Paul,  qui  a  éîé  architecte. 
Celui-ci  avait  voué  une  sorte  de  culte 
à  son  aïeul.  H  habitait  sa  maison, 
rue  de  Rome,  et  il  y  avait  établi  une 
galerie ,  entièrement  ornée  d'ouvra- 


PUG 


3o3 


gcs  de  Pierre  Puget.  C'est  à  son  décès 
qu'un  grand  nombre  de  ces  ouvrages 
se  sont  distribués  dans  divers  cabinets. 
Pierre-Paul  est  mort  sans  enfants.  La 
branche  issue  de  Gaspar  ,  frère  de 
Pierre  ,  subsiste  encore.  Puget  forma 
plusieurs  élèves  ,  ce  sont  :  Chabcrt , 
constructeur  de  vaisseaux  et  sculp- 
teur en  bois  ;  Baptiste  ,  sculpteur  en 
bois  ;  Veyricr  ;  De  Dieu  (  Jean  )  ; 
Chabry  (  Marc  )  ;  Solaro  (  Andréa  )  ; 
on  lui  donne  aussi  Du  Parc  et  Gara- 
vague  ,  tous  statuaires.  On  a  peu 
gravé  d'après  Puget  :  presque  tous 
ses  ouvrages  sont  inédits.  La  Halle 
au  poisson  de  Marseille,  se  trouve 
sur  un  plan  de  cette  ville ,  exé- 
cuté en  1787  ,  et  dans  l'ouvrage  de 
Durand  ,  intitulé  :  Becueil  et  Parai, 
lèles  d'édifices  anciens  et  moderneSy 
pi.  14.  —  Le  tableau  du  Sauveur^ 
a  été  gravé  à  l'eau  -  forte  ,  in  -  fol. 
])ar  Marchand ,  artiste  de  Marseille  , 
Cetleestampe,  exécutée  vers  1785, 
n'a  point  été  rendue  publique.  —  Le 
Milon  a  été  gravé  par  Desplace  ;  on 
le  retrouve,  ainsi  que  le  groupe  d'An- 
dromède ,  dans  les  Annales  du  Mu- 
sée ,  de  M.  Landon  ,  tome  ix ,  pi.  63, 
tome  XI  ,  pi.  4o-  Le  bas-relief  de  la 
Peste  a  été  gravé  négligemment  , 
in-4°.  ,  par  Moreau. — Depuis  long- 
temps le  public  regrettait  de  voir  le 
groupe  de  Milon  et  celui  d'Andro- 
mède, exposés  aux  intempéries  des 
saisons  dans  le  parc  de  Versailles. 
Le  Milon  a  été  récemment  trans- 
porté à  Paris;  il  doit  orner  un  mu- 
sée de  sculpture  moderne  ,  qu'on 
préparc  dans  le  Louvre.  On  assure 
qu'il  sera  placé  au  centre  d'une  des 
salles.  E — c  D — D. 

PUGET  (  Louis  DE  ) ,  fils  d'un 
procureur  du  roi  au  siège  présidial 
de  Lyon ,  né  dans  cette  ville ,  en 
1629,  annonça  ,  de  bonne  heure  ,  de 
grandes  dispositions  pour  les  scien- 


3o4 


PUG 


ces ,  qu'il  ciiliiva  toute  sa  vie  avec 
succès  et  agrément.  8a  tort'inc  lui 
permit  de  se  moriteriiu  cabinet  d'his- 
toire naturelle  ,  qui  devint  le  plus 
riche  de  l'Europe  en  aimants  et  en 
microscopes.  Ses  découvertes  sur  le 
double  courant  de  l'aimant,  et  sur 
la  déclinaison  de  rai{;uille  aimantée, 
lui  valurent  de  la  réputation  ,  et  en 
incuie  temps  mie  querelle  avec  Jo- 
blot.  Pugct  ne  s'et.iit  pas  borne  à 
l'étude  des  sciences  :  il  cultivait  aussi 
les  liltcratures  grecque  et  latine;  il 
avait  même  traduit  plusieurs  o.les 
d'Horace  en  vers  français.  Boileau  a 
fait  l'éloge  de  son  talent  pour  la  poé- 
sie; mais  il  faut  tout  dire  :  Puget  avait 
compose  des  vers  en  l'honneur 
du  satirique  fr.mçais.  Lors  de  l'ap- 
parition du  rabdomancien  ,  Jacques 
Aiinarv  f-  AiMAu-Vtn.NAY  ,l,3.jo), 
Puget  combattit  les  prélendues  mer- 
veilles de  la  baguette  divinatoire.  Il 
n'était  |)is  moins  charitable  ijue  sa- 
vant. Dans  l'hiver  même  de  sa  mort, 
il  veiulit  sa  vaisselle,  aiin  de  pouvoir 
donner  plus  de  secours  aux  malheu- 
reux. Il  mourut  le  i(>  décembre 
i"0();iiavaitléguésa  bibliothèque  au 
petit  collège  des  Jésuites  de  sa  pa- 
trie ,  après  avoir  distriluic  à  ses  amis 
les  raretés  et  lesjjiècesde  prix  de  son 
cabinet.  Puget  était  membre  de  l'a- 
cadémie 4le  Lyon.  On  a  de  lui  :  I. 
Ob.^eivaliom,  ^ur  la  structure  des 
jeux  de  divers  insectes  ,  et  sur  la 
trompe  des  papillons ,  Lyon,  1706, 
in-8'*.  C'est  de  cet  ouvr-igeque  Boi- 
leau fait  l'éloge  dans  sa  Lettre  à 
Brossette  ,  du  i5  juillet  1706.  IL 
Lettres  de  M.  Pitiict  de  Lyon  à 
M.  Joblot  ,  sur  l'aimant  j  170'i. 
IIL  Lettres  écrites  à  un  plùlosophe 
sur  le  choix  d'une  liYpothèse  propre 
à  expliquer  le^  ^/cii  de  l'aimant , 
1702  ,  in-iu.  IV.  Lettres  au  P. 
Lami ,  où  il  lui  rend  compte  de  di- 


PUI 

verses  expériences  qu'il  a  faites  avec 
le  microscope  (  dans  le  Jaurtial  des 
Savants  àc  1704).  Son  l'éloge,  par 
l'aLhc  Tricaud  de  Belmond  ,  est  im- 
primé dans  le  Journal  de  Trévoux  , 
septembre  1710,  pag.  i575-iiJ8t). 
Le  P.  Vanière  lui  avait  consacre 
tme  épitaphe  latine  ,  dor.t  la  tiaduc- 
tion  .  en  vers  français  ,  par  Cirigny  , 
a  été  impriméedans  \cJouinnlliislo- 
r/V/we  (de  Verdun  ) ,  juin  171(1.  Le  P. 
Hinet,  jésuite,  avait  composé,  sur 
la  mort  de  Puget,  une  Lclogue  latine, 
qui  fut  imprimée  en  1 7  i  o,  et  traduite 
en  vers  fiançais  par  Du  IMoulceau  , 
académicien  de  I>yon.  Grigiiy  et 
Mouiccau  paraissent  être  le  même 
auteur.  A.  B — t. 

PUISIEUX     (  PlIiBUE    Bl.ri.AUT  , 

marquis  ur.  ),  homme  d'étal,  était 
(ils  du  chancelier  Brulart  de  Sdle- 
ry  (  foyez  Sitr-tnv  ).  A  tous  les 
avantages  extérieurs  il  joignaitbe.in- 
coup  d'esprit  ,  d'instruction,  et  une 
grande  capacité  pour  les  allaires. 
Pourvu,  dès  l'âge  de  dix-se|)t  ans, 
d'une  charge  de  secrétaire  -  d'état , 
j)ar  la  protection  de  Nie.  de  Villeroi , 
dont  il  épousa  la  petite  -  fille  ,  il  fut 
envoyé  en  Espagne  ,  avec  le  titre 
d'ambassadeur  extraordinaire,  pour 
conclure  le  mariage  de  Louis  XIJI 
avec  l'infante  Anne  d'Autriche  j  et , 
après  avoir  rendu  compte  de  sa  mis- 
sion, il  retourna  chercher  la  nou- 
velle reine,  qu'il  eut  l'avantage  de 
saluer  le  premier.  Cependant  le  ma- 
réchal d'Ancre,  (pii  redoutait  la  sé- 
vère probité  de  Puisieux,  parvint  à 
le  faire  éloigner  delà  cour,  en  iGi(i: 
il  y  fut  rappelé  l'aïuiée  suivante, 
et  d  continua  d'être  employé  pen- 
dant la  faveur  du  duc  de  Luynes.  Il 
soumit,  en  1621  ,  à  l'obéissance 
royale,  la  ville  de  Montpellier,  révol- 
tée; et  Louis  XIII,  pour  le  récom- 
penser de  ce  service  important;,  le  fit 


PU! 

chevalier  de  ses  ordres  j  mais  la  bon- 
ne volonté  du  roi  resta  sans  effet ,  et 
Puisieux  ne  fut  jamais  reçu  (i)  :  la 
reine  Marie  de  Médicis ,  qui  voulait 
faire  entrer  au  conseil  le  cardinal  de 
Richelieu  (2) ,  son  prote'gc'  ,  s'unit 
avec  le  marquis  de  la  Vieuville  pour 
en  éloigner  les  Sillery.  Puisieux  était 
malade  depuis  quelques  jours,  quand 
on  lui  signifia  (le  4  fév.  1624),  en 
même  temps  qu'à  son  père,  l'ordre 
de  sortir  deParis.  Il demandala per- 
mission de  se  inslilier  :  on  lui  accor- 
da tout  ce  qu'il  voulut,  à  condition 
qu'il  obéirait  sur-le-champ  aux  or- 
dres du  roi,  en  partant  pour  ses  ter- 
res. Il  soutint  sa  disgrâce  avec  beau- 
coup de  fermeté.  Puisieux  refusa 
constamment  la  finance  de  sa  charge 
de  secrétaire-d  état,  pour  laquelle  le 
roi  lui  fît  offrir  jusqu'à  deux  cent  mil- 
le francs,  avec  son  rang  dans  le  con- 
seil et  l'ambassade  de  Rome.  Désa- 
busé du  monde,  il  ne  voulut  plus 
s'exposer  à  de  nouvelles  intrigues ,  et 
mourut,  le  22  avril  1640,  à  l'âge  de 
cinquante-sept  ans,  laissant  la  répu- 
tation d'un  homme  ferme  et  intègre. 
On  trouve  des  Lettres  de  ce  minis- 
tre dans  le  recueil  des  Ambassades 
de  La  Boderie  (Voyez  LefÈvre, 
XXXIII ,  55o  ),  Il  n'avait  point  eu 
d'enfants  de  son  mariage  avec  M'^^. 
de  Villeroi.  Après  la  mort  de  sa  pre- 
mière femme,  il  épousa  Charlotte 

(i  )  On  assure  que  Louis  Xin  aval  t  le  projet  de  créer 
Puisieux,  duc  et  pair,  mais  que  celui-ci  refusa  cet 
iiouneur  par  suite  de  son  esprit  de  modération. 

{■>.)  Puisieux  n'eut  jamais  aucun  rapport  avec  Ri- 
clielieu  depuis  sou  éiévatiou;  a  nsi  l'anecdote  sui- 
Taiite ,  rapportée  dans  le  nouveau  Dict.  historique  , 
ciiliij.  el  hihliogr,  XXII.  4^8  ,  est  controuvce  :  Pui- 
sieux, dit-ou  ,  jouait  nu  jour  à  la  prime  avec  le  car- 
.  diual  de  Richelieu;  il  survint  un  coup  de  dé,  qu'on 
fit  juger  par  les  spcclateurs.  15rulart  fut  coudahmié 
tout  d'une  voix.  Outré  de  la  décision  ,  il  paya  en 
murmurant ,  et  dit  entre  ses  dents  :  Tous  les  corsai- 
res ne  sont  pas  sur  la  mer.  Riclielieu  l'entendit; 
«■t  lorsque  Brulart  sortit  et  qu'il  fut  près  de  la  porte 
le  cardinal  vint  doucement  lui  prendre  la  tète  ,  ctia 
retournant ,  dit  :  «  Voilà  une  belle  lète  qui  tient  sur 
j)  ce  beau  corps  ;  ce  serait  dooimaô«  dcl'cM  séparer  !  » 

XXXVI. 


PU! 


So5 


d'EstampcsValencey,morteeni675, 
dame  de  beaucoup  d'esprit,  connue 
par  ses  relations  avec  M'"»,  (Jg  sé- 
vigné ,  qui  la  nomme  plusieurs  fois 
dans  ses  Lettres.  W — s 

PUISIEUX  (  Philippe -FLO- 
RENT de),  littérateur  ,  né  en  1713,  à 
Meaux ,  se  fit  recevoir  avocat  au  par- 
lement de  Paris  ;  mais  il  abandonna 
le  barreau  pour  se  livrer  à  la  culture 
des  lettres ,  et  en  particulier  au  "enre 
de  la  traduction.  Il  eut  le  bon  esprit 
de  s'attacher  à  ne  faire  passer,  dans 
notre  langue  que  des  productions 
utiles  ,  et  par-là  mérita,  non  une  ré- 
putation ,  qu'il  paraît  n'avoir  point 
ambitionnée,  puisqu'il  n'a  mis  son 
nom  à  la  tefe  d'aucun  de  ses  ouvra- 
ges ,  mais  l'estime  et  la  reconnais- 
sance de  ses  lecteurs.  Puisieux  mou- 
rutàParis,  au  mois  d'octobre  1772. 
Outre  quelques  Romans  de  Fieldino- 
et  d'autres  bons  auteurs  ,  il  a  traduit 
de  l'anglais  :  La  grammaire  géo- 
graphique de  Gordon,  1748,  in-S"*. 

—  La  grammaire  des  sciences  phi- 
losophiques de  Benj.  Martin  ,  m^^q 

1 764,  1 777 ,  in-80.  (  F.  B.  Martin' 
XX VU ,  3 1 1 .  )  —  Dissertation  oii 
l'on  prouve  que  la  femme  n'est  pas 
inférieure  à  l'homme  ,  1750,  in-i  2. 

—  Le  Calendrier  des  jardiniers  de 
Bradley  ,  avec  une  description  des 
serres  ,  1750  ,  m- xi.  — L'Histoire 
navale  de  V Angleterre ,  de  Lediard 
1751  ,  3  vol.  in-40.  —  La  géogra- 
phie générale,  de  Varenius,  au"- 
raentée  par  Jurin,  1755  ,  4  vol.  in- 
1 2.  —  Eléments  des  sciences  et  des 
arts  littéraires  ,  de  Benj.  Martin 

1 756  ,  3  vol,  in- 1 2.  —  Nouvelles  ob- 
servations physiques  et  pratiques  sur 
le  jardinage,  par  Bradley,  1756, 
3  vol.  in-i2.  —  Les  voyageurs  mo- 
dernes ,  1760,  4  vol.  iu- 12  j  c'est 
une  .compdation.  —  Vojage  en 
France ,  en  Italie  et  aux  îles  de 
20 


3o6  PUI 

VArchifwl^  [»ar  Maihows ,  1763, 
4  vol.  iu-i-i  ;  cet  ouvrage  avait  paru 
l'année  précedenie  ,  sous  le  litre  de 
Lettres  écrites  de  divers  endroits  de 
l'Europe  et  du  Levant.  —  Expé- 
riences physiques  et  chimiques  sur 
plusieurs  matières  relatives  au  com- 
inereeet  au\  arts,  par  Lewis,  1769, 
4  vol.  in- 12.  Puisicux  a  traduit  en 
outre  du  latin: Les  Consultations  de 
médecine,  de  Hoirmann,  i754-5>5, 
4  vol.  in-  12.  — Les  Observations 
physiques  et  chimiques  du  luèuie  au- 
teur, 1754  ,  2  vul,  in- 12  ;  —  et  les 
Avis  et  préceptes  de  médecine,  du 
docteur  Mead,  1738,  in- 12.  Enfin, 
de  l'italien  :  Becueil  de  pièces  de 
médecine  et  de  physique  ,  par  Coc- 
clii  ,  1702  ,  in-i'.i  ,  dont  on  a  extrait 
le  Régime  de  P)  thagore  ,  1702, 
in-8°.  '  W— s. 

PUISIELX  (  Madelène  d'Au- 
SANT  DE  ) ,  épouse  du  précédent  , 
née  à  Paris  en  1720,  cultiva  la  lit- 
térature à  son  exemple,  mais  avec 
plus  de  li'le  que  de  succès.  Elle  par- 
vint à  un  âge  avance,  puisqu'elle  se 
trouve  comprise  pour  une  somme  de 
deux  mille  livres  dans  la  répartition 
des  secours  accordés  aux  gens  de 
lettres  ,  par  le  décret  du  \  septembre 
1795:  mais  depuis  long-temps  elle 
avait  cessé  d'écrire,  ctl'on  n'a  pu  dé- 
couvrir l'époque  de  sa  mort.  ]>!'»»'=. 
de  Puisicux  ne  manquait  ni  d'esprit, 
ni  d'une  certaine  facilité  de  style  ; 
mais  elle  n'avait  point  d'imagination, 
pointde  chaleur,  cl  toutes  ses  produc- 
tions sont  marquées  au  coin  de  la 
plus  déplorable  médiocrité.  On  a  de 
celte  dame  :  I.  Conseils  à  une  amie  , 
1749,  in- 12.  Ce  sont  des  préceptes 
d'éducation  pour  une  jeune  demoi- 
selle. Fj'ouvrage  eut  du  succès  :  il  fut 
même  traduit  en  anglais  ;  mais  le 
traducteur  l'attribua  ,  par  inadver- 
tance ,  à  une  dame  qui  n'y  avait  eu 


PUJ 

aucune   part.  II.   Les  Caractères , 

1750  ,  in-12  ;  nouvelle  édition  aug- 
mentée, 1755,2  V.  iu-12.  Palissot 
lui  reproclia  ,  dans  le  temps  ,  d'avoir 
oublié  celui  de  la  Femme  bel-esprit. 
m.  Réflexions  et  yivis  sur  les  dé- 
fauts  et    les   ridicules  à    la   mode , 

1751  ,  in-8**.  IV.  Le  Plaisir  et  la 
rdupté,  conte  allégorique,  1752, 
in-12.  On  eu  trouve  l'analyse  dans 
la  Ribliothèqtie  des  Romans,  avril 
1787.  V.  Zamoret  Almanzine ,  ou 
l'inutilité  de  l'esprit  et  du  bon  sens  , 
1755,  iu-12  :  mauvais  roman  dont 
le  titre  prêtait  trop  à  la  plaisanterie 
pour  que  l'auteur  pût  y  échapper 
(  f'oy.  l'art,  de  M'"<^.  de  Puisieux 
dans  les  Trois  siècles  de  la  littéra- 
ture ,  ])ar  l'abbé  Sabatier  ).  VI. 
\'  Education  du  marquis  de  ***  ou 
Mémoires  de  la  conitesse  de  Zurlac, 
1755,  1  vol.  in-12  ;  traduit  en  alle- 
mand. VII.  Alzarac,  ou  la  nécessité 
d'être  inconstant,  17G2, in-12.  \  III, 
J/istoire  de  M"",  de  Terville  ,  1  7G8, 
in- 1 2  ,  six  parties  ;  traduite  en  alle- 
mand. IX.  Mémoires  d'un  homme 
de  bien,  17G8,  in-12,  trois  parties, 
in-12,  trad.  en  allemand.  L'abbé  de 
La  Porte  a  donné  une  analyse  très- 
étendue  des  ouvrages  qu'on  vient  de 
citer,  dans  le  tome  v  de  V J/istoire 
littéraire  des  femmes  françaises. 
On  attribue  encore  à  M'"*^.  de  Pui- 
sicux :  le  Marquis  à  la  mode,  comé- 
die ,  17G3  ,  in-12  ;  et  V Histoire  du 
rè^ne  de  Charles  Vil ,  4  v.  in-12  , 
citée  dans  la  nouvelle  édition  de  la 
Bibliothèque  historique  de  la  Fran- 
ce ,  et  par  la  ])lupart  des  autres  bi- 
bliographes ,  dont  aucun  ne  donne  la 
date  de  cet  ouvrage,  qui,  peut-être, 
n'a  existé  qu'en  projet.       W — s. 

PUJOULX  (  Jean  -  Baptiste  ) , 
littérateur  aussi  modeste  qu'estima- 
ble ,  naquit,  en  1762,  à  Saint- 
Macaire,  dans  laGuienne,  vint  fort 


PUJ 

jeune  à  Paris,  et  se  fit  connaître 
par  des  articles  de  journaux  ,  qui 
prouvaient  de  la  facilite,  du  goût,  et 
des  connaissances  dans  les  arts  du 
dessin.  Il  devint  l'un  des  rédacteurs 
du  Journal  de  littérature  française 
et  étrangère ,  qui  s'imprimait  ci  Deux- 
Ponts,  et  continua  de  fournir  des 
articles  aux  journaux  littéraires  de 
Paris.  Il  composa  ,  pour  les  dif- 
férents théâtres  une  foule  de  piè- 
ces ,  dont  plusieurs  annonçaient  un 
talent  d'observation  remarquable  , 
et  obtinrent  un  succès  mérité.  Sa- 
tisfait d'une  fortune  médiocre  ,  il 
refusa  tous  les  emplois  qui  lui  furent 
offerts  pendant  la  révolution,  à  la- 
quelle il  resta  constamment  étranger, 
se  bornant ,  comme  il  le  dit  lui-mê- 
me, à  tout  voir,  tout  observer  de 
son  dojijon,  tour-à-tour  gémissant 
ou  espérant ,  donnant  des  consola- 
tions a  ceux  de  ses  amis  qui,  plus 
courageux  ou  moins  prudents  ,  des- 
cendaient dans  l'arène ,  et  revenaient 
bientôt  également  froissés  d'une  cour- 
se où  chacun  d'eux  tendait  vers  l'n 
but  diflerent  (  Voyez  Paris  à  la  fin 
du  dix-huitième  siècle,  p.  3  ).  L'é- 
tude des  sciences,  et  en  particulier 
de  l'histoire-naturelle,  occupa  Pu- 
joulx  dans  ses  dernières  années.  Il 
eut  part  à  quelques  entreprises  litté- 
raires,  et,  entre  autres,  au  Journal 
de  V Empire,  et  à  la  Biographie 
universelle  ,  à  laquelle  il  a  fourni 
des  articles  de  compositeurs  ,  d'ac- 
teurs et  d'auteurs  dramatiques.  Il  est 
mort  à  Paris,  le  17  avril  i8'-ii.  Il 
était ,  depuis  quelque  temps,  secré- 
taire du  Théâtre  de  la  Gaîté.  Ou- 
tre une  nouvelle  édition  de  la  Gram- 
maire italienne  de  Vénéroni,  avec 
des  corrections  ,  une  Vie  de  Pi- 
ron  ,  à  la  tête  des  OEuvres  choi- 
sies de  ce  poète  ,  et  des  Notices 
sur  Florian,  dont  il  avait  recueil- 


PUJ  3o7 

li  des  manuscrits  (  F.  Florian),  et 
Vy^strologue  parisien  ,  Alman.ich 
qu'il  a  publié  de  1812  à  1817, 
(3  vol.  in- 18  ,  on  a  de  Pujoulx:  I.  La 
Critique  des  salons  de  peinture,  des 
années  1783,  1785  et  1787,  sous 
les  titres  suivants  :  Momus  au  Salon, 
comédie  en  vers  et  en  vaudevilles  ; 
—  le  Songe,  ou  la  conversation  à 
laquelle  ou  ne  s'attend  pas,  scène  cri- 
tique;  — Figaro  au  Salon,  pièce épi- 
sodique,  en  prose,  mêlée  de  vaude- 
villes;— les  Grandes  F rophélies  du 
grand  Nostradamus ,  sur  le  grand  Sa- 
lon de  peinture,  en  vers  et  en  prose. 
II.  Des  Pièces  de  théâtre  :  les  Capri- 
ces de  Proserpine ,  ou  les  Enfers  à  la 
moderne  ,  comédie  en  un  acte  et  en 
vers  ,  1 784  ;  — le  Souper  de  famil- 
le ,  ou  les  Dangers  de  l'absence,  co- 
médie en  deux  actes  et  en  prose  , 
1788  :elle  eut  beaucoup  de  succès 
dans  la^nouveauté;  et  tous  les  jour- 
naux s'accordèrent  à  en  rendre  un 
compte  avantageux  :  l'auteur  l'a  mi- 
se  eu  opéra ,  sous  le  titre  du  Re?idez- 
vous supposé,  1 798  ;  —  Encore  des 
Savojards,  comédie  en  deux  actes 
et  eu  prose,  1789;  Pujoulx  réduisit 
cette  pièce  en  un  acte ,  y  ajouta  des 
couplets,  et  la  fît  représenter,  eu 
179-2,  au  théâtre  Italien  ,  sous  le  ti- 
tre de  V  Ecole  des  pajve?w s  :  c'est 
la  suite  des  Deux  petits  Savoyards 
(  F.  Marsollier  )  ;  — -  Amélie,  ou 
le  Couvent,  comédie  en  deux  actes 
^  79  '  ; — Mirabeau  à  son  lit  de  mort 
comédie  en  un  acte,  1 791  .-  les  prin- 
cipaux personnages  de  cette  pièce 
sont  MM.  de  Talleyrand  ,  Lamarck  , 
Frochot,  Cabanis,  Petit,  etc.;  — k 
Feuve  Calas  à  Faris,  comédie  eu 
un  acte,  1791  ,  mise  en  opéra  et 
jouée  sous  le  titre  d' Une  Matinée  de 
Foliaire  ,  1 799  ;  —  Cadichon ,  ou 
les  Bohémiennes ,  comédie  en  un  ac- 
te, mêlée  de  vaudevilles,  1792;  — 
20.. 


So8  PUJ 

Philippe,  ou  les  Dangers  de  Vi\'res- 
se ,  comédie  en  «n  acte,  179'!  ;  — 
les  Monta f;nards,  ou  VEcole  de  la 
lierifuisance ,  romëdic  en  un  acte, 
ï  71)4  ;  —  la  Benccntre  en  voyas;e , 
opera-coraique  on  un  acte,  1708; — 
les  Modernes  enrichis  ,  comédie  eu 
trois  actes  et  en  vers  libres,  1  798  : 
cette  pièce  étincelle  de  traits  d'un  vé- 
ritable comique; — les  Noms  suppo- 
sés ,  opc'ra-comique  en  deux  actes  , 
1 7()H ;  —  le  roisinap;e ,  opéra  -  co- 
mique en  un  acte,  iHoo;  —  V.-lnli- 
célibatfùre ,  ou  les  Maria g^es,  comé- 
die en  cinq  actes  et  en  vers ,  i8o3. 
m.  f.e  Livre  du  ■second  d^c ,  1800, 
in-8°. ,  fig.  Cet  ouvrage  a  eu  trois 
éditions.  ÎV.  Le  Naturaliste  du  se- 
cond df;e,  i8o5  ,  in-8"^.,  fig.  Il  a  e'tc 
traduit  en  polonais.  V.  Paris  à  la 
fin  du  dix  -  huitième  siècle,  ou  Es- 
quisse historique  et  morale  des  mo- 
numents et  des  ruines  de  celle  capi- 
tale, etc.,  1801,  in  -  8".  ;  traduit  en 
alleiudiid.  Cet  ouvrage,  dans  lequel 
on  ne  trouve  pas  un  mot  relatif  à  la 
politi'pic,  renferme  quelques  anec- 
dotes assez  piquantes,  cl  des  chapi- 
tres (pli  décèlent  un  observateur  ju- 
dicieux. VI.  Promenades  au  jardin 
des  Plantes,  à  la  Ménagerie  et  dans 
les  galeries  du  Muséum  dliistoire 
naturelle,  i8o.|,  1  vol.  in- 18.  VII. 
Leçons  de  physique  de  V école  p'dj- 
teciinique ,  sur  les  propriétés  géné- 
rales des  corps  ,  i8o5,  in-8".,  fig. 
VIII.  I.a  Botanique  des  jeunes  gens 
et  des  gens  du  monde,  1810,2  vol. 
in-S"., fig.  IX.  Promenade  au  mar 
ché  aux  Fleurs,  ou  la  Bofaniipie  du 
second  âge,  181  i  ,  in-iu,  (ig.  X. 
Minéralogie  à  l'usage  des  gens  du 
monde,  i8i3,in-8<'.,  fig.  XI.  Louis 
xri  peint  par  lui-même ,  ou  Cor- 
respondance et  autres  écrits  de  ce  mo- 
narque, pre'ce'dés  d'une  Notice  sur  la 
vie  de  ce  prince ,  avec  des  notes ,  etc., 


PUL 

Paris,  1817  ,  in-S**.  Depuis  la  publi- 
cation de  cet  ouvrage,  iM.  Beuchot 
a  démontre  que  la  Correspondance 
attribuée  à  Louis  xvi  n'était  jioint 
autlicnti(]ue  (  Vov.  \c  Journal  de  la 
librairie,  ann.  1818,  p.  3;)  i  -  4io, 
et  ann.  1819,  p.  374  \  Pujoulx  s'é- 
tait charge  de  fournira  V Em\y  clopé- 
die  des  dames  les  parties  de  l'astro- 
nomie,  la  phjsique,  ia  chimie  ,  la 
minéralogie  et  la  musique.  Le  Jour- 
nal qu'on  vient  de  ciler  contient  le 
Catalogue  exact  des  productions  de 
Pujoiilx,  ann.  1821 ,  n*^.  4-1-    W-s. 

PUL  (N LE  }  naquit  à  Béziers, 

vers  i6\o.  Les  recueils  du  temps  of- 
frent diverses  pièces  de  vers  de  sa 
composition.  Ou  insérera  ici,  sur  ce 
poète  ,  quelques  détails  ,  qui  c'vite- 
ronl  peut-être  des  recherches  aux 
Saumaises  futurs.  Ils  sont  tires 
d'une  correspondance  cpi'il  entrete- 
nait avec  M'  "''.  de  Scudèry  ,  et  dont 
les  originaux  existent  dans  le  cabinet 
du  rédacteur  de  cet  article.  Le  Pid 
prend  ,  dans  l'une  de  ces  lettres  ,  la 
qualité  de  figuier  de  Béziers  ,chnr- 
gc  de  magistrature  qui  correspondait 
à  celle  de  prévôt  royal.  Il  se  trouvait 
à  Rome  pendant  leconrjavcde  1O70, 
dans  lequel  Clément  X  fut  exalté. 
De  retour  dans  sa  patrie,  il  fut  nom- 
mé ,  en  i()8i  ,  premier  consul  et 
gouverneur  de  Bé/icrs.  On  voit  dans 
une  lettre  datée  du  3i  mars  1701  , 
qu'ayautété  présenté  par  Icmaréchal 
de  Noaillcs  au  duc  de  Bourgogne  et 
au  duc  de  Berri  ,  qui  venaient  d'ac- 
compagner Philippe  V  jusqu'à  la 
frontière  d'Espagne  ,  il  leur  fit  hom- 
mage d'une  traduction  en  vers  fran- 
çais des  Eglogues  de  Virgile  ,  qu'il 
venait  de  faire  imprimer.  Cette  tra- 
duction ,  que  nous  n'avons  pu  nous 
procurer, ij'a  pas  été  connue  de  l'ab- 
bé Goujet  ;  et  il  est  vraisendjiabic 
que  sa  mcdiocritc  l'aura  condamnée 


PUL 

à  l'oubli.  On  a  insère'  dans  les  Déli- 
ces de  la  poésie  galante ,  i»*^.  par- 
tie, Jean  Ribou  ,  1666,  p.  198, 
nue  petite  pièce,  assez  joHe,  signée 
tle  LcPul,  qui  a  pour  titre  :  Le  je  ne 
scai  quoj.  On  lit  aussi  dans  la  lu*'. 
partie  du  même  recueil,  Paris,  lOG-y, 
p.  40  ,  une  pièce  intitulée  V Epingle, 
adressée  à  M^^''^.  de  Longueval ,  iillc 
d'honneur  de  la  reine  :  elle  n'est  pas 
signée  ;  mais  elle  se  trouve  ,  avec  sa 
signature ,  dans  la  correspondance 
qui  vient  d'être  indiquée.  On  conser. 
ve  ,  à  la  biLliotbèquc  de  KAisenal  , 
(  Manuscrit  go'j  ,  tome  x  ,  p.  53'y  ), 
des  stances  de  Le  Pul ,  adressées  au 
comte  de  Saint-Paul,  depuis  duc  de 
TiOngueville  ,  qui  fut  tué  au  passage 
du  Rhin.  On  lit,  au  même  manuscrit, 
p.  547  ,  une  ode  au  Roi  par  le  mê- 
me poète ,  sur  la  défaite  des  Turcs  , 
en  1666.  Nous  avons  sous  les  yeux 
une  ode  à  la  reine  Christine,  com- 
posée en  1670  ,  et  dont  il  envoya  le 
manuscrit,  en  1678,  à  M^^'".  Scu- 
déry.  11  n'est  pas  vraisemblable  que 
l'on  commette  jamais ,  envers  Le  Pul , 
l'indiscrétion  de  publier  ceux  de  ses 
ouvrages  qu'il  a  sagement  gardés 
en  portefeuille.  L'époque  de  sa  mort 
est  inconnue.  M — É. 

PULCHÉRIE  (/Ex/,4  Pulcue- 
RiA  AuGUSTA  ),  impératrice,  née  à 
Constantinople  ,  le  19  janvier  Sgg  , 
était  (ille  d'Arcadius  et  d'Eudosie: 
elle  fut  déclarée  Auguste,  eu  4^4  ? 
et  gouverna  l'empire ,  sous  le  nom 
de  Théodose,  son  frère,  plus  jeune 
qu'elle  de  deux  ans.  Dans  un  âge  si 
rapproché  de  l'enfance ,  Pulchérie 
Ht  voir  des  vertus  et  une  sagesse 
qui  sont  d'ordiuaire  les  fruits  d'une 
expérience  consommée.  Son  éduca- 
tion avait  été  confiée  à  d'habiles  maî- 
tres ,  et  elle  avait  répondu  à  leurs 
soins.  Elle  s'exprimait  avec  autant 
de  grâce  que  de  facilité,  dans  les 


PUL 


309 


langues  grecque  et  latine  ,  rflmait  les 
lettres,  et  accordait  une  noble  protec- 
tion aux  savants.  Pour  prévenir  les 
divisions    qu'aurait    infailliblement 
amenées  dans  la   famille  impériale 
son  mariage  ou  celui  de  ses  sœurs  , 
elle  les  décida  par  ses  conseils  et  par 
son  exemple  à  se  consacrer  à  Dieu. 
Le  vœu  solennel  des  trois  filles  d'Ar- 
cadius fut  inscrit  sur  des  tablettes 
d'or,  enrichies  de  diamants ,  qu'elles 
déposèrent  dans    la   cathédrale   de 
Constantinople.  Dès -lors  le  palais 
impérial  fut  une  espèce  de  monastère 
où  les  princesses  partagèrent   leur 
vie  entre  la  prière  et  le  traA^ail  des 
mains.  Pulchérie,  dit  Gibbon,  est 
la  seule  des  descendants  du  grand 
Théodose  ,  qui  semble  avoir  hérité 
d'une  partie  de  son  courage  et  de  sou 
génie.  Malgré  son  exactitude  à  rem- 
plir tous  ses  devoirs  de  piété  ,  cette 
princesse  ne  négligeait  aucun  des  dé- 
tails du  gouvernement  :  elle  assistait 
à  toutes  les  séances  du  conseil,  et  ré- 
digeait eile-mêmc  toutes  les  délibéra- 
tions importantes  ;  mais  c'était  sans 
bruit ,  sans  ostenlation  ,  attribuant 
à  son  frère  tout  le  bien  qu'elle  fai- 
sait ,  sentant  combien  il  importait 
de  conserver  à  l'empereur  le   res- 
pect et  l'affection  des  peuples.  Elle 
eut  la  plus  grande  part  à  la  con- 
vocation du  concile  d'Ephèse  ,  qui 
condamna  les  erreurs  de  Nestorius 
(  F.  ce  nom  )  ;  et ,  en  mémoire  de  ce 
triomphe,  elle  fit  ériger,  sur  le  port 
de  Constantinople  ,  une  basilique  dé- 
diée à  la  Mère  de  Dieu.  La  sagesse 
de  Pulchérie,  sa  douceur,  son  iné- 
puisable bonté,  ne  purent  la  mettre 
à  l'abri  des  traits  des  envieux.  On 
parvint  à  lui  faire  perdre  la  confiance 
de  Théoduse,  qui  s'abandonnait  aux 
conseils  de  Teunuque  Chrysaphe  ;  et 
elle  se  vit  obligée  de  quitter  la  cour, 
en  447-  Sa  dis^grace  ne  dura  que  pmi 


3fo 


pl:l 


de  temps  :  Thëodose  ne  tnrdn  pas  h 
la  rnppcirr;  et,  après  la  mort  de  ce 
prince ,  Piilrhcrie  fut  unaiiiniemcnt 
proclamée  impératrice  de  l'Oricut. 
C'était  la  pninicre  fois  ,  dit  Gibbon, 
qu'une  femme  occupait  le  trône  des 
Komains.  Dès  qu'elle  v  fut  montée  , 
Pulche'rie  satisfit  son  ressentiment 
personnel  par  un  acte  de  justice. 
L'eiMiti'jue  Chrvsaphc  ,  monstre  cou- 
vert de  crimes  ,  fut  livre'  à  la  ri- 
gueur des  lois  ,  et  pendu  devant  les 
portes  du  palais.  L'impératrice  ne 
pouvait  se  dissimuler  le  de'savantagc 
auquel  les  préjugés  exposent  son 
sexe  :  elle  résolut  de  prévenir  les 
murmures  en  s'associant  un  collègue 
qui  respectât  la  supériorité  de  son 
épouse,  Kile  ollrit  le  tnine  avec  sa 
main  à  Marcien  ,  sous  la  condition 
qu'elle  resterait  fidèle  à  son  vo'u  (  /'. 
Marcieîv,  WVI  ,  (ji5\  Pulchérie, 
de  concert  avec  l'époux  de  son  choix, 
continua  de  trav.iiller  au  bonheur 
des  peuples  et  au  maintien  de  la  fui 
catholiipie  ;  elle  reçut  de  prands  élo- 
ges des  Pères  du  concile  de  Ohalcé- 
doine  ,  assemblé  en  '|")  i  ,  et  qui  con- 
damna l'eulvchianisme  (  /'.  Kutv- 
rnKs  \  Elle  fit  construire  un  grand 
nombre  d'églises  ,  fonda  des  monas- 
tères ,  dota  des  hospices;  et,  par  son 
lestameiif.  elle  donna  tous  ses  biens 
aux  pauvres.  Klle  mourut  le  i8  fé- 
vrier /|")3.  C'est  an  i*""".  juillet  que 
Benoît  XIV  a  autorisé  plusieurs  com- 
munautés religieuses  à  honorer  la 
mémoire  de  cette  vertueuse  impéra- 
trice par  une  messe  rt  an  office  par- 
ticuliers. Les  Grecs  font  sa  fête  le  i3 
septembre.  Quoique  Pulchérie  man- 
quât peut-être  de  vigueur  dans  son 
administration  ,  on  n'en  doit  pas 
moins  applaudir,  dit  encore  Gibbon , 
à  SI  douceur  et  à  sa  longue  prospé- 
rité [  \  oy.  V/Tist.  de  la  dëcad.  de 
l'empire  Romain ,  ch.  .\.\.\/y  ;.0u  a 


PUL 

des  médailles  de  cette  princesse  ,  en 
or  ,  en  argent  et  en  petit  bronze  ; 
elles  sont  très-rares.  Pulchérie  est 
le  sujet  d'une  comédie  héroïque  de 
Corneille,  représentée  en  i()'j*i.Dans 
la  préface  que  Vollairea  miseà  la  tète 
de  cette  pièce,  il  cherche  à  rabais- 
ser les  grandes  (pialilés  de  cette  prin- 
cesse. On  a  vu  que  Gibbon  ,  qu'on 
ne  soupçonnera  pas  d'être  trop  fa- 
vorable au  christianisme  ,  lui  rend 
plus  de  justice.  Outre  les  dilVércnls 
hagiographes  ,  on  peut  consulter  sur 
Ptdchérie  ,  sa  Vie  écrite  par  le  P. 
Coiitucci,  jésuite  ,  Rome,  175  j,  tt  le 
tome  XV  des  Mémoires  de  Tillemont 

Soiir  servir  à  l'Histoire  ecclésiastique 
es  six  premiers  siècles.  W — s. 
PULCl  (Louis),  h-  jilusjciuie, 
mais  non  le  moins  célèbre  d'une  fa- 
mille de  poètes  ,  qui  s'associa  digne- 
ment aux  elTorts  des  Medicis  pour 
la  restauration  des  lettres,  était  né  à 
Florence,  le  i  5  août  i43'.>.  Ses  ancê- 
tres avaient  mérité  leur  longue  illus- 
tration par  des  services  pidjlics.Tout 
ce  (pie  nous  savons  de  lui,  c'est  que 
Laurent  de  Médicis  l'admettait  dans 
sa  familiarité,  et  qu'on  ne  sépare 
guère  son  nom  de  celui  tles  hommes 
les  plus  remarquables  de  cette  oour 
lettrée,  et  surtout  du  nom  de  Poli- 
tien  ,  dont  l'amitié  est  un  de  ses  ti- 
tres de  gloire.  La  vie  toute  littéraire 
de  Pulci  n'a  eu  d'autres  événements 
que  ses  ouvrages  ;  et  ce  qui  le  recom  - 
mande  surtout  à  la  postérité,  c'est 
d'avoir  été  le  créateur  de  l'épopée 
badine  des  modernes  ,  et  d'avoir  an- 
noncé l'Arioste.  L'Italie  du  quitizic- 
me  siècle  n'était  pas  mûre  pour  la 
poésie  épique.  Cent  ans  plutôt ,  Boc- 
cace  avait  consacre  roctavc ,  cette 
forme  si  heureuse  qu'il  a^ait  em- 
pruntée à  nos  troubadours,  et  nalu- 
ralrsée  le  premier  en  Italie,  à  chan- 
ter les  aventures    romanesques   de 


PUL 

personnages  imaginaires  de  l'anti- 
quité'. Luc  Pulci ,  le  deuxième  frère 
de  Louis,  avait  suivi  cet  exemple  en 
rapprochant   des    temps   modernes 
l'action  de  son  poème.  Des  versifica- 
teurs, dont  les  noms  ne  nous  sont 
pas  même  parvenus  avec  les  poèmes 
obscurs  qu'ils  nous  ont  laissés  (i), 
avaient  lu,  dans  nos  vieilles  chro- 
niques romanes,  l'histoii'e  se'rai-fa- 
buleuse  de  Charlemagne  et  de  Ro- 
land; et  ces  misérables  rhapsodes  du 
moyen  âge  avaient  rimé,  pour  le  peu- 
ple des  carrefours ,  ces   récits  plus 
qu'extraordinaires  ,  traduits  en  lan- 
gue vulgaire  avant  eux ,  et  qu'ils  or- 
naient de  prières,  quelquefois  consa- 
crées par  l'Église,  mais  qui  n'étaient 
le  plus  souvent  que  des  vœux  pour 
eux-mêmes,  ou  pour  leurs  auditeurs , 
dont   la    générosité    ne    leur    était 
point  indifférente.  Ces  essais  infor- 
mes étaient  sérieux,  ainsi  que  ceux 
de  Boccace  ;  mais  rien  de  tout  cela  ne 
ressemblait  à  l'épopée.  Laurent  de 
Médicis ,  qui  lui-même  ne  dédaignait 
pas  de  composer  des  chansons  pour 
le  carnaval,  trouva  plaisant  de  pa- 
rodier en  quelque  sorte  ces  poèmes 
populaires,  et  de  faire  rire  des  sou- 
venirs vrairaeniépiques  qu'ils  avaient 
célébrés  :  cette  idée  sourit  à  la  gaîté 
bouffonne  de  Pulci  ;  et  la  Mnse  ita- 
lienne fut  dotée  d'un  nouveau  genre 
de  poésie  (2).  Ces  faits  rapprochés 
nous  expliquent  tout  le  dessein  de 
son  poème  ,  qui  a  été  l'objet  d'une 
si  vive  controverse  entre  les  criti- 
ques italiens.  Sans  admettre  et  sans 
repousser  l'opinion  de  Gravina  ,  qui 
a  cru  que  Pulci  avait  voulu  vouer  au' 

(i)  Buovo  d'Anlona  ,  la  Spagna  ^Ancioja  regina, 
(2)  Crescimbeni  affirme  que  le  sujet  au  Morgante 
avait  été  donné  ù  Pulci ,  jiai'  Lucrezia  Tomabuotii , 
inère  de  Laurent  ;  il  cite  à  cet  égard  un  vers  du  vingt- 
liuitième  chant,  qui  prouve  seulement  que  cette  da- 
me a  encouragé  le  poète.  Il  est  encore  moins  prouvé 
que  Pulci  chantât  son  poème  ,  comme  1(  s  anciens 
rhapsodes ,  n  la  table  des  Médicis. 


PUL  3n 

ridicule  toutes  les  inventions  cheva- 
leresques de  son  temps ,  et  qui  en 
fait  ainsi  le  Cervantes  de  l'Italie^ 
nous  n'hésiterons  pas  à  prononcer, 
avec  lui  et  avec  Ginguené ,  que  le 
Mordante  3Iaggiore  ne  peut  avoir 
été  dans  l'intention  de  l'auteur  qu'une 
débauche  d'esprit,  qu'un  poème  hé- 
roï-comique j  et  les  deux  premières 
stances  du  vingt-septième  chant  lè- 
vent sur  ce  point  les  derniers  dou- 
tes. Comment  concevoir  autrement 
le  caractère  mêlé  de  bravoure  et  de 
bouffonnerie  du  géant  qui  donne  son 
nom  au  poème,  dont  Koland  est  le 
véritable  héros,  et  ce  burlesque  Mar- 
gutte,dont  Voltaire  nous  a  fait  con- 
naître quelques  traits,  et  l'épisode 
d^Olivier  et  de  Méridienne,  et  tant 
d'autres  détails  qu'on  ne  peut  expli- 
quer que  comme  une  gageure  ,  quand 
on  réfléchit  que  Pulci  écrivait  pour 
des  juges  tels  que  Laurent  de  Médi- 
cis et  Politicn  ?  C'était  ccdernier  qui 
lui  avait  indiqué  l'ouvrage  du  moine 
Alcuin,  et  celui  d'Arnauld  ,  ancien 
troubadour  de    Provence  ,  comme 
des  sources  précieuses  et  inconnues: 
de  là  vient  la  vieille  erreur ,  réfutée 
par  la  diversité  même  du  talent  des 
deux  amis,  avant  de  l'être  par  la 
critique  judicieuse  de  La  Monnoye  , 
que  leurs  porte  feuilles  s^ét  aient  sou- 
vent mêlés  pendant  la  composition 
du  Mordante,  Le  caractère  singulier 
de  ce  poème,  sa  conduite  bizarre  qui 
contraste  surtout  avec  la  grandeur 
de  l'action ,  cette  variété  que  le  chan- 
tre de  Roland  a  presque  fait  oublier 
en  la  surpassant,  cet  art,  si  familier 
depuis  à  l'Arioste,  de  rattacher  ses 
uaiiations les  unes  aux  autres,  et  ce 
défaut  absolu  d'unité,  qui  est  resté  le 
défaut  dominant  de  tous  ces  imbro- 
glios héroïques  ;  enfin  cette  élégante 
naïveté  qui  conserve  au  récit  tout  le 
charme  d'une  causerie  familière  ,  et 


3ia  PUL 

Jusqu'à  c<^lte  mésalliance  de  la  poésie 
avec  les  proverbes  populaires  dout 
la  diction  du  Pulci  est  nomrie  , 
voilà  ce  qui -n'est  qu'a  lui;  voilà  ce 
qui  a  fait  du  Morgante  une  produc- 
tion originale  ,  bien  que  le  poète  ait 
mérite  de  graves  reproches.  Des  plai- 
santeries grossières,  des  images  bas- 
ses ou  burlesques,  des  inoraliLcs  sa-. 
tiriqucs  ,  souvent  judicieuses  ,  mais 
presque  toujours  longues  et  dépla- 
cées ;  enfin  un  abus  monstrueux  des 
choses  divines  et  des  applications 
ironiques  des  Livres  saints,  qui  ne 
sont  pas  loin  de  l'impiété,  souillent 
presque  tous  les  chants  du  poème; 
et  Crescinibcni  u'essaie  de  le  dèleu- 
drc  ,  contre  la  sévérité  de  (jravina  , 
qu'eu  accusant  le  siècle  de  Pidci  plus 
que  le  Puh  i  lui-inèine  ,  et  en  alllr- 
liiant  que  l'auteur  eî-t  plus  retenu  que 
la  plupart  de  ses  cuuteinporaius  et 
que  tous  ses  devanciers.  Celle  ré- 
flexion lait  excuser  surtout  les  pré« 
ambulcs  de  ses  chants,  qui  oiliait 
quelquefois  la  traduction  littérale  de 
plusieurs  endroits  de  la  Liturgie  (3;  : 
ces  sortes  de  prièi^  élairut ,  comme 
nous  l'avons  dit  ,  des  formes  conve- 
nues ,  qui  avaient  presque  perdu  leur 
solennité  en  ]>assant  dans  la  bouche 
de  ceux  qui  chantaient  Y Ancroja  et 
Buovo  d' Anluna  sur  les  places  publi- 
ques ;  cl  Pulci  ne  se  les  est  permises 
que  pour  contrefaire  cl  ridiculiser 
ces  mu5csmcndiantesdu  quatorzième 
siècle.  C'est  peut-être  dans  le  même 
Lutqu'il  se  joue  ordinairement,  dans 
SCS  fictious,(ie  toutes  les  connai.'-san- 
ccs  géographiques  ;  car  le  vingt- 
cinquième  chant  du  Mordante  ollre, 
sur  l'existence  des  antipodes  ,  le  pas- 
sage le  plus  remarquable  peut  être 
qu'on  puisse  citer  avant  la  découverte 

[y)  lyc  i".  cl.aiit  comiiidirp  par  1'/"  fjiiiiii//i,f 
triU  t'eil'tim  ,  le  /i*.  par  le  Gloria  in  excdsit,  la 
fo^  par  2  e  ilaum  Utudamus ,  ctck 


PUL 

de  rAmc'rique  (4).  Du  reste,  on  ne 
jicnt  nier  que  Pulci ,  sans  doute  en- 
traîné par  son  sujet,  ne  soit  vraiment 
poète  dans  ses  deimers  chants  ;  et 
c'est,  pour  ainsi  dire ,  une  bizarrerie 
de  plus  :  on  a  cité  surtout,  dans  le 
vingt  -  septième  ,  la  mort  de  Bau- 
douin de  M.iïeuce,  et  celle  de  Roland, 
si  louchante  et  si  chevaleresque.  Ce- 
pendant \c  Moi'f^ante  csl  peu  lu  de 
nos  jours,  si  ce  n'est  par  les  philo- 
logues, qui  y  recherchent  les  finesses 
natives  ,  les  anciens  tours  de  la  lan-» 
gue  toscane,  et  celte  foule  d'idiotis- 
mes  qui  ont  fait  citer  les  écrits  de 
Pidci  comme  classiques  ,  par  l'aca- 
démie JcZ/a  Crusca.  Les  puristes  lui 
ont  à  p<-ine  reproché  quelques  incor- 
rections dans  les  désinences  des  ver- 
bes ;  et  tous  ont  loué  la  perfection  de 
ce  style  ,  qui  a  été  cité  comme  mo- 
dèle par  Machiavel.  Ce  style  est  à- 
pcu-près  le  seul  mérite  des  poési(  s  fu- 
gitives de  PhIcj  ,  et  en  particulier  de 
ses  sonnets  contre  Malleu  Franco. 
Ce  poète  Uorentin  ,  l'un  de  ses  meil- 
leurs amis,  était ,  comme  lui  ,daus  la 
famili.irité  de  Meiiicis.  Ils  imaginè- 
rent, pour  amuier  leur  iMécène ,  de 
se  déchirer  tour-à  tour  dans  des  son- 
nets qu'ils  lisaient  à  la  table  du  maî- 
tre. Laurent  était  magiii(j<pie  ,  mais 
il  n'était  pas  grand  :  il  encouragea 
celle  émulation  d'injures  et  de  cy- 
nisme, qui  exclut  toute  dignité  de 
caractère  ,  et  à  la(jucile  nous  devons 
plus  de  cent  quarante  sonnets,  la  plu. 
part  écrits  sans  la  moindre  décence, 
et  dans  le  genre  proverbi.d  et  décousu 
de  Curchiello.  On  doit  à  Pu!ti  la  jus- 
tice de  dire  qu'ils  ne  sont  pas  tous  de 
lui.  Quoi  qu'il  en  soit,  plusieurs  furent 


(4)  Los  Ji'Teloppemenls  UicologJi|u'  »  qup  Pulci  a 
mi>  iJaiiA  b  huix  lie  du  (Iriuuii  AiUrulli ,  <Ihiis  ce  ^5"". 
■  liant,  »iil  fdit  dire  'i  Crcsciinbriii,  sur  l'auliirilédn 
Ta»»*!  ,  i\aï\  avait  •'té  compose  par  Slarsile  l"i<  in  ,  !•! 
clic-rdes  iicuplatouicivua  ae  Florence.  Celte  preuvo 
rat  iosuUiiiaute. 


PUL 

jiroliilDes  comme  impies  ;  et  l'aulcur 
îit  amende  lionorable  ,  en  publiant 
successivement  le  Credo  ^  in-4'*. ,  et 
sa  confession  à  la  Sainle-Viei[^e  , 
pocmc  on  tercets,  suivi  de  quelques 
poe'sics  pieuses,  Florence,  1597, 
in-4*'.  Ou  a  encore  de  lui  la  Frottola, 
pièce  citée  dans  le  Dictionnaire  délia 
Crusca;  — une  Nouvelle  imprimée  à 
Florence  (  i547  )  ■>  ^*  ^"^  ^^  retrouve 
dans  le  Recueil  de  Doni  (  édition  de 
Venise,  1 55 1 ,  p.  7  7  )  j  — des  Lettres  à 
Laurent  le  IVIagnifique ,  souvent  réim- 
primées ;  —  ç,x\a  Becada  Dicomanu , 
pâle  contr'épreuve  de  la  Nencia  da 
Barberino ,  de  Laurent  de  Médicis  ,à 
qui  la  Beca  est  faussement  attribuée 
dans  une  édition  de  i568.  On  ne  sait 
poiutladatedela  raortde  Pulcijon  la 
place  communément  en  1487.  Gin- 
guené  ,  qui  saisit  avec  tant  d'empres- 
sement l'occasion  de  mettre  les  pro- 
ductions italiennes  en  opposition  avec 
Je  caractère  public  des  auteurs,  a  im- 
primé que  Louis  Pulci  était  chanoine: 
les  biographes  nationaux  nous  ap- 
prennent ,  au  contraire ,  qu'il  était 
marié  ,  et  qu'il  eut  deux  fils  qui  sont 
restes  inconnus.  Les  meilleures  édi- 
tions du  Morgaiite  sont  celles  de 
Venise,  i494?  i545,  1574,  in-4°j 
Florence  (  Naples) ,  173^2  ,  in-4*'.  ); 
et  Paris  ,  1768  ,  3  vol.  iu-  la.  Gra- 
vina  regarde  avec  raison  ce  poème  , 
et  quelques-uns  des  sonnets  de  Pulci , 
comme  les  premiers  monuments  du 
genre  de  poésie  auquel  Berni  a  laissé 
son  nom.  F — t i. 

PULGAR (Ferdinand  de)  ,  histo- 
rien espagnol ,  né  en  1 436  ,  à  Pulgar , 
près  de  Tolède,  mourut  vers  i486. 
Henri  IV  de  Casîille  et  Ferdinand  le 
Catholique  l'occupèrent  à  plusieurs 
missions,  soit  à  la  cour  de  France, 
soit  auprès  derarchevcquedeTolcde, 
Carillo,  qu^il  fut  chargé  de  réconcilier 
d'abord  avec  Henri  IV,  puis  avec  Fer- 


PUL  3i3 

diuand  et  Isabelle.  Mais  c'est  moins 
comme  homme  d\'tat  que  comme 
historien  et  poète  que  Pulgar  est  cé- 
lèbre. Sur  la  demande  de  Ferdinand 
et  de  son  épouse  ,  dont  il  était  l'iiis- 
toriographe,  il  composa  un  ouvrage 
sur  les  hommes  illustres  de  ce  règne, 
sous  le  titre  de  Los  claros  F'arones 
de  Espana  ,  Alcalà  ,  i5'24,  in-4'^.; 
souventréimpriraé.  Cet  écrit  contient 
quarante-six  notices  biographiques 
très-courtes  :  le  style  en  est  concis  ; 
mais  la  partie  biographique  y  est 
trop  resserrée  pour  avoir  beaucoup 
d'iulérêt.  Ses  souverains  l'engagèrent 
à  écrire  l'histoire  de  leur  règne.  Pul- 
gar rédigea  celte  chronique;  mais 
il  s'arrêta  à  la  guerre  de  Grenade. 
Elle  est  intitidée  :  Cronica  de  los 
rejescatolicos  D.  Fernando  y  Doua 
Isabel  ,  Saragoce  ,  i567,  in -fol. 
C'est  la  première  édition  publiée 
avec  le  nom  de  Pulgar  ;  car  l'édition 
princeps  du  texte  espagnol,  Vallado- 
lid,  i565  ,  in-fol.,  attribuait  l'ou- 
vrage à  Ant.de  Lebrixa.  lien  a  paru, 
à  Valence ,  en  1 780 ,  une  édition  col- 
lationnée  sur  les  anciens  manuscrits  , 
un  vol.  in-fol.  Elle  fut  d'abord  pu- 
bliée en  latin  par  Sanche  de  I^ebrixa  , 
avocat  à  Grenade  ,  qui ,  sur  le  titre  , 
annonça  l'ouvrage  comme  ayant  été 
écrit  par  son  père ,  lequel  n'en  était 
que  le  traducteur,  Grenade,  i545, 
in-fol.  ;  i55o ,  în-8°.  Les  deux  livres 
De  hello  Navariensi ,  insérés  dans 
l'édition  latine  ,  appartiennent  à  An- 
toine de  Lebrixa.  Ce  n'est  pas 
dans  ses  ouvrages  historiques  que 
Pulgar  a  consigné  la  peinture  des 
mœurs  de  son  temps  :  c'est  dans  une 
pièce  de  vers  ou  Dialogue  entre  deux 
bergers,  qu^il  censure  sévèrement  les 
mœurs  corrompues  et  efféminées  des 
Castillans  sous  le  règne  du  faible 
Henri  IV  de  Castille.  Antonio  attri- 
bue à  Pulgar  une  histoire  de  Gonsalvç 


3i4 


PUL 


de  Cordonc.  publiée  à  Alcalà  ,  en 
I  ;")8  j ,  iiî-fol. ,  et  deux  ouvrages  ma- 
nusrriis:  nue  Cluoniqiu'du  roi  Dilte- 
ric  IV,  et  une  Histoire  des  Maures  de 
Grenade,  On  a  atissi  de  I  ni  trente-deux 
Lettres,  qui  ont  rapport  à  l'histoire 
du  temps  ,  et  à  la  vie  de  Piili^ar  :  on 
croit  y  reconnaître  l'ambition  d'imi- 
ter le  style  o'pistolaire  de  Cioérou  et 
de  Pline.  Dans  tine  lettre  au  docteur 
Nun  z  ,  il  dit  (]u'd  a  vainement  re- 
couru au  Trailé  de  Ciceron  sur  la 
Vieillesse  ,  pour  trouver  du  soidaj;e- 
ment  ,  et  qti'il  pense  que,  pour  les 
inlirmitcs  qui  viennent  de  l'âf^e  ,  il 
vaut  mieux  s'adresser  au  médecin 
qtii  en  guérit ,  qu'au  philosophe  qui 
en  console.  Ces  Lettres,  imprimées 
d'abord  a  la  suite  i!e  Los  Clams  f^a- 
rones ,  ont  e'te  irn[)rimées  en  espa- 
gnol et  en  I  itin  ,  avec  les  Lettres  de 
Pierre-.Martyr  Vermigli,  et  traduites 
en  français  par  Magon  ,  chanoine  de 
Dol.  D— G. 

PULMANN  (  TnÉoooRE  Poel- 
MA\>  ,  plus  connu  sous  le  nom  de  ) , 
savant  philologue  ,  était  ne  vers 
I  >io,  à  Crancnbourg,  dans  le  du- 
ehc  de  CIcves  :  ses  parents  ,  quoique 
pauvres,  renrovcrent  d:itis  une  éco- 
le, où  il  ajtprit  rapidement  les  élé- 
ments du  latin.  Forcé  d'interrompre 
ses  études  pour  prendre  l'état  de  fou- 
lon, il  continua  cependant  de  lire 
tous  les  ouvrages  qu'il  pouvait  se 
procurer;  et,  comme  il  avait  beau- 
coup de  pénétration  et  de  mémoire, 
il  parvint  a  se  rendre  familiers  tous 
les  bons  auteurs.  Ses  talents  le  firent 
connaître  à  l'académie  de  Louvain  et 
ailleurs;  mais  ilétait  dc'jà  sur  le  retour 
de  l'âge,  quand  il  fut  admis  comme 
correcteur,  dans  la  célèbre  impri- 
merie de  Chr.  Plantin  (  F.  ce  nom  )  : 
il  y  resta  ,  seize  ans  ,  travaillant  à  la 
collation  des  anciens  manuscrits  , 
avec  un  zèle  et  une  assiduité  qui  lui 


PUL 

mé^it^^ent  l'estime  des  gavants.  Le 
désir  d'améliorer  son  sort  le  condui- 
sit vers  i5So  ,  à  Salamanque;  et  l'on 
croit  généralement  que,  trompé  dans 
ses  espérances  ,  il  y  mourut  de  cha- 
grin. Cependant  Cour.  Zeltner  con- 
jecture quePnlmann  vint  reprendre 
sa  place  à  l'imprimerie  de  Plantin, 
et  qu'il  mourut  à  Anvers,  dans  un 
Ageavancé(  F.  le  Thcat.  virnr.eru- 
ditor.  )  On  lui  doit  de  bonnes  édi- 
tionsdes  Poésies  de  Juvencns,  Coid. 
Arator  et  Ven.  l-ortunat,  de  Virgile , 
Horace,  Ausone,  Lucain,  Claudien, 
avec  des  corrections  et  des  notes 
choisies  de  Turnèbe  et  de  P.  Virto- 
rius  ;  des  Satyres  de  Jnvénal  et  Per- 
se; de  Suétone;  du  traité  df  Hoèce 
De  consolât,  philosnph.  ;  des  Poé- 
sies de  Prudence  ,  etc.        W — s. 

PULTKNKY  (  GuiuAUMi:  ), 
comte  de  Bath  ,  homme  d'état  dis- 
tingué ,  appartenait  à  une  famille 
ancienne  du  comté  de  Leicester.  Sir 
William  Piiltencv  ,  son  grand-père, 
représenta,  au  parlement,  la  cité  de 
Westminster,  et  se  lit  remar(|iier  à 
la  chambre  des  communes  par  une 
éloquence  mâle  et  courageuse.  Celui 
quiest  les'ijetdecet  article, na(piit  en 
iG8'2  ,ct  futélevéàl'universitéd'Ox- 
ford.  fiOrsque  la  reine  Anne  vint  vi- 
siter le  collège  où  Pulteney  étudiait , 
cc'fut  lui  que  le  doyen  désigna  pour 
haranguer  cette  princesse.  Au  sortir 
de  l'université,  il  voyagea  dans  dilTc- 
rentes  parties  de  l'F^urope  ;  et ,  à  son 
retour,  il  Tit  nommé  membre  du  par- 
lement par  le  bourg  de  Heydon  ,  au 
comté  d'York.  Coxe,  dans  ses  Mé- 
moires de  Walpolc  , prétend  que  Pid- 
tcney  dut  sa  nomination  à  la  protec- 
tion de  M.  Guy.  qui  lui  laissa  quarante 
mille  livres  sterling  ,  et  une  proprié- 
té d'un  revenu  de  cinq  cents.  Des- 
cendu d'une  famille  de  wliigs,  et 
élevé  dans  les  principes  de  la  révolu- 


PUL 

tiou  de  1688  ,  Piihency  en  avait 
cliaudement  épouse  la  cause  :  aussi 
se  montra-t-il ,  pendant  le  règne  de 
la  reine  Anne,  l'adversaire  prononce' 
du  ministère  qu'elle  avait  en  17 10 
choisi  parmi  lestorys,  et  s'opposa- 
t-il  à  toutes  leurs  mesures.  11  ne  se 
l)asarda  néanmoins  à  porter  la  pa- 
role dans  la  cliandire  des  communes , 
qu'après  y  avoir  fait  un  assez  long 
séjour  ,  parce  qu'il  pensait  qu'un 
jeune  député  devait  éviter  d'attirer 
trop  tôt  sur  lui  l'attention  du  public. 
On  l'entendait  souvent  déclarcrqu'on 
pouvait  à  peine  compter  une  per- 
sonne qui  lût  devenue  un  bon  ora- 
teur ,  lorsqu'elle  avait  commencé 
trop  tôt  ]iar  un  discours  d'apparat. 
L'opposition  de  Pulteney  aux  pro- 
jets des  torys  fut  si  vive  ,  que  les 
ministres  ,  pour  s'en  venger  ,  éloi- 
gnèrent du  conseil  de  commerce 
Jean  Pulteney,  son  oncle.  Guillau- 
me prit  non  -  seulement  une  part 
principale  dans  les  débats  qui  eu- 
rent lieu  pendant  les  quatre  der- 
nières années  du  règne  de  la  reine 
Anne  ,  tandis  que  les  wihgs  étaient 
dans  l'opposition  ;  mais  il  fut  admis 
dans  les  secrets  les  plus  importants 
de  son  parti ,  à  cette  époque  critique 
où  la  succession  protestante  étant 
supposée  en  danger ,  ses  partisans 
s'engageaient  souvent,  pour  l'assurer, 
dans  des  entreprises  très-hardies.  Il 
souscrivit  libéralement  à  un  emprunt 
inutile  et  hasardeux  ,  qui  fut  négocié 
secrètement  par  le  parti  whig ,  en 
faveur  de  l'empereur,  afin  d'encou- 
rager ce  souvei'ain  à  ne  pas  coopérer 
à  la  paix  générale  avec  l'administra- 
tion tory.  Lorsque  Robert  Walpole 
(  J^oy.  ce  nom  )  fut  poursuivi  pour 
crime  de  corruption  et  d^abus  de  con- 
fiance (  1 7 1  -i),  Pulteney  défendit  avec 
chaleur  son  ami;  et  quand  on  envoya 
celui-ci  à  la  Tour,  il  fut  du  nombre 


PUL  3i5 

de  ceux  qui  firent  de  fréquentes  vi- 
sites à  ce  prisonnier  ,  que  tous  les 
whigs  considéraient  comme  un  mar- 
tyr de  leur  cause.  11  travailla  aussi , 
avec  Walpole,  à  la  défense  de  l'admi- 
nistration whig ,  et  adressa  au  comte 
d'Oxford  (  Harley  )  une  dédicace  iro- 
nique, placée  en  tête  de  l'ouvrage  de 
Walpole  ,  intitulé  :  Account  oj'the 
parliament.  George  l*^'".,  étant  par- 
venu à  la  couronne  (  1714),  récom- 
pensa Pulteney  en  l'admettant  dans 
son  conseil  privé.  Il  l'éleva  en  même 
temps  au  poste  de  secrétaire  d'état 
de  la  guerre,  malgré  l'opposition  de 
IMarlborough,  qui  croyait,  en  sa  qua- 
lité de  commandant  en  chef,  avoir 
le  droit  de  recommander  celui  qui 
devait  occuper  cet  oflice.  Pulteney 
fut  nommé  membre  du  comité 
secret  chargé  par  la  chambre  des 
communes  ac  faire  un  rapport  sur 
les  papiers  relatifs  à  la  négociation 
de  la  paix  d'Utrecht.  Lorsque  Geor- 
ge 1'=''.  eut  triomphé  de  la  rébellion  de 
1715,  si  fatale  aux  plus  nobles  fa- 
milles d'Ecosse,  et  qui  n'aurait  pro- 
bablement pas  éclaté,  au  jugement 
même  des  écrivains  du  parti  whig, 
sans  les  mesures  violentes  et  impoli- 
tiques du  ministère  dont  Pulteney 
faisait  partie,  ce  dernier  montra  une 
grande  auimosilé  contre  les  vaincus. 
11  demanda  que  lord  Widrington  fût 
mis  en  accusation ,  et  s'opposa  même 
h  l'amnistie  offerte  aux  Écossais  qui 
étaient  encore  en  armes.  Il  était , 
alors  ,  tellement  lié  avec  Walpole 
et  Stanhopc  ,  que  faisant  allusion  à 
la  triple  alliance  entre  la  Grande- 
Bretagne,  la  France  et  la  Hollande, 
qui  était  alors  négociée  par  le  dernier 
de  ces  hommes  d'état,  on  les  appe- 
lait les  trois  grands  alliés  ,  et  qu'il 
était  passé  en  proverbe  de  se  deman- 
der si  l'on  était  entré  dans  la  tri- 
ple alliance.  Cette  heureuse  intelli- 


3i6  PUL 

gcuccne  suhslsta  pasloiif^-trmps.En 
1716,  Staiihope,  chercliant  à  faire 
sa  cou  au  roi  ,  ouvrit  l'avis  d'un 
subside  extraordinaire,  nécessaire, 
à  son  avis,  pour  garantir  le  royau- 
me contre  les  dangers  dont  il  était, 
disait-on,  menacé  de  la  part  de  la 
Suède  (0;  mais  plutôt  pour  crapc- 
clier  le  Hanovre  d'être  envjhi  parles 
troupes  suédoises.  Cette  proposition, 
que  les  antres  membres  du  ministère 
ii'.ippronvaient  pas  plus  que  l'oppo- 
sition ,  et  sur  laquelle  ils  se  conten- 
tèrent d'abord  de  garder  ,  dans  la 
chambre  des  communes  ,  un  silence 
signilicatif,  amena  nu  schisme  dans 
le  parti  whig.  Townshend  reçut 
bientôt  sa  démission  ;  Walpole  rési- 
gna (  17  17),  et  Pulteuey  suivit  l'exem- 
ple de  sou  ami  ,  eu  abandonnant 
la  place  de  secrètaire-J'èlat  de  la 
gueire.  A  peine  sorti  du  ministère  , 
ce  dernier  parla  vivement  contre  le 
Lill  de  subsides,  et  surtout  contre  le 
mode  inusité,  suivi,  à  cet  égard, 
par  Stanhope.  Walpole  s'étant,  quel- 
que temps  après  ,  rapproché  de  la 
cour,  parvint,  en  17'io,  à  elTec- 
tuer  une  rcronciliation  entre  le  roi 
et  le  prince  de  Galles.  Il  négocia  en 
suite  avec  Sunderland  pour  former 
une  nouvelle  administration  dans 
laquelle  il  eut,  avec  To\vnshend,la 
part  la  plus  considérable.  Le  se- 
cret qu'on  avait  gardé  à  l'égard 
de  Pulleney  sur  les  progrès  de  ces  né- 
gociations, l'olTcnsa  vivement.  Son 
amour-propre  fut  en  même  temps 
blessé  de  ce  qu'on  ne  lui  avait  réser- 
vé, dans  le  nouveau  ministère  ,  au- 
cun emploi  important ,  malgré  ses 
talents  bien  connus  et  l'attachement 
invariable  qu'il  avait  constamment 


(1  ;  I^J  tuirersaires  J.iliiil  <.'<'l<,Diiairu( ,  avprqiirl- 
ijoe  I.JLJ.IO,  uii'iuic  iuIikO  n.i;;iiiit  la  brrtur  de 
l'hiir<j|>r,  xmLUit  craiixlre  un  euocmi  làusà  iiui^ui- 
XhuI  que  le  roi  de  ^lùdot 


PUL 

montré  à  To\vnsheud  et  à  Walpole. 
On  lui  ofl'rit,  il  est  vrai,  une  pairie; 
mais,  lorsqu'il  l'eut  refusée,  ses  an- 
ciens amis  furent  pins  de  deux  ans 
sans  lui  faire  d'autres  ouvertmes. 
Ces  procédés  se  gravèrent  profondé- 
ment dans  son  esprit,  et  amenèrent 
enfin  nue  rupture  éclatante.  Il  solli- 
cita néanmoins  et  obtint  la  place  de 
trésorier  de  la  maison  du  roi;  mais 
il  n'en  fut  pas  satisfait ,  parce  qu'il 
la  regardait  comme  fort  au-dessous 
de  ce  qu'il  aurait  dû  espérer.  Quoi- 
qu'il continuât  de  soutenir  ,  jien- 
dant  quelque  temps,  les  mesuies  de 
l'administration,  la  manière  dédai- 
gneuse avec  laquelle  il  croyait  avoir 
été  traité  par  Walpole,  avait  fait 
sur  son  esprit  une  troj)  forte  im- 
pression pour  pouvoir  s'eflacer  en- 
tièrement. Persuadé  qu'd  ne  pos- 
sédait pas  l'entière  conliaiice  de  l'ad- 
ministration,et  désapprouvant  d'ail- 
leurs ses  mesures  ,  qui  tendaient  , 
suivant  lui,  à  élever  le  pouvoir  de  la 
France  sur  les  ruines  de  la  maison 
d'Autriche,  et  à  sacrifier  les  intérêts 
de  la  Grande  -  Bretagne  à  ceux  du 
Hanovre,  opinion  qu'il  développa  , 

f)arla  suite,  dans  le  parlement,  avec 
a  plus  grande  énergie  et  une  rare 
éloquence,  il  s'éloigna  de  plus  en  plus 
de  ses  anciens  amis,  et  témoigna,  en 
public  et  en  particulier,  combien  il 
improuvait  leurs  actes.  Son  mécon- 
tentement arriva  enfin  à  un  tel  de- 
gré, qu'il  déclara  sa  résolution  d'at- 
taquer le  ministre  dans  le  parlement. 
Walpole  s'aperçut  alors  de  la  faute 
qu'il  avait  commise  en  abreuvant 
de  dégoûts  un  associé  aussi  capable; 
et,  dans  la  vue  de  prévenir  son  op- 
position au  paiement  des  dettes  du 
roi,  il  lui  fit  entendre,  dans  la  cham- 
bre des  communes,  que,  dès  qu'u- 
ne des  places  de  secrétaire-d'état  de- 
viendrait vacante,  les  ministres  l'a- 


PUL 

vaieot  designé  pour  la  remplir.  A 
cette  proposition,  Pultcney  uc  re- 
pondit rien  ;  mais  il  sourit ,  et ,  par 
un  signe  de  tête  ,  fit  connaître  à 
VValpole  qu'il  le  comprenait  par- 
faitement. 11  devint  ,  depuis  cet 
instant  ,  l'un  des  antagonistes  les 
plus  prononce's  du  gouvernement;  et 
sa  première  sortie  dans  les  rangs  de 
la  minorité  eut  lieu  lors  de  la  discus- 
sion sur  la  liste  civile  ,  qui  se  trou- 
vait,  à  cette  époque,  fort  arriérée 
(avril  i7'25).  Les  sarcasmes  (2) 
qu'il  se  permit ,  à  cette  occasion , 
lui  firent  perdre  la  place  de  tré- 
sorier de  la  maison  du  roi  ;  et  il 
commença  des  -  lors  une  opposi- 
tion systématique  ans  vues  du  mi- 
nistre. Il  s'y  montra  tellement  re- 
doutable ,  que  Walpole  tenta  de 
nouveaux  efforts  pour  se  réconcilier 
avec  lui.  Lors  de  la  résignation  de 
Townshend  (mai  1729),  la  reine 
Caroline  offrit  à  Pulteney  la  pairie  , 
avec  le  poste  de  secrétaire  -  d'état 
pour  les  affaires  étrangères  ;  mais  il 
déclara  sa  résolution  invariable  de  ne 
jamais  faire  désormais  partie  d'une 
administration  oîi  figurerait  sir  Ro- 
bert Walpole.  Les  altercations  les 
plus  violentes  eurent  lieu  entre  ces 
deux  hommes  d'état ,  dans  la  cham- 
bre des  communes.  Leur  animosité 
sembla  augmenter  en  proportion  de 
leur  ancienne  intimité  ;  et  ils  ne 
s'épargnèrent  ni  les  sarcasmes  ,  ni 
le^  accusations ,  ni  les  invectives. 
La  haine  que  Pulteney  avait  con- 
tre Walpole  ,  il  l'étendait  à  tous 
les  actes  de  ce  ministre  :  aussi  ses 
critiques  n'étaient-elles  pas  toujours 
fondées.  Après  avoir   aiFirmé  ,   en 


(î)  Dans  Fuu  de  ces  discours,  Pultruey  fit  obser- 
ver qu'il  n'était  pas  étonnant  ([ue  quelques  jjerson- 
iies,  et  on  sentait  bien  qu'il  désignait  Walpole,  mis- 
sent tant  d'intérêt  à  éteindre  les  dettes  de  la  liste 
civile,  puisqu'elles  et  leurs  amis  puisaient  dans  ce 
revenu. 


PUL  3i7 

1727,  que  la  dette  nationale  n'a- 
vait fait  que  s'accroître  depuis  réta- 
blissement de  l'amortissement  (  sin- 
fiing  fiind  )  ,  ce  qui  pouvait  cire 
vrai ,  parce  que  Walpole  y  puisait 
souvent  pour  les  besoins  de  divers 
services,  Pulteney  contesla  le  mérite 
de  cet  établissement ,  qu'il  jugeait 
plus  brillant  que  solide,  ne  s'aperce- 
vant  pas  qu^il  confondait  ainsi  l'abus 
qu'on  avait  fait  du  fonds  d'amortis- 
sement avec  l'établissement  lui-mê- 
me (3).  Il  serait  trop  long  de  rap- 
porter tous  les  détails  de  la  con- 
duite réciproque  de  Pulteney  et  de 
Walpole.  Ceux  qui  désireront  les 
connaître  ,  peuvent  recourir  à  l'his- 
toire parlementaire  du  temps ,  et  à 
rexcelleute  Vie  de  Walpole  par  Co- 
xe.  Pulteney  ,  placé  à  la  tête  des 
whigs  mécontents ,  et  réuni  à  Bo- 
lingbroke  ,  son  ancien  antagoniste  , 
devintle  principal  soutien  du  Crafts- 
mail ,  auquel  il  fournit  plusieurs  ar- 
ticles. La  controverse  qui  eut  lieu,  eu 
1731,  entre  Pulteney  et  les  amis  et 
pamplilétaires  de  Walpole,  élargit 
la  brèche,  et  la  rendit  irréparable. 
Le  Craftsman  était  journellement 
rempli  d'invectives  contre  Walpole 
et  contre  les  mesures  de  l'adminis- 
tration. En  réponse  à  ce  papier ,  il 
parut  sous  le  titre  de  Sédition  et  dif- 
famation dévoilées,  un  pamphlet  qui 
contenait  des  injures  diffamatoires 
contre  Pultcney  et  Boiingbroke.  L'op- 
position du  premier  y  était  unique- 
ment attribuée ,  et  ce  n'était  pas  sans 
quelque  fondement,  à  une  ambition 
déçue  et  à  une  animosité  personnelle. 
Pulteney,  qui  attribuait  cet  écrit  à 

(3)  Au  reste,  malgré  les  critiques  s|)écieu^es  de 
Robert  Haiiiilton ,  l'expérience  a  suffisamment  dé- 
montré eu  France, et  même  eu  Angleterre ,  les  ejrauds 
avantages  que  pouvait  offrir  un  londs  d'anioi'tifse- 
nient,  tontes  les  fois  qu'on  ne  s'écartait  pas  des  lois 
organiques  de  cette  institution,  et  que  lesgiuverue- 
inents  étaient  assez  sages  pour  ne  pas  faire  des  ein-r 
prunts  trop  coasidcrables  et  trop  fréquents» 


3tB  PUL 

lord  Horvcv  ,  l'un  des  amis  el  des 
pins  chaiias  dclouseurs  de  Robert 
Walpole,  uc  le  laissa  pas  sans  répli- 
que ;  et  sd  Réponse  catés,orique  à 
un  libelle  récent  et  difjamatoire , 
etc. ,  parr.t  sons  le  nom  oiupruiilc  de 
Caleb  d'Anvers  ,  de  Grav's  Inn  , 
écnyer.  Il  v  trace  le  portrait  deWal- 
]»ole,  qui  uc  le  cède  en  rien ,  pour 
l'exagération  elles  railleries  cho(juan- 
tes,  à  celui  qu'on  avait  fait  de  lui  mê- 
me dansle  pamphlet  auquel  il  repon- 
dait. Pour  >e  venger  en  même  temps 
delord  llervoy  celui  que  désigne  Po- 
pe }  jditnt  il  croyait  avoir  à  se  plain- 
dre, il  le  couvrit  de  tant  de  ridicule 
en  faisant  allusion  à  sa  tournure  eflê- 
niiue'e,  que  celui-ci  en  fut  vivement 
offense,  et  demanda  satisfaction.  Un 
duel  eut  lieu;  et  lord  Hervey  y  fut 
légèrement  blesse.  Pulteney  reron- 
iiut  ensuite  sou  erreur  ;  ^ais  il 
en  commit  une  autre,  en  attribuant 
le  p.imphlet  à  Walpole  lui  -  mê- 
me. Il  rst  certain  aujourd'hui  que 
sir  William  Yonge  ,  secrétaire  de 
la  guerre  ,  en  était  l'auteur.  Le 
Craftsman  attira  encore  à  Pulteney 
d'autres  querelles;  à  l'occasion  d'u- 
ne brochure  publiée  contre  lui ,  il 
fit  par.iîtrc,  dans  ce  journal,  un  pam- 
phlet devenu  fameux  ,  et  ayant  pour 
litre  :  Piénnnsi'  à  un  infâme  lihelle , 
intitulé  :  Bemanjnei  mr  l'apoloî^ie 
des  deux  hunurables  patrons  du 
Craftsman  ,  dans  laiiuelle  le  carac- 
tère it  la  conduite  de  M.  P.  sont 
pleinement  justifiés.  Pulteney  se  lais- 
sa tellement  entraîner  par  la  colère, 
en  e'ciivaut  ce  libelle,  «pi'i!  s'y  livra 
à  toutes  sortes  d'inconvenances  , 
cl  que  le  ressentiment  du  roi  con- 
tre lui  ne  fit  <|u'auginculer.  Frank- 
lin, (pii  l'avait  imprime  ,  fut  arrête; 
et  (ieorge  II  raya  de  sa  main  le 
-uoni  de  Pulteney  de  la  liste  des 
conseillers   prives  (  juillet    i-jSi  ), 


PUL 

en  ordonnant  de  l'exclure  de  toutes 
les  commissions.  Ces  mesures  ri- 
goureuses élevèrent  à  un  point  con- 
sidérable la  popularité  de  Pulteney 
et  son  acharnejuent  contre  Wal- 
pole. Ce  dernier  disait  lui  -  même 
qu'il  craignait  plus  !a  langue  de  Pul- 
teney ,  que  repec  d'un  autre  ad- 
versaire. Apres  de  violents  débats 
qui  eurent  lieu  à  la  chambre  des 
communes,  à  l'occasion  de  la  conven- 
tion du  Pardo  conclue  avec  la  cour 
de  Madrid  au  mois  de  janvier  1739, 
n'ayant  pu  réussir  à  faire  déclarer 
la  guerre  à  ri'Lsj)agne,  l'opposition 
l)re>>(pie  tout  entière  ,  sous  prétexte 
que  toutes  les  motions  étaient  soute- 
nues non  par  la  raison  ,  mais  par 
l'esprit  de  ]iartt ,  exécuta  l'étrange 
résol'ition  d'abandonner  ouvertement 
la  chambre.  Kllc  n'y  rentra  que 
Tannée  suivante,  après  que  la  guerre 
eut  été  déclarée  à  l'Espagne.  A  celte 
époque  ,  Pulteney  ,  qui  était  un 
des  membres  (pii  avaient  ainsi  dé- 
serté leur  poste  ,  crut  devoir  dé- 
fendre une  démarche  aussi  inconve- 
nante qu'inconstitutionnelle,  et  sou- 
tint avec  chaleur  la  motion  qui  fut 
faite  dans  la  même  séance,  pour  de- 
mander l'éloignement  de  sir  Robert 
Walpole.  Celui-  ci  ,  dans  sa  répli- 
que ,  traita  les  membres  de  l'oppo- 
sition avec  un  méjtiis  dérlaigneux  : 
el ,  présentant  le  tableau  des  choses 
utiles  qui  avaient  été  faites  pendant 
leur  absence,  il  témoigna  la  craialc 
que  leur  présence  ne  fût  pas  aussi 
avantageuse  à  l'état.  La  motion  pour 
le  renvoi  de  W^alpole  fut  repoussée; 
et  il  en  fut  de  même  de  celle  qui  fut 
présentée,  au  mois  de  février  1741  ? 
|>ar  Saiidys.  Pullenev  la  soutint  éga- 
lement :  après  avoir  l'ait  un  tableau 
anime  des  erreurs  et  des  prévarica- 
tions de  W^alpole,  il  l'accusa  ouverte- 
raeul  de  haute-trahison,  et  d'attache- 


PUL 

mentaux  ennemis  du  royaume.  Celte 
exa>;ëration  ne  servit  qu'à  détruire 
l'ctret  des  imputations  qui  pouvaient 
être  fondées.  Ce  qu'une  session  n'a- 
vait pu  amener,  arriva  enfin  avec 
le  temps  :  au  mois  de  février  1742  , 
Walpole,  vovantquel'opposition  ac- 
quérait tous  les  jours  ilc  nouvelles 
forces  ,  et  convaincu  que  sa  place 
n'était  plus  tenable  ,  résiji^na  prudem- 
ment tous  ses  emplois  (  3  février  ), 
et  fut  créé  comte  d'Orford.  L'auteur 
anonyme  des  Anecdotes  de  lord 
Chatham  prétend  qu'après  la  re- 
traite de  Walpole  ,  le  duc  de  New- 
caslle  ,  partisan  déclaré  de  ce  der- 
nier ,  cherchant  à.  semer  la  divi- 
sion parmi  ses  adversaires,  proposa 
une  conférence  à  Pulteney  ,  et  lui 
offrit ,  au  nom  du  roi ,  de  le  placer  à 
la  tête  de  la  trésorerie.  Suivant  le 
mSmc  écrivain  ,  Pulteney  refusa  cet 
cfîlce  pour  lui-même,  mais  déclaia 
qu'il  le  verrait  avec  plaisir  occupé 
par  lord  Carteret,  son  ami.  Quoique 
cette  conférence  se  terminât  sans 
résultat  positif ,  l'opposition  ,  qui 
en  eut  connaissance,  fut  alarmée; 
et  une  seconde  réunion  entre  les  mê- 
mes personnages  compléta  la  disso- 
lution que  Newcastle  desirait.  Lord 
Carteret  n'eut  point  la  place  ,  qu'on 
n'avait  jamais  eu  l'intention  de  lui 
donner  ;  et  Pulteney  ,  qui  avait  été 
joué,  ne  tira  pas  de  sa  défection 
le  résultat  qu'il  avait  espéré.  Ce 
fut  à  ce  sujet  que  le  duc  d'Argyle 
lui  dit  devant  une  nombreuse  réu- 
nion de  leurs  amis ,  «  qu'un  grain 
»  d'honnêteté  valait  mieux  qu'une 
»  charretée  d'or.  »  (4)  Quoi  qu'il  en 
soit,  peu  après  le  changement  du 
ministère  ,  Pulteney  ,  auquel  on  at- 

(4)  Sir  Cbarles  Hanbury  fait  allusion  à  ce  qui  se 
passa  lors  de  cette  réunion,  dans  une  ode  satirique 
adressée  à  Pulteney,  et  qui  fit  beaucoup  de  bruit  daus 
ie  temps. 


PUL  3i9 

tribuait  la  formation  du  nouveau  , 
où  il  était  parvenu  à  faire  entrer  lord 
Cartexet  comme  secrétaire-d'état ,  fut 
replacésurlalistedu  conseil  privé, et 
obtint  la  pairie  avec  le  titre  de  comte 
de  Bath.  Onl'accusaitsurtoutd'avoir 
marchandé  avec  la  cour  pour  la  sû- 
reté du  comte  d'Orford  (  Walpole  )  : 
aussi  les  faveurs  qui  venaient  de  lui 
être  accordées,  lui  firent  perdre  tout 
crédit  auprès  de  ses  anciens  amis  et 
du  public ,  qui  n'est  pas  en  général 
partisan  des  gens  en  place,  et  lui  atti- 
rèrent beaucoup  de  désagréments. 
Le  comte  de  Bath  dédaigua  les 
clameurs  de  ses  antagonistes  ,  et 
passa  le  reste  de  sa  vie  à  mépri- 
ser ces  applaudissements  qu'il  ne 
pouvait  plus  obtenir  :  il  se  trouvait 
sans  doute  dédommagé  par  la  gran- 
de influence  dont  il  jouissait  à  la 
cour.  Les  Pelham  (  F.  Pelham  et 
NewcASTLE  )  cherchèrent  à  l'affai- 
blir, et  ils  y  parvinrent  en  partie  , 
par  leur  étroite  union  et  leur  adresse. 
L'un  des  premiers  coups  qu'ils  lui  por- 
tèrent fut  de  forcer  le  comte  de  Gran- 
ville  (  Cartel  et  ) ,  à  résigner  ses  em- 
plois. Le  comtede  Bath  conserva  sou 
crédit  sur  l'esprit  du  roi,  jusqu'à  la 
mort  de  ce  souverain  (  i-jtjo  ).  II 
sut  se  concilier  les  bonnes  grâces  de 
son  successeur,  et  dut  sans  doute  la 
faveur  dont  il  jouit  dans  la  nouvelle 
cour,  aux  liaisons  qu'il  avait  coii^ 
tractées  en  1753  avec  le  comte  de 
Bute,  auquel  il  avait,  dit-on,  sug- 
géré l'idée  de  créer  un  double  cabi- 
net, pour  être  exactement  informé 
des  intrigues  qui  pourraient  se  for- 
mer contre  son  autorité  ,  et  empê- 
cher qu'elle  ne  lui  échappât.  Le 
comte  de  Bath  ayant  perdu  son  fils 
unique  en  Portugal,  etlui-mêmc  étant 
mort  sans  postérité ,  le  8  juin  1 764  , 
son  titre  fut  éteint,  et  sa  fortune  pas- 
sa au  lieutenant  -  général  Pulteney , 


320  PUL 

son  frère.  Le  caractère  du  comte  ilc 
Bath  a  ctc  trace  diversement  par  les 
écrivains  anj;l.iis.  Suivant  Ior*l  Or- 
fonl ,  dans  ses  Roy  al  and  noble  aii- 
thors  ,  les  e'crils  de  Pultcney  seront 
mieux  connus  par  son  nom,  que  son 
nom  ne  le  sera  par  ses  écrits^  quoi- 
que sa  prose  produisît  de  roirct ,  et 
que  ses  vers,  car  il  clait  aussi  poète  , 
lussent  faciles  et  5;racieux.  h  H  ccri- 
i>  vait,  dit  lord  Orford,  par  occa- 
»  sion,  et  non  ])Our  courir  après  la 
\»  rcpiitation.  La  {;aîtë  (  ^ood  hu- 
u  moiir  )  et  l'esprit  de  société'  ont 
»  dicté  ses  poésies;  l'ambition  et 
»  rai£;reur  ,  sestfcrits  poliîiques.  Ces 
»  derniers  ont  fait  dire  à  Pope  : 

Uow  maoy  M«rti«b  mer*  io  Pult'ncy  Imt  l 

»  Celte  perte  fut  néanmoins  ample- 
»  ment  compensée  par  les  odes  aux- 
»  quelles  la  conduite  du  comte  de 
»  Balli  donna  naissance.  La  plume 
M  de  sir  Charles  Haiibury  \Villiams, 
»  fit, en  trois  mois, dcpliis  profondes 
))  blessures  à  ce  lord,  (pi'une  série  de 
i>  numéros  du  Craftsrnnn,  dans  Ic- 
»  quel  il  fui  aidé  par  Holingbroke , 
»  n'eu  put  faire  à  sir  Robert  VValpo- 
»  le.  Ce  deniicr  perdit  le  pouvoir; 
V  mais  il  vécut  assez  pour  voir  ren- 
1)  dre  justice  à  son  ciractère.  Son  ri- 
»  val  n'.ic  ]uit  pas  le  pouvoir;  mais... 
»  il  mourut  fort  riche.  »  On  peut 
•penser  qu'en  portant  ce  jupjemcnt  sé- 
vère ,  lord  Orford  a  montre  une 
grande  partialité  pour  son  père. 
ChcstcHieid  ne  le  peint  pas  avec  de 
plus  bellescouleurs.il  reconnaît  que 
ses  poésies  fugitives  ,  quelquefois  sa- 
tiriques ,  souvent  licencieuses,  sont 
toujours  pleines  d'esprit;  qu'il  en- 
tend parfaitement  les  aflTaires,  et  sait 
présenter  les  plus  compliquées  avec 
une  lucidité  remarquable  ;  «ju'il  a 
une  imaj^ualion  brillante  et  impé- 
tueuse; et  que,  considéré  comme  ora- 


PUL 

teur  de  Li  chambre  des  communes, 
il  était  éloquent,  persuasif,  plein  de 
vigueur,  on  pathétique  ,  suivant  l'oc- 
casion ;  qu'il  avait  même  les  pleurs 
à  son  commandement.  Mais  il  le  pré- 
sente, en  même  temps,  comme  domi- 
né par  une  avarice  insatiable,  une 
ambition  sans  bornes,  et  une  haine 
aveugle,  (|ui  allait  jusqu'.*»  la  rage,  con- 
tre Wali)ole.  Pour  satisfaire  ces  pas- 
sions v  ajoute  Cliesterfjcld,  le  comte 
de  lîath  n'hésitait  pas  à  employer  les 
moyens  les  plus  honteux.  Le  docteur 
Pearce,  évèque  doKochester,el  ledoc- 
teur  Newton,  (pii  l'avaient  coniui  par- 
ticidièrement,  en  tracent  un  portrait 
plusavautageux.  Suivant  resecclésias. 
tiques,  il  était  plein  de  pieté  cl  de  dé- 
sintéresscmeiil;  son  caractère  était 
généreux  ,ctilsavait  sefaircetsecon- 
server  tics  amLs.  Nous  ne  rapporte- 
rons pas  ce  qu'ils  disent  de  ses  graflds 
talents;  ses  adversaires  mêmes  ne  les 
contestent  pas.  Le  comte  de  Bath 
prit  non-seulement  une  grande  part 
a  la  rédaction  du  Crafl^jnan  ,  mais 
il  est  auteur  de  poésies  estimées,  et 
de  plusieiirs  pamphlets  pcditiqucs  , 
outre  ceux  que  iu)us  avons  cités  dans 
le  cours  de  celle  notice.  Peu  de  per- 
sonnes l'ont  surpassé  dans  ce  genre 
de  composition.  D — ■/. — s, 

PULTENKY  (  Richard),  bota- 
niste el  médecin  distingué ,  naquit 
en  Angleterre,  à  Longlil)nrough  ,  le 
17  février  i-iSo.  Il  s'établit  d'abord 
à  Leicester  ,  pour  y  exercer  les  pro- 
fessions de  chirurgien  et  d'apothi- 
caire; mais,  comme  il  était  calvi- 
niste, et  que  les  puritains  dominaient 
dans  cetteville,  il  eut  peudepratiquc, 
et  fut  obligé  de  lutter  contre  le  be- 
soin. Néanmoins  ilparvint  à  soute- 
nir son  cxislejice  à  force  d'économie, 
et  s'attacha  à  l'étude  de  la  nature  . 
pendant  tout  le  tcm[)s  qu'il  n'était 
point  occupe  de  sou  état;  ce  qui  lui 


PUL 

arrivait  souvent.  II  mit  par  écrit  ses 
remarques  et  ses  découvertes  ,  et  les 
cominuninua    d'abord    au   Gentle- 
man s  Magazine,  dès  l'année   1 7.50 
et  pendant  les  années  suivantes.  Pnl- 
teney  étudiait  aussi  les    antiquités, 
La  société  royale  de   Londres ,  qui 
avait  su  apprécier  le  mérite  de  cet 
homme,  aussi  modeste  qu'instruit , 
fit  imprimer  ,  à  ses  frais  ,   les  ou- 
vrages de  botanique  qu'il  avait  com- 
posés   Sur  le   sommeil    des  plan- 
tes et  Sur  les  plantes  rares  du  com- 
té de  Leicester,  et  l'admit  enfin  dans 
son  coros ,  en  1 76'i.  Deux  ans  après , 
Pulteney  reçut  de  l'université  d'E- 
dinbourg  ,  un  diplôme  de  docteur 
en  médecine,  sans  avoir  même  ac- 
compli le  temps  de  résidence  ,  alors 
ordinairement   requis  ,    et   mainte- 
nant indispensable.  Sa  Thèse  sur  le 
Cinchona  officinalis  justifia  pleine- 
ment la  faveur  dont  il  avait  été  l'ob- 
jet. A  peine  eut-il  obtenu  cette  mar- 
que d'estime  d'un  corps  aussi  respec- 
table ,  que  le  comte  de  Bath  (  K.  l'art, 
précédent  ) ,  qui  avait  conçu  une  opi- 
nion favorable  de  ses  talents  ,  le  re- 
connut comme  sou  parent.  Par  re- 
connaissance ,  il  acompagna  ce  sei- 
gneur comme   son    médecin     dans 
ses  voyages  :  mais  le  comte  de  Bath 
mourut  au  mois  de  juin   17645  et 
Pulteney    vint    se    fixer   à    Bland- 
ford  ,  dans  le  comté  de  Dorset  ,  où 
se  trouvait  une  place  vacante.  Il  se 
maria  dans  cette  ville,  en  1779 ,  et 
y  acquit  une  grande  réputation  et 
une  clienlelle  très-étendue,  qu'il  con- 
serva jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le  i3 
octobre  1801 .  Les  ouvrages  qui  font 
le  plus  d'honneur  à  Pulteney,  sont, 
sa   Revue   générale  (  ou    Examen 
général  )   des  écrits  de  Linné ,   et 
ses  Essais  sur  les  progrès  de  la 
botanique  en  Angleterre.  Le  pre- 
mier,  publié  en  1782,  en  un  vol. 

XXXVI. 


PUL 


32 1 


in -S**.,  a  contribué,  plus  que  tout 
autre,  à  l'exception  peut-être  du 
Traité  de  Stillingfleet  ,  à  répandre 
le  goût  de  la  botanique  en  Angle- 
terre ,  où  il  est  devenu  populaire.  Le 
docteur  Maton  ,  ami  de  l'auteur,  en 
a  publié  une  seconde  édition,  et  y  a 
joint  les  portraits  de  Linné  et  de  Pul- 
teney ,  avec  une  INotice  sur  ce  der- 
nier ,  et  la  traduction  du  célèbre 
journal  de  Linné  sur  sa  propre  vie. 
Les  Essais  sur  les  progrès  de  la  bo- 
tanique,  qui  parurent  en  1790,  en 
1  vol.  in -8°.,  n'obtinrent  pas  un 
succès  aussi  universel  que  le  livre 
précédent.  On  y  trouve  cependant 
des  renseignements  curierix  (  i  ). 
Pulteney  fit  partie  de  la  société  Liu- 
néenne ,  dès  sa  première  institution  , 
et  témoigna  toute  sa  vie  un  vif  at- 
tachement pour  ce  corps  savant. 
Plusieurs  écrits  de  lui  se  trouvent 
dans  les  Mémoires  de  cette  société  , 
à  laquelle  il  légua  ,  par  testament , 
son  musée  d'histoire  naturelle ,  qui 
était  d'une  valeur  considérable.  Il  y 
mit  la  condition  que  les  collections 
qu'il  laissait  seraient  conservées  sé- 
parément, sans  être  jamais  confon- 
dues avec  celles  que  la  société  possé- 
dait ou  qu'elle  pourrait  acquérir  par 
la  suite.  Elle  avait  néanmoins  le 
choix,  soit  de  garder  le  Muséum 
entier,  soit  d'en  disposer,  en  em- 
ployant le  prix  à  former  un  capital 
dont  les  intérêts  seraient  employés 
annuellement  à  une  médaille  d'or , 
pour  l'auteur  du  meilleur  Mémoire 
botanique.  Il  fut  décidé ,  sans  hé- 
sitation ,  que  ces  trésors  seraient 
conservés  en  entier ,  comme  le  meil- 
leur et  le  plus  utile  souvenir  d'un 
bienfaiteur  de  la  science.  Le  doc- 
teur Pulteney  était  remarquable  par 


(i)  Ces  fleux  ouvrages  oui  e'te  traduits  en  français, 
chacun  eu  deu»;  volumes,  in-S". ,  le  preraiT  pur 
Millin ,  1789  ;  et  rautre  par  M.  Boulard  ,  i8og. 


3» 


PUL 


un  air  franc  et  ouvert ,  par  des  ma- 
iiicres  pleines  d'aineuilc  ,  et  qui  lui 
avaient  tait  obtenir  l'estime  Je  tous 
ceux  avec  lesquels  il  était  en  rela- 
tion. Son  ardeur  pour  la  science  était 
sans  bornes,  et  aussi  vive  vers  la  fin 
de  sa  vie  qu'au  commencement  de 
sa  carrière  littéraire.  Il  était  pieux, 
mais  sans  allectation  ,  et  aussi  éloi- 
gné de  la  bigoterie  que  de  l'intolé- 
rancc.  D — z — s. 

PU  NT  (  Jean  ) ,  pcii-tre  et  comé- 
dien hollandais ,  avait  acquis ,  surtout 
sous  ce  dernier  titre,  une  grande  célé- 
brité. Amateur  passionné  du  théâtre , 
il  devint  épcrdaraent  épris  des  char- 
mes et  du  talent  d'une  tragédienne 
trèsAlihtinf^uéc,  en  même  temps  qu'elle 
c'tait ,  sous  tous  les  rapports,  l'or- 
nement de  son  sexe,  Anne-Marie  do 
Bruin;  et  cet  amour  décida  la  voca- 
tion dcPuntpourla  scène.  Vers  la  fia 
de  l'-Si  (  il  était  né  à  Anisterdam  , 
en  171 1  ) ,  ayant  épousé  robjet  de 
son  adoration,  il  ne  tarda  pas  à 
débuter,  sur  le  théâtre  de  sa  ville 
natale,  par  le  rôle  de  Rhadamistc, 
et  il  V  obtint  le  plus  biillant  succès. 
Latruuj)o  d'Amsterdam  olfrait  alors 
un  }:;rjnd  nombre  de  talents,  et  sur- 
tout beaucoup  d'ensemble.  Le  prin- 
cipal concurrent  de  Punt  était  Ja- 
cob Duim  ;  mais  leur  rivalité  fut 
sans  jalousie.  Duim  brillait  dans  les 
rôles  où  il  fallait  de  la  pravilé,  du 
calme,  de  la  majesté;  Pimt ,  dans 
ceux  qui  exigeaient  de  la  chaleur  : 
il  avait  une  amc  brûlante.  Le  jeu 
du  premier  était  plus  également  ir- 
répréhensible, mais  il  manquait  des 
transports  ,  des  écarts  sublimes  de 
l'autre  ;  Punt  lançait  des  éclairs. 
Lr>rsqu'ils  étaient  en  scène  ensemble, 
comme  dans  Ciuna  et  Auguste  ,dar\5 
Orestc  et  Pylade ,  le  premier  avait  eu 
d'abord  de  l'avantage  ;  mais  l'autre 
parvint  bientôt  à  l'emporter  sur  lui. 


PUN 

Apre»  deux  années  de  félicité  conju- 
gale, Punt  perdit  l'idole  de  son  cœur , 
et  il  en  fut  inconsolable.  11  essaya  de 
continuer  à  jouer;  mais  l'épreuve  était 
au-dessus  de  ses  forces  :  il  (it  ses 
adieux  au  public  par  le  rôle  d'Hé- 
rodc  ,  dans  la  tragédie  d'//éro/le  et 
Mariainiw ;  et  ce  fut  nu  jour  de  deuil 
pour  les  amateurs.  Rentie  clans  la 
solitude  de  sou  cabinet .  ou  j)lulôl  de 
son  atelier,  les  productions  de  son 
burin  ne  lui  firent  pas  moins  d'hon- 
neur que  son  talejii  pour  la  scène.  11 
se  remaria  en  174^  ,  et  unit  sa  des- 
tinée, avec  non  moins  de  bonheur, 
à  Anne-lMaric  Chicot,  lille  d'un  ni.ir- 
rhand  de  tableaux.  Les  sullicitatioiis 
de  ses  amis,  et  penl-êlrc  de  secrets 
regrets  ,  le  décidèrent  à  rentrer  au 
théâtre  :  cefut  le -ii  l^ptembie  1753, 
dans  son  rôle  favori  d'Achille,  où  il 
s'est  lui-même  peint  et  gravé.  Son  ta- 
lent ne  parut  pas  avoir  rien  pci  du.  Le 
poste  lucratif  de  concierge  du  théâ- 
tre d'Amsterdam  lui  fut  dévolu  en 
I  755.  Considération  et  fortune,  tout 
liait  également  à  Punt;  mais  il  rc- 
de>int  veuf  en  1771  ;  et ,  en  177-8 , 
il  se  remari. 1  de  nouveau  avec  une 
camarade  digne  de  son  choix  ,  Ca- 
theiinc  -  Elisabeth  Fokke.  L'année 
suivante  mit  un  terme  à  son  bon- 
heur par  l'incendieduthéâtre  d'Ams- 
terdam ,  arrivé  le  Il  mai.  Punt  n'en 
sauva  que  sa  vie  et  celle  de  sa  nou- 
velle compagne  ;  mais  son  i!)obilier, 
sa  gaide-robe,  sa  bibliothèque,  son 
atelier,  sa  riche  collection  de  ta- 
b'eaux,  tout  devint  la  proie  des  flam- 
mes. Il  ne  lui  resta  que  son  coura- 
ge. Ne  trouvant  point  dans  la  di- 
rection du  théâtre  d'Amsterdam  le 
zèle  qu'il  aurait  dcsiré  pour  la  répa- 
ration d'un  aussi  grand  désastre  j 
l'intérêt  qu'il  prenait  à  ses  compa- 
gnons d'infortune,  réduits  à  de  trop 
misérables  secours ,  lui  inspira  l'idée 


PUN 

tîc  constriiîi-c  eu  charpente ,  à  ses 
trais  ,  un  asile  provisoire  pour  fitcl- 
pomène  et  Thalie.  Le  projet  fut  goii- 
lé,  approuvé,  mais  jicn  convenable- 
ment encourafi;é  ;  et,  sur  ces  cn- 
tretailes,  la  ville  de^  Rotterdam  en- 
leva Puut  et  ses  camarades  au 
théâtre  iiccouturaë  de  leur  jjloire. 
ïi  acciieillit  les  propositions  qui 
lui  furent  faites.  Des  scrupules  reli- 
gieux firent  placer  extra  -miiros  la 
saile  de  spectacle  construite  à  ses  dé- 
pens; et  riuaii^uralion  en  eut  lieu 
le  26  mai  1-773.  Cet  établissement 
ne  s'est  pas  soutenu.  L'auteur  fut 
abreuve  de  dégoûts  ;  et ,  au  laois  de 
septembre  1777,  il  prit  congé  des 
Kolterdamois,  par  le  rôle  de  ]\i- 
nus ,  dans  Séniiramis.  Melpomène 
ot  Thalie  eurent  enfin  ,  dans  la  me'- 
tropoledu  commerce  hollandais,  un 
nouveau  sanctuaire;  mais  il  n'y  avait 
])1lis  de  prêtres  dignes  de  le  desservir. 
Duira  et  l'actrice  Bonhon  faisaient 
trop  disparate  avec  les  autres.  Punt 
restait  à  l'écart;  et  l'envahissement 
de  la  tragédie  bour<:;eoise,  triste  signal 
de  la  déc  idencedn  goût  dramatique, 
prolongeait  son  éloignemcnt.  On  né- 
gociait cependant  sa  rentrée,  et  l'on 
se  flattait  d'avoir  vaincu  sa  répu- 
gnance, quand  il  mourut,  le  18  dé- 
cembre 1779.  Son  constant  ami 
Daim,  depuis  peu  retiré  du  théâtre, 
à  cause  de  son  grand  âge,  le  suivit  au 
tombeau,  le  12  juin  1  780;  et  le  théâ- 
tre hollandais  a  pu  (lifficdement  répa- 
rer ces  deux  perles.  Comme  graveur 
et  comme  peintre  ,  Punt  mérite  aussi 
d'être  mentionné  avec  honneur;  on 
cite  parmi  ses  productions  les  estam- 
pes représentant  une  suite  de  trenîe- 
six  tableaux ,  queRubens  avait  peints 
pour  la  grande  église  des  Jésuites 
d'Anvers,  devenue  la  proie  des  flam- 
mes en  1718.  Six  ans  auparavant, 
ils  avaient  été  dessinés  par  le  peintre 


PUP 


3^3 


Jacob  de  Witt ,  et  Punt  les  a  gravés 
d'après  ces  dessins.  Sa  Manière  est 
moins  léchée  que  celle  de  Houbra- 
ken  ,  sen  illustre  contemporain,  et 
approche  plus  de  celle  des  Italiens. 
Il  a  gravé  un  Corps-de-garde,  d'a- 
près Troost  ;  le  Cortège  funèbre  du 
stadliouderGuillaiiinc  IV (1755,  in- 
f>>l.,  4  «  pl- ,  avec  texte  hollandais  et 
français  ).  Il  a  orné  d'estampes  les 
ouvrages  de  quelques-uns  des  poètes 
hollandais  les  plus  distingués  de  son 
temps  ,  tels  que  Hoogvliel ,  Smits  , 
etc.  Il  peignait  l'histoire,  le  paysa- 
ge et  le  portrait.  Il  avait,  dans  ses 
compositions  historiques,  de  la  no- 
blesse et  de  l'originalité;  elles  sont 
recherchées  des  amateurs.  M — orr. 
^^91E^  {Claudius-Maximus'- 
Pupienus),  empereur ,  que  les  écri- 
vains de  l'histoire  Auguste  ,  nom- 
ment Maxime  (  i  ) ,  était  né  vers  Tan 
164,  dans  une  condition  obscure.  II 
négligea  la  culture  des  lettres  pour 
les  exercices  du  corps;  et  ayant  em- 
brassé la  profession  des  armes,  il  dut 
àsestalentsuneélévalion  rapide.  Il  fut 
préteur ,  consul  (2),  et  gouverna  suc- 
cessivement la  Biihynie ,  la  Grèce 
et  la  Gaule  Narbonaise;  il  battit  les 
Sarmates  dans  l'Illyrie,  et  les  Ger- 
mains sur  le  Rhin  ;  enfin ,  ayant  été 
nommé  préfet  à  Rome,  il  se  con- 
duisit ,  dans  cette  place  importante 
avec  beaucoup  de  prudence  et  d'ha- 
bileté. Le  sénat,  après  la  mort  des 
Gordiens ,  résolut  de  leur  donner  un 
successeur  capable  de  résister  à  IVIaxi- 
min,  que  les  prétoriens  avaient  décoré 
de  la  pourpre  ;  mais  les  circonstances 
parurent  si  graves  ,  que,  sur  la  pro- 
position de  Vectius  Sabinus,  au  lieu 


(i)  C  f'tait  1"  uom  de  soa  jipre ,  suivant  J.  Capito- 
liu  ,  Vie  de  Maxime. 

(2)  Il  f(\t  crc'c-  consul,  l'an  277  ,  selon  TiUemont, 
dont  Crcvier  adopta  Isa  calculs,  Hiât.  des  emfier., 
V,  Sag,  »dit.  10-4". 

21.. 


3i4 


PCP 


d'un  empereur,  on  en  ëlut  deux,  l.e 
choi^  tomba  sur  Pupien  et  Balhiu  , 
que  le  peuple  contraignit  de  s'assoeier 
un  JcscenJaul  dos  Gordiens,  dont  le 
nom  restait  en  vénération  (  roy. 
Gordien,   XVIil,    lao  \  Laissant 
à  son  collèç;ue  le  soin  de  veiller  à 
la  tranquillité  de  Rome,  Pupien  se 
mit  à   la  tête  de  l'armeV   (pii    de- 
vait se  reunir  sous  les  murs  de  Ra- 
venne;  mais  pendant  qu'il  faisait  ses 
dispositions  pour  arrêter  la  inarclie 
de  Maximiu  ,  ce  tyran  ,  battu  devant 
Âquilce  ,  fut  egorgê  par  ses  propres 
soldats  [f'oj.  Maximin  ,  XXVll  , 
608).  la  joie  que  causa   cet  événe- 
ment fut  si  grande,  que  le  sénat  n'iic- 
sita  pas  à  décerner  à  Pupien  les  mê- 
mes honneurs   que  s'il   eût  délivré 
l'Italie  de  ce  monstre;  et  son  retour 
à  Rome  fut   un  véritable  triomphe. 
Les  deux  empereurs,  quoique  jaloux 
l'un  de  l'autre,  alFecIaicnt  de  vivre 
dans  la  meilleure  iulellipence  :  après 
avoir  pri> ,  de  concert  avec  le  sénat , 
de  sages  réglemrnts  j)our  assurer  la 
tranquillité  de  l'empire  ,  ils  se  dis- 

f)0saient  à  partir  ,  Pupien  pour  faire 
a  guerre  aux  Perses  ,  et  Balbin  pour 
une  autre  expétlilion  :  mais  les  pré- 
toriens qui    regrettaient    Maxiiuin  , 
s'emparent  des  deux  em  pereurs  ,  tan- 
dis que  le  peupleetait  sorti  de  la  ville 
pour  assister  aux  jeux  capitolins,  et , 
après  les  avoir  accablés  d'outrages, les 
massacrent  tous  les  deux ,  l'an  "238 
(  f^^iy-  Balbip»  ,111,  '^(3.2  ).  Pupien  , 
lors  de  son  élévation   à    l'empire , 
sembl-iit  avoir  prévu  ce  triste  sort  : 
o  Si  nous  délivrons  ,  avait-il  dit  à 
Balbin  ,  le  genre  humain  du  monstre 
qui  le  tyrannise,  quelle  récompense 
devons-nous  nous  promettre?  —  La 
reconnaissance  ,  répondit  Balbin  ,  et 
l'amour  du  sénat  ,  du  peuple  et  raê- 
rae  de  l'univers.  —  Ajoutez  ,  reprit 
Pupien  ,  et  la  haine  des  soldats ,  qui 


PUR 

nous  deviendra  funeste.  Pupien  avait 
la  taille  élevée  ,  le  maintien  grave  et 
la  (jgure  noble  ;  mais  son  air  mélan- 
colique  l'avait    fait    surnommer    le 
Triste,  Quoique  naturellement   sé- 
vère ,  il  était  ini^ulgcnt ,  humain  sans 
faiblesse,  el  d'une  douceur  admirable. 
On  a  des  médailles  de  ce  prince  en 
or  ,  en  argent,  et  en  grand  et  moyen 
bronze;  celles  d'or  sont  très-rares 
{^"oy.  l'ouvrage  de  M.  INIionnet,  Du 
prix  des   médailles  romaines  ). 
W— s. 
PIRBACH.  r.  Pelrbach. 
PUHCHAS  (Samuel),  théologien 
anglais,  principalement  connu  par 
le  Kecueil  de  voyages  ipii  porte  son 
nom,  naquit  à   Thaxsted,  dans  le 
comté  d'ivssex,  en  1577. 11  fut  élève 
à  Cambridge,  au  collège  de  Saint- 
Jean  ,  ainsi  que  l'atteste  un  vieux  re- 
gistre  de  celte  maison.   Purchas  y 
prit  ses  degrés  de  maîtie-îs-arts,  en 
iGoo.  (Quatre  ans  après,  le  roi  lui 
accorda  le  vicariat  de  Kast-Wood  ; 
mais  il  le  résigna  en  faveur  de  son 
frère,  pour  se  fixer  à  Londres,  rési- 
dence plus  convenable  pour  un  hom- 
me qui  préférait  les  travaux  littérai- 
res aux  devoirs  ecclésiastiques.  Pour- 
vu  d'iif   riche   rectorat   par  l'évê- 
que  de  cette  dernière  ville,  et  nom- 
mé chapelain  de  l'archevêque  de  Can- 
tcibury  ,  il  fit  servir  sa  fortune  à  ac- 
quérir la  plus  nombreuse  collection 
de  voyages,  tant  imprimés  que  ma- 
nuscrits, qu'on  eût  vue  jusqu'alors. 
Ce  savant    laborieux   mourut   vers 
iG'i8.  On  doit  à  son  zèle  et  à  S3  vas- 
te érudition  l'un  des  plus  célèbres 
recueils  de  voyages  qui  aient  été  pu- 
bliés ,  tant  par  l'abondance  des  ma- 
tériaux que  par  leur  importance  pour 
l'histoire  des  premières  découvertes, 
surtout  de  celles  des  Anglais.  Ce  fut 
en  iGi3  que  Purchas  fit  paraître  le 
premier  volume  de  ce  Recueil ,  qui 


PUR 

peut  en  ôtrc  regardé  comme  l'inlro- 
diictioii,etdontlaquatrième  édition, 
très -augmentée,  fut  réimprimée  en 
ïÔ'iô.  Ce  premier  volume  porte  le 
litre  suivant  :  Purchas ,  his  pUgri- 
mages,  or  relatiunsoftheProrld  and 
the  religions  ,  observed  in  ail  âges 
andplaces  discoveredfrom  thecrea- 
tion  iinto  this  présent  ;  in  four  parts, 
un  vol.  in- fol.  Cette  quatrième  édi- 
tion du  premier  volume  est  infini- 
ment préférable  aux  précédentes  : 
elle  est  dédiée  à  l'archevêque  Abbot  ; 
et,  dans  la  préface,  Purchas  annon- 
ce avoir  mis  à  contribution  plus  de 
douze  cents  auteurs  de  voyages  ou 
d'histoires ,  tant  nationaux  qu'étran- 
gers. La  même  édition  est  ornée  de 
i^artes  géographiques  deMercator  et 
Hondius.  Les  quatre  derniers  volu- 
mes de  Purchas  parurent,  en  1625, 
sous  ce  titre  :  Hakluytus  Posthu- 
mus or  Purchas  his  pilgrims  ;  con- 
taining  a  historj  of  the   fForld  in 
sea  voyages  and  land  travels  hy 
englishmen  and  olhers,  etc.;  Lon- 
dres, i6'25,  4  vol.  in-fol.  Cet  ouvra- 
ge fut  tradui t  en  h ollandais ,  Amsler- 
dam,    i655  ,  plusieurs  vol.  in-4''. 
Purchas  y  a  fait  entrer  tous  les  ma- 
nuscrits laissés  par  Hakluyt ,  dont 
il  avait  fait  l'acquisition  ;  et  ces  ma- 
nuscrits en  forment  à  -  peu  -  près  un 
volume.  Les  compilateurspostérieurs 
à  Purchas  l'ont  rais  fortement  à  con- 
tribution. Harris ,  surtout ,  s'est  sou- 
vent borné  à  abréger  ses  extraits  ; 
Bergeron  l'a  traduit  avec  plus  de  fi- 
délité: Pinkerton  y  a  également  pui- 
sé ,  pour  la  Collection  de  voyages 
qu'il  a  dernièrement  publiée  à  Lon- 
dres ,  et  dont  les  Anglais  font  assez 
peu  de  cas.  Ses  autres  ouvrages  sont: 
I.  Purchas  ,  his  pilgrini  or  Micro- 
cosmos or  the  historié  ofman,  1 627, 
in  -  8".  C'est  un  Recueil  de  médita- 
tion3  sur  l'homme^  dans  tous  les  âges 


PUR  3i5 

et  dans  toutes  les  positions  sociales; 
méditations  qui  ont  pour  base  le  tex- 
te du  Psaume  xxxix ,  5.  IL  La  Tour 
du  roi  (  The  king's  tower ,  etc.  )  , 
i6'23,iu-8«.  L.  R— K. 

PURE  (  Michel  de  ),  fils  d'un  pre'- 
vôt  des  marchands  de  Lyon  ,  naquit 
dans  cette  ville,  en  1 634-  llétait  abbé 
et  hommede  lettres  :  sa  médiocritéle 
dérobait  à  l'envie  ,  et  son  existence 
obscure  était  du  moins  tranquille. 
Malheureusement  on  vint  dire  à  Boi- 
leau  que  l'abbé  était  le  distributeur 
d'un  pamphlet  contre  lui.  C'en  fut 
assez  pour  que  de  Pure  eût  place  dans 
les  satires  deuxième,  sixième  et  neu- 
vième. JMichel  de  Pure  mourut  en 
1680  ,  à  la  fin  de  mars  ou  au  com- 
mencement d^avril.  On  a  de  lui  :  I. 
Fita  Alphonsi  Ludovici  Plessœi  Ri- 
chelii ,  presbyteri  cardinalis  ,  ar- 
chicpiscopi  Lugdunensis ,  iG53,  in- 
12.  II.  La  Précieuse ,  ou  le  mystère 
de  la  T-uelle  y   i656,  4  vol.  in-12. 
Léris  ,  qui  en  général  est  exact  dans 
son  JDict.  des  théâtres  ,  attribue  à 
l'abbé  de  Pure  une  comédie ,  non  im- 
primée, des  Précieuses.  Il  aura  pris 
le  roman  pour  une  pièce  de  théâtre. 
III.  Ostorius  ,  tragédie  en  cinq  ac- 
tes et  en  vers,  1 65g,  in- 1 2.  Ostorius 
figure  dans  le  dialogue  de  Boileau  in- 
titulé :  Les  héros  de  roman  ;  mais 
il  paraît  ,  quoi  qu'en  dise  Boileau, 
que  cette  tragédie  a  été  représentée 
plus  diune  fois  :  elle  n'en  est  pas 
moins  pitoyable.  IV.  Quintilien,De 
l'institution  de  Vorateur  ,  traduit 
avec  des  notes ,  i6G3 , 1  vol.  in- 4**. 
V.  Histoire  des  Indes  orientales  et 
occidentales ,  par  J.    P.   Majfée , 
trad.  du  latin,  i665,  in  4^*.  VI. 
Histoire  africaine  de  la  division  de 
Vempire  des  Arabes ,  de  l'origine 
et  du  progrès  de  la  monarchie  des 
Mahométans  dans  V Afrique  et  dans 
l'Espagne  ,  traduite  de  l'italien ,  dû 


3i6 


PUR 


Birago,  166G,  iu-ia.  VII.  Idée  des 
spectacles  anciens  et  nouveaux  , 
i()68.  in-i2.  VIII.  Fie  du  marè- 
cluiL  de  Gasston  j  1673  ,  3  vol.  in- 
I  j.  IX.  La  fie  de  Léon  X ,  traduit 
du  liilinde  Paul  Jove,  1 075 ,  in-  1  i. 
L'ai»Lc  de  PurcaTait  compose  quel- 
ques vers  Jp.lioscu  l'honneur  de  l'ab- 
bé de  Marelles,  qui  en  refour  fil  i;n 
granl  tlo;;e  de  son  fl.itleur,  et  dit 
qu'il  s'occupait  d'écrire  la  \  ic  du 
car  liu.d  de  Kiriifliei-f  Armand:,  celle 
en  c^.linjl  Mdzarin,  et  celle  du  roi* 
de  Siictlc  :  aucune  des  trois  n'a  '.•n 
le  jour,  MaroUes  mentionne  ,  p^rmi 
les  ouvras;es  d"  IMir'ipl  de  Pure,  une 
£rigone,  sans  explitpier  si  c'est  un 
romnn  oii  une  pièce  de  the.ltrc,  et 
sans  dire  si  cel  oi.rragc  a  etc  im- 
piinie.  A.  B— t. 

PL'RI  (  David)  ,  fil*,  «lu  fondateur 
de  Purisbourp,  dans  la  (laroline  , 
était  ne  a  NuJiàîel,  en  i7'^it).  Il 
coraiDcuçi  le  trafic  de»  pierreries 
chez  un  banquier  de  Londres  ,  où  il 
avait  ete'cfivovpcn  appreniissare,  et 
le  continua  en  Portugal.  S'étant  éta- 
bli à  Lisbonne,  il  fit,  par  la  joail- 
lerie, nne  fortune  considérable  ,  qu'il 
augmenta  encore  ,  en  se  chargeant 
d'une  partie  du  bail  des  fermes  gé- 
Bcraîe*.  (..etfe  fortune  fut  consacrée, 
presipic  tout  entière,  .-in  bien  de  sa 
patrie.  II  envoyait,  chaque  année, 
à  Neucb.itcl  ,  des  sommes  considéra- 
bles, qu'd  laissait  à  la  disposition  la 
plus  convenable  des  magistrats  de  la 
Tille,  indépenda  m  ment  des  fonds  qu'il 
adressait  directement  au  conseil  de 
charité  pour  les  pauvres.  Ce  fut  avec 
l'argent  de  Puri  que  le  gouvernement 
de  Neuchâtel  bâtit  l'hôpital  de  la 
▼ille,  portant  à  la  façade  cette  ins- 
cription :  Civis  pauperihus;  et  qu'il 
embellit  et  agrandit  l'hotel-de-ville 
(  f^.  P.  A.  Paris)  ;  qu'il  fonda  des  pen- 
sion* pour  les  veuves  des  pasteurs, 


PUR 

etc.  Enfin  n'ayant  pas  d'enfants  ,  il 
légua  à  sa  ville  natale  tous  ses  biens, 
montant  à  trois  ou  quatre  miîlians, 
à  rexoepîion  de  quelques  hgs  pour 
Sfs  j.;.reiits  et  amis,  commis  , domes- 
tiques, et  pour  les  pauvres  de  sa  pa- 
roisse a  Lisbonne.  Il  divisa  cet  héri- 
tage en  deux  parts ,  dont  l'une  devait 
être  employée  par  le  gouvernement 
de  Neucli.îtcl  h  des  œuvres  pieuses  et 
charitables  ;et  l'jutreaux  munuments 
et  travaux  publics,  et  à  l'rmbtliisse- 
nirut  de  la  ville.  Il  mourut  à  Lis- 
bonne le  3i  mai  1786  (  i  ).  Par  re- 
connaissance pour  r.n  titovcii  qui 
avait  comblé  sa  patrie  de  bienfaits, 
les  magistrats  de  Neuchâtel  ordon- 
nèrent un  deuil  rie  quinze  jours.  Les 
édifices  publics  de  cette  ville,  et  sur- 
tout riinpiial  ,  sont  des  niunuments 
durables  de  la  bienfaisance  de  J^uri 
(  F.  son  Teilauient  dans  le  Conser- 
vateur Suisse ,  t.  i*^', ,  3o3,  307;  et  t. 
VIII  ,  3.>S}.  —  Jean-Pierre  Pi'nt  ou 
Puiiy.  né  aussi  à  Neu(li.îlel,  est  au- 
teur de  Mémoiies  sur  le  pays  des 
Cafres  et  la  Terre  de  Pierre  Nuilz, 
Amsterdam  ,  1718,  in-8°. ,  qui  fu- 
rent traduits  en  hollandais.  Ayant 
été  lui-même  en  Cafréiie,il  avait 
conçu  le  projet  de  coloniser  ce  pays 
désert ,  et  en  écrivit  a  la  compagnie 
des  Intleseii  Hollande;  puis  il  trouva 
la  terredc  Nuitz  ,  dans  la  Nouvcllc- 
Hullandc ,  enc(»re  meilleure  pour  uûe 
colonie  que  la  Cafréric,  et  communi- 
qu  I  ses  vues  au  gouvernement  de 
Batavia,  qui  l'accueillit  assez  mal. 
Il  se  rendit  alors  en  Hollande  ,  et 
présenta  ses  projets  à  la  compa- 
gnie. Ses  Mémoires  contiennent  des 
notions  curiciues  sur  les  pays  qu'il 
avait  visités,  et  qu'il  proposait  pour 
servir  d'emplacements  à  des  colo- 
nies. —  Un  colonel  du  nom  de  Pu- 

(ij  V.i  iiou  rD   1775,   coiiiiii*-    Je    dit  I«   uuitvoau 
Dtet.  hiit,,  eril,  et  bibUpifrofiliiifin, 


PUR 

RI  soulint  J.-J,  Rousseau  contre 
le  pasteur  IMontmolliii,  mais  avec 
peu  de  succès;  et  Rousseau  obtint 
pour  lui,  auprès  de  lordKcifli,  la 
place  de  conseiller-d'ëtat,  quoiqu'il 
se  fût  mal  conduit ,  suivant  l'auteur 
des  Confessions,  dans  l'affaire  du  mi- 
nistre Petit-Pierre.  Il  ne  resta  pas 
long-temps  en  place.  S'étant  oppose' 
aux^  innovations  du  gouvernement , 
il  fut  destitué  avec  le  maire  Ptiri  ,  et 
publia  à  ce  sujet  un  3Iémoire  justi- 
ficatif,  1767  ,  iiT-8^.ct  in- 12.  Haller, 
dans  U  bibliothèque  suisse ,  croit 
qu'il  est  aussi  auteur  de  la  Relation 
exacte  et  impartiale  de  tout  ce  qui 
s'est  passé  à  Neuchdtel ,  depuis  la 
naissance  des  troubles  actuels,  1 767, 
in-8".  Le  Mémoire  pour  servir  de  ré- 
futation à  la  brochure  intitulée  Con- 
sidérations pour  lespeuples  de  l'état , 
NeuchàteW,  1 761,  et  les  Quatorze 
Lettres  de  M.  Charles  Albert  Pury, 
adressées  à  M.  Ferdinand  Oster- 
vald ,  au  sujet  de  son  livre  qui  a 
pour  titre  :  Défense  des  principes 
et  de  l'auteur  d'un  écrit  intitulé  : 
Considérations  pour  les  peuples  de 
l'état ,  etc. ,  Neuchàtel ,  1 762  ,  sont 
probablement  du  même. —  On  attri- 
bue au  conseiller-d'ëtat  Samuel  Pu- 
Ri ,  qui  a  laisse'  un  extrait  manuscrit 
des  Chroniques  dt  Neuchâtel ,  le  Mé- 
moire pour  justiGer  quele  commerce 
des  vins  de  Neuchàtel  doit  être  libre 
dans  les  états  de  Berne  ,  1 706 ,  in-4'*. 
D— G. 
PURICRLLT  (  Jean-Pierre  ) ,  l'un 
des  écrivains  qui  se  sont  occupés  avec 
le  plus  de  succès  de  débrouiller  l'his- 
toire et  les  antiquités  du  Milanez , 
naquit  à  Gallarate  ,  en  iSSg.  Dès 
son  enfance,  il  montra  beaucoup  de 
disposition  pour  les  lettres ,  et  le  plus 
vif  désir  de  s'instruire.  Après  avoir 
terminé  ses  études  au  collège  de  Bré- 
ra ,  sous  les  Jésuites ,  il  prit  l'habit 


PUR  327 

ecclésiastique ,  et  fut  cliargé  d'ensei- 
gner la  philosophie  ,  la  théologie  et 
l'éloquence  ,  au  grand  séminaire  de 
Milan.  Le  cardinal  Fréd.  Borroméc, 
archevêque  de  cette  ville,  le  récom- 
pensa de  ses  services  par  les  plus  ho- 
norables emplois,  et  le  revêtit,  en 
i6'29  ,  de  la  dignité  d'archiprêtre  de 
la  basilique  de  Saint-Laurent.  L'an- 
née suivante ,  la  peste  désola  Milan  ; 
et  Puiicelli,  qui  s'était  dévoué  au 
service  des  malades  ,  fut  le  seul  des 
chanoines  qu'épargna  la  contagion. 
«  Je  me  souviens,  dit  Tiraboschi, 
»  d'avoir  lu ,  parmi  les  manuscrits 
')  de  la  bibliothèque  Arabrosienne,  la 
»  déplorable  histoire  ,  qu'il  écrivit 
«jour  par  jour,  des  ravages  que  la 
»  peste  causa  dans  son  chapitre  (  i  ).  » 
Malgré  les  devoirs  de  son  état ,  qu'il 
remplissait  avec  zèle,  il  s'occupait 
sans  cesse  de  recherches  d'érudition. 
Il  recueillit  un  grand  nombre  de 
chartes  et  de  diplômes  ,  ensevelis 
dans  la  poussière  des  archives  ou  des 
bibliothèques,  et  s'en  servit  utile- 
ment pour  éclaircir  les  points  les  plus 
obscurs  de  l'histoire  ccclésiastiquedu 
moyen  âge  (  P^.  Guillemine  ,  XîX , 
i65  ).  Les  ouvrages  qu'il  a  livrés 
à  l'impression  sont  la  moindre  partie 
de  ceux  qu'il  avait  composés,  et  que 
l'on  conserve  dans  la  bibliothèque 
Ambrosienne.  Enlisant  le  Catalogue 
qu'en  a  donné  l'Argelati  (  Scriptor. 
Mediol. ,  n  ,  I T  37-4.2  ) ,  on  ne  peut 
qu'être  étonné  de  la  vaste  érudition 
et  de  l'infatigable  activité  de  Puricel- 
li.  Ce  savant  mourut  à  Milan ,  le  27 
novembre  lôSg.  Outre  l'édition  qu'il 
a  publiée ,  des  deux  derniers  livres 
I         III  - — ' '^— 

(i)  Les  compilateurs  du  nouveau  Dict.  hisl.,  cnl. 
cl  bil'lio^r.  n'ont  san^  doute  jias  couuu  ce  passade 
de  Tiraboscbi;  autrement  ils  n'auraient  Jias  dit  que 
Puricelli  «  fut  le  seu<  parmi  les  chanoiiies  de  cette 
»  église  (  Saint-Laurent  )  , lorsque  la  peste  raTageait 
»  Mjlau  ,  qX'i  se  dévoua  avec  le  plus  ^rand  rele  «u 
>i  service  dci  pestiférés,  et  <jui  ne  sertit  /joint  as  la 
)>  ville.  » 


3a8 


PUR 


de  l'Histoire,  du  Milancz  (  Resiâua  ) 
par  Calchi ,  .\(j\!\  ,  iii-fol.  ,  on  cite 
de  Piiricelli  :  I.  Ainhrùsianœ  Medio- 
larii  hasilicœ  monumenta  ,  Milan  , 
iG45,in  4*'.j  suivant  Frcytag  (.Vrirt- 
lect.  litter.  );  \0^S  ,  in-t'ol.  ,  selon 
Argclati .  insère,  par  Gre'viiis,  dans, 
le  tome  iv  du  Tliesaur.antiquit.lta 
îi  e.  Tiraboschi  regarde  cet  ouvrap;e 
comme  un  trésor  d'érudition  et  de 
saine  critique  (  Storiu  ilell.  leltera- 
tnraitaîiana,\\\i,3i)-  ).  11.  Laitr. 
Littœ  civis  et  archiep.  Mediola- 
ni  vita  ,  ibid.  ,  i653  ,  in  4°-  HI- 
De  SS.  marljribus  Nazario  et  Cel- 
50  ,  ac  Protasio  et  Gervasio  hiito- 
rica  disserlatio  ,  ibid.,  i65G,  in 
fol.  IV.  De  SS.  marty  rilnis  Jrialdo 
Alcialo  et  Ilerlcinlaldo  Cvlta,  li- 
hri  (juadinr ,  quihiis  historia  Medio- 
lan.  illustratur ,  etc.,  ibid.,  1G57 
ou  1667  ,  in-fol.  V.  Sancti  Saljri 
confessons  et  sanctoruin  Ainbrosii 
et  Marcellinœ  tumulus  luci  restitu- 
tus,  ibid.,  ifjjtt,  in-4".  Tous  ces 
ouvrages  ,  dit  encore  Tirabosrlii, 
sont  pleins  d'une  érudition  choisie  , 
quoiqu'on  puisse  y  relever  quelques 
erreurs.  Puricelli  se  proposait  d'écrire 
l'histoire  de  l'ordre  des  Humiliés  ; 
et  il  avait  rassemblé  ,  dans  ce  but , 
un  grand  nombre  de  documents  et 
de  pièces  intéressantes,  qui  ont  beau- 
coup servi  à  Tiraboschi  pour  complé- 
ter l'histoire  de  cet  ordre.  W — s. 
PLKICELLI  (François),  litté- 
rateur, né,  vers  165",  à  Milan,  fit 
ses  études  dans  le  célèbre  collège  de 
Brera  ,  dirigé  par  les  Jésuites  ;  et  à 
l'âge  de  vingt-deux  ans  ,  il  se  rendit 
à  Rome  ,  pour  se  perfectionner  dans 
la  connaissance  des  langues  et  de 
l'antiquité.  Pendant  son  séjour  dans 
cette  ville ,  il  embrassa  la  règle  de 
saint  Ignace  :  mais  la  faiblesse  de  sa 
santé  ne  lui  permit  pas  d'achever 
son  noviciat;  et,  après  avoir  reçu 


PUS 

les  ordres  sacrés,  il  revint  à  Milan  , 
où  il  partagea  sou  temps  entre  ses 
devoirs  et  la  culture  des  lettres.  Il  fut 
bientôt  admis  à  l'académie  des  In- 
ijuieli ,  comme  il  l'avait  été  dans 
celle  des  Arcadiens  de  Rome,  dont 
il  établit  une  colonie  à  Milan  ,  avec 
le  secours  de  quelques  littérateurs. 
Puricelli  réussissait  particulièrement 
dans  le  genre  de  poésie  que  les  Ita- 
liens nununenl  berniesque  ,  du  nom 
de  relui  qui  l'ti  mis  le  picniier  eu 
vogue  (  /".  BehnO  ;  il  •">  com])osé  un 
grand  nombre  de  .S"o/J/jet5  ,  de  Capi- 
toli ,  et  des  vers  latins  ,  estimés  des 
coiinaisseurs.il  mourut  le  17  octobre 
I  738,  dans  sa  campagne  à  Decio,  où 
il  passait  ordiuairenient  les  autom- 
ne •;.  Par  son  testament,  il  légua  sa 
bibliothèque  au  collège  de  Brera  ,  en 
reconnaissance  des  soins  qu'il  y  avait 
reçus  dans  sa  jeunesse,  et  ij  fit  divers 
legs  pieux.  Ses  poésies, éparscs  dans 
diirérents  Recueils  ,  ont  été  rassem- 
blées parle  comte  Jos.  Imbonati,  qui 
les  a  publiées  sous  le  litre  de  liime  , 
Milan,  1750,  in-4".:  oii  en  cite 
des  éditions  de  Venise,  17^1  ;  Bo- 
logne, 175^,  iu-8".;  et  Nice,  1781. 
rayez  Aigel.iti,  Bill,  script.  Me- 
diol.  ,  p.  I  134  et  suiv.        W'— s. 

PL'SSORT  (  HL.>ni  )  ,  conseiller 
d'état,  était  l'oncle  de  Colbert,et 
dut  son  élévation  uniquement  à  ce 
grand  ministre  ,  auquel  on  ne  peut 
guère  reprocher  que  son  ambition, 
et  sa  haine  contre  le  malheureux 
Fouquet.  Pussort  se  montra  l'un  des 
plus  acharnés  à  la  perle  du  surinten- 
dant. Il  faisait  partie  de  la  commis- 
sion chargée  de  prononcer  sur  son 
sort;  et  ,  quoique  Fouquet  l'eût  ré- 
cusé, comme  parent  du  président  de 
Nesmond  ,  il  n'en  persista  pas  moins 
à  rester  un  de  ses  juges.  Pendant  les 
débats  ,  il  se  conduisit  de  la  manière 
la  plus  indécente  j  interrompant  à 


PUS 


pur 


3iy 


cîiaqiie  instant  Foiiquct,  sans  motif  ,  la  j)]us  excellente  de  ses  sublimes 

ou  taisant  des  mines  d'improbation  qualités.  Pussort  mourut,  doyen  du 

qui  scandalisaient  les  gens   de  bien  conseil,  le  f8  février  1697,  à  ^'^8^ 

(/'.  FouQUET,  XV, 355).  Lorsqu'on  de  82  ans.  Son  portrait  a  ete  gravé 

en  vint  au  jugement,  il  opina  pendant  iu-fol.  par  Ant.  Masson.       W — s. 
quatre  heures   avec  tant  de    vchc-  PUTEANUS.   Fo) .  Dupuy. 

mence  et  d'eraporiemcut ,  que  plu-         PUTSCHIUS  (  Eue  ),  pliilolo- 

sieurs  juges  en  turent  scandalises g"'-?    natif  d'Anvers,   est   compté 

Il  redoubla  de  force  sur  la  tin  de  son  par  Klcfekcr  au  nombre  des  sa- 
avis,  et  termina  par  dire  que,  pour  vants  précoces.  Originaire  de  Hara- 
punir  le  crime  du  surintendant,  il  bourg  ,  et  d'une  famille  patricienne, 
n'y  avait  que  la  corde  et  les  gibets  ;  il  naquit  le  26  novembre  i58o.  Ses 
mais  qu'à  cause  des  charges  qu'il  parents  ,  que  des  alTaircs  avaient 
avait  possédées  ,  il  se  relâchait  à  l'a-  amenés  dans  les  Pays-Bas,  ne  pu- 
vis  de  M.  de  Sainle-Héène,  qui  avait  rent  donner  aucun  soin  à  sa  pre- 
couclu  a  la  décapitation  (  l'ojez  micrc  éducation.  A  quatorze  ans  , 
les  Lettres  38,  4  i  et  4'2  de  M^c.  de 
Sévigné  à  I\l.  de  Pomponne,  édition 
de  Monmerqué  ).  Pussort  alTcctait 
une  dévotion  outrée  ;  mais  person- 


li  commençait  seulement  a  expliquer 
les  auteurs  latins  ;  mais  alors  ,  ayant 
été  placé  successivement  dans  les 
collèges  d'Embden  et  de  Hambourg, 


ne  n'en  était  la  dupe.  Sur  la  demande  il  y  lit ,  sons  d'habiles  maîtres  ,  des 
de  Colbcrt ,  il  fut  chargé  par  le  roi  progrès  étonnants  dans   les   langues 
de  travailler  à  la  rédaction  des  Or-  et   la   littérature  anciennes.   11   alla 
donnances  de   1667  et   1670,  pour  ensuite  à    Leyde,   où    il   suivit   les 
la  réformation  de  la  justice  et  pour  leçons  du  savant  Jos,  Scaliger ,  qui 
l'abréviation  des  procès.  11  dressa  le  le  distingua  bientôt  de  ses  autres  élè- 
plan  des  articles,  et  se  montra  l'un  ves ,  et  lui  témoigna  beaucoup  d'af- 
des  commissaires  les  plus  assidus  aux  fection.  Pendant  son  séjour  à  Leyde, 
séances  :  aussi  le  regarde  t-on  gêné-  il  fit  paraîire  une  édition  de  Salluste 
ralement  comme  l'auteur  de r  Or^on-  (  iGo'2,  iii-8°  ),  avec  des  notes  que 
nance  de  1667  ;  mais  il  est  certain  Jos.  Wasse  et  Sigebert  Havercarap 
que  Colbert  y  eut  beaucoup  de  part,  ont  reproduites  dans  les  belles  édi- 
Boileau,  qui  ne  pouvait  guère  se  dis-  tions  qu'ils  ont  publiées  de  cet  bis- 
penser  de  donner  quelques  éloges  à  torien.    L'excessive   application  de 
l'oncle  du   principal  ministre  ,   l'a  Putschius  avait  atTaibli  sa  vue  :  on 
loué  du  moins  avec  beaucoup  de  me-  lui  conseilla  de  voyager.  11  parcou- 
sure(i  ).  Quant  aux  éditeurs  du  Pro-  rut  l'Allemagne,    s'arrêta    quelque 
cès-verhal  des  conférences  (  V.  VA-  temps  à-léna  ,  puis  à  Leipzig  ,  où  il 
vertissem.  éd.  de  1709  ),  ik  ont  dé-  se  lia  d'une  étroite  amitié  avec  Go- 
passé  toutes  les  bornes  de  l'adulation,  dcfroi  Jungermann  (  F.  ce  nom  )  ;  et 
en  nommant  Pussort  un  grand  lioni-  Conrad  Zeltner  conjecture  qu'ils  fu- 
me ,  et  en  ajoutant  que  son  attache-  rent  attachés,  comme  correcteurs, 
ment  inviolable  pour  la  justice  était  à  l'atelier  typographique  des   We- 
— cbel  (  F.  Theatr.  viror.  eruditor.  , 

(i)Boileau  ne  l'a  nommé  qu'une  seule  fois  dans  je  X/Q  )•  PutSchiuS    s'oCCUpait    déjà    dc 

Z,u<( ifi,  cil.  V,  vers  07,  en  parlant  des  progrès  de  ^^^        i  i         i                   /    •                         i>  •■>• 

u  chicane,  il  peint,  rasscmbler  des  matériaux  pour  I  edi- 

Se»  griffe»  vainement  par  Pu«or<  accourcies.  tion    qu'U    projetait    du    ReCUeil   dcS 


33o 


PUT 


PUT 


anc.icD5  ç;rararuaiiicns  ,  rt  Jimcjrr- 
iiiann  l'aidi  dans  ses  l.iborieuîits  re- 
cherches. L'impression  et-  ce  j^rand 
ouvrage  fut  terminée  vers  la  (in  de 
septembre  i(jo5.  L'année  précéden- 
te ,  notre  auteur  avait  eu  la  douleur 
de  perdre  sou  frère  aîné  (  Jean  Puts- 
cliius  )  ,  et  il  n'avait  voulu  céder  à 
personne  le  triste  priviiép;c  de  pro- 
noncer son  Oraison  funi'.bre  (  Leip- 
zig;, 1G04  ,  u\-\°.  )  Le  clngriii  et  la 
faliç^ue  l'épuisaient  de  jour  en  jour. 
Putschius  ,  sentant  la  nécessité  de 
prendre  quelque  repos  ,  se  rendit  à 
8tadc  ,  dans  le  durhé  de  Brème  ; 
mais  sa  santé'  ne  lit  que  décliner, 
et  il  mourut  eu  cette  ville ,  le  g 
mars  iGoG,  à  \'\^t  de  iS  ans.  Son 
Recueil  des  grainniairiens  est  intitu- 
lé :  GramtnaticiE  Intime  anctores 
anliijui ,  Hanau  ,  Weclul  ,  ido  j ,  >. 
totu.  iu-4".>  ^'.  sa  description  dans  le 
Marutel  du  libraire  par  M.  Mrunet  ). 
Ce  volume,  dé  Jié  à  Joseph  Scaliger, 
est  très-rccherclic  des  amateurs  (i); 
il  contient  les  ouvrages  de  trente- 
trois  gramrnainens  .  sur  lesquels  on 
peut  consulter  la  Biblioth.  latina  de 
Fabricius:  plusieurs  de  ces  ouvrages 
étaient  inédits  ;  et  tous  ont  été  revus 
et  corrigés  >ur  les  manuscrits  des 
Borigars  ,  des  Pitliou  ,  de  Dou/.a  ,  de 
Velser  ,  Gruter ,  Hoeschel  ,  Kitter- 
hus  ,  etc.  Quelque  imparfait  que 
soit  ce  tnvad,  il  sulFit  pour  assurer 
à  Putschius  une  réputation  durable, 
et  pour  justifier  tous  les  regrets 
qu'e\cita  sa  mort  prématurée.  Fop- 
pcns  (  Bill,  belf^ica  ]  et  quehjues  au- 
très  bibliographes  citent  avec  éloge 
des  Elégies  de  Putschius  (  Leipzig 


(l)  Il  f»ot  joindre  au  Recueil  di-  PriUchlii»,  celai 
c|ui  fiit  publie  miiu  ce  titre  :  /■lurtiTci  Uitin^  lin- 
Çiar  ,n  iinnat  rr'r;nn  adjerlil  ISclit  Dtcnyf.  On. 
lÀnfredi  (  Gnt,wi  ) ,  1603  ,  iu-4".  Cette  collection  , 
sur  U<jii.'lle  onfrouTer*  des  detBils  dan*  la  fiihl.  de 
falirlciii\ .  n«  contient  yretqu'tucuu  das  auteurs  pu- 


et  FInnau ,  in-8'*.  )  Conrad  Ritter- 
hus  a  publié  la  fie  de  ce  jeune  sa- 
vant ,  Hambourg,  1608,  in-4'\  ; 
ib.  .  i7.>.(i,  in  8".  W— s. 

PUTTER  (  Jean  Etienne  )  fut  un 
lies  plus  célèbres  publicistcs  de  l'Al- 
lemajiue  :  né,  le  15  juin  i^i^,  à  Lser- 
lohu  en  \Ve>tphalie,  d'un  père  com- 
merçant ,  il  (it  ses  ])reinièr(S  classes 
avec  un  succès  si  précoce,  qu'à  l'àgc 
de  treize  ans, il  fut  en  état  de  se  ren- 
drcàrui.ivcrsité.  Il  étudia  successive- 
ment a  Marbourg.  Halle  et  léna,  oiiil 
s'attacha  particulièrement  à  Kstor  , 
qu'il  suivit  iiicinc  (  174*  )  ^^  nou- 
veau à  Marbourg.  De  celte  univcr- 
siié.  où  Piillcr  commença  sa  canitrc 
académique  (  i74-f  )  par  un  cours 
sur  l'histoire  de  l'I'lmpire  ,  il  ïwl  ap- 
jielé,  comme  professeur,  à  (itjtfiiigue, 
eu  174'».  Avant  «l'y  entrer  en  foiic- 
litms,  il  alla  aux  frais  du  gouverne- 
ment hanovrien  ,  à  Wet/.lar,  Hatis- 
bonnc  cl  Vienne  ,  pour  prendre  une 
connaissance  pratique  des  tribunaux 
suprêmes,  et  de  la  diètedc  rEm|)irc. 
Depuis  sou  retour,  pendant  plus  de 
cinquante  ans  (  1  ),  il  donna  des  cours, 
sur  la  procédure  des  tribunaux  supi'ê- 
mcs  ,  le  droit  public  et  l'histoire  de 
l'Kuipire;  enfin  ,  des  leçons  pratiques 
de  jurisprulence.  De  plus,  il  travail- 
lait comme  membre  de  la  faculté  de 
jurispru'lence  ,  dont  il  fut  doyen  ,  eu 
1797  ,  à  la  mort  de  Boehmcr.  Cette 
longue  activité,  dans  une  université 
telle  que  celle  de  (iôttingue,  pourrait 
déjà  faire  juger  de  l'influence  de 
Putter  en  matière  de  droit  public. 
Mais  celte  influence  était  encore  fort 
augmentée  par  ses  consultations 
(-2) ,  ses  autres  travaux  littéraires  , 

il)  Eu  1-qC,  Putter  cclubra  sJenneJltinint  Sun 
juÙUi.         ' 

11)  Ces  cousnltations ,  almi  qne  lei  travaux  le» 
plu»  inlt^ressant»  de  Pùlter,  comme  meuilire  dr-  U 
f^rullc  de  jurisprudence  ,  ontctcimprinn'fs  en  gran- 
de partiu,  «oit  Mparemnit,  aoit  recueillie!  tous  U 


PUT 

et  ses  rapports  avec  beaucoup  de 
grands  sci^^neurs  et  de  gens  en  place. 
C'est  ainsi  que,  lors  de  son  se'jour 
à  Gotha,  de  176*2  à  1763,  pour 
donner  des  leçons  au  prince  be'- 
réditaire  ,  Piitter  fut  prescnJc  au 
grand  Frédéric.  En  1764  >  ^  l'élec- 
tion de  Joseph  II  comme  roi  des 
Pnmains,  ce  savant  professeur  fut 
adjoint,  on  qualité  de  conseiller,  à 
1.1  légation  hauovricnne  àFr-Tncfort. 
Piitter  fait  époqtte  dans  l'iii-^toire  du 
droit  public  d'Allemagne. Non  moins 
iusiruit  et  laborieux  que  Moser  ,  le 
plus  fécond  écrivain  des  temps  luo- 
dei'ues  (  V(yez  MostR  ,  XXX  , 
'^36  ),  il  fut  plus  méthodique  cl  plus 
clair  que  celui-ci  ;,  et  il  a  de  plus  le 
mérite  d'avoir  introduit  un  meilleur 
sîyle  tant  par  ses  écrits  cpie  par  ses 
cours  prali'ques.  Ses  nombreux  ou- 
vrages, dont  quel(;ues  -  uns  en  la- 
tin ,  et  les  autres  en  allemand  , 
roulent  principilement  sur  le  droit 
public  et  riiistoirc  d'Allemagne  , 
et  sur  la  procédure  des  tribunaux 
suprêmes  de  l'Empire  :  quelques- 
uns  traitent  du  droit  civil ,  et  de  la 
jurisprudence  pratique.  Nous  ne  ci- 
terons que  ceux  d'uu  mérite  supé- 
rieur, ou  d'un  intérêt  plus  général  , 
comme  :  I.  Inslitutiunes  juris  pu- 
hlici  germanici ,  sixième  édition  , 
1802  ,  Goltinguc.  II.  Nova  epitums 
processus  Imperii  siipremorum  tri- 
bimalium ,  S».  ,  ibid.  ,  1796.  III. 
Manuel  de  l'histoire  d' Allemagne  , 
2  vol. ,  seconde  édition  ,  Goltingue , 
1772.  IV.  Développement  histori- 
que de  la  constitution  de  V Empire 
germanique  ,  3  vol. ,  troisième  édi- 
tion, Goltingue,  1 798.  Cet  ouvrage, 
puisé  dans  les  sources  et  basé  sur 
une  profonde  connaissance  du  droit 

titre  de  Causes  choitiei  de  droit,  iti  vol.  iu-fol., 
Gotti/igue,  i767-i8o(),r  (sous  celui  de  B<jy/ra^e,  etc., 
Ibid.,  1777-1779,  ivol. 


PUY  33 1 

public  ,  mciite  encore  une  attention 
particulière  V.  Essai  d'une  histoire 
académique  des  savants  de  l'uni- 
versité de  Gottinguc ,  2  vol.  ,  Got- 
tiugue,  1768-1 788.  Vï.  Littérature 
du  droit  public  allemand,  3  vol., 
Goltinguc,  1781-1783.  Cet  ouvrage 
a  clé  .continué  daiis  un  quatrième 
volume  ,  par  Kliiber,  jusqu'en  i  791 . 
VII.  Sa  Hiog;raphie ,  écrite  par  lui- 
même,  eu  2  vol.,  Goltingue,  1798. 
Piitter  n'était  pas  considéré  seule- 
ment pour  son  grand  savoir  ,  mais 
encore  pour  sa  piété  (3)  et  sa  modes- 
tie. Il  a  donné  des  preuves  de  cette 
dernière  qualité,  et  de  son  attache- 
ment plein  de  reconnaissance  pour 
Goltingue,  en  refusant ,  entre  autres 
places  honorables,  celle  déconseiller 
aulique  ,  qui  lui  fut  ofl'crte  par  la 
cour  de  Vienne,  en  17O6.  Quoique 
marié  fort  heureuseineiit,  il  n'eut 
jamais  d'enfaut.«.  Piitter  mourut,  le 
12  août  1807  ,  dans  sa  qualre-viugl- 
troisième  année.  Affaibli,  durant 
les  dernières  années  de  sa  vie,  dans 
ses  facultés  morales,  il  n'eirt  point 
le  chagrin  de  connaître  les  change- 
ments politiques  de  l'Allemagne  ,  et 
de  voir,  avec  la  chute  de  l'Empire 
germanique,  diminuer  l'utilité  de  ses 
travaux  et  le  prix  de  sa  gloire  lit- 
téraire. T — NN. 

PUY  (Du).  Fpjr.îtvvvY. 

PUYSÉGUR  (  Jacques  de  Chas- 
TENET,  vicomte  DE  ),  descendait 
d'une  des  premières  familles  de  l'Ar- 
magnac ,  très  en  faveur  à  la  cour  des 
rois  de  Navarre.  Il  existe  des  lettres 
de  Henri  IV,  adressées  à  des  membres 
de  cette  famille.  Puységur  fut  leseptiè- 
me  de  quatorze  enfants.  Après  avoir 
été  page  du  duc  de  Guise,  il  entra  au 
service ,  à  l'âge  de  dix-sept  ans,  dans 


(3)  Nous  lui  devons  méaw  quelques  livre»  de  pielo 
et  de  morale. 


33i  PUY 

le  régi  ment  des  ç;ardes,  par  la  protec- 
tion (lu  duc  d'ÉpiTuon,  son  parent; 
fut  irDHinie   conseiller  niaître-d'liô- 
tel  du  roi,  en  i63(),  et,  peu  après, 
colonel  du  re'>j;iiucnt  de  Piémont.  11 
parvint  ensuite  .nu  grade  de  lieule- 
nant-general ,  et  fut  nomme  gouver- 
neur de  Berg.  En  1648,  il  eut  ^c  com- 
mande ment  de  l'armée  pendant  l'ab- 
sence du  marcchil  de  Rantzau;  on 
le  députa,  en  i65i  ,  pour  porter  au 
roi  la  nouvelle  de  la  soumission  de 
l'armccdu  maréchal d'Aumont, alors 
en  révolte  contre  la  cour,  ou  plutôt 
contre  le  cardinal  Mazarin.  Les  Mé- 
moires du  temps  rapportent,  qu'en 
i63G,  les  Espagnols  avaient  entre- 
pris de  passer  la  Somme,  pour  por- 
ter la  guerre  aii\  environs  de  Paris. 
Puységur,  qui  les  observait  sur  la 
rive  opposée  de  celte  rivière',  n'avait 
avec  lui  que  peu  de  monde  pour  leur 
en  disputer  le  passage.  Le  comte  de 
Soissons,  qui  commandait  l'armée 
française,  craignant,  avec  raison, 
qu'il  ne  fût  écrasé,  lui  envoya  dire 
de  se  retirer,  s'il  lejuf^eait  à  propos, 
a  Monsieur,  répondit   Puységur    à 
»  l'aide-de  camp,  un  homme  com- 
»  mandé  pour  une  action  périlleuse 
n  comme  est  celle-ci,  n'a  point  d'a- 
»  vis  à  donner.  Je  suis  venu  ici  par 
i>  ordre  de  mousicur  le   comte;  je 
»  n'en  sortirai  pas  ,  à  moins  qu'il  ne 
»  me  l'envoie  commander.  »  Retrait 
suivant  ne  lui  fait  pas  moins  d'hon- 
neur. A  l'alTaire  du  pont  de  Ce ,  il 
poursuivit  si  vivement  les  ennemis, 
qu'il  pénétra  avec  eux  dans  le  châ- 
teau. Le  pout-levis  ayant  été  baissé  , 
il  allait   être  fait  prisonnier  ;  mais 
son  courage  et  sa  présence  d'esprit 
le  sauvèrent,  et  donnèrent  une  issue 
très-favorable  à  cet  événement.  Il  ha- 
rangua les  assiégés,  et  les  détermina 
à  rentrer  sous  l'obéissance  du  roi. 
Puységurétait  un  des  officiers  les  plus 


PUY 

considérés  de  l'armée  ;  et ,  dans  les 
troubles  de   la    minorité  de   Louis 
XIV,  sa  {idélitc  fut  souvent  mise  à 
l'opreuve.  11  resta  constamment  dans 
la  ligne  de  ses  devoirs;  et  quoitju'il 
n'aimât  pas  le  cardinal  INIa/.arin,  il 
n'en  refusa  pas  moins  d'entrer  dans 
le  parti  du  faible  Gaston  :  il  rejeta 
toutes  les  oITres  qui  lui  furent  faites 
pour  laisser  échapperles  maréchaux 
d'Ornano  et  de   Marillac  (1),  suc- 
cessivement confiés  à  sa  garde  dans 
les  châteaux  de  Vincennes  et  de  Pon- 
toisc.  Oflicier-général  de  l'infanterie, 
il  soutenait  les  intérêts  de  cette  ar- 
me :  c'est  pourquoi  Turenne,  colo- 
nel-général de  la  cavalerie,  ne  l'ai- 
mait pas  ,  et  le  lui  fit  quelquefois  sen- 
tir. 11  prit  part ,  pendant  quarantc- 
nn  ans  de  services  ,  à  trente  combats 
et  à  plus  de  cent -vingt  sièges  où  le 
canon  avait  été  tiré;  et  dans  uiu^  car- 
rière si  longue  et  si  remplie,  il  ne  re- 
çut aucune  blessure  ,  et  n'essuya  au- 
cune maladie.  Seulement  il  fut  deux 
fois  fait  prisonnier;  la  première,  au 
combat  de  llonnecourl,  en    i64'i; 
puisdevant  \  alenriennes,cn  iG5().  A 
l'attaqucdu([uartierdcs  Cravates  près 
d'Avcsnes  en  iGSç),  Puységur  de  La 
Grange,  son  frère ,  fut  liiéa  ses  côtés. 
Quoif]ue  Louis  XIII  lui  eût  montre 
une  bienveillance  particulière  ,  Puy- 
ségur mourut  sans  avoir  rien  ajouté 
à  la  fortune  qu'il  tenait  de  ses  ancê- 
tres. 11  est  vrai  qu'il  était  plus  atta- 
che au  roi  qu'à  ses  ministres;  et  dans 
ce  teraps-là  ,  comme  aujourd'hui , 
c'e'tait  le  contre-pied  de  ce  qu'il  fal- 
lait pour  arriver  aux  richesses.  Il 
décéda  ,  le  4  septembre  1G82,  à  l'â- 
ge  de  quatre-vingt-deux   ans.   Du- 
chesne  a  publié  en  1G90  des  Mémoi- 
res que  Puységur  avait  écrits  sur  les 


(1^  Oîi  lui  proposa  cent  mille  crus  s'il  voiJait  f» 
Toriwr  l'évatioD  du  maréchal  d'Oraano. 


PUY 

cvenemeuls  dont  il  avait  été  témoin  ; 
ils  comprennent  les  années  depuis 
1617  jusqu'en  i658,  et  forment  2 
vol.  in- 12  :  ils  sont  curieux,  et  re- 
présentent Louis  XIII  sous  un  as- 
pect plus  favorable  qu'on  ne  le  voit 
dans  la  plupart  des  écrits  du  temps. 
A  la  fin  de  ces  Mémoires,  on  a  ajouté 
des  Instructions  militaires  intéres- 
santes. Le  tout  fut  réimprimé  en 
1747»  I^ï-  Petitot  a  compris  cet  ou- 
vrage dans  sa  collection  des  Mé- 
moires relatifs  à  l'Histoire  de  France. 

M— T. 

PUYSÉGUR  (Jacques-Fran- 
çois DE  Chastenet,  marquis  de  ; , 
maréchal  de  France,  comte  de  Chcs- 
si, vicomte  de  Busanci,  et,  par  cette 
dernièie  propriété  ,  l'un  des  quatre 
quarts-comtes  de  Soissons  ,  était  fils 
du  1^  lit  du  précédent.  Né  à  Paris,  en 
i655,  il  entra  au  service,  en  1677, 
dans  le  régiment  du  Roi,  infanterie, 
corps  que  Louis  XIV  affectionnait 
particulièrement,  et  y  parvint,  à  son 
rang  ,  au  grade  de  lieutenant-colonel. 
En  1690,  il  devint  maréchal-géné- 
ral des  logis,  d'abord  dans  l'armée  du 
maréchal  d^Humières,  ensuite  dans 
celle  du  maréchal  de  Luxembourg  , 
après  la  victoire  de  Fleurus  ;  et  de- 
puis il  en  remplit  toujours  les  fonc- 
tions, même  lorsqu'il  se  trouva  le 
plus  ancien  lieutenant-général.  Il  fut 
nommé  gentilhomme  de  la  manche 
du  duc  de    Bourgogne ,    lorsqu'on 
forma  la  maison  de  ce  jeune  prin- 
ce ,  et  obtint  le  rang  de  lieutenant- 
général  en  1704,  n'ayant  été  absent 
des  armées  que  le  temps  nécessaire 
pour  se  faire  guérir  de  ses  blessures. 
Au    retour    de  chaque   campagne  , 
Louis  XIV  avait  avec  lui  une  con- 
versation sur  les  événements  mili- 
taires de  l'année ,  et  lui  communi- 
quait ses  projets  pour  la  campagne 
suivante.   Les  Mémoires  du  temps 


PUY 


333 


s'accordent  à  le  représenter  comme 
un  des  hommes  de  guerre  les  plus 
e-xpérimentés  de  son  siècle.  Le  duc 
de  Saint  Simon  ,  si  peu  prodigue  d'é- 
loges, n'en  est  point  avare  pour  lui: 
a  Puységur,  dit -il  ,  devenu  si  tard 
»  maréchal  de  France  ,  eut  la  gloire 
»  du  projet  et  de  l'exécution  de  la 
»  prise  de  toutes  les  places  cspagno- 
»  les  des  Pays-Bas  ,  toutes  au  même 
»  instant  ,    toutes  sans   brûler  une 
»  amorce  ,  toutes  en  saisissant  et  dé- 
»  sarmant  les  troupes  hollandaises 
»  qui  en  formaient   presque   toutes 
»  les  garnisons.  »  Puységurétaitalors 
chargé  d'une  mission  diplomatique 
auprès  des  électeurs  de  Bavière  et  de 
Cologne.  En  1708  ,  il  précéda,  en 
Espagne  ,  le  maréchal  de  Berwick  , 
sous  les  ordres  duquel  il  devait  ser- 
vir co.Tîme    directeur- général   des 
troupes  :  il  trouva  tout  bien  préparé 
pour  elles  jusqu'à  Madrid,  l^e  con- 
trôleur-général Orry  lui  avait  donné 
l'assurance   que  les   choses  étaient 
disposées  avec  le  même  soin,  jus- 
qu'aux frontières  de  Portugal.  Voilà 
pourquoi,  dans  sa  correspondance 
avec  Louis  XIV,  il  fit  l'éloge  le  plus 
complet  d'Orry  et  de  la  princesse  des 
Ursins  :  mais  ayant  reconnu  que  rien 
n'était  ])rêt ,  il  s'en  plaignit  vivement 
aux  cabinets  de  Madrid  et  de  Ver- 
sailles, et  contribua  beaucoup,  par 
ses  rapports  ,  à  la  première  disgrâce 
de  la  favorite.  Un  grand  nombre  de 
lettres  de  Philippe  V  et  de  ses  minis- 
tres ,  des  maréchaux  de  Berwick  et 
de  Tessé  ,  du  prince  Nicolas  de  Til- 
ly,  de   Chamillart,   ministre  de  la 
guerre ,  du  duc  et  de  la  duchesse  de 
Beauvilliers  ,  témoignent  que  Puysé- 
gur eut  une   influence  considérable 
sur  les  événements  qui,  sous  Phi- 
lippe V,  ont  consolidé  le  trône  d'Es- 
pagne dans  la  maison  de  Bourbon. 
Pendant  la  minorité  de  Louis  XV, 


334 


PUY 


Piiyscgur  fut   meiubrc   du   conseil 
de  5;iiene  ;  et ,  jusqu'r»  sa  mort  ,  ou 
nede'cida  presque  jamais  autuuc  0|)(v 
ration  militaire  de  quelque  impor- 
tance sans  l'avoir  cousiillc.  U  avait 
blanchi  sous    les  armes  ;  et  depuis 
louj;-lenips  l'opinion  publique  l'ap- 
pelait au  grade  'le  maréchal  de  Fran- 
ce, lorsque,  remplissant  \fs  fonctions 
de  commuidant  en  chef  sur  toutes 
le>  frontières  des  Pays-Bas  ,  il  reçut 
lebàtou  ,  en  i-jS^  :  d  lui  lait  cheva- 
lier des  ordres  du  roi ,  cinq  ans  après, 
et  mourut  le  i5  août  1743.  •îj;»-*  i'<-' 
qualre-vinj;t-huit  ans.  Les  dernières 
.-innées  de  sa  vie  furent  employées  à 
rcuniren  un  corps  d'ouvraj^e  plusieurs 
petits  Traites  qu'il  avait  composes  sur 
dilTérentes  parlit-s  de  l'art  militaire. 
Peu  c(jnti-nt   de  son   travail  ,   il  eu 
avait  fait  brùlerdiverses  copies  ;  mais, 
sou  (Ils  en  ayant  retrouvé  une  ,  l'.^/t 
(le  la  guerre  parut  eu  i"\S,  in -fol. 
et  in-'i".  :  il  a  été  traduit  eu  allemand 
par  G.  R.  Fœsch  ,  Leipzig,  1753, 
in-4'^.  La  partie  de  cet  ouvrage  qui 
concerue  les  notions  militaires,  avait 
clé  composée  pour  le  duc  de  bour- 
gogne ,  et  celle  des  marches  d'arnjée 
pour  l'ébuationde  Louis  XV.  Quoi- 
que la  tactique  ait  épr(tuvédegrauc!s 
changements  depuis  la  publication 
de  ce  livre  ,  et  surtout  depuis  les 
campagnes  de  la  révolutiou,  les  gens 
du  métier  peuvent  encore  y  puiser 
une  instruction  solide;  et  l'élude  eu 
est  devenue  aussi  indispensable  que 
celle  de   Fulard  et  de    Vaubaii.    Le 
baron  de  Traverse  a  publié,  en  i75i, 
-un  Abrégé  de  cet  ouvrage  ;   et   en 
1758.  un  extrait  (le  la  première  par- 
tie àcVArt  (le  la  ffue/rc,  formant  la 
première  partie  de  son  Elude  mili- 
taire. Le  maréchal  de  Puységur  est 
encore  auteur  d'un  réi^lcmoat  pour 
les  armées  espagnoles  ,  intitule  :  Or- 
domumce  de  PlUUi'pe.      M — r. 


PUY 

PCYSLGUR(  JACQUES-FnAKçois- 
Maximi;  dk  CnAS'^K^ET  ,  marquis 
DE  ) ,  lils  du  précédent ,  naquit  à  Pa- 
ris ,  en  171(3.  Instruit  par  son  père 
dans  r.ut  de  commander  ,  il  fut 
nomme,  en  17.^8,  colonel  du  réj^i- 
ment  de  Vexin  ,  se  distingua  parli- 
culicrcmcntà  la  journée  de  Fontenoi, 
et  parvint ,  jeune  encore,  au  rang  de 
lieulenart-gcnéral.  11  ne  se  lit  pas 
moins  remarquer  par  son  originalité 
spirituelle  que  par  sa  liiavoure.  La 
publication desa  brochure,  intitulée: 
Discusiion  inté.essanle  sur  la  jné- 
tenliun  du  clergé  d'être  le  premier 
ordre  d'un  élat ,  1 767  ,  in-8". ,  pensa 
le  faire  mettre  à  la  Bastille;  et  la 
pièce  fut  supprimée  par  arrèi  du 
conseil  d'étal  ,  du  \'x  février  1768. 
L'évèque  d'Orléans  ,  alors  chargé  de 
la  feuille  des  béuélices,  déclara,  dans 
son  indignation  contre  le  livre  et 
l'auteur,  cpic  jamais  aucun  Puységur 
u'aurail  de  bénélicc.  Cet  ouviagc  est 
imprégné  des  désolantes  docirines 
qui  donnaient  celte  célébrité  fâcheu- 
se trop  anibilionnée  alors  par  ceux- 
là  mêmes  (pii ,  plus  tard  .  en  ont  si 
cruellement  éprouvé  les  ellèls  :  aussi 
à  l'assemblée  conslituaule,  les  révolu- 
tionnaires nemanqt  èrenl-ils  pasdcle 
citer  avec  éloge;  et,  lors  de  la  discus- 
sion sur  les  biens  du  clergé,  Dupont 
de  Nemours  s'écria  :  u  Eh  pourquoi , 
»  dans  le  temps,  n'a-t-on  pas  suivi  le 
»  plan  de  INI .  Puységur,  qui  ,  eu  cou 
»  sidérant ,  il  est  vrai,  les  biens  du 
»  clergé  comme  pouvant  cire  une 
«ressource  de  l'Ktat,  avait  fait  un 
»  admirable  plan  de  réforme  des 
»  moines  et  drs  abbés  ,  en  laissant 
»  au  moins  l'existence  à  tous  ceux 
»  qu'on  aurait  dépossédés  I  >»  Le  mar- 
quis de  Puységur  mourut  le  'x  février 
1 782.  Outre r^/t  de  la  guene  , dont 
il  fut  l'éditeur  (  f'.  l'article  précédent), 
ou  a  encore  de  lui  :  1.  Etat  actuel  de 


PUY 

l\4rt  et  de  la  Science  militaire  à  la 
Chine,  tiré  des  livres  militaires  des 
Chinois  ,  avec  diverses  observations 
sur  retendue  et  les  bornes  des  con- 
naissances militaires  chez  les  ]Euro- 
péens  ,  Londres  (  Paris  ),  1773  ,  in- 
1 2  de  288  pag.  et  i  o  pi.  (  v  )  Ce  livre 
a  été  revu  par  le  comte  d'Espie.  Les 
35  premières  pages  de  cet  ouvrage 
sont  de  M.  de  Saint  Maurice  de  Saint 
Leu.  On  trouve, à  la  suite,  un  examen 
de  la  Tactiijue  de  Guibert.  II.  Du 
Droit  du  souverain  sur  les  biens  du 
cierge  et  des  moines,  imprime' sépa- 
rément en  1770.  11  en  a  été  pu])!ié 
une  réfutation  sous  le  titre  de  Lettres 
d^un  archevêque  à  V auteur  de  la  bro- 
chure intitulée ,  elc.  m.  Analyse  et 
Abrégé  du  Spectacle  d";  la  nature 
(  de  Pluche  ") ,  Reims,  1772  ,  1786, 
in- 12.  IV.  Diverses  brochures  de  cir- 
constance ,  sur  lesquelles  on  peut 
consulter  le  Dictionnaire  des  Ano- 
nymes M T. 

PUYSÉGUR  (Antoine-Hyacin- 
the-Anne  de  Chastenet  de  )  plus 
connu  sous  le  nom  de  comte  de  Chas- 
tenet, second  fîls  du  précédent ,  né  le 
l4février  i752,entradebonne  heure 
dans  la  marine.  En  1772  ,  il  obtint 
du  roi  d'Espagne  la  permission  de 
pénétrer  dans  les  cavernes  servant 
de  sépulture  aux  Guanches  ,  à  Téné- 
riffe  ;  et  il  parvint  ,  au  péril  de  sa 
vie  ,  à  en  extraire  des  momies  très- 
bien  conservées  ,  qui  enrichissent  le 
Cabinet  d'Histoire  naturelle.  Quel- 
ques années  après  ,  il  fut  chargé 
par  le  maréchal  de  Castries  d'alier 
dresser  les  caries  de  tous  les  débou- 
qucraents    de    Saint-Domingue  ,  et 


(1)  C'est  proprement  une  analyse  criliijue  de 
l'An  militaire  dei  Chinoi< ,  publié  à  Paris  l'annce 
lirecédèufe  (  f^.  Amioi  ,  II  ,  y.  ^8  );  et  il  conticut 
des  remarques  tjui  tendent  à  éclaircir  ou  à  recliîier 
divers  eodroits  de  ce  livre.  On  les  a  reproduites  en 
1789.,  à  la  tète  du  toine  VII  des  Mémoires  ete.  sur 
Us  Chinois ,  p.  I — XII. 


PUY 


33^ 


de  rédiger  des  obsei-vations  sur  les 
érueils  et  sur  les  moyens  de  les  éviter. 
L'on  se  sert  encore  aujourd'hui  de 
ces   cartes  pour  naviguer  dans  les 
parages  de  cette  colonie.  Après  avoir 
servi  sous  les  ordres  du  comte  d'Es- 
taing  et  de  MM,  de  Borda  et  de  Ver- 
dun,il  émigraen  i79i,etservit  dans 
l'armée  de  Condé.  En  1 794 ,  il  passa 
au  service  de  l'Anglcten  o  ,  sous  les 
ordres  du  comte  d'Hector  ;  et ,  peu 
de  temps  après  ,  cédant  aux  sollici- 
tations  de   Don  Rodrigo  de  Sousa 
Coutinho,  ministre  du  roi  de  Portu- 
gal ,  il  entra  dans  la  marine  portu- 
gaise ,  011  il  fut  bientôt  promu  au 
grade  de  contre-amiral  ,  et  obtint  la 
croix  de  l'ordre  du  Christ.  Eu  1 798 , 
il  était,  en  qualité  de  capitaine  de 
pavillon    de   l'amiral    marquis    de 
Nisa  ,  sur  l'escadre  envoyée  dans  la 
Méditerranée  comme  auxiliaire  du 
roi  de  Naples  ,  Ferdinand  IV  ,  sous 
les  ordres  de  Tamiral  Nelson.  Du- 
rant cette  campagne  ,  il  fut  toujours 
chargé  des  relations  du  gouverne- 
ment   portugais    avec  les  amiraux 
anglais   Nelson    et  Saint- Vincent, 
L'escadre  portugaise  était  particu- 
lièrement destinée  au  blocus  de  l'île 
de  Malte.   Le   comte  de  Chastenet 
traita  en  secret  de  la  reddition  de 
l'île  ,  réduite  aux  horreurs  de  la  fa- 
mine. Le  jour  était  fixé,  la  ville  de- 
vait se  rendre  au  marquis  de  Nisa 
et  l'étendard  portugais  allait  flotter 
sur  le  fort  la  Valette.  Lord  Nelson  en 
fut  instruit  :  il  rappela  l'escadre  por- 
tugaise à  Palerme,  et  s'empara,  pour 
l'Angleterre,  de  l'île,  que  le  cabinet 
de  Lisbonne  voulait  rendre  aux  che- 
valiers   de   Malte,    Le    comte    de 
Chastenet  eut  le  bonheur  de  sauver 
de  Naples  ,  et  de  conduire  en   Si- 
cile ,  sur  le  vaisseau  qu'il  comman- 
dait, Ferdinand  IV,  sa  famille,  et 
un    grand   nombre  de   cardinaux  ^ 


336 


PL  Y 


parmi  lesquels  se  trouvait  le  cardinal 
Chi.»riimoiilc  ,de|niis  Pie  VII.  Ren- 
tir  tu  France,  en  i8o3,  il  n'v  re- 
trouva que  dcbienf.iibles  débris  de  sa 
fortune  passée.  Il  aurait  pu  farile- 
meut  se  rattacher  à  la  marine  fran- 
çaise ,  où  sa  réputation  et  ses  talents 
l'auraient  fait  accueillir  par  legouver- 
nenient  d'alors  :  mais  ,  à  tous  les 
avantages  qu'il  aurait  eu  lieu  d'en  at- 
tendre .il  preferadevivre  dans  la  re- 
traite. Une  courte  maladie  l'empor- 
ta ,  le  "io  février  i8<i().  Le  Uoi  vient 
d'ordonner  la  reimpression  de  son 
ouvrage  iur  Ui  Déhouijuements  de 
SairU-Doininpie  ^  dont  la  i'^'^'.  édi- 
tion est  intitulée  :  Détail  sur  la  na- 
vigation aux  côtes  de  Saint-Domin- 
gue et  dans  .\es  debuuquenwnts  ,  Pa- 
ns ,   1787  ,  in-4''.  M  —  r, 

PCYSÉCiUR   (  PlEKRK- Lotis  DE 

CiiASTt>tT.  comte  Dt),  ne,  en  1"/^"], 
de  la  faïuille  des  précédents  ,  mais 
d'une  brandie  établie  pri^s  d'Aibi  , 
fut  succosivemcnt  colonel  des  réj;i- 
mentsde  Vexin,  de  Fore/.,  de  Royal- 
Comtois  f  l  de  Normandie,  lieutenant- 
gênerai  désarmées  du  roi,  et  giand'- 
croix  de  l'ordre  de  Saint  -  Louis.  Il 
était  ministre  de  la  giierre  au  com- 
mencement de  la  rcvûlulii)ii:lors(ju'il 
remit,  en   1789,  le  portefeinlle  de 
son  département ,  r.\ssemblcc  cons- 
tituante déclara  qu'il  emportait  l'cs- 
lirae  et  les  regrets  de  la  nation.  Il 
resta  toujours  près  de  Louis  \VI; 
et,  au  10  aoîit  179'i  ,  il  commandait 
une  compagnie  d»-  {gentilshommes, 
qui  combattit  pour  la  famille  royale 
dans  celle  funeste  journée.  Il  se  relira 
en  pays  étranger,  rentra  ensuite  dans 
sa  patiie,  et  mourut  a  Rabasteiiis.en 
octobre   1807,  suivant  Milliu,  qui 
lui  attribue  un  ouvraj^e  sur  le  magné- 
tisme animal.  pul)lié  avec  des  notes 
de  Dc'prcraènil  (  Magas  encycl.^  oc- 
tob. ,  1807,  p.  4>8  ,.        M— T. 


PUZ 

PUVSÉGLR  (  Jean-Augustf.  df 
CuASTENET  de),  archevêque  de  Hour- 
ges,  frère  du  j>rccedent,  né  ii  R.i- 
basleins,  le  1  i  novembre  i7.'|0,  fut 
nomme,  à  l'àiie  de  trente  -  un  ans  , 
évequc    de   S.iint  -  Omer  ,    et    sa- 
cré  le    -if)  juin     J775.    Trois    ans 
après,  il  fut  transféré  à  l'évêché  de 
Carcassone;  et  il  devint  archevè<[uc 
de  Bourges  ,  en  1  788.  Monuné,  l'an- 
née suivante,  déj)utc  aux  états-gcné- 
raux,  il   signa   plusieurs   protesla- 
tiuns  du  cote  droit,  et  fut   un  des 
trente évcques  quisouscrivirent  V Ex- 
position desprincipes  contre  la  cons- 
titution civile  du  clergé.  On  a  de  lui 
une  Lettre  aux  électeurs  du  Cher  , 
pour  les  détourner  de  lui  donner  un 
successeur.  Obligé  de  sortir  du  royau- 
me ,  Puy^égur    paraît   avoir  réside 
en  Angleterre  et  en  Allcm.igne.  11  fut 
un  des  signitaires  de  V Instruction 
sur  les  atteintes  portées  à  la  reli- 
gion ,  qui  fut  publiée,  sous  la  date  du 
i5  août  1  7<)8,  par  les  évêques  fran- 
çais exiles.  Kn  i8oi,  l'archevêque 
de  Bourges  donna  la  démission  do 
son  siège  ,  et  revint  en  Fr.ince  ,  où  il 
vécut  dans  la   retraite.  Il  mourut  à 
Rabastcins  ,  au  mois  d'août  181  j. 
P— c— T. 
PUZOS  (Nicolas),  célèbre  ac- 
coucheur, nacpjit  à  Paris,  en  iG8(J. 
Fils  d'un  ancien  chirurgien  -  major 
des    armées  ,   qui    .servait   encore , 
en   cette  qualité,    dans  une  compa- 
gnie de  mousquetaires  ,    il  fut  des- 
tiné à   la   même   profession.    Après 
avoir  fait  d'excellentes  études  et  sui- 
vi un  cours  de  philosophie  à  l'uni- 
versité de  Paris,  le  jeiuic  Piizos  s'a- 
donna toui  entier  aux  travaux  qu'exi- 
geait son  entrée  dans  la  carrière  mé- 
dicale. De   1703  à   1709,  il  servit 
dans  les  hôpitaux  militaires,  fit  plu- 
sieurs campagnes, et  arriva  au  grade 
de  chirurgien  aide-raajor.  Au  milieu 


PUZ 

des  embarras  et  des  occupations  qui 
l'accabbieut ,  il  parvint  à  obtenir 
la  maîtrise  en  cbirurnic.  Rendu  en- 
suite à  la  vie  civile  ,  il  trouva  dans 
Cle'tnent,  l'ancien  ami  de  son  pcre, 
et  le  plus  célèbre  acco.icbeiir  de  cette 
époque  ,  un  protecteur  <|ui  lui  com- 
mujn'qua  les  premiers  prihcipes  de 
l'ai  t  des  accouchements ,  et  lui  aban- 
donna une  partie  de  son  immense 
clientelie.  Puzos  fit  dans  cette  car- 
rière des  progrès  rapides  ;  et  sa  ré- 
putation devint  consiijèrable.  Mem- 
bre de  l'acadëinie  de  chirui  f:;te  dès  la 
formation  de  cette  compagnie,  il  en 
fut  nomme'  vice  directeur, en  I74'  ? 
et,  bientôt  après,  directeur.  Les  fonc- 
tions de  censeur  royal  pour  les  li- 
vres de  chirurp;ie  lui  furent  con- 
fiées, à  la  mort  de  Petit;  et,  en 
i^Si,  le  roi  lui  accorda  des  lettres 
de  noblesse.  Ce  praticien  célèbre  ne 
jouit  pas  longtemps  deslionneurs  qui 
avaient  été  la  récompense  de  trente  ans 
d'exercices  et  d'ell'urts  pour  l'avan- 
cement de  son  art.  Tombé  malade  en 
mars  17  53,  il  mourut  le  7  juin  suivant. 
Puzos  était  actif,  laborieux  ,  infati- 
gable. A  l'académie  de  chirurgie  ,  il 
se  fit  remarquer  par  la  sagesse  qu'il 
portait  dans  les  discussions  ,  par 
i'ardeurella  bonne-foi  avec  lesquelles 
il  recherchait  la  vérité,  par  l'em- 
pressement qu'il  metlait'à  recueillir 
les  bannes  observations.  11  rendit  à 
l'art  des  accouchements  un  impor- 
laniservice,  en  démontrant  les  avan- 
tages qui  résultent,  dans  les  pertes  de 
sang  survenues  durant  la  grossesse, 
(lorsque les  moyens  médicinaux  sont 
restés  inefficaces,  et  après  la  dibita- 
tion  du  col  utérin,  )  de  perforer  la 
membrane  ,  de  solliciter  et  d'activer 
les  douleurs  ;  en  un  mot ,  de  détermi- 
ner UD  accouchement  naturel,  aussi 
prorapt  que  le  permettent  les  forces 
de  la  femme.   Cette  méthode  ,  qui 

XXXVI. 


PUZ 


337 


tient  le  juste  milieu  entre  une  inaction 
prolongée  ,  presque  constamment 
funeste  ,  et  une  précipitation  non 
moins  dangereuse,  permet  souvent 
de  sauver  à  -  la  -  fois  la  mère  et 
l'enfaut  :  aussi  e?t  -  elle  générale- 
ment adoptée  par  les  meilleurs  pra- 
ticiens. Puzos  donna  des  détails , 
précieux  alors,  sur  les  mouvements 
de  la  matrice,  sur  les  conformations 
vicieuses  du  bassin,  sur  les  moyens  à 
employer,  soit  pour  rendre  l'accou- 
chement moins  long  et  moins  labo- 
rieux, soit  pour  extiaire  !e  placenta. 
On  lui  doit  aussi  des  préceptes  ju- 
dicieux concernant  la  pratique  du 
toucher.  Sa  vie  ayant  été  presque 
exclusivement  consacrée  à  la  pra- 
tique, il  n'a  pu])lic  qu'un  seul  écrit; 
Mémoire  sur  les  perles  de  sang 
qui  sun'iennent  aux  femmes  gros- 
ses,  sur  le  moyeu  de  les  arrélev^ 
sans  en  venir  à  Vaccouchement  ^ 
et  sur  la  méthode  de  procéder  à 
l'accouchement^  dans  les  cas  de 
nécessité,  par  une  voie  plus  dou- 
ce et  plus  sûre  que  celle  qu'on  a  cou- 
tume d'employer.  Ce  travail  est  in- 
séré dans  le  second  volume  des  Mé- 
moires de  l'académie  royale  de  chi- 
rurgie. Puzos  avait  coi;signé  la  plu- 
part de  ses  remarques  pratiques  dans 
des  cahiers  recueillis  ,  après  sa 
mort,  par  Morissot- Deslandes  , 
qui  les  mit  en  ordre  ,  les  revit  , 
les  enrichit  de  notes,  et  les  fit  im- 
primer sous  ce  titre  :  Trail^  des 
accouchements ,  contenant  des  ob- 
servations importantes  pour  la  pra- 
tique de  cet  art;  deux  petits  Trai' 
tés  ,  l'un  sur  quelques  maladies  de 
la  matrice, et  l'autre  sur  les  mala- 
dies des  enfants  du  premier  âge  ; 
quatre  Mémoires ,  d<mt  le  premier 
a  pour  objet  les  pertes  de  sang  chez 
les  femmes .,  et  les  trois  autres  , 
les  dépôts  laiteux,  Pai-is,  1759,  in- 


338  PUZ 

4°.  L'cditciir  a  enrichi  ce  livre  d'une 
Préface,  et  de  la  traduction  d'une  Dis- 
sertation de  Graiitz  sur  la  rupture 
de  1.1  matrice.  li — w. 

PYGMALION  ,  roi  de  Tyr  ,  suc- 
cédai à  Matgeu  ,  en  l'an  874  avant 
J.-C.  11  régna  quarante-sept  ans  ,  et 
mourut  en  l'an  8i7  ,  à{;é  de  cinquan- 
te-huit ans  ;  ce  qui  porte  sa  naissan- 
ce en  l'an  885  avant  J.-C.  G:ltc  in- 
dication prouve  en  même  temps  que 
Pvc;malion  remplaça  Matj;ca  sur  le 
Irène  de  Tyr,  à  l'âge  de  onze  ans  seu- 
lement :  circonstance  qui  donneaussi 
lieu  de  présumer  qu'il  était  le  fils  de 
Matgcn  ,  ce  que  les  anciens  ne  nous 
apprennent  pas.  Pvgmalionétaitdonc 
mineur  quand  il  devint  roi.    11   en 
avait  été  de  même  de  son  prédéces- 
seur ,  qui  avait  porté  la   couronne 
pendant  vingt-neuf  ans,  et  n'en  avait 
vécu  que  trente  -  deux  ;  d'où  il  suit 
qu'il  était  né  eni'an  ()o(Javant  J.-C. , 
et  qu'il  était  devenu  roi  eu  908  ,  à 
l'âge  de  trois  ans.    Tous  les   rensei- 
gnements chronologiques  qui  font  la 
base  de  ces  combinaisons  ,  nous  ont 
été  conservés  par  Josèplie  ,  d'après 
l'histoire  de  Tyr  ,  écrite  par  Ménan- 
dre  d'Éphèse  .  qui  avait  consulté  les 
archives  des  Tyriens.  La  minorité 
de  PvgmalioD,  à  l'époque  où  il  par- 
vint au  trône ,  qui  se  déduit  sans  dif- 
ficulté de  ces  indications  chronolo- 
giques ,  est  confirmée  par  ce  que 
Justin  nous  apprend  du  même  prin- 
ce. Selo'i  lui ,  le  roi  de  Tyr,  venant 
à    mourir,   laissa  pour  héritier  son 
fils  Pyginalion ,   et  sa   fille   Elissa  , 
vierge  d'une  grande  beauté  ;  mais  le 

f)euple  donna  la  royauté  à  Pygma- 
ion  ,  qui  n'était  encore  qu'un  jeune 
enfant'  1%  Pour  sa  sœur  Elissa,  nom- 
mée Didon  par  d'autres  écrivains , 
qui  n'ignorent  cependant  pas  ce  pre- 

(1)  Joït.  lib.  XVIU,  cap.  4- 


PYG 

mier  nom  ,  elle  épousa  son  oncle  Si- 
chée  ,  qui  était  revêtu  du  sacerdoce 
d'Hercule,  la  seconde  dignité  de  l'E- 
tat. Sichée  possédait  de  très-grandes 
richesses  :  elles   tentèrent   la  cupi- 
dité  de   Pvgmalion,   qui   assassina 
son    oncle  .    dans    une    partie    de 
chasse,  et  le  jeta  dans  un   précipi- 
ce .  où  il  fit  croire  qu'il  était  tombé 
par  accident.  Pygmalion  fut  trompé 
dans  son   espoir.  Sichée  avait  ca- 
ché ses  trésors;  et  sa  veuve,  qui 
feignait  d'ignorer  le  meurtre  de  son 
mari ,  parvint  a  les  soustraire  aux 
recherches  de  sou  frère.  Sous  pré- 
texte d'aller  vivre  auprès  de  son  au- 
tre frère  Barca,  à  Charla  ou  Charta- 
ra,  petite  vil  le  entre  Tyr  et  Sidon,elle 
obtint  de  Pygmalion  des  vaisseaux 
pour  l'y  conduire  ,et  y  porta  ses  ri- 
chesses. Celui-ci  croyait ,  par  cette 
complaisance  ,   arriver    plus    faci- 
lement à   son  but  ;   mais   sa   sœur 
méditait  le  projet  de  s'enfuir  avec 
Barca   (  'i.  ).    Elle  fut  secondée  par 
plusieurs  personnages  considérables 
de  Tyr  ,  qui  étaient  mécontents  du 
gouvcrnementdcPygmalion.  Ils  mon- 
tèrent avec  ellesur  sa  flotte,  (piiaban» 
donna  aussitôt  la  Phénicie  pour  n'y 
plus  revenir;etbientôtellefut  rejointe 
pard'autrcs  fugitifs  ,  que  menaçaient 
les  fureurs  de  Pygmalion  ,  irrité  d'a- 
voir été  trdhipéparsasu'uretpar  ses 
sujets.  Les  émigrés  Tyriens  s'arrêtè- 
rent d'abord  dans  l'îledeCypre,  où 
ils  se  pourvurent  de  fomuies  :  un 
grand  prêtrcile  Jupiter  consentitaus- 
sià  les  suivre  avec  sa  famille,  et  à  être 
le   chef  religieux  de  l'émigration  , 
sous  la  condition   que  sa    postérité 
posséderait  à  perpétuité  le  même  sa- 
cerdoce dans   la  ville  nouvelle.  Ce- 
pendant Pygmalion  faisait  un  arme- 

(î)  C'ert  de  lui  r|oe  tirait  »on  f.njjinf  l.i  faruiile 
RÙceniDr,  toujoar»  tr<->-(iui*«anU-  -,\  rdrtLage,*t 
qui  donna  i  otUe  Tille  le  fameux  Uuuiibal. 


PYG 

ment  destiné  à  poursuivre  sa  sœur  ; 
mais  il  en  fut  empêche  par  les  priè- 
res de  sa  mère  et  les  mcuaccs  des 
dieux.  Elissa  ou  Didon  fit  alors 
voile  vers  l'Afrique  ,  où  elle  jeta 
les  foiuleraents  de  Cartliage.  On 
connaît  le  stratap;ème  qu'on  lui  attri- 
bue, pour  obtenir  des  indigènes  la 
cession  d'un  terrain  suflisant  pour 
recueillir  ses  compagnons  lassés  d'u- 
ne longue  navigation  ,  et  sur  lequel 
on  bâtit  ensuite  la  citadelle  de  Car- 
tbage  ,  appelée  i)'^)nrt.  Cette  fable 
n'est  autre  chose  qu'une  mauvaise 
e'tymologie  ,  comme  les  Grecs  ai- 
maient à  en  faire ,  et  produite  par 
la  ressemblance  entre  le  nom  phé- 
nicien de  celte  forteresse  ,  et  le 
mot  grec  p-joax  ,  qui  signifie  une 
peau  de  bœuf.  En  effet ,  c'est  à-peu- 
près  ainsi  que  se  prononce  le  mot 
hébreu  ,  et  sans  doute  phénicien  , 
qui  signifie  citadelle ,  forteresse. 
C'est  de  là  que  viennent  les  noms  de 
Bosor  ^Betzer ,  Bosra  et  Bostra,  qui 
servent  à  désigner  plusieurs  villes  de 
la  Judée  et  de  la  Syrie,  l.e  fait  est  que 
les  émigrés  Tyriens  achetèrent ,  des 
indigènes  de  celte  partie  de  l'Afri- 
que ,  par  un  tribut  annuel ,  la  per- 
mission de  s'établir  dans  le  lieu  où 
Carthage  fut  hâtie.  larbas  ,  roi  des 
Gélules,  était  maître  des  régions  envi- 
ronnantes(3).  Les  annales  tyricnnes 
dont  Josèphe  nous  a  conservé  le  té- 
moignage, placent  la  fondation  de 
Carthage  (  4),  en  la  septième  année  du 
règne  de  Pygmalion,  qui  répond  à 
l'an  867  avant  notre  ère.  L'extrême 
jeunesse  de  Pygmalion ,  qui  ne  devait 
guère  avoir  que  dix-huit  ans  à  cette 

(3)  Justin  (  Hist.Vih.y.\m  ,  cap.  6  )  l'appeJle  roi 
des  Maiiitaiiis  ,    rex  Maxitanoriim  lllarhas. 

(4)  Selon  uii  discours  de  Caton ,  cite  par  Solia 
(  cap.  •i'j  ) ,  c'était  un  roi  nommé  Japon  ,  qui  gou- 
vernait alors  cette  partie  du  continent  africain.  Ur- 
bem  islam  ut  Cato  in  oratione  senatoriâ  atilumat 
cum  rex  lapon  rerum  in  Libyâ  polireltir ,  EUsia 
millier  exiruxit  dorno  Phœnix. 


PYG  339 

époque  ,  pourrait  donner  lieu  d'é- 
lever quelques  doutes  sur  les  mo- 
tifs qui  amenèrent  l'émigration  de 
Didon,  ella  fondation  de  Carthage: 
malheureusement  riiistoire  nous  of- 
retrop  d'exemples  d'une  cruauté  pré- 
maturée, pourquecc  soit  une  raison 
suffisante  de  rejeter  les  récils  qui  con- 
cernent l'origine  de  Carthage.  Dans 
les  commencements  deleur  établisse- 
ment,les  réfugiés  Tyriens  furent  aidés 
et  secourus  par  la  colonie  Phéni- 
cienne d'Utique  ,  qui  existait  à  quel- 
que distance  ;  et  celle  fille  de  Tyr  ne 
tarda  pas  à  surpassci-  sa  mère,  sinon 
en  réiébrité  ,  au  moins  en  puissance. 
La  date  lyricnne  de  la  fondation  de 
Carthage  doit  sans  doute,  par  son 
origine  ,  par  la  manière  dont  elle 
nous  a  été  transmise  ,  ainsi  que  par 
les  détails  qui  l'accompagnent ,  mé- 
riter la  préférence  sur  toutes  les 
autres  dates  ,  fort  difîerentes  ,  qui 
sont  données  par  les  anciens.  Selon 
deux  autorités  ,  recueillies  dans  la 
Chronique  de  Saint  Jérôme  (5) 
cefe  fondation  serait  antérieure  de 
668  ans  ,  ou  de  748  ans  ,  à  la  prise 
de  Carthage  parles  Romains  en  l'an 
1 46  avant  J.-C.  La  première  indica- 
tion nous  porterait  en  Tan  894  avant 
notre  ère  :  pour  l'autre,  elle  nous 
donne  l'an  8i4  ;  ce  qui  est  d'accord 
avec  le  témoignage  de  Timée  (6) 
qui  plaçait  la  fondation  de  Carthage 
trente- huit  ans  avant  la  première 
olympiade(776  +  38=8  r4).  Justin 
(7)elOrose(8)la  mettaientsoixante- 
doiize  ans  avant  la  fondation  de 
Rome,  et  Velleïus  Palerculus  (9}  , 
soixante-cinq  ans  seulement ,  si  son 
texte  n'est  pas  altéré j  ce  qui  nous 

(5)  P.  i47,ed.Scaliger. 

(b)  Apud  Dionys.  Halicarn.  /inl.  Boin.  lib.  I, 

(7)  Lib.  XVIII,  cap.  6. 

(8j  Lib.  IV,  cap.  a. 

(9)  Lib.  I ,  cap.  G. 

22.. 


34©  PTG 

donnerait  les  années  8i4  o"  817  , 
dates  qui  ditlereut  peu  de  celle  de  Ti- 
mée  ,    avec    laquelle   elles    étaient 
peut-être  originairement  identiques. 
Diverses  autres  dates,  recueillies  par 
Euscbe  (10),  s'éloignent   beaucoup 
de  celles  que  nous  venons  de  Citer: 
en  assignant  tour-à  tour  à  cet  évé- 
nement les  années  143,  17061229, 
après  la  prise  de  Troie  ,  elles  nous 
portent  aux  aiinécs  1040,  ioi3  et 
954   avant  J.  C.  Si  l'histoire  et  les 
origines  de  Carlhage  nous  étaient 
mieux  connues ,  il  nous  serait  sans 
doute  possible  de  rendre  raison  de 
toutes  ces  diverMtcs  ,  qui  se   rap- 
portent   peut  -  être    aux    ctiblisse- 
menls  successifs  qui   coiilnbuèrent 
à  former  cette  ville.  Rien  ne  prouve 
enellVl  que  la  colonie  de  Diduii  ait  été 
la  première  :  il  est  assez |>iub.d)!e.  au 
contraire,  qu'elle  trouv.»  dej.i  des  Plié- 
niciens  ,  avec  les'piels  elle  se  fondit, 
et  qu'elle  reçut  plus  lard  de  nouveaux 
auxiliaires  ,  qui  contribuèrent  a  arlie- 
vcr  Carlhage.  Selon  un  autre  témoi- 
gnage, rapporté  par  Appien  (il), 
c'est  à  une  époque  bien  aulerieurc, 
cinquanleans  avant  lapri'NedcTroie, 
qu'il  f.iiit  placer  la  fuudaiion  de  Car- 
tli.tge,  bàlie,  à  ce  qu'il  assure,  par 
deux  personnages  nommés  Zorus  et 
Carcliéilon  ;  mais  ce  n'était  pas  là  , 
aioutc-l-il  ,  l'opinion  des  Roniaitis  , 
ni  celle  des  Carlliagiuois  ,  qui  tous 
s'accoidaent  à  rcg.uder  Didon  com- 
me !a  seule  fondai  rire  de  cette  ville. 
L'opinion  qu'il  allègue  est  probable- 
ment celle  de  l'IiiNtorien  Pliilistc  de 
Syracuse  citésur  cet  objet, par  saint 
Jérôme  (12), qui. d'après  lui,  nomme 
aussi  Zurus  et  Carcliedon  ,  les  foiida- 

(10)  Cliron.,  p.  3.5,3f*>,  3i.(  et  i; ,  éd.  Me- 
diol. —  Hieronym.  Cliron.,  p.  91  ,100  •!  loi  ,  cd. 
de  Sca'.igcr. 

Il)  De  reb.  Punie.  %  t , tom.  I ,  pag.  3o4  ,  éditioo 
deSdiweigh. 

(iï)P.  i4:,  td.Soliger. 


PY6r 

tenrs de Cartbage.  Bocbart  (  1 3), San- 
niaise  (i  4).  et  plusieurs  autres  ont 
déjà  fait  voir  que  les  noms  de  ces 
deux  personnages  ne  sont  autres  que 
des  appellations  de  la   ville  dont  il 
s'agit.  Zurus  est  l'^llération  grecque 
du  '.loin  original  de  Tj  r  ,  ipii  eu  j)lic- 
nicien  était  Tsour.  PoiirCarcludon  , 
c'est  le  nom  grec  de  Cartliage,  Kao- 
yrMi'i.  Quant  à  la  vraie  dénomina- 
tion de    cette   ville  dans  la  propre 
langue  des  Carthaginois,  Solin  (i5) 
nous  l'indique  parées  paroles  :  Elis- 
sa  millier  cxtrii.iit    di  mo  Diœnix 
et  Carlhadain   dixit ,  quod  Phœni- 
ciminre  exprimât  Civitalem  novam. 
C.ulhaRc  s'appcllait  donc   la  ville 
Twm'ellti ,   ce  qui  se  retrouve  dans 
Etienne  de  l)V7.aiicc(  ifJ)  et  Eusiathe 
(  17) ,  qui  la  nomment  en  grec  ,  /atvJj 
TT'Ai;.  C'était  aussi  le  sentiment  de 
litc-l-ive,  dans  un  endroit  de  son 
histoiie  perdu  maintenant, mais  dont 
le  contenu  nous  a  été  conservé  par 
Serviiis  :  Cartliago  est  lingud  Pœ- 
norum  nova  (  iuitas,  ut  docel  Livius. 
En  hébreu  Aarta-hadas  ,  et  Knrta- 
hnditth   en   syriaque,    .'ignifient    la 
même  chose:  en  carthaginois,  ce  de- 
vait  être    Aartnhddilh  :  au  moins 
c'est  ainsi  que  je  le  lis  dans  la  légende 
phéiii(  iennc  de  ]>lu.">i(uis  belles  mé- 
daillcsquinous  présentent  lui  palmier, 
et  une  tète  de  cheval,  ernbli mes  con- 
nus de  Carlhagc.  Telle  fut  donc  bien 
certainement  la  véritable  dénomina- 
tion ipie  les  colons  Phéniciens  impo- 
sèrent à  celte  ville  fameuse  ,  qui  était 
considérée  comme  nneauiie  Tyv,  sur 
les  côtes  de  l'Afrique.   Une  portion 
très-considérable  de  la  ville  de  Car- 
thage    était   appelée   par  les    Grecs 

(l3)  PhaUg  ,lil,.  l.cap.  »4. 

(i4)  EiercUalioiiei  PUniana  ^-çi.  3ïï. 

(i5)Cap.  1^  p.  49,  éd.  Ssilmaiiu. 

(16)  Sub»oce  Kapj^rjowv. 

(17)  /n  Dionyt, 


PTG 

TfeapoUs  :  il  pourrait  se  faire  que  ce 
fut  celle  là  qui  eût  e'tc  fondée  par 
Didon  ,  ce  qui  rendrait  picincnient 
raison  des  difTcrcntcs  époques  cliro- 
nolo<:;iques  que  nous  avons  rappoitces 
plus  liant.  Carlliap,e  conserva  toujours 
des  relations  avec  la  ville  à  (jui  elle 
devait  son  origine.  Pyginalon  con- 
tinua de  régner  à  Tyr,  après  la  fuite 
de  sa  sœur.  Il  paraît  que  ce  prince 
avait  aussi  des  possessions,  ou  ipi'il 
étendit  sa  puissance  jusque  dans  l'i'e 
deCvpre  ;  carEtienne  de  Byzance  lui 
attribue  la  londationdela  viiledeCar- 
pasia  .  située  dans  cette  île.  S.  M  n, 
PYIiADE,  fameux   pantomime, 
passe  pour  l'inveiileur  de  ce  genre 
de  spectacle,  ou  du  moins  pour  le 
premier  q.ii  le  porta,  chez  les  Ro- 
mains ,  à  un  degré  de  perl'eclion  dont 
on  n'avait  pas  eu  l'i  lée  iuS(|iraloRS. 
IjCS  mimes,  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  les  poètes  mimiques  (^. 
Laberius  et  PuBLius  Syrus),  n'é- 
taient que  des  houlTotis  sans  consé- 
quence, à  la  dinerence  des  pantomi- 
mes, qui  vinrent  à  bout  d'exprimer, 
par  le  geste  seul,  des  |)oèmes  entiers, 
dans  loq'iels  ou  distinguait  mêfne 
les  mots  pris  au  sens  propre  de  ceux 
qui  l'étaient  dans  un  sens  figuré;  et 
tout   cela   sans  pouvoir  tirer  parti 
des  mouvements  du  visage,  car  ils 
jouaient  masqués,  comme  les  comé- 
diens :  seulement  leur  masque  était 
d'une  forme  plus  agréable,  et  n'of- 
rait  pas  une  bouche  béante,  comirie 
ce'ui  des  autrci  acteurs.  Pylade  était 
né  en  Cilicie,  et  avait  été  esclave 
d'Auguste,  ({iii  1  afTranchil.  Il  forma 
dansKoine  une  Iroupeà  part,  sans  se 
mêler  dans  les  tragédies  et  comédies 
ordinaires;  et,  par  le  moyen  d'une 
danse  composée  de  sujets  tragiques, 
comiques  ou  satiriques ,  il  sut  repré- 
senter, dans  son  geste  muet,  tout  ce 
quelediscours  aurait  pu  exprimer.  Ce 


PYL 


341, 


nouveau  spectacle  excita  un  enthou- 
siasme général.  L'opinion  publique 
se  partagea  vivement  entre  la  troupe 
de  Pylade  et  cellede  Balhylle,  son 
élève  et  son  rival,  qui  excellait  sur- 
tout dans  les  sujets  comiques  {-Voy . 
Bathylle  );  et  l'autorité  de  l'empe- 
reur dut  plus  d'une  fois  intervenir 
pour  imposer  silence  à  ces  '\GKvy>.  fac- 
tions. Cette  espèce  de  fureur  ne  fit 
que»s'accroîlre  sous  les  règnes  sui- 
vants; et  sous  Tibère,  il  fallut  qu'un 
décret  défendît  aux  sénateurs  de 
fréquenter  les  écoles  des  pantomi- 
mes ,  et  aux  chevaliers  de  leur  faire 
cortège  en  public.  On  conçoit  aisé- 
ment que  ces  histrions  ,  devenus 
ainsi  l'objet  d'une  espèce  d'idolâtrie, 
n'étaient  pas  moins  insolents  que 
certains  comédiens  de  nos  jours.  Py- 
laile  jouant  une  fois  le  rôle  d'Hercu- 
le furieux, fut  sifflé  par  quelques  spec- 
tateurs à  qui  son  geste  sembla  ou- 
tre. Il  ôta  son  mas(|ue,  et  leur  cria  : 
Fous  que  vous  êtes,  ne  voyez-vous 
pas  que  je  représente  un  plus  a^rand 
fou  que  vous?  [  Macrobe  ).  Appelé 
])our  rem  pli  rie  même  rôle  à  lui  souper 
de  l'empereur,  qui  voulait  égayer 
ses  amis  et  les  régaler  de  ce  specta- 
cle, Pylade  se  laissa  tellement  em- 
porter à  sa  fureur  simulée ,  qu'il 
commençait  à  lancer  des  IJèches  sur 
les  convives,  sachant  fort  bien  pour- 
tant,  dans  son  transport,  ne  les  di- 
riger que  sur  ceux  ([u'il  regardait 
comme  partisans  de  la  faction  de 
Batliylle.  Une  autre  fois,  se  voyant 
sifflé  par  un  spectateur,  il  le  montra 
aucloigtafinderexposer  à  l'indigna- 
tion de  ses  partisans.  L'empereur 
cliàlia  l'insolence  de  l'histrion,  en 
le  bannissant  de  Rome  et  de  l'Italie: 
mais  les  Jiiurmures  du  [)ublic  ne  tar- 
dèrent pas  à  obtenir  son  rappel.  Au- 
guste, pour  qui  le  soin  d'apaiser  ces 
rivalités  devenait  une  affaire  d'état , 


34'i  PYf^ 

l'exhorta  sérieusement  à  bien  tivro 
avec  ce  concurrent, que  Mécène  pro- 
tégeait. L'acteur  se  contenta  de  ré- 
pondre que  ce  qui  pouvait  arriver 
lie  mieux  à  renij)ercur  c'était  que  le 
peupIcs'occupàtileBathvlIcct  dePy- 
lade.  On  a  vu  de  nos  jours  un  per- 
sonnage non  moins  fameux  que  cet 
empereur,  remarquer  avec  complai- 
sance ,  dans  ses  Bulletins  ,  (|ue  le 
])euple  d'une  des  grandes  capitales 
de  l'Europe  se  battait  pour  du  pain, 
taudis  que  celui  de  Paris  se  battait 
pour  des  actrices!  Les  pantomimes 
furent  encore  chnssels  de  Rome  sous 
Tibère,  sous  Néron,  sous  Doniitien, 
sous  Trajan,  etc.;  mais  leur  exil  ne 
duri  jamais  long- temps.  La  manie 
pour  ce  genre  de  spectacle  .ne  fit 
qu'augmenter.  Vers  Pan  if)o,  [\omc 
se  trouvant  menacée  d'une  famine  , 
on  prit  !a  précaution  d'en  expulser 
tous  les  clrangcrs ,  même  ceux  qui 
professaient  les  arts  libc'raux.  Néan- 
moins ,  dit  Ammien  Marccllin ,  on 
laissa  tranquilles  les  gens  de  théâtre; 
et  il  resta  dans  I  »  ville  plus  de  trois 
mille  danseuses  et  autant  d'iiommes 
qui  jouaient  dans  les  chœurs  ,  sans 
compter  les  comédiens.  Ce  nombre 
s'accrut  encore  par  la  suite;  et  ce 
fut  nue  des  causes  de  la  corruj)tion 
des  mœurs  ,  qui  ne  finit  qu'avec  la 
destruction  de  l'Empire.  On  prétend 
avoir  retrouvé  l'iuscription  flu  tom- 
beau de  Pylade  ,  et  l'on  cite  trois  au- 
tres pantomimes  du  même  nom.  ainsi 
«pi'un  faiiicux  musicien,  né  à  Méga- 
lopolis  en  Arcadie  ,  et  contemporain 
de  Philopémcn  (  Vov.  De  la  salta- 
lion  théâtrale,  par  M.  de  l'Aulnaye, 
p.  62 ,  69 ,  etc.  )  C.  M.  P. 

PYLE  (  TuoMAS  ),  ecclésiastique 
anglais,  ne'  en  1674'  •»  SloJey , 
dans  le  comté  de  Norfolk.,  paroisse 
dont  son  père  était  recteur;  obtint, 
en  1608,  le  vicariat  de  Saintc-Mar- 


PYL 

guérite  de  King's  Lynn,  et  fut  nom- 
mé, en  1 -joi ,  ministre  ou  prédica- 
teur de  la  chapelle  Saint-Nicolas  de 
cette  ville.  Il  se  livra  avec  succès  à 
la  prédication  ,  et  publia  ,  depni.s 
170G  jusqu'en  1718, sixsermons  qui 
avaient  pour  but  de  dérndre  les 
principes  de  la  succession  de  la  fa- 
mille de  BruiisNvick  au  tronc.  Doué 
d'ime  grande  facilité  pour  compo- 
ser ses  sermons,  dont  le  caractè- 
re distinctif  est  la  force  plutôt  que 
l'élégance,  il  les  débitait  avec  beau- 
coup de  chaleur.  Pyle  se  distingua 
tellement  dans  la  controverse  dite 
Bangnrienne ,  élevée  sur  la  juridic- 
tion civile  du  cicigé,  au  sujet  d'un 
sermon  de  l'évê'iue  Hoadiey,  sur  ces 
paroles  de  Jésus  Christ ,  Monroyau- 
me n'est  point  de  ce  monde,  que  ce 
prélat  le  récompensa  par  une  pré- 
bende dans  l'église  cathédrale  de  Sa- 
lisbury  ,  et  demeura  toujonrs  son 
ami.  Il  devint  ministre  de  Sainte- 
IMargiierite,  en  1732,  et  résigna  ce 
bénéfice  »in  an  avant  sa  mort,  arri- 
véelc3i  décembre  1750  à  Swaffara, 
où  il  s'était  retiré  deux  ans  aii|iara- 
vant.  Son  mérite  semblait  l'appe- 
ler à  quelque  dignité  éminente  dans 
l'Eglise;  mais  ses  prin(i])cs  religieux 
et  politi(pies,  quoique  d'accord  avec 
ceux  de  sir  Robert  Walpole,  députe' 
de  King's  Lynn,  et  avec  reux  de  la 
reine  Caroline,  qui  tenait  alors  la 
feuille  des  bénéfices,  ne  convenaient 
point  au  clcigé  anglican  :  il  ne  pas- 
sait pas  pour  adopter  le  symbole  de 
saint  Alhanase  ,  et  il  inclinait  vers 
le  socinianisme.  Ses  manières  man- 
quaient aussi  d'une  certaine  souples- 
se qui  eiît  pu  lui  gagner  des  protec- 
teurs. L'archevêque  Herring  écrivait 
à  un  de  ses  amis  ,  au  sujet  de  Pyle  : 
«  La  vivacité  de  sou  caractère,  qui^ 
»  conteiuie  dans  de  justes  bornes^ 
»  en  fait  un  homme  aimable,  l'a  do. 


PYL 

■»  ramé  dans  quelques  circonstances 
»  de  sa  vie,  et  a  été  nuisible  à  ses 
»  projets.  »  Il  était  cependant  ami 
généreux  ,  et  tellement  exempt  d'a- 
mour -  propre   et  de    confiance  en 
lui ,  qu'il  adopta  souvent  Topluion 
de  personnes  qui  lui  étaient  de  beau- 
coup inférieures.  Ses  ouvrages,  tous 
écrits  en  anglais  ,  sont  :  1.  Défen- 
se de  Vévéqiie  de  Bangor,  en   ré- 
ponse aux  exceptions  de  Guillaume 
Law ,  1718,  1  part.  in-S**.  II.  Pa- 
raphrase des  Actes  des  apôtres  et 
de  toutes  les  Epitres  du  Nouveau- 
Testament  ^  2*=.  édition,  Londres, 
1787;   nouvelle  édition,   1763,    1 
vol.   in-8°.;  traduite  en  allemand, 
parE,  G.  Kuster, Hambourg,  1778, 
•y.  vol.  in-8**.  HT.  Paraphrase  de 
V Apocalypse  avec  des  notes,  i735; 
nouvelle  édition,  i795,iii-8°.  IV. 
Paraphrase  des  livres  historiques 
de  V Ancien- Testament ^  publiée  de 
1715a  1725,  et  réunie  sous  un  titre 
général,  en  1738,  4  vol.  in-S".  P. 
Chais  s'est  servi  de  cet  ouvragedans 
la  Bible  qu'il  a  publiée  avec  commen- 
taires tirés  de  divers  auteurs  an- 
£^/ai5,  la  Haye,  174*2- 1790,  8  vol. 
in-4".  V.  Soixante  Sermons  sur  des 
sujets  simples  et  pratiques  ,  publiés 
par  son  fds  Philippe,  1778,  2  vol. 
in-8''. ,  aux(juels  on  réunit ,  Quatre 
Sermons  sur  la  bonne  Samaritaine , 
et  sur  la  nature  du  royaume  de  /.- 
C. ,  et  Trente  deux  autres  Sermons, 
I  783  ,  in-8<'.  ;  nouv.  édit. ,  1 785  ,  3 
vol.  in-8". — Philippe  Pyle,  le  plus 
jeune  de  ses  fds  ,  mort  le  \'i  juillet 
1 799 ,  a  composé  des  Sermons  à  Vu- 
sage  du  peuple ,  parmi  lesquels  on 
en   a  imprimé  qui  appartiennent  à 
son  père,i  789,  4  vol.  in-8'J.  B-r  3. 
PYLÉMENES  est  un  nom  com- 
mun à  presque  tous  les  rois  de  Pa- 
phlagonie.Lcur  race  se  conserva  sous 
la  domination  des   Assyriens ,  des 


PYL 


343 


Mèdes ,  des  Lydiens  _,  des  Perses  et 
des  Macédoniens.  Elle  se  perpétua 
jusqu'au  temps  des  Romains  ;  mais 
elle  ne  possédait  plus  alors  la  totalité 
du  pays  :  les  colonies  grecques   qui 
s'étaient  établies  sur  les  côtes,  les  ty- 
rans d'Héraclée,  et  enfin  les  rois  de 
Pont  s'étaient  rendus  successivement 
maîtres  de  la  partie  maritime  ;  ces 
derniers  avaient  fait  leur  capitale  de 
Sinope  ,  ville  grecque  de  la  Paphla- 
gonie.  Les  légitimes   possesseurs  du 
pays  se  contentaient  de  la  partie  mon- 
tagneuse située  dans  l'intérieur,  et  qui 
était ,  à  ce  qu'il  paraît ,  partagée  en- 
tre plusieurs  princes.  La  domination 
des  Pylémènes  avait  été  si  longue,  et 
leurs  droilssiirlaPaphlagonie  étaient 
si  bien  reconnus  ,  que  le  pays  en  était 
même  appelé  quelquefois  Pyléménie, 
gens  Paphlagonia  ,  quam    Pylce- 
meniam,  aliqui  dixerunt  ,  dit  Pline 
(  lib.  V! ,  cap.  1  ).   Le  premier  des 
rois  de  ce  nom ,  dont  l'histoire  nous 
ait  conservé  le  souvenir ,  est  men- 
tionne par  Homère  ,  qui  le  range 
parmi   les  chefs    venus  au  secours 
des  ïroyens.  Il  était  à  la  tète  des 
Hénètes ,  peuple  qui  habitait  alors 
la  Paphlagonie  ,  et  qui  était  presque 
entièrement   anéanti    au    temps  de 
Strabon.  Homère  nomme  les  prin- 
cipales villes  de  la  Paphlagonie  qui 
reconnaissaientles  lois  de  Pylémènes, 
telles  que  Sésamus,  Cromna  ,  Égia- 
lée,  Trithynne.  Pylémènes  reçut  la 
mort  en  combattant  les  Grecs:  après 
lui,  les  Hénètes,  privés  de  leur  chef , 
ne  retournèrent  pas  dans  leur  patrie: 
ils  s'attachèrent  à  Antenor,  et  pas- 
sèrent, dit-on,  avec  lui  en  Italie, 
où  ils  fondèrent  Padoue  ,  et  donnè- 
rent naissance  à  la  nation  des  Hénètes 
ou  Vénètes ,  qui  occupaient  autrefois 
le  territoire  de  Venise.  —  Après  le 
siège  de  ïroie  ,  il  faut  franchir  un 
bien  grand  intervalle  pour  trouver 


344 


PTL 


un   autre  PyT.tMÈ.tES.  En  l'an  1 34 
avant  J.-C. ,  il  existait  un  prince  de 
ce  nom  ,  de  la  nu-me  race  que  le  pré- 
cèdent ,  qui  est   placé  par  Kiitrope 
(  lib.  IV,  cap.  io),  au  nombre  des 
amis  et  des  alliés  de  la  république 
romaine.  Il  fournit  des  troupes  aux. 
Romains,   et  leur  rendit  de  pr.imls 
services    dans   la    guerre    opiniàlrc 
qu'ils  eurent  à  soutenir  contre  .\iis- 
tonirns,  fds  naturel  du  dernier  des 
Allali^Ies,  qui  vou!aitse  remettre  en 
]»osses>iondu  riiv.aimede.scs..i(UX.— 
Un  aut.e  PYLLMi:.>Ls..sans  douie  (ils 
de  ce  dernier,  réy;n.iit  dans  la  Paplda- 
gunic  à  l'époque  de  la  première  guer- 
re de  ^Iitliriddle  contre  les  Romains, 
en  l'an  88  avant  J.C  Comme  il 
ctail  c'-alcmcut  allié  des  Romains  ,  il 
fut  r  liasse  par  le  roi  de  Pont,  qui  don- 
na ses  états  a  un  de  ses  propres  fils. 
Pour  que  le  nouveau  monarque  parût 
moins  0  lieux  aux  Paplila{;onirns,  et 
afin  de  les  tromper,  pour  ain>i  dire  , 
sur  Tori-ine  de  cet  nsiupateur  ,  Mi- 
tlnid.iiefit  prendre  à  son  fils  le  nom 
de  P)lémèiies  ,  si  clier  à  la  na  ion  : 
P)  Lpinenein  ,  Paphlagontini  rff[uin 
noinine  appellat ,  et  ijmiii  stirpi  re- 
f^icp  rediluUt  sic  re^num  ,  faiso  nu- 
mingjenet  dit  Ju-itin  ;\  \xvn.4  •  Le 
prinre  Pa[.hlaj;onien  fut  rclaMi  dans 
.ses  états  par  Pompée,  quand  ,  après 
les  revers  de  Mitliridale,  le  Pont  fut 
réduit  en  pro>  iuce  romaine  vers  l'au 
<Î4  3v.  J.-C.  La  partie  occidentale  du 
Pont  cl  la  l'aplilag.;nie  maritime  fu- 
rent alors  divisées  en  onze  cantons  , 
annexés  à  la    jirovince  de  Billiynic. 
La  race  de  Pylenièues  ne  conserva 
que  la  |>ailie  située  d ms  l'intérieur 
des  terres.  Pyléuiènes,  qui  avait  été 
chassé  par  Milluidaïc,  et  un  antic 
piince    Paph!a;;onien    appelé  Atta- 
lus  il] ,  furent  alors  réiuie-rés  dans 

fi  )  Appicii  !  '^ilhrid. ,  Ç  1 1.^  >  ne  parU  que  H'  \t 


PTM 

leurs  états,  selon  le  témoignage d'Eu- 
tropc  (  lib.  VI ,  <)\  i4  ).  Ce  dernier 
Pylémènes  portait ,  à  ce  qu'il  paraît, 
le  surnom  A' FA'erg^èles,s\  ce|>endaiit 
c'est  à  lui  qu'il  f.uit  attribuer  une  mé- 
daille extièmement  rire,  qni  i  llVe  la 
lé-en.le  :  BAIIAEilZ  nVAAIMENOV 
ElEITETOr  (  Du  roi  lyleinenes 
Ei'er^etes).'ïv\\c  est  l'opinion  reçue; 
cejiendaiit  le  surnom  d'iV(Tpè/t'i(pii 
fut  porté  par  le  roi  de  Pont  ,  pèiedu 
grand  IMitliiidate  Enpalor,  l'eiait 
croire  que  ce  nom  app.irliendiait 
j^lutôt  au  prédécesseur  du  dernier 
Pyléiiù'iies,  conlempor.iiu  de  Mitliri- 
dale Évergètes.  Les  petiis  princes  de 
l'Asie  avaient  l'iiabilude  de  s'at- 
tribuer, par  imitation  ,  les  surnoms 
des  rois  plus  |>uissants  ,  dont  ils 
étaient  voisins.  Il  ser.iit  facile  d'en 
citer  des  exemples.  Après  l.i  mort  du 
prince  cpie  Pompée  avait  i établi  >ur 
son  tnine.  la  portion  delà  Pajilila- 
gonie  qu'il  pussédail  ,  fut  réunie  au 
territoire  de  la  républi(|ue  (  Sexliis 
Riifus,  cap.  Il  ,  ;  et  la  race  royale 
s'éteignit  alors  (  Strabon ,  lib.  xii, 
p.  fiOi).  S.  IM  — N. 

PY  M  (  Jean),  membre  de  la 
cliatiibrc  des  communes  d'.Augle- 
terre  ,  du  temps  de  Charles  I"".  , 
criihie  par  les  sentiments  rcpi  bli- 
cains  qu'il  manifesta  ,  descendait 
d'une  bonne  famille  du  comté  de 
Soniraerset,  et  naquit  en  i  5H4.  Apres 
avoir  coinmenré  son  éducation  à  l'ii- 
niversi'é  d'Oxford,  il  paraît,  sui- 
vant Wood ,  qu'il  fréquenta  le  bar- 
reau, et  qu'il  abaniloniia  cette  pro- 
fession pour  entrer  corîime  secrétaire 
dans  les  bureaux  de  l'étliiquier  :  il 
n'y  occupait  pas  un  poste  fort  im- 
|)oilaiit,  lorsqu'il  fut  nommé  mem- 
bre du  parlement.  Pym  se  fit  distin- 
guer par  une  opposition  invariable 
aux  mesures  de  la  cour ,  sous  le  rè- 
gne de  Jacques  I*^"^. ,  et  sous  celui  de 


PYM 

son  successeur.  En  1626  ,  il  concou- 
rut à  la  rédaction  des  articles  de  l'acte 
d'accusation  contre  le  duc  de  BiK  kin- 
gliain;et,en  iG'iS,  il  attaqua,  de- 
vant la  rliamlirc  des  comtuiines,  le 
docteur  IMainwaiing,  ([ni  avait  pro- 
fesse des  doctrines  que  Pyui  consi- 
derail  comme  cgaleiucnl  injui  ieiises 
pour  le  roi  et  pour  Ut  rovauine.  Pym, 
qui  paMaj^oait  toutes  les  opinions  des 
piiiitaiiiS  ,  et  qui  était  ,  coinrae  eux  , 
extrêmement  atr.cté  de  la  dissolution 
du  parlement  et  des  mesures  delà  cour, 
avait  formé  le  projet  de  se  rendre  en 
Aiucriqne  pour  y  fonder  unp;ouvernc- 
ment  où  la  liberté  civile  et  la  liberté 
relii;ieuse  fussent  plus  respectées  qu'en 
Angleterre.  Il  était  déjà  lendu  dans 
le  poi  t  où  il  devait  s'embarquer  avec 
Harapden  ,  Croinwcll  cl  uri  giand 
nombre  de  leurs  coreligionnaires, 
lorsqu'un  ordre  du  conseil  les  empé- 
clia  d'exécuter  leur  résolution.  Ce 
contretemps  augmenta  encore  l'a- 
Tersicn  qu'il  avait  conçue  contre  le 
roi.  En  16-iç),  il  eulreàiit ,  de  con- 
cert avec  ]>lusieurs  autres  membres 
delà  chambre  des  communes  et  plu- 
sieurs pairs  ,  une  correspondance 
très-suivie  avec  les  commissaires  en- 
voyés à  Londres  par  les  convenan- 
taires  écossais.  11  fut  un  des  mem- 
bres les  plus  actifs  et  les  plus  iuflueuts 
du  parlement  qui  s'assembla  le  i3 
avril  1040  ,  et  dont  le  roi  prononça 
la  dissolution  le  6  mai  de  la  même 
année.  A  la  reiuiion  de  celui  qui  le 
suivit  immédiatement  (  novembre 
1640),  et  qu'on  a  appelé  le  long 
parlement,  Pym  ,  après  avoir  débité 
un  discours  préparé,  sur  les  soiifTran- 
ces  de  la  nation,  accusa  de  haute- 
trahison  le  comte  de  SlratTord,  et 
fut  nommé  l'un  des  commissaires  des 
communes,  pour  suivie  cette  af- 
faire devant  la  chambre  des  pairs. 
La  vioknce  effrénée  des  discours  de 


PYM  345 

Pym  et  de  quatre  de  ses  collègues,  dé- 
termina le  roi  à  les  faire  accuser  ,  en 
son  nom,  du  crime  de  haute-trahi- 
son ,  et  à  demander  leur  arrestation. 
La  chamhre  basse,  loin  d'avoir  égard 
aux  désirs  du  souverain  ,  déclara, 
au  contraire,  que  ces  actes  de  «  igiieur 
étaient  une  violation  de  ses  privdé- 
gcs  ;  et  ce  prince  se  transporta  en 
personne  au  parlemert ,  pour  f.iire 
saisir  Pym  et  les  autres  membres  qui 
av.iient  encouru  son  indignation  : 
mais  cette  démarche  imprudente 
n'eut  aucun  résultat  favorable  pour 
les  affaires  du  roi;  les  membre,  in- 
cu'pés  ne  furent  point  arrêtés  :  ils  se 
réfugièrent  dans  la  Cité  ,  dont  les 
habitants  étaient  dévoués  à  leur  par- 
ti ;  et  Pym  mit  encore  plus  d'achar- 
uement  à  défendre  les  intérêts  du 
parlement.  Il  s'opposa  à  toutes  les 
ouvertures  de  paix  et  d'accommode- 
ment .  appuya  fortement  la  proposi- 
tion d'appelejles Écossais  au  secours 
des  parlementaires  ,  et  parvint,  par 
son  habileté  et  jiar  l'influence  qu'il 
exerçait,  à  empêcher  que  le  comte 
d'Essex  ne  conclût, en  164^,  un  traité 
avec  le  roi,comnieil  en  avait  d'abord 
manifesté  l'intention.  Charles  P''.  , 
sentant  la  nécessité  de  gagner,  à  tout 
j)rix,  m\  ennemi  si  athar.'ié  ,  et  qui 
pouvait  devenir  un  auxiliaire  fort 
utile  ,  lui  fit  offrir  le  poste  de  chan- 
celier de  l'échi  puer.  Glaiendon,  qui 
rapporte  ce  fait,  ne  dit  pas  quelle 
fut  la  réponse  de  Pym  :  cej)endant 
il  se  moiitra  ,  dès  ce  moment  , 
moins  virulent  dans  ses  attaques  con- 
tre la  cour  ,  et  fit  même  quelques  ou- 
vertures en  faveur  de  la  couronne  : 
mais  elles  furent  mal  accueillifs  par 
ses  collègues;  et  il  put  se  convaincre 
alors.qu'il  est  plus  facile  de  faire  le 
mal ,  que  d'entreprendre  le  bien.  Sa 
popularité  souffrit  un  grand  échec 
du  nouveau  système  de  conduite  qu'il 


346  PYM 

essayait  d'aJopter  ;  et  on  l'entcnJit 
se  plaindre  avec  amertume  de  l'in- 
constance  du  peuple  à  son  e'g.ird. 
Utie  apologie  de  sa  conduite  ,  qu'il 
iu!;ca  nécessaire  de  publier  quelque 
temps  avant  sa  mort ,  laisse  quelques 
doutes  sur  la  partwqu'il  auiait  prise 
aux  e'vciiements  poste'rieurs  ,  s'il  eût 
assez  vé.u  pour  cire  tomoiu  des 
tristes  résultats  de  ses  premiers  em- 
portements. Nomme  lieutenant  d'ar- 
fdlerie,  au  mois  de  novembre  i6/|3, 
Pvm  aurait  obtenu  ,  sans  doute  ,  un 
avancement  rapide  :  car  ,  maigre  la 
méfiance  qu'il  avait  inspirée  à  quel- 
ques parlementaires,  il  jouissait  en- 
core d'un  grand  crédit  dans  son 
parti  ,  lorsqu'il  mourut  a  Dcrby- 
House,  le 8 décembre  suivant:  il  tut 
enterre  avec  de  grandes  solennités 
dans  l'abbaye  de  Westminster.  Plu- 
sieurs de  ses  discours  ont  été  im- 
primes séparément ,  et  sont  insérés 
dans  les  annales  et  dav  les  histoires 
du  temps.  Lord  Clarendon  et  quel- 
ques autres  assurent  qu'il  mourut  au 
milieu  des  plus  grandesdouleiirs,  d'u- 
ne maladie  pédiculaire  tellement  dé 
goûtante,  qu'un  très-petit  nombre  de 
ses  amis  scdement  fut  admis  auprès 
de  lui.  Mais  Etienne  INIarsIiallaflirme, 
dans  le  sermon  cpi'il  pi  à  ha  à  ses  fu- 
néradles  ,  que  huit  médecins,  dont 
l'intégrité  ne  peut  être  suspectée  ,  et 
dont  quelques-uns  étaient  toutà-fait 
étrangers  à  Pym  ou  d'une  crovance 
différente,  furent  présents  à  l'ouver- 
ture de  son  corps ,  avec  une  foule 
d'autres  personnes  ,  et  (jiie  le  mal 
dont  il  muurut ,  n'était  autre  chose 
qu'un  apostumc  dans  les  entrailles. 
La  nature  n'avait  point  favoriscPym, 
dit  lord  Clarendon;  mais  il  était  par- 
\enu  à  acquérir  des  talents  pir  un 
travail  opiniâtre  :  il  connaissait  à 
tond  les  formes  et  la  manière  de 
procéder  de  la  chambre  des  com- 


PYN 

rauncs,  et  s'exprimait  avec  mtg  gran- 
de aisance  et  beaucoup  de  dignité. 
Personne  ne  connaissait,  comme  lui, 
le  caractère  et  les  opinions  de  ses 
concitoyens:  il  avait  obervé,  avec 
attention,  les  erreurs  et  les  fautes  du 
gouvernement ,  et  savait  les  faire 
paraître  plus  graves  qu'elles  n'é- 
taient réellement.  A  la  première  ou- 
verture du  long  parlement,  il  parta- 
gea l'influence  qu'y  exerçaient  Hamp- 
den  et  Olivier  S.iint-John.  Ou  peut 
dire  qu'a  cctteépoque,  et  même  quel- 
ques mois  après  ,  personne  ne  jouis- 
sait d'autant  de  popidarité  que  lui. 
Dans  leprocèsducon)tede  Sfraflord, 
il  montra  beauroupd'animosilé  per- 
sonnelle ;  et  il  a  été  accusé  d'avoir 
employé  ,  pour  faire  périr  ce  sei- 
gneur, certaines  pratiques  indignes 
d'un  honnête  homme  :  on  lui  a  éga- 
lement reproché  d'avoir  l'ame  vé- 
nale ,  cl  d  avoir  ,  dans  plusieurs  cir- 
constances ,  reçu  de  l'argent  pour 
rendre  service,  soit  à  des  particuliers 
persécutés  parle  parlement,  soit  au 
roi  lui-même.  D — z — s. 

PYNAKF.R  (  AuAM  ),  peintre  hol- 
landais, né  en  \(ri\  ,  dans  un  petit 
bourg  non  loin  de  IJelft,  qui  lui  a  donne 
son  nom,  était  fort  jeune  lorsqu'il  fit 
le  voyaged'Ilalie  :  il  s'arrêta  troisans 
à  Rome,  pour  y  copier  les  plus  beaux 
tableaux  modernes  ,  et  les  chefs- 
d'œuvre  de  la  scidpture  antique.  II 
ne  passait  pas  un  jour  sans  visiter  la 
campagne  de  Rome,  pour  en  dessi- 
ner les  points  de  vue  les  plus  pitto- 
resques. Fortifié  par  un  exercice  aus- 
si continu  de  son  art,  il  revint  en 
Hollande,  et  ne  tarda  pas  à  y  donner 
des  preuves  multipliées  de  son  habi- 
leté. A  l'époque  où  il  retourna  dans 
sa  patrie ,  l'usage  était  d'orner  les 
appartements  de  grande»  toiles  sur 
lesquelles  on  peignait  des  paysages 
ou  des  vues  de  villes.  Pyuaker ,  dont 


PYN 

îe  talent  était  apprécié,  fut  chargé 
de  décorer  de  cette  manière  les 
premières  maisons  de  la  Hollande  : 
mais ,  au  grand  regret  des  amateurs  , 
la  mode  des  tentures  en  étoffes  ,  et 
des  lambris  en  menuiserie,  vint  ré- 
gnera son  tour;  et  les  peintures  qu'ils 
remplacèrent,  furent  reléguées  dans 
les  greniers.  C'est  ainsi  qu'on  vit  dis- 
paraître la  plus  grande  partie  des 
productions  de  Pynaker  :  heureuse- 
ment ses  tableaux  de  clievalet  sont 
restés  pour  conserver  sa  réputation. 
C'est  dans  ces  petites  compositions 
qu'il  s'est  montré  habile  paysagiste. 
On  distingue  la  forme  et  le  port  des 
différentes  espèces  d'arbres  :  sa  cou- 
leur est  toujours  aimable  et  vraie;  ses 
lointains  et  ses  ciels  sont  vaporeux  ; 
il  traite  surtout  d'une  manière  supé- 
rieure les  oppositions  et  les  dégra- 
dations entre  les  divers  plans  de  ses 
tableaux.  Le  Musée  du  Louvre  a  trois 
sujets  de  ce  maître  :  L  Une  tour , 
au  pied  de  laquelle  est  une  barque 
à  l'ancre.  Sur  le  devant,  des  passa- 
gers débarquent  d'une  felouque  avec 
leurs  bagages.  II.  Paysage  dans  le- 
quel on  voit  un  muletier  arrêté  à  la 
porte  d\ine  auberge.  111.  ylutre 
Pajsage  représentant  desvdlageois 
qui  gardent  leurs  bestiaux  ;  sur  le  de- 
vant, on  voit  une  vache  seule.  Pyna- 
ker mourut  en  1678.  P — s. 

PYRA  (  Jacques  -  Emanuel  )  , 
poète  allemand ,  était  né  ,  eu  1  7  i5  , 
à  Kotbus,  en  Lusace,  d'une  famille 
(jui  se  prétendait  issue  du  maréchal 
Biron  ,  sans  en  avoir  aucune  preuve, 
mais  qui  se  trouvait  réduite  à  l'in- 
digence ,  au  point  que  le  jeune  Pyra 
se  vit  obUgé  de  la  soutenir,  à  l'aide 
d'une  bourse  qu'il  obtint  à  l'universi- 
té de  Halle.  Réduit  aux  plus  grandes 
privations,  il  avoua  une  fois,  en  ren- 
contrant son  ami  Langen  ,  qu'il  n'a- 
vait pas  mangé  depuis  trois  jours. 


PYR  347 

Cet  ami,  sans  être  riche ,  devint  soa 
bienfaiteur  ,  et  le  logea  chez  lui ,  à 
Laublingen ,  où  il  fut  envoyé  en  qua- 
lité de  ministre  du  culte.  Ce  fut  alors 
que  Pyra ,  inspiré  par  l'amitié  et  par 
les  charmes  de  la  vie  champêtre  ,  se 
livra  tout  entier  à  la  poésie ,  qui  n'a- 
vait point  encore  fourni  de  grands 
modèles  en  Allemagne.  Le  professeur 
Gottsclied  ,  écrivain  correct  ,  mais 
sans  génie  et  sans  verve ,  tenait  le 
sceptre  delà  littérature  allemande  : 
Bodmer ,  en  Suisse ,  fut  le  seul  qui 
eut  le  courage  d'attaquer  la  réputation 
littéraire  de  cet  aristarque.  Pyra  fit 
cause  commune  avec  le  poète  suisse, 
en  publiant  la  Preuve  que  l'école 
de  Gottsclied  corrompt  le  g,out  ^ 
Hambourg  et  Leipzig ,  1743.  Cette 
attaque  lui  attira  de  vives  répliques  ; 
il  publia  une  suite  de  sa  Preuve,  Qi  il 
osa  s'affranchir  de  la  rime,  qui  était 
encore  regardée  comme  indispensa- 
ble dans  la  poésie  allemande.  Ses 
pièces  de  vers  présentent  des  mouve- 
ments lyriques,  des  images  imitées 
d'Horace ,  d'heureuses  épithèles,  en- 
lin  des  traits  de  bonne  poésie  ;  cho- 
ses dont  on  avait  alors  peu  d'exem- 
ples. Son  plus  grand  morceau  fut  le 
Temple  de  la  vraie  poésie ,  poème 
épi-didactique ,  en  5  chants  ,  ayant 
pour  but  d'opposer  la  poésie,  imitée 
des  classiques,  aux  vers  ampoulés  ou 
fades  des  Lohenstein  et  des  Gotts- 
clied. Le  poète  feint  que  la  déesse  de 
la  poésie  l'introduit  dans  son  temple  j 
il  y  trouve  personnifiés  les  divers  gen- 
res de  poésie;  aux  colonnes  il  voit 
suspendues  les  règles  de  la  poétique. 
Pyra  avait  emprunté  ,  pour  ce  poè- 
me, plusieurs  tableaux,  aux  anciens 
poètes  épiques.  Après  avoir  été  pré- 
cepteur dans  deux  maisons  ,  il  re- 
vint, eu  1741  5  chez  son  ami  Lan- 
gen ,  et  commença  une  feuille  pério- 
dique ,  sous  le  titre  de  Pensées  de  la 


348  PYR  FTR 

société  invisible.  Il  n'en  parut  que  ladoue  i  Paindoue.  «  Ainsi  (fcartes  et 
neuf  niimcros,  publics  à  Halle.  Ap-  •  sépares  les  uns  des  autres  en  ces 
pelcensuiteà  Berlin,  pour  enseigner  »  îles,  dit-il ,  nous  soullVîiues  toutes 
au  gyuuia«.c,  dildc  kœlla,il  y  mou-  »  sortes  d'aflliclions  et  misères,  ]>res. 
rut,  le  14  juillet  1744-  Son  ami  »  ses  de  famine,  couelics sur  la  dure, 
Lat'grn  rceueillil  ses  poésies,  et  les  »  au-dehurs,  sans  couvert,  exposes 
unit  au\  siennes  soun  le  liiredc  Pué-  »  aux  injures  de  l'air,  el  des  pluies 
siei  amicales.  Bodmer  les  publia  ,  »  qui  étaient  lors  fort  conlinues  , 
pour  la  premii  re  fois  ,  à  Zuricb  ,  en  »  |)arce  que  c'était  leur  liiver.  Joint 
ijicltanl  ,  à  la  place  des  noms  des  »  que  leseauxde  toutescesîlessout  si 
auteurs,  ceux  de  Tvrcis  et  de  Danion.  »  n>al-saines  poiu-  tous  ciiang«'rs  qui 
Liugen  doiuia  de  ce  recueil  une  edi-  »  n'y  sont  point  aceoulunies' el  Tin- 
lion  .iUgn)entèe,H.ill»'.  i-;4.),  ii,  8\  «  température  de  l'air  si  grande,  que 
Gleiiu  possédait  plusieurs  raauus-  »  j'.ii  rem.uq-ie  durant  mon  séjour, 
crus  de  Pyra,  entre  autres  ,  des  Rc-  »  queceux  du  dehors,  et  toutes  sortes 
eliercbes  ciitiques  sur  les  beautés  de  »  d'étrangers,  même  des  Indiens  de 
V Enéide.  L  ne  tragédie  du  même  au-  »  la  lerrc-ferme  et  des  autres  îles, 
tciii .  Jei'hté ,  est  perdue.  D— g.  »  n'y  peuvent  faire  une  longue  dc- 
P\HAKL)v  ^RA^<;oIs  ),  Voyageur  «meure  que  presque  tous  ne  de- 
français,  était  ne  a  L.ixal.  Non  moins  B  viennont  lu.d.tdes  ,  el  (pie  la  plu- 
désireux  de  voir  et  da|)prendre  ,  »  part  n'y  meurent.  Aussi,  gr.nide 
que  d'.iC'piénr  du  bien  ,  il  .-,'embar-  »  partie  de  mes  compagnons  ne  de- 
qiia  sur  le  Corbin  ,  gru>  na\iic,  »  meurèrent  uuèie  la  (pi'ils  iie  luou- 
qu'unecourpagnie  de  marcliands  de  »  nissent.  »  Pyrard  fut  ensuilc  con- 
Sjiut-M.do  ,  Laval  cl  \  iiré,  arma,  diiit  a  IMalé  ,  "résidence  du  roi  ,  qui 
ainsi  que  le  Cmis^ant ,  pour  sonder  le  t  aila  fort  bien  ,  parce  «pi'd  par- 
le guc,  cherclicr  un  chemin  des  l.iit  facilement  la  langue  du  pays. 
Indes  ,  et  le  mouiier  aux  Français.  Quchpus-uns  de  ses  compagnons  en 
Les  deux  bàtiinei.ts  partirent  de  conçurent  de  b  jalousie  :  ■l'autres  fu- 
Saiut-M.ilo  ,  !e  18  mai  Hioi.  a  Je  rent  |>unis  de  mort  pour  avoir  es- 
»  n'avais  jamais  eu  bonne  opinion  Siiyé  de  s'éva  1er;  il  y  en  eut  «pii  réus- 
»  de  noire  voyv^c  dri)uis  l'enibar-  sin  ni  d.ms  celte  teulalive.  Le  roi  ir- 
•  qiiemeni  ,  dit  Pyiaicl  ,  vu  le  mau-  rilé  défendit  de  continuer  les  distri- 
»  vais  or.lrc  et  le  peu  de  poliee  qui  bulicuisde  vivrcsàcenx  (pii  reslaient; 
»  étaient  dans  nos  naviies.  »  Ou  rc-  n'empêchant  pas  néanmoins  les  insu- 
lài  ha  succissivement  aux  î'es  Aniio-  laites  de  leur  doimer  des  jirovisions, 
bon  ,  Mtdagascar  et  Comorc.  Le  7  s'ils  le  voulaient.  Tous  ces  cvénc- 
iuin  iGoi  ,  on  quitta  cet  Archipel  ;  meiits  ,  et  la  mort  il'un  de  ses  amis  , 
le  X  joiîlet,  \f  Corhin  fit  naufrage  affligèrent  lellement  Pyrard  ,  qu'il  fut 
sur  les  Maldives  ,  par  l'inexpérience  altatjuc  d'onc  longue  maladie.  On 
du  capitaine;  \e  Croissant  ,h\eili  du  l'av.iil  relègue,  avec  les  autres,  dans 
danger,  s  éloigna  des'écueils,  et  fil  inie  île  écartée;  au  bout  de  quatre 
voile  pour  Sumatra  ^  T.  Fr.  iMau-  mois,  ilsre\iiiienlaii|>rèsdu  roi  :  «  Je 
Ti>,  XWIl  ,  120  ^.  Pyr.ird  et  ses  »  servais  le  roi.  commerundescs  do- 
comp.tguons  furent  recueillis  par  les  »  mcstiques,  dit  Pyrard,  prêt  à  faire 
insulaires,  qui  les  divisèrent  sur  plu-  »  tous  ses  commandements.  J'étais 
sieurs  îles.  Pyrard  fut  mené  de  Pou-  »  fort  bien  auprès  de  lui  et  des  reines, 


PYR 

»  qui  souvent  s'enqucraient  des  fa- 
u  çons  de  vivre  des  Français ,  de 
»  leurs  mœurs,  liibils,  et  princi- 
•o  paiement  des  Imbils  de  dames  de 
«  France,  et  de  notre  relii;ion.  Le 
»  roi  mo  donna  uniogis  à  |);ii  t ,  assez 
»  près  de  lui  ;  et ,  tous  les  jours,  on 
»  m'apportait  de  sa  maison  du  riz 
»  et  des  provisions  ne'cessaires  pour 
»  ma  vie:  il  me  bailla  aussi  un  ser- 
»  vitour,  pour  me  servir,  outre  rpiel- 
w  qucari^'-ntet  d'aulresprcseiîts  Hoiit 
»  il  m'acrommoda  :  par  le  moven  de 
»  quoi  ,  je  devins  quelque  peu  riche 
»  à  la  manière  du  pays  ,  à  laquelle 
»  je  me  conformais  au  plus  près  qu'il 
»  m'était  possible,  et  à  leurs  coutu- 
»  mes  et  laçons  de  faire,  afin  d'être 
»  raieiux  venu  parmi  eux.  Je  trad- 
»  quais  avec  les  navires  elranç;ers  , 
»  qui  ariivaicnt  là,  avec  lesquels  j'a- 
»  vais  même  pris  une  telle  habitude, 
w  qu'ds  se  couliaient  entièrement  à 
»  moi ,  me  laissant  giande  quantité' 
»  de  marchandises  de  toutes  lessor- 
»  tes,  pour  vendre  en  leur  absence, 
M  on  pour  garlcrjusqu'a  leur  retour, 
»  dont  ils  niedonuaicjit  une  certaine 
»  pirlie.  J'avais  qmnlilc  de  cocos  à 
»  moi ,  ([ui  est  là  une  espèce  de  ri- 
»  chesse,  queje  faisais  accoutrer  par 
»  des  ouvriers  ,  qui  sont  gens  (pii  se 
»  louent  pour  cet  elfet.  Bref,  il  ne  me 
»  man  juait  rien  que  l'exercice  de  la 
y>  religion  chrétienne,  dont  il  mefà- 
»  chaitft)rtd'ètre  prive, commraussi 
»  de  perdre  l'e'pèiMnce  de  jamais  re* 
»  venir  en  France.»  Depuis  cinq  ans, 
Pyrard  vivait  dansées  î!es,lorsi|'i'au 
mois  'le  février  1607  ,  elles  furent  at- 
taquées par  une  flotte  du  roi  de  Ben- 
gale, Le  roi  des  Maldives  s'enfuit  et 
fut  tué;  Pyrard  alla  trouver  lesétrau- 
gers  ,  les  priant  de  le  sauver.  On  le 
prit  pour  un  Portugais,  et  on  voulut 
bii  otcr  la  vie  ;  ou  le  mi?  tout  nu  , 
et  on  le  dépouilla  de  tout  ce  qu'il 


PYR  349 

araiî.  Cependant ,  lorsque  l'on  eut 
reconnu  qu'il  était  français  ,  on  le 
traita  plus  humainement ,  et  on  le 
conduisit  au  chef,  (pii  le  prit  sous 
sa  protection  avec  trois  de  ses  com- 
pagnons, lis  s'embarquètent  sur  la 
flotte,  qui  (it  voile  pour  le  Bengale. 
Au  bout  d'un  mois,  l'on  entra  dans 
le  port  de  Charlican.  Un  navire  de 
Caieciit  transporta  les  quatre  Fran- 
çais à  Montingtie,  port  voisin  de 
Cananor;  ils  gagnèrent  ensuite  Ca'e- 
cut.  Deux  Jésuites,  qui  jouissaient 
de  la  confiance  du  roi.  leur  conseil- 
lèrent d'aller  à  Cochin  :  c'était  au 
mois  de  février  i  ()o8.  Les  Portugais 
les  arrèlèrenten  route,  etlcseuvoyè- 
rent  garottés  à  Cochin  :  on  les  y  em- 
prisonna. Pyraid  ne  sortit  de  capti- 
vite  que  pour  être  traîné  malade  à 
l'hôpital  de  Goa.  Revenu  à  la  santé, 
il  servit  deux  ans  comme  soldat ,  et 
fut  employé  dans  plusieurs  expédi- 
tions qui  lui  donnèrent  la  facilité  de 
connaîtrcdiffcrcnîes  parties  desliidesj 
et  de  recucil'ir  des  lenseignernents 
sur  celles  qu'd  ne  vit  pas.  11  était  de  re- 
tour  depuis  six  mois,  lorsqu'il  fut  mis 
en  j)rison  avec  tous  les  étrangers  qui 
se  trouvaient  à  Goa.  Les  Jésuites 
vinrent  à  bout  de  les  délivrer.  Py- 
rard et  trois  Français  partirent  le 
3o  janvier  ifiio;  et  le  20  janvier 
iGi  I,  il  débarqua  aux  îles  de  Baïon- 
ne ,  dans  une  baie  de  la  côte  de  Gali- 
ce :  il  profila  du  voisinage  pour  ac- 
complir un  pèlerinage  à  Saint- Jac- 
ques de  Compostelle.  11  ne  mit  en- 
suite que  trente-six  heures  à  faire  la 
traversée  d'un  petit  port  de  Galice  à 
la  Rochelle;  et,  le  i(3  février,  il  re- 
viuL  à  Laval.  IL  alla  bientôt  à  Paris  ; 
et  le  récit  de  ses  aventures  lui  va- 
lut la  protection  de  personnages 
puissants.  Le  président  Jeannin 
lui  conseilla  de  publier  la  relation 
de  ses  voyages.  Elle  parut  sous  ce 


35o 


PYR 


titre  :  Discours  du  voja^e  des 
François  aux  Indes  Orientales  , 
ensemble  des  dii-ers  accidents  ,  ad- 
ventures  et  dangers  de  l'uutheur  en 
plusieurs  royaumes  des  Indes,  etc. 
Traité  et  Description  des  animaux, 
arhres  et  fruits  des  Indes  ,  etc.  Plus 
unhrief  adi-ertisiementet  iidi'ispi  ur 
ceux  qui  entreprennent  le  voyuf^e 
des  Indes,  Paris,  i()i  i  ,  iii-8".  Le 
Discours  esl  dc'die  à  la  rciiie-re'grn- 
te  ;  cl  les  Traite  cl  Descriplioa  des 
animaux  ,  etc.  ,  avec  l'advis,  au 
président  Jeaiinin.  Le  succès  de  ce 

Îelil  livre  (ixa  rutteiitiunsurPyrard. 
c'roiue  Bi^noti,  avocat-general  ,  le 
fit  venir  cliei  lui  ,  le  questionna  ,  et 
lira  ,  de  ses  réponses  ainsi  que  des 
eulrelieus  qu'il  eut  avec  lui  ,  des 
renstigueraeuls  hcaueoup  plus  am- 
ples que  ceux  qui  étaient  coulcuus 
daiLs  le  Discours.  Ces  matériaux,  soi- 
gneusemeul  trauscrits,  furent  con- 
lies  à  Berperoii ,  qui  les  mit  en  or- 
dre et  les  publia  sous  ce  litre  :  foja- 
ges  des  François  aux  Indes  Orien- 
tales ,  MaUlwes  ,  Moluques  ,  tt  au 
Brésil,  depuis  iGoi  jusipi'cn  i(ji  i, 
Paris ,  1 6 1 J ,  'i  vol.  in  8".  La  narra- 
tion est  beaucoup  plus  delaiilée  (|uc 
dans  le  premier  ouvrajie.  Quelque- 
fois les  circonstances  dillerenlunpeu 
entre  elles;  mais  le  luud  esl  le  même  : 
cette  e'iiition  est  enrichie  d'un  Vo- 
cabulaire de  U  langue  des  Maldives. 
LnGn  Pierre  Duval  Ht  imprimer  : 
Foj  âge  de  François  J'j  rard  ,  de 
Laval ,  contenant  sa  navigation 
aux  Indes  Orientales,  etc.,  divi- 
sé en  trois  parties ,  nouvelle  édition 
revue ,  corrigée  et  augmentée ,  etc. , 
Paris,  1679,  in-4*i.  Duval,  quoi 
qu'il  se  vaute  de  donner  une  édition 
du  Voyage  de  Pyrard  plus  correcte 
cl  plus  ample  que  les  précédentes, 
et  d'y  avoir  ajouté  quel<jucs  Discours 
fort  curieux  ,  a  été  assez  mal-adroit 


PYR 

pour  omettre  le  Vocabulaire  des  Mal- 
dives. 11  a  au  reste  dressé  une  carte 
ou  routier  de  ce  Voyage  ,  pour  l'or- 
nement du  livre.  On  ne  peut  que  par- 
tager son  ojnnion,  lorsqu'il  dit  que 
la  relation  de  Pyiiud  esl  une  des  plus 
exactes  et  des  plus  agréables  que  l'on 
puisse  lire.  Il  y  a ,  s'ccrie-l-il  ,  des 
aventures  si  extraordinaires  ,.  qu'el- 
les passeraient  pour  des  incidents  de 
roman,  si  l'on  n'était  pas  persuadé 
de  la  sincérité  de  l'auteur,  qui ,  n'é- 
tant pas  homme  savant ,  avait  eu 
la  précaution  de  prendre  les  avis 
des  plus  savants  hommes  de  son 
temps.  (Quiconque  a  lu  les  Voyages 
de  Pyrard  confirme  ce  jugement.  Il 
faut  (pi'il  ait  eu  une  mémoire  prodi- 
gieuse, pour  s'être  souvenu  de  tout 
ce  qui  lui  était  arrivé  durant  un  si 
grand  nombre  d'années,  et  dans  les 
divers  pavs  où  il  était  allé.  On  sup- 
pose dillicilement  qu'il  ail  tenu  un 
journal  ,  ou  (pi'il  ait  pu  le  conserver 
au  milieu  des  cvénemens  de  sa  vie 
agitée.  11  se  plaint  même  de  ce  que 
la  méfianct  des  Poitiigais  ne  lui  per- 
mit pas  de  s'instruire  de  beaucoup 
de  choses  qu'il  aurait  voulu  connaî- 
tre. Il  n'avait  p.is  fait  beaucoup  d'é- 
tudes ;  mais  son  bon  sens  ,  son  esprit 
observateur,  et  sa  sincérité,  l'ont  mis 
à  mêuie  de  donner  un  livre  exccllenl 
.sur  un  pays  peu  connu.  Des  voya- 
geurs anglais  ,  qu'un  malheureux 
hasard  avait  jetés,  de  même  que  lui, 
sur  les  Maldives  ,  ont ,  par  leur  ré- 
cil,  confirmé  son  témoijjnage.  On 
trouve  dts  extraits  de  la  relation  de 
Pyrard  dans  plusieurs  recueils  de 
Voyages  ,  écrits  en  fiançais  ou  dans 
les  langues  étrangères.  E — s. 

PYRAULT  ou  PYRAUX  (i) 
(  CLAUDt),  médecin, né, vers  1720, 

(  I  )  U  a  écrit  lui-iu>'ioe  miIi  nom  Ais  deux  iniiniJ;- 
rC9  ,  5»  tbi  K'9  ,  que  uoiu  av'ins  entre  Ii.i  iiiaiiiii ,  tuiit 
«iftucos  Pyraujc  ,  et  Ict  aulrea  actei  qu'iiu  a  vus  de 
lui ,  Pjrraiill. 


PYR 

à  Besançon  ,  après  avoir  achevé  ses 
études  avec  succès ,  prit  ses  degrés 
à  l'université  de  cette  ville ,  et  vint 
à  Paris  ,  où  il  se  lit  couiïaître  d'une 
manière  avantageuse.  De  retour  à 
Besançon,  il  épousa  la  nièce  de  Bal- 
lyet ,  evêque  et  consul  de  France  à 
Bagdad  (  F.  Ballyet);  et,  sur  la 
recommandation  de  ce  prélat ,  il  ob- 
tint un  emploi  dans  la  compagnie 
des  Indes.  Il  était  attache,  depuis 
huit  ans  ,  au  service  de  cette  compa- 
gnie ,  quand  il  fut  nomme',  en  i  -jCij  , 
son  agent  à  Bassorah.  Pyrault  tra- 
vailla sans  relâche  à  rétablir  nos  re- 
lations commerciales  avec  la  Perse; 
et  il  eut  le  bonheur  d'obtenir,  en 
1 769  ,  de  Kerim-Khan  ,  régent  du 
royaume,  le  renouvellement  des  pri- 
vilèges dont  avait  joui  le  comiKcrcc 
de  France ,  et  la  cession  de  l'île  de 
Karek ,  située  avantageusement  pour 
servir  d'entrepôt  à  nos  marchandi- 
ses: mais  la  négligence  du  ministère 
français  empêcha  l'exécution  du 
traité  ;  et  la  remise  de  Karek  ne  fut 
point  effectuée  (  F.  Mir-Maunna  , 
XXIK ,  I  4^  )•  Sans  cesse  occupé  des 
moyens  d'étendre  notre  commerce 
dans  les  Indes,  Pyrault  avait  établi, 
dans  Ie3  déserts, un  service  de  cour- 
riers ,  qui  ne  put  pas  se  soutenir 
long  temps  ,  malgré  son  utilité.  Il 
avait  recueilli  des  renseignements  im- 
portants sur  les  produits  des  pays 
qu'il  avait  visités^  et  sur  les  mœurs 
des  habitants  ;  et  il  se  dispos;iit  à 
faire  un  voyage  en  France  ,  pour 
rendre  compte  du  résultat  de  ses  tra- 
vaux au  gouvernement,  quand  il  fut 
emporté  par  la  peste  (2)  qui  causa 
de  si  grands  ravages  à  Bassorah  ,  et 
dont  sou  oncle  Ballyet  fut  aussi  vic- 
time ,  au  mois  d'avril  1773,  Tou- 


(ï)  Hest  asseï  remarcjuable qu'il  eiitclioisi  le  trai- 
tement de  la  Pesie  pour  le  sujet  de  la  thèse  iju'il 
arait  soutenue  ,en  174^  ,  pour  le  doctorat. 


PYR  35 t 

tes  ses  collections  et  manuscrits  fu- 
rent perdus.  On  a  de  Pyrault  :  Trai- 
té de  la  pharmacie  moderne,  Paris, 
i75i,in-ia.  Selon IM. Grappin  {His- 
toire abrégée  du  Comté  de  Bourgo- 
gne,p.  299) ,  il  est  encore  auteur  de 
quelques  Traductions  d'ouvrages  an- 
glais sur  la  médecine,  et  d'une  Lettre 
intitulée  ,  V^Jrt  de  faire  des  songes , 
etc.  Cette  lettre  est  peut-être  le  même 
ouvrage  que  VyJrt  de  se  rendre  heu- 
reux par  les  songes ,  etc. ,  Francfort, 
1746  ,  in-i2  ,  rare  ,  et  dont  l'auteur 
a  échappe  jusqu'ici  aux  recherches 
des  l)ibliogra plies.  W — s. 

PYRGOTÈLES,  graveur  en  pier- 
res fines,  vivait  sous  le  règne  d'A- 
lexandre ,  et  fut  un  des  plus  grands 
artistes  de  ce  siècle  fécond  en  mer- 
veilles. Il  paraît  que  la  gravure  en 
pierres  fines  fut  alors  portée  à  sa 
perfection  ,  comme  la  jieinture  et  la 
sculpture  ;  et  Pyrgolèles  partagea 
avec  Apelles  et  Lysippe  (  Foj^.  ces 
noms  )  l'honneur  de  pouvoir  retra- 
cer exclusivement  les  traits  du  con- 
quérant de  l'Asie.  Pline  le  cite  par- 
mi les  quatre  plus  habiles  gra- 
veurs qui  aient  existé.  Il  fut  toute- 
fois précédé  de  plus  d'un  siècle,  dans 
cet  art  difficile,  par  Théodore  de 
Saraos  ,  qui  grava  le  fameux  anneau 
de  Polycrate;  ensuite,  par  Mnésar- 
que,  père  de  Pythagore;  Heïus  ou 
Eios ,  dont  il  nous  est  parvenu  une 
Dia?ie  chasseresse;  Phrygillus  ,  qui 
a  gravé  V  Jmour  sortant  d'une  co- 
quille d' œuf  ;T\iaimyiu<,,ai\lcurô\m 
Sphinx  qui  se  gratte;  Admon,  dont 
on  a  un  Hercule  hweur;  Apolloni- 
des  ,  un  des  quatre  cités  par  Pline  : 
le  sculpteur  Polyclète  de  Sycioue  fut 
aussi  un  graveur  célèbre  ;  son  nom 
se  trouve  sur  un  Diomède  enlevant 
le  Palladium.  Pyrgotèles  les  eflaça 
tous;  mais  les  pierres  qui  portent 
son  nom  ,  et  qui  sont ,  une  Tête  d' A- 


35a  HTR 

lexandre ,  yxnt  \\c  Phncion,  et  un 
Hercule  assommant  /'//>  dre ,  sont 
coritcslces  ;  et  il  est  probable  qu'au- 
cun ouvraç^e  auti(|iic  ne  nous  révèle 
le  nient  d'un  aiti^teque  les  bisto- 
rien*  ouf  itumortalisé.  Ti  — s — E. 
FYUOM  DE  L.\  VARElNNE.  r. 

PlROI*. 

PVRRHON,  fut  l'un  des  philoso- 
phes (|ui  firent  école  riiez  les  Grecs: 
ne  a  K'is,  ville  ilu  Ptloponnèsc  ,  cpii 
avait  donne  son  nom  a  l'une  des  sec- 
tes fondées  par  les  <li-cip'es  de  So- 
cralc,  on  pîuiol  à  Elée  »mi  Velia  en 
Sici  e,  il  florissait  vers  l'an  330  av, 
J.-C.  Il  est  peiniis  de  présumer  que 
le>  lialiitons  de  l'ér.de  éléaliipje  ne 
lui  furent  paséhanj^ères;  du  miins  la 
direclion  qu'il  choisi»  «'frre  plus  d'un 
tra.t  d'analogie  avec  l'euM-i^tirment 
philosophique  du  maître  de  Hhcdon: 
même  eloigncmcnt  des  recherches 
spéculatives,  même  nveision    pour 
les  so[d/istes,  même  respect  pour  la 
vertu.  Mais  le  doute  ironique  de  So- 
crale  était  un  moyen  ;  le  doute  sé- 
rieux de  Pyrrhon  était  un  b'il.  Le 
sa"e  d'Aihénes  avait  commence  par 
être  un  scu'p'cur  Pyrihnn,  né  pau- 
vre, exerça  la  peinture  dans  sa  jeu- 
nesse. D'abord  discip'e  de  :'éco!e  de 
Mégare,  il  avait  appris  comment  on 
abuse  du  raisonnemenl,  lorsque  les  le- 
çons d'.Anaxarque  le  préparèrent  à 
l'élude  des  ouvrages  de  Démocrite. 
Pyrrhon    accompagna   son    maître 
dans  la  grande  e\[>édition  d'Alexan- 
dre en  Asie,  et  s'enlrtlint ,  dit  -  on  , 
avec  les  mages  de  la  Perse  et  les  gvm- 
nosophi>tcs  de  l'Inde.  Sa  sagesse  de- 
vint célèbre  d.ins  toute  la  Gière.  A- 
thènes  lui  donna  le  droit  de  cité  (  i  ;. 


(l^  B«tI»  oir  le  fait ,  i>  cause  an  mr.tir^a'un  »»»l- 
fae  'tt  cette  fweur.  Ce  icolil'  ejtle  meurtre  du  mi 
de  Tbrace.  B»j1e  prouve  In  »-bieii  que  Prirlion  ne 
fat  pas  le  meurtrier;  raai$  il  ue  pr**OTe  pai  quM 
»■»  p»«  rie  citfje»  d'Athio  «. 


pth 

Ses  concitoyens  relevèrent  aux  fonc- 
tions de  grand-prêtre,  et ,  par  estime 
pour  lui,  ^écoulèrent  utie  immuni- 
té d'impôts  à  tous  les  pliilosophes. 
Ces  témoignages,  et  celui  d'Epicure, 
philosophe  coMtempurain,  mais  a-l- 
veisaire  déclaié  de  sa  doctrine,  ré- 
futent haiiIeineiU  les  folies  que  (]uel- 
qiies  anciens  ont  prêtées  à  Psirlion. 
Il  minirut  ntui.igénaire  ;  et ,  dans  le 
cours  d'une  si  longue  vie,  on  cite  à 
peine  une  occasion  où  l'égalité  de  son 
caractère  ail   paru  se  démentir,   tl 
partageait  avec  >a  sœur  les  plus  pe- 
tits soins  du  ménage  ,  jusque-  là  qu'il 
portail  lui-mèmedes  pou'.etseldesco- 
cliciiis  au  marché.  On  raconte  (pTun 
jour  il  s'emporta  contre  elle;  et, 
comme  on  lui  rappelait  ses  maximes 
sur  l'indill 'relire  du  .sage  :  «  Pcn'^ez- 
»  vous,  répundil  il,  que  ma  pliilo- 
»  Sophie  soit  a|)plirable  à  une  fem- 
»  me?  I)  Pyrrhon  aimait  la  solitude. 
Sans  ainbiiiun,  comme  sans  orgueil, 
il  n'aspirait  pas  même  à  la  gloire. 
Quand  il  parlait,  il  ne  s'attachait 
point  à  captiver  ses  auditeurs;  et,  si 
quehpies-iins  l'abandonnaient,  il  con- 
tinuait ses  insiruclions,  comme  s'il 
ue  s'en  fûl  pas  aperçu.  «  Les  liora- 
»  mes,  disait  -  il,  ressemblent  aux 
»  feuilles,  qui  tournent  an  gré  des 
»  ven:s  ,  et  (pii  sèchent  bientôt  ;  leur 
»  estime  n'importe  pas  plus  que  leur 
»  mépris,  n  Son  imjiassibilité  au  mi- 
lieu (les  soiiflTrances  ,  lui  a  mérité  les 
éloges  d'Épiclètc  ,  si  connu  par  son 
mépris  pour  les  Pyrrhoniens.  II  sou- 
tenait un  jour  qu'il  ne  voyait  aucune 
dilTérence   entre   vivre  et   mourir  : 
Pourquoi  donc  ne  moure z-vous pas , 
demanda    un  de    ses  disriples?  — 
Parce  que  cela,  est  indijjérent ,  ré" 
pliqua  le  maître  sans  hésiter.  Ses  en- 
nemis conviennent  que,  dans  un  nau- 
frage ,  il  fut  le  seul  que  l'aspect  de  la 
mort  n'effraya  point.  Il  pria  les  au- 


PYR 

très ,  d'un  ion  calme,  de  regarder  un 
pourceau  qui  mangeait  près  d'eux  : 
r-j'dà ,  leur  dil-il ,  quelle  doit  être 
la  sécurité  du  sa^e.  Cette  comparai- 
son nous  donne  la  mesure  de  la  phi- 
losophie pyrrhonicnnc,  que  M.  De 
Gerando  a  si  bien  appelée  l'epicu- 
réisme  de  !a  raison.  Anacharsis,  au 
temps  des  sept  saj^cs,  Heraclite,  Xe- 
nophane  et  Zenon  ,  dans  la  preniicre 
c'cole  d'Éîcc,  De'mocrite  et  IMe'lro- 
dore,  dans  la  nouvelle  ,  Protagoras, 
et  surtout  Gorgiis,  parmi  les  sophis- 
tes, plus  rc'ceiuntent  enfin  les  dispu- 
tes de  l'école  de  Mc'gare  et  les  para- 
doxes des  Cyrenaïques,  avaient  scme' 
tous  les  germes  du  scepticisme  par- 
mi les  Grecs,  La  pocsi;.'  avait  recueilli 
leurs  maximes  j  et  leurs  disciples  in- 
voquaient, comme  des  autorites,  plu- 
sieurs vers  d'ïlomère,  d'Archiloque 
et  d'Euripide.  Tous  cependant,  en 
sapant,  à  beaucoup  d'égards ,  les  fon- 
dements de  toute  croyance,  avaient 
aflirme  (piclque  chose.  Pyrrlion  ré- 
duisit leurs  doutes  en  corps  de  doc- 
trine; et  (lu  scepticisme  indirect  des 
sophistes  (^ui  avaient  enseigne'  que 
tout  peut  se  soutenir,  il  tira  cette 
conséquence  rigoureuse,  que  rien  ne 
peut  se  démontrer.  Son  axiome 
fondamental  a  été  exprimé  en  latin 
par  un  seul  mot  :  ]\on  liquei  ^  que 
Bayle  traduit  par  ccrix-ci  :  Soit  plus 
amplement  informé.  En  efibt ,  Pyr- 
rlion ne  rejetait  point  la  vérité; 
il  déclarait  seidemeut  que  les  philo- 
sophes ne  l'avaient  pas  encore  trou- 
vée. Il  voulait  que  le  sage  suspendît 
son  assentiment,  sans  lui  détendie 
de  persévérer  dans  la  recherche  de 
cette  vérité,  qu^il  croyait  obscure. 
Il  admettait  comme  un  fait  notre 
confiance  involontaire  dans  les  im- 
pressions des  sens.  Il  reconnaissait  la 
nécessité  d'agir,  l'autorité  pratique 
du  sens  commun,  celle  des  lois  et 

XXXVI. 


PYR 


353 


des  usages  ,  celle  de  la  morale,  qu'il 
considérait  comme  écrite  au  fond  du 
cœur  de  l'homme,  et  comme  la  fin 
de  toutes  ses  actions.  On  a  surtout 
calomnie  cette  partie  de  sa  doctrine. 
Bayle  lui-même  a  répété ,  et  tous  les 
biographes  après  lui,  (jue  Pyrrhou 
regardait  les  jcgles  du  juste  et  de 
l'injuste  comme  une  convention  des 
hommes.  JMais  le  piiilosophe  grec 
était  trop  l'ennemi  des  sophistes 
pour  leur  emprunter  cette  absurde 
maxime;  et  Ciccron  l'absout  pleinc- 
raen  t  de  ce  reproche.  Py  rr  h  on  n'a  rien 
écrit;  mais  il  paraît  l  inventeur  des 
dix  Tropes  ou  Epoques  qui  portent 
son  nom,  et  qui  sont  comme  les  lieux- 
communs  du  scepticisme.  C'est  un 
résumé  de  raisonnements  contraires 
sur  Jios  moyens  de  connaître  et  sur  nos 
jugements  les  plus  habituels;  il  peut 
être  renfermé  tout  entier  dans  ce  priii- 
cipe:  Point  de  motif  de  croire  auquel 
on  ne  puisse  opposer  un  doute  d'un 
poids  égal  et  d'une  meure  force.  Ainsi 
Pyrrhon  n'affirme  rien,  ne  oétniit 
rien; et,  suivant  la  judicieuse  remar- 
que de  l'auteur  des  Systèmes  com~ 
parés  de  philoso>hie  ,  sa  doctrine  , 
au  milieu  du  vague  qu'elle  présente, 
se  rapproche  plus  de  l'idéalisme  que 
du  doute  absolu  d'Arcésilas,  fondé 
sur  l'iucompréhensibiiité  de  toutes 
choses.  On  est  surpris  de  l'étroite 
analogie  des  motifs  par  lesquels  le 
sceptique  s'élève  au  culte  de  la  Divi- 
nité, avec  le  fameux  raisonnement 
proposé  par  Kant,  qui  appuie  le  mê- 
me sentiment  sur  la  croyance  prati- 
tique,  comme  celle-ci  sur  la  nécessi- 
té d'agir.  La  plus  grande  contradic- 
tion du  pyrrhonisnie,  c'est  de  pré- 
senter le  doute  suspensif  comme  un 
état  fixe,  et  de  placer,  dans  celte  si- 
tuation inquiète  et  violente  ,  le  par- 
fait repos  de  l'intelligence  et  de  la 
volonté, que  les  sceptiques  appelaient 

23 


354 


PYR 


le  souverain  bien.  Tout  ce  qu'il  y  a 
ile  plus  iulimcen  nous  ,  proteste  con- 
tre cette  doctrine ,  «pii  tend  à  paraly- 
ser rintelligeucc  de  riiorume,  et  à 
matérialiser\a\ic,  enétei£;n.'inl  toute 
enerj;ic  dans  son  nme,  et  toute  sensi- 
bilité dans  son  cœur.  La  \  ie  de  Pyr- 
rhon  a  ctc  écrite  par  Sextus  Empi- 
ricus,  qui  nous  a  laisse'  l'Expose  le 
plus  complet  de  sa  philosopliie.  Elle 
se  trouve  aussi  dans  !»;  Recueil  de 
Diopiène  Laiirce  ,  qui  s'est  fait  l'ccho 
de  toutes  les  fables  répandues  sur  le 

fjcre  des  sccpliques.  Ce  biopraj»hc 
ui  assifjue  un  <;:aud  noinlire  de  dis- 
ciples ,  dont  le  seul  connu  est  Timnii 
de  Plilionte.  Leur  enseignement  fut 
individuel  et  i>oIe  ;  ils  ne  formèrent 
point  une  succession  liée  de  pliilo- 
sophes  ,  et  furent  rapiilement  cclwji- 
se's  parla  seconde  et  la  troisième  aca- 
démie, qui  s'emparèrent  de  presque 
toutes  leurs  opinions.        F — t  j. 

PYRRHUS,  roi  d'Épirc  ,  au  troi- 
sième siècle  avant  l'ère  vulgaire, 
descendait  de  Pyrrli  us,  (ils  d'A»  liille. 
Il  est  le  douzième  des  rois  Pyrrliides 
dans  les  listes  cliroDologiques  ;  mais 
il  s'en  faut  que  la  succession  de  ces 
princes  soit  aulhcnli.|iiement  établie. 
On  sait  au  moins  ([u'Alexandre,  frère 
d'Olvmpias,  et  oncle  d'Alexandre- 
Ic-Grand  ,  régna  sur  rÉ()iie  depuis 
l'an  342  avant  J.-C.  jusqu'en  3u8 , 
époque  où  il  fui  lu<^'  en  Italie  (  /''. 
Alexi>dre,  T'A  trEj)ire,  I,5o7  );et 
que  son  cousiii-gcrmain,  jEacidc  {f^. 
ce  nom  ,  I,  *2(ji  \  lui  succéda,  et  prit 
pour  épouse  Plitlii  1 ,  fille  duThessa- 
lien  IMcnon.  De  ce  mariage  naquit 
Pyrrhus  vers  l'an  3i5  :  comme  on 
supposait  que  Méuon  éîait  delà  race 
d'Hercule,  Pyrrhus  passait  pour  des- 
cendant d'Hercule  ,  par  sa  mère,  et 
d'Achille  par  son  père.  I,e  livre  De 
illu^tribus  viris  ,  alfrihiié  a  Aurelius 
Victor  ,  dit  précisément  tout  le  con- 


PYR 

traire  :  matenio  ç^encre  ah  Jchille  , 
pnterno  ah  Hercule  oriwtdus.  13ayle 
a  mal  lu  ce  texte  ,  et  l'a  cité  tel  qu'il 
devait  être  ,  et  non  tel  qu'il  est  dans 
les  éditions  correctes,  l.es  Romains 
avaient  fort  peu  éclairci  la  généalo- 
gie de  Pyiihus;  il  leur  suHlsait  de 
donner  deux  héros  pour  ancêtres  à 
nu  roi  qu'ils  avaient  vaincu.  1/liis- 
toire  de  Pyrrhus,  depuis  sa  naissance 
jusqu'à  l'ail  uBo ,  où  il  eutreen  guerre 
avec  les  Romains  ,  n'est  pas  sans 
dilTicultés;  les  auteurs  qui  la  racon- 
tent ,  ne  s'accordent  parfaitement  ni 
sur  les  dates  ,  ni  mime  sur  les  faits. 
Il  n'a  point  imméiliatcmcnt  succédé 
à  son  père  ^acide.  Ce  prince  périt 
vers  l'an  3  ri  ;  et  ce  fut  Alerte,  au- 
trement ajipelé  Néiqitolème  ,  (jui 
s'empara  du  trône  d'Epire.  Pyrrhus 
n'avait  alors  que  trois  ans  :  deux  sei- 
gneurs Épirotes  le  sauvèrent,  dit-on  , 
et  le  conduisirent  à  la  cour  de  sa 
tante  Réroa  ,  l'épouse  de  Cdaucias, 
roi  d'illyrie.  Selon  certains  récits, 
Pyrrhus  était  encore  au  berceau  ;  il 
s'en  dégagea  ,  et  se  traîna  sur  ses 
pieds  jusqu'aux  genoux  de  (îlaucias, 
(|ui  le  fit  élever  avec  ses  propres  en- 
fants ,  et  refusa  de  le  livrer  à  (las- 
sandre.  Quoi  qu'en  disent  Plutarque 
et  Justin  ,  il  paraît  que  le  roi  d'illy- 
rie ne  terita  point  de  placer  Pyrrhus 
sur  le  troue  de  l'Épire  :  cependant 
Bayle  et  Rollin  adoptent  la  tradition 
qui  le  fait  régner  des  l'âge  de  douze 
ans.  Pliitar(|ue  parle  de  la  majesté 
précoce  de  son  visage,  et  du  don  qu'il 
avait  de  guérir  des  maladies  de  la 
rate,  ceux  de  ses  sujets  qu'il  touchait 
après  le  sacrifice  d'un  coq  blanc;  le 
coq  lui  restait  pour  salaiie,  et  lui  en 
estait  le  présent  très-a^réablc.  Tout 
en  avouant  qu'il  n'était  pas  tiès-bien 
aflèrmi  en  Épiie  ,  on  suppose  qu'il 
fit  un  voyage  en  Illyrie,  pour  assister 
aux  noces  de  l'un  des  enfants  de  Glau- 


PYR 

cias  :  pendant  son  absence  ,  les  Mo- 
losses se  icvoltcrenl;  et  P3'iTliiis,ne 
pouvant  rentrer  dans  ses  états  ,  se 
retira  chez  son  bcau-frcre  Dc'mélrius 
Poiiorcetcs(  F.  ce  nom  ,Xl,  29-34  )• 
A  vrai  dire ,  l'histoire  de  Pyrrhus  ne 
commence  qu'à  la  bataille  d'Ipsus , 
en  3oi  :  âge  d'environ  quinze  ans  ,  il 
s'y  distingua  par  sa  bravoure.  De'me'- 
trius  n'en  fut  pas  moins  vaincu  ;  et 
Pyrrhus  consentit  à  se  reudre  comme 
otage  en  Lgypte ,  après  le  traite  con- 
clu entre  les  successeurs  d'Alexandre. 
Là  ,  ses  qualités  brillantes  (ixèrent 
l'attention  de  la  reine  Bérénice ,  fcm- 
îuc  de  Pioléraéc  :  il  obtint  d'elle  la 
maindela  princesse  Antigonc,  qu'elle 
avait  eue  d'un  premier  mariage;  et 
cette  alliance  le  mit  en  élat  de  reven- 
diquer ses  droits  sur  l'Épire.  En  effet, 
il  y  rentra  bientôt  avec  des  troupes 
et  de  l'argent ,  et  ne  s'y  rétablit  toute- 
fois qu'en  s'accoinmodant  avec  Al- 
cète  ou  Ncoptolème  :  ils  partagèrent 
entre  eux  le  pouvoir.  Comme  il  ar- 
rive en  pareil  cas,  Alcète  ne  tarda 
point  à  vouloir  régner  seul ,  et  tenta 
d'empoisonner  Pyrrhus,  qui  le  pré- 
vint ,  et  regorgea  au  milieu  d'un 
souper.  C'était  probablement  en  l'an- 
née 295  ,  que  Pyrrhus  se  mettait  ainsi 
en  pleine  possession  de  son  royaume. 
Les  quinze  années  suivantes  sont 
remplies  par  ses  démêlés  avec  son 
beau  -  frère  ,  et  par  ses  tentatives 
pour  s'emparer  de  la  Macédoine. 
Déraétrius  ayant  tué  Alexandre,  l'un 
des  fils  de  Cassander,  et  s'étant  fait 
nommer  roi  des  Macédoniens  ,  Pyr- 
rhus prit  les  armes  contre  lui ,  et 
devint  son  ennemi  le  plus  redoutable. 
En  291  ,  il  profita  d'une  maladie  de 
Démétrius  pour  envahir  la  Macé- 
doine entière.  Un  Traité  suspendit 
un  instant  leurs  querelles  ,  et  Dé- 
métrius remonta  sur  le  trône  :  mais 
Pyrrhus  avait  un  parti  chez  les  Ma- 


PYR 


355 


cédoniens;  et,  dès  l'an  290,  on  le 
voit  ligué  contre  leur  roi,  avec  les 
rois  de  Thracc ,  de  Syrie  et  d'Egypte, 
Lysimaque  ,  Séleucus  et  Plolémée. 
Démétrius ,  qui  craignait  de  se  me- 
surer avec  Lysimaque  ,  se  porta  d'a- 
bord à  la  rencontre  de  Pyrrhus,  qui 
s'était  rendu  maître  de  Bérée,  place 
importante.  Quand  les  deux  rivaux 
furent  en  présence  ,  \\  n'y  eut  pas  de 
bataille  :  les  Macédoniens  n'en  vou- 
lurent point  soutenir;  ils  abandon- 
nèrent Démétrius ,  et  Pyrrhus  fut 
proclamé  loi  de  Macédoine  :  il  le  fut 
pendant  sept  mois  ,  en  289  et  288. 
Pyrrhus  ,  dans  son  nouveau  royau- 
me ,  se  montrait  affable  et  clément  : 
déjeunes  officiers,  auxquels  il  re- 
prochait quelques  propos  légeis 
qu'ils  avaient  tenus  a  table  contre 
lui ,  osèrent  lui  répondre  :  «  Nous  en 
aurions  lùen  dit  davantage, si  le  vin 
ne  nous  eût  manqué  »  ;  il  ne  s'en  of- 
fensa point.  CependantLysimaque ar- 
riva, et  prétendit  qu'ayarit  contribué 
à  la  défaite  de  Démétrius,  il  avait  droit 
aune  part  de  ce  royaume  :  il  fallut  lui 
céder  des  provinces;  et  le  partage 
amena  ,  selon  l'usage ,  une  rupture 
entre  les  deux  alliés.  Les  Macédoniens 
que  Pyrrhus  fatiguait  d'expéditions 
militaires  ,  se  détachèrent  bientôt  de 
lui  :  Lysimaque  le  représentait  com- 
me un  étranger  auquel  il  était  hon- 
teux d'obéir  ;  et  l'aversion  publique 
se  manifesta  d'une  manière  si  ra ])ide 
et  si  menaçante ,  que  Pyrrhus  se  hâta 
de  retourner  en  Épire.  11  ne  s'y  tint 
pas  long-temps  paisible  :  «  estimant, 
»  dit  Plutarque ,  que  s'il  ne  faisoit  du 
»  mal  à  quelqu'un  ,  ou  que  quelqu'un 
»  ne  lui  en  feist,  il  ne  sçauroit  à  quoy 
»  passer  son  temps,  w  Voilà  donc 
l'unique  motif  pour  lequel  il  accepta , 
en  280  ,  la  proposition  que  lui  firent 
les  Tarenlins  de  commander  leur  ar- 
mée contre  la  république  romaine. 

23.. 


356 


PYR 


En  vnin  le  Thcssalion  Cineas  (Z^'.  ce 
nom,  VIII,  r>6G)  s'cirorça-t-il  de 
l'en  (létouriior  ,  dans  un  entretien 
ijuc  toat  le  momie  connaît  depuis 
qne  lîoileau  l'a  mis  en  vers  :  Pvrrlins 
envoya  Cineas  à  Tarente  avec  trois 
mille  hommes  d'infanterie  ,  et  s'em- 
barqua lui-même  pour  cette  ville ,  où 
il  conduisnit  \ïu^t  ele|>hanfs  ,  trois 
mille  cavaliers,  et  plus  de  vin;;t-trois 
mille  fantassins.  Une  tempête  submer- 
gea une  grande  pnrlie  de  ces  troupes: 
le  reste  siillit  au  roi  d'Epire,  d'abord 
pour  subjuguer  ses  nouveaux  allie's  , 
les  Tarcntius  ;  puis  pour  marclier 
contre  le  consul  Livinns  qui,  à  l.i  tête 
d'une  arinc'c  considérable,  s'avan- 
çait dans  la  I.iicaiiie.  Avant  d'atta- 
quer les  Romains  .  Pyrrhus  s'offrit  à 
enxpourarbitredeltursddmêlesavcc 
les  Grecs  établis  dans  l'Italie  me'ri- 
dionale.  Rome  lui  répondit  "  qu'elle 
»  ne  le  vonlait  point  pojir  arbitre  , 
»  et  qu'elle  ne  le  craignait  pas  pour 
»  ennemi.  »  Alors  il  conduisit  ses 
troupes  près  de  la  ville  d'FIéraclée  ; 
il  attendait  là  lesTir/'iftins  ,  avant 
de  livrer  l>ataille  :  l'ordre  et  la  disci- 
plinc  qui  régnaient  dans  le  cauip  ro- 
main, lui  avaient  conseillé  ce  délai  ; 
mais  ses  ennemis,  plus  pressés  que 
lui  ,  passèrent  la  rivière  de  Siris  ou 
Semno  ,  et  le  forcèrent  d'en  venir 
aux  maiiis.  Ils  obtenaient  déjà  un 
avantage  qu'ils  auraient  conserve',  si 
l'odeur  des  éléphants  n'eût  efTirou- 
che'  lenrs  chevaux.  Profitant  de  cette 
circonstance  ,  Pyrrhus  mit  en  dérou- 
te leur  caviletie ,  et  bientôt  tonte 
leur  armée.  Il  avait ,  en  cette  jour- 
née ,  couru  de  grands  périls  ,  et  per- 
du beaucoup  de  monde  ;  mais  aussi 
Laîvinus  laissa  quinze  mille  guerriers 
sur  le  champ  de  bataille.  M  dgre  cet- 
te défaite,  on  maintint  à  la  lêic  des 
légions  ,  le  consul  qui  venait  de  l'es- 
suyer; et  on  le  chargea  de  repousser 


PYR 

lesr  Kpirotcs,  q»n  usaient  deleur  victoi- 
rcen  ravageant  la  campagnedeRorac: 
ils  n'étaient  plus  qu'à  douze  ou  quin- 
ze lieues  de  cette  ville.  Un  ambassa- 
deur de  Pyrrhus  vint  ollVir  la  paix 
au  sénat;  c'était  Cineas ,  disciple  de 
Démosthènes  :  on  i'écoutait,  et  ses 
propovilions  serid)laient  assez  bien 
accueillies,  lorsque  le  vieux  Appius 
Claudius  ,  celui  ([u'on  surnommait 
CiPciis  ou  l'Aveugle  (  for.  Appius 
II  ,  3.30,  337  ),  dicta  une  réponse 
conforme  à  l'orgueilleuse  polili(|uc 
des  Romains  :  «  Pyri  bus  .  s'il  voidait 
M  traiter,  devait  commencer  par  sor- 
»  tir  de  l'Italie  ,  et  n'envoyer  que 
»  d'E[)ire  les  députés  chargés  de  de- 
»  mander  la  paix.  »  INo'annioins  le 
sénat  jugea  convenable  de  négocier 
la  rentrée  des  priscmniers  :  ce  fut 
l'objet  d'une  mission  confiée  à  Caius 
Fàbrieius  (  r.  ce  nom  ,  ^IV,  /\\  ), 
pauvre  et  grand  citoyen,  que  Pyrihus 
ne  parvint  ni  à  séduire,  en  lui  of- 
frant des  trésors ,  ni  à  effrayer  par 
l'apparition  sidiited'un  éléphant.  Ce 
désintéressement  et  celte  fermeté 
lui  valurent  l'estime  de  Pyrrhus  ,  à 
la'|uelle  il  acrpiit  bientôt  d'autres 
droits.  l'',lu  consul,  en  9.7H  ,  il  reçut 
une  lettre  du  méderiu  du  roi  d'Epi- 
re,qui  oO'rait  d'emjioisoimer  ce  prin- 
ce. Fabiiciusla  fit  passer  à  Pyrihus, 
en  je  plaignant  de  choisir  aussi  mal 
ses  amis  que  ses  ennemis.  Touche 
de  cette  générosité,  Pyrrhus  renvoya 
tous  les  prisonniers  romains  sans 
rançon  ;  et  le  consul ,  pour  n'être 
pas  en  reste  avec  un  Epirote,  se 
pressa  de  lui  rendre  iin  égal  nombre 
de  Sarunites  et  de  Tarcntius  :  après 
quoi  il  lui  livra  bataille,  non  loin 
d'Asculum  ou  Ascoli.  Le  courage 
également  opiniâtre  de  l'une  et  de 
l'autre  armée,  prolongea  l'action 
durant  deux  jours;  et  la  victoire 
semblait  incertaine,  lorsque,  cette 


PYR 

fois  encore  ,  les  éléphants  de  Pyr- 
rhus  la   décidèrent   en   sa   faveur. 
Les  Romains   perdirent   six    mille 
hommes;  les  Ej>irotcs,  trois   mille 
cinq  cents,  selon  Hiéronyrac  de  Car- 
die,  cité  par  Plutarque.  Denys  d'Ha- 
licarnasse,  que  cite  aussi  le  même 
biographe  ,   dit  qu'il   périt    quinze 
mille    guerriers    dans    les   champs 
d'Asculum  ,  et  que  les  deux  armées 
se  retirèrent  avec  une  perte  égale. 
Ce  dernier  récit  semble  confirmé  par 
la   réponse  que  fit  Pyrrhus  à  ceux 
qui  le  complimentaient  sur  sa  vic- 
toire :  «  Si  nous  en  remportons  en- 
»  core  une  pareille ,  disait-il ,  c'en  est 
))  fait  de  nous.  »  Déjà  il  avait  perdu 
la  plus  grande  partie  de  ses  propres 
troupes;  et  le  zèle  de  ses  alliés  se  re- 
froidissait de  jour  en  jour.  Survin- 
rent des  ambassadeurs  Siciliens,  qui 
l'invitaient  à  venir  défendre  leur  île 
■contre  les  attaques  des  Carthaginois  : 
il  saisit  avec  empressement  cette  oc- 
casion de  quitter  l'Italie  ,  et  d'aller 
chercher  d'autres  ennemis  quq  les 
Romains.  En  laissant  à  ïafcnte  une 
garnison  considéra])le,  il  descendit 
en  Sicile  avec  trente-deux  mille  cinq 
cents  hommes.  A  la  tète  de  cette  ar- 
mée, et  secondé  par  les  Siciliens,  il 
eut  bientôt  chassé  les  Carthaginois 
de  toutes  les  places  qu'ils  occupaient. 
Une  si  rapide  conquête  lui  inspira 
l'espoir  de  soumettre  la  Libye  ;  et , 
comme  il  avait  besoin  de  matelots 
pour  passer  dans  cette  contrée,  il 
voulut  en  recruter  chez  les  Siciliens  : 
ces  enrôlements  forcés  indisposèrent 
les  esprits;  et  des   poursuites  qu'il 
eut  la  maladresse  de  diriger  contre 
deux  des  principaux  capitaines  de 
Syracuse ,   portèrent  le  méconten- 
tement à  son  comble ,  si  bien  que 
la    Sicile  ,  qui    avait   appelé   Pyr- 
rhus contre  les  Carthaginois  et  les 
Mamertins,  résolut  de  solliciter  leur 


PYR  357 

alliance  contre  lui-même.  Pour  cou- 
vrir sa  fuite  d'un  prétexte  honiiêfe  , 
il  publia  que  les  ïarentins  et  les 
Samnites,  ses  alliés,  redemandaient 
son  appui.  A  peine  s'était-il  embar- 
qué, que  les  Carthaginois  attaquè- 
rent sa  flotte  à  l'entrée  du  port  de 
IMcssine,  où  ils  l'altendaient,  et  lui 
prirent  plusieurs  vaisseaux  :  de  leur 
côté ,   les   Maraertins    descendirent 
avant  lui  sur  la  côte  d'Italie,  le  sur- 
prirent dans  les  montagnes  ,  et  tuè- 
rent un  assez  grand  nombre  de  ses 
soldats.  11  reçut  un  coup  d'épée  sur 
Iatêle;etàrinstantmême,rundeces 
Mamertins ,  honunt  de  haute  taille , 
et  tout  armé  à  blanc,  osa  le  défier 
en  combat  singulier,  s'il  était  encore 
vivant  :  Pyrrhus  ,  quoique  blessé , 
pourfendit  le  téméraire  ,   de  sorte 
qu'en   un  moment  les  parties   du 
corps  divisé  en  deux  ,   tombèrent 
l'une  de  cà,  l'autre  de  là,  dit  Plu- 
tarque ;  véritable  exploit  de  paladin  , 
selon  la  remarque  de  Bayle,.etqui 
pourtant  déconcerta  les  ennemis  ,  à 
ce  qu'où  assure.  Pyrrhus  gagna  Ta- 
j  ente  avec  vingt  mille  hommes  d'in- 
fanterie et  trois  mille  de  cavalerie. 
Des  guerriers  ïarentins  se  joignirent 
à  cette  armée  ,  qui  aussitôt  marcha 
contre  Rome  :  mais  cette  fois ,  les  élé- 
phants ne  déroutèrent  plus  les  Ro- 
mains; et  le  roi  grec  se  retira  battu  jjar 
le  consul  IManiusCuriusDeutatus(^, 
ce  nom ,  X,  3^ 3  ) ,  soii6  les  murs  de 
Bénevent.  Celte  bataille,  la  dernière 
que  Pyrrhus  ait  livrée  en  Italie,  est 
de  l'an  '274,  ainsi  que  son  retour  en 
Epire.  Il  ne  ramenait  dans  ce  royau- 
me que  huit  mille  fantassins  et  cinq 
cents  cavaliers.  Ennius  rapporte  un 
oracle  amphibologique  qui  avait  an- 
noncé le  résultat  de  cette  expédition  : 
u4io  te,  jEacida,  Romanos  vincere 
posse;  mais  Cicérou  observe  qu'en  ce 
temps  les  oracles  ne  parlaient  plus 


358 


PYR 


en  vers  ,  et  qu'à  aucune  époque  ,  ils 
n'avaient  répondu  en  vers  latins.  Le 
fils  d'.Eacide  n'avait  ni  vaincu  les 
Ivoraains ,  ni  conquis  le  inonde;  et 
néanmoins  il  pouvait  encore  se  re- 
poser et  faire  bonne  chère,  ainsi 
que  Cineas  le  lui  avait  si  sagement 
conseille  avant  le  premier  de'j'art 
pour  Tarentc  :  mais  il  fallait  à  Pyr- 
rhus da  mouvement,  et  non  du  re- 
pos ;  il  lui  fallait  de  l'argent  pour 
payer  et  entretenir  ses  troiqies  :  il  at- 
taqua donc  Antigonus,  qui  régnait 
alors  sur  la  Macédoine,  et  cette  en- 
treprise fut  aussi  heureuse  qu'elle 
était  injuste.  Déjà  presque  tout  ce 
royaume  s'était  soumisau  roi  d'Épire, 
quand  le  roi  de  Sparte,  Cle'onvme, 
chasse  par  les  Lacedcmonicns  ,  vint 
l'inviter  à  s'armer  pour  !c  relablir 
sur  le  trône.  C'etait-la  un  de  ces  pro- 
jets aventureux  que  Pyrrhus  ne  savait 
pas  repousser.  Aussitôt  il  marche 
contre  les  Spartiates  ,  campe  sous 
leurs-nuirs,  tente  plusieurs  assauts; 
et,  fatigue  d'un  sicge  inutile,  il  part, 
non  moins  soudainement ,  pour  Ar- 
gos,  cile  alors  divisée  entre  les  fac- 
tions d'.Aristeas  et  d'Aristippc.Les  J, a- 
ccdcmoniens  l'attaquèrent  |^usieurs 
fois  dans  sa  retraite  ,  et  tuèrent  son 
fds  Ptolcmée  :  il  le  vengea  par  un 
Carnage  horrible.  Lui  -  même  tou- 
ciiaii  au  terme  de  sa  carrière,  et  di- 
vers présages  l'en  avertissaient,  sui- 
vant l'usage  du  temps.  Par  exemple, 
un  jour  qu'il  venait  de  sacrifier  des 
bœufs  ,  on  vit  les  langues  de  ces  aui- 
mauxsorlir  de  leurs  tê:es coupées,  et 
lécher  leur  propre  sang.  Piularquc 
rapporte  bien  d'autres  prodiges,  qui, 
selon  lui ,  aimonç.icnt  c'airement  la 
mort  (le  Pyri  hus.  L'intrépide  monar- 
que n'en  persista  pas  moins  dans  le 
projet  de  soumettre  Argos.  11  entra 
dans  cette  ville  avec  deux  mille  des 
Gaulois  qu'il  avait  à  sa  solde.  On  se 


PYR 

battit  de  nuit  dans  les  rues;  et  plus 
l'action  se  prolongeait ,  moins  il  res- 
tait aux  Épirotes  et  aux  Gaulois 
de  moyens  de  soutenir  et  de  concer- 
ter leurs  mouvements.  Pyrrhus  com- 
prit que  le  péril  était  extrême:  il  ne 
commandait  plus  ;  on  n'entendait 
plus  ses  ordres.  Renonçant  donc  à  la 
fonction  de  général,  il  voulut  com- 
battre en  soldat;  et,  déposant  sa 
couronne  entre  lis  mains  de  l'un  de 
ses  ofllciers,  il  s'engagea  dans  la  mê- 
lée. Il  allait  frapper  un  Argien  (jiii 
venait  de  le  blesser  :  tout  à-coup  une 
tuile  jetée  du  toit  d'une  maison  ,  le 
renverse  et  retend  parterre.  La  fem- 
me qui  l'avait  lancée,  était  la  mère  de 
l'Argien  que  le  glaive  de  Pyiihiis  me- 
naçait. Les  Argiens  ont  débité  que 
c'était  la  déesse  Cércs ,  déguisée  sous 
l'image  de  celte  femme.  Le  prince 
commençait  à  reprendre  ses  sens  : 
des  ennemis  le  reconnurenf ,  et  lui 
tranchèrent  la  tète.  Aleyonéus  la 
porta  à  son  père  Antigonus,  qui  ac- 
ciioillit  mal  ce  présent.  Par  ordre 
d' Antigonus,  on  brûla  et  l'on  inhu- 
ma honorablement  les  restes  du  roi 
d'Epire,  l'an  272  avant  J.-C.  Apiès 
Alexandre,  que  l'immensilé  de  ses 
ravages  cicvc  au-dessus  des  autres 
conquérants  antérieurs  à  l'ère  vul- 
gaire ,  Pyrrhus  était ,  aux  yeux  des 
anciens,  le  plus  célèbre  dans  l'âge 
qu'ils  appelaient  historique.  Nul  n'a 
paru  plus  persuadé  que  à'ii  qu'il  fal- 
lait attaquer,  usurper, détruire,  pour 
régner  avec  gloire.  Ses  principes  , 
comme  ses  goûts,  le  retenaient  dans 
de  perpétuels  brigan'laçeç.  Ses  pa- 
reils,  et  plusieurs  guerriers  mêmes 
qui  ont  combattu  pour  leur  patrie, 
l'ont  déclaré  le  plus  grand  des  capitai- 
nes. C'était  l'avis  d'Annibal ,  qui  l'a 
pourtant  surpassé;  c'élait  celui  des 
généraux  romains,  qui  ont  clé  dignes 
de  le  vaincre.  Cicéron ,  dans  ses  Let- 


r. 


PYR 

très ,  parle  avec  éloge  des  livres 
que  le  roi  d'Épire  avait  composés 
6ur  l'art  de  la  guerre;  et,  ce  qui 
est  plu^  étrange,  dans  le  Traité  De 
amicilid  ,  il  loue  sa  probité.  On 
eut  bien  croire  que  son  courage  éga- 
ait  son  habileté  militaire  ;  qu'il  en- 
seignait à  braver  les  plus  grands  pé- 
rils, en  les  affrontant  le  premier. 
Mais  ,  ardent  à  concevoir  de  vastes 
desseins,  il  ne  savait  pas  les  accom- 
plir avec  cette  persévérance  opiniâ- 
tre qui  peut  seule  enchaîner  la  for- 
tune. Il  n'achevait  aucune  entrepri- 
se. On  l'a  vu  passer  si  rapidement 
de  ïarente  en  Sicile,  de  Syracuse  en 
Afrique  ,  d'Afrique  en  Italie ,  que  ses 
succès,  toujours  iu)parfaits,  épui- 
saient ses  moyens  ,  et  le  l.ussaient 
presque  sans  ressource ,  dès  qu'il 
éprouvait  des  revers.  Il  eut  trois  fem- 
mes :  Antigone,  mère  de  Plolémée  ; 
Lauassa,  mère  d'Alexandrej  Bircen- 
ne,  mère  d'Hellenus.  D'autres  disent 
qu'après  la  mort  d'Anligone,  il  épou- 
sa la  fille  d'Autoléon ,  roi  des  Péo- 
niens;  puis  l'IUyrieime  Bircenna;  et, 
en  quatrièmes  noces,  Lanassa,  fille 
du  Syracusain  Agalhocle  :  c'est  beau- 
coup d'épouses  pour  un  prince  qui 
meurt  à  l'âge  de  quarante-trois  ans. 
Il  menait  ses  fils  à  la  guerre ,  et  di- 
sait qu'il  voulait  laisser  l'empire  à 
celui  des  trois  qui  aurait  l'épéela  plus 
tranchante.  Son  Histoire  avait  été 
écrite  par  Hiéronyme  de  Cardie  (  r. 
jEROMi:,XXI,  545  );etce  livre, quoi- 
que partial,  esta  regretter,  parce  que 
l'auteur  avait  été  attaché  à  Pyrrhus, 
et  l'avait  suivi  dans  la  plupart  de  ses 
campagnes  (  Foy. ,  sur  ce  sujet ,  un 
Mémoire  de  Sevin  ,  tome  xiu  du 
Recueil  de  l'acad.  des  inscriptions 
et  belles-lettres}.  Hiéronyme  est,  com- 
me on  l'a  vu,  cité  dans  la  Vie  de  Pyr- 
rhus par  Plutarque ,  vie  très-détaillée, 
et  où  sont  rassemblées  presque  toutes 


PYT 


359 


les  traditions  relatives  à  ce  personna- 
ge, vraies  oufabuleuses.il  la  faut  rap- 
procher des  récits  de  Polybe  (  l.  i  , 
II,  m),  de  Diodore  de  Sicile  (  liv. 
xxii),  deTite-Live(l.  xxii  et  xxix) 
et  de  Justin  (l.  16,  17  ,  18,  23,  24, 
et  u5).  On  peut  aussi  consulter  avec 
fruit  l'article  du  Dictionnaire  de  Bay- 
le,  et  plusieurs  morceaux  de  l'Histoi- 
re ancienne  de  RoUin  (t.  vu,  in- 12). 
J.-B.  Jourdau  a  composé  une  His- 
toire de  Pyrrhus,  roi  d^Epire,  Ams- 
terd.,  1749)  2  vol.  in- 12,  —  Alexan- 
dre ,  fils  de  Pyrrhus ,  qui  occupa  le 
trône  de  Macédoine ,  depuis  l'an  272 
jusqu'en '242,  eut  pour  successeur  son 
fils  Ptolémée ,  père  d'un  dernier  Pvr- 
Euus. Celui- ci, dans  sa  minorité,  per- 
dit une  partie  de  l'Acarnanie,  que  les 
Étoliens  lui  enlevèrent.  Sa  mère  0- 
lympias  fit  empoisonner  une  Leuca- 
dienne  nommée  Tigris  ,  que  ce  jeune 
prince  aimait.  Les  règnes  de  Ptolé- 
mée et  de  Pyrrhus  ,  son  fils,  ont  été 
fort  courts;  et  la  famille  des  Pyrrhi- 
des  s'est  éteinte,  avant  l'année  200  , 
dans  la  personne  de  la  princesse  Déi- 
damie  ou  Laodamie ,  sœur  de  ce  der- 
nier Pyrrhus.  D — n — u. 
PYRRHUS  LIGOKIUS.   r.  Li- 

GORTO. 

PYTHAGORE,  chef  et  fondateur 
de  l'école  philosophique  qu'on  dé- 
signe sous  le  nom  d'Ecole  d'Italie, 
semble  presque  appartenir  aux  temps 
fabuleux  ,  si  l'on  considère  l'incerli- 
tude  des  documents  historiques  que 
l'antiquité  nous  a  transmis  à  son  su- 
jet,  et  les  récits  merveilleux  qu'on 
s'est  plu  à  accumuler  sur  toutes  les 
circonstances  de  sa  vie.  C'est  que 
d'une  part,  quel  que  fût  le  vif  intérêt 
(pie  dut  inspirer  aux  philosophes  de 
la  Grèce  la  carrièie  de  ce  génie  ex- 
traordinaire ,  ceux  de  ses  biographes 
qui  nous  sont  connus  ,  n'ont  vécu 
qu^à  une  époque  fort  éloigucc  de  celle 


36o  l^YT 

qu'il  avait  illustrée  ;  c'est  que ,  d'un 
autre  côte ,    la  plupart  de  ces  bio- 
graphes appartenaient  à  l'ecoic  nou- 
velle, qui  avait  dcl^gurc  le  Pvthago- 
rcisme  primitif,  eu  le  confondant 
avec  les  autres   doctrines  j^recques 
et  avec  les  traditions  orientales  ,  ^t 
qui,  livrée  aux  speVulations  njvsti- 
qiies  ,   cliercliait  ;i  les  entourer  i]c-. 
prcit  iges  de  tout  {;t  lire  que  peut  ad  met- 
tre et  accréditer  une  i  machination  exal- 
tée. Nous  ne  possédons  ni  sa  vie  écri- 
te par  la  pytliagoiiricnne  Theano, 
ni  celles  qui  av.iient  eu  pour  auteurs 
Aristoxène,  llcriaippe,  Lycon  ,  Mo- 
dérât de  Gades,  etc.  Diogènc  Laërce, 
le  piemier  de  ses  historiens  qui  nous 
soit  j>arvonu  ,  est  un  giiiJe  peu  sûr  : 
Porj)hyrect  lambli:]ue,  qui  ont  traite 
avecetenduela  vio  de  ce  philosophe, 
auquel  ils  voulaient  rapporter  l'ori- 
gine de  leur  secte  ,  l'ont  peint   tel 
qu'il  convenait  à  cette  secte  de  le  re- 
présenter.   L'e'poque  même   de   .sa 
uajssance  a  été  long-temps  contro- 
versée.  LIovd  l'assignait  à  la  troi- 
sième année  (!e  la  \i.viii''.  olvmpiadc 
(  f-85  avjiit  J.-r.  );  Dodwcll  à  la  4^ 
année  de  la  m'".  (  5t>b  ),  ou  à  la  i  '^'=. 
année  de  la  lui*".  (  Sti-j  )  ;  cnlin  ,  les 
savantes  Dissertations   de   I.anauzc 
et  de  l'rcret  (  Mémoires  de  l'iicadé- 
mie  des   inscriptions,   tomes    xiii 
et  XIV  ) ,  l'ont  placée  entre  la  \t,i\«. 
et  la   L*".  olym;iiade«  (  vers  58o  ), 
sans  en  déterminer  rannéc  précise. 
hfs  témoign.igcs  de  l'antiquité  diflr- 
rcnt  également    sur  h  lieu  qui   lui 
donna  le  jour;  mais  le  plus  j^ijnd 
«ombre  s'arcorde  à  lui  donner  pour 
patrie  l'îie  de  Samos  ;  et  cette  opi- 
nion   a     prévalu,    L'ile   de    Samus 
jouissait  alors  d'mi  graod  degré  de 
prospérité  sous  l'autorilé  de  Poly- 
crate  :  elle  étendait  au  loin  ses  rel.i- 
tions  commerciales;  l'industrie  et  les 
beaux  arts  florisi  aient  dans  son  sein. 


•PYT 

Mnesarquc,  père  dcPythagorc ,  livre 
lui-même  au  négoce,  associa  de  bonne 
heure  son  (ils  à  ses  voyages,  et  lui  pro- 
cura tous  les  avantages  d'u;ie  éduca- 
tion distinguée.  Le  jeune  Pyth.igorc 
recueillit  les  leçons  de  Phérécyde  ; 
et  l'on  présume  qu'il  put  être  ad- 
mis aussi  à  l'école  de  Thaïes  et  d'A- 
na\imandre.  Doue  de  tous  les  dons 
extérieurs  ,  d'une  éloquence  natu- 
relle ,  et  surtout  d'une  passion  ar- 
dente pour  la  vérité ,  d'un  enthou- 
.si  isnie  profond  pour  la  vertu  ,  il  en- 
lre|)iit ,  suivant  l'usage  C(«niinun  aux 

f)hilosophes  de  ce  temps  ,  de  visiter 
es  contrées  que   la  lenoraraéc  si- 
gutldit   comme    jouissant    au    plus 
haut  degré  des  bienfaits  de  la  civili- 
sation ,   et  du  trésor  des  connais- 
sances ,  alin  d'y  observer  les  mœurs  , 
les   institutions  ,   a(in    de  s'instruire 
dans  les   communications  avec    les 
hommes   les   j)Ins   éclairés  ,   et   de 
pénétrer  ,  s'il  était  possible  ,  dans  la 
science  des  traditions  antiques.  11  ha- 
bita lorig-teuipsl'lvgypte,  parcourut 
la  Phénieie,  l'Asie-Mineure,  visita 
les  temples  les  plus  célèbres  de  la 
Grèce,  fut  initié  dans  les  mystères 
de  Hacchus  et  (i'Or[diée.  I.imbliqueet 
le  plus   grand  nondjre  des  auteurs 
ont  voulu  le  conduire  jusque  dans 
la  Perse,  dans  l'Inde;  d'autres  ont 
voulu  le  mettre  en  lapport  avec  les 
Ilcbreux,  et  même  avec  les  Druides 
des   Gaules.    De  ces  suppositions , 
dont  le  motif  et  l'origine  sont  mani- 
festes ,  et  qui  sccontrcilisent  entre 
ellts  ,  la    dernière    est    inadmissi- 
ble; les  autres  ne  se  présentent  (pie 
comme  des  conjectures  plus  ou  moins 
hasardées.  Il  dut ,  sans  cloute,  dans 
le  cours  de  ses  longs  pèlerinages  , 
étendre  Iccercle.descsconnaissanccs, 
cl  s'exercer  surtout  à  d'utiles  com- 
paraisons :   mais   il  est    permis  de 
douter  qu'il  eût  autant  d'obligations 


PYT 

qu'on  l'a  dit ,  aux  Clialdccns ,  pour 
SCS  notions  en  astronomie,  aux  Phé- 
niciens pour  l'étude  de  Ja  géométrie, 
aux  prêtres  ét;ypticiis  pour  l'art  mé- 
dical, et  les  diverses  comiaissances 
qu'il  réussit  à  acquérir  :  car  il  fit  lui- 
même  des  découvertes  importautes 
dans  les  sciences  malliémaliqucs  (  i). 
Il  leur  donna  une  forme  méthodique, 
dont  il  ne  paraît  pas  qu'elles  fussent 
encore  en  possession  chez  ces  dilTé- 
rents  peuples:  on saitd';iillcurs  avec 
quellejalousielcs  prêtres  égyptiens  se 
défendaient  de  toute  cou;municalion 
indiscrète,  surtout  avec  les  étiangers. 
Revenu  dans  sa  patrie,  Py  ihagore  en- 
seigna d'abord  la  géométrie  cl  l'arith- 
métique à  Samos  :  Poi-j)hyre  et  lam- 
bliquele  transportent  successivement 
dans  la  plupart  des  îles  de  la  Grèce, 
pour  y  propager  ,  avec  ces  sciences, 
la  doctrine  mystérieuse  et  sacrée 
dont  ils  se  plaisent  à  le  représenter 
comme  l'apolre  ;  il  est  certain  ,  du 
moins,  qu'il  abandonna  dcHnitive- 
raent  le  séjour  de  Samos  ,  et  qu'il 
passa  dans  la  Grande- Grèce ,  où 
s'ouvrit  pour  lui  un  brillant  et  nou- 
veau théâtre.  Il  entreprit  d'y  faire 
fructifier  les  résultats  de  ses  médila- 
tions  et  de  son  expérience  ,  pour 
l'instruction  et  pour  l'amélioration 
des  hommes  ,  deux  buts  qui  se  con- 
fondaici'.t  à  ses  yeux  ,  et  dont  l'heu- 
reuse alliance,  dans  la  carrière  qu'il 
se  proposa  de  remplir,  est  son  plus 

(i)  Dio^èue  Lacrce  lui  altiihue  la  fameuse  de- 
monstiatiun  du  carré  de  ILypotLcnuse  ,qui  est  d'un 
si  grand  usage  dans  la  gcomctrie.  Pj  thagore  pa^se 
aussi  pour  aToir  dtlerminc  les  rappuris  luatlipinati- 
ques  des  intervalles  musicaux.  Voici  cumulent  Nico- 
iua(jue  (  /sa»oi,'e  aritliuiel.  )  rajipurte  qu'il  fut  con- 
duit à  ceUe  idre.  En  passant  divaut  uu  altlicr  de 
forgerons,  il  avait  entendu  que  les  sous  des  marteaux 
formaient  la  quarte  ,  la  quinte  et  l'octave  ;  et  il  re- 
connut que  les  ^joids  de  ces  marteaux  tlaiei'it  dans 
les  rapports  de  3/4  i  d"  V^  *t  "^  ';'••  'J'cst  cette 
détermination  calculée  de  i'Larmonie  des  sons,  qui 
distinguait  l'école  musicale  de  Pytlj3;;ore  ,  de  celle 
d'Aristoxène,  qui  prétendait  au  contraire  que  les 
«eus  étaient  seuls  juges  des  raj)]jorts  harmoniques. 

G — CK. 


PYT 


Ô(JI 


beau  titre  de  gloire.  Ce  fut  au  com- 
mencement de  la  LXii*^.  olympia- 
de (an  490  avant  J.  -  C,  ),  sui- 
vant Cicéron  (2)  ,  que  Pythagore  s'é- 
tablit à  Crotone.  11  n'aspira  ])oint  à 
revêtir  le  caractère  de  législateur  ,  à 
obtei:ir  le  pouvoir  :  il  n'exerça  au- 
cune fonction  publique.  La  seule  au- 
torité dont  il  emprunta  l'irdlucuce, 
fut  celle  des  lumières  et  de  la  vertu  j 
et,  par  cette  seule  influence,  cet  hom- 
me extraordinaire  obtint  sur  ces  heu- 
reuses contrées  un  empire  égal  à  celui 
des  législateurs  eux-mêmes.  La  ma- 
jesté empreinte  sur  son  front  et  clans 
ses  manières,  l'austérité  de  sa  vie, 
sa  frugalité  ,  son  costume  lui-même, 
qu'on  nous  repré^ente  composé  d'une 
simjde  tunique  blanche,  inspiraient 
le  respect  ;  ses  discours  excitaient 
l'admiration  la  plus  vive.  On  accou- 
rait en  foule  autour  de  lui  ;  les  ci- 
toyens les  plus  disiiiigucs  se  ran- 
geaient au  nombre  de  ses  disciples  ; 
la  jeunesse  surtout  recueillait  avec 
avidiié  ses  éloquentes  paroles  :  tous 
ses  efforts  étaient  dirigés  vers  la  ré- 
forme et  le  perfectiuii Dément  des 
mœurs  ;  c'est  par  cette  voie  (ju'il  es- 
pérait procurer  aussi  le  pcrf'eclion- 
nement  des  institutions  sociales  :  il 
sentail  que  le  moyen  le  plus  sûr  pour 
conduire  les  peuples  à  la  liberté,  est 
de  commencer  par  les  en  rendre  di- 
gnes ;  que  c'est  en  formant  de  bons 
magistrats  ,  qu'on  pré|Jbare  Je  bonnes 
lois  ^  qu'on  p.iocure  aux  lois  une 
bonne  exécution  et  un  saluîaiie  em- 
pire. Aussi  un  grand  nombre  de  ses 
auditeurs  furent-ils  naturellement  ap- 
pelés aux  principaux  emplois  pu- 
b.ics  dans  les  villes  de  la  Grande- 
Grèce;  et  déjà,  parleurs  soin»,  les 
institutions  politiques  picnaient  uii 
nouveau  caractère.  Consulté  par  les 

(a)  De  Bf:pul4icil,V\\i.\i,   S  »<>■ 


36i 


pYr 


magistrats  cii\-mt'mes  ,  le  premier 
roiisc'il  qii'il  leur  donna  fut  d'élever 
iiu  tcuiplo  aux  Muses  ;  il  leur  recom- 
manda la  botine-fui ,  la  justice  ,  leur 
représenta  l'anarcliie  comme  le  plus 
grand  des  maux,  l'éducation  des  en- 
fants comme  le  moyen  le  plus  ellicacc 
d'assurer  un  jour  d'heureuses  des- 
tinées à  l'état.  Il  enseignait  aux  sim- 
ples citoyens  les  vertus  privées,  con- 
venables à  leur  situation  ;  il  s'a- 
dressait aux  femmes,  aux  enfants 
mêmes  :  il  enseignait  dans  les  tem- 
ples, comme  pour  consacrer  les  le- 
çons de  la  sagesse  sous  les  auspices 
de  la  religion.  Mais,  quelle  que  fût  la 
réserve  <pie  Pytliagorc  s'était  impo- 
.sée,  les  passions  s'irritèrent  ,  la  ja- 
lousie réussit  à  empoisonner  ses  in- 
tentions ,  les  intérêts  ambitieux  s'c- 
Icvèrent  contre  son  ouvrage  :  on 
.s'alarma  ilcs  innovations  (ju'il  intro- 
duisait ,  on  s'ellraya  de  la  sévérité 
de  ses  précepte*;  déjà,  de  son  vi- 
vant ,  il  vit  éclater  la  persécution  qui 
s'altaclia  a  son  école.  Suivant  quel- 
ques auteurs,  il  en  aurait  personnel- 
lement été  la  victime.  Mais  toutes  les 
incertitudes  qui  rignent  sur  sa  nais- 
sance, se  reproduisent  relativement 
à  sa  mort:  ou  sait  seulement  qu'elle 
arriva  vers  la  (Kf.  olympiade  (  vers 
l'an  5oo  avant  J,  -  C.  )  Si  nous  en 
croyons  au  témoignage  de  Diogène 
Laëico  ,  qui  s'appuie  d'Aristote ,  il 
eut  pour  é(M)iisc  cette  illustre  Tliéa- 
no  ,  (pii  occupe  aussi  un  rang  distin- 
gué dans  l'histoire  de  la  ])liiIoso- 
pbic,  et  à  lacpu-lle  on  attribue  plu- 
sieurs ouvrages  :  suivant  d'antres  , 
elle  fut  sa  fille.  Parmi  ses  fils  ,  on 
cite  Télange,  qui  fut  le  maître  d'Km- 

f)éikjcle;  Mné.sar(|uc;  et  qurlquesuns 
cur  Joignent  Arimnesle  ,  qui  fut  le 
maître  de  Democrite.  Les  anciens 
rangent  encore  deux  de  ses  esclaves , 
(Astrce,etZamoixis  IcThrace),  dans 


PYT 

le  nombre  de  ceux  qut  ont  transrais 
aprî's  lui  les  mystères  de  sa  philoso- 
jdiie;  et  ils  veulent  que  le  dernier  ait 
été  le  même  que  le  législateur  des 
Gètes  ,  supposition  qui  est  cependant 
contredite  par  la  grave  autorité  d'Hé- 
rodote. Ce  fut  surtout  par  la  créa- 
lion  de  son  célèbre  institut,  que  Py- 
thagorc  voulut  asseoir  ,  étendre , 
perpétuer  l'exécution  du  vaste  jilan 
qu'jl  avait  conçu  pour  le  bien  de  l'Iui- 
manité.  On  peut  présumer  (pi'il  en 
avait  pris  l'idée  d'après  le  modèle 
des  castes  sacerdotales  d'Kgvple  ,  et 
des  initiations  établies  d.itTs  les  mys- 
tères. Ce  n'était  pas  seulement  une 
institution  académique  ,  destinée  à 
recevoir  et  à  conserver  le  dépôt  de.^ 
doctrines  scientifiques  ;  c'était  aussi 
une  sorte  d'école  pratique  ,  dans  la- 
quelle les  élèves  étaient  appelés  à  re- 
cevoir le  bienfait  d'une  grande  édu- 
cation morale  ,  et  qui  avait  cpielque 
analogie  avec  les  ordres  monasli- 
ques  ,  nés  j)liis  tard  du  sein  du  Chris- 
tianisme :  c'était  même  une  espèce 
d'association  politique  ,  Vnais  dont 
le  but  et  les  moyens  avaient  un  ca- 
ractère essentiellement  moral ,  com- 
me sou  principe-  Ce  grand  homme 
est  le  premier,  dans  l'antiquité,  qui 
ait  compris  toute  la  puissance  de  l'es- 
prit d'association  ,  développé  sous 
les  lois  d'une  organisation  forte  et 
régulière.  Persuade  ,  avec  la  plupart 
des  sages  de  l'antiqiuté  ,  que  la  véri- 
té ,  pour  porter  ses  fruits  ,  ne  doit 
tomber  que  sur  un  sol  convenable- 
ment prépaie;  que  la  fausse  science, 
produit  inévitable  d'une  iustrurtioii 
superficielle,  est  j»!us  funeste  encore 
que  l'ignorance,  il  institua  ,  par  un 
cxemj.lc  que  suivirent  après  lui  Pla- 
ton et  Aristote  ,  la  distiiK  tion  du 
double  enseignement .  dont  l'un  ,  s'a- 
dressanl  .i  l'universalité  des  audi- 
teurs ,  leur  offrait  des  leçons  h  leur 


PYT 

portée,  cl  les  disposait  à  en  recevoir 
de  plus  élevées;  dont  l'autreetaitrcser- 
vë  à  uu  petit  nombre  d'élèves  choi- 
sis. Il  soutuettait  ces  derniers  à  de 
longues  épreuves  ;  il  !cs  taisait  passer 
par  plusieurs  degrés  successifs  ,  tou- 
jours proportionnés  non -seulement 
au  développement  de  leur  intelligen- 
ce, mais  encore  à  leurs  progrès  dans 
la  vertu.  Les  épreuves  embrassaient 
à-la-fois  et  le  régime  diététique,  et 
les  vêtements ,  et  le  sommeil ,  et  les 
exercices  gymnastijues  ;  tout  y  ten- 
dait   à   fortifier  l'ame  en  la  puri- 
fiant ,   à  dompter  les  sens  ,  à  faire 
supporter  les  privations  et  vaincre 
la  douleur  ,  à  façonner  l'esprit  aux 
liabitiidcsdela  méditation.  Les  adep- 
tes devaient  subir  un  silence  de  deux, 
trois  ou  cinq  années  ,  silence  au  res- 
te  qui  ,  d'après    quelques   auteurs  , 
n'aurait  pas  été  aussi  rigoureux  ,  ni 
aussi  absolu  qu'on  l'a  généralement 
supposé.  C'est  alors  seulement  qu'ils 
étaient  initiés  à  la  doctrine  secrète  , 
dont  les  sciences  mathématiques  for- 
maient l'introduction.  Le  dépôt  ne 
leur  en  était  confié  que  sous  le  ser- 
ment d'en  garder  religieusement  le 
secret.  Tous  ces  disciples  mettaient 
leurs  biens  en  commun  ,  avec  la  fa- 
culté, cependant  ,  laissée  à  chacun  , 
de  les  reprendre,  s'il  lui  convenait 
de  se  retirer  de  la  société  •  ils  habi- 
taient tous  ensemble  ,  avec  leurs  fa- 
milles ,  dans  un  vaste  édifice  appelé 
Omachoion  ou  auditoire  commun  : 
ils  y  suivaient,  pendant  ton  te  la  jour- 
née ,  une  règle  dont  l'austérité  était 
tempérée  par  la  promenade ,  le  chant, 
la  musique  instrumentale  ,  la  danse, 
la  lecture  des  poètes.  La  frugalité  de 
leurs  repas  n'admettait  ni  la  viande, 
ni  le  poisson  ;  le  vin  était  interdit  aux 
contempla  tifs;  tous  étaient  vêtus  d'une 
tunique  blanche  d'mie  cxtrêuic  pro- 
preté :  les  cérémonies  religieuses  elles 


PYT 


363 


sacrifices  se  mêlaient  aux  travaux  de 
l'étude.  Les  femmes  étaient  admises 
aussi  dans  cette  vaste  communauté; 
et  plusieurs  d'entre  elles  occupèrent 
un  rang  éminent  dans  l'école  Pytha- 
goricienne: IMénagca  recueilli  leurs 
noms.  Cet  institut,  par  la  force  et 
l'esprit  de  sa  constitution,  devait 
exercer  sur  l'état  social  une  action 
puissante  tout  ensemble  et  salutaire; 
et  la  Grande-Grèce  en  recueillit  quel- 
que temps  de  nombreux  bienfaits  ; 
mais  il  devait  aussi  rencontrer  des  en- 
nemis :  il  en  trouva  d'acharnés,  dans 
des  individus  bannis  de  la  communau- 
té.  Peut-être  même  des  circonstances 
qui  nous  sont  inconnues  contribuè- 
rent-elles à  soulever  de  vives  préven- 
tions contre  cet  institut.  Il  fut  exposé 
tonr-à-tour  aux  violences  des  émeu- 
tes populaires  et  aux  attaques  d'hom- 
mes puissants.  H  y  succomba  en- 
fin; mais  ses  membres  opposèrent  à 
la  persécution  qui  les  atteignit  une 
fermeté  calme,  une  patience  coura- 
geuse. Séparés,  dispersés,  ils  con- 
servèrent quelque  temps  encore  les 
traditions  du  fondateui-.  «La  vie  d'un 
Pythagoricien,  dit  Platon,  dans  sa 
République,  est  devenue  le  synonyme 
d'une  vie  exemplaire.  »  Les  derniers 
restes  de  celte  brillante  école  dispa- 
rurent vers  l'époque  des  conquêtes 
d'Alexandre.  Quel  que  fût  le  méri- 
te des  sujets  qu'elle  avait  formés  , 
quels  que  soient  les  éloges  que  l'on 
doive  à  l'auteur  pour  la  noblesse  de 
son  but  et  la  grandeur  de  son  plan, 
il  est  juste  cepenriantdc  reconnaître 
que  l'institut  de  Pylhagore,  consi- 
déré surtout  comme  un  établisse- 
ment ,  non  -  seulement  momentané, 
mais  durable,  aurait  présen>j  les  gra- 
ves inconvénients  attachés  aux  as- 
sociations secrètes;  qu'il  aurait  ten- 
du à  renouveler,  en  partie,  les  fu- 
nestes conséquences  qu'a  produites , 


364  P^r 

dans  la  Cliiue.  l'Inde,  l'Egypte,  cette 
division  des  castes  qui,  en  faisant 
des  lumières  scientifiques  le  privilège 
d'un  petit  nombre  d'initiés  ,  a  mis 
lin  obst-iclc  invincible  aux  progrès 
de  la  civilisation  et  à  l'avancement 
de  l'esprit  humain.  U  n'est  pas,  dans 
l'histoire  entière  de  1.»  philosophie, 
de  problème  plus  curieux  ,  phis  im- 
portant, mais  en  même  temps  plus 
diflicile,  que  celui  qui  a  pour  oLjet 
de  déterminer  avec  quel(juc  préci- 
sion la  véritable  doctrine  de  P}  tha- 
gore.  Une  hypothèse  imposante  au 
premier  coup-d'œil ,  par  >un  éclat  et 
par  sa  grandeur ,  tend  à  admettre 
une  philosophie  unique  et  primitive, 
qui ,  née  dans  le  berceau  même  de  la 
civilisation,  cultivée  d'abord  en  A- 
sie,* aurait  passé  ensuite  dans  la  Grè- 
ce, aurait  traversé  les  premiers  siè- 
cles de  notre  ère,  et  se  serait  perpé- 
tuée jusqu'à  nos  jours  :  car  cette  plii- 
losop h  ie,  qui  serait  ccliedes  nouveaux 
Platoniciens,  a  régné  pendant  le  cours 
du  moyeu  âge,  bien  plus  qu'un  ne  le 
croit  communément  ;  elle  se  confond 
avec  les  doctrines  mystiques  qui, 
sous  diverses  formes,  subsistent  en- 
core de  notre  lem  |)s.  Dans  cette  hypo- 
thèse, la  philosophie  de  Pythagoi  use- 
rait l'anneau  principal  qui  unirait  les 
traditions  orientales  avec  les  doctri- 
nes grecques  :  Pytliagurc  aurait  reçu 
d'Hermès,  de  ZoroaNtre,  d'Orphée, 
les  trésors  qu'd  aurait  transmis  à 
Platon.  Platon  lui  aurait  emprunté, 
non- seulement  celles  de  ses  opinions 
fondamentales  que  nous  retrouvons 
dans  ses  écrits  ,  mais  celles  aussi  que 
lui  a  prêtées  l'école  île  Plotiu,  de 
Porphyre  et  de  Proclus.  Dans  ce  sys- 
tème, les  nouveaux  Pythagoriciens, 
qui  prétendirent  ressusciter,  au  com- 
mencement de  l'ère  clirélieniic,  l'an- 
tique enseignement  de  l'écule  d'Ita- 
lie, en  auraient  été  les  fidèles  intcr- 


PYT 

prêtes  :  les  Plotin ,  les  Porphyre,  les 
lambliquc,  les  Proclus,  en  y  ratta- 
chant l'enseignement  de  Platon  et 
d'Aristote,  n'auraient  fait  que  resti- 
tuer celui-ci  à  sa  vraie  origine.  La 
théorie  pythagoricienne  des  nombres 
ne  serait  qu'un  voile  emblématique 
imaginé  pour  déguiser  au  vulgaire, 
pour  représenter  aux  yeux  des  adep- 
tes ce  mêaicidéalismetranscendcntal 
et  raystiqueque  la  critique sévèiede  la 
plupart  des  liistoi  iens  a  désigné  sous 
Je  nom  de  syncrétisme  ,  et  dont  ils 
ont  placé  le  berceau  à  Alexandrie. 
Le  savant  Dacier,  dans  sa  \  icde  Py- 
thagore  ,  a  prêté  à  cette  opinion 
son  autorité,  plus  grande  à  la  vérité 
dans  les  matières  d'érudilion  que 
dans  les  questions  philosophiques  ; 
de  même  qu'il  a  attribué  à  Socrate 
les  doctrines  que  Platon  met  dans  la 
bouche  de  son  maître.  Mais  quels 
documents  authentiques  iiUcrroge- 
rons-nous  pourconnaître  les  pensées 
de  Pythagore  ?  il  n'a  rien  écrit.  Les 
f-^ers  dorés  qui  j)ortent  son  nom,  ne 
sont  point  de  lui  :  on  ne  peut  fixer 
avec  certitude  l'époque  à  laquelle  ils 
ont  été  composés  (3).  Les  ouvrages 
attribués  aux  premiers  Pythagori- 
ciens, àThéano,  à  Ocellus  de  Lu- 
canie,  à  Timée  de  Lucres,  à  Philo- 
laiis  ,  soumis  par  les  modernes  à 
une  critique  savante,  ont  été  géné- 
raleiueut  jugés  apocryphes  ,  d'après 
des  motifs  à-peu-près  irrécu  ables. 
D'ailleurs  l'intérêt  qu'avaient  les  nou- 
velles sectes  nées  sous  les  Césars  ,  à 
faire  remonter  leurs  dogmes  à  la 
plus  haute  antiquité,  à  les  placer 
sous  la  protection  des  noms  les  plus 
vénérables  ,  rend  leurs  assertions 
fort  suspectes;  et  ce  soupçon  s'ac- 


(T)  Voyex  I-es  vers  dorés  Je  Prtha^ore ,  erpli- 
quci  et  Iradii'Uy  pour  la  pieiiiièri'.  /ois  en  tmrt  ru^ 
inulftiijuet  /ranf'iit  ^etc.,  |>ar  M.  FaLro  d'OliTsl, 
ParU,  1813,10-8". 


PtT 

croît  lorsque  l'on  considère  qu'un 
des  caractères  propres  à  ces  racmcs 
sectes  fut  de  dénaturer  les  faits  his- 
toriques ,  de  f«bri({uerdes  e'crits  sup- 
poses ,  et  d'accréditer  les  fables  les 
plus  absurdes.  Plus  on  étudie  les  doc- 
trines que  ce  systèiue  ferait  attribuer 
à  Pytliag;ore,  moins  on  peut  recon- 
naître ,  dans  des  abstractions  aussi 
subtiles,  dans  un  spiritualisme  aussi 
exalté,  un  germe  de  notions  compa- 
tibles avec  le  degré  de  culture  que 
l'esprit  bumain  pouvait  avoir  acq^iis, 
parmi  les  Grecs,  à  une  époque  aussi 
reculée.  Ivefuscrait-on  d'ailleurs  ainsi 
tout  mérite  d'originalité,  toute  con- 
ception neuve ,  toute  puissance  de 
création  aux  plus  beaux  génies  delà 
Grèce,  qui,  sur  cette  terre  féconde  en 
productions  libres  et  spontanées,  fu- 
rent secondés  par  le  concours  des  cir- 
constances les  plus  favorables?  Cette 
dernièreconsidération  détruit,  si  nous 
ne  nous  trompons  ,  tout  le  prestige 
de  celte  grande  chaîne  à  laquelle  les 
nouveaux  Platoniciens  ont  donné  le 
nom  de  chaîne  d'or;  et  certes  ce  serait 
en  mettre  la  beauté  à  un  prix  trop 
élevé  que  de  dépouiller  ainsi  tant  de 
grands  hommes,  de  la  propriété  des 
vues  qui  les  avaient  illustrés,  pour 
ne  voir  en  eux  que  les  canaux  par 
lesquels  se  serait  transmise  je  ne  sais 
quelle  sagesse  primitive,  découlée 
de  l'enfance  même  de  la  société  hu- 
maine. Si  l'on  veut  des  témoignages 
plus  certains,  on  les  trouvera  dans 
EmpédocleetDémocrite,  qui  certai- 
nement furent  élèves  des  Pyfhagori- 
ciens,quoiqu'ils  eussent  pris  une  direc 
tion  qui  leur  était  propre  ,  et  dont  les 
systèmes  étaient  certainement  liés  à 
l'enseignement  de  Pythagore ,  par 
une  consanguinité  très  -  prochaine. 
On  les  trouve  dans  Platon  et  Aristo- 
te ,  encore  si  voisins  de  l'ancienne 
école  d'Italie  ,   et  dont    le  second 


PYT  365 

surtout  avait  d'ailleurs  e'tudié  avec 
tant  de  soin  les  opinions  de  ses 
prédécesseurs.  On  admettra  même 
le  témoignage  de  Cicéron ,  qui  a  pré- 
cédé les  nouveaux  Pythagoriciens  , 
et  qui  était  exempt  des  préventions 
et  des  vues  particidières  à  ceux-ci. 
Or  ,  la  philosophie  mécanique  de 
Démocrite  et  d'ErapédocIe atteste  l'i- 
dée  fondamcnlale  qui  tend  à  expli- 
quer les  phénomènes  de  la  nature 
par  des  combinaisons  géométriques. 
Aristote,  dans  un  grand  nombre  de 
passages,  déclare,  non  -  seulement 
que  les  Pythagoriciens  avaient  admis 
très  -  sérieusement  l'axiome  que  les 
nombres  sont  les  principes  des  cho- 
ses; mais  il  explique  comment  ils 
avaient  conçu  et  explique  ce  princi- 
pe :  il  prend  le  soin  de  le  réfuter. 
Cicéron  est  d'accord  avec  lui;  Dio- 
gène  Lacrce  est  d'accord  avec  l'im  et 
l'autre.  Aucun  des  trois  ne  soupçon- 
nait encore  les  interprétai  ions  symbo- 
liqucs,  introduites  plus  tard  par  des 
écrivains  qui  avaient,  il  est  vrai ,  nu 
système  ilouveau  à  accréditer,  mais 
qui  n'avaient  aucun  moyen  de  re- 
cueillir des  traditions  plus  certaines, 
et  dont  la  crédulité,  les  affirmations 
gratuites,  sont  devenues  proverbiales. 
Si  Aristote  et  Cicéron  ne  séparent 
point  la  doctrine  de  Pythagore  de 
celle  des  Pythagoriciens,  c'est  qu'en 
effet  il  n'existe  aucun  moyen  de  les 
distinguer  ,  puisque  Pythagore  n'a 
laissé  aucun  monument  où  soient 
consignées  ses  idées  personnelles  ; 
c'est  que  le  caractère  de  son  institut 
ne  laisse  guère  supposer  que  ses  dis- 
ciples pussent  s'être  écartés  de  ses 
voies.  Si  la  nature  des  choses  permet- 
tait d'établir  entre  eux  quelque  diffé- 
rence ,  on  concevrait  que  les  disciples 
auraient  pu  développer  les  opinions 
du  maître,  et  non  qu'ils  les  auraient 
restreintes;  qu'ils  auraient  spirituali- 


366  PYT 

se  et  non  matérialisé  sa  doctrine.  En- 
fin toutes  ces  inductions  sont  encore 
fortiliees  par  celles  qui  naissent  de  la 
inarche  naturelle  deTesprit  humain 
et  de  l'état  dans  lequel  se  trouvaient 
alors  les  connaissances.  Li  grande 
division  des  sciences  ,  opérée  ensuite 
par  Arislotc  ,  n'était  pas  encore  sen- 
tie ;  le  domaine  des  sciences  mora- 
les et  celui  des  sciences  physiques 
se  confondaient  l'un  dans  l'autre  ;  les 
sciences  malhcmaliques  .  à  leur  nais- 
sance ,  ne  se  séparaient  p.is  encore 
des  phénonicnes  du  monde  sensible, 
par  des  abstractions  (pii  les  rendis- 
sent à  tonte  leur  pureté.  Cela  pose  , 
on  conçoit  comment  Pylhagnre  a  pu 
procéder,  et  cimimenl  il  a  pu  se  trou- 
ver conduit  à  créer  ses  doctrines 
des  nombres.  Le  premier  objet  des 
spéculations  de  tous  les  philosophes, 
consistait  a  découvrir  ce  qu'ds  ap- 
pelaient le  princifie  des  choses  ;  ils 
confondaient  même  encore  alors , 
sous  le  terme  de  piincipes ,  et  les 
causes  productives  ,  et  les  éléments 
primitifs.  L'école  d'ionie  'avait  de- 
mandé ces  principes  à  la  nature  elle- 
même.  Pvlhagore,  exercé  dans  l'é- 
tude des  connaissances  mathémati- 
ques,  dut  être  fiappé  de  celte  pio- 
pnélé  génératrice  qui  caractérise  la 
science  des  nombres,  de  cetîe  vertu 
qu'ont  les  notions  de  l'arithmétique 
et  dt  la  géométrie  ,  de  s'expliquer 
les  unes  parles  autres,  et  de  former 
des  combinaisons  systématiques  :  je- 
tant ensui:c  les  veux,  sur  la  grande 
scène  du  monde  physique  ,  il  y  vit 
reparaître,  sous  raille  aspects,  et 
les  proportions  ,  et  les  lois  sur  les- 
quelles se  fondent  la  géométrie  et 
l'arithmc-tique  ;  il  put  soupçonner 
d'une  manière  confuse  ,  tout  ce  que 
la  physique  pouvait  attendre  de  l'ap- 
plication de  ces  deux  sciences  à  l'in- 
Tcslig.ition  des  pliénomcnes  de  la 


PYT 

nature.  IVIais  le  succès  de  cette  gran 
de  application ,  qu'd  était  réservé  à 
dalilee  de  pénétrer  dans  les  temps 
modernes,  ne  pouvait  se  révéler  dans 
l'enfance  de  la  philosophie.  Les 
idées  abstraites  adhéraient  encore  si 
fortement  aux  objets  eux  -  mêmes 
par  l'alliance  cpie  les  sens  ont  insti- 
tuée ;  elles  conservaient  encoïc  telle- 
ment la  forme  concrète ,  que  les 
spécidalions  de  Pythagore  ne  purent 
s'alliauchir  de  ces  liens  naturels. 
C'est  un  fait  historique,  que  l'ytliago- 
re  Considérait  l'univers  comme  une 
vaste  harmonie  ;  et  cette  grande  et 
belle  conception  explique  toutes  ses 
autres  pensées.  Comme  tous  ceux 
qui  ,  au  début  d'une  carrière  d'inves- 
tigations ,  découvrent  un  principe 
de  solution  ,  il  lui  donna  une  valeur 
absolue  et  universelle.  Cette  inter- 
prétation de  sa  doctrine  est  dans  l'ac- 
cord le  plus  parfait  avec  la  marche 
d'idées  que  nous  retrouvons  dans 
tous  les  philosophes  de  son  temps. 
Il  est  deux  espèces  de  vérités  généra  • 
les  :  les  lois  physicpies  ou  j)ositivr>s  , 
les  lois  m;ithématiques  ou  hvpolhé- 
tiques;  les  secondes  porlentscules  en 
elles  mêmes  une  évidence  intrinsè- 
que :  Pythagore  crut  donc  y  trouver 
les  principes  dont  les  premières  dé- 
rivent. C'est  ainsi  qu'il  fut  conduit 
à  instituer  cette  philosophie  corpus- 
culaire dont  il  fut  le  premier  auteur 
parmi  les  Grecs  ,  à  moins  qu'avec 
Strabon  et  Sextus  l'Empirique,  on 
ne  la  ra|)portc,  sur  le  témoignage  de 
Posidonius ,  à  un  Sidonum  noinmé 
Moschus ,  qui  a  vécu  avant  la  guerre 
de  Troie.  Suivant  Platon,  dans  le 
Thea^lètc  ,  «  la  philosophie  pyth.igo- 
»  ricienne  sup[iosait  en  général  que 
»  tout  est  composé  de^iarticulci  in- 
»  sensibles  formées  par  le  mouvement 
«local;  la  couleur,  par  exemple, 
»  n'est  pas  une  chose  qui  existe  hors 


! 


PYT 

«de  nos  yeux,  ni  dans  nos  yeux.  : 
»  elle  vient  des  mouvements  dilîé- 
»  rents  que  les  objets   diversement 
»  modiQes  causent  dans  l'œil.  N''cst-ce 
V  pas  ici  l'origine  de  la  cclcbrc  dis- 
»  lincliou  entre  les  qualités  preiniè- 
»  res  et  les  qualités  secondes  ?  »  Ge'- 
phante,  célèbre  pythagoricien,  décla- 
rait que  les  unités  n'étaient  autre  cho- 
se que  les  atomes;  et  Aiisfotc  con- 
firme cette  observation.  L'hypothè- 
se des  atomes  ,  qn'Aristotc  et  Dio- 
eène  Laërce  attribuent   à  Démocri- 
te  et  à  Leucippe,  parait  donc  avoir 
sa  première  racine  dans  la  physique 
fîe  Pythagore;  Déraocrite  professait 
la  j)lus  haute  estime  pour  Pythagore, 
et  avait  même  intitulé  l'un  de  ses  li- 
vres du  nom  de  ce  philosophe  ;  le 
pythagoricien  Empédocle  considé- 
rait la  nature  de  tous  les  corps  com- 
me le  produit  du  mélange  et  de  la 
séparation  des  particules;  sa  doctii- 
ne  sur  les  qualités   sensibles  était , 
selon  PI  tton  et  Aristote,  contoriue 
à  celle  de  Démocrite.  Ce  dei  nier  phi- 
losophe et  Leucippe  auraient  donc 
eu  seulement  le  mérite  de  coordonner 
d'une  manière  systématique  cette  hy- 
pothèse célèbrC;  développée  par  Epi- 
cure,  et  quia  traversé  les  siècles.  Dé- 
mocrite aurait  aussi  emprunté  du  fon- 
dateur de  l'école  d'Italie,  la  découver- 
te,  si  étonnante  pour  cet  âge,  du  mou- 
vement de  la  terre  autour  du  soleil , 
si  c'est  de  la  sorte  qu'avec  Aristote 
il  faut  expliquer  la  pensée  de  Pytha- 
gore ,  que  la  terre ,  étant  un  des  as- 
tres (  c'est-à-dire  une  des  planètes  ), 
tourne   autour  d'un  centre  :  mais 
les  paroles  qui  suivent  semblent  faire 
plutôt  allusion  à  la  rotation  de   la 
terre  sur  elle-même;  car  il  ajoute: 
c'est  ainsi  qu' elle  produit  le  jour  et 
la  nuit.  Cependant  Pythagore  s'était 
livré,  avec  une  ardeur  non  moins  gran- 
de, à  l'élude  de  la  morale  ;  il  était  na- 


pYr 


367 


turellement  porté  aux  exercices  con- 
templatifs :  les  notions  morales  lui 
offraient  aussi  ce  caractère  d'ordre 
et  de  régularité  qui  est  propre  aux 
idées  géométriques.  La  musique, 
qu'il  cultivait  avec  soin  ,  en  était  le 
lien  commun ,  et  semblait  les  confon- 
dre. Les  notions  morales  se  réfléchis- 
saient à  ses  yeux  sur  le  théâtre  de  la 
nature  :  il  y  admirait  l'œuvre  du 
gj'and  architecte  ;  il  y  voyait  res- 
plendissantes ces  images  du  beau,, 
qui  sont  comme  le  reflet  du  bon. 
Ainsi,  les  trois  ordres  de  connais- 
sances, confondus  autant  qu'associés, 
se  rattachèrent  pour  lui  à  des  fonde- 
ments communs  ,  furent  soumis  par 
lui  àdes  lois  communes.  C'est  ce  qu'on 
voit  manifestement  dans  la  célèbre 
Décade  attribuée  à  Alcmaîon.  Gar- 
dons-nous de  croire ,  au  reste,  que  la 
notion  dcsjionibres  pût  offrir  aux  Py- 
thagoriciens la  précision  que  lui  don- 
ne pour  nous  le  langage  des  mathéma- 
tiques. Elle  représentait  pour  eux 
non-seulement  les  quantités  arithmé- 
tiques ,  mais  toute  grandeur,  toute 
proportion.  Les  nombres  étaient 
pour  eux  identiques  avec  les  êtres  , 
avec  les  objets  eux-mêmes,  avec  les 
parties  élémentaires  et  constitutives 
de  la  nature  ;  l'univers  était  pour 
eux  un  nombre  aussi  ;  lenoînbre,  en 
un  mot ,  n'était  point  encore  séparé 
de  la  réalité.  C'est  ainsi  qu'ils  trans- 
portaient ,  dans  le  domaine  de  la 
réa'ilé  ,  les  lois  qui ,  dans  le  domai- 
ne de  la  pensée  ,  gouvernent  cet  or- 
dre de  combinaisons.  Le  système  des 
nombres  résolvait,  dans  leur  doctri- 
ne ,  le  problème  de  la  cosmogonie. 
L'unité,  ce  terme  éminent  vers  lequel 
se  dirige  tonte  philosophie,  ce  besoin 
impérieux  de  l'esprit  humain,  ce 
pivot  auquel  il  est  contraint  de  rat- 
tacher le  faisceau  de  ses  idées  ,  l'u- 
nité ,  cette  source ,  ce  centre  de  tout 


368 


PYT 


ordre  systématique  ,  ce  principe  de 
vie  lies  institutions  sociales  ,  ce  but 
eleve  de  la  nature  morale,  ce  foyer 
inconnu  dans  son  essence,  mais  ma- 
nifeste dans  ses  rflets  ,  de  toutes  les 
puissances   phvsi(|ues  ;    l'unité  ,   ce 
nœud  sulilime  auquel  se  rallie  néces- 
sairement la  cliainc  des  causes  ,  fut 
rau;;uslc  notion  vers  la(|iiellc  con- 
vertirent aussi  toutes  les  me.litations 
des  Pvtlia{;oriciens.    La  dyade  déjà 
produite  et  composée  ,  origine  des 
contrastes  ,   représenta  pour  eux  la 
'malii-'ie,  ou  le  principe  jiassif,  sui- 
vant   les    opinions    du    temps.   La 
triade  ,     nombre    mystérieux    qui 
joue  un  si  grand  rùle  dans  les  tra- 
ditions de  l'Asie  et  dans  la  pliiloso. 
pliie  pl.itoficiennc  ,  image  des  attri- 
buts de  l'K're  Suj>rème,  reuniten  elle 
les  propriétés  des  deux  premiers  ncim- 
bres.  La  télrade  ou  le  quartenaire, 
qui  ex|uime  la  premiire  piiiss.inte 
mathématique,  repre'sentc  aussi   la 
vertu  génératrice  ,  de  laquelle  déri- 
vent toutes  les  combinaisons:  c'est  le 
plus  parfait  des  nombres  ;  c'est  la 
racine  de  toutes  clioses  ;  le  nombre 
septénaire  aj>parlient  aux  choses  sa- 
crées ;  l'enneadc  est  le  premier  car- 
ré des  nombres  impairs;   le  décade 
ramène  a  l'unité  les  nombres  multi- 
ples. Nous  ne  jKuivons  ofliir  ici  que 
la  clef  de  ce  système ,  qui  ,  au  travers 
des  siècles ,  dans  rinsullisancc  des 
documents  ,  se  présente  nécessaire- 
ment d'une  manière  confuse ,  que  ses 
partisans  se  plais.iient  encore  à  en- 
velopper des  voiles  de  l'obscnrilc, 
et  qui  d'ailleurs  ne  pouvait   guère 
être  en  lui-mènte  qu'une  esquisse  foit 
imparfaite  ,  qu'un   mélange  ^d'idées 
hétérogènes.  Nous  savons  que   l'ii- 
nilc  de  Dieu  se  montrait  aux  Pytha- 
goriciens dans  sa  simplicité  subli- 
me ;  que  le  monde  se  présentait   à 
leurs  regards  comme  un  tout  ordonne' 


PYT 

et  Inrmonicux,  et  reçut  d'eux  le  beau 
nom  de  Cosmos  ,  qui  en  est  l'expres- 
sion :   nous    comprenons   comment 
ces  vues  app;irlenaieiil  à   l'esseiue 
de  leur  dortniie;  mais  nous  coin|ire- 
nons  aussi  pourquoi  leur  tlièoloi;ie 
fut  encore  empreinte  d'une  foule  d'i- 
dées matérielles  ,  pourquoi  le  feu,  la 
lumière,  la  chaleur,  reçurent  d'eux 
des  propriétés  divines  ,  pourquoi  ils 
envisagèrent  la  Divinité  coin  me  la  for- 
cevitale  de  la  nature.  Leur  psycliolo 
gie  ne  put  se  dégager  davantage  d'un 
alliage  sembbible  :  «  les  âmes  sont 
des  émanations  de  la  Divinité;  elles 
remplissent  l'air;  elles  se  distribuent 
en  une  nombreuse  hiérarchie  de  gé- 
nies ,  de  géants  ,  d'ames  inférieures  ; 
rhomme,à  sa  naissance,  aspire  l'u- 
ne de  ces   âmes  préexistantes  ,    la 
rend  ,  lors  de  son  trépas,  à  une  car- 
rière nouvcUedetr.uisfurmat  ions  suc- 
cessives ;   »  l'immortalité  elle  même 
ne  s'ollrail  aux  Pythagoriciens  ,  que 
sous  des  foi  mes  corpord'es.  Cepen- 
dant  l'habitude  de   la    méditalion, 
l'ctiidedes  vérités  thcoii(pies  et  spé- 
culatives, leur  apprit  à  mieux  distin- 
guer qu'on  ne  l'avait  fait  encore,  les 
facultés  intellectuelles  ,  des  facnllés 
sensuelles  :  c'est  au  pi  incipe  doué  des 
premières,  qu'ils  réservèrent  la  pré- 
rogative d'une  existence  future.  Nous 
comprenons    encore   combien   leur 
physique   dut  être  im])aifaite   :   ils 
concevaient  le  système  de  l'univers 
comme  un  graijd  poème,  et  confon- 
daient les  rapports  symétriques  avec 
les  lois  productrices. i>a  pialiquedela 
médecine  dut  cepeirlanl  attirer  leur 
allenlion  sur  une  branche  spéciale  de 
]dienomènes;c'cstà  leurs  succès  dans 
l'art  de  guérir,  qu'il  faut  attribuer  , 
sans  doute  ,  l'opinion  qui  les  fit  re- 
garder comme  se  livrant  aux  opéra- 
tions de  la  magie  :  mais  ,  en  obser- 
vant les  phénomènes  isolés  ,  ils  ne 


PYT 

pouvaient  les  lier  entre  eux,  pre'ci- 
scincut  parce  qu'ils  allcnent  clu relier 
le  iicn  iniuiediat  dans  les  rapports 
les  plus  universels  des  clioses.  Le  me'- 
rite  propre  auxPythagoriciens  ,  con- 
siste dans  l'application  avec  laquelle 
ils  se  livrèrent  aux  sciences  mathé- 
matiques,etàia  pratiquede  la  morale. 
Diogèue  Lai'rce  dit  qu'ils  plaçaient 
la  première  de  ces  deux  études  ,  au 
rang  le  plus  noble  ,  et  qu'ils  en  fai- 
saient leur  occupation  principale. 
Les  Pythagoriciens  ne  s'altachaicnt 
point  à  revèlir  la  morale  de  formes 
scientiliques;et  cette  circonstance  est 
digue  de  remarque  :  ils  se  dirigèrent 
surtout  aux  préceptes  d'application; 
mais  ils  y  portèrent,  certainement, 
une  rare  élévation.  Les  Vers  dorés  , 
quel  qu'en  soit  l'auteur  ,  sont ,  sous 
ce  rapport ,  un  monument  admira- 
ble ,  et  qui  commande  encore  aujour- 
d'hui la  vénération.  Les  signes  d'une 
baute  antiquité  qui  y  sont  empreints  , 
ne  nous  permettent  guère  de  douter 
qu'ils  ne  renferment  les  traditions 
essentielles  de  cette  école.  Les  règles 
de  l'institut  de  Pyihagore,  la  vie  de  ses 
disciples  ,  sont  comme  autant  de  té- 
moins en accordavec elles.  Cette  école 
considérait  la  vertu  comme  une  har- 
monie ,  l'unité'  comme  le  caractère 
de  la  perfection  ,  le  multiple  comme 
celui  du  désordre.  Elle  s'attachait 
surtout  à  faire  naî  tre  la  vertu,  de  l'em- 
pire sur  soi  -  même  ,  à  procurer  la 
paix  intérieure  comme  sa  récompen- 
se. Elle  concevait  aussi  la  vertu  com- 
me un  caractère  de  ressemblance  avec  " 
laDivinité  :  a  car  la  vérité  et  la  bonté 
sont  les  attributs  de  Dieu,  disait  Py- 
thagore  ;  et  le  plus  précieux  présent 
que  l'homme  ait  iTçude  son  auteur  , 
est  l'amour  du  vrai  et  de  la  bienfai- 
sance. Dieu  est  le  juge  moral  de 
l'homme,  »  disait- il  encore ,  aurap- 
port  de  lamblique.  La  justice  était , 

XXXVI. 


PYT 


369 


d'après  lui,  contenue  dans  cette  for- 
mule :  un  nombre  répulé  plusieurs 
fois  semblable  à  Jui-méine  ^  c'esl-à- 
dire  ,  qu'il  la  fondait  sur  régalilé,  1^ 
réciprocité  :  aussi  supposait-il  qu'un 
homme  doit  recevoir  d'un  autre  ce 
qu'il  a  fait  k  son  égard.  Les  préceptes 
de  la  morale ,  dans  le  code  des  Py- 
thagoriciens ,  étaient  exprimés  dans 
des  sentences  détachées  ,  et  sous  des 
symboles  ,  à  la  manière  des.  Orien- 
taux et  des  gnomiques  Grecs  ;  c'irst 
sous  cette  forme  que  nous  \çs  retrou- 
vons toujours  dans  la  philosophie 
primitive.  Le  mystère  dont  les  Pytha- 
goriciens s'entouraient,  les  allégories 
dont  ils  se  servaient  pour  protéger  ce 
mystère,  les  vues  neuves  et  hardies, 
qu'ils  avaient  semées  dans  le  champ 
de  la  spéculation  ,  la  pureté  de  leur 
doctrine,  le  respect  qui  s'attachait  à 
leur  caractère  ,  tout  concourait  à  fa- 
ciliter l'extension  nouvelle  et  prodi- 
gieuse que  l'on  tenta  de  donner  à  leur 
enseignement  ,  lorsqu'on  prétendit 
le  faire  revivre,  à  une  époque  où  un 
enthousiasme  exalté  saisissait  avec 
empressement  toutes  les  notions  da 
merveilleux ,  où  le  mélange  des 
doctrines  mystiques  pénétra  dans  la 
philosophie  et  vint  la  dominer.  De 
là  ce  Pythagoricisme  moderne  qui 
servit  de  prélude  au  nouveau  Pla- 
tonisme ,  et  fut  ensuite  adopte  par 
lui.  Telle  est  du  moins  l'opinion  que 
nous  nous  sommes  formée  ,  d'après 
nos  propres  conjectures  ,  et  après 
une  investigation  assidue  des  mo- 
numents épars  de  l'antiquité.  Ceux 
qui  voudraient  comparer  les  points 
de  vue  divers  sous  lesquels  cette 
philosophie  a  été  envisagée,  peuvent 
consulter  les  divers  historiens  de  la 
philosophie  :  ils  trouveront  particu- 
lièrement dans  Brucker  les  indica- 
tions relatives  à  l'érudition  biblio- 
graphique; dansTennemann,  une  ap- 

^4 


370  f'YT 

pre'ciation  sage  et  prudente  ;  dans 
Mciners  ,  un  t.ib'caii  intéressant  do 
l'institut  de  Pylliagorc.  Peu  de  snicts 
ont  autant  occupe  les  modernes , 
quoique,  à  nos  yeux,  il  en  soit  peu  qui 
laissent  encore  autant  à  désirer. 
D— (;— o. 
PYTHÉAS,  astronome,  géoi^ra- 
phe  et  iiaviç^ateur ,  passe  pour  le 
plus  ancien  écrivain  qu'aient  produit 
les  Gaules.  Il  était  de  Marseille,  et 
florissait  au  corninenccrnent  du  qua- 
trième siècle  avant  J.-C. ,  son  voya- 
ge ayant  précétlé  la  conquête  des  In- 
des par  Alexandre,  qui  eut  lieu  l'an 
327.  A  cette  époque,  Marseille  avait 
ae<piis  par  sou  commerce  une  splen- 
deur qu'elle  n'a  jaruiis  perdue. 
Pvlhéas  trouva  dan»,  si  patrie  les 
movcBS  de  cidtiver  son  goût  pour 
les  sciences  :  il  s'applii]ua  surtout  à 
la  physique  et  a  l'astronomie;  et  il  y 
fit  des  [.."ogres  qui  lui  méritèrent  l'es- 
tiracde  ses  compatriotes.  On  conjec- 
ture que  les  Marseillais  ,  dans  la  Yuc 
d'étendre  encore  leur  commerce,  en- 
voyèrent Pytliéas  reconnaître  de 
nouveaux  pavs  vers  le  nonl,  tandis 
qu'Futynièi;e,illait  en  découvrir  vers 
le  inidi.  Il  suivit  les  côtes  de  l'Espa- 
gne et  de  la  Lusitanie,  longea  l'Aqui- 
taine et  l'Armorique,  entra  dans  le 
canal  qu'on  nomme  aujourd'hui  la 
Manche  ;  et  s'avançanl  de  cap  en 
cap  ,  jusqu'à  l'extrémité  orientale 
des  îles  Britauni(pios  ,  après  six  jours 
de  navigation ,  aborda  l'île  cpic  les 
b%rliares  nommaient  Thnlé ,  et  que, 
l'on  a  cru  être  l'Islande.  Le  célèbre 
Danvillr  clierclie  à  démontrer  que 
dans  six  jours ,  Pythéas ,  avec  sa 
manière  de  navijijuer ,  ne  put  arriver 
qu'aux  îles  de  Shetland  ,  que  les 
anciens  désignaient  aussi  par  le  nom 
de  Thulé  (Voy.  les  Méni.  de  Vacad. 
des  inscrIpt. ,  .\xxvii ,  4^9  )  ;  mais 
ce  qui  ferait  croire  que  Pythéas  s'est 


PYT 

avancé  réellement  jusque  dans  l'Is- 
lande, ou  du  moins  qu'il  en  parle 
d'après  des  témoins  oculaiies,  c'est 
qu'il  rappoite  qu'au  solstice  d'été,  le 
soleil  n'v  quitte  pas  l'horizon,  phé- 
nomène (|u'd  n'avait  pu  deviner  et 
qui  n'a  lieu  que  dans  les  climats  aussi 
rapj)rochés  du  pôle.  Aussi,  M.  Gos- 
sellin  (  1)  reconnaît  que  la  Thulé  de 
Pythéas  n'est  pas  celle  de  Plolémée. 
Dans  un  second  voyage  que  Dauvillc 
ni  M.  Gossellin  n'admeîtcnt  pas , 
Pythéas  se  diiigea  vers  le  nord- 
est,  pénétra  par  le  Sund  dans  la  mer 
Baltique,  et  poussa  jusqu'à  l'embou- 
chure d'un  fleuve  qu'il  imnimc  le 
Tantiis,  et  «jui  serait,  ou  la  Vistule 
.selon(jucl(|ues  uns, ou, selon  Hougain- 
villc  ,  la  Hadaune  ,  rivière  qui  se 
jette  dans  la  \  islule  près  de  Danizig, 
ou  ,  suivant  M.  Gossellin  ,  la  Duna. 
Pour  apprécier  les  dillicullés  que 
Pythéas  dut  vaincre  dans  cette  dou- 
ble navigation  ,  il  faut  se  rap- 
peler qu'd  était  privé  de  tous  les 
secours  que  l'art  et  l'expérience  ont 
opposés  depuis  aux  dangers  de  la 
mer.  Il  rendit  compte  de  ses  décou- 
vertes dans  deux  ouvrages  :  le  pre- 
mier intitulé.  Description  de  l'O- 
céan, contenait  la  relation  de  son 
voyage  de  (îadès  à  l'île  île  'I  hidé;  et 
le  second,  qui  avait  pour  tilrc  le 
Période ,  ou  se\nu  d'autres  le  Péri- 
ple, le  récit  de  sa  dernière  naviga- 
tion :  il  ne  nous  reste  de  l'iui  et  de 
l'autre  que  de  courts  fra;;meu(s  dans 
la  Géng^raihie  de  Strabon,  et  dans 
V Histoire  naturelle  de  Pline.  Stra- 
bon ,  qui  pnraît  se  délier  en  général 
des  r3p[»orls  des  voyafjenrs  ,  trait<; 
Pythéas  avec  une  excessive  sévérité: 
cependant  il  avoue  que  ses  remar- 
ques sur  les  mœurs  des  habitants  et 
sur  les  productions  des  pays  qu'il  a 

'i')  Gco^ruphit  dct  Crées  analyiée  ,Yf-   ï»7-  — 
Recherches ,  <!lc. ,  1,3-  3«);  IV,  60-ÏÎ8. 


PYT 

parcourus,  sont  assez  exactes.  Il  n'en 
est  pas  de  même  des  latitudes  que 
Pytheas  avait  assif;;nées  aux  princi- 
pales villes  de  l'Espagne,  des  Gaules 
et  des  îles  Britanniques  :  Sirabon  les 
contredit  presque  toutes;  mais   les 
observations  des  géographes  moder- 
nes ont  confirme  celles  de  Pytheas, 
et   dc'niontre  que   Strabon    lui-mê- 
me s'était  trompe'.  Pytheas  est  célè- 
bre en  astronomie  ,  pour  avoir  dé- 
termine' la  latitude  de  Marseille  en 
mesurant  avec  un  gnomon  la  hau- 
teur du  soleil  au  solstice  d'été'  ("i). 
Cassini  déclare  que ,    si   l'on   avait 
exactement  les  circonstances  de  celte 
observation,  elle  pourrait  servir  à 
décider  la  célèbre  question  du  chan- 
gement de  l'obliquité  de  récUptique 
(  Voy.  les  mémoires  de  Vncad.  des 
sciences ,  viu  ,  1 1  ,  et  V Histoire  de 
V astronomie  ancienne  ^  i ,  47  i  )•  Se- 
lon Hipparque  ,  Pytheas  apprit  aux 
Grecs  que  l'étoile  polaire  n'ét.iit  pas 
au  pôle  même  ;  mais  qu'avec  trois 
autres  étoiles  voisines  elle  formait  un 
quadiilatère  ou  carré,  dont  le  pôle 
était  le  centre  (  Voy.  Y  Histoire  des 
mathématiques  ^  par  Montucla,   i, 
i8q  ).  Enfin,  il  paraît  être  le  premier 
qui  ait  soupçonné  la  liaison  du  phé- 
noracnr  des  marées  avec  le  mouve- 
ment de  la   lune.  Plusieurs  savants 
modernes,  parmi  lesquels  on  distin- 
gue Nicol.  Sanson,  Gassendi,  Ru.d- 
beck,  etc.,  ont  vengé  Pytheas  des 
injustes  reproches  de  Polybe  et  de 
Strabon.  On  peut  consulter  pour  des 
détails  ,  le   Dictionnaire  de  Bayle  ; 
V Histoire  littéraire  de  la  France  , 

(2)On  a  levoque'en  doute  la  réalite  oiila  justesse 
(le  cette  observation  ,  sur  ce  que  Pytheas  avait,  tli- 
sait-cn  .identilic'  la  latitude  de  Marseille  avec  celle 
de  Byzauce ,  qui  en  difTcrede  plus  de  deux  degrés  : 
l'accusatiou  est  maJ  fondée  :  c'est  Hipparque ,  et  non 
Pytheas, qui  supposait  cette  égalité  de  latitude.  Voy. 
le  Journ.  îles  savants  de  1818,  pag.  558  ,  nut.  i ,  et 
le  IV".  vol.  des  Recherches  de  M.  Gossellin  ,  pag. 
3i6  ,  et  pag.  691. 


PYT  37 1 

I,  7i-';8;les  Eclaircissements  sur 
la  vie  et  sur  le  s  voyages  de  P)  t/iéas, 
par  Bougainville  ,  dans  le  Recueil 
de  Vacad.  des  inscrip. ,  xix,  4t)  ;  le 
Mémoire  de  J.  P.  Murray,  De  Pj- 
thed  Massiliensi ,  publié  en  1775  , 
dans  les  N09.  comment,  soc.  Got- 
ting. ,  tora.  VI  ;  et  les  Mémoires  pour 
seri'ir  à  l'histoire  des  voj'ages  ma- 
ritimes des  anciens  navigateurs  de 
Marseille  par  M.  D.  A.  Azuni.  Le 
P.Hardcuin  a  confondu  Pjthéas  de 
Marseille,  avec  un  orateur  athé- 
nien ,  contemporain  et  ennemi  de 
Démosthcne.  W — s. 

PYTHIS.   For.  Buyaxis. 
PYÏHODORÏS,  reine  de  Pont, 
fille  de  Pythodorus,  riche  citoyen  de 
Tralles,  dans  la  Lydie,  qiii  avait  été 
ami  de  Pompée,  était  femme  de  Polé- 
mou  I'"''.  ,  qui  gouverna  le  Pont  ,  le 
Bosphore  Ciraméricn  et  la  Colchide, 
peu  de  temps  avant  noti  .ère.  Nous 
avons  peudcchosesàajoutcrà  ce  que 
l'on  en  a  dit  à  l'article  de  son  mari. 
Quand  ce  princepérit,  en  combattant 
les  Aspurgitains,  sa  veuve  lui  succéda 
dans  l'administration  des  étals  qu'il 
possédait  dans  l'Asie  -  Mineure.  Le 
Bosphore  seul  resta  au  pouvoir  des 
barbares,  qui  avaient  vaincu  Polé- 
mon;  et  il  ne  revint  jamais  à  sa  fa- 
mille. Pythodoris  avait  eu  de  ce  prin- 
cedeuxfils  et  une  fille;  elle  régna  pen- 
dant leur  minorité.  On  connaît  quel- 
ques-unes des   médailles   qu'elle  fit 
frapper  à  cette  époque  ;  elles  sont 
fort  rares  :  elles  offrent  la  tête  de  Ti- 
bère, et,  au  revers,  un  des  signes  dn 
zodiaque,  et  la  légende  :  BAZIAI^EA 
nreOAflPIS  ETOYS  Z,  LareinePj- 
thodoris,  l'an  60.  On  peut  voir,  sui- 
ces  médailles,  un  Mémoire  dcTabbc 
Belley  (  Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres ,  tome  x\iv  ).  Cette 
princesse  régnait  sur  toute  la  parjjip 
orientale  de   l'ancien    royaume   de 

24.. 


373  PYT 

Pout ,  connue  sons  le  nom  de  Pont 
Pole'raoniaqiie,  et  qui  s'étendait  de- 
puis le  fleuve  Iris  ju>qu'aux  trouliè- 
res  de  rAinicuie  et  de  la  Colchide. 
Elle  y  joignait  la  souveraineté  de  ce 
dernier  pays,  comme  Strabon  nous 
l'atteste  ^  lib.  \i,  p.  499  )•  Les  Clial 
décns  ,  les  Tibaréuiens  et  les  autres 
peuplades  barbares  qui  habitaient 
dans  les  montagnes  au  sud-est  de  Tré- 
bizunde.  lui  élaientégalement  soumis. 
Elle  résidait  ordinairement  dans  la 
ville  de  Cibire,  que  Pompée  avait 
appelée  DiopoUs ,  mais  qui  fui  con- 
sidérablement agrandie  par  elle  ,  et 
décorée  du  nom  de  Sebaste,  sans 


PYT 

doute  pour  témoigner  sa  reconnais- 
sance à  Auguste.  Strabon,  contempo- 
rain de  cette  princesse ,  et  qui  était  né 
dans  une  des  villes  grecques  encla- 
vées dans  ses  états,  vante  ses  belles 
qualités,  sa  prudence  et  son  habileté 
dans  l'art  de  la  guerre.  Elle  épousa 
en  secondes  noces  Archelaiis ,  der- 
nier roi  de  Cappadoce ,  dont  elle  de- 
vint veuve  en  l'an  i  "j  de  notre  ère. 
Elle  continua  de  régner  dans  le  Pont, 
avec  son  lils  aîné,  Polemon  II,  qu'el- 
le avait  associé  au  trône,  mais  en  se 
réservant  tout  le  soin  des  afl'aires. 
On  ignoreà  quelle  époque  Pythodoiis 
mourut.  Son  Qls  lui  succéda.  S.  M  n. 


Q 


v2UADE(  MicuEL  FBLDtRic),  phi- 
lologue, tiaquiten  i68i,àZechau,en 
Poméranic.  Après  avoir  fait  de  bon- 
nes études  dans  sa  patrie,  à  Berlin, 
Wittenberg  et  Grcifswaldc  ,  il  se  fit 
connaître  dans  la  dernière  université 
par  plusieurs  Thèses  et  Dissertations, 
et  fut  chargé  du  soin  de  la  grande 
bibliothèque  du  vice  -  chancelier 
Mayer.  Outre  l'avantage  do  profiter 
de  cette  vaste  collection  ,  Quade  eut 
celui  d'accompagner  son  protecteur 
dans  ses  voyages  en  Allemagne,  et 
d'y  connaître  plusieurs  hommes  cé- 
lèbres ,  tels  que  Leibnitz  ,  Olearius  , 
etc.  En  i"o4  ,  sou  bienfaiteur,  en  sa 
qualité  de  comte  Palatin,  usant  du 
droit  de  sa  charge,  de  couronner  des 
poètes ,  fit  ce  petit  honneur  a  Quade, 
qui  pourtant  n'a  composé  de  vers  , 
que  des  inscriptions  latines,  et  une 
pièce  de  vers  allemands  sur  l'impri- 
merie, remarquable  seulement  en  ce 
ue  les  noms  de  tous  les  imprimeurs 
Peméranie  s'y   trouvent  réunis. 


Ayant  reçu  ensuite  le  titre  de  ba- 
chelier en  théologie,  il  obtint,  en 
1716  ,  le  rectorat  et  la  chaire  de 
philosophie  au  gymnase  du  Vieux- 
Sletlin  ;  il  conserva  la  place  de  rec- 
teur jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  le  1  i 
juillet  1757.  Quade  a  publié  un  grand 
nombre  d'écrits ,  surtout  de  bro- 
chures latines  dans  le  genre  que  les 
Allemands  appellent  micrologie  , 
c'est-à-dire  ,  des  traités  sur  des  sujets 
minutieux.  Dans  cette  cathégoriedoi- 
vent  être  rangées  :  sa  Dissertation  De 
virii  staturd  parvis  erudilione  ma^- 
mj,  Greifsv^'alde,  I7b6,  qu'd  paraît 
avoir  faite  avec  d'autant  plus  de 
plaisir  qu'il  était  lui-même  fort  petit  ; 
De  rectoribus  schularum  quadra^e- 
simum  laboris  annum  supergressis  , 
Stettin  ,  1719,  \n-io\.-j  De  juriscon- 
sultis  ex  theologisj'actis,  i  728  ;  De 
morbis  eruditorum  ordini  familia- 
ribiis  et  pleruinque  exitiosis  ,  i  74  '  > 
in -fol.  Parmi  ses  autres  écrits, 
on   remarque    :    I.   De    Dionjrsio 


QUA 

areopagitd  scriptisque  eidem  sirp- 
positis  ,  Grcifswalde  ,  1708.  IL 
Leonis  Allatii  instniclio  de  hiblio- 
thecd  Palatind  Romain  transpor- 
tandd ,  ibid. ,  1 708 ,  iii-4*'. ,  d'après 
un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de 
Mayer  :  cette  instruction  a  été  ré- 
irapriraée  dans  divers  Recueils.  III. 
Prodromus  vindiciarum  glorice  et 
nominis  Pomeranoriim  ,  Rostock 
et  Nouveau-Brandebourg  ,  1721  , 
in-S".  Il  défendit  l'honneur  de  sa  pa- 
trie contre  Schoettgen  ,  et  fut  atta- 
qué par  un  pamphlet  anonyme. 
IV.  De  ritu  veterum  vota  sohendi, 
1780  ,  in-fol.  V.  De  conditorihus 
Augustanœ  confessionis ,  ibidem. 
VI.  De  usuetahusu  studii  mathema- 
iici,  1747,  in  fol.  VII.  3on  Spécimen 
supplément orwn ad Mich.  Maittaire 
annales  typographicos  ,  cum  tribus 
continuationibus ,  a  été  inséré  par 
OEIrichs  dans  le  tome  vu  de  sa  Ber. 
liner  bibliothek.  VIII.  De  varid 
hujus  gjmnasii  fortund  et  fatis , 
1752  ,  in-fol.  \X.  Dissert,  epist.  de 
felici  reilitterariœ  successu  et  incre- 
mento  per  academias  et  scolas  illus- 
tres,  1756,  in-40.  X.  De  caussis 
quare  elegantiores  disciplinœ  ,  m- 
primis  litterœ  latince,  hodiecontem- 
tim  habeantur  à  multis ,  1767  ,  in- 
fol.  Quade  a  coopéré  à  la  première 
édition  poraéranienne  de  la  Bible  en 
allemand,  publiée  à  Slettin  en  1 708 ; 
mais  c'est  à  tort  que  Fabri  lui  attri- 
bue le  Bibliothécaire  impartial  , 
qui  est  de  KIosen  et  Krausen ,  comme 
l'affirme  positivement  Marc  -  Paul 
Huhold ,  dans  sa  curieuse  Notice  des 
journaux  (i),pag.  11.       D— g. 


{i)Nachricht  von  der  haut  ziiTagc, grand Mçde 
^ewordenen  Joumal-Qiiarlal  undnnniial  Schnflen, 
lena,  1718,  jn-S".  La  je.  édition  est  de  Leipzig,' 
«/IS  :  réimprimé  à  Jéna,  i^ifj  et  1117;  et  avec  des 
augmentations,  à  Gardclegea  ,  1718  e'i  177,4.  L'auteur, 
cure  à  MiediicLod  eo  Pologne,  est  mort  en  octo- 
fcre  iyj5. 


QUA  373 

QU ADRAT  (Saint  ) ,  un  des  apo- 
logistes  de  la  religion  chrétienne  , 
florissait  dans  le  second  siècle  de 
l'Eglise.  Nous  ne  savons  presque  rien 
de  lui.  11  était  disciple  des  apôtres  , 
au  rapport  d'Eusèbe  (  Ilist.  eccles. 
lib.  III ,  c.  37  ) ,  et  se  montra  véri- 
tablement l'héritier  de  leur  esprit. 
Doué,  corameeuXjdudondeprophé- 
tie  ,  et  opérant  les  miracles  qu'ils 
avaient  opérés  ,É||  contribua  puis- 
samment à  la  propngation  de  l'Evan- 
gile. Publius  ,  évêque  d'Athènes  , 
ayant  reçu  la  couronne  du  martyre 
en  1 25 ,  Quadrat  fut  élevé  sur  son 
siège.  Son  premier  soin  ,  dit  saint 
Jérôme  ,  fut  de  rassembler  les  Chré- 
tiens que  les  persécutions  avaient 
dispersés ,  et  de  ranimer  dans  leur 
cœur  le  feu  de  la  foi  qui  commen- 
çait à  s'éteindre.  L'an  126,  l'emjYÇ- 
reur  Adrien  se  fit  initier  aux  mys- 
tères de  Cérès-Eleusine.  Cette  céré- 
monie devint  le  signal  d'une  nou- 
velle persécution.  Quadrat  composa 
une  apologie  du  christianisme,  et  la 
présenta  à  ce  prince,  à  la  fin  de  l'hi- 
ver qu'il  passa  dans  cette  ville.  Elle 
produisit  son  eflçt  ;  et  la  violence 
de  la  persécution  fut  entièrement 
apaisée.  Les  anciens  ont  donné  de 
grands  éloges  à  l'Apologie  de  Qua- 
drat. Eusèbe  l'appelle  un  admirable 
monument  des  talents  et  de  la  pure- 
té de  la  foi  de  l'auteur  ;  elle  est  un 
ouvrage  très -utile,  selon  saint  Jé- 
rôme ,  et  digne  de  la  doctrine  apos- 
tolique. Il  est  fâcheux  qu'il  ne  nous 
eu  reste  qu'un  très -petit  fragment 
qu'Eusèbe  nous  a  conservé.  Quoiqu'il 
se  trouve  dans  une  multitude  de  li- 
vres ,  nous  le  rapporterons  à  cau- 
se de  son  importance.  «  Jésus- 
))  Christ  a  fait  ses  miracles  à  la  vue 
»  de  l'univers  ,  parce  qu'ils  étaient, 
«au-dessus  de  tout  soupçon.  Il  a, 
»  guéri  des  malades ,  et  il  a  ressuscité 


374 


QUA 


M  des  morts.  Quclqucs-iius  même  ont 
»  survécu  long-temps  à  l'auteur  du 
»  proi^ige  ,  et  ne  sont  luoits  ijue  de 
»  nos  jours.  »  Valois  ,  Dupin  ,  Tille- 
mont  ri  lîasnn^^e  ont  prétendu  que 
Quadrat  l'apologiste  n'était  pas  le 
même  que  rcvèijuc  d'Athènes:  mais 
cette  opinion  a  été  réfutée  par  Cave, 
Gralie  rt  Lardner.  L — b — e. 

Q  U  A  D  K I G  A  R I U S  (  Quintus 
Claudius  ),  liistoacn  romain,  an- 
térieur à  SiscnnaUni  tnivailla  sur 
la  même  matière,  vivait  du  temps 
de  Sylla  ,  80  ans  avant  J.-C.  ,  et 
peut  cire  considère  comme  le  plus 
ancien  de  ceux  qui  écrivirent  les  An- 
nales de  la  n'publique.  Tile-Livc 
s'en  est  approprié  plusieurs  passa- 
ges. Aniu-Gelle  le  cite  fréquemment , 
et  scniMe  faire  grand  cas  de  son  au- 
t^'ilé  :  les  nombreux  passages  de 
(Tuadrigariusréj)andusdanssesxTMif5 
Attiqiies,  sont  d'un  style  assez  pur, 
et  prouvent  que  cet  écrivain,  quoi- 
que fortanricn,  n'était  point  dépour- 
vu de  goût  ni  d'élégance.  Les  Annales 
de  Quadrigarius  existaient  ,  dit-on, 
encore  sur  la  fin  du  douzième  siè- 
cle; du  nïoins  elles  sont  citées  par 
Jean  de  Salisbiuy  :  ce  qui  en  reste 
donne  lieu  de  regretter  re  qui  est  per- 
du. .\ntoine  Augustin  l'a  inséré  dans 
SCS  Fragmenta  historié  a,  et  fia  ver- 
camp  l'a  mis,  ami  notis  variorum , 
à  la  suite  de  son  édition  de  Salluste  , 
Amsterdam,  i74'2,in-4". ,  tom.  11  , 
P-  3U.  V— R. 

QUADRIO  (FnAKçois-XAviER), 
littérateur  italien,  naquit  à  Ponte  , 
enVaheline,  le  l'^f.  décembre  lOyS. 
Apres  avoir  achevé  de  très  -  bonne 
heure  ses  éludes  littéraires,  il  se  dis- 
posait à  se  rendre  à  Pavie  pour  y 
suivre  des  cours  de  juri^prudence, 
lorsque  l'enxie  lui  prit  de  se  fai- 
re jésuite  II  s'engagea  ,  bien  jeune 
encore,  dans   cet  ordre    religieux, 


QUA 

sans  avoir  réfléchi  sur  les  conséquen- 
ces d'une  telle  résolution.  Vers  l'â- 
ge de  vingt  ans,  il  commença  d'en- 
scigiior  les  humanités  à  Padoue  , 
avec  un  brillant  succès  ;  et ,  après 
cinq  années  consacrées  à  celte  fonc- 
tion laborieuse,  il  fut  envoyé  à  Bo- 
logne. U  y  étudiait  la  théologie,  et 
en  même  temps  il  y  donnait  des  le- 
çons ,  en  qualité  de  répétiteur ,  ou 
de  maître  de  conférences  .  dans  le 
collège  de  Saint -Xavier.  11  se  livra 
ensuite  à  la  prédication  :  il  expliqua 
l'Ecriture  sainte  à  Venise  et  à  IMo- 
dène;  après  quoi  il  revint  à  Padoue 
pour  y  êlre  préfet  des  clas.NCs.  Ce  fut 
.ilors  qu'il  composa  deux  livres  in- 
titulés :  Délia  j  oesia  italiaiia,  cpii 
furent  iinpiimés  ,i  Venise,  en  17  ■54, 
sous  le  nom  fictif  de  Giuseppc  Ma- 
ria Andrucci  ,|)ar  les  soinsdeSeghez- 
zi  et  d'Aposlolo  Zeno.  Bientôt  il 
conçut  im  plan  beaucouj)  plus  vaste. 
Encouragé  par  Cordara,  son  confiè- 
re  el  son  ami  (  f^.  Cokoaha,  1\  , 
5()7),  il  entreprit  une  Histoire  géné- 
rale de  la  poésie,  histoire  (|ui  devait 
embrasser  tous  les  âges  ,  tous  les 
pays ,  tous  les  genres.  Cette  entre- 
prise a  exigé  de  lui  de  longues  et  pé- 
nibles recherches:  il  lui  a  fallu  visi- 
ter les  bibliothèques  de  Venise,  de 
IMilan,  de  Bologne.  H  séjourna  aussi, 
entre  les  années  1734  et  1743,  à 
Modène,  à  Borgo  San-Donino,  et  ne 
laissa  pas  de  rencontrer,  en  ces  di- 
vers lieux,  assez  de  contrariétés  et 
de  dégoûts.  En  1743,  il  se  rendit  à 
Rome,  cil  le  général  des  Jésuites,  et 
surtout  le  pape  Benoît  XIV,  l'accueil- 
licent  avec  bienveillance.  Sensible 
à  ces  témoignages  d'estime,  il  écri- 
vit un  long  Mémoire  où  il  expo- 
sait avec  confiance  sa  propre  situa- 
tion ,  l'état  de  ses  affaires  et  de 
ses  travaux;  et  il  le  remit ,  en  par- 
tant,  au  souverain  pontife.  I/im- 


QUA 

pression  de  son  ouvrage,  commencée 
à  Venise  et  à  Bologne  ,  se  continuait 
à  Milan  :  il  vint  habiter  cette  ville, 
où  il  ne  larda  point  à  fixer  sur  lui  les 
regards  du  public  par  l'humeur  mé- 
lancolique dont  il  se  montrait  at- 
teint. 11  devint  inquiet,  soupçon- 
neux :  les  dettes  cpi'il  avait  contrac- 
tées pour  se  faire  imprimer ,  accru- 
rent ses  chagrins;  il  s^iniagina  qu'il 
était  mal  vu  des  personnes  avec  les- 
quelles il  vivait ,  et  qui,  au  contraire, 
avaient  beaucoup  de  considération 
pour  lui.  Ayant  résolu  de  se  dégager 
des  liens  qu'il  avait  contractes  ,  il 
sollicita  et  obtint  de  ses  supérieurs 
la  permission  dépasser  quelque  temps 
à  la  campagne  pour  rétablir  sa  santé 
visiblement  affaiblie.  De  IMilan,  d'où 
il  partit  précipitamment,  au  mois  de 
mai  de  l'année  1744?  ''  ^^  dirigea 
vers  Come  ;  et  non  loin  de  cette  ville , 
il  se  dépouilla  de  l'habit  de  jésuite  . 
qu'il  laissa  sur  la  grande  route.  En- 
tré en  Suisse  ,  il  écrivit  de  Zurich  , 
puis  de  Coire ,  des  lettres  au  Saint- 
Père,  pour  justifier  le  parti  qu'il  ve- 
nait de  prendre ,  et  reçut  du  sage 
Benoît  XIV  des  réponses  bienveil- 
lantes. Toutefois  Quadrio  refusa  obs  • 
tinément  les  chaires  que  des  villes 
protestantes  s'empressaient  de  lui 
offrir  ,  et  il  soutint  à  Bàle  plusieurs 
disputes  contre  les  théologiens  ré- 
formés. Le  goût  des  lettres  l'attira 
bientôt  à  Paris  :  il  resta  en  France 
jusqu'à  la  fin  de  mai  1747  ,  et  il  eut 
des  relations  avec  des  personnages 
distingués  :  on  cite  particulièrement 
le  cardinal  de  Tencin  et  Voltaire,  qui 
estimaient  son  savoir  et  appréciaient 
son  mérite.  De  retour  en  Italie,  et 
après  quelques  mois  de  séjour  à  Pon- 
te ,  sa  patrie,  il  fit  un  nouveau  voya- 
ge à  Rome,  en  1748,  et  obtint  de 
Benoît  XIV  l'autorisation  de  porter 
l'habit  de    prêtre  séculier  pendant 


QUA  375 

trois  ans.  Cet  excellent  pontife  («yi^eZ 
saggio  pontefice ,  disent  les  biogra- 
phes italiens  de  Quadrio  )  lui  fournit 
des  moycnsde  subsister,  et  lui  donna 
des  lettres  de  recommandât  ion  pour  le 
cardinal  Qucrini,  é\èpie  de  Brescia  , 
et  le  Mécène  de  cette  époque:  le  pape 
fit  mieux  encore;  il  lui  conféra,  en 
avril  1751 ,  deux  canonicats  ,  et  le 
dispensa  ,  pour  sa  vie  entière  ,  de 
porter  le  costume  des  jésuites.  Par 
surcroît  de  bonne  fortune,  Quadrio, 
dès  le  mois  de  septembre  de  la  même 
année,  fut  présenté  au  comte  Palla- 
vicini ,  gouverneur  de  Milan  ,  qui  le 
prit  pour  bililiothécaire.  Pallavicini 
quitta  ce  gouvernement,  en  1 753,  et 
continua  de  s'occuper  du  sort  de 
Quadrio:  il  ne  tenait  qu'à  celui-ci  de 
se  placer  avantageusement  à  Gènes 
ou  à  Bologne;  mais  il  aima  mieux  res- 
ter à  Milan,  et  se  retira  dans  le  cou- 
vent des  Barnabites  ,  où  il  termina  , 
le  ai  novembre  1756,  sa  carrière, 
qui,  depuis  1 744  5  avait  été  heureuse 
et  paisible:  auparavant  ses  travaux, 
et  plus  encore  ses  chagrins ,  avaient 
fort  altéré  sa  santé.  Il  laissait  ma- 
nusci'it  un  Traité  de  médecine  , 
fruit  de  ses  souffrances  autant  que  de 
ses  études  ;  c'était  un  abrégé  qu'il 
avait  composé  en  cédant  aux  conseils 
de  Morgagni,  un  de  ses  amis  les  plus 
illustres.  On  conservait  aussi  à  Ve- 
nise ,  dans  la  bibliothèque  des  Jé- 
suites,  une  Botanique  universelle, 
écrite  de  la  main  de  Quadrio  ;  et  ou 
lui  attribuait  une  grande  partie  d'un 
ouvrage  de  Jacques  Zannichelli  (fils) 
sur  le  même  sujet.  Il  avait  fait,  à  l'âge 
de  trente  -  trois  ans  ,  un  poème  inti- 
tulé: Il  cai^aliei  e  en  ante, en  soixante 
chants  ;  mais  depuis,  il  le  condamna, 
dit  on,  aux  flammes.  Dans  le  cours 
des  six  dernières  années  de  sa  vie,  il 
a  publié  ,  à  Milan ,  plusieurs  ouvra- 
ges ,  à  coi.'imcncer  par  une  lettre  sur 


376  QUA 

les  titres  honuriliqucs  ,  imprimc'e  en 
i-jji.  En  la  même  année,  il  a  in- 
sc're  dans  un  Recueil  intitulé  :  Bor- 
landa  impasticciata,  in  -  4''- ,  des 
vers  runi'ines  [versi  in  linç^ua  rwiica 
lUSknni.n  kniifa^ ,  retrouves  dans  la 
l)ibliothè(]uc  Mn;;liabecclii,  Sa  Let- 
tera  intonv)  alla  sferisllca  ,  sur  le 
jeu  de  paume  des  anciens  ,  est  de  la 
même  date.  Il  n'existait  qu'une  an- 
cienne et  rare  édition  (donnée  vers 
14S0  ),  de  la  Traduction  des  sept 
Psaumes  pe'niicnliaux  ,  en  vers  ita- 
liens, par  le  Dan  le:  Hnadrio,  en  y  ajou- 
tant d'autres  vers  pieux  de  ce  poète  , 
et  des  observations  littéraires  ,  en  fit 
paraître    une  édition  nouvelle ,   en 
175?, ,  in-S**.  Ce  livre  a  été  réimpri- 
mé à   Bologne,  en   i7j3,  petit  in- 
4°.  En  1755  ,  Qiiadrio  publia  ,  tou- 
jours à  Milan  ,  les  deux  premiers  vol. 
petit  in-folio,  de  ses  j)isserta:ioni 
eritico  -  storiche  intorno  alla  Rczia 
(  la  Rhctie  )  di  qiuï  dalle  Alpi  ,  o^^i 
delta    faltellina   :  {  le  3".   tome , 
quoique  portant  la  date  de   1756  , 
ne  parut  que  deux  ans  après  la  mort 
de  l'auteur  ).  Ces  reclierclies  sur  les 
antiquités  de  la  Valteline,  sont  pré- 
cédées d'un  exposé  des  motifs  qui 
avaient    déterminé   le   P.    Ouadrio 
à    clianf;er  d'état.   L'ouvrage   était 
dédié  à   Benoît   \lS\  qui ,  de   sa 
luain  ,  écrivit  à  l'auteur  ,  le   3  jan- 
vier   175G,  une  lettre  de  remercî- 
inents  très-alTcclueusc  '  T  ).  Il  y  a  de 
plus ,   dans   la   Faccnlta  Milanese 
de    1750,  un  opuscule  de  Quadrio  , 
ayant   pour  titre  :   Letlera  intorno 
alV  on  f^ine  ed  alla  propa^azione  del 
le  lin'^ue.  Nous  avons    indiqué   son 

(i)  LacarUqiii  nccompa^nait  cetoum^e  e»l  de- 
T«>ue  aD«  rarrlrbibliogr.i|.|Mqiir  ,aTant  (-te  •■iippri- 
mer  daoi  presque  tous  Ir»  cx>'in|>làirej,  par  ordre 
du  coiirerDerariit  dr  MiUn  .  coinriif  donnant  d'une 
■naiiù-re  raDMe,U«liiuil<>3  rntre  cesHpiix  pavs  ,  rela- 
•iveinml  BU  lac  de  Cbiavemia  (  Haller ,  'Bihlioth. 
hiil.  iuiii. ,  1 ,  567). 


QUA 

Histoire  de  la  poésie  italienne ,  en 
deux  livres  :  c'était  Tessai  de  l'ou- 
vrage volumineux  par  lequel  il  est 
principalement  connu  :  Delhi  slo- 
ria  e  délia  ragione  d'ogni  poesia ,  7 
tomes  in -4"-  !■'<"  premier  volume 
avait  été  imprimé  à  Venise,  en  173G; 
il  reparut  à  Bologne,  en  1739  :  les 
suivants  sont  de  Milan  ,  1741-1759; 
et  dans  le  frontispice  des  deux  der- 
niers, l'auteur  prend  le  titre d'.7/y/^rt- 
te  ,  au  lieu  île  délia  Coiytpaç,nia  di 
Gesù.  Si  cette  publication  a  été  con- 
duite à  son  terme  ,  on  le  doit  aux 
soins  du  marquis  Trivulci  et  du  com- 
te Pailaviciiii  ;  car  l'auteur  ne  trou- 
vait plus  d'imprimeurs  ni  de  librai- 
res. L'ouvrage  était  pourtant  fort 
instructif;  on  n'avait  point  encore 
rassemblé,  sur  la  théorie  et  l'histoi- 
re de  la  poésie  ,  un  aussi  grand  nom- 
bre de  notions  générales  et  particu- 
lières, de  recherches  et  d'observa- 
tions, de  jugements  littéraires  et  de 
détails  bu)graphi(|ues  et  bibliogra- 
phiques. Depuis  même  qu'on  a  les 
moyens  de  mieux  faire,  ce  vaste  rc- 
cucd  n'a  point  été  remplacé;  on  a 
fort  souvent  besoin  de  le  consulter 
encore.  Il  sufllt  d'en  mesurer  l'éten- 
due pour  s'attendre  à  y  rencontrer 
des  inexactitudes  :  Tiraboschi  en  a 
relevé  jilusieurs;  on  doit  s'étonner 
qu'il  n'y  en  ait  pas  davantage.  Les 
omissions  n'y  sont  fréquentes  et  gra- 
ves qu'à  l'égard  des  littératures  mo- 
dernes ,  distinctes  de  l'itaiienne.  Mais 
les  jugements  hasardés,  pronêncés 
par  tradition  ou  sans  examen,  pres- 
que snns  conniissance  de  cause,  ne 
sont  malheureusement  rares  en  au- 
cune partie  de  cet  ouvrage.  On  s'a- 
perçoit ,  dans  les  derniers  volumes  , 
de  la  fatigue  de  l'écrivain  :  ils  pren- 
nent quelquefois  le  caractère  d'une 
pure  compilation.  La  méthode  n'est, 
pas  non  plus  excellente.  Quadrio  a 


QUA 

voulu  associer  partout  l'histoire  à  la 
théorie  (  Storia  e  raglone  )  ;  plan 
qui  serait  assurémcut  le  meilleur , 
s'il  était  parfaitement  cse'cute' ,  mais 
qui  offre  des  diiricuhës  de  plus  d'un 
genre.  Le  tome  i*^"".  a  pour  objet  la 
nature  de  la  poe'sie,  ses  formes,  sa 
matière ,  et  son  instrument  ou  son 
lansace,  c'est-à-dire  la  versification. 
L'auteur  distingue  eusuite  trois  gran- 
des  espèces  de  poe'sies,  qu'il  désigne 
par  les  noms  de  mélique ,  dramati- 
que ,  épique.  Il  comprend  dans  la 
première,  avec  les  poésies  chantées  , 
toutes  celles  qui  sont  assnjéties  à  des 
cadences  particulières  :  le  sonnet,  le 
rondeau  ,  et  jusqu'aux  madrigaux  y 
e'pigrammes  ,  énigmes  ,  emblèmes  : 
les  tomes  ii  et  m  correspondent  à 
cette  première  classe.  Les  deux  sui- 
vants sont  consacrés  à  la  poésie  dra- 
matique :  tragédies, comédies,  tragi- 
comédies,  pastorales,  etc.  La  poésie 
épique,  sous  laquelle  Quadrio  range 
les  poèmes  didactiques,  remplit  le  si- 
xième volume  ;  et  le  septième  ren- 
ferme des  additions,  des  corrections, 
une  table  enfin  ,  à  laquelle  on   est 
souvent  forcé  de  recourir:  car  il  ne 
règne  pas  assez  d'ordre  dans  l'ouvra- 
ge ,  pour  que  les  recherches  immé- 
diates y  soient  toujours  praticables. 
Quoi  qu'il  en  soit,  ce  travail,  par 
son  étendue  et  par  son  utilité  ,  a  mé- 
rité l'estime  des  littérateurs  instruits 
qui  vivaient  au  milieu  du  dernier  siè- 
cle. Les  Italiens  l'ont  généralement 
préféré  à  celui  de  Crescimbéni,  qui 
d'ailleurs  ne  concernait  que  leur  poé- 
sie vulgaire  f  F.  Crescimbéni,  X, 
235-'24o  ").  Entre  les  jésuites  hom- 
mes de  lettres  qui  ont  aidé  Quadrio  de 
leurs  lumières,  on  cite,  avecCorda- 
ra,  André  Zuccheri,  Belgrado  (  F". 
IV,  79-80),  et  Nogheia  (  XXXI, 
340  et  341  ).  Hors  de  celte  société, 
il  a  eu  pour  amis  ou  pour  protec- 


QUA 


377 


teurs  ,  Lazzarini ,  Morgagni ,  Que- 
rinijetcommeonl'a  vu,  Benoît  XIV. 
Passcroni(f^.XXXI,  io2-io4),  qui 
l'avait  connu  à  Milan ,  lui  a  rendu 
hommage  dans  sou  Cicérone  : 

f'''è  il-  tiollo  QiiaHrio  a  ciii  In  poesia 
Dei'e  cotanio  ,  ecl i  poeli  fg'f^/, 
l^er  quel  ch'ha  sciitlo  e  scrive  Ittlla  via^ 
Ë  caro  al  papa,  a'  cardinali  e  rcgi. 

On  peut  consulter ,  sur  la  vie  du  Qua- 
drio ,  la  préface  qu'il  a  mise  à  la  tète 
de  ses  Disserta zioni  intorno  alla  Be- 
zia ;\à  Raccolta  Milanese^àe  1756; 
les  Annali  letterarj  d'Italia  ,  tome 
I ,  part.  1  I ,  p.  263 ,  etc.  ;  les  notices 
sur  les  hommes  illustres  délia  Co- 
masca  diocesi,  par  le  comte  Giovio. 
—  Le  médecin  Jos.  Quadrio  ,  né  à 
Ponte  en  1707  ,  était  cousin  du  pré- 
cédent ,  et  l'un  des  élèves  les  plus 
distingués  de  Vallisnieri  et  de  Mor- 
gagni. II  est  mort  le  '26  septembre 
1757,  connu  par  quelques  poésies 
et  par  des  livres  de  médecine  :  tels 
que  :  Uso,Htilita  è  storiadelle  acque 
termali  di  Trescorio ,  nel  territorio 
di  Bergamo ,  Venise ,  1749?  ^uovo 
Metodo  per  curare  il  canchero  co- 
perto  e  specialmente  leghiande  scir- 
ro^e,  Venise,  1760.  11  est  honora- 
blement cité  dans  la  3^  partie  des 
Dissertations  hi  storiques  de  Fr.Xav. 
Quadrio  ,  sur  la  Valteline.  —  Un 
autre  Quadrio  (  Jos. -Marie  ) ,  un  peu 
plus  ancien  que  les  deux  précédents, 
était  archiprêtre  de  Locarno  ,  sur  le 
lac  Majeur.  Il  a  publié,  en  171 1  , 
à  Milan  ,  une  Paraphrase  lyrique  en 
vers  italiens  du  Stabat,àuDies  irœ, 
et  de  quelques  autres  proses  qui  se 
chantent  à  l'église.        D — N — u. 

QUANZ  (  Jean-Joachim  ),  musi- 
cien, naquit  en  1697,  à  Obersche- 
den,  village  situé  près  de  Goltingue. 
Son  père  qui  était  maréchal-fer- 
rant ,  l'avait  destiné  au  même  mé- 
tier. Mais  le  fils  s'étant  plu,  dès  sa 


378 


QUA 


première  jeunesse ,  à  jouer  de  la  bas- 
se ,  «i  la  grande  satisfaction  des  pay- 
sans de  son  villa';e,  et  ayaut  pris 
du  goût  pour  la  musique,  se  mit,  à 
l'à^e  de  dix  ans  ,  en  apprentissage 
chez  son  oncle  ,  qui  était  musicien 
pensionnaire  de  la  ville  de  IMers- 
Lourg,oùQuanz  eut  dans  lasuiteToc- 
casiou  de  former  son  goût  dans 
l'orchestre  du  duc.  Il  alla,  en  1714» 
à  Dresde,  y  fut  nomme,  deux  ans 
après,  musicien-pcnsiounairc  de  la 
ville,  et  admis,  en  171H.  comme 
hautbois,  à  l'orchestre  de  Varsovie, 
où  la  flùlc  devint  l'objet  de  son  ap- 
j)licalion  particulière.  Il  fil, en  \']i\y 
le  voyage  d'Italie,  à  la  suite  de  l'am- 
bassadeiirdc  Pologne;  vit,  à  N'aples, 
fiasse  et  Searlatti,  dont  il  sut  se  con- 
cilier l'amilie;  visita  Paris  et  Lon- 
dres; et,  de  retour  à  Diesde,  obtint 
une  place  dans  l'urclicstre  de  la 
cour.  Le  grand  Frédéric  ,  n'étant 
encore  que  prince  royal,  avait  re- 
çu de  lui  des  leçons  de  flûte  :  dès 
«[u'd  fut  monte  sur  le  trône  ,  il 
appela  Quanz  à  lierlin,  lui  donna 
une  pension  de  deux  mille  cens  avec 
d'autres  avantages,  et  il  prit  plaisir 
à  exécuter  souvent  des  duos  avec  lui , 
jusqu'à  la  mort  de  l'artiste,  qui  eut 
lieu  ,  à  Potsdam,  le  li  juillet  1773. 
Quanz  passait  pour  un  des  pi  us  grands 
virtuoses  sur  la  flûte,  et  il  perfec- 
tionna cet  instrument.  En  171G,  il 
commença  par  y  ajouter  une  languet- 
te; en  i7Ji  ,  il  inventa  le  bouchon, 
à  l'aide  duquel  on  peut  faire  baisser 
la  flûte  ou  hausser  de  ton  ,  sans  avoir 
besoinde  toucher  au  corps  de  rechan- 
ge. Il  établit,  en  1739,  un  atelier; 
et  la  fabrication  de  se>  instruments 
lui  rapporta  beaucoup  d'argent.  Son 
ouvrage  intitule  :  Instruction  pour 
jouer  de  la  flûte  ,  Berlin ,  l'jïîj  ,  iu- 
4".,  eut  plusieurs  éditions,  et  a  e'tc 
traduit  en  français  cl  en  hollandais. 


QUA 

Comme  compositeur,  Quanz  ne  tra- 
vailla guère  (pie  pour  son  royal  dis- 
ciple, à  l'usage  duquel  il  composa, 
diton,  '^99  concertos  et  200  so- 
los;  mais  celles  de  ses  compositions 
qui  ont  etd  publiées  sont  estimées  des 
gens  de  l'art,  et  font  preuve  de  sa 
j)rofonde  connaissance  de  l'harmo- 
nie. Rotermund  cite  de  lui,  en  fran- 
çais ,  sous  le  nom  de  Quouance, 
une  suite  de  pièces  à  deux  flûtes, 
publiée  en  17 -'.9.  Pour  montrer  quels 
furent  l'attachement  ,  la  tendresse 
même  du  roi  pour  son  instructeur, 
il  suflira  de  dire  qu'il  prit  person- 
nellement soin  de  lui ,  (pi'il  rem- 
plaça souvent  son  médecin  ,  et  qu'a- 
{irès  sa  mort ,  il  lui  érigea  un  très- 
jcau  monument.  L — o. 

QU  ARI\  (  Joseph  ) ,  raédccin  célè- 
bre ,  na(|uità  Vienne  le  19  novembre 
1733.  vSon  père,  médecin  di.^tiugué 
de  cette  ville,  lui  procura  une  ex- 
cellente éducation.  A  l'âge  de  i5ans  , 
le  jciuie  Quarin  fut  reçu  docteur  en 
plMloso|)hie  ;  et  ,  à  dix  huit  ans  ,  il  / 
obtint  à  Fribourg,  en  Brisgau  ,  le 
grade  de  docteur  en  médecine.  D'a- 
près l'invitation  de  Van-Swieten  , 
il  se  livra  à  l'enseignement,  et  il 
fit  ,  à  l'iuiiversité  de  Vienne  ,  eu 
1754  et  en  17JO,  des  cours  sur  l'a- 
natomie  et.  la  matière  médicale.  Il 
continua  ensuite  ses  leçons  à  rh(')pi- 
tal  des  frères  de  la  Charité,  dont  il 
fut  le  médecin  pendant  vingt- huit 
ans.  En  1 706  ,  il  fut  nommé  conseil- 
ler aulique,  etmédecin-inspecleurde 
la  Basse- Autriche.  Ce  fut  vers  cette 
époque  que  Storck  son  maître  fil  re- 
tentir l'Europcdessuccèscju'il  préten- 
dait avoir  obtenus  de  la  ciguè  contre 
les«alJ'ections  cancéreuses.  Quarin  (it 
des  essais  sur  ce  médicament  ;  et  il  en 
publia  les  résultats  en  i76j.  Quel- 
ques années  après,  il  donna  au  public 
un  Traité   des  fièvres ,  que   suivit 


QUA 

bientôt  après  son  Traité  des  inflam- 
mations. Ces  deux  ouvrages  eurent 
un  grand  succès  en  Allciaagne  ,  et 
furent  traduits  en  anglais  et  en  ita- 
lien. Peu  s'en  fallut  que  la  carrière 
de  noire  me'decin  ne  fût  ici  terminée: 
il  fut  atteint ,  en  177a,  d'une  fièvre 
putride  ,  qui  mit  sa  vie  dans  le  plus 
grand  d;inger.  Il  reçut  ,  à  ce  sujet, 
comme  il  l'a  consigné  dans  ses  écrits, 
des  témoignages  du  plus  vif  intérêt, 
de  la  part  des  habitants  de  Vienne; 
et  il  dut  son  rélablissement  aux.  bons 
soins  de  Storck,  son  ami.  Les  tra- 
vaux de  Qnarin  lui  avaient  acquis 
une  juste  célébrité:  l'arcliiduc  Fer- 
dinand étant  tombé  dangereusement 
malade  à  Milan  en    1777,  Quarin 
y  fut  envoyé  parMarie-Thérèsepour 
diriger  son  traitement  :  il  fut  assez 
heureux  pour  rétablir  la  sauté  du 
prince,  qui ,  par  recounai'^^sance  ,  le 
fît  nommer  son  médecin.  Eu  1781 , 
Quarin   reproduisit  son  Traité  des 
fièvres  ,  et  celui  des  inflammations  , 
réunis  en  un  seul  corps  d'ouvrage. 
Emonnot,  praticien  distingué,  cpie  la 
science  vient  de  perdre  ,  en  a  donné 
une  traduction  française  en  1800. 
Quarin  étant  de  retour  de  Milan  , 
l'empereur  Joseph  II  le  nomma  mé- 
decin de  l'hôpital- général ,  et ,  quel- 
que temps  après,  son  premier  n)é- 
decin,  il  profita  de  l'influence  que 
lui  procurait  ce  poste  éminent  pour 
perfectionner  l'instrucliou  médica- 
le et  améliorer  le  système  des  hô- 
pitaux. Des  écoles  de  clinique  qu'il 
établit  ,  ont  depuis  servi  de  modè- 
le à  celles    qui   ont  été  formées  en 
Italie  et  en   France  :  il  procura  la 
fondation  d'hôpitaux  ,  et  s'occupa 
de   surveiller  leurs   moyens  de  sa- 
lubrité. Dans  la  vue   de   donner  à 
ces  établissements  toute  la  perfection 
dont  ils  étaient  &n.sceptibles ,  il  fit  un 
voyage  en  France, en  Angleterre ,  en 


QUA 


379 


Italie,  pour  visiter  ceux  de  ces  dif- 
férents pays  ,  afin  de  connaître  ce 
qui  avait  trait  à  leur  économie ,   à 
leur  assainissement ,  et  à  leur  ad- 
ministration. Les  occupations  nom- 
breuses de  Quarin   ne   lui   permi- 
rent pas  de  continuer  ses  fonctions 
de  médecin  à   l'hôpital-général  ;  il 
s'en   démit   en    1791  :  mais  l'acti- 
vité de  son  zèle  pour  tout  ce  qui  in- 
téressait l'exercice  de  sa  profession 
ne  se  ralentit  pas  :  il  remplit  six  fois 
les  fonctions  de  recteur  à  l'univer- 
sité; et  il  publia  divers  ouvrages  sur 
la  médecine  ,  et  notamment  ses  Ob- 
servations pratiques  sur  différentes 
maladies.  Ce  dernier  ouvrage  a  été 
traduit  en  français  par  M.  Sainte- 
Marie  ,  sous  le  titre  impropre  d' Ob- 
servaiions  pratiques ,  sur  les  ma- 
ladies chroniques^    1807,   in -8°. 
Quarin   jouit  de  son  vivant   d'une 
grande  réputation  ;  et  ses  services 
furent  honorablement  récompensés. 
Les  sociétés   de    médecine   de  Co- 
penhague ,  Londres  ,  Venise ,  Vien- 
ne ,  l'admirent  au  nombre  de  leurs 
associés.  Dans  la  dernière  maladie 
de  Joseph  II  ,  ce  monarque  ayant 
demandé  à  Quarin  ce  qu'il  pensait 
de  son  état ,  celui-ci  eut  la  candeur 
de  lui  répondre   qu'il  ne  restait  au- 
cun espoir  ,  et  que  sa  Majesté  n'a- 
vait que  peu  de  jours  à  vivre.  L'em- 
pereur lui  sut  gré  de  cette  franchise; 
il  lui  décerna  le  titre  de  baron ,  et 
lui  fit  présent  de   raille  souvei'ains 
d'or  (environ  20,000  liv.)  En  1797, 
Quarin  reçut  le  titre  de  comte;  et  en 
1808,  le  cordon  de  l'ordre  de  Saint- 
Léopold.  Son  buste ,  exécuté  en  mar- 
bre en   1802  ,  fut  placé  avec  solen- 
nité dans  la  salle  consistoriale  de  l'u- 
niversité. Ce  respectable  médecin  est 
mort  le  19  mars  i8i4-Les  ouvra- 
ges de  Quarin  ont  eu  peu  de  succès 
en  France  :  ils  n'y  ont  guère  été  cou- 


38o  QUA 

mis  que  par  les  traductions  trop  tar- 
dives d'Enionnot  et  de  M,  Sainte- 
Marie:  ils  sont  remplis  de  vues  pra-* 
tiqucslrès-sages  ;  mais  ils  pèchent  par 
des  divisions  peu  exactes,  et  par  des 
théories  erronées  sur  les  fièvres,  théo- 
ries qui  répjnaient  au  moment  où  ils 
ont  été  publiés.  En  voici  la  liste  :  I, 
Tentumina  decicutà,  Vienne,  1761, 
iu-8".  II.  Mdlhodus  medendanim 
fehrium  ,  ib.  1772,  in-H".  III.  Me- 
thodus  medendi  inflammaliones  , 
ib.  i774,iu-8\  IV\  Nouvelle  édition 
de  ces  deux  derniers  ouvrages  sous 
ce  titre  :  De  ciirandis  febribus  et  in- 
jlammatinmbus  commentatio,  ib., 
1781.  V.  Tractalus  de  morbis  ocii- 
lontm.  VI.  De  Entomid  nord  et 
iilili  phjsico  -  medicè  consideratd. 

VII.  Considérations  sur  les  hôpi- 
taux de  Fienne  ^qw  allemand,  1784. 

VIII.  Animadversinnes  practicœ  , 
in  diversos  morbos  .  ib.  1  786 ,  in  8". 
L'auteur  avait  annoncé  des  Obser- 
vations sur  la  digitale  ,  et  une  Phar- 
macopée, qui  n'ont  pas  e'té  publiées. 

N— H. 
QUARREY  ou  QUARRÉ  (  Jean- 
HcT.UEs),  écrivaiu  ascétique,  né,  en 
i58o  ,  à  Poligiii ,  d'une  famille  no- 
ble, acheva  ses  études  à  l'université 
de  Paris  :  après  avoir  pris  ses  degrés 
en  .Sorbonno,  il  fut  nommé  cha- 
iioinc-lhéologal  dans  la  collégiale  de 
sa  ville  natale ,  et  se  démit  de  celte 
prébende  pourentrer,  en  i6i7,dans 
la  congrégation  naissante  de  l'Ora- 
toire. Sa  pieté,  sa  douceur,  et  son 
talent  pour  la  rliaire,  l'avant  bieniôt 
fait  connaître  d'une  manière  avanta- 
geuse, rarclievc(|uede  Malines.  Jac- 
ques Boonen  ,  le  demanda ,  en  1 634  , 
pour  remplacer  le  P.  Bourgoing  dans 
le  gouvernement  des  maisons  de  l'O- 
ratoire de  Flandre  ,  et  se  l'attacha 
personnellement  par  un  canonicat 
dans  son  église  métropolitaine  :  mais 


QUA 

Quarrey  en  abandonna  les  revenus  à 
la  maison  de  l'oratoire  de  Malines. 
Il  mérita  la  confiance  de  l'infante 
Isabclle-Claire-Eugénie,  gouvernante 
des  Pays-Bas,  qui  le  choisit  pourson 
confesseur,  et  lui  fit  obtenir  le  titre 
de  prédicateur  du  roi  d'Espagne.  Ce 
fut  pendant  son  gouvernement  que  la 
partie  de  la  congrégation  de  l'Ora- 
toire établie  dans  les  provinces  bel- 
giques ,  se  sépara  de  l'Oratoire  de 
France  ,  et  se  soumit  au  régime  d'un 
chef  particulier ,  qui  ,  sous  le  titre 
de  prévôt,  devait  néanmoins  cire  con- 
firmé par  le  général  de  cette  congre'- 
gation.  Ce  pieux  ecclésiastique  mou- 
rut à  Bruxelles  ,  le  26  mai  i656  ,  en 
odeur  de  sainteté.  Par  son  testament 
il  légua  tous  ses  biens  à  la  maison  de 
l'oratoire  de  Poligni ,  dont  il  était 
l'un  des  fondateurs.  On  a  de  lui  plu- 
sieurs ouvrages  qui  eurent  un  grand 
succès  dans  le  temps;  mais  le  style 
en  est  suranné.  Les  principaux  sont: 
I.  Le  Trésor  spirituel  ^Parh ,  i036, 
in-8''.;  la  septième  édition  est  de 
1 6G0.  II.  Traité  de  la  pénitence  chré- 
tienne ,  ibid.  ,  1G48,  ïn-i-2.  III.  La 
Fie  de  la  U.  Angele  ,  fondatrice  des 
Ursulines,  ibidem  ,  1G48  ,  in-  12. 
IV.  Le  Biche  charitable  ,  Bruxelles  , 
i053  ,  in-  12.  V.  Direction  sjnri- 
tuelle  ,  avec  des  méditations,  ibid. , 
1 654  >  in-8''.  —  Guillaume  Quarre, 
chirurgien  de  Paris  ,  publia  ,  en 
)638  ,  un  Traité  de  myologie  en 
vers  latins ,  Myolo^ia  heroïco  versa 
explicata ,  in-4°.  de  4"  P^g. ,  dédié 
à  Bouvard  ,  premier  médecin  du  roi. 
—  Thomas  QuarrÉ  ou  Carré  ,  con- 
fesseur des  bénédictines  anglaises  ,  à 
Paris  ,  à  l'époque  de  la  contestation 
sur  l'auteur  de  V Imitation  de  J.-C. , 
a  publié,  contre  les  Conjectures  ou 
Remarques  apologétiques  de  dom 
Valgrave  en  faveur  de  J.  Gorsen , 
des  Preuves  ou  Réclamations  con- 


QUA 

traires  pour  Kempis,  Paris  ,  lô^i , 
in-i2  ,  en  anglais  (  avec  le  texte  )  ; 
1644 >  in- '2,  en  français  ;  et  i65i , 
in-S". ,  en  latin,  avec  une  préface  de 
Naude'.  W — s  et  G — ce. 

QU  ATREMAIRE  (  Dom  Jean  Ro- 
BERT  ),  bénédictin  de  la  congrégation 
de  Saint-Manr  ,  naquit ,  en  1 6 1 1  ,  à 
Gourzeraux,  dans  le  diocèse  de  Soez, 
embrassa  l'état  monastique  à  l'âge  de 
vingt  ans  ,  et  employa  toute  sa  vie  à 
défendre  la  gloire  et  les  intérêts  de 
son  ordre.  Dans  la  fameuse  querelle 
sur  l'auteur  du  livre  de  l'Imitation. 
il  publia  deux  Dissertations  pour  éta- 
blir les  droits  du  prétendu  Gersen  , 
abbé  de  Verceil  ,  contre  le  père 
Fronteau,  l'un  des  plus  ardents  dé- 
fenseurs de  Kempis  (  P^.  Fronteau  , 
XVI ,  1 1 7  ).  Le  rôle  important  que 
D.  Quatremaire  joua  dans  celte  dis- 
pute ,  à  laquelle  toute  l'Europe  prit 
intérêt ,  étendit  sa  réputation  ;  et  il 
fut  appelé  par  ses  supérieurs  à  l'ab- 
baye de  Saint-Germain-des-Prés  , 
dont  il  défendit  les  privilèges  contre 
le  savant  Launoy ,  redoutable  ad- 
versaire de  toutes  les  erreurs  et  de 
tous  les  abus  nés  dans  les  siècles  d'i- 
gnorance (  if^.  Launoy  ).  D'autres 
débats  occupèrent  encore  D.  Quatre- 
maire ;  mais  l'affaiblissement  de  sa 
santé  l'ayant  forcé  d'interrompre 
ses  travaux  ,  il  se  rendit  à  l'abbaye 
de  Ferrières  ,  en  Gatinois  ,  pour  s'y 
soigner.  En  entrant  dans  la  rivière 
pour  prendre  un  bain ,  il  tomba  dans 
un  creux  d'eau ,  et  s'y  noya ,  le  7 
juillet  167 1 ,  à  l'âge  de  59  ans.  C'é- 
tait un  homme  d'esprit  et  plein  d'é- 
rudifion  (  i  ) ,  mais  ardent  et  causti- 
que ,  comme  la  plupart  des  savants 
de  son  temps.  Ses  principaux  ouvra- 


(1)  Conrartl*  regardait  comme  le  plus  savant  hé- 
nédictin  ^{ui  €ùt  alors  en  Fraiïcc.  Voy.  sa  Liste  des 
gens  de  lettres ,  etc. ,  dans  la  Bibliothèque  des  livres 
nouveaux  (par  Camusat),  août  1726  ,p.  i4o. 


QUA 


38  r 


ges  sont  :  I.  Joannes  Gersen ,  Ver- 
cellensis  ordinis  Sancli  Benedicti 
abbas,  librorum  de  Imitatione  Chris- 
ti auctor assertus ,  Paris,  1649,  in- 
80.  IL  /.  Gersen  auctor  librorum 
de  Imitatione  Christi  iterùm  asser 
tus ,  ib.,  i65o ,  in-8"\  (7.)IIL  UÉ- 
pitaphe  de  Math.  Mole  ,  garde-des- 
sceaux  en  France  ;  elle  est  insérée 
dans  VHist.  littér.  de  la  congrégat. 
de  Saint- Maur ,  74-78  ;  —  celle  de 
Jérôme  Bignon  ,  dans  le  recueil  des 
Éloges  de  ce  grand  magistrat ,  à  la 
icieàes Formules  de  Marculphe  ;  — 
et  une  Pièce  (  Epicedium  )  sur  la 
mort  de  la  reine  Anne  d'Autriche 
(  i666)  ,  imprim.  in-H".  et  in-40. 
IV.  Privilegium  Sancti  -  Germani 
adversùs  Joannis  Launoii  inquisi- 
tionem  propugnatum  ,  Paris,  1657, 
in-8°.  D.  Quatremaire  y  soutient 
que  l'abbaye  de  Saint-Germain  est 
exempte  de  la  juridiction  de  l'ar- 
chevêquede  Paris.  Celtecontestation, 
qui  ne  présente  plus  aucun  intérêt , 
fit  éclore  de  part  et  d'autre  plusieurs 
ouvrages  ,  dont  on  trouvera  les  ti- 
tres dans  la  Biblioth.  historiq.  de 
France,  n».  i -2497-504.  V.  PnVf- 
legium  Sancti-Medardi  Suessonien- 
sis  propugnatum  ,  Paris ,  i  GSg ,  in- 
8".  VI.  Concilii  Bemensis  ,  quod  in 
causa  Godefridi,  Ambianensis  épis- 

(2)  Nous  devons  ici  restituer  à  D.  Quatremaire  , 
avec  D.  Delfau  lui-même  (  Voy.  ce  uora  )  ,  le  texte 
publiéparce  deniier,  du  livre  Dt  Imitatione  Cliris- 
ii  ,en  1674-  C'est  en  redonnant,  la  même  anne'e  ,  sa 
dissertation  préliminaire  considérablement  aug- 
mentée ,  que  D.  Delt'au  reconnaît  qu'il  doit  I2  tra- 
vail de  son  édition  du  texte  latin  de  l'Imitation  , 
aux  soins  de  D.  Quatremaire  (  Qui  labore  iinpro- 
ho  exeinplaria  erlila  leeensuil  ad  derem  et  oclo 
Mss);  et  il  y  joint  Textrait  du  privilège  du  roi 
accordé  pour  l'impression  d<!s  le  iomarsi66p.Nous 
nous  sommes  assurés  en  effet  de  la  collation  de  ces 
dix-huit  manuscrits  faite  par  D.  Quatremaire  , 
quoiqu'ils  ne  soient  pas  indiques  dans  Tédition  ,  et 
qu'elle  ait  admis  dans  le  texte  beaucoup  de  leçons 
non  autorisées.  L'auteur  de  la  ])résente  note  fait 
connaître  ces  leçons,  ces  manuscrits,  leurs  varian- 
tes, etun  grand  nombre  d'autres,  discutées  et  com- 
parées ,  dans  son  édition  latine  de  V Imitation  ,  qui 
est  la  base  de  la  nouvelle  Traduction  française 
qu'il  a  publiée  en  tSao.  G — ce. 


382  QUA 

copi ,  celehratum  fertur ,  falsitas 
demonstrata ,  \\i\AQm ,  i663,in-8^. 
C'est  une  défense  des  droits  de  l'ab- 
baye de  Saint-Valery.  Vil.  Histoire 
abrégée  du  Mont  Saint-Michel,  a\cc 
les  motifs  de  son  ]»clermaj;e  ,  ibid,  , 
16G8  .  in-r2.  D.  Qiiatromaire  a  lais- 
sé quelques  ouvrages  en  manuscrit. 
On  peut  consulter  ,  pour  plus  de  dé- 
tails ,  la  Bibliothèque  ri  et).  Le  Cerf , 
et  V Histoire  littéraire  de  la  rongré- 
sation  de  Saiut-Maur  (  par  D.  Tas- 
sin  \  p.  "9.-80.  VV — s. 

QUAUHTEMOTZIN.  r.  Guati- 
Mozm. 

QUENSEL   (Coî^rad),  mathé- 
maticien,  ne  à  Slorkholin  en  i<376, 
mort  à  Lund  le    i3  janvier   i73>. , 
professa    les   matliémaliques  à  Abo 
en  Finlande  ,  à  Peruau  en  Livonie  , 
et  à  Luiul  en  Scanie.  Dans  eetfe  der- 
nière ville,  Charles  XIl  s'entretint 
plusieurs  fois  avec  lui,  et  assista  à 
ses  leçons.  En  179.8,  Quensel  fut  re- 
çu membre  de  la  société  royale  d'Up- 
sal ,  (|ui  venait  di-  se  former,  et  en- 
ricliit  depltisicurs  savants  Mémoires 
le  Recueil  que  cette  socictécommen- 
çait  à  publier.  Les  autres  Disserta- 
tions ou  Mémoires  dont  il  est  l'au- 
teur, sont  indiqués  dans  la  secon- 
de partie  de  l'Histoire  de  l'universi- 
té' de  Lund,  par  Doeboln ,  où  l'on 
trouve  quelques  détails  sur  ta  vie  de 
Quenscl.  (  f'o^-.  aussi  les^éctn  lit  ter. 
Sueciœ  ,  tom.  m  (173  J)  ,  paj;.  88; 
et  le  Dictionn.  de  Chaufcpié.  )  — 
Conrad  Quensll,  delà  famille  du 
préccdeut ,  ne,  en    17(38,   .i  Iley- 
aa,près  d'Ilmenau  ,  en  Scanie  ,  est 
mort,  le  'xi  août    i8of>,  à  Stoc- 
kholm ,  où  il  était  intendant  du  ca- 
binet d'histoire  naturelle  de  l'acadc- 
mic  des  sciences.  11  fit  un  voyage  en 
Lapouie,  pour  observer  le  climat,  les 
productions  et  surtout  les  papillons 
de  ce  pays.  Peu  après  ,  il  fut  chargé 


QUE 

de  rédiger  en  suédois  le  texte  d'une 
collectiondesplautesde Suéde,  ayant 
pour  titre  :  Flore  suédoise.  11  s'oc- 
cupait d'un  grand  travail  sur  l'his- 
toire naturelle ,  lorsque  la  mort  l'en- 
leva ,  à  l'âge  de  trente-lniit  ans.  11 
était  l'ami  du  célèbie  Oiof  Swartz, 
professeu  r  de  botani(|ue  à  Stockholm, 
et  l'un  des  plus  habiles  botanistes 
de  l'Europe.  C — av. 

QUENSTEDT  (  Jean  -  Andué  ), 
savant  théologien  protestant,  naquit, 
en   1617  ,  à  Quedlimboiirg,  d'une 
famille  patricienne:  après  avoir  re- 
çu des  leçons  d'instituteurs  particu- 
liers ,  il  fréquenta  le  gymnase  de  sa 
ville  natale,   pour  se  perfectionner 
danslacounaissaiicedes  langues  grec- 
que et  latine.  Il  .se  rendit  ensuite  à 
l'université  d'Helmstadt,  où  il  étu- 
dia la  théologie  pendant  six  ans  ,  et 
prit,  en  i()43,  le  degré  i!e  maître- 
ès-arls.  L'année  suivante,  il  vint  à 
Wittemherg,  où  il  continna  de  don- 
ner des  leçons  de  géographie  et  d'his- 
toire. Mais  les  thèses  qu'il  eut  l'oc- 
casion de  soutenir  dans  diirérentes 
circonstances  l'ayant  fait  connaître 
avantaîreusement,  il  fut  aîrréiic  <î  la 
faculté  de  philosopliic;  et,  Lyserus 
étant  mort,  en  1647,  '^  '"'  succéda 
dans   la  chaire  de  théologie  ,  qu'il 
remplit  avec  distinction.  Il  obtint, 
en  1660  ,  le  titre  de  professeur  or- 
dinaire ,  et  fut  nomme  directeur  du 
pensionnat  du  collège  électoral.  La 
prévôté  de  l'église  de  Tous-les-Saints 
devint  la  1  écompense  de  ses  services 
dans  l'enseignement;  et  il  mourut,  le 
22  mai  1G88,  à  l'âge  de  soixante- 
onze  ans.  Quenstedt  avait  été  marié 
troisfois.  Ona  de  lui  plus  desoixante 
Dissertations  sur  différentes  ques- 
tions théologiques,  dont  on  trouve- 
ra les  titres  dans  le  tome  xxxii  des 
Mémoires  de  INiceron  ,  et  parmi  les- 
quelles on  distingue  les  suivantes  : 


QUE 

De  mistione  linguarum^  Gènes.,  xi, 
g  ;  —  Explicatio  Dei  maussim,  Da- 
niel, XI,  38;  —  De  germine  Jeho- 
vœ  et  Davidis  Christo-Jesu,  Jerem., 
XXIII ,  5  ; —  De  petitione  Naamani 
Syri  ; — De  puritate  fontium  hebrcei 
f^eteris^et  grœci  Novi-Testamenti; 

—  De  deprecatione  calicis  Christi, 
Matlh.  ,  XXV,  36  ;  — De  lectione 
Scripturœ  sacrœ  làicis  concedeiidd; 

—  De  primitiis  et  decimis  Hebrœo- 
rum  et  Christianonim; — De  Pau- 
lind  Petriincrepatione  ;  —  De  aqud 
ex  Christi  latere  profluente,] oànn., 
XIX,  34-  Quelques  Dissertations  de 
Quenstedt  ont  été'  inse'rc'es  dans  le 
Thésaurus  fhenlogico-philologicus. 
On  cite  encore  de  lui  :  I.  Sepultura  ve- 
teriim ,  seu  Tractatiis  de  antiquis  ri- 
tibus  sepulchralibus  G  nvcorum ,  Ro- 
mannrum^  Judœoritm  et  Christia- 
nnruin,  Wiltemberg,  i648,  iG6o, 
in-8°.  Ce  savant  Traite  a  été  inséré, 
par  Gronovius ,  dans  le  tome  xi  du 
Thesaur.  antiquitat .  grcecar.  ,  et 
réimprimé  à  la  suite  de  l'ouvrage 
suivant  :  II.  Anllqidtales  biblicœ  et 
ecclesiasticcF,  ibid.,  i688,  itigS,  in- 
4^.111.  Dialogus  de  pat  riis  illustrium 
doclrind  et  scriptis  virorum,  om- 
nium ordlnum  ac  facidtatinn  ^  qui 
ab  initio  mundi  per  universum  ter- 
rarum  orbem  usque  ad  annuin  1 6oo 
cluruenmt,  ibid.,  i654  et  1691,  in- 
4". ,  rare.  C'est  une  espèce  d'histoire 
littéraire  ,  distinguée  par  l'ordre  des 
pays  ;  elle  commence  par  l'Espagne 
et  finit  par  l'Ethiopie.  On  y  trouve 
des  notices  trop  peu  détaillées  sur 
les  savants;  et  l'ouvrage  ,  d'ailleurs 
érudit,  et  puisé,  sur  chaque  genre, 
dans  les  meilleurs  auteurs  connus , 
mais  qui  ne  sont  paslouiouis  exacts, 
contient  beaucoup  cl  erreurs  cJiro- 
nologiques  et  géographiques.  IV. 
Ethica  pastorum  et  instriictio  ca- 
thedralis  ,  ibid.,  1678,  in  S''.;  3^. 


QUE  383 

éd.,  1708,  même  format.  V.  Theo- 
logia  didacticopolemica ,  sive  sys-" 
tema  theologicum ,  ibid.,  i685  et 
1696,  in- fol.  W-s 

QUER  Y  MARTINEZ  (Joseph  ), 
botaniste  espagnol  ,  né,  en  i()q5, 
a  Perpignan  ,  y  reçut  sa  première 
éducation ,  et  se  livra  à  l'étude  de  la 
botanique,  de  l'anatomieetde  la  chi- 
rurgie. Il  fut  ensuite  nommé  chirur-" 
gien-major  d'un  régiment  espagnol, 
et  resta  ,  comme  son  père  ,  attaché  k 
son  ancienne  patrie,  quoiqu'il  fût  de 
venu  Français  par  la  cession  de  sa 
ville  nataleà  la  France.  Queraila  suc- 
cessivement herboriser  dans  les  pro- 
vinces orientales  de  l'Espagne,  sur 
les  côtes  d'Afrique,  où  son  régiment 
faisait  partie  de  l'expédition  d'Oran; 
à  Naples,  en  Sicile,  où  il  fut  nommé 
chirurgien-major  de  plusieurs  hôpi- 
taux; etdans  les  autres  partiesde  l'Ita- 
lie, où  il  cultiva  aussi  la  chimie.  Reve- 
nu en  Espagne,  en  i  737,  il  s'établit 
chez  le  frère  de  son  colonel ,  le  duc 
d'Atrisco,  devenu  son  Mécène.  II 
mit  en  ordre  ses  colleclions,  et  for- 
ma dès  -  lors  le  projet  de  composer 
une  Flore  espagnole,  pour  laquelle 
il  réunit  encore  ,  dans  son  pays  ,  de 
nombreux  matériaux.  En  174*2,, il 
revit  l'Italie,  en  qualité  de  chirur- 
gien-major de  l'armée  ,  et  sut  allier 
les  devoirs  nombreux  de  sa  nouvel- 
le place  avec  le  commerce  des  natu- 
ï'alistes  italiens  ,  et  les  excursions  bo- 
taniques. Lors  de  l'atiaque  du  camp 
de  Viterbe  par  les  Allemands  ,  ne 
voulant  pas  quitter  le  duc  d'Atrisco 
au  moment  du  danger  ,  il  fut  fait 
prisonnier  ,  mais  bientôt  relâché , 
après  avoir  été  dépouillé  de  tous 
ses  vêtements  ,  ne  conservant  que 
son  herbier,  qu'il  avait  confié  au  tré- 
sorier-général de  l'armée.  A  la  paix, 
il  revint  en  Espagne  par  le  midi  de 
la  France ,  où  il  vit  Sauvages  et  Bar- 


384 


QUE 


rère.  Accueilli  par  la  duchesse  d'A- 
trisco,  devenue  veuve,  il  profita  de 
sa  protection  pour  semer  dans  ses 
jardins  les  nombreuses  graines  que 
ses  voyages  lui  avaient   procurées  , 
ainsi  quecellesquedenouvellesexcur- 
sions  en  Espagne  lui  rapportèrent  , 
et  celles  qu'il  continua  de  recevoir 
de  France  et  d'Italie.  Il  ne  tarda  pas 
à  manquer  d'espace  ;  et  alors  il   fit 
l'acquisition  d'un  jardin,  dans  le  voi- 
sinage, où,  en  peu  d'années,  il  reu- 
nit plus  de  deux  mille  espèces.  Cet 
établissement,  le  premier  de  ce  gen- 
re qui  fut  forme  en  Espagne,  accrut 
beaucoup  sa  réputation,  et  répandit 
le  goût  de  la  botanique.  Les  succès 
de  Quer  doimèrcnt  à  Charles  III  l'i- 
dée de  créer  un  jardin  de  botanique 
dans  le  potager  du  Prado  :  mais  ce 
projet  ne  fut  mis  à  exécution  que 
sous   Ferdinand  VI ,  en   i']55.  Les 
plantes  cultivées  dans  le  jardin  de 
Quer  firent  le  fond  de  celui  du  roi , 
et  lui-même  en  fut  nomme  le  pro- 
fesseur. Les  premiers  progrès  de  la 
botanique   en   Espagne   furent   dus 
aus  cours  qu'il  fit  en  celte  qualité,  à 
ses   conversations   avec   les   jeunes 
gens  qui  visitaient  en  grand  nombre 
ce  jardin  ,  autant  peut- jtre  qu'à  sa 
Flore.  Quer  renonça  dès  lors  pres- 
que   entièrement   à   la  pratique  de 
la  cliirurgie,  qui  lui  avait  elè  très- 
utile  ,     et   se    consacra    exclusive- 
ment à  la  botanique.  Il  avait  précé- 
demment visite  l'Eslramadure  et  la 
chaîne  des  Pyrc'ne'cs  ,  où  il  observa 
le  lagopède  et  le  chamois  ,  dont  le 
4*.  vol.  de  sa  Flore,  p.  i58  ,  5i3 
et   suiv, ,   contient  des  descriptions 
détaillées  et  intéressantes.  Il  explora 
ensuite  la  Vieillc-Castille  et  les  pro- 
vinces maritimes  du  nord-ouest.  Au 
retour  de  ce  voyage,  il  s'occupa  de 
la  rédaction  de  sa  Flore  espagnole  , 
et  mit  en  ordre  les  matériaux  qui  de- 


QUE 

vaîcnt  remplir  les  derniers  volumes; 
mais  il  n'eut  pas  la  satisfaction  de 
terminer  cet  ouvrage.  11  mourut  d'u- 
ne fièvre  inflammatoire,  le  u)  mars 
1764.  Avant  Quer,  la  botanique  était 
tiès-peu  cultivée  en  Espagne.  11  con- 
vient lui-même,  et  c'est  aussi  l'opi- 
nion de  Rodriguez,  que  les  Espa- 
gnols n'avaient  aucun  botaniste  mar- 
quant à  opposer  à  ceux  des  autres 
nations.  Laguna  ,  moins  natur.disle 
que  médecin,  n'était  connu  cpie  par 
un    Commentaire    sur    Dioscoride. 
Hernandez  ,  Garcias  ab  Horto,  A- 
costa  ,  IMoiiardès,  avaient  fait  con- 
naître un  grand  nombre  de  plantes 
utiles  desdeux  Indes;  mais  ils  avaient 
très-peu  avancé  la  botanique.  Jacques 
Salvador,  contemporain  et  ami  de 
Tournefort,  était  seul  nommé  avec 
distinction  ,  quoiqu'il  n'eût  rien  pu- 
blié. Les  plantes  de  l'Espagne  n'étaient 
connues  que  par  les  heiborisations 
ou  les  ouvrages  de  l'Ecluse,  Tourne- 
fort  ,  Ray,  Ijarrelier  et  Ant.  de  Jus- 
sieu  ,  Ltt'filing  et  d'autres  étrangers. 
Quer  fut  le  premier  Espagnol  qui 
publia  un  travail  sur  les  plantes  de 
son  pays.  Les  quatre  premiers  volu- 
mes de  son  ouvrage  parurent ,  en 
l'jGî,  sous  le  titre  de  Flora  Kspa- 
hola  ,  b  historia  de  las  piaulas  que 
se  crian  en  Fspaila,  etc.,  in  -  4"., 
Madrid,  avec  iwc  dédicace  au  roi, 
une  petite  carte  de  la  Péninsule  et 
188  planches.  Le  premier  volume 
se  compose:  i".  d'une  Lettre  du  P. 
A.-J.  Rodriguez  à  Quer,  sur  l'état 
de  la  botanique  en  Espagne  et  la  Flo- 
re de  Quer;  i*^.  d'un  Avis  au  lecteur, 
annonçant  unesuile  de  Mémoires  spé- 
ciaux, qui  n'ont  point  été  publiés; 
S'*,   d'une  Introduction  j  4"-   ^^^  '^ 
traduction   espagnole  de  VJsagoge 
de  Tournefort  ;   5<*.  d'une  Analyse 
des  méthodes  botaniques.  L'auteur 
les  passe  toutes  en  revue  :  il  donne 


QUE 

la  préférence  à  celle  de  Tournefort , 
dont  il  est  grand  admirateur  ,  et  se 
montre  fort  injuste  envers  Linné', 
dont  il  critique  les  de'fauts ,  sans  par- 
ler des  immenses  services  que  ce 
grand  homme  avait  rendus  à  la  bo- 
tanique. Le  second  volume  contient 
un  Avis  au  lecteur,  dans  lequel  Qiier 
cliercheà  prouver,  par  de  nouveaux 
fiits  et  de  nouveaux  argnmenls,  que 
le  système  sexuel  est  totalement  dé- 
pourvu de  fondement;  un  petit  Dic- 
tionnaire botanique;  une  Lisîedes  au- 
teurs espagnols  qui  ont  écrit  sur 
l'histoire  naturelle;  enfin  le  com- 
mencement delà  Flore ,  dont  les  troi- 
sième et  quatrième  volumes  com- 
prennent la  continuation.  Les  des- 
criptions en  sont  fort  détaillées  ;  et 
elles  sont  accompagnées  de  tout  ce 
que  l'auteur  a  pu  rassembler  d'inté- 
ressant sur  l'utilité  des  plantes  et 
leurs  propriétés  chimiques.  Celte 
Flore  est  disposée  par  ordre  alplia- 
bétique,  ce  qui  l'a  empêchée  d'avoir 
tout  le  succès  qu'elle  méritait  sous 
quelques  rapports.  Qucr  n'a  tenu  au- 
cun compte  de  la  réforme  opérée 
par  Linné  dans  l'élude  de  l'histoire 
naturelle,  et  ne  cite  sa  synonymie 
que  rarement  et  d'une  manière  in- 
complète. La  crypîogaraie  y  est  omi- 
se presque  en  entier,  tandis  que  les 
coraux,  corallines,  etc.,  y  figurent 
parmi  les  plantes, Quer  reg?.id;iiit  en- 
core la  question  comme  indécise, 
quoique  B.  de  Jussieu  eût  prouvé, 
"vingt  ans  auparavant,  qu'ds  appar- 
tenaient au  règne  animal.  Enfin , 
dans  cet  ouvrage,  qui  n'est  point  un 
traité  de  matière  médicale,  les  dé- 
tails sur  les  propriétés  sont  hors  de 
proportion  avec  la  botanique  pure. 
C'est  ainsi,  par  exemple,  que  dix  pa- 
ges sont  consacrées  à  Valoës^  vingt 
au  bouleau,  quarante-deux  à  la  ci- 
guëj  etc.  Ces  défauts  ne  doivent  pas 

XXX  Yl. 


QUE  385 

empêcher  de  reconnaître  les  servi- 
ces rendus  par  Quer  à  la  botanique: 
et  c'est  avec  raison  que  Lœffling  lui 
consacra  le  genre  Queria,  de  la  fa- 
milledes  légumineuses  ,  qui  fut  adop- 
tépar  Linné  lui-même.  Ortega  f  P^.  ce 
nom),  continuateur  de  cette  Flore, 
obligé  de  suivre  le  même  ordre,  a  su 
du  moins  éviter  quelques-uns  de  ces 
défauts.  Les  cinquième  et  sixième 
volumes  parurent  en  1784,  Madrid, 
in  -  4°.,  avec  le  portrait  de  Quer  et 
vingt-quatre  planches.  Le  cinquième 
est  précédé  d'un  Éloge  historique  de 
Quer,  d'où  nous  avons  tiré  les  dé- 
tails biographiques  de  la  présente 
notice.  Le  quatrième  se  terminait  par 
le  genre  Cornus;  mais  Quer  avait  lais- 
sé des  matériaux  jusqu'au  genre 
Sium.  Ortega  en  profita,  donnant 
toutefois  moins  d'étendue  h  l'exposé 
des  propriétés,  et  en  retranchant  les 
analyses  chimiques.  11  a  également 
abrégé  la  synonymie,  ne  citant  que 
Tournefort,  Linné,  quelquefois  La- 
g'.uia  ,  et  un  petit  nombre  d'autres  ;  et 
il  a  trouvé  le  moyen  de  rendre  la  Flore 
utile,  en  rapportant ,  dans  un  tableau 
de  concordance,  les  genres  de  Quer 
aux  classes  de  Tournefort.  Eu  un 
mot ,  la  seconde  partie  de  la  Flore  est 
fort  supérieure  à  la  première.  Elle 
n'est  pourtant  pas  exempte  de  dé- 
fauts particuliers  à  Ortega.  Ainsi  la 
plus  glande  confusion  rogne  dans  les 
graminées  ,  presque  toutes  rangées 
sous  le  nom  général  de  granien. 
Deux  espèces  à'eschara  T,  (  millepo- 
ra,  L.),  et  cinq  de  lilhophjton  ,  T. 
(  gorgojiia  ,  L.  ) ,  sont  maintenues 
dans  le  règne  végétal,  quoique  Or- 
tega dise,  en  note,  que  ces  derniè- 
res n'en  font  point  partie.  11  cite 
exactement  la  synonymie  de  Linné; 
mais  il  n'adopte  aucun  de  ses  genres. 
Enfin  cet  ouvrage,  pour  l'exposé  des 
caractères  génériques  et  les  descrip- 

25 


386 


QUE 


lions  .spc'cifiqucs,  n'csl  millemcnl  au 
niveau  de  la  science  ,  telle  qu'elle 
t'iait  à  cette  époque,  et  il  est  fort  infé- 
rieur aux.  Décades  du  lutme  auteur. 
D— u. 
QUERBEUF  ou  QUERBOELF 
(  Yves-INIatul'rin-Mauie  ue  ) ,  litté- 
rateur, ue,  àL;iuderuau,le  1 3  janvier 
iT'iG ,  entra  chez,  les  Jésuites  ,  et  fut 
chargé  de  renseignement  de  la  rhé- 
toriquedansdiflcrcnts  cullcges.  Après 
l.i  sup])ression  de  la  société,  il  s'éta- 
blit à  Paris  ,  et  continua  d'y  cultiver 
les  lettres  dans  la  retraite,  restant 
(•tranj;er  à  toutes  les  iutri'j;ues.  Obligé 
de  fuir  la  France  ,  ou  j  ']iyi ,  pour 
se  soustraire  aux  mesures  odieuses 
prises  à  cette  époque  contre  les  prê- 
tres ,  il  abandonna  sa  bibliothèque, 
qui  fut  conGsquéc.  On  y  trouva  le 
Recueil  des  lettres  autu-iraphcs  de 
Hilet,  dont  IM.M.  Poirier  et  liaibier 
ont  public  la  IS'vlicc  dny\i\c  Juurnal 
des  >rti'rt»/i  de  l'année  \'](^K  p-334> 
Qt  (|ui  fait  partie  .'m)(.iirirhni  des 
manuscritsdela  bibUolhècpie  du  Roi. 
L'abbé  de  Querbcuf ,  que  ses  talents, 
ses  vertus  et  son  zèle  pour  la  reli- 
gion, rendaient  également  estimable, 
est  mort  eu  Allema{;nc,  vers  1799, 
dans  nû  âge  avanré.  On  a  de  lui  : 
une  Ode  sur  la  naissance  du  duc  de 
Bret(ts.ne;  et  la  Tradiui.  française 
de  V Elo^e  funèbre  du  duc  de  Bour- 
gogne ,  composé  en  latin  par  le  P. 
CL  Fr.  Willermet ,  Paris ,  1761  ,  in- 
4**.  et  in-iu  (1).  Mais  ses  droits  à 
l'eslirae  et  à  la  reconnaissance  des 
gens  de  lettres  sont  principalement 
fondés  sur  les  excellentes  éditions 
qu'il  a  publiées  des  ouvrages  sui- 
vants :  Sermons  du  P.  de  Neuville  , 
Paris  ,  1770,  8  vol.  in-  12  (  F. 
î^tuviLLE  ).  —  Mémoires  pour  ser- 


(i)  VoT    ïiir  c<tt*  j)i'-te,  le>    M  ni    Je   Tiivoux, 
<e)iUialire  17C1 


QUE 

wir  à  l'histoire  de  Louis  ,  dauphin 
de  France  ,  recueillis  par  le  P.  Grif- 
fet ,  ibid.,  1777,  'i-  vol.  in-12. — 
Recueil   des  Lettres  édifiantes  et 
curieuses  écrites  des  missions  étran- 
gères ^  ibid.,    1780-83,  2(j  vol. 
in- 12,  avec    caries  et  fig.  {J'oj. 
DuaALDE  et  Legobien  ) ,  collection 
importante  ,  à  laquelle  on  doit  join- 
dre :  jSouvelles  des  Missions  orien- 
tales ,  Paris,  1787.  2  vol.  in- 12  ; 
et    NoiiK'elles    lettres    édifiantes  , 
1818-21,    C)  volumes   in-  12,  — 
OEuvres  de  Fénélon  ,  ibid. ,  1 787- 
»)2,  ()  volumes    in -4"-,  belle  édi- 
tion ,  que  le  malheur  des  temj)S  n'a 
j)as  permis  de  terminer.   A  la  tète 
du  premier  volume ,  on  trouve  une 
vie  très-étendue  de  Fénélon ,   dans 
laquelle  l'abbé  Querbeuf  a  fait  entrer 
des  pièces  qui  n'avaieni  point  encore 
vu  le  jour  :  mais  il  n'eut  pas  le  loisir 
d'employer  tons  les  manuscrits  qu'on 
ava'it  rassemblés  jiour  cette  cntie- 
prise;  et  il  a  commi.i  quelques  erreurs 
que  M.  de  Bausset  a  corrigées  dans 
son  histoire  de  rai(lievc(pie  de  Cam- 
l)rai(  /^.  FÉ^ÉLo^■,  XIV  ,  Soi  ). — 
Observations  sur  le  Contrat  Social 
de  J.-J.  Rousseau  ,  par  le  P.  Ber- 
thier,  Paris,  1  78(),in- i2.Querbeuf  y 
ajouta  une  suite.  On  lui  doit  encore  : 
Frincijies  de  Bossuct  et  de  Fénélon 
suf  la  Soin'craineté ^  Paris,  1791  , 
in-8".  M.  Barbier  nous  apprend  que 
l'éditeur  de  cet  ouvrage   fut  l'abbc 
l'imery,  supérieur  de  St.  Sulpice  (  F. 
Emery  ).  —  Histoire  des  intrusions 
les  plus  mémorables  tirées  des  Li- 
vres saints  ,  de  V Histoire  ecclésias- 
tique de  FIf  ury  ,   et  de  la  Fie  des 
Saints  et   des  Martyrs  ,   trad.   de 
l'anglais  ,  Paris  ,  179'*  ,   in-8''.  ,  de 
16G  pag,  (  Fof.  le  JOict.  des  ano- 
nymes par  M.  Barbier  ,   2*=.    éd.  , 
n".  7891  ).  La  littéraîurede  la  Basse- 
Bretagne  n'était  pas  moins  familière 


QUE 

à  QueiLeuf  ((ue  celle  des  Romains: 
l'abbe' de  Boisbilly,  l'abbe  de Peiiticz 
cl  lui,  étaient  les  troubadours  du 
château  de  Bicsal  près  Landcrnau  , 
devenu,  en  1776,  le  rendez-vous  de 
tout  ce  qu'il  y  avait  d'aimable  dans 
la  Basse- Bretagne.  Rien  déplus  gai 
que  les  Veillées  de  Bresal  :  on  y  fai- 
sait des  vers  bretons  et  français  (  P'. 
Kerdanct,  Hist.  de  la  langue  des 
Gaulois,  page  74  )•  W — s. 

QU  ERG  ET  AN  US.  Foj.  Du- 

CHESÎVE. 

QUERINI  (Angelo-Maria),  car- 
dinal et  littérateur ,  naquit  à  Venise  , 
le  3o  mars  1680.  Son  père,  son  aïeul 
maternel  Marco  Giustiniani,  et  deux 
de  ses  frères,  ont  tous  été'  procura- 
teurs de  Saint-Marc  (i  ).  Dès  le  mois 
d'octobre  1687  ,  ses  parents  ren- 
voyèrent ,  avec  sou  frère  aine' ,  au 
collège  des  Jésuites  à  Brescia.  Il  y 
passa  neuf  ans  à  étudier  la  gram- 
maire ,  les  humanités  et  la  philoso- 
phie j  et  soutint  avec  éclat  des  thè- 
ses publiques  :  mais  pendant  qu'on 
l'occupait  d'études  arides ,  il  en 
faisait,  de  lui -même,  de  ])Ims 
utiles,  et  acquérait  de  véritables 
connaissances  qui  n'entraient  point 
encore  dans  le  système  de  J'ensei- 
gneûient  :  il  apprenait  particubèrc- 
juent  la  langue  française.  Comme 
ses  succès  et  son  caractère  studieux 
présageaient  un  littérateur  distin- 
gué ,  les  Jésuites  s'efforcèrent  de 
l'attacher  à  leur  société;  et,  si  nous 


QUE 


587 


(1)  LesQuerini,  dit  M.  Paru,  étaient  une  mai- 
son puissante;  ils  se  pieti  udaient  issus  delà  fiiniille 
■■  .maine  des  Sulpicius,  et,  comme  tc!s,  ils  cump- 
'  lient  parmi  leurs  ancêtres  l'empereu-.-  Galba,  dont 
1  •  nom  a  ele'  porte  par  trois  Querini  ,  elevis  au  do- 
gat,  dès  le  Iiniliijme  siècle.  Le  provéditcur  Léonard 
Querini.  <jui,  eu  10-28,  battit  la  OoUe  de  Tempe- 
reur  de  Nice'e  ,  a  laisse  une  descripliou  de  Tile  de 
Candie ,  description  f[ui  se  conserve  mauuscrite  î» 
la  bibliothique  duRoi.  Beaucoup  d'hommes  d'elat  , 
nés  dans  la  même  famille ,  figurent  dacs  Touvrage 
de  M.  Daru;  et  ceux  ijuMle  a  fournis  aux  lettres, 
dins  la  Letterali.ra  veneziana  de  Foscariui ,  il  lis 
Scnlloii  vciiezî.ini  du  P.  Jean  degli  Agjsliui. 


en  croyons  le  récit  qu'il  en  fait,  us 
ne  négligèrent  aucun  moyen  pour  y* 
parvenir:  mais  leur  institut  ne  lui 
parut  pas  convenir  assez  aux  éludes 
pour  lesquelles  il  était  passionné  •  il 
préféra  l'ordre  de  saint  Benoît ,  où 
il  entra  en  cfièt  ,  malgré  les  ef- 
forts de  ses  parents  pour  l'en  dé- 
tourner. Au  mois  de  novembre  1 696, 
il  alla  se  renfermer  dans  l'abbaye 
des  Bénédictins  de  Florence  ,  et  y  fit 
profession  ,  le  î*^'".  janvier  1698,  en 
prenant  les  prénoms  d'Ange-Marie  , 
au  lieu  de  celui  de  Jérôme  qu'il  avait 
reçu  au  baptême.  Ce  monastère  était 
gouverné  par  un  homme  de méiite , 
Angelo  Ninzio  ,  qui  ne  croyait  pas  , 
dit  l'académicien  Le  Beau,  que  l'igno- 
rancefûtunedes  vertus  monastiques. 
Avide  de  tous  les  genres  d'instruction 
le  jeune  Querini  étudia  la  théologie 
la  langue  grecque  ,  l'hébreu ,  les  ma- 
thémaiiques  :  il  lisait  avec  délices  le 
Traité  de  la  grandeur,  du  P.  Lami  - 
et  son  goût  pour  la  géométrie ,  scien- 
ce qu'il  a  peu  cultivée  depuis ,  an- 
nonçait l'esprit  judicieux  et  l'exac- 
titude méthodique  qu'il  porterait  dans 
toutes  les  autres.  Quoiqu'il  trouvât 
de  très-bons  maîtres  dans  l'iniéritur 
de  son  abbaye,  il  recherchait  la  so- 
ciété des  plus  habiles  littérr  eurs  de 
Florence.  Ses  relations  avec  l  ilvini, 
Magaloni ,  GuiJo  Grandi  ,  le  séna- 
teur Buenarotti ,  le  médecin  Bellini 
et  Anlonio  Magliabecchi ,  accélérè- 
rent ses  progrès  en  plusieurs  sciences; 
philosophie,  antiquités,  littérature 
grecque  et  latine.  Magliabecchi  lui 
procura  des  occasions  de  connaître 
un  grand  nombre  de  savants  étran- 
gers qui  visitaient  Florence  (2),  et 

(?.)  Le  uonveau  Z>(c;.  hiil. ,  critiij.  et  bibliogr., 
dit ,  d'après  Lebeau  ,  que  ce  fut  par  ce  moyen  qu'il 
connut  le  célèbre  Newton  ,  alors  député  vers  le 
giand-duc  Cusme  lU.  Le  célèbre  Newton  n'alla  ja- 
maij  eu  Italie  ;  et  celui  que  Querini  a  vu  à  Floren- 
ce ,  est  Henri  Ne^vton  ,  dont  nous  avons  parlé  ail- 
leurs' F.  Bp,i:nri\iann  \ 


'l'.).. 


388  QUE 

dont  le  plus  illustre  fut  sou  confrè- 
re Montfaucoa  ,  qui  y  passa  deux 
mois  ,  eu  i-joo  ,  et  dont  les  entre- 
tiens lui  inspirèrent  le  };oùt  de  l'éru- 
dition. Eu  170'i,  onfit  vcnirQiierini 
à  Pérouse  pour  y  soutenir  une  thèse 
de  tlicoltif^ic:  on  disput.iit  alors  Ix-au- 
cou[)  sur  ce  qu'on  appelait  la  science 
mojenne  de  Dieu  :  Quelle  est,  lui  de- 
manda un  jésuite  ,  la  science  moyen- 
ne que  vous  rejetez  .'   Pre'ciscincut 
celle  ,  re'pondii-il ,  qu'admettent  et 
enseij^nent  les  Pères  de  la  société  de 
Jésus  ;  et  tous  les  assistants  applau- 
dirent à  celte  réponse.  Après  avoir 
passé  à  Venise  ,  auprès  de  sa  famille, 
les  vacances  de    1704,  il   revint  à 
Florence  ,  d''où  il  lit  (juchpies  voya- 
ges à  Pise ,  à  Ccsène  et  a   Bulopnc. 
Malgré  les  travaux  qu'e\ip;eaienl  ses 
éludes  particulières  ,  et  les  leçons  de 
langue  hebiaiqueetde  tliéologiequ'on 
l'avait  chargé  de  donner  à  ses  jrunes 
confrères,  il  jouissait  d'ime santé  par- 
faite; il  se  peisuaJa  néanmoins,  en 
1709,  à  l'âge  de  vingt  neuf  ans,  qu'il 
ëtail  atl.iquede  la  pierre  :  il  alla  con- 
sulter Bellini ,  qui  en  ce  momentexpi- 
rait  lui-même  par  l'elfet  du  régime 
qu'il  s'était  prescrit  pour  se  guérir 
d'une  maladie  imaginaire.  C<'l  exem- 
ple dissifia  les  inquiétudes  du  jeune 
professeur,  en  lui  en  munlranl  les 
dangers;  et  il  ne  lui  fallut  pasd'aulrc 
remède  que  la  mort  de  son  médecin. 
Il  Mp|H'ite  lui-mè'nc  cette  aventure, 
en  y  altacliant  la  date  de  i  709  ,  que 
Le  Beau  a  conservée  :  mais  il  y  a  la 
qiulquc  erreur;  car  Be  Uni  (  Fcjez 
ce  nom  ,  IV,  1  19  et  l'io  ) ,  est  mort 
en  1704.  Euliaiiié  par  le  hesoin  d'é- 
tendre ses  connaissances  littéraires, 
Quclrini  employa  près  de  quatre  an- 
nées ,  depuis  le  mois  de  seplerahre 
1710  jusqu'en  avril  1 7  i  4  ,  à  visiter 
ri  à  étudier  l'Allemagne  ,  les  Pays- 
Bas  ,  l'Angleterre  et  la  France  5  cn- 


QUE 

tretenant   partout  d'honorables  re- 
lations avec  la  plupart  des  hommes 
célèbres  de  cette  époque.  Il  connut 
en  Hollande  ,    Jacques   Gronovius  , 
Kuster  ,  Jean  Le  Clerc  ,  et  Quesnel 
avec  Prtitpicil  ,  Fouillou  et  Biigodc. 
Malgré    K-s    dillcreuces     d'opinions 
théologiqiies.  il  Irouvait  des  charmes 
dans  leur  société:  en  plaignant  leurs 
erreurs,  il  se  complaît  à  louer  leur 
politesse  ,  leur  savoir  et  leurs  vertus. 
En  Angleterre  ,  il  fréquenta  Gilbert 
Burnet ,  Thomas  Buruet  ,  Beniley, 
Hudson  ,  Potier  :  il  regrette  de  n'a- 
voir rencontré  ni  Adili.son  ,  ni  Dod- 
well  ;  mais  il  vit  deux  fois  Newton  , 
qnil  avait ,  répète  ici  Le  Beau,  connu 
à  Florence.  C'est  une  fausse  traduc- 
tion de  l'expixssion  ,  Florentiœ  mi- 
hi  com/erti ,  dont  se  sert  Querini  en 
parlant  de  Newton,  de  Hickès  et  de 
Bentley  ;  il  veut  dire  seulement  qu'il 
y  avait  connu   leurs  ouvrages.  En 
tiaversant  les  Pays-Bas  pour  se  ren- 
dre à  Paris  ,  Querini  passa  plusieurs 
jours  a  la  Haye,  auprès  du  cardinal 
Passionéi;  à  Leyde  dans  la  société  de 
Périzoïiius  ,  de  Jacques   Beinaid   et 
de  Casimir  Oudiu  :  il   eut  à   lloler- 
dam,  un  entretien  amical  avec  Ju- 
rieii,  après  avoir  assisté  à  une  prédi- 
cation de  ce  ministre  protestani ,  oc- 
togénaire. Les  conversations  fl'uu  au- 
tre \ieil!ard  ,  dn  jcsnile  Papebroek  , 
le  retinrent  deux  j  )Uis  à  An\ers;  et 
il  cul  peine  à  s'arracher  de  Carabiai, 
où  FeiU''on  l'aei  ueilit  avec  la  plus 
tendre  bienveillance.  Durant  son  sé- 
jour à  Paris  ,  il  habita   l'abbaye  de 
Saint  -  Germain-des-Prés,  qui  était 
alors  l'une  des  plus  savantes  acadé- 
mies de  l'Europe.  Ou  donneiat  une 
liste  presque  complète  des  savants 
efdcs  littérateurs  fiançais  qui  vi- 
vaient en  1 7  1 1  ,  1 2  et  1 3 ,  s'il  fallait 
nommer  tous  ceux  qu'il  a  particuliè- 
rement  recherchés ,  ou  qu'il  rcncon- 


QUE 

trait  réunis  chez  le  cardinal  d'Es- 
trees ,  et  chez  d' Aguesseau.  Il  ne  vou- 
lut point  quitter  la  France  sans  avoir 
Sarcouni  les  provinces  ,  et  recueilli 
e  toutes  parts  l'instruction  qu'elles 
pouvaient  lui  offrir:  il  fréquenta  par- 
liciilièrenif^nt  le  P.  Bernard   Lanii  , 
à  Rouen  ;  l'abbe  Le  Beuf ,  à  Auxerre  ; 
Bouhier,  à  Dijon;  et  leurs  entretiens 
littéraires  faisaient  une  heureuse  di- 
version aux  querelles  tlicolof^iqiics  , 
qu'il  entendait  retentir  tiansles  mo- 
naslèies  et  dans  les  palais  épisco 
paux.  Rentre  dans  sa  patrie  ,  où  il 
rapportait  les  fruits  de  tant  d'obser- 
vations et  de  recherches ,  il  fut  clwir- 
ge  ,  par  un  chapitre  de  son  ordre  , 
d'é:rire  les  annales  des  Bénédictins 
d  Italie.  Il  n'a  jamais  jiublié  qu'une 
SOI  te   de  programme  de   cette  his- 
toire ;  et  bien  qu'il  ait  employé  les 
années  ^']i^,  171  5  et  17  iG  à  fouil- 
ler les  biljliolhèqiies  et  les  arcliives 
de  Venise  ,  de  Trévise  ,  de  Padoue  , 
de  Ferrare,  de  Modène,  de  Florence, 
de  Rome,  de  Nap'es   et  du   Mont 
Cassin  ;  malgré  les  renseignements 
et  les  secours  que  lui  ont  fournis  quel- 
ques-uns  des  conservateurs  de  ces 
dépôts, surtout  Muraloriet  Assemani, 
il  a  fini  par  renoncer  à   ce  traA^ail. 
Cependant  la  partie  la  plus  difficile 
en  avait  été  déjà  faite  par  Mabillon  , 
dans  les  annales  Benedictinl ,  dont 
les  cinq  premiers  volumes  in-folio, 
publiés  de    1703  à    17 13,  condni- 
s. lient  jusqu'à    l'an  11  16,  l'histoire 
de  l'oidreeutier  de  saint  Benoît.  Quoi 
qu'il  en  soit,  Querini,  d.nis  son  pre- 
mier séjour  à  Rome  ,  depuis  le  mois 
de  décembre  171 4  jusqu'au  mois  de 
septembre   1716,  obtint  l'amiàc  de 
Lambertini  (depuis  Benoît XIV  ),  et 
les  bonnes  grâces  de  Clément  XI, 
alors  pape,  qui  eut  avec  lui  plu- 
sieurs entretiens  secrets  sur  les  affai- 
res de  France,  Toutefois  le  souverain 


QUE  36o 

pontife  ne  voulut  pas  consenlir  à  la 
publication  d'un  premier  tome  d'his- 
toire monastique,  que  le  P.  Querini 
avait  préparé  ,  et  qui  devait  conte- 
nir certaines  chartes  extraites  des  ar- 
chives  de   l'abbaye  de  Farfa.    Les 
examinateurs    y    avaient   remarqué 
des  dispositions  propres  à  compro- 
mcltie  les  droits  de  la  cour  romaine; 
et  malgré  les  explications  de  l'édi- 
teur .  Clément  XI  lut  inflexible.  Dcs- 
lors  Querini  résolut  de  ne  plus  s'oc- 
cuper de  cet  ouvrage  ,  et  entreprit , 
en  «718,  une  édition  des  livres  litur- 
giques de  l'Église  grecque,  et  des  au- 
tres chrétiens  Orientaux.  Ou  établit, 
pour  l'examen  de   ces   livres  ,  une 
congrégation  dont  il   fut  membie  : 
il  l'était  fléjà  de  quelques  autres.  Le 
pl.in  qu'il  se  hâta  de  rédiger  de  son 
nouveau  travail  ayant  été  approuvé, 
il  eut  bientôt  mis  en  ordre  un  pre- 
mier volume  ;  et  les  censeurs  du  ma- 
nuscrit n'y  trouvèrent  rien  à  repren- 
dre. Pour  le  récompenser  de  sou  zèle 
et  surtout  de  sa  docilité  ,  Clément 
XI  le  fit  abbé  de  ce  inonastèie  de 
Florence  ,  où  il  avait  embrasse  l'état 
religieux  ;  il  était  même  question  de 
lui  donner  l'évêché  de  Bergarae  :  le 
siège  n'ayant  point  vaqué ,  comme 
on    s'y    attendait ,    il    fut    nommé 
consultcur  du  Saint-Office,  emploi 
souvent  considéré  comme  un  aA^ant- 
coureur  du  cardinalat.  L'impression 
de  ce  premier  tome  de  liturgie  grec- 
nue  ne  s'acheva  qu'en  \']ii  ',  Inno- 
cant  XIll  ,  qui  venait  de  succéder  à 
Cément  XI ,  en  reçut  la  dédicace. 
De  nouvelles  intiigues forcèrent  Que. 
rini  d'interrompre  ce  second  travail  : 
revenant  à  l'histoire  monastique ,  i\ 
mit  au  join-,  en  1723,  une  Vie  de 
saint  Benoît,  attribuée  à  saint  Gré- 
goire-le  -  Grand  ,  avec  une  version 
grecque  qu'on  dit  être  du  pape  Za- 
chane;  et  ce  volume,  dédié  encore  à 


'6go 


QUE 


Innocent  XIII  ,  lui  vjIuI  l'aichcvc- 
chedcCurloti.Ses.iinis  leplaiguaient 
(1*11110  telle  dcsliiialion  :  il  ne  sougra 
qu'à  la  biea  i.'MiHr,  et  après  un 
voyage  à  Venise,  c  "  il  sclourna  deux 
mois  au  sciu  de  sa  famille ,  il  alla 
s'embarquer  à  Otrnntc,et  arriva  dans 
son  île  au  mois  Je  juin  i7"-i4-  ï-'<'s 
magistrats  s'empressèrent  lic  lui  ac- 
corder les  immunités  et  les  préséan- 
ces qu'ils  avaient  disputées  à  ses 
prédécesseurs;  et  il  eut  le  bonheur, 
non  moins  inespéré,  de  se  concilier 
l'amitic  des  Grecs  scliismatiques  : 
aucune  rivalité  n'éclata  entre  lui 
et  leur  protopapas.  Pour  qu'il  ne 
lui  manquât  à  Corfou  aucune  des 
jouissauces  dont  il  avait  contrac- 
Ic  le  besoin,  il  s'y  créa  une  occupa- 
tion littéraire;  il  entreprit  un  ouvra- 
ge sur  les  antiquités  de  cette  île  [Pri- 
mordia  Curcj^rœ  ).  Après  en  avoir 
publié,  en  i'25  ,  une  première  édi- 
tion ,  avec  une  dédicace  à  Benoît 
XIII  qiu  ,  l'année  précédente,  avait 
succédé  a  Innocent  ,  il  partit  pour 
Rome  ,  eu  i-aG  ,  sans  aucun  des- 
sein, à  ce  qu'il  assure,  d'y  obtenir 
la  pourpre  romaine;  mais  il  en  était 
fort  soupçonné  par  quelques  compé- 
titeurs moins  timides  que  lui.  L'ac- 
cueil honorable  qu'il  reçut  du  nou- 
veau pontife  présageait  des  faveurs 
qui  ne  se  firent  pas  long-temps  at- 
tendre. L'archevcquede  Corfouavait 
recueilli  ,  pour  l'usage  de  ses  diocé- 
sains ,  un  Enchiridion  Crxecorum^ 
qui  fut  imprimé  à  Béncvcnt  ,  ^n 
1727  ,  et  dont  Benoît  XIII  agréa 
l'hommage,  fort  peu  de  mois  après, 
Querini  devint  évcquc  de  Brescia  et 
cardinal  :  sa  promotion  à  cette  der- 
nière dignité  est  du  25  novembre  de 
la  même  année.  Le  pape  desirait 
qu'on  fît  une  nouvelle  édition  de 
l'ouvrage  de  Pierre  Comestor  ,  in- 
titulé Ilîstoria  ^cholastica;  l'évêque 


guK 

de  Brescia  se  chargea  de  ce  soin  ,  et 
l'cdiliou  parut  des  17.18,  à  Venise, 
mais  à  ce  qu'il  semble,  sans  aucun 
travail  littéraire  qui  lui  appartînt 
en  propre,  sinon  une  dédicace  au 
concile  abus  assemblé  à  liénevcnt. 
Il  s'ocrii])ait  à  réparer  et  achever 
magni(i(jiieiueut  son  église  cathédra- 
le. Depuis  il  a  trouvé  encore  les 
moyens  de  contribuer  à  un  grand 
nombre  de  constructions  et  de  fon- 
dations utiles  hors  de  son  diocèse, 
et  même  de  l'Italie.  Benoît  XUl 
mourut  en  1730;  Clémeiil  XII,  qui 
le  remplaça  ,  voulut  s'attacher  de 
plus  près  le  cardinal  Qnerini  :  il  le 
njniina  bibliothécaire  du  Vatican,  et 
fit  taire  les  envieux  «pii  feignaient 
de  s'alarmer  de  voir  les  titres  de 
la  cour  de  Rome  entre  les  mains 
d'un  prélat  vénitien.  Celui-ci  ,  de 
son  côté,  calma  les  inquiétudes  de 
ses  diocésains  ,  qui  craignaient  de 
ne  pas  le  revoir.  Il  leur  promit  de 
ne  point  les  quitter  ;  et ,  en  ollol , 
il  passait  au  milieu  d'eux  neuf  mois 
de  chaque  aunéc  ,  et  ne  faisait  que 
deux  voyages  à  Rome,  de  six  semai- 
nes clncun  ,  pour  entretenir  l'ordre 
du  dépôt  confié  à  ses  soins.  Il  l'enii- 
chit  par  le  don  de  sa  propre  biblio- 
thèque ,  pour  laquelle  il  fallut  cons- 
truiie  au  Vatican  une  nouvelle  salle. 
La  ville  de  Brescia  reçnldeliii  uiicau- 
trebibliothcquequ'il  rendit  |nibii(pu*, 
et  pour  l'entretien  de  laquelle  il  fon- 
da des  revenus.  Il  usnit  ainsi  de  sa 
riche  fortune,  dont  il  réservait  pour- 
tant la  j)li;s  grande  partie  aux  pau- 
vres. Durant  le  conclave  de  1740, 
il  montrait  sa  Ct  Vction  de  médail- 
les awx  autres  caidinaux,  qui  l'esli- 
mèrcul  180  mille  francs  :  s'il  en  est 
ainsi,  s'écria-l-il  ,  il  ne  m'apjnr- 
tieut  pas  de  posséder  un  pareil  tié- 
sor  au  milieu  des  pauvres;  et  il  en 
fit  don  a  la  bibliothèque  du  Vatican. 


QUE 

Lainbertini,  son  ancien  ami ,  devc- 
im  le  pape  Benoît  XIV  ,  lui  ofTrit 
l'cvccLe  (le  Padoiie,  dont  le  revenu 
était  plus  considérable  que  celui  de 
l'e'vèchë  de  IJrescia  :  Querini  n'ac- 
cepta point,  et  resta  fidèle  à  la  parole 
qu'il  avait  donnée  aux  Bressans.  Ses 
travaux  littéraires ,  et  les  relations 
qu'il  entretenait  avec  un  grand  nom- 
bre de  savants  ,  rayaient  fait  asso- 
cier à  l'institut  de  Bologne,  aux  aca- 
démie* de  Vienne,  de  Berlin ,  de 
Pe'tersbourg  :  celle  des  inscriptions 
et  belles-lettres  de  Paris  lui  défera  , 
eu  1743  ,  li  place  d'académicien 
étranger,  vacante  par  la  mort  de 
Banduri.  Sa  correspondance  avec 
Voltaire com.raença  en  1 74 i  •  '^  ^^^' 
sert.'.tion  sur  la  tragédie  ancienne  et 
moderne ,  qui  précède  Sémirnmis 
représentée  ct  î  74*^  >  tst  adressée  à 
ce  prélat  :  «  Il  était  digne,  dit  Vol- 
»  taire,  d'un  génie  tel  que  le  vôtre, 
»  et  d'un  homme  qui  esta  la  tête  de 
»  la  plus  ancienne  bibliollicque  de 
»  l'Europe  ,   de  vous  donner  tout 

»  entier  aux  lettres Mais  si  tous 

»  les  lettrés  vous  doivent  de  la  re- 
»  connaissance  ,  je  vous  en  dois 
»  plus  qu'aucun  autre,  pour  avoir 
»  traduit  en  si  beaux  vers  latins , 
»  une  partie  de  la  Henriade  et  le 
»  poème  de  Fonienoy.  »  Nid  n'a 
plus  encouragé  tous  les  genres  de 
travaux  littéraires  ,  et  rendu  j)Uis 
de  services  à  ceux  qui  s'y  consa- 
craient :  il  compulsait  pour  eux  des 
manuscrits  ,  recueillait  les  notes  qui 
leur  pouvaient  être  utdes  .  et  facili- 
tait la  publication  ,  autant  que  la 
composition  ,  de  leurs  ouvrages.  On 
lui  doit  ainsi  particulièrement  l'cdi- 
lion  des  OEuvres  de  saint  Eplirem, 
en  grec ,  en  syriaque  et  en  latin ,  en- 
treprise par  Jos.-Simon  Assemani,  et 
imprimée  au  Vatican  ,  de  1732  à 
1746,  en  six  vol.  in -fol.  Les  écri- 


QL'E  39» 

vains  de  toutes  les  sectes  l'ont  com- 
blé d'éloges  ,  parce  que ,  malgré  son 
ferme  et  inébranlable  attachement 
à  ses  propres  croyances  ,  même  aux 
maximes  particulières  de  la  cour  de 
Rome  ,  il   savait  rendre  justice  à 
tous  les  talents  ,  et  porter ,  jusque 
dans  les  controverses,  la  plus  dou- 
ce et  la  plus  bienveillante  urbanité'. 
Il  mourut  d'une  attaque  d'apople- 
xie, au  milieu  de  ses  fonctions  épis- 
copales  ,  à  Brescia ,  le  six  janvier 
1759.  Ses  ouvrages  sont  fort  dilii- 
ciles  à  rassembler;  Voltaire  desi- 
rait qu'on  en  publiât  une  collection 
complète  :  ce  vœu  n'a  point  été  et 
ne  sera  probablement  jamais  rem- 
pli. Voici  les  titres  des  plus  impor- 
tants :  I.  De  monasticd  Italice  his- 
iorid conscribendd  Dissertatio,^o- 
me ,  «717,  in-4'^.  Il-  OJficium  qna- 
dragesimale  Grœporwn  ,  adfidem 
codicis  Barhetini  ,  cwn  versione 
latind ,  et  diatribis  ^  P,one,  1721, 
in-4°.  :  c'était  le  i*''.  volume  d'une 
collection  des  liturgies  grecques  et 
orientales.  111.  Édition  de  la  Vie  de 
saint  Benoît,  par  Grégoire  1".,  avec 
la  version  grecque  de  Zacharic ,  Ve- 
nise ,    1 723  ,  in- 4°.  IV.  Primordia 
Corcjrœ  ,  Lecce  ,    i7'25  ,   in-4''.  ; 
adaucta  ,  Brescia,  1738,  in-4°' : 
on  y  joint  un  Appendix  de  nomini- 
bus  CojTfrce ,  Rome,  1742  ,  ïn-4**'» 
en  réponse  aux  objections  de  Maz- 
zochi  ,    sur  l'origine    des   anciens 
noms  de   Gorfou.  V.   Enchiridion 
Gra'corum  ,  Béuevent ,    1726,  in- 
4°.  VI.  Animadversiones  in  propo- 
sitionem  vii^esiinam  primam  libri 
ni  Euclidis ,  cwn  novddemonstra- 
tione^ct  demonslrationiun  algebri- 
carum  specimine  ,  Brescia  ,  Rizzar- 
di ,  n38,  in-40.  maj.  VII.  Éditioa 
des  OEuvres  des  anciens    évêijues 
de   Brescia,  saint  Philaslre,  saint 
Gaudcnce,  etc,  :  Brescia,  1738,  in- 


392  QUE 

fol.  VIII.  Spécimen  litteraturœ  Bri- 
xiancE ,  Brescia  ,  1739,  ?.  parties 
iii-4'*.  ;  excellent  morceau  d'histoire 
littéraire  ,  spécialement  en  ce  qui 
concerne  la  seconde  moitié  du  quin- 
zième siècle  ,  et  la  première  du  sci- 
Tièmc.  IX.  Pauli  H  Fita,  Rome, 
i74t>,  in- i°>  Cet  ouvraj;c  fut  com- 
pose pendant  les  nuits  du  conclave 
où  fut  clu  Benoît  xiv  ;  c'est  pour- 
quoi le  cardinal  de  Fleurv  lui  don- 
nait le  nom  de  yuctes  raticana?.  Ce 
n'est  qu'une  revision  du  livre  de 
Canensius  sur  le  même  sujet  (  Mura- 
lor'x.  Script,  rer.  Jtal. ,  tome  m  ): 
maisQueriui,  pour  justifier  Paul  II  ac- 
cuse'par  Plat  ina  d'avoir  persécute  les 
gens  de  lettres,  y  ajoute  le  talileaudes 
encouragements  donnes  ]>arceponti- 
feauxc'tudesetprincipaleuienla  l'art 
typographique  ;  ce  qui  ainhic  une 
description  des  éditions  publiées  à 
Rome,  depuis  1  .jOj  jusqu'en  1471 
et  au  delà.  Cet  append'ix  de  la  vie 
de  Paul  lia  éle  impiimë  avec  des 
additions  de  Shclhorn,  sous  le  tilrc 
de  Liber  de  optimonun  scriptorum 
editionibns  quœ  liomœ  primùm 
prodienint  ,  etc.,  Lindau  ,  i-(ii  , 
in- 4".  ;  et  ce  volume  était  rcclicn  hc 
avant  la  publication ,  f lile  en  \  -H"?  , 
d'im  travail  plus  complet  d'Aiiditric- 
di  sur  le  même  sujet.  X.  Dialriha 
prœliminaris  ad  Francisci  Bai  bar i 
et  aliorum  adipsum  Kpiytolas,  Bics- 
cia,  174''  in-/|". — Fianc.  Barbarie 
etc.  ,  Epistulœ ,  Brescia,  17  J3,  in- 
4*'.Queiini  a  rassemble  des  Noiices 
pre'cicuses  dans  le  premier  de  ces 
volumes  :  il  serait  seulement  à  dési- 
rer ,  dit  Gin'^ueué,  qu'il  y  eût 
mis  plus  d'urdre,  et  laissé  échapper 
moins  d'erreurs.  \l.  Soixante  Éj»!- 
tres  latines  de  Querini  lui-même, 
distribuées  en  dix  livres  ,  ont  été  im- 
primées à  Brescia  ,  de  «7i'-ià  1749, 
6  parties  10-4".  ;  et  dix  autres  à 


QUE 

Rome ,  en  1 7  43  ,  même  format.  Ofl 
a  d'ailleurs  réuni  dix  de  ses  Lettres 
italiennes  ,  eu  un  volume  in-4'*.  pu- 
blié à  Brescia  ,  en  1740;  et  toutes 
celles  qu'il  avait  écrites  en  latin  ont 
été  rassemblées  par  Nie.  Coleli,  à 
Venise,  1756,  in-fol.  Xll.  Beg^i- 
nnldi  Poli  et  aliorum  ad  eumdem 
Epiilolœ ,  Brescia,  i'jL^^ct  î745, 
2  vol.  in-fol.  ;  Querini  a  joint  a  ce 
recueil  une  V  ie  du  cardinal  Polus  , 
et  nue  Dis'^ertaliun  sur  ses  Lettres. 
XI  II.  Iina^o  oplimi  puntijicis ,  tx- 
pressa  in  i^estis  Pauli  III ,  ipitdiltr 
exhibentur  in  Be^in.  Poli  e/nsLvlis  , 
Brescia,  i745,in-4o.  XIV.  fita 
del  cardia.  Gasp.  Contarerio  ,  da 
Lodm'.  Becntelo,  coii  alcuueaggiiiu- 
te  (  dair  cditore  Ang.  M.  Querini  )  ; 
Brescia,  174^^-  i»-4"- (  ^  •  BtxcA- 

DELM  ,    IV,    4;   CùNTAIlINI  (  Gasp.  ), 

IX  ,  5o4  ).  XV.  Epislola  de  Iler- 
culaneo  :  cette  lettre  de  l'évèque  de 
Brescia  à  J.  M.  Gesner  a  été  insérée 
en  deux  recueils ,  l'un  de  INlunler, 
en  I  749,  l'autre  de  Gori ,  en  1751. 
XVI.  i'oinmentttriiis  de  rehus  per- 
tinentibus  ad  ying.  M.  Quirinum  , 
Brescia,  1749,  ^  tomes  in  8".  ; 
ciim  appendice  ,  ibid.  ,  17.00.  Ces 
JMéraoires  ,  écrits  par  Querini  lui- 
même  ,  conduisent  l'histoire  de  sa 
vie  jiistpi'à  l'année  174^*-  On  en  a 
réim|)rimé,  en  17^0,  in-S".,  sans 
nom  de  ville  ,  les  trois  premiers  li- 
vres, qui  ne  vont  que  jusqu'à  l'année 
17.17.  Nous  n'avons  pas  fiit  entrer 
diiis  cetîe  liste  chrouologi  pie  des 
ouvrages  puLliés  par  Querini  ,  ceux 
dont  nuii.>  ne  connaissons  point  les 
n.iies  précises;  telles  sont  plusieurs 
Lettres  pjstor.iles,uiu'Rc!alionde.ses 
voyages  ,  l.i  Traduction  du  poème  de 
Fontenoy  (3)  et  d'une  partie  de  la 

{"ijXAil^Irrcitre  [  srcond  yolnme  de  deccml).  i74-'ïp 
Vge  ix-tù  ]  KOut\eui  Y bxirait  d'une  Ullrc(laliDr) 
du  cardinal  (Juirini ,  au  tujtl  du  poème  de  M.  d» 


QUE 

Henriade,  et  diverses  pièces  fugiti- 
ves. On  peut  consulter,  sur  sa  vie, 
ses  projîres  IMeinoires  ,  dans  l'édi- 
tion de  Brescia ,  que  nous  venons 
d'indiquer,  et  ses  écrits  intitulés: 
Viceiinalia  Brixiensia  Emin.  Car- 
din, biblioihecarii  ^'/ng.  M.  Quirinï, 
célébrât ain academid  Gottin^ensi, 
Gottinguc,  Vandeihoeck,  17  jH,  in- 
8°.  ;  —  Lettera  intorno  alla  morte 
delcard.  Querini ,  deW  abate  Ant. 
Sanihuca,  Brescia,  i^Sq.  in-8''.;  — 
son  Éloç;e  par  I^e  Beau  ,  tome  xxvn 
de  l'académie  des  inscrip:ions  cl  bel- 
les lettres  ,  etc.  Quoique  si  renom- 
mé pentiant  sa  vie  et  long -temps 
après  sa  mort ,  ce  cardinal  n'a  lais- 
sé aucun  grand  ouvrage;  mais  l'en- 
semble de  ses  productions  annonce 
une  littérature  étendue  et  fort  variée, 
un  esprit  judicieux  et  un  caractère 
honorable.  —  Les  autres  Querini 
dont  les  Italiens  ont  conservé  quel- 
que souvenir,  sont  au  nombre  de 
plus  de  vingt;  nous  ne  parlerons 
que  de  Lauro,  né  vers  1420,  à  Can- 
die, où  une  branche  de  cette  famille 
s'était  établie  au  xiii^.  siècle  ;  il  vint 
fort  jeune  à  Padoue ,  et  y  lit  des  étu- 
des brillantes.  A  29  ans  ,  il  ouvrit  à 
Venise  un  cours  de  philosophie  ,  où 
il  expliquait  la  morale  d'Aristote  : 
ses  auditeurs  étaient  si  nombreux 
qu'il  fut  obligé  de  donner  ses  leçons 
sur  une  place  publique.  L'université 
de  Padoue  le  rappela,  en  \^5i  ,  et 
lui  confia  une  chaire  d'éloquence. 
Cependant  il  était ,  en  1 453  ,  à  Can- 


Vollnire,  sur  la  hnlndlede  For.tenry;  fxtrait  dans 
lequf'l  plusieurs  passages  du  poèmi'  de  Voltaire  su:! 
triJuilse  vers  latins.  Mais  ce  mnrteauj;  se  ut  peut- 
être  toutcccju'eu  a  traduit  Queiiui  :  le  cardinal  avait, 
il  est  VI  ai  ,  le  pioiel  de  traduire  toute  la  pièce;  mais 
il  y  reu'iiiçià  i  ause  du  trop  j^rand  innubredc  noms 
propres  qu'elle  contient.  Voici  ce  qu'il  ditlul-mcnie; 
Cur  (inior  ilte  meus  refii^escei'ft  ^  in  cauid  fuii 
propriorum  nominani  (eoruni  scilicet ,  quorum  ma- 
xime virtus  enitiiît  in  pu^nd  eopoemate  descripld  ) 
éjucjdam.  veluti  phalanx.  .  ,  .  ilaque  ab  ed  cogila- 
tione  divelU  coaelum  me  senti.  A.  B — T. 


QUE  395 

die,  d'où  il  adressa  au  pape  Nicolas 
V  une  relation  de  la  prise  de  Cons- 
tantinople.  On  croit  qu'il  mourut 
dans  sa  patrie  ,  vers  i  /j66  :  il  a  pris 
part  à  plusieurs  querelles  littéraires 
de  son  siècle  ;  disserté  sur  les  doc- 
trines d'Aristote  et  de  Platon  ;  et 
laissé  divers  écrits ,  des  Oraisons  , 
des  Lettres,  un  Livre  contre  les  Juifs", 
et  un  traité  de  Nobilitate ,  qui  dé- 
plut à  beaucoup  de  Vénitiens.  Le 
cardinal  Querini  fait  mention  de  lui 
dans  la  préface  des  Épîires  de  Fr. 
Barbarô  (  ci-dessus  n».  X  )  ,  parce 
qu'il  se  trouve  des  lettres  de  Lauro 
dans  ce  recueil.  D — n — u. 

QUERLON  (  Anne  -  Gadriel 
Meusnier  de  ),  laborieux  littéra- 
teur, naquit  à  Nantes  ,  en  1702  ,  de 
parents  peu  favorisés  de  la  fortune. 
Il  acheva  ses  études  à  Paris,  et  s'y 
fît  recevoir  avocat  ;  mais  ,  entraîné 
par  son  goût  vers  les  lettres  ,  il  re- 
nonça bientôt  aux  succès  qu'il  pou- 
vait espérer  au  barreau,  pour  suivre 
son  jjenchant.  Quelques  articles  insé- 
rés dans  le  Mercure  l'ayant  fait  con- 
naître avantageusement  ,  il  fut  atta- 
ché par  l'abbé  Sallier  à  la  garde  des 
manuscrits  de  la  bibliothèque  du 
Roi;  et  pendant  huit  années qu^il  oc- 
cupa cette  place ,  il  lut  avec  fruit  les 
meilleurs  ouvrages  dans  tous  les 
genres.  Il  devint  ensuite  l'un  des  ré- 
dacteurs de  la  Gazette  de  France  , 
et  obtint,  en  1752,  le  privilège  des 
Petites  Affiches  de  Province  ,  jour- 
nal dont  SCS  articles  firent  long-iemps 
tout  le  succès  ,  et  qui  en  eut  réelle- 
ment beaucoup  ,  quoi  qu'en  dise  La- 
harpe  ,  dans  sa  Correspondance 
russe  (  I  ).  La  rédaction  de  ce  journal. 


(i)  Ce  Qnerlou,  dit  le  trop  se'vère  Arislarque, 
est  un  bavard  quiccrit  .d'un  style  platement  bnur- 
j^eois  ou  ridiculement  burlesque,  des  ainionces  de  li- 
vres à  acheter  ou  de  maisons  à  vendre  [Corrf^spond^ . 
liilér.  ,  I  ,  368).  Un  autre  critique  prétend  que,  si 
l'on  détachait  des   Petites  Affiches  les  articles  çfi 


3iV»  QUE 

à  laquelle  il  associa  dans  la  suite 
l'abbe  de  Fontcnay  (a),  ue  suffisait 
pas  à  l'activité  de  Qucrlou,  augir.cii- 
tcc,  depuis  sou  mariage  ,  par  la  nc- 
ccssitc  de  subvenir  aux  besoins  de 
sa  famille.  Force  do  se  mcître  aux 
{^agcs  des  libraires  ,  il  acquit  la  repu- 
tatiou  d'un  éditeur  plein  de  goût , 
publia  d'utiles  compilations  ,  et  en 
outre  se  chargea  de  retoucher  le  style 
des  ouvrages  dont  les  auteurs  étaient 
parleur  profession  presque  étrangers 
à  la  littérature.  Cependant ,  maigre 
son  ardeur  pour  le  travail,  et  son 
économie,  il  n'avait  rien  pu  mettre 
en  réserve  pour  la  vieillesse;  et  il 
allait  être  obligé  de  vendre  ses  livres, 
son  unique  ressource,  quand  l'abbé 
Mercier  de  Saint-Léger  ,  son  ami , 
lui  fit  acc'cpter,  avec  un  traitement 
convenable  ,  le  litre  de  bibliothé- 
caire de  Bcaujon  ,  riche  fiuancier  , 
qui  consacrait  une  partie  de  son  im- 
mense fortune  à  protéger  les  lettres 
et  les  arts  :  grâces  à  ces  secours , 
qu'on  lui  a  reproché  d'avoir  reçus  , 
et  à  une  pension  que  lui  fit  accorder, 
dans  le  même  temps  ,  M.  de  INIau- 
repas  ,  Qucdon  connut  cnlin  l'aisan- 
ce ,  et  passa  dans  un  don\  repos  les 
dernii-rcs  années  de  sa  vie.  Il  mourut 
à  Paris  ,  le  "il  avril  i  780  ,  rcTClté 
des  gens  de  lettres ,  dont  il  avait  été 
constamment  le  conseil  et  l'ami,  A 
des  connaissances  irès-variées ,  à  une 
instruction  solide  et  profonde  ,  il 
joignait  beaucoup  de  modestie  ,  de 
simplicité  ,  de  bonhomie  et  de 
candeur.  Outre  la  part  qn'il  a  eue 
à  la  Gazette  de  France  ,  au  Jour- 


cincement  I  ^  ouvragp»  n-iuTraux  ,  ou  nuraii  pruU 
rire  le  in'-illriir  journal  qui  ait  paru  en  France 
{Sicrol. ,  p.  3o4). 

(»)  lie  recueil  des  P'Hilcf  Affl-hft  furinrrail  eii- 
\'iruo  4o  vnl.  lu-')'*.  Qurrloo  y  travailli  •■al  dnpiiii 
1731  iu»qu'en  177O;  c  lui  «lor»  qu'il  tf^ntix  f'»l>- 
l>é  dp  FontrDiy ,  qui  rlwunw»  !••  liln»  d-  rp  ic)a''ii.il  , 
Pli  i-'Si,  etl'intibiU/i'urrxi/  ^i'tti  il  lie  Fiance  {f^. 
Vos  TEK  4>    '. 


QUE 

nal  étranger,  aux  Petites •  Affi- 
ches ,  (prit  rédigea  pondant  "vingt- 
deux  ans  ,  au  Journal  encyclopédi- 
que et  à  VAvant- Coureur,  Qucrlon 
a  publié  un  assez  grand  noinbic  d'O- 
puscules ;  mais  ,  avant  d'en  donner 
les  titres  ,  il  convient  de  faire  con- 
naître les  services  qu'il  a  rendus  aux 
lettres  comme  éditeur.  On  lui  doit 
(ie  bonnes  éditions  du  Géog^raphe 
méthodique  de  l'abbé  de  Gourné, 
1 74  '  ,avecanc  préface  ;  — du  poème 
de  Lucrèce  ,  1 744  1  et  des  Fables  de 
Phèdre,  1748  ,  avec  des  notes,  dans 
la  collccli<ui  de  Constclier  ;  —  des 
Dun^  de  Cornus,  par  Marin  (  maî- 
trc-d'hôtel  du  maréchal  de  Soubise), 
avec  une  Préface  ,  i749"5'^  »  ^  ^'"j- 
in- 12  (  F.  Bougeant  )  ;  —  del'i?- 
ZoçCiieZrt  i''o/it;,tra(l.dcGu(udcvillc, 
Paris,  Barbon,  17.51  ,in-ia;  —  des 
Poésies  d^ Anacréon  ,  tr  id.  par  Ga- 
con  ,  1754  ,  in-  la  ;  —  des  Mémoi- 
res de  M.  de  ***  ,  pour  servir  à 
l'Histoire  du  dix-septicrac  çiècle  , 
'7^9  (3);  —  des  OEuvresàc  Gré- 
court,  1761  ,  4  '^^^-  >n-ia  ;  —  des 
Poésies  de  i^alh'^rbe  ,  avec  la  vie  de 
ce  grand  poète,  i7Gî,in-8°.  :  ac- 
coulumé  à  retoucher  le  sylc  des  au- 
tres ,  on  doit  reprocher  a  Querlon 
d'avoir  voulu  donner  un  vernis  mo- 
derne au  langage  de  ce  poète  ,  qu'il 
fallait  savoir  respecter  — des  Pièces 
dérobées  à  un  ami  (  L'Altaignant  ) 
(4)  ;  —  de  V Encoinium   Moriœ  , 


Ci)  Ce!  ouvrage  fut  nllribuc  datu  |p  trtnii»  »  Flf- 
rrllc<  lir  liic^Yi  in^'»  'I  dcrlara  forinillfiucnt  qu'il 
iiViirt.iîl  p.-i*  r.'inleur,  rlan<i  une  Irltre  à  Frcron  ,  iii - 
•erëe  daqn  l'Année  lilli'raire.  Voy.  le  Diction,  det 
Anonymes  ^\MT  M.  i>arljii>r  ,  i".  id.,n°.  /|'Jii. 

(4)  Dam  la  Noiicr  ror  Quci-lon  ,  cilcp  à  la  fin  «le 
l'article,  on  pnlend  €|u'il  a  rédigé  la  Prijàre  de 
l'cdit.  de*  OEufret  de  l'AlUigii.int  ,publ.)>ar  l'alilié 
de  La  Porte  (  f.  ATTAir.NANT  )  :  on  lui  iiltrihue 
encore,  dam  la  di'-id»  Nul  ici- ,  p.  Si.ï  .  une  éiiil.  dti 
Pétrone  ,  avec  une  l'rpfatc  cl  de»  Noies  ;  relie  des 
oitTnget  de  Bunon,  rliinirgir-rf-dentistc  ;  celle  de» 
owrngrs  de  Mouton  et  de  Bourdit ,  premier»  chi- 
mriticn.'i-dentistpii  du  roi;  et  enfin  oôle  de  Lellret 
iut  la  Grecr  ,  en  t.  vol.  in-8".  :  mais  celle  édition  de 


QUE 

d'Kiasrac.  1765,111-12;  —  des  Grâ- 
ces ou  Élite  des  mcilleiirs  écrits 
anciens  et  modernes  laits  à  la  louan- 
ge des  Grâces  ,  1 769  ,  in  -  8". , 
fig. ;  —  du  Menrsii  elegant'uv  lalini 
sermonis ,  1774,  in- 8".  (  /'.  Cno- 
Ritu)  (5)  ;  —  du  Fojnge  de  Mon- 
iniffie  en  Italie  ,  avec  unePrc'face  et 
des  Notes  (  /^.  Montaigne)  j  —  de 
V Histoire  de  la  chirurgie ,  depuis 
sou  oric,ine  jusqu'à  nos  jours  ,  par 
Dujardiu,  1774^  i '-■''.  vol.  (6).  Quer- 
lon  fi:t  un  des  éditeurs  du  Recueil 
A.  B.  C.  D.  etc.,  1745-62,  \'i 
vol.  in- 1 2  ;  et  il  y  a  fourni  tout  le  se- 
cond volume.  11  a  continue  V His- 
toire des  Fuyages  ,  par  l'abbé  Pré- 
vost, et  a  publie,  avec  Surgy,  le  18'^. 
et  le  [9''.  vol.  de  celte  intéressante 
compilation  (  V.  Prévost).  Il  a  tra- 
duitenlVanç.iis  :  \e  Foùme  de  la  Pein- 
ture de  l'abbéde  Marsy  (  V.  ce  nom)  ; 
—  le  Problème  sur  les  femmes  (  F~. 
AciDALius  )  ;  et  six  Livres  de  V His- 
toire naturelle  de  Pline.  EuGn  on  a 
de  lui  :  I.  Les  Soupers  de  Daphné , 
et  les  Dortc.irs  de  Lacédémone  , 
anecdotes  grecques  ,  Oxford  (  Paris  ) , 
1740  ,  in  8'\  de  96  pages;  rare  et 
recherché  des  curieux  :  c'est  la  sa- 
tyre des  Soupers  de  Marlj'  ;  Querlou 
la  coinposa  sur  les  notes  de  Monnet. 
H.  Réfutation  d'une  Lettre  sur  Vo- 
raisan  funèbre  du  Card.de  Fleurjr  ^ 
ou  Défense  du  P.  de  Neuville,  1 743  , 
in-40.  III.  hi  Code  Ijrique  ,  ou  Rè- 
glement pour  l'Opéra  de  Paris,  r  7/^3, 
in- 12.  Les  statuts  de  Topera,  dit 
Fréron  ,  sont  d'un  homme  d'esprit , 


QUE 


395 


Pétrone  n'est  oitue  par  aucun  bibliographe  ;  et  les 
autres rcusrignements  donnes  par  J'auteur  delà  No- 
tice ne  jiaraisseut  pas  mériter  une  grande  coiiliance. 

(.î)  M.  Kerdanet,  dans  ses  Notices  sur   les  f'cri- 
vaius  de  la  Bretagne ,  p.   Sjjpjui  attribue  aussi   le 
iMciim  sine   concubilu  ,  I-5o,    Jn-8",  f  V.   HlLL 
XX,38ti.  )  ' 

(6)  On  assure,  dit  M.  Barbier,  que  Querîon  fslle 
véritable  auteur  de  ce  volume.  Vov.  le  Dicliou.  des 
Anonymes,  j'e  c'dil.  ,  n".  83U7. 


élabii  depuis  long- temps  à  Saint- 
Domingue.  Querlon,  pour  grossir  un 
peu  celte  brochure,  y  ajouta  le  Point 
devuederopéra(  Voy.  VAna.littér. , 
1  780  ,  tome  M  ).  IV.  Testament  lil- 
lèraire  de  l'abbé  Desfontaines  ,  la 
Haye,  1746,  in-  i-i.  C'est  une 
critique  assez  vive  duDiscours  de  ré- 
ception de  Voltaire  à  l'académie 
française ,  et  de  la  Réponse  de  l'abbé 
d'Olivct,  qui  remplissait  les  fondions 
de  directeur.  V.  Psaphion ,  ou  la 
Courtisane  de  Smyrne ,  1748,  in- 
12  ;  roman  dans  le  goût  de  l'anti- 
quité ,  écrit  d'une  manière  agréable, 
mais  qui  présente  des  tableaux  trop 

voluptueux.  VI.  Lettre  de  M.  D 

licencié  en  droit ,  à  Fréron ,  1756, 
in-  12.  \II.  Collection  historique  j 
ou  Mémoires  pour  servir  à  l'his- 
toire de  la  guerre  terminée  par  la 
paix  d'Aix-la-Chapelle  en  1748, 
Paris,  1707  ,  in-  12;  réimprime 
sous  ce  titre  :  Histoire  du  Siège  de 
Pondichérjy ,  sous  le  gouvernement 
de  Duplcix ,  Bruxelles  (  Paris  )  , 
1766,  in-i2.  VIIL  Les  Impos- 
tures innocentes ,  1761,  in  12.  C'est 
le  Recueil  de  plusieurs  Opuscules 
que  Querlon  avait  publiés  dans  sa 
jeunesse  comme  traduits  du  grec, 
du  latin  et  de  l'italien;  il  renfer- 
me le  Poijit  de  vue  de  l'opéra  ; 
Psaphion  ;  les  Hommes  de  Promé- 
thée  ;  Serpilleet  Lilla ,  ou  le  Pioraan 
d'un  jour  (7) ,  et  Cinname  ,  histoire 
grecque.  Ce  ]iremier  volume  dev^ait 
avoir  une  suite  qui  n'a  point  paru. 
IX.  Naufrage  et  retour  en  Europe 
de  Kearnj^  1764^  in- ^'i.l^. Mémoi- 
re historique  sur  la  chanson  en  gé- 
néral, et  en  particulier  sur  la  chan- 
son fra?ïç  aise  (à  la  tête  du  i<=«".  vol. 

(7)  Cette  agréable  baRafflle,  rjuc  l'auteur  donna  t 
comme  traduite  de  l'italien,  avait  dej.'i  paru  dans  le 
Jiiurnal  élraiii^er,  mai  et  juin  i-5-.  Son  second  ti- 
tre a  fait  attribuer  :\  Querlon  le  Roman  du  jour  , 
qui  est  du  tbcvalier  d'Arccp 


396  QUE 

de  V Anthologie  française.  (  Voy. 
NoNNET,  XXIX,  380).  Ou  trouve 
une  Notice  sur  Qnerlon  ,  dans  le 
Nécrologe  des  hommes  célèbres  , 
année  1781  ,  paj;.  3oi-i6.  Son  por- 
trait a  été  grave  d'après  Vispi  ,  in- 
ia;8).  "W—s. 

QUESNAY  (  François  )  ,  le  chef 
de  la  secte  des  économistes  ,  ou 
France,  naquit ,  en  i6()4  ,  à  Merci, 
prcsdeMontfurt  l'Amauri.  Son  pè- 
re, que  le  poùt  de  l'a;;iifultiire  avait 
fixé  à  la  cainpiignc,  était  un  avocat 
fort  instruit  ;  mais  connue  il  s'occu- 
pait uniquement  de  prévenir  les  pro. 
ces  en  accoinmodani  les  parties,  il 
ne  tirait  pas  un  praud  revenu  de  son 
cabinet.  Le  jeune  Quesnay  fut  laissé, 
dans  son  enfance,  aux  soins  rie  sa 
mère,  femme  active  et  laborieuse, 
qui  l'initia  de  bonne  heure  dans  tous 
les  délads  de  l'exploitation  de  la  fer- 
me dont  le  produit  les  faisait  sub- 
sister. A  ràj;e  de  douze  ans  ,  la  Mai- 
son rustique  de  Liebault  (  T.  ce 
nom)  lui  tomba  sous  la  main  ;  et, 
avec  le  secours  du  jardinier  ,  il  par- 
vint bientôt  à  la  lire  couramment.  Il 
lut  ensuite,  ou  plutôt  il  dévora  tous 
les  livres  qui  se  trouvèrent  à  sa  por. 
téc  ;  et  il  apprit ,  presque  sans  maî- 
tre ,  le  latin  et  le  grec.  Dès-lors  ses 
progrès  furent  très-rapides  dans  la 
carrière  des  sciences  :  m.ds  sentant 
la  nécessité  d'y  faire  un  clioix  ,  il  se 
décida  pour  l'art  de  guérir  ;  et .  mal- 
gré les  tendres  inquiétudes  de  sa 
mère,  qui  le  voyait  s'éloigner  d'elle 
à  regret ,  il  vint  à  Paris  étudier  la 
médecine  et  la  chirurgie,  ^'on  con- 
tent d'assister  assi  lument  aux  le- 
çons de  la  faculté,  Quesnay  suivait 
encore   les  cours    d'anatoraie  ,    de 


(«:  Qi.erloD  biM^it  „ne  h.Ll.olJirqae  cboUie . 
d«.,  laqQelIr  on  rrinarqu.it  un  ^ranu  oombre  d^ 
belles  cdiboas  et  de  livra  tr^rares,  dont  le  Cota- 
/«■g.«r  a  éU  imprime  en  1780,  in-go. 


QUE 

chirurgie  et  de  botanique  :  il  visitait 
les  malades  dans  les  hôpitaux ,  et 
montrait  tant  de  zèle  ,  qu'on  lui  ac- 
corda la  permission  de  fréquenter  , 
comme  élève,  l'Hôtcl-Dieu.  Dans  les 
courts  loisirs  que  lui  laissaient  des 
occupations  si  multipliées,  il  étudia 
la  métaphysique,  dont  le  livre  Delà 
recherche  de  la  vérité  (  /'o) .  Male- 
BiiA>'cuE  )  lui  avait  inspiré  le  goût: 
il  cultiva  les  dilToretiles  branches  de 
la  philosophie,  même  les  malliérna- 
ti((ues;et  il  apprit  du  célèbre  (^o- 
chin  ,  chez  qui  le  hasard  l'.ivail  pla- 
cé,  les  principes  du  dessin  et  de  la 
gravure.  Après  avoir  terminé  ses 
cours  ,  il  se  lit  rerevoir  maître  en 
chirurgie  ,  et  s'établit  à  Mantes.  Mal- 
gré l'uppusitioii  qu'il  éprouva  de  la 
part  de  ses  confrères ,  jaloux  d'un 
concurrent  si  dangereux,  il  ne  tarda 
pas  à  se  f.iire  connaître  d'une  ma- 
nière avantageuse.  Jjcs  succès  qu'il 
obtint  dans  le  traitement  des  grandes 
blessures  ,  lui  méritèrent  la  place 
de  chirurgien- m.ijor  de  l'hôlel-  (li(;u 
de  Mantes  ;  et  le  maréchal  de  Noail- 
Ics  lui  procura  la  confiance  de  la 
reine  ,  qui  le  consultait  dans  les 
voyages  qu'elle  faisait  à  Maintenon. 
La  réfutation  du  Traité  de  Silva  , 
sur  la  saignée  ,  que  ce  méilecin  , 
après  avoir  tout  employé  pour  en 
empêcher  la  publication,  crut  de- 
voir laisser  sans  réponse,  acciut  en- 
core la  réputation  de  Qnesn;iy.  La 
Peyronie,  occupé  du  projet  de  l'éta- 
blissement de  l'académie  de  chirur- 
gie, jeta  les  yeux  sur  lui,  pour  rem- 
plir la  place  de  s(crélaiic-peipétuel 
de  cette  compagnie  :  il  le  détermina, 
non  sans  peine  ,  à  se  fixer  à  Paris  , 
et  iui  fil  obtenir,  en  1737  ,  avec  la 
charge  de  chirurgien  ordinaire  du 
Roi ,  le  brevet  de  professeur  royal , 
et  enfin  sa  nomination  à  la  place  de 
secrétaire  .  choix  que  justifia  bien- 


QUE 

tôt  la  publication  du  premier  volu- 
me des  Mémoires  de  l'académie,  à 
la  tête  duquel  Quesnay  mit  une  Pré- 
face regardée  comme  un  chef-d'œu- 
vre en  ce  genre.  Quesnay  prit ,  com- 
me on  l'imagine  bien,  une  part  très- 
active  aux  déplorables  querelles  qui 
s'élevcient  à  cette  époque  entre  la 
faculté  de  médecine  et  le  collège  de 
chiiiugie.  Il  rédigea  le  plus  grand 
nombre  des  écrits  qui  parurent  au 
nom  des  chirurgiens  ,  dans  l'inter- 
valle de  sept  ans  que  dura  cette 
mémorable  dispute  ,  et  rendit  à  sa 
coinpaç;nie  les  services  les  phis  essen- 
tiels. Il  ne  cessa  pas  de  la  servir 
lorsqu'en  changeant  d'état  ,  il  fut 
désintéressé  dans  la  question  qui 
partageait  les  esprits  ;  et  il  montra 
touiours  le  même  attachement  pour 
ses  anciens  confrères.  Des  attaques 
répétées  de  goutte  interdisaient  à 
Quesnay  les  opérations  manuelles  de 
la  chirurgie:  pendant  la  campagne 
de  174  il  0"  il  avait  suivi  le  roi 
Louis  XV  ,  il  se  fit  recevoir  docteur 
en  médecine  ,  à  l'université  He  Pont- 
à-Mousson.  Peu  de  temps  apiès  ,  il 
acheta  la  survivance  de  la  charge  de 
médecin  ordinaire  du  Roi ,  avec  l'a- 
grément de  ce  prince  ,  qni  lui  témoi- 
gnait beaucoup  de  bienveillance,  et 
se  plaisait  à  l'interroger,  même  sur 
dis  matières  étrangères  à  la  médeci- 
ne (  I  ).  Au  mi^i'-u  des  diveis  emplois 
qu'il  exerçait, Quesnay  n'avait  point 
oubii<^  le  triste  sort  de-.  L  iliitants  des 
campa;;nes,  dont  il  avait  été  le  té- 
moin d  ins  sa  jeunesse.  Il  crut  devoir 
apptder  l'attention  du  gouvernement 
5iir  les  améliorations  que  réclamât 
l'agriculture  ,  dans  un  royaume  dont 


(1)  Louis  XV  appelait  Quesnay  le  Penseur;  en 
lui  accordant  des  lettres  de  uoSlesse  pour  le  récom- 
penser de  ses  service»,  ce  priuce  lui  donna  pour 
armes  trois  fleurs  de  peusée ,  avec  cette  devise  : 
Propter  cogitationem  mentis, 


QUE 


397 


elle  est  la  principale  richesse  :  mais, 
aussi  modeste  que  désintéressé ,  et 
n'ayant  que  le  bien  public  en  vue  ,  il 
ne  songea  pointa  former  une  secte. 
Ses  idées,  accueillies  avec  enthousias- 
me ,  furent  reproduites  ,  dans  ua 
style  lidiculemeut  emphatique,  par 
des  écrivains  qui  n'avaient  pas  la 
candeur  et  la  bonne-foi  de  Qnesnay, 
qu'ils  proclamaient,  malgré  lui,  leur 
chef  et  leur  maître.  Parmi  les  réfor- 
mes proposées  par  les  économistes  , 
celles  qui  pouvaient  être  réali.sécs  , 
l'abolition  ô.e?,  corvées  ,  la  libre  cir- 
culation des  grains,  et  la  suppression 
des  douanes  à  l'entrée  de  chaqne 
province  ,  l'ont  été  depuis  par  Loiu's 
XVI ,  sous  le  ministère  de  Tur- 
got  (  Fb/.ce  nom  ).  Le  temps  a  fait 
justice  des  autres  ,  en  démontrant 
qu'elles  étaient  impraticables.  L'âge 
et  les  infirmités  ne  diminuaient  rien 
de  l'activité  de  Qaesnay.  Il  avait  plus 
de  70  ans ,  quand,  regrettant  d'avoir 
négligé  l'étude  des  mathématiques, 
il  résolut  de  les  aprofomlir  :  mais 
la  vigueur  de  ses  organes  ne  répon- 
dait plus  à  son  ardeur  ;  et  il  n'était 
plus  en  état  de  soutenir  un  tnvail 
long  et  pénible  sur  des  matières 
abstraites.  Il  crut  avoir  résolu  le  pro- 
blème de  la  quadrature  du  cercle;  et, 
malgré  les  instances  de  ses  amis  ,  il 
fit  imprimer  sa  prétendue  découver- 
te. Les  douleurs  de  goutte  qui  le  tour- 
mentaient d'  puis  sa  jeunesse  ,  en 
l'afflnblissant  ,  n'oiaiint  rien  à  sa 
gaîié.  «  Il  faut  bien,  dis.dt-il  à  ses 
amis  ,  avoir  quelques  maux,  à  mon 
âge;  les  autres  ont  la  pierre,  sont 
paralytiques,  aveugles  ,  sourds,  ca- 
cochymes ;  eh  bien  !  moi  ,  j'ai  la 
goutte  :  je  ne  suis  pas  plus  à  plain- 
dre qu'eux.  »  Il  avait  senti  que  la  li- 
berté de  penser  a  des  bornes.  Ja- 
mais il  n'oublia  le  respect  que  l'on 
doit  au  gouvernement  et  à  la  religion. 


3ij8 


QUE 


dout  il  avjit  fait  une  élude  suivie. 
Aussi  vit  -il  approilier  la  fin  de  sa 
cariicre  avec  calme  et  résignation. 
«  Console-toi,  dit-il  à  sondoniesfi- 
»  que,  qui  pleurait  pics  de  son  lit  , 
»  console-tui;  je  n'étais  pas  ne'  pour 
»  ne  pas  mourir.  Regarde  ce  portrait 
»  qui  est  devant  moi  ;  lis  au  bns 
V  l'annccde  ma  naissance;  juge  si  je 

»  n'ai  pas  assez  vécu »  Qnosnay 

mourut  octogénaire,  le  lO  décembre 
i'j'^4'  Doué  d'un  sens  droit  et  d'nn 
esprit  exact,  mais  trancl..int  et  ri- 
gonrcu\  (a),  il  était  bon,  franc, 
loyal  et  obligeant.  Qitoiipi'il  eût  peu 
de  fortune,  il  ii'employa  jamais  son 
créJil  à  la  cour  pour  lui  ni  pour  les 
siens ,  et  s'y  montra  consiamnient  le 
défenseur  des  malheureux.  Il  était 
membre  de  la  société  royale  de  Lon- 
dres ,  de  l'acailémic  de  Lyon  ,  et  de 
l'académie  des  sciences,  où  Grand- 
jean  ."If  Foucliy  prononça  son  éloge. 
Outre  la  PréJ'ace  à\\  premier  volu- 
me dcTS  IMémoires  de  l'académie  de 
chirurgie,  collection  dans  laquelle  on 
distingue  deluicpiatre  J)issertationsy 
snr  les  plaies  à  la  tè(e  et  l'us.ige  du 
trépan  ;  outre  des  articles  dans  l' En- 
cyclopédie,  ciilic  autres,  Grainscl 
Fenniers ,  et  un  graïul  nombre  de 
Mémoires ,  dans  les  Journaux  tVn- 
griculture  et  dans  les  E''hétnérides 
dm  Citoyen  ,  on  citera  de  Oiiesnay  : 
1.  Observations  sur  les  cjj'ets  de  la 
saiv;née ,  Paris,  1730;  nouv.  ëdit.  , 
1750,  in-i  2.  IL  Esai  physique  sur 
l'économie  animale,  avec  l'Art  de 
gue'rir  par  U  saigne'c  ,  iuid. ,  173G, 
in-12;  1747  «  3  vof.  in  -  12.  Selon 
quelques  cntiqnes  ,  la  doctrine  que 
l'auteur  expose  dans  cet  ouvrage,  est 

i,»)  Un  jour  le  naDpliiii.  pire  de  Ixiuig  XV'f  ,  .e 
plaiffn^il  lics  einiKim>d"  I.1  r<._v;iu(<';  3Ioiis<'igiicur, 
iiii  dit  QoeMUT,  je  ne  tronii:  p»%  rtrJ^.  —  I.b  !  iiue 
leriez-vousHuiicM  vous  <  lir»  roi?  —  MoïKri.'iimr  , 
!»  ne  firais  rieo.  —   Et  tjai  guuvCTiM.'i-ait  ?  —  I.t» 


QUE 

entièrement  fondée  sur  rcxpérieiice 
et  l'observation;  et  les  faits  y  tien- 
nent plus  de  place  que  les  rai,-.unne- 
îiii-nts.  Mais  Eloy  prétend  an  con- 
traire (jn'd  a  souvent  été  soiiid  à  la 
voix  de  l'expérience  et  de  l'observa- 
tion ,  pour  n'écouter  que  ce  que  la 
vivacité  de  son  imagination  lui  dic- 
tait. III.  Recherches  critiques  et  his- 
toriques sur  l'origine  ,  les  divers 
états  et  les  progrès  de  la  chirurgie 
en  France  ,  Paris  ,  17  \\  ,  '\i\-.\'\  et 
in-1'.î ,  '1  vol.  ;  leproduit  sous  ce  ti- 
tre :  Histoire  de  l'uii^ine  et  desvrn- 
grès  de  la  chirurgie  en  Errance ,  i[>., 
17  ^9,  in-/|<*.  A  la  lin  de  cet  ouvrage 
curieux,  on  trouve V Index  funertus 
de  Jean  Devanx,  On  dit  qi.e  Louis  y 
a  travaillé,  et  que  l'abbé  Desfontai- 
nrs  en  a  retouclic  le  style  (  \'oy.  la 
Bill,  liist.de  la  France,  n".  4 ^^O^)- 
IV.  Traité  de  la  suppuration ,  ibid., 
174c),  in-iM  ;  traduit  en  allciuaud  , 
par  J.-H.  Plingsten,  178G.  V.  Trai- 
té de  la  gangrène ^  ibid. ,  17491  '"- 
l'i.  VI.  Traité  des  fièvres  continues, 
ibid.,  1753  , 1  vol.  in-  li.  VIL  La 
Phjsiocratie^  ou  Constitution  natu- 
relle des  gouvernements  ,ibid.,i7<j8, 
in  -  8°,  ;  publié  par  Dupont  de  Ne- 
mours, «i  Dans  cet  ouvrage,  l'-iicorau 
des  économistes ,  l'auteur,  dit  La- 
liarpc ,   se   propose  de  substituer, 
dans    tout©   l'administiatiou    inté- 
rieure  ilu   royaume,  relative   aux 
impositions  et  au  commerce,  des 
piincjpcs  universels  et  constants  de 
calcul   et  d'intérêt  général"  à  l'ac- 
tion du  gouvernement,   et  une   li- 
berté indéfinie  à  la  variation  arbi- 
traire des  règlements.  »  Lestylecnesl 
obscur  et  ampoulé.  VI  II.  Becherches 
philosophiques   sur  l'évidence    des 
vérités  géométriques  ,  suivies  d'un 
Projet  de  nouveaux  éléments  de  géo- 
métrie, Amsterdam  et  Paris,  1773, 
in  8''.  IX.  Obsercations  sur  la  cou- 


\  QUE 

seivalion  de  la  vue; —  Observations 
sur  la  psychologie ,  ou  science  de 
Vaine  ;  —  Extrait  des  économies 
royales  de  Sully.  Ces  trois  ouvra- 
ges furent  iinpiiinës  à  V'ersailles  , 
par  ordre  exprès  du  roi  Louis  XV, 
qui  en  tira  lui-même  quelques  épreu- 
ves :  mais  ils  ont  cie  si  soigneuse- 
ment séquestrés ,  qu'il  n'en  est  pas 
même  demeuré  nn  seul  exemplaire 
à  la  famille  de  l'auteur  (  V'^oy.  V E- 
log^e  de  Quesnay,  dans  le  Recueil  de 
Tacad.  des  sciences,  1774»  P-  i34)- 
Le  marquis  de  ÎMirabeau,  l'un  des 
plus  grands  admirateiu's  de  Quesnay, 
qui  l'avait  aidé  dans  la  rédaction  de 
la  plupart  de  ses  ouvrages  (  F.  Mi- 
rabeau ) ,  a  publié  son  Eloge  ,  d'un 
liiliculesi  i-are,  que  les  curieux,  dit 
Laliarpe,  l'ont  conservé  comme  un 
modèle  de  galimatias.  Il  existe  un 
troisième  Eloge  de  Quesnay,  par  !c 
comte  d'Âlbon,  Paris,  1775,  in-S". 
et  inséré  dans  le  tome  xii  du  Nécro- 
loge des  liommcs  célèbres  de*  Fran- 
ce. On  a  son  Portrait  gravé  parWill, 
in-S*^.  et  in-fol.,  et  par  J.-Ch.  Fran- 
çois ^  in-fol.,  à  la  manière  noire;  ce- 
lui- ci  est  très-rcclierché  (  F.  Fran- 
çois). W — s. 
QUESNE  (Du),   r.  DuQUESNE 

et  Jos.  DUCUESNE. 

QUESNÉ  (François  -  Alexan- 
dre ) ,  botaniste  cultivateur  ,  était 
né  à  Rouen;  ily  est  mort,  le  17  avril 
1810,  à  l'âge  de  soixante-dix-huit 
ans.  Il  suivit  quelque  temps  la  car- 
rière des  affaires,  et  la  quitta  pour 
se  livrera  son  goût  pour  les  plantes. 
11  avait  au  Bois-Guillaume,  près  de 
sa  ville  natale,  un  jardin  dans  le- 
quel il  acclimata  plusieurs  arbres 
exotiques.  Les  tulipiers  favorisés 
par  la  bonne  qualité  d'.i  sol  et  la  fraî- 
cheur du  climat,  y  étaient  de  la  plus 
grande  beauté.  Les  melèses  et  les  cè- 
dres du  Liban  y  poussaient  avec  ti- 


QUE  3y.j 

gueur.  On  y  vit  fleurir  ,  il  y  a  déjà 
nombre  d'années  ,  le  Ginkgo  hiloha. 
Quesné  a  traduit  en  français  la  Phi- 
losophie botanique  i\q  Linné,  Rouen, 
1788,  in  -  8"*.  11  a  publié  pluj^icurs 
Mémoires  sur  la  botanique,  et  insé- 
ré diverses  Noiiccs  dans  le  Recueil 
annuel  de  la  société  d'émidation  de 
Rouen.  11  avait  traduit  l'excellent 
Discours  que  M.  A. -L,  de  Jussieu  a 
placé  en  tête  de  son  Gênera  plant a^ 
rum  ;  mais  ce  travail  est  resté  inédit. 
E— s. 
QUESiNEL  (Pasquier),  théolo- 
gien, fameux  par  ses  écrits,  et  par  la 
longue  lutte  qu'il  soutint  pendant  les 
querelles  du  jansénisme,  naquit  à 
Paris,  le  i4  juillet  i634.  I'  ^it  avec 
succès  sa  théologie  en  Sorbonne,  tt 
entra,  en  1G57,  dans  la  congréga- 
tion de  l'Oratoire,  oii  il  leçut  l'or- 
dre de  prêtrise.  Il  s'y  adonna  à  l'é- 
tude de  l'Ecriture  sainte  et  des  saints 
Pères,  et  à  la  composition  de  livres 
de  j)iclé.  11  avait  à  peine  vingt-huit 
ans  lorsque  ses  supérieurs  le  jugèrent 
capable  de  remplir  l'emploi  impor- 
tant de  premier  directeur  de  l'insti- 
tution de  Paris.  L'ouvrage  par  lequel 
il  débuta  ,  celui  qui  produisit  le 
plus  d'éclat  ,  et  qui  rendit  la  vie  de 
l'auteur  si  orageuse  ,  fut  le  livre 
des  P.éjJexions  morales.  Tl  paraît 
qu'il  fut  fait  à  bonne  intention,  ot 
q  ('originairement  il  ne  contenait 
rien  de  répiéhensible  :  il  ne  consis- 
tait qu'en  de  courtes  maximes  et  de 
pieuses  pensées  sur  les  paroles  du 
Sauveur  ,  que  l'auteur  avait  écrites 
pour  l'usage  des  jeunes  confrères 
qu'il  était  chargé  d'instruire.  Le  mi- 
nistre-d'état Loraénie,  le  marquis 
de  Laigue  ,  et  d'autres  personnages 
pieux  qu'elles  avaient  édifiés,  l'cnga- 
gèrentà  en  donner  de  pareilles  sur  les 
quatre  Evangiles  ;  et,  trouvant  l'oc- 
casion d'en  parler  à  M.  Vialart,  évê- 


4oo  QUE 

que  lie  Châlons-siir-Marne,  ils  le  û- 
rent  avec  tant  d'ologes  ,  que  ce  pré- 
lat, reuoramcf  pour  sa  sagesse  et  ses 
vertus,  voulut  en  prendre  connais- 
sance. Après  avoir  lu  et  examine  ce 
livre  avec  soin,  il  l'approuva  par  un 
mandement  du  5  novembre  iG';i,et 
en  recommanda  la  lecture  aux  ecclé- 
siasliqnes  et  aux  fidèles  de  son  dio- 
cèse. L'édition  en  fut  pnblie'eà  Paris, 
la  même  année,  chez.  Pndiirt,  avec 
privilège  et  approbation  des  doc- 
teurs,   au  su    et   du    consentement 
de  M.  de  Hailay,  arduvèque  de  cet- 
te viile.  Qiu'Siiel  dunua  ensuite  une 
édition  de  saint  Léon.  Il  s'occupait 
en  même  temps,  par  les  conseils  de 
Nicole,  à  faire,  sur  les  Actes  des 
apôtres  et  sur  les  Épîlres  de  saint 
Paul,  le mc'PCtiavailqi'il  avait  entre- 
pris sur  l<s  Évangiles,  jusque-là  rien 
n'était  veiailc  t  roublenl.i  us  ses  occu- 
pations :  mais  M.  de  Ilarlay  avant 
fait  exiler  le  P.  Abd  de  Sainte-Mar- 
the, geneial  de  l'Oiatuirc,  ami  du 
fameux  Ainauld,  et  qui  paitageait 
les  opinions  de  ce  docteur,  Quesnel, 
qu'on  savait  fort  attaché  à  son  siipc •• 
rieur  -  général,  et  qu'on  crut,  avec 
raison,  imbu  des  mêmes  principes, 
reçut  ordre  de  sortir  de  Paris  et  du 
diocèse,  11  se  retira,  de  son  propre 
gré,  dans  la  maison  de  l'Oratoire 
d'Oflé.ins,  où  il  arriva  vers  le  mois 
de  décembre  lOBi.ll  continuait  d'y 
travailler  à  ses  lléjlexions  morales, 
lorsqu'un  nouvel  incident  l'obligea 
encore  de  changer  de  demeure.  Dans 
une  assemblée  tenue  en  iG'S,  la  con- 
grégation de  l'Oratoire  avait  dressé 
pour  elle  uu  formulaire  de  doctri- 
ne qui  condamnait  et  défendait  d'en- 
seigner la  pliiloso[)hie  de  Descartes, 
reçue  dans  quelques  écoles,  etlc  jan- 
sénisme. Une  nouvelle  assemblée,  te- 
nue en  i  (J84 ,  exigea  de  tous  les  mem- 
bres de  rOratoire  la  signature  de  ce 


QUE 

formulaire.  Plusieuts  la  refusèrent, 
et  Quesnel  fut  du  nombre.  11  quitta 
la  congrégation  ;  et,  craignant  d'être 
inquiété,  s'il  restait  en  France,  il  al- 
la joindre  Arnauld  à  Bruxelles,  et 
demeura  auprès  de  lui,  jusqu'à  la 
mort  de   ce   dernier.  C'est  à  Bru- 
xelles que  Quesnel  acheva  son  livre 
des  Réflexions  morales.  Il  en  rtvit 
la   première   partie ,   imprimée   en 
167  I  ,  et  lui  donna  plus  d'étendue  , 
pour  la  mettre  en  rapport  avec  son 
nouveau   tr.ivail.   L'ouviage  ,  ainsi 
refait  à  nei>f,  parut  en  \V)(.)'\  ,  et  fut 
présenté  à  M.  de  Noailles,  (pii  avait 
suLcédé  à  M.  Viilart  sur  le  siège  de 
Chàlons.  Ce  prélat,  informé  que  ce 
livre  avait  cours   dans  son  diocèse 
et  y  était  goûté,  après  y  avoir  fait , 
dit-ou,  quelques  changements,  l'aj)- 
prouva   par  un   mandement  du  'i3 
juin  i()95,eten  recommanda  la  lec- 
ture au  clergé  et  aux  fidèles  de  son 
diocèse,  comme  l'avait  fait  son  pré- 
décesseur. Jusque-là  les  Réflexions 
murales    n'avaient    pas    fait   grand 
bruit  ;et  l'on  ne  voit  pas  qu'elles  eus- 
sent été  l'objet  d'auciuic  aniinadvcr- 
sion  (i  ).  Un  événement  imprévu  en 
fit  un  brandon  de  discorde.  IN),  de 
Noailles,  qui  n'était  point  encore  car- 
dinal ,  fut,  cette  même  aimée,  trans- 
féré sur   le  siège  métropolitain  de 
Paris.  Le  'xo  août  i6()(),  il  jtublia 
une  ordonnance  dans  lafpielle  il  con- 
damnait un  livre  de  l'abbé  Barcos  , 
intitulé  :   ExjKtsition  de  la  foi  de 
r Eglise,  tducJiant  lu  grâce  et  la 
prédestination.  C'était,  comme  on 
l'imagine  bien  ,  toute  la  doctrine  de 
Port  -  Royal.  Deux  ans  après ,   on 
vit  paraître,  sous   le  titre  i\c  Pro- 
blème ecclésiastique  ,  un  écrit   oïl 
l'auteur  opposait  Louis- Antoine  de 

(i)  Une  01  doimance  drM.  tic  Foicsta  de  (Jolon- 
gDc  ,  évoque  d'Apt,  publiée  en  i^oS  ,  jiarait  être  le 
premier  acte  de  l'autorité  épitcopalc  contre  eUe&. 


QUE 

Noaillfis  ,  evêqnc  de  Cliàlons  ,  en 
i6(j5  ,  appi-iHivaiit  cette  doctrine 
dans  les  Fié  flexions  morales,  à  Louis- 
Antoine  de  Noailles  .  archevêque  de 
Paris  ,  eu  \  (iç)G  ,  condamnant  la  mê- 
me doctrine  dans  V  Exposilion  de  la 
foi;  on  y  d'^niandait  mali'^neracnt  : 
auqiel  des  deux  il  fallait  en  croire? 
Le  Problème  fut  condamne  au  feu, 
par  arrêt  du  parlement  de  Paris  ,  du 
10  jauvicr  lOgo  ['i)',  mais  cela  ne 
tirait  pas  !\L  cle  Noailles  de  l'état  ])e'- 
nib'.o  où  le  mettait  cet  eraharrassaut 
dilemme.  On  sait  aujourd'hui  que  la 
partie  doçinalique  de  l'ordonnance 
du  '20  août:,  était  l'ouvrage  de  Bos- 
suet.  L'illustre  prélat  ne  s'en  crut  que 
plus  obligédevenir  au  secours  del'ar- 
chevêque  de  Paris  ;  en  conséquence  , 
«  il  composa  un  e'crit  dont  l'objet 
e'tait  de  de'montrer  qu'il  existait  des 
dilll-rences  essentielles  entre  la  doc- 
trine du  livre  de  l'Exposiîion,  que  I\L 
l'archevêque  avait  condamnée  ,  et 
celle  du  livre  du  P.  Quesnel ,  qu'il 
avait  approuvée  :  et  quant  aux  pro- 
positions de  ce  dernier  ouvrage  ,  qui 
pouvaient  offrir  un  sens  répréhensi- 
ble  ,  il  s'ed'orça  de  les  réduire  au  sens 
des  Thomistes  que  l'Église  permet 
aux  écoles  d'admettre  ou  de  rejeter.  » 
C'est  cet  écrit  et  quelque  autre  tra- 
vail du  même  genre  ,  que  le  P.  Ques- 
nel et  ses  partisans  appellent  VaJus- 
lification  des  Réflexions  morales  , 
par  Bossuet.  (3)  On  doit  à  la  bel- 


(».)  Cet  écrit  satirique  fut  d'abord  attribué  aux 
Jt'suites;  et  Von  nomma  le  P.  Daniel  ,  cjui  s'en  dé- 
fendit. D'autres  crurent  que  le  P.  Doricin  ,  de  la 
même  socicté  ,  en  était  l'auteur.  Il  avait  été  pu- 
blié par  le  P.  Souâtre,  flamand,  et  au^si  Jésuite, 
ce  qui  devait  fortilier  les  soupçons.  Cependant  dom 
Thierry  de  Viaixues,  bénédictin  de  la  congrégation 
de  Saint- Vannes  ,  déclara  que  l'ouvrage  était  de  lui. 
Des  ])ersonues,  néanmoins,  ont  continué  de  lecroire 
du  P.  Doucin,  et  prétendant  que  dom  Thierry  n'en 
a  été  que  le  copiste.  Hisl.  de  Boisuet ,  prir  M.  le 
cardiucdde  Uaiissel ,  Ti'.  éd.  toin.  IV,  ]>■ '-\i  et  suiv. 

(3)  Ce  lut  un  abbé  Le  Brun  ,  doyeii  de  Tournai , 
exile  à  ÎNîeaux  ,  qui  ayant  surpris  une  copie  de  ces 
écrits,  restée  parmi  les  papiers  de  Bcssuet,  après 

XXXVI. 


QUE  4oi 

le  Histoire  de  Bossuet  ,  par  M.  le 
cardinal  de  Bausset ,  l'éclaircisse- 
ment complet  de  ce  point  de  cri- 
tique :  il  résulte  de  son  récit,  que  , 
loin  d'avoir  approuvé  le  livre  des 
RéJLexions  morales  ,  Bossuet  y  avait 
tiouvc  beaucoup  de  choses  à  re- 
dire ,  cl  avait  proposé  d'y  raettie  de 
nombi'cux  cartons.  Soit  insinuation , 
soit  peur  et  honte  de  se  contredire  , 
1\L  de  Noailles  ,  qui  i'ut  nommé  car- 
dinal l'année  suivante  ,  ne  voulut 
point  consentir  qu'on  y  touchât.  La 
nouvelle  édition  des  Réflexions  mo- 
rales parut  on  i6t;9,  sans  correc- 
tions, mais  aussi  sans  a])pronaLiou 
de  M.  de  Noailles.  L'eflet  du  ProJjiè- 
me  ccclésiasîique  fut  de  ranimer  les 
disputes  que  la  paix  de  Clément  IX 
avait  eu  pour  objet  d'élouOcr.  On  vit , 
de  part  et  d'autre,  se  multiplier  des 
écrits  oij  l'on  se  faisait  une  guerre  à 
outrance.  La  plupart  partaient  de 
Bruxelles,  où  Quesnel,  devenu  le  chef 
du  parti  depuis  la  mort  d'ArnauId  , 
vivait  sous  des  noms  supposés  ,  et 
déguisé  sous  des  habits  laïcs.  Hum- 
bert  de  Precipiauo  ,  archevêque  de 
Malines,  craignant  que  la  tranquillité 
de  son  dio(;èse  n'en  fût  compromise, 
obtintde  Philippe  Vun  ordiepourlc 
faire  arrêter.  Quesnel  fut  découvert, 
saisi  et  enfermé  dans  les  prisons  de 
l'oiricialilé  ,  d'où  ,  tandis  qu'on  ins- 
truisait son  procès  ,  quelques  amis  , 
en  perçant  les  murs  ,  parvinrent  à  le 
faire  échapper.  Il  se  cacha  de  nou- 
veau, erra  pendant  quelque  temps  , 
non  sans  inquiétude,  ayant  été  arrêté 
à  Namur  et  à  Huy  :  il  put  enfin  se 
rendre <à  Amsterdam,  où  Codde,  évê- 
que  de  Sebaste,  et  vicaire  apostoli- 
que en  Hollande  ,  qui  venait  d'être 


sa  mort,  l'envoya  au  P.  Quesnel  ,  qui  !h  fit  impri- 
mer en  Hollande,  sous  le  titre  de  Justificalion  des 
Réflexions  mondes  par  M.  Bossuet;  ihid.  à  l'endroit 
cité. 

26 


4oa 


()UE 


dépose  po'ir  son  atfaclionient  an  inc'- 
mc  parii ,  l'avait  invite  à  v<inr.  Là  , 
il  put  érrirc  m  librrli-,  et  usa  larp;c- 
mcnldudrnitd'altafpie  et  dedcfciisc. 
Clément  XI  ,  voulant  mettre  Hn  à 
ces  contestatiiiiis,  rendit,  le  1 3  juillet 
l'^oH,  un  décret,  [tar  lequel  il  con- 
damnait le  livre  des  Rèjle.x  ians  mo- 
rales ,  avec  lies  qualifications  assez 
sévères.  Cette  mesure  n'avitnl  pas 
produit  rolVct  désiré  .  Louis  XIV, 
las  de  voir  rÉ;;lisedc  Frain'ie  déclii- 
réc  par  des  divisions  ,  deman  \n  au 
pape  une  constitution  assez  pronon- 
cée pour  mettre  fin  aux  débats.  C'est 
sur  cette  demande  et  d'après  le  rap- 
port d'ime  conpiégatiou  créée  à  cet 
effet,  et  aux  séantes  de  laqiiolle  le 
pape  assista  souvent,  qoo  fui  dressie 
la  fameuse  ronstitntion  [  nii;t'nitus : 
elle  condamnait  le  livre  îles  Bé- 
jlexions  morales,  et  loi  proposi- 
tions qui  en  sont  extraites  ,  avec  des 
qualifications  diverses,  parmi  les- 
quelles se  trouve  celle  d'Iiérésie  ; 
toutefois  sans  .ipi  liration  à  aucune 
proposition  particulière  ,  et  aussi 
sans  approbation  du  rcstedc  l'ouvra- 
ge. Cette  bulle  ne  fui  pas ,  sur  -  le- 
champ  ,  reçue  unanimement.  Dans 
une  assemblée  de  quarante  neuf  é\c- 
ques ,  tenue  le  7.5  janvier  1714,  sons 
la  présidence  du  cardinal  de  Noailles, 
quarante  l'acceptèrent;  les  neuf  au- 
tres ,  pnrmi  lesquels  se  troiivait  le 
cardinal,  furent  d'avis  d'attendre  des 
explications.  Un  des  neuf  néanmoins, 
M.  deClermont,  évèqnedt;  I.aon,  se 
réunit  a  la  majorité  ;  le  parlement  «le 
Paris  enregistra  la  bulle,  exemple 
qui  fut  suivi  par  la  plupart  des  cours 
du  royaume.  La  Sorbormc  ,  sur  des 
lettres  de  jussiou  ,  l'inscrivit  sur  ses 
registres  ,  malgré  un  mandement  du 
cardinal  ,  qui  lui  défendait  de  rien 
statuer  à  cet  égard.  Louis  XIV  mou- 
rut, sans  que  rien  fût  fini.  I.'opposi- 


QUE 

tion  ,  les  appels ,  la  scission  dans  le 
corps  épiscopal,  subsistèrent  pen- 
dant  la  régence  :  ce   ne   fut   qu'en 

1718,  que  le  cardinal  de  Noaillos 
céda  ,  en  acceptant  définitivement 
la  bulle.  Cependant  Que.>^nel  était 
mori  à  Amsterdam  ,  le  u  décembre 

1719,  dans  sa  quatre-vingt-sixième 
année  .  après  une  vie  passée  dans 
l'a^italiou  ,  et  dans  de  continuels 
travaux  ,  dont  des  troubles  |)our  l'Fi- 
glisc ,  une  p'aie  qui  n'est  ])oiiit  en- 
core fermée  pour  la  religion, et  pour 
lui-même  une  assez  triste  célébrité, 
furent  les  amers  et  uniques  fruits.  On 
s'accorde  à  lui  reconnaître  i\es  fa- 
I<nts,des  mœurs  et  une  conduite  ré- 
gu'ière.  Beaucoup  de  ses  ouvrages 
respiient  la  pieté;  mais  le  propir  de 
l'e.spiit  de  parti  est  de  dénaturer  les 
meilleures  choses.  Il  fil,  avant  d'ex- 
pirer, une  profession  de  foi  :  il  y  dé- 
clarait,  dit-on  ,  «qu'il  v(uilait  mou- 
rir dans  le  sein  de  l'Eglise  catholi- 
que, comme  il  y  avait  toujours  vécu; 
qu'il  rroyait  toutes  les  vérités  (pTello 
enseigne,ot  condamnait  tout  rc(prellc 
condamne  ;  et  ()u'il  reccuinai.ssait  le 
souverain  pontife  poui-  le  vicaire  de 
Jésus  Cliiisl.  »  On  a  outc qu'interro- 
gé par  im  de  ses  neveux,  sur  le  parti 
à  prendre  dans  les  disputes  qui  l'a- 
vaient occupé,  il  lui  recommanda 
d'être  attaché  à  V  Eglise ,  «■tallribua 
aux  persécution.s  dont  il  avait  été 
l'objet,  V  opiniâtreté  i\\\\\  avait  mise 
dans  ce  qu'il  avait  soutenu  ;  senti- 
ments qi:i  ne  cadrent  gnJre  avec  la 
manière  dont  il  avait  vécu,  et  aveux 
qui  semblent  en  indiquer  quelques 
regrets.  Heureux  si ,  dans  ces  mo- 
ments >o!eimels  ,  ces  regrets  furent 
sinf  ères  et  accoraj)agnés  d'iui  vérita- 
ble et  salutaire  repentir  !  Qucsnel 
avant  passé  toute  sa  vie  à  écrire,  la 
liste  de  ses  ouvrages  est  fort  nom- 
breuse.  Les  principaux  soiit ,  outre 


QUE 

le  livre  îles  Réflexions  momies  :  1. 
Unccilition  des  OEuvresde  St.  Léon, 
(  fciile  sur  ini  manuscrit  apporte  de 
Venise,  lequel  avait  ëte  donne'  à  la 
maison  de  l'institution  de  l'Oratoiic 
de  Paris) ,  avec  des  Notes  ,  de*  Ob- 
servations et  des  Dissertations ,  i 
vol.  in-4'^.  Elle  fut  mise  à  Vindex  à 
Rome.  Cette  édition  acte  revue,  beau- 
coup aupjmenic'e  et  corrigée  ,  à  Ve- 
nise ,  par  les  frères  Ballei  ini ,  3  vol. 
infol.;  elie  l'a  ete'  cncoie  à  Rome, 
en  i'-5i  et  1755,  3  vol.  in-foî., 
par  Cacciari  ,  professeur  à  la  pro- 
]>Hc;aiidc  ,  qui  reproche  à  Qiie^nel 
des  infidélité'-;  et  des  altérations  (  V. 
LÉON,  XXIV,  3).  II.  Plusieurs  ou- 
vrages de  piclc,  tels  que  V Abrégé 
de  la  morale  de  V Evangile  ,  1 687  , 
3  vol.  iu-  12  :  —  les  Trois  Consé- 
crations, in- 18  ;  —  Eléi>alions  à  N. 
S.  Jésus  Christ  ,  in- 18  ;  —  Jésus 
pénitent ,  in- 12;  —  Du  bonheur  de 
la  mort  chrétienne ,  in- 1 2  ;  —  Priè- 
res chrétiennes  ,  avec  des  pratiques 
de  piété ,  in- 1  -2.  ;  —  l'olHce  de  Jésus, 
avec  des  réflexions,  in-8''.  III.  Tra- 
dition de  V Eglise  romaine  sur  la 
prédestination  des  saints  ,  et  sur  la 
grâce  efficace,  Coiogr.c  ,  1687,  4 
vol.  in-12,  sous  le  nom  du  sieur 
Germain  ,  docteur  en  théologie.  IV. 
Apologie  historique  des  deux  censu- 
res de  Louvain  et  Douai,  sur  les 
matières  de  la  grâce,  sous  le  nom 
du  sieur  Gery,  bachelier  en  théolo- 
gie ,  in-12  ,  1688.  V.  La  Discipline 
de  r Eglise  ,  tirée  du  Nouveau-  Tes- 
inent  et  de  quelques  anciens  con- 

j     ciles ,  Lyon,  1689,  2  vol.  in-4''. 

'  VI.  L'Idée  du  sacerdoce  de  Jésus- 
Christ  ,  in  \l ,  souvent  réimprimée. 
VII.  Causa  Arnaldina,  m -'6°., 
1699  ;  c'est  un  Recueil  de  pièces  la- 

j     tines  en  faveur  de  ce  docteur.  VIII. 

I  f/istoire  ahrégéede  la  vie  d^  Antoine 
Amauld,  Liège  ,  1699  '  ^  "^°'*  ^"' 


QUE 


4o3 


ii.W.  Justification  de  M.  Amauld^ 
1702  ,  3  vol.  in-12.  X.  La  Sou- 
veraineté des  rois  ,  défendue  contre 
Lcydeker,  Paris  ,  1 704  ,  in- 1 2  ;  cité 
avec  éloge  pour  la  pureté  des  prin- 
cipe sur  cette  matière.  XI.  Recueil 
de  lettres  spirituelles  sur  divers  su- 
jets de  morale  et  de  piétés  1721,3 
vol.  iu-i2.  XII.  Une  quantité  prodi- 
gieuse de  31  é moire  s ,  Ecrits  1  olémi- 
ques,  Opuscules.  Pièces  relatives  aux 
oontest.itions  dans  lesquelles Quesnel 
s'est  trouvé  engagé  ;  productions  de 
circonstance,  oubliées  aujourd'hui, 
et  dont  IMoréri  donne  là  longue  no- 
menclature {F.  Arnauld  (Antoine), 
Il ,  5oi  ,  et  NoAiLLEs  (  Louis  -  An- 
toine ),  XXXI,  3o5).  L— Y. 

QUESINEL  (L'abbé),  nommé 
Pierre ,  et  surnommé  Bénard  clans  le 
Dictionnaire  de  Feller,  est  connu  dans 
la  républiquedes  lettres  par  divers  ou- 
vrages, ctsurtout  par  une  Ilistoiredes 
Jésuites  :  mais  il  l'est  peu  quant  à  sou 
personnel,  sur  lequel  même  plusieurs 
renseignements  se  contredisent.  Fel- 
ler ,  par  exemple,  dit  qu'il  mourut  à 
la  Haye  ,  en  1774,  âgé  de  soixante- 
quinze  ans,  et  d'autres  assurent  qu'il 
est  mort  a  la  Bastille.  On  convient 
assez  (ju'il  est  né  à  Dieppe.  Néan- 
moins, <\?Lnsi\ts  Mémoires  chronolo' 
giques  pour  servir  à  l'histoire  de  la. 
ville  de  Dieppe,  on  ne  trouve  point 
son  nom  parmi  ceux  des  personna- 
ges de  la  même  ville  qui  se  sont  fait 
quelque  réputation.  D'après  les  dates 
de  Feller,  il  serait  né  en  1699,  et 
n'aurait  en  que  quarante-un  ans,  eu 
I  7  40,  époque  où  a  paru  la  première; 
édition  de  VHistoire  des  Jésuites. 
Cela  ne  s'accorde  pas  avec   ce  que 
l'auteur  dit  dans  la  préface  qui  sert 
d'introduction  à  celte  histoire,  oii  il 
se  donne  pour  un  vieillard  à  qui  «  il 
ne  reste  qu'un  soufle  de  vie ,  que  la 
vieillesse  et  les  infirmités  sont  prêtes 
26.. 


/,o^  QUE 

à  li)i  arracher.  »  Le  P.  Qucsncl  avnit 
un  frère  ([v.i  perlait  le  nom  iVahhé 
Quesnel;  raais  l'âge  qu'il  aurait  eu 
ne  jicmu't  f:;uèrp  de  voir  eu  lui  l'au- 
teur de  celle  liistoire.  iM.  Bai  hier 
l'attribue  à  un  neveu  du  fanfeux 
oratoricu.il  paraît,  au  reste,  qu'il 
clait  dans  rintention  de  son  auteur 
de  n'être  point  connu.  Voici  ,  outre 
l'âge  avance  qu'il  se  donne  ,  ce  que, 
daus  la  préface  déjà  citée  ,  il  annonce 
ou  veut  faire  croire  de  lui-même  :  il 
dit  qu'il  avait  été  mis  icune  chez  les 
Jésuites,  pour  v  être  élevé;  que  dès- 
lors  il  sentit  le  désir  de  connaître  ces 
hommes,  dont  il  avait  eritcndu  j)arlcr 
comme  de  personnages  qui  jouaient 

un  grand  rùlc  dans  le  mon, le aliu 

de  les  faire  connaître  a  tinte  la  terre, 
après  qu'il  les  aurait  lui-même  par- 
faitement connus  ;  «  qu'il  vit ,  dès- 
lors  ,  que  ces  prétendus  maîtres  en 
Israël  ,  n'avaient  aucune  teinture  de 
la  vraie  religion  ;  »  qu'ils  avaient 
cherché  à  l'engager  dans  leur  com- 
pagnie ,  «  ce  qui  leur  parut  d'autant 
plus  assuré  ,  (ju'ayant  perdu  ,  dans 
son  enf.ince,  les  parents  qui  auraient 
pu  s'opposer  à  cette  démarche  ,  il  se 
trouvait  maître  de  ses  volontés  j»  que 
sa  fortune  était  considérable  ,  et  sa 
naissance  illustre;  qu'il  avait  voyagé 
en  France  ,  eu  Angleterre  ,  en  H(j1- 
lande  ,  parcouru  louifs  les  contrées 
de  l'Europe,  visité  les  Indes  orienta  les 
et  occidenlales  ,  le  Pirou  .  le  Mexi- 
que, en  un  mot,faiile  tour  du  monde, 
pour  ne  rien  omettre  de  ce  qui  pou- 
vait l'instruire  sur  l'objet  de  son  ou- 
vrage ,  dont  l'exécution  «  lui  avait 
coûté  quarante  ans  de  travail  et  de 
recherches.  »  Enfin  ,  il  se  dit  étran- 
ger, et  réclame  l'indulgence  du  lec- 
teur «  pour  sa  diction  ;  le  français 
n'étant  point  sa  langue  naturelle.  » 
Rien  de  tout  cela  ne  peut  assurément 
convenir  à  uu  neveu  du  P.  Quesnel. 


QUE 

1/ écrivain    semble   donc  ne    s'être* 
propose  d'autre  but   que   celui  de 
détourner  l'attentioii  du  j)ublic,   et 
de  dérober  à  sa  connaissance  l'au- 
teur  ou   les    auteurs   de   celte  His- 
toire; car  Fontclte  laisse  entrevoir 
que  l'abbé  Quesnel  ne  fut  jias  le  seul. 
Quoi  (|u'il  en  soit ,  et  quel  (|ue  soit 
cet  abbé  Quesnel ,  on  a  de   lui  :  I. 
Histoire  lies  relifiieiix  de  la  compa- 
gnie de  Jésus,  contenant  ce  qui  s'est 
fiasse  dans  cet  ordre  depuis  .■^on  éta- 
blissement  jusqu'à  présent  ,  jour 
servir  de  sup/  lément  à  l'Histoire 
ecclésiastique    des    seizième  ,    dix- 
septième  et  dix  -  huiliènie  siècles  ; 
iîolcurc  ,   1740,  4  ^^'-  iii- ''->..    Ija 
préface  ou  introduclion  comprend, 
à  elle  seule,  presque  tout  le  premier 
volume  :  elle  contient  un  article  très- 
ctendu  sur  le  commerce  des  Jésuites. 
L'auteuravait annonce (|u'il  commen- 
cerait sou  Histoire   à    la    naissance 
même  de  l'instilul,  et  qu'il  la  con- 
duiiait   juscjiren    l'année    1737.  Les 
qu.itre  qui  ont  paru  ne  vont  que  jus- 
qu'en   iS^'i,  et  se   terminent   à    la 
mort  de  saint  François  de  Ijorgia  , 
troisième  général  de  la  compagnie. 
Fonlette  dit  que  l'abbé  Quesnel  en  pré- 
senta la  suite  à  divers  libraires  de 
Hollande  ,   mais  y   mit  un  prix  si 
excessif  qu'elle  lui  est  restée.  Suivant 
Fellcr,  elle  ne  fut  achevée  que  trois 
mois  avant  la  mort  de  l'abbé  Ques- 
nel ,  qui,  peu  d'heures  avant  de  ren- 
dre  le   dernier   soupir,    à    la   per- 
suasion de  certaines  personnes  qui 
lui  en  firent  un  cas  de  conscience, 
jeta  au  feu  le  manuscrit ,  lequel  au- 
rait formé  20  volumes  in-ia.  Quoi- 
que les   quatre    premiers  volumes 
contiennent  des  choses  curieuses,  il 
y  règne  un  tel  esprit  de  dénigrement 
et  tant  de  partialité,  que  la  perte  du 
reste  n'est  pas   fort   regrettable.   11 
existe  une  édition  retouchée  du  cora- 


I 


QUE 

menccineut,  Ulrecht,  1-^4»  el  >74^' 
C'est  la  seule  (jiie  Fellex"  ait  cûiimie. 
H.  Extrait  de  V ahnanach  du  Dia- 
ble ,  I  -^37  ,  ef  Almannch  du  Diable, 
i-yoH,  \i\-\i.  Ces  deux  pièces  sont 
remplies  de  faits  anecdotes  et  satiri- 
ques, sur  plusieurs  personnes  de  la 
cour ,  prélats  et  beaux-esprits.  On  a 
quelquefois  attribue  à  l'abbeQuesnel 
un  0)ivra<:;;e  allégorique  sur  les  affai- 
res de  la  bulle  Uniç^enitus ,  intitule  : 
Histoire  de  don  Ranucio  d^ Alétès  , 
Venise  (Rouen),  1730,  1738,  -x 
vol.  in- ri.  Ce  roman  est  de  l'abbc' 
C.  G.  Porëe  [F.  ce  nom.  )  L — y. 
QUESNOY  (Du).  F.  Duques- 

NOY. 

QUETIF  (  Jacques  ),  savant  do- 
minicain ,  e'iait  ne  à  Paiis  le  6  août 
i6i8.  Dès  l'âge  de  dix-sept  ans  ,  il 
prit  riiabit  de  l'ordre  de  6aint-Do- 
iniui(]ue  ou  dos  Frères-Prêcheurs, 
dans  le  couvent  de  la  rue  Saint-Ho- 
norc.  Après  avoir  étudie  en  philoso- 
phie à  Paris,  et  en  théologie  à  Bor- 
deaux, il  habita  successivement  di- 
vers monastères  de  son  ordre.  Il 
était,  en  ib^i^à  Amiens;  en  i6/j5, 
au  couvent  de  la  ruedeSainl-Dooini- 
(piede  Paris;  et  àToul,  en  1G49.  ^l 
revint,  en  i65'2,dans  la  maison  de 
la  rueSaini-Honore',  où  il  avait  fait 
sa  profession,  et  s'y  fixa  pour  tout  le 
reste  de  sa  vie.  Il  y  remplissait  la 
fonction  <le  bibliothécaire;  et  il  pa- 
raît n'avoir  exercé  ,  depuis  l'âge  de 
trente-quatre  ans  ,  aucun  autre  em- 
ploi. Il  n'aimait,  dit  son  confrère 
Échard,  que  les  occupations  littérai- 
res, et  fuyait  les  charges  claustrales. 
Il  s'appliquait  surtout  à  enrichir  et 
à  mellrc  en  ordre  la  bibliothèque 
qui  lui  était  confiée.  E'ie  était  peu 
considérable  encore,  quoiqu'eni  6  j8, 
à  la  naissance  du  Dauphin,  qui  fut 
depuis  le  roi  Louis  XIV,  les  reli- 
gieux 50  fussent  avisés  delà  dédier  à 


QUE  4o5 

ce  prince.  On  lisait  sur  la  ])orte  de 
ee  dépôt:  Hœcprincipi  Delphine  hi- 
hliolheca  dicata  fuit ,  die  natali 
ejui,  5  sept.  i038;  maison  ne  croit 
pas  que  celte  dédicace  leur  ait  attiré 
a ucune libéralité  de  quelque  valenr.Ce 
fut  aux  soins  de  Quélif ,  durant  qua- 
rante-six ans,  que  la  bibliothèque  de 
ce  monastère  dut  ses  premiers  et  ses 
plus  jirécicux accroissements,  et  mê- 
me le  legs  qu'elle  reçut,  peu  de  mois 
après  la  mort  de  ce  religieux  ,  des  li- 
vres de  Piques,  docteur  de  Soibon- 
re  :  elle  était,  en  1789,  composée 
de  plus  de  trente  raille  volumes, 
bien  choisis ,  au  moins  en  ce  qui 
concernait  les  sciences  ecclésiasti- 
ques, l'histoire  et  leslangiies  orienta- 
les. Quétif  doit  êlrecompté  parmi  les 
bibliothécaires  qui  ont  laissé  des  tra- 
ces de  leur  zèle  et  de  leur  liabiletc 
dans  les  dépôts  de  ce  genre.  Il  avait 
acquis  des  connaissances  bibliogra- 
phiques très-étendues  ,  et  alors  assez 
rares.  Le  chancelier  Séguier  luiavait, 
en  quelque  sorte,  confié  le  soin  de 
ses  propres  livres;  et  l'on  dit  qu'il 
n'en  adîneltait  aucun  dans  sa  col- 
lection qui  n'eût  été  acheté  013  exa- 
miné par  Quétif  :  la  bibliothèque 
de  Séguier  est  connue  par  le  Cata- 
logue qui  en  a  été  imprimé  à  Pa- 
ris, 1685.  Intimement,  lié  avec  ce 
chancelier ,  Quélif  entretenait  des 
relations  non  moins  honorables  avec 
plusieurs  litléraîeurs  de  son  siè- 
cle ;  en  France  ,  avec  les  frères  Du 
Puy ,  Thévenot,  Ducange  ,  Rtnau- 
dot ,  Richard  Simon,  Longuerue, 
et  les  jésuites  Labbe  et  Garnierj 
au-dehors  avec  Léo  Allalius  ,  Luc 
Holstenius,  Em,  Schelstrate  ,  Bol- 
land  et  ses  associés  Henschen  et  Pa- 
pcbrock.  Il  était  d'ailleurs  fort  sou- 
vent consulté  sur  des  questions  de 
droit  -  canon;  car  il  pass;iil  pour 
très -versé  dans  cette  jurisprudeu- 


4o6 


QUE 


ce,  alors  oxtiiîincmeni  compliijueo; 
et  lorsqu'il  s'e'.cv.iit  en  celle  uiatic- 
rc  des   liifllciil tes  graves ,  ou  avait 
recours  à  lui,  comme  à  un  oracle, 
«lit  EcliarJ.  L'cteudue  de  ses  cou- 
naissances,   et  le  talent  qu'il  avait 
d'écrire  ele'gaïuuient  eu  latin,  le  dé- 
signaient à  ses   supérieurs  connue 
le  littérateur  le  plus  capable  de  com- 
poser, eu  cette  langue,  une  histoire 
générale  de  leur   ordre  :   il  en  fut 
charge  ;  mais  il  renonça  bientôt  a 
une   entreprise  qui  lui   [)arut  trop 
vaste  ,  et  qui ,  silon  lui  ,  exigeait  en- 
core plus  de  luUcriaux  et  de  monu- 
ments qu'il  n'en  avait  a  sa  disposi- 
tion ,  (jUûiqu'il  eût  fait,  pour  en  ras- 
sembler et  eu  vérifier  uugraud  nom- 
bre, plusieurs  voyages  en  France, 
en  Belgique  et  eu   Allemagne.il  se 
borna  donc  à  l'histoire  liKéiairode 
l'ordre  des  Frères  Piêcheurs,  à  par- 
tir de  leur  établisseiofut  au  treizième 
siècle;  c'était  un  Ir.ivail  déjà  bi<n  con- 
sidérable ,  selon  le  plan  (jii'il  en  avait 
conçu  ,  et  qu'd  a  eu  pailie  exécuté. 
)1  en  était  encore  occupé,  lorsqu'il 
tcrmiua,  eu  iGy8,  sa  paisible  ei  la- 
borieuse carrière.  Écliard  dit  qu'il 
u'avait  pas  soixanicJix-huit  ans  ac- 
complis -.œtatis  unno  L.wrju  non- 
dum  complel'j;  et   cependant  c'est 
Echard  lui  raèuie  qui  donne  les  da- 
tes de  sa  naissance,  eu  itji8,  le  G 
août ,   et  de  sa  mort ,    le   -i   mars 
1698;  il  y  a  soixaute-dix-neuf  ans 
et  plus  de  six  mois  entre  tes  deux 
termes.    Voici    les    ouvrages    qu'il 
avait  publics:  I.  En  1GJ7  ,  Ilierony- 
mi  de  Medicis  ,  (orinaUs  evplua- 
tio  Sumniœ  t/ieoïogicœ  D.  Tfiumœ 
^quinatis,  cditu  delersis  mendis , 
a  Paris,  5  tomes  in-folio,  avec  une 
préface  dcQiiétif.  II.  Concilii  Tri 
denlini  canones ,  Paris,  1G66,  in- 
I  i.  Quétif  y  a  joint  une  table  des  per- 
sonnages qui  ont  Cguré  au  concile  de 


QUE 

Trente  ,  et  nu  index  des  livres  dé- 
fendus. Bayle  et  Niceron  indiipient 
cette  édition  ;  Echard  l'a  omise.  III. 
Joluinnis  à  S.  Thonid  Oieolo^iœ  ta- 
mus  yjitc'l  idiiinus,  Paris.  i(i();,in- 
fol.  Les  se|)t  premiers  tomes  avaicnl 
paru  en  Espagne  et  à  Lyon  :  Quétif 
a  concouru  avec  Combelis,  son  con- 
frère ,  à  l'é<lition  du  huitième,  et  y 
a  joint  une  Vie  de  l'auteur,  Jean  de 
Saiut-Thomas .  dominicain  portu- 
gais. Il  a  de  plus  préparé  le  manus- 
crit d'à  pi  es  lequel  un  (leva  il  i  m  primer 
un  opuscule  du  mèiiio  théologien  , 
sur  la  confession.  IV.  rie  de  Sm'o- 
wirule,  pur  Pic  de  la  Mirandule  ; 
réi'elatiuns  ,  épitres  et  uiiircs  écrits 
de  Sa^'unarole  ,  ai'ec  une  préface  , 
des  notes  et  des  additions  ,  par  Qué- 
tif, Pans.  1G74,  3  vol.inii.  V. 
Pet  ri  Morini  iipusculu  et  episloUr , 
Paris,  iG^i),  in-i.l.  Quoicpie  le  P. 
Quétif  se  soit  annoncé  comme  l'édi- 
teur de  ce  livre,  sur  le  frontispice 
,  même  ,  Echard  n'a  pas  jugé  à  propos 
d'eu  faire  mention  :  mais  Richard  Si- 
mon paile  avec  éloge  de  ce  recueil , 
dont  il  dit  (  Lettr.  choisies  ,  t.  1  ,  |). 
.  3i4  )  avoir  vu  les  originaux  dans  la 
chambre  du  P.  Quétif,  savant  reli- 
gieux dominicain  de  la  rue  Saint- 
Honoré.  VI.  Factura  des  Domini- 
cains contre  les  Jlériédictins  ,  qu'ils 
accuscntd'avoir  usurj)é  leur  couvent 
de  Metz,  iG9o,iii-4''.  Ce  Factum 
est  le  sujet  d'une  lettre  (  t.  m,  p.  1 47  ) 
de  Richard  Simon  à  Quétil,  qui  le 
lui  avait  envoyé,  et  qui  paraît  avoir 
contribué  aie  lédiger.  \\l.  Scripto- 
res  urdinis  Pradicatorum  recensili, 
Paris,  1719  -  1721  ,  '2  vol.  iiiful. 
C'est  le  principal  titre  de  la  réputa- 
tion littéraire  de  Quétif.  A  la  vérité, 
il  n'a  pu  achever  cet  ouvrage;  mais 
il  en  a  fait  huit  cents  articles  ,  qui 
sont  les  plus  importants,  puisqu'ils 
conccrneut  les  écrivains  que  l'ordre 


QUE 

cîc  Saint-Dominique  a  produits  aux 
treizième  ,  (jiialor/.icme  et  quinzième 
siècles,  temps  on  la  lillèrature  était 
cultivée    plus    qu'aillcnrs    dans   les 
inonastcres,  et  principalement  dans 
ceux  dos  Frères-Prêcheurs.  On  doit 
donc  à  Qtie'tif  une  partie  cousidcra- 
hlc  de  l'histoire  littéraire  de  cet  à^; 
et  il  n'a   néglige  aucune  recherche 
pour  compléter  ce  travail ,  aucun 
examen  j)our  le  rendre  exact,  au- 
cun soin  même  pour  eu  polir  le  sty- 
le, autant  que  le  permettait  la  ma- 
tière. Il  avait  d'ailleurs  préparé,  pour 
le  continuer,  des  matériaux  dont  a 
profile  Jacques  Echard  (  F.  ce  nom , 
XII,  4">">-56  ),  qui,  en  suivant  la 
même  méthode,  a  conduit  ces  Anna- 
les jusqu'à  \yio.  Dora  Liron  (  Sin- 
giilar.  histor. ,  m  ,  369-383  )  a  re- 
levé ,  dans  ces  deux  volumes  ,  un  petit 
nombre  d'omissions  et  d'erreurs,  et 
n'en  a  pas  moins  rendu  hommage 
aux  talents  et  au  travail  des  deux  au- 
teurs. C'est  en  eiïet  un  excellent  Re- 
cueil de  Notices  biographiques  et  bi- 
bliographiques. On  y  lit  avec  inté- 
rêt les  Vies  de  plusieurs  écrivains 
célèbres  en  leurs  siècles,  et  fameux 
encore  ;  leurs    ouvrages  sont  iiuli- 
qués  avec   précision  ,  et  appréciés 
lorsqu'ils  eu  valent  la  peine  :  les  édi- 
tions sont  bien  décrites;  et  il  est  per- 
mis de  dire,  qu'à  tous  égards,  ces 
deux  volumes  tiennent  un  rang  Irès- 
distingui  j)arroi  les  livres  d'histoire 
littéraire  et  de  biographie,  rédigés 
avant  17-21.  VIII.  Quétif  avait  lait 
des  additions  à  la  Vie  de  Barlhélc- 
ini  des  Martyrs  ,  par  J.-B.  Le  Beau  : 
il  avait  préparé  une  é  lition  rie  cette 
vie  et  de  toutes  les  OEuvres  de  Bar- 
thélemi  ;  mais  ce  travail  est  resté 
manuscrit.  La  Vie  du  P.  Quétif  se  lit 
rédigée  par  Éehard,  p.  746,  747  du 
lom .  H  d  u  ScripLores  o:d.  Prœdica  t .  ; 
et  avec  moins  de  détails  Liographi- 


QUE 


407 


ques.au  tome  xxivdcs  3féinoiresde 
INiceron.  —  Une  faut  pas  confondre 
Jacques  QuKTiK,  dominicain,  avec 
Jacques  Qul'tik,  boari^eois  de  Fa- 
ris,  auteur  d'un  volume  in-S**.,  in- 
titulé :  La  fie  et  les  miracles  de 
sainte  Aure ,  ..bbessc  de  l'ordre  de 
saint  Benoît ,  Paris  ,  iGji3  ,  et  avec 
des  additions,  Paris,  i6u5,in-8''. 
Ce  Quétif  était  probablement  de  la 
même  famille  que  le  religieux  domi- 
nicain ;  mais  il  y  a  peu  d'apjiarence 
que  ce  soit  soJi  pèie  :  car  celui-ci 
était  notaire ,  et  il  est  à  croire 
qu'il  aurait  pris  cette  qualité  ,  plu- 
tôt que  celle  de  bourgeois  de  Paris  , 
dans  l'intitulé  de  son  livre. 

D N — u. 

QUEVÉDO  Dt  VILLEGAS(DoN 
Fraixçois  ),  l'un  des  littérateurs  es- 
pagnols les  plus  féconds  et  les  plus 
spirituels,  et  le  seul  que  l'on  puisse 
comparer  à  Cervantes,  quoiqu'il  ne 
l'ait  point  c'g.dé  ,  naquit  eu  i58o,  à 
IMadiid(i),  de  parents  nobles  et  at- 
t'jchés  à  la  cour  par  d'honorables 
emplois.  Orphelin  dks  son  enfance, 
il  fut  envoyé  ,  par  son  tuteur  ,  à  l'u- 
niversité d'Alcalà  ,  où  il  fit  de  grands 
et  rapides  progrès  dans  toutes  les 
sciences.  Il  s'attacha  d'abord  à  la 
théologie  (2);  ensuite  il  étudia  les 
belles-lettres,  la  philosophie,  la  ju- 
risprudence tl  !a  médecine  ,  avec  un 
égal  succès.  Outre  !e  latin  et  le  grec, 
il  possédait  l'hébreu  (3),  l'arabe, 
l'italien  et  le  français  ;  et  il  passait 
les  jours  et  les  nuits  à  lire  les  meil- 
leurs ouvrages  dans  ces  différentes 

(i)  Et  non  pas  à  ViUemieva  de  riiit'iutado  ,  com- 
me le  preteudeiit  quelques  biographes. 

(2)  Qtieve'do  prit  ses  degits  eu  tliiologie  à  l'âge 
de  quinze  ans  ;  ce  qui  paraît  à  peine  croyable  . 
comme  le  remarque  M .  Buiitevweck  ,  daus  l'Histoiie 
de  la  littérature  espagnole,  il  ,  ni. 

(3)  L'auteur  de  l'Essai  sur  lalitlf'ratiirc  esj>;ignoIe 
(  M.  de  Malmontel')  assure  f  p.  1 13  )  qu'.'.  la  requête 
de  Vhistoi-icn  Mariiiaa,  Quèvédo  fut  ihargé  par  le 
roi  de  revoir  la  Jionvelle  édition  de  la  Bible  d'.Vriat 
:,Iuul.ii:.s. 


4o8 


OLE 


lancucs  (4  •  Qocvcdo  n'avait  cepen- 
dant point  ucgligc  les  ails  d'a^reiiu'Ht: 
il  avait  tronvé  le  loisir  de  cultiver  la 
musique;  et,  malpié  la  dillorniite 
de  SCS  pieds,  qni  devait  lui  rendre 
pins  pénibles  les  exercices  du  corps, 
aucun  cavalier  de  sou  âge  ne  le  sur- 
passait dans  les  armes  et    dans  la 
danse.  Aime  de  ses  camarades  ,  sou- 
vent ils  le  prenaient  pour  juge  de 
leurs  querelles  ;  et  presque  toujours 
il  parvenait  à  réconcilier  les  deu\ 
adversaires,  en  menaj^eaiit  leur  dé- 
licatesse et  leur  susceptibilité.  Jouis- 
sant d'une  grande  fortune  et  de  la 
considération  générale,  il  vivait  heu- 
reux ,  (piand  une  aventure  singulière 
vint  changer  sa   dt-stincc.  Un  jour, 
il    vit  dans  une  église,  à    Madrid  , 
un  cavalier  qui  maltraitait  une  fem- 
me: il  piit  la  (lefi-nse  de  rinconiiue  , 
et  eut  le  malheur  de  tuer  son  adver- 
saire, qui  était  également  inconnii. 
C'était  un  granl  seigneur.  Craignant 
les  poursuites  de  sa  fimille  ,  Queve- 
do  Miivit  ,  ru  Si-  i!e  ,  le  duc  d'Osso- 
ne.  qui  venait  d'en  être  nomme  vice- 
roi.  F,a  cipacité  q-i'il  iMonira  pour 
le-  alTiires  ,  lui  mérita  bit niot  tonte 
la  conliance  de  son  protecteur.  Il  fut 
chargé  de  rinspettion-génciale  des 
finances  ,  dans  la  Sicile  et  dans  le 
royaume  de  Naples  ;   et  il  remplit 
cet  emploi  difli'ile    avec  une  rare 
intégrité.  Avant  enfin  olilenu  sa  grâ- 
ce, par  le  crédit  d;i  duc  d'Ossone,  il 
fit  emplovc  dans  plusieurs  négocia- 
tions .  dans  dill'érentes  ambassades 
à  la  conr  d'Espagne,  et  près  des  jia- 
pes  ;  et  il  déplova  partout  beaucoup 
d'habileté,  de  pruJencectde  coura- 


f')  Srt  Irrliirrt  rniitlniirllrt  aATtiblirefit  ta  xur  . 
ai  point  qu'jT.iit  !<;•■  de  Irenle  «u»,  il  >•»  (nUTail 
|v«tu  <Ju4iHf(uer  le*  ul»)''(«  *ari«  If  «'■court  dr  lunrt- 
I  •.  \ntri  bM«  Jr»  |>olrailj  H.-Oti»-»rdj  le  rc  in>*ii- 
I   lit  .i»rc  <Jm  1   Dell"»  tr.  vlargf»,  au   traTem  dr»- 

I     I  «   on  dùtiDjae  la  |iby»unomic  tivv  et  «iiiri- 


QUE 

ce.  Il  se  trouvait  à  Venise  lors  de  la 
découverte   de    la    conspiration   de 
Bedmar  (   f.  Bkdmar,  IV  ,  4t) ,  et 
Osso^E  ,  XXXI 1  ,   iiO  )  ;  mais  il 
réussit  à  se  dérober  à  toutes  les  re- 
cherilies,  et  revint  en  Esiiagne.  I.a 
disgrâce  du  duc  d'0-vsone  uv  pouvait 
lAiiqncr  d'entraîner  celle  de  son  fa- 
vori. Quevédo  fut  arrêté  en  i()io, 
et  transporté  dans  sa    terre  de   la 
Torie  di-  Juan  Abad ,  oii  on  le  re- 
tint prisonnier  pendant  troi»  ans  et 
demi  ,  sans  vouloir   lui   permettre, 
])endant  les  deux  premilres  années, 
de  faire  venir,  de  la  ville  voisine, 
un  médecin  pour  lui  donner  les  soins 
que  réclamait  sa   santé.   vSoii  inno- 
cence fut  enfin  reconnue:  mais,  avant 
eu  l'imprudence  de  réclamer  le  paie- 
ment des  arrérages  de  ses  pensions, 
et  en  outre  un  dé  lommagenient  pour 
les  maux  qu'il  avait  sonlltrls  ,  il  ii;t 
exilé  de  nouveau.  Ce  fut  alors  que , 
cherchant  des  consolations  à  >es  pei- 
nes dans  lu  culture  d»s  lettres,  dont 
ses  occupations  politiques  l'avaient 
depuis    long -temps    détourné   ,    il 
cf.mposa    la    plupart  de   ses    poé- 
sies, qu'il    publia   sous  le  nom  du 
bâche' ier    d«   La    Torre   (.'^).    Ses 
ennemis  se  lassèrent  à  la  fin  de  le 
persécuter  :  il  obtint  la   permission 
de  revenir  à  la  cour  ;  et  en  i()3i  ,  il 
fut  revêtu  de  la  charge  de  seciétaiie 
du  roi  :  mais  il  se  conlenta  du  titre , 
et    refusa   de  rentrer   dans  les   af- 
faires, malgré  les  instances  du  duc 
d'Olivarès  ,  qui  lui  proposa  l'ambas- 
sade de  Gènes.  Éclairé  ,  par  son  ex- 
périence, sur  le  néant  des  grandeurs, 
il  avait  résolu  de  se  vouer  sans  par- 
tage  a    l'élude   de  la  philosophie, 
et  à  la  culture  des  lelties.  Sis  ou- 
vrages étendaient  chaque  jour  sa  rc- 
putalion  dans  toute  l'Europe  ;  il  en- 

(i)  r.Vlait  le  i.om  de  ta  terre  qu'il  lial>it«.l  dan» 
la  iiruTioce  de  la  tAaiKbt. 


QUE 

trctcnail  une  correspondance  suivie 
avec  les  hommes  les  plus  savants  de 
l'Italie  et  des  Pays-Bas  ;  et  ses  com- 
patriotes eux-mêmes  rendaient  jus- 
tice à  son  mérite.  Une  fortune  suUi- 
sanle  pour  ses  besoins, s'était  accrue 
de  quelques  bénéfices  ccclésiasiii|ues 
qui  lui  formaient  un  revenu  de  huit 
cents  ducats.  Il  y  renonça  pour  épou- 
ser ,  à  l'âge  de  cinquante-quatre  ans 
(  en  iG34  ) ,  mie  femme  d'une  haute 
naissance  ,  qui  lui  avait  inspire  la 
plus  vive  passion.  Après  quelques 
années  d'une  union  paisible,  il  eut 
la  douleur  de  perdre  son  épouse,  et 
revint  à  .Madrid  demander  des  con- 
solations à  l'amilie.  Ses  ennemis  l'ac- 
cusèreni  bientôt  d'être  l'auteur  d'un 
libelle  contre  le  ministère  :  il  fut  ar- 
rête, en  1641  -et  jeté  dans  un  noir 
cachot ,  où  il  languit  oublie  pendant 
vingt-deux  mois.  Tous  ses  biens  fu- 
rent saisis  ;  et  il  fut  réduit  à  vivre 
d'aumônes  dans  la  prison  ,  où  il  ne 
put  obtenir  un  chirurgien  pour  pan- 
ser les  plaies  dont  tout  son  corps 
était  couvert.  11  écrivit  enfin  au  com- 
te-duc (  d'Olivarès  ) ,  pour  lui  expo- 
ser sa  situation  et  demander  justice. 
On  trouva  que  l'auteur  du  bbclle 
qu'on  lui  avait  faussement  attribue, 
sul)issait  de]à  sa  peine  dans  une  au- 
tre prison  ;  et  il  recouvra  sa  liberté. 
L'erreur  dont  il  était  la  victime,  l'a- 
vait entièrement  ruine  :  mais  il  sa- 
vait que  ses  plaintes  ne  seraient  point 
c'coulo'es;  et  il  lelourna  malade  dans  sa 
terre  de  La  Torrc,  011  il  mourut,  le  8 
septembre  iG45.Pendantsa  dciuièrc 
détention,  les  manuscrits  de  Qucvèdo 
furent  dispersés  (6),  et  entre  autres 


{(>]  ^I.  Bpnoiiard  est  pa'veim  ?i  se  |irocurer  nn  ou- 
vrage encore  inédit  de  Qncvedo,  et  qui,  s'il  u'cst 
pas  aiitngr.iphe  ,  est  du  moins  une  boime  copie  du 
temps  :  Orumles  anales  de  qiiinci:  dias.  Historia 
de  inttcUos  S'^liis  que  paninm  en  ttn  rn^$,  Kscriio 
en  la  terre  d;  Juin  Abad ,  iCn.i  ,  in-4".  Voyez  le 
Cat.  de  la  biblicth.  d'un  amateur,  III ,  ?.56. 


QUE 


409 


ses  Pièces  de  théâtre el  ses  Ouvrages 
historiques  ,  en  sorte  que  le  Recueil 
de  ses  OEuvres  ne  contient  pas  tous 
les  genres  de  littérature,  comme  il 
l'aurait  de§irc.  Qiicvédo  ,  dit  M. 
Sismondi  ,  est  de  tous  les  écrivains 
de  l'Espagne,  celui  qui  olFrc  le  pins 
de  rapports  avec  Voltaire,  non  par 
le  génie  ,  mais  par  l'esprit  :  il  avait , 
comme  lui  ,  cette  univcrsalilé  de 
connaissances  et  de  facultés  ;  ce  ta- 
lent pour  manier  la  plaisanterie  ; 
cette  gaîiéun  peu  cynitpie,  lors  mê- 
me qu'elle  était  appliquéeà  des  objc'.s 
sérieux  ;  cette  ardeur  pour  tout  en- 
treprendre et  pour  laisser  des  monu- 
ments de  son  génie  dans  tous  les 
genres  à-la-fois  ;  cette  adresse  à  ma- 
nier l'arme  du  ridicule,  et  cet  art 
de  faire  comparaître  les  abus  de  la 
société  au  tribimaldcropinion.Mais 
Quevédo  écrivait  sous  un  gouverne- 
ment soupçonneux  ;  et  il  avait  en 
outre  à  lutter  contre  le  mauvais  goût 
de  son  siècle,  à  l'influence  duquel  il 
n'a  pas  entièrement  échappé.  Que- 
védo ,  en  évitant  l'enflure  et  l'exagé- 
ration, qu'il  reprochait  avec  raison 
aux  disciples  de  Gongora  (  P^of.  ce 
nom,  XVIII,  04),  n'a  pas  su  se 
garantir  de  l'afTcctation  de  l'esprit  : 
peu  d'écrivains  en  ont  eu  plus  que 
lui  ;  mais  aucun  n'a  tant  alT'ecté  d'en 
montrer,  et  c'est  ce  qui  rend  fati- 
gante la  lecture  de  ses  ouvrages.  Il 
a  porté  cet  abus  de  l'esprit  plus  loin 
qu'aucr.n  de  ses  compatriotes  ;  et  il 
pourrait  fournir  ,  à  lui  seul ,  un 
immense  recueil  de C07zce/ti,  de  rébus, 
de  jeux  de  mots  et  de  calembours. 
Ses  œuvres  ont  été  réimprimées  plu- 
sieurs fois  en  Hspagnc  et  dans  les 
P.iys-Bas  ,  au  dix-septième  siècle  ; 
mais  on  ne  fait  aucun  cas  des  an- 
ciennes éditions  en  3  vol.  in-4°.  , 
parce  qu'elles  sont  mal  exécutées  ,  et 
d'ailleurs  fort  incomplètes.  Les  deux 


4>o  QUE 

seules  que  recherchent  les  amateurs, 
sont  celles  deMadrid.  Ibarra,  i;"-.?, 
0vol.  111-4".;  ou  i-y,  ,  ,,  voK  ui- 
b°.  Oulrc  des  Traductions  espa- 
gnoles de  V Introducliûn  à  la  vie 
dévote,  |)ar  saint  François  de  Sales 
(  1(534  ,  i"  -b".  );  de  la  /Ve  </e 
M.  hrutiis,  par  Phitarquc  ;  des  Re- 
mèdes contre  lu  furliine,  ouvra- 
ge attiib'Jc  qiielqMi-rois  a  Scnèquc  , 
mais  qu'on  sait  être  de  lVtrar.|iie(/'. 
ce  nom;;  du  Homuliis  de  ALlvezzi; 
des  Sentence:,  de  Phocylide  ,  et  du 
Manuel  d'Epictète  ,  trad.  en  vers  , 
ce  Kecueil  contient  un  grand  nom- 
bre d'ouvra-es,  parmi  les(|uels  on 
citera  :  I.  PoUlicade  Dios  ,  etc.  (  la 
Poliii(|uc  lie  Dieu  et  du  gouverne- 
ment de  Jésus -Christ,  tirée  de  la 
sainte  Ecriture  ;.  Ce  nVsI  point  un 
traite  de  politique  tel  qu'on  pouvait 
l'attendre  du  coulident  du  duc  d'Us- 
sone  ;  mais,  dit  M.  Sismondi ,  à  dé- 
faut de  profondeur  ,  on  y  trouve  de 
l'esprit  et  des  idées  ingénieuses  ,  et 
un  btyle  précis  et  énergique.  II.  La 
fie  de  l'apûlre  iuinl  P„ul.  III.  La 
fie  ahrèi^ée  du  li.  Thomas  de  f'il- 
leneuve,  IV.  Méiminal  per  el  Ta- 
trunato  de  sant  Ias,o  ;  l'auteur  y 
prouve  que  saint  Jac(jues  doit  être  re- 
gardé seul  comme  le  patron  de  l'Es- 
pagne. \.  Caria ,  etc.  (  Lettre  à  Louis 
xui  ,  roi  de  P'rance  ).  (^ucvcdo  s'y 
plaint  avec  force  de>cxcè!>  que  les  (iro- 
testant-s  commettaient  dans  les  Pays- 
Bas,  .sous  la  conduite  du  maréchal 
de  Châtillon.  VI.  Los  Suenos ,  etc. 
(les Songesou  visions;,  Rouen,  1GÎ7; 
ils  sont  écrits  avec  une  gaîlc  que  le 
sujet  ne  semble  pas  toujours  com- 
porter. Le  premier  intitulé  :  El 
suenude  luscavulleras  [  le  son^c  des 
crânes  ou  des  tètes  de  mort  ) ,  est  un 
tableau  du  jugement  dernier  ,  dans  le 
genre  grotesque  :  il  est  impossible 
d'clrc  plus  gai  dans  uu  sujet  aussi 


QUE 

grave,  et  de  peindre  d'une  manière 
plus  piquante  les  abus  des  dilTerents 
états  et  les  vices  des  hommes  de 
toutes  les  classes.  Lps  Visions  de 
Quevedo  ont  été  trad.  en  français  , 
j)ar  de  La  Gcncste  ,  Paris,  1667, 
1(383,  in- l'i  ;  sous  le  titre  de 
fûjage  récréatif,  par  l'abbe  Bé- 
rault  ,  Paris,  17  50,  in-12,  et  dans 
le  Recueil  des  f'o)  a^es  inia<^inaire3, 
tomes  XV et  xvi.  Enlin  il  en  a  paru, 
en  iHii,  une  traduction  nouvelle, 
par  M.  L.  (  Paris  ,  Blanchard  ,  un 
vol.  in-i-i  )  (7).  Moschcrosch  (sous 
le  nom  de  Philander  de  Sittewald  ) 
les  avait  traduites  en  allemand  dès 
1045  ,  Strasbourg  ,  in  8».  \\].  Jlis- 
tiiria y  vida  dcl  ^ran  tacanno  del 
Lu  con ;  c'est  un  roman  dans  le- 
quel le»  mœurs  nationales  sont  pein- 
tes d'une  manière  très  -  divertissan- 
te. Il  a  été  traduit  en  français  sous 
le  titre  de  WJvenluricr  Buscim  , 
par  de  LaGeueste,  Paris,  i(J33  , 
i(J44  1  in-8".  ;  sous  celui  de  Cou- 
reur de  nuit  ou  l'aventurier  noc- 
turne ,  par  Raclot,  .\msterd.  (Paris), 
1731  ,  iu  1-2  ;  et  enfin  ,  sous  celui  de 
Ein  mutoii  ou  histoire  du  ^rand  la- 
tjuin,  par  Relif  de  La  Bretonne,  et 
d'Hermilly,  Laliaye  Paris),  177(3, 
3  part,  in-ia  (8).  Bertuch  en  adon- 
né dans  sou  Magas.  de  lilter.  esp. 
une  traduction  alh^mande  fort  es- 
timée sous  ce  titre  :  Lehen  und 
Tfiaten  des  Erzschalks.  VIII.  Car- 
tas  del  cavnlleio  de  la  tenaza 
(  les  Letiies  du  chevalier  de  l'É- 
pargne).  Celte  correspondance  en- 
seigne toutes  les  manières  de  refu- 
ser uu  service  ,  un  prêt  ou  uu  pré- 
tcht  :  elle  a  été  traduite  par  La  Ge- 


(-  )  X^iGatrUc  lie  France,  du  ïo  nov.  l8i»,  rnul 
uu  <:uinptc  aMc»  peu  avHnlageux  de  cette Iradiittioii. 

(8)  Sur  5oo  eipmplaires  de  cette  édition  on  « 
criiii«rv<'  r^ucien  titre  \' Aventurier  Buiron  :  Toyt» 
le  Ûicl.iUi  anvri^m,,  a'',  cdit.  ,u".  Gj33. 


QUE 

ueste  1 1  par  Rotif  de  La  Bretonne  , 
à  la  suite  de  l'ouvrage  précèdent.  TX. 
Lihrodetodaslascosas, etc.  (le  Livre 
de  toutes  les  choses  et  de  beaucoup 
d'autres  encore).  X.  La  cultalatini 
parla.  Ce  sont  des  conseils  ironiques 
aux  amateurs  du  langage  cultive'  ; 
Quevëdo  y  raille,  avec  beaucoup  de 
(inesse,  Gongora,  Lone  de  Vega  et 
leurs  imitateurs.  XL  Cuenlo  de 
ciientos.  XIL  Carta  de  los  calida- 
des  de  un  casamiento.  Dans  celte 
leltre,Qucvcdo  fait  la  desciipliou  des 
qualités  qu'il  souhaiterait  dans  nne 
épouse  ;  elle  a  été  trad.  par  Rétif  de 
La  Bretonne.  XIII.  Tira  la  piedray 
escondela  mano,  c'est-à-dire  ,  jette 
la  pierre  et  cache  la  main.  XIV.  Les 
Poe.si(?5  de  Quevédo  consistent  dans 
des  Sonnets  ,  des  Romances  ,  des 
Idylles  très-agréables  ,  des  Sylves  , 
des  Épîtres  ,  des  Odes  ;  des  Chan- 
sons et  des  Satires  ,  genre  où  il  ex- 
celle particulièrement  et  dans  lequel 
il  aeu  de  nombreux  imitateurs.  LUes 
ont  été  recueillies  par  J.  N.  Ant. 
Gonzalès  de  Salas,  qui  les  a  publiées 
sous  le  titre  dc^Z  Parnaso  espanol, 
Madrid  ,  1648,  2  vol.  in-4".  L^c'di- 
teur  les  a  divisées  en  neuf  livres,  qui 
portent  chacun  le  nom  d'une  Muse. 
Don  Paul  Ant.  de  Tarsia  est  auteur 
d'une  /^te  deQiievédo  ,  en  espagnol, 
Madrid,  i66i  ,  in-8".;  M.  Sismondi 
en  a  donné  une  bonne  analyse  dans 
V Histoire  de  la  littérature  du  midi 
(iv,  74"94  )  ;  et  l'f'n  s'en  est  aidé 
pour  la  rédaction  de  cet  article. 
W— s. 
QUEUX  (  Claude  Le  ).   Foyez 

I.EQUEUX. 

QUIEN  (  Miguel   Le  ).    F.  Le- 

QUIEN, 

QUIGNONEZ  (  François  de)  ,  né 
dans  le  royaume  de  Léon ,  vers  la  fin 
du  quinzième  siècle,  était  fils  du  com- 
te de  Luna.  Il  fut  admis  parmi  les 


QUI  4 • ï 

pages  du  cardinal  Ximcnès,  et  quitta 
la  maison  de  cet   homme  célèbre  , 
pourcntrerchcz  lesCordeliers.  Après 
avoir  passé  par  toutes  les  charges  de 
cet  ordre ,  il  fut  élevé  à  la  dignité  de 
général  dans  un  chapitre  tenu  à  Bur- 
gos,  en   i5'2i.  Charles-Quint,  qui 
avait  de  l'alTection  pour  lui,  témoi- 
gna beaucoup  de  joie  de  son  élec- 
tion ,  et  lui  donna  une  place  dans 
son  conseil  de  conscience.  Wadiug 
ne  parle  (le  Quignoncz  qu'avec  éloge  : 
il  se  plaît  a  raconter  divers  actes  de 
son    administration  ,    et  à   relever 
tout  le  bien  qu'il  fit  à  l'ordre  de  Saint- 
François.   Ce  savant  religieux  était 
très-zélé  pour  le  maintien  de  la  dis- 
cipline ,  et  ne  s'en  écartait  jamais. 
On  voyait  briller  dans  sa  personne 
une  chaiilé  ardente  et  une  abnéga- 
tion   apostolique.    Pendant   que    l;i 
peste     ravageait    l'Estramadoure  , 
il  ne  dédaigna    pas    de  servir   les 
malades    de    ses    propres    mains , 
d'administrer   les    sacrements    aux 
mourants  ,  et  d'ensevelir  les  morts. 
Son  humilité  le  porta,  en  15^6,  à 
se    démettre  du   généralat  dans  nu 
chapitre  qui  se  tenait  à  Assise  ;  mais 
son  abdication  ne  fut  point  acceptée. 
Clément  VII ,  prisonnier  au  château 
Saint- Ange  ,  le  chargea  de  négocier 
auprès  de  Charles-Quint  :  Quignonez 
eut  de  la  peine  à  obtenir  l'élargisse- 
ment du  souverain  pontife,  et  encore 
plus  à  consommer  sa  réconciliation 
avec   l'empereur.   Le  cardinalat  fut 
la  récompense  de  tant  de  services. 
Clément  VII  ne  fut  pas  le  seul  pape 
qui  l'honora  de  sa  confiance  :   Paul 
III ,  son  successeur  ,  l'envoya  en  Al- 
lemagne pour  des  affaires  iiuportan- 
tes.  En  i534,  Quignonez  fut  nom- 
mé protecteur  des  Franciscains.  Au 
mois  de  juin  laig,  il  (!e\int  évê- 
qiie  de  Cauria  dans  le  royaume  de 
JNaples  ,•   mais,  au  mois  d'octobre 


/jia  QUI  QUI 

suivant ,  il  donna  sa  démission.   En  quelle  l'auteur  l'avait  soumis.  La  fa- 
i54o  ,  I  évôche'  de  Palestriue  étant  culte' nomma  des  docteurs  pour  l'exa- 
veuu  a  vaquer,    Quignoncz  en  fut  miner;  leur  rapport  l'ut  loin  d'être  fa- 
pourvu  par  le  p.ipe  :  mais  il  ne  le  viir.il)le:entreautrosdefauts,il.s,vii;iia- 
garda    pas  lutii^-tcmps  ;  il  moiinit  à  lent  la  dilîerence  de  ce  nouvc.iu  hre- 
Veridi,  d.insle  mois  de  septembre  de  viaire  d'avec  ceui  qui  sont  in  u.saj;;e 
la  même  année.  Son  corps  fiittrans-  dans  toutes  les  autres  églises,  et  no- 
porté  a  Home,  et  enterré  dans  l'é-  taramcnt  dans   celle  de  Rome.   On 
glise  de  Sainte-Croix  de  Jérusalem  ,  n'y  voit  point  ,  disent-ils,    le   petit 
dont  il  était  titulaire  ,  et  qu'd  avait  olVicc  de  la\  ier{:;c  ,  les  antiennes,  les 
fait  réparer.  Nous  avons  de  lui  :  I.  r^-pons,  les  capitules  ,  les  homélies  , 
lie ç^i sir: tin  accuralisùmum  siti  ge-  l'ordreet  lenomhrcdes  psaumes, tels 
ncralalùs  ,   manuscrit.    II.  Comi-  qu'on  les   lit  dans  rÉ;;lise  ,  ni  mè- 
lalio  omnium  j)r,vilt'p,iorum  M  no-  me  l'ordre  à  suivre  pour  lire  l'Kcri- 
ribïis  coTicessurum  ,  Séville  ,  i  •")3o  ,  turc  sainte  aux   matines.    Tous  ces 
in  fol.  III.  Diwiarium  liumaniim  ex  cliangemcnts,  ajoutent-ils,  sont  con- 
sacrd  fX'tissimùtn  Scriptiird,  et  prn-  traires  aux  anciennes  pratiques  ,  et  à 
balis  sanctorum  historiis  nuper  cun-  h  dévotion  des  (idèles  ;  en  sorte  (jiic 
feclwn  ,  Rome,  1535,  in-S**.;  Lyon,  c'est  une  {;rande  témérité  à  l'auteur  , 
i54o,in-4".  ;  i54i,in-8°.  ;  i">4i,  d'avoir  Ù!c  tout  cela.  Ce  qui  excita 
in-4".  ;  I  jj6,  in  «8°.,  avec  privilège  principalement  leurs  plaintes  ,   c'est 
du    souverain  pontife  et  du   roi  de  que  la  Vie  des  .saints  dont  on  fait 
France;  Paris,  i  53(3,  iu-4".  ;  i558,  roHice  ,  y  C3t  si  abrégée,   (pi'on  ne 
i;>8".;  1  50(3.  iii-8".,  Venise,  i54<J,  pourrait    être    instruit,    ni  de  leurs 
in-8'.;   .\nvcrs  ,    1 5(33 ,  in-  i(3,  et  vertus,   ni  des  mir.irleN  «pic  Dku  a 
et  ailleurs  in-4^,   in-8°.  et  in-i():  faits  par  leur  ministère  pour  l'edifi- 
dans  quelques-unes  de  ces  éditions,  on  cation  de  l'Kglise.  Ou  trouve  celle  ceii- 
a  ainumcé  des  corrections  sur  le  fion-  sure  de  la  Sorbonne  dans  la   Collcc- 
tispice,  mais  il  n'en  existe  presque  <ton  </<?jy«i'emen(5elr.  par  d'Argen- 
pas  dans  le  livic.  Il  a  ciereproduit  en  tré,  lom.  II  ,  pag.  l'^i  et  suivantes. 
i(37«),.i  Paris,  in-S"..  sous  le  titre  de  II  faut  le  dire  cependant,  la  faculté 
Jireviariiim  CoH^erlinum.  Celle  i-d'i-  se  montra  moins  sévère   en    i574: 
tioiifut  f.iitc  pour  l'usage  particulier  e'Ie  passa  sous  silence  la  plupart  des 
du  grand  Colbert  :  aucun  exein|)lairc  vices  qui  l'avaient  choquée  en  i535. 
ne  fut  mis  dans  lecommerce.  Afin  que  Dans  le  temps  que  le  cardinal  de  (^)ui- 
le  vo!ii:ne  ne  fût  pas  trop  gros  ,  on  gnonez  était  accusé  d'avoii' relranclié 
n'y  inséra  point  les  leçons  tirées  de  trop  de  choses  de  son  bréviaire  ,  le 
l'Kcrilure    sainte;    scule.nent  ou    y  jésuite  Maldunal  se  jtlaignail    liau- 
laissa  à  la  fin  un  lilcl  de  soie  ,   pour  lemeiil  de  son   impudence,  en    ce 
mettre  en  fcnille  la  Leçon  de  l'ecri-  qu'il    avait   osé    recueillir   dans    la 
(ure   occfirrcnte  ,  vxlvHilc  de  la  l>i-  troisii-uie  leçonde  l'oflicc  de  la  Con- 
ble  de  Vitré.   Le  iJréviairedu  cardi-  ccpîion  ,  les  témoignages  de  plusieurs 
nal  de  Quignonez,  composé  par  or-  saints,  fju  on  préletid  i\voir  cuscigné 
die  de  Clément  VII ,  obtint  successi-  que  la  sainte  Vieige  a  été  conçue  sans 
veraent  l'appiobalion  des  papes  Paul  péché   originel.   Eu  i5t>8,  le  pape 
111.  Jules  III  ,  et  Paul  IV  ;  mais  il  ne  Pie  V  ,  s'étaut  aperçu  (pie  plusieurs 
put  obtenir  celle  de  laSorbonne  ,àla-  ecclésiastiques  avaient  abiindouné  le 


QUI 

bréviaire  romain  pour  adopter  celui 
de  QiiiguoDez,  déicndil  la  récila- 
tioii  de  celui  ci  par  une  bulle.  Depuis 
lors,  il  accsséd'èlre  eu  usage,  et  il  n'a 
])lus  servi  qu'à  présenter  nn  modèle  , 
dans  quelques-unes  de  ses  parties  , 
an\  diuccses  qui  jouissent  du  ]»rivi- 
le'qe  d'avoir  une  liturj:;ie  particulière. 
Quant  à  la  préface  qui  précède  le 
bréviaire,  et  dans  laquelle  le  cardinal 
de  Quignonez  expose  ses  motifs  et 
son  plan  ,  elle  a  été  constamment 
regardée  comme  un  excellent  mor- 
ceau. Voyez  les  LettresdeKicharà 
Simon  ;  la  Biblioth.  Bilual.  de 
Zaccaria  ,  tom.  i ,  et  Claude  Joly  De 
reformandishoriscanonicis,  -î.^.  édi- 
tion. L — B — E. 

QUILLET   (  Claude  ) ,  l'un  des 
meilleurs  poètes  latins  modernes,  na. 
quit  en  i6o';ià  Cliinon  ,  dans  laTou- 
raine.  Il  étudia  d'abord  la  médecine, 
et  la  prali([ua  quelques  années  avec 
succès.  Dans  le  temps  que  Laubarde- 
mont  informait  toucliant  la  préten- 
due possession  desUrsidines  de  Lou- 
dun  (  V.  Grandier,  XVIII  ,  29'y  ), 
I      Quillet  se  rendit  en  cette  ville,  cu- 
'       rieux  d'assister  à  la  cemnonie  de 
l'exorcisme.  Un  jour  le  diable,  par- 
lant p.ir  la  bouche  d'iuie  des  reli- 
gieuses, menaça  d'élever  jusqu'à  la 
voûte  de  l'égbse  ,  le  premier  incré- 
dide   qui   paraîtrait    douter  de  son 
pouvoir.  Qudlet  vint  le  lendemain  à 
î'é'^lise  ,  et  somma  le  diable  de  tenir 
sa  parole.  Cette  imprudence  fut  mal 
vue  par  Laubardemont  ;  et  Quillet , 
craignant  d'être  arrêté  ,    s'enfuit  à 
Rome,  où  il  prit  l'habit   ecclésias- 
tique   Ses  talents  et  la  politesse  de 
ses   manières  le  firent  connaître  du 
maréchal  d'Estrées,  ambassadeur  de 
France  près  du  Saint-Siège ,  qui  le 
choisit  pour  secrétaire.    Les  loisirs 
dont  il  jouissait ,  lui  permirent  de 
cultiver  son  talent  pour  la  poésie. 


QUI  4i3 

Ce  fut  alors  qu'il  composa  la  Calli- 
pedie  ,  })oènie  auquel  il  doit  tonte 
sa  réputation,  et  dont  le  sujet  paraît 
lui  avoir  é!c  inspiic  par  le  souvenir 
de  ses  études  médicales.  Il  termina 
cet  ouvrage  à  Paris  ,  oij  il  ne  revint 
qu'après  la  mort  du  cardinal  de  Ri- 
chelieu ,  et  le  fit  iuipriiuer  à  Leyde, 
en  i6j5  ,  sous  le  nom  de  Cdhidius 
Zeù<j,',anagiammedusien.  On  ignore 
s'il  avait  lieu  d'être  mécontent  du 
cardinal  Mazarin  ;  mais  son  poème 
contenait  ])lusicurs  traits  satiriques 
contre  le  ministre  et  sa  famille.  Ce- 
lui-ri  en  fut  averti,  et  fit  a])peler 
Quillet.  «  Quel  sujet,  lui  dit-il, 
vous  ai -je  donné  pour  me  traiter 
comme  vous  l'avez  fait  dans  votre 
admirable  Callipédie?  Ma'gré votre 
procédé,  j'ai  toujours  senti  quelque 
chose  qui  me  portait  à  vous  deman- 
der votre  amitié  ,  et  à  vous  donner 
des  marques  de  la  mienne.  »  Quillet, 
touché  d'une  si  grande  bonté,  voulut 
bégayer  ([uelques  excuses  ;  mais  le 
cardinal,  l'interrompant,  lui  annonça 
qu'il  venait  de  le  nommer  à  l'abbaye 
de  Doudeauville  (  diocèse  de  Boulo- 
gne) ,  dont  le  revenu  était  de  quatre 
cents  pistoles  ,  et  le  congédia  par  ces 
mots  :  «  Adieu  ,  apprêtiez  à  mieux 
connaître  vos  amis.  »  Comme  on  le 
devine  aisément,  Quillet  s'empressa 
de  fairedisparaîtredeson  ouvragelcs 
traits  ollensanlspour  son  bienfaiteur, 
et  y  substitua  des  éloges  dans  unenoi!- 
vclle  édit.  (iG!j6),  qu'il  lui  dédia  (i) 
par  une  épître  pleine  de  louanges.  Il 
travaillait  alors  à  un  poème  en  l'hon- 
neur de  Henri  IV  ,  dont  on  doit  re- 
gretter la  perte  {'2).  lien  laissa  par 


(i)  Il  est  singulier,  dit  un  critique  ,  qu'un  ]>oènie 
sur  un  pareil  sujet  ait  elé  coiupo.''e  par  un  ecclésias- 
tique ,  dedic  à  un  caidiual,  était  procure  une  ab- 
baye à  son  auteur:  raais  la  science  des  bienséances 
n'a  été  connue  que  l'urt  tard  parmi  nous. 

(2)  «  Je  ne  puis  vous  exprimer  ,  écrivait  Costar  a 
Quillet,  la  passion  que  j'ai  devoir  votre  divin  poe- 


4>4  QUî 

son  tcstamcnl,lc  raaniiscrit  à  Mon.içro, 
aver  cinq  cents  cens  pour  le    faire 
iniptinicr  :  ^Icnaf;e  paida  l'argent, 
et  oublia  le  poème,  qui  devait  ajonter 
à  la  gloire  de  son  ami.  Quillet  mou- 
rut à  Paris  dans  les  derniers  jours  de 
septembre    »Gl»i.   L'ahbe    de    Ma- 
rolles  parle, dansses  }ft-mnirc's  [tome 
m,  ]t.  344  )  '  ti'""f  Tradueiion  en 
vers  frinçais  des  Satires  de  Jiivenal 
que  Quillet  lui  avait  comniunitpiee  ; 
mais  on  ij^nore  ce  qu'elle  est  devenue. 
11  ne  nous    reste   donc  de    lui    que 
le    pocrae    dont    on    a    parle  ;    il 
est  intitule  :  Callipœdia  ;  \e«  de  pnl- 
chtiv  prolis  haheiid  -  ratinne  poénia 
didaclicon.     I/edition    de   I.ev'lc   , 
l'ij"».  in^"-  .  ^^t  rare  sans  être  re- 
cherchée. Celle  de  P.iris  ,  1  ("»;><)  ,  in- 
8°.,  a  soullerl  plusieurs  retranche- 
ments   3,;  mais  elle  est  au..;mentee 
^'unc   Epitre  à    Eiidoxe  ,    et  d'un 
FAnç^e  funèbre  Juç^ubre  encnmium) 
du  pliil(i».nphe  P.   Gassendi   [  r.  ce 
nom  \   I/cdliii>n  la  plus  estime'c  est 
celle  de   Londres  ,    1708,   in-8".  , 
dont  le  texte  a  ète'  rétabli  sur  relui 
de  re'diliou  de    ifiVj,   et    dans  In- 
quelie  on  a  re'imi  la  Pipdntrophie , 
poème  de  Sccrole  de  Sainte  -^I;irlhe. 
La  Ciillipèdie  a  ctè  traduite  en  fran- 
çais (par  Monthenanll  d'K{;ly\Pari<, 
i-40'  P*"*'^  in-8<*.  Il  en  existe  iinc 
traduction    en    vers    (  par   Lance - 
lin  de  Laval  ) ,  ibid.  ,  1774  •-  '"'  '"^^  î 
enfin     Caillau   ,    médecin    de   Bor- 
deaux ,en  a  publie,  dans  celte  ville. 


me  latin ,  dont  voo»  m'am  eoTOïé  le  comramcr- 
ment.  Si  I*  mtr  ett  dcmrme  fnrce  .  il  r-t  «uMi  loin 
au-<lr«<u5  de  la  Selle  i'alti/jéJir  ,  c|ue  la  l»eJI»  Cal- 
lipéJtr  est  aii-dr^«iij  de  loin  le»  ouvrai;)-*  dr  rrlte 
nature  qui-  uoiro  v.  t ji-  a  pnidiiil*.  {  l.<llrr  ->5o  de 
r.o««ar  .  ti.m.  II.  '  r,.-i  //m.  .-m  m- Iri.iivail .  dit-oii  , 
eulirre  daru>  la  Lililiul}»  i|uc  ducardinal  ii'Iuln-f'«  , 
réunie  ^  celle  du  niari-dml .  v^n  ne^eii;  ren^'odast 
elle  n'est  paA  iudiqu4-e  dar*  le  Catalojtuc  iiuprime  i 
Parii .  1-40  .  iu-8".  (  Vuï.  la  b,lil.  hul.  dm  Framce, 
luni.  IV,  |>.  4«8.  n"-  ioo<l5.  ) 

(3)  Les  pa«M|^5  Hip()rimei  ont  éU  recueiJIù  daiii 
l«  Menagùin» ,  lU,  |>.  i33  et  iniv. 


QtJÏ 

en  1709,  in-iî,  un*'  nouvelle  Tra- 
'bictioii  .  avec  des  variantes  ,  et  une 
Notice  sur    la   Vie  de  l'auteur.   Ce 
poème  est  divisèen  quatre  livres.  Les 
critiques   s'accordent   à   y  louer   la 
juste  distribution  des  parties,  l'in- 
f;cnienx  emploi  de  la  fable,  la  variété 
des  épisodes,  et  la  beauté  de  la  versi- 
fication ,  pleine  de  douceur  et  d'iiiir- 
monie  ;   maigre  quebjues  incorrec- 
tions relevées  avec  ai-j^ienr  par  La- 
monnoye  (dans  le  Mcnaç^itina  ,  m, 
■i35  \  qui  reproche  en  outre  à  (Juil- 
let de  n'avoir  pas  traité  sa  malièrc 
fort  solidement ,  comiiiesi  le  but  du 
poète  n'était  pas  plutôt  de  plaire  que 
d'instruire.  Tout  ce  qu'on  peut  blâ- 
mer avec  raison  dans  la  Callipédie  , 
ce  sont  des  peintures  licencieuses  ([ui, 
niallieureusement ,  naivs.iient  du  fond 
du  sujet ,  et  des  détails  trop  longs  sur 
l'iiifluence  des  .istres  que  (Juillet  n'ad- 
mettait sans  doute  pas  ,  puisqu'il  se 
piquait  de  force  d'espiit.   Le  (pia- 
trième  livre  est  entièrement  exempt 
des  défauts  qu'on  vient  de  signaler. 
L'auteur  y  traite  des  soins  que  rc- 
elaïucnt   les  enfants  nouveau  -  nés  , 
et  donne  d'utiles  ])ré<eptes  que  Rous- 
seau a  développés   deptiis  dans   son 
Emile  ,   avec   tonte   la   supériorité 
de  son   génie.  Ce  livre  a    été   tra- 
duit en  entier  par  Coupe,  dans  le 
tome  xi".  des  Soirées  littéraires.  On 
conserve,  h  la  bibliothJ-quc  du  Roi , 
nu  exemplaire  d'une  pelite  pièce  de 
Quillet ,  intitulée  :  Ad  Alexaudrum 
m pontif.  npt.mar.  propuceinter 
reges  conciliandd  carmen  prolrep- 
ticon  ,  in^"'  ^ — ^• 

(lUlLLOT  (  Claude  ) ,  ne  vers  le 
milieu  du  dix-septième  siècle  ,  d'un 
artisan  d'Arnai-lc-Duc  ,  petite  ville 
de  Bourgogtic,  y  fit  ses  premières 
études  ,  et  alla  les  achever  à  Dijon. 
Dépourvu  de  fortune,  il  e;;tia  en 
qualité  de  pre'ccptcur  chez  M.  de 


QUI 

Cliinlrey  ,  conseiller  au  parlement 
de  cette  ville.  Qiiillot  avait  de  la 
pictë  ;  il  se  crut  appelé  à  l'état  reli- 
cicnx ,  et  entra  diez  les  Chartreux  : 
mais  ses  forces  ne  repoiiclircnt  point 
à  son  7.èle  ;  sa  santc  souffrant  de  ce 
nouveau  çjcnie  de  vie  ,  il  fut  oblige' 
d'y  renoncer  après  quehpics  mois 
d'épreuves  :  il  re'solut  alors  d'entrer 
dans  l'otat  ecclésiastique  ,  prit  les 
ordres  ,  et  s'attacha  ,  en  qualité  de 
prêtre  habitue,  à  la  paroisse  de  Saint- 
Pierre  à  Dijon.  S'étant  livre'  à  la  di- 
rection des  consciences  par  ordre 
de  son  cvêque  ,  il  s'y  (it  bientôt  un 
nom  ;  et  sa  réputation  de  j)ieté  atti- 
ra autour  de  son  confessionnal  un 
grand  nombre  de  pénitentes  ,  parmi 
lesquelles  se  trouvaient  des  personnes 
les  plus  distinguées  de  la  ville.  Ce 
succès  lui  fit  des  jaloux;  malhcureu- 
reuseracnl  Qnillot,  sans  s'en  dontcr, 
leur  fournit  des  armes  contre  lui.  Il 
avait  lu  les  mystiques  ,  étude  assez 
naturelle  à  un  directeur;  il  avait  j)ris 
du  goût  pour  leur  doctrine  ,  qui  fnt 
celle  de  plusieurs  saints  personnages. 
11  initiait  à  la  spiritualilé  et  aux 
voies  intérieures  celles  de  ses  péni- 
tentes qu'il  croyait  susceptibles  de 
cette  perfection.  On  agitait  alors  la 
question  du  quiétisme  ,  dont  quelques 
idées  avaient  séduit  d'assez  bons  es- 
prits. QuilIot  avait  eu  des  relations 
assez  intimes  avec  Philibert  Robert, 
curé  de  Seurre  ,  prévenu  depuis  de 
cette  hérésie,  et  condamné  par  cou- 
tumace  à  être  brûlé  pour  abus  de 
confession  et  séduction  de  plusieurs 
de  ses  pénitentes.  Plus  anciennement, 
QuilIot  avait  reçu  chez  lui  la  célèbre 
M""^.  Guyon  et  le  père  Lacombe  son 
directeur ,  et  avait  eu  avec  eux  de 
longues  conférences  sur  ce  genre  de 
dévotion.  Madame  Guyon  lui  avait 
même  laissé  quelques-uns  de  ses 
ouvrages,  et  entre  autres  un  assez 


our 


4i^'ï 


grand  nombre  d'exemplaires  du 
Moyen  court  de  faire  V oraison. 
QuilIot  les  avait  distribués  ou  fait 
distribuer  à  plusieurs  dames  de  la 
ville  (i).  Ses  ennemis  surent  trans- 
former ces  faibles  apparences  en 
réabtés  odieuses.  Suivant  eux,  Quil- 
Iot était  l'ami  et  le  (Complice  de 
Robert  ;  les  mêmes  principes  leur 
étaient  communs  ;  ils  en  avaient 
tire  les  mêmes  conséquences  :  les 
crimes  dont  celui-ci  était  convain- 
cu ,  et  qui  faisaient  peser  sur  sa 
tête  une  sentence  si  rigoureuse  et  in- 
famante ,  QuilIot  devait  en  être  cou- 
pable. Ces  allégations  furent  si  son- 
vent  répétées  ,  que  l'autorité  ecclé- 
siastique crut  devoir  les  prendre  en 
considération.  L'arrêt  du  parlement 
de  Dijon  contre  Robert ,  portait 
qu'il  serait  informé  contre  ses  com- 
plices ,  sectateurs  et  adhérents.  En 
conséquence  de  ccîte  clause,  une 
procédure  fut  établie  par-devant  l'of- 
ficial  de  Dijon.  Les  esprits  étaient 
tellement  échauffés  ,  que  QuilIot  ju- 


(i)  Ce  livre  avait  eu  de  la  vogue  et  la  repirfalion 
d'un  bon  ouvrage  de  |>ieto.  «  Des  notes  nianusciites* 
»  de  1  ablie  Fleury  nous  apprennent  que  l'evèque 
»  de  Chartres  (  Godet  Dcsmarais  )  vin!  un  jour  dire 
»  à  Mme,  Je  IMaiiitenon  (ju'il  uo  fallait  pas  sVtoii-' 
»  lier  s'il  y  avait  à  Saint-Cyr  de  la  division  ;  qu'il  y 
«Courait  des  livres  pcrnirieuT ,  entre  autn-s.  le 
»  li/oren  court.  M""»,  de  Maintenon  le  tira  de  sa 
«  ))othe  en  riant,  lui  demandant  si  c'i  tait  celui-là 
>i  et  soutenant  qu'il  était  fort  bon.  »  1,'alibé  Fleury 
ajoute  :  «  Depuis  deux  ans  Mme.  de  Maintenon  le 
>'  pjrtaif  toujours  sur  elle.  »  ffiit.  de  Bomiel,  par 
M.  le  cardinal  de  Bausset,  cdit.  de  iSir) ,  tome  iil 
p.  ■>&'}.  Le  vovage  de  Mm«.  Guyon  à  Dijon  date  de 
lG8().  L'abbé  thelipeaux,  dans  sa  Relation  de  l'ori- 
gine et  des  proférés  du  (/iiiéltune ,  tom.  I ,  p.  35  ra- 
conte que  ic  l'abbé  de  la  Pérouse  et  plusieurs  doc- 
»  (purs  en  théologie  faisant,  au  coininenceraent  de 
»  l'année  i(î8p,  une  grande  mission  à  la  paroisse  de 
«Saint-Micbcl  de  Dijon,  découvrirent  que  le  sieiir 
»  QuilIot  enseignait  à  ses  dévotes  la  nouvelle  spiri- 
»  tualitë  Le  Moyen  coar«,aioute-t-il ,  était  répau- 
»  du  dans  toutes  le*  maisons.  Us  en  firent  brûler  trois 
»  cents  exemplaires,  par  M™e.  Languet,  veuve  de 
»  M.  Lauguet,  procureur -général  au  ].arlement. 
»  Cette  bonne  dame,  très-verluense,  dit  encore 
»  l'abbé  Phelipeanx  ,  était  chargée  de  les  distribuer 
»  sans  en  connaître  le  poison  et  l'illusion.  »  11  paraît 
que  QuilIot  lui-même ,  que  cela  éclairaitsur  le  dan- 
ger du  livre,  en  remit  plusieurs  exemplaires  aux  su- 
périeurs ecclésiastiques. 


4ifi  QLI 

gca  dangereux  de  se  présenter  ;  et 
sentence  intervint  oonlre  lui  par  dé- 
faut, en  date  du  17  juillet  i-oo  :  il 
y  est  déclare  rontuiuace  ,  atteint  et 
convaincu  d'avoir  tenu  des  discours 
remplis  des  erreurs  du  quiclisine, 
d'avoir  di-'liibiie  des  livres  suspects 
dcstlites  erreurs  ,  d'avoir  entieteim 
des  liaisons  avec  Robert  et  d'.uilres 
personnes  suspectes,  pour  raison  de 
(pioi  il  est  condamne  à  cire  rcnferine 
pcridant  trois  ans  dans  un  monas- 
tère. I.a  même  sentence  englobant 
d'autres  personnes  condamnées  à  di- 
verses peines,  l'autorilc  séculière  en 
prit  c'tunaissance  er«  ce  ijui  la  regar- 
dait. Quillol  envoya  divers  mémoi- 
res justilicatifs.  Enfin  ,  par  r.rrêl  du 
n  août  1700,  il  fut  mis  hors  de 
cour.  Enhardi  par  ce  premier  suc- 
cès ,  Q'ullot  se  pourvut  en  révision 
contre  la  sentence  de  rofllcialitc  ,  se 
rendit  en  piisun;  et  une  nouvelle 
sentence,  lendiie  par  le  même  ofli- 
cial ,  le  10  avril  i-joi  ,  le  déchargea 
a  pur  et  à  plein.  \[  sortit  de  prison, 
et  reprit  ses  fonctions.  Seulement 
on  crut  convenaMeiju'il  s'alislînt  du 
4;onfe-isionnal  et  de  li  direction.  Il 
parait  qu'après  cet  orage,  Quillot 
vécut  dans  la  letraite  ;  du  moins  on 
entendit  peu  parler  de  lui.  Open- 
daul  le  jugement  soleiujel  tpii  l'inno- 
centait ,  n'en  imposa  point  à  la  liaiuc 
qui  l'avait  poursuivi.  Ses  ennemis 
voulurei.t  faire  île  lui  le  chef  d'une 
nouvelle  secte  ,  sous  la  désignation 
de  ( )uiUoti>me; cl  pour  donner  l'ap- 
parence d'une  sorte  d'existcucc  à 
cette  fiction,  ils  firent  circuler  un 
livre  sous  ce  titre  :  Histoire  du  QuiL 
lotisine  ou  de  ce  qui  s^est  pas.'é  à 
Dijon  au  sujet  du  quiétifme  ^  avec 
unt  réponse  à  l\-/pologie  enjorinede 
requélf  produite  au[irocès  criminel, 
par  Claude  Quillot , etc. Ce  livre,  ou 
plutôt  ce  libelle,  prétendu  imprimé 


QUI 

à  Zell  ,  che7.  Henriette  Hermillc  ,  en 
1713.  forme  un  volume  in-4''.  de 
434  pjges.  Il  est  sans  nom  d'auteur; 
mais  on  sait  aujourd'hui  qu"  c'est 
l'ouvrage  d'Hubert  .Mauparly,  pro- 
cureur au  prc'sidial  de  l.angres.  11 
paraît  ([u'il  fut  tiré  à  un  petit  nom- 
bre d'exemplaires.  Du  moins  il  est 
auj(uird'hui  assez  rare.  11  fut  prohi- 
be par  l'évèque  diocésain  ,  comiue 
contenant  des  faits  faux  <t  calom- 
nieux ;  et  un  an  et  du  parlement  de 
Dijon  (  ç)  juin  1703  )  ordonna  qu'il 
serait  lacéré  et  brù'é  par  la  main 
du  bourreau  ,  elc. ,  etc.  Ainsi  la  sup- 

t)osilion  du  Quillatisine ,  commu 
léresie  nouvelle,  n'est  qu'une  f.d)!c 
digne  de  la  flcliissurc  que  lui  a  im- 
primée le  double  jngeiuenl  de  l'aulo- 
rite  ecclésiastique  et  séculière.  On 
ignore  la  date  du  décès  de  Quillot. 

{f'oj-.  (ifVON,  XIX,  '2.\Ç).l-l  AIaLA- 

VAL.  XXVI,  333.)        '    I V. 

QLIN  (  Jacques  ),f.imeux acteur, 
ne  à  Londres  ,  en  i()i)3.  descendait 
d'une  ancienne  famille  d'Iilatule.  11 
était  le  froitdii  mariage  ilufi'sdu  lurd 
maire  de  Dublin  et  d'une  dame  ipii  l'a- 
vait épousé  parce  (pi'ellc  se  ci  oyait 
veuve  ;  son  |)iemi(r  mai  i ,  <|ui  fusait 
des  spécidations  aux  fn  les  ()c(  ideii- 
tales  .  avant  cesse  depuis  long-temps 
de  lui  donner  de  ses  nouvelles.  Le 
retour  de  ce  négociant  rendit  la  nais- 
sance de  J.  Qdiii  illégitime ,  et  influa 
beaucoup  sur  le  reste  de  sa  vie.  Quin 
fut  élevé  à  Diihlin  :  mais  il  paraît 
qu'il  fit  peu  de  progrès  dans  la  lit- 
térature; et ,  à  vingt  ans,  il  scvoyait 
sans  jessources  et  sans  état,  quoi- 
qu'on assure  qu'il  avait  fréquenté, 
pendant  quehjue  temps,  le  barreau. 
H  se  décida  pour  la  carrière  du  théâ- 
tre, et  débuta,  eu  1714,  sur  celui  de 
Dublin.  Ne  se  croyant  pas  suffisam- 
ment encouragé  eu  Irlande ,  il  se  ren- 
dit à  Londres,  et  entra  au  théâtre  de 


I 


on 

Diiiry-Iiano;  m.iis  on  ne  lui  coniia, 
dans  les  |iroinièrcs  années,  que  des 
emplois  peu  propres  à  faire  lirilier 
son  talent.  En  novembre  1716,  ce- 
pendant, un  accident  snrvcnn  subi- 
tement  à  l'actenr   Mill  ,  fournit  à 
Ouin  cette  occasion  qu'il  cherchait 
depuis  si  long  -  temps.  Il  représenta 
Bijazet,  dans  Tamerlan;  et  les  ap- 
plaudissements qu'il  reçut  des  spec- 
tateurs, le  placèrent  dès-lors  au  pre- 
mier rang.  Il  obtint  plus  de  succès  en- 
core,en  1  7'20,  danslerùle  de  sir  Juhn 
Falstaff  (  des  Commères  de  fTind- 
sor,  du   célèbre   Shakspeare  ).   On 
trouva  qu'aucmi  acteur  n'avait  aussi 
bien  saisi  que  lui  l'esprit  de  l'auteur; 
et,  pendant  plus  de  dix  ans  ,  il  rcgi:a 
sur  la  sc'^ne  anglaise  presque  sans  ri- 
vaux. Ce  fut  vers  la  fin  de    1732 
qu'eut  lieu  l'ouvei  ture  du  théâtre  de 
Covent-Garden,  où  Ricli  pissa  avec 
sa  troupe,  dont  Quiii  faisait  alors 
partie.  En  1740,  Eleelwoo  l ,  ayant 
réuni  les  deux  troupes  de  Drury  La- 
ne  et  de  Hay-Market ,  tàcba  d'atti- 
rer à  lui  les  meilleurs  acteurs  des  au- 
tres théâtres  ,  surtout  ceux  de  Co- 
vent  -  Garden,  en  leur  oiï'rant  des 
appointements  hors  de  toute  pro- 
portion avec  ceux  qu'on  avait  eu  jus- 
qu'alors  coutume  de   leur  donner. 
Quin  ne  sut  pas  résister  à  l'appât  de 
cinq  cents  livres  sterling  par  an,  et 
abandonnason  ancienamiRich  pour 
passer  avec  son  rival.  Au  théâtre  de 
Drury-Lane,  Quin  parut  avec  suc- 
cès dans  le  Cornus  de  Milton ,  dans 
V Agamemnon  de  Thomson,  et  dans 
P^  rrhiis,  et  présida  le  comité  de  lec- 
ture chargé  de  donner  son  opinion 
sur  les  pièces  nouvelles  qui  lui  étaient 
soumises.  Un  poète  lui  ayant  remis, 
pendant  qu'il  était  sur  le  thcàtrc  , 
une  tragédie  qu'il  venait  de  terraiiver, 
Quin  la  mit  dans  sa  poche,  et  n'y 
pensa  plus.  L'aulenr  ,  ne  recevant 

XXXVI. 


QUI  417 

que  des  défaites  toutes  les  fois  qu'il 
parlait  de  son   ouvrage,  insista  un 
jour  si  vivement  pour  qu'on  le  lui 
rendît,   que   Quin   voulut    le  satis- 
faire. jNIais  il  ajriva  qu'an  lieu  d'u- 
ne tragédie ,  ce  fut  une  comédie  qu'il 
lui  donna  ;  et,  lorsque  le  malheureux 
poète  l'eût  fait  apercevoir  de  sa  mé- 
prise, Quin  lui  répondit,  en  riant , 
«  qu'il  avait  sans  doute  perdu  son 
»  onvragc.  Perdu  mon  ouvrage  !  s'é- 
»  cria  le  poète,  comme  frappé  de  la 
»  foudre.  —  Eh!  mon  Dieu  oui,  ré- 
»  pliqua  Quin,  j'ai  eu  ce  malheur; 
»  mais  je  puis  le  réparer;  »  et,  lui 
montrant  xm  tiroir  rempli  de  co- 
médies et  de  tragédies  nouvelles  , 
il    lui   offrit,   en  compensation,  la 
pièce  qui  lui  conviendrait  le  mieux. 
On  ne  dit  pas  si  le  nourrisson  des 
]\Iuses  fut  satisfait  de  celle  proposi- 
tion. Après  un  court  séjour  à  Drurv- 
Lane  ,  Quin  se  rendit  en  Irlande  ,  et 
revint  à  Londres,  en  1741.  A  son 
arrivée,  il  trouva  toute  l'attention 
du  public  fixée  sur  Garrick ,  qui  ve- 
nait de  commencer  sa  carrière  théâ- 
trale avec  un  succès  jusque-là  sans 
exemple.  Quin  essaya  vainement  de 
lutter  contre  ce  rival,  qui  lança  con- 
tre lui  une  épigramme  ;  et  il  eut  en- 
core le  chagrin  de  se  voir  éclipser  à 
Dublin,  par  Shéridan.  Il  cessa  de 
jouer  pendant  quelques  mois;  ce  qui 
donna  lieu  à  son  ami  Thomson,  qui 
travaillait  à   son  poème   du   Châ- 
teau de  V Indolence ,  de  le  placer 
dans  le  Palais  de  la  Paresse.  Après 
avoir  essayé  long  -  temps  de  réunir 
an  même  théâtre  Garrick  et  Quin  , 
Ricb  parvint  à  obtenir  ce  résultat 
en  déterminant  Garrick  cà  s'engager 
à  Covent-Garden.  «Un  pacte  d"al- 
»  liance  entre  deux  grands  monar- 
»  ques,  dit  à  ce  sujet  Davies,  n'est 
»  pas  aussi  difficile  à  conclure  que 
»  les  préliminaires  d'un  trailcoùde 


418 


QUI 


»  hauts  et  puissants   $cic;ncuis   de 
»  théâtre  sout  parties  intéressées,  v 
Ils   devaient  jouer  alternativement 
certains  rôles,  entre  autres,  ceux 
de  Richard  III  et  d'  Othello  ,  mais 
sans  être  obli<;es  de  paraîlie  ensem- 
ble dans  la  même  pièce.  Le  même 
écrivain  ajoute  que  Quin  s'aperçut 
bientôt  que  la  concurrence  de  Gar- 
rick,donlla  réputation  croissait  jour- 
nellement, tandis  que  la  sienne  était 
sur  son  déclin  ,  lui  était  trop  défavo- 
rable :  car  il  avait  à  peine  quelques 
auditeurs  lorsqu'il   représentait  Ri- 
chard 111 .  tantlis  que  les  spectateurs 
accouraient  en  foule  .ni  Garrick  jouait 
ce  même  rôle.  On  ne  les  avait  point 
encore   vus  cliarf;és,  dans  la   mê- 
me pièce  ,   de   rôles  d'une   impor- 
tance à  peu-près  égale,  lorsqu'en  no- 
vembre   1746,  la  Belle  Pénitente 
offrit  cette  occasion  aux  amateurs 
de  spectacles.  Au  moment  où  Ilora- 
tio  et  lothario  '  c'étaient  les  rôles 
qu'ds  remplissaient)   parurent  en- 
semble sur  la  jcèue,  ils  furejit   ac- 
cueillis par  (les  applaudissements  si 
effrénés,  que  les'deux  livaux  en  fu- 
rent un  peu  déconcertés,  et  ne  pu- 
rent s'empêcher  de  changer  de  cou- 
leur :  ils  se  remirent  cependant  bien- 
tôt ,  et  jouèrent   fort  bien   tous  les 
deux,   qvioique  Garri(  k  l'emportât 
de  beaucoup  sur  son  rival.  La  piè- 
ce eut  un  grand  nombre  de  repré- 
sentations; cl  la  salle  fut  chaque  fois 
encombrée  de  spectateurs.  En  1747 
ou  174*^1  Quin,  croyant  avoir  à  se 
plaindre  des  procédés  de  Rich,  quit- 
ta brusquement  le  théâtre  de  Covcnl- 
Garden  ,   pour  se  retirer  à  Bath  , 
quoiqu'il  n'eût  pas  terminé  le  temps 
de  son  engagement.    Se   repentant 
ensuite  de  celte  démarche,  et  dési- 
rant se  rapprocher  de  Rich,  il  lui  a- 
dressa.  dit-on,  cette  épître  laconique, 
«  Je  suis  à  Batb,  »  et  il  n'obtint  que 


QUI 

la  réponse  peu  civile  et  presque  aus- 
si briève  :  «  Restez  -  y ,  et  allez  au 
«  diable  {Amibe damned).  »  Il  pa- 
raît néanmoins  qu'ils  se  raccommo- 
dèrent ;  et  Quin  rentra  au  théâtre 
de  Covent-G.irdcn  ,  vers  le  mois  de 
janvier  I749i  p^r  It"  'ôle  de  Corio- 
\an  [•!),  dans  la  tragédie  de  ce  nom  , 
ouvrage  posthume  dc.Thonison,  avec 
le(piel  nous  avons  déjà  dit  qu'il  était 
intimement  lié.  Ce  fut  luicpii  débita 
le  célèbre  prologue  composé  par  Lyt- 
telton(r.  ce  nom,  XXV,  554);  et 
l'émotion  dont  il  était  véritablement 
pénétré,  passa  dans  l'amcde  ses  au- 
diteurs, qiri  ne  purent  retenir  leurs 
larmes.  Vers  le  même  temps,  Quin, 
qui  avait  un  talent  particulier  pour 
lire  les  ouvrages  des  grands  poètes 
anglais,  et  qui  rendait  surtout  avec 
autant  d'ame  que  de  goût  les  passa- 
ges de  Shakspeare  et  de  Milton  ,  re- 
çut du  prince  Frédéric  de  Galles  , 
père  de  George  111  ,  l'honorable  et 
flatteuse  mission  d'enseigner  ;i  ses  en- 
fants à  prononcer  correctement  leur 
langue,  et  à  bien  débiter  :  il  réus- 
sit au  gré  de  son  auguste  protecteur. 
La  tragédie  de  Caton  fut  représentée 
à  Leicester-House  (3),  par  la  famil- 
le et  la  cojir  du  prince  Frédéric,  sons 
la  direction  de  Quin.  Lorsque  ce  vé- 
téran de  la  scène  eut  appris  (  1760) 
que  George  111,  âgé  alors  de  -^'2  ans, 
avait  débité  avec  autant  de  majesté 
quede  grâce  son  premier  discours  au 
parlement  (17G0;,  il  ne  put  s'empê- 
cher de  s'écrier  avec  enthousiasme: 
«  C'est  cependant  moi  qui  ai  instruit 
»  cet  enfant  î  »  Giarrick  chercha  , 
dit-on,  vers  1750,  à  lui  faire  quitter 
Covent-Gardcn  ,  et  à  l'attirer  à  Dru- 


(ï)  Suivant  d'autres  ,  Quin  ue  te  rindil  .'i  Lon- 
dr»(,  en  i  "  }g  ,  qu»  pour  jouer  »ur  le  lliiàtre  de  Co 
▼ent-Oardeu,  le  rule  à.' Othello  ,  auprulitdcs  inceii 
diés  de  fLoruIiill. 

(3)  Leicoter-HouM  était  le  lieu  de  rtsidrnce  du 
prince  de  Gallei. 


QUI 

ry-Lane,  dont  il  était,  à  cette  épo- 
que ,  un  des  directeurs  ;  mais  il  ne 
put  y  parvenir.  Ce  fut  le  lo  mars 
i-;m  que  Qiiin  termina  sa  carrière 
théâtrale,  comme  acteur  salarié,  par 
le  rôle  d'^oraf/o.  Il  se  fixa  ensuite 
à  Bath  ,  et  ne  revint  quelquefois  à 
Londres  que  pour  représenter  Fais- 
taflf,  au  bénéfice  de  son  ami  Ryan  , 
qui  se  trouvait  dans  le  malheur. 
Mais,  en  1754  ,  ayant  perdu  deux 
<3ents  de  devant ,  il  repoussa  toutes 
les  sollicita tipns  de  uvan,  et  lui  écri- 
vit, afin  de  s'excuser,  une  Epîtrc 
comique,  dans  laquelle  il  disait  que 
pour  personne  au  monde  il  ne  se  ré- 
soudrait à  siffler  FalstalT.  Quin  avait 
été  toujours  fort  économe,  depuis 
qu'il  fréquentait  le  théâtre;  ce  qui 
lui  avait  permis  de  conserver  une 
certaine  indépendance.  Vers  la  fin 
de  sa  vie,  lorsqu'il  ne  pouvait  plus 
exister  aucun  motif  de  ris  alité  entre 
lui  et  Garrick ,  ces  deux  fameux  ac- 
teurs se  lièrent  assez  particulière- 
ment. Ce  fut  au  retour  d'une  visite  que 
Quin  avait  faite  à  ce  dernier  ,  qu'il 
mourut  à  Balh,  le  21  janvier  i-yfiô. 
On  prétend  que  lorsqu'il  sentit  sa  lin 
approcher,  Quin  se  lit  apporter  une 
bouteille  de  vin  de  Bordeaux  ,  et 
qu'après  l'avoir  bue ,  il  dit  :  «  Je 
»  désirerais  beaucoup  voir  la  fin 
•>i  de  cette  dernière  scène  tragique; 
î)  mais  j'espère  y  conserver  '  tou- 
»  te  la  die^nité  convenable.  »  Quin 
est  représenté,  par  quelques  écri- 
vains, comme  ayant  été  hautain, 
débauché  et  avare.  Le  docteur  Smol- 
lett  reconnaît  qu'il  était  souvent  in- 
solent avec  ses  inférieurs,  grossier 
et  brutal,  lorsqu'il  était  pris  de  vin, 
ce  qui  lui  arrivait  souvent;  mais  il  le 
peint  en  même  temps  comme  un  fort 
honnête  homme,  parfaitement  bien 
élevé ,  et  susceptible  de  sentir  le  prix 
de  l'amitié,  et  d'éprouver  ce  senti- 


QUI  4'9 

ment. On  ne  peut  disconvenir  que  Qu  in 
n'ait  été  quelquefois  généreux.  Sa 
conduite  pleine  de  délicatesse  envers 
ïliomsou  en  est  une  preuve  irrécu- 
sable. Ce  poète  célèbre  était  détenu 
pour  dettes  :  Quin,  qui  ne  le  connais- 
sait que  de  réputation,  se  rendit  à  sa 
prison.  Thomson,  étonné  de  cette 
visite,  le  fut  encore  plus,  lorsque 
Quin  lui  dit  qu'il  venait  sans  façon 
lui  demander  <à  dîner;  mais  il  ajouta 
presque  aussitôt,  que,  comme  il  sup- 
posait qu'il  pouvait  y  avoir  quelques 
inconvénients  à  faire  préparer  le  re- 
pas dans  le  lieu  où  ils  se  trotiv.iient, 
il  l'avait  commandé  à  la  "taverne 
voisine.  On  apporte  une  douzaine  de 
bouteilles  de  vin  de  Bordeaux  pour 
débuter  ;  et,  après  avoir  fini  de  man- 
ger, Quin  ,  s'adressant  au  poète,  lui 
dit  :  a  II  est  temps  de  régler  main- 
i)  tenant  nos  comptes,  v  Ces  paroles 
commençaient  à  effrayer  le  détenu , 
qui  craignait  de  voir  un  créancier 
dans  son  hôte  ,  lorsque  celui-ci  ajou- 
ta :  «  Monsieur  Thomson  ,  je  ne  puis 
»  évaluer  à  moins  de  cent  livres  ster- 
«  ling,  le  plaisir  que  j'ai  éprouvé  à 
»  lire  vos  ouvrages;  et  je  veuxabsolu- 
»  ment  alpitter  ma  dette  sur-le- 
»  champ.  »  En  disant  ces  mots ,  il 
jeta  sur  la  table  un  billet  de  banque 
de  cette  valeur ,  et  prit  congé  sans  at- 
tendre une  réponse.  Outre  sa  liaison 
avec  Thomson ,  Quin  était  dans  l'in- 
timité de  Pope  et  de  plusieurs  autres 
personnages  éminents  de  son  temps. 
Nous  avons  vu  qu'il  lisait  parfaite- 
ment bien  :  il  contait  également  d'u- 
ne manière  admirable,  concise  et 
pleine  de  vigueur,  quoiqn'avec  une 
certaine  affectation.  Il  n'était  pas 
fort  instruit;  niais  il  connaissait  à 
fond  Shakspeare  ,  Milton ,  Dryden  et 
Pope.  Considéré  comme  acteur ,  il 
passe  pour  n'avoir  pas  eu  de  rivaux 
dans  les  rôles  de  Falstalf,  du  Moine 

2-7., 


4io  QUI 

espagnol ,  lie  sîr  Joliii  Brûle,  Je  Vul- 
poiic,  etc.  ;  il  moiiliail  du  falent 
(!an>;  Caton ,  Pierre,  Coriolan,  cl  en 
j,'ciicral  clans  les  caractcros  fortement 
.sévères, qui  sotlt  aujourd'luii  perilus 
pour  la  scène  anj^laise.  Il  excellait  à 
pein  Irc  le  chagrin  profond  ,  qui  ne 
peut  s'expiiuicr  par  des  paroles,  et 
irlontrail  une  profonde  sensibilité, 
quoique  Churchill  lui  conteste  cette 
qualité.  Ou  lui  reprochait  des  de'- 
fauts  graves,  et  de  uiauvai>es  habi- 
tudes, qu'il  avait  ciuitrartèes  dans 
ses  débuts,  et  dont  il  ne  put  jamais 
5e  corri;;er.  11  existe  une  VicdeQuin, 
i-Gtj,  m -8''.  On   trouve  aussi  de 

farauds  détails  sur  cet  acteur  ,  dans 
a  Vie  de  (iairii  k  ,  par  Davits. 

I)_z_s. 
QUINAULT  ;  Philippe  )  naquit  à 
Paris,  le  3  juin  i(>33.  Sou  extrait 
(Ittaplèmp  l'atteste  (  i  )  :  c'est  donc 
à  tort  qi;e  tous  les  dictionnaires  his- 
toriip^cs  le  font  naître  à  Pelleiiu  , 
dans  la  M.»rche.  Furi  tièrc,  dans  son 
a*",  et  3*".  Factura  ,  prétend  que  Oui- 
nault  devait  le  jour  k  un  bonlaiM^pr 
de  petits  pains.  l/abl)éd'0!ivet,d<«ns 
$onllistoite  de  l'âcadén^^rançaise, 
afTirme  que  cette  asscrlimi  est  celle 
d'un  iiuposteur,elqu'elIelui  futdicîce 
parla  médisance  et  la  colère.  «Qîiand 
1)  cela  .^erait ,  ajoute  l'albé ,  Quinault 
»  n'en  mérite  que  plus  d'eslime,  pour 
»  avoir  si  bien  iep;«ré  le  tort  de  sa 
»  naissance.  »  Tout  le  mon  le  adop- 
tera cette  opinion  ;  mais  il  n'en  est 
pas  moins  hors  de  doute  que  le  poè- 
te, qui  va  faire  l'objet  de  cet  article, 
e'tait  o   (ils   de   Thomas  Quinault , 


(i)  Non»  d'VOD«  Il  r"nn.-.i«-aocr  de  IVttrait  He 
liapb  ne  «le  Qaiualt,  rt  pluiirun  cirronalani  r>  de 
I4  \  il-  de  ce-  )KH  le ,  j  M.  hrll'ara  ,  auU'ur  de  i'E'prit 
tir  M'iliert ,  d'aoe  Diiierlaliun  tur  t'nnnèe  de  in 
naii la—ce,  d'an  Dictionnaire  de  l'aeadimie  roynlà 
dr  rnuiKfu^,  d'un  autre  Dirtmnnmre  drt  ballett- 
riférmf'fui  n'ont  jtat  ili  rrjtréfenlit  et  d'one  Dra- 
i:iui<r^tt  tjrii.iiir  ilrmn^rrr-.  C,  (.où  d.-r  i  r»  ini- 
ytxt'*  i-'bl  riic'iré  riiaiiu>CTit«. 


QUI 

»  maître  boidanp;er  ,  et  de  Pcrrine 
»  Uupiier  ,  sa  femme  ,  demeurants 
»  rue  de  Grenelle.  »  C'est  ce  qui  ré- 
sulfedes  registresdela  paroisseSaint- 
KiiNtache,  où  il  fut  baptisé.  Après 
avoir  fiit  quelques  éludes  .  le  jeune 
Qiiinaidt  manifesta  un  peneliant  inné 
pour  la  poésie;  penchant  que  re- 
doubla une  coniiaissafce  (m'il  fit 
aloi's.  Ce  fut  celle  de  Tristan  PHer- 
niite,qui,  malgré  son  esprit  bizar- 
re et  son  mauvais  goût ,  jouis>ait 
d'une  certaine  réputation.  Ou  a  pré- 
tendu ,  mais  sans  aucune  apparence 
de  vérité,  que  le  jeune  poète  avait 
été  son  domesti>pie.  (ie  (ju'd  y  a  de 
certain  ,  c'est  que  Tristan  s'était 
épris  pour  lui  d  une  amitié  si  vive  , 
qu'il  lui  avait  fait  accepter  un  loge- 
ment et  sa  table  ;  et  ((u'enfin  il  lui 
laissa  ,  par  son  lebtamrnt ,  un  legs  as- 
sez. con>idérab!e  ,  à  l'aide  duquel  le 
jeune  poète  acheta  nue  place  de  va- 
lel-dc-chainbre  du  roi.  Ce  fut  ,  sous 
les  ati'^piees  de  ce  ge'néieux  ami  , 
que  Quinault  fit  ses  premiers  pas 
dans  la  canièie  dramatique.  Il  avait 
composé  une  pièce  intitulée  les  lU- 
Villes  :  il  engagea  Tristan  à  la  prc'- 
senter  aux  comédiens  ,  comme  un 
de  sc%  propres  ouvrages.  La  su- 
percliciie  fut  découverte  ;  et  les 
comédiens  ,  qui  avaient  promis 
cenlécus,  ne  voidiircnt  plus  er)  don- 
ner que  la  moitié.  Le  résultai  d'une 
nouvelle  nég«jeiatiun  fut  que  le  poè- 
te serait  paye  ,  ch.Kjue  f<us  ,  au 
prorata  de  la  recette;  et  telle  est,  J! 
dit -on,  l'origine  de  ce  que  Pou 
nomme  aujourd'hui  la  part  d'auteur. 
Encouiagé  par  un  premier  suc- 
cès ,  d'autant  plus  flatteur,  qu'il  I 
n'avait  encore  que  dix  -  huit  ans 
(  i653  )  ,  Quinault  ne  laissa  plu.s 
passer  une  année  sans  donner  une 
et  quelquefois  même  deux  pièces 
df    théâtre.     Elles    s'élevaient    au 


QUI 

nombre  de  seize  ,  en  i  GG6  ;  et  il 
n'était  encore  que  dans  sa  trente- 
unième  année.  Parmi  ces  produc- 
tions, dont  les  unes  portent  le  titre 
de  comédie  ,  d'autres  celui  de  trage'- 
die  ,  ^'autres  enfin  celui  de  traj^c- 
die  comédie,  ou  en  compte  deux  seu- 
lement dont  on  ail  conserve  le  sou- 
venir :  l'une  est  La  mère  coquette , 
l'autre  est  V Astrale ,  si  courue  dans 
le  temps  ,  et  si  malheureusement  im- 
mortalisée par  Boileau.  La  première 
s'est  lon<:;-teraps  soutenue  au  tlic'â- 
tre  :  «  Elle  fait  voir  ,  dit  Laliarpe  , 
»  que  Quinault  avait  plus  d'un  talent: 
»  elle  est  bien  conduite;  les  caractè- 
»  res  et  la  versification  sont  d'une 
»  touche  naturelle,  mais  un  peu  fai- 
w  blc.  Il  y  a  des  détails  agréables  et 
»  ingénieux  ,  de  boiuies  plaisante- 
»  ries.  «Quoique  V^oltaireait  dit  qu'il 
y  a  de  très-belles  scènes  dans  Vâs- 
trate  ,  il  serait  assez  difficile  de  dé- 
fendre cette  tragédie  contre  le  satiri- 
que. C'est  ici  le  lieu  d'examiner  quel 
a  pu  être  le  fondement,  ou,  du  moins, 
le  prétexte,  du  mépris  injurieux  que 
Despréaux  affectait  pour  Quinault , 
et  des  railleries  cruelles  dont  il  l'ac- 
cabla pendant  un  certa,in  temps. 
Qui  ne  connaît  ce  Irait  de  la  Satire  ii  : 

Si  je  ])ense  exprimer  un  auteur  sans  défaut, 
La  raison 'dit  Virgile,  et  la  rime  Quioault. 

Cl  cet  autre  de  la  Satire  m  : 

Le"  téros  chez  Quinault  parlent  bien  autrement; 
Ltiusqu'àye  l'oiij  /la/j  ,  tout  s'y  dit  teudrcminll 

Oa  pourrait  ici  laisser  Boileau  s'ex- 
cuser lui-même.  Dans  la  préface  de 
la  dernière  édition  de  ses  œuvres, 
en  I7i3,il  répète,  avec  un  soin 
particulier,  ce  qu'il  avait  dit,  dans 
une  autre  préface  ,  trente  ans  aupa- 
ravant :  «  Dans  le  temps  où  j'écrivis 
»  contre  M.  Quinault ,  nous  étions 
»  tous  deux  fort  jeunes  ;  et  il  n'avait 
»  pas  fait  alors  beaucoup  d'ouvrages 
»  qui  lui  ont, dans  la  suite,  acquis 


OUI 


4-21 


r>  ime  juste  réputation,  w  On  trouve 
une  garantie  plus  certaine  encore  des 
sentiments  de  Boileau  ,  dans  une  let- 
tre confidentielle  qu'il  écrivait  à  Ra- 
cine, le  ujaoût  1G87  .■  «  Dites  bicu 
»  à  M.  Quinault  que  je  lui  suis  infi- 
»  niinent  obligé  de  son  souvenir. 
»  Vous  pouvez  l'assurer  que  je  le 
I)  compte  présentement  au  rang  de 
»  mes  meilleurs  amis  ,  et  de  ceux 
»  dont  j'estime  le  pbis  le  cœur  et 
»  l'esprit.  »  On  voit  maintenant  à 
quel  point  Voltaire  était  fondé  à  flé- 
trir l'immortel  satirique  du  nom 
odieux  de  Zoïle  de  Quinault  !  En 
supposant  même  qu'il  faille  prendie 
à  la  lettre  toutes  les  boutades  qu'un 
poète  ,  dans  sa  mauvaise  humeur  , 
peut  se  permettre  contre  un  autre  , 
qu'avait  produit  Quinault  à  l'époque 
où  Boileau  l'attaqua  dans  ses  Sati- 
res ?  les  pièces  de  théâtre  que 
nous  avons  mentionnées  ci-dessus, 
et  dont  aucune  assurément  ne  faisait 
présager  la  hauteur  à  laquelle  ,  vingt 
ans  plus  tard ,  il  s'éleva  dans  ses 
chefs-d'œuvre  lyriques.  Mais  tel  est 
l'empire  de  la  routine  et  des  préjiîgés 
p iipulaires  ,  que  l'on  entend  ,  chaque 
jour  encore,  des  gens  lettrés  ou  du 
moins  qui  devraient  l'être  ,  appli- 
quer aux  tragédies  lyriques  de  Qui- 
nault ,  ce  vers  composé  si  long-temps 
avant  leur  existence  : 

Et  jusqu'j  je  vous  hais ,  tuiil  s'y  dit  teudreraesl. 

Brosselte  pous  apprend  pourtant 
quelle  était  l'application  de  ce  irai!. 
Il  était  dirigé  contre  une  tra^iédie-co- 
médie  de  Stratonice  ,  où  Quinault , 
âgé  de  vingt-un  ans  ,  avait  fait  dire 
à  sa  princesse  ,  secrètement  éprise 
d'Autiotbus  : 

Adieu  :  croyei  toujours (jue ma /ini«<î  estçïlrêinc  , 
PriiJCi-;  et  il  je^'ous  hait  ,  hainez-moi  de  même. 

Le  silence  que  le  législateur  du  Par- 
nasse a  gardé ,  dans  son  Art  poéti- 
que ;  à  V  égard  de  Quinault  et  du  gcn- 


4i2  QUI 

re  où  il  a  excelle,  paraît  décisif  à 
certaines  gens.  Mais  Boileau  ,  dans 
ce  poème  ,  où  il  u'a  oublie  ui  le  son- 
net ,  ni  la  ballade  ,  a-t-il  donncî"  plus 
de  place  à  la  fable  et  à  La  Fontaine.' 
De  tous  les  arguments  employés  con- 
tre Quinault,  celui  qui  se  reproduit 
le  plus  souvent  est  fondé  sur  ces 
vers  ,  tant  de  fois  répétés  : 

.  .  .  Cet  du>Cour>  sur  l'amour  acal  rouloiiU , 
C«s  duurireux  R;nauj5,  rr3  iiiuusi't  RoliUicU, 

mtuu^c  ilieuxiontiiiiiiu  Je  morale  lubrique, 
Que  Lulli  rt'cliauflu  d»  >ol»  Je  m  iiiusitjue. 

Ce  trait  de  la  Satire  sur  les  Femmes^ 
'pli  ne  fut  conipo.séc  que  cinq  ans 
après  la  murt  de  Quiiiault ,  n'en  a  pa- 
lu  que  plus  contluaiit  contre  ce  poè- 
te. D'autres  personnes  en  ont  fait  un 
crime  à  Despréaux  :  ils  l'ont  trouvé 
impardonnable  d'attaquer,  jusque 
dans  sa  tombe ,  nii  homme  avec  le- 
quel, depuis  long  -  temps,  il  s'était 
réconcilié.  Les  noms  de  Renaud  et 
de  Koland  désignent  en  effet  deux 
des  plus  célèbres  ouvrages  de  Qui- 
naull;  et  il  est  d'autant  moins  per- 
mis de  s'y  méprendre,  que,  qucNpies 
lignes  plus  bas,  il  nomme  Angélique 
et  -\rmide  ;  mais  l'équité  veut  tpi'on 
s'attache  à  l'intention  du  poète  :  ce 
u'est  point  à  Quiiiault  personnelle- 
ment qu'ildéclare  ici  la  guerre;  c'est 
à  la  morale  licencieuse  d'un  specta- 
tacld  enchanteur.  Ptiii-on  s'étonner 
de  cette  sévérité  de  la  part  de  Boi- 
leau, dont  l'âge  était  avancé,  l'es- 
prit morose  et  la  piété  rigide?  Au 
reste,  comme  le  dit  Lahaipe,  si  le 
satirique  e.>t  insensible  aux  charmes 
du  style  de  Qiiinault ,  il  faut  lui  par- 
rlonner  d'avoir  été  injuste  :  il  était 
assez  puni;  et  ne  s'en  punit  -  il  pas 
lui-même,  lorsqu'il  fit,  pour  un  ope'- 
ra  ébauché  par  Racine  (  la  Chute  de 
Phaélon  ) ,  ce  malheureux  Prologue, 
indigne  du  dernier  des  rimeurs  qu'il 
avait  livres  à  la  risée  publique.  Nous 


QUÏ 

avons  donne  une  certaine  étendue  â 
celte  discussion  :  elle  nous  a  paru 
nécessaire  pour  détruire  des  préven- 
tions trop  généralement  répandues; 
en  un  mot,  pour  ôter  à  l'ignonince 
tout  prétexte  d'attaquer  l'un  p;lt  l'au- 
tre deux  hommes  qui  s'estimaient  ré- 
ciproquement, et  i]ui  lireiit  tous  deux 
honneur  au  grand  siècle.  La  prodi- 
gieuse fécondité  dont  Quinault  avait 
donné  des  preuves  dans  la  premiè- 
re partie  de  sa  carrière  dramatique, 
ne  l'empêcha  point  de  dérober  aux 
INIuscs  un  temps  qu'il  employa  fort 
utilement  pour  ses  intérêts.  Il  avait 
lecherchc  avec  ardeur  la  main  d'une 
fort  jolie  personne,  nommée  Louise 
Goujon,  (pii  ressentait  pour  lui  une 
inclination  non  moins  vive.  IMais  les 
parents  de  la  demoiselle  la  forcèrent 
d'épouser  un  riche  négociant  appelé. 
Bouvet.  La  mort  de  cet  homme  la 
laissant  veuve,  à  l'âge  de  vingt  -  un 
ans,  Quinault  la  détermina  sans  pei- 
ne à  s'unir  à  lui  (  iGGo)  :  elle  lui  ap- 
porta une  fortune  considérable  pour 
l'époque  quarante  mille  écus  ,  selon 
l'estimation  la  plus  modeste  ).  Qui- 
nault composa,  sur  ses  amours  et 
son  mariage  ,  une  Nouvelle  qu'il 
intitula  :  W-lmour  sans  faiblesse  , 
titre  usurpé,  si  l'on  en  croit  cer- 
tains Mémoires  du  temps,  qui  re- 
présentent les  jeunes  mariés  comme 
brûlant  l'un  et  l'autre  d'une  passion 
si  violente,  qu'ils  n'eurent  pas  la  for- 
ce d'attendre  la  retraite  de  leurs 
nombreux  convives  pour  se  livrer 
aux  douceurs  du  tcte-àlêle.  Quinault, 
dans  son  acte  de  mariage,  prit  le  ti- 
tre  d'avocat  en  parlement;  et,  dans 
l'acte  de  naissance  de  sa  Clle,  qui  eut 
lieu  l'année  d'après,  il  se  qualifie 
d'écuver  ,  valet  de  chambre  du 
roi.  Il  avait  promis  à  sa  femme  de 
ne  plus  travailler  pour  le  tlicàlre  : 
mais ,  ayant  été  reçu  membre  de  l'a- 


QUI 

cadémie  française,  en  1670  (2),  il 
crut,  contre  Topinion  consacre'epar 
trop  d'exemples,  qu'il  fallait  hono- 
rer le  fauteuil  par  de  nouvelles  pro- 
ductions. Il  accueillit  donc  avec  em- 
pressement la  proposition  que  lui  fît 
Molière  de  se  charger  de  la  partie 
chantante  de  sa  Psjché,  qui  fut  don- 
née à  la  cour  en  janvier  1671  (3). 
Bientôt  après  ,  Quinault  acheta  une 
charge  d'auditeur  en  la  chambre  des 
comptes.  Cette  compagnie  ayant  fait 
quelque  difficulté  de  l'admettre,  il 
parut  une  Épigramme  qui  finit  par 
trait  : 

Puisqu'il  a  f;jit  tant  rl'auditcurs , 
Pourtjnoi  l'empècbez-vuus  de  Tètre? 

Il  faut  observer  que  l'eloge  contenu 
dans  cette  Épigramme  ne  se  rappor- 
tait encore  qu'aux  premières  pièces 
de  Quinault,  dont  il  a  ctë  question 
au  commencement  de  cet  article.  Ce 
ne  fut  que  Tannëe  suivante  que,  cé- 
dant aux  instances  de  Lulli,  qui  ve- 
nait d'obtenir  le  privilège  de  l'aca- 
démie royale  de  musique,  il  arrangea 
son  premier  opéra  des  Fêtes  de  l'A- 
mour et  de  Bacchus.  Digne  appré- 
ciateur de  son  rare  talent  pour  la  poé- 
sie lyrique  ,  le  compositeur  florentin 
s'attacha  à  ses  pas  avec  une  telle  opi- 
niâtreté, que  La  Fontaine  ,  dans  une 
querelle  violente  qu'il  eut  avec  Lulh, 
crut  ne  pouvoir  mieux  exprimer 
l'obsessiou  dont  il  avait  eu  à  se  plain- 
dre de  sa  part,  qu'en  disant  :  «  Cet 
')  homme  a  voulu  m'enquinauder.y» 
Une  fois  lancé  dans  cette  nouvelle 

(9.)  On  yoit  ce  qu'il  faut  penser  de  l'assei-fiou  du 
Dictionnniie  hisloiit/ae  de  Cbaudon  et  Delandiiie 
où  il  est  dit  que  les  Opéras  de  QuinaiJt  lui  avaient 
mérité  une  place  daus  cette  compagnie.  Or,  à  cette 
époque,  il  n'avait  pas  encore  composé  uu  seul  yers 
d'opéra. 

(3)  Nous  ne  pouvons  nous  abstenir  d'observer  en 
passant,  que  ce  tut  une  chose  bien  étonnante  que  la 
réunion  des  talents  qui  concoururent  à  la  composi- 
tion de  cette  Psyché.  Molière ,  Corneille  et  Qui- 
nault en  écrivirent  les  vers;  et,  indépendamment 
Je  la  musique  .  LuUi  fournit  le  premier  intermède 
qui  est  en  italien. 


QUI  4a^ 

carrière,  Quinault ,  pendant  l'espa- 
ce de  quatorze  ans  ,  n'en  laissa  point 
passer  un  seul  sans  livrer  à  Lulli  uii 
de  ces  poèmes  qui  ont  immortalisé 
son  nom.  Le  compositeur  les  lut 
payait  quatre  mille  francs,  selon  les 
conditions  passées  entre  eux,  Louis 
XIV,  toujours  appréciateur  des  ta- 
lents, et  particulièrement  sensible 
aux  beautés  des  premiers  Opéras  de 
Quinault ,  s'était  plu  à  lui  indiquer 
des^jets,  tels  que  celui  à' Amadis 
de  Gaule  :  il  le  décora  du  cordoa 
de  Saint-Michel,  en  y  joignant  le 
brevet  d'une  pension  de  Aiwx  mille 
livres.  L'académie  des  inscriptions  et 
belles  lettres  s'empressa  d'admettre 
Quinault  au  nombre  de  ses  membres 
(  1 6'; 4).  Son  talent  poétique  semblait 
s'accroître  avec  sa  fécondité,  lors- 
qu'à j)rès  avoir  donné  son  chef-d'œu- 
vre d'Armide,  il  cessa  tout- à-coup 
deproduire.  Profondément  religieux, 
comme  tous  les  hommes  distingués 
du  grand  siècle,  et  frappé  de  la  mort 
de  Lulli  (  F.  Lulli,  XXV,  428  ), 
il  ressentit  des  scrupules  de  travail- 
ler pour  le  théâtre  j  scrupules  qu'il 
exprima  dans  ces  vers ,  qui  devaient 
faire  le  début  d'un  poème  intitule 
V Hérésie  détruite  : 

Je  n'ai  que  trop  cbantc  les  jeux  etîes  amours» 
Sur  un  ton  plus  sublime  il  faut  me  fàireeutendre; 

Je  vous  dis  adieu  ,  Muse  tendre  , 

Je  vous  dis  adieu  pour  toujours! 

Quinault  mourut  à  Paris ,  le  26  no- 
vembre 1688,  n'ayant  encore  que 
cinquante  -  trois  ans.  Il  fut  inhu- 
mé dans  l'église  de  Saint -Louis  en 
l'île.  Sa  succession  s'élevait  à  trois 
cent  mille  francs.  Cette  fortune,  con- 
sidérable pour  le  temps,  ne  l'avait 
pas-  empêché  de  se  plaindre  de  son 
sort ,  SI  toutefois  il  faut  prendre  à 
la  lettre  les  vers  suivants  : 

C'est ,  avec  peu  de  bien  ,  uu  terrible  devoir 
De  se  sentir  pressé  d'être  cinq  fois  beau-père» 
Quoi!  ci:iq  ailes  devant  i.otai-ie 


M  gui 

Pour  <.iji({liJloc  qu'il  f'jul  |>uur\uii! 
<•  rid.' iK'ut-o'i  juuiais  atoir 
OjKT.i  plu>  tTiclieux  )i  f-iire  .' 

Tout  ce  qi:c  Qiiinaiilt  a  écrit  dans  le 
^cnrc  l)ri(]uc  devant  exciter  vi\e- 
ineiit  la  curiosité  des  amis  des  Ut 
très ,  nous  allons  donner  la  lisle  la 
plus  complète  qui  ait  encore  |)a- 
rti  de  ceux  de  ses  ouvrages  qui  ont 
ele'  représentes  sur  le  liicàtre  de 
i'Acadc'mic  -  Royale  de  musique  ; 
nous  suivons  l'oidrc  des  dates:  les 
Fctes  de  VAmour  et  de  liacchus  ; 
Cadmns  ;  .-ilceste;  Thésée  ;  leT'rtr- 
iia^>ul  ;  Atjs;  Isis  ;  Proserpiiie  ;  le 
Triomphe  de  V Amour  ;  Persée  ; 
Phaélon  ;  Amadis  de  Gaule;  Ro- 
land; la  Grotte  ou  V Eji^lo^ue  de 
ï'ersailles  ;  le  Triomphe  de  la  paix; 
^rmilc.  Indepondainnieut  de  la  par- 
tie chantante  de  la  J^sjché  de  IMo- 
lière  et  de  Corneille,  dont  nous  avons 
ile'jà  fait  mention  ,  Quinault  avait 
aussi  compoîc,poiir  la  paix  des  Vy- 
rcnc'es  et  le  mariage  de  Louis  XIV, 
une  pastorale  où  tout  est  allégori- 
que ,  jusqu'au  titre  :  Lviis  et  J/es- 
périe.  Celte  pii;ce  n'a  point  ctc  impri- 
mée; et  bcaucouj)  d'autres  écrits  de 
l'auteur  ne  l'eussent  point  été,  si  l'on 
l'ùt  respecté  les  dispositions  fcsti- 
Tuenlaiies  jiar  lesquelles  il  défendait 
ii  publication  de  tous  les  ouvraces 
«juc  1  on  pourrait  trouver  après  sa 
mort.  La* prodigieuse  f^cililc  dont 
était  doué  ce  poète  inj^cnieux,  s'exer- 
ça dans  tous  les  {genres  connus,  mais 
iiou  pas  ,  assurément,  avec  le  racmc 
succès.  Une  seule  de  ces  productions 
mélangées  mérite  quelque  attention  : 
c'est  la  description  de  Sceaux,  poè- 
me en  deux  cliants  ,  offert  en  ma- 
nuscrit à  Colbert  ,  et  qui  n'a  été  im- 
primé que  dans  ces  dernières  années. 
L^  plus  grande  gloire  ,  ou  ,  pom- 
mieux  dire,  toute  la  gloire  de  Qui- 
uanlt  réside  maintenant  dans  ses  tra- 
l^edics  lyriques,  ^oub  uc  croyons  pas, 


QUI 

néanmoins,  pouvoir  luidéterner  le 
titre  de  créateur  de  ce  genre  ,  qu'on 
lui  donne  assezcomiuuiiéinent.  Lon>;- 
temp-.  avant  rajqiantion  du  premier 
opéra  de  (^)uinault ,  Corneille  avait 
donné  sou  Andromède  ^  elsa  Toison- 
d''  Or  ,  pièces  fort  inférieures  ,  assu- 
rément, aux  cbcfs-d'œuvre  de  l'au- 
teur d'Armide  ,  mais  qui  ont  sulU 
pour  faire  dire  à  Voltaire  :  «  Le  gé- 
»  nie  de  Corneille  se  pliait  à  tous  les 
»  genres.  Il  fut  le  premier  qui  lit  de^ 
»  comédies,  le  premier  qui  lit  des 
»  tragédies ,  et  le  premier  (pii  ail 
»  don!!c  des  pièces  à  maeliiues.  » 
Le  prodigieux  mérite  de  Qui  - 
nault ,  en  ce  genre  ,  loin  d'avoir 
été  exagéré  ,  n'est  pas  assez  généra- 
lement senti.  D'autres  poètes  ,  sans 
ddule,  ont  possédé  les  gi.ires  et  l'élë* 
gancc  du  style  ;  m  lis  nul  d'entre  eux 
n'a  été  doué  de  cette  mélodie  en- 
chanteresse qni  permettrait  de  dire 
que  les  vers  de  Quinault  étaient  déjà 
de  la  musique,  avant  d'être  livrés  au 
musicien.  Hacinc  seul  a  mérité  le 
mémo  éloge  dans  quehpies  strophes 
de  ses  chœurs  A'  EstherviiV  Alhulie. 
Celui  (pii  a  dit  que  Quinault  avait  dé- 
sossé la  langue  fi  ançaise,  a  cru  lui  dé- 
ceiner  la  louange  la  plus  délicate,  et 
il  lui  a  fait  injure. Ce  poète,  en  ellèt, 
si  moelleux  et  si  suave  dans  la  pein- 
ture des  scènes  tendres  et  voluptueu- 
ses ,  devient  quelquefois  énergicjuc 
et  même  subliru»;  dans  l'expression 
des  grandes  pensées  ,  cl  des  [)assions 
violentes.  Nous  croyons  faire  plaisir 
aux  amis  des  lettres  en  ras.'euiblant 
ici  les  opinions  des  juges  les  plus 
accr.;dilés.  jNous  commencenjus  par 
Voltaire.  On  a  j)rétendu  que  dans  les 
éloges  qu'jl  prodiguait  au  poète  lyri- 
que, il  était  bien  moins  dirigé  par 
une  admir;)tion  sincère  ,  que  |)ar  le 
dcsir  de  se  mettre  en  opposition  avec 
Boileau.  Nous  avons  déjà  fuit  voir  ce 


QUI 

qu'il  fallait  penser  du  mot  connu  : 
Zoïle  de  Quinault.  Voltaire  n'e'cou- 
tait  certainement  que  son  goût  per- 
sonnel ,  lorsqu'il  s'exprimait  dans 
les  ternies  suivants  :  «  Quinault  in- 
»  serait  des  morceaux  ad?niraljles 
»  dans  les  opéras  que  Lulli  lui  coni- 
))  mandait.  Ce  musicien  était  très- 
»  adroit  et  bon  courtisan  j  et  Qui- 
»  nault  n'était  que  doux  et  modeste. 
»  Lulli  fit  accroire  que  celui-ci  était 
»  son  garçon  poète  ,  qui ,  sans  lui , 
V  ne  serait  connu  que  par  les  satires 
»  de  Boileau.  Quoi,  cependant,  de 
»  plus  beau  et  même  de  plus  su- 
»  blirae  que  ce  chœur  des  suivants  de 
»  Pluton  dans  Alcesle  : 

Tout  moi  le!  doit  ici  paraître,  etc. 

»  La  charmante  tragédie  d'^/^'5,  les 
»  beautés  ou  nobles  ou  délicates  ,  ou 
»  naïves  ,  répandues  dans  les  pièces 
«suivantes,  auraient  dû  mettre  le 
»  comble  à  la  gloire  de  Quinault ,  et 
»  ne  firent  qu'augmenter  celle  de 
))  Lulli.. ..  Y  a-t-il  beaucoup  d'odes 
M  de  Pindare  plus  fières  et  |ilus  har- 
»  monieuses  que  ce  couplet  de  l'opéra 
»  de  Proserpine  : 

Ces  superbes  géants  armes  contre  les  dieux  ,  etc, 

»  Le  quatrième  acte  de  Roland ,  et 
»  toute  la  tragédie  à'Armide  sont 
»  des  chefs  -d'œuvre.  Le  sévère  au- 
»  teur  de  l'Art  poétique,  si  supérieur 
»  dans  son  seul  genre,  devait  être 
»  plus  juste  envers  un  homme  supé- 
»  rieur  aussi  dans  le  sien.  »  Un  cri- 
tique ,  souvent  aussi  sévère  que  l'au- 
teur de  l'Art  poétique  ,  a  consigné 
dans  plusieurs  endroits  de  son  Cours 
de  littérature ,  ses  opinions  sur  Qui- 
nault. jNous  les  reproduisons  ici  : 
«  Rien  n'approche ,  dit  Laharpe  , 
»  même  de  loin ,  dans  le  genre  de 
»  l'opéra  ,  de  l'heureux  génie  qui  l'a 
»  créé  ,  et  qui ,  seul ,  jusqu'ici ,  y  a 
;'  excellé.  Quiiiault  y  reste  toujours 


QUI 


4-25 


»  hors  de  comparaison,  comme  Mo- 
w  lière  ,  comme  La  Fontaine  ,  com- 
»  me  Boileau  ,  cliacun  dans  le  sien. 
»  —  Seul  ,  et  cela  sullirait  pour  son 
»  éloge  ,  Quinault  a  séparé  sa  gloire 
»  de  celle  de  son  musicien  ,  au  j)oint 
»  de  gagner  dans  la  postai  ité  autant 
»  que  Lulli  y  a  perdu.  Aussi ,  a-trOU 
»  cru  (  Laharpe  lui-même  )  devoir 
»  retourner  ainsi  Boileau  : 

Aux  dépens  du  ])ortc  on  n'entend  }>]ns  vanter 
Ces  acoords  languissants,  cette  faible  liarmoiiie, 
Que  rccliauUa  Quinault  du  feu  de  sou  génie. 

»  Son  expression  est  aussi  pure  et 
»  aussi  juste  que  sa  pensée  est  cîairc 
M  et  ingénieuse.  Ses  vers  coulants, "ses 
y>  phrases  arrondies,  offient  un  mé- 
»  lange  continuel  d'esprit  et  de  sen- 
»  timent ,  sans  que  l'on  y  sente  ja- 
»  mais  la  recherche  ou  le  travail. 
»  Comme  Virgile  nous  fait  recon- 
»  naître  Vénus  à  l'odeur  d'ambroisie 
»  qui  s'exhale  de  sa  chevelure  ;  de 
»  même,  quand  nous  venons  délire 
»  Quiiiault ,  il  nous  semble  que  l'A- 
»  mour  et  les  Grâces  viennent  de  pas- 
»  ser  près  de  nous.  »  Laharpe  cite 
ici  ces  A'ers  fameux  de  l'opéra  d'Isis  : 

Dcjiuis  qu'une  i;ymplie  incon' tante,  etc. 

Et  il  ajouteun  motauquelnous  avons 
fait  allusion  plus  haut  :  «  En  vérité, 
»  si  Despréaux  était  insensible  à  la 
»  douceur  charmante  de  semblables 
»  morceaux  ,  il  faut  lui  parfloiuicr 
»  d'avoir  été  ifijusîe  \  il  était  assez 
»  puni.  »  Enfin  ,  le  Quinlilicji  mo- 
derne n'oublie  pas  plus  que  Voltaire, 
de  faire  observer  que,  lorsque  la 
situation  l'exige,  Quinault  sait  s'éle- 
ver au  sublime.  Le  monologue  do 
Méduse  : 

J'ai  perdu  la^beauté  qui  me  rendait^si  vaiuc,  etc. 

lui  arrache  cet  éloge  :  «  Ce  mor- 
»  ceau  est  comparable  ,  pour,  l'éncr- 
»  gie,  la  noblesse,  le  nombre,  la 
»  marche  poétique  ,    aux   endroit^ 


4i6  QUI 

»  les  mioux  écrits  des  cantates  de 
»  Housseaii.  »  La  pureté' soutenue  du 
langage  ne  frappe  pas  moins  vive- 
ment Laharpc;  et,  sous  ce  rapport, 
il  déclare. Quinault  classique.  «  Il 
»  semble  que  ce  poète  ,  dit  Palissot , 
»  était  ne  pour  donner  à  un  grand 
»  r(5i  des  fêtes  nobles  et  majestueuses. 
»  Personne  ,  en  elFet ,  u'a  su  lier  avec 
»  pliisd'artdesdivertisseineu'sagre'a- 
»  blcs  et  varies  à  des  sujets  intcres- 
»  sauts;  pcrsoime  n'a  porte  plus  loin 
»  cette  raolle  délicatesse  ,  celte  douce 
»  mélodie  de  style  qui  semble  appe- 
»  1er  le  chant.  »  Les  étrangers  qui 
ont  fait  une  élude  profonde  de  noire 
littérature  ,  sont  tellement  enchantés 
par  la  lecture  de  Quinault,  qu'ils 
nous  reprochent  de  ne  pas  savoir  lui 
rendre  justice.  «  Pour  ètreprcsqu'ou- 
»  biié  de  nos  jours ,  dit  un  critique 
»  allemand  justement  célèbre  (A-VV. 
»  Schlegel  ] ,  ce  poète  lyrique  n'eu 
i>  mérite  pas  moins  les  palmes  les 
»  plus  brillantes.  Ses  opéras  sont 
»  remarquables  par  leur  marche  lé- 
»  gère  el  animée  ,  et  par  l'imagina- 
»  tion  fantastique  qui  y  brille.  La 
»  tragédie  lyrique  ne  peut  pas  renon- 
»  cer  a  l'attrait  du  merveilleux  sans 
»  tomber  dans  une  monotonie  assou- 
»  pissante.  C'est  en  cela  que  je  trouve 
»  la  roMte  qu'a  tracée  Quinault  fort 
»  préférable  à  celle  que  Métastase  a 
»  suivie  long-iemps  après.  Quinault 
»  est  resté  sans  successeurs  :  et  com- 
»  bien  les  opéras  français  d'aujour- 
»  d'hui  ne  sont-ils  pas  inférieurs  aux 
»  siens,  soit  pour  le  plan,  soit  pour 
»  l'exécution  .>  L'on  a  visé  à  l'héroi- 
»  que  et  au  tragique ,  dans  un  genre 
»  qui  n'est  nullement  propre  à  de  tels 
»  elFcts.  ))  Aux  sulfriges  des  littéra- 
teurs, il  ne  manque  plus  que  ceux  des 
musici(fns  ;  et  voici  deux  autorités 
imposantes.  On  «ait  quel  enthou- 
siasme excitaient  chczGluck  les  vers 


QUI 

à'Armide ,  pendant  qu'il  composait 
cet  opéra  ;  mais  ce  que  l'on  sait 
moins  ,  et  ce  qui  est  beaucoup  plus 
extraordinaire,  c'est  qu'un  compo- 
siteur italien ,  le  célèbre  Paisiello ,  ar- 
rivé à  Paris  avec  toutes  les  préven- 
tions de  sou  pays  contre  la  langue 
française,  ne  cessait,  en  mettant 
Pro,-erinne  en  musiipte,  d'admirer 
la  suavité  et  la  musicalité  du  stylej 
style  ,  disait  -il ,  qui  ne  le  cèJe  en  riea 
à  celui  de  l'élégant  Métastase.  Le  se- 
cret de  ce  style  enchanteur  païaît 
perdu  :  les  littérateurs  (|ui  écrivent 
présentement  des  poèmes  d'opéra  , 
oublient  trop  que  les  poèmes  doivent 
être  chantés.  En  olfrant  au  musiciea 
des  difticultés  insurmontables  ,  ils 
blessent  l'oreille  ;  et  Quinault  lu 
charme  toujours.  Le  talent  des  vers 
n'étiit  pas  le  seul  qu'il  possétlàt.  Il 
avait  le  don  de  la  parole;  et  plusieurs 
fois  il  eut  l'honneur  de  haranguer 
Louis  \IV  ,  au  uom  de  l'acaelémie 
française.  Dans  un  de  ces  jours  so- 
lennels, au  moment  où  il  allait  par- 
ler, il  apprit  la  mort  de  ïurenne.  Il 
improvisa  sur-le-champ  un  morceau 
qui  lui  attiia  les  louanges  du  roi  et 
de  toute  la  cour.  Il  existe  deux  f^ies 
de  Quinault  :  ï'inic,  par  l'architecte 
BofTiand,  .son  neveu,  en  tète  de  l'édi- 
tion de  1 7  I  5  ;  l'autre  ,  par  Boschron, 
inédite.  Celle-ci  mérite  peu  de  con- 
fiance ,  puisque  l'auteur  n'était  pas 
même  instruit  du  lien  de  la  naissance 
de  son  personnage  ,  qu'il  place  à  Fel- 
Ictin,  et  non  à  Paris ,  comme  nous  l'a- 
vons déraontré.Marmontel  a  retouche 
plu-ieurs  opéras  de  Quinault:  mais 
ce  littérateur  avait  l'oreille  peu  mu- 
sicale ;  et  on  l'a  quelquefois  accusé 
d'avoir  gâté  ce  qu'il  voulait  corri- 
ger. Aussi  disait  -  on  qu'il  avait 
marmontélisé  Quinault.    (i  )  S-v-s. 

(i)  L'.  rlili.m  du  Thcàlre  de  QuinauU  (  Ain.ilrr- 
dam ,  Eliévir),  i663,ï   -volumes  ,  petit  in-ii,  u« 


QUI 

QUINAULT-DUFRESNE  (Abra- 
ham-Alexis) ,  célèbre  acteur  du  der- 
nier siècle,  né  eu  iGcjS,  était  fils 
d'un  comédien  nommé  Qiiinault , 
dont  le  plus  grand  mérite  fut  d'avoir 
donné  le  jour  à  cinq  des  premiers 
sujets  de  la  scène  française.  Ayant 
débuté  avec  beaucoup  de  succès  ,  le 
n  octobre  i  -j  i  '.*. ,  par  le  rôle  d'Oreste 
dans  V Electre  de  Crébillon  ,  Qui- 
nault-Dufresnc  fut  reçu  le  i^  juin 
de  la  racme  année.  Comme  à  ses 
heureuses  dispositions  ,  il  joignait 
l'extérieur  le  plus  beau  et  le  plus  sé- 
duisant ,  il  eut  particulièrement  le 
bonheur  de  plaire  aux  femmes  à  la 
mode ,  et  cela  dans  un  temps  où  elles 
prenaient  peu  la  peine  de  combaître 
leurs  inclinations.  La  mijltitude  , 
néanmoins  ,  lui  préféra  long -temps 
l'impétueux  Beaubourg  ,  si  bien  tour- 
né en  ridicule  dans  Gilbias;  et  ce 
fut  seulement  après  la  retraite  de 
cet  acteur  ,  qu'il  put  enfin  obte- 
nir Tunanimité  des  suffrages.  Les  le- 
çons de  Ponteuil ,  autre  acteur  du 
temps  ,  qui  avait  eu  le  mérite  de 
conserver  la*diction  pure  et  naturelle 
de  Baron  ,  furent ,  dit-on  ,  très-utiles 
à  Dufresne.  Ce  fut  lui  qui ,  le  pre- 
mier, joua  rOEdipe  de  Voltaire, 
et  l'on  sait  qu'il  y  produisit  le  plus 
grand  elFet.  11  est  aussi  le  premier 
qui  ait  représenté  au  théâtre  ,  Aman 


contient  que  douze  Iragédies  ,  tr^igi-comedies  ou  co- 
inédie.s  ;  ce  sont  toutes  les  pièces  de  ce  genre  qu'il 
eut  alors  composées  ;  quatre  autres  qu'il  lit  depuis 
ont  été  imi)rimées  dans  le  même  format.  Les  édi- 
tions-du  rhédlie  de  Quinaiilt ,  1-39  ou  17-8,5 
volumes  iu-i?,  contiennent  les  seize  comécJies  ou 
tragédies  ,  et  quatorze  opéras.  On  a  donné  ,  eu 
1811  ,  des  OEuvrcs  choisies  de  Qiiinault  ,■>,  vol.  in- 
18  et  in- 12  ,  contenant  la  lilère  Coquette,  comédie , 
huit  opéras  ,  et  Sceaux  ,  poèiue  eu  deux  cbants  ,  qui 
jusqu'alors  était  reste  inédit.  Une  pièce  qui  fait 
paitie  du  théâtre  manuscrit  de  Domiciique  Biau- 
colelli  ,  iulilulée  \es  AvcnliLies  des  eaux  de  Porche- 
fonlaine,  était  (au  moins  pour  le  fon J  J  l'ouvrage  de 
Fuzelier  ,  Grandval  père  ,  LegraoU  et  Quiiianlt. 
al.  Naiiteuil  a  douuéau  théâtre  de  l'ojjéra  comique, 
le  27  février  1812  ,  un  opéra  en  un  acte,  iutitulé: 
l.uUiet  Qiiinault  ouïe  Déjeuner  im/jossible ,  ira- 
pn.ué  la  raènic  année  in-S".  A.  \i — T. 


QUI  4'-î7 

(  d'Esther  ) ,  Don  Pèdre  (  d'Inès  de 
Castro) y  Orosraane ,  Gustave  ,  Ven- 
dôme ,  etc.  Ce  fut  pour  lui ,  en  ou- 
tre ,  que  Destouches  fit  la  comé- 
die du  Glorieux  ;  et  ,  comme  la 
personne  de  l'acteur  avait  servi  de 
modèle  au  personnage ,  jamais  rôle 
ne  fut  mieux  joué,  dans  l'origine, 
que  celui  du  comte  de  Tufièrcs  (i), 
La  tradition  de  Dufresne  dans  la  Mé- 
tromanie  et  les  Dehors  trompeurs  , 
servit  long-temps  de  règle  à  ses  suc- 
cesseurs; et  il  paraît  qu'on  ne  l'a  ja- 
mais surpassé  dans  le  rôle  d'Euphé- 
raon  fils  (de ['Enfant prodigue). ^ons 
avons  dit  que  la  superbe  repré>enta- 
tion  de  cet  acteur  avait  singulière- 
ment contribué  à  ses  premiers  suc- 
cès. Il  paraît  aussi  qu'il  avait  le  son 
de  voix  extrêmement  flatteur,  et 
qu'il  était ,  pour  les  belles  manières  , 
comme l'ontété,  depuis, Grandval  et 
BcUecour,  un  modèle  pour  beaucoup 
d'hommes  du  grand  monde.  S'il  faut 
en  croire  M^'*^.  Clairon  ,  il  aurait  été 
plus  éblouissant  que  profond  ,  plus 
noble  que  terrible  ,  et  il  n'aurait  dû 
sa  célébrité  qu'aux  suprêmes  beautés 
de  tonte  sa  personne.  En  récapi- 
tulant ,  au  surplus  ,  ce  qui  a  été 
écrit  dans  le  temps  sur  le  t.ilent  de 
Dufresne ,  on  peut  croire  que  cet 
acteur  ne  porta  pas  aussi  loin  que 
Lekain  ,  ce  qu'on  nomme  le  grand 
pathétique  ;  et  que  sa  manière,  moins 
entraînante  ,  se  rapprochait  plus  de 
celle  de  Baron.  Tous  les  dictionnai- 
res dramatiques  rapportent  diverses 
anecdotes,  dont  l'effet  semble  Être  de 
prouver  que  Dufresne  avait  un  or- 
gueil démesuré.  Les  suivantes  sont 
les  plus  connues,  et  sans  doute  aussi 


(i)  On  prétend  qu'il  garda  cette  comédie  pendant 
tr  lis  ans  sur  le  ciel  de  sou  lit  avant  d'y  jeter  un  coup- 
d'œil,  et  qu'elle  était  à  moitié  rongf^e  parles  rats, 
lorsqu'il  prit  euGn  la  peine  de  se  la  faire  lire.  D'au- 
tres disent  que  ce  fut  au  chef-d'œuvre  de  Piron, 
que  Dufi-ebne  fit  cette  insulte. 


4^8  QUI 

les  plus  dignes  de  foi.  Un  jour  qu*!! 
déclamait  d'un  ton  tiop  bas  pour  se 
faire  bien  entendre,  les  auditeurs  lui 
crièrent  :  Plus  haut  !  Il  parut  mé- 
priser cet  ordre,  et  continua  ainsi 
qu'il  avait  commence.  Plus  haut  ! 
reprirent  les  mécontents  :  Et  vous 
plu.  '>iS,  leurrepiiqua-i-ilfii-rement. 
Nous  sujiprimons  la  peinture  du  tu- 
multe que  causa  cette  impertinence. 
Le  lendemain  ,  forcé  de  demander 
pardon  au  public ,  il  commença  ainsi 
sa  harangue  :  «  Messieurs  ,  je  n'ai 
»  jamais  mieux,  senti  qi:c  dans  ce 
»  jour,  la  bassesse  de  mon  ctat..-  » 
Quoiqu'il  fût  facile  de  reconnaître 
toute  l'aigreur  de  ce  préambule,  les 
spectateurs  l'intcrrompirciit  par  des 
applaiidisserneuls,  et  lui  épargnèrent 
ainsi  le  uialheur  d'agraver  sa  pre- 
mière faute.  Ktait-il  question  de  |)ayiT 
un  cocher  ou  un  porteur  de  chaise , 
il  se  contentait  de  faire  un  signe  à  ses 
gens  ,  ou  de  leur  dire,  d'un  air  hau- 
tain :  a  Allons  ,  qu'on  paye  ce  raal- 
»  heureux.  »  Enfin ,  on  cite  ce  propos 
qu'il  aurait  tenu  dans  un  lieu  public  : 
«  On  me  croit  heureux j  quelle  cr- 
»  rcur  !  je  changerais  volontiers 
w  mon  état  contre  celui  d'un  pauvre 
»  gentilhomme  ,  qui  mangerait  tran- 
»  quillement  dans  ses  terres,  douze 
»  à  quinze  mille  liv.  de  rentes.  »  C'é- 
tait à  ce  sujet  qu'un  auteur  peu  connu 
(le  baron  de  Walef  ;  avait  fait  entrer 
ces  vers  satiriques  dans  un  poème  sur 
les  coraé  liens  de  l'époque  (2)  : 

«  Ji^tifire  cnror  par  quoi  ancien  uvige 
»>  Il  c*t  pormis  aox  arirurs  de  tout  âge, 
»  Qiiukju'oppuses  d'humeur,  de  smliineiit , 
»  Û'ctrr  or^ueillrux  it  fats  iiiipuiiéiiirut. 
»  A  quelqir'ic'.squ'eu  I  >rieDt ,  co  Grèce, 
»ns  aient  poife  la  l'ddcur  qui  nuuj  blesse  , 
»  En  rnuonlaut  jusqu'aiii  sii?clcs  passes, 
»  Dujresiic  seui  les  a  tous  e'Qaces.  » 

r^  décence  nous  force  de  supprimer 
les  grossières  imputations  qui  suivent 

(»)  Le  poi'ine   ds  Themire ,  cj>ii  est  malijtcuaiit 
dwaau  très-r  «re. 


QUI 

cette  vive  apostrophe.  Quinault-Du- 
fresne  se  relira  du  tliéàtre  en  1741  , 
et  mourut  en  i  ■^67.  H  s'étaitmarié,en 
172'^  à  une  actrice  (Catherine  ou 
Jeance-Marie  Dupré  )  qui,  sous  le 
nom  de  !M'*^".  de  Seine,  avait  acijuis  la 
réputation  d'une  habile  comédienne. 
M"'=.  de  Seine,  que  nous  a]i[)ellcrons 
désormais  M""'.  Q.iinault-Dufresne  , 
jouait  avec  un  égal  succès  les  pre- 
miers rôles  tragiques  et  comiques j 
et  il  lui  fallait  d'autant  plus  de  mé- 
rite pour  obtenir  la  faveur  du  par- 
terre ,  qu'elle  se  trouvait  en  concur- 
rence avec  les  plus  célèbres  actrices 
de  son  temps  ,  M'^'-"^.  Duclos  ,  Le- 
couvrcur  et  Gaussin.  Elle  excella 
j)rincipalenicnt  dans  le  rôle  de  Di- 
don  ,  qu'elle  avait  créé.  On  la  voit 
sous  ce  Costume  dans  son  portrait 
gravé  par  Lépicié,  d'après  Aved.  Dès 
son  premier  début  (c'était  en  i  7*24  > 
et  clic  avait  a'orsdi\-huit  ans  ),  clic 
joua  lerôled'Hcrmioneavec  tant  d'à. 
me  «t  d'intelligence,  que  Louis  XV  , 
témoin  d'e  son  succès,  donna  ordre 
de  la  recevoir  sur-le-champ. Malheu- 
reusement elle  était  4'""<^  com- 
plexion  délicate  :  elle  se  retira  du 
théâtre  une  première  fuis  ,  le  24 
décembre  1782  ;  essaya  de  remonter 
sur  la  scène  ,  où  elle  ne  joua  plus 
qu'à  de  longs  intervalles  ;  et  prit 
sa  retraite  définitive  en  mars  1736. 
Elle  monrut  en  1759.      F.  P — t. 

QUINAULT  cadette  (  Jeanne 
FnANÇoiSE  )  ,  l'une  des  sœurs  de 
Quinan'.t-Dufresnc  ,  dont  nous  avons 
parlé  dans  l'article  précédent,  joignit 
à  la  réputation  d'une  excellente  ac- 
trice ,  celle  d'une  femme  de  société  , 
pleine  d'espiit  et  d'instruction.  Elle 
débuta ,  sous  le  nom  de  M"^.  Qui- 
nault-Dufresne,  le  14  juin  1718,  par 
le  rôle  de  Plièdre.  Se  reconnaissant 
presque  subitement  plus  de  vocation 
pour  le  culte  de  Thalie  ,  que  pour 


QUI 

celui  de  Mciporaènc  ,  elle  s'essaya  , 
peu  de  jours  après  ,  dans  les  rôles  de 
soubrettes  ;  et  ce  fut  pour  cet  emploi 
comique  qu'elle  fut  ensuite   admise 
au  nombre  des  comédiens  français. 
11  serait  trop  lon<:5  de  rappeler  ici  les 
ouvrages  dont  elle  décida  le  succès  : 
il  nous  siiflit  de  dire  que  tous  les  au- 
teurs comiques  ,  charmés  de  son  ta- 
lent flexible  et  piquant ,  s'empressè- 
rent de  lui  ofiVir  des  rôles.  La  fran- 
che gaîté  d'une  servante  ,  les  grâces 
de  4'ingcnuité ,  les  grands  airs  de  la 
coquetterie ,  les  traits  marqués  des 
caractères  .  lui  étaient  également  fd- 
miliers.  Elle  joua  même  de  la  ma- 
nière la  plus  originale  plusieurs  rôles 
de  caricature.  Non  contente  de  ser- 
vir les  auteurs  par  son  talent ,  elle 
ne  leur  était  pas  moins  utile  par  ses 
•  conseils,   et   elle  leur  "donna   plus 
d'une  fois  des  sujets  de  pièce.  Ce  fut 
d'après  ses  idées   que  La  Chaussée 
composa  le  Prèjngé  à  la  mode  ;  et 
l'anecdote  suivante  prouve  que  Vol- 
taire ,  lui-même,  avait  en  elle  une 
grande  confiance.  Dans  le  carême  de 
1735,  elle  avait  vu  jouer,  sur  un 
théâtre  de  la  Foire  Saint-Germain  , 
certaine  pièce  de  V Enfant  prodigue, 
où  ,  parmi  de  nombreuses  trivialités, 
elle  avait  cru  reconnaître  des  motifs 
de  scène  propres  à  être  mis  en  œu- 
vre par  des  mains  habiics.   Je  veux 
en  vnirVessai  ,  ditelîc  à  Voltaire  , 
et  il  faut  que  f  en  parle  à  Destou- 
ches. La  conversation  changea  d'ob- 
jet, et,  peu  de  moments  après  ,  Vol 
taire    disparut.    Le    lendemain    de 
bonne  heure ,  il  arrive  chez  M^^''. 
Quinault,  et  de  l'air  le  plus  inquiet, 
il  lui  demande  si  elle  a  vu  Destou- 
ches. Non  ,  en  vérité ,  lui  répond- 
elle  -.Eh  bien  ,  reprend-il ,  ma  chère 
bonne  ,  ne  lui  parlez  pas  de  ce  que 
■  vous  savez.   J'ai  passé  la  nuit  à 
tracer  le  plan  de  votre  Enfant  pro 


QUI  4'iç} 

digue ,  et  je  rn'empresse  de  vous 
l'apporter.  M^^^.  Quinault,  surprise, 
/jpprouve, critique  ,  coriige;  et,  pour 
rendre  la  chose  plus  singulière, s'en- 
gage ,  quoique  jeune  encore  ,  à  jouer 
le   rôle  ritlicide  de   la   baronne  de 
Croupillac.   Il  paraît  que  IM^^''.  Qui- 
nault tint  parole  :  elle  présida  ,   en 
outre  ,    à    toutes   les    répétitions  , 
sans  faire  connaître  le  nom  de  l'au- 
teur ;    et   la   ])ièce  ,   malgré  d'assez 
grands  défauts  ,  obtint ,  comme  ou 
sait,  le  plus  brillant  succès.  Cette  au 
tre  necdote  racontée  par  Laharpe, 
n'est  pas  non  plus  sans  intérêt  :  «  \  ol- 
»  taire  avait  lu  Zaïre  à  M'^*",   Qi:i - 
»  nault...  Cette  actrice,  qui  joignait  à 
»  un  grand  talent  comique,  beaucoup 
»  d'esprit  naturel  ,  de  finesse  et  de 
S)  gaîlé,  sachant  combien  Voltaire, 
»  sur  tout  ce  qui  avait  rapport  à  ses 
»  pièces,  était  facile  à  s'alarmer,  se 
»  divertit  d'autant  plus  à  faire  une 
»  plaisanterie  sur  son  ouvrage,  qu'el- 
»  le  même  assurément  n'y  attachait 
»  aucune   conséquence.   Quand   elle 
»  eut  entendu  cet  acte:  Sàvez-A'^ous^ 
»  lui  dit-elle,  comment  il  faut  inti- 
»  tuler  votre  pièce?  la  Procession 
»  des  Captifs.  Voltaire  jeta  vui  cri 
»  d'effroi  :  Mademoiselle  ,  si  vous  ne 
»  me  donnez  votre  parole  d'honneur 
»  de  ne  jamais  répéter  cette  plaisan- 
»  terie  ,  jamais  Zaïre  ne  sera  repré- 
»  sentée.   »   On  peut   imaginer  que 
M'^*^.  Quinault  lui  promit  tout  ce  qu'il 
voulut.   La  soubrette  voulut  attirer 
chez  elle  les  gens  du  monde  ,  et  les 
gens  de  lettres.  Elle  eut,  pendant  quel- 
que temps,  un  dîner  qu'on  appelait 
dîner  du  bout   du  banc  ,    où  l'on 
voyait  ce  que  la  cour  et  la  ville  of- 
frait d'hommes  les  plus  aimables  et 
les  plus  éclairés  (i).    M.  le  marquis 


(i)  On  s'assemljlait  deux  fois  par  semaine ,  et  clia- 
nia  api)i>rtait  soii  liitnlt,soit  eii  |)rcse,  soit  eiiveis. 
\,e  dîner  avait  liiu  alteriiativemeut  clicz.  BI'l'^.Qui- 


43 0  QUI 

d'Argenson  y  c'tall  fort  assidu.  Lors- 
qu'il l'ut  appelé  au  ministère  ,  M''*'. 
Qninauh  se  rendit  à  sa  première  au- 
dience pour  le  complimenter;  et  il 
l'embrassa  cordialement  en  présence 
de  cini|uante  solliciteurs.  Un  d'entre 
f\\\  ,  clievalirr  de  Saint  Louis  ,  s'ap- 
proclia  aussitôt  de  IM"'".  Ouinault, 
|iour  lui  demander  ,  tout  bas  ,  sa 
j)rolection  auprès  de  IMcnseigneur. 
Ah  I  Monsieur,  lui  repondit-eile  en 
riaut ,  je  ne  puis  rien  faire  de  mieur. 
que  de  vous  rendre  ce  que  le  ministre 
vient  de  me  donner;  et  elle  l'em- 
brassa aussitôt ,  à  la  grande  surprise 
de  tout  le  monde,  ('.ette  actrice  ,  qui 
avait  quitte'  le  thcàlre  ,  en  1711  , 
n'ayant  alors  que  quarante  ans,  vécut 
jusqu'au  commencement  de  1783, 
Sa  vieillesse  fut  aussi  heureuse  que 
longue.  Toujours  gaie,  vive  ,  spiri- 
tuelle ,  M"'".  (  Viinault  faisait  encore 
le  charme  de  sa  socie'tc  ,  et  s'occu- 
pait même  du  soin  d'une  toilette 
recherchée,  au  moment  où  la  mort 
vint  la  frapper  presiju'à  l'iniproviste. 
Elle  e'iait  rlevemie  la  meilleure  amie 
^eD'Alembeit  '■>.'  ,à  qui  elle  laissa, 
dit-on  ,  par  testament ,  un  diamant 
de  valeur  ,  et  beaucoup  de  manus- 
crits précieux.  On  trouve ,  sur  elle  et 
sur  ses  relations  avec  Durlos  ,  de 
curieux  dèlnils  dans  les  Mémoires 
de  M""".  d'Épinav  ,  1818,  3  vol. 
in -8".  On  remarque  que  la  famille 
de  cette  actrirr  fournit  au  théâtre , 
outre QuinaullDufresnc,  sa  femme, 
et  M"*^.  Quinault  cadette  f 3),  quatre 

nault  et  chn  |p  cnmU  de  C.aylu«  !><■  f.iiid  cje  relie 
iocirtc  i-t  »U  cuiii)ii>>«-  de  duuze  h  tni^tone  p^rxorr 
D«.  De  ce  nuiiilxp  «-taient  le  cInTalier  d'Orlians  , 
grand -prirur  .  Voll.iin-,  ^)<•^ll>u^he»  ,  Facan  ,  I)ii- 
clo,,  Collt,  M.  ncrif,  i:r.l.illotilils,P..Dt  dcV.yle. 
Voiienoii ,  M.  de  Maiir<|>u.  Ces  neliU»  aorirtéi 
particulirrc«  ont  <  Ir  (iliuieur*  loi»  le  berceau  de* 
plu»  célèbres  académies.  L— P — E. 

(1)  Apre*  la  mort  de  M"<.  Leipinasse  et  de  M^". 
GeoffriD. 

(3)  On  a  3;  lellres  de  Voltaire  \  M"e.  Qainault , 
de  1-36  i  1741 -Od  y  voit  que  cette  actrice  était  u 


QUI 

sujets  eu  réputation.  —  Quinault /c 
père  ,  qui  avait,  dit  on  ,  commence 
à  jouer  en  iGip  ,  et  qui  tenait  l'em- 
ploi des  manteaux,  ou  des  ^liinwes, 
n'avait  que  le  talent  d'un  farceur  ; 
mais ,  s'il  plaisait  peu  a  la  bonne 
compagnie  ,  il  s'en  consolait  par  les 
applaudissements  de  la  multitude. 
On  place,  en  173O,  la  date  de  sa 
mort.  —  Jean  -  Baptiste-  INLiurice 
Quinault  Vaine  débuta  le  (3  mai 
17  lu  parle  rôle  d'Hippolyte  dans 
Phèdre,  fut  recule  •.>.7  juin  suivant, 
et,  depuis  1718,  partagea  les  pre- 
miers rôles  comiques  avec  sou  frère 
Dufresnc.  C'était  un  comédien  plein 
d'intelligence  cl  de  finesse.  A  son  ta- 
lent d'acteur,  il  joignait  celui  de  mu- 
sicien Il  chantait  avec  beaucoup  de 
goût  ;  et  outre  ses  divertissements  , 
composés  jiour  de  petites  pièces  de 
la  Comédie  Fran^aiNC,  il  (it  la  musi- 
que du  ballet  de  W-lmour  des  dtes- 
iâs  ,  mis  au  tlié.Hre,  en  17'i;).  Il 
était  fort  répan  !u  dans  la  société 
des  gens  de  lettres  ;  et  l'on  cite  de  lui 
quelques  mots  ])iquants  qui  donnent 
une  idée  avantageuse  de  sa  conver- 
sation. Hetirédélinitivement  du  théâ- 
tre ,  en  1733,  il  mourut  à  Gien  ,  en 
17/11. — M"'^.QuiNAui.TZV/f/i<?<?  (  Ma- 
rie-.\nne),  plus  célèbie  par  sa  beauté 
que  par  ses  talents,  fut  reçue  en  1715, 
et  quitta  le  théâtre  en  I7'i9,.  l'^lle 
avait  plu  d'abord  au  duc  d'Orléans, 
et  ensuite  au  vieux  duc  de  devers, 
père  du  duc  de  >ivcrnais;il  passait 
même  pour  l'avoir  épousée.  On  croit 
qu'elle  mourut  en  17O'  ,  -'gcc  d'au 
moins  cent  ans. On  ne  l'avait  appelée 
Quinault  Vaînèe ,  qu'après  la  moit 
de  M"'-.  Quinault  Deneslc  ,  dont  il 


roii&(l<  lite  ,  et  ((u*il  n'en  dcdai^nail  pas  If»  avis  pour 
ses  ouvrage»  dramatiques,  (les  lottri  s  eut  <-tc  iiiipri- 
mr'C.1  pour  la  première  fuis  par  M.  Rcuuuard  ,  en 
i8«a  ,  dans  un  volume  de  Leilrrs  incrliUs  ,  qui  forme 
aussi  le  63*.  volume  de  son  édition  de  Vultairr. 
A.  Jl— 1 , 


QUI 

va  ctre  question.  —  IVU'^.  Quinault 
(  Françoise) ,  sœur  des  pre'ce'dentcs, 
et  femme  d'un  officier  de  la  louvc- 
terie  du  roi  (  Hugue  Dencsle  ) ,  qui 
s'était  fait  comédien  ,  fut  encore  pl'is 
connue  sous  le  nom  de  j\I^''-.  Denesle, 
que  sous  celui  de  sa  propre  famille. 
Elle  débuta  ,  le  4  janvier  1708,  par 
le  rôle  de  IMonime ,  fut  reçue  dans  la 
même  année  ,  et  mourut ,  le  l'i  dé- 
cembre 1 7  1 3  ,  âgée  d'environ  vingt- 
cinq  ans.  Cette  actrice  était  fort  ai- 
mée du  public  ;  et  l'on  croit  qu'elle 
aurait  pu  acquérir  une  grande  répu- 
tation dans  les  deux  genres  drama- 
tiques ,  si  la  mort  ne   l'avait   pas 
enlevée  ainsi  à  la  fleur  de  l'âge. 
F.   P— T. 
QUINCY  (Charles  Sevin,  mar- 
quis de),  brigadier  des  armées  du 
roi,  né  vers  iGbo,  signala  sa  valeur 
dans  les  guerres  que  Louis  XIV  eut 
à  soutenir  contre  les  difierenles  puis- 
sauces  de  l'Europe,  et  fut  récompen- 
sé de  SCS  services  par  le  grade  de* 
HeutCBant- général  d'arti'lerie.  Il  se 
distingua  dans  la  malheureuse  batail- 
le d'Hochstedt  (  1704  ),  et  y  reçut 
une  blessure.  En  1707  ,  il  comman- 
da l'artillerie  sous  les  ordres  du  ma- 
réchal de  Villa  rs;  et,  l'année  suivante, 
il  ût  partie  de  l'armée  commandée 
par  l'électeur  de  Bavière  pouragir  sur 
le  Rhin,  tandis  que  Villars  pénétrait 
en  Italie.  Après  la  pais  d'Ûtrecht  , 
il  fut  nommé  lieutenant  du  roi  au 
gouvernement  de  la  province  d'Au- 
vergne. Il  consacra  ses  loisirs  à  met- 
tre en  ordre  les  matériaux  qu'il  avait 
recueillis,  et  publia  V Histoire  mili- 
taire du  règne  de  Louis-le-Grand , 
roi  de  France,  elc,  Paris  ,  \'^'26,ii 
vol.  in  -  4°- ,  avec  des  cartes  et  des 
plans.  L'auteur,  dit  Voltaire,  entre 
dans  de  grands  détails  ,  utiles  pour 
ceux  qui  veulent  suivre,  dans  leur 
lecture ,  les  opérations  d'une  campa- 


QUI  43 1 

gnc.  Ces  de'tails  pourraient  fournir 
des  exemples,  s'il  y  avait  des  cas  pa- 
reils j  mais  il  ne  s'en  trouve  jamais, 
ni  dans  les  afTaircs,  ni  dans  la  guerre. 
Les  ressemblances  sont  toujours  im- 
parfaites ,  les  différences  toiq'ours 
grandes.  La  conduite  de  la  guerre  e5 1 
comme  les  jeux  d'adresse  qu'on  n'ap- 
prend que  j)ar  l'usage;  et  les  jours 
d'action  sont  ((uelquefois  des  jeux  de 
hasard  (  Siècle  de  Louis  XIF).  Le 
huitième  volume  est  intitulé  :  Maxi- 
mes et  instructions  sur  l'art  mili- 
taire; il  renferme  des  leçons  et  des 
exemples  de  conduite  pour  tous  les 
grades,  depuis  le  simple  soldat  jus- 
qu'au général,  et  le  Traité  des  mines 
de  Vauban  (  F',  ce  nom  ).  Le  marquis 
de  Quincy  mourut  vers  1729,-  du 
moins  il  est  certain  que  depuis  celte 
époque,  son  nom  ne  se  trouve  plus 
dans  \  Almanach  Boj  al.     W — s. 

QUINETTE  (  Nicolas-  Marie  ) 
était  jeune  encore  ,  et  nouvellement 
pourvu  d'une  charge  de  procureur  à 
Soissons  ,  lors  des  premiers  troubles 
de  la  révolution.  Sans  expérience  , 
et  dépourvu  de  l'instruction  qui  met 
les  gens  sages  en  garde  contre  la 
séduction  des  principes  nouveaux , 
Quinette  les  embrassa  avec  cette 
violence  désordonnée  quidevait  bien- 
tôt tout  bouleverser  :  il  était  bel 
homme,  fort  et  vigoureux;  et, 
bien  que  sans  éloquence,  il  avait 
assez  de  facilité  dans  le  pariage  du 
temps  pour  captiver  momentané- 
ment la  faveur  des  assemblées  popu- 
laires ,  où  ce  n'étaient  certainement 
pas  les  hommes  raisonnables  qui  ob- 
tenaient du  succès.  On  sait  qu'aussi 
tôt  que  l'assemblée  dite  constituante 
fut  formée,  les  révolutionnaires  de 
Paris  firent  établir  des  clubs danstou- 
tes  lcsvilles,etmêmedansles  plus  pe- 
tits bourgs.  Quinette  fut  membre  de 
ces  sociétés  qui  arrachèrentl'autorité 


432  QUI 

publique  aux  classes  élevées,  pour  la 
faire .irrivcr,  par  un  inonvcuunt  na- 
turel, non  pas  précisément  an\  plé- 
béiens, mais  à  cette  portion  d'Iiom- 
mes  sans  frein  que  les  Homainsappc- 
\:ùeul  plelieculn.  La  plupart  des  dé- 
putes à  l'assemblée  législative   tin- 
rent véritablement  leur  mission  des 
clubs;  ce  fut  par  leur   pouvoir  que 
Quiuptte  en  devint  membre.  Avant 
son  élection  il  était  l'un  dos  admiuis- 
traleurs  du  déparlement  de  l'Aisne. 
Dès  la  première  séance,  il   prit  pla- 
ce au   coté  gauche  :  c'est  là  qu'on 
avait   vu   siéger    les    plus  violents 
révolutionnaires    de    la  constituan- 
te ;    et    ceux   des   législatures  sui- 
vantes   se    placèrent   constamment 
du  même  côté.  Pendant  les  premiers 
mois  de  la  session,  le  député  de  l'Aisne 
"arda  le  silence:  il  parut  attendre  la 
détermination  définitive  de  l'assem- 
blée. Les  cris  contre  les  émigrés  se 
faisaient  entendre  dans   toutes   les 
séances  ;  Quinette  y  mêla  les  siens  : 
le  ç)  février  179^  ,  il  demanda  que 
les  biens  de   ces  malhcureu.\  fugi- 
tifs fussent  sécpicslrés  ;  et   sa  mo- 
tion   fut  adoptée    à  la  presqu'una- 
niinité.    Le     10    mars,    il    appuya 
la  proposition  de  son  collègue  La- 
marque,  qui  voulait  que  le  décret  du 
séqueslre  ne  fût  |ias  soumis  à  la  sanc- 
tion royale.  Le  Zi  mai,  le  capucin 
Chabot    demanda    que    le    duc  de 
Brissac  ,   commandant  de  la  garde 
constitutionnelle  du  roi,  fût  mis  en 
accusation  :  (^linetlc  appuya   vive- 
ment la  motion  de  Chabot  ;  et  l'acte 
d'accusation  fiitimmcdi.itement  por- 
te. Depuis  celte  époque  jusipTaprès  la 
révolution  du  10  août,  ou  entendit  ra- 
rement jiarler  de(^iiinelle,  qui ,  dans 
l'assemblée  législative,  ne  fut  guè- 
re qu'un  révolutionnaire  à  la  suite. 
Il  fut  cependant  nommé  membre  de 
\.i  commission  cbargcc  de   survcil- 


QUI 

1er  et  de  diriger  le  nouveau  gonver- 
nementaprèsledétrùnementde  Louis 
XVI  :  ce  fut  lui  qui  (it  décréter,  au 
nom  de  cotte  commission  ,  que  le 
malheureux  ])rince  et  sa  famille  se- 
r.iient  logés  à  l'hôtel  de  la  chancel- 
lerie, sous  la  surveillance  d'iuiegarde 
à  la  disposition  du  maire ,  et  que  jus- 
que» la  réunion  de  la  Convention,  il 
serait  accorde  un  fonds  aiuiuel   de 
cinq  cent  mille  fr.  ,  payable  par  se- 
maine,  pour  les  depiiiscs  de  la  f.i- 
mille  royale.  Quinelle  fut  un  des  pre- 
miers représentants  du  peuple  ,  en- 
voyés aux  armées.  Revenu  de  celle  du 
Nord  ,  il  fut  nommé  député  à  la  Cdi;- 
vention  par  le  département  de  l'Ais- 
ne. Dès  la  première  séance,    l'abbé 
Grégoire  et  le  comédien  Collot-l'Hcr- 
bois  avant  demandé  l'abolition  de  la 
royauté,  Quinette,  républicain  très- 
prononcé  ,   osa  dire  que   c'était  au 
peuple  à  choisir  entre  l'ancien  gnu- 
•verneuient  et  la  république  :  il  par. ut 
qu'il  fut  ell'rayé  lui-même  de  sa  mo- 
tion ,  et  chercha  à  la  faire  oublier 
par  les  propositions  les  plus  violen- 
tes. Le   \i  décembre   179'i,  il  de- 
manda   que  le   roi  fût  tiaduit  à  la 
barre  de  la  Convention  .  juge  sai<s 
désemparer  ;  et  que  ses  défenseurs  ne 
pussent,  dans  leurs  discours,  dépasser 
les  bornes   qui   leur  seraient    assi- 
gnées. 11  vola  ensuite  contre  l'appel 
au  peuple,  pour  la  mott,  et  contre 
le  sursis  ;  et  il  prit  l'en^gemenl  de 
traiter  de  même  tous  ceux  qui  usur- 
peraient  les   droits    du   peuple    et 
prendraient  le  titre  de  roi  ;  de  sorte 
qu'il   prononça  par  anticipation  un 
jugement  de   moi  t  contre  celui  (jui , 
peu  d'années  après,  (itde  lui  un  noble 
baron  (ij   et  l'un  de  ses  piincipaux 
a  lininislrateurs.    Après  la  mort  du 


(1  ;  Il  quitta  a1or«  le  nom  dp  Quiiielle  ,  et   >c  Ct 
aj)j>der  le  barou  de  Rorlietimiit. 


QUI 

roi ,  Quinette  devint  menibic  du  co- 
mité de  salut  public  ,  et  fut  envoyé  à 
rannée  de  Dumouriez  ,  pour  l'aire 
arrêter  ce  gênerai ,  qui  le  fit  saisir 
lui-même  ,et  le  livra  au  prince  de  Go- 
bourg.  Après  une  détention  de  deux 
ans  et  demi,  en  Autriche  (  V.  Ca- 
mus) ,  il  fut  ëchaugc,  le  -25  décembre 
i"9'^,  avec  ses  collègues,  contre 
Madame,  fille  de  Louis  XVI ,  alors 
enfermée  dans  la  prison  du  Temple. 
Lorsqu'il  revint  à  Paris,  la  Conven- 
tion n'existait  plus  :  il  fut  présente  au 
conseil  des  Cinq-cents,  et  [)orle' eu 
triomphe  jusqu'au  fauteuil  du  prési- 
dent :  le  conseil  déclara  que  Quinette 
avait  bien  mérite  de  la  patrie.  Mem- 
bre de  cette  assemblée  parla  réélec- 
tion des  deux  tiers  de  la  Convention 
eni  'J96 ,  il  reprit  des  sentiments  plus 
humains  ,  et  demanda  qu'on  assurât 
des  secours  aux  cnfantsdes  Français 
émigrés.  Ilsortitdu  conseil, en  1797, 
avant  la  révolution. du  18  fructi- 
dor. Le  parti  jacobin  ayant  eu  une 
espèce  de  succès  dans  Tété  de  1 799 , 
parvint  à  faire  nommer  Quinette  mi- 
nistre de  l'intérieur:  après  le  18  bru- 
maire, Buouaparlc  lui  donna  la  pré- 
fecture d'Amiens.  Il  s'y  comporta  sa- 
gement; sonadmiuislrationfut  bicil- 
veillaute,  et  n'excita  aucune  plainte  : 
pour  reconnaître  les  services  qu'il 
avait  rendus  dans  ce  pays ,  le  collège 
électoral  de  la  Somme  le  désigna 
comme  candidat  au  Séuat  conser- 
vateur. Biiouaparte  n'accepta  point 
le  candidat  ;  mais  il  le  fit  conseil- 
ler -  d'état  dans  la  section  de  l'in- 
térieur ,  et  créa  pour  lui  une  sor- 
te de  ministère  ,  sous  la  dénomi- 
nation de  direction  -  générale  de  la 
comptabilité  des  communes  et  des 
hospices.  Le  11  avril  i8j4  .Qui- 
nette donna  son  adhésion  à  la  dé- 
chéance de Buonaparte,  qui,  après  le 
p^  ^o.m^rs  i8i5,leuommacommissai- 

XXXVI. 


QUI 


433 


f 


rcpour  rétablir  son  autorité  dans  les 
départements  de  la  Somme  et  de  la 
Normandie ,  et  en  fit  un  des  pairs 
des  cents  jours.  Le  nouveau  pair  ne 
parla  qu'uuefois,  pour  cssayerdc  fai- 
re passer  la  motion  de  la  Fayette  , 
qui  avait  demandé,  dans  la  chambre 
des  représentants ,  que  ceux  qui  ten- 
teraient de  dissoudre  ce  qu'il  appe- 
lait la  représentation  nationale  ,  fus- 
sent déclarés  traîtres  à  la  patrie  ,  et 
punis  comme  tels.  Quinette  fut  appelé 
parFouchéjà  faire  partie  de  la  com- 
mission qui  gouverna  pendant  quel- 
ques jours  ,  après  la  seconde  abdica- 
tion dcBuonapartc.  Bannicommc ré- 
gicide ,  il  se  retira  à  Bruxelles  ,  où  il 
mourutd'uneatlaciued''apoplexie  fou- 
droyante, le  i4juin  iSii  1  .-aumomcnt 
oii  il  (cherchait  quelques  livres  dans 
sa  bibliothèque ,  il  tomba  comme  une 
masse  de  plomb.  Sa  femme,  qui  se 
trouvait  dans  une  pièce  voisine  avec 
sa  fille  ,  envoya  celle-ci  pour  savoir 
d'où  venait  ce  bruit  ;  et  elle  trouva 
son  père  expiré  :  il  avait  environ 
soixante  ans.  On  ne  cite  de  lui  que  le 
Bapport  des  représentants  du  peuple 
Camus,  Bancal ,  Quinette  ,  Lamar-  \ 
que  et  Drouet  (  sur  leur  détention  ) , 
lu  au  conseil  des  5oo,  les'.ii-27  "i^- 
an  IV,  in-8*', .  de  206  p.     B — u.      '  "* 

QUINONÈS.  r.QuiGNONÈs. 

QUIKQUARBOREUS.   F.  Cinq- 
Arpr  fs 

QUINTE  -  CURCE  (  Qumrus- 
CuRTWs-  RuFus  ),  auteur  latin 
d'une  histoire  d'Alexandrc-le-Grand 
a  vécu  probablement  au  premier  siè- 
cle de  l'ère  vulgaire.  Toutefois  il  y  a 
des  savants  qui  le  croient  conteiu- 
porain  de  Constantin  ou  de  Théo- 
dose: quelques-uns  même  prétendent 
que  sou  ouvrage  porte  un  nom  sup- 
posé, et  n'est  qu'une  production  du 
moyen  âge.  On  peut  compter  jusqu'à 
treize  opinions  sur  l'époque  où  il  a 
■2H 


434  QUI 

ccrit  :  ceM  le  icf;ne  cVAiigiiste  ,  se- 
lon P.  Pilbou  ;  do  Tibcrp,  selon  Pc- 
rizonius;  de  Caligula,  selon  Sainlc- 
Croi"^  ;  de  Claude  ,  selon  Ip  P.  Tcl- 
licr.Tillenionf.Dubos  et  Tiraboschi; 
de  Vcspasien  ,  selon  Vossins  ;  de 
Trajan ,  selon  d'auires.  Un  litleia- 
!eur  italien  ,  nomme  liaj^nolo,  a  pu- 
blic en  I  74  'i  ""^^  Dissertation  à  l'ap- 
pui du  système  qui  fait  vivre  Qiiinte- 
Ciirce  sous  Constantin,  et  qui  a  e'ic' 
adopte  par  M.  Ciinzc ,  éditeur  de  cet 
historien  ,  en  i^ç)").  Barlh  s'était 
persuade  que  eeltc  Vie  d'Alexandre 
n'avait  etc  composte  que  sous  l'un 
des  Tlic'odose.  Enfin,  elle  aurait  été 
fabriquée,  sous  le  nom  imaginaire 
de  Oiiintus-Curtius  ,  par  quelque  au- 
teurdu  douzième  ou  du  treiziî  me  siè- 
cle, eu  par  un  Italien  du  quatorziè- 
me, ou  même  au  quinzième,  par  un 
contemporain  de  Platina  ,  s'il  en  fal- 
lait croire  Rodin,  Gui  Palin  et  Jean 
Leclerc.  Pour  se  dclerminer  entre 
tant  d'hypotliises  ,  on  est  réduit , 
faute  de  données  positives,  à  de  sim- 
ples considérations  sur  les  person- 
nages divers  appelés  Quintu.'i  Curtius 
Pu  fus  ,  sur  certaines  lif;nes  de  l'ou- 
vraj^e ,  sur  les  manuscrits  qui  le  con- 
tiennent ,  et  sur  les  citations  qui  en 
ont  été  faites.  Ciréron  parle  de  plu- 
sieurs Cui  tius,  et  donne  à  l'un  d'eux  le 
prc'nom  dcQuintus  :  mais  il  n'en  de- 
signe  aucun  comme  auteur  de  livres 
liisloriqucs.  Dans  Tacite,  un  Curtius 
Rufus ,  fils  d'un  gladiateur,  disait- 
on,  devient  questeur,  puis  consul, 
obtient  Us  honneurs  du  triomphe 
en  l'année  47  de  notre  ère,  va  gou- 
verner l'Afrique ,  et  y  meurt  fort 
âgé,  toujours  adulateur  des  grands, 
oppresseur  des  faibles,  et  incommo- 
de à  ses  égaux.  Pline  le  Jeune  fait 
mention  de  lui  :  mais  quoi  qu'en  aient 
dit  Juste  Lipse,Brisson,Crevier,  etc., 
en  n'a  aucune  raison  de  présumer  que 


QUI 

ce  soit-là  l'historien  d'Alexandre; 
et  il  serait  bien  plus  naturel  de  le 
trouver  dans  le  Quintns  Curtius 
Rufus  inscrit  parmi  les  rhéteurs  sur 
lesquels  Suétone  avait  rédigé  c\cfi  no- 
tices :  cependant  celle  qui  le  concer- 
nait ne  s'est  point  conservée  ;  et  l'on 
ne  croit  qu'e'lea  existe  que  sur  la  foi 
d'un  manuscrit  où  se  lisait  ce  catalo- 
gue de  rhéteurs.  Quant  aux  manus- 
crits de  l'ouvrage  même  de  Quinto- 
Curcc,  Luc  llolstenius  et  Wagenscil 
assurent  qu'il  en  subsiste  un  du  dixiè- 
me siècle,  à  Florence;  I\l  ont  faucon 
en  cite  un  du  même  âge,  appartenant 
à  la  bibliothèque  dcC(ilbert;Bongars 
on  a  possédé  un  pareil,  déposé  de- 
puis dans  la  bibliothèque  de  Derne. 
Aussi  vovons-nous  que  Jean  de  Sa- 
lisburv,  Pierre  de  Blois,  Jacques  cîo 
Vitri ,  Vincent  de  13cauvais  ,  ont  con- 
nu et  cité  Qiiinte-Curce.  Alj)honse 
X,  qui  commença  de  régner  en  riSci, 
fut,  dit-on.  gneri  d'une  maladie  par 
le  plaisir  que  lui  causa  la  lecture  des 
livies  de  cet  histoiien  :  c'est  Antoine 
de  Palerme  qui  rapporte  cette  anec- 
dote. On  peut  la  révoquer  en  doute; 
mais  les  manuscrits  et  les  citations 
immédiates  faites  ])ar  les  quatre  au- 
teurs du  douzième  et  du  treizième 
sièc'cs  que  nous  venons  de  nommer  , 
suflisent  pour  démontrer  que  la  com- 
position de  celte  histoire  n'est  pas 
postérieure  à  l'an  mille.  11  est  moin» 
facile  de  réfuter  l'opinion  qui  la 
place  aux  temps  de  1  héodose  et  de 
Constantin  ,  puisqu'on  n'y  peut  op- 
poser que  la  trace  bien  légère  d'un 
texte  de  Suétone,  et  quelques  pas- 
sages de  QuinteCurce  lui  même,  qui 
sont  foit  éiiigmaliques  ,  de  l'aveu  de 
Tiraboschi.  Le  principal  (1.x,  c. 9) 
porte  «  que  le  peuple  Romain  dut 
»  son  salut  à  un  prince  qui,  comme 
»  un  nouvel  astre,  lui  apparut  dans 
»  une  nuit  qu'on  croyait  la  dernière 


QUI 

>» .do  tontes.  Le  lever  de  cet  astre, 
»  non  celui  du  soleil ,  rendit  le 
M  jour  au  monde,  etc.  »  Quel  est  ce 
prince?  C'est  une  question  crue  les 
érudiis  modernes  ont  laissée  plus  in- 
décise ,  par  les  eirorls  nicmes  (ju"ils 
ont  faits  peur  l'éclaircir  et  par  la 
diversité  clés  solutions  qu'ils  ont  pro- 
posées. Seulement,  nous  reconnaî- 
trons avec  Sainte-Croix,  que  le  ton 
de  flatterie  et  de  bassesse  qui  règne 
dans  cette  digression,  montre  que 
l'auteur  a  vécu  sous  le  rc'girae  impé- 
rial ,  probablement  au  premier  siè- 
cle de  l'ère  vulgaire.  On  peut  le  sup- 
poser ne  en  Italie,  ou  même  habi- 
tant de  Rome.  Voilà  tout  ce  que  nous 
avons  à  dire  de  sa  personne  :  cepen- 
dant ,  pour  lui  assigner  une  e'poque 
et  une  patrie  ,  on  se  détermine  aussi 
par  l'opinion  bonne  ou  mauvaise 
qu'on  se  forme  de  son  ouvrage;  on 
déclare  l'auteur  plus  ou  moins  an- 
cien, selon  qu'on  le  juge  plus  ou 
moins  habile.  Aucun  écrivain  anté- 
rieur à  l'an  ïioo  n'a  fait  mention 
de  celte  Histoire  d'Alexandre.  Mais 
la  plupart  des  modernes  l'ont  admi- 
rée :  Du  Perron  en  préférait  une  seu- 
le page  à  trente  de  Tacite  :  aux  yeux 
de  Vossius,  elle  est  digne  du  siècle 
d'Auguste  :  La  Motbe-Le-Vayer  , 
Rapin,  Bayle,Tirabosclii,  Laharpe, 
Sainte-Croix  ,y  trouvent  plus  à  louer 
qu'à  reprendre.  Au  contraire,  Bo- 
din,  MoUer,  l\Iascardi,  J.  Le  Clerc, 
Jacq.  Brucker  ,  RoUin  même,  et 
plusieurs  autres,  en  ont  amèrement 
critiqué  le  fonds  et  les  formes.  Le 
Clerc  surtout  en  a  relevé  ou  exagéré 
tous  les  défauts  dans  une  section  en- 
tière de  son  Ars  crilica.  Sans  doute 
on  a  droit  de  reprocher  à  Quinte- 
Curce  des  erreurs  énormes  en  géo- 
graphie, et  trop  d'ignorance  de  la 
tactique  pour  l'hisiorien  d'im  con- 
quérant, il  néglige  la  chronologie, 


QUI 


43:' 


et  ne  se  montre  point  assez  attentif 
ou  assez  éclairé  dans  le  choix  des 
faifs.  Les  ornements  de  son  style  ne 
sont  pas  sans  affectation  ;  ses  ré- 
flexions trop  fréquentes  sont  rare- 
ment profondes  :  il  prodigue  les  lia- 
rangues  j  et  si  l'on  excepte  celle  de 
Philotas  ,  qui  est  fort  pathétique,  et 
celle  des  Scythes  qui  se  recojnniando 
par  une  vcrilabie  énergie,  et  que 
Dorât  a  imitée  en  vers  français  ,  ces 
morceaux  ressemblent  plus  aux  dé- 
clamations d'un  rhéteur  qu'à  l'ex- 
pression naturelle  des  idées  et  des 
sentiments  de  chaque  personnage. 
L'ouvrage  n'en  a  pas  moins  un  ca- 
ractère classique;  et,  comme  l'a  dit 
B.'iyle,  les  reproches  qu'il  peut  su- 
bir s'adressent  aussi  bien  à  presque 
toutes  les  compositions  histori(jues 
de  l'antiquité.  Ij'autenr  a  le  (aient  de 
peindre  :  il  intéresse  constamment 
par  l'éclat  de  ses  récits.  On  doit  lui 
savoir  gré  de  n'avoir  vanté  Alexan- 
diequ'avec  quelque  reserve.  Les  deux 
premiers  livres  étant  perdus  ,  l'ou- 
vrage commence  pour  nous  par  le 
conte  du  nœud  gordien,  et  par  la  ma- 
ladie d'Alexandre,  a])rès  qu'il  s'est 
baigné  dans  le  Cydne.  11  y  a  une  lacu- 
ne à  la  fin  du  livre  v ,  et  deux  autiTs 
dans  le  X''.  Ou  croyait  avoir  retrouve 
le  premier  livre  dans  un  manuscrit 
de  Saint-Victor;  mais  c'était  un  sup- 
plément, composé,  a-t-on  dit.  par 
l^élrarque.  Brunon ,  professeur  de 
belles-lettres,  à  Munich,  a  essayé, 
en  1545,  de  compléter  l'ouvrage. 
Quintianûs  Stoa  ( /^'.  Quinzano  pag. 
454  ci-après:)  s^était  aussi  occupé 
du  même  soin  ;  mais  son  travail  est 
tombé  dans  l'oubli.  Les  suppléments 
que  Freinslieim  (  F. ce  nom,  XVI, 
t5  )  a  publies  en  164*^?  ^"^  reparu 
fort  souvent  depuis;  ceux  deChristo- 
pheCcUarius,  mis  au  jour  en  1688, 
sont  recommandablrs  p{îr  Icurconci- 
•i8.. 


436 


QUI 


sion  et  leur  élégance  :  iicanraoîns  on 
ne  les  a  pas  autant  réiinpriines  ,  non 
plus  que  ceux  de  Junkcr,  conjposiis 
en  i-joo.  Les  édilions  de  Qiiintc- 
Curce,  avec  ou  sans  Supplenunts , 
avec  ou  saus  (loiumentaires ,  sont  in- 
nombrables :  on  écartant  celles  <jiii 
eut  ])ou  de  valeur,  ou  en  compterait 
encore  cent  cinquante  qui  mérile- 
raient ,  à  divers  égards ,  de  fixer  l'at- 
tention des  bibliographes.  Il  v  en  a 
douze  du  quinzième  siècle.  Les  deux 
premières  sontcellesdeRonic(  i^^jO) 
et  (le  Venise  (  i^^o  ou  i  47  •  ) ,  l'une 
et  l'autre,  in-4'\  De  i5oo  à  1600, 
nous  n'en  distingtierons  que  huit  : 
celle  de  Bologne,  en  i5oi,  in-fol.  , 
augmentée  d'épîtrfs  attribuées  à 
Quiutc-Curce  ;  celles  des  Juntes  à 
Florencc,iu-8°, ,  en  iSo-j  et  i5i7; 
de  Bàlc ,  en  1 5 1 7,  in-fol. ,  la  premiè- 
re avec  les  notes  d'hrasme;  des  Ai- 
des, avec  de  nouvelles  leçons,  à  Ve- 
nise ,  in-^". ,  i  5io;  de  Paris,  Simon 
Colines  ,  i  j33,  in-8°.  ;  de  Bàle,en 
i54>,  in-fol.,  avec  les  Suppléments 
de  Brunou  ;  de  Lyon,  cIkz  Antoine 
Gryphe,  in-i-i',  eu  1  584 ,  avec  l^'^ 
corrections  de  Fr.  Modius.  Le  dix- 
septième  siècle  fournit  celle  de  Co- 
logne, iG.>8,  in-fol.,  enrichie  du 
commentaire  de  Martin  Rader  ;  de 
Lcyile,  Klzrvir,  i033,  jietit  iu-r.i, 
recherchée  ])our  .son  élégance;  de 
Strasbourg,  \f'»^S,  i  vol.  in  8*^. ,  où 
parurent  pour  la  première  fois  , 
les  Snpplonients  de  Freinsheim  ; 
de  lO-jo,  in  4". ,  à  Strasbourg,  édi- 
tion plus  correcte  qu'aucune  des  pré- 
cédentes :  celles  d'Amsterdam  ,  iil- 
zevir,  iG-j  3  ,  in  8«>.  ;  la  <pjatrième  , 
de  Schrevelius  ,  cuni  noti->  vario- 
rum;  de  Paris,  i()78,  in-4°.,  ^d 
usum  Deljihini.  donnée  ))ar  le  père 
Miohcl  Tcllicr.  jésuite,  et  à  la'iucllc 
on  croit  que  lluct  a  coopère";  de 
Leipzig,  it>88,ïQ-i2,  avec  les  Sup- 


QUI 

pléments  de  Ch.  Cellarius,  et  des 
cartes  géographiques  ;  de  1700  ,  iu- 
1  >. ,  à  Dresde,  avec  les  Suppléments 
de  Jiniker.  Au  dix-huitième  .siècle, 
on  peut  remarquer  les  éditions  delà 
Haye,  1708,  iu-8". ,  avec  le  com- 
mentaire de  Pitiscus;   de  Londies, 

1  7  1 G ,  petit  in- 1  i  ,  par  les  soins  de 
Maittaire;  deDelft,  i7ii4,in-4".,  où 
Henri  Snakenburga  réuni  à  un  texte 
soigneusement  revu  ,  tout  ce  tpse  les 
éditions  antérieures  contenaient  de 
Variantes ,  deSuppléments  et  de  No- 
tes instructives.  Le  Qiiiute-Curccde 
Brindley  a  |iaru  à  Londres,  eu  i  7)8, 

2  vol.  in- 18;  celui  de  15arbou  ,  en 
1757  ,  in- ri;  celui  des  Deux-l'outs, 
en  >78i,  u  vol.  in-8". ,  leproduits 
avec  (\cs  addilions,  à  Stra.sbt)urg , 
en  1802  ;  celui  de  D.  J.  T.  Cunze, 
Helmstadt ,  i 'jf)')-i8o'i  ,  3  vol.  in- 
8''.;  et  celui  de  J,  C.  Coker,  Leip- 
zig, 1818,  grand  in  8°.  L'édition, 
aujourd'hui  la  plus  récente,  est  celle 
qui  fait  partie  de  la  collection  des 
classiques  latins  de  ftL  Le  Maire  , 
Paris,  i8ii  ,  in-8'*. ,  '.>.  vol.  —  Can- 
dido  Decembrio  (  v.  X,  ()3'i  )  avait 
composé,  avant  i438,  une  traduc- 
tion italienne  de  Quinte-Curce  :  elle 
a  été  inipiiniéea  Florence,  en  i  478, 
in-fol.  ;  à  Milan  ,  in-fol. ,  1481  ;  à 
Florence,  chez  les  Juntes  ,  eu  i5i() 
et  en  1  j3o,  in-8".  ,  etc.  La  version 
de'J  ommaso  Porcacehi  lut  publiée  à 
Venise,  en  1  558  et  i55f),  in-J",  ; 
en  i5(5i ,  in- 12;  et  celle  de  Niecolô 
Castclli,  à  Leij)zig,  ti!-8^.,en  iCi^S. 
L'Histoire  d'Alexandre  a  été  tiaduite 
on  espagnol,  par  Fenollet,  Barce- 
lone, 1  4^1  >  in-fol.  ;  par  Gabriel  de 
Castancda  ,  Séville  ,  in  fol. ,  i53/4; 
])ar  Ybanucs  de  Ségovie,  Madrid  . 
lu-fol..  1699.  On  cite  d'anciennes 
versions  françaises,  dont  l'une,  pré- 
sentée par  Vasques  de  Lucènc  à 
Charlei-le-Tctnérairc,  duc  de  Bour- 


I 


QUI 

gognc,  au  quinzième  siècle ,  se  con- 
serve niaïuiscrite  à  la  bibîiotlièqut  du 
Roi  :  Sainte-Croix  dit  qu'elle  a  tté 
ituprinie'ecn  1 5o3.  Ou  counaîtmieux 
uu  Qiiiute-Curcc  français  sorti  vers 
1 490 ,  des  presses  d'Antoine  Verard, 
iu-fol.,  et  celui  de  i53o,  Paris, 
Galliot  Dupre'  ,  racrae  format.  La 
version  de  INic.  Se'guier,  Paris,  161 3, 
se  reproduisit  l'année  suivai.'c  à 
Genève.  Celle  de  Vaugelas  parut 
ca  1647,  iD"i"'  ;  et  l'édition  qui  en 
fut  donnée  en  i6jq,  in-4'^.  encore, 
était  dcja  la  cinquième  :  elle  conte- 
liait  les  suppléments  de  Freinsheim  , 
traduits  par  Du  Ryer.  On  dit  que  Vau- 
gelas  avait  passe  trente  ans  à  com- 
poser cette  A'crsion  ;  Balzac  écrivait 
que  l'Alexandre  de  Quinte -Curce 
était  invincible,  et  celui  de  Vaugelas, 
ini.'uitable.  C'était  un  cbefd'œiivre, 
aux  yeux  de  Tanncgui  Le  Fèvre, 
dont  pourtant  la  fille  ,  M"!^.  Dacicr, 
ne  partageait  point  cette  admiration. 
Sans  parler  des  expressions  qui  ont 
vieilli,  il  s'y  rencontre  des  contre- 
sens assez  graves,  dont  quelques-uns 
ont  été  relevés  par  Dnpuy  (  t.  xxix 
de  l'acad.des  inscript,  et  bellcs-let.  ). 
Deux  nouvelles  traductions  françai- 
ses ont  été  publiées  à  Paris  en  1781, 
l'une  par  l'abbé  IMignot,  2  vol,  in- 
S"*.  ;  l'autre  par  Bcauzée,  1  vol.  in- 
l'i.  :  celle  ci  a  eu  une  deuxième  édi- 
tion eu  1789.  L'histoi'ien  latin  d'A- 
lexandre a  été  traduit  en  anglais  par 
J.  Brende,  Londres,  i553,  i56i  , 
i59'.i,  iu-4'^.;  parRob.Godrington, 
1632,  etc. ,  in-i  2  ;  par  Nalium  Ta- 
ie, 1690,  if)94,  in-S".  ;  par  Jean 
Digby,  Londres,  1714,2  vol.  iu- 
12  ;  cette  dernière  version  a  été  re- 
vue par  Young,  en  1747-  Les  traduc- 
teurs allemands  du  même  auteur  sont 
Von  Lebsten  ,  Francfort,  i653,  in- 
8".,  1696,  in-4".;  Léon  Chr.Rulli, 
Hall,  1720,  iu-S*'.;  Gbr,  Guillaume 


QUI  437 

Krltsinger,  Bade,  1748,2  vol.  in- 
8".;  J.  Fr.  Wagner,  Lemgo,  1768, 
in-8'*.;  P.  A.  Doling,  Augsbourg , 
1775,  in-8«.  ;  J.  Pliil.  Ostertag, 
Francfort,  1799,2  vol.  in-8'».;  et 
A.  de  Rainer,  Vienne,  1806,2  vol. 
iu-8''.  Enfin ,  Quinte-Curce  a  été  tra- 
duit en  polonais  ,  Cracovie,  1624, 
in-fol.;  en  langue  bcigiqne,  par  Gla- 
semaker,  i663  et  1728,  in  8».;  en 
suédois,  par  J.  Sylvius,  Stockholm , 
1695,  in-8°.  ;  en  danois  ,  par  Win- 
gaard,  Copenhague,  1704,  in-4".; 
et  en  russe  par  Kopvewitz,  Moscou, 
in-4**. ,  1710.  —  On  ne  doit  tenir  au- 
cun compte  des  lettres  publiées  sous 
le  nom  de  Quinte-Curce ,  à  Reggio  , 
en  i5oo,  in-4°. ,  et  réimprimées  à 
la  suite  de  l'Histoire  d'Alexandre,  à 
Venise,  en  i5o2  ,  in-fol.  Elles  sont 
divisées  en  cinq  livres ,  et  il  n'y  en  a 
qu'une  partie  qui  soit  attribuée  à 
Quinte-Curce  lui-même.  Les  autres 
portent  les  noms  de  Numa  Porapi- 
iius,  de  Brutus,  le  premier  consul, 
de  Cinciuuatus  ,  de  Fabius  Maximus, 
d'Annibal,  de  Masiuissa,  de  Caton 
d'Utique  ,  etc.  C'est  lui  de  ces  re- 
cueils épistolaires  que  des  oisifs  se 
sont  amusés  à  fahriquer  après  le  qua- 
trième siècle;  celui-ci  est  d'une  insi- 
gnifiance extrême  ,  et  pourrait  bien 
n'appartenir  qu'aux  plus  déplorables 
époques  du  moyen  âge  :  aux  yeux  de 
J.  Fréd.  Grouovius  ,  et  de  tous  les 
hommes  instruits,  il  n'a  aucune  sorte 
de  valeur  5  et  l'on  a  peine  à  compren- 
dre comment  Fabricius  s'était  déter- 
miné cà  l'insérer  dans  (juelques  édi- 
tions de  sa  Bibliotheca  latina  :  Er- 
ncsti  l'a  exclu  de  celle  de  1773.  Il 
suffit,  dit  Tiraboschi,  de  jeter  les 
yeux  sur  ces  épîtres  ,  pour  reconnaî- 
tre l'iinposture. — Les  écrits  à  consul- 
ter sur  la  vie  et  l'ouvrage  de  cet  his- 
torien, sont  :  Dan.  Molleri  Pisser- 
tatio  de  0.  Curlio  Rufo  ;  Altdorf , 


433 


OLI 


1 683, in-4'^.; Nuremberg,  1726,  in- 
4°.;  —  Hcrmann  Brever  :  Dissert. 
lie  Curtii  œlale ,  Altdorf,  iG83,iii- 
4'^.  ;  —  la  section  m  de  la  3*^.  partie 
»le  V.drs  critica  de  J.  J.eclerc  ;  — 
l'article  Qiiinie-Ciirce  du  Dict.  de 
Bayle; —  unarliclede  Jac.  Bruckcr, 
dans  !c  tom.  1  x  des  lUiscellanea  Lip- 
sierisia;  —  !c  ch,)p.  xviii  du  second, 
livre  de  lalîiMiutli.  latine  lie  Kabii- 
oiiis,  edit.  d'Erncsti;  —  Uap^iona- 
inenlo  di  Giov\  Franc.  Giust.  Bn- 
};nolu,  dellu  fcnte  Ciirzia  e  dell' 
i-tà  di  Q.  Curzio  ,  Bologna,  \- \\  , 
iii-4".;— ^  Tiraboschi,  t.  11,  1.  1,  c. 
4  ;  —  Sainte  -  Croix ,  Examen  des 
historiens  d'.-llexandre  ^  p.  joa- 
1 15,  etc.  D — > — t. 

QUI  Vri  ANUS  STOA.  r.  QUIN- 
ZANO. 

QUINTILIEN  {M.4Rccs-F.i- 
vivs  -  Qiiy  criLiASL's  )  ,  rlieieur 
«"«cièbrc,  vivait  an  premier  siJcIc  de 
l'ère  vulgaire.  Sa  vie,  par  nn  auteur 
inconnu  ,  se  trouve  à  la  tète  de  plu- 
sieurs e'ditions  de  ses  ouvrages.  Nous 
y  lisons  «  qu'il  natpiit  a  Rome,  ou  ne 
sait  sous  quels  consuls  ,  ni  sous  (pie! 
règne  ;  et  qu'il  ne  faut  point  ;tiouIer 
foi  à  la  tradition  qi;i  le  fait  naîlrc  en 
Espagne  a  Calagcrris  on  Calaborra, 
puisqu'il  n'est  poi?it  du  nombre  des 
Ibciicns  que  3Iartial  a  célèbres  :  ce 
poète  le  nomme  à  part  ;  et,  dans 
rhoramage  qu'il  lui  rend,  ne  le  dé- 
clare que  llomain  : 

ijuincltliuiie  vigœ  mntirrrWr  siimme  jiivenltr 
OUriii  lonutnu;  ^  Qiiincitiane  ,  togir. 

Qtiintilicii  -c  dit  fi!s  d'un  avocat  ,et 
Jions  appiciiJ  d'ail'ours  qw  dans  sa 
jeunesse,  ii  a  connu  Doiaitius  Afer  et 
ScMèipie,  qui  tous  deux  ont  péri  sous 
Néron.  Sc'nèque  pat  led'unQiiintilieu, 
ilJcIamaletir  ,  aïeul  de  celui  qui  cn- 
^eigna  long -temps  la  rlietoiiqne  à 
Rome.  Domilieii  confia  l'instruction 
l'e  il 5  pcliro-iicveiîx  à  Quinlilicn.Un 


QUI 

autre  e'Iève  de  celui  ci ,  C,  CtHus  , 
devint  le  meilleur  orateur  de  ce  temps. 
Ayant  épousé  une  femme  d'une  famille 
noble,  Quintilien  eut  la  douleur  de  la 
perdre,  ainsi  que  l'un  des  fils  qu'elle 
lui  avait  donnes;  il  essuyait  cette  sc^ 
coude  perte,  peu  après  avoir  coin  po- 
sé son  iivre  sur  les  causes  de  la  cor- 
ruption de  l'cloqncncc.  il  écrivit  en-      | 
suite  ses  livres  de  rhétorique;  et,  au 
milieu  de  ce  travail ,  il  perdit  son 
autre  lils.  Sa  fille,  née  d'une  seconde 
épouse,  dont  le  père  était  le  chevalier 
Tutilius,  eut  pour  mariNovius  Celer, 
homme  distingué.  »  L'auteur   ano- 
nyme finit  en  disant  qu'on  ne  sait  pas 
en  (pu-Ile  aimée  mourut  Quintilien. 
Selon  les  calculs  de  Dodwell ,  il  a  dû 
naîtie  l'an  4'i  de  notre  ère  ,  et  mourir 
so;is  Adrien  ,  entre  les  années  i  i-j  à 
1  3H.  Ceux  qui  le  tiennent  pour  Espa- 
gnol,  disent  qu'il  fut  amené  à  Rome, 
par  Galba  ,  ce  qui  se  lit  en  ciTet  dan  > 
la  chronique  d'Euscbe  :  mais  Quinti- 
lien nous  assure  avoir  connu  ,  dans 
cette  ville  ,    Doraitins    Afer  ;  et   la 
nioi  t  de  cet  orateur  est  de  l'an   55 
(  /'.  Afe«,  I ,  aG8,  26()  ).  En  con- 
s'^'qnencc  ,  Dodweîl  conjecture  qu'en 
()i,  Q^iiiitilien  suivit  Galba  en  Espa- 
gne, y  enseigna  la  rhétorique,  y  plai- 
da des  causes,  et  revint  à  Rome,  en 
(J3 ,  avec  cet  empereur.  De  là  ,  jus- 
qu'en 88  ,  il  donna  des  leçons  de  rhe*- 
torique  :  un  traitement  public  avait 
été  attache  à  cette  fonction  par  Gal- 
ba ,  suivant  Doflwel!;  par  Domilieu, 
selon    la   clir'oniquc  d'Eusèbc  ;  par 
Vespasien  ,  selon  Suétone.  I'>u  même 
temps, Quintilien  brillait  au  barreau  ; 
on  écrivait  et  l'on  vendait  ses  plai- 
doyers. Il  jouissait  d'un  honorable 
crédit  ,  et,  selon  Juvénal ,  d'une  for- 
tune considérable;  ce  qui  s'accorde 
mal  pouitant  avec  le   présent  que , 
pour  doter  sa  fille,  il  reçut  de  Pline 
le  Jeune.  Pline  ,  eu  énonçant  ce  fait , 


QUI 

parle-t-il  d'un  autre  Quinlilien  ?  On 
ne  couuaît  point  d'autre  rlicteur  de 
ce  nom,  à  celte  époque.  L'auteur  des 
Institutions  oratoires  a-t-il  été  con- 
sul ,  soit  en  1 18  ,  comme Dodw cil  le 
suppose,  soit  auparavant  ou  après  ? 
On  le  conclut  de  quelques  mots  d'Au- 
soue  et  de  Juvéual,  qui  ne  le  disent 
pas  expressément.  IMais  s'il  est  diili- 
cile  de  bien  demcler  les  détail»  de  sa 
vie  ,  il  ne  l'est  pas  de  reconnaître  le 
mérite  cminent  de  son  ouvrage:  c'est 
le  cours  de  rhétorique  le  plus  com- 
plet que  les  anciens  nous  aient  laissé. 
Gibert  et  Laharpe  en  ont  donné  des 
analyses  très -étendues.  Cliacmi  sait 
que  le  premier  livre  traite  de  l'édu- 
cation de  l'orateur;  le  second,  de 
l'art  oratoire  en  ;^énéral;les  suivants, 
de  l'invention  ,  de  la  disposition  ,  de 
l'élocution  ,  de  la  mémoire  et  de  l'ac- 
tion ;le  ix^.  et  dernier,  des  mœurs  et 
du  caraclèrede  l'orateur,  ou  plus  par- 
ticulièrement de  l'avocat.  L'auteur 
aime  à  descendre  à  tous  les  détails , 
quelquefois  même  à  ceux  qui  ne  tien 
Kent  qu'à  la  ç^rammaire;  et  d'ailleurs, 
il  entremêle  aux  préceptes  tantd'obT 
servations  ,  et  surtout  tant  de  faits  , 
qu'on  a  besoin  de  son  ouvrage  pour 
acquérir  une  connaissaijce  sulFisante 
de  l'histoire  littéraire  de  l'antiquité. 
La  faute  la  plus  grave  qu'on  y  ait 
reprise  ,  consiste  dans  les  éloges 
qu'y  reçoit  Domitien  :  elle  est  inex- 
cusable aux  yeux  de  Bayle  ,  de  Dod- 
vsell  et  de  Gibert  même.  L'une  des 
critiques  littéraires  que  Quinlilien 
peut  mériter,  est  qu'en  citant  et  en 
contredisant  les  rhéteurs  qui  l'ont 
précédé,  particulièrement  Arislole , 
il  ne  saisit  pas  toujours  bien  le  vé- 
lilable  sens  de  leurs  paroles.  Du 
reste  ,  si  son  ouvrage  est  long  ,  il  est 
plein  ;  et  ce  que  nous  y  pouvons  trou- 
ver d'obscur,  se  réduit  à  quelques 
détails  dont  la   trace   s'est   cflacée 


QUI  439 

après  lui,  et  qu'il  n'explique  point 
assez  pour  nous  ,  parce  qu'ils  étaient 
familiers  à  ses  premiers  lecteurs,  L'é- 
numération  qu'il  fait  d'environ  cent 
figures ,  tient  plus  qu'on  ne  croit  à 
la  théorie  du  langage  et  de  la  pensée. 
Cependant  Rollin  a  pris  la  peine  d'a- 
bréger celte  rhétorique  ,  pour  la 
rendre  plus  acce^sible  et  plus  utile  à 
la  jeunesse;  il  en  a  retranché  près 
d'un  quart  :  nous  ignorons  s'il  ne 
vaut  pas  toujours  mieux  laisser  les 
livres  classiques  tels  qu'd  sont;  nous 
parlons  de  ceux  qui,  comme  celui-ci, 
n'inspirent  que  des  goûts  purs  et  des 
sentimenls  vertueux.  On  ne  peut, 
sous  le  rapport  du  style,  l'égaler ,  ni 
le  comparer  aux  Traités  de  Gicéron 
sur  l'art  oratoire  ;  mais  il  est  cons- 
tamment écrit  avec  beaucoup  de  sa- 
gesse et  d'élégance.  Des  censeurs  sé- 
Aeres  ont  jugé  que  la  préface  du 
sixième  livre  sentait  un  peu  la  dé- 
clamation ;  l'auteur  y  déplore  la 
perte  qu'il  vient  de  faiie  de  son  s'e- 
cond  fils,  et  se  retrace  les  souvenirs 
de  l'autre  fils  et  de  la  jeune  épouse 
que  la  mort  lui  a  aussi  enlevés  :  à 
vrai  dire  ,  l'expression  de  la  douleur 
n'est  2)as  aussi  simple,  aussi  natu-^ 
relie  qu'on  le  voudrait,  dans  la  dcr-' 
nière  page  de  ce  morceau;  et  l'on  y 
aperçoit  presque  autant  le  rhéteur 
que  le  père.  Celte  préface  ,  néan- 
moins, se  lit  avec  intérêt  ,  et  uç  res- 
semble ]n)int  aux  déclamations  dont 
on  a  publié  ,  sous  le  nom  de  Quinli- 
lien, un  long  et  inutilç  ïccucil.  Ou 
les  distingue  en  grandes  et  en  petites: 
les  ])renuères  ,  au  nombre  de  dix- 
neuf  ,  et  les  ai\trcs  au  nombre  de 
cent  quarante-cinq  ,  qui  restent  de 
trois  cent  quatre-vingt-huit.  PhileU 
phc,  Yivès  et  surtout  Érasme  ont  re- 
connu que  les  dix-neuf  grandes  ne 
pouvaient  être  de  l'auteur  des  Insti- 
Ljitioas  oratoires  ;  il  y  a  des  laanu^- 


44o  QUI 

crits  qui  les  aUribncnl  h  Aï.  Flonis  : 
un  tcKlc  (le  Trebclliiis  Pollio  niilo- 
riscrait  à  croire  qu'elles  sontdcPos- 
tumtis  le  jeune ,  rm»  îles  trente  tvrans  : 
Poliimus.  .  .  ità  in  ileclamationi- 
hu<;  ({i<;ertiis  ,  ut  ejus  contnwcrsi  f 
Qcinctiliann  dicnntiir  insertœ.  Mal- 
j;rel'.iutoiile(le plusieurs  manuscrits, 
el  ccl'e  lie  Lactance,  d'Knnodius,  de 
Vincent  de  Beanvais  ,  nous  ne  sau- 
rions y  reconnaître  Q'iii)lilien  :  la 
dillcrenrc  est  trop  sensible,  mcrae 
flans  la  diction  ;  ce  n'est  pas  lui  qui 
écrit  dilertio  ,  discretio  ,  impœni- 
tens  ,  lenocinamcntum,  etc.  Les  cent 
quarante-rinq  petites  déclamations  , 
si  elles  étaient  de  lui ,  seraient  des 
extraits  de  ses  plaidoyers  ,  recueillis 
par  des  tachypraphes.  Peut-être  ap- 
partiennent-elles à  son  père  ou  à  son 
a'icnl,  ou  à  quelque  autre  personnage 
du  même  nom  :  on  croit  remarquer 
entre  elles  drs  inégalités  qui  indique- 
raient dilTérents  auteurs  et  divers 
JÎges.  Ce  qui  embarrasse  le  plus  les 
savants,  c'est  la  distinction  de  ers 
pièces  en  deux  espèces,  les  coloratœ 
et  les  tractatœ.  Faut-il  a  ppliquer  cette 
seconde  qualiliration  à  celles  dont  le 
sujet  a  été  réellement  traité  ,  et  la 
première  à  celles  qui  révèlent  de 
coidrurs  des  sujets  imaf;inaires?  ou 
bien  les  tractalœ  ne  sont-elles  que 
de  simp'es  expositions  des  causes, 
et  les  coloratœ  admettent-elles  plus 
d'ornements  ?  Une  production  qui 
ferait  bien  plus  d'honneur  à  Quin- 
tilien  ,  serait  le  dialogue  De  eau- 
sis  comiptcp  eloquentiœ :  il  avait  cer- 
tainement composé  un  Traité  qui 
portait  ce  titre;  il  le  déclare  dans  la 
préface  du  sixième  livre  des  Institti- 
tions:  mais,  à  la  (in  du  huitième,  en 
rappelant  ce  même  Traité,  il  dit  qu'il 
y  a  pirlé  plus  amplement  des  tropcs, 
«•t  particulièrement  de  l'hyperbole  ; 
ce  ijui  ne  convient  point  au  dialogue 


QUI 

qui  nous  a  été  conserve* ,  cl  dont  les 
interlocuteurs  sont  Aper,  Maternus, 
Julius  Secundus  et  Vipsanius  Mes- 
sala.  Pierre  Pithou  ,_Culomiés,  Dod- 
^vcll  et  beaucoup  d'autres  savants  ont 
mieux  aimé  l'attribuer  à  Tacite;  et 
l'un  des  motifs  surlesquels  cette  opi- 
nion se  fonde,  est  le  caractère  politi- 
que des  observations  répandues  dans 
cet  opuscule;  c'est  d'ailleurs  Tacite 
que  plusieurs  manuscrits  désignent. 
L'ouvrage  pourrait  n'être  ni  de  l'un  , 
ni  de  l'autre  :  mais  Suétone  ,  (ju'on  a 
quelquefois  indiqué,  n'a  pas  ,  dans 
ses  véritables  écrits  ,  la  même  force 
de  pensée  et  d'cx^pression.  Nous  re- 
viendrons sur  ce  dialogue  ,  à  l'article 
de  Tacite.  Le  Traité  (  non  dialogué  ) 
que  Quintilien  avait  composé  sur 
les  causes  de  la  corruption  de  Té- 
ioqurnce,  n'est  point  la  seule  de 
ses  productions  qui  ait  péri.  On 
a  perdu  aussi  sa  rhétoricjue  élé- 
meritaire en  deux  livres  ;  et  il  ne  reste 
delui  aucun  autreouvrageaut  lient  iqiic 
que  ses  Institutions,  (pii  ont  failli  dis- 
paraître elles-mêmes.  Exiles  existaient 
au  moyen  âge;  Cassiodorc  ,  Lsidorc 
de  Séville  ,  Loup  de  Ferrière  ,  Vin- 
cent de  Beau  vais,  les  ont  citées.  Pétrar- 
que en  avait  lous  les  veux  un  manus- 
crit informe  et  incomplet:  celui  r|ii'cn 
i.|if),  le  Pogge  déterra  au  fond  de 
l'abbaye  de  Saint-Gall  ,  a  reproduit 
Quinldien  au  grand  jour.  C'est  l'uu 
desservices  émincnts  qucPoggio  T\ 
tome  XXXV,  p.  \'i())  a  rendus 
aux  lettres  :  il  est  toutefois  incontes-  ^ 
table  que  les  littérateurs  du  quinzième 
siècle  possédaient  au  moins  des  co- 
pies défectueuses  de  Qiiintilien  ;  et 
l'on  en  retrouve  la  preuve  jusque 
dans  la  lettre  où  Léonard  Arétin  parle 
avec  tant  d'emphase  de  la  nouvelle 
apparition  de  ce  classi(juc;  car  il  y 
déclare  qu'il  a  dcpiiis  long-temps  lu 
et  admiré  la  moitié  des  Institutions 


QUI 

oratoires.   Ces  deux  manuscrits  de 
Saint-Gall  et  de  Léonard  Are'tin,  sont 
les  sources  de  tous  ceux  qu'on  a  faits 
depuis  ,  ainsi  que  des  copies  impri- 
mées. Les  deux  premières  éditions 
des  Institutions  oratoires  de  Quiuti- 
licn  sont  de  1470,  à  Rome ,   l'une 
chez  Udalricus  Gallus  ,  l'autre  chez 
Sweynhcym  et  Pannartz  ;  toutes  deux 
in  foL  Le  XV''.  siècle  en  a  produit  dix 
autres  j  et  dans  le  grand  nombre 
de  celles  du  seizième  ,  on  distingue 
celles   des  Aides,    i5i4,  in-4°.,  à 
Venise  ;  de  Vascosan  ,  à  Paris ,  en 
i538,  in-fol.,  de  Simondc-Colines, 
in-4". ,  i54i;  de  Robert  Estieniie  , 
in-4°.,  i54'i;et  de  INlamert  Pâtisson, 
1 58o ,  in  8**.  :  cette  dernière  a  été  re- 
vue par  P.  Pitliou ,  qui  y  a  joint  des 
variantes,  des  notes,  et  les  1 45  petites 
Déclamations;  on  n'en  avait  encore 
imprimé  que    i3G.  Sclirevclius  ,  et 
après  lui,  J.  Fréd.  Gronovius,  ont  pris 
soin  de  l'édition  qui  parut,  en  iGG5, 
Leyde  etRoterdam,  in-8'%  cuvi  nous 
variorum.  Toutes  les  Déclamations  y 
sont  jointes  auxTnstitutions,  comme 
dans  celle  de  Strasbourg  ,  1G98  ,  in- 
4*^.  Ce  fut  en  i  ■^j  1 5  que  Rollin  publia, 
chez  les  Esîiennes  ,    son  Quintilien 
abrégé ,  en  1  vol.  in  •  12.  Pierre  Bur- 
mann  ,  dans  l'édition  de   i7'^o,   à 
Leyde  ,  en  1  vol.  in-4*'.,  profita  des 
meilleurs  travaux  déjà  faits  sur  cet 
auteur,  y  compris  \cs  Annales  Qidnc- 
iilianei    de   Dodwell.    Gapperonier 
donna  ,  chez  Coustelier  ,  à  Paris  ,  l'é- 
dition in-fol.  de  1 7'-i5  ,  avec  un  choix 
de  notes  ,  et  quelques  observations 
critiques  ,  dont  s'offensa  Burmann  , 
et  auxquelles  il  répondit  sans  mé- 
nagement (  f^Oy.   BuRMAPfN,    VL 
378  ,  et  Capperonnier  .  VIT.  83  ). 
L'édition  de  Malhias  Gesncr,   Got- 
tingue,   1738,  in-4"-,  ^st  plus  es- 
timée que  les  deux  précédentes.  Sui- 
vent celles  de  Barbou  ,  1769,  in- 12; 


QUI 


i4i 


des  Deux-Ponts,    1784,  4  ^'ol.  in- 
4*'.  ;  de  Leipzig,  1798-181 5  ,4  vol. 
in-8**.  ,  due  aux  soins  de  G.  L.  Spal- 
ding  (0.  L'abbé  de  Pureavait  publié, 
en   i663,  une  version  française  des 
Institutions  oratoires  ;  mais  on  ne  lit 
que  celle  de  Gédoyn  ,  qui  vit  le  jour  en 
1718,  à  Paris  ,  in-4". ,  et  qui  a  été 
souvent  réimprimée  depuis  jusqu'en 
181 -i,  4ou6vol.in-ia.  OrazioTos- 
canella  a  traduit  en  italien  les  Insti- 
tutions ,  Venise  ,    1 566  ,  in  4".  •.  et 
les  Déclamations,  ibid.,  1 580,  même 
format.  On  a  deux  versions  anglaises 
des  Institutions  ;  par  Wili.  Guthrie  , 
1756  ;  et  par  J.  Pastal ,  1774  ;  cha- 
cune, à  Londres,  en  9.  vol.  in-8''.  ;  et 
une  version  allemande  par  H.  Philip. 
Conr.  Henke  ,  Hclmstadt,  1775-77, 
3  vol.  in-8''.  ;  une  en  espagnol  (  sur 
l'édition  de  Rollin),  par  deux  profes- 
seurs des  Écoles  pies,  Madrid,  1800 
in-8''.  ;    une  en  danois  (  du  dixiè- 
me livre  seulement  ) ,  par  Schlegel , 
Copenhague,  1777  ,  in-S".  Le  Dia- 
logue sur   les   orateurs  a  été  traduit 
en   français   par   Claude    Fauchet, 
Paris  ,  i585  ,  in-8''.  ;  par  L.  Giry , 
i63o,  in-4''.;  par  Maucroix(  dans 
sesOEuTrcs);  par  Jacq.  Morabin, 
i7'22,  in-  12;  par  Dureau   de  la 
Malle  (à  la  suite  des  OEuvres  de  Ta- 
cite )  ;  par  M.Dallier,  1809,  in  8^.  ; 
par   Cheïiier  ,  dans  ses  Fragments 
de   littérature.   —  Les   principales 
Notices  à   consulter  sur   la  vie  et 
les  ouvrages  de  Quintilien  ,  sont  les 
Annales  Qidnctilianei  de  Dodwell  ; 
Bayle,  Dict.;  Fabricius,  BibL  lat.y 
II.  i5;  Gibert,  Jugements  des  sa- 
vants sur  les  rhéteurs,  t.  11  ;  Mait- 
taiie  ,     Épistolaris     des    antiquis 
qidntiliani  éditionibus  dissertatio , 
17 19,  in-4'' de  ^2  pag.  ;  le  chap.  i 

(  I  )  Ou  peut  joindre  m  cette  cd'dion  ,  Sarjni  (  G.  ) 
Analecloruni  ad  Spaldin^ii  Quinctilianurn  spect,. 
meti ,  Halle,  ifliô  ,  iu-8°. 


44^  QUI 

du  livre  ii  du  Lycée  de  Laharpe. 
D— N— u. 
QUINTILLUS  (  Maecus-Aure- 
lil'S-Claldius  ) ,  empereur  romain  , 
avait  été  employé  dans    la   guerre 
contre  les  Gollis  ,  et  il  commandait 
un  corps  de  troupes  stationne  pics 
»J'Aipiilee,(piand  C.lautle,  son  frère  , 
mourut  (  /'.Claude  II  ).  Croyant 
sans  doute  <pie  ics  liens  du  san^  lui 
donnaient  des  droits  à  succcilçr  au 
trône  ,    il    prit  le  titre  d'aufjuste  , 
qui  lui  fut  confirmé  par  les  léj^ions 
u'Italie  ,  à  la  fin  de  mai  u-jo.  Cliu- 
de  ne  )uj;eait  pas  (hiintilluN  capable 
»le  soutenir  le  poids  d'une  couronne: 
avant  de  mourir  .  il  avait  recom- 
mandé A  ses  généraux  d'élire  Auré- 
licn  ,  dont  la  valeur  ,  éprouvée  dans 
cent  comlials  .  promettait  un  défen- 
seur à  riimpire  attacjué  de  toutes 
parts  (  V .  AuutLitN  ).  Kn  apprenant 
l'élection  de  ce  dernier ,  (jiMutiilus 
désespéra   de   pouvoir  lutter  contre 
un  pareil  compétiteur:  il  réunit  ce- 
pendant ses  létjiûns  ,  et  les  enj^a^ea  , 
par  une  liaranj^ue,  à  lui  rester  fidè- 
les ;  mais  voyant  que  les  soldats  se 
disposaient  à  l'abandonner,  il  ren- 
tra dans  Aquilce,  et  s'y  fit  ouvrir  les 
"Veines  dans  ihi  bain  ,  par  le  conseil 
de  ses  amis.  Trcbellius   Pollion  dit 
queQuintillus  fut  tué  dans  une  émeu- 
te ,  par  ses  soldats  ,  qu'il  voulait  as- 
sujéiir  à  ime  disciplitie  trop  sévère  ; 
mais  ,  à  son  tétrioi;naf;p,  que  son  at- 
tachement à    la   famille  de    Claude 
rend  suspect  (  V.  Pollion  ) ,  on  peut 
opposer  celui  de  tous  les  autres  his- 
toriens. Quinliilus  n'avait  réj;né  que 
dix-sept  jours.  Aurélien  ,  délivré  de 
son  rival  ,  s'empressa  de  lui  faire 
accorder  les  honneurs  de  l'apothéo- 
se. Les  médailles  en  or  de  (  Kiintillus 
sont    très-rares  :  on    n'en    connaît 
point  en  arj^eut  ;  mais  elles  sont  as- 
sez communes  eu  petit  bronze  (  V. 


QUI 

Kouvracjede  M.  INIionnet  sur  la  Ra- 
reté des  médailles  ruinai  nés  ,  p. 
3i3).  W— s. 

QUINTINIE  (  Jean  de  la  ),  cé- 
lèbre auteur  agronomique  français  , 
né  en  \iriG,  a  Chabanais,  petite 
vdie  de  l'Ani^oumois  ,  où  l'on  mon- 
tre encore  sa  maison  paternelle  (  0  , 
fut  sppelé  par  fiOuisXl  V  à  Versailk-s, 
l)Our  soigner  ses  jardins.  Il  mérita  , 
par  son  habileté,  de  compter  parmi 
les  personnes  distinguées  qui  ont  il- 
lustré ce  règne  :  il  mourut  à  Ver- 
sadles  ,  en  1G88,  laissant  un  ou- 
vrage posthume,  (pii  a  été  longtemps 
regardé  cortjuie  le  seul  guide  des  jar- 
diniers. LaQuintinie  fut  envoyé  très- 
jeune  a  Poitiers,  pour  son  éducation  : 
de  la  l'erreur  qui,  jusqu'en  ces  der- 
niers temps,  l'a  fait  naître  dans 
cette  ville;  il  y  ^it  de  boinies  études  , 
tant  pour  les  belles-lettres  sous  les 
Jésuites  ,  que  pour  la  jurisprudenre  : 
les  ayant  teriniiiécs  ,  il  vint  à  Pa- 
ris, où  il  fut  rc(;n  avocat.  Il  com- 
mençait à  se  distinguer  dans  cette 
profession  ,  lurscpi'd  l'abandonna 
j>our  se  consacrer  à  une  éducation 
particulière,  celle  du  fils  de  IM.  Tam- 
boncau,  président  à  la  chambre  des 
comptes.  Il  emplova  ses  moments 
de  loisir  à  satisfaire  la  passion  qu'il 
avait  eue  dès  son  enfance  pour  l'a- 
griculture. Ayant  entrepris  avec  son 
élève, un  voyage  en  Italie  ,  il  le  tour- 
na au  profit  de  son  goût  dominant, 
en  observant  avec  beaucoup  de  soin 
tout  ce  qui  se  pratiquait  dans  le  jar- 
dinage: par-la  il  y  ac(pùt  une  grande 
théorie;  mais  il  fallait  l'appliquer  a 
la   pratique.  M.  Tamboneau  lui  en 


1  (.'•<(  par  rT'ur  r(u'r>n  l'a  ilit  '  alif  de  Saint- 
I-..ii|>,  |irc*  dr  Puiiiri»  :  «a  Ijujillc  r.ub>i»le  «•n<:orc  4 
I  .li.il>ao;iij  ;  it  l'un  y  liiuit  .  il  V  a  |>«u  ij'.iiii>(:«»  , 
l'acti-  d'un<!  'lonatir'-u  'ju'il  avait  faite  à  IVgliiM!  dr 
Saiut-  Srliaftieo  ,  «a  pur.  ■»«-.  '  (.h.<-iiril ,  SlaliUiqun 
du  Urparlrm'-nl  d*   lu  ChurcnU ,  Pan*,  1818,  iuf 

V-4  P-  3'iy^ 


QUI 

fournil  le  moyen,  en  lui  abanduwuaut 
le  jardin  de  sou  hôtel ,  qni  venait 
d'être  bâti  (  1641  ),  sur  un  terrain 
acliete  de  Tuniversit^  ,  et  qui  com- 
mençait la  rue  de  ce  nom  :  il  devint , 
par  la  suite,  Thôtel  de  Pons.  La 
Qiiintinie  en  profila  pour  faire  des 
fssais,  dont  les  résultats  devinrent 
pour  lui  des  guides  certains.  C'est 
ainsi  qu'ayant  constate',  par  des  exf»e- 
riciices  multipliées  ,  que  le  chevelu 
ou  les  nouvelles  racines  qu'on  respec- 
tait beaucoup  dans  la  transplanta- 
tion des  aibres  ,  était  plus  nuisible 
qu'utile  à  leur  reprise  ,  il  apprit  à  les 
reîranclier  absolument.  En  général, 
voyant  la  grande  facilité  avec  laquelle 
la  nature  réparait  les  plaies  qu'on 
faisait  aux  arbres  par  la  taille  et  au- 
tres opérations  auxquelles  on  les 
soumetlait,  il  les  pratiqua  avec  plus 
de  sévéïité  que  ses  prédécesseurs  ;  en 
sorte  qu'avant  que  le  succès  eût  jus- 
ti(ié  cette  hardiesse  ,on  le  regardait 
plutôt  comme  le  destructeur  àcs 
arbres,  que  comme  leur  cultivateur. 
Il  sentit  de  bonne  heure  que  ce  n'é- 
tait pas  encore  assez  de  sa  [iropre  ex- 
périence pour  se  perfectionner  dans 
son  art,  et  qu'il  fallait  y  joindre  celle 
des  autres:  pour  celaileutra  en  com- 
munication directe  avec  tous  ceux 
qui  partageaient  son  goût  ;  et,  à  la 
fin  de  sa  carrière  ,  il  se  vantait  d'en- 
tretenir,  depuis  plus  de  trente  ans, 
une  correspondance  avec  tous  ceux 
qui  s'étaient  rendus  célèbres  dans 
cet  art,  tant  en  France  que  dans 
les  pays  étrangers.  11  l'avait  com- 
mencée d'abord  dans  son  incursion 
en  Italie  ,  ensuite  dans  deux  voyages 
qu'il  fit  en  Angleterre  :  il  fut  parfai- 
tement accueilli  dans  cette  île  par  les 
plus  grands  seigneurs,  et  par  le  roi 
lui-même.  Jacques  II  apprécia  tel- 
lement ses  talents,  qu'il  lui  fit  les 
»jffres  les  plus  brillaules  pour  le  pla- 


QUI 


44^ 


cer  à  la  tête  de  ses  jardins  ;  mai* 
l'amour  de  la  patrie ,  et  le  pressenti- 
ment qu'il  avait  peut-être  des  servi- 
ces qu'il  rendrait  un  jour  à  son  pro- 
pre souverain  ,  l'empêchèrent  d'ac- 
cepter ces  offresavantageuses:  cepen- 
dant il  resta  en  relation  avec  pi  usieurs 
lords  qui  lui  avaient  accordé  leur 
amitié  ;  et  ses  lettres  contenaient 
toujours  quelque  instruction  pour 
le  jardinage  :  suivant  Charles  Per- 
rault ,  elles  auraient  été  imprimées 
pour  la  plupart  à  Londres.  On  a  été 
jusqu'à  dire  qu'elles  formaient  un 
Recueil  en  trois  volumes  ;  mais  oa 
n'eu  trouve  aucune  trace  chez  les 
bibliographes  :  on  ne  peut  constater 
l'existence  que  d'une  seule  lettre  in- 
sérée (par  extrait)  dans  les  Trans- 
actions philosophiques  ,n° .  l\S  et  46, 
concernant  la  culture  des  melons: 
elle  était  adressée  au  secrétaire  mê- 
me de  la  société  royale,  Oldenbourg, 
qui  la  traduisit  en  anglais.  11  est  cer- 
tain qu'on  ne  peut  tirer  maintenant 
beaucoup  d'instruction  de  cet  écrit  ; 
mais  il  dut  être  utile  au  moment  où 
il  parut  :  on  ne  peut  y  recueillir 
qu'une  seule  particularité  sur  La 
Quintinie  ,  c'est  lorsqu'il  dit  que  la 
graine  de  melon  qui  accompagnait 
sa  lettre ,  provenait  d'une  espèce 
qu'il  cultivait  depuis  plus  de  vingt 
ans  :  or  comme  cette  lettre  est  datée 
de  1G68,  cela  prouve  que  ,  dès  l'âge 
de  vingt-deux  ans ,  il  s'occupait  du 
jardinage.  Les  seuls  renseignements 
que  l'on  ait  pu  se  procurer  sur  les 
époques  de  sa  vie,  sont  puisés  dans 
les  services  qu'il  a  rendus  ;  ce  sont 
les  seules  médailles  qui  puissent  les 
constater  :  c'est  ainsi  qu'en  parlant 
de  la  poire  de  Virgouleusc  ,  il  dit  que 
c'est  lui  qui  l'a  tirée  de  l'obscurité  où 
elle  croissait  au  village  de  Virgoule' 
près  Saint- Léonard,  dans  les  jardins 
du  marquis  de  Chambret  ;  mais  le 


444 


QUI 


nom  de  celte  poire  se  ht  pour  la 
prcmii're  lois  dans  le  Jardinier  fran- 
çais de  Bonnefons  publie  en  i65i  : 
La  Qaintiiiie  avait  alors  vin;;l-si\ 
ans.  H  semble  donc  certain  que  ,  de 
bonne  heure ,  il  devint  un  centre  où 
Tenaient  aboutir  toutes  les  découver- 
tes (ju'on  pouvait  faire  en  jardiiia{;e; 
on  peut  croire  qu'il  dut  cet  avantaj^c 
à  l'excellence  de  son  caractère  :   la 
franchise  en  faisait  le  fond  ,  en  sorte 
rpie  ,  naturellement  cxpansif.il  con- 
trastait avec  ses  contemporains; car, 
à  celte  époque,  ceux  (jni  cultivaient 
les  sciences  et  les  arts  ,  tenaient  plus 
ou  moins  des  aliiiimistes  :  comme 
eux  ,  ils  se  croyaient  d'autant  plus 
liabiles  qu'ils  se  trouvaient  posses- 
seurs exclusifs  d'im  plus  ;;rand  nom- 
bre de  secrets.  LaQuinlinie,  au  con- 
traire,  ne  paraissait  faire  cas  d'nna 
df'çDUvertc  ,  «pie  pour  avoir  le  plai- 
sir de  la  communipier.  Aussi  sa  con- 
versation e;ail-elle  recherchée.   Le 
prand  Conde ,  qui,  à  l'exemple  de 
Cynis    le  jeune  ,   joi'^nait    l'amour 
paisible  de  l'agriculture  à  la   rive 
ardeur  de  la  ploire  i!es  armes  ,  pre- 
nait beaucoup  de  plaisir  à  l'entm- 
dre  parler  de  son  art.  Cependant  La 
Quintirne  ne  tarda  pas  d'être  appelé 
sur  un  plus  vaste   théâtre,  où  ses 
préceptes  reçurent  une  plus  grande 
autorite.    Louis  XIV  venait  .x-  dé- 
ployer toute  sa  magniliccnce  à  \  er- 
sailles.   Lenôtre  en  avait  trace  les 
jardins  :  par  son  art  ,  on  avait  vu 
l'architecture  fondre  ses  formes  ré- 
gulières avec  le  vaj^ue  de  la  nature, 
et  composer  un  tout  harmoniq-ie  de 
ce  vaste  local.  Le  beau  s'y  montrait 
partout  ;  mais  cela  ne  suH'isait    pas 
au  monarque  :  il  voulait  que  l'utile 
s'y  trouvât  aussi;   et  La  Quintinic 
fut    appelé    pour    l'introduire.    On 
avait  de'jà  songe  à  proliler  d'un  an- 
cicQ  jardin  qui  existait  depuis  l^ouis 


QUI 

XIII  ;  mais  la  stérilité  du  sol  sem- 
blait repousser  la  culture  :  déses- 
pérant iren  tirer  parti ,  on  avait 
forme  le  projet  de  transporter  les 
potagers  à  Saint-Cloiul  ;  c'est  ce  (juc 
ditelegainment  Santeul,dansun  j)oè- 
rae  ,  intitule  Pomone  ,  oîi  il  célèbre 
les  travaux  de  La  Quiutiuic  :  suivant 
lui  cette  déesse 

Siineloviof  priie  prirrlplll  prK/irrahat  in  hortoi, 
C'iiiH  ijuinttniailes  propernntcm  sistit.  ..  . 

LaQnintinie  vint  donc,  à  la  voix  de 
Louis  XIV,  l'arrêter  et  la  fixer  dans 
ce  séjour.  D'abord,  il  fut  obligé  de 
se  servir  de  ce  terrain  si  di,scredit(- ; 
mais  il  le  força  ,  par  ses  soins,  à  don- 
ner îles  produits  si  beaux,  que  le  roi, 
voulant  lui  assigner  un  local  plus 
dignede  ses  talents  ,  le  chargea  d'en 
choisir  lui-même  remplacement  ,  et 
la  (Juintinic  avait  déjà  lixé  son  choix  : 
niais  une  sorte  de  hasard  en  disposa 
autrement  ;  car  ce  tut  à  un  ictoiir 
dc  chasse  ,  (|ue  les  dames  de  la  cour 
déterminèrent  le  roi  à  placer  ce  po- 
tager dans  l'endroit  même  où  l'on  se 
trouvait  réuni. On  sent  que,  dans  une 
pareille  circonstance, on  fit  jilus  d'at- 
tention à  quelques  agréments  exté- 
rieurs de  position  ,  qu'à  la  conve- 
nance du  Soi  :  aussi  n'aceorda-t-on 
à  Fja  (^lintiiiie  qu'une  superfuio  de 
trente-six  arpens  ;  et  il  semblait  que, 
par  une  sorte  de  déli ,  on  av.iit  moins 
voulu  le  favoriser  que  lui  ollrir  l'oc- 
casion de  développer  toutes  les  res- 
sources de  son  art  :  c'était  la  réu- 
nion de  tout  ce  que  le  sol  peut 
présenter  de  défectueux  ,  sous  tous 
les  raji])orts.  Il  dut  cependant  s'en 
servir  pour  y  tracer  un  potager 
qui  devint  un  modc!e  pour  toute 
l'Knrope.  On  peut  consulter  sou  ou- 
vrage pour  se  faire  une  irlée  des  dif- 
ficultés qu'il  eut  à  vaincre  :  d'abord  , 
c'était  un  étang  qu'il  fallait  combler  ; 
pourcela, on  fut  contraintd'em ployer 


QUI 

la   terre    qui  exislnit  dans  les  en- 
virons ;  et  elle  se  trouva  ,  suivant 
l'expression  de  La  Qiiiiitinie  ,  «  de  la 
»  nature  de  celles  (ju'on  ne  voudrait 
»  rencontrer  nulle  part  :  c'était  une 
»  espèce  de  terre  franche  qui  se  rë- 
»  duisait  en  bouillie  par  la  pluie  ,  et 
»  qui  se  pétrifiait,  pour  ainsi-dire  , 
»  par  la  sécheresse;  il  fallut  clicrcher 
»  un  remède  à  un  si  grand  iuconvc- 
»  nient ,  ou  autrement  ce  grand  ou- 
»  vrage  du  potager, dont  la  dépense 
»  avait  fait  tant  de  bruit,  et  dont 
»  la  Ggure  donnait  tant  de  plaisir , 
»  aurait  été  inutile  :  on  ne  pouvait 
»  donc  encore  que  juger  deux  points 
»  de  ceit(!  entreprise,  la  dépense  et 
»  laligure.  »  L'une  avait  étéénorme, 
puisqu'elle  montait  à  dix-huit  cent 
mille  francs ,  tandis  qu'elle  eût  été 
à  peine  de   trois  cent  mille  francs 
si  l'on  eijt  adopté  le  terrain  pro- 
posé   par  La   Quintiuie  ;   de   plus 
on  eût  eu  l'avantage  du  sol  et  de 
l'exposition  :  quant  à  la  figure,  ce 
qu'elle  avait  .le  remarquable  ,  c'était 
la  manière  dont  La  Quintinie  avait 
distribué  le  terrain  dans  le  but  de 
multiplier  les  murs,  et  par  consé- 
quent les  espaliers;   elle  consistait 
dans  un  carré  de  douze  arpents  en- 
tourés de  trente  jardins  d'un  arpent 
chacun  :  mais  tous  ces  travaux  n'é- 
taient (jue  préparatoires;  le  potager 
n'existait  pas  encore,  puisque  l'excès 
d'humidité  ou  de  sécluresse  auquel 
son  sol  paraissait  condamné,  repous- 
sait toute  culture,  comme  les  essais 
l'avaient  prouvé.  C'est  alors  que  le 
talent  se   montra  :   par  un  aqueduc 
ménagé  sur  toute  la  longueur,  et  des 
branches  latérales  ,  on  se  débarrassa 
des  eaux  superflues;  et  au  lieu  de  faire 
rapporter  de    nouvelles  terres  ,   La 
Quinlinie  imagina  de  disposer  la  su- 
perficie de  chaque  carré  en  plan  in- 
cliné, ou  comme  il  le  dit ,  en  dos  de 


QUI  4v'ï 

bahut.  «  Le  succès,  dit-il ,  a  été  fort 
»  bon,  et  la  dépense  très-petite.  »  La 
fertilité,  par  ces  moyens,  se  fixa  dans 
cette  enceinte.  Ce  fut  donc  une  sorte 
de  création;  et  La  Quintiuie  en  reçut 
immédiatement  la  récompense  qu'il 
ambitionnait  le  plus,  l'approbation 
du  roi.  Il  était  souvent  à  même  de 
connaître  jusqu'à  ses  moindres  fan- 
taisies; car,  suivant  Pluche,  «  Louis 
»  XIV,  après  avoir  entendu  Turen- 
j)  ne  ou  Colbert,  s'entretenait  avec 
»  La  Quintinie  ,  et  se  plaisait  sou- 
»  vent  à  façonner  un  arbre  de  sa 
»  main.  »  Il  mettait  donc  à  profit 
tout  ce  qui,  dans  ces  honorables 
conversations,  pouvait  servir  à  dé- 
voiler les  désirs  du  monarque.  C'est 
ainsi  que,  sachant,  par  exemple, 
que  les  figues  étaient  son  fruit  de 
prédilection,  il  mit  tous  ses  soins  à 
en  perfectionner  la  culture.  Quelque 
multipliés  que  fussent  les  murs  ,  il 
n'y  plaçait  en  espalier  que  les  seuls 
fruits  dont  la  beauté  égalait  la  bon- 
té. Aussi  les  voyait-on  figurer  com- 
me décoration,  dans  ces  iètes  splen- 
didcs  où  Louis  XIV  conviait  toute 
l'Europe  ;  mais  ce  n'était  pas  »  en 
»  formant  de  brillantes  pyramides, 
»  fort  à  la  mode  alors,  dont  l'hon- 
»  neur  était  de  s'en  retourner  tou- 
»  jours  saines  et  entières;  elles  étaient 
»  remplacées  pardes  corbeilles  dont 
»  l'honneur  consistait  à  s'en  retour- 
))  uer  toujours  vides.  »  On  voit  figu- 
rer des  couches  de  melons,  couver- 
tes de  fruits  à  maturité,  dans  une 
des  fêtes  décrites  par  Molière.  Ainsi 
donc,  ce  qui  entretenait  le  zèle  de 
La  Quintinie  ,  c'est  qu'il  voyait 
qu'aucun  des  clforts  qu'il  faisait 
pour  plaire  au  roi,  u'élait  perdu.  Ce 
prineeluientémoignaitsa  reconnais- 
sance sur-le-champ  ;  mais  ce  n'était 
pas  en  créant  pour  lui  la  place  de 
directeur  -  général  des  jardins  frai- 


4^6  QUI 

tiers  cl  po'.agcrs  de  loiilds  les  mai- 
sons royales  (-i),  ni  par  l'aiigmcn- 
ïation  do  son  traitoincnt  ,  qu'il 
croyait  payer  son  dévoilement  , 
mais  par  des  attentions  partirulii;- 
Tcs  et  une  sorte  de  rodicrche  dé- 
licate. C'est  ainsi  qu'il  fit  construi- 
re expressément  pour  lui,  une  mai- 
son commode.  Il  étendit  ces  senli- 
mciits  de  bienveillance  au  -  delà  du 
iombeau;  car  il  dit  à  sa  veuve,  lors- 
qu'elle lui  fut  p»rc^rnlee:  Madame , 
nous  Tenons  de  faire  une  perle  que 
nous  ne  pournins  jamais  réparer. 
^'liarlcs  Perrault,  qui  nous  n  conser- 
^erve*  cette  expression,  ne  donne 
point  la  date  de  la  mort  de  La  (  hiin- 
<iiiie:  et  jusqu'à  présent  on  l'avait 
ignorée.  niiai:t  à  sa  doctrine,  nous 
^vous  vu  qu'il  l'avait  propagée  par 
ses  conversations  et  sa  correspon- 
<latice.  De  plus.  les  princes  et  les 
grands  soij;n<-urs  l'invilaie ni  à  venir, 
dans  leurs  palais  et  leurs  demeures, 
V  tracer  des  potagers.  C'est  ainsi 
<pi'd  exécuta  ceux  deChantilli  pour 
le  prince  de  Condc'.  de  Rambouillet 
pour  le  duc  de  Mont.iiisier.  de  Saint- 
Ouen  pour  M.  Buisfranc.  de  Sceaux 
pour  Colbert,  enfin  do  Vaux  pour 
Fouquet.  Ces  monuments  n'auraient 
pas  sufli  pour  jvrpeluer  sa  mé- 
moire :  comme  sa  corrcspondan- 
•ce,  ils  n'auraient  pas  tarde  à  dispa- 
raître ;  mais  on  apprit  liientot  qu'il 
n'c'tait  pas  mort  tout  entier  ,  ou  plu- 
tôt on  vit  se  re'aiifer  l'eiptrance 
qu'on  en  avait  conçue  ;car  on  savait 
qu'il  avait  travaillé  pendant  sa  vie  à 
un  grand  ouvra.^c,  dans  lequel  il 
«'omptait  reproduire  tout  ce  qu'il 
avait  pu  acquérir  sur  son  art.  On  en 
a  la  preuve  dans  la  Dédicace  que  lui 
fit  Laurent,  not.iirc  à  Laon ,  d'un 


(^  i^u^nà  il  m  rrçut  U  brrrrl  dr4  iiiaios  de  (^ol- 
K^ri  ,  le  a5  août  i'j>*-,  il  ril  I»  particiilr  fie  prfcrdrr 
•on  Doin  :  drpaijlon  il  nfo»  !>»  la  (Juimimjr*. 


QUI 

oiivraî^e  intitulé  :  ^■Jhrèfé  de  la  cul- 
ture des  arbres  nains  ,  qui  parut  en 
i()"3.  Cet  auteur  le  qualifie  d'iiiten- 
d.iiit  des  jardins  à  fruit  de  .<a  maies- 
té,  en  sa  maison  rovale  de  \  ersail- 
Ics.  H  lui  dit  entre  autres  :  «  Saclmnl 
»  que  vous  êtes  à  présent  le  plus  ba- 
»  bile  homme  de  France  en  la  con- 
»  naissance  de  ces  choses.  »  On  voit 
par-là  que,  dès  1G73,  la  Qiiinliiii(; 
itiit  placé  à  Versailles,  mais  ji.is 
encore  comme  directeur-général.  Il 
répondit  avec  beaucoup  de  m(»flcs- 
tie  :  a  Vous  avez  bien  fait,  INIuii- 
»  sieur  ,  de  donner  au  ]Mil)lic  des 
»  marques  de  votre  habileté;  j'espc- 
»  re.  Monsieur,  que  dans  quelque 
»  temps  TOUS  verrez,  des  marques  de 
»>  mon  ipnoranceen  cette  mèiiiema- 
»  licre  :  je  ne  peux  plus  m'en  défcn- 
»  die.  r>Cet  ouvrage,  impatiemment 
attendu,  p.iriil  enfin  en  1  (i()o  :  il  était 
par  con>.fquent  postliumc  de  deux 
ans.  Le  privilège  est  accordé  au  sieur 
de  La  Ouintiuic,  bachelier  en  théo- 
logie, pour  l'ouvrage  portant  ce  ti- 
tre :  Instructions  pour  les  Jardins 
fruitiers  et  pi)taç,ers ,  «irr  un  Trai- 
te des  Oranpers  ,  suii'i  de  quelques 
réflexions  sur  Itiç^ricullure  ,  parle 
Jeu  sieur  de  La  Quinlim  e,  son  pcre; 
et  ce  privilège  est  cédé  a  Cl.nrJe  Har- 
bin.  L'abbé  de  La  (^uinliriic  ,  mort 
lui-même  peu  d'années  après,  ne  put 
surveiller  les  éditions  suivantes. 
L'ouvrage  devint  la  proie  de  librai- 
res plus  avides  qu'instruits;  ils  le  gâ- 
tèrent, eu  V  introduisant  des  mor- 
ceaux étrangers  et  disp.irates.  Cet 
ouvrage  est  en  deux  volumes  in-^"., 
bien  imprimé,  et  orné  du  portraif 
de  La  Oaintinie,  gravé  par  V  ermeii 
Icn  :  des  vignettes  élégantes,  à  la  tête 
de  chaque  livre,  représentent  quel- 
ques-unes des  opérations  décrites  , 
outre  dix  planches,  qu'on  peut  ap- 
peler techniques.  On  trouve  do  plus 


QUI 

le  Poème  de  Sautcul ,  inlitnle'  Po- 
rnona^  dont  nous  avons  parlé,  et  une 
Idvlle  de  Cliarlos  Perrault;  elle  est 
du  pelit  nombre  dos  poésies  de  cet 
auteur  aux(|uclles  le  sévtie  Boileau 
avait  accordé  quelque  éloç;e.   L'ou- 
vrac;c   est  divisé  eu  six  livres,  l.e 
premier,  espèce  d'introduction,  est 
terminé  par  un  Vocabulaire  des  ter- 
mes du  jardinage;  c'est  un  tableau 
de  la  langue  dccet  art,  à  cette  épo- 
que. Les  quatre  livres  suivants  trai- 
tent des  arbres  fruitiers ,  de  la  taille, 
de  la  greflTe,  etc.  Dans  le  sixième,  il 
traite   du   potager,    en   indiquant, 
mois  par  mois ,  les  opérations  qu'on 
doit  y  faire.  Il  termine  par  un  Trai- 
té des  Orangers;  là,  il  cherche,  en- 
tre autres  ,  à  prouver  que  leur  cul- 
ture est  beaucoup  plus  facile  qu'on 
ne  le  croit  communément.  Enfin  il 
termine  par  des  réflexions  sur  l'a- 
griculture :  c'est  en  quelque  sorte  un 
traité  de  physiologie  végétale.  C'est 
donc  une  théorie  qu'il  présente  pour 
appuyer  la  pratique  qu'il  a  enseignée 
dans  le  cours  de  son  ouvrage.  Un 
très-bon  extrait  en  fut  publié  dans 
le    Journal    des    savants    du   mois 
de  mai  de  l'année  même   oîi  l'ou- 
vrage vit  le  jour.  Ensuite  Charles 
Perrault    plaça   La  Quintinie  dans 
sa    Galerie  des    hommes    illustres 
du  dix-septième  siècle  ,  qui    parut 
en  iGgG.  Mais  l'éloge  qu'il  lui  a  con- 
sacré présente  fort  peu  de  détails, 
et  n'est  pas  exempt  d'erreurs.  A  en 
croire  ce  panégyriste  ,  La  Quintinie 
aurait,  le  premier,  découvert,  par 
ses  expériences,  «  la  méthode  infail- 
lible de  bien  tailler  les  arbres,  pour 
les  contraindre  à  donner  du  fruit,  à 
le  donner  aux  endroits  oij  l'on  veut 
qu'il  vienne  ,  et  même  à  le  répan- 
dre également  sur  toutes  les  bran- 
ches ,  ce  qui  n'avait  jamais  été  pen- 
sé ni  même  cru  possible  ;  »  en  sor- 


QUI  4W 

te  qu'il  le  présente  comme  le  créa- 
teur de  l'art  des  jardins  :  ce  qui  a  été 
répété  dans  toutes  les  occasions.  fiC 
fait  est  qu'on  jugeait  plutôt  La  Quiii- 
iiiiie  sur  ce  qu'il  avait  annoncé  que 
sur  ce   qu'il  avait  fait  réellement , 
puisqu'il  avait  dit  expressément  (|ue 
c'était  pour  su])p!écr  au  manque  d'un 
bon  ouvrage  qu'il  avait  composé  le 
sien.  Quanta  l'exécution  en  général, 
le  style  est  coulant,  mais  souvent  né- 
gligé. Il  est  quelquefois  concis  :  on  en 
trouve  un  exemple  dans  les  axio- 
mes ou  aphorismes  du  jiremier  li- 
vre, et  dans  les  observations  qui  se 
trouvent  dans  le  quatrième  ;  mais 
dans  tput  le  reste,  il  est  au  contrai- 
re  très  -  diffus.    L'auteur    se  perd 
dans  les  détails  ,    surtout  lorsqu'il 
entreprend   de    discuter   le   mérite 
de   chaque   espèce  de  fruit,    pour 
choisir  celle  qui  doit  avoir  la  place 
d'honneur  d'un  espalier.  Se  souve- 
nant de  son  ancienne  profession  d'a- 
vocat,il  plaidcen  règle  et  avec  toute 
la  loquacité  alors  en  usage  au  bar- 
reau ,  pour  déterminer  ce  choix  en 
faveur  du  Bon  Chrétien.  C'est  prin- 
cipalement dans  les  Reflexions   sur 
l'agriculture    que  cette  diffusion  se 
fait  sentir.  Cela  n'empêche  pas  que 
l'on  n'y  remarque  des  observations 
neuves;  mais  elles  sont  de  pratique 
plutôt  que  de  théorie.  Relativement 
a  celle-ci,  elle  est  tout  en  raisonne- 
ments vagues  ,  fondée  sur  des  hypo- 
thèses puériles  :  par  exemple,  pour 
rendre  compte  des  greffes,  illes  com- 
pare à  des  ajustoirs  de  jet  d'eau.  Le 
Traité  sur  la  taille  est  moins  exa- 
géré dans  la  pratique  que  les  prin- 
cipes qu'il  pose  ne  seijjblaicnt  l'an- 
noncer. Le  choix  des   arbres,  au- 
quel il  s'amuse  si  long-leujj)S  ,  était 
utile  à  cette  époque  pour  guérir  la 
manie  des  amateurs ,  qui  voulaient 
renfermer  dans  leur  enclos ,  quelque 


44B  QUI 

borne  qu'il  fût,  toutes  Icscspcccs  dont 
les  nouis  parvenaient  à  leur  conuais- 
saucc.  11  rendit  surtout  un   service 
important  à  la  culture  ,  en  attaquant 
fortement  l'opiuion  dominante  qui 
prescrivait  de  consultor  les  phases 
île  la  lune,  pour  faire  les  moindres 
opérations    du    jardinaf^e.  Ce  n'est 
pas   qu'd  uiat  les  influences  de  cet 
astre   sur  notre  globe  ;    mais  il  en 
repoussait  l'observation  pourlcs  pra- 
tiques de  détail.  Non -seulement  il 
admettait  l'ellét  de  la  Iulc  de  mars 
ou  rousse  sur  ratmosplière  ;  mais  il 
disait  de  plus,  (pic  les  melons  com- 
mençaient à  nouer  dans  le  premier 
quartier  de  la    lune  de  mai  ,  ou  la 
pleine   lune  ,    etc.  11  a  sans  doute 
profité  des  travaux  de  ses  devanciers, 
quoiqu'd   ne  les  cite  pas  eu  détail. 
11   convient  ,  dans  sa  j)réfacc,  que 
tt  nous  avons  beaucoup  d'obligations 
»  non -seulement  à  d'anciens  auteurs 
»  qui  ont  si  solidement  ])arlo  d'agri- 
»  culture  générale ,  mais   encore  à 
»  quelques  modernes  qui  ont  fait  part 
»  au   public  de  leurs  coimaissances 
»  particulières  ;  nous    sommes   sur- 
it tout  redevables  à   quelques  pér- 
it sonnes  de  qualité  émineute,  qui, 
»  sous  le  nom  et  sur  les  Mémoires  du 
»  fameux  curé  d'Knonvillo,  ont  si 
»  poliment  écrit  sur  la  culture  des 
»  arbres  fruitiers  1^3).  «  Il  i;ous  reste 

(3:  On  \»i(  (|u'il  (li'tigi'c  i(>  I^  (•i-uJrr,  fut  le 
nom  duquel  parut  ,  rn  i65i  ,  uu  ouvia|{r  toai  ce  ti- 
tn  :1a  .l/.j/ii./e  lU  tulu>-er  let  arhrc'fiuilirr<,\télil 
Volume  iii-i(i.  |ilu»irur*  foi*  rriiiil>riiiH-  (  VuT.  la 
Bihlio^.  o^ninom. ,  a".  9-H  '1,  QurI  i]u'fU!uil  l'au- 
teur, ieluuvr>i;e»^t  tri"-*-ri'ai.<rqualil"-<iiianl  .'•  la  ic- 
dacttuu  et  <*u  foijcJ  df-sijp«*9;  inaî«  Ji  al'aiint*^  prc- 
crduile,  iliji  ,  \v  J'irilinirr  /rii/ii  un  de  Micotas 
TWonefi'i»  axait  pris  l'initialive  ;  et  il  fut  suivi  ,  m 
ttii3,df;  \'liislniiii,>n  pour  les  iirhres  fmilirrt  ,de 
Triquft.  Ces  tiui,  «Aivragrs  ,qiiî  parureclconifiie  »'U 
voit  coup  !iur  c  up .  et  i|u>  9uul  i^'ileg  c-iiiine  celui 
de  I^  Quiiiliiiie,  c'i>l-'i-'jire  ne  i>e  citant  iia>  luu- 
tuelW-nii'Ut  ,  août  rgalciuent  lecoiiiiiiaiidablt  s  boii^ 
I<iu5  1rs  ra]i|>ortt  ;  niais  il»  »c  recuioimuidcut  «urtoat 
par  la  priii>i"D  avec  lauu*  lie  ils  fuudi  iit  le»  piii>- 
ciiic»  de  la  culture  des  ai  lins,  (ire*  de  l'ubsertaliau 
de  la  oaliye  :  auaw  out-ils  de\  aure  La  (^uiutiliic  sur 
prévue  tuos  lis  puiiitsi  et  ils  out  laiué  i>eu  de 
cliow  à  diiv  aux  autcui4  les  plus  rcctAts. 


QUI 

maintenant  à   examiner  l'influence 
qu'a  eue  La  Quintiniesur  ses  succes- 
seurs. Les  uns,  sans  le  citer,  tels  que 
l'abbé  de  La  Châtaigneraie  yConuais 
sauce  des  Jrbresfruilic'rs,  i  G()  0  ;  le 
frère  Fraïu^ois  Le  Gentil ,  chaitreux 
(  le  Jarilinier solitaire^  i  ']'o4  )  ;  d'au- 
tres, en  ne  prononçantson  nom  qu'a- 
vec les  plus  grands  éloges  ,  tels  que 
Dahuron  ,  qui  fut  jardinier  du  duc 
de  Lunebourg  (/\'oi/rert//  Traité  de  la 
taille  des  Arbres  fruitiers  ),  Pjuclie 
(  tome  II  du  Spectacle  de  la  Na- 
ture )  ,  Decombe  (  Traité  du   pé- 
cher,  publié  en  i'j45  )  >  n'ont  guère 
fait  (jue  reproduire  sa  doctrine.  L(" 
père  d'Anlennes ,  dans  son  Année 
champêtre  ,  qui    parut    en    i7()(), 
est  encore  celui  qui  paraît  faire  le 
plus  de  cas  de  ce  père  des  jardins  , 
suivant  son  expression  ;  c'est   tou- 
jours ])()ur  lui  ce  sax'ant  ou  cet  habile 
jardiniste  :  il  avait  imaginé  ce  mot 
pour  distinguer  les  écri\  ains  ou  cé- 
lèbres   amateurs  de  jardinage,  des 
simples  jardiniers.  Duhamel ,  dans 
son  Tr.iite  des  arbres  fruitiers  ,  de 
I  'j()K.parlepcudeLaQuintinic;m.iis 
le  Berryais, ayant  repris  ce  travail  eu 
sou  nom,  lui  rendit  unesorted'lioci 
mage  par  le  titre  de  Nouveau  lu 
Quint inie ,  qu'il  donna  en  17-5,  a 
son  Traitédes  Jardins  ,  dont  l'abii  i;c 
ful])dr  lui  intitulé  :1e  Petit  La  ijuin- 
iinic  ,  en  1 7»)  i .  L'abbé  Roger  Sein  - 
bol  ,  au  contraire,  to:;l  eu  parlant 
avec  une  sorte  de  icspcct  de  laQuiu- 
tiuic  ,  cherche  a  discréditer  toute  sa 
doctrine.  Ce  n'était  pas  pour  se  met- 
tre lui-mè'mc  à  sa  place ,  mais  pour  y 
établir  les  habitants  de  Montreuil  : 
l'enthousiasme  <|ue  le  bon  abbé  avait 
couru  pour  ces  cultivateurs  ,  l'aveu- 
glait quelquefois  sur  le  mérite  des 
autres.  La  lirelouneric  etButré  mon- 
trent aussi  beaucoup  de  prévention 
contre  l'auteur  de  V Instruction  pour 


QUI 

les  jardins  fruitiers  et   potagers. 
Les  diilorentes   éditions   et  contre- 
façons   de  ce  livre  ,    qui    se    suc- 
cédèrent assez  rapidement,  témoi- 
gnent  le  cas    qu'on  eu  faisait.   Eu 
i69'2,   IMorticr  en  fit  paraître  une 
contrefaçon  à  Amsterdam  ;  elle  est 
conforme  à  l'original,  excepté  qu'é- 
tant en    plus  petit  caractère  ,  elle 
a  pu  être  bornée  à  un  seul  volume. 
La  seconde  édition,  de  Barbin,  parut 
en   1G95;  elle  est  déjà  au|;uiculéc 
d'une  ïmlriiction  jwiir  la  culture  des 
Jleurs.  L'élitcur  crut  par-là  remplir 
un    vide  laissé   par  La  Quiutinie  : 
pour  cela  il  fondit  assez  maladroite- 
ment trois  traités  qui  avaient  paru 
chez  Sercy.   Le  principal  avait  été 
donné  comme  ouvrage  nouveau  ,  eu 
167Q  :  c'était  une  simple  traduction 
de  l'ouvrage  italien  de  Mandirula, 
qui  avait  paru  en  i652.  La  seconde 
contrefaçon   parut  à    Amsterdam  , 
avec  un  Traité  anonyme  des  melons  ; 
il  est  de  peu  d'impo!  tance  :  il  eût  été, 
ce  semble,  plus  convenable  de  re- 
prendre, dans  les  Transactions,  l'ex- 
trait de  la  lettre  de  La  Quintinie  sur 
ce  sujet.  La  compagnie  des  libraires, 
s'étant  emparée  de  l'o.uvrage ,  en  fit 
paraître  ,   eu    1713,  une  troisième 
édition,  qui  a  été  reproduite  en  1780. 
Les  éditions  que  l'on  cite  sous  la  date 
de   174G  et  1756,   pour^raient  bien 
n'en  différer  que  par  un  changement 
de  frontispice.  Nous  ne  pouvons  lé- 
pondre  que  de  celle  de  1730  ;  on  y  a 
encore  ajouté  un  Traité  des  Arbres 
fruitiers  ,  qui  avait  paru  anonyme  , 
eu  i683;  on  disait  seulement  qu'il 
était  d'un   médecin  de  la  Rochelle 
(  c'est  Vcnette  ,  auteur  du  Tableau 
de  V Amour  conjugal).  Ce  Traité 
n'est  pas  sans  mérite  ;  mais  il  fait 
disparate  ainsi  que  les  autres  ad- 
ditions   dont    nous    avons    parlé , 
puisque  leurs  auteurs  ,  surtout  Ve- 

XXXVI. 


QUI  449 

nette  ,    paraissent  fort  attachés  à 
l'observation  des  phases  de  la  lu- 
ne que  La  Quintinie  proscrivait  :  la 
seule  addition  utile  qu'on  ait  faite  à 
celle-ci,  c'est  une  Table  des  matières 
assez  complète.  Quant  aux  traduc- 
tions ,  Séguier  en  cite  une  anglaise 
sous  le  titre  de  The  compleat  Gar- 
diner  of  La  Quintinie,   1G93,  in- 
fo!. ,  et  il  l'attribue  au  célèbre  John 
Evclyn  :   Haller  en   fait  mention  , 
sous  le  titre  français  du  Parfait  Jar- 
dinier-, mais,  à  ce  qu'il  paraît ,  c'est 
sous   la  seule  autorité  de  Séguier  : 
c'est  de  là  que  sont  partis  les  auteurs 
du  dernier  Dictionnaire  historique  , 
pour  dire,  article  iVe/;^'-»:  «Sa  nation 
lui  doit  la  Traduction  de  quelques 
bons  ouvrages  français,  tels  que  le 
P  a-fait  Jardinier  de  La  Quintinie  :  » 
mais  nous  avons  cherché  inutilement 
des  traces  d'un  ouvrage  aussi  ma- 
jeur ,  notamment  dans  l'article  Ei'e- 
lyn  des  deux  bibliographes  que  nous 
venons  de  citer:  on  lui  attribue  seu- 
lement Thefrench  Gardcner,  et  c'est 
la   traduction  du  Jardinier   fran- 
çais de  N.  Bonnefons ,  de  i65i  ;  il 
n'en  est  point  [)arlé  non  ]»lus  dans  la 
Bibliothèque  de  Banks.  Tout  porte  à 
croire  que  c'est  une  méprise  :  ou  aura 
confondu  cette  production   avec  un 
Abrégé  anglais  de  La  Quintinie,  pu- 
blié par  Loudon  et  Wise  ,  à  la  suite 
d'une  Traduction  du  Jardinier  soli- 
taire,   qui  parut  en  17 17.  Haller 
parle  vaguement  d'une  Traduction 
belge  ,  qui  aurait  paru  à  trois  repri- 
ses ,  en  commençant  par  le  Traité 
des  Orangers  ;  mais  il  ne  cite  ni  l'an- 
née ,  ni  le  format.  11  annonce  plus 
positivement  ,  ainsi  que  Séguier  , 
comme  traduction  italienne,  le  Tral- 
tato  de  gli  Arbori  fnittiferi  del  la 
Quintinie,  Bassano,  1697  '   ^  ^'o'* 
in-S".  ;  mais  ce  format  semblerait 
encore  aiijioncer  un  Abrégé  :  il  est 

29 


iSa 


QUI 


QUI 


vrai  qu'il  reparut  à  Venise,  iu-fol.  ,     maii  quelques  savants  ne  voient  là 
eu     170V    Quoique   la    rejuilalion     qu'une  allégorie,   et   prétendent  y 
de  La  Quinlinie   soit   fort  deduie,     tiouver  la  preuve  que  Quintus  avait 
eoinine  on  a  pu  le  voir  ,  il  fait  lion-     à  Sniyrne  une  école  celibre  de  gran».- 
neur  à  la  nation,  et  doit  compter     maire  et  de  pliilosopliie.   Selon  M. 
parmi  ses  auteurs  classiqufs  :  aussi     Tourict,  le  nom  de  C  oint  os ,  qu'on 
mcrilenil-il    qu'on   en   donnât    une     lit  à  la  tète  des  manuscrits,  et  qu'on 
nouvelle  édition  faite  exactement  sur     a  pris  pour  celui  de  l'aulcurdu  poê- 
la premi  re  ,  en  supprimant  tout  ce     me,  indiqi;er.->it  seulement  le  rliapso- 
dont  on  l'avait  surrliargce  ;  et  on  le     de  qui  l'a  recueilli,  et  à  (pii  l'on   en 
remplacerait  par  lÉlogede  Perrault,     doit  la  conservation.  Ce  Poème,  dont 
et  la  Traduction  de  la  Lettre  sur  les     on  n'a  pu  deviner  le  tilre,  contient, 
melons.  M.  Briquet  a  insère  un  Elof^e     en  quatorze  livres,  le  récit  des  evc- 
lïe  la  (Quinlinie  ,  dans  les  IMemrires     nements  du  siège  de  Troie,  depuis  la 
de  la  Société  d'agriculture  de  Niort,     murtl'Hcctoric'est  unecontinuation 
1S07.  in-8".,  pag.  a^S.  I) — p — s.        dcriliade.  AussilcsdillVicnt.straduc- 
QUlNTUSouCOINTOSdeSmyr.     teurs  latins  l'ont-ils  intitule  : //«'/nm 
ne,  poèlc  grec,  est  aus.si    nomme     Paralij'omenon  ;  ah  Jlomevo  dere- 
Quintiis  Calaber,  parce  que  le  poè-     licta,  finrtenni^sn,  ou  l'oillioine- 
me   qu'on  lui   attribue   fut   decou-     rica.  Le  célèbre  Lascaiis  (  /'o>.  ce 
Tert  piès  d'Olraiite,  ville  de  la  Cala-     nom  ) ,  dont  le  sentiment  est  ici  d'un 
bre,  dans  le  monastère  de  Sainl-Ni-     prand  poids,  retrouvait,  dans  ce 
colas,  par  le  savant  cardinal  lir<sa-     poème,  le  style  d'Homère,  et  appelle 
rion,  avec  les  l'uesies  de  Trvpliio-     l'aïUeur  /loincrisiimus.  La  plup.irt 
dore  et  de  Colullius.  L«-s  criticpies  ne     des  ci  itiques  dont  l,aur.  Crasso  a  ras- 
s'accordcnt  point  sur  le  temps  où  il     5rn)l»l.'  les  divers  jugements  {//islo- 
a  vécu.  Les  uns  le  croient  antérieur     riu  de    poeti  f^ieci  ),  parlent  de  ce 
à  Virgile,  et  trouvent  dans  l'Knèiile,     Poème  avec  cloge.  Celui  qu'en  ont 
de  fréquentes  imitations  du  poète  l'.e     porté  depuis,  IJaillet  tt  le  P.  H.ipin, 
Smvrnc:  d'autres  le  supposent  cou-     n'est  jias  aussi  favorable.  «  INlais  , 
temporaiu  d'Auguste,  dont,  suivant     dit  i\L  Tourlet ,  tout  lecteur  impar- 
cux,  Quintus  fait  un  magnifique  clo-     îial  doit  convenir  qu'il  y  a  ,  dans  le 
ce;  et  d'autres   enfin  conjecturent     style  de  l'auteur,  de  la  noblesse  ,  du 
qu'd  florissait  dans  le  cinquième  siè-     feu,  de  rentliousiasme  ,  du  génie; 
de,  sous  le  règne  de  Zenon  ou  d'A-     qu'il  règne  dans  l'ouvrage  un  goût 
naMase.  Si  l'on  en  croit  Rcinesius     sain,»inetouchenerveiise,cnunmol, 
(  Epiit.  G7  ),  ou  ne  doit  pas  distin-     un  ton  qui  convient  à  l'épopée.  »  En 
guer  Cointos  du  grammairien  Corin-     reconnaissant  que  ce  Poème  est  bien 
thos,  dont  on  a  un  Opuscu'e  sur  les     inféricuià  l'Iliade,  M.  Tourlet  con- 
dialectes  grecs ,  et  qui  vivait  sous  les     jecture  que  les  onze  premici  s  cliauts 
empereurs.  D'après  un  passage  du     (les  trois  autres  lui  paraissent  d'u- 
poème  de  (,)uinius  (liv.  xii),  cet     ne  main  plus  moflerne  )    peuvent 
écrivain  aurait,  dans  sa  jeunesse,  gar-     être  attribués  à  Homère;  mais  il  sou- 
de les  troupeaux  dans  les  pâturages     met  celte  conjecture  liasardée  à  l'exa- 
deSmvrne,  éloignés  de  rilémus  trois     raen  des  savants.  Ce  Poème  fut  d'a- 
fois  autant  que  la  voix  humaine  peut     bord  publie'  par  les  Aides  ,  à  Venise, 
s'étendre  (  'frad.  de  W.  Tourlet  )  :     in  8®.,  en  i5o4  ou  \jo5  :  ccttoprc- 


QUI 

raière  édition,  qui  est  très-rare,  four- 
mille de  fautes.  Il  a  ete'  traduit  en  la- 
tin ,  par  Jodocus  Valasa'ùs,  Bernar- 
din Baldc  et  LaïuTiit  Rhodoraann. 
La  version  de  Rliodoinann  ,  impri- 
mée à  Hanau  ,  en  1G04  et  i6i4>  a 
c'te  insérée,  par  Corn,  do  Paiiw,  dans 
l'édition  qu'il  a  publiée  du  texte 
de  Quintus,  Leyde,  1734,  in -8''. 
Enfin  M. Th.  Ch.  Tychscn,  qui  avait 
publie,  en  1783,  une  savante  Dis- 
sertation :  De  Quinti  Smrmcpi  Pa- 
ralipomenis  I/omeri ,  Goitingue  , 
in-8''. ,  a  donné  une  édition  de  ce 
Poème  ,  supérieure  à  toutes  les  pré- 
cétlentes ,  1 807  ,  in-8". ,  faisant  par- 
tie de  la  Collection  de  Deux  -  Ponts 
{ i).  Le  premier  volume  ,  le  seul  qui 
ait  paru  ,  contient  le  texie  revu  et 
corrigé  sur  les  manuscrits  de  Mu- 
nich et  de  Naples,  les  meilleurs  que 
l'on  connaisse,  avec  une  Disserta- 
tion sur  Quintus  de  Smyrne  et  son 
ouvrage.  Le  second  volume,  qiicles 
savants  attendent  avec  impatience, 
doit  contenir  les  notes  de  Heyne  et 
les  éclaircissements  de  l'édiîeur  sur 
les  passages  les  plus  difficiles,  avec 
les  Index.  Il  existe  une  traduction 
italienne  du  Poème  de  Quintus,  par 
Ant. -Marie  Salvini,  dont  Bandini  a 
publié  une  bonne  édition  ,  Florence, 
1765,  in -8°.  Boitet  avait  donné  en 
français,  un  Extrait  du  même  Poè- 
me, à  la  suite  de  la  version  de  l'O- 
djssée,  1619,  in-8''.  {F.  Boitet); 
mais  nous  devons  à  M.  Tourlet  |a 
première  traduction  complète  qui  ait 
paru  en  notre  langue;  clic  est;  inti- 
tulée :  Guerre  de  Troie ,  depuis  la 


(i)  On  peut  y  joiDJre  le  livre  de  Fr.  Spitztier, 
Lfe  vei'^u  £^rœcorrini  heroico  ,  maxijnè  homertco  ;  ar- 
ceilit  ejitsiUin  Munlissn  ofxeivationiim  crillcaruin, 
et  grammulicnrtim  in  Q.Smrmni poilliomericonim 
1.  XIV,  cl  F.T.Friedemaniii  Disseilatio  de  niedd 
fyllahà  peiitamelri  grœcoriim  elegiaci  ^  Leipzig, 
1816  ,  in-So.  Brnnck  adonné,  dans  ses  Annlectavet. 
poét.ifr.,  Il ,  /J75,  un  fragiueiit  de  Quinliis  sur  les 
travaux  d'Hercuîe, 


QUI  45 1 

mort  d^Ifector  jusqu'à  la  ruine  de 
cette  "ville,  Paris,  1800,  2  vol.  iu- 
8".  Le  traducteur  y  a  joint  une  Pré- 
face fort  intéressante,  et  une  Disser- 
tation sur  Quintus  et  son  Poème.  On 
trouve ,  à  la  fin  du  second  volume , 
les  Amazones ,  imitation  du  grec  de 
Quintus,  par  Cournand,  professeur 
au  collège  de  France.  W — s. 
QUINTUS -ICILIUS.  F.  Gvis- 

CHARDT. 

QUINZANO  (  Jean  -  François 
CoNTi ,  connu  sous  le  nom  de  ) ,  en 
latin  Quintianus  Stoa  ,  poète  latin 
moderne,  naquit  en  1484,  au  vil- 
lage de  Quinzano ,  dans  le  Brescian , 
mais  d'une  famille  milanaise  (ouber- 
gamasque  selon  quelques  auteurs  ). 
Dès  sa  jeunesse,  lorsqu'il  n'était  en- 
core qu'un  écolier,  ses  condisciples 
l'appelèrent  du  nom  grec  Stoa,  qui 
s'xQxwÇie  Portique  des  muses,  parce 
qu'il  versifiait  avec  une  telle  facilité 
qu'il  semblait  ne  pouvoir  parler 
qu'en  vers  ;  et  Quintianus ,  à  cause 
delà  ressemblance,  qu'à  leur  égard, 
en  corrigeant  leurs  compositions 
poétiques  ,  il  avait  avec  ceQuintieu 
par  qui  Martial  dit  que  ses  propres 
poésies  étaient  censurées  :  c'est  lui- 
même  qui  nous  apprend  ces  particula* 
rites,  dans  ses  Epogrnphies.  Apres. 
avoir  reçu  de  soii  père  les  premières 
leçons  ,  il  vint  étudier  à  Brescia  la 
rhétorique  et  la  langue  grecque  ;  et 
s'appliqua  ensuite  à  l'étude  de  la  phi' 
losophic,  des  mathématiques,  et  mê- 
me de  l'astrologie  ,  science  dans  la- 
quelle il  s'acquit  une  réputation  peu 
commune.  Pour  obéir  à  son  père  ,  il 
alla  f.iire  à  Padoue  un  cours  de  juris- 
prudence ;  mais  bientôt ,  préférant 
suivre  ses  penchants ,  il  revint  à  Bres- 
cia s*adonner  tout  entier  à  la  poésie 
latine.  L'ambition  de  la  fortune,  et 
plus  probablement  delà  gloire,  le  con- 
duisit en  France.  Il  fut  accueilli  avec 
39,. 


45î  QUI 

distinction  par  le  cardinal  d'Am- 
boiscqiii  le  présenta  an  roi  Lonis 
XII.  Ce  nioiiartpie  le  nomma  insti- 
tuteur du  jeune  duc  d'Amioulème , 
qui  fut  depuis  François  1''.  On  ne 
doute  point  (jue  ce  ne  soit  à  Conti 
Stoa  que  ce  prince  dut  cet  amour  et 
ce  poùt  pour  les  lettres  dont  il  de- 
vint le  restaurateur.  La  cliaire  de 
belles  -  lettres  de  l'université  de  Pa- 
ris ('tant  devenue  vacante,  Stoa  pa- 
rut le  plus  capaMc  de  \n.  remplir;  et 
parvint  même  à  la  place  do  rrcteur 
cl  de  principal.  Son  esprit  hrdiant , 
et  la  fecondiié  de  son  tdent  poé- 
tique ,  étaient  propres  à  eutraîner 
tous  lessuiriay;cs  :  en  uuscul  jour  il 
improvisait  et  dictait  jusqu'à  800  et 
lucrae  1000  vers  latins.  Louis  XII  , 
qu'il  encliaulait  par  cette  facilité, 
le  prit  avec  lui ,  lorstpi'il  passa  eu 
Italie  à  la  tète  d'une  arniée  ,  pour 
la  conquête  du  Milanez  ;  et  à  |iei- 
ne  fut-il  eiilrc  en  vainqueur  dans  Mi- 
lan ,  qu'il  l'v  couronna  lui-même  so- 
lennellement, comme  poète,  en  pré- 
sence de  ses  troupes  ,  suivant  rusaj;e 
pratiquée!»  d'autres  villes  d'Italie.  Au 
moment  de  son  couronnement ,  Sloa 
improvisa  (luehjues  vers,  et  olTrit,  en 
reconnaissance,  au  monarque,  l'Iiis- 
toire  tpi'il  avait  écrite  de  la  vie  et  des 
exploits  de  ce  roval  et  f;énéreux  bien- 
faiteur. Le  sénat  de  Milan  le  nomma 
à  la  cliiire  de  belles-lettres  de  l'uni- 
ver.sité  de  Pavic  ;  et  ce  fut  là  qu'il 
publia  ses  E po graphies ,  qu'il  a- 
vait  composées  à  ao  ans.  Lorscpi'en 
i5i3  ,  les  Français  furent  ob!if;és 
d'abandonner  l'Italie,  Conli  Sloa  re- 
vint à  Paris  ,  ou  il  fit  imprimer  plu- 
sieurs ouvrages.  Il  y  eut  à  souffrir 
de  la  jalousie  de  quelques  lillcrateurs 
italiens.  De  retour  à  Milan  en  1 5  i  J , 
aiLssitôt  après  la  victoire  remportée 
àMari^nan  par  François I'"".,  succes- 
seur de  Louis  XII,  il  alla  reprendre, 


QUI 

à  Pavie,  ses  fonctions  de  professeur, 
et  s'en  démit,  vers  i5'2'2,  pour  de- 
mander, à  lirescia,  le  titre  de  ci- 
toyen, qui  lui  fut  accordé.  De  là,  il  se 
rendit  à  Venise,  où  le  sénat  le  décora 
de  celui  de  chevalier  ,  et  lui  conféra 
ensuite  la  présidence  de  l'université 
de  Padoue  ;  mais  il  ne  l'accejJta  pas. 
Il  vint,  pour  vivre  tranquille,  à 
Villaibiara,  qu'il  finit  par  abandon- 
ner pour  retourner  à  Quinzaiio,  sou 
lieu  natal  ,  où  il  mourut  à  ^3  ans, 
le  7  octobre  ijj^.  Ou  lui  érigea, 
dans  l'église  paroissiale  ,  un  pom- 
peux mauso'ée ,  d'où  ses  ossements 
furent  retirés  ,  on  i58<)  ,  et  trans- 
portés depuis  dans  le  chœur  de  l'é- 
glise Majeure  délia  Pieve,  où,  en 
1714,  on  érigea  ,  en  son  honneur, 
un  monument  orné  des  portraits  de 
Louis  XII  ,  de  François  !•'.  ,  de 
Jean  et  Domitien  Conti  ,  ses  pa- 
rents, etc.  Stoa  fut  tout-à-la-fois  ora- 
teur,  philosophe  ,  historien,  poè- 
te, graniriairien.  Son  compatriote 
et  contemporain  ,  le  médecin  Jean 
Plancriiis  ,  ne  fut  pas  le  seul  qui  le 
loua,  comme  on  le  voit  dans  ses  Epis- 
tolœ  morales.  Les  plus  beaux  esprits 
du  temps  lui  donnèrent  des  éloges 
dans  leurs  ouvrages.  Le  |)ère  Léo- 
nard Cozzando  publia  sa  Vie ,  à 
Brescia  ,  en  i(i«j4.  b-Hc  a  été  écrite 
de  nouveau  et  d'une  mai.ièie  plus 
étendue  et  plus  exacte,  par  Joseph 
Nember,  sous  le  titre  de:  Memorie 
anedduie  criluhe  speltanli  allavi- 
ta  ed  Gf^Ii  scrilli  di  Gio.  Frances- 
co  Qiiinziano  Stoa,  etc.,  Brescia, 

'  777  »  '*  '1"^'  •'  '^■"''  ajouter  quanti- 
té de  notes  manuscrites  ,  que  ce  Jo- 
seph Nember,  avait  écrites  pour  une 
seconde  édition  ,  sur  un  exemplaire 
de  la  première  qui  nous  a  été  com- 
muniqué. La  liste  des  ouvrages  de 
Conti  Stoa  est  curieuse  par  leur 
nombre  cl  leur  variéld  ;  la  voici  : 


QUI 

De  accentii  lib.  i  contra  Qulnti- 
lianum  ,  Pavic  ,  in  -  8'^. ,  i5o3j 
—  De  omnibus  vietris  libri  y  ,  Pa- 
vie,  i5io  ;  —  De  Uttevanim  pro- 
minciatione  lib.  i.  Cet  opuscule  est 
réuni  à  celui  de  Jacob  Ceratini ,  De 
sono  litterarum  prœsertim  grœca- 
runi,  sans  date; — De  dictionum  te- 
norel.  i,  Venise,  sans  date;  —  De 
inslitiUione  poeticd lib.  i,  Venise, 
1 53 1  ;  —  Apologiapro  poëtis,  sans 
indication  du  lieu  ni  de  l'année  de 
rini  pression  ; — De  poëtices  venus- 
tate,  Pavie ,  1 5 1 1  ;  —  Cleopolis  :  De 
Icuidibus  celeberrimœ  Parisionini 
iirbis  ;  Sjlva^  et  Bacca.nliwn  elelo- 
dia  post  interfectum  Orphea,  Paris, 
i5i4  ;  —  Orpheos  lib.  JU ,  Milan  , 
1 5 1 0,  in-4''.;  —  Monosjilabnrum  l. 
IV ,  Pavie,  1 5 1 1  ;  —  Defigwis  po'é- 
ticis  l.  Il ,  Venise,  i5t)7  •  '^  pi'éface 
de  cette  édition  atteste  qu'il  en  avait 
été  fait  précédemment  une  autre; — 
De  sjllabanim  qunntitate  epo'^ra- 
phiœsex,  et  de  aliquiims  metronim 
generibus,  ne  de  omnibus  heroïcicar- 
juinis speciebus ,  Pavie,  1 5 1 1 ,  1 5o3  : 
Venise  ,  en  iSip  ,  i53e  ,  i533  , 
i544i  i564  1  ïS68;  André  A.lciat 
disait ,  en  parlant  de  ces  Epogra- 
phies,  que  Stoa  était  le  Varron  de 
son  temps.  Niccron  observe ,  au 
contraire  ,  que  ,  dans  ce  traité  de 
Prosodie  ,  Stoa  enseigne  souvent  à 
faire  brèves  les  syllabes  longues  ,  et 
longues  les  brèves  ;  —  Annota- 
tiones  contra  commentaria  gram- 
maticœ  Joannis  Tortellii  Aretini, 
Brescia ,  i5iç);  —  Grippi  decem 
de  omnibus  numeris  ad  imitatio- 
neni  Ludicri  Ausojuani  ,  Milan  , 
T  5  I  2  ;  —  Lucernce  xx  in  totidem  li- 
bros  Noclium  yliticarum  A .  Gellii, 
Milan  ,  i  53 1 ,  et  Venise ,  1 54'^  ;  — 
Odce  très  ad  cardinalem  de  Roa- 
710  (  le  cardinal  d'Amboise,  arclievê- 
quc  de  Rouen  ) ,  Paris  ,  1 5o4;  elles 


QUI  453 

avaient  déjà  paru  en  français  ;  —  Fi- 
ta  divi  Quinliani  Arvernorwn  cpis- 
copi  ,  Venise ,  1619;  —  Disticha  in 
omne  s  fabulas  P.  0\'idii  Metamor- 
phoseon ,  et  Elegia  ,  Pavie,  j5o6, 
et  Paris,  i5i4,  édition  rare  ,  qu'on 
trouve  dans  la  grande  bibliothèque 
royale  de  Paris  ;  idem  ,  Bàlc,  1 544  » 
Brescia,  i563;  — Paraclesis  :  ad 
Ludovicum  XII  elegia  ,  i5i2  ;  — 
De  menibrorum  privilegiis ,  Pavie, 
i5i.y  ;  —  ])e  mulieium  dignita- 
te.  Milan,  1 5 1 7  ;  —  Threni  et  mo- 
nodia  in  régime  Gallorum  Annce 
immaturum  fatum ,  et  régis  Sco- 
tiœ  epitaphia  cum  monodid,  Paris, 
sans  date  d'année  ,  et  dans  les  Poë- 
mata  aliquot  insignia^  Bàle,  i544> 
in-i();  —  Vit  a  Ludovici  XII,  ré- 
gis Francorum  ,  IMiian  ,  sans  date  ; 

—  Threni  in  mortem  Ludovici  XIIj 
Galliarum  régis,  Pavie,  sans  date; 

—  De  Martis  et  Veneris  concubitu 
lib.  Fin ,  Pavie ,  1 5o3  ;  —  Exem- 
plorum  muliebrium  L  vi ,  Brescia  , 
i533;  — Or  alloues  duœ  in  Iloralii 
et  Plauti  prœleclionibus ,  Brescia, 
1 534  ;  —  Endecasrllabum  in  mor- 
tem Erasmi  Desiderii,  Paris,  sans 
date  ; — Sylvain  laudem  Mariin  Be. 
cichemi ,  Pavie ,  1 5 1 6  ;  —  Epheme- 
rides  xx ,  in  quibus  ostenditur  quas 
mcndas  incurrerhit  qui  hactenùs 
elucubrarunt ,  Bàle ,  1 538 ;  —  Dis- 
tica  in  Ovidium  et  Falerium  Maxi- 
mum ,  Venise,  i54'^  ;  —  Annota- 
tionesin Caprum et  Agretium ,  Bres- 
cia ,  i534  ; —  Citation  s  omnium 
po'èlarum  ,  cum  adnotameniis  et 
scholiis.  Milan  ,  t538  ;  —  Quinii  et 
Poljphilce  Historiœ,  Pavit-,  i5i  i  ; 
— Chris  l  ia  nnrum  Métamorphose  on 
lib.  y  m  ,  Pavie  ,  1  5 1 1  ;  —  Diario- 
rum  lib.  xii,  Pavie,  i5o3;  —  De 
miraculis  ethn'cis\  y.cu\sc,  \5{3  ; 
—  Ortographicevelèri?,  l.  1 ,  Pavie  , 
1 5o4  ;  -1  Oriographice  novœ  lib.  11 , 


454  Qb'i 

Pavic,  i5o4  ; —  ^.>  A-a  inlaudem  R. 
F.  Francisci  Cvlumhani ,  Pavic, 
i5i  I  ; — Heracleu.htllamve  ï'etis- 
f«/n,dedic  à  Louis  XII  Milan,  sans 
date; — Dicchronia  in  dinhthon^os, 
Paris  ,  1 5 1 4  ;  —  Cosmo^raphia,  IMi- 
lau ,  I  5  .U);  —  Minindorum  lib.  \.\X. 
in  quihiis  iiaturœ  totius  miranda  h 
mundi  inciinabulis  ad  no.strani  us- 
que  œtalem  ,  Brescia  ,  i53G;  — 
QuinlusCiirtius  suœ  integritati  res- 
titutus ,  \ cuise,  i537.  (  Fojez 
Qui> TE-CuRCE  ,  pap;.  4^5  cidessiis.) 
—  Dialogi  très  ,vidc'licet  quantum 
à  di^'ite  pauj'cr  distct ,  quunlùin  nu- 
va  ingénia  vetcribus  cédant  ;  quan- 
tum prœ.stet  pulchro  nomine  nun- 
cupari ,  Pavic,  i5i8;  —  Facetia- 
rumlib'iji,  Brescia,  i534;  —  Ve 
Dissidio  auctorum  ,  Venise,  \!j3']  , 
grand  in-S".; —  Poésies  cLreliennes 
en  latin  ,  parmi  lesquelles  sont  trois 
ïraséJics  ,  Paris  ,  i>i4,in-rol.  :  la 
prefdcc  du  paiie'gviiqiie  delà  Vier- 
ge, qui  fait  pariic  de  ce  recuiil  , 
intitulée  Jn  Parthenocleum  Orph- 
nilogia  ,  a  e'tc  insérée  dans  le  Àle- 
nagiana  (  tome  i  ,  page  ()4  )  com- 
me uu  cliet'  -  d'œuvre  de  gaiima- 
thias  double.  Adrien  Ijaillet  a  dit 
du  mal  des  Iragcdiis  de  Stoa  Ju- 
gements des  sa^'ants  ,  tome  iv  )  ; 
ScaligercnavailditduLicn  Poc/à-., 
1.  VI  ,  ch.  IV  )  :  elles  étaient  bonnes 
pour  le  temps  où  elles  furent  com- 
posées. Leur  auteur  en  fit  aussi  de 
profanes,  qui  sont  restées  inédites  , 
et  dont  les  sujets  sont  :  Pompeius  , 
Cœsar,  Marins,  Nero,  Tullius,  Bu. 
siriSjSopliotles ,  Homerus ,  Ilippo- 
Ijtus,  Ljcus,  Sjlla,  Calo^Alexan- 
der,  haras.  Ses  autres  ouvrages  iné- 
dits consistent  dans  les  suivants:  Du- 
bitationum  lib.  ni;  —  Mysticorum 
l.  yi;  —  Hectoridos  l.  ni  ;  —  Mir- 
jnecomjomackiii  ;  —  Parallelica- 
rum  lUiloriantni  L  ii  ;■  —  Publico- 


*  QUI 

rum  crrorum  l.  n;  —  Minutiarum 
l.  m  ;  —  Furiii'orum  ,  comédie  : 
il  avait  compose  d'autres  comédies 
qu'il  perdit  à  la  prise  de  Pavie,  ainsi 
que  plusieurs  productions  (|u'il  rc- 
grcllait  ,  savoir,  les  comédies  inti- 
tulées ,  Lesbia  ,  Cermini  ,  SorvreSy 
Consobrini  ;  —  Pliinorum  studio- 
rum  lib.  ni; — De  crisibus  po'éta- 
rum  lib.  ir  ;  —  Koctisorgium  in  ur- 
biuni  sequestrum  ;  —  Proprietatum 
l.  n  ;  —  Novorum  im'entorum,  l.ii; 

—  De  Aivernis  l.  i  ;  —  Nirnianun 
l.  ;/,  in  quibus  duccntu  virorum  il- 
lustrium  cpitiijdda  conlititniur  ;  — 
Itinerarii  l.  ly  ;  —  Efigrammatum 
l.  y,  etc.,  etc.  Outre  les  ouvrages 
imprimes  de  son  vivant ,  il  en  est 
cncored'autres  publics  après  sa  mort, 
par  sou  ami  Planerius;  et  ce  sont  : 
Geographiœ  lib.  \.\a,  Padoue,  1 5  ")8; 

—  Ludicmrum  l.  ;/,  \  eni.se,  i  508; 

—  Tetrastica  in  omnes  puntificcs  et 
Cijesares,  Venise,  i^-jo;  —  Com- 
menlaria  in  Julinm  Solimim  ,  Ve- 
nise, 1  f}*]  I  ;  —  I.inologiv  lib.  ri,  in 
quibus  à  semine  ad  charlam  us'pie 
omnia  quœ  de  lino  fiant  descii- 
buntur,  Venise,  i583;  —  Knco- 
mium  urbis  renetiarum  herdicis 
carminibus  conscriptum  ,  Venise, 
i;'J83.  On  trouve  j)lusif'urs  autres 
Poésies  particulières  de  Conti  Stoa, 
dans  le  P.ecueil  intitulé  :  Carminum 
illustrium  poèlarum  italorum  ,  aux 
tomes  vni  et  ix;  ainsi  que  dans 
les  Deliciœ  poëtanini  italorum,  et 
parmi  les  Poëinata  de  Tajetli.  Le 
diplôme  que  Louis  XII  lui  donna  , 
en  le  couronnant  à  M  dan  ,  se  conser- 
ve en  original,  dans  la  hlljlioll:èque 
de  feu  le  conile  Jean-Marie  .Mdzuc- 
cbelli,  à  Brescia.  G  —  n. 

QUIQUERAN  DE  BEAUJEU 
(  Pierre  ),  littérateur,  d'une  an- 
cienne et  noble  maison  de  Proven- 
ce, qui  a  produit  un  grand  nombre 


QUI 

d'hommes  distnigues  daus  tous  les 
genres ,  uaijuit  dans  Arles  ,  en  1 5.26. 
Son  père,  maître- d'hôtel  du  roi 
François  I*^'.,  mourut,  le  laissant  en 
bas  ii^e.  Il  fut  envoyé  peu  de  temps 
après  à  Paris,  oh  il  suivit  les  leçons 
de  Turnèbe,  Lambin,  Morel,  Baif, 
etc. ,  et  fa  de  £;rands  et  rapides  pro- 
grès dans  les  lai)j;ues  et  la  littérature 
anciennes.  Poussé  par  le  désir  d'é- 
tendre ses  connaissances,  il  se  len- 
dit  ensuite  en  Italie,  dont  il  visita 
les  principales  villes  et  les  écoles  les 
plus  célèbres,  recueillant  partout  des 
témoignages  flatteurs  de  l'intérêt  que 
ne  pouvaient  manquer  d'inspirer  son 
ardeur  pour  l'étude  et  la  précocité 
de  ses  talents.  A  son  retour  d'Italie. 
il  fut  pourvu  de  l'évêché  de  Sencz 
(0,  faveur  qu'il  n'avait  point  sol- 
licitée :  mais  un  procès  dont  dé- 
pendait toute  sa  fortune  ,  l'ciapc- 
cha  de  prendre  possession  de  son 
siège;  et  il  revint  à  Paris,  oii  maU 
gré  l'importance  de  ses  affaires  ,  il 
donna  la  plus  grande  partie  de  son 
temi^'s  à  la  culture  des  lettres  et  des 
sciences.  Il  y  mourut,  avant  d'avoir 
été  sacré,  d'une  attaque  d'apoplexie, 
le  17  août  i5:')0,  à  l'âge  de  vingt- 
quatre  ans ,  et  fut  inhumé  dans  l'é- 
glise des  Grands-Angusiins,  où  sa 
famille  lui  fit  élever  un  tombeau  ma- 
gnifique ,  dunt  Gilles  Corrozet  a 
donné  la  description  dans  ses  anti- 
quités de  Paris.  Pierre  de  Qtiique- 
ran  y  était  représenté,  soutenu  par 
une  renommée  ,  au  milieu  des  allri- 


(l)  ("/est  en  i54fJ,  suivant  le  Gnllia  chr:ilinnn  , 
cjue  Pierre  de  QuitjuerHii  l'ut  nommé  évijiie  de 
oeiiez  ;  il  avait  alui-s  vinj;t  ans,  et  non  pas  dix-lmit  , 
comme  ou  le  dit  dai!S  le  UDUveau  IJiclioiinaira 
hisluiii/ite  ,  ciilifjue  et  hiblio^nipliii/iie.  De  Boze 
prétend  que  ce  l'ut  le  premier  cyf-quc  nommé  deyinis 
le  coucoidat  de  Léuii  X  et  de  François  l^''.;  mais  le 
concordai  signi!  en  i5iG,  fut  exécuté  ,  malgii-  i'op- 
pusitiou  du  parlement  et  de  l'université,  depuis 
l5i8;  et  il  est  impossible  d'ad'ueltre  ((ue  Fran- 
çois 1er.  aitattMidusiloug-tomps  à  jouir  d'ua  di'uit 
qu'il  avait  si  cLèrenieut  aclicté. 


QUI  4r>5 

buts  des  sciences  et  des  arts.  Lors 
de  la  destruction  de  ce  monument , 
le  cardinal  de  Joyeuse  demanda  le 
bustedu  prélat,  que  l'on  attribuait  au 
fameux  Jean  Goujon.  L'évèque  de 
Scnez  est  auteur  d'un  panégyrique  de 
la  Provence  ,  qui  fut  imprimé,  après 
sa  mort,  sous  ce  titre  :  De  Imulihus 
Provinciœ  lihri  très,  Paris,  1 55  i ,  in- 
fol.  très-rare  (■>.)  ;  cet  ouvrage  a  été 
traduit  en  français  par  Fr.  de  Cla- 
ret,  archidiacre  de  l'église  d'Arles, 
Tournon  ,  161 3  ou  itii4,  in-8'\ 
Dans  le  premier  livre  ,  l'auteur  , 
après  avoir  déterminé  les  limites  de 
la  Provence  ,  compare  sa  fertilité 
avec  celle  de  l'Afrique,  de  l'Egypte 
et  des  Indes  :  dans  les  deux  suivants 
il  en  détaille  les  productions  ;  et  il 
termine  ])ar  des  recherches  sur  l'his- 
toire ancienne  de  Marseille  ,  et  par 
des  remarques  sur  le  caractère  et 
les  mœurs  des  Provençaux.  Cet  ou- 
vrage est  fort  curieux;  mais  l'au- 
teur s'abandonne  à  des  digressions 
qui  lui  font  perdre  de  vue  ,  pres- 
que constamment ,  son  sujet.  Ain- 
si, par  exemple,  dans  le  premier 
livre,  après  avoir  dit  que  le  Uhoiio 
est  pour  la  Provence  ce  que  le  Nil 
est  pour  l'Egypte,  il  rapporte  une 
grande  quantité  de  passages  des  an- 
ciens auteurs  grecs  et  latins  sur  le 
Nil ,  sur  ses  débordements  périodi- 
ques, et  sur  l'ignorance  oii  l'on  était 
du  lieu  de  sa  source.  Les  citations 
qu'il  a  tirées  de  Pline,  et  de  Solin  , 
son  copiste  ou  son  plagiaire,  l'entraî- 
nent à  flétrir  les  écrivains  qui  s'ap- 


[■>.)  LVdition  de  i3:?q, citée  dans  la  Blhl.  hhlor. 
de  La  France,  est  imaginaire;  celle  de  lâji  u  est 
)i;.s  111-40.,  mais  in-l'ol.  Le  P.  f.e  Long  cite  encore 
deux  éditions  Je  cet  ouvrage  ,  Lyon  ,  iï()5  ,  in-.|^. , 
et  1014,  iu-80.  Il  assure  que  la  traduction l'iançaise 
parCIaret,  est  intitulée  :  La  nouvelle  ngriciUtiira 
ou  InslruclioH  générale  pour  ensemencer  toutes  '■or- 
les  <i' arbres  fruitiers,  etc.  L'exemplaire  que  nous 
OToiis  sons  les  yeux  a  pour  litre  :  La  l'rovenee  de 
t'ierie  de  Quii^ueran ,  distinguée  en  Irais  Uvrvt^ 


4^5 


QUI 


propricut  les  recherches  de  leurs  de- 
vanciers :  vient  ensuile  un  éloge  de 
Pline  qu'il  prétend  venger  des  atta- 
ques de  ses  envit-ux  ;  ce  qui  le  con- 
duit à  jmiler  de  l'envie,  maladie  trop 
commune  aux  littérateurs  :il  passe 
en  revue  les  grands  hommes  de  l'an- 
tiquité qui  en  ont  été  atteints,  et  vient 
en(in  à  Ciccron,  qu'il  peint  des  cou- 
leurs les  plus  odieuses,  l'accusant  de 
vauité,  de  manque  de  courage,  de 
perfidie,  et  lui  reprochant  de  n'a- 
voir su  ui  fuir,  ni  mourir  liouora- 
Llcuient.  Dans  le  second  livre,  après 
avoir  décrit  les  beaux  troupeaux  de 
la  (^imarguc,  il  \^.ir\c  des  J'en  ades 
ou  combats  de  taureaux  :  avant  de 
traiterdes  bêtes  fauves ,  il  fait  l'éloge 
de  la  chasse  et  du  chien,  dont  il  in- 
dique les  diflTérentes  espèces,  et  les 
services  qu'on  en  peut  retirer,  Kidin 
l'ouvrage  entier  n'est  qu'une  suite  de 
digressions  ,  mais  presque  toujours 
curieuses  et  intéressantes.  On  a  de 
l'évèquc  de  Sene?.  un  opuscule  on 
vers,  imprimé  à  la  s'ute  de  l'ouvrage 
précèdent  :  Dr  ad\>etHu  .-/nnibalis  in 
adi-ersain  ripanx  Arelatcnsis  agri 
hexamctris  centum.  W — s, 

QUIQLKRAN  DE  DEAU- 
JEU  (  Paul-Antoi>-e  DE),cé!tbie 
marin  ,  de  la  même  famille  que  le 
préeé  lent ,  fut  reçu  chevalier  de 
Malte,  eu  ifii-j.  ii.i  valeur,  et  les 
avantages  qu'il  avait  remportes  rous- 
tamuient  sur  les  Turcs,  lui  méritè- 
rent la  réputation  d'un  des  plus 
grands  hommes  de  mer  de  son 
temps.  Au  mois  de  janvier  iGOu  , 
obligé  par  une  tcmjcte  de  relâcher 
dans  un  des  ports  de  l'Archipel ,  il  y 
fut  investi  par  le  capitan  pacha  Ma- 
zamamct ,  à  la  tète  de  trente  gilcres 
de  Rhodes.  .Après  avoir  épui'.c  tou- 
tes ses  munitions  ,  et  penlu  les  trois- 
3uarts  lie  sou  équipage,  il  fut  force 
e  se  reudre,  et  transporté  sur  la  ga- 


QUI 

1ère  du  pacha.  IMais  bientôt  une  nou- 
velle tempête,  plus  violente  que  la 
première  ,  dispersa  la  flotte  victo- 
rieuse ;  et  TMazamamet  se  vit  réduit 
à  implorer  le  secours  de  son  prison- 
nier ,  liont  il  connaissait  les  talents. 
Le  chevalier  de  Beaujeu  ,  par  l'ha- 
bilelé  de  ses  manœuvres,  sauva  le 
bâtiment  d'un  danger  presqu'inévi- 
table  ;  et  le  pacha  ,  pénétre  de  recon- 
naissance ,  voulut  le  sauver  à  son 
tour,  en  le  cachant  painii  les  au- 
tres prisonniers.  Mais  le  grand-visir 
le  reconnut  sous  son  déguisement,  au 
portrait  qu'on  lui  en  avait  tiacé, 
et  l'envoya  au  château  des  Sept- 
Tours.  Toutes  les  propositions  qu'on 
fit,  au  nom  do  roi ,  pour  sa  rançon  , 
furent  inutiles;  et  les  Yénitiensdeman- 
dèrent  vainement  qu'il  fût  com- 
pris dans  le  traite  de  Candie.  En- 
fin un  de  ses  neveux  (i)  furiiia  la 
résolution  de  le  délivrer  :  il  partit 
pour  (^.oiistaiitiiiople  ,  à  la  suile  de 
IM.Nointel.  ambassadeur  de  l'iaueeà 
la  Porte  ,  obtint  la  permission  de  voir 
le  prisonnier,  et  lui  communiq\ia  le 
plan  qu'il  avait  conçu  pour  lui  rendre 
la  liberté.  Une  fois  d'accord  sur  les 
movens  ,  il  continua  ses  visites  à  son 
ont  le  ,  sous  divers  prétextes ,  et  lui 
porta  des  cortles  ,  dont  il  .s'entourait 
le  corps  ,  pour  les  soustraire  à  la 
surveillance  des  gardes.  Ouaud  il  en 
eut  assez  ,  ils  convinrent  du  joiu-  de 
l'évasion.  Au  signal  donné  ,  le  che- 
valier de  Beaujcu  descendit  à  l'aide 
de  la  corde,  dont  il  avait  allarhë 
l'une  des  extrémités  aux  barreaux  de 
sa  prison  :  elle  se  trouva  trop  coin  te 
de  quelques  toises  ;  mais  il  n'hésita 
pas  a  s'élancer  dans  la  mer  qui  bai- 
gne les  murs  du  château.  Le  biiiit 
(pi'il  fil  en  tombant,  attira  quelques 


(i  ;  Jiii  'jnci  de  (Uàiiucian  ,  fitrc  aiiit  Je  l'évrquc 
<le  Castro;  il  n'était  âgé  c{u«  de  yiogt-dcux  bd*. 


QUI 

Turcs  qui  passaient  non  loin  de  là 
dans  un  brigautin  ;  mais  son  neveu, 
arrivant  à  force  de  rames  dans  un 
esquif  Lien  arme,  dispersa  les  Turcs, 
et  le  recueillit ,  puis  le  conduisit 
à  bord  d'un  vaisseau  que  comman- 
dait le  comte  d'Api-emont.  Ainsi  le 
cbevalierde  Bcaujeii,  après  onzeans 
de  captivité,  eut  le  bozijieiir  de  le- 
voir  la  France  (  1O7  i  ).  11  fui  pour- 
vu ,  peu  de  temps  après  ,  par  le 
granl-maître  de  Malte  ,  de  la  cora- 
manderie  de  Bordeaux  ,  et  vécut 
plusieurs  années  au  sein  de  sa  famille, 
jouissant  de  la  considération  due  à 
ses  talents  et  à  ses  services  (  Voy. 
V Eloge  de  Vévéque  de  Castres ,  par 
M.  dcBoze.  )  W— s. 

QUIQUERAN  de  BEAU  JEU 
(  Honoré  de  ) ,  neveu  du  précèdent , 
ne'  dans  Arles,  en  i6j5,  montra, 
dès  son  enfance,  une  grande  vivacité' 
que  ses  parents  dirigèrent  vers  l'c- 
tude.  11  fit  de  rapides  progrès  dans 
les  langues  grecque  et  latine,  culti- 
va son  goût  pour  l'éloquence  ,  et 
se  rendit  un  profond  lliëologicn.  A 
l'dge  de  dix-sept  ans  ,  i!  entra  dans 
la  congrégation  de  l'Oratoire  ,  et 
fut  chargé  de  professer  la  théo- 
logie au  collège  d'Arles ,  et  en- 
suite à  Saumur.  Les  talents  qu'il 
montrait  pour  la  chaire  ,  engagèrent 
ses  supéiieurs  à  l'employer  flans  les 
missions  de  l'A  unis  et  du  Poitou  ; 
elles  succès  les  plus  brillants  furent 
le  prix  de  son  zèle.  Appelé  par  Flë- 
chier  dans  son  diocèse,  nomme  cha- 
noine de  la  cathédrale  de  INîmcs , 
et  choisi  i)our  l'un  de  ses  grands- 
viciires  ,  il  contribua  beaucoup  à 
calmer  l'agitationdcs  esprits,  encore 
irrites  par  la  revocation  de  l'cdit  de 
Nantes  ,  et  prévint  dans  Nîuics  une 
sédition  qu'allait  occasionner  la  sé- 
vérité du  maréchal  de  IMonlrevel  , 
commandant   alors   en    Languedoc 


QUI  457 

(i).  L'abbe'  de  Beaujcu  se  conten- 
tait de  tracer  ,  en  latin  ,  les  plans 
de  ses  discours,  et  s'abandonnait, 
pour  les  remplir,  à  l'inspiration  du 
moment.  Par  cette  méthode,  il  avait 
acquis  une  extrême  facilité,  qui  lui 
fit  beaucoup  d'honneur  dans  les  as- 
semblées du  clergé  de  lOgS  et  de 
1700,  où  il  fut  député  du  second 
ordre.  Bossuet,  frappé  de  ses  talents, 
le  j^rcssa  de  s'établir  à  Paris  ;  mais 
le  prédicateur  ne  voulut  point  être 
infidèle  à  sa  vocation  ,  et  continua  de 
se  livrer  à  la  carrière  évangclique. 
Le  roi  le  nomma  ,  en  1 705  ,  à  l'cvc- 
ché  d'Oleron  :  mais  celui  de  Castres 
ay^nt  vaqué  dans  le  même  temps,  il 
y  fut  transféré  presque  aussitôt  ;  et 
depuis  celle  époque  jusqu'à  sa  mort , 
c^est-à-dire  pendant  liente-cinq  ans, 
il  ne  sortit  plus  de  son  diocèse  que 
pour  assister  aux  étatsde  Languedoc, 
ou  aux  assemblées  du  clergé.  U  éta- 
blit dans  sa  ville  épiscopale  un  sé- 
minaire,  qu'il  soutint,  par  ses  bien- 
faits, dans  les  temps  les  ])!us  diffi- 
ciles ;  cl  il  trouva  dans  ses  économies 
les  sommes  nécessaires  pour  réparer 
ou  reconslruiie  plusieurs  églises.  Les 
devoirs  de  sa  charge,  qu'il  remplis- 
sait avec  autant  de  zèle  que  d'exacti- 
tude ,  ne  rempèchèrent  pas  de  prê- 
cher fréquemment ,  et  toujours  avec 
le  plus  giand  succès.  En  171 1,  il 
harangua  le  roi,  en  lui  présentant  le 
cahier  des  états  de  Languedoc;  le 
discours  qu'il  prononça  dans  cette 
occasion ,  fut  extrêmement  applaudi. 

(i)  Vdici  comment  de  Boxe  rappelle  ce  fait:  le 
marcclial  de  Moritrcvel  ayant  été  informé  que,  le 
Himnnche  des  Rameaux  ,  les  fanatiques  devaient  te- 
nir leur  assemijlee  i  a  s  UD  muulin  des  fjubourgs  de 
Nimis,  Gt  iuve.'tir  ce  monliu  avec  ordre  de  le  brû- 
ler. Les  lialjitanls  elfiayés  crurent  que  c'était  à  leur 
Tie  et  à  leur  ville  qu'im  en  voulait;  ils  prirent  les 
arîiics,  et  se  rcfugièri  nt  dans  l'église,  avi  c  la  réso— 
luli  n  de  se  défendre  jusqu'à  l'extrémité.  L'abbé  de 
lieanjeu  monta  aussitôt  eu  chaire  ,  et  parla  avec  tant 
de  foi  ce  et  d'onction  ,  que  le  calme  ayant  succédé- 
an  luoiuUe  ,  le  service  se  litià  l'ordinaire ,  et  chacun 
s'en  retourna  chez  soi ,  rassuré  et  en  yaix. 


458 


QUI 


Ce  fut  pendant  rasscmblcc-gnierale 
du  cIorf;ë,  qui  se  tenait  à  Paris,  que 
Louis  XIV  nionriit  (  i  -y  i  5)  :  l'tvcv|uc 
de  Castres  fut  chui>i  pour  prononcer 
l'oraison   fiinèlirc  de  ce  jn  incc ,  à 
Saint-Denis,  C'est  la  seule  pièce  d'c- 
loqiiencc  de  re  prcl.it ,  qui  ait  c'te  iiu- 
prinidc;  tt  elle  suflit  pour  faire  re- 
gretter la  perte  des  autres.  De  retour 
dans  son  diocèse,  il  s'occupa  d'exé- 
cuter de  nouveaux  projets  qu'il  avait 
conçus  pour  améliorer  le  sort  des 
peuples  confies  à  ses  soins.  Quoique 
j)eu  riche,  il  bâtit,  à  ses  frais  ,  le 
•;ranJ- liôpiial  de  Castres  ,  le  dota 
d'une  pirtic  de  ses  épargnes  ,  et  lit 
reconstruire  le  chœur  de  la  calhe- 
dralc.  L'ctmlo  était  l'uniq'je  delassc- 
mcLt  de  SCS  travaux:  chaque  jour,  il 
passait  quelques  heures  au  milieu  de 
ses  livres ,  dont  la  [tluparl  étaient 
enrichis  de  notes  de  5a  main.  Ayant 
voulu  {^OMler  la  consoliliun  devoir 
encore  une  fois  sa  famille,  il  se  ren- 
dit à   Arles:  mais  il  y   fut  attaque 
d'une  fluxion  de  poitrine  qui  l'en- 
leva, le  aG  juin    i^SG,  à  l'à^e  de 
quatre  vingt-ua  ans;  il  fut  enterre' 
dans  l'église  des  Dominicains,  et  nni- 
Tcrsellemcnt  regrette.  II  était  associe 
de  l'académie  des  inscriptions  ,  de- 
puis son  renouvellement  ;  et  Do7.e  y 
lut  son  Elo^e,  qui  est  inséré  dans  le 
tome  XII  du  //t'C»<-<7de  cette  compa- 
gnie [  33(3-44  /•  Outre  r  Oraison  fu- 
nèbre  de  Louis  XW,  1715,  in-4°. , 
ou  a  encore ,  de  ce  digne  prélat ,  des 
Lettres  et  des  Instructions  pasto- 
rales,  sur  rétal)lisseiMent  du  sémi- 
uairc  de  Castres ,  sur  les  maladies 
contagieuses  de  Provence  et  de  Lan- 
guedoc ,  sur  l'incendie  de  Castres  , 
sur  les  abus  de  Ii    mendicité,  sur 
1j  légende  de  Grégoire  VU,  sur  le 
concile  d'Embrun ,  etc.  Sou  portrait, 
gravé  par  Duflos  ,  fait  aussi   partie 
du  Recueil  de  Desrochers.  W — s. 


QUI 

QUIRINI  (Angelo-Mauia).  F. 
QUKUIM. 

QUlPiINO  (Piehre),  voyageur 
vénitien  du  quinzième  siècle  ,  faisait 
le  commerce  dans  l'île  de  Candie  ; 
mais  il  n'est  remarquable  que  par  les 
dc'ails  (|u'il  nous  a  transmis  sur  la 
Scandinavie  ,  ou  il  fut  ])orlé  par 
un  naufiagc.  Ayant  armé  un  n.nirc 
pour  la  Flandre  ,  il  mit  à  la  voile  le 
a5  avril  i43i.  Contiarié  par  les 
vents  ,  il  ne  passa  le  détroit  de  Gil- 
braltarque  le  -x  juin  ,  et  fut  oMigé  de 
relâchera  Cadix,  ensuite  à  Lisbonne, 

f)uis  à  iNIures  en  Calice.  H  fut  poussé, 
c  f)  novembre,  au  ilelà  des  Soi  lin- 
gues ;  et  la  tem|)èle  continua  pres(jue 
sans  interruption  juscpi'au  17  dé- 
cembre. Les  voiles  étaient  déchirées; 
le  bîtiment  faisait  eau  de  toute  part; 
il  fallut  l'abandonner.  Quarante-sept 
hommes,  embarqués  sur  la  chaloupe, 
essayèrent  en  vain  de  gagner  l'Ir- 
lande. .\piès  avoir  er.duié  les  extré- 
mités les  plus  allreuses  du  fioitl  ,  de 
la  faim  et  de  la  soif,  ils  a|)eiçiirent 
nue  terre,  le  4  janvier  i43a.  Le  Icii- 
dcmaia  ,  la  chaloupe  fut  portée  par 
les  vagues  sur  un  rocher.  Cinq  des 
naufragés  jK-rirent  pour  avoir  avalé 
trop  de  neige;  vingt -cinq  autres 
tl.Mcnt  morts  en  mer.  Les  dix  sept 
qid  restaient  se  construisirent  une 
tente  avec  les  avirons  ,  les  voiles  et 
les  bordages  ;  ils  n'avaient  que  des 
coquillages  pour  se  nourrir.  Onze 
jours  après,  le  domcstiqucdc  ()uirino 
trouva,  sur  la  pointe  la  plus  septen- 
trionale de  l'îlot,  une  maison  en  bois  ; 
on  s'y  transporta  :  cnlin  la  Provi- 
dence prit  pitié  de  Quirino  et  de  ses 
compagnons.  Au  bout  d'une  qiiin- 
z;iine  de  jours  ,  des  habitants  d'une 
île  éloignée  de  huit  milles  ,  arrivèrent 
à  l'îlot  qui  s'appelait  Saml-Ly  (  lie  de 
Sable  ).  Ils  ne  purent  emmener  que 
deux  des  naufrages  à  l'île  de  Ruslèuc 


QDI 

(Rost-oe) ,  surlacôtesepteutiionale 
de  Norvège.  Deux  jours  après,  le  2 
février ,  les  insulaires  vinrent  tlier- 
clier  les  antres  :  ils  n'étaient  plus 
que  dix.  Quiiino  et  ses  compagnons 
furent  re[).irtis  clans  diltcrentes  mai- 
sons ,  et  traites  avec  la  plus  grande 
humanité.   Les  voyageurs  sortirent 
de  Rost  à  la  lîn  de  mai ,  et  furent  dé- 
barqués près  de  Drontlieira,  la  veille 
de  l'Ascension.    Comblés  de    mar- 
ques débouté  de  l'archevêque,  et  du 
vice-roi ,  ils  se  mirent  en  route  pour 
la  Suède  ,  où  on  leur  avait  dit  qu'ils 
trouveraient   un    de   leurs   compa- 
triotes établi  à  SticUimborg  (  Stege- 
borg  eu  Ostrogolliie  ) ,  à  cinquante 
journées  de  Drontlieim.  Celui  ci  ne 
négligea  rien  pour  consoler  Quirino 
et  les  siens  dans  leur  adversité  j  il  les 
fit ,  à  leur  départ ,  accompagner  par 
son  fils  ,  jusqu'aux  bords  du  Jœtliaî- 
Elf  ,   où  ils  s'embaripicrcnt.  Trois 
des  voyageurs  allcront  à  Rostock  ; 
les  autres  suivirent  Quirino  en  An- 
gleterre, puis  conlinuèrentleur  roule 
par  rAUcmagne  et  Bàle ,  et  eîifia  at- 
teignirent Venise.    La   relation    de 
Quirino  intéresse  non-seulement  par 
le  récit  naïf  et  toucliant  de  ses  mal- 
heurs ,  mais  aussi  par  les  renseigne- 
ments  précieux   qu'elle   olîVe   pour 
l'histoire  de  la  géographie.   La  des- 
cription de  la  Norvège  et  de  son 
commerce,  la  peintiue  des  mœurs  et 
des  usages  de  ses  habitants ,  sont  des 
fragments  importants  pour  l'histoire 
des  ])euplcs.  La  pèche  de  la  morue 
au  Lofodden  ,   et  le  commerce  de 
stokfisch  et  de  harengs,  étaient  déjà 
très  florissants.  En  un  mot ,  ce  voya- 
ge est  très  -  instructif.  Ramusio  Je 
publia  le  premier  sous  ce  litre  :  ^ia^- 
gio  del  inagnifico Messer  Pietro  Qui- 
rino nal  quelle  partito  di  Candia  con 
vialvagie  pcr  poncnte  l'aiino  i43i, 
lacorre  in  uno  horriOile  spayenioso 


QUI  45<) 

naufra^io  delquale  alla  fine  con  di- 
versi  accidentiscampato,  arriva  nel~- 
laI\on>egiae  Sueliaregni settentrio- 
nali.  Ce  morceau  est  suivi  d'une  re- 
lation du  même  naufrage,  par  C.  Fio- 
ravante  ,  et  Nirolo  di  IMichicl ,  com- 
pagnons de  Quirino.  L'un  et  l'au- 
tre sont  dans  le  tome  ii  du  Recueil. 
Le  récit  de  Quirino  a  trouvé  place 
dans  la  plupart  des  Collections  de 
voyages  :  l'auteur  de  cet  article  en  a 
inséré  la  traduction  dans  l'Histoire 
des  Naufrages,  en  1816.  E — s. 

QUIROGA  (  JosEPu  )  ,  jésuite  , 
naquit ,  en  1707  ,  à  Lugo  ,  dans  la 
Galice  ,  d'une  ancienne  et  noble  fa- 
mille. Dans  sa  jeunesse ,  il  étudia  les 
mathématiques  avec  succès  ;  fut  ad- 
mis à  l'école  de  la  marine,  et  fit  plu- 
sieurs voyages  sur  mer.  11  prit  en- 
suite l'habit  de  S  linl-Ignace,  et  sol- 
licita de  ses  supérieurs  la  permission 
de  passer  en  Amérique,  pour  y  prê- 
cher l'Evangile.  Dans  le  même  temps, 
il  reçut  du  roi  d'Espagne  ,  Philippe 
V  ,  la  commission  de  visiter  la  terre 
Magellani que,  qui  n'était  encore  con- 
nue qu'imparfaitement;  de  s'assurer 
des  ressources  que  le  pays  pouvait 
oflrir;  et  de  dclenuiner  les  points 
les  plus  ])ropres  à  rétablissement  de 
ports  et  de  rades  pour  les  bâtiments 
du  commerce.  Le  P. Quiroga,  parti  sur 
lin  vaisseau  (  le  Saint-Antoine  )  que 
commandait  un  excellent  officier ,  se 
rendit  d'abord  à  Buenos  -  Ayres. 
Deux  de  ses  confrères,  attachés  à, 
la  mission  du  Paraguay,  et  dont  l'un 
(  le  P.  Matthieu  Slrohl  )  parlait  ia 
plupart  des  langues  de  celle  ])arlic 
de  l'Amérique  ,  lui  demandèrent 
l'honneur  de  partager  les  dangers  de 
celle  expédition.  Après  avoir  termi- 
né les  préparatifs  de  son  départ,  il 
mit  à  la  voile  de  Monte-Video,  le 
27  décembre  17/p;  cl,  porté  par 
un  vent  favorable ,  atteignit  sa  dca- 


46o  QUI 

tination  sans  aucun  accident.  Tan- 
dis que  ses  compacçnons,  escortes  de 
quelques  soldats,  p.ucouiaiont  à  pied 
riiitérieiirdii  pays,  le  père  Quiroj;a, 
monte  sur  une  chaloupe  ,  en  visitait 
les  côtes  pour  signaler  les  rochers  à 
fleur  d'eau  dont  elles  sont  bor^Jccs  , 
et  pour  déterminer  avec  précision 
retendue  et  les  avantai^es  des  havres 
et  des  j)orts  naturels  qu'il  reconnais- 
sait sur  sa  route.  Le  résultat  de  ce 
voyage  ne  fut  point  aussi  important 
qu'on  aurait  dû  l'attendre  du  /è!e  du 
P.  Quiroga.  Ses  compagnons  ,  après 
s'être  avances  jusipi'à  i4  lieues  du 
détroit  de  M.igeliari,  sans  rencontrer 
aucun  habitant, se  virent  presses  par 
le  manque  de  vivres,  et  obligesdcga 
guer  la  côte  dont  ils  ne  s'étaient  pas 
trop  éloignes.  F^es  provisions  du  vais- 
seau étaient  presque  épuisées  ,  et  on 
avait  perdu  l'espoir  de  les  renouve- 
ler :  il  f  «iliit  donc  songer  au  retour  ; 
et  le  l*.  Quirogi  arriva  ,  le  4  avril 
i74<>,^  Buenos- A\rts,  trois  mois 
otquerpies  jours  après  en  cire  parti. 
11  s'<Mupressi  d'envoyer  à  IMadriJ 
les  observations  qu'il  avait  recueil- 
lies dans  son  voyage,  et  qui  furent 
«léposées  aux  archives  de  la  mari- 
ne (  i).  Peu  de  temps  après  ,  il  fut 
chargé  de  tracer  la  limite  qui  sépare 
les  provinces  espagnoles  des  portu- 
tugaises  dans  l'Amérique  méridiona- 
le. Des  qu'd  eut  terminé  cette  opé- 
ration importante,  il  revint  en  Eu- 
rope ,  et  se  rendit  à  Rome,  pour 
y  exposer  l'état  des  missions  dans 
le  Paraguay.  11  partagea  le  reste 
de  sa  vie  entre  ses  devoirs  et  la 
culture  des  sciences,  principalement 
de  l'astronomie  et  de  la  j)hvsique  ; 
et  mourut  à  Bologne ,  le  23  octobre 


(i)  Le  p.  QuiroKn  y  j-iignlt  treiilp  cartes  conte- 
nanl  ses  décnuTcrtcsdaii.s  les  terres  Md^cllaniques; 
elles  sont  couscrvees  au  «ccrclariat  du  miuistire 
ije5  Indei. 


QUI 

1784,  laissant  la  réputation  d'un  sa- 
vant aussi  modeste  qu'éclairé  ,  et 
d'un  parfait  rdigieu-s.  Le  Journal 
du  voyage  de  Quiroga,  rédigé  sur 
ses  observations  et  celles  de  ses 
compagnons  ,  par  le  P.  Pierre  Loça- 
no  (  eu  espagnol),  a  été  imprime 
parmi  les  [lièces  juslidcatives,  dans 
le  tome  m  de  VJ/istoire  du  Para- 
guay ,  par  le  P.  de  Gharlevoix  (  F. 
ce  nom  ).  On  n'a  de  lui  qu'un  seul 
ouvrage  imprimé  :  Tratado  del  ar- 
te  vcrdtidero  de  uai'eg^ar  jior  circn- 
lo  fhiraltflo  a  la  efjuinozitil ,  1 784 • 
Kmamicl  Mendez ,  son  neveu,  qui 
fut  l'éditeur  de  ce  traité  ,  annonçait 
la  pulilication  prochaine  d'un  opus- 
cule latin  de  son  oncle,  dont  il  a 
donné  l'analyse  :  De  ralione  inve- 
niendi  loug^itudinem  in  mari  ,  ope 
solis  ,  lurue  ,  jdanelavuvi  et  stella- 
runi  jlxarum  ;  mais  il  n'a  pas  tenu 
sa  promesse.  On  conserve  à  Bologne 
plusieurs  manuscrits  du  P.  Quiroga: 
Sur  lu  manit're  de  connaître  la  lon- 
gitude en  mer ,  par  l'observation 
des  taches  du  soleil ,  de  la  lune  ,  des 
éclipses,  des  satellites  de  Jupiter  , 
et  de  la  boussole  ;  —  Sur  tart  de 
fabriquer  les  boussoles  ;  —  Sur  les 
ventilateurs  ;  — Sur  le  mojen  de 
faire  marcher  les  vaisseaux,  dans  les 
temps  calmes  ;  —  Sur  la  construc- 
tion de  bar(|ues  et  de  j)oiits  d'une 
grande  légèreté;  — Sur  un  moulina' 
vent,  dont  les  ailes  placées  horizon- 
talement ne  peuvent  éprouver  aucun 
accident  par  le  changement  subit 
de  l'air;  —  Sur  la  construction  d'oi- 
seaux artificiels  ,  etc.  On  ju-ut  con- 
sidter  le  Supplément  à  la  Bibl.  Soc. 
Jesu ,  parle  P.  Caballero,p.  236. 
W— s. 
QUIROS  (PEDRO■FEnNA^'n^.z  de), 
l'un  des  plus  grands  hommes  de  mer 
des  temps  modernes  ,  et  l'un  des  der- 
niers héros  de  l'Espagne,  naquit  dans 


QUI 

ce  royaume,  vers  le  milieu  du  seiziè- 
me siccle.Quelqucs  e'cri  vains,  croyant 
apercevoir  daus  son  style  l'emploi  de 
l'idiome  portugais  ,  et  l'usage  de  la 
plirase'olocjie  de  celte  nation ,  en  ont 
fait  le  compatriote  des  Gama  et  des 
BlagcIIan;  mais  cette  supposition  est 
toul-à  fait  sans  fondement.  On  man- 
que de  renseignements  sur  les  pre- 
mières années  de  cet  illustre  naviga- 
teur. Il  paraît  qu'à  l'exemple  de  ses 
compatriotes,  il  alla  de  bonne  heu- 
re en  Amérifjue  chercher  la  gloire  et 
la  fortune.  II  ne  faisait  point  partie, 
ainsi  qu'on  l'a  mal-à -propos  sup- 
pose, de  la  première  expédition  de 
ftlendana,  en  1567.  D'après  quelques 
passages  de  ses  écrits  ,  on  peut  être 
conduit  à  penser  qiiM  voyagea  d'a- 
Lord  pour  le  commerce;  mais  ce  n'est 
que  depuis  ioqj,  que  Quiros  ,  com- 
me grand  homme  de  mer,  a]));artient 
à  l'histoire.  Il  fit,  dans  cette  deinière 
année,  partie  de  la  seconde  expédi- 
tion de  Mendana,  en  qualité  de  pre- 
mier pilote.  Ami  et  compagnon  du 
général,  investi  de  toute  sa  confiance, 
Mendaûa  lui  confia  ,  au  lit  de  mort , 
les  destinées  de  l'expédilion.  Quiros 
se  montra  digne  d'un  choix  aussi  ho- 
norable. Par  sa  fermeté,  il  main- 
tint la  discipline  parmi  des  équipages 
découragés:  il  fit  passer  dans  l'ame 
de  ses  matelots  l'ardeur  qui  triomphe 
des  obstacles  ;  et  avec  des  vaisseaux 
délabrés  ,  ayant  la  famine  à  bord,  et 
naviguant  dans  des  mers  peu  connues, 
il  parvint  enfin  à  rcconjiiire  à  Ma- 
nille les  déplorables  restes  de  la 
flotte.  De  là  ,  il  s'embarrjua  sur  le 
Saint- Jérôme  nour  Acapulco  ;  et  du 
Mexique  ,  i!  se  rendit  au  Pérou  ,  au- 
près du  vice-roi  don  L.  de  Velasco  , 
auquel  il  s'adressa  pour  obtenir  un 
nouvel  armement  destiné  à  poursui- 
vre les  découvertes  de  Mendaria.  Il 
parait  que  ce  fut ,  dans  ce  dernier 


QUI  461 

voyage,  que  Quiros  conçut  l'idée  de 
l'existence  d'un  continent  austral , 
idée  restée  vague  jusqu'alors  chez  les 
géographes  et  les  gens  de  mer.  Ni  Ma- 
gellan ,  ni  Gallego  ,  n'avaient  soup- 
çonné ce  continent  dans  cette  par- 
tie du  monde.  Sa  recherche  n'avait 
encore  été  l'objet  spécial  d'aucun 
voyage  ,  pas  même  de  la  dernière 
expédition  de  Mendaîia  :  mais  la  dé- 
couverte de  Santa-Crux  fit  croire  à 
Quiros  qu'on  avait  enfin  trouvé  cette 
terre  inconnue.  C'est  dans  les  deux 
Mémoires  qu'il  présenta  alors  à  D. 
Ti.  de  Velasco  ,  qu^on  remarque  pour 
la  première  fois  une  discussion  scien- 
tifi(|ne  et  aprofondie  sur  cette  grande 
question  géogra])hique  ,  qui  n'en  est 
pins  une  depuis  les  derniers  voyages 
de  Cuok  et  de  Surville.  Le  vice- 
roi,  croyant  que  la  demande  de  Qui- 
ros excédait  les  limites  de  son  auto- 
rité, rengagea  à  se  rendre  à  la  cour 
de  Madri^l,  et  le  chargea  de  lettres 
par  lesquelles  il  appuyait  forleraent 
ses  projets.  Philippe  111  les  accueillit^ 
mais  tout  en  caressant  les  idées  de 
Quiros  sur  le  continent  Austral ,  on  a 
cru,  que  le  gouvernement  espagnol 
avait  plutôt  l'intention  de  faire  tenter 
la  route  de  l'Amérique  en  Espagne 
par  les  Indes  Orientales  ,  d'arriver 
par  cette  voie  aux  îles  à  épiceries  , 
et  de  faire  reconnaître  entre  la  INou- 
velIe-Guinée  et  la  Chine  ,  d'autres 
îles  auxquelles  une  tradition ,  dont 
on  ignore  l'origine ,  attribuait  de 
grandes  richesses.  Quoi  qu'il  en  soit^ 
Quiros  ,  muni  d'un  plein- pouvoir  et 
d'un  ordre  adressé  au  comte  de  Mon- 
terey  ,  vice  roi  du  Pérou,  se  rendit 
à  Lima  ;  il  y  fit  construire  deux  vais- 
seaux et  une  corvette.  L''armcment 
fut  soigné  dans  tous  ses  détails  :  ses 
bâtiments  furent  pourvus  d^une  forte 
et  nombreuse  artillerie;  et  l'on  dut  se 
promettre  les  plus  grands  résultats 


4Gi  QUI 

(le  celte  expédition  desliiic'e  ,  dit  un 
historien  espagnol ,  à  g^as,ner  des 
âmes  an  ciel  et  des  royaumes  à 
V Espnç,ne.  A  la  verito,  les  vœux  jlc 
la  ieliç;u)n  et  de  la  politiqr.c  ne  fu- 
rent puint  exauces  ;  mais  îa  gcogra- 
pliie  dut  à  ce  A'oyagc  la  dcconvertc 
il'un  grand  nombre  d'il(s.  L'océan 
Pacifique  ne  parut  plus   nn  désert 
immense.  Quiios  appareilla  de  Cal- 
lao  ,  le  2  1   décembre   iGo5  ,  et  fit 
voile  à  l'ouest  suel-oucst,  jusqu'à  mille 
lieues  du  Pc'iuu,  sans  rciiconlrcr  au- 
cune  terre.  La  petite   ilc  de    l'/n- 
camacion  fut  la  première  qui  s'offi  it 
à  sa  vue.  Courant  toujoiirs  à  l'ouest , 
il   en   aperçut   plusieurs  autres  ,  et 
donna  à  la  ilernière  d'entre  elles  ,  le 
nom  «le  la  Dezana,  sans  doute  parce 
que  c'était  la  dixième  qu'il  décou- 
vrait. Celte  Derana  a  depuis  ctc  re- 
connue  pour  èlrc  Y  Osnabruç.h  de 
Wallis,  le  IJoiidnirtic  Huugainville, 
et  !a  Mailea  de  Coot.  (Juiros  se  trou- 
vait dune  à  l'entrée  de  rArcliipcl  de 
la  Société.  Il  lui  clait  réserve  d'aper- 
cevoir le  premier  la  belle  Ota'ili,  que, 
depuis,  le  génie  français  dota  du  nom 
de  Nouvelle-t^.yllière,  Le   lo  février 
iGoG,  il  vit  la  Saç,ilaria,  qu'il  re- 
connut pour  une  île  :  ses  chaloupes 
y  abordèrent  et  y  retournèrent  le  jour 
suivant.  Les  détails  relatifs  à  la  to- 
pographie du  pays,  mêlés,  dans  la 
relation  de   Torriuemada  ,  au  récit 
de  la  seconde  descente  dans  l'île  , 
offrent   une    conformité    frappante 
avec  les  détails  du  même  genre,  rap- 
portes dans  le  Journal  de  Cook.FIcu- 
ricu  [Découvertes  deiFnwcais,  etc.) 
a  consacre  une  Note  très-sav;inle  ,  à 
l'cxaiiien  de  ces  delà  ils  d'identité:  c'est 
là  qu'il  faut  recourir  pour  se  faire 
une  idée  juste  de  celle  question  géo- 
graphique. J'ajouterai  que  le  tableau 
phvsique  et  moral  que  trace  le  navi- 
gateur espagnol, des  habitants  de  la 


QUI 

Sagitaria  ,  présente  la  ressemblance 
la  plus  parfaite  avec  les  descriptions' 
des  navigateurs  modernes;  et  c'est 
un  point  qui  ,  sans  trancher  la  dif- 
ficulté, sert  au  moins  à  la  résoudre. 
Quiros  ,   en  quittant  la  Sagitaiia  , 
découvrit  plusieurs  autres  îles,  qui 
n'ont  pas  été  retrouvées.  Il  donne  à 
l'une  d'elles   le  nom  de  la    Gente 
J/ermosa,  île  de  la  Belle-Nation  ,  à 
cause  de  la  beauté  des  naturels.  Dans 
l'île  de  Taumaco ,  voisine  de  cette 
dernière,  il  (it  enlever  quaire  Indiens 
pour  lui  ^er.vir  d'inlerprèles  dans  la 
suite  de  son  voyage  :  étiangc  ma- 
nière de  rcconnaîlie  les  services  d'un 
peuple  simple,  corapalissant  et  géné- 
reux ,  qui  avait  abondai:iinent  fourni 
aux  besoins  de  ses  équipages.  Ce 
crime  de  lèse-humanité  souleva  d'in- 
dignation les  autres    Indiens   :    ils 
attaquèrent,  avec  leurs  faibles  ar- 
mes ,  les  ravisseurs  de  leurs  frères. 
Les  foudres  européennes  donnèrent 
didit  aux  I-.spagnols  :  mais  la  force 
légi(ime-l-elle  la  trahison  ?  C'est  à 
Taumaco  que  Quiros  obtint  des  ren- 
seignements qui  influèrent  sur  sa  rou. 
le  ultérieure,  et  sur  les  destinées  de 
l'expédition.  Il  apprit  de  Tumay  , 
chef  ou  cacique  de  l'île,  qu'un  grand 
nombre  d'îles  dont  il  en  désignait 
soixante  par  des  noms  particuliers  , 
qu'un  vas{e  continent,  devaient  se 
trouver  par  inie  lafiluije  plus  méri- 
dionale que  celle  de  1 1  degrés  (celle 
de  Santa-Crux  ) ,  et  qu'en  dirigeant 
sa   route  vers  le  sud,  on   rencon- 
trerait   une   grande    terre    fertile , 
peuplée  ,  et  qui  se  prolongeait  dans 
le  midi.  Tumay  nommait  celte  terre 
I^Janicola.  La  recherche  de  la  Santa- 
Crux    avait  été  jusqu'alors    le  but 
avoue  du  voyage.  C'était  toujours 
sur  le  parallèle  de   cette  île  ,    que 
Quiros  s'était  dirigé.  Les  renseigne- 
ments qu'il  venait  d'obtenir,  le  de'- 


QUI 

terminèrent  à  changer  sa  route  :  il 
marcha  vers  le  sud  ;  aperçut  succes- 
sivement les  îles  de  ïucopia  et  de 
Nueslra  Serlora  de  la  Liiz,  et  ne 
s'y  arrêta  point.  Celte  dernière  ,  que 
Qniros  place  par  i4  dcp;ics  et  demi 
de  latitude  sud,  aurait  ëtè  retrouvée, 
d'après  Flcurieu ,  et  serait  la  inême 
que  le  Pic  de  l'étoile  de  Bougainville: 
mais  c'est  encore  un  point  douteux. 
Fidèle  aux  indications  qui  lui  avaient 
éîc  foiirnies ,  Quiros  continua  de  se 
diriger  vers  le  sud  ;  et  sa  perse've'- 
rance  fut  couronne'e  du  plus  heureux 
succès.  Le  26  avril  iGoG,  plusieurs 
terres  se  présentèrent  à  la  vue  des 
Espagnols.  Quiros,  dans  l'embarras 
du  choix  ,  se  décida  à  faire  route  sur 
celle  qui  restait  au  sud-ouest  de  Nues- 
tra  Seîïora  de  La  Luz.  Après  quel- 
ques recherches  d'une  baie  et  d'un 
port  commoJes  pour  le  mouillage, 
on  en  trouva  v.n  entre  deux:  embou- 
chures de  rivièies  :  la  flotte  y  jeta 
l'ancre.  On  nomma  ce  port  La  Fera 
Crux  ,  et  la  terre  dont  il  fait  partie, 
Tierra  Austral  del  espiritu  Santo. 
Cette  terre  a  encore  ètèreîruuvcc  par 
les  navigateurs  snodernes.  11  est  bien 
reconnu  aujourd'hui  que  c'est  la  mê- 
me que  les  Grandes-Cyclades  de  Gou- 
gainville  ,  et  les  Nouvellcs-Hcbiides 
de  Cook  :  mais  si  ces  navigateurs  ne 
se  sont  pas  fait  illusion  sur  cette 
identité,  s'ils  l'ont  eux-mêmes  re- 
connue, par  quelle  manie  ,  de  quel 
droit  ont  ils  imposéun  nom  nouveau 
à    une   ancienne  découveite?  Qui- 
ros   séjourna    un    mois   entier   sur 
celte  terre  riche  de  tous  les  dons  de 
la  nature,  de  toutes  les  proiiuctions 
des  Moluques  ,  et  d'une  admirable 
fertilité.  Son  génie  la  lui  fit  regarder , 
dès   le   premier   moment ,   comme 
le  lieu  le  plus  propre  à  l'établisse- 
ment d'une  grande  colonie,  et  sus- 
ceptible de  devenir,  en  peu  de  temps, 


QUI  4(i3 

la  rivale  des  îles  à  épiceries.  C'est 
dans  son  Mémoire  au  roi  d'Espagne, 
qu'il  en  fait  le  tableau  le  plus  vrai 
et  le  plus  brillant.  Il  en  prit  posses- 
sion ,  au  nom  de  son  maître,  avec 
toutes  les  formalités  du  temps;  for- 
ma'ilés  ridicules,  et  qui  ne  peuvent, 
sous  aucun  rapport,  légitimer  l'usur- 
pation. Lt  déplorable  esprit  de  do- 
mination et  d'orgueil ,  qui  dirigeait 
alors  les  Espagnols,  les  engagea  dans 
des  querelles  sanglantes  avec  le.s  na- 
turels ,  où  l'abus  de  la  force  triom- 
pha toujours  du  bon  droit.  11  pai'aît, 
d'après  le  récit  de  Torquemada  ,  que 
le  projet  de  Quiros  ,  en  quittant  la 
baie  de  San-Felipe  y  Sant-Yago, était 
de  se  rendre  à  la  Chine  ;  mais  ayant 
éprouvé  de  grandes  contrariétés  de 
temps  ,  et  une  alfreusc  tourmente  de 
plusieurs  jours  ,  son  vaisseau  étant 
d'ailleurs  en  mauvais  état ,  il  aban- 
donna ce  projet ,  et  fit  route  pour  la 
Nouvelle-Espagne.  La  traversée  fut 
pénible;  et  ce  ne  fut  qu'après  avoir 
échappé  à  de  grands  dangers  ,  que 
Quirosatteignit  les  côtes  du  Mexique, 
le  3  oct.  1606,  neuf  mois  après  son 
départ  du  Cailao.  L'Amirante  ,  se- 
cond bâtiment  de  la  flotte,  comman- 
dé par  Louis  Vacz  deïorrès  ,  et  qui 
avait  été  séparé  du  vaisseau  de  Qui- 
ros par  la  tempête,  au  sortir  de  la 
baie  de  Sm-Felipe  ,  suivit  la  route 
de  l'ouest.  Cet  événement  doit  être 
regardé  Comme  une  circonstance  heu - 
rcuse.  Torrès  touclia  ,  dans  sa  route , 
à  plusieurs  îles  abondantes,  selon  lui, 
en  or,  en  perles  et  en  épicéiies  :  il  y 
enleva  plusieurs  naturels  ;  et  longeant 
ensuite  la  côtcsudd'unegrandeterre, 
V espace  de  huit  cents  lieues ,  parvin 
enfin  aux  Philippines,   où  il  rendit 
compte  de  ses  découvertes.  Comme 
Torrès,  dans  ce  voyage,  ne  pul  longer 
d'au  ti'es  côtes  au  sud,  l'espace  de  huit 
cents  lieues,  que  la  partie  méridiona  !  e 


464 


QUI 


(le  la  Nouvelle  Guinée,  il  en  résulte 
qu'il  traversa  le  premier  le  détroit 
que  Gook  a  depuis  nouiuic  le  de'lroit 
de  VEndeavour.  Se  faisant  une  juste 
idc'c  de  l'importaneede  ses  découver- 
tes, Quiros  crut  devoir  aller  solliciter 
lui-mcMic,  à  Madrid,  les  moyens  do 
les  poursuivre,  ainsi  que  rétablisse- 
ment d'une  coloïiie  sur  la  terre  du 
Saint-Esprit  :  mais  ce  grand  homme 
n'eut  guère  une  étoile  plus  heureuse 
que  iMendafii.Cc  fut  en  vain  qu'avec 
des  couleurs  dont  deux  siècles  n'ont 
pu  ed'acer  ni  la  vérité,  ni  la  vivacité, 
il  peignit,  dans  deux  Mémoires  adres- 
ses a  Pliilipjielll  ,les  avantages  phy- 
sitpies  de   cette  nouvelle    partie  du 
monde,  les  mœurs  de  ses  habitants, 
la  conduite  à   tenir  envers  eux  ;  eu 
vain  conjura-t-il  son  roi ,  jiar  Va- 
moiir  de  Dieu,  de  ne  point  laisser 
tant  de  travaux  ,  tant  de  veilles  ,  une 
si  noble  persévérance, sans  fruit  pour 
le  monde  et  pour  la  patrie,  .«a  voix 
fut  méconnue  parles  faibles  doceu- 
danls  de  Cliarles-Quint.  On  ne  lui 
fournit  que  des  moyens  peu  propor- 
tionnés à  la  grandeur  de  l'entreprise. 
Harcelé  de   contrariétés  ,   et  après 
avoir  consumé  plusieurs  années  en 
démarches  faiblement  accueillies,  il 
résolut  t'-C  se  rendre  à  Lima   pour 
tenter  un  nouveau  voyage;  mais  il 
n'eut  p.is  le  bonheur  d'y  arriver  :  il 
mourut  à  Panama,  en  iGi4-  Quiros 
fut  le  donner  héros  de   l'Kspagne: 
avec  lui  s'éteignit  cet  esprit  entre- 
prenant ,  qui  avait  conduit  les  Co- 
lomb aux    Antilles  ,    et   les  Corlez 
dans  le  pal.iis  de   Monlezuma.   Le 
Mémoire  de  Quiros  à  Philippe  III  , 
fut  publié  à  Séville  ,  eu    1610;  en 
lalin .  à  Amsterdam  ,  en  1 6 1 3  (  i  )  j 


(1)  Franc.  Ferd.  Qiiir  nnrralio  de  terrd  auslrali 
mco^nild  et  de  leirà  Xnnwjedanim  et  Fingeniio- 
■rum  in  Turtarid^  iii-4''. 


QUI 

et  en  français,  à  Paris  ,  iGi-j  (2). 
PurchaSjdans  sa  Collection  des  voya- 
ges (  his  Pil^rima^e  ),  vol.  4  -,  pag. 
\!{i'i ,  Londres  ,  iGi5  ,  eu  a  donné 
une  traduction  en  anglais.  On  en 
trouve  une  autre  plus  élégante,  avct^ 
quelques  changements  ,  Oans  Dal- 
rymi'Ie's  Ilist.  coZ.,  vol.  i  ,  p.  1G2. 
FIcurieu  en  a  publié  une  version 
française  abrégée,  dans  ses  Vécoii- 
i'erles  des  Français  au  md  est  de  la 
Noin>elle  Guinée,  in -4".  On  peut 
encore  consulter,  sur  Quiros,  sa  vie 
et  ses  découvertes  :  Lettres  de  Quiros 
àD.  Ant.  Morga,  dans  l'ouvrage  de  ce 
même  Morga,  intitulé  :  Succesos  de 
las  Uns  Plnlijiinas ^  ch.  G  ,  pag.  29; 
—  Tonptemada  ,  Moiiiirchia  fndia- 
na  ,  pren.ière  partie,  liv.  v  ,  cji. 
()  i;  —  dans  la  collection  de  Garcia  , 
Jlechos  de  D.  Garcia  II.  de  J\ien- 
doza,  lib.  6,  p.  '^190;  —  Dalrym- 
plc's  llist.  collection  ,  etc. ,  tome  i  , 
pag.  io3; — Debrosses,  Navif^ations 
aux  Terres  aust.  ,  tome  i  ,  liv.  m  , 
pag.  3o6  et  suiv.  ;  —  Pingre  ,  jVéïn. 
p.  le  passage  de  Venus  ,  etc. ,  pag. 
48  à  Go.  L.  R— 1:. 

QUIROS  (  Tni'oDORE  de),  mis- 
sionnaire espagnol,  na(]uit  en  i5()9, 
à  Vivero,  dansla  Galice.  Après  avoir 
terminé  ses  études  avec  beaucoup  de 
succès,  il  prit  l'Iiabilde  saint  Domi- 
nique, et  solliciin  de  ses  supérieurs 
la  permission  d'.dler  pi  ècher  l'Evan- 
gile dans  les  Indes.  Il  s'embanpia 
pour  les  îles  Plidi|)pines  ,  en  1G37  ; 
professa  d'abord  la  philosophie  à 
Manille,  et  se  rendit  cnsuiie  dans 
l'île  Formosc  ,  où  il  demeura  dix 
ans  ,  remplissant  avec  un  zèle  infati- 
gable les  fonctions  de  son  ministère. 
Les  Hollandais  s'étant  emparés  de 

(7)  Copie  de  In  reijufle  présentée  au  roi  d'IUpu- 
gne  ,  pnr  le  capituine  Pieire  Feidinand  de  (Jiitr  mr 
la  découverte  tle  la  cinquième  partie  du  monde  ,  ap' 
pelce  la  Terre  Australe,  iiicogneuo  ,  et  des  ffranda 
richesiet  eljirtiliti  d'icelle  ,ia~li  de  iG  pi>s. 


QUI 

cette  île ,  le  P.  Quiros  fut  fait  pri- 
sonnier ,  et  conduit  à  Jacatra  ,  puis 
à  Macassar.  11  retourna  ,  par  l'ordre 
du  roi  d'Espagne ,  à  Manille ,  et 
consacra  le  resie  de  sa  vie  à  la  con- 
version des  Indiens  ,  dont  il  parlait 
la  langue  aussi  bien  que  les  natu- 
rels du  pays.  Enfin  ,  c'puise'  de  fati- 
gues ,  il  mourut  le  4  décembre  i66'2, 
à  l'âge  de  soixante-trois  ans.  Le  P. 
Quiros  avait  composé  la  Grammaire 
et  le  Dictionnaire  de  la  langue  Ta- 
irai a  ;  de  plus,  il  traduisit,  dans 
celle  langue,  un  Catéchisme ,  et  plu- 
sieurs ouvrages  ascéliques,  entre  au- 
tres un  Traité  de  la  dévotion  au 
rosaire  ,  imprimé  plusieurs  fois  à 
Manille  et  à  Mexico.  Foy.  la  Bibl. 
fratr.  ordin.prœ.licator.  desPP.Que- 
tif  et  Echard.  —  Quiros  (  Augustin 
de),  jésuite  espagnol,  natif  d'An- 
dujar,  inspecteur  des  missions  de  la 
Nouvelle-Espagne,  mort  à  Mexico, 
le  1 3  décembre  i6ti2,  âgé  de  cin- 
quante-six ans ,  a  laissé  des  Com- 
mentaires ,  en  latin  ,  sur  quelques 
livres  de  la  Bible,  Séville ,  1622  , 
ia-fol.,  et  une  Dissertation  en  espa- 


QUI 


465 


gnol ,  contre  les  écrivains  qui  affec- 
tent de  se  servir  d'expressions  an- 
ciennes et  inusitées.  C'est  par  qui- 
proquo que  l'abbé  Declaustre  (  Tables 
du  Journ.  des  sa\>. ,  viii ,  286  )  lui 
attribue  la  relation  de  la  découverte 
des  Terres  Australes ,  en  i6o5,  insé- 
rée à  la  suite  des  voyagtsdeFr.Coréal. 
—  Hyacinthe -Bernard  de  Quiros, 
dominicain  espagnol  ,  portait  dans 
son  ordre  les  noms  d'Augustin-Tho- 
mas. Après  avoir  enseigné  la  théo- 
logie et  le  droit  canonique  à  Rome  , 
il  apostasia  ,  et  se  rendit  à  Berne,  où 
il  obtint  une  chaire  d'histoire  ecclé- 
siastique à  l'université  de  Lausanne. 
Il  y  mourut ,  d'apoplexie  ,  le  6  no- 
vembre 1758:  sa  bibliothèque  a  été 
donnée  à  ette  université ,  par  ordre 
de  la  république  de  Berne.  Ou  con- 
naît de  lui  une  Histoire  de  l'Eglise, 
en  allemand  ,  Lausanne  ,  1^56  ,  in- 
fo!., et  quelques  Dissertations  aca- 
démiques, en  latin.  Sa  Vie  se  trouve 
dans  la  collection  de  Simler ,  tom. 
Il ,  pag.  35g  -  64.  f^oj-,  la  Gazette 
littéraire  dç^Gottingue,  i']5ç),  page 
448.  W— s. 


R 


RaBAN-MAUR  ,  appelé  quelque- 
fois en  latin  Hrahanus  Magnentius, 
le  plus  laborieux  et  le  plus  fécond 
écrivain  de  son  siècle ,  naquit  vers 
«j^ô,  à  Ma'ience  ,  de  parents  nobles. 
Il  fut  consacré  à  Dieu  ,  dès  l'àgc  de 
dix  ans  ,  dans  l'abbaye  de  Fulde,  où 
il  fit  ses  premières  études;  et  il  se 
rendit  ensuite  à  Tours ,  pour  s'y  per- 
fectionner, sous  la  direction  d'Al- 
cuin  (  P^.  ce  nom  ),  dans  la  connais- 
sance des  arts  libéraux  et  des  saintes 
lettres.  Sa  douceur  et  son  applica- 

XXXVI. 


tion  lui  méritèrent  l'amitié d'Alcuin, 
qui  lui  donna  le  surnom  de  Maur. 
Après  une  absence  de  deux  ans ,  il 
revint  à  l'abbaye  de  Fulde ,  et  fut 
chargé  d'y  enseigner  la  grammai- 
re et  la  rhétorique.  Malgré  les  soins 
que  réclamaient  ses  élèves ,  Raban 
trouva  le  loisir  de  composer  quel- 
ques ouvrages  qui  le  firent  con- 
naître ,  et  de  cultiver  l'amitié  des  sa- 
vants de  France  et  d'Allemagne.  Or- 
donné prêtre,  au  mois  de  décembre 
Si 4,  il  fut  placé,  vers  le  même 
3o 


466 


RAB 


temps ,  à  la  tète  de  l'ccolc  que  ses 
talents  avaient  illustrée.  IMais  l'abbc 
Ratgar  ,  interprétant  iniil  la  rè|;lc  de 
saint  Benoit,  lui  reprocha   bientôt 
de  perilrea  l'élude  ini  temps  qu'il 
devait  consacrera  la  prière  ,  le  jiriva 
de  ses  livres  et  dispersa  ses  élèves. 
Raban    parvint  à  se  soustraire   au 
zèle  inconsidéré  de  son  albc  ;  et 
l'on  con)ecture  que  ce  fut  à  cette 
époque  qu'il  Gt  un  voyaj;e  en  la  Pa- 
lestine, pour  visiter  les  lieux  saints. 
L'empereur  avant  exile  Rat^ar  pour 
rendre  la  paix  à  l'ijbbave  de  Fulde  , 
Raban  vint  y  rej)retidre  ses  leçons 
publi<(iies  et  ses  autres  exercices  lit- 
téraires. H  en  tut  élu  abbë,  en  87.2  , 
après  la  mort  de  saint  Hgil ,  et  mit 
tous  ses  soins  à  y  l'aire  fleurir  la  dis- 
cipline et  les  lettres.   C'est  pendant 
son  administration,  que  l'abbaye  de 
Fuldc  ac(piit  une  juste  rcpulaîion, 
ijui  la  rendit  lon;;-teinps  comme  la 
pépinière  des  prélats  de  l'Allemaf^ne, 
et  la  plus  célèbre  école  de  cette  par- 
tie de  l'Europe.  Pei  sonne  ,  avant  lui, 
n'avait    encore  enseigne'   la    lanpne 
i;recquccn  Allemagne.  Haban  sccon- 
dui^it  avec  sagesse  dans  les  démê- 
les de  Louis-le-Debonnairc  avec  ses 
enfants  ;  et  il  n'épargna  ni  soins,  ni 
démarches    pour    faire  cesser   une 
lutte  dont  le  moindre  mal  était  l'af- 
f.ublisseraeut  du  respect  pour  l'auto- 
rité souveraine  ,'  foj.  Louis  le  Dé- 
bonnaire ,    XXV ,    90  ,   et   Rad- 
BERT   ).  L'empereur  et  ses   fils  lui 
témoignèrent    à    l'envi  leur  recon- 
naissance,  par  la  cession  de  nou- 
velles terres  dont  il  dota  plusieurs 
maisons  naissantes,  entre  autres  la 
célèbre  abbaye  d'Hirsaiige  (  V.  Tbi- 
TUEiM},dont  on  le  regarde  comme  le 
fondateur.  Raban  sedemitde  sachar- 
geen842,  pourserelirerdans  la  soli- 
tude du  IVlont-Saiiit-Pierre ,  oîx  il  se 
proposait  de  consacrer  le  reste  de  ses 


RAB 

jours  à  la  prière  et  à  l'élude  ;  mnh 
il  en  fiK  tiré ,  cinq  ans  après ,  ])Our 
occuper  le  siège  épiscopai  de  IMa'icn- 
ce.  11  déplova  beaucoup  de  zèle  dans 
le  gouvernement  de  son  diocèse , 
tint  plusieurs  synodes  pour  reniéviier 
aux  abus  (jui  s'étaient  glissés  jusque 
dans  les  cloîtres  ,  et  fit  de  sages  rè- 
glements pour  en  prévenir  le  retour. 
l\Iais  l'histoire  lui  reproche  ,  avec 
raison  ,  son  excessive  sévérité  ,  à  l'é- 
gard de  CiOtescalc ,  dont  les  senti- 
ments ne  méritaient  point  la  quali- 
fication odieuse  d'héreli(|ue,  et  qu'a- 
près a  voir  fa  il  condamner,  il  nnvoya 
devant  Hiucniar  ,  son  juge  naturel  , 
en  le  traitant  de  vagabond  (  f.  Go- 
TESCALC  ,  XVI II  ,  i53  ).  Une  fa- 
mine qui  désola  son  diocèse  ,  en 
85o  ,  fournit  à  Raban  l'occasion 
d'exercer  son  immense  charité  pour 
les  pauvres  :  il  leur  fit  distribuer  la 
plus  granile  partie  de  ses  levcnus  , 
et  eu  nourrit,  à  sa  propre  table,  jus- 
qu'à trois  cents  par  jour.  Raban  pré- 
sida le  concile  assemblé  à  IMa'ience, 
en  85,i ,  par  le  roi  liOiiis  -  le  -  Ger- 
manique ;  et  il  assista  ,  l'année  sui- 
vante, à  celui  de  Francfort.  Ce  digne 
prélat  mourut  à  Winfeld  ,  le  4  fc- 
vrier  85G  ,  el  fut  inhumé  dans  l'ab  • 
baye  de  Saint-Albert ,  s<uis  une  tom- 
be décorée  d'une  épitaphe  qu'il  s'é- 
tait composée,  et  qui  coiilieiil  l'a- 
brégé de  sa  vie.  Le  nom  de  Raban 
se  trouve  inscrit  dans  quchpies  ca- 
lendriers; mais  rLgliseneluia  j)oint 
décerné  de  culte  public.  On  a  de  lui 
un  grand  nombre  à'  Opuscules  ,  qui 
ont  été  recueillis  à  Cologne,  16^7  ,  6 
tom.  eu  3  vol.  in-fol.  ;  et  le  P.  En- 
hueber,  prieur  de  Saint  Emeran  (  à 
Ratisbone) ,  en  préparait ,  en  1  --SS, 
une  édition  plus  complèle,(|uin'a  pas 
vu  le  jour.  Celle  de  Cologne  contient 
quarante  -  quatre  ouvrages  ,  dont 
vingt-sept  paraissaient  pour  la  pre- 


RAB 

raicre  fois  :  elle  est  précédée  de  deux 
Vies  de  Raban,  l'iiDe  par  Ihidolfe  , 
son  disciple,  et  l'autre  par  Trith'eirn  : 
elles  ont  été  insérées  depuis,  avec  une 
savante  préface  de  God.  Henschen  , 
dans  les  Acta  sanctoriim  (  tome  i*^'". 
de  février  ).  Les  éditeurs  y  ont  fait 
entrer  plusieurs  Opuscules  qui  ne 
sont  pas  de  Raban  ;  mais  ils  en  ont 
otais  un  bien  plus  grand  nombre 
dont  le  pieux  arclievcque  delMaïeuce 
est  évidemment  l'auteur.  Parmi  les 
ouvrages  compris  dans  la  collection 
qiiel'onvientdeciterjOndistinguc  :  I. 
tlnExtraitde  la  Grammaire  de'Pris- 
cien  (  F.  ce  nom  ).  II.  Un  Traité  de 
V  Univers ,  en  vingt-deux  livres  :  on  y 
trouve  l'explication  et  la  définition 
des  noms  -  propres  et  d'un  grand 
nombre  de  mots  employés  danr,  la 
Bible,  Freytag  (  Analecta  ,  p.  -ySb) 
en  cite  une  ancienne  édition  ,  sans 
date,  in -fol.  ,  de  i66  f . ,  dont  la 
Bibliotheca  Portensis  possédait  un 
superbe  exemplaire,  oii  la  lettre 
initiale  de  la  dédicace  à  Lonis  le  dé- 
bonnaire offrait  le  portrait  de  Ra- 
ban. m.  Un  Trtilé  des  louanges 
de  la  Croix  ,  en  de>ix  livres  ;  c'est  un 
Recueil  d'acrostiches  tétragones  , 
composées  de  trente-cinq  vers,  et 
cLaque  vers  de  trente-cinq  lettres  , 
formant  des  figures  mystiques  de  la 
croix ,  avec  des  explications  en  prose 
(  F.  les  Jnnisem.  philol.  de  M.  Pei- 
gnot,  pag.  17  ).  Cet  ouvrage,  qui  n'a 
d'autre  mérite  que  celui  de  la  diffi- 
culté vaincue,  a  joui  d'une  grande 
réputation  dans  le  siècle  qui  l'a  vu 
naître  ;  mais  toutes  ces  puérilités 
dont  les  poètes  de  la  décadence  de 
l'Empire  avalent  donne- l'extravagant 
exemple  (  Forez  Optatien  ) ,  sont 
maintenant  appréciées  à  leur  jus- 
te valeur.  L'ouvrage  de  Raban 
a  été  imprimé  séparément  à  Pfortz- 
heim  ,  par  Th.  Aushelm  ,  en  i5oi  , 


RAB 


467 


in-fol ,  et  à  Augsbourg ,  par  les  soins 
de  Marc  Velser ,  en  i6o5,  in-fol. 
Ces  deux  éditions  sont  encore  re- 
cherchées par  quelques  curieux  ; 
mais  ils  préfèrent  la  première  , 
comme  la  pins  rare.  IV.  Des  Com- 
mentaires sur  presque  tous  les  li- 
vres de  la  Bible,  tirés  des  Saints 
Pères.  V.  Un  Homiliairc ,  ou  Recueil 
d'Homélies.  VI.  Un  Recueil  d'Allé- 
gories sur  la  Bible.  VU.  Un  Traité 
de  l'institution  des  Clercs ,  et  des 
cérémonies  de  V Eglise ,- c'est  le  plus 
utile  et  le  plus  intéressant  des  ouvra- 
ges de  Raban  ;  il  a  eu  plusieurs  édi- 
tions dans  le  seizième  siècle  ,  et  il  a 
été  inséré  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères,  VITL  Un  Martyrologe ,  pu- 
blié par  Canisius  dans  le  tome  vi 
des  Antiquce  lectiones  (  F.  Canîsius, 
VII ,  29  ).  IX.  Des  Poésies  ;  ce 
sont  des  hymnes  parmi  lesquelles  ou 
doit  distinguer  celle  que  l'Eglise  em- 
ploie dans  les  cérémonies  les  plus 
imposantes  ,  et  qui  commence  par 
le  vers  :  Feni  Creator  Splritus  ;  des 
Epita plies  ,  des  Inscriptions  ,  des 
Elégies,  etc.  :  elles  ont  été  publiées 
par  le  P.  Brower,  avec  des  notes  à 
la  suite  des  OEuvres  de  Fortunat , 
Maïence,  i6ti7  ,  in -4*^.  H-Dein- 
ventione  linguarum  ab  hebrœd  us- 
que  ad  theotiscam ,  et  notis  anti- 
quis  ;  cet  Opuscule  a  été  inséré  par 
Goldast ,  dans  le  tome  11  des  Berum 
Alemanicanim  scriptores ,  avec  les 
Alphabets  hébreux  ,  grecs  ,  latins  , 
Scythes  et  tudesques ,  recueillis  par 
Raban.  On  ne  trouve  pas ,  dans  l'édi- 
tion des  OEuvres  de  ce  prélat,  un 
Traité  des  vices  et  des  vertus ,  pu- 
blié par  Wolfgang  Lazius  ,  Anvers  , 
i56o,  in-S**. ,  dans  un  Recueil  de 
veter.  Ecclesiœ  ritibus;  et  depuis  on 
a  découvert  de  nouveaux  Opuscules 
de  Raban,  entre  autres,  àes  Lettres 
publiées  par  Baluze ,  le  P.  Sirmond  , 
3o.. 


468  RAB 

D.  Mabillon  ,  etc.  ;  un  Traité  sur  di- 
verses questions  tirces  de  l'Ancien  et 
du  Nouveau  Testament  ,  publie  par 
D.  Martènc  ,  dans  le  tome  v  du  Tlte- 
saiir.  noi'.  anecdotorum  ;  et  le  Com- 
mentaire sur  le  livre  de  Josiié,  insère 
dans  le  tome  ix  de  VAmpUssima 
collectio;  un  Traité  sur  la  Pa'-sion, 
public  par  D.  Bernard  Pez  ,  dans  le 
Thesaur.  anecdotor. nwissim., \omG 
IV  ,  etc.  Enfin  on  conserve  en  ma- 
nuscrit dans  les  bibliothèques  de 
Vienne  et  de  Munich  ,  un  Glossaire 
théotisque  de  Raban  ,  sur  tous  les 
livres  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament,  dont  I>ambecius  promet- 
tait la  publication.  Diccman  en  a 
donne'  la  description  sous  ce  titre  : 
Spécimen  glossarii  mnnusrripti  la- 
tino-theotisci  quod  Hhabano  Mauro 
inscribilur  ,  Brème  ,  !■;•.»  i  ,  '\n-\°. 
On  en  trouve  des  fraj^ments  dans 
Yjc\<\\SiT\.{Francia  oriental.  \\.  3u(î, 
95o),  Laraber  (  Comm.  L.  ii.  4iG- 
42'i  ,  etc.  )  ,  Denis  (  Codices  Mss. 
tom  I  ),  etc.  Outre  les  auteurs  cites 
dans  le  cours  de  cet  article,  on  peut 
consulter  ,  pour  de  pins  piands  dc- 
t:\i\s,  Vl/istoire  littéraire  de  France 
(  par  dom  Rivet),  tom.  v,  pap. 
i5i-ao3;  la  dissertation  de  J.  F. 
Biiddœus  ,  De  ritd  ac  doctrind  Ba- 
bani,  lena  ,  iyi\,  '"-4"-;  et  les 
Annal,  litter.  y  Helmstadl ,  1782, 
i,28().  W— s. 

RABAUT  DE  SAINT  ETIENNE 
(  Jean-Paul  ) ,  ne'  à  Nîmes  ,  en  avril 
1743,  était  avant  la  révolution  ,  avo- 
cat et  ministre  de  la  relij;ion  réfor- 
mc'e ,  et  l'un  des  hommes  les  plus 
zclc's  de  sa  communion  (  i  ).  Élève  de 

(i)  LafamiUr  dr  Habaul  était  unrdr-s  plusnrdeDtn 
du  parti  protr!>t.>Dt.  PhuJ  liabaiit , m>ii  pire,  iif  eo  »  7 1 8 , 
liomme  aVinc  coxicjitiuij  obscur<',rnai«dc-iriiri.-  do  iMe 
pour  la  croyiiucr  à^us  laqm  Ile  il  avait  ••té  nourri, 
cliercliait  partout  à  lui  faire  des  prusélvto  ou  à  iur- 
tiEer  dans  leur  foi  ceux  de  ses  frères  que  des  raisOBS 
cpielroDqut-s  auraient  pu  y  faire  renoncer.  Non  con- 
tent d'ev angclJscr dans  les  familles,  il  s'introduisait 


RAB 

Court  de  Gebelin,  il  cultiva  les  bel- 
les -  lettres  avec  succès  ,  et  avait 
même  commence'  un  Poème  épique 
sur  Charles-Martel:  enfin,  il  avait 
tous  les  moyens  de  se  faire  un  nom 
dans  cette  terrible  crise  politique 
qui  devait  bieniùt  e'pouvanter  le 
monde  ;  et  il  en  avait  adopté  les 
]>riiicipes  ,  avant  même  qu'elle  eut  * 
éclaté.  Ce  n'était  pas  seulement  des 
réformes  qu'il  desirait  :  comme 
quehpies-uns  de  ceux  qui ,  une  fois 
lancés  dans  l'arène ,  le  dépassèrent 
de  beaucoup  ,  il  déclarait  (ju'iinc 
décomposition  totale  de  l'état  et  du 
gouvernement  était  nécessaire. «Tous 
les  établissements  anciens  nuisent  au 
peuple,  disait  il  ;  il  faut  donner  aux 
esprits  une  autre  direction,  changer 
les  idées,  détruire  les  usages,  re- 
nouveler les  hommes  et  les  choses  , 
eiilin  tout  recomposer.  »  Tel  est  l'cf- 
fravant  système  qu'on  trouve  dans 
ses  écrits.  On  sait  comment  l'on  s'y 
prit  pour  le  réaliser  :  il  faut  dire 
cependant  que  Rabaut  eût  reculé  de- 
vant les  forfaits  dont  un  si  grand 
nombre  de  révolutionnaires  se  ren- 
dirent coupable.  (Juand  sa  fougue  fut 
calmée,  il  déplora  sa  haute  extrava- 
gance ;  mais  il  n'était  plus  temps: 
un  mur  d'airain  s'était  élevé  der- 
rière lui  ;  et  le  goufT're  ,  dont  il 
avait  élargi  la  profondeur  ,  devait 


d;ii>ïlf's  priioUN,  p»)Ur  <-.it<*(  liisi-r  Irs  rirlï-iiiiH ,  ;ui  ris- 
que d'i'niiMirir  Ir»  peims  lis  plus  graves  purtt'es  con- 
tie  les  auteurs  de  ce>  hortes  di*  prédit  ;itMjii.s.  Son 
éloquenre  inculte  et  sauvage  produisait  sur  le  vul- 
gaire UD  tri'>-:;raiideirel.  Siuii  troisiiiiie  IIU  ,  Rahaut- 
lliipiiis,  )>ro.iril  comme  frdéraliile  npres  le  .li 
ruai ,  ayant  pris  le  ]»ai  ti  de  se  laclier  ,  fut  ]iort<f 
sur  la  lis'.e  den  eiui);res  :  et  Paul  Raliaut  arrêté  com- 
me père  d'émigré,  suliit  sous  le  régime  delà  tih^rtê  , 
une  incarcération  à  laquelle  il  avait  toujours  écha^ 
pc  dans  le  temps  où  il  jin-chail  au  désert  avec 
une  publicité  que  les  loi*  défendaient  sons  peine  de 
mort  depuis  Louis  XIV.  Perrin  (des  Vosges)  lui  ren- 
dit la  liliei  té  apri  s  le  i)  thermidor  ;  mais  il  eu  jouit 
|>eu  de  temps,  étant  luort  le  4  vendémiaire  an  III 
(  21  seji.  I  -9^  j.  M.  J.  P.  de  N. ,  (  Pons  de  Nimes  ) 
a  donné  sur  lui  une  Notice  à  la  suite  de  ses  Ré- 
flexions pliiii>supliiques  et  poliU  cur  la  tuleraoce  re- 
ligicuso,  Paris,  1808,  io-S». 


IIAB 

bientôt  le  d^orer  lui-mêrac.  Rabaut 
commença  sa  carrière  politique  par 
la  défense  de  ses  coreligionnaires  ; 
entreprise  honorable,  sans  doute, 
quoiqu'il  soit  vrai  de  dire  qu'alors 
les  protestants  n'étaient  point  tyran- 
nises ,  comme  on  l'a  prétendu.  Sur 
la  fin  du  règne  de  Louis  XV,  la  sé- 
vérité des  mesures  ordonnées  contre 
eux  par  les  édits  de  Louis  XIV  avait 
cessé  ;  on  était  tombé  d'accord  de  ne 
plus  les  mettre  à  exécution  :  mais 
comme  ils  n'étaient  point  légalement 
abrogés  ,  les  religionnaires  crurent 
qu'un  ministre  rigoureux  pouvait 
les  faire  revivre  ;  et,  de  concert  avec 
leurs  nombreux  amis  ,  ils  résolurent 
de  faire  constituer  en  droit  ce  qui 
n'était  encore  qu'une  tolérance.  Ra- 
baut vint  à  Paris  ,  où  le  parli  philo- 
sophique et  le  ministère  même  cou- 
vraient le  protestantisme  d'une  pro- 
tection qui  n'était  plus  déguisée: 
ils  obtinrent  de  Louis  XVI  ,  en 
1788  ,  l'exercice  des  droits  civils  ,  à 
l'égal  des  sujets  catholiques  ;  inelFa- 
ble  bienfait  dont  on  devait  savoir  si 
peu  de  gré  à  ce  malheureux  prince. 
Rabaut  ,  qui  avait  montré  beaucoup 
d'activité  dans  cette  négociation,  ac- 
quit dès-lors  une  grande  importance: 
c'était  un  homme  d'esprit,  qui,  soit  par 
conviction  ,  soit  pour  se  conformer 
au  caractère  général  de  cette  époque, 
imprimait  fortement  à  toutes  ses 
productions  le  cachet  delà  philoso- 
phie moderne.  On  remarqua  surtout 
un  ouvrage  de  sa  composition  sur 
l'histoire  primitive  de  la  Grèce  , 
adressé,  en  forme  de  lettres,  à  l'aca- 
démicien Bailly. Cet  écrit,  maintenant 
oublié  ,  eut  un  grand  succès  ,  et  ne 
contribua  pas  peu  à  fixer  sur  l'au- 
teur l'attention  du  public.  On  fit  va- 
loir les  services  qu'il  avait  rendus 
aux  protestants ,  et  ses  talents,  com- 
me littérateur;  il  fut  convenu  que 


RAB 


46y 


le  tiers-elat  ne  pouvait  avoit  un  plus 
habile  délégué  :  Rabaut  fut  donc  dé- 
signé aux  électeurs  de  la  sénéchaus- 
sée de  sa  ville  natale,  qui  le  nommè- 
rent leur  député  aux  états-généraux, 
où  il  arriva  jnécédé  d'une  réputation 
vraiment  colossale.  Ses  amis  voulu- 
rent même  l'élever  au-dessus  du  fa- 
meux Mirabeau  {'i).  La  hai'dicsse  de 
ses  opinions,  si  favorables  aux  pro- 
jets des  novateurs ,  motivait  cette 
préférence  ;  IMirabeau  appartenait  à 
la  noblesse  qu'on  voulait  détruire , 
et  Rabaut  à  la  classe  moyenne,  qu'on 
voulait  porter  à  son  niveau  :  celui-ci 
était  d'ailleurs  l'un  des  chefs  d'une 
secte  religieuse,  dont  on  avait  inten- 
tion de  se  servir  pour  réaliser  contre 
la  religion  romaine  les  projets  avoués 
du  parli  philosophique.  Rabaut  en- 
tra donc  l'un  des  premiers  en  lice 
dans  les  débats  révolutionnaires  :  ou 
le  vit  sur  la  brèche  ,  aussitôt  que  les 
états-généraux  ouvrirent  leurs  séan- 
ces. La  première  question  agitée  fut 
celle  de  savoir  si  les  pouvoirs  des  dé- 
putés des  trois  ordres  seraient  vérifiés 
particulièrement  dans  chaque  cham- 
bre ,  ou  si  l'opération  aurait  lieu  dans 
la  salle  commune  ,  et  serait  soumise 
à  leur  contrôle  réciproque.  Les  états 
avaient  été  ouverts  le  5  mai  1 789  ;  le 
6,  la  noblesse  s'occupa  de  cette  véri- 
fication ,  la  termina  dans  une  seule 
séance,  et  se  constitua  encorpsdéli- 
bérant.  Le  clergé  s'occupa  aussi  de 
cette  vérification  ,  et  y  mit  deux 
jours,  mais  ne  se  constitua  point  :  il 
voulut  attendre  quel  parti  prendrait 
le  gouvernement  du  roi  dans  cette 
circonstance  difficile.  Quant  au  tiers- 
état  ,  il  resta  systématiquement  dans 
l'inertie  j  ses  membres  soutinrent 
généralement  que  les  pouvoirs  des 


[7)  Jouant  sur  les  noms  de  ces  deux  persouuages  , 
on  disait  que  le  déouté  de  Provence  u'ctait  qu'iiu 


470  RAB 

trois  ordres  ne  devaient  être  vérifies 
au'en  commun  :  Rabaut  fut  un  des 
ae'putés  du  tiers  qui  défendirent  ce 
système  avec  le  pins  de  constance  ; 
il  s'accordait  parfaitement  avec  le 
projet  de  soumettre  la  monarchie  à 
une  régénération  complète.  Pour 
commencer  l'épuration ,  il  fallait  d'a- 
bord détruire  les  trois  ordres  :  ce- 
pendant il  fut  convenu  qu'ils  nom- 
meraient des  commissaires  pour  dis- 
cuter cette  question ,  et  examiner  si , 
au  moyen  de  quelques  concessions  , 
il  serait  possible  de  s'entendre.  Ra- 
baut fut  le  premier  desij;nc  par  le 
tiers-etat,  qui  lui  adjoignit  quatorze 
de  ses  collègues.  La  rédaction  des 
pouvoirs  de  cette  commission  ,  ré- 
daction à  laquelle  le  députe  de  Mî- 
mes eut  la  plus  grande  part  ,  portait 
a  qu'il  était  permis  aux.  persotines 
»  nommées  par  leurs  collègues  ,  prc- 
»  sûmes  depiite's  des  communes  (3), 
»  de  conférer  avec  les  commissaires 
»  nommes  par  MM.  les  eccle>iasli- 
»  ques  et  MM.  les  noliles,  sans  pou- 
»  voir  jamais  se  départir  de  l'opinion 
»  par  tète,  et  de  l'indivisibilité  des 
»  ëtats-généraux.  r>  Les  termes  seuls 
de  cette  délibération  prouvent  qu'imc 
grande  révolution  était  d'avance  pro- 
jetée.La  destruction  des  anciens  étals- 
généraux  était  clairement  annoncée , 
et  lebouleverseraeut  allait  commcn- 
cer.Les  conférences,  qui  ne  pouvaient 
être  qu'inutiles ,  furent  ouvertes  le  23 
mai,  et  tour-à-tour  suspendues  et 
reprises  ,  sans  autre  résr.ltat  qu'un 
peu  plus  d'aigreur  et  d'irritation  des 
esprits,  non  seulement  dans  l'arsem- 
hlée,  mais  dans  tout  le  royaume, 
Rsbaut ,  et  son  collègue  Chapelier  , 

(3V  La  n, blesse   ne  -voulait   n.-is  recounaUre  crite 


<lcDoiuîtiatîou  de  communes  , 


<{U 


L-lle 


1  d:ut  . 


>ne  un  des  ]iremiers  pas  dau^  la  carrière  d  ■  la  rtvo- 
lutioD.  Ou  disputa  beaucoup  sur  te  mol;  le»  com- 
missaires du  tier5-«tat  ne  voulurent  jauiais  Ven  de  • 
purlir. 


RAB 

son  rival  en  re'putation  et  en  talents 
politiques  (  /'.  Chapelier  ),  furent 
ceux  des  commissaires  du  tiers  ,  qui 
prirent  le  plus  de  part  à  ces  débats. 
Pendant  le  reste  de  l'année  1789, 
Rabaut  fut  un  des  députés  qui  ]iaru- 
rent  le  plus  souvent  à  la  tribune. 
Lorsque  le  tiers ,  ne  pouvant  faire 
entrer  les  deux  premiers  ordres  dans 
ses  vues  ,  résolut  de  se  constituer 
législateur,  sans  leur  interveniion , 
Rabaut  proposa  de  déclarer  que  l'or- 
dre se  constituait  en  assemblée  légi- 
time des  représentants  de  la  natiujt, 
agissant  au  nom  de  la  majeure  par- 
tie ;  c'est-à-dire,  s'attribuait  les  droits 
jusqu'alors  reconnus  du  clorgc  et  de 
la  noblesse.  Ce  titre  parut  trop  long  , 
obscur  et  cquivo(|uc  :  il  fut  rejeté  , 
ainsi  qu'un  projet  d'emprunt,  que 
Rabaut  voulut  faire  passer;  propo- 
sition ,  en  effet,  assez  mal  imagi- 
née dans  une  telle  circonstance.  Les 
nouveaux  constituants  prirent  la  de- 
nomination  ce  Assemblée  nationale , 
proposée  par  un  député  du  Ben  i , 
nommé  Legrand.  Dans  la  fameuse 
nuit  du  4  aoîit,  Rabaut  fit  supprimer 
quelques  privilèges  résultant  de  la 
féodalité ,  entre  autres  celui  d'avoir 
exclusivement  des  colombiers.  Lors- 
qu'il fut  question  de  publier  une  dé- 
claration des  droits,  il  s'occupa  beau- 
coup de  celte  matière  ,  et  jiroposa 
de  mettre  en  délibération  le  projet 
présenté  par  l'abbé  Sieyes  ,  qui  é- 
tait  alors  le  principal  oracle  du 
parti  révolutionnaire  ;  mais  les  inté- 
rêts du  protestantisme  étaient  ceux 
qui  touchaient  plus  particulière- 
ment Rabaut,  dans  une  telle  dis- 
cussion :  il  s'agissait ,  en  fixant  une 
égalité  des  droits,  tant  en  maliire 
religieuse  que  civile,  de  faire  arriver 
la  religion  réformée  sur  le  même 
terrain  que  la  religion  catholique. 
Les  évêques,  et  une  grande  partie  des 


lUB 

autres  ecclésiastiques,  voulaient  con- 
server au  culte  catholique  une  prée'- 
mineuce  qu'on   n'avait   pas   encore 
ose'  lui  contester  :  ils  déclarèrent  que 
le  rabaisser  au    niveau  des  autres 
croyances ,  c'était  saper  les   bases 
de  la  monarchie  ,  et  décomposer  l'é- 
tat social  lui-même. Rabaut  préten- 
dit ,  au  contraire  ,  que  l'égalité  des 
cultes  religieux  était  une  suite  et  une 
conséquence  nécessaires  de  tous  les 
autres  droits  ,  et  que  cet  avantage  ne 
pouvait  être  refusé  aux  sujets  d'un 
même  état.  Ce  fut  le  23  août,  qu'il 
plaida  cette  cause  avec  la  plus  grande 
chaleur:  il  la  gagna,  malgré  les  ef- 
forts de  ses  adversaires,  et  fut  uni- 
versellement applaudi  par  ses  core- 
ligionnaires et  tout  le  parti  philoso- 
phique. Le  Moniteur  n'existait  pas 
alors  :  la  plupart  des  écrits ,  dont  les 
matériaux  sur  la  révolution  out  été 
pris  dans  ce  journal,  ont  très-peu 
parlé  de  cette  discussion  ,   qui  fut 
cependant  d'un  grand  intérêt,  et  l'une 
des  plus  remarquables  de  cette  pre- 
mière époque.  Après  la  dissolution 
du  comité  de  constitution  ,  qui  avait 
proposé  les  deux  chambres,   dont 
la  majorité  de  l'assemblée  ne  vou- 
lut pas  entendre  parler  .  Rabaut  fut 
nommé  membre  de  celui  qui  succéda , 
et  eu  devint  l'organe  dans  plusieurs 
questions     majeures  ,     notamment 
celle   de   savoir    comment  seraient 
composées   les  législatures  suivan- 
tes ,  quels   seraient  leurs   droits  et 
la  duitie  de  leurs  sessions.  Lorsque 
son  rapport  sur  la  composition  des 
législations  fut  soumis  à  la  discus- 
sion générale,  les  partisans  du  systè- 
me des  deux  chambres  tentèrent  de 
nouveaux  efforts  pour  le  faire  adop- 
ter; Rabaut  les  combattit  avec  la  plus 
constante  opiniâtreté  :  il  soutint  que 
l'assemblée  ,  à  qui  il  attribua  le  droit 
exclusif  du  législateur^  devait  être 


RAB 


47' 


une  ,  indivisible  et  permanente  , 
c'est-à-dire  continuellement  réunie, 
sans  que  le  roi  eût  le  pouvoir  de  la 
dissoudre  ,  ni  même  d'arrêter  le 
cours  de  ses  délibérations.  Rabaut 
parvint  à  son  but  ;  et  une  grande 
majorité  rejeta  de  nouveau  les  deux 
chambres.  Il  est  bon  de  remarquer 
que  l'unité  du  corps  législateur  fut 
décrétée  par  une  pluralité  formée 
des  députés  de  l'extrême  droite  et 
de  l'extrême  gauche  de  l'assemblée 
constituante  :  on  a  aussi  très-peu 
parlé  de  cette  délibération  si  remar- 
quable ,  et  considérée  depuis  comme 
la  cause  des  événements  les  plus  fu- 
nestes (4).  Quelques  députés ,  ne  trou- 
vant pas  de  raisons  convaincantes 
pour  faire  croire  que  cette  unité 
était  la  meilleure  des  conceptions 
possibles  ,  s'écrièrent  de  leurs  pla- 
ces :  Un  seul  Vieu^  un  seul  roi  ^ 
une  seule  assemblée  !  on  applaudit 
à  droite,  à  gauche,  et  dans  les  ga- 
leries publiques.  On  alla  aux  voix, 
et  le  décret  fut  plutôt  emporté  que 
rendu  :  on  l'avait  d'ailleurs  fait 
préalablement  appuyer  par  les  ré- 
volutionnaires du  Palais  Royal.  Cet- 
te question  était  discutée  concur- 
remment avec  celle  de  savoir  quelle 
serait  la  nature  du  veto  du  roi  sur 
les  décrets  du  corps  législateur  ;  Ra- 
baut et  les  autres  députés  ,  qui  vou- 
laient consacrer  l'unité  qu'ils  crai- 
gnaient de  voir  repousser  par  le  roi , 
demandaient  l'ajournement  de  toute 


(4)  L'unité  de  l'assemblée  était  le  système  que 
Louis  XVI  craiguait  le  j'Ius  de  voir  établir;  voici  ce 
qu'on  tiouve  sur  ce  sujet  dansles  Mémoires  de  Nec- 
l;er  ,  qui,  à  celle  éjuque,  était  le  dépositaire  des 
ojiiniuiis  du  monarque.  «  Le  i  ui ,  dit  ce  irnuistre  , 
«  uc  ])rétendait  pas  soustraire  à  l'examen  des  elats- 
«  généraux,  Texamen  des  défauts  inhérents  à  leur 
»  vieille  coraposition  :  setilemeut,  il  ecnitait  avec 
)ï  vigueur  les  idées  naissantes  sur  la  constitution  de 
>i  ces  états  en  une  seule  assenibbe;  et  il  déclarait 
>i  d'une  manière  positive,  qu'il  lefuserait  soi;  assen- 
»  liment  à  toute  espèce  il'orgauisatlon  législative 
>■  qui  ne  serait  pas  composée  au  moins  dû  t/enAj 
>'  chambres.  ...» 


47'-» 


RAB 


délibération  sur  ce  veto  ,  jus'in'à 
ce  (jue  l'iiuité  et  la  pcrniancnre  de 
rassemblée  lussent  arrêtées  et  recon- 
nues. Pendant  que  tontes  ces  ques- 
tions s'agitaient,  les  insurrections, 
dont  on  vient  de  parler,  s'or;:;ani- 
saient  au  Palais  Royal  ,  et  les  insur- 
jîés  se  préparaient  à  marcher  sur 
Versailles ,  pour  pendre  les  parti- 
sans des  deux  chambres  et  du  veto 
(  r.  Saint-Huruge  ).  R.ihaut  re- 
jeta le  l'eto  absolu  ,  dont  Mirabeau 
avait  fait  sentir  la  nécessité  dans 
un  de  ses  plus  importants  discours  ; 
et  il  vota  pour  le  l'eto  suspensif:  il 
parla  longtemps  sur  cette  matière, 
toujours  jaloux  d'aflaiblir  l'auto- 
rité du  roi ,  ou  plutôt  de  la  rendre 
tout-à-fait  nulle.  Il  discuta  aussi  le 
nouveau  système  des  municipalités 
et  des  assemblées  des  provinces  , 
cherchant  à  les  soustraire  au  pou- 
Toir  monarchique.  A  la  fin  de  la 
même  année,  il  proposa  ,  pour  évi- 
ter les  riv.-ilités  et  le  mécontciife- 
ment  ,  de  faire  alterner  le  siège  des 
administrations  supérieures  entre 
les  principales  villes  de  chaque  dé- 
jiarteraent.  Cette  ridicule  motion 
lut  rejetée.  Voilà  à-peu-près  tout  ce 
que  la  vie  politique  de  Rab.iut  of- 
fre de  remarquable  pendant  les 
huit  derniers  mois  de  l'année  1789. 
Depuis  cette  époque,  le  grand  cré- 
dit politique  qu'il  avait  eu  dans  l'as- 
semblée et  au  dehors,  baissa  sen- 
siblement :  plusieurs  députés,  aux- 
quels on  avait  d'abord  prêté  assez 
peu  d'attention  ,  le  dépassèrent  dans 
l'opinion  ,  et  planèrent  au  -  dessus 
de  lui.  En  1  -rjo  ,  il  parut  beaucoup 
moins  à  la  tribune.  Le  7  mars,  il 
parla  sur  les  finances  ,  et  n'ubtint 
aucun  décret  sur  cette  matière.  Le 
1  5  ,  il  fut  nomme  président  ;  puis  il 
s'occupa  ,  dans  le  cours  de  l'année  , 
de  ^org,^nisatiou  des  gardes  natio- 


RAB 

nales:  il  vonhit  que  ceux  qui  étaient 
entrés  dans  les  bataillons  lors  des 
premiers  troubles  ,  continuassent 
d'en  faire  partie, quoiqu'ils  ne  payas- 
sent pas  les  impositions  etigces  pour 
être  citoyens  actifs.  Il  plaida  la  cau- 
se des  écrivains  ,  même  incendiai- 
res ,  et  dem.'inda  que,  lorsqu'il  fau- 
drait absolument  les  poursuivre,  ils 
fussent  traduits  devant  des  jures, 
}>our  ne  pas  cire  exposés  ,  disait-il , 
a  l'inqiusition  de  la  pensée.  Il  paraît 
que  déjà  l'on  avait  des  vues  sur  les 
provinces  Belgiques  :  Rabaut  cita 
deux  lettres  qui  lui  étaient  adressées 
de  ce  pays,  et  dans  lesquelles  il  était 
question  de  son  indépendance  ;  c'est- 
à-dire  qu'on  formait  des  projets  pour 
\m  système  qui  ne  tarda  pas  a  se  réa- 
liser. Le  travail  le  plus  important 
de  Rabaut ,  pendant  l'année  '7<)o, 
fut  l'organisation  de  la  gendarmerie, 
qui  fut  substituée  à  l'ancienne  maré- 
chaussée :  il  la  mit  absolument  dans 
la  d('pendance  des  nouvelles  autori- 
tés qui ,  étant  toutes  formées  d'après 
un  système  démocratiipic  ,  devin- 
rent bientôt  des  instruments  de  per- 
sécution ,  que  la  nouvelle  gendarme- 
rie servit  à  souhait,  pendant  tout 
le  cours  de  la  révolution  fO).  En 
i-Qi  ,  les  assignats  avant  fait  dis- 
paraître de  la  circulation  toutes  les 
espèces  métalliques,  Rabaut  propo- 
sa de  créer  les  assignats  de  cinq  li- 
vres, et  demanda  qu'il  en  iiit  émis 
pour  cinquante  millions.  Pendant  le 
reste  de  l'année,  il  ne  parut  à  la 
tribune  qr.e  pour  parler  de  la  réunion 
du  comiat  d'Avignon  à  la  France: 
il  soutint  ijne  cette  réunion  ,  qui 
avait  été  rcjelée  dans  tuie  première 


(5)  lAirs  de  la  calastmplic  dii  lo  août  l'f)',  le 
fjouverucmeiit  du  roi  voulut  employer  ce  corps  dan- 
gereiii.  Loiu  de  défendre  le  po^te  qu'on  li:i  avait 
confie  ,  il  ue  %'it  pas  plutôt  paraître  la  tête  de  la  CO' 
loiinc  des  insurges  ,  qu'il  se  ri  unit  à  eux  ,  et  se  mit 
.'1  sabrer  les  Suisses  ctlea  antres  défeosears  du  roi. 


RAB 

délibération  (  F.  Menou,  XXVIïI  , 
3i7  ) ,  ne  pre')iic;eait  rien  quant  aux 
droits  que  la  France  avait  sur  ce 
pays.  On  a  remarqué  qu'il  resta  muet 
lors  des  événements  du  Cliamp-de- 
Mars  ,  et  delà  proposition  de  Pétion 
etdcrabbéGrégoire,de  mettre  Louis 
XVI  en  jugement.  Le  députe  de  Nî- 
mes était  certainement  un  républi- 
cain très-prononcé  ;  mais  il  n'était 
ni  atroce  ,  ni  inconséquent,  comme 
les  sept  à  huit  révolutionnaires  de 
rassemblée  qui  demandaient  ce  jii- 
l^ement  inconcevable  :  il  ne  pouvait 
imaginer  comment  on  avait  l'impu- 
dence de  violer ,  dans  sa  base  prin- 
cipale ,  une  constitution  à  peine 
formée  ,  au  moment  même  où  l'on 
allait  la  mettre  eu  activité.  Après  la 
session  de  l'assemblée  constituante, 
il  publia  un  Précis  de  l'histoire  de 
la  révolution  jusqu'à  cette  époque. 
Cet  ouvrage,  continue  par  M.  La- 
cretelle  le  jeune  ,  contient  quelques 
détails  curieux,  qu'il  faut  cependant 
lire  avec  circonspection  :  on  regret- 
te que  l'auteur,  qui  était  revenu  à  de 
meilleurs  principes,  y  laisse  encore 
percer  sa  mauvaise  humeur  contre 
les  ministres  de  la  religion  catholi- 
que :  il  ne  pre'voyaitpas,  sans  doute, 
qu'un  tel  concours  d'attaques  et  de 
dénonciations  provoquait  contre  ces 
malheureux  ecclésiastiques, les  épou- 
vantables  proscriptions  dont  un  si 
grand  nombre  d'entre  eux  furent 
bientôt  les  victimes.  Rabaut  fut  dé- 
pute' à  la  Convention  parle  départe- 
ment de  l'Aube  :  c'est  ici  que  sa  con- 
duite mérite  des  éloges.  Le  a8  sep- 
tembre ,  il  combattit,  de  toutes  ses 
facultés,  les  énergumènes  qui  vou- 
laient que  la  Convention  jugeât  le 
roi  :  il  rappela  les  principes  qui 
avaient  établi  l'inviolabilité  person- 
nelle du  monarque ,  et  soutint  qu'une 
assemblée  législative  ne  pouvait  être 


RAÎÎ  473 

transformée  en  cour  judiciaire  ;  il 
ajouta  que,  si  l'on  voulait  entrepren- 
dre un  pareil  procès  ,  les  tribunaux 
seuls  devaient  en  connaître  ,  et  qu'au 
surplus  ,  il  devait  être  confirmé  par 
le  peuple.  «  Je  suis  las  de  ma  por- 
))  tion  de  despotisme  ,  (  s'écria-t  il, 
au  milieu  des  huées  des  conven- 
tionnels qui  siégeaient  à  gauche);  et 
»  je  soupire  après  l'instant  où  un 
»  tribunal  national  nous  fera  perdre 
»  la  forme  et  la  contenance  de  ty- 
»  rans.  »  Rabaut  appuya  son  opi- 
nion par  des  arguments  pris  dans 
la  révolution  d'Angleterre;  et  il  éta- 
blit que  la  mort  de  Charles  I*^''.  avait 
amené  la  don)ination  de  Cromwell  , 
qu'avait  suivi  le  rétablissement  de  la 
royauté.  On  sait  qu'il  y  euî  dans  ce 
procès  quatre  appels  nominaux.  Sur 
la  première  question,  Rabaud  répon- 
dit que  l'accusé  était  coupable  ,  opi- 
nion qui  provoquait  une  peine  quel- 
conque. Cependant,  suivant  ses  prin- 
cipes  constitutionnels ,  cette  peine 
pouvait  être  infligée  au  roi  qu'il  avait 
reconnu  inviolable  (6).  Tl  vota  ensui- 
te  pour  l'appel  au  peuple,  pour  la 
détention  jusqu'à  la  paix  ,  et  en  fa- 
veur du  sursis.  Jusiju'à  la  révolution 
du  3i  mai,  le  parti  connu  sous  la 
dénomination  de  Girondin  ,  dont 
Rabaut  faisait  partie  ,  eut  la  majori- 
té, et  il  le  fit  nommer  président  après 
le  ju.^^ement  du  roi ,  qui  fut  prononce 
sous  la  présidence  et  par  l'organe  de 
Vcrgniaux  (  V.  ce  nom).  Rabaut  fut 
désigné  au  m  ois  de  mars, pour  surveil- 
ler les  opérations  dutiibunal révolu- 
tionnaire ,  dont  le  parti  de  la  Giron- 
de voulait  modérer  la  violence.  Alors- 
les  révolutionnaires  de  Paris  prépa- 
raient les  mesures  les  plus  atroces  ^ 
sous  la  direction  delà  commune,  eE 

(6)  Sept  à  huit  députes  seulement  ne  voulureuii 
]ioiiit  voter  sur  celte  question!  tyua  les  autres  décla  - 
rcieut  la  culpdbilité» 


474  RAB 

du  pniti  de  la  Convention  ,  dit  de 
la  Montagne  ;  il  s'agissait  d'assassi- 
ner tous  ceux  de  leurs  adversaires 
qu'ils  pourraient  saisir,  et  surtout 
lesdcputés  Girondins.  Ceux-ci  turent 
instruits  du   projet  ,  et  l'armèrent 
une  commission  composée  de  douze 
d'entre  eux  ,  pour  en  reclicrclier  les 
auteurs.  Kabaut  fut  membre  de  cette 
commission,  qui  fit  arrèler  Hébert , 
substitut  du  procureur  de  la  commu- 
ne, qu'on  supposait  un  des  princi- 
jiaux  agents    du  complot.  Aussitôt 
que  l'arrestation   fut  annoncée  ,  la 
commune   atlro\ipa   tous  les  jaco- 
l)ins  de    Paris  :  ils  viiucnt  entou- 
rer  la  Convention  ,  eUrayant  ras- 
semblée et  le  public  par  leurs  épou- 
vantables   cris.  Dans  ce  moment  , 
liabaut  cl'.argèdu  rapport  delà  com- 
mission, était  a  la  tribune,  et  le  par- 
ti montagnard  le  couvrait  de  buc'es. 
Les  habitues  des  tribunes  p\ibliques 
et  les  révolutionnaires  du  dehors  fai- 
saiint  ccho  :  il  fut  impossible  de 
l'entendre.   Les   menaces  d'assassi- 
nat retentissaient  à  ses  oreilles:  la 
majorité  de  la  Convention,  n'étant 
plus    reconnue  ,     n'avait   |dus    les 
moyens   de  se  faire  obéir.  Raiiaut, 
réduit  au  silence,  donna  sa  démis- 
sion de  membre  de  la  commission  ; 
et  ses  collègues  suivirent  sou  exem- 
ple. Le  parti  Girondin  dut  alors  se 
coasidérer  comme  perdu.  La  révo- 
lution du  3i  mai  s'opéra  :K.ibautfut 
mis  en  arrestation  chez  lui  ,  le  u  juin 
1793  ;  mais  il  s'évada  ,  et  se  réfugia 
dans  les  environs  de  Versailles.   Mis 
Lors  la  loi  le  .48  juillet,   il  revint  à 
Paris,  cil  il  trouva  un  asile  avec 
Rabaut-Poraicr  son  frère,  dans  une 
maison  du   faubourg    Poissonnière 
(7);  une  indiscrétion  (it  découvrir 

(7  Cbex  M.  et  .M"»».  Prtviac  ,  cutholiiiuet  cou- 
ragruz ,  auxquels  il  avait  pu  occabion  de  rcDtIre 
M-rvice ,  et  que  cet  acte  de  dévouement  couduiMt  à 
l'écLâlàud  la  tt  déœuibre. 


RAB 

leur  retraite  (8),  et ,  comme  il  était 
hors  de  la  loi, il  fut  livréàFouquier- 
ïainvillc,  qui  le  fit  cxéculcr  le  5  dé- 
cembre 1793.  Il  avait  été  découvert 
le  4-  Telle  fut  la  fin  de  l'un  dos  hom- 
mes qui  eurent  le  [(lusd'influeiicesur 
les  premiers  événements  de  la  ré- 
volution. Outre  les  Lettres  à  Bailly 
sur  l'histoire  priinilii>e  de  lu  Grèce^ 
Paris,  1787  ,  in-S". ,  et  le  Précis 
sur  la  révolution  de  France ,  Rabaut 
a  publié  :  I.  Le  vieux  Cévenol ,  ou 
Anecdotes  de  la  vie  d' Amhroise 
horely ,  mort  à  I^ondres  ,  à  Vdge 
de  io3  rt/Ji",  Londres,  i':84,  in  8**. 
Ce  roman  ,  qui  n'est  qu'une  censure 
des  édils  portés  contre  les  protes- 
tants depuis  i(i8j,  et  une  apologie 
des  fauatiijues  des  Céveimes  (  f^ny. 
Cavalier  ) ,  fut  publié  comme  tra- 
duit de  l'anglais  d'un  prétendu  W. 
Jcslerman.  Une  première  édition , 
donnée  à  Londres  ,  en  1779,  est  in- 
titulée :  Triomphe  de  l'intolérance^ 
OH  Anecdotes, c[c.  Uneautre  édition, 
sous  la  rubrique  d'Augsbourg,  Van 
du  rappel,  a  pour  titre  :  Justice  et 
nécessité  d'assurer  en  France  un 
état  légal  aux  protestants ;\\\\c  réim- 
pression donnée  par  1\I.  Boissy  d'An- 
glas,  est  ornée  de  son  portrait  et 
de   celui  de  Rabaut  (9).  IL  A  la 

(8)  I'ul>rr-il'Ej;lautiuc  ayant  voulu  faire  pratiquer 
cbi'z  lui  une  raclutle ,  lit  i>|>pel<T  un  meinii»ier,  qui  , 
jiour  lui  donner  une  preuve  de  son  adresse  en  ce 
Uenre  ,  lui  dit  qu'il  en  avait  ercruto  ,  elle/.  M. 
l'ayiac,  une  qu'il  «lait  Inen  .s<irqni'rr>u  ne  soupçon  • 
nerait  jamais,  l'abre  alla  le  iiièiue  jour  la  dénoncer. 

(p)  Celte  édition  ,  iu-i8,  est  de  1811  ,  et  on 
trouve  dans  le  même  volume  un  f/ti'iimnge  (de 
Bal.aut  )  à  la  métnniie  lU  M.  l'it'e</iir  lU  Nîmes  (M. 
IJecdeli"  vre  )  ,  opuscule  daus  leqtiel  Laharpc  ,  qui 
en  avait  lu  le  manuscrit  ,  reconnaissait  la  véii- 
tiihU  èloijiienci;  ,  r.elU  de  l'aine  el  dn  ier.limettl. 
i'.e  volume  forme  le  j".  tome  des  OEvres  de  lia 
haiit'Saint-Kiienne  ;  le  secoud,  imprimé  la  même  an- 
née ,  se  compose  du  Précis  de  l'histoîre  ite  la  lèvo- 
Itilion  fiuiitiiise  (Assemblée  constituant,),  pré- 
cédé dès  Ciinsidérations  sur  les  iiiléréls  du  liers- 
clal.  Le  Précis  avait  paru  sous  \r  litre  d' Alinunuch 
hiiloiiaue  Je  la  révolution  française.  Rabaut  avait; 
publié,  eu  1770,  un  Sermon  sur  le  mariage  du 
Daupbio(depui<i  Louis  XVI  )  ,  en  1774  ,  uu  Sermon 
sur  la  mort  de  Ix,uis  XV.   Sa  Lettre  sur  la  vie  <:< 


RAB 

nation  française ,  sur  les  vices  de 
S071  gouvernement ,  sur  la  nécessité 
d' établir  une  constitution ,  etc.,  juin, 
1788  ,  in-S*^.  III.  Réflexions  politi- 
ques sur  les  circonstances  présen- 
tes,  in-8°.  IV.  Motion  au  sujet  du 
premier  mémoire  du  ministre  des  fi- 
nances,  io-8*^.  V.  Rapport  sur  V or- 
ganisation de  la  force  publique ,  iii- 
8°.  VI.  Considérations  sur  les  inté-^ 
rets  du  tiers-état ,  adressées  au  peu- 
ple des  provinces ,  par  mi  propriétai- 
re foncier  ,  2'^.  édition,  1788,  in- 
8**.  VIT.  Prenez-y  garde  ,  ou  yivis 
à  toutes  les  assemblées  d' élections  , 
17B9.  V'III.  Opinions  sur  quelques 
points  delà  constitution  ;  —  sur  la 
motion  de  M.  de  Castellane  :  Nul 
homme  ne  peut  être  inquiété  pour 
ses  opinions,  ni  troublé  dans  V exer- 
cice de  sa  religion ,  etc.  ;  —  sur  une 
motion  de  M.  le  vicomte  de  Nouil- 
les. —  Idées  sur  les  bases  de  tonte 
constitution.  IX.  Réflexions  sur  la 
division  nouvelle  du  royaume,  1  789, 
in-8°.  — Nouvelles  Reflexions ,  etc. 
'        B-u. 
RABAUT-POMIER   (  Jacques- 
Antoine  ) ,  ne  à  Nîmes  le  24  octo- 
bre 1 744  1  fi'cre  puînc'  du  précèdent, 
fut,  comme  lui,  ministre  de  la  reli- 
gion réformée.  Il  professa  les  mê- 
mes principes  que  son  aîné;   mais 
ses  débuts  littéraires  et   politiques 
ne  furent  pas  aussi  lemarqués.  Ra- 
haut  -  Pomier    n'était  point    sans 
talents  ;   mais  il  avait  moins   d'ac- 
tivité dans  l'esprit,  et  d'ardeur  dans 
le    caractère  ,    que   Rabaut   Saint- 
Etienne,  et  devait  jeter  moins  d'g'- 

les  éciits  de  M,  Court  de  Gehelin  est  de  1774  >  >i- 
4°.  H  avait ,  avec  Cérulti ,  fonde  \.i  l'ciiilte  villii- 
geciie.  Jl  a  passe  aussi  pour  l'un  des  collaborateurs 
au  Moniteur.  Le  Piième  de  Charles  Mortel  qu'il 
avait  entrepris  n'a  pas  été  acLevé  ;  les  fragments 
qu'il  en  avait  composéà  ]taralssent  perdu*.  U  en  est 
de  mcnie  d'un  roniap,  a  l'imitation  de  Tèlèmaque 
et  de  Selhûs ,  dont  il  ularait  la  scène  en  Egypte. 
A.B-T, 


RAB  495 

clat.  On  parla  peu  de  lui  les  trois 
premières  années  de  la  révolution  , 
et  il  ne  parut  sur  la  scène  qu'après 
la  catastrophe  du  lo  août.  Les  élec- 
teurs du  département  du  Gard  ,  le 
nommèrent  député  à  la  Convention, 
où  il  fut  d'abord  assez  circonspect. 
Il  voulait  persister  dans  une  salutaire 
obscurité;  mais  les  événements  ne 
le  lui  permirent  point:  le  jugement 
du  roi,  auquel  il  fut  forcé  de  prendre 
part  (0,  et  la  détermination  de  son 
frère  dans  cette  grande  cause,  le 
précipitèrent  dans  le  chaos  anarchi- 
que  où  il  faillit  perdre  la  vie.  Dans 
le  premier  appel  nominal,  il  vota 
la  culpabilité  du  royal  accusé;  dans 
le  second,  l'appel  au  peuple  de 
l'arrêt  à  intervenir  ;  dans  le  troi- 
sième ,  la  mort,  avec  sursis;  et 
dans  le  quatrième,  le  sursis.  Il  ne 
fut  point  proscrit  comme  son  frère  ; 
mais  ,  ayant  protesté  ,  le  0  juin 

(i)  Lorsqu'en  iSiG  le  gouvernement  de  Loms 
XVlll  delibc^ra  sur  l'exécution  de  la  lui  contre  les 
régicides,  J^abaut  fut  considéré  comme  tel ,  et  re- 
çut l'ordre  de  sortir  du  royaume  ;  voici  de  quelle 
manière  il  s'était  exprimé  en  prononçant  .son  vote  : 
«  Je  crois  ,  dil-il,  que  Louisa  mérite  la  mort;  mais 
»  si  la  Convention  en  prononçait  la  peine,  je  crois 
»  que  son  exécution  doit  être  renvoyre  après  la  tc- 
>.  nue  des  assemblées  primaires  ,  auxquelles  on  aura 
«  présenté  à  l'acceptation  les  décrets  coiistilution- 
«  nels  :  mon  opinion  est  indivisible.  »  Kabaut  recla- 
ma contre  la  décision  des  ministres  ,  et  ijretendit 
que  ses  réponses  anx  quatre  appels  n'avait  eu  d  au- 
tre but  que  de  sauver  le  roi.  Ou  ne  peut  pas  être 
de  cet  avis  quant  àlapremière  réponse  ;  car  eu  décla- 
rant EouisXVI  coupable  ,  ce  qui  était  certainement 
une  odieuse  injustice  ,  ou  devenait  complice  de  ceux 
uni  le  condamnèrent  :  il  ne  s'agissait  que  du  plus  ou 
inoins  de  sévérité  de  la  condamnation.  Les  conven- 
tionnels qui  ne  votèrent  pas  la  mort,  ou  qui  la  vo- 
tèrent coudilinnuellement  ,  comme  Rabaut -lo- 
mier,  ont  fait  la  même  réponse  que  lui  :  elle  a  ele 
asso7.  généralement  accueillie.  Dans  le  recensera,  nt 
des  votes,  qu'il  est  facile  de  consulter  ,  on  ne  compta 
pour  la  mort  que  ceux  qui  furent  émis  sans  condi- 
tion ;  or,  Kabaut  joignit  au  sien  la  condition  expres- 
se de  sursis,  en  déclarant  que  son  opinion  était  m- 
d.visible;  il  ne  doit  donc  pas  être  compris  dans  la 
CMté^orie  dis  régicides.  Son  vote  fut  écarte  dans  la 
prononciatl.m  de  l'arrêt  (  F.  VeRGNIAUX  ).  11  pré- 
senta ces  observations  à  Bl.  Desèze,  qui  avait  paru 
si  hoiiorablenjeiit  dans  le  procès  ,  et  soutint  de  nou- 
veau que  son  intention  avait  été  de  sauver  le  roi. 
M.  Desèze  approuva  ses  raisonnements  :  Rabaul- 
Pomier  fut  néanmoins  obligé  de  quitter  la  France  ; 
mais  il  obtint,  deux  ans  iiprès,  la  penuissiou  d  y  ren- 
trer. 


476  RAB 

i-jqS  ,  contre  la  tyrannie  de  la  Con- 
vention, il  tut  un  des  soixante-treize 
dépiilcs  ,  dont  l'arrestation  fut  dé- 
crétée :  on  le  saisit  le  4  décembre 
(  Voyez  l'article  procèdent  )  ,  et  il 
fut  iminédiatcnictit  eiifcrniéà  la  Con- 
ciergerie ,  où  raiiteiir  de  cet  ar- 
ticle l'a  vu  confondu  avec  les  ha- 
bitues des  cachots ,  et  dans  l'étal  le 
plus  déplorable.  Rentré  dans  le  sein 
de  la  Convention  ,  après  le  9  tlicrnii-- 
dor  ,  il  favorisa  le  parti  modéré  ,  et 
se  comporta  prudemment.  Le  7  oc- 
tobre 1795,  il  fit  l'éloge  de  son 
frère  à  la  tribune  de  la  Convention  , 
qui  décréta  que  les  conipositionb  po- 
liti(jues  de  ce  dernier  seraient  ini pri- 
mées aux  frais  de  la  nation .  et  en- 
voyées aux  dé[)artenients.  Rabaut- 
Poniier  devint  mcrabrc  du  conseil 
des  anciens  ,  sous  le  gouvernement 
directorial ,  et  fut  secrétaire  de  celle 
assemblée  ,  lorsque  Portalis  (  f .  ce 
nom  )  la  présidjit;il  eulipielqiie  liai- 
son avec  lui,  et  il  professait  lesraêines 
principes  politiques  ,  m.iis  en  pre- 
nant le  soin  de  se  tenir  à  l'écart  ilaîis 
les  débals  qui  devaient  détruire  la 
misémble  constitution  ditede  l'an  ni: 
aussi  ne  fut-il  pas  compris  dans  la 
proscription  du  18  fructidor.  Il  ar- 
riva ainsi  ,  sans  événement  fâcheux, 
à  celle  du  18  brumaire,  dont  il  fut 
le  partisan.  Après  avoir  été  employé 
dans  les  bureaux  de  la  trésorerie  , 
à  la  comptabilité  intermédiaire  , 
il  fut  nommé  sous  -  préfet  du  Vi- 
g.in.  Rabaut  quitta  cette  place,  en 
i8o3,  et  devint  l'un  des  pasteurs 
de  l'église  protestante  de  Paris , 
fonctions  qu'il  a  remplies  jusqu'en 
18 1 5.  Il  est  mort  le  iG  mars  i8uo. 
On  a  dit ,  et  il  paraît  prouvé,  que 
Rabaut  eut  la  premiire  notion  de 
la  vaccine,  avant  que  les  Anglais 
eussent  rien  écrit  sur  cette  décou- 
verte. Il  a  déclaré  qi.c,  vers  rannce 


RAB 

1 780  ,  il  avait  observe  qu'anx  envi- 
rons de  Montpellier  ,  la  petite  vé- 
role ,  le  claveau  des  moutons,  et 
les  pustules  des  vaches,  étaient  re- 
gardés comme  des  maladies  idonti- 
(pies  connues  sous  le  nom  de  Pi- 
cole. Ayant  reconnu  que  celle  f\.c?>  va- 
ches est  la  plus  bénigne  do  ces  affec- 
tions ,  et  (pie  les  bergers,  lorsipiils 
la  gagnaient  par  hasard  en  trayant 
ces  animaux  ,  passaient  dans  le  pays 
pour  être,  par  cela  seul  ,  préservés 
de  la  petite  -  vérole ,  il  pensa  que 
ce  procédé  serait  aussi  suret  moins 
dangereux  que  l'inoculationde  la  va- 
riole. Rabaut  racontait  qu'en  1784  , 
il  eut  occasion  de  rommuni(pier  ses 
observations  à  un  M.  Pugh  ,  en  ]iré- 
sence  de  sir  James  Ireland  île  Bris- 
tol. ^I.  Pugh  promit  qu'à  son  ar- 
rivée en  Angleterre  ,  il  ferait  part 
de  ce  qu'il  venait  d'entendre  au  doc- 
teur Jen'ner  son  intime  ami.  Rabaut 
était  porteur  dune  lettre  de  M.  Ire- 
land ,  datée  du  12  février  181 1  , 
qui  rapj)elle  ce  fait  (  Voy.  le  Dic- 
liontiatre  des  Sciences  iiiédicdles  , 
art.  Vaccine,  tom,  lvi,  pag.  09")). 
Rabaut  avait  publié,  en  1810,  un 
Opuscule  intitulé  :  Napoléon  libéra- 
teur, discours relif^ieii.v ,\u-^'\  ,  etc.  ; 
et  en  i8i4  ,  un  Sermon  d'action  de 
çi^rdces  sur  le  retour  de  Louis  X  F III. 
—  Un  troisième  Rabaut,  sui  nommé 
Dupuis  ,  qu'on  appelait  Rabaut 
jeune,  frère  des  précédents,  cl  né- 
gociant à  Nîmes  ,  partagea  les  opi* 
nios  de  ses  frères  ,  et  fut  proscrit 
comme  eux  en  1793,  sous  le  titre 
de  fédéraliste  (  Voyez  la  note  i  , 
p.  4^8  ci-dessus).  Député  du  Gard  , 
au  conseil  des  anciens,  en  1797  , 
il  écrivit  dans  les  journaux  en  fa- 
veur du  Directoire,  quoiqu'il  n'en 
approuvât  pas  toutes  les  mesures. 
Il  défendit  à  la  tribune  les  émigrés 
du  Bas  -  Rhin  j  c'étaient ,  pour  la 


RAB 

plupart  ,  de  pauvres  paysans  ,  qui 
s'étaient  momentane'ment  sauves  de 
leur  pays  ,  pour  se  soustraire  aux 
féroces   proconsuls  qui  dévastaient 
ces  contrées  ,  et  en  faisaient  assas- 
siccr  les  habitants  (  V.  Schneider): 
il  défendit  aussi  les  émi£î;rés  d'Avi- 
gnon et  du  comtalVenaissiu  ,  et  s'éle- 
va contic  les  Jacobins  du  midi  ,  qui 
s'étaient  portés  à  des  excès  inouis. 
Au  mois  de  décembre  1 799  ,  il  passa 
au  corps  législatif  formé  sous  Buona- 
parte  ,  et  le  présida  en  1802  :  le  con- 
sulat à  vie  fut  voté  sous  sa  prési- 
dence.   Rabaut   se    prononça  vive- 
ment pour  cette  mesure;  et  il  s'é- 
tendit en  éloges  du  nouveau  gouver- 
nement.   Les   consuls    l'envoyèrent 
dans  les  départements  du  midi  ,   en 
qualité  de  commissaire,  pour  établir 
le  nouvel  ordre  de  choses  ;  et  sa  con- 
duite ,  dans  cette  mission  ,  mérita 
des  éloges.  An  moment  de  son  ar- 
rivée à  Toulouse  ,  on  allait  fusiller 
un  émigré  rentré  ,  nommé   Segiiy  , 
condamné  par  un  conseil  militaire: 
Rabaut  prit  sur  lui  de  didérer  l'exé- 
cution :  de  concert  avec  les  parents 
et  les  amis  de  M.  Seguy ,  on  fit  faire 
une  consultation  d'avocats,  qui  surent 
trouver  dans  le  jugement  des  nullités 
radicales  ;  et  malgré  les  réclamations 
du  général  commandant  ,  qui   de- 
mandait  impérieusement  le   sacri- 
fice de  la  victime ,  Rabaut  ordonna 
que  l'exécution   fût  suspendue ,   se 
déclarant  responsable  de  ce  qui  pour- 
rait  en  arriver.    Le  premier  con- 
sul approuva  cette  honorable  déter- 
mination.  Rabaut    Dupuis    reçut  , 
Comme  Rabaut  -  Pomier  ,  en  i8o3  , 
la  décoration  de  la  Légion  d'hon- 
neur. Sorti  du  corps  législatif,  il  se 
retira  dans  sa  ville  natale,   oii  il  fut 
nommé  conseiller  de  préfecture.  Eu 
1808,  il  fut  renversé  par  un  che- 
val fougueux ,  et  mourut  des  suites 


RAB  477 

de  cet  accident.  On  a  de  lui:  L  Dé- 
tails historiques ,  et  Becueil  de  piè- 
ces sur  les  dii'ers  projets  qui  ont  été 
conçus  depuis  la  réforniaiion  jus- 
qu'à ce  jour ,  pour  la  réunion  de 
toutes  les  communions  chrétiennes  ^ 
1806,  in-8''.  IL  annuaire  ou  Ré- 
pertoire ecclésiastique  à  l'usage  des 
égli:;es  réformées .,  Paris  ,  1807  ,  in. 
8". ,  recueil  qui  a  été  continué  sous 
le  titre  de  Nouvel  Annuaire  protes- 
tant. B — u. 

RABELAIS    (François)  naquit 
vers  l'an   i483  ,  k  Ghinon  ,   petite 
ville  de  Touraine.  Son  père,  qui  était 
un  apothicaire  du  lieu,  le  mit  chez 
les  moines  de  l'abbaye  de  Seuillé, 
voisine  de  Chinon ,  pour  ses  pre- 
mières études  ;  et ,  comme  il  n'y  ap- 
prenait rien  ,    on  prit  le  parti  de 
l'envoyer  à  Angeis ,  au  couvent  de 
la  Bàmette  ,   où  il  ne  fit  guère  plus 
de   progrès   :  presque  tout  le  fruit 
q'i'il  retira  de  son  séjour  dans  cette 
maison  ,  fut  de  se  lier  avec  les  frères 
Du  Bellay,  dont  un  devint  cardinal, 
et  fut  son  plus  zélé  protecteur.  JI  se 
fit  ensuite  religieux  au  couvent  des 
Cordelicrs  de    Fontcnai- le -Comte. 
Il  répara  ,  dans  le  cloître,  le  temps 
qu'il  avait  perdu  dans  les  classes.  Il 
acquit  toutes  les  connaissances  que 
les  livres  pouvaient  mettre  à  sa  por- 
tée ,  et  devint  particulièrement  ha- 
bile dans  la  science  des  langues.  A 
cette  époque,  pour  des  cordeliers  du 
Bas-Poitou,  un  livre  grec  était  du 
grimoire,  et  celui  qui  s'en  servait, 
un  sorcier.  Les  confrères  de  Rabelais 
le  virent  avec  horreur ,  comme  un 
homme  en  commerce  avec  le  diable. 
Il  les  scandalisa  encore  d'une  autre 
manière.  Le  jour  de  la  fête  du  cou- 
vent ,  jour  oix  le  peuple  des  environs 
venait  en  foule  apporter  ses  prières 
et  ses  offrandes  à  l'image  de  saint 
François ,  il  s'avisa ,  comme  celte 


478  RAB 

iraa'^e  était  placée  Hans  un  lieu  assez 
obscur,  de  la  dénicher  ,  et  d'y  siibs- 
tituoi-  sa  propre  personne,  ajustée 
en  conséquence.  Son  liuineur  joyeuse 
ne  put  tenir  aux  discours  et  aux  gestes 
risibles  de  ses  rustiques  adorateurs  : 
on   aper<;ut  un  mouvement  ,  et  tous 
les  assistants  crièrent  au  miracle.  Un 
vieux  moine,  moins  crédule  ,  soup- 
çonnant une  espiéi;!crie  sacrilège  où 
les  autres  voyaient  une  marque  de  la 
faveur  divine,  s'approcha  du  f.inx 
.saint ,  et  le  lit  descendre  de  sa  niche. 
Il  fut  reconnu  ,  saisi ,  et  dépouillé  de 
ses  habits  ;  et  tous  les  frères  ,  armés 
de  leurs  cordons  à  nœutls,  le  fouettè- 
rent presqu'au  sang.  U  n'en  fut  pas 
quitte  pour  ce  rude  traitement  :  il  fut 
mis  in pacc,  c'est-à-due  ,  renfermé 
entre  quatre  murailles  ,  au  pain  et  à 
l'eau  ,  pour  le  reste  de  ses  jours.  Le 
savant  Tiraqucau  ,  lieuienant  général 
du  bailliage  de  Fontcuai  le-Comte,  ob- 
tint qu'on  le  remît  eu  liberté.   Quel- 
ques autres  personnes  considérables, 
qui  avaient  eu  occasion  de  jouir  de 
sa    conversation    à-l.i-fois   érudite , 
spirituelle  et  facélieusc,  lui  conseil- 
lèrent de  quitter  un  couvent  où  il  ne 
pouvait  étudier  ni   bonHouncr  im- 
punément :  et  lui  obtinrent  du  pape 
Clément  VU  ,  la  permission  de  pas- 
.ser  dans  l'ordre  de  Saint -Benoit, 
Il  entra  dans  l'abbaye  de  Maillezais  : 
apparemment  cette  maison  ne  lui  fut 
pas  beaucoup  plus  agréable  que  l'au- 
tre ;  car  il  en  sortit  bientôt ,   mais  , 
celte  fois  ,  sans  permission  du  pape; 
et,  jetant, comme  on  dit,  lefrocaux 
orties  ,  il  se  mit  à  courir  çà  et  là  ,  en 
habit  de  prêtre  séculier.  Après  quel- 
que temps  de  cette  vie  vagabonde  ,  il 
se  rendit  à   Montpellier,  où  il   fut 
reçu   docteur  en  médecine.  Il  exer- 
ça et  professa  avec   succès  en  cette 
qualité;  et  il  publia  une  édition  la- 
tine de  quelques  écrits  d'Hippocrate, 


RAB 

qui  fut  estimée  des  médecins  et  des 
lettrés.   Le  chancelier  Duprat ,  mé- 
content ,  on  ne  sait  pourquoi ,  de  la 
faculté  de  médecine  de  Montpellier, 
avait  fait  abolir  par  arrêt  ses  privilè- 
ges. Elleiléputa  Kabelaispour  eu  sol- 
liciter le  rétablissement.  Ne  sachant 
comment  avoir  accès  auprès  du  chan- 
cliclier,  il  imagina  de  parler  la  tin  à  son 
j)ortier,  (pii, comme  on  le  pense  bien, 
n'en  comprit  pas  un  mot:  à  une  autre 
personne  appelée  ,  parce  qu'elle  sa- 
vait le  latin  ,  il  parla  grec ,  langue 
qu'elle  n'entendait  pas  ;  à  une  troi- 
sième  qui  savait  le  grec,  il    jiarla 
hébreu  ,  et  ainsi  de  suite  ,  jusqu'à  ce 
que  le  chancelier,  informé  de  l'aven- 
ture, voulut  voir  riiomme(]ui  parlait 
tant  de  langues  ,  l'écouta  ,  fut  char- 
mé de  son  esprit ,  et  lui  accorda  ce 
qu'il  était  venu  demander.  Ce  n'est 
peut-être  là  qu'un  conte  dont  .Ra- 
belais lui-même  a  pu  fournir  l'idée 
dans  le  chapitre  où  Panurge ,  rencon- 
trant Pantagruel,  lui  pat  le  en  di\  lan- 
gues diverses,  tant  mortes  qiu^ vivan- 
tes ,  avant  de  se  servir  du  français. 
Mais,  fausse  ou  vraie,  l'Iiistoriette 
n'est  pas  indigne  de  ll.ibelais  :  il  était 
assex  boullon  pour  concevoir  un  pa- 
reil tour  ,  et  assez  savant  portti'cxé- 
cuter.  Quoiqu'il  en  soit,  l'université 
de  Montpellier ,  en  reconnaissance  du 
service  qu'd  lui  avait  rendu  ,  décida 
que  tout  médecin   qui  prendrait  le 
boimet,  se  revêtirait  delà  robe  de  Ra- 
belais :  cet  usage  subsiste  encore  au- 
jourd'hui. C'est  peut-être  ici  le  lieu 
d'avertir  le  lecteur,  qu'il  nous  reste 
à  raconîer  plusieurs  autres  préten- 
dues   aventures  ,  dont   le  cynisme 
pourrait  ,  en  excitant  leur  dégoût , 
faire   naître  aussi  leur  doute.  Vol- 
taire les    repousse  avec  l'incrédu- 
lité la  plus  méprisante  :  nous  serions 
bien  tentés  d'imiter  son  scepticisme, 
et  même  de  retendre  aux  deux  his- 


RAB 

toriettes  que  nous  avons  déjà  rap- 
.  portées.  Il  est  certain  que  les  unes  et 
les  autres  ressemblent  assez  à  ces 
contes  absurdes  et  ridicules  dont  la 
■  tradition  populaire  ,  ou  la  grossière 
imagination  de  certains  fabiicateurs 
d'anecdotes  ,  ont  charge'  la  mémuire 
de  tous  les  hommes  qui  se  sont  ren- 
dus célèbres  par  un  tour  d'esprit  fa- 
ce'tieux  et  original,  Mais  ,  d'nn  autre 
côte,  Rabelais  ,  la  plume  à  la  main, 
était  d'iuie  bouironnerie  bien  impu- 
dente, bien  audacieuse;  et  si  l'homme 
en  lui  difFcrait  peu  de  l'écrivain  , 
comme  quelques  faits  plus  certains 
autorisent  à  le  penser,  les  plaisante- 
ries efTrontées  de  son  livre  ne  ren- 
draient i(ue  trop  vraisemblables  les 
facéties  insolentes  de  sa  vie.  N'osant 
affirmer  que  ces  dernières  sont  toutes 
fausses  ,  et  n'ayant  aucun  moyen  de 
critique  pour  discerner  celles  qui 
pourraient  être  vraies ,  nous  pren- 
drons le  parti  de  les  raconter  indis- 
tinctement ,sans  y  croire,  ni  deman- 
der que  nos  lecteurs  y  ajoutent  plus 
foi  que  nous-mêmes.  Le  cardinal 
du  Bellay  ,  nommé  ambassadeur  de 
France  à  Rome ,  emmena  Rabelais 
avec  lui,  peut  -  être  comme  méde- 
cin ,  peut-être  aussi  parce  que  c'était 
alors  la  mode  parmi  les  grands  sei- 
gneurs ,  d'avoir  ua  bouffon  ou  un 
fou  à  leur  suite.  Le  cardinal  étant 
allé,  suivant  l'usage,  baiser  les  pieds 
du  pape  ,  Rabelais  ,  qui  était  du  cor- 
tège ,  se  tint  à  l'écart  contre  un  pi- 
lier ,  et  dit  assez  haut  pour  être  en- 
tendu que  ,  puisque  son  maître,  qui 
était  un  grand  seigneur  en  France, 
n'était  jugé  digne  que  de  baiser  les 
pieds  de  sa  Sainteté,  lui ,  à  qui  ne 
pouvait  appartenir  tant  d'honneur  , 
demandait  à  lui  baiser  le  derrière  , 
.  pourvu  qu'on  le  lavât.  Une  autrefois, 
.  le  pape  lui  ayant  permis  de  lui  de- 
mander quelque  grâce  ,   il  dit  que 


RAB  479 

la  seule  qu'il  solliciterait ,  c'était 
d'être  excommunié  par  lui.  Le  pon- 
tife voulut  savoir  pourquoi:  «  Saint 
»  Père  ,  répondit -il,  je  suis  Fran- 
»  çais  ,  et  d'une  petite  ville  nommée 
»  Chinon,  qu'on  tient  être  fort  sujette 
»  au  fagot  :  on  y  a  déjà  brûlé  quau- 
»  tité  de  gens  de  bien  et  de  mes  pa- 
»  rents. Orsi  votreSaintetcm'e\com^ 
»  muuiait ,  je  ne  brûlerais  jamais  ,  et 
»  voici  ma  raison  :  en  venant  à  Rome, 
»  nous  nous  sommes  arrêtés  ,  à  cause 
»  du  froid  ,  dans  une  méchante  petite 
»  maison  delà  Tarentaise.  Une  vieille 
»  femme  s'étant  mise  en  devoir  de 
»  nous  allumer  un  fagot ,  et  n'ayant 
»  pu  eu  venir  à  bout,  s'est  écriée  qu'il 
»  fallait  que  ce  fagot  fût  excommunié 
»  de  la  propre  gueule  du  ])ape  ,  puis- 
»  qu'il  ne  voulait  pas  brûler.  »  Ceux 
qui  rapportent  ces  indécentes  anec- 
dotes, ajoutent  que  tant  de  cynisme 
et  d'insolence  ayant  fini  par  déplaire, 
Rabelais  fut  obligé  de  quitter  Rome 
précipitamment,  et  de  se  sauver  en 
France.  Arrivé  à  Lyon  ,  ajoutent-ils, 
et  n'ayant  pas  de  quoi  faire  le  voyage 
de  Paris ,  il  fit  éciire  par  un  enfant 
ces  étiquettes  sur  de  petits  sachets  : 
Poison  pour  faire  mourir  le  roi;  Poi- 
son pour  faire  mourir  la  reine  ,  etc. 
L'enfant  ayant  jasé  ,  le  voyageur  fut 
arrêté  ,  amené  à  Paris  aux  frais  de 
l'état,  et,  sur  sa  demande,  conduit 
au  roi ,  devant  qui  il  prit  de  tous  les 
prétendus  poisons  ,  qui  n'étaient  au- 
tre chose  que  de  la  cendre.  Ou  place 
cette  anecdote  à  l'époque  même  oîi 
le  roi  et  toute  la  France  pleuraient 
le  dauphin  qu'on  avait  cru  empoi- 
sonné (  /^"OJ'.MONTECUCCULI,  XXIX 

478  ).  «  Les  auteurs  de  cette  plate 
»  historiette  ,  dit  Voltaire  ,  n'ont 
))  pas  fait  attention  que,  sur  un  in- 
»  dicc  aussi  terrible,  on  aurait  jeté 
»  Rabelais  dans  un  cachot,  qu'il  au- 
»  rait  été  chargé  de  fers,  qu'il  aurait 


48o 


RAB 


»  subi  probablement  la  question  or- 
»  dinaire  et  ex.lraoi*clinairc  ,  et  que, 
»  dans  des   circonstances  aussi  l'ii- 
»  nestes  ,  et  dans  une  occasion  aussi 
.<»  cravc,  une  mauvaise  plaisanterie 
»  u  aurait  ]'as  servi  a  sa   justiiica- 
»  tion.  »  Tout  ce  qui  vient  d'être  dit 
des  insolences  de  Rabelais  envers  le 
pape,  de  la  colère  du  punlife  contre 
lui,  et  du  parti  qu'il  pi  il  de  s'y  sous- 
traire par  la  fuite,  toutes  ces  parti- 
cularités ,  ]ilus  que  douteuses  d'ail- 
leurs ,   semblent  démenties  par   un 
seul  fait  qui  est  certain  ,  c'est  que  le 
pape  lui  remit  la  peine  canonique 
qu'il  avait  encourue  en   quittant  le 
froc  pour  la  soutane  ,  et  le  cloître 
pour  le  moiule.  De  retour  en  France, 
il  obtint,  par  le  crédit  du  cardinal 
du  Bellay,  imc  prébende  dans  ré{;lisc 
colléj^iale  de  Sainl-IMaur-des-Fossés, 
et  la  cure  de  Meudon.  U  mourut  à 
Paris  ,  lue  des  Jardins  ,  sur  la  pa- 
loisse  Saint-Paul ,  et  fut  enterré  diuis 
le  cimetière  de  celte  ép;lise,  au  pied 
d'un  arbre  qu'on  a  lojif^-tenips  conser- 
vé par  égard  pour  sa  mémoire.  La 
date  de  sa  mort  est  inceitainc  :  la 
plupart   des   auteurs   la    placent  en 
i553  ,  dans  la  soixanto-di\ième  an- 
née de  son  à^e.  Ses  derniers   mo- 
ments n'ont  pas  été  plus  cpart^nés 
que  le  reste  de  sa  vie ,  par  les  fai- 
seurs de  contes  ridicules  et  de  préten- 
dus bous  mots.  Contre  le  témoif^nage 
de  ceux  qui  assurent  rpi'il  mourut  de 
la  manière  la  plus  édifiante  ,  ils  ra- 
content qu'il  se  fit  alfubler  d'un  do- 
mino, et  en  donna  pour  raison  ces 
paroles  de  l'Ecriture  :  Beati  qui  mo- 
riuntur  in  Domino.  Ils  racontent  en- 
core que  le  cardinal  du  Bellay  ayant 
envoyé  savoir  des   nouvelles  de  sa 
santé ,  il  dit  au  page  :  Dis  à  monsei- 
gneur Vétat  où  tu  me  vois.  Je  m'en 
vais  chercher  un  t^rand  peut-être.  Il 
est  au  nid  de  la  pie  :  dis-lui  qu'il 


RAB 

s^jr  tienne  ;  et,  pour  toi.,  tu  ne  seras 
jamais  qu'un  fou.  Tire  le  rideau ,  la 
farce  est  jouée.  Eniin ,  ils  préten- 
dent qu'il   rédifi;ea  son  testament  en 
ce  peu  de  j)aroles  :  «  Je  n'ai  rien  ;  je 
»  dois  beaucoup  ;  je  donne  le  reste 
»  aux  pauvres.  »  On  n'est  point  d'a- 
cordsur  le  lieu,  ni  sur  le  temps  où 
Rabelais  a  composé  son  roman  :  ou 
Test  bien  moins  encore  sur  l'objet 
qu'il  s'est  proposé.  On  a  beaucoup 
dit  qu'il  s'était  couvert  du   masque 
delà  folie,  pour  pouvoir  impuné- 
ment tourner  en  ridicule  plusiouis 
des  événements  et  des  personna<;(s 
considérables  de  son  temps;  et  l'on 
est  allé  jusqu'à  lecom]iarerà  Hrutiis 
l'Ancien,  tpii  contrefit  l'insensé,  pour 
échapper  au  despoli.<me,  en  travail- 
lant a  le  icnverseï'.  Mais  <à  combien 
d'explications  forcées  ne  faut-il  pas 
recourir  pour  accorder  clie/.  lui  l'his- 
toire et  le  roman  ,  la  vérité  et  la  fic- 
tion ?  D'ailleurs  on  diflèrc  beaucoup 
sur  l'espèce  des  actions  et  des  per- 
sonnes dont  on  veut  qu'il  ait  fait  l'in- 
solente parodie.  Quelques  inventions 
semblent  rappeler  des  aventures  du 
rèj^neet  de  la  cour  de  François  1'='".  : 
beaucoup  d'autres  paraissent  n'avoir 
rapport  qu'aux  moines  ,  aux  bour- 
geois et  aux  paysans  du  Bas-Poitou  , 
ou  plutôt  du  Chinonois  ,  qui  est  le 
lieu  ordinaire  où  se  passe  l'action  , 
et  dont  les  moindres  détails  topogra- 
phiques sont  soigneusement  indiqués 
par  Rabelais.  Ce  qui  u'estaucunement 
douteux  ,    ce    qu'on    aperçoit   trop 
claiicment  dans  son  livre,   c'est  le 
mépris  de  la  religion  et  de  ses  minis- 
tres. On  ne  saurait  s'abuser  sur  l'in- 
tention des  indécentes  allusions  que 
l'auteur  fait  sans  cesse  aux  plus  res- 
pectables passages  des  Écritures,  aux 
plus  saintes  pratiques  et  même  aux 
plus  redoutables  mystères  du  chris- 
tianisme. Les  sobriquets  de  pape^ols, 


RAB 

tle  Cardingots  ,  â'évêgots ,  etc. ,  sont 
des  injures  à  peine  de'guise'es.  Je  ne 
parle  pas  des  traits  de  satire  conti- 
nuels contre  les  moines  :  c'était  alors, 
pour  tous  les  écrivains ,  un  droit  ac- 
quis de  se  moquer  d'eux ,  et  de  leur 
prêter  de  bons  tours,  si  l'on  ne  faisait 
queles  leur  prêter. Quand  onconsidère 
avec  quelle  audace  Rabelais  tourne  en 
ridicule  et  le  dogme  et  le  culte  et  les 
prêtres  ,  dans  un  siècle  où  les  moin- 
dres erreurs  en  matière  de  foi  ou  de 
discipline  canonique  e'taient  punies 
par  le  feu  ,  on  ne  peut  s'émerveiller 
assez  de  la  sécurité  dans  laquelle  il  vé- 
cut. Il  est  pourtant  vrai  de  dire  qu'il 
fut  une  fois  dénoncé  comme  héréti- 
que et  même  comme  athée.  François 
\'^^'.  se  fît  lire  en  entier  l'ouvrage  ;  et, 
ne  jugeant  pas  que  l'accusation  fùtfon- 
dée,  il  accorda  sa  protection  à  l'au- 
teur. Henri  TI  en  usa  de  même.  Ainsi , 
ces  deux  princes  n'aperçurent  pas  ou 
ne  voulurent  pas  apercevoir  la  satire 
de  l'autorité  ,  ni  celle  delà  religion  , 
dans  un  livre  dont  les  détails  au 
moins  en  portent ,  à  chaque  page,  le 
caractère  évident.  Jamais  les  privi- 
lèges de  la  bouffonnerie  ne  s'étendi- 
rent plus  loin  ;  jamais  la  folie  ,  ser- 
vant de  voile  à  la  témérité,  ne  lit 
plus  d'illusion ,  ou  n'obtint  plus  d'in- 
dulgence. Qu'a  voulu  cependant  Ra- 
belais? Quel  a  été  son  véritable  des- 
sein? Son  livre  est  une  espèce  d'é- 
nigme, dont  beaucoup  de  personnes  se 
sont  évertuées  à  chercher  le  mot,  et 
se  sont  flattées  de  l'avoir  trouvé,  maisi 
qui  n'en  a  peut-être  pas.  Se  livrant,! 
dans  les  fréquents  accès  d'une  caîté 
que  souvent  exaltait!  ivresse,  a  cette 
composition  bouffonne  et  satirique 
qui  était  le  gènFe  propre  de  soi*  ta- 
lent, il  a  écrit,  peut  être  sans  se  pro- 
poser autre  chose  que  de  s'amuser 
lui-même  et  d'amuser  les  autres,  des 
aventures  encore  plus  extravagantes 

XXXVI. 


RAB  48i 

que  merveilleuses ,  répandant  à  plei- 
nes mains  l'esprit  et  l'érudition  ,  les 
traits  piquants  et  les  sottises  grossiè- 
res ,  surtout  les  ordures  et  les  im- 
piétés ,  et  saisissant  quelquefois ,  avec 
un  rare  bonheur,  les  ridicules  de  ca- 
ractère ,  de  mœurs  et  de  profession. 
Le  but  de  l'ouvrage  est  si  indetermP" 
né ,  les  contraires  y  sont  tellement 
réunis  et  mêlés, qu'il  a  eu  des  preneurs 
et  des  détracteurs  également  exclu- 
sifs ,  dont  les  uns  y  admiraient  tout , 
et  les  autres  n'y  approuvaient  rien; 
ceux-ci  n'y  voulaient  rien  compren- 
dre ,  et  ceux-là  croyaient  y  enten- 
dre tout.  Les  bons  esprits  se  sont 
placés  entre  ces  deux  extrêmes  :  ils 
n'ont  eu  ni  cet  enthousiasme  ,  ni  ce 
dégoût  absolu.  Ils  n'ont  pas  cru  qu'un 
auteur  dont  Molière  et  La  Fontaine 
faisaient  leurs  délices  et  leur  profit , 
fût  un  écrivain  tout-à-fait  sans  génie 
et  sans  agrément  :  ils  n'ont  pas  cru 
non  plus  que  des  saletés  fussent  de 
bon  goût ,  que  des  sornettes  fassent 
pleines  de  sens ,  des  sottises  ingénieu- 
ses ,  et  des  absurdités  amusantes. 
Enfin  ,  ils  ont  adopté  ce  jugement 
de  Labruyère  ,  dicté  par  la  raison  : 
«  Où  Rabelais  est  mauvais  ,  il  passe 
»  bien  loin  au-  delà  du  pire  ;  c'est 
»  le  charme  de  la  canaille  :  où  il  est 
»  bon ,  il  va  jusqu'à  l'exquis  et  à 
»  l'excellent  ;  il  peut  être  le  mets  des 
»  plus  délicats.  »  —  On  a  de  Rabe- 
lais :  I.  Ex  reliquiis  venerandœ  anti- 
qnitatis ,  Lucii  Cuspidii  Testamen- 
tum;  itemConlractus  vendilionis  inî- 
tus,antiquis  Romanorum  tempori- 
bns  ,  Lyon  ,  Gryphe ,  1 532  ,  'm-S°.  : 
ces  prétendus  restes  de  la  vénérable 
antiquité  ,  sont  apocryphes  ;  le  Tes- 
tament est  Touvrage  de  Pomponius 
Lœtus  ;  le  Contrat  de  vente  est  de 
Jovien  Pontanus.  Tout  savant  qu'il 
était ,  R.abelais  a  été  dupe  ;  et  il  est 
aSsez  singulier  que  ce  soit  par  là  qu'il 
3i 


482  RAB 

ait  commencé  sa  carrière  littéraire. 
II.  Ilippocratis  ac  Galeni  libri  ali- 
quot,  Lyon,  i536,  in- 1(),  avec  une 
épîtrc  dédicaloire  à  G«ulelVoi  d'Es- 
tissac  ;  réirapi  imc  en  1 543  :  ponr  les 
IraductiousdHinpocraie,  il  ï>'est  con- 
tenté de  revoir  le  travail  de  Nicolas 
Leonicenus.  lll.  Epistola  ad  Eer- 
nardutn  Sali^nacum  ,àà\\s  le  volume 
intitulé  :  Clarorum  vlroriim  epistoLv 
centiim  ineditœ  ,  ino'2.  IV.  Joannis 
Manardi,  Ferrariensis  medici,  cpis- 
tolarum  viedicinalium ,  tomits  seciin- 
dus,nunquani  anltà  in  Galliù  excii- 
ius  ,  Lyon,  i53'>. ,  in-8''.,  contenant 
les  livre-i  vu  à  xii  ;  en  tcte  est  une 
dédicace  à  Tiraqucau.  V  .  yllmannch 
pour  Vannée  i533,  calculé  sur  le 
méridional  de  la  noble  cité  de  Ljon, 
et  sur  le  climat  du  royaume  de 
France.  Antoine  Leroi ,  auteur  d'une 
Vie  manuscrite  de  Rab(  lais  ,  qui  cite 
cet  opuscule  comme  imprimé,  n'en 
donne  ni  le  fcirmat ,  ni  la  date  d'im- 
pression,ni  même  le  nom  du  libraire. 
Jl  indique  un  autre  .Ihnanach  pour 
l'an  ir»35,  comme  imprimé  à  Lyon, 
chez  François  Juste ,  et  enfin  un 
ihnanach  et  éphémérides  pour  Van 
de  y.  S.  J.-C,  I  j5o,  comme  impri- 
mé à  Lyon.  Lacroix  du  INLiine  indi- 
que un  Almanarh  (  u  prcnoslication 
pour  Van  i5j8,  imprimé  à  Lyon. 
VL  Joannis  Barlhnlomœi Marliani ^ 
tojioç^raplna  anlitpur  Bomœ,  Lvon , 
1 534 ,  in-8". ,  avec  une  lettre  à  Jean 
du  Bellay  ,  dans  laquille  il  dit  avoir 
eu  le  dcs.>iein  de  doi.ner  an  publie 
ses  observations  sur  les  antiquités  , 
pendant  son  séjour  à  Rome  ;  mais 
que  l'ouvragcdeMarliani  élan  (tombé 
entre  ses  mains  ,  il  ne  crut  pas  pou- 
voir fnire  mieux  (  r.  ÎMarliam  , 
xxvii,  i  I  4  ).  VIL  Fr.  liabelœsi  Epi- 
gramma  ad  Doletuia  ac  de  Gara 
Salsamenlo^-^ncccàc  dix  vers ,  qu'on 
trouve  parmi  les  poésies  de  Dolet,  qui 


RAB 

lui-même  a  fait  des  vers  sur  \in  sup- 
plicié dont  le  corps  avait  servi  pour 
les  leçons  anatoiniques  de  Rabelais. 
VllI.  LaSciomachie  et  Festins  faits 
à  Rome,  au  palais  du  révérendissi- 
me  cardinal  du  Bellay  ,  pour  Vlieu- 
reuse  naissance  de  M.  le  duc  d' Or- 
léans, Lyon,  1 549  ,  iu-8".  IX.  Epi- 
ties  de  François  Rabelais,  Paris  , 
i  (35 1 ,  in-8°. ,  avec  des  Ob'^ervations, 
par  les  frères  de  Sainte-Marthe.  Les 
Epitres  sont  au  nombre  de  seize  ,  et 
remplibsenl  75  pa;;cs  ;  les  Ob^en'a- 
tionscn  remplissent  191  en  |)lus  petit 
caractère.  Une  nouvelle  édition  ,sous 
letitredc Leltresdc }L  Fr. Rabelais^ 
fut  donnée  à  Bruxelles  ,  en  1710, 
in  8"*.  X.  Epitre  à  Bouchet,  j)ar- 
mi  les  Epitres  familières  du  Tra- 
verseur,  i545,  in-fol.  XL  La  Vie 
inestimable  du  î^rand  Gar^anlua , 
pèrede Pantagruel ,  jadis  composée 
par  Vabstraclenr  (  e  qnintesycni  e  , 
Iwn'jdi'in  de  panta^ruelisnie,  Lyon, 
Fr.  Juste  ,  I  535  .  in-i().  Ce  n'est  ici 
(pie  le  premier  livre  du  f,imeu\  ro- 
man de  Rabelais  :  lesrcond  livre  est 
de  I  533,  Ce  second  livre  commen- 
çant à  la  naissance  de  Panfa{:;ruel , 
on  conçoit  comment  le  nom  du  (ils  se 
trouve  rappelé  dans  le  titre  du  pre- 
mier livre,  qui,  d'après  cela  paraî- 
trait n'avoir  été  j>ublié  (pi'après  le  se- 
cond. On  ne  peut  diie  (pie  eeite  date 
de  i533  est  fanlivf ,  et  qu'il  l.jul  lire 
i538  (  soit  que  l'iii! primeur  ail  mis 
le  cliiirre  3  au  lieu  du  chiffre  8  ,  soit 
qu'en  se  servant  des  chiffres  romains 
il  ait  omis  le  v  de  muwvmi  ); 
car  on  a  de  ce  second  livre  une  réim- 
pression de  1.534  ^0-1'  parut,  en 
i54'i,des  deux  premiers  livres, trois 


(i)  A  riii.«tant  où  cet  article  c-t  lui»  sous  prc-vsp  , 
arrive  i  Paiis  nue  iiuiivallc  livral.«'iii  du  Uni.  ht- 
liUo^r.  iiniv.  de  M.  Ebcrt.  On  y  itidiq"'-  It»  Chio- 
ni/jnes  du  grant  et  puissant  géant  Gai^antua  , 
iiouvellemenl  imprimé  h  T.yt'ti  ,  j533  ,  in-K".  obi. 
goth.,  coutenaut  a3  l'euiUe s,  doq  compris  la  première 


I 


RAB 

cditionsjdontdeiix  sons  le  pseudony- 
me de  maître  Alcofrihas.  A  la  fin  du 
second  livre  est  la  panta^rueline pro- 
gnoslication.  Trois  éditions  du  troi- 
sième livre  virent  le  jour  eu  i546  : 
en    154.7  ,    parut  la   Plaisanle  et 
jojeuse  Histoire  du  grand  géant  Gar- 
gantua^ etc. ,  Valence,  'i  vol.  in- 16, 
contenant  les  trois  premiers  livres, 
et  onze  chapitres  du  quatrième  livre 
qui  paraissaient  avoir  èlc  voles  à  l'au- 
teur ,    à  en   juger  par  le  mauvais 
ordre   que  quelques    personnes   ont 
pris  pour  de  grandes  di'Ferences  dans 
le  texte.  Le  quart  livre  (  en  67  cha- 
pitres )  fut  imprime  quatre  fois  en 
i55'>, ,  réimprime  en  i553.  La  pre- 
mière édition  des  quatre  livres  réu- 
nis est  de  cette  dernière  année,  qui 
est  aussi  celle  de  la  mort  de  Rabelais. 
Ce  ne  fut  que  neuf  ans  après ,  qu'on 
imprima  V Isle  sonnante  ,  contenant 
les  seize  premiers  chapitres  du  cin- 
quième livre  :  la  premièi'e  édition 
complète  de  ce  livre,  en  quaraulc- 
sept  chapitres,  est  de   i5G4.   C'est 
doue  par  faute  d'impression  qu'une 
e'dition  des  OEuvres  de  Rahelais  qui 
la  contient,  est  datée  de  1 558.  C'est 
ce  roman  qu'on  réimprime  ordinai- 
rement sous  le  titre  inexact  d'  OEu- 
vres  de  Rabelais.  Parmi  les  éditions 
qui  en  ont  été  faites  ,    on  distingue 
celle  de  (  Leyde  ,  EIzevier)  ,  i663, 
deux  volumes,  petits  in-12,  élégam- 
ment mais   incorrectement    impri- 
primés  ;  i666,  u  vol.  petit  in-12; 
avec  les  remarques  de  Leduchat  et  de 
La  Monnoye,    17»  i  ,  5  vol.  ,  petit 
in-8'\  ;  réimprime  avec  des  remar- 
ques nouvelles  de  Gueulette  et  Ja- 
met  l'aîné ,  i  782  ,  0  tomes  en  5  vol. 
in-i2;  avec  de  nouvelles  notes  de 


RAB 


483 


uni  est  sans  si^nalure.  L'exemjilairc  ({ui  se  trouve 
dans  la  bibliothèque  de  Dresde,  le  seul  connu  jus- 
qu'ici, est  sans  frontispice;  le  titre  rapporte'  par 
-«..   Ebert,    est  celui  qui  se  lit  ù  la  lin  du  volume 


Leduchat,  et  des  figures  de  B.  Pi- 
cart,  Amsterdam  ,    1741  ,  3  vol. 
petit  in-4". ,  contenant  aussi  les  seize 
lettres  de  Rabelais  ,  avec  des  remar- 
ques publiées  en  anglais  par  Lemot- 
teux  ,  et  traduites  en  français  par  C. 
de  Missy  ,  Paris  ,  an  vi  ,'  3  vol.  in- 
8".  L'édition  de  Paris,  Desocr,  1 820 
3  vol.  iui8,aeupour  éditeur  M.  De- 
laulnaye  ,  qui  a  formé  le  troisième 
volume  de  divers  glossaires  et  tables: 
à  la  suite  du  Paîtagruel,  ou  trouve 
l'Épîtrc  de  Eabcl.iis  à  Jean  Bouchot, 
\oi  réponse  de   Bouchet  ,   et  l'cpi- 
gramme  De  Garo  Salsamento.  Ou  a 
conservé  les   deux  Epitres  à  deux 
vieilles  ,    qui   sont  dans   toutes  les 
éditions  de  Rabelais  ,    quoiqu'elles 
aient  pour  auteur  Fnmçois  Habert  : 
cette  édition  a  de  jolies  figures  en 
bois.  Une  nouvelle  édition,  par  le 
même   M.   Delaulnaye  ,   en    3    vol. 
in-S-^.,  a  paru  en  i823;  elle  contient 
non -seulement  les    écrits  indiqués 
sous  les  no^  vu  à  xi ,  mais  encore 
les  épîtres  qui  font  partie  des  no\  it 
m,  IV  et  VI.   Les  Alinanachs  n'y 
sont  pas  compris ,  non  pins  que  la 
préface  du  i\o.  i.  L'éditeuracru,  par 
respect  pour  Rabelais ,  ne  pas  devoir" 
reproduire  cette  préface  qui  donne 
pour  vraies  des  |)ièces  apocryphes. 
Cette  même  année(  1 8-23)  a  paru  le  i^'". 
vol.  des  OEuvres  de  Rabelais ,  édit. 
Variorum,  etc. ,  avec  un  Comment 
taire  historique  et  philologique  pai- 
MM.EsmangartclÉioi  Juhaniicau,et 
qui  doit  avoir  8  vol.,  imprinjés  avec 
soin,  et  ornés  de  i32  gravures.  Le 
travail  des  éditeurs  ne  jieut  être  juge 
que  lorsqu'il  aura  étéentièrement  pu- 
blié. Uabelaise.st  un  de  ces  auteurs  sus- 
ceptibles  d'avoir   un  commentaire 
plus  amplequeîetexte.  Les  commen- 
tateurs nouveaux  pensentquc  Grand- 
Goffiier est  Louis  xn;  Gargantua^ 
François  i«r.»;  Picrochole.  Maximi- 
3r.. 


484  RAB 

lien  Sforce;  Paritap'iiel ,  Henri  II  ; 
Garf;amelle,  Anne  de  Bietagnej  Ba- 
dehec  ,  la  reine  Claude  ;  la  Grande 
/uATient,  Diane  de  Poitiers;  frîvcjean 
des  Entosmeures,  le  cardinal  du  Bel- 
lay ;  Panuroe  ,  le  cardinal  de  Lor- 
raine. Quelques  personnes  nient  que 
le  roman  de  Kabelais  soit  l'histoire 
allégorique  de  son  temps;  mais  ou 
ne  peut  s'empêcher  de  convenir  que 
beaucoup  de  passages  sont  des  allu- 
sions à  des  événements  ou  anecdotes 
du  temps  ;  et  voici ,  à  cette  occasion, 
ce  qu'où  lit  sous  le  n**.  i83  ,  dans  le 
Lantiniana  manuscrit  :  m  Elabelais 
V  fait  un  conte  d'un  seigneur  étran- 
»  ger  ,  dans  le  retrait  de  qui  l'on 
•o  avait  peint  des  lys  pour  lui  faire 
»  peur  ,  et  lui  tenir  le  ventre  libre 
»  par  ce  raoven  :  il  ajoute  qu'il  au- 
»  rait  eu  la  diarrhée  si  l'on  y  avait 
»  peint  le  roi  lui-même.  Ou  avait 
»  peint  Franrois  l*^"".  dans  le  lieu 
»  commun  de  Charles-Quint.  «Quoi- 
que le  travail  de  l'abbé  de  Marsy 
n'ait  pas  eu  de  succès  (  /''.  Marsy  , 
XXVII,  2Gg),  d'autres  ont  pensé 
à  rajeunir  le  style  de  Rabelais ,  et  à 
le  purger  de  ce  qu'on  regarde  aujour- 
d'hui comme  des  obscénités.  Uu 
avocat ,  nommé  Thiloricr,  lut ,  le 
19  avril  i^5a  ,  à  l'académie  de  la 
Rochelle,  sur  la  personne  cl  les 
ouvrages  de  Rabelais  ,  un  discours 
qui  devait  servir  d'introduction  à  un 
Commentaire  historique  sur  Grand- 
Gousicr,  Gargantua  et  Pantagruel. 
Thilorier  i,e  se  bornait  pas  à  vou- 
loir retrancher  les  obscénités  ;  il  ne 
tenait  pas  moins  à  faire  disparaître 
ou  atténuer  les  critiques  trop  araèrcs 
des  désordres  du  clergé  dans  le  sei- 
7.icme  siècle  :  autant  vaudrait  retran- 
cber  toutes  les  médisances  des  sati- 
res de  Boileau  ,  et  prétendre  conser- 
ver son  caractère  et  ses  traits.  Le 
Mercure  du  mois  d'août  1752  cou- 


RAB 

tient^  pag.  5i4  ,  m»  extrait  du  dis- 
cours de  ïhiUirier  :  il  paraît  que 
c'est  tout  ce  qui  en  a  été  public.  On 
doit  à  Pérau  (  forez  x  tî  x  1 1 1  , 
334),  Le  Rabelais  moderne  ou 
ses  OEiivres  avec  des  éclaircisse- 
ments ,  1 1S1 ,  6  volumes  in-i  2.  Ou 
sait  que  le  commentaire  de  Passerat 
a  été  brûîé  (  V.  Passerat,  xxxiii, 
98  ).  Morellet  a  laissé  imparfait  le 
commentaire  qu'il,  avait  commen- 
ce depuis  long- temps  :  l'exemplai- 
re de  Rabelais  ,  interfolié  de  papier 
blanc  qui  contient  son  travail,  est 
dans  la  bibliothèque  de  M.  Auger, 
à  qui  l'abbé  le  donna  quelque-temps 
avant  sa  mort.  Le  roman  de  Rabe- 
lais a  fourni  le  sujet  de  plusieurs 
pièces  de  théâtre.  IMoutauban,  éche- 
vin  de  Pari»  ,  mort  en  i68j  ,  a  fait 
deux  comédies,  l'une  intitulée  Pan- 
tagruel^ imprimée  en  i()54  ',  l'aulre, 
les  Aventures  de  Panuroe  ,  jouée  en 
1G74,  non  imprimée.  Ou  doit  à 
Autrcau,  Panarde  à  marier,  et  Pa- 
nurge  marié  dans  les  espaces  imagi- 
naires, comédies,  qui  sont  impri- 
mées dans  SCS  OEuvres.  Tout  le 
monde  connuii  Panurge  dansl'ile  des 
Lanternes  {V.  Parfaict,  xxxii, 
56  i  ),  opéra  que  s'attribuait  Morel 
de  Chefdeviile.L'/i/e^o/iHa/îte, opéra 
comique  de  Colle  ,  rappelle  le  titre  du 
cinquième  livre  de  Rabelais ,  mais 
n'a  rien  autre  de  commun  avec  lui: 
le  sujet  est  entièrement  de  l'invention 
de  Collé.  Ce  n'est  pas  le  titre,  mais 
plusieurs  idées  de  Rabelais  que  Beau- 
marchais a  employées  dans  son  Ma- 
riage de  Figaro.  Voltaire,  dans  sa 
vingt-deuxième  Lettre  -philosophi- 
que ,  avait  dit  que  Rabelais  était  m\ 
iihilosophe  ivre  qui  n'a  écrit  que 
dans  le  temps  de  son  ivresse  ;  il  ajouta 
dans  son  Temple  du  goût ,  que  l'ou- 
vrage de  Rabelais  devrait  être  réduit 
tout  au  plus  à  un  demi-quart  j  mais  i! 


RAB 

changea  d'opluion  plus  tard.  Il  écri- 
vait, le  12  avril  1760,  àM^^.duDef- 
fdiid  :  «  Si  Horace  est  le  premier  des 
»  faiseurs  de  bonnes  Épîtres,  Rabe- 
»  lais,  quand  il  est  bon ,  est  le  premier 
»  des  bons  bouffons  :  il  ne  faut  pas 
»  qu'il  y  ait  deux  hommes  de  ce  me'- 
»  tier  dans  une  nation;  mais  il  faut 
»  qu'il  y  en  ait  un  :  je  me  repens  d'a- 
»  voir  dit  autrefois  trop  de  mal  de 
»  lui.  M  G.  des  Autelz  a ,  dans  son 
Fanfreluche  et  Gaudichon  (  F.  Au- 
telz ,  m ,  93  )  ,  imite'  le  roman  de 
Rabelais,  que  J.  Bernier  a  analyse'  et 
commente' (  F.  Bernier,  iv,  3o4). 
Le  nom  de  Rabelais  fait  partie  du 
titre  d'un  ouvrage  du  père  Garasse 
(  Foyez  Garasse  ,  xvt ,  /\i^  ).  Il 
existe  d'autres  imitations  françaises 
de  Rabelais  :  aucune  ne  me'rite  d'être 
distingue'e.  Parmi  les  traductions  on 
cite  la  version  anglaise  de  PL.  Ur- 
chard ,  Le  Molteux  et  Ozeil ,  dont 
les  trois  premiers  livres  parurent  en 
1 708  ,  et  dont  on  a  fait  de  nouvelles 
éditions ,  1736  et  1700  ,  5  vol.  in- 
12;    1807,  4  vol.  in-S"^.  La  pre- 
mière e'diliou  de  la  version  alleman- 
de, par  J.  Fischart,  est  de  i55'2, 
in-8^. ,  sous  le  titre,  Affentheurlich 
Naupengeheurliche  G  eschichtklitte' 
rung  ,  etc. ,  et  sous  la  rubrique  de 
Grenesing.  im    Gausserich   (  Foj. 
Fischart  ),  XII.  Les  Songes   dro- 
latiques de   Pantagruel ,  uii   sont 
contenues  plusieurs  figures  de  l'in- 
vention de  M.  Rabelais ,  et  der- 
nière   OEuvre  d'icelui  pour  la  ré- 
création des  bons  esprits ,  Paris  , 
I  565  ,  in-8^.  C'est  encore  un  ou- 
vrage posthume.  Beaucoup  de  per- 
sonnes pensent  qu'il  n'est  point  de 
Rabelais  :  c'est  un  recueil  de  cent- 
vingt  figures  grotesques,  sans  autre 
texte  que  le  titre  du  volmue,  et  un  , 
y^ulecteur,  salut.  Ce  volume  était 
très-rare.  Le  libraire  Sallior  eut  l'i- 


RAB  485 

dée  ,  vers  1797,  de  le  faire  réim- 
primer. M.  Brunet  a  vu  les  soixante 
premières    planches  ,    et    rapporte 
qu'on  lui  a  dit  que  ia  suite  avait  été 
terminée  ,  mais  non  publiée.  Aucun 
éditeur  de  R.djclais  n'a  compris  dans 
les  OEuvres  de  cet  auteur  ,  les  Son- 
ges drolatiques,  qui  ne  pouvaient 
guère  s'exécuter    dans    un   format 
moindre  que  rin-8''. ,  et  dont  d'ail- 
leurs l'exécution  eût  été  très-coû- 
teuse :  les  Songes  drolatiques  forme- 
ront le  huitième  volume  de  l'édition 
dirigée  par  MM.  Esmangart  et  Jo- 
hanucau.  Déjà  la  première  livraison 
de  vingt  figures  est  livrée  au  public  : 
avec  la  sixième  et  dernière  livraison, 
sera  distribuée  une  explication  des 
cent-vingt  figures,  travail  entière- 
ment neuf  ,  et  qui  ne  peut  que  don- 
ner du  prix  à  cette  seconde  édition 
des  Songes  ,  publiée  plus  de  deux 
siècles  et   demi  après    la  première. 
MM.  Esmangart  et  Johanneau  ,  qui 
les  premiers  auront  rattaché  au  texte 
du  Gargantua  et  du  Pantagruel  les 
caricatures  des  Songes  drolatiques , 
annoncent  qu'on  voit  reparaître  sous 
ces  figures  bizarres  tous  les  person- 
nages tant  réels  qu'allégoriques  de 
ces  deux  romans.  S'il  faut  en  croire 
Duverdier,  a  Claude  Massuau  a  tra- 
»  duit  du  latin  de  maître  François 
»  Rabelais  ,  Stratagèmes ,  dest-à- 
»  dire  promesses  et  ruses  de  guerre 
»  du  preux  et  très-célèbre  chevalier 
»  Langej,au  commencement  delà 
^^  tierce  guerre  césarienne^  impri- 
»  mes  à  Lyon ,  par  Sébast.  Gryphius , 
»  1542.  »  Duverdier  est  le  seul  qui 
parle  de  ce  volume,  inconnu  à  Ni- 
ceron  et  aux  autres  bibliographes. 
L'ouvrage  latin  de  Rabelais  a-t-ilété 
imprimé?  La  traduction  de  Mas- 
suau existe  t-elle?  c'est  ce  dont  il 
sera  permis  de  douter  jusqu'au  mo- 
ment où  l'on  en  aura  trouvé  uit 


486 


RAB 


exemplaire.  G  rosley,  possesseur  d'un 
exemplaire  des  opuscules  latins  du 
cardiual  Bombe,  Lyou  ,  Grvplic  , 
i532,  in-8^'.,  avec  des  notes  ma- 
nuscrites qu'il  croyait  de  Rabelais, 
en  fit,  en  i-j6S  ou  1769,  hommage 
à  la  faculté  de  mc'ilcciuc  de  Mout- 
pellier.  On  a  publie,  en  179^' 
une  facétie  sous  le  titre  de  Lettre 
(le  Babelais ,  ci-ilevnnt  curé  de 
Jlfeudon  ,  aux  qualie-vini^t  -  qua- 
torze rédacteurs  des  ^-Jcles  des 
j'Jpûlres,  iu-8".  de  U2  pajres ,  bro- 
chure qui  fut  bientôt  oubliée;  mais 
ou  reniarqiia  celle  qui  avait  pour  ti- 
tre :  DeVuulor'Aéde  RabeLns  dans 
la  révulution  préiente  ,  ou  Institu- 
tions royales ,  politiques  et  ecclé- 
siasti'/ues  ,  tirées  de  Garrrantuu  et 
de  Panla^^ruel,  1791  ,  in  8".,  ilont 
l'aiitciir  est  Gingweiie'.  Le  Quurt- 
tVheure  de  Rabelais  csf  le  litre 
d'une  jolie  comcilie  dc-MIM.  Dien- 
lafoy  et  PreAosi  d'Iray  ,  jouce  sur 
le  théâtre  du  Vaudeville  ,  le  '.'.J  ni- 
vôse an  vu,  pub!ice  la  même  an- 
ne'e ,  in-8°.  (3}  M.  Duniersau  a 
donne',  sur  le  théâtre  des  Variétés, 
le  U9Juin  i3i3  ,  Garu.anlua  ou  Ra- 
belais en  voj  âge  ,  comédie  ,  impri- 
mée la  même  année.  R;d)elais  est  un 
des  personn.if^es  «lu  Clément  Marot , 
vaudeville  de  M:M.  A.  GoulFé,  et  G. 
Duv.il,  joué  sur  le  théâtre  des  Trou- 
baiours,  le  19  fluréal  an  vu  (1799  . 
R.  INI.  Lesuire,  sous  le  titre  de  Con- 
fessions de  Rabelais,  1  797  ,  in- 1 8 , 
n'a  publié  qu'un  roman.  Hayle,  à  qui 
Rabelais  ne  plaisait  guère,  ne  lui  a 
pas  donné  d'arlicledans  son  Dictio- 
naire.  Il  n'en  [)arleque  deux  ou  trois 
fois  en  passant,  La  plupart  des  édi- 


{■i)  ri-smotï.le  0:in,i,riie;re  ,1,-  Unhcliis,  sool 
devenus  proverlif*  puur  eijjrimer  le  moment  de 
compter  avec  son  bote,  cl  i>ar  allusion  à  l'em- 
barras où  l'on  preteod  (jue  Rabelais  se  trouva  à 
Lyon.  A.  D — T. 


RAB 

tions  des  OEuvrcs  de  Rabelais  con- 
tiennent une  Notice  plus  ou  moins 
étendue  sur  sa  vie.  Niceron  lui  a  con- 
sacré un  article  dans  le  ton)c  xxxii 
de  ses  Mémoires ,  et  Chaufepié  dans 
son  Dictionnaire.  Tous  ces  morceaux 
laissent  beaucoup  à  désirer.  La  Fie 
de  Rabelais ,  qui  doit  îtie  placée  en 
tête  du  [ircmier  volume  de  l'édition 
de  MM.  Esmanj;art  et  Eloi  Juhan- 
ueau ,  ne  j)araîtra  qu'avec  un  des 
volumes  non  encore  publiés.  La  Bi- 
bliothèque historique  de  Li  France 
monlionue  huit  portraits  j^ravés  de 
Rabelais;  dejiuis  on  en  a  «^lavé  plu- 
sieurs :  il  y  en  a  deux  ,  l'iui  eu  buste, 
l'autre  on  pied,  dans  la  première  li- 
vraison des  (îj^ures  destinées  à  l'édi- 
tion de  M.^L  Esman;;art  et  Eloi 
Jjhanneau.  L'article  sur  Rabelais, 
fourni  par  M.  Aii5:;cr,  à  la  Galerie 
française  ,  est  accompa|j;néc  d'un 
beau  p.irii.iif.  (3)  A — (; — a, 

UABENl'iR  (  Thi:ophii,e  -  Guil- 
laume )  ,  moraliste  allemand  ,  au- 
teur de  satyres  estimées  ,  naquit  le 
17  septembre  17  i4,à  W^achau,  près 
Leipzi;;  ,  terre  noble,  apjiarteiiant  à 
son  père  ,  qui  était  avocat  au  tribu- 
nal supérieur  du  cercle  de  Leipzig. 
En  I7'i8,  il  fut  envoyé  au  coltéj^c 
de  Meiïscn,  dont  son  jiieul  avait  été 
recteur ,  et  il  s'y  lia  d'amitié  avec 
Gartner  et  Geilcrt  (  f^cj^.  leurs  arti- 
cles ).  Six  ans  après,  il  se  rendilà 
l'iuiiversilc  de  Leipzig  ,  où  il  sou- 
tint, à  la  (in  de  son  cours  de  droit , 
en  1737  ,  une  thèse  De  mitigandd 
Jiirti  picnd  ob  reslitulionem  rei 
ablatce.  Les  sciences  administrati- 
ves ,  surtout  l'assièle  et  la  percep- 
tion des  impôts,  furent ,  non  moins 
que  la  jurisprudence  ,  l'objet  de  ses 
éludes.  Il  se  montra,  dès  sa  jeunesse, 

Ci)  La  partie  bibliograpbiqnc  du  pri'scnt  article, 
à  partir  da  lias  de  la  page  481,,  est  de  M.  A.  Il — T. 


RAB 

et  fut  tonte  sa  vie  un  excellent  hom  - 
me  d'affaires.  Sa  facilitepour  le  tra- 
vail ,  la  sûreté  et  la  rapidité  de  son 
coup-d'ceil ,  le  firent  distinguer  de 
bonne  heure  :  mais  celte  aptitude 
pour  une  carrière  active  ne  fit  au- 
cun tort  à  ses  progrès  dans  plusieurs 
branclios  des  sciences ,  ni  à  son  goût 
pour  la  poésie.  Ses  premiers  essais 
parurent  dans  une  feuille  publiée 
par  Schvvabe  sous  ce  titre ,  Amu- 
sements de  l'esprit  et  de  Vimas^i- 
nation  (  i  ) ,  et  ils  formentle  premier 
volume  de  ses  Satyres.  Verve,  gai- 
té  ,  connaissance  du  monde  et  des 
travers  de  la  société  ,  le  sentiment 
des  convenances,  et  une  concision 
qui  contractait  avec  la  prolixité  et 
le  style  verbeux  des  auteurs  de  l'é- 
jioque,  le  signalèrent  aux  hommes 
de  goût  comme  un  des  écrivains  ap- 
pelés à  tirer  la  littérature  allemande 
de  l'état  de  nullité  ou  d'enfance  où 
elle  était  plongée.  Mécontents  du  Re- 
cueil de  Schwabe  ,  et  de  l'influence 
que  Gottschcd  exerçait  sur  le  choix 
des  morceaux  qui  y  étaient  admis, 
quelques  jeunes  littérateurs  ,  parmi 
lesquels  on  remarque  Cramer  ,  Jean 
Élie  et  Jean-Adol  phe  Schiegcl  (oncle 
et  père  de  MM.  Aug.  Ouill.  et  Fred. 
Schlegel  ),  Ebcrt,  Zachariœ,  Klops- 
tock,  etc.  >  se  réunirent  pour  encoura- 
ger l'entreprise  d'un  libraire  de  Bre- 
men  ,  qui  leur  avait  offert  de  publier 
tous  les  mois  un  cahier  consacré  aux 
productions  de  leur  p!  unie.  C'est  dans 
cet  ouvrage  périodique  (2),  que  pa- 
rurent les  premiers  écrits  de  plu- 
sieurs des  hommes  qui  contribuèrent 
le  plus  à  créer  la  poésie  et  à  per- 
fectionner  la  langue  allemande.  Ka- 


(i)  Belusligiingen  des  Verslandes  und  TT'Uzes  , 
Leipzig,  174^  etsuiv. 

(î)  Neiie  Bejtrage  zum  Vergnûge?i  des  Ver  Glan- 
des und  J'J^ilzes  ,  auxquels  succéda  bientôt  :  Sanim- 
lung  vermischier  Schrjjten. 


RAB  487 

bener  vit  ses  essais  accueillis  de  squ 
collaborateurs  et  du  public.  Ces  tra- 
vaux littéraires  ne  l'empêchaient  pas 
de  rendre  à  la  société  des  services 
qui  semblent,  à  la  première  vue, 
inconciliables  avec  cette   indépen- 
dance d'esprit  et  cette  verve  d'ins- 
piration qui  sont  les  premières  con- 
ditions du  talent  poétique  et  les  ga- 
rants de  ses  succès.  Dès  l'an  174^  » 
nommée!  une  place  de  réviseur  des 
contributions  du  cercle  de  Leipzig, 
il  se  livra,  jusque  vers  sa  mort,  ar- 
rivée le  'l'î  mars  1 77 1  ,  au  détail  mi- 
nutieux et  aride  de  diverses  fonc- 
tions  fiiiancièrcs  ,   à    Leipzig   et  à 
Dresde,  avec  une  assiduité,  une  pro- 
bité et  une  délicatesse  exemplaires. 
La  justesse  et  la   rapidité   de   son 
coup-d'œil ,  la  facilité  avec  laquelle 
il   débrouillait  les  affaires  les  plus 
compliquées,  lui  acquirent  l'esliine 
publique  ,  mais  lui  attirèrent  en  mê- 
me temps  un    surcroît    de    travail 
par  le  besoin  qu^éprouvait  l'admi- 
nistration de  recourir  à  ses  lumiè- 
res eî  a  son  zèle  dans  toutes  les  cho- 
ses diflàciles  et  contenlieuses.  11  met- 
tait ,  dans  leur  expédition  ,  tant  de 
rectitude  d'intention  ,    et   tant    de 
sagesse  dans  la  conciliation  des  in- 
térêls  des  contribuables  avec  ceux 
de  l'Etat  ,  qu'aucune  plainte  ne  fut 
articulée   contre   ses  décisions  ,    si 
ce  n'est  dans  ime  épigramme ,  lancée 
par   son  ami  Kaestner  (  Frjez  ce 
nom  ) ,  dont  le  sens  est  à -peu-près  : 
«  Rabener  s'acquitte  bien  de  la  dou- 
»  ble  tâche  de  se  moquer  de  nous , 
»  et  de  nous  dépouiller.  Il  rit  aux 
»  dépens   de  tout  le  monde,  tandis 
»  qu'il  nous  fait  tous  pleurer.  )>  Sa  ré- 
putation d'équité  était  tellement  éta- 
blie  ;  son  désir  de  ménager  le  con- 
tribuable, si  connu;  cette  saillie  était 
si  peu  capable  de  l'atteindre, que, du 
vivant  de  Rabener,  le  pieux  Gellerl 


438 


RAB 


le  proposa  au  brillant  auditoire  qui 
suivait  sou  cours  de  morale  (  impri- 
me depuis  ,  et  deux  fois  traduit  en 
français  ) ,  comme  un  modèle  pour 
ceux,  qui  voul.iieut  allier  les  travaux 
littéraires  qui  demandent  le  plus  de 
liberté  et  de  fraîcheur  d'esprit,  aux 
fonctions  de  l'homme  public  les  plus 
sèches  et  les  plus  laborieuses.  Dans 
la  dernière  e'dition  des  Épij^rammes 
de  Kaestner  (  Francfort  et  Leipzig, 
i8ûo  ,  r''.  partie  ,  pag.  t)2  ) ,  ce  der- 
uier  crut  devoir  lui-même,  dans  une 
note  ,  rendre  justice  à  la  parfaite 
bonté  de  son  ami  ;  et  avertir  le  lec- 
teur que  Rabener  s'était  le  premier 
amusé  de  cette  épigramme,  ainsi  que 
d'une  autre  plaisanterie  de  Kaestner 
qui  lui  prédisait  la  prochaine  arrivée 
du  jour  où  les  campagnards  ,  ap- 
pauvris par  sa  sévérité  ,  viendraient 
à  sa  rencontre  ,  en  chantant  comme 
le  voyaj^eur  d'Horace  ,  \]u\ ,  les  po- 
ches vides,  ne  craint  pas  la  rencontre 
des  voleurs  : 

Canliibil   vaciiut  coram  latron»  v'alor. 

A  son  tour,  Rabener  prétendait  que 
Kaestner  s'était  fait  le  défenseur  des 
paysans  et  des  sots.  Dans  le  bombar- 
dement de  Dresde,  en  1760,  il  vit  sa 
maison  détruite,  et  perdit  son  mo- 
bilier ,  ses  manuscrits  ,  sa  bibliothè- 
que ,  tout  ,  excepté  la  sérénité  et  le 
calme  d'esprit  que  donnent  un  heu- 
reux naturel  et  une  rcsij:;nation  fon- 
dée sur  une  piété  sincère.  «  N'al- 
»  lez  pas  croire  ,  mon  cher  ami  (  di- 
»  sait-il  dans  une  lettre  adressée  à 
»  Ferbcr  après  ce  désastre),  que  mon 
»  coeur  soit  en  cendres  comme  mou 
»  habitation.  Je  prends  plus  queja- 
»  mais  part  à  tout  ce  qui  regarde 
»  mes  amis  absents  ;  et  je  puis  vous 
»  assurer,  en  toute  vérité,  que  mes 
»  perles  ne  m'ont  pas  coûté  une  lar- 
»  me.  J'ai  vu  brûler  ma  maison  avec 


RAB 

»  le  plus  grand  calme ,  dont,  au  sur- 
))  plus  ,  je  vous  prie  de  ne  faire  hon- 
»  ncur  ,  ni  à  ma  philosophie ,  ni  à 
))  mon  insensibilité  ,  mais  à  la  grâce 
»  divine  que  je  ne  puis  assez  louer. 
»  Les  bombes  nous  forcèrent  de  nous 
»  réfugier  avec  une  quarantaine  d'au- 
»  très  personnes  ,  chez  M.  D. ,  oii 
»  elles  vinrent  bientôt  nous  chercher 
»  le  i5  juillet.  Vous  n'avez  pas  d'idée 
»  des  scènes  comiques  et  lamentables 
»  qui  se  succédèrent  sans  interrup- 
»  tion.  Fenêtres,  chambres,  salions, 
»  grenier,  cour,  toutes  les  ouvertures 
»  étaient  garnies  de  fumierqui  servait 
»  de  litière  à  tous  les  âges  ,  à  tous 
»  les  sexes  ,  et  à  toutes  les  trempes 
»  de  caractère.  Quelques-uns  de  mes 
»  voisins  montrèrent  beaucoup  d'hu- 
»  meur;  il  était  écrit  sur  leurs  (igures 
»  qu'ils  reprochaient  au  bon  Dieu  de 
»  ne  leur  tenir  aucun  compte  des 
»  prières  qu'ils  lui  avaient  adressées 
»  depuis  quatre  grandes  années  révo- 
»  lues,  et  de  la  cour  qu'ils  lui  avaient 
»  faite  à  l'église  si  régulièrement. 
»  Dans  un  coin  de  la  salle,  des  gobe- 
»  mouches  traçaient  au  feld  maré- 
»  chai  Daun  ,  un  plan  de  campagne 
»  dont  lesuccèslcur  paraissait  assuré. 
»  D'accord  sur  les  opérations  ,  ils  ne 
»  puient  s'entendre  sur  le  parti  qu'il 
»  fallait  en  tirer  ;  les  uns  opinant 
V  pour  que  le  roi  de  Prusse  fût  sommé 
w  de  se  rendre  à  discrétion  avec  son 
»  armée  ;  les  autres  insistant  sur  la 
»  nécessité  de  la  passer  tout  entière 
»  au  fil  de  l'épée.  La  dispute  s'c- 
»  chaufTa  au  milieu  du  fumier  et  des 
»  éclats  de  bombes  ;  on  me  demanda 
»  mon  avis  :  j'opinai  pour  qu'on  ne 
»  fit  pas  de  prisonniers ,  mais  je  me 
»  trouvai  eu  minorité  quand  on  alla 
n  aux  voix.  Une  veuve  de  pasteur 
»  me  prit  à  part  pour  me  dire  à  l'o- 
'»  reille  que  nous  étions  trop  heureux, 
»  et  que  uous  devions  des  actions  de 


RAB 

»)  grâce  au  ciel ,  le  roi  de  Prusse  ne 
»  uoiis  tuaut  et  ne  nous  incendiant 
»  que  pour  servir  la  cause  de  la  reli- 
w  giou.  Ventrebleu  ,  Madame  ,  ni'é- 
»  criai-je,  qu'a  de  communia  religion 
»  avec  mes  perruques?  Je  venais  d'ap- 
»  prendre  qu'une  grenade  de  trente 
»  livres  avait  dispersé  toute  ma  gar- 
»  de-robe.  —  Enfin ,  cherFerber ,  me 
»  voici  en  vie,  et  avec  tous  mes  mem- 
»  bres ,  mais  pour  tout  bien  un  ha- 
5)  bit  râpe'  que  j'avais  mis  à  la  bâte 
»  pour  être  phis  leste  à  éteindre  le 
»  feu  ,  une  vieille  perruque  qui  n'a- 
»  vait  pas  été  peignée  depuis  le  com- 
»  mencement  du  siège ,  et  qui  s'était 
»  la  première  trouvée  sous  ma  main, 
»  plus  deuxvieillescberaises  que  j'a- 
»  vais  déjà  mises  de  côté  pour  mon  do. 
»  mestique.  Les  manuscrits  spirituels 
»  qui  ne  devaient  être  imprimés  qu'a- 
»  près  ma  mort,  sont  tous  consumés 
»  à  la  grande  joie  des  sots  des  siècles 
»  à  venir.  IMaintenantil  ne  vaut  pres- 
»  que  plus  la  peine  que  je   meure  , 
»  puisqu'il  ne  se  trouvera  rien  pour 
M  être  imprimé  après  ma  mort  (3). 
y>  Je  mefaisais,  depuis  quelque  temps, 
»  scrupule  de  vivre ,  en  pensant  aux 
»  privations  que  j'imposais  au  pu- 
»  blic ,  en  m'obstiuant  à  ne  pas  mou- 
»  rir;  mais  à  présent,  je  suis  résolu  de 
»  vivre  ,  et  de  m'accommoder  de 
»  l'existence  dans  ce  monde  comme 
»  je  puis.  »   Ce  fragment ,  en  pei- 
gnant la  tranquillité  d'ame  de  Rabe- 
ner,  et  son  boa  esprit ,  peut ,  en  mê- 
me temps,  donner  quelque  idée  de  sa 
manière.  On  s'était  flatté  que ,  trans- 
porté à  Dresde  sur   un  plus  crand 
théâtre  et  dans  des  relations  plus  im- 
.    portantes  ,    où  le  plaçait  son  em- 

_  (3)  Il  avait  (  dans  la  prciace  du  4"^.  vol.  de  ses  Sa- 
tires, vu''lic  en  1755  )  annoncé  sa  résolution  de  ne 
plusrieu  imprimer  durant  sa  vie.  Après  le  bi-ùlemeiit 
de  ses  manuscrits ,  ses  amis  ne  purent  jamais  le  dé- 
terminer à  se  remettre  au  travail ,  et  ù  réparer  çstte 
perte  jiar  de  nouvelles  compositions. 


RAB  489 

ploi,  il  agrandirait  le  cadre  de  ses 
satires ,   et  que  les  rangs  élevés  lui 
fourniraient  de  nouveaux  sujets  et 
des  couleurs  plus   brillantes.   Mais 
cette  attente  fut   trompée  ;  et  lui- 
même  se  bâta  d'otcr  cet  espoir  à 
ses  admirateurs,  dans  la  préface  du 
quatrième  tome  de  ses  OEuvres ,  pu- 
blié en  1755.  11  y  répète  sa  détermi- 
nation irrévocable  de  ne  plus  rien 
donner  au  public  pendant  sa  vie.  Ce 
qui  l'affermissait  dans  sa  résolution, 
c'est  la  conviction  où  il  était  que , 
d'enjoués  et  plaisants  qu'avaient  été 
ses  écrits,  ils  prendraient  désormais 
le  caractère  de  l'amertume  et  de  l'in- 
dignation ,   sentiments  qu'une  ame 
telle  que  la  sienne  repoussait.  Il  y  a 
peu  de  doute  que  cette  conviction  ne 
l'ait  bien  inspiré.   Ses  écrits  ,  tels 
qu'ils  sont,  pleins  d'observations  fi- 
nes et  vraies,  d'une  grande  connais- 
sance des  bommes  et  de  leurs  tra- 
vers, peignent,  à  la  vérité,  avec  fran- 
cbise  et  vigueur  leurs  folios  et  leurs 
sottises;  mais,  loin  d'être  empreints 
d'affections  baineuses  et  misantro- 
piques,  ils  respirent  la  plus  aimable 
gaîté,  et  constamment  l'amour  des 
bommes  et  une  opinion   encoura- 
geante sur  ce  qu'ils  peuvent  faire 
d'eux-mêmes,  par  des  efforts  sincè- 
res, et  en  cultivant  les  germes  du 
bien  déposés  dans  leur  nature,  La 
richesse  des  idées,  une  variété  dotons 
et  de  tournures,  dans  laquelle  il  éga- 
le La  Bruyère j  une  fidélité,  exempte 
de  toute  caricature ,  dans  l'esquisse 
des  caractères  et  dans  la  maniîre 
dont  ils  sont  soutenus;  une  diction 
correcte  et  coulante,  une  imagina- 
tion riante  et  vive,  une  raillerie  fine 
et  presque  toujours  de  bon  goût;  une 
grande  netteté  dans  le  trait,  une  fran- 
chise d'intention  ,  qui  ne  laisse  aucun 
doute  sur  le  modèle  qu'il  a  en  vue 
(modèle  qui  n'est  jamais  un  individu, 


490  RAB 

mais  toujours  une  espèce  tout  en- 
tière de  sots ,  de  fripons  ou  de  tètes 
à  l'envers  ),  sont, dans  les  tableaux 
de  Raboner,  en  parfait  accord  avec 
cette  gaîté  et  cette  philantropie  qui, 
au  milieu  des  excès  et  des  ridicules 
qu'il  expose,  ne  l'abandonnent  ja- 
mais. Entre  les  diverses  productions 
de  sa  plume,  celles  qui  réunissent 
ces  qualités  à  un  de:;ré  plus  remar- 
quable sont:  le  Teslament  de  Swift, 
le  Puisson  d'avril,  le  JJicliomiaire 
allemand,  la  Chronique  du  hameau 
de  Queilequitych  ,  la  Liste  chrono- 
logique de  IS'icolas  Alini ,  les  Pro- 
verbes d'.Jnton  Panssa,  dédiés  à 
l'dne  du  grand  Sancho  Pansa;  les 
morceaux  intitules  :  Un  poète  est-il 
taillable  ?   Preuves  que   la  médi- 
sance n'a  sa  source  ni  dans  l'or- 
pieil     ni    dans    la    méchanceté  , 
juais  dans  un  véiitahle  amour  de 
nos  semblables  ,    a^'ec  une  bonne 
Table  des  matières.mnh  surtout  les 
Lettres   satiriques.   Ces    dernières 
sont  indubitablement   son  meilleur 
ouvrage,  celui  où  la  vérité  des  mœurs 
et  des  caractères  ,  la  justesse  des  cen- 
sures ,   et   la  force   comique  ,  bril- 
lent du  plus  vif  e'clat.  11  fa'it  toute- 
fois avouer  que  les  folies  cl  les  prèju- 
f;èsqu'il  attaque,  ontenqiiebpie sorte 
disparu  de  la  scène  du  monde ,  qu'ils 
sont    remplaces    par    des    travers 
d'un  genre  diflerent ,  et  que  les  ori- 
ginaux qu'il  immole  à  la  risée,  ap- 
partiennent  presque  tous  aux  clas- 
ses mitoyennes  de  la  société.  Les  pe'- 
dants,  les  demi-savanls,  les  petits- 
maîtres  j  les  ecclésiastiques  gauches 
et  importuns  ,  quelquefois  coupables 
de  bassesses  et  de  simonie;  des  su- 
balternes trafiquant  de  leur  ascen- 
dant sur  leurs  maîtres  insouciants  , 
niais  et  vaniteux  ;les  gentillâtrespre'- 
somplueux  et  bêtes  ;  les  mauvais  poè- 
tes, les  charlatauS;  les  avares,  les 


RAB 

femmes  vaines  et  folles ,  sont  princi- 
palement les  objets  de  sa  critique. 
Rarement  ses  sarcasmes  semblent- 
ils  atteindre  une  sphère  supérieure. 
Mais,  comme  les  défauts  et  les  ridi- 
cules se  retrouvent,  sous  d'autres  ha- 
liits  ,  à  tous  les  étages  de  l'èdiiice  so- 
cial ,  les  portraits  que  trace  la  main 
sûre  et  habile  d'un  peintre  tel  que 
Kabcner,  ollient  des  passions  qu'on 
voit  réparai! re  sous  d'autres  cou- 
leurs dans  les  situations  de  la  vie  les 
plus  disparates,  et  des  sujets  d'étu- 
de dignes  de  l'attention  duujoraliste 
et  du  liltéiateur  de  tous  les  siècles  et 
detoutes  les  nations.  A  vouons  qu'il  est 
un  résultat  honorable  pour  les  com- 
patriotes de  Rabencr ,  que  ne  man- 
quera pas  de  tirer  de  la  leciurede  ses 
écrits  riiomme  qui  sait  que  la  litté- 
rature est  l'expression  de  la  société, 
et  que  les  tableaux  de  mœurs  que 
nous  ont  laissés  particulièrement  les 
écrivains  dramatiques  ,  nous  pré- 
sentent .  en  quelque  sorte,  riiistoirc 
morale  des  générations  dont  ils  sont 
contemporains.  On  peut  dire  que  Ra- 
bencr est,  sous  ce  rapport,  pour  son 
pays  ,  un  historien  j»liis  exact  et  plus 
instructif  que  les  auteurs  de  pièces 
de  théâtre,  souvent  fondées,  sur- 
tout chez  les  Allemands  ,  sur  des 
mœurs  i  léales  et  un  état  fantastique 
des  affaires  humaines.  Rabencr  re- 
présente ce  qui  était  sous  ses  regards; 
et  il  faut  avouer  que  son  ironie  ne 
s'exerce  que  sur  l'ii  nocence  ,  la  pu- 
reté, la  boiiliomic*en  personne, si  l"'on 
en  compare  les  obj(  ts  avec  ceux  qui 
provoquèrent  les  railleries  d'Horace 
etde  Lucien, l'indignation  de Ju vénal, 
l'humeur  de  Boileau  ,  les  sarcasmes 
de  Swift,  ou  qui  servirent  de  modè- 
les an  Méchant  de  QrcsscA^ixu  Séduc- 
teur an  marquis  de  Bièvre,  aux  Sa- 
turnales de  Beaumarchais  et  aux  in- 
fâmes leçons  de  lord  Chesterfield. 


RAB 

Auprès  des  originaux  ignominicuse- 
nicut  exposés  au  fouet  d'une  satire 
vertueuse,  ou  flétris  parles  louanges 
d'écrivains  corromj)us,  les  bonnes 
gens  que  persiîHe  Uabcner  ,  sont  des 
êtres  débonnaires,  probes,  recom- 
mandables  par  des  qualités  solides  et 
parune  véritable  lionnèlclé.  Puissent 
la  haute  société,  çt  surtout  les  classes 
mitoyennes  des  nations  civilisées,  ne 
jamais  offrir,  aux  pinceaux  des  mo- 
ralistes", des  vices  plus  dignes  de  blâ- 
me, des  travers  et  des  préjugés  plus 
nuisibles  à  la  moralité  i  des  usages 
plus    contraires   à   l'iiumaîiité  et  à 
l'honneur,  que  ceux  qui  ont  exerce 
letalenl  pittoresque  et  d'observation, 
l'animadversion  et  la  gaîté  de  Uabe  • 
ncrî  Si  l'on  demandait  si  son  influen- 
ce a  été,  comme  celle  de  IMolicre  ou 
celle  de  Swift,  sensible  par  des  ré- 
formes qu'on  soit  fondé  à  rapporter  à 
ses  écrits,  il  devient  plus  difticilede 
faire  leur  part  relativementaiix  chan- 
gements opérés,  depuis  leur  première 
publication, dausies  mœurs  qu'il  a  dé- 
crites. Ce  qu'on  pourrait,  sans  se  trom- 
per beaucoiqî,  àllribuer  à  ses  raille- 
ries ,  c'est  quelque  modification  ap- 
portée à  la  rigueur  de  l'éliquelte  qui 
séparait  la  bourgeoisie  de  !a  nobles- 
se, et  qui  mettait,  par  exemple,  sou- 
vent obstacle  à  ce  que  le  précepteur, 
s'il  était  roturier,  mangeât  à  la  mê- 
me table  avec  les  pareuis  nobles  des 
enfants  dont  il  était  l'instituteur  et  le 
commensal  aussi  long -temps   qu'il 
restait  attaché  à  leur  cducalion.  On 
peut,  aver  moins  d'hésitation,  affir- 
mer qu'il  a  été  long-temps,  comme  son 
excellent  émule  et  ami  Gellert,  le  fa- 
vori du  public  allemand  ,  et  qu'il  a 
puissamment  contribué  à  former  le 
sentiment  des  convenances  sociales, 
età  épurer  le  goût  deses  concitoyens. 
Au  surplus,  quoi  qu'il  eu  soit  des  ef- 
fets positifs  de  sou  talent  satirique , 


RAB 


49» 


Rabencr  fut ,  entre  ceux  qui  ont  dû  à 
ce  même  talent  une  grande  renom- 
mée,  le  plus  digne  peut-être     par 
ses  vertus  ,  d'exercer  cette   magis- 
trature   morale    dont  l'autorité  ne 
peut  que  s'accroître  par  le  mérite 
personnel  du  censeur.  iMais  si ,  d'un 
côté,  il  n'avait  pas  à  craindre  les 
récriminations  de  ceux  qu'il  voulait 
cori  iger  ,  en  les  faisant  rougir  ou  ri- 
re d'eux-mêmes,  il  était,  de  Tautre 
côté ,  éminemment  propre  à  s'éî  iger 
en    réfuruialeur  des   travers    d'une 
nation  distinguée  par  les  qualités  de 
l'amc  et  par  ses  bonnes  mœurs.  Les 
amis  de  Rabcner  ont  tous  célébré  à 
Tenvi  l'excellence  de  son  caractère 
et  les  charmes  de  son  commerce. 
Plein  d'une  gaîté  spirituelle,  qui, 
dans  l'intimité,  serépand.iit  en  sail- 
lies   non  moins    remarquables   que 
celles  qui  brillent  dans  les  produc- 
tions  soignées  de  sa  plume ,  plein 
d'égards  et  de  bonté  envey|,  ses  in- 
férieurs,  de  cordialité  et   de  ten- 
dresse pour  ses  amis ,  de  franchise 
et  de  dignité  dans  ses  relations  avec 
les  grands  ,  il  était  aussi  sévère  pour 
lui-même  qu^équitable  et  indulgent 
dans  ses  jugements  sur  les  autres,  et 
dans  ses  rapports  avec  ses  subor- 
donnés.   Inflexible  défenseur  de  la 
justice  comme  magistrat ,  conscien- 
cieux et  zélé  observateur  de  tous  ses 
devoirs,  il  apportait  à  ses  travaux 
une  ponctualité,  un  esprit  d'ordre, 
eu  même  temps  qu'nne  habitude  d'é- 
légance et  de  concision,  qui  contri- 
buèrent au  perfectionnement  de  l'ad- 
ministration où  il  occupait  une  pla- 
ce importante,  età  la  réforme  du  style 
usité  qi.i,  jusqu'alors*barbare,  ver- 
beux et  compliqué,  reçut,  par  son 
ascendant  et  ses  rédactions ,  des  amé- 
liorations importantes ,  favorables  à 
laclarté  et  à  l'expédition  plus  promp- 
te des  alï'aires.  Il  était  animé  des  sen- 


49^  RAB 

tiinents  d'une  pieté  sincère.  Assidu 
aux   assemblées    chrétiennes  de  sa 
cominiiniou,  ennemi  de  toutes  su- 
perstitions ,  et  de  disputes  oiseuses 
sur  des  matières  de  dogme ,  il  té- 
moignait à  chifpio  occasion  combien 
il  détestait  l'incréduiitc;  et  il  se  mo- 
quait également  de  l'hypocrisie  et  de 
l'intolérance.  Quoique  célibataire  et 
)Ouissant  d'une  grande  aisance,   il 
s'imposait  souvent  des  privations  , 
ctse  refusait  beaucoup  de  jouissances 
pour  se  ménager  de  plus  abondants 
moyens  de  venir  au  secours  des  mal- 
Leureux.  Son  extérieur  était  agréa- 
Lie,  sa  physionomie  prévenante,  son 
œil  plein  de  feu  ,  sa  stature  de  gran- 
deur moyenne,  et  sa  mise  élégante 
sans  recherche.  Son  portrait  a  été' 
pravé  par  Derger ,  Haid  et  autres. 
Le  meilleur  est  de  Jjaase ,  d'après 
le  tableau  de  GralF,  petit  in-ful.  et 
in  8^*.,  en  tète  du  x*^.  volume  de  la 
Nouvel^  Bibliothèque  des  belles- 
lellresn  beaux  arts.  A  l'exception 
d'une  seule  de  ses  Satires ,  toutes 
sont  écrites   en   prose ,  et   ont  étc 
fréquemment  réimprimées  ,  depuis 
i^Si  jusqu'en    1772.   La    onzième 
et  dernière  édition  des  OEuvres  de 
Rabcncr  (en  G  vol.,  Leipzig,  1777, 
in-8\  }  est  accompagnée  d'une  Vie 
de  l'auteur,  par  sou  ami  C.  F.  Wcis- 
se  :  c'est  la  source  oii  ont  puisé  tous 
ses  biographes  allemands.  Le  sixiè- 
me volume  renferme  sa  correspon- 
dance avec  quelques  dames  et  avec 
ses   amis  :    Ant.  Cramer,   J.    Ad. 
Schlcgel  ,   Frédéric  de    Ilagedorn  , 
Gisekc,   Gellert,  Weisse   et    Fer- 
ber.  Ou  a  traduit  les  œuvres  de  Ra- 
bener,  soit  en  totalité,  soit  en  partie, 
en  dilTércntes  langues  :   eu   anglais 
{Satiricalletlers ,  Londres  1757  , 
1   volumes  in-S".;   et  le  Lève  qui 
révèle    au    poète  les    occupations 
des    ombres  ,    dans    le    recueil  : 


RAB 

Summer    -    Evenings    enlertain- 
ments,  vol.  1'^. ,  Lond.,  i7G.i  ).  En 
danois  ,  en  suédois  ,  en  hollandais 
toutes  ses  œuvres  :  (  cette  dernière 
traduction  ,  à  laquelle  Rullaud  eut  la 
plus  grande  part,  est  très-estiincc; 
elle  a  paru  à  Amsterdam  ,  eu  1 760  , 
en  4  volumes  ).  Le  public  fiançais 
ne  peut  guère  juger  du  mérite  de  Ra- 
bcncr par  les  traductions  informes 
ou  incomplètes  qu'on  lui  a  données. 
A  l'exception  de  quelques-unes  des 
Lettres  satiriques  ,  traduites  par  Hu- 
ber(  dans  le  Choix  de  poésies  alle- 
mandes, tome  IV,  p.  •l'ji)  suiv. ,  et 
imprimées  à  la  suite  des  Lettres  choi- 
sies de  il/.  Gellert ,  Leipzig,  1770  ), 
et  de  quelques  morceaux  imités  de 
Rabencr,  et  publiés  dans  le  Journal 
étrangler,  aucun  des  ouvrages  de  Ra- 
bencr n'a  clé  traduit  d'une  maniè- 
re supportable,  en  français.  Le  style 
du  livre  intitulé  :  Satires  de  M.  Êa- 
bener,  traduction  libre  de  rallcmaud, 
par  Boispréaux  (  Dujardin  ),  Paris  , 
175'},  '2  vol.  in- II,  est  tout-à-fait 
tudcsque  ;  et  les  Mélanges  amusants , 
recréatifs  et  satiriques  de  littératu- 
re allemande ,  trad.  librement  de 
Rabener,  par  M.  N.  L.  F. ,  Paris, 
177G,  4  vol.  in-i2,   offrent  plutôt 
nue  imitation  et  des  extraits  des  œu- 
vres  de  Piabcner  ,  qu'une   véritable 
traduction  (  i  ).  Il  est  juste  de  dire 
(ju'une  traduction  fidèle  demanderait 
tant  de  soins  ,  et ,  pour  cclaircir  les 
nombreuses  allusions  aux  usages  na- 
tionaux   et  même  locaux ,  dos  no- 
tes tellement  étendues  ,  qu'un  littéra- 
teur capable  de  se  bien  acquitter  de 
celte  tâche  aurait ,  pour  être  excite' 
à  la  remplir  ,  besoin  d'encourage- 
ments qu'd  est  peu  probable  d'ob- 


■  (  i)  Od  a  aussi  Osaureus  ,  ou  le  nouvel  Aheilard  , 
comédie  ,  traJiiile  d'un  manuscrit  allemand  de  fia- 
heiier  (  pai  Caillcau  ) ,  Beruc  (Paris ,  l'auteur)  ,1761, 
iu-I2. 


RAB 

tenir  du  public  en  faveur  d'un 
poète  peu  connu  en  France,  et  peu 
lu  aujourd'hui ,  même  dans  sa  patrie. 
Klopstock  a  célèbre'  le  talent  et  les 
vertus  de  Rabcner ,  dans  son  Win- 
golf  ou  Temple  de  l'araitie'  (  i^. 
chant ,  i*^'.  vol.  de  ses  Odes  ,  p.  12). 
S— R. 
RABUTIN  (  Roger  de  ).  Foyez 
BussY,  VI,  374. 

RACAN    (  Honorât  de  Bueil, 
marquis  de  )  naquit  en  iSSg,  à  la 
Roche  Racan,  château  situé  à  l'ex- 
trémité de  la  Touraine,  sur  les  con- 
fins du  Maine  et  de  l'Anjou,  dans 
une  des  contrées  les  plus  poétiques 
de  la  France,  et  par  son  climat  dé- 
licieux ,  et  par  ses  sites  riants ,  et  par 
les  souvenirs  historiques  dont  elle 
abonde.  C'est  sans  doute  à  l'inspira- 
tion de  ce  beau  pays  qu'il  fut  rede- 
vable de  son  goût  pour  la  poésie  et 
du  caractère  de  sou  talent.  L'étude 
n'exerça  aucune  influence  sur  la  di- 
rection que  suivirent  ses  idées.  Son 
père  était  mai'échal-de-camp  ordi- 
naire des  armées    du  roij  et  l'on 
peut  conjecturer  avec  raison  que  le 
chantre  des  Bergeries  reçut  une  édu- 
cation toute  militaire.  11  avait  mê- 
me tant  d'aversion  pour  la  langue 
latine,  qu'il  ne  put  jamais,  dit-on, 
retenir  le  Confiteor.  Mais  son  jeune 
esprit,  fécondé  par  les  images  gra- 
cieuses que  lui  offrait  la  terre  natale, 
avait  senti  le  besoin  et  deviné  l'art 
des  vers.  Racan  n'attendait  qu'une 
occasion  pour  être  poète.  Le  hasard 
lui  fit  trouver  cette  occasion  dans 
un  séjour  et  dans  un  emploi  où  l'on 
en  trouve  ordinairement  de  toutes 
contraires.  En  i6o5,  il  devint  page 
de  la  chambre  du  roi.  Placé  comme 
tel  sous  les  ordres  du  duc  de  Belle- 
garde  ,  quelques  liens   de   parenté 
qui  l'attachaient  à  l'épouse  du  duc  , 
lui  ouvrirent  un'  libre  accès  dans  la 


RAC  493 

maison  de  ce  seigneur  illustre,  que 
le  bon  Henri  avait  chargé  alors  de 
prendre  Malherbe  pour  commensal. 
Il  était  dans  la  destinée  de  Malher- 
be ,  après  avoir  été  le  premier  ré- 
formateur de  la  poésie  française,  de 
créer  encore  des  poètes  français.  Une 
de  ses  Oies  devait  révéler  à  La  Fon- 
taine h  secret  de  sou  génie;  et  lui- 
mêi..c  il  forma  Racan,  par  des  le- 
çons vivantes,  et  pour  ainsi  dire  par 
la  pratique.  Bientôt  on  ne  distingua 
plvis  ni  le  disciple  ni  le  maître.  Rivaux 
et  toujours  amis,  leur  tendre  atta- 
chement dura ,  sans  la  moindre  alté- 
ration, jusqu'à  la  mort  de  Malherbe, 
arrivée  en  1628.  Cette  liaison  si 
honorable  pour  tous  deux  ne  se  bor- 
nait pas  à  des  rapports  littéraires. 
Revenant  de  Calais ,  où  il  avait  ser- 
vi au  sortir  des  pages  (i),  Racan, 
inquiet  de  la  manière  dont  il  devait 
désormais  régler  sa  vie,  et  s'établir 
dans  le  monde,  ayant,  comme  dit 
La  Fontaine  : 

.  .  .  Les  siens,  la  cour,  le  peuple  à  contenter, 

pria  Malherbe  de  lui  tracer  un  plan 
de  conduite  qui  pût  obtenir  l'appro- 
bation universelle.  On  sait  comment 
Malherbe  répondit,  en  lui  contant 
l'ingénieux  apologue  du  Pogge,  dont 

(i)  Sou  séjour  dans  cette  ville  où  il  était  en  gar- 
nison, nous  fournit  Tauecdote  suivante ,  que  Ména- 
ge rappoite  dans  ses  Observations  sur  Mallierbe.  Eh 
itioS,  le  jeune  Racan,  s'avisant  de  sa  verve,  jeta 
tout  d'un  trait  sur  le  papier  le  quatrain  que  voici  : 

Estime  qui  voudra  la  mort  épouvantable , 
Et  la  face  l'horreur  de  tous  les  animaux  ; 
Quant  à  nioy  je  la  tiens  pour  le  poinct  désirable 
Où  commencent  nos  biens  et  finissent  nos  maux. 

À  quelque  temps  de  là,  il  récite  sou  quatrain  à  un 
de  ses  amis.  Quelle  est  sa  surprise,  lorsque  cet  ami 
le  lui  montre  mot  pour  mot,  au  commencement  du 
livre  intitulé  :  les  Tablettes  d::  la  vie  et  de  la  mort , 
par  le  conseiller  Matthieu  !  Cette  rencontre  au  .sur- 
plus s'explique  facilement  par  l'usage  où  l'on  était 
alors  de  faire  apprendre  par  cœur  aux  enfants  des 
quatrains  de  Pibrac  ,  ou  de  semblables  moralistes, 
aiusi  qiie  l'atteste  un  passage  de  Molière  ,  dans  sa 
comédie  de  Sganarelle ,  acte  i^'. ,  scène  i''".  Le 
quatrain  dont  il  s'agit  se  sera  retrouve  tout  d'un 
coup  dans  la  ti?te  du  jeune  ^oète,  où  il  était  perdu 
avec  d'autres  souvenirs  d'enfance. 


494  RAC 

La  Fontaine,  qui  s'est  empare  de 
cette  anecdote  ,  a  fait  depuis  sa  belle 
fable  intitulée,  Le  Meunier^  son  ftls 
et  Vdne.  Racan  passe  pour  avoir  été 
un  des  seigneurs  les  plus  galants 
d'une  courqui  s'était  formée  à  l'erole 
de  Henri  IV  (-2).  Il  se  maria  à  l'âge 
de  trente-neuf  ans.  En  i652,  il  per- 
dit un  (ils  âge  de  sei/e  ans  ,  qui  mou- 
rut page  (le  IMademoiselle,  et  dont 
il  fit  lui-même  l'épitaplie  dans  un 
sonnet.  En  voiei  quelques  vers,  plus 
touchants  peut-être  par  leur  naturel 
que  la  douleur  élégante  et  travaillée 
de  Quintilien,  après  une  semblable 
perte  : 

f"-e  fils doDl  l'aimable  iriinrsse 

1^ enduit  Je  mes  vieux  inurs  tons  1rs  désirs  contents, 
Ce  lils,  qui  fut  rappuy  de  ma  fnible  vieillesse  , 
A  vu  tiiuiber  sans  triiictla  Heur  de  sou  |iiiutem)is. 

Tout  le  siîcif  jupeai|(|uVn  sa  vertu  naissante 
La  tige  de  llueil,  jads  si  florissante, 
Vonloil  sur  son  diclin  l'aire  un  demi  r  elTort. 
Sou  esprit  fut  brill;<iit  ,  son  auie  ct-mreuse; 
El  jamais  sa  maisou  illustre  et  uiiilbcureuse 
N'en  a  receu  d'eniAv  que  celui  de  sa  mort. 

Racan  fut  un  des  premiers  membres 
de  l'académie  française.  Celui  de  ses 
ouvrages  qui  eut  le  plus  de  vogue,  et 
devint  le  fondement  de  sa  réputa- 
tion ,  c'est  la  pastorale  des  Bergeries, 
dont  le  titre  est  encore  cite  quclque- 


(«)  II  était  extrêmement  sensible  à  la  beauté  des 
femmes  ,  et  n'eiit  |iiis  volontiers  écliange  ses  exploits 
palants  contre  les  trioniplics  des  ]>Ius  grands  guer- 
riers ,  ou  les  succis  diplumaliunes  des  plus  babiles 
inini>tres.  ainsi  qu'il  l'avoue  dans  une  de  ses  let- 
tres. Malherbe,  cjui  n'avait  pas  en  amour  les  uirmes 
avantages,  s'etail,  dans  une  lellre  à  Italzac,  per- 
mis quelques  plaisanteries  sur  les  bonnes  fortunes 
de  Bacan  :  «  Du  côté  des  Hcrgeries,  sou  cas  va  le 
»  mieux  du  monde;  mais  ceites,  pour  ce  qui  est 
»  des  Ix-rgères ,  il  ne  saurait  aller  ].is.  t.elte  afTaire 
«  veut  une  sorte  de  soins,  dont  sa  nouibulance  n'est 
«>  pas  cap^ible.  S'il  attaque  luie  place  ,  il  y  va  d'une 
>i  fae,  n  qui  fait  cr.  ire  que  s'rl  l'avait  piisê,  il  en  sc- 
»  lail  bien  empescbe  ,  etc.  »  Celleraillerie  vint  aux 
oreilles  de  P.acan  ,  qui  p' it  feu  l.'.-de.ssi  s,  et  (  crivit 
à  Ralzac,  avec  une  iodignatii  u  comique  :  •<  M.  de 
«  Malherbe  a  eu  l'cHroiiterie  de  m'accirscr  de  froi- 
ndiur,  lui  qui  n'est  plus  que  glace,  et  (Je  qui  la 
.'  dernii'iemaitrisse  est  morte  de  vii  illesse  l'année 
»  du  grand  byver.ll  a  beau  jeu  à  se  vanter  desmer- 
»  veilles  de  s»  jeunesse^ersonne  ne  l'en  peut  dé- 
»  mentir ,  et  ])our  moy,  etc.  »  Ces  petits  détails 
.•«rveqt  à  faire  connaître  le  ton  d'une  époque. 


RAC 

fois ,  mais  qu'on  ne  lit  plus  guère. 
Fontenclle  a  dit  qu'avant  Corneille, 
le  viol  réussissait  dans  les  pièces  de 
Hardy.  Racan  a  fait  de  ce  moyen 
anti-dramatique  ,  un  des  incidents 
de  son  bizarre  ouvrage  (3),  où,  à  côté 
des  passages  les  plus  monstrueux  , se 
trouvent  quelquefois  des  vers  d'une 
grâce  naïve  et  enjouée.  La  pièce  de 
Racan  la  plus  connue  de  nos  jours, 
est  celle  qui  commence  par  cette 
stance  : 

Thyrsis,  il  faut  penser  à  faire  la  retraite  ; 
La  course  de  nos  jours  est  plus  qu'à  deuiy  faite  ; 
L'âge  Insensiblement  nous  conduit  à  la  mort  : 
Nous  a\ons  assez  veii  sur  la  mer  de  ce  luundc 
Lrrer  au  gre  dis  vents  nosire  nef  vagabonde; 
11  est  temps  de  jouir  des  délices  du  port. 

On  remarque,  dans  toutes  les  stances, 
un  licui  eux  choix  d'images,  et  une  lé- 
gère teinte  de  cette  mélancolie  si  fort 
à  la  mode  aujourd'hui.  On  est  surtout 
frappe  de  la  singulière  pci  fection  de 
style  qui  s'y  soutient  d'im  bout  à 
l'autre.  Rien  ne  prouve  mieux  corn-  * 
bien  le  choix  mcine  des  mois  dé- 
pend du  degré  de  vérité  dans  l'émo- 
tion. Racâii ,  sous  l'inspiration  d'une 
heureuse  cl  furie  idée ,  écrit  avec  une 
clég.iiue  et  une  pureté  ([uc  Malherbe 
se  [)Iaiguait  de  trouver  trop  rare- 
ment dans  ses  vers.  Presque  pas  une 
expression  qui  ait  vieilli.  H  est  vrai 
que  le  génie  de  Racan  ne  le  sert  ja- 
mais mieux  que  lorsqu'il  s'agit  de 
peindre  la  rapidité  de  la  vie,  l'in- 
constance de  la  fortime ,  le  néant  de 


(3)11  nous  a|iprend  I ui- même  qu'il  s'i  tait  proposé 
de  se  servir  d'un  sujet  assez  connu  à  la  cour.  i<  .Mais, 
»  dit-il,  les  d' plaisir.s  que  je  receus  d'une  cei laine 
»  personne  ipii  ei.l  pu  s'en  allribuer  Ic^s  plus  belles 
>i  advinUires,  me  llrtnt  k  Sfiudre  .'.changer  les  deux 
»  pi  entiers  actes,  qui  étaient  desjà  faits,  pbistnst 
»  que  de  luy  duui;er  Je  content  ment  de  voii-  l'Iiis- 
»  toirc  de  ses  aiaouf.s  dans  mes  vers.  <i  l'ar  uu  autre 
jiassagc  de  la  même  lettre ,  il  parait  que  cette  ))er- 
sonue  qu'il  a  privée  d'uti  contentement  si  étian.^e, 
avait,  malgré  ses  lort^  et  la  vengeance  du  poite, 
conserve  encore  des  droits  sur  sou  ancien  amant.  11 
s'ap;  laudit  d'avoir  placé  dans  sa  pièce  le  nom  d'Ar» 
tcuice,  que  pot  tait  cette  belle,  u  et  voudrois  estre. 
»  dit-il ,  capable  d'en  faire  durer  la  ménjoirc  aussi 
»  loog-temps  que  l'amour  que  j'ay  jjour  elle.  >i 


RAG 

la  gloire.  Parmi  les  autres  produc- 
tions de  ce  poète,  nous  signalerons 
à  la  curiosité  moderne  un  discours 
contre  les  sciences  ,  prononce'  à  l'a- 
cade'mie  française,  le  9  juillet  i635. 
Il  est  impossible  que  ce  simple  énon- 
cé ne  réveille  pas  aussitôt  dans  l'es- 
prit du  lecteur  le  souvenir  du  fa- 
meux, discours  que  Rousseau  com- 
posa sur  un  sujet  semblable,  et  qui 
fut,  plus  de  cent  ans  après  celui  de 
Racan,  couronné  par  une  académie. 
Il  serait  piquant  d'examiner  le  même 
paradoxe ,  naissant  entre  les  mains 
d'un  poète,  au  commenccmentjiu dix- 
septième  siècle,  et  développé  au  mi- 
lieu du  dix-huitième,  par  un  phi- 
losophe; léger  prétexte  de  badinage 
pour  le  grand  seigneur  opulent  à  qui 
tout  riait  dans  l'ordre  social  ;  arme 
terrible  et  vengeresse  pour  le  plé- 
béien pauvre  que  l'ordre  social  fati- 
guait, écrasait, du  poids  même  deses 
avantages.  Le  paradoxe  dans  la  bou- 
che du  preinier  n'a  rien  de  passion- 
né, d'hostile,  de  vindicatif.  Bien 
qu'en  général  Racan  tirât  assez  vo- 
lontiers vanité  de  son  iguorance,  et 
afflctàt  en  homme  de  cour  un  dédain 
chevaleresque  pour  les  savants,  ou 
voit  néanmoins  en  cette  occasion  que 
ce  n'est  pas  de  bonne-foi  qu'il  atta- 
que les  sciences  dont  il  se  proclame 
l'antagoniste.  Sa  seule  intention  est 
de  faire  du  bel-esprit ,  et  il  n'y  réus- 
sit que  trop.  Sa  diction,  ingénieuse 
jiisqu'à  la  subtilité,  manqiic  de  nerf 
et  de  chaleur.  Quant  au  fond  des 
idées  ,  on  y  cherciierail  en  vain  une 
argumentalion  sérieuse,  et  cette  es- 
pèce de  vérité  sophisliqi:e  dont  les 
paradoxes  tirent  leur  agrément  et 
leur  singularité.  Toute  la  harangue 
pst  sur  le  ton  des  plaisanteries  de 
Voiture.  On  y  rencontre  plusieurs 
traits  fins  ,  mais  peu  naturels ,  celui- 
ci,  par  exemple ,  où  Racan  s'appuie 


RAG  495 

du  mépris  que  les  Romains  avaient 
pour  les  sciences,  «  qu'ils  estimoient, 
»  dit-il,  indignes  de  leur  grandeur, 
»  hormis  celles  qui  leur  apprenoient 
»  à  donner  la  paix  à  leur  estât ,  et 
»  des  loix  à  tout  le  reste  du  monde. 
»  A  peine  sçavoient-ils  assez  de  nom- 
»  bre  pour  coiçpter  les  royaumes 
»  qu'ils  possédoient,  et  ne  se  sont 
»  point  travaillez  à  mesurer  la  terre 
»  pour  ce  qu'ils  ne  la  vouloient  par- 
»  tager  avec  personne.  »  Racan 
dans  son  vieil  âge,  chercha,  de  même 
que  Corneille,  à  sanctifier  la  poésie 
en  la  rendant  l'interprète  des  Livres 
sacrés.  Les  poètes  ont  seuls  le  pri- 
vilège de  concilier  ainsi  leur  grande 
passion  dans  cette  vie  avec  les  inté- 
rêts de  la  vie  à  venir.  De  même  que 
Corneille,  Racan,  en  traduisant  les 
psaumes  ,  resta  bien  inférieur  à  ce 
qu'il  avait  été  dans  un  genre  profa- 
ne. Malheureusement  pour  lui,  sa 
chute  a  été  moins  rude;  car  il  tom- 
bait de  moins  haut.  Racan  vécut  fort 
avant  dans  le  siècle  de  Louis  XIV, 
et  mourut  en  février  1670,  à  l'âge 
de  quatre-vingt-un  ans,  ayant  sur- 
vécu aux  hommes  ,  aux  mœurs,  aux 
idées,  au  langage  même,  qu'il  avait 
trouvés  à  la  cour  dans  les  biillantes 
années  de  sa  jeunesse.  On  prut  lui 
appliquer  ce  mot  de  Pline  le  Jeune  , 
sur  un  Romain  illustre  :  «  La  posté- 
»  rite  comuiença  pour  lui  de  son  vi- 
»  vaut.  «Cette  postérité,  quelque- 
fois si  amère  à  ceux  qui  ont  le  grand, 
tort  de  mourir  tro])  tard,  n'altéra 
en  rien  la  gloire  de  Racan.  Dans  ses 
vainqueurs  mêmes  ,  elle  lui  don- 
na des  panégyristes;  et  le  rival  de 
Malherbe,  près  de  rejoindre  son 
ami,  parut  s'endormir  au  milieu 
d'un  concert  de  louanges.  Boilcau  , 
le  persécuteur  de  tant  de  renom- 
mées littéraires ,  respecta  celle  de 
Racan.  Voici  le  jugement  qu'il  por- 


49G  RAC 

te  de  ce  poctc,dans  nue  lettre  à  "Maii- 
croiy  :  «  Racan  avoit  plus  de  gé- 
»  nie  que  Malherbe.  Biais  il  est  plus 
»  néglige' ,  et  songe  trop  à  le  copier; 
»  il  excelle  surtout  à  mon  avis  à  dire 
»  les  petites  choses;  et  c'est  eu  quoi 
»  il  ressemble  mieux  aux  anciens , 
»  que  j'admire  surtput  par  cet  cn- 
»  droit.  Plus  les  choses  sont  sèches 
»  et  mal-aise'es  à  dire  en  vers,  plus 
»  elles  frappent  quand  elles  sont  di- 
»  tes  noblement  et  avec  celte  clcgan- 
V  ce  qui  fait  proprement  la  poe'sie.  » 
Le  même  Boileau  a  bien  caracie'risc' 
Racau  et  M  ilhcrbc ,  dans  ces  deux 
vers  de  l'Art  poétique  : 

M.illierlx-  (l'un  lurvs  peut  vanter  \p*  exploit»  ; 
Rdcan  ,  cUaut'T  Pliili»  ,  le»  bergers  cl  in  Uji». 

Il  a  été  moins  exact  et  moins  vrai 
dans  sa  neuvième  satire,  lorsqu'il  dit 
en  se  juslili  lut  de  ne  point  quitter  le 
fouet  de  Lucilc  pour  emboucher  la 
trompette  bcro'ique  : 

Tout  cluiilrcnc  ]ieut pat,  surir  ton  d'un  Orplure, 
lîntoniier  en  ](rands  vers  la  Discorde  rtuaOt-r  , 
Peindre  tWJloncen  frii  toun;iDt  de  t<iute5  parts, 
Elle  Belge  rlTraTé  fnraut  sur  «es  remparts. 
Sur  uu  tnu  si  hardi .  >aus  nrc  triurraire  , 
Racan  pourrait  ch.>Dtcr  à  dtlaut  d'un  llumcre. 

Après  ce  tableau  tout  lyrique,  la 
raison  disait  sans  doute  Malherbe  ; 
mais  la  mesure  du  vers  a  valu  à  Ra- 
can  un  éloge  trop  pompeux,  que  nous 
uepouvons  acceptcrpour  l'autcurdcs 
Beri^eries  (4)>  Sabaiier  de  Castres, 
dans  ses  Trois  Siècles  de  la  littératu- 
re  française  ,  prétend  justifier   ces 

(.'l)  Le  Lantiniana  ,  rnanii^crit  rpie  j'jÎ  cil**  ci- 
desus  J  l'aitirle  RabETI.AIS,  rapporte  que  Raran 
«'était  miDe  \  gag-rrr  des  proci»,  A  qu'on  disait  que 
c'était  de  lui  que  Ttoileau  a  voulu  pailcr  daus  ces 
vers  de  son  epilre  II  i 

t'es  fous  dont  la  sotte  avarice 
Va  de  ses  revenus  engraiss<T  la  jastice. 
Qui  ,  toujours  a>si:-iuiit  et  toujours  as»i;;nés, 
Souvent  demeurent  ^ucox  devingt  procès  gagne's. 
Cette  circon~taDce  a   <  té  inconnue  à  Rrossettc  et  à 
tous  les  autres  commentateurs  de  Boilean  jusqu'à  ce 
jour.  L'un  des  fjs  de  Racan  [  dit  le  nicuic  Lantinia- 
na )  acte  précepteur  des  paRrr,  du  daupLin.  Ilseni- 
Wc  que  le  CIs  d'un  gcnlilhoiume   qui  avait  eu  qua- 
raut«  mille  livres  de  rentes  ,  p,juT»it  pret*-ndre  a  la 
cour  à  un  emploi  plus  relève  que  cdui-ld.  A.  S T. 


RAC 

vers  de  Boileau,  en  en  faisant  l'ap- 
plication aux  odes  que  Racan  a  com- 
posées ,  et  q".i,  dit-il  «  le  mettraient 
»  même  au-dessus  de  Mallicrbe,  si 
»  elles  avaient  autant  de  pureté  et  de 
»  correction  qu'elles  ont  d'élovalioa 
»  et  d'enthousiasme.  »  11  semble  que 
l'élévation  et  l'enthousiasme  n'étaient 
pas  le  caractère  dominant  du  génie 
de  Racan.  Il  a  plutôt  de  la  grâce  et 
de  la  mélancolie.  Au  surplus,  les 
deux  éloges  de  Boileau  paraissent  en 
dire  moins  que  deux  vers  de  La  Fon- 
taine à  la  gloire  de  Malherbe  et  de 
Racau^ 

Crsdeui  riva'ix  d'Horace,  Iieritiers  de  sa  lyre. 
Disciples d' Apollon,  uos  maîtres  pour  mieux  dire. 

Racan  n'était  pas  seuleinent  un  poète 
distingué;  c'était  un  homme  aima- 
ble, qui  savait  et  converser  et  vivre. 
Ou  recherchait  sa  société.  Il  trouvait 
dajis  son  heureuse  mémoire  une 
source  intarissable  d'historiettes  et  . 
de  bons  mots.  Mais,  soit  par  une 
faiblesse  naturelle  d'organes,  soit, 
comme  plusieurs  traits  de  son  carac- 
tère le  pourraient  faire  croire ,  par 
une  sorte  de  coquelteriq  et  de  hau- 
teur dédaigneuse,  il  contait  à  voix 
basse,  et  ne  se  faisait  pas  entendre 
bien  distinctement.  Un  jour  qu'il 
avait  fait  un  conte  des  plus  piquants 
dans  un  cercle  nombreux  ,  personne 
ne  se  mit  à  rire,  parce  qu'on  n'avait 
pas  saisi  toutes  ses  paroles.  Racan  , 
se  tournant  alors  vers  INIénage,  lui 
dit  :  «  Je  vois  bien  que  je  ne  me  suis 
»  pas  fait  entendre;  Iraduiscz-raoi , 
»  je  vous  prie,  en  langue  vulgaire.  » 

—  Les  ouvrages  de  Racan  sont  : 
les  Bergeries,  Paris,  i6'i8,  in-S". 

—  Lettres  diverses,  dans  le  recueil 
des  Lettres  nouvelles  de  Faret,  Pa- 
ris, 16-27,  in-8<*.  —  Les  Sept  Psau- 
mes de  la  pénitence ,  en  i63i  ,  in- 
8".  —  Poésies  diverses ,  dans  les 
recueils  de  lOii,  1O27,  iG33. — 


RAG 

Odes  sacrées,  dont  le  su^et  est  pris 
des  Ps'iumcs  deDa\id,et  qui  sont 
accoiniuodc'cs  au  temps,  aTec  un  Dis- 
cours contre  les  sciences,  Pa  lis,  1 65 1 , 
in-S".  —  Mémoires  pour  la  vie  de 
Malherbe^  i65 1 ,  in- 1  a  (2).  —  Der- 
nières OEuvres  et  Poésies  chrétien- 
nes, Paris,  1660,  Ce  volume,  dont 
les  sollicitations  de  deux  amis  arra- 
chèrent à  Raca«  la  publication  tar- 
dive, tut  adresse  par  une  épître  de 
l'auteur  à  l'académie  française.  Cous- 
telier  donna,  eu  \'i'3.l\  ,  à  Paris  ,  une 
nouvelle  édition  des  Oii«i^re5  de  Ra- 
can,  1  vol.  'u\-\'i  :  il  !a  disait  com- 
plète; mais  il  y  manque,  entre  autres 
pièces ,  une  Ode  à  Riclielicu  ,  et  les 
JMc'moircs  sur  la  vie  de  Malherbe. 
On  a  donne'  au  théâtre  du  Vaudevil- 
le ,  en  1799,  la  Fisile  de  Racan  ou 
la  Femme  bel-esprit  (  Magasin  en- 
cjcl. ,  5^-.  année,  ii ,  SSg  ).  P.  D-ï. 
RACHYD  ED  DYN.  F.  Raschid- 
Eddyn. 


(?)  Que!<|Mos  liil>lingiaii!ics(ilciil  rt-lto  editi'ondc 
itioi  ;  mais  beaucoii|i  rcvocpiriit  eu  tldiitc  sou  exis- 
tence. Personne  ue  l'a  vue.  La  Viihliulliéquc  liisloii,-- 
tjne  de  la  h'rnnce ,  n".  i^33b  de  la  i"'^.  édition  ou 
475o(j  delà  seconde,  ne  mentionne  pas  d'cdilioii  3»i- 
lerieure  ."i  celle  qui  parut  en  1G72,  dans  ie  volume 
intitulé  :  Diven  Iniilés  d'hislolre  ,  de  morale  etd'é- 
Ir.'/nence ,  un  petit  volT-me  iu-11.  P.  de  Saint- 
Glas,  alihé  de  Saint- U.'sius,  qui  en  fut  l'édi- 
teur, n'a  mis  aucune  note,  ni  avis,  et  n'explique 
pas  conséi|uomment  si  jiisqiie-lù  celte  pièce  était 
inédite,  ou  s'i!  n'en  donne  cju'uue  nouvelle  impres- 
sion. Les  auteurs  et  éditeurs  de  la  Bibtiolh'-tjue  his- 
torique de  la  France  jionseut  que  c<  Racrin  n'a  pa.< 
»  fait  proprement  luic  Vie  de  IMalberlie,  mais  unpe- 
11  lituuviage  intitulé:  L.r<i  Failf  et  dits  de  lUaUier- 
»  be.  >  Ce  titre  convient  assez  à  l'opuscule  impri- 
me eu  1672,  et  réimprimé  en  1717,  dans  la  première 
partie  du  tome  second  des  Mémoires  de  liltcralure , 
par  Saller.gre.  Mais  fabbé  Joly  ne  peut  croire  que 
cette  Vie  de  Mnlherbe ,  telle  que  nous  l'avons,  suit 
fouvr.igc  de  Kacan,  l'iimi  ,  le  disciple,  le  fils  do 
Malherbe,  et  dont  il  n'a  pu  'déshonorer  la  me  moire. 
Nou-seuliment  celte  Vie  Vil  iuiurieuse  à  Mallicrije; 
elle  est  remplie  de  contradictions  qui  ne  peuvent 
venir  d'un  écrivain  aussi  judicieux  que  llacau.  (Ce- 
pendant Pellisson,  dans  sa  7?e/rt/  on  contennr.l  l'his- 
Inire  de  l'académie  française  ,  page  280  de  l'édiliou 
de  iG53,  parle  de  faits  concernant  Slailierbe  ,  qu  il 
a  '•  appris  dejiiiis  peu  dans  quelques  Mémoires  que 
»  Prl.  de  Kacan  a  donnés  pour  la  vie  de  cet  execl  ■ 
»  lent  poète.  »  Ou  peut  conclure,  de  ces  paroles  , 
que  les  Mémoires  de  Racan  sur  Malherbe  existaient 
<lès  i(J57. ;  mais  niin  qu'ils  fussent  imprimés.  Pellis- 
son a  conservé  les  mêmes  termes  dans  son  édition 
de  1672.  A.  B-^T. 

XXXVI. 


RAC 


497 


RACINE  (  Jean  )  naquit  à  La 
Ferlc-Miloiî ,  le  21  décembre  i63(), 
de  Jean  Racine,  contrôleur  du  gre- 
nier à  sel  de  cette  ville,  et  de  Jean- 
ne Sconin  ,  lille  d'un  procureur  du 
roi  aux  eaux  -  et  -  forets  de  Villers- 
Coterels.  Sa  famille,  anoblie  par 
l'acquisition  d'une  charge  ,  avait  un 
cygne  dans  ses  armoiries;  et  certes, 
jamais  armes  pailanles  ne  se  trou 
vèrcnt  mieux  justifiées.  Orphelin  de 
père  et  de  mèic,  à  l'âge  de  trois  ans, 
il  passa  sous  b-ulutclle  de  son  aïeul 
paternel ,  nomme  aussi  Jean  Racine 
(  I  ) ,  qui  le'gua  ,  peu  de  temps  ai>rès  , 
cette  tutelle  à  S:!  veuve.  11  étudia 
d'abord  à  Beauvais  ,  puis  à  Paris  au 
collège  d'Harcouit  ,  puis  enfin  à 
PortRoyal-dcs-Champs,  où  s'étaient 
alors  retirés  ,  pour  se  dévouer  à 
Dieu  et  à  l'instruction  de  la  jeunes- 
se, l'avocat  Lcmaître  ,  le  docteur 
Hamou,  Nicole,  Sacy,  Lancelot , 
auteurs  de  la  Logique,  de  ia  Gram- 
maire générale  et  d'autres  ouv-rages 
classiques,  connus  sous  le  titre  de 
Méthodes  de  Port-Rojal.  Lancelot 
se  chargea  particulièrement  d'ensei- 
gner le  grec  au  jeune  Racine.  Avec 
le  goût  des  bonnes-lettres  et  des  étu- 
des sérieuses,  ces  immortels  solitai- 
res inspirèrent  à  leur  élève  ces  prin- 
cipes religieux  qui  ne  l'abandonnè- 
rent jamais,  et  dont  s'honorèrent , 
comme  lui ,  sans  exception ,  tous  les 
grands  écrivains  ,  tous  les  grands 
horurae3  du  grand  siècle.  La  docili- 
té de  Racine  envers  ses  maîtres  éga- 
lait son  ardeur  pour  l'e'tude.  Il  se 
montra  pourtant  indocile  une  fois. 
On  lui  avait  ôté  des  mains  le  roman 
grec  de  Théagène  et  Chariclée  ;  il 
s'en  procura  un  autre  exemplaire,  et 


(1)  Et  non  pas  Pierre  Sconin,  comme  l'a  dit  La- 
liarpe,  sur  la  foi  de  Louis  Piacine,  dont  plusieurs  er- 
reurs de  ce  genre  ont  été  rectiCtes  d'après  dua  actes 
authentiques. 

3-2 


498 


RAG 


l'apprit  par  cœur  :puis,  le  remettant 
à  Lancclot,  il  lui  dit  :  J^ous  yom'ez 
hriller  encore  celui-là. Qnc\cusciSiins 
peine  nne  dosobcissauce  d'un  genre 
si  nouveau:  on  n'avait  pas  à  craindre 
qu'elle  eut  beaucoup  d'imitateurs.  S  311 
premier  essai  poétique  fut  la  ISj  in- 
plie  de  la  Seine ,  ode  qu'il  composa 

fiour  le  mariagcdc  Louis  XIV;  et  qui 
'ayant  fait  connaître  de  Chapelain, 
arbitre  passajjcr  des  réputations  lit- 
téraires et  des  grâces  de  la  cour,  lui 
valut  cent  louis  comptant,  que  Col- 
Lert  lui  envoya  de  la  part  du  roi.  Il 
reçut,  peu  après,  une  pension  de 
six  ceuts  livres.  Quatre  ansplus  tard, 
vers  la  (in  de  i(j(33,  nne  autre  Oile, 
la  Renommée  aux  Muses  ,  compu- 
sce  à  l'occasion  de  rétablissement 
des  trois  académies  ,  lui  mérita  une 
seconde  gratification  royale,  dont 
l'ordre  était  àioncc  avec  cette  grâce 
qui  accompagne  toujours  les  bienfaits 
des  Bourbons.  Cette  Ode,  inférieure 
à  la  première,  futcependant  plus  heu- 
reuse. Récompensée,  comme  l'autre, 
par  le  roi,  elle  eut  le  bonheur  d'être 
critiquée  jiar  Boileau.  Le  j)oète  dé- 
sira remercier  le  critirpie;  et  ce  fut- 
là  l'origine  de  celte  li.iison  intime , 
si  honorable,  si  utile  à  Racine,  et 
qui  ne  fut  pas  un  des  moindres  avan- 
tages que  la  fortune  lui  donna  sur 
Corneille.  Un  peu  avant  cette  épo- 
que ,  Racine  avait  connu  Molière;  il 
lui  avait  communiqué  une  tragédie 
de  Théa^ime  et  Chariclée ,  tirée  du 
roman  pour  lequel  il  sétait  tant  pas- 
sionné à  Port-Pioyal.  JNloIière ,  n'en 
ayant  point  été  content,  lui  donna 
le  plan  de  la  Thébaïde,  ou  les  Frè- 
res ennemis ,  sujet  sur  lequel  on  as- 
sure qu'il  s'était  exercé  lui  -  même 
(•i).  Celte  pièce  eut  quelque  succès. 

(a)  <•  Pluiienr»  ppr«oi:ue5  ont  ciilttulii  r^rnotir  U 
i>  Miiiit)'M|iiii'<i  iiD  l'ait  c|ui  ji;i!>«.-iit  pour  constant  à 
r  IttirUcaui ,  U'>i|'ri'S  uni:  ancienne  IraJiliiin  du  pav.i; 


RAG 

Alexandre  ,  joue  l'année  suivante 
(iG6f)),  réussit  complètement,  et 
montra  de  grands  jirogrès  dans  la 
versincation  de  l'auteur,  alors  âgé 
de  vingt-cinq  ans;  mais,  hors  les 
vers,  rien,  dans  ces  deux  ouvrages, 
n'annonçait  encore  Racine.  C'étaient 
deux,  faibles  imitations  tic  Corneille, 
dont,  |)ar  un  malheur  assez  ordinai- 
re aux  imitateurs.  Racine  n'avait 
pris  (pie  les  défauts,  c'est-à-dire,  la 
galaiiteiie  froide  mêlée  à  l'héroisme, 
les  maximes  oiseuses,  les  raisonne- 
ments métaphysiques  et  la  déclama- 
tion. Corneille,  h  qui  Racine  lut  son 
^■tlexandre ,  lui  conseilla,  dit  -  on  , 
de  ne  plus  faire  de  tragédies.  Le  mê- 
me conseil  fut  donné,  depuis,  à  Vol- 
taire, par  l'onteiiclle ,  a|)rès  la  lec- 
ture de  lirutus.  Il  est  heureux  pour 
les  lettres  que  ces  conseils  n'aient 
point  été  suivis.  Voltaire  y  répondit 
en  donnant  Zaïre  ;  Racine,  en  don- 
nant Andromnque.  Kngagc  jusque- 
là  dans  une  mauvaise  route ,  Raci- 
ne en  prit  tout- à -coup  une  dillé- 
rente,  inconnue  jieiit  -  être  à  (cor- 
neille lui-même.  Celui-ci  avait  éton- 
né, enlevé  le  s|)ectateur  :  son  jeune 
rival  chercha  à  l'émouvoir  et  à  l'at- 
tendrir. La  pitié  lui  parut  un  ressort 
tragique  plus  actif  ,  plus  étendu  , 
d'un  elfet  plus  pénétrant  et  moins 
passager  que  l'admiration.  Il  étudia 
le  cœur  humain,  ses  passions,  ses 
faiblesses,  ses  replis  les  plus  secrets. 
C'est  là  qu'il  découvrit  un  genre  de 
tragédie  tout  nouveau  ,  dont  il  ofliit 
le  jnemicr ,  et  probablement  l'ini- 
mitable modèle,  dans  son  Andro- 
muf/ue,  celle  de  toutes  ses  tragédies 
qui  ,  sans  être  la  plus  parfaite,  pro- 


r.  c'est  ijuc  M'iliire,  n'ft.inl  encore  que  conic-.liin 
»  de  campagne,  av.it  fjit  rcpr<-5eiitir  dans  cette 
»  ville  noc  tnif-edie  de  »a  façon,  intitulée  ]a  Thé-  ^ 
>■  baie/e  ,  dont  le  peu  de  auccès  J'avail  dégoûté  de 
>■  faire  dea  lr..gedies.  «(Œuvres  de  Racine ,  édition 
d'Afjasse,  putilitfe  601807.) 


RAG 

,  ^  dnit  le  pins  d'olTct  au  lliéâtrc  ,  par 
If  l'expression  énergique  et  vraie  des 
^  sentiments  et  des  caractères  ,  et  par 
riieureuse  alternative  de  crainte  et 
d'espérance ,  de  terreur  et  de  pitic  , 
dont  le  poète  sait  agiter  nos  âmes. 
La  représentation  d'Andromacpic 
(  1667  )  fut  suivie,  presque  chaque 
année,  d'un  nouveau  chct-d'œuvre. 
Mais  Racine  surprit  d'abord  le  pu- 
blic par  une  excursion  dans  le  do- 
maine de  Molière. — Les  Plaideurs  , 
imite's  des  Guêpes  d'Aristopliane  , 
sont  une  comédie  d'une  intrigue  un 
peu  faible:  mais  que  fie  naturel,  de  vé- 
rité, de  facilité,  dcgaîté!  quelle  foule 
de  vers  devenus  proverbes  î  Mal  ac- 
cueillie d'abord  à  Paris  (  liMiS  ) ,  la 
pièce  réussit  fort  bien  à  Versailles. 
Les  comédiens,  tout  joyeux  du  suc- 
cès, vinrent,  à  leur  retour,  réveiller 
Racine  au  milieu  de  la  nuit ,  pour  lui 
.npprendre  cette  bonne  nouvelle.  Le 
bruit  des  voitures  ,  à  celle  heure  , 
dans  la  rue  des  Marais  (3),  fit  croi- 
re aux  voisins ,  et  le  lendemain  à  tout 
Paris,  que  la  justice  s'était  vengée  de 
l'auteur  des  Plaideurs ,  en  le  faisant 
mettre  à  la  Bastille.  Cette  plaisante 
méprise ,  et  la  connaissance  qu'on 
eut  bientôt  du  suffrage  du  monar- 
que, ramenèrent  à  la  comédie  de  Ra- 
cine le  bon  peuple  de  Paris;  et ,  de- 
puis ce  temps ,  la  pièce  est  en  posses- 
sion défaire  rire  la  Justice  elle-même. 
11  n'est  pas  vrai  que  les  Plaideurs 
soient  de  plusieurs  mains.  Racine  a 
pu  recevoir  de  ses  amis  le  motif  de 
quelques  scènes ,  et  emprunter  à  quel- 
ques hommes  de  palais  (4)  quelques 
formules,  quelquesexpressionsétran- 

(3)  L'appartement  occupé  par  Kacine  dans  ceUe 
petite  rue  du  faubouii;  Saint-Germain,  Ta  été  suc 
cessiveineut  depuis  par  les  deux  tragedienuis  qui 
j)eut-ètre  ontle  mieux  joué  ses  chefs-d'œuvre  ,  BlU»?. 
Lccouvicur  etM'l>=.  Clairon. 

(4)  -^I-  de  Brilhac,  conseiller  au  ))arlcnicnt,  et 
uièmerillustre  Lamoijju&n. 


RAG 


499 


gères  à  ses  études  habituelles  :  mais 
l'ensemble,  mais  le  tissu  du  style  est 
trop  parfait  pour  n'être  pas  d'un 
seul  et  même  écrivain.  Le  succès 
d'v/ndromaque  ,  qui  n'était  compa- 
rable qu'à  celui  du  Cid,  avait  éveil- 
lé l'envie  :  peut-être  aussi  avait  il  ren- 
du le  ptdjlic  plusdiflicile.  —  Britan- 
nicus  fut  reçu  froidement  (  1669  )  , 
et  se  traîna  péniblement  jusqu'à  la 
huitième  représentation.  (  Voyez 
Floridor.  )  On  ne  sentit  point  d'a- 
bord tout  ce  qu'avait  de  vrai ,  de 
profond ,  de  terrible  ,  ce  tableau 
historique  du  caractère  et  de  la  cour 
de  Néron.  Boileau  ,  jiresque  seul, 
en  fut  frappe  ;  et  ,  courant  em- 
brasser Racine ,  il  lui  cria  devant 
tout  le  monde  :  Voilà  ce  que  vous 
avez  fait  de  mieux.  Ce  grand  criti- 
que ne  fut  pas  seulement  utile  à  Ra- 
cine ,  en  le  louant  ;  sa  sévérité  le 
servit  enèorc  mieux  ,  en  lui  faisant 
supprimer  deux  scènes  qui  dépa- 
raient l'ouvrage  :  l'une  entre  Bur- 
rhus  et  Narcisse,  au  commencement 
du  troisième  acte;  l'autre,  qui  rame- 
liait  Junie,  au  cinquième,  en  pré- 
sence de  Néron  (5).  Louis  Raci- 
ne, dont  on  apprend  chaque  jour  à 
lire  les  Mémoires  avec  plus  de  dé- 
fiance, parce  qu'il  ne  les  a  écrits  que 
sur  des  oui-dire,  rapporte  que  «  ces 
»  vers  de  la  dernière  scène  du  qua- 
»  trième  acte  : 

Pour  toute  ambition,  pour  vertu  singulière, 
11  excelle  à  conduire  un  cliar  dans  la  carrière , 
A  se  donner  lui- même  en  spectacle  auxRomaiiiS, 

»  firent  une  vive  impression  sur 
»  Louis  XIV ,  qui  crut  y  voir  une 
»  censure  de  sa  conduite,  et  que, 
»  dès  ce  moment,  il  quitta  l'habi- 
»  tilde  où  il  était  de  figurer  dans  les 
»  ballets  qui  se  donnaient  à  sa  cour.» 
11  est  très  -  possible  que  Louis  XIV 
ait  réfléchi,  à  propos  de  ces  vers  , 

(5)  Edition  d'Agasse  ,  t.  Il ,  p.  35S  et  424. 
32.. 


5oo  ^^■^^' 

sur  le  peu  de  dignité  qu'il  y  avait  à 
danseï"  en  public;  mais  (pi'il  les  ait 
crus  diriges  contre  lui,  et  surtout 
que  Ricinc  ait  jamais  eu  la  pensée 
df  les  lui  appliquer  ,  c'est  ce  qui  est 
contraire  à  toute  vraisemblance.  Ces 
vers   sont    si  nalurellenient   places 
dans  la  bouche  de  Narcisse  ,  ils  sont 
si  conformes  à  l'histoire  ,  ils  vont  si 
directement  au  but  de  la  scène,  il 
clait  si  impossible  qu'ils  ne  s'y  trou- 
vassent pas,  qu'il  serait  superllu  de 
supposer  au  poète  d'autres  intentions 
que  des  intentions  purement  drama- 
tiques ,  quand  nièun-  il  ne  serait  pas 
ridicule  et  odieux  d'imaginer  (pi'il 
ait    songe-  le   moins    du    monde   h 
Louis  \lV,cn  parlant  de  Néron. — 
A  Lritannicus  succéda  Uèrtnice.  Ce 
fui  à   la  sollicilation  de* la  célèbre 
Henriette  d'Angleterre,   belle- sœur 
du  roi ,  que  Racine  et  Corneille  trai- 
tèrent tous  deux  ,  et  à  l'insu  l'un  de 
l'autre,  ce  sujet  si  peu  fait  pour  la 
scène.  Outre  le  plai>ir  de  voir  lutter 
ensemble  deux  illustres  rivaux  ;(>" ,  la 
princesse    s'en    promettait    secrète- 
ment un  autre,  dans  la  peinture  de 
la  séparation  héroïque  des  deux  au- 
gustes amants  (7).  Trois  mots  de 
Suétone  :  invitus  invitam  dimisit , 
voilà  tout  le  fonds  de  la  pièce  :  fonds 
bien  léger,  quelJoilcau  ,  s'il  n'eût  été' 
absent,  n'aurait  pas  laissé  fXj)loitcr 
à  son  ami  ;  travail  inoiat,doiit  Cor- 
neille vieilli  ne  prévit  pas  le  danger 
beaucoup  plus  grand  encore  pour  lui 
que  pour  Racine.  Les  deux  Hérénice 
furent  représentées  sur  la  fin  de  1  G^o; 
celle  de Corneilleau  Palais-Royal,  par 
la  iroupc  de  Molière;  celle  de  Kaciiie, 
à  riiôiel  de    lîouigogne.    Corneille 

(•;  L'iiif'jrtiiiKi' III' lut  point  (  moin  licci  tlvlutl  . 
Une  iii<jrl|irciiiiitnri  <•  iii\  il  i  i  il.'  |.rii>(-<'<>«'  au  luoii- 
dr  ,  <l<iiit  elle  •  Uit  l'uriK-uieiit .  1 1  aiii  letlni ,  (lui>t 
»lJt  ftail  l'yppui  (  f  ly.  sonaitiilc,  XX  ,  ir)7  ). 

(7;  Od  Mit  iia'rlIonM'ine  avait  mis  nii  frein  h  scn 
jenchaot  puur  Louis  X.1V. 


RAG 

tomba  :  Racine  eut  trente  représen- 
tations de  suite ,  honorées  des  larmes 
de  la  cour  et  de  la  ville.  Le  grand 
Coude  répondit  un  jour,  par  ces  deux 
vers  de  la  pièce  ,  aux  critiques  (pi'on 
en  faisait  devant  lui  : 

Drpiiis  cinq  ans  entiers  rlia(|uc  jour  je  l.i  vuis, 
Lt  cruis  toujours  la  voir  pour  I»  |jrt'iuivre  lois. 

On  a  dit,  et  de  très -zélés  admira- 
teurs de  Racine  ont  avoué,  que   Bé- 
rénice n'était  pas  une  véritable  tra- 
gédie. Tragédie  ou   drame  ,  tprim- 
porte  le  titre  qu'on  lui  donne,  pourvu 
que  l'on  convienne  que  c'est  un  mi- 
racle de  l'art ,  et  qu'il  n'y  a  jamais 
eu  ,d.ins  aucune  pièce,  un  plus  grand 
mérite  de  dillinilté  vaincue.' Qiiant 
au  style  ,  écwulons  comme  eu  parle 
l'auteur   de    Zaïre  :  «  Voilà  ,  sans 
M  doute,  la  plus  faible  des  tragédies 
»  de  Kacine  qui  sont  restées  au  tliéà- 
»  tre  :  ce  n'est  pas  même  une  Iragé- 
»  die  ;  mais  que  de  beautés  de  détail  1 
»  et  quel  charme  inexpriuialile  rc- 
»  gne  ])resque  toujours  dans  la  dic- 
u  lion  I  Pardoniioiis  à  Corneille  de 
»  n'avdir  jamais  connu  ni  celle  pu- 
»  reté,  ni  celte  élégance;  mais  coni- 
»  ment  se  peut-il  faire  que  personne, 
w  depuis  Racine,  n'ait  aj'finiclié  de. 
»  es  stj  le  enchanteur?  » — Que  sous 
les  noms  de  hoxane  et  de  tajaztl , 
Racine  ait  eu  l'intention  de  peindre 
la  reine  Christine  de  Suède  imiiio 
lant,  par  jalousie,  son  f.ivcri  IMo- 
ualdeselii ,  on  lO^-j ,  dans  unegaleiic 
de  Fontainebleau  ,  ou  qu'il  ;<it  sim- 
plement  voulu  ,  comme  il  tt;  dit  , 
transporter  sur  le  théâtre  les  scènci 
tragiques,  alors  presque  inconnues  , 
qui    s'étaient   passées   au  sérail   en 
iG38  ,  cela  est  tout-à-fait  iiidi lièrent 
au  mérite  de  la  pièce.  Mais  cela  ne 
fut    probab'eraent    pas  élranger  au 
succès  de  vogue  qu'elle  obtint  (  1  Ci-j  .i). 
La  nouveauté  des  mœurs  et  des  cos- 
tumes dut  aussi  piquer  beaucoup  la 


RAC 

curiosîtté  de  spcclatcnrs  habitu(?s  à 
110  voir  presque  toujours  sur  la  scène 
que  des  Grecs  et  des  Romains.  Voilà 
pour  l;i  inallitnde.  Les  connaisseurs, 
et  Boilcau  à  leur  lêle  ,  admirèrent  la 
force  de  la  passion  de  Roxane ,  l'iu- 
trépidite  calme  d'Acomat  (8)  ;  et  ce 
sont   ces  deux  véritables  créations 
qui  feront  vivre  à  jamais  Bajazet , 
tnalgre'  ses  défauts.  Scgrais  raconte 
que  Corneille,  place  près  de  lui  à  la 
première  représentation  ,  lui  dit  tout 
bas  :  «  Les  habits  sont  à  la  turque  , 
»  mais  les  caractères  sont  à  la  fran- 
»  çaise  ;  je  ne  le  dis  qu'à  vous,  pour 
»  qu'on  n'aille  pas  croire  que  j'en 
»  parle  par  jalousie.  »  Non,  personne 
ne  l'aurait  cru:  non  ,  Corneille  pou- 
vait faire    hautement  ce  reproche 
aux   caractères  de  Bajazet  et  A' A- 
talide;  il  était  trop  juste  pour  l'é- 
tendre aux  autres  personnages.  Boi- 
leau  trouva  le  style  de  cette  tragé- 
die négligé.  La  sentence  est  sévère. 
Mais  il  jugeait  Bajazet  par  compa- 
raison avec  les  autres  pièces  de  son 
ami  ;  et  puis  c'était  Boileau.  —  Mi- 
thri(iate,vc[)rQsen\.é  pour  la  première 
fois  en  janvier  iG^S  ,  est,  suivant  La- 
harpe  ,  l'ouvrage  où  Racine  parait 
avoir  voulu  lutter  de  plus  près  con- 
tre  Corneille,   en  mettant  sur  la 
scène  les  grands  personnages   de 
V antiquité ,    tels  quils  sont   dans 
l'histoire.  11  semble  que  ce  désir  de 
lutter  ,   si  tant  est  que  Racine  l'ait 
eu  ,  s'était  déjà  manifesté  dans  Bri- 
tannicus ,  avec  non  moins  d'éclat, 
et  que  les  admirables  figures  d^Agri- 
pine  et  de  Néron  méritent  d'être  pla- 
cées auprès  des  personnages  histori- 
ques les  mieux  peints  par  Corneille  , 
tout  aussi  bien  au  moins  que  Mithri- 
date.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  théâtre  de 


(8)  Volt.-iire  considère  Ib  rôle   d'Acomal  comme 
Un  effort  da  l'esprit  humain. 


RAC 


301 


Corneille  ofïVe  peu  de  caractères  plus 
grandement  tracés  que  le  Milhridate 
de  Racine  (9).  On  a  reproché  toute- 
fois à  ce  poète  d'avoir  fait  son  héros 
amoureux  et  jaloux.  Corneille  aussi 
a  souvent  commis  une  pareille  faute, 
qui  était   un  sacrifice  au  goût  du 
temps.  Mais,  ici ,  que  celte  faute  est 
heureuse  !  elle  nous  a  valu  Moniuie,  le 
rôle  le  plus  parfait,le plus  touchant 
du  théâtre  de  Racine  ,  et  par  consé- 
quent de  la  scène  française.  Voltaire 
a  dit  que  l'intrigue  de  Milhridate 
n'était  autre  chose  que  l'intrigue  de 
V Avare.  On  aurait  pu  lui  répondre 
que  l'intrigue  de  Zaïre  n'est  autre 
chose  aussi  que  l'intrigue  de  Nanine. 
Mais  qu'est-ce  que  cela  prouve  contre 
les  deux  tragédies  ,  si  des  moyens  de 
comédie  y  sont  traités  noblement , 
tragiquement,  et  de  manièreà  exciter 
l'intérêt  et  la  terreur?  —  «  J'avoue, 
))  dit  Voltaire  ,  que  je  regarde  Iphi- 
»  génie  (   1674  )  comme  le  chef- 
»  d'œuvre  de  la  scène.  Veut  -  on  de 
»  la  grandeur  ?  on  la  trouve  dans 
»  Achille  ,  mais  telle  qu'il  la  faut  au 
»  théâtre  ,  nécessaire  ,  passionnée  , 
»  sans  enflure  ,    sans   déclamation. 
»  Veut  -  on  de  la  vraie  politique  ? 
»  Tout  le  rôle  dHUljsseGn  est  plein, 
»  et  c'est  une  politique  parfaite ,  uni- 
»  quement   fondée   sur  l'amour  du 
»  bien  public;  elle  est  adroite,  elle 
»  est  noble  ,  elle  ne  discute  point; 
»  elle  augmente  la  terreur.  Cljtem- 
»  nestre  est  le  modèle  du  grand  pa- 
»  ihétique  ;  Iphigénie  ,  celui  de  la 
7)  simplicité  noble  et  intéressante  ; 
»  Aganiemnon  esttel  qu'ildoitêlre: 
»  et  quel  style  !  c'est-là  le  vrai  su- 
M  blime.  »  C'est  à  propos  de  cette 


(q)  «  De  toute«  les  tragédies  frauçais''S  ,  dit  Vol- 
11  taire,  celle  qui  plaisait  le  plus  à  Cl.arles  XII, 
«celait  D/Uthridale  ;  et,  quand  on  la  lui  lisait ,  il 
»  marquait  du  doigt  les  endroiUquile  frappaient 
>!  davauDagu.  » 


5o'i 


RA( 


pièce  que  rauteur  tle  Mérope  s'écrie 
ailleurs:  «  O Iraç^éiUedes  tragédies! 
beauté  de  tous  les  tejni'S  et  de  tous 
les  jxiys  I  malheur  au  barbare  qui 
ve  sent  pas  ton  j>rodir^ieur  mérite!  » 
11  y  eut,  pour  le  tourmeut  de  Ratine, 
un  Hssez  f;rand  nombre  de  ces  bar- 
bares ,  lors  de  rapparition  de  ce 
clief-d'œuvrc,  auquel  pourtant  une 
foule  immense  courait  et  pleurait 
cliatpie  jour.On  ne  se  contenta  pas  do 
la  critiquer  amèreinent ,  et  sous  plu- 
sieurs formes.  On  voulut  lui  opposer 
une  autre /^»/</gf'Vjù'; celle  ci  fut  jouee 
quatre  ou  cinq  fois  :  donnée  d'abord 
sous  le  nom  de  Coras  ,  elle  fut  re- 
vendiquée par  Leclerc,  très-indi;;ne 
confrère  (le  Racine  à  l'académie  fran- 
çaise. Coras  ,  Leclerc,  et  leur  Iphi^é- 
nie,  ne  sont  connus  aujourd'hui  que 
par  rcj)iç;ramme  de  Racine  : 

Enlre  Loc  Icrc  et  $ûu  ami  Coros,  etc. 

IJIphirrénie  de  Kacine  était  réservée, 
dans  le  dix-huitième  siècle,  à  un  plus 
sanglant  outrage.  Un  LuneaudeRois- 
jermain  (lo),  un  La  Dixraerie  [i  \) , 
conçurent  l'idée  de  substituer  à  l'ad- 
mirable récit  iV  [lysse ,  un  dénoue- 
ment on  aciion;  et  l'anirur  de  la  ro- 
mcilicdeV  OracleettWirlequinauSé- 
rail{i  7)se  charf;ea intrépidement, rn 
1 769, de  refaire  le. j"'^". acte,  d'après  le 
plan  de  ces  réformateurs:  il  retran- 
cha cent  vers  ;  il  en  fit  ou  refit  une 
douzaine.  Ce  sacrilège  fut  silllc;  et  le 
chef-d'œuvre  de  Racine  resta  inipar- 
fait...commeauparavanlf  i3  .-Trois 


(10)  Auteur  «l'un  ('iininici>t:Mre5ur  H^icine,  qu'on 
croirait  eiilrepri»  ddiis  le  ivul  d' s-eiii  de  rïbniksf  r  le 
mirite  littirairede  ce  grand  poète,  cl  iiii'me  d'^lla- 
ijufTsonciiracliMeprr»i)iiiiil;  '/iivr.if;eà-la-r<i!i  inepte 
>t  odieux  ,  que  I^-iliarpc  a  pri«  la  peine  de  réfuter 
d'uu  bout  U  Tautre  avec  tontes  les  forces  de  i>a  rai- 
t^iii  y  dans  un  iionvrau  Conimentaire  plein  de  f;oïitet 
Je  kavoir,  dont  GeoOrov  '.'est  hcaucup  s^rvi.tout 
en  le  di  pniuaut .  p  iir  faire  ie  sien  oui  i/eu  e>t  paJ 
moins à*peu-pi es  oublié. 

(11)  I.rtms  Sur  l'ilal  prisent  de  nos  SfirctarUs. 

fia)  Saiol-Foiz. 

(i3)      Lrs  fcformaleurs  de  Kacioe   se  sont  trop 


RAC 

ans  s'écoulèrent  entre  Iphif^énie  et 
Phèdre  (1677}.  Les  critiques  ,  dont 
l'une  de  ces  tragédies  av.iit  été  l'objet, 
n'étaient  qu'un  faible  essai  des  ]>er- 
sécutions  qu'on  préparait  à  l'autie  : 
le  duo  de  Nevers  et  la  duchesse  de 
Bouillon  ,  neveu  et  nièce  du  cardinal 
Mazarin  ,  ennemis  de  Racine  ,  ou  ne 
sait  pourquoi,  se  déclarèrent  d'avan- 
ce ,  et  sans  pudeur,  les  chefs  d'une 
cabale  odieuse  et  ridicule.  Tout  fut 
mis  en  œuvre  pour  faire  tomber  la 
Pliidre  de  Racine  ,  et  poui  faire  aller 
aux  nues  l;i  Phèdre  de  Pradon  ,  qui 
fut  jouée,  trois  jours  après,  sur  le 
thé.àtrc  de  la  rue  Guéuégaud.  On  a 
peine  à  le  croire,  malgré  le  témoi- 
gnage de  Boileau,  transmis  par  Louis 
Racine  :  tojites  les  premières  loges 
des  deux  théâtres  avaient  été  louées 
par  cette  cabale  pour  plusieurs  re- 
présentations ;  elles  fuient  remplies 
pour  Pradon,  et  laissées  vides  pour 
Racine,  de  façon  que  sa  pièce  pa- 
rut être  jouée  dans  le  désert  :  cette 
mancriivre  coilta  environ  vingt-huit 
mille  francs  de  notre  monnaie  ac- 
tuelle; et,  ce  qu'il  y  a  de  plus  in- 
crevable, elle  réussit  assez.,  pendant 
quelque  temps  ,  pour  tromper  le  ])u- 
blic,et  pour  donner  à  Pradon  toutes 
les  a[)parences  du  triomphe.  11  est 
fàchei\x  pour  la  mémoire  de  M""=. 
Deshonlières  que  son  nom  ait  figure' 
parmi  les  chefs  d'une  si  scandaleuse 
intrigue  :  on  sait  que  ,  soupant  avec 
le  triomphateur  ,  le  soir  même  de  la 
première  représentation  ,  elle  com- 
posa ce  sonnet  que  nous  n'osons 
citer  en  entier ,  par  un  reste  d'égards 
pour  elle  : 

Pan*  nn  fauteuil  iloré,  Phèdre  tremblante  et  blême, 
Dild'*>ver?i  oii  d'abord  pers'iune  n'eiileu  I  lien  ,etc. 


pressés.  Ils  auraient  réussi  vingt-cinq  ans  plus  t'.  , 
oii  ron  vit  accueillir  avec  acclamation  Je  nouveau 
3'.  aetcde  la  MorI  de  César  ,  elle  nouveau  .^''.aete 
des  Uoraces.  Les  lumières     avaient  fait  des  progrès  ! 


RAG  R^G                 5o3 

On  attribua  d'abord  ce  sonnet  au  duc  Cyr  (  1 5).  Le  succès  fut  prodigieux 

de  Nevers.  Des  ainis  indiscrets ,  vou-  (  -lo  janvier  1689).  «  Le  roi,  dilM'"^ 

lant  venger  Racine  ,  répondirent  par  »  de  la  Fayette ,  n'y  mena  ,  pour  la 

un  sonnet  très-injurieux,  sur  les  raè-  »  première  fois ,  que  les  principaux 


mes  rimes ,  queleduc  imputa  à  Racine 
et  à  Boileau,  et  auquel  il  répliqua  par 
un  troisième  sonnet  et  par  des  mena- 
ces personnelles  contre  ces  deux  poè- 
tes. Il  fallut  toute  l'autorité  du  prince 
de  Coudé  pour  mettre  fin  à  la  querell^. 
M°"^.  Deshoulières  ,  véritable  auteur 
du  premier  sonnet ,  fut  seule  punie  , 
et  le  fut  sévèrement ,  quoique  long- 
temps après  ;  car  tout  Paris  la  re 


»  ofiiciers  qui  le  suivaient  à  la  chas- 
»  se.  La  seconde  fut  consacrée  aux 
»  personnes  pieuses,  telles  que  le 
»  Père  Lacbaise  et  douze  ou  quinze 
»  jésuites  (iG).  Ensuite  elle  se  répan- 
»  dit  aux  courtisans  ,  etc.  »  L'hon- 
neur d'y  assister  devint  l'ambition 
de  tous.  M'"'',  de  Sévigné  y  fut  ad- 
mise; et  l'on  sait  avec  quel  enthou- 
siasme elle  eu  parle  dans  ses  letti'es 


connut  dans  ces  vers  de  la  dixième  (17).  Le  théâtre  en  France ,  et  plus 

Satire  de  Boileau:  particulièrement  à  la  cour,  est  un 

cest une  précieuse,  etcinel  sujct  d'applicatioiis  et  d'al- 

Reste  de  ces  esprits  jadis  si  renommés  ,  luSlOUS.    LcS  SpCCtalCUrS  Cil  tl'OUVeilt 

Que,  d'un  coup  de  son  art ,  Molière  a  diffamés  ,  etc.  .   ,,          k               <     I'       .                '    .,    „ 

^                ^              ,                        '  souvent  la-meme  ou  1  auteur  n  en  a 

La  reprise  de  Phèdre ,  qui  eut  heu  ,(^^,^,  H  f,,,,^  ^^y.^  en  général  se 

au  bout  d'un  an  ,  mit  les  deux  pièces  ^^ç^^^^  ^^  to,,^  \ç^  récits  faits  sur  ces 

à  leur  place.  Mais  cette  réparation  .matières.  Il  est  toutefois  assez  cons- 


tardive  ne  put  consoler  Racine  :  elle 
fut  d'ailleurs  empoisonnée   par  de 
nouvelles  indignités  de  ses  ennemis, 
qui  publièrent  une  édition  fautive  de 
la  pièce,  et  substituèrent  aux  plus 
beaux  vers  ,  des  vers  de  leur  façon, 
ridicules  ou  plats  ;  tant  il  est  vrai 
qu'il  n'y  a  rien  de  plus  méchant  que 
les  méchants  auteurs ,  et  rien  de  pire 
en  fait  de  populace,  que  le  bas  peu- 
ple de   la   littérature.   L'auteur  de 
Phèdre,  dégoûte  du  théâtre,  y  re- 
nonça ,  à  l'âge  de  38  ans  ,  c'est-à- 
dire  ,  dans  toute  la  force  et  la  matu- 
rité de  son  génie.  —  Ce  ne  fut  qu'a- 
près un  silence  de  douze  années  que, 
à  la  prière  de  M™*^.  de  Maintenon,  Ra- 
cine composa  son  Esther  ,  pour  être 
jouée  ,   non  sur  la  scène  française 
(i4) ,  mais  dans  la  maison  de  Saint- 


(i4)  Elle  nV  Tut  jamais  représentée  du  vivant  de 
Bacine.  Dans  les  premières  tdilioDS  qui  en  furent 
faites  ,  quoiqu'E>7/ie;'  porte  le  titre  de  tragédie  ,  elle 
u'est  point  intitulée  ainsi  dans  leprivilégo  du  Roi; 
et  il  serait  injuste  de  la  juger  comme  telle ,  bien 
que  les  sentimenis,  la  diction  et  la  plupart  des  ca- 
ractères eu  soient  vcrit.iblcmcut  tragiques, 


tant  que,  dans  cette  pièce.  Racine  eut 
en  vue  quelques  allusions  ,  ou  du 
moins  qu'il  ne  protesta  point  contre 
celles  qui  furent  faites.  M'"'^.  de  Main- 
tenon  se  reconnut  avec  plaisir  dans 


(1?))  "Mn^^-de  Maiiilenon  rtaitpersnadée  que  les 
»  amusements  de  la  scène  sont  lions  a  la  jeunesse; 
>i  qu'ils  donnent  de  la  gr^ice  ,  apprennent  à  mieux 
»  prononcer,  et  cultivent  la  mémoire.  Mais  après 
«  avoir  fait  jouer  Andromaque  par  1(S  demoiselles 
»  de  Saint-Cyr,  elle  craignit  que  cela  ne  leur  insi- 
>>  uuât  des  sentiments  opposes  à  ceux  qu'elle  voulait 
y  leur  inspirer.  1-lle  écrivit  en  conséquence  à  M.  Ra- 
»  cine  :  Nos  petites  fîlies  l'ienuent  fie  jouer  'votre 
«  Andromaque,  et  L'ont  si  h':en  jn^ice  qu'elles  ne 
»  la  joueront  plwi  ^  jii  aucune  autre  de  vos  pières  ; 
«  et  elle  lui  demanda  ensuite  un  poème  moral  ou 
»  historique  dont  l'amour  fut  entièrement  banni.  » 
^  Soui'enirs  de  Mm",  de  Caylus.  '] 

(iG)  «  Aujourd'hui ,  disait  Mme.  de  Maintenon, 
>i  on  ne  jouera  que  pour  les  saints.» 

(l■•^  Il  est  permis  de  croire  que  M"'^.  de  Sévi- 
gné fut  encore  plus  sensible  à  l'invitation  du  roi , 
qu'aux  beautés  de  l'ouvrage.  Elle  ne  prouve  que 
trop  dans  ses  letlres  ,  dont  la  lecture  est  d'ailleurs  si 
remplie  de  cbarine  ,  combien  peu  elle  sentait  le  rjé- 
rite  de  ce  grand  poète.  Au  reste,  Mni<=.  de  Sévigné 
n'a  jamais  écrit  que  liarine  pnsterait  comme  le  ca- 
fé ;  et  Voltaire,  sur  la  foi  duquel  Laliarpe ,  l'abbé 
de  Vauxcelles  et  Suard  l'ont  réj)été,  nelui  a  jamais 
rien  prêté  de  semblable  (  V^oy.  la  Notice  sur  M™^. 
de  Sévigné,  par  M.  Saint-Surin ,  à  )a  tète  des  Let- 
tres de  cette  dame,  dans  l'édition  de  Biaisa  ,  Paris, 
1818, tom.  !«'.,  iu-ii,  pag.iSa.  ) 


5o4  HAC 

Esther  ;  et  tous  ses  amis  ne  man- 
(juèroiitpa<»  clo  voir  iM"»*^.  de  Montcs- 
]ian  dansTalliiTc  Faslhi.  Les  chan- 
sons du  temps  qui  ,  comme  on  l'a 
dit    ingénieusement,  formaient,  on 
iM-ancc ,  une  sorte  de  contre-poids 
ri  de  tempérament  an  pouvoir  abso- 
lu ,  donneraient  même  à  penser  que 
le  ministre  Louvois  et  la  rcvocalion 
de  l'edit  de  liantes  étaient  signalés 
dans  Aman,  surprenant  au  roi  ^75- 
sue'nts   l'edit    de   pro>cription    des 
Juifs.  Mais  celte  liar.lies.ve  est  peu 
vraisemhlablc;  et  il  faudrait ,  pour 
y  ajouîer  foi ,  des  ]nL-ces  historiques 
])I'is  f^raves  que  des  chansons.  — 
Alhnlie ,  comj»osée  |iour  Saint-Cyr 
rommeHsthcr  (i8),  eut  un  sort  bien 
dllférent.  LVnvie,  masquée d'ua  faux 
yèle,  en  empêcha  la  repiésentation. 
Elle  fu:  jouée  seulement  deux  fois  à 
Versailles,  dans  une  chambre,  sans 
théâtre,  sa.'s  costumes  ,  par  les  de- 
moiselles de  Saint-Cyr  (  19;.  Racine, 
ne  lui  ayant  point  donne  d'autre  des-, 
lination,  la  fit  ii.nprimcr.  JMais ,  0 
injustice   scan  ialeuse    et   vraiment 
inexplicable!  ce  clief-d'œuvre  ,  au- 
dessus  duquel  il  n'y  a  rien  ,  ui  chez 
les  anciens  ,  ni  chez  les  modernes  , 
ne  trouva  point  de  lecteurs  !  Que  dis- 
jc  ?  S'il  faut  en  croire  ceilains  mé- 
moires du  temps  ,  dans  quelques  so- 
ciétés  de  soi-disant  beaux-espiits  , 

(18^  Oq  a  soiiTont  dit  qiie  ridée  dp  cf  sujet  i-fail 
ubsolumetit  iiriivp,  «t  i|irAriianld  liii-nirme  n'avait 
l>ascrii  que  If.»  livres  5.iinls  jiuMeDl  fuiiriiir  un  auti;e 
.su),  t  de  Iragc'die  que  cilii  d'I  -Iher.  rej>rDd.iiil  le» 
Jésuites  avaient.  W  ir(  août  ifîiS  ,  fuit  jouer  une 
.-///.../,>  dans  leur  oillrge  de  «:iri mont.  Voici  ce 
qu'in  dit  Lorct ,  dau>  sa  Gaieltu  en  vers ,  lettre  da 
34  août  : 

Au  collège  de  Sainf-I|;nacc, 
Oii ,  dans  une  a»e7.  lionne  place  , 
Je  me  rois  et  me  cai:l'>nii;:i 
Pour  quinze  suis  que  je  douuai. 
Fut  avei:  appareil  exln me 
Représente  cei  tain  poèrue, 
iinviron  cinq  jours  il  v  a, 
Portant  pour  titre  Alliitia,  etc. 

(19)  «  Celle  ftiéie  est  si  hellr,  dit  M""^.  de  Cay- 
»  lu*,y.'<«  l'aclion  n'en  yurut  pal  r<i/ioiilie,  u 


RAC 

on  en  prescrirait  la  lecture  pour  pe- 
nitence  î  tant  les  jugements  des  con- 
temporains sont  souvent  bizarres  on 
passionnés  I  On  ne  saurait  en  vérité 
se  défendre  d'une  aflliclion  profonde 
en  songeant  que  Racine  est  mort  avec 
le  chagrin  devoir  son  siècle  mécon- 
naîlre  cette  œuvre  immortelle.  Eu 
vain  Arnauld  ,  du  fond  de  son  exil , 
soutenait  par  sou  suH'rageson  ancien 
élève  découragé;  en  vain  Boileaului 
répétait  :  C'eU  voire  meilleur  vii- 
i'mge ,  le  public  y  reviendra  ;  peu 
i>^::\\  fallut  tpie  Racine  ne  crilt  avoir 
survécu  à  son  génie  ,  comme  Pierre 
Coineilie.  La  voix  de  Doileau  ,  si 
bien  entendue  de  la  postérité,  ne  fut 
point  écoulée  du  vivant  de  son  ami. 
Le  succès  à' Aihalie  composée  en 
i(3t)i,  ne  commença  qu'en  i-j  i  (3:  mais 
depuis  ce  temps,  il  s'est  accru  et  propa- 
gé chaque  jour;  et,  s'il  augmente  en- 
core, on  trouvera  bientôt  que  Vul- 
taire  n'en  a  p.is  ilit  assez,  quand  il  a 
proc'.anié  Al'uilie  .  l'uuvrage lej)lus 
ajipwchant  fie  la  perfection  qui  soit 
jamais 'iorii  de  la  main  des  hom- 
mes  (ao).    Celle  seconde    iniquité 
du   public  envers  Racine  ,  en  rou- 
vrant la  j)laie  de  la  première  ,  mit  le 
condjle  à  ses  dégoûls  ,  et  le  décida 
toul-à-fait  à  quitter  la  carrière  du 
théâtre  ,  beaucoup  j)Ius,  sans  iloiitc, 

\i,A  <)umA  Io  eii;i>re  l,c  k.in  vint  ;.  dix  -  linit 
iins.cbex  Vultaiie,  l'aire  desai.tliii  )'e.>,>al  de  te  t.i- 
lent  trop  t>jt  jMrdu  noiir  le  tlie.'itrc  dont  il  a  ele  la 
gloire,  il  voulut  d'abord  Iri  réciter  1«  rôle  de  (ins- 
tavc.  M  Non  ,  non  (  dit  le  p.ji  te  )  ,/e  n'iiimr  pas  le) 
)>  iiifiiivais  x'ei'S.  »  Le  jeune  boniine  lui  oflVit  alors 
de  repeter  la  prrinii're  sci'nc  à' /llhalie ,  enli  e  /miil 
et  Abnei:  Voltaire  Tecoute;  et  l'ouvrage  lui  faisant 
oublier  l'aelenr,  il  s'écrie  avec  transport  :  «  IJiîel 
»  style  I  quelle  ftoésie  t  cl  toute  la  pièce  est  rcrilcite 
»  iiirine  !  .Jli  !  lijonsieui  !  //iiel  liuniine  que  Hiicinc  !  » 
C.'e:.t  L<  kaiii  qui  rapporte,  dans  ses  îMenioiics,  ce 
fait  ,  dont  il  lut  d'aiitaut  plus  iVnppe  que,  dans  ce 
ciomeut,  il  aurait  bien  voul'j  que  Voltaire  s'occu- 
pât un  |>eu  plus  de  lui  et  un  peu  moins  de  Itaeine 
(  Labarpe  ).  L'adiniratiou  de  Voltaire  se  manifesta 
un  jour  j)lus  vivement  euiore  devant  Labarjie  lui- 
même,  Jorsqu'apris  avoir  déclamé  la  scène  du  4"- 
otte  de  Pbi-dre  ,  il  lui  dit,  en  laissaot  loruber  sa  ' 
tcle  >ur  sa  poitrine  :  j  Mon  ami  ,  /e  ne  suis  i/ii'un 
r polisson  en  con\paraison  de  cel  homme-là.  w 


RAC 

que  les  autres  motifs  qu'on  lui  a 
jirètës.  Les  sentiments  religieux  qu'il 
puisa  dans  safamiiie,  et  dans  l'exem- 
ple de  ses  maîtres  ,  se  fortifièrent 
avec  l'âge  :  mais  ils  étaient ,  ce  sem- 
ble ,  assez  vifs  ,  dès  sa  jeunesse,  pour 
le  faire  renoncer  plutôt  encore  qu'il 
ne  l'a  fait,  à  des  travaux  qu'il  aurait 
cru  incompatibles  avec  la  vie  chré- 
tienne ;  et ,  en  supposant  que  sa  dé- 
votion ,  qui  d'ailleurs  était  douce  et 
tolérante  comme  celle  de  Fcne'lon  , 
l'eût  empêche  de  traiter  des  sujets 
de  tragédie  profane,  combien  de  su- 
jets sacrés  n'aurait-il  pas  pu  mettre 
sur  la  scène  I  combien  de  chefs- 
d'œuvre  utiles  à  la  religion  même , 
n'aurait-il  pas  pu  joindie  aux  chefs- 
d'œuvre  à'Eslher  et  à'Jthaîie!  Di- 
sons le  franchement  :  ceux  qui  s'obs- 
tinent le  plus  à  attribuer  à  la  religion 
la  retraite  prématurée  de  Racine,  ne 
sont  peut-être  pas  fâchés  d'avoir  ce 
petit  reproche  à  lui  faire  ,  et  de  pou- 
voir en  conclure  qu'elle  rétrécit  l'es- 
prit et  étouffe  le  génie.  C'étaient  , 
en  effet ,  des  esprits  singulièrement 
rétrécis  ,  que  le  grand  Corneille, 
Pascal  ,  Bossuet  ,  Fénélon  et  Des- 
préaux !  Et  comment  s'étonner  que 
le  ressentiment  d'une  grandeinjusticc 
ait  suffi  pour  éloigner  Racine  du 
théâtre  ,  quand  on  sait ,  quand  il  a 
lui-même  avoué  ,  que  la  plus  mau- 
vaise critique  lui  faisait  plus  de 
peine  que  les  plus  s^rands  suc- 
cès ne  lui  faisaient  déplaisir  ?  C'est 
une  faiblesse,  dira-t-on;  mais  peut- 
être  est-elle  inséparable  de  cette  sen- 
sibilité ardente,  qui  seule  produit  de 
grandes  choses.  Ne  reprochons  pas 
si  légèrement  aux  hommes  de  génie 
des  défauts  qui  peuvent  avoir  été  la 
source  de  leuriaient.  Mohère,  dira- 
t-on  encore,  n'a  point  eu  celte  fai- 
blesse. Mais,  de  bonne  foi,  a-t-il 
été  mis  à  de  pareilles  épreuves  ?  Peut- 


RAC  5o5 

on  comparer  le  froid  accueil  fait  aux 
premières  représentations  der.'/crtre, 
des  Femmes  Savantes  et  du  Misan- 
thrope ,  à  la  rage  aveugle  et  stupide 
qui,  après  s'être  essayée  contre /p/u- 
génieii  raidedeLccIcrc,  après  avoir, 
j)cndant  un  an ,  fait  triompher  la 
Phèdre  dePradon,  se  déchaîne  con- 
tre Alhalie ,  et  parvient  à  en  faire 
dédaigner  la  lecture?  Racine  ne  pou- 
voir être  lu  I  Qui  peut  affirmer  que 
IMolière,  dont  le  style  n'avait  pas 
pourtant  la  perfection  de  celui  de 
Racine,  aurait  supporté  sans  amer- 
tume un  pareil  affront  ?  Qui  sait 
même  si  le  peu  de  succès  de  trois  de 
ses  chefs  -  d'œuvre  n'aurait  pas  suffi 
pour  le  dégoûter  aussi  du  théâtre, 
sans  la  nécessité  où  il  était  d'y  de- 
meurer pour  faire  vivre  sa  troupe  , 
et  pour  vivre  lui-même?  En  n'attri- 
buant qu'à  des  motifs  temporels  la 
retraite  de  Racine  ,  il  ne  faut  pas  dis- 
convenir toutefois  ,  que  c'est  à  par- 
tir de  la  disgrâce  de  Phèdre  ,  que  sa 
conduite  privée  devint  ce  qu'elle 
resta  pendant  toute  sa  vie,  c'est-à- 
dire  ,  d'une  régularité  exemplaire  : 
nonqu'auparavantil  eût  jamais  man- 
qué,dans  ses  actions ,  de  cettedécence 
inséparable  du  bon  goût  dans  les 
écrits.  Mais,  en  se  détachant  du  théâ- 
tre ,  il  renonça  naturellement  aux 
distractions  et  aux  liaisons  ,  tant 
soit  peu  périlleuses  ,  qii'il  y  avait 
trouvées.  La  piété  ,  dans  laquelle  il 
avait  été  élevé,  se  réveilla  facilement 
dans  son  cœur,  et  lui  offrit,  dans  ses 
chagrins  ,  des  consolations  que  le 
genre  de  monde  qu'il  quittait  ne  pou- 
vait lui  donner.  On  assure  même 
qu'il  songea  un  moment  à  se  consa- 
crer tout-à-fait  à  Dieu,  en  embras- 
sant la  vie  monastique.  La  réflexion 
lui  fit  ])référer  des  chaînes  plus  lé- 
gères. Il  se  maria,  en  1677,  à  la 
fdie  d'un  trësoiier  de  France  d'A-' 


'îoG 


RAC 


miens  {■}.  i).\\  lit  un  bon  choix,  cl  fut 
lieurcux.  Ce  fut  celle  même  année 
f|iie  le  roi  nomma  R;icine  etBoilcau 
hisloiio;ira[)lios  de  France.  Au  re- 
tour de  la  cam[.aç;nc  qui  fut  si  courte 
et  si  çjloricuse  ,  le  roi  leur  dit  :  «  Je 
»  suis  fâché  que  vous  ne  sojez  pas 
»  venus  avec  moi  ;  vous  auriez  vu 
»  la  guerre  ,  et  votre  voyage  n'eût 
»  pas  été  long.  »  —  «  Ftire  Ma- 
^y jesté ,  lui  répondit  Racine,  ne 
»  nous  a  pas  donné  le  temps  de  faire 
y>  faire  noshal>its.  »  Boileau  ,  dont 
la  proseassez  ne'^li^ccsc  scraitclcvec 
dillicilement  peut  -  être  à  la  dignité 
historique  ,  eut  sans  doute  une  très- 
petite  part  à  riiistoireduroi.  Racine, 
qui  s'en  occupa  beaucoup,  ne  put  la 
terminer.  On  sait  que  l'oin'rage,  in- 
terrompu à  sa  mort,  périt  à  Saint- 
Cioud  ,  dans  l'incendie  de  la  maison 
de  Valincourt  ,  son  successeur ,  le 
1 3  janvier  i7'îr».  On  sait  aujourd'hui 
que  \alincourt  ,  voyant  le  manus- 
crit près  d'être  consume  ,  doiuia 
vingt  louis  à  un  savoyard  pour  aller 
le  chercher  au  travers  des  flammes  , 
et  que  celui-ci  lui  rapporta  un  re- 
cueil de  Gazettes  de  France.  Il  était 
assurément  diflicile  ,  que  l'Histoire 
du  Roi  ,  lue  au  roi  lui  -  même  à  me- 
sure qu'elle  avançait,  ne  ressemblât 
pas  un  peu  à  un  panégyrique  :  mais 
nous  avouerons  que  cette  réflexion 
ne  nous  paraît  point,  comme  à  La- 
harpe  ,  devoir  diminuer  nos  regrets, 
à  en  juger  uniquement  par  le  Pré- 
cis historique  des   Campagnes  de 


dr  M"'.  r;.lh.-riiic  Roinanpl.  Sq,t  ci.finU  na- 
qn.rpnt  de  re  .„i.rl:.go.  !),.„  fille,  prirrnt  le  voile. 
Louis  Facine  assure  .,ue  M"'.  Kadue  n'avait  jamaij 
lii  le»  lra;:edic<  de  s.ii  mari.  .  .Ses  devoirs  de  m.  re 
.  Tnccuja.ent  m  eTcliisivement,  q„'ua  jour  que  R»- 
«cine,  .ejenant  de  Versailles,  lui  ra,.,K>rlait  une 
»  tjoarse  de  mille  louis  quM  avait  rrruc  du  roi  ù 
>•  l*.iie  y  Ct-«lle  aU.  ntion,  ne  «,Bi;eaijt<iu'à  lui  pa'r- 
»■  ier  d  nn  de  ses  eufanU  yu.'  n'ai/a,t  pas  t-nulu  elit- 
«  <ti-r  drpm,  d,ux  ,ours  (  Laharpe  ).  .  Llle  mo.iriit 
treille  ans  apr.  s  lui.  Une  partie  de  sa  furtune  pciil 
daiii  le  système  de  Law, 


RAC 

iG-î  h  iG-S  ,  seule  partie  de  l'ou- 
vrage, qui,  avant  été  confiée  par  Va- 
lincourt à  l'abbé  de  Vatry  avant 
rincendic  ,  n'ait  pas  été  la  proie  des 
flammes.  Le  stvie  de  ce  Précis ,  faus- 
sement attribué  d'abord  à  Pellisson 
(  /^  ce  nom  ,  XXXIII ,  3oo  ) ,  est 
élégant  et  simple  :  la  narration  en  est 
claire  ,  rapide  et  animée;  et  la  louan- 
ge n'y  est  point  donnée  aux  dépens 
de  la  vérité  (2'i).  —  Quelques  esprits 
indépendants ,  à  qui  peut-être  il  n'a 
manqué ,  pour  être  des  flatteurs  ,  que 
des  souverains  qui  voulussent  écouter 
leurs  flatteries ,  ont  reproché  à  Ra- 
cine ,  ainsi  qu'a  Molière  et  à  Dcs- 
préaux ,  d'avoir  trop  fréquenté  la 
cour,  et  d'avoir  consacré  leurs  tra- 
vaux à  l'éloge  de  Louis  XIV  ,  et  à 
ses  plaisirs.  Kh  I  où  donc  est  le  crime 
d'avoir  recherché  souvent  l'entretien 
d'un  prince  qui  comblait  à-la-fois  le 
mérite,  et  de  distinctions  et  de  lar- 
gesses ;  qui ,  au  milieu  des  pénibles 
soins  du  trône ,  disait  à  lioileau  : 
il.  Souvenez -vous  que  j'aurii  tou- 
»  jours  une  demi  -  heure  h  vous 
»  donner?  »  Où  est  le  crime  d'avoir 
loué  un  monarque  que  ses  plus  cruels 
ennemis  ont  jugé  louable  à  tant  d'é- 
gards ;  dont  les  travaux  ont  ta  jamais 
illustré  la  France;  qui  a  donné  son 
nom  à  son  siècle;  dont  les  plaisirs 
même  avaient  un  caractère  de  gran- 
deur ,  et  nous  ont  valu  Eslher , 
Athalie .  le  TartuJJ'e  ^  le  Bourgeois 
gentilhomme  ,  et  tous  les  chcfs- 
d'ouvre  des  Quinault ,  des  Lulli ,  des 
Lebrun  ,  des  Mansard  et  des  Girar- 
don  ?  —  Louis  XIV  se  plut  à  prodi- 
guer à  Racine  les  gratifications  et  les 
faveurs  ;  il  le  fit  trésorier  de  la  géné- 
ralité de  Moulins  ,  et  Gentilliommc 
ordinaire  (^3)  :  il  lui  accorda  les  en- 

(ai)  r.a  relation  fin  vége  de  Nanwr  (  en  i(i<|»  ), 
imprirnf-e  la  même  année  par  ordre  du  roi  ,  <!>t  un 
raodi:le  d'exactitude  et  de  précision.  —  ^a3)  La  sur- 


f 


RAC 

lic'cs ,  et  un  appartement  au  château  : 
il  le  nomma  plusieurs  fois  des  voya- 
ges de  IMarli  :  il  l'admit  fréquem- 
ment dans  son  intimité,  lors  même 
qu'il  ne  recevait  aucun  de  ses  courti- 
sans. 11  trouvait  sa  conversation  si 
remplie  d'agrément  que,  durant  une 
maladie  ,  il  le  Ct  couclier  dans  une 
chambre  voisine  de  la  sienne  ,  afin 
de  le  voir  plus  souvent.  Racine  alors 
lui  servit  de  lecteur  ,  et  lui  lut  un 
jour  Plutarque  dans  la  version  d'A- 
myot ,  en  substituant  habilement  le 
langage  moderne  aux  expressions 
gauloises  que  le  roi  n'aimait  pas.  — 
Gomme  la  faveur  dont  Louis  XIV 
honorait  le  premier  de  nos  poètes 
n'était ,  ni  le  fruit  du  caprice,  ni  le 
prix  d'une  basse  adulation ,  elle  se 
soutint  long-temps.  Une  circonstance 
imprévue  vint  malheureusement  l'af- 
faiblir. C'était  en  1697.  Dans  un  de 
ces  entretiens  intimes  que  M'"*^.  de 
Mainteuon  accordait  souvent  à  Ra- 
cine, la  conversation  ayant  eu  pour 
objet  la  misère  du  peuple  épuisé  par 
de  longues  guerres  ,  cette  femme  cé- 
lèbre pria  le  poète  de  rédiger  ses 
idées  en  forme  de  mémoire  ,  pro- 
mettant que  l'écrit  ne  sortirait  pas 
de  ses  mains.  Racine  y  consentit , 
non  point  par  une  complaisance  de 
courtisan,  et  bien  moins  encore  dans 
aucune  vue  ambitieuse  (  la  conduite 
de  toute  sa  vie  repousse  cette  accusa- 
tion )  ,  mais  dans  l'unique  dessein 
d'être  utile.  Le  roi  surprit  ce  Mé- 
moire ,  et  le  nom  de  l'auteur  fut  ré- 
vélé. Peut-être  la  leçon  était  nn  peu 
trop  directe  ,  puisque  Louis  s'en 
offensa.  «  J'aime  beaucoup  ,  disait 
»  un  jour  ce  prince  à  un  prédicateur 
))  qui  l'avait  apostrophé pci^sonnelle- 
»  ment ,  J'aime  beaucoup^  mon  père, 
»  à  prendre  ma  part  d'un  sermon  ; 

vivance  de  celte  charge  fut  donnée  à  J.  Ij.  Racine,  soii 
âbaiaéàpeine  âgé  de  seize  ans. 


RAC  507 

»  mais  je  n'aime  pas  qu'on  me  la 
yi  fasse.  »  Louis  XIV  avait-il  besoin 
d'ailleurs  qu'on  lui  exposât  si  vive- 
ment la  misère  du  peuple,  lui  qui, 
bien  que  victorieux  de  tous  côtés , 
venait ,  dit  Torcy  ,  de  précipiter  la 
paix  de  Bisn'ick,  par  le  seul  besoin 
de  soulager  le  rovawne  ?  mais  j)eut- 
être  aussi  (  et  celte  conjecture  est  la 
plus  vraisemblable  }  le  roi  fut  -  il 
blessé  seulement  de  voir  un  homme 
de  lettres,  sortant  de  la  sphère  exclu- 
sivement assignée  alors  à  cliaque 
profession  ,  vouloir  se  mêler  des  af- 
faires de  gouvernement.  Voici ,  en 
effet  ,  quelles  finent  ses  paroles  : 
«  Parce  qu'il  fait  bien  des  vers , 
»  croit  -  il  tout  savoir  ?  et ,  parce 
»  qu'il  est  grand  poète  ,  prétend  il 
»  être  ministre?  »  Si  l'on  se  reporte  à 
ce  qu'était  alors  l'état  social,  aux  usa- 
ges ,  aux  convenances  ,  aux  devoirs 
particuliers  à  chaque  classe  et  à  cha- 
que individu,  on  conçoit  que  la  sévéri- 
té du  roi  dut  paraître  toute  naturelle; 
mais  qu'elle  doit  nous  sembler  bar- 
bare, à  nous  qui,  dans  notre  siècle 
de  lumières ,  avons  vu,  non-seule- 
ment des  poètes  qui  n'étaient  pas  des 
Racine  ,  mais  jusqu'à  des  histrions, 
s'arroger  le  droit  de  régenter  leur 
souverain,  ct ,  pour  comble  de  civi- 
lisation ,  se  constituer  les  arbitres 
de  sa  couronne  et  de  sa  vie  !  Quel 
qu'ait  été  le  motif  de  l'humeur  de 
Louis  contre  Racine,  elle  ne  fut  que 
passagère  j  son  estime  et  sa  bien- 
veillance ne  l'abandonnèrent  point  : 
Racine  ne  cessa  pas  de  le  voir.  Du- 
rant sa  dernière  maladie,  le  roi  se  fit 
donner  chaque  jour  de  ses  nouvelles 
avec  un  intérêt  touchant;  et  ses  bien- 
faits le  suivirent  au-delà  du  tom- 
beau (24).  Il  n'est  donc  pas  exact  de 
dire  que  ce  fut  une  disgrâce  ,  et  en- 

(24)  Sa  pension  de  zooo  liv.  fut  couservéo  à  sa 
veuve. 


5o8 


RAG 


core  moins  ,  que  cette  disgrâce  ait 
cause  sa  inorl.  Mais  on  ne  j>eiit  nier 
que  le  cliaç;riti  d'avoir  pu  déplaire 
un  nioinciit  à  son  roi  et  à  sou  bicn- 
iaiteur  n'ait   contribue  à  augraeiiter 
le  mal  dan.;erenx  {■jl3)  dont  il  était 
alteiiit  depuis  jiiusieurs  années, — On 
a  roproclié  à  llacine  d'èlre  trop  en- 
clin à  la  raillerie  ;  et  Boileau  lui-mê- 
me eut  a  s'en  plaindre   (juclquelois. 
Un  jour  qu'il  raillait  trop  vivement 
et  depuis  trop  Ionç;-temj)s  son  ami, 
celui-ci  lui  dit  enliu  :  «  Aviez-vous 
ctivie  de  me  fâcher  ?  —  Dieu  m'en 
j^ai  de  I  —  Eh  bien  I  vous  avez  donc 
tort ,  car  vous  m'avez  fâché.  »  Quoi- 
que son  cœur  n'eût  aucune  part  à  ce 
penchant  de  son  esprit,  il  lit,  j)our 
s'en  corric;er,  de  nobles  et  heureux 
efforts  sur  lui-même.  Quand  la  cha- 
rilé  clirclieimc  ne  le  lui  aurait  pas 
ordonné.  Racine    avait    trop    bon 
î^oùt ,  il  avait  t'ame  trop  élevée  pour 
ne  pas  sentir  que,  si  la  radicrie  a  ses 
danç^ers  entre  des  éf:;aux  ,  clic  est ,  à 
l'éj^ardde  nos  inférieurs  quelconques, 
un  abus  de  la  force  ipii  resscndjle  a 
de  la  lâcheté,  comme   un  acte  de 
violence  envers  un  homme  désarmé. 
Les  épif;rammes  échappées  à  sa  jeu- 
nesse sont  piquantes  et  d'une  malice 
très-fine;  mais  elles  sont  fraies  ,  sans 
liel ,  et  en  fort  petit  nombre.  On  ne 
j)eut  guère  trouver  a  redire  qu'à  cel- 
les contre  D' Olune  et  Crequi  {-^G). 
Son  (ils  aine  lui  en  ayant   lui  jour 
envoyé  une  conlie  Perrault  :  «<  Je 
voudrois.   lui  écrivit  Racine,  que 
vous  ne  l'eussiez  point  faite.  Outre 
qu'elle  est  assez  médiocre,  je  ne 
saurois  trop  vous  recommander  de 
ne  point  vous  laisser  aller  à  lu  ten- 
tation de  faire  des  vers  français  : 
surtout  il  n'en  faut  faire  contre 


RAG 

personne.  »  Il  va, dans  tontes  ses  Ict 
très  à  sou  fils,  un  caractère  de  ten- 
dresse ,  de  simplicité ,  de  bonté  et 
d'indulgence ,  qui  émeut  et  qui  at- 
tache. Quoi  de  plus  touchant  ,  que 
celle  ou  d  lui  dit  (27")  :  «  Je  n'ai  ose 
»  demander  à  INI.  l'ambassadeur  si 
»  vous  pensiez  un  peu  au  bon  Dieu 
»  et  j'ai  eu  peur  que  la  ré[)onse  ne 
M  fùl  pas  telle  que  je  l'aurois  soidiai- 
»  lé  :  mais  enfin,  je  veux  me  flatter 
»  que  ,  faisant  votre  possible  pour 
»  (ievcnir  un  parfait  honnête  liom- 
»  me ,  vous  concevrez  qu'on  ne  le 
»  peut  être  sans  rendre  à  Dieu  ce 
»  (pi'on  lui  doit.  Vous  connoisscz  la 
»  rclij^iou  :  je  puis  même  dire  que 
»  vous  la  connoisscz  belle  et  noble 
»  comme  elle  est ,   et  il  n'est  pas 

M  possible  (pie  vous  ne  l'aimiez 

»  Pour  moi ,  plus  je  vais  en  avant , 
»  plus  je  trouve  qu'il  n'y  a  rien  de 
»  si  doux  au  monde  que  le  repos  de 
»  la  conscience,  et  do  regarder  Dieu 
»  comme  un  père  qui  ne  nous  nian- 
»  tpiera  pas  dans  tous  nos. besoins. 
»  iNI.  liespréaux,  que  vous  aime/, 
»  tant  ,  est  plus  que  jamais  dans  ces 
M  sentiments, etc.,  etc.  »  Les  lettres 
de  Racine  à  ses  amis  sont  naturelles, 
faciles,  élégantes.  Il  y  a  parfois  des 
traits  de  force.  En  voici  un  ,  à  |)ro- 
j>os  de  la  mort  de  M.  de  Siiiit- 
Laurent,  précepteur  du  duc  de  (îhar- 
trcs  ,  qui  fut  dejuiis  Régent.  «  Il  a 
»  été  emporte,  «lit-il  (u8j  ,  d'un 
«  seul  accès  de  colique  néphrétique. 
»  Je  ne  crois  pas,  qu'excepté  IMa- 
»  DAME  ,  on  en  soit  fort  allligé  au 
»  Palais-Royal  :  les  voilà  débarras- 
»  ses  d'un  homme  de  bien.  »  On  ne 
peut  se  dispenser,  en  lisant  ce  qui 
nous  est  reste  de  cette  correspon- 
dance de  Racine  avec  sa  famille  et 


(i5)  Ld  alicés  au  fuie 

(a(j;  A  prupu*  des  crilicjaes  li'Andron 


(17^  ».i  juillet  iC>i)H. 

(38)  LcUre  à  Builcau ,  4  août  1687 . 


RAG 

avec  ses  meilleurs  amis  ,  de  remar- 
quer combien  le  ton  en  est  généra- 
lement peu  familier.  Dans  un  volu- 
me entier  de  lettres ,  on  ne  trouve 
pas  une  seule  trace  de  tutoiement. 
L'amitié  alors  était  grave  :  elle  sem- 
blait un  devoir  plus  encore  qu'un 
plaisir.  P«.acine  eut  pour  amis  les 
écrivains  les  plus  célèbres  de  son 
temps  ,  Bourdaloue  ,  La  Briîycre , 
Rainn,  Bouliours,  Èernier,  Nicole, 
La  Fontaine ,  Boileau  ,  etc. ,  etc.  On 
ret;relte  de  ne  jiouvoir  aussi  nommer 
IMoiière.  Il  n'est  que  trop  vrai  qu'il 
rendit  à  Racine,  dans  les  commen- 
cements de  leur  liaison  ,  des  servi- 
ces qui  semblaient  devoir  en  assurer 
la  durée;  que  cependant  elle  dura 
peu  ,  et  que  Racine  eut  les  premiers 
torts,  qui  amenèrent  une  rupture,  en 
retirant  son  Alexandre  du  théâtre 
de  Molière,  pour  le  donner  à  l'hôlel 
de  Bourgogne.'Mais  ces  torts  étaient, 
ils  bien  sérieux  ?  Si  Molière,  direc- 
teur de  comédie,  pouvait  les  juger  tels, 
Molière  ,  auteur  dramatique,  n'au- 
rait-il pas  dû  les  excuser  ?  Au  reste, 
ce  refroidissement  jieu  raisonna- 
ble de  l'une  et  de  l'autre  part,  ne  dé- 
généra jamais  en  hostilité  ,  ni  même 
en  secrète  inimitié.  Racine  et  Mo- 
lière s'estimèrent  toujours.  Noble- 
ment armés  l'un  pour  l'autre  ,  Raci- 
ne défendit  le  Misanthrope ,  et  Mo- 
lière, les  Plaideurs  (?.9),  contre  un 
public  ignorant  ou  prévenu.  Les  hom- 
mes supérieurs,  même  sans  être  unis, 
serendent  réciproquement  justice  :  la 
médiocrité  seule  est  jalouse.  Cette  vé- 
rité sullirait  pour  justifier  Corneille 
et  Racine  du  soupçon  de  jalousie  mu- 
tuelle, dont  on  a  osé  flétrir  leur  mé- 
moire. Ajoutons  seulement,  en  ce  qui 
regarde  Racine  ,  qu'il  avait  un  trop 


(aç))  «  Ceux  f|ui  se  moquent  des   P Laideurs  (  di- 
»  lait  il),  inéiiteraicut  qu'où  se  moquât  d'eux,  >■ 


RAC 


SOQ 


grand  génie  pour  ne  pas  sentir  toute 
la  grandeur  de  celui  de  Corneille , 
et  qu'il  l'a  loué  trop  éloqucmment 
pour  qu'on  pût  l'accuser  de  n^être 
pas  sincère,  llnefaut  pas  ,  dira-t-on, 
prendre  toujours  au  mot  les  éloges 
académiques  :  soit  ;  mais  si  l'on  peut 
croire  que  Racine  ,  ayant  à  louer  pu- 
bhquement  Pierre  Corneille  mort,  le 
jourde  la  réception  (et  par  conséquent 
eu  présence  )  de  Thomas  Corneille, 
son  frère  et  son  successeur  (3o),  ne 
pouvait,  sans  manquer  à  toutes  les 
convenances,  se  dispenser  d'exalter 
son  mérite;  du  moins  ne  saurait-on 
récuser  l'éloge volontaiiequ'il  faisait 
de  lui  en  particulier  ,  dans  ses  con- 
versations avec  son  fils  ,  où,  déve- 
loppant à  celui-ci  les  beautés  du 
Cid  et  à' FI  or  ace  ,  illui  disait  : 
«  Corneille  fait  des  \cis  cent  fois 
«  plus  beaux  que  les  miens.  »  On 
a  fait  à  Racine  un  reproche  plus 
grave,  et  dont  il  est  plusdilïicilede 
le  justifier.  Nicole,  dans  une  répon- 
se au  visionnaire  Desinarets  (3i), 
avait  traité  les  poètes  dramatiques 
à' empoisonneurs  publics  et  de  s^ens 
liorribles  aux  yeux  des  Chrétiens, 
Cette  injure  grossière  et  blâmable  , 
même  à  l'égard  de  Desrnarcts,  ne 
pouvait  assurément  regarder  en  au- 
cune façon  le  jeune  auteur  àks  Frè- 
res ennemis  et  à' Alexandre.  Il  se 
l'appliqua  cependant,  et  publia  con- 
tre Port-Royal  ,  contre  ses  anciens 
maîtres ,  cotte  fameuseleitrc,  J.  Van- 
teur  des  hérésies  imaginaires ,  qu'il 
eut  le  malheur  d'écrire  avec  un  ta- 
lent digne  de  Pascal  Çèi).  «  Les  Mo- 


(3o)  Disnoii'.  ■;  |ironoiiC(;  à  racadc'mie  fi  iirai-e  ,  le 
9.  janvier  i6S5  ,  à  la  réception  de  MM.  Coiueille  et 
Tiergcret.  Kaoine  le  lut  au  roi ,  qui  lui  dit  :  <  Je  le 
«  louerais  davaiilage,  si  je  n'y  étals  pas  tant  loué.  » 

(3  i)  Desiuarets  de  Saiat-Sorlin ,  auteur  de  la  co- 
médie des  Visioniiaiies, 

(3^)  C'était  au  cimiueucement  de  iGGG;  PvacLne 
avait  vingt-sej)t  ans. 


5 10  RAC 

»  linistcs ,  dit  J.-B.  Rarine ,  y  batli- 
j)  ront  tics  uiains,  et  furent  charmes 
»  d'avoir  enfin  trouve  ce  qu'ils  clicr- 
»  chaicnt  depuis   long-temps  et   si 
»  inutilement , c'est-à-dire, un  liom- 
»  me  dont  ils  pussent  opposer  la  j>!u- 
»  me  a  celle  de  l'auteur  des  Pnn'in- 
»  ciales.  »  Provoque  par  deux   ré- 
ponds très  vives   de  Dubois  et  de 
Birbier-d'Aucourt, Racine  allait  re- 
plitpier  par  la  publication  d'une  se- 
conde lettre  plus  piquante  encore 
que   la   première.    Les  conseils  de 
lioilcaij ,  ou  plutôt  son  bon  naturel 
et  lcref;ret  d'.ivoir  manque  aux  ins- 
titui.eurs  de  va  jruncsse,  le  décidè- 
rent à  ne  point  l'imprimer  (31^)  :  il 
retira  même  tous  les  exemplaires  de 
la  première  qu'il  put  trouver.  11  avait 
commis  une  jurande  faute  sans  doute: 
mais  combien  la  réparation  fut  plus 
cramle  encoie!  De  tpiel  respect,  de 
quel  attend ri.sseraent  ne  se  sent-on 
point  saisi ,  cpiand  on  se  représente 
Bacine  ,  se  faisant  conduire  par  Boi- 
Icau,  fiiez  Arnauld  ,  et  se  précipitant 
aux  pietls  de  celui-ci,  en  présence 
de  vingt  témoins;  Arnauld  se  jetant 
à  son  tour  aux  pieils  de  Racine  ,  et 
tous  deux  s'embrassaiit  en  fières,en 
amis  ,  en  cbréticns  !  Le  souvenir  de 
cette  faute   pesait  encore   sur  son 
C(eiu  Ionf;-temps  apris.  L'abbcTal- 
lemants'avisaut  un  jour  de  la  lui  re- 
procher en  pleine  académie  :  «  Oui  ^ 
V  Monteur ,   lui   répondit   Piacine, 
y»  avec   une    noble    humilité,    vous 
»  ai>ez  raison;  c'est  l'endroit  le  plus 
»  honteux  de  ma  vie,  et  je  donne- 
»  rois  tout  mon  sans;  pour  l'ejja^ 
»  cer.  »  Ces  faits  rcjondentsuflisain- 
nient  aux  biographes  inconsidérés, 
malveillants  ou  mal  instruits  (34), 


^3^)    8^.11   CI; 


^rit  1^  ffi*  iiif   r<-A4»lutiQli: 


ayaiit   ttc  lruuv<.'C    eu    inaouM  rit  d.aii>    le*    papicis 

dr  rahljc- Du|iiii,  parent  et  ati.idf  haciue,  eui7ir), 

elle  fut  alor»  livn-c  i  l'iiupreision  \m\it  la  i'*.  fou. 

(3.i)  Luucau  ,  le  Dictionnaire  hiloritjue ,  etc. 


RAC 

qui  ont  accuse  Racine  d'avoir  eu  un 
amour-propre  excessif.  S'il  eût  eu 
ce  défaut,  aurait-il  c'tc  si  docile  à  la 
critique?  Aurait-il,  sans  le  remer- 
cier il  est  vrai,  mais  aussi  sans  so 
f.îcher,  suivi  jusqu'aux  conseils  de 
Subligny  (35)  ?   Parmi  les  auleurs 
dramatiques  de  nos  jours   les    plus 
modestes,  combien  y  eu  at  il   (|ui       I 
prolitassent  des  avis  donnes   dans       I 
une  parodie?  iNe  serait-ce  point   .'i 
nue  petite  lancune  de  Baron,  que 
Racine  a  dû  cette  accusation  de  va- 
nité? On  sait  que  ce  comédien  insis- 
tant un  jour,  sans  aucune  es|)èce  de 
mesure,  aujirès  de  Hacine,  sur  quel- 
ques obserAatio'is  concernant  un  de 
ses  rôles  :  «  Iiaton,\in  d;t  le  pucte, 
»  je  vous  ai  fait  venir  pour  vous 
»  donner  des  instructions ,   et  non 
»  pour  en  recevoir  ;  »  et  l'on  sait 
aussi  que  Messieurs  les  come'diens 
sont  sujets  à  prendre  pour  un  amour- 
propre   excessif  ,   la    dignité    d'un 
homme  de  lettres  qui  sait  g.irder  son 
ranp.  —  Racine  était  naturellement 
mélancolique  avec  Ini-mème,  (pioi- 
que  fort  doux  avec  les  autres.   11 
avait   l'ame  tendre;   il  recherchait 
les  émotions  tristes  ou  religieuses  , 
plutôt  que  celles  de  la  joie.  Il  était 
généreux  ,  et  savait  se  conserver  les 
moyens  i\i-    l'être,    par    beaucoup 
d'ordre  et  d'économie.  Il  aidait  de 
ses    secours   beaucoup    de    parents 
éloignés;  il  avait  un  soin  tout  filial 
de  sa  nourrice,  et  ne  l'oublia  point 
dans  son  testament.  Parmi  les  amis 
qu'il  s'était  faits  dans  le  inonde,  un 
de  ceux  qui  lui  paraissaient  le  plus 
attachés, c'était  le  chevalier  de  Poi- 
gnant, si  connu  par  son  duel  avec 
son  ami  Lafontaine.   Poignant  an- 
nonça  long  temps  d'avanre  qu'il  le 
ferait  son  héritier,  et  il  tint  parole. 

(3  j)  Auteur  de  la   h'uUe    Qui  relie  ,   i  oiiicdie  pa- 
ruoie  d'Andromar/ue ,  Paris,  ititiS,  iii-12. 


RAG 

Mais,  h  sa  mort ,  tout  le  Lien  se 
trouva  mange.  Racine  n'en  acquitta 
pas  moins  avec  zèle  et  reconnaissan- 
ce les  frais  de  maladie  et  de  sepullurc 
du  magnifique  testateur.  Nul  ne  fut 
meilleur  époux  et  ])lus  tendre  père. 
L'éducation  cbrèlienne  de  ses  en- 
fants était  sa  grande  aflaire.  Il  faisait 
chaque  jour  la  prière  en  commun 
avec  sa  femme ,  ses  enfants  et  ses  do- 
mesti((ucs.  Il  leur  lisait  et  leur  ex- 
pliquait l'Évangile.  Dans  les  dis  der- 
nières années  de  sa  vie,  tous  ses  plai- 
sirs, tout  son  bonheur,  étaient  con- 
centrés dans  ses  afl'eclions  domesti- 
ques. Il  n'allait  même  plus  à  la  cour, 
que  pour  les  devoirs  de  sa  charge  et 
pour  les  inte'rèts  de  sa  famille  :  et  ce- 
pendant, combien  n»avait-il  pas  de 
moyens  d'y  plaire  et  de  s'y  faire  ai- 
mer; une  belle  et  noble  figure,  des 
manières  gracieuses,  tous  les  char- 
mes de  l'esprit,  tout  l'éclat  delà  re- 
nommée ,  unis  à  l'art  heureux  de  les 
faire  oublier  I  Soixante  ans  après  les 
représentations  d'Esther,  à  Saint- 
Cyr ,  les  dames  qui  en  avaient  été  té- 
moins, parlaient  encore  de  lui  avec 
attendrissement,  et  disaient  à  Louis 
Racine  :  «  f^ous  êtes  fils  d'un  hoiii- 
»  me  qui  m'ait  un  grand  génie  et 
»  une  grande  simplicité.  »  Il  avait, 
en  effet,  enchanté  tout  le  monde,  plus 
encore  par  l'aménité  et  la  grâce  des 
instructions  qu'il  donnait  aux  jeunes 
demoiselles  de  Saint- Cyr,  que  par 
son  talent  même  pour  la  déclama- 
tion ;  et  ce  talent ,  il  le  possédait  au 
plus  haut  degré.  Aucun  homme  de 
son  temps  ne  lisait  et  ne  récitait 
mieux  que  lui. Un  jour,  chez  Boileau, 
dans  sa  maison  d'Auteuil  ,  lisant  et 
traduisant  d'abondance  V  OEdipe  de 
Sophocle,  il  fit  verser  des  larmes  à 
tous  les  assistants.  Il  enseigna  à  Ba- 
ron et  à  La  Champmêlé  un  système 
de  déclamation  plus  conforme  à  la 


RAC  DU 

nature  et  an  bon  goût  ,  on  ,   pour 
mieux  dire,  il  leur  apprit  h  parler 
et  non  à  déclamer.  —  Comment  un 
homme  doué  de  tant  de  qualités  na- 
turelles ou  acquises  a-t-il  eu  des 
ennemis?  Cette  question  pourrait  pa- 
raître  par    trop   ingénue  ;  et   nous 
ne  la  ferons  point.  Mais  comment 
ces  inimitiés  lui  ont -elles  survécu 
pendant  plus  d'un  demi-siècle?  C'est 
ce  qu'on  ric  peut  guère  expliquer  que 
par  l'extrême  influence  de  Fonlenelle 
sur  la  littérature  du  siècle  dernier. 
Fontenelle,  neveu  de  Corneille  ,  et, 
à  ce  titre ,  disposé  à  défendre  et  à 
maintenir    la   prééminence  de   son 
oncle  sur  ses  rivaux,  fût-ce  aux  dé- 
pens de  la  justice  et  de  la  vérité  ; 
Fontenelle  haïssait  personnellement 
Racine,  depuis  l'épigrarame  qui  avait 
immortalisé  sa  tragédie  à'Aspar.  Sa 
rancune  dura  soixante  ans  (  cela  est 
un  peu  long  pour  un  phUosophe  )  : 
elle  lui  inspira  cette  odieuse  et  ab- 
surde épigramme  où  l'auteur  à^ Es- 
theresl  traité  de  suppôt  de  Lucifer. 
Elle  se  manifesta  de  toutes  les  ma- 
nières et  dans  toutes  les  occasions , 
sans  se  lasser  jamais  ,  et  sans  avoir 
à  craindre  la  férule  de  Boileau  qui 
n'était  plus  :  enfin  elle  parvint  à  re- 
tarder,  pour  Racine ,  le  jour  de  la 
justice.  Grâces  soit  rendues  à  Vol- 
taire, qui  s'indigna  de  cette  iniquité, 
et  qui ,  tant  que  la  passion  de  l'irré- 
ligion ne  vint  pas  fasciner  ses  yeux 
et  fausser  son  goût  exquis  ,  proclama 
dans  tous  ses  écrits,  comme  dans  tous 
ses  entretiens,  l'inimitablepertéction 
de  Racine.  Si  Racine  n'a  pas,  comme 
Corneille,  joui,  de  son  vivant,  de  tout 
l'éclat  de  sa   gloire,   il  faut  plain- 
dre ses  contemporains.  Pour  lui ,  il 
s'était  depuis  long  -  temps  consolé, 
dans  le  sein  de  Dieu,  de  l'injustice 
des  hommes.  Il  poussait  l'indifféren- 
ce pour  ses  ouvrages  jusqu'à  refuser 


jii  RAC 

de  revoir  les  éditions  qu'en  faisaient 
les  libraires;  et  rautiunle  tant  de 
clitfs -d'œuvre,    unitiiiciiiont  orm- 
ne ,  en  mourant ,  de  riiiinioi  talilc  de 
son  aine,  ne  sonj^ca  pas  même  à  cel- 
le de  son  nom.  Si  lin,  tjui  eut  lieu 
le  ri  avril  iO()(),  fut  douloureuse  ,  et 
d'une  intrépidité  tonte  cliretiennc. 
11  voulut  être  enterre  à  Port-Royal, 
aux  pieds  du  docttvu-  Ilamon   (  r. 
ce  nom  ) ,  afin  de  n'être  plus  sépare, 
même  par  la  mort ,  de  ses   anciens 
instituteurs.  Après  la  destruction  de 
ce  monastère,  on   transporta    (  en 
i"- 1  O  SCS  restes  à  Paris,  dans  l'cj;li- 
se  de  Saint-Éliennc-.lu-Mout ,  où  ils 
furent  places  à  cote  de  Pascal.   Le 
inarLrc  tumulairc  de  celui-ci,  enlevé 
en  i'y3  ,  par  les  violateurs  des  tom- 
beaux, a    cte  relal)li  à  la  restaura- 
tion. La  tombe  de  Racine,  beaucoup 
moins  apparente,  déposée,  depuis 
long-temps  ,  dans  une  enlise  de  vd- 
lage  (à  Magni-Lessart^,  y  fut  retrou- 
vée en    1808,   et   fut   rapportée  à 
Saint  Etienne  du-Mont  ,  le  il  avril 
1818   (  Voyez  la    Quolùliennc   du 
'j»3   avril  de  la  même  année  ).  Son 
cpitajtlic,  composée  par  Roileau  , 
fait   peut  -  être  su-.iriie  de  pitié  nos 
soi-disant  philosophes    3<3^  ;  elle  se 
termine  ainsi  :  «  0  toi  I  qui  que  tu 
»  sois,  que  la  pictc  attire  on  ce  saint 
»  lieu  ,  plains  ,  dans  un  si  excellent 
M  homme,  la  triste  destinée  de  tous 
V  \vs  mortels;  et,  quelque  grande 
»  idée  (pie  puisse  te  donner  de  lui  sa 
»  rcpuiatiou,  souviens  -  toi  que  ce 
»  sont  des  prières,  et  non  pas  de 
»  vains  cloî;es  ,  qu'il  te  dcroaudc.  » 
Outre  les  ouviaqts  dont  nous  avons 


^(6    l.r  lutr  J<-  <<tl'  ■■■'■ 

dau  le»  Mem.ulr'   d.     I  •    " 

yrrr  ;  «-llr  c<t  m'-m''  "i  '  '"" 

lair«     |H<ur  r-Toi.  ■    i   ■  i   >■<  'l'rtlicr 

di.D»l<»tH-uvrc«.;  i>  M.Sj.lut  Marc, 
ou  luirox  «KTori-  •  Il  de  VUix.',  lSa3  , 
doiuicc  |ur  M.Saiiil-SuMii. 


RAC 

parlé  dans  le  cours  de  cette  Notice , 
il  en  est  encore  quelques-uns  qu'il  ne 
nous  est  pas  permis  de  passer  sous 
silence  ;  de  ce  nombre  sont  :  I.  h\^- 
hit-fié  de  l'liist(  ire  de  Poit-Fiornl, 
composé  en  iO()3.  C'est  àla  fois  un 
monument  de  la  reconnaissance  de 
Racine  pour  cette  maison,   et  une 
preuve  de  plus  de  sou  talent  pour 
écrire  l'histoire.  Boilean  le  nj^ardait 
coMîme  un  morceau  de  beaucoup  de 
mérite;  toutefois  iî  est  aujourd'hui 
peu  lu.  II.  Les  (.iintiqiies  sniriliicls  , 
composés  pour  la  maison  de  Sainl- 
Cyr,  eu  \0\)\  ;  c'e>t  la  dernière  pro- 
duction poétique  de  Racine  :  c'est  le 
chant  du  cvgnc.  Ils  sont  remplis  de 
grâce  et   d'onction  ;    Fénélou    n''cn 
parlait  qu'am-c    enthousiasme.   Le 
sujet  du   troisième  Cantique  est   l.i 
l'iainle  d'un  dirtlien  niv  les  f<>ii- 
trarietés  qu'il  épruuvc  au  -  dedans 
de  lui-même. 

m  Mon  nirii!  qiirllp  |;ncrrc  rrnel'c  ! 

■  Jr  Irtiiivr  clfiii  Itoiiiiue^  m  iiKii. 

■  I.'iiii  v<iit  q«if,  j)lii"  il'niiiiiiir  |>uur  toi  , 
.  .'Nfon  rmirir  «..il  louioiir»  fldMr; 

>  I  '.mire.    .  te  Ti.luitf»  iclirllt- , 
•  lUe  rrvultf  coutre  la  lui.  > 

On  dit  qu'à  cette  strophe  le  roi  s'é- 
cria :  /  'oilà  deux  hom  mes  (jueje  con- 
nais bien.  —  Les  Discours  acadé- 
miques qui  nous  restent  de  Racine 
ye  réduisent  à  deux  :  l'un,  que  nous 
avons  déjà  cité,  pour  la  icfception 
de  Thomas  Corneille;  l'aulri',  pour 
la  réception  de  l'abbé  Colbert.  Il  est 
à  rcntarquer  que  cet  abbé  Colbert  , 
reçu  (le  l'académie  à  l'âge  de  viugl- 
q-!alrc  ans ,  ayant  eu  à  haranguer  le 
roi,  quelque  tcjups  après,  au  nom 
du  clergé  (en  iG85),  pria  Racine 
de  lui  faire  sa  haiangue  :  aus.-i  se 
tronvc-t-clle  dans  les  OKuvres  de  ce 
poète.  Quant  au  Discours  que  pronon- 
ça Rarine  pour  sa  propre  réception, 
il  n'a  jamais  été  imprimé;  il  paraît  | 
qu'U  avait  eu  peu  de  succès ,  et  que     ' 


RAC  "^ 

Flcchier,  reçu  le  même  jour  que  lui 
(  le  12  janvier  1673  ) ,  avait  eu  tous 
les  honneurs  de  la  journée.  Racine 
eut  de  quoi  se  consoler  de  ce  petit 
c'clicc,  dans  la  même  semaine  ,  par 
le  succès  de  sa  tragediede  Millinda- 
te.  —  Tout  a  clé  dit  sur  les  ouvrages 
et  le  talent  de  Racine.  On  proposait 
un  jour  k  Voltaire  île  faire  un  com- 
mentaire de  ce  grand  poète,  comme 
il  en  avait  fait  un  de  Corneille.  «  Il 
»  ny  a,  reponditil,   qu'à  mettre 
»  au  bas  de  toutes  les  pages  :  beau , 
»  pathétique  ,    harmonieux  ,   ad- 
»  mirable ,  sublime  !   »  Cette  re'- 
ponse ,    ou  (    si    l'on    veut  )   cette 
saillie  ,  n'a  pas  empêché  une  foule 
d'écrivains  plus    ou  moins   rccom- 
niandables  ,  de  commenter  Racine; 
et  leurs  travaux  sont  loin   d'avoir 
été   inutiles.   Quoi  de   plus  propre 
à  arrêter  les  progrès  du   mauvais 
goût  que  de  faire  sentir  tout  le  char- 
me du  bon?  Quelle  meilleure  répon- 
se aux  novateurs  ,  aux  romantiques, 
aux  ])eintrcs  de  la  nature  brute,  que 
le  dévcloppenientdcs  beautés  de  l'art 
porté  à  sa  plus  haute   perfection? 
Or,  telle  est  la  perfection  de  Racine, 
qu'il  n'y  a  peut-être  pas,  dans  toutes 
ses  pièces,  nous  ne  disons  point  une 
seule  scène  ,  mais  un  seul  vers  qui 
puisse  être  remplacé  par  un  autre. 
Tout  y  est  juste  et  vrai;  tout  y  est 
rempli  de  cette  poésie  d'images  et  de 
sentiments,  de  cette  élégance  conti- 
nue, que,  depuis  les  Grecs,  Virgile 
et  lui  ont  seuls  possédée,  et  qui  est 
d'autant  plus  admirable  dans  Raci- 
ne ,  qu'il  avait  pour  instrument  une 
langue  moins  riche,  moins  harmo- 
nieuse, moins  flexible  et  bien  plus 
timide  que   celle  de  Virgile.   C'est 
surtout  dans  Esther,  dans  Alhalie^ 
et  parliculièrement  dans  les  chœurs 
de  ces  deux  tragédies  ,  qu'appuyé 
sur  le  plus  sublime  des  modèles ,  il 

XXXVI.  • 


RAC  5i3 

est   presque   toujours   sublime  lui- 
même.  C'est  là  que  Racine  a  toute 
l'élévation  d'un  prophète  hébreu  , 
qui  ,    cmpruataut   et    embellis.-ant 
notre  langue,  viendrait  nous  annon- 
cer des   vérités   divines   dans    des 
vers  presque  divins.  Mais  ce  qui  ca- 
ractérise   principalement    Racine  , 
c'est  l'union  complète,  et  peut-être 
imique,  de  deux  qualités  qui  semblent 
incompatibles  ,  de  l'imagination  la 
plus  luillantc  et  de  la  raison  la  plus 
parfaite  qui  fût  jamais  ,  de  la  sensi- 
bilitélaplus  exquise  avec  le  bon  sens 
le  plus  invariable.  La  raison  en  ef- 
fet ,  autant  et  plus  encore  peut-être 
que  l'imagination,  domine  dans  la 
conception  de  ses  œuvres  les  plus 
touchantes  ,  dans  l'exécution  de  ses 
scènes  les  plus  dramatiques  ,  dans  le 
choix  même  de  ses  expressions  les 
plus  riches  ,  de  ses  fours  les  plus  el- 
liptiques ,  de  ses  alliances  de  mots 
les  plus  hardies.  Boileau  ,  ({ue  plu- 
sieurs   critiques    ont   surnommé    le 
poète  de  la  raison  ,  Boileau  lui-mê- 
me n'est  pas  ,  sous  ce  point  de  vue  , 
supérieur  à  Racine  :  et,   d'ailleurs, 
cette  qualité  noiis  étonne  moins  en 
lui ,  parce  qu'elle  est  accompagnée 
d'une  imagination  beaucoup  moins 
vive.  On  a  souvent  proclamé  Racine 
le  plus  gr.iud  des  poètes  français  :  il 
faudrait  aussi  le  proclamer  le  plus 
raisonnable  ;  ou  plutôt ,  n'est-ce  pas 
précisément  parce  qu'il  a  été  le  plus 
raisonnable, qu'il  a  étéle  plus  grand  .-* 
—  Indépendamment  des  ouvrages  ci- 
tés dans  le  cours  de  cet  article,  on 
attribue  à  Racine  la  traduction   (au 
moins  poiu-  un  tiers  )  du  Banquet  de 
Platon,  publiée  par  d'Olivet,  Paris, 
1  t32,  in- 1  •! .  Le  reste  de  celte  traduc- 
tion est  de  M™*^.  de  Rochcchouarî, 
abbesse  de  Fontevrauld.   Quelques 
passages  de  la  correspondance  de  Ra- 
cine avec  Boileau  donnent  lieu   de 
33 


5i4  HAC 

croire  qa'il  est  l'aotcur  de  l'iTp/a/jAe 
du  chancelier  Letellier  cl  de  relie  <fe 
M"^.  d^  Z«/noJi,'nor;(37\  pièces  que 
Pigaiiiol  a  insérées  dans  sa  Descrip- 
tion de  Pans.  \J Abrégé  de  l'histoire 
de  Port-Boy  al,  compose  vers  1 6ç)5 , 
et,  même,  dit -on,  à  la  sollicita- 
lion  de  rarelievè(jiiede  Paris,  ne  fut 
imprime  en  entier  qu'eu  17()7:  la  pre- 
mière partie  seulement  avait  paru  en 
1  "4^.  L'édition  la  plus  complète  dos 
ÔfAivres  de  Karine  est  cille  que  M. 
Aime  Martin  a  publiée  en  6  vol. ,  in- 
8". ,  Paris,  Lefèvrc,  i8-»o,  réimpri- 
mée en    i8ia.  La  correspondance 
avec  Boilcau  y  comprend  5o lettres, 
tandis  que  les  éditions  précédentes 
n'en  contenaient  que  47  ot  avec  beau- 
coupdelarunes.Lesnlitionsdu  Théâ- 
tre sont  innombrables  :  nous  indi- 
querons sculeîuent  celle  de  15 "doni  , 
iHi3  ,  3  vol.  inful.  ;  et  celle  de  P. 
Didol  l'aîné,  an  i\  (  i8oi-o5  ),  3 
vol.  in-fol. ,  le  livre  le  plus  magnifi- 
que que  la  iypoj;rapbie  d'aucun  pays 
ail  encore  produit.  Nous  avons  parle 
des  Commentaires,  not.  i  o  ci-dcisus. 
Son  éloge  lut  mis  au  concours  ,  en 
II"!,  par  l'académie  de  IMatseillc 
(  r.  Laharpe,  XXIII,  187  ;.  Sun 
portrait ,  gravé  par  A.  Picrron  ,  d'a- 
près le  tableau  original  (  par  J.  B. 
Sanlerrc)  conservé  chez  M.  de  Nan- 
rois  (  arrière  netit-lils  de  J.  Racine  ) , 
est  joint  à  l'édition  de  ses  OEuvres  , 
donncf  en   1H07,  par  G.  Garnier , 
en  '^  vol.  ,  in  8".  ,  avec  le  commen- 
taire de  Laharpe.  Ce  même  portrait 
avait  été  gravé  in-fol.,  par  Kdelinck, 
en  i(3()9.  R — R- 

RACINE  (Louis)  le  second  fds 
du  poète  le  plus  parfait  dont  s'hono- 
re la  scène  française ,  s'est  montré 
digne  de  cette  illustie  origine.  11  na- 
quit à  Paris,  le  6  novembre   169-2. 

(ij)  Lettres  du  agiuiUetet  du  t,  août  1G8-. 


RAC 

Son  père  se  plut  à  former  son  enfan- 
ce, et,  peu  de  temps  avant  sa  mort , 
le  recommanda  aux  soins  de  Rollin  , 
alors  principal  du  collège  de  Beau- 
vais.  11  fut  dirigé  dans  ses  études  par 
cet  habile  maître  ,  et  par  Mésenguy  , 
dont  les  conseils  le  fortifiaient  dans 
les  principes  de  sagesse  et  de  pioié 
qu'il  avait  puisés  dans   sa   famille. 
Le  jeune  Racine  faisait  des  vers  à 
l'insu  de  sa  mèi c  ,  jnévenue  contre  la 
poésie;  lîoileau  qu'il  consulta  surses 
premiers  essais,  voulut  le  dclouriur 
ducoinmerce  des  Muses.  «Depuis  que 
le  monde  est  monde,  lui  dit-il  ,  on 
n'a  point  vu  de  grand  poète  lil.^  d'un 
grand  poète;  et  d'ailleurs  vous  de- 
vez savoir  ,  mieux  que  personne  ,  à 
quelle  furtime  cette  gloire  peut  con- 
duire. »  Mais  les  remontrances  furent 
inutiles.  Au  scjlirdu  collège,  il  ètu- 
dialedroil,  et  se  fit  recevoir  avocat. 
Ne  se  sentant  aucun  goût  pour  celte 
profession  ,  il  piit  l'habit  ecclésiasti- 
que,et  passa  quelque  temps,  comme 
pensionnaire,  dans  la  congrégation 
de  l'Oratoire.  Pendant  trois  ans  (pi'il 
habita  la  maison  dcNoIre-Damedes- 
Verlus  ,  il  composa  le  ])0(nic  de  la 
Grâce.  Les  lectures   qu'il   en  lit  à 
quelques  personnes  ,  révélèrent  son       I 
talent  pour  les  vers  ,  et  on  l'engagea       | 
de  s'appliquer  à  la  Tragédie.  l'eut- 
être ,  dit-il,  me  serais  je  laisse  sé- 
duire (  I  )  et  aurais-je  eu  la  témérité       i 
de  vouloir  approcher  du  Théâtre,  si       ' 
des  atnis  plus  sincères  ne  m'tn  eus-       j 
sent  détourné ,  en  me  représentant       \ 


(t)  Racine  te  wntait  pniiMe  malf;rr  lui  daUH  la 
carriJ-n-  que  ton  pire  a  r'  ndiir  «i  diflTu  ile.  »  Lii  gloi- 
re d'itrr  |x>i  te  tragique,  dit-il,  m'a  tinti',  Ji  ma 
»<-nlai>  capabir  dr  l^irt-  ronniir  un  autrr  dr  erg  pi<:- 
cr>  qui  u<-  demaudeirt  pas  un  grand  cfl'nrt  de  g<'iiie, 
rt  qui  cepcudaul,  à  cau-e  tir  Irur  ijuu\('aute,  rap- 
p>jit/-iit  -1  l'autrur  beaucoup  d'applaudiurinentidau* 
quelques  repré»eiilaliou«  ,  avec  de»  eiiii)luiiicnl«; 
mais  je  n'eu  voulais  f.iire  que  d'ocelltnle»  :  m<in 
ambition  fut  niun  aalut.  Ayant  toujoura  devant  le> 
yeui  roc J'/J*  de  Sopboclc ,  et  Athiilic,  je  u'euija» 
mail  la  faaiuieMc  de  c<Jinmcocer  une  scirno.  >i 


RAG 

los  {grandes  diflicultcs  du  pocme  dra- 
matique (  Avertissement  sur  Vépitre 
à  Falincour  ).  Le  chancelier  d'A- 
giiesseaii  le  pressa  de  venir  partager 
son  exil  de  Fresnes;  Racine  passa  dans 
cette  agréable  retraite  les  moments 
qu'il  regardait  comme  les  plus  heu- 
reux de  sa  vie  ,  et  ne  revint  à  Paris 
qu'avec  son  illustre  protecteur.  Sa 
réputation,  et  la  mémoire  de  son  pè- 
re ,  lui  firent  ouvrir,  en  17  19,  les 
portes  de  l'académie  des  Inscrip- 
tions ;  et,  peu  de  temps  après,  ses 
amis  l'eiigigèrent  à  se  mettre  sur  les 
rangs  ,  pour  une  place  vacante  à  l'a- 
cademic  française.  L'ancien  cvêque 
de  Fréjus  (depuis  cardinal  de  Fleu- 
ry  )  traversa  son  élection.  11  man- 
da Racine  ,  et  lui  promit  une  place 
plus  utile  que  celle  d'académicien  , 
à  laquelle  il  devait  renoncer  pour  le 
moment.  Racine ,  dont  la  fortune 
déjà  très-mediocre  se  trouvait  rédui- 
te à  moitié  par  le  système  (  F.  Law  ), 
se  soumit  aux  volontés  du  prélat ,  et 
partit,  en  l'j'i'x  ,  pour  Marseille, 
avec  le  titre  d'inspecteur-géne'ral  des 
fermes  en  Provence.  Il  passa  succes- 
sivement à  Salins,  à  Moulins,  à  Lyon, 
et  enfin  à  Soissons,  oit  û  demeura 
quinze  ans  ,  et  où  il  se  fit  recevoir, 
à  la  taLie  de  marbre  ,  maître  par- 
ticulier des  eaux-et-forêts  du  duché 
de  Valois.  Tout  en  remplissant  avec 
zèle  des  occupations  si  peu  confor- 
mes à  ses  goûts ,  il  trouvait  encore 
le  loisir  de  cultiver  les  lettres  ;  et, 
presque  chaque  année  ,  il  payait  son 
tribut  à  l'académie  des  inscriptions  , 
par  quelques  Mémoires  qu'il  venait 
y  lire  ,  et  qui  sont  insérés  dans  le 
Recueil  de  cette  société  savante  , 
tom.  vu  à  XV.  Ce  fut  au  milieu  de 
ces  divers  emplois  qu'il  composa 
presque  tous  ses  ouvrages  ;  et,  tan- 
dis que  les  récompenses  et  les  encou- 
ragements étaient  prodigués  à  des  ta- 


RAG  0r5 

lents  médiocres,  l'aulcnr  du  poème 
de  la  Belipon  languissait  oublié 
dans  le  fond  d'une  province.  Pen- 
dant son  séjour  à  Lyon  ,  Racine 
avait  épousé  IM*^''"^.  Presle  ,  fille  d'un 
secrétaire  du  roi:  cette  union,  d'ail- 
leurs assortie,  assura  sa  fortune;  et 
après  avoir  été  vingt-quatre  ans  com- 
mis de  finance  ,  jamais  financier  ,  il 
demanda  sa  retraite,  et  revint  à  Pa- 
ris ,  avec  la  résolution  de  consacrer 
le  leste  de  sa  vie  aux  lettres.  Les  nou- 
velles  éJiîions  qu'il  publia  de  ses  ou- 
vrages ,  ai'crurcnt  bientôt  sa  réputa- 
tion. En  I "Se,  il  se  mit  une  deuxiè- 
me fois  sur  les  rangs  pour  une  pla- 
ce à  l'acailémie  tVançaise;  mais  il 
se  retira,  dans  la  crainte  d'être  enco- 
re exclus  ])ar  la  cour,  comme  soup- 
çonné de  jansénisme.  Admirateur  de 
Milton,  il  avait  appris  l'anglais  pour 
faire  passer  (ians  notre  laiigue  les 
beautés  du  Paradis  perdu.  li  venait 
d'en  terminer  la  traduction  ,  quand 
il  reçut  l'alTrcuse  nouvelle  delà  mort 
de  son  fils  unique,  jeune-homme  de 
la  plus  grande  espérance.  Cet  infor--. 
luné  se  trouvait  sur  la  chaussée  de 
Cadix  ,  et  fut  entraîné  par  les  flots  , 
lors  de  l'inondation  causée  par  le 
tremblement  de  terre  qui  détruisit 
Lisbonne  et  se  fît  ressentir  jusque 
dans  l'Amérique  ('i).  Ce  coup  terri- 
bb-  plongea  Racine  dans  le  désespoir, 
et  peu  s'en  fallut  qu'il  n'y  succom- 
bât. Il  vendit  sa  biblicthèque  et  une 
collection  d'estampes  qu'il  avait  pris 
plaisir  à  former  :  i  énonçant  poui  ja- 
mais à  l'étude,  il  ne  conserva  <[ue 
les  livres  qui  pouvaient  enUctenir  en 
lui  le  goût  de  l'autre  vie,  après  la- 
quelle il  soupirait,  La  seule  distrac- 


(7.)  ("e  déplorable  cve'uement  fournit  m  Ijpfiancde 
Poni|iignan  le  sujet  de  stances  t  ès-toiicliantes  ;  et 
I.ebiuii  a  consaci'é  la  tni  moire  du  fils  de  Louis  Ra- 
cine ,  son  ami ,  dans  les  Jernières  strophes  de  sa  belle 
Ode  sur  les  causes  pliysiques  des  ticmUemeiits  de 
terre. 

33.. 


;i6 


UAC 


tion  qu'il  se  permit, fut  la  culture  des 
(leurs  ,  dans   un  petit  jardia  qu'il 
avait  loue'  au  faubourg  Saint -De- 
nis. 11   V  recevait   quelquefois    ses 
anciens  amis  ,  dont  la  conversation 
avait   le  pouvoir  de  suspendre  ses 
douleurs.  Ce  fut  dans  cette  humble 
retraite  qu'il  accueillit  Delille ,  qui 
desirait  lui  soumettre  sa  traduction 
des    Georgiques  :  «  Je  le  trouvai  , 
dit  Delille ,    dans  un  cabinet  ,    au 
fond  du  jardin,  seul  avec  son  chien, 
qu'il  paraissait  aimer  extrêmement. 
11  me   répéta   plusieurs   fuis  com- 
bien  mou  entreprise  lui  paraissait 
aud.icicusc.  Je  lis  ,  avec  une  gran- 
de timidité,   une  trentaine  de  vers  ; 
il  m'arrête  et  me  dit:   «  Non-seule- 
u  meut  je  ne  vous  détourne  pas  de 
»  votre  projet ,  mais  je  vous  exhor- 
»  te  à  le  poursuivre.  »  J'ai  senti  peu 
de  plaisirs  auisi  vifs  dans  ma  vie. 
Cette  entrevue,   cette  retraite   mo- 
deste, ce  cabinet,  où  ma  jeune  ima- 
cination   croyait   voir   rassemblées 
la   pieté  tendre ,   la    poésie    chaste 
et  religieuse  ,    la  philosophie   sans 
faste  ,    la    paternité    malheureuse 
mais  résignée ,   enfin  le  reste  véné- 
rable  d'une    illustre   famille   prêle 
à  s'éteindre  faute  d'héritiers,  mais 
dont  le  nom  ne  mourra  jamais,  m'ont 
lais>é  une  impression  forte  et  dura- 
ble. »   (  A^.  la  Freface  de  VJIomwe 
des  Champs.  )    Delille  n'est  pas  le 
seul  poète  dont  Racine  ait  encouragé 
les  essais  ;  Lebrun  s'honorait  d'a- 
voir reçu  de  lui  les  premières  leçons 
de  l'art  des  vers  (  f^oy.  Lebrun  , 
XXIII  ,    499  ).    Quelques  atteintes 
d'apoplexie    l'avertirent    de  sa    fin 
prochaine,  à  laquelle  il  se  prépara  eu 
chrétien  ;  et  la  mort  le  frappa  ,  sans 
le  surprendre,  le  29  janvier  17G3. 
Racine  était  d'un  caractère  simple  et 
vrai ,  sans  jalousie  comme  sans  ma- 
lice ,  bon  et  obligeant,  rt  sincère- 


RAC 

ment  modeste.  On  sait  qu'il  se  fit 

f)eindre,  les  OEuvres  de  son  père  a 
a  main ,  et  le  regard  fixé  sur  ce  vers 
de  Phèdre  : 

Et  iiKii,  fils  ioCDDnu  tl'iiD  &i  [t;loTit'UX  pirp. 

Il  était  membre  des  académies  de 
Lyon  ,  de  INLirseille  ,  d'Angers  e(  de 
Toulouse.  Son  ^Zog[e,  parLebeau,est 
inséré  dans  le  tome  xxxi  du  Recueil 
de  l'académie  des  inscriptions.  C'est 
la  source  où  l'on  a  puise  principale- 
ment pour  la  rédaction  de  cet  arti- 
cle ,  qu'on  terminera  par  l'iudica- 
tion  de  ses  ouvrages.  I.  La  Grâce , 
poème,  17.*'?.,  in-iu.  Racine  nous  ap- 
prend que  ce  fut  la  lecture  du  poème 
de  saint  Prospcr  (  f^.  ce  nom\  qui  lui 
donna  l'idée  de  traiter  en  vers  fran- 
çais une  question   agitée  depuis   si 
long-temps  ;  mais  que  son  but  n'était 
pas   de   réveiller  le  souvenir  d'une 
discussion  encore  récente  ,  qu'il  fau- 
drait,  dit-il,  oublier.  Néanmoins  , 
malgré  l'impartialilé  et  la  boniic-foi 
qu'd  crut  y  mettre,  les  traces  de  l'é- 
cole de  Port-Royal  y  percent    trop 
visiblement  (3);  et  l'ouvrage  lui  fit 
quelques  ennemis  dans  le  clergé  (4)  : 
on  Y  aperçoit,  dit  Laharpe,  le  même 
caractère  d'élégance  et  do  pureté  «pic 
dans  le  poème  de  la  Religion  ,  mais 

Cl)  (In  sait  qur  Voltaire  [Poéfirt  tUi'cises)  lui 
adrrMa  iinr]>u'Ccf|ui  cuiuinciicc  ainsi  : 

f'.hrr  Racinr  ,  j'ai  lu,  dans  tes  vers  diilactiqufs  , 
Oc  tun  JaUAcnius  les  du^Dies  faiiallcjucs ; 

Et  qui  le  termine  par  ce  Ters  : 

Et  soyons  de»  thrttieiis,  et  non  pas  des  docteurs. 
On  peut  voir  dans  le  Diclionn.  des  livret  janii- 
niilei ,  III  ,  îi5i-5r),  l'eianieu  de»  pauages  de  ce 
po(-iac  qui  pri'îciit  le  [plus  ù  la  censure. 

^4)  Racine  raconte  (  dansune /.cMre  à  J.-D.  Rous- 
seau )  qui  tant  aile  rendre  visite  i  uu  arcliryiquc, 
re  piel.it  lui  montra  un  cïeniplairc  du  |ioi  ii.e  de 
la  Crdce  ,  dont  plusieurs  endroib  étaient  iDarqui  s 
au  crayon  ;  et  lui  dit  :  «  Ne  croyez  pas  que  ce  soient 
les  lieain  endri'ils  oue  j'ai  ainsi  crayonnés  ;  ce  sont 
vos  Lirrsie».  Voilà' un  ouvraRe  qui  sera  voire  con- 
dacnaatirii,  au  jour  du  juceraeol.  >•  Racine  s'eiciisa 
coramt  il  put ,  ajouUnt  k  que  ne  voulant  )>as  travail- 
ler jKjur  le  th.  âlre  ,  il  ne  s'altadi'-rait  <\m'U  d.  s  su- 
j.-t5  saints.—  Eb  !  tait  |)i»,  s'écria  le  prélat  ;  j'aime- 
rai» mieux  que  von»  riv>«^  <!'■•  comédies.  » 


RAC  RAC                  5!  7 

moins  marque  ;  rien  ne  s'élève  jus-  anglais  ,  en  vers  allemands,  deux 

qu'à  la  grande  poésie.  Il  a  été  traduit  fois  en  vers   italiens,   et  plusieurs 

en  allemand  par  Schaeffer,   et  en  fois  en  vers  latins,  notamment  par 

vers  latins  par   M.   R.   (  Revers  )  ,  Etienne  Bréard  (  F.  ce  nom  ) ,  et  par 

Avignon,  1768,  in-iu.  11.  La.  Re-  l'abbé  Revers  (6),  III.  Des  Odes\û- 

Ztiîion ,  poème.  I/auteur  y  développe  rées  des  Livres  saints  :  on  y  trouve  de 

cette  pensée  de  Pascal ,  qui  en  est,  l'élégance  ct'du  nombre,  s'il  n'y  a 

pourainsi  dire, l'abrégé  :«  A  ceux  qui  pas  toujours  de  l'élévation  et  de  la 

ont  de  la  répugnance  pour  la  Reli-  force.  IV.  Des  Epître  s  swr  Y  homme  ^ 

gion  ,  il  faut  commencer  par  leur  adressées  au  chevalier  de  Ramsay  j 

montrer  qu'elle  n'est  point  contraire  sur  ramedesbêtes,etc.;et  des  Poésies 

à  la  raison  ;  ensuite,  qu'elle  est  véné-  variées,  j)armi  lesquelles  on  distingue 

rable  ;  après,   la  rendre  aimable,  V  Ode  sur  l'harmonie ,  ou  \(i])rkcc\)\.e 

faire  souhaiter    qu'elle    soit   vraie,  et   l'exemple  sont   joints   heureuse- 

montrer  qu'elle  est  vraie,  et  enfin  ment,   dit  Laharpe ,  qui  l'a  insérée 

qu'elle  est  aimable.  »  L'existence  de  toute  entière  dans  le  tome  xiii  du 

Dieu  fait  le  sujet  du  premier  chant  ;  Cours  de  littérature.  V.  Réflexions 

la  nécessité  de  la  révélation  est  ex-  sur  la  Poésie ,  2  voL  in- 12.  Elles 

posée   dans  le   second  ;  au  troisiè-  sont  le  fruit  d'une  critique  sage  et 

me  ,   le  poète  en    montre   les   ca-  éclairée.  L'auteur  avait  étudié  les  an- 

ractères  dans  la  religion  chrétien-  ciens  en  poète  et  en  crudit  :  cet  ou- 

ne  ;  son  établissement  est  le  sujet  du  vrage  peut  être  consulté  avec  profit 

quatrième  chant  ;  et  dans  les  deux  par  les  jeunes  littérateurs.  VI.  Mé- 

derniers  ,  on  répond  aux  objections  moires  sur  la   Fie  de  J.   Racine, 

des  sophistes  et  des  incrédules.  Ce  avec  ses  Lettres  et  celles  deBoileau, 

poème  est,  selon  J.-B.  Rousseau  ,  un  2  vol,  in-ia.  C'est  un  monument  de 

des  ouvrages  les  plus  estimables  delà  la  piété   filiale,   et  un  morceau  de 

langue  fra-nçaise.  Le  sujet,  dit  La-  biographie  du  plus    grand    intérêt 

harpe,  en  est   parfaitement   tracé;  (  F.   l'article  précédem  )  ;  mais   il 


les  preuves  sont  bien  choisies  ,  forti- 
fiées par  leur  enchaînement,  et  dé- 
duites dans  un  ordre  lumineux.  Rien 
ne  manque  à  la  partie  didactique  : 
mais  le  plan  n'a  rien  de  cette  imagi- 
nation qui  invente;  et  la  versification 
n'a  pas  non  plus  assez  de  cette  poé- 
sie qui  anime  et  vivifie  tout.  Malgré     ,  .  _  . 

1  -C      ^  1       >  •     ..    J         11        Charlier,  Paris,  Carl)oii,in-i7.,  vers  i8f.4  (  Voy. le 

ces  detauts,  il  n  y  a  point  de  chant     /?,<.<. rf«  „»o«ymes,i>c.edit.,DO.  ,0404  ). 

dans    lequel    on     ne    trouve   des   traits  (7)  Par  exemple,  cVst  d'après  son  Umoignage  que 

U.  .  J  1  1  l'on  a  souvent  répété  que  Boileau  laissa  eu  raouranfc 

entS      et    un    grand    nombre     de        j,„sque  tous  ses  l.ieos  aux  pauvres  :  mais  le  testa- 

vers  admirables;  ce  poème  ,  en  un     ment  du  saiiriq 


n'est  pas  toujours  exact  (7).  \'II,  /?g- 


Les  dernières  éditions  oflVent  des  cViauj^pments  assez 
considérables,  surtout  dans  les  notes.  L'auteur  y  joi- 
f;nit  quelques  Épitres  ,  et  la  Prière  de  Cleantlie  {V  . 
ce  nom  ),  qu'il  regardait  comme  plus  chrétienne 
que  la  Piicre  universelle  de  Pope  ,  bien  qu'elle  fût 
l'ouvrage  d'un  païen. 

(G)  Celte   traduction  de  Vabbé  Revers  a  élé  réira- 
priraée  avec  beaucoup  de  changements,    par  l'abbé 


mot ,  est  très-supérieur  à  celui  du 
cardinal  de  Bernis  (  F.  ce  nom)  :  il 
s'en  est  fait  un  grand  nombre  d'édi- 
tions (5) ,  et  il  a  été  traduit  en  vers 

(5)  On  distingue  ,  dans  le  nombre  ,  celle  de  Parif  , 
'74'»   B'""'"!  in-S".,  suivie  du  poème  de  la  Gràoe^ 


pour  la  première  fois  p^r  M.  Saint-SurIn  ,  dans  son 
édition  des  OEuvres  fie  Buileuu  (  tom.  i"^'^.  ,  à  la 
fin  de  la  Notice  sur  rauteur  )  ,  contient  pour  en- 
viron cent  mille  francs  de  legs  ou  dispositions  par- 
ticulières ,  qui  certainement  formaient  une  très- 
grande  partie  de  sa  fortune.  Quant  aux  Lettres  de 
Racine  et  de  Boileau  ,  M.  Saint-Surin  a  fait  voir 
(ifaid.  tom.  IV  pag.  IX  de  l'avertissemeuf)  les  chan- 
geini  nts  considérables  que  L.  Racine  s'ost  permis 
rnpuLliiint  cette  coire&pouctaoct. 


5i8 


RAC 


marques  sur  les  Traf^èdies  de  Ra- 
cine ,  aycc  un  Traité  de  la  Poésie 
dramatique  ancienne  et  moderne^ 
Paris,  175a  ,  3  vol.  in- 1*3.  Elles  sont 
prc'ccdccs  (rnne  Lettre  de Lcfi.inc  de 
Ponipij:;naii  à  rautour,  pour  l'cnga- 
;;cr  à  publier  cet  ouvraf^c.  LcsiNotcs 
sur  le  style  sont  le  plus  souvent 
justrs  ,  mais  {je'ucralcinent  supcrH- 
ciellcs,  qtioiqu'on s'aperçoive, ajoute 
Laharpe,  qu'il  est  bien  pins  au  l'ait 
de  la  ver>iriealion  que  du  théâtre. 
\  III.  Le  Pariidis perdu  de  Mdton^ 
traduit  en  français  ,  avec  les  notes 
et  remarques  d'Addison  ,  et  un  Dis- 
cours >ur  le  put-nie  r'pique,  ibid,, 
l^J.^,  3  vol.  in-iu.  licite  traduc- 
tion est  plus  exacte,  mais  moins 
aprcable  qucccllede  Duprc  de  Saiut- 
Maur,  qu'elle  n'a  point  fait  oublier. 
Elle  a  obtenu  plus  de  suer<'sdans  la 
patrie  de  Milton  ;  et  les  Anglais  s'en 
servent  assez  eommunenuiit  pour 
étudier  la  langue  française.  On  a  pu- 
blie ,  sous  le  nom  de  Louis  Harine, 
en  «  "jS-j ,  des  Pièces  fiiptivcs,  que  sa 
veuve  et  ses  amis  ont  desavoutrs 
liaûtemeut.  Les  OEm-res  de  cet 
auteur  ont  etc  recueillies  en  '747  •> 
en  i7;V.î ,  0  vol.  ,  petit  in- 12  ;  mais 
la  seule  edi'ion  complète  est  celle 
qu'a  pidjlie'e  M.  Lenormant ,  Paris, 
180S,  G  vol.  in-8".,  (8;  précédée  de 
VJîlof^e  de  l'auteur  p.ir  Lebeau  ff)). 

(8    "c.  .,r    il^u.    rrlU 

cJiti"li  '  \rt»  .    rtuilc- 

t>»nl.<l'.;  i  .ivriiliirr  il' \n- 

dn  il.  «  •  l  du  MU  ;  tt  mil  Ir  j  i  ju  u,  »iirl..iit  .!<•- 
|iui»  c|iril  ■  rtr  ailini»  par  lU-rriigrr  .  f<anii  ..■  1/.. 
taie  en  action,  fnu.il  c  .  I  i.  ..  !..  |il>  mirrr  l.liitrr 
ù    M""-.     1»  dut    .,  r  -ir   V^m.    dit 

b^i»-,.  t'r  m'irr.  iiu  ^^  m. ml   du»    lr< 

noifi!  rrii.i'»  rdiUui»  •:  •  u  ^ctiun  .  tn.t%% 

<iii.-i>rc  daiK  l«  Mcnum,,  Je  UoiuoUlt  ,  lirtiiiii  ri- 
H»rlir  du  tulu.  VI.  A.  Il — T. 

/^  V.I..  A[  farbicr  ,  Louis  Racine  Mt  t'i^ilpor 
«!.  'ifuill    rn    im.fjnr   In    mrlUnis 

)•  l'arii,  \~û\  .  in-ii:  mai»  il  rul  (>ru 

d<-  l'.r iil>nudr«  L'tir.-t  de  J..H.   H-nxraii  , 

<loiil  «naTail  dit  qu'il  i  tait  IVJiti-nr  .  \tj^.\»LeHre 
qu'il  rcri%>t  '•>  m  Mijrl  aux  autiur*  du  Journal  tirt 
SHvantt  .  i-.',9,  y.  'di  ).  hrtmriia  ra%ait  uii.mror- 
rfiyondai'ccarccec  gMod  i>ucte,cu  f/ix;  itRaciu* 


RAC 

On  peut  encorr  consulter  une  Notice 
sur  cet  écrivain  par  Palissot,  dans  le 
Nécrologe  des  Hommes  célèbres  de 
France ,  pour  l'année  i7f)(3;  et  VA' 
hréi^é de  sa  rie,  dans  la  Galcrio 
française.  Son  portrait,  grave  plu- 
sieurs fois  d'après  Aved  ,  fait  partie 
du  //fc»<'/7d'0dieuvre.       \V — s. 

RAClMi  (  HoNAVENTunE  ) ,  théo- 
logien appelant,  ne  le  uS  novembre 
1708  à  (".nauni,  diocèse  deNoyon  , 
se  livra  d'abord  l\  renseignement ,  et 
fut  jiiincipal  du  collège  de  Rahas- 
teius,  dans  le  diocèse  d'AlM.  Dc- 
noni  è  pour  ses  opinions  ,  il  fut  foire 
deijuitter  citte  place,  et  revint  à  Pa- 
ris, oii  il  fut  cnipii>ve  ;in  C(dlègc 
d'I larron rt.conuiicprccepleur:  mais 
le  cardinal  de  Fleiirv  donna  ordre  de 
le  congédier.  L'aLbe  Racine  prit  part 
aux  disputes  élevées,  en  1 7,3  \ ,  entre 
les  appelants,  sur  la  crainte  et  la  con- 
fiance; il  publia  successivement  un 
Simple  exposé  de  ce  qu'on  doit  pen- 
ser >ur  la  cifijiance  cl  la  crainte;  — 
Mémoire  sur  la  confiance  et  la  crain- 
te;—  Suite  du  Mémoire;  —  Instruc- 
tion familière  sur  la  crainte  cl  l'es- 
pérance chrétienne,  i'j3't.  M.deCay- 
Iiis,  cvêque  d'Auxerre  ,  l'attira  dans 
son  diocèse  ,  et  lui  donna  un  bénéfice 
afin  de  pouvoir  lui  conférer  les  or- 
dres en  lui  épargnant  la  signature  du 
forniulaiic.  Du  reste  l'abbc'  lîaciiie 
rc>i(lait  habituellement  à  Paris,  et 
y  pii)>lia  W-tbrégé  d' Ili^titire  ecclé- 
siastique, contenant  les  Ci'énements 
considérables  de  chaque  siècle,  avec 
dcsréjlcxions  ,  1748- 1760,  i3vol, 
in- 12.  Les  premiers  siècles  de  l'É- 
glise V  sont  traités  avec  assez  d'exac- 
titude et  de  mesure  ;  mais  1rs  dei  niers 
n'offrent  qu'une  conliiiuellc  ajxdogic 


pn  cultiva  ,  ru  rSfft .  /'aniitic  drpuis  a  vrc  l>«>aiiroiip  de 
T.i  Ir  ,  iirrnaiit  sn  di-fi-iine  d«ii«  (nul*'»  ivn  ofriisiniis , 
pt  «  l>.  rcliUit .'.  Je  jiuli/icr  de»  inijuilalic.nj  de  «f»  eu  - 
utm'a. 


RAG 

du  parti  auquel  l'auteur  s'était  voue  , 
et  des  déclamations  contre  tous  ceux 
qui  étaient  contraires  à  ce  parti.  Il  a 
paru  une  suite  de  cette  Histoire  en 
2  vol.  in-i2;  on  l'attribue  à  l'abbe' 
Troia  d'Assigny  :  ce  n'est  qu'un  ex- 
trait du /ournrti  de  l'abbe  Dorsaune, 
et  des  Nouvelles  ecclésiastiques  ;  et 
cet  extrait  est  fort  inférieur  au  tra- 
vail de  l'abbé  Racine.  Celui-ci  ne 
manquait  point  de  talent  :  il  avait 
d'abord  adopté  un  assez  bon  plan  , 
et  son  style  est  animé  ;  mais  sou 
livre  devient  insoutenable  quand 
on  arrive  aux  dernières  contesta- 
tions. Racine  mourut  à  Paris,  le  i4 
mai  I745'  Oii  ^ît  paraître,  après 
sa  mort  ,  ses  OEuvres  -posthumes  , 
1753,  in-i2,  et  des  Discours  sur 
l  Jlistoive  universelle  de  V Eglise  , 
1709,  2  vol.  in- 12  :  il  y  a,  dans  ce 
dernier  ouvrage  ,  des  réflexions  qui 
sont  de  Racine  ;  mais  l'éditeur,  Ron- 
dct ,  y  a  mêlé  beaucoup  du  sien.  Cle- 
mencet  fut  éditeur  des  OEuvres  pos- 
thumes. Ron  let  doinia,  depuis,  une 
nouvelle  édition  in-4''.  de  V Abrégé 
d' Histoire  ecclésiastique  de  Racine , 
auquel  il  joignit  des  notes  et  des  sup- 
pléments. P — c — T. 

RACLE  (  Léonard  ) ,  architecte  , 
ne'  en  1736  à  Dijon  ,  montra  ,  dès 
son  enfance  ,  un  goût  décidé  pour  les 
arts  du  dessin  ,  et  fut  admis ,  fort 
jeune ,  à  travailler  dans  le  cabinet  de 
Moutin  de  Saint- André  ,  ingénieur 
de  la  province  de  Bourgogne  ,  qui 
lui  enseigna  les  principes  de  l'archi- 
tecture. Doué  d'une  grande  vivacité 
d'esprit ,  et  de  beaucoup  de  pénétra- 
tion ,  il  acquit,  presque  sans  maître, 
des  connaissances  très  étendues  dans 
les  niaihématiques  et  dans  les  diiïe- 
rentes  branches  de  la  physique.  Ses 
talents  le  firent  connaître  de  Voltaire, 
qui  le  choisit  pour  son  architecte , 
et  le  chargea  des  travaux  qu'il  avait 


RAC  5 19 

entrepris  à  Fcrney.  Les  dloges  et  la 
recommandation  de  Voltaire  lui  mé- 
ritèrent la  faveur  du  duc  de  Choiseul; 
et  le  premier  ministre  invita  Racle 
à  donner  les  plans  delà  ville  et  du  port 
de  Versoix  (i),  dont  diverses  cir- 
constances empêchèrent  l'exécution. 
Racle  obtint ,  en  178G,  un  prix  qui 
lui  fut  décerné  par  l'académie  de 
Toulouse,  pour  \m  Mémoire  sur  la 
construction  d'un  pout  de  fer  ou  de 
Lois ,  d'une  seule  arche  de  quatre 
cent  cinquante  pieds  d'ouverture.  A 
cette  époque,  l'impéralrice  Catherine 
lui  (it  des  propositions  très -avanta- 
geuses pour  l'attirer  en  Russie;  mais 
il  préféra  rester  pauvre  dans  son 
pays  ,  auquel  il  avait  l'espoir  d'être 
encore  long-temps  utile.  Il  dirigeait 
alors  les  travaux  du  canal  de  Pont- 
de-Vaux,  qui  joint  la  Reissouze  à  la 
Saône  j  et  il  profita  de  cette  occa- 
sion pour  appliquer  la  théorie  qu'il 
avait  développée  dans  son  Mémoire 
couronné  par  l'académie  de  Tou- 
louse ,  en  faisant  construire,  sur  le 
canal ,  un  pont  de  fer ,  le  premier 
qu'on  ait  vu  en  France  ,  mais  qui  , 
malheureusement ,  n'a  subsisté  que 
peu  d'années.  Il  avait  établi  près  de 
Versoix  ,  et  ensuite  à  Pont-de-Vaux, 
une  manufacture  de  faïence  ,  d'oîi 
sont  sortis  un  grand  nombre  de  beaux 
ouvrages  que  la  révolution  a  détruits. 
C'est  a  Racle  qu'on  doit  le  secret  de 
cette  espèce  d'enduit  que  Voltaire 
nommait  argile-marbre  .  parce  qu'il 
en  a  le  poli  et  la  dureté.  Il  en  a  re- 
vêtu ,  au  châteaude  Ferney,  la  charn- 
bre  dite  du  cœur,  où  il  construisit 

(OToiis  les  amateurs  out  dans  la  mémoire  les 
chiirmaatei  Sluiii-es  de  Voltaire,  à  Mn"=.  de  Choi- 
seul  :  , 

3Iadame,  un  héros  destructeur, 

S'il  est  gi  aud ,  u'est  qu'uu  grand  coupable  ,  etc. 

où  l'on  trouve  ces  vers 

A  Versoix,  nous  avons  des  rues, 
Lt  nous  n'avoui  pas  de  maison». 


520  RAC 

le  inouuiucnt  qui  renferme  le  cœur 
de  Voltaire.  Racle  fut  nomme  mem- 
bre de  la  ]ircniièrc  administration 
centrale  du  département  de  l'Ain  : 
il    s'occupait    avec   ardeur    de   di- 
vers projets  utiles  à  ce  pays ,  qnand 
nue  mort   prématurée  ,  cansee   par 
rexct.>s  du  travail,  l'enleva  ,  le  8  jan- 
vier i-jt)!  ,  à  Pont-de-Vaux.  On  a 
de  lui  :  Eéjleiions  sur  le  cours  de  la 
rivière  de  l'Ain,  et  les  viorens  de 
le  fixer ,  Bonrfï,   1790,   in  H",  de 
41  pages  :  c'est  le  seul  opuscule  qu'il 
ait  lait  imprimer;  mais  il   a  laisse 
Leaucoiip  de  manuscrits  ,  parmi  les- 
quels ou  cite:  Projet  pour  mettre, 
])enddnt  la  paix  ,  les  vaisseaux  de 
ligne   à   l'ahri  de   l'intempérie   des 
saisons.  —  Un  Mémoire  sur  la  terre 
cuite.  —  Des  Projets  pour  régulari- 
ser le  cours  du  Rliônc. —  Le  Projet 
d'un  pont  en  1er  sur  la  Saoue  ou  le 
Rluuie,  à  Lvon. — Des  MémoiresswT 
les  propriétés  de  la  cyclo'ide,  hono- 
rés  des  sufliages  de   Baillv,    et  de 
Lombard,  savant  professeur d'artil- 
leiie  (  For.  Lomdap.d  ).  Racle  était, 
depuis  1785,  membre  de  la  sociélc 
d'émulation  de  Bourg  en  Bresse  {•!), 
M.   Amanton  ,  conseiller  de  pre'fcc- 
turc  (lu  département  de  la  Cote-d'or, 
a  publié,  en  iHio,  une  j\utice  bio- 
fraphique  sur  Léonard  Bade  ,  Di- 
jon ,  Frantin,in  8".  de  17  pag.  ;  et 
M.   Chardon   de  La  Roc  bette  en  a 
inséré,  dans  le  Magasin  encyclopé- 
dique (août  1810)  ,  un  extrait  fort 
étendu  ,   qu'il    a  reproduit  dans   le 
troisième  volume  de  ses  Mélanges 
philologiques.  W — s. 

RaCOCZL  Forez  Ragotzky. 


(»]  Parmi  le»  Mémoire»  qu'il  lat  à  celte  iorictc, 
on  peut  citer  une  Description  du  cour»  do  Rbone, 
depifi»  Genève  jusqu'à  Lyn  ;  il  v  donne  de  curieux 
dtl;.il»   sur   le   pouH're  »i)|>»-lc   \à  Pertr   du   Rhône  , 

3u'il  avait  exaiiiiDe  avec  soin,  et  diicuti-  Irs moyens 
e  rendre  ce  Oeuve^Mviguble.  (  Voj.  le  Journ,  dei 
lavanti  de  drcembre  1788 ,  p.  816.  ) 


UAD 

RADAGAISE,  l'un  des  chefs  des 
Germains  ,  n'est  connu  que  par  l'ir- 
ruption qu'il  fit  en  Italie,  au  com- 
meurcmont  du  sixième  siècle.  Il  avait 
sous  ses  ordres  une  multitude  de  Sué- 
ves  ,de  Vandales  et  de  Bourguignons: 
les   Alains  lui  fonriiircnt  nn  corps 
formidable   de  cavalerie  légère  ;  et 
les  Gotbs  demandèrent  à  l'iiccompa- 
gner,en  si  grand  nombre  que  les 
historiens  lui  ont  donné  le  titre  de 
roi  des  Goths.  L'armée  deRadagaise, 
fortede  deux  cent  milleconiball.inls, 
était  suivie  d'iin  nombre  égal  de  fem- 
mes et  d'enfants  :  elle  s'avança  des 
bords  de  la  mer  Baltiqtie  ,  traversa 
le  Danube  sans  obstacle  .  et  ])énétra 
dans  la  haute  Italie;  mais  alors  la  di- 
vision se  mit  parmi  les  baibares, 
dont  une  grande  partie  refusa  de  |)as- 
serles  Alpes.  Slilicon,  général  d'Ho- 
norius  ,  ne  pouvait  opposer  à  l'.ada- 
gaise  que  trente  à  quarante  mile  bom- 
mes:  il  acheta  par  des  sacrifices  le 
secours   des    Huns;   et  les    (ioihs, 
conduits  par  Huldin  et  Sariis  ,  leurs 
princes  légitimes,  le  joignirenleom- 
mc  auxiliaires.  Trop  faible  encore 

Eonr  s'exposer  au  hasard  d'un  com- 
at,il  établit  son  quartier  à  Tici- 
num  (  Pavie  )  ,  et  laissa  s'avancer 
Radagaise,  qui  prit  et  pilla  plusieurs 
villes ,  et  vint  enfin  assiéger  KIorcnce , 
dont  les  habitants  arrêtèrent  l'impé- 
tuosité des  barbares. Slilicon, s'avan- 
çant  alors,  enfeinu  Radagaise  dans 
une  circonvallatiun,  et  laissa  son  ar- 
mée se  détruire  par  la  disette  et  par 
les  maladies,  Radagaise,  qui  ne  pou- 
vait compter  sur  la  clémence  du  vain- 
queur ,  tenta  de  s'échapper  ;  mais  il 
fut  fait  prisonnier, et  eut  la  tête  tran- 
chée ,  l'an  4'j4  ou  4<J^^-  Cieiix  des 
Germains  qu'épargna  la  fureur  des 
auxiliaires  ,  furent  vendus  comme 
esclaves ,  au  prix  d'une  pièce  d'or  par 
tête  :  mais  la  différence  du  climat  et 


PvAD 

do  la  nonrrilnre  les  fil  tons  périr  dans 
l'annc'c.  Le  succès  inespc'rc  de  Stili- 
con  fut  altriljuë  par  les  historiens 
contemporains  à  une  protection  spé- 
ciale du  ciel  ;  c'était  la  seconde  fois 
qu'il  méritait  le  litre  de  libérateur 
de  ritnlie,  dont  il  acheva  d'eloif^ner 
les  barbares  ,  par  son  adresse  et  son 
activité  (  V.  Stilicojv  )  :  mais  il  ne'- 
gligea  d'assurer  la  tranquillité  des  au- 
tres provinces  de  l'empire  :  et  les 
restes  de  l'armëc  de  Radac^aise  exé- 
cutèient ,  deux  ans  après  ,  l'invasion 
de  la  Gaule ,  projetée  par  Alaric  (  V. 
Tillcmont,  Ilisl.  desemper.^  et  Gib- 
bon, Hist.  de  la  décad.  de  l'empire 
romain  ,  ch.  xxx).  W — s. 

RADBERT  (Paschase),  abbe  de 
Corbie ,  au  neuvième  siècle  ,  naquit 
à  Soissons  ,  ou  dans  le  voisinage, 
de  parents  obscurs  ,  qui  n'ayant  pas 
le  moyen  de  le  nourrir  ,  l'exposè- 
rent ,  suivant  l'usage  de  son  temps  , 
à  la  porte  de  l'église  du  monastère 
de  Noire-Dame  de  cette  ville.  Les 
religieuses  enprircntsoin,  et  lorsque 
son  âge  le  permit ,  elles  le  mirent  en- 
tre les  mains  des  moines  qui  desser- 
vaient l'église  de  Saint-Pierre  ,  de'- 
pendante  de  l'abbaye  ,  pour  qu'ils 
relevassent  dans  la  piété  et  dans  les 
lettres.  Lorsqu'il  y  eut  fait  quelques- 
progrès,  ces  religieux  le  consacrè- 
rent à  Dieu  ,  et  lui  donnèrent  même 
la  tonsure.  Il  se  déroba  néanmoins  à 
celte  première  destination  ,  entra 
dans  le  monde  ,  et  s'y  livra  quelque 
temps  à  la  dissipation  ;  mais  reve- 
nu à  lui-même,  il  se  rendit  à  Cor 
bie  ,  et  embrassa  la  vie  monastique 
sous  le  saint  abbé  Adelard  l'ancien, 
neveu  du  roi  Pépin,  Corbie  avait 
une  école  célèbre  et  d'habiles  maî- 
tres. Radbert  fit  sous  eux  de  grands 
progrès  dans  les  lettres  divines  et 
humaines  ;  après  quoi  lui-même  fut 
chargé  de  les  y  enseigner.  Il  était 


RAD 


iiii 


profondément  versé  dans  les  saintes 
Écritures  ,  et  les  écrits  des  Pères  ;  et 
il  avait  étudié  avec  soin  l'histoire 
ecclésiastique.  Les  meilleurs  auteurs 
profanes  lui  élaient  familiers.  A  la 
connaissance  de  la  langue  latine  ,  il 
joignait  celle  du  grec  et  de  l'hébreu. 
Il  écrivait  avec  facilité  en  prose  et 
en  vers  :  aux  jours  solennels  ,  il  ex- 
pliquait l'Evangile  à  la  communauté. 
Mais  ses  études  ,    quelque  assidues 
qu'elles  fussent  ,  ne  nuisaient  en  rien 
à   ses  autres  devoirs  ;  et  aucun  reli- 
gieux n'était  plus  exact  aux  offices. 
Ses  talents  et  sa  régularité  l'avaient 
rendu  cher  à  Adelard  ,  son  abbé  ,  et 
à   Vala  ,   aussi   moine  de  Corbie  , 
frère  d'Adelard.  Radbert  était  de  leur 
société  iiilime,  de  leur  conseil,  de 
leurs  voyages  ;  ils  l'admeltaient  en 
tiersdans  toutes  les  affaires  d'état,dont 
à  raison  de  leur  haute  naissance  ,  ils 
étaient  chargés.   En  826,  après   la 
mort  d'Adelard ,  Radbert  fut  député, 
par  son  chapitre  ,  vers  l'cmjiercur 
Louis-!c-Débonnaire  ,  pour  obtenir 
la  confirmation  deréleclion  de  Vala, 
qui  succédait  à  son  frère.  Le  même 
empereur  l'envoya    en    Saxe  ,    en 
83 1   ,  et  l'employa   dans    diverses 
négociations.  Il  eut  part  a.  l'établis- 
sement de  la  INouvelle-Corbie,   ou 
Corvey  ,  en  Saxe.  En  833  ,  il  accom- 
pagna Vala  ,  son  abbé,  dans  le  voya- 
ge que  celui-ci  fit  en  Alsace,  appelé 
par  Grégoire  IV  ,  qui  s'y  était  rendu 
dans  l'espoir  de  concilier  les  diffé- 
rends qui  s'étaient  élevés  entre  Louis- 
le-Débonnaire  et   ses  enfants  (  i  ). 


(i)  L'auteur  d'une  Dissertation  ms<''rec  dans  le  Dé- 
Jiiiseui  {i\,  ■>->.o),  renroche  à  un  arlitlede  la  Biogra- 
phie universelle  {  celui  de  Louis  1'=''.,  XXV,f)o  )  d  a- 
voir  imputé  à  Grégoire  IV  une  part  beaucoup  troj> 
active  dans  l'iudigne  traitement  que  firent  éprouver 
à  Louis-le-Dtbonuaire,  ses  enfants.  <<  Le  pape,  di- 
»  sent  les  rédacteurs  de  cet  article  ,  ne  craignit  pas 
»  de  se  rendre  au  camp  de  ces  rebelles,  et  delesai- 
»  derdes  foudres  de  l'Église,  dont  il  inenaça  ceux 
»  qui  ne  se  déclareraient  pas  contre  l'empereur;  s 


52*2 


FxAD 


En  844  ,  Radbcrt ,  dnns  un  âç^c  déjà 
très-;naiicc,  fui  du  al  Ix'  de  Cui])ii' , 

ri  dans  un  autre  pa«ape  :  ■  S'il  (  Louis-le  Di-l>ou- 
»  nairc  ^  n'avait  pa5  luulli  contre  eux ,  on  peut  dou- 
»  ItTsi  Grrgoirr  l\.  mnli^ri  H^it  audace  .  ouiml  osi 
«  ><■  ''^'ucrçontrr  lui  avrr  ses  rnfants.  •  L'anti-urde 
I  ^'*'*''*''""  I"^""re  tris-l.ipn.  d'apris  rjutoiité 
de  Mrzerai ,  ci  le  de  l'ablM-  l  leurv,  et  nliis  enc  re 
l»rlecar;.ii;re  de  «îreyoïre  IV,  et' par  les  faits,  ane 
ces  gra».,  inculpation,  sont  démîtes  de  tout  fonde- 
tuent.  I  n  liMUl  ces  auteurs  ,  on  deiiieu'e  ciut  <iucu 
que  le  pa|>e  n^vall  accnni|M|;ne  I.olh.iire  que  d  i.a 
1  mte  t  .  n  de  r.lal.lii  la  i.aix  ei.lr*  le  |.i  re  el  lesen- 
faiiU.  A»ant  de  jarlir  de  Rouie,  il  avait  .rdou' é 
de»/riuie(  et  des  /i/ir/e. ,  |>.,ur  d  niandei  i  Dieu  de 
Jioori <rr  rc  piru.  divH'iu.  Airiv.  .  u  TraLce  .  il  en- 
voya ,  de  sa  l"'t  et  de  celle  des  |u  incps  ,  cliercli.  r  » 
t.oibie  ,  ral<l>e  Vila  ,  cuniine  celui  dont  le»  conseil* 
aéraient  (r;»-util,-,  ,,„ur  J.,  ,,ai,.  I,.- ,u,,h- lui-même, 
«  sa  première  ei  trevuc  avec  Loms,  Cil  une  decla- 
rali.in  roriuellcdr,  ,  „..,  qui  r..mi  nri.l  :  ..  Je  n.  su.» 
«'•nu.  dit-il,  que  [«lur  pruiurrrla  (lait  ijue  le 
»  .Seigu,  ur  iKiu,  ..  l.,„t  recmin  ndee.  1.  Il  demeure 
€jue|q„„  jour,  i.v,.i  l,.,m,  reur;  lis  .  oufercnces  sont 
p-iisibles,  unjimli».  acciiiip  giirrs  de  presriits  mu- 
tui  Is.  Il  n'y  a  U  assurémeut  ni  fiiitlr'S ,  oi  in-rnurcs  , 
ni  aiiitarr,  (.r<);oire  rrtoDrue  vers  l^itliaire  ,  cspi-- 
raiit  toujours  reiiuir  le  père  avec  I.s  enfu  t<.  «  >n 
«ait  que,  |i.n<la;it  le  temps  de  ces  .  «ili  r.  nces,  I.0- 
tliaire  travaillait  l'ariuée  de  son  [M-nr  el  de  son  sou- 
verain ,  ,t  qu'il  jurvint  I  la  Hebauilier  .<  11  ne  fut 
>•  I  lus  permis  au  pape  ,  dit  Fliurv.  de  revoir  l'em- 
»  pereur,...  Alors .  de  Tavs  du  p-^  tife  et  de  tous  lr« 
•»  srijjneurs,  ou  rrg..rda  Louis  comme  d.  1  bu  de  la 

»  dignité    iui|ieriale,  et  on  la  d.  fer»  à   Lotba  re 

»  I-e  pape  relounia  k  Runie  .  lr>»-alBit;e  de  la  ma- 
»  nicri-  dont  le  jM-re  était  traite  par  ta  enfauU.  » 
Que  rondurc  de  t->ut  ce  récit,  sinon  que  le  |iapa 
avait  f.\ie  tous  »c»  l'Oiirls  pour  amener  K-s  enfauls  \ 
une  ronciliation  ,  el  qu'il  ava  t,  maigri  lui ,  cède  i  la 
force.  Quant  à  rîiiiputat.un  faite  au  même  )>ape , 
dan.  . 'article  s^us  s.m  nom  (  WUl  ,  3HS  ),  d'avoir 
fait  \c  pirmirr  f>af  vers  la  doctiincde  •Uftrémalie  , 
d.iiit  ..lia  tint  ahusi-  nar  la  »u,t"  ,  elle  n'est  paa 
mieux  fondre.  <irégoire  recunuaissait  si  bien  l'au- 
torite  de  l'eiuiiereur  ,  et  «a  su]>éri.rile  dans  Tordra 
)>  lilique,  que  ,  maigre  quelques  tentai  ivr»  précéden- 
tes, il  ne  voulut  p- iul  eln-  consacre  avant  d'ivoir 
obtenu  de  ce  prini  e  la  coiili-  in  ilion  de  son  el.  cti.iu  , 
r(  qu  il  nesede-avoua  |tas|>our  soD  justiciable  daus  le 
P"»  es  qui  >'etail  ele».-  entre  le  mon-slirr  de  laifa 
et  le  si'ge  |N>ntilical ,  fait  reconnu  daus  le  iiiénie  ar- 
ticle, t,  estd.>  .c  iiuiqiieiii  nt  siii  sa  L*-ttre  aux  e»c  ■ 
Qties  .  iiii  il  reltve  la  puissance  ecrloiasliquc  au - 
a. MUS  de  la  Meulière,  que  <  cite  iiirulp..ti.,u  ie|iuse; 
mai»  celte  doctrine  n'était  |..  iut  celle  de  ce  p.intife  : 
elle  lui  fut  .u,;;;.  r  e.  Loin  qu'il  *  .n^ràt  à  altenter  à 
rautoriU-  d'aolrol,  il  .  lait  alanne  )>our  L  sienne. 
*  '»*»  e'  Had'.eit,  dit  F.eury.le  rassuièreiit  en  lui 
»  donnant  des  pa.«.,:e«  des  Pères  pour  moutrrr  qu'en 
»  vertu  d.-s  («luvoirs  qu'il  .ivait  reçu»  de  Dieu  ,  il 
>»  poiiv.iit  aller  et  envoyer  à  toutes  Ic-s  nations  p..iir 
»  prêcher  la  foi  el  pr  .curer  la  (laix  .  ^Mlte^  les  e^li- 
»  se»,  qu'il  uouv...t  )Ufer  tous  les  autres  s.tiis  que 
«  personne  le  jail  iii,;er.  tic  fut  appan  mmrnt  d'a- 
>•  prés  cecniiseil,  ajoute  Fleury.  que  la  lettre  fut 
i>  écrite.»  Ix-s  cxinseiller»  mii»  doi.te  avaient  tort; 
el  !e  pape  l'eut  aussi  de  di  firer  ,"i  leur  conseil.  Il 
l'cul  euc.ire  de  ne  point  j'opjxjMr  .'■  la  dccbeaoce  de 
I-oiU».  On  peut  voir  eu  t.l.i  un  r.iractérc  timide  et 
de  Ij  f»  blesse  .  mais  il  n'y  a  ni  audace  ni  inenaen , 
et  moins  encore  l'intention  d'cny.  eter  sur  la  puis- 
«auoe  ]éou]i»re. 


RAD 

ciprès  Isaac.  Il  Ji'ëtait  qne  dtacrt;,  <>t 
n'eut  jiiinaisd'oidrcplusclove.  Etant 
altbe,  il  présenta  au  roi  Charles-Ie- 
Chauve  son  Traite dci'£'Mt7iam^e, 
pour  le  présent  d'usage  qui  avait 
lieu  aux  fraudes  solennités.  Ce  Trai- 
té ,  compose'  depuis  long  -  temps  , 
mais  (juc  Radbeit  avait  retouclie 
pour  celte  occasion,  n'avait  eiuorc 
)us(]iie-!.i  cte  l'objet  d'aucune  di.spu- 
te.  Ridbcrt,  en  sa  qualité  d'abbe,  as- 
sista, en  5^4^*5  '"*"  concile  de  Paris  ,  te- 
nu pour  le  rélablissciuent  d'Kbbon 
sur  le  sirge  de  Reims.  Il  y  fit  eonlir- 
mer  les  privilèges  de  son  abbaye.  Il 
se  trouva  aussi,  en  84»),  à  celui  de 
Qiiicrri  -  sur  -  Oise  ,  contre  ("ntllics- 
calc.  En  85  I ,  il  se  démit  de  son  ab- 
baye, après  l'avilir  gouvernée  sept 
ans,  pour  passer  le  reste  de  ses  jours 
en  paix  et  dans  l'etudc  de  l.i  philo- 
sophie cbrcliennc  ,  à  l'abbaye  de 
Saint- Riquier,  où  il  reprit  ses  tra- 
vaux littéraires,  j)artagcani  son 
temps  entre  la  prière  et  la  composi- 
tion d'ouvrages  savants.  Il  mourut 
vers  l'an  805 ,  le  'i(j  avril.  Son  liu- 
niilité  était  telle,  qu'ri  derendit  à  ses 
disciples  d'écrire  sa  Vie,  el  que, 
dans  tousses  écrits,  il  ajoutait;!  .sa  si- 
gnature :  (Jmniiiin  inonachoiuin  pe- 
ripsema,  «  le  rebut  de  l'étal  monas- 
tique. »  Il  fut  mis  an  nombre  des 
saints,  parl'autorité  du  Saint-Siège; 
et  le  Mjiiyrologe  gallican  ,  ainsi  que 
celui  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  finit 
mention  de  lui ,  avec  la  qualité  d'ab- 
bé el  les  litres  de  saint  et  de  confes- 
seur. Le  célèbre  P.  Sirmond  a  donné 
une  édiliitn  des  OEuvres  de  Radbert , 
Paris,  iGi8,infol.  On  y  trouve  :  1. 
Un  ample  Commentaire  sur  ZVcan- 
gile  de  saint  Matthieu  ,  en  douze  li- 
vres, qui  occupe  plus  des  deux.  licr.s 
du  volume.  C'est  un  résumé  des  ex- 
plicalipns  dont  il  a  été  parlé  plus 
haut,  fj'ouvrage  fut  conniosé  à  di- 


RAD 

verses  reprises.  Les  quatre  premiers 
livres  sont  dédies  à  Contran  ,  moi- 
ne de  SainlRiquier ,  elles  huit  au- 
tres à  tous  les  reliç^ieux  de  ce  mo- 
nastère. 11.  Trois  livres  d'Exposi- 
tions du  Psaume  44  '•  Eructavit  cor 
vieum,  etc.,  faites  en  faveur  des  reli- 
gieuses de  Notre-Dame  de  Soissons, 
auxquelles  ces  li^rcs  sont  dédios,  et 
où  il  adresse  la  parole  à  l'abbessc ,  en 
la  remerciant,  ainsi  que  ses  sœurs  , 
des  soins  qu'elles  ont  pris  de  lui  dans 
son  enfance.  HT.  Cinq  livres  sur  les 
Lamenlations  de  Jéj'éniie ,  adresses 
à  un  vieill.ird  nommé  Odilaian  Sé- 
vère, àquiRadberl  donne  le  liirede 
frère.  Cet  écrit  avait  été  imprimé  à 
Eàle,  en  i5o2,  et  à  Cologne,  en 
1 53i.  IV.  Le  Livre  du  sacrement  de 
l'Eucliaristie  :  De  sacramento  cor- 
poris  et  sartgiiiiiis  Domini  nostri  Je- 
su  -  Chiisli  ad  Placidian  liber.  Ce 
Placide  étaitWarin,  abbé  de  la  Nou- 
velle-Goibie,  quiaA^ait  pris  ce  nom: 
il  était  disciple  de  Radbert.  De  tous 
les  ouvrages  de  ce  savant  religieux, 
celui-ci  est  le  principal ,  et  celui  qui 
fit  le  plus  de  bruit  ;  il  parut  pendant 
l'exil  de  Vala  (  le  P.  Labbe  et  quel- 
ques auti-es  disent,  d'Adelard).  Rad- 
bert y  établit  le  dogme  de  la  présen- 
ce réelle  ,  tel  que  l'Eglise  catliolique 
l'enseigne  et  l'a  toujours  enseigne. 
Ce  Traité  était ,  depuis  plus  de  quin- 
ze ans,  entre  les  mains  du  public, 
lorsqu'il  devint  l'objet  de  quelque 
attaques  de  la  part  deRalram,  moi- 
ne, ainsi  que  Railbert,  de  l'abbaye 
de  Curbie,  et  de  Scot  Erigène.  Il  pa- 
raît néanmoins  que,  dans  le  sens  de 
Ratram  ,  le  fond  du  dogme  ,  c'est  à- 
dire,  la  transsubstantiation,  comme 
les  Catholiques  renlcudent  ,  était 
conservé  ,  et  qu'il  n'éiait  question 
que  dç  la  manière  de  l'exprimer. 
Mais, deuxcents  ans  après,  Bcrengor, 
archidiacre  d'Aiîgers,  s'éleva  contre 


RAD  5'23 

la  doctrine  même,  et  fut  condamne' 
(  F.  Beheîvgkr,  IV,  24)-  I-nthcr  et 
Calvin  ont  prétendu  que  ce  dogme 
était  inconnu  avant  le  Traité  de  Rad- 
bert ,  et  ils  lui  imputent  de  l'avoir  in- 
troduit. Une  tradition  suivie  et  dé- 
montrée en  fait  remonter  évidem- 
ment ia  connaissance  et  la  profession 
jusqu'aux  premiers  temps  du  chris- 
tianisme, il  paraît ,  au  reste  ,  que  le 
Traité  de  Radbert  fut  altéré  par  le 
luthérien  Job  Gast,  qui  en  donna  la 
première  édition  ,  à  Haguenau  ,  chez 
Jean  Seccrius,  i5i8,  et  que  toutes 
les  éditions  suivantes  ,  malgré  les 
soins  qu'on  avait  pris,  avaient,  plus 
ou  moins,  été  entachées  de  ces  alté- 
rations. Enfin,  dom  Pierre  Sabbatier, 
bénédictin  de  la  congrégation  de 
Saint-Maur ,  après  avoir  revu  le  texte 
de  ce  Traité  sur  vingt  manuscrits  , 
livra  son  travail  à  ses  confrères  Mar- 
tène  et  Durand  ,  qui  l'imprimèrent 
dans  le  dernier  volume  de  leur  yJm- 
plissima  collectio ,  et  l'on  en  eut  une 
édition  correcte.  V.  Lettre  à  Frude- 
gard,&Vir  le  même  sujet  ;  c'est  un  des 
derniers  ouvrages  de  Radbert. VI. /^7e 
de  saint  Adelard  ,  ahhé  de  Corhie  ^ 
composée  après  la  mort  du  saint  , 
arrivée  en  826  ,  et  avant  celle  de 
Vala  ,  son  frère  et  son  successeur  , 
lequel  mourut  en  836.  VII. -^t'?eic?e5 
saints  martjrs  Riijin  et  Falerius  , 
qui  avaient  soulFert  dans  le  Soisson- 
nais  ,  vers  l'an  287.  Radbert  les 
écrivit ,  rà  la  prière  des  gens  du  pays , 
chez  qui  la  mémoire  de  ces  martyrs 
était  en  grande  vénération.  A  ces 
sept  ouvrages  .  compris  dans  l'édi- 
tion du  P.  Sirraond  ,  il  faut  joindre  : 
VIII.  La  rie  de  Fala,  ahhé  de  Cor- 
hie ^  dont  le  premier  livre  fut  écrit 
aussitôt  après  la  mort  de  cet  abbé,  et 
le  deuxième  ne  fut  composé  qu'après 
l'an  85o.  Radbert  y  justifie  Vala  de 
la  part  qu'on  l'accusait  d'avoir  prise 


5i\  RAD 

à  la  rébellion  contre  Louis-le-Debon- 
uaire.  On  doit  1 1  découverte  de  celte 
vie  à  dom  Mabiilou,  ijtii  en  trouva 
le  manuscrit  à  Saint-  Martin-  des- 
Champs  ,  oîi  on  l'avait  eu  de  Saint- 
ArnouM  de  Crespi ,  monastère,  com- 
me St. INIartin-dcs  Champs,  dcl'ordrc 
de  Cluni.Clctte  fie  est  insérée  au  cin- 
quième volume  des  Actes  dos  saints 
de  i'ordredesaint  Benoît.  IX.  Traité 
sur  la  foi ,  l'espérance  et  la  charité, 
publié  par  dom  Bernard  Pez,  à  la 
tète  de  son  premier  volume  à'.^nec- 
dota  ,  et  injprimc  sur  une  copie  d'un 
manuscrit  original  du  monastère  de 
Corvey  ,  trouvée  dans  les  papiers  de 
J.eibnitz.  On  en  est  redevable  au  sa- 
vant J.  G.  Eckliart.  X.   Traité  de 
reufantenuMit  de  la  Vierç:;e,  Deparlii 
rirç^inis.  On  attribue,  en  outre  ,  à 
PascliaseRadbcrt,  des  Poésies ,{l.oni 
il  nous  reste  peu  de  chose ,  et  quel- 
ques Traductions à\\h\\\\\  et  du  grec. 
Ce  qui  vient  d'être  dit  de  lui  prouve 
(ju'il    réunissait  dans    sa     pcrsoime 
toutes  les  qualités  qui  forment  un 
grand  théologien,  un  interprète  ha- 
bile des  saintes  Écritures  ,  un  phi- 
losophe chrétien  ,  un  savalit  vérita- 
ble ,  à  une  époque  où  les  lumières 
n'étaient  pas  tort  avancées.  Il  savait 
en  littérature  tout  ce  qu'on  pouvait 
savoir  de  son  temps  :  son  érudition 
était  étendue  et  solide;  saint  Augus- 
tin était  celui  des  Pères  auquel  il  s'é- 
tait le  plus  attaché.  L'objet  auquel  il 
visait  principalement  était  de  former 
les  mœurs.  On  a  reproché  à  son  style 
d'être  un  peu  dilbis  :  mais  il  voulait 
cire  entendu;  et  dans  cette  vue,  il 
multipliait  les    explications.    Celle 
dilTusion,  au  reste,  n'empêche  pas 
que  sa  manière  d'écrire  ne  soit  fleu- 
rie ,  élégante  et  agréable.     L — y. 

RADCLIFFE  (  JEA^  ^  ,  médecin 
anglais  ,  né  l'an  i65c>,  à  Wakefield, 
dans  le  Yorkshire ,  acheva  ses  études 


RAD 

à  l'université'  d'Oxford,  où  II  se  fit  re- 
marquer plus  par  son  esprit  vif  et 
brillant  que  par  la  solidité  de  ses  con- 
naissances.   Ce  fut  à   Oxford   qu'il 
commença   de   pratiquer  la   méde- 
cine :  mais  ,  en  frondant  avec  aigi  eur 
les  anciennes  coutumes  et  traditions 
de  son  art  ,  il  s'attira  l'inimitié  de 
tous  les  vieux  médecins  de  la  ville. 
On  ne  sait  si  ce  fut  son  hal)ileté  ou 
cette  censure  qu'il  exerçait  sur  la  mé- 
decine, qui  lui  valut  sa  réputation  ;  il 
est  de  fait  que,  dans  peu  de  temps,  il 
cul  les  principaux  habitants  parmi 
ses  clients.  Espérant  avoir  autant  de 
succès  dans  la  capitale,  il  alla  s'éta- 
blir à  Londres  ,  en    1(584;  ''  ^^  ^'^' 
tait  point  tromjié  dans  son  calcul  : 
It'S  gens  du  bon  ton  s'empressaient  de 
recourir,  dans  leius  maladies  ,  à  un 
médecin  aussi  spirituel  ;  la  princesse 
Anne  de  Danemark  lui  confia  le  soin 
de  sa  santé.  RadclifTc  ,  <à  ce  qu'd  pa- 
raît,  ne  s'en  soucia  pas  beaucoup: 
du  moins,  à  la  révolution  de  i()8H, 
il  lefusa  de  .suivre  la  princesse  au- 
près du  prince  d'Orange,  s'excusant 
su  rie  grand  nombre  de  malides  qu'il 
avait  a  Londres.    Le  nouveau    roi, 
riuillaume,    le  consulta,  ainsi   que 
plusieurs  personnes  de  sa  cour.  Rad- 
clillè  conserva  son  franc-parler  au- 
près du  tronc ,  et   n'en   but   même 
pas  ,  dit-on  ,  une  bouteille  de  moins. 
Son  ivrognerie  fut  le  prétexte  de  son 
renvoi   d'auprès  de  la  princesse  de 
Danemark  La  reine  Marie,  qu'il  avait 
traitée  ,  mourut  de  la  petite  vérole  : 
les  autres  médecins,  irrités  de  sa  caus- 
ticité, ne  man(juèrent  pas  d'attribuer 
cette   mort  à  la  négligence  ou  à  l'i- 
gnorance de  Radclifi'e.  Il  perdit ,  en 
effet ,  la  faveur  du  roi  lui-même  ,  qui 
s'était  d'abord  fort  amusé  des  saillies 
du  docteur,  mais  qui  ne  goûta  pas  du 
tout  la  réponse  que  KadclifTe  lui  fît 
un  jour  que  ce  prince  le  consultait 


RAD 

sur  l'enflure  de  ses  jambes.  Que  pen- 
sez-vous de  mes]  amlaes?  lui  demanda 
Guillaume.  «  IMa  foi ,  repondit  le  me'- 
dccin  ,  je  ue  voudrais  pas  avoir  ces 
jambes-là  ,  quand  même  vous  me 
donneriez  vos  trois  royaumes.  »  Il 
n'en  conserva  pas  moins  la  vogue 
dans  la  capitale  ;  ses  ennemis  avaient 
beau  le  décrier  comme  un  empirique 
et  un  charlatan  ;  le  "rand  monde 
s'égayait  de  ses  plaisanteries  ;  et 
bien  des  gens  ne  voulaient  gue'- 
rir  que  sous  le  traitement  d'un  me'- 
decin  d'esprit.  Il  fut  toujours  à  la 
mode  jusqu'à  sa  mort ,  arrivée  le 
1  S'',  novembre  17  i4-  L^ Encyclopé- 
die britannique  termine  l'article  qui 
le  concerne  ,  par  cette  reflexion  :  Si 
RadcliiTe  n'a  jamais  rien  fait  impri- 
mer ,  il  a  du  moins  éternisé  son  nom, 
en  fondant  une  belle  bibliothèque  à 
Oxford ,  pour  conserveries  écrits  des 
autres  (  i  ).  On  a  publié  quelques  let- 
tres de  lui ,  avec  sa  Vie  (  par  Will. 
Pittis),  en  in36.  Cette  Vie,  à  laquelle 
le  docteur  Mead  a  fourni  diverses 
anecdotes,  avait  eu  déjà  ,  sans  nom 
d'auteur ,  trois  éditions  ,  dont  la  pre- 
mière avait  paru  dès  1 7  1 4  ou  1 7  1 5  , 
sous  ce  litre  :  Quelques  Mémoires 
sur  la  Vie  du  docteur  Radclijf'e. 

D— G. 

RÂDCLIFFE  (  Anne  ) ,  anglaise  , 
auteur  de  quelques  romans  ,  qui 
ont  été  traduits  dans  presque  tou- 
tes les  langues  de  l'Europe  ,  naquit 
vers  1762.  Les  seules  particularités 
que  nous  connaissions  sur  cettedame, 
sont  qu'en  1 794  ,  elle  se  trouvait  à 
Fribourg  en  Brisgau  ,  d'où  elle  se 


(i)  Il  laissa  4o,oooliv.  st  prmr  la  construction  du 
bâtiment  ,  avec  une  rente  aunuelle  de  loo  liv.  sterl. 
pour  achat  de  livres  ,  et  de  i5o  pour  le  traitement 
des  bibliotliôcaires.  On  volt  tjue  le  tout  s'élève  i)  en- 
viron un  million  cent  vingt-cinq  mille  francs.  Si  un 
médecin  français  ,  moins  riche  ,  mais  qui ,  du  moins 
était  un  savant ,  a  fait  une  fondation  aussi  généreuse 
C  V,  FaLCONF.T  )  ,  il  a  donné  ses  livres  ,  au  lieu  que 
l'Anglais  n'a  donné  que  son  argent. 


RAD  525 

proposait  de  se  rendre  en  Suisse  ; 
mais  qu'elle  fut  obligée  de  renoncer 
à  ce  projet ,  parce  que  le  gouverneur 
de  celte  ville  ,  soupçonnant  qu'elle 
n'était  point  anglaise  malgré  les 
passeports  et  les  lettres  de  recom- 
mandation qu^elle  produisit ,  lui  re- 
fusa la  permission  de  continuer  sou 
voyage.  Les  journaux  anglais  ,  eu 
donnant  l'avis  de  sa  mort ,  n'y  joi- 
gnent aucun  détail  sur  sa  vie  :  rien  n^a 
élé  publié  sur  elle,  même  en  Angle- 
terre (  I  ) ,  si  nous  nous  en  rapportons 
à  l'éditeur  de  V Encyclopédie  britan- 
nique ,  publiée  à  Edinbourg  ,  qui  n^l 
pu ,  faute  de  matériaux  ,  lui  consa- 
crer une  courte  Notice  dans  son  Re- 
cueil. Nous  nous  bornerons  donc  à 
donner  la  liste  de  ses  ouvrages  ,  en 
faisant  connaître  le  jugement  qu'en 
ont  porté  quelques  écrivains.  I.  Les 
Châteaux  de  Dumblaine  et  d\4th- 
lin,  trad.  en  français  ,  1819,2  vol. 
in-  12.  II.  La  Forêt  ou  V Abbaye 
de  Saint-Clair,  roman  mêlé  de  poé- 
sie ,  3  vol.  in- 12  ;  traduit  eu  fran- 
çais, 1798,3  vol.  in-i  2.  Chénicrpla- 
ceccroman  immédiatement  après  les 
Mystères  d'Udolphe.  III.  Jnlia  ou 
les  Souterrains  du  château  de  Maz- 
zini,  trad.  en  français  1801  ,  2  vol. 
in- 12.  Chéuier  le  regarde  comme  le 
plus  faible  des  romans  d'Anne  Ra- 
dcliiïe  :  il  a  été  traduit  en  français 
par  un  anonyme.  IV.  Les  Mystères 
d'Udoljihe  ,  roman  mêlé  de  poésie  , 
Londres,  1794,  4  vol.  in- 12.  La 
réputation  de  l'auteur  était  déjà  si 
bien  établie  ,  que  le  libraire  acheta 
son  manuscrit  pour  la  somme  de 
mille  livres  sterling  ;  il  n'eut  pas 


(i)  Wychois  [Anecdotes  ofhowyer,  vilt,  367) 
parle  bien  d'une  Aune  Radcliffe  ,  célèbre  par  son 
esprit,  et  qu'il  qualifie  y'e)y  ingenious  driiin'atir 
wriler  :  celle-ci  était  fille  unique  de  William 
AVard ,  el  petite  nié'  e  du  docteur  John  Jebb ,  dont 
la  bibliothèquefutveudue  eu  178;.  11  n'eu  dit  ricu 
de  plus. 


5iG 


PxAD 


lieu  lie  s'en  repentir;  car  ce  roman 
sombre  et  mystérieux  eut  un  débit 
extraordinaire,  et  fut  souvent  réim- 
prime. Chenicr  ,  dans  son  Tableau 
hislurique  de  la  Littérature  fran- 
çaise ,  dit ,  «  que  c'est  le  meilleur  des 
»  Romans  d'Anne  Uadcliire  ,  et  que 
»  M"*".  V.  de  Chaslcuay  ,  qui  l'a  tra- 
»  duit  (  4  vol.  iu-i.2  ,  I7()7  ,  1808  , 
»  181Ç))  n'en  a  pas  afl'aibli  les 
»  sombres  beautés.))  —  «  Un  fonds 
))  d'événements  probables,  piquants 
))  et  variés  ,  un  style  brillant  ,  des 
»  sentiments  délicats  ,  mie  morale 
»  pure  ,  l'attrait  constant  de  l'in- 
»  térèt  »  ,  voilà  ce  qu'on  trouve 
dans  les  Mystères  d'UdoIplie  ,  au 
jiif;ement  du  rédacteur  de  la  liiblio- 
lliècpie  britannique  ,  dans  le  compte 
qu'il  rend  de  celte  production.  V.  -/ 
Journey  made  in  summer  I7()4> 
(  Fo-i  a'^e  fait  dans  l'été  de  1794» 
en  Ilullandc  et  sur  la  frontière 
d'.Jllemagnc,  avec  des  observations 
faites  dans  une  tournée  près  des 
lacs  de  Lancasliire,  f'^estnioreland 
et  Cuinberlarul),uii  vol.  in-4°.,  avec 
planches,  179.^,  traduit  en  fran- 
çais, par  Cantwel ,  deuxième  édi- 
tion, Paris,  1709,  "i  vol.  in-b". 
Ceux  qui  s'étaient  attendus  à  retrou- 
ver dans  celle  relation  l'esprit  roma- 
nesque qui  domine  dans  les  Mystères 
furent  bien  étonnés  de  n'en  découvrir 
presqu'aucune  trace.  1/auteur  de  la 
relation  décrit  avec  simplicitéetsans 
aucuns  frais  d'imaj^ination  les  lieux 
qu'il  avdil  ])arcourus  ,  et  les  événe- 
ments qui  s'y  étaient  passés  sous  ses 
yeux  :  c'est  ainsi  qu'il  détaille  jus- 
qu'aux opérations  militaires  ,  et  jus- 
qu'au siéi;e  de  Ma'ience  ,  par  Custi- 
ne:  ce  n'était  pas  là  ce  qu'on  attendait 
d'Anne  Radclille  en  voyage  ;  aussi  sa 
relation.futelle  assez  froidement  re- 
çue eu  Angleterre.  Bicnlùt  on  re- 
trouva la  célèbre  romancière  tout 


RAD 

eiilièrc  dans  un  nouveau  roman, 
VI.  L'Italien;  le  manuscrit  en  fut 
acheté  i,5oo  liv.  sterl.  par  les  li- 
braires Cadell  et  Davies  :  IMorellet 
le  traduisit  en  français  sous  le  titre 
de  Jj' Italien  ou  le  ConJ'essional  des 
Pénitens  noirs  ,  Paris,  179^,  18 19, 
3  vol.  in-ia;  et  il  en  parut  une  au- 
tre traduction  en  7  vol.  in- 18,  par 
M.jry  Guy  -  Allard  ,  sous  le  titre 
ce Eléonore  de  Rosalha.  L'influence 
de  ces  livres  remplis  d'horreuis  ro- 
manesques engagea  quelques  écri- 
vains à  s'élever  avec  force  contre  un 
genre  qui  dégc'ucrait  de  plus  en  plus 
entre  les  mains  d'imitateurs  sans 
génie.  Ces  crifiipies  ne  blrssèrent  pas 
moins  ramour-jjrojire  d'Anne  Rad- 
clille, qiu'  les  faibles  copies  que  de 
plats  écrivains  osèrent  lui  attri- 
buer. On  poussa  la  témérité  jusqu'à 
la  supposer  morte  (1),  et  publier 
comme  un  ouvrage  posthume  d'el- 
le ,  un  roman  intitulé  le  Toniheau 
(supposé  traduit  de  l'anglais,  Pa- 
lis, 2  vol.  in-i'i).  Ces  contra- 
riétés ,  jointes  à  lUie  santé  dtlicate, 
la  dégoûtèrent  de  la  carrière  d'au- 
teur; on  ])rétend  qu'elle  a  compose 
d'autres  ouvrages,  mais  qu'elle  a 
toujours  refusé  de  les  céder  aux  li- 
braires. Elle  se  retira  avec  son  mari 
à  Linclico  ,  auprès  de  Londres  ,  et 
y  termina  ses  jours  le  7  février  1 823, 
dans  la  soixante-deuxième  année  de 
sonâge^3;.  AnneRadcliflc  était  d'une 
petite  taille;  dans  sa  jeunesse  elle 
avait  montré  dans  la  conversation 
un  esprit  vif  et  agréable.  M'"<^.  Bar- 
bauld  a  recueilli  les  romans  de  Rad- 
clille ,  dans  son  édition  des  romans 


(a)  C'est  sans  donle  d'après  qiwlqurs  ii>urii.iiixdii 
toDijis  ,  (juc  M.  llarhier  a  d.t,  dans  lu  i'°.  ediliuii  de 
Sun  Diitioim.  dci  niionjrmcs  (  IV,  3^5  ),  qn'Aiino 
Hadcliffc  muuriit  »  Bruiiglitnn  près  Stiinlurd  ,  uii 
couinienccuici.l  de  i8oc)  ,  à  Tâge  de  71  .lus. 

(3)  Voyez  la  courte  notice  iiiseri'c  au  iWw  Mon- 
th{y  Magazine  de  uiai  iSsS  ,  pag.  aSz. 


RAD 

anglais.  «  Les  divers  romans  d'An- 
»  ne  Radclitîe,  olFrent,  dit  Che'nier, 
»  des  caractères  fortement  pronon- 
»  ces ,  des  situations  terribles  que 
»  l'auteur  amène  et  accumule,  au  lia- 
»  sard  de  s'en  tirer  péniblement  ;  de 
»  belles  descriptions  de  l'Italie  et  du 
»  raidi  de  la  France  ;  d'énergiques  ta- 
»  bleaux  ,  de  vrais  coups  de  théâtre, 
»  et  même  quelques  tons  de  Sliaks- 
»  peare, le £;e'nie  éminemment anj^lais 
»  qui, depuis  deuxsiccles,  fécondcen- 
1)  core  dans  sa  patrie  tous  les  champs 
«  de  l'imagination.  Ces  romans,  con- 
»  sidérés  dans  leur    ensemble  ,   se 
»  rattachent  à  une  seule  idée  d'un 
»  grand  sens.  Partout  le  merveilleux 
»  domine  ;  dans  les  bois ,  dans  les 
»  châteaux,  dans  les  cloîtres,  on  se 
»  croit  environné  de  revenants  ,  de 
))  spectres,  d'esprits  célestes  ou  in- 
)>  feruaux;  la  terreur  croît,  les  pres- 
»  tiges  s'entassent,  l'apparence  ac- 
»  quiert  presque  de  la  certitude;  et, 
»  quand  le  dénouement  arrive,  tout 
M  s'explique  par  des  causes  naturel- 
»  les.  Délivrer  les  esprits  crédules 
»  du  besoin  de  croire  aux  prodiges, 
»  est  un  but  très  -  philosophique  ; 
»  mais  les  plans  n'ont  pas  l'étendue 
»  et  la  portée  dont  ils  étaient  suscep- 
»  tibles.  L'exécution  en  serait  tont- 
»  à-la-fuis  plus  originale  et  plus  uti- 
»  le,  si  le  lecteur  était  forcé  de  rire 
»  des  choses  mêmes  qui  lui  ont  fait 
»  peur.  Tout  ce  qui  blesse  la  raison, 
»  tout  ce  qui  tend  à  la  dégrader,  est 
»  justiciable  du  ridicule  :  ses  traits 
»  sont  les  plus  fortes  armes  contre 
»  les  sottisesimportantes.  Horace  l'a 
»  dit,  et  Voltaire  l'a  prouvé,  Legcnre 
»  d'Anne  Radcliffe  exige  des  facultés 
»  médiocres  :  aussi  n'a -t -elle  pas 
»  manqué  d'imitateurs.  wL'àuteurde 
l'article  Radcliffe,  dans  le  nouveau 
Dictionnaire  historique,  critique  et 
bibliographique,  lui  attribue  :  i». 


RAD  5^7 

V  Avocat  des  femmes ,  ou  la  Tenta- 
tive pour  recouvrer  les  droits  des 
femmes  usurpés  par  les  hommes  ; 
1°.  les  Visions  du  château  des  Py- 
rénées; on  sait  que  ce  roman  est  de 
M.  G.R. — M.  Pigoreaunous  apprend 
que  l'on  a  encore  faussement  atlribué 
à  M'"*=.  Radclillc  le  Tombeau ,  qui  est 
d'Hector  Chaussier  et  Bizcl;  V Her- 
■mile  de  la  tombe  mystérieuse  ^  qui 
est  du  baron  de  La  Mothe-Houdan- 
courtj  le  Couvent  de  Sainte-Cathe- 
rine ;  la  Forêt  de  Montalbano. 

D — G  et  D — z — s. 
RADEGONDE(  Sainte)  était 
fdle  de  Bcrthaire,  roi  d'une  partie 
de  laThuringe,  ou  plutôt  du  p;iys 
de  Tongres  (  F.  Clovis,  TX,  i34, 
note  I  ).  Elle  fut  emmenée  prison- 
nière, à  l'âge  de  dix  ans,  par  Clo- 
taire  ,   qui  la  fit  instruire  dans  le 
christianisme,  et  lui  donna  des  maî- 
tres pour  cultiver  ses  heureuses  dis- 
positions. Touché  des  charmes  de 
sa  captive,  Clotaire  l'épousa j  mais 
Radegonde  ne  pouvait  aimer  un  ty- 
ran voluptueux  et  cruel,  qui  lui  don- 
nait d'indignes  rivales  et  qui  bientôt 
fit  égorger  le  frère  de  son  épouse  (  V. 
Clotaire  P'".)  Elle  lit  part  an  pieux 
évêquc  de  Noyon,  du  projet  qu'elle 
avait  de  fuir  la  cour  pour  se  con- 
sacrer à  Dieu  dans  wn  monastère. 
Saint  Mé  lard,  redoutant  la  vengean- 
de  Clotaire,  refusa  de  favoriser  son 
dessein.  Alors  Radegonde  coupa  ses 
cheveux  elle-même,  couvrit  sa  tête 
d'un  voile,  et  retourna  près  du  pré- 
lat ,  qui ,  touché  de  son  généreux 
courage,  l'ordonna  diaconesse,  quoi- 
qu'elle n'eût  pas  l'âge  prescrit  par 
les  canons.  Radegonde  se  rendit  en- 
suite à  Poitiers  ;   et ,  ayant  apaisé 
Clotaire,  en  obtint  la  permission  d'y 
fonder  im  monastère  ,  devenu  célè- 
bre, qui  prit  le  nom  de  Sainte-Croix, 
d'une  précieuse  relique    que   cette 


5-i8 


RAD 


princesse  reçut  de  reinpcrcur  Jusliii, 
et  qu'elle  y  déposa.  Elle  y  introduisit 
la  rè^Ic  de  saint  Ccsairc  d'Arles,  et 
mit  ce  couvent  sous  la  direction  d'une 
abbesse ,  à  laquelle  elle  rcsia  soumise 
elle-même.  Elle  mêlait  à  ses  exerci- 
ces de  pieté  la  culture  des  lettres,  et 
se  rendit  savante  dans  la  connais- 
sance des  Pères  grecs  et  latins  ,  des 
poêles,  et  des  historiens  ecclésiasti- 
ques. Radegonde  devint  la  protec- 
trice de  Fortunat,  qu'elle  s'attaclia 
d'abord  en  qualitc  de  secrétaire  et 
ensuite  de  chapelain  [F.  Fortunat, 
XV,  3o5  ).  Cette  pieuse  reine  mou- 
rut, en  587,  à  soixante-huit  ans,  le  i3 
août ,  jour  où  l'Église  honore  sa  mé- 
moire. Ses  obsèques  furent  célébrées 
par  saint  (irégoire  dcTours ,  pendant 
l'abseDce  de  l'évèque  de  Poitiers.  On 
déposa  ses  restes  dans  une  basilique 
qu'elle  faisait  bâtir ,  et  qui  reçut  le 
nom  de  la  sainte  fondatrice  que  la 
ville  de  Poitiers  regarde  comme  sa 
patrone  ,  et  dont  les  reliques  ont  été 
exposées  àla  vénération  publique  jus- 
qu'à leur  destruction  par  les  protes- 
tants ,  en  i56.i.  Nous  avons  de  sain- 
te R.idcgonde  un  Testament  en  for- 
me de  lettre  adressée  aux  évèques  de 
France.  Cette  piècea  été  insérée  par 
Grégoire  de  Tours ,  dans  son  His- 
toire, d'oii  çlle  a  passé  dans  les  Be 
ciieils  des  conciles  ,  dans  les  yJnna- 
les  de  Baronius  et  dans  celles  d'A- 
quitaine. Les  signatures  d'cvèqucs 
dont  elle  est  suivie,  dans  ce  dernier 
Recueil,  ont  été  ajoutées  après  coup. 
L'histoire  contemporaine  fait  men- 
tion de  plusieurs  autres  Lettres  de 
sainte  Radegonde;  mais  elles  ne  nous 
sont  point  parvenues,  ou  bien  elles 
sont  encore  ensevelies  dans  la  pous- 
sière des  bibliothèques'  Voy.  VHist. 
littér.  de  la  France,  m,  346).  On 
a  la  Vie  de  sainte  Badeg^onde^  par 
Fortunat.  Une  religieuse  du  monas- 


RAD 

tère  de  Sainte-Croix ,  nommée  Bau- 
donovie,  y  joignit  un  second  livre  , 
qui  contient,  sur  la  vie  intérieure  et 
sur  les  miracles  de  celte  sainte,  des 
détails  que  Fortunat  n'avait  pas  con- 
nus, ou  qu'il  n'avait  pas  cru  devoir 
rapporter.  Les  deux  livres   ont  été 
insérés  dans  le  Beciieil  de  Surius  , 
dans  le  tome  i*^''.  des  Acta  sanctor. 
ord.  S''.  Benedicti  {V.  INIabillon), 
et  dans  \qs  dictes  des  Bollandistes, 
au  1 3 d'août,  avec  un  long  et  savant 
Corumenlaire,  suivi  d'une  antre  Fie 
de  Radegonde,  par  Hildeljcrt ,  e,ê- 
que  du  I\Ians  (  V.  PlitnEBtr.T,  XJ\, 
3*^8  ).  Ce  sont  les  sources  dans  les- 
quelles ont  puisé  les  nombreux  his- 
toriens de  sainte  Radegonde  :  Jean 
Bouchet,  Pidoux,  Montoil,  Filleau, 
dom  Liron,  etc.  (i  )  INI""",  de  Gottis 
a  publié  récemment  un  roman  liis- 
rîque  intitulé  :  V Abbaye  de  Sainte- 
Croix  ,    ou   Radegonde  ,   reine   de 
Franco,  i8i5,  5  vol.in-r.>..    W-s. 
RADELGAIRE,  prince  de  Béné- 
vent,  où  il  régna  de  85  i  à  8r)4,  était 
le  (ils  et  le  successeur  de  Uadelgisc 
!'='■.,  qui  avait  introduit  les  Sarrasins 
dans  ces  contrées ,  et  causé  ainsi  le 
partage  et  la  ruine  du  grand-duché 
de  Bénévent.  Radelgaire,  par  sa  va- 
leur et  sa  probité,  s'efforça  de  répa- 
rer les  désastres  du  règne  précédent; 
mais  on  ne  connaît  aucune  })arlicu- 
larité  de  sa  vie.  Il  eut  pour  succes- 
seur son  frère  Adelgisc.     S.  S — i. 

RADELGISE  1«^'.,  prince  de  Bé- 
névent, dont  le  règne  fut  une  époque 
funeste  pour  l'Italie  méridionale,  où 
il  appela  les  Sarrasins  d'Afrique  et  de 
Sicile,  avait  été  trésorier  deSicard; 
et  ce  dernier  ayant  été  assassiné  en 
839,  son  trésorier  fut  désigné  par 
le  peuple  de  Bénévent  pour  lui  suc- 
céder :  mais  Salerne  et  Capone  ne    | 

^0  On  trouvera  In  liste  dttaillLP  de  leurs  ouvra - 
);es  dans  la  Bihl.  hist.  delà  Fninre,  II,  25oo8-»().      i 


RAD 

voulurent  point  reconnaître  cette 
élection.  Siconolfe,  frère  du  dernier 
duc,  et  Landolfe,  prince  de  Capoue, 
s'y  opposèrent  par  les  armes.  Radel- 
gise,  pour  maintenir  sa  nouvelle  di- 
gnité, o^ïrit,  dans  ses  e'tats,  un  éta- 
blissementaux Sarrasins,  qui, depuis 
peu  d'années,  avaient  conquis  la  Sicile 
surles  Grecs.  Il  lesincorporadansson 
armée  ;  et  il  força  ainsi  Siconolfe  de 
recourir  à  d'autres  Sarrasins,  que  le 
prince  de  Palerme  fît  à  son  tour  ve- 
nir en  Italie.  Le  fanatisme  religieux 
des  Musulmans  ,  la  férocité  de  sol- 
dats qui  ne  vivaient  que  de  bi^igan- 
dasi;es,  l'opposition  des  mœurs,  des 
coutumes,  du  langage,  tout  se  réunit 
pour  rendre  cette  guerre  désastreuse 
et  porter  la  désolation  dans  le  plus 
beau  pays  du  monde.  Tour -à -tour 
vainqueur  et  vaincu  ,  Radelgise  as- 
siégea Salerne  ,  en  84-*  ;  et  il  fut  as- 
siégé dans  Bénévent,  en  843,  Après 
dix  ans  de  combats,  l'Italie  mé- 
ridionale fut  partagée  entre  les  deux 
princes  ,  par  un  traité  dont  Louis 
II,  roi  d'Italie,  fut  médiateur.  Les 
provinces  situées  sur  la  mer  Adria- 
tique demeurèrent  à  Radelgise  et  aux 
princes  de  Bénévent  ses  succes- 
seurs; les  provinces  situées  sur  la 
Méditerranée  échurent  en  partage 
au  prince  de  Salerne.  Celui  de  Ca- 
poue  se  rendit  indépendant,  quelques 
années  après;  et  les  Sarrasins,  éta- 
blis à  Bari  et  dans  plusieurs  autres 
places  -  fortes  ,  restèrent  en  guerre 
avec  tous  les  Clirétiens  de  ces  con- 
trées. Radelgise P'.  mourut,  en  85 1, 
peu  après  ce  traité  de  partage  :  il  eut 
pour  successeur  Radelgaire,  son  fils. 
—  Radelgise  II,  prince  de  Béné- 
vent, régna  de  88i  à  900.  Son  père 
Adelgise  avait  été  massacré,  en  879, 
pour  faire  place  à  Gaiderise,  son  ne- 
veu.  Celui-ci  fut  cbassé  à  son  tour , 
en  881  ;  et  Radelgise  II  fut  élevé'  sur 
xxxvi. 


RAD  529 

le  trône  de  son  père.  Mais  ,  faible 
lâche  ,  et  s'abandonnant  aux  plus 
méprisables  favoris, il  excita  l'indi- 
gnation du  peuple,  qui  le  chassa  en 
884.  Après  douze  ans  d'exil,  Radel- 
gise fut  rétabli  dans  sa  principauté  , 
par  Ageltrude,  sa  sœur,  qui  avait 
épousé  l'empereur  Gui,  auparavant 
duc  de  Spolète.  Mais  Radelgise  ne 
se  maintint  qu'avec  peine  sur  le  trô- 
ne, de  896  à  900.  Les  Bénévenlins, 
qui  le  méprisaient,  le  livrèrent  enfin 
à  Atenolfe  P'".,  prince  de  Capoue, 
qu'ils  reconnurent  pour  souverain. 
Avec  Radelgise  II  finit  la  principau- 
té de  Bénévent,  qui,  sous  Radelgise 
I*^"".,  avait  perdu  son  ancienne  puis- 
sance, en  se  divisant.       S.  S — i. 

RADEMAKER(GnERARD),  pein- 
tre, naquit  à  Amsterdam,  en  iGni. 
Son  père,  habile  charpentier ,  et  qui 
était  assez  versé  dans  rarchiicclure 
pour  en  donner  publiquement  des 
leçons,  voulut  qu'il  exerçât  son  pre- 
mier métier,  avant  de  se  livrer  à  ce 
dernier  art.  Rademaker  devint  donc 
charpentier  :  mais  les  "moments  de 
loisir ,  que  lui  laissait  sa  profession, 
étaient  employés  à  lever  des  plans  , 
à  dessiner  des  élévations  ,  à  étudier 
la  perspective.  Tandis  qu'il  se  livrait 
avec  ardeur  à  ce  travail ,  un  habile 
peintre  de  portraits ,  nommé  Van 
Goor  ,  vint  apprendre  l'architecture 
chez  le  père  du  jeune  Rademaker  , 
qui  se  lia  bientôt  de  la  plus  vive 
amitié  avec  le  peintre ,  et  puisa  dans 
son  exemple  et  dans  ses  conseils  le 
goût  le  plus  décidé  pour  la  peinture. 
Entraîné  par  cette  nouvelle  inclina- 
tion, il  abandonna,  un  beau  jour,  la 
maison  paternelle ,  et  alla  se  réfugier 
chez  Van  Goor,  qu'il  eut  le  malheur 
de  perdre  au  bout  de  six  mois.  Mais 
il  sut  mettre  à  profit  le  peu  de  temps 
qu'il  vécut  avec  son  ami  :  les  jours  , 
les  nuits  ,  tous  ses  instants  ,  étaient 

34 


53o  RAD 

consacfes  au  travail  ;  et  les  pf  oç^cs 
qu'il  fil  furent  vraiment  merveilleux. 
Ija  venveiie  Van  Goor  ,  qui  peignait 
elle-même  avec  talent,  le  perfec- 
tionna dans  son  art ,  et  parvint,  par 
son  crédit ,  à  le  placer  auprès  de 
Coddc  ,  cvôjue  de  Sebaste  ,  pour 
enseigner  le  dessin  à  la  nièce  de 
ce  prélat ,  ijni  l'craraena  avec  lui 
à  Rome.  Pendant  un  séjour  de  trois 
ans  dans  cette  ville  ,  une  étude  cons- 
tante des  ihefs-d'œiivre  des  grands 
miitres  ,  le  mit  en  état  fie  marcher 
désormais  sans  guide.  Son  protec- 
teur, accusé  de  janscni>nie  ,  ayant 
été  retenu  à  Konie  ,  UaJeniaker  se 
vit  forcé  de  revenir  seul  en  Hollande. 
Arrivé  à  Amsterdam  ,  il  alla  trouver 
sou  aucienne  élève  ;  et  ils  firent  tant, 
par  leurs  démarches,  qu'ils  engagè- 
rent les  États  de  Hollande  et  la  ré- 
gence d'Amsterdam  à  écrire  à  Kome, 
en  faveur  de  révèqnedeScbasle,  qui 
obtint  du  Saint- Père  la  permission 
de  revenir  eu  Hollatide,  A  son  retour, 
le  prélat ,  pour  témoigner  sa  recon- 
naissance à  l'artiste  ,  lui  donna  sa 
nièce  en  mariage.  Uademaker  avait 
un  véritable  génie  pour  la  peinture  ; 
son  imagination  ét.iil  inépuisable,  et 
sa  facilité  presque  incrovalile:  néan- 
moins ses  tableaux  sont  étudiés,  et 
peu  de  peintres  ont  possédé  jnieux 
nue  lui  la  science  de  l'architecture  et 
de  la  peinture.  Toutes  ses  produc- 
tions sont ,  en  général ,  de  vastes  ma- 
chines ,  parmi  lesquelles  on  cite  une 
yuo  perspective  de  l'église  de  Sainl- 
PierredeUome,et  surtout  Icfahlcau 
all^f;orique  fie  la  Bé^ence  d'Ains- 
terdiini,  qu'il  a  peint  dans  l'hôlel- 
de-villc  de  celte  cité.  Malgré  le  nom- 
bre considérable  de  ses  tableaux  ,  il 
en  aurait  exécuté  bien  davantage,  si 
une  mort  prématurée,  duc  en  partieà 
l'excès  de  ses  travaux ,  ne  l'eût  enlevé 
aux  arts,  en  171 1  ,  âgé  seulement 


RAD 

de  trcnte»huit  ans.  —  Abraham  Ra- 
DEMAKtn ,  peintre  hollandais ,  naquit 
à  Amsterdam,  en  xG'j^.  On  ne  dit 
pas  qu'il  fût  parent  du  précédent. 
Son  père  était  un  pauvre  vitrier  ,  (|ui 
lui  permit  toutefois  de  cultiver  le  des- 
sin, I.c  jeune  .\braham  se  livra  à  l'é- 
tude le  jour  et  la  nuit,  et  se  mit  à 
dessiner,  à  l'encre  de  la  Chine  ,  tout 
ce  qui  le  frappait.  Bientôt  après  ,  il 
peignit  à  la  gouache  ;  et  il  sut  mettre 
dans  ses  tableaux  une  telle  vigueur 
de  coloris  ,  et  une  telle  hanliesse  de 
pinceau  ,  que  ses  tableaux  parais- 
saient peints  à  l'huile.  Lorsqti'ii  fut 
parvenu  à  ce  degré  de  perfection,  il 
apprit  la  perspective  et  rarchitec- 
lure  ;  et  ses  paysages  surtout ,  ornés 
de  fabriques  et  d'animaux  ,  fiicnt 
l'admiration  générale.  Toujours  gui- 
dé par  la  nature,  son  unique  maître, 
il  peignit  alors  à  l'huile  ;  et  ses  ou- 
vrages montrèrent  la  même  perfec- 
tion et  obtinrent  le  même  succès.  Ses 
petits  tableaux  sont  composés  avec 
art,  peints  avec  facilité  etavec choix: 
.sa  couleur  est  excellente  ;  et  rien  n'y 
décèle  celte  sécheresse  qui  se  laisse 
quelquefois  apercevoir  dans  ses  ta- 
bleatjx  de  plus  grande  dimension. 
En  1^30  ,  il  alla  se  fixer  à  Harlem, 
où,  deux  ans  après,  il  fut  reçu  mem- 
bre de  la  société  des  ]>eintres  de  celte 
ville.  H  mourut  le  u-i  jan\ier  \'j35. 
Le  Musée  du  Louvre  possède  de  cet 
artiste  un  dessin  à  la  plume  ,  lave 
à  l'encre  de  la  Chine,  qui  représente 
V Hiver.  \\  a  dessiné  et  gravé,  d'une 
j)ointe  légère,  un  recueil  fort  curieux 
des  faites  les  plus  mlère'^santes  des 
vwmimenls  de  V atUiquilé  ,  rq)an- 
dus  dans  les  Pnn>iitces-unies.  Ce 
Recueil,  composé  de  trois  cents  es- 
tampes ,  a  été  publié  à  .Amsterdam  , 
en  1781,  en  un  vol,  in-4'^  Nicolas 
Dufour  a  gravé ,  d'à  près  Rademakcr, 
deux  rues  de  la  Meuse.     P — s. 


RAD 

RADER  (  Matthieu  ) ,  savant  jé- 
suite ,  ne  dans  le  Tyrol ,  à  Inicliin- 
g<?n  ,  en  1 56i ,  embnssa  la  règle  de 
«aint  Ignace  à  l'àgc  de  vingt  ans  ,  et 
professa  la  rhétorique  dans  divers 
collèges  avec  lieauconp  de  succès. 
Il  fit  une  étude  aprofondie  des  lan- 
gues grecque  et  latine,  et  mérita, 
par  les  notes  dont  il  enriclilt  plu- 
sieurs auteurs,  l'estime  de  Juste  Lipse, 
de  V^elser,  et  des  plus  célèbres  philo- 
logues de  son  temps.  Son  ardeur 
pour  l'étude  était  si  grande,  qu'il  y 
consacrait  les  jours  et  les  nuits  ,  et 
que  l'on  a  dit  de  lui  qu'il  n'avait  fait 
toute  sa  vie  qu'apprendre  ,  ensei- 
gner et  écrire.  Cependant  il  remplis- 
saitavec  exactiludelesdevoirsdeson 
état  ;  et ,  après  avoir  servi  long-temps 
de  modèle  à  ses  confrères, il  mourut 
à  Munich  ,  le  22  décembre  1 634-  Ou- 
tre des  Commentaires  très-étendus 
sur  Martial  et  Quinte-Cnrce,  et  des 
IVotes  sur  la  Médée ,  la  Troade ,  et  le 
Thyeste  de  Sénèque;  on  a  du  P.  Ra- 
der,  des  traductions  latines  de  V His- 
toire du  Manichéisme  ,  par  Pierre 
de  Sicile  ,  Ingolstadt ,  1604  ,  in. 4°. , 
et  dans  le  tom.  ix  de  la  Ma^na  Bibl. 
Patrum;  —  des  Actes  du  huitième 
concile  œcuménique  ,  ibid. ,  1604, 
in  4".  ; — des  OEuvres  de  saint  Jean 
Cliniaque  (  F.  ce  nom  );  —  du  Chro- 
nicon  Alexandrimim,  Munich ,  1 6 1 5, 
in-4'*.  ;  ouvrage  plus  connu  sous  le 
nom  de  Chronicon  paschale ,  et  dont 
le  célèbre  Ducange  a  publié  la  meil- 
leure édition  (1),  qui  fait  partie  de 
la  collection  Byzantine  (  F.  Ducan- 
ge, VII ,  i5).  Enfin  les  autres  ouvra- 
ges  de  Rader  sont  :  I.  Firidarium 


(i)  Ducange  l'a  enrichie  de  Notes  et  d'une  Préfa- 
ce trcs-savarite ,  dans  laquelle  il  examine  Tiinpor- 
tance  de  cette  Chronique .  dont  il  indiqueles  princi- 
paux manuscrits.  A  la  suite  de  cette  préface  ,  on 
trouve  une  courte  Analyse  àa  Chronicon  ^tirée  des 
manuscrits  de  J.  B.  Haultin  ,  célèbre  aumismate  (f^i 


RAD 


i!3i 


Sanctonim  ex  Menœis  Grœcorum. 
collectum ,  annotationihus  et  simili- 
bus  historiis  illustratum,  Augsbourg, 
1604-1 612,  3  part.  in-8''.  C'est  un 
assez  bon  abrégé  des  Menées  ou  mé- 
nologes  grecs  ;  le  P.  Rader  se  propo- 
sait de  compléter  la  version  de  cet 
important  Recueil,  et  il  avait  prié 
Bollandus  de  traiter  avec  Balt.  Mo- 
retus  pour  l'impression.  Celui-ci  ne 
consentit  à  s'en  charger  qu'à  la  con- 
dition qu'on  y  joindrait  le  texte  grec; 
mais  Rader  n'eut  pas  le  temps  de 
terminer  ce  grand  travail  (  F. ]si  Pré- 
face générale  de  Bollandus  ,  dans  le 
tom.  i^''.  des  Actasanctor.,]).  xlvi). 
II.  Aula  sancta  Theodosii  Junioris 
imperatoris,  è  grœcis  et  lalinis  scrip. 
toribus  edilis  et  non  editis  concin- 
nata,  IVIunich  ,  i6o4,in-8''.  III. 
Fita  P.  Canisii  soc.  Jesu ,  ibid.  ^ 
1614  ;  deuxième  édition  ,  1623  ,  in- 
8°.  IV.  Bavaria  sancta  ,  ibid. , 
1615-24-27  ,  3  vol,  in-fol.  Cet  ou- 
vrage, auquel  il  faut  joindre  un  qua- 
trième volume  ,  intitulé  ,  Bavaria 
pia  ,  1628  ,  n'est  plus  guère  recher- 
ché qu'à  cause  des  belles  gravures  de 
Sadeler,  dont  il  est  orné.  V.  Aucta- 
rium  ad  librum  quintum  Nicolai 
Trigaltii  de  christianis  apud  Japo- 
nios  iriumphis  ,  Munich  ,  1623,  in- 
4°,  (  F.  IN  ic.  Trigaut.  )  W— s. 
RADHY-BILLAH.  F.  Rady- 

BlLLAn. 

RADICATI  (Albert),  F.  Pas- 
sera m. 

RADIER  (Dreux  du).  F. 
Dreux  ). 

RADONVILLIERS  (  Claude- 
François  Lysarde  de  ) ,  littérateur 
très- estimable,  né  à  Paris  en  1709, 
fit  ses  études  au  collège  de  Louis-le- 
Grand ,  sous  le  P.  Porée,  qui ,  témoin 
de  son  application  et  de  ses  progrès, 
conçut  pour  lui  la  plus  tendre  amitié. 
La  reconnaissance  qu'il  devait  aux 
34.. 


532  RAD 

Jésulles ,  et  son  goût  pour  les  lettres 
le  déterminèrent  à  prendre  l'habit  de 
saint  Ignace;  et,  après  avoir  subi  les 
épreuves  du  noviciat,  il  professa  les 
humanités  et  la  rhétorique  dans  diffé- 
rents collèges.  Pendant  qu'il  était  à 
Bourges  ,  il  eut  occasion  de  voir  lo 
ministre  INIaurepas ,  exilé  pour  avoir 
fait  une  chanson  contre  M*"*^.  de 
Poni  padour  (  F.  Maurepas,  XXVI I, 
546  )  ;  il  ga?na  son  estime  ,  et  lui  fut 
redevable  de  son  avancement.  Ce  fut 
par  ses  conseils  que  Radouvillicrs 
quitta  les  Jésuites,  sans  cesser  de 
leur  être  attaché ,  et  accepta  l'em- 
ploi de  secrétaire,  que  lui  faisait  of- 
frir le  cardinal  de  la  Rochefoucauld, 
archevêque  de  Bourges.  Il  accompa- 
gna ce  prélat  dans  son  ambassade  à 
Rome,  et  fut  ensuite  employé  ,  sous 
ses  ordres,  dans  le  ministère  de  la 
feuille  des  bénéfices.  Après  la  mort 
de  son  illustre  protecteur,  l'abbé  de 
Radonvillicrs  fut  nommé  sous -pré- 
cepteur des  enfants  de  France;  et  il 
justifia, par  son  zèle  et  parsestalents, 
cette  marque  d'une  haute  confiance. 
Une  intrigue  formée,  dit-on  ,  à  son 
insu  ,  le  mit  sur  les  rangs  ,  après 
la  mort  de  Marivaux,  pour  lui  suc- 
céder à  l'académie  française.  11  y  fut 
admis  sans  aucune  opposition,  par 
le  sacrifice  que  lui  fit  Marmonlel , 
son  concurrent,  de  toutes  les  voix 
dont  il  pouvait  disposer  ;  et  il  se 
montra  très  reconnaissant  de  ce  pro- 
cédé généreux  (Voy.  les  Mémoires 
de  Marmonlel,  liv.  vu).  L'abbé  de 
Radonvilliers  ,  en  qualité  de  direc- 
teur de  l'académie ,  se  trouva  chargé 
d'y  recevoir  l'abbé  Delille  ,  Ducis  , 
qui  succédait  à  Voltaire ,  et  l'illustre 
Malesherbes;  et,  dans  ces  trois  cir- 
constances mémorables,  il  se  mon- 
tra le  digne  interprète  des  sentiments 
de  l'académie  et  du  public.  Il  sut 
louer,  sans  restriction,  le  traducteur 


RAD 

des  Géorgiques  ,  et  le  vertueux  chef 
de  la  magistrature;  mais ,  en  rendant 
justice  au  talent  prodigieux  de  Vol- 
taire ,  il  osa  le  plaindre  de  n'en  avoir 
pas  toujours  fait  l'usage  que  lui  con- 
seillait rintérct  même  de  sa  gloire 
(  1  ).  D'utiles  travaux  ,  des  études 
grammaticales ,  ou  des  essais  de 
traductions ,  qu'il  ne  confiait  qu'à  l'a- 
mitié, occupèrent  ses  loisirs.  Il  con- 
sacrait tout  le  reste  de  son  temps  à 
des  devoirs  dont  il  connaissait  l'im- 

Sortance,  et  dont  rien  ne  pouvait  le 
étourner.  L'expérience  qu'il  avait 
acquise  des  affaires  le  faisait  consul- 
ter par  les  divers  ministres  ,  sur  plu- 
sieurs questions  épineuses;  et  rare- 
ment on  s'écartait  de  son  avis.  Il  eut 
pour  récompense  de  ses  services  la 
charge  de  conseiller  -  d'état  ,  qu'il 
n'accepta  que  malgré  lui,  par  la  dé- 
fiance qu'il  avait  de  ses  forces  et  par 
le  désir  de  rester  utile  à  son  pays  , 
qu'il  aimait  sincèrement.  L'abbé  de 
Radonvilliers  mourut  à  Paris,  le  'lo 
avril  l'ySç),  dans  sa  quatre-vingt- 
unième  année.  Il  n'eut  point  do  suc- 
cesseur à  l'académie  française  ;  et  ce 
ne  fut  qu'en  1807  que  le  cardinal 
Maury ,  aflmis,  pour  la  seconde  fois, 
à  l'académie ,  se  chargea  de  payer 
un  tardif  hommage  à  la  mémoire  de 
son  ancien  confrère.  A  des  talents 
très-remarquables,  l'abbé  de  Ra- 
donvilliers joignait  des  vertus  plus 
rares  encore,  et  surtout  une  charité 
inépuisable  envers  les  pauvres  , 
auxquels  il  distribuait  annuelle- 
ment plus   des  trois  quarts  de  son 

'     F     ■    '  " 

(i)Laharpc,  grand  adrairatenrde  Voltaire  à  relie 
crKxfue  fi/aiiprouv.iit  point  la  ronduile  de  Ta^bé  de 
KadooTillier!!.  >:  Ceux  des  academicieus,  dit-il ,  à 
qui  il  avait  lu  son  discours ,  n'avaieot  pu  l'engager 
à  supprimer  les  expressions  de'placées  dans  IV-loge 
d'nn  confr«.'re.  On  avait  même  fait  des  eftbrts  pour 
lui  persuader  de  laisser  i  un  autre  les  fonctions  de 
directeur,  s'il  ne  trouvait  pas  qu'elle  s'accordassent 
assez,  avec  ses  principes  et  avec  son  état.  II  a  pcr- 
siaté  à  vouloir  les  remplir»  (Correspondanet  liltcr., 
11,  344)- 


RAD 

rèvcuu  (2).  Ses  Œuvres  diverses 
ont  été  recueillies  et  publiées  par 
M.  No^jl,  Paris,  1807,  3  vol.  in- 
8".  Le  premier  volume ,  précédé  de 
l'Eloge  de  l'auteur  par  le  cardinal 
Maury  (  /^q^.  ce  nom  )  ,  contient  le 
Traité  De  la  Manière  d'apprendre 
les  Zangue^,  imprimé  en  1768,  in- 
8°.,  et  qui  sufiirait  pour  assurer  à 
Radonvilliers  une  place  parmi  nos 
grammairiens  les  plus  distingués. 
L'éditeur  y  a  joint  les  remarques 
laissées  par  Radonvilliers  sur  son 
ouvrage  ;  l'indication  des  princi- 
paux auteurs  dont  les  méthodes  se 
rapprochent  de  celle  de  notre  aca- 
démicien, tels  que  Dumarsais,  Plu- 
che,  etc. ,  et  une  Notice  sur  le  collè- 
ge d'Aquitaine,  sous  la  principalité 
d'André  Govea  (3).  On  trouve,  dans 
le  second  volume  ,  une  Idylle  sur 
la  convalescence  du  roi ,  seul  mor- 
ceau de  poésie  qui  reste  de  Radon- 
villiers (4)  ;  divers  Opuscules  com- 
posés pour  l'éducation  des  enfants 
de  France  ,  et  qui ,  selon  Maury  , 
rappellent  la  manière  et  le  style  de 
Fénélonj  des  Fragments  d'un  ou- 
vrage en  forme  de  lettres  ,  entrepris 
pour  la  défense  de  la  religion  ;  quel- 
ques Articles  traduits  du  Spectateur 
d'Addison  ;  les  Discours  acadénii- 
7«e5;etlatraduct.  des  trois  premiers 


(s)  Dans  tous  les  pays  où  il  avait  des  revenus  ec- 
clésiastiques, il  en  déléguait  le  quart  aux  indi^euls 
du  lieu  :  luais  à  Paris,  il  avait  abonné  au  mois  ses 
charités  courantes;  et  durant  les  trente-trois  der- 
nières années  de  sa  vie  ,  il  n'a  jamais  manqué  d'en- 
voyer cent  lj)uis  au  curé  de  Saiut-Roch  ,  sa  paroisse 
(  Voy.  son  Eloge ,  par  le  cardinal  Maury  ). 

(3)  L'article  consacré  à  ce  savant  jurisconsulte, 
toin.  XVIII,  y.  aïo,  peut  être  complété  d'après  les 
nouvelles  recnerches  de  M.  Berryat  Saint-Prix  : 
voyez  sa  Notice  surl'ancienne  université  de  Greno- 
ble ,  insérée,  en  1821  ,  dans  les  Méin.  de  la  sucièté 
royale  des  antiquaires  de  France,  111,  3()o-452. 

(4)  Il  avait  composé,  en  174°'  "''^  comédie 
intitulée  ,  les  Talents  inutiles,  qui  fut  jnu<  e  avec 
succès  par  les  é'èves  du  collège  de  Louis-le-Graud; 
mais,  ou  cette  pièce  s'est  perdue  avec  la  plupart  des 
manuscrits  de  Radonvilliers,  ou  bien  son  éditeur  ne 
l'a  pas  jugée  digue  deCgui-er  dans  la  collection  de  ses 
Obiii-res. 


RAD 


533 


livres  de  VÈnéide.  Enfin  le  troisiè- 
me volume  ,  qui  se  détache  des  deux 
premiers,  renferme  la  traduction  des 
Fies  des  hommes  illustres, -car  Coi'- 
nélius  Nepbs,  revue  et  terminée  par 
M.  Noél.  W— s. 

RADY-BILLAH  (Abou'l  Abbas 
Mohammed  VIII,  Al-)  onzième kha- 
lyfe  abbasside  de  Baghdad ,  fils  de 
Moctader ,  fut  tiré  de  la  prison  où 
son  oncle  Caher-Billah  l'avait  fait  ren 
fermer,  et  mis  en  la  place  de  ce  prin- 
ce ,  déposé  l'an  3  >.2  de  l'hég.  (  933 
de  J.-G.  )  (  Fof.  Caher.  )  H  choisit 
pour  vezyr  le  célèbre  Ibn  -  Moclah 
qui, n'ayant  pas  su  réprimer  les  trou- 
pes mutinées,  fut  destitué  peu  d'an- 
nées après  ,  et  périt  misérablement 
(  F.  MocLAU  ,  XXIX,  191  ).  L'an 
3^4  (  936  ),  Rady  ,  pressé  de  tous 
côtés  par  les  divers  usurpateurs  qui 
avaient  démembré  l'empire  musul- 
man, créa  la  chaige  à'Emjr  al-om- 
rah  (  prince  des  princes  ) ,  en  faveur 
de  l'un  d'eux,  AboubekrMohanimed 
Ibn-Raïek  ,  maître  de  Koufah  ,  de 
Waseth  ,  de  Bassorah  et  de  presque 
tout  rirak-Araby.  Cette  charge  don- 
nait à  celui  qui  en  était  revêtu  ,  l'ad- 
ministration suprême  des  iiuauces 
et  de  toutes  les  affaires  civiles  et  mi- 
litaires ,  avec  le  droit  de  srippléer  le 
khalyfe  dans  les  fonctions  sacerdo- 
tales ,  et  d'être  nommé  après  lui  dans 
la  khothbah.  Ainsi  l'indolent  Rady, 
en  croyant  se  donner  un  protecteur  , 
acheva  d'avilir  le  khalyfat,  et  l'as- 
servit à  une  puissance   tyrannique 
dont  plusieui's  de  ses  successeurs  fu- 
rent les  victimes.  Lui-même  fut  ré- 
duit au  point  de  ne  pouvoir  disposer 
d'un  dinar  ,  sans  la  permission  de 
l'emyr  al-omrah  ,  ou  de  son  secré- 
taire. Le  vezyrat  ne  fut  plus  qu'un 
vain  titre,  que  l'onsupprimadans  la 
suite.  Telle  fut  la  forme  du  gouver- 
nement qui  subsista  dans  Baghdad 


534  BAD 

pendaut  plus  de  deux  siècles ,  jusqu'à 
la  décadence  des  sulthans  seldjouki- 
des,  qui  succédèrent  aux  princes  de 
la  maison  de  Bowaiah,  dans  la  char- 
ge d'cmir  al-omrah.  Avant  ces  der- 
niers ,  elle  ne  fut  possédée  que  par 
des  brigands  et  des  scélérats.  Ibn 
Raïek ,  qui  en  avait  été  revêtu  le  pre- 
mier, débuta  parmi  traité  honteux 
avecjes  Carmalhes  ,  auxquels  il  s'o- 
bligea de  payer  un  tribut  annuel  au 
nom  du  khalyfe  ,  pour  obtenir ,  eu 
faveur  des  Musulmans,  la  liberté  du 
pèlerinage  de  la  Mekke,  qui  était 
au  pouvoir  de  ces  sectaires.  (  Foy. 
Carmatu).  Ibn  Raïek  employa  les 
forces  de  B  ighdad  à  venger  ses  que- 
relles personnelles.  ^1  n'avait  pas 
encore  gouverné  deux  ans ,  lors- 
qu'il fut  chassé  par  le  turk  Yah- 
cara  ,  son  lieutenant,  qui  s'empara 
de  Baghdad  el  de  la  charge  d'émir 
al-omrah.  De  tout  le  vaste  empire 
londé  par  les  premiers  successeurs 
de  Mahomet ,  il  ne  restait  que  cette 
ville  aufaible  khalyfe.  Le Khoraçan, 
le  Kerraan  et  la  Transoxane  étaient 
possédés  par  les  princes  Samanides. 
Le  reste  de  la  Perse  était  partagé  en- 
tre Waschineghyr,  frère  du  fameux 
IMardawid)  (  F.  ce  nom  ) ,  et  les  en- 
fants deBowaïah.  {F.  Imad-eddau- 
lah).  Les  LamdaiiiJes  étaient  maî- 
ties  delà  Mésopotamie;  et  l'Egypte 
avait  pour  souverain  AboubekrMo- 
tammed  al-Ykhchid.  Tous  ces  usur- 
pateurs  reconnaissaient  du  moins  le 
i.halyfc  Rajy  pour  suzerain  et  pour 
chef  spirituel.  Mais  l'Espagn-j  ,  où 
régnait  une  branche  des  Ommaïades, 
l'Afrique  et  la  Sinile  qui  obéissaient 
aux  khalifes  Fathimides,  et  l'Arabie 
presque  entière  dont  les  Carraathes 
étaient  restés  maîtres ,  s'étaient  entiè- 
rement aiTrauchies  delà  domination 
des  khalyfes  Abbassides.  Rady  fut 
forcé,  l'an  3:^8,  de  suivre  son  nou- 


RAD 

veau  tyran,  qui  marcha  pour  faire  la 
guerre  au  prince  de  Moussoul  (  Foy. 
Nasser  -  ed  -  Daulah  ).  Il  mourut 
d'hydropisie  ,  fruit  de  ses  excès 
avec  les  femmes,  le  i6  raby  i*^"".  de 
l'année  suivante  (  19  décembre  , 
94o  de  J.  -  G.  ),  dans  la  trentième 
année  de  son  âge ,  et  la  septième 
d'un  règne  à  peu  près  semblable 
à  ceux  de  nos  rois  fainéants.  Ce 
prince  indolent  et  voluptueux  était 
all'able  et  libéral ,  Surtout  envers  les 
savants  et  les  gens  de  lettres.  Il  cul- 
tiva l'éloquence  et  la  poésie;  et  l'on 
trouve  quelques-uns  de  ses  vers  dans 
Elinakin  et  dans  Abou'1-feda.  Il  fut 
le  dernier  des  khalyfes  (  au  moins 
jusqu'à  l'époque  où  ils  recouvrèrent, 
sinon  leur  puissance,  du  moins  leur 
indépendance  )  qui  ait  fait  des  vers  , 
olliciéponlificaIement,paru  à  la  tête 
des  armées,  disposé  des  trésors  de 
l'état,  en  un  mot ,  qui  ait  conservé 
quelque  ombre  d'autorité  sur  les  Mu- 
sulmans. A — T. 

RADZTWIL  (Nicolas  IV),  pa- 
latin de  Wilna  ,  au  seizième  siècle, 
descendait  d'une  noble  et  ancienne 
famille  connue  dans  l'histoire  de  Li- 
thuanie,  long-temps  avant  sa  réunion 
à  la  Pologne,  par  Jagellon.  Nid  gen- 
tilhomme ne  le  surpassait  en  adres- 
se aux  exercices  du  corpsj  et  la 
réputation  de  sa  bravoure  s'étendait 
dans  toutes  les  cours  de  l'Europe. 
Luther  venait  de  donner  le  signal 
des  querelles  théologiques  (jui  trou- 
blèrent et  ensanglantèrent  l'Allema- 
gne pendant  plus  d'un  siècle.  Le 
jeune  Kadziwil  s'engagea  dans  la 
controverse  avec  toute  l'ardeur  de 
son  caractère,  et  se  prononça  pour 
les  réformateurs,  dont  il  favorisa  l'é- 
tablissement en  Pologne.  Son  devoir 
l'appelait  à  la  cour  de  Sigisraond- 
AugHste,  qui  l'avait  nommé  capitaine 
de  ses  gardes ,  et  qui  ne  cessait  de  le 


[RAD 

coarWer  de  marques  d'amitié'.  Rad- 
ziwil  se  distingua  dans  la  guerre 
contre  les  chevaliers  Tentoniques  , 
en  1557  ,  et  fut  nommé  gouverneur 
de  la  Livonie,  ce'dce  aux  Polonais  par 
Gothard  Ketler,  dernier  grand-maî- 
tre. En  i564  ,  il  fut  charge  de  re- 
pousser les  Knsses,  qui  s'étaient  em- 
parés de  la  Lithuanie  sans  aucune 
déclaration  de  guerre  :  forcé  de  lever 
le  siège  de  Polotsk,  faute  d'artille- 
rie, il  se  retirait  en  bon  ordre,  quand 
il  surprit  l'armée  russe  dans  ses  can- 
tonnements, le  26  janvier  i565  ,  et 
la  tailla  en  pièces.  Les  soldais  échap- 
pés à  cette  journée  furent  poursuivis 
et  tués  par  les  paysans  •  de  sorte  que 
la  Lithuanie  fut  cnlièremeut  délivrée 
de  ses  ennemis.  Au  milieu  des  camps, 
Radziwil  n'oubliait  pas  les  intérêts 
de  la  réforme  :  le  nonce  du  pape ,  Lip> 
pomani ,  lui  écrivit  pour  le  plaindre 
d'un  aveuglement  qui  compromettait 
son  salut  :  «  C'est  vous-même  ,  lui  ré- 
pondit Radziwil ,  qui  êles  un  héréti- 
que. »  11  avait  recueilli  les  nouveaux 
pasteurs  dans  son  palais  de  Wihia  , 
où  les  réformes  polonais  tinrent  leur 
premier  synode  ,  au  mois  de  décem- 
bre 1.557  y  enfin,  il  établit  à  Brzcscie 
un  atelier  typographique  d'où  sorti- 
rent plusieurs  ouvrages  ascétiques , 
et  une  traduction  de  la  Bible  en  po- 
lonais (i),  dont  l'impression  fut 
achevée  en  i563.  Elle  est  de  la  plus 
grande  rareté ,  parce  que  beaucoup 
d'exemplaires  en  ont  été  mutilés  et 
jetés  au  feu.  Cette  version  ,  faite 
d'après  le  texte  hébraïque,  et  im- 
primée aux  frais  de  Radziwil ,  lui 
coûta,  dit-on,  plus  de  trois  mille 
ducats.  Le  palatin  de  Wilna  mou- 


(i)  11  existait  déjà  une  Bible  en  polonais,  Craco- 
vie  ,  lôGi  ,  iii-tul.;  mais  cette  virsioii  avait  cte  faite 
d'après  la  Vulgate  :  et  postei  ieurement  à  la  Viliie  de 
Rtidziwil ,  il  a  paru  dans  la  même  langue  difttren- 
tes  traductions, sur  lesquelles  on  trouvera  des  dctails 
dans  la  Bibliothèque  curieuse  de  Dav,  Cltoent. 


R.ra  535 

rut  en  1567  ,  et  fut  porté  dans  le 
tombeau  de  ses  pères  par  ses  qua- 
tre fils.  W — s. 

RADZÏWIL  (NîcoLAs-CnRisTo- 
PUE  ) ,  duc  d'Olica  et  de  Nieswitz  , 
fils  aîné  du  précédent ,  naquit  en 
1549.  ^^  père,  qui  était  grand- 
chancelier  de  Lithuanie  ,  l'envoya 
en  Allemagne  ,  lorsque  son  fils  n'a- 
vait que  quatorze  ans.  Le  jeune  Rad- 
ziwil fut  présenté  à  l'empereur  Maxi- 
milien  II  ,  à  la  diète  d'xAugsbourg. 
Il  abjura  le  luthéranisme  ainsi  que 
ses  frères,  après  la  mort  de  son  père, 
et  alla  ensuite  en  Italie,  où  le  pa- 
pe Pie  Y  l'accueillit  avec  bonté. 
De  retour  dans  sa  patrie  ,  Radzi- 
wil, attaqué,  en  1675  ,  d'une  ma- 
ladie grave  ,  contre  laquelle  l'art 
des  médecins  échouait,  lit  vœu  ,  s'il 
en  réchappait,-  de  visiter  le  Saint- 
Sépulcre.  L'année  suivante,  il  prit 
les  eaux  de  Javor  ,  pour  compléter 
sa  guérison;  elle  n'était  pas  achevée 
en  1577.  Sur  ces  entrefaites,  la  guer- 
re avec  la  Moscovie  éclata.  Il  fit  la 
campagne  de  1 578.  Les  fatigues  qu'il 
éprouva,  l'obligèrent  de  chercher  la 
santé  en  Allemagne.  Songeant  cepen- 
dant à  l'accomplissement  de  son 
vœu,  il  était  revenu  en  Lithuanie 
pour  les  préparatifs  de  son  dé- 
part, lorsque  l'arrivée  d'Etienne  Bat- 
tori,  roi  de  Pologne,  changea  sa  ré- 
solution. «  Ayant  embrassé  l'état 
»  militaire,  dit-il ,  je  devais  marcher 
»  avec  mon  roi,  contre  l'ennemi  de 
»  la  patrie.  »  Il  fut  blessé  à  la  tête 
d'un  coup  de  feu ,  à  la  bataille  de 
Polotsk.  Dès  qu'il  fut  convalescent,  il 
reprit  son  projet  de  pèlerinage,  et 
s'achemina  vers  l'Italie,  en  i58o. 
La  peste,  qui  dévastait  l'Oiient,  le 
força  de  retourner  en  Lithuanie  j  et 
il  accompagna  le  roi  au  siège  de 
Pleskovr.  La  paix  permit  à  Radzivil 
d'effectuer  son  dessein ,  le  16  sep- 


536 


RAD 


tembre  i582.  Reçu  partent  avec  dis- 
tinction, il  alla  s'embarquer  à  Veni- 
se; visita,  en  passant ,  la  Dalmatie, 
Zautc,  Candie  et  Cyprc,  et  prit  ter- 
reà  Tripoli  de  Syrie.  Il  vil  le  Liban, 
Balbck ,  Damas,  le  lac  de  Ge'ne'sa- 
rctli  et  Samarie.  Après  avoirsatisfait 
sa  dévotion  à  Jérusalem,  il  gagna 
les  bords  du  Jourdain  et  de  la  mer 
Morte,  revint  à  Jérusalem ,  et  se  di- 
rigea sur  lafa,  puis  sur  Tripoli,  où 
il  appareilla  pour  Damiette.  Ayant 
séjourné  auCaire,  examincles  pyra- 
mides, et  parcouru  les  puits  des  mo- 
mies ,  il  descendit  le  iS'il,  fit  voile 
d'Alexandrie  pour  Corfou  ,  et  ensui- 
te pour  Otrante.  Dépouillé,  ainsi  que 
ses  compagnons  de  voyage,  par  des 
brigands,  près  de  Monte- Silvano  , 
sur  les  bords  du  Sala ,  dans  la  Prin- 
cipauté citérieure,  il  continua  son 
voyage  le  long  de  la  côte  orientale 
de  l'Italie,  traversa  le  Tyrol,tt  re- 
vit ses  foyers,  en  15.S4.  11  assista, 
en  1587,  ^  '^  ^'^'<^  d'élection  de  Si- 
gismoud  Auguste  111,  devint  maré- 
chal de  la  cour  ,  puis  vo'ivode  de 
Trozka  et  de  Wida.  Il  mourut  à 
Kieswies  en  1G16,  et  fut  inhumé 
dans  l'église  des  Jésuites  ,  revêtu  de 
son  habit  de  pèlerin.  On  a  de  Hadzi- 
Avil,  en  polonais  :  rorai^e  à  Jéru- 
salem. Ce  livre  fut  traduit  en  la- 
tin, par  Thomas  Trotter,  custode 
de  l'église  de  Warmie;  il  est  inti- 
tulé :  lerosolymitana  peresjina- 
tio  illust.  Pr!  N.  -  Chr.  Radzivil , 
etc.,  Brunsberg,  i(3oi  ,  in-fol.;  a*^. 
édit.',  corrigée  et  augmentée,  An- 
vers, 1G14  ,  in-ful. ,  fig.  Cette  édi- 
tion ,  quoiquç  moins  rare,  est  plus  re- 
cherchée que  la  première.  La  re- 
lation de  Radzi-vvil  ,  comprise  en 
quatre  lettres,  est  intéressante  par 
les  détails  qu'elle  donne  sur  la  Terre- 
Sainte,  l'Egypte  et  les  antres  pays 
que  Radzivil  a  vus ,  et  par  la  manière 


RAD 

dont  elle  est  écrite.  L'auteur  raconte 
sans  prétention  ce  qui  lui  est  arrivé. 
Quelquefois  il  est  crédule  ;  mais  ja- 
mais ses  récils  ne  peuvent  faire  sus- 
pecter sa  bonne-foi.  E. 

RADZIWIL  (Françoise,  prin- 
cesse DK  ),  fille  du  prince  Janus  Wis- 
sicniowecki,  castcllan  de  GracoA'ie  , 
arrière -neveu  du  roi  Michel,  fut  la 
première  femme  du  prince  Michel- 
Casimir  Radziwil ,  palatin  deWilna 
et  grand  -  maréchal  de  Lithuanie  , 
dans  le  dernier  siècle.  Elle  écrivit  en 
polonais  des  tragédies  et  des  comé- 
dies ,  et  traduisit ,  dans  la  même  lan- 
gue, quelques  pièces  françaises,  et 
notamment  un  Traité  des  devoirs 
du  soldat  chrétien,  W'i\i\a  ,  1748, 
in-  12,  fig.  Le  Recueil  des  OEuvres 
dramatiques  de  la  princesse  Radzi- 
>vil  parut  en  1751.  On  a  de  cette  mê- 
me princesse  une  Instruction  à  ses 
enfants  ,  sur  leurs  devoirs  envers 
Dieu  ,  envers  le  prochain,  et  envers 
eux-  mêmes.  —  La  seconde  femme 
du  princeR^uziAViL, palatin  deWil- 
na ,  de  la  famille  Mycieziski,  se  dis- 
tingua également  par  son  goût  pour 
la  poésie,  et  laissa  un  Recueil  de  vers 
sur  divers  sujets  sacrés  et  profanes. 
—  Ulric  ,  prince  de  Radziwil  ,  fut 
grand-ronnétable  de  Lithuanie,  dans 
le  dernier  siècle.  11  cultiva  la  poésie, 
et  jiublia  plusieurs  Poèmes  dans  la 
langue  de  son  pays  :  celui  qui  a  pour 
titre  ,  Des  peines  des  hommes  dans 
toutes  les  conditions  de  la  vie ,  pa- 
rut en  174'  5  in-80.,  sans  lieu  d'im- 
pression. Le  prince  Radziwil  tra- 
duisit aussi  en  vers  polonais,  la  Thé- 
baide,  ou  les  Frères  ennemis,  de  Ra- 
cine. Voyez  L'ibliotheca  pcëtarum 
Polonorum  do  Zaluski.    C — au. 

RADZIWIL  (Charles  de),  palatin 
de  W^ilna  ,  descendait  d'une  noble  et 
ancienne  famille  de  Lithuanie,  qui , 
parla  substitution  des  bicos^  conser- 


RAD 

v^e  dans  cette  province  malgré  les 
lois  et  les  règlements  de  la  Pologne , 
possédait  d'immenses  richesses.  A  la 
mort  de  son  père  ,  il  se  trouva  maî- 
tre d'une  fortune  évaluée  à  cinq  rail- 
lions de  revenu:  il  avait,  dans  ses 
domaines  ,  plusieurs  forteresses  ,  et 
pouvait  lever  jusqu'à  six  mille  sol- 
dats. Elevé,  dit  Ruihière  ,  comme 
dans  les  temps  barbares  ,  le  jeune 
Radziwil  n'était  presque  jamais  sorti 
des  forêts  de  la  Lithuanie.  Etranger 
à  tous  les  arts  ,  à  toute  politesse  ,  il 
avait  une  confiance  féroce  dans  sa 
force  corporelle  ,  dans  le  nombre  de 
ses  amis,  dans  la  valeur  de  ses  sol- 
dats, et  surtout  dans  la  droiture  de 
ses  intentions  :  car  un  sentiment  de 
justice  et  de  grandeur  le  guidait  mal- 
gré sa  férocité;  et,  quoique  sans  es. 
prit ,  il  avait  un  sens  droit ,  quand 
la  passion  du  vin  n'en  obscurcissait 
pas  la  lueur.  Presque  toute  la  jeune 
noblesse  de  Lithuanie  lui  composait 
uue  cour  ,  et ,  à  son  exemple ,  se  li- 
vrait à  une  licence  effrénée.  D'au- 
tres s'attachaient  à  lui  dans  l'espé- 
rance que  ses  bonnes  qualités  fini  raient 
par  l'emporter  sur  ses  vices ,  et  qu'il 
emploirait  un  joursa  fortune  à  défen- 
dre la  liberté  publique  (  Voy.  VHist. 
de  l'anarchie  de  Pologne  ).  Le  roi 
le  revêtit ,  en  1762  ,  de  la  première 
dignité  de  la  province  ,  pour  l'oppo- 
ser aux  Czartorinski ,  vendus  aux 
Russes,  et  que,  pour  cette  raison.  Rad- 
ziwil  haïssait  mortellement.  Celui-ci 
lit  procéder  aussitôt  à  l'élection  du 
tribunal  suprême  ,  qui  fut  installé 
sans  opposition  de  la  part  de  ses  ad- 
versaires ,  certains  que  les  Russes  , 
dont  ils  avaient  imploré  le  secours  , 
ne  tarderaient  pas  à  changer  l'état 
des  choses,  ou  que  la  présence  des 
étrangers  amènerait  une  confédéra- 
tion dont  ils  seraient  les  chefs.  Quel- 
ques corps  russes  s'approchèi'ent  en 


RAD  537 

effet  des  frontières:  Radzivril  réunit 
alors  à  Wilna  quatre  mille  hommes 
de  troupes  avec  quarante  pièces  de  ca- 
non j  et  le  tribunal  continua  l'exer- 
cice de  son  autoritésousla  protection 
de  cette  armée,  qui  ne  tenta  d'ailleurs 
aucune  entreprise,  pour  ne  pas  aigrir 
l'impératrice  de  Russie,  avec  laquelle 
on  négociait.  Les  démonstrations  du 
grand  Frédéric,  et  les  menaces  du 
khan  de  Crimée,  déterminèrent  la 
retraite  des  Russes.  Après  la  mort 
du  roi  Frédéric-Auguste  11  ,  les  diè- 
lines  s'assemblèrent  dans  la  Lithua- 
nie :  mais  aucun  des  candidats  pré- 
sentés par  Radziwil  ne  réunit  les 
suffrages  ;  et,  dans  quelques  districts, 
ses  partisans  furent  même  battus  et 
dispersés.  A  cette  nouvelle,  il  accourt 
à  Wilna  ,  suivi  de  200  gentilshom- 
mes, son  cortège  ordinaire  et  la  ter- 
reur du  pays ,  force  la  maison  de  Té- 
vêque  ,  connu  par  son  attachement 
aux  Czartorinski,  en  chasse  les  magis- 
trats nouvellement  élus  par  cette  fac- 
tion; et  menaçant  l'évêque  de  le  tuer 
s'il  continuait  à  se  mêler  des  affaires 
publiques  :  «  Rappelez-vous  ,  lui  dit- 
il  ,  que  j'ai  cent  mille  ducats  en  ré- 
serve pour  aller  demander  mon  ab- 
solution à  Rome.  «L'évêque  de  Wilna 
sollicite  l'appui  des  Russes,  et  prêche 
une  espèce  de  croisade  contre  Rad- 
ziwil ,  qui ,  de  son  côté  ,  travaille  à 
rétablir  son  autorité  dans  la  Lithua- 
nie. 11  quitte  Wilna  pour  aller  se  ma- 
rier dans  une  province  éloignée;  ap- 
prend ,  dans  la  route ,  que  les  Russes 
sont  entrés  en  Pologne ,  hàle  son 
voyage ,  se  marie  ,  part  le  surlende- 
main de  son  mariage  pour  visiter  ses 
principales  forteresses  ,  et  se  rend  , 
avec  son  épouse,  à  Varsovie,  où  la 
diète  était  assemblée  pour  procéder 
à  l'élection  du  nouveau  roi.  il  réunit 
les  nobles  qui  professaient  les  mêmes 
opinions  ,  et  leur  jure  de  consacrer  à 


538 


RAD 


la  delfense  du  pays  tous  ses  biens  et 
toutes  ses  forces  ,  et  d'en  soumettre 
l'emploi  à  leurs  couseils.Poniato^vski 
est  élu  roi ,  sous  le  nom  de  Stanislas- 
Auguste;  et  la  diète,  dominée  par  les 
Czartoriuski,  cherche  les  moyens 
de  dépouiller  Kadziwil  d'une  fortu- 
ne qui  lui  laissait  tant  d'influence. 
Radziwil ,  ayant  échoue  dans  le  pro- 
jet de  former  une  coufédércilion  ,  et 
voyant  les  divers  états  de  l'Europe 
indillcrcnts  sur  le  sort  de;  la  Polop;ne, 
•voulut  se  rapprocher  de  ses  adver- 
saiies,  et  leur  fit  des  propositions  qui 
furent  rejetées  :  des- lors,  ne  comp- 
tant plus  (pie  sur  sou  courage  ,  il  s'é- 
loigne avec  sou  armée,  enlève  sur 
sa  roule  l'artillerie  et  les  munitions 
des  Czartoriuski  ,  dont  il  incorpore 
les  soldats  dans  ses  régiments  ,  et 
bat,  près  deSloruica  ,  un  détache- 
ment russe  qui  voulait  s'opposer  à 
son  passage.  Instruit  que  ses  ennemis 
étaient  maîtres  de  la  Lithuanie  ,  et 
craignant  d'être  enveloppé  par  les 
Russes  ,  qui  s'avançaient  de  toutes 
parts,  il  prit  le  parti  de  chercher  un 
refuge  en  Turquie.  11  abandonna  son 
infanterie,  en  lui  laissant  le  soin  de 
capituler  comme  elle  pourrait;  et, 
avec  l'escortede  cinq  cents  chevaux  , 
il  s'approcha  des  frontières,  traversa 
le  Niester  à  la  nage  ,  sous  le  canoa 
russe  ,  et  vint  demander  un  asile  au 
pacha.  Les  ennemis  de  Ha(lziv\  il  s'em- 
parèrent aus^it6t  de  ses  biens,  qu'ils 
se  partagèrent  ,  sous  le  prétexte 
d'acquitter  d'anciennes  dettes  de  sa 
maison  :  son  palatinat  de  Lithua- 
nie fut  déclaré  vacant  ,  et  donné 
aux  Czartoriuski;  et  les  tribunaux  , 
composés  par  ses  adversaires,  sanc- 
tionnèrent des  mesures  si  rigou- 
reuses. Loin  d'être  abbatu  par  l'in- 
fortune, Radziwil  s'en  montrait  fier: 
il  demandait  vengeance  ,  et  non  pas 
grâce;  et  sa  voix  retentissait  dans 


RAD 

le  nord  de  l'Europe.  En  attendant  le 
jour  de  la  justice,  il  vint  à  Dresde  , 
d'où  il  ne  pouvait  être  chassé  sans 
honte  pour  la  Saxe  ,  et  reprit  ses 
relations  avec  ses  anciens  amis.  Il 
rejeta  les  propositions  que  lui  firent 
les  dissidents  Polonais,  de  se  mettre 
à  leur  tête,  préférant  de  rester  à  ja- 
mais proscrit  et  dépouillé,  plutôt 
que  de  se  rendre  le  chef  d'une  entre- 
prise regardée  comme  une  rébellion 
]iar  le  plus  grand  nombre  de  ses  con- 
citoyens. iMais  il  ne  put  résister 
aux  invitations  pressantes  qu'il  reçut 
de  l'impératrice  Catherine,  de  se 
joindre  aux  confédérés  qui  travail- 
laientà  renverser  Stanislas  d'un  trône 
où  elle  -  même  l'avait  placé  (  P\  Sta- 
MSLAs  PoMATowsKi  ).  Le  rctour  de 
Radziwil  en  Lithuanie  fut  un  vé- 
ritable triomphe.  Il  entra  dans  Wil- 
na  (  3  juin  17O7  ) ,  suivi  d'un  peu- 
ple immense,  accouru  sur  son  pas- 
sage ;  il  était  escorté  de  deux  mille 
gentilhommes  ,  et  brillant  de  l'éclat 
des  diamants  qu'il  avait  emportés 
dans  son  exil.  La  diète  s'empressa 
d'annuler  les  arrêts  rendus  contre 
lui  par  des  juges  iniques  ;  et  il  fut 
rétabli  dans  tons  ses  droits  ,  dans 
toutes  ses  dignités  ,  et  dans  lo\is  les 
biens  de  sa  maison.  Le  lendemain  il 
partit  pour  lîlalistock,  où  le  grand- 
maréchal  Branicki  le  reçut  avec  la 
tendresse  d'un  père  (  F.  Branicki  , 
V  ,  5oo  ).  Élu  maréchal  de  la  confé- 
dération dans  ce  district,  il  se  rendit 
à  l'assemblée  générale  de  Radom  , 
sans  soupçonner  les  vues  secrètes  de 
la  Russie.  Le  prince Repnin,  accrédite 
j)ar  Catherine  près  de  cette  assem- 
blée ,  travaillait  à  gagner  des  suffra- 
ges à  Radziwil  ;  et,  après  l'avoir  fait 
déclarer  chef  de  la  confédéraliou 
générale  ,  il  le  conduisit  à  Varsovie. 
iVlalgré  la  pompe  dont  on  l'entourait , 
Radziwil  s'aperçut  enfin  qu'il  était 


RAD 

prisonnier  des  Russes.  Maudissant 
ceux  qui  l'avaient  retiré  de  Ja  misère 
et  de  l'exil  pour  l'employer  à  l'asser- 
vissement de  son  pays ,  il  voulut 
fuir  :  mais  il  était  garde  dans  sou 
palais  par  des  soldats  russes  ,  qui 
s'opposèrent  à  son  évasion.  Il  par- 
vint cependant  à  tromper  leur  sur- 
veillance, et  gagna  la  Lithuanie.  La 
Vioblesse  de  celte  province  s'em- 
pressa de  se  re'unir  à  son  chef  dans 
la  forteresse  de  Niewitz  :  mais  les 
confédérés  ,  surpris  par  les  Russes  , 
furent  obligés  de  se  soumettre  ,  et 
dispersés  dans  leurs  terres.  Sous  le 
prétexte  de  se  former  une  gorde, 
Radziwil  leva  six  cents  hommes,  qu'il 
se  proposait  d'employer  au  service 
de  sa  patrie  quand  il  le  pourrait  sans 
témérité  :  par  suite  de  son  inexpé- 
rience ,  tous  ses  efforts  toui-nèrent 
contre  la  Polognej  et,  à  trois  reprises , 
ses  troupes  ne  servirent  qu'à  recruter 
les  armées  ennemies.  Il  remit  enfin 
ce  qui  lui  restait  de  soldats  et  d'ar- 
tillerieà  Birsinski ,  que  la  Saxe  cher- 
chait à  rendre  le  chef  de  la  confédé- 
ration ;  et ,  quoique  dans  cette  cir- 
constance il  eût  feint  de  n'avoir  cédé 
qu'à  la  force  ,  redoutant  la  vengeance 
des  Russes  ,  il  gagna  la  frontière 
par  des  chemins  détournés  ,  et  se 
rendit  à  Teschen,  où  se  trouvaille 
conseil-général  des  confédérés  ,  et  où 
il  fit  parvenir  les  trésors  qui  lui  res- 
taient, pour  les  partager  avec  tant  de 
j^énéreux  citoyens  dépouillés  par  les 
Russes.  Privé  des  moyens  de  s'op- 
poser au  démembrement  de  la  Po- 
logne ,  RaJziwil  ne  voulut  pas  en  être 
le  témoin.  Dans  le  dessein  de  susciter 
une  rivale  à  Catherine  ,  il  enleva  la 
princesse  Tarakanoff ,  fille  de  l'im- 
péralrice  Elisabeth  ,  et  la  condui- 
sit à  Rome  ,  se  flattant  de  parvenir 
à  faire  reconnaître  les  droits  qu'elle 
avait  au  trône.   Les  ressources  de 


R^EM  539 

Radziwil  furent  bientôt  épuis(fès  ;  et 
pour  rentrer  dans  la  possession  de 
ses  domaines,  il  abandonna  sa  pro- 
tégée, qui  périt  peu  de  temps  après, 
victime  de  la  plus  atroce  perfidie 
(  Fojr.  Orloff  ,  XXXII ,  1  43  ).  De 
retour  dans  sa  pairie  ,  Radziwil  cessa 
de  prendre  part  aux  affaires  publi- 
ques ,  quoique  ses  richesses  lui 
donnassent  une  influence  qui  l'avait 
fait  surnommer  le  roi  de  Lithuanie. 
Il  mourut  le  22  novembre  1790, 
laissant,  malgré  ses  revers,  une  suc- 
cession très-opulenle.  La  jirécieuse 
bibliothèque  qu'avaient  formée  ses 
ancêtres  à  Newitz ,  en  fut  enlevée  par 
les  Russes  ,  en  1772,  et  donnée  par 
Catherine  à  l'académie  des  sciences 
de  Pétersbourg.  On  peut  consulter, 
sur  cette  bibliothèque,  le  Voyage  de 
deux  Français  au  Nord,  par  M.  de 
Fortia  de  Piles  ,  et  le  Dictionnaire 
de  bibliologie  de  M.  Peignot.  W-s. 
lŒMOND  ou  RÉMOjND (  I  )(I-Lo- 
RiMoiND  DE  ),  historien  médiocre, 
né,  vers  i54o,  à  Agen  ,  d'une  ancien- 
ne famille ,  fit  ses  éludes  à  Bordeaux, 
sous  un  régent  qui  professait  en  se- 
cret les  principes  des  réformateurs," 
et  vint  ensuite  à  Paris,  où  il  suivit 
les  leçons  du  célèbre  Ramus,  Il  était 
présent  au  supplice  d'Anne  du  Bourg 
(  F.  Bourg ,  V ,  37  i  )  ;  et  le  courage 
que  montra  ce  prêtre  apostat,  ache- 
va de  le  gagner  à  la  cause  du  calvi- 
nisme. Il  fréquenta  dès-lors  les  prê- 
ches ,  et  les  instructions  que  faisait 
alors  le  fameux  Th.  de  Beze,  dans 
le  faubourg  Saint  -  Antoine.  Mais, 
ayant  été  témoin  de  la  guérison  mi- 
raculeuse d'une  femme  qui  passait 
pour  possédée,  il  se  raffermit  dans 
les  j)riucipes  de  la  foi  chrétienne, 
dont  il  devint  plus  tard  un  ardent 
défenseur.  Il  reçut  ses  degrés  en  droit 

(i)  n  a  encore  tcrit  son  nom   Reymonil,  Uuy- 
mond  et  Ratmound, 


54o 


ILÈM 


à  Toulouse;  et,  en  1572,  II  fut  pour- 
vu d'une  charge  de  couseiller  au  par- 
lement de  Bordeaux.  La  même  an- 
née, il  eut  le  malheur  de  tomber  en- 
tre les  mains  des  Protestants  ,  qui 
désolaient  la  Guiennc;  et  il  n'en  sor- 
tit qu'a  près  avoir  payé  une  rançon  de 
mille  livres  :  mais  il  trouva  l'occa- 
sion,  plus  d'une  fois,  de  se  faire  rem- 
bourser cette  somme  ;  et  si  l'on  en 
croit  ses  adversaires,  il  n'y  manqua 
pas.  Dans  sa  jeunesse  ,  Floriraond 
cultivait  la  poésie  avec  quchpie  suc- 
cès. Ne  jugeaut  pas  cet  art  compatible 
avec  la  gravité  de  son  état,  il  cessa 
de  faire  des  vcis.  Toutefois  il  conti- 
nua de  chercher ,  dans  les  lettres,  \u\ 
utile  délassement ,  et  de  former  sa 
société  des  poètes  qui  brillaient  alors 
à  Bordeaux,  tels  «jue  Brach  (u;,Du 
Bartas,  Peletier,  etc.  Le  zèle  amer 
avec  lequel  il  combattait  les  Protes- 
tants, par  ses  écrits  et  dans  ses  fonc- 
tions de  juge,  ne  pouvait  manquer 
de  le  rendre  odieux  à  tons  les  parti- 
sans de  la  réforme.  Ils  se  sont  ven- 
gés ,  en  cherchant  à  flétrir  sa  mé- 
moire par  les  accusations  les  plus 
graves,  que  Bayle  a  recueillies  dans 
son  Dictionnaire  {atl.  Bemond  ). 
Sans  doute  Florimond  aurait  pu 
mettre  plus  d'impartialité  dans  ses 
fondions.  Queltpicfois  la  passion 
l'emporta  tro|)  loin:  mais  l'aveu  qu'il 
en  fait  lui-même,  prouve  qu'il  n'était 
pas,  comme  on  l'a  dit,  un  juge  sans 
conscience.  Ses  ennemis  prétendent 
aussi  qnr;  le  P.  Richeome,  jésuite,  est 
le  véritable  auteur  des  ouvrages  de 
controverse  qui  portent  le  nom  du 
conseiller  de  Bordeaux;  mais  Joly 
a  démontré  sans  réplitpie  la  faus- 
seté de  cette  allégation  (  Foj.  ses  Ee- 
marques  siirleDicticnn.  de  Bajle). 

(îlOutronveunppircc  de  vrrb  iiitilulrc  \r  f'mitin, 
yar  ftaeinoïKl ,  da.  s  le  Recueil  des  Poèmes  de  Pierra 
dcBrach,  son  ami,  Uurdcauz,  »jj6,iu-4''. 


Î{JEM 

Comme ccrivaiji,  Florimond  ne  tient 
pas  un  rang  bien  distingué;  cepen- 
dant il  a  joui,  en  son  temps,  de  l'esti- 
me générale.  Il  comptait  au  nombre 
de  ses  amis  ou  de  ses  correspondants, 
Fronton  du  Duc,Théoph.  Raynaud, 
Juste  Lipse  et  Pasquier  (  Fof.  les 
Becueils  de  lettres  de  ces  savants). 
Il  fut  chargéde  publier  les  3/emozre5 
de  Monlluc  (  F.  ce  nom),  et  reçut 
quelques  autres  marques  de  la  con- 
fiance qu'on  avait  dans  ses  talents. 
Flor,  de  R.Tinond  mourut  en  1O02. 
Outre  quelques  écrits  moins  connus, 
cl  sur  lesquels  on  peut  consulter  l'ab- 
bé Joly ,  on  cite  de  lui  :  I.  Erreur 
populaire  de  la  papesse  Jeanne , 
Bordeaux,  i588,  i^Q'i  ,  1^94; 
Lyon  ,  1595  ,  in-8".  ;  Paris,  1099, 
in -4°.;  traduit  eu  latin,  par  Jean- 
Charles  de  Rxmond,  l'un  des  fils 
de  l'auteur  (3),  Bordeaux,  iGoi  , 
in-B**.  De  l'aveu  de  Bayle ,  per- 
sonne n'avait  encore  si  bien  réfuté 
cette  f.ible.  II.  La  Couronne  du  sol- 
dat et  V Exhortation  aux  martyrs  , 
traduit  du  latin  ,  de  Terlullien  , 
Bordeaux,  i594,  in  8*'.,et  réimpr. 
à  la  suite  de  l'ouvrage  précédent.  111. 
Jj'^ntiChristy  '2*=.  éd. ,  Lyon,  1 597, 
in-4°.;  Paris,  099,  avec  V Erreur 
populaire,  etc.,  qui  porte,  dans  cet 
édition,  le  titre  A'Anti  -  Papesse, 
L'auteur  y  réfute  l'opinion  des  Pro- 
testants ,  qui  regardaient  le  pape 
comme  l'Ante- Christ.  Nicolas  Vi- 
gnier  lui  répondit,  dans  le  Théâtre 
de  VAnte  -  Christ.  IV.  Histoire  de 
la  naissance ,  progrès  et  décadence 
de  l'héréiie  de  ce  siècle,  en  huit  vo- 
lumes, Paris,  iGo5,in-4".;  réiraj). 
plusieurs  fois,  dans  ce  format  et  in- 


(3)  (!linrle!<  de  Rirmorid  oinlirnss»  rt-tal  <T.<\csiaf- 
tiiine,  et  «Ltiul  l'alibajc  de  la  Ir'renade.  «)ti  cit"'  do 
lui  :  ne^rct s  funèbres  sur  la  motl  de  Henri  //'. 
Paris,  1610,  in-8".  —  Le  .Var re  et  couronnemet-l 
de  Louis  XIII,  ibid.,  »(iao,  in-S». 


RtEM 

8".  ;  trad.  en  latin  et  en  allemand ,  et 
continuée  par  Cl.  Malingre  (  V.  ce 
nom  ).  Le  succès  qu'eut  cet  ouvrage 
prouve  qu'il  n'était  pas  denue'  de  rae'- 
rite  :  il  y  a  beaucoup  de  digressions 
et  de  de'clamations;  mais  on  y  trou- 
ve des  faits  curieux,  racontés  avec 
plus  d'impartialité  qu'on  ne  devait 
l'attendre  de  l'auteur  ;  et  tous  les 
historiens  y  ont  puisé  largement. — 
François  de  R^emond  ,  l'un  des  fils 
de  Florimond,  continua  V Histoire 
de  l'hérésie ,  que  son  père  avait  lais- 
sée imparfaite.  Il  ajouta  quelques 
chapitres  au  cinquième  livre,  et  ré- 
digea tout  le  sixième  ,  qui  contient  le 
schisme  de  l'Angleterre.  Baillet  le  re- 
garde aussi  comme  l'auteur  de  VA?iti- 
Papesse,  Paris,  1607,  in-S".  ;  opus- 
cule très-rare,  et  que  l'on  a  souvent 
confondu  avec  V  Erreur  populaire , 
etc.  (  Voy.  Baillet,  Jugent,  des  sa- 
vants, VII ,  3'i3  ,  éd.  in-4".  )  W-s. 
RAGHIB  PACHA  (Mouammed), 
célèbre  grand  -  vézyr  de  l'empire 
othoman  ,  né  vers  l'au  1702  ,  était 
à  peine  âgé  de  neuf  ans  lorsqu'il 
fut  amené  à  Gonstantinople ,  oîi  il 
reçut  une  éducation  soignée ,  sous 
les  yeux  d'un  de  ses  parents ,  officier 
de  la  secrétairerie.  L'ardeur  du  jeune 
Mohammed  pour  l'étude,  les  con- 
naissances qu'il  acquit ,  les  grands 
talents  qu'il  annonça ,  lui  valurent 
de  bonne  heure  le  surnom  de  Ea- 
sjiib  (  le  Studieux  ).  Admis  dans  les 
bureaux  du  grand-vézyr,  il  parcourut 
avec;  distinction  différents  emplois  ; 
et  il  n'avait  que  trente  ans  au  plus  , 
lorsque  sa  sagesse  et  son  expérience 
le  firent  recevoir  parmi  les  princi- 
paux officiers  de  la  secrétairerie.  A 
l'époque  de  la  guerre  de  1736  ,  il 
remplissait  la  charge  de  raektoubdjy- 
efendy  (  premier  secrétaire-d'état  du 
grand  -  vezyr  ).  Nommé  plénipoten- 
tiaire ,  l'aunéo  suivante  ,  au  congrès 


RAG 


5/1 1 


de  Niemirov  ,    Raghib  y  signa  un 
traité  avec  le  ministre  de  l'empereur. 
Il  fut  élevé  ensuite  à  la  charge  de 
reis-efendy ,  puis  à  la  dignité  de  pa- 
cha à  trois  queues  ,  et  obtint  succes- 
sivement les  gouvernements  d'Aïdin, 
d'Alep  et  du  Caire.  L'indiscipline,  et 
la   puissance  des    bcys    mamlouks 
ne  lui  avaient  laissé  en  Egypte  que 
la  corruption  pour  se  soutenir,  sans 
en  être  moins  exposé  a  ux  voies  de  fait  ; 
et  il  venait  d'échapper  à  un  coup  de 
pistolet  tiré  sur  lui  dans  son  pro- 
pre divan,  lorsqu'en  1757,  le  sul- 
than  Osman  III ,  qui,  dans  l'espace 
de  deux  ans  et  demi ,  avait  déposé  ou 
fait  étrangler  cinq  vézyrs  et  six  caïm- 
hakem  ,   ou  lieutenants  de  vézyrs  , 
appela  Raghib  -  Pacha  au  suprême 
mais  dangereux  ministère  de  l'em- 
pire. La  mort  du  sulthan,  arrivée  la 
même  année,  préserva  le  vézyr  du 
sort  de  ses  prédécesseurs  ,    affermit 
son  crédit  ,   et  augmenta  sa  puis- 
sance. En  effet ,  maître  un  instant  de 
disposer  du  trône  othoman.  Raghib 
y  plaça  Mustafa  III  ;  et  ce  prince , 
par  reconnaissance  ,  fit  de  son  vézir 
son  ami ,  son  confident ,  et  se  l'atta- 
cha pins  intimement,  en  lui  donnant 
en  mariage  une  de  ses  sœurs  ,  qui 
était  veuve.  Raghib  était  digne  de* 
ces  faveurs  ,  par  la  supériorité  dr 
ses  lumières,  et  par  son  zèle  pour 
la  gloire  de  son   maître  et  la  pros- 
périté de  l'état.  Voulant  remédier  au 
fléau  de  la  peste  ,  il  eut  l'idée  d'éla- 
blir   des  lazarets  dans  les  îles  des 
princes,  près  de  Constantinople.  Il 
renouvela  aussi  l'ancien  projet  de 
couper  l'Asie  mineure ,  par  un  canal 
de  navigation  qui  aurait  facilité  les 
approvisionnements  de  Constantino- 
ple ,  eu  les  préservant  des  dangers  et 
de  l'incertitude  des  trajets  par  mer. 
Raghib  n'éiait  pas  homme  de  guerre. 
Déjà  avancé  en  âge ,  il  était  aussi 


54^  RAG 

propre  à  radministration  de  l'ctat , 
qu'il  l'eût  etë  peu  au  cominandeincnt 
des  armées.  Aussi  détourna-t-il  cons- 
tamment Musfafa  III  de  déclarer  la 
guerre  à  la  Russie  ,  et  de  protéger 
les  Polonais  à  la  mort  du  roi  Auguste 
m.  On  pourrait  sans  doute  lui  re- 
procher d'avoir  en  cela  moins  con- 
sulté la  gloire  et  les  véritables  inté- 
rêts de  l'empire,  que  ses  habitudes 
pacifiques  et  son  goût  pour  le  repos; 
d'avoir  éludé  de  faire  respecter  les 
garanties  du  traité  de  Carlo\viiz  ,  et 
préparé  en  quelque  sorte  les  malheurs 
de  la  campagne  de  i  -jOS  et  des  années 
suivantes.  L'anglais  Porter  parle 
avec  éloge  des  talents  ,  de  l'élo- 
quence, de  l'habileté  et  du  caractère 
de  ce  ministre;  mais  il  compare  sa 
politique  à  celle  de  Tibère  lorsqu'il 
voulait  se  débarrasser  des  hommes 
qui  lui  portaient  ombrage.  Le  bai  on 
de  Toit,  qui  ,  en  peignant  Raghib- 
Pacha  des  mêmes  couleurs,  nous  pa- 
raît avoir  chargé  le  tableau  ,  est  ac- 
cusé par  Chenier  d'avoir  parlé  de  ce 
vézyr  avec  prévention-  Ce  dernier 
écrivain  excuse  Raghib  ,  comme 
turc,  comme  ministre  ,  de  sa  dissi- 
mulation. Il  avoue  seulement  qu'il 
était  peu  porté  pour  la  France,  dc- 
Itais  que  les  cours  de  Versailles  et 
de  Vienne  s'étaient  unies,  en  175G, 
par  un  traité  qui  déplut  à  la  Porte 
Olhomane.  Raghib  mourut  en  place, 
dans  l'année  i  "jOS  ,  suivant  Chenier, 
et  non  jias  en  1  -(33,  comme  le  ditTo- 
deriiii.  Ce  n'est  pas  seulement  com- 
me habile  ministre,  mais  aussi  com- 
me ami  des  sciences,  et  savant  lui- 
même  ,  que  ce  vézyr  mérite  d'être 
cité.  Raghib  était  un  des  Turcs  les 
plus  éclairés  de  son  temps,  et  celui 
peut-être  qui  écrivait  le  mieux.  Il 
avait  l'esprit  caustique,  et  fertile  en 
bons  mots.  Avide  des  connaissan- 
ces étrangères,   il  voulut  avoir  en 


RAG 

langue  turque  une  Histoire  de  la 
Chine  ,  qui  ne  fut  achevée  qu'après 
sa  mort.  On  peut  juger,  parle  trait 
suivant ,  qu'il  ne  partageait  point 
los  préjugés  de  sa  nation.  Un  Euro- 
péen ,  qui  se  disait  parti  tout  expies 
de  Dantzig  pour  embrasser  le  raaho- 
métisme ,  se  présenta  un  jour  à  la 
Porte.  Le  grand  vézyr  trouva  le  pro- 
jet trop  bizarre  ,  et  la  vocalion  trop 
équivoque,  pour  n'être  pas  curieux, 
d'interroger  cet  aventurier.  Un  drog- 
raan  expliqua  (pic  le  néophite  alle- 
mand n'était  venu  de  si  loin  que 
parce  que  Mahomet  avait  daigné  lui 
apparaître,  et  l'inviter  à  mériter  les 
faveurs  réservées  aux  Musulmans. 
«  Voilà  un  étrange  coquin  ,  dit  le 
»  vézyr  !  Mahomet  lui  a  apparu  à 
«  Dantzig!  à  un  inlidMel  tandis  qu'il 
»  ne  m'a  jamais  fait  jiareil  honneur  , 
•n  à  moi  qui,  depuis  plus  de  soixante 
»aiis,  suis  exact  aux  cinq  prières! 
»  Dites  à  cet  homme  qu'on  ne  me 
»  trompe  pas  impunément;  qu'il  a 
»  certainement  tué  père  et  mère  ,  et 
»  que  je  vais  le  faire  pendre,  s'il  ne 
»  me  dit  pas  la  véiité.  »  Intimidé 
parées  menaces,  l'allemand  avoua 
qu'il  était  maître-d'école,  et  qu'on 
l'avait  chassé  de  Dantzig,  à  cause  de 
ses  mœurs  suspectes.  «  Qu'on  lui 
»  fasse  prononcer  la  profession  de 
»  foi ,  reprit  Raghib  ;  mais  qu'il  sa- 
»  che  qu'aucune  religion  ne  tolère  de 
»  pareilles  indignités.  »  On  a  de  ce 
vézyr  des  mélanges  en  langue  arabe, 
intitulés  :  Séfinei  Bagliib  ,  ou  le 
Vaisseau  des  gens  studieux.  Ce 
livre,  divisé  en  cent  vingt-cinq  cha- 
pitres ,  traite  de  dilTcrentcs  matières 
de  religion  ,  de  morale  ,  de  philoso- 
phie ,  et  d'autres  études  en  honneur 
chez  les  Musulmans.  Ce  sont  des 
Dissertations  sur  l'unité  de  Dieu  ,  la 
prédestination,  le  libre  arbitre,  la 
défense  et  l'intégrité  du  Coran  :  il 


RAG 

parle  de  Tenfcr  ,  du  paradis  ,  de  l'é- 
tat futur  deriioramc  et  de  l'iraraor- 
talité  de  l'ame;  des  sonj:;es,  des  sor- 
tilèges ,  de  l'arithmelique ,  de  la 
formation  du  monde  ,  du  déluge ,  des 
plantes  ,  des  minéraux  ,  etc.  Dans  un 
genre  différent,  on  a  encore  de  Ra- 
ghib-Pacha  xmDwan  ,  ou  Recueil  de 
Chansons  ;  le  Moiinte  kalat  ,  ou 
Choix  de  mots  remarquables  et  de 
sentences.  Ce  manuscrit  se  voit  dans 
la  bibliothèque  du  sullhau  Osman  à 
Constantinople,  Il  reste  aussi  de  lui 
un  Recueil  de  Lettres  concernant  les 
négociations  ,  les  actes  ,  ou  les  intri 
gués  de  son  vézyrat.  Enfin  ,  il  fonda 
à  Constantinople  ,  en  17G2  ,  une  bi- 
bliothèque publique  ,  qui  porte  son 
nom.  Ce  n'est  pas  ,  comme  dit  le  ba- 
ron de  Tott ,  la  première  qui  fut  éta- 
blie dans  cette  capitale;  mais  c'est  une 
des  plus  belles  et  des  plus  éléganics 
parmi  les  treize  qu'on  y  voit.  A  cette 
bibliothèque  il  attacha  une  école  , 
et  assura  des  fonds  pour  i'entrelien 
des  gardes  de  l'une  et  des  professeurs 
de  l'autre.  On  peut  en  voir  la  des-* 
cription  dans  Toderini ,  Littérature 
des  Turcs,  tomeii,pag.  122  à  129. 
Raghib  a  été  enterré  près  de  ce  mo- 
nument de  sa  munificence.  Parmi  les 
gravures  qui  décorent  le  Tableau  de 
l'Empire  Othoman,  par  Mouradgea 
d'Ohson  ,  se  trouve  celle  qui  repré- 
sente la  chapelle  sépulcrale,  et  le 
tombeau  de  ce  célèbre  vézyr  ,  ainsi 
qu'une  partie  du  bâtiment  de  sa  bi- 
bliothè([iie.  A — t. 

RAGIMBERT,  roi  des  Lom- 
bards, était  fils  de  Godebert,  roi 
de  Pavie.  Lorsque  ce  dernier  fut  mas- 
sacré ,  en  662  ,  par  Grimoald  ,  duc 
de  Bénévent,  qui  usurpa  le  trône  des 
Lombards  ,  Ragimbert  ,  encore  en 
bas  âge  ,  fut  dérobé,  par  un  servi- 
teur fidèle,  à  la  première  fureur  de 
l'usurpateur.  Grimoald  ne  chercha 


RAG 


5/,  3 


point  à  le  poursuivre;  et  Ragimbert, 
élevé  parmi  la  jeune  noblesse  de 
Lorabardie,  vit,  au  bout  de  quel- 
ques années,  Pertarite  son  oncle  re- 
monter sur  le  trône.  A  celui-ci  suc- 
céda Cunibert  son  fils  ,  et  plus  tard 
enfin  ,  Liutbert  fils  de  Cunibert.  Ra- 
gimbert avait  reçu  en  fief  de  Perîa- 
rile  le  duché  de  Turin  ;  il  devait  tout 
à  ce  prince  :  il  lui  demeura  fidèle 
ainsi  qu'à  son  fils;  mais  l'ingrat  pro- 
fita de  la  fiiiblesse  de  Liutbert,  qui 
était  encore  mineur  ,  pour  faire  va- 
loir, contre  l'héritier  de  ses  bienfai- 
teurs, de  prétendus  droits  au  trône, 
qu'il  avait  laissé  dormir  pendant 
quarante  ans.  11  prit  les  armes,  en 
701,  et  il  remporta, près  de  Novare, 
une  grande  victoire  sur  Ansprand  , 
tuteur  de  Liutbert  :  il  se  fit  ensuite 
couronner  avec  son  fils  Aribert  II  • 
mais  il  mourut  cette  même  année  , 
avant  de  recueillir  les  fruits  de  son 
ingratitude.  S.  S — i. 

RAGOBAH.  r.  Raroubau. 

RAGOIS  (  L'abbé  Le  )  était  ne- 
veu de  l'abbé  Gobelin  ,  directeur  de 
M"^^.  de  Mainîenon,  et  obtint,  par 
la  protection  de  celle  dame,  ia  place 
de  précepteur  du  duc  du  Maine.  Il  la 
remplit  avec  zèle,  et,  tout  occupé 
de  ses  devoirs ,  resta  constamment 
étranger  aux  intrigues  de  la  cour. 
Le  Ragois  mourut  vers  i683.  Ou  a 
publié  une  Instruclion  sur  l'Iàs- 
toire  de  France  et  sur  V histoire  Ro- 
maine ,  qu'il  aA'ait  composée  pour 
son  élève,  et  que  ,  sans  doute,  il  ne 
destinait  point  à  l'impression.  Cet 
ouvrage,  qui  parut  pour  la  première 
fois  en  1684,  in-12,  sous  le  titre 
d'Introduction  à  l'histoire  de  Fran- 
ce ,  fut  adopté  par  toutes  les  maisons 
d'éducation  ;  et  il  a  été  réimprimé 
un  très-grand  nombre  de  fois  ,  avec 
des  corrections  et  dts  additions  qui 
ne  l'ont  pas  rendu  nieilleur.  L'édi- 


544  R'^G 

tion  de  Paris  ,  i8io,  2  vol.  ia-ici  , 
a  été  totalement  refondue  par    M. 
Moiistalon,  et  aui;meutée  d'uu  Ahré- 
gé  de   géographie  ,   de   V Histoire 
poétique  ,  avec  un  précis  des  Méta- 
moi'phoses  d'Ovide  ,  et  enfin  d  une 
Instruction,  par  demandes   et  par 
réponses ,  sur  l'Histoire  ancienne. 
W— s. 
R  AGOTZKY ,  ou  plus  exactement 
R.\C0GZ1  (  Fhaivçois  -  Léopold  ) , 
prince  de  Trans.svlvauie,  naquit,  en 
167G,  au  château  de  Borshi ,  près 
de  Patack.  11  perdit  son  père,  au  ber- 
ceau ;  et  sa  mère ,  dans  l'espoir  de  lui 
procurer  un  défenseur  de  ses  droits, 
se  remaria,  peu  de  temps  après,  avec 
le  comte  Tekeli ,  d'une  des  premiè- 
res   familles    de   Hongrie.    Tekeli , 
qui  n'avait  en  vue,  dans  cette  allian- 
ce, que  les  richesses  de  la  maison 
Raj^otzky  ,  abandonna  bientôt  son 
jeune  pupille   aux.  domesii<]ucs  ;  et 
ceux-ci  le  ncgli;;èrcnt  au  point  de  le 
laisser  manqiier  souvent  d'hibils  et 
de  nourriture.  Une  vie  si  rude  forli- 
fia  son   tempérament ,   et  le  rendit 
capable  de  supporter,  dans  la  suite, 
les  fatigues  et  les  privations  de  toute 
espèce.  Cependant  le  comte  Tekeli 
4ontinuiit  de  faire  la  guerre  à  l'Au- 
triche. Vaincu  successivement  dans 
plusieurs  rencontres,  il  s'enfuit  chez 
les  Turcs  (  r.  Tereli  )  ;  et  le  prince 
Ragotzky,  conduit,  avec  sa  mère  et 
sa  sœur  ,  à  Vienne,  fut  place  sous  la 
tutelle  du  cardinal  Colonitz  ,  qui  le 
relégua  dans  la  Bohème,  où  il  pas- 
sa cinq  ans,  dans  un  collège,  con- 
fondu avec  les  autres  écoliers.  Sur 
les  instances  du  comte  d'Ajtremont, 
son  beau-fièrc,  il  obtint  cnliu  la  per- 
mission de  revenir  à  \icnne;  mais 
il  reçut ,  presque  en  même  temps  , 
l'ordre  de  voyager  en  Italie.  A  son 
retour,  il  fit  déclarer  sa  majorité, 
triompha  des  obstacles  que  le  cabi- 


RAG 

...  •    «4  . 

net  autrichien  mettait  a  son  mariage 
avec  la  princesse  de  Hcsse-Rhinfels, 
et  se  retira  dans  les  domaines  qu'il 
possédait  en  Hongrie,  où  son  projet 
était  de  vivre  étranger  à  toutes  les 
intrigues.  Les  paysans  hongrois  s'é- 
taut  révoltés,  on  l'accusa  de  les  ex- 
citer eu  secret  ;  on  alla  même  jus- 
qu'à supposer  qu'il  entretenait  avec 
la  France  des  intelligences  criminel- 
les. Les  avis  qu'il  recevait  de  "Vienne, 
ne  purent  le  déterminer  à  s'éloigner. 
Il  fut  arrêté  (avril  i-joi  ),  par  ordre 
de  l'empereur  (i),  et  renfermé  dans 
les  prisons  de  ISeustadt.  On  nomma 
des  commissaires  pour  instruire  son 
procès,  et  son  innocence  n'aurait  pu 
le  sauver;  mais  la  tendresse  ingé- 
nieuse de  sa  femme  lui  procura  les 
moyens  de  sortir  de  prison,  et  de  se 
réfugier  à  Varsovie,  où  il  trouva  le 
comte  Borcheuy,  son  parent,  obli- 
gé, comme  lui ,  de  chercher  un  asile 
en  Pologne^ /^.  BERClll:^Y,lV,  228). 
En  partant,  il  avait  laissé  sur  sa  ta- 
ble une  lettre  à   l'empereur  ,  dans 
laquelle  il  se  plaignait  des  mauvais 
traitements  qu'on  lui  aA'ait  fait  éprou- 
ver ,  et  engageait  sa  parole  de  venir 
se   justifier  ,  pourvu  qu'on   lui  ac- 
cordât un  sauf- conduit  et  des  juges 
non  suspects:  mais  les  commissaires, 
qui  avaient  reçu  l'ordre  de  le  con- 
damner, prononcèrent  la  confisca- 
tion  de  SCS  biens ,  et  mirent  sa  tête 
à  prix.  Le  malheureux  Ragolzky  ne 
put  échapper  aux  émissaires  de  l'Au- 
triche qu'en  changeant  souvent  de 
demeure  et  de  déguisements.  Tandis 
qu'il  errait  dans  les  forêts  de  la  Po- 
logne, il  apprit  que  les  paysans  hon- 
grois voulaicnl  tenter  encore  une  fois 


(i)  Fellor  qui,  pcndaiit  son  séjour  en  Hongrie,  s 
rpcneilli  trs  traditiims  de  plusieurs  anecdotes  cu- 
rieuses ,  dit  que  Ragotzky,  quaud  il  fut  arrêté  ,  avait 
dans  sa  cliajnbrt  un  tigre  qui  le  dc'feudit  Iony-tcm|>» 
contre  le5  suldata. 


HAG 

de  secouer  le  joug.  Sur  l'assurance 
qu'il  leur  fit  donner  de  se  mettre  à 
leur  tète  avec  Bercheny,  quelques 
centaines  de  paysans  prirent  les  ar- 
iues,et  se  livrèrentà  toutes  sortes  d'ex- 
cès :  mais,  incapables  d'opposer  la 
moindre  résistance  à  des  troupes  ré- 
gulières, ils  venaient  d'être  disperses 
par  un  de'tachcment  de  cavalerie, 
quand  Ragotzki  parut  sur  les  fron- 
tières de  la  Hongrie,  au  mois  de  juin 
1703.  Bientôt  il  l'ut  rejoint  par  une 
partie  des  fuyards,  et  vint  s^établir 
dans  la  ville  de  Mongatz  :  il  n'osa 
pourtant  pas  attaquer  le  château,  que 
défendait  une  faible  garnison,  dans 
la  crainte  qu'un  échec  ne  jetât  le  dé- 
couragement parmi  les  siens.  L'ar- 
rivée de  quelques  escadrons  autri- 
chiens le  força  même  de  se  replier 
avec  sa  petite  troupe  :  néanmoins  aidé 
par  Bercheny  et  quelques  autres  no- 
bles hongrois,  qui  vinrent  le  rejoin- 
dre avec  leurs  paysans  ,  il  s'empara 
de  plusieurs  villes,  et  décida,  parce 
premier  succès ,  le  soulèvement  de 
toute  la  Hongrie.  Des  députés  vinrent 
alors  offrir  à  Ragotzki  le  trône  de 
Pologne;  mais  il  le  refusa,  ne  vou- 
lant point  abandonner  au  ressenti- 
ment de  l'Autriche  ceux  qui  s'étaient 
rangés  sous  ses  drapeaux.  La  cam- 
pagne de  1704  s'ouvrit  par  de  nou- 
veaux succès.  Quoique  ses  soldats 
fussent  mal  disciplinés  et  mal  armés, 
et  que ,  ne  pouvant  point  lever  d'im- 
pôts dans  un  pays  ravagé  par  la  guer- 
re civile  ,  il  manquât  d'argent  et  de 
vivres,  Ragolzky  fit  trembler  un  ins- 
tant l'Autriche ,  et  poussa  des  ex- 
cursions jusqu'aux  portes  de  Vienne. 
L'empereur  Léopold,  occupé  d'un 
autre  côté  par  la  guerre  contre  les 
Bavarois  et  les  Français,  eut  recours 
à  la  voie  des  négociations,  et  lui 
fit  demander  une  trêve.  Ragotzky 
proposa,  pour  condition  de  traité^  le 
xxxvi. 


RAG  545 

rétablissement  des  privlle'ges  de  la 
nation  hongroise  et  la  reconnaissan- 
ce du  droit  qu'elle  avait  d'élire  son 
souverain.  Lavictoircdcs  Impériaux 
àHochstedt,  et  les  secours  que  Léo- 
pold reçut  de  la  Hollande  et  de  l'An- 
gleterre, bii  permirent  enfin  d'en- 
voyer des  troupes  en  Hongrie.  Ra- 
gotzky, malgré  sa  prudence,  ne  put 
éviterquelques actions,  dans  lesquel- 
les il  fut  battu.  Desalleurs  ,  que  la 
France  envoyait  près  de  lui,  comme 
ambassadeur,  arriva;  mais  il  n'était 
accompagné  que  de  deux  ingénieurs, 
et  n'apportait  ni  les  armes  ni  l'ar- 
gent promis.  Dans  cet  abandon,  Ra- 
gotzky conserva  toute  sa  fermeté. 
Ses  troupes  ,  qui  ne  pouvaient  op- 
poser aucune  résistance  aux  Autri- 
chiens ,  les  fatiguaient  par  des  mar- 
ches continuelles,  et  pillaient  sou- 
vent leurs  bagages  et  leurs  vivres. 
H  s'empara  lui-même  de  quelques 
villes  mal  défendues  ,  et  prit  ses 
quartiers  d'hiver  dans  des  mon- 
tagnes où  l'ennemi  n'osait  s'engager. 
Eu  1707,  Ragotzky  prit  posses- 
sion de  la  Transsylvanie,  après  avoir 
juré  de  maintenir  les  lois  et  les  pri- 
vilèges du  pays  ;  et,  à  son  retonr  ,  il 
convoqua  les  états  de  Hongrie ,  dont 
il  fut  élu  président  à  la  presque-una- 
nimité des  suffrages.  La  session  s'ou- 
vrit d'une  manière  orageuse.  Les 
députés  du  comté  de  Turviz ,  ven- 
dus à  l'Autriche,  accusèrent  Ragotzky 
d'être  le  seul  auteur  de  la  prolonga- 
tion de  la  guerre.  Le  prince  se  justifia 
par  un  discours  qui  produisit  un  tel 
effet  sur  l'assemblée  ,  que  les  députés 
se  levèrent  en  tumulte.  Des  deux  ac- 
cusateurs de  Ragotzky ,  l'un  fut  mas- 
sacré sur  son  siège  ;  et  l'autre,  griè- 
vement blessé,  périt,  ])eu  de  jours 
après,  sur  l'échafaud.  Le  reste  de  la 
session  fut  employé  à  chercher  des 
moyens  de  continuer  la  guerre  contre 
35 


54^)  RAG 

rAuliiclic.  Le  sTslcmcqu'avait  adop- 
té Raç^otzky,  d'éviter  toute  bataille 
ranp;cc,  pouvait  la  prolonger  encore 
plusieurs  années  :  mais  surpris ,  eu 
1-08  ,  près  de  Trenczin,  il  fut  de- 
fait  enticrcraent.  el  l;iissa  ses  équipa- 
ges et  toute  son  artillerie  au  pouvoir 
des  vainqueurs.  La  mésintelligence 
se   mit  alors   parmi  ses  généraux  : 
quelques-uns  passèrent  du  côlé  des 
Autriclicus  ;  cl  ceux  qui  lui  restaient 
fidèles  en  apparcnre,  refusèrent  de 
lui  o!)éir  ,  ou  paralysèrent  toutes  ses 
dispositions.  Le  secours  qu'il  avait 
demandé,  n'arrivait  point.  Pour  com- 
ble de  malluiir,  la  peste  se  déclara 
sur  les  frontières ,  du  côlé  de  la  Tur- 
quie,et  il  se  trouva  dansTimpossilii- 
lité  de  communiquer  avec  les  |)la(es- 
forlçs  qui  tenaient  encore  pour  lui. 
Toute  résistance  dcvendt  donc  im- 
possible. Ragotzky ,  s'en  étant  con- 
vaincu, résolut  d'écrire  à  l'empereur 
peur  lui  recommander  les  malheu- 
reux Hongrois  ;  et  ayant  réuni  quel- 
ques sénaleu!  s  ,  il  les  dégagea  du  ser- 
inent de  fidélité,  les  priant   de  lui 
remettre  les  siens  ,  et  partit  pour  la 
Pologne  ,  le  1  février    1710.  A|)rès 
avoir  erré  quelque  temi)S  dans  les 
diflerents  pays  du  nord  ,  il  vint  en 
France,  eu  "i-ji3,  et  fut  accueilli 
par  Louis  XIV,  qui  lui  assigna  une 
pension  considérable.  Dégoûté  des 
granleurs,  il  demanda  la  permission 
de  se  retii  er  dans  la  maison  des  Cam- 
aldulesdeGrosbois.où,  sous  le  nom 
de  comte  de  Saros,  il  passa  plusieurs 
années,   paitageant  son  temps  en- 
tre l'étude,  la  méditation  et  les  exer- 
ciccs  de  piélé.  I^e  cabinet  d'Aulriclic 
ayant  demandé  son  cloigaement  de 
France,  il  partit,  en  1717,  par  Mar- 
seille ,  et  ne  put  trouver  d'asile  que 
dans  les  états  du  Gmud-Turc.  11  ob- 
tint pour  retraite  la  ville  de  Rodosto 
près  de  la  mer  de  Marmaia  j  ce  fut 


RAG 

là  qu'il  mourut ,  le  8  avril  173^.  Le 
prince  Ragolzky  avait  composé  plu- 
sieurs ouvrages  ,  entre  autjcs,  des 
Médilailons  sur  V Ecriture  sainte  • 
des  Confessions  (a),  qu'il  cile  plu- 
sieurs fuis  dans  ses  Mémoires ,  pu- 
bliés par  l'abbé  Rrenner,dans  hs 
tomrs  V  et  VI  de  V Histoire  des  ré- 
volutions de  Hongrie  ,  la  Hâve  , 
1789,  édition  in-i'.>..  On  a  le  Testa- 
ment politique  et  moral  du  jtrince 
Rticoczi ,  1  731,  in-12;  mais  c'est  un 
ouvrage  supposé.  ,  \V — s. 

RAGLM«:^ET  (  François  )  ,  litlé- 
ratctir  estimable,  né  vers  16G0  ,  à 
Rouen ,  embrassa  l'état  ecclésiasti- 
que ,  et  devint  préeeptcnrdcs  ^le^eux 
du  cardinal  de  BduiHoii.  Cetti' j)l.ice 
lui  laissant  le  loisir  de  cultiver  sou 
gdût  pour  les  lettres,  il  se  signala 
dans  les  concours  de  l'académie  liaii- 
çaise  ;  obtint ,  en  i(J85  ,  un  accessit 
par  un  discours  sur  ce  sujet,  Pe  la 
patience  et  du  vice  qui  lui  est  (on- 
traire  (  1  )  ;  et,  deux  ans  après  ,  rem- 
porta îe  prix  par  un  discours  :  Sur 
le  mérite  et  Vutililé  du  Martyre. 
Kncouragé  par  ce  pioniicr  succès  , 
il  publia  la  Fie  de  Croinwel ,  qui 
reçut  un  accueil  favonible.  L'abbé 
R.igucnrt  suivit,  en  i('98,  le  cardi- 
nal de  Rouijion  à  Ruine;  et,  ]'en- 
danl  deux  ans,  étudia  les  cliefs-d'ccu- 
vre  des  arts  qui  décorent  les  j)alais 
et  les  églises  de;  la  capitale  du  monde 
clirétien,  La  /^<;jcn/;a'('H qu'il  «iidon- 
na  ,  pende  temps  ajirès  son  retour  à 
Paris ,  lui  valut  des  iellres  de  citoyen 
romain,  titre  (pii  le  flatta  beaucoup 


(»1  Si'Ion  ion  dftir,  le  manuscrit  de  ces  dpin  oii- 
Tragp»  ,  el  ««tiffrur  cinhauiiié.  l'iirrnl  lraii!mn\  aux 
Caii.alduli  »  de  Gi  osbi  is  L-  P.  Maraiie  Pi  ne,  gê- 
nerai de  cetoidiir ,  consacra  , en  i-'i- .  à  la  mémoire 
de  ce  |>r.Dcc,  un  nionnnienl  dm.l  l'iim  riiitinn  reli  :.r.r 
lef  iirinci|>->ux  (rjil»  de  na  vie  (  Voy.  Jej  /iiinaUt 
Cum'iUiiUii'CS  ,  \III,  53^,  el  la  'jjinertiilinn  de 
M.  ChaDii>olIi<'n  Tigeac  siii  une  ancienne  snil/itiire 
greci/tie,  dans  le  l\Itif;n>.  enryrl.,  1811  ,  IV,  a-i). 

(i "]  Ce  fut  Fonlenelle  qui  rcmporU  le  prit. 


RAG 

(2)  et  qu'il  ajout»  depuis  à  son  nom. 
Pendant  son  séjour  à  Rome  ,  il  s'était 
passionne  pour  la  musique  italienne; 
et  il  entreprit  de  de'montrer  sa  supe'- 
rioritc  sur  la  triste  psalmodie  des 
Lulli  et  des  Campra  :  mais  les  parti- 
sans du  chant  français  ne  purent  lui 
f)ardoi)iier  d'avoir  jcle'du  ri  liculc  sur 
es  objets  de  leur  culte;  et  peu  s'en 
fallut  qu'on  ne  vît  alors  une  guerre 
aussi  terrible  que  celle  qu'excita,  plus 
tard,îa  première  apparition  des  bouf- 
fes ,  ou  la  rivalité  de  Gluck  et  de 
Piccini.  L'abbé  Raguenct  eut  le  bon 
esprit  de  céder  à  l'orage.  Il  paraît 
qu'il  s'éloigna  de  Paris  ,  sur  la  fui  de 
sa  vie  ;  et  l'on  conjecture  qu'il  mou- 
rut en  i^ai,  dans  la  retraite  qu'il  s'é- 
tait choisie.  Outre  les  deux  Discours 
donton  a  parlé  et  qui  sont  insérés  dans 
les  RecueiL  de  l'académie  française  , 
on  a  de  lui  :  I.  Histoire  d'Olivier 
^romweZ,  Paris,  Barbin,  1691  f3), 
în-4".,  en  2  vol.  in- 12;  elle  est  écrite, 
selon  Bayle,  avec  assez  d'impartia- 
lité dans  tout  ce  qui  n'a  pas  trait  di- 
rectement à  Cromwell.  On  la  recher- 
che encore  à  cause  des  pièces  justi- 
ficatives ;  et  c'était  la  seule  qu'un  pût 
consulter  avant  que  M.  Villeraain  eût 
publié  son  excellente  Vie  de  cet  usur- 
pateur (/^.  Cromaveix,  X,  3o'2).  H. 
Des  monuments  de  Rome,  ou  Des- 
cription des  plus  beaux  ouvrages  de 
peinture  ,  de  sculpture  et  d'architec- 
ture ,  qui  se  voient  à  Rome  et  aux 
environs  ,  avec  des  Observations  , 
ibid,  1700,  in-12;  Amsterd.,  1701 , 
même  format.  III.  Parallèle  des 
Français  avec  les  Italiens  ,  dans  la 
musique  et  dans  les  opéras  ,  ibid.  , 


(«)  Cpspatentrs,  dafpps  clii  iÇ)  février  1701  ,  sont 
rapportoes  par  M.  Giiilbert  .dans  ses  Mém  hlo^r.  , 
ÎI  ,  593.  Il  ajoute  que  depuis  Montaijjue  aucun 
Français  n'avait  obtenu  cet  honneur. 

(3)  Et  non  pas  en  iG-i  ,  corame  le  disent  tous  les 
biographes,  erreur  cjul  a  passé  dans  la  Bio^iapliifr 
aVart.  CromwciL 


RAG 


BA 


'M 


1702  ,  in-i'j.  Cet  ouvrage  fut  vive- 
ment critiqué  par  Lecerf  de  La  Vievil- 
le,  compatriote  de  Raguenet(  F.  Le- 
cerf, XXIII,  509  ).  IV.  Histoire 
abrégée  de  V ancien  -  Testament  , 
ibid,  ,  1708  ,  in  -  8°.  ;  réimprimée 
plusieurs  fois.  V.  Vie  de  Turenne. 
R;iguenetla  composa  par  l'ordre  et 
sous  les  ypux  du  cardinal  de  Bouil- 
lon ,  qui  lui  avait  appris  plusieurs 
particularités  intéressantes  :  elle  était 
restée  en  manuscrit  ;  et  Ramsay  ,  qui 
l'avait  eue  à  sa  disposition  ,  dit  que 
les  faits  sont  vrais  et  les  dates  exac- 
tes, et  que  la  narration  est  claire, 
mais  qie  Raguenet  semble  plutôt 
avoir  écrit  un  journal  qu'une  histoi- 
re (  F.  La  Préface  de  l'histoire  de 
Turenne,  par' Ramsay).  Malgré  ce 
jugement  peu  favorabîe,  la  Fie  de 
Turenne ,  par  Raguenet,  a  été  im- 
primée enfin  à  la  Haye, Paris,  1738  . 
'2  vol.  in- 12;  et  les  différentes  édi- 
tions qui  se  sont  succédé  prouvent 
qu'elle  jouit  de  l'estime  générale.  Le 
libraire  Barbou  en  a  publié  une  nou- 
velle édition,  en  1806,  revue  avec 
soin  ,  et  enrichie  d'augmentations 
qui  viennent  de  bonne  main  (  F.  La. 
ISouvelle  biblif'thèque  d'un  homme 
de  goût ,  par  M.  Barbier,  IV  ,  25  ). 
On  a  quelquefois  attribué  à  Bague- 
net  les  Aventures  de  Jacques  Sa- 
dejir,  mais  c'est  à  tort  (   F.  Gab. 

FoiGNY  ).  W s 

RAGUET  (Gilles-Bernard), 
littérateur,  naquit  eu  1668,  à  Na- 
mur  ,  et  vint  fort  jeune  à  Paris  ,  où  . 
après  avoir  terminé  ses  cours  de 
théologie  ,  il  embrassa  l'état  ecclé- 
siastique. II  entra  dans  la  commu- 
nauté des  prêtres  de  Saint-Sulpice  , 
et  partagea  son  temps  entre  ses  de- 
voirs et  l'étude.  Ses  talents  l'avaient 
fait  connaître  de  l'cvêque  de  Fréjus 
(  depuis  cardinal  de  Fleury  ).  Ce 
prélat  employa  l'abbé  Ragutt  à  l'c- 
35.. 


548  RAG 

diicalion  de  Louis  XV  ,  et  lui  fît  ob- 
tenir plusieurs  hene'fices  ,  entre  au- 
tres le  prieure' d'Arj;enteuil.  Il  obtint 
dans  la  suite  la  place  de  directeur 
spirituel  de  la  compagnie  des  Indes, 
et  mourut  à  Paris,  le  ao  juin  l'j^S, 
à  quatre  vingt  et  lui  ans.  Raguet  a 
coopère,  de  i-joS  à  1721,  à  la 
rédaction  du  Journal  des  savants. 
On  cite  de  lui  :  I.  La  Nouvelle  Atlan- 
tide de  Kr.  Bacon  ,  trad.  en  français 
et  continuée,  Paris,  \']o>. ,  in-n. 
IL  Histoire  des  contestations  sur  la 
Diplomatique ,  avec  l'analyse  de  cet 
ouvrage  compose  par  le  P.  Walùllon, 
Paris  ,  1708  ,  ia-ri  ;  Naples  (  Ge- 
nève )  ,  1767  ,  in-8°.  On  y  trouve 
l'analyse  exacte  et  impartiale  des 
objections  du  P.  Germon  et  des  au- 
tres adversaires  du  système  du  sa- 
vant bénédictin  ,  avec  les  re'ponses 
de  Mabillon  et  de  ses  confrères.  Mal- 
gré la  neutralité  qu'affecte  Raguet , 
on  voit  qu'il  penche  j^our  le  P.  (ier- 
TOon  (  P''.  ce  nom  ).  IlL  Explica- 
tion d'un  bas  relief  en  bronze  (  sup- 
posé antique  )  du  cabinet  de  l'abbé 
IJignon  (dans  les  Mémoires  de  Tré- 
voux ,  juillet  1714,  et  dans  le  Jour- 
val  des  savants  ,  avril  1715,  page 
'ixZ  )  :  ce  bas-relief,  (pii  représente 
les  noces  de  Thétis  et  de  Pelée ,  a  été 
gravé  par  M""^.  Lehay  (  /''.  Chéron). 
W— s. 
RAGUSA  (  JtBÔME  ),  savant  jé- 
suite ,  naquit,  en  iGGï  ,  à  Modica  , 
dans  la  Sicile.  Il  embrassa  la  règle 
de  saint  Ignace  ,  à  seize  ans; et  après 
avoir  teirainéses  études  , il  professa 
la  philosophie  et  les  différentes  bran- 
ches de  la  théologie  ,  avec  un  suc- 
cès qui  lui  mérita  l'cslimc  de  ses 
compatriotes.  Dans  ses  loisirs  il  cul- 
tivait la  littérature  ,  ou  s'occup;iit 
de  recherches  d'érudition.  On  igno- 
re l'époque  de  sa  mort  ;  mais  il  pa- 
raît qu'il  vivait  encore  eu  17 li. 


RAH 

IMongitore,  dans  le  deuxième  ^/j^ctî- 
dix  de  sa  Biblioth.  Sicula  ,  cite  en- 
core de  lui  quelques  ouvrages  pu- 
bliés en  17  r2  et  1715.N0US  indique- 
rons les  suivants  :  I.  Elog;ia  Siculo- 
rum  qui  veteri  memorid  litteris  fia- 
ruerunt,  Lyou,  1G90  ,  in-ri.honda- 
Ragusa  ,  neveu  de  l'auteur ,  a  piiblié, 
sous  son  nom ,  une  nouvelle  édit.  de 
cet  ouvrage, avec  des  additions  {Sici- 
liœ  biblioth.  vêtus  )  Rome,  1700, 
in-^'^;  et  Burmann  l'a  inséré  dans 
le  Thésaurus  antiquit.  Jtaliœ,  lom. 
X,  14.  II.  Fragmenta progj mnai- 
matum  diversorum  ,  Venise,  1706, 
in-8'J.  IJI.  Bagionamenti,  panegi- 
rici,  etc.  ,  ibid.  ,  170G  ,  in-r^.  On 
trouvera  dans  la  Biblivtlieca  Sicula 
dc3Iongitorc  ,  i ,  .>84-8j  ,  l'Éloge  de 
de  P.  Jér.  Ragusa  ,  et  les  titres  des 
ouvrages  qu'il  a  laissés  en  manus- 
crit, parmi  lesquels  ou  distingue: 
Sicilict  biblioth.   vêtus  et  recens , 

I  vol.  in^".  W — s. 
RAHN  (  Jean-Henhi  ),  historien 

et  biographe  suisse  ,  né  à  Zurich  ,en 
1G4O  ,  mort  le  -iO  sept.  1708  ,  était 
seckclmeister  on  questeur  à  Zurich, 

II  fut  employé  à  diverses  missions 
et  autres  affaires  d'état  ,  et  cliargé, 
dès  \(')l')(j,  du  soin  de  la  bibliothèque 
de  sa  ville  natale.  Il  a  fait  des  re- 
cueils immenses  sur  diverses  ma- 
tières relatives  à  la  Suisse.  Ces  re- 
cueils ,  encore  manuscrits,  se  mon- 
tent à  lOo  volumes.  Il  avait  or- 
ganisé ,  en  1G7Ç)  ,  avec  quelques 
amis  des  lettres  et  des  sciences  ,  une 
société  savante  qui  subsista  plusieurs 
années  à  Zurich  sons  le  nom  de  Col- 
legium  philomusorum.  Rahn  eu 
conservait  les  Mémoires  parmi  ses 
manuscrits  (i).  Il  composa  ,  pour 
celte  société  ,  divers  morceaux  sur 

(i)  Ce  rerncU  forme  ^i-  pa;^.  in-ful.,  ef  sr  (ernit 
ne  ^  t*<>Q  ïi'Ai,  Halier  e*  a  donné  rcrtr^iit  raiâouuv 
ilaOÂ  id  BibUolli.  hisl.  iuusc ,  t.  Il ,  u^,  i5i. 


I 


RAH 

les  rapports  politiques  de  la  Suisse 
avec  les  puissances  voisines.  On 
trouve  encore,  parmi  ses  manus- 
crits ,  un  ouvrage  intitule'  :  Me- 
thodus  stiidii  historico-politici  Hel- 
velici ,  et  une  Biologia  historico- 
Helvetica  :  c'est  un  Dictionnai- 
re de  deux  cent  huit  auteurs,  dont 
Rahu  cite  et  juge  quelquefois  les 
ouvrages  ,  et  fait  connaître  briève- 
ment la  vie.  Il  existe  en  Suisse,  des 
copies  de  cette  biographie,  sous  le 
titre  de  Catalogns  bibliothecœ  Rha- 
nianœ.  Il  a  écrit ,  en  outre  ,  Histo- 
ria  belli  Burgundici,  demeurée  ma- 
nuscrite :  son  ouvrage  le  plus  im- 
important  est  son  Histoire  de  la 
Suisse  ,  en  allemand  ,  conlinue'e  par 
Bodmer  de  1 676  à  1 7  1 1 ,  mais  dont 
on  n'a  imprimé  qu'un  abrégé  ,  Zu- 
rich, 1690,  in-8°.  ,de  ii-japag. — 
Son  père  (Jean-Henri  Rahn)  ,  1:^111 
de  Kybourg,  mort  en  1676,  avait 
publié  en  allemand  un  Traité  à! Al- 
gèbre ,  qui  fut  traduit  en  anglais ,  et 
il  a  laissé  d'autres  ouvrages  de  ma- 
thématiques. —  Un  troisième  Jean- 
Henri  Raun  ,  né  en  1749  ?  et  de  la 
même  famille,  pratiqua  la  médecine: 
nommé  professeur  de  physique  au 
gymnase  de  Zurich  ,  il  fut  en  1 782 
l'un  des  fondateurs  de  l'institut  médi- 
co-chirurgical, ou  il  donna  des  cours 
de  pathùlogiectde  thérapeutique.  Il 
eut  part  à  beaucoup  d'autres  établis- 
sements du  même  genre  ,  qui  eurent 
lieu  en  Suisse  vers  cette  époque  ,  fut 
créé  comte -])alatin  par  l'électeur 
Charles-Théodore,  et  député  de  son 
canton  à  l'assemblée  nationale  hel- 
vétique ,  lors  de  la  révolution  de 
1799  :  il  mourut  le  1  août  181a  , 
après  avoir  publié  plusieurs  ouvrages 
de  médecine,  recueils  périodiques  et 
pièces  académiques ,  la  plupart  eu 
allemand.  —  Jcau-Ilenri-Guillaunic- 
Raun  ,  ne  à  Waibcck ,  au  pays  d'Haï 


RAI 


549 


berstadt ,  le  7  décembre  17G6,  mort 
le  7  juillet  1807  ,  jurisconsulte-as- 
sesseur à  un  collège  de  l'université 
de  Helmstadt  et  d'un  tribunal  d' Al- 
loua ,  a  laissé  en  allemand  quelques 
ouvrages  sur  divers  points  de  juris- 
prudence ,  et  contre  les  jeux  de  ha- 
sard. —  Jean-Rodolphe  Rahn  ,  bour. 
guemestre  de  Zurich  ,  en  i644  ■>  est 
auteur  d'un  ouvrage  qui  fut  traduit 
en  français  sous  le  titre  de  Discours 
véritable  sur  Vétat  des  trois  ligues 
communes  des  Grisons  ,  1G21  ,  in- 
4°. ,  dont  il  parut  un  extrait  :  Som- 
maire description  de  Vétat  présent 
des  trois  ligues ^  1624  ,in-4*'.  D — g. 

RAI  (Jean),>oj.  Ray. 

RAIDEL  (George-Martin),  sa- 
vaut  bibliographe,  naquit  à  Nurem- 
berg ,  le  ii6  août  1702.  Après  avoir 
terminé  ses  études  théologiques  avec 
succès  ,  il  fut  admis  au  saint  minis- 
tère, et  pourvu  de  quelques  bénéfices. 
Entraîné  par  son  ardeur  pour  les 
recherches  littéraires,  il  avait  par- 
couru l'Allemagne  pour  visiter  les 
savants  et  les  bibliothèques.  La  publi- 
cation de  l'ouvrage  dont  on  parlera 
tout-à-l'heure  le  fit  connaître  d'une 
manièreavantageuse;  et  l'on  attendait 
de  nouveaux  fruits  de  ses  travaux  , 
quand  il  fut  enlevé  par  une  mort 
prématurée ,  le  28  janvier  1741.  Ou- 
tre une  édition  d'une  partie  de  la 
correspondance  de  Jean-Gérard  avec 
les  érudits  de  son  temps  (/.  Gerardi 
litlerarium  quodcum  doctis  hahuit 
commerciwn  ex  parte  editum  ,  Nu- 
remberg ,  1 73 1 ,  in-8°.  ) ,  et  la  Géo- 
graphie du  moyen  dge ,  publiée  par 
J.  D.  Kochler,  en  1737  ,  dont  il 
composa  la  seconde  partie  (  ^^oy, 

KOELER,  XXII,  520,    U».  IX  ),   OU 

ne  connaît  de  Raidel  qu'une  Disser- 
tation intitulée  :  Commentatio  cri- 
t Lco -lit ier aria  deCl.Ftolemœi  Geo- 
graphid ,    e jusque  codicibus    tam 


)5o 


RAI 


jnanuscriptis  quàm  tjpis  expressis , 
Nuremberg;,  1787  ,  in- 4".  Cet  ou- 
vrage est  divisé  en  douze  chapitres  : 
le  premier  contient  de  savantes  re- 
ihcrclics  sur  la  vie  et  les  écrits  de 
l'toléinc'e ,  et  en  particulitr  sur  sa 
(uograi)liie;  le  second,  la  notice  des 
manuscrits  grecs  de  cet  ouvracc  , 

Il  ri      ' 

conserves  dans  les  principales  l)i- 
Lliothèques  del'Europe,  et  dont  les 
meilleurs,  selon  Raidel  ,  sont  ceux 
de  Vienne  et  de  la  bibliotlièquc  Saint- 
IMarc  à  Venise  ;  le  troisième,  celle 
des  manuscrits  latins  ;  le  quatrième, 
la  description  du  précieux  manuscrit 
que  possède  la  bibliothèque  de  Nu- 
remberg de  la  version  latine  de  J. 
Angélus  ,  avec  les  caries  de  Nicolas 
Donis  ,  bénédictin  allemand  ,  que 
IMaittairc  confond  avec  Nicolas  Ila- 
lin  ,  dont  il  fait  un  imprimeur  (  r'. 
DoMs  ,  XI ,  5:")8  };  ce  manuscrit  est 
richement  orné  ,  et  relié  par  des 
cercles  d'or.  Dans  le  cintpiième  cha- 
pitre, on  trouve  l'indication  des  cdi- 
1  ions  grecques  et  des  clitions  grecques 
et  latines:  la  première  édition  grec- 
que fut  publiée  parKrasmc,  d'après 
un  manusciit  de  Th.  Fellirh  ,  mé- 
decin d'Ingolsfadt,  Bàlc  ,  Froben  , 
1  5Î3  ,  in-4".  ;  clic  fut  suivie  de  l'é- 
dition de  Paris,  Wechcl ,  i5\()  , 
in-4".  ;  <^t  il  tn  parut  une  troisième 
édition  par  les  soins  de  Monlanus, 
Arasterclam  ,  iGo5,  in- fol.  ,  avec 
une  version  latine.  Raidel  prétend 
que  l'e'dilion  de  1G18,  publiée  par 
Ijcrtius,  ne  diflere  de  la  précédente  , 
que  par  le  changement  du  frontis- 
pice ;  mais  c\'st  une  erreur  (  foj. 
Bertil's,  IV,  3G<)  ).  Le  sixième 
chapitre  traite  des  éditions  latines 
du  quinzième  siècle,  au  nombre  de 
sept.  La  première,  comme  on  sait , 
est  celle  de  Vienne  ,  1 47''-  Parmi  les 
autres  ,  on  dislingue  celles  de  Rome, 
i478;dcBologU'j  ,  14B2, célèbre  par 


R.U 

sa  date  fautive  ,  qui  la  reporterait  à 
i4Gi(r.PT0Li:MÉE, XXXVI, 277, 
not.  5)  ,  et  d'Ulm  ,  i  48u  ,  dont  le 
cardinal  de  Brieiine  possédait  l'excm- 
plaire  sur  vélin  offert  par  Donis 
lui  -même  au  pape  Paul  II  (  Voy. 
['Index  du  P.  Laire ,  11,  6'i).  Le 
septième  chapitre  contient  la  liste 
des  éditions  latines  publiées  pen- 
dant le  seizième  siècle  ,  au  nond)re 
de  quinze,  parmi  les(|uellcs  on  dis- 
tingue celles  que  l'on  doit  au  fameux 
Servet  (  f^oj'.  ce  nom  );  et  le  hui- 
tième, la  description  des  deux  seules 
éditions  du  dix-septième  siècle,  l'une 
tl'Andicim  ,  1G07  ,  et  l'autre  de 
Bologne,  1G08.  Dans  le  neuvième, 
Raidel  donne  le  résultat  de  ses  re- 
cherches sur  les  versions  de  la  Géo- 
graphie de  Ptolémée  ,  dans  les  lan- 
gues modernes;  le  dixième  cliajiitrc 
tra^  des  éciivains  qui  ont  annoté 
cet  ouvrage,  ou  qui  l'ont  éclairci 
par  des  commentaires  ;  le  sui- 
vant indi([ue  les  dilléiences  que  l'on 
remarque  entre  le  texte  de  Ptolémée  et 
les  cartes  d'Agalhodémon  d'Alexan- 
drie, et  celles  delNicolas  Donis;  enfin 
dans  le  douzième  ,  il  parle  des  dillé- 
rentes  éditions  annoncées  de  la  Géo- 
graphie de  Ptolémée  ,  et  qui  n'ont 
point  été  pidjliées.  Cette  analyse  suf- 
fira pour  faire  apprécier  l'ouvrage 
de  Raidel  ,  et  justifier  les  éloges  des 
autcms  contemporains  qui  en  ont 
rendu  compte.  Murr  y  a  néanmoins 
signalé  quelques  erreurs  (  P^.  IMurk, 
XXX,4';G,n«.  IX  ).        VV— s. 

RAIMOND  (Saint),  surnommé 
de  Pennafout,  du  nom  d'un  château 
de  Catalogne  dans  lequel  il  naquit 
en  1 17'î ,  descendait  des  coinles  de 
Barcelone,  et  sa  famille  était  alliée 
aux  rois  d'Aragon.  Il  montra  de  bon- 
ne heure  des  dispositions  peu  com- 
munes pour  l'étude;  cl  il  fit  des  ]/•  o- 
j^rès  si   rapides   dans  les  scicncen , 


I 


RAI 

qu'à  vingt  ans,  il  fut  en  état  d'ouvrir 
un  cours  gratuit  de  philosophie.  lise 
rendit  en  Italie,  pour  se  perfection- 
ner dans  la  connaissance  du  droit  j 
et ,  après  avoir  reçu  le  laurier  doc- 
toral à  l'université  de  Bulof^ne,  il  y 
fut  pourvu  d'une  chaire,  qu'il  rem- 
plit avec  aulant  de  zèle  que  de  dé- 
sintéressement. Berangcr ,  évêrpiedc 
Barcelone,  revenant,  en  1219,  d'im 
voyage  qu'il  avait  f;iit  à  Rome,  en- 
leva Raimond  à  l'afTeclion  des  Bolo- 
nais ,  le  nomma  chanoine  de  sa  ca- 
thédrale, et  le  revêtit  successivement 
des  premières  dignités  du  chapitre. 
Mais  R'iimond,  que  son  goût  portait 
à  la  retraite,  prit  la  résolution  de 
s'ensevelir  dans  un  cloître,  et  entra 
dans  l'ordie  des  Frères-Prêcheurs, 
en  i22'i,  huit  mois  après  la  mort 
de  saint  Dominique.  11  avait  alors 
quarante  -  sept  ans;  et  cependaiil»il 
ne  voulut  être  dispensé  d'aucune  des 
épreuves  du  noviciat.  11  choisit,  par- 
mi ses  confrères,  un  directeur,  et  le 
pria  de  lui  imposer  quelque  péniten- 
ce,  eu   expiation  de  la  vanité  qu'il 
avait  montrée  dans  le  monde.  On  le 
chargea  de  composer  un  Recueil  des 
cas  de  conscience  pour  l'instruction 
des  confesseurs.  Ce  travail  impor- 
tant ne  l'empêcha  pas  de  se  livrer 
avec  ardeur  à  la  prédication,  et  de 
remplir  tous  les  devoirs    de  l'état 
qu'il  avait  embrassé.  Bientôt  il  fut 
consulté  de  toutes  parts  ;  et  l'on  vit  se 
ranger  sous  sa  direction  les  hommes 
de  la  piété  la  plus  éminente  (  /^  St. 
Pierre   Nolasque  ,   XXI ,   347  )• 
Jayme  l^"".,  roi  d'Aragon  ,  se  fit  ac- 
compagner par  Raimond  au  concile 
qui  prononça  la  dissolution  de  son 
mariage  avec  Éléonorc  deCastille, 
sa  cousine  germaine.  Raimond  j)ar- 
la ,  dans  cette  assemblée,  avec  tant 
d'éloquence  et  d'action,  que  le  légat 


le  cha 


l'gca  ae  prêt. lier  une  croisade 


RAI  55 1 

contre  les  Maures.  Eu  laSo,  le  pape 
Grégoire  IX ,  instruit  de  sa  capacité, 
le  fit  venir  à  Rome,  le  nomma  son 
confesseur  et  son  gi  and-pcnitcncier, 
et  le  choisit  pour  recueillir  les  dé- 
crets des  papes  et  des  conciles ,  pos- 
térieurs à  l'année  i  i5o ,  où  finit  la 
compilation  de  Gratien  (  Foy.  ce 
nom  ).  Ce  travail  l'occupa  pendant 
trois  ans;  et,  en  ia35,  Grégoire 
nomma  Raimond  à  l'archevêché  de 
Tarragone  :  mais  celui-ci  s'excusa 
d'accepterun  fardeau  qu'il  jugeait  au- 
dessus  de  ses  forces;  et  le  pape,  cédant 
à  ses  instances,  accepta  sa  démission, 
en  exigeant  qu'il  désignât  lui-mê- 
me son   successeur.  Peu  de  temps 
après  ,  il  obtint  la  permission  de  re- 
tourner en  Espagne,  et  se  hâta  de 
rentrer  dans  son  couvent,  où  il  re- 
prit ses  ])remiers  exercices  avec  la 
même  ferveur  qu'avant  de  le  quitter. 
A  peine  goûtait-il  le  plaisir  d'être 
rendu  à  la  vie  privée,  qu'il  fut  élu 
général  de  son  ordre,  en  1288.  11 
recourut  vainement  aux  prières  et 
aux  larmes  pour  être  dispensé  tl'ac- 
cepter  celte  diguilé  :  il  fut  oblige  de 
se  soumettre,  Raimond  fit  à  pied  la 
visite  dos  maisons  de  l'ordre;  et, 
malgré  la  fatigue  du  voyage,  il  ne 
diminua  rien  de  ses  austériiés.  Il  re- 
vit la  règle  laissée  à  ses  religieux  par 
saint  Dominique,  en  disposa  les  ar- 
ticles dans  un  meilleur  ordre,  et  y 
joignit  quelques  dispositions  nouvel- 
les, qu'il  fit  approuver  par  les  divers 
chapitres  d'Espagne,  de  France  et 
d'Italie.   En   \'if\0 ,  il  se  démit  de 
ses  fondions,  sous  prétexte  de  son 
âc:e,etrepritnéanmoins  avec  joie  ses 
tiavaux    evangeliques.     Il    a    con- 
tribué à  l'établissement  de  l'inqui- 
sition dans  r Aragon  et  dans  les  pro- 
vinces méridionales  de  la  France , 
mais  avec  le  soin  de  ne  placer  dans 
les  tribunaux  du  Saint  -  Cfiice  que 


552 


RAT 


des  hommes  connus  p.ir  leurs  lu- 
mières et  leur  charité.  Il  stimula  le 
zèle  de  Raimond  I^ulle,  cnj^açica  ses 
confrères  à  étudier  l'arabe  et  l'hé- 
breu, pour  mieu\  travaillera  la  con- 
version (les  Maures  et  des  Juifs,  et 
fonda  deux  chaires  d'araLe ,  l'une 
à  Tunis  et  l'autre  à  Mincie.  Il  ac- 
compagna le  roi  Jayme  dans  un 
voyageque  ce  prince  lit  à  IMaïorque, 
et  y  allerrait  la  foi  catholique,  par 
ses  prédications  et  ses  exemples. 
Sentant  sa  fin  prochaine,  il  s'y  pré- 
para par  la  prière  et  par  les  exer- 
cices delà  pénitence,  et  mourut  à 
Barcelone,  le  G  janvier  \'2-j,  dans 
sa  centième  année.  L'Église  célèbre 
la  fcle  de  saint  Raimond  de  Penafort, 
le  '.«3  du  même  mois.  Le  Recueil  de 
Decrétales,  compilé  par  cet  illustre 
doclciM',  fut  imprimé  à  Maienre,  par 
P.  Schoeilèr,e:i  i473,  in-fi»I.Il  enpa- 
rut  un  grand  nombred'éilitionsjdans 
le  quinzième  siècle,  parmi  lesquelles 
les  curieux  recherchent  surtout  cel- 
le qu'on  vient  de  citer,  et  les  deux 
édi;ions  de  Rome,  i474  i  in-fol.  Cci 
ouvrage  forme  la  seconde  jiarlic  du 
corps  de  droit  canonique  (  r.  Grl- 
r.oinE  IX  ).  La  Somme  de  saint 
Raimond  ,  intitulée  Suninia  de  pœ- 
nitentid  et  viatrimoniu  ,  a  souvent 
été  réimprimée  dans  le  seizième 
siècle  ,  avec  des  commentaires  ; 
mais  la  meilleure  édition  est  celle 
qu'a  publiée  le  P.  Laget,  Lyon,  1718, 
in  -  fol.,  ou  celle  de  Vérone,  174  ii 
in  fol.  Un  certain  Adam  en  a  donné 
un  Abrégé,  en  vers  hexamètres ,  Co- 
logne, i4<)B,  i5o2,  in -4°.,  et  Ve- 
nise, i56() ,  iii-H''.  On  peut  consul- 
ter ,  pour  de  pbis  grauds  détails,  la 
JJildiot.  Frut.  Pnedicator. ,  par  le 
P.  (^uetif,  I,  109,  oii  l'on  trouvera 
Ils  titres  de  quelques  0/Juscults  de 
saint  Raimond  ,  dont  on  n'a  pas  cru 
devoir  alougcr  cet  article.  La   rie 


RAI 

de  saint  Baimnnd  ,  écrite  en  latin  , 
par  le  P.  Pcuna,  Rome,  lOoi  ,  in- 
4".,  est  très-détailléc,  mais  manque 
de  critique.  L'auteur  l'a  compose'e 
d'après  d'anciennes  traditions  dont 
l'ai;thenticité  n'est  pas  bien  prouvée. 
Ou  lira  avec  plus  de  fruit  celle  que 
le  P.  Touron  a  insérée  dans  le  tome 
I  *=•■.  des  Hommes  illustres  de  l'ordre 
de  Saint- Dominique.         W — s. 

RAIMOND  IV  ,  dit  Raimond  de 
Saint  Gh.lks  ,  comte  de  Toidouse  , 
duc  de  Narbonnc  ,  marquis  île  Pro- 
vence, naquit  vers  l'an  io4'->-,  de 
Pons,  comte  de  Toulouse  ,  et  d'Al- 
modis  ,  fdle  du  comte  de  La  Marche. 
Son  frère  aîné,  Guillaume  IV,  se 
vovant  sans  enfants,  lui  céda  ,  ou 
vendit,  en  1088,  la  souveraineté  de 
Toidouse ,  et  ses  autres  domaines , 
que  Raimond  agrandit  encore  par  ses 
ar^s  :  tout  le  Languedoc  moderne, 
l'Albigeois,  le  Ouerci  ,  l'Agcnois  , 
le  Houcrgue  ,  le  Périgord ,  etc. ,  for- 
maient ses  vastes  états  ,  auxquels  il  ne 
tarda  pas  à  joindre  une  partie  de  la 
Provence  ,  par  droit  de  succession  , 
ayant  épouse  ,  en  1  oGG  ,  la  fille  de 
Bertrand  J'"^.  ,  comte  de  Provence  , 
quoiqu'elle  fût  sa  cousine  germaine  ; 
ce  qui  attira  sur  lui  les  foudres  de 
l'Église.  •  En  1080  ,  il  épousa  en 
secondes  noces  I\Lithilde  ,  fille  du 
comte  de  Sicile  ,  nièce  du  célèbre 
Robert  Guiscard  ;  et  en  troisièmes 
noces  (  io()4)»  Klvire,  fille  d'Al- 
phonse VI ,  roi  de  Castille  ,  auquel 
il  avait  porté  du  secours  contre  les 
Maures.  Raimond  de  Saint  Gilles  est 
principalement  connu  par  la  part  qu'il 
])rit  à  la  première  croisade  f  109O  ), 
où  il  fut  mis  sur  les  rangs  pour  ob- 
tenir la  couronne  après  la  prise  de 
Jérusalem  (  F.  Godefuoi  de  Bouil- 
lon ,  XVII,  5Jo).  Après  la  mort  de 
Godefroi ,  le  sceptre  fut  encore  of- 
fert au  comte  de  Toulouse  ,  qui  le 


RAI 

refusa,  content  des  domaines  acquis 
par  sa  valeur.  Il  assiégea  la  forte 
ville  de  Tripoli ,  et  bâtit ,  dans  le 
voisinage  ,  la  forteresse  de  Châtel- 
Pelerin  :  il  re'sidait  souvent  aussi  à 
Laodicée.  Sa  vie  ,  de  ce  moment , 
ne  fut  plus  qu'une  suite  d'événements 
f:;uerriers ,  ou  de  voyages  politiques. 
Il  se  rendit  à  Constantiuople  pour 
traiter  avec  l'empereur,  et  ramena 
en  Asie  une  nouvelle  armée  de  croi- 
sés ,  en  iioi.  Après  s'être  trouvé 
à  vingt  batailles,  il  tomba  au  pouvoir 
du  neveu  de  son  ennemi  Bobémond , 
qui  le  retint  prisonnier  dans  Antio- 
che  ;  mais  il  fut  délivre  par  le  vœu 
unanime  des  seigneurs  français  ,  qui 
le  choisirent  même  pour  chef  dans 
leur  dernière  expédition.  Il  mourut  à 
Châtel-Pélerin,  le  28  février  de  l'an 
1  io5.  Bertrand  ,  son  successeur,  né 
de  sa  première  femme ,  prit  en 
II 09,  Tripoli  (i),  qu'il  assiégeait 
depuis  sept  ans  :  il  mourut  trois 
ans  après ,  et  laissa  ses  états  d'Occi- 
dent, à  son  frère  Alphonse-Jourdain, 
ainsi  nommé  parce  qu'il  avait  été 
baptisé  dans  ce  fleuve,  étant  né  en 
Palestine,  en  i  io3.  Z. 

RAIMOND  V,  fils  d'Alphonse- 
Jourdain,  naquit  en  1 134.  Il  épousa 
Constance,  filleduroiLouis-le-Gros , 
mais  il  la  répudia,  et  refusa  de  la 
reprendre,  malgré  tous  les  efforts  du 
pape  pour  les  réconcilier.  Il  eut  à  dé- 
fendre ses  états  contre  Henri  II,  roi 
d'Angleterre  ,  qui  prétendait  y  avoir 
des  droits,  du  chef  de  sa  femme  Élco- 
nore  de  Guienne.  Piaimond  fut  même 


(1)  Ce  fut  eu  cette  occasion  que  périt  la  fameuse 
l)ibliotlièi[Ue  de  Tripoli ,  la  plus  riche  qui  eût  existé 
jusqu'alors  :  ou  y  coniplait  trois  uiiJlious  de  volu- 
uies  ,  si  l'ou  eu  croit  \e^  Lisloriens  arabes.  Il  y  avait 
jusqu'à  5o,oco  copies  du  Corai.  Les  vainqueurs, 
voyaot  une  multiluded'exemjjlaîresde  celivre,  cru- 
reut  que  la  bibllotlj-  que  ne  coutenait  pas  autre  cho- 
se ,  et  tout  lut  abaudonué  aux  tlaïuiues  :  il  n'échappa 
qu'un  petit  uumbre  de  livres  qui  furent  disperses  eu 
dittcrcuts  pays  (  Mém.  géo^,  sur  l'É^/'te  ,  par 
M.  I;,  Quatreuitre  ,  II ,  Sut)  ), 


RAI 


553 


assiégé  dans  sa  capitale  ;  mais  les 
secours  de  son  beau-frère ,  Louis-le- 
Jeune  ,  et  son  propre  courage ,  obli- 
gèrent l'ennemi  à  se  départir  de  cette 
entreprise  ;  et  une  trêve  ,  plusieurs 
fois  renouvelée  ,  mit  fin  à  celte 
guerre.  Celles  que  firent  au  comte  de 
Toulouse  ,  Alphonse  IV ,  roi  d'Ara- 
gon ,  et  quelques-uns  de  ses  vassaux, 
se  terminèrent  aussi  à  son  avantage  ; 
et ,  par  un  traité  avec  le  vicomte  de 
Nîmes  ,  il  réunit  à  son  domaine  , 
cette  ville  et  son  territoire.  Il  per- 
mit aux  habitants  de  substituer  de 
nouveaux  murs  à  ceux  qui  avaient 
formé  l'enceinte  romaine  ,  depuis 
long-temps  ruinée;  et  c'est  derrière 
ces  nouvelles  murailles  qu'on  a  trou- 
vé ,  en  1790,  à-peu-près  intacte, 
une  porte  antique  ,  dont  l'inscription 
a  révélé  l'époque  jusqu'alors  ignorée, 
de  la  construction  des  portes  et  des 
murs  dont  l'empereur  Auguste  envi- 
ronna la  ville.  La  barbarie  du  siècle 
ne  permet  pas  de  faire  honneur  à 
Raimond  de  la  conservation  de  ce 
monument.  Cependant  il  aima  les 
lettres  autant  qu'on  pouvait  les  aimer 
alors  :  il  protégea  les  troubadours  ; 
et  plusieurs  ont  consacré  dans  leurs 
vers  ,  le  souvenir  de  ses  bienfaits ,  et 
l'expression  de  leur  reconnaissance. 
Sa  cour,  qu'il  tenait  presque  toujours 
à  Saint-Gilles,  paraît  avoir  été  spi- 
rituelle et  galante.  Il  résidait  aussi 
quelquefois  à  Nîmes  :  il  mourut  dans 
cette  ville  ,  vers  la  fin  de  i  1 94- 
V.  S.  L. 
RAIMOND  VI  ,  dit  le  Vieux , 
comte  de  Toulouse  ,  fils  du  précè- 
dent,  naquit  en  11 56.  Neveu,  par 
sa  mère ,  du  roi  Louis-le-Jeune  ,  et 
allié  aux  principales  maisons  souve- 
raines ,il  épousa,  en  quatrièmes  no- 
ces (  1 1 93) ,  Jeanne  ,  veuve  du  roi  de 
Sicile ,  et  sœur  du  roi  d'Angleter- 
re ,  Richard  Cœur  -  de  -  Lion.   Ce 


554 


KAI 


fut  hous  son  règne  que  l'iicn'sie  'îcs 
Albigeois  (it  les  prop;rèslcs  plus  rapi- 
des. (Contenus  pai-  h  fermeté  de  R.ii- 
mond  V  (  /'.  ÎMAvr.ANn),  et  confon- 
dus au  concile  dt-  [.ornbès,  ils  avaient 
pris  le  parti  du  silence  ;  et  ce  n'était 
que  d.ins  l'ombre  qu'ils  a-^^issaient. 
Saint  Bernard  ,  et  s.iint  Dominique 
{K.  ce  nom,  XI ,  5i5  ),  prêcLt-rent 
contre  eux  ,  ainsi  que  plusieurs  au- 
tres docteurs  recommanJablcs  par 
Icursciencc  et  Inirs  vertus.  Les  chefs 
des  Albigeois,  Pierre  de IJruix,  Hen- 
ri Olivier,  clc  ,  furent  toujours  vain- 
cus dans  les  conférences  qu'ils  vou- 
lurent euf^ager  :  mais  leur  opiniâ- 
treté croissait  de  leur  défaite  même. 
Raimond  VI  mettant  peu  de  zèle  à 
les  empècherdc  se  répandre ,  le  pape 
Innocent  111  envoya, en  i  U)2, deux 
religieux,  en  qualité  de  coiumissai- 
res  ,  dans  la  Provence,  le  Lyonnais  , 
le  Dauphine  et  le  Lauf^uedoc.  Le  pre- 
mier, nonim  j  ArniulJ,  sortait  Jel'il 
lustre  maison  de  N arbonne  :  il  était 
abbc'dc  Citeaux,  et  recommandable 
par  ses  vertus  airisi  que  par  son 
adroite  politique.  Le  second  ,  Pierre 
de  Gastpin.iu  ,  était  le'solu  de  pour- 
suivre rhcrcjie  sans  ménagement. 
Les  prélats  ,  Ls  seigneurs  ,  et  gcnc- 
raleraent  toutes  1rs  autorités  ,  étaient 
nienacés  de  l'excommunication  s'ils 
refusaient  de  i)rctcr  main-forte  à  ces 
légats  ,  pour  les  assister  utilement 
dans  leur  opération.  Les  légats  dépo- 
sèrent les  évcques  de  Hezicrs,  de  Vi- 
viers tt  de  Toulouse,  l'arrhevèqucdc 
Narbonne,  tous  accusés  de  montrer 
trop  de  faiblesse  ou  de  pencher  en 
faveur  des  nouvciles  opinions.  Rai- 
mond ,  taxé  de  favoriser  les  héré- 
tiques ,  fut  excommunié  :  intimide 
par  la  menace  d'une  croisade  dirigée 
contre  lui ,  il  demanda  l'absoliition  , 
s'attira  encercles  foudres  de  l'Église, 
éclata  en  menaces,  cl,  sur  ces  entre- 


RAI 

faites ,  Pierre  de  Castclnau  ftil  assas- 
siné. Ce  meurtre  saciilége  impu- 
té au  comte  de  Toulouse ,  devint 
le  signal  d'un  soulèvement  universel 
contre  lui  ;  on  p\iblie  une  croisade  , 
on  court  aux  armes  de  toute  part  : 
vainement  il  proteste  de  son  iniuicen- 
ce;  la  présomption  était  trop  forte: 
il  n'avait  pas  fait  punir  l'assassin  j 
et  ses  amis  les  plus  chauds  conve- 
naient an  moins  que  s'il  n'avait  pas 
ordonné  le  crime  ,  il  l'avait  vu  com- 
mettre sans  regret.  Cependant  l'orago 
s'approche  ,  les  croisés  menacent  les 
états  du  comte  Haimond  :  il  s'Iiumi- 
lie,  et  obtient  une  absolution  nouvel- 
le, après  avoir,  pour  g.Tge  de  sa  sin- 
cérité, livre  sept  places-fortes  au  lé- 
gat Milon.  Pendant  (pie  ces  clioses  se 
passaient  dans  le  Languedoc,  on  pre- 
nait la  croix  dans  toutes  les  villes 
du  Pt)yaume.  Ajtrès  la  Saint- Jean  de 
l'an  i9.of),  le  Rliùne  jiai  ut  couvert  de 
plus  de  trois  cent  mille  soldats,  ap- 
pelés pèlerins  :  à  leur  tète  on  voyait 
Odon  ,  duc  de  liourgogne  ;  Pierre  de 
Courtcnai,  comlcd'Auxerre;  lecora- 
te  de  Nevers  ,  ceb\i  de  Sain!-Pol  ;  h; 
comte  Simon  de  iMontfort ,  lièros  de 
la  croisade  ,  et   une  foule  d'autres 

Îirinces  et  grand  s  capitaines.  Raimond 
ui-mèmr  marchait  avec  eux  :  le  lé- 
gat l'avait  exigé  ainsi.  La  campagne 
s'ouvrit  par  le  siège  de  Ikziers,  pla- 
ce qui  passait  pour  imprenable,  et  que 
l'on  regardait  comme  le  boulevart 
des  Albigeois.  Mais  ses  remjiarts  ne 
lui  servirent  que  faiblement  ;  elle  fut 
emportée  d'assaut,  et,  suivant  les 
plus  modérés,  vingt  mille  hommes 
y  furent  passés  au  (il  de  l'épée.  De 
Beziers  on  se  rendit  devant  (iarcas- 
sonc  ,  défendue  par  le  jeune  Roger- 
Trincavel ,  neveu  du  coraie  Raimond. 
On  essaya  en  sa  faveur  les  voies  d'ac- 
commodement :leroi  d'Aragon,  qui 
î'eu  mêla ,  ne  put  y  réosiir.  ]j«  vdio 


RAI 

fut  contrainte  à  se  rendre  :  on  en 
chassa  les  habitanls  ,  après  avoir 
pendu  ou  i)riile  ceux  qui  refusaient 
d'abj'irer  l'iiércsie.  Le  vicomte  fut 
arrête' ,  et  mourut  quelques  jours 
après  ,  non  sans  soupçon  de  poi- 
son. Jusque-là,  celte  armée  n'a- 
vait pas  eu  de  chef  :  elle  obéis- 
sait au  légat;  et  l'on  s'aperçut  qu'il 
était  temps  de  mettre  fin  à  cette  es- 
pèce d'anarchie.  Le  commandement 
fut  offert  successivement  au  comte  de 
Nevers  et  au  duc  de  Bourgogne.  Ces 
deux  princes  n'ayant  pas  voulu  l'ac- 
cepter ,  les  évêques ,  unis  aux  prin- 
cipaux seigneurs  ,  désignèrent  Simon 
de  Monifort  ,  comte  de  Leicester 
(  F".  IMoNTFORT  ) ,  auquel  on  donna 
en  même  temps  le  gouvernement  des 
villes  conquises,  et  de  celles  qu'une 
juste  terreur  déterminait  à  se  rendre 
volontairement  aux  croisés.  Ce  chef 
ne  put  retenir  plus  long-temps  au- 
près de  lui  la  multitude  des  soldats 
et  des  hauts  barons  ,  qui,  ne  s'étant 
engagés  que  pour  une  croisade  de 
quarante  jours  ,  se  retirèrent  dans 
leurs  foyers.  Malgréla  désertion  d'une 
partie  de  ses  forces ,  il  lui  en  resta  en- 
core assez  pour  subjuguer  l'Albigeois, 
et  pour  attaquer  les  sectaires  dans 
leur  dernier  retranchement.  Le  com- 
te Fvaimond  n'avait  pas  chassé  les 
liéiéùques  de  Toulouse  :  les  légats 
lui  députèrent  deux  prélats ,  qui  le 
sommèrent,  sous  peine  d'excommu- 
nication ,  deleurlivrer  tous  ceux  des 
habitants  de  cette  capitale  qu'ils  lui 
désigner<iient.  Raimond,  voyant  son 
indépendance  menacée,  en  appela 
au  Saint-Siège ,  et  se  rendit  à  Rome, 
au  mois  de  janvier  1210.  Le  pape 
lui  fil  le  plus  favorable  accueil  ;  écou- 
ta ses  plaintes  ;  le  déchargea  de  l'ac- 
cusa'ion  du  meurtre  de  Caslelnau  , 
qu'on  lui  reprochait  toujours;  lui 
remit  un  bref  adressé  à  l'archevcque 


RAI 


555 


dcNarbonne  ,  portant  défense  de  dis- 
tribuer les  terres  du  comte  ;  et ,  au 
moment  de  se  séparer  de  lui ,  le  re- 
vêtit d'un  riche  manteau  ,  et  lui  don- 
na  une  bague  de  grand  prix, comme 
tcmoiguage  de  la  bonne  inlelîigencc 
entre  eux  rétablie.  Revenu  en  Langue- 
doc , et  so  croyant  dorénavant  tran- 
quille, Raimond  conliiuia  de  protéger 
ouvertement  les  Albigeois.  Les  lé- 
gats tinrent  un  concile  solennel  à  Ar- 
les  ,  en  121 1  ,  où  il  fut  excommunie 
de  nouveau.  Celte  proscription  le 
jeta  dans  le  désespoir  :  il  se  renferma 
dans  Toulouse,  s'y  préparant  à  la 
plus  vigourei'.se  résistance.  Un  inter- 
dit ayant  été  jeté  sur  cette  ville  ,  tout 
le  clergé  en  sortit  processionnelle- 
ment,  par  ordre  de  l'évêque  Foul- 
que, qui  s'était  retiré  dans  le  camp 
des  croisés.  Le  siège  fut  mis  devant 
la  place,  au  mois  de  juin  laii  ; 
mais  Raimond,  appuyé  des  comtes 
de  Foix  et  de  Commi;  ge,  soutint  les 
attaques  avec  tant  de  A^aillance,  que 
Simon  se  vit  contraint  à  se  retirer. 
Ce  fut  alors  que  Baudouin  ,  frère  du 
comle  de  Toulouse,  passa  dans  le 
paru  de  Montfott,  auquel  il  aban- 
donnalechàteau  de  Monferrand  qu'il 
défendait.  Le  comte  de  Leicester , 
pour  se  l'attacher  davantage,  lui  don- 
na desdomaincs  dans  l'Agenois.  Bau- 
doin futdans  la  suite  cruellement  pu- 
ni de  sa  défection.  Ayant  été  fait  pri- 
sonnier, et  livré  à  son  fi  ère ,  en  l 'i  1 4, 
il  fut  traduit  devant  un  conseil  '  qui 
se  tint  en  plein  champ.  Le  comte 
Raimond  présidait,et  le  comte  de  Fuix 
y  assistait.  Baudoin  fut  condamne' 
à  mort;  et,  suivant  les  historiens, 
fut  pendu  à  un  arbre  par  le  comte 
de  Foix,  Bernard  de  Portelle  ,  et  au- 
tres chevaliers  ,  qui  ne  rougirent  pas 
d'exécuter  eux-mêmes  la  sentence. 
Jusqu'à  ce  moment ,  Raimond  s'é- 
tait tenu  sur  la  défensive:  mais  eu- 


556 


RAI 


hardi  par  la  levée  du  siège  de  Tou- 
louse, il  marcha  en  avant;  et  sachant 
que  IMontfort  s'était  retiré  dans  Cas- 
teinaudari  avec  peu  de  monde,   il 
courut  l'y  investir  ,  et  pressa  vive- 
ment Tatlaquc.  Il  était  prêt  à  forcer 
la  ville,  lorsque  Gui  de  Levis  ,  l'un 
des  plus  braves  seigneurs  croisés,  et 
connu   sous    le  nom    glorieux    de 
Maréchal  de  la  Foj ,  vintau  secours 
de  Montfoit.    Raimond  courut  au- 
devant  de  lui   pour  lui  livrer   ba- 
taille ;   dans    ce   moment  ,  Simon 
tenta  une  sortie  qui  lui  réussit  ;  et 
Raimond  leva  le  siège,  après  avoir 
brûléscs  machines.  Le  roi  d'Aragon , 
beau-frtre  du  comte  de  Toulouse,  of- 
frit alors  sa  médiation  pour  faire  la 
paix  de  Raimond  avec  ses  adversaires; 
mais  le  pape  intervint,  et  défendit  au 
roi  de  se  mêler  des  allairesdu  comte. 
Pierre  ,    loin   de   recevoir  le  bref 
avec   respect ,  s'en  indigna  ;  il  prit 
hautement  la  défense  de  son  parent, 
se  déclara  contre  Montfort,  lui  en- 
voya un  défi  ,  et  ronimcnça  une  guer- 
re  que   la  bataille  de  Muret  termi- 
na malheureusement.  Muret  est  une 
petite  ville  à   trois  lieues  au-dessus 
de  Toulouse,  sur  les  borJs  de  la  Ga- 
ronne :  Montfort  en  était  maître  ;  il 
incommodait  de  là  les  Toulousains  , 
qui  prièrent  le  roi  d'Aragon  de  les 
dégagerens'emparant  de  cette  place. 
Ce  prince  ,  fier  des  victoires  qu'il  ve- 
nait de  remporter  contre  les  Maures, 
vint ,  avec  une  amée  que  les  histo- 
riens les  plus  modérés  portent  à  soi- 
xante mille  homuies  ,  investir  la  vil- 
le. Les  évèques  quiétaieut  avec  Mont- 
fort, tremblaut  pour  eux,  voulaient 
aller  implorer  la  clémence  du  roi  : 
mais  le  chef  des  croisés  les  en  détour- 
na. II  marcha  avec  deux  mille  hom- 
mes ,    lemplis    de   confiance    dans 
les  prièies  de  saint  Dominique  (  F. 
XI ,  jiy  ).  Il  ne  se  trompa  poiul  : 


RAI 

une  terreur  panique  s'empara  de 
ses  adversaires  ;  le  roi  d'Aragon 
fut  tué  à  la  première  charge  (  12 
ou  l'y  septembre  i'2i3  )  :  la  cavale- 
rie ,  qui  seule  avait  donné ,  se  déban- 
da ;  l'infanterie  prit  aussi  la  fuite 
avant  d'avoir  combattu  :  enfin  ce  fut 
moins  une  bataille  qu'une  déroute  , 
où  les  partisans  de  Raimond  perdi- 
rent quinze  ou  vingt  mille  hommes 
tués  ou  noyés  dans  le  fleuve  ,  tandis 
queMonfort,  si  l'on  en  doit  croire  des 
historiens  ,  n'eut  à  regretter  la  mort 
que  d'uu  seul  chevalier  et  de  huit 
croisés.  Ainsi  finit  cette  journée,  qui 
parut  miraculeuse  ,  et  qui  ruini  pour 
long -temps  la  puissance  de  Rai- 
mond VI.  Un  dernier  coup  de  fou- 
dre acheva  de  le  terrasser  :  le  con- 
cile général  de  Latran  l'excommunie 
de  nouveau  ,  en  i  '2 1 5  ;  adjuge  (  i  )  à 
Simon  de  Montfort  le  comté  de  Tou- 
louse et  les  autres  conquêtes  des  croi- 
sés ,  ne  laissant  à  Raimond  qu'une 
pension  viagère  de  quatre  mille  marcs 
d'argent ,  et  à  son  fils  qu'une  partie 
du  marquisat  de  Provence.  A  celle 
funeste  nouvelle,  Raimond,  sans  trou- 
pes et  sans  états,  ne  pouvant  plus 
soutenir  une  lutte  aus.si  inégale,  se 
relira  en  Aragon  ,  auprès  du  roi  Jac- 
ques ,  son  neveu  ;  et  Raimond ,  sou 
fils  ,  passa  en  Provence.  Leicester , 
solennellement  reconnu  comme  pos- 
sesseur légitime  de  tous  les  domai- 
nes formant  l'ancienne  souveraineté 
des  comtes  de  Toulouse  ,  se  croyait 
bien  affermi  dans  son  autorité  ;  mais 
il  se  vit  tout-à-coup  enlever  ses  con- 
quêtes ,  par  la  bravouie  du  fils 
du  comte  alors  dépossédé  (  Voyez 
l'article    suivant  ).    Les    Toulou- 


(1)  CpUo  mesiirp  ,  <(ui  sriiililo  li'aboid  (•liaiigère 
aux  droits  d'un  cniuili'  ,  fui  priv  <ii  \crludu  cuo- 
ctiiirs  de  la  puissance  t'^mirorelie.  Le  roi  d*f  Fr;*nce  , 


'  qu 


i  lelevail  li- coiuU-  de  Tuuloii:. 


au  pa|>e  le  ju|;>:iueul  de  suO  vasu.il.  Kaiiaond  lejcuiU] 
vt|ilu>icuri  iiutit»  i>riucci  aMi>Urti>l  ii  ic  cuucile. 


RAI 

sains  ,  exaspérés  par  la  crnaulc  des 
croises ,  se  soulevèrent  aussi  :  ils  ap- 
pelèrent à  leur  secours  Rairaond  VI , 
alors  réfugié  sur  la  frontière  d'Es- 
pagne. Ce  prince  arrive  à  Toulouse, 
le  i3  septembre  1617,  passe  la  Ga- 
ronne à  la  faveur  d'un  brouillard , 
s'introduit  dans  la  place  ,  et  appelle 
à  son  secours  sonfils  et  les  seigneurs 
ses  voisins  ,  et  ses  alliés.  Vainement 
Simon  reçoit  des  renforts  de  nouveaux 
croisés  ;  les  Toulousains,  que  la  pré- 
sence de  leur  comte  et  son  exemple 
ont  transformés  en  héros  ,  ne  se  lais- 
sent point  abattre.  Le  siège  se  pro- 
longe :  enfin  Montfort  périt  en  iii8, 
frappé  d'un  coup  de  pierre.  Cette 
mort  répandit  la  consternation  dans 
son  camp.  Amauri,  fils  du  comte  de 
Leicester,  se  vit  contraint  de  lever  le 
siège  :  il  se  retira  dans  Carcassonne, 
où  Raimond  victorieux  ne  tarda  pas 
d'aller  l'investir.  De  nouveaux  en- 
nemis s'armèrent  pour  Taccabler. 
Louis,  fils  aîné  du  roi  Philippe-Au- 
guste ,  fut  le  chef  d'une  seconde  croi- 
sade ;  il  vint  assiéger  encore  Toulou- 
se :  mais  le  même  esprit  animant  le 
comte  et  les  habitants ,  ils  tinrent 
ferme  ;  et  comme  l'indulgence  accor- 
dée aux  croisés  n'exigeait  d'eux  , 
pour  cela ,  qu'un  service  de  quarante 
jours ,  au  bout  de  ce  terme,  la  plus 
grande  partie  retournèrent  chez  eux , 
et  Louis  fut  obligé  de  lever  le  siège. 
Un  grand  nombre  de  villes ,  qui  s'é- 
taient soumises  aux  croisés  ,  rentrè- 
rent sous  Tobéissance  de  Raimond  , 
qui  finit  par  recouvrer  à-pcu-près 
tousses  états.  Apres  une  carrière  aus- 
si agitée,  il  mourut,  au  mois  d'août 
1222.  Raimond  VI,  marié  cinq  fois, 
ne  laissa  que  deux  enfants  légitimes, 
Raimond  VII  qui  lui  succéda  ,  et 
Constance ,  mariée  en  premières  no- 
ces à  Sanche  VIII ,  roi  de  Navarre, 
et  en  secondes  noces  à  Pierre  Ber- 


RAI  557 

mond  de  Sauve ,  seigneur  d'Anduse. 
Vigilant,  actif,  libéral  ,  fécond  en 
intrigues  et  en  ressources  ,  plein  de 
hardiesseetd'intrépiditéj  aucun  prin- 
ce n'eut  des  alliés  si  constants  ,  ni 
des  sujets  si  fidèles.  Tour-à-tour  l'en- 
nemi ou  le  soutien  des  plus  puissants 
rois  ,  il  sut  leur  résister  avec  avan- 
tage, ou  les  secourir  avec  succès. 
Chancelant  dans  sa  croyance  ,  effré- 
né dans  ses  mœurs  ,  chassé  de  ses 
états  par  un  pouvoir  auquel  tout  cé- 
dait à  cette  époque ,  il  sut  y  rentrer 
et  eut  la  gloire  de  s'y  maintenir  con- 
tre les  plus  formidables  puissances 
de  l'Europe.  Sa  cour  fut  la  plus  bril- 
lante de  ce  temps  ;  il  y  rassembla  les 
troubadours  les  plus  célèbres ,  les 
combla  de  ses  bienfaits, les  honora 
de  son  amitié  :  aussi  tous  vantèrent 
sa  générosité,  et  prirent  sa  défense. 

L — M       E. 

RAIMOND  VIT,  dit  le  Jeune, 
dernier  comte  de  Toulouse,  né  à 
Beaucaire  en  1197,  P^ssa  son  en- 
fance au  milieu  des  calamités  dont 
le  sort  accablait  son  illustre  maison; 
et,  dès  qu^il  put  tenir  les  armes,  il 
se  signala,  et  parut  digne  de  ses  an- 
cêtres. Il  épousa,  en  121 1,  San- 
cie ,  sœur  du  roi  Pierre  d'Aragon, 
et  se  trouva,  par  ce  mariage,  beau- 
frère  de  son  propre  père.  Après  Fa 
malheureuse  bataille  de  Muret,  dont 
les  suites  lui  furent  si  funestes,  il  se 
rendit  à  la  cour  du  roi  d'Angleterre, 
son  oncle;  puis,  eu  121 5,  au  con- 
cile de  Latran,  où  Innocent  III,  tou- 
ché de  ses  infortunes  ,  lui  accorda  le 
marquisat  de  Provence,  et  lui  per- 
mit de  rester  à  Rome.  Près  d'en  pair- 
tir  cependant,  il  demanda  une  der- 
nière entrevue  au  pape.  Après  lui 
avoir  témoigné  sa  reconnaissance, 
il  ajouta  :  «  Saint-Père,  si  je  puis  re- 
»  couvrer  mes  domaines  sur  le  com- 
»  le  de  Montfort  et  sur  ceux  qui  les 


5:i3  R^i 

M  dctiennciît,  n'en  soyez  pas  facile, — 
»  Quoi  que  vous  fassiez,  lui  répliqua 
»  Innocent ,  Dieu  vous  fas.-:e  la  t^ràcc 
»  de  bien  commencer  et  de  mieux 
»  finir  I  »  Il  lui  donna  ensuite  sa  bé- 
nédiction, bii  remit  les  lettres  par 
lesquelles  il  lui  conservait  ses  pro- 
priétés en  Pro\eucc,  cl  le  congédia, 
Kaimond   alla  cnsinfc  rejoindre  le 
comte ,  son  père  ,  à  Gènes,  d'où ,  s'c- 
lant  cml)ar(|tics,  ils  arrivèrent  lirurcu- 
çeuunt  à  ^Marseille,  A  la  vue  du  fils  de 
Imr  souverain,  les  habitants  d'Avi- 
o^non  se  levèrent  spontanément,  auK 
Cl  is  de  riife  Toulouse ,  If  comte  fiai- 
moml  et  son  fils l  Les  principaux 
seigneurs  du  pays  s'oflTrirent  pour  le 
seconder  dans  son  entreprise,  qui 
fit  couronnée  par  un  lieureux  succès. 
La   ville   de    Heaucairc    lui   ouvre 
.ses  portes  ;  la  garnison  se  retire  dans 
le  château  ,  oii  le  jeune  Raimond  la 
force  de  capituler  au  bout  de  quel- 
ques jours.  Il  repousse  le  comte  de 
]jci(  ester,  qui  accourait  au  secours 
de  celle   place  ,  et  le  contraint  de 
se  retirer  vers  Nîmes,  après  avoir 
perdu  une  bonne  partie  de  ses  trou- 
pes ,  et  vu  incendier  les  niacliincs 
par  lui  construites  à  grands  frais.  Si- 
mon ayant  è'.c  tue  au  siège  de  Tou- 
louse,'le  jeune  Piaimond,  toujours 
infatigable,  soumtt  Mmes ,  le  Rouer- 
gue,  leQucrci.  l'Agenois,  cl  rentre 
à  Toulouse  au  milieu  des  acclama- 
lions.  AnauridcMontfort,  en  l'iiQ, 
assiégeait  Bariege  ,   petite  ville  du 
Lauraj^ais,  dans  laquelle  s'était  ren- 
ferme le   comte  de  Foix,  allie  de 
Raimond  :  celui-ci  l'apprend;  il  y 
court  avec  vitesse,  présente  le  cor.i- 
bal,  range  lui  -  mèr^c  son  armée  en 
trois  lignes  ,  et  se  place  à  l'arrière- 
rarde  ,  pour  soutenir  les  siens  s'ils 
venaient  à  reculer.  \\n  effet,  le  corps 
que  commandait  le  comte  de  Foix 
commençait  à  plier;  Raimond  se  dé- 


RAI 

t.îclio  a^ors  de  l'arrière  -  garde .  s'o- 
lance  dans  la  mclèe,  et,  par  sa  bra- 
voure cbevaleresque  ,  décide  la  vic- 
loiie,   Opendant  le  prince  Louis  , 
fils  aîné  du  roi  de  France,  Pliilippc- 
Augu.'-le,  marcliait  au  secours  d'A- 
mauri  de  Montfort  :  il  jiarut  devant 
Toulouse  ,  le  i6  juin  de  la   même 
année,  et  en  forma  le  siège.   Rai- 
mond, prévoyant  cette  attaque, avait 
aufimenlé  les  fortifications  de  la  ville, 
et  s'ctiit  assure  du  .«ccours  de  mille 
clievaliers  ,  ses  amis  ou  ses  vassaux: 
il  distribua  à  ces  seigneurs  la  garde 
des  murailles,  La  défense  de  la  ville 
fut  |îr(qioi tioniiée  à  l'attaque;  et  le 
siège  fut  levé  le  i*""'.  août  de  la  niè- 
mc  année.  Raimond  poursuivit   le 
cours  descs  swccès:  il  perdit  son  pèic 
sur  ces  entrefaites;  cl,  malgré  les 
fuiidresderi\.;lisc  ,donl  il  était  frap- 
pé, il  contraignit  Amauri ,  son  ad- 
versaire, à  traiter  avec  lui  :  ce  der- 
nier lui  promit  même  sa  fille  en  n;a- 
riage;  car  Raiiiiond  voulait  déjà  di- 
vorcer avec  Saiicie  d'Aragon  ,   sa 
femme,  corTime  il  le  fit  flans  la  sui- 
te. Cet  liymcn  n'eut  pas  lieu.  La  guer- 
re continua;  et  Monlforl,  se  voyant 
clhuiuc  jour  plus   faible  ,   coniprit 
qi:'ii   ne   conserverait  pas   ses  con- 
quêtes: il  voulut  s'en  défaire,  et  sus- 
citera Raimond  un  ennemi  puissant. 
11  s'anangea  en  conséquence  avec  le 
roi  de  France  (Louis  VI II  ),  auquel 
il  céda  ses  droits  et  ses  prétentions 
sur  les  états  du  comte  de  Toulouse. 
Louis  alors  prit  la  croix,  der-cendit 
le  Rliône  avec  une  nombreuse  armée, 
etviiit  metlrele  siégedevanlBeaucai- 
re  ,  après  avoir  pris  Avignon  ;  mais, 
comme  l'hiver  survenait,  il  s'en  re- 
tourna ,  et  ni  ourut  à  Montpensier  (  F. 
Louis,  XXV,  I  iG),  Son  fils  Louis 
IX  lui  succéda,  en  122G,  sous  la  re'- 
goncc  de  la  reine  Blanche,  sa  mère: 
clic   donna   ordre  de  continuer  la 


RAI 

piierre  contre  RairaonJ.  On  porta  le 
fer  et  la  flamme  dans  les  environs  de 
Toulouse;  et  Rrùniond  finit  par  se 
soumettre.  La  paix  fut  siguce  à  Paris, 
le  ix  avril  i'i.)8.  Raimotid  consen- 
tit à  marier  Jeanne,  sa  fille,  avec  un 
vies  frères  du  roi.  11  leur  abandonnait 
ses  états  après  sa  mort,  sans  pou- 
voir les  iranspoiter  à  d'autres  en- 
fants ,  s'il  eu  avait  dans  l'avenir.  Il 
s'eugap;cait  à  poursuivre  les  lie'rcti- 
ques;  il  etid)lissait  la  dîme  dans  ses 
états,  etc.  Enfin  il  subit  toutes  les 
conditions  qu'on  voulut  lui  iuiposer. 
Il  fut  absous  d.ins  l'église  de  Notre- 
Dame,  ])ar  le  Ic'gat  du  Saint-Siège; 
et  le  roi  l'arma  chevalier.  Il  ne  tar- 
da cependant  pas  de  reprendre  les 
armes,  mais  il  les  posa  aussi  promp- 
tement.  Toujours  mu  par  son  ca- 
racière  inconstant  ,  on  ie  voyait 
tantôt  poursuivre,  ou  tantôt  sou- 
tenir les  Albigeois.  Il  l.iissa  éta- 
blir le  tribunal  de  l'inquisition  à  Tou- 
louse. Il  acquit  de  nouveaux  états, 
par  des  négociations,  ou  par  la  force 
de  ses  armes.  Il  se  mit  à  voyager, 
tant  h.  la  cour  de  l'empereur  qu'à 
floîne,  où  le  pape  le  reçut  avec  dis- 
tinction. A  son  retour  à  Toulouse, 
i!  tint  une  cour  plënière,  où  il  créa 
deux,  cents  chevaliers.  Toujours  in- 
quiet, il  se  fit  excommunier  de  nou- 
veau, demanda  et  obtint  la  cassation 
de  sou  second  mariage  (il  avait 
épouse  Marguerite  de  La  Marclie  ) , 
entreprit  plusieurs  fois  le  voyage 
d'Espagne  ;  enfin,  pour  se  remettre 
en  entier  dans  les  bonnes  grâces  du 
roi  Saint  -  Louis,  il  consentit  à  se 
croiser ,  et  à  se  rendre  dans  la  Ter- 
re-Sainte; mais  il  retardait  toujours 
son  départ ,  lorsque  la  mort  le  sur- 
prit à  Milhaud  ,  le  27  septembre 
1249.  Ses  peuples  le  pleiuèrent  sin- 
cèrement. On  ne  douta  jamais  de  sa 
catholicité',  lors  même  qu'il  proté- 


RAT 


-y.O 


gcait  ic  plus  les  hérétiques.  II  trans- 
mit ses  domaines  à  Jeanne,  sa  fille 
unique,  qui  avait  épouse,  en  iT.'i'j  , 
Alphonse,  comte  de  Poitiers,  frère 
de  Saint-Louis.  Ainsi  finit  la  posté- 
rité masculine  des  comtes  de  Tou- 
louse ,  dans  la  ligne  aînée  ,  api  es 
avoir  duré  pendant  quatre  sioi  les  , 
depuis  Fridclon  ,  créé  comte  de  Tou- 
louse en  85o  par  Charles-leChau- 
ve.  Une  branche  cadette  de  cette 
maison  subsiste  de  nos  jours  ,  dans 
celle  des  seigneurs  de  Laulrcc,  Saint- 
Germier  et  Monlfa.  Raimond  VII 
aima  et  favorisa  les  lettres  ,  fut  am- 
plement loué  par  les  troubadours  ; 
et  il  doit  être  considéré  comme  le 
fondateur  de  Funiversilé  de  Toulou- 
se, où  il  établit,  en  1228,  les  facul- 
tés de  théologie,  droit  canoni(iiio  et 
philosophie,  par  suite  du  traité  de 
Paris.  L — M—  E. 

RAIMOND  D'AGILES ,  chanoine 
de  l'église  cathétlralc  du  Pui  en  Vê- 
lai ,  fut  de  l'expédition  de  la  pre- 
mière croisade  ,  ainsi  que  l'évêcpie 
du  Pui ,  le  célèbre  Adhemar  ou  Ay^ 
mar  de  Monteil ,  qui  en  avait  été' 
déclaré  le  chef ,  avec  le  titre  de  légat 
du  pape  Urbain  II.  A  son  départ 
pour  la  Terre  Sainte,  en  1096,  il 
n'était  encore  toutau  plusquediacrc: 
il  fut  ordonné  prêtre ,  lorsque  l'ar- 
mée était  déjà  en  route  ,  et  fut  atta- 
ché pendant  la  croisade,  en  qualité 
de  chapelain  ,  à  Raimond  ,  comte  de 
Toulouse  et  de  Saint-Gilles  ,  l'un  di  s 
chefs  de  l'armée  croisée.  C'était ,  sui- 
vant les  auteurs  de  V Histoire  litté- 
raire de  la  France  ,  un  homme 
d'esprit,  de  piété  et  de  mérite,  en 
qui  le  comte  de  Saint-Gilles  avait 
tant  de  confiance,  qu'il  l'admettait 
volontiers  dans  ses  conseils.  Ce  qui 
prouve  la  considération  dont  il  jouis- 
sait parmiles  croisés,  c^est  qu'il  tut 
du  petit  nombre  de  ceux  qu'on  choi- 


56o 


BâI 


sit  pour  prendre  part  au  recouvre- 
ment, dans  l'ëglisc  d'Antioclic,  de 
la  lance,  l'un  des  instruments  de  la 
pission  de  J.-C.  H  écrivit  l'iiisloire 
de  la  croisade;  et  son  ouvrage,  qui 
a  pour  titre  :  Baimundi  de  .4oiles 
historiit  Francorum  qui  ceperunt 
Jherusalem,  a  été  insère  par  Jacq. 
Bongars  ,  dans  le  Gesta  Dei  per 
Francos ,  etc.  On  ignore  le  lieu  et 
répoi|Upde  sa  mort.  Z. 

KAIMONDI  ( Marc- Antoine )  , 
célèbre  graveur  ,  na(|uit  à  Bologne  , 
en  1488.  Destiné  d'al)urd  à  la  pra- 
tique des  ouvrages  d'orfcvrcrie ,  la 
vue  des  estampes  d'Albert  Durer  le 
décida  pour  l'étude  de  la  gravure  eu 
taille  douce,  dont  F.  Francia  lui  en- 
seigna les  premiers  cléments.  Etant 
allé  à  Venise,  il  contrefit  les  estam- 
pes d'Albert  Durer  avec  tant  d'a- 
dresse ,  qu'on  prenait  ses  copies 
pour  les  origina\i\;  et  afin  de  rendre 
encore  la  méprise  plus  f.icile,  il  imi- 
tait la  marque  de  l'-uiteur.  Albert 
Durer  ,  plus  sensible  à  un  procédé 
aussi  peu  délicat  ,  à  cause  du  tort 
qu'eu  pouvait  souffrir  sa  réputation  , 
qu'au  préjudice  qui  en  résultait  pour 
ses  intérêts,  adressa  ses  plaintes  aux 
m.igistrats  de  Venise,  qui  contrai- 
gnirent le  contrefacteur  à  elfacer  rette 
marque  trompeuse.  Ayant  passé  à 
Konie,  où  il  fit  connaissance  avec 
Raphaël,  Marc- Antoine  se  perfec- 
tionna dans  l'étude  du  dessin,  sous  la 
direction  d'un  maîtreaussi  renommé, 
qui ,  charmé  des  talents  qu'il  déve- 
loppait pour  la  gravure  ,  le  chargea 
de  reproduire  un  sujet  de  Lucrèce,  et 
ensuite  ses  plus  beaux  ouvrages,  tels 
que  le  Massacre  des  Innocents  ,  la 
SaintcCécile,  leMartyrc  desaint  Lau- 
rent, et  beaucoup  d'autres. Echappé 
au  sac  de  Kome,  de  i  ju-j,  en  ahan- 
dotmant  à  l'armée  du  connétable 
de  Bourbon  tout  ce  qu'il  possédait 


RAl 

afindcracheter  sa  liberté', Marc- An- 
toine faillit  perdre  la  vie,  pour  avoir 
gravé,  d'ajirès  Jules  Romain,  les 
estampes  obscènes  ,  qui  accompa- 
gnent les  sonnets  del'Arelin  ;  et  (]lé- 
ment  ^  II  ne  lui  accorda  sa  giàcc 
qu'à  cause  de  la  supériorité  de  ses 
talents. Cet  artiste  mourut  en  i546, 
assassiné,  suivant  Malvasia,par  nn 
particulier,  pour  lequel  il  avait  grave 
la  première  planche  du  Massacre  des 
Innocents,  indigné  de  ce  que,  contre 
sa  promesse  formelle,  il  en  avait 
gravé  une  seconde.  IM.irc-Antoiiic  est 
le  premier  graveur  italien  qui  se  soit 
distingué  :  la  grande  réputation  de 
Raphaël,  les  heureuses  circonstances 
qui  le  mirent  à  portée  de  graver  ses 
chefs-d'œuvre,  et  surtout  la  purelé 
et  la  fidélité  avec  lesquelles  il  rendait 
le  contour  des  figures  de  ce  maître 
célèbre  ,  auxquelles  on  dit  même  que 
Raphaël  retouchait  souvent ,  con- 
tribuèrent à  la  vogue  qu'il  a  obte- 
nue ,  et  au  prix  excessif  que  l'on 
met  a  ses  productions.  Berghem  don- 
na soixante  florins  de  son  Massacre 
des  Innocents.  La  Sainte  Cécile  a  été 
payée  ,  à  la  vente  de  Saint  -  Yves  , 
six  ccntdixneuffrancs.  Quoi  qu'il  en 
soit,  cet  artiste  supérieur  pour  le  siè- 
cle où  il  a  vécu ,  ne  peut  être  regarde 
comme  un  modèle  à  suivre  :  on  ne 
trouve  dans  ses  ouvrages  aucune  va- 
riété  de  style,  aucune  entente  du 
clair-obscur,  aucune  souplesse  dans 
les  travaux  ;  en  général  ,  il  est  sec  , 
et  n'a  point  ce  goût  délicat ,  ni  celte 
marche  savante  ,  qui  caractérisent 
un  graveur  habile.  Mais  malgré  cette 
monotonie  et  cette  dureté  dans  les 
tailles  qu'on  peut  lui  reprocher,  il 
D'en  mérite  pas  moins  le  premier 
rang  dans  son  genre  pour  la  préci- 
sion du  trait  et  la  correction  du  des- 
sin. Anç^ustin,  son  principal  disci-  . 
pic ,  l'imita  sans  l'égaler.     P — e.  ^j 


I 


RAI 

RÂIMONDI  (Jean -Baptiste), 
l'iui  des  premiers  orientalistes  du 
seizième  siècle  ,  naquit  à  Crémone  , 
vers  l'an  i5:^o.  Un  assez  lonç;  séjour 
en  Asie  (i)  ,  le  mil  en  état  d'acqne'- 
rir  une  connaissance  ajirof'ondie  (ies 
langues  orientales;  et  après  (]u'ii  fut 
de  retour  eu  It^tlie, le  cardinal  Ferii- 
nand  de  Me'dicis  qui,  suivant  les  vues 
du  pape  Grégoire  XIII ,  n'épargnait 
ni  soins  ,  ni  dépenses  pour  fonder  un 
vaste  atelier  de  typographie  orienta- 
le ,  le  logea  dans  son  palais  ,  et  lui 
confia  la  direction  de  cet  établisse- 
ment qui  a  été  comme  le  berceau 
de  la  célèbre  imprimerie  de  la  Pro- 
pagande. Le  plus  habile  graveur  en 
caractères  [T.  Granjon  ) ,  fut  appelé 
à  Rome  ;  et  ce  fut  sous  l'inspection 
de  Raimondi  qu'il  grava  ,  de  i  586 
à  1592,  quatre  corps  d'alphabets 
arabes  ,  outre  les  syriaques  et  autres 
qui  furent  exécutés  alors  pour  la  ty- 
pographie des  Médicis  ,  et  avec  les- 
quels on  imprima,  en  iSqi  ,  les 
deux  éditions  des  quatre  Evangiles  ; 
en  159*2  ,  la  Géographie  d'Edrisi 
(  F.  ce  nom,  XII,  538);  VAvi- 
cenne  de  i583,  chef-d'œuvre  de  ty- 
pographie arabe  (  Foj,  Avicenne  , 
111,  118),  et  V Euclide  de  ^5ç)^^ 
(/^oj'.  Nassir-eddvn,XXX,  590), 
sans  parler  d'autres  ouvrages  moins 
injportants.  11  paraît  aussi  que  Rai- 
mondi  eut  quelque  part  à  l'édition  de 
la  Cosmographie  arabe  ,  de  Sala- 
mesch  ou  Alzalechi  ,  publiée  par 
Basa  ,  en  i585,  avec  les  caractères 
de  Granjon  (2).  On  n'avait  encore 
rien  vu,  en  typographie  orientale,  qui 
approchât  de  la  beauté  de  ces  édi- 
tions; et  tout  ce  que  l'on  avait  voulu 
publier  jusqu'alors  en  langue  arabe 
n'avait  produit  que  des  résultats  in- 


(i)  Erpeuius  Oral,  très,  p.  -4' 

^1)  Schooirer,  Bihlioih.  arahiea  ,  in-8». ,  y.  i-j^, 

XXXVI. 


RAI 


561 


formes,  tels  que  la  Grammaire  de 
Postel  (  F.  ce  nom  ,  XXXV  ,  497  , 
n".  III  ),  ou  bien  n'avait  pu  être  exécu- 
té qu'avec  des  caractères  hébreux  ou 
syriaques,  comme  le  Libemi  pre- 
cationum  ,  imprimé  chez  Basa  ,  en 
I  584  ,  ou  le  Coran  de  Paganini  ,  Ve- 
nise, i5o9,  (l"nt  nous  avons  parlé 
à  l'arlicle  Hinckelman  (  XV,  '.ig^  ), 
mais  qui  fut  supprimé  si  exactement 
qu'il  n'est  un  peu  connu  que  par  le 
spécimen  qu'en  a  donné  Theseus  Ara- 
brosius.  Raimondi  ne  bornait  pas  ses 
soins  à  la  surveillance  de  la  typo- 
graphie :  il  était  chargé  de  mettre 
en  ordre  tous  les  livres  orientaux  que 
les  voyageurs  envoyés  par  le  pape  et 
par  le  cardinal  de  Médicis,  leur 
transmettaient  du  Levant.  Il  s'occu- 
pa long-temps  de  l'exécution  d'une 
polyglotte  plus  complète  que  celles 
d'Alcalà  et  d'Anvers,  puisqu'elle  de- 
vait donner  de  plus  les  versions  ara- 
be, persane,  égyptienne,  éthiopienne 
et  arménienne  :  mais  depuis  la  mort 
de  Grégoire  X III  (  1 585)  et  le  départ 
du  cardinal  Ferdinand,  retourné  à 
Florence, en  iSSj,  poursuccédcr  au 
grand-duc  François  son  frère  (  Foj. 
tome  XXVllI ,  pag.  83  ) ,  on  cessa 
d'appliquer  à  la  typographie  orien- 
tale des  fonds  aussi  considérables  j 
le  travail  se  ralentit;  et  Raimondi, 
avancé  en  âge  ,  et  resté  seul  de  tous 
ceux  qu'il  avait  associés  à  cette  belle 
entreprise,  abandonna  son  projet,  qui 
devait  plus  tard  recevoir  en  Fran- 
ce son  accomplissement  (  F.  Ga- 
briel Sionite  ).  Ce  fut  par  le  conseil 
du  cardinal  Duperron,  qu'il  résolut 
de  consacrer  le  reste  de  ses  forces  à 
la  publication  d'une  grammaire  ara- 
be, très-répandue  en  Asie;  et  il  la  dé- 
dia, en  i6io  ,  au  pape  Paul  V,  par 
une  longue  épître  qui  a  été  réimpri- 
mée ,  en  1718,  daas  le  Discours  sur 
les  bibles  polyglottes ,  par  le  P.  Le- 
36 


562 


RAI 


long,  p.  349,  et  en  i-j^S,  dans  sa 
Bihliotheca  sncra,  pag.  3-').  Celle 
grammaire,  intitulée  Liber  Tasriyhi, 
ne  traite  guère  que  des  conjugaisons 
des  verbes.  L'éditeur  y  joignit  une 
version  latine  littérale,  et  une  espèce 
de  commentaire.  Ce  livre  n'est  pres- 
que d'aucun  usage  aujourd'liui.  Rai- 
mondi  survécut  probablemenl  peu  à 
celte  publication. Le  sculdcses  élèves 
qui luiait  survécu,  Klienne Paulin,  di- 
rigeait à  Home  la  typographie  orien- 
tale de  .Savary  de  Brèves,  avant 
qu'elle  fût  transportée  à  Paris  ( /'. 
BnÈvEs),  elil  continua  d'imprimer  à 
Rome(piel(pies  livres  ara])es.  La  ver- 
sion arabe  du  Catéchisme  de  Rellar- 
min,  publiée  dans  la  même  ville,  en 
1617,  porte  encore  son  nom.  Les 
caractères  orientaux  passèrent  bien- 
tôt après  a  l'imprimerie  de  la  Pro- 
pagande, dont  le  nom  se  voit  pour 
la  première  lois  sur  l'Alphabet  ara- 
be qu'elle  mit  au  jour  en  i63i.  De- 
puis lors  il  n'est  plus  fait  mention 
de  Paulin;  cependant  ou  sait  qu'il 
vivait  encore  en  i(i3o,  comme  on 
l'apprend  par  une  lettre  de  Pieiro 
dclla  Valle  a  Richard  Simon ,  rap- 
jïortce  par  ce  dernier  dans  ses  .4n- 
tiq.  eccles.  orient.  ,  p.  jOi.  I^es 
beaux  caractères  orientaux  des  Me- 
dicis,  après  avoir  servi  quehpie  temps 
à  l'imprimerie  de  la  Propagande,  fu- 
rent rapportes  à  Florence,  dans  les 
ni.ngasins  du  Paluzzo  vecchio;  ils 
sont  niaiiitdiant  à  l'imprimerie 
royale  à  Paris.  (>.    M.   P. 

"RALNALDI  (Oderic).  To/.  Ri- 

NALDl, 

RAINFROl  ou  RAGENFROI  , 
c'tait  un  des  principaux  seigneurs 
de  France  lors  des  troubles  qui  ame- 
nèrent la  fin  de  la  première  racCé 
Pépin -le- Gros  ,  qui,  sous  le  titre 
de  maire  du  palais  d'Austiasie,  gou- 
vernait en  effet  la  monarchie,  avait , 


RAt 

en  7 1  ï  ,  mis  sur  le  trône  de  Neus- 
trie  et  de  Bourgogne  ,  Dagoberl  III , 
âge  de  dou/.e  ans  ,  fils  du  dernier  roi , 
fllui   avait  doimé  jiour  tuteur  son 
propre  lils  Grimoald  :  celui-ci  étant 
mort  en  7  I  4  ,  laissant  un  fds  nomme 
Théodoald  ,  agc  de  six  ans,  Pcj)iii 
qui  ne  voulait  pas  que  la  maiiie  du 
palais  sortît  de  sa  famille ,  en  revêtit 
cet  enfant,  qui  se  trouva  ainsi  tuteur 
de  Dagobert  III   ,   encore   mineur. 
Celait ,  dit  Montesquieu  ,  mettre  un 
fantôme    sur    un  autre   fantôme. 
Dans  le  fait,  c'était  Pépin  qui  régnait  : 
il  mourut  le  16  décembre  7  i  4  ,  lais- 
sant le  sceplre  d'Austrasic  à  ses  fils 
Charles-Martel  etChildebrand  ;  mais 
sa  veuve  Plectrudc  s'emi)ara  du  gou- 
vernement, et  l'exerça  quehpu- temps 
avec  Théodoald.  Les  seigneurs  fran- 
çais ,  indignés  d'èlre  gouyernés  par 
une    femme  et  lui    enfant,   se  sou- 
levèrent, attaquèrciitThéodo  ild  dans 
la   foret  de   Cuise,    près   de  Cora- 
])iègnc  ,  le  mirent   en  fuite,  et  con- 
férèrent la  mairie  du  palais  de  Neus- 
Irie   et  de   Bourgogne  à    Rainfroi. 
Celui-ci  ,   pour  opposera  PIccirudc 
un   rival   redoutable  ,    alla   délivrer 
Charles-Martel ,  qu'clie  retenait  pri- 
sonnier dans  Cologne,  et  fit  alliance 
avec  Radbod  ,  duc  des  Frisons.  Da- 
goberl III  mourut  sur  ces  entrefaites 
(7 1 5) ,  ne  laissant  qu'un  (ils  au  ber- 
ceau. Les  seigneurs  ,  ne  voulant  pas 
être  gouvernes  par  un  enfant  ,  appe- 
lèrent au  trône  de  Neustrie  Chil|)eric 
II  (  /^.  ce  nom  ),  qui  avait  environ 
quarante-cinq  ans. Quoique  ce  prince 
eût  passé  sa  vie  dans  un  monastère, 
il  montra  du  talent  et  de  l'activité; 
et  Rainfroi ,  son   maire  du  palais  , 
le  seconda  de  toute  son  influence  : 
mais  ils  ne  purent  résistera  la  bra- 
voure de  Charles-Martel,  qui , sous  le 
titre  de  duc  d'Austrasie,  était,  à  son 
tour^  le  vrai  maître  de  la  France.  Il 


KAI 

mit  en  fuite  i'armëe  de  Cliilperic  II , 
en  7 16  :  en  7 17  ,  Rainfroi  se  se'pare 
deChilperic,  se  retire  à  Angers  ,  et 
tait  alliance  avec  Eudes  ,  duc  d'A- 
quitaine, qui,  à  l'approchede  Charles- 
Martel ,  en  719,  s'enfuit  ainsi  que 
ses  troupes,  emmène  aussi  Chilperic, 
et  le  livre  à  Charles-Martel ,  l'année 
suivante.  Rainfroi,  se  sentant  trop 
faible  contre  un  si  puissant  adver- 
saire ,  transige  avec  lui  ,  en  724  -, 
obtient  le  comte'  d'Angers,  pour  sa 
vie  seulement ,  et  lui  laisse  son  fils  en 
otage.  Il  mourut  à  Angers  ,  en  731. 
Les  Chroniques  d'Anjou  ne  parlent 
de  Rainfroi  que  comjne  d'un  tyran. 
Il  s'empara  des  biens  de  l'abbaye  de 
Saint-Maur  sur  Loire  ,  en  cliassa  les 
n»oines  ,  démolit  ce  beau  monastère  , 
en  fit  transporter  les  matériaux  à  An- 
gers ,  et  s'en  servit  pour  s'y  bâtir , 
sur  les  ruines  de  l'ancien  capitole  , 
un  palais,  qui  fut  encore   celui  des 
comtes  d'Anjou  ,    ses  successeurs  , 
dont  la  série  commence  à  Ingelgcr  , 
fils  de  TertuUe  ,  sénéchal  du  Gâti- 
nais  ,  vers  l'an  870.  —  Rainfroi  ou 
Ragenfuci  ,  évêque  de  Rouen  ,  fut 
dépossédé  de  ce  siège ,  en  735  ,  par 
Pépin ,  qui  lui  avait  déjà  précédem- 
ment ôté  le  gouvernement  de  l'ab- 
baye de    Fontenelle.   —    Un  autre 
Rainfroi  ,  secrétaire  de  Charles-le- 
Chauve ,  devint  évêque  de  Meaux , 
et  assista  ,  en  876 ,  au  concile  de 
Pont-Ion.  Il  paraît  que  le  Rainfroi 
auquel  Loup  ,    abbé  de  Ferrièrcs  , 
adresse   sa  soixante-sixième  Lettre, 
était  un  personnage  différent.  —  En- 
fin on  trouve  un  Rainfroi  ,  évêque 
de  Cologne,  en  7^5,  qui  occupait 
encore  ce  siège  en  743.     C.  M.  P. 

RAIiNOLFE,  premier  comte  d'A- 
verse ,  était  le  frère  et  le  successeur 
de  Drengot,  qui  avait  coinmandéles 
premiers  aventuriers  Normands  éta- 
blis   dans  les   provinces   que  nous 


RAI 


563 


nommons  aujourd'hui  royaume  de 
Naples.  Dans  ces  provinces,  deux 
souverainetés  indépendantes  furent 
fondées  au  commencement  du  on- 
zième siècle,   par   les   Normands: 
l'une ,  dans  la  famille  de  Drengot , 
fut  celle  des  comtes  d'Averse,  depuis 
princes  de  Capoue  ;  l'antre ,  dans  la 
famille  de  Tancrède  de  Hauteville  , 
fut  celle  des  comtes  de  Melfi ,  qui 
devinrent  ensuite  ducs  de  Pouille, 
puis  rois  des  deux  Siciles.  Rainolfe 
avait  assisté  à  la  bataille  de  Cannes  , 
livrée  aux  Grecs ,  par  Mélo,  en  i  o  19. 
Ses  compatriotes  y  avaient  été  pres- 
que détruits  ,  et  son  frère  Drengot  y 
avait  été  tué.  Les  survivants  le  re- 
connurent pour  leur  chef;  et ,   s'atr 
tachant  à  l'empereur  Henri  II ,  ils 
firent ,  en  1021  ,  une  seconde  tenta- 
tive infructueuse  sur  les  Grecs  de  la 
Pouille,  Rainolfe ,  cependant ,  avait 
recruté  sa  petite  armée  ;  et  s^éloi- 
gnant  des  Grecs  ,  dont  il  n'espérait 
plus  se  venger  ,  il  s'empara  du  petit 
château  d'Averse  ,  situé  à  dix  milles 
de  Naples  sur  la  route  de  Capoue, 
pour  faire  ,  de  ce  lieu  fort ,  l'asile 
des  aventuriers  Normands  qui  vien- 
draient se  joindre  à  lui ,  et  le  dépôt 
de  leurs  richesses.  Il  eut ,  peu  d'an- 
nées après,  la  bonne  fortune  de  faire 
recouvrer  à  Scrgius ,  duc  de  Naples , 
la  liberté  de  sa  patrie  .  qui  avait  été 
ravie  par  Pandolphe  IV,  prince  de 
Capoue,  En  reconnaissance ,  Sergius 
l'investit,  en  1029,  de  la  ville  et  du 
territoire  d'Averse  ,  sous  le  titre  de 
comté,  et  en  même  temps  il  con- 
tracta une  alliance  avec  lui  :  ce  fut 
la  garantie  de  cette  première  colonie 
des  Normands.  Mais  dans  les  révo- 
lutions fréquentes  de  l'Italie  méridio- 
nale ,  Rainolfe  ne  fut  point  fidèle  aux 
Napolitains  ,  dont  il  s'était  déclaré  le 
feudalaire:  il  fais.iit  de  la  guerre  son 
métier,  et  s'attachait,  tour-à-tour, 
36.. 


5(54  RAI 

aux  princes  qui  lui  offraient  la  meil- 
leure solde.  Cependant  ,  il  s'occu- 
pait d'assurer  l'indépendance  de  son 
comlc'  d'Averse.  11  en  obtint  ,  en 
io38  ,  l'investiture  ,  de  l'cuipcrcur 
Conrad  11  ,  par  l'inlercession  de 
Guaiinar  1\  ,  piinccde  Salerne.  Vers 
la  même  e'pocpic,  Guillaume  Bras- 
de-Fcr,  elles  GisdeTancrcdedcHau- 
tevillc  coramencèrent  la  conquête 
de  la  Fouille  :  Rainolfe  les  seconda  , 
et  eut  part  à  leurs  succès  ;  mais  il 
traita  toujours  avec  eux  en  prince 
indépendant:  il  fut  reconnu  en  cette 
qualité  par  Henri  III,  qui  lui  doima  , 
eu  104-  ,  l'investi  ure  du  comté  d'A- 
verse,  aux  mêmes  conditions  sous 
lesquelles  Drnp;on  recevait  du  même 
empereur  celle  du  comté  de  Fouille. 
Bainolfe  mourut  en  loSg  ,  après  un 
règne  de  près  de  quarante  ans:  il 
eut  pour  successeur  Ricliard  V^.  , 
son  ncveti.  S.  S — i. 

RAINSSANT  (  FiEntit  )  ,  savant 
numism.ite,  né,  vers  1O40,  à  Reims, 
étudia  la  médecine,  dans  sa  jeunesse, 
avec  beiucoup  de  succès.  La  décou- 
verte d'une  urne  pleine  de  médailles 
de  bronze  ,  détermina  son  goût  pour 
la  numismatique,  science  dans  la- 
quelle il  fit  de  rapides  piogrès:  mais, 
nialjrié  sou  penchant  pour  l'anliqui- 
té ,  il  ne  négligea  point  l'étude  de  la 
médecine;  et,  apiès  avoir  reçu  le 
doct(  rat  ,  il  vint  exercer  son  art 
à  Faris  ,  où  il  fut  bientôt  connu 
avant.ipciisement.  Nommé  directeur 
du  cabinet  des  médailles  du  roi 
(  P^.  Rascas  ■;,  il  fut  admis,  l'un  des 
premiers,  â  l'académie  d  s  ii'sciip- 
tions  ,  qui  portait  alors  le  titre  d'a- 
cadémie des  médailles.  Un  jour  qu'il 
se  promettait  seul  d^ns  le  parc  de 
Versailles  .  il  se  laissa  tomber  dans 
la  pièce  d'eau  dite  des  Suisses  ,  et 
s'y  noya  ,  le  7  juin  1689.  Oudinet , 
iOn  parent ,  qui  partageait  son  goût 


RAI 

pour  les  me'dailles ,  et  qu'il  s'était 
associé  pour  la  rédaction  du  catalo- 
gue de  celles  du  roi ,  lui  succéda  dans 
la  place  de  directeur  de  ce  cabinet 
(  r.  Oudinet  ).  Rainssant  a  mérité 
les  éloges  de  la  plupart  des  savants 
de  son  temps:  il  était  en  correspon- 
dance avec  Havie  ;  et  à  sa  prière  .  il 
s'intéressa  pour  faire  restituer  à  Rou 
les  planches  de  ses  Tables  chrono- 
logiques ,  qui  avaient  été  saisies  par 
la  police  ,  comme  renfermant  des 
faits  favorables  aux  protestants  F. 
les  Lettres  àç  Bayle).  Outre  quelques 
Dissertations  dans  le  Journal ties  sa- 
vants ,  on  a  de  Rainssaut  :  1.  Qucps- 
tio  medica  an  cometa  muiborum 
prodrornus  ?  Reims  ,   iG()3,  in  -  4". 

II.  Dissertation  sur  l'origine  de  la 
figure  desjleurs  de  Ij's^  Paris ,  1 G-B, 

iu-4''.  D'api  es  quebpies  monuments 
découverts  à  Reims,  il  voit  dans  ce 
signe  une  espèce  de  fer  de  lance  {  V. 
le  Joum.  des  sai'.  de  1678,  ji.  87  1  ;. 

III.  Dissertation  sw  douze  médail- 
les des  jeux  séculaires  de  V  empereur 
Domitien  ,  ibid.  (  Versailles  ,  Fr, 
Muguet  ) ,  i()H4  ,  in-4".  ;  traduit  en 
latin  et  en  italien  ,  Brescia ,  1G87  , 
in-8°.  C'est  une  histoire  complète 
deces  j(u\  célèbres, sur  Icsqiu-Is  l'an- 
tiquité ne  nous  avait  laissé  d'autres 
détails  que  ceux  qu'on  pouvait  re- 
cueillir d'un  }»assage  de  Zozime  , 
dont  Rainssant  a  joint  la  traduction 
à  son  ouvrage.  IV.  Explication  des 
tableaux  de  la  galerie  de  Versail- 
les,  ibid. ,  1(387  '  '"■4°*  "  avait  en- 
trepiis  une  Histaire  de  Venipereur 
Adrien  ,  par  les  médailles ,  et  une 
partie  des  planches  étaient  déjà  gra- 
vées; mais  ce  travail  est  demeuré 
imparfait.  W — s. 

RAIS  ou  RAIZ  (Gilles  de  La- 
val ,  maréchal  de  ';.  Foj.  Rtxz. 

RAITSCH  Jean). archimandrite 
du  couvent  de  saint  Michel  archan- 


RAT 

Çe  à  Kovila,  né,  en  1726,  à  Kar- 
lowitz,  mort  à  Kovila,  le  23  de'- 
cembre  1801  ,  étudia  la  théologie 
à  Kiew  ,  et  entrepiit  plusieurs  voya- 
p;es  dans  les  provinces  turques,  pour 
faire  des  recherches  sur  Taucienne 
histoire  de  la  Servie.  Il  prit  des  ex- 
traits des  divers  manuscrits  qu'il 
trouva  dans  les  couvents  serviens. 
C'est  à  ces  savantes  recherches  qnc 
l'on  doit  l'important  ouvrage  his- 
torique imprimé  à  Vienne,  eu  i7g4) 
en  4  volumes  in-8". ,  figures,  sous 
ce  titre  :  Istorijà  pazyich  slaven- 
skisch  Narodownœpatsche  Bolgar, 
Chorwatow ,  i  Serbow,  iz  tmji  zah- 
weiiia  isjataja  u  wo  swtl  istorits- 
cheskii  proizweden  in  Joannom 
Raitschem  ;  c'est  -  à  -  di  re  :  Histoire 
des  divers  peuples  Slaves ,  particu- 
lièrement des  Bulgares  ,  des  Croa- 
tes et  des  Serviens  ,  tirée  de  sources 
obscures  et  oubliées  ^  et  mise  au  jour 
par  Jean  Baitsch.  Col  Auteur  a  laissé 
plusieurs  ouvrages  manuscrits ,  en- 
tre autres  une  Relation  de  ses  voya- 
ges ,  et  des  Fragments  pour  servir 
à  l'histoire  de  la  Servie.       P.  L. 

RAJALIN  (  Thomas  de  ) ,  amiral 
suédois  ,  naquit  en  Finlande,  en  1673. 
11  commença  sa  carrière  couime  sim- 
ple matelot,  servit  en  Angleterre,  et 
dans  plusieurs  autres  pays ,  et  re- 
tourna en  Suède,  au  commencement 
du  règne  de  Charles  Xlï.  Placé  à  l'a- 
miraulé  de  Carlscrona  ,  il  avança 
rapidement,  et  parvint  jusqu'au  gra- 
de d'amiral.  En  17 17  ,  il  donna  une 
preuve  éclatante  de  son  habileté  et 
de  son  courage:  il  combattit  avec  un 
seul  vaisseau  suédois  ,  contre  trois 
vaisseaux  de  ligne  et  deux  frégates 
russes  ,  qui  lui  laissèrent  le  champ 
de  bataille.  Pendant  les  années  de 
paix  qui  suivirent  le  règne  de  Char- 
les XII,  Rajalin  perfectionna  les  éta- 
blissements de  l'amirauté  de  Caris- 


RAK  565 

crona  ,  et  publia  en  suédois  deux 
ouvraces:  V Instruction  sur  V art  du 
pilote ,  1 730,  in-4".  ;  et  V  Instruction 
sur  l'architecture  navale,  1732, 
in-S'*.  Ces  ouvrages  fixèrent  l'atten- 
tion du  gouvernemenl  ;  et  l'auteur 
obtint  une  récompense  considérable. 
L'amiral  Rajalin  mourut  en  1741  » 
à  bord  d'un  vaisseau  de  ligne,  faisant 
partie  de  la  flotte  de  Carlscrona. 
Ses  descendants  ont  tous  servi  dans 
la  marine  ;  et  l'un  d'eux  s'est  élevé  , 
sous  le  règne  de  Gustave  111  ,  an 
grade  de  vice-amiral.  C — u. 

RAKOUBAH,  peischwah  ou  ré- 
gent des  Mahrates,  appelé  aussi  quel- 
quefois Ragobah,  mais  dont  le  vrai 
nom  est  BakonatRaou,étah\e  second 
fils  de  Badji-Raou,  mort  en  1759, 
T^remiev  peischwah  indépendant  de 
cette  nation  (i).  Rakoubah  s'était 
distingué  par  savaleur  sous  les  règnes 
de  son  père,  et  de  Baladji,  son  frère 
aîné.  11  avait  conquis  la  moitié  du 
Guzarât  sur  un  autre  chef  mahrate, 
et  ne  s'était  pas  moins  signalé  eu 
combattant  pour  le  nabab  Ghazi- 
eddyn,  contre  les  Djattes.  Il  avait , 
depuis,  chassé  de  Lahor,  Tymour, 
fils  du  roi  de  Kaboul ,  Ahmed-Chah 
Abdally.  Celui-ci,  alarmé  des  pro- 
grès des  Mahrates  dans  le  Pendjab, 
y  accourut  en  1761  ;  et,  soutenu 
par  les  armes  de  quelques  autres 
princes  musulmans  de  l'Indoustan  , 
il  remporta  sur  les  Mahrates,  près 
dePannipout,  une  victoire  mémora- 


(i)  Sou3  le  faible  règne  du  troisirme  successeur 
de  Sewadji,  i'ondateur  de  l'empire  des  Mahrates 
(  f^.  SewADJI  ),  les  deux  prin  ipaux  officiers  de 
l'e'lat  convinient  de  partager  les  domaines  du  Ram- 
Rajali ,  leur  souverain.  Le  peîschwah  (  chaucelierou 
premier  ministre  ) ,  Badji-Raou,  relégua  le  monar- 
que djus  la  forteresse  de  Sattarah,  gouverna  sou» 
son  nom  les  provinces  occidentales,  et  s'établit  a 
Pounab  ,  l'aocieune  capitale.  Le  boukschi  (  g(  néra- 
lissime  )  Ragodji  s'empara  des  ijroviucps  de  Vest , 
et  fixa  .sa  résidence  à  Nagpour,  dans  le  Berar.  Mais 
d'autres  chefs  Mahrates  conservèrent  des  gouverne 
ments  héréditaire»  comme  ûefs  de  Yno  ou  Vautra 
ctat. 


566  RAK 

blc,  ma»s  vivement  disputée,  llakou- 
•bah,  qui  avait  refuse  d'y  comman- 
der en  cliei",  y  lit  des  prodij^es  de  va- 
leur. Ijdiadji,  son  frère,  mourut  peu 
de  temps  après,  laissant  deux,  fils, 
dont  l'aînè,  Mad^hou-Raou,  lui  suc- 
ce'da  ,  à  l'âge  de  dix  -  huit  ans.  Ra- 
koubali, ayant  élevé  des  prétentions 
pour  s'emparer  de  la  régence,  com- 
me tuteur  naturel  de  son  neveu,  eut 
recours  à  Nizam  Aly  Kban  ,  soubah 
du  Dcklian,  et  eu  obtint  une  armée. 
Vainqueur  dans  une  bataille,  il  fut 
rappeléà  Pounah,  et  revêtu  delà  di- 
gnité de  peisoliwah;  mais  bientôt , 
victime   des  intrigues   de    quelques 
courtisans  qui  étaient  dans  les  inté- 
rêts de  la  mère  de  Mad'liou  Raou, 
il  fut  renfermé  dans  le  palais  par 
ordre  de  son  neveu,  qui  cul  pour 
Jui  les  égards  et  la  déférence  d'un 
l»arent  respectueux.  La  détention  de 
Rakoidjah  dura  jusqu'à  la  mort  de 
Mad'hou,  arrivée  en  novembre  177  "2. 
I^  jeune  peisclnvah  n'ayant  pas  d'en- 
fants ,  et  ne  laissant  pour  liéiitier  du 
trône  des  IMali rates  qu'un  frère,  ]\a- 
rain  Raou  ,  âgé  de  dix-neuf  ans,  ren- 
dit la  liberté  à  sou  oncle,  avant  d'ex- 
pirer, et  lui  recommanda  de  servir 
de  père  et  de  protecteur  au  nouveau 
souverain.  Rakoubah  prit  les  rênes 
du  gouvornera«nt  ;  mais,  ^oit  qu'il 
eût  abusé  de  son  pouvoir  ou  voulu 
usurper  l'autorité  de  son  neveu,  soit 
qu'd  lut  la  dupe  des  artifices  de  sa 
belle-sœur  ou  delà  puliliquedesbrab- 
mes,  il  fut  encore  une  fois  dépouillé 
de  son  autoiitc  et  mis  eu  prison.  II 
parvint  à  gagner  quelques  ofliciers  , 
qui   romplotèrenl   d'assassiner  Na- 
ra in  Raou.  Les  COI)  jurés  ayant  pénétré 
dans  le, palais  ,  le  jeune  piince  se  ré- 
fugia dans  l'appartement  occupé  par 
.«.on  onde,  entre  les  bras  duquel  il 
fut   poigiuirdc,  le   18    août    1778. 
fjakoubab  ,    regardé   généralement 


RAK 

comme  l'instigateur  de  ce  crime , 
avait  promis  quatre  cent  mille  rour 
pies  à  ses  complices  ,  qui  le  retinrent 
prisonnier  jusqu'à  ce  qu'il  eût  payé 
la  moitié  de  la  somme  et  donné  cau- 
tion pour  le  surplus.  11  fut  alors  re- 
connu peiscbwah  :  mais  son  forfait, 
justpi'alors  inoui  chez  les  Malirates, 
l'avait  rendu  odieux;  on  conspira  de 
nouveau  contre  lui.  Tandis  qu'il  fai- 
sait la  guerre  eu  personne  au  soubah 
du  Dekhan,  la  veuve  de  Narain,  huit 
mois  après  la  mort  de  son  époux , 
accoucha  d'un  posthume.  Les  grands 
reconnurent  cet  enfant  pour  souve- 
rain ,  et  formèrent  un  conseil  de  ré- 
gence, composé  de  douze  membres, 
au  nombre  desquels  étaient  llolkar 
et  Madadji  Scindiah  ,  dont  les  noms 
ont  si  souvent  retenti  en  Europe.  Ra- 
koubah fut  déposé,  abandonné  par 
la  plus  grande  partie  de  son  armée, 
rejeté  par  tous  les  chefs  mahrates, 
et  contraint  d'aller  chercher  un  asi- 
le à  Bombay,  où  ses  trésors  et  ses 
promesses  lui  valurent,  delà  part 
des  Anglais,  une  réception  favorable 
et  une  armée.  Telle  lut  l'origine   de 
la  premièreguerredirectedes  Anglais 
contre  les  Mahrates.  Les   hostilités 
commencèrent  par  terre  et  par  mer. 
Les  Anglais  s'emparèrent  de  Baroch, 
place-forte  à  douze  lieues  de  Surate, 
et  conquirent  ensuite  l'île  de  Salcetle, 
endéc.  177  "î. Rakoubah  leurenlitJa 
cession.  Mais  ce  chef  venait  d'être  bat- 
tu j)arlcs  troupes  de  Pounah.  Forcé 
de  lever  le  siège  de  Broderah  et  de 
fuir  avec  mille  hommes,  il  se  retira 
vers  Cambaye,  dont  on  refusa  de  lui 
ouvrir  les  portes ,  et  se  rendit  à  Bou- 
nagar,  d'où  il  passa,  dans  une  ga- 
liotc  ,  à  Surate.  Ce  fut  là  que  les  An- 
glais, commandés  par  le  colonel  Kea 
tiug,  étant  venus  le  joindre,  ils  mar- 
chèrent ensemble  vers  Poun;jh,a(i 
printemps  de  1775.  Leur  armée  fut 


mise  en  déroute  par  les  Maliraics.  Ce- 
pendant un  des  douze  clicfs  du  gou- 
vernement de  Pounah  ay;)nt  pris  ou- 
vertement les  intérêts  de  RakouLali, 
Jes  hoslililës  continuèrent  avec  des 
succès  balances.  Mais  le  conseil  de 
Calcuttadcsappronva  cette  guerre,  et 
députa  le  colonel  Upton  à  la  cour  de 
Pounah  ,  pour  y  négocier  une  paix 
avantageuse,  qui  fut  conclue  et  ratifiée 
le  i*^"".  mars  1776.  Celte  convention 
satisfit  peu  Rakoubali  et  ses  auxiliai- 
res,  qui,  ayant  obtenu  quclquesavan- 
tages,  menaçaient  de  nouveau  Pou- 
nah. Quoiqu'elle  cédât  aux  Anglais 
Salcette  et  les  îles  adjacentes  ,  dans 
la  baiede  Bombay,  et  la  ville  de  Ba- 
roche  (l'ancienne  Barygaza),  avec 
un  territoire  considérable  ;  elle 
les  obligeait  d'abandonner  Rakou- 
bali ,  de  lui  retirer  leurs  secours  ,  et 
elle  prescrivait  à  ce  prince  de  congé- 
dier ses  troupes,  de  renoncer  à  ses 
prétentions ,  et  de  se  retirer  dans  les 
états  des  Mabrales,  où  on  lui  offrait 
un  asile  et  une  pension  convenable. 
Rakoubah ,  se  croyant  vendu  à  ses 
cnneniis,  et  regardant  comme  une 
prison  la  résidence  qui  lui  était  assi- 
gnée, refusa  les  conditions  stipulées 
pour  lui,  et  ne  licencia  pas  ses  trou- 
pes, qui,  faute  de  paiement,  pillè- 
rent les  villages  des  environs  de  Su- 
rate, et  en  dévastèrent  les  campa- 
gnes. Craignant  enfin  d'être  livré , 
par  les  Anglais ,  aux  Mainates  ,  et 
n'ayant  pu  réussir,  auprès  du  consul 
français  à  Surate,  Anquetil  de  Brian- 
court  ,  à  s'assurer  des  secours  de 
Pondicliéri,  on  même  de  France,  il 
rechercha  la  protection  des  Portu- 
gais. i\iais  le  gouverneur  de  Daman 
lui  refusa  l'entrée  de  la  ville  ;  et  le 
vice  -  roi  de  Goa,  ne  voulant  pas  se 
brouiller  avec  les  Mahrates,  qui  né- 
gocièrent avec  lui,  fut  sourd  aux 
propositions   de  Rakoubah.   Celui- 


MK 


567 


ci,  dans  cet  intervalle,  ayant  épui- 
sé ses  provisions  et  ses  finances , 
vivait  en  chef  de  brigands,  et  ra- 
vageait les  provinces  qu'il  parcou- 
rait. Il  tenta  vainement  de  corrom- 
pre le  gouverneur  mahrate  de  Baçain, 
et  n'osa  pas  même  attaquer  cette  pla- 
ce. Poursuivi  par  une  partie  de  la 
garnison,  il  n'eut  que  le  temps  de 
s'enfuir,  et  de  traverser  un  bras  de 
mer,  auprès  de  Bombay ,  où  il  se  je- 
ta une  seconde  fois  entre  les  bras  des 
Anglais,  qui,  très  -  contents  de  re- 
commencer la  guerre,  le  reçurent 
avec  joie,  et  lui  promirent  de  nou- 
veaux secours.  Les  circonstances  sem- 
blaient plus  favorables.  Ses  intrigues 
avaient  excite  deux  révolutions  a 
Pounah  :  et  le  conseil  de  Calcutta  , 
inquiet  des  négociations  des  Mahra- 
tes avec  Tagent  français  ,  Saint- Lu- 
bin  ;  trompé  d'ailleurs  sur  la  force 
réelle  du  parti  de  Rakoubah ,  consen- 
tit à  opérer  une  diversion  en  sa 
faveur ,  de  concert  avec  le  goii- 
vcrnemeut  de  Bombay.  Mais  la  soif 
des  conquêtes  aveuglait  étrangement 
les  Anglais.  Les  hommes  attachés  à 
ce  prince  turbulent  étaient  prison- 
niers à  Pounah  j  et  personne,  parmi 
les  Mahrates ,  ne  songeait  à  le  réta- 
blir sur  le  trône.  Le  '.12  novembre 
1778,  une  armée  de  huit  à  dix  mille 
hommes,  y  compris  sept  cents  Eu- 
ropéens ,  suivant  Anquetil  de  Brian- 
court,  ou  seulement  de  quatre  miile 
hommes,  suivant  les  relations  an 
glaises  (  qui  sans  doute  n'y  compren- 
nent pas  la  division  d'avant-garde, 
composée  de  deux  régiments  de  ci- 
payes,  de  six  cents  chevaux  et  de 
jîlusieurs  éléphants,  que  comman- 
dait Rakoubah ,  monté  sur  un  de  ces 
animaux),  partit  de  Bombay  avec 
une  énorme  quantité  d'artillerie,  de 
bagages  et  de  bestiaux,  qui  retar- 
daient sa  marche,  dans  une  contrée 


568 


RAK 


aride  et  montagneuse.  Pendant  cin- 
quante jours,  elle  ne  rencontra  point 
d'ennemi,  et  put  inipnnc'ment  met- 
tre à  feu  et  à  sang  tout  le  pays  qu'elle 
traversait.  Ln  ruine  ilu  beau  villaf;e  de 
Tulicanoun  fut  son  dernier  exploit. 
Attaquée  par  Go,ooo  Malirales  ,  a 
deux  journées  de  Pounali ,  elle  bat- 
tit en  retraite,  fut  enveloppée  à  War- 
gaoun,  le  1 6  janvier  1779,  et  forcée, 
après  un  combat  très-meurtrier,  de 
se  rendre  à  discrétion.  Les  ennemis 
se  montrèrent  gcncreux  :  ils  se  coii- 
tenlèrent  de  la  restitution  des  pays 
ccdés  aux  Anglais  ,  ou  conquis  par 
eux;  et,  moveiinant  des  otages,  ils 
leur  permirent  de  retourner  à  Bom- 
bay, et  leur  foin"nirent  des  provi- 
sions. Rakoubah ,  prévoyant  l'issue 
de  celte  expédition,  avait  traité  se- 
01  élément  avec  les  chefs  raabrates  , 
et  il  p^S'sa  dans  leur  camp,  dès  le 
commencement  de  l'action  générale; 
mais,  dupe  d'une  feinte  réconcilia- 
tion ,  il  fut  conduit  prisonnier  à  Pou- 
nali. Il  s'échappa,  au  mois  de  juin, 
et  se  réfugia  dans  le  camp  du  colo- 
nel Gûddaid,  qui  commandait  l'ar- 
mée anglaise  du  Bengale.  Ou  lui  té- 
moigna cepcud.ii;t  moins  d'égards  ; 
ou  diminua  sa  pension,  et  on  le  trai- 
ta comme  un  homme  qui  pouvait  ai- 
der à  faire  la  paix  ou  la  guerre  avec 


RAK 

plus  d'avantage.  Les  succès  que  l'ar- 
mée de  Goddard  remporta  sur  les 
Mahrates  ,  et  les  intelligences  qu'il 
entretint  avec  RTadadji  Scindiah,  l'un 
de  leurs  chefs,  amenèrent  enfin  un 
traité  deliuitif ,  qui  fut  signé  à  S.tl- 
bev ,  le  17  mars  i78'2.  Les  Ani^lais 
rendirent  leurs  dernières  conquêtes; 
mais  ils  obtinrent  la  cession  à  perpé- 
tuité de  Salcette  et  des  îles  voisines, 
de  Baroche  et  de  son  territoire.  Ils 
renoncèrent  aussi  à  proléger  et  à  se- 
courir Rakoubah,  à  qui  l'on  accorda 
quatre  mois  pour  choisir  sa  réiden 
ce  irrévocable  auprès  de  Siindiah 
ou  de  tout  autre  chef  mahrale.  Nos 
INIémpires  ne  nous  disent  pas  dans 
quel  asile  cet  usurpateur   se  retira 
avec  son  fils  adoptif.  Nous  ignorons 
également  l'année  de  sa  mort  ;  mais 
il  est  probable  que  ses  jours  furent 
respectés  par  les  Mahrates,  parce 
qu'il  était  de  la  race  des  brahincs. 
L'Ang'ais  IMackiulosh  nous  apprend 
que  ll.ikoubah  (tait  giand  et  luince; 
qu'il  avait  l'abord  sévère,  mais  no- 
ble et  expressif;  qu'd  était  supersti- 
tieux, rusé,  insinuant  et  fourbe;  qu'il 
aimait  le  faste  dans  son  costume  et 
dans  ses  équipages;  et  que  les  trou- 
pes anglaises  lui  rendaient  les  hon- 
neurs militaires  pendant  son  séjour 
à  Bombay.  A — t. 


ni»    DU    Tr.ENTE-SIXIEME    VOLUME. 


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f  JiP^