BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE.
PRA — RAK.
DE L'IMPRIMERIE D'EVERAT,
aUE DU CADRAN, N<*. l6.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE ,
ANCIENNE ET MODERNE,
ou
HISTOIRE, TAU ORDRE ALPHABETIQUE, DELA VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DS
TOUS LES HOMMES QUI SE SONT FAIT REMARQUER PAR LEURS ECRITS ,
LEURS ACTIONS, LEURS TALENTS, LEURS VERTUS OU LEURS CRIMES.
OUVRAGE ENTIÈREMENT NEUF,
RÉDIGÉ PAR UNE SOCIETE DE GENS DE LETTRES ET DE SAVANTS.
On doit des égards aux vivants; on ne doit «uz morts
que la vérité. (VoLT.,;^rem(ér«£e«rBmrOEdipe.)
TOME TRENTE-SIXIE
A PARIS,
CHEZ L. G. MICHAUD, LIBRAIRE - ÉDITEUR ,
PLACE DES VICTOIRES , N®. 5.
182.3.
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ott^a
irn
littp://www.archive.org/details/biographieuniam36mich
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SIGNATURES DES AUTEURS
DU TRENTE - SIXIEME VOLUME.
MM.
MM.
A. B— T.
Beuchot.
L — M — E.
Lamotte.
A G — R,
AUGER.
L— O.
LÉO.
A. R— T.
Abel-Remtisat.
L. K-E.
La Renaudiùre.
A T.
H. AUDIFFRET.
L — s E.
Lasalle.
B— K.
BÉGIIf.
I-— Y.
L'Ecuï.
B— RJ.
Barbier neveu.
M— É.
MONMERQUÉ.
P— u.
Beaulieu.
M— ON.
Marron.
C— AU.
Catteau-Calletille.
M-T.
Marguerit.
C. M. P.
Pillet.
N— H.
Nauche.
C — Y — R.
CUVIER.
N— o.
NlCOLO-PoULO.
D— B— S.
D0BOIS ( Louis ).
P— c— t.
Picot.
D— G.
Depping.
P. D— T.
Paul Duport, '
D. G— o.
De Géramdo.
P— E.
Ponce.
D— G— s.
Desgenettes,
P. L.
Prévôt-Lutkens.
D— L— E.
Delambre.
P. p.p.
Prévost , professeur.
D. L. P.
De La Place.
p— s.
PÉIUÈS.
D— N— u.
DAUNon.
R— D.
Reinaud.
D— p— s.
Du Petit-Thouars.
R— R.
Roger.
D— u.
DnvAU.
Si — D.
SiCARD.
D— z— s.
Dezos de la Roquette.
s. M— N.
Saint-Martin.
E-c D-D.
Éméric-David.
s— K. '
Stapfer.
F— s.
Eyriès.
s. s— 1.
SiMONDE SlSMONDI.
F. P— T.
Fabien Pillet.
St. s— N.
Saint-Surin.
F—T.
FoissET aîné.
s— V— s.
De Sevelinges.
F— Tj.
FoissET jeune.
T— D.
Tabaraud.
c — CE.
Genge.
T— NN.
Takn ( Le baron de).
G— N.
Guillon (Aimé. )
V— R.
Vergek.
G — RD.
Guérard.
V. s. L.
Vincens-Saint-Laukent
L.
Lefebyre-Cadchy.
w— R.
Walckenaer.
I. — B — E.
Labouderie.
w— s.
Weiss.
L — DB.
Lkstrade.
z.
Anonyme.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE.
««VVVVVVVVVVVVVVVV\\VVVVVVVVVVVVVV\^VVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVV^
PrADES (Jean-Martin de), théo-
logien, doit la sorte de célébrité qui
s'est attachée à sou nom, uniquement
à une Thèse irréligieuse, qui fut com-
me le premier signal d'une agression
ouverte contre le christianisme, jus-
qu'alors attaqué seulement par des
ouvrages clandestins, 11 était né , vers
i7'3o , à Castel-Sarrazin , d'une fa-
mille noble. Comme ses parents le
destinaient à l'état ecclésiastique , il
vint continuer ses études à Paris , au
séminaire de Saint-Sulpice, et prit ,
avec les ordres sacrés , ses premiers
degrés en théologie. 11 forma , bien-
tôt après , une liaison assez intime
avec les principaux rédacteurs de
l'Encyclopédie , et fournit à cet ou-
vrage plusieurs articles , tels que celui
de Certitude. Il se présenta , vers la
fin de 1 75 1 , pour recevoir le docto-
rat; et, après avoir rempli les for-
malités d'usage, il soutint, le 18
nov. , en Sorbonne , une Thèse qui
causa le plus grand scandale. On re-
connut qu'il y avançait des proposi-
tions contraires à la doctrine de l'E-
glise , sur l'essence de l'ame , sur les
iiotions du bien et du mal moral ,
sur l'origine de la société , sur la
loi naturelle , et sur la religion ré-
vélée , sur l'économie des lois de
Moïse, sur les miracles, etc. 5 en-
fin , qu'il poussait l'oubli des con-
venances au point de comparer les
xxxvi.
guérisons opérées par Jésus - Christ
à celles qu'avait pu faire Escula-
pe. Elle fut censurée par la Sor-
bonne : plusieurs prélats s'empres-
sèrent de la condamner; et le par-
lement de Paris décréta l'auteur.
L'abbé de Prades , à qui le duc de
Richelieu avait ofTert un asile avec
des secours , crut plus prudent de se
réfugier en Hollande ; il y composa
son Apologie ( 175:2, in-é**. ) , à' la-
quelle Diderot joignit une troisième
partie, qui renferme la réfutation d'un
mandement que l'évèque d'Auxerre
venait de publier contre la Thèse de
l'abbé de Prades ( F. Diderot, XI,
3 1 8). Cette Apologie fut , à son tour,
réfutée par le savant père Brotier ,
en 1753 ( F. Brotier). Sur les re-
commandations de Voltaire et du
marquis d'Argcns , l'abbé obtint ,
quelques mois après , la place de
lecteur du roi de Prusse , et se
rendit à Potsdam , où il fut ac-
cueilli comme une victime de la per-
sécution. Voltaire, qui reçut Tabbé
de Prades à Berlin, et qui lui donna
le surnom de frère Gaillard , le
ti'ouvait naïf , gai, instruit et capa-
ble de s'instruire , intrépide dans la
philosophie, dans la probité, et dans
le mépris pour les fanatiques et les
fripons (/^. la Correspond, généra-
le ). Quoi qu'il en soit , l'abbé eut le
bonheur de plaire à Frédéric ; et il
I
2 PRA
en reçut , outre une pension , deux
canouicals , l'un à Oppelu , et l'autre
à Gloçjau : mais raflcction que lui té-
moignait le roi . ne pouvait manquer
d'exciter la jalousie des courtisans.
Penilant la j:;iierre de Sept-Ans , l'ab-
bè de Prades s'était retire dans Mag •
debourg : accusé d'être en corres-
pondance avec un secrétaire du duc
de Broglic, et de l'instruire des niou-
venienis de l'armée prussienne, il fut
mis aux arrêts dans sa chambre ;
mais, comme Frédéric sut bientôt
qu'il n'avait mandé que des nouvel-
les indifTcrenles , il eut la ville pour
prison. A la paix, il reçut Tordre de
se rendre à Glogau , avec le conseil
de ne pas sortir de cette ville sans
nécessité, et surtout de ne s'y mê-
ler et de ne parler de rien ( Voyez
les Souvenirs de Berlin , par Thié-
baull , troisième édition , iv, 368 ).
L'abbé de Prades obéit ; il s'était re-
concilié depuis long-temps avec l'E-
glise , par une rétractation solennelle
des principes contentis dans sa Thè-
se : il devint archidiacre du chapi-
tre de Glogau , et mourut dans celte
ville, en 1782. Il est auteur de VJ-
brégé de Vhistoire ecclésiastique de
Fleury ( suppose) traduit de V an-
glais Berne ( Berlin ) , 1 76'^ , 2 vol,
pet. in -8°. La Préface , comme on
sait , est du roi de Prusse ; elle est
remplie d'invectives contre le chris-
tianisme. On trouva ,dans les manus-
crits de l'abbé de Prades , une Tra-
duction complète de Tacite , que
l'académicien Mérian , chargé de
l'examiner , jugea très - bien écrite,
et aussi fidèle que pouvait l'être une
traduction française : elle n'a cepen-
dant pointélé imprimée; et l'on igno-
re ce qu'est devenu le manuscrit. On
assure qu'avant sa sortie de France,
l'abbé de Prades travaillait à un
Traité sur la vérité de la Religion:
PRA
s'il a terminé cet ouvrage , il est éga-
lement resté inédit. W — s,
PRADON , poète décrié, sur le-
quel il existe fort peu de détails po-
sitifs , naquit à Rouen (i). L'épo-
que de sa naissance est iguurée. Le
prénom de Nicolas qu'on lui don-
ne généralement n'est peut-être pas
le sien ( Voyez J. - B. Micuault ,
■2" note ). Il vint , d'assez bonne
heure dans la capitale, où il fit jouer,
en 16741 Pirame et Thisbé, avec
un brillant succès, dont il fut rede-
vable aux ennemis de la gloire de
Racine. L'année suivante , Tamer-
lan ou la Mort de Bajazet , qui va-
lait un peu mieux, n'obtint pas les
mêmes applaudissements ; ce qu'il ne
manqua point d'attribuer aux efforts
de l'envie. wSa réponse si connue à
l'aîné des princes de Conti , en sor-
tant de la première représentation ,
prouve, quand on la supposerait
inventée par la malignité , quelle
idée on se formait de son ignorance.
Le prince lui avant fait observer
qu'il plaçait en Europe une ville si-
tuée en Asie, il répondit : « Je prie
» votre altesse de m'excuser, car je
» ne sais pas trop bien la chronolo-
» gie. » Quoi qu'il en soit , voici
comment, dans un Avertissement
au lecteur, il ose s'exprimer sur le
mérite de sa pièce : « Peut - être vi-
» vra-t-elle autant sur le papier que
» certains ouvrages qui ne tirent leur
» succès que de la déclamation, dont
» les acteurs sont les maîtres, et qui
» ne réussit que pour eux. » C'était
désigner ouvertement Pvacine , qui
prenait la peine de former ses ac-
teurs ; c'était faire entendre que ceux-
ci , pour lui plaire, s'attachaient ex-
clusivement à bien jouer ses pièces.
(i) Sur la paroisse de Sainl-Vivieu , «n iC3î , se-
lon les Mem, biogr, et Unir, de 31. Guilbeit, il ,
i85.
PRA
Ebloui par les cnconragcments d'u-
ne violente cabale, Pradon se fit un
jeu de lutter contre le grand, homme
qui consolait la France de la vieil-
lesse de Corneille. En 1677, ^^ °P"
posa Phèdre et ffippoljte, dont la
composition lui avait à peine coûte
trois mois, au fruit admirable d'un
travail de plusieurs années. Le triom-
phe passager qu'il remporta, est,
sans contredit, l'un des scandales les
plus affligeants que notre littérature
ait à déplorer. On connaît le sonnet
que madame Deshoulicres eut alors
le malheur de composer ( Foj\ son
article ). Trop sensible à l'humilia-
tion de paraître un moment vaincu
par son indigne rival , l'auteur de
tant de chefs = d'œuvre condamna,
pendant douze ans, son génie à une
entière inaction, malgré les exhor-
tations courageuses de Despréaux. ,
consignées dans une de ses belles Epî-
frcs (la septième). Racine le fils nous
apprend quels furent les moyens em-
ployés par la duchesse de Bouillon
et le duc de Nevers, son frère , pour
rendre inévitable la chute de Phèdre.
Ils dépensèrent quinze mille francs
à retenir les premières loges pendant
les six premières représentations de
l'tme et de l'autre pièce (Mémoires
sur la vie de Jean Racine, 1808 ,
page 66). Voulant donner le change
au public, l'écrivain méprisable qui
profitait des manœuvres de la hai-
ne , ne rougit pas d'élever la voix
contre la persécution, et de signaler
ses adversaires comme des inti'igants
de coulisses, accablés par « l'arrivée
» d'un second Hippolyte à Paris. »
Il se déchaîna surtout contre Des-
préaux, dont il parodia deux vers
(2 de la manière suivante :
(a) La famille en pSlit, et vit en frémissant
Uaus la coudre du greflb un potte naissant.
( ÉpUre V, vers Ij5-ii6. )
PRA 3
La caljalc en pâlit , et vit en ficmissant
Vu second Hippolyte ^ sa barbe naissant.
« La satire , dit - il ensuite , est une
» bête qui ne me fait point de peur,
» et que l'on range quelquefois à la
» raison, etc. » C'est ainsi qu'il pré-
ludait aux critiques dont nous aurons
heu déparier. Subligny vanta le plan
de Pradon, qu'il mitau-dessusdecelui
de Racine. Le Dictionnaire histori-
que a confirmé sur parole ce ju"-e-
ment absurde dicté par l'animosfté.
C'est ce qui paraît avoir déterminé
Laharpe a le réfuter, par une ana-
lyse à laquelle il n'y a rien à répli-
quer (Coz/r^ de littérature , 1821,
tome V, pages 564 -578). Voltaire
s'est amusé à rapprocher la déclara-
tion d'amour d'HippoIyte dans les
deux pièces, pour faire connaître le
style des deux poètes {Préface de
la première édition de Mariamne).
Si la description du monstre passe
pour être trop poétique dans la bou-
che de Théramènc, assurément on
ne fera point le même reproche au
récit que Pradon met dans celle d'I-
das. On peut s'en convaincre par ces
vers-ci :
Sa forme est d'un taureau; ses yeuxetses nazeaux
Répandent un déluge et de flammes et d'eaux
« Toute la différence qu'il y a entre
» Pradon et moi, c'est que je sais
» écrire, » disait Racine. Cela est
vrai; mais , comme cette différence
en suppose une très -grande dans la
manièredesentiretdepenser,elleéta-
bht un intervalle immense entre l'un
et l'autre. Que l'on examine, en effet,
les ccMceptions qui semblent leur
être communes; et l'on verra qu'el-
les sont aussi différentes que leurs
facultés. Si l'on s'en rapporte à Tau-
tcur le plus disposé à se flatter avec
une excessive complaisance, la Troa-
^e, jouée en 1679, ca^tùysiV atten-
tion particulière de Louis XIV. De
I..
4 PRA
toutes ses pièces , Statira ( fille de
Darius , veuve d'Alcxaudrc ) , est
celle dout il se félicite le moius. Il
espère cependant « que la lecture
» pourra n'eu pas déplaire , puis-
» qu'elle a paru assez bien écrite aux
» plus délicats. » Les cornpilaleurs
d'anecdotes ont répète' , d'après Vi-
giicid Marville (Bonav. d'Argoune ),
que Pradon alla se placer daus la
foule du parterre , afiu d'entendre
les jugements dont sa traj^cdie serait
l'obietjquo, pour se mieux déguiser,
il se réiniit à ceux des spectateurs
qui la sifflaient: qu'un niousrpietaire
eu prit la défense contre Ini-inèiuc,
sans le coiuiaîlre ; qu'ayant j)ersisté
dans son imprubation simulée , il
perdit son chapeau et sa perruque ,
donna un soufflet, reçut plusieurs
coups de plat d'épéc, et gagna tris-
tement la porte pour faire panser ses
blessures. Ces détails ont bien l'air
d'un conte imagine à plaisir. Com-
ment se persuader qu'un rimeur gon-
flé d'amour-propre siffle une de ses
productions, et se batte contre Tun
de ses plus chauds partisans. ? En
1688, Hegulus eut vingt-sept repré-
sentations de suite; aussi l'auteur,
dans l'ivresse de sa gloire , qu'il
croyait assurée, commence- 1 -il sa
Préface par ces mots : « Le succès
» de Uégubis a été si grand, que son
» titre seul pourrait servir d'apolo-
» gie pour répondre à quelques cri-
» tiques. » Lorsque le comédien Ba-
ron remit , en \';i.i , cette pièce au
théâtre , clic n'y reparut pas sans
éclat. Elle n'est dépourvue ni d'inté-
rêt ni d'art dans la conduite : la dic-
tion en est faible, sans doute, mais
elle est assez pure; et quelquefois
même elle a de li noblesse. 11 serait
pos ible d'eu conclure que l'auteur,
avec beaucoup plus de travail , avec
beaucoup moins de présomption, au-
PRA
rait figuré peut-être au rang des écri-
vains qui méritent quelque souvenir.
Il rend, à la vérité, son héros amou-
reux, suivant un vieil usage, alors
trop généralement consacré. S'il n'a
pas vu qu'il aurait été plus convena-
ble de s'en écarter, il a du moins
senti que son sujet ne lui pertneltait
pas d'y déférer eniièremenl. Pour y
avoir intro'luit peu d'.:mour, il se
croit obligé d'employer une excuse :
« Je n'y en pouvais, dit- il, mettre
» davantage avec bienséance. » Sci-
pioH Z'.-//r/c<a"«, représenté en 1O97,
est la seule pièce qu'il n'ait pas f.iit
précéder d'une préface. Saint Marc,
dans son Coinmenlairc sur Boileau,
l'altribiu'à de Pradcs, sans toutefois
apjiuyer d'aucune autorité une oj)i-
nion contraire au sentiment com-
mun , et démentie par des témoigna-
ges contemporains. Selon toute ap-
j)arence, il a voulu ])ailer (Wirsace,
roi fies Parthes, que le Royer de
Pradcs fit jouer en i(î(JG, long-temps
avant (jue Pradon fût en évidence,
et que l'on domie malàpropos à ce-
lui-ci, comme le remarque Niceron.
Telles sont les sept tragt-dies pu-
bliées sous ce titre : les OEuvres de
Pradon , divisées en deux tomes ^
nouvelle élition, corrigée et aug-
mentée, Paris , 1744» il- '■->'• Le pè-
re Mceron fait mention d'ime Anti-
gone, si mal reçue, qu'elle ne fut pas
imprimée. Electre, Germanicus et
Tarquin eurent le même soi t. r>a se-
conde de ces trois pii-ces est la moins
inconnue, à cause d'une épigranime
de Racine. Quoique Scipion soit in-
séré parmi les œuvres de l'auteur,
l'existence en serait ignorée sans une
autre épigramrae, qui est de J. - B.
Rousseau. L'article Pradon , dans
les Anecdotes dramatiques , offre
un résumé dont il n'est pas inutile
de rapporter les principaux passa-
PRA
ges. « Ou ne peut sans iujusiice , y
» est-il dit, refusera ce poète de l'cs-
» prit, de l'imagination, de la faci-
» lité, ctc Ceux qui ne pronon-
cent point d'après les vers de Dcs-
preaux, avouent qu'il » savait con-
» duire régulièrement une tragédie ,
» en ménager les incidents, y placer
» des peintures vives , des traits lieu-
» reux, des situations intéressantes,
» quelquefois neu\es; des mouvc-
» ments forts et véhéments. » Les
éditeurs dvs Annales poétiques adop-
tent à - peu - près cette décision. Ce
concert d'éloges semble devoir être
d'un certain poids; mais il démon-
tre seulement que les faiseurs de re-
cueils et de compilations trouvent
bien plus commode de se copier ,
en prononçant sur la foi des an-
ciens journaux, que de lire les ou-
vrages soumis à leur examen. Il
n'est point d'auteur tragique dont
la lecture soit plus insipide que celle
de Pradon. Pour la supporter, il faut
s'être imposé l'obligation de le juger
en conscience : si quelquefois il ré-
veille l'attention fatiguée, ce n'est
guère que par l'excès du mauvais goût
et de la platitude. Ses moments d'uis-
piratiousont si rares, etsipeu soute-
nus par l'expression , qu'il serait diffi-
cile de découvrir chez lui un morceau
irréprochable. Nous exceptons Ré-
gulus, dans lequel il s'est vraiment
surpassé. L'abbé Sabatier avance
qu'il avait surtout du talent pour la
poésie légère , et que « l'on a reienu
«plusieurs de ses madrigaux » ( Les
Trois siècles de la littérature fran-
çaise ). Il est cependant versificateur
encore plus trivial dans ses poésies
fugitives que dans ses pièces de théâ-
tre. D'ailleurs , on ne cite de lui que
ce quatrain , envoyé à une personne
dont il ne pouvait toucher le cœur,
ce qu'il voyait par les lettres qu'il
PRA 5
en recevait :
Vous n't'cn'vei que pour écrire;
C'est pow vous un amusement.
Moi , qui vous aime tendrement ,
Je n'écris que pour vous le (lire.
Ce reproche aimable et délicat s'a-
dresse, suivant Sabatier, à M''<=. Ber-
nard, auteur de la tragédie de i?rï/fM5.
Pradon effectua la menace qu'il avait
faite de se venger des traits lancés
par Desprc'aux. Il publia d'abord uff
examen du Discours au roi, et des
trois premières Satires , que sa mo-
destie ordinaire lui fit intituler : le
Triomphe (le Pradon, 1684, in-
12. Dans le frontispice, il est repré-
senté sous la figure de Mercure, qui
fustige un satyre , par ordre de la
justice. Ensuite il A onn3i ses Nouvelles
Remarques sur tous les ouvrages du
sieur D*** , 1 085 , in- 1 2. Il y passe
en revue les neuf premières Sati-res ,
les neuf premières Épîtres , l'Art poé-
tique et le Lutrin. Le ressentiment
l'égaré au point de le faire presque
toujours déraisonner et descendre au-
dessous de lui-même. Ces deux opuscu-
les , auxquels il n'a pas mis son nom ,
sans toutefois le cacher, sont curieux
par la bassesse du langage , par l'ex-
cès du ridicule, par une insigne mau-
vaise foi. Saint-Marc lui attribue aus-
si \e Satirique français expirant ^Co-
logne, 1689, volume de 58 pages
qui roule uniquement sur la m". Sa-
tire , et suivant lequel on remarque
plus de six mille fautes considéra-
bles dansles ouvrages de Despréaux.
Pradon exhale encore son animo-
sité dans plusieurs pièces de vers
contre ce dernier, ainsi que dans
une comédie contreRacine , intitulée :
le Jugement d'Apollon sur la Phè-r
dre des anciens. Niceron , qui ])rend
à la lettre les hyperboles du satiri-
que contre les femmes, trouve fort
judicieuse la réponse que lui fit Pra-
don ; réponse injurieuse et fort pla-
6
PRA
te. 11 est divertissant de voir ccliii-ci ,
dans son Ejntre à .-ilcandre , insul-
ter à l'amitié respcctaMe de nos
deux poètes les plus parfaits :
Si rtoilcau dr Racine rmltruso rinlrn'l,
A dcfcodre Itoiloan RsiciDr est ton]uurs \iTvi\
O» rimrurs rjuz-tilf'sl'un l'autre se cl>atuiiill<iit ,
T.làe leur fado «uceof tnur-^tour se barbouiHent.
Si Pradon s'était contenté de suivre
Ja carnère dramatique , sans autre
ambition que d'étendre l.i mesure de
ses talents par le travail , ou lui au-
rait peut-être accorde quelque estime
pour des succès mérités; ou , dans le
cas Contraire, on aurait oublié sa fé-
condité mallicureubc: mais une aveu-
gle présomption lui fit croire qu'il
pourrait , sans le secours de l'étude ,
s'clevcr au-dessus des plus hautes
renommées. Il arma contre lui de re-
doutables adversaires ; et la plus fâ-
cheuse célébrité s'est, pour jamais ,
attachée à son nom. Sou épitaphefut
probablement composée d'avance:
Ci-gil le poète Pradon ,
Qui , darant <|uaraii(e aot , d'une iii deor sans pareille ,
Fil , & la bnrlie d' Apolliin ,
l'C uiéijie laitier f]ue Corui-ille.
Suivant les biographes , il mourut
- d'apoplexie à Paris, en janvier 1698,
dans un ;îge très-avancé. H aurait eu
soixante - six ans, d'après M. Guil-
bert , qui l'a fait naître en i032 ;
mais il doii être né postérieurement
à cette date, puisque dans la préfa-
cede Tamerlan, imprimée en 1G76,
il parlï de lui comme «d'un jeune aii-
» teurqui commence, » en se cora-
parani, d'une manière indirecte , à
Racine, qui avait alors trente - sept
ans. St. S — n.
PR^POSITIVUS , théologien du
treizième siècle, est qualifié Cremo-
nensis , dans quelques-uns des ma-
nuscrits de ses ouvrages. Albéric de
Trois- Fontaines le dit né en Lom-
hardic ; et Tiraboschi l'a compris
au nombre des Italiens qui ont cnl-
PRtE
tiré les lettres. On ignore la date de
sa naissance; mais il avait probable-
ment déjà fait un assez long séjour à
Paris, lorsqu'il devint, en \:>.oQ^
chancelier de l'église de cette ville :
en cette qualité, il s'engagea à la plus
exacte résidence , par un serment
consigné dans un acte de l'évêipie
Odon , qui est daté de 120-^, et dont
Claude Héraéré, du Boulay, Casimir
Oudin , ont transcrit le texte latin ,
comme un monument des rapports
du chancelier de la cathédrale avec
les écoles. On a lieu de croire que
Pra:positivus n'a pas conservé long-
temps cette dignité; car Albéric lui
donne un successeur des l'an 120g.
Il faut qu'il soit mort en cette année-
V.i , ou qu'il se soit retiré dans sa pa-
trie , ce qui est moins probable. Ce-
pendant Ducange et Oudin le font
vivre jusqu'en 1217, parce qu'Albe-
ric reparle de lui après 1209 ; mais
c'est à l'occasion des chanceliers qui
lui ont succédé , et sans faire enten-
dre qu'il vécût encore. Son principal
ouvrage est une Somme de théologie,
dont on n'a rien imprimé, sinon
quelques pages à la suite du Péniten-
tial de Théodore. Le surplus est iné-
dit ; mais les copies manuscrites en
sont fort nombreuses, ce qui prouve
qu'on a fait, an moyen âge, beau-
coup d'usagedc ce livre. Il s'en est re-
trouvé des manuscrits en Italie , en
Angleterre, en diverses abbayes et ca-
thédrales de France; dans les biblio-
thèq:ies des maisons de Sorbonne et
de Navarre; et il en subsiste plu-
sieurs dans celle du Roi à Paris. Prac-
positivus , comme les autres docteurs
de son temps, expliquait le Maître
des sentences ( /^. 1>ombard, XXIV,
64 1 -642 ) , dans ses livres , et dans
ses leçons publiques. Il a composé
aussi un Commentaire du Psautier ,
que la bibliothèque du Roi possède
manuscrit , et qui , bien que tout-à-
fait distinct de la Somme, est rc'di-
}^é dans le goût et dans les formes
de la scliolastique. On conservait, à
Saint-Victor , ses sermons qu'Albe-
ric déclare excellents. Enfin , il a
laissé un livre sur les Offices divins,
que dom Pez a remarqué parmi les
manuscrits d'une bibliothèque de
Saltzbourg. Quoique admiré par Al-
beric, et cité honorablement dans la
Somme de saint Thomas , Prœposi-
tivus n'occupe qu'un rang fort obs-
cur parmi les théologiens : ses écrits
n'ont excité aucune curiosité, parce
qu'en effet ils ne contiennent rien qui
ne se rencontre ailleurs sous les me
mes formes. D — n — u.
PRiETORIUS (Matthieu),
docteur luthérien, ne à Memel en
Prusse , vivait dans la dernière
moitié du xvii*'. siècle. U avait été
quelque temps secrétaire de Jean So-
bieski , roi de Pologne. Depuis il
exerça pendant vingt ans, en qualité
(le ministre , les fonctions pastorales
à Nibhudz. De longues études sur
l'origine, les causes et la nature de la
réformation de Luther, lui avaient
fait entrevoir que la scission qui en
fut le résultat , n'avait pas eu de
motifs légitimes ; qu'en beaucoup de
choses , les deux communions sem-
blaient se rapprocher; qu'il y aurait
peut-être moyen de s'entendre sur les
points de division , et qu^il ne serait
pas impossible de se réunir. Pénétré
de cette idée , Prœtorius composa
un ouvrage intitulé : Tuba pacis ad
universas dissidentes in Occidente
ecclesias, seu Discursus théologiens
de unioiie ecclesiarmn. Ce livre , pu-
blié , pour la première fois, à Ams-
terdam , en 1 685, fut envoyé par
l'auteur à l'université de Kœnigs-
berg ; et l'on imagine bien qu'il ne
manqua pas de docteurs protes-
PRiE 7
tants qui en entreprirent la réfuta-
tion. Presqu'en même temps , ou
peu après , un autre personnage s'oc-
cupait de ce projet de réunion sous
des auspices plus imposants. Chris-
tophe Royas de Spinola , d'abord
religieux de l'ordre de saint Fran-
çois , puis successivement évêque de
Tina et de Neustadt, et confesseur de
l'impératrice Marie Thérèse, femme
de Léopold I*^'". , travaillait dans les
mêmes vues. L'évcque de Neustadt
était habile théologien , et fort ins-
truit dans les matières de contro-
verse , surtout quant aux points qui
divisent l'Éirlise romaine de la Con-
fession d'Augsbourg. Il avait eu des
conférences avec les ])rotcstants ,
et il sut leur inspirer de la confiance.
L'empereur Léopold, à qui il avait
fait part de son plan , l'approuva
et investit l'auteur des pouvoirs né-
cessaires pour traiter cette affaire
importante. On sait que Bossuet , à
qui l'évcque de Neustadt en référa ,
prit part à la discussion , et qu'en-
suite il s'établit, sur le même su-
jet , une correspondance entre l'c-
vêque de Meaux et Leibnitz , la-
quelle malheureusement n'eut au-
cun résultat ( V. Molanus , XXIX ,
280 ). Il paraîtrait , d'après les da-
tes , que l'initiative de cette œuvre
désirable appartiendrait à Prœto-
rius , quoiqu'on ne voie pas que, dans
toute la correspondance , il ait été
fait aucune mention de lui ou de son
livre. Au reste il ne se contenta pat
d'écrire et d'inviter les communions
dissidentes à revenir à une religion
si longtemps professée dans le pays
oîi elles subsistent : il voulut donner
l'exemple , et rentra dans le sein de
l'Église ; il y reçut même le sacer-
doce , obtint la cure de Strasbourg
(en Prusse) , et ensuite la prévôté de
Weiherstadt en Poméranie.Ilymou-
8 FRiE
rut, en 1707 , avec la rcpulalion
d'un prelaf, vertueux et cclairc. Ou-
tre l'ouvrage ci-dessus, qui fut réim-
primé à Cologne en 181 1 , on a de
Prœtorius : 1. Orbis Gothicus , Oli-
va, 1G84. 4 part. ,in-fol.; curieux
et recherché. 11. Mars ç;othicus ,
i6ç)i , 1698, in-fol.; suite du pré-
cédent. 111. Un Mémoire sur l'an-
cienne langue des habitants de la
Prusse, inséré loin. 2 tics yicta Bo
rus^ica. IV. Une Histoire de Pniise
demeurée inédite , mais dont on
trouve quelques fragments dans V Er-
lœuterte PreiiSien. La Tuba pacis,
etc. , a été nouvellement traduite
en allemand , par M. Biuterin , cure
catholique à Bilk, près Dusseldorf,
et publiée à Aix-l.i Chapelle, sous le
titre à\4ppel à lu reunion, adressé
à toutes les églises d'Occident qui
diffèrent dans leur croy ance. Le
traducteur y a joint une Préface et
des Notes savantes. L — y.
PRAM ( Chrltien ) , poète da-
nois , né en Norvège , en i7r>(3,
remporta, dès sa première jeunesse,
des prix de poésie à la société royale
des belles lettres de Copenhague , qui
fît imprimeries pièces couronnées ,
dans le Recueil de ses mémoires. En
1785 , il fit paraître un poème épi-
que en quinze chants, intitulé Stœr-
kadder , d'après le nom du per-
sonnage principal , héros fameux
dans l'histoire des temps héroïques
du Nord. Ce poème n'est pourtant
pas du genre sérieux; et Pram a été
inspiré plutôt par la Muse de l'A-
riostc que jjar celle d'Homère. Les
littérateurs danois conviennent que,
quoique la verve du poète se ralen-
tisse souvent, sa composition ren-
ferme de très-beaux passages. Il fit
trois tragédies : Damonet Pithias ^
1789; Frode et Fingal , 17Q0;
Olinde et Sophronie , insérées dans
PRA
le Recueil dramali(|uc de Rahbek.
Ces pièces, trop froides pour le théâ-
tre , mais bien versifiées , ont eu peu
de succès sur la scène. Ses trois co-
médies , le I\'ègre , V Ecole du ma-
riage et le Fuits, n'ont pas été im-
primées. Il a écrit aussi un opéra
sérieiix, Lagertha,\m\n-'imc dans la
Mi ne n^a de son ami Rahbek, 1789,
et un opéra comique , la Sérénade
ou les A'ez meurtris, 171)"). Dans
ses Contes en prose, il prit pour
modèle le genre léger et b.idiu de
Voltaire; on estime ses héroïdes et
ses idylles. 11 coopéra, avec Hahhek,
à la rédaction de la Minerva , qui fut
long - temps le meilleur recueil pé-
riodique littéraire du Danemark, et
qui a duré depuis 178:") jusqu'en
1807. Il a aussi fourni plusieurs
morceaux intéressants aux Mémoi-
res de la Société de littérature Scan-
dinave , dont il était membre , tels
qu'un Discours , avec des Notices ,
sur la statistique du D.inen)ark .et un
Mémoire sur la population de la
Scandinavie. Pram était membre de
l'administration générale du com-
merce et de l'économie publique à
Copenhague , et avait le titre de con-
seiller-d'étaf. Dans sa vieillesse, il
obtint un emploi plus lucratif dans
l'île Saint-Thomas, aux Antilles, on
il mourut, en décembre i8'ii,apr(S
moins de deux ans de séjour. D — g.
PRASLIN (Charles et Cesap. du
Plessis ). F. CnoisEUL.
PRASLIN ( César- Gabriel de
CuoisEUL, duc DE ), pair de France,
lieutenant-général des armées du roi,
niinistre-d'état . etc. , né à Paris , le
l 'j août 1 7 1 9,. de Hubert de Choiseul
et de Louise Henriette de Re.iuv.iu,
remplaça, dans l'ambassade de Vien-
ne , son cousin , le duc de Choiseul-
Stainville, lorsqueceliiici fut appelé,
en 1758, au ministère des affaires
PRA
étrangères. Deux ans après , il re-
vint à Paris recevoir ce département
mcnieduducdcClioisciil,qiiileliii re-
mit , gardant , pour le moment, ceux
de la guerre et de la marine. Ce fut
M. dePraslin, alors appelé le comte
de Choiseul , qui , après avoir négo-
cié de concert avec son parent,
signa le traite de 1763, par lequel
fut terminée la malheureuse guerre
de Scpt-Ans: eu la prolongeant , on
n'eût fait qu'accoître les malheurs
de la France, et s'exposer à la né-
cessité de recevoir des conditions
plus rigoureuses. On céda le Canada,
que l'un ne pouvait reconquérir; et
cet abandon fat compensé par la res-
titution de nos plus riches colonies.
Dnnkerque ne put être soustrait à la
servitude qui lui avait été imposée
en d'autres temps : mais à peine la
paix eut-elle été signée , que se pré-
parèrent de toutes parts , dans nos
ports , les moyens de balancer un
jour la puissance navale de nos éter-
nels rivaux , et de soulever leurs
états d'Amérique. Le comte de Choi-
seul fut , à cette époque, créé duc et
pair , sous le nom de duc de Praslin.
Il rendit à son cousin le ministère des
affaires étrangères , et reçut celui de
la marine, qu'il a depuis conservé.
C'est lui qui , avec une suite et un
zèle que l'état de sa santé ne semblait
pas permettre, répandit, parmi les
officiers , un vif désir d'instruction ,
et exigea d'eux des connaissances po-
sitives. Les élèves furent soumis
à des examens sévères : Borda fut
admis dans le corps de la mari-
ne , auquel ses talents devaient être
si utiles ; Chabert et Cardonie fu-
rent chargés de lever , l'un la carte
de la Méditerranée , l'autre celle des
parages de Saint - Domingue. Deux
grands voyages furent exécutés pour
b^assurer de la perfection des nou-
PRA 9
ve^les montres marines de Leroi ,
et Berthoud, etc. Ce fut aussi le duc
de Praslin qui conçut le projet d'un
nouveau vovagc autour du monde ,
qu'un seul Français avait fait jus-
qu'à cette époque ; et , il ne né-
gligea aucun moyen d'en assurer le
succès , et de le rendre utile à la na-
vigation et aux sciences ( V. Bou-
GAiN VILLE ). fiOrsqu'il fut disgracié,
il s'occupait déjà depuis long-temps
d'un code de législation pour les co-
lonies, lequel aurait tendu eilicace-
ment , mais sans secousses , à rendre
le plus bel hommage à l'humanité
par une amélioration successive du
sort des esclaves. Cependant la plus
grande activité régnait dans les ar-
senaux : d'habiles ingénieurs sou-
mettaient leurs procédés aux lois
d'une théorie perfectionnée , et por-
taient l'art de la construction plus
loin que les Anglais eux mêmes.
Quelques - uns de ces ingénieurs ,
demandés par la cour d'Espagne ,
allèrent à Cadix , à Carthagène ,
et jusque dans l'île de Cuba , don-
ner à nos (idcles alliés des leçons
et des exemples. Lorsque le duc de
Praslin partagea ( il\ déc. 1 770 ) la
disgrâce de son cousin ( Voy. Cuoi-
SEUL, VIII, 433 ), il laissa dans nos
ports soixante-dix vaisseaux de li-
gne, cinquante frégates, et, dans les
magasins , les bois et tous les maté-
riaux nécessaires pour accélérer de
nouvelles constructions. D'immenses
travaux avaient agrandi et fortifié le
port de Brest ; et l'arlillerie de la
marine avait été entièrement régé-
nérée. A l'époque où Louis XV exila
ses ministres , tout était prêt pour
commencer la guerre avec une su-
périorité due à des forces réelles , au-
tant qu'à la fausse sécurité qu'on
avait su inspirer à nos ennemis. Le
duc de Praslin aussi simple, aussi
10 PR\
modeste que le duc de Choiseul était
brillaut , et confiant dans ses for-
ces, passait assez ç;cueralouient pour
être soumis à rinflucnccde sou cou-
sin : et cependant il est très -vrai
que jamais celui-ci n'a rien fait
sans le consulter; qu'en toutes occa-
sions, il lui montrait une difércuce
qui prouve combien il sentait l'uti-
lité de ses conseils. Le duc de Pras-
lin avait toujours aimé et cultivé
les lettres; il écrivait avec noblesse
et pureté : on en peut juger par
un écrit qu'il publia au commen-
cement de la guerre d'Amérique ,
pour réfuter une assertion révullante.
lieaumarcliais, enivré des espérances
de fortune que lui inspirait son com-
merce clandestin avec les insurgés ,
et se croyant, sans doute , déjà deve-
nu une puissance , s'avisa , lors
des premières ho^tilités, de publier
en son propre nom , une espèce de
manifeste contre la Grande-Bretagne.
11 s'y in lignait d'un prétendu ar-
ticle secret du traité de 17O3, par
lequel la France aurait conjcnti à li-
) miter le nombre de ses vaisseaux.
Rien n'était plus faux : non - seule-
ment une telle condition n'avait ja-
mais existé , mais les négociateurs
anglais n'avaient même p.is osé for-
mer une si odieuse prétention. Les
deux ministres, auteurs du traité,
crurent , avec raison , devoir protes-
ter contre une calomnie si injurieuse
au nom français , et dont l'opprobi-e
«ût rejailli sur eux. Le duc de Pras-
lin mourut le i5 octobre 1785 : il
était membre honoraire de l'acadé-
mie des sciences ; et l'on a son Élo-
ge par Condorcet. Z.
PRAT Dv\ r. DiPRAT.
l'KATEOLUS. r. DiPBLAU.
l'UATKCS. r. Despbls (Louis).
i'RATlLLl ( Fra>«,ois-Mabie ),
savant et laborieux antiqnairc napu-
PRA
litain, embrassa l'état ecclésiastique,
fut pourvu d'un canouicat de la ca-
thédrale de Capoue, consacra sa vie
entière aux recherches d'archéolo-
gie et à l'étude des inscriptions et
des médailles, et mourut, en 1770,
âgé d'environ soixante ans. Indepou-
darame/it d'une édition de Vllisto-
ria principum Lonç,obanloruin , en-
richie de la Vie de l'auteur ( f. Ca-
nnlle PELLtGRiNi, XXXIII , 284);
de Notes et de Pièces inédiles, Na-
])les, i7^^)-iJ4' ^ vol. in -4"., dont
les trois derniers contiennent de
nombreuses Di.ssertations de Piatil-
li, on a du savant chanoine de Ca-
poue : \. Des Lettres sur dillcTcnts
objets d'antiquités , insérées dans la
Raccolta Calo^erana : Lctteru nel-
la qnale sispie-^n un unticn tiiurmo,
in citi ii fa memoriadi G iuve Orten-
se , tome XXV ni; — Ltttcru sidi'in-
ilaiiiinicnto del silu dclV anlico E-
(juotnticn neiil'Jrfiini , tome xxxj
c'est aujourd'hui Foggia dans la Ca-
pitanate; — Lettcrnnella quale, sul-
la spiegazione di un antico marmo
di fresco sctivato, si chiarifica l'e-
sistenzadc'Uaculonia di Bauli peu-
ple de la Campanic ), tome xxxix ;
— Letterasopra una morwlu di Gu-
glithno II , il liuniio ,monarca dél-
ie duc Sicilie , tome xi.iv. 11. Délia
via Appia riconnsciuta e descrittti
da Uoma a Lrindisi lib. /k, Naples,
1 74^ • il - fol. Cet ouvrage est plein
d'érudition , et orné de cartes qui
représentent la voie Appiennc (f^.
Appils Claudius, II, 33.">), et les
plans des villes que traversait ce
chemin, l'im des plus beaux ouvra-
ges df-s Romains, l/aulcury a inséré
un grand nombre d'inscriptions iné-
dites et une foule de détails curieux,
parfois éloignés de son sujet , mais
qui attestent l'étendue de ses re-
cherches. L'abbé Gcsualdo lui rc-
PRA
proche de n'avoir pas su prolîtcr as-
sez des Mémoires qui lui avaient c'te
communiques , pour donner à son
livre toute la perfection dont il e'tait
susceptible. ( Voy. les Osservazinni
criliche sopra la storia délia via
^■Jppia, Naples, 1^56, in- 4*^.) On
trouve deux longs extraits de l'ou-
vrage de Pratilli, dans le Journal
des savants de i-jSo. III, Leltera
di una nioneta singolnre del tiran-
no Giovanni, ibid., 1748, in - S'».
C'est l'explication d'une monnaie
unique du tyran Jouannes ou Jean,
qui, s'étant fait proclamer empereur
à Rome, en 423, après la mort d'Ho-
norius,fut, bientôt après, assiège
dans Ravcune , et finit par tomber
au pouvoir de Thcodose-le- Jeune,
qui lui fit trancher la tête , au mois
de mai 42 5, IV. De^ consolari délia
provincia délia Carnpania, Disser-
tazione, ibid. , 1757. V. Délia ori-
gine délia metropolia ecclesiastica
délia chiesadiCapoa. Dissertazio-
ne, ibid., 1758, in-4''. Pratilli s'at-
tache à défendre les droits de la mc'-
tropole de Capoue, et à démontrer
sa préeraincncesur celledeBènèvent,
contre l'opinion de Pompée Sarnelli
et d'autres écrivains. W — s.
PRATO (Jérôme da ) , savant
philologue, né, vers 1710, à Véro-
ne , après avoir terminé ses études
avec succès, entra dans la congré-
gation de l'Oratoire, dite desPhiiip-
pins ( F. S. Philippe Neri ) , parta-
gea sa vie entre l'enseignement et
l'étude, et mourut en 1782. Il est
principalement connu par l'édition
qu'il a donnée de V Histoire de Sul-
pice Sévère, Vérone , 1741 - 54, 2
vol. in-4''. , et qui est encore la mcil-
leux'c de cet ouvrage. L'impression
en est très-belle; et le texte, revu sur
d'anciens manuscrits, passe pourctrc
assez correct. Enfin le savant éditeur
PRA ir
l'a enrichie de Notes et de Disserta-
tions, dans lesquelles il éclaircit plu-
sieurs faits historiques , ou répond
aux critiqiiesde Jean Leclerc {Foj\
SuLP. Sévère). Ce travail de Prato
a été jugé très- rigoureusement par
les rédacteurs des Acla eruditorum
Lipsiensium (V. l'ann. 1 759). On ci-
te encore de lui : L Une Dissertation
sur l'épitaphe de Pacificus, archi-
diacre de Vérone , insérée dans la
Raccolta Calogerana, tomes xi et
XIV ( F. Pacificus, xxxii, 338 ).
II. De chronicis lihris ab Eusehio
Cœsariensi scriptis et editis ; ac-
cedunt grœca fragmenta ex libre
primo olim excerpta à Syncello ,
Vérone, i75o,in-8°. W — s.
PRATT ( Charles ), comte Cam-
DEN, jurisconsulte anglais, dont le
père était parvenu, en 1 7 i8,à l'em-
ploi de président du banc du roi,
naquit en 171 3. Après avoir re-
çu une bonne éducation à Eton et à
l'université de Cambridge , il fré-
quenta le barreau, et se fit recevoir
avocat. Pendant plusieurs années, sa
clientellefut si peu nombreuse, qu'il
se vit a u m ornent d'abaprl onner cette
profession. En 1754, d f^'t nommé
au parlement par le bourg de Down-
lou, dans le Wiltshire ; cinq ans
après il obtint la place de greffier ou
juge-assesseur de Bath , et, la même
année, celle de procureur-général
du roi. Au mois de décembre 1761,
il fut appelé à la présidence de la
cour des plaids communs , et reçut
le titre de chevalier; et en 1762, le
grade d'avocat du roi ( serjeant ai
law ). Pratt présida la cour des
plaids communs avec autant de di-
gnité que d'impartialité, et montra
une profonde connaissance de la lé-
gislation civile et politique de soti
pays. Lorsque Jean Wilkes fut ar-
rêté et conduit à la tour sur un war-
la PRA
rant général (i), Pratt lui accorda
un habeas corpus ; et lorsque Wil-
kes se présenta, le 0 mai i^GS,
devant la coiir;lcs plaids coraniuns,
ce magistrat, impartial comme la
loi , le ileeliarf;ea de son emprison-
uemeiit à la Tour, apris avoir ex-
pose ratl'aiieavee un rare talent. La
coiiiluite qu'il tint dans celte occa-
sion , et dans l'alTairc îles impri-
meurs liu Nortli-Biiton, lui fit ob-
tenir une grande popularité. Le lord
maire , les alilern)cn et le conseil
commun de la ville de Londres , lui
ullVirent les franchises de leur cor-
poration dans une boîte d'or, et fi-
rent placer son portrait à Guildliall,
avec une inscription honorable. Le
corps f liie guild ) des marchands
de Dublin , et la corporation des
chirurgiens- barbiers de la même
ville , lui adressÎMcnt aussi leurs
franchises. D'autres villes eu agirent
de même à son égard. En i'jG5 il
fut crée pair de la Grande Bretagne,
sous le litre debaron Cainden;el, au
mois de juillet i'0(i, il succéda à
lord Northington , dans l'ofliee de
grand-chaneelier. (Juoiipj'il eût c'tc
clevé à la pairie sous l'administra-
tion Rockingham , il n'eu soutint
pas tous les actes dans le parlement ;
il se prononça au contraire avec
la plus grande vigueur contre l'acte
dcclaraloirc , qui reconnaissait au
parlement le dioit de faire des lois
obligeant, tiaiis tous les cas, les
colonies. Quelque id.ie que l'on puis-
se se faire des opinions de lord
Camdcu , on ne peut disconvenir
qu'il ne conservât uniformément sou
indépendance. II la poussa au j)oint
de parler en faveur de la suspen-
sion de la loi pour empêcher l'cx-
d' Ordrr d'arrestation rt. uni ♦■ii tt*nn< s -^t-ntraiix,
->■■'.> Ji'signrr nuixinativemcut la |i«rM>aiM: ou le; |i«r-
toautf qu'il cuucemc.
PR.V
portation du Lie à une ëpoquc où
l'on craignait la disette, quoiqu'il
sût bien qu'il encourrait par - là
la haine publique. Ayant, à cette
occasion, fait une réponse sardo-
nique a lord Temple, il fut vive-
ment tance par Jimius ; mais il ne
donna aucune attention aux invec-
tives de cet écrivain mystérieux
( Lettre Go) {'i). Il sut obtenir l'es-
time de tous les partis, dans l'exer-
cice de ses fonctions de lord ( hancc-
lier. Sa perspicacité, srs talents , sa
connaissance aprofondie des lois et
de la constitution de son pays ,
la clarté avec laquelle il exposait
ses opinions, et son extrême po-
litesse, mêlée de dignité , faisaient
obtenir à ses décisions le respect et
la confiance : mais comme il per-
sista dans son opinion contre la taxe
des Américains, à laquelle il s'oppo-
sa fortement et publiquement tou-
tes les fois que l'occasion s'en pré-
sentait, il reçut en i n-jo la démission
de son emjtloi. Le parlement s'é-
tant asscmljlé au mois de novembre
de la même année , lord Camden s'é-
leva avec vigueur , dans la chambre
haute, contre les principes professés
par lord iMansfield, sur la liberté de
la presse et les droits des jurés ( y.
Mansfield); et il s'engagea, d'après
la loi et les précédents , à prouver
pul)Iii[ucment , que , malgré l'appro-
bation donnée par tous les juges du
banc du roi ar.x doctrines de son
adversaire, elles étaient en opposi-
tion avec la législation de l'Angle-
terre. INIais lord Manslield refusa d'ac-
cepter le déli ; et les hommes éclai-
rés et impartiaux purent croire
qu'il ne gardait le silence que parce
qu'd n'avait aucune raison péremp-
(»j L'aulrur df» Lrtlr*» de Jiiinut , daiu l.i dut-
iiM re Ketire qu'il a prrite , rend n«anirioiii!i juklit e
.1MX grands talrnU ri aux belles qualités de lord Cam-
PRA
loire à opposer à son antagoniste.
Lord Camden continua de s'oppo-
ser aux mesures adoptées contre les
Américains : mais , au mois de mars
I nSi , le ministère ayant été renou-
velé' en conséquence des désastres
éprouvés par les armes anglaises en
Amérique , lord Camden fut nommé
président au conseil , emploi qu'il
conserva jusqu'à la fin de sa carriè-
re; si l'on eu excepte, cependant, le
court espace de temps que dura le
ministère de la coalition. 11 tut lui
des fermes appuis de W. Pitt , con-
tre les piîucipes dcsorganisalcurs
des révolutionnaires français. Nom-
mé corale, au mois de mai 1786, il
mourut le 18 avril 1794. Des écri-
vains appellent lord Camden le
grand boulevard de la loi anglaise.
Ou lui atlribac un pamphlet intitulé:
Becherches sur la nature et l'effet
du writ ^^habcas corpus , le grand
boulevard de la liberté anglaise ,
etc. , etc. Lord Camden avnit épousé
une fille de Nie. JelTreys. D — z — s.
PRATT ( Samuel - Jackson ),
écrivain anglais, né à Saint-Yves,
dans le comté de Huntington , le
jo'irdeNoël 1740, d'une très-bonne
famille , fut élevé \ Felsiead , collège
du comté d'Essex. Abbot Roding ,
manoir de cette famille, situé dans
le dernier comté, est connu dans
l'histoire, pour avoir été la résidence
de lord C.ipcls, et pour avoir servi
quelque temps d'asile à Elisabeth ,
poursuivie par la jalousie de sa sœur
Marie. Pratt éprouva aussi très-jeune
les vicissitudes de la fortune : ses pa-
rents n'approuvèrent point une in-
clination sur laquelle il avait fondé
des espérances d'établissement. Ces
contrariétés, non-seulement lui oc-
casionnèrent de grandes pertes d'ar-
gent en procès , mais nuisirent au
développement de ses dispositions
PRA
i3
naturelles. Cependant peu d'écri-
vains anglais ont plus que lui con-
tribué à l'instruction et à l'amu-
semont de leurs compatriotes; ses
nombreux ouvrages se font remar-
quer par la délicatesse des senti-
ments et par l'éclat de l'imagina-
nation. Aussi plusieurs des recueils,
si abondants dans la littérature an-
glaise , sont ornés de morceaux
choisis qui lui appartieiuicnt. Il
embrassa un instant l'état ecclé-
siastique, et il habitait Petcrborough
en 177 I, lorsqu'il envoya , à V An-
imal remisier de Dodsley , une belle
Elégie intitulée , les Perdrix ^ et trois
autres petites pièces de vers qui dé-
celaient mi talent précoce. Le poème
de la Sympathie , et celui des Pleurs
du iiénre , furent très-bien accueillis:
le premier eut six éditions en peu de
temps; et le dernier, composé au
moment de la mort de Goldsmitu , a
été placé en tète d'une belle édition
des poésies de ce dernier, après avoir
été imprimé séparément. U Ombre
de Shakspeare , poème en l'hoimcur
de Garrick, fut souvent récité sur
le théâtre ; les personnages des piè-
ces que cet acteur représentait le
mieux, expriment leur douleur, dans
ce poème, chacun selon son carac-
tère. On distingua surtout le Tiiom-
phe de la bienfaisance ^ que Pratt
composa dans l'intention de secon-
der le projet d'une souscription
pour élever à Jean Howard une
statue, que le modeste philanthrope
refusa par deux lettres adressées aux
souscripteurs. Dès 1774, Pratt avait
quitté l'état ecclésiastique pour le
théâtre; mais le peu de succès qu'il
obtint dans les rôles d'JIamlet et de
Philasler , quoiqu'il possédât supé-
rieurement le talent de déclamer, le
détourna de cette carrière. Il se mit
alors à faire des livres, qu'il publia ,
i4
FUA
tantôt sous le voile lïc l'anonyme,
tantôt sous le nom de Coitrtney Mel-
vioth, cl composa en même temps
des nièces dramatiques. Il tira aussi
parti de son talent pour la déclama-
tion , en donnant des séances publi-
ques en Anf;lcterre, en Ecosse et en
Irlande. Dans une de ces tournées,
il se (ivaquelcpie temps, vers 178a,
à Balh , où il <leviiil associe d'un li-
braire. Enfin, il vuyaj;ea sur le con-
tinent , pour y recueillir des obser-
vations et les publier a sou retour.
Pralt, ardent ami de l'ordre, a tou-
jours manifeste de l'èloignement pour
l'exagération des partis ; il en donna
des preuves dans l'année I7<)7, au
moment de la révolte de la Hotte,
en composant deu\ Lettres , qu'il
adressa aux inaiins de la vieille
u^ngh'terre, cl au.r soldats anglais.
Ces lettres respirent l'enerf^ie et le
courage du veiitable patriotisme : la
première eut six éditions en quelques
semaines. Il composa enron- dans le
même esprit une petite brochure in-
titulée : .\olre vieille forteresse sur le
roc. Pralt mourut à Birmingliam, le
4 octobre i8i4, après avoir éprou-
ve, comme on le voit, une grande
variété d'événements dans sa vie. Ses
autres ouvrages sont : 1. Observa-
tions sur les yuits d' }'oung,Lon-
dres, 1774» i77<3, in-S"., eu forme
de lettres. 11. Pensées lihres sur
l'homme, sur les animaux et sur la
ProK-idence , contenant l'histoire de
Benipius , 1773-1777, 6 vol. in-
1 1 ; nouvelle édit. , 1 788 , 4 ^'t)l. in-
12. L'auteur s'est peint lui-même
sous le nom de Benignus ou du plii-
lantrope. 1! paraît avoir voulu imi-
ter la singularité de Sterne, et il n'a
fait que nuire à l'intérêt de son ou-
vrage. Les Pensées libres contien-
nent plus de philosojihie , de ri-
chesse d'idées, de tableaux varies
PRA
(]iic TrisMra Sliandy; mais si celui-
ci fatigue par sa bi/.arrerie, son dé-
sordre et son obscurité, l'autre ne fa-
ligue pas moins par la reclierclie .
les longueurs et les répétitions, lll.
Le Sublime et la beauté de V Ecri-
ture ou Essais sur des passages choi-
.w'i des écrivains sacrés, 1777, -'•
vol. in-ii. Les trois éditions qui ont
suivi n'ont qu'un volume. IV. ./polo-
gie de la vie et des écrits de David
Hume, 1777. V. f\y âge s pour le
cœur, écrits en France, Londres,
1777, 1 vol., petit iiiB". VI. 1/ Elè-
ve du plaisir, Londres, 1779, "2
vol. in- ri; trad. en français, par
Lrmierre d'Argy, Paris, 1787, u
part. iii-i-.>..Celteeriti'|uedes Lettres
de Clieslerlield a été jugée peu pro
j)reau but que l'auteur «^c proposait ,
decoinballreles principes liccncicuv
du seigneur anglais. Pialt composa
un autre livre intitule : V Elève de la
vérité, Londres , pour détruire l'im-
pression qu'avait laissée le premier.
VU. Le f'illagede Shenslone , ou
le nouveau Paradis perdu, Lctri-
dres , 1780 , 3 vol. \n-\-x. Le J'il-
lage de Shenslone a pour objet de
faire voir l'impossibilité d'établir
une société iilopicnne, telle (jue le
poète Slienstoiie l'avait imaginée.
VIII. Emma Corbett, ou les M ai-
lleurs d'une guerre civile , Londres ,
1781 , 3 vol. in-1'2. Ce roman a eu
neuf éditions ; il a été irr.duit en fran-
çais , d'abord par Sauscuil , sous
le lilre à' Emilie Corbett, Londres
et Paris , 1783 , 3 vol. in - lu.
Verlac en a donné une traduction
abrégée sous le titre de Ilammon
et Corbett, Paris, 1789, in- \'i.
IX. Mélanges, Londres , 1785 , 4
volumes in-8<». ; recueil qui contient
plusieurs des pièces de poésie dont
on a parlé. X. Le Triomphe de La
bienfaisance , 2^^. édit. , Londres ,
PRA
178(5, in-4''. On attiibiiaiî ce poè-
me , qui est le chef-d'œuvre de l'au-
teur daus ce genre , à plusieurs écri-
vains distingués, avant qniePratt eût
réclamé l'houneur qui lui apparte-
nait. XL Paysages en vers. XI ï.
h' Iliwtanilé ou les droits de la na-
ture, poème, Londres, 1788, in-4'^.
Ce poème peut être considéré comme
une suite de celui de la Sympathie.
XIIL \j Officier réformé : trad, de
l'anglais, Paris, 1788, 1 vol, in-
la. Ce roman a été traduit de non-
veau par M. F. G. Lussy , mais
moins bien que la première fois ,
sous le litre de l' Officiera la demi-
paje , Paris , Lcnonnant , i8o3 , 2
vol. in-i'2. XIV. G lanures faites
dans le pays de Galles, en Hol-
lande, en JVestphalie , i795; troi-
sième édit. , 1796 ; qf/atricme édit.,
1798, 3vol. in-8''. XV. Glannres
faites en Angleterre , Londres ,
1799 , 3 vol. in-b*^. XVI. Tableaux
de lachaumière , Poème , 1 8o3 , in-
4°. Ces trois derniers ouvrages ont eu
beaucoup de succès; mais on repro-
che au premier des détails prolixes.
XNW. Secrets de famille, 1797, 5
vol. in- 12. L'auteur a fait des retran-
chements, l'année suivante, à une
nouvelle édition, en 2 vol. , de ce
roman , qui a été traduit en français ,
par Mi"^ Mary Gay- Allart , 5 vol.
in- 18. XVIII. Moisson dans Vinté-
n'eî/r (Harvest home ) , recueil com-
posé de morceaux fournis par des
amis des lettres , et de pièces an-
ciennes, i8o5, 3 vol. in-8*'. MX.
John and Dame ( ou les loyaux
habitants delà chaumière) , poème,
i8o3 , contenant la Sympathie ,
dixième édition , les Paysages en
vers, et les Tableaux de la chau-
mière. XX. Poésies, 1808, in-80.
XXL Le Contraste, poème , 1808,
iu-i 2, XXII. Le Cabinet de la poé-
PKA
i5
sie, contenant les meilleures piè-
ces des poètes , depuis Millon jus-
qu'à Beattie, 1808, G vol. in-8".
XXIII. The lower world, poème,
1810, in- 1 2. XXIV. Description
de Leamingion-Spa , dans le comté
àcfFarwick, in-12. XXV. Poèmes
et Recherches dramatiques de J.
Brackct , publiée avec sa vie , 1 8 1 1 ,
2 vol. in-12. XXVI. Pièces de théâ-
tre : la Belle circassienne , 1780,
in -8''.; cette tragédie, dans laquelle
le principal rôle fut rempli par la
comtesse de Derby, eut un grand
nombre de représentations ; — VE-
cole de la vanité , comédie, 1785,
in - 8". ; — le Nouveau cosmétique ,
1790 , in.8''. ; — le Feu et la gelée ^
opéra-comique, i8o5, in-8".j —
Hail fellow , wellmet ( le Compé-
rage, drame, i8o5, in-8°. — Epreu-
ves de l'amour, opéra - comique,
i8o5, in-8°. Quatre autres pièces
n'ont ])oint été imprimées. B-r j.
PIxAUN ( Paul baron de ) , célè-
bre amateur des arts , né, on i548 ,
à Nuremberg, d'une famille patri
cicnne, annonça , dès sa jeunesse , le
goût qui fit le charme de sa vie. Il
se rendit on Italie, où il vécut dans
l'intiraitédcs poinires les pUis distin-
gués de cette époque brillante, tels
que les Carrache , Lanfranc, Jean de
Bologne, etc.; il parcourut, pondant
quarante ans, l'Italie et rATlemagne,
pour satisfaire sa curiosité , et par-
vint à former une collection de ta-
bleaux, digne d'un souverain. Elle
venait d'être transportée à Nurem-
berg , où il se proposait d'achever ,
au milieu de sa famille , une vie que
sa passion pour les chefs-d'œuvre des
arts avait entièrement remplie; mais
quelques jours avant celui qu'il avait
fixé pour son do'part , il mourut
subitement ta Bologne, le 16 juillet
16 16. Sa collection , conservée
i6
PRA
par ses descendants, a e'tc de'critc
par de Murr, Nuremberg , 1797, in-
in-8^. ,avcc " plauch. , ce volume est
orne du ]iortrait de Paul de Praun
( Forez Mlrk , XXX , 4-5^ )• I-'t's
amateurs reclierchent encore le Re-
cueil d'estampes d'après les dessins
du cabinet de Praun , ( gravé par
Mareath et J. Thcod. Prestol) , Nu-
remberg , 1776-78, grand in - fol. ,
COI. tenant 48 pièces. — (George- An-
dreSop lime baron dePbau>), savant
numismate, de la même ramillc que
le précèdent, ne à Vienne, en 1701,
fut ministre d'état à la cour de Brims-
\vick, et mourut le 29 avril 178(3.
Il est auteur de quelques ouvrages ,
en allemand , estimés surtout des
amateurs de la science monétaire; ce
sont: I. Traitédesmonnaies,c\.\>\\n'
ci paiement des monnaies alleman-
des, anciennes et modernes , lielm-
stadt , 1 739 , in - 8». , ibid. , 1741 ,
in-8'^. : l'auteur y ajouta , en 17G8,
nn supplément, tiré seulement à 5o
exemplaires. Outrelcsmonnaies alle-
mandes, ce livre traite des monnaies
françaises , espagnoles, hollandaises,
anglaises et danoises. La troisième
édition, que l'on doit à J.F. Klot/xli,
Leipzig, 1748, in -8»., est aug-
mentée des monnaies suédoises , rus-
ses et polonaises. IL Collection nii-
jnismati'jue de Brunswick -Lune-
bourg , ou Recueil de monnaies ,
tirées des difTérents cabinets de ce
])ays, Nuremberg, 1747 , in-4*'- Hï-
Bibliutheca Brunsvico- Luncburgen-
sis , scriptores rerum Brunsv. Lun.
justn ordine dispositos cxhibens ,
VVolfenbutel , i744> "1-8". Ce livre,
qui est écrit en allemand , nonobs-
tant son titre latin , est rare ( Foj.
la Bibl. curieuse de Dav. Clément ,
V, 277 ;. L'auteur y fit , depuis , nn
supplément considérable , demeuré
inédit , aucun libraire n'ayant voulu
PRA
s'en charger. Le Nouveau Mercure
d'Altona ( 1788, no. II , p. 88 )
en annonçait une nouvelle «dition ,
totalement refondue jiar Wolfram ,
qui devait paraître à la foire de Pâ-
ques de la même année. W . Galerie
complète des sceaux de Brunswick-
Lunebourg , 1779 et ann. suiv. , 9
part. in-4". , tiré à 5o exemplaires.
La seconde édition , donnée par A.
Kemer , professeur à llelmstadt ,
BrunsAvick, V789, in-8''. , est aug-
mentée d'inic Vie de l'auteur. V. Eu ,
français: Méditation sur V excellence
de la religion chrétienne ^ '7^^7 •> '""
8''.0n lui a , inal-àpropos,attribuéles
Anecdotes de la cour de France ,
sous Louis AI F Cl le régent , tirées
principalement des lettres de la du-
chesse d'Orléans ( Charlotte- Elisa-
beth de Bavière ) , avec un Essai sur
l'homme au masque de fer , Stras-
bourg ( Brunswick ) , 1789 , in-8'*.
( en allemand ). Meusel nous ap-'
prend que ce livre est du comte Aug.
Fcrd. (le Vellheim. W — s.
PRAXILLA de Sieyone cultiva la
poésie avec distinction , et florijsait ,
suivant Eusèbc , dans la lxxxii'^.
olympiade, quatre siècles et demi
avant J.-C. Elle excella surtoutdans
la composition des Scolia , sorte de
poésie qui se chantait dans les fes-
tins , suivant Athénée, qui , sons ce
rapport , la place au même rang
qu'Alcéc et Anacréon. Elle s'exerça
aussi dans le genre lyrique et dithy-
rambique. Le temps nwis a privé
de ses ouvrages. Tout ce qui s'en
est conservé se réduit à un vers d'u-
ne Ode qui portait le nom d'Achil-
le, à deux vers d'une autre Pièce,
et à trois vers d'un de ses Scolia.
Sur des fragments aussi courts , il
est impossible de se foimer une idée
du mérite de leur auteur. Antipater
nomme Praxilla dans nne de ses épi
PRA
grammes, consacrée à la gloire des
Femmes qui se sont illustrées par
leur talent poétique. Tatieii rappor-
te que sa statue fut faite par Lysip-
pe. Si — D.
PRAXITÈLE, statuaire grec, est
\m de ces maîtres éminemment il-
lustres qui ont attaché leur nom aux
grandes révolutions opérées dans
les arts. Il n'est personne , disait
Varron, quelque peu d'instruction
qu'il ait reçue , qui ne connaisse
Praxitèle. La plu])art des auteurs
anciens qui en ont fait l'éloge, le re-
présentent comme s'étant distingué
par une finesse dans les contours ,
par une grâce dans les attitudes , et
surtout par une délicatesse dans l'ex-
pression des affections douces de l'a-
rae , qui annoncent de nouveaux pro-
grès dus à son siècle, et particuliè-
rement à son génie. Une si puissante
considération doit nous faire soigneu-
sement rechercher l'époque à laquel-
le il appartient. Malheureusement
aucun des écrivains qui ont parlé
de ce célèbre sculpteur ne nous a
fait connaître ni le lieu, ni l'année
de sa naissance, ni le nom de son
maître, ni la date de sa mort. Il
est très -vraisemblable qu'il était
Athénien : ce fait semble du moins
se déduire de ce qu'il habitait Athè-
nes dans sa jeunesse. Pline le place
avec Euphranor à la civ*^. olympia-
de. S'il avait entendu indiquer, par
cette date, l'âge moyen de Praxitèle,
comme on l'a pensé généralement, il
se serait évidemment trompé. Win-
kelmauu, adoptant celteopinionsans
discussion, a supposé que, dans la
civ^. olympiade , Praxitèle était sur
le milieu de sa carrière. Il est résul-
té de cette fixation que , dans son
système, ce maître a fleuri avant Ly-
sippe. Praxitèle, suivant lui, a créé
ce qu'il appelle le beau stjle , et
XXXA'I.
PRA 17
c'est sous la main de Lysippe que
cette manière a acquis ensuite sa
plus haute perfection. Heyne , qui,
dans son traité des Epoque s de V art ^
a relevé plusieurs erreins de son il-
lustre compatriote , place également
Praxitèle à la civ^. olympiade. Ce
maître s'est trouvé par-là plus an-
cien que des artistes auxquels il a
réellement succédé, et dont les ou-
vrages laissaient encore voir des im-
perfections qui disparurent sous son
ciseau. L'universalité des modernes
s'est conformée à la doctrine de ces
deux savants. Personne n'a remar-
qué que Pline lui - même assigne
directement ou indirectement trois
époques bien distinctes à Praxitèle.
Il le place d'abord à la civ*^. olym-
piade. Il dit ensuite , au chapitre
deux du livre xxxv , que Praxi-
tèle était contemporain du peintre
Nicias , et qu'il n'était pas satis-
fait de ses ouvrages tant que Nicias
ne les avait pas recouverts de son
vernis encaustique. Or, Nicias était
élève d'Antidote et celui - ci élè-
ve d'Euphranor. Il résulte de ce fait
qu'il devait y avoir entre Euphra-
nor et Praxitèle , bien que Pline les
ait rangés sur la même ligne, une dif-
férence au moins de quarante ans, et
que, par conséquent, si Euphranor
appartient à la civ^. olympiade ,
Praxitèle doit être placé au plutôt ,
pour son âge moyen, à la cxii^. ou
à la cxiii'î. Ceci est conforme au
texte de Pline , qui dit ( liv. xxxx ,
ch. XI ), que plusieurs écrivains pla-
çaient Nicias à la cxii'-". olympia-
de j qu'il vivait encore sous Atfale
I^'"., roi de Pergame- que ce roi lui
offrit soixante talents de son tableau
représentant la descente d'Ulysse aux
enfers ; et que le peintre, déjà riche,
aima mieux faire présent de ce ta-
bleau à la ville d'Athènes, sa patrie.
i8
PRA
Cet auteur ajoute que ce Nicias est
bien celui dont il a parle à l'occa-
sion de PiaxiîMc : hic est IVicias de
quu dicehat PraxUeles , etc. L'as-
sertion de Pline, au sujet d'Attale,
renferme une erreur. Attalc ne moula
sur le trône que la seconde année
de la cxxix*. olympiade. C'est Pto-
IcmecSoter, lorsqu'il était roi d'É-
cvpie, qui offrit à Nicias soixante
talents de son tableau. Nous ne pou-
vons récuser à cet égard le tcinoi-
pnaj;e de Plutarqnc. et d'jEIien. Or ,
Ptoleniée Sotcr ne fut déclare roi
que dans la cwiii"^. olympiade. C'est
])ar conséquent vers la cxviii''. que
Nicias , dt-jà connu dans la cxii". ,
se trouvait parvenu au plus haut
degré de «a gloire. Cet espace s'c-
tend de l'an 33i à l'an 3o5 avant
J.-C. Telle est aussi l'époque où
florissait Praxitile. Ce fait resui-
te non - seulement de cc^ passages
de Pline , mais de plusieurs au-
tres jfoints historiques. Pr.usanias
dit que Praxitèle se rendit célèbre
trois générations après Alcamène.
Pline place Alcamène , avec Phi-
dias, à la Lxxxiv*' olympiade. Cet-
te fixation n'est point exacte. Al-
camène étant élève de Phidias , il
faut admettre entre eux une diffé-
rence au moins de quinze ou seize
ans ; et cela nous place au plutôt ,
pour l'àgc moven d'AÎcamènc, à la
Lxxxviii"^. olvmjiiadc. De plus, nous
savons qu'ajuès la rrutréc de Thia-
sybuleà Athènes, Alcamène exécuta
les deux statues colossales d'Hercu-
le et de Minerve, que cet illustre
banni et ses compagnons consacrè-
rent à Thèbcs , dans le temple d'Her-
cule, eu mémoire do l'iiospilalitc
qu'ils avaient reçue des ïhébains.
Or, le retour de Thrasybule date
de la première année de la xciv^.
olympiade : ce n'est donc pas trop
PRA
avancer l'àgcraoyen d'AIcamènc que
delcplacerà rolynjpiadet.xxxviii''.
^lais si , à ces quatre - vingt - huit
olympiades nous en ajoutons vingt-
trois, pour les trois générations qui
séparent Alcamène d'avec Praxitèle,
nous arriverons à la cxi'^. olympia-
de; et en effet, à cette époque, ce
dernier était jeune encore, juais il
pouvait déjà s'être illustré par de
grands ouvrages. Rien n'est plus
connu dans les anecdotes des arts
que l'amour de Praxitèle pour Phry-
në. Sa liaison avec cette courtisa-
ne ne se bornait point à un simple
commerce de galanterie : elle était
fondée sur une passion réciproque,
que Phryné ne désavouait point , et
dont, au contraire, elle tirait vani-
té. Il dut par conséquent y avoir en-
tre ces deux personnages des conve-
nances d'âge, autant (|ue des rap-
j)orts d'esprit et de goût. Or, c'est
dans la cxi''. olympiade qncPiiiyné
brillait de tout l'éclat de la jeunesse et
de la beauté. C'est dans la deuxii-me
année de cette olympiade qu'Alexan-
dre détruisit la ville de Thèbcs ; et
c'est aussi vers ce temps , que Phry.
nédiit offrir de la reconstruire. Cette
jactance , brillante à quelques égards,
n'aurait dû paraître que hoiilensc et
ridicule , si lorsqu'elle amusa la
Grèce , Phryné eût déjà été sur le
retour. C'est pareillement dans la
CXI*, olympiade qu'Apclles vil cette
beauté célèbre sortant des eaux de la
mer, aux fêtes d'Eleusis, et qu'il
peignit , d'après ce modèle, sa Vé-
nus Anadyomène. Cette date est obli-
gée en ce qui concerne .4 pelles ; car
auparavant il c tait encore à l'écolcdc
Parapluie, où il n'entra, comme l'on
sait, qu'après avoir reçu des leçons
d'Ephore dans la ville d'Ephèse ; et
il partit pour l'Asie, à la suite d'A-
lexandre, d'où, après la mort de ce
PRA
prince, il se rendit à la cour d'Autijço-
iie et à celle tle Ptolcine'c. La passion
de Praxitèle pour Plirynë , doit da-
ter de cette époque : elle continua les
années suivantes , et donna occasion
aux trois statues de Vénus , et aux
deux statues de Pliryné elle-même ,
que Praxitèle modela d'à près sa maî-
tresse. Théophraste enfin, par son
testament , que Diogène Laërce nous
a conservé, légua aux philosophes
Péripatéliciens un jardin où ils pour-
raient se livrer à leurs études, et
dans lequel il voulut être inhumé.
Auprès de ce jardin , il avait l'ait éle-
ver un temple et un musée , ornés
de staiucs , de tables géographiques
et d'autres monumeiits. Tous ces ou-
vrages ne se trouvaient pas terminés
au moment de sa mort. Il ordonna
qu'une statue d'Aristote, déjà exécu-
tée , serait placée dans le temple. Il
avait en outre demandé à Praxitèle
une statue , grande comme nature,
de ISicomaqnc, fils d'Aristote; déjà
il avait payé à cet artiste le montant
du modèle en argile : le marbre n'é-
tait pas achevé; il chargea ses exé-
cuteurs testamentaires de faire ter-
miner cette statue par le même
sculpteur, et d'act|uitler le restant
de la dépense. Or , Théophraste, qui
l'ut le successeur d'Aristote, comme
chef de l'école des Péripatéticiens
dans la cxiv^. olympiade, mourut
la 3^. année de la cxxiii''. Rien ne
peut faire présumer que son testa-
nu'ut soit de beaucoup antérieur à sa
mort : il est évident , au contraire,
que Diogène Laërce n'aurait pas pu-
blié ce testament , si Théophraste
eiit exécuté lui-même les opérations
dont il chargeait ses héritiers. On ne
peut douter, d'un autre coté, que le
Praxitèle dont il s'agit , ne soit bien
l'auteur de la Vénus de Guide ; car il
n'a existé dans l'antiquité que deux
PRA
ïO
sculpteurs de ce nom, ainsi que nous
le prouverons tout-à-riieiiro par un
passage d'une scholie de Théocritc ,
qui le porte textuellement; et le se-
cond de ces deux maîtres , qui était
en même temps ouvrier en argent ,
florissait au temps dcGicéronct de
Pompée. Il est par conséquent cer-
tain que Praxitèle , l'auteur de la
Vénus de Guide , vivait cucore dans
la S*^, année de la cxxiiic. olympiade.
Ces synchronismes assignent des da-
tes à chacunedes principales époques
de sa vie. On peut placer sa nais-
sance vers la 4*^- année de la civ'^.
olympiade, c'est-à-dire, à l'an 3(3i
avant J.-G. : c'est la date de sa nais-
sance que Pline a prise pour son âge
moyen. Dans la cxi". olympiade,
lorsqu'il conçut sa passion pour
Phryné, il était âgé de vingt-six ans
environ ; et en l'an 280 avant J.-C.,
lors de la mort de Théophraste , il
en avait soixante-quinze. Si l'on veut
comparer l'état des arts et de l'ins-
truction publique , entre Athènes et
Rome, on trouve que Praxitèle na-
quit l'an 3c)3 de la fondation de celte
dernière ville , et qu'il était jîarvenu
vers la fin de sa carrière en l'.:.onée
468. La fixation de l'âge de Pra.li-
tèle nous montre pourquoi Alexan-'
dre lui préféra Lysinpe, loisqu'il
choisit un sculpteur qui fût seul au-
torisé à représenter son image. Ly-
sippc qui exécuta, dans la eu'', olym-
piade , la statue de l'athiète Pyrrhus
d'Élée , et qui vivait encore dans la
CXTV'-., lors de la bataille de Lamia,
ne pouvait pas être âgé de moins de
cinquante-neuf à soixante ans , lors-
qu'Alexandre partit pour la guerre
d'Asie; tandis que Praxitèle n'en
avait alors que vingt-sept ou vingt-
huit; et l'on conçoit qu'Alexandre dut
préférer un maître illustré par plus
de quarante ans de travaux, et jouis-
20
PRA
sant d'une imnïCDse rcpulalion , à un
jeune homrac dont le nom était en-
core loin d'avoir un si grand éclat.
Le fait rapporte par Pansanias , que
les habitants de Thespies , après
avoir consacré la statue de l'Amour,
de Praxitcle , dans le temple de ce
dieu , V plactrenl une autre statue de
la même divinité, de la main de Ly-
sippe, ce fait ne change licn à la
chronologie de ces deux maîtres ,
puisque Lysippe exerçait encore son
art dans la cxii^. olyrapia.le, lors du
passage du Granique , et même dans
la cxiv*. Un passage où Vitruve dit
que Praxitèle sculpta un des quatre
côtés du tombeau de Mausole , s'ex-
plique par lui-même ; car l'auteur
ajoute: D^aiiires croient que ce fut
Timothée. Quelques-uns des ouvra-
ges de Braxitèle se rangent, sinon
d'une manière absolument certaine ,
du moins avec toute apparence de
vérité , sous des dates qui corres-
ponilent à celles que nous venons
d'établir. Les sculptures, apparem-
ment en bas-relief, qui , suivant le
témoignage de Slrabon , couvraient
presi|uc en entier l'autel du temple
d'Kpiièse , ne furent exécutées , sui-
vant les écrits du même auteur ,
qu'après que les reconstructions du
temple eurent été achevées. Or l'in-
cenJie qui le ravagea, eut lieu la pre-
mière année de la cvi'^. olympiade.
On voit que vingt.drux ans après , ou
la seconde année de la cxii*=. , lors-
qu'Alexandre alla y sacrifiera Diane,
les travaux étaient terminés ou sur
le point de l'être , puisque déjà on y
avait placé une statue de Philippe ,
roi de Macédoine ; mais ils ne durent
pas être achevés long-temps aupara-
vant. Nous pouvons donc admettre
que les sculptures de Praxitèle , pla-
cées days ce temple , appaitieiment
à la cxi*^. olympiade ou tout au plus
PRA
à la ex*". Le Satyre d'Athènes et le
Cupidon de Thespies , furent aus-
si au nombre des productions de
sa jeunesse. II donna ce dernier
chef - d'œnvre à Phryné ( Foyez
ce nom , XXXIV , 24^ ) ; et par
une suite de ces habitudes des Grecs,
chez qui des idées élevées s'unis-
saient si fréquemment atix égare-
ments des passions et aux excès
même de la licence , elle en fit
hommage à la ville de Thespies , sa
p.itrie, qu'Alexandre venait de dé-
vaster. 11 fut consacre dans un an-
cien temple de l'Amour; et grâces à
cette destination religieuse, il deviot
une sorte de dédommagement pour
une ville <]u'av.iit ruinée le (1 eau de
la guerre, et que, sous le gouver-
nement des Romains, des oppres-
seurs avides dépouillèrent successive-
ment de tout ce qu'elle renfermait de
précieux. Thespies n'est plus rien ,
dit Cicéron : mais elle conserve le
Cupidon de Praxitèle ; et il n'est au-
cun voyageur qui n'aille la visiter
pour connaître cette belle statue. Cet
Amour était en marbre : ses ailes
étaient dorées ; il tenait son arc à la
main. Caligula le fit transporter à
Rome ; Claude le rendit aux Thes-
picns : Néron les en priva de nou-
veau j il fut alors placé sous les por-
tiques d'Octavie, où, peu de temps
après, un incendie le détruisit. Il pa-
raît que Praxitèle exécuta deux au-
tres figures de l'Amour , toutes deux
en bronze , soit que ces figures fus-
sent de simples répétitions de celui
de Thespies , soit qu'il eût change
ffuelque chose dans la composition.
Elles sont mentionnées , l'une et
l'autre , dans les descriptions de
statues antiques de Callistrate. La
ville de Parium, dans la Propontide,
possédait uneautre statuedel'Amoin',
delà main de Praxitèle. Celle-ci était
PRA
en marbre, comme celle de Thespics :
c'est celle qui enflamma , disait-on ,
la passion d'Architas de Rhodes.
Lorsque Ne'ron enleva celle de Thes-
pies , les habitants en firent faire une
copie aussi en marbre, par un sculp-
teur athénien , nommé Ménodore ,
à qui Pline attribue quelques autres
ouvrages. C'est enfin une autre ré-
pétition en marbre de la statue de
Thespies , et de la main de Praxitèle,
que Verres ravit à Heïus , riche ci-
toyen de Messine , et dont il orna
son musée. La multiplicité de ces ré-
pétitions nous dit assez quelle estime
avait obtenue le monument original.
Le Satyre ou le Faune auquel Phry né
préféra le Cupidon , fut placé à Athè-
nes , dans un temple situé sur la rue
des Trépieds. Il était en bronze; sa
réputation , accrue de jour en jour ,
le fit surnommer Périboëtos ou le
Célèbre. Ce fut sans doute , aussi ,
pendant la jeunesse de Phryné , que
furent exécutées les deux statues de
Vénus qui illustrèrent la ville de Ces
et celle de Cnide. La première était
vêuie , la seconde était nue. On sait
quelle fut l'admiration de l'antiqui-
té pour ce dernier chef - d'œuvre. Le
Jupiter de Phidias , et la Vénus de
Cnide, de Praxitèle, paraissent avoir
été regardés , dans des genres diffé-
rents, comme les deux productions
les plus achevées de la sculpture
grecque. Tout le monde connaît ce
mot de Pline : De toutes les extré-
mités de la terre , on navigue vers
Cnide , pour y voir la statue de Vè'
nus. Le roi Nicomède offrit aux Cni-
diens , s'ils voulaient la lui céder ,
d'acquitter, en échange, la totalité de
leurs dettes ,qui étaient fort considé-
rables. Ils refusèrent cette proposi-
tion ; et c'est avec raison , ajoute
Pline , car ce chef-d'œuvre fait la
splendeur de leur ville. Une troi-
PRA
21
sième statue de Vénus , Ixireillcment
eu marbre , se voyait dans la ville
de Thespies. Les deux statues de
Phryné datèrent à-peu-près du même
temps, c'est-à-dire de la cxn^.,de
la cxiii^ onde la cviv®. olympiade.
Phryné devait être jeune encore ,
mais il fallait aussi que sa renommée
l'eût dès long-temps ennoblie aux
yeux de la Grèce, lorsqu'elle osa
ériger elle-même sa statue dans le
temple de Delphes. Cette statue était
en bronze doré : elle fut placée en-
tre celle d'Archidamas , roi de La-
cédémone , et celle de Philippe , père
d'Alexandre, Sur la base était tracée
cette \uscr\\nïon:Phrjyné, Thespien-
ne , fille d" Epicleus. Cratès disait que
cettestatue était un trophée del'intem-
pérance des Grecs. Plutarque ajoute,
en rapportant ce mot, que Cratès
n'aurait p«s dû moins s'indigner de
voir, dans le temple de Delphes, tant
de statues honorer les guerres intes-
tines par lesquelles la Grèce avait
déchiré son propre sein , et Apollon
entouré des honteux témoignages de
l'avarice et de l'inhumanité des
rois et des peuples. L'autre statue de
Phryné était en marbre. Ce furent
les habitants de Thespies qui l'éri-
gèrent dans leur propre ville. Ils la
placèrent dans le temple de l'Amour,
auprès de la statue de Vénus, que
nous venons de citer. Une des pro-
ductions les plus considérables de
Praxitèle , ce furent les sculptures
dont il orna les deux frontons du
temple d'Hercule, de la ville deThè-
bes : elles représentaient les travaux
d'Hercule. Il est assez vraisembla-
ble qu'elles furent exécutées vers la
deuxième année de la cxvi«. olym-
piade, lorsqueCassandrerebâtitréel-
leracnt k ville de Thèbes. Mais on
peut d'autant moins l'affirmer, qu'A-
lexandre ne détruisit aucun destcm-
22 PRA
pics , ni de Thcbos , ui de Thcspics.
C'eût été un sacrilège qui l'eût ren-
du infâme aux yeui dos Grecs. Quoi
qu'il eu soit , ces sculptures furent
placées d.ms les frontons, bien lonj;-
leinps après la construction du tem-
ple , puis'jue nous avons vu Alca-
inonc orner rinte'ricur de deux sta-
tues de sa main , daus la xci V.
olympiade. Ce fait prouve que les
sculptures de Praxitèle étaient en
roudebosse . comme celles du Par-
thc'non d'Athènes ; et il confirme
l'opinion ju.stement adoptée aujour-
d'hui, (pie les sculptures (pu ornaient
les front ons(ie> te m pi es grecs, étaient
généralement en ruiide - bosse. Les
autres ouvrages de Praxitèle n'ont
point de date précise ; mais l'épo-
que où llorissait ce maître, se trou-
vant fixée, il ne s'agit plus, pour
l'histoire de l'art , tpie de con-
naître CCS cliefs-<J'œuvre , et d'en ap-
précier le mérite. On voyait à Man-
linée , dans le temple de Latone et
de ses enfants , les statues de Latonc,
de Diane et d'.Aj)ollon, posées sur
le même soubassement. Autour de
cette base étaient des bas-reliefs re-
présentant une Muse et le satyre
Marsyas qui jouait de la flûte. C'est
ce monument que Pausanias dit avoir
été sculpté trois générations après
Alcaraèiie. Dans le temple de Junon,
de la même ville, était représen-
tée Junon , assise sur un trône ,
ayant a ses côtés Hebé et Minerve.
Dans le temple de Cérès, à Athènes,
étaient placées, l'une auprès de l'au-
tre , des statues de Cérès , de Proser-
pine, et d'Jacchus, ou de V Enfant
des mystères : celui-ci tenait en
main un flambeau ; sur le mur voi-
sin était tracée cette inscription , qui
d'abord honora l'artiste, et qui en-
suite illustra le monument : Ouvrage
de Praxiltile. Hors de la porte qui
PRA
conduisait d'Athènes à Phalci'c , était
un tombeau au - dessus duquel se
voyait un guerrier armé et debout ,
auprès de son cheval. Le nom de ce
militaire était inconnu ; sa ligure et
celle du cheval étaient de Praxitè-
le. Dans la citadelle on montrait
une statue, de Diane Urcutronia, ou
Diane de la Tauride , divinité de
l)rauron , bourgade de l'Attiipie , que
la tradition attribuait au même ar-
tiste. La ville de Mégare possédait
j)lusieurs ouvrages de sa iiiaiii : c'é-
tait, dans le temple de la Fortune,
une statue de cette déesse ; dans celui
de Latone , des statues de Latonc,
de Diane et d'Apollon , peut-être des
répétitions du monument de Man'.i-
née ; dans le temple de Hacchus , un
Satyre en marbic, plari; auprèsd'une
statue de Bacchus , dont la consécra-
tion remontait aux temps liéronpies:
leSatvre tenait une coupe ipi'il pré-
seiilait au dieu; celui-ci était couvert
de vnilcs , à l'exception ilu visage :
il était honoré sous le nom de y-*rf-
trous , c'est-à-dire , Dii'inité dont
le culte vient île nus jièves ; ce qui
peut servir a prouver «pie le culte du
LSacclius des mystères était plus
ancien chez les Grecs que celui du
Bacchus dcThèbes. Dans le tamplc
de Vénus Praxis , ou Vénus Prati-
quante , de la même ville , dont la
statue était fort ancienne et en ivoire,
Scopasavaitélevé,auprèsdeladéessc,
des figures de l'Amour, du Désir et
de la Passion , génies dont le carac-
tère répondait à celui de Vénus ^ra-
tiquanle. Praxitèle rendit ce monu-
ment plus draraatifjue ; et, d'une re-
présentation peu intér^-ssante , il (it
n;i ensemble moral : d'un côté de la
déesse, il plaça Pytho ou la Persua-
sion , de l'autre, P are gare , la Con-
solation ou la Consolatrice : évi-
dente allégorie des jouissances illici-
PRA
tes où la passion cnlraîiic, expres-
sives ira.igos des séductions qui aiuc-
nent la faute , et du repentir qui la
suit. A Platc'e , dans le temple de
Juuon, étaient une statue de Jiuion
adulte, et une figure de Rliée, te-
nant dans ses mains une pierre en-
veloppée de langes , toutes deux en
marbre. A Lcbadc'c , dans la Pho-
cide , c'est une des branches des
beaux-arts , que Praxitèle fut chargé
d'honorer: dans un temple situe près
delà ville, au milieu d'un bois sacre,
il éleva nue statue à Trophonius ,
célèbre architecte, réputé fils d'A-
pollon, nn des deux frères qui aA'aicnt
bâti l'ancien temple de Dcljihes , in-
cendie la première année de la lvmi*'.
olympiade. Ce personnage , regardé
comme divin, à cause de ses talents,
tenait on main un sceptre autour du-
quel étaient entortillés des serpents ,
emblèmes de la puissance de sou
génie et de sa supériorité dans
son art. A Argos , dans le temple
de Latone , se voyait une statue
de Laîone, de la main du même ar-
tiste : à Anlicyre , ville de la Phoci-
de , une statue colossale de Diane j la
déesse tenait , de la main droite , un
flambeau; son carquois était suspen-
du derrière ses épaules ; un chicu
était à ses côtés. Des ouvrages non
moins précieux ornaient la ville d'E-
lis : dans le temple de Junon , c'était
un Mercure en marbre , portant Bac-
chus enfant ; dans le temple de Bac-
clius , c'était ce dieu lui-même, sta-
tue de bronze , que Callistrate a dé-
crite , et qu'il loue comme un chef-
d'œuvre du premier ordre. Divers
auteurs citent d'autres monuments,
qui ne paraissent pas avoir été faits
pour des temples : ce sont un grou-
pe , vraisemblablement en bas-relief,
représentant l'enlèvement de Proser-
piue; une Cércs ramenant sa fille des
PRA
23
enfers, dite par cette raison Catagu-
sa, ou celle (jiii ramène; une ligure
de Pan , portant une outre, qu'on sup-
posait pleine de vin, et appelée l' OÈ-
nophore ; une femme présentant une
couronne, appelée >S<e/;/H<5a; une fera-
me vieille et malpropre, suivant le
sens de sa dénomination, puisqu'on
l'appelait la ^);i7/07iè«e, mais qui vrai,
semblableracnt , comme il s'agit de
6culp'ure, était u o femme mal vê-
tue, et peut-cln la Pauvreté person-
nifiée ; une Niobé , souvent cclcbrée
par les poètes; des figures do nym-
phes , des Menadcs , une Danaé. Pli-
ne cite d'autres ouvrages, statues ou
bas-reliefs, qu'on voyait à Rome de
son temps ; savoir : une Vénus , dans
le temple de la Félicité; un Tripto-
lème, une Cérès, il nomme aussi une
Flore , dans les jardins Servilieus ;
une figure de la bonne Fortune, et
un dieu Bonus d'cnlus, au Capitole;
un Silène, un Apollon, un Neptune,
dans les édifices d'AsiniusPoUion • et
mie des figures les plus ingénieuses
pour la composition , les plus élé-
gantes pour les contours, les plus cu-
rieuses dans sa signification mytho-
logique que puisse avoir créées le ci-
seau de Praxitèle : nous voulons par-
ler du jeune Apollon, appelé vulgai-
rement au temps de Pline, le San-
roctone ou le Tueur de lézards. La
tradition attribuait enfin à Praxitè-
le des statues des douze Dieux, que
l'on voyait à Mégarc, dans le tem-
ple de Diane prolectrice , et mê-
me deux chevaux en marbre, qui
furent placés posléiieurcmcnt sur la
porte du Panthéon d'Athènes, coijs-
truit par Adrien, et qu'on y voyait
encore, auprès de beaucoup d'au-
tres sculptures antiques , en l'an
1575. Ou sent que, dans une si
longue énumération , il faut faire
la part des traditions fausses , et
24 PRA
surtout celle de l'iiilorél il de la va-
nité , dont le génie s'est applique,
dans tous le3 temps , à donner de
g,nin Js noms à leurs propriétés pour
en accroître I.i valeur. Jamais no-
tamment Praxitèle ne peut avoir corn-
j)osë une statue de Pylore, divinité
d'origine romaine, et que les Grecs
de son temps ne connaissaient point.
Mais il faut se rappder aussi que
les artistes grecs se livraient à l'é-
tude de leur art de fort bonne
heure, et que , lorsqu'ils remplis-
saient une longue carrière , s'ils
avaient auprès d'eux , comme Poly-
clcte, de nombreux élèves, ou, com-
me Praxitèle, des fils qu'ils associas-
sent à leurs travaux, ils pouvaient
facilement produire un très-grand
nombre d'ouvrages. Le nom de Pra-
xitèle, dans la sculpture, cl celui
d' A pelles dans la peinture ( nous
avons vu que ces deux maîtres étaient
parfaitement du même âge ) , ces
deux noms , disons-nous , signalent
une époque trop brillante dans l'his-
toire de l'art grec, pour que nous ne
devions pas nous aj)pliquer à con-
Daître exactement le genre de mérite
du célèbre sculpteur qui est le sujet
de celte notice. Les éloges que lui
ont accordésles anciens, difTerent es-
sentiellement de ceux qu'ils ont don-
nés à Phidias, et à Polyclèle, chefs
des écoles précédentes. Ils admi-
rent dans les ouvrages de Phidias,
l'élévation de la pensée, la gravité,
l'ampleur , la majesté du style. Dans
ceux de Polyclèle, quoique les per-
sonnages soient généralement plus
jeunes , ils reconnaissent la même
dignité, la même grandeur, accom-
pagnées d'une correction plus ha-
bituelle, et surtout d'une élégance
plus soutenue. ÎNLiis durant les cent
quarante huit ou les cent-cinquante
années écoulées de la mort de Phi-
PRA
dias à celle d'Apelles et de Praxitèle,
l'art, abstraction faite du génie des
maîtres , s'était honoré par de nou-
veaux progrès. La grâce et l'expres-
sion, objet particulier de l'attention
de ce grand peintre et de ce gr.iud
sculpteur, s'étaient plus intimement
associées à la beauté des formes.
Trois qualités bien distinctes dans
les portraits que les anciens nous ont
tracés de Praxitèle, formaieiit l'at-
tribut particulier de ce maître : l'une
était une parfaite vérité dans l'imita-
tion, ou eu d'autres termes, une fi-
délité du ciseau , qui représentait
l'extérieur du corps humain , sim-
plement et noblement, et cependant
avec toutes les inflexions qui sont le
signe de la vie, qualité fondamentale
dont la correction est inséparable ,
et qui n'est, à proprement parler,
qu'une correction achevée; l'autre
était une élégance , une délicatesse
dans les contours, propres à embellir
au plus haut degré les figures des
déesses et celles des jeunes dieux; la
troisième enfin était l'exprosion des
émotions douces de l'ame. Le sl)le
de Praxitèle était fin, noble, soute-
nu; il n'avait rien d'austère, ni mê-
me de très-ressenli. On ne cite de lui
aucune figure ni d'Hercule, ni de
Jupiter. 11 ne tenta point celle ex-
pression d'une douleur violente, où
Agcsander devait exceller trois cents
ans après lui , el qui fut le dernier et
le plus miraculeux e/Torl i\n ciseau
grec. Vérité , grâce , ex pression tem-
jiérée, tels fuient les titres de gloire
du rival d'Apelles , el tels furent aus-
si les riants objets auxquels ces deux
grands maîtres atlathèrent le goût et
l'étude de leur siècle. « Ly-)ippc et
» Praxitèle, dit Quintilien se sont ap-
» proches de la vérité au degré le plus
» convenable. » IMot remarquable ,
par lequel Quiiitilicn, en répélaut une
PRA
opinion (Icveiuie générale, loue ces
de-'X maîtres de représenter fidèie-
luent le vrai, en ne saisissant toute-
fois que le nécessaire ; de rejeter les
détails inutiles et minutieux ; d'ê-
tre animés sans cesser d'être tran-
quilles, expressifs sans cesser d'être
grands. L'airain s'amollit sous la
main de Praxitèle, dit Callislrate ; il
s'anime , il devient une ch;iir moel-
leuse, il trompe les sens. Ce Bacchus,
ajoute t-il , ne marche point, mais
on sent qu'il est prêt à marcher. Les
prosateurs et les poètes s'expriment
à cet éaard dans les mêmes termes.
« Vénus est vivante à Cnide, dit ]Maxi-
» me de Tyr ; elle respire dans le
» marbre. Les dieux, dit un poète,
» avaient changé Niobé en pierre :
» Praxitèle, animant cette pierre, a
» fait revivre Niobé. » Même admi-
ration pour le style. « Toutes les
» beautés qui embellissent l'Amour,
» se retrouvent dans son image, dit
» Callistrate; je reconnais ici le raaî-
M tre des dieux. — Paris , Achille,
» Adonis, ont dévoilé mes charmes ,
» disait Vénus ; mais Praxitèle , où
» m^a-t-il vue? — A l'aspect de la
» déesse de Cnide, Minerve et Ju-
» non se dirent l'une à l'autre :
j> N'accusons plus Paris. » — Mê-
me enthousiasme pour l'expression
des afTcctions de l'ame. Suivant Dio-
dore de Sicile , Praxitèle excelle
à rendre sensibles les émotions du
cœur : « dans les yeux de rcBac-
•.) chus, se manifeste le trouble de
» l'ivresse , dans son sourire le sen-
» timcnt delà volupté. » C'est enco-
re ainsi que s'exprime Callistrale. —
« Sa Danaé est belle ,dit un poète...
» mais ses nymphes inspirent la gaî-
» té. — Dans la grâce de cette figure
» de Vénus , dit Pline , on reconnaît
» la cause de la passion de Praxitèle
» pour Phryné; dans l'expression du
PRA
25
» visago,le motif de son cspéran-
» ce. » D'accord avec les poètes , Ci-
céron regarde les têtes de Praxitèle,
c'est-à-dire, l'expression qui les ani-
me, Praxitelia capita, comme une
des créations les plus admirables et
les plus difficiles où puisse atteindre
l'intelligencehumaine.wOnvoitdans
» le temple de Cnide, dit encore Pline,
» un Bacchus de Bryaxis , un Mercu-
» re de Scopas : le plus bel éloge de
» Praxitèle , c'est qu'en présence de
^) ces beaux ouvrages , on n'est occu-
» péque de sa Vénus.» En admettant
qu'il faille retrancher quelque cho«e
aux exagérations des poètes, toujours
est-il certain qu'd a dû y avoir, dans
les ouvrages qui en étaient l'objet , un
mérite particulier et transcendant,
par où ils surpassaient tout ce qu'on
avait le plus admiré jusqu'alors. Il
paraît prouvé , par cette opinion una-
nime de l'antiquité, que Praxitèle
s'éleva au - dessus de Phidias et de
Polydète , en deux points , savoir r
la finesse des contours etl'expressioa
des alTections tempérées, qui offrent
un caractèredistinctif , telles que l'a-
mour, le désir, la joie, la tristesse.
Occupés des grandes améliorations
qu'ils opéraient dans le dessin, Phi-
dias et Polyclète n'avaient pas por-
té l'art jusqu'à cette imitation com-
pliquée; elle fit la gloire de Praxitèle.
Après tant de louanges données à ce
maître par les ecnvauis anciens , il
est naturel de se demander si le temps
a respecté quelqu'un de ses ouvra-
ges : aucun ne paraît être parvenu
jusqu'à nous. La Vénus de Cnide,
ayant été transportée à Constanti-
nople , y périt , en même temps
que le Jupiter Olympien de Phi-
dias , la figure de l'Occasion , de
Lysippe , et un grand nombre d'au-
tres statues, dans un incendie qui
eut lieu vers l'an 475- Nous ne
a6
PRA
connaissons jusqu'à prosent que des
copies des ouvrages de Praxitèle;
laais rnuthenlicilc en est incontes-
table. On rej;arde gciieraleuient lo
(iiipidoM du \ atic.in, conserve long-
fc'nips dans le Musffe français , sous
1»' n". (33 , couirnç une copie antique
de celui de Thespies. J.B. Visconti,
père d'Hnnius Quirinus , était plus
porté à le croire une copie de celui
de Parcs ( Mus. Pio - Clem., tome
I , pi. XII ). Il serait dilllcile de pro-
I loiicer entre ces deux opinions. Seu-
Joment la multiplicité de ces imita-
lions , toutes semblables l'une à l'au-
tre, prouve qu'elles ont ètè exécutées
d'après le même original, lequel ne
jpeut être qu'un des Cupidons de Pra-
;xitèle, et vraisemblablement le plus
/Célèbre. D'Hancarvillc cite une de
«ces copies antiques, qu'il dit la plus
Ibellede toutes celles qu'il avait vues,
et qui se trouvait, de son temps, en
Angleterre, dans la collection de M.
Towneley ( Bech. sur l'origine des
arts delà Grèce, tome i,pag. 345).
— I^e FauRc en repos, qu'on a vu
ausi4 dans notre Musée, sous le n».
5o, et dont il existe un grand nom-
bre de répétitions, est regardé com-
me une copie de son Faune ou de
6011 Satyre Périboëtos , ou le Célè-
bre, Les Grecs désignaient par le
nom de satyres les personnages agres-
tes que nous appelons des faunes ;
et ils ne donnaient des jambes de
chèvres qu'aux panisques. Cette opi-
nion sur le Périboètos est celle
de Winkelmann ( Histoire de l'art ,
livre i\-, chapitre 2 ) , et de Vis-
conti ( Musée Pio-Clcmenlin ). On
voit à Home, dans le Musée du Va-
tican et dans divers palais, un grand
nombre de statues qui sont évidem-
ment des copies de la Vénus de Cni-
de. Il en a été publié une, dans le
Musée Pio • Clément in ( tome i , pi.
PRA
XI ). Elle a été gravée avec une dra-
perie, tpii n'est (pi'une pièce de rap-
port. Nous possédons à Paris, dans
le jardin des Tuileries, sur la ter-
ra-ise du midi, une cojne en bronze
de cetic statue du Vatican : elle est
nue; mais l'artiste qui l'a moulée, a
supprimé le vase sur lequel la Vénus
de Cnidc tenait sa draperie suspen-
due. L'authenticité de toutes ces co-
{>ies est prouvée par leur ressem-
)lance avec la figure de Vénus, re-
présentée sur plusieurs médailles de
la ville de Cnide. Nous possédons
dans notre Musée royal ( n". Gq),
une Tète antique de marbre, que
Visconti regardait comme ayant ap-
partenu à tuie copie de la Venus
de Cnide, et qu'il trouvait, d'une
lenuté dii'ine. Klle faisait partie de
la c(»llection Horghèse {Stanz. \ ,
n". -if}]. Le buste drapé aiupu-l elle
est adaptée est un ouvrage du dix-
septième siècle. Les voyageurs et les
antiquaires citent comme un chef-
d'œuvre de la plus rare beauté , une
Tête semblable à celle - la et eu
bronze, qui se voit en l'Espagne, au
château royal de Saint - lldcfonse.
La même Tête se retrouve, vue de
face , sur deux beaux médaillons
d'argent de la ville dr Cnide, tlifFé-
rents l'un de l'autre, tous deux tiès-
rares, et vraisemblablement uni(pu's.
L'un des deux fait j)artiede la riche
collection de M. Kiiight,à Londres;
l'autrcaétédécouverttoutréreinment
dans l'Asic-Mineure : il apj)articntà
un amateur de Paris (i). Mais, detou-
tes les copies an tiques des ouvrages de
Praxitèle , il n'en est point de plus
curieuse et de plus intéressante que
celle de son jeune Apollon, aj)pelc
le Sauroctone. L'authenticité de ces
deux dernières figures est indubi-
(i) M.RoUin, au Palais Ruy il.
PRA
table , soit à cause de la descrip-
tion que Pline a laite de l'original ,
soit par la ressemblance qui existe
entre elles. De plus, elles sont d'u-
ne conservation presque parfaite ;
elles n'ont été reslaure'cs que dans
quelques extrémités : les têtes, no.
tammcnt, en sont antiques. Celle
de bronze, qu'on voyait dans la vil-
la Albani, ne saurait être l'original
de Praxitèle, comme le présumait
Winkclmann {Monwn. iiied., n^.
4o ) ; elle laisse trop à désirer pour
cela : mais elle a servi à constater la
fidélité des autres copies. Celle que
nous possédons dans notre IMuséc
royal , et qui est en marbre ( n^. 19
du Catalogue actuel), est une des
mieux conservées ; elle vient de la
galerie Borghèse {Stanz. 11, n°. 5).
Il y en a une, aussi en marbre, dans
le Musée du Vatican ( Mus. Pio-
Clem., tomei, \A. xiii). Il en existe
plusieurs autres. Quelques - uns de
ces monuments sont habilement cra-
vés , dans le Musée français^ publié
par MM. Robillard - Péronville et
Laurent , et dans le Musée des anti-
ques, publié par M. Bouillon. Ces
diverses copies nereproduisont point
sans doute les ouvrages de Praxitèle
dans toute leur beauté; mais elles
suffisent pour nous donner une idée
des qualités qui distinguaient son sty-
le. La tête de la Vénus de Guide, no-
tamment, et l'Apollon dit Sauroc-
tone, de notre Musée, malgré quel-
ques imperfections qu'on remarque
à regret dans cette dernière figure ,
nous mettent à même d'apprécier
avec justesse l'élégance, la finesse et
l'esprit que les anciens admiraient
dans les chefs-d'œuvre de ce célèbre
artiste. — Praxitèle eut deux fils, qu'il
instruisit dans son art, Cépbisodotc
et Eubulus, Cépliisodote ou Céplii-
sodore, fut le plus illustre ( F. Ct-
PRA
'J7
piiisodore). Il paraît avoir travail-
lé à la cour des rois de Perganie. Le
nom d'Rubulus, aveclaqualificatioa
de fils de Praxitèle , se voit sur ua
Hermès , placé autrefois à la Villa Nc-
groni {Mus. Pio-Clem., tome vi ,
pi. 2T , pag. 36 ; Cayliis, ^cadéiii.
des inscript., tome xxv, pag, 333).
Les deux frères travaillaient quel-
quefois en commun. Ils exécutèrent,
notamment de celte manière, une
statue de Bellone, placée par les
Athéniens dans le temple de Mars,
et une statue de Cadmus, dans la
ville de Thèbes. Praxitèle forma
aussi \\n élève, nommé Paniphile,
auteur d'une statue de Jupiter bos-
pilalicr , qu'on voyait à Rome , au
temps de Pline, dans les jardins d'A-
sinius Pollion. — Il y eut un second
Praxitèle, modeleur en argent, cé-
lèbre par la beauté de ses bas- re-
liefs, Pline le dit contemporain de
Pompée. Nous savons d'ailleurs qu'il
représenta, dans nnedescs compo-
sitions, l'aventure qu'on racontait de
l'acteur Roscius , contemporain lui-
même de Pompée et de Cicéron : il
s'agit de Roscius enfant, entouré ,
dans son berceau , par un serpent qui
reposait contre sou sein : c'est Cicé-
ron qui rapporte ce fait. Théocrite
(Idylle cinquième), place dans la
bouche d'un de ses bergers, l'éloge
d'un vase dont il attribue le tra-
vail à Praxitèle. Le scboliaste dit, à
cette occasion , qu'il a existé deux
artistes de ce nom : V ancien, qui
était , dit-il , statuaire; et le nouveau,
qui était sculpteur d'ornements; et il
ajoute que ce dernier vivait sous le
roi Démétrius , et que c'est de celui-
là que parle Théocrite. Il faut dis-
tinguer deux parties dans cette scho-
lie, celle où l'aateur dit qu'il a exis-
té deux Praxitèle, et celle où il pa-
raît croiîc que Théocrite parle du
28 PRA
second. En distinguant deux Praxi-
tèle, et en n'en distinguant (jne deux ,
le scholiastc couliiiue ce qui a clc
dit ci-ilessus , que le Praxitèle, nom-
me dans le testament deTheophras-
ic, est bien l'auteur de la Venus de
Cnidf; et que , par conséquent, ce
maître vivait encore la troisième an-
née de la oxM!!'. olympiade, 28(3
ans avant J, C. Le système chrono-
logique que nous avons voulu éta-
blir est par-là pleinement confirme';
et l'époque où Uorissait ce grand ar-
tiste , ne saurait présenter désormais
aucun sujet de doute. Quanta ce que
l'auteur ajoute, que le ^econd Praxi-
tèle vivait sous le roi Dt-mètrius , et
que c'est de celui-là que Tlicocrite a
voulu parler, il y a dans ce passage
une erreur e'vi lente. Les deux Pra>ki-
tcle vivaient l'un et l'antie sous un
roi Dcmctiius, savoir , le statuaire,
sous Demelrius Poliorcète, fds «l' An-
tigène, et contompoiain de Plolé-
mceSoter ; et le sculpteur d'orne-
ments, sous Demelrius III , qui était
lui même contemporain de Ciceron
et de Pompée. Or, Tlièocrile, cpii Uo-
rissait sous Ptolèméc Sotcr , et sous
Ptolémée - Pluladelphe, ne saurait
avoir parlé que du statuaire. Rien ne
prouve, à la vérité, que celui-ci ait
jamais scidpté de vases ; mais com-
me le remarque très-justement le
mèinescliuliasteje passage deXbéo-
«rite ne signilic point que le cratère
«lont parle le berger Comatas , exis-
tât réellement. Le poète emploie
le nom de Praxitèle, pour relever
le mérite du présent que ce berger
veut offrir à sa maîtresse. C'est une
manière détournée de louer un artis-
te qu'il pouvait avoir connu dans ses
jeunes ans , et dont le nom excitait
depuis long- temps l'entliousiasme
de la Gicce (2\ R— c D — n.
,i' C«t «rtide tM e»lr«it, jiii>i<{uc ccu» Jï l'h.-
PRA
PRAY (Geobge), savant et la-
borieux historien, naquit le ii jan-
vier i"j-î3 , a Krsek- Ljvarini, dans
le comté de Neytra , en Hongrie ( i ).
Il embrassa l'inAtitnt de Saint-Ignace
dès qu'il eut terminé ses études : il
enseigna sucressivemcnt les belles-
lettres , la philosophie et^la théolo-
îiie, dans dillérents collèges , et se
dislin^iua surtout comme professeur
de poésie au Themictniim , à Vien-
ne. A la suppression des Jésuites , il
fut nommé conservateur de la bi-
bliothèque rovalede Rude , et histo-
riograplie du royaume de Hongrie,
avec un traitement honorable. Les
talents dont il fit preuve , lui mé-
ritèrent bientôt irilluslres protec-
teurs : comblé des bienfaits de l'im-
pératrice Marie - Thérèse , et du
prince de Kaunitz, il fut nommé par
l'empereur Léopold , chanoine du
grand Varaflin , et obtint de l'em-
pereur François II ( aujourd'hui
léguant ) , la riche abbaye de Tor-
mova. Pray mourut à Pesth , le 7.3
septemb. iHoi. L'académie de cette
ville Ht célébrer ses obsètpies avec
la plus grande pompe. Outre quel-
ques Ouvrages (lepolémifpie , et des
vers latins , entre autres un Poème
à l'impératrice de Russie, qui l'en
récompensa par le don d'une mé-
daille d'or , on a de lui : 1. De it.sli-
tulione ac venntu falcnnum lihii
rfuo,Tyrnau, i'].\(), in-8". Les cri-
tiques allemands parlent de ce poè-
me avec éloge. IL Annales veleium
dias ^t àr% dfui Pnlyclrle, d'un oiiTrag' iii< dil <lr
routeur intitule: Hiiloire Chronologique de la Sculp-
ture ancienne conjirmie par lei monumtnit.
(i) I>ef biographra allrmandii varinnt liraiiruup
lur la date rt le lieu de naiiitaoce de rr «avrfnt je'-
fruite : n'Mi* airoD* Riiivi la nritire aullH'nlHjuf rlfitmee
en iBiti , par »im confri re <!aballeto, d.inn l'Apprii-
dit au i«. Siipp'i'uKDt du hiMiniherit trnplrrum
'OC, Jefu, d'aj>r<'« la biographie s^ifcialt de Pray,
eompoMrr par Michel Pailner.
PRA
Ifiinnorwh , Avanan et ffungaro-
I niin ah anno ante Christ. -2 1 o ad
annum Christigg'j , Vienne, i'jOi ,
in-fol. L'auteur déclare, dans la pré-
face, qu'il a reçu de grands secours,
pour ce travail, de son confrère le
savant Erasm. Froelich ; il a beau-
coup profité de V Histoire des //uns ,
par de Guij;nes. 111. Dissert ationes
historicu-criticœ in annales veleres
//unnorum , ibid. , 1774 » in-fol. Ce
volume contient des Dissertations, au
nombre de dix , pleines de rcclier-
clies et d'érudition. IV. Annales
regum /lungariœ ah annoChr. 997
usque ad annum i5()4 deducli ,
ibid., i7()4-7o, 5 vol. in-fol. Ces
trois ouvrages ne doivent point cire
séparés ; mais le Recueil en est très-
rare en France. V. Epistola res-
ponsoria ad Dissert ationem apolo-
^eticani Innocenta Desericii.... de
initiis ac majonbus Ifungarorum ,
Tyrnau , 176'^, in-8°. VI. Episto-
la responsoria in parlem primant
Dissertationum Bened. Cettn^ ibid.,
1 768 , in-S». VII. FitiP sanclce Eli-
sabethœ viduœ et B. 3/argaritœ
virginis , ibid., 1770. Vlll. Dis-
sertatio historico-criiica de sacra
dextrd D. Stephani , priini //unga-
riœ régis, Vienne, 1771, iu-4".
W.Disserlatio deprioratu Auranœ^
ibid., 1773, in 4". X. Dissertalio
de sancto Ladislao rege , Pcsth,
1774, in-4*'. XI. Disserlationes
historico-criticœ de sanctis Salo-
inone rege et I/emerico duce //un.
garice , ibid., 1774, in-4". XII.
Spécimen hierarchiœ //ungaricœ ,
j ibid. , 1776-79, 2 vol. in-40. XIII.
Index variorum ïihrorum hiblioth.
universitatis Budensis , Bude , 1 780-
8r , 2 vol. in-4'*. XIV, Imposturœ
218 in Dissertatione.... Benedicti
Cetto de Sinensium imposturis ,
détectée et convulsœ ,Yi\\à.c. 1781,
PRE
29
in-8'\ On trouve à la suite, les let-
tres inédites du P. Hallcrstein , mis-
sionnaire à la Chine. Dans une deuxiè-
me réponse à Cetto , publiée en 1 789,
Pray donna un précis de la contro-
verse sur les rits chinois ( f. JMai-
GROT ) ; et il traita, peu après, le
même sujet avec un grand détail, en
allemand, Augsbourg , 1791-92,
3 vol. in-8^. XV. //istnria resum
TT • • •
Hunganœ stirpis Austriacœ , ibid.
I 799 , in-8". XVT. /lisloria regimi
//ungariœ cum nutitiis prœms ad
cognoscendum velerem regni sta-
tum pertinentibus .ih'id. , 1801, 3
vol. in-S". C'est l'abrégé du grand
ouvrage de Pray ; il est très-esfimé.
XVII. De sigillis regum et regina-
rum /{ungariœ pluribusque aliis
syntagma ,\h\à. , 1 8o5 , in-4^. I/au-
teur a laissé un grand nombre d'au-
tres ouvrages , et plusieurs manus-
crits , qui ont passé dans la biblio-
thèque de l'archiduc Joseph , pala-
tin de Hongrie. On trouvera les ti-
tres des uns et des autres dans la Vie
de G. Pray , par Cl. -Michel Paitner,
et dans le Supplément du P. Cabal-
lero , à la Bibl. soc. Jesu. , 2''. par-
tie , p. 118 et suiv. L'Oraison fu-
nèbre de Pray, par l'al)bé Léopold
de Schalfralh , a aussi été imprimée.
W— s.
PRÉAU(GiBRiEL du). Foy. Du-
PRÉAU.
PRÉCIPIANO (HuMEERï-GuiL
LAUME , comte DE ) , l'un des plus
illustres prélats du dix-septième siè-
cle , naquit, en 1626, à Besançon ,
d'une noble et ancienne famille de
Gènes , établie depuis plus de deux
siècles dans le comté de Bourgogne.
Après avoir fait ses premières études
aA'ec succès , il alla les continuer à
Constance et à Louvain , et revint, à
Dole , prendre ses degrés en droit
et eu théologie. 11 fut bientôt pourvu
3o
PRE
lie riclics bénéfices . ti cnlrc autres ,
d*un canoiiical de la calhcdr.ile do
Besançon. Sis taUnls lui uu-iitcreut
rcstime de ses cuni'rcrcs, «jui le revê-
tirent , fu i(i6i , de la dij;uile de
haut-dovcn: mais la valiilite de sou
elecliuu fut cuntestec par le Saint-
Siéçe; et il n'he&ita pas à faire le
sacrifice de ses droits au maintien
de la pai\. Peu aprè5, il fut nommé
conscillcr-clerc au parlement de Ouïe,
et en itiO^, députe, avec Amhroise-
Plulippc ( F. ce nom ) , a la diète de
Ratislionne , où il se distingua par
son zcle pour la dcfeusc de*. interét5
delà province, lise rendit, en it7i,
à Madrid , pour concerter avec le mi-
nistère espagnol les mesures propres
À (;arantir la Franche Comte d'une
nouvelle inv.isiuii des Français. La
capacité qu'il montra dans celte cir-
constance , le fit de-*i^iier nicmbrc
du conseil suprême, chargé de la di-
rection des atliiires de Bourgogne et
des Pavs-Bas. Dix ans apri>a, il fut
rccom|K-usc de; ses services par l'c-
v^chc de Bruges ; et ayant pi is pos-
session de son siège, il s'appliqua
tout entier à goiiveriur son dioeève,
datas lequel il fit flcuiir le.s bonnes
nia-urs et les lettres. Son attachrnienl
f»our le troupeau que la Providence
ui avait confié, était si grand, «pril
faillit un ordre du souverain pon-
tife , pour le forcer d'accepter , eu
lGç)0, rarchrvcclic de Malines. Il
s'attacha surtout a prc"seivrr son
nouveau dioré-sc deserreurs du Quts-
Helisme, publia plusieurs lettres p.is-
torales pour mettre les fulèlcs en
parde contre les novateurs , et em-
ploya tous les moyens de douceur et
de persuasion pour ramener le P.
Quesnel avant de condamner sa doc-
trine ( r. OtnsfiEi. ]. L'inépuisable
cbarite' de ce prélat envers les y)au-
Trcs , et sa ^iélé sincère, lui iuéiilf>
PRE
rent ratlbciicu de tout son diocèse,
qu'il g04iverna pendant vingt-un ans,
avec un ù\c et une prudence admi-
rables. Il mourut à Bruxelles , le <)
juin i-ji I , à Tàge de quatre-vingt-
cinq ans, et fut transporté dans le
tombeau «pi'il s'était fait préparer
dans le chœur de la cathédrale de
Malines, à côté de celui de sou frère
Pro>per - Ambroise Pntci pi a >o ,
mort , eu 170-, lieutenant - général
des armées d'ENpagne. On trouve
son épil.iphe dan> le GalUa cliris-
tiarui. Ce prélat avait pour devise :
Aon in filadio ieii in mnnine Domi-
ni. Son portrait a été gravé par Van
Somerrn . form. in- .4". W — s.
PRKCY ! Loi is-Fn ANÇOis Phnni w ,
comte de ), d'une aneienne fimillc
du D.iuphioé que les giu-riev (\r reli-
gion fnrcèrenta se léfngier rn Bour-
gopue vers le miltpu du sei/.ième
sièele, naquit, le iri janvier 17»^,
à Semnr en Rrinnnais. Kniré, dès
r^ge de treize ans dans le réginunt
de Picardie, <lont un de ses oncle»
était colonel , il til , en Allemagne ,
les campagnes de 17"),! à 17(1^. .\ la
paix , il fut emplove à rinstrucliiui
de son corps, dont il ne larda |ias a
devenir aide-m.-jjor. ("est en cettequa-
litt qu'il fît la campagne de Corse, en
1774- Lors de la formation de.sbalail'
Ions de eha«.seuis, ru 1781,011 lui
donna le comnnudenieiil de celui des
\ osges , qui se fit remarquer par
6a bonne tenue , par sa discipline,
et surtout par le front d'.iirain qu'il
opposa aux agitateurs ilu Midi, lors
(ïvs premiers troubles de la révolu-
tion , dans Tes villes de (iolliourc ,
Lunel , Perpignan et Montpellier.
Nommé, eu 1 71) i .coloncldu ir ginienl
d'Aquitaine, Précyiefiisa celle éléva-
tion, voulant se rapprocher diiRoi,
auprès duquel seulement il croyait
qu'on pouvait servir ulilenitnl la
I
PRE
France. Celte même année il fui <ip-
pcle à Paris pour coucoiuir, avec
le iliic de Brissac, à fujincr la garde
constitutiount-ile ilc Louis X\ 1 , à
laquelle il fnt attaché, par le choix
spécial du monarque, en qualité de
lieutenant -colonel. Cet emploi lui
fournit l'occasion de donner chaque
jour de nouvelles preuves d'habileté
pour le service , et de dévouement
pour la famille royale. C'est à son in-
fluence que l'on dut, en grande partie,
le boa esprit dont se montra bientôt
animée cette nouvelle garde, mal-
gré les éléments disparates de son
organisation. On s'aperçut qu'elle
allait continuer les gardes-du-corps ;
cl comme les chefs du parti révo-
lutionnaire n'avaient détruit ceux-ci
que pour isoler le trône, ils ne tar-
dèrent pas à se débarrasser d'une
troupe dévouée , qui en aurait dé-
fendu les approches. La garde fui
licenciée; quelques débris en res-
tèrent dans la capitale. Précy , qui,
sans autre titrcapparentquesonzèle,
continuait, par ordre de Louis XVI,
un service de fidèle surveillance au-
près de ce prince et de sa famil-
le , était l'arae et le chef de ces
braves. TiC fo août, il en avait réu-
ni , ;iux Tuileries, près de cent cin-
quante , auxquels s'étaient ralliés
d'autres royalistes. Il sollicita, mais
en vain , la permission d'agir , et
combattit de sa personne dans les
rangs des Suisses. C'est là que , re-
marqué par Louis XVI , au moment
où ce prince quittait son palais pour
n'y plus rentrer, il eu fut salué
parcelle exclamation « Aul fidÈi.e
PrecyI ( I) » Échappé, comme jiar
miracle, au massacre des Suisses , et
de ses compagnons d'armes, dont
fi) Le roi Lfiuis XVUI vient d'autoriser la fa-
mlllf (iu comte de Precy à placer cea paroles jxrur
deyis© , daus s<-s nriuesi
PRE 3ï
plur, de cinquante périrent dans le
chàleau, Precy survécut à celte preu-
ve de son dévouement ; mais fidèle
à la loi qu'il s'était imposée de ser-
vir le roi, au plus près possible ^ il
crut devoir attendre, au seiti mê-
me de la France, de nouvelles oc-
casions de tirer l'épée pour les jours
de Louis XVI , ou pour les droits
de sa couronne. L'attont.it du ai
janvier ne lui laissait plus que ce
dernier espoir , lorsqu'une circons-
tance inattendue et mémorable sem-
bla lui oflVir le moyen de le réali-
ser. La France était alors livrée
aux mouvements irréguliers du fé-
déralisme, sorte d'insurrection in-
complète et bâtarde de l'hypocri-
sie politique, contre l'anarchie ré-
volutionnaire. Quoique, dans l'intcn-
tion des meneurs de cette époque , il
ne fût là question , à proprement
parler, que de la dispute et de la
conquête du pouvoir entre deux fac-
tions également coupables, mais di-
versement sanguinaires, il n'est pas
moins vrai de dire qu'on pouvait
avec de l'habileté , en détourner les
efforts , et en faire servir les masses
au rétablissement de l'aulorilé légi-
time. Cette probabilité politique ti-
rait une nouvelle force de la posi-
tion particulière des Lyonnais , qui,
par l'emprisonnement à main ar-
mée de leur municipalité jacobine
dans la /ournée du 29 mai 1 798 ,
par l'exécution de Chalier ( roj. ce
nom , Vil, G'i8), à la suite de cette
victoire , et surtout par la rupture
de tous liens d'obéissance à la Con-
vention, nepouvaiciit plus en attendre
qu'une guerrea raort,etselrouvaient
par -là dans l'inévitable alternati-
ve de l'extermination ou du triom-
phe. Rendues plus graves encore
par l'importance et l'étendue de.s
moyens combinés qu'offrait la ligue
3i PRE
offensive et défensive de trente-trois
départements , ces cousidcralions dé-
teiraincrent Precy à repondre aux
Tœux des Lyonnais , qui, cédant aux
lionorables souvenirs qu'il avait lais-
sés dans leur ville , où son régiment
s'était trouvéengarnison, en 1787 ,
vinrent lui offrir, dans sa retraite
de Scmur , le commandement de
Tarmcc fédérale , formée des con-
tiuîionts départementaux. Cette ar-
r . . . ' • j • ■
mee intérieure était destinée a af;ir ,
soit par la Bourgogne , pour l'atta-
que de Paris , soit par le Berri , pour
y protéger, au besoin , la formation
â'un sénat anti -conventionnel. Si
ce n'était encore la que des prépara-
tifs plus ou moins éloignés d'une
restauration monarchique , on ne
saurait disconvenir qu'en réunissant
ainsi sous les mêmes drapeaux , des
Français de tous les partis , nobles ,
plébe'ions . républicains , patriotes ,
royalistes émigrés ou non , c'était
du moins y marcher par le chemin
le plus court ; par le seul , au res-
te , dont les circonstances permis-
sent l'emploi. Éclater avant le
temps, déployer le drapeau royal
avant d'eu avoir assuré l'honneur
par la victoire, c'eût été tout com-
promettre en pure perle. Invariable
sur ce point , comme dans tout ce
qui tenait au plan de service et de
fidélité qu'il s'était tracé à l'égard
des Bourbons, Précv ue permit ja-
mais le dé|)loiement extérieur d'au-
cun des insignes du royalisme , dont
le premier effet eût été de semer le
mécontentement dans une partie de
ses troupes. Travailler pour la royau-
té sous les formes de la république ,
tel était le caractère qu'il fallait con-
server à une insurrection mixte dans
ses éléments , afin de la rendre una-
nime dans ses résultats en faveur du
trône. Tel est aussi le caractère dont
PRE
Précy marqua les divers actes de son
autorité. Le premier usage qu'il en
ilt , fut d'armer une foule d'émigrés
du dedans ou du dehors, dont Lyon
était devenu l'asile ou le rendez-
vous; de maintenir la permanence
des sections; de consacrer l'autori-
té administrative de l'assemblée gé-
nérale , investie des fonctions du
gouvernement ; de briser les fers
de cinquante - sept prêtres catho-
liques, que les jacobins vaincus au
39 mai avaient destinés au massa-
cre ; enfin de rendre à la religion le
plein exercice de son culte, liberté
qui s'étendit pendant toute la durée
du siège aux diverses parties de la
province occu|)ées par les détache-
ments lyonnais. Réduit, par la défec-
tion des troupes fédéralistes à l'af-
freuse i*erspeclive d'un siège, pour
lequel rien n'avait été complètement
prévu , il se hâta de chercher des se-
cours au-dehors. Des commissaires
furent envoyés à la cour de Turin ,
à l'armée de Condé, et dans les can-
tons Suisses. La réponse du prince
fut noble cl chevaleresque, mais ne
laissa aucun espoir : on n'obtint
que des promesses en Hcivétie; et
des dérnonslrations généreuses, mais
insiilbsantes , de la part de la Sar-
daigne. Au lieu d'un secours de dix
mille hommes , dont rien ne ])ou-
vait arrêter la marche jusqu'aux ri-
vages du Rhône pour donner la
main aux Lyonnais , on poussa mol-
lement dans la Tarentaise nnefaibic
colonne de quelques bataillons tar-
des , que Kellermann fit attaquer ,
l)attre et refouler dans les monta-
gnes , par des détachements tirés de
son corps d'armée de Lyon. Bien-
tôt le siège commence. Le 8 août
1 793, le premier coup de canon fut
tiré sur la ville , avant que , dans une
circonvallation militaire de près de
PRE
sept iieucs ;, on eût eu le temps de re-
muer la terre pour les retranchements
et les redoutes. On précipita les ap-
proches; et la place fut attaquée au
plus près par une armée de quarante
mille hommes {'>.). Instruits, des les
premières rencontres , aux dépens
de leurs troupes , de ce que ])ou-
vait la valeur des assiëge's, et n'es-
pe'raut plus d'en venir à bout par un
simple coup de main, comme ils s'en
étaient flattes d'abord, les procon-
sids campes sur les hauteurs de Mout-
essui , eurent recours à l'astuce, et
cherchèrent à semer la méfiance et la
division entre les habitants et les au-
torités civiles et militaires. Un mes-
sage insidieux, envoyé dans la place
le 17 août, promettait clémence et
protectionaux habitants, pourvu que
dans une heure, la ville ouvrît ses por-
tes et livrât ses chefs. La dépêche si-
ffîie'e Dubois - Crance', Gauthier ( de
l'Ain), Frauçois-Cliristoplie Keller-
mann , fut remise au général Précy ,
qui s'empressa d'en donner commu-
nication pleine et sincère au conseil
du gouvernement de la Cite. Après sa
lecture , le général se lève : « Mes-
» sieurs dit-il , j'ai ceint l'épéc d'a-
» près le vœu du peuple de Lyon :
« jela dépose, jusqu'à ccque son vœu,
» de nouveau librement exprimé ,
» m'engage à la reprendre. » On
convoque aussitôt les trente-deux sec-
tions de la ville; et, dans le court in-
tervalle de quelques heures, vingt
mille signatures , dont un trop grand
nombre devinrent depuis des ar-
rêts de mort, ratifient le pacte ju-
ré entre les soldats et leur général.
Pour premier usage de cette con-
PRE
33
(?.) L'armc'e conventionnelle, composée d'abord
de quarante raille hommes , s'élevait à la fil» du siè-
ge à cent mille bomnies , dout trente-six mille de
trouiies de H
la garnison
avec les Autrichiens.
ligne , parmi lesquelles on distinguait
de Valencieunes, qui venait de capituler
XXXVI.
firmation de pouvoir , celui - ci ré-
pond à son tour aux représentants
par un message, muni de sa signa-
ture et de celle de plusieurs officiers
de son état-majorj message par le-
quel il rend les membres du Comité
de salut public nominativement res-
ponsables, sur leur tête, de la sûreté
de la famille royale détenue au Tem-
ple. On sait que ce ne fut qu'après la
clxute de Lyon, que fut ordonné
le supplice de la reine. Aux masses
toujours croissantes des assiégeants
soulenues par une nombreuse artil-
lerie , dont les ïgu\. ne se taisaient
ni le jour ni la nuit, Précy ne peut
opposer que quatre mille cinq cents
hommes de toutes armes, dont un
tiers , toujours hors des murs pour
proléger les arrivages, tient la cam-
pagne, et fournit , sur un rayon de
douze lieues, des détachements dans
Rive de Gier , Saint - Chamond et
Saint - Etienne. La trahison , pire
que les bombes et les machines in-
fernales de l'eniierai ( V. Morand),
réclamait en outre, dans l'intérieur
de la ville, une surveillance armée,
pour a rrêter les ra va ges continuels d u
feu , mais surtout pour contenir une
masse de vingt mille ouvriers, infec-
tés de jacobinisme. Après plus dedeux
mois de cette lutte inégale, semée de
combats et de victoires , le général
Précy voit sa troupe réduite à quinze
cents combattants, parmi lesquels une
moitié seulement se montre disposée
à tenter avec lui les hasards d'une
sortie à travers l'armée assiégeante.
La trahison avait permis à cette ar-
mée.dans la journée du 29 septembre
1 -jgS . d'amener son canon aux por-
tes de la ville et sur les liaïUeuis qui
la couronnent : les sections parle-
mentaient avec le quartier - général
des assiégeants ( Voy. Couthon et
Dubois de CRANÇÉ)joti parlait d'ar-
34 PRi^
rangements, dcat le ^icnit reflet eût
V.é de livrci' le gt^ncral et ses com-
pagnons d'armes dans les raainsdes
proconsuls couvenlionnels : ajou-
tez à tout cola une population de
ceottrcutc mille aines , qui, man-
quaut de pain et de toute autre nour-
lituie , rendait plus alarmants les
projets des jacobins , dont l'.T.;dace
croissait avec les angoisses du sie'ge.
Dans cet état déiespere, ne pouvant
pas plus capiluleravec la faim qu'avec
la Convention , le général lyonnais
se décide à la sortie. Forcé , par les
embarras toujours plus compliqués
de sa position . à re\ccuter en plein
jour, sous le feu des assiégeants, il
dcbouclic, le r) octobre 1793, sur la
rive droite de la Saône, à h tète de
sept cents hommes divisés on trois
-corps, dont les deux premiers tra-
versent en combattant les lignes en-
iiomies, mais dontio troisième , for-
iHaut l'arriore-garde, sous K-s ordres
du comte de Virieu , est taillé en pic-
ces , ce qui laisse Prccy sans ressour-
ces pour l'exécution de son plan. Il
avaii le projet de passer la Saonc au-
dessus de Trévotix , de gagner le dé-
partement du Jura ; et, pénétrant en
Suisse par les montagnes de Saint-
Claude, d'aller se ranger avec sa trou-
pe sons los drapeaux du prinrodeCon-
dé. Tralii par le sort et proscrit par
la Convention , il erre , pendant j)!ii-
sieurs jours , dans les bois , accompa-
gné dedeuT de ses soldats qui lui ser-
vaient de guides 3), et trouve enfin ,
■an village de Sainte - Agathe , dans
les montagnes du Forez , une re-
traite assurée chez de bons culti-
vateurs (4), qnc n'inlirnida point
(3^ Giron rt Corperet. Le premier eut mort ; le
»^r-iiid habite Pari.<. 11 a êlK dtcore de ia cruix de
la U f on d'bonncar
i Ugoalt et Madioier : lis Torrat prrsente/i par
>]. de Prérr, en iSi4^ à Montienr le coœtf d'Aitoi».
L':>,nalt .'tuf estvita»! , et dari> un c(at peu fortune.
PRE
la peine de mort dont les décret.**
auraient puni leur généreuse hospi-
talité. Caché pendant neuf mois d.ins
un souterrain, d'où .plus d'une fois,
il entendit la voix des satellites
que le Comité de salut pid)lic en-
voyait à sa recherche, il ne put ef-
fectuer sa sortie du royaume que
six semaines après la chute de Ro-
besjiierre. A son arrivée à Turin ,
le roi Victor- Amédée s'empressa de
l'attacher à son élat-major-général ,
avec le grade de colonel d'infanterie.
Lehrevet exprimait, selon la furnuilc
ordinaire, la condition d'iui serment
direct d'obéissaufc et de fidélité à
S. M. S.irde. Précv, qui crut \(»ir
dans celte clause une atteinte portée
à sesdevoirsde sujet français, avant
repoussé respectueusement la faveur
qu'on lui offrait, le monarque v mit le
comb'e en le dispensant du serment.
Le comte de Pi écy s'occupait, dans ce
nouveau grade, delà lovéed'ini corps
franc , d'après un plan cdiicortéavec
MM. Des Estôles,Wickhani ministre
d'Angleterre, et le comte de Maistie,
quand des ordres de S. M. Louis
XVIII l'appelèrent à Vérone, où
l'attendaient l'accueil le plus flatteur,
la confiance la jilus honorable. Dans
sa picmièreaiidiencede présentation,
roinme il s'était incliné avec respect
pour baiser la main de son souve-
rain : « Non , s'écria S. M. en le re-
» levant avec bonté , et lui tondant
» les bras , le déj'enseur rie Lj on ,
» doit embrasser son roi. » Invité à
dîner, un antre jour ( c'était nn ven-
dredi ) , chez ce prince : « M. de
» Précy , lui dit S. M. en entianf ,
w vous ne trouverez aujourd'lmi qm
» du maigre; il faut être observateur
» zélé des lois de rEglL-îC , pour me
» riter de Dieu un serviteur aussi
» fidèle que vous. » Précy fut bientôt
admis à la connaissance des plans
PRE
de restauration monarchique , pré-
parcs au -dehors par nos princes,
et dont l'exécution, confiée aux as-
sociations secrètes de l'intérieur ,
devait amener la contre-re'voUuion
par un mouvement national, dégagé
de toute iuterveution étrangère. 11 se
livra, sous les ordres du roi , aux
travaux de diplomatie , d'organisa-
tion et de correspondancequ'exigeait
cette grande machine , dont, malgré
son zèle et celui de plusieurj autres
royalistes dévoués , l'intiigue et des
vues particulières vinrent trop sou-
vent déranger les ressorts , et com-
promettre les résultats. Il fit partie ,
avec Dandré, le marquis de Vezet ,
et l'abbé Lamarre, delà régence for-
mée à Augsbourg, sous l'autorité
immédiate du roi, pour diriger les
opérations de V institut philantropi-
qiie , qui, par une chaîne d'associa-
tions dont Lyon était le point central,
étendaient l'organisation royaliste
dans l'est et le midi de la France , de-
puis le Var jusqu'au Jura ; et, par wn
commissariat-général, établi à Bor-
deaux , pouvait lier les mouvemetits
de cette pariie de l'ouest à ceux delà
Vendée, coin prise elle même dans un
autre plan, sous la direction immé-
diate de Monsieur , conite d'Artois.
En 1 79G , Précy se rendit en Angle-
terre , pour remplir , auprès de ce
prince, relativement à ces objets, une
mission politique, qui le mit dans les
rapports les plus honorables avec
le gouvernement anglais , et lui faci-
lita les moyens d'être utile à une
foule de royalistes émigrés ou lyon-
nais , dont aucun n'implora jamais
en vain son crédit et son zèle. Au
retour de ce voyage , il visita la cour
de Vienne, oii il reçut de Madame
Royale, un accueil digne de Testime
particulière que la reine avait eue
pour lui, et que cette princesse lui
PRE
35
avait si souvent témoignée dans les
temps malheureux qui précédèrent
la catastrophe du 10 août. I/archi-
duc Charles lui donna aussi , dans
plus d'une occasion , des marques
touchantes de la sienne : tout émigré
tout proscrit, qui pouvait, auprès
de ce prince, se réclamer du général
des Lyonnais , obtenait une sauve-
garde dans toute l'Allemagne. Au 18
fruct. (4sept. 1797 ), Précy vint ha-
biter le chàtaeu de Burbcrg sur le lac
de Constance , après avoir été force
d'abandonner la Suisse, à l'approche
des troupes du Directoire. Un grand
nombre defructidorisés , parmi les-
quels se faisaient alors remarquer ,
par l'ardente vivacité de leur roya-
lisme , MM. De Gérando et Camille
Jordan, se réunissaient fréquemment
chez lui dans sa retraite d'Uberlin-
gen , où l'on s'occupait en commun
des moyens de combattre cette ré-
volution, qui, n'étant jamais attaquée
que partiellement, devait long temps
encore triompher de tous les obs-
tacles. La Suisse, qu'elle boulever-
sait, voulut essayer du moins de pé-
rir dans une attitude guerrière. Le
grand-avoyerSteiguer , cet homme
au caractère et aux vertus antiques ,
appela à son secours le général Précy,
qui ne se souvint alors des promes-
ses mal gardées de plusieurs cantons
Suisses , à l'époque du siège de Lyon,
que pour montrer un eaipressement
plus généreux à défendre ceux qui
l'avaient abandonné : mais il n'était
plus temps; Brune venait d'envahir
la Suisse. Stciguer et Précy se ren-
contrent dans ces malheureuses cir-
constances : l'avoycr et le général se
jettent dans les bras l'un de l'autre,
et pleurent sur des maux qu'ils n'ont
pu prévenir , qu'ils brûlent de ré-
parer. Les progrès des armées fran-
çaises dans la Souabe , après la dé-
3..
3G PRE
faite (les Russes, forcèrent Prccy à
quitter la ville il'Aiigshourg , où les
.ilTaircs de l'aj^enco royale l'avaient
lixe pendant plusieurs années. C'est
vers ce temps, qu'il eut de fréquentes
entrevues avec Suwarou, dont il
possédait l'estime , et qu'il se lia
d'une amitié particulière avec Pi-
cliegni , échappe des déserts de Si-
Tiamari. 11 vivait retire à Bareuth ,
dans les états du roi de Prusse, sous
la protection de ce monarque , avec
sa femme et sa fille encore en bas
âge. lorsqu'il fut arrête en i8no,
ainsi qu'un de ses neveux , et plu-
sieurs de ses amis , à la demande
du gouvernement consulaire , par
l'entremise dcBeurnonville qui était
alors ambassadeur à Berlin [f. 1m-
EtRT Coi.OMK"» \Xr, 'aoO,CtBElR-
^•o^ VI i.i.K au Su p. \Arrtté par des sol-
dats Prus>i<ns, rillustredéfenseiude
Lyon fut jeté dans un rliàteau-foil.
11 n'en sortit , au bout de dix-huit
mois, qu'après avoir vu ses fers ag-
•cravés par les frais énormes d'u-
ne procédure criminidle , dont l'é-
clat, si humiliant pour le pays qui
ne savait pas l'empccher, fut peut-
î-tre aVors la seule transaction pos-
sible, en faveur de la victime, en-
tre les exigeances de la force et
les dégradations de la faiblesse
(5\ I.e duc de Brunswick se hâ-
ta de réparer de pareils torts. Prc-
cy et sa famille reçurent dans ses
états l'accueil le plus empressé : ils
furent logés dans le château ducal
de Wolleubutel; et le vieux compa-
gnon d'armes du grand Frédéric ne
cessa d'honorer, par ses égards et sa
noble familiarité, dans le défenseur
PRK
de Lyon , cette valeur dont ce prin-
ce allait bientôt être appelé à faire
un dernier usage, si mallieureux pour
son pays , si f ital à lui-niènu'. Les
événements militaires qui coûtèrent
la vie au duc de Brunswick , et
laissèrent, a])rès la bataille de léna ,
son pays ouvert à l'invasion fian-
çaisc, forcèrent Précy de se retirer
d'abord a Hambourg, et ensuite à
Francfort , avec sa famille. C'est
de là qu'il crut ne pas devoir re-
pousser les odres qui lui furent faites
par le maréchal Lefèvre, de négo-
cier sa rentrée en France (()\ dont le
climat était devenu indispensable au
rétablissenvent de sa santé, presque
entièrement ruinée par ses longues
traverses. En i8io , il lui fut permis
de revenir dans sa patrie, sous la
clause expresse de se tenir éloigne
de Lvon, à une distance au uïoins de
quarante lieues. Cette condition, d'a-
bord sévèrement exigée , fut ensuite
adoucie ; et, vers iSra , Précy ,
après avoir habité Dijon, put revoir
enfin ses foyers paternels. Il vivait
à Marcignisur-Loiie, au sein de sa
famille , à l'époque de la restaura-
tion. Il vint à Paris en juin iSi/j.pré-
scnta au roi plusieurs officiers de la
garde royale de Louis X\ I, fut nom-
mé lieutenant général , et ilécoié du
cordon rouge. En août, il reçut le
commandement de la gardf natio-
nale de Lyon, où il fut accueilli avec
nn culhousiasme général, et que l'on
peut rcg.irder comme un hommage
rendu moins encore à ses talents mi-
litaires, qu'à ses qualités morales.
Le retour de Biiona parte en i8ij ,
sembla , par une combinaison d'é-
{ 'j^ Buiju^vrle in«i.'-tail pour IVxtmdition du pri-
tonniiT, et celui-ci lu- iJut mjU salut qu'aux dciuar-
cnc» du comte dcHardoolx-rg, son aini , ctiurtrjut à
1 lutrixruioodc la reiur de Hruve , auprès du rui
•oD ppoux , (]a'oba«daiait fortrtucut te* agenti b *D-
(*)''. Personne ne contribua ploft nu sutti'* de cetl-'
nc'goci'iti'iu que le depiitu l'olliu^ird , rpii , au r< -
lourde son exil, par iuil« ilii iR l'riiiliil.jr , a\aiit
été Domiiie au corps li ^i.<Jalit', deiuand.i , l* deux re-
prtMrS , à Huonaparte lui-niêine , eu plniic Audiourr,
Icraj'pcldcsoii Uiustreamijdunt il tU>it aussi l'idlii
PRE
vcnemcnls bien singulière , l'appe-
ler une sceondc fois à la défense
de leur ville. Aux premiers bruits
de l'invasion, il reunit autour de lui
les ofllciers de la garde nationale et
les anciens du siège. Ou résolut de
former un corps d'élite, pour lequel
on obtint, en un jour, près de huit
cents inscriptions volontaires , et de
se porte.!" à la rencontre de rennemi,
en s'appuyant néanmoins sur la vil-
le , dont ou voulut même commen-
cer à fortifier les approches. Toutes
ces mesures , que semblait devoir
couronner la présence de Monsieur,
croulèrent eu un instant, par les dis-
positions de la garnison, qu'on se
trouvait dans l'impuissance de ré-
duire par la force ou de gagner
par des largesses. 11 n'y avait plus
qu'à fuir. Précy suivit le prince
à Paris , où il fut d'abord arrc-
I té, puis relâché sous surveillance.
' Rendu, par le retour du Roi, au com-
mandement de la garde nationale
lyonnaise, il en cessa les fonctions
aumoisd'août i8iG,en vertu d'une
ordonnance du roi, qui le nommait
inspecteur honoraire de» gardes na-
tionales du département du Rhône;
sorte de retraite gratuite , qui lui
permit de quitter Lyon , et de re-
venir à Marcigni. C'est là que l'at-
tendaient les soins de sa famille,
et les épreuves d'une longue et dou-
loureuse maladie, qu'il supporta sans
faiblesse, et à laquelle il succomba,
dans des sentiments religieux , le ^5
août 1820 , à l'âge de soixante-
dix - huit ans. Il avait écrit dans
son testament : « Je recommande
» aux bontés du Roi , madame de
» Précy , ma digne épouse, dont
» l'âge et la modique fortune pour
» ront paraître à S. M. dignes de sa
» muniiiceucc. d Circonstance qui
révèle le désintéressement dont il sut
PRE 37
toujours honorer sa conduite. Lors-
qu'cn 181 4 011 conçut le projet de
hàlir à Lyon une église expiatoire
en l'honneur des victimes du siège,
monument dont Monsieur, comte
d'Artois, posa la première pierre,
Précy fut nommé président du co-
mité chargé de diriger cette pieuse
construction , aujourd'hui entière-
ment achevée. C'est là que, le 29
septembre 1821 , jour anniversaire
d'un des faits d'armes les plus mé-
morables du siège , on a transporté
son cercueil, avec tous les honneurs
militaires, depuis Marcigni jusqu'à
Lyon. C'est aussi dans son enceinte,
que , par les soins réunis du conseil
lyonnais et d'une commission for-
mée à Paris, de plusieurs anciens
officiers du siège, on élève actuelle-
ment, en marbre de Carrare, d'après
les dessins de M. Cochet , architecte
de la ville , un double monument fu-
nèbre en l'honneur du général etdes
soldats, dont, au moyen de fouilles
nombreuses , on a recueilli les tristes
restes dans un même ossuaire. D'une
collection assez volumineuse de pie-
ces relatives à l'histoire de notre
temps, et que Précy avait eu le des-
sein de rassembler en un corps d'ou-
vrage , il n'avait pu sauver , lors de
son arrestation à liareuth , que deux
écrits : l'un sur sa retraite militaire,
à la tète des Lyonnais , le 9 octobre
1798; et l'autre sur les événements
personnels de sa fuite et de sa pros-
cription en France, jusqu'à sa sor-
tie du royaume, en 1794* Confiés
par sa veuve au secrétaire de la com-
mission lyonnaise à Paris , ces deux
précieux manuscrits feront partie de
la noiivelhj histoire du siège de Lyon,
dont celle commission s'occupe de-
puis deux ans, et pour laquelle le
conseil-général du Rhône et le con-
seil municipl de Lyon ont volé
38 PRE
quelques sommes, dans leur session
de i8aa. L — de.
PREISLER f JtAN-JusTiN) , pein-
tre et f^ravcurà rcau-forlc, ne' à N'>
rembfr;;, en i<i()S , fut directeur de
l'académie de Nuremberg. Il a grave'
avec soin et intelligence plusieurs
planches à l'eau - forte , parmi les-
quelles on rem.irque une suite de
cinquante pièces d'après les dessins
deBoucIiartlon, représentant les plus
belles statues anticpics qui existent à
Rome , mais surtout une partie des
sujets qui composaient les plafonds
peints par Rid)ens , dans l'église des
jésuites à Anvers. Cette suite, qui ren-
ferme vingt pièces , y compris le
frontispiceet les portraitsile Rubens
et de Van Dyck , est d'autant plus
précieuse, que l'église des jésuites
ayant été détruite qjirique temps
après par un incendie, les gravures
de Preisler sont tout ce qui nous res-
te de ces beaux ouvrages. Il mourut
à Nuremberg , en 1771. — George-
Martin pRLisLEB , son frère , ne en
1700, se distingua dans le même art
par plusieurs pièces destinées à faire
partie de la galerie de Florence, et
surtout par la gravure de quelques-
unes des statues antiques de la gale-
rie de Dresde. Les planches de cette
collection, que l'on doit à (i. M. Preis-
ler , se distinguent avantageusement
de celles des autres graveurs par la
correction du dessin. Il possédait
parfaitement cette partie si impor-
tante de l'art, et en donnait des le-
çons publiques à l'académie de Nu-
remberg , dont il était l'un des plus
habiles professeurs. On reut voir la
liste de ses ouvrages dans le Manuel
de V Amateur, àv. Rost. 11 mourut en
août 1754. — Jean-Martin Pr.EisLEn,
second frère des précédents , ne en
1715 , reçut les premiers principes
de son frère George -Martin , et sc-
PRE
journa ein([ ans à Paris , où son es-
tampe de DaAd et d'AlngaU , d'a-
Î)rès le Guide , lui fît une réputation
jonorable. Appelé ensuite à Copen-
hague , il v fut nommé graveur du
Ro» , et professeur à l'académie de
jieinture. Il v a travaillé avec succès
d'après plusieurs maîtres français et ^
italiens; et son estampe de \iiSlatue
en bronze de Frédéric /^ paiSally,
lui fait le plus grand honneur. H
Tnourut à Copenh.igue en i7<)'|. —
Valentin - Daniel Preisler , aufrc
frère des piécédetus, et le j>lus jeu-
ne des fils de Jean-Dani( 1 , se livra ,
comme ses frères, à l'art de la gra vu
re , surtout en manière noire. Né m
17 17, il séjourna quelijues années
auprès de son frère Jean-Martin , a
Copenhague , et vint s'établir à 'Zu-
rich , où , sous le nom de S. VV.dch,
il grava, d'après les dessins de !• iiess-
li , le portrait de la plupart des
bourgucmesircs de Zuric Ii. Il mou-
rut à Nuremberg en 1705. — Jean-
George Preisler, fils de Jean-iNI.ir-
tin, 'cultiva aussi la gravure. Wille,
qui avait été l'ami de son père, se
jiliit à lui iWimer ses soins ; et le jeu-
ne Preisler fut reçu membre de l'ara-
démiede p<inture de Paris, en 1787.
Son morceau de réception fut sa bel-
le gravure du tableau de Déilale et
Icare. On peut voir, dans le Manuel
deV Amateur, àv^ost, la descrijition
de son œuvre , qui renferme treize
portraits et quatorze sujets liisto-
ri'pies ; cntout vingt - sept pièces.
C'est par erreur que , dans celte
description , on attribue à Jcan-
Gcorge la gravure de la statue
équestre de Frédéric V d'après Sal-
ly , qui est de Jean-Martin , son pè-
re. La pièce par laquelle cet artiste a
terminé sa carrière dans la gravure,
est la Madona delta Sedia , d'après
Raphaël. P— s.
PRE
PRÉMARE (Le Père Josepu-
Heisri ) , savant jésuite français ,
est celui des missionnaires de la
Chine qui a fait les plus ç;rauds
progrès dans la littérature de cet
empire, et qui a le mieux apro-
fondi la théorie de la langue et les
antiquités chinoises. Ou ignore le lieu
et l'époque de sa naissance ; mais
on sait qu'il était du nombre des je-
suiles qui partirent de la Rochelle,
le 7 mars iG9<S, pour aller prêclier
l'Evangileà la Chine. 11 fit son voya-
ge en sept mois , sur le vaisseau
V .4mphitnle , dans la compagnie des
PP. Bouvet, Domenge, Baborier. Il
y avait en tout , sur ce vaisseau, on-
ze missioiniaires jésuites , parmi les-
quels plusieurs ont jeté beaucoup
d'éclat sur la mission de la Chine.
Le P. Prémare arriva , le 6 octobre,
à Sancian; et, le 17 février de l'an-
née suivante , il écrivit au P. de la
Chaise nne relation de son voyage
( I ) , avec quelques détails qu'il avait
recueillis au sujet du cap de Bonne-
Espérance , de Batavia , d'Achen et
de Malacca. Dans les premiers temps
de son séjour, il dut s'occuper unique-
ment d'étudier la langue, pour se
mettre en état de remplir ses fonc-
tions dans les provinces. On apprend,
par une lettre qu'il adressa au père
Le Gobif^n , le i'^''. novembre 1700
(i)y qu'il était, à cette époque, à
Yonan-tchcou-fou, dans le Kiang-
si ; et l'on aperçoit aisément qu^il
était encore sous l'influence de ces
impressions dont un voyageur a tant
de peine de se garantir au premier
abord, et de se guérir par la suite.
Le côté faible des institutions chinoi-
.<!es l'avait uniquement frappé jusque-
là j et ces abus , inévitables dans l'ad-
PI\E
3î)
(1) Leur, édlf., t. XVI, p. 338.
(a) LjHp. idi-f., t. XVI , 11. 3b2,
minisfration d'nn vaste empire , et
dont tant de voyageurs superficiels
ont fait des tableaux plus ou moins
rembrunis , étaient tout ce qu'il avait
eu le temps de remarquer. Le savant
missionnaire avait conçu des Chinois
une opinion ph'.s favorable, et il re-
connaissait pleinement la fausseté de
ses préventions, quand il écrivit la
lettre (3) où il réfute si complète-
ment les fables et les absurdités dont
sont chargées les Belations tradui-
tes de l'arabe pnr l'abbé Renaudot,
et dont \c?, notes et les additions
du traducteur sont loin d'êlre exem-
ptes. Ce livre célèbre , dont plu-
sieurs passages ne dépareraient pas
la collection des Contes arabes ,
a , de tout temps , excité l'indigna-
tion des missionnaires de la Chine,
parmi lesquels plusieurs se sont at-
tachés à en relever les inexactitudes;
mais la réfutation du P, Pi-cmare est
la plus complète et la plus solide.
Dès - lors ce savant s'était consacré
à l'étude de la langue et de la lit-
térature chinoises, non plus com-
me la plu[)art des autres mission-
naires, dans l'unique vue de rem-
plir les devoirs ordinaires de la pré-
dication, mais en homme qui vou-
lait , à l'exemple des plus diustres
d'entre eux, se mettre en état d'é-
crire en chinois sur des sujets de
religion, et chercher lui-même, dans
les monuments nationaux , des armes
pour repousser l'erreur , et faire
triompher la vérité. Ses succès, dans
cette nouvelle carrière, furent si mar-
qués , qu'au bout de quelques années,
il put composer en chinois des livres
qu'on estime pour l'élégance du sty-
le. Ce fut en s'occupant de recher-
ches aprofondies sur les antiquités
chinoises , que le P. Prémare se trou-
C3) Leur, édif., t. XXI , v »S3.
4o PRE
va conduit à embrasser un système
singulier, qui avait setliiit plusieurs
des raissioiinairos delà Chine, et, ce
qui est Lien remarquable, précisé-
ment ceux (jui avaient le raieu\ctndic
les anciens auteurs chinois, O sys-
ti*rac , ilont nous avons dcjà dit uu
mol dans un autre article ( f'oyez
FovijLtT, XV, 357 ), consislaU à
rechercher dans le King et dans
les moniiraents littéraires des siè-
cles qui avaient précédé l'incendie
des livres, des traces de traditions
qu'on supposait transmises aux au-
teurs de ces livres , par les pa-
triarches fondateurs de l'empire chi-
nois. Le sens quelquefois obscur de
certains passages, les interprétations
diverses (ju'ou en avait aonnées à
différentes époques , les allégories
contenues dans le livre des Vers ,
les énigmes du livre des Sorts ,
l'analyse de quelques Svmboles ,
étaient, pour les missionnaires pré-
venus de ces idées , autant d'argu-
ments propres à les fortifier dans
une opinion qu'ils regardaient com-
me favorable à la propagation du
christianisme. C'était certainement
dans cette vue, et non pour exciter
•me vaine curiosité, qu'ils s'atta-
chaient à répandre ces notions ex-
traordinaires {!\). Mais la persévé-
rance que le père Prémare et les
autres mirent à soutenir ces idées,
et les conséquences outrées que
quelques-uns d'entre eux voulaient
en de'duire , leur attirèrent beaii-
( Vl '^ P- Pt" marc , parlant d'un de »r, ouTrajci ,
di-Ml il ,.r .,,,,. ,t,,,„ I..I... •■'.«-■':. K..iinuoDt 1
•• ' lU je c<j3s*-
■ •"' ' criU, c'iil
» et .
■>dc>
.1 . ■ ■ M ■ , . . u . .j I ..i.i ifjtrlil*:
■ ir <.(iliic , «-t r"iii|>«iH' \e» A>/l^.
. I iioiqu** fiifiLiftiui in*4 Mjiiteiiu
.. ..• y ni ml pluj dr (r<-iit« ans danioïc» tlu-
MUi OtU l«ft iaiMlrs. n
PRE
coup de désagréments de la part de
ceux qui ne partageaient pas leur
manière de voir , et qui eu ratta-
chaient l'examen à la grande querelle
des Jésuites et des Dominicains, sur
l'esprit des rites et des céicmouiex
chinoises et sur l'atliristne piéten-
du des lettrés. Des lioinnics moins
passionnés ne laissaient pas de dé-
sapprouver les opinions dos Jésuites
sur l'antiquité chinoise; et Fourni ont,
à qui le P. Prémarc avait fait paît
de ses idées à cet égard, avoue qu'el-
les ne lui avaient jamais paru vrai-
semblables , p.irce tjue. dit-il , les an
ciens (Minois n étaient pas fircphc-
tes. Il ctail bien naturel d'accueillir
avec deliance un système si étrange,
et dont les suites pouvaient paraître
si graves; mais, ce qui était moins
juste, c'était de suspecter les lumiè-
res ou la bonne foi d'hommes res-
j)ectables, qui n'étaient pas moins
distinguée par leur .science que par
leur |)rubité. Dneût mieux fait d'exa-
miner les faits sur lesquels reposaient
leurs assertions , et de voir si ces
faits n'étaient j)as susceptibles d'in-
terprétations plus naturelles que cel-
les (ju'ils proposaient. C'est ce que
peu de personnes pouvaient essayer
à celte époque, et ce qui a été fait
depuis, de manière à jusliber eom-
plèlcrnenl le P. Prémare et ses ctjm-
pagiions, des allégations injustes dont
ils avaient été l'objet. On a leronnii,
en lisant sans r rejugés ces mêmes li-
vres, qu'ils contenaient en ellèt des
vestiges nombreux d'opinions et de
doctrines lu-es dans l'CJecident, et(pii
avaient dû être j)orlées à la Chine, à
des époques très-reculées. Mais on a
fait voir en même temps, rpic ces opi-
nions et ces doctrines, ou le P. Pré-
niaie avait cru voir des débris des
traditions sacrées, ou des notions
anticipées du christianisme, appar-
PRE
tenaient à cette thëolo<^ic orientale à
laquelle Pytbaçorc, Platon , ctrcco-
le entière des Néoplatoniciens ont
fait de si nombreux emprunts (5).
Les PP. Preraare , Bouvet , Fou-
quet et plusieurs autres étaient donc
tout aussi fondes à rechercher des
idées et des dogmes analogues à ceux
du christianisme, dans le Sing-li, le
I-king, l'Invariable milieu, et dans
Jes écrits de Tehouang-lseu, de Lao-
Tseu et de Hoai-nantseu , que Ta-
vaientété Eusèbe, Lactance et saint
Clément d'Alexandrie à voir des pro-
phéties dans les livres du faux Or-
})hée , ou d'Hermès le Trismégiste.
On voit que ces rapprochements,
qu'où attribuait à un faible ou à une
sorte de travers d'esprit, montrent
au contraire, dans ceux qui les ont
proposés , une vaste érudition et une
profonde conuaissaTice des ouvrages
philosophiques des Chinois. Les faits
recueillis par le P. Prémare étaient
exacts; sa manière de les expliquer
se ressentait seule de l'influence sous
laquelle il avait entrepris ses recher-
ches. Il v a lieu de croire que, d'a-
près cette explication, on lira avec
moins de défaveur un morceau très-
intéressant du même auteur , intitulé,
Rcchevclies sur les temps antérieurs
à ceux dont parle le Chou - king ,
et sur la mythologie chinoise, et in-
séré, par Deguigncs , à la tête du
Chou-king traduit par le P. Gaubil ,
sous la forme d'un Discours prélimi-
naire. Le P. Amiot a traité (G) avec
beaucoup de sévérité cet ouvrage , le
seul , avec les courts extraits donnés
par Deshautesraycs ( F^oy. ce nom ),
(.•>) Ou j)eut voir les nieuvcs et les di-velopjjc-
iiicuU de ceUc .i.sSKrtioii daus iiii Hlimuiie sur lu vie
et les opinions tt^ I.uo-lseu, philosophe chinois du
sixième siècle ovaiil noire ci<.;Mviaoive luà Tacadt-
inie en 187,0, et qui fait pHilie Ju t. V)l de sesMe-
aïoires , inaiuteuaut s ^us jiresne.
(G) Ti/ém. c/iin., t. Il, j>. i^o.
PRE
4t
où les personnes qui ne savent pas
le chinois, puissent chercher quel-
ques extraits des plus anciens livres
sur les traditions fabuleuses de la
Chine. Il en veut surtout aux nom-
breuses citations dont ces Recher-
ches sont ajipuyées. On voit, selon
lui, d'un seul coup-d'œil, que deux
ou trois auteurs très - peu volumi-
neux ont pu les fournir toutes. Cet-
te innocente supercherie est effecti-
vement facile à reconnaître, au peu
de précision des indications, dans
les Mémoires de plusieurs mission-
naires , et notamment du P. Cibot et
du P. Amiot lui-même; mais le P.
Prémare n'avait pas besoin d'y re-
courir. Ses lectures immenses et la
variété de ses connaissances en fait
de livres chinois anciens ou moder-
nes, sont trop bien attestées d'ail-
leurs ; et il n'en faudrait d'autre
preuve que sa Notilia liiiguœ Sinicœj
le plus remarquable et le plus im-
portant de tous ses ouvrages , le meil-
leur, sans contredit, de tous ceux
que les Européens ont composés jus-
qu'ici sur ces matières. Ce n'est ni
unesiraple grammaire, comme l'au-
teur le dit lui - même trop modeste-
ment, ni une rhétorique, comme
Fourmont l'a donné à entendre; c'est
un traité de littérature presque com-
plet , oi!i le P. Prémare n'a pas seu-
lement réuni tout ce qu'il avait re-
cueilli sur l'utagc des particules et
les règles grammaticales des Chinois,
mais où il a fait entrer aussi un grand
nombre d'observations sur le style,
les locutions particulières à la langue
antique età l'idiome commun, les pro-
verbes, les signes les plus usités ; le
tout appuyé d'une foule d'exemples
cités textuellement , traduits et com-
mentés quand cela était nécessaire.
Quillant ia route battue des grammai-
riens latins, que tous ses devanciers,
4i
PRE
Varo,Moutigny , C.islorano , HTaleiit
pris pour mutlèlcs , l'auteur s'est crcfe
uiicinetbucic toutci;oiivclle;on plutôt
il a cLeiclic à rendre toute iiiétliodc
superflue, en siibstitunnt .iu\ règles
les phrases luèuies, d'.jprès lesquel-
les ou peut les recomposer. Ce seul
mot reutVime à-la-fois Télope du tra-
vail du P. Preaiare. et la seule rrili-
«pie fi)ndécdont il oflVe le sujet. I/.ui-
teur a inj;e les autres par lui-inèmc;
et il a cru que l'on consentirait, eom-
mc lui, à apprendre le chinois par
la pratique, au lieu de l'étudier par
la théorie. Il a peut-être, ainsi qu'où
l'a dit ailleurs ;7 ) , trop oonsidcrc les
eas particuliers , au lieu de les réunir
en forme d'observations générales.
Osonletdindes matériaux excellents
pourunouvra<;eâ faire , plutôt qu'un
ouvrage véritabicuieut achevé. Cet-
te forme que le P. Prémaica laissée
."i sa notice , est ce qui l'empèeha,
dans le tcmi-s , de la faire graver à
la Chine, et ce qui s'opposera tou-
jours à ce (pi'on la publieen Europe,
j>arcc qu'en trois petits volumes in-
4". , elle ne contient guère moins de
douze mille exemples , et de cin-
quante mille caractères chinois. On
ne peut dire que le plan qui y est
suivi , convienne à un livre élémen-
taire destiné aux commençants; mais
quand ou a déjà uvc teinture de la
langue, on peut puiser dans cet ou-
Trageles notions delitlératiire qu'au-
trement on ne pourrait .se procurer
queparuMc lecture assidue des meil-
leurs écrivains chinois , continuée
pendant de longues années. Le P.
Premare, qui, depuis I7'i7, entrete-
nait avec Fournioiit une correspon-
dance suivie , et qui montrait , dans
toutes ses lettres, le plus grand em-
presscinenl pour fournir à rit acadé-
(■:) EUm. d* U gmmm. chin., pref. ^ X.
PRE
luicien tous les secours qu'il récla-
mait de lui , dut croire qu'il lui
causerait uu plaisir singulier en lui
annonçant, à la (in de 1728 , qu'il
lui envoyait une grammaire à l'aide
de laquelle on pourrait , à l'avenir ,
faire de rapides jirogrès dans l'étude
du chinois. Malhcureuscinent , l' our-
moiit avait aussi rédigé une gram-
maire; ou , pour mieux dire, il avait
traduit de l'espagnol celle du P.
Varo (8,. Le fruit des peines qu'il
s'était données , les mérites qu'il
croyait avoir acquis , tout lui sem-
bla anéanti en un moment par cette
annonce d'un livre avec li'(|uel il
-sentait bien que le .sien ne pour-
rait soutenir la concurrence. Il faut
voir avec quelle naïve désolation
il raconte cet événement (9); car
c'en fut véritablement un pour lui.
Il se hâta de remettre lui- même,
à la bibliothècpicdu Roi, avant l'ai -
rivée de l'ouvrage de son ami , le
manuscrit de la Gramtnalica sini-
ta, de le faire coter et ])aiapher
par l'abbé Mignon ; et quand la j\i>-
tice du P. Premare lui fut parvenue,
il s'autorisa de ces précautions ])our
composer lui-même un examen com-
paratif des deux ouvrages, et faire
voir qu'ds étaient d'accord sur I<îs
points importants, quoiipielesien fût
ineilU-ur. Il pid)lia cusuiie le n-sultal
de cell<coinj)araison,dansla préface
de sa Grammaire. Le P. Piemarc
n'existait plus a ré[K)que ou parut ce
livre; maisavani sa mort il avait eu
connaissance des précautions que
Fourmont prenait pour empêcher
que sa I\olH'e ne fût trop connue :
« Vous dites ( lui écrivait - il , en
1733 ), qu'on a fait tout ce qu'on
(A,) Voyrs lei rircoiutanre* de ce plagiat , clanj
lef EUm. de la gramm. rhm. , prrf. p. XIV.
ff)) f'iiialogite des ouvrages d: di. Fouimvnt l'ai-
re, \>. 100.
PRE
a pn peur vous tirer des mains ma
Notice. Si c'est par envie , et pour
arrêter la vôtre , cela est injuste ; si
c'est pour la voir et pour apprendre,
cela est louable. Seulement les ter-
mes tirer des mains , ne me plai-
sent point. Quand je vous l'ai en-
voyée, j'ai su à qui je me confiais ;
et je n'ai jamais songé que vous seriez
seul à la lire. Je ne l'ai laite que pour
rendre l'étude du chinois familière
aux missionnaires futurs , et à tous
les savants de l'Europe, qui sont
comme vous curieux des antiquite's
chinoises. » (lo) Mais Fourmont
survécut à sou ami : l'ouvrage de
celui-ci fut perdu de vue; et il est
resté oublie jusqu'à ce que l'auteur
de cet article en ait rappelé le sou-
venir , en publiant les obligations
qu'il avait au P. Prémare (i i). Le
manuscrit autographe du P. Pré-
mare, que possède la bibliothèque du
Roi , est en trois petits vol. in-4". ,
et non pas en cinq, comme le dit
Fourmont , sur papier de Chine ,
plié double : les caractères sont d'une
main chinoise ; l'écriture latine en
est difficile à lire en plusieurs en-
droits. Il eu a été fait , sur cet ori-
ginal , une copie très-exacte , ce qui
garantit de la crainte qu'on pourrait
avoir , qu'un manuscrit si précieux ,
qui, vraisemblablement ne sera ja-
mais imprimé, ne vienne un jour à
se perdre ou à se détruire. Outre
cette Grammaire , le P. Prémare
avait encore fait , en compagnie avec
le P. Hcrvieu , un Dictionnaire la-
tin-chinois. 11 avait mis en chinois
presque tout ce qu'on trouve dans
Danet, sans oul)lier une seule phra-
se qui donne aux mots un sens et un
(10) Lettre écrite îi Fourmont, de Macao , le 5
octobre 1733, (Annal, aiicyclop. , 1817, 8 , V, p. i3.)
(11) Voy. la ^irtffate des Eléments de la gramm.
chinoise, de)k citée, Paris, 182».
PRE
43
usage nouveaux. Cet ouvrage formait
un gros volume in-4°. Ou ignore
s'il a été envoyé eu Europe. Prcma-
re avait aussi traduit du chinois, un
drame intitulé : Tchao chi kou-eul
(l'Orphelin de la maison deTchao).
Cette pièce, qui a fourni à Voltaire
quelques situations dans son Orphe-
lin de la Chine , a été recueillie par
Duhalde {\'i)\ et jusqu'à la publi-
cation de la comédie traduiie en an-
glais , par M. Davis , c'était le seul
échantillon sur lequel on pût juger,
en Europe, du théâtre chinois. Ou
doit encore au P. Prémare l'acquisi-
tion d'un grand nombre de livres
chinois qu'il a envoyés à Fourmont
pour la bibliothèque du Roi , et par-
mi lesquels il faut distinguer la col-
lection de cent pièces de théâtre,
composées sous la seule dynastie des
Youan (i3) , les treize livres classi-
ques , plusieurs romans et recueils
de poésie , etc. La correspondance
duP. Prémare était fort étendue ; et,
à en juger par les quatre lettres en-
tières , et par divers extraits des au-
tres qui ont été publiés , elle devait
contenir beaucoup de détails intc'res-
sans. Malheureusement Fourmont,
qui était celui auquel le missionnaire
écrivait le plus souvent, n'en a pres-
que conservé aucune , ou du moins
il ne s'en est trouvé qu^lne seule
dans ses papiers. Nois connais-
sons trois ouvrages du P. Prémare ,
écrits en chinois ; la Fie de S. Jo-
seph {Ci\Ui\. de Fourm. N. cclxxv),
qu'il avait composée en 1718 ou
j^,g . — le Lou-chou chi-i , ou
véritable sens des six classes de ca-
ractères ( idem N. xx ) , ouvrage où
l'auteur expose, sur l'origine des ca-
(12) Descitpl. de la Chine, t. 111, p- 34» i '"-'"'•
(i3J Cette dynastie n'a régué que lOf, aus, de
jîSg a i368.
/,4 PRE
lar tèrcs chinors , ces Iivpotlièsps m •
5;iilièrfs dont nous avons parle plus
haut ; — o'iliii un politTraitc sur les
•lUributs de Dieu , qu'il a iiiscrc dans
sa .\otitiit Imutue siniciv , comme
un cvcmplc de la manière dont on
peut ccrin- m chinois sur les ma-
tières de rclijjion. On possède enco-
re a la Libliothèq'.ic du llui (]ucl(p)cs
Traites en latin et en franr;MS , qui
tous ont pour objet dViaMir, de (lè-
vcloppcr et de jnslilier les syslèracs
d'cxpliration des caractères et des an-
tiquitcsde la t",iiine,embr.issèsparles
PP. Bouvet et Premare. Piiisieurs de
ces traites sont tie la main du P. Prc-
mare , et composes par lui en par-
tic sur les matéiiaux recueillis parle
premier. On v trouve aussi les ori};i-
nauxdepiusieursde seslettres, adres-
ses au confesseur de Louis \V , et à
d'autn's personnes. On a vu plus haut
que trois de ses lettres avaient ctc
publiées dans le Herueil des Lettres
édifiantes. Une quatrième , qui était
restée dans les papiers de Fourmont,
a ele' donnée par M. Klaproth , dans
les Annales encyclojîcdiques : elle
renferme un jugement très-sévère et
très-fondé' sur la (irammaire de
Fourmont , adressé à Founuonl lui-
même , et exprimé avec luic candeur
et une sirjccrilc dignes d'éloges. Le
P. Prémarc avait eu trois attaipics
d'apoplexie, en 1 781 ; et l'on crai-
gnait que la paralysie nVn fût la
suite. On attribuait ces accidents à
la trop grande ardeur avec laquelle
il s'était livre à l'étude du chinois.
Il survécut peu d'années aux pre-
mières atleinies de ce mal , et mou-
rut à la Chine , vers 1734 ou i-jSj.
Il est fâcheux de laisser des lacunes
bi m-allipliécs , au sujet des dates et
ries autres circonstances de la vie
d'un missionnaire aussi illustre. La
faute en est aux rcdacieurs des Let-
PRF
très édifiantes , qui ont négligé tic
rendre au P. Prémare nn hommage
qu'ils ont payé à la mémoire de pJu-
sieurs île ses compagnons (jui n'a-
vaient pas rendu aux lettres de si
importants services. A. R — t.
PUKMI RUrAlCT (LA^r.l:^r nt ),
né au village du même nom , dans les
environs d'Arcis-sur-Aube , vivait à
la fin du quatorzième siècle. 11 mou-
rut, en i.|i«S, secrétaire du duc de
Herri. C'est à ce! auteur que l'on doit
la première traduction française du
Déeamernn de lioccace , qu'il entre-
prit à la requête de Simon Du Hois ,
valet de chambre île Charles VI.
Lenglet du Fresnoy prétend cpie cette
version est de i^iS. Comme Pre-
mierfaiel ne savait pas l'italien , il lit
d'abord traduire le Décaméron en
latin , par le cordelier Antoine d'A-
rezzo. C'est sur cette version cpie fut
entreprise la traduction française.
Preinierfaict ne borna pas là ses
travaux : on avait déjà fait pisser,
dans la langue française, plusieurs
ouvrages importants, grecs et latins :
à ces traductions il ajouta celles des
Economiques d'Aristote, des Ol'-ii-
vres de Sénèquc le philoso|ihe , des
traités de Cicéron sur l'Amitié et sur
la \ icillesse. T^a traduction du Déca-
méron parut en l'iS.^ , vers l'époque
«le l'impression des autres ouvrages
de Prcmierfaicl. Quelques autres de
SCS traductions n'ont pas été livrées
à l'impression, telles que f>c livre de
Tulles fCicéron) delà \' icillesse, écrit
en I 4o5 , et les Cas des nobles hom-
mes et femmes, ' dcBoccaceJ trans-
lates du latin en françois, en i/joçj:
ces d(ux nianuscritssont conservés à
la Bibliothèque de Genève. D-ri-s.
PUÉMOMVAL ( ANDiu^-PitnRi:
LL GuAY DE ), littérateur, naquit en
171G, à Charentou , de parents ai-
sés , qui ne négligèrent rien pour lui
PRE
procurer une bonne cilucation. Son
|ÙTC ainviit souhaite qu'il embrassât
l'ctat ecclésiastique , ou qu'il se fît
avocat; mais il se sentit autant d'c-
loic;nemcnt pour ces deux profes-
sions, que deguùt pour les sciences
exactes : il finit par quitter la maison
paternelle, et s'établit au centre de
Paris, sous le nom de Prémontval,
qu'il conserva depuis. Il se lit bien-
tôt connaître en annonçant un cours
gratuit de mathématiques, science
dont l'ctude était alors peu répan-
due; et, grâces aux éloges des jour- *
iialistcs, ce cours fut iVëquentc par un
grand nombre d'auditeurs , parmi
lesquels on remarquait des dames
et des étrangers ; et il donna des
leçons particulières, dont le produit
le faisait subsister. Les premiers suc
ces de Prcmontval avaient éveillé
l'envie ; son amour- propre excessif
et ses décisions tranchantes lui sus-
citèrent une foule d'ennemis. La plu-
part de ses écoliers l'abandonnèrent;
son père l'avait déshéi ité : mal<-ré
son économie, il eut bientôt épuisé
ses ressources; il contracta des det-
tes, qu'il fut dans l'impossibilité d'ac-
quitter : avec wn secours de i,uoo
fr. qu'il reçut de la générosité de
Fontenelle , dont il n'était pas con-
nu ( 0 , il partit à pied pour Genève
emmenant avec lui la filîe du méca-
nicien Pigeon , qui, de son écolièrc
était devenue sa maîtresse. De Gcnè-
, ve, les deux fugitifs se rendirent ,
I en 1744, à Fribourg,puis à Bàle, oL
ils se marièrent; et Prémontval em-
brassa, peu après, le protestantisme
(2), dans l'espoir d'obtenir une chaire
(i) Une 1< ttrc de Be.miée, insérée au .Journal de
':'":" y-* mars 1778 ), nous a,,prend avec quelle
délicatesse lo..tenelle rcndU service à Prémonhal.
m. Barbierl a reproduite <Ians son Dictionnaire des
ononjrm.^s , u». ÔSOg du ia ?.e. édit.
(1) Sir m. en croit Heniua ( //o/. lùiér. de la
j^sje ) . Preraontval avait dej.uis Ions-te.„,,s uu
•ecret peuchwut pour le protestantisme : et disi'àg ■
PRE 45
de philosophie ou de mathémati-
ques, qui lui fut refusée. II séjourna
aussi quelque temps à I\[orges, quit-
ta la Suisse en 1 749, parcourut avec
sa femme l'Allemagne , la Hollan-
de, composant des brochures pour
les libraires, faisant le métier de
correcteur dans les imprimeries , et
trouvant à peine de quoi subsister
par son travail. Sur la recommanda-
tion de quelques persomies charita-
bles , madame de Prémontval obtint
la place de lectrice de la princesse
Guillelm^jc de Prusse (3), avec un
traitement de y,oo écus. C'élait,dans
leur triste situation , uiîe fortune
considérable : ils se hâtèrent de par-
tir pour Berlin; et, quelques mois
après son arrivée (1752), Prémont-
val fut reçu membre de l'académie
(4)- Ilnetarda pas à sebrouilleravec
la plupart de sts confrères; et sou
humeur caustique s'exerça particu-
lièrement sur Formev, celui de tous
qui lui avait rendu le plus de servi-
ces : mais il reconniit plus tard ses
torts, et se réconcilia sincèrement
avec ce savant. II donna des leçons
de grammaire, d'histoire et de ma-
thématiques, et partagea son temps
entre ses devoirs d'académicien et
le soin de ses élèves, dont plusieurs
lui firent beaucoup d'honneur. Les
distractions de son ménage l'empê-
cLèrent d'entreprendre aucun ou-
vrage de longue haleine ; mais il pu-
blia un grand nombre de petits écrits
contre la philosophie de Wolf ( F.
ce nom ) , et un journal de gram-
de d,x-so|.ta„s, li avait adressé au P. Tournemine
«ne su.te de lettres cculre le dogme de l'EucharisI
t.e (.es lettres lurent imprimées, sans son aveu,
Londres, 1731., lu 80. '
(3) C'était l'épouse du prince Henri.
(^) Denina prétend que Prémontval fut admis ',
J académie, sans pension ; mais Tlnébault ^ Voiire
n.rs de Herlin )., dit au contraire que .vlauperluis
lit ajouter au titie d'académicien, une pension de
20Ù0 ir.
46 PRE
inaire , clans lequel il nYpargna pas
les critiques au\ Français réfugies.
Cet ouvrape eut beaucoup de succès
eu Allemagne; clPrèuioiitval je flat-
tait d'être nomme à la chaire de lan-
«rue fraiitaisc que le roi de Prusse
venait de fonder à l'école militaire
de Berlin : mais ayant appris qu'elle
avait été donnée à Toussaint, dont
il s'était fait un ennemi sans le con-
naître personnellement , i\ fut telle-
ment accable de cette nouvelle , que
la fièvre le prit. 11 tomba dans le
délire , ne parla et ne rêva plus que
de Toussaint , demandant à tous ceux
qui l'approchaient, s'il était vrai
nu il arm'dt ? 11 mourut au bout de
quelques jours , le 3 septembre i 764
(5). Frëmontvalavaitdes connaissan-
ces variées, et ne manquait pas d'es-
prit ; mais son caractère bizarre, et
son liumeur difficile , empêchèrent
ses contemporains de lui rendre jus-
tice : d'ailleurs il n'a laissé aucun
ouvrage qui puisse recommander son
nom à la postérité. Outre des Mé-
moires et des Dissertations sur diffé-
rentes questions métaphysiques, in-
sérés dans le Recueil de l'académie
de Berlin, on cite de lui : I. Dis-
cours sur l'utilité des mathéinati-
<7He5, Paris, 174*^ 7 •""i'^- 'I- -P'-^-
cours sur la nature des quantités
que les mathématiques ont j)our ob-
jet, ibid., 174'-*^ in lu. 111. Dis-
cours sur la qualité du nombre ,
1743 , in- 12. IV. Discours sur di-
verses notions préliminaires à Vêtu-
de des mathématiques, 1743, in-
12. V. L'Esprit de Fontenelle ,
(S) Celle date est celle que Pcnina , qu'on doit
supposer bien inlurmé, douue ùJaniui'tdc Preraoi.t-
^al; et sou timuigoagi" est coulirme pnr celui de
Tliii-tault, qui dit que PrémoutTal était niuit cinq
ou ^ix moi' arant son arriTCC à i'eriin, où l'on sait
iju"il se rendit vers la fin de i7*i.(. Cei>eudaDl la
t'rance Lttéiaiie retarde la mort de notre acadtnii-
cicu.juwju'eniTfr;; et cette errcui- a cte reproduite
dans lo Domreau DiV'. f>ist. eut. et biiliogr.
PRE
la Haye (Paris ) 1744 1 ^753, 1767,
in-i'j,« Jen'ai en garde, dit l'anteiir,
d'associer mon nom à celui de Fon-
tenelle , sur le frontispice de cet ou-
vrage; mais j'ai fait m<'ttie, à la pla-
ce, une vignette qui n'est autre chose
que mon cachet, un pré , une moji-
tagneetiwc vallée, letout surmon-
té d'un soleil qui dissipe les nuages,
avec cette devise : Illuminât et fœ-
cundat ( Voy. le Dictionnaire des
./énonrmes àe M. Barbier , deuxiè-
me édition, n". 53()(j). VI. Mémoi-
res pour servir à l'histoire de INI. de
Prémontval, la Haye, 1749» in-u".
Suivant Hirsching, ils sont assez in-
signifiants , et pleins de réticences,
de déclamation et de charlataneiie.
VII. Panagiana panurgica , ou le
faux éi>angéliste,'ïhid., 1750, in-
8", C'est une critique très-virulente
de l'ouvrage des Mœurs , que Tous-
saint avait publié sous le nom de
Fanage (Voy. Toussaint ). L'ab-
bé d'Artigny la trouvait excellente.
VIII. Pensées sur la liberté, 1 750,
in-8°. IX. La Monogamie , ou l'u-
nité flans le mariage , 1751,8 vol.
in-8". Il y prouve, par toutes sortes
de raisons, d'autorités et il'exem-
ples, que la pluralité des femmes est
contraire à la religion et à la saine
poliliijue. X. Du hasard sous l'em-
pire de la Providence , 1 754 , in-S".
XI. Le Diogène de d' Alembert ,
ou /)iogcjie décent , 1754 ; deuxiè-
me édit. , augm. d'un tiers, I755,
2 vol. in-8°. D'Alembert avait , on
ne sait pourquoi , souhaité à chaque
siècle un Diogène, mais plus retenu
et plus décent que celui d'Athènes.
Prémontval s'empara de cette idée :
mais , si l'on en croit l'aLLé Saba-
tier, l'esprit d'indépendance, la hai-
ne des hommes, et l'impiété la plus
décidée , forment, dans cet ouvra-
ge , un délire perpétuel. ( Voyez les
PRE
Trois siècles de la liltérat. ) XÏI.
Cause bizarre ou Pièces d^un procès
ecclésiastico - civil, 1755, iu - 8".
XIII. Fues philosophiques ou Pro-
testations et déclarations sur les
principaux objets des connaissances
humaines, 2 vol. in-S". 1757-58,
XIV. Préservatif contre la corrup-
tion de la langue française en Al-
terna s^ne , Berlin, 1759 à 1764, 7
part, en 2 vol. in-8^''. Les deux der-
nières parties sont intitule'es : Projet
de conférences publicpies sur l'édu-
cation. Formey a publie VElo^e de
Prëmontval , dans le cinquième vo-
lume des Mémoires de l'academ. de
Berlin ; et TM. François de Neufcliâ-
tean , une Notice sur cet écrivain ,
dans le Nécrologe des hommes cé-
lèbres pour l'année 1770. W — s.
PRÉMONTVAL ( Marie-Anne-
Victoire Pigeon d'Osangis de ; ,
épouse du pre'ce'dent , née à Paris ,
en 1724 , était fille d'un habile mé-
canicien (i). Elle annonça , dès son
enfance , des dispositions pour les
sciences , que son père cultiva lui-
même avec soin : il lui faisait lire les
meilleurs auteurs , et s'appliquait ,
en même tcaps , à former son juge-
ment. Prémontval , qui aA'^ait reçu
des leçons de Pigeon, se chargea, par
reconnaissance , de continuer l'édu-
cation de sa fille; mais bientôt il
conçut pour elle une passion vio-
lente , et lui persuada de le suivre
dans les pays étrangers ( V. l'article
précédent). Nommée lectrice de la
princesse Guillelmine de Prusse, en
1752, M'"'5. de Prémontval s'acqnit-
(t) Jean Pigeon fl'Osausis , memljrc de la socitte
des arts, ne en iGS/j à Doiizi eu Nivernais, mort
en ijSg .aconstniit une Pendule très-remarquable
Sourie temps, qu'on voit maintenant au cabinet du
luséum. Le mécanisme eu est expliqué dans une
■brochure intitulée : Deseiiplion d'une sphère mou-
vante , d'un globe monte d'une façon particulière et
d'un nouveau planisphère pour les distances et les
groseurs des planètes, le tout selon l'hyputhcse de
tiopernic , par Jean Pigeon , Paris , 1 7 1 4 > in- 1 î.
PRE 4n
ta de cet emploi de manière à méri-
ter la bienveillance de sou auguste
protectrice. Elle avait beaucoup d'es-
prit . et était aussi aimable que son
mari l'était peu. A l'élégance de ses
manières, on aurait cru , dit Denina
( Hist. littéraire de la Prusse )
qu'elle avait toujours habité la cour.
Elle ne survécut que peu de mois à
sou mari, et laissa la réputation
d'une femme savante et vertueuse.
Cependant, quelque temps après sa
mort , un jeune homme (2) vint à
Berlin , avec une petite fille de sept
à huit ans , qu'il prétendit avoir eue
de M"!^, de Prémontval ; et en con-
séquence il attaqua le testament par
lequel elle avait institué son Ic'ga-
taii^e Guill. de Moulines , le traduc-
teur des Ecrivains de l'Histoire Au-
guste et à'Ammien Marcellin ( V.
Moulines ) : il fut renvoyé de sa
demande , n'ayant pas pu fournir
de preuves de sou allégation; mais
la réputation de M'"*^. de Prémont-
val en souffrit. Outre la part qu'elle
eut à plusieurs des ouvrages de son
mari , elle a publié une Vie intéres-
sante de son père, sous ce litre : le
Méchaniste philosophe , ou IMémoi-
res concernant plusieurs particulari-
tés de la vie et des ouvrages de Jean
Pigeon, la Haye, 1750, in-8°. W-s.
PPvESLES ( Kaoul de ) , premier
du nom , appelé ailleurs Paid de
Prayères , avocat du quatorzième
siècle , vint exercer sa profession de
Laon à Paris. Dans sa déposition au
procès des Templiers , eu 1809, il
fî.) Cet aventurier se nommait, suivant Denina,
.yrt/Ty,- mais selon Thièbault [Soui'enlrs de Berlin ),
c'était le libraire Zacharie ; il est assez, singulier
que les deux seuls écrivains qui aient parlé de rette
anecdote , ne s'accordent ;)as sur le nom du princi-
pal personnage. Le premier paraît douter de la vé-
rité des laits qu'il rapporte; mais Thièbault est en-
tré dans des détails affligeants pour l'honneur de
Mn^<^. de Prémontval, par suite de sa haine contre
Moulines, qu'il ne prend pas l.i peine de dissimultr.
48 PRE
prend le titre ilc jurisconsulte et d'a-
vocat do la cour du roi , que lui don-
nent aussi les Cluoniiiucs de Saint-
Denis. Les lurilicrs d'Eugucirand
IV de Couci lui lirent présent de la
terre de Li^i , ;iu diocèse de Mcaux ,
en iJii ; et Pliilippc-le-Bel l'att.t-
rha , la même année, à sa personne ,
en qualité de sou secrétaire. Les ser-
vices rendus par Raoul à la reine
Jeanne de Navarre , et à sou llls
Louis- le-Hutin , semblaient lui pro-
mettre , sous le règne de ce prince ,
un accroissement de lortune et d'hon-
neurs ; mais Louis, prévenu, le lit
jeter dans une prison , comme com-
plice de Pierre de Latilly , chancelier
de France, dans l'empoisonnement
de Philippe le- Bel. Les formes lurent
violées à l'égard de Raoul , et la con-
fiscation générale deses biens l'ut pro-
noncée. Son innocence éclata enfin
par le résultat de l'enquête dirigée
contre lui ; et le roi , reconnaissant
son erreur , ordonna la restilulion
de ses biens , et lui en accorda de
nouveaux. Philippe - le - Long l'a-
uobiit , et le nomuia conseiller au
parlement, en iJip. Raoul vivait
encore en i3u5, mais il était mort
eu i33i. 11 consacra une i)artie
de ses richesses à des fondations
pieuses , et procura, eu i3i3, ré-
tablissement du collège qui porta son
nom , a Paris , jiisiju'à la fin du dix-
huitième siècle. Ses biens passèrent ,
à défaut d'eufanb légitimes , à Raoul
de Prcsles , son neveu , qui exerçait
la profcNsion des armes. A la posté-
rite de ce dernier appartenait sans
doute Jeanne de Picsie, fille d'un
sieur de Lizi , et maîtresse de l'hi-
lippc-ie-Iîon , dont elle eut, en \/\2t ,
Antoine , Làtard de Bourgogne , tige
des .«seigneurs de Bcures. F — t.
PRESLES ^Iaoul de), troi-
sième du uoin, (ils naturel de Raoul
PRE
!<■>. et deWarie Desportes, fut con-
çu prnda.'il la détention de son père,
et le perdit à l'âge de dix ans. Il
chercha des ressources dans la pro-
fession ilu barreau, s'y acquit un nom
honorable, cl s'appliqua , en même
temps aux lettres. Lue pièce latine ,
intitulée la Muse , le fit connaître de
(Charles V ; et ce prince jeta sur lui
les yeux, pour traduire la Cité de
Dieu , de saint Augustin : une pen-
sion de quatre cents livres d'or, por-
tée ensuite à six cents, fut attachée à
celleciitrcjuise, et continuée a Raoul,
après (ju'il l'eut terminée. En 13*^3,
Raoul fut nommé m.iîlre des leqiiètes;
et le roi ajouta a cette faveur des let-
tres de légitimation. Haoul ne survé-
cut que deux ans à son bienfaiteur,
étant mort le i o novembre 1 3S3 , âge
de soixante-sept ans. On a prétendu ,
par erreur , qu'il dirigea la conseienri-
de Charles V ; ce prince ne se servit
jamais, à cet effet, que de religieux de
l'ordre de Saint-Domini(jur : le tiln
de conseiller des marchands forain^
de marée , à Paris , ([ue ])ortail
Raoul , et un passage sur le chapitre
3G du livre i5 de sa Iradurtion de
la Cité de Dieu, passage d'où l'on
peut inférer qu'il était marié , s'op-
posent même à la supposition qu'il
fût engagé dans les ordres. Les ou-
vrages conservés de cet écrivain ,
sont : L La Cité de Dieu , traduite
et accompagnée d'un commentaire
charge d'une éridition Ires-remai-
quablc pour le temps. Raoul la com-
mença à la Toussaint de 1371 , et
l'avait achevée la veille de la Saint
INIartin d'îiiver, eu 1375. Elle fut
imprimée à Abbeville, en 14HG, '.i
vol. in-fol. , et réimprimée à Paris ,
dans le même format , en 1531.
Trente manuscrits fuient collation-
nés pour la perfection de < ( tte ver-
sion , dont le Commentaire fournit
PRE
quelques notions précieuses pour no-
tre histoire. II. Compendium mo-
rale de repuhlicd , ouvrage de jeu-
nesse , derncuré manuscrit. III. La
Mme , dont nous avons parle , fut
également composée par l'auleur
dans sa jeunesse ; car il y fait men-
tion des compagnies d'aventuriers
qui ravageaient la France , de ma-
nière à indiquer la date de i365.
C'est une alle'gorie très-compliquée ,
très-bigarrée , sur les malheurs de
son temps. IV. Discours sur V Ori-
jlamme. C'est , sous un titre Irorn-
peiir, la paraphrase d'un verset àc
la Bible , et une pieuse allocution à
Charles V , qui venait de déclarer la
guerre à TAngleterre , en iS^g. V^.
Trailé de la puissance ecclésiasli-
que et séculière , abrégé du Son^e
du Fergier, dont l'auteur élague les
digressions {F". Ch. Louviers ). On
l'a cru aussi le rédacteur de ce Songe,
sur le fondement que le roi le char-
geait,comme illedit lui-même, d'ou-
vrages secrets ; mais ce raisonne-
ment est insuffisant. Nous avons
perdu la ti-aduction du Boi pacifique^
par Raoul de Presle , et ses Chroni-
ques , depuis le commencement du
monde , jusqu'au règne de Tarqnin-
le-Supcrbc. On lui attribue encore
une traduction de la Bible , que d'au-
tres donnent à Oresme. F. dans le
tome i3 du Recueil de l'académie des
inscriptions deux Mémoires de Lan-
celot sur Raoul de Presles. Pasquicr
a confondu le père et le fils. F — t.
PRESSAVIN, chirurgien à Lyon,
y avaitformé un cabinet anatomique ,
danslequelsesennemisnevirent,plus
tard, qu'un Lycée dans le genre de
l'Aréiin. Lors de la révolution, Pres-
sa vin, comme tantde gens de son état,
en embrassa les principes avec cha-
leur,et remplit les fonctions d'oflicier
municipal et de procureur delà corn
XXXVI.
PRE
49
mune. Legseptembrc 1792, jourdcs
massacres à Lyon , il se rendit au
château de Pierre-en-cisc, et par-
vint , ainsi que ses collègues, à sau-
ver momentanément de la fureur des
assassins quelques officiers du régi-
ment de Royal-Pologne. Un long tia-
jct était à parcourir; et les magis-
trats imaginèrent de couvrir de leur
écharpe les prisonniers. Ils entraient
à l'holel-de-ville, où devait être leur
sûreté, lorsque les brigands massa-
crèrent précisément l'oflicicr que con-
duisait Pressavin; circonstance mal-
heureuse qui lui fut amèrement re-
])rochée , et dont il paraît injuste de
lui faire un crime. Pressavin fut dé-
puté à la Convention nationale. Dans
le procès de Louis XVI, il vota con-
tre l'appel au peuple , pour la mort
et contre le sursis. Hors cela , il n'at-
tira jamais sur lui l'attention publi-
que. Resté dans robscurilc, il était
Je cette majorité saine d(! la Con-
vention , qui laissa faire le mal ; et
l'on doit conclure du moins qu'il
faisait partie de ceux qui ne l'ap-
prouvaient pas, puisqu'eu septem-
bre 1 793 , il fut expulsé de la société
des Jacobins. Demeuré membre de la
Convention , sans avoir été ni pros-
crit, ni proscripteur, il ne fut pour-
tant pas réélu pour les Conseils que
créait la constitution de l'an ui ; mais
en l'an vi ( 1798), il fut nouime
membre du Conseil des 5oo pour
deux ans , par le département du
Rhône. Il ne retourna pas à Lyon :
et l'on ignore où et comment il
a fini son existence. On a de lui :
1, Traité des maladies des nerfs ,
dans lequel on développe les vrais
principes des vapeurs , 1769, in-
I '1 ; réimprimé sous le titre de Nou-
veau Trailé des vapeurs , ou Trai-
té des nerfs, 177 i , i»i- "^ ; tra-
duit en allemand , Nuremberg ,
JO
PRE
\'}'J'X, in-S'^. II. Traite des ma-
ladies vénériennes . où l'on indi-
que un mmi'Citu remède, 17^3 ,
ÏD - 8"., de 384 P'"»?- I^<^"' '7^7 ' •'
avait déjà annonce son nonvcan
moyen cnratif. III. V^irt de prolon-
çer In vie et de conserver la santé,
i-jBO, in-8°. ; traduit en cspacjnol,
Madrid, 1799. in-8". A. R — t.
PUESTET (.IKAN^. prôlrc do l'O-
ratoire, était fds d'un Imi^sirr de
r.ba)lon «ur-Saonr. 11 cuira jcnne au
serviee du P. Maicbranche.qni s'ap-
pliqua à cultiver ses heureuses dispo-
sitions pour les sciences, le mit en
éial de donner des leçons de mathé-
inali(|iies, cl le fit admettre dans sa
coiipri;;aliun,cn 1675. Preslel était
alors à^c de vinf;l sept ans , et venait
de publier la prcniicrc cdilion de ses
Eléments de înallicinatiques. La se-
conde édition, aupnienléc de moitié,
parut en >()Kc), •.>. vol, iu-/|"*. Il s'en
fit nue troisième en Hollande, en
iG<)i, sous In rubrique de Paris;
mais elle est 1res défectueuse. La pré-
face conlient une rcfut.ilion de Wal-
lis , qui accusait le P. Prcslct d'avoir
dérobé à son comj)atriote H.iriot
toute Li partie de ralpcbrc. L'auteur
suit , dans son ouvraj;e , les traces
de Descartes; mais, comme ce grand
pliilosoplie n'avait écrit que pour les
savants, il explique, et met à la
portée des commençants , Us ])rin-
cipes trop succincts de son mo-
dèle. Aussi l'ouvraç^e est - il recom-
mandable par un <;rand nombre de
problèmes curieux, destinés .1 exer-
cer les jeiuies matlicmaliciens. Char-
ge, par SCS supérieurs, d'aller pren-
dre possession d'une chaire de ma-
thématiques qu'on venait d'établir
au collège de Nantes , on lui suscita
tant de tracasseries , par la crainte
(jue ce nouvel ctablissemont ne nui-
sît à la chaire d'hydrographie, rcccm-
PRE
ment fondée par les étals de ï>rcl.i-
tagnc dans la maison des Jésui-
tes, qu'il fut obligé de rcnoiuTr à
sa mission. Il se rendit alors à An-
gers pour le même emploi , et s'en
a(^uitla avec beaucoup de distinc-
tion. Son discours d'ouvorlure est
imprimé à la suite de ses lUéincnts
de mathématiques. Le pcre Pres-
lel, Itiurmcuté sans fondement par
l'idée que ses confrères n'avaient
pas pour lui tous les égards qui lui
étaient dus , parce qu'il avait (-té au
service du P, Malebranehe, sortit do
l'Oratoire en i(i89; mais il y rentra
l'année suivante , et fut envoyé à Ma-
rines , près Ciisors, où il mourut ,
l'année même de sa rentrée ( le H
juin iG<)0 ), T — n.
PRKSTON (Gru.i.ATrMK ), né le
•a8juillel i74';>., à Edinbourg, étudia
à la haute école , et ensuite à l'iuii-
versité de celle ville. Ses parents le
placèrent chez rim|>rimcur Ruddi-
man , dont le frJ-re, Thomas, célèbre
grammairien , l'ayant occupé à co-
jiicr ses ouvrages , commença sans
doute à lui dormer le g<iùl de la lit-
térature. Il vint à Londres dès l'âge
(le dix-huit ans , numi d'une lettre de
recommandation pour (i, Strahan,
imprimeur du roi , qui l'employa
d'abord comme compositeur , cl en-
suite comme correcteur. Preston con-
sacrait ses heures de loisir au culte
des muses , et à des recherches sur la
franc maçonnerie, qui (iuil par de-
venir chez lui une véritable passion ,
à laquelle il sacrifia beaucoup de
temps , son argent et sa santé. Il eut
le désagrément de voir la loge de
V Antiquité , dont il était Maître, rc-
jctéc du sein de la franc-maçonnerie :
mais enfin une réconciliation cul lieu;
et la loge de V Antiquité fui rétablie
au premier rang qu'elle occupe en-
core. Il voulut , à sa mort , y fonder
PRE
une chaire qui avait existe pendant
sa maîtrise. Sa passion pour l'art
raaçonique ne le de'tourna point
cependant des devoirs de son état,
qu'il remplit avec distinction pen-
dant cinquante - cinq ans. Tl me'-
rita et obtint la confianrc de G.
Strahan, qui lui donna la direction
de son grand établissement, et lui fit,
en mourant, une pension via£;ère. Le
fils de cet imprimeur eut la mcmc
confiance en Preston , et se l'associa
dans une branche importante de son
commerce. Ses talents , comme cor-
recteur , furent souvent utiles aux
Hume, atix Gibbon, aux Jolinson
ctauxBlair. Il mourut le i^r. avril
1818 , laissant une fartuno considé-
rable , qu'il partn^^ea judicieusement
entre ses amis et ses domestiques,
Preston fit à la société' des francs-
maçons un legs de 3i,5oo fr. conso-
lides , dont I 'l5oo fr. furent affectes
à une école de charité pour le sexe.
Ses çuvrages écrits en anglais , sont :
I. Eclaircissements sur la Franc-
Maçonnerie , Londres , 1772 , in-
12 ; la 13*^. édition de cet ouvrage
a e'te donne par S, Jones, en 1821 ,
in- 12. IL Calendrier du Franc-
Maçon : ce calendrier fut établi par
Preston. IIL Chronique de Londres:
il fut éditeur de ce journal , et y
fournit un grand nombre d'articles.
IV. Catalogue des JAvres de Bud-
diman , in-S». — Un autre Preston
(Guillaume) , ne en Irlande, et mort
vers 1809, ^ laissé une traduction an-
j glaise des ^rgonaiiliques de Valc-
I rius Flaccus , 3 vol. in-12; des Poé-
sies, 2 vol. in- 180.; et un assez grand
nombre de bons articles de littératu-
re, insérés dans les Transactions de
la Société irlandaise , dont il était
membre. B n j
PRESTRE (Sebastien le), 'r.
Vauban.
PRE 5.1
PRETI (Mathias), ou le Cala-
rnESE, peintre, naquit en i(5i3 , à
Taverna, petite ville deCalabre. Ses
dispositions pour la peinture s'an-
noncèrent dès son enfance A l'âge de
dix-sept ans, il vint à Rome, re-
joindre un de ses frères , nommé
Gregorio, qui cultivait le même art
avec assez de succès pour avoir ob-
tenu le titre de prince de l'académie
de Saint-Luc. Gregorio lui fit étudier
les plus belles figures antiques et les
tableaux les plus célèbres de Rome •
et il mérita ainsi la protection du
pape Urbain VITL Le Guerchin
ayant, à cette époque, envoyé à
Rome son fameux tableau de Sainte
Pétronille , ce chef d'œuvre ( qui a
figuré pendant plusieurs années au
Musée du Louvre ) n'eut pas plu-
tôt frappé les yeux du jeimc Preti
qu'il se hâta de se rendre à Cenfo
où se trouvait le Guerchin , pour y
prendre des leçons de cet habile
niaîfre, dont il ne tarda pas à méri
fcrl'amilié. Jaloux de se perfection-
ner dans son art , il ne voulut com-
mencera peindre que lorsqu'il serait
])rorondément versé dans la science
du dessin: c'est à l'âge de vingt-six
ans seulement qu'il prit les pin-
ceaux pour la piemière fois. II pei-
gnit une Madetène d'une manière si
parfaite, que le Gucrclîin hii-nicmc
la faisait admirer à ceux auxtpicls il
la montrait. IMais ce n'çtait pas as-
.scz pour Prefi. Il parcourût une
partie de l'Europe , pour y éludier
les plus belles productions des diffé-
rentes écoles. Après une absence
de six ans, il revint à Rome; et
les premiers ouvrages qii'il y exécu-
ta furent, \\n Christ deça'?it Pilate,
cl r.nc Pénélope chassant ses amants
diipalais rZ'f/'(>'5.';e. Ils furent trouvés
si beaux , qu'on les attribua d'abord
au Guerchin. Les protecteurs que
4..
5i pui:
lui .nvaient .itliri's sts t.iloiits . obtin-
rent du p-Tp«^ sim ailtni.ssiou dans
l'ortirc ilc >I.iIf<'. A peine avait-il ctd
reçu en qualité île clievalier île jus-
tice , qu'une aventure ilans laquelle
il blessa ;;rièvemcnt un spatlassiu que
protégeait l'auibassailcur de l'empe-
reur , le força de quitter Uoinc , et
de se refu;;ier à Malte , où il acquit
la bienveillance du j;raui.l-inaîtrc en
fiikaut son portrait, et en peignant
pour bii un tableau représentant la
Décollation de saint Jean. Celte
protection ne dura pas lon^-tetnps.
t^oniine il était en course, suivant
les statuts de l'onlrc , sur une galère
de la religion , avec plusieurs che-
valiers , l'ua de ces derniers le plai-
santa sur sa noblesse. Preti, pique,
le frappa si rudement , qu'il le laissa
presque pour mort : condamne' à la
prison pour ce délit , il se sauva sur
une feloMipie qui se rendait à F^i-
vounic. Il trouva dans cette ville le
nonce que la cour de Rome envoyait
à IMadrid ; et ce prélat l'emmena en
Espagne, où Preti se fit connaître
avantageusement. Le nonce étant re-
tourne' à Rome après la mort du
fjape Urbain VIII , Preti revint avec
ui dans cette capitale , où Lanfranc
et Piètre de Cor tune occupaicjit le pre-
mier rang. Il n'y fut occupe que de
travaux peu importants. C'en fut as-
sez pour le décider à se rendre à Bo-
logne, etàCento, où il revit leGucr-
chin,son maître: il travailla quelque
temps à Modèneel à Florence. Ayant
appris la mort de Lanfranc, il se ren-
dit en toute hâte k Rome , pour oblc-
nird'ctre charge de terminer les pcin-
turcsde Sant-Andrca dclla Valle,que
le Dominiquin avait commencées, et
que Lanfranc n'avait pu achever. Pre-
ti fut préféré à ses concurrents; mais
un de ses rivaux cconduits ayant
ciitiqué ses peintures , il se battit
PRE
avec lui, le blessa dangrreusonicnt ,
et fut obligé d'aller chercher un asile
.\ Naples. La peste venait de ravagev
celle ville ; et il était défendu , sous
les peines les plus sévères, d'y laisser
péiiélrcr lesétranger.s. Ignorant cette
défense, il arrive; la garde s'opposo
à son pas>age , et un soldat le couche
en joue. Prtti le jette mort sur la
place , et en désarme un secoiul qui
le menaçait ; on parvient cependant
à le saisir, et à le mettre en prison. Le
vice-roi, auquel on rapporta cet évé-
nement , connaissant le mérite de
l'ai liste , le sauva d'un jugement , et
lui imposa , pour toute punition , de
f ceindre sur les huit portes de la ville
es sainls, protecleursde Naples. Les
temps n'étaient j)as favorables; cl il
n'eut d'abord que j»eu d'ouvrages :
maisipichpips tableaux, (pi'il exiriit i
pour deux riches particuliers, le mi-
rent bientôt eu vogue. Les religieux
deSan-PietroàM.ijelh, le chargèrent
de peindre un des sollltes de leur
église. Celte entreprise devait com-
f>rendre plusieurs t dileaux tirés de
a vie de sainte (atherine. Il avait
Ctab'i son atelier dans le bas de l'é-
glise : calculant l'eilèlquc produirait
son ouvrage lorstpi'il serait en place,
il le peignait à grands traits et d'une
manière heurtée. Les iiioines , qui ne
voyaient dans cetableauipi'unc ébau-
che grossière , refusaient de l'accep-
ter. On nomma des arbitres qui de'-
cidcient qu'il fallait le placer. Lors-
que l'ouvrage put êtie vu à sa vé-
ritable distance, il fut déclaré ex-
cellent ; et les moines eux - mêmes
furent les premiers à l'admirer; ils
prièrent le Calabrèse d'achever les
autres tableaux qui restaient à faire ;
il refusa d'abord , et consentit enfin à
finir , sur les lieux , ceux qui représen-
taient la Dispute de la Sainte avec
Cint^uante docteurs , et son Martj-
PRE
re. Ce n'est qu'à Malte qra'il exécuta
les autres; et c'est de là qu'ils furent
envoyés à leur destination. Le grand-
maître le chargea des peintures de la
cathédrale: il mit treize ans à les
terminer. L'Ordre en fut tellement
satisfait , qu'il lui accorda la com-
raanderie de Syracuse, avec une pen-
sion considérable. Freti revint enco-
re à Naples , puis retourna à Malte ,
où il exécuta quelques derniers ou-
vrages, bien inférieurs à ceux qu'il
avait déjà produits. Son barbier
l'avant blesse en le rasant , la gan-
grène se déclara ; et il mourut en
1699, après deux mois de soulTran-
ce , âge de quatre-vingt-six ans. L'âge
avait entièrement change son carac--
1ère : dans les dernières années de sa
vie, il ne travaillait plus que pour
les pauvres; et lorsqu'on lui repré-
sentait qu'un IraA'ail aussi obstiné
altérait sa santé', il répondait : Que
deviendraient les pauvres , si je ne
travaillais point? 11 possédait à fond
la science du dessin; mais dans cette
partie , il se distinguait plutôt par la
vigueur que par la grâce et la déli-
catesse ; quelquefois même il tombe
dans la pesanteur. Son coloris non
plus n'avait rien d'aimable , niais il
était fortement empâté: il sait, par
le moyen duvclair-obscur , faire déta-
cher tous les objets ; et ses tableaux
ont un ton cendré, qui semble fait
pour les sujets tragiques et mélan-
coliques : aussi peignait-il de pré-
férence des martyres , des pestes ,
d(3s actes de repentir. Sa méihodc
était de peindre au premier coup ,
quoique toujours d'après nature ,
sans attacher une grande importan-
ce à la correction et à l'expres-
sion des sentiments. C'est en cela
qu'il s'écarte de l'école des Carraches,
et surtout de celle du Domini(|uiu et
de Raphaël, et que l'on voit qu'il ap-
PRE
53
partient à tnic époque où les artistes
commençaient à dédaigner les vrais
modèles. La longueur de sa vie, san
activité, sa rapidité au travail, cx-
])liquent le nombre presque incroya-
ble de vastes fresques et de grande»
compositions à riiuile qu'il a exécl^
tces , malgré le temps qu'ont dû lui
dérober ses voyages multipliés. Il
n'est presque pas de ville en Italie,
qui ne possède de ses tableaux ; ils
sontcommuus en Espagne , à Mallo,
en Allemagne et en France. Le Musée
du Louvre en contient deux; le Mar-
tjrede saint André, et Saint An-
toine abbé , visitant dans le désert
saint Paul Ermite. Le même éta-
blissement renfermait un troisième
tableau du même maître , rej)résen-
lant le Reniement de saint Pierre ,
qui provenait de la galeriede Vienne^
il a clé rendu en 181 5. P^ — s.
PRÉTOT ( E. A. Pni LIPPE de ).
r.PmEiPPE, XXXIV, i83.
PREUSCliEN ; Augustin-TuÉo-
pniLE ) , né, en 1734, à Diclhart en
Basse-Ilessc ;, entra dans l'étal ecclé-
siastique , et eut la charge de diacre,
d'abord à Grunstadt , puis à Carls-
rulie , où , en 1 79)- , il l'ut ])romu au
rang de conseiller ecclésiastique. Il
est auteur de plusieurs écrits sur la
théologie , l'histoire et la politique ;
entre autres, des Monuments des
anciennes révolutions physiques et
politiques en Allemagne , surtout
dans les contrées du Uhin , Franc-
fort, 17B7 , in-S*^. , et du Précis des
principales révolutions des contrées
du rjtin , sous les Romains et les
Germains y ibid. , 1788 : mais ce
qui a fait la réputation dePreuschcn,
c'est son invention de la typoraélrie,
dont il a rendu compte en allemand,
dans son Précis de Vhistoire trpo-
métrique , Bâlc , 1778 , in - 8». , et
dans un autre ouvraL;;c inlilulé: 3Io-
nunient consistant en une carte tj-
pornétritjue de lu proi>ince de Sau-
senJierg , i-jbS ; il en avait dou-
né le premier aperçu eu français ,
sous ce îilrc: Essais préalables sur
la tjpométrie , ou le niojen de dres-
ser les cartes ç,èo^raphiipies à lu
faiyn des imprimeurs , Cailsrulie,
!•;•;(), iii-S*^. La typoiuctriccst l'art
d'imprimer des plans à i\ndc de ty-
pes mobiles. Sans avoir jamais pra-
tique la tvpograpliie , Preuscheu con-
çut le projet de cette méthode d'im-
prcssiou , et en (it part .1 Haas ,
fondeur de caractères à li.We : celui-
ci l'aida, par des observations prati-
ques , à perfectionner sou procède ,
»l fut le premier à rexccuter. Il fou-
dit, en formedc types parallelij)ipèd es,
toutes les ligures employées dans les
plans et les cartes , en donnant la
forme de prismes aux caractères des-
tines à être places obli(|iiement. Une
précision jnatlièmjtii|ue était néces-
saire pour i|ue ces types , de formes
diverses, se joignissent parfaitement.
PreuscUen eut le bonheur de réus-
sir, après quelques essais, quoique
le typographe Breilkopf, a Leipzig ,
qui, lors des premières nouvelles de
cette invention , en reclama l'hon-
neur pour lui - même , et fournit
en effet queNiues ècliantilluns , ait
j)rctendu (pi'ii était impossible d'a-
dapter les types les uns aux autres ,
de matière a fiire ce qu'on appelle,
en termes d'imprimerie , une forme.
L'exécution d'une carte du canton de
Bàle en J77G, et d'une carte de la
Sicile en 1777, ne laissèrent pas de
doute, sinon.surrutiiitède latypomc-
trie , dii moins sur la possibilité de
l'excculion. Haas le fils a pcrfectiou-
uc ce procédé ( /'. Haas,. PreuscLen
mourut le 24 mars i8o3. D — g.
PHÉVILLE ( Pitar^E - Louis
DucLs , dit ) , Comédien Français ,
PRE
naquit à Paris, le 17 septembre
i7'.u , de parents pauvres, qui le
destinant à l'état ecclésiastique , le
firent recevoir dans une p.iroisse
de cette ville , en qualité d'enfant
de cluvur. Mécontent de ses chefs ,
le jeune Dubiis prit le jurti de s'en-
fuir pour courir le monde; et , ayant
bientôt vu la lin J'uu pain de qua-
tre livres , son unique avoir , il se
trouva trop heureux d'être accueil-
li par des maçons que ses joyeu-
ses manières avaient divertis. Peu de
temps apiès , il fut retrouvé, cl ra-
mené à la maison paternelle , puis
place chez nu procureur. Par nial-
Iieur, ou plutôt j)ar bonheur , tout
ce qui est du ressort de la chicane ne
lui déplut guère moins que la truc lie:
il s' échappa de nouveau , et alla s'en-
gager en province dans une troupe de
mauvais comédiens. Un assez bou
acteur de la comédie Italienne , nom-
mé Dehesse, lui avait doiuié (jiielques
conseils ; et la nature eut bientôt f lit
pour Préville ((jui dès-lors adopta ce
nom ) , beaucoup plus (jue n'auraient
pu faire les plus habiles professeurs.
Nous ne le suivrons pas dans ses
voyages qui durèrent environ (piinzc
ans. Il suffit de dire (pi 'après avoir
quelque temps végété p.irnii de véri-
tables histrions , il obtint successive-
ment des succès sur les théâtres d<'
Dijon , Rouen , Strasbourg, et qu'il
était devenu directeur de celui de
Lyon, lorsque les genlilshonimes de
la chambic l'appelèrent à Paris pour
y débuter. Il s'était déjà montré dans
cette capitale, quelque temps aupa-
ravant , mais sur uue scène trop peu
digne de lui , celle de la foire Saint-
Germain , dirigée alors par IMuunet;
et il n'avait pas voulu s'y fixer. Ce
fut le ,».o septembre 1703, qu'il parut
pour la première fois sur le théâtre
de la Comédie-Française. Il fut ap-
FRE
plaudi dans le Crispin du Légataire ,
et dans celui des Folies amoureu-
ses , dans le Sganarelle du Médecin
malgré lui j mais aucun de ces rôles
ne le fit briller autant que celui de
La Bissole du Mercure galant. 11
fut assez heureux pour y vaincre
toutes les préventions qu'avaient con-
çues contre lui et les amis de Pois-
son , dont la mort toute récente
causait de justes regrets , et les par-
tisans d'Armand, excellent acteur
qui avait alors , eu cliet" , l'em-
ploi des comiques. Il faut , tou-
tefois, rendre justice à ce dernier:
loin de vouloir nuire à Préville , dont
le talent aurait pu lui porter om-
brage , il se fit un plaisir de lui être
utile ; et l'on raconte même qu'au
moment de jouer devant le roi , à
Fontainebleau , les principaux rôles
du Mercure galant, il eut la généro-
sité de feindre une indisposition ,
afin de procurer au jeune débu-
tant l'occasion de se produire à la
cour. Louis XV fut tellement satis-
fait du nouvel acteur , qu'il voulut
qu'on lui expédiât, le soir même ,
son ordre de réception : « Jusqu'ici ,
» dit le roi au maréchal de Kiche-
» lieu , j'ai re<;u beaucoup de comé-
» diens pour vous , Messieurs les
» gentilshommes de la chambre : je
» reçois celui - ci pour moi. » Ce
fut le 20 oct. 1753, que Préville
obtint cette faveur , ou plutôt cette
justice si bien confirmée dans la suite
par les suffrages unanimes du pu-
blic , suiïVages qu'il eut le bonheur
de mériter jusqu'à l'époque de sa
retraite , qui eut lieu trente -trois
ans après (le i'^''. avril 1786 ). Ce
jour dut causer d'autant plus de re-
grets qu'il fut aussi marqué par la
retraite de madame Préville, de
Brizard et de mademoiselle Fanicr.
Ces quatre sujets, dont la perte étuit
PRE 55
si difficile à réparer , firent ensemble
leurs adieux au public dans la par-
tie de chasse de Henry IV. « Ils
étaient tous les quatre assis à la mê-
me table , au troisième acte de cette
comédie; et le public, en voyant
ainsi rassembles quatre talents qu'il
chérissait , et dont il jouissait pour
la dernière fois , leur donna les mar-
ques du plus profond attendrisse-
ment. « Cette scène, eu eiïèt , fut ex-
trêmement touchante : elle ne s'effa-
cera jamais du souvenir des ama-
teurs qui , comme l'auteur de cet
article, en furent témoins. Prévillc
se relira dans la ville de Scnlis,
avec une pension d'environ cinq
mille francs. Il y vivait heureux et
tranquille au sein de sa famille , lors-
qu'eu 1791 , les comédiens français,
faisant mal leurs affaires , le suppliè-
rent de venir à leur secours. 11 y
consentit ; et l'on peut juger de l'em-
pressement avec lequel tout Paris
se portaanthéàtredu faubourg Saint
Germain , ]iour revoir cet acteur
chéri. Mais Prévillc avait alors plus
de soixante dix ans; et s'il n'avait
presque rien perdu de son talent j
ses forces physiques , du moins ,
commençaient à trahir son zèle. Il
retourna dans sa retraite en 1792 ,
aux approches de la terreur ; et,
deux ans après , lorsque ses anciens
camarades, incarcérés comme sus-
pects , furent rendus à la liberté , il
entendit encore leur voix. Ce vieil-
lard rentra de nouveau au théâtre ,
pour y rester jusqu'au i 1 février
1795 , jour plus fatal pour lui sans
doute que ne fut , quelques années
après, le jour même de sa mort. Au
milieu de la représentation du Mercu-
re-Galant, où il avait été vivement
applaudi, il donna subitement quel-
ques signes d'aliénation mentale; et,
quoique les spcctalcurs ne s'en .ipcr-
56
PRE
çïrsscht pas , il sentit avcB une ex-
trême affliction l'impossibilité de
pousser plus loin sa carrière théâ-
trale. En etïï't , de retour à Senlis ,
où des chagrins domestiques ache-
vèrent de désorganiser sa tête, il
n'eut presque plus de moments lu-
cides. Sa lillcaince, la seule cpii lui
restât , le reçut alors chez elle, a
Bcauvais, où il mourut, le 18 dé-
cembre 1799, dans la soixanle-dix-
iieuvième année de son âge. Tous les
Huteurs dramatiques , tous les ac-
teurs , tous les hommes de goût qui
ont vuPréviile, le considèrent coju-
nic celui des favoris de Thalie qui ,
chez nous, a le plus approche de la
j)erlVction. Goldoni s'est plu à lui
rendre un hommage public d'estime
et d'admiration. Dorât lui a consacre
des vers flatteurs, dans le [locrae
de la déclamation théâtrale ; Mole
prononça l'éloge de Préviile vivai.t ,
dans une séance publique du Lycée
des Arts, le 11 août 1793, à l'occa-
sion d'une cérémonie où l'on cou-
ronnait le buste de cet excellent co-
médien. Cet éloge, qui est très-em-
])hati que, a été imprimé, ainsi (pi'unc
Notice beaucoup plus sim|)le , sur
Préville, qui fut lue par Dazincourt
au I>vcée, le 6 janvier 1800, et im-
primée dans la même année. Lahar-
pe, dans sa correspondance litté-
raire avec le grand diic de Russie ,
a déclaré que la perle de Préviile
serait peut-être irréparable. Gar-
rick s'était lié d'amitié avec ce der-
nier, cl l'appelait familicremenl l'en-
fant gâté de la nature'. Enfin l'au-
teur du Vieux comédien , TM. Pi-
card , a voulu reproduire ce célèbre
comique dans le principal rôle de la
pièce qui porte ce titre, et a dit ,à ce
sujet, dans la préface : « Quand je
)> rencontre des amateurs de la bon-
T> i.e et vieille comcdic, qui n'ont
PRE
» pas Vn Préviile , je ne pciil îîi'emt
» pêcher de les plaindre. J'ai vu
« des acteurs naturels , mais froids ;
» j'en ai vu d'autres pleins de cha-
» leur, mais souvent outrés; Pré-
» ville réunissait au naturel , la cha-
» leur , l'esprit , la grâce et la verve.
1) Jamais comédien n'est mieux en-
» tré dans la pensée de l'auteur. »
11 faut avouer aussi qu'aucun comé-
dien français n'a été plus honoré
que lui, du moins après sa mort. Un
des préfets du département de l'Oiso
( Cambry ) lui a fait élever un mo-
nument à Beauvais. La gravure et la
sculpture ont, à l'cnvi, reproduit
les traits de son visage; et, en 1800,
ime jolie pièce de MM. Chazet et
Dupaty a été jouée en son honneur
au Théâtre- Français, sous le titre du
Buste de Préville. Ce célèbre acteur
était d'une taille médiocre et d'uuo
figure agréable. Son visage rond , ha-
bituellement doux et riant, prenait,
avec une facilité surprenante, les
caractères lés plus opj)osés. Sa voix
était claire et sonore ; et il en variait
les inflexions avec un nattirel parfait,
surtout dans le médium. Sa pronon-
ciation n'avait ])as originairement
toute la netteté désirable; mais ou-
tre que les habitués du théâtre s'é-
taient facilement accoutumés à son
grasséiement , il avait eu l'art de
mettre à profit jusqu'à ce léger dé-
faut pour donner plus de comique à
sa diction. Néanmoins, jamais le
travail ni la moindre aflcctation ne
se faisaient sentir dans son jeu. Il s'i-
dentifiait tellement avec ses person-
nages, qu'on cite plusieurs circons-
tances où certains spectateurs furent
entièrement dupes de l'illusion. Une
fois , se préparant à jouer le rôle de
La Rissole, qui est, comme on sait,
celui d'un soldat ivre, il se sentit for-
tement arrî'té dans la coidissc par \\n
PRE
factionnaire , qui ne voulait pas le
laisser entrer sur la scène : « Cama-
» rade , lui disait cette sentinelle, au
» nom de Dieu, ne passez pas : vous
» me ferez mettre au cachot ! » On
assure qu'il devait à Garrick une
partie de ce talent si vrai avec lequel
il savait peindre progressivement
tous les degrés de l'ivresse; et l'on
rapporte , à ce sujet, une anecdote
assez curieuse dont nous retranchons
à regret les détails. Preville, dans
une partie de campagne qu'il faisait
avec le Roscius anglais , eut la fan-
taisie de jouer une scène d'ivrogne,
et s'en acquitta fort habilement.
Quelques heures après l'on dîna ;
et Garrick, au sortir de table, fei-
gnant à son tour, d'avoir bu trop
de vin , joua si admirablement la
maladresse d'un cavalier ivre qui se
laisse tomber de cheval après mille
€t mille extravagances , que Prévilie
poussa un cri d'elfroi, et se précipita
pour le relever, convaincu qu'il de-
vait au moins être fracassé! Gar-
rick, alors, éclata de rire; et Préville,
stupéfait, avoua que de sa vie il n'a-
vait reçu une meilleure leçon. On ra-
conte qu'à l'époque où il jouait à
Rouen, Preville n'avait pu se défendre
d'un peu de penchant à la charge,
et qu'il y était, chaque jour, encou-
ragé par le mauvais goût du public.
Un petit bossu de la ville eulla gloire
de le ramener dans la bonne voie , en
affectant défaire éclater le plus grand
mécontentement toutes les fois que
les spectateurs prodiguaient à l'ac-
teur en vogue des marques de satis-
faction. Surpris et mêaie pique au
vif, Préville voulut enfin avoir une
explication à l'amiable avec ce juge
si sévère; et celui-ci, homme plein
d'esprit , n'eut pas de jieine à lui faire
reconnaître la vérité de cet axiome :
J^ien ji^est beau que le vrai. Doué
PRE 57
d'une extrême mobilité d'esprit et dô
visage , et d'une rare agilité , il excel-
lait à jouer tous les rôles de valets
sans exception , y compris Figaro,
qu'il établit , le premier , au théâ-
tre ; et personne ne l'a égalé dans
l'art de saisir avec une finesse ex-
quise , cachée sous les apparences
de la bonhomie la plus naturelle, le
côté comique des choses. Le brillant
succès avec lequel il remplit des rôles
d'un tout autre caractère , tels que lo
marquis de Clainville . le bourru
bienfaisant , le père d'Eugénie , le
Michau de la Partie de chasse ,
Freeport , Antoine, nous autorise
à dire qu'aucun genre tenant à la
comédie ou au drame ne lui était
étranger. Son admirable talent ne
se refusait même pas à l'expres-
sion du pathétique. Quant à son
caractère dans le monde, plusieurs
comédiens nous l'ont représenté en-
clin à la domination et à la tracas-
serie : mais quel acteur , membre
d'un comité , ou plutôt d'un tripot
comique , n'a pas été plus ou moins
l'objet de ce reproche banal? A l'é-
poque où les comédiens obtinrent ,
des héritiers de Voltaire , la statue
en pied de cet homme célèbre , Pre-
ville, dit -on , s'opposa à ce qu'elle _
fût placée dans le foyer public de la
comédie , et la fit reléguer au garde-
meuble , d'où elle ne sortit que pour
passer dans le vestibule», qui est la
place des laquais. Les admirateurs de
Voltaire firent grand bruit de celte
petite afTaire; et Préville fut long-
temps en butte à leur ressentiment.
On peut croire , pourtant , que l'in-
tention de Préville n'était nullement
d'insuller à la mémoire d'un, poète
illustre. Uniquement voué au culte
de Thalle , qu'il plaçait, par cette
raison , fort au-dessus de celui de
Melpomcne , il tenait à honneur
58
PHE
d'empêcher qu'un autour tragique
lui rcprcsonte on piod dans un lieu où
lepi-Tcde la cuîncdiencligiirait qu'eu
buste. Son motif, du moins, était
cxcnsablo. Provillc, au surplus , ctail
bon, sensible, et surtout };cucrcux. :
sa libéralité allait même trop loin ,
puisqu'ello l'a toujours cmpcché de
mettre de l'ordre dans ses allaires.
Sans être précisément lettré , et sans
allicher le bol-esprit , il se faisait
rechercLcr îles «i^ens de lettres par
l'agrément de sa conversation ; et
«piebjues autours lui ont été redeva-
bles des conseils los plus salutaires.
On lui attribue généralement ce mot
cpif^rammatiquc sur Dazincourt :
C'est un bon comique , plaisanterie
à part. Quoitpic jovial et bon con-
vive, il ne s'est jamais abaissé au
métier de boulTondc société. Ayant
été invité à suupor chez un riche (i-
naucier , qui paraissait compter sur
lui pour rarausemcut d'tuie compa-
pnie Doiubreusc , il joua à ce uiodcrue
Turcarct le tour de souper sans dire
mot , et de s'en aller au dessert.
Cet acteur était membre de l'Ins-
titut : long-temps avant la révo-
lution , il avait été mis par le roi à
la tète d'une école de déclamation ;
et il fat nommé professeur a la for-
mation du Conservatoire. La Vieil-
lesse (le F réville , comédie, repré-
sentée sans succès , au théâtre de rO-
déon , le 3 janvier 1818, avait pour
sujet une anecdote des plus dou-
teuses , mais à coup sûr très-peu co-
mique, puisr|u'cllc rappelait l'hor-
rible temps delà terreur. Celte pièce
est de l'auteur de la Petite Fille. On
représente , depuis quelques années ,
au théâtre des Vai iétés , sous le titre
de Prëville et Taconnet , une petite
comédie eu vaudevilles, qui ne man-
que ni d'esprit , ni de gaîté. Une
lillc de Prévillc avait épousé l'infor-
PRl-:
tunéde Chamois (rédacteur du Jour-
nal dos Théâtres, et ensuite du Mo-
deralcur), qui fut, eu 171)'-», nue
des victimes do septembre. ( f^oj\
CuAUNois. ) — M"" . Préville ( Ma-
delèue-Angélit|uc-]Michelle Drouin ),
femme de notre grand acteur, était
elle-même attachée au Théâtre-
Français , où elle remplissait , avec
beaucoup de succès , les premiers
rôles de la comédie , et ceux de
l'emploi des mères nobles. Elle s'y
distinguait surtout par l'esprit , la
grâce et la noblesse de son jeu. (^el-
le actrice se retira, on même temps
que son mari , en 1786, et mourut
deux ans avant lui. 11 est à remar-
quer , en outre , que deux frères et
un neveu de Préville ont suivi assez
heureusement la cari 1ère du théâtre:
l'un, //y acinthe J)ul>Ui, i>rcm\L'i ilau
seiir a l'opéra ; l'autre , Duhns tic
Champville ou Soli , chargé des rô-
les d'amoureux au Théâtre-Italien.
Le fils de ce dernier ( Champville }
ajoué près de vingt ans, a la Coméilie
1- rançaisc , los troisièmes comiques ;
Cl il est mort en j8o.i. 11 s'était fait
une sorte de réputation dans le rôle
de Pourceaugiiac. Ou a j>ul)lié , en
1 8 1 3 , des Mémoires tic Prévillc , 1
vol. in 8"., orné d'un portrait, et, en
en 1823 , mic nouvelle édition de ce
même livre , arrangée dans un moil
leur ordre par M. Oiirry. Ces IMé-
moires ne sont pas l'ouvrage de Pré-
ville ; ils ont été rédigés , d'après
quelques notes de cet acteur, par
M. Cahaissc , que ces seules ini-
tiales K. S. désignent au public.
F. P— r.
PREVOST ( René ) , né à Uoul-
Icns , en it)(J4, embrassa l'état ec
elésiaslique ; il prit, en mars 1705 ,
possession de la cure de Saint-Mau-
rice, près Amiens, et mourut le •i\
décembre 1 73G. On ade lui , U s Fa
PRE
Ules de Phèdre traduites en frun-
cois , avec le latin à côté , «wg-
mentées de huit fables , expli-
quées d'u7ie manière très-facile,
avec des rem arques , 1702, in- 1 2 ;
1728, iii-12; 1776, iu-i'2. Le P.
Daire (dans son Ilist. de Doullens )
dit que Prévost a laisse un Phèdre et
uu Térence charges de Notes nom-
breuses. — Claude Prévost, chanoi-
ne régulier et bibliothécaii'ede Sain-
te-Geneviève, à Paris , né à Auxer-
re le 'l'i janvier 1O93, fit profes-
sion , le 23 novembre 1710; puis ,
après avoir enseigné la philosophie
et la théologie , fut chargé du soin
de la bibliothèque. Il remplissait ces
dernières fonctions lorsqu'il mourut,
le i5 octobre i75'2. Il n'a rien pu-
blié^ et l'on présume que ce qui re-
tint sa plume , fut l'exemple des dis-
grâces ({u'eut à essuyer le P. Le Cou-
rayer. 11 avait cependant fait d'abon-
dantes collections : 1". une Biblio-
thèque des chanoines réguliers ; 1°.
un Recueil des Fies des saints cha-
noines , tant séculiers que rég,u-
liers, par ordre chronologique; 3**.
Histoire de toutes les maisons de
chanoines réguliers. 11 avait même
à-peu-près fini une Histoire de V ab-
baye de Sainte-Geneviève ; et pres-
que tout ce qui se trouve sur celte
maison dans le tome vu du nouveau
Gallia christiana, eu a été tiré. Il
avait fourni des matériaux à l'abbé
Lebeuf, pour le Catalogue des écri-
vains Auxerrois, qui fait partie de
l'Histoire d'Auxerre. La France
littéraire de 1769 , tome ir , page
95 , lui attribue la traduction de
Phèdre , qui est de René Prévost.
A. B— T.
PREVOST ( Isaac-Blnedict ) ,
physicien et naturaliste , naquit à
Genève, le 7 août 1755 , de parents
peu favorisés de la fortune. Sa prc-
PRE
59
mière éducation fut Irès-irrégulièrc:
il ne prit pas goût aux études du
coilégc; on le plaça dans une pen-
sion d'iuie petite ville voisine , où il
ne pouvait recevoir qu'une instruc-
tion très-bornée. Il entreprit succes-
sivement deux apprentissages ; l'un
de gravure, à peine commencé; l'au-
tre de commerce, qui lui ollraitdes
espérances llattcuses, mais auquel il
renonça pour cultiver les sciences
avec autant de succès que d'ardeur.
Après quelques vains essais de sa
vocation littéraire , il trouva , enfin ,
une place assortie à ses goûts , et où
ses dispositions naturelles purent re-
cevoir le développement dont il
éprouvait le besoin. M. Delmas de
Montauban , respectable chef de fa-
mille, lui fit proposer de se chaiger
de l'éducation de ses fils. Bén. Pré-
vost accepta, et se rendit^ en octobre
1777, dans cette ville, qui devint
pour lui une seconde patrie. Il avait,
à cette époque , peu de science ac-
quise; mais il était facile de reconnaî-
tre son aptitude à en acquérir , et en
particulier son talent et son goût poul-
ies mathématiques. En peu d'années
il y fit de grands progrès. En même
temps qu'il satisfaisait ses goûts stu-
dieux , il ne négligeait pas des de-
voirs d'une autre nature. De ses éco-
nomies , il acquittait quelques dettes,
et faisait à sa sœur et à ses parents
des dons pris sur ses propres jouis-
sances. Il en usa de même dans la
suite , et remplit toujours , avec au-
tant de zèle que de délicatesse , les de-
voirs de frère et de fils. Dans son
ardeur pour l'étude , il ne voulut
point écouter quelques propositions
qui lui furent faites pour améliorer
sa situation, se bornant adonner des
leçons dans des pensionnats par-
ticuliers. Vers la fin de sa carrière
studieuse , il s'attacha principale-
6o
PKE
ment à la pliysiquc et à Thisloire
naturelle. ^Lil^re rincgularitc de
ses prcraicres ctuclcs , et le défaut
de secours pour y suppléer, il sut se
frayer seul la route qu'il avait résolu
de suivre, et devint bientôt un excel-
lent observateur. 11 vécut près de
riiabile astronome Duc La Cliapelle ,
tt se lia d'amitié' avec lui. Compté
parmi les fondateurs de racadcmie
des sciences de Montauban , et allilic
à plusieurs autres sociétés savantes
(i), il correspondit avec quelques-
uns de leurs membres les plus dis-
tingués , en particulier avec ses com-
patriotes Le Saçi^c, Scnebier, Gosse ,
Jurine, Hubir, Mauuoir. Mais sa plus
ancienne et plus constante liaison
fut celle qui l'unit jusqu'à la mort à
son parent Pierre Prévost, qui lui
avait voue toute son estime, et qu'il
envisageait comme un frère.En 1810,
il fut appelé à la chaire de philoso-
phie dans la faculté de théologie pro-
testante de Montauban, et rcniptit
avec zèle les devoirs que lui impo-
sait cette place. Ses disciples le trou-
vèrent toujours prêt à seconder leurs
cflbrls,et lui étaient attachés comme
à un père et à uu ami. Il vécut dans
Je célibat , de son modique revenu ,
sans autre ambition que de se rendre
utile et de contribuer à l'avancement
de la science par ses travaux assidus.
Bénédict Prévost mourut à Montau-
ban, le 18 juin i8if), àla suite d'une
courte maladie, dans le sein de sa
famille adoplive, qui était celle de
ses premiers et plus chers élèves. On
n'a de lui qu'un ouvrage publié sépa-
rément, et qui a fort peu d'étendue ,
mais qui seul aurait suffi pour lui
(l) R^iKilict Trcv. »l € l.iit mriul rc de la sorirld
dt i>liTni{ne «t d'hi.stoiir nalunllr de r.ciiivo, cor-
rr»ix>ml«iit de la tocù te calvaoirpie ri <l\l. rtricilt
dr t'irn ; dw vrit t. » ait dicalt-< tt dt mrdrciiir j>ra-
li<p.- rie Mr'DtjicUiiri de celles du snialeurj des
Kicnccs tic LiOc, et d'^ciulatioo de Lotuatme.
PRE
assurer l'estime des naturalistes et la
reconnaissance des cultivateurs. Il
est intitule : Mémoire sur la cause
immédiate de la carie ou du char-
bon des bleds , et de plusieurs au-
tres maladies des plantes , Paris ,
1807. Il y prouve, par de nombreu-
ses expériences , variées avec beau-
coup de sagacité , que le sulfate do
cuivre est le meilleur préservatif do
ce fléau des moissons. Le nonibro
des Mémoires queB. Prévost a insérés
dans divers recueils scientifiques est
considérable ; voici les titres des
principaux : — Sur divers moj ens de
rendre visibles à la vue les émana-
tions odorantes ( Annal, de chimie ,
1797. ) — Observations sur un in-
secte aquatique ( ibid. ) — Mémoire
sur la rosée ( ibid. , 1 802. ) — Sur le
ralentissement des corj>s légers dans
l'air ( ibid. , 1819. ) — Remarques
sur l'arais,née des jardins ( iJibl.
britann., 1801.) — Surle modcd'é-
mission de la lumière (\\nA., i8i.'ï.)
Parmi ses manuscrits, dont le cata-
logue se trouve dans la Notice de sa
vie et de ses écrits (2), on ilistinguc
ses divci^ journaux d'observations,
et son Cours de philosophie ration-
nelle , malheureusement incomplet.
En général, les écrits de ce savant por-
tent une enipreinle d'originalité , ()ui
leur donne du jirix , et qu'il faut at-
tribuer , sans doute , à la manière
dont il avait acquis les connaissances
qu'il possédait. Il avait été scui pro-
pre maître presque dans tous les
genres. P. P. p.
PRÉVOST ( PiEBRE ), peintre de
panoramas, naquit à Montigni, ])rè.s
de Châteaudun, en 1704. Ses pa-
rents étaient des cidtivateurs jouis-
sant d'une sorte d'aisance, mais non
(1) \oliee lU la vie et lîet éerilt A'ïtanr-Béni-
tUct rrevoilfà GcDvvc, tlicx PMcboud , i83u.
PRE
assez riclics pour lui donner l'cdu-
cation qu'aurait exigée le goût qu'il
manifestait pour les arts. Cependant
sou inclination était tellement pro-
nonce'e , que son père se de'termina à
faire un sacrifice, et à l'envoyer à
Paris. Lorsque Prévost arriva dans
la capitale, il avait déjà passe la pre-
mière jeunesse; mais il eut le bon-
heur de trouver dans Valcnciennes
un maître qui se ]>Iut à cultiver ses
rares dispositions. Cet habile pro-
fesseur ne cessait de lui recomman-
der l'étude de la nature , et celle du
Poussin et de Claude Lorrain. L'e'-
lèvc faisait son profit de ces sages
leçons , et se perfectionnait chaque
jour dans sou art. Mais , dcnuc de
fortune, et désirant venir au se-
cours de sa famille, il s'imposa, pen-
dant plusieurs anne'es, toutes sortes
de privations. Sa persévérance fut
enfin récompensée; et les ouvrages
qu'il exposa au salon du Louvre
commencèrent à le faire connaître
avantageusement. Il sembla destiné ,
sous le rapport de l'exécution , à
maintenir en France le genre du
paysage à la hauteur où le Poussin
l'avait élevé. Il paraissait annoncer la
même sagesse dans la composition ,
le même grandiose dans les lignes, la
même noblesse dans le style. Cepen-
dant , malgré un talent incontesta-
ble , il n'eût peut-être obtenu que le
second rangparmi les peintres depay-
sage,si une découverte nouvelle uc
fût venue lui faire embrasser un genre
de peinture dans lequel il est demeu-
ré sans rival. Il s'agit de l'invention
des panoramas. Ce n'est point ici le
lieu de discuter si cette découverte a
été importée en France par l'Améri-
cain Fulton , ou si , comme on le pré-
tend, Prévost est en droit de la récla-
mer pour son propre compte. Dans
les beaux-arts , les véritables créa-
PRE
6i
tours sont ceux qui les portent à leur
plus haute perfection; cl, sous ce
point de vue, personne ne peut éle-
ver de plus justes prétentions que
Prévost à une découverte qui l'a il-
lustré. Paris fut d'abord le pre-
mier tableau qui le fit connaître. De-
puis cette époque, il en a exécuté
dix - sept autres, où l'on a vu sou
talent se perfectionner graduelle-
ment, ci arriver enfin k celte matu-
rité au-delà de laquelle il est diilicile
d'ima;;incr quelque chose de supé-
rieur. Parmi ces panoramas succes-
sifs , les plus remarquables sont ceux
de Rome , de Naples , à' Amster-
dam, de Boulogne ^ de Tilsitt , de
/Fagram, à^ Anvers ^ de Londres,
de Jérusalem et d'Athènes ( i ). Tou-
jours fidèle imitateur de la nature ,
c'est sur les lieux mêmes qu'il allait
copier les tableaux, qu'il rendait en-
suite avec une si rare perfection ; et
il devait être doué, à un bien haut
degré, de la mémoire des yeux, puis-
qu'il se contentait de prendre sur les
lieux de simples croquis, d'une gran-
de exactitude linéaire il est vrai, et
que tous les détails existaient seule-
ment dans sa mémoire: souvent mê-
me il les exécutait long-temps après
les avoir dessinés. C'est dans l'inten-
tion de reproduire la vue des lieux
les plus célèbres de la Grèce et de
l'Asie, qu'il s'embarqua , en 1817 ,
avec M. de Forbin; et nous devons à
(i) A ne ;iai'leique du panorama de Rome , c'est,
comme dans celui de Paris, plus encore le paysage
et le fonds qui produisent une véritable illusion,
<jue les fabriques , surtout celles des devants. Le lieu
d'où est pris le point de vue , soit à Paris le Louvre,
soità Rome le Capitole , itant au centre du tableau
circulaire et sous l'œil du spectateur, la coin- du
Louvre et le Campo Vaccino paraissent jjetits et
resserrés. Ce sout seulement lesdeuxiiiine et troisiè-
me plans qui se développent à mesure qu'ils s'éloi-
gnent, par l'elFet de la digradation : de sorte que
les objets les moins distincts sont uniquement ceux
qui semblent les plus étendus. Il eo résulte que dto
grandes enceintes ou de grandes masses sont vues seu-
lement sou.s un petit angle, et manqurnt leur eflet ,
dans les picniiiTS plans des Panoramas. G — CE.
6a
PRE
ce voyage lcsdcu\ l)oaiix pauorainas
de Jérusalem cl d'.Ithèncs. Prévost
s'occupait de I.i peinture de relui de
Constanùnople , lorsqu'une fluxion
de poitrine , qu'il avait contrarte'e
en peignant le panorama d'Alliènes,
l'enleva , le 9 janvier i8j»3 , à l'âge
de cinquante- neuf ans. Depr.is son
voyage, sa santé n'avait fait que
s'alie'rer. Il avait eramene avec lui
son neveu , le jeune Cocliereau ,
tout - à - la - fois son élève et son
ami, cl dont les premiers essais nro-
raetlaient un peintre d'un grand ta-
lent. 11 eut le malheur de le perdre
dans la traversée. Le chagrin qu'il
en ressentit, le frappa dans son exis-
tence. L'entreprise des Panoramas ,
dans laquelle il était doublement in-
téressé, et comme artiste et comme
capitaliste, lui avait fait contracter
des dettes considérables , qu'il était
parvenu à éteindre. Sou projet était
de consacrer désormais les fruits
de son pinceau au soulagement des
indigents. La mort ne lui permit pas
de réaliser ses vues bienfaisantes.
PciJ de peintres ont su , avec autant
de talent que lui, reudreles dilTérents
aspects de la campagne, et rcpro-
dniresur la toile, avec une vérité aussi
frappante, la nature dans tous ses
détails et sous toutes ses formes. Ja-
mais l'illusion n'avait été poussée
plus loin. Sa manière varie suivant
les objets ou les sites qu'il représen-
te. Ainsi , le ciel de Tdsitt n'est pas
celui de Jérusalem ou d'.'\tlièncs ;
l'asjwct nébuleux de Londres forme-
un contraste avec celui de Naples. Il
n'est pas jusqu'à la plaine de Wa-
gram, où la furréc de l'artillerie, cel-
le de l'incendie de plusieurs villa£;cs
qui brillent, se distinguent parfai-
tement des nuages qui parcourent le
ciel, et des vajieurs qui indiquent le
cours lointain du Danube. Jamais
PRE
l'exactitude n'est sacrifice à l'cfTet ,
et c'est par la seule vérité qu'il cher-
che à être piquant. Un de ses talents
fut de choisir, pour l'aider dans ses
travaux, que leur étendue ne lui per-
mettait pas d'exécuter seul , des ar-
tistes dont le mérite était en harmo-
nie avec le sien. Il suilit de nommer
IMM. Bouton et Daguerre. Comme
peintie de paysages, ses tableaux à
l'hiiile prouvent que le travail de ses
Panoramas n'avait point appesanti
sa main; ils sont peints avec une
grande légèreté, cl remarquables par
le charme et la vérité du coloris :
c'est siu'tout dans la gouache, qu'il a
porté l'exécution au dernier degré
de perfection. P — s,
PREVOST DE LAJANNÈS ( Mi-
chkl), magistrat et jurisconsulte,
issu d'une famille ancienne ori'^inairc
jlc Bretagne , naquit à Orléans , en
iOf)0. De bonnes études, au collège
des Jésuites de .sa ville natale, le ii-
rent assez remarquer pour (|ue ses
maîtres désirassent se l'attacher coin
me collègue. Entré dans le noviciat
de cette cttngrégation , la faiblesse
de son tempérament ne lui permit
pas d'en supporter long -temps les
travaux et les austérités ; mais dès-
lors il forma des liaisons et des
relations littéraires avec des reli-
gieux dont il appréciait le mérite,
sans adopter toutes leurs opinions.
Pourvu, en 179.0, d'une charge de
conseiller au prcsidial et an ehàtelet
d'Orléans , il s'assit sur les lianes que
son père honorait encore. Entraîne
par goût et par devoir vers l'étude
de la jurisprudence, Prévost de La
Jannès désira réunir à l'application
dc.> lois comme magistrat, leur en-
scigncmenl comme professeur. Il
obtint, en 1731 , la chaire de droit
français en l'université d'Orléans, oii
déjà, depuis \j>.^ , il possédait une
PRE
pince de docteur aî^J'cge. Il se livra
dès-lors , avec plus d'ardeur encore ,
à l'étude du droit , que cependant ii
sut allier avec celle des lettres et des
sciences. Nourri de la doctrine de Bo-
rnât , il avait pris pour base de ses
travaux , ce principe si fécond en
grandes conse'quences : que la juris-
prudence ne peut être bien conçue ,
ni utilement enseignée , qu'autant
qu'on la rattache aux préceptes du
droit divin et aux règles de l'equite'
naturelle, unique fondement de toute
saine législation. Considcrëe sous ce
point de vue , clic lui paraissait aussi
susceptible de démonstration que les
mathématiques et les autres sciences
exactes, puisque les idées du juste et
de l'injuste ne sont pas moins im-
muables que celles des figures et
de l'étendue. Cette pensée une fois
])ien saisie , ses leçons de droit se
trouvaient tracées d'après x\n plan
absolument neuf , que, quelques an-
nées plus tard , devait perfectionner
Pothier, son collègue et son ami,
qui lui succéda pour le surpasser. Le
besoin d'une nouvelle classification
des lois du Digeste s'était aussi offert
de bonne heureà l'esprit observateur
de PrpVost de la Januès, qui l'avait
cxccute'c en grande partie. C'est par-
ce qu'il avait apre'cie' toutes les dif-
ficulte's d'une semblable entreprise ;
c'est parce qu'aussi modeste que zèle,
il avait reconnu dans un autre toute
l'cteudue de talent et de pcrséve'-
rance indispensables pour la condui-
re à une issue heureuse, qu'il con-
damna ses essais à l'oubli , dès qu'il
eut décide Pothier à se charger de
cette noble tache. Honore' de l'estime
et de la correspondance du chance-
lier d'Aguesseau, Prévost s'empressa
de mettre le Papinien français en re-
lation avec ce ministre, dont les ju-
dicieuses observations et la haute
PKE
63
protection furent si utiles à la res-
tauration des Pandcctes. Pre'vost ne
cessa , tant qu'il vécut , d'aider Po-
thier de ses conseils , de ses recher-
ches , de ses encouragements j et son
nom restera inscrit avec honneur sur
la liste des savants qui ont eu quelque
part à la plus sid)lime conception
qui ait existé en jurisprudence ( F.
Pothier ). Prévost de la Jaunes était
persuade qu'il pouvait rester fidèle
au culte voué à Thémis, sans aban-
doiuier la culture des belles-lettres,
de la philosophie et des mathéma-
tiques , et que même des études de ce
genre devaient tourner au profit de
la science des lois. Il agit toujours
d'après cette conviction. De là , sans
doute, cet esprit d'ordre et d'ana-
lyse, cette pureté de style et cette
grâce de diction , qui caractérisent
toutes ses compositions , même celles
de droit. Il conserva toute sa vie
d'intéressantes relations avec les sa-
vants et les littérateurs distingués de
son temps, et fut Tun des membres
les plus assidus et les plus laborieux
de ia Société littéraire de sa ville na-
tale. Prévost de la Jaunes , comme
tous les magistrats de la même épo-
que, se montra aussi bon chrétien
que juge intègre et professeur éclairé.
11 vécut célibataire, et mourut à Or-
léans, le 20 octobre 1749, laissant,
sur des matières de droit et sur divers
sujets de littérature , des manuscrits
auxquels une mort prématurée l'a
empêché de donner la dernière; main.
Ses ouvrages imprimés sont: I. Cou-
tumes d' Orléans , avec les notes de
Fournier et de Dumoulin , et des
Observations nouvelles , en commun
avec Pothier et Jousse , Orléans ,
1740, 2 vol. in-i 2. Le Discours his-
torique sur les coutumes en général
et sur celles d'Orléans en particulier ;
l'éloge de Delalande, réimprimé aussi
fi4 PRE
dans les Mémoires du P. Niceron ,
tome xLiii ; le Traite des profits et
droits scigiiein iaux ; et les Notes sur
les titres des tutiUes , des servitudes
des prescriptions , des donations et
des testaments, appartiennent à Pré-
vost do la Jannès seul. II. Les Prin-
cipes de la jurisprudence française ,
exposés sui^'ant l'ordre des dii-erses
espèces d'actions qui se poursuivent
en justice , Paris, 1750, 1 vol. in-
1 2 ; le même ouvrage , Paris , 1771,
•X vol. in-1'2. Cette nouvelle édition ,
donnée par Boucher d'Argis,cuntieiit,
de plus que la première , trois Dis-
cours de Prévost sur des sujets de ju-
risprudence, et une table des matières.
III. Parmi ses manuscrits, on dis-
tinguait : une Histoire de la vie et
des ouvrages de Jean Domat , qu'en
ï^^l, Prévost était dans l'intenlion
dé publier; mais l'imnression éprou-
va divers obstacles, dont le princi-
pal était l'opposilion du censeur
royal Ilardion, qui , taxant , on ne
sait trop sur (piel fondctnciit, l'ou-
vrage, de jansénisFue , exigeait de
nombreuses corrections, qui l'eussent
dcliguré, et, par-dessus tout, le re-
tranchement absolu de tout ce qui ,
dans cet écrit, avait trait à Pascal ,
t » compatriote et intime ami (le Domat.
Cet Eloç;e, réuni à deux ouvrages iné-
dits do Prévost , faisait parlic de la
bibliothèque publique de la ville
d'Orléans. Ce recueil , indiqué au
Catalogue de 1777, par D. Fabre,a
disparu, ainsi que plusieurs autres,
lors du désordre momentané qui
exista dans cet établissement , à l'é-
poque des troubles révolutionnaires.
Le rédacteur de cette Notice possède
quelques manuscrits d'ouvrages iné-
dits de Prévost de La Janncs , dont
les plus remarquables sont : IV. Mé-
moire à monseigneur le chancelier
( d'Agricsscau ), sur le projet d'un
PRE
nouveau Traité du droit français ,
1 7 3 1 ; — Exposition abrégée du sjrs-
teme général du droit français^ ou
Plan des lois civiles de France y
mises dans leur ordre naturel ; —
Plan du Traité des principes du
droit français, rapportés au droit
naturel et aux lois romaines. V.
Dissertation sur les principes de la
distinction des deux puissances, spi-
rituelle et temporelle , et sur le vé-
ritable fondement île l'appel com-
me d'abus. Cotte Disseitation est
suivie d'un excellent Kxtiait dos
meilleurs auteurs qui ont cent sur
le droit des souverains, touchant
l'administration de l'Eglise. W. Dis-
cours sur la nécessité de fixer la ju-
risprudence par des lois <pii éten-
dent ou resserrent les dispositions
du droit naturel, suivant l'utilité
des citoyens. VII. Discours sur les
devoirs qui concernent l'usnç^e de
la parole, où l'on examine par-
ticulièrement la question de savoir
s'il est permis , dans quelque cas ,
de parler contre sa pensée. VI II.
Plusieurs Discours en latin et en
français, prononcés , en diverses oc-
casions solennelles , à l'univorsilé
d'Orléans, de i-j'X^ à 17/19. D. L. P.
PRÉVOST -D'EXILES ( Antoi-
ne-François ) , l'un des plus féconds
écrivains du dix-huiliènio siècle, vil
le jour à Hosdin, place-forte de l'Ar-
tois, en 1G97. Son père , procureur
du roi au bailliage , avait ciiK] fils ,
et savait concilier les devoirs de sa
charge avec les soins qu'il donnait
lui-même à leur éducation : Prévost,
le second de ses enfants . fut , au sor-
tir de ses mains , confie aux .lé-
suites qui dirigeaient le petit collè-
ge d'Hesdin. On sait combien ces
f)ères s'empressaient d'attirer dans
eur société les sujets dont la capa-
cité leur ctait connue, cta>'cc quelle
PRE
iuteîligence ils se prévalaient de leur
asccudaiit sur l'esprit de ceux qu'ils
avaient distingue's parmi leurs élè-
ves, Prévost, séduit par les discours
de SCS maîtres , commença presqu'en
même temps son adolescence et son
noviciat. Mais refiervescence de son
âge et de sou imagination ne tarda
guère à changer d'objet : on le vit
avec e'tonnement passer, à seize ans,
dans les rangs de l'armée comme vo-
lontaire. La rigueur de la discipline,
la perspective trop éloignée de sou
avancement, enfin l'amour de l'é-
tude, lui luent reporter ses regards
sur la société qu'il avait quittée. Il
se jeta de nouveau dans les bras des
Jésuites , qui l'accueillirent , non
comme un coupable repentant, mais
comme un enfant chéri. Cet en-
gouement fut encore de courte du-
rée, et s^évanouit devant une passion
impérieuse. Les émotions des sens
poursuivirent le jeune novice sous
les parvis du cloître; son cœur ou-
vert à toutes les illusions, et son tem
pérament combustible , le sollici-
citaieut à chercher la liberté. Il se
lança , pour la deuxième fois, dans la
carrière des armes, ravi d'échanger
les entraves d'une règle religieuse
contre la vie plus animée des jeunes
militaires. Il ne pouvait douter qu'il
s'exposait à une véhémente inipro-
bation de la part de sa famille; il en
prévint les éclats en rompant toute
communication avec elle. L'amabi-
lité de son caractère , les agréments
de son esprit et de sa figure , furent
pour lui d'heureux titres de recom-
mandation dans la société , surtout
auprès des femmes. Il ne se refusa
point à la multiplicité des jouissan-
ces qui lui étaient offertes : il épuisa
tous les transports de la jeunesse ; il
s'abandonna à tous les mouvements
de la dissipation. Un violent amour,
xxxvi.
PRE 65
trahi, vint bientôt désenchanter son
existence et empoisonner ses plai-
sirs. Assailli de réflexions mélancoli-
ques , il se réfugia , à vingt-deux ans ,
dansl'ordredes bénédictins de Saint-
Maur, comme dans le seul asile où il
pût désormais respirer en paix. La
nouvelle destinée à laquelle il se con-
sacrait , ne fut connue qu'après la
prononciation de ses vœux. Elevé à
h prêtrise par l'évêque d'Amiens, il
remplit d'abord les fonctions de l'cn-
seigneuieut. La ville d'Evreux de-
manda aux bénédiciins un prédica-
teur, pour le carême; le choix tom-
ba sur Prévost, La froideur, qui est le
plus grand défaut dont ceux qui par-
lent en public aient à se garantir , ne
pouvait être le sien : l'élégance de ses
discours , l'éclat des images qu'il y
mêlait sans négliger la solidité du
raisonnement, produisirent une vive
impression sur le nombreux audi-
toire qui venait jouir de son talent;
et, lorsqu'il partit après avoir re-
cueilli des applaudissements unani-
mes, la ville qui l'avait appelé lui
exprima son regret de ne le point
posséder dans son sein. Prévost fut
ensuite envoyé à l'abbaye de Saint-
Germain-des-Prés, oi!i l'élite de la
congrégation était renfermée. Là de
savants religieux, mettant en com-
mun leurs recherches , entrepre-
naient d'immenses travaux d'érudi-
tion, qui auraient effrayé l'homme de
lettres le plus courageux , abandon-
né à ses propres forces. Dom Pré-
vost fut associé à leurs veilles, et
coopéra, sans être soutenu par son
goût , à ces vastes monuments qu'é-
levait la patience de ses confrères.
Un volume presqu'entier du Gallia
christiana est de sa main. Il se dé-
lassait de ce travail, en improvisant,
dans les longues soirées des bénédic-
tins, et à leurs instances, des récits et
r.
66
PRE
des fictions qui K- rattnchaicnt, par
ses souvenirs, nu vaste tlu-àtrc dont
il s'était éloi£;ru''. Ce fut au milieu de
la poussitrc des bibliollicqucs et des
manuscrits d'un genre bien oppose,
qu'il composa les deux premiers vo-
lumes des Mfin'iiresd'un homme île
qualité. Le commerce de ses doctes
conlrèrcs avant pour lui peu d'at-
traits, il se retirait IVcqiictnmcnt
dans sa cellule, où il se mettait en
communication avec les morts, c'est-
à-dire avec ses livres. Cette solitude
réveilla la faiblesse de son cœur :
comme saint Jérôme dans sa retraite
de Bethléem , il était assieî;c par les
images du monde auquel il s'e'lailde-
robé; et les passions recommençaient
à remuer le cœur de cet esclave fugi-
tif, ([ui n'avait fait que se tlonuer
d'autres chaînes. Il désira de rentrer
dans la société; mais l'indissolubilité
de ses vœux lui enlevait cet espoir. Il
fallut se contenter d'circ transfère' à
l'abbaye deCluni, dont la règle était
plus douce. Le bref de tran.slatiou
fut accorde' par ia cour de Rome :
une dernière formalité, celle de ful-
miner ce bref, devait être remplie
par l'évêque d'Amiens. Ce prélat
e'tait favorable à Prévost; mais, r,c
laissant dominer par nue volonté
e'trangère , il prit la résolution de ne
fulminer le bref, qu'après que le
concessionnaire aurait allégué de
meilleures raisons que la vague in-
quiétude de son caractère. Ce[>en-
dant dom Prévost était sorti secrète-
ment de Saint -Germain -des -Prés ,
comptant sur le succès de sa traiis-
lation : des lettres qu'il avait laissées
dans l'abbaye , avertissaient ses su-
périeurs des motifs de son évasion.
()uc\ fut son étonnen.ent après cette
démarche, lorsqu'il fut informé des
intentions de l'évêque d'Amiens,
dans les dispositions duquel il avait
PRE
pleine confiance! Atterré de ce coup,
il s'enfuit en llollanile, résolu dy
fixer son séjour. Le comiueree éten-
du des libraires de ce pays en livres
français, lui od'rait une existence à-
la-fois conforme à ses goûts et utile
à sa gloire. Il y acheva les Mémoires
d'un liiimmetlc ijualité , dont la pu-
blication ( 17 tg) obtint le plus grand
débit. Les chagrins qui, dans la cul-
ture des lettres, font trop souvent
la compensation des succès , vinrent
encore le traverser dans cet asile.
La Hollande était pleine de familles
françaises qu'y avaient poussées les
persécutions religieuses : il était na-
turel que Prévost contractât des liai-
sons avec plusieurs de ses compa-
triotes réfugiés. 11 eut l'occasion de
Connaître à la Haye une jeune pro-
testante que sa naissance, sa beauté,
son esprit et ses talents .igréablcs
n'avaient point sauvée de l'uidigen-
ce ; et , avec cette délicatesse (|ui ilon-
ble le prix du service, il olViit et fit
accepter ses secours. La belle pro-
testante, touchc'<'de ce procédé, lais-
sa croître dans son co-ur im senti-
ment qu'elle pouvait confondre avec
la lecounaissance. Elle proposa sa
main à l'ami qui y avait tant de
droits; mais il lui déclara ({uc les
principes de l'honneur humain^
non moins que sa conscience , lui "
défendaieiit de ron)pre les lien^
dans lesquels il était eng.igé ; et
que de plus cette union lui inter-
dirait à jamais le retour dans sa pa-
trie, U laquelle il ne se sentait pas
capable de renoncer. L'amante ne
fut point ébranlée par ces francUcs
représentations, et voulut le suivre
en Angleterre, où il passa, qiiebpic
temps après. L'abbé Lenglel-Dufjes-
noy , écrivain négligé , accoutumé ,
dans ses écrits , à une causticité
iusuflisaute pour racheter l'incor-
PRE
rection, la pesanteur et la inaus-
saderie de son style, profita de cette
circonstance pour se venger de Pré-
vost , qui avait refuse de rendre
hommage à la vérité d'une de ses
remarques. Le satirique abbé , alté-
rant celte aventure , s'cflorça de je
ter de la défaveur sur les mœurs de
l'ex-bénédictin, l'accusa de refuser
son assentiment à toute croyance re-
ligieuse, et même d'avoir manqué
aux lois de la probité. L'olFensé se
défendit avec une modération é-^ale
à l'animosité de son adversaire; et
les gens de bien applaudirent à sa
justification. Le troisième reproche
tourna même à sa gloire, en le met-
tant dans la nécessite de révéler qu'il
avait fait quelques dettes pour se-
courir des infortunés , et qu'il était
sur le point de se libérer de ces
emprunts honorables. Pendant cet-
te polémique , sa plume ne resta
point oisive ; il puljlia successive-
ment à Londres ; Cléveland ou le
Philosophe ans^lais , ( 1732 ) et
V Histoire du chevalier Desgrieux
et de Manon Lescaut (t^S'i). Il
entreprit en même temps une feuille
périodique intitulée le Pour et le
contre, dont la manière n'était point
calquée sur les ouvrages du même
genre. Fidèle à son prospectus, et
aidé de son extrême f.icilité,il con-
duisit ce recueil jusqu'au vingtième
vol. (i) C'est un assemblage d'anec-
dotes , de récits, de traductions, de
jugements sur les productions de la
littérature anglaise : tous ces mor-
(1) Les 70 volumes se composent de ipS liuméros :
n la lin du tome X est uue table des i o premiers vo-
lume:»; à la fin du tome XX, une table desio der-
niers volumes Prévost ayant interrompu deux lois
soD travail, la plus grande partie des tomes II et
XVII , et tout le tome XVIII ne sont pas de lui. Sur
Je frontispice du tome XVIII, ou lit même par Til .
I>. S. M. Dansictomc XVI c'est au n". 7.!\n que com-
mence le travail de (Lclévre de ) LSaiut-Marc , rjui
lut le suppléant de Pri'vost. A. B — T.
PRE
G7
ccaux sont disposés avec un désor-
dre qui en rendait la lecture encore
plus piquante ; et rimpariialiié du
critique ne s'y dément jamais. Pré-
vost nourrissait un désir très-vif de
revoir sa patrie. Mais avant de re-
mettre le pied sur le sol de la Fran-
ce , la prudence lui conseillait de se
tenir en garde contre ses ennemis
qui, réduits jusqu'alors à exhaler
leur haine dans des libelles , saisi-
raient avec joie le moment d'exercer
contre lui une persécution plus acti-
ve. II voulut se mettre à couvert sous
des noms respectables : le prince de
Gonti et le cardinal de Bissy lui ob-
tinrent l'autorisation de reparaître
sans crainte, et déporter le costume
ecclésiastique séculier. Le prince lui
diwma un témoignage de ])lus de son
estime, en lui faisant accepter, par
des instances obligeantes, le titre de
son aumônier. Ses travaux littérai-
res semultiplicrent avec une incroya-
ble rapidité. Il publia, en 1735, le
Doyen de Killerine, que suivirent
neuf autres productions , à des inter-
valles très-rapj)rochés. Compromis
par un nouvelliste qu'il secourait de
sa bourse, et dont il corrigeait les
feuilles , il faillit payer de sa liberté
la part que lui attribuait faussement
ce misérable à des articles qui avaient
indisposé l'autorité, et il fut obligé de
fuir à Bruxelles ; mais l'orage se dis-
sipa promptement , et son retour fut
sans danger. Quelque temps après ,
il entreprit , sur les instances du
chancelier d'Aguesscau , de rédiger
en \m même corps d'ouvrages le pré-
cis des Voyages dont il existait Aes
relations, à partir de l'époque de la
décoiiverte du Cap de Bonne-Espé-
rance jusqu'à nos jours. Letravailde
l'abbé Prévost ne fut d'abord qu'une
traduction libre d'une Collection ana-
logue que publiait une société de sa-
5..
68 PRF.
vants anglais. C'était à leur nation
qnc semblait appnleiiir par préfé-
rence l'honneur ifun tel monument :
cependant ils s'arrêtèrent au septiè-
me volume in 4°- j rejetant sur le
couvernement rabandon de leur ta-
che. Prévost, marchant seul désor-
mais , et n'ayant à subordonner son
plan qu'a ses propres conceptions,
eut besoin de faire de plus laborieu-
ses recherches; mais le public y <;a-
gna doublement. Les matières fu-
rent disposées dans un ordre plus sa-
tisfaisant; les vovageurs de toutes
les nations trouvèrent place dans le
tableau gênerai des mœurs, des usa-
ges , des lois, des monuments, des
arts et de l'histoire naturelle des di-
vers pavs; les repctiliuns et les lon-
gueur> disparurent. Mais c'est sur-
tout lorsque l'auteur arrive au dou-
zième vol unie, et à r Amérique, qu'on
Erend une idée avantageuse des ame-
orations qu'il était capable de pro-
curer à l'ensemble de l'ouvrage. Ce
sont ces quatre derniers volumes qui
justifient le compliment que la du-
chesse d'Aiguillon fit à l'auteur :
« Vous po;irricz faire mieux; mais
» persoi.uc ne pouvait faire aussi
» bien. » L'infatigable abbe se dé-
lassait de te vaste travail , en natu-
ralisant parmi nous les romans de
Richardson. Paméla , Clarisse ,
Grandissun, fuient reproduits dans
notre langue par sa plume élégante.
Il rendit à l'original le service d'en
élaguer les détails surabondants ; et,
quciquv' humeur qu'en témoigne Di-
derot , ces suppressions, conseillées
par le goût, ont très-bien diâsimulé
aux lecteurs français le plus grand
défaut des compositions de ce ro-
mancier, jusquc-ià peu connu. Grâce
au traducteur, elles firent plus de
fortune en France que dans le pays
qui les avait vues naître. L'abbé Pré-
PRE
vost , dans les dernières années de sa
vie, avait dit adieu au monde, qui lui
devenait indiiVérent depuis que le
ressort des passions avait cessé de
l'animer. Possesseur d'une petite mai-
son à Saint Firmin, près de Chan-
tilli , il aimait à s'y recueillir; et
faisant un retour sur sa vie aventu-
reuse, il projetait d'y finir ses jours
dans d'austères pratiques, et do pu-
rifier sa plume, trop longtemps oc-
cupée d'écrits frivoles, en composant
des ouvrages utiles à la religion. Un
fragment , trouvé dans ses papiers,
apprit quels étaient ces ouvrages qui
devaient consumer ses dernières for-
ces. Le premier aurait eu pour ob-
jet de prouver la religion par ce que
les connaissances humaines ont de
plus ceitarn; le deuxième aurait re-
tracé la conduite conslaiite de Dieu
pour le maintien delà fui chrétienne;
le dernier enfin aurait développé l'es-
prit de la religion dans l'ordre de la
société. Une mort tragique, aussi ex-
traordinaire que les événements de
sa vie agitée, mit un terme à ses der-
nières pensées littéraires. Le •l'i nov.
i';()3, comme il traversait la forêt
de Chanlilli , une apoplexie soudaine
le renversa au pied d'un arbre. Des
paysans relevèrent ce corps privé de
mouvement, et le remirent au cure'
le plus voisin. La justice fut appelée
pour constater la dérouvei te et l'e'-
tat du prétendu cadavre. L'oflicior
public, descendu sur les lieux, agit
avec une précipitation déplorable,
et ordonna l'ouverture du corps.
Quelle consternation se peignit sur
tous les visages , lorsqu'un cri dé-
chirant de la victime eût révélé son
existence! La main glacée de l'opé-
rateur s'arrêta; mais le fer meurtrier,
enfoncé dans les entrailles, y avait
attaqué les sources de la vie. Les
yeux de l'infortuné ne se rouvri-
PRE
lent im moment que pour le con-
vaincre de l'horreur de sou sort. Il
succomba presque sur-le-cbamp au
coup dirige' par une erreur si cruel-
le : il était dans sa soixante-septième
année. 11 serait trop long d'éuumé-
rer tous ses ouvrages, qui forment
plus de cent-soixaute-dix volumes :
il suifit de mentionner ceux qui lui
font le plus d'honneur; et ils sont en-
core assez nombreux ('2). Son /^t5fot-
TV des voyages , continuée par Quer-
lon etSurgy,a paru de y'^l\^h ^']'jo,
et comprend vingt volumes iu-4''. ,
avec la table. Une deuxième édition,
fort augmentée, fut publiée, de 1747
à 1780, en vingt-cinq volumes, mê-
me format. Il existe une seule édi-
tion in-i2, en quatre-vingts volumes.
On doit savoir gré à Laharpe, d'a-
voir retouché cette histoire , d'en
avoir mieux coordonné les faits , et
d'ayoir resserré le tissu un peu lâche
de la composition primitive. Les ro-
mans de Prévost composent, après
ce volumineux travail , la plus gran-
de partie de sa fortune littéraire. Les
peintures sombres et déchirantes
plaisent à son imagination : on s'est
accordé à le reconnaître comme le
Crébillon du roman. Il a ouvert en
ce genre une école opposée à celle
de Lcsage : celui-ci a porté , dans ses
légères fictions , la comédie et son
génie observateur : Prévost a donné
aux siennes le caractère du drame.
Tous deux sont variés , fidèles au
naturel ; l'un a, tout-à-la-fois , plus
d'art et plus d'originalité; nul ne l'a
surpassé dans la manière qui lui est
propre; il n'a guère fait , il est vrai ,
que dérouler des scènes à tiroir,
(2^ En 1739 on publia , sous le nom de Prtvost ,
des Mémoires d'un comte et de fonjils , qu'il désa-
voua. Tout récemment on a pris le mimfc tour pour
appeler ratlention du )>ubljc sur la Nièce de Téki-
l' , 1822 , 4 volumes Ju-12. A, B — ï.
PRE
69
mais il ne permet pas à l'intérêt de
languir. L'autre, plus fécond, doué
d'une plus grande facilité d'inven-
tion, ménage trop peu la vi'aisem-
blance, s'embarrasse dans des lon-
gueurs, pèche le plus souvent dans
l'enchaînement des parties de son
plan , ou plutôt paraît s'abandon-
ner à sa verve sans être guidé par le
fil d'un plan antérieurement tracé:
chez lui l'action est trop fréquem-
ment ralentie par les réflexions dé-
mesurées qui chargent ses récits ; en-
fin plusieurs de ceux qui lui ont suc-
cédé , l'ont effacé dans le talent de
disposer les ressorts des passions.
Quoi qu'il en soit , les Mémoires
d'un homme de qualité, le Doyen
de Killerine , Clé^éland et Manon
Lescaut, conservent un grand nom-
bre de lecteurs. Cette dernière pro-
duction, dégagée des défauts que îa
critique a signalés dans les autres ro-
mans de Prévost, est sans contredit
son chef-d'œuvre. 11 était impossi-
ble de mieux graduer l'intérêt, et
d'inspirer les plus tendres émotiens
en faveur de deux héros de mauvai-
ses mœurs, et dont les sentiments
sont continuellement exposés à des
épreuves dégradantes. Clévéland
avait fait les délices de J.-J. Rous-
seau ; et les impressions d'un pareil
juge répondent assez du mérite atta-
chant de ce livre. Le Monde moral
n'offre que des esquisses agréables, et
n'a pu être achevé par l'auteur, qui
se proposait d'y fondre des études
importantes du cœur humain. Les
Campat^nes philosophiques , V His-
toire d'une Grecque modenie, V His-
toire de la jeunesse du comman-
deur de ***, les Mémoires d'un hon-
nête homme, sont des compositions
faibles ou défectueuses , bien infé-
rieures aux premières : on voit aisé-
ment qu'elles ont été dictées par une
70 PRE
spéculation mcccantilc. On rogrcltc
qur, sollicite pai- îles iiiotils sem-
blables, rabl)e Prévost ait consacre
sa plume à la traduction Je trois ou-
vra{;es anglais aussi médiocres que
les Mémoires pour servir à V histoire
de lu vertu ; ALmoran et Hamet ,
et les Lettres de Mentor h un jeune
seipieur. La Fie de Cicéron , par
IMiddleton , fut une importation plus
heureuse dans notre littérature. L'ab-
bé Prévost no s'astreignit pas au rôle
lie simple traducteur : il mudilia les
formes de ce morceau biof^raplii-
que, sacrifia les digressions et les
réflexions inutiles ; et l'on put s'en-
quérir, avec un plaisir constant , de
toutes les particularités qui font res-
sortir l'écrivain illustre et le grand
citoyen. A cet ouvrage se rattachaient
comme complément, les Lettres de
Gicéron à ses amis : Prévost traduisit
( i745},cellesquisontécri:rsaBrutus,
et celles que l'orateur romain adresse
ad Familiures. les mêmes que le pu-
blic a nommées familières , avec la
même impropriété (i'eiprcssiou,qui
lui a fait appeler Lettres provin-
ciales, le chef-d'œuvre de Pascal.
La correspondance de Cicéron peut
être considérée comme un excellent
morceau d'histoire sur une époque
mémorable: le traducteur l'a rejtro-
duite avec autant de rapidité, d'ai-
sance et de naturel , que s'il eût con-
fié au papier sa propre pensée; ce
mérite ne permet pas de s'apercevoir
de quelques inexactitudes et de légè-
res incorrections échappées à une
plume dont le trait est presque tou-
jours pur et d'une élégante simpli-
cité. Les notes qui accompagnent le
texte se font lire avec le même plai-
sir : elles ont été fournies, pour la
plupart, par Middlelon. Prévost a
traité l'histoire , mais d'une manière
trop passagère et trop p< u soignée,
PRK
pour se placer parmi nos historicii»
au rang que son talent pouvait lui
assigner. Son Histoire de Margue-
rite d'Anjou , qui retrace les san-
glantes discordes des maisons d'York
et de Lauc.istic; celle de Guillau-
ine-le-Conquérant , fondateur d'une
nouvelle dvnastie, à-la-fois grand et
barbare, sont des sujets intéressants,
mais où il ne s'est pas assez, confor-
mé à la sévèie gravité et au ton éle-
vé du genre. La critique crut y rc-
( onnaitre les h.ibitudes du roman-
cier; et (pioiqu'il répétât qu'il avait
dépouillé les vieilles chioniques , cl
qu'il avait puisé aux sources les plus
pures , il resta soupçonné d'avoir été
aussi peu scrupuleux que S.iinl-Réal
et Vertot, et fut comjité parmi les
écrivains île leur école. On lit un tout
autre reproche à V Histoire de la
maison de Stuart , par Hume, qu'il
fit passer en notre langue ; ce fut
lui qui créa en France la ré])u-
tatiuu du célèbre historien écos-
sais , comme il avait fait celle de
Richardson. Mais celte fois son sty-
le avait perdu de son coloris, et il
avait écrit prcsqu'avec la même né-
gligence que M"'", lielot. qui nous a
donné les autres parties de l'ouvrage
de Hume (3). Il voulut aussi s'exer-
cer sur l'histoire de notre président
De Thon; mais il n'acheva que le
premier volume de cette entreprise,
qui fut abandonnée à la rédaction
bàtivc de quelques spécidateurs lit-
téraires. Parmi les obligations de
notre littérature à l'abbé Prévost, il
faut rappeler qu'il répandit la con-
naissance des productions étrangè-
res , et qu'en familiarisant les Fran-
cs'. C< lie Traducliun a ttc dqiuû •oignciisc-iupnt
revue sur le telle aJig]ai> , corrigée d'uu b<iul .'i Tau-
trc , et rt'imprimée en 1811), 10 toIuidcs Îd-R". ,
suivi* Je 13 anlrei qni colitiitnoeot U cnnlinuatinn
de V f/iftoire tC An^Uleirc de Uninc, Jiar SinolleM,
Adolflioii , et M. D. I"
PRE
çnis avec ce surcroît tle richesses, il
ne chercha pointa corrompre la dé-
licatesse nationale par des théories
contraires aux traditions consacre'es;
il n'éleva point d'autels au mauvais
j^oût. Dans les neuf premiers volu-
mes du Journal étranger^ comme
dans le Pour et le Contre^ sa criti-
que est judicicute, inolTcnsive, et
porte sur ries objets qui méritent l'at-
tention. On sait avec quels ménage-
ments il repoussa les hostilités de
Dcsfonlaiiirs , et avec quelle impu-
dence ce fougueux folliculaire , re'-
A'c'lant son secret, lui écrivait : « Al-
» cer riiourrait de faim, s'il vivait
» eu paix avec ses ennemis, » Il n'eût
tenu qu'à lui de couper les vivres à
de pareils ennemis. En se confiant
moins dans l'accueil que faisait le
public aux produits de sa plume, et
en travaillant avec moins de préci-
pitation , il eût défie une critique
malveillante. Mais il e'crivait avant
tout pour son plaisir, et s'inquiétait
peu de ne point parvenir arec un
gros bagage à la postérité. D'ailleurs,
avec la facilite' extraordinaire que
lui avait départie la nature , on se
résout rarement à composer avec
maturité , et l'on revient encore
moins volontiers sur le re'sultat d'une
première inspiration. Cette facilite',
qui dominait l'abbci Prévost e'tait
telle, qu'on assure qu'il pouvait se
mêler à une conversation sans que
sa verve fût ralentie pour la compo-
sition , ou l'ordre de ses idées inter-
verti. Il était franc, d'un caractère
généreux, d'une bonté à toute épreu-
ve; il avait gardé , des amertumes de
sa vie , une humeur mélancolique,
que le désir de plaire lia faisait con-
centrer en lui -même. Lorsque les
passions l'eurent laissé à ses goûts
jiaisibles , il ne connut licn de plus
délicieux que le repos de son cabi-
PllE 71
net et le commerce de l'araitie'. II
sut toujours apprécier les convenan-
ces ; et au milieu des irrégularités
qui marquèrent sa vie, il se tint en
garde contre des écarts scandaleux.
L'exercice d'une bienfaisance active,
et la décence dont il s'environna de-
puis son retour clans sa patrie, cou-
vrirent ce qu'avait eu de turbulent et
désordonné la première moitié de
sa carrière; et même dans ses torts,,
il ne cessa pas de mériter l'indulgen-
ce. Sa plume était devenue tout son
patrimoine; et on doit l'excuser si,
au détriment de sa gloire , il mit son
talent au service d'un libraire. D'ail-
leurs il mérita les plus grands élo-
ges par son parfaitdésintéressement.
Le fermier-général Laboissière, qui
l'aimait, lui offrit de faire les frais
d'impression de l'Histoire des voya-
ges. Ces avances aiiraient produit à
l'*auteur un bénéfice de près de cent
raille francs : il ne voulut point y
consentir. Le même financiei le pres-
sa encore en vain d'accepter ime
pension viagère : il opposa une cons-
tante résistance à ces offres répétées ;
et voyant les enfants de Laboissière
indisposés contre lui , il s'éloigna ,
avecdignitc,de cette maison, où il
devenait un objet de jalousie. On a
donné plusieurs éditions des OlLuvres
choisies de l'abbé Prévost, sans y
comprendre son Flistoire des voya-
ges : une des meilleures est celle qui
porte l'indication de Paris et d'Ams-
terdam, 1783 85, 39 V. in-8«. : elle
a été reproduite , en 1810, parles
presses de l'imprimeur Leblanc, qui
a mis à la tête une Notice étendue
sur l'auteur. Prévost a encore atta-
ché sou nom à une traduction de
Cléopâtre, tragédie anglaise, et à un
Manuel lexique , comprenant les
mots techniques de la langue, ouvra-
ge utile , souvent réimprime , et
72
PRE
qu'a fait oublier le Dictionnaire des
sciences et des arti, par Lunicr. On a
donné sons son nom un recueil pos-
thume de Cuntes , aventures et faits
singuliers, 17(34, î vol. iu-ii ( ti-
rés du Pour et Contre ). Ses Pen-
sées, précédées d'un abrégé de sa
fie, ont éié publiées la mcmcaunée,
iu-ijt, par M. Dupuis. F — t.
l'KKVOSf D'EXMES [ Fkan-
(^ois LE }, prit, suivant les uns, son
surnom du lieu de sa naissance, près
d'Argentan , en Normandie; il était
né, suivant d'autres, à Coudehard ,
villaj;e voisin de ce bourg , le "29
septembre 17^9. Après avoir ache-
vé ses classes , il étudia (pielque
temps le droit, qui ne fut pas de son
goût. Il préféra l'état militaire, et
fut reçu dans les pardes du corps de
Stanislas, roi de Pologne. Le Prévost
y connut Tressan , Boufllcrs , Saint-
Lambert, et d'autres personnes dis-
tinguées de la cour de Luiiéville.
Une Ode qu'il envoya au concours
de l'académie de Nanci , obtint une
mention lionorable;et ce succès aug-
menta sou goût pour les lettres. Plu-
sieurs fois , Stanislas le chargea de
composer des divertissements pour
les fêtes de sa cour; mais, ennemi
de la souplesse et de l'intrigue , Le
Prévost ne sut pas profiter des cir-
constances pour amcliorer son sort:
il quitta le service , revint dans son
pays , s'y maria , et remplit une pla-
ce de judicature, dont il fut bientôt
dégoûté. Des chagrins domesli(jues
le décidèrent à quilterla Normandie;
il vint alors à Paris. Le cardinal de
Rohan lui confia l'atlministraliondes
revenus d'une de ses abbayes , dans
l'Artois. Le procès du collier , qui
renversa le cardinal , priva aussi Le
Prévost de cette place, et le réduisit
à vivre de sa plume. C'était une tris-
te rtiiource : après plusicur.s an-
PRE
nées de travaux et de peines, il
alla mourir dans l'hôpital de la Cha-
rité, en 1793. On a de lui : I. Les
Thessaliennts^ ou Arlequin au sa-
but, comédie en prose, \']^'2 , in- 12.
IL La Eci'ue des feuilles de Fréron,
175G, in- 12. Cet ouvrage, que La-
harpe attribue à l'abbé de La Porte
( roj-. Porte, xxxv , 450) , est don-
né , pa r la France littéraire de 1 7 ^9,
à un Prévost, que la France littérai-
re de i769'( f'ojcz Hkuhail, xix,
'j4^>) surnomme, par erreur, Saint-
Lucien. III. La Nouvelle réconcilia-
tion, comédie en lui acte et en prose,
Lunéville, 1758, iu-i.i. IV. Les
Trois Rivaux , opéra comique en uu
acte et en vers , 1 758 , in- 1 x. V. Ar-
lequin aux enfers, ou \* Enlèvement
de Colombine , comédie. 1760, in-
8°. VI. La Réunion de l'amitié, de
la nature et de la reconnaissance ,
pièce en un acte, 17O3, in-4". VIL
Réflexions sur le sj sterne des nou-
veaux filiilosophes , 17G1 , in- ri.
VIII. Le Nouveau Spectateur y ou
Examen des nouvelles pièces de
théâtre, avec les ariettes notées ,
1776, 3 cahiers in-<S". IX. Rosel ,
ou l' //om me heureux , l'j'ji), in-8".j
1777, io-H". X. Le Temple de V A-
mour et de VJIjmen. 1778, in-12.
XI. Julien Leroy, in-8". , sans date,
de 3i pages ; c'est une Notice sur cet
horloger célèbre. XII. Lully musi-
cien, in -8°., sans date, de 48 pag ,
destiné, ainsi que le précédent, à
une Biographie d'artistes. C'est évi-
demment par faute d'impiession que
Prévost, page iG, appelle Parny
( au lieu dcHarny) le collaborateur
de Favart et Laujon. X 1 1 \. Entretiens
philosophiques y ou le Philosophe du
Luxembourg , sur les académies de
jeu, sur les journalistes , sur les
spectacles du boulevard, sur le Mu-
sée de Paris, 1785, in - li. XIV.
PRE
Examen des jus,ements opposés,
portés par MM. le marquis de Xi-
menès , Daunou et le chevalier de
Cuhières , sur la question suivante :
De rinfliience de Boilcau sur la lit-
térature française, 1787, iu^<>. XV.
Critiques sur le salon de peintu-
re, I 787 , in - 8°. XVI. Trésors de
littérature étrangère , 1784, tome
1 , en a parties , in- 1 2. Ce Recueil de-
vait païaître par livraisons, à la llndc
chaque raoisj il n'en a ete publie que
dcuxlivraisons. XVII. Vies des écri-
vains étrangers , tant anciens que
modernes , 1781 , 1787 , "2 vol. in-
8". Le premier contient les Vies de
Lockman et de Pilpaï, suivies d'un
Éloge de Métastase; le secoîid con-
tient la Vie du Dante, suivie de la
Chasteté de Joseph . scène française,
qui n'y a pas grand rapport ; c'est
encore un recueil qui a e'të disconti-
nue'. Prévost d'Exmes a eu part à la
rëdaclion des Etrennes du Parnas-
se^ a coopéré à quelques Journaux ,
et avait traduit plusieurs Romans de
l'anglais. Ces manuscrits ont dispa-
ru , ainsi qu'une Histoire de la der-
nière guerre de l'empereur contre
les Turcs. Dcsessarts et IM. Erscli di-
sent que Grainville a composé un
Eloge de Prévost d'Exmes , sans in-
diquer s'il est imprimé : nous l'avons
cherché vainement; mais Dcsessarts
doit en avoir eu communication, car
l'article que, dans ses Siècles litté-
raires, il a donné à Prévost, contient
des renseignements qui ne peuvent
venir que de bonne, source , et font
regretter que les articles de ce genre
soient si rares dans les Siècles litté-
raires. A. B— T.
PREVOST SAINT-LUCIEN
( Rocu-Henri ) , né à Paris , le j6
janvier 1740 , fut reçu avocat au
parlement de Paris , le 3 février
1767 , et mourut le 4 juin 1808. Il
PRE
73
avait quitté le barreau pour les let-
tres. On a de lui : I. Plusieurs piè-
ces de théâtre imprimées , et non
représentées ; c'est ainsi que s'ex-
prime l'Annuaire intitulé les Specta-
cles de Paris ( années 1 782 à 1 787 ),
Dans les années 1778 a 1781 , cet
Almanach donne les titres de quatre
pièces ; mais trois paraissent appar-
tenir à Prévost d'Exmes. Ij' Opéra
manqué, 176g, in-i8, ne lui est
pas contesté; voici les titres de quel-
ques autres : les Plaisirs de Fran-
conville ; Salut aux trois cousines;
le Tableau inspirant ; le Betour du
couvent ; la Fable est notre histoire ;
la Bonne aventure ;V Amant et l'A-
mitié, allégorie. Aucune de ces piè-
ces ne se trouvait dans la collection
de Pont-de-Veyle. II. Divers 3[é-
moires et contestations dans quel-
ques procès. III, Moyens d'extirper
l'usure , ou Projet d'établissement
d'une caisse de prêt public sur tous
les biens des hommes, 177 5, in- 12 ;
1778, in- 12. C'est à l'effet produit
par ce livre que l'on attribue l'établis-
sement du Mont-de-I'iclé,qui prête,
comme on sait, au prix modique d'un
pour cent par mois. Mais les inten-
tions de Prévost n'en sont pas moins
louables. W .Moyens très-ôimplesde
convoquer les états généraux sans
qu'il en coûte un sol au roi , 1789,
2 vol. in- 18. L'auteur prenait déjà
le titre d'ancien avocat • c'était an-
noncer qu'il avait renoncé à son état.
V. De la nécessité d'établir un jurj
constitutionnel pour le mainlien de
la déclaration des droits de l'homme
et de la constitution française , in-
S''. Cet opuscule doit être de 1 79.5
ou 1796. C'est par erreur qu'on lui
assigne quelquefois la datede 1799;,
car il est inentionné dans le tome m
i[c\a Franceliltéraire\>av M. Ersch ,
volume qui est de 1798. On pour-
74 PRK
rait croire que c'est celte brochure
({ni a donne l'idce du scnatconser-
vatcnr institue par la conslitiitioii
de l'an S: nous avons vu ce corps ,
établi pour veiller au maintien de
cette constitution , être consulte à
chaque violation et la sanctioinicr
bassement. VI. Formules pour par.
i'fuir (Ut divorce, et Déci ion<! tics
principales questions qui pem'cnt
s'y rencontrer , 179^, in-8". ^ II.
Obsen-atii ns sur le mode de divor-
ce pour incompatilnlilé d'humeur ,
surla nécessité de le conserx'er com-
me le seul mode de divorce, et sur
Punique réforme à faire à la loi du
divorce, *i 797 , iu-H". Mil. Des
divers modes indiqués par la loi pour
pan'cnirau divorce, avec les formu-
les usitées à Paris, 17«)9, m-S". ;
(piatricme édition , in- 1 ». , sans date.
IX. Principes élémentaires de lu
f^rammaire française, 1 800, in- 1 1 j
la 4"- e'dition r?t de iHo-. X, l/.I-
rit h m él ique simple , déni outrée en six
leçons; opuscule contenant les qua-
tre règles , et dont la 4''. édition cit
aussi de 1807. XI. La Grammaire
française et V Orthographe appriies
en huit leçons, in- 12 ; la 4"'. édition
est de 179B; la \x'. de 1807. XII.
La Syntaxe française , apprise en
huit leçons, in-n; la 4'^- édition
tst de 1807. Cet ouvrage et le pre'ce'-
dent ont etc reunis sous le titre de la
Grammaire , V Ortho 'graphe et la
Syntaxe de la langue française ,
iZ"^. e'iiition , 1807 , 1 volumes in-
12. Le second volume fut même
reimprime eu i8i3 sous le titre de
1 J*^. édition. C'esl le cas de reuiar-
«jucr (pi'il y a au juoius un peu de
rljarlataricric dans tontes ces an-
nonces d'éditions. XIII, Méthode
wuvelle par laquelle un enfant ou
un étranger peuvent connaître et
écrire correclement tous les mots
PRI
de la langue française en huit jours,
1 7(|8 . iù 8'\ XI Y. De la nécessité
de réformer la loi du 17 nivôse an
•->. , quant au mode de la dévolution
des successions, ^"i)[), in-8'\ XV.
Pe la nécessité de rendre au peuple
français le droit d^ émettre son va'u
par des cahiers , etc. , i 799, in-8'*.
XVI. \i - Irilhmélique composée .rup.
prochant l'ancienne et la nouvelle
manière de calculer , 1 800 , in- 1 u.
X \ 1 1 . J'étition sur V arrêté des Con-
Htls rendu le ■jtii messidor an ix ,
sur la question de savoir si les pro-
spectus d'ouvrages , etc. , peuvent
être considérés comme avis impri-
mé\ , et comme tels assujétis au
timbre , 1801 , in-8". XVI II. Pro-
jet de règlement pour l'organisation
d'une nouvelle administration des
Montsde Piété, 1804, in-8'\ XIX.
Histoire de T Empire français sous
le règne de son premier empereur
Naptdéon Bonaparte , i8r>'); trois
livraisons seulement. XX. Histoire
de la conquête faite en soixante-
trois jours ( du !.'"'■ octobre au -i
de'cenibre i8o5 ) par V empereur
Napoléon , i8o5 , in-8". XXI. Lo-
gique du premier âge de la raison ,
1807 , in-ivi. XXII. Des articles
dans divers journaux , par exemple
dans \cJournalency clopédujue. V.u-
fin il a coope're' à Wlrt de faire et
d'employer le vernis , par Walin ,
177.»., in-8"., imprime aussi sous le
titre de VArt du peintre - doreur-
verni sseur. A. B — T.
PRICK(Jkan) , ne à Londres , en
iGoo, d'une famille originaiie dd
pays de Galles , fit, au collège de
W\'Stminster , ses premières éludes
qu'il alla ronlirmer à Oxford, dans
celui de Christ. Aprèsavoir embras-
se la religion eatlioli([ue, il s'attacha
à la famille d'.\rundel, et passa en-
suite à Florence , où il fut reçu doc-
PRI
tcur eu droit civil. A son retour eu
Angleterre, il suivit le comte de
Stratford ,uomrae vice-roi d'Irlaude,
où il forma des liaisons avec le sa-
vant Uslier. La disp;race de sou
protecteur l'obligea de revenir eu
Angleterre. Quelques écrits , publies
eu laveur de la cause royale , lui
valurent une longue détention. Étant
retourne à Florence, le e;raud-duc
le nomma garde du cabinet des
médailles et des antiques, puis pro-
fesseur de grec, à Pise. Il se rendit
quelque temps après à Venise, dans
le dessein d'y publier le Lexicon
d'Hesycliius, projet qui n'eut point
d'exécution. De là il se rendit à Ro-
me, y mérita la faveur du cardi-
nal François Barbcrini, et mourut ,
en 1676, dans le couvent des Au-
gustins , où il avait passe les derniè-
res années de sa vie. C'était un critique
savant dans la littérature sacrée et
profane ; mais il manque souvent
de justesse dans ses raisonnements.
« On voit , dit R. Simon , une gran-
» de érudition dans les ouvrages de
)) cet habile scholiaste. Il semble mè-
» me l'avoir afTcctée, faisant venir
» très - souvent à sou secours , les
M écrivains profanes , tant grecs que
» latins. Il a imité, en quel([ue clio-
» se, la méthode de Grotius, dont
» il fait l'éloge, bien qu'il l'ait re-
» dressé en plusieurs endroits. Il
» l'a aussi justifié en beaucoup de
I » lieux, contre Bèze, et contre les
i » autres nouvcaus traducteurs , ain-
u si que l'ancien interprète latin ,
» sans néanmoins Fépar<:ner lors-
» qu il a jnge que sa version u e-
» tait pas exacte. » On a de lui :
I. Notre et Observatiunes in apo-
lo^iam Apulei ^ Paris, iG35, in-
4". II. Notœ in II lih. metamor-
i phos. Apulei ^ Goiul^i , \63o, in-S°.
' III. In undeciin Apalcianœ meta-
PRI
7^
moqyhoseos lihr. Annotatioiies uhe-
riores , ibid. IV, Index scriptor.
tjiii in ïlesjchii grœco vocabnlario
hualantur, à la suite du Lexique de
Schrevelius,édit. de 1GG8. V. Mat-
thœus ex sacra pagina sanctis
Patribus grœcisque ne laiinis Pen-
tium scriptoribus illustratus , Pa-
ris , 1647 , in-8''. VI. Annotatio-
nes in Epist. Jacobi, ibid. , 1G46,
in-8**. \ll. Acta Apostolor. ex sacra
pagina, sanctis Patribus , gnecis-
que ac latinis gentiiun scriptoribus
illustrât a, ih'id., 16^7, in 8"'. VIII.
Annotatinnes in lib. Psalinorwn ,
Londres, 1G60. IX. Comment, in
varios N. T. libres , ibid. ; et dans
le cin(inièmc tome des Critiques ,
édit. de Londres. X. Lettres eu latin
et en anglais. T — d.
PRI CE ( Cu ARLES ), aventurier
anglais , était fils d'un fripier de Lon-
dres. Dès son enfance, il montra sou
penchant pour la ruse et la trompc-
lic , exerça cette funeste adresse
chez son père et ses amis , et fut
chassé de la maison paternelle. Titaut
entré ensuite, eu qualité de valet
de chambre, chez un gentUbommc
anglais , il fit avec lui le tour de l'Eu-
rope. Il se trouvait à Copenhague
au moment où le procès de Struen-
séc et de la reine y fut instruit.
Cette affaire l'intéressa si vivement,
que, tout domestique qu'il était , il
écrivit une brochure pour détendre
l'innocence de Mathilde.Ce fut peut-
être la seule action honorable de sa
vie. De retour à Londres , il essaya
toutes sortes de professions , et fut
successivement comédien, cliangeur,
colporteur de billets de loterie, bras-
seur et marchand; mais, ayant fait
banqueroute, il fut mis dans la pri-
son du banc du roi , où pourtant il
ne resta pas long-temps. Il en sortit
pour devenir le plus grand escroc de
"jô PKi
Londres. Il s'associa, d'abord , avec
une femme qui partageait ses honteux
1>cuchants,il(ii'iitilscdiiisilelcpousa
a nièce. Dis 'ju'il l'ut MJrd'c're Lien
seconde, il médita un grand plan de
filouterie. Il fit croire a sa femme
que la tante venait de mourir: mais
ilctalilit celte dcrnicredaiis uu (jiiar-
lier solitaire de la ville; et ce fut
clici elle qu'il forma luie fabrique de
laux billets de bantpie, dont i\ exé-
cuta toutes les pariirs lui - même.
Pour les débiter ensuite, sans être
découvert, il employa son adresse
extraordinaire dans les travestisse-
ments , dont il avait peut - être fait
les premiers essais chez son père le
fripier. Ses billets , reconnus faux
Sar la banque, jetèrent Talarme ,
'autant plus que les déguisements
varies que Price empluyait, empê-
chaient de douuer son vrai signa le-
lement. Il se montrait quelquefois
chez les changeurs comme un gout-
teux, ayant les jambes très-enflées ,
cl le visage à moitié caché sous un
grand chapeau et dans une vieille
redingote. Il aflectail d'ailleurs le
baragouinage d'un étranger. Quand
il était déguisé. Priée avait tant
d'assurance, qu'il osait se présenter
même chez les personnes de sa con-
naissance pour les tromper. Il vint
acheter chez uu pharmacien un re-
mède, et donna une bank - note, sur
laquelle il se (il rendre le surplus du
prix. Le billet était faux. L'apothi-
caire , ayant rencontré , quelques
jours après, dans un café, Priée,
qu'il connaissait et qui alors n'était
pas déguisé, lui conta le tour qu'on lui
avait joué. « Il faut avouer, dit Pri-
» ce, en faisant l'étonné, qu'il y a
>> d'adroits coquins dans le monde. »
11 se présenta chez un marchand de
sa connaissancc,mais avec le visage et
les maios jaunes, comme s'd avait la
PRI
jaunisse. Le commis lui indiqua uit
remède contre ce mal : Priée le re-
mercia, revint ensuite avec son teint
natiu'el, donna une bank - note au
cofuniis pour le récompenser, et le
pria de lui en changer ijuclques au-
tres. Elles furent toutes déclarée»
fausses par la banque. Le mar-
chand vint r.iconter à Priée ce qui
s'était passé dans sa boutique; et Pii-
ce témoigna beaucoup de curiosité
fie connaître tous les détails de l'af-
faire. Le changeur, (|ui d'aborti
avait escompté les bUlets , eut un
procès avec le marchand: Priée alla
voir celui-ci, pour s'informer de la
marche de la poursuite. Cej>endant ,
«uhardi par ses succès, il poussa
Faudaee si loin, qu'à la (in il lut re-
connu par les agents de la bantjuc et
arrêté. Ou fit des perquisitions chez
lui , sans rien trouver. Sa femme n'é-
tait instruite de rien. La crainte (pic
la justice ne parvînt à découvrir son
atelier , engagea le coupable à tout
avouera sa femme, et à l'envoyer
chez sa tante, pour qu'on détruisît
les outils, qui seids pouvaient prou-
ver sou crime. Toiit fut détnnt en
effet: cependant, tourmenté j»ar des
remords.il se pendit dans sa prison,
en 17H(). On l'avait vu , pendant ses
friponneries, sous quarante-cinq dé-
guisements cl rôles divers. D — g.
PRICE ( RicuAno ), minisire dis-
sident , et écrivain politiqu*' anglais,
naquit, le 'i3 février i "/.l'S, à Tynton,
dans le comté de (îlamorgan , au
pays de Galles. Son père, ministre
d'une congrégation calviniste , lui fit
donner une éducation soignée , (juoi-
qu'il le destinât à suivre la carrière
du commerce, et mourut en 1739.
Le jeune Price termina ses études à
Londres, et s'appliqua , comme il le
disait souvent lui-même, avec ardeur
et ravissement, aux mathématiques,
PRT
àlaplnlosoptiectàlathéolojçic.Ilfiit
ensuite [ilaco aupiî's d'un IM. Slreat-
CcIJ , et y resta près de treize ans ,
comme son chapelain et son ami.
Dans l'intervalle, ilofîiciaitde temps
en temps dans plusieurs congre'£i;a-
lions dissidentes. En 1707 ou 1758,
il fit paraître sa Rd'ite des princi-
pales questions et difficultés en mo-
rale, dont il revit une troisième e'di-
lioD. Cet ouvragic lui fit obtenir une
grande réputation comme mcta-
phvsicieu. En 17GG, il réunit en
corps d'ouvrage, et sous la forme
de Dissertations , les diflerents ser-
mons qu'il avait prêches , et les pu-
blia , en 1 767, avec trois autres Dis-
cours sur la Providence^ sur \c?,Mira-
des , et sur la Réunion des hom-
mes vertueux dans un état à venir.
Ces dissertations lui procurèrent ,
la connaissance du premier mar-
quis, de Lansdown , à cette époque,
comte de Shelburnc. Piice qui avait
jusqu'alors borne ses études' à des
sujets de morale et de théologie,
essaya de traiter des sujets philoso-
phiques , et fit insérer quelques mor-
ceaux assez remarquables dans les
Transactionsphilosophiquesdclàso-
cie'té royale de Londres, qui l'avait ad-
mis,en i765,aunombredeses mem-
bres. L'application qu'il apportait à
ses méditations, était si vive, qu^on
assure que ses cheveux qui étaient
noirs , devinrent en peu de temps
presqu'entièrement blancs. En 1 769,
il publia son Traité sur les tonti-
nes ( On Reversionarj pajments )
qui contenait , outre une grande
variété' d'objets , la solution de plu-
sieurs questions sur la doctrine des
annuités; des plans pour établir sur
de bons principes , des associations
de personnes âgées et de veufs ou de
veuves ; et un exposé des imperfec-
tions des sociétés de cette espèce,
PRI 77
que l'on créait conlinucllcincnl à
Londres , et dans d'autres parties du
royaume. Cet ouvrage est peut-ctrc
ce qu'il a fait de mieux. Vers la fia
de 17^)9, l'université de Glasgow
lui conféra le degré de docteur en
théologie , sur la demande de quel-
ques-uns de ses amis de Londres
qui acquittèrent , à sou insu , les
droits que ce corps savant prélevait
afin de laisser croire au docteur Pri-
ée, qu'il avait été nommé gratuite-
ment à cause de la haute opinion que
l'on avait de son mérite. Son ouvra-
ge sur les tontines fut suivi , en
1772 , de son Appel au Public
sur la dette nationale. Le but prin-
cipal de ce livre était de rétablir le
fonds d'amortissement, qui avait été
éteint en 1733 ; et quoique cette pro-
position rencontrât alors beaucoup
d'opposition , on l'a vue , quelques
années plus lard, adoptée par lepar-
lement, et devenir l'un des princi-
paux boulevards du crédit public.
Mais la manière dont il envisageait
les affaires de l'état , et ses craintes
exagérées de voir diminuer la popu-
lation , n'étaient point fondées sur
les faits , et n'ont point étéconfirraées
par l'expérience. Les mêmes opi-
nions, et d'autres d'une espèce plus
générale, le portèrent à s'opposer
aux mesures qui se terminèrent par
la guerre d'Amérique. En 1775, il
publia ses Observations sur la Li-
berté civile j sur la justice et la po-
litique de la guerre avec l'Amérique^
qui furent suivies , en 1777 , d'une
brochure conçue dans le même esprit,
et intitulée : Observations sur la na-
ture du gouvernement civil. Les prin-
cipes que Priée émit dans ces deux
ouvrages , furent accueillis diverse-
ment. Tandis que les uns les vantaient
comme des chefs-d'œuvTc , les autres
jtrétendaient qu'ils étaient tout- à
fait cliiracriqucs , dangereux en thdo-
rie, cl tendant , dans Icms effets ,
au renversement de tons les gonvi-r-
ncmenls. Quel^ne opinion qn'on se
forme de ces ouvrages , on ne peut
disconvenir qu'ils exercèrent une
grande influcnoe. Le dernier lui va-
lut les reincrcîmenls de la Cour du
Cojisi-il comimtri . qui déclara que
ses principes étaient les seuls avec
lesquels ou pût défendre l'autoi itc lé-
gislative suprême de la Grande-Bre-
tagne sur les Colonies. Il reçut en
même temps une boîte d'or de la va
leur de 5o livres sterling. Après la
publication de ces deux brochures ,
Price avait résolu de ne plus se mê-
ler des discussions puliti(|ues; mais
il avait résolu plus (ju'il ne pou-
vait tenir. Toutes les l'ois que le gou-
vernement prescm'iiit un jeûne, il
profitaildc l'occasion pour exprimer,
dans des Sermons , ^es senlinienls
sur la conduite de la guerre , et sur
les conséquences fâcheuses qui de-
vaieuten résulter. Ces digressions lui
attireront un nombre immense d'au-
diteurs ; car , amis et ennemis , tous
voulaient entendre ce qu'il disait sur
uu sujet aussi important. Le congrès,
touché de tant de zèle en faveur de
l'Araérique, invita Price avenir rési-
der chez un peuple qui savait appré-
cier ses talents ; mais il ne jugea pas
à propos d'accepter celte ollie. Un
Essai sur la population de l'Angle-
terre , qu'il publia en 1779, man-
que d'exactitude , faute de renseigne-
ments sufl'isants. Le docteur Pries tley
ayant publié des Recherches sur la
matière et sur l'esprit , Price , qui ne
partageait pas toutes ses opinion>,
fit paraître quelques Observations à
ce sujet ; ce qui occasionna entre eux
une correspondance amicale, qui fut
])ubliée sùùs le titre de Disussion
libre des Doctrines dumatérialisme,
PRI
et de la nécessité philosophique. Vers
le même temps, il adressa des Ob-
servations imporiantes à la Société
pour les asmrances équitables , qui
se trouvent dans l'introduction à un
ouvrage de INL Morgan , son neveu ,
sur la Doctrine des annuités. Les
services que Price et Morgan rendi-
rent à cette société , sont générale-
ment reconnus. Après la cessation
des hostilités , et la mort du marquis
de Uockingham , lord Shelbuine qui
fut misa la tète de l'administration ,
oll'rit à Priée la place de son secré-
taire particulier, que celui-ci accepta.
On aurait tout aussi bien pu lui don-
ner la place d'écuyer cavalcadour,
a dit un ami de Price. Per)dant le
temps de son ministère, lord Shel-
burne employa les talents de Price
a rédiger ini projet pour amortir
la dette nationale , et présenta une
résolution à rc sujet à la chambre
des lords. Mais comme il ne tarda
pas h quitter l'administration, ec
projet fut momentanément aban-
donné. L'auteur lefît néanmoins con-
naître au public , en publiant son
Etat des dettes publiques et des
finances , en janvier 17^3 , avec un
plan d'emprunt pour le rachat des
dettes publiques. Pitt, s'élant déter-
miné à présenter au parlement uu
bill pour réduire la dette de l'état,
consulta le docteur Price, et reçut
de lui trois plans distincts ; l'un des-
quels forme la l)ase de l'acte pour
réduire la dette publique, adopté
en 1786, et qui a contribué, plus
qu'aucune autre mesure, à élever le
crédit de son administration. Les
amis du docteur reprochent à Pitt
d'avoir suivi le plan le moins elll-
cace des trois qui lui avaient été
fournis, et de ne pas avoir reconnu
publiquement les obligations qu'il
avait à ce savant ( P^cj'. Pitt ),
PRI
En 1784, Pricc publia des Ob-
servations sur. Vimportance de la
révolution américaine , et sur les
rnojens de la rendre utile au mon-
de. Il plaça, à la suite, une lettre
de Turgot , et le Testament de For-
tune Ricai'd ( T^oj. Mathow de La
Cour), qui présente une appiicatioîi
intéressante de l'exposé fait par le
docteur Priée , de la puissance de
l'intérêt composé , et des usages
auxquels on peut l'appliquer pour
l'utilité du genre humain. En 1786,
il publia un volume de sermons sur
des sujets pratiques et sur des doc-
trines l'eiigieuses : dans le dernier,
il établit , et défend avec chaleur ,
l'hypothèse des Ariens , à laquelle
il était lui-même attaché, contre
les Trinitaires d'ime part , et les
modernes Unitaires de l'autre. Il
se sentit vivement blessé de la con-
duite du docteur Priestley et de M.
Lindsay , qui s'attribuaient exclu-
sivement la qualification d'Unitai-
res , laquelle appartient également
aux Juifs etauxMahomélans, et trai-
taient avec mépris les opinions de
ceux qui ne partageaieut pas celles
qu'ils avaient adoptées. Les Ser-
mons pratiques eurent du succès : ils
avaient pour sujet la Sécurité et le
Bonheur d'une conduite vertueuse ;
la Bonté de Dieu ; et la Résurrec-
tion de Lazare. Les autres publica-
tions dePrice qui méritent d'être ci-
tées , sont , un Sermon .sur V Evi-
dence d'une période à venir d^a-
mélioration dans l'état du gerwe
humain^ avec les moyens et Vo-
blisation d'en rapprocher le te^'ine ,
prononcé, en 1787 , devant les
fondateurs et les jjrofesseurs du nou-
.yeau collège des dissidents, à Hack-
ney ; et un Discours sur l'Amour
de la patrie , prêché, le 4 novembre
1789 , devant la société réunie pour
PRT 79
célébrer la révolution de 1G88. Dans
ce dernier Discours , Pricc déploya
son zèle accoutumé pour ce qu'il
appelait les grands principes de la
liberté civile et religieuse : en le
terminant, il prit tout -à -coup un
air d'inspiration et de triomjihe ,
fixa l'attention de ses auditeurs sur
la révolution de France , et la pré-
senta à leurs yeux comme le com-
mencement d'ime nouvelle ère de
bonheur pour le monde. Il proposa
en même temps de former une
étroite liaison entre les meneurs de
la révolution française et le peu-
ple anglais : mais ses vaines théo-
ries , qu'il eût été impossible de
mcttie en pratique dans quelque so-
ciété d'hommes que ce fût, et qui
en offrant des modèles fantastiques
à l'imagination , tendaient à rendre
ses sectateurs mécontents des gouver-
nements sous lesquels ils vivaient, ne
produisirent que peu d'effet. Piltétait
ministre; et Burke écrivit un chef-
d'œuvre qui anéantit les dangereux
sophismes de Price. La majorité des
hommes de lettres d'Angleterre fa-
vorisaient, il est vrai, les innovations
qui s'opéraient en France ; et en li-
sant les invectives que Price oppo-
sait aux solides raisonnements de son
éloquent adversaire , il eût semble
que ce dernier était le seul qui envi-
sageât d^un œil peu favorable la ré-
volution française. Cependant tous
les correspondants intimes de Pricc
ne partageaient pas ses opinions exa-
gérées. Son biographe cite, àccsujet,
un personnage qui ne saurait être
suspect; c'est le célèbre John Adanis,
qui , après avoir été ahibassadéur
des Etats-unis à Londres ,déviïit
vice -président et ensuite président
de cette réunion de républiques. Dans
une longue lettie qu'il écrivit au doc-
teur Price pendant ses discussions
So PRI
avec Biirkc , loin de le iVlicitcr sur
ses piiucijHs et Mirlcs opinidiisdont
il se coustitiiait le ilcfenseur , Jolin
Adams s'exprime eu termes (\e mé-
pris en parl.âiitdela révolution fr.m-
çaise ; et après avoir deinandé quel
bien on pouvait attendre d'uneiiation
d'atliecs, il conelut eu prédisant la
dcslructiuu d'un million d'èires hu-
mains eomrae une eonse'quence pro-
bable de cet évcueraent (0. Eu
i'j()i , Pricc fut atteint d'une ma-
ladie cruelle dont il avait été' me-
nacé depuis plusieurs années, et qui
le mit au tombeau , le 19 mars.
Ses divers ouvrages politiques et
religieux doivent être appréeics dif-
fcremmeut suivant qu'ils suut , ou
non, infectés de cesprincipes qui, en
c\agér.iut les vraies et excellentes
doctrines de liberté, sont devenus,
dans ce siicle , le fléau de la socié-
té humaine. Il parait quePrice écri-
vait de bonne foi; mais il n'avait pas
assez de sagacité pour découvrir le
mal qui pouvait résulter de la pro-
pagation des principes dont il s'é-
tait fait le promoteur. Lors qu'il
ne prenait pas pour base des docu-
ments erronés , il étoit ingénieux, ha-
bile , et souvent profond. Ses maniè-
res étaientdouces et sociables; et tous
ceux qui conversaient avec lui , ou
qui parcouraient ses écrits, ne pou-
vaient s'empêcher d'être frappés du
contraste étonnant qui existait entre
bii et les écrivains controversistes
avec le>que1s il marchait ordinaire-
ment. Les Mémoires de sa vie ont
été publiés, eu 1 8 1 "j , par son neveu,
William Morgan, membre de la so-
(1^ Qarlc{ii«*aniiFo pluitanl, Jobo Adams, daaa
fOU ouTr-^r iiititulr , Htiloiredei princifitUi répu-
hli 7 . <■* Déjenie lUt conihluiioni Hei
A*'" Iff atiat/utt de Turgol ^ aVIrva
fori' le» priiicipr* de Prire, rt proi.-
is tfut U Ufuuiratir pare ctail l« pire d« loua lr«
frmrrmf$na>t'.
PRI
ciclé royale de Londres , un vol. in-
S". On seul qu'ils ne doivent être
consultés qu'avec déiiancc. D-z-s.
PlUDi:.\LJX ;JtAN), savant
théologien anglican , évêque de Wor-
cester , iiacpiit en iTï^S, à Sta\vford
dans le Devonshire. Après lui avoir
appris à lire et à écrire , son père,
qui était charge d'une nombreuse
famille , et qui n'e'lajt pas riche , le
présenta , pour l.i place d'enfant de
chœur ou de clerc de paroisse,.! L'g-
borow ; mais il fut su])])lanté par un
concurrent, l'ependaut le [eune Pri-
deaux obtint, (l'une dame puissante,
des secours pour faire (piehpies étu-
des et apprendre le latin. En iSqG,
il fut admis au collège d'Kxeler, à
Oxford , et se distingua par de ra-
pides progrès. La force de son tem-
pérament, dit Hayle , lui permit de
s'appliquer autant (pi'il voulut , et la
bonté de sa mémoire lui (it recueillir
Sromplcment et amj>lement le fruit
c son applic.ition. Trois ans après,
il prit le degré de bachelier-*s-arts.
En itio'i , il fut associé aux uiem-
])res de ce collège ; et en i (> 1 2 , il en
devint recteur par la moit du doc-
teur IloUand. Il renjplit ces fonc-
tions pendant trente-deux ans , d'une
n)anière si distinguée, qu'il y attira
un grand nombre d'écoliers ; et il les
poussa telienient au travail , que la
{dupart d'entre eux devinrent capa-
(les de servir honorablement l'Ktal
et l'Kglise. Robert Abbot ayant été
nommé à l'évêchéde Salisbury , Pri-
deaux le remplaça dans la chaire de
professeur roy.d de théologie, qu'il
occupa près de trente - sept ans ,
avec la plus grande sagesse, dans
les tcmjis les plus dilheiles , et au
milieu des discordes civiles et reli-
gieuses. Il fut, jusfprà cinq fois, vice-
chancelier de l'université. En 1 64 1 ,
le marquis d'Haîuilfon, qui avait été
PlU
son c'Ièvc, le fit nommer à revêchc
de Worccstcr; mais, bicniot après, le
monarque ayant été renverse , le
parti dominant excommunia Pri-
deaux , et le priva de ses revenus.
Ce zélé royaliste se vit réduit à une
telle détresse, qu'il fut oblige de se
défaire de sa précieuse bibliothèque
pour sa subsistance 11 mourut en
i65o , à Bredon , dans le comté de
Worccstcr , léguant à ses enfants ,
pour tonte succession , une honora-
ble paui'reté , la crainte de Pieu ,
et le secours de ses prières. On a
de ce docte prélat: 1. Tahulce ad
(trammaticam ^rœcani inlroduc-
toricv , Oxford , i(3o8 , in - 4°-
II. Tirociniuiii ad sjllogismum con-
texenduni , necnoii heplades logicœ ,
sive inonita ad ampliores tractatus
introducloria , imprimés avec la
Grammaire grecque. Ce sont, au ju-
gement de quelques Anglais, les meil-
leurs ouvrages de Pricb-aux. III. Cas-
tigatio cujusdarn circnlatoris , qui
R. P. Andream EudivinonJ ounnein
Cydonium soc. Jesu seipsum nun-
cupat , opposita ipsius calumniis in
epistold Isaaci Casauhoni ad Fron-
tonein Vucœum , Oxford, iGi4,
in - 8". Cet ouvrage polémique est
plein d'amertume, comme tout ce
que les Protestants ont écrit con-
tre les Jésuites. IV. figinti duce
lectiones de totidem religionis ca-
pitibus prœcipuè hoc tempore con-
troversis^ Oxford, iG48, in-fol. V.
Tredecim Orationes inaugurales et
alia opuscula , Oxford, iG48, in-
fol.; dans le même volwme que les
Thèses de théologie. VI. Fasciculus
controi'ersiarum théologie arum, ad
junioruni aut occupalorum captura
sic colligalus, Oxford, lO/jC), i65 1,
in - 4". VII. Conciliorum synopsis ;
aved'ouvrage précédent. VIII. Scho-
lasticœ iheologiœ sjntagma mne-
XXXVI.
PlU
8i
monicuni, Oxford, iGji , in - 4".
Les articles iv, y, vi, vu et vin
ont été recueillis par Jean Henri Hei-
degger , et réimprimés a Zurich ,
1672, in - 4"' , avec une Préface de
l'éditeur, et un Examen théologique
du sentiment de Pridcaux sur l'ori-
gine des évèques, la juridiction tem-
porelle du clergé , le divorce, et Ta-
néantissement du monde , par Sa-
muel Dcsmarest. IX. flfanuductio
ad theologiam polemicam, Oxïord,
1G57 , iu - 8"., publié par Thomas
Barlow, depuis évèque de Lincoln.
Le docteur Prideaux a composé quel-
ques autres ouvrages de théologie et
de littérature, qui 11c sont plus re-
cherchés maintenant; et un grand
nombre de Sermons, imprimés pen-
dant sa vie et depuis sa mort. L kk.
PhlDEAUX ( HuMPiiaii Y ) , sa-
vant historien et aiiliquaire , naquit ,
en 1G48 , à Padstow , dans le comte
de Connvall , d'une famille honora-
ble , et qui a ])roduit plusieurs hom-
mes distingués. Ses ])arents , qui le
destinaient à l'état ecclésiastique, l'en-
voyèrent dans les meilleures écoles
du comté , et ensuite à Wctsminster ,
où il fit de grands et rapides progrès
dans la connaissance des langues et
de l'antiquité. Admis à l'académie
d'Oxford , à l'âge de vingt ans , il
fut reçu bachelier, en 1671Î; et, par
le conseil du doyen Fell , il publia ,
la même année , une édition de Fie-
ras , avec des notes ti'ès-utiles. Il en
préparait une de la Chronique de
Jean Malala ; mais il interrompit ce
travail pour s'occuper de l'explica-
tion des fameux marbres d'Arundel,
dont lord Howard venait de faire
présent à l'académie d'Oxford ( Fof.
Arundei. , II , 557 ). Il fut promu ,
peu après , au grade de maître-ès-
arts ; et , en 1679 , le comte de Not-
tinghara lui donna la cure de Sainî-
8i
PRI
Clcincnt. Prideaiix, dont la rcpiita-
tion croissait de jour cii jour , fut
nommé presque dans le mcnic temps
professeur d'Iiebrcu au collège de
Christ-Cliurch , et pourvu de plu-
sieurs biMuliccs. Enfin , après avoir
reçu le doctorat en théologie, il s'é-
tablit dans la prébende de Norwich ,
et se trouva bientôt engage dans des
disputes de controverse, (jui produi-
sirent divers écrits ; il combattit avec
xèle l'esprit d'indilfcrencc religieuse
qui s'était introduit en Angleterre à
la suite des troubles politiques , et il
défendit les droits du clergé, mon-
trant la nécessité de suppléer par
des taxes à l'insulVisance des revenus
ecclésiastiques. La mort d'Ed. Po-
cokc laissa vacante la chaire d'hé-
breu de l'académie d'Oxford : on
l'offrit à Prideaux, qui la refusa; mais
il s'en repentit dans la suite. Tour-
menté , depuis plusieurs années, par
les douleurs de la pierre , il se sou-
mit, en i" 10, à l'opération : elle fut
faite par un chirurgien mal-habile,
et jamais il ne put se rétablir entiè-
rement. Il reprit cependant les tra-
vaux qu'il avait été forcé d'ir>tcr-
romprc ; et malgré l'airaiblissemenl
de sa santé, il vint à bout de termi-
ner V Histoire des Juifs, ouvrage
oui mit le sceau à sa réputatiou. Pri-
ûeaux mourut, doyen de Norwich ,
le r*'. novembre 17^4 ^ ^ '''*fif' ^^
soixantc-dix-sept ans , et fut enterré
dans la nef de la cathédrale. Outre
plusieurslivrcsf/<; co«troime, cjui ne
1)euveut offrir aujourd'hui qu'un fai-
)le intérêt , et la traduction latine
des deux Traités de Mairaonidcs , De
jure pauperis et peref^iini apud Ju-
dceoSy in -4°. , avec le texte hébreu
et des notes , on a de lui : 1. Mar-
mora Oxoniensia ex Aiundellianis,
Seldenianis aliisque conjlata , cum
pcrpeluo commentario , Oxford ,
PRl
iG"j("», in-fol. Cette édit. est défigurée
par de nombreuses fautes typogra-
phiques ; mais elle est encore reciier-
chée , parce qu'elle contient quelques
savantes Dissertations qu'on ne trou-
ve pas dans les éditions beaucoup plus
correctes et plus belles, publiées par
Maittaire et Chaiuller ( /'. ces noms).
II. fie de Mahomet , i()()7 : elle
est savante , mais moins estimée que
celle de Gagnier ( /'.ce nom). Il en
parut trois éditions dans la même an-
née : elle a été traduite en français
par Daniel de I.arroque , Amsterd. ,
i(><)8, in-S". figur. ; et avec des aug-
mentations , Paris , i()f)f).in-iu. III,
Traité de l'orii^ine du droit des
dîmes (enangl. ), 1709. IV. J/is-
toire des Juifs et des jieuples voi-
sins, depuis la décadence des royau-
mes d Isracl et de Juda jusquît la
mort de Jésus- Christ ( en tingl, ) ,
Londres , 1715-18, 6 vol. in - H". ;
cet ouvrage eut un succès prodigieux
en Angleterre: il y en eut dix à douze
éditions dans l'espace de cpichpies
années. L'une des plus estimées est
relie de Londres, 179.0 , 'i vol. in-
fol. On a retranché de la traduction
française les passages dans Iisf[uel8
l'auteur s'exprimait d'ime manière
trop peu mesurée contre les catholi-
ques ; mais elle est augmentée de
deux Dissertations du P, Tourne-
mine : l'une sur la ruine de Ninive
et la durée de l'empire Assyrien ; et
la seconde, sur l'autorité des livres
de l'Ancien - Testament que les pro-
testants n'admettent pas comme au-
thentiques.Cette traduction , (pie l'on
doit à deux écrivains anonymes , a
clé imprimée, pour la première fois,
à Amsterdam, i7';i'2, 5 vol. in- 12 :
mais les éditions les plus estimées
sont celles d'Amsterdam, i7'->.B, G
vol, in- 1 '2, ou 1744» 2 vol. in-4".
Les cuneux recherchent aussi les
PlU
excmpl.gr. p. , qui sont fort rares, de
l'édition de Paris , 174-^,6 vol. in-
1-.Î. Il règne, dans cet ouvrage, un
peu de confusion ; et le style n'en est
point agréable: mais on ne peut trop
admirer l'eruditioîi de l'auteur , l'e'-
tcudue et Tabondance de ses recher-
ches , et la sagacité' avec laquelle il
explique une foule de points rcste's
obscurs malgré le grand nombre
de commentateurs des livres saints.
L'ouvrage que le docteur Shuckford
a publie pour servir à'Intrudiiction
à l'Histoire des Juifs , par Prideaux ,
n'a pas obtenu le mctnc succès. Le
Plctionn. de Chaufcpiè contient uu
article sur Prideaux , rédigé sur les
renseignements fournis par le fils de
ce gavant. W — s.
PRIERAS ( SiLVESTRE ). Fuy.
Mazolum.
PRIESTLEY ( Joseph ) , savant
théologien et célèbre physicien an-
glais, né en 17 33, à Fieldhead, près
de Lceds, était fils d'un marchand
qui professait la religion calviniste
ou presbytérienne. Doué de dis-
positions très - heureuses , il s'ap-
pliqua d'abord, dans les écoles où
il fut placé . à l'élude de diver-
ses langues , et notamment de l'hé-
hreu. Il montra du penchant pour
l'arianisme, et se pénétra dès-lors de
la lecture des ouvrages d'Harlley ;
lecture qui eut de l'influence sur
ses opinions. Au sortir de ses clas-
ses, il oLlint l'emploi de ministre
d'une faible congrégation à Nccd-
ham-Market, en Suffolk, et trois
ans après un emploi pareil à Nampt-
wich en Gheshire. 11 se livra dès-lors
à l'enseignement de la jeunesse, et
en même temps à des expériences
de physique, science pour laquelle
il avait conçu une sorte de passion ,
et où il a trouvé ses véritables li-
tres.à l'estime publique. Une gram-
PRl
8:
maire anglaise, composée sur un
nouveau plan en faveur de ses e'iè-
ves , et qui est encore en usage au-
jourd'hui , le fit connaître comme au-
teur, en 17G1 : il y relevait dans
les ouvrages de David Hume, quel-
ques incorrections de style , que ce
grand historien fit disparaître dans
les éditions suivantes. Sur la re-
nommée du savoir et des talents de
Priestley, les chefs de l'académie
dissidente de Warrington le choisi-
rent pour y enseigner les langues : il
joignit bientôt à ses leçons des cours
d'histoire et de politique générale*
et plein des objets qui l'occupaient
journellement, il confia au papier
le fruit de ses méditations. De ce tra-
vail résultèrent son Essai sur le guu-
vernement , un Essai sur un cours
d'éducation libérale , et ses Tablet-
tes biographiques {Chart of'Biogra-
phy) , dont l'idée et l'exécution ont
été généralement approuvées ( i ). Un
voyage qu'il fit à Londres l'ayant
mis en rapport avec B. Franklin,
Watsou et Price, ces savants l'en-
couragèrent dans le dessein de don-
ner une Histoire de l'Electricité. Cet
ouvrage parut en 1767 : à la suite
d'un exposé clair et bien fait de l'ori-
gine et des progrès de cette branche
de la science, on y trouvait décrites
plusieurs expériences nouvelles et in-
génieuses , prémices heureuses de cet
esprit inventif et pénétrant qui de-
puis a si fort distingué Priestley dans
le domaine de la physique. Réim-
primé plusieurs fois , traduit dans
les langues étrangères, ce livre ouvrit
les portes de la Société royale à son
auteur, qui fut par la suite alta-
(1) Cliantrcau a douuo celte carie en fiaiicaisà la siiilc
de sa traduction des Tabler clininolngi./iws de Jac<^.
Blair , i^ft.î , in-40. Au i-pstf la grande Carte hf.stori-
(jue de Priestk-y iiVst guère qu'une imitation do Ja
MiippemoiHle hlsloriiintt jmldiee <mi ■ l"i aiifc dî-s
J75o ( V. 13AKBEAU Dfi LA liiiUYÈUK, lil, 33G).
G..
84 PRI
ché ii presque toutrt 1^ acad<^mics
des scicncos. Apn^s un séjour de sept
années à \Varriii,;toii, Pricsllcy alla
s'ëlablirà Lecds ; et cette translation
donna une direction nouvelle à ses
pensées. Mis à la tète d'une conjure-
galion de dissidents, il reprit avec
ardeur ses études thcologiques; et la
lecture d'un opuscide du docteur
Lardncr le rendit socinien. Un grand
nombre d'écrits de controverse se
succédèrent rapidement sous sa plu-
me. Heureusement cependant la théo-
logie n'absorba point toute son at-
tention. Le moyeu qu'il employait
pour prolonger , sans fatigue, le
travail, était d'en varier l'objet;
cl la physique ne fut pas négligée.
Habitant dans le voisinage d'une
brasserie , il se mil à examiner les
elTcts que produit , sur les ani-
maux et sur la llamme des bougies,
ce fliiide gazeux, qui s'é( happe de la
bière en fermenlalion , qu'on ap-
pelait a\oTS air flic , et qu'on nom-
me aujourd'hui f^a: acide carboni-
que : SCS expériences le conduisi-
rent à construire un appareil simple
destiné à imprégner l'eau de ce flui-
de, appareil qu'il rendit public en
ï^-jl. Dans un Méinoiie.Iu la même
aunc'e à la Société royale, et qui ob-
tint la médadie de Copicy, destinée
au meilleur travail de physique pro-
duit dans l'année, il annonça, entre
autres découvertes, celle du gaz ni-
treux , et rai>p)ication qu'il en faisait
pour éprouver la pureté des airs
difierents. Après avoir reconnu (juc
l'air commun vicié par la combus-
tion , la fermentation , la respiration ,
la putréfaction, était constamment
rétabli dans son état nalurel par la
propriété qu'ont les végétaux de lui
rendre ses principes vivifiants , il
parvint , en 1774 , cn appliquant
la chaleur d'au verre ardent à des
PRt
chaux de mercnre , à obtenir pu-
re et isolée cette portion , la seule
respirabic, ilc l'air atmosphérique,
que les animaux eonsomment , que
les végétaux restituent, que les com-
bustions altèrent. Il la nomma l'air
(lépldo'j^istiijué ; c'est ce que nous
nommons oxygène , et ce que la chi-
mie moderne a reconnu eommc le
principe de la combustion et de la
respiration , ainsi que l'élément es-
sentiel à presque tous les acides.
Priestley prouva lui-même, ]>ar ses
expériences lues à la Société royale ,
en 177(3 , que l'oxygène agit sur le
sang au travers des vaisseaux du
poumon, cl que c'est à son action
qu'est duc la coideur rouge du sang
artériel. Li théorie de Lavoisier se
fonde principalement sur les expé-
riences de I^iiestley et sur celles de
Cavenilish ; ( ependant Priestley ne
voidut jamais l'adopter, et persista
à soutenir celle du pldogistiquc ,
malgré les réfutations le> plus pc-
remptoires. Le succès (lu'avait ob-
teini son Ilistuirede l' l'électricité lui
donna l'idée de traiter sur le même
plan celle de quelques autres scien-
ces ; et, en I77>'., il publia, par sous-
cription, V Histoire etVétuL actuel
des découvertes rclatii'cs à la vi-
sion, à la lumière et aux couleurs ,
in-Zj''. Mais l'ouvrage ayant été froi-
dement accueilli du public, ce contre
tem ps lui fit tourner ses vues d'un au-
tre côté. Après une résidence de six
années à Leeds , il accepta l'oflrc que
lui fit le comte de Shelburne ( de-
puis marquis de LansdoNNu ) de ve-
nir habiter près de lui en Wilfshire,
à litre de bibliothécaire : mais le
vrai but de ce seigneur , en se ratta-
chant, claitde jouirdc lasociétcd'un
homme instruit. Une position aussi
avantageuse laissait à Priestley assez
de loisir pour ses occupations faro-
PRI
vîtes. Ce fut là , en elTct , qu'il dtendit
sa réputation comme physicien. 11
ausmcDta de bcaucoiip la Disserta-
tion qui avait ete couronnée par la
Société royale, et en dédia, en 1774»
à lord Shelburne une seconde édi-
tion. Il en a public successivement
6 volumes , les trois premiers sous
le titre à^ Expériences sur les diffé-
rentes espèces d'air; les trois au-
tres sous celui à" Expériences sur
différentes branches de la philoso-
phie naturelle. Dès l'appariiion de
ses premiers volumes, Priestley se vit
comble' d'honneurs littéraires : heu-
reux s'il n'eût pas été détourné de
travaux précis , récompensés par
des découvertes importantes , pour
être lancé, sans retenue, dans les
spéculations vagues de la métaphy-
sique I En 1775, il publia nn Exa-
mende la doctrine du Sens commun,
telle que la concevaient les docteurs
Reid, Beattie et O.Avald; il y traitait
ces savants avec une dédaigneuse ar-
rogance , dont il se repentit, dit-on,
par la suite. Cet examen n'était que
le prélude du dessein qu'il avait de
mettre dans un plus grand jour la
théorie d'Hartley sur l'entendement
humain; ce qu'il elFectua peu de temps
après : mais les hommes sages lui
surent peu de gré d'avoir rendu
moins rebutante l'exposition d'un
système aussi peu démontré qu'au-
cun autre, et dont un esprit faux
peut tirer des conséquences dange-
reuses. Déjà il avait avancé publique-
ment la docli inc de la nécessité philo-
sophique ; ce tut dans une Disserta-
tion mise eu tête de l'ouvrage d'Hart-
ley , qu'il commença d'exprimer
quelque doute sur la spiritualité de
l'aine humaine. Accusé , à cette oc-
casion , d'incrédulité et même d'a-
théisme , il n'eu fut pas effrayé : il
avait pour principe cunsiaul de sou-
PRI
85
tenir , sans ménagement , ce qui lui
paraissaitla vérité , quels que pussent
^'tre les résultats d'une telle conduite.
11 crut devoir faire un aveu plus po-
sitif de sa conviction d'une ame ma-
térielle , et publia , en 1 767 , ses Re-
cherches sur la matière et l'esprit ,
où il donna l'histoire des doctrines
concernant l'ame , et produlsithardi-
ment le système qu'il avait adopté.
Ce volume fut suivi d'une Défense
de l'unitarianisme , ou de la simple
lujinatiitc du Clirist, en opposition
à sa préexistence, avec une Défense
de la doctrine de la Nécessité. On
peut présumer que la défaveur at-
tirée sur lui par ces écrits , fut la
cause du refroidissement que lord
Shelburne lui témoigna vers ce
temps. Ils se séparèrent peu après,
mais sans écht;et, suivant une con-
vention antérieure , Priestley tou-
cha exactement , depuis ce jour
jusqu'à sa mort , une rente annuelle
de cent cinquante livres sterling. Il
alla s'établir alors à Birmingham,
détermine, sans doute, parla faci-
lité que ce séjour lui offrait de dispo-
ser d'ouvriers habiles pour la cons-
truction de ses appareils de physique,
et par l'avantage d'y trouver réunis
plusieurs chimistes et mécaniciens
distingués, notamment Watt,Withe-
riuo; , Bolton et Kier. Des amis de la
science , qui partageaient aussi ses
opinions religieuses , se cotisèrent
pour subvenir aux frais de son nou-
vel établissement. On le choisit bien-
tôt pour occuper une place de pas-
teur dans la principale église dissi-
dente de la ville ; et cette circons-
tance ramena , plus que jamais , son
attention sur les matières théologi-
ques, il publia son Histoire des cor-
ruptions du Christianisme , et l'His-
toire des premières Opinions concer-
nant Jésus-Christ j ouvrages qui le
86
PRI
mirent vivement aux prises avec
M. Bndcock. et le ilocteur Hor«ley.
Il réclama , avec ijcauconp de cba-
Icur , en faveur des dissidents , les
droits qu'on leur refusait , écrivit
jusqu'à vingt volumes pour procla-
mer leurs plaintes , n'obtint rien
pour eux , mais se fit au moins re-
garder comme le plus habile et le
plus danç;ercnx des adversaires de la
religion dominante. Aussi ctait-cc une
grande recommandation au\ bien-
faits du gouvernement , que d'avoir
combattu les opinions de Priestlev :
on dit que plus d'un ecclésiastique en
fut recompense par l'cpiscopat. Il di-
sait assez plaisamment à cette occa-
sion : C'est donc moi gui nila feuille
des bénéfices d'An'j,leterrc ! Ses Let-
tre s familières aux habitant ■> de Bir-
mingham cxaspérrrent ses ennemis
peut-être moins encore par le carac-
tère des opinions qu'il exprimait,
que par le ton de plaisanterie ironi-
(pie qui y régnait. C'est ainsi qu'il
s'était , pour ainsi dire , signalé lui-
même à l'inimadversion populaire,
quand la diversité des opinions rela-
tives à la révolution française vint
augmenter l'irritation. Ondut le sup-
poser favorable à ce grand événement.
Aussi les chefs de notre république le
proclamèrent citoyen français , et
membre de la Convention' , pour
prix de la réponse, en forme de Let-
tres , qu'il fit aux célèbres Réflexions
d'Edmund Burke sur les suites pro-
bables de la révolution française.
S'il ne put exercer les fonctions de
conventionnel , il se para du moins
toujours du titre de citoyen français ,
qu'il ne devait sans doute qu'à une
méprise, puisque l'écrit qui le lui
procura est uniquement eu faveur
des dissidents anglais. Au contraire
de ce qui se passait ailleurs , les
émeutes , à Birmingham , menaçaient
PRT
les révolutionnaires ; mais ils n'en
ci'Icbrcrent pas moins , par un ban-
quet , l'anniversaire de la prise de
la Bastille, le I4 juillet i7<)i. Le
docteur Priestley évita de s'y trou-
YCiron l'accusa cependant d'avoir
provoqué cette bravade ; et la popu-
lace, après avoir détruit le lieu de
réunion des convives , se dirigea vers
sa maison , où tout fut , eu peu de
moments , la proie des flammes et
An marteau. Il perdit , en cette occa-
sion , une riche bibliothèque , son
cabinet de jihysique , une foule de
papiers précieux. les maisons de
plusieurs de ses amis curent le même
sort ; et le désordre dura trois jours.
On fit une enquête; quelques dédom-
magements lui furent albuiés : mais
l'intérêt et la libéralité de ses admi-
rateurs firent davantage jiour le con-
soler de sa catastrophe. J'it.uit allé
à Londres, il obtint la place de mi-
nistre de la congrégation d'Hack-
ney , que la mort de son ami le
docteur Pricc venait de laisser va-
cante. La ressource, inappréciable
dans toutes les fortunes , d'un goût
vif poTir l'étiule , aurait pu lui faire
oublier ses malheurs , s'il n'avait
pas éprouvé aussi dans la capitale
les mauvais effets de l'anirnadver-
sion publique, qu'à la vérité sou
caractère n'était pas propre à adou-
cir. « Comment les préventions des
» Anglais, dit un écrivain qui pa-
» raît impartial, auraient -elles pu
» cesser , lorsque contre toute rai-
» son il accusait les magistrats, le
» clergé , et même le gouvernement,
» de ce qui avait été commis par
» une populace effrénée, et qu'il ap- ?!
» pelait du peuple et des lois de
» l'Angleterre à des associations
» étrangères î » Priestley , harcelé
dans son pays , résolut d'aller cher-
cher le repos en Amérique. Il choisit
PRI
saresidcuceàNorthumberland, ville
de Pennsylvanie ; et , voulant désor-
mais se borner aux travaux du cabi-
net , il refusa une chaire de cbimie,
qui lui fut offerte àPhiladcIpliie. Les
premiers temps de son séjour dans
le Nouveai;-Monde, furent moins heu-
reux toutefois qu'il ne l'avait espé-
ré : l'administration de John Adams
îui témoigna de la dc'bance ; mais il
en fut tout autrement quand M, Jcf-
ferson occupa la présidence. Aussi
lui dëdia-t-il son Histoire ecclésias-
tique , à laquelle il travaillait depuis
long-temps. Une maladie qu'il essuya
en 1801 , et que l'on a attribuée au
poison , affaiblit extrêmement ses or-
ganes digestifs ; et , de ce moment ,
il ne fit plus que languir. Son esprit
cependant ne perdit presque rien de
sa force et de son activité. C'est dans
l'intervalle qui s'écoula depuis son dé-
périssement graduel jusqu'à sa mort,
arrivée le 6 février 1804 , qu'il com-
posa , entre autres écrits : Jésus et
Socrate comparés; et Comparaison
des dijjérents sj sternes des philoso-
phes grecs as^ec le Christianisme,
Quelques minutes avant d'expirer,
il se fit transporter dans une chau-
mière. Il exprima, jusqu'au dernier
moment, sa persuasion d'un état fu-
tur, où la punition ne sera que cor-
rectionnelle, et où les êtres raison-
nables finiront par être tous heu-
reux. Retraçons en peu de mots le
caractère du Dt". Pricstley , comme
homme et comme savant. On est
disposé à penser qu'il était naturel-
lement bon et bienveillant : il l'était
même envers lesanimaux, ainsi qu'on
peut en juger par la joie qu'il témoi-
gna, lorsqu'il découvrit que l'air ni-
treux pouvait, dans les expériences
faites pour éprouver la pureté des
différents airs , remplacer tes pe-
tits animaux dont il causait à re-
PRl 87
gret les souffrances. La constance
de son amitié pour le docteur Price,
malgré la différence de leurs opi-
nions , et quoiqu'ils aient souvent
écrit l'un contre l'autre , est honora-
ble pour tous deux. On le trouvait
habituellement doux, facile et mo-
deste. 11 n'était point jaloux , même
de sa propre gloire : il lui suffisait
que le bien se fît , n'importe par qui.
Il est affligeant de voir la socié-
té humaine mise en péril par des
hommes tourmentés d'un faux zè-
le philantropique ; mais cette in-
conséquence est assez commune.
Comme physicien et comme chi-
miste, les talents de Prietslcy fu-
rent du premier ordre. Ses recher-
ches et ses éci'its ont beaucoup con-
tribué à l'avancement de la science.
Il sut d'abord très-peu de chimie j
et c'est à son ignorance , sur ce point,
que lui-même attribuait l'originalité
de SCS résultats: plus instruit, il se
lût borné commodément à suivre
quelque roule tracée , au lieu qu'il
fut obligé de s'en frayer une , en re-
doublant les efforts de son esprit in-
vestigateur. « On peut affirmer ,
» dit Aikin , que la chimie pneu-
» malique ne doit à aucun savant
» isolé autant qu'à Pricstley , dont
» les découvertes ont donne à celte
» branche de la science une face
» nouvelle, et ont, dans un hautdc-
» gré , contribué à en faire la base
» d'un système qui éclipse tous les
» systèmes antérieurs , et qui ouvre
» un champ sans borne aux progrès
» dans la connaissance de la na-
» ture , et les procédés de l'art. »
Du reste , dans ses écrits scientifi-
ques, il ne faut chercher que le fond :
il ne songeait pas d'abord à com-
poser un livre méthodique ; il vou-
lait que le public jouît proraple-
ment du fruit de ses veilles. Gom-
88 PRI
nre tWologîni , ses ennemis mê-
me ont rcconmi son (*niditionot son
habileté dans la controverse ; donc
«irtont d'une extrême fécondité , il
ne laissa jamais aucune attaque sans
rcpoiisc : mais ses écrits, comme le
dit le docteur Johnson , « sont pro-
pres à tout ébranler , et n'établis-
sent rien. » ('i) Le nombre de
SCS ouvrages, dans la liste donnée
par Rotermund , s'élève à cent
quarante -cinq ; et leur collection
forme 70 volumes in - 8^. Parmi
ceux dont nous n'avons pas en-
core parlé , nous citerons : les Iristi-
tulivns de la religion naturelle et
révélée , '77v-74' 3 vol. in-8'\; des
Notes sur V Ecriture , 4 vol. ; et un
j;rantl nombre de morceaux insérés
dans les Transactionsphilosnphiques^
dans le Monthly ^fagazine , le Mé-
dical Eepositor^ , le Journal àc Ni-
cholson , etc. ; — Essaisurle phlo^is-
tique, trad. en français par Adet, Pa-
ris. i7()8, in-8''.; — Des Leçons sur
V histoire;— Leçons sur l'art oratoire
et la critique. Ses Expériences sur
les différentes espèces d'air ^ ont
été traduites en français , par Gi-
belin , 1777 , Q vol. in-ia , fig.
Dans sa Réponse à VAç^e de la
raison , de Th. Par ne , il se mon-
tre l'admirateur de Robespierre. Sa
Grammaire anglaise a été tradui-
te en français par F. M. Bayard,
(1) Zélé pour l'uniCai ianisme , Pricsllev voulut
donner à sa |>ct te église un culte, des prières et une
liturgie. V.e fut r..lijet d'un de ses e'crils, oîi il per-
met a chacun indifféremment d'administrer la cène.
Il ridijjca un journal ( Thenlngical reposilorr, l'I"^-
88, (j vol. in-8°. ), et il invitait à lui cnv^ver de»
rocliercLes sur la religion. Quoiune son christianis-
me se réduisit à peu de chose, il publia néanmoini
de» Lettres à un philosophe incrédule. Il adressa de»
lettres aux Juifs, pour le» jjresscr de rc< ounaitre
J.-C. pour If Messie , et écrivit contre Cilihon , con-
tre les di!>ciplcj de Svcdenborg , contre IV/ge de la
ratshn de Th. Pavnc, contre Volocy et son livre
de» Ruines , contre l'Or/gine des cultes , dcOnpui<i,
etc. : cha<}ue année voyait éclore de lui des ouvra-
f;e» oii il soutenait d'une main la rcvelation, et l'c'.
Lraulait de l'autre. P — c — T.
PRI
1 790 , hi-6". Ses Lettres en réponse
ans Réflexions de Burke , l'ont été
également , 1791 , in-8**. On a pu-
blié, eu 1806 , en anglais , les Mé-
moires du docteur Friestley , a
vol. in 8**. , continués jusqu'à sa
mort, par son fils Jos. Priestley , et
Observations sur ses écrits , par Th.
Cooper et Wm. Chrislie. Sa Vie.
par J. Corry , a paru en i8o5 , in-
8°. Son Éloge historique a été lu
à l'Institut, eu i8o5, par l'auteur
de cet article. C — v — r.
PRIEUR ( Philippe le ) , en la-
tin Friorius, naquit à Saint- Vaast
( pays de Caux ) , au commence-
ment du dix - septième siècle. Il
étudia les belles - lettres, les ma-
thématiques , la théologie, les lan-
fyies orientales, l'histoire, le droit
canon , et s'y rendit assez habi-
le. 11 fut nommé professeur dans
l'université de Paris; mais, en iG(io,
il fut contraint, pour des niolifs que
nous ignorons , de quitter sa riiaire,
et de se retirer dans une petite ville
où il eut beaucoup à soullrir. Au bout
de quatorze ans, il revint dans la ca-
pitale , et y mourut en 1G80. Nous
avons de lui : I. Tcrtulliani opéra
curn, variorum commenlariis-, etc. ,
Paris, it)G4 et 1O75 , in-folio.
Il n'y a de Le Prieur qu'mie courte
Dissertation , quelques sommaires et
quelques Notes. U.S.Cj priant opéra
cum notis Rigaltii et aliorum;acce-
dunt scripta Minucii Felicis , Arno-
bii,Commodiani, nec non Julii Fir-
mtci , Paris , iGGG,in-fol. Balu-
ze estimait si peu les Notes de Le
Prieur, qu'il n'en a jamais fait usa-
ge dans sa belle édition des Oeuvres
de Saint Cypiien. IIL S. Optati
opéra : accedunt Facundi Ilerinio-
ncnsis episcopi opuscula , cian no-
tis et observationibus vanorum , Pa'
ris , 1G7G ,-in-fol. La préface de Le
PRI
Prieur est insignifiante. EUïes-Dii-
pin reproche à cet éditeur d'avoir
ajoute de nouvelles fautes à celles de
ses prédécesseurs , et de n^avoir ja-
mais constdté les manuscrits. IV.
^inimadversiones in libruni Prœa-
dainitarum , in quibus confutatur
nupenis scriplor, et primum om-
nium hominum fuisse Adamum ,
defenditur , Elzevir, i(356 , petit
in-i2. Cet opuscule est presque tou-
jours joint à l'ouvrage dont il est la
réfutation. On l'a souvent confondu
avec un autre qui porte à-pcu-près
le même titre, et qui est du père Dor-
may. Le faux nom d'Eusèbe Ro-
main , sous lequel il a paru , a été
Une source d'erreurs pour la plu-
part des bibliographes. La première
édition du Dictionn. des Anonymes,
11". I f,i5o, rattril)uaitàdom Mabil-
Jon. V. De literis canonicis Disser-
tatin , cum appendice de tractoriis
et sj-nodicis , Paris, 1675, in-S**.
Cette Dissertation , qui n'est qu'un
extrait d'un immense travail que
l'auteur avait fait sur l'histoire ec-
clésiastique , ne manque pas d'inté-
rêt; elle est pleine d'éiudition. Nous
avons puisé, dans un Avis au lecteur^
le peu que nous racontons sur Le
Prieur, royez les Mélanges de litté-
rature tirés des lettres de Chape-
lain, où l'on apprend que Le Prieur
travaillait , en iG5c) , à l'édition des
Glossaires grecs recueillis par Ch.
Labbé. L — b — e.
PRIEZAC ( Daniel de ) naquit ,
en iSgo, au château de ce nom,
dans la paroisse de Saint-Salve, en
Bas-Limousin, à peu de distance de
Brives. Il fit ses études à Bordeaux,
se distingua dans le barreau , fut re-
çu docteur-régent de la faculté de
droit en 161 5 , et y professa , pen-
dant dix ans , avec beaucoup de suc-
cès. Ses plaidoyers , et quelques dis-
PRI 89
cours prononcés en de grandes oeca-
sions , portèrent sa réputafion jus-
que dans la capitale. M. Séguicr, étant
devenu chancelier, l'attira , en 1 G35,
à Paris, et lui procura une charge
de conseiller- d'état ordinaire. Il fut
reçu de l'académie française , en
ibSg, et mourut en 1662, après
avoir donné au public les ouvrages
suivants : 1. Discours prononcés par
31. Daniel de Priezac, Bordeaux,
162 I ,in-8". Les trois premiers, qui
sont en français, furent prononcés
à la réception du marquis de Yille-
roi , en qualité de sénéchal de
Guienne , à celle de M. de Bar-
reaux , sénéchal du Bazadois, et,
à la première entrée du duc de
Maïenne , au parlement de Bor-
deaux. Le quatrième, enlatin, a pour
titre : Oratio solemnis habita in
scholis utriusque juris academiœ
Burdigalensis qud Papiniani nata-
litia ex veleri Justiniani instituto
renovavil. Il a été réimprimé , avec
quelques légers changements, dans
ses Mélanges. II. P indiciœ Galli-
cœ adversus Alexandrum patri-
cium Annachanwn , Paris, i638 ,
in-8'\; Amsterdam ,1a même année,
même format; réimprimé dans ses
Mélanges ; traduit en français par
Jean Beaudoin, sous ce titre: Dé-
jense des droits et des prérogatives
des rois de France, etc., Paris,
1639 , in-8°. Cet ouvrage fut com-
posé par ordre de la cour , pour ré-
pondre à celui de Jansénius, depuis
évêque de Ypres , qui avait paru ,
en i636 , sous le nom à'Alexander
patricius Armachanus ; et sous ce
titre: Mars Gallicus seu dejustilid
armoruin et fœderum régis Galliœ.
L'auteur flamand, sujet du roi d'Es-
pagne , contre lequel la France avait
fait des alliances avec les princes pro-
lestants, attaquait ces alliances sur uu
go PRT
ton très - vif. L'auteur iVauçais mit
la même chaleur dans sa réponse.
III. Observaiiom sur un livre in-
titulé a Philippe le Prudent, (ils de
» Ch.ules-Quiut, vurilic roiléç;itimc
w de Portuç;al . et compose eu l.ilin
» par Jean Caraniuel, «Paris, i(J4o,
iii-S**. C'est encore ici un ouvrap;e
de corainandc , compose par ordre
de la cour, cii faveur de la maison
de Braf^ance, contre le roi d'Espagne.
IV. Paraphrase sur les Psaumes,
Paris, 1O43 , in-i2. CetleParaphra-
se en vers n'est que sur cuh) psau-
mes, et su ri' hymne .^t'e /h </mi/t//rt.
\'. hvs Priiùleti^es de la f'iergentère
de Dieu , in-8". , trois tomes , itiJH-
5o et5 I . \l.Six DiscoursfiulilKfueSy
Paris, in 4"-, deux tomes, ib3?. et
54. VII. Miscellaneorumlibri duo,
i()j8, in-4". , publics par son (ils.
(a-s iMclanpcs conlitnnent : J)e The-
midis oraculis. — JJe liomanorum
lepwi in Gallid acceptât ione. —
Qualis expetendus sit juns cano-
nici prnfessor. — Papiniani natali-
tia ex prescriptu Juitiniani célébra-
ta. — Qucestio repa , ulrùm reus
poitulatus qui ad principem exter-
nufi confus,it , naliK'o suo principi
hune reposcenti dedi ac t radi dcbeat,
nd Innocenliuin X. — Disputatio
leiiilima in conlroK'ersid viotd in-
ter apostolicœ camerœ copiito-
rcm , actorem , et E. Card. Bar-
berinum , eicellentissimumque ur-
bisRomœ prœfectumdefensorem. —
T'indiciœ , etc. VIII.' Le Chemin
delà f^loire , Paris, iG<io , in-11,
IX. Tribonianus à censura sospes ,
Paris, i(3Go ,in-4". Tons ces ouvra-
ges prouvent la variété des connais-
sances de l'auteur. Les Vindiciœ
offrent des recherches curieuses sur
l'uriç^ine de la monarchie française ,
sur la loi saliquc, et sur divers autres
points inle'rcssanls de noire his-
PRI
toiro. — Son fils , Saloraon de
Priezac , est connu par les ouvra-
ges suivants : I. Cavipeslre Gnlliœ
miraculum , seu forts Bellausius
( FonlainebleaJi ) , Paris, 1O47 ' '""
4*^. II. Histoire des éléphants , Pa-
ris, iGjo, in-1'2, avec un fronlis-
picc grave. III. Lœtitia publica,
seu fuustuf Ludovici \ir in Lute-
tiain reditus , Paris, i()49j iu-4**-
IV. Jean Christinœ repnœ y Paris,
i655,in-4'*. Dans Wïvertisscment ,
l'auteur se plaint du silence que cette
reine avait garde envers lui , après
qu'il lui eut fait présent d'un de ses
ouvrages. V. Dilucida de coloribus
dissertatio, Paris, i()'i7, in-K". VI.
Jconasini, Paris, iGSq, in-4". VII.
/. Card. Mazarini Icotiis historica-
spécimen, Varis , i()Go, in-4". VIII.
JDissertatio de bcllo et pare ad K.
C Mazarinum, Paris , i()()(), in-4"-
IX. Mons f'alcrianus, Paris, i()()r,
in-4". X. Dissertation sur le I\il,
Paris, i(><)|, in-8". Toules ces piè-
ces sonten prose. On conservait, à la
bibliothèque de 8aint-('jermain-des-
Prés , divers manuscrits des deux
Priezac. T — d.
PHIGNANO (Bartuei.emi de ).
P^. Urisain VI , pape.
PRILKSZKY ( Jean Baptiste ),
jésuite, né à Prilev/. , en Hongrie, le
i() mars i'jof^, docteur en théologie,
puis professeiu' de philosophie à l'u-
niversité de Tyrnau , était, en 1773,
directeur du collège de Cassovic, ou
Kaschau. L'on ignore l'cpoquc de
sa mort. II est conmi par plusieurs
ouvrages relatifs à l'Histoire e<( Ic-
siasliquc , parmi lesquels on distin-
gue : .^cta sanclorum J/unpario' ex
J. Itollandi continuatoribus , aliis-
quenovemscriptoribuscxcerpta,'lyi-
nau, 1744- — Notitia SS. Patrum ,
qui duohus primis Ecclesiœ secu-
lisjloruerunt , ibid. , 1753 , in -8".
PRI
— S. Crpriani Carthnginiensis acta ,
et script a omnia in suinmam redac-
trt,clc.,ibid. , Ï761 , in fol. — .-icta
et scripta S. Thecphili patriarches
Aiiticcheni, et M. Minutii Felicis in
summam redacta, etc. , ibid. , i ■^64,
in-8°. — S. Jiistiniacta et scripta an-
notaiionibus illustrata , Caschau ,
i';65,in-4''. — Acta et scripta SS.
Gregoiii IVeocœsariensis , Dionrsii
Alexandriniet Methodii Lrcii illus-
trata, ibid., i-jGë. Oncoiniak deliii
plusieurs autres ouvrages de moindre
importance. Le P. Pnleszky, était,
eu 1744 » professeur e'mcïite de phi-
losophie à l'université de Tyrnau ,
lorsqu'un de ses élèves , le comte
Charles Esztcrhazy de Galantha , fit
imprimer a Vienne, en recevant le
grade de docteur en philosophie , le
savant ouvrage du P. Frolich , inti-
tule : Annales compendiarii regnm et
renim Syriœ , munis veteribus illus-
trati , deducli ab obita Alexandri
Magni ad. Cn. Pompeii in Sériant
adventuni , cum amplis prolegome-
nis. Comme le comte Eszlerhazy fît
sans doute les frais de cette édition^ ou
n'y )nit pas le nom du véritable au-
teur de l'ouvrage; on se contenta , en
y [tlaçant celui du protecteur, d'ajou-
ter ces mots : Ex prœleclionibus J.
B. Prileszky è societate Jesu , etc.
Ces mots ont fait croire à l'abbëDe-
claustre , qui a re'digé la Table du
journal des Savants, que le P. Pri-
leszky e'tait effectivement l'auteur de
ce livre. On pourrait penser au moins
qu'il avait été rédigé d'après ses le-
çons, ex prœlectionïbus ; mais l'ap-
probation du P. Antoine Vanossi ,
placée en tête de cette première édi-
tion , suffit pour lever tous les dou
tes. On y ht ces mots : Annales
compendiarii , etc. , à P. Erasmo
Frœlich , è societate Jesu composi-
ti , et à tribus memorat ce socetatis
PRI 91
patrilmsde more rei'isi. Ccl ouvrage
fut rciu) primé à Vienne, en 1^54 , un
vol. in-ful., avec le nom de son véri-
table auteur , qui y fit quelques légè-
res additions ou corrections , et y
joignit une table des monogrammes
ou abréviations qui se trouvent sur
les médailles grecques ( P^. Froe-
Licn). S. M — N.
PPJ?.TAT (Claude-Frakçois-Ma-
RiE ), archevêque de Toulouse, était
né à Lyon en 1747- I' entra dans la
congrégation de l'Oratoire, et il ré-
sidait à Douai lorsque la révolution
éclata. 11 en embrassa les principes,
à l'exemple d'un grand nombre de
ses confrères. Le premier fruit qu'il
relira de cette démarche, fut d'être
nommé curé constitutionnel de Saint-
Jacques de Douai. A cela ne se bor-
na point sa fortune ecclésiastique ,
dans l'ordre du parti auquel il s'était
voué. Bientôt il fut élu évêque du
département du Nord , dont le siège
avait été fixé à Cambrai; et, le 10
avril 1 791, il reçut la consécration
épiscopale. Sa prise de possession
et son installation eurent lieu au
mois de mai suivant. Quelques scru-
pules néanmoins lui survinrent ; il
sentit que sa mission n'était j)oint
canonique , et il regretta de s'être
laissé aller à de mauvais exemples :
mais les temps étant devenus plus
orageux encore , il fut effrayé du
système de terreur qui dominait ,
et remit ses lettres de prêtrise à la
Convention , dans la séance du v3o
brumaire an 11 (20 novembre 1 793).
En 179B, Primat assista au concile
des évêques constitutionnels , tenu à
Paris, dans l'église de Notre-Dame:
on l'y transféra à l'évêché de Ulione-
et-Loire(Lyon).Il eut, en i8oa, sa
part dans les nominations qui se fi-
rent à la suite du concordat, et il
fut nommé archevêque de Toulouse.
9?
PRI
Favorijrd par Bnona parte, et proK'ge
par un deses anciens coufi cres de l'O-
raloiie. alors loutpiiissant (Fouchc),
il fui , le -iÇ) mai 180O, appelé au sc-
uat-conservateur , et il y siégea jus-
qu'à la restaura lion. Pendant les cent-
jours, (181 5) une chambre des pairs
ayant étc créée , il en fut nomme
membre; mais il n'y parut point ,
rtant resté dans sou diocèse où ,
dès - lors, il ne s^occupa plus que
de ses devoirs d'évêqne et du soin de
son troupeau, auquel il devait bien-
tôt cire enlevé. Il mourut à Toulou-
se, le 10 octobre iSiCJ , à la suite
d'une attaque d'apoplexie , dont il
avait été frappe à Villemur, où il
était allé pour administrer la con-
lîrjnaliùu. Après avoir parlé de ce
que la carrière ccc!esia^tiquc de Pri-
mat peut avoir offert de repréliensi-
l)lc , il serait injuste d'omettre ce
qu'il a fait pour réparer ses torts.
Aussitôt après sa nomination à l'ar-
chevèché de Toulouse, il s'euipres-
.sa d'écrire au pape , pour le piicr
d'aj;récr son repentir et sa soumis-
sion , et sollicita sa réconciliation
avec l'Église. 11 soutint, depuis, cet
acte de rétractation, par une condui-
te qui ne s'est jamais démcnlic ,
vécut esliraé , et fut regretté, dans
son diocèse, pour sa piété et sa bien-
faisance. Il était membre de l'aca-
démie de Toulouse , ( t de celle des
jeux Flur.iux. L — y.
Pl'.IMATICCIO (François ), ou
PRL'MATICE , peintre , naquit à Bo-
logne, en i-Î!)o, et lut successive-
ment élève d'Innoccnzio da Iinola
et de Ramiughi , surnommé le Ba-
gnacavallo. Mais ce fut surtout pen-
dant les six années qu'il passa, sous
la conduite de Jules Romain , à Mau-
toue, qu'il fit les progrès les plus ra-
pides. C'est sous la direction , et <i'a-
près les dessins de ce faraud inailrc
PRÏ
qu'il fxécut.i, dans le château du T ,
deux frises en sluc , représentant
V Ancienne Milice romaine, qui fi-
rent connaitre tout ce dont il était
capable. François I*'''. , qui voulait
réunir à sa cour les liommes habiles
dans tous les genres et de tous les
pays, avant demandé au mar(|uis de
Man toue un peintre capable dediriger
les embellissements de son château
de Fontainebleau , ce prince lui en-
voya le Primatice , qui , au premier
abord , sut gagner la conGance du
roi. Le Rosso , ou maître Roux , qui
l'avait précédé en France d'une an-
née, était alors intendant des bâti-
ments de la couroiuie. Primaticcio
ne put voir sans jalousie la faveur
dont jouissait un artiste qu'il regar-
dait comme un obstacle à la sienne.
Chaque jour quelque nouvelle mar-
que d'animosité signalait la haine
qui existait entre les deux rivaux.
Le roi, fatigué des scènes scanda-
leuses qu'une habitude de neuf an-
nées semblait accroître chaipic jour,
prit le parti de renvoyer le Piima-
tice dans sa pairie : mais , toujours
généreux, cl ne voulant pas que ce
renvoi eût l'air d'une disgrâce, il le
chargea de parcourir l'Italie, pour j
y recueillir quelques statues antiques '
dont il voulait enrichir la France.
Pendant l'absence de Piimaticcio , le
Rosso mourut; cl aussitôt le roi jeta
les yeux sur le premier pour lui
donner la place d'intendant des bâ-
timents. Il revint en toute hâte, rap-
portant avec lui cent vingt-cinq sta-
tues , et un nombre considérable de
bustes antiques, ainsi que les moules ,
du Laocoon, de la Fénus de Médi- |
cis et de V Aria due , qui furent jetés '
en bronze et placés dans les jardins
de Fontainebleau. Il avait égalenu nt
I apporté les creux delà colonne Tr.i
juuc. Le toi crut ne pas pouvoir le
I
PRI
récompenser trop dignement; et c'est
alors qu'il lui donna la riche nbbaye
de Saint-Marliti de Troyes. Il sem-
blerait que la mort de sou prédéces-
seur eût dû éteindre sa jalousie: mais
elle était trop enracinée chez lui; et
sous prétexte de faire diverses amé-
liorations au château de Fontaine-
bleau , il fît abattre plusieurs des
constructions que le Rosso avait éle-
vées. Il commença dcslors ses gra^ids
travaux de peinture dans l'iiuérieur
du château. Tant que François P"",
vécut , il conserva lu faveur de ce
monarque : Henri II ne lui témoigna
pas moins de considération. Fran-
çois II le nomma commissaire-gé-
néral des bâtiments de l'état , dans
toute l'étendue du rovaurae. Ce n'é-
tait pas seulement comme peintre
que Primaticeio dirigeait tous les
travaux relatifs aux beaux - arts :
il s'en mêlait également comme ar-
chitecte. C'est lui qui donnait les
plans et les dessins de tous les ou-
vrages de sculpture , d'ornements ,
d'ameublement, de fontaines, d'or-
fèvrerie et même de spectacle , qui
s'exécutaient à la cour. Cette su-
prématie qu'il exerçait sur les arts
blessait souvent l'amour - propre
des artistes dont il prétendait di-
riger les ouvrages ; et les détails
que Benvenuto Gellini , l'un d'entre
eux, donne, dans ses Mémoires, des
prétentions du Primatice, n'en sont
pas une des parties les moins pi-
quantes ; à travers l'exagération bien
naturelle à la vanité blessée d'un ar-
tiste, on aperçoit dans le Primatice
une conduite que le talent même ne
saurait toujours justifier. Ce n'est pas
lui qui donna les dessins du tom-
beau de François P»", , à Saint-Denis ,
comme le prétendent tous ses histo-
riens. Des documents authentiques,
tires des archives de la Chambre des
PRI
9^
comptes , prouvent que la France
n'avait pas besoin de recourir à des
étrangers , pour élever ce beau mo-
nument. Ce fut Philibert de Lorme
qui en donna les plans : Germain
Pilon et d'autres artistes également
français furent chargés de l'exécu-
tion. On sait que c'est le Primatice
qui avait construit, pour le cardinal
de Lorraine , le premier château de
Meudon , abattu depuis pour faire
f)'ace à celui que l'on construisit pour
c Dauphin , fils de Louis XIV. C'é-
tait surtout d.ins le châtea<i de Fon-
tainebleau qu'il avait déployé tout
son talent, comme peintre, l^a Ga-
lerie d'Ulj^sse snitout était regardée
comme un des plus beaux ouvrages
de ce genre qui existât en France.
Les fresques dont il avait orné Ja
salie des Ccnt-Suisses, dans le mê-
me palais , et qui représentaient aus-
si des sujets tii'ds de la vie d'Ulysse,
en faisaient le plus bel ornement.
Le temps n'a rien épargné de ces
peintures; et sans les gravures qui
en ont été faites, il ne resterait pas
de tracede ces compositions, dans les-
quelles on reconnaît un talent éminem-
ment poétique. Les altitudes de ses
figures sont savamment contrastées :
on y reconnaît le style léger et gra-
cieux , quoique parfois un peu manié-
ré, du Parmesan; mais cette manière
n'est point dépourvue de noblesse, et
le grandiose y domine toujours. En
général, sa touche est vive et franche;
et son ton de couleur ne manque pas
de cette vérité historique qui ne re-
pousse pas la sévérité. La rapidité
avec laquelle il travaillait , l'a peut-
être porté à négliger quelques parties
de ses tableaux : mais la correction
qu'il sut mettre dans ses principales
figures , prouve qu'il aurait pu la
mettre également dans les moindres
accessoires. On ne peut nier que son
94 PRI
exemple n'ait contribue à maintenir
le bon goût des arts en France , pen-
dant tout le temps qu'il en dirij^ea
les travaux ; mais c'est pousser i'exa-
cc'ralion trop loin que de dire avec
Vasari , ou même avec Fclibicu, que
sous lui tout devint excellent , et que
les artistes les plus liabilcs que pos-
sédait la France, cliaugèroul de ma-
nière pour adopter la sienne. Les
ouvrages de Jean Cousin , de Ger-
main Pilon , et surtout de Jean Gou-
jon, repondent sulîisamment à cette
assertion. Le Primatice , comble
de faveurs et de richesses par quatre
rois successifs, mourut octogénaire,
à Paris , en 1 570. Le iNIusce du Lou-
vre possède deux tableaux de ce maî-
tre : l'n'i représente >Sct/'i07J rendant
à Mlucius son épouse^ l'autre est
une Composition alléi^uriijue dont le
sujet est inconnu. Ses dessins , arrê-
tes o."dinairementd'uneraanièrenctte
et précise, oflient des beautés cgiles
à celles du Parmesan , et se foui re-
connaître aussi par un peu de ma-
nière qui rappelle l'ccolc Florentine.
Le IMuse'e du Louvre en possède
six, dont quatre avaient ctè exécutes
dans le cliàleau de Fontainebleau.
( F^. Notice des dessins, émaux, etc. ,
que renferme la galerie d'Apollon, )
On a beaucoup grave d'après ce maî-
tre : nous citerons seulement la Ga-
lerie du cJurteau de Fontainebleau,
représentant les travaux d'Ulysse,
dessinés par Primatice, peints par
Nicolo ( V. AcBATE ) , gravés par
Tbéodore Van Thuldeu, avec l'ex-
plication morale à chaque sujet , 58
pièces in-fol. P — s.
PRIMEROSE ( Jacques ), méde-
cin habile, mais systématique, na-
quit, vers la (in du seizième siècle,
à Saint- Jean- d'Augeli, selon Eloy
( Diction, de médecine), ou à Bor-
deaux, selon Astruc ( Maladies des
PRI
femmes) et M. Portai { Ilist. de
Vanatomie), de parents écossais. 11
était (ils d'un ministre de la relii;ion
réformée , qui ne négligea rien pour
cultiver ses dispositions. Après avoir
achevé ses études de philosophie
à Bordeaux , où il reçut le degré
de maître - es - arts, il se rendit à
Paris, pour suivre les cours de la fa-
culté de médecine. Une pension, que
lui faisait le roi Jacques, son souve-
rain, fournissait à toutes ses dépen-
ses, et le mit en mesure de voyager,
pour fréquenter les savants et enten-
dre les plus illustres professeurs. Il
reçut le bonnet de docteur à Mont-
pellier, en 1O17 , et jjartit sur - Ic-
champ pour l'Angleterre , où sa ré-
putation l'avait précédé. Il se (il agré-
ger au collège de médecine d'Ox-
fonl, s'établit dansrYork.shire,ets'y
fit promptemenl connaître par des
succès multipliés dans la pratique de
sou art. Les dillerents ouvrai;es ipi'il
publia depuis, aiiuoucc Ht un homme
instruit et un assez, bon observateur ;
mais il eut le tort impardonnable de
nier la circulation du sang, démon-
trée récemment par Guill. Harvey
( V. ce nom), et de pousser l'entèle-
ment jusqu'à 5e refuser à l'évidence,
opposant des raisonnements aux ex-
périencesdes plus habiles anatoinis-
tes. Primerose nia de même l'exis-
tence des vaisseaux chilileres, pré-
tendant que ces vaisseaux sont in-
visibles , et qu'ils n'ont pas de tronc
aj)parent ( Voy. V Ilist. de l'anatu-
mie , par M. Portai, 11, 5i'2). Ce
médecin mourut, vers iGfio, dans
un âge avancé. Parmi ses nombreux
ouvrages, on se contentera de citer :
1. Exercilaliones et aniniadvcrsio-
nes in librum de mutu cordis et cir-
culationc san^uinis adi>crsàs Gui.
Ilnrveum, Londres, iG3o; Lcyde,
1O39, in-4°- II. Academia Mons-
PRI
peliensis et laiirus Munspcliaca ^Ox-
ford , i63i, iu - S'*. ; rare. III. De
vulgi erroribus in viedicind lihri if,
Amsterdam, i63g, iii-12; réimpri-
mé plusieurs fois en Hollande; trad.
en anglais, par Robert Witie ; et eu
français , par de Rostagny , Lyon ,
1689, in- 8"^, Cet ouvrage , comme
on voit , eut beaucoup de succès :
mais quoiqu'il contienne des remar-
ques curieuses et intéressaates , il est
aujourd'hui presque oublié , tandis
qu'on recherche toujours le Traité
de Laurent Joubert sur les Erreurs
populaires ( V. Joubert ). IV. En-
chiridion medico-praclicum , Ams-
terdam , i65o ou 1654, in- 12. V.
Ars pharmaceutica , ibid. , i65i,
in- 12. VL De morhis mulieruin et
symptomatis libri r, Rotterdam,
i655 , in -4'*. Cet ouvrage, fruit de
l'expérience et de la longue pratique
de l'auteur , est fort estimé. VIL
Destructio Jundamentorum inedi-
cinœ P'opis.Fortun. Plempii, ibid.,
1657, iu-4'*., fig. ( P^. Plempius ).
Primerose ne pouvait pardonner à
cet habile médecin d'avoir fini par
reconnaître la circulation du sanc,
après en avoir douté. VIII. De j'e-
hrihus libri iv , ibid. , i658 , in-4*'.
IX. De morbis puerorum,, ibid.,
1659, in-T2. W — s.
PRIMUS ( Marcus-Antonius ) ,
général romain, naquit à Toulouse,
d'une famille patricienne. Il porta ,
dans son enfance , le surnom de Bec-
co, mot celtique ou gaulois , qui s'est
conservé dans notre langue ( Voyez
Suétone, Fie de Fitellius, ch. 18);
et quelques auteurs modernes ont
cru pouvoir en conclure qu'il était
d'origine gauloise. Il réunissait les
qualités et les défauts les plus propres
à séduire la multitude. Brave et gé-
néreux à l'excès, d'une activité et
d'une patience infatigables , mais cs-
PRI
y'ï
prit entreprenant et audacieux, ca-
chant son ambition sous le voile du
bien public, il ne voyait, dans les
dissensions civiles , que le moveu
d'accroître son crédit et ses riches-
ses. Une faute grave, mais qu'on ne
doit pas juger trop sévèrement, puis-
qu'il la commit sans intérêt person-
nel ( i), l'avait fait exclure du sénat.
Il y fut rappelé par Galba , lors de
son avènement à l'empire ; et ce
prince lui donna le commandement
d'une des légions stationnées dans
laPannonie. Il oiïrit ses services à
Othon contre Vitellius ; et il se dé-
clara l'un des premiers pour Vespa-
sicn. Son éloquence vive entraîna
toutes les légions de la Pannonie - et
il décida ses collègues, incertains sur
le parti qu'ils devaient prendre, à
porter la guerre en Italie. Primus se
chargea de leur en ouvrir les che-
mins : aA'ec un petit corps d'infante-
rie et de cavalerie , formé à la hâte,
il s'empara d'Aquilee ; et, profitant
du premier moment de surprise , il se
rendit maître de tout le pays jusqu'à
Vérone, dont il fit le centre de ses
opérations. Les légions qu'il avait re-
çues de la Pannonie et de la Mœsie , lui
donnaient les moyens de continuer
sa marche; mais, forcé de remettre
le commandement de l'armée à deux
consulaires, il allait être prive de la
gloire d'exécuter le plan qu'il avait
conçu. Deux séditions, dont Primus
fut sans doute le secret instigateur ,
le débarrassèrent de ses rivaux • et
le choix des soldats le rendit seul
chef d'une armée qu'il })roraettait de
conduire à la victoire. Jaloux de jus-
tifier la confiance des troupes , il se
hâte de marcher sur Crémone, avant
que les lieutenants de Vitellius aient
(i) 11 avait eu la coii|>able cc;n]ilaisance de signer
comme témoin un testament sui>])Osé, fait ml béne •
Gce d'un de ses ami». .
96 PRT
eu le temps de leniiir leurs forces.
Un coralial sanglant et long - temps
indécis , l'amène sons les mnrs de la
ville. Les soldats, à qui l'espoir du
biilin fait oublier leurs fatigues et dé-
robe le danger , demandent à l'atta-
quer sur - le - champ , et, maigre la
résistance des assiégés, l'emportent
d'assaut. Quatre jours après, cette
cité florissante et populeuse ne pré-
sentait plus que des ruines teintes de
sang('2). Primusne put supporterlui-
îucme cet horrible spectacle. Il ra-
mena dans rillyrie ses soldats char-
gés de dépouilles odieuses , et dépS-
cha des courriers à Vespasien, ainsi
<pie dans la Germanie et dans les
Gaules , pour y annoncer sa victoire.
L'hiver l'obligea de quitter les plai-
nes humides du Pô. 11 partit, emme-
nant avec lui une partie de ses légions;
traversa l'Apennin, sans trorver d'au-
tres obstacles que ceux que lui oppo-
saient les neiges et la difllculté <ies
chemins, et vint camper à ('arsula ,
pour y attendic le reste de son ar-
mée. Les troupes de Vitellius , pos-
tées à Narni, n'avaient aucune con-
fiance dans leurs chefs. Primus se
ménagea des intelligences dans leur
camp, séduisit les ofllciers, par l'es-
poir des récompenses de Vespasien ;
ébranla la fidélité des soldjts , en leur
montrant l'inutilité de la résistance,
et les vit bientôt se ranger sous ses or-
dres avec leurs enseignes et leurs dra-
peaux. Il distribua ces légions, dont
il se méfiait encore, dans les villes
de rOmbrie; et, laissant des forces
sufllsantes pour les contenir , il s'a-
vança vers Rome. Il avait prévenu
Vitellius de sa marche , en l'invitant
à quitter volontairement un trône
(»■) Tacite a diciit la piisi' de Cicmoiic cl 1rs
CYunemrijti» qui la proccdcrt-Dt , avec beaucoup de
détails, daiu le livre III de sou Histoire ; et il n'epar-
t,W cas à Priniu» den repruchc» lrux> mérilM.
PRI
qu'il ne pouvait plus défendre. Mais
tandisque le faibleempercur négocie,
dans l'espoir d'obtenir des conditions
moins rigoureuses , les soldats de
Primus, qu'il ne peut retenir, s'em-
parent de Rome, etmassacrentl'em-
percur (/'oje; Vitellius). Primus,
accueilli comme un libérateur, fut
décoré , par le sénat , des ornements
consulaires , et vint habiter le palais
impérial, qu'il dépouilla de ses ri-
chesses. H commanda, pendai:t quel-
ques jours , en maître; et rien ne se
fit que par ses ordies : mais , à l'ar-
rivée de IMucieu, tout changea de
face. On ne tarda pas à s'apercevoir
que le favori de Vespasien, jaloux,
du succès de Primus, cherchait à
l'éloigner; et chacun l'abandonna.
Primus se flatta que Vespasien , plus
juste, se montrerait reconnaissant
des services qu'il lui avait rendus;
mais ce prince, prévenu contre lui,
le reçut froidement , et ne lit aucun
cllbrt pour le retenir à sa cour. Primus
alors prit le parti de se retirer dans
le lieu de sa naissance, et d'y cher-
cher , dans la culture des lettres ,
l'oubli de ses rêves ambitieux. Il vé-
cut plus de trente ans dans cette re-
traite , qu'il avait embellie, n'cntrc-
Icnaiit de relations à Rome qu'avec
quelques personnes qui partageaient
sou goût pour les lettres. On apprend,
paruneEpigrauimedcMartial(liv.x,
•^3), que Primus était parvenu , tran-
quille et heureux , à l'àgc de soixante-
quinze ans ; et qu'il voyait s'appro-
cher sans crainte le terme de sa vie.
Ainsi , l'on peut conjecturer que, ne'
sous Tibère, il mourut au plutôt l'au
Ç)9, la première année du lègne de
Trajan. Dans plusieurs autres de ses
hpigrammes (liv. ix , i o i ; et x , 3a,
']3)., Martial, son ami, fait un grand
éloge des vertus et des talents de Pri-
mus , dont il avait oublié les torts de
PRI
jennesse, expiés par une conduite ir-
réprochable. On croit que Primus
avait composé plusieurs ouvrages;
mais on ne connaît de lui que deux
Fragments de ses allocutions aux
légions de la Pannonie , conservés
par Tacite. W — s.
PRINCE (le ). r. Le Prince.
PRINGLE (Jean), l'un des
médecins les plus distingues du der-
nier siècle , naquit à Stickel-Honsc ,
comté de Roxburg, dans le nord de
l'Angleterre , le lo avril l'jo^. Pré-
paré par la culture des belles-lettres,
il alla , à Leyde , étudier sous Buer-
Laave , et présenta , en 1730, pour
être reçu docteur en médecine , une
Dissertation qui avait pour titre : De
marcore senili. Venu à Edinbourg,
dans l'intention de pratiquer la mé-
decine, Pringle y fut nommé pro-
fesseur-adjoint de philosophie mo-
rale et de pneumatique , dénomina-
tion par laquelle il faut entendre ici
la métaphysique. En 174'^ il devint
médecin ordinaire d'armée , fut ra-
pidement promu au grade de méde-
cin en chef d'hôpitaux , et enfin à
celui de premier médecin des ar-
mées. Il servit, enFlandrectcn Alle-
magne, jusqu'en 1 745, et, depuis 1746
jusqu'en 1749? ^ii Angleterre et en
Ecosse. Pringle courut des dangers
à la bataille deDettingue, et montra
un sang -froid qui plut aux troupes.
Il se fit encore plus d'honneur en
provoquant une convention, d'après
laquelle les hôpitaux furent consi-
dérés comme neutres par les com-
battants des différentes nations. Il
s'était procuré des topographies
très - détaillées ; ce qui le mit à mê-
me de répandre des instructions pour
toutes les positions oîi l'armée pou-
vait se trouver. La maladie que Prin-
gle avait le plus à redouter, en Flan-
dre et en automne , était la dysea-
XXXVI.
PRI
97
terie , tantôt aiguë , et plus souvent
encore d'une longue durée. Ce fut
contre cette ennemie qu'il dirigea tous
ses efforts. Il observa judicieusement,
ce que n'avait point fait Sydenham ,
que la dyssenterie est fort souvent
contagieuse ; et partant de cette im-
portante donnée, il a indiqué les
précautions à prendre, et les mesu-
res qu'il convient d'adopter pour
s'opposer à la propagation de celte
maladie. Ce fut en 1 749 que Pringle
vint s'établir à Londres avec le titi-e
de médecin du duc de Gumberiand ,
second fils du roi George II. Eu
i']5i ,'û publia la première édition
de sou traite des maladies des ar-
mées, qui fit beaucoup de sensa-
tion , et fut également bien accueil-
li dans le monde savant et dans
l'armée. La société royale de Lon-
dres lui adjugea , la même année , la
médaille fondée par Conicv , pour
ses expériences sur les antisepti-
ques. En 1750, Pringle avait adres-
sé à Mead , et publié, une lettre fort
remarquable sur la fièvre des prisons,
maladie très-dangereuse, qui avait
déjà fixé l'attention publique lors-
qu'elle se développa en 1757 aux
assises d'Oxford , et qui venait de
reparaître aux sessions de l'Old Bay-
ley. On attribue justement cette ma-
ladie, qui est contagieuse, à l'entas-
sement des hommes sains, à plus forte
raison à celui d'hommes souffrants
ou malades. Pringle donna une his-
toire fort exacte de l'invasion de
1 750 , et rappela , à cette occasion ,
SCS propres observations dans les
armées, et celles d'Huxham dans les
hôpitaux de Plymouth. Ayant dé-
finitivement quitté, en 1758, leser-
vice de Tarmée , il s'établit à Lon-
dres , fut d'abord agrégé au collè-
ge des médecins, puis membre ordi-
naire et associé d'un grand nombre
7
q8
PRI
d'académies étrangères. Il occupa, à
à la cour, (les places honorables, et
finit par être premier me'decin du
Roi , qui ledécora du titre de baron-
net, déjà héréditaire dans la branche
aînée de sa famille. Entre dans la
Société royale depuis \'].\ '> . Pringle ,
membre du conseil, en 17:"».'), i^Cj,
17 70 et 177.1, fut, vers la (in de cet-
te même année , nommé président ,
place constamment occupée par des
hommes de la plus haute considé-
ration. Il se distingiia dans celte
magistrature littéraire, par six. dis-
cours prononcés sur divers travaux
auxquels la Société royale avait
adjugé le prix fondé par sir Go-
defroi Copley pour encourager le
perfectionnement des sciences. La
Société royale se trouva divisée d'o-
pinions comme toute la nation, au
sujet de la guerre d'Amérique. Prin-
gle , (|ui ilesirait l'émancipation des
colonies , essuya des contrariétés ,
à la suite desquelles il donna sa
démission de la présidence dans
les derniers jours de 1778. Il ap
partenait aux plus ccli-bres cor-
porations savantes de l'Iùirope, et
accueillait chez lui, avec empresse-
ment et urbanité, les savants de tous
les pays. Sa santé s'étant altérée,
il partit pour Edinbourg dans l'in-
tention de s'y fixer , et revint à
Londres , où il mourut le 18 jan-
vier i78'2. Il fut enterre avec de
grands honneurs, et on lui éleva un
mausolée dans l'église de Westmins-
ter, à côté des bustes de Freind , de
Mead et de Haies , ses amis. Les ou-
vrages de Pringlc , qui eurent une
graiide vogue de son temps , sont en-
core fort estimés aujourd'hui. La
plupart doivent être continuellement
médités par les ofllciers de santé
mditdires. En voici les principaux :
I. Dissertatio inauiruralis de mar-
PRI
core senili, Leyde, 1780, grand in-
8*. II. Several accounts of the suc-
cessofthe vilnim ceratum antimo-
nii ( Essais de médecine d'Edin-
bourg, 5*^. v. ) III. Observations of
the nature and cure ofhospital and
poal fevers , in a letter to D''- Ri-
chard Mead , Londres , 1750 et
1753, in-8'^. IV. Experimcnt s- upon
septic and antiseptic substances ,
M'ith remarks relatinç^ to theiruse
in the theory ofinedicine, in several
papers read be fore the rojalSociely.
Ses expériences sont insérées dans le
volume des Transactions philoso-
phiques pour 17,51 ; et elles ont été
publiées de nouveau avec l'ouvrage
suivant : V. Observations on the di-
seases ofthe rïrm>-, Londres, in-8°.
Une cinquième édition parut en 1 765
in-4''. , et la dernière du vivant de
Pringle, en 17G8. Cet ouvrage a ctd
publié en français sous le titre sui-
vant •• Observations sur les mala-
dies des armées dans les camps et
dans les f^arnisons, avecdes Mémoi-
res sur les substances sepli(jiies et
antiseptiques , Paris, 175.') , in- 12 ;
ibidem, 1771 , même format, édi-
tion revue, corrigée et augmentée.
VI. Discours sur quelques nouveaux
procédés pour conserver la santé
des marins , Londres, 1770, in-4".
Pringle légua de nombreux manus-
crits au collège de médecine d'E-
dinbourg, aux conditions expresses
qu'ils ne seraient point publics , et
ne sortiraient jamais de la bibliothè-
que. Ce savant praticien était ennemi
des méthodes fondées sur la théo-
rie, qu'il regardait comme trop va-
gue et trop peu avancée. Il parais-
sait envisager l'empirisme, c'est-à-
dire, la pratique appuyée sur la seu-
le observation , comme la meilleure
méthode. Il faut du moins que cet
empirisme soit raisonné, lui disait un
PRI
cle ses confrères : Le moins quil se
pourra , repondit Pringle ; c'est en
raisonnant que nous avons tout gdté.
Il avait eml)rassé à-la fois presque
toutes les sciences physiques, la phi-
losophie spéculative, l'erudiiion, la
théologie même : il aimait à ras-
sembler autour de lui les savants les
plus célèbres. Il avait adopte, com-
me Nevvton , l'opinion des unitaires
rigides ; mais il n'adoptait en entier
aucune des communions chrétien-
nes. On a imprime de lui une Lettre
sur le sens des prophe'ties de Daniel
( F. MiGHAELis, XXVIll, 542 ).
Voyez sa Vie en anglais par Kippis,
à la tête des six discours dont nous
avons parlé; et son Eloge en fran-
çais par Vicq d'Azir , et par Condor-
cet. D — G — s.
PRIOLO ( Benjamin), historien,
ne, le premier janvier 1602, à Saint-
Jean d'Angeli , descendait d'une fa-
mille patricienne de Venise , qui a
donne' des doges à la re'publique. Ant.
Priolo , son bisaïeul, vint fort jeune
en France , épousa la fille d'un gen-
tilhomme de Saint onge; et ce mariage,
dans lequel il n'avait consulte que
son inclination , n'ayant point eu
l'aveu de ses parents , qui le déshéri-
tèrent , il se fixa dans le pays de sa
femme. Julien , l'un de ses petits-
fils , fut le père de Benjamin ; il avait
embrassé la réforme , et dépensé la
plus grande partie de son bien dans
les guerres de religion : en mourant,
il laissa son fils presque sans fortune.
Benjamin n'avait que quinze ans lors-
qu'il perdit, à quelques mois de dis-
tance , son père et sa mère. Doué
d'heureuses dispositions , et surtout
d'un goût très-vif pour l'étude , il
passaitdéjà les jours et les nuits à lire
les auteurs grecs et latins. En quit-
tant Orthez , oii il avait été élevé , il
vint à Montauban , et se rendit eu-
PRI
99
suite à Leyde , attiré par la réputa-
tion de Dan, Heinsius et de Vossius ;
et pendant trois ans qu'il séjourna
dans cette ville, il mit à profit les le-
çons de ces habiles maîtres. Il alla, de
Leyde à Padoue , étudier la philoso-
phie sous César Crémonini, et For-
tunio Liceli ; mais auparavant il fii
un voyage à Paris pour voir le célè-
bre Grotius, et lui demander des con-
seils. Après avoir terminé ses cours,
il revint en France réclamer les pe-
tites sommes qui lui étaient dues, et
repartit pour l'Italie, dans le dessein
d'aller à Venise , se faire reconnaître
comme un descendant des Priuli.
Après avoir justifié de ses titres au
sénat, il fut créé chevalier ; mais il
ne put obtenir d'être rétabli dans les
prérogatives dont avaient joui ses
ancêtres. Obligé , par défaut de for-
tune, de tirer parti de ses talents , il
gagna la confiance du ducdeRohan,
qui était alors au service des Véni-
tiens, fut chargé, par ce prince, de
négociations avec la cour d'Espagne ,
et le suivit dans la Valteline , où il
signala son sang-froid et sa valeur
dans différentes renconires ( F. Ro-
HAN ). Après la mort de son illustre
protecteur , Priolo , marié depuis
quelques mois , prit le parti de se re-
tirer, avec safemme, dans une petite
terre qu'il avait achetée à Sacconaï ,
près de Genève : il y demeura dix
années , goûtant un repos qu'il dut
regretter dans la suite, et partageant
son temps entre l'élude et l'éducation
de ses jeunes enfants. Le duc de Lon-
guevllle, appiéciant le mérite et la
capacité de Priolo, le demanda pour
secrétaire, en i(348 , et le conduisit
au congrès de Munster. L'année sui-
vante , l'riolo revint h Genève, régler
ses affaires , et amena sa famille en
France , où le duc deLongueville de-
sirait le fixer. En passant a Lyon , il
BmLK:)THecA
100
PRT
eut, avec le canlinal Barberini, quel-
ques conférences, qui le dctcrrainèrent
à rcntrenlansle sein de l'eglisecatlio-
lique , et il fit son abjuration avec
tonte sa latuille. Outre une pension
de laoo liv. que lui donna le duc de
Loii{;ueville en recompense de ses
services , il obtint différentes grafifi-
calions, et il aurait pu jouir d'un sort
tranquille; mais Priolo, entraîne par
son admiration pour le grand Coude,
s'unit aux mécontents ])endant les
troubles de la Fronde , et, maigre
les elVorts du cardinal Mazarin et
de II reine , persista dans le parti
qu'il avait emltrassc , dont \\ parta-
gea les revers. Déclare rebelle par un
arrêt du parlement, ses biens furent
confisques , et il fut oblige de pretj-
(!re la fuite pour se soustraire à la
vengeance de ses ennemis, (^uand les
princes eurent fait leur paix avec la
cour , Priolo , compiis dans l'am-
nistie, oublia ses rêves d'ambilion ,
et, apri's avoir recueilli les débris de
sa fortune, ne songea plus qu'à vivre
tranquille dans un doux commerce
avec les muses. Ce fut alors qu'il
écrivit l'histoire des événements
dont il avait été le témoin, et quel-
ques autres ouvrages , dont on par-
lera tout à-l'heure. Les liaisons qu'il
avait conservées à Venise, le firent
choisir pour y remplir une mission
secrète; mais, en se rendant eu Ita-
lie, il mourut d'apoplexie, à Lyon ,
en 1667,3 l'âge de soixante-cinq
ans. A beaucoup d'esprit naturel ,
Priolo joignait des connaissances va-
riées; mais il avait trop de penchant
pour les idées paradoxales, et il af-
fectait , en matifre de goût , une in-
dépendance d'opinion, qui lui fai-
sait porter des jugements singuliers
sur le mérite des grands écrivains de
l'antiquité. Il préférait Séncque à
Ciccron , Lucain à Virgile, et Catulle
PRI
à Horace. Son admiration pour Titc- j
Live était si grande, que, désespérant
de pouvoir jamais atteindre, même
de loin, à la perfection de son style,
il prit Tacite pour modèle , en écri-
vant son Histoire des guerres de la
Fronde. Elle est intitulée: Abexcessu
Ludoi'ici XIII , de relus GalUcis
hisloriaritm lihri m , Cliarlevillc
(Paris), i665, in-4". , avec le por-
trait de l'auteur ( i ). Parmi les autres
éditions, on distingue oelle d'L'i redit,
i()()9, in-i'i, sortie des presses d'EI-
zevier, et celle de Leipzig, iGHG,
in -8". , publiée par Chr. - Fred.
Francken , qui l'angnicnta de <|uel-
ques lettres et de notes instructi-
ves : cette Histoire est écrite , sui-
vant Bayle , avec une fiberté fort
éloignée de la flatterie ; et le style en
est vif et plein de feu. Cependant
elle est tombée dans l'oubli , peut-
être parce que nous avons de meil-
leurs livres en français sur cette
époque. Priolo laissa plusieurs ou-
vrages en manuscrit : f'itanda in
vild seit de slultitid hiunamc ^enlis
lihri ir. — Qiiœstiomirn naturalium
seu de re phintarid veleriim et re-
centioriim lihri m. Priolo nous ap-
prend que cet ouvrageélail le fruit de
trente années d'application ; et il se
plaint que quelques personnes, par
un coujtable abus de confiance, cher-
chassent à lui ravir l'honneur qu'il
avait droit d'espérer d'un travail
qui lui avait coûté tant de fatigues
et de soins. — Knfin , outre sa pro-
pre Vie , il avait écrit celle du duc
de Rohan , son bienfaiteur, et celle
de César Crémonini , dont il avait
suivi les leçons dans sa jeunesse à
(i) Priolo, pourtoodrr le goût du piililic , avait
publie, CD ifj«)i , les cinq j>i<-iiiiirs livr's de .»oii
Htsloire: dans la préface de l'ed. de i<i65, il ré-
pondit aux critiqurs qu'on avait fa. tr» de son ouvr»-
cp ; mai« il ne longea pas à en proGter pour le per-
fectionner.
Padoue j et enfin le Jugement sur les
auteurs grecs et latins , etc. On a la
F'ie de Friolo , en latin , par Jean
Rliodius , Padoue , 1 662 , de 6 pap;. ;
et Paris, même année , in-4''. Baylc
s'en est servi pour rédiger l'article
qu'il lui a consacre' dans son Dic-
tionnaire. Ou peut , en outre , con-
sulter les -f^/emo/rej deNiceron, tom.
XXXIX. W — s.
PRIOR ( Matthieu ), poète et di-
plomate anglais, naquit le 21 juillet
1 664 (vieux style), àWinburn, dans le
Middlesex, siuvant le docteur John-
son, et a Winborne,daris le comte de
Dorset (1), suivant d'autres e'cri-
vaius. A la mort de son père, qui
exerçait , dit-on , à Londres , la pro-
fession de menuisier, le jeune Prior
fut confié aux soins de Samuel Prior,
son oncle, qui tenait près de Charing-
Cross,la taverne delà Basade {Rum-
iner tavern ) , où s'assemblait le club
des savants. Samuel Piior envoya
son neveu à l'école de Westmins-
ter , où l'élève se fit remarquer par
son application et ses succès. Après
y être resté quelque temps , Prior re-
vint dans la maison de son bienfai-
teur, pour l'aider dans ses travaux et
apprendre sa profession : c'est ce qui
a fait dire, avec peu d'exactitude, à
Voltaire, que le poèteanglaisef fljfori-
ginairement un garçon cabaretier.
Dans SCS heures de leisir, Prior s'at-
tachait à l'étude des classiques latins,
et fut bientôt distingué par les per-
sonnes du grand monde qui fréquen-
taient la taverne où il demeurait. Un
jour que le comte de Dorset y était
venu avec d'autres seigneurs, il s'éle-
va une discussion littéraire sur une
ode d'Horace , auteur favori de Priorj
et la compagnie ne pouvant s'accor-
(i) ^orezà ce sujet le Genlleman'i magazine , t.
I.xn,p. 802.
PRI ïoi
der à ce sujet, l'un des seigneurs dit
à ses compagnons : « Nous sommes
» divisés sur nos critiques ; mais si
» je ne me trompe , il y a ici un jeune
» garçon qui est en état de nous met-
» tre dans la bonne voie ; » et il nom-
ma Matthieu Prior. On le fit venir, et
il donna une explication qui satisfit
complètement. Le comte de Dorset,
frappé de la modestie et du savoir
de ce jeune homme , résolut , dès ce
moment, de lui faiie parcourir une
carrière qui fût plus eu harmonie
avec ses talents et son génie, que celle
qu'il avait embrassée. Il le plaça, en
1 682 , dans le collège de Saint- Jean ,
à Cambridge^ et Piior y fit des pro-
grès si rapides, qu'en 1680, il fut
élu membre de cette corporation ,
place qu'il conserva jusqu'à sa mort.
Par suite d'une coutume établie dans
le collège de Saint-Jean , on envoyé
tous les ans au comte d'Exeter, quel-
ques pièces de vers sur un sujet reli-
gieux, en reconnaissanced'undonfait
à cet établissement par un des ancê-
tres de ce seigneur. Ce fut à cette occa-
sion que Prior fit paraître , en 1 688 ,
un poème intitulé la Divinité. Quoi-
que cet opuscule n'ait pas un mérite
transcendant , il servit à faire con-
naître son auteur. La pièce de vers
que Prior adressa , la même année, à
la comtesse d'Exeter, pour célébrer
son talent sur le luth, et ses vers sur
le fameux tahle^u de S énèque mou-
rant dans un bain, font supposer
qu'il était plus ou moins en rapport
avec la famille de cette dame. La mê-
me année ( 1C88 ) , suivant les uns ,
ou mcmc en 1687 , suiyantVJnnual
register, et la Fie de Prior, par
Samuel Huinphrey, il publia, avec
Charles Monîaigu, depuis lord Ha-
lifax, qui étudiait dans le même col-
lége , et était devenu sou ami intime ,
la Biche et la Panthère inétamor-
102 PRI
phnsées en rat de ville el en rat de^
champs, pour tourner eu ridicule la
liiche et la Panthère, satire viru-
lente que Drydeu avait fait paraître
contre l'église anglicane, et en fa-
veur du catholicisme (2). Speuce
prétend que Drydcn parut très-seu-
sible à cette attaque; ce qui semble
peu probable. « Drvdcn , dit Jolui-
» son , était trop hdbitiié aux liosti-
V lilés , pour que sou repos pût être
» troublé par de semblables adver-
» saires. Si l'on pouvait supposer
» que cotte critique lui eût causé
» quoique cliagiiu, il n'en aurait
» rien fjit paraître. » Ce poème néan-
moins produisit à son auteur des
avauta;;es plus solides que le plaisir
de toiirnienler Dryden ; et Prior,en
venant à Londres, attira tellement
l'attention , qu'en i()«)i il fut eu-
vovéau con'^rès delà Haye, en qua-
lité de secrétaire d'amb.jssade. Prjor
avait éié l'ennemi de Drvdi-n , quel-
ques années avant la révolution , et
n'avait pas craint de représenter
ce grand écrivain comme un miséra-
ble prosateur, dans une satire ano-
nyme , à laquellt* il ne songea proba-
blement pas avec beaucoup de satis-
faction , dit IMalone , lorsqu'il fut lui-
même devenu Torv- Cette .«atirc, et
celle qu'il écrivit sur b's pactes mo-
dernes . m if'H-j ou iliSH , sont les
seule<i qu'il ait publices. 11 paraît d'a-
près la préfaced'un Traite sur le sa-
voir. resté minuscrit, et cpii était au-
trefois en la possession de la ducliesse
douairière oe Portiand , qu'il s'abs-
(•x^ Celle piice Je v«t< i»* te trouve pa* f\-^u% \a
Îruatrif-nie fdilion des Ol-iivrr* de Prior , puMiee à
xmdri-s, ta 17^), 1 volumes in-ii, [lar Siiiiiuel
Humplirey, et que l'auteur du Pltiliiqiie an^'ait ,
indique iit-aiimoint rouinie la meilleure. Cet éditeur
» jirù 1* Miigulière liberté' de m'Ier aux poctici de
Prior, iiou-trulemeut det pièces de ven de » fa-
çon, nuù de petits poèmes composé* par d'aut'et
auteurs , et dont quelques-uns sont d'une indéceuce
rrroltante II a mis en t/'ie du secund volume une
▼ ie de Prior , et n'a doDoe que U talilc d«s luiiticres
à» ce volume.
PRI
tint, par prudence , de ce dangereux
emploi de ses talents. Dans le m.mus-
crit que nous venons de citer, Prior
parle ainsi de lui-même: « Quant à
» moi, je me sentis de tiès-boune
» heure entmîné vers la poésie, et
« j'éprouverai toujours cet enlraîne-
» ment , tant que je pourrai penser.
» Tout ce que je me rappelle de ma
» première jeunesse, c'est que je fai-
» sais des vers. Je choisis (îuy de
» VVarwick , pour mon premier hé-
« ros, et je tuai Colborn le géant
» avant que je fu^se assez grand pour
» èlrc envoyé à Wesliuinster. I\Iais
» il m'arriva deux accidents qui
M m'empêchèrent d'eue com|)lète-
» ment dominé par ma muse. Je fus
» élevé dans un collège oii la prose
» était plus à la mode que les vers ;
» et aussitôt que j'eus pris mes pre-
» miers degrés , je fus envoyé à la
» lljye comme secrétaire du roi. Là,
M j'avais assez à faire à étudier mon
"français et mon hollandais , et à
» rhanger le style térencien en celui
» des articles et des con^'entions.
» Ainsi celte poésie, qui par la pente
» de mon esprit, pouvait devenir
» l'artaire de ma vie, en fut seide-
» ment l'amusement, par le bonheur
» de mon éducation, et d'apiès la
» perspective de quehpie petite for-
» tune à faire et l'amitié de per-
» sounagcs élevés à cultiver. Je ne
» me lançai pas beaucoup dans la
» satire, parce que, quelque agréable
» qu'elle soit aux écrivaius et à ceux
1) qui l'encouragent , les résultais en
» sont fort souvent dangereux. » Ces
maximes prudentes paraissent avoir
servi de guide à Prior, pendant la plus
grande partie de sa vie. Sa conduite
à la Haye fut si agréable au roi Guil-
laume, qu'à son retour, il le nom-
ma l'un de ses gentilshommes de la
chambre. Ces fonctions lui donnant
I
PRI
peu d'occupations , on suppose que
Prior passa quelques années à culti-
ver la littérature. En 1693 , il écri-
vit, sur la mort de la reine Ma-
rie, une ode fort longue, qui fut
présentée au roi. Deux ans après
( 1697 ), il fut employé de nou-
veau dans les aflaires publiques ,
et nommé secrétaire d'ambassade au-
près des pléuipotentiaires anglais
envoyés au congrès de Ryswick. Il
fut chargé d'apporter en Angleterre
le traite qu'ils avaient conclu, et re-
çut à cette occasion un présent de
deux cents guinces. Plusieurs auteurs
anglais , dont Chaufepié a adopté
l'opinion, prétendent que Prior fut
nommé , la même année ( 1 697 ) , se-
crétaire-d'état pour l'Irlande. Ce
qu'il y a de certain , c'est que le doc-
teur Robert Freind le dit positive-
ment, dans l'épitaphe latine compo-
sée par lui en honneur du poète , et
gravée sur le monument qui lui a
été élevé dans l'abbaye de Westmins-
ter, \f Jnnual résister place à Tan
1 699 la nomination de Prior à ce pos-
te important. Ensupposantqu'il l'ait
réellement occupé en 1697 ' ce qui
nous paraît douteux , quelque respec-
tables que soient les autorités qui af-
firment ce fait (3), cène fut que fort
peu de temps , puisqu'en janvier
1698 il accompagna , comme secré-
taire d'ambassade , le comte de Port-
land, ambassadeur extraordinaire au-
prèsde la cour de France. On raconte
qu'un jourqu'il examinait lesappar-
tements de Versailles, la personne
qui lui servait de guide , lui fit re-
(3^ Nous ppusons que les auteurs cites pai- Cliaute-
j)io, et les rédacteurs de VAnniial résister, out
coufonJule poste de sous-secrctaire-d'etat, que Prior
occupa PU l'igr) ,sous my'ord Jersey, avec celui de
secri tairc-d'rtat pour rirlaude. Gordou, qui a écrit
l'Hi.-.toire de ce royaume , ne dit |>as un mot de Prior;
«t il aurait sans doute fait mention de lui , s'il eût
réellement rempli les fonctions qu'on lui attribue.
Chalmerg partage l'opimun que nous émettons ici.
PRI io3
marquer les tableaux de Lebrun ,
représentant les victoires de Louis
XIV , et lui demanda si le palais
du roi d'Angleterre avait de sembla-
bles décorations. « On voit partout ,
fait-on répondre à Prior, les monu-
ments des actions de mon maître,
excepté dans son propre palais. »
Lorsque la mission du comte de Port-
land fut terminée (juillet 1698),
Prior se rendit en Hollande, auprès
du roi. A la suite d'une longue au-
dience, dans laquelle on assure qu'il
donna d'utiles conseils à Guillaume
III sur les moyens de rendre le parle-
ment favorable aux traités départage
de la succession d'Espagne, qui ve-
naient d'être arrêtés entre la France,
l'Angleterre et les Provinces-unies ;
il fut envoyé à Londres avec des dépê-
ches importantes. A son arrivée, il
devint sous-secrétaire d'état d.ins le
département du comte de Jersey ;
poste qu'il ne conserva pas long-
temps , le comte de Jersey ayant
bientôt après reçu sa deniis.sion.
Prior en fut presque aussitôt dédom-
magé par la place lucrative de com-
missaire du commerce. On assure
qu'à la même époque, Guillaume,
dont il avait su gagner la confiance ,
le chargea de plusieurs négociations
secrètes auprès de Louis XIV. En
1700 , il fut créé maître-ès arts , et
publia l'une de ses compositions les
plus longues et les plus remarqua-
bles , le Carmen sœculare , dans
lequel il emploie tout son ? l'.ent pour
célébrer les grandes actions du règne
de Guillaume : il faut croire qu'il
pensait alors tout ce qu'il écrivait.
il représenta Easl-Greenstead , dans
le comtédc Dorset, au parlement qui
se réunit en 1701 ; et il y vota jiour
la mise eu accusation des lords qui
avaient conseillé au roi les traités de
^larta^c, traités dans lesquels il avait
io4 PRT
été lui-même oflicicllement employé,
quoique ses partisans prétendent
qu'il ne les avait jamais approuvés.
(F. PonTLA^•D,XXXV,47I.^ L'An-
gletcrrc ayant obtenu des succès con-
tre la France, après l'avènement de
la reine Anne ( 170'.),) , Prior exerça
ses talents poétiques pour célcbi er la
gloire de son pays , dans nne Epitre
à Boileaii , sur la victoire de Blen-
heim , remportée par Marlhorough ,
en 170'!. Vo'laire ne trouve de bon,
dans ce petit poème, qu'une apostro-
phe à Boileau , qu'il a ainsi traduite :
Salyriqiie flalleur ,ti\ qui prij Un; de jx-ine
Pour cbaiiU-r que Louis i>'a jKiiiit passe le RliiD.
Les raotsque nous avons soulignés ne
se trouvent pas dans l'ouvrage de
Prior , qui reproche seulement à
Boileau d'fli'oir invoqué les neuf
Muses dans son Epîlrc iv*=, , pour
dire que I.onis XIV n'avait point
passé le Hhin. Après la bataille de
Rumillics (170G), Prior fit paraî-
tre une Ode que Johnson considère
comme la seule des compositions
produites par cet événement , dont
ou ait conservé le souvenir, V^ers la
même époque, Prior publia un vo-
lume de ses Poésies, avec le Pané-
gyrique de son premier Mécène, le
comte de Dorset, mort depuis quel-
que temps. Ce Rcrueil commence
par y Exercice de collège , et finit
le Poème à,' Henri ti Emma ^ imi-
té de la Fille aux cheveux châ-
tains, ( Nut-brounmaid), ancienne
ballade de Chaucer. « Henriet Em-
» ma, dit Jonhson, est le plus long
» des essais erotiques de Prior : c'est
» un dialogue long et ennuyeux , qui
» n'inspire ni estime pour Henri,
» ni inlértt pour Emma. L'exemple
» de cette dernière, qui se résout à
» épouser un meurlri'n- condamné
1) à mort , et a le suivre dans tous
» les lieux où la crainte du supplice
PRI
» et le désir de corameltre de nou-
» veaux crimes pourraient le con-
» duire, ne saurait-ctre donné pour
» modèle ; et l'épreuve à laquelle
1) Henri , qui se trouve être ensuite
» le lils d'un roi , soumet la cons-
» tance d'^ni/nrt, est ridiculement
» choisie. » Ce poème a été traduit
en français, 1764, in-ia. Piior ,
qui avait été nommé par les Wliigs ,
l'un des commissaires de la douane,
au commencement du règne delà rei-
ne Anne, et destitué ensuite par le
même parti, comme trop attaché aux
Torys, se réunit ouvertement à ces
derniers après sa disgrâce. Le but
des Torys était de mettre un terme à
la guerre, et de renverser leurs anta-
gonistes. Pour y parvenir, ils décla-
maient contre la dilapidation des de-
niers publics, l'avarice et la rapacité
des généraux : ils cherchaient enfin
à rendre impopulaires, et la guerre,
et ceux qui la dirigeaient. H paraît
que Prior les aida de sa plume, en
faisant insérer difTérenls morceaux
dans V Examiner , ouvrage pério-
dique, publié par les aigles du parti
Tory : on cite, entre autres, sa cri-
tique des vers adressés à Godolphin,
par le D. Garlh , à l'occasion de la
chute de ce ministre arriA'ée en 1710.
Addison défendit ce dernier, à ce su-
jet, dans le ffln^ examiner , et lan-
ça sévèrement Prior, I-es Torys, qui
tenaient en ce moment les rênes du
gouvernement, résolurent de profi-
ter de leur position pour procurer
la paix à l'Europe ; et comme Prior
jouissait de la confiance du comte
d'Oxford ( Harlcy), premier lord
de la trésorerie , on l'envoya sui-
vre à Paris , sans caractère officiel ,
( juillet 17 1 1), les négociations déjà
entamées par l'abbé Gaultier ( Voy.
ce nom ) : mais ses pouvoirs étaient
tellement restreints , qu'il n'était au-
PRI
torisé qu'à entendre les propositions
de la cour de France, et à les trans-
mettre aux ministres de la reine. On
se souvint parfaitement de lui dans
cette cour e'trangère,oi'i ilavaitsu se
faire estimer pendant le séjour qu'il
y avait fait en qualité de secrétaire
d'ambassade des comtes de Port-
land et de Jersey. Mais voyant qu'il
ne pouvait rien discuter, ni arrêter ,
etqueson rôle était tout-à-fait passif,
le maïqiiis de Torcy , alors ministre
des affaires étrangères de France ,
crut indispensable d'envoyer, avec
des pleins-pouvoirs , en Angleterre ,
Mesuager, homme habile, en ma-
tière de commerce surtout ( Vojez
ce nom ). Cet agent s'y rendit au
mois d'août 171 1 , accompagné de
Prior et de l'abbé Gaultier. Dès son
arrivée , Prior instruisit la reine
de la venue du négociateur français.
La première conférence , à laquelle
Prior et l'abbé Gaultier assistèrent,
eut lieu , le '26 août , chez le comte
de Jersey. Ce fut ensuite dans la mai-
'Sonmêmede Prior que les ministres
anglais jugèrent convenable de tenir
les autres conférences , afin de ne
pas donner l'éveil aux ennemis de la
paix. Lorsqu'on fut convenu des
points principaux, Bolingbroke,qui
était chargé, en Angleterre, du por-
tefeuille des affaires étrangères , an-
nonça à Rlesnager que Prior serait
adjoint à l'évèque de Bristol et au
comte de Stafford , en qualité de troi-
sième plénipotentiaire de la reine au
congrès qui devait se tenir à Utrecht.
Il ne le fut cependant pas, « parce
î> que , dit Torcy , les ministres an-
» glais y trouvèrent apparemment
1) des obstacles qu'ils n'osèrent iVan-
« chir ; et la place demeura vacan-
•» te. » Ce qu'il y eut d'extraordinaire,
c'est que l'évèque de Bristol et le
comte de Stafford n'avaient pas le
PRI io5
secret de la reine sur l'article d'Es-
pagne, la première condition fonda-
mentale de la paix , et qu'il avait été
confié à Prior. Ce dernier joua ,
dans cette grande affaire , un rôle
fort important. On peut s'en faire
une idée, ainsi que de l'opinion qu'on
avait de ses talents, par ce que Bo-
lingbroke disait de lui dans une lettre
qu'il écrivait à la reine : « Le lord
» trésorier ( Oxford ) proposa , et
» tous les lords furent du même avis,
» que M, Prior devait être ajouté à
)) ceux qui avaient pouvoir designer,
» par le motif, qu'ayant traité per-
w sonncllement avec M. de Torcy ,
» il est le meilleur témoin que nous
» puissions produire du sens dans
» lequel les engagements préliminai-
» res ont été arrêtés. D'ailleurs com-
» me c'est de tous les serviteurs devo-
» tre Majesté qui ontété initiés ause-
» cret, celui qui est le plus versé dans-
» les affaires de commerce , si vous
» jugez convenable de l'employer
» dans le futur traité de commerce ,
» il sera important qu'il ait été par-
» tie intervenante dans la conclusion
» de la convention qui doit être la
» règle de ce traité. » Des relations
directes s'établirent ensuite entre le
marquis de Torcy et Bolingbrokej et
les conférences d'Utrecht commen-
cèrent le i'^''. janvier 1712. Mais
elles avançaient si lentement que le
ministre anglais fut envoyé à Paris ,
au mois d'août de la même année ,
pour arranger les différends avec
moins de formalités ; et une suspen-
sion d'armes futbientôt conclue( 19
août 17 12). Prior, qui avait accom-
pagné lord Bolingbruke à Versail-
les, eut, après son départ (octobre
I 7 1 2 ), le litre , et remplit les fonc-
tions de ministre plénipotentiaire (4),
(4) Sa commission aiait été signée par la reine
Aime, le i3 (24) s^pteuibre 1717..
lOÔ
PRI
bien que plusieurs écrivains anglais
prc'toudent à tort qu'il n'avait pas
de caractère officiel. Il se rendit
néanmoins en Angleterre presqu'en
même temps que loid Bolingbro-
te , afin de mettre sons les yeux
do la reine , des dépcclies que Louis
XIV adressait à celte souverai-
ne , pour lui annoncer la résolution
qu'il avait prise , quoique avec une
extrême répiif^nancc , d'abandonner
aux Hollandais la ville importan-
te de Tournai , sous la condition
que cette cession tranclierait net-
tement et déciderait les difficultés
de la négociation." Prior revint à
Paris, au mois de décembre 1712 ,
porteur d'une convention qui pro-
longeait , de quatre mois , la sus-
f)ensi()n d'armes, et d'une lettre par
aquelle Anne annonçait au roi de
France , la nomination du duc de
Shrewsbury comme son ambassa-
deur extraordinaire , en remplace-
mont du duc d'Hamilfon , qui ve-
nait d'être tué dans un duel. La mis-
sion du duc de Shrewsbury n'était
que temporaire: lorsqu'elle fut ter-
minée et qu'il revint en Angleterre
( août 1 7 1 3 ), Prior resta en France
avec son ancienne qualité de minis-
tre plénipotentiaire. On peut donc
regarler comme extrêmement dou-
teux le refus attribué au duc de
Shrewsbury d'être associé avec un
homme d'une aussi basse extraction
lie Prior. Pendant tout le temps que
ura la mission de ce seigneur, Prior
ne joua qu'im rôle secondaire, bien
que ses talents , Joints à l'extrême
confiance que lui accordaient le com-
te d'Oxford, Bolingbroke, et même
Louis XI \' et le marquis de Torcy,
cmpêchassentqu'il pût jamais êtreto-
talement éclipsé. D'ailleurs, même à
cette époque, il traitait souvent , en
son nom personnel, des affaires très-
PRI
graves qui intéressaient les deux
cours; et Louis XIV l'envoya plu-
sieurs fois eu Angleterre , soumet-
tre à la reine Anne des dépêches se-
crètes d'un intérêt majeur. Quelque
honorable que fût le poste que Prior
occupait, il paraîtrait , d'après sa
correspondance avec lord Bolingbro-
ke , que le traitement qu'on lui avait
alloué ne suffisait pas pour soutenir
convenablement sa dignité (5) , et
qu'il ne cessait de solliciter son rap-
pel. Leu9sept.(v.st.) 17 1 3, Boling-
broke lui annonce que le comte d'Ox-
ford a enfin réglé la récompense de
ses services , qu'il va revenir à Lon-
dres, et que le marquis de Torcy est
prévenu qu'il sera remplace par le
général Ross. Cette récompense pro-
mise à Prior , était probablement
l'une des places de commissaires de
la douane, qui rapportait i 5oo louis,
et qui, étant devenue vacante par la
nomination de M. Wilhworth à la
légation de Bade , lui fut elVeclive-
ment donnée. Malgré toutes nos re-
cherches , nous n'avons pu décou-
vrir si Piior retourna réellement
en Angleterre : mais , s'il quitta son
poste à la cour de France, ce ne peut
être qu'au commencement de 1714
( avril ou mars ) et pour tiès-peu de
temps , puisqu'on le voit figurer, au
mois de juin , avec son ancienne (pia-
lité de ministre plénipotentiaire de la
reine, dans les négociations qui se
suivaient à Versailles , pour la dé-
molition des fortificitions de Dun-
kerqnc et la suspension des travaux
du canal de Mardick. Il paraît que
Prior , qui n'avait pas été initié
dans les démarches faites par les mi-
nistres de la reine Anne en faveur
du chevalier de Saint - George ( le
(5) Prior fait alliisioD ù sa position dillicilc , d->as
nu |m< me adresse i la reine pour lui faire connaître
qu'il manquait de vaisselle plutu.
PRI
prétendant ) , dëmarclies aux quel-
les la cour de France et cette sou-
veraine elle - même n'éîaient pas
étrangères, en eut connaissance , en
17 12 ou 1713 , et qu'il ne s'y
montra pas contraire. Mais le re-
fus formel que fît ce prince mal-
heureux d'embrasser la religion an-
glicane, et la mort de la reine sa
sœur, firent évanouir sans retour les
justes espérances qu'il avait dû con-
cevoir. Ce fut le 12 août 17141 (juc
la reine cessa de vivre , quatre jours
après la disgrâce du comte d'Ox-
ford , immédiatement suivie du court
triomphe de Bolingbroke , alors
chef du parti Tory (6). L'avéncment
de George P*". n'apporta d'abord
aucun changement dans la situation
de Prior , quoique ce prince , en mon-
tant sur le trône , eût commencé par
écarter les Torys de tous les em-
plois . pour les donner exclusivement
aux Whigs. Prior continua de rem-
plir en Franceles fonctionsdo minis-
tre plénipotentiaire, et de suivre les
négociations entamées entre les deux
cours, jusqu'au mois de janvier 1715,
que le comte de Stairs, nommé pour
le remplacer, dès le 22 novembre pré-
cédent , se fut rendu à son poste ( V .
Stairs). Après beaucoup d'hésita-
tion , après avoir résolu alternati-
vement de revenir en Angleterre ,
malgré les dangers qui l'y atten-
daient , puis de rester en France
pour y attendre les événements (sans
que cette dernière résolution paraisse
avoir étél'efTet d'une contrainte pour
dettes , comme Chalmers l'a pré-
tendu) , Prior quitta enfin Versailles
le 27 mars 1715. Arrivé à Boulo-
(6^ C'est donc par errpur que plusieurs écrivains
anglais , et entre autres Chalmers , daus sou Général
biographical, dictionitaiy^ preteudent que , le i^''.
aoiii 1714 , arriva la chute des Torjs ,et ^e Prior
ouba avec eux.
PRI
107
gne , il feignit d'être malade , afin
d'attendre les réponses d'un exprès
qu'il avait envoyé à Londres, et n'ar-
riva dans cette ville que le 4 avril.
Le 20 juin suivant (7) , il fut mis en
état d'arrestation dans sa propre
maison , sous la garde d'un sergent ,
sans que les mesures sévères qu'on
prenait à son égard diminuassent sa
gaîté naturelle. On lui fit subir, quel-
ques jours après , un interrogatoire ,
à la suite duquel il fut surveillé de
plus près. En juillet, un comité se-
cret du conseil privé , présidé par
Robert Walpole , se rendit chez lui ,
et l'interrogea avec la plus grande
sévérité : mais il soutint qu'il ne
savait autre chose que ce que l'on
avait trouvé dans ses lettres. Con-
duit par un messager devant lord
Townshend , il reçut de ce seigneur
les épilhètes les plus injurieuses ( co-
quin, scélérat), parce qu'il persistait
dans ses dénégations , et ne voulait
pas rendre témoignage contre le com-
te d'Oxford. Robert Walpole, Avhig
ardent et vivement animé contre
Prior , proposa contre lui un acte
d'accusation, qui n'eut cependant au-
cune suite. En 1 7 1 7 , George pr.
accorda une amnistie , dont les en-
nemis de Prior le firent excepter
(8) ce qui ne V empêcha pas d'ê-
(7) Quelques auteurs anglais , parmi lesquels nous
citerons Cbalmers . pn tende I que Prior arriva en
Angleterre dans le mois de mars; que, le ^5 de ce
même mois, on lança un warrant contre lui , et que ,
le lo /'i/'i , Robert Waljiole proposa contre lui un
acte d'accusation. Nous sommes à-peu- ))rès certains
qu'il y a ici deux erreurs de date : ce qui est surtout
constant, c'est qne Prior ne quitta Boulogne que
dans les premiers jours d'avril
(8) Lorsque Prior remit au comte de Stairs qui
venait le remplacer à Versailles . tous les papiers de
la It^gation , il fit la faute grave de ne pas les exami-
ner auparavant : il eu ri'sulta que la correspondance
privée, et souvent fort licencieue , que Bolingbroke
avait suivie avec lui , et qui compromettait un gratid
nombre de dames anglaises de haut parage avec les-
quelles ce dernier avait des intrigues galantes, s y
trouva comprise. Lord Slaiisne garda pas le secret;
et Prior s'attira ainsi des ennemis acharnés qui em-
jJoyèrent tous les moyens pour le perdre.
io8 PRI
tre mis en Uhei-té quelque temps
après , sans avoir été soumis à uu
jugement, ni par conséquent à aucu-
ne peine. Ce fut pend;nit son em-
prisonnement, qu'il écrivit V Histoi-
re de l'aine ( Aima ) , poème divisé
en trois chants , et le seul ouvrage
dePrior dont Pope désirait cire l'au-
teur. Voltaire en fait un grand éloge
dans ses Lettres philosophiques ou
Mélanges de littéral.^ fondus quel-
quefois dans son Dictiiin. philosophi-
que : « Cette histoire, dit-il, est la
» plus naturelle qu'on ait faite jus-
» qu'à présent sur cet èlre si bien
» senti et si mal connu. L'ame est
« d'abord aux extrémités du corps,
» dans les pieds et dans les mains des
» enfants; delà elle se place inseusi-
» blement au milieu du corps dans
» l'âge de puberté; ensuite elle mon-
» te au cœur, et là elle produit les
)) sentiments de l'amour et de l'iié-
» roïsme ; elle s'élève jusqu'à la tète
» dans un âge plus mûr, elle y rai-
» sonne comme elle peut ; et dans la
« vieillesse on ne sait plus ce qu'elle
» devient : c'est la sève d'un vieil ar-
M bre qui s'évapore et ne se répare
» plus. Peut-être cet ouvrage est -il
» trop long : toute plaisanterie de-
w vrait èlre courte; et même le sé-
)) rieux devrait bien être court aus-
» si. » Johnson en porte un juge-
ment plus sévère :« \j Histoire de
» Vame , dit cet écrivain , est écrite
» à l'imitation à'Hudibras, et a quel-
» que ressemblance avec cet ouvra-
» ge. Hudihras manque de plan ,
» parce qu'il a été laissé imparfait ;
» et V Mistoirc de l'ame est impar-
» faite, parce qu'il semble quesouau-
» teur lui - même n'a jamais eu de
>' plan.» Priorétaitrcnduàla liberté;
mais c'était tout ce qu'il possédait.
Quelque considérables qu'eussent pu
être les profils qu'il avait retirés de
PRI
SCS emplois, il ne lui restait rien; et ,
avec tout son talent, il se trouvait ,
à cinquante - trois ans , en danger
d'être plongédans la détresse, n'ayant
pour subsister que sa petite place
( fellowship ) au collège de Saint-
Jean , qu'on lui avait souvent repro-
ché d'avoir conservée pendant sou
élévation. « Elle me servira jieut-èlre
» un jour à vivre, » disait-il à ceux
qui lui en parlaient. Comme il était
généralement connu et estimé, on le
pressa d'ajouter de nouveaux poè-
mes à ceux qu'il avait déjà impri-
més, et de les publier par souscrip-
tion. L'expédient réussit par les soins
de quelques amis, qui firent circuler
son prospectus, et par le moyen que
d'autres amis employèrent en rete-
nant l'argent des souscriptions afin
qu'il ne le dissipât point. Le jirix
de chaque exemplaire était de deux
guinées; et toute la collection en
produisit quatre mille. Loid Har-
ley, fils du comte d'Oxford, dont
Prior avait toujours été l'ami et le
jjartisan , joignit à cette somme wne
somme égale pour l'achat de la
terre de Down-Hall : Prior devait
en avoir la jouissance pendant sa
vie; et, après sa mort, elle devait
revenir à lord Harlcy. Prior pos-
sédait alors Volium cum di^nitate ,
dont les beaux - esprits et les phi-
losophes ont si souvent désiré de
jouir. « Mais il semble, dit John-
» son, que les hommes qui ont oc-
» cupédcs emplois, vivent rarement
» long- temps dans un état complet
» de repos.» Il est du moins certain,
à l'égard de Prior , que , dès cette
époque , sa santé alla toujours en dé-
clinant. 1 1 se plaint de sa surdité, qu'il
attribue à ce qu'il a pris trop peu
de soin de ses oreilles , lorsqu'il
n'était pas sûr de conserver sa tê-
te sur ses épaules. Il avait formé
PRI
le dessein d'écrire V Histoire de
son temps; mais cet ouvrage e'taiî
peu avancé, lorsqu'une fièvre de lan-
gueur l'emporta Je i8 sept, lyai ,
dans la cinquante- huitième année de
son âge. Il mourut à Wimple , rési-
dence du comte d'Oxford , auprès de
Cambridge , et fut enterré dans l'ab-
bayede Westminster, où on lui érigea
un monument à ses propres frais; car
il avait mis à part , pour cet objet ,
une somme de cinq cents livres ster-
ling. Plusieurs de ses poèmes fu-
rent publiés après sa mort : en i n^o
on fit paraître Y Histoire de son
temps, compilée d'après les manus-
crits originaux de Prior. Cette com-
pilation , disent les écrivains anglais,
est peu digne de lui : et l'on est porté
à croire qu'elle a été falsifiée en par-
tie , si même elle ne l'a pas été en to-
talité, Prior légua au collège de Saint-
Jean , comme pour le dédommager
de ce qu'il avait conservé les émolu-
ments de la place qu'il y occupait ,
son portrait peint en France par La
Belle , et dont Louis XIV lui avait
fait présent; et en outre, des ouvrages
pour la valeur de deux cents livres
sterling, avec la faculté de les choi-
sir parmi tous ceux qui composaient
sa bibliothèque. « Quelque éminent
» que fût Prior , dit Johnson, par
» ses talents et par la position qu'il
» a occupée, ses contemporains nous
» ont transmis sur lui peu de rensei-
» gnements.Il est donc fort difficile
» de tracer son caractère particu-
» lier, et de faire connaître sa ma-
» nière habituelle d'exister. Il vivait
» à une époque oia la rage de chaque
» parti dévoilait dans ses adversai-
» saires tout ce qu'il aurait été de
» leur intérêt de cacher ; et comme
» on a dit peu de ma! de Prior, on
» peut en conclure qu'il y en avait
» peu de connu. Il ne craignait pas
PUT
[09
» de provoquer la censure; car lors-
» qu'il abandonna lesWhigs , sous
» le patronage desquels il était d'a-
» bordentrédans le monde, il devint
» un Tory si ardent et si déterminé,
» qu'il ne fréquentait pas volontiers
» les hommes qui professaient uneo-
» piniondifTérente.wIlétaitundessei-
zeTorys qui se réunissaient chaque se-
mainc, et qui étaient convenus de se
donner l'un l'autre le titre de frère
( 9 ). Suivant l'opinion de Pope ,
Prior n'était bon (|u'à faire des vers :
il le trouve encore moins propre aux
affaires qu'Addison lui - même. On
a pu se convaincre , par ce que
nous avons dit des travaux de Prior
et de la considération dont il jouis-
sait, combien ce jugement est peu
fondé. Addison, placé dans un rang
élevé , y montra une incapacité
complète , et fut obligé de le quit-
ter presque avec ignominie. Prior, au
contraire, fut chargé, sous les règnes
de Guillaume, d'Anne, et même de
George I*^''., par des hommes tres-ca-
pablesd'apprécicr son mérite, et dans
des circonstances où l'on avait be-
soin d'hommes de talent , de suivre
des négociations de la plus haute im-
portance et hérissées de difficultés;
et l'on n'eut jamais que des éloges à
lui donner. Nous avons vu l'opinion.
(9) M Dans les dernières années du règne «le la rei-
» ne Anne, dit Voltaire , le docteur Swift forma le
» dessein d'établir, dans lasocicte royale de Londres,
>> fondée en 1660, une académie pour la langue, à
>> l'imitation de l'académie française. Le comte d'Oi-
« ford et Hulingbrokeappuyaieutce projet. Les raem-
» bres qui devaient composer cette académie étaient
» tous des gens de mérite : c'étaient Swift, Prior,
« l^o|ie, Cungrève, etc., etc. Mais la reine mourut
» subitement; les Wbigs se mirent dans la tète do
i-i faire pendre les jjrolectours de l'académie , ce qui
» porta un coup mortel aux belles-lettres. » Il est
probable que cette académie naissante dont parle
Voltaire, ist la même cbose que la réunion dont il
est fait mei/tion dans Textrait de Johnson , que nous
avons cite. On trouve, dans les pièces officielles du
temps , que Prior fai>ait partie des vingt-un mem-
bres composant la société pour récompenser le mé-
rite. On n'avait choisi que des grands seigneurs ou
des gens de lettres , qui pussent par eux-mêmes pro-
téger ou admettre des peraomies de talent.
110 PRI
que Bolingbroke, excellent )iige en ces
matières, énonce tormellement sur
l'habileté supérieure de Prior dans
les questions de commerce. On sait
d'ailleurs qu'il exerçait une p;rande
influente sur le marquis de Torcv ,
ministre fort éclairé , connaissant
paitaitement les hommes , et dont
la maison était presque devenue cel-
le de Prior, qui y soupait presque
tous les soirs, et semblait être uu
des membres de la famille. Cet-
te intimité dans laquelle il vivait
aussi avec le comte d'Oxford et
lord Bulinpibroko, et l'estime qu'il
avait su inspirer à Louis XIV', avec
lequel il causait souvent et familiÏMe-
mcnl,nous font regarder cominefort
suspectes les accusations de quelques
auteurs anj;lais , qui ont écrit qu'il
menait, dans sa vie privée, une con-
duite fort irréf;ulière, et ne fréquen-
tait que la mauvaise et même la basse
corapa};nie. Suivant Johnson , dont
les critiques ont été trouvées un
peu sévères , les poésies de Prior
oflTrent , en général , peu d'imagina-
tion , mais une grande correction, de
la facilité, de l'esprit et beaucoup
d'art. Il lui accorde le talent de ra-
jeunir une vieille histoire, de maniè-
re à procurer un nouveau plaisir,
a Prior ne tombe jamais , dit-il ; mais
il est rarement sublime : on «ent qtie
ce n'est qu'à force de travail qu'il
s'élève au-dessus de la médiocrité. Il
a des vers pleins de vigueur , mais
peu de vers heureux; ils roulent, mais
ne coulent jamais de source. » Plu-
sieurs de ses Poèmes sont écrits en
rimes irrégulières. On ne peut pas
dire de la collection de ses ouvra-
ges, de ses contes surtout, que
La mère en prescrira la lecture h sa fille.
Sa réputation paraît reposer prin-
cipalement sur son Salomon, ou la
Fanité du monde. Ce poème , que
PBI
Cowpcr regarde comme le meilleur
ouvrage que Pnor ait écrit, soit que
l'on considère le sujet ou l'cxécu-
lion, a plus de deux mille sept cents
vers, quoique Voltaire, qui se con-
tente de dire qu'il est trop long , ne
lui en donne que quinze cents. Il est
divisé en trois livres, avant pour ti-
tres : la Science^ le Plaisir et la
Puissance. « L'auteur, dit Johnson,
l'a beaucoup travaillé. Quelques mor-
ceaux sont pleins d'élégance; d'au-
tres s'élèvent jusqu'au sublime; mais
il manque d'intérêt , qualitésans la-
quelle les autres ne sont rien. L'en-
nui dont on ne saurait se défendre
eu le lisant, provient, non de l'imi-
forrnilé du sujet, car il est suflisam-
nient diversifié, mais de l'ordre con-
tinu et uniforme de la narration.
INIalgrc ses défauts , plusieurs passa-
ges du Salomon procureront de l'ins-
truction et du plaisir à celui qui le
parcourra. Dans d'autres, le poète
apprendra à écrire, et le phih s>)phc
à raisonner. » Ce poème a été traduit
en lilin , par G. Dobson. On assure
que Prior avait fait cinq Dialogues
des Morts , que la duchesse de Port-
land possédait en manuscrit. Les ou-
vrages poétiques de Prior ont eu un
grand nombre d'éditions. D — z — s.
PRIORATO. Foy. Gualdo.
PRISCIE[N(Pfl/.s-c/.//vr/.s-), célèbre
grammairien, de Césarée , florissait
au commencement du quatrième siè-
cle. Il eut pour maître Théoctiste ,
qu'il nomme l'honneurde l'éloquence
{omnis eloquenliœ decus) , et auquel,
après Dieu , il se reconnaît redeva-
ble de ses progrès dans la culture des
lettres. Il avait embrassé le christia-
nisme, comme le prouvent plusieurs
passages de ses écrits. On ignore les
particularités de sa vie; mais Cassio-
dore nous apprend qu'en 5*25, Pris-
cien dirigeait, àConstanlinople, une
PRI
école justement fameuse par le grand
nombre d'élèves qu'elle avait pro-
duits. vSon principal ouvrage est \m
Traité de grammaii-e en dix - huit li-
vres, qu'il dédia , non pas à l'empe-
reur Julien, comme Augustin Dati et
d'autres auteurs l'ont avancé , mais
au consul Julien, son protecteur, le
même peut-être à qui l'on doit la
traduction latine de V Abrégé des
Novelles. a Priscien , dit un philolo-
gue allemand , est parmi les gram-
mairiens latins, autant que nous les
connaissons jusqu'à présent, un des
plus importants; la simple inspec-
tion de V Index aiictoruin fait voir
le nombre considér.ible d'auteurs
grecs et latins qu'il a cités , et copiés
en grande partie littéralement ,. et
dont la plupart sont perdus pour
nous. Personne n'a traité la gram-
maire latine avec autant de dévelop-
pement : il a connu et consulté tous
les grammairiens antérieurs, depuis
Varron et Verrius Flaccus , jusqu'à
Donat etNoiiiusMarcellusj et il a fré-
quemment transcrit leurs opinions.
Sous le rapport de l'examen philo-
sophique de la langue, sous celui de
la multitude des règles grammati-
calcs,de la sagacité, des connaissances
littéraires, du style, il surpasse tous
ses prédécesseurs , sur lesquels il a
d'ailleurs l'avantage de connaître la
langue grecque; ce qui l'a mis à por-
tée d'établir un parallèle continuel
entre le grec et le latin : mais ce qui
nous rend surtout précieux cet au-
teur, c'est la grande quantité de frag-
ments d'auteurs grecs qu'il nous a
conservés ( I ),» Sa Grammaire a servi
de base à l'enseignement delà langue
latine , jusqu'à l'époque de la renais-
sance des lettres : aussi la plupart
des grammairiens du moyen âge, tels
(i) Gazette littéraire de léna , année 1822 , dé-
cembre , no. 234.
PRI m
que Jean de Garlande , Alexandre de
Villeneuve, etc., n'ont guère fait que
l'ahréger. Elle a été imprimée, au
moins six fois, dans le quinzième
siècle, avec la plupart des autres ou-
vrages de Priscien. L'édition qu'on
regarde comme la première , est sor-
tie, en I 470, des presses de Vindelin
de Spire , à Venise : cet habde im-
primeur en donna, deux ans après,
une seconde , également in - folio.
Le P. Audiffredi en cite une édilion
qu'il croit imprimée à Rome, par
Hulric Han, vers 147 1 ( Voy. Catal.
Bomanar. edit. p. ^ç^l). Enfin, il
en existe deux de Venise, de l'année
1476. Les éditions postérieures à
celte date, ne sont point recherchées;
et parmi celles du seizième siècle, qui
sont très nombreuses , on ne fait cas
que des éditions de Florence, Giunti,
i5'25,in-4<'. , et de Venise, Aides ,
1527, même format. Toutes sont fai-
tes d'à près des manuscrits défectueux,
et laissent beaucoup à désirer sous le
rapport de la correction. Le savant
Elie Vinet, qui se proposait d'en
donner une meilleure , avait cherché
pendant vingt-cinq ans, sans pouvoir
le trouver , un ancien manuscrit qui
contient les mots grecs dont s'est
servi Priscien. Putschius a publié
dans les Grammaticœ latince auto-
res antiqui {Ihmu , i6o5, in-40.),
la plupart des ouvrages de notre au-
teur , avec les correciions de Jos.
Scaliger , de Gruter , de David Hoes-
chel et de Riltershusius ; et cette édi-
tion , supérieure aux précédentes , a
long-temps été estimée des savants :
mais on sait actuellement qu'elle est
très-fautive (2) ; on y trouve : L De
(2) p. Boodam avait (léj,\ signalé, en 1759 ( f^ar.
iec<.), rincorrectionde cette édition , en prouvant
par une multitude d'exemples, que de tous les au-
teurs contenus dans le recueil de Putschius, Pris-
cien était celui qui avait le plus souffert de la négli-
gence de cet éditeur. ( Voy. Sax, Onomast., Il, ao.)
lia PRI
octo partibus orationis libri 16, de-
que constnictione enrumâem libri 1.
il. Partitiones versiium su .Enéi.
dosprincipalium.Ccst un Commen-
taire {grammatical snr le premier
vers de cliaqiie livre de l'Eiieide. III.
De accent ibus liber. W . De dccUna-
tione nomintim liber. V. De versi-
buscomicis liber. VI. De Pneexerci-
tamentis rhetoricœ ex Hemiogene
liber. Ce petit Traite, pid)Iic pour la
première t'ois , à la suite de ruuvra;;c
de Jean Sulpitius, De componcndis
et ornandis epistolis , Rome, i49' »
in-4**.,a été insère par Pitliou dans
les Bhetoreslatini, ib^g, in - 4°- ,
elc. Dans l'édition la pins récente
des œuvres de Priscien , dont nous
allons parler tout-à-l'lieure , le texte
grec d'Hermogène, publie pour la
première fois par Heercn , a ètc rais
en regard de la traduction latine de
Priscien. VII. De figuris et numi-
nibus numerorum et de numis et
ponderibus liber. Elic Vinet a public
cet Opuscule , avec ses corrections ,
dans un Recueil de petits traites sur
les poids et mesures des anciens ,
Paris , i56'j, iu-S". ; il a été réim-
prime' avec l'ouvrage d'Hotmann :
Dere mimarid Piomanoriun , ibid. ,
i58j, iu-8*', , et insère par Gra;-
Tius dans le tome xi du Thesaur.
anliqnil. Eomanar. Lindcmann a
donne , à Leyde , eu 1 8 1 8 , une édi-
tion entièrement reA'ue,des Opéra
minora de Priscien, i v. in-8". Au res-
te le petit Ojjuscule De ponde ril us
et mensuris , publié sous le nom de
Fannius, n'est (pi'une mauvaise com-
pilation absolument sans critique:
elle n'a pu qu'égarer les commenta-
teurs qui lui ont attribué quelque
confiance , au lieu de s'en tenir aux
classiques grecs et romains (3). Onat-
(3) ConiiJcr, ^énér. <ur l'évaluai, d;( monnaie!
fTtcj.Hrvmtjp»! M.LelruDnc.
PRI
tithueàPriscien: E.rpositio in Théo-
phrastiim de sensu , phantasid et
intellectu; inséré dans un Recueil de
traités philosophiques, publié parles
Allies, 1497 et i5iO,in-fol. 11 a tra-
duit, en 1087 \%r?, latins hexamè-
tres, le poème de Denys le périégetc
( r. Demvs, XI, I 1 5 ) ; et cette ver-
sion, moins poélique et plus exacte
que celle d'Avieniis , ofTrc quelques
additions (4), quoiqu'elle ait luic cen-
taine de vers de moins que le texte.
On trouve une pièce de vers de
notre grammairien iur l'astronu-
jiiie, dans l'opuscule de hedv. : De
ratic^ne computi. Une édition com-
plète des Œuvres de Priscien , col-
lalionnée sur les manuscrits anciens,
a été publiée récemment , avec des
notes , à Leipzig , par M. Krehl :
Prisciani Cœsarien>is opéra, 18 iç)-
■>.o , 1 vol. in - 8". Le philologue
Schneider a jugé sévètcment celte
nouvelle édition , exécutée il est vrai
avec un peu de rapidité. Cependant
elle a de grands avantages sur les
précédentes parles corrections faites
au texte , d'après la comparaison
des meilleurs manuscrvts ; correc-
tions (|ui sont importantes, sut tout
(juand il s'agit des fragments d'au-
teurs anciens cités par Priscien. On
peut voir, dans la Gaz.ette littéraire de
léna , mois de décembre i8i'2, n'^'^.
234-36, une analyse très- détaillée
de cette édition. Nicol. Frischlin a
publié une comédie satirique , sous
le titre de Priscianus va/iulans ,
contre les mauvais grammairiens de
son temps. — Théodore Priscien ,
médecin grec, vivait à la cour de
Constantinople, vers l'an 38o. Ses
ouvrages , sur la diète , sur les ma-
ladies des femmes , etc. , ont été tra-
(.)) Saiolc-Croix , Mém. sur les petits géograpliei
nnaens , n" it^ { Journ, des Say. , avril , lySg , p
PRI
duits par lui-même en latin , et insè-
res dans les Medici anliqui des Ai-
des , i547, in-fol- La meilleure édi-
tion est celle qu'a donnée J.-M. Bern-
liold, Anspach, 1791, iu-S». — Jean
Glandorp ( F. ce nom ) a fait con-
naître dans son Onomasùcon Roma-
num , plusieurs autres Prisciens :
un tyran de ce nom, sous Antonin-
Je-Pieux; nu jurisconsulte auquel est
adressé un rescrit d'Elagahaie , in-
ge're au Codc-Justinien ; un philoso-
phe du temps de l'orateur Symma-
que; Prisoien le lydien , commen-
tateur du livre de The'ophraste i?e
Sejisii , contemporain de Sim plicius j
deux évêques , dont un assista au cou-
cilc de Conslaiitinople en 38 t.
D— G et W — s.
PRTSCILLIEN , hérésiarque du
qualriciiie siècle , était Espagnol ,
d'une famille noble et riche, réunis-
sant à ces avantages un naturel heu-
reux , de l'esprit , de l'éloquence , et
des connaissances très-étendues. Sa
vie était régulière, ses moeurs aus-
tères , et sa réputation honorable-
ment établie. Un nommé Marc ,
Égyptien de la ville de Memphis ,
et Manicliéen , étant venu en Es-
pagne , y eut pour disciple Aga-
pé, femme de quelque distinction.
Imbue des erreurs du manichéisme,
elle séduisit un rhéteur nommé El-
pidius, et tous deux communiquè-
rent le poison de l'hérésie à Priscil-
iien. Les bonnes qualités de celui-ci
n'étaient pas sans mélange. Priscil-
lien élait vain. Il paraît qu'il fut flat-
té de devenir chef de secte, et de don-
ner son nom à celle qui commençait
à s'établir. Il usa de tous ses moyens
pour la propager, et employa pour
cela son crédit et ses richesses.
Il chercha d'abord à s'attacher des
hommes d'un haut rang , et il y rous-
sit. Bientôt il eut des disciples des
XXXVI.
PRT Ji3
deux sexes, de tontes condlîions; cj
compta même parmi eux des évêques,
entre antres, Instantius ctSalvior.-<
qui furent les premiers et les prin-
cipaux soutiens de la nouvelle doc-
trine. Aux erreurs du manichéisme,
elle joignait celles des gnostiques ,
dessabelliens, et d'autres sectes nou-
velles. On y enseignait que l'ame hu-
maine était de la même substance
que la Divinité; qu'à chaque partie
du corps, que Ton divisait en douze
portions, présidait un des signes du
zodiaque. On y condamnait l'usage
de la chair des animaux ; parce que ,
disait- on , elle n'était point l'ouvra-
ge de Dieu, mais des anges. Le dé-
mon n'avait point été créé. Principe
du mal , il était sorti du chaos et dos
ténèbres. Jésus-Christ n'avait pas
pris la nature humaine: il n'était né
et n'avait soulfert qu'en apparence.
Ces sectaires proscrivaient le ma-
riage , qu'ils regardaient comme une
union illégitime, dont ils rompaient
les liens; mais, dans des assem-
blées nocturnes, où ils priaient nus,
ils se livraient à toute sorte d'im-
puretés. Ils autorisaient le mensonge
et même le parjure, quand cela était
nécessaire pour couvrir les secrets
de la secte. Ils ajoutaient aux saintes
Ecritures, qu'ils interprétaient à leur
manière, de faux actes , tels que ceux
de saint Thomas, de saint André,
etc. , etc. Tout le midi de l'Espagne
se trouvait infecté de cetic hérésie
lorsqu'Hygin, évêque de Cordoue,
effrayé de ses progrès , en aver-
tit Idace , évêque de Merida (i),
qui la déféra au concile de Sar-
ragoce , en 38o. Priscillfen , El-
(1) Quelques auteurs pretfiiilenl que c'rst j.uur
avoir iiial omprisle sens c!e Sulpice Sevtre , qu'on
donne îi Idacc le t/tre d'evi'que de Merida , 1 1 qu'au
lieu à'Emerilœ civilKtis, il faut lire, emerilœ celn.
lis , ce qui siguifie seulement qu'ldare était d'un âge
avancé. A'/e dss Pères , par Godescard , Versailles .
i8ii,p. 88.
8
ii4
PRI
pidiiis , et les lieux cvèquos Ins-
lanlius et Salvien y fuient cites ;
mais ils n'osèrent s'y prcseuler.
Un ilccrct V condamna leur doc-
trine, et exeummiinia Iïvj;in, qui ,
après avoir le i)rcinicr dénonce riie-
résic , avait admis les hérétiques à
sa communion. On char<;ea de son
exécution Idacc , et Itliacc evèqiie
de Sossube (i]. Cette condamna-
tion, au lieu d'intimider les nouveaux
hérétiques, les irrita, et les rendit
plus hardis. Priscillien n'était que
laie ; Instanlius et Salvien le con-
sacrèrent évè(iiic d'Avila . croyant
par-là fortifier leur parti. Ce n'était
ni le courage ni la volonté qui man-
quaient à Idace et à Ilhace , pour
poursuivre les coupables ; la suilc
prouva même qu'ils ne mirent à cette
poursuite que trop d'anleur et de
passion : mais voyant que les pris-
cillianistes n''étaient point elTrayés
de l'anathème lancé contre eux, ils
eurent l'imprudence de s'adresser à
l'autorité séculière , cl d'y porter
une cause réservée au juf;emcnt de
l'Église. Ils obtinrent de l'empereur
Gratien un rcscrit qui bannissait les
hérétiques. Obligé de fléchir, Priscil ■
lien résolut de se rendre à Rome ,
près du pape Damasc , pour essayer
de se justifier. Il partit avec Salvien
et Instantius. En passant par l'Aqui-
taine, ilsy répandirent leurs erreurs,
et y firent quelques prosélytes. A
Auch , ils débauchèrent Euchrocie,
femmede Delphidius, orateur et poè-
te célèbre, et sa fille Procula, We<y/m',
dit Sulpice-Sévère,/i/if insennone
hominum , Priscilliani stitpro ^ra-
vidant , sibi ^raminibus parlurn
abegisse. Les trois hérétiques , ar-
(») SoMi>b« , ville d'Ii»[iagne , tjiie l'on ne connaît
point , dit Flcur>'. U ^>arait (jue c'c^lOssobona ,ao-
eiftmrmtBt rié(;r rpisropal de la Lusitanie, aa]our-
dliiii Estombar, daoi le rojaunie dei Algan es. [Ibid. 1
PRI
rivés à Rome , sollicitèrent en vaia
une audience du |>ape : Dan»ase relu
sa de les voir. Salvien mourut à Ro-
me. Priscillien et Instantius revin-
rent par Milan, et ne reçurent pas
de saint Ambroise un meilleur ac-
cueil. Repoussés partout, ils eurent
recours à Macedonius , maître des
oirices;et, l'ayant gagné par des
présents, ils obtinrent , p.ir son cré-
dit , un nouveau rcscrit du prince ,
qui annulait celui qui avait prononce
leur bannissement , et qui les réinté-
grait dans leurs sièges. Alors ils pour-
suivirent l'évccpie Ithacc comme les
ayant persécutés injustement. Ilhace,
obligé de fuir , se retir.i à Trêves,
près de (jiegoire , vicaire du [)réfel
du prétoire, qui le prit sous sa pro-
tection. Cependant (îratien avait été
détrôné et mis à mort : cette révolu-
tion avait appelé Maxime à l'empire,
et l'avait rendu maître des Gaules.
Ithace qui, outre la commission dont
l'avait charge le concile de Sara-
gocc , avait des injures à venger,
porta ses plaintes au nouvel empe-
reur, et en l'ut écouté. Maxime or-
donna que Priscillien , Instantius et
leurs principaux adhérents, se pre'-
sentasseut à Bordeaux , devant un
concile , qui se tint en 38^. Instan-
tius , interrogé le premier , y fut
condamné. Priscillien , en ayant ap-
pelé à Maxime, fut conduit à Trê-
ves , oij l'empeicur tenait sa cour.
Ithace y renouvela ses accusations,
avec toute la violence qu'inspire la
haine. Il ne s'agissait plus d'une pu-
nition simplement canonique, mais
de la peine capitale. Quoique saint
Martin f|ui se trouvait alors à Trêves,
délestât l'hérésie, il crut devoir re-
procher à Ithace son acha nu ment, et
refusa de communiquer avec lui et
ceux de sou parti , connus depuis
sous le nom d'Ithaciens. Les ins-
PRI
tances du gaiut ne purent empêcher
que Priscillicn et plusieurs de ses par-
tisans ne fussent condamnes à mort.
Saint Martin supplia Maxime d'é-
pargner leur sanj; et ce prince le
lui promit : mais après le départ du
saint, sur les instances desithaciens,
la sentence fut exécutée. Cette ri-
gueur n'éteignit point i'hc'resie. Les
sectateurs de Priscillicn emportèrent
ses ossements , lui firent de magnifi-
que funérailles , et l'honorèrent com-
me un martyr. Sa doctrine prévalut
encore long-temps en Espagne , mal-
gré les nombreuses condamnations
dont elle fut frappée. Outre les deux
conciles cités ci- dessus, il s'en était
assemblé un à Tolède, en 4oo , oii
l'on dressa un formulaire que de-
vaient souscrire ceux qui deman-
daient à se rétracter. En 407 ou
408, l'empereur Honorius avait pu-
blié des lois sévères contre les Pris-
cillianistes. Cependant ils étaient en-
core en grand nombre en 447- Tur-
ribe , évoque d'Astorga , en écrivit à
saint Léon; et ce pape, dans une
lettre en réponse { la quatre-vingt-
treizième de celles qu'on a de lui ) ,
confirme toutes les condamnations
qui avaient été portées contre eux.
Enfin, le concile de Bragiie, eu 563 ,
reprit encore le même sujet en consi-
dération. On y lut la lettre de saint
Léon , après quoi on condamna de
nouveau la doctrine de ces sectaires ,
qui ne tardèrent pas à disparaître.
L— Y.
PRIVAT DE MOLIÈRE. Foj.
Molière.
PROBAFALCONU. T. Falco-
3VIA.
PROBUS ( MaRCUS - AURELIUS-
V ALERius ) , né dans l'IUyrie, à qui
l'empire devait déjà doux chefs il-
lustres , Claude II et Aurélicn, attira
sur sa jeunesse les regards de Valé-
PRO
n5
rien, qui le créa tribun, quoiqu'il
n'eût pas l'àgc requis par les règle-
ments militaires. Vain([ueur des Sar-
matcs , il se signala successivement
en Afrique , dans le Pont , sur le
Rhin , près du Danube , du Nil et
de l'Euphrate. Il fit, pour Aurélicn,
la conquête de l'Egypte , et tempéra
souvent, par sa mâle fermeté, la
cruauté de cet empereur. Tacite lui
confia le commandementde l'Orient.
Probusl'ut proclaméauguste, par les
troupes, après la mort de ce prince,
malgré l'usurpation passagère de
Florianus. Le sénat, flatté par ses
déférences, confirma le choix des
soldats , l'an 276. Probus était dans
sa quarante-quatrième année. 11 pro-
tégea les frontières de la Rhétie, con-
fina les Sarmates dans leurs déserts,
détruisit un grand nombre de forte-
resses dans le pays des Isauriens ,
et apaisa des troubles dans la Hau-
te-Égyple. La Gaule , long - temps
en proie aux ravages des Germains,
fut délivrée par ses victoires. Il pé-
nétra chez ces barbares , et les ré-
duisit à se soumettre aux conditions
qu'il leur imposa. Il fit élever, pour
servir de barrière à leurs excursions,
une large muraille, fortifiée de tours,
et embrassant un circuit de deux
cents milles, depuis le Rhin jusqu'au
Danube. Il mêla aux troupes natio-
nales le contingent de soldats qu'il
avait exigé des barbares, ayant soin
de le; disséminer en petits détache-
ments, et établit sur les frontières,
des colonies formées des fugitifs et
des prisonniers des nations vaincues,
dans la double vue de garnir de
soldats et d'agriculteurs les points
menacés. Ces moyens artificiels ne
lui réussirent pas toujours; et le goût
des barbares pour l'indépendance
lui donna souvent à combattre des
ennemis intérieurs , incorporés par
8..
irb
P1\0
4iu-mémc à ses sujets. Saturnin , qui
s'était icvolte dans l'Orient, Bono-
se et Proculus, qui avaient imite cet
exemple dans la Gaule, ce'Jcrent à
son génie infatigable et constamment
heureux. Presque tous ces succès
étaient l'ouvrage de sa valeur per-
sonnelle. Il en dut d'autres à des gé-
néraux habiles , dont plusieurs ré-
gnèrent après lui, tels que Carus ,
Dioolètien, Maxiraien , Constance et
Galère. Pacificateur de l'empire, il
panit à Rome dans toute la pompe
d'un triomphateur, l'an .iSi . La paix
jiour lui ne fut point oisive. Comme
il avait autrefois fait exécuter en É-
cvptc un grand nombre d'ouvrages
d'utilité publique , il exerça les bras
de ses soldats à couvrir de vignes
les coteaux de la Gaule et de la Pau-
nonie, et à opcrerdes dessèchements
dans son pavs natal. Enfin sa sévé-
rité et des paroles imprudentes qu'il
laissa échapper sur la possibilité pro-
chaine de licencier des troupes trop
considérables, indisposèrent contre
bii les légions : elles se révoltè-
rent , comme il présidait à leurs tra-
vaux , près de Sirmium , et le percè-
rent de raille coups. Revenue de ses
mouvements de fureur, cette armée
regretta son chef, et lui érigea un
monument honorable, l'an ■?.H'2. V.^
dans les Recueils de l'académie des
inscriptions ( tome xiii , pag. 437 ,
M. ) , les Reclierches de Bimard de
la Bastie, sur la durée de l'empire
de Probus , d'après quelques médail-
les de ce prince. F — t.
PROBUS ( ^MiLius ). Voy. Con-
wÉlius Népos.
PROCACCINI (Hercule), sur-
nommé X Ancien^ peintre d'histoire,
naquit à Bologne, en 1 52o. La juste
célébrité des Carraches ne lui per-
mettant pas d'espérer, dans sa pa-
trie, les mêmes succès que ces habi-
PRO
les maîtres, il se transporta , ^\ç(: sa
l'.nnille, à IMilan, où ses fils, déjà
savants dans la peinture, ouvrirent
une école, qui est devenue célèbre.
C'est surtout à Parme et à Bologne
qu'Fierciilcadonnédes preuves de sou
liabilcté ; et c'est principalement lo
Corrège qu'il cherchait à imiter. A
l'exemple des Florentins, son dessin
est un peu minutieux dans les détails,
et son coloris manque d'éclat ; mais,
dans les autres parties, il estgracieux ,
soigné et aussi exact que les meilleurs
peintres de son temps. Le soin extrê-
me qu'il apportait à ses ouvrages a
pu le préserver de ce style maniéré
vers lequel l'art commençait à incli-
ner, et le rendre propre à faire un
excellent professeur , dans lequel
doivent surtout dominer la sagesse
et le bon goût. Aussi est-il sorti de
son école une foule d'élèves, parmi
lesquels il sullit de nommer un So-
maccliini, un Sabbaliui, uiiBertoja,
et surtout ses trois (ils, Camille, Ju-
les-César, et Charles-Antoine, père
d'Hercule le Jeune. (îe chef d'une il-
lustre famille vivait encore en 1 ^i^r .
— Camille Procaccim , fils aîné du
précédent, naquit à Bologne, en l'Sl^i),
et reçut de son père les premières le-
çons de son art. C'est particulière-
ment dans les airs de tête et dans l'ar-
rangement des tons, que l'exemple
paternel se fait apercevoir. Néan-
moins, dans les ouvrages qu'il a soi-
gnés davantage,* il montre plus de
vivacitéetdesaillie, et sait employer
les demi-teintes avec ])lus d'artifice.
Cependant il sentit que les leçons de
son père ne lui sufïisaient pas; et ,
si l'eu doit en croire quelques - uns
de ses historiens, il eu reçut, à R07
me , de Michel- Ange et de Raphaël
lui-même. Mais ce fut surtout le Par-
mesan qu'il s'efforça d'imiter; et
beaucoup de ses ouvrages découvrent
PRO
la conformile de geaie qui existait
cutre ces doux artistes. Il eut une fé-
condité d'invention surprenante , et
lUie grande laciiité de pinceau. Ses
compositions brillent par un natu-
rel, une douceur, mi piquant, qui
flattent toujours les yeux, s'ils ne
satisfont pas également la raison.
Mais cela ne doit pas surprendre :
ayant secoue, presque au sortir de
sa première éducation , le frein que
son père avait impose jusqu'alors à
la fougue de son imagination, etayant
fait à lui seul l'ouvrage de dix pein-
tres , à Bologne , à Ravenne, à Reg-
glo , à Plaisance, à Pavie et à Gènes,
celte activité lui a mérité le surnom
du Vasari et du Zuccaro de la Lom-
bardie , quoiqu'on puisse dire , sans
crainte de se tromper, qu'il les sur-
passe , et pour la douceur du style et
pour la force et l'éclat du coloiis.
C'est à Milan qu'il a exécuté ses ou-
vrages les plus considérables ; mais
tCKis ne sont pas d'un égal mérite. Les
uns peuvent être regardés comme
ses chefs-d'œuvre , tandis que les au-
tres ne peuvent avoir un certain prix
qu'aux yeux de ceux qui se laissent
éblouir par les noms. Parmi les pre-
miers sont les peintures de l'orgue
de l'église métropolitaine, dans les-
quelles il a représenté David jouant
de la harpe et quelques traits de la
vie du roi-propliètc. Cependant Mi-
lan ne renferme de lui rien qui soit
comparable au Jugement dernier
dans l'église de Saint - Procolo de
Reggio. Cette peinture passe pour
une des plus belles fresques que
possède la Lombardie. On peut en
dire autant du Saint Roch ç^uéris-
sant les pestiférés ^ dont s'cllrayait
tant Annibal Carraclie lui - même,
quand il fut cliargé de faire un pen-
dant pour ce tableau. Les peintures
qu'fiiTculc a exécutées dans le dôme
PRO H7
de Plaisance , par ordi'C du duc de
Parme , et en concurrence avec Louis
Garraclie , sont belles, et peintes avec
pi us de soin que ses autres ouvrages ;
elles représentent le Couronnement
de la /"i'erg-e. Cependant malgré leta-
lentqui brilledans celte belle compo-
sition , le voisinage du rival avec le-
quel il était en concurrence, semble
le rapetisser. La nouveauté des idées
du Carracbe ne sert qu'à faire voir
combien les siennes sont communes,
et il paraît froid quand on le com-
pare avec son concurrent. Mais Pro-
caccini reprend tout son avantage
lorsqu'il n'a plus à le disputer avec
Cari aclie , et il se montre lui des pre-
miers artistes de sou époque. Le Mu-
sée du Louvre possédait deux tableaux
de ce maître: l'un , représentant la
Vierge assise sur un trône élevé ^
ojjrant Jésus aux hommages de
saint Jérôme, de saint George et
de saint Francois-d' ylssise , prove-
nait de Modène ; l'autre , dont le su-
jet était une Descente de Croix , ve-
nait de la galerie de Vienne. Ils ont
été rendus tous deux à l'Autriche , en
i8i5. Camille s'est aussi amusé à
graver à la pointe ; et ses estampes ,
d'une exécution libre et savante, sont
très - recherchées des connaisseurs.
Les têtes de ses figures ont souvent
la finesse de celles du Parmesan , et
les autres extrémités sont dessinées
avec précision. Ces pièces , au nom-
bre de cinq , représentent, le Repos
en Égjple, traité de trois manières
différentes ; un Saint François rece-
vant les stigmates : il porte la date
de 1592; et enfin, une Transfigura-
tion. Cette dernière estampe , d'une
très-grande dimension , est divisée
en deux planches. 11 est extrême-
ment difficile d'en trouver de belles
épreuves , attendu quei'eau-forte n'a
pas bicu mordu sur la planche sujié-
ii8 PRO
rieurc. Camille mouruî à Mibn , en
iG'iô. — Julcs-Cosar Procacciki,
frère du preccdeiit , et le plus habile
peintre de cette f.Triiille, naquit à Bo-
logne , en ir>48, et dnt à son père
les premiers eîèiuens du dessin. Apres
avoir, pendant cpielque temps, exer-
cé la seulpture avec distinction , il
rcfsoint de se livrer à la peinture,
dont re\ercicc était moins f".ili{;anj.
Il fréquenta, dans Bologne, l'atelier
des Carraclies ; et l'on raconte que,
piqncpar une plaisanterie d'Annibal,
il le frappa et le blessa : cet accident
l'obligea dequ tter Bologne ; et c'est
alors que toute la famille des Procac-
cini alla fî\er sa demeure à Milan ,
où elle ouvrit son e'cole de peinture.
Jules-César étudia spécialement les
ouvrages du Corrège; et l'opiniun de
tous les connaisseurs est que per-
sonne n'a su aussi bien que lui saisir
la manière de ce grand maître. Djns
les talileauK d'appartement, compo-
sés d'un petit nombre de figures , et
où riraitalion est moins diflicilc , on
l'a souvent confondu arec son mo-
dèle , quoique che?. lui la grâce ne
paraisse point innée, comme dans
le Corrège , et que sa couleur ne soit
pas aussi vigoureusement empâtée.
Une Madone, de sa main, (pii existe
.i Rome, dans l'église française de
Saint-Louis, a été gravée récemment
par un artiste liabde , comme une
production du Corrège. Mais c'est
surtout dans les palais Sanvitali , à
Parme , et Careghi à Gènes , qu'il
s'est le plus rapproché de son ori-
ginal. Quelquefois le désir de donner
de la grâce ou du mouvement a ses
figures , le jette dans l'aflectation.
C'est le défaut qui se fait remarquer
dans son Martyre de saint JVazaire^
tableau qui satisfait j)ar l'ensemble,
par l'harmonie , par la grâce , mais
danslequel le mouvementdu bourreau
PRO
paraît un peu exagéré. On a de Ju-
les-César un grand nond)re dévastes
compositions , telles que le Passasse
de la mer Ratifie , dans l'église de
Saint-N ictor à Milan , et celles sur-
tout qu'il a laissées à Gènes , et dont
on peut voir la description dans lo
i>oprani. Mais ce qu'il y a de vrai-
ment admirable, c'est que dans cette
quantité presque innombrable d'ou-
vrages, il s'est toujours montré exact
dans le dessin , varié dans l'inven-
tion , étudié dans le nu et dans les
<lr3peries , et d'un grandiose où se
découvre évidennneut le génie des
Carraclies. Dans la sacristiede Notre-
Dame de Sarona , on voit une de ses
peintines représentant »S/rjVit ^-fndré^
saint Charles et saint ^Iinbroise, qui
a tout le sublime de cette école, à
moins qu'on ne dise qu'à l'imitation
des Carraches , il a tiré ses insjiira-
tions des magnifi(pies compt)sitions
dont le Corrège a orné la ville de
Parme. Le Musée du Louvre .ivait
de ce maître un Saint Sébastien j
provenant de l'église de Saint-Celse ,
à Milan ( Notice de l'exposition de
1798 ) ; et il possède encore nn ta-
bleau représentant la Fierç^e , l'En-
fant-Jé^us, saint François d'y/ssise^
saint Jean- Baptiste et ste. Catherine
(t). Comme son frère Camille, il a
cultivé la graviueà l'eau-f^rte; mais
on ne connaît de lui, en ce genre ,
qu'une seule pièce in-4". , représen-
tant ime Petite Fierté et V Enfant-
Jésus. Il mourut à Milan , en iGuO,
la même année que son frère Ca-
mille.— Charles-Antoine Procacci-
m , le dernier des fils d'Hercule (2),
se livra d'abord a la musique; mais,
(i) O Ublcau a tté Rravc par Hrnrir|iii /.. I,e; Mui
svv au Lfjuvre a aiuai exutat' , en 1801 et 1 Hi 1 , ijua*
Ire deuins à la plume, de Cam^le et de Julea-Cesar
l'rocaccini.
(a) I-e nouveau Dicliniin. Iiiflorii/iie , rnlii/ue cl
hiogr. ( tom. XXII , p. Î87 ) , B fait deux j)cr»ouiia-
PRO
cnlraîne par l'exemple de ses frères ,
il voulut étudier la peinture; et, com-
me il commença un peu tard à s'y
adonner, il ncfutjam.iis un habile
peintre de figures. Il n'en est pas de
même comme paysagiste et peintre
de fleurs et de fruits. I! fit un assez
grand nombre de tableaux de ce
genre pour plusieurs galeries de Mi-
lan , qui plurent à la cour d'Espagne,
à laquelle cette ville appartenait à
celte époque. On lui demanda pour
ce royaiiuîe un grand nombre de ta-
bleaux.— Hercule Procaccini sur-
nommé le Jeune ^ pour le distinguer
de son aïeul , naquit à Milan , en
iSgb. Il fut d'abord élève de son
père, puis de JulesCcsar, son oncle.
Lorsqu'il produisit ses premiers ou-
vrages, l'art commençait à décliner;
tout était d'une déplorable unifor-
mité , nul caractère , nulle beauté
dans les proportions , nulle vivacité
dans l'expression , nulle grâce dans
le coloris. Hercule ne contribua pas
peu à cette décadence ; et le seul
côté par où il soit recommandable,
c'est une imitation (éloignée) du style
des Carracbes , qu'il tenait de son
oncle , et l'on ne peut nier , toutefois,
qu'il n'ait fait prouve d'un véritable
talent dans plusieurs de ses tableaux,
tels que V Assomption qu'il a peinte
à Sainte- Marie-Majeure de Berga-
me : il y a manifesté une manière
grandiose, du génie , et une heureuse
imitation du style du Corrège. Son
père l'avait laissé héritier d'une for-
tune considérable. Il put donc se li-
vrer à la générosité de son caractère;
et son amabilité et sa longue vie du-
rent lui donner une assez grande in-
SCs de ce peintre : l'iiii, qu'il nomme Carlo- Anto-
nio, (juittH , dit-il , la miisi(|ue pour la peinture ; et
Tautre , qu'il disigne sous le nom de Charles-An-
loiiii' , et qu'il fait neveu du précédent, quitta bien-
tôt la ])ciuture pour la luusique. Les lecteurs de
celte compilation doivent être accoutumés à y voir
de jiareilles bévues. Z,
PRO 119
flucncc sur les artistes de Milan,
]>our que tous ceux qui venaient étu-
dier le nu à Tacadémie qu'il avait
ouverte dans sa maison , se soient
empressés d'adopter sa manière. Il
fit plusieurs tableaux pour la gale-
rie de Turin ; et le duc de Savoie le
décora d'une chaîne d'or. Le Musée
du Louvre a possédé un tableau de ce
maître , représentant le Mariage de
la Fierté : il a été rendu à l'Au-
triche, en i8i5. L'auteur mourut à
Milan , en 167G, âgé de quatre-vingts
ans. — André Peocacciki, peintre et
graveur à l'eau -forte , naquit à Ro-
me , en 1667. Rien n'indique qu'il
ait été de la famille précédente. Il
fut élève de Carie Maratti, nommé
directeur delà manufacture de tapis-
series établie à l'hospice de Saint-
Michel à Rome, et l'un des ar-
tistes choisis par Clément XI , pour
peindre un des douze prophètes ,
dont ce pape avait chargé les plus
habiles peintres de Rome , d'orner
l'église de Saint - Jean de Latran.
C'est de lui qu'est le Daniel. Il a
montré dans cet ouvrage qu'il était
un des meilleurs élèves du Maralti ;
et ce travail lui fit tant d'honneur,
qu'il fut appelé à la cour d'Espagne,
en 17^0, et y obtint le litre de pein-
tre du cabinet du roi. André orna les
palais royaux d'un grand nombre
d'ouvrages des plus rccommanda-
bles , pendant les quatorze années
qu'il demeura dans ce royaume. Il
mourut à Saint-lldcphonse^ en 1 784;
et l'on voit son tombeau chez les
Franciscains de Ségovie, Il avait cul-
tivé la gravure à l'cau-forie, d'après
ses propres compositions et celles
de Raphaël et de Carie Maralti. Les
pièces qu'on a de lui sont au nombre
de sept. P — s.
PROCIDA (Jean de), gentilhom-
me napolitain, chef de la conjura-
110 PRO
tien coulre les Français , connue
sous le nom de \ cprcs siciliennes,
naquit , vers Tau \À2:t, d'une famil-
le noble de Palerrae. Il suivit les e'co-
Icsde médecine, long-temps célèbres,
de celte ville; et jusqu'à la lin de sa
\ie , il couscrva, dans une carrière
bien diflcrente, la réputation d'un
savant médecin. L'empereur Fredé-
lic H, qui aimait et protégeait les
tjlenls, approcha Jean de Procida
(le sa personne, cl lui accorda sa
coufiance. Ses fils , Conrad IV et
Manfrcd , le comblèrent de bienfaits;
et ce gentilhomme, témoin des bril-
lantes qualités de ces princes alle-
mands, (jui s'en'orçaieiit d'attirer les
Musulmans en Italie ( i), et de la dé-
faveur que le cierge leur portait j)ar
ce motif, avait cunçu pour ces prin-
ces un amour enthousiaste. La moi t
de Manfred , et la conquête des Deux-
Siciles par les Français , causèrent à
Procida une vive douleur; et la con-
duite hautaine, avide et cruelle de
Charles d'Anjou et de ses ofliciers al-
luma sa haine contre ce monarque
et toute sa nation. Lorsque Con-
radin entra en Italie pour recouvrer
l'héritage de ses pères , Jean de
Procida prit les armes en f,iveur
de ce jeune piince. Tous ses biens
furent confisqués après la victoire
de Charles; lui-même il se retira au-
près de Constance , fille de Manfred
et reine d'Aragon, dernière héiitière
de la maison de HohenstaulTen. Il
y fut reçu comme un sujet fidèle et
un ami zélé; et il fut créé baron du
(l) Alix t- mûipnagcs dn bisturieiu anlips qui at-
teikcnt ce fait, it ipic- nou* aTons indiquû à l'nrt icle
PlEKRE DtS ViGSES( XXXIV, 3:^8, nol. 4 ), nD
duit ajuutpr celui dr Makrizi : crt ecriTaiu , daui
sa D«»crijiti>>D de l'E(;rptp ( »rl. Damiette ), dil|»>-
(•(•Tenirol que Frédéric il envoya srcrèteuieiit au
«olthan Maltk-Salrli , uo deputi- decuis.- en inar-
cluud , pour lui anaoncrr le jiruchaiii d('|i.-irt du roi
de France . et que ce fol cet avi» qui i'ri|;agea le
•cllhan à inrtir prrci|iitamtnrnt de la Syrie priai-
IXgypte ( Voy-i'tfu/. des Ciotsudct , Vil , -uy )
PRO
royaume de Valence , seigneur de
Luscen, Bcuizzano et Palma. Ce u'é-
taient p.is des fiefs ou des richesses
qui pouvaient faire oublier à Proci-
da la mort tragique de Manfred et de
Conradin, le malheur de sa patrie,
et l'oppression tic ses conciloyeiis.
Les correspondances qu'il avait con-
servées dans les deux royaumes ne
l'entretenaient que des vexations des
Français, de leur injustice, de leur
cruauté, et surtout du mépris qu'ils
aflictaieiit pour les Italiens : elle»
nourrissaient sa haine et son désir
de vengeance. 11 instruisit Constan-
ce et Pierre III , roi d'Aragon, sou
iiiaii, des plaintes des Siciliens, (|iii,
plus éloignés du trt'>nc, étaient aban-
donnés par Charles d'Anjou à ses
lieutenants, et vexés d'une maniè-
re plus cruelle. Il somma Cons-
tance , comme seule héritière de
la maison de liulienstaullèn, com-
me invoquée par Conradin sur son
échafaud, de recueillir sa succes-
sion, et de venger son supplice;
et lorsqu'il vit qu'elle et sou mari
hésit.iient à entreprendre sans al-
liés une guerre aussi hasardeuse, il
Tendit tous les biens qu'il tenait de
leur libéralité , pour eu employer le
prix , dans ses voyages, à susciter
des ennemis à Charles, il'iin bout à
l'autre du mondealors connu. Il par-
courut d'abord les Deux-Siciles, eu
i2-f); il reconnut bientôt qu'il ne
pourrait soulever les provinces deçà
le Phare , que les armées françaises
parcouraient chaque jour , et que
l'œil du maître observait sans cesse.
Mais il trouva la Sicile lasse de l'op-
pression : les barons, les habitants
des villes et les paysans, étaient éga-
lement disposés à tout oser. Chaque
outrage nouveau qu'ils avaient à sup-
porter, pouvait faire éclater la le-
bc'lion ; et Procida , en préparant ses
PRO
concitoyens à la vengeance, fut con-
traint de les retenir, pour attendre
roccasion favorable , et pour concer-
ter leurs elForls. Il sentit, avant tout,
la nécessite deprocurcrdesarmesàla
nation, et d'obtenir, pour les ache-
ter, les subsides de quelque prince.
Pierre d'Aragon avait besoin de tou-
tes ses ressources pour lever l'armëe
avec laquelle il seconderait la révol-
te des Siciliens: mais Jean de Pro-
cida se rendit à Constantiuople, au-
près de l'empereur Michel Paléolo-
gue, que Charles d'Anjou était alors
sur le point d'attaquei'. Il reçut de
lui une somme d'argent considéra-
ble, dont il employa la plus grande
partie à pourvoir d'armes ceux des
Siciliens sur le zèle desquels il pou-
vait le plus compter. Il se servit du
surplus à la cuur de Rome, dont il dé-
sirait obtenir l'aveu pour son entre-
prise. Il se présenta au pape Nicolas
m , sous l'habit de moine francis-
cain, qu'il portait toujours dans ses
voyages; et il s'assura (jue ce pontife
ne soupirail pas moins que lui après
le moment où l'Italie serait délivrée
du joug des Français. Malheureuse-
ment Nicolas III mourut peu de se-
maines après cette entrevue. Procida
retourna en Grèce , pour tirer de
l'empereur de nouveaux subsides.
Eu 1281 , il en rapporta vingt-cinq
mille onces d'or , qui servirent à
compléter l'armement du roi d'Ara-
gon. Après lui avoir remis cette som-
me, il revint encore en Sicile; et il
parcourut cette île sous divers dégui-
sements, pour communiquer à ses
compatriotes cette haine profonde et
implacable contre les Français , qui
l'animait lui - même. Il ramena les
nobles à Palerme, pour qu'ils pus-
sent diriger le mouvement populai-
re , dès qu'un nouvel outrage des
Français l'exciterait; et, sans for-
PRO lai
mer de complots, sans fixer d'avan-
ce un jour pour l'explosion de la
haine du peuple, il attendit un évé-
nement qui devait naître de lui-mê-
me, et qui ne pouvait pas tarder.
En effet, Procida n'eut point une
part directe au massacre des Fran-
çais, commencé à Palerme, le 3o
mars 1282 (2) , pendant que les vê-
pres sonnaient, et continue pendant
tout le mois suivant dans les autres
parties de l'île. L'insolence d'un sol-
dat, nommé Drouet, qui voulut fouil-
ler une jeune femme sous ses habits
au sortir de l'église, en fut la cause
immédiate. Mais Jean de Procida
avait disposé le peuple à ne suppor-
ter plus aucun outrage; il étendit de
proche en proche un incendie que
le hasard avait allumé; il réunit les
communautés insurgées , et leur fit
promettre de se défendre mutuelle-
ment ; enfin , il tourna contre le mo-
narque même, la vengeance nationa-
le, qui n'avait d'abord pour objet
que les subalternes. Il courut auprès
de Pierre III, avec les syndics de
toutes les communautés de Sicile,
pour lui déférer la couronne, et
implorer ses secours ; et depuis ce
moment, de concert avec Roger de
Loria, gentilhomme calabrois, qui
avait quitté son pays lorsque les
Fiançais en avaient fait la conquête ,
il fut le conseiller fidèle des monar-
ques Aragonais, qui se succédèrent
en Sicile. Il dirigea leurs efforts
pour la défense de sa patrie; et sa
prudence déjoua souvent les em-
bûches de leurs ennemis. Lorsque
Jacques , second fils de Pierre III ,
qui lui avait succédé eu Sicile , vou-
(?.) CVlait le lendemain de Pâques. Voltaire se
trompe également , dans la première édition de son
liiitoire i^éiiérale , où il place cet événement le dr-
niancie, et dans ses Annales de l'Eni/nie , où il le
met le mardi. Cette dernière date seml)Ie cependant
confirmée ])ar le témoignage de Faicllî.
11-2 PRO
lut, eu i2ç/> , fi'assiircr la couronne
d'Aia!;on, en abandonnant cette île
aux Français , Procida déclara qne
les Siciliens ne le reconnaissaient plus
pour roi; et il engagea ses couijta-
triotcs à offrir la couronne à Fréde'-
ric, le troisième frère, qui, par sa
l>ravouro, assura la liberté de la Si-
cile Procida vécut assez. long-temps
pour voir ses compatriotes recueil-
lir le fruit de ses travaux , et la paix
rétablie, en i3o'i , entre les deux
royaumes, qui demeurèrent indc-
pendanLs.P.irver.uà la dernière vieil-
lesse, il donna encore «es soins, com-
me médecin , à G.uillior Caraccioli ,
un des courtisans de Charles II , qui,
atteiut d'une maladie dangereuse ,
demanda permission à son maître
d'aller se faire traiter par le même
homme qui avait renverse Charles
I*^"". d'un de ses trônes, et mis des
bornes à l'ambition et à la puissance
de la maison d'Anjou. \ ovez les
Eclaircissemtntssurles f'cpres Si-
ciliennes, par Hréquigny, publiés par
S.iinte-Croix , dans le Mna^asin en-
cj'clop., 1^'=. année n, /^^)Ç)•^^3.)
S." S— I.
PROCI-US, philosopliegrcc, na-
quit le 8 février de l'an /jii de l'ère
vulgaire : on le conclut de divers
renseignements , et surtout de son
thème natal, que son historien IMa-
rinus a rapporté, et que Fabririns
explique. Il mourut le i-^ avril 4^'JJ
il y avait eu , en raiinéc précédente,
une éclipse de soleil , marquée en'
effet, dans les tables astronomiques,
au i3 janvier 484. Selon ce même
INIarinus , Proclus a vécu soixante-
quinze ans; calcul qui, au juemier
coup-d'reil , semblerait inexact : mais
il s'agit d'années lunaires , usitées
alors chez les Grecs , et un peu
plus courtes que les années julien-
nes. On a commis, sur l'époque de
PRO
sa naissance , deux erretu's plus gra-
ves. Les uns l'ont fait vivre au
deuxième siècle de Tère chrétien-
ne , trompés par le nom de Piiitar-
que , l'un de ses maîtres, qu'ils ont,
mal-à-propos, confondu avec Plutar-
que de Chéronée ( 1 ). Tes autres , et
particulièrement Lambecius , retar-
dent, an contraire, sa naissance jus-
qu'à l'an 443, ot sa mort jusqu'en
Lit S ou 'iiQ, parce qu'ils supposent,
S)ir la foi de Zonaras , qu'il brûla la
flotte de Vitalicn avec des miroirs
ardents, à la manière d'Archiniède ;
sur la foi de Théophane et d<' Cc-
dréuns , qu'il prédit, en 5 18, la mort
de l'empereur Anaslase. Ou ers faits
sont chimériques, ou il faudrait les
rapporter à quelque atitre Proclus ;
car celui dont nous parlons , avait
déjà eu, dans son école, deux succes-
seurs , Marinus et Isidore, quand
Anastase régnait. Proclus est sou-
vent surnommé Lycien, et considéré
comme natifdrXanthe; mais «i nous
en croyons INÎarinus, il naquit a By-
zancr, où ses parents étaient venus ,
de Syrie, fixer leur séjour, et où
il reçut la première éducation. Sa
mère s'appelait Marcella , et son
père Pafricius , à moins que ce nom
ne désigne une dignité. De Constan-
tinople ou de Xanthe , il fut envoyé,
fort jeune encore, à Alexandrie . où
il suivit les leçons du grammairien
Orion et du rhéteur Léonas , profes-
seurs alors renommés. Il fréquenta
aussi les e'coles que les Romains
avaient dans cette ville , et y apprit
la jurisprudence , élude que lui avait
recommandée son père, à qui elle
avait, (lit on, valu beaucoup de con-
sidération et de crédit. Léonas dis-
(1)11 s'agit di? PltiUrquc fil» de Ncslfiriii» : il avait
r rrit un commcDlaîi r sur leA trois livrrs d'Aristoti^
/'•• y^n<;n;î , cité par Sinj^licius , inaiscfiii c*( (icrdii. i
Il était AtbéDiai.
PRO
tingu.i le jeune Procîns : il l'admet-
tait dans sa société la pins intime et à
sa table ; il le traitait comme son lils :
oblige d'aller à Ryzance, il le prit
pour compagnon de voyage; et l'c-
lève eut la satisfaction de revoir sa
propre patrie, sans cesser de profiter
des leçons et des soins de son maître.
Dcrclourdans Alpxandric,Proclus y
étudia la philosophie éclectique on
syncrétiipie, sousOlvmpiodore {i) ,
dont il comprenait parfaitement la
doctrine, inintelligible à presque tous
les autres auditeurs : il retenait et
re'citait ime leçon entière , dont pas
un seul mot n'avait pu se fixer dans
la mémoire de ses condisciples. Hc'-
ron , le second de ce nom ( F. XX ,
2B9 ) , lui enseigna une plus vérita-
ble science , une philosophie plus
re'elle , les mathématiques. Cepen-
dant l'école d'Alexandrie perdait son
éclat; Syrianus avait quitte cette
ville, et s'était retiré dans Athènes ,
l'antique patrie des arts et des scien-
ces , et y allait succéder , pour l'en-
seignement du platonisme, à Pbitar-
que , fils de Nestorius. Proclus , à
peine âgé de vingt ans , s'y rendit,
déjà précédé d'une réputation hono-
rable ; on l'accueillit avec une faveur
extrême. Plutarque lui expliqua le
Phédon de Platon et quelques livres
d'Aristote , et le recommanda , en
mourant, à Syrianus. Celui-ci le con-
duisit de l'aristotélisme et du plato-
nisme à la théologie et à la science
des mystères. Proclus , à l'âge de
I vingt-huit ans , écrivit un commen-
taire sur le Timée. Depuis , Asclépi-
génie , fille de Plutarque , lui apprit
les arts magiques des Chaldéens ; et
il ne tarda point à se faire initier aux
mystères d'Eleusis. Il s'occupait aussi
(7.) n est designé dans Trirticle consacre à un au-
tre Olymiiiodoi-e, XXXI, 6o4»
PRO iciS
d'études politiques , et passait pour
habile dans celte matière: il donnait
des consultations aux magistrats et
aux cités. Syrianus, en mourant , le
désigna pour son successeur: l'école
qu'il lui léguait , était devenue fort
lucrative , à ce que nous apprend
Damascius , dansPhotius. Outre cinq
leçons par jour , Proclus tenait en-
core des soirées littéraires, en sorte
qu'il lui restait fort peu de temps à
consacrer £i la composition de ses
livres : il en écrivit néanmoins un
grand nombre, où il associait ses
propres doctrines à celles d'Orphée,
de Pylhagore , de Platon, d'Aristote,
de Plolin , de Porphyre et de Jam-
bliquc. On distingue entre ses nom-
breux élèves, Hiérius, fils de Plu-
tarque, Asclépiodote, Zénodote,né-
gius, et Marinus , qui a écrit sa vie,
et qui lui a succédé dans sa chaire
de phdosophie. C'était sans doute
en la prenant après Syrianus , vers
l'an 45o . que Proclus avait reçu le
surnom de rncfAôyoç , qui veut dire
successeur. Il ne paraît pas qu'il
l'ait constamment occupée durant
les trente-cinq années suivantes ; car
son historien parle de persécutions
qui l'obligèrent de sortir d'Athènes :
il fit un voyage en Asie, et en profita
pour étudier les rites de ces contrées.
Après un an de séjour en Lydie , il
revint eu Grèce , et recommença
d'instruire les Athéniens. 11 mourut
dans leur ville , à l'âge de soixante-
quinze ans , comme nous l'avons
dit: il avait été souvent malade,
particulièrement de la goutte, et ne
s'était jamais marié. Tels sont les
faits les plus vraisemblables de sa
vie: nous avons cru devoir les sépa-
rer des contes que Mariuus y entre-
mêle. L'Opuscule de Marinus est
moins une notice biographique qu'u-
ne sorte de panégyrique, calqué sur
u4
PRO
le système des vertus platoniques ,
non -seulement de celles qui sont
connues sous le litre de cardinales ,
mais de celles encore que i'ecole
d'Alexandrie avait distinguées par
les noms de physiques , morales
tlie'orctiques et tbeuri^iques. Il suit
de là que la succession clirotioio-
s^ique des faits n'est pas toujours
l)ion établie dans celte Notice; et
c'est par conjecture seulement, (pie
nous avons , à l'exemple de Brucker,
placé , entre la mort de Syrianus et
celle de Proclus , le voyage de r e!ui-
ci en Asie, et son séjour en Lydie.
Du reste, les fables racontées par
IMarinus sont aussi à recueillir, par-
ce <pi'clles servent, ainsi que l'a ob-
servé le même lirucker, à expliquer
et à caractériser les doctrines de ces
philosophes. Il faut donc savoir
<pic Proclus, attaqué , dans sa jeu-
nesse , d'une maladie jugée incura-
ble,en fut guéri par Apollon, qui lui
apparut cl lui toucha la tête; qu'a-
vant de repartir de Byzance avec
Léonas , il eut des entretiens noc-
turnes avec Minerve, qui lui con-
seillait d'aller à Athtiies ; qu'il re-
tourna pourtant, quelque religieux
qu'il fût, à Alexandrie; mais que,
peu de temps après, il se souvint de
l'avis de la déesse , cl déserta les le-
çons d'Olympiodore, pour se trans-
porter auprès de Plutarque et de
Syrianus ; qu'au moment où il en-
trait dans Athènes , le portier de la
\'\\\c\m(\a: J'allais fermerles portes
si vous n étiez venu, paroles qui pré-
sageaient évidemment qu'il rétabli-
rait l'éclat de l'école socratique. Il
se préparait par des jeûnes aux ap-
paritions d'Hécate et de plusieurs
autres divinités ; il jeûnait surtout le
dernier jour de chacjue mois , et cé-
lébrait les nouvelles lunes. Il avait
imc petite sphère, au moyen de l.i-
PRO
quelle il attirait la pluie , tempérait
la chaleur, empêchait les tremble-
ments de terre , et opérait des gué-
risons miraculeuses , pour lesquelles
néanmoins il employait aussi des
liymnes et des prières. Un jour ,
avant mal au pied , il y mit un em-
plâtre qu'un oiseau vint enlever : il
comprit que c'était un heureux pré-
sage; mais il osa dcmauiler un ora-
cle plus rassurant, et pcudantson som-
meil , un dieu vint lui baiser les gc-
nouxel lui rendre la santé. Une autre
fois, sans qu'il fût malade, Dieu
lui-même se montra à ses regards,
lendit vers lui la main droite , et le
déclara, d'une voix haute et sonore,
l'honneur de la ville d'Athènes. Aus-
si arriva-t il (ju'uu personnage im-
portant, nommé Uufiu , survenant au
milieu d'une leçon de Proclus , vit
ime auréole autour de sa tête , cl se
prosterna religieusement devant lui.
Ce Kuiin lui oUVitdes trésors , qu'il
refusa; et ÎMaiinus admire ce désin-
téressement, plus cpi'il netonvicnt,
peut-être : car Proclus était né de |>a-
rents riches; Nestorius lui avait fait
un legs considérable , et son éco-
le lui rapportait beaucoup d'argent.
Brucker a relevé plusieurs autres
contradictions dans cette légende :
Proclus méprise la douleur; et dès
qu'il ressent l'indisposition la plus
légère , il a recours à des remèdes de
bonne femme, à des enchantements ,
à des formules. On le loue de son
célibat ; et l'on avoue qu'il n'observe
point ime continence parfaite. Il est
exempt de toutes les faiblesses hu-
maines , cl cependant colérique, em-
porté, insatiable de louanges. 11 n'ai-
me que la vérité, et il mêle au culte
de la mère des dieux , à celui des au-
tres divinités , les superstitions les i
])lus grossières. Mais enfin son visage
resplendit de rayons célestes , il cit
PRO
sobre , et il renoncerait à Tusafije des
viandes si Plutarqne ne lui avait con-
seille d'en user pour fortifier son tem-
pérament, et pour vivre avec plus
de sainteté : telle est, en un mot , la
vénération que ses lumières et ses
vertus inspirent , que , lorsqu'on l'en-
terre dans le tombeau de sou maître
Syrianus , toute la ville d'Athènes
assisie à ses funer.iilles , et le pro-
clame le plus heureux des mortels.
Cette Notice de IMariuus a pour second
titre UîOL h'^y.iu.o'Ax; ,{])elà félicite):
elle est destinée à montrer que le pla-
tonisme perfectionne est le souverain
bien. Elle n'avait ëte' qu'incomplc-
trtnent publiée avant l'édition que
Fabricius en donna en inoo; on
en doit à M. Boissonade , depuis
«8i4 , une édition plus correcte et
plus savante. Cette Vie fournit la clef
des doctrines professées par Pro-
clus, par ses maîtres, par ses dis-
ciples, et imaginées surtout pour être
mises en opposition au christianis-
me, dont ils étaient ennemis déclarés.
Proclus est un hiérophante pliUot
qu'un philosophe : il aspire à être le
pontife de toutes les religions de l'u-
nivers; ilchante tous lesdieux, excepté
celuides chrétiens. Il puise, le plus
I qu'il peut, dans les livres d'Homère,
d'Orphée, de Zoroastre, productions
évidemment supposées , qu'il prend
ou donne pour authentiques. Il s'effor-
ce d'y rattacher les institutions de
Pythagore, les dogmes de Platon, et
même quelques-unes des observations
I d'Aristote , et d'en composer un sys-
tème qui néanmoins demeure si con-
fus , qu'on n'a point réussi encore à
en présenter un exposé complet, clair
et méthodique. Ce qu'on y voit d'a-
bord déplus positif, c'est, comme l'a
remarqué Fréret , la résolution de
faire descendre d'îs Orphiques et non
des Égyptiens, les doctriiifis de Pytha-
PRO ii5
gore, deTimée de Locres et de Pla-
ton, Il répèle après les Orphiques ,
que le sceptre de l'univers fut d'a-
bord entre les mains de Phanès, c'est-
à-dire de Bacchus, passa dans celles
delà Nuit, puis d'Uranus, puis de
Saturne , ensuite de Jupiter, qui rè-
gne depuis qiî'ila, dit-on, détrôné
son père, mais qui sera forcé de cé-
der la place à Bacchus , premier et
dernier souverain du monde. Cette
mythologie est du moins fort claire:
il s'en faut que la métaphysique de
Proclus le soit autant. On sait que
la philosophie alexandrine fait tout
dériver d'un principe unique : en
conséquence , Proclus enseigne que
la pluralité ne saurait précéder l'u-
nité ; que l'une et l'autre n'ont pu
co m raencer d'exis ter en même tem ps ;
que l'unité est essentielle et produit
d'abord la dualité, puis toutes les plu-
ralités , le fini et l'infini. De là pro-
viennent toutes choses, par voie de
mélange : de là diverses triades, tant
réelles que rationelles : l'être , la
vie et l'intelligence ; ou bien la vie ,
l'intelligence et l'amej l'infini, le fi-
ni et la vie; ou bien l'essence, l'iden-
tité et la variété; ou bien encore la
limite , l'illimitation et le mélange :
car on rencontre çà et là ces diffé-
rentes expressions dans les livres de
Proclus , soit qu'elles répondent aux
mêmes conceptions , soit qu'elles
aient chacune un sens particulier. A
ses yeux , les idées sont des essences
pures et immortelles , subsistantes
en elles - mêmes, et non en autre
chose : leur mwlionexTprimele grand
hjménée des êtres (3); mais la subs-
tance universelle , genre de toutes
les substances , est l'être absolu , le
(3) Celte expression, et celks qu'on lira eu narac-
tiies italiques dans les lignes suivantes , sont em-
ployées par BI. De Gc'rando, dans un expose de la
doctrine de Proclus,
iî6 PRO
point culminant de tous hs ctres
réels. Fîien avant Pruclus, on avait
rccominaiulcf à l'homme de se con-
naître liii-incnic ; c'est le coininon-
ceiucnt de toute ctiidc : on s'cinpa-
riiit tic celte maxime, Proclus dit
que la parfaite connaissance de nous-
raèracs consLsle à jui^enlts facultés
jHir l'essence , et des actes par les
facultés. Il distinj;ue cinq ordres do
fonctions dans l'ame : les sensations,
puis le sentiraeiit que l'ame acquiert
d'elle-même comme unie au corps,
et comme di.stinrte de lui ; ensuite
les lumii-res supérieures par lesquel-
les elle corrii;c les notions impar-
faites; en quatrième lieu, le retour
de l'ame sur elle-même, pour consi-
dérer sa propre essence et y décou-
vrir rimaj^edu monde ;enlin ses rap-
ports avec les autres âmes quelcon-
ques. Les connaissances se divisent
aussi en cinq ordres , selon qu'elles
ont pour objet, ou les choses maté-
rielles , ou les caractères comminis
aux ubjets sensibles ; ou l'unité , au-
trement dite l'absolu, conduisant à
la recherche des causes par déduc-
tion de conséquences; ou la contem-
plation immédiate des êtres et des
essences; ou en dernier lieu , les cho-
ses supérieures à l'entendement. Cc-tte
cinquième science est la plus élevée ;
aussi prend-elle le nom d'exaltation
ou de utAx. Ce dernier progrès a
manqué,dit-oii , a plusieurs philoso-
j<hes, par exemple, à Arislotc; mais
Platon y tendait : Ainmonnis Sac-
cas , Plotin , et surtout Proclus , v
sont parvenus. Cet aperçu général
de la doctrine de ce dernier au-
teur nous dispensera d'entrer dans
un examen particulier de chacun de
ses livics. L'éuumération seule en
serait dcjà fort longue , m nous
retendions à tous ceux qui sont au-
jourd'hui perdus; ils sont au nom-
PRO
lire de plus do vingt , entre lesquels
nous ne rappellerons que des Traités
sur la mère des dieux , sur la (liéo-
logie d'Orphée , sur les oracles; des
Commentaires sur les deux poèmes
d'Homère, sur les Eni:éades do Plo-
tin, et sur le Pluvdun, le J'htvdrus
et les Lois de Platon, Les livres de
Proclus contre le christianisme ont
aussi disparu, à l'exceplion do ce
qu'en a transcrit Jean Pliilopon , en
les réfutant. Le Commentaire sur les
Harmoniques de Plolémée subsiste ;
mais il est resté manuscrit. Quant
aux ouvrages dont on a publié ou le
texte grec , ou seulement des ver-
.sions latines, ou de siuijiles ex-
traits, quelques-uns appartieinient
aux belles-lettres , la plupart à la
philosophie. Dans la première classe
se pré>entent d'abord des Hymnes
au Soleil , aux Muses , et deux à Vé-
jius, Brunck,en les insérant au tome
II de ses .4nalecta , y a joint deux
)>etites pièces, l'une de huit vers et
l'autre de quatre. Les Hymnes avaient
paru à la suite des poèmes attribués
a Orj)hee,chezles Juntes, à Florence,
en i5oo , in-4". ; chez les Aides , à
Venise, in 8". , en i *> 1 7 ; etc. Pro-
clus avait compose beaucoup d'au-
tres poésies , qui ne se retrouvent
plus. Sa Chrestomathie graramati-
calect poétique n'est coniitie([uc par
les extraits qu'en a donnés Photius.
On les a imprimés à part . avec la
Version latine d'André Schott , à
Francfort, en 090, in 4"- ; ils con-
tiennent une Notice sur la vie d'Ho-
mère,qucLéonAllatius ainséiHicdans
son livre De patrid Homeri, Lyon,
iG4(» , in-8". Ce cpii reste des Sclio-
lics de Proclus, sur le Poème des
œuvres et des jours d'Hésiode , a été
publié à Venise, in- 4",, on i537;
à Bàlc, en l544i i"-B". ; et à Ley-
dc , m-4**. , eu i6o3. En imprimant
PRO
le livre de George Charoboscns ,
sur les figures poétiques, Frédéric Mo-
rel y joignit uiieDissertationdePro-
clus sur la poésie (gr.-lat. Paris, i G 1 5,
in- 1 2 ). Le même Morel a mis au jour,
eu 1577, in-4*'. , le texte grec, sans
nom d'auteur, d'un Traité du style
e'pistolaire, que depuis, eu 1597,
Commelin a imprimé iu-8*'., sous le
nom de Libanius , avec une Version
latine : les intitulés de quelques ma-
nuscrits attribuent à Proclus cet
Opuscule , qui ne vaut guère la peine
d'être revendiqué pour lui ni pour
personne. Ses livi'es de philosophie
ont excité beaucoup plus de curiosi-
té , même ceux qui ne sont connus
que par des traductions en latin. Tel
est d'abord son Traité de la Provi-
dence , du destin et de la liberté ,
traduit,autreizième siècle, par Guil-
laume de Morbeka, etdont Fabricius
a transcrit 53 chapitresdans sa Bi-
bliothèque grecque ( t. IX, de l'édi-
tion de Harles ). C'est le premier ar-
ticle du Recueil des œuvres de Pro-
clus , que M. Cousin a entrepris , en
i8'20 , et dont il a paru quatre vo-
lumes , à Paris, chez Eberhart, iu-
8'\ Proclus, après avoir distingué
la Providence , de la destinée, distin-
gue aussi la sensibilité organique et
passive, de l'intelligence, qui s'élève
par degrés jusqu'à l'enthousiasme ;
et il ne veut pas non plus que l'on
confonde avec les notions imparfai-
tes , acquises par les sensations , ni
la science qui procède })ar analyse
ou par synthèse , ni surtout les exta-
ses ou illuminations intellectuelles ,
par lesquelles on aperçoit immédia-
tement la vérité. Intermédiaire en-
tre Dieu, qui ne choisit pas, parce
qu'il est absolument bon, et la raa-
tièrequine peut choisir, parce qu'elle
est inerte , l'homme jouit d'une li-
berté véritable, quoique limitée. Le
PRO 127
même GuillaumedeTVIorbeka a traduit
les réponses de Proclus , à dix objec-
tions ou questions sur la Providence;
opuscule dont Fabricius n'a donne
qu'un sommaire , et qui est imprimé
pour la première fois en entier dans
le tome !*='■. de l'édition de M. Cousin.
Il en est de même du traité des maux,
intitulé par le traducteur du treiziè-
me siècle : De suhsistentici malo-
rum. Selon Proclus , ce qu'on appelle
mal physique est un bien, un résultat
de l'ordre général. Le mal n'existe
ni dans les dieux ,ni dans les anges,
ni dans les démons , ni dans les hé-
ros. Il ne consiste, à l'égard des
âmes , que dans la faiblesse qui les
fait descendre vers les choses maté-
rielles. Les biens dérivent d'une cau-
se unique , nécessaire, éternelle; ils
sont réels, ils ont une hjpustase;
les maux naissent de mille causes in-
déterminées, et ne sont que des priva-
tions. On peut s'étonner que l'ortho-
doxe Guillaume de Morbeka ait aus-
si traduit l'Institution théologique de
Proclus; car, en certains articles ,
elle se rapproche beaucoup des dog-
mes d'Arius; et ce n'est point la seule
occasion où l'on remarque des res-
semblances entre l'arianisme et le
néo-platonisme. La version de Guil-
lau me est demeurée manuscrite; celle
d'Emile Portus accompagne le texte
grec dans l'édition in-folio de Ham-
bourg, en 1618; et l'on a de plus
une traduction latine de Fr. Patrizi ,
imprimée sans le texte, dès i583,à
Ferrare, in-80. L'ouvrage contient
les preuves de iii propositions,
donc la plupart sont fort obscures
ou très- inexactes. Il ne faut pas le
confondre avec une théologie plato-
nique, en six livres, qui toutefois
offre à - peu - près les mêmes idées :
c'est un tissu de vaines controverses,
auxquelles Platon n'a jamais songé ;
1^8
PRO
on y reconnaît los traces des dispu-
tes qni venaient d'agiter l'Orient , au
troisièmeetauqiialrièniesièclc. Lam-
bccius assure qu'il existe une version
manuscrite de ces livres, par le mê-
me Ijnillaume de IVIorbeka; mais ils
ont été retraduits par Emile Portus,
et ont paru ainsi en latin en même
temps qu'en grec, à Hambourg , en
i(h8 , avec l'ouvrage pre'cc'lent.
C'est dans le troisième de ces livres
que se trouve un passage sur l'arae
des l)ètes , qucBaylea discute ( Dict.'
arl. Perdra ) , et qui accorde aux
brutes , non pas une ame raisonna-
ble, mais une ame sensitive, capa-
ble de mémoire et d'imagination, f.e
comr.icntaire sur le Timée de Pla-
ton , que Proclus chérissait comme
Sun meilleur ouvrage, quoique ce lût,
à ce qu'il semble, son premier essai,
a péri en grande partie. Les cinq li-
vres qui eu restent, ^ont joints aux
OEuvrcs de Platon, dans les éditions
de I 534 et I 5()6 , in-folio. Ce com-
mentaire est fort savant : beaucoup
d'anciens auteurs y sont cités. De
tousles livres de Platon, leTimée est
celui où il a le plus développé son
système sur la nature des choses,
sur l'univers sensible et l'univers in-
telligible ; mais l'explication de Pro-
clus s'arrête au tiers de ce livre , et
V ajoute plus de difTicultés qu'elle
n'en éclaircit. Dans les deux éditions
qui viennent d'être citées , on a mis ,
à la suite de ce Commentaire, ce qui
reste des obserN'ations de Proclus
sur le Traité de la république. Son
travail sur le premier Alcibiade n'é-
taitconnu que par des extraits, et par
une version latine, très-incomplète,
de Marsile Ficin : M. Cousin vient
d'en publier le texte grec dans les to-
mes II et m de son édition de Pro-
clus. Des manuscrits de la bibliothè-
que du Roi lui ont fourni ce teste j
PRO
il a recueilli des variantes dans ceux
de Venise et de Alil.tn ; il y a joint
les extiaits latins de Marsile Fii in ,(t
ce qui se retrouve d'une version lati-
ne d'Hermann Gogava,que Lambe-
cius avait indiquée, et qui était iné-
dite. Dans sou quatrième volume,
IVI. Cousin a donné les deux premiers
livres du Commentaire de Proclus ,
sur le Parménide, d'après quatre
manusciitsde la bibliothèque royale
de Paris, avec des fragments de la
traduction latine de Gogava , tirés
de la bibliothèque de Vienne : rien
encore n'avait été publié de ce com-
mentaire, ni en grec ni en latin.
IM. Frédéric Creuzer a commencé, à
Francfort, une édition de quelques
ouvrages de Proclus; mnis ce sera
celle de M. Cousin, quand elle sera
complète . qui propagera la connais-
sance des écrits de cet auteur, et y
jettera toute la lumière, même tout
l'intérêt dont ils sont susceptibles.
La Préface générale et les Préambu-
les particuliers de chaijue article se
recommandent par une latinité élé-
gante, parmi style animé, et par une
saine érudition. Aux quatre volumes
publiés par M. Cousin , il faut join-
dre celui qu'on doit aux recher-
ches de 1\I. Boissonade , et qui a
paru à Leipzig, en i8'.>.o, in-8". ,
sous le titre d'Extraits des scholies
de Proclus sur IcCratyle de Platon,
scholies dont il n'avait été rien im-
primé jusqu'alors : le savant éditeur
lesatiréesdetroismanuscrits, l'un du
Vatican, et les deux autres de la Bi-
bliol. du Roi , tous trois peu anciens.
Les autres livres de Proclus tien-
nent aux sciences physiques et ma-
thématiques, et ne sauraient offrir
aujourd'hui aucune notion profita-
ble. Deux livres , intitulés du Mou-
vement , sont ]»rincipalement ex-
traits de la physique d'Aristotcj !
PRO
ils ont éié imprinK^s en grec , à
Baie, en i53i , in - 8". ; et avec la
version latine de Velsius, en i545 ,
in-b^. , dans la même ville ; il en
existe une traduction française par
Forcadcl,a Paris, i565. Proclus a
laisse' , sur le premier livre des Elé-
ments d'Eiiclide, des scliolies que
Barocci a traduites en latin (Padoue ,
i56o, in-fol. ); et Th. Taylov, en
anj^lais ( Londres, 1788 et 1789, 2
vol. iu-4*'« ), et dont le texte j2;rec
accompagne celui d'Euclide , dans
l'édition de Baie, in-fol. , i533, et
dans celle d'Edouard Bernard, qui
y joignit une version latine ( Voy. le
Journal des savants, i707,p, 894 )
(4). Le Traité de la sphère, de Pro-
clus ( qui n'est qu'une copie littérale
de plusieurs chapitres de Geminus ),
a paru, réuni à d'autres anciens li-
vres d'astronomie, dans le volume
in-folio , imprimé par Aide, à Veni-
se, en 1499; il a eu pour traducteurs,
en latin, Th. Linacer, Élie Vinet,
JeanLaurembcrg, M. Hopper, Jean
Bainbridge ( Londres, 1 6ao, in-4'*. ) j
en italien, Ignace Danti (Floren-
ce, ! 5'23 , in-4''. ) , et Tito Scandia-
nese ( Venise, 3 55C, in-4°. ) Son
livre des Posiùons astronomiques ,
avant de paraître en grec, àBàle, en
1540, in-4°., était connu par une
version latine de Gt^orge Valla, im-
primée in-folio, à Venise, en 1498
(5), On lui attribue de plus, un écrit
(4) Ce commentaire , divisé en quatre livres, est
d'une prolixité fatigante ; mais on y apprend plu-
sieurs choses curieuses concernant l'histriire dosnia-
tfcématujues; on y voit, par exemple, qu'Euclide est
le quatorzième, chez les Grecs, qui ait donné des
éléments de géonjétrie. D — x. E.
(5) Dans cet ouvrage , plus considérable que le
précédent , quoique assez n.édiocre, Prorlus expose
la doctrine de Ptolémee sur les parallaxes , les éclip-
ses et les orbites des pJauîtcs. Il y paraplirase la des-
cription que Ptolemée nous a laissée de hes instru-
ments. L'édition grecque, que M. l'abbc Halma vient
denous eu donner, en iSïo, avec une traduction fran-
çaise , a été faite sur les manuscrits 2363 et 23q7. de
•a bibliothèque du Roi. La traductiunlaliae, donnée
XXXVI.
PRO , 129
sur les e'cîipses, qui n'a été publié
qu'en latin, à la suite des tables as-
tronomiques de Jean Schrœtcr , à
Vienne, in-4«., i55i. Enfin l'on a
un monument de son goût pour l'as-
trologie , dans une Paraphrase du
Tétrabihle attribué à Ptolemée :
Mélanchthon a mis au jour le texte
grec de cette paraphrase, en i554,
à Bàle, in-8". Telles sont les diver-
ses productions de Proclus (6). A
considérer l'étendue de ses connais-
sances et la variété de ses travaux ,
il occupe un rang distingué dans
l'histoire littéraire du cinquième siè-
cle. Peut-être à une époque plus heu-
reuse, eût-il recueilli et répandu de
vives lumières. Il eût donné des di-
rections plus utiles à ses vastes étu-
des , à l'activité de son imagination ,
à la puissance de sa pensée. Il a ex-
cité, parmi ses contemporains, un
entliousiasme qui, depuis trente ans,
semble se renouveler en Allemagne ,
en Ecosse, et même en France. M.
Cousin l'a éloquemment loué : MM'.
De Gérando, Buhle , Tennemann ,
Tiedemann, etc., ont exposé ses
doctrines, et les ont jugées dignes
d'attention. Diderot, au contraire,
l'avait déclaré le plus fou de tous
les éclectiques ; et auparavant , le ju-
dicieux et savant Brucker n'avait
guère vu dans ses livres qu'un tissu
de visions ou d'impostures. Buri"ny,
qui a écrit ( Mém. de Vacad. des
par Valla, est fort inexacte, défigurée par des fautes
gi-ossières, et surtout par la licence qu'il a prise de
changer plusieurs passages , par exemple , lorsqu'il a
substitué à la description de l'astrolabe, qui servait
aux observations astronomiques, celle d'un autre
astrolabe , qui est une projection stéréographiquc de
la sphère céleste sur un ulau. C'est , Comme l'autre
astrolabe, une invention d'Hipparque ; et Valla nous
en ensuigne la construction d'après un ouvrage de
Philoponus, mathématicien d'Alexandrie D I, E.
(6) Ilarlescite de plus un traite des vertus mora-
les et civiles, et destacnltis de l'ame, dont on a im-
primé à liorae, en i5/(». , in-go. , non le texte , mais
une version latine, par Baphaél Mambla, compo-
sée d'extraits des livres philoso]ihiques de Proclus.
i3o
PRO
inscript, et belles- lettres, t. xx\i )
une Notice sur sa vie et sur trois de
ses ouvrages , ceu\ qu'où ne possède
que traduits en latin, par Guillaume
de Morbika, trouve que son style
est obscur ; sa manière d'écrire ,
très-confuse; ren>enible de ses li-
vres, un cImos de niaticres mal dij;é-
rées ; sa science fausse, et son sys-
tème absurde. Mais ni la scvcritè de
ses censeurs, ni le desordre de ses
propr<'S livres , ne font autant de
tort à la mémoire de Proclus, que
IMiistoire de sa vie, telle que l'a écri-
te M.iriiius , son élève et son succes-
seur : elle ne laisse en doute que
la question de savoir si les synrretis-
tc.s, depuis Ammouius Saccas jus-
qu'à Pioclus , ont été des fourbes ,
ou seulement des illuminés. D >-u.
PROCLUS (SAl^T) avait été
secrétaire de saint Jean-Chrysoslo-
mc; il fut nommé, en 4'-''^ > chè-
que lie Cyiique , et n'exerça point
celte fonction , quoiqu'il soil quali-
fié e/'i5C0^izi Crzicenus, dans l'inti-
tule de la version latine de ses Ho-
mélies. Pour récompenser son zèle
et son éloquence, on le fit archevê-
que de Constaiitiuoplc , en 434. Il a
occupé et honoré celte di{;nité jus-
qu'au Il juillet 44^1 époque de sa
mort. Tillemont , qui a écrit son his-
toire ( .Vem. ecclesiasticj. , t. xiv,
p. ^oi-nio ), préfère celte date du
la juillet à celle du i.\ octobre, jour
de la fcte de saint Proclus. Ce fut
pendaiit son épiscopat que s'inlro-
duisit l'usape de chanlcr le Trisa-
pon ; Trois fois saint). La plupart
de ses écrits ont été publics en grec
et en latin, par E'menhorsiius, à
Leyde, en 1617 , in-8'\, et moins in-
complctemcnta Rome , en i63o, in-
4°. ; en latin dans la Bibliothèque
des Pères, édition de Lyon; et en
français ( par N. Fontaine J , a la
PRO
suite de Saint Clément d'Alexandrie,
Paris, i(i(V>, in 8". Ils consistent en
vingt-une Homélies, nn Opuscule sur
la liturgie, une Épître sur la foi,
une Epître synoditpie en faveur de
saint Athanase, et quel(]nes autres
Lettres ou fragments. Léon Allatiiis
et Hichaid Simon doutent de l'au-
theiiticité de l'opuscule ou fragiuent
sur la liturgie ou la messe lîntrc
ses homélies on distingue un éloge de
saint Jean Chrvsostonie, que toute-
fois on ue possède que mnlilc , et
en langue latine ; trois Sermons
sur la fctc de Pâques ; deux sur celle
de Noël, et un sur la Sainte \ieigc,
oii l'hérésie de Neslorius est réfutée.
Des citations faites par les auteurs
des siècles suivants nous apprennent
queProcliis avait composé plusieurs
autres Discours, qui se sont perdes.
Mais les catalogues de la Hiblinlh.
Bodléienne etde Montfaiicon lui attri-
buent àlortdeseléuientsdetliéologic :
c'est la Théologie platonique de Pro-
clus Diadochus, qu'on a |)rise pour
nn ouvr.tge de l'archevèipio de Coiis-
tantinople. — H y a en pIu^i^urs au-
tres Procui's, Pruculiis ou Prorlès :
Fabriciiis en compte environ vingt-
cinq, la plupart antérieurs au phi-
losophe successeur de Syrianus.
Nous n'en indicpierons que cinq : Vax-
tychius Proclus, grammairien du
deuxième siècle, né a Sicca ,en Afri-
que, précepteur de l'empereur Arito-
uin , qui le lit proconsul. Vopiscus
el Trebi'llius Pollio font mention de
lui, cl n'apprennent que ce que nous
venons d'en dire. — Proclus, nalif
de Naucrate, professeur d'éloquence
à Athènes, élèvedu sophiste Afirien,
et maître de Philostrate, qui parle
de lui : ce Prorlus , dans ses haran-
gues, imitait Hippias et Gorgias; il
avait conservé jusqu'à l'âge de qua-
tre-vingt-dix ans, une mémoire pro-
PRa
diçicuse, supérieure à celle de Si-
monide. Il est mort dans le cours du
troisième siècle de l'ère vulj^aire. —
Pboclus, préfet de Constantinoplc,
sous Thëodose, mis à mort l'an lo
du règne de cet empereur ( 889 ). Il
avait lait élever en trente-deux jours
un obélisque dans rivppodrorae delà
ville : c'est le sujet d'inie inscri]>tiou
en vers , inséice au livre iv de l'An-
tholo<;ie grecque, et traduite en qua-
tre vers latins, |)ar lingues Grotius.
— Après le philosophe Proclus, on
trouve le PuocLus 6vîioo-/sît/;ç, que
Zonaras, Ccdrenus, el , sur leur au-
torité , Lanibecins , ont confondu
avec lui. C'est ce Proclus , inter-
prète des songes , qui brûla une
flotte de Vitalien , non avec des
miroirs, mais avec du soufre, à ce
que dit Jean IMalalas. On raconte
qu'il prédit la mort de l'empereur
Anastase. — Procope, Suidas, et,
d'après eux, Banduri, parlent d'un
Proclus, jurisconsulte sous l'empe-
reur Justin II, au sixième siècle;
une statue lui fut élevée au bas de la-
quelle se lisaienl six vers grecs, re-
cueillis au livre iv de l'Anthologie.
D— >— u.
PROCOPE, historien grec, na-
quit à Césarée, en Palestine, vers le
commencement du sixième siècle.
Après avoir professe la rhétorique
dans sa patrie, il vints'établir à Cons-
taniinople, où il donna des leçons
d'éloquence, et plaida plusieurs cau-
ses. On distingua ses talents : il fut
appelé à remplir des fonctions publi-
ques. Attaché, comme secrétaire , à
Bélisaire , il le suivit dans les guerres
d'Asie, d'Afrique et d'Italie. Pour
récompenser les services de Proco-
pe, Justinien l'auoblit par le titre
d'illustre, le fit sénateur, et enfin
préfet de Constantinoplc , en 062 ,
selon la Ghronagrapbiede Théo^ha-
PRO
i3i
nés. II paraît néanmoins avoir es-
suyé quelques disgrâces : il se plaint
d'ctrc mal payé de ses travaux; on
lui en retenait le salaire : il était mê-
me resté sans emplois durant plu-
sieurs années. Voilà tout ce qu'on
sait de sa vie; il mourut à l'âge de
plus de soixante ans, peu avant ou
peu après la fin du règne de Justi-
nien , à qui Justin-!e Jeune succéda,
en 565. Les savants modernes ont
agité les deux questions de savoir si
Procope était chrétien , et s'il a exer-
cé la médecine. Eichel et La Mothe
le Vaycr , qui le déclarent païen ,
sont obligés d'avouer qu'en plusieurs
endrdits de ses livres, et surtout de
son Traité des édifices,il parle le lan-
gage des chrétiens de son siècle;
mais ils allèguent d'autres passages,
q\ii annoncent faptotlaccédulitéd'un
idolâtre, tantôt rindiffcrcnce d'un
sceptique. C'est tirer des conséquen-
ces trop rigoureuses de quelques ex-
pressions légèrement employées, et
d'ailleurs inconciliables entre elles.
L'ensemble de ses ouvrages laisse
l'idée d'un écrivain qui professait le
christianisme, sans l'altérer même
paraucunedes hérésicsde son temps :
c'est ainsi qu'en jugent Vossius , Fa-
bricius, Harlès et Meusel ; seulement
il serait permis de penser avec Nie.
Alemanni et Guillaume Cave, que sa
croyance n'était point assez scrupu-
leuse pour lui interdire, en toute
circonstance, les opinions ou les pa-
roles qui pouvaient accidentellement
offenser les dogmes ou les pratiques
de l'Eglise. Cave dit plus : selon lui,
Procope n'était ni tout-cà fait pa'icn,
ni tout-à fait chrétien : avec les chré-
tiens, il méprisait les superstitions des
gentils ; avec les païens , i! croyait
que la vertu et la vérité pouvaient
se rencontrer encore hors du chris-
tianisme; avec les uns et les autres ,
9*-
i32 PRO
il adorait un seul Dieu , créateur de
l'univers. On a remarque daus ses li-
vres des dèlaiLs si exacts sur les ma-
ladies et sur les remèdes employés
contre elles , il a surtout si habile-
ment décrit la peste qui rava{:;ca
Couslantiuople, eu 543 , qu'on a
prétendu qu'il exerpit l'art de f,aé-
rir. Nos docteurs modernes l'unt en
quelque sorte reçu médecin : ils lui
ont cousarré des articles dans les
histoires de celte profession. Le ju-
risconsulte Tiraqueau l'a crée mé-
decin en chef de l'arracc de Bclisai-
re; Freind a pris soin d'extraire de
ses écrits tout ce qui semble annon-
cer une connaissance aprofondie de
l'art médical : à ce titre, Procope oc-
cupe une place dans le Diclionnairc
historique de la médecine, d'Kloy ;
dans r Histoire de l'anatomic et de
la chirurgie, de M. Portai ( t. i, p.
120 ), etc. Ou n'a cependant aucune
preuve positive qu'il ail exerce celte
profession ; on le voit homme de
lettres, homme d'état , homme pu-
blic , secrétaire , historien , sénateur,
préfet: qu'il ail été de plus médecin,
Fabricius, Ha ries , Tiraboschi et
bien d'autres n'en veulent rien croi-
re. Ses Œuvres consistent ce huit li-
vres historiques, \m livre d'Histoire
eecrctc , et six Discours ou livres sur
les édifices. Le premier de ces trois
ouvrages est divisé en deux parties ;
l'une intitulée Guerre des Perses;
et l'autre Guerre des Goths; cha-
cune en quatre livres. Mais il n'y a
véritablement que les deux premiers
livres qui aient pour objet les guer-
res soutenues contre les Perses, de-
puis l'an ^oS jusqu'en 553 : les
deux suivants racontent les expédi-
tions des Vandales et des Maures
tu Afrique , depuis Sçp jusqu'en
545. A l'égard des livres v , vi
et VII , ils ne concernent réellement
PRO
(juc les guerres contre les Goths,
guerres dont l'Italie lut le théâtre ,
et qui, commencées en 487, finissent,
dans Procope, à la mort de Taias,
en 5 12; le viii<^. est une sorte de
supplément général , qui embrasse
diverses matières. Ces huit livres in-
téressent par la vérité des récits , par
une peinture fidèle des mœurs de
ces nations barbares, et par l'élé-
gance du style, malgré quelques in-
corrections. Ou trouve une analyse
des deux premiers dans Photius; et
de tous les huit dans la préface de la
continuation qu'en a faite Agalhias
( f. ce nom, 1 , uHo ). Le 11'. et le
ni*, livre de la Guerre des (ioths,
servent à rectifier plusieurs détail»
doiuiés par Paul Diacre : Gaillard en
a fait cet usage dans un Mémoire
inséré parmi ceux de l'académie
des inscriptions et belles lettres (t.
xxxii). L'ouvrage de Léonard Bru-
ni d'Arezzo, mis au jour sous ce
titre : De bello ilalico adversus Go'
thos gesto libri quatuur (Koligno,
1470, iu-fol. ) , n'est, en grande
partie, qu'une traduction de Pro-
cope, que Bruni n'avait point nom-
mé , et dont il croyait possttlcr
l'unique manuscrit. Paul Jove, Là
Molhe le Vayer et d'autres critiques
ont reproché ce plagiat à Léonard
Arétin, qu'Apostolo Zeno a essayé
d'en justifier ( F". BnuM, VI , 120-
12 1). Un second ouvrage de Proco-
pe, considéré quelquefois comme le
ix*^. livre du précédent, est intitule :
Anecdotes , ou Histoire secrète. Con-
traint à beaucoup de réticences dans
ses huit premiers livres , l'auteur de'-
clare, en commençant celui-ci, qu'il
va révéler les faits qu'il a dû taire ,
et développer les causes de ceux
qu'il a pu rapporter. Craignant de
n'être pas cru quand ses récits au-
ront vieilli , il invoque le témoigna-
PRO
s;e (le ses contcmporaÏDs , dont phi-
sicurs ont vu Thcodora et Justiiiicii ,
tels qu'il va les dépeindre. Ces Mé-
moires contiennent en cil'etde terri-
bles correctifs aux e'lo;;es que Pro-
cope avait prodigues à Juslinien ; et
ce qui concerne Thëodora est d'un
tel caractère, que les éditeurs du
dix-scpticme siècle ont cru devoir en
supprimer ])lusieurs articles , pu-
bliés depuis par La Monnoye, dans
le iMenagiana. Lëvesque de La Ra-
valière ( Acad. des inscript. , t. xxi),
et Marmontel ( Préf. de Bélisaire ),
ont soutenu que Procope n'était point
l'auteur de cette production scanda-
leuse. Suidas, disent-ils , est le pre-
mier qui la lui ait attribuée, six cents
ans après le rè^^ne de Justinieu :
As;atliias au sixième siècle, et Pho-
tius au neuvième , ne l'avaient point
indiquée , en faisant mention de ses
autres écrits. On n'y veut reconnaître
ni son style, ni surtout son caractère
moral. On ajoute qu'il est peut-êrre
mort avant Justinien , qu'il lui a du
moins fort peu survécu, tandis que
l'auteur des Anecdotes semble dire
au contraire que les personnages
dont il parle ont depuis assez long-
temps cessé d'exister. La Rava-
lière conjecture que cet auteur est
l'avocat Évangèle , dépouillé d'un
domaine par Justinien, ainsi qu'on
le lit à la fin de ce livre même. Dès
le dix-septième siècle, Guyet, Eicliel,
et même La Mollie-le-Vayer avaient
élevé des doutes sur l'authenticité de
cette Histoire secrète; et l'on aime-
rait k regarder comme apocryphe ,
comme la production d'un libellistc
obscur et anonyme , un livre où Bé-
lisaire, tant préconisé ailleurs par
Procope , est presque aussi maltraité
que l'ingrat empereur dont ce géné-
ral avait défendu la cause. Cependant
il n'est pas vrai de direque personne,
PRO
i33
avant Suidas , n'ait attribué cette
con) position à Procope : il en avait
été déclaré l'auteur, non à la vérité
par Évagre , quoique Vossius l'assu-
re , mais par Eudoxie , qui vivait
et régnait au milieu du onzième siè-
cle. C'est d'ailleurs encore aujour-
d'hui l'opinion commune : elle a été
professée par Montesquieu, Gibbon
et Haiiès, de même qu'auparavant
par Nie. Alemanni, Maltret et Fabri-
cius. Unpoint surlequel on s'accorde,
c'est que ce livre si fameux fait peu
d'honneur à Procope , surtout lors-
qu'on le lit après ceux où il a ren-
du à Justinien de si magnifiques
hommages : le malheur d'avoir loué,
décrédite, sinon la satire , du moins
le satirique ; et l'on risque peu de
se tromper , en supposant que des
mécontentements personnels ont dic-
té ces palinodies. Tour - à - tour
courageux ou servile , dit Gibbon,
enivré par la faveur , ou aigri par la
disgrâce, Procope écrivait des in-
vectives après des panégyriques.
Trop d'exemples apprennent que la
contradiction la plus scandaleuse en-
tre ces deux genres d'écrits , n'est
point une raison de douter de l'au-
thenticité des uns ni des autres. La
vérité intrinsèque de cette histoire
secrète de Justinien ( V.cç nom,
xxii, i-jS-iSÔ ) ,a été l'objet d'une
contestation plus sérieuse. Thomas
Rive j Gabr. Trivor, J. Eichel ( V.
ce nom,XIÏ,59'2, SgS), La Mothe ,
le Vayer , Ludewig , Invernizzi, ont
pris la défende de l'empereur contre
l'historien. Si l'on en croit Eichel,
protestant zélé, Procope faisait sa
cour au pape, en dénigrant un prin-
ce trop peu soumis à l'autorité pon-
tificale. Nie. Alemanni, au contraire,
a prétendu que ces Anecdotes , dont il
se faisait l'éditeur, méritaient une plei-
ne croyancej et Montesquieu a donné
i34 PRO
du crédit à cette opinion. Ce grand
écrivain déclare cependant qu'il eût
e'té oatiirelleraent peu disposé à
l'adopter , parce que les éloges que
Procopea faitsde Juslinien dans ses
autres ouvraj^es , affaiblissent son
téiuoi«j;na£;e dans celui-ci , où il le
peint comme le plus stupide et le
plus cruel des tyrans : mais iijou-
te iMontesquieu , « deux choses
M font que je suis pour l'Histoire
» secrète ; la première, c'ot qu'elle
» est mieux liée avec l'élonnanic fai-
» blesse oii se trouve l'empire à
» la (in de ce rèj;ne l/autrc
» est un monument q'ii cxi.stc en-
» core les lois de cet empereur,
» où l'on voit , d.ins le cours de quel-
» qucs années, la jurisprudence va-
» fier davantage qu'elle u'a fait
» en 3oo ans.... Ce prince vendait
» également ses jugements et ses
» lois. » Gibbon aussi, tout en mé-
prisant un auteur qui se f.iit d'adula-
teur libelliste, parce qu'd se voit
frustré d'une partie des récompenses
promises a ses flatteries ; tout en
écartant des fables absurdes et de
grossières inivectives , par exemple,
que Juslinicn était un âne, un démon,
qui avait pris, comme sa femme
Ihéoflora, une ligure humaine pour
détruire le genre humain; Gibbon
admet la |)lupartdcs Anecdotts re-
cueillies par Proropc, et même les
plus lionteuscs; il les trouve prou-
vées par leur nature même , et par
des témoignages iiu(henti(pies. Quoi
qu'il en soit, ce livre ne paraît pas
complet : apparemment de nouvelles
favcursobleuiics par l'autour, l'auront
déterminé a l'interrompre. Il l'écri-
vait l'an i(i du règne de Jiistiiiien ,
c'est-à-dire en 5J3. Son Traité des
édiliresconslruiîs ou réparés sous les
auspices de cet eni[)ereur, se compo-
se de six NarralioDS, discours ou li-
PRO
vres , production fastidieuse , quoi-
qu'on en puisselouer l'exactitude. Les
huit piemicrs livres d'histoire n'a-
vaient pas pleinement satisfait l'or-
gueil du monarque; Helisaire v paraisr-
sait avec trop d'éclat : pour obtenir
une récompense, ou même un par-
don, Procope décrivit les édilices im-
périaux , et y exalta la pieté, la mu-
nificence de son prince , bien supé-
rieures , disait-il, aux vertus puéri-
les des conipiérants et des législa-
teurs pa'iens. C'est , comme nous
l'avons dit , le plus cluétien des ou-
vrages do Proeope; mais c'est aussi
celui où il se moulrele pluseourtisari.
Conrad ( iesner fa»t mention des Orai-
sonsAc Procope iiM|>rimées.i IM lien-
ce , en i538. iu-S". C'est peut-être
une Version latine des harangues,
directes et indirectes , trop fiéquen-
tes dans ses livres d'histoire, ou
bien son Traité des édifices, souvent
annoncé comme un Recueil de six
discours ou oraisons. Ouaiit aux
Kj>îtres qui lui ont été quelquefois
attribuées, elles sont de Procope de
(iaza, ainsi qu'il sera dit dans l'ar-
ticle qui suivra cclui-ri. On ne con-
naît donc de Procope deCésarée,quc
les trois ouvrages dont nous venons
de parler, et dont les prinripanx
manuscrits, les éditions et les Ira-
dtictious vont être indiijués. La Hi-
bliolhè(pic rovalc de Paris jjossède
des copies manuscrites du Traité des
édifices, et des huit livres sur les
guerres des Perses, des Vandales et
des Goths. Ces huit livres se retrou-
vent réunis aussi en des manuscrits
d'Aiigsbourg et de Rome, (^n cou-
serve des eopies ])ar!icul.ères des
quatre premiers a \ cuise et à Flo-
rence; des quatre derniers, à Flo-
rence, a Mil in , Ji rKsciiiial ; de la
Description de* édilices , a Florence
et à Aiigsfoourg. Les manuscrits de
PRO
l'Histoire secrète sont plus rares.
La bibliollièqne du Vatican en ren-
ferme un , que Baronius , quoique
prépose à ce dépôt , ne connaissait
point, puisqu'il regrette (.^/m. 548,
n". i\ ) la perte de cet ouvrage.
Les huit livres d'histoire n'ont clé
d^abord im{)rimés qu'en latin ; tra-
duits, les quatre premiers par Ra-
phaël de Volierra, les quatre autres
uar Christophe Persona , Rome ,
ijoQ, in-fol. Déjà l'on avait lu,
sans le savoir , une très-grande par-
tie de ceux qui concernent la guerre
des Golhs , dans l'ouvrage de Léo-
nard Aretin sur ce sujet. C'était en-
core en latin seulement , qu'on réim-
primait ces huit livres à Bâle, en
i53i , etavec Zosime ,en i j-jG , in-
fol. : le texte n'a paru qu'en 1607,
par les soins de David Hoeschel ( F.
ce nom , S.X , 44? ) 1 d'après divers
manuscrits, et spécialement d'après
celui d'Augsbourg, ville oîi cette
première édition a été publiée ; elle
est de format in-fol. Un court frag-
ment de ce texte avait été imprimé
à Paris , en i 579 , avec une Version
latine de Pierre Pilhou , à la tête du
Code des Visigoths. Hugues Gro-
tius, en publiant, en i055, son His-
toire des Goths , des Vandales et des
Lombards , y fit entrer une nouvelle
Traduction latine de six livres de
Procope , et de quelques extraits de
ses anecdotes. L'édition la plus com-
plète des œuvres de cet écrivain
grec, est celle du P. Maltret, en
grec et en latin , 2 vol. in-fol. , im-
primés au Louvre, en 1662 et i663,
et faisant partie de la collection des
historiens Byzantins. Elle comprend
l'Histoire secrète, dont le texte grec
avait été publié, pour la première
fois , à Lyon ( et non à Leydc ) . en
1623 , in-fol. , avec une Version la-
tine et des Notes savantes , quoique
PRO
i35
un peu partiales , de l'édtteur Nie.
Aleraanni(^. ce nom , I, ^S 1,^82).
l\ ne manque dans cette première
édition , comme dans celle de Mal-
tret et dans celle de Venise , en
1729, que les deux passages obscè-
nes insérés , en 1715, au tome pre-
mier du Menagiana. Le Traité des
édifices se trouve joint aux au-
tres ouvrages de Procope , dans
quelques-unes des éditions que nous
venons d'indiquer; savoir, dans cel-
les de i53i , de 1G07 , de i603 et
de 1 729. On a des Traductions fran-
çaises de la Guerre des Perses , par
Guill. Paradin,Lyon, i576,in-8''.,
et par Manger, Paris, iG69,in-i2;
des huit livres d'Histoires, et des
six livres des Édifices , par Martin
Fumée ( F. cenom, XVI , 182), Pa-
ris, in-fol. 1587; de divers mor-
ceaux de Procope, par le président
Cousin (X, 125, 126), dans son
Histoire de Constantinople , Paris,
iG72,in-4". et in-i2.BenedettoEgio,
de Spolète, a traduit en italien les
huit livres d'histoire , et la descrip-
tion des édifices, Venise, in -8*».,
1 544^1 1547. ^^ version anglaise
des huit premiers livres , par Hol-
croft, Londres, iG33 , in 8°. , a été
suivie, en 1674, de celle de l'His-
toire secrète , à Londres aussi , et
dans le même format. J. Paul Rein-
hardt a enrichi de Notes sa Traduc-
tion allemande des Anecdotes , Leip-
zig , 1753 , iu 8-*. Entre les Notices
modernes de la vie et des ouvrages
de Procope de Césarée, les plus éten-
dues et les plus instructives sont
celledeLa Molhe le Vayer, dans ses
Jugements sur les historiens grecs ,
et celles de Fabricius dans le tome
VI de la Bibliothèque grecque, et de
Harlès , son continuateur, dans le t.
VII de la nouvelle édition du même
ouvrage. D — rf — v.
i36
PRO
PROCOPE DE Gaza , rhéteur et
théologien grec, naquit, vers la fin du
cinquième siècle , dans la ville de la
Palestine dont le nom se joint au
sien pour le distinguer de plusieurs
autres Procopcs. Il exprimait sa pro-
fession de rhéteur, ou, comme on
disait, de sophiste , vers l'an 620 ,
sous le règne de Justin l'^<^. ; et il
prolongea sa carrière sous celui de
Justinien. On n'a point d'autres ren-
seignements sur sa vie, (juoiqu'on
possède l'Oraison funèbre où ses ta-
lents ont été cclobrés par Choricius
( ^^ ce nom , VIII , l\6 ) son dis-
ciple et son successeur. Fahricius a
publié cet Eloge dans le tome vin de
l'ancienne édition de sa Bibliothèque
grecque. Procope de Gaza avait pris
dans Homère les textes de plusieurs
Oraisons ou déclamations . qui sont
perdues, excepté deux qui ont été
publiées, l'une par Villoison, dans
ses ^necdota çprœca ; l'autre, par
Iriarte, dans le Cataloguedes manus-
crits grecs de Madrid : la première
est un éloge de l'empereur Anastase;
et la seconde , une monodie ou la-
mentation sur la ruine de l'église de
Sainte Sophie à Con«tantinopIe, ren-
versée par un tremblement de terre.
Soixante lettres du m^me Procope
se lisent , en crée , dans la collection
d'Kpîtres publiée par Aide, à Venise,
en i/joo, iu-.^".: en grec et en latin,
dans celle de Genève, in-fol. , iGoG:
mais il en existe environ soixante
autres dans des manuscrits de Ma-
drid et de Florence. ( f^riy. Bandini ,
Catal. mss. ç^rœc. Bill. Laur. 11 ,
i85 . Z~i\ , etc.) L'un drs person-
nages à qui Procope de Gaza écrit ,
s'appellf Jérôme; et Tsaac Vossius
en a voulu conclure que Procope
et^it routem])orain du docteur de
l'Église célèbre sous ce nom , et mort
en 420 : cette erreur a été réfutée
PRO
par dom Marlianay, qui se trompe
néanmoins en disant que saint Jérô-
me n'est jamais allé en Egypte ( F.
la Bibliolh. choisie de J. Leclerc ,
x.WM , I /,3-i 4t> ). Comme Procope
de Césarée a été aussi qualifié >o-
phiue , on l'a cru quehpufois l'au-
teur de ces Epîtres; mais les manus-
crits qui les contiennent portent ex-
pressément le nom de Procope de
Gaza. Les autres ouvrages de celui-
ci sont des Commentaires sur la Bi-
ble; savoir sur l'O. tateutpie, sur le
Cantique des cantiques , sur les Pro-
verbes, et sur Jsaie. On désigne par
ce nom d'Octatcuque les huit ])re-
miers livres de l'Ancieu-Tcstimc iif ;
mais, comme lub.serve Cas. Oiulin,
le terme d'heplaleuquc conviendrait
mieux , puisqu'il s'agit des cinq li-
vres de Morse et des deux suivants ,
intitulés Josué et les Juges. 11 est
vrai que Procope a laisse aussi des
scholics sur les quatre livres des
Rois , et sur les deux livres de Para-
lipomènes ; mais, à ce compte, ce
sont eu tout treize livres et non pas
huit. Les Commentaires sur les sept
premiers et sur le Cantique des can-
tiques , n'ont paru que traduits en la-
tin, par Conr. Clauser, et Harlra.
Hambcrger , à Zurich , en i 5^3 , iu-
fol.: cette version est peu estimée.
Meursius a donné en grec, ot avec la
traduction latine de Louis Lavater,
ou plutôt de Hamberger, les Scholics
sur les Rois et les Paralipomènes ,
Leyde , 1610, in-4''. , et dans le
recueil desOEuvres de Meursius, in-
fol. , tome VMi , col. 1-124. L'ex-
plication des Proverbes de Salomou
est rf'stée manuscrite, et se trouve à
la Bibliothèquedu roi à Paris; mais le
commentaire sur Isa'ic a été publié,
en grec et en latin , par J. Courtier ,
à Paris , en i58o , in - fol. Pho-
tius , en reprochant à Procope de
PRO
Gaza un peu de prolixité', loue son
savoir et sa diction , plus pure et
plus ornée, dit-il, qu'il n'appartient
à un commentateur. On cite ses tra-
vaux bibliques, comme l'un des pre-
miers exemples des recueils appele's
Chaînes^ ou des scholies plus an-
ciennement composées sont réunies
pour ne former qu'un même tissu ;
cependant Moslieim a observe, avec
raison , que Procope de Gaza n'est
point un simple compilateur; il jète
au moins dans son travail plusieurs
idées qui lui sont propres. Quoiqu'il
ait du goût pour les explications mys-
tiques , il s^attache souvent à éclair-
cir le sens littéral. Ses écrits, depuis
longtemps négligés, ne sont pas d'un
homme sans talent et sans instruc-
tion. ( Foyez les Notices qu'en ont
données G. Cave, Hist. litter. ec-
cles. 1 , 5o4 ; G. Oudin , Comment,
de Script, eccles.^ i, i372;doniCeil-
lier , Hist. des ant. ecclés. , xvi ,
3.i0; Fabricius et Harlès, Bibl. s;r.^
tome vni, 563-5^)5 , etc. ) — En-
tre les autres Procopes , au nombre
de plus de dix , on peut distinguer
Saint Procope , martyr sous Dioclé-
tien, au commencement du 4". siè-
cle; — Procope d'Edesse , préfet en
Palestine, sous Anastase i^^. , et
dont Procope de Césarée fait men-
tion dans le 5*^. livre des Edifices ;
— Procope diacre, auteur de quel-
ques panégyriques de saints , restés
manuscrits, à l'exception de celui de
saint Marc , qui a été inséré dans la
collection des Bollandistes et dans la
Bibliothèque des prédicateurs de
Combefis; — Procope prêtre, qui pa-
raît le véritable auteur d'un Traité
sur les douze apôtres et les soixante-
douze disciples de J. C. , souvent at-
tribué à Dorothée , évêque de Tyr ,
( F". Dorothée , XI , SgS ) ; — et
Procope , archevêc[ue de Césarée ,
PRO
i37
en Cappadoce, qui prit parti pour
Photius dans le concile tenu à Cons-
taiitinople, en 8nf). D — jv — u.
PROCOPE COUTEAU ( Michel
CoLTELLi, plus connu sous le nom de),
médecin, né à Paris, en 1 684, était fils
de François Procope , noble palermi-
tain, qui lepremier établit en France
un café , où se réunirent bientôt les
nouvellistes et les littérateurs (i%
Destiné d'abord à l'état ecclésiasti-
que (2), il y renonça pour étudier la
médecine, et, après avoir terminé ses
cours avec succès , reçut le doctorat
en 1708. Quoique contrefait, petit
et d'une figure peu agréable, Procope
eut le secret de se faire aimer des
femmes , qui contribuèrent beaucoup
à sa réputation. La vivacité de son
esprit, sa complaisance et son inta-
rissable gaîté, le faisaient rechercher
avec en)pressement. Il s'occupait
très-peu de médecine ; mais il fré-
quentait assidûment les spectacles ,
jugeant les pièces nouvelles , et don-
nant aux acteurs des conseils dont ils
se trouvaient fort bien. Procope fut
marié deux fois ; sa seconde femme
était une Anglaise, qui possédait une
grande fortune ; ce qui lui permit de
se livrer à son goût pour la dépense.
Par la mort de cette femme, il tomba
dans un état voisin de l'indigence ,
mais sans perdre sa gaîté : il mourut
à Chaillot le 'x i déc. 1^53. Outre plu-
sieurs Pièces de vers , insérées dans
les Journaux et les Recueils du temps ,
on a de Procope -.Arlequin Balourd,
comédie en cinq actes et en prose ,
jouée à Londres , en 1719; — V As-
semblée des Comédiens , comédie en
un acte, 1724, non imprimée. —
Avec Romagnesi , les Fées , comé-
[1^ Le café Procope devint célèbre dans le dix-
Luitième siècle; c'était le lieu oùse réuni'îsaieut les
beaux-esprits et les amateurs de la littérature.
(2) A l'âge de neuf ans il prèclia dans l'église des
Cordeliers , un sermon grec de sa comyositiou.
.33
PRO
die , 1 736; — Pypnûiion , comédie,
1741. — Avec Lagrangc, Ja Ga-
Çeure, i 7 1 1 ; — et eiifui avec Guyot
delMerville, les Deux Basiles, ou le
Boni an , comédie, 1743. On cite
encore de Procope : 1. .-inalrse du
sr-^teme de la tiiUiration , décrit
par Hecquot, dans son Traite de la
di;;csti<>n , Paris, 17 ij , in lu. C'est
une critinue assez vive de i'upiniua
de Hecquet. Le médecin Burde|;a-
raye en ay.int pris la défense , Pro-
cope lui repli'jiia par un Extrait des
beautés et des vé itéscontenuesdans
lu Piépoti^e de Borde^araye , i - 1 3 ,
in- \i. II. Lettre sur la maladie du
Boi [ a Mtti ) 174 j , in-8 '. ; crrit
contre La Peyionio. I!I. Discours
sur les mot eus d'établir une honne
intelligence entre les médecins et
les cliirurpcns , prononce aux éco-
les de médecine, le dimanche iG
janvier 174G, in - i». C'est une fa-
cctie. IV. L\-ttt de faire des gar-
çons , Montpellier ^ Paris ), sans da-
te ( 1748 ), -2 part., in - 12. Cet ou-
vrage dont on trouvera l'-irialyse
dans les Cinq Années littéraires de
CJémenl tonner., Lettres m cl v ),
contient l'examen des dillércnls sys-
tèmes sur la génération : il est écrit
d'une manière assez aj;réable. Quant
au moyen que Procope y indique,
c'est un b.idinage que Millot a eu le
tort (le preudrc au sérieux, et de dé-
velopper ilaiis VArt de procréer les
se tes à volonté { f\ Jacq. - André
Millot , XXIX, 5 » ). Giraud a pu-
blié un poèuic comique en G chants ,
intitulé : Li Procupiade ou l'Apo^
théose du docteur Procope , 1 7 j4 1
in - I i {T'\ CI.Mar. Giraud ). \V-s.
PKOCOPILS ANTHLM lus, em-
pereur d'occident, r. Amuemils,
II. -^47.
PROCOPÏUS ( Demetrius ) . na-
tif de Moscopolis , en Macédoine ,
PRO
florissait an commencement dn dix-
huitième siècle. C'était un homme
fort instruit , plein de zèle pour les
lettres , el d'amour pour sa patrie.
Il composa, dans l'année 179.0, un
excellent ouvraçe coiiiin de tous les
philologues, intitulé: E7rtTJT;tr;otivn
eTzx^jtOur.ii; , etc., c'est-à-dire, /:«//-
meiation abrégée des savants grecs
du siècle passé , et de quelques uns
du siècle présent. C'est à Fabr iciiis
que nous devons la publication de
cet ouvrage. Ce savant bibliographe
en ayant reçu une copie de Buka-
rcst , l'inséra , en 1722 , dans le i 1 '^.
volume de sa Bihl. ^np(7i.,avec une
traduction latine. Les Notices qu'il
reiifennc, au nombre de 99, sont
fort courtes, la plupart sans aucune
date , et rangées sans ordre appa-
rent. Eugenius liiilgari, savant prélat
grec , auteur d'un grand nombre
d'ouvrages ( /^. son article, XIII ,
4oi ), faisait tant de cas de celui
tie Procopius , qu'il le copia presque
tout entier lorsqu'il composa l'in-
Iroduclion de sa fameuse I^ogique,
ouvrage plein de profondeur et d'é-
rudition, écrit en grec ancien. Un
négociant grec établi à Peslli, nom-
me Zavira, homme très - instruit ,
mort il y a quelques années , a com-
posé un Suppleiiicnt a l'ouvrage de
Procopius. Ce supplément reste en-
core inédit; mais il en existe plu-
sieurs copies en Grèce. Ou dit beau-
coup de bien de ce travail. N — o.
PKOCOPOWITZ TutopuANE),
archevêque russe , né à Kiov , en
1G81, d'un marchand, fit ses études
à l'académie de celte vdle , dont son
oncle était recteur , et séjourna trois
ans à Rome, pour s'appliquer à la
théologie, à la philosophie et aux lan-
gues.De reioureii Hiissie,il futappelé
par le métropolitain de Kiov, a la
chaire de poésie. Ayant fait , en
PRO
1705 , des vœuK monastiques , il re-
çiUlcnom dcThe'ophiine, sous Icrjnel
il fut connu des -lors : les années sui-
vantes , il professa la rhétorique , la
philosophie / la métaphysique , la
morale , et même îa physique et les
mathématiques. Appelé dopuis à en-
sei;;uer la théoloj^ie , qu'il avait étu-
diée avec un esprit dilTérent de celui
des tlié()lop;iens russes , et qu'il pro-
fessait d'ailleurs avec une éloquence
remarquable, il y acquit une f;raiide ré-
putation. Oljligé, eu qualité de préfet
de l'académie , de haranguer le czar
Pierre 1^'"., lors de son passage par
Kiov en 170G, Théophane i)lutà ce
prince, qu'il loua ensuite en diverses
occasions solennelles , telles que la
victoire de Pullava, la première flot-
te russe , le retour du czar , etc. Il
prêcha plusieurs fois devant lui, l'ac-
compagna dans l'expédition contre
les Turcs; et à son retour, Pierre le
créa igoura.ine, ou abbé du monastè-
re de Bratakov, et recteur rlc l'acadé-
mie de Kiov. Théophane fut consulté
ausujet deplusieursafiairesimportan-
tes. Pierre l'cleva , en i 7 18 , au siège
cpiscopal de Pleskov et Narva ; et
deux ans après , il lui donna l'arche-
vêché de ÎVovogorod , dignité dont
Procopovvitz n'exerça les fonctions
qu'après la mort de son bienfaiteur.
Quoiqu'il fût l'un des membres les
plus distingués du clergé ru'sse, il
seconda tontes les a-ucs de Pieire
tendant à diminuer l'autorité et l'in-
fluence du sacerdoce. Il pensait d'une
manière très - indépendante sur les
matières religieuses , se montrait to-
lérant euvers les autres cultes, sur-
tout envers les protestants , et il tra-
vailla sans cesse à guérir les Busses
de leurs préjugés les plus grossiers.
Dans son Histoire ecclésiastique , il
cherche à prouver que la religion
grecque a été mêlée de dogmes étraii-
PRO
189
gerg. Il rédigea une instruction reli-
gieuse à l'usage du peuple. Les cours
qu'il avait professés, ayant été écrits
par ses auditeurs , circulaient en ma-
nuscrit dans toute la Russie. Théo-
phane était le premier orateur ecclé-
siastique que la Russie eût produit.
Ce qui a nui à l'éloquence de son sty-
le, c'est d'avoir été trop imité de
l'ancien slavon , et des divers dia-
lectes de cette langue. Ami des let-
tres, Théophane avait formé une
des plus grandes bibliothèques qu'on
eût vues dans cet empire, et qui passa
ensuite à l'université de Novogorod,
Il fit recueillir , dans les guerres dé-
vastatrices de Livonie , les collec-
tions de livres abandonnés par les
savants en fuite ; et ces trésors litté-
raires allèrent grossir les bibliothè-
ques russes. 11 réforma l'instruction
publique , et même le clergé, fonda
un séminaire à Novogorod pour cent
soixante élèves, fit traduire en russe
de bons livres étrangers , éleva de
beaux édifices, aida de ses moyens
pécuniaireslesétudiantset les maîtres
indigents. Ce fut lui qui rédigea la ré-
ponse du clergé russe, à l'exposé
que la Sorbonnc avait j)rcsenté au
czar pendant son séjour à Paris ,
pour l'engagera contribuer à l'union
des églises grecque et latine ( F".
Pierre, XXKIV, 3.56). Les impé-
ratrices Catherine et Aune lui don-
nèrent leur confiance. Occupant la
première dignité ecclésiastique en
Russie, il fut appelé à sacrer succes-
sivement trois souverains , l'impéra-
trice Catherine I^e.^ en 1724, Pierre
11, en 1728, et l'impératrice Anne, en
1 780. Il mourut le iJ septembre 1736,
Plusieurs de ses ouvrages tbéolugi-
ques furent imprimés en Allemagne,
après sa mort; ce sont : L Miscel-
Za;i(îrtiac7a,Breslau, i 745. II. Chris-
tiana orthodoxa doctrina de gralui-
i4o PRO
td peccatoris per Christum justiftca-
tione ,]]yc>\i\n, i-jGS-Oç). 111. Trac-
tatus de processione SpiritihSancti,
Gotha, i7;'.î. Il y adopte les o[ii-
uionsdes Protestants sur la justifica-
tion des pc'cheiirs. IV. Chrislianœ
orthodoxie theolosjcB , tora. i-v,
Kœnigsbcrg , 1773 , et ann. suiv.
Pour préparer les esprits à la suppres-
sion du patriarcat et aux reformes
que le czar méditait au sujet de la
juridiction ecclésiastique, Thc'oplia-
ne fit paraître un écrit intitule : Dis-
quisitio historien bi^œ qitestionum ,
etc., Pe'tersbourg, 17J11 . in-4". , où
il ])('int vivement le danger qui ré-
sulte de la trop grande autorité du
clergé lorsqu'elle n'est pas soumise
à l'autorité civile. Parmi ses au-
tres écrits , nous citerons encore un
Traité sur le mariage , réfutant l'o-
pinion alors commune des Russes ,
qui ne regardaient pas comme légi-
time le mariage d'une personne de la
religion grecque avec une personne
d'une autre religion. On a de lui des
Mémoires politiques , des écrits po-
lémiques , des pièces de vers latins ,
même des satires. C'était un esprit
universel , di^ne de seconder les
grands projets de son maître pour
la reforme de son empire encore
barbare, mais trop dévoué peut-être
aux volontés despotiques du czar.
L'explication de la singulière loi fon-
damentale par laquelle Pierrel'^''. pré-
tendit régler à sa fantaisie la succes-
sion au trône, est de Tliéophane :
elle parut en i ''l'y. , sous le titre de la
Vérilé de la volonté Souveraine .
ïl avait rédigé aus^i par ordre de
Pierre , une Ordonnance au sujet
des moines avec un Héglement pour
le clergé et le synode : elle ne fut
promulguée qu'eu 1721 , sous l'im-
pératrice Catherine. Après la mort
^ Pierre l*^"". , il publia en russe
PRO
et en latin , sous le titre de Lacrymœ
Roxolaniv , Kcval , 1726, l'oraison
funèbre et le récit de la dernière ma-
ladie de cet empereur; on l'a traduite
en français dans le Journal des sa-
vants de décembre i7>.6. Le latin,
peu étudié par le clergé russe, lui était
familier; il avait fait paraître, dans
lesdeux langues, le sermon prononcé
sur la bataille de Pultava. Voyez
V Essai de V Histoire de Now^orod
par Z,irrtAmfc, Copenhague, 177 i .
D — G.
PRODICUS, célèbre sophiste , ne
dans l'île de Céos (i , florissait en-
viron quatre cents ans avant Jésus-
Christ. 11 fut disciple de Protagoras,
qu'il égala par son éloquence. Ses
talents lui méritèrent l'estime de ses
compatriotes , qui l'envoyèrent plu-
sieurs fois en ambassade dans les
principales villes de la Grèce; et par-
tout il se fit de nombreux admira-
teurs. En arrivant à Athèi>es, il ex-
posa le sujet de sa mission dans un
discours qui , malgré les vices de
son débit, fut couvert d'applaudis-
sements tmanimcs. Profitant de la
disposition favorable des esprits , il
ouvrit , peu de temps après , une
école, où s'empressèrent d'accourir
les hommes les plus distingués. Il
visita ensuite Thèbes , Lacédémone j
et, dans ces deux, villes , il reçut de
grands honneurs. Depuis que les so-
phistes , à l'exemple de Protagoras
(2) , avaient mis un prix à leurs le-
çons , ils cherchaient mutuellement
à s'enlever leurs élèves. Prodicus ,
plus avide ou plus adroit , les efTa-
ça tous : il avait des espèces de
(i) A tiili5 nu loiilis, l'uue des (jnatre vill» do
Ceoii (aujourd'hui Z<-a.)
{■t.y Selon Gariacr ( Disserl. sur le Cralyle de
Platon , dans le» Mim. de l'nnad. dei intcr. , X\XII ,
p. 5r>f)) , ce fut Prodicm <|ni , le jirpmier, t.ixnsm
Ifron ; uiai-i rette opiuion est Cfjiitrrditc \y>iT d'au*
tre* témoi|4na{)es Don moins refpcciabirt.
PRO
courtiers charges de lui trouver des
disciples parmi les jeunes gens des
plus riches familles ; et d^ailleurs on
sait qu'il faisait payer ses leçons de-
puis deux oboles jusqu'à cinquante
drachmes, suivant leur importance
et la fortune de ses auditeurs. Il ne
parlait jamais sans préparation : or-
dinairement il écrivait ses discours
et se contentait de les réciter ; mais ,
pour se donner l'apparence de la
facilité, il avait traité tous les sujets
que les rhéteurs nomment lieux
communs ; et il partageait , même
avec Protagoras et Gorgias , l'hon-
neur de les avoir , le premier , mis
en ordre et distribués par classes.
Prodicus, d'une santé délicate, était
obligé de se ménager continuellement.
Aussi Platon feint- il qu'un jour So-
crate le trouva dans son lit , enve-
loppé d'un grand nombre de peaux
et de couvertures ( Voj. le Prota-
goras ). Xénophon nous a conservé
( Memorahil. lib. ii ) , une espèce
d'apologue de Prodicus , regardé par
les critiques comme un des mor-
ceaux les plus précieux de l'antiqui-
té : c'est Hercule entre le vice et la
vertu , figurés par deux femmes qui
tâchent , à l'envi , de l'attirer. Ce su-
jet , que le pinceau et la gravure ont
reproduit plusieurs fois, a été ifnité
par Lucien dans la pièce intitulée le
Songe. Il nous reste encore , dans
VAxlochus de Platon , l'extrait ou
l'analyse d'une harangue dans la-
quelle Prodicus se proposait de ras-
surer ses auditeurs sur la crainte
de la mort. Le style de ce sophiste
était pur , simple , noble et élégant.
Il avait fait une étude spéciale de la
véritable signification des mots , et
en avait déterminé le sens avec une
exactitude minutieuse.Outreun Trai-
té des synonymes., il avait composé
sur les différente^ parties de la Rhé-
PRO i4i
torique , divers ouvrages dont on
doit regretter la perte. Prodicus pas-
sait pour un savant consommé dans
la physique , science qui comprenait
alors toutes les choses divines et hu-
maines. Les magistrats d'Athènes en
ayant interdit l'enseignement public
comme dangereux pour la religion ,
Prodicus , ainsi que les autres so-
phistes , prit le titre fastueux de pro-
fesseur de vertu , et, pendant long-
temps, eut le secret d'échapper à ses
ennemis j mais tourné en ridicule
par Aristophane ( dans les JVuées et
les Oiseaux) , il fut enfin traduit en
justice et condamné à boire la ciguë,
comme corrupteur de la jeunesse.
La mort de Prodicus est postérieure
de quelques années à celle de Socrate,
que l'on met au rang de ses disciples :
ainsi l'on peut conjecturer que le
sophiste de Céos , mourut dans uu
âge avancé. Tout ce qu'on sait de sa
doctrine religieuse se trouve dans un
passage de Cicéron {De naturd Deo-
rum , i , 42 ) , par lequel on voit
que Prodicus pensait que la recon-
naissance des hommes avait peuplé
le ciel de toutes les choses qui leur
sont utiles. Dans des temps posté-
rieurs , on a noirci sa mémoire , en
l'accusant des plus infâmes débau-
ches ; mais Hardiou remarque qu'on
n'aperçoit ni dans Aristophane , ni
dans Platon, ni dans Xénophon,
rien qui puisse confirmer cette accu-
sation ; et il en conclut que Prodicus
pouvait bien n'avoir pas été plus
coupable à cet égard que Socrate qui,
de son vivant , essuya les mêmes re-
proches. Outre le Dict. de Bayle ,
on peut consulter la Dissertation sur
l'origine et les progrès de la rhéto-
rique dans la Grèce., par Hardion,
dans le Recueil de l'académie des
inscrip. xxi , i58 et suiv. , et celle
de G. A. Gubaeus , intitulée : Xeno-
ilii FRO
phontis Tlercules Prodicius et Siîii
Ilalici Scipiô, perpétua iiold illustra-
ti , pnrini^sd de Prodico dissertatio-
ne, Leipzig, 1707? '"-^''- W— s.
FRODHOMUS. T. Tueodoee.
PUOPERCE [SextusAvbelius
Phopertjus ) , le moins connu ,
mais non le moins célèbre des clc-
giacjnes latins , était né, suivant l'o-
pinion la plus commune, à Meva-
nia , ville d'Onibrie , aujourd'hui
Bevagua ( ducbc de Spolète ). Quel-
ques ciiliq\ies font remonter sa nais-
sance a r.ui de Roiuc ixjo : M. Schϔl
en fixe l'cpoquc , avec })Ius de vrai-
semblance, à l'an 702 , Si ans avant
J.-C. Son père, clievalier romain,
prosciit avec les restes du parti d'An-
toine, fut éj^orgc, dit-on , sur l'autel
de Jules-César ; et s'il est vrai, com-
me l'ont cru tous les biographes , que
cet ordre barbare ait été donné par
Octave, il est difllcile de pardonner
à Propercc les louanges qii'd a pro-
diguées au vainqueur, fihéritage pa-
teriK'l avait été dévoré par les guer-
res civilc>. le jeune Projierre vint à
Rome, où l'appelaient les études et
les exercices du barreau : mais , à
peine a-t-il revêtu la robe virile,
qu'une passion impérieuse vient lui
révéler qu'il est poète; et les vers
brûlants que lui inspire la courtisa-
ne Hostia , le désignent bientôt au
patronage de Mécène et a\\\ fa-
veurs de son maître. Ces faveurs n'é-
taient point désintéressées. Ccprn-
dant Properce refusa toujours d'a-
baisser l'épopée à ces adulations
qu'il laissait tomber sans scrupule
dans des élégies où le nom du trium-
vir qui fut heureux à Actiuin , n'est
presque jamais séparé de celui de
Cvulhie : c'est le nom sous lequel le
poète a immortalisé sa maîtresse.
Celte femme ne nous est connue que
par les vers de son amant; et, lors-
PRO
qu'il vante eu elle le talent de la poé-
sie ou celui du chant , il est permis
de ne pas le croire entièrement sur
parole. Des liaisons plus honorables
rem|ilirent le reste d'une vie qui fut
courte comme toutes celles qu'on
abandonne au plaisir. Tous les ri-
vaux de Properce, ïibulle, Ovide,
Gallus , le second Mécène de la cour
d'Auguste, parlagèrent avec Bassus,
Ponticus et d'autres poètes contem-
porains, l'amitié du chantre de Cyu-
thie. Kien n'erapèchede conjecturer
que la confidencedcs premiers chants
de rÉnéide ne lui fut pas refusée : la
dernière élégie du ii*'. livre est un
magnifique hommage rendu à ce
poème et au génie de Viigile. La date
delà mort de Properce a divisé les
critiques comme celle de sa naissan-
ce. La 10*^. c'égie du iv". livre des
Tristes ne permet guère de douter
qu'il n'ait survécu à Tibulle ; Ovide
y parle en termes exprès de son inti-
mité avec Pioperce, et se plaint que
les destins lui aient envié celle de son
rival, qu'il place foimellement avant
Propercc , dans l'ordre des temps:
or nous savons que les Muses pleu-
rèrent en même temps Tibulle et
Vii'srile , dont on fixe la mort à
l'an de Rome 735; il faut donc re-
culer celle de Properce jusqu'à l'an
•^42 ( l'i avant J. C. ) Ou prétend
avoir retrouvé son tombeau, en
172^ , à Spello ( i), à six milles de
Bevagna , sous une maison qu'où ap-
pelle encore la maison du poète ('2).
Nous n'avons de Properce que ses
Élégies, distribuées eu quatre livres.
Un mot de Martial , qi i les appcll
^1) L'anriptinc Tli^pellum ,\'aue dos ueiif ville*
d'< liiilirir, ijui se diij)utcut rbouiieurd'a\o!r Junue
Je jour à Proj»erce.
(•'; Vuv. Ii-i Mémoires de Trévoux ,ln:ii \' /.i , j».
8?3-4 ' , et la Dissert, de t'.-C. Couradi: Ol '■eivulio
cr tien de mpnuineiilo Properlii ^ cto. daiif U» Acta
eruditorum ,de ijaS, ]k 3t>3.
PRO
les vers delà jeunesse de Properce
(3), pourrait être invoque à l'appui
des conjectures tpi'a fait naître un
vers attribue à Properce, par Ful-
gence, et qu'on a cherche vaine-
ment dans les poésies de Tarai d'O-
vide, telles qu'elles nous sont par-
venues. Mais il ne faut pas se hâ-
ter de regarder ces conjectures coia-
me des preuves suflisantes de la
perte d'une partie des poésies de
Properce. Celles dont nous jouis-
sons suffisent à sa gloire; et bien peu
décompositions du siècle d'Auguste
sont plus dignes d'être étudiées par
les amis de l'antiquité. L'élégie , na-
turalisée à Rome par Catulle , avait
souri aux chants un ])cu a[)res de
Gallus, et surtout à la pureté des ac-
cents si vrais et si mélodieux du mé-
lancolique 'iibuUe. Propercc voulut
être le premier dans l'éiégie passion-
née. Quintilicn, qui paraît préférer
le chantre de Délie , avoue que son
rival partageait deson temps les suf-
frages; et la postérité a long-temps
hésilé entre ces deux poètes, comme
les Romains et les Grecs entre Plii-
létaset Calliraaque, comme les cri-
tiques du dernier si' de, enire deux
autres amis, dont il n^est plus per-
mis de séparer les noms de ceux de
Properce et de Tibulle : Berlin et
Parny. Aujourd'hui les rangs sont
fixés ; et la place de Properce est
marquée un peu au-dessous de Ti-
bulle, mais beaucoup plus près de
lui que d'Ovide , leur ami commun.
Son style, fort de mouvements et d'i-
mages, })lein dans sa précision, et
par sa précision même un peu obs-
cur, manque trop souvent, nous ne
dirons pas de naturel, mais de ce mol
abandon qui nous charme quand
nous lisons Tibulle. Il est vrai aue la
0) Carmen juvcnilePropei t. épigr.ï, 189,!. XIV.
PRO 143
lyre de Tibulle n'a qu''un Ion; et, si
Properce a moins de sentiment , il
est plus varié , plus riche en idées.
« Né pour la haute poésie, dit Par-
» ny , il a peine à se renfermer dans
» les bornes du genre élégiaque :
» il met trop souvent entre Cyn-
» thie et lui, tous les dieux et tous
» les héros de la fable. Ce luxe d'é-
» rudition a de l'éclat : mais il fati-
» gue et refroidit parce qu'il manque
» de vérité. L'ame, préoccupée d'un
» seul objet , se refuse à tant de sou-
» venirs étrangers: la passionne con-
» serve de mémoire que pour elle-
» même. » On a essayé de le justi-
fie:-, endisant que ces allusions conti-
nuelles à la mythologie, qui sont de
l'érudition pour nous, étaient pour
les Uomains des souvenirs de tous
les jours. Mais ceux qui savent lire
Properce ne peuvent s'empêcher de
reconnaître un peu d'ostentation dans
tonte cefte science dont il surcharge
ses élé-ies ; et l'on ne doit pas ou-
blier que le même reproche a été en-
couru par C;)llima(iue, celui de tons
les Grecs qu'il alTertait le plus de
suivre comme modèle, puisqu'il se
glorifie du titre de CalUmaque ro-
main. Le caractère même de la dic-
tion décèle fréquemment dans Pro-
perce, l'étude des poètes grecs. Sa
versification se distingue par le re-
tour presque habituerd'un mot po-
lysyllabe à la fin de ses pentamètres.
Ovide et Tibulle terminent presque
toujours leurs distiques par un ïam-
be ; et . si l'on peut s'en fier au juge-
ment d'ime oicille éliangère, ccUe
chute a bien plus de grâce et d'har-
monie. Properce a mérité un repro-
che plus grave, celui d'avoir outra-
gé plus d'une fois, dans ses Elégies ,
cette décence que Tibulle respecte
toujours. On a blâmé ce dernier dç
n'avoir pas été fidèle à àes courtisa-
i44 PRO
nés; mais Propcrcc ne nous apprend-
il pas lui-mcinc que ses vers furent
beaucoup plus fidèles à Cyutliie que
son amour? N'est-ce pas la volupté
qui le ramène sans cesse auprès d'el-
le? 11 cli.mte ses sensations plutôt
que sa maîtresse; et cette fougue ar-
dente qui le caractérise , est bien
plus dans son imagination que dans
son cœur. C'est cette ima|;inalion qui
l'entraîne à des mouvements vrai-
ment lyriques, soit lorsqu'il célèbre
les triomphes d'Auguste , soit lors-
qu'il j)rie pour CynlLie malade , ou
lorsqu'il gémit sur le naufrage de Pe-
tus , soit dans son Dithyrambe à
Bacchus (I. 3, el. 17), ou dans
l'Hymne qu'il chante à la gloire
d'Hercule èl. 9,1. 4 )• C'est enco-
re à rimagination flexible de Pro-
perce que rauticpiitc doit les deux
plus beaux modèles qu'elle nous aij^^
transmis dans l'Hèroide , celle de
Cornelie à Paulus et celle tl*Aretliu-
se à I.ycotas (3*^. et i 1"^. , I. 4 )•
L'èJilion princeps des Poésies de
Properce porte la date de février
i47'-'-» petit in-4"., sans autre dé-
signation. La seconde, en faveur de
laquelle ou a réclame la priorité
( Sexti Aurelii Propertii Elet^. , I.
IV, in-^^-idc 164 p., sans date),
paraît avoir été imprimée avec les
caractères de Th. Ferrand de Hrcs-
cia , vers i473. Le manuscrit sur
lequel avaient été faites les copies
qui ont servi à ces éditions , était
fort altéré par le temj)s. Turnèbe,
Muret , Passerai et d'autres zélés
commentateuis, se sont efforcés de
rétablir le texte primitif, encore mu-
tilé par les corrections de Scaliger.
Mais la diction du poète , hérissée
d'allusions aux traits les moins con-
nus de la Fable et d'ellipses qui ne lais-
sent presque jamais entrevoir les idées
intermédiaires dont il craint d'cm-
PRO
barrasser sa marclie, a plus d'une
fois rebuté ses admirateurs ; et c'est
peut-être le moins lu de tous les clas-
siques. Nous citerons encore l'édition
de Barth , Leipzig, 1777 , in - 8". ;
celle de Burmann , publiée par \ an
Santen , 1 780 , in - 4". •, et celle de
Kuinoel , Leipzig, i8o5, 2 vol. in-
8". Les Elégies de Properce' accom-
pagnent ordinairement les Poésies
de Catulle. Parmi ses traducteurs
en prose, nous nommerons Delong-
champs, dont la version française,
publiée en 1772, a été réimprimée,
avec des éclaircissemenlstrès utilesà
l'intelligence du texte, en i8o.>. (•.>. v.
in-8'\}; il estdillicile de vaincre plus
de dillleullés avec plus de bonheur ;
— La Houssaye, 178') ; — Piètre ,
1801. La traduction envers de Don-
ne-Baron a paru en i8i4; celle de
J.-P.-Ch. de Saint-Araand a été an-
noncée comme la pins complète en
vers français. Les Elégies de Pro •
perce, réduites à trois livres, ont
aussi été traduites en vers français,
par M. Mollcvaul de l'acarlémie des
inscriptions, qui en a donné luic se-
conde édition in-18, en iSii. Pro-
perce a fourni des traits d'une heu-
reuse imitation à André Chénicr et à
Berlin. F — t j.
PHOSPER ( Saint ) , surnommé
d'Aquitaine , pour le dislingucr de
quelques autres personnages du mê-
menoni,étaitnédans cette province,
en 4o3 , selon l'opinion la [ilus com-
mune. H s'appliqua , dès sa jeu-
nesse, à l'étude des belles-lettres et
de la poésie , et y lit de très-grands
progrès. l\ se retira dans la suite en
Provence; et l'on présume qu'il était
à Marseille , lorsque saint Augustin
adressa au clergé de cette ville les
livres de la Correction et de la Grâ-
ce. Ceî deux ouvrages ayant été cri-
tiqués amèrement par quelques ce-
I
PRO
c^ésiastiqucs , comme tendant à de-
truiie le libre arlùtre , saint Prosper
crut devoir informer l'cvêqued'Hip-
pone de ce qui se passait à Mar-
seille : il fut confirme' dans celte re-
solution par Hilairc, homme pieux
et instruit , avec lequel il s'était lie
d'une étroite amitié; et saint Augus-
tin leur repondit , en leur envoyant
les livres de la F rédestination et de
la Persévérance , qui contiennent
une réfutation solide de toutes les
objections de ses adversaires. Apres
îamort de i'évcquc d'Hippone, saint
Prosper fît , avec Hilaire , le voyage
de Rome , pour instruire le pape
des progrès des semi-pe'bigiens; et
Célestin , qui occupait alors le siège
pontifical, s'empressa de combat-
tre les nouvelles erreurs dans une
lettre dogmatique aux ëvèques des
Gaules. Cédant aux instances d'Hi-
laire , saint Prosper entreprit aussi
de réfuter une doctrine qu'il jugeait
dangereuse ; et ce fut alors qu'il
composa le Poème contre les in-
grats , c'est-à-dire contre les se'mi-
pe'lagiens, qui se montraient ingrats
envers la grâce de Jésus - Christ.
Cet ouvrage, indépendamment du
mérite du sujet , est écrit avec une
élégance et une chaleur assez remar-
quables. Sur l'invitation du pape
saint Léon-Ie-Grand, saint Prosper
revint à Rome vers l'an 440j'^t ache-
va d'écraser le pélagianisme , qui
recommençait à lever la tète dans
la capitale du monde chrétien. Plu-
sieurs auteurs assurent que saint
Léon le prit pour secrétaire ; mais
Buonamici regarde ce fait comme
inadmissible, à raison de la diffé-
rence qu'on remarque entre le style
concis et nerveux de saint Prosper,
et celui des lettres qu'on a sous le
nom de saint Léon [F". Buonamici ,
De Claris pontificiarum epistolar.
XXXVI.
PRO
t45
scriptorihiis ). La contestation qui
s'éleva ( 444 ) > touchant le jour au-
quel on doit célébrer la fête de Pâ-
ques , fournit à saint Prosper l'occa-
sion de montrer l'étendue de ses con-
naissances dans les malhématiques
et la chronologie. 11 composa même
h ce sujet un Cycle paschal de quatre-
vingt-quatre ans; mais ce curieux
monument ne nous est point parve-
nu. D'après la chroniq:ie de Mar-
cellin , on conjecture que saint Pros-
per vivait encore on 403. L'Église
célcbie sa fête le a5 juin. Les ou-
vrages de saint Prosper ont eu un
grand nombre d'éditions; les meil-
leures sont celles de Paris, 171 1, in-
ful. , pnbl. par Mangeant et Le Brun
des Maretlcs , ( et celle de Rome ,
1702, donnée par Foggini, sur la-
quelle a étéfaite celle de Paris, 1760,
ainsi qne la Traduction française ,
ibid. , 1 76'i, avec des noies.) Les sa-
vants éditeurs l'ont enrichie d'un
Index très -ample, et d'une Vie de
saint Prosper , tirée du tome xvi
des Mémoires pour servir à l'His-
toire ecclésiastique, par Tillcmont.
Elle contient : les Lettres de saint
Prosper et d'Hilaire à saint Augus-
tin et cà Rufin , avec les deux Traites
de Tévcque d'Hippone , qui servent
de réponse. — Le Poème contre les
ingrats, dont on a déjà parlé : il a été
trad. en vers franc. parLeMaistre de
Sacy, Paris, 1646; souvent réimpri-
mé; i65o , etc. , avec la trad. en pro-
se, par le même, de la lettre à Rufin.
— VEpitaphe des hérésies de Nesto-
rius et de Pelage, suivie de quelques
autres petites pièces de vers. — Plu-
sieurs Réponses aux partisans du
pélagianisme, entre autres à Cassien.
— Une partie d'un Commentaire sur
les Psaumes, abrégé de celui de
saint Augustin. — Un Eecueil de
sentences tirées des ouvrages de ce
10
liG
PUO
saint docloiir, en prose , et traduites
en vers latins ;ct enfin une Chroni-
que qui finit à l'an ^j3 { i ). Les au-
tres ouvrapcs qui font partie de cette
édit. ne peuvent point être attribues
à saint frosper d'Aquitaine, dout
les Œuvres ( anllicnti(pies) ont e'te
trad, en français par Lc([ueux , Paris,
i-di , in-iu. On peut consulter,
pour plus de détails , V Histoire lit-
téraire de la France, n, 378-406.
— Pbosper Tiro , poète que l'on a
souvent confondu avec le précèdent,
était né dans les Gaules, et peut-être
luèine dans la province d'Aquitai-
ne , vers la fin du quatrième siècle.
On conjectiire «pi'il tenait un rang
distingué dans le inonde par sa nais-
sance, par ses lidiesses, ou par les
charges qu'il exerçait. Les ouvrages
qu'on lui attribue annoncent un es-
prit très-cultivé , et un talent re-
niari]uable pour la poésie. Doin Ri-
vet , qui l'appelle un gnnd lioinme ,
regrette que l'antiquité ne nous four-
nisse pas de lumières sur un écri-
vain qui paraît avoir fait en sou
temps l'ornemcul de sou pays ( J/ist.
littér. de la France , 11 , 3i5 : il
regarde Tiro comme le véritable au-
teur de quelques ouvrages publics
avec ceux de saint Prospcr d'Aqui-
taine , entre autres du petit Poème
adressé par un mari à sa femme
(Poèma conjugi!, ad uxorcm ) , que
quelques critiques attribuent à saint
Paidin. On a , sous le nom de Tiro,
une Chronique imprimée plusieurs
fois à la suite de celle de saint Pros-
per , dont elle n'est guère qu'un
abrégé ; mais elle en dillère par j)lu-
f i) C«Ue ChroDiqHe et celle de Prosper-Tiro ont
braoconp occujic 1m s»vants. Oulrp Im antrars rite»
)>arFabriciiu ( bibl, lai. ) , et dans U BM. hiilor.
de la Franre, tom. Il , u*^. i6oo5-7 , on pont mn-
sullfr l'oarrage de Jean Vaudrr Hagcn , intilulc :
Ohiervationei in Pro.'peri Aqiutanici Chionicon in-
tt^ram ejust/ua 84 annomm cjclum , i-33 , iu-/}"-
PRO
sieurs passages qui semblent prou-
ver que l'auteur partageait les er-
reurs du sémipélagianisme. — Pros-
PiR d'Afrique , ainsi nommé du
lieu de sa naissance , floiissait éga-
lement dans le linquième siècle. Il
avait fait ses études à Caitliage. Pour
échappera la pcisécutiou des Van-
dales, il passa dans l'Italie , oii l'on
conjecture qu'il se fixa. Il est auteur
de ditiers ouvrages attribués à saint
Prosper d'Aipiitaine, cl imprimés
dans le Recueil de ses ouvres, tels
que le Traité de la vocation des
f^entils , et V Epitre à la f'iera^e
Démélriade , etc. (u) W — s.
PROSPKR-ALPIN. F. Alpini.
PROST ( Ji:aw - Ci,Aun£ ), sur-
nommé le capitaine Lacuson, né à
Longchaumois , près Saint-Claude,
a laissé, dans sou pays , une réputa-
tion qui a , pour ainsi dire, passé en
proverbe. La tradition attribue les
choses les plus extraordinaires et
les plus atroces à ce militaiic au
service d'Kspagne, qui fit la guerre
de partisan en Franche-Comté de
i635 a it)5c). Ivi terreur qu'il avait
inspirée aux habitants de la Bres-
se Jurassienne, était telle, qu'elle
avait perpétué jusqu'à nos jours
une oraison qui , assimilant La-
cuson à la fièvre, leur clcrncllc
ennemie, servait à demander à Dieu
de les préserver de ces deux fléaux.
Une enquête faite par le parlement
de Dole, sur la conduite de I^acu-
son, l'a justifié complètement des
crimes qu'on lui imputait, Kn iG58,
vingt communes , représentées cha-
cune par trois députés , des ma-
gistrats , des docteurs en droit et un
médecin , attestèrent sa générosité , > .■
ainsi que sa bravoure. Pour que l'é- |
(») V07. JtM. Antelmi , De vtrif operihns SS.pa-
tru'n Lconit M. cl Prosperi Aquitantci diiseilatio-
nes cnticct fVn'ii, i68(), iii-4''-
PRO
loge fût complet, certains juges le
louèrent même de les avoir aidés
dans l'instruction du procès de plu-
sieurs sorciers. Lacnson défenditsiic-
cessivcineiit , contre les arniëes de
Louis XIV, les principaux cliàtcaux
du premier plateau du mont Jura :
mais sa re'sidence favorite était le
manoir de Saint- Laurent-la-Roclie
( près de Lons-Ic-Saunier ; , dont les
ruines dominent les vastes plaines de
la Bresse et le duché' de Bourgogne.
C'est de là qu'il partait souvent pour
s'emparer des convois faiblement es-
cortés, et pour rançonner les petites
villes environnantes. Un monument
singulier , que l'on voit encore à Gui-
seaux , rappelle une de ses entrepri-
ses. Sur l'un des panneaux de la
boiserie en chêne de l'église parois-
siale, on l'emarque nu renard dans
une chaire , prêchant des poules
qui ouvrent un large bec : ceci,
diaprés un ancien titre et la tra-
dition , rappelle qu'un soldat de La-
cuson, déguisé en capucin, intro-
duisit, par surprise, ses compagnons
dans celte ville qu'ils pillcrent , et
dont les habitants se vengèrent par
cette allégorie. Cet aventurier mou-
rut au siège de Milan , dans les rangs
espagnols. Z.
PROST DE ROYER ( Antoine-
François ) , né à Lyon le 5 septem-
bre 1729, fils d'un avocat, fut lui-
même destiné au barreau, et, après
avoir achevé ses études dans sa pa-
trie, vint entendre, à Paris, Co-
chin et Lenormant. 11 n'avait pas
vingt ans quand il revint à Lyon, et
fut chargé de prononcer le discours
pour l'installation des nouveaux ma-
gistrats. Il se distingua bientôt dans
son état; mais, en même temps qu'il
défendait des intérêts ]n-ivés, il s'exer-
ça sur des matières d'intérêt public.
La confiance de ses- concitoyens le
PRO
147
nomma administrateur des hôpi-
taux , puis cchevin , en 1778 et
1774, et président du tribunal de
commerce. Devenu lieutenant - gé-
néral de police, en 1772, il se
montra administrateur habile et
magistrat désintéressé. Vainement
lui offrit - on un jour mille louis s'il
consentait à conserver le monopole
pour la vente du grain. 11 refusa éga-
lement une somme de vingt mille
écus, qui lui fut proposée pour qu'il
permît la vente de bleds avariés.
Cependant, alors, sa fortune avait
beaucoup soufFerl deson dévouement
au bien public. En 1780 , sa com-
mission fut révoquée ; et Prost de
Royer , rentré dans la vie privée se
chargea d'une nouvelle édition 'du
Dictionnaire des arrêts de Brillun.
Le cinquième volume était sur le
point de paraître , quand le rédac-
teur mourut , dans le besoin , le 21
septembre 1784. On ne trouva chez,
lui qu'uiic pièce de vingt-quatre sous.
M. Moulin prétend même que sa mi-
sère était extrême, et que sou bou-
langer lui refusa du pain. Lyon se
porta en masse à ses funérailles.
La ville avait tenu sur les fonts bap-
tismaux sa fille, qui fut, en con-
séquence, nommée Ljonne. Prost de
Royer était, de son temps, le seul
homme à Lyon qui connût le droit
public. Turgot en faisait beaucoup
de cas; Voltaire et le prince Henri
de Prusseluiécrivircnt: c'était l'hom-
me que la ville de Lyon présentait
aux voyageurs distingués, l'tmpe-
pereur Joseph IT , le grand - duc de
Russie, depuis Paul P». , le roi de
Suède , etc. On a de lui : I. Lettre à
monseigneur V archevêque de Lyon,
dans laquelle on traite du prêt à in-
térêt à Lyon , appelé dépôt de l'ar-
gent , Avignon (Lyon, 1763), in-
8». Le commerce de Lyon était alar-
ÏO..
iA8
PRO
me des principes que l'on répandait
sur le prêt à inlcrcl , qui était qua-
lifié d'usure. Prost de Royer prit la
plume, et traita la question sous six
rapports: i". le droit naturel; a^.
l'état des choses et les conséquences;
3*^. le droit ilivin ; 4"- les opinions
humaines, et la doctrine de ri"s;lise;
5°. ledroit civil; G", le droit civil par-
ticulier au commerce de Lyon. Des
tliéolof;icns de Lvon écrivirent , on
luèuie temps que Prost de Royer, les
uns dans le même sens (pie lui , les
antres dans un sens opposé : mais le
prêta intérêt subsista , et subsistera
lon!;-temps ; c'est l'amedu commer-
ce (t% Voltaire, àipii Prostde Royer
avait envoyé son Opusc\ile, l'en re-
mercia par une lettre très-flatteuse;
et, six ans après, il fit entrer cet écrit
dans un Recueil qu'il publia sous ce
titre : L<"'' Choses utiles et agréa-
bles [ 1 7(>()- 1770, 3 vol. in-8°. ; on
le comprit même dans les ouvrac;es
de \ «'liaire ( Xouveanx Mélanges ,
neuvième partie); mais, dans ces
deux éditions , le nom <le l'auteur est
imprime tout au lonç; . avec la i]ua-
lité de Procureur - général de la
ville de Lyon, que n'a jamais etie
Prost de Rover. Dans ces deux der-
nières éditions, on a supprim*» un
préambide de dix àcn/.e pactes. On a
que'quefuisattribiu' .1 Voltairela I.et.
tre h l' archevèijtie de Avon. M. Ersrli,
qui la comprend parmi les ouvrages
de Prost de Rover, ajotite toutefois
après , le mot supposé -. il est hors de
doute cependant, d'après les recher-
(1 ; DaDS mjeniiirrs Jiiuro la qiioti'iD a itc de
nouTrau agitée : de jiarl rt d'anirr le» rcrits ae
«ont rauJtjplic«; et le '\u\itiiA\' Ami de la religion rt
du roi V '*'^- 54^ , 54-^ I 54- ^) en n dooné une liste
fort nombreuse : nous n'indiquerons que le Pré-
tendit mystère de l'usure dévoilé , par M. l'abbé
Barttnnal , i8ia, a toI. in-S". ; et les Dmc/'a/ion»
fur le prit de commet re , par le feu cardinal de
La LuT«TD«, eo trois volumes, dont le premier a
èié publie' rn avril i8i3. Ces deux ecclésiastiques
«e dcdareut tu (avciJr du prit i intérêt.
PRO
clies que nous avons faites et les ren-
seignements obtenus en conséquen-
ce , que cette Lettre appartient à
Prost de Royer. « L'édition de i 7(x'>
porte pour siç;nature les deux lettres
D. R.;deRoyer\ll. Lettre sur l'ad-
ministrât ion municipale de /><)«,
i-G") , in- 12. 111. Mémoire sur lu
consen-ation des enfants, 1778, in-
S**. IV. De V administration des
fermes , 1782, in - 8"*. V. Diction-
naire de Jurisprudence et des arrêts,
ou Jw imprudence unis'erselle des
parlements de France et autres tri-
bunaux, par feu M. lirillon , nou-
i'clle édition , aw^mentée des ma-
tières du droit naturel, du droit des
^en5, etc., tomes iv,i78i-8 j, in/i".
On donnait cet onvrape comme mic
nouvelle e'dition de celui de Rrillon;
mais Camus a très - bien remarqué
que les deux ouvraj;es ont peu de res-
semblance. Prost de Royer avait cru
devoir prendre le titre du Diction-
naire de Rrillon, pour pouvoir, à
l'abri de ce nom , développer des
idées hardies, et qu'on l'eût em-
pêché d'émettre autrement. L'ouvra-
ge devait avoir vingt - quatre volu-
mes : il contient des articles de Lc-
trosne, Portalis et autres jurisconsul-
tes distiiijiués de cette époque. Mais
le])riiici|ial collabor.iteur él.iit Jean-
François-Armand Riolz. néà Rhodez
en mars 17 'J-i, morllc -AHiléc. 18 il.
Riolz avait même pris le litre de con-
tinuateur de Prost de Rover ; après
avoir mis au jour le cinquième vol.
qui était prêt à la mort de Prost h
de Royer , Riolz a publié un sixième, I
puis un seplif-nie volume : le dernier
motcst Assiii^nation. Baron du Soleil
a prononcé, le 3o novembre 1784,
l'éloge de Prost de Rover, imprimé
en I 785 , iii-8". M. Moulin .qui ,sous
le nom de Onuplire.a fait imprimer,
en 181 5, une Notice nécrologique ,
PRO
pour servir à l'éloge de M. J.-F.-
A. Riolz , y parte beaucoup de Piost
de Royer, et même a rais à la suite
«ne Dissertation sur le célèbre M.
Prost de Royer et le fameux Mer-
lin de Douai. M. Lemoutcy avait ,
ic premier, honoré la mémoire de
son illustre compatriote , par un ar-
ticle daté de Lyon, le i\ octobre
i'j84, et inséré dans le Journal de
Paris du 7 novembre 1784. A. B-x.
PROÏADE ( Saint ) , évêque de
Besançon , d'une famille illustre ,
était, suivant quelques critiques , lils
ou du moins très-proche parent de
Protade, maire du palais de Bour-
gogne. Il se consacra de bonne heure
au service des autels , et mérita , par
sa piétéet par ses lumières , ralïeclion
de l'évcque Nicet, qui l'admit dans
son intimité. Protade lui succéda,
vers l'an 61 2 ou 61 3, sur le siège de
Besançon : il s'attacha constamment
à maintenir la discipline dans son
diocèse, dont il bannit les simonia-
ques , et qu'il parvint à garantir des
opinions dangereuses qui infestaient
les pays voisins. Le zèle du saint
prélat étendit au loiu sa 1 éputation :
le roi Clotaire II le consultait sou-
vent; et à l'exemple de ce prince les
plus grands seigneurs avaient recours
à ses lumières. Protade, pour mettre
lin aux disputes des clercs touchant
les cérémonies, composa un Biluel ,
qui continue d'être cité sous le nom
de ce prélat, quoique les nombreux
changements qui y ont été faits dans
la suite des temps , l'fiient rendu un
ouvrage entièrement neuf : il a été
publié par Duuod dans les Preuves
de l'histoire de l'église de Besançon ,
p. xviu-Lxi ( à la suite de V Histoire
dupremier royaume de Bourgogne),
d'après un manuscrit du douzième
siècle, qui a disparu des archives de
la métropole de Besançon, ainsi qu' un
PRO 149
grand nombre d'autres monuments
précieux. Protade mourut en 61^ ,
le 10 février, jour où l'Eglise célèbre
sa fête. On conserve la plus grande
partie de ses reliques dans l'église
Saint-Pierre, où il étaitinhumé à côté
de son prédécesseur; et elles sont ex-
posées à la vénération des fidèles
dans les calamités ])ubliques. Sa Fie
par P. Fr. Ghilllet a été insérée dans
les Acta sanclorum ; et D. Rivet
lui a consacré une Notice dans V His-
toire littéraire de la France, m,
53 1 . W— s.
PROT A GORAS , célèbre so phiste ,
était né dans Abdci^e , vers l'an 488
avant J. -G., qui répond à laLxxiii^.
olympiade. On ne s'accorde point
sur le nom île son père : les uns le
nomment Méandre , d'autres Arté-
mon. L'extrême pauvreté l'avait re'-
duit , dans sa jeunesse, à faire le mé-
tier de portefaix. Un jour qu'il ap-
jiorlait à la ville une charge de bois
fort pesante, Démocriteaperçut avec
surprise que ses bûches étaient pla-
cées de manière à diminuer le poids,
ou du moins l'embarras du fardeau.
Ne pouvant croire que ce jeune hom-
me eût pu trouver lui-même cet ar-
rangement géométrique , il le pria de
délier sa charge, et de la refaire
dans la même forme. La promptitu-
de avec laquelle Protagoras répon-
dit à son désir , accrut l'élonnement
du philosophe , qui l'admit dès-lors
au nombre de ses disciples , et ne né-
gligea rien pour cultiver ses disposi-
tions. Protagoras fut bientôt en état
de se passer de ses leçons; et, après
avoir enseigné quelque temps, dans
les environs d'Abdère , la grammai-
re , qui comprenait alors la rhétori-
que , la poésie et la musique, il ou-
vrit une école dans Athènes. Son
premier soin fut de persuader aux
jeunes gens, qu'ils devaient tout quit-
i5o PRO
ter poiirs'altachcr uniquement à lui,
s'ils voulaient faire de rapides pro-
grès dans les sciences et dans la ver-
tu. Sur la foi de ses magnifiques pro-
messes on court enfouie à ses leçons.
Périclès lui - même fut curieux de
l'euteudre , et, coiuine les autres , il
fut séduit par son élocjueiice et par
la singularité de sa doctrine. Deux
choses contriljuèrent beaucoup à la
grande réputation de Protagoras : la
première c'est qu'il mit un prix à ses
l«çon$(i);eiroudutenconclure qu'il
était supérieur,! lous les autres sophis-
tes, puisfpi'il vendait très-cher cecpic
ceux - ci donnaient gratuitement. La
seconde c'est qu il ne parlait jamais
que d'une manière cuignxatique; mé-
thode qu'il tenait de Democrite son
BJ.iîlre . d'FIcra( lite surnomme ïeté-
nelireux, et de quelques autres philo-
sophes, qui s'étaient persuadés qu'on
ferait moins de cas de leur doctrine
s'iJs la rendaient trop intelligible.
<^)uoi qu'il en soit, Protagoras amas-
sa de grandes richesses : selon Pla-
ton , ce philosophe avait plus ga-
gné, lui .seul , que n'auraient pu le fai-
re Phidias et dix autres statuaires
aussi habiles. Platon, son ennemi
décbré ( V. le Dialng. intitulé Fro.
ta^oras ) , convient que ce sophiste
avait l'imagination vive et féconde ,
• me mémoire heureuse et une rare
éloquence. A ces qualités brillantes,
il joignait un espiu souple, et savait
captiver l'attention de ses auditeurs ,
ou la réveiller par qrjciques traits
inattendusque lui fournissait sa rastc
érudition : personne n'était plus ha-
bile dans l'art de discuter , dont on
le regardait comme l'inventeur, mais
qu'il avait au moins perfectionné; et
(t) M paraStqnece fut Protaeorasijrii' fit /e premier
pa>er ttaitçoua. On dit >{u'il u'exigoait |mj moiua
Je cent mines (co^'iToii ïooo fr. i de iliai iiu (!<• ,e»
PRO
il réduisait presque toujours ses ad-
versaires au silence. L'étude apro-
fondie qu'il avait faite des poètes, lui
fournissait sans cesse des exemples
et des citations; mais il les enten-
dait le plus souvent fort mal, suppo-
sant de la finesse dans leurs moin-
dres mots. D'un autre côté, Prota-
goras était vain, hardi, présomp-
tueux; il parlait de ses rivaux avec
mépris , et de lui-même avec nue
confiance qui le faisait admirer de
la multitude, mais qui déplaisait aux
gens sages. Kous avons le précis de
la doctrine de ce sophiste dans le
Ihéétcte de Platon; il en avait doiiud
lui-même le sommaire au oomiuen-
cemcntde son Traité (le lu nuture y
souscetteespcced'énigme: L'homme
est la mesure de toutes choses, de
celles qui sont en tant qu'elles sont ,
et de celles qui ne sont p-as en tant
(pi'elles ne sont pas. De ce principe ,
dont on trouvera l'explication et le
dévelojjpement dans la INutice de
Hanlion, citée à la fin de cet ailiclc,
il résultait que toutes les opinions
étaient vraies, puisque chaque hom-
me restait le juge des siennes ;qu'ain-
si tout devenait arbitraire et sujet à
la fantaisie , les lois , la vertu , le
juste et l'injuste; que l'on pouvait
par conséquent soutenir le pour et
le contre sur quelque sujet que ce fût;
et même, si l'on voulait, contester la
possibilité de disputer pour et con-
tre. Il fallait bien en ellet que l'élo-
quence de Protagoras fut très-sédui-
sante, pour qu'elle fît supporter à
ses auditeurs de pareilles absurdités,
que Platon a pris la peine assez inu-
tile de réfuter dans celui de ses Dia-
logues que l'on vient de citer. Après
avoir acquis beaucoup de renommée
et de richesses, Protagoras visita les
principales villes de la Grèce, pour
y continuer son tra&c ; il passa dans
PRO
la Sicile, où il demeura long-temps ,
et de là dans la grande Grèce. Ce fut
alors qu'à la prière des habitants de
Thuriura , il donna des lois à cette
petite republique. 11 revint enfin dans
Athènes la première année de la xc*^.
olympiade ( /\'2.o ans avant J.-C. ),
suivi d'un grand nombre d'étrangers
qu'il attirait après lui par les char-
mes de son éloquence. Peu de temps
après, ayant lu publiquement un de
ses ouvrages, dans lequel il disait
qu'il ne pouvait s'expliquer sur la
nature des Dieux, ne sachant s'il y
en avait ou s'il n'y en avait pas , il
fut dénoncé comme impie par un
nommé Pythodorus, et condamné à
mort, ou selon d'autres, au bannis-
sement. 11 s'enfuit sur une barque,
et, pendant quelques jours, erra d'île
en île; mais, surpris par une tempê-
te , il lit naufrage , et périt à l'âge de
soixante-dix ans , dont il en avait
passé quarante, dit Platon, à faire
le métier d'empoisonner les âmes.
Protagoras avait compo.sé divers
Traités sur la rhétorique, la physi-
que et la politique; mais ses ouvra-
ges, dont Fabricius rapporte les ti-
tres {Bibl. grceca, lib, ii, cap. 23 ),
furent recherchés avec le plus grand
soin, et brûlés, par l'ordre des ma-
gistrats , dans la place publique , de
sorte qu'il n'en reste aucun. Saint
; ' Clément d'Alexandrie a voulu dis-
|B culper Protagoras du reproche d'a-
théisme: tout son crime, dit-il, était
d'avoir pénétré plus avant que le
commun des hommes dans les ténè-
bres de l'idolâtrie. Les plus célèbres
disciples de ce sophiste furent Euri-
pides et Prodicus. Diogène Laërce
a écrit sa Vie; mais on consultera
plus utilement la Notice intéressan-
te de Hardion ( Dissertât, sur l'ori-
gine et les progrès de la rhétori-
fjue ) , dans le tome xv des Mémoi-
PRO
i5i
res de l'acad. des inscriptions, p.
148-159. W— s.
PROTATS (Saint), frère de S.
Gervais , suivant les actes de saint
Vital , était lils de ce dernier et de
sainte Valérie , morts martyrs vers
l'an G2 , l'un à Ravenne , l'autre à
Milan. UneÉpîtreaux évêques d'I-
talie , attribuée à saint Ambroise ,
donne , sur la vie et le martyre des
SS. Gervais et Protais, dans un style
barbare, des particularités qui ne
conviennent ni à l'esprit , ni au ca-
ractère de ce prélat , et qui ont fait
rejeter cette lettre comme apocryphe
par les Bénédictins éditeurs de ses
OEuvres. L'Épître de ce Père à Mar-
celline , sa sœur, est le seul acte au-
thentique où l'on puise quelques dé-
tails, siu- les circonstances, non delà
vie et de la mort , mais de l'exhu-
mation du corps de ces saints. D'a-
près le motif qu'Ennodius avait placé
sous Néron le martyre de saint Na-
zaire , et vu le petit nombre de vic-
times de la foi que l'église de Milan
pouvait compter , ou a cru devoir
mettre saint Gervais et saint Protais
au rang des plus anciens martyrs de
Milan. Le Ménologe des Grecs et les
Bollandistes ont suivi le même sen-
timent, (/^oj. aussi J.-Ant. Sassi,
Dissert, apologet. , Bologne, ï 709. )
Ce qui est certain , c'est qu'on avait
perdu la mémoire de ces martyrs ,
comme celle de leurs noms , quand
on découvrit leurs corps au quatrième
siècle. C'était à l'époque où l'impéra-
trice Justine , mère de Valentinien ,
persécutait, àlasuscitaliondes Ariens,
la foi catholique , et Ambroise qui la
défendait. Une nouvelle église avait
été édifiée par les soins du prélat ;
mais il desirait trouver des reliques
de martyrs pour la consacrer selon
l'usage. Une vision , rapportée par
Paulin son secrétaire et l'auteur de sa
i5a
PRO
vie, lui rdvcla, suivant saint Augus-
tin , en quel lieu étaient les reliques
des SS. Gcrvais et Protais. Un vif
prcsscntiineiit porta soudain l'évèquc
a faircfouillcr la terre devantlestom-
bcaux. des SS. Félix et Nabor. On
trouva , en eflet , dans cet endroit,
deux S(niclettes , très-grands et en-
tiers , dont les os étaient dans leur
situatiou naturelle , sauf la tèie sé-
parée du corps , avec des marques de
sang , qui annonçaient des martyrs
décapites : on ne dit pas si leurs noms
étaient inscrits sur leur tombe. Les
corps furent transportés , le jour mc-
ine, à la basilique de Faiiste, aujour-
d'iiui saint Vital, et le lendemain,
au milieu d'un grand concours de
peuple, à la basili(pie Arabrosienne.
C'est durant celte tianslation, comme
l'atteste sjint Anihroisc, et comme
le témoigiieiit Paulin et saint Augus-
tin ,«ju'ar!iva le miracle célèbre d'un
aveugle i:onnu à Milan , sous le nom
de révère , qui , ayant touché le
brancard où étaient portées les reli-
ques , recouvra la vue , et resta de-
puis attache au service de la basili-
que, comme une preuve vivante de
cet événement. Saint Ambroisc, à ce
sujet, adressa au peuple, en l'hon-
neur des martyrs , un discours sur la
foi catholique , qu'il a inséré dans la
Lettre à sa sœur. Les Arions furent
confondus malgré leurs railleries ; et
les violences exercées à leur instiga-
tions contre l'évèquc «le Milan et les
Chrétiens fidèles , s'arrêtèrent. La
fêle des deux saints est célébrée,
dans l'Église latine , le 19 juin,
jour où leur translation cul lieu ,
on 38(j , selon Tdlemont ; mais
l'Kglise grecque les lionorc au i 4 oc-
tobre, époque où elle présume <|u'ils
furentdécapités. Parmi les églises an-
ciennes établies sous leur invocation,
celle de Kome, élevée dès le cinquic-
PBO
me siècle, fut due au legs d'une da-
me romaine. Celle de Paris, sous les
mêmes noms , existait dès le temps
de Saint-Germain , vers 550. Ce fut
onze cents ans après, lors de la re-
naissance de l'art , que fut retracée,
d'après la tradition , l'histoire de
saint Gervais et de saint Protais,
dans les six tableaiix qui décoraient
la nef de cette église. Le premier,
de liCsueur , nous montre les deux
saints , suivant la lettre attribuée
à saint Ambroisc , coiuluits , par
l'ordre d'Astasius, devant la statue
de Jupiter, pour sacrifier aux idoles.
(/''. l'arlirlc LtsuLun, où est carac-
térisé ce beau tableau , dont l'estam-
pe, exécutée par Baquoy, en 1^17 ,
a fait oublier l'ancienne gravure en
thèse. ) — Le second , du beau-frère
de Lesueur, d'après l'esquisse de ce
dernier, représente, Selon la même
Épîlre, saint Gervais expirant sous
les coups de fouets plombés, (|iioi(|ue
les deux frères eussent été décapités.
— Le troisième tableau , la Vccolla-
tiuii de saint Protais, est deSébastieu
Bourdon. Ce peintre devait êlrecliar.
gé de l'exécution des six tableaux ;
mais la manière libre dont il parla
des miracles des saints (jcrvais et
Prolais fit révo<jiicr cette commis-
sion, y'oy. son article , et les Con-
iidératians sur la vie et les oin>ra-
ges de JUjunlon ( jiar Xavier Ad-
ger), in -H"., Paris, 1H18. — Les trois
autres tableaux : W'IpjxirUion des
Saints à Ambroisc, V Invention des
reliques , et leur Translation , sont
de Philippe (^hamp-igne. Des six ta-
bleaux dont les copies, en tapisse-
ries, sont restées à la même église, la
Notice du Musée en désigne (jualre,
au Louvre , deux de Chain pague , et
deux de Bourdon et de Le Sueur ,
tous dilléraut pour la vérjlé, la cou-
leur ou l'expression, (j — CE.
PRO
PROTH ou PERROT ( Jean ) , né
vers i4io , au village de Brottes ,
près de Chauraont en Rassigui , fit
ses vœux, au Val des Lcolicrs , en
i449' Envoyé aussitôt à Paris, dans
la maison de Saintc-Calherine , il
prit ses degrés en Sorbonne. Apres
avoir reçu la prêtrise, il quitta Paris,
eu 1452, pour revenir au Val des
Ecoliers, où, l'année suivante, il fut
élu prieur , d'une voix unanime. Ce
fut eu i454) T'e Proth convoqua
le chapitre général de l'ordre , et y
publia des statuts relatifs à lu réforme
de la discipline. En i456 , les défi-
nileurs lui conférèrent extraordinai-
renieut la juridiction de la maison de
vSaintc-Cathcrine , à Paris , où il se
rendit aussitôt. Reçu docteur de Sor-
buune, le i i janvier 1462, il y com-
mença , dès le lendemain , ses leçons
de théologie, qui furent îrès-applau-
dies , et lui méritèrent la protection
de Louis XI , roi de France , et de
René , roi de Sicile. Ce dernier prince
le nomma, en i 4^)9 , son confesseur,
sonaumônier et son prédicateur. C'est
dans le cours de la mcme année,
que le pape Paul II confirma au Val
des Ecoliers les privilèges que cet or-
dre avait i-eçus en i463; il l'exempta
de la juridiction desévèques, et institua
l'abbé de Saint-Germain , conserva-
teur de ces immunités. Fixé dans les
étals du roi René, Prolh mourut à
IMarseille , le 17 juillet i474- Mau-
poin, prieur de Sainte-Caîlierine ,
quoiqu'il eût eu des démêlés assez
vifs avec Proth , lui fît une épitaphe
honorable. D — b — s.
PROTOGÈNES , peintre grec , a
fleuri vers la cxii'^. olympiade , 336
ans avant Jésus-Chrisl. Cette époque
célèbre par le degré de ])erfeclion
que tous les arts atteignirent dans la
Grèce, vit briller surtout des pein-
tres qui furent sans modèles et sans
PRO 1 53
imitateurs digues de balancer leur
réputation. Cicéron range , dans cet
ordre élevé , Apeîles , Protogènes ,
INicomaque et Aëtion. Prologènes
était né a Canne , ville de Carie , sou-
mise aux Rliodiens. Suidas seul le
fait naître à Xanthe , ville de Lycie.
Ses commencements furent obscurs,
et la pauvreté les rendit sans doute
difficiles ; on ignore quel fut son maî-
tre , et la nécessité le contraignit
long-temps à s'occuper de travaux
indignes de son génie: réduit à pein-
dre les ornements des vaisseaux , il
passa cinquante années de sa vie ,
sans éclat, sans fortune, sans répu-
tation. Sa constance et ses talents
triomphèrent enfin des obstacles que
le sort semblait lui opposer ; et peut-
être la justice que lui rendit Apelles,
qui se trouvait alors au faîte de la
gloire , contribua-telle à le tirer de
son obscurité. Sachant que les ta-
bleaux de Prologènes n'étaient ni re-
cherchés , ni payés , il en acheta un ,
cinquante talents , et laissa même
croire qu'd voulait le revendre com-
me son propre ouvrage. Les com-
patriotes de Protogènes ouvrirent les
yeux sur son mérite ; et ses suc-
cès s'accrurent avec rapidité. Apelles,
étant venu à Rhodes , se rendit chez
lui, pendant qu'il était absent; et
a3'ant obtenu d'une servante de l'in-
Iruduire dans son atelier , il traça ,
sur une toile qui s'y trouvait toute
préparée, un tiait ( t ) d'une précision
remarquable, et se retira sans se faire
connaître. Protogènes, de retour, s'é-
cria qu'Apelles seul avait pu faire
une pareille esquisse : mais , sur le
(i) Ce mot a henucoup exercé les cominentiitiiiis,
(IbUtIa plupart ont cru qu'il ne s'agissait que d'une
simple ligne. M. Quatrcnière de C^uincy a fait voir
u'il fallait l'entendre il'un dessin au trait. ( Voyea
\lcm. de L'inslil. , Acad. des inscript. V, 7'=. 31cm.,
et Journ. (h;s .tur. , avril i89.3 , p. ziO, tt le MoQtt-
siit ciicycl. de 1808 , iv , i53 (t 4''7- )
i54
PRO
trait même de son rival , il essaya de
dessiner un contour plus parfait , et
recommanda qu'on le fît voir à
Apollcs . s'il revenait encore, ce qui
arriva. Celui-ci, jugeant son dessin
inférieur au trait de Protoj;cnes, pro-
fita de la place qui restait potir exé-
cuter un troisième croquis plus par-
fait encore ; et Proto£;cues , eu le
voyant, s'ccria qu'il était vaincu. 11
courut au port , chercha son émule
avec empressement ; et , de ce jour ,
l'amitié la plus étroite les unit, sans
que la rivalité de succès et de talents
leurdtrtinàt la moindre jalousie. Cet-
te toile, inémoiable par cette cir-
constance sinp;ulièrc , fut conservée
lonp- temps comme un monument
de l'amitié et des talents de ces
grands artistes ; elle fut placée par
la suite à Rome dans le palais des Cé-
sars. Pline annonce qu'on l'v voyait
avec ravissement au milieu des plus
beaux ouvrages , quniipi'd n'y pariit
que quelques traits déjà bien eflacés.
tllc péril dans l'incendie qui dévora
cet édifice et tous les clicfs-d'œuvrc
»|u'il contenait. Au surplus, ce récit a
donné lieu a de longues discussions
sur ce qu'on devait entendre par les
lignes cl les traits que Protogèiies et
Apelles avaienl ainsi tracés successi-
vement sur la nicine toile ; et nous
avouons «pie le sens dans lequel nous
avons rapi'orté cette anecdote, quoi-
que vraisemblable, peut être con-
testé , eu prenant a la lettre , les ex-
]ïrcssions du texte latin. Protogcnes,
devenu célèbre dans la Grèce , n'ou-
blia pas sa modeste origine, et se
plaisait même à la rappeler. Ayant
peint, dans les Propylées d'Athènes,
un tableau de Nausicaa , il mêla dans
les ornements de la bordure, des al-
Iribiils de vaisseaux pour désigner à-
lafois l'artiste et sou ancien métier.
Suivant quelques ciitiqucâ , il jwraît
PRO
qu'il repnîsenta, dans ce môme vesti-
bule de l'Acropolis , deux navires sa-
crés , nommés le Paraliis et Wtm-
moniuiies. 11 semble . au reste, que
le sort des ouvrages de Protogèues
fut nepréparer pour lessiècles à venir
des sujet sd'inlerinin.iblesdiscussions.
Les écrivains de l'antiquité ont cite
commeson chef-d'œuvre le tableau qui
représentait lalysus ; mais de ce la-
lysus on a fait un dieu , un héros ,
un llcuve , une ville morne, enfin un
chasseur. Quoi qu'il en soit , Proto-
gènes employa sept années;» teiniiner
ce tableau; et pour avoir l'esprit plus
libre en y travaillant , il ne prenait
qu'une nourriture très-légère, et vi-
vait de lupins cuits dans l'eau. Il
avait à peindre, dans cet ouvrage ,
un thien écuniant de fatigue et de
chaleur : vingt fois , il recommença
sa gueule béante sans pouvoir l'ex-
firimer avec vérité. Enfin le hasard
e servit au moment où , avec une
éponge , il efl'açait , de dépit , ce «pi'il
avait fait. Le même trait est attribué
à Apelles pour l'écume d'un che-
val ; et probablement l'une de ces
deux anecdotes a été copiée sur l'au-
tre. Suivant Pline, Protogènes peignit
ce tableau , avec quatre couches de
couUur , disposées de manière à ce
que l'une étant détruite par le temps,
la suivante devait reproduire l'ou-
vrage dans toute sa beauté; ce qui
]'araît également dijllcilc à com-
j)rendre. Du reste , en le voyant ,
Apelles lui - même fut muet d'ad-
miration : il s'écria enfin que le tra-
vail était merveilleux et l'ouvrage in-
comparable; mais ce qui le conso-
lait , c'est que les siens l'empor-
taient par la grâce , qui leur donnait
un mérite divin. Le tableau de la-
lysus devint l'honneur de Pdiodcs ;
et, s'il faut croire un fait rapporté
par plusieurs bistoricus avec quel-
PRO
qiws légères variations , celte ville
dut même son salut à la possession
de ce chef-d'œuvre. Demc'trius Po-
liorcètes , qui l'assiégeait, se prépa-
rant à brûler un faubourg qui lui
fermait les approches de la place ,
fut instruit que le tableau de lalysus
décorait un des édifices destines à
être livre's aux flammes ; il aima
mieux renoncer à son entreprise, que
de se faire reprocher une perte si
déplorable pour les arts. Pendant ce
siège. Protogènes habitait tranquil-
lement une petite maison placée au
milieu des lignes des assiéîreants.
tonne de sa sécurité , Dèmétrius le
fil venir , et lui demanda comment il
pouvait rester ainsi avec confiance
en-dehors des murs : « Je sais , répli-
qua Protogènes , que vous faites la
guerre aux Rhodicns , et non pas
aux arts, » Déraétrius prit à cœur île
défendre l'asile du peintre, et y mit
nu poste pour le protéger. Cette
circonstance augmenta encore la ré-
putation du tableau que Protogènes
avait peint ainsi au milieu du bruit
des armes. Pour que le contraste fût
complet , il avait pris pour sujet un
Satyre se reposant et jouant sur ses
pipeaux ; près de lui , était un fût de
colonne, sur lequel une caille s'était
posée. Elle était peinte avec tant de
goût et de vérité, que lorsque l'ou-
vrage fut exposé au regards du pu-
blic , tous les yeux se portèrent sur
la caille ; et le Satyre , quelque admi-
rable qu'il fût, n'attira ni l'attention,
ni les éloges. Bientôt des cailles pri-
vées qui se trouvaient dans ce lieu ,
vinrent becqueter celle que Proto-
gènes avait si bien peinte. Il sentit
alors qu'il avait mis trop de soin et
de perfection à ce qui ne devait être
que l'accessoire; et il effaça lui-même
cette caille, dont l'cfl'et avait été si
complet. Parmi les principaux ou-
figures
PRO i55
vragcs de Protogènes , on citait en-
core, Cidippe, Tlepolême ; Philis-
cus , auteur tragique , dans l'attiludc
d'ur) homme qui médite; un Athlète,
le roi Antigone , la mère d'Aristote ,
enfin, Alexandre, etle dieu Pan. Il pa-
raît aussi qu'il peignit à Athènes ,
dans le conseil des Cinq-cents , plu-
sieurs législateurs. Sous le règne de
Tibère , on voyait, ta Rome, des des-
sins et des es(|uisses de Protogènes ,
qu'on regardait comme des modèles
du beau idéal. Son tableau de lalysus
fut enlevé de Grèce , et placé à Rome
au temple de la Paix, où il périt
dans un incendie. Protogènes fut de
plus très - bon modeleur; et il avait
coulé plusieurs belles statues de bron-
ze. Suidas rapporte qu'il avait écrit
deux livres sur la peinture et sur les
PROTOSPATA. Foj. Lupus.'
PROUSTEAU ( Guillaume ) , j'u-
risconsulte, né à Tours, en iG'iG ,
d'un marchand , étudia sous les Jé-
suites à la Flèche , et au collège de
Louis-leGrand , fit ses cours de droit
à Poitiers et à Orléans , et se fixa
dans celte dernière ville, où il suivit
le barreau pendant quatre ans. Le
désir d'augmenter ses connaissances
en jurisprudence , le fit voyager en
Hollande , en Allemagne , en Italie et
en Espagne , où , pendant les années
16G0 et 1661 , il se mit en relation
avec la plupart des jurisconsultes
éclairés que possédaient ces diverses
contrées. De retour à Orléans, il y
obtint au concours une chaire de
droit , en 1668. Sa philosophie pra-
tique , la solidité de ses leçons , et
l'usage qu'il faisait de sa fortune,
lui procurèrent la réputation la plus
honorable. En 1709, il mérita, par
ses lajgcsses dans une disette , le
surnom de Père des pauvres. Prous-
teau était , en outre, un bibliophile
i56 PRO
t'clalrd. Il employa la succession d'un
frère, mort dans le commerce, à
l'acquisition tlcla biljliotlicqncd'llen-
ri de \ alois ; et lit imprimera Lcvde,
en iG8i , les ^otes de ce savant sur
le Lexique |j;rec d'Harpocralion , et
les Obser\ .liions de IM.uissac , notes
dont le manuscrit était tombe dans
ses mains avec les livres de l'auteur.
Eu iOi)4' Prousleau légua sa collec-
tion aux bénédictins de Bonne-Nou-
velle d'Orléans , à condition (pi'ellc
serait ouverte au public trois jours
de la semaine. Léon Mery , conser-
vateur de celte bibliothèque , en pu-
blia le catalogue en i-j'ii , Orléans,
in^". ; rcimprimcavec desadditions,
en 17';'; ( r. Fabre, XIV , -iS ). On
lit au-devant divers éloges du dona-
teur (i). Prousteau mourut d'apo-
plexie , à Orléans , le 19 mars 170.5,
saus avoir ètc marié. On a de lui :
I. V tAo^i' junèbre de Vesmahis ^
chanuined' Orléans, in-i 2 (eu latin).
II. Trois discours latins sur la Péni-
tence , Orléans, 1G80 , in-4*'. III.
/îecitativnes ad legem 23 conlrac-
tiisJJ'.deregulisjuris, ibid., j084,
in-4". Il Y réfute Sauraaisc, qu'il as-
sure s'être montré , dans son Traité
de Miiluo , plus philologue que juris-
consulte. La partie de la jurispru-
dence , dans le Catalogue précité, fait
beaucoup d'honneur à Prousteau ,
par la méthode cl l'exiictitude qui y
.ont présidé, l'oj . aussi le Catalogue
des Manuscrits de la bibliolh. d' Or-
léans , par A. Septier, 1820, iii-S".
F— T.
PROVANXHÈRES (Siméon de),
médecin , né vers i 54o , à Langrcs ,
(1) CiUc Ltl<li>,(liique coulieiit ciiTiroD a-j,ooo
vulumcs : >I. Prtit-Ra<iel ( Recherche» >ur !<•» bi-
bliuth. , ji. 353 ) en cuinptc eu France vingt-(]uatre
plu» uonibreuscs : ce qui u'ciiijjiclic pas le nouveau
Picl. hisl. crit. el biblogr. de dire qu'elle e(a<tcuD-
>idéree comme la plus nrlie n//iei celle de l'aiii ;
et c* n'e.-l (tas ta seule balourdise que reufeime l'ar-
ticle qn'il a coutacrti ik Prouste«u.
PRO
de parents aisés , alla continuer ses
éludes à Montpellier, où il reçut le
grade de docteur : il visita le L;iuguc
doc et la Provence, et vint à Paiis,
résolu de s'y fixer. Cependaut, sur
les observations de quelques amis,
il s'établit à Sens, y lit un mariage
avantiigeux, et acquit de la réputa-
tion par son habileté dans la prati-
(]ue. Des services rendus lors d'une
é|)idémic, lui niérilèrent le titre de
médecin du roi; et il fut député par
la ville de Sens aux états-généraux de
iGi 4- Kt'iiit retourné (juehiiie temps
après à Paris, il y mourut au mois
de juillet 1017. Ses restes furent
rapportés à Sens, sa patrie adopti-
ve, et inhumés à la cathédrale, où
l'on voyailson tombeau décoré d'une
é[>itaphe. Les vers que les beaux-es-
prits de la province s'empressèrent
de composer à sa louange, ont ctc
recueillis par J.-R. Aiuolph, sous
ce titie : Siineon. l'rovenclicrii tii-
iniilas à variis poëtis erecliis. Sens ,
1617, in-4". de 81 pag.; très-rare.
Ce médecin était fort instruit pour
le temps , et bon praticien , mais
mauvais observateur. On a de lui : I.
Des Traductions de la Chirurgie de
Jacq. HouUier, Paris, i57G,in-iO;
et de la Chirurgie de Fernel, enri-
chie de brièves annotations, et d'une
méthode chirurgique , Toulouse ,
1 ÔO7, in-8". II. Le Prodigieux en-
fant pétrifié de la ville de Sens ; .
avec une légèie et briève question
probIémati(pie des causes naturelles
de l'induration d'icelui , traduit du
latin ( de Jean Ailleboust (1) ) ? et
accru de l'opinion du traducteur sur
ledit problème , Sens , 1 582 , in-8". ,
fig. Il s'agit «l'un cas très-rare en
chirurgie. Un fœtus, reconnu du sexe
féminin, fut extrait du corps d'une
(1 , J. Aiileljoust , d'Aulun , inedeciu .'t Sens , de-
vint premier médecin du roi Henri III,
PRO
femme de soi5:ante-huit ans, (jui,
depuis vingt-huit, éprouvait tous les
symptômes d'une grossesse. Il est
plus que probable que nos deux ob-
servateurs prirent rossification des
parties solides de ce fœtus pour une
véritable pétrification. L'ouvrage a
été inséré dans nu recueil d'opuscu-
les : De diutwnd graviditate, Ams-
terdam, i66'2. III. Aphorismorum
J/ipjwcratis enarratiopoëtica, Wnd.j
i6o3 ,in-!^^^'. de 67 pag. A la suite de
cette traduction en vers latins des
Apborismes, Provanclières a publié
son Opinion ( en latin ) sur l'enfant
pétrifié. IV. Histoire de l'inappé-
tence d'un enfant de Vauprofonde
près Sens; de son désistement de
boire et de manger, quatre ans onze
mois, et de sa mort, ibid., 1G16,
in-S''. de 45 feuillets. Toutes les édi-
tions antérieures sont plus on moins
incomplètes ; et l'on doit joindre à
celle-ci : Cinquième discours apolo-
gétique d'un enfant de Vauprofonde,
pour les causes surnaturelles de son
inappétence, ibid., 1617 ,in-8'^. de
33 feuillets. Cet ouvrage , recherclié
des curieux , suffirait pour prouver
que l'auteur n'avait pas le talent
d'observer, puisqu'il n'a pu trouver
dans la nature une cause plausible du
phénomène qu'il avait eu sous les
yeux pendant toute sa durée. La cri-
tique que publia de cet ouvrage un
de ses confrères , caché sous le nom
à'Andro^j^ne , n'apprend également
rien; rnais les médecins liront avec
plus de fruit : Histoire véritable
non moins rare que merveilleuse
d'un enfant qui a vécu en santé , al-
lant et venant, sans boire ni man-
ger, avaler ou sucer quoi que ce soit,
l'espace de cinq ans, par Thomas
Montsainet , chirurgien, Sens, 1616,
in-8°. de 38 pag. Provanclières a
traduit eu latin les Quatrains de
PRO i57
Pibrac, in-B*^.; et il a laissé en ma-
nuscrit la Traduction de quelques
morceaux des poètes grecs, La Noti-
ce sur ce médecin, insérée dans le
Magasin encjclopédique ( an vii,
179g, tome VI , p. 47G ) , contient
quelques inexactitudes qu'on a évi-
tées dans cet article. W — s.
PROVINS ( Le p. Paciî ique de ).
Voj. Pacifique.
PROYART ( LIEVAIN-BONAVEN-
TURE ) , historien , était né , vers
1743 , dans la province d'Artois.
Après avoir achevé ses études au sé-
minaire de Saint- Louis , à Paris, il
embrassa l'état ecclésiastique, et ré-
solut de se consacrer à l'enseigne-
ment. Long-temps , il remplit les
fonctions de sous-principal au col-
lège de Louis-le-Grand ; et il fut en-
suite chargé d'orc;aniscr le collège
du Puy, qui devint bientôt , sous sa
direction , l'une des écoles les plus
florissantes du royaume. Quelques
ouvrages, publiés par l'abbé Proyart,
Tavaient déjà fait connaître d'une
manière avantageuse , quand la ré-
volution éclata. Il se réunit au petit
nombre d'écrivains restés fidèles aux
principes de la monarchie , et com-
battit avec courage les projets des
novateurs. Son zèle fut récompensé
])3r un canonicat de la cathédrale
d'Arras ; mais il en jouit peu de
temps. Condamné à la déportation
pour avoir refusé de prêter un ser-
ment qui répugnait à sa conscience,
il se retira dans les Pays - Bas , où
les malheurs et les privations de
l'exil ne ralentirent point son ardeur
pour le travail. L'abbé Proyart eut
l'honneur de complimenter , au nom
des prêtres français , l'empereur
François II , à son arrivée à Bru-
xelles ; et il reçut de ce prince les
éloges dus à sa fidélité. La guerre
l'ayant obligé de chercher un nouvel
i58
PRO
asile flans la Francoiiic , il y fut ac-
cueilli par le priucc de Holicnlolu'-
Barlenstcin , qui le uotnina sou ooii-
seiller cctlcsiastique , et le chargea
spccialcmcnl de la distribution i\es
secours aux soldats français que le
sort des combats avait rendus pri-
sonniers. 11 s'acquitta de cette mis-
sion avec un zèle admirable, bra-
vant , ainsi que les collègues qu'il
avait associes à celle œuvre de clia-
ritc , les dangers de la contagion qui
moissonnait nos mallicnreux soldats.
Le concordat , signe par le gouver-
nement français avec le Saint-Siège,
ayant permis aux ecdèsiasliques de
revoir leur patrie, l'abbè Proyart
revint en France, s'èlabUt à Saint-
Germain; et ayant mis en ordie les
nombreux matériaux qu'il avait ras-
sembles sur riiisloirc de la révolu-
tion , fit paraître l'ouvrage intitule :
Louis Xf'I et ses vertus , dont il
adressa le premierexemplaireau clii-f
du gouvernement. Maigre cette pré-
caution , l'ouvrage fut sai;>i par la
police V 17 février 1808); et l'au-
teur enferme à Bicètre, où, man-
quant de tout , pendant un hiver ri-
goureux , il ne tarda pas d'clre at-
taque d'une hydropisie de poitrine.
Ses amis , informés de sa situation ,
obtinrent , à force de démarches ,
qu'il serait transféré au séminaire
d'Arras, où il pourrait recevoir les
secours que réclamait son état. L'ab-
bé Provart, mourant, fut conduit à
Arras sous la garde d'un gendarme;
mais la voiture n'étant arrivée que
daiis la nuit, il ne put ctre remis an lieu
de sa destination. On le déposa chez
une de ses parentes; et il y expira ,
(juelques jours après , le '}/i mars
1808 , à l'âge de G5 ans. Ses obsé-
(jues furent célébrées avec toute la
pompe que permettaient les circons-
tances. Outre quelques brochnrcs qui
PRO
n'oflVent que peu d'inte'rêt, on a de
l'abbé ^royarl : L 1/ Ecolier ver-
tut'ux , ou Vie édiliante d'un écolier
de l'université de Paris ( Decalogne \
3''', édit. , 1778, et souvent irini-
primc depuis. 11. Jli^toire de Loan-
go , Aakon<;o et autres royaumes
iV.lfrique, 1776, in-i>. , avec une
carte; Irad. en allemand et en sué-
dois. 11 rédigea cet ouvrage sur les
Mémoires de MM, Belgarde et Des-
courvières , ses condisciples, alors
missionnaires dans la Cocliiiicliiiic.
La \^''. partie contient une descrip-
tion du pays et des mœurs des habi-
tants , suivie de quelques détails sur
leur langue; la u''. renlerme l'his-
toire de la mission française , de
I7(i(j à 1773. 111. La J'ie du dau-
phin , père de Louis xri , 1180,
in- li ( Voyez Louis , xxv , i/jo ).
Proyart donna aussi , pour le prix
propose par l'académie française ,
un it/y^'e du même prince. IV. La
fie du dauphin , père de Louis sr ,
1783, .1 vol. in-f), ( F. BotuGo-
GNE , V , 376 ). V. Histoire de
Stanislas , roi de Pologne , duc de
Lorraine et de Bar, 1784, '2 vol.
in-iu, ouvrage intéressant et bien
écrit : le portrait de Charles xii ,
qui termine le 3"'. livre , peut être
cité comme ihj modèle en ce genre
de composition histori(jue, \\. De
V Education publique et des mojens
d'en réaliser la léforme . projetée
dans la dernière assemblée du cierge'
de France, 1785, in-ia (i). VIL
La rie de Louis-Gabriel Dorléans
de La Motte , évêque d'Amiens ,
1788, in-l'i ( F. DORLEANS , M,
58f) ). VIII. Le Modèle des jeunes-
gens, dans la vie de Claude Le Pe-
lelier de Sousi , mort le 3 juillet
^1 tÀt •.uvrdgc ne fait ))oiiit [«ai lit Je IVUitioa
couiplcte auupDcec ii la iùi de l'articje.
PRO
i685 (-2). IX. La Fie de Mada-
me Louise de France ( Vojez
Louise , xxv , 9.62 ). X. Vie de
Marie Leczinska, reine de Fran-
ce (3) ( Foy. Marie , xxvii ,71).
XL Louis xvi , détrôné avant d'ê-
tre Roi, Londres, 1800,111-8". (4)
XIL Louis wi et ses vertus aux
prises avec la perversité de son ne-
de, Paris, 1808, 5 vol. in-80.
Ces derniers ouvrages sont utiles à
consniter, quoique moins bien écrits
que les premières productions de
l'auteur , ([ui d'ailleurs y montre
quelquefois un peu trop de cre'du-
lité. Le dernier surtout renferme
des digressions sans fin ; et près
de deux volumes y sont employés
à combattre les pbilosopîics , les
illumine's et les francs - maçons.
Les OEwres complètes de l'abbc'
Proyart ont été publiées à Paris ,
en 1822 , 17 volumes in- 8<*. On
trouve, à la tête du second volume
( le I *'■. de Louis XFIet ses vertus ) ,
une Notice sur l'auteur , dans laquelle
on lui attribue une Histoire de Ro-
bespierre , restée sans doute inédite ;
car on ne la voit indiquée dans au-
cun Catalogue. On cite encore de lui
un Eloi^e de Louis XFI, Manbeim ,
1799; Paris, i8o3; et il a donné une
(a) Cette date , constatée par le Mercure de juil-
let iG*<5, doit rectiHer Ci Ile qu'on a indiquée à l'ar-
ticle PeletiER, t. XXXIII, p. 7.77., note.
(3) L'auteur éprouva, pourrirapression deceli-
vre , lies obstacles incroyables de la part de la cen-
sure : il en rend compte , ainsi que de la diUiculté
qu'il avait rencontrée à faire imprimer et à présen-
ter au roi la Vie du Dauphin ( n°. ni ) , dans une
brochure, iutituléc : Méiuoiie assez curieux , in-i2
deic)|)ag. , qui parait dater de 1787 ou 1788, mais
qui est très-rare , et ne se trouve dans aucune édi-
tion des Otlnvres comyléles de Proyart.
(4) Cette édition , qui est l'origiuale , contient 532
pages, plus le frontispice. L'auteur ayant , sous le
gouvernement consulaire demandé à rentrer eu Fran-
ce, on ne lui en accorda, dit-on, la permission, qu'au-
tant qu'il ferait des retranchements à son livre. Ce
fut alors que parut l'édition de Paris, i8o3 ,in-8".,
sur le frontispice de laquelle on lit ; Seule avouée
par V auteur, A. 13 — T.
PRO
159
e'dition de V Histoire abrégée deV E-
f^Z/5e,par Lhornond, continuée jus-
qu'au concordat de Pie VII , Lyon ,
180G, in -12. W — s.
PRUDENCE {AuRELius Pru-
DENTJUS Clemens), poètc chré-
tien , né l'an 348 , dans la pro-
vince ïarragonaise , en Espagne ,
reçut une éducation soignée, et s'ap-
pliqua surtout à la culture des let-
tres et de la poésie. Dans sa jeunesse,
il exerça la profession d'avocat, et
fut ensuite nommé juge , ou , selon
Tillemont, gouverneur de quelques
villes. II quitta la toge pour les armes,
et \int à la cour de l'empereur Ho-
norius , qui le revêtit d'une charge
honorable; mais c'est par erreur que
quelques écrivains supposent qu'il fut
crééconsul.Loin d'augmenter sa for-
tune dans ces emplois, il l'avait beau-
coup diminuée par ses largesses ; et
d'injustes procès que lui suscitèrent
ses ennemis , le dépouillèrent de la
plus grande partie de ce qui lui restait.
Le malheur n'abatîit point son cou-
rage ; et s'il regretta sa fortune, c'é-
tait pour la partager avec les pauvres.
Des motifs, qu'on n'a pu deviner,
l'obligèrent de recourir à la protec-
tion de l'empereur: il fit le voyage de
Rome , en 407 (suivant Tillemont),
et j)rofita de son séjour dans la ca-
pitale du monde chrétien pour visi-
ter les tombeaux des saints martyrs.
Dès qu'il eut terminé ses alTaires, il
rentra dans la solitude qu'il s'était
choisie eu Espagne : il y passa le
reste de sa vie dans la prière, la
pratique des actes de piété et la cul-
ture des lettres ; mais on ignore l'c-
poque de sa mort. Dans sa jeunesse ,
il avait partagé les excès et les dérè-
glements qui sont l'écueil de cet âge;
mais il reconnut enfin les erreurs de
sa conduite , et les expia par un re-
pentir sincère. Il nous apprend qu'il
i6o
PRU
avait cinqiiantc-scpt ans , quand il
j)rit la résolution de ne plus exercer
que sur des sujets chrelicns son ta-
lent pour la poésie. Tillemout croit
que Prudence avait déjà publie les
deux lii'res contre Synim.ique , dans
lesquels il combat , avec un {;entrcnx
courage , son projet de relever l'autel
de la Victoire , détruit par (iratieu ,
et réclame l'abolition des specta-
cles de gladiateurs, qui paraissent ,
on ellet , avoir êlc supprimes dès
l'aunee 4^3 ( i \ Dos caiiti>pics ,
des hvmnes, et la réfutation des hé-
résies de sou temps, composent les
autres ouvrages de Prudence , qui
portent tous des titres grecs. Il a
rcnni, sons ce\m àc Cal lie m eri non ,
des prières pour les dillèrcntes par-
ties lie la journcc , et des hymnes ,
dont rR;;lisc a consacre quelques-imes
dans ses OllJces. Le livre intitule
Jpolhensis renferme diverses pièces
contre autant <le sectes d'herelicpies ;
celui qui a pour titre , J/iiinarlipe-
nia , c'cst-a-iiire , de l'origine des
pèches, contient la rcfulalion des
erreurs des Marcionites ( /'. Mar-
cioN ). Le Feristephanon , c'est-à-
dire Des couronnes , est un Recueil
d"li\niiies à la louange des martyrs,
et priui ipaleinentdeceuxd'Kspagne.
La Psycfiomachia , ou le combat de
l'anic , e>l la description des assauts
que noi s livrent les passions ; et en-
Iju le Vitlochaion ou le manuel , est
un recueil de traits tires de l'Ancien
et du Nouveau Testament, exprimés
en autant de quatrains, (iennadc, qui
cite ce dernier ouvrage parmi ceux
que l'on doit .a Prudence, lui en at-
tribue encore doux qui sont perdus :
une Exhortation cin martyre; et, sous
le ûlrc iV I/exameron , un commen-
taire sur les premiers chapitres de la
'i' r)"»nr<-» le» <-alruI§ ilr 1 i!li-nionl , Prudence
PRU
(icnèse.Jean Leclerc ( Biblioth. uni-
i'erselle , tome xii \ et Bayle( Dirt.
historique), reprochent à Prudence
d'avoir avance (pielques opinions qui
ne sont point orthodoxes : mais on
doit l'excuser de s'être trompe dans
des matières doiit il n'avait pas l'ail
une élude aprofondie ; et d'ailleurs il
est im|)ossil.le de douter de la sincé-
rité de sa foi. Quelques critiques trou-
vent son style un peu rude, et relè-
vent plusieurs fautes qu'il a com-
mises contre la prosodie : mais tous
conviennent que ses dillérentes com-
positions respirent un véritable en-
thousiasme , et qu'aucun poète chré-
tien n'a montré plus de connaissances
dans l'histoire et les aiiti(piités. Il
existe un Ires-grand nombre d'édi-
tions des poésies do Prudence. Le
savant Fabricins en a publié la liste
avec son exactitude ordinaire, dans
la Jjihl. lalina et dans la llihl. mcd.
et infiuid' lutinilatis. On se bornera
donc à citer ici les principales. La
première est un petit iu-4". golh. de
i<)(j feuillets, sans date et sans nom
d'imprimeur, mais que l'on croit sor-
tie des presses de Uich, PafTroed, à
Deventer, vers i49^ [fAc Manuel
du libraire , par M. Brunet ) {'x). Les
OKuvresde Prudence font partie des
Pdfliv christinni , iiuprim. par les
Allies , à Venise l'ioi - u ; mais la
prétendue édition que l'on veut que
ces habiles typographes en aient don-
né , en I J 1 b , iii-8". , annoncée avec
afTcctation dans le Catalogne Fosca-
rini , n'est qu'une édition lyonnaise
sans date, qui doit avoir été im-
primée vers 1J02. Parmi les édi-
tions postérieures , les curieux re-
cherchent surtout les suivantes :
(i', J^e Rrcnril «l'hymn»» inliluli- , Cnihemerinon ,
» fil- impi iiiii- tejwri'iuriit - V ieiiue , iii-.(°. , vit» la
Go du qiiinziinic «ii'cU. Cet opuMuU' ,de a8 feuil-
lets , «*t tré*-raic.
PRU
Hauau, i6i3 , iu-8^. , avec des no-
tes de divers auteurs , et publiées
])ar Jean Weitz; — Amsterdam,
Dan. Elzevicr, 1(367, deux tomes en
un vol. in- 12, avec les notes de
ÎNicol, Heinsius; — Paris, 1687 ' ^'^'
4"*., avec les notes d'Etienne Cha-
niillart-: c'est l'un des plus rares vo-
lumes de la collection, Ad usum
Delphini ; — Colof;ne , 1 701 , petit
iu-8^. : elle fait partie de la colleclion
Furioruin; — Avec les notes de Chris-
toplic Gcllarius , Halle, 1708 ou
1789, in-8'^. — Rome, 1788-89,
1 vol. in-4''. : cette belle édition due
aux soins deFr. Arevalo, fait partie
d'un Recueil des OEuvres des poètes
chrétiens; — Parme (Bodoni) 1789,
•-4 vol. gr. in 8'\ , édition revue sur
les manuscrits du Vatican, augmen-
tée de variantes et de diverses leçons:
c'est la plus complète. Outre les au-
teurs cités, on peut consulter la Vie
de Prudence , dans les Mémoires de
Tillemont, X, 56o-66. W — s.
PRUDENCE (Saint ) le Jeune.
V. Galindo, XVI, 332.
PRUDENT ( JOSEPH-HIPPOLYTE-
AuGUSTiN VAUCHOT,plusconnusous
le nom de Père ) , capucin , naquit ,
en 1743,3 Faucogney, petite ville de
Franche-Comté; il embrassa la vie
religieuse à seize ans , et , après avoir
achevé ses études théologiques et re
çu les ordres sacrés, fut chargé de
l'enseignement des novices. Bientôt,
par les conseils du P. Dunand , son
confrère ( F. Duna>d), il employa
tous ses loisirs à l'étude de l'histoi-
re , et se mit sur les rangs pour dis-
puter les prix que proposait l'acadé-
mie de Besançon. En 1776, il rem-
porta le prix d'éloquence, par V E-
lo^e de ?^icoIas Perrcnot , chancelier
de l'empereur Charles-Quint ( Foj.
GuANVELLE ); et, l'année suivante ,
il en obtint deux : celui d'histoire ,
XXXVI.
PRU ,6,
par une Notice sur les monuments
romains dont il existe des vestiges
en Franche-Comté; et celui d'a-^ri-
culture, par une Dissertation sur
les causes et les caractères d'une ma-
ladie qui aflligeait plusieurs vigno-
bles de la province. Celle Disserta-
tion fut imprimée aux frais du gou-
vernement (Besançon, 1778, in-è*^.),
et distribuée avec profusion dans les
campagnes : mais le triomphe du P.
Prudent fut de peu de durée. Un ano-
uyme contesta la justesse de ses ob-
servations , dans une brochure inti-
tulée: ^(?/Ze,tio?wrf'M« vigneron ( Ve-
soul , 1 778 , in-8«. ), et versa le ri-
dicule à pleines mains sur l'auteur
et l'ouvrage couronnés. Le P. Pru-
dent découvrit que le malin vigneron
cachait l'abbé Ijavcrci (1) ; et, n'o-
sant lutter contre un adversaire que
sa causticité rendait redoutable, il
prit le parti de dénoncer l'éciit ano-
nyme , comme injurieux à l'acadé-
mie et à l'ordre entier des Capucins.
Celte démarche , blâmée de tout le
inonde , n'eut pas le résultat qu'il es-
pérait. Le parlement refusa d'inter-
poser son autorité dans une querelle
toute littéraire ; et l'abbé Baverel ,
par un nouveau pamphlet, plus mor-
dant que le premier ( Observations
sur la Dissertation , etc., 1779, in-
8". ) , acheva de désoler son advei--
saire , qui cessa d'ambitionner les
palmes académiques, qu'il eût payées
trop chèrement , en les achetant do
son repos. Le P. Prudent se renfer-
ma dès- lors dans les devoirs de son
état, qu'il remplissait avec beaucoup
de zèle. A la suppression des ordres
monastiques, il se retira dans sa fa-
radle, et mourut à Fontaine, prés
de Luxeuil, le '28 août 1 797.. Outre un
assez grand nombre de Mémoires tt
(OL'al)béBavorel est mort à Be.^^anr, n, Te i8 sei.-
tembrc 1827.. (. Voy. son article au Supplcmcnl. )
t6-2 PRU
de Dissertations dans le Pecued de
l'académie do Besançon, il a laisse ,
manuscrits , un Cours de lan^uela-
tine, jilusicurs Traités de théolo-
gie, des Sermons , des Panég}ri'
ques, etc., que l'on conserve dans
sa famille. Les deux seuls ouvrages
qu'il ait publiés , sont : I. Disserta-
tion qui a remporté le prix , au ju-
sement de l'académie de Besancon,
en i''"7 ,sur le sujet: Quels sont les
caracttTi-S et les causes d'une mala-
die qui commence à attaquer plu-
sieurs vignobles de Francbe-Comté,
et les moyens de la prévenir ou de la
guérir, Besançon, i77H,in-8'J. ; el-
le est citée avec éloge, dans le Théâ-
tre d'a^ricuUureà'0\'\ncrde Serres,
éd. de 1804. II. rie de sainte C7m-
re, Paris, 1782, in- 1 a. W — s.
PHLSIAS, roi de Bilbynie , et
fameux p.ir son dévoûnunt scrvile
au sénat romain , était surnommé
Cunéi^os oM \e Chasicur. Polybc a
fait de lui un portrait que dom Thuil-
iieret RoUin traduisent ainsi : « Ce
V roi deBitbynic,ducôté du corps,
» n'avait rien qui prévînt en sa fa-
v venr ; il n'était pas mieux avanta-
j) gé du côté de l'esprit. Ce n'était
V par la taille qu'une moitié d'hora-
T. me, et qu'une femme par le rœur
» et le courage. Non-seulement il
» était tinride, mais mou . incapable
» de travail; en un mol , d'un corps
» et d'un esprit elTcminés. défaut
» qu'on n'aime nulle part dans les
» rois , mais qu'on aimait moins cn-
» core qu'ailleurs che;. les Bithy-
» niens. Les belles lettres, la pbiloso-
wpbie, lui étaient paif.iitenient in-
» connues. Enfin il n'avait nulle idée
» du beau ni de l'honnête. Nuit et jour
» il vivait en vrai Sardanapale. "Pour
déterminer l'époque où commence
son règne, on doit distinguer plu-
sieurs Prusias. Slrabon en indique
PRU
un, contera porain de Cyrns cl dcCfûe-
sus, au si.xicme siècle avant l'ère
vulgaire; et Sévin , dans son premier
IMéinoire sur les rois de Bitliynie
( ^-icad. des inscript., t. xii ), ue
convient pas que ce passage de Slra-
bon soit aussi altéré que l'a prétendu
PaulmierdeGrantemesnil. Toutefois
ce n'est point à ce prince (|ue Sévin,
dans son troisième Mémoire ( ibid.,
t. XVI ), applique le nom de I^rusiaS
premier, mais au (ils de Ziélas. Les
(iaidois avaient mis à mort ce roi
Ziélas, vers le milieu ou la fin de la
cxxxv". olympiade , c'est-à-dire,
vers l'an ^38 avant J.-C. Prusias l»^"".
régna sur les Billivuiens depuis ce
temps jusqu'à l'an 190, selon Vail-
lant ( ^Ichœmen. Imp., 11, o->. i );
jusqu'en 188, selon Sévin. C'était
donc ce premier Prusias qui, en 220,
et durant les années suivantes , s'al-
lait avec les Rliodiens contre les
Bvzanlins, et taillait en pièces les
Gaulois qui infestaient la côte de
riiellespont ( Polyb., liv, iv et v ).
C'est lui encore que Tite-Live nous
montre menaçant, en 207, les fron-
tières du royaume de Pergame, et
forçant ainsi Attalc l*"' . ( r. ce nom ,
Il , Gi() ) de renoncera la conquête
de l'Élolie, Le même Prusias est
compris, en 204, au nombre des
rois alliés du peuple romain; il est
invité, en if/j, à se confoirncr aux
dispositions du traité conclu avec le
roi de Macédoine, Philippe, dont il
avait épousé la sœur A pâmée. Quel-
que temps après , Antiochus , roi de
Syrie, lui envoya des ambassadeurs
pour lui représenter que les Romains
songeaient à détruire toutes les mo-
narchies , et à fondre dans leur em-
pire tous les empires de la terre : dé-
jà Nabis et Philippe avaient subi le
joug; on attaquait maintenant Antio-
chus ; le tour de Prusias viendrait
PRU
ensiiile. Ces réflexions ébranlaient le
roi dcBithynie.ct l'auraient entraîné
à s'armer contre Kome, sans les mes-
sages et les lettres qu'il reçut de cette
république. C'est à tort, lui écrivaient
les Sci pions, qu'on accuse Rome
d'être l'ennemie de la royauté : An-
dobalès et Masinissa ne lui doivent-
ils pas au contraire l'allermissement
de leurs trônes et l'accroissement de
Icurpuissance? Les roitelets qui nous
ont été fidèles en Espagne, ne sont-
ils pas devenus des rois ? hegulos se
acceptas infidem in Hispanid reges
reliquisse ("Tile-Live ). L'ambassa-
deur Livius survint , et ajouta qu'en-
tre Aniiocbus et les Romains, la
victoire ne serait jamais incei'taine,
et qu'il y avait peu de profit à re-
chercher l'amitié des vaincus. Pru-
sias promit la plus exacte neutralité;
il fit plus, si nous en crovons Ap-
pien : il se déclara pour les Romains.
Sévin n'en veut pas convenir , d'a-
bord parce que, dans le dénombre-
ment des auxiliaires de Rome con-
tre Anfiochus, il n'est fait mention
ni de Pnisias, ni de troupes Bithy-
niennes; ensuite parce qu'après la dé-
faite du roi de Syrie, celui de Bi-
tliynie fut dépossédé de l'une de ses
provinces, par un décret du sénat. Il
s'agissait de la Phrygie , qu'on adju-
geait à Eumènes , roi de Pergarae , et
que Prusias s'abstint de revendiquer.
Anuibal exilé {F. ce nom, II, 212-
iri ) se voyait forcé de sortir des
élats d'Antiochus : il se retira d'a-
bord dans l'île de Crète, puis en Ar-
ménie; enfin en Bithynie, à la cour
de Prusias, qui mourut peu de temps
après. — Il suit de là que ce monar-
que ne doit pas être confondu avec
son fils Prusias II ou Cunégos, qui
ne monta sur le trône qu'en 190, ou
plutôt 188, mais à qui pourtant les
Dictionnaires historiques , et le nou-
PRU ,63
vel Art de vérifier les dates avant
J.-C. , attribuent presque tous les
faits que nous venons d'indiquer.
C'est une erreur qui remonte à Sigo-
nius, et que Henn Valois a victorieu-
sement combattue : elle a été relevée
aussi par M. Scliweighœuser, dans
son excellente édition de Polybe { t.
vin , p. i4i ). Oulre que le premier
de ces rois est distingué par son
surnom de Boiteux ( -/yVoq ), et le
deuxième parccluideChasseur(-/uvï;.
yoq ), il faudrait, pour les confon-
dre en un seul, supposer un règne
d'environ quatre-vingt-dix ans, qui
n'est aucunement admissible. Ainsi,
c'est à Prusias II , fils de Prusias le
Boiteux, et petit-fils de Ziéias, que
s'appliquera la Notice qui va suivre.
11 avait épousé la fille de Philippe ,
roi de Macédoine , nièce de sa pro-
pre mère. Parvenu au trône, il prit
les armes contre Eumcnès , roi de
Pergame, et remporta , secondé par
Annibal , plusieurs victoires sur mer
et sur terre. Un jour qu'il hésitait à
livrer une bataille, parce que les en-
trailles des victimes n'annonçaient
rien d'heureux : « Eh quoi ! lui dit
» le héros de Carlhage, comptez-
» vous plus sur le foie d'une vache
» que sur les conseils et le bras d'An-
» nibal ? » Les Romains qu'alar-
maient les succès du roi de Bithynie,
et dont les ressentiments contre le
général carthaginois étaient impla-
cables, enjoignirent à Prusias de leur
livrer ce grand capitaine , ou de
le tuer ; et cet ordre allait être exé-
cuté, quand Annibal le prévint en
s'empoisonnant. Cette lâchetéde Pru-
sias a été exposée sur la scène fran-
çaise par plusieurs poètes, spécia-
lement par Thomas Corneille et par
Marivaux. M. Firmin Didot a com-
posé, sur le même sujet , luie tragé-
die non représentée, où il a réussi
i64 PRU
à rendre moins ignoble, el jvir eou-
séquentpUisilmniatiqneJe caraclèrc
du roi de Bilhyiiic: mais l'inexora-
ble histoire a couvert ee prince d'un
opprobre éternel. Malgré ses com-
jjlaisanceset sa dociliic, les Romains
ircurcnl aucun égard aux. humbles
prières qu'il leur adressa en faveur
du roi de Macédoine Persée , son
boaufrère. A l'époque du détrône-
menl de Persée , et de la destruction
du royaume de Macédoine en 167,
Prusias s'empressa de venir se pros-
terner devant le sénat romain : re-
vêtu d'un costume abject, et la tête
rasée, il l)aisa le seuil de la salle, se
déclarant l'atlVanchi de Rome, et
saluant les pères conscrits comme
ses dieux sauveurs : un roi ajoutait
à l'art des courtisans , des infamies
encore nouvelles. Polybe raconte
ces détails; mais Tite-Live, qui cite
ici cet historien grec, rapporte au-
paravant ce qu'eu disent les histo-
riens latins : Hâc de FrusiiV noslri
scriptnres. Or , selon ces écrivains ,
le roi de Bithynie, reçu à Cnpouc
par le questeur Scipion qu'on avait
envoyé à sa rencontre , entra dans
Rome, suivi d'une troupe nombreu-
se, gagna le Forum, et, monté sur le
tribunal du questeur Cassius , dit à la
foule qui l'environnait, qu'il était
venu |K)ur saluer les dieux, le sénat
et le peuple de Rome, pour les féli-
citer d'avoir vaincu le roi Persée, et
soumis à leur empire les Macédo-
niens et les lllyricns. Des maisons
avaient été préparées pour le rece-
voir , lui et sa suite : il passa deux
journées à visiter, conduit par le
questeur, les temples , la ville et les
principaux citoyens : le troisième
Iour, il se présenta devant l'assem-
»lée des sénateurs , les corapliiueiita
sur leurs triomphes; il retraça ce qu'il
avait fait lui-même dans cette guerre,
PRIT
et demanda qu'on lui permît de sa-
crifier au Capitolc, en l'honneur des
succès de Rome; et qu'on voulût bien
renouveler l'alliance contractée avec
lui, en legratidant d'un territoire pris
sur Antiochus, et occupé sans titre
parlesGaulois.il finit en recomman-
dant son fils Nicnmède à la bienveil-
lance du sénat. On accueillit ses de-
mandes : seulement on lui annonça
quedes commissaires envoyés sur les
terrains f|u'il réclamait, verraient si
l'on pouvait les lui remettre sans
blesser la justice. Congédié avec cette
réponse et avec des présents consi-
dérables, il fut reconduit , toujours
par le questeur Scipion , jus'|u'à ses
vaisseaux. Ce récit déshonore un peu
moins Prusias; mais la plupart des
historiens modernes s'en tiennent à
relui de Polybe , persuadés sans dou-
te que l'assassin d'Annibal a dil
descendre au dernier deç;ré d'abjec-
tion. Vers l'an i50, il attaqua le
roi de Pergame , Attale , successeur
d'Ktimenès , le vainquit, entra dans
sa capitale, pilla les temples, enleva
ou brisa les statues des die\ix , ren-
versa et brûla tout ce qui se ren-
contra sur sa route. Diodore de
Sicile raconte que le ciel punit ces
sacrilèges ]iar des maladies mortel-
les, qui afiligcrent les troupes bithy-
niennes , el qui épargnèrent leur mo-
narque bien plus coupable. Attale,
dans sa détresse extrêm»*, eut recours
aux Romains , à qui les succès de
Prusias donnaient déjà de l'ombrage,
et qui l'invitèrent en effet à rentrer
dans les anciennes limites de son
royaume. Comme le roi de Bithynie
ne se pressait pas d'obéir, ils prirent
un langage plus impérieux; et il fal-
lut non-seulement 1 esiitner au roi de
Pergame ses états, mais encore s'en-
gager à lui fournir vingt galères pon-
tées , et à Ini payer en vingt ans cinq
PRU
cents talents, outre les cent qu'Attalc
devait recevoir à l'instant même, com-
uie indemuitc des pertes qu'il venait
de sourt'nr. Ces conditions pouvaient
sembler dures à Prusias; mais Rome
traitait ainsi les rois sujets. Celui ci,
eu 149. chargea sou fils Nicomèdc,
d'aller offrir au sénat romain de nou-
veaux hommages, eu réclamant tou-
tefois une réduction des sommes à
payer au roiAttaie. Néanmoins cette
mission n'était qu'apparente: un oJBFi-
cier appelé Menas, qui accompagnait
le jeuue prince, avait ordre de l'assas-
siner. Par cet attentat, Prusias vou-
lait favoiiser d'autres fils qu'il avait
eus d'un second hymen , et qu'il fai-
sait élever dans Rome. Nicomède,
averti par Menas lui-même, échappe
au péril , et revient en Bithyuie.
Appieu et Justin fournissent ces dé-
tails : le texte de Justin a été traduit
par Pierre Corneille, dans la préface
de sa tragédie de Nicomcde , où le
courage et les talents de ce personna-
ge contrastent si heureusement avec
l'extrême ignominie du roi son père.
Mais il ne faut point encore chercher
là l'histoire; Nicomède est un autre
tyran qui moule sur le trône par uu
parricide ( F. Nicomède, XXXI ,
liio ) : ligué avec des étrangers , par-
ticulièrement avec Attale, et soutenu
parle plus grand nombre des Bithy-
niens, auxquels Prusias s'est rendu
odieux , il le chasse de sou palais , et
le force à se réfugier dans un temple,
où ce prince expire , l'an 1 48 , près
de l'autel de Jupiter, sous le fer des
assassins ; et, à ce qu'assurent Diodo-
le de Sicile , Justin , Appien , Zona-
ras, et l'auteur de l'Épitome du cin-
quantième livre de Tile-Live , sous
les coups de son propre fils. Ainsi
périt ce prince lâche , superstitieux
et sanguinaire, qui avait trahi ses
alliés , opprimé ses sujets , ordonné
PRY
i65
la niorlde sou fils, et avili la majesté'
royale. Sou histoire est recueillie
dans les divers auteurs classiques ,
cités en cet article: elle n'a été ras-
semblée nulle part; elle est éparsc
en plusieurs volumes de Rollin ; et
Sévin , qui avait entrepris des Anna-
les complètes des rois de Bithyuie,
ne les a conduites que jusqu'à la mort
de Prusias l'^''. ou le Boiteux : il n'a
pas achevé le Mémoire qui devait
éclaircir les détails du règne de Pru-
sias II ou Cunégos. D — n — u.
PRUSSE. Fof. HENRI et WIL-
HE[>MINE.
PRYCE ( Guillaume ) , médecin
anglais, né en Cornouailles, et mort
vers la fin du dernier siècle, croyait à
l'alchimie, et faisait des opéralions
pour atteindre le but de ses rêves;
mais il s'occupa d'une manière plus
utile , eu complétant les travaux de
son compatriote Borlase ( Foy. ce
nom, V , 187 ) , par la composition
de deux ouviagcs importants : l'un
est la minéralogie de sa province,
Minevalos^ia Cortmhiensis, Londres,
1778, in-fol. ;et l'autre, une Gi'am-
maire et un Vocabulaire de la lan-
gue de ce pays , qu'il voulait aider
à conserver , mais qui de nos jours
a cessé d'être une langue vivante-
Cet ouvrace est intitulé: Archœolo-
gia Cornu Britanica; or an essay
to préserve the ancient cornish lan-
gu(i;;e , 1 790 , iu-4'^. D — g.
PRY1NNÈ( William), juriscon-
sulte anglais, plus fameux par son
courage que par ses nombreux écrits,
naquit, en 1600, à Swanswick ,
dans le comté de Somerset. De l'é-
cole de Bath et de l'université d'Ox-
ford , il passa au collège de jurispru-
dence de Lincoln's-Inu , à Londres.
Malgré les connaissances qu'il acquit
dans la science des lois , ce ne fut
pas sous ce rapport qu'il commença
i66 PRY
de se faire nonnaître. Il montrait
une {grande rigidité de principes et
de mœurs ; et les prédications d'un
puritain distingué le gaf;ncrent faci-
lement à celte secte. Hientùt ii se
mit à écrire contre ce qu'il appelait
les desordres du siècle , tels que la
frisure des cheveux , l'usace de boire
a la santé, le papisme et I arminui-
risrae. Ses écrits contre l'arminia-
nisrae et la juridiction des évèques,
indisposèrent fortement contre lui
Laud et d'autres prélats , qui , s'il
faut l'en croire, épièrent l'occasion
de lui fiiie éproirvcr les cflèts de
leur haine. Cette occasion se pré-
senta vers iG33. Il venait de mettre
au jour un voliune in-4" de looo pa-
ges, intitule ///jtno-m<iifà-, {le fouet
des comédiens , ) dirigé contre les
spectacles et les acteurs. On y lisait ,
k la table des matières seulement, un
mot outr.igeant pour les femmes qui
*e produisent sur le théâtre. Los en-
nemis de l'auteur ne manquèreut
pas d'insinuer au roi que ce passaf;c
tombait expressément sur la reine,
qui récemment avait joué un rolo
dans une pastorale exécutée à So-
merset-House; et bien qu'il fût cons-
tant que la publication du livre
avait précédé de six semaines le di-
vertissement royal , le maheureux
Pryiinc, citédevaiit la Chamhreéloi-
Ztf'e, fut condamnéà paver une amende
de 5ooo livres, à sortir de l'univer-
sité , à êtreattachéau pilori endcux
endroits différents, en perdant une
oreille à chaque station, et à garder
une prison perpétuelle. Ce supplice,
trop rigoureux, même quand il eût été
mérité , il le subit avec la fermeté
que peut donner le sentiment d'u:ie
conscience pure : mais son ressen-
timent s'exhala , en prison , dans
des pamphlets virulents , contre ses
persécuteurs. Un de ces pamphlets ,
PRY
intitulé , Nouvelles d'Ipswich , où
il les traitoit A^ évèques de Lucifer\
exécrables traître. JoufS dé\-orants,
fut l'objet d'une nouvelle poursuite
devant le même tribunal, qui le con-
damna à paver une amciuicde 5ooo
livres, à perdre lo reste de ses oreil-
les, et à être marqué sur chaque joue
des lettres S. L. , comme libclliste
schismatique. La sentence fut exécu-
tée en 1G37. Mais l'ame de Prynne
étaità l'épreuve des tourments. Trans-
féré successivement à Caernarvon-
Castle , et à l'île de Jcrsev, il con-
tinua d'exercer sa plume jusqu'en
1O.40 , lorsfpi'éclata la révolution
politique qui le rendit , avec beau-
coup d'autres, à la liljortc. Il cuira
dans Londres comme en triomphe
( f'ojez Bastwick et BunTON ).
Elu membre du parlement parNew-
Eort, en Cornouailles , il y com-
attit vigoureusement l'épiscopat.
Quand Laud fut mis en jugement,
Prynne put se donner le plaisir de
la vengeance; car ce fut lui prin-
cipalement (|ui ct)ndnisit ce pmrès.
Après la victoire des pai lementaires,
il fut nu des commissaires visiteurs
de l'université d'Oxford , et il déploya
beaucoup de zèle pour l'établis-
sement du presbytérianisme : lors-
qu'il vit les indépendants prendre le
dessus , tout son intérêt se tourna
vers le parti vaincu; et il employa
son crédit pour faire goûter les
propositions du roi: mais l'elTet du
discours qu'il prononça dans cette
occasion , fut neutralisé par l'inter-
vention de l'épée ; on sait comment
l'armée empêcha la pacification dé-
sirée. Prynne fut un des membres
des communes qui expiirent, dans
les cachots , une généreuse opposi-
tion. Le refus de payer les taxes ,
et l'audace qu'il eut de braver la
puissance de Cromwell et les siens.
PRY
dans diverses publications, le firent
resserrer davantage, en i65o. Le
plaisir d'écrire , qui était en lui
une véritable passion, semblait le
consoler de sa captivité : on comp-
te qu'il produisit, de if)55 à 1660,
quarante - six Traités différents sur
des sujets de relij^ion et autres. La
tyrannie et l'ingratitude du gouverne-
ment usurpateur le faisaient soupirer
après la restauration de la monar-
chie. Son zèle pour le retour de Char-
les II fut si impatient, et s'exprima en
des termes si indiscrets , que le géné-
ral Monk crut devoir le réprimer.
La ville de Bath choisit Prynnepour
son représentant au parlement répa-
rateur en 1660. La restauration ac-
complie, il eut, entre autres emplois,
la place de gardien des archives de la
Tour de Londres , place qui conve-
nait à son goût comme à sa capacité.
Mais il semblait destiné à ne jamais
jouir du repos : ayant été reconnu
auteur d'un écrit public en 1661 ,
contre un bill relatif aux corpora-
tions, il se vit obligé de demander
pardon à la chambre des commu-
nes, pour éviter im châtiment plus
grave. Ketiré à Lincolu's - Inn , il
y mourut, le i\ octobre 16G9. ^on
vaste savoir était le fruit d'une in-
croyable patience et d'une grande
mémoire que, par malheur, le juge-
ment n'accompagnait pas assez. On
en jugera par ces traits. De tous les
crimes reprochés à Néron, le plus
grand, aux yeux de l'auteur de l'î^ji'-
trio-mastix , était d'avoir fiéqueu-
té le théâtre et joué la comédie. Sui-
vant lui, chaque pas de danse est un
pas vers l'enfer. Il n'avait de la
science des lois, suivant Clarendon,
que ce que la lecture peut en donner.
C'est un des plus infatigables écri-
vains qu'on puisse citer. Wood sup-
pute que, depuis qu'il atteignit l'âge
PSA
167
d'homme jusqu'à sa mort , Prynne a
dû écrire une feuille chaque jour de
sa vie. Il a laissé4ovol.in-foi.etin-
4'^. : bagage littéraire , qui n'aurait
point sauvé son nom de l'oubli, s'il
n'eût pas mérité d'être transmis à
la postérité par son dévouement et
ses souffrances pour la cause de la
liberté. Les moins inconnus de ses
ouvrages sont : I. Exact chronolo-
gical vindication , etc., ou Preuves
de la suprématie des rois d'Angle-
terre en matière ecclésiastique, Lon-
dres, 1666-68, 3 vol. in-fol. Ce li-
vre, connu sous le nom de Becords
ou Extraits d'archives , est recher-
ché à cause de sa rareté, les deux
premiers volumes ayant péri, à la
réserve de 70 exemplaires, lors de
l'incendio de 1666. II. Une édition
améliorée de V Abrégé des archives
de la Tour, de sir Rob. Cotton , in-
folio. III. Observations sur la 4®.
partie des Institutes deslois anglai-
ses, Y-^r Coke , in-fol. IV. f^'^rits ou
E dits parlementaires ^ 4 vol. in-4''.
Prynne méritait à trop juste titre une
place parmi les auteurs malheureux :
l'Anglais Israeli lui a consacré quel-
ques pages dans son piquant ouvra-
ge intitulé : Calamities of authors.
On peut lire aussi, sur sa condamna-
tion , V Histoire d' Angleterre de
Hume, trad. en français ( 1819, in
8°. ) , tom. \n , p. 384 et suiv. L
PRZYBILSKI, savant polonais du
dernier siècle , professa long temps
la littérature ancienne à l'université
deCracovie, On a de InldesTraduc
tions, en polonais, des Poésies d'Hé-
siode , et de plusieurs ouvrages an-
glais. Stanislas- Auguste lui donna
une médaille d'or pour sa Disserta-
lion sur l'excellence et l'utilité de la
chirurgie. C — au.
PSALMANAZAR ( Geopge ) est
1g nom supposé d'un savant dont la.
i68
PSA
vie fui partagée en deux portions qui
semblent n'avoir pu appartenir au
même individu. Dans la dernière
nioiliede sa carrière, et pendant un
demi-siècle, ii s'est fait chérir par
sa piètc et sa Tcrlu , s'est illustre
])ar des travaux aussi solides qu'im-
portants, et a joui de l'estime uni-
verselle et de la considération la
mieux méritée. Dans la première
partie de son existence, après avoir
reçu une éducation distinguée , il
s'est successivement et volontaire-
ment laissé dégrader jusque dans les
derniers rangs de la société; il a ram-
pé dans les plus vils emplois : cou-
vert des liaillons de la pauvreté, et
rongé de la lèpre des misérables ,
il se montre à nous sous un aspect
hideux et dégoûtant; et sa bassesse
et son hypocrisie le font juger indi-
' gne de la pitié qu'il inspirait. Nous
n'avons pas besoin ici de travailler à
démêler le vrai au milieu dos exagé-
rations et des fictions contradictoires
de l'amitié ou de la haine: celui au-
quel il a été donné de présenter un
si étrange contraste, nous apprend
lui-même toutes les circonstauces de
sa vie. Nous pouvons nous lier aux
Mémoires qu'il nous a laissés. Dans
ses pages sincères , on n'aperçoit ja-
mais l'homme qui s'excuse , mais
toujours le chrétien qui s'accuse. De
lui seul nous apprenons tout ce qu'il
y a de plus honteux pour sa mémoi-
re; et ce qu'elle ofTie de glorieux , il
faut le chercher dans le témoignage
descs contemporains et dans le grand
ïnonumeiit littéraire dont il fut le
principal auteur. Son respect pour
son père et sa mère lui a fait dérober
à la postérité son véritable nom et
le lieu de sa naissance; le voile dont
il s'est enveloppé à cet éf;ard , n'a
jioint été soulevé , et ne le sera pro-
bablement jamais. Ou sait seulement,
PSA
par ses récits , qu'il naquit de parents
catholiques, dans le midi de la Fran-
ce , sous le beau ciel du Languedoc
ou de la Provence , et en l'année
iG-jç). Sa familleétait ancienne, mais
déchue. Il n'avait que cinq ans lors-
que son j)ère fut obligé de s'cloigncr
et d'aller vivre à près de deux cents
lieues de son domicile. Sa mère ,
malgré l'abandon de son mari et son
peu de fortune , n'ayant que lui pour
fils , consacra tous ses moyens à lui
donnerla meilleure éducation qu'il lui
fût possible. Kiivoyé à une école du
voisinage, tenue par doux moines
de l'ordre de S.unt- François , il y
lit voir une aptitude surprenante et
une prodigieuse facilité pour appren-
dre. En peu (le temps , il surpassa
ses condiscij)les. Ce succès fut pour
lui un malheur: il exalta le penchant
à la vanité qui lui était naturel ; il
ins|)ira , en sa faveur, à ses maîtres,
une indulgence qui lui fut fatale. Ou
l'envoya ensuite dans un collège de
Jésuites, situé dans une ville (pii était
le siège d'un archevêché, pcuéloigné
de l'école où il avait reçu sa premiè-
re instruction. lia réputation ipi'il
avait acquise, et les éloges exagérés
de ses premiers maîtres, le firent
placer dans une classe beaucoup trop
forte pour son âge et pour ses moyens.
11 eut il lutter contre des camarades
plus âgés et plus savants : la crainte
de rester en arrière lui fit f.iirc des cf.
forts extraordinaires ; il parvint, si-
non à les surpasser, du moins à les
suivre. Comme eux, et à leur grand
étonnement, il subit, au bout de l'an-
née , les examens nécessaires pour
entrer en rhétorique. Ce succès fut
encore pour lui un malheur. Non-
seulement il le rendit plr.s présomp-
tueux , mais il le plaça sous un maî-
tre incapable.pn avait coutume, dans
ce collège, de changer tous les ans le
PSA
professeur de rhétorique. Si notre
jeune étudiant n'était pas venu avant
Vn^e dans cette classe , il aurait évite
de se voir arrêté dans ses progrès, A
cette époque, les Je'suiles cherchaient
à altiier dans leur société trois sor-
tes de personnes : les nobles , les sa-
v.inls et les riches. Le professeur de
rhétorique dont il est ici question , ap-
partenait à celte dernière classe; il
était fils d'un marchand opulent. Il
passait le temps à rire et à badiner
avec ses élèves; et, pour déguiser son
ignorance, au lieu de leur expliquer,
comme il l'aurait dû, les orateurs
grecs, qu'il n'en tendait pas, il entre-
prit de leur montrer le blason, la
géographie, les fortifications. Notre
jeune écolier perdit ainsi, sous lui ,
le goût de l'étude des langues et de
la belle littérature: il acquit une va-
riété de notions incohérentes , qui
eurent par la suite une fatale influen-
ce sur sa conduite. Il vit qu'il était
possible , avec de l'audace, de par-
ler de beaucoup de choses sans
les connaître , et de se donner ,
sans travail, Tapparence du savoir.
Sa mère lui écrivit pour lui appren-
dre que le supérieur d'un petit cou-
vent de Dominicains allait ouvrir un
cours de philosophie, et elle l'enga-
gea à venir le suivre. Le jeune hom-
me s'y détermina d'autant plus facile-
ment , qu'il s'apercevait bien qu'il per-
dait son temps au collégedes Jésuites:
il le quitta, et entraîna avec lui quatre
deses camarades. La philosophied' A.
ristote, de saint Thomas-d'Aquin et
d'Albert-le-Grand, enseignée par les
Dominicains, lui parutbeaucoupplus
obscure, et surtout moins amusante ,
que les leçons qu'on lui avait données
en dernier lieu , dans son collège. Ce-
pendant le dominicain , qui le consi-
dérait comme son meilleur élève, le
prit en affection, et voulut le faire
PSA i6g
entrer dans son ordre. Il aurait cédé
à ses instances^ si sa mère ne s'y fût
opposée. Elle consentit seulement ,
par déférence pour le professeur, k
envoyer son fils étudier la théologie
sous un maître dominicain, dans une
université voisine. Transplanté tout-
à-coup, à l'âge de quinze ans, dans
une ville populeuse , qui lui offrait le
spectacle nouveau du luxe, des riches-
ses , de la dissipation et des plaisirs,
il acheva de perdre le goût qu'il avait
eu pour le travail, et ne fut plus ani-
mé par le noble désir de se distin-
guer. Il suivit cependant d'abord
les leçons de son maître de théo-
logie : mais il eut la mortifies tiou
de se trouver avec des condisci-
ples bien plus âgés que lui, qui dé-
jà suivaient ce cours depuis àcux
ans. Jusqu'alors il avait toujours
été à la tète de ses camarades : sa
vanité fut profondément blessée de se
voir relégué dans les derniers rangs.
Il cessa bientôt d'assister aux leçons
du professeur, etse mit à parcourir la
ville où il était , à dessiner des vues de
ses environs, à se promener avec des
jeunes gens de son âge, et même avec
des femmes. C'est ainsi que se passa,
dans l'oisiveté la plus complète, mais
sans aucune action coupable , l'an-
née de sa théologie. Il avait écrit à sa
mère le peu de progrès qu'il faisait
dans ses études ; elle lui envoya de
l'argent, et lui ordonna en même
temps de se rendre à Avignon , chez
un riche conseiller, qui consentait à
le prendre pour précepteur d'un de
ses neveux , encore enfant. Il y res-
ta peu de temps, et obtint une place-
plus lucrative, toujours en qualité
de précepteur, dans une famille plus
riche. On lui confia un élève plus grand
et même plus âgé que lui , et qui . par
sa taille , le surpassait de toute la tête,
mais qui, pour apprendre, manquait
170 PS A
également de volonté et d'aptitude.
Aussi notre jeune précepteur, au lieu
de se fatiguer à l'instruire, passait
avec lui tout son temps à jouer de
la viole ou de la flûte. Il le quitta
bientôt pour entrer, avec des appoin-
tements plus cniisidcrables, chez un
homme riche et d'une grande nais-
sance, qui lui confia ses deux en-
fants, dont le plus âgé avait sept ans.
Leur racrc les gâtait : c'était une fem-
me jeune , jolie , vive et spirituelle ,
dont le mari était lourd et adonné à
l'ivrognerie. Kllevit avec plai>ir au-
près de ses enfants un jeune profes-
kcur docile à toutes ses volontés ,
complaisant pour toutes ses faibles-
ses. Mais, loin de chercher à la sé-
duire, il crut se donner à ses youx
de l'importance, en alfoctant une
dévotion outrée et une chasteté iné-
branlable, qui n'étaient point dans
5on cœur. Il déguisait la pauvreté de
ses parents , et exagérait l'.intiquilc
de sa race: mais son habillement
chétif , sou dénùment, résultat de sa
mauvaise économie et de sa négli-
gence, démentaient ses discours, (icl-
jc qu'il voulait tromper, le pénétra
facilement. Au lieu de la considéra-
lion quM avait espéré obtenir par
sa dissimulation et ses mensonges, il
n'excita en elle que la pitié et le mé-
pris. Cependant, comme il était d'une
figure agréable, le goût (ju'cllc avait
pour sa personne surmontait le dé-
dain que lui inspirait la folle vanité
du jeune homme; et elle lui fit des
avances. Sa gaucherie, son inexpé-
rience , l'embarras de déposer le
masque de vertu dont il s'était pa-
ré, les rendirent inutiles. Après di-
verses tentatives , renouvelées par
intervalles, pendant l'espace de six
mois, et toujours infructueuses, elle
changea tout -à -coup à son égard,
ft ne lui témoigna que la plus froi-
PSA
de LiidiHcrcnce ; puis elle auuouça
l'intention de partir et d'emmener
SCS fils avec elle, sans dire à leur
précepteur s'il devait les accompa-
gner, ou si elle le laisserait avec
son mari, ou enfin si elle le i enver-
rait. Il ne comprit pas que cette con-
duite n'était qu'un nouveau moyen
pour triompher de lui. Quand elle
vit que sa ruse ne répond.iit point à
l'clfet qu'elle en attendait . elle lui fil
dire par son mari, r|u'cllc gouver-
nait à sa volonté, qu'on n'avait plus
bcsoiiideses services. Quoiquele pré-
cepteur eût prévu ou craint cet événc
ment , il en pr.rut tris -aHligé. La
dame voulut en profiter, et fit sur l«
jeune pédagogue, la miit même de
son départ, un dernier e.ss;/i de ses
charmes, (pu fut infructueux. Alors,
jOutree de dépit, elle lui fit signi-
fier sou congé définitif , par uue
femme de chambre, qui ne lui lais-
sa pas ignorer l'opinion que sa mai-
tresse avait de lui, et la cause de son
expulsion. Il se rendit de nouveau à
Avignon, oiiilsevit bientôt dénué de
tout, ne recevant rien de sa mère,
à laquelle il avait écrit. 11 alla à
Bcaucaire , dans le moment de la foi-
re, et emprunta de l'argent de plu-
sieurs marchands de sa connaissan-
ce : il reçut des secours de quel-
ques moines, qu'il parvint à intéres-
ser à son sort, en se faisant passer
pour un jeune homme de famille pro-
testante, converti à la icliaion ca-
tholique , et, pour cette raison, per-
sécuté par son père. De retour a A-
vignon, il réussit à se faire délivrer
par lesupérieur d'un couvent, un cer-
tificalqui constatait qu'il était un jeu-
ne étudiant en théologie, Irlandais
d'origine, obligé de quitter son pays»
et qui allait à Rome en pèlerinage.
Il aperçut, dans une chapelle, un
accoutrement complet de pèlerin
PS A
aux pieds de la statue d'un sahil au-
quel on l'avait consacré : il s'en re-
vclit, sortit de l'église et de la ville;
et , ainsi déguisé, il prit le chemin
de Rome. Demandant Taumônc, en
latin , à tons les religieux qu'il ren-
contrait, il recueillit quelques som-
mes ; et quand sa bourse se trouvait
garnie, il cessait de mendier, non
par honte, mais par indolence, et
dépensait son argent dans les auber-
ges , avec jîlus de facilité qu'd ne
l'avait acquis. Lorsqu'il n'en avait
plus , il se remettait à mendier. La
route qu'il suivait , le conduisit à
peu de distance du lieu où résidait
Si mère. 11 ne put résister au désir
de l'aller voir j néanmoins crai-
gnant d'être reconnu, il n'osait pas
se produire dans sa ville natale :
il s'y glissa, comme un coupable,
à la faveur de la nuit; et ce fut
de nuit aussi qu'il entra dans la mai-
son paternelle. Sa mère l'accueil-
lit avec tendresse : cepenrlant, au
bout de deux ou trois jours, elle
l'engagea à se rendre auprès de son
père, qui pourrait peut-être , disait -
elle, lui procurer des ressources.
Cette proposition l'élonna d'autant
plus , que son père était fort éloigné,
et qu'un commerçant delà villcavait,
récemment, rapporté qu'il se trou-
vait dans mi état peu prospère. No-
tre jeune pèlerin pensa qu'un de ses
cousins, pour lequel sa mère témoi-
gnait beaucoup d'alTection, avait une
f)arttrès grandedansle conseil qu'el-
elui donnait. Celle-ci, s'apercevant
de l'impression fâcheuse que faisait
sur son fds sa proposition , n'épargna
rien pour le persuader delà tendresse
qu'elle lui portait, et lui dit qu'en l'en-
gageant à faire ce voyage, elle desi-
rait seulement qu'il allât vérifier par
lui-même la condition où se trouvait
son père; mais s'il n'était pas satis-
PSA 17 1
fait de l'état de sa fortune ou de sa
générosité envers lui, elle lui re-
commanda de revenir et de ne pas
rester plus d'un an éloigné d'elle,
à moins que ce ne fût pour son
avantage. Il consentit à tout, re-
vêtit de nouveau l'habit de pèlerin,
et se rendit , par le secours des au-
mônes qu'il recueillait , dans cette
partie de l'Allemagne qu'habitaitson
père. Cette contrée avait été ravagée
par la guerre. Il rencontrait sou-
vent, sur les routes, des cadavres
rongés parles chiens, ou suspendus
par douzaines à des gibets: c'ciaient
de ces soldats licenciés, qui, a près la
paix deRyswick, n'ayant plus ni l'eu
ni lieu, parcouraient le pays en ban-
des nombreuses, pillaient les villes
comme les villages , et dont on fai-
sait prompte justice quand on pou-
vait s'en saisir, les laissant ainsi ex-
posés après leur mort, pour épou-
vanter ceux qui aui'aient voulu les
imiter. Cette vue remplissait de ter-
reur l'ame de notre jeune pèlerin: il
courut de grands dangers. Cepen-
dant il parvint , sans accidents fâ-
cheux, à rejoindre son père, qui le
reçut avec tendresse, mais qui, par
sa pauvreté , était hors d'état de lui
offrir aucun moyen d'existence. Il
songea donc à revenir auprès de sa
mère. Son père le détourna de ce
projet, par des raisons sur lesquelles
il a cru devoir garder le silence. En-
gagé, par les conseils paternels, à
chercher l'instruction et la fortune
eu parcourant TEurope, il imagina,
quoique seulement âgé de dix - sept
ans, un moyen de déguisement plus
propre , selon lui, à lui attirer de la
considération et des secours que ce-
lui de pèlerin irlandais. Les leçons
de géographie de son professeur jé-
suite lui avaient fait pressentir com-
bien on savait peu de choses sur la
IJ-i
PSA
Chine, le Japon et les contrées les
plus orientales de l'Asie. Il résolut
de se faire passer pour un Japonais
natif de l'ile de Formose , qui avait
r'te converti à la rolipon chrétienne.
Il iina;:;ina un nouvel alphabet, une
nouvelle pramraaire, une nouvelle
division de l'année en vingt mois ,
une nouvelle religion , et tout ce qui
était propre à accréditer le rôle qu'il
voulait jouer. Il s'habitua à écrire
avec les carartèrcs qu'il avait inven-
tes , et se fit un certificat calque' sur
celui d'Avignon , et avec les mêmes
signatures, qu'il contrefit. Il se gar-
da bien de confier sou projet à son
père , homme d'honneur , qui au-
rait eu horreur de cette fourberie;
et il le quitta , en lui persuadant
qu'il allait suivre ses avis. Il se diri-
gea sur l'Alsace, passa à Cologne et
ensuite à Landau, où il devint sus-
pect, par le récit qu'il faisait aux
soldats de ses avcnliires et de son
origine japonaise. On le prit pour
un espion ; on le jeta dans un cachot,
et il fut sur le point dVlre fusille :
ïuais on se contenta de le chasser de
la ville, avec injonction de n'y ja-
mais rentrer , sous les peines les plus
sévères. C^tte leçon ne le corrigea
point. Il erra ainsi en Allemagne, en
Brabant, en Flandre, trouvant par-
tout des hommes insouciants ou in-
crédules, recueillant quelques aumô-
nes , qui étaient promptemcnt dissi-
pées. De plus, les habitudes indolen-
tes et avilissantes qu'un tel genre de
vie lui faisait contracter, le rendirent
insensible à la honte. Il ne songeait
pas au besoin de renouveler ses vê-
tements et son linge ;et , par sa mal-
propreté et le mauvais état de ses
liaillons , il devint plus repoussant
que les mendiants les plus dénués. Il
en résultait qu'on n'ajoutait pas foi
à l'éducation qu'il disait avoir reçue,
PSA
ou qne, s'il par>'enait à en dnnncr
des preuvesà des personnes éclairées,
elles se défiaient de lui, comme de
(juclqu'un dont l'abaissement ne pou-
vait s'expliquer que par le crime.
Lorsqu'arrivédans une grande ville,
il demandait refuge dans un hôpital,
sans égard pour ses certificats, qu'on
ne lisait point, on le plaçait toujours
parmi les plus misérables et dans les
endroits les plus sales. Il fut enfin
couvert de vermine , et infecté par
tout le corps d'une gale viiulente. Il
se félicite , dans ses Mémoiies , de ce
dernier fléau, j>arce qu'il l'eiMpêcha
de devenir l'instrument du liberti-
nage. Dans diverses grandes villes
de Brabant , il y avait des espè-
ces de religieuses non cloîtrées ,
nommées Béguines , qui parcou-
raient les rues et les maisons pour
visiter les pauvres et leur procurer
des ressources. Des femmes indignes,
se cachant sous cet habit resj)crta-
ble, cherchaient qiiehpulois , dans
la classe des vagabonds , des jeunes
gens bien faits , qu'elles emmenaient
avec elles, sous prétexte de les faire
connaître à des dames pieuses et cha-
ritables, qui devaient les secourir,
taudis qu'elles les conduisaient chez
des dames d'un autre genre et dans
un tout autre but. Notre faux Japo-
nais fut plusieurs fois choisi par ces
entremetteuses ; et les traces de la
maladie honteuse, que sa nudité tra-
hissait, le faisaient aussitôt renvoyer.
Quoiqu'il fût resté jusqu'alors inno-
cent de tout commerce criminel avec
les femmes , il avoue que la faim et
la misère lui auraient rendu le refus
impossible s'il avait été mis à cette
épreuve. Dans l'abîme de malheur
où il se trouvait plongé, il se ressou-
vint de sa mère, et eut un instant le
projet de l'aller rejoindre; mais sa
vanité' se révolta de l'idée de se mon-
PSA
Ircr à elle dans Tctat où il se trou-
vait ; et il aimait mieux périr que d'e'-
prouver un soulagement à ce prix.
Taudis qu'il était h Liège, où il re-
cevait, de l'hôpital, la pitance du pau-
vre , il apprit qu'un recruteur, loge'
dans un des faubourgs de la ville ap-
partenant aux Hollandais, engageait
des jeunes gens pour le service des
Provinces-unies. Il détermina une
douzaine de ses compagnons men-
diants à s'aller offrir à ce racco-
leur. Sa petite taille et sa grande
jeunesse lui faisaient croiie qu'il se-
rait refusé : il l'espérait même j
car, étant né dans une ville de gar-
nison, il avait conçu, dès son en-
fance, de l'aversion pour le métier
de soldat. Mais, à sa grande surpri-
se, le recruteur, après l'avoir inter-
rogé, le garda , tandis qu'il se défit
de toutes ses autres recrues, en faveur
de divers officiers dont il était l'a-
gent. 11 lui procura de la nourriture
et des vêtements décents. Il essaya ,
par des bains, des saignées, des fric-
tions, de le guérir de la gale, et ne
put y parvenir. 11 l'emmena néan-
moins à Aix-la-Chapelle , où il tenait
un café et un billard, dans une des
plus belles parties de la ville, et em-
ploya notre faux Japonais à la-fois
comme garçon de café et comme pré-
cepteur, pour enseigner à lire à son
fils. Ce limonadier fournissait aussi
en ville, pour les salles de bal et
d'assemblées , tout ce qui était né-
cessaire aux rafraîchissements j il y
envoya plusieurs fois le faux Ja-
ponais, qui eut, par-là , occasion de
voir, pour la première fois , le beau
monde dans tout son éclat. 11 fut tel-
lemment frappé de cette vue , qu'elle
lui inspira un projet qui tenait, dit-
il , de l'extravagance et de la folie,
et qu'il s'abstient de mentionner dans
ses Mémoires, par la crainte de la
PSA
173
mauvaise impression qui pouvait eu
résulter pour les esprits faibles et
sceptiques. « Mais, tant que je vivrai,
» ajoute-t-il, je ne l'oublierai jamais;
» et je remercîrai toujours la Provi-
» dence de m'avoir détourné de l'exé-
» cution de mon idée. J'aurais suc-
» combé à la tentation, si j'avais été
» envoyé seulement une fois de plus
» dans un de ces lieux si dangereux
» pour moi; mais ma maladie cuta-»
» née, dont on voyait des traces sur
» mes mains , détermina mon maître
» à m'en interdire l'entrée. » Ainsi ,
il fut deux fois préservé, par lo
fléau dont il était affligé , de mal-
Leurs plus grands , selon lui , que
tous ceux qu'il a subis. Une circons-
tance fortuite le fil sortir de chez ce-
lui qui l'avait, à la vérité par inté-
rêt , sauvé de la misère. Celui - ci se
trouvait absent , et était allé à Spa;
sa femme avait besoin de lui faire
dire dans un délai déterminé, de
revenir sur-le-champ : elle envoya ,
malgré lui, notre aventurier, qui
s'égara sur la route, et qui, craignant
d'être grondé par sa maîtresse, d'a-
voir mal rempli sa commission, prit
le parti de s'évader , non sans éprou-
ver quelques remords de son ingrati-
tude envers son maître ; mais il les
fit disparaître, en formant la réso-
lution de retourner vers son père, et
ensuite vers sa mère, par le même
chemin qu'il avait déjà parcouru.
Malheureusement, en passant à Co-
logne, il se laissa engager, avec une
inconcevable étourdcrie , dans les
troupes de l'électeur; et les soldats,
ses camarades, ajoutantfoi à ce qu'il
leur disait, il se fit passer, non plus
pour im Japonais converti , mais
pour un Japonais encore païen , et
adopta le nom de Salmanazar, qu'il a
légèi'ement altéré depuis, pour le ren-
dre moins semblable à celui du Livie
174 PS A
des Rois, Sa vanitc trouvait un cer-
tain plaisir d.ms la surprise qu'exci-
taient -SCS binsplièmes sur les ventes
les plus sacrées de la religion, et aus-
si dans ses discussions avec les ecclé-
siastiques qui entreprenaient de le
convertir. Il clianp,ea de régiment ,
eut diverses aventures, et passa dans
diverses garnisons, s'y complaisant
toujours dans ses impustures , et
éprouvant une folle jouissance à abu-
ser de la crédiiiilé de ses compa-
gnons d'armes. Snn régiment fut en-
voyé au port de l'Ecluse, dont le che-
valier Lauder, gentilhomme écos-
sais, d'un caraclrie respectable, était
gouverneur .-mais il avait pour au-
mônier un de ses parents , nomme
lunes, prêtre debaucUt, hypocrite et
ruse, qui lit connaissance avec le soi-
disant Japonais. I/aumùnier , sans
être sa dupe , vit tout le parti qu'il
pouvait tirer lui-même, pour son
avancement , de la fable que lui dé-
bitait Salmana7.ar. 11 lui enstigtia
l'anglais, qu'il ignorait, et lui j)crsua-
da de se laisser convertir par lui à la
religion anglicane, et de se faire ba|v
tiser. Notre fau\ asiatique, qui n'a-
vait alors que dix-huit ans, se prêta
à cet impie siratagème. Le brigadier
Lauder fut le parrain du nouveau
nëophite: il le nomma George. Innis
obtint de Coin|ton , évèque de Lon-
dres, une pronio.'iou, pour prix des
soiiisqu'il s'elaildonnés. Le nouveau
converti eut son congé , et fut en-
voyé à Londres , où sa renommée
l'avait précédé; et l'on ne douta point
qu'il ne fût natif de Formose, quand
on le vit manger de la viande et des
racines crues, et écrire couramment
en cai actcres inconnus. lunes le for-
ça de faire une traduction en langa-
ge de Formose, du catéchisme an-
glican , qui fut placée , par l'évê-
que de Londres , au nombre des
PS A
manuscrits les plus curieux de sa
bibliothèijue. Encourage par le snc-
c'cs de son imposture, l'aventurier
y mit le comble, eu publiant , sous
son nom supposé de (ieorge Psal-
manazar, une Description de l'île
de Formose, dans bupiclle se trou-
vaient gravés son Alphabet formo-
san , des ligures des divinités du
pays , les costumes des habitants ,
leurs temples , leurs éililiccs , leurs
navires, et une carte del'ilc Formose
et des îles du Japon, L'auteur n'avait
que vingt ans quand il publia ce ro-
man géographique. Quui(ju'on n'eût
alors d'autre description de l'île de
Formose que celle du m inistrr hollan-
dais (ieorge («indidi us et de riùossais
Wright , il eût été facile de s'a>surer,
par un examen attentif, (|ue celle de
Psalmanazar n'était qu'une (iciiou
grossière : mais le fanatisme pliiloso-
phi(|uc et le zèle de la piété s'en mê-
lèrent, et changèrent une discus-
sion scientifique en une (pierelle de
religion. Comme, dans sa nlation,
il disait qu'il avait été sédiut j)ar
un jésuite, qui, en partant de son
pavs, l'avait engagé à vohr le tré-
sor de son père; les Jésuites, et
surtout le pire Fonleney, l'attaquè-
rent avec violence. D'un autre coté,
plusieurs membres (le la sociétéroya*
le . tels que les Ilalley, les Mead , les
Woodward , qui étaient, et surtout
le premier, connus par leur oppo-
sition aux dogmes fin ( hrislianisme,
n'ajoutaient point foi à la j)rétendiie
conversion d'un jeune Japonais, qui,
dans son livre et ses discours , sou-
tenait la vérité de la révélation évan-
gélique , avec toute la science d'un
théologien. Ils le considéraient, non
sans raison , comme un hypocrite et
un imposteur; mais, dans leur em-
portement et le désir qu'ils avaient
de le démasquer , ses antagonistes
/
PSA
prétendirent avoir de'couvcrt ce qu'il
était, et avancèrent sur lui plusieurs
faits controuvés. Il fut facile aux
hommes pieux qui croyaient à la sin-
cérité' du nouveau converti , de re'-
futer leurs assertions. Ainsi la fraude
s'accrédita par les moyens mêmes
qu'on prenait pour la combattre.
George Psahnanazar parut aux yeux
du public religieux un ncophite sin-
cère, que persécutaient les fanati-
ques et les incrédules. Son caractère
personnel contribuait beaucoup à
atTermir sa réputation de bonne-foi.
Indolent et insouciant, il se montrait
dépourvu d'ambition , plutôt pro-
digue qu'intéressé , et irréprochable
dans sa conduite cl dans ses mœurs.
Ses apologistes disaient : a Sans au-
» cun vice, il possède toutes les ver-
» tus , une piété sincère , une grande
» candeur d'arae, un attachement à
» tous ses devoirs. Quel intérêt peut-
j) il donc avoir pour se rendre coii-
» pable d'une si abominable profa-
» nation que celle dont on l'accuse?
» Lors même qu'il en aurait conçu
» l'idée, sa jeunesse et son inexpé-
» rience ne le rendraient-elles pas in-
» capable de soutenir un pareil rô-
» le? » Ces raisons parurent irré-
cusables; et il passa généralement
pour constant que Psahnanazar était
nn natif de Formose. Sa relation
fut considérée comme authentique,
et citée comme une autorité ; elle
eut plusieurs éditions, et fut traduite
en diverses langues. Ce succès cou-
pable changea le sort de notre aven-
turier , mais non pas son caractère.
Il resta toujours enclin à la paresse
et à la dissipation. Envoyé, aux frais
de l'évêque de Londres , à l'univer-
sité d'Oxford , pour y compléter ses
études , il ne profita que faiblement
de ce grandbienfait : suivant la pen-
te de son inconstance naturelle , il
PSA
.75
se fit de nouveau pre'cepteur , puis au-
mônierde régiment; puis enfin, retom-
bant dans son indolence, il vécut, sans
état et sans profession, des libéralités
de personnes pieuses, qui s'étaient co-
tisées pour lui assurer une petite pe'n-
sion. Il passa ainsi encore douze ans
dans cette espèce d'afiaissement mo-
ral,dans cet engourdissement de l'amo
qui n'excluait pas chez lui la vivacité
de l'esprit et la sensibilité du cœur;
car son penchant à l'amour ne r«n-
traîna jamais dans le libertinage. Il
était timide et sincère avec les fem-
mes : jamais, malgré les nombreu-
ses occasions qui se présenièrent à
lui, il ne se laissa influencer dans
ses attachements par Ja vanité ou
l'intérêt ; et il fut une fois captivé
par une passion violente et durable.
Peut-être eut-elle un effet salutaire
par le changement qui s'opéra en lui
vers l'âge de trente-deux ans : ce
changement fut complet , mais non
subit. Quelques livres religieux qu'il
lut alors, commencèrent à lui inspi-
rer une conviction entière de la vérité
du christianisme, et ensuite une piété
fervente , qui fit naître en lui le désir,
et bientôt après la terme volonté, de
travailler à son entière conversion.
Pour y parvenir , il renonça d'abord
aux bienfaits de ceux qu'il avait abu-
sés ; résolu à vivre de sou travail ,
il apprit l'hébreu , annonça aux li-
braires, qu'il traduirait, pour un jus-
te salaire, tous les livres qu'ils dé-
sireraient, poui'vu qu'ils ne fussent
point contraires à la religion et à la
morale. Il se créa ainsi des moyens
d'existence et une indépendance qui
rélevaient à ses propres yeux : dès-
lors il s'e'oigna des femmes , des so-
ciétés , des plaisirs; il vécut dans la
solitude, partageant son temps entre
le travail et la prière. Le célèbre
Johnson, qui l'a fréquenté à cette
17G PSA
c'poquc , dit qu'il n'a point connu
d'hornrac plus doux , plus modeste ,
plus simple, plus excellent. Si la
conviction de Geoij^e Psalmanazar
dans la ve'iité du chrislianismc fut
pleine et entière, exempte de doute
et d'iu-silation , il n'en fut pas de
lucuie relativement aux dillVrente^
sectes qui reconnaissent celle religion
divine. 11 hésita long-iemps entre les
catholiques et les anglicans. Un écrit
de^diarles Lesley, sur celte malièrc,
le fit |>encher en faveur de ces der-
niers. Il avoue cependant que l'unité
de rÉ;;lisesous les rapports politi-
ques et religieux , serait un grand
bienfait : mais Dieu , dit-il . s'est
manifesté à nous jtour nous guider
selon sa grâce , et n'a pas voulu rom-
pre les liens de charité qui nuus unis-
sent avec ceux qui inlerprctent , d'une
manière dilférente de la nùtre , sa
parole divine, .\u reste il trouva dans
ses scnlinicnts, une source de jouis-
sances pures , inaltérables , et une
triuquillité d'aine qui n'était trou-
blée que par le repentir que lui ins-
pirait sa conduite pissée. Il eût dé-
siré en faire une confession publique,
non -seulement afin de désabuser
ceux qui avaient été et qui étaient
encore dupes de son imposture, mais
fioiir se punir lui - même par la
lontc d'un tel aveu. Il fut retenu par
l'idée , qu'en agissant ainsi , il four-
nirait des armes aux ennemis du
christianisme , et que les personnes
pieuses qui avaient pris son parti
;ïvec chaleur , seraient immolées à
la risée publique et aux railleries de
leurs antagonistes. Par cette raison ,
il n'écrivit ses Mémoires qu'à l'âge de
^3 ans , pour qu'ils parussent après
sa mort et après celle de tous ses
bienfaiteurs. Cependant il avait com-
pose, pour nu Traité de géographie
qui fut publié en 17^7 > l'arlicle
PSA
Formose, uniquement afin d'avoir
occasion de rétablir la vérité sur ce
qui concernait cette île (i). Quand
on le questionnait dans le monde
sur ses aventures et sur la relation
qu'il avait publiée , il gardait un si-
lence significatif , ou changeait de
conversation, de manière à trahir ex-
près le secret de sa pensée. Mais il
éprouva qu'il est plus facile d'établir
l'erreur que de la détruire : car mal-
gré ses elTorts , sa relation de For-
mose fut long temps citée comme
une autori té ('î); et de nos jours même ,
desauteurs, ignorant encore l'origiiio
de cette relation , (pioiqu'elle soit in-
diquée dans beaucoup d'ouvrages,
en ont donne de longs extraits , où
se lit tout ce qu'elle offre de plus ima-
ginaire , sans s'apercevoir de l'absur-
dité de tels récits (3). Vers i^So.on
publia les premiers numéros d'une
vaste entreprise littéraire , proposée
par souscription, dont le projetavait
été formé par un M. Crockat, et le
plan dressé par M. Sale, habile dans
les langues orientales : c'était une
histoire universelle de tous les peu-
ples du monde. Comme cet ou-
vrage obtenait peu de succès . les
propriétaires, ayant appris que Psal-
manazar avait dirigé ses études sur
l'histoire ancienne , lui proposèrent
de coopérer à cette entreprise : il y
consentit, à condition que l'ouvrage
serait rédigé dans un tout autre es-
prit que celui qui avait présidé à son
début, et qu'au lieu de se moiilrer
contraire mw saintes Eriiturcs , on
s'yconforracrait, et on les prendrait
{t) Cu'tffltle.Kyttem ofgeogfapliy, l-'|',■^^t^. i» ,
|>. i5i.
(î) VoycTY Histoire générale tirs t'ojn^ei ,fj\c\,
in-n ,1. \XI , p. i58ct 1IJ7.
(3)Voy«T.G. Uoiichcr de lal\i<-l.av<li?ri(- , Bihlio •
fhet/ne univenrlU des voyaees , iSnS, iii-S"., (. V,
)i. »Rr| : c'rnt la seule description de Vrrmofe, que
rel aulrar iudique , K il en donne iiu long catr'it.
PSA
pour base. Il eut beaucoup de peine
à obtenir ce point; et un des bail-
leurs de fonds le supplia , par inté-
rêt pour l'entreprise, de ne pas se
montrer trop orthodoxe. Dès que
Psalmanazar eut rais au jour les vo-
lumes dont il était l'auteur, le nom-
bre des souscripteurs augmenta con-
sidérablement. Alors on ne se plai-
gnit plus de son orthodoxie, et il
fut prié de continuer. Il consacra le
reste de ses jours à ce j^rand ouvra-
ge ; et mourut en 1763 , à l'âge de
83 ans , regretté de tous ceux qui
le connaissaient , et de tous les amis
des lettres et de la solide érudition.
Il légua tout ce qu'il possédait à une
dame, nommée Sarah Rewalling ,
qu'il appelle, dans son testament, son
amie. Elle publia ses Mémoires ; ils
sont intitulés : Mémoires de ****
communément connu sous le nom
de George Psalmanazar , Lon-
dres , 1764, in-80. , eu anglais.
Son portrait , assez mal gravé , se
trouve en tète de cet ouvrage. — Sa
relation , ayant pour titre , Descrip-
tion de Vile de Formose , en Asie
etc. , dressée sur les Mémoires de
George Psalmanazaar , parut d'a-
bord en anglais , en 1704, in- 4^. ;
ensuite elle eut trois éditions, in- 1 2,
en français, 1705, 1708 et 171-2: il
en existe aussi une traduction en al-
lemand, par Ph.Chr.Hiibncr, Fianc-
fort , 1712, in- 12; 171O, in-8".
Nous indiquerons , d'après lui-mê-
me , les parties de l'Histoire univer-
selle, dont il est l'auteur: I. U His-
toire des Juifs, depuis Abraham
jusqu'à la captivité de Babjrlone.
II. L'Histoire des Celtes et des Scj-
thes. III. L'Histoire ancienne de la
Grèce , durant les temps fabuleux
ou historiques. IV. La Suite de
V Histoire des Juifs , depuis leurre-
tour de la captivité de Babylone
XXXYI.
PSA 177
jusquà la destruction au temple de
Jérusalem par Titus. V. V Histoire
des anciens empires de Nicée et de
Trébizonde. VI. V Histoire ancien-
ne de V Espagne. VII. Celle des
Gaulois. VIII. Celle des Germains.
Et dans la seconde édition : IX. La
Suite de V Histoire de Thèbes et de
celle de Corinthe. X. La Retraite
des Dix - mille. XI. La Suite de
l'Histoire des Juifs ( depuis la des-
truction de Jérusalem parTitus jus-
qu'à l'époque où fauteur écrivait).
Dans toutes les biographies anglaises
ou françaises que nous avons eu oc-
casion de compulser, l'article de cet
aventurier extraordinaire, de cet es-
timable et laborieux écrivain, est à-
la-fois inexact et incomplet. W — r
PSAMMENITE,le479'=(Oet der-
nier des rois d'Egypte, apparteiiait à
la dynastie des Saïtes, la vingt-sixiè-
me des races royales qui dominè-
rent en ce pays. Jules Africain le
nomme Psammecheritès. Il étàitfils
d'Amasis ; et il lui succéda, au mo-
ment même où Cambyse s'avançait ,
à la tête d'une puissante armée, jiour
envahir l'Egypte. Quand ceroi de Per-
se fut arrive sur la frontière , en l'an
5^5 av. J.-C, le prince qu'il venait
détrôner n'existait plus. Psamme-
nite essaya de défendre le royaume
dont il liéritait. Il se posta sur la
branche Pélusiaque du Nil , avec tou-
tes ses forces , com])osécs d'Egy])-
tiens, de Grecs et de Cariens. Une
sanglante bataille décida du sort de
l'Egypte. Psammenite fut complè-
tement défait; les restes de son ar-
mée s'enfuirent en désordre , et lui-
(1) Tel était le calcul egyi't'*-" , selon niot!o,e,
couCrmé par M^ne tlion . Leur accord avec lieiodole
elles Livres Saints, douneime Chranolniiie cgy/j-
tienne , neuve , précise et discutable daus loùtis
ses parties. Elle a été cemiuuuiquee à l'acadi inio
des luscriptious , eu décembre iS?.?. , et juiu iSf.'S.
178 PSA
même se réfugia dans Mempbis, où
il fut de suite assiège par Carabyse.
Stlon Ctcsias, la trahison facilita les
succès du tiumarijue persan : les ponts
du Nil lui furent livres. Cin(juautc
mille Egyptiens et vingt mille Per-
sans périrent dans cette journcV. I.a
capitale fut concpiise , son rui f.iit
prisonnier; et l'Egypte entière de-
vint la proie des Perses. Psanirac-
nite n'avait règne que six mois. 11
fut abreuvé d'outrages par son vaiu-
queiu";son fils aine fut égorgé , et ses
filles traitées eji esclaves. Cependant
Caïubyse fut si touché de la force
d'ame que l'infortuné monarque mon-
tra dans cette circoustance, qu'il i'é-
pargi.a; et il était di>;po*>é à lui ren-
dre le gouvernement de l'Egypte ,
selon l'usage des Perses , qui con-
fiaient ordinairement aux fils des roiâ
vaincus, les états ipie leurs pères a-
vaimt possédés : le fils de Cyrus
en aurait agi de même s'il n'avait pas
appréhendé que le prince égyptien
ne se révoltât dans la Miite. P.sam-
menite fut retenu à la cour , tiaité
avec Loimeur, cl envoyé ensuite à
Suses, avec «ix raille Egv[)tiens cap-
tifs. Mais , accusé plus tard d'avoir
tenté lie faire soulever les Egyptiens ,
ou lui fit boire du sang de taureau ;
et il en mourut. S. IM — >.
PSA M MIS, (ils de Necos ou
Nechao H , fut le .J-G"^ roi ilc l'E-
gypte , et le sixième de la vingt-
sixième dynastie. On lui donnait
aussi , selon Jidcs Africain, le nom
de Fsammiticlius , son aicul , de
sorte qu'il aurait été le second mo-
narque égyptien de ce nom. Le mê-
me auteur et Eusèbe l'appellent en-
core Psammuthis. So\is son règne,
une ambassade des Elécns vint con-
sulter les plus sages des Egyptiens,
surla bonté des usages qu'ils avaient
établis pour la célcbraticu des jeux
PSA
olympiques. Ces usages furent blâ-
més par le prince égyptien , à cause •
do la partialité qu'on y montrait pour
les Cirées. Psammis mourut dans une
expédition contre les Ethiopiens. Il
avait régné six ans comptés, ou cinq
années révolues du 20 janvier ^u)C) ,
au 18 janvier 51)4 avant J. - C Son
fils Apriés lui succéda. S. M — n.
PSAMMITIQUE, le premier roi
de l'Egypte qui ait ouvert l'entrée
de son royaume aux étrangers , et
qui y ait attiré les Grecs, él.til le «pia-
trième prince de la dynastie des Sai-
tcs. Eils d'un certain INecos , qui
avait été mis à mort j)ar le-» Ethio-
piens , maîtres de l'Egypte, P>aui-
Diilique , jeune encore , avait été
emmené en Syrie, pour le sous-
traire aux recherches des vain-
queurs. Après la retraite des Ethio-
piens, il fut rappelé dans sa patiie,
par les habitants du nome Saite.
Il parait que Icn Elhiopiens , à leur
départ . avaient l.ii>..sc l'Egypte dans
le trouble et dans la divi.-iun , et (pic
les premiers princes de la vingt -
sixième dyna>lie fiirenl loin d'a-
voir l'autorité souveraine sur tout le
royaume. Eu elFet , quand Psammi-
tique devint roi , en l'an ({(i-j av. J.-
C. , après Necos ou Nechao l*"' , cpii
était sansdoute son parent, il fut ob-
ligé départager le pouvoir avec oii/,c
autres rois; ctl'Egyple fut aIor->ilivi-
sée en douze souverainetés particu-
lières. C'est cette espèce de gouver-
nement que les Grecs ont désigne
par le nom dcJodecarchie. Les dou-
ze rois réglaient en commun, dans
des conseils généraux, tout ce qui
était relatif aux affaires de l'état.
Cet ordre de choses subsista durant
quinze ans. Un oracle avait |)ré-
dit que l'empire de l'Egypte eiitière '
appartiendrait à celui des douze rois
qui ferait un jour des libations avec
PS 4
une coupe d'airain. Un jour donc
que tous ces rois sacrifiaient en com-
mun , dans le temple de Vulcain , à
Mcmpliis , il se trouva que legiand-
prètre , qui distribuait les coupes
d'or dont ils se servaient, n'en avait
apporte , par hasard , que onze.
Quand ce fut le tour de Psammiti-
qiie, qui était ie dei/iier, il employa
son casque, qui était d'airain. Cet
incident causa de l'inquiétude à ses
collèi^ues, qui, ne pouvant le pu-
nir d'un acte non pre'me'dité, le re-
lëgucrent dans son jîjouverncmcnt ,
en lui enjoignant de ne plus se mêler
de l'administration générale. Il ne
faut voir dans cette histoire, racon-
tée par Hérodote, (|u'une de ces mi-
nuties vraies ou fausses que les Orien-
taux aiment encore actuellement à
joindre au récit des grands événe-
ments, et qui n'importent en rien au
fond des choses. Quoi qu'il en soit, il
paraît quel'ambition de Psammitique
excita les soupçons de ses collègues ,
qui crurent devoir prendre des pré-
cautions contre lui, et le confinèrent
dans les cantons qui formaient sou
partage. Peut-être même l'historiet-
te d'Hérodote n'est - elle autre cho-
se que le travestissement populaire
de ce que nous disons. Psammitique
était maître des régions marécageu-
ses et maritimes qui terminent l'E-
gypte du côté du nord : c'était une
excellente position, soit pour se dé-
fendre, soit pour s'assurer des res-
sources. Le commerce actif que ses
sujets faisaient avec les Grecs et les
Phéniciens, lui procura de grandes
richesses, et le mit en relation avec
beaucoup de priuces et de peuples
étrangers. Ses collègues, pour préve-
nir ses desseins , prirent les armes
contre lui. Psammitique fit venir
alors des troupes mercenaires de l'A-
rabie : U engagea beaucoup de Ca-
PSA
Ï79
riens et d'Ioniens à son service , et
se trouva en état de résister à ses en-
nemis.Les deux partis furent bientôt
en présence, dans la partie occiden-
tale de l'Egypte, à Momemphis, non
loin du lac IMaréotis. Psammitique
y dut la victoire a la valeur de ses
alliés. Plusieurs de ses collègues pe'-
rirent dans la bataille ; les autres se
retirèrent dans la Liby^, renonçant
pour toujours à l'empire. Comme,
selon Diodore, la durée de la dodé-
carchie fut de quinze ans, cet événe-
ment dut arriver en l'an Oju avant
J.-C. C'est ainsi que Psammitique
devint seul souver.iin de l'Egvpte.
11 ne se borna pas à témoigner sa
reconnaissance pour les Cjiccs , à la
valeur desquels il devait l'empire, en
leur donnant les sommes qu'il leur
avait promises : il leur céda enco-
re des terres et des habitations si-
tuées sur les rives du Nil , auprès de
Bubastis , sur la branche Pélusiaque.
Les Ioniens étaient séparés des Ca-
riens parle cours du fleuve. Psammi-
tique, en plaçant des colonies sur les
frontières d'Egypte, du côté de la
Syrie, avait sans doute Tintentiou
de les employer à la défense de son
royaume ; et le nom que portaient
ces établissements en est la meilleure
preuve. Xeurs ruines subsistaient en-
core du temps d'Hérodote , qui les
visita : elles ])ortaient alors le nom
de ÏToarô;rc!?a, c'est - à - dire les
Camps. C'étaient donc des postes ou
cantonnements militaires pour les
troupes grecques, que Psammitiqueet
ses successeurs eurent toujours à leur
solde. Sous le règne d'Amasis, les
descendants de ces Grecs vinrent s'é-
tablir à Memphis, où ils furent ap-
pelés parce prince, pour qu'ils lui
servissent d'appui contre les Egyp-
tiens. En toute occasion, Psammiti-
que montra une extrême partialité
12.,
i8o
PS A
envers îles ctrnnj;ers qui lui avaient
été si utiles. Dans une expc'dilion
qu'il fit en Syrie , il leur assigna la
])lace d'honneur , et les mit à l'aile
droite, tandis que les Egyptiens fu-
rent placés à la gauche. Le niécon-
tenteinrnt des troupes nationales fiît
tel. qu'il en résulta, vers riiitcrieur
de l'Afrique, une émigration qui eut
la plus grandeinlliiencesur la civilisa-
tion de ces contrées peu connues ( i ).
Quand P>aininiliqiii' fiit devenu le
PSA
paisible monarque de l'Egvple, il
s'occupa d'augmenter les ressources
de ses états, pour en accroître les
revenus : il est à croire que son affec-
tion pour les étrangers et toutes les fa-
cilités qu'il leur accorda pour com-
mercer dans son royaume , n'avaient
pas d'autre motif. Tous les Grecs, qui
venaient chercher fortune en Egyp-
te , étaient sûrs d'y êtfe Lien ac-
cueillis. 11 fit même élever ses en-
fants à la manière des (îrecs ; et il
(■U'.it <%<n<'cn<i.t iiii'.Tt..ii| .iiit jrru. r ver» Tr-
|MA{ur du lri<<iii|>lir ili- Puiniiiitiqur »ur -r« rivant ,
|wir ci>bM-qnt*itl |wii ^pri «i l'au G »i av. J, C l>rus
c«i)t qiiaraiilt* luiUr lii'iiinirs dr \» (-u.%t<- militaire
«(•«ndoiiiM mit aliir» K-urs rantonnciiirnl» de Oa-
|ililir,,dr >lari a r> d'Lk iilialitior, lur lr> fniDlir-
rr>de S_\rir , dr l->l>yr rt dr !Nt4»r. ■>« , rootrc Tii-
aagr , on 1rs arait la>»>r« tnjis an* mus In rrlrvrr.
IUalK-rrntriiLtlii<>|iir,a)>and>)niuiutrn LïY|>trlrur»
IVmiut-* rt lriir>rur.iiit<. Puuimiliquv mit rai runit
tout en frtiTrr j>'iur le*» nigai^rr à rcrt-nir daiu leur
patrir : on < <>on.>il rrii<'r(;u|u«' rt ludccriile r>prr>-
iMiii dr Irur nfu». <!i-« EKy|i|iriii rruunri rriit pour
jaaiait d Iriir |u.t« rt à Irun ramilli-i ; rt iUoinliuur-
rrnt *!•• n mfi:li r Ir Nil. rn l'i-ufoufant daiiaira iiro-
f I.ii'« ■!• I Mri<|iii' . iu>4|u'^ unr di«tancr dr tjiia-
In- tir t- 1. 1. .\i.;.(i u au-drlà d'I'Jt-pliauti.r , au-
e •lit .11. <l' ••II. il. M, r<jr i|ur rrltr drillii rrvillrrat
I I i:ii' I' di- l'i.^yplr; cr qui uuut conduit .'i uuc la -
1:1.1. Il J U<|urllr na( TOTa^mn niodrmr* nr t ait
|i^<i'.it'jirparTi'Uu»Oltrriui^ratiucirrMrmlilcl>raii-
ttHi|>^ la rrtnitr dn Maiurl<>uLt riliapiM-» au niaa-
s^rrr ui il»-u>r p.tr Mi>liainiurd-.\li. IN ont fui juiqu'j
unr »Ui» ^raiidr dittaurr dant l'iulcrirur de l'.^rn-
«iiir ^. Cn traient Turent nccnrilli, j^r Ir n.i d'Ii-
Ikiui'ir , t^ui Irur cunrrda Ir pav» d'un pnipir ro-
iwuii.Apr'» •'rni'irr rrndiia matin t, il» s'y rtaLli-
irnt , rt y Inrau-rtot uDr nation ptii««antr , que Irj
Ctrri-sunl < unnur anu» Ir nom li' Iniom, Un , c'ut-i-
dire, I > Em.^rc' trlun llrrudotr ^ lik. Il , •; 3o \
lU I oHaii'ut, m rlliiupiru , Ir nom JC .l'niàch ce
qui »i^uitir, erux qui «r lienngttt a la gauche tlitiot,
Strabou ( <»<l.igro/M. , lih.wi. (\. --0 ; lib. XVII,
l'-'S T*'' '-"l •""»' mi-iition dr crttr cnlunir d'L|;v|>-
lien» < iil. 9 Ku miliru dr l'Afrique : ma» il Ira place
{Juspri^, dr>lcror , rt il leur doniir le aom dr .Vrm-
■nfr», c'i»t - j -dire , t'rniu </'<ii/'riiri. Il» y ocru-
(«ieiit un patt nomme Tcnétii , •( il* ■ib«-i->airut
aut loi» d'une Trmmr. Ou trouve la mrmrrhnM-di.ua
Pli», i //,,i. nal. , lib. \l , cap. 3o ) , qui puilc dr»
Si-iuhricUs .M>unii>l une reine. l.radrronv< rlrtf^i.
tit rrit inuiri.t ru I.liiiupie , aur Ira riyr* du Nil «u-
piririir, par Ir vi.jasr.ir (lailliaud , ruuriiiia«'Ut une
iiuuii'lir t-uutirniation de ce fait. Aii-drl.'i dra li>n«
qu'il Liuit, an t. .lurr de raiauD .rrpuudte j l'anti-
que 51 i rué, eu rrmunlai.t IrNil, il a iinrunlri' de*
riiiii.» rvu'.rrlrad'iuai ri|>li.ioa ru raia< terra liirro-
■f U I Jiiqu-» t ryptirns. B< rump.<gm'( de l>.i»-rrlu-la qui
1 ■ T, M'utrut lr>r<pluil»ii'unr rrinr triompluntc, C-
j.:ir .■ tTiminr Ira r..i> vaiuqut-ura le aont sur Ira m«-
nuturnl>drl'i:.:vplc.Ilrat iiu)»uiblrd'iiidii|iu'rqurl
fit Ir %ri ilablr tel ineiJr la ri t r.iitr dis É^y-itirna fuei-
lir«; mais il e»t pn.l.al.le qu'il» anirrut a.>aex loin
aur io rici rucuro iucuuui-s du Nil bla c: ce uni
nous If lui I prrsumer , l 'isl ci tic circon>Ianre , rcr-
tainrnirnl birii importitutr , nipiuirtre par llrrudotr,
ipii dit: « 11 rat crrtaiii que le Nil > iriit dr l'oiirari
M mat« on ne prut rien a*^urrr •ur ce qu'il r*t nii-
» drU Ji'< Yii(i>mo/ri.inrrt>d..lib. Il , S :ii.1 » Il ni
F' aultrr'vidrmmrut que la lui tir dr ir llriivr qui Iru-
veraait le iia%a dr » Autnmolra, ou dr»riiiî{;rra l'.^vp-
tirna , couluil lie l'uurst ; rt c'est rd'rclivrmrDl l.< lii-
rrrliun mniiur du Nil lllaiic iusqu'.'i son r.mflui ni
avec le Nil lUru , c|ui >ient du sud. I.ra deux
flcuvra rriinia rontinui-nt Irur ruuia vrrs le nord.
Lra Automiileade\Biriit d'iuc elle luit loin drs lieux
où .Slraliiin ri Plinr plurent 1rs Srmbrilrs , qui snnt
crr|H-iidant les mt-inea. Mai« duit-<>D prendre absolu-
ment à la Irttrr Irf exprrasiuiu de ers uiitrurs? rien
t\\ oblige ; car ces rcrivains , rn disant que Ira ré-
fugies rf:y|itii us orcupairut, de Irurtenips , tel pav«,
D*en(rndrnt |Bas dire qu'ils n'occupairiit que rc p.iys,
1 1 qu'ils n'en av.iirnl jamais poaat'dr d'uiilrrs. On va
Tuir, aurontiaire, que ces auteurs doniirnl liini au>
LxTptirOs (Ira I tablissrmrnta non loin ilr Même ,
mais f|u*ils leur en aaaigurnt encore d'iiutrea , .'i une
tr^a-|;r.<ndr distance dr ce lieu; rt , roiiiiiie ils Ira
mettent , |m>ui la plupart , aur le rote libyen du Nil ,
il rat iiiduliiuble qu'ils etaitiil ailiies .'• 1» gauche du
fleuve Kl.anr, avant el apri a«oii ronfltient avec les rr-
viirea d'I.tliiopie. t/est aur l'iiutnriti' d'Krutostbi'-
urqui' Strahon parle d'unr ile roriiirepar le Nil, au-
dessua dr Meroe , où habitaient les l'ugitira égyp-
tiens venus rn Lthiopiedll temps de Psuliiinilique. Il
dit qu'ils étaient gouvernes iiar une frninie ,etiiii'i|.s
rrcoiiuaissaient la siiprrinade du aou\eiuiii qui ré-
gnait à Ml ror. .Stialiun fait encore iniation , iliuis un
autre endroit ( tiéogrnftliie , livrr XVll , p 7W) ) ,
de cettr^niêiiie ile. voiainr de ^Terue , ajires avoir
parle du (lays de 7'crné<ii , situe dans l'intérieur des
trrrrs, et qui riait saiia duutr le vrriLible pavs des
rériigies Lgyptirns ( ibid., liv. , XVI , p. 770 1. O
3u'il dit de ce» rr|;ioas est tin- de- écrits (i'Arterai-
orr ,qui avait vuyafjé en Afrique. Pline donne quel-
ques détails de plus ( l/in. nal., lib. VI , cap. jol :
il rapporte que .selon Aristornon , qui avnit été en-
voyé à .Mer<M.'sons leri'|;iiedrPt<léméc-Pliiladrl|>fae,
ootruuv-iit, à cinq iouruérs de Méroé , aur lu rive
libyenne du Nil , une v ille appelée 'J'ulet,- et qu'ù dou •
Ke|ouinees plus loin , 1 lait /«ar, ville desL^vplien*
qui av.iirnl fui la domination de Ps;iinniilique , et
qui y baliitaieut depuis trois cents ans ^ t.ette ville,
selon lliiifi , était appelée Sn/jrs , nom qui , commo
eelui d'E'ar, sigoitiait é/ra/<ger< , sans doute dans
la laugue du f-iy» )■ On voit, par ces ili tails, que le
itays des Aiilomolea et une de leurs principales vil-
rt etaitutsituésa-aex avant dans l'intérieur de l'Afri-
que, II est doue à (Toire que leur territoire s'éteu-
PSA
contracta des alliances aveclcs Athé-
niens et d'autres peuples de la Grè-
ce. Il s'occupa aussi d'embellir sa
capitale de plusieurs beaux monu-
ments. Ou lui attribuait , selon
Hérodote , les propylées méridio-
nales du ^rand temple de Vulcain ,
à Mcmplus . le mur d'enceinte de
tout cet édifice , ainsi que plu-
sieurs autres bâtiments , et même le
célèbre labyrinthe. Psammiliquc fit
encore long-temps la guerre en Sy-
rie , où ses troupes restèrent vingt-
neuf ans , devant la ville d'Azotus ,
dans la Phénicie. C'est sans doute
dait bien nu - delll I^n elTet , en continuant sa nar-
ratin'i , Pline place leur métropole dans Tlle de
Semhohilis , qui devait être encore plus loin , puis-
que Pline procède, dans cette partie de son livre, en
allant du nord au sud. Ceci es! confirmé d'ailleurs par
un passage dtï même auteur, qui, sur Vautorîté d'un
voyageur nomint- Bion , met vinj;t journées de dis-
tance ent'e Méroé et Vile Seraboljltis.. Comme ,
selon Aristocréon, Esar , ville égyptienne d'Ethio-
pie , t-tait située à dix - sept joumérs de Meroé , il
s'ensuit que leur capitale était à trois journées au-
delà; et, comme rien nedonne lieu de penserqu'elle
ait été placée sur l'extrême frontière du pays qu'ils
occupaient , il est probable que leur territoire s'é-
tendait encore à une plu.s çrande distance. Entre l'î-
le .Si mbobitis et Méroé , on trouvait plusieurs autres
îles, avec des villes qui appartenaient à ces Egyp-
tiens. La plus voisine de Serabobitis était l'île des
Sembrites , où résidait leur reine. Une ville du nom
d'Asar ou K'ar , déj.ù porté par une des cités égyp-
tiennes de l'Ethiopie , venait ensuite ; p»iis Daron ,
dont la dénoiuination s'appliquait de même à une
double localité; l'ile deMedoé.qui contenait la vil-
le d'Asal et lile Garodès, avec une ville du mê-
me nom, tandis que, sur la rive du fleuve , on
voyait les villes de Navos, Modundas, Andatis, et
beaucoup d'autres. La colonie égyptienneavait aus-
si des établissements sur la rive droite du Nil; c'est
là qu'était située une de leurs villes appelée Daron ,
et une autre nommée S'ni. ( Contra in asarico lalere
Dnrnn o/ipiditm esse eorum.... Cnput enriini in in-
siilà Seinbohili , et terlinni in Arahiâ , Sai.) Il est
donc constatât par tous ces faits que les descendants
de ces fugitifs Egyptiens possédaient, vers le troi-
sième siècle avantnotreère^toutes les régions situées
sur les deux rivs du Nil , ainsi que les îles de ce
fleuve , au-del;i de Méroé , en allant au sud vers le-
fleuve Blanc; que leur métropole était alors à vingt
journées de cftte ville; et conséquement que leur
territoire devait s'étendre dans uu éloignement plus
considérable vers le sud-ouest , de manière à attein-
dre le fleuve Blanc , en le remontant peut-être à une
assez grande hauteur , Cf>mme l'iudiqucutd'ailleurs
les distances données par Hérodote , et la direction
de l'ouest à l'est, qu'il attribue au cours supérieur
du Nil , circonstance très-importante, qui ne peut
s'appliquer qu'au Nil Blanc , le seul des fleuves de
cette région qui ccmlc ainsi. S, M— N
PSA
i8i
pendant qu'il était occupé de ce siège,
qu'il sut , par ses présents, arrêter la
marche victorieuse des Scythes, qui,
après avoir rendu tributaires tous
les princes de l'Asie , s'avançaient
dans la Palestine, pour porter leurs
armes eu Egypte. Cet événement
dut arriver en l'an 6^(3 avant J.-C;
car c'est vers cette époque, qui ré-
pond à la treizième année de Jo-
sias , roi de Juda , que le prophè-
te Isaïc annonçait la prochaine ir-
ruption des Scythes dans la ter-
re d'Israël. Psammitique vint à leur
rencontre, pour les dissuader d'en-
trer dans ses états. On voit , par
la narration d'Hérodote , que les
Scythes avaient déjà pénétré jus-
qu'à Ascalon, non loin des frontières
de l'Egypte. La tentative attribuée à
Psammitique pour s'assurer si les
Egyptiens étaient le plus ancien peu-
ple du monde, est trop connue pour
que nous fassions autre chose que
de la rappeler : toute l'utilité pour
nous , du moyen qu'il employa , se
réduit à nous apprendre par quel-
le expression les anciens Phrygiens
désignaient la nourriture journaliè-
re de l'homme. Psammitique mourut
après un règne de cinquante-quatre
ans , laissant la couronne à son fils
Necos II. Ses années royales durent
compter depuis le G février 667
iusqu'au 24 janvier 61 4 avant J.-C.
S.M— N.
PSAMMITIQUE, descendant du
précédent, régnait en Egypte, en l'an
400 avant Jésus-Christ, non avec
la plénitude de la puissance souve-
raine , mais seulement comme vassal
du roi de Perse. Vers cette époque,
Tainus, satrape de l'Ionie, se réfugia
en Egypte avec sa flotte cl ses trésors.
Il redoutait la colère de son souve-
rain Artaxerxès , roi de Perse , parce"
qu'il avait pris part à la révolte dfr
l82
PS A
Cyrus le jeune , frère de ce prince.
Cet ofllciiT , quoique Persnn d'ori-
gine,était ne à Mrnipliis:il crut donc
trouver un asile auprès de Ps.inuuiti-
qiie , comptant d'ailleurs sur le sou-
venir des services qu'il avait rendus
autrefois au priuce égyptien. Le$ tré-
sors que Tamus apportait , teiilt rent
la cupidité de Psainmifique , qui ,
joignant la cruauté à la plus odieuse
ingratitude, (it pèiir le satia|ie d'Io-
uic,avcc toute sa famille, cl s'empa-
ra de sa flotte et descsriclicsscs. C'e^t
là tout ce qucnoussavonsdecePsani-
ïnifique. Il eut pour successeur Nc-
plieriiès I*^'., qui régna, en 897 av.
J.-C. , comme prince indépendant,
et fut le premier roi de la viugt - neu-
vième dynastie, nommée des Mt-n-
désiens. — Aristote nous a conser-
vé le souvenir (1 ) d'un autre Psam-
MiTiguE , dont le nom sulVit pour
révéirr un fait important , resté
entièrement inconnu jusqu'à présent.
II était fils de Gordius ou Gorgias,
frère de- Périandrc, tyran de Corin-
thc , et il fut son successeur, selon le
même Aristote, qui nous apprend
encore qu'il gouverna Corinlhe pen-
dant trois ans et demi. Nous profi-
terons de cette occasion pour sup-
pléer , en peu de mots , à ce qui a été
dit dans l'article PtniA.NDr.E , sur l'é-
poque de la moi t de cet homme cé-
lèbre. Ce point de chronologie ne
présente pas , à beaucoiip près, tou-
tes les diflirid;é> dont Li Nauze ,
I.archer, Clavier, et plusieurs au-
tres savants l'ont cnviionné, en se
laissant guidrr j)lutùl par des sys-
tèmes particiilicis , que par les-faits
et les autorités qu'ont allégués les an-
ciens; de sorte qu'en celte circons-
tance , comme en bien d'autres , ils
ont jeté dans l'histoire ancienne de
(t) Arist. Polit., IiTj. \, cap. ii.
PSA
la Grèce, une confusion et nnc in-
certitude qui i1*v ont jamais été. I.c
chronologisie Sosicrate de Rhodes
( 2 ) mettait la mort de Périandrc
quarante ans avant Crésus, c'est-à-dire
avant la prise de Sardes, fixée par
cet auteur à l'an 545 avant J.-C. ,en
la quatrième année de la xlviii*".
olympiade. Cet te date, qui se retrouve
dans la chronique d'Kusèbe (3) ,
place donc la mort de Périandrc eu
l'an 585 avant J.-('. : en ajoutant à
celte date, les années de Périandre
et de Cypsélus son père, la durée du
gouvernement des Pryfanes , la som-
uiedes règnes réunis des rois de Co-
rinlhe jusqu'à Aletès, le temps écoidé
entre lin, et le retour di^ lléraclides,
puis l'espace compris entre ce retour
cl la prise de Troie, tous intei valles
dont la durée est connue , l'on ar-
rive naliircllemrnt , sans la moindre
lacune . jusqu'à la véritable époque
de ce grand événement. Oiielqiics lé-
gères dilllcul tés de détail (pii restent
encore , s'expliquent aussi aisément
et par de simples distinctions. C/est
donc en l'an 585 avant J. - C. , que
Psammitiqiie succéda , sur le ti ônc
de (>)rii:tlie , à son oncle Périan-
drc. Comme, selon Aristote, il régna
troisanset demi, c'est en l'an 58^ av.
J. C. qu'il faut placer probablement
la fin ne son règne; et te gouvernement
républicain , inlerrompii par la dy-
nastie des Cypsélides , fut alors réta- 1
bli à Corinlhe. Nous ignorons com-
ment celte révolution s'opéra ; mais
ce qu'il importe de remarquer ,
c'est le nom égyptien de ce dernier
prince de la ra( e de Cypsélus , nom
particulier à la dynastie qui occupait
alors le trône d'Egypte , à cette dy-
nastie dont les fréquents et intimes
rapports avecles Grecs sont bien con-
( i) .'IpurI Diog. Laert. in Peiinnd. , lilj. I , § 99.
P) Eu»eb. Chronic. , p. 33i , efdit. Mediol.
PS A
mis. La libcrtedn commerce avec l'E-
gypte dut ètresiirtout très-avantageu-
se à la ville de Corinliie, qui étaità
cette époque une des cite's les })lus
commerçantes de la Grèce. C'est sons
Pèriendic qu'elle parvint au plus
h.uit degré de splendeur, et que les
richesses des Cvpse'lides acquirent
tant de cclébrilc. 11 est vraisemblable
qn'ils les durent à leurs fréquentes
relations avec l'Egypte : le nom du
neveu de Periandie est, sans doute,
l'indication d'une alliance plus étroite
entre ces deux pays ; et Psammitique
I*-'"". , qui, selon Diodore de Sicile (4)
avait t'ait élever ses enfants à la ma-
nière des Grecs , avait bien pu donner
une de ses filles à Gorgias , frère de
Périandre , qui appartenait à l'une
des plus illustres fannllesde laGièce.
G'c-st à cette circonstance , dont la
vraisemblance est assez évidente, que
le fils de Gorgias aurait dû le nom
de Psammitique, qui serait alors celui
de son a'ieul maternel , comme on
le pratiquait assez souvent chez les
Grecs. Cette alliance entre la race
royale de l'Egypte et la famille des
Cypsélides, dut s'efTectuer sous le rè-
guedePcriandrc(6.i5-585av. .l.-C.),
et du temps même du grand Psammi-
tique ( 65'2-Gi4 av. J.-C. ), qui était
morldepuis vingt-neuf ans, quand le
priuccdu même nom, quenous regar-
dons comme son petit - (ils , monta
sur le trône de Corinlhe. S. M — w
PSAMMUS. 4G4^ roi d'Egypte,
et le 3^. de la 4*^' dynastie des Ta-
nitcs, la 23*^. des races royales de
l'Egypte , successeur et peut - être
lils d'Osorrhon , occupa le trône
pendant dix; anne'es comple'es , ou
neuf années re'volues , depuis le iG
mars 8 1 9, jusqu'au 1 4 du même mois
8 1 G av. .1. - G. Il eut pour successeur
(i) Lib, I,S Gy.
PSA i83
\n\ personnage nomme Zet, que nous
avons de fortes raisons de croire
avoir e'te' sa fdle. S. M — n.
PS,\MMUTHIS, roi d'Egypte,
est lé 3<'. de la i<=r*=. dynastie mende'-
sienne , révoltée contre les Persans :
tout ce que nous savons de lui , c'est
qu'il succéda en l'an 38o, avant J.-C. ,
à Acboris, dont il était sans doute
fds , et qu'il n'occupa le trône qu'un
au seulement: Népbe'ritès II fut son
successeur. S. M — n.
PSAUME (Nicolas), en latin
Psalineus , pieux et savant prélat ,
ne', en i5i8, à Chaumont-sur-Aire ,
dans le Barrois , c'tait fils d'un pau-
vre laboureur. 11 fut élevé par les
soins d'un oncle, qui, voyant en lui
de véritables dispositions, lui fit con-
tinuer ses études dans 1rs universités
de Paris , d'Orléans , et de Poitiers;
et lui résigna, en 1 538, sou abbayede
Saint Paul de Verdun. Deux ans
après Psaume embrassa la règle des
Prémontrés; ayant été ordonné prê-
tre , il revint à Paris faire un cours
de théologie , et soutint plusieurs
tlièses,qtji commencèrent sa réputa-
tion. Au chapitre général de la con-
grégation, il réunit la majorité des
suiliagcs pour la place de supérieur ;
mais il ne fut point confirmé dans
celte dignité , par suite de quelques
intrigues. Il alla, peu de temps après,
à Rome , solliciter la canonisation
de saint Norbert ( F. ce nom ); et
à son retour, il passa par Trente,
où le concile venait d'être convoqué:
il fit part à cette assemblée des mesu-
res qu'il jugeait les plus propres à ar-
rêter le relâchement de la discipline
dans les communautés religieuses.
En 1.548, le cardinal de Lorraine,
qui coiniaissait les talents de Psau-
me, lui donna l'évêché de Verdun ,
privé depuis long-temps d'un pas-
teur. Psaume assista, l'année suivan-
iS4
PS A
te , au synocie de Trêves ; et , en
i55o, il fut dcpiitc au concile de
Trente, où il prononça deux dis-
cours , l'ini sur r.ihns des be'iuTices
possèdes en comtnende, et l'antre sur
les droits des e'vcques , dont il mon-
tra l'institution divine dans la per-
sonne des apôtres. Ce (ut alors , dit-
On, que les réflexions de quelques pré-
lats italiens provoquèrent la fameuse
réponse de Danes ( foj'. ce nom );
d'autres auteurs attrihuent cette ré-
ponse à Psaume liii-rnênie. Les be-
soins de son dioroi^e rol)lij;èrent d'y
revenir à la (iu de la session; et il ne
iié{;li};ea rien pour le préserver de
l'hcrésie. L'empereur Charles-Qiiint
ayant assiette Metz, en i j5a, les ha-
bitants de Verdun etlrayés résolurent
de rétablir et d'aiiç;mentcr les forti-
fications de cette ville. Leur cvèquc
donna , dans cette circonstance , l'e-
xemple des sacrifices pécuniaires, et
se mit lui-même à la tôte des travail-
leurs , portant , comme im simple
ouvrier, des matériaux dans une hot-
te. La démolition de l'antique abbaye
de Saint-Paul , située sous les rem-
parts , ayant été ju;;ée nécessaire à
la défense de la ville, il y donna son
conspiiteiuent , quoiqu'à reprcl , et
la fit reconsiniire à ses frais dans
l'enrlroit où naj^uère elle subsistait
encore. Rion n'égalait le zèle et la vi-
gilance de ce prélat : il déjoua tous
les projets des sclitieux, et sut les
contraindre enfin à respecter le cal-
me dont jouissait son diocèse. Les
fauteurs de l'hérésie ayant tente de
surprendre Verdun, d.ins h nuit du
2 au 3 septembre lôOi , Psaume
prit si bien ses mesures qu'ils furent
repousses avec perte d'un j^rand
nombre des leurs. Il retourna , la
même année, avec le cardinal de Lor-
raine , au concile de Trente, et fut
nommé secrétaire de la congrégation
PSE
charc;ée de présenter les décrets sur
la réforme des évèques. Après la clô-
ture du concile , il se hâta de revenir
dans son diocèse, pour remédier aux
désordres qui s'y étaient introduits
pendant son absence, et y fit rece-
voir leconcile, dcuitil publia les .ictes
dans un recueil dedic au ciinlinal de
Lorraine. Ce digne prélat mourut
le () août i5'y5, et fut enterré dans
son église cathédrale, où l'on voyait
son tombeau décoré d'une épitaphp
qu'il s'étaitcomposée. Outre des Êtii.
lions des Statuts du svnode de Trê-
ves , des Actes ilu concile de Trente ,
du Missel et de quelques autres livres
à l'usage de son diocèse, on a de lui :
L exposition de la Messe , ^î>^i/^.
II. Présewatifs contre les change-
ments de religion , Verdun , 1 503 ,
in-8'. 111. Le Traiet liàif portrait
del'Éplise catholique, Reims, i5'^4»
in-8". IV. Medulla votorum cl sen-
tenliarnm Patruin concilii Tridcnti
ni super prœcipuis inaterii'i proposi
lis in comiresdlionihus ah adx'entii
card. Lntharinginci citm episcopis
Gallis ad finem concdii. Le journal
des opérations du concile a été pu-
blié par Hugo, abbé d'I'.stival, dans
le tome i*^"". du recueil intitulé : Sa-
cra anlifptitatis nioiiumeuta , pré-
cédé d'iuie Viederaufeur. D. Calmet
reproche à l'abbé d'Kstival d'avoir
retranché près de la moitié du ma-
nuscrit qu'on lui avait communiqué,
et que l'on conserA'ait à l'abbaye de
Saint- Vannes {f^. la H ibliolh. de Lor-
raine , p. -y -jS ). Quelques ouvrages
de Nicolas Psaume sont restés manus-
crits. On peut consulter la ï'ic de
ce prélat, dans l'histoire de Verdun
( p.ir Roussel ), p. 43i-66. W — s.
PSKLLUS ( Michel ) , le plus
célèbre et le plus fécond des écrivains
grecs du onzième siècle , naquit à
Constantinoplc, d'une famille patri ■
PSE
cicnne , mais dëcluie de sa première
splendeur. Sa mère eut de la même
couche trois enfants , deux filles et
un garçon. Pscllus nous apprend
qu'en venant au monde , il ne jeta
pas une larme ;et il assure que, dans
tout le cours de sa vie , il conserva ,
même dans les circonstances les plus
critiques , l'œil sec et le visage riant.
H fut mis dans une c'cole à l'âge de
cinq ans; et la lecture devint bientôt
pour lai un amusement qu'il préfé-
rait a tous les jeux et à tous les plai-
sirs de l'enfance. La rapidité de ses
progrès détermina sa mère à s'im-
poser des sacrifices peur cultiver en
lui d'aussi heureuses dispositions.
Il c'tudia la philosopliie, la théo-
logie, les mathématiques , la méde-
cine, et contribua beaucoup par son
exemple à ranimer le goût des lettres
et des sciences parmi ses compatrio-
tes. Ses talents et son zèle restèrent
long-temps sans récompense. Il se fit
enfin connaître de l'empereur Michel
Stratiotiqiie, qui le revêtit de la di-
gnité de sénateur, et le députa vers
Isaac Comnène, que le choix de l'ar-
mée appelait au trône de l'Orient
( lo^T ).Psellus sut se ménager la
protection d'Isaac ; et , malgré les
intrigues de la cour, il conserva la
faveur de Constantin Ducas , qui le
chargea de l'éducation de son fils Mi-
chel , surnommé depuis Parapina-
ce. L'histoire reproche, avec raison ,
à Pscllus de s'être plus occupé de
rendre son élève un savant gram-
mairien , que de le former à la science
du gouvernement. Lorsque Michel
monta sur le trône (1071 ) , Psellus
devint son principal conseiller^ mais
il ne fut point assez habile ou assez
heureux pour conjurer le danger qui
les menaçait l'un et l'autre. Michel
fut expulsé par Nicéphore Boloniate;
et Psellus , dépouillé de ses biens et
PSE
18!
de ses dignités , fut relégué dans un
monastère , où il mourut , peu de
temps après (vers 1079), dans un
âge très -avancé. 11 est auteur d'un
grand noml)re d'opuscules , dont Fa-
bricius a rapporté les titres dans lo
tome V de la Bihl. grœca, ( etllar-
lès , tora. X de la nouvelle édition. )
Comme la plupart traitent de ma-
tières théologiques ou métaphysi-
ques, qui ne présentent plus aucun
intérêt, on doit se borner à rap-
peler les principaux : I. Paraphrasis
inArislotelisUbrumperl hermenias
( de interprelatione ) gr. , Venise ,
Aide , i5o3 , in - folio , à la suite
du commentaire d'Ammonius sur le
même ouvrage ( Voj. Ammonius).
W.Couiinenlarii in octo lihros Aris-
totelis de physicd miscultalione ,
ibid. , Aide , i554 , in-fol. : le texte
grec est encore inédit. Cette trad.
latine est de J. B. Camozi. III. De
lapidum virtutibus, gr. et lat. , Tou-
louse , 1 61 5 , in 8°. Celte édition a
été publiée par le savant Maussac
( F. ce nom ) ; J. Et. Bernard en a
donné une seconde, plus correcte, et
augmentée d'un Fragment sur la
couleur du sang, d'a])rès l'opinion
des médecins persans, Leyde, \']^5,
in-80. IV. De victus ratione , de-
que facultalihus et siicci qualitate
libri duo. Le texte est inédit; mais la
traduction latine, qu'on doit à Laur.
Valla , a été souvent réimprimée ,
dans le seizième siècle. Ce n'est qu'une
compilation. V. De quatuor rnathe
maticis scientiis : arithmeticd, mu-
sicd,geomelricdet astronomid, com.
penr/;»ni, gr., Venise, i53'Ji, in.8''. :
cette éd. , publiée par Arsène, arche-
vêque de Monembasie , est la pre-
mière du texte grec ( F. le Mari, du
libraire , par M. Brunet). U Abrégé
d'arithmétique a été réimprimé sé-
parément, Paris, Wéchcl , i538,
i86
PSE
in-4°. Guill. Xyî.iiidcr en donna une
nouvelle e'ditioti sous ce tilre: Pers-
picuus liber de quatuor malhejiui-
ticis scii'nliis . Bàlc, i5")() , in-S". ,
et y )oif;nit une version latine. I/.in-
ne'e suiv.iule , Kl. Vinet pnbli.i la
version latine de l'onvra{;e (lePsellus
( P.iris. i-)57 , in-8^. ); mais il sup-
prima In ipiatrièrne partie, qui tnitc
(le l'astronoinic , comme iueomplètp,
et la remplaça par le Traité t,e la
sphère de Proclus. VI. De omnu'a-
rid doctrind , capita et (puvstioitcs
ne responsiones i()3 C'unplcctens.
Ce traite a ele public j)ar J. Ail).
Fabiieius. d'après un manuscrit de
la J{ilj|. de Hamhourj; , avec une
version latine, dans le tome v de la
Bihl. grœca, 70-180. VU. Ife ope-
ratione Dœmnnitm dialnpis , gr. et
lat. , Paris, it)i5, in 8". Cette cli-
tion , la première du te\tc , est due
au\ soins de Gilh. Gaiilniin ( T'tn .
ce nom ). Une iraduclion latinedeec
livre avait dej.i paru dans un Uc ■
cueil de plusieurs opuscules, pub'ie
par les Aides , en i îç); et ir)iO,qui
commence par le Traité de Jambli-
qiie : De mysteriii J-Jpyptinriim[ /'.
J.4mdliqi:e ). Pierre Murel ou Mo-
reau , de Tours, traduisit l'ouvrage
de Psellus en français et en latin ,
Paris, I ^77 , in 8«. ; et c'est 1 1 ver-
sion latine de IMurel, f]uc (jaulmin a
reproduite dans son édition , qui est
rare et recliercliée dcscuriiiix. \ 111.
Expositio ( metrica ) in Canticum
Canticorum ; publiée par Meursius
avec des notes , dans lui V.ecueilfyn
renferme les paraplMa^esd'Kusèbect
dePolycliron, sur le môme caiilique,
J.eyde, i(Ji7 , in-/,". IX. Limhi in
inlia et virlutes ; ana<^nç^e in Tan-
tnlum et Cyrcen , et allcporia de
Sphinrre, gr. ht. . Bàle , i.-)44 , in-
8°. La version latine est de Conrad
Gcsner. X. Synopsis Vgum versibus
PSI
lamlicis et politicis s.r. cum notis
tt vers. Intind Fr. Bosquet , P.iris ,
i()3'i , in-K". Meermann a inséré cet
uiivrai^e dans le premier volume du
Tliesaiinis juris [ î'. ME^n]\lA^^• )j
et liOiii^-Henri Teucher en a donné
une meilleure édiiiiui avec les notes
choisies de Corneille Sieben , Leip-
zig, 1781), in 8". de i44 p;<?;ps. XL
Opus uluin de terrœ situ , frj.wd et
nm£;;ii<////. ne; ce morceau , de (3 ou
7 p'î;es in-4". , porte le nom de
Psellus dans le m.iniiscrit du P. Sir-
nioiiil , )>bis complet que celui d'Dx-
ford . (pie lliiil«(m cite sous le nom
deNicepliore IMemmidas, et (]u'il so
proposait d'insérer à la suite de son
édition de Denys le Périégèle. foj>'.
le Mém. de Sainte-Croix sur la col-
lection des Petits {:éo};ra|ilus i Jintrn.
dessa\.'.,nyT\\ 1 78(),p. 7. ', 1 .^11 existe
des ouvrages inédits de Psellus, à la
bili'iotli('(pif du Kui, et dans diverses
bil.lidtlièq. d'Allemagne ( 1 \ Al'atiiis
a recueilli, dans le cliap. 3o de son
Traité De Psellis et eoruni srriplis
Diatriba, t(uis les éloges prodigués
à cet écrivain . sans pouvoir rélia-
biliter son anrieniie réputation. Ou-
tre la Bibl. de Fabi iciiis et llai!ès,on
peut consulter , pour plus de détails ,
Ou lin : Cnnun. de Sciiptor, eccles. y
ir, pig. ()',r)-85. V^^— s.
PSINACHES, 4.'5 1*-. roi d'Égvpte,
le ()'■. de la S*", dyiiaslic des T. miles,
fl I.r yUif iiiruilart <!<• r. s nianilirrili , < 'isl la
{*/irnnnfif'iffh.e lïe VnvMun , cotitriiaul Thûtoirc de
( (iiist >■■(<■■ '|>lr, tJciHiit U mort de Jc^» Tzitiii»!' s ,
iiKqii'ian T'iiur <\e t oii'lJiilin Duiat (oT^ - '"0 V
l'M-ilii«, aya 1 rtv lioiniiic d'rlal, a pu trniismctlrr à
1^ |»'»?l Til»* df» reii9ri»;iicinci'l< f-iirir-ui , «'t »oii rf-
ril nt vridiiiiK, tout'» lr> Tais c|iir la )>» nJ'id ne
l'i tiare pu ■>(.('.•( .luvrnui- forin.' dmiruii sii|>|il('iui'at
,.r.M,u.-
iiidi-ppiiuldr de l'Iii-tnire l'V7. iilin»-. M.
llnM* , •! i|ui l'iiii duil iiDC frirl liuDUe «fliliuii de t^i'on
!.• niarr.-. Pari», iSio. in - fol. . |.t. |.ar.- c. Ile de
l'histoire Je l'sello» , ronlimial'iir de l.euii. < le savant
)ielleni»leii>iD'lra au Imle de l'Hiitiiir grec um- yi-i"-
»ioii latine, ,iver de» iioles, it un rrrneil de f.rlliei
inàiitrt de Pm-IIu* , lirécs de diirirenls iual>u.srril>
(ireude la Kibliolliéciuc du lîoi , et relaÙTCS aai af-
laire* de ri)K.(pc ou il vimit. A — T.
PSI
la a I*. (îes dynasties égyptiennes, suc-
cesseur d'Osoclior , icp;na neuf ans,
depuis le 5 mai 1021 , jusqu'au 3 du
moine mois ioi3 avant J.-C, com-
mencement de la première année
royale de Psusennès II, qui le rem-
plaça sur le trône. 8. INI — N.
PSUSF.INNÈS ^^ , 447^ roi d'É-
gyplc,ctle o^e. delà •>. 1 <'. dynastie, suc-
cesseur de Smendès , le même que le
célèbre Osymaiidyas , fut roi pen-
dant quarante-un ans, depuis le 19
mai lo'-'^ jusqu'au 9 mai 1087
avant J.-C. , première année royale
deson successeur Nepherclierès II. —
PsusENi^Ès II , 7*. et dernier roi de
la mèmcdynastie , remplaça Psina-
cliès , et régna trente-cinq ans , de-
puis le 3 mai i o 1 3 jusqu'à»! 25 avril
979 avant J.-C. , qu'il fut remplacé
par Sesonchosis , le fondateur de la
dynastie des Bubastites, qui est le
même que le Sésac de l'Ecriture.
8. M— N.
PTOLÉMÉE I'-^, surnommé So-
rr/?, fondateur de la dynastie macé-
donienne, qui rétablit la monrircliie
ép;yplienne détruite par Cambyse ,
était (ds de Lagus, simple garde-du-
corps de Philippe, père d'Alexan-
dre ; mais comme sa mère avait été
long-temps la maîtresse du loi , qui
l'avait fait épouser à L.Tgus lors-
qu'elle était enceinte , Pto!émée pas-
sait pour être réellement fils do Phi-
lippe. Il était ainsi frère d'Alexan-
dre; et il appaitenait à la race des
Héraclides, à laquelle il se rattachait
encore par sa mère, Arsinoé , fille
de Méléagre, issu du sang royal.
C'est sans doute à cette illustre ori-
gine, autant qu'à ses belles qualités,
qu'il dut l'auiilié d'Alexandre et le
crédit dont il jouit à la cour de ce con-
quérant. Ptoléraée ne reconnut cepen-
dant jamais d'autre père que l.agus ;
et c'est de lui que ses descendants ont
PTO
187
reçu le nom de Lagides. De'jà sous
Alexandre , la compagnie des gardes
que Plolémée commandait, était ap-
pelée Lactée. 11 naquit vers l'an 3Go
avant J.-C. ,dans TEordée, province
de la [\lygdonie , qui faisait partie de
la Macédoine. Chez les anciens, l'o-
rigine des grands hommes est tou-
jours accompagnée de circonstances
extraordinaires. On raconte donc
qu'après sa naissance, Plolémée fut
exposé par sa mère sur un bou-
clier d'airain. Un aigle le couviit
aussitôt de ses ailes , pour le dé-
fendre des ardeurs du soleil et des in-
jures de l'air, et s'empressa de pour-
voir à sa nourriture. C'étaient-là des
présages certains de la future gran-
dcm- que les dieux réservaient à cet
enfant. S'il fût né quelques siècles plus
tôt, il ne nous en faudrait peut - cire
pas davaniagepour révoquer en dou-
te son existence, et pour le reléguer
parmi les personnages appelés mal-
a-propos mylliologiques , parce que
leur histoire est mêlée de quelques
circonstances fa])idcuses et assez
indifTérentes par elles-mêmes. Quoi
qu'il en soit„Plolémée , adopté par
Lagus, fut élevé, dès son enfance, à
la cour de Macédoine ; et il y rem-
plit auprès d'Alexandre les fonctions
domestiques réservées aux enfants
des familles les plus distinguées, ipii
contractaient ainsi , dès l'âge le plus
tendie, une étroite amitié avec l'hé-
ritier du trône. Aussi l'attachement
de Ptolémée pour Alexandre fut-il très-
grand : il en montra aussi beaucoup
pour la reine Olympias. Lorsque peu
avant sa mort, Philippe se brouilla
avec celte princesse, et qu'il la ré-
pudia , Ptolémée embrassa avec ar-
deur le parti d'Alexandre , qui avait
pris à celte occasion les armes con-
tre son père ; et quand la paix fut
faite , appréhendant le courroux de
i88
PTO
Philippe, il resta dans l'Epirc, où
il s'était retire , et ne revint en Macé-
doine qu'après la mort du roi. Dès
qu'AicKandre fut monté siir le trône
( en 33" avant J.-C. ) , il s'empressa
de témoigner sa reconnaissance à
Ptolcincc , en l'admettant parmi ses
gardes intimes, qui n'étaient qu'au
nombre de sept. Celte favcurfut pour
lui le f;agc de la constante amitié'
d'Alexandre; et Plole'me'e ne cessa
de lui donner , en toute occasion , de
nouvelles preuves de sa fidélité. Il
suivit son maître sur les bords du
Danube, contre les Tribilles, sous
les murs d:- ïlièbes; et enlin, dans
la guerre d'Asie. Sa valeur se si-
gnala sur les bords du (Iranique.
Blessé devant Halicarnasse , Alexan-
dre lui confia le gouvernement de la
Carie, et lui laissa un corps de trou-
pes pour achever la conquête de
cette province. Ptolcracc ne tarda
pas à triompher d'Orontob.tles, qui
la défendait : puis il la remit .i la rei-
ne Ada, qiM en était la légitime sou-
veraine; et il se hâta d'aller rejoin-
dre Alexandre, qu'il trouva en Cili-
cic j)eu avant la bataille d'Issus. De
ce moment il ne quitta presque plus
le héros macédonien , vil avec lui
les remparts de Tyr, les rives du
Nil , les sables de la Libye. Rcvemi
en Asie, il combattit encore dans les
plaines d'ArbclIes, où la victoire et
l'empircderAsic restèrent.! Alexan-
dre. Depuis lors, l'expélition de ce
conquérant ne fut plus qu'une mar-
che triomphale. Babvlone , Susc et
Persépolis se rendirent sans résis-
tance. La conquête de cette dernière
ville fut célébrée par des fêtes ma-
gnifiques et des sacrifices solennels.
Mais , au milieu des transports de
joie et des chants de triomphe, les
Grecs animés d'une soudaine fureur
à la vue des palais bâtis par les mo-
PTO
narqucs qui avaient livré aux flam-
mes les temples et les cités de la
Grèce , s'abandonnent aux trans-
ports d'une vengeance insensée ; et
bientôt la ville de Cyrus n'est plus
qu'un monceau de cendres. La célè-
bre courtisane Thais , maîtresse de
Ptolémée,ct .Athénienne de naissan-
ce, fut la première ."i donner le si-
gnal de l'incendie. Alexandre se re-
mit .Tussitôt en route pour achever
la ruine de Darius : mais il apprit
bientôt la trahison de Dessus, et il
n'eut plus qu'à venger la mort de sou
infortuné rival. Ik'ssus , se sentant
trop faible pour résister aux Grecs ,
fuyait vers l'Oxus , où il devait
se joindre aux Scythes qui avaient
promis de combattre pour lui. Le
roi de Macédoine détaclia donc
Ptoléméc avec un corps de cavalerie
d'élite pour le gagner de vitesse.
Celui - ci mit dans cette expédition
une célérité incroyable. Un espace
de dix journées de marche fut fran-
chi en quatre jours, cl bientôt le
traître Dessus fut ramené chargé de
fers. Les guerres opiniâtres que l'on
soutint ensuite contre les Scythes et
les Indiens fournirent encore à Plo"
léméc de nouvelles occasions de si-
gnaler ses talents et sa valeur. Des
passages difficiles, des places regar-
dées comme inexpugnables , fiuent
enlevées de vive force. Emporté par
son bouillant courage , Alexandre
escalade seul les murs de la ville
des Oxydraques : il est blessé griè-
vement ; et sa mort était inévita-
ble, si Plolémée n'eût couvert de
son corps le héros imprudent. Ce
général commandait une des trois
grandes divisions de la flotte d'A-
lexandre; il la conduisit depuis le
confluent de l'IIydaspcavec l'Indus
jusqu'à l'embouchure de ce dernier
fleuvedansl'Océan. Plolémée fulalors
PTO
chargé du ç;ouverneincut , et de la
conquête delà région marilimc , qui
s'étend à l'occident de l'Indus. Quand
il eut dompté les Orites , les Arabitcs,
et d'autres peuples barbares, il s'em-
pressa de rejoindre Alexandre , qu'il
accompagna jusqu'à Suse, où le roi ,
pour resserrer l'union qu'il voulait
établir entre ses sujets Grecs et Per-
sans, fit célébrer, avec de grandes so-
lennités , le mariage de la plupart de
ses officiers avec les filles des prin-
cipaux seigneurs Persans et Mèdes.
Ptolémée reçut pour épouse Artaca-
ma , fille d'Artabaze , illustre par
l'inviolable fidélité qu'il avait mon-
trée envers son souverain léiiitime.
Il fut ainsi beau-frère d'Eumenès ,
qui épousa Artonis, autre fille d'Ar-
tabaze. Bieutôtaprcs, Ptolémée suivit
Alexandre dans l'expédition contre
les Gosséens. Ce peuple soumis ,
Alexandre vint à Babylone , où il
mourut,lea2Juin3.i4avant J.-C. Ce
grand événement est une époque re-
marquable dans la vie de Ptolémée:
jusqu'alors l'honneur de servir et de
combattre sous un roi aussi puissant,
et sous un tel capitaine, avait été sa
seule ambition ; nous le verrons main-
tenant constamment occupé du soin
de s'assurer d'abord, et de conserver
ensuite une partdes vastes conquêtes
auxquelles il avait contribué , pour
y fonder une domination durable.
Au courage guerrier , il joignaittrop
de talents et de belles qualités pour
ne pas réussir dans une telle entre-
prise. Aussi transmit-il à ses descen-
dants un royaume florissant, qui sub-
sista plus long -temps qu'aucun des
états fondés par les Macédoniens.
Alexandre prévoyait , en expirant ,
que sa mort serait le signal de grands
événements : il connaissait trop bien ,
sans doute, les généraux qui avaient
partagé ses triom^ihes , pour croire
PTO 189
qu'ils pussent obéira d'autres que lui.
Mourant , pour ainsi dire , sans en-
fants (car son fils Hercule, né de
Barsine, fille de Darius, n'avait que
quelques mois) , environné de guer-
riers tous pleins de génie et de va-
leur, son orgncil était peut-être flatté
d«s sanglantes funérailles que lui pré-
paraient tant de vaillants capitaines se
disputant un empire que lui seul avait
fondé. C'est là l'idée qui l'occupait
sans doute quand il remit son anneau
à Perdiccas , en prononçant ces mots
devenus si célèbres : Au plus di^ne.
Alexandre avait à peine fermé les
yeux , que déjà la discorde était dans
sa cour et dans son armée; déjà
chacun de ses oflicicrs songeait à s'as-
surer, par les armes, une portion de
ses étals. Sept jours s'écoulèrent sans
que l'on pensât à rendre les derniers
devoirs au roi. Enfin l'infanterie ma-
cédonienne mit un terme à ces démêlés,
en proclamant roi Arrhidée, fils de
Philippe, né d'une courtisane ihes-
salienne. Les généraux , et toute la
cavalerie , voulurent s'y opposer ;
Ptolémée proposa même de parta-
ger aussitôt l'empire. Cet avis ne
fut pas adopté. Les deux partis
finirent par s'entendre. On arrêta
qu'Arrhidée serait reconnu roi ,en
prenant le nom de Philippe , en-
core cher aux Macédoniens , et qu'il
partagerait la couronne avec Her-
cule, et le fils qui pourrait naître
de Koxane, femme d'Alexandre, qui
était enceinte. Arrhidée était inca-
pable de régner par lui-même : on
confia donc le gouvernement et la
tutelle des rois à Perdiccas, qui se
trouvait ainsi tenir le premier rang
dans l'empire. On procéda bientôt
a])rcs au jiartage des provinces j et
Ptolémée obtint l'Egypte avec la Li-
bye , ainsi que plusieurs parties de
l'Arabie et de la Syrie limitrophes de
iç)o PTO
l'Éjîvptc. Clcoincncs a qui Alexandre
avait confu' le soin d'achever la coiis-
tniclioii d' Alexandrie , était alors
cbir^e de l'adiniiiistration de ces rc-
j;ions. IMali^ré cet arrangement , il
était diflirilc que la bonne harmo-
nie subsistât long-temps ; Perdicras
ne tarda pas à manifeste i son ani^^i-
lion: jaloux de voir l'iolenue si bien
partage, il tenta, par de secrètes ma-
nœuvres , de le dépouiller de son gou-
vernement. Celui-ci, informe de tou-
tes ces menées , cl sachant d'ailleurs
que son lieutenant Cléomines était
un partisan de Perdiccas, quitta pré-
cipitamment li.ibylone, pour .iller
prendre possession de l'Kgvpte, et
il tua Cléornénes, qui voulait l'en em-
pêcher. I.e premier soiti de Ptolémée
fut de s'attacher les cœurs des égyp-
tiens : l'humanité et la justice qu'il
montra envers eux , ainsi que sa gé-
nérosité , lui acqiiirent de nombreux
partisaiis; il réunit des troupes, con-
tracta des alliances avec les rois ses
voi-Mos, et bientôt il n'eut plus rien
à craindre. Cependant , pour mieux,
se mettre a l'abri des entreprises de
Perdiccas , il envoya des ambassa-
deurs à Antipater, gouverneur de
Macédoine , qui redoutait , comme
lui , l'ambition de ce général. Le ma-
riage de Ptolémée avec Eurydice,
fdlc d'Antipater, rendit cette alliance
plus intime. Il est à croire que la
première femme de Ptolémée était
morte quand il contracta ce nouveau
mariage. Il serait possible cependant
qu'à l'imitation d'Alexandre, Ptolé-
mée ait eu plusieurs femmes en mê-
me temps: il est au moins certain
qu'il en fut ainsi par la suite, et que
cet usage fut assez commun parmi
les successeurs d'Alexandre. Librede
toute inquiétude, Ptolémée ne s'oc-
cupa plus que de terminer les monu-
mcuts et les cdiÛces d'Alexandrie, et
PTO
de régler l'organisation intérieure
de l'Egypte. Un événement impré-
vu contribua puissamment à éten-
dre sa don)ination. Les principaux
citoyens de Cyrènc, chassés de leur
pairie par une émeuie populaire ,
vinrent chercher un asyle en Egypte.
Ophellas fut envoyé avec un puissant
corps de trou[)es pour les lét.djlir
dans leurs possessions. Pour lui ré-
sister, les démocrates de Cyièue,
conclurent la paix avec un autre
parti d'exilésCyiénéens , qui étaient
venus de Crète, où ils avaient engagé
dans leur querelle uu général nommé
Thimbron. Réunis avec les nierce-
naiiesde Thimbron, ils assiégeaient
Cvrène. Les deux partis marchè-
rent contre Ophellas , sous les or-
dres de Thimbron, qui fut vaincu,
pris et mi:> à mort. Ophellas s'empa-
ra de tout le pays : Cyrènc perdit sa
liberté, et fui réunie a l'Egypte. Ce-
pendant Perdiccas poursuivait tou-
jours ses projets ambitieux : il vou-
lut faire périr Antigonc , et le dé-
pouiller de son gouvernement. Celui-
ci s'enfuit auprès d'Antipater, alors
en guerre avec les Etoliens. La pyix
fui bientôt faite ; et des ambassa-
deurs se rendu enl en Egyj)te, où
ils pressèrent Ploléiuée de s'armer
pour la défense commune. Voyant
qu'il fallait combattre, Perdiccas ré-
solut de marcher d'abord contre Plo-
léméd. Lue prédiction du célèbre de-
vin ArislanJjedcTelmisse, avait pro-
mis un bonheur sans mélange, et une
éternelle indépendance à la terre qui
(levait posséder le corjjs d'Alexandre.
Comme tout le monde était jaloux
de s'assurer un si précieux dépôt , ce
fut le sujet d'une grande dissension.
Perdiccas voulait faire transporter
en Mact-doine les restes du cou(|ué-
ranl. Ptolémée desirait qu'ils fussent
déposés eu Egypte dans la ville qui
PTO
portait son nom. Anliidëe, aulrc
gc'nëral, qui était lUi mciue sentiment,
et qui était peut-être dans les intérêts
de Ptuléinée , partit de Babylonc ,
avec une armée considéral)le , pour
conduire à D.imas , et de-!à en Eii,vp-
te, le corps d'Alexandre dont il était
gardien. 11 vainquit, en route, Po-
îémon , partis-'iu de Perdiccas , qui
entreprit de l'arrêter dans sa marche.
Ptolémée, qui s'était avancé pour le
recevoir , à la tète d'une armée , re-
vint en Egypte , où il fit déposer
provisoirement les restes d'Alexan-
dre, à iMempliis, d.uis un magnifi-
que tombeau , en attendart (ju'on
pût érigf-r à ce grand homme un
mausolée digne de lui , dans la ville
qu'd avait fondée. Perdiccas arriva
bientôt à Damas ; et il fit tant , qu'il
décida Arrhidéc , frère d'Alexandre,
à marcher avec lui contre Ptolémée.
Le jeune Alexandre , fils de Pioxane ,
et son frère Hercule, étaient aussi dans
son camp : c'était donc au nom des
rois et comme pour soutenir les droits
des légitimes hériàers d'Alexandre,
que Perdiccas entreprenait cette ex-
pédition. Arrivé devant Peluse , il
voulut s'assurer de celle place im-
portante : il en fit le siège , mais
ce fut sans succès ; un ancien canal,
qu'il avait rétabli pour défendre son
camj) , détruisit tous ses ouvrages.
Le découragement et la désertion
se mirent parmi ses soldats. On pré-
férait les manières douces et gé-
néreuses de Ptolémée , à la dureté
et à la hauteur de Perdiccas. Celui-ci
appréhendantlesefietsd'une plus lon-
gue inaction , résolut de brusquer les
événements , et de pénétrer , sans
tarder, dans le cœur de l'Egypte. Il
décampa de nuit; et une marche for-
cée l'amena promptement devant une
forteresse appelée le Mur des Cha-
meaux : il fut repoussé par Ptolémée
PTO
191
qui l'altcndaît. Ce contre-tengps ne
le rebute cependant pas encore : il
continue sa marche, en remontant les
rivesduNil, et parvientainsi jusqu'à
la hauteijr de Memphis. Là, il veut
tenter le' passage du fleuve , pour
s'emparer d'une île située en face de
cette ville : il est de nouveau repousse'
avec une perleconsilérable.Gctéchec
porte au comble l'exaspération de son
armée; et Perdiccas est immolé par ses
})ropres soldats , qui, sous les ordres
de Python ,se réunissent aux troupes
d3 Ptolémée. Ainsi péril Perdiccas ,en
l'an 3'À'i avant J.-G. Ptolémée aurait
pu facilement lui succéder dans la
tutelle des rois cpi'il avait tn son pou-
voir; mais il préféra la puissance qu'il
avait acquise, à ce frivole honneur.
Celte charge fut donnée à Python,
et à Arrhidéc, celui même qui avait
livré à Ptolémée les restes inani-
més d'Alexandre. Débarrassé d'un
rival si redoutable , Ptoléniée n'eut
plus rien à craindre pour les pro-
vinces qui lui étaient échues. Un nou-
veau partage, ordonné par Anlipater,
vint lui eu confirmer la possession.
Il voulut y en ajouter d'autres ; et il
tenta, par des offres très-brillantes ,
d'engager Laomedon, qiu avait ob-
tenu le gouvcinement de la Syrie , à
lui abandonner celte région. 6ur sou
refus , Nicanor v entra suivi d'une
puissante armée. Laomedon fut vain-
cu et pris ; mais peu de temps après il
parvint à s'échapper , et trouva un
asyle eu Carie, auprès d'Alcétas ,
frère de Perdiccas. Ptolémée prit
part en personne à cette expédition;
et pendant que son lieutenant Nicanor
s'empar.iit de la Syrie, il se rendait
maître de la Phcnicicet delà Judée.
Il soumit Jérusalem, dont il renver-
sa les murailles ; et il emmena en
captivité trente mille Juifs , qu'il
incorpora dans sou armée. De nou-
vcauïëvënemcuts atlirèrcnt vers l'A-
sie, rattciitiou du maître ilc l'Egypte.
Anlipatcr ctiit mort ; et Polyspcr-
clion était devenu tuteur des rois.
"Kciiui avec Kumenès , beau-frère de
Ptoleniec , dont ou craignait la va-
leur et l'audace , il commençait à de-
venir redoutable à tous les ofllcicrs qui
s'étaient partagé l'empire d'Alcxan-
die. Cassandre , peu content de la
charge de chiliarque qu'il avait à la
rour des rois , voulait être remis en
possession de la Macédoine , que son
nère avait gouvernée. 11 ne larda doue
|>as à ouvrir des négociations secrè-
tes avec ^ligont et Ptolcmce; et une
alliance ni conclue. Pioléniéc devait
cuvover sa llotle daus l'Hillespont :
bientôt elle fut en mer; il se ren-
dit lui-même à Zephyriiim en Cili-
cie, où il tenta vainement d'ébranler
la fidélité des soldats et des olllciers
d'Eumencs. Trompé dans ses espe'-
rances, il quitta ce lieu , en envoyant
ÎSicanor combattre , dans l'Helles-
pont , ClitMS , amiral de Poly>per-
chon, tandis qu'avec une autre i»ar-
tie de sa flotte , il appareilla pour la
Phénicieafindcs'opposerii Eumenès,
qui avait fait une irruption dans la
Svrie. L'arrivée inattendue de Ptolc-
inée, et la nouvelle de la défaite de
Clitus , arrêtèrent la marche d'Eu-
menès, qui renonça sur-le-champ
à son eutrepiise et se porta vers
les satrapies supérieures. Piolémc'e,
ne trouvant plus d'ennemis , se con-
tenta de renforcer les garnisons des
places de Phénicie , et s'en revint en
Egypte, eu l'an 817 avant J.-C. La
guerre continuait plus vivement que
jamais en Asie et en Euroj>e; elle lut
signalée par de grands et mémora-
bles événements: raaisPtoléraécévita
d'y prendre une part active. Tran-
quille dans ses états, il s'occupait
d'embellir la ville d'Alexandre, d'aug-
PTO
mentcr ses troupes , de rendre se»
Hottes et SCS places formidables : il
avait trop de prudence pour livrer ,
sans nécessite , aux chances de la
fortune et aux hasards de la guerre,
les états qu'il avait su acquérir. Il
se ménageait en silence les moyens de
se mettre pour jamais à l'abri des
événements , et fut merveilleusement
servi par la situation des pro\ inces
quiluiélaienléchues : partout la mer
et des déserts leséparaient du théâtre
de la guerre; et ses états étaient un re-
fuge assuré pour tous ceux de ses an-
ciens compagnonsque les revers delà
fortune obligèrent de chercher un
asyleeuEgvptc. L'ambi lion d'An tigo-
neforçaenlinPtoléméedepieiidrepart
encore une fois aux sanglants démê-
lés qui déchiraient l'empire d'Alexan-
dre. Pour éviter le sort d'Kiinienès,
de Python et de plusieurs autres gé-
néraux macédoniens, Séleucus fut con-
traint d'abandonner Babvlone. Suivi
de cinquante chevaux seulement, il
atteignit l'Egypte, où il fut très-bien
accueilli par Plolémée, enl'an 3 1 j av.
J.-C Seleticus ne tarda pas à le dé-
cidera conclure une alliance plus in-
time avec Cassandre et Lysimaque ,
pour résister de concert à Anli^onc
leur ennemi commun. Quand celui-ci
fut informé de cet accord , dont il
craignait les conséquences , il voulut
resserrer les liens d'amitié qui l'a- •
vaieiit uni autrefois avec ces princes.
Sur son invitation , les ambassa- •
deurs des allies vinrent le trouver i
à Mallus en Cilicie, au moraent '
où il se préparait à entrer dans la
Syrie supéiieure. Ces envoyés de-
mandaient la Cappadoce et la Lycie
pour Cassandre, la Phrygie belles- .
ponlicpie pour Lysimaque , la Syrie i
supérieure pour Plolémée, et la 13a- i
bylonie pour Séleucus. Ils exigeaient
en outre le partage des trésors cule-
1
PTO
vcs à Euinenës , sans quoi la guerre
était inévitable. Ces propositions fu-
rent rcjetëes avec nicfpris par Anti-
gone , qui vint aussitôt mettre le
siép;e devant Tyr , en l'an 3i4 avant
J-C. Dans le même temps, Sèleucus
parcourait les côtes de l'Asie - Mi-
neure, à la tête d'une flotte de cent
voiles , inspirant partout la terreur
aux alliés d'Antigone. Celui-ci, pour
se faire de nouveaux partisans , re-
coiuiut l'indépendance absolue des
villes grecques : il ne retira cepen-
dant pas de grands avantages de
cette démarche, parce que Ptoleniee
et ses alliés ne tardèrent pas à faire
une déclaration semblable. Peu après
Cassandre , satrape de Carie, em-
brassa le parti des alliés , et leur
fournit des troupes , et une flotte
considérable , commandée par Poly-
clilus. Elle opéra sa jonction avec
les forces navales qui étaient sous les
ordres de Ménélaiis , frère de Ptolé-
mée. Les deux généraux firent alors
voile de concert vers la Pamphylie,
pour y combattre Théodore, ami-
ral d'Antigone, et Périlaiis qui com-
mandait sou armée de terre. Ils
remportèrent une victoire complè-
te : Théodore fut tué , et Périlaiis
fait prisonnier. La flotte victorieu-
se se porta ensuite vers l'île de Cy-
pre ; et de là elle vint à Peluse , oij
Ptolémée combla d'honneurs les of-
ficiers qui l'avaient si bien servi. In-
formé de ce revers, Anligone aban-
donne le siège de Tyr , dont il laisse
le soin à son fils Démétrius , et il re-
tourne dans l'Asie 3Iineure pour y
combattre le satrape de Carie. Cepen-
dant Démétrius surnommé depuis Po-
liorcetes ou \e preneur de villes, pres-
sait avec vigueur la ville de Tyr , qui
fut forcée de se rendre, après une
résistance de quinze mois, en 3i3
ayant J.-C. La garnison et les parti-
XXXVI.
PTO 193
sans de Ptolémée obtinrent , par la
capitulation , la faveur d'aller re-
joindre l'armée de ce prince , qui
occupait encore la. Célésyrie, qu'elle
ne tarda pas d'abandonner pour ren-
trer en Egypte. Comme la révolte
des Cyrénéens suivit de près la prise
de Tyr , Ptolémée ne put défendre
la Syrie : il fut obligé d'envoyer une
armée et une flotte du côté de la Li-
bye. Quand celte guerre fut terminée
par la soumission des rebelles , il
quitta l'Egypte, et vint avec sa flotte
attaquer l'île de Cyprc , dont les
princes étaient presque tous attachés
au parti d'Antigone. Cette expédi-
tion était de la plus haute importance
pour Ptolémée, parce que celte île
commandait les côtes de la Phénicie,
et que c'était avec les forces navales
qu'il en avait tirées, qu'Antigoneavait
conquis ce dernier pays. Les rois de
Cypre furent vaincus et dépouillés
de leurs états, que Ptolémée donna a
Nicocréon , roi de Salamine, le seul
d'entre eux qui fût attaché à son
parti. Ptolémée ne borna pas là son
expédition ; il fit une descente sur la
côle de Cilicie , où il prit Mallus et
plusieurs autres villes. Démétrius ,
averti de cette subite invasion , quit-
ta aussitôt la Phénicie , pour re-
pousser l'ennemi • mais il arriva trop
lard : Ptolémée était déjà reparti
pour l'île de Cypre. Démétrius re-
vint alors dans ses cantonnements de
Phénicie, que ses troupes n'avaient ja-
mais cessé d'occuper , tandis que
Ptolémée cinglait vers l'Egypte. Au
printemps de l'an 3iu, ce prince
fit un armement formidable pour
recouvrer la Phénicie et ses pos-
sessions en Syrie. Il partit de Pe-
luse à la tête de son armée , et A^int
camper à Gaza, en présence de Dé-
métrius , un peu inférieur en forces.
Ses amis lui conseillaient d'éviter
i3
,94 PTO
la bataille ; mais Déme'trlus n'écouta
qu'une valeur imprudente : et vint
pre'scnicr le combat à sou adversaire,
à Gal.una en avant de Gaza. Les
deux princes rivalisèrent de vaillance
dans celte journée : opposés l'un à
l'autre , ils payèrent de leur person-
ne comme de simples soldats. Scleu-
cus, qui avait accompagné Ptolémc'e,
ne montra pas moins de valeur. Mal-
gré tous ses efforts , Dcmctriiîs ne
put obtenir la victoire : obligé de re-
culer, il voulait se défendre denièrc
les murs de Gaza; mais on le poursuivit
si vivement, qu'il ne put mettre ce
projet à exécution. Les vainqueurs
entrèrent dans la ville pêle-mêle avec
les vaincus, et ils s'en empalèrent
de vive force , tandis que Démé-
trius, trompé dans ses espérances,
se retirait à Azot. H avait perdu
la plus grande partie de sa cava-
lerie ; huit mille hommes avaient
été faits prisonniers , et cinq mille
autres étaient restés sur le champ
de bataille. Aussi généreux que bra-
ves , CCS deux rivaux se donnè-
rent réciproquement des preuves
de leur estime : on décerna des ob-
sèques magnifiques aux guerriers qui
avaient succombé ; et l'un renvoya
à Dénictrius les bagages qu'on lui
avait enlevés , ainsi que tous ceux de
ses amis et de ses serviteurs qui
avaient clc faits prisonniers. Sidon ,
Tyr et la Phénicie toute entière res-
tèrent au pouvoir de Ptolémc'e, qui
poussa plus loin ses avantages , et
soumit la plus grande partie de la
Syrie, tandis que Séleucus, à la têle
d'un détachement , se portait vers
la Babylonie, pour se remettre en
possession du gouvernement dont il
avait été dépouillé. Cependant Démé-
trius ayant reçu des renforts venus
de la Cilicie, et réuni les débrisde son
armée, qui s'était encore grossie par
PÏO
les garnisons de plusieurs places , se
trouvait de nouveau en état de tenir
la campagne. Il occupait la plus
grande partie de la Syrie supérieure ,
et il ne tarda pas à devenir inquié-
tant pourPiokiiiéc,quienvoya, pour
le repousser, un nombreux corps d'ar-
mée sous les ordres de Cillés : mais
ce général fut défait , et tomba en-
tre les mains de Démétrius. Celui-
ci , non moins généreux que Ptolé-
raée , s'empressa de lui renvoyer
Cillés ainsi que tous ceux de ses
amis qui avaient été faits prison-
niers. Cette victoire changea com-
plètement la face des alliiires. Dé-
métrius reprit rufTensive. Antigonc
passa bientôt le mont ïaurus avec
une j)ui5sante armée , et se joignit à
son fils triomphant. Plolémée vit
sans peine que l'avantage ne serait
pas pour lui , s'il tentait de combat-
tre en Syrie : les forces étaient trop
disj.roportionnées. Dans une telle
situation , la valeur aurait été inu-
tile ; il prit donc le parti de la re-
traite , préférant se défc ndre en Kgyp-
tc , où tout l'avantage était pour lui,
comme il availfait autrefois en com-
battant Perdiccas. Avant d'abandon-
ner la Syrie, il fit raser les fortifica-
tions d'Acre, de Joppé, deSaniarie,
de Gaza , et de plusieurs autres
villes : il rentra en Egypte avec
un immense butin, et n'ayant éprou-
vé aucune perte. Aniif^onc, deve-
nu maître de presque toute la Sy-
rie sans avoir livré de combats, ne
poussa pas plus loin ses conquêtes :
il n'essaya pas d'attaquer l'Egypte; et
Ptolémée futlibre de transporter sur
un autre pays le théâtre de la guerre.
Il se dirigea encore une fois vers
l'Asie-Mineure, et descendit dans
la Carie, où il vint assiéger Halicar-
nasse , qui fit une vigoureuse résis-
tance. Démétrius fut alors obligé d'à-
PTO
bandouuer Babylone, qu'il avait re-
conquise sur Séleucus, pour voler à
la defeuse de cette place importante.
La subite arrivée de Dëmëtrius con-
traignit Pioléme'e de repasser la mer.
D'autres succès , qui suivirent celui-
ci de près , amenèrent bientôt la
paix entre toutes les parties belligé-
rantes , également fatiguées. Cette
paix, ou plutôt cette trêve, dans la-
quelle on ne comprit pas Séleucus ,
fut de courte durée. On reprit les
armes en l'an 3io ; et Ptoiéméc
en donna le premier signal. Sons
prétexte qu'Antigone continuait de
tenir des garnisons dans plusieurs
villes grecques déclarées libres, il fit
faire une descente dans la Cilicie , où
diverses places furent conquises.
Cette entreprise n'eut cependant au-
cune suite: Léonide, qui l'avait faite,
ne put résister a Démétrius ; et il fut
contraint de se rembarquer avec
perte. Ptolémée craignit que ce re-
vers n'entraînât la défection de l'île
de Cvpre , où il savait qiielNicoclès,
roi de PapLos , était partisan d' An-
tigène. Pour conserver cette île si
importante , il résolut de se débar-
rasser du prince qui le trahissait. Un
corps de troupes investit, par ses or-
dres, le palais du roi sans défense ;
et ce malheureux prince périt dans
cette catastrophe , avec toute sa fa-
mille ( F. NiCOCLÈs , XXXI, 225 ).
C'est ainsi que Ptolémée s'assura la
paisible possession de cette île. En
l'an Bog , il fit un grand armement
maritime pour venger les revers que
ses généraux avaient éprouvés en
Cilicie; et il se mit en mer au prin-
temps pour soumettre les côtes de
l'Asie-Mineure. 11 s'empara de Pha-
sélis en Pampbylie , et passa de là
en Lycie, où il n'eut pas de moindres
succès. Xantlius fut prise ; Caunus
et Myndus , en Carie, se rendirent
HTO 195
également; et l'île de Cos lui fut li-
vrée par Ptolémée, neveu d'Antigo-
ne. C'est a cette époque et en celte
île que naquit Ptolémée Pbiladelphe,
qui devint dans la suite roi d'Egyp-
te. Sa mère, Bérénice, avait voulu
suivre son mari dans cette expédi-
tion. Cette femme , veuve d'un Macé-
donien obscur, dont elle avait des en-
fants, était arrivée en Egypte avec la
fille d'Antipater , sa cousine, quand
celle-ci y vint })our épouser Pto-
lémée. La beauté et les mâles quali-
tés de Bérénice lui gagnèrent le cœur
de ce dernier, qui en fit à la fin sa
femme : elle prit tant d'empire sur
lui, qu'Eurydice, son autre épouse^
fut obligée d'abandonner l'Egypte;
Bérénice le décida nième à préférer
pour sa succession les enfants qu'elle
lui donna , à ceux qui étaient nés de
la fille d^Antipater. Cependant Pto-
lémée ne perdait point de vue le soin
de terminer l'expédition qu'il avait
entreprise. Des députés de la Grèce
vinrent le trouver dans l'île de Cos,
pour l'engager à passer en Europe :
il fit voile vers les Cyclades, où il
s'empara d'Andros ; Megare , Co-
rintbe et Sicyonc lui ouvrirent leurs
portes. 11 parcourut tout le Pélopo-
nèse; mais bientôt , mécontent des
Grecs, qui ne lui avaient point four-
ni les vivres et les subsides promis ,
il fît avec Cassandre un accord , par
lequel ils renonçaient à rendre la li-
berté aux villes grecques , chacun
devant conserver celles qui étaient
eu son pouvoir. 11 mit alors des
garnisons dans Corinthe , dans Si-
cyone , et partit pour Alexandrie.
Sa présence était nécessaire en Egyp-
te; la révolte d'Ophellas, gouver-
neur de Cyrène, lui causait quel-
ques inquiétudes , qui ne furent ce-
pendant pas de longue durée. Ophel-
las fut entraîné par Agailioclès ,
i3..
196
PTO
tyran de Syracuse, dans une folle
expédilion contre Cartilage , où il
fut trahi par son allié, qui le fit
assassiner. Son armée alors passa
au service d'A^athoclcs; et Cyrc-
né rentra sons la doniiualion de
Ptolémée. Vn-s le même temps, An-
tigène fit pe'rir , à Sardes, Cle'opàtrc ,
iCÊur d'Alexandre, et veuve d'Ar-
rhidee, qui, sollicitée à-la-fois par
tous les officiers qui s'étaient partage
l'empire de son ficre , s'était décidée
pour Ptolémée. Elle périt la dernière
de la race du conquérant macé-
donien : depuis long-temps Arrhi-
déc était mort; Olympias , mère
d'Alexandre, avait suivi sa victime
dans la tombe; les deux rois Alexan-
dre le Jeune et Hercule, avaient été
égorgés par leur tuteur, et les Macé-
doniens n'avaient plus d'autres sou-
verains que les anciens compagnons
de leur héros . qui n'avaient pas en-
core osé ceindre le diadème. Cepen-
dant la guerre continuait avec vi-
gueur. Eu l'an 307, Démétrius aban-
donna la Grèce, d'où il chassait les
garnisons de Ptolémée; et il revint,
par l'ordre de sun père, vers les cô-
tes do r.\sie-Mineure, pour aller de-
là attaciuer l'ilede Cypre. Il tenta, en
passant, d'engager les Rbodieiis dans
son parti : ce futcnvain ; ils restèrent
fidèles à l'alliance de Ptolémée. Une
armée et une autre flotte attendaient
Démétrius sur les côtes de Cilicie :
sans tarder, il tourne ses voiles vers
l'île de Cvpre, et débarque à Carpa-
sia; les vdies voisines sesoumeltent:
Cerde ces succès, Démétrius se dirige
vers Salamiue , où Ménélaus , frèrede
Ptolémée, et commandantdel'ile, se
trouvait à la tite de forces considé-
rables. Celui-ci s'empressa de mar-
cher à sa rencontre pour lui li-
vrer bataille :lesdeux armées étaient
à-peu-près égales en nombrej la vic-
PTO
toire fut pour Démétrius: Ménélaus
perdit beaucoup de monde , et se vit
obligé de cherclior un asyle dans les
murs de Salamine, où il ne tarda
pas d'être assiégé. Démétrius mit
en usage, au siège de cette place, tou-
tes les ressources de son génie : ses
machines ne cessèrent de battre les
remparts, sans amener la reddition
de la ville; les assiégés opposaient
la plus vigoureuse résistance. Cepen-
dant ils étaient réduits à la dernière
extrémité, quand Ptolémée, infor-
mé de leur détresse, arriva, pour
les secourir, à la tête d'une for-
midable armée de terre et de mer. Il
avait cent quarante vaisseaux longs
pour le combat , et deux cents b.îti-
mentsdc transport , chargés de trou-
pes , avec les(piels il parut dans la
rade de Paphos, qui se rendit à la
première sommation; bientôt il fut
devant Citium,à deux cents stades
de Salamine, à la vue du c.inip et
de la flotte de Démétrius, (|u'il délia
sur-le-champ au combat. Pendant
ce temps-là, des émi.ssiiies envoyés
par terre, portaient à INIénélans, avec
l'espoir d'une prochaine délivrance ,
l'ordre de quitter le port de Salami-
ne pendant la bataille qui allait s'en-
gager , et de venir rejoindre son frè-
re avec tout ce qu'il avait de vais-
seaux. Démélriub , non moins imj)a-
tient de combattre que Ptolémée, fit
aussitôt ses dispositions : il laisse son
amiral Aniisthènes, pour contenir,
avecquinzevaissear.x, la flotte assié-
gée; et sans tarder il vogue à la ren-
contre de Ptolémée, avec cent huit
navires qui lui restaient. Ouoiqu'in-
férieur en forces, il n'hésita point à
attaquer; la bataille fut terrible : les
deux armées et les deux chefs rivali-
sèrent de courage dans cette journée
mémorable. La résistance fut des [)lu5
opiniâtres des deux côtés; mais à la
PTO
fin, les vaisseaux, de Ptolémée furent
presque tous pris on détruits. Ce fut
en vain que Mënoetius, envoyé par
son frère, parvint à triomplicrd'An-
tislhèncs, et à sortir du port: il ar-
riva trop tard, i'aOairc était déci-
dée; et il n'eut rien de mieux à faire
que de rentrer. Apris cette défaite,
Ptolémée regagna Cilium , avec huit
bâtiments , les seuls qu'il eût sauves.
Hors d'état désormais de rétablir
ses affaires dans ces parages, il fit
voile pour l'Egvplc, tandis que son
frère rendait à Démétrius la ville de
Salamine, et tout ce qui lui restait
de soldats et de vaisseaux. Pour Dé-
métrius, il se montra vainqueur aussi
généreux , qu'il avait été guerrier ha-
bile et vaillant: content de son triom-
phe et de l'importante conquête qu'il
venait d'achever, il rendit la liberté
à tous ses prisonniers, parmi les-
quels étaient Lcontiscus , iils de Pto-
lémée, et son valeureux frère Mé-
nélaus; et il les renvoya en p]gypte,
charges de présents magnifiques.
Quand Antigone reçut la nouvelle de
la victoire et des exploits de son fils,
il fut transporté d'une telle joie, que
croyant sa puissance à l'abri des
coups du sort , il ceignit le dia-
dème, et le premier entre tous les
successeurs d'Alexandre, il osa pren-
dre le titre de roi , qu'il s'empressa
de partager avec Démétrius. Pi-
qué d'une telle audace, et pour faire
voir qu'un revers aussi terrible n'é-
tait pas capable d'abattre son coura-
ge, Ptolémée n'hésita point à prendre
un titre dont il ne se croyait pas
inoins digne. Il se déclara donc roi,
en l'an io-j, après avoir possédé
pendant dix - sept ans l'Egypte ,
comme gouverneur. Cet exemple
fut bientôt imité par Séleucus , par
Lysimaque et par Cassandre. An
tigonc se disposait cependant à pro-
PTO 197
fiter de sa victoire; et, l'année sui-
vante, il résolut de porter ses ar-
mes en Egypte. Ses troupes se réuni-
rent à Antigonia, ville qu'il avait
fondée non loin des lieux où Antio-
che fut bâtie quelques années après:
quatre - vingt mille hommes d'in-
fanterie, dix mille chevaux et qua-
tre-vingt-trois éléphants se mirent
en marche pour l'Egypte, et vinrent
camper à Gaza, tandis que De'mé-
trius longeait la côte avec cent cin-
quante bâtiments de guerre et cent
vaisseaux de transport. Cette flotte
eut beaucoup à souffrir des mauvais
temps: plusieurs navires furent jetés
sur les côtes de Syrie on d'Egypte.
Ce revers n'arrêta cependant pas
Antigone : son armée, abondam-
ment munie de vivres , franchit le
désert et arriva sur les bords du
Nil. Avec l'aide de sa flotte, il vou-
lut forcer les bouches du fleuve et
remonter son cours; mais il ne put
y parvenir : Ptolémée était sur ses
gardes ; il avait pourvu à la sûreté
(le son royaume : toutes les côtes de
la mer, toutes les rives du fleuve,
étaient garnies de troupes; et partout
il déjoua les entreprises de ses ad-
versaires. Démétrius ayant voulu
forcer le Pseudosloma ou la Fausse
embouchure, fut repoussé avec perte.
Il éprouva un pareil échec devant
la bouche Phathmetique. Voyant
alors qu'il était irapossil)le d'obtenir
aucun avantage sur une côte défen-
due partout par des marais et des
bas-fonds, il prit le parti de se reti-
rer, laissant à l'armée de terre le
soin d'achever seule cette entreprise.
Pour comble de malheur, l'inonda-
tion survint alors; elle arrêta toutes
les opérations; les vivres manquè-
rent : la désertion se mit dans l'ar-
mée , et y fit en peu de temps
des progrès 51 alarmants, qu'il fallut
tç^ PTO
songer à la retraite; Anrigonc s'en
reloiirna en Syrie, avec le dessein
ae revenir attaquer l'Égvpte dans
une saison plus favorable. Ptolcmce
ne l'inquicta point dans sa retraite :
satisfait de voir le royaume qu'il
avait fonde délivre d'un aus>i redou-
table ennemi, il rendit de solennelles
actions de grâces aux dieux ; et ils'em-
pressa de faire savoir aux rois ses al-
liés , les désastres d'Antiîione, et l'ac-
croissement que ses forces avaient ob-
tenu par les soldats de son eunemi,
qui étaient passés sous ses drapeaux.
Après cette malheureuse expédi-
tion , les deux rois se firent la guer-
re avec moins de fureur. Ptolémée
ne tenta pas de recouvrer la Plié-
nicieet les provinces qu'il avait pos-
sédées en Syrie ; et Aniigoue, trop
occupé en d'autres jiavs, ne songea
plus à porter ses armes en Egypte.
Pendant deux années, ils ne firent
aucune entreprise l'im contre l'au-
tre. Ptolémée , tranquille dans ses
états, se borna seulement à envover
aux Rliodiens quelques secours en
hommes et en vivres. Sans ces se-
cours, les Rliodiens, vivement pres-
sés par le redoutable Démétrius ,
n'auraient pji oppo.serlagloi ieuse ré
sistanre qui a rendu si célèbre le siè-
ge qu'ils soutinrent alors ( f. Dlmi!-
TBiL'S . XI , 3 1 ). Tout en leur four-
iiissant des secours de toute espèce,
Ptolémée engageait les Rliodiens à ne
pas négliger les occasiousqu'ils pqur-
raient trouver de faire la paix avec
Antigonc : ils profitèrent de cet avis.
Démétrius, lassé d'un siège si long
et siopiiiiàtre,leur offritdcs propo-
sitions qui furent agréées; et la paix
fut conclue, à la condition que les
Rhodiens, qui, par ce traité, deve-
uaient les alliés d'Antigoue , ne se-
raient pas tenus de prendre les armes
contre Ploléme'e. Lesdeiix rois trou-
PTO
valent également leur compte à la
neutralité dccctte république, à cause
ducommerce immense qu'elle faisait
avec leurs états. Une ambassade so-
lennelle fut envoyée au temple de Ju-
piter Ainmon, pour eonsidtcr l'ora-
cle, et lui demaiuler s'il ne convenait
pas de révérer Ptolémée comme un
dieu ? Sur la réponse afllrmative de
l'oracle, plusieurs édifices publics lui
furent consacrés. C'est de cette épo-
que , selon plusieurs auteurs, que
date le surnom de Soter, qui sert à
distinguer le premier des Lagides ;
et il l'aurait dû, selon eux, à la re-
connaissance des Rbodieus. Pour
nous, nous pensons qu'il en était dé-
core depuis qu'il avait pris le titre
de roi , selon l'usage des Egyptiens ,
qui distinguaient ainsi chacun de
leurs souverains par des surnoms des-
tinés à rappeler la divinitè(|u'ils leur
attribuaient ; et les Rhodiens furent
peut-être les premiers des drccs (|ui
se conformèrent à cette coutume. Ce-
pendant les relations des rois, succes-
seurs d'Alexandre , restaient toujours
sur le même pied. L'état de guerre
subsistait sans qu'on y mît beaucoup
d'ardeur. Ptolémée ne j)renait qu'u-
ne part bien indirecte à tous ces évé-
nements ; il ne semblait pas songer à
recouvrer les provinces qu'il avait
perdues : Antigone étendait son em-
pire; etDémétiius, qiiiétait passé eu
Europe, aflrancliissait toutes les villes
grecques , et chassait du P('loponnc-
se toutes les garnisons de Ptolémée.
A la fin, l'arrogance et les prétentions
d'Aiitigone s'accrurentà un tel point,
que les rois songèrent à s'unir plus
étroitement, et à agir avec j)Ius de i
vigueur pour l'intérêt coniimin. Ly-
simaque et Cassandre , qui étaient
menacés d'une ruine procliaine. en-
voyèrent des ambassadeurs à Séleu-
ctis et à Ptolémée , qui s'engagèrent I
PTO
à les seconder avec toutes leurs for-
ces. En l'an So'i avant J.-C. , Anli-
gone fut oblige de soutenir la guerre
sur tous les points. Lysimaque pas-
sa l'Hellespout, et l'attaqua le pre-
mier. Antigonequitta aussitôt la Syrie
pour le repousser. Lysimaque, infor-
me'deson approche, résolut d'éviter
le combat , jusqu'à l'arrivée de Séleu-
cus ; et , en l'attendant , il prit ses
quartiers d'hiver. Antigone profita
de ce délai pour rappeler Démétrius,
qui était encore dans la Grèce. Ce-
lui - ci s'empressa de repasser la
mer; et bientôt il fut arrivé à E-
phèse. 11 reconquit l'Ionie, d'où il
chassa les troupes de Lysimaque. Une
armée, commandée par Cassandre,-
ne tarda pas à le suivre en Asie: Dé-
métrius l'attaqua , et le battit en plu-
sieurs rencontres ; mais il ne put
l'empêcher d'aller rejoindre , à Hé-
raclée , les forces de Lysimaque.
D'un autre côté, Ptoléraée était sorti
de l'Egypte, avec une puissante ar-
mée; il soumit rapidement la plupart
des villes de la Célésyn'c : Sidon
l'arrêta seule pendant long - temps.
Sur la fausse nouvelle que Séleucus
et Lysimaque , vaincus par Antigone,
avaient été obligés de s'enfermer
dans les murs d'Héraclée, et que le
vainqueur revenait défendre la Syrie,
Ptolémée accorda aux Sidoniensuue
trêve de -cinq mois , et se hâta de
revenir en Egypte, oi!i il passa l'hi-
ver , tandis que Séleucus , descendu
des satrapies supérieures , était venu
prendre ses cantonnements en Cap-
padoce. Au retour du printemps , en
l'an 3oi, tous les rois furent en me-
sure de combattre Antigone , réuni
à son fils Démétrius. Les armées ,
à - peu - près égales en nombre , se
trouvèrent en présence dans les plai'
nés d'Ipsus, enPhrygie. Cette batail-
le décisive fixa sans retour les desti-
PTO iQg
nées des successeurs d'Alexandre.
Antigone y périt à l'âge de quatre-
vingt - six ans, après avoir perdu
presque toute son armée. Démétrius
ne conserva que cinq raille hommes
d'infanterie et quatre mille chevaux,
avcclesquels il se retira dans Ephèse.
Mais les vainqueurs se brouillèrent ,
quand il fallut partager les provin-
ces conquises. Séleucus se réunit
alors à Démétrius, qui trouva, dans
celte alliance , les moyens de con-
server une partie de sa puissance.
Pour Ptolémée , il s'unit avec Lysi-
maque, et il lui donna en mariage sa
fille Arsiuoé. Il reconquit une portion
de l'île de Cypre, recouvra la plus
grande partie de la Phénicie , et les
autres provinces qu'il avait autrefois
possédées en Syrie; mais Salamine,
Tyr et Sidon restèrent encore au pou-
voir de Démétrius, qui avait conser-
vé l'empire de l.i mer. En l'an 3oo,
Magas , fils de Bérénice et beau-fils
de Ptolémée, reconquit Cyrène, qui
s'était révoltée depuis quelques an-
nées,et qu'on n'avait pas jusqu'alors
eu le loisir de soumettre. L'année
suivante , Démétrius et Ptolémée fi-
rent la pais, par l'entremise de Sé-
leucus, qui élait devenu gendre de
Démétrius; et Ptolémée maria sa
fille Ptolémaïs à ce dernier , qui
envoya de son côté à la cour d'A-
lexandrie, son ami , le jeune Pyrrhus,
héritier du trône d'Épire , pour y
être garant de la paix qu'il avait ju-
rée. Les belles qualités de Pyrrhus
lui concilièrent sans peine l'amitié
de Ptolémée et de Bérénice, sa fem-
me. On lui donna pour épouse Anti-
gone, née du premier mariage de
la reine; et on lui fournit des trou-
pes et de l'argent pour remonter
sur le trône de son père , ce qui ar-
riva en 298 avant J.-C. Pyrrhus ,
pour ténioignèr sa rèconnaîssaricè
300
PTO
envers le roi d'Egypte , donna le
nom de Ptolemce .ui premier de ses
fds, et (il bâtir, en Kpire, une ville
appelée Bérénice. C'est dans la mê-
me année que le roi d'Kgvpic jeta les
fondements du phare d'Alexandrie,
rev;ai-de comme nnc des merveil-
les du monde, et en confia la eons-
trucliou a rarchitectc Sostrate de
CniJe. Cependant le caractère re-
muant de Dcme'triiis ne lui permet-
tait pas de garder bien lidèlement la
paix : des a» tes d'boslilitc la troublè-
rent plus d'une fois. Ptolemee d'ail-
leurs desirait recouvrer les villes ma-
ritimes de Plienicie, et Salainine de
Cyprc , restées au pouvoir de Dcme-
trius. I.a moit de Cassandre, roi de
WacèiUiine, arrivée en ^97 , et les di-
visions de ses fds , fouriurent bientôt
une nouvelle occupation au génie en-
treprenant de Dèmeirius , qui en pro-
fita pour agrandir ses possessions en
Grèce. Quant à Ptolènu^ , il accorda
sa lillel.ysandra.qu'd avait eue d'Eu-
rydice, a Alexandre, bis de Cassan-
dre , maître d'une partie de la Mace'-
doine. Li flotte qui la conduisit à son
mari fut ibargèede secoiir.r en mê-
me temps I^acliarès, tyran des Albc-
nieiis , qui avait implore l'assis-
tance du roi d'Egypte , et était
alors assiège par IJc'mctrius. Cette
tentative n'eut aucun succès. Pa-
trotlc , amiral de Ptolemee, n'a-
vait fpic cent cinquante vaisseaux ;
et Dcmctrins, maître de la mer,
lui en opposait le doubla. Il fal-
lut donc se retirer, et abandonner
Athènes, qui tomba au pouvoir de
l'ennemi, en iijt). Pendant que Dc-
metriiis s'occupait d'enlever la Ma-
cédoine aux enfants de Cassandre, il
oubliait de défendre ses possessions
orientales, dont l'tolème'c se rendait
maitre peu - à - peu. Enfin , en l'an
294, celui-ci s'empara de Salamine ,
PTO
laissée «ans secours ; il y trouva sa
femme Eurydice, ainsi que Phi la ,
femme de Deme'trius, et ses enfants.
Content d'avoir recouvré l'île de
(îvpre, Plolêmêe ne voulut pas rete-
nir ces illustres captifs ; mais il les
renvoya cli.irgcs de présents à DcniC'
trius , devenu roi de Macédoine par la
mort des filsde Cassandre , Aiitipatcr
et Alexandre. Les autres places (pic
Dèmêlrius |)ossêtlait eiicoie .sur les
cotes de la Phènicie et de l'Asit-Mi-
neure , ne tardèrent pas à tomber
entre les mains de Ptolênjce, qui les
réunit à ses états. Depuis lors Pto-
lemee n'eut plus ni l'occasion , ni
.sans doute la volonté, de jïiendrc
part aux événements (pii agilaieut
encore le monde. Cette j).irtic de son
règne présenteiinelacuiie mal remplie
par quelques faits de médiocre im-
portance, échappés au silence de
l'histoire. Pendant cette longue paix,
il put s'occuper à loisir de l'oigaiii-
salion du beau royaume qu'il devait
à sa sagesse et à son courage, (j'est
sans doute alors qu'il termina 1rs j)a-
lais, les temples et les autres ('tliliccs
d'Alexandrie, tels que le tombeau
d'Alexandre, le Phare, l'Ileptasliide,
l'Hippodrome, et \cSerajiœum , qu'il
fit construire pour un nouveau dieu,
que, sur la foi d'iiu songe, il envoya
chercher jusipi'a Sinope. (i'élail plu-
tôt une nouvelle statue (pi'uiie nou-
velle divinité : car il est |)eriiiis de
croiie que Sérapis, dont le nom est
bien égvptien , était révéré depuis
long-temps en Egypte ; et peut-être
voulut-on que la translation mer-
veilleuse d'une statue venue d'un
pays si lointain , rendît le nou-
veau temple plus respectable aux
yeux du peuple. Les historiens n'ont
j)as manqué de nous apj)rendre la
date d'un événement aussi impor-
tant pour les Alexandrins, dontiié-
PTO
rapisfut toujours la priuripale divi-
nité. C'est eu Tau -289 qce Ptolemée
cuvova deinauder à Scydrothémis ,
])rii!cc de Siuope, la statue tautde-
si» e'e ; et ce n'est qu'en 'i8G , après
trois ans de négociations, qu'elle par-
viîit enfin à Alcxaiidiie. Cependant
la paix doiit Ptolcmc'e jouissait, fut
sur le point d'être troublée. De'mc-
triiis , ne se contentant pas du trône do
Macédoine, dont il était tranquill&
possesscir , (It, en l'an S190, un im-
inetisc armement pour passer en A-
sie, et pour recouvrer les pays qui
avaient appartenu à son pcre. Plus
de cent mille combattants et cinq
cents vaisseaux étaient prêts pour
cette expédition. Comme elle mena-
çait éi;alcment Lysimaque, Séleucus
et Ptoléraée, les trois rois contractè-
rent inie nouvelle alliance: ils enga-
gèrent Pyrrhus dans leur ligue; et
bientôt ils se mirent en mesure de
prévenir leur ennemi. Lysimaque et
Pyrrhus se préparèrent à faire une
invasion dans U Macédoine, tandis
que Ptolemée paraissait dans le.^
mers de la Grèce, avec une flotte
très considérable. La double entre-
prise de Lysimaque et de Pyrrhus
eut un plein succès : Démétrius, vain-
cu, fut, en très- peu de temps , dé-
f)Ouillé du royaume de Macédoine j
a plus grande partie de ses soldats
passèrent au service de Pyrrhus. En
vain cliercha-t-ilà se maintenir dans
la Grèce: bientôt réduit à s'embar-
quer avec les débris de son armée, il
passa dans l'Asie-Mineure , où il fit
quelques entreprises dans la Lydie et
la Carie. Une attaque contre la Cili-
cie fut sans succès : vaincu et pris
par son gendre Séleucus, il ne recou-
vra plus sa liberté, et fut gardé pri-
sonnier jusqu'à sa mort, dans le fort
de Chersonesus ^ en Syrie. Ptoléraée
revint alors jouir, dans ses états,
PTO
201
d'une paix , qui ne fut plus inter-
rompue. Déjà parvenu à un âge très-
avancé, le (ils de Lagus s'occupa de
►régler tout ce qui était lelatif à sa suc-
cession , pour mettre son royaume à
l'abri des révolutionsquiavaienttour-
menlé la Macédoine après ia moitde
Cassandrc, et des sanglants démêlés
qui déjà commençaient à troubler la
famille de Lysimaque. Il ne voulut pas
laisser à la fortune la décision d'un
objet aussi important. Deux de ses
femmes lui avaient" donné dos en-
fants màlcs ; l'aîné de tous, Ptole-
mée, surnomme Céraumis , ou le
Foudre, à cause de son bouillant
courage , était né d'Eurydice , fille
d'Antipaler. Ptolemée lui ])réierait
l'aîné des enfants qu'il avait eus de
Bérénice. Son amour pour la mè-
re , associée depuis long-temps à
sa puissance , et admise à partager
le titre de dieux sauveurs , 0i:OT 211-
TIIPOI, qui les distingue entre tous
les souverains de l'Egypte, contri-
bua sans doute autant à cette pré-
férence que l'aversion que pouvait
lui inspirer le caractère emporté de
Céraunus. Ptolemée, surnommé de-
puis Philadeljihe , fils de Béréni-
ce , fut donc déclaré héritier du
trône, malgré l'avis contraire du
célèbre Démétrius de Phalère, que
le roi avait consulté à ce sujet.
Cette décision irrita tellement Cé-
raunus, qu'il se retira aussitôt chez
Lysimaque, avec Méléagre, son frè-
re. Ptolemée ne se borna pas à cette
préférence. Voulant donner au fils
qu'il avait choisi une marque plus
particulière de son amour , en ab-
diquant la couronne , il descendit
volontairement du trône, en l'an
285 avant J.-C, après avoir pos-
sédé l'Egypte pendant trente - huit
ans : d'abord , pendant dix-sept ans,
comme simple gouverneur, et peu-
201 FfO
dant '2 1 ansavcc Ictilre deroi. L'inau-
guration du nouveau prince se lit avec
nne pompe inapnilique. Athcnee (i)
nous a conserve, d'après l'Iiisto-"
rien (",alli\ènc , le reril des céré-
monies qui se célébrèrent en cette
occasion. Ptoléniée survécut deux
ans à son ahdic.ition , et tuonrut , en
l'an .«83 avant J.-C, ^i;é d'enviiun
80 ans, laissant la répuialiun d'un
prince aussi distingue par son génie
que par les hautes qualités de son amc,
et digne d'.ivoir fondé et transmis à
ses descendants un florissant empire.
Déjà révéré de son vivant , sous le ti-
tre de Sott-r on Ditit sam'eur, on con-
tinua, depuis sa mort, de mettre son
nom dans tous les actes publics, a près
celui d'Alexandre. Cet usa^^e dura au-
tant <pie la monarcliic. Sous le règne
de Ptolemée, les savants et les |)lii-
losophes abonlèrcnt de tous les cotés
en Egypte, où ils e'iaient sûrs d'être
bien accueiliis par un prince (jui était
lui-même fort instruit. Il av.tit com-
posé en elTcl uiu- Hisloiie de la vie
et des expéditions d'Alexandre, dont
on ne saurait trop regretter la perte.
Elle existait encore du temps d'Ar-
rien , qui en fit un grand usage , cl
qui la cite fort souvent. Ploléméc
était aus>i en commcrre de lettres
avec le philosophe Théophraste.
L'accueil que ce monarque (it aux
savants , et la fondation du Mus«%,
donnèrent naissance à cette école
d'Alexandrie, qui eut nne si grande in-
fluence sur les sciences et sur les let-
tres. C'est encore à Ptoléniée qu'on
attribue la fou'lation de la célèbre bi-
bliothcqiicd' Alexandrie, établie selon
d'autres par Pliiladdplie. .Si, comme
l'assurent quelques écrivains , Démé-
triiis de Phalèrc fiU cliargédc la gar-
de de cette bibliothèque, après Zc-
t< Lil». T, $10.
PTO
nodotcd'Ephcse, précepteur des en-
fants de Ptoléniée , ce serait là une
preuve assez forte en faveur de la
jïremière opinion ; car il est impos-
sible (p)e Déniélrius , détesté de Plii-
ladelplic |)0ur l'avis qu'il avait donne
à son père , ait jamais occupé une
telle place sous le règne du (ils.
Il fut au contraire exilé dans le no-
me Busirite. PtoIémée avait v\\ qua-
tre femmes. Artacama , lille d'Arta-
ba7e et sœur d'.\rthonis , femme
d'Eumenès , ne lui donna pas d'en-
fants. De la courtisane Thaïs , il eut
Leontiscus. Lagus, et Irène, mariée
à un roi de l'île deCvpre. D'Eury-
dice, (ille d'Antipater, i\ eut Ptole-
mée Ceiaunus, Meléagre et deux bi-
les, Ptoléuiaïs, fenjraedcDemétrius
Poliorcetes , et Lysandra , mariée
d'abord à Alexandre, fils de Cassan-
dre, puis à Agalhocle, fils de Lysi-
raaquc. Pour Bérénice , quand elle
épousa PtoIémée, elle avait déjà trois
enfants, et elle lui en donna (piatrc
autres. Les premiers étaient : Ma-
gas, depids roi de C.yrène; Anti-
gone, femme de Pyrrhus , et Théo-
gène , femme d'Agathoclc , roi de
Syracuse. Les autres furent: Plolc-
mce Philadelphe, qui liciita du trô-
ne, Argée, Arsiuoé, d'aboid femme
de Lvsimaquc, puis de son frère le
roi dl'.gvple . et Philote'ra .S. ]M-^.
P TOLKMÉK II , surnommé P/n-
I.ADEIPIIE, né dans l'île deCos , vers
l'an 309 avant J.-C. , avait envi-
ron vingt-cpiatrc ans quand son père
lui céda la couronne d'Egypte , ({u'il
posséda trente-huit ans, deux ans
pendant la vie de son père , et trente-
six seul. Ses années royales comptè-
rent du 'i. novembre 28λ avant J.-C.,
jusqu'au '24 octobre ?.^'] , époque du
règne de PtoIémée Evergètes. Ce
prince n'était pas doué , corrime
son prédécesseur , des vertus guèr-
PTO
ricres , trop souvent nécessaires
pour fonder les empires. La nature
lui avait donne un tempérament fai-
ble et maladif, qui ne lui ])ermet-
tait pas de supporter les fatigues de
la querrc , dont il remit toujours le
soin à ses généraux. INIais si Pliila-
delplie n'avait pas la valeur et le gé-
nie de Soter , on voit au moins , par
tout ce que ranti(|uite nous a trans-
mis de lui , qu'il était amplement doue'
des qualités qui conservent , étendent
cl fout fleurir les états. Sous lui, l'em-
pire Egyptiense maintint dans le rang
jiolilique qu'il devait à son fondateurj
ses généraux le firent respecter au-
deliors, tandis (pi'unc paix rarement
interrompue et une sage adiniiiistra-
tion élevèrent au plus haut degré sa
prospérité intérieure. Les sciences
et les lettres , encouragées par ce
prince , brillèrent du plus vif éclat ;
le commerce , protégé et facilité , ré-
pandit partout ses bienfaits ; des (^
tés nouvelles s'élevèrent sur tous les
points du royaume; des forteresses
en défendirent les approches; l'au-
lique cité phénicienne d'-^ce, actuel-
lement Acre , fut agraiulic , et déco-
rée du nom de Ptolemàis. D'autres
villes, dans la Cyréna'ique , portèrent
le même nom ; on bâtit Philadel-
phie, dans la Célésyric ; [)hisicurs
autres, en témoignage de l'attache-
ment qu'il avait conservé pour sa
mère, reçurent le nom de Bérénice;
beaucoup de lieux, en plus grand
nombre encore, eurent le nom à'Ar-
sinoé , sa sœur et sa femme bien ai-
mée. Deux villes de la Cyrénaupic ,
une de l'île de Cypreet une quatrième
dans la Cilicie, furent aussi appelées
u4rsinoé, ainsi que Patara dans la Ly-
cie ; il y en eut encore une autre à
l'extrémité du golfe Arabique : mais
la plus puissante de toutes fut celle
que Philadelpbe bâtit sur les bords
PTO
!203
dulacMceris, et qui donna son nom,
au nome Arsinoite , qui répond au
Faïouiii des modernes , région en-
vironnée partout de déserts, et qui ne
comnuuiique avec la grande vallée
du INil que par une langue de terre
fort étroite. Celte dernière ville fut
décorée par un grand nombre de
monuments. Le roi y fit éi iger un
superbe obélisque de quatre-vingts
coudées de hauteur , que Ncctaiièbe
avait fait tailler autrefois; et il re-
compensa magnifiquement l'aichi-
tecte Satyrus , qu'il avait chargé de
cette opération. Content des états
dont il avait hérité , et qui étaient
fort considérables , ( car, outre l'E-
gypte, la Cyréna'ique, la Phénicie ,
et les contrées de l'Arabie et de la
Syrie limitrophes de l'Egypte , il
possédait encore l'île de Cypre, plu-
sieurs des Cyclades , ainsi que pres-
que toutes les côtes méridionales
de l'Asie-Mineure , et le littoral de
la Thrace), il ne paraît pis que
Philadclphc ait fait aucune tentative
pour y ajouter : il ne prit les armes
que pour les défendre , et dirigea
ses vues vers un but plus réel et plus
utile à son peuple; ce fut vers les
sources du INil , vers les régions
intéiieures de l'Afrique, et sur les
rivages de la mer Erythrée. Sou
amiral Timosthcnes , et plusieurs
autres officiers , parmi lesquels on
distingue Arislocréon , Bion , Basilis
et Simonides , furent chargés de re-
monter le Nil , et d'explorer ou de
soumettre la Nubie et tous les autres
pays qui bordent les rives du fleuve,
juscpi'à une très-grande distance dans
le sud , pour reconnaître les pro-
ductions du sol et les forces ainsi
que les mœurs des barbares , et les
ressources commerciales de toutes
ces régions inconnues. En soixante
jours, Timosthènes parvint de Syène
ao4
VIO
jusqu'à Mcroé; et Artstocréon s'a-
vança plus loin en tournant vers l'oc-
cident, t.milis que d'autres péné-
traient plus au su J .dans des contrées
restées inconnues aux vovaf;eurs mo-
dernes. Toutes ces tentatives n'cm-
pcclicrent pas PhiUdelplie de s'oc-
cuper bpaucoup du commerce ma-
rilime de l'Rî^ypfe avec l'Inde et
les autres re|;ions situées dans les
mers orientales. Il (il rétablir le
canal qui, sous les anciens rois,
unissait le j;uire Arabique avec la
M'é lilerrance. IMiilublplie avait re-
connu sans peine toute l'utilité d'une
coramunicalion qui rendait rEj;yp-
tc maîtresse du commerce du monde.
Ce canal était abandonne depuis le
rc};ne de Darius (ils d'Ilystaspes, qui
av.iit voulu le faire reparer ; le roi
d'I^^'vpie le fil de;;a|;er des sables
qui l'avaient obstrue , et il le mit en
ctat de recevoir des bâtiments t har-
pes , de sorte que , sans aucun dé-
barquement , les marchandises de
l'Inde pouvaient passer dans la Mé-
diterranée. Straboii ( lib. xvii, p.
8oJ ) donne cent coudées de lar-
};cur à ce canal. Il s'éteii lait depuis
les environs de Bubisle , où il se
jetait dins la branche Pelusiaquedu
^il, jusqu'aux lacs amers, auprès
de renfoncement septentrional de
la mer Kouge, et communiquant
avec cette mer. C'est auprès de
celle issue que fut bâti le fort de
Cljsma, ainsi nomme sans doute
des écluses et des barrières qui étaient
dans sou voisiua';e , pour s'oppo-
.serà l'irruplioi. des eaux de l'Océan
Arabique dans la Mc'iiterranéc, dont
riufèrioritédeniveauestun fait main-
tenant bien reconnu. Il avait de mê-
me été remarqué par les anciens. C'est
aussi sur cc canal et assez, près de son
embouchure ,non loind'Ucroopolis,
que Ptolémée Pbiladclphc avait fjii
PTO
cous[r\i\rc Arsinoè au Golfe. L'ou-
verture de celte grande commuuica-
tioii commerciale ne fut pas la seule
entreprise de cegenrecxécutéepar ce
jirinre. Pour l'avantage p.irliculier
des habitants de la Haute-Egypte,
qui , trop éloignés du grand canal,
n'en reliraient que peu d'uiilitc, il
fil tracer nue double roule (pii con-
duisait à travers le désert (pii .sépare
le Nii de la mer Uoiige, ilepuis (lop-
tos, .sur le (Icuve, jusqu'aux ports de
Myos-horiiios et de Hèréiiice sur la
mer. Pli iladel plie cm ploya ses sol dais
aux travaux de cette roule, qui fut
garnie de bàtim«'nls disposés de dis-
tance en distance pour les stations des
voyageurs , avec des citernes el des
jiuits creusés à de Irès-graiides pro-
fondeurs. Tous les rois d'KgypIe de
la race des PlolémcVs allai lurent
toujours une grande importance aux
Voyages de découvertes el aux navi-
K lions lointaines. C'est à eux que
anciens durent toutes les connais
sauces géogiapliiipies qu'ils avaient
sur le golfe Arabique et l'océan In-
dien , el dont il ne nous est resté
qu'une portion bien incomplète et
bien confuse. C'est à ces voyages
intéressants qu'il faut attribuer l'o-
rigine de tous ces noms grecs dis-
séminés sur les pl'tgcs orientales jus-
qu'aux extrémités du monde. De mê-
me que les navigateurs modernes ,
les officiers envoyés par les Plolé-
raéesse plaisaient à transporter, dans
des régions éloignées, les souvenirs
de la patrie; et ils aimaient à don-
ner aux nouvelles terres (pi'ils dé-
couvraient , les noms de leurs souve-
rains ou de leurs compagnons, com-
me des témoignages immortels des
belles entreprises qu'il n'était pas
moins glorieux de concevoir que
d'exécuter. Les îles de Dioscoride,
d'Agathoclcs,de Timagcnes, de Polj.
PTO
be, de Socrate, de Straton , de My-
ron, d' Agathon, de Diodore et de Phi-
lippe; les ports de Scrapion, d' Anti-
pluie et de Pylhangefliis ; les promon-
toires Pytholaiis et Diogenes, nous
ont certainement conserve les noms
de hardis navigateurs , depuis long-
temps oublies, mais qui furent aussi
célèbres dans les siècles où ils vécu-
rent, que le sont parmi nous les Cook,
les Bongainville, les LaPèrouse. Ti-
raoslhcues , qui avait déjà remonté
le JXil jusqu'à Meroé,fut aussi char-
gé par PliilaJelphc d'explorer les
côtes du golfe Arabique. Des mis-
sions pareilles furent confiées à Aris-
ton , à Salyrus et à PLudème. Le roi
d'Egypte ne se borna pas à ces na-
vigations déjà fort utiles par elles-
mêmes : il fit partir des flottes qui
couvrirent les cotes de la Troglody-
tique et de l'Ethiopie, d'établisse-
ments maritimes , ou de colonies
militaires et marchandes , destinées
à faire respecter ou à étendre sa puis-
sance dans ces parages si éloignés de
ses états. Le premier de ces établis-
sements fut la ville de Philotéras, sur
la côte égyptienne de la mer Rouge ;
elle fut bâtie par Satyrus , qui avait
été chargé de reconnaître les côtes
de la Trogloclytique et les lieux pro-
pres à la chasse des éléphants : il
lui donna le nom d'une sœur du roi.
Arsinoé bâtie plus au sud , au fond
du golfe de Charandra , était arrosée
par un ruisseau qui reçut le nom de
Ptolemœïis; elle n'était pas bien éloi-
gnée de Mj'os-hormos, s^nlrc établis-
sement du même genre encoreplusau
sud. Bérénice dont on a cru récem-
ment avoir retrouvé les ruines , fut la
plus méridionale des villes élevées
sur le rivage du désert qui sépare la
partie égyptienne du Nil , de la mer
Rouge. Bien loin au midi, sur la
côte de la Troglodytique , on Irou-
PTO
2o5
vait la ville de Ptolémaïs, surnom-
mée Epitheras , située dans une
presqu'île, non loin d'un lac appelé
Monoléus : comme elle était bâtie au
milieu même du pays où se faisait
la chasse aux éléphants, elle tira de
celte circonstance son surnom d'^"-
pilheras (c'est-à-dire pour lu chas-
se). Elle fut fondée par Eudème , qui
avait été envoyé après Salyrus , pour
faire ces établissements de chasse. Les
barbares du voisinage voulurent le re-
pousser; Eudème fut obligédcrecou-
rir aux armes : des fortifications le
mirent d'abord à l'abri de leurs atta-
ques ; il parvint ensuite à gagner la
confiance de ces peuples, et il finit par
faire alliance avec eux. Une chaîne
non interrompue d'établissements, de
forts, de stations commerciales qui
s'étendaient bien loin au sud-est,
jusqu'au détroit de Bab-el-mandcb ,
et même bien au-delà , assuraient
aux Grecs la possession et le com-
merce exclusif de toutes les côtes
africaines. Parmi toutes ces villes,
dont les ruines attestent peut-être
encore, sur ces plages lointaines, tous
les efforts du génie entreprônant des
Grecs, on remarquait une autre ville
de Bérénice , située dans un canton
habité par des Sabéens , qui étaient
sans doute venus delà côte opposée.
C'est cette ville que Pline appelle (iib.
VI, c. y.9 ) Bérénice Fanchrjsos ,
surnom qu'elle devait probablement
aux abondantes mines qui se trou-
vaient dans son voisinage. Plus loin
était encore une autre Arsinoé , eten-
fin une nouvelle-^emî/cesurnommée
Epidiré , parce qu'elle était placée
dans la partie la plus resserrée du
détroit qui unit le golfe Arabique
avec la mer Erythrée , auprès du cap
Dire, qui commandait la sortie de
ce détroit. L'or , l'argent , les perles ,
les pierres précieuses , l'ivoire , les
3o6
PTO
aromates , en un mot toutes los pro-
ductions rares et précieuses de ces
re'gions , appartenaient alors aux
Grecs , qui les portèrent tians le res-
te du raontle; et elles ue contrib'iè-
rcnt pas peu à élever au plus haut
dej;re' l-i splendeur et la puis.-^ance de
l'empire des Ptolemees. Il ne parait
pas que les Grecs aient tente , à
cette époque, de faire des établisse-
ments sur la côte orientale du golfe
Arabique , ou dans les mers plus
lointaines : les nuligèiies étaient sans
doute trop puissants et trop civilises
pour le souffrir. Ces côtes furent re-
connues, mesurées, explorées etdécri-
tes; et les Grecs se bornèrent à y né-
gocier avec les Sabéens , les Minéens,
les Homeriti's et les Indiens. Ils du-
rent en retirer de plus grands avan-
tages , que s'ils avaient voulu s'y
établir à main armée. Ce sont-là 1rs
entrepri>es qui distinguent cminera-
mcnt le règne de Ptolémée Pliila-
delphe, entre ceux de tous les autres
princes Lagides ; et ce sont précisé-
ment les faits que les modernes ont
néglige le plus de recueillir, quoiqu'il
soit absolument nécessaire de les con-
naître pour se faire une juste idée de
la puissaiif e des rois grecs en Egypte.
De plus , c'est un moyen de compren-
dre plusieurs points de l'histoire de
l'empire égyptien avant l'invasion
de Cambyse ; car c'est à l'cxeniplc
des anciens rois que Philadelphe fit
rouvrir le canal des deux mers, creuse'
autrefuis, à ce qu'on raconte, par
Sésostris ; et c'est encore en les imi-
tant, qu'il couvrit les côtcsdc la mer
Rouge de ses Hottes et de ses colo-
nies militaires et commerciales. De
nombreuses colonies égyptiennes s'é-
taient anciennement répandues dans
ceç parages. Partout les olViciers de
Philadelphe trouvèrent d'antiques
monuments des rois ses prédéccs-
PTO
seurs , ils virent , au-delà du détroit
de Bab-el-mandeb sur la côte Mo-
sylitiqiie , des colonnes triomphales
qui y subsistent peut-être encore ,
et qui étaient destinées à marquer
le terme des conquêtes de Sésostris
vers ces plages lointaines. La plupart
du temps , les navigateurs grecs ne
filent que rétablir tl'auciens établis-
sements égyptiens , dont ils piireut
possession , en relevant leurs ruines
et en leur imposant de nouveaux
noms. Les successeurs de Philadel-
phe surent parfaitement apprécier
l'importance de ces établissements ,
qui ne furent jamais abandonnés sous
leur règne. Plusieurs rois, et Evcrge-
tcs H entre autres , y donnèrent une
attention particulière. Il ne p.uaitpas
que les Romains, ajirès la mort de
('>léop;îlrc , aient pris possession
de*-es dépendances si éloignées de
l'Kgvjile : elles se conservèrent ce-
pendant ; et elles furent visitées par
les navigateurs grecs et romains , (pii
négociaient dans les mers orientales.
Un prince aussi avide dedécou\ertes
et de connaissances nouvelles que l'é-
tait Philadelphe, devait aimer les let-
tres : son nom est encore cité avec
honneur parmi ceux des jirinccs qui
accordèrent la plus haute et la plus
noble protection aux savants j et
l'histoire ne peut lui reprocher que
la rigueurdont il usa envers l'illustre
Démétriusde Phalère( Foj. Di'mi'-
Tr.ius, XI. 4** )• Sous le règne de
Philadelphe , la bibliothèque d'A-
lexandrie , fondée par son père,
fut achevée. 11 n'épargna ni les
rjccherchcs , ni les dépenses , pour
y réunir une immense quantité de
monuments littéraires, qu'il fit ache-
ter ou copier dans les pays les plus
éloignés. C'est alors , si l'on en croit
une tradition très-ancienne et très-
répandue , que fut exécutée la pre-
PTO
luière version des Livrts saints en
langue j^recque. Quoique le récit
détaillé de l'entreprise, que l'anti-
quité nous a laisse ( T^. Arisile), ne
soit peut être pas vrai dans toutes
ses circonstances , il peut néanmoins
contenir, et nous pensons qu'il con-
tient en efFetun certain nombre d'in-
dications exactes sur l'origine de
cette version fameuse, la seule qui eut
cours chez les fidèles pendant les
premiers siècles deTEglise. Comme,
dès l'époque même de la fondation
d'Alexandrie, les Juifs vinrent en
grand nombre s'établir dans cette
ville , qu'ils y obtinrent de grands
privilèges sous Ptolémée Soter, et
qu'ils s'y multiplièrent beaucoup ,
ils durent fixer l'attention de Plii-
ladelphe d'une manière particulière;
et comme la langue grecque était
déjà très-répandue parmi eux, rien
n'empêche de croire que , sous le rè-
gne de ce dernier, ils n'aient eu eux-
mêmes besoin de traduire les Livres
saints dans un idiome qui leur était
familier. Ce n'est pas en se bornant
à rassembler , à grands frais , une
multitude de livres , que le roi d'E-
gypte manifesta son amour pour les
lettres: sa munificence ne se signala
pas avec moins d'éclat en faveur des
savants , et de tous les hommes dis-
tingués par un mérite ou des ta-
lents éminents. Ses bienfaits allaient
les chercher partout; et une multi-
tude de poètes, de savants et de phi-
losophes vinrent à sa cour , de toutes
les parties de la Grèce. Parmi eux
on voyait Slraton de Larapsaqiie ,
qui avait été son précepteur, Theo-
crite de Syracuse , Callimaque , Ly-
cophron de Chalcis , les autres poè-
tes qui forment la célèbre pléiade
poétique d'Alexandrie , le fameux
critique Zoïle , et beaucoup d'au-
tres. L'antiquité qui nous a conserve'
PTO ao7
une quantité de faits sufîlsanle pour
donneruneassezjuste idécdes choses
glorieuses entreprises par Philadcl-
phe afin d'étendre la prospérité de
son empire, ne nous a transmis qu'un
très-petit nombre de renseignements
isolés sur les événements politi-
ques au milieu desquels il se trou-
va. 11 est facile de juger que, sous
son règne, l'Egypte garda toute la
prépondérance que Ptolémée Soter
avait su lui donner : mais il nous
est difficile de voir d'une manière
bien nette la part qu'elle prit dans les
sanglants démêlés qui continuaient
de diviser les successeurs d'Alexan-
dre. Tandis que l'Egypte conservait
la paix dont elle avait joui les derniè-
res années de Soter, des haines et des
crimes atroces troublaient la cour
de Lysimaque. La fuite de Ptolémée
Céraunus , frère de Philadelphe, en
avait été le signal. Céraunus avait
cherché un asyle chezleroi deTlirace,
parce que sa propre sœur Lysandra
avait épousé Agatlioclès , fils de ce
prince. Arsinoé, femme du vieux Ly-
simaque , également sœur de Cérau-
nus, mais née d'une autre mère, de
Bérénice qui avait aussi donné la nais-
sance à Philadelphe , craignit d'être
un jour victime de la haine qui divi-
sait les deux frères. Des crimes dont
on peut voir ailleurs le détail ( Foj.
Ptolemée Cébaunus , pag. 260
ci-après ) , amenèrent la mort d'A-
gathoclès et une nouvelle fuite de
Céraunus , qui se retira auprès de
Seleucus , avec sa sœur Lysandra.
Le roi de Syrie résolut , sur ses ins-
tances, de faire la guerre à Lysima-
que , et s'engagea de plus à le placer
sur le trône d'Egypte , après la mort
de son père. C'est alors que Phila-
delphe sollicita et obtint la main
d'Arsinoé, fille de Lysimaque, et qu'il
contracta une intime alliance avec ce
ao8
PTO
prince. Sotcr nioiinit vers la même
époque; et les hostilités entre Selcu-
cus et Lvsimaquc ne tardèrent pas ,'i
commencer. La guerre lut bientôt
terminée par la mort du roi de Thra-
ce,qiii périt sur le champ de bataille.
Alors Céraunus pressa Selcucusd'sc-
coniplir sa promesse: mais ses dé-
lais ou ses refus irritèrent tellement
le bouillant fils de Sotcr , qu'il assas-
sina Seleucus.sept mois après la mort
de Lvsimaque. Tous ces événements
mirent Arsinoc, veuve de ce dernier
roi, entre les mains de son implaca-
ble frère. Cette princesse s'était re-
tirée dans Cassandrce , la seule des
villes de son rovaume qui n'eût pas
subi le jo'ig du vainqueur. Céraunus
sut l'en tirer par de feintes démons-
trations d'amitic. Quoi(pie le caractè-
re perfide et cruel de ce monarque lût
bien coniui d'Arsinoé, elle fut trom-
pée par ses promesses insidieuses , et
elle consentit à l'épouser. A peine
cette malheureuse princesse et ses
enfants furent ils en la puissance de
Céraunus , (pie celui-ci, foulant aux
pieds les terribles serments (pi'il avait
prononcés devant les dieux de leur
commuile patrie, et guidé par sa
cruelle ambition autant que par la
haine profonde qu'il ressentait pour
sa sœur et pour la race de Lvsima-
que, s'abandonna à tous les trans-
ports de sa fureur. Les noces étaient
à peine achevées; .\rsiuoé venait d'ê-
tre décorée du diadème avec ses deux
fils Lysimaque et Philippe, quand
Céraunus se rendit avec son armée
dans Cassandrée , qui avait été le Ii(;u
de refuge de cette famille infortunée.
Aussitôt il s'empare de la place , et,
jetant le masque, il ordonne le meur-
tre des enfants de Lysimaque. Ils
furent immolés dans les bras mêmes
de leur mère, qui, livrée au plus vio-
lent désespoir, alla se réfugier dans
PTO
l'île r^ve're'e de Samothrace , où elle
trouva au pied des autels un asylo
contre les fureurs de son exéciabic
frère. Elle resta dans ce lieu inviola-
blejusqu'à ceque Philadephela filrc-
den)ander à Sosthènes , qui gouverna
la Macédoine après la mort deCérau-
uus , et l'expulsion de IMcléagre, qui
avait cherché à monter sur le trône
après lui. .Après tant de misèics et
d'infortunes. .Arsinoé goûta eidin le
repos et !e bonheur à la cour d'un
frère qui l'aim.iit tendrement. Cette
amitié si vive excita la jalousie de la
fille de Lysimaque , qui avait épouse
Philadolphc ; et de concert avec
Amyntaset Chrysippeson médecin,
elle forma le projet de faire périr sou
mari. Ses complices ex|)ièreiit par
leur mort ce criminel dessein : pour
la reine , Pliiladelphe se contenta ,
en la répudiant , de la dépouiller du
titre suprême, et de la reléguer à
Coptos, dans la Thebaidc, où, plus
tard, elle reçut la mort par les ordres
de son mari. Hieiitôt après il associa
à l'empire et épousa sa sœur ché-
rie. Il avait déjà trois enfants de
sa première fenrtnc : il n'en eut au-
cun de sa sa-nr , trop âgée alors
pour être encore m rc. Les enfants
de son frère lui tinrent lieu des
(ils qu'elle avait perdus : elle eut
pour eux toute la tendresse d'une
mère. C'est sans doute vers la même
époque , qu'une conspiration d'Ar-
gée, frère de Philadeij)lie, fut décou-
verte et punie. Lnc entreprise sem-
blable de son autre frère Mcic'agre ,
qui, après son cxj)iilsion de la M.icé-
doine, avait obtenu im asyle dans
l'île de Cypre , n'eut pas plus de suc-
cès. Vainement ce iMéléagre voulut
soulever cette île ; il fut pris cl mis
à mort. Sous le gouvernement de
Philadelphe , l'Egypte était restée
long - temps étrangère aux événe-
PTO
menls politiques qui agitaient la
scène du monde. Apres la mort de
Pyrrhus, roi d'Epire , qui fut tue'
dansArgos en l'an 272,1a Grèce en-
tière se vit sur le point d'être envahie
par les armées d'Anligone, fils de De-
inëtriiis,roi de Macédoine; et elle im-
plora l'assistance de Ptolcmce.Patro-
cle lut charge d'aller secourir, avec
une flotte considérable, le roi de La-
cédcmone Are'us , chef des Grecs li-
gne's contre les Macédoniens. Anti-
gène était en guerre avec les Gau-
lois : les alliés remportèrent donc ,
sans peine , quelques succès ; mais
quand ce prince revint triomphant ,
ils n'osèrent lui résister , et firent
précipitamment leur retraite. Anli-
gone vint attaquer les Athéniens ,
qui demandèrent du secours à Phi-
iadclphe ; et Palrocle rejjassa la mer
])Our les soutenir. Aréus se l'emit aus-
si en campagne ; leurs armées réu-
nies tentèrent de faire lever le siège
d'Athènes. Aréus battit les troupes
d'Antigonej mais il ne put sauver la
ville : bientôt il fut contraint, par le
manque de vivres, de songer à la re-
traite; et Athènes, obligée de recevoir
une garnison macédonienne , n'en
fui délivrée qu'en 256, lorsqu'Anti-
gone rappela ses soldats pour résister
à une invasion faite en Macécloinepar
Alexandre, fils de Pyrrhus, Par recon-
naissance envers Philadelphe , les
Athéniens donnèrent alors le nom
de Ptolémaïs à une de leurs tribus.
Plus tard , le roi d'Egypte eut à
soutenir une guerre plus sérieuse ,
mais qui cependant n'eut aucun zé-
sultat fâcheux pour son royaume.
Magas, son frère utérin, gouvernait
la Cyrénaïque, depuis 1^ mort d'O-
phellas : il était resté long -temps
fidèle à son beau -père, et ensuite à
son frère; mais excité par sa femme
Apame'e, fille d'AntiochusSoter, roi
XXXVI.
PTO
209
de Syrie , il se révolta , et prit , à ce
qu'il paraît, le titre de roi, puis
marcha contre l'Egypte, avec des
forces considérables. Il s'empara de
Parétonium, ainsi que de presque
toute la Libye maritime; et déjà il
touchait aux frontières de l'Egyj)-
te, quand la nouvelle de la révolte
des Marmaridcs le contraignit de re-
tourner à Cyrène. Cependa)!t Phila-
delphe était en mesure de se défen-
dre : il attendait de pied ferme les
Cyrénéens , et il se préparait à pour-
suivre Magas dans sa retraite , lor>-
que la rébellion de ses troupes mer-
cenaires vint l'arrêter dans sa mar-
che. Quatre raille Gaulois, qui étaient
à son service , voulurent se rendie
maîtres de l'Egypte, et il se vit obU-
gé de tourner ses armes contre eux;
il réussit enfin à les renfermer dans
une des îles du Nil , non loin de la
bouche Scbeunytique , où il les fit
tous périr. La guerre ne tarda pas
à se rallumer entre Philadel|)he et
Magas : celui - ci fut encore l'agres-
seur , et il parvint à engager dans
sa querelle son beau - père Antio-
chus Soter. Cette diversion ne lui
fut pas d'une grande utilité ; car
Philadelphe se hâta de prévenir le
roi de Syrie , en faisant attaquer les
états de ce piince par tons les peu-
ples barbares qui étaient ses voisins.
Les entreprises de Magas n'eurent
pas, de leur côté, beaucoup plus do
succès. La guerre traîna en longueur:
Magas proposa de marier sa fille uni-
que Bérénice , au fils de Pîoléniée
de manière à réunir, après lui, l'E-
gypte et la Gyienaï(jue sous tm mê-
me monarque ; mais il mourut avant
la conclusion du mariage. Sa veuve
Apamée, qui n'avait consenti qu'à re-
gret à cette union, s'empressa d'en-
voyer en Macédoine offrir la couronne
et la main de .=a fille à Démétrius, frè-
i4
2IO PTO
re (l'Aniij;oiiP , né du célèbre Deiuc-
iritis Pdliorcctcs , et de Ptolcnia'is ,
GIledoPtolémccSotcr.CcpiiMCc arri-
va biontùt.iCyrciic.Sa beauté lui ga-
p;na le cœur de la reine; mais sa hau-
teur le rendit odieux au reste de la
famille rov.ile , aux grands et à l'ar-
mée. Tout le monde fut contre ^ui ;
et Hérc'nire, qu'il était venu épouser,
se mit à la tcledu complot. Les cou-
jurés vinrent ratta(|ucr (!ans le pa-
lais, et rimniolcrcnt dans le lit même
de la reine, qui faillit périr elle-raè-
me en voulant le défendre : sa fille
Ijcrénicc eut beaucoup de peine à la
tirer de liiir<; mains. .Après une aussi
tcrril>le ra!a.stro|)lic, .Apaniée se re-
tira en Svi ic , auprès de son frère
Anliochus le Dieu ; et Bérénice alla
épouser , .1 Alexandrie , le lils de Plii-
ladelphc. l.a fuite d'Apamée amena
entre les rois d'Eizypte et de Syrie
une guerre qui fut longue et cruelle ,
mais dont on ne connaît pas les cir-
consliuces. A la fin , les deux rois .
également las d'\uic lutte désastreuse,
convinrent de faire la paix. Philadel-
phcdunnasa (illc Bérénice pourépou-
.sca .\nliochus. qui avait déjà des en-
fants de Lao'lice sa femme, encore
vivante ; et il y joignit la condition
que la couronne de Svrie reviendrait
aux enfants de sa fille. Cette clause
semble indiquer que, dans cette guer-
re , lavanlage avait été pour le roi
d'Egvpte. Ptolémée dota rirliemcnt
sa fille, et la conduisit lui - même
par mer à Séicucie- sur-l'Orontc ,
cil ses noces avec .Antioclius furent
célébrées avec la plus grande magni-
ficence. La reine Arsinoé, femme de
Phîladclplie , mourut peu après son
retour. Le roi chargea l'architecte
Dinocratc de lui élever un tem-
ple magnifique à Alexandrie ; et cet
édifice n'était pas achevé quand il
mourut lui-même, en l'an ^47, à l'â-
PTO
ge de soixante-trois ans, après un rè-
gne de trente-huit ans , laissant d'Ar-
sinoé, fille de I-ysimaquc , trois en-
fants , Ptolémée Evergeles , son suc-
cesseur, Lysimacpic et Bérénice. Il
avait eu un grand nombre de maî-
tresses, Didvma , Biblystichc, Aga-
thoclée, Stratonice et beaucoup d'au-
tres. Plusieurs belles médailles d'or,
frappées, sans doute, sous le règne
d'Kvergetes, nous présentent les traits
de Philadelphe et d'Arsinoé , et au
reveVs les images de Soter et de Bé-
rénice. D'un côté, on lit la légende
«EP-N SiiTIIPnN, des dieux sau-
veurs , et de l'autre, WKUN AAKA-
<I'ii\ , des dieu t frères; telle est
la manière constante de désigner Phi-
laïK'Iplie et Arsinoé sur les moiiii-
menls de l'I'.gypte. C'est prol).d)lc-
ment à la tendre amitié (pi'il avait
pour sa sœur , que le second des
Ptolémécs dut le surnom de Phila-
delphe , qui fut, à ce quM paraît,
en usage de son temps , comme nous
en avons, au reste, la |)reuve irrécu-
sable dans une belle médaille d'or de
la reine Arsiiu)é, qui porte la légende
AI'ÏINOFIi; 'M NAAKA'I'OV , d'ylrsi-
noé- Philadelphe ^ et la date Van 33
LAF du règne de son mari. Cette date
qui se rapporte aux années Ol^i et
a5 1 avant J.-C. , ne peut s'appliquer
qu'à la seconde des femmes de Pto*-
lémée. On peut induire de là cpie tou-
tes les autres médailles , sans date,
qui présentent la même tète et la mê-
me légende, appartiennentà la même
reine . et non a la première Arsinoé,
fille (Je Lysimaque. Il n'est guère pié-
sumable qu'une femme qui avait par-
tagé si peu de temps le trône , qui
avait voulu aHenter aux jours de son
mari , et qui avait été mise à mort
par ses ordres , ait jamais pu parti-
ciper aux honneurs divins iéscrvés ,
en Egypte , à tous les souverains
PTO
morts , même sous le rh^xie de Pto-
le'mc'e Evcrgctes , son propre fils.
Sur la fameuse iuscriplion d'Adnlis,
ce prince se dit bien positivement
fils des dieux y4delphes , enfants
des dieux Soters , de manicpc à lais-
ser peu de doute à cet e'j^ard. 11 est
probable aussi que la prêtresse on
canéphore d'Arsinoe-Philadelphe ,
raentiomieedans l'inscription de Ro-
sette , et dans les actes publics de
l'Egypte, exerçait son ministère en
l'honneur de la même princesse , et
«ion de la première Arsinoe , comme
le pensent quelques personnes qui
croient que cette institution fut fon
dee par Évergetes P'., eu l'honneur
de sa propre mère. Cette opinion
ne peut être définitivement admise
ou rejetée, que quand on aura de-
couvert des monuments des premiè-
res années de Philadelphe , qui, en
nous instruisant des surnoms que
portait alors ce prince , nous ap-
prendront ceux que sa première
femme a pu porter. S. M — n.
PTOLÉiMÉE TIT, surnommé
EvERGÈTES (le Bienfaisant ), {\\s du
précédent , avait épousé sa cousine
Bérénice , fille de Magas , roi de
Cyrène. Il était âgé d'environ tren-
te-six ans , quand il monta sur le
trône : ses années royales comptè-
rent du 2 j ocf. '.147 avant J.-C. ,
jusqu'au 18 octobre ill . qui mar-
que le commencement du règne de
Ptoléraée Philopalor son fils. Ever-
getes avait à peine placé sur sa Icte
la couronne d'Egypte , qu'il fut en-
gagé dans une guerre longue et opi-
niâtre , contre le roi de Syrie. Aussi-
tôt que Philadelphe fut mort , An-
tiochus II , rappelé auprès de sa
première femme par l'amour qu'il
avait conservé pour elle, s'empressa
de répudier Bérénice , sœur d' Ever-
getes : mais bientôt Antiochus périt
PTO
121 1
empoisonne, dit-on, par Laodice qui
redoutait un nouveau changement de
son mari ; et elle fit déclarer roi son
fils aîné Sélcucus , surnommé Cal-
linicus au préjudice du fils de Bé-
rénice , qui , par le traite conclu
avec l'Egypte , devait hériter du
trône. Bérénice prit alors la fuite
avec son fils , et s'enferma dans
Daphné, auprès d'Antioche , où el-
le fut assiégée par les troupes de
Séleucus. Cependant, comme le siège
traînait en longueur, que beaucoup
de provinces se déclaraient pour Bé-
rénice, et que son frère ie roi d'E-
gypte , se préparait à venir à son
secours , on employa la ruse. Une
paix trompeuse livra Bérénice, et
son fils à leurs ennemis , qui les
firent assassiner l'un et l'autre. Ce
pendant les femmes de Bérénice fei-
gniicnt que celte princesse avait
été seulement blessée ; une d'entre
elles joua le personnage de la reine :
elles s'enfermèrent dans le palais , et
y résistèrent aux attaques des parti-
sans de Sélcucus, tandis que par leurs
lettres elles pressaient Évergetes de
venir délivrer sa sœur. Ce stratagème
fut très-utile au roi d'Egypte, qui se
mit eu effet en campagne avec une
puissante armée, une nombreuse ca-
valerie, et une grande quantité d'é-
léphants. Une flotte était, en outre,
destinée à seconder les opérations
militaires. Croyant marcher à la
délivrance de sa sœur, il entra en
Syrie, et envahit toutes les régions
situées eu deçà de l'Eu|)hrate. Toutes
les villes de ces provinces embras-
sèrent son parti ; il soumit la Cili-
cie , l'ïonie , la Pamphylie et toiUe
l'Asie -Mineure. De rapides succès
accompagnèrent partout ses armes.
N'ayant pu sauver sa sœur, il voulut
au moins la venger, passa l'Euphra-
te , et conquit la Mésopotamie, la
14..
2ia PTO
lî.ibjlonic , la Susiane et la Mëdie. Si
l'on admet à la letlie le tëmoi{;nagc
de la célèbre inscription d'Adulis ,
Évcrgètcs aurait encore envahi la
P»r.se et tous les pays jusqu'à la Bac-
triane, de sorte qu'il se serait rendu
maître de prescpie tout l'empire des
Seleucitles. Les auteurs anciens ne
nous fournissant aucun de't.iil sur
celle guerre, il nous est bien dilli-
cile de nous en faire ime juste idée.
Rien ne peut remplir cette gran-
de lacune historique. Quoi qu'il en
soit, il paraît que , sans des trou-
bles survenus et» Egypte , Everg tes
aurait achevé la ruine de son enne-
mi. Ce prince , en revenant dans
.ses états , garda la Syrie , et cé-
da la Cilicic à Antiochiis surnom-
mé Ilierax , frère de Séleucus , qui
s'était joint à lui contre son frère.
Des garnisons égyptiennes restèrent
dans la plupart des villes de l'Asie
Mineure. Les provinces au - delà de
l'Kuplirate furent laissées à un général
nommé X;intippe,chargéde les defen-
dre. Pour le roi, il rentra en Egypte
avecd'immenses dépouilles; Cl parmi
ses trophées , on distinguait les sta-
tues des dieux de l'Egypte , que Cara-
byse avait autrefois iransporlées en
Perse. Ep passant par Jérusalem,
il Gt, dans le temple, des sacrifices et
de magnifiques oflrandes au vrai
Dieu. La retraite d'Évergètes donnant
à Scleucus l'espérance de recouvrer
ses étals, il équipa une puissante
flotte pour soumettre les villes qui
l'avaient abandonné; mais ses vais-
seaux furent détruits parla tempête.
Ce désastre lui procura ce qu'il
n'aurait peut - être pas dû à la for-
ce des armes : toutes les villes qu'il
voulait réduire , se soumirent vo-
lontairement. Après un tel retour
de foi tune, Séleucus se crut assez
fort pour pousser avec vigueur la
PTO
guerre contre le roi d'Egypte. Il se
trompait ; il fut vaincu : Ptolémée
rentra dans la Syrie, dont Séleucus
s'était emparé, envahit la Phénicie,
prit Damas , Orthosia , et d'autres
villes, ce qui contraignit leprincesc-
leucide à se retirer précipitamment
vers Antioche. Dans cette extrémité,
ce dernier fit offrir à son frère An-
tiochns la souveraineté des provin-
ces de l'Asie situées au-delà du Tau-
rus , à la condition qu'il joindrait
ses forces aux siennes , pour résis-
ter, de concert, au roi d'Egvpte.
Cette ligue arièta Ptolémée, qui, ne
voulant pas avoir à lutter contre ces
deux princes à-la-fois , conclut avec
Séleucus une trêve de dix années.
Après cet accord, la guerre recom-
mença entre les deux frères avec une
nouvelle fureur. Ptolémée en profita
pour rompre plusieurs fois la trêve,
et pour ordonner des incursions dans
la Syrie , et jusque dans la Mésopo-
tamie. C'est dans une de ces expé-
ditions qu'un des généraux de Sé-
leucus , nommé Andromaclius , fut
pris par les troupes de Plolcmée , en
poursuivant Antioch us. De nouveaux
revers de fortune contraignirent ce-
lui-ci de fuir de la Cappadoce, où
il avait été chercher un asyle, et de
se réfugier en Egypte, où il croyait
trouver un prolecleur dans la per-
sonne d'Evergètes. Mais ce prince ,
pour le punir de l'avoir empê-
ché d'achever la ruine de Séleu-
cus , en unissant ses forces à celles
de son frère, le traita en ennemi,
et le garda long- temps prisonnier.
Antiochus , cependant , parvint à
s'échapper , au moyeu d'une courti-
sane qui l'aimait beaucoup , et qui
séduisit ses gardes. Il retourna dans
l'Asie- Mineure, où il continua de
faire la guerre à son frère , à Alla-
le , roi de Pergame , et à tous les au-
FTO
très souverains de cette région. C'est
à son caractère turbulent et auda-
cieux qu'il doit le surnom d'Hierax
ou V Epeivier , qui sert à le distin-
guer entre tous les princes de la ra-
ce des Séieucides, désignes par le
même nom. Il est diiHcile de fixer la
date de tous ces événements ; ils ar-
rivèrent entre les années •2\!j et
227 avant J.-C. Jusqu'à la décou-
verte de la Version d'Eusèbe en ar-
ménien, Justin était presque le seul
écrivain qui nous en eût conservé le
souvenir; et son récit est trop concis
et trop confus pour que l'on puisse
le regarder comme un guide bien
sur. La nouvelle Chronique contient
l'indication et la date de plusieurs
faits restés inconnus jusqu'à présent,
et qui pourraient contribuer à éclair-
cir ce point obscur de l'histoire an-
cienne (i). Pendant que l'Asie était
agitée par ces guerres sanglantes ,
l'Égyple , qui les entretenait , jouis-
sait , à ce qu'il paraît , d'un profond
repos: Ptolémée É vergetés passait ses
jours dans les festins et les plaisirs;
de là le surnom populaire de Try-
phon , qui lui est douné par plu-
sieurs écrivains. Ce n'en était pas
moins un prince courageux et doué
d'un esprit grand et généreux; et l'on
peut encore le compter parmi les
rois qui illustrèrent la race des Ptolé-
mées. Après lui , le trône d'Egypte
ne fut plus occupé que par des prin-
ces presque tous indignes de régner.
Sous lui , la cour d'Alexandrie con-
serva ei.core toute la splendeur dont
elle avait brillé sous son père et
son aïeul. Les sciences et les let-
tres y furent cultivées ; les savants
et les poètes y furent comblés d'hon-
neurs et de récompenses. Ce monar-
que ne négligea pas non plus les
(i) Euseb. Citron. , p. 186 , éd. Mediol.
PTO 2i3
établissements commerciaux et mi-
litaires que son père avait fondés
sur les côtes de la mer Erythrée. La
belle et célèbre inscription trouvée
dans le sixième siècle à Adulis, port
de l'Ethiopie sur la mer Rouge , et
copiée par le moine Cosraas Indlco-
/7Zt?a5(e5(2), est un témoignage irrécu-
sable de la domination d'Evcrgètes
surcctte côte, et de l'intérêt qu'il pre-
nait à en conserver la possession.
Comme la dernière partie de cette
fameuse inscription contient le ré-
cit d'une expédition militaire dans
l'intérieur de l'Afrique , et les noms
presque tous inconnus d'un grand
nombre de peuples et de pays vain-
cus ou subjugues, ou en avait conc'u
que Plolémée Évergètcs était le con-
quérant célébré dans cette par.ie de
l'inscription, et qu'il avait en person-
ne porté ses armes dans ces régions
lointaines. Il est à-])eu-près certain
maintenant que la fin de l'inscrip-
tion d' Adulis est relative à un prince
dilférent de celui qui est mentionné
dans le commencement, et qui vivait
plus de cinq siècles après Evergè-
tes. C'est mal-à-propos que le moine
Cosmas a réuni deux monuments qui
n'avaient aucun rapport ensemble.
Il paraît que c'est principalement
dans la vue de se procurer des élé-
phants de guerre , que Piolémée
Évergètes fixa son attention sur les
établissements que sou père avait
fondés sur les côtes du golfe Ara-
bique. Simmias , un de ses prin-
cipaux oflicicrs, fut chargé, pour
cet objet , de visiter les régions
maritimes de l'Arabie et de l'E-
tliiopie; et peut-être est-ce à lui que
(2) Cette iuscription a été publiée, pour la pre-
mière fois, par Léon Allatius , d'après le manuscrit
de Ccsmas ( Foy. ce nom) , sous ce titre: Ploleina/i
Evcrgetis III , JEgr/'l- 'egif Monumentuni Adu-
/i7nn»m,Roine, Mascardi, i63i , 'i\i-l\°., deSpag.;
très-rare.
•Ji4 PTO
l'on doit l'cioclioii du luonnmcnt
d'Adiilis, Le roi d'Kgvpte prcu.iit
bien , comme nous l'avons vu, une
part, tantôt directe, taiilôt indi-
recte aux p;uenes (jiii tourmentaient
i'Asie ; mais comme le résultai de
ces dissensions était de procurer à
ses c'taLs une tranquillité (jue rien ne
pouvait troubler , Évcr^ctcs ne ne-
{îligeait aucun moyeu de conserver
riiillucnce ijuc les rois ses predect-s-
seurs avaient eue dans la Grèce Ku-
ropéenne. Il se déclarait le protec-
teur de la lif^iie des Acliéens, et il
lui fournissait des secours pour ré-
sister aux !\Iaccdonieiis. Une guerre
survenue entre les Aclicens et (ilc'o-
mènes , roi de I.icédémonc, avant
porte Aratus , clief de la république ,
à rechercher l'alliance d'Antigonc,
régent de Macédoine, de préférence
à celle du roi d'Egypte , qui était
trop éloigné pour le servir utilement,
Cléomcncs devint l'allié d'E verge-
tés. Celui-ci avait voulu d'abord
reconcilier le roi de Sparte avec les
Aehéens ; il l'exhorta fortement en-
suite à ne pas s'engager inconsidé-
rément dans une lutte inégale contre
les Macédoniens; il refur.a même d'ac-
corder les secours qu'il lui avait fait
demander , lui conseillant de renon-
cer à une entreprise inscn>ée. Cléo-
raènes ne répondit à ces sages avis
que par des paroles pleines d'ar-
rogance, et il marcha conlreles Ma-
cédunicns. Complètement déf.iit à
Sellasie , il ne lui resta plus d'autre
ressource, après la prise de Lacédé-
raone , que de faire voile vers l'A-
frique, où il fut très-bien reçu par
le roi d'Egypte. Quand ce prince
connut toutes les belles qualités de
Cléomènes , il se reprocha de n'a-
voir pas mieux soutenu un tel hom-
me ; il le traita nugnifiqucment ,
rt lui promit les vaisseaux et les
PTO
sommes nécessaires pour qu'il pût
lecouvier ses états. La mort em-
j'ccha Eveigctes de tenir sa parole;
il périt de maladie bientôt après, à
la lin de l'an •rr.i, ou au commen-
cement de l'an •.>/>. i avant J.-C., la
vingt sixième année de son règne.
La plus grande jiarlie du j)ouvoir
étoit alors entre les n)ains de Sosi-
bius, son premier ministre; et c'est
par ses conseils qu'il avait consenti
à faire ])érir son frère Lysimaque,
qui avait Voulu exciter des iroul.ilcsen
Egypte. Evergetes laissa trois en-
fants : deux lils , qui furent l'iolé-
mée , son successeur , et Magas ;
et une fille appelée Arsinoé , ipii
moula aussi sur le trône en épousant
son frère. Ptolemee 111, ainsi que
sa femme Bérénice, qui lui survécut,
sont distingués sur les monuments
et les actes publics de l'Egypte , par
la qualification de Dieux K\'er<:^ctcs
WlIiiN KVlCITKTiLN'. Sous le nom
d'yllhloflture , on inslilua, pour lié-
rénice, un sacerdoce particulier, ana-
logue sans doute ii la Cant'phure
d'Arsinoé-Philadelphe , et destiné,
à ce qu'il paraît, à conserver la mé-
moire des victoires olympiques , et
des autres avantages remportés dans
les jeux publics , par lierénice , qui
avait be.iucoup de goût pour ces
sortes de Iriomplies. ^".ette princesse
est aussi distinj; née .spécialement par
le surnom d' Ever^elis. S. M — n.
P T 0 L É M É E I V , surnommé
Phu.opator, sans doute à cause de
l'attachement qu'il avait conservé
pour la mémoire de son père, dont
ou l'accuse cependant d'avoir cau-
sé la mort, occupa le trône pendant
dix-sept ans : ses années royales
comptèrent du 18 octobre 'm jus-
«prau i3 octobre '2o5 avant J.-C. ,
époque du règne de Ptolémée Epi-
phanes , son successeur. Philopator
PIO
était assez jeune quand il prit les rèaes
du gouvernement ; et comme d'ail-
leurs ilavait peu d'aplitudc auxalFai-
res, le ministreSosibius conserva sous
lui toute l'influence dont il avait joui
sous le règne d'Evergetes. Ce mi-
nistre, jaloux de conserver le pou-
voir, ne s'occupait qu'à plonger
de plus en plus le jeune prince dans
le sein des plaisirs, et à l'entreteuir
dans les passions les plus honteuses ,
pour l'éloigner des àlFaires. Le jeune
roi passait tout son temps ca festins et
en continuelles débauches : couronné
delicrre,il célébrait les orgies ouïes
mystères de Cybèle , à la manière
des Galles ou prêtres de cette dées-
se; de sorte qu'il reçut du peuple
d'Alexandrie le honteux surnom de
Gallus. Cependant, pour conserver
sa puissance , Sosibius ne cessait
d'inspirer des craintes à son maî-
tre, afin de se débarrasser de ceux
qu'il redoutait, Magas, frère du roi,
était très-aimé des troupes étrangè-
res qui étaient au service de l'Egyp-
te. Il n'en fallut pas davantage pour
le rendre redoutable au ministre,
qui ne tarda pas à obtenir sa mort.
Philopator nes'arrcla point là ; ce cri-
me affreux ne fut que le prélude d'un
autre bien plus atroce. Le courage,
la résolution, et les grandes qualités
de la reine mère, étaient un obstacle
iusurmontable aux vues ambitieuses
du ministre; la mort de cette prin-
cesse fut donc résolue: le conseil la
proposa ; et le roi , aussi lâche que
barbare, y consentit. C'est avec dou-
leur qu^on voit figurer parmi les
conseillers d'un crime aussi affreux,
le roi de Lacédéinone qui était ve-
nu chercher un asile à la cour
d'Evergetes. C'est sans doute à cau-
se du désir ([u'il avait de s'assu-
rer l'appui d'un ministre tout puis-
sant , que Cléomènes prit part à un
PTO. 2i5
tel crime. Il en fut mal récompensé.
Antigone , régent du royaume de
Macédoine, venait de mourir , et le
sceptre se trouvait entre les mains
d'un jeune homme de quinze ans»
Cléomènes voulait profiter de ce
changement pour recouvrer ses e'-
tats : il ne cessait de presser le
roi de lui fournir les secours qui
lui avaient été prorais. Le roi et
son ministre différaient toujours ; ils
s'étaient seulement contentés d'ad-
mettre dans le conseil un prince dont
la capacité et l'expérience dans les
affaires étaient généralement recon-
nues. Mais indigné de la défiance
qu'on lui témoignait , et impatienté
des retards affectés que l'on mettait
sans cesse à effectuer \cs promesses
qu'on lui avait faites , Cléomènes
s'emporta en propos injurieux, fut
mis aux fers , trouva moyen de s'é-
chapper , tenta de soulever la ville
d'Alexandrie , échoua dans cette
entreprise et se donna la mort ( F".
Cléomènes, LX, Sg). Ainsi périt le
dernier roi de Laccdémone , en l'an
220 avant J.-C. Philopator était alors
à Canope, non loin d'Alexandrie, où
il se livrait aux plaisirs et à la dé •
bauche. 11 en revint aussitôt pour
accabler d'outrages le corps du mal-
heureux Cléomènes , qu'il fit écor-
cher et mettre en croix. Pour satis-
faire sa vengeance , la mère , la fem-
me et les enfants de cet infortuné,
furent contraints d'assister à ce spec-
tacle ,dout ils soutinrent toute l'hor-
reur avec un courage admirable ; et
il les fit égorger ensuite dans le
même lieu. Cratésilée , mère de
Cléomènes, fut immolée la dernière.
Cependant, depuis quelques années ,
Antiochus le Grand , fils de Séleu-
cusCaUinicus, avait remplacé, sur le
trône de Syrie , son frère Séleucus
Céraunus. Quoique fort jeune en-
2l6
■PTO
corc, il c't.iit doue de la plupart des
qualités (pii foiît les grands rois : il
crut que la mollesse et la lâcheté de
Philopator lui oITriraicnt les moyens
de venger la Syrie des maux qu'É-
vergètcs lui avait fait éprouver , et
de se rendre maître des provinces
que les rois d'Egypte possédaient
encore en Asie. Il ue tarda pas , en
cflet , à faire entrer ses troupes dans
la Cclcsyrie , pour en chasser les gar-
nisons de Plolemee. 11 ne fut pas
heureux dans cette première tenta-
tive : l'Étolieii Tlie'odotc lui résista
dans la ville de Girra , et le con-
traiçrnit d'ajourner ses projets , qui
étaient d'ailleurs traverses par la ré-
volte de Molon et d'Alexandre, coii-
venieurs des satrapies supérieures,
Antiochus fut donc oblige d'aban-
donner l'Egypte, et de jnarcber vers
l'Orient. Pendant que le roi de Svric
était occupe Icin des frontières de
l'Kgypte, Philopator préparait les
moyens de lui résister, en contrar-
tant une alliance avec Acha^us, qui
s'était déclare' roi dans les provinces
de l'Asiemineure situées au-delà du
Taurus. Philopator lui renvoya son
père Andromachus , qui avait été
lait prisonnier sous le règne d'Éver-
gètes , et qui était resté depuis ce
temps en Egypte, Après avoir pari-
fié l'Orient, Antiochus était incer-
tain s'il combattraild'abord Acbaeus
ou Ptolc'incc ; enfin , sur l'avis de
son médecin , il se décida à venir
mettre le siège devant Séleucie , ville
située non loin d'Antioche, à l'em-
bouchure de rOrontes , et qui était
occupée par une garnison égyptienne,
depuis la conquèle qu'Évergèles eu
avait faite , ])rès de trente années au-
]»aravant. Elle fut prise, en l'an 218
avant J.-C, Aussitôt après, Théodote,
qui lui arait résisté avec tant de suc-
cès lors de sa picmicrc expodili'in ,
PTO
mécontent de l'ingratitude de Ptolc'-
mée , trahit son souverain , et livra
à Antiochus les provinces qu'il com-
mandait, avec les places importantes
de Tyr et de Ptoicmais ; et le roi de
Syrie se mit en marche avec toutes
ses forces pour en prendre posses-
sion, La nouvelle de cette défec-
tion obligea Ptolémce d'envoyer un
autre général et une nouvelle ar-
mée en Phénicie. Ce général, nom-
mé Nicolas, était Étolien: il vint
assiéger Ploléma'is ; mais inforiiie'
quel'armced'Antioihus approchait ,
il se porta vers les défilés de Bé-
ryte , pour les défendre: il y fut
bientôt attaque , et mis dans une de-
route complète ; et tout le pays , jus-
qu'aux frontières de rÉgvpte , fut
soumis à Antiochus. Cependant tou-
tes les forces de Ptolémée étaient
rassemblées à Péluse; et les rives du
Nil avaieutélé mises en étatdedéfense.
Les préparatifs étaient si formida-
bles, que le roi de Syrie renonça pour
le moment à atta(]uer l'Egypte. La
làchetéde Philopator ne sedémcntit
pas dans celte circonstance : on ne
put l'arracher à ses honteuses volup-
tés; il ne parut pas à son armée, et
il laissait à ses ministres tout le soin
de défendre son royaume, Agatho-
clès et Sosibius crurent rpi'il était
prudent de faire traîner la guerre en
longueur , et d'amuser Aniiochiis par
des négociations trompeuses , pen-
dant lesquelles on préparerait les
moyens de se défendre avec vigueur.
Une ambassade solennelle fut en-
voyée vers Antiochus; les députés des
Rhodiens , des Byzantins , des Cy-
zicéniens et des Etoliens s'y joigni-
rent, pour être médiateurs entre les
deux rois. Le prince Syrien lut dupe
de ce stratagème. 11 perdit un temps
précieux, que les ministres de Pto-
lémée mettaient à proGt. D'immciises
PTO
armements se faisaient dans toute
rÉgyp!c ; des troupes mercenaires
venaient de la Crète et de toutes les
parties de la Grèce : on y réunit
beauconp de soldats thraces et gau-
lois, des Libyens, et vingt milleÉgyp-
tiens commandes par Sosibins. An-
tiochus était alors occupé au siège de
Dora eu Pliéuicie : cette ville , défen-
due par Nicolas , lui opposait depuis
long -temps une vigoureuse résis-
tance. L'hiver approchait , et le roi
de Syrie consentit à accorder aux
envoyés de Ptolémée une trêve de
quatre mois , promettant , si on le
voulait ensuite, de traiter à des condi-
tions raisonnables. Antiochus croyait
ses ennemis trop heureux d'obtenir
la paix; il ramena toutes ses troupes
à Antioclie , se contentant de laisser
des garnisons dans les places qu'il
avait conquises , et dans celles que
Théodote lui avait livrées : il ne pen-
sait pas qu''il fût encore obligé d'en-
trer en campagne pour en conserver
la possession. L'hiver se consuma
en négociations infructueuses , pen-
dant lesquelles les ministres de Ptolé-
mée travaillaient sans relâche à aug-
menter leurs moyens de défense : à
la fin, les ambassadeurs égyptiens se
montrèrent si difficiles , qu'Antio-
chus reconnut qu'il fallait encore une
fois se préparer à la guerre. 11 ras-
sembla donc toutes ses forces de terre
et de mer , pour envahir les portions
de la Syrie et de la Pbénicic,qu'd n'a-
vait pas encore occupées. Les Égyp-
tiens étaient en mesure de com-
mencer les hostilités : toutes leurs
troupes de terre étaient réunies à
Gaza , sous les ordres de Nicolas.
La flotte , commandée par Périgènes,
était prête à les seconder ; et bientôt
ils s'avancèrent sur l'étroite côte de
Phénicie , pour arrêter la marche
d'Anliochus. Ce prince avait déjà
PTO 217
soumis Marathns, Arad , Béryte et
beaucoup d'autres places ; et son ar-
mée, diviséeen trois corps, qui occu-
paient toute la largeur de la Phénicie,
continuait de s'avancer , protégée sur
son flanc droit par sa flotte. Elles
rencontrèrent , à la hauteur de Si-
don , les Égyptiens ; on eu vint aux
mains. Sur mer , l'avantage fut dis-
puté ; mais sur terre, les troupes d'An-
tiochus furent victorieuses rThéodote
vainquit Nicolas , qui s'enfuit dans
Sidon avec les restes de son armée.
Antiochus ne jugea pas à propos
d'attaquer cette ville : il passa outre ,
s'empara de Scythopolis , de la Ju-
dée , et d'une partie de l'Arabie. C'est
alors qu'il fut joint par les généraux
Cheréas et Hippolochus, qui abandon-
nèrent le service de Ptolémée. Après
toutes ces conquêtes , il vint passer
l'hiver à Ptolémaïs. Au retour du
printemps , en l'an 2 16 avant J.-C. ,
les deux rois résolurent de pousser
la guerre avec vigueur. Ptolémée,
vaincu par les instances de ses mi-
nistres , s'était enfin décidé à se met-
tre à la tête de son armée : il partit
de Péluse avec soixante- dix mille
hommes d'infanterie, cinq mille che-
vaux , et soixante-treize éléphants.
Antiochuslui opposait soixante-douze
mille hommes de pied , six mille
chevaux, et cent-deux éléphants. Les
deux rois furent bientôt en présence
sous les murs de Raphia , entre Gaza
et Péluse. Après qu'ils se furent obser-
vés pendant cinq joui'S, l'engagement
commença. Antiochus obtint l'avan-
tage du côté où il combattait: ses élé-
phants mirent en fuite ceux de Pto-
lémée; et ce prince pusillanime, frap
pé de terreur , se retira aussitôt du
combat. Sa femme Arsinoé , qui l'a-
vait accompagné, se montra la digne
fille de Bérénice : les cheveux épars,
elle parcouraitles rangs, exhor,tant
ai8 PTO
les soldats à faire leur devoir. Les
gcnc'raux Andromacluis et Sosibius
re'sislirent encore l'oiidaiit quelque
temps ; mais, à la lin, ils làclièrcnt
pied. A II tiochus s'abandonna ut incou-
sidc'reiuent a la poursuite des Tuvards,
ne s'aperçut pas que les Ej;jpliens
avaient nus ses troupes à la gauche
et au centre , dans une déroute coin-
pliite ; il fut donc obligé tle s'arrêter,
et de venir rejoindre les débris de
son armée vaincue. Sa perle avait
été si cousidérable , qu'il fit aussitôt
sa retraite vers Raphia , taudis que
Ptoléméc , rerais de sa frayeur ,
fut bientôt maître de cette place , et
de toutes les autres villes de la Pa-
lestine , de la Pbcnicie et de la Célé-
syrie qui avaient été conquises. Pen-
Oaut ce temps là , Antiochus conli-
uuait sa retraite vers Antioclie ; et
une ambassade, envoyée par les llo-
maiiis , venait oll'rir a Ptoicmée des
secours dont il n'avait plus besoin.
Le roi de Syrie , hors d'état de re-
commencer la guerre, et qui ne voyait
j)as sans incpuetudc .\chaMis maître
de toute l'Asie-. Mineure , lit deman-
der la pai\ a Ptoléiuéc, (pii lui ac-
corda une trêve d'un an. Ptoléméc ,
ravi lie s'être tiré glorieusement d'u-
ue entreprise aussi diÛlcilc , et qui
fait exception dans sa vie, quitta
firom[itcmcnt la Phénicie, dont il
aissa le gouvernement à Andro-
machus d'Aspende , et se hâta de
revenir à Alexandrie, pour s'y re-
plonger dans toutes les infâmes vo-
luptés dunt il s'était arraché à re-
gret. Irrité de ce que le giaiid-prètre
des Juifs avait refusé de le laisser
entrer dans le Saint des Saints ,
([uand il était allé a Jérusalem , il
persécuta cruellciuciil les Juifs d'A-
lexandrie , et donna des ordres à
Ions les gouverneurs , pour qu'on
en fit autant daus les provinces. Rien
PTO
ne pouvait pUis tirer Ptol^icc de la
honteuse indolence à laquelle il était
livré. Sourd aux inuriniues de son
armée, impaticntcdc poursuivre la
guerrecoulre Antiochus j etoblii;e de
réprimer, parles armes, des révoltes
intéiicures, il se contenta d'envoyer
à Aclueus quelques sccouib insullî-
sants;et ce chef, qui menaçait depuis
si longteiaps l'empire de Syrie , suc-
comba sous les ellorts réunis d'An-
tiochus etd'Altalus, roidePeigame.
Philopator était entièrement gou-
verné par une de ses maîtresses nom-
mée Agalhoclée, dont le frère Aga-
thoclès partageait le pouvoir avec
Sosibius : guidé par cette indigne
créature , il s'abandonna |)lus (]ue
jamais à ses débauches , et il y joi-
gnit les plus atroces cruautés. La
reine .Vrsinoé , long - temps stciiie ,
donna enfin le jour, vers l'an uoq
avant J. C. , à un héritier du trône.
Cet événement , qui rendait cette
princesse plus chère aux peuples
de l'Egypte , réveilla la haine de
la maîtresse favorite , qui , dès-
lors , mit tout en œuvre pour perdre
sou infortunée souveraine. Elle y
réussit ; et Sosibius, déjà souillé du
sang de la reine Bérénice, ne balança
])oint à conseiller le meurtre de sa
fille , qui était devenue odieuse au
roi par ses reproches et ses repré-
sentations. Ptoléméc ne survécut pas
long-temps à sa sœur: perdu de dé-
bauches et de mollesse, il mourut de
maladie, en l'an ioS avant J.C. , en-
core à la fiour de l'àgc, et au moment
même où Antiochus , débarrassé des
longues guerres (|u'il avait été obligé
de soutenir contre les Parlhes et con-
tre le roi de la Uactriane, se prépa-
rait à attaquer l'Egypte avec des
forces considérables. Le iils de Phi-
lopator , âgé seulement de ciii<| ans ,
fut déclaré roi sous la tutelle d'Aga-
Pl'O
thoclès. Divers iiioniinicnts ont ré
ccininciit fait connaître (i) que le
quatrième d^s Ptolémces , outre le
surnom de Fhilvpator , avait aussi
porté celui iV Eupator ! lié <\\ni père
illustre). Une inscription (.lècouvcrlc
en Cypre par ]M. de Haramcr {'i) ,
et contenant l'expression d'un vœu
adresse à Venus par les habitants de
Paplios eu l'honneur de leur roi ,
le dieu Eiipator, a fourni les moyens
d'expliquer un texte dilîicile de Jo-
sèphe (3;, qui donne le même sur-
nom à Ptolémée P/ulopator. Le pro-
tocole du contmt j:;rec découvert de-
puis peu , et publie pour l.i première
fois par M. Bùckh , et celui du ma-
nuscrit du cabinet du Roi, apporté
par M. Casati , confirment ce fait, en
donnant ce même surnom à la reine
Arsinoé, qui est appelé Philopator
sur l'inscription de Rosette (4). Sous
ce prince , la marine créée par ses
prédécesseurs ,' reçut qr.elque aug-
mentation : l'on admira , sous son
rèîrne, des vaisseaux d'une crandeur
(pu tient du prodige. Plutarqiie( Fie
de Déinétrius ) décrit une de sc,>
^:;alères qui avait 4o rangs de rames ,
•i8o coudées de longueur , et 48 d'é-
lévation à la poupe : cette ville flot-
tante contenait 4ooo rameurs , et en-
viron 3ooo soldats destinés à com-
battre. Plutarque convient , il est
vrai , qu'on ne put jamais se servir
de cet énorme bâtiment. S. M' — n.
PTOLÉMÉE V, surnommé Évi-
PU AN ES, monta sur le trône d'Egypte
à l'âge d'environ cinq ans : il fut roi
pendant vingt-qualrcans. Les années
(i) Voyrz Sniiit-JIartiii, ISolicesiir Us Papyrus
grecs de Casati, Journal des savaDls , 1872 , ]). 5tio.
— Lelronue , Becherchcs pour siivir à l'histuiie de
VEi^ypte sous les Grecs et les Romains , p.i24,»5.
(9.) Topogra/Msche Aiisichte f\ienne , 181 1, p.
i5o.
(3) Anlir/. Jud.j lib. XUI, cap. 3 , § 3.
(4) Voyez Saiul-Martlii , Journal des savants,
i8ïi , y. S'ig; et 1821 , p. 56o.
PÏO
•219
de son règne comptèrent du i3 octo-
bre uo5, jusqu'au 7 du même mois
de l'an i8i avant J.-C. , première
année de Pîolémce Philométor. La
mort de Philopator fut tenue secrète
pendant plusieurs jours. Agalhoclès
voulait s'assurer les moyens de con-
server le pouvoir: enfin, après avoir
bien pris toutes ses mesures, ilfitcon-
uaîtreau peuplela volonté du roi, qui
lui avait conféré la tutelle de son jeu-
ne fils; et le vieux Sosibius conserva la
principale part dans l'administration
desallàires. Désormais libres de toute
inquiétude, le tuteur et son impudi-
que sœur se livrèrent avec une nou-
velle fureur à la vie scandaleuse qu'ils
avaient menée avec le dernier roi:
leur licence ne connut aucune borne ,
et l'indignation du peuple et de l'ar-
mée fut portée à son comble. Aga-
thoclès se brouilla, pour son malheur,
avec TIépolème , ministre de la
guerre. Celui-ci était jeune , brave ,
et empoi té , très- propre aux entre-
prises militaires , mais de peu deca-
pacité pour les affaires : il ne tarda
pas à communiquer au peuple la
haine qui l'animait contre Agatlio-
clès. Le tuteur tenta d'engager les
Macédoniens dans sa querelle. Ses
efl'orts furent vains : ils se joignirent
à TIépolème; et tous ensemble vin-
rent assiéger le palais oîi Agathoclès
et sa sœur s'étaient retirés avec le jeu-
ne roi. Agathoclès, sans moyen dedé-
fense, fut contraintde livrer le roi, et
de renoncer à sa tutelle. La fureur de
ses ennemis ne se calma cependant
pas encore. On parvint à forcer les
poi lesdu palais , et à s'emparer de sa
personne : on prit aussi ses sœurs ,
sa mère , tous ses parents , et ses
partisans ; et on les conduisit en les
abreuvant d'outrages , devant un
tribunal qu'on avait dressé à la hâtC;,
et sur lequel on avait placé le jeune
aao
PTO
Ptolërade , qui fut o?)ligé de pro-
noncer la mort de tous ceux que
l'indignation et la haine du peuple
avaient condamnes d'avance. A peine
la sentence fut prononcée, que le peu-
ple, s'ab.indonnant à tous les trans-
ports desa fureur, livraau\ plus hor-
ribles supplices lecoup;il)le Agatho-
clcs et tous ses partisans. C'est contre
sa sœur Agathocice , que la rage de la
populace , des femmes surtout , se si-
gnala par les rafincments de la plus
affreuse cruauté : elles voulaient ven-
ger sur cette mallieureiL>e le meurtre
de h reine Arsinoé, dont elles ché-
rissaient la mémoire. Polybe nous
a conservé les épouvanlables détails
de cette révolution : ils peuvent fai-
re connaître toute la barbarie et tou-
te la dépravation de la cour et du
peu|)le d'Alexandrie. TIépoIcme, mai-
tre du gouvernement, ne fut pas long-
temps d'accord avec Sosibius , qui
avait TU avec regret la chute d'Aga-
thoclès. La capacité de ce vieux mi-
nistre, et sa longue habitude des af-
faires, qui lui donnait un grand cré lit
dans le conseil , faisaient ombrage à
ïlépolèrae. Celui-ci triumpha encore
de ce rival reloutable : il le força de
lui remettre l'anneau royal , ce qui
lui doima presque la plénitude du
pouvoir souverain. Cependant, par
ses débauches , et surtout sou incapa-
cité , TIépolémese montra bientôt
tou(-a fait indigne du haut rang qu'il
avait usurpé: il compromit le salut
de l'état par son imprudente con-
duite ; et , à la fin , il fut obligé
de remettre le pouvoir à Aristo-
mènes qui avait été l'ami d'Agatho-
clès. Ces sanglants démêlés, et la
longue minorité de Ptolémée Épi-
phanes ,oirraient bien des chances de
succès au roi de Syrie , qui, déjà sous
le règne de Philopator , voulait por-
ter la guerre en Egypte, pour venger
PTO
la défaite de Raphia. Antiochus fit
donc alliance avec Philippe , roi de
Macédoine ; et de concert ils mena-
cèrent sur tous les points les pos-
sessions égyptiennes. Antiochus ne
tarda pas A envahir la Célésyrie ,
tandis que Philippe se rendait maî-
tre des villes de la Chersonèse cl
du littoral de la Thracc, qui , de-
puis le règne dePhiladelphe, avaient
toujours été occupées par des g.irni-
sons égvpliennes. Cependant Scoj)as,
ancien stratège d'Ét. lie, qui s'était
attaché au service de Ptolémée , était
passé en (irèce pour y faire des le-
vées d'hommes : il en ramena des
forces considérables , avec lesquelles
il se mit en marche pour l'Asie j
et, en une cam|)agne, il recouvra
la Phénicie et la Judée , qui avaient
été conquises par Antiochus. L'an-
née suivante, if)() avant J.-C. , An-
tiochus revint attaquer la Phéni-
cie; et Scopas, vaincu sur les bords
du fleuve Paiiius , dans une bataille
long-temps disputée, fut contraint
de se retirer à Sidoii , où il fut as-
siégé et vivement pressé par le roi de
Syrie. Vainement les meilleurs géné-
raux de Ptolémée, yl^rope , Menéclès
et Damoxène, tentèrent de faire le-
ver le siège; Scopas, privé de vi-
vres, futobligéde se renrlre. Antio-
chus s'empara ensuite de (la/.a, de
Samarie et de Jérusalem , de sorte
qu'il ne resta plus lien au roi d'É-
gyple dans cette j)artie de l'Asie.
L'année suivante , deux fils d'Antio-
chus,avec une puissante armée de
terre, accompagnée d'une nombreuse
flotte , s'emparèrent successivement
de toutes les places que les Ptoié-
mées avaient conservées sur 1rs cô-
tes de la Cilicie, de la Pamphylic
et de la Lycie , tandis que Philij)pe,
roi de Macédoine , s'em[»arait de la
Carie. Antiochus s'était brouillé, vers
PTO
celfeëporjuc, avec Philippe; et com-
me dès-lors il se proposaitd'attaqiier,
en Europe, la république romaine , il
craignit, que, pcndantsonabsence,les
Egyptiens ne fissent une incursion en
Syrie. Il résolut donc de faire la paix,
avec Aristomenès, ministre de Ptolë-
lue'e : elle fut conclue à la condition
que le roi d'Egypte épouserait Cléo-
pàtre, Gllcdu roi de Syrie, qui devait
avoir pour dot les provinces de la
Syrie dont la possession était contes-
tée, le prince séleucide ne devant
retenir que la moitié des revenus.
On remit seulement la conclusion
de ce mariage cl l'exécution de cette
dernière clause, au temps où le jeune
roi aurait atteint l'âge convenable.
Cependant de nouveaux troubles me-
nacèrent encore de compromettre
l'existence de l'empire des Ptolé-
mées :ils étaient causés par la haine
qui divisait le tuteur Aristomènes et
le général Scopas soutenu par tous
les Etoliens au service de l'Egypte.
Des révoltes éclatèrent sur plusieurs
points. La ville de Lycopolis , plus
opiniâtre qu'aucune autre , fut assié-
gée par le roi en personne ; et il s'en
rendit maître, après une longue ré-
sistance, en l'an 197 avant J. -G. , en
la huitième année de son règne , se-
lon le témoignage de l'inscription de
Rosette. Les troubles ne furent pas
apaisés par la soumission de cette
ville : la guerre civile éclata même
dans Alexandrie ; et Scopas forma
contre le roi une conspiration , qui
fut déjouée et causa la perte de son
imprudent auteur. Scopas , arrêté
avant d'avoir pu mettre son dessein
à exécution , fut jugé et condamné à
mort avec plusieurs de ses partisans;
et tous les Etoliens furent renvoyés
du service de l'Egypte. Pour préve-
nir de nouveaux troubles , Aristo-
mènes crut devoir faire couronner
PTO
121
Ptoicméc avant l'âge fixé par les lois.
Ce jeune prince avait alors douze ou
treize ans. Les cérémonies de son
inauguration se célébrèrent avec une
grande solennité , en la neuvième
année de son règne , comme nous
l'apprend l'inscription de Rosette
et, à ce qu'il paraît, le 18 du mois
égyptien de méchir , qui répondait
alors au 4xanthicus macédonien et
au 27 mars 196 avant J.-C. Cepen-
dant l'entreprise téméraire de Sco-
pas avait donné naissance à la fau^^se
nouvelle de la mort de Ptolémée :
elle parvint jusqu'aux oreilles d'An-
tiochus, qui était en Thrace , et qui
résolutde se rapprocher de l'Egypte ;
ce n'est qu'à Patare en Lycie , qu'il
fut désabusé. Il voulut alors attaquer
l'ile de Cypre ; mais sa flotte , battue
par la tempête, fut jetée sur les cotes
de la Cilicie. Cependant Antiochus,
sur le point de commencer avec les
Romains une guerre qu'il méditait
depuis long -temps, voulut mettre
à exécution le traité qu'il avait con-
clu, depuis six ans, avec Aristo-
mènes. Il conduisit sa fille Cléopâ-
tre à Raphia, où Ptolémée l'épousa,
en la treizième année de son règne
( 193-192 avant J.-C. ) ; et il prit
possession des provinces qui for-
maient sa dot , et dont le roi de
Syrie s^élait réservé la moitié des rc-
A^enus. Bientôt après, Antiochus com-
mença les hostilités contre Rome.
Malgré l'étroite alliance que Pto-
lémée venait de conclure avec le
roi de Syrie , il ne cacha pas son
amitié pour les Romains ; et sa fem-
me elle-même montra , en cette oc-
casion , plus d'attachement pour les
intérêts de la famille dans laquelle
elle venait d'entrer , que pour la sien-
ne propre. Ses ambassadeurs traver-
sèrent la mer , pour solliciter les géné-
raux romains de passer en Asie , et
ail HTO
leur offrir toutes sortes, de secours ,
que ccnx-ciu'acceplcrcnt pas. liCS pre-
mières années du p;ouvrrneincnt de
Ptolcmécavaienléte heureuses. La dé-
faite d'Antiochus par les Romains ,
et sa mort, «pii la suivit d'assez près,
donnaient à rEf;ypte l'espoir d'une
assez longue paix : elle n'eut plus , il
est vrai , de guerres clr.mgères à re-
douter; mais la mauvaise adminis-
tration . et la tvraunie de Piolèmce
Epiphanes.qui.oerupctiuseid plaisir
de la chasse , se laissait çjouverner
par ses flatteurs , lui firent éprouver
des malheurs peut-être plus terribles.
Les avis et les remontrances de son
ancien tuteur Aristomènes lui devin-
rent insupportables. Il se débarrassa ,
par le ]koisou, d'un censeur incom-
mode. Après ce premier crime. Epi-
phanes , m irohaiit sur les traces de
son père , ne mit plus de bornes à sa
cruauté et à sa tvrannic ; et des rebel-
lions sérieuses éclatèrent dans plu-
sieurs parties de ses états. La ville de
Lvcopolis se révolta encore une fois ,
ainsi que les pays environnants. Po-
lycrates , général habile , pressa les
rebelles avec tant de vigueur, qu'ils
s'abandonnèrent à la clémence du roi.
Pausiris , .\thinis , Gliesnphus et
d'autres chefs égyptiens , imitèrent
leor exemple : ils vinrent trouver le
monarque à Sais, cl se remirent en-
tre ses mains , croyant obtenir leur
pardon. Ptolémée abusa l.îchcment
de leur imprudente confiance ; il les
fit tous périr dans de cruels suppli-
ces. An rapport de Polybe [i), ce
prince avait alors vingt- cinq ans; ce
qui porte la date de cette guerre ci-
vile vers l'an iH5 avant J. - G. Nous
ignorons presque tous les événe-
ments delà fin du règne d'Épipha-
nes : on sait souleracnt qu'à cette épo-
(i) Escerpl. dt virl. et vil. , y>. ni , éd. VaJc».
PTO
que il renouvela les traités faits avec
les Acliécns. 11 mourut bieufùt après,
au moment même où il se piéparait
ta faire la guerre à Séleucus iv , fiU
d'Antiochus - le - Grand. Aux trou-
pes rassemblées pour combattre les
rebelles de son royaume , il avait
réuni un grand nombre de merce-
naiies venus de la Grèce : comme un
de ses généraux s'étonnait qu'il pût ,
avec des finances épuisées , soudoyer
une aussi forte armée, il lépondit:
Les richesses de mes amis ne sonl-
elles pas à moi? C'en fut assez pour
répandre la terreur parmi les courti-
sans, et ils se débarrassèrent de leur
roi par le poison. Épiphanes éf.iit
âge de vingt huit ans; il en avait ro-
gné vingt-quatre. 11 laissa doux fils cl
une fille, sous la tutelle de leur mère
Cléopàtrc de Syrie. Outre le surnom
A' Epiphanes , nous savons, par la cé-
lèbre inscription trilingue de Uoset-
le, que Ptolémée V portait encore la
qualification A' Euchnriste ou très-
fracieu.r. Lorsque le décret des prê-
tres égyptiens, en faveur de Ptolémée
Epiphanes, qui nous a été conservé
par le monument de Rosette , fut
rendu, ce prince n'avait pas encore
épousé 11 fille d'Antiochus ; il lui fit
donc partager les titres qu'il avait
déjà : aussi voyons-nous que Ptolé-
mée et sa femme Cléopàtrc sont
appelés dieiLT Epiphanes et Eiicha-
ristei , sur ime inscription du tem-
ple d'Anl.Topolis , et sur un autre
monument jiublié récemment ('2). II
est assez probaiile que c'est à l'épo-
que de son inauguration , en l'an
neuf de son règne, que Ptolémée V
joignit le surnom d'Epiphanes à ce-
lui d'Euchariste. S. M — n.
PTOLÉMÉE VI, .surnomme
PiiiT.nvÉTon, était âgé de cinq ans
(1 ljf:tr<itiiw, Itrchirrchef pour servira l'/iisloire
de l'Ë^yple ioiu les Grecs et les Romains , p. tt.
PTO
environ quand il succéda à son père.
Il occupa le tronc pendant trente-cinq
ans , et ses années royales comptè-
rent depuis le 7 octobre 181 jus-
qu'au 29 septembre 1 4^5 avant J.-G.
La minorité de Philomctor ne fut
pas, à beaucoup près, aussi agitée que
l'avait cte celle de son père ; et l'E-
gypte en fut redevable à la prudence
delà reine-mère, Cleopàtre de Syrie.
Sëleucus IV, frère de cette ])rincesse,
voulut cependant profiter de la jeu-
nesse de sou neveu pour recouvrer
l'entière souveraineté de la Pliénicie
et la Célésyrie ; mais la mort le sur-
prit au milieu de ses préparatifs , en
l'an 1^6 avant J.-C. :il fui empoison-
né par son ministre Héliodore. Les
démonstrations hostiles de Scleucus
avaient porté la reine Cleopàtre à
solliciter pour son fds la protection
des Romains , suprêmes ai-bitres des
rois de l'Orient , de})uis les défaites
de Philippe et d'Antiochus; et le
sénat lui avait donné pour tuteur
M. iEmilius Lepidus, grand pontife,
qui avait déjà été envoyé en am-
bassade à Alexandrie , sous le rè-
gne d'Epiphaues. La mort de Séleu-
cus avait mis la plus grande confu-
sion dans l'empire de Syrie: son fils
Démétrius était en otage à Roraej et
le traître Héliodore qui s'était emparé
du pouvoir souverain, voulait le con-
server, malgré Antioclius , frère du
dernier roi, qui s'approchait, soute-
nu par les forces d'hlumenès , roi de
Pergame. Le roi d'Egypte, issu , par
sa mère , du sang des Séleucides ,
avait aussi des partisans. Antiochus,
surnommé Épiphanes , parvint ce-
pendant à surmonter tous les obsta-
cles, et à se placer sur le trône de Sy-
rie. Vers la même époque, sa sœur,
la reine Cleopàtre, mourut; et le peu-
ple d'Alexandrie déféra la régence à
Eulaeus, eunuque, et à Lénaeus. Ceux-ci
PTO
aa3
voulurent presque aussitôt revendi-
quer la pleine possession de la Phé-
nicie et de la Célésyrie , tandis que
de son tôle Antiochus réclamait la
tutelle de son neveu. Une ambassade
des Romains vint alors pour renou-
veler les traités de Ptolémée avec la
république; mais elle ne fit rien pour
aplanir ces dilTérends : les deux par-
tisrSe préparèrent donc à la guer-
re. Ptolémée avait pris depuis peu
les rênes du gouvernement. Avant de
commencer les hostilités, Antiochus
fit partir pour l'Italie une ambassade
chargée d'exposer au sénat la justice
de ses griefs , et les raisons qu'il
avait pour envahir les provinces
contestées. IMais les Romains , trop
occupés de la guerre qu'ils soute-
naient contre Persée , roi de Macé-
doine , évitèrent de se mêler de c'es
débats. Antiochus n'eut donc au-
cune peine ta se rendre maître de
la Célésyrie , de la Phéoicie et de la
Judée , jusqu'aux frontières de l'E-
gypte. Ce prince se trouvait ci Tyr,
quand l'île de Cypre lui fut livrée par
Ptolémée , surnommé le Maigre , qui
en était gouverneur. Ce traître fut
admis au nombre des conseillers
d'Antiochus, et reçut pour récom-
pense le commandement des provin-
ces conquises sur le continent pen-
dant cette campagne. Enhardi par
la timidité des ministres et des géné-
raux de Philométor , Antiochus se
décida à entrer en Egypte , en l'an
170 avant J.-C. Une flotte partit de
Tyr , pendant qu'il se mettait en
roule avec une puissante armée , et
un grand nombre d'éléphants. Pto-
lémée marcha aussitôt à sa rencon-
tre, et vint le combattre à Péluse,
pour défendre l'entrée de son royau-
me. Les troupes égyptiennes furent
mises dans une déroute complète.
Antiochus se conduisit , dans cette
«a4 Pl'O .
alTdire, avec une grande humanité.
Il témoij^na beaucoup decompassiou
pour rcxtrèiue jeunesse dePliilorae-
tor , et le traita avec toute s»rte d'é-
gards.Il se reuditeusuiteà Memphis,
où il se fit déclarer roi, annonçant que
son dessein était de conserver le trône
à Philomttor. Sous ce prétexte , il
s'empara de plusieurs des places
importantes de l'Egypte. Quand les
Alexandrins virent que leur souve-
rain était entre les mains d'Antio-
cluis, ils s'empressèrent de créer roi
son jeune frère Ptoléniéc , qui fut
surnommé Evergètes. Coraanus et
Ciuéassc mirent à la tète des affaires,
et envoyèrent une ambassade au mo-
uarque syrien, pour connaître ses in-
tentions. Tous lesdéj)ulésdes républi-
ques grecques qui étaient à Alexandrie
se'joignirent aux ambassadeurs, et
vinrent au camp d'Antioclius, où ils
furent bien traites; mais ce prince se
contentadeleurexposerles justes mo-
tifs qu'il avait eus pour reprendre les
provinces d'Asie, et entrer en Egyp-
te, se réservant de déclarer ses vo-
lontés ultérieures quand il serait de-
vant Alexandrie. Il se rendit à ÎNau-
cratis; et bientôt il fut sous les murs
de la capitale. Les habitants lui fer-
mèrent leurs portes, et se mirent en
mesiuede lui résister. En même temps
Évcrgctcs et sa sœur Cléopalrc en-
voyaient demander des secours àux
Uomains. Ainsi Antiochus fut obli-
gé d'assiéger Alexandrie: des dépu-
tés rhodiens vinrent encore le trou-
ver pour traiter de la paix ; il les con.
gériia, en leur répondant (juc Pliilo-
mélor était le seul légitime roi d'E-
gypte, et qu'il ne consentirait pas à
reconnaître Evergètes. (k-pcndant le
siège traînait en longueur , et une ré-
volte des Juifs , qui s'étaient soule-
vés sur la fausse nouvelle de la mort
du roi de Syrie , le força de revc-
PTO
iiir en Asie. Avant de partir, il en-
voya dos ambassadeurs à Route , ra-
mena Philomctor à Memphis; et,
laissant garnison dans Péluse , il
marcha contre Jérusalem , qui fut
prise et livrée au pillage. Antiochus
croyait qu'en son absence les deux,
frères épuiseraient, dans une guerre
acharnée , les ressources du royau-
me : ils soupçonnèrent ses vues , et
bientôt ils furent d'accord par la mé-
diation de leur sœur Cléopàtre. Ils
partagèrent le trône; et les années
de ce double j ègne datèrent du 5
octobre 170 avant J. •('-.; la dou-
zième année de Pliilométor répon-
dant à la première d'Evergètes. Les
deux rois se préparèrent alors à ré-
sister, de concert , aux nouvelles ten-
tatives qu'Aiitiochii'^pourrail faire en
Egypte, (-('pendant les piières des
envoyés d'Evergètes et de Cléopatrc
avaient décidé lesénat romain à faire
])arlir des commissaires chargés de
régler les dillérends du roi de Syrie
avec les princes Egyptiens. Comme
ces envoyés passèrent par la Macé-
doine et la Thrace , ils restèrent
fort long-temps en route. En atten-
dant, les généiaux des doux rois bat-
taient la Hotte d'Antioclius dans les
eaux de l'ile de Cyj)re, taiidis que,
par des négociations , ils tàcliaient
d'engager les Achéens à leur four-
nir un secours de cavalerie et d'in-
fanterie , commandé par Lycorlas
et par l'historien Polybe : mais ils
échouèrent de ce côlé. Quoique leur
demande eût été fortement apjiuyce
dans le conseil général de la conlcdé-
ration , les Aehéens se bornèrent à
offrir leur médiation. Au printemps
de l'an 1G8 avant J.-C. , Antiochus
rassembla ses troupes pour attaquer
encore une fois l'EgYpte. Quand il
fut arrivé àRhinocorura, sur la fron-
tière des deux royaumes , Philomé-
PTO
tor lui fil demander pourquoi il ve-
nait visitcrainsien cnucniiun prince
qui lui devait sa couronne. Antiochus
se contenta de lui repoudre qu'il ne
desarmerait pas, si on ne lui livrait
l'île de Cypre et le territoire situé
sur les deux rives du Nil, autour de
Pciuse. Apres quelques jours de de-
lai, il se remit en raarclic en suivant
les bords du fleuve , et il soumit tout
le pays jusqu'à Memphis; puis il
vint camper à Eleusis , bourg à
quatre milles d'Alexandrie. Les am-
bassadeurs que le sénat envoyait
vers Antiochus , entraient près •
qu'en même temps dans la ville : ils
avaient attendu pour passer en Egyp-
te la nouvelle certaine de l'entière
défaite de Persëe, roi deMace'doine:
ils traversèrent aussitôt le Nil, et ils
vinrent dans le camp d' Antiochus.
Ce prince s'avance, et tend la main
à Popilius Lenas, qui avait été' un
de ses amis à Rome ; celui-ci, sans
lui répondre, lui présente un écrit
qui contenait les conditions impo-
sées par le sénat. Le roi y jette
les yeux : J'en conférerai avec mes
amis , lui répondit - il. Popilius te-
nait à la main une baguette ; il trace
sur le sable un cercle autour du roi :
^i'antd'ensortir,\inAil-\\Jlmefaut
une réponse pour le sénat. Anûochus y
surpris de cette audace, hésite un
instant: ZTe bien, j'obéirai au peuple
romain >• et aussitôt il donne à son
armée le signal du départ. Popilius
alors lui serre la main , et le traite
en ami. Si Persée n^avait pas été
vaincu , il est permis de croire qu' An-
tiochus n'aurait pas cédé si facile-
ment ; mais aussi les Romains n'au-
raient probablement pas montré
tant de hauteur-. Depuis-lors , les
provinces asiati-^ues ne furent plus
un objet de contestation : elles res-
tèrent au roi de Syrie. Il fallait en-
XXXVI,
PTO
l'ilj
core faire restituer l'île de Cypre
aux Égyptiens. Popilius s'y rendit ;
les généraux d'Antiochus y luttaient
avec avantage contre ceux de Ptolé-
mée : l'ambassadeur leur fit poser
les armes et évacuer l'île tout en-
tière. Les rois d'Egypte délivrés ainsi,
sans combattre , d'un aussi redou-
table ennemi , en témoignèrent leur
reconnaissance aux Romains par de
solennelles ambassades. Malgré l'é-
loignement du roi de Syrie, la paix,
si heureusemeni établie eji Egypte,
ne fut pas de longue durée: les deux
rois se brouillèrent ; et la guerre ci-
vile éclata. Nous en ignorons les dé^
tails; nous savons seulement qu'E-
vergèles fut contraint de quitter l'E-
gypte , et d'aller à Rome implorer
la protection du sénat. Cet événe-
ment dut arriver en l'an i64 avant
J.-C. Les deux frères avaient régné
ensemble pendant six ans : depuis
cette époque jusqu'à sa mort , Phiîo-
métor fut seul roi. Ce second règne
fut de dix-huit ans. Il paraît que
c'est vers la même époque que Phi-
lométor épousa sa sœur Cléopatre.
Cependant Evergètes était parvenu à
déterminer les Romains à intervenir
dans les différends qu'il avait avec
son frère : des commissaires arri-
vèrent en Egypte , et ordonnèrent
qu'Évergètes conserverait le litre de
roi avec la possession de Cyrène et
de la Libye, tandis que Philométor
aurait l'Egypte et l'île de Cypre.
Evergètes ne fut pas satisfait de cette
décision : après avoir pris possession
des états qui lui étaient échus en
partage , il quitta Cyrène , dont il
laissa le gouvernement à un Égyp-
tien nOmmé Ptolémée Sym-petisisj et
il retourna à Rome pour demander
que l'île de Cypre fût jointe à son
apanage. Philométor, de son côte,
envoya aussi des ambassadeurs char-
i5
336 PTO
«^cs de (IcfenJrc ses droits. Évcrj^clcs
obtint cette fuis pins de faveur au-
près du sénat. T. Torqiiatus et Cn.
Meriila furent expédies pour recon-
cilier les deux frères, et faire donner
l'île de Cvpre au plus jeune. Celui-
ci, après avoir (|uitlé Reine , s'était
rendu dans la Grèce , oii il avait
fait dos levées , avec lesquelles il
voulait s'assurer, par la force, de l'île
dont il revendi(iuait la possession.
Ses troupes étaient à Side , en Pam-
f)liylie, prêtes k s'embarquer, quand
es envove's romains , qui voulaient
terminer cette nllairesans recourir à
la voiedes armes, ren;;apèrcnt à fai-
re passer ses soldats en Libye, jien-
danl ipi'ds iraient à Alexandrie pour
décider Philomélor h ubiempérer au
Jugement du sénat. Kvergctes se ren-
dit cn Crète, et de là en Afrique;
les ambassadeurs allèrent en Kgyp-
te, et n'y eurent aucun succès : ils
revinrent auprès du jeune Plolé-
œéc , qui déjà s'ava^içait le long
de la mer , pour attaquer avec son
armée le royaume de son frère. Au
moment où il se jiréparait à y en-
trer, il apprit que le gouverneurqu'il
avait laisse à Cyrène.el les liabilants,
s'étaient révoltés: il fut donc obligé
de retourner sur ses pas. Les Li-
byens , qui s'étaient joints aux rebel-
les , lui fermaient le passage : il prit
alors le parti de faire end)aiqner
plusieurs corps de troupes, destinés
à opérer une diversion, pour qu'il
f)ûl combattre, avec plus d'avantage,
es ennemis qu'il avait en tète. Après
en avoir triomphé, il parvint en
sept jours devant Cyrène , qui ne se
soumit qu'après une longue résis-
tance; tant cette ville avait d'hor-
reur pour la domination dure et ty-
ranuique d'Evergètcs. Pliiloméfor,
au contraire , était très - aimé de
ses sujets. Sa valeur et ses talents
PTO
rappelaient les premiers princes de
sa race, dont il aurait peut-être
égalé la gloire si son royaume avait
été placé dans des circonstances aus-
si favorables; mais la puissance de
Home ne pcrnieltait jilus aux rois
de l'Asie q\ie des vertus pacifi(]ucs,
s'ils voulaient conserver le reste de
leurs ét.ils. La résistance de Plii-
lométor devait paraître assez, étran-
ge aux Romains , accoutumés à plus
d'obéissance de la part des souve-
rains de l'Orient. De nojiveaux dé-
putés vinrent, de paît et d'autre,
liebattre la même question devant
le sénat. liC crédit d'Evergètcs l'em-
porta. Menytljillus , envoyé de Plii-
lométor , eut ordre de quitter Ho-
me en cinq jours ; et son maître
fut retranché de l'alliance de la ré-
publique. D'autres commissaires al-
lèrent porter à Cyrène celte d('ci-
sion ; et Kvergètes fit aussitôt des
préparatifs militaires pour envahir
l'île de Cvpre. Vers le même tem|>s,
une teiitative d'assas«inat, dans la-
quelle ce prince faillit périr , et
dont il regarda son frère comme
l'auteur, lui fouinit de nouveaux
motifs pour attacher ])lus fortement
la ré|)ul)lique à ses intérêts. Il se
rendit encore une fois à Rome pour
demandervengeance. Vainement Phi-
lomélor essaya-t-ildc se justifier : on
refusa d'entendre ses représenta-
tions ; et le sénat lança un décret
qui autorisait tous les alliés grecs et
asiatiques à fournir des secours à
Évergèles. Philomélor fut donc obli-
gé de braver le courroux des Ro-
mains, et de se préparer à la guer-
re. Sans perdre de temps , il passa
en Cypre, où son frère vint le com-
battre : bientôt leursforces lurent en
présence , et Evergèles fut complè-
tement vaincu. Contraint de s'enfer-
mer dans Lapitbus , il y fut f^siégé
PTO
çl récluit h la dernière extrdmltë.
Philoiuëtor , maître de le traiter en
ennemi, proféra lui pardonner: il
exigea seulement de lui qu'il se con-
tenterait de la Gyre'naïque ; il eut de
plus la générosité d'y joindre quel-
ques villes de l'île de Cypre, et une
certaine quantité de blë : enfin il pro-
mit de luidonnersafillepoure'pouse.
La bonne harmonie ainsi consolide'e
entre les deux frères , ne fut plus
troublée depuis. L'Egypte jouit, pen-
dant plusieurs anne'es, d'une pro-
fonde paix ; et elle se rétablit, sous
l'heureux gouverriement de Philo-
métor , des maux qu'elle avait souf-
ferts par les guerres civiles et étran-
gères. La trahison d'Archias , gou-
verneur de Cypre, qui entreprit de
livrer cette île à Démétrius I*^'". ,
surnommé Soter , roi de Syrie, vint
rallumer la guerre ; mais cette trahi-
son n'eut aucun succès , et le traître
Archias prévint , par une mort vo-
lontaire, le châtiment qu'il avait
mérité. Pour se vengeride cette ten-
tative , Philométor appuya secrète-
ment les mécontents de Syrie , et
favorisa les manœuvres d'Hcracli-
des , autrefois ministre d'Aiitiochns
Épiphanes , qui produisit alors \m
fils naturel de son ancien souve-
^j'ain , nommé Alexandre Bala , et
parvint , en l'an i53 avant J.-
C. , à le faire reconnaître pour
roi de Syrie , par le sénat ro-
main. La garnison de Ptolémaïs ,
secrètement gagnée par le roi d'E-
gypte , livra cette place importante
au nouveau prétendant. Celui - ci ,
renforcé par les soldats qui avaient
abandonné le parti de Démétrius, et
par ceux qu'il recevait de Philomé-
tor, fut promplement en état de se
mesurer avec son compétiteur. Une
première affaire ne fut pas heureuse
pour Ijii^ mais bieotôt après , reuCor.
PTO
a^7
ce parles secours qu'il reçut, soit de
l'Egypte, soit d'Attale , roi de Perga-
me, d'Ariarathe, roideCappadoce,
et de Jonathas , pontife des juifs ,
Alexandre reprit l'odensivc , eî vint
présenter la bataille à Démétrius ,
qui fut vaincu et périt en combattant
vaillamment. Aussitôt q'uAlexandre
se vit maître du trône de Syrie, il
demanda en mariage Cléopdtre, fille
de Philométor, qui conduisit lui-mê-
me sa fille à Ptolémaïs, où les noces
se célébrèrent avec la plus grande so-
lennité. Alexandre eut de ce mariage
un fils nommé Anlioduis, qui, trois
années après la mort de son père
fut reconnu comme roi de Syrie;
il est désigné sous le nom d'Autio-
clius Dionr.ms. Quoiqu'Alexandrc
ne fût dépourvu ni de courage , ni
de talents , dès qu'il n'eut plus de ri-
val à combattre, il s'abandoiïna à la
mollesse , laissant tout le soin des
affaires à son ministre Aramonius.
Cet homme cruel et ambitieux fit
partager a son souverr.iu la haine
qu'il inspira bientôt à tous les peu-
ples delà Syrie. Des révoltes e'clatè-
rent sur plusieurs points ; et en l'an
i47 avant J. - C. , Démétrius , sur-
nommé Nicatur, fils aîné de Dé-
métrius, vint à la tête d'un corps
de troupes Cretoises, pour recon-
quérir la couronne qui avait <ij>j>'ar-
tenu à son père. En peu de -temps
il fit de rapides progrès. Dans cette
extrémité, Alexandre réclama le se-
cours de son beau-père , tandis que
de son côté , il ordonnait des levées
et se préparait à résister. Philométor
ne tarda pas à se diriger vers la Sy-
rie , avec une puissante armée de
terre et de mer ; il soumit Azot ,
Joppé , et toutes les villes de la Pa-
lestine, jusqu'à Ptolémaïs; Jonathas,
grand-pontife des Juifs , vint le visi-
ter à soa ga&sagf, et retourna com-
a5..
-218
PTO
bld de présents à Jc'riisnlein. Comme
Philomc'tor mettait «les garnisons
égyptiennes clans toutes les villes où il
entrait, Ammonins conçut des soup-
çons sur ses vues. Persuade que son
but était moins de secourir Alexan-
dre, que de s'agrandir auK dépens
de la Syrie , il tenta de le faire
périra Ptolema'is. Ses machinations
furent découvertes ; et le roi d'E-
gypte e'crivit aussitôt à Alexandre ,
en lui demandant le châtiment du
perGJc Amraonius. N'obtenant ni
réponse , ni satisfaction , il crut que
son gendre avait partaee le cri-
me de son ministre , et il lui dé-
clara la guerre , continuant sa mar-
che , et soiunettant toutes les vil-
les de la Phc'nicie , et des côtes de
la Svric , jus(ju'à Scicucie , à l'eni-
bouchure de lOrnntes. Là il résolut
de rompre tous les liens qui l'atta-
chaient encore à l'ingrat Alexandre ;
il rappela sa (illc Cleop.ître, et en-
voya des ambassadeurs olfrir à De'-
mclrius son alliance et ses seconr<»
pour remonter sur le tniue paternel.
La proposition fut acceptée sans
peine : hëmetriiis prit pour femme
la lille de Philomélor, et il réunit aus-
sitôt SCS forces à celles de son beau-
père, pour combattre Alexandre.
Philométor était toujours à Séleu-
cie , assez près rt'Antioche , capi-
tale delà Syrie, lise dirigea vers cette
ville, qui lui ouvrit ses portes sans
résistance. Les habitants le saluèrent
roi, et ornèrent son front d'un dou-
ble diadème. Soit par modération ,
soit par la crainte d'exciter les soup-
çons des Romains , Philométor re-
fusa le royaume qu'on lui livrait,
pour le laisser au jeune Démctrius ,
dont il se déclarait le protecteur. La
fortune donnait alors au roi d'E-
gypte , le rôle qu' Antiochus Epipha-
nes avait joué autrefois à Memphis.
PTO
Toutefois il eut beaucoup de peine à
triompher de la répugnance que les
liabilants d'Antiochect les sold.ilsde
Syrie avaient pour la domination
de Démctrius, à cause de la liaine
qu'ils avaient conservée contre lamé-
moire de son père. Ils consentirent
cependant à placer sur la tète du jeune
j>iétendant,la couronne qu'ils avaient
oll'erleauroid'Egvpte. Lesdcux prin-
ces se disposèrent ainsi à marcher
contre Alexandre , qui , à la tète
d'une puissante armée , arrivait de
la Cilicie, où il était allé soumettre
des rebelles. A peine fut-il entré en
Syrie, qu'il mi ta feu et à sang le terri-
toire d'Antioche. Lesdcux aimées se
trouvèrent en présence sur les bords
de rOKnoparas , dans les environs
d'Antioche; Alexandre fut vaincu,
et contraint de s'enfuir avec ciiupiaii-
te hommes seulement : il alla cher-
cher un asylc chez un chef arabe,
nomme Zabdiel , déjà chargé par
lui de garder le fils qu'il avait eu de
Cleo pâtre. Xi'ahi parée perfide , il fut
assassiné; et quehpies jours ajirès sa
tète fut portée à Philomélor. Quant
à ce prince , il avait trouvé la mort
aux lieux mêmes qui venaient d'cire
le théâtre de sa victoire. Son che-
val , elfrayé des cris d'un éléphant,
l'avait jeté à terre; et il s'était si
griJ'vement blessé, qu'il expira peu
de jours après , au moment où les
médecins se préparaient à le trépa-
ner , et lorsqu'on lui eut annoncé
la mort de son ennemi. Il avait ,
depuis la mort de son père , régne
trente-cinqans, pcndantlesquels iloc-
cupa six ans le trône avec Evergctcs.
Il laissa trois enfants , un fils encore
fort jeune nommé Ploléraée , sa fdlc
Cleo pâtre mariée à Démétrius , et
une autre Cleo pâtre promise à Éver-
gètcs.Cefutsousson règne qu'Onias,
fils du pontife juif Osias , réfugié à
PTO
Alexandrie , obtint de Pliilome'tor la
faciiltéde faire édifier, eu Egypte, un
temple semblable à celui de Jérusa-
lem. Pliilome'tor voulait peut-être
séparer les Juifs d'Egypte qui étaient
tort nombreux , de leurs frères de
Syrie , qui dépendaient des rois Sé-
Icucides, et se les attacher davantage:
aussi accéda-t-il sans peine à la de-
mande d'Onias. 11 lui abandonna un
ancien temple à Bubaste. Onias le fit
raser; on en purifia le sol , et l'on y
construisit un nouvel édifice, desservi
pardes prêtres et des lévites. Ce tem-
ple devint rival de celui de Jérusalem :
il subsista fort long-temps, et fut con-
nu sous le nom à' Onion ; il était si-
tué sur un tertre peu éloigné d'Hélio-
polis , du côté de l'orient : il est nom-
mé actuellement Tell iahoudieh ,
c'est-à-dire , la Colline des Juifs.
S. M— N.
PTOLÉMÉK(i), surnommé Eu-
PATOR , fut le successeur immédiat
de PtoléméePhilométor, La découver,
te d'un contrat grec, dressé autrefois
eu Egypte, et publié pour la première
fois par M. Bockh -j) , uous a fait
connaître un prince de la race des
Ptolémées, resté inconnu jusqu'à pré-
sent dans l'histoire. Ce n'est pas que
les anciens nous aient , à proprement
parler , laissé tout-à-fait ignorer son
existence; mais aucun ne nous avait
appris qu'il eût reçu un de ces titres
divins , réservés aux souverains de
l'Egypte. Les auteurs mentionnent
bien un fils de Philométor , sacri-
fié à la jalouse ambition de son on-
cle Évergètes ; mais il était réservé
h'ioil
i Ptole
VII.
(i) Si nous nappt'loiis pas Ptolemce VU, ce nou-
veau roi d'Egypte, c-'estalin de lie pas chaugerlfS (\it-
sigiiatioDs numériques adoptées iu£qu'ici pour dis-
tinguer les Ptolémiics , et qui se trouvent indiquées
daus plusieurs articles de la Biographie universelle.
(2.yEifrltieningeincr Ai^yplischen Vrkuiide airf
Papyrus m e^iiec/iisclie CurswschiifC voni Jahic
^<i4 , ♦"" ilt!i Chiistlichen ZeirtecwniiKy , Beriiii ,
iSii , it>-4".
PTO 2>9
au monument dont nous venons de
parler, de le faire connaître plus
particulièrement. Ce contrat, com-
me tous les actes publics de l'Egypte,
contient d'abord l'énoncé des litres
de tous les souverains qui avaient
occupé le trône avant les princes
régnants, qui étaientCléopâtre, veuve
d'Évergèles II, et son second filsPlo-
lémée Alexandre l*^"". Cette liste nous
présente, entre le dieu F hilométur et
le dieu Evergètes , son frère , un
autre personnage divinisé sous le
nom à'Eupator , qui ne peut être que
le jeune fils de Philométor, reconnu
roi , et ensuite mis à mort par Éver-
gètes. Il est probable qu'Évergctes
ne put, ou peut-être n'osa pas , ôter
du catalogue divin le malheureux
fils d'un roi aussi aime que l'avait
été Philométor. Il craignait , sans
doute , d'irriter les Alexandrins , qui
furent toujours redoutables à leurs
souverains, mais plus encore à Ever-
gètes II qu'à tout autre. Le surnom
à'Eupator (né d'un père illustre)
donné au fils de Philométor , serait
lui seul la preuve de l'attachement
que l'on conservait à la mémoire de
ce prince. Il dut, à cet attachement,
Thonncur d'être déclaré roi , et d'ê-
tre ensuite, long -temps après sa
mort , mentionné dans les actes pu-
bUcs. C'est , sans doute, en l'an i 45
avant J.-C, aussitôt après la mort
de son père , que Ptolémée Eupator
fut proclamé , sous la tutelle de sa
mère Cléopàtre ; et c'est du 29 sep-
tembre 140 précédent, qu'il dut,
suivant l'usage égyptien, compter
la première et certainement la der-
nière année de son règne éphémère ,
qui se perdit dans la durée de celui
de son successeur. On verra, dans
l'article de ce dernier, le peu de faits
qui inléressenlPlolèméc Eupator, Le
nicme prince est mentionne dans uii
23o PTO
autre contra t d'Egypte , écrit eti j^rcc,
et encore inéiiit , qui se trouve à \n
bibliotlioqncdu Roi ;3), 8. M — n.
PTOLÉMÉE Vil , surnommé
Èfebgèi es II. Quand la nouvelle de
la mort prématurée de Philonictor
fut parvenue en Egypte, 5a veuve
Cle'opàtre , et les grands de l'ctat
s'einpres.'èrent de déclarer roi sou
jeune (ils. Cleopàlre lut chargée de
sa tutelle. Lorsque le incnic événe-
ment fut connu à Cyrèue, où régnait
Évergctcs , frère de Pliiloniétor , on
V prit des mesures pour s'emparer
de l'Égvpte. Éverçètes commença
par rétlamcr 11 tutelle de son neveu;
mnis la reine Cléopàtre rassemblait
des troupes , et se préparait à lui
résister. Parmi ceux qui , dausci-lte
circonstance , monlrérent lo plus
d'attachement à la mémoire de Plii-
loniétor , on remarquait Onias, le
ponlilV dc« juifs établis en Egypte,
qui vint ofliir ses services à la rei-
ne, avec un corps de troupes de sa
nation. Cependant Evcrgctes ap|)ro-
cliait avec son armée, el bient«"»l il as-
siégea la capitale. Cette guerre ne lut
pas de longue durée : uiwt rai lé rap-
procha les deux partis. Ou convint
qu'Evergctcs,en prenant la tutelle du
jeuuc Eupator, épouserait la rrincmè-
re. A peine fut-il entré dans .Alexan-
drie, qu'il justifia sa réputali()n de
cruauté, eu fiisant massacrçr tous
les partisans de son neveu, et en égor-
geant liii-nièmc cet enfant dans les
bras de sa mère, le jour de son ma-
riage avec elle. Des meurtres conti-
nuels marquèrent ensuite chacun des
jours de sa puissance: il lit massacrer
plusieurs des Cyrénéens qui étaient
venus avec lui en Egypte, parce
qu'ils s'étaient permis quelques |)lai-
sauteries au sujet de la coui tisane
(>j Journal Jet tai-anli , i8ia,p. 53ti it ^^9.
PTO
Irène, qu'il aimait passionnément.
Les soldats étrangers qu'il avait ;uue-
nés,vivaientà discrétion dans Alexan-
drie. Pour se les attacher davantage ,
il leur donnait pleine licence. Pendant
les cérémonies de son introuisalion
qui eut lieu , comme de coutume , à
Meniphis et selon les rits égvptiens ,
il lui naquit un fils , qui reçut , de
cette circonstance le nom de Mem~
l'hitès. 11 résulte de là , que c'est en-
viron un an après l'élévation de ce
prince, en i4;"> ou i44 avant J.-C. ,
que s'accomplit cette formalité in-
dispensable. Evergètes (it ensuite
mettre à mort les principaux ci-
toyens d'Alexandrie, et tous les per-
sonnages de la cour (jui avaient etc
élevés avec son frère Pliiloniétor.
Enlin las de sa sœur, dont il n'était
devenu l'époux (|ue pour s'empa-
rer delà couronne, il voulut s'en sé-
parer , et mettre sur le trône sa niè-
ce , lillc de la reine et nommée aussi
Cléopàtre , celle-là même que Plii-
lometoi avait promis autrefois de
lui donner pour femme. 11 (it vio-
lence à celle piinresse , et, ajirès
cet outrage ("ait à la lille, il lepu-
dia la mère. Il ne p.~.raîl pas tou-
tefois qu'Evergèles ait songé à ôter
à celle-ci le litre de leine , le droit
d'être mentionnée dans les actes pu-
blics , et sans doute i:n certain
pouvoir dans l'état. iNoiis en avons
au moins la preuve par un contrat
égvplien et giec, dalé du 78 alliyr
de l'an 30 d'Évergètes , qui répond
au u'wî décembre de l'an i3:l avant
J.-C. On y voit, dans la partie ég\p-
tienne (i ), que les deux Cléopàlies ,
mère et lille, étaient nommées con-
curremment dans les actes publics, et
(1) yln Arcount <<f tomr rrreni Hnroferict in
hiernghphical LlrraUire ami Heyplinn nntir/iiilie' ,
itirliiiiiii^ ihr anihor'i original ni /ih.Jiri , ,lt.,\,y
llioiuas VuuDg.
PTO
que la mère avait toujours conservé
le premier raug. Sous le règne du
cruel Évcrgètes, Alexandrie devint
déserte ; tout le monde fuyait le joug
d'un lyran aussi insensé que sangui-
naire: ilfutobligéd'y appeler, par ses
décrets , des étrangers , qu'aucun
avantage encore ne pouvait décider
à venir vivre sous ses lois. Des am-
bassadeurs romains , chargés par le
sénat de visiter les royaumes alliés ,
et parmi lesquels était Scipion Emi-
lien , vinrent en Egypte, l^a capitale
était dans l'abandon et la solitude:
ils eurent horreur de son indigne mo-
narque. Tout en lui justifiait la hai-
ne et le mépris de ses sujets. Sa mol-
lesse et son intempérance égalaient
sa cruauté : toujours plongé dans les
plus honteuses voluptés, au milieu des
excès de ions les genres , son aspect
était devenu aussi repoussant que sa
conduite était détestable. Posidonius
le Stoïcien , qui avait accompagné
les ambassadeurs romains , nous a
conservé le portrait de sa diffor-
mité. Fort petit de taille , l'énor-
me ampleur de son ventre était
telle , qu^il pouvait à peine mar-
cher. C'est à cette infirmité, pro-
duite par son intempérance , <ju'il
dut le surnom de Plijsconon lere/i-
/ra,({ucluidonnèrcnl les Alexandrins.
Ce peuple léger, et presque aussi cor-
rompu que ses rois , ne manquait ja-
mais de désigner , par nn sobri-
quet , ceux d'entre eux qui avaient
mérité sa haine ou son mépris. Tout
lui paraissait odieux dans Evergctes :
ce surnom lui-même, qui semblait
une sanglante dérision, n'était, dans
la bouche du peujile , (ju'une iro-
nie amère. Aussi l'appclait-on volon-
tiers Cacergètes (le mal-faisant) , au
lieu à' Evergèies ( le bienfaisant ).
On s'étonne seulement qu'un roi si
délesté ait régné si long -temps. Un
PTO a5ï
seul homme soutenait tout le fardeau
du gouvernement ; et l'estime qu'où
lui portait, était la sauve-garde de son
indigne souverain. C'était Hiérax ,
gouverneur d'Alexandrie, officier ex-
périmenté, très-populaire, et doué
des plus belles qualités. Plusieurs
fois, il subvint, avec ses ressotirces
particulières , à la pénurie du trésor
épuisé par les prodigalités du roi : il
retint ainsi , sous les drapeaux du
prince, les mercenaires, son seul ap-
pui, qui étaient prêts à le quitter. A la
(in cependant l'mdign^tion se mani-
festa avec fureur. C'était eu la dix-
septième année de son règne , depuis
la mort de son frère , par consé-
quent en l'an i3o (a) : le peuple mit
le feu au palais , et Evcrgètes n'eut
que le temj)s de s'enfuir en Cypre
avec Cléopàtre la jeune. 11 paraît
que Cléopàtre la mère fut le princi-
pal mobile de ce soulèvement ', car
aussitôt qu'on eut brisé les statues et
les images d'Evergèles, on conféra
le gouvernement à cette piincesse. A
cette nouvelle , la rage du roi exile
ne connut plus de boines: appréhen-
dant que la reine ne fît proclamer
le fils (|u'elle avait eu de lui , et qui
était assez grand, il le fit venir de Cy-
rcne , puis il donna ordre de l'é-
gorger, et de placer ses membres
dans une corbeille , qui fut portée à
Alexandrie, et présentée à la reine le
jour même «jue l'on y célébrait la
fête de sa naissance. Cet horrible
spectacle glaça d'épouvante la cour
et le peuple tout entier, qui vit ce
que lui réservait un prince capa-
(7.) M. l.rtroDuc est entré daus de longs détails
{' Recherchai sur l'hist. de l'E^yjjte , etc., p. 92 )
pour dcteriinuer la date de cet événement. Quoi-
que sou résultat soit précisément conforme ^ ceux
des auteurs qui s'étaient occupés avant lui de dis-
cuter ce point d'histoire , nons croyons devoir nous
en écarter par la raison que cette opinion est fon-
dée fur un pa.'sage de Diodore mal entendu. Cite
iuexa.lcin.i.t par Voillaut, et depuis tuu)ours adw
luis de cuuiiancc
j33 FTO
blo d'une telle atrocité. Des deux
côtes , on se prépara à la guerre.
Evcrgctcs rassembla do grandes for-
ces dans l'île de Cyprc; et bientôt il
les fit passer en Egypte. Hégclochus,
sou général , y battit Marsyas , qui
commandait les troupes de Cle'opà-
tie, le (it prisonnier, et l'envoya au
roi qui le traita avec bonté. Evergc-
les espérait , par cet acte de clémen-
ce, auquel on ne s'attendait pas, ra-
mener vers lui io6 peuples de l'E-
gypte. Cependant CIcopdtre se dé-
fendait toujours dans Alexandrie.
Elle implura le secours de son gen-
dre Déméirius Nicaior , roi de Sy-
rie, qui était depuis peu do retour
de sa longue captivité chez les Par-
thcs : elle lui oilrait même la sou-
Tcraineté. Celui ci réunit aussitôt îles
troupes , et vint mettre le siogc de-
vant l'eluse ; mais il ne tarda pas à
le lever pour marcher contre Antio-
che qui venait de se révolter. Déjà
les rebelles avaient fourni des se-
cours à Evergctes. La retraite de
Déméirius laissant Cléopàlrc sans
espoir de délivrance, clic chargea
toutes ses richesses sur ses vais-
seaux , et alla chercher un asylc
en Syrie , chez sa fille , la femme
de Déinétrius. Alexandrie se rendit
alors. Lorsqu'Evergèlcs fut rétabli
sur sou trône , voulaut se venge^de
Démétrius , il suscita contre lui ua
aventurier ( F. Alexa-ndhe Zabi-
NAS, I, 5o9\ qui IcdétiÔua : Démé-
irius complètement défait , chercha
un asyle à Tyr, où sa femme le fit
assassiner, l'an iiVi avant J.-C. ( f.
Dlml'triusNicator, XI, 4o.) Cléo-
pâtre devint alors reine de Syrie, et
ellecontinua la guerre contre Alexan-
dre ( roy. Cllopatre, IX, 67 ).
Cet usurpateur avait su se concilier
ralTcction des peuples: il résista cou-
rageusement , et crut pouvoir se pas-
PTO
scr du Eoi d'Egypte, son protecteur,
lia lutte désavantageuse dans la-
quelle la reine de Syrie se trouvait
engagée , la porta à rechercher l'ap-
pui de son pareut, qu'Alexandre dé-
daignait. Par l'entremise de sa mère
Cléopàtre, autrefois femme d'Ever-
gctes , et qui s'était , à ce qu'il pa-
raît , réconciliée avec son mari, elle
sollicita des secours et l'alliaiue de
son fils Antiochus avec Tryphèiie ,
(il le d'Évergèles II , et de Cleopàtio
la jeune. La négociation eut un plein
succès , le mariage fut décidé , des
secours furent envoyés ; et Alexan
dre vaincu fut réduit à se donner la
mort. Evergètes, rétabli sur son trô-
ne, y resta en paix . justpi'a l'épocpic
où il cessa de vivre. L'histoire ne nous
a rien transuiis sur ce cpii se passa
pendant ce laps de temps. ÎS'ous sa-
vons seulement qu'avant sa mort, il
voulut unir l'aîné des fils qu'il avait
eus de Cléopâtrc la jeune, avec sa
fille Cléopàtre, que ce jeune prince
aimait passionémcnt. La reine avait
bcaucouj) d'aversion pour son fils
aîné, et lui piéféraitle cadet , nom-
mé Alexandre : elle conseilla dune
à son mari d'envoyer les nouveaux
époux en Cyprc, non pour y régner,
mais dans une sorte d'exil , aiiu
qu'à l'epoquc de la mort du roi ,
Alexandre pût monter sur le trône,
se trouvant seul dans la capitale.
Évergetes II cessa de vivre à la fia
de l'an 117, ou au commencement
de l'an 1 16 avant J.-C. , vingl-neiif
ans après la mort de son frère Phi-
lométor- Comme avant de régner
seul en Egyj)to , ce prince avait déjà
été déclaré roi , et qu'il avait partage
le trône j)cudaut six ans avec son
frère; que, depuis cette époque, il
n'avait jamais cessé d'être roi de
nom et d'ellét , il compta les années
de sou règne , de son premier avc'nc-
PTO
ment: nous eu sommes assurds par le
témoignage de Porphyre dans Eusè-
be(33. Ainsi tous les monuments de
l'Egypte , qui , avec le nom d'un Pto-
léméc , portent , sans autre désigna-
tion , une date qui dépasse la durée
du plus long règne, qui est dctrente-
/ Luit ans , appartiennent incontcsta-
Llemcnt h Évergètes IL Les années
de ce roi doivent donc se supputer
h partir du 5 octobre 170 avant
J. - C. , jusqu'au 1 1 septembre 1 17,
pendant l'espace de cinqnante-trois
ans accomplis , de sorte qu'il peut
encore se trouver des monuments
datés de l'année 54 , qui fut aussi la
première de Ptolémée Soter II , sou
successeur. Evergètes II laissa , en
mourant, cinq entants nés de sa niè-
ce Cléopàtre : Ptolémée Soter II, qui
fut son successeur; Ptolémée Alexan-
dre, qui régna également; Cléopàtre
mariée d'abord à Soter , puis à An-
tiochus le Cyzicénien , roi de Sy-
rie; Tryplîène , femme d'Antioclius
Grypus ; et Sélène , aussi femme
de Soter II , puis du même An-
tioclius Grypui , enfin d'Antiochus
Eusèbe. On croit qu'il eut aussi une
autre Cléopàtre , mariée à son frère
Ptolémée Alexandre P'". (4); mais
lien ne démontre l'existence de cet-
te princesse. De sa maîtresse Irè-
ne, Evergètes II eut un fils naturel,
Ptolémée Apion , qui devint , par
son testament, souverain de la Cy-
rénaïque. En mourant , Evergètes
laissa sa couronne à sa femme Cléo-
pàtre la jeune, qui fut libre d'ap-
peler au trône qui elle voudrait de
ses fils. Ce prince si cruel , et dont
le règne fut si désastreux pour l'E-
gypte , aimait cependant les lettres :
(3) Porpli. a/md Euselj. Chron. , \>. 117, cdit.
Mcdiol.
(4) LelrouDc, Kecherchsi pour servir à Vliisl. âc
PTO
2S:
il avait hérité de ce goût particulier
aux princes de sa race; peut-être mê-
me eut-il encore plus d'ardeur qu'au-
cun de ses prédécesseurs : il eu reçut
le surnom de Philologue. Le célèbre
grammairien Aristarque avait été
sou précepteur. Il auguionia consi-
dérablement la grande bibliothèque
d'Alexandrie , et fonda plusieurs
établissements du même genre. 11
étendit partout ses perquisitions pour
se procurer soit des originaux , soit
des copies de manuscrits précieux :
il n'épargnait aucune dépense pour
y parvenir. En donnant quinze ta-
lents d'argent aux Athéniens , il
acquit la faculté de faire copier di-
vers ouvrages de Sopliocle, d'Euri-
pide et d'Eschyle. Quand des étran-
gers arrivaient dans ses états , le roi
ne manquait pas de chercher à obte-
nir des copies des livres qu'ils con-
naissaient , ou de ceux qu'ils possé-
daient. Les savants devaient se res-
sentir d'un amour aussi vif pour les
livres: beaucoup d'entre eux eurent ,
en effet , part à ses bontés. Au sur-
plus , comme il ne se contentait pas
d'aimer les lettres, et qu'il les cultivait
lui-même , l'amour-propre d'auteur
a pu , plus d'une fois , .se confondre
avec la générosité royale , et la mu-
nificence du prince fut peut-être la
récompense d'une admiration adula-
trice , ])lutôt que celle d'un véritable
talent ; d'ailleurs l'amour des livres
et des lettres n'est pas toujours as-
socié à un génie ou à un goût supé-
rieur : c'est alors une manie ridicu-
le , plutôt qu'une qualité louable; et
c'est peut-être dans celte dernière
catégorie qu'il faut placer les passions
littéraires d'Evergètes. Avec une telle
faiblesse , il est rare que les encoura-
gements ne soient pas souvent mê-
lés de tracasseries; de j)lus , au mi-
lieu des révolutions {.■ausccs par l'am-
234 PTO PTO
bition on la rniauté de rc pdnco, il lirait y envoyer. Eudoxc de Cyzi-
esldilUciledc cioireqiiohcaiirQup de que, lioni me assez, instruit et entre-
gens de lettres ne scsoicnt pastrouves prenant, qui se trouvait en K;;ypte,
parmi ses adversaires : il est certain, où il elurchait à se procurer des ren-
du moins, que sa haine poursuivit .scignements sur l'intérieur de l'AIVi-
tous ceux qui avaient été honores de tpie et siu- le cours supc'ricurilu Psil ,
la prolecliondePhilome'tor. I-enoni- fut charge de cette expédition :il pai-
bre des f;ens de lettres pcrsecules |)ar lit a vie une forte cargaison destinée
i-*,verj;»'les fut si considérable , selon à dos échanges ou à des présents ; et il
Athénée , que ces fugitifs sufli.ent r;ipporta , au retour, des aromates ,
))Our rallumer à Athènes et dans le des pierres précieuses, et une multi-
I este de la Grèce, le goût des lettres, tmle d'objets raresct ciirieux ,dont il
qui s'y était presque éteint au milieu ne retira pas le profil qu'il espérait ,
des guerres civilesetétiangèrcs.Kver- j)airt' (pie le roi, qui avait ordonné
gètes avait composé vingt -quatre li- l'expédition, s'appropria le tout, [.es
vres d'histoire , plusieurs fuis cités faibles renseigiieiuents (|ue Posido-
par Athénée , ipii leur donne le titre niiis nous doiuie dans Strabon (5),
il'v7T0!/v)r,;/7.T2, ou .1/f>nt»iVtfi. D'après sur le premier voyage d'Iùidoxe de
les indications qui nous ont été con- (Aznpie, ne peuvent suHire pour nous
servées par cet auteur , nous voyons faire recoimaîire les pays (pi'ii visita,
quecetouvrageembrassaitdes oi.jels 11 est seulement très -vraisemblable
assez variés , et que ce devaient être qu'il alla plus loin que les navigateurs
des espèces de Màlanç^es relatifs , en envoyés par Phila.lelphe.Un voyage
grande partie , à I histoire naturelle, dans des régions déjà visitées , et oii
La même passion <pii jxirlait Kver- l'on avait des ctablissenients eoni-
gètes a réunir tant (lemomnnents lilté- uïcrciaux (pii n'avaient \r,is etéaban-
raires, dut lui faire ordoimer, 1 l'imi- donnés, n'aurait cerlainement pas
talion de Ptolemée Phila.lelphe, i\cs excité un si vd' intéièt. Il est très-
voyages de découvertes dans les jiays probable tpriùidoxe visita l'Inde,
lointains.il paraît cirectivemenl qu'il pairie de son guide. Les autres voya-
commanda quelques entreprises de gcs qu'il entreprit dans les mêmes
ce genre . et que, sous son règne, les mers, ont fourni matière à de gran-
élablissements maritimes de l'Egyp- des discussions : les ims ont cru
te ne buent pas négligés. Il desirait pouvoir conclure, des notions que les
particulièrement ac(|ucrir des con- anciens nous ont transmises sur ces
naissances sur le cours du Nil dans expéditions , qu'lùidoxe avait exécu-
les régions intérieures de l'Afri pie. té par mer le tour de rAfri(|iie; les
Le hasard ayant jeté , sur les cittes aulresont regardéce navigateiircom-
de la mer Erythrée , mi Indien dont me un imposteur, et les récits rpii le
tous les viitnp aguons étaient morts concernent comme des fables indi-
de faim dans la traversée, les garde- gnes de toute confianae ( f^oj'. Eu-
côles l'amenèrent au roi : on n'en- noxE, XIII. 408 ). Pour nous , rien
tendait pas son langage; mais quand de ce que rapporte Posidoiiius ne
il eut appris un peu de grec , il ra- nous semble justilier de teU *ioup-
coiita les circonstances de son voya- çons. Ou n'y voit i)as , il r-t vrai ,
ge, parla de son pays , et offrit de "
guider les ofliciers que le roi vou- ■/.; i.ii.. u, v. yB.
PTO
tlu'Eudoxo ait f.iit le périple de l'A-
Iriqiie ; mais les détails qu'il présente
ont quelque cliosede si simple , de si
naturel et de si naïf; en un mot ils
paraissent si conformes à la nature
des choses et aux vraisemblances ,
qu'on cherche vainement ce qui a
ru donnerlieu à cette incrédulité (6).
S. M— N.
PTOLÉMÉE VIII , surnommé
SoTER II, fus d'Evcrgètes II. Son
père, en mourant, avait laissé la cou-
ronne à sa femme Cléopâlre, en lui
donnant la faculté de choisir qui elle
voudrait de ses deux fds pour le pla-
cer sur le trône. Cette femme ambi-
tieuse préferait le plus jeune; elle au-
rait bien voulu Tassocier au pouvoir:
mais le peuple d'Alexandrie la con-
traignit de donner la couronne à
l'aîné, qui était alors dans l'île de
Cypre , comme on l'a vu plus haut.
La reine fut doue obligée de le rap-
peler, à son grand regret , et de
partager le trône avec lui. Les mo-
numents nous font voir que, dans
ce partage , elle se réserva le premier
rang; son nom fut toujours placé le
premier dans les actes publics (i).
ils comptèrent en même lcm[)s les
années de leur double règne , ainsi
que le prouve un contrat sur papy-
rus, de la bibliothèque du Roi, en-
core inédit. Cet acte est daté du g
(G) Il nous paraît constant qu'Eudoxe, dans son
premier voyage , reconnut la cote orientale de l'A-
frique , jusqu'à une grande distance dans le sud ,
et il y obtint des renseignements , desquels il crut
pouvoir conclure qu'il y avait moyen de taire par
mer le tour de ce continent. Pour vérifier cette
conjecture , Eudoxe , de retour dans sa piitrie , s'é-
tait rendu îi Cadix , dans le but d'explorer la côte
Occidentale de la même partie du monde. Il par-
vint dani cette nouvelle navigation jusqu'à des lieux
habites par des jieuples qui parlaient la même lan-
gue que ceux (ju'il avait visités dans sou premier
voyage , ce qu'il reconnut par un vocaijulaire qu'il
avait eu la précaution de recueillir. Ce fait remar-
quable démontre qu'Eudoxe possédait un talent d'ob.
servalion d'un ordre très-relevé, et il est propre à
mspirer la plus grande confiance dans ses récits.
(t) Voyez l'article que j'ai inséré dans le Journal
liii savants, »82i , p.53G.
PTO
231
eprphi de l'an if de la reine Cleo-
pdtre et du roi Ftolémée, dieux
Philometors et Soters (2); ce qui
correspond au 25 juillet de l'an 1 13
avant J.-C. Les années des deux sou-
verains datèrent du 9,1 scptembiei i-j
avant J.-C. Le même acte et d'au-
tres monuments font voir que Pto-
lémée VIII portait, outre le surnom,
de Soter, celui de Philoinetor , qui
tous deux lui étaient communs avec
sa mère. En rappelant son lils aîné
de l'île de Cypre, la reine le contrai-
gnit d'abandonner sa femme Cléo-
pâtre, avec laquelle il était marié
depuis quchpies années, pour épou-
ser Séléué, une autre de ses sœurs ,
qu'elle croyait sans doute plus dis-
posée à lui obéir. On ne voit pas que
celte princesse ait joui de l'honneur
d'être mentionnée dans les actes pu-
blics. La première femme de Soter
resta donc dans l'île de Cypre, dont
il paraît qu'elle garda le gouverne-
ment. Bientôt après, sans le consen-
tement de sa mère, elle épousa An-
tiochus le Cyzicénien , Taida de tou-
tes les forces militaires de son île ,
dans la guerre qu'il faisait à Anîio-
chus (îrypus , auquel il disputait le
trône de Syrie, et fut mi.se à mort
dans Antioclic par les ordres de
sa propre sœur ïryphène. Malgré
toute la déférence que Soter con-
servait pour sa mère , celte prin-
cesse n'en était pas moins animée de
la même haine. L'abandon de l'île
de Cypre jiar sa fille Cléopàtre !ui
fournil l'occasion de se rendre en-
core plus redoutable. En envoyant
son cher Alexandre dans cette île ,
avec le titre de roi , elle se réservait
par-là les moyens de pouvoir expul-
ser un jour son autre fils. Cependant
Ptoléraée Soter, qui avait conservé
[p.) Journal des savanls , 1822, p. 556 et 558.
a36 PTO
un tendre nltadicniciit pour la mé-
moire de Sii sœur ('.Icopàtre , avait
pris part aux troubles civils de la
Syrie, et envoyait des secours au
inaridcccttc princesse, pour qu'il put
la venger; cl bientôt après, Triplic-
iic jic'rit sous le.s coups d'Auliuihus
de Cy/iquo. ( r. Ci.i'opATgi: , IX ,
08 - ()<j. ) Antioclius (irvpus , relu-
gie à Aspeiido eu P.iiiipliylic, fit de-
mander en Ej;vplc des secours, qui
lui furent accordes ])ar la reine-mè-
re, tandis que . dans le même temps,
son fds Soter faisait partir pourla Sy-
rie de nouvillcs troupes deslmees à
soutenir Antioclius leCyzicènien. L'n
traite, suivi du pjrtaj;e des derniers
restes de l'enjpire syrien enire les
deux frères, mit, j)endant (pielque
temps, un terme à ces calamités. So-
ter continuait de témoigner une amitié
particulière pour Auliuchus le Cyzi-
ccnien. Ce dernier ayant èlèbattu par
Jlyrcan , grandpon'tife des Juifs , qui
press.iit avec vigueur le siège deSa-
marie , ville dè|H-udante de la Syrie,
s'adressa au roi d'K^vpte , et eu ob-
tint aussitôt six nulle hommes. Ce
dernier acte de souveraineté acheva
de brouiller Clèopàtre avec son lils :
elle résolut donc de le chasser du tro-
ue. l*our y parvenir, elle prétendit
que Soter avait votdu la faire assas-
siner , et produisit plusieurs de $cs>
eunuques les plus dévoues , couverts
de blessures re\-'ies en la défendant,
il n en fallut pas davant.ige pour ani-
mer tout le peuple d'Alexandrie con-
tre le roi. Ce prince, sans moyen de
résistance , fut oblige de s'enfuir en
Cypre, la dixième année de son rè-
gne, en l'an loG avant J.-C. La rei-
ne litalors venir sonauln" fils Alexan-
dre, qui, peut-être instruit d'avance
de celte révolution , était déjà à Pé-
luse, d'où il se rendit d.ins la capi-
tale , oif sa mère le lit dcclurci
PTO
roi. Plolémée Soter, force de fuir
devant son implacable mère, devint,
par son exil , roi de l'île de Cypre :
mais la haine de la reine ne fut pas
encore satisfaite. Klle avait déjà en-
levé à Soter une épouse tjii'il ai-
mait ; il fut encore séparé, p;ir sa
juère, de sa seconde femn)e Séléué.
Soter soutenait toujours Antioclius
le Cyzicénieu : Clèopàtre, appréhen-
dant que ce prince ne devînt as-
sez puissant pour pouvoir fournir
à son tour des secours à Soter , ne
se borna pas seulement à donner de>>
troupes à (Irypus , son rival : pour
allliger d.ivantage son fils , elle fit
épouser Sclénc au prince syrien ( K.
Cl.KOrATIU; Shl.l'NÉ , IX , Oç) ).
Kn l'an io3 avant J.-C, les habi-
tants de Ptoleraais, vivement pressés
par Alexandre Jannée, roi des Juifs,
et sans espoir d'être secourus par
les rois de Syrie , (pii se faisaient l.i
guerre , envovèrent en Cypre im-
plorer l'assistance de Soter, lui pro-
mettant qu'il serait aidé jiiir les ha
bilaiits de Gaza , les Sidonieiis cl le
tvrau Zoile, <pii régnait à Dora, eu
Phénicie. Soter se préparait à cette
expédition, ipiand une armée ègyP"
tienne descendit , par l'ordre de .sa
mère, dans l'île oii il s'était réfugié.
Soter n'opposa aucune résistance ;
muiJis , an reste, à cause «le l'in-
férioritc de ses forces que par res-
pect pour une mère si peu digue
d'un tel sentiment : il p.issa eu Plié-
iiicic , avec une armée de trente
mille hommes, pendant que les gé-
néraux de Clèopàtre s'e'mp-i raient
de Cypre. La nouvelle de la con-
<jucte de cette île changea siibile-
meiil l(s dispositions des habilanls
de Ptulémais. Sur l'avis de Démé-
uetes , citoyen fort iiilliKiit parjui
eux, ils n-solurent de fermer leurs
[lortes à Solcr , et de itrcndre le
PTO
parti de Clëopàlre , pour ne pas
attirer contre cnx les forces de l'E-
gypte. Quoique Sotcr fût infor-
me de ce cbangemcnt , il n'eu con-
tinua pas moins sa route , et vint
tlebarquerà Sycaminos, non loin au
sutl de Ptoicma'is, où il fut joint par
le tvran Zoïle et par les Gazccns.
Sa présence suflît pour décider la
retraite des Juifs, qui levèrent le sic-
p;e de Ptoleraaïs, Cleopàtre, effrayée
de voir son fds si près de l'Egypte
avec des forces considérables, fut tel-
lement irritée contre les ge'nc'raux qui
l'avaient laissé sortir de l'île de Cypre,
qu'elle les fit mettre à mort. Cepen-
dant Soter songeait. à s'établir soli-
dement dans la Phènicie. Après avoir
renouvelé son traite d'alliance avec
Antiochus le Cyzicënien, il laissa im
corps de troupes chargé de continuer
le siège de Ptolèma'is, et il porta ses
armes dans la Judée, alin de punir
le perfide Alexandre Jannc'e , qui,
tout en l'amusant par de fausses
promesses, n'avait cessé de sollici-
ter secrètement l'alliance et l'appui
de Cleopàtre. Alexandre leva , pour
Ini résister, une armée de quatre-
-vingt mille hommes. Soter n'hésita
pas à venir l'attaquer avec des forces
bien inférieures; et il s'avança vers la
Galilée, où ilconquit,un jourde sab-
bat, lavilled'Asochis,dans laquelleil
fit plus de dix mille prisonniers. Il se
rendit ensuite maître de Sepphoris;
puis il marcha vers le Jourdain , où
Alexandre l'attendait, auprès d'Aso.
phon , avec toute l'armée juive. La
victoire fut long-temps disputée; les
Juifs se défendirent avec beaucoup
de valeur : mais à la fin ils furent
contraints de céder. Plus de trente
mille des leurs restèrent sur le champ
de bataille; et Ptolémée parcourut la
Judée en vainqueur , répandant par-
tout la terreur , pendant que ses gc-
PTO 237
néraux prenaient de vive force Pto-
lémaïs. Cleopàtre concevant alors de
vives inquiétudes, ordonna un giand
armement de terre et de mer, dont
elle donna le commandementà Cbel-
cias et Ananias , fils d'Onias, qui
avait fondé le temple israélitede Bu-
baste. En même temps elle envoyait
dans l'île de Cos les enfants de son
fils, ses trésors et son testament,
pour les mettre en sûreté. Comme
Soter était dans la Célésyrie , où
il avait fait une invasion , Ptolé-
mée Alexandre , par l'ordre de sa
mère , parut devant Ptoléniais , avec
une flotte, tandis que Ghelcias arri-
vait à la tête de l'armée de terre.
Soter , informé de leur approche ,
quitta la Célésyrie ; et , par nu
autre chemin , il se diiigca vers
l'Egypte, qu^il croyait sans défense.
Il se trompait ; car il rencontra une
armée assez forte pour l'arrêter
dans sa marche , et le contraindre
à la retraite. Cleopàtre prit alors
l'offensive; et , à la tête de ses trou-
pes , elle vint assiéger Plolémaïs ,
qui se rendit. Elle conclut ensuite à
Scythopolis unealliance avecAlexan-
dre Jannée, roi des Juifs. Soter s'é-
tait retiré à Gaza , où il passa l'hiver :
au retour du printemps , ne voulant
pas faire la guerre à sa mère , il prit
le parti de retourner en Cypre ,
dont il se remit en possession assez
facilement ; et Cleopàtre revint en
Egypte , abandonnant les cotes de
la Syrie au roi des Juifs, qui profita
de cette occasion pour s'emparer de
Gaza. 11 punit cruellement cette ville
d'avoir imploré l'assistance de Soter.
Il lui fallut une année pour prendre
Ptolémaïs ,qui avait reconvré sa li-
berté, et qui se défendit avec vigueur.
La paix semblait rétablie entre Cleo-
pàtre et son fils, et celui-ci vivait
tranquille dans l'île de Cypre, tandis
338
PTO
Suc les guerres civiles continuaient
c tourmenter la Svric. Les enfants
des deux Antiochus rivaux , avaient
hérite de toute l'ambition et la
haine de leurs père^ , et ils se di";-
jnilaient avec la même fureur les
derniers restes du royaume. Un non-
veau trait de la liaine que la reine
d'E'j^vpte conservait contre sou fils,
porta celui-ci à passer encore une
fois en Syrie, Se'lené. qui avait été
femme de Piolcmée Soter , après
]a mort de Grvpus el d'AntiocLus
de C\"7.ique, qu'elle avait sncces-
sivenient épousés, contracta une
nouvelle alliance avec Aniiocluis X,
surnommé Eusèbes , fils de son der-
nier mari. Le nouveau mariape de
son ancienne épou<e ne plut pas , à
ce qu'il paraît , à PloléméeSoter , qui
amena de Guide , le quatrième lils de
Grypus et de Trypliène, nommé Dè-
metrius . dont il lit un compétiteur
redout.tble pour Antiochus Kuscbes,
en lui fournissant un puissant corps
de troupes , avec lequel il le fit dé-
clarer roi de Syrie , à Damas, en
l'an f)"» avant J. - C. G-pendant , de
nouvelles révolutions survenues en
E;;ypte avaient causé la mort de
Cléopàtre, suivie, bientôt après, cic
la fuite du parricide Alexandre. Cx.'
dernier événement arriva en la dix
neuvième année après l'expulsion de
Soler, par conséquent vinj^t-ncuf
ans après l'épocpie où il avait été re-
connu roi pour la première fois :
ainsi c'est vers l'an H^» avant J.-G. ,
que s'effi'Ctua la révolution qui le ré-
tablit sur le trône. Les Alexandrins
furent à peine délivrés du second fils
de Cléopàtre , qu'ils envovèrcnt en
Cypre, pourolïrir l'Éf^vpte à Soter,
La conduite que ce prince avait tenue
pendant son exil, le respect et la défé-
rence qu'il avait [)lu»ieurs fois lémoi-
gnèâ poup ^n uidi^e tuerc , son
PTO
horreur pour la guerre parricide dans
laquelle il se trouvait engagé , le cou-
rage qu'il avait montre en diverses
occasions, et toutes les qualités dont
il avait fourni d'autres preuves, lui
avaient gagné l'estime et l'amour
des peuples de l'Egvpte , et ses an-
ciens sujets désiraient vivement qu'il
remontât sur le trône. L'ardeur (|ue
le peuple d'Alexandrie montrait pour
le revoir, lui lit donner le surnoni
de no^jtvôç, Pothinus , c'est-à-dire,
le Deiiré. li par.iil qu'il y joignit en-
core celui de Philndel/ihe (3) , qu'il
avait assez, mérité, soit par la défé-
rence qu'il avait témoignée pour les
injustes volontés de sa mère, en n'es-
sayant pas de ravir à son frère
Alexandre la couronne dont f]\c l'a-
vait dépouillé lui-même , soit par
la constante amitié qu'd avait eue
jiour ses deux sœurs , qu'il avait
successivement épousées. Antérieu-
rement, il avait reçu des Alexan-
drins, le surnom populaire de Lathy-
nu ou le Pois chiche ^ tju'il devait,
vraisemblablement , à quebpie signe
particulier tle son visage. Les liisto-
riens le désignent souvent parce snr-
nom. Les Alexandrins ne pituvaiit ef-
facer le nom d'Alexandre du registre
ou ils inscrivaient les rois , ne tin-
rent aucun compte de son règne , et
supputèrent les aimées de Soter, com-
me s'il n'avait jamais cessé d'occuper
le trône 5 on a encore sur ce point le
témoignage formel de Porphyre (4 ).
Soler était à peine arrivé à Alexan-
drie, que son frère, réfugié en l^ycie,
fit une tentative pour s'emparer de
l'île de Cypie, qu'il venait d'aban-
donner. Otte entreprise n'eut aucun
.succès : Alexandre périt dans un
combat naval , où il fut vaincu par
(3/ Lrctruujie, Recherches pour itrvir à l'hiiloire
à'F.fiypIe.y. i i3,
(4) Afiitd Ciuei>. Ciuxnit, |). n7, edL McJiol,
PTO
raniiral Clicreas. Soter fut ensuite
oblige lie l'aire la pjuerre aux habi-
tants de Thèbes , l'ancienne métro-
pole de l'Egvptc , qui lui résistèrent
trois ans : elle fut prise, après ce
lon^ espace de temps , et livrée à
toutes les horreurs de la guerre. De-
puis lors, elle resta dans un état de rui-
ne, dont elle ne s'est jamais relevée.
Sous le gouvernement de Soter , l'E-
gypte , qui n'était pas déchue sous
l'empire de samèie Cléopàtre, reprit
nu rang honorable parmi les puis-
sances de l'Orient: elle le dut à l'état
imposant de ses forces navales ; et
son alliance, ou plutôt sou appui ,
fut sollicité à-la-fois par le grand
INIithridate et par les Romains. So-
ter ne prit pas ouvertement le par-
ti du roi de Pont : il ne voulait
pas , sans doute , reuoncer à l'amitié
de Rome ; mais il laissa faire , dans
ses états , des enrôlements pour le
service naval de ce monarque. Lors-
qu'eusuite , eu l'an 85, Lucullus,
battu par les pirates, vint lui de-
mander le secours de sa flotte pour
Sylla , qui assiégeait , dans Athè-
nes , les troupes d'Archelaiis , géné-
ral de Mithridate, le roi d'Egypte
traita avec beaucoup de distinction
l'envoyé romain : mais il se crut
assez puissant pour se refuser à sa
demande; et la république , tiop oc-
cupée , n'osa pas se venger de ce
refus. Depuis que Soter était pai-
sible possesseur de l'Egypte , la
Syrie avait continué d'être déchi-
rée par les discordes sanglantes des
princes séleucides : à la (in les peu-
ples de ce pays , lassés de toutes
ces guerres, résolurent de se choisir
d'autres souverains; plusieurs d'entre
eux voulaient appeler au trône Mi-
thridate , roi de Pont : Ptolémée , qui
était proche parent de la famille
royale, avait aussi un puissant parti.
PTO
239
On ne se décida ni pour l'un, ni pour
l'autre. On rejeta Mithiidate parce
qu'il était en guerre avec les Romains ,
et Ptolémée , parce qu'en prejiant
parti dans les déraclés des Séleucides^
il s'était montré einiemi de la Syi'ie :
on choisit donc Tigrane , roi d'Ar-
ménie, alors le plus puissant monar-
que de l'Orient. Le second règne de
Ptolémée Soter II , après son n tour à
Alexandrie, fut de sept ans et six
mois ; ce qui , avec son j)iemier rè-
gne et le temps de son exil en Cy-
pre , forme un espace de Irento-
ciuq ans et six mois , comptés dans la
liste des rois , pour trente-six ans ,
parla raison que sa fille Cléopàtre,
veuve de Ptolémée Alexandre 1^='. ,
qui lui succéda, n'occupa le trône que
six mois environ. Les années royales
de Ptolémée Soter II sont donc
comprises entre le 1 1 septembre 1 1 7
et le 12 du même mois de l'an 81
avant J.-C. ; et c'est certuinemcnt eji
cette dernière année qu'il cessa de
régner. Sa fille Cléopàtre , nommée
par quelques e'crivains Bérénice , lui
succéda : elle était la seule personne
du sang royal, qui se trouvât eu
Egypte ; c''ctait le seul enfant lé-
gitime qui restât encore à Soter : il
n'avait })lus que des enfants naturels,
qui héiitèrent, parla suite, de ses
étals ; savoir Ptolémée XI , sur-
nommé Neo-Dioiijsus, et Ptolémée
qui fut roi de Cypre. S. M — n.
PTOLÉMÉE IX (surnommé
Alexandre /'"'".), était le deuxième
fils d'Évergètes II et de Cléopàtre.
Après la mort d'Evergètes II , sa veu-
ve aurait voidu placer sur le trône
son S(;cond fils Alexandre; mais le
peuple d'Alexandrie la contraignit à
donner la couronne à l'aîné. Cepen-
dant, trois ans après, en l'an ii4
avant J.-C. , Cléopàtre parvint à fai-
re donner l'île de Cypre , et le
1^0
PTO
titre de roi à Aloxanclro. Sept ans
plus tard , on 107 , clic lui prorura
la couronne d'Éfijj-pte, tandis que
Sotcr, chasse d'Alexandrie, clait
obli<^c de fc contenter de l'île que
son frère a])andonnait. C'est à l'ex-
pulsion illcc;ale de Soter, que Pto-
lenice Alexandre dut le surnom de
Parisactus ou le Substitué ( i \ Ce
n'est pas de ce moment que ce der-
nier compta les années de son gou-
vernemçnt : comme depuis sept ans ,
il re;;nait en Cypre , la première an-
née de son nouveau rèjiue fut con-
sidérée comme la huitième , tandis
que la reine mère roui inuant de dater
comme Soter 11 ,de la mort d'Ever-
"ètes 11 , était alors dans sa onzième
année. Cette combinaison nous est
attestée par le tcraoif;nagc de Por-
phyre (.>J. Le papynis grec , publie
par M. Bockh , a fourni une nou-
velle preuve de l'exactitude de cet
écrivain sur ce point. Cet acte est
daté du y.Ç) tvbi de l'an la de Clc'o-
pàire , la neuvième de Ptoléméc
Alexandre, (6xïrAevôvT«iJvK).£07ràrp3t{
•/.ai Uzo'l-uxio-j utôv tôj i-v/.-xko-Jui-
voj'A^Elavj^po-J, ETO'jç IB tôj )iai0\
ce qui répond au i3 février io5
avant J.-C. Outre le surnom de
Parisactus, qu'il devait, sansdoule,
à la populaced' Alexandrie, ce prince
portait encore, comme son frère, les
surnoms léf;anx de Philoméior ci de
Soter : ils sont relatés sur le contrat
que nous venons de citer (3). La vive
amitié de Cléopàtre pour son lils , ne
fut pas suft'isante pour (pi'ils vécus-
sent lonj;-lemps en bonne intelligence:
peut-être Alexandre ne se montrait-
il pasassezdocileà ses volontés. A la
(t) ChampollioD-Figrac, AnnaUi de% La^ulei ,
». II, p. »»"•
(•») Apuil Easfb. Chron., p. 117, cd. Mediol.
(3) Jauntaldet nxvanU , i8»i ,p.536rt537.
PTO
(in la tyraimie et les cruautés de sa
mère lui inspirèrent tant d'horreur,
qu'il prit le parti de se retirer en Cy-
pre , préférant une vie tranquille et
assurée, à un pouvoir accompagne do
tant de périls : Peiiculoso re^iio se-
curam ac tutain vitam anlejnmens ^
ditjusliu (4\ Alexandre s'enl'uit vers
l'époque de la couipièle de l'île de
Cypre j>ar les génér.iux de Cléopà-
tre , quand Sofer passa eu Syrie.
Comme ce dernier menaça , bientôt
après , d'envahir l'EgypIc , un inté-
rêt commun rapprocha la reine de
son (ds : rappelant alors Aloxan-
dre , l'Ile lui donna le commande-
meiitd'une Hotte dont il sescr\it pour
atla(pier Ploléniais. Après cette ex-
pédition , Alexandre revint en l'Egyp-
te, où il continua de régner avec
Cléopàtre ; mais sans v mettre plus
d'accord tjue par le passé. A la fin ,
Cléopàtre résolut de le faire périr ,
pour régner seule : mais elle fut pri--
venuc par Alexandre, (|ui, instruit de
son projet, se délivra d'ilie j)ar un
parricide, en la dix huitième année ,
depuis l'expulsion de Soter 11. Alexan-
dre fut ainsi le seul maître du pou-
voir , (|u'il ne garda pas huig-lemps.
I/un des premiers actes de son au-
torité fut de violer le tombeau d'A-
lexandre , le fondateur de l'empire
(5). Le corps de ce conquérant avait
été déposé par Ptolémée , lils de La-
gus, dans un eercued d'or, qui tenta
la cupidité du nouveau roi : il s'en
empara donc , et y fit substituer
un cercueil de verre. Ce sacri-
lège ne lui fut pas d'une grande uti-
lité ; car, bientôt après , son armée
indignée du menrtie de sa mère, et
peut-être aussi de cette profanation,
se révolta, et le chassa d'Alexan-
(4)Lil). XXXIX, cap. /j.
(5) SlraL. lib. XVII , p' ?94-
PTO
drie. Plolcrae'e voulut en vain reu-
nir des forces pour punir les re-
belles : vaincu dans un combat na-
val, pdr le général Tyrrlius, il fut
contraint de s'enfuir à Myra en Ly-
cie , avec sa femme Cléopàtre , fil-
le de Sotcr II, et avec sa fille : c'est
alors que les Alexandrins rappelèrent
Sotcr. Alexandre était dans la dix-
neuvième année de sou règne en
Egypte ; et il y avait vingl-sept ans
qu'il portait le litre de roi , depuis
qu'il avait reçu la couronne de Cy-
pre. Les années de son règne entier
comptèrent donc du ii septemla-c
ii4 jusqu'au i\ du même mois 89
avant J.-C. Le roi détrôné partit
peu de temps après de la Lycie,pour
attaquer l'île de Cypre : sa flotte fut
battue par Chéréas; et il fut tué dans
la bataille, laissant un fils nommé,
comme lui, Ptolémée Alexandre , qui
était en ce moment dans l'île de Cos,
où Cléopàtre, son aïeule , l'avait en-
vové douze ans auparavant. S. M-iv.
PTOLÉMÉE X( ^zEX.iAo/?£//)
était fils d'Alexandre P'. Tous les
savants modernes l'ont fait régner
plusieurs années en Egypte, et ils ont
prolongé son existence pendant un
exil imaginaire, bien long-temps après
l'époque oîi il avait réellement cessé
de régner et de vivre , taudis que les
anciens s'accordent à nous appren-
dre qu'il fut massacré par le peu-
ple d'Alexandrie , après avoir oc-
cupé le trône pendant dix - neuf
jours seulement ( i ). Les uns le
font exiler à Tyr , a|3rès un règne
de six ans (2) ;d'antres ne le laissent,
il est vrai, sur le trône que pendant
dix-neuf jours , mais ils le font en-
core vivre pendant seize ans à Tyr
(ï) Saint-Martin, Nouvelles Becherrhes surl'épo-
ijue de la ir.oit d'Alexnndi e , etc., p. 9;-iu3.
;.a) Vaillant , HlstoriaPtoUmceomm /EfvpU re-
gi(/n,p. 129-134.
XXXV 1.
PTO
24 l
(3); d'autres enfin le font mourir en
Egypte , après un règne eiFectif de
huit ans (4), dont il n'existe pas le
moindre indice dans toute l'antiquité,
comme on en va juger par l'indica-
tion de toutes les sources originales
qui seront mcnlionnécs dans cet ar-
ticle. A l'époque de la mort de Ptolé-
mée Sotcr II, en l'an 81 avant J.-C.
il n'existait plus qu'un seul rejeton
mâle de la race légitime des Lagidos :
c'était le fî!s d'Alexandre I'^''. Vin^t
ans environ avant cette époque, au
moment où Sotcr II était en Syrie et
qu'il menaçait l'Egypte d'une inva-
sion qui aurait pu lui rendre son trône
sa mère Cléopàtre avait envoyé dans
l'île de Cos les enfants d'Alexandre
l'^'". avec ses trésors , et ce qu'elle
avait de plus précieux (5). Alexan-
dre Ilétait alors un jeune enfant et
il était encoredans cette île quand son
père fut tué en l'an 89 avant J.-C.
Bientôt après, en 87, Mithridate ,
roi de Pont , se rendit maître de
l'île de Cos , où il s'empara des tré-
sors de Cléopàtre et d'Alexandre I^r,
Le jeune Alexandre tomba aussi au
pouvoir de Mitliridate, qui l'emme-
na et eut pour lid tous les égards
dus à sa naissance (6). Quelques
années après, en l'an 84, Alexan-
dre abandonna le roi de Pont et
passa dans le camp de Sylla. Ce
général le prit- sous sa protection ,
(3) Viscouli, Iconographie grecque , t. m pa".
7.5i ,52. °'
(4) Ctam;)olliou-Figeac , Annales des Lagides'
t. Il, p. 240-278. '
(5) Josi-phr, Anliq.Jud.,\\h. XIII, i3 , i, Au-
jiian. Mii/trid., §23, t. 1 , p. t)-j5, édit. Schweig-
haeuser.
(6) Ka't rov Alî^ccvêpou TzcûrJoc rôu
êasrt^sûovTOç AtyÛTTTou,... iy Kw xara-
li/.ùç. Appian. , MithrUL, § 28 , t.
I , pag. 675 ; et De helL cil>il. , lib.
I , § 102 , tora. Il, pag. 145.
16
U4-2
PTO
et l'cmmcua avec lui à Rome, quand
il eut fait la paix nvec Mitliritlalc.
La uiort de Soteill , arrivée eu 8i ,
laissaut la couronuc d'Ésjvpte en-
tre les mains de sa fille Bcre'uirc,
noniuiccaussiCleopàtre, veuve d'A-
lex.imlre l^"". , Sylla conçut le projet
de laire monter sur le troue ><>ii pro-
té{;e , <pii devait avoir une tieulaine
d'aunces , et qui était le dernier des-
cendant mâle de la race des Ptole-
inées. Sylla crut que c'était une rx-
ccllenle occasion pour tirer de l'E-
gypte lie p;ntnds trésors; il était alors
consul : il lit doue déclarer roi Ptole-
mcc Alexandre 7). par un décrt t du
sénat. I>e nouveau roi partit aussitôt
pour Alexandrie, où il épousa la reine
Bért-nice-Cléop.ître , sa belle nn'ie;
mais il se conduisit avec tant il'iu-
soltncc et de cruauté, qu'on ne tarda
pas à se révolter contre lui. A peine
revêtu du pouvoir, il lit assassiner
la reine, qui n'avait consenti qu'a-
vec regret à cette alliance ; et le
peuple , ainsi que 1rs stddats , é{;ale-
meut indignés de ce meurtre, U- mas-
sacrèrent dans le gvmmse d'Alexan-
drie , après un règne de dix - neuf
jours, selon le témoignage formel
d'Appieu et de Porphyre (8 . [.eurs
expie>sions sont trop précises pour
(•j) Kaî TJvr.JT; ysvopîvov, k'j>r,-fi-
(T31T0 pXIlKVJÎV* A"/£?ZVO'oéviV... £ÀZ£-
77û).j/o'J70j. Appian. , liell. civil. ,
lib. I , ^ 102.
■(8) AV/â tÔvoî /xîv ot A).£|av(?p£tç,
f vv£axa[c?ï/aT/;v y,pt£ûav eyo-j~x rn? «o-
yr,i £çy,'/oûusvov , èç rô y^pivaitov
. SX TÔ'J ^ZTiy.sio'j T:p>jy.y'X'/ôvzî; e/rft-
vav. Appian. , Loco sunrà laudalo ,
t, II , p. 145. EvV£y.XXtC?;Z7. Sl'J'/î'jrj-
fU'v^)^ r,'j.îiiôi-t àvîD.iv rvji'tci , xxt à-j-
Toç jro Twv £vÔ7t).ojv £v Ty yju'^y.GÎy
PTO
laisser la moindre incertitude sur ce
point. Les modernes qui ont soutenu
une opinion dilléreutc, ont été trom-
]H''s par des passages de Cicéron et
de (pielques autres auteurs, qu'ils en-
temlaient mal , cl dans lesipiels il est
parlé d'un roi d'Ei;ypte qui avait
déposé ses richesses à Tyr, vu lais-
saut, par son testament, ri"'gy|)te
aux Romains. Comme il n'rsl pas
douteux que, dans ces passages, il
est question de Ptolémec Alexandre
II, ils crurent pouvoir en conclure
que ce prince n'avait pas été tué
après un règne de dix - neuf jours ,
mais seulement chassé ( d'autres ,
comme ou l'a déjà vu, lui donnaient
un règne plus long). Ils supposaient
donc qu'Alexandre s'était , après
son expulsion , retiré, avec ses tré-
sors , a Tyr, où il était mort, et
qu'il avait alors donné son royaume
aux Romains. C'est pour n'avoir pas
fait aliention aux circonstances qui
jui'cédèrent et amenèrent l'élévation
d'Alexandre 11 , f|u'on s'est tiouipé
sur ce point. La (jualilc il'anii et u'al-
liédes Romains, (pie Cicéron et Sué-
tone doiiiieiit à Alexandre, a fait pré-
sumer qu'un roi décoré de ces titres
avait dû nécessairement u(cuper le
trône pendant quelques années, com-
me si le fait même de In nomination
de ce |»riuce, par Sy'la et par le sé-
nat, n'en rendait pas pleineiiient rai-
son.On a pensé aussi qu'Alexandre
n'avait pas été tué, mais sdilement
chassé , parce qu'il est dit , dans un
des Prologues de Trogue Pdinpée :
Utpoit Lathyrum filius AUxaruIri
régnant y eipuhoque eo,suJ)eclus
sil Ptolema^us Nothus; et que, rlans
Suétone, on trouve: Quod yJleran-
/■To. Porphyr.,rtp»d Euscb. Chron.,
pag. 120; edit. Mediol.
PTO
drinl regern suiim , socium atque
amicum à senatii appellatwn , ex-
pulerant. Ces dcuK passages , déjà
peu concluants par eux - mêmes ,
parce qu'ils sont place's dans des
lieux peu propres à faire connaître
leur véritable sens , n'indicpient au-
tre chose, au fond, que ce mou-
vement populaire qui 6ta la couron-
ne et la vieà Alexandre, Comme dans
Cicéron il est question des tre'sorset
du testament d'Alexandre, déposes
à Tyr, on s'est empressé d'en con-
clure que le roi d'Egypte, chassé de
son trône , s'était retiré dans cette
ville, tandis qu'il aurait fallu exa-
miner d'abord si le texte de cet au-
teur assurait que jamais Alexandre
eût été à Tyr : car enfin , ses tré-
sors pouvaient y être, sans qu'il y
fût allé personnellement , au moins
depuis qu'il eût reçu la couronne
d'Alexandrie. Le texte de Cicéron
ne dit rien de pareil ; il s'exprime
ainsi: Tum^quandb Alexandruinor-
tuo legatos Tyrum misiinus^ qui ah
illo pecuniain depositam nnbis re-
cuperarent. On y voit qu'Alexan-
dre'avait déposé des trésors à Tyr ,
mais non qu'il y fût mort. 11 faut à
présent faire attention que Ptolé-
mée, éloigné de l'Egypte qu'il n'a-
vait jamais vue depuis sa tendre en-
fance , nommé roi par le sénat, vint
de Rome, sans être appelé par les
Alexandrins, ni par la reine Béréni-
ce; bien plus, c'est avec répugnan-
ce que la princesse consentit à s'unir
avec lui. La conduite d'Alexandre
ne justifia que trop sou aversion.
Fier de la protection de Sylla , rien
n'égalait l'insolence du nouveau roi.
Il n'était pas venu pour partager
long - temps le trône avec Béréni-
ce: aussi ne tarda-t-il pas à l'immo-
ler. Eu arrivantenEg''ptesous detcls
auspices et avec de telles intentions,
PTO
243
Alexandre dut prendre ses précau-
tions eu cas d'événement. Les fré-
quentes révolutions d'Alexandrie ,
l'expulsion de son père, sa mort tra-
gique, le soin que sa mère Clcopâ-
îre et lui avaient eu de mettre leurs
trésors en sûreté hors de l'Egypte,
durent porter Alexandre à prendre
des mesures pareilles II est donc
bien naturel de croire qu'avant d'al-
ler à Alexandrie, et encore incertain
sur l'avenir, il avait déposé ses tré-
sors à Tyr: ah illo pecuniain depo-
sitam, où ils restèrent après sa mort,
quandb Alexandro morluo legatos
Tjrum misimus, et où les Romains
les envoyèrent chercher. Toutes ces
autorités bien entendues prouvent
que Ptolémée Alexandre II , nom-
mé roi d'Egypte par la faveur
de Sylla, reconnu comme ami et
allié des Romains , vint à Alexan-
drie, après la mort de Soler II , y
épousa , malgré elle , sa belle - mère
Bérénice, qui rognait depuis six mois,
et la fit égorger, après avoir partagé
la couronne avec elle pendant dix-
neuf jours. Ce forfait indigna telle-
ment le peuple d'Alexandrie , qu'il
se révolta contre cet indigne pro-
tégé de Sylla. On l'arracha du palais,
et on le traîna dans le gymnase , où
il fut massacré. Cicéron avait pro-
noncé un discours intitulé : De re-
ge Alexandrino , en faveur de Pto-
lémée Auletès, successeur d'Alexan-
dre II , à qui les Romains refusè-
rent long -temps le titre de roi,
parce qu'on l'accusait du meurtre de
son prédécesseur. Ce discours n'était
pas venu jusqu'à nor.3; mais l'abbé
Mai en a trouvé récemment des
fragments considérables , ainsi que
de l'ancien Gom!::cataire d'Asconius
Pédianus. Après les avoir lus , on
ne peut plus douter qu'effective-
ment Alexandre II n'ait été immolé
16..
Q44
PTO
par le peuple d'Alexandrie , révolte
contre lui. Rica n'est plus clair que
ces paroles : Atque illiideliam cons-
tarevid'io, regemillmn , cùm regi-
nam si)roreni[C)]suani, caram accep-
tnwqiie populo, inanibiis suis tru-
cidassct , inttrfectuiii esse impctu
multitudinis. Asconius Pcilianus y
ajoute encore, en disant : Conpeslis
valdè prœparatinnibiis Jidem facit ,
ut hanc ciedein à populo Jiiai^is
Alexandriuo factam probartt ,
non Ptohvintojubentc commissam.
Dans le même Discours, Ciceron par-
le aussi des trésors qu'Alexandre
avait mis à l'eVart à Tyr , où les
Romains les envoyèrent chercher :
ylc primo quidem illi> tempore ,
quo pecunia repetita esse ab Tj-
ro et advecta Homam videbalur ,
seposila jam nuper ab .4li'xa repe.
Le nic|)rïs (pie les Alexandrins niou-
trcrent pour la puissaurc romaine ,
en massacrant nn roi donné par le
sénat, mit ri*lf;ypte d.4ns nn état de
puerie avec la république , qui dura
fort lonf;-temps. Les Honjains refu-
sèrent de reconnaître le roi nommé
par les Alexandrins. Ils se portè-
rent héritiers du prince leur al-
lié; et, en celte qualité, ils envoyè-
rent chercher à Tyr les trésors qu'il
V avait laissés. Ils supposèrent aussi
que, par son te.staincnt, Alexandre
avait disposé de rK5;vple en leur fa-
veur; et plusieuis fois on af;ila, dans
le sénat, la question desavoir si l'on
occuperait militairement l'Egypte.
(f{) CV'tait l'iisaje m Egypte, <1p donner iur les
mouuxuculs et dmxs l*-« at te» }>ublù ^ , Je num de
.^o-iir aux reinrft épouses de» roî», soit i|u'e]les fns-
KHt uu lie fu.-seDt pas parentes de leur mari. Aiusi
IVrotice, femme Je Pt'.l' luée Ever^cfes I"., est
appeice sur les monuintul» Sœur de ce jjrince, quoi-
uuMIc ne fût que sa cuusine. Le même titre est
douué i CIri'patre , femme de l'tolemee Cpipha-
Da , Jont elle n'était pas même parente, .\leiandre
il rt.iit beau-fils de Bérénice , que Cicéron appelle
pou
••lur. Voyez i ce »ujtl .M. Lctronne , Rcchcrchei
ur servira l'histoire d'Égrple , p. 7-11.
PTO
Cette commission fut plus d'une for*
brip;uée par les avides généraux qui
décidaient alors des destinées de
Rome. Il est à croire que, si le sénat
avilit cru cette entreprise facile, ou
s'il avait réellenunl existé uu tcsla-
ment d'Alexanilro en faveur îles Ro-
mains, il n'iiurait pas balance à en
poursuivre l'exécution : leur con-
duite en d'autres occasions senibl;i-
bles en est nn sûr garant. IMalç^ré
les longs débats que cette iilFaire pro-
duisit (ians le sénat, rien n'est plus
problématique (|ue l'existence de ce
Icstiiincnt : il sullit , pour en être cou
vaincu , de lire ces [laroles de Cicé-
ron, qui s'exprimait ainsi, dix-sept
ans après la mort d'Alexandre : JJi-
cent Liiim decevn'iri , iil qiioddicilur
à inullis et scpjjè dictuin e t^post eos-
dein coiiiulcs , re^is yllexanilii les-
tamento^repman illudpopu'i Homn-
ni esse l'uctuin. Mais d'autres niaient
l'existence de cette pièce ; el (!)icéron
n'en vovail pas d'autre preuve que
le fait d envoyer chercher i'i Tyr les
1 1 ésors d u r oi. Quis eut m ve.s t j dm hue
ii^norat , dil-il , dici illud rc^nuiii ,
testamento /e^tV .-Jlexandri, pupuli
Romani esse factum .'.... video , qui
testamentumfactumesseconf.rmet:
aucloritateni senatds et tare Jiœre-
dilalis aditœ senlio , tt\m , cjuan-
db Alexandio morluo lepatos Tj-
rum misinius , qui ab illo pecuniani
di'positani nobis récupéraient
Dicitur contra , nullum esse testa-
mentum : non oporlerepopulum Uo.
maïuim omnium regnoruiti appeten-
tem videri. Nous ignorons les sur-
noms que Ptolémée Alexandre II put
prendre ou recevoir pendant la du-
rée de son règne éphémère. Cicéron
l'appelle Alexas^ ce qui était sans
doute un diminutif en usage parmi le
peuple d'Alexandrie. Son père avait
été Dommédela même manière, selon
PTO
le témoignage de St. Epiphane et de
Cledrenus(io).T.c règne d'Alexandre
II, selon Porpliyre Ci 0, ne fut pas
compte dans la liste des rois d'Egyp-
te,non plus que celuide sabelle-mère
Beiénice. à cause de leur peu d'ëfcn-
due : ils furent confondus dans la
trente- sixième et dernière année de
Sotcr II ( i3 septembre- 82- 12 sep-
tembre 81 avant J.-C. ). Toutefois il
faut que la durée de leur domination
ait dopasse un peu les bornes de l'an-
née civile e'gyptienne, dans laquelle
Soter II mourut; sans quoi les an-
nées de Ptoléme'e Aulèiès, successeur
d'Alexandre II, auraient daté du i3
sept. 82 , tandis qu'elles partent du
ï-2 sept. 81 avant J.-C. S. M — i*.
PIOLÉMÉEXI fut nommé, par
le peuple d'Alexandrie, Aulélès ^ ou
le Joueur de Jliite, à cause de la pas-
sion désordonnée qu'il avait pour
cet instrument , et qui était telle, que
plus d'une fois il se donna en spec-
tacle, disputant le prix, devant sa
cour, avec des musiciens de profes-
sion : outre ce surnom dérisoire ,
Ptoléme'e XI porte encore , sur ses
monuments , les ti i res de Philopaior^
Pliiladelphe et Neodionysas. C'est
sans doute eu mémoire de son père
qu'il prit le premier surnom ; pour
le second, il est à présumer qu'il
marquait son amitié pour son frère
ou pour la reine Bérénice, immolée
par Alexandre II. Quant au dernier ,
JVeodionjsus , q\i'on a rendu raal-à-
propos( » ) , par le nom de Penys , il
signifie Nouveau Bacchus, ou plutôt
Nouvel Osiris , car les Grecs con-
fondaient assez ordinairement ces
deux divinités. Il paraît que c'est
(10) s. Epiplian. De mens, et poiiilnr. Oper. omu.,
t. Il, p. itit). — Cediin., t. I , p. iGt).
(11) Ai)iid^\xseh. Citron. , p. 11^, éd. Mediol.
(1) CViampoUion-Figeac, Annale] des Lapides,
t. II , a 249 1 1 SUIT.
PTO a45
plus tard qu'il prit ce nouveau sur-
nom (2), peut-être autant afin de
témoigner sa dévotion pour P)ac-
chus, (assez prouvée, au reste, par
son goût pour les orgies bachi-
ques), que pour rehausser la divi-
nité dont il était revêtu comme tous
les autres monarques égyptiens. Pto^
lémée Aulétès porte encore dans Tro-
gne Pompée , le surnom de Nothus ,
ou Bdlard. Après la mort de Bé-
rénice et d'Alexandre II , il ne res-
tait plus en Egypte aucun descen-
dant légitime de la race des Lagides.
Alors le peuple d'Alexandrie donna
la couronne à un fils naturel de Soter
TI. Nous ignorons comment cet évé-
nement eut liou : nous savons seule-
ment , par Cicéron , que ce prince se
trouvait en Syrie. Cum ille rcx sit
interj'ectus , hune puerum iji Sjria
fuisse (3), Il ne faut pas prendre le
mot puer dans un sens trop absolu :
il paraît que Ptoléme'e était déjà un
jeune homme en âge de régner par
bd-même (4). Un frère plus jeune
encore fut déclaré roi de Cypre. Il
paraît aussi qu'Aulélès se maria
vers la même époque : le nom et l'o-
rigine de son épouse nous sont éga-
lement inconnus. Un prince élevé au
trône sans l'agrément des Romains,
substitué à mi roi envoyé par le
sénat et décoré des titres d'ami et
d'allié, nedevaitpas s'attendre à être
reconnu facilement; trop heureux en-
core de n'être pas dépouillé de la
couronne qu'il avait obtenue. Aussi,
malgré l'élévation d' Aulétès , les Ro-
mains regardèrent- ils le trône d'E-
c^vple comme vacant , et ce royaume
comme dévolu à la république , en
(■>) Letrouiie, Rechtrches pour sen'ir à L'hist.
d'Égy/Jte, p. i/|4.
(3) Saint-Martin, N'otivelles recherches sur V épof
nue de la niorl d'Alexandre, p. log et suiv.
( /i) Letronnc , Recherches pour sen'ir à l'hisloira
d'Éjiypte , p. i4>.
?46
PTO
Y*rta du lestamcnt réel ou suppose
d'Alexandre II. Cependant le sénat
ne prit aucune mesure pour occuper
rÉcyptc, se boruaut à faire venir
de Tyr les trésors qu'Alexandre y
avait déposés. Les descendants lé-
gitimes de la race des Laç^ides qui
existaient encore eu Syrie crurent
donc qu'ils pourraient être facilement
])referés à Aulélts par ks Romains.
Tigrane , roi d'Arménie , était à
celte époque m.iilre de la Syrie,
dont il avait dépouillé les Séleu-
cides ; mais la reine Séléné , sœur
de Soter II , et veuve d'Antio-
chus le Cyzicénien , avait encore
conservé la possession de quelques
villes, de Ptoléraa'is entre autres.
En l'an -.lavant J.-C. , elle envoya ,
en Iialie ses deux (ils, Antiochus et
Séleucus, nés d'Antiocluis EusèLe ,
pour y reclamer une couronne qui
leur ajip.irleuait du chef de leur
mère. Aulélcs, informé du but de
leur voyage, fit partir pour Rome
des émissaires secrets , chargés de
traverser le projet des princes sy-
riens, et de procurer des amis à
leur maître dans le sénat , à force
d'argent. Antiochus et son frère con-
sumèrent doux ans à Rome en démar-
ches inutiles ; enfin , en l'an - i , ils
résolurent de retourner en Syrie.
En passant par la Sicile , ils furent
rançonnés par le préteur Verres ,
comme nous l'apprend Cicéron. Ce-
f)endant Aulélcs restait toujours dans
a même situation à l'égard des Ro-
mains : plusieurs fols la question de
savoir si l'on occuperait l'Egypte
fut débattue dans le sénat ; les amis
d'Aulélès eurent assez de crédit pour
la faire écarter, mais pas assez pour
faire décerner à leur protégé le titre
de roi , titre dont il se montrait
d'ailleurs bien peu digne , étant con-
tinuellement plongé dans la mollesse
PTO
et dans la débauche. La guerre que
Rome soutenait alors contre Mithri-
date , détourna pendant long-temps
l'attention du sénat ; mais quand les
armes de la république prévalurent
contre les eÙbrfs du roi de Ptmt , ou
s'occupa encore du sort de l'Egypte;
elle excita de noureiu la cupidité
des sénateurs romains. Crassus , dont
on connaît l'avarice, voidut, pend.int
sa censuie en l'an G5 , rendre l'E-
gypte tributaire ; mais son collègue
Catullus s'y opposa énergiquement,
et il s'ensuivit entre ces deux ma-
gistrats , une division telle (pi'ils
furent obligés de se démettre de leur
dignité. Jules-César, qui était alors
edde , tenta aussi de .«^e faire donner
l'Egypte par un plébiscite : ses dé-
marches n'eurent pas plus de succès;
les partisans de Plolémée l'empor-
tèrent encore. L'année suivante , G\
avant J.-C. , le tribun Ruilus mit de
nouveau en péril l'cxistenced'Aulétès;
mais, heureusement pour lui,Cicéron,
au commencement de son consulat,
fut assez i)uissaiit pour faire révo-
quer la loi qui oi donnait la réunion
de l'Egypte , et (pii avait été adoptée
par le jieuple. Des déuioiistrations
si pou amicales ne devaient pas
atlaclier Plolémée à la cause drs Ro-
mains : aussi paraît-il ques'il ne lour-
nit pas des secours à Mithridate pen-
dant sa dernière guerre contre la ré-
publique, au moins entreliiit-il des
relations avec lui. En eflét , quand ce
grand roi mouiul, en 03, ses (illes
Mithridatis et INyssa étaient fian-
cées avec Pt<déniée Aulétès et le roi
de Cypre son frère. Cette alliance
n'eut pas lieu , parce que ces deux
princesses furent enveloppées dans
la dernière catastrophe de leur père.
Cette circonstance nous donne lieu de
croire que Ptolémée Aidétès était veuf
alors; sa femme n'était pas enconr
PTO
morle au mois de mesori de l'an i a
de son rèjçne (5 août-4 septembre 69
avant J.-C, ), comme le prouve une
inscription de la même époque , qui
fait mention de cette princesse (5).
Il paraît que le roi d'Egypte se re-
maria ensuite , puisqu'il laissa , à sa
mort, des enfants en bas âge; mais sa
deuxième femme nous est aussi in-
connue que la première (6). Après la
défaite de Mithridate, Pompée, lasse
de poursuivre ce prince dans les mon-
tagnes et les désertsde la Scythie,avait
repassé le mont Caucase , et était
venu porter ses armes dans la Syrie.
C'est là qu'il apprit la mort du plus
redoutable ennemi de Rome. Dans
cette expédition, Pomj)ée s'avança
jusqu'aux frontières rie l'Egypte; et
Aulétès s'empressa de lui envoyer de
magnifiques présents. Il pria mê-
me Pompée de lui fournir des se-
cours pour réduire des rebelles qui
troublaient ses états ; mais celui-ci
s'abstint d'y entrer , malgré toutes les
offres brillantes qui lui furent faites.
Ce refus n'indisposa pas le roi d'E-
gypte : au contraire , il s'elforça en-
core plus de gagner la bienveillance
de Pompée , et il y réussit à la fin.
Le général romain faisait alors la
guerre à Aristobule roi des Juifs ; et
ce peuple résistait avec opiniâtreté.
Pendant la durée de ceîte guerre,
Aulétès fournit aux Romains des se-
cours de toute espèce, en argent et
en vivres ; et Pompée en fut si tou-
clié , que depuis il se montra toujours
partisan du roi d'Egypte : il parvint
aussi à lui concilier la bienveillance
de César avec lequel il étaitalorsuni;
(5) Letroime , o(ur, cité , yt. i3tj et i4t>.
(^o)IVI. LetroDiie doutf (^Rec/t. fjçiir servir à l'hisl.
ti'Egrple, f. 1^3 ) que jninais Aulctî-s se soit re-
marie après IVpoque dout il s'agit. U faut cependant
que ce prince ait contracté depuis une seconde al-
liance ,puisqu'au temps de sa mort, en l'an 5?- avant
J.-C, il avait plusieurs enfants en bas âge, dont
rainé même était encore mioeur.
PTO
247
et c'est à lafaveurde ce dernier, qui
avait voulu autrefois lui ravir sa
couronne , qu'Aulétès dut d*êlre en-
fin reconnu par le sénat , ce qui ar-
riva en l'an Sg avant J.-C. Cette
faveur ne fut pas gratuite : ce n'est
qu'à force d'argent que ses ambassa-
deurs Sérapion et Dioscorides purent
amener la conclusionde cette affaire.
La race des Lagides paya bien cher
cette grâce du sénat: car, peu après le
décret qui conférait à Aulétès le titre
d'ami et d'allié des Romains , un acte
du même genre fut provoqué par
Clodius, tribun du peuple, pour dé-
pouiller de la dignité royale le frère
de Ptolémée ; et l'île de Cypre fut
réunie aux possessions de la ré-
publique. Celte usurpation excita
l'indignation du peuple d'Alexan-
drie , qui avait conservé plus que ses
rois le sentiment de la dignité de leur
empire : il exigea de son souverain
un acte de vigueur dont il n'était guère
capable ; c'était de renoncer à l'al-
liance de Rome , en défendant par les
armes les biens de sa famille , ou
d'obtenir par ses ambassadeurs que
les Romains lui laissassent l'île de
Cypre , et annulassent le décx-et de
Clodius. Aulétès ne fit ni l'un ni
l'autre: alors le peuple, accablé déjà
de toutes les charges qu'il avait sup-
portées pour procurer à son roi une
amitié aussi onéreuse et aussi illu-
soire que celle des Romains, se ré-
volta contre lui. Aulétès n'ayant ni
troupes, ni argent, ne put résis-
ter aux rebelles ; il prit le parti de
quitter seci élément l'Egypte , et d'al-
ler mendier , en personne , l'assis-
tance des amis qu'il croyait avoir à
Rome , afin de réduire à l'obéissance
un peuple dont il n'avait pas osé
partager la généreuse indignation.
Ce fut un an après avoir été reconnu
par le sénat , que Ptolémée s'enfuit.
lAS
PTO
Caton, qui avait éld nomme ques-
teur, et qui se préparait à occuper
l'île de Cvpre, était alors à Rhodes ;
Auléti'S viut le trouver , espcraut
obtenir de lui qu'il suspendît l'cxc-
cutiun de cette mesure. Caton le
traita avec assez de déd.iin; cepen-
dant il luidonna des avis utiles , dont
Aulélès n'eut ni le courage , ni la
prudence de profiter. Calon lui fit
des reproches d'avoir quille son
rovaurac , pour rcclanur les se-
cours des Romains , après avoir
essuyé tant de peine et d'opprobres
pour acheter la hienveillance des
chefs de la république. Il le |)ressa
de remonter sur ses vaisseaux . oflrant
de le conduire lui-même en K;;vptc,
et de le réconcilier avec son peuple.
Aulclès voidut d'abord suivre les avis
deCaton;inai.s ilen fulensuile(iissua-
dé pai- ses conseillers, et il lit voile
pour Rome. Cejwndant les Alex.in-
drins ignoraient que leur roi était
passé en Italie : ils le crurent mort,
et placèrent sur le trône ses filles
aînccs, Cléopitrc-Trvphèneel Béré-
nice; puis ils envovèrcnt une ambas-
sade en Svrie , pour engager Antio-
chus , cousin des deux princesses , à
venir régner avec elles en Egypte.
Antiocluisavailélé roidcSy'ic après
l'expulsion deTigrane; mais depuis
il avait été dépoudié par Pompée, et
il n'était plus qu'un ^i^lplc particu-
lier. Il mourut presqu'aus>ilot de
maladie , avant d'avoir pu profiler
des oll'resdes Alexandrins. Les am-
bassadeurs s'adressèrent à son pa-
rent Philip[>e, qui avait été aussi
roi de Syiie, et qui était fils d'An-
tiochus (jiyp'is et de Tryphène ,
princesse lagide. Philippe avait ac-
cepté, et il allait pai tir pour lEgvpie
quand Gabinius , lieutenant de Pom-
pée , qui commandait en Syrie, mit
obstacle à son voyage;] et bientôt
PTO
après, le prince séleucide mourut. 11
fut remplacé par son cousin Séleucns,
frère d'.\nliochus. Celui ci partit pour
l'Egypte. Ce pays n'avait plus alors
qu'une reine : Cléopàlre-Tryplùne
était morte après un an de règne en-
viron , et le pouvoir était entre les
mains de Bérénice , qui épousa Sc-
leucus. Elle en fut promptcmeul dé-
goûtée, et le (it étrangler. Scleu-
cus fut remplacé par Arclidaus ,
pontife de Bellonoà Comane dans la
Cappadoce. C'ét.tit au prime brave
et habile, qui passait pour fils du
grand Mithritiate Eiipator , mais qui
était né réellement d'Aiclielaus, gé-
néral de ce monarque. Porphyre (-y)
donne deux années de règne a Béré-
nice : il en résulte que Ptolémée fut
absent de l'Égvpte pendant trois ans
environ. Les trois années royales
des deux princesses, filles d'Aukiès,
comptèrent du -j septembre 58 av.
J.-C. ,au()scpteinl). 55. Durant celle
espèce d'interrègne , Aulétès intri-
guait.i Rome pour obtenir les moyens
de recouvrer ses états. Reçu dans la
maison de Pompée, il einployail le
crédit dc.soii palron , qui l'appuyait
fortement dans le sénat. Lentulus
Sj)inther , qui était consul , et qui de-
vait avoir, l'année suivante, le gou-
vernemeul de la Cilicie , fut désigne
pour reconduire Ptolémée dans son
royaume. Les passions , les haines,
qui divisaient le sénat, ne permirent
pas que cette décision fût exécutée.
Sur ces entrefaites, Pompée fut éloi-
gné de Home ; et Ptolémée y resta
sans appui. De leur côlé, les Alexan-
diins s'occu|)aieiilde traverser lesdé-
marches de leur roi ; une ambassade
fut charpée de l'accuser : mais celui-
ci trouva le moyen défaire assassiner
la plupart des députes; et Dion , leur
^J) Eusrb. Chron., p. ii8, cdit. <!<; Milan.
PTO
chef, ciTraye ou gagne, n'osa se pre'-
senter devant le séuaf. Cette action
odieuse fournit de nouvelles armes
aux adversaires de Pompée et de
Ptolëmëc. On mit tout en œuvre pour
empêcher lerctablissemeftt dcceprin
ce ; on recourut aux prodiges , aux
augures : rautoritë même des livres
sibyllins fut invoquée; on leur fit dire
que si jamais un roi d'Egypte venait
implorer l'assistance des Romains,
il fallait le traiter en ami , mais non
lui accorder une armée. Personne
n'était dupe de celle supercherie :
elle suffit cependant pour arrêter les
opérafions. Aulétcs, ennuyé enfin de
tous ces délais, se borna à demander
qu'on permît h Pompée de le recon-
duire en Egypte , avec deux licteurs
seulement. Le sénat, qui ne redoutait
déjà que trop l'ambition de ce gé-
néral , n'avait pas envie de remeiire
à sa disposition les ressources d'un
royaume tel que l'Egypte. On préfé-
rait voir cet empire épuiser et per-
dre ses forces dans des agitations inté-
rieures. Ptolémc'e prit alors le parti
de se retirer à Ephcse, laissant son
chargé d'affaires , Ammouius , pour
défendre ses intérêts auprès du sénat.
Pendant son absence, il y eut encore
de nouvelles discussions ; Cic^ron ,
Hortensius et LucuUns voulaient que
Spinther rétablît Aulétès en allant
dans son gouvernement: d'autres re-
fusaient toute intervention; d'autres
encore voulaient que celte affaire fût
renvoyée à Pompée : enfin, après bien
des débats , les consuls et le sénat
s'arrêtèrent à un terme moyen , sans
prendre une décision précise. II ne
fut point rendu de sénalus consulte:
on remit, par une simple lettre , la di-
rection de l'entreprise à la discré-
tion de Spinther, qui, étant enCilicie,
devait être plus à portée de savoir
ce qu'il couvenait de faire. Le tribun
PTO 2^9
Galon vint meltrede nouveaux obsta-
cles à l'exécution de celte résolution.
Ces discours inspirèrent des craintes
à Spinther , qui ne voulut pas pren-
dre sur lui les risques de l'expédi-
tion; et Piolémée, n'espérant plus rien
du sénat, fut encore obligé de recou-
rir à Pompée, sou constant appui. Ce-
lui-ci était consul cette aunée-là (55
avant J.-C, ) : il prit le roi d'Egypte
sous sa protection spéciale, et le fit
jjarlir pour la Syrie, en lui donnant
des lettres pour son lieutenant Gabi-
nius , qui commandait dans cette
province. Ce général se préparait
à traverser l'Euphrate, dans le but
de rétablir sur le trône des Parthes ,
MithridalirlII , qui avait été détrô-
né par son frère Orodès. Ptolémée
vint lui proposer une expédition
semblable , mais plus facile. L'or
qu'il lui prodigua , et celui qui fut
prorais, achevèrent de le convain-
cre. IMalgré la loi qui interdisait aux
gouverneurs de faire la guerre hors
des limites de leur provuice, Gal)i-
nius résolut d'aller en Egypte: il lais-
sa le soin de la Syrie à son fils , et
prit son chemin par la Judée, me-
nant avec lui Aulétès. Hircan et An-
tipater, princes des Juifs, lui four-
nirent des secours de toute espèce.
Bient6lMarc-Antoine,qui dans la sui-
te fut triumvir, arriva devant Péluse
à la tête de la cavalerie romaine; et
secondé par les Juifs qui habitaient
dans celte ville , il s'en rendit maître
presque sans coup férir. 11 se con-
cilia rattachement des peuples en les
préservant de la vengeance de Ptolé-
mée, qui voulait tout faire passer au
fil de l'épée. Cependant Archéiaiis ,
le maii de Bérénice , était prépaie à
cette attaque. Ce prince , qui n'avait
pas moins de courage que de talents,
avait rassemblé une flotte considéra-
ble ^ et , à la tête d'une forte armée
a5o PTO
de terre , il s'avançait contre Gabi-
nius , qui s'était réuni à Antoine dans
les murs de Peliiso. Les Egvptii'iis
furent battus ; et l'année romaine s'a-
vança dans riuléricur du pavs , tan-
dis que la flotte , après avoir force
les bourbes du fleuve, reiuonlail le
Nil. Quoique les Alexandrins eussent
la plu< violente haine contre leur roi,
dont ils redoutaient d'ailleurs le rt-s-
sentinii'iit , ils se montrèrent dans
cette circonstance tels qu'ils avaient
toujours été, amis des IrouIJIes etdes
séditions , et aussi prompts à se ré-
volter qu'à se laisser alxittrc par le
moindre revers. Archelaùs voulait
résister dans Alexandrie : quand le
peuple vit qu'il se préparai à soute-
nir un sir^c , les luurniurcs (cLitc-
rent ; mais lorsqu'd fallut le sui-
vre hors de la place pour en dé-
fendre les approches , qu'il fallut
creuser des lusses , tracer des li-
gnes , le mécontentement fut sans
bornes. Pour ces hommes énervés ,
de tels travaux étaient plus pénibles
que la mort elle • même. I^ posi-
tion d'Archelaùs devint bieut«jt très-
crili<|ue: il fallut combattre; il le lit
avec courage , mais sans succès. Il
fut vaincu et lue dans le combat ,
et Ptoléméc redevint souverain de
rKj;ypte. Il n'v avait que '»i\ mois
qu'Archeiaus y régnait. Des liens
d'hospitalité l'avaient autrefois uni
à Marc - Antoine ; aussi celui - ci ,
afin de témoigner toute l'estime qu'il
avait conservée pour sa mémoire, fit
rendre de grands honneurs aux res-
tes de ce malheureux prince. Après
cette victoire, .\ulétès rentra dans
Alexandrie, et y lit mettre à mort
sa tille Bérénice, qui avait usurpé la
couronne. Toutes les personnes les
plus distinguées et les plus riches de
la ville subirent le même sort , pour
que leurs biens aidassent à payer les
PTO
services des alliés d'Aulétès. Gabi-
nius reprit ensuite le chemin de la
Svrie , comblé de richesses : eu
pal tant , il laissa un corps de trou-
pes gauloises à Ptolémée pour for-
mer sa garde et le défendre contre
son peuple , ih)ul il ne fut pas plus
aime que par le passe. Gabmius n'é-
crivit point a Rome pour v f.iire part
d'une expédition entre|)risesans l'a-
veu du sénat , et leiativciiunt à la-
qiiellcon lui intenta plus tard un pro-
cès sérieux , dont il ne se tira ifuc par
le crédit réuni de César et de Poni|H'e.
Ptolémée régna encore trois années
environ , après avoir été rétabli par
Gabinius : nous ignorons les événe-
ments qui ariivèrenten Ki,'Yptc pen-
dant cet espacede temps. Ce roi mou-
rut, dans un âge peu avanré, aj)rès un
règne malheureux de vingt-neuf .ins.
Les années de son règne comjiti'rent
depuis le iJi sept. 8i ,jusqu'.iii ;"» sept.
5i avant J.-C. Il paraît qu'il moiii ut
vers l'époque du renoiivelunienl de
l'année civile des EgyptiriU ; car on
voit, |iar les lettres de Cicèron (8),
que le bruit de sa mort se répandit
à Home, vers le i'^'^. aoijt , sous les
consuls Sulpicius et Marcellus ( 5'j>,
ans avant J.-C. ) ; et le mois d'août
romain répondait alors aux mois de
sepfembie et d'octobre juliens. Ou-
tre les deiixlillcsdonl nousavonsdéji
parlé , Ptolémée laissa encore quatre
enfants, deux filles et deux lils : ceux-
ci étaient les plus jeunes. Avant sa
mort , il avait envoyé à Rome des
ambassadeurs , chargés d'y porter
son testament. Pomj)ée en l'ut le dé-
positaire. Une autre copie était gar-
dée à Alexandrie. Il y flisposait de
son tronc eu faveur de l'aîné de ses
fils et de l'aînée de ses filles , à la
condition qu'ils se marieraient lors-
(8) F^itt. ad Famil. , lib. VIII , <-y. 4.
PTO
qu'ils auraient Tàge convenable , et
qu'ils régneraient conjoinlcinent. II
confiait aussi leur tutelle au peuple
romain , et il les mettait sous la sati-
ve-Q;arde du traite' qu'il avait conclu
avec la re'publique. Le célcbie anti-
quaire Baudelot de Dairval a publié
une histoire de ce prince , Paris ,
169G, iu-i2. Quoique encore esti-
mé des savants , ce livre contient
des erreurs assez graves. S. ÎM — iv.
PTOF.ÉMÉE XII , l'aïué des fils
de Ptoléraée Auléiès , n'avait que
treize ans lorsqu'il succéda à son
père , tandis que sa sœur , la fameuse
Cléopàlre, appelée, par le testament
d'Aulétès , a régner conjointement
avec lui , avait déjà dix-sej)t ans , et
se trouvait en âge de gouverner elle-
même. Celte ditFércnce d'.îge les pla-
ça dans une situation toute contrai-
re , et ne tarda pas à causer des
troubles. Cléopàtre fut reine ; et son
frère eut des tuteurs , qui furent na-
turellement ennemis du pouvoir de
Ja reine. Potliinus , nourricier du
roi , son précepteur Théodoto de
Chio et le général Achillas , étaient
ces tuteurs. Comme , par sou testa-
ment , Aulétès avait placé ses enfants
sous la tutelle du peuple romain ,
Ptolémée et Cléopàlre furent admis
sans dilliculté au nombre des rois
alliés. Cependant la guerre civile en-
tre César et Pompée vint à éclater.
Celui-ci crut pouvoir compter par-
mi ses partisans , les enfants d'un roi
qu'il avait placé sur le trône. Pom-
pée , prêt à passer en Grèce, envoya
en Egypte , son fils aîné , et Corn.
Scipion , son gendre , afin d'y le-
ver des troupes. En témoignage de
sa reconnaissance envers le géné-
ral romain , Cléopàtre lui fournit
des grains en abondance ; et le fils
de Porapç'c partit bientôt d'Alexan-
drie avec une flotte de soixante
PTO
25 I
voiles et les cinq cents Gaulois ou
Germains que Gabinius avait laissés
autrefois en Egypte. Tous ces actes
d'autorité irritèrent , contre Cléopà-
tre, les tuteurs de Ptolémée. Ils trou-
vèrent qu'il serait honteux de rester
plus long-temps sous les lois d'une
femme , et ils excitèrent contre elle
une sédition dans Alexandrie. Cléo-
pàtre fut obligée de s'enfuiren S\ rie,
avec sa jeune sœur Arsiiioé, pour y
lever une année. Pendant que la flot-
te égyptienne était en station dans les
eaux de Corcyre avec toutes les for-
ces navales de Pompée, le sort de ce
grand homme se décidait dans les
plaines de Pharsale. Dès qu'ils furent
informés de sa défaite , les Egyp-
tiens mirent à la voile pour Alexan-
drie ; et bientôt après , Ptolémée en
partit pour aller combattre sa sœur:
leurs armées n'étaient plus qu'à une
petite distance l'une de l'autre, sur
les frontières de la Syrie, quand on
signala les vaisseaux qui amenaient
Pompée, llcroyaittrouver un M"ir asy-
le chez un prince qui lui devait sa cou-
ronne. Il se trompait : soit par mé-
pris, soit par la crainte que Pompée
vaincu pouvait inspirer encore , soit
enfin pour se concilier la faveur de
César , Ptoléraée le fit lâchement as-
sassiner ( /^. Pompée, XXKV, 3oo ).
Cependant , comme on l'avait prévu,
César parut bientôt à la hauteur d'A-
lexandrie : sa flotte portait deux lé-
gions et huit cents chevaux. Le roi
d'Egypte était encore dans les envi-
rons de Péluse; mais il se hâta de re-
tourner dans sa capitale, où la nou-
velle de la mort de Pompée avait causé
le plus grand désordre. Le premier
objet qui s'offrit aux regards de Cé-
sar en débarquant , fut la tète de
son malheureux rival, présentée par
Tliéodote , ministre de Ptolémée. Ce
triste spectacle lui arracha des lar-
a 5a PTO
mes ; et il ne put s'empccLcr de t^-
luoijrner fonte son horreur contre les
auteurs d un aussi intame assassinat.
Après la mort de son adversaire, Cé-
sar n'avait aucun motif de prolonger
son séjour en Egypte : iictait au con-
traire presse de passer en AlVicpie, où
1rs débris d'i parti de Pompée com-
mençaient à se réunir. Les venls con-
traires, ou plutôt r.imour <|u'il avait
conçu pour CIcopàtte , !e retinrent
duis ce pays. Les A'exan.lriiis, ipii
voyaient déjà de mauvais œil une
année étrangère dans leurs murs ,
s'indignaient encore que les hon-
neurs consulaires effaçassent, dans
leur ville, la dignité royale. La
fierté nationale était Messc'c de ce
que les Romains intervenaient si sou-
vent dans les alKiires d'un état in-
dépen tant. Leur mécontentement fut
au cornhlc, quand César voulut re-
lier lui - même, avant son départ,
les dilFérends du roi avec sa sœur
Cléopàtre. Comme c'était sous son
consulat que leur père avait été re-
connu par le sénat et ailmis dans
ralliincc de Rome , il prétendit de-
voir être seul arbitre, et d donna or-
dre à Ptoléniée et.i CIcopàlrc de cou-
gélier leurs troupes. Les ministres
du roi furent ég.dement indignés de
ces prétentions ; et ils mirent tout en
œuvre aiin d'animer le peuple d'A-
lexandrie, delà fort exaspéré contre
César. Olui-ci, toujours épris d'a-
mour pour Cléopàtre , montrait une
si gran'le partialité en sa faveur, que
Ptolémée s'échappa du palais , en
implorant l'assislince de son peuple
contre les Romains : la position de
César, qui n'avait pas beaucoup plus
de trois raille hommes avec lui , de-
vint très - périlleuse, au milieu d'une
ville aussi populeuse qu'Alexanlrie.
Ses soldats eurent bien de la peine à
faire rentrer le roi dans le palais as-
PTO
siégé. Il prit le parti de Hre au peu-
pic le testament du dernier souverain
qui avait disposé de sa couronne eu
faveur de l'aîné de ses fils, destiné à
épouser Cléopàtre, rainée de ses fil-
les, et à partager le pouvoir avec
elle: de plus, César s'engagea .en sa
qualité de dictateur , à donner l'île de
(ivpre aux deux autres enfants d'Au-
léles , Arsinoé et le jeune Ptoléniée,
La sédition fulinonientanément ajiai-
sée , mais la guerre ne tarda pas d'é-
clater: Pothin, et les autres ministres
du roi , mécontents de cet ajrange-
ment, se concertèrent avec Achil-
las , qui commandait l'armée, enco-
re cantonnée sous les murs de Pé-
luse , à l'ellct d'écraser César dans
Alexandrie. Cette armée, forte de
vingt-deux mille hommes aussi bra-
ves qii'expéiimentés , arriva bien-
tôt dans la capitale , non moins
animée qu'elle contre les Romains ;
et Cu.sar fut assiégé dans ses quar-
tiers. H avait eu la précaution de
s'assurer du roi, qui envoya, par
son ordre , sommer Aehillas de se
retirer. Ce général n'eut aucun égard
jinnr les volontés de son souve-
rain captif : il lit massacrer les dé-
putés qu'on lui avait envoyés , et se
prépara à presser la guerre avec vi-
gueur. Force' de se défendre contre
celte armée soutenue par l'immense
popidation d'Alex.indrie , César fit
sesdispositioiis : il tenait le palaisetle
port , où Aehillas vint l'attaquer par
terre cl par mer. Un premier com-
bat, ausi^i sanglant qu'opiniàlrc, fut
tout à l'avanlage de César, ^c pou-
vant se scrvirdcs galères égyptiennes
qui étaient dans le [lort , à cause du
petit nombre de ses soldats , il les fit
livrer aux flammes. Vers le même
temps , Arsinoé , sœur du roi , par-
vint à s'échapperdu palais avec l'eu-
nuque Ganymède; et aussitôt elle fut
PTO
proclamée rciuc , par la ville et l'ar-
me'c. Gopcndant César envoyait cher-
cher des secours à Rhodes , en Cili-
cie et eu Syrie : il demandait des
troupes à Dornitius Galvinus , sou
lieutenant dans l'Asie-Mincnie ; il
pressait I\Ialchus roi dcsNabalhéens,
de lui envoyer de la cavalerie. Ces
secours n'arrivaient pas; et, sans es-
poir de retraite , il lui fallait résister,
avec ses faibles ressouices. Les rues,
les places d' Alexandrie, furentle théâ-
tre de combats fréquents et acharnés :
nombre d'édifices furent dé ruits; et
la grande bibliothèque, fondée par
Ptolémée Philadelplie, qui contenait
quatre cent mille volumes , fut la
proie des flammes. Enfin, craignant
de ne poiwoir résister , César enp;aç;ea
Ptolémée à s'entremettre entre lui et
le peuple : cette démarche fut encore
inutile. Dans le même temps, la divi-
sion se mit parmi les assaillants ;
Arsinoé et Achillas se brouillèrent :
celui-ci fut assassiné; et le commaif-
dement fut donné à Oanymède , qui
poussa les attaques avec une nouvelle
vigueur. 11 fit couper les c.inaiix qui
portaient l'eau du Nil dans les parties
de la ville occupées par César. La
position de celui-ci devint alors plus
critique; et ses troupes n'euieut plus
d'eau douce, que celle qu'on leur
apportait par mer. Le décourage-
ment était général , quand il apprit
l'arrivée de la trente - septième lé-
gion envoyée par Dornitius Calvi-
nus , avec des vivres et des muni-
tions. Cette légion, formée de sol-
dats qui avaient servi sous Pompée,
était à l'ancre sur la côte d'Afrique ,
non loin d'Alexandrie : César alla la
chercher en personne , avec toute sa
flotte. A son retour , il fut attaqué
par les forces navales que Ganymède
avait rassemblées ; mais l'expérience
des Rhodiens qui montaient ses vais-
PTO 253
seaux, le tira d'alTaire, et le renfort
entra dans le port d'Alexandrie. Ca:
revers ne découragea pas Ganymède.
Un nouvel armement naval fut bien-
tôt en état de combattre César , qui
obtint encore la victoire , grâce à la
valeur du Rhodii-n Euphranor. L'île
du Phare devint ensuite l'objet de
combats opiniâtres , où l'avantage ,
long-temps dis pu té et chèrement ache-
té, resta enfin à César. Une ambassade
des Alexandrins vintalors le trouver:
ils olî'raicnt de traiter, pourvu qu'on
rendît la liberté à leur roi. César
soupçonna que celle demande ca-
chait une j)erfidie; mais, aimant
mieux faire la guerre à un roi , qu'à
une populace insurgée, il laissa par-
tir Ptolémée. Ce prince fut à peine
en liberté, que sa fureur contrelcs Ro-
mains ne connut auctuie borne; et la
guerre rccouunença par mer et par
terre. Il est diQicile de prévoir quelle
eût été la {'m d'une lutte aussi inégale,
si Mithridate de Pergame, fils du
grand Mithridate , général brave et
expérimenté , qui était uni d'une
étroite amitié avec César, n'était enfin
arrivé après avoir pris Péluse d'as-
saut , avec les secours qu'il avait ras-
semblés en Gilicie, en Syrie et en Ju-
dée. Quand Ptolémée fut instruit de
son approche, ildétachaunej)artiede
son armée pour lui disputer le passa-
ge. Les Egyptiens firent une vigou-
reuse résistance ; et Mithridate ne
dut la victoire qu'à la valeur d'An-
tipaler et des Juifs qu'il comman-
dait. Ptolémée et César furent in-
formés aussitôt l'un que l'autre de
cette bataille j et tous deux ils se
mirent en route pour prendre part
aux événements. Ptolémée , secondé
par sa flotte , fut plus tôt en j)ré-
sence de Miliiridrite. César , qui ne
A'oulait pas avoir un combat naval
à soutenir, fut contraint de faire un
•id4
PTO
long détour , eu passanl au-delà du
lac Marc'otis , pour aller rejoindre
SCS alliés. Le roi était retranche
non loin de là , dans une forte posi-
tion; et les Romains furent oblij;cs de
traverser un Lias du Nil , pour en
venir aux mains. Malgré la résistance
opiniâtre des Egyptiens, leurs re-
traiichetnents furent emportés et leur
camp forcé : tous ceux qui purent
échapper au carnage, montèrent sur
des i) trqucs pour regagner la capi-
tale. Il se précipita tant de monde
dans le bâtiment où était le roi ,
qu'il fut submergé. Ainsi jiént Pto-
lémée : son corps, jeté par les flots
sur le riv.ige , fut reconnu à sa cui-
rasse d'or. César se rendait dans le
intMnc temps maître d'Alexandrie.
Ce grand événement, qui termina la
guerre la plus dillicile peut-être où
César ait jamais été engagé , celle où
il courut , par son imprudence , de
plus grands dangers, iirriva le 0 des
calendes d'avril , ou iG mars, qui
répondait alors au 6 février jidicn,
4" avant ,T.-C. Cette date incontes-
table fait voir que le douzième des
Ptolémées avait compté quatre an-
nées révolues de règne v 5 septembre
5*2 — 4 septembre 4B avant J.-C), et
qu'il mourut dans la cinquième ( 4
septembre 4^ — 4 septembre 47 ) ,
qui fut aussi comptie à son succes-
seur, selon l'usage constant de l'E-
gypte : cela confirme le témoignage
de Porphyre ^ i ) , qui donne à ce
prince quatre ans de règne, tandis
qu'un savant moderne (a) voudrait
ne lui accorder que trois ans et sept
mois : cette opinion, qui, au reste ,
n'est pas nouvelle, paraît insoutena-
ble. Les antiquaires sont convenusde
donner au li!s aîné d'Aule tes , le sur-
fi) yt/'ii.l £iueL. Chrome, y. ii8, éd. >Iediol.
(a) Ch inpoUioD-Figeac , AmuiUi dei LagiJ<s ,
t. Il, p. 33S.
PIO
nom de Dionjsus. On ne le trouve
dans aucun auteur ancien. Divers
symboles de Bacchus, remarqués sur
qucKpies médailles qu'on lui attribue,
mais qui appartiennent, peut -être,
à son père , appelé Nviiveaii Bac-
chus , sont les scids fondements de
cette opinion. Nous ignorons donc
quel fut le suinom royal de ce jeune
prince. S. M — n.
PTOLÉMÉE XllI , frère et suc-
cesseur du précéilent, était le deuxiè-
me (ils de Ptolémcv Aulélès. César
aurait bien voulu donner le tronc à
Cléopàlre .seule : mais ( raignant que
cette décision n'irritât encore une fois
le peuple , et ne rallutnâl la guerre ,
il fit déclarer roi le jeune Ptolémée ,
âgé seulement d'une douzaine d'an-
nées. Peu après , ce conquérant fut
obligé de partir, l)icn à regret , d'A-
lexandrie , où son amour pour Cléo-
])âtre le retenait, et d'aller combattre
Pharnace, fils du grand IMithrida-
tft, qui avait envahi une partie de l'A-
sie-Mineure. Il était resté luid niois
dans celte ville : il se fit suivre par
une seule légion toute composée de vé-
térans, et en laissa trois dans Alexan-
drie. Il emmena aussi Arsinoé, sœur
de Cléopàtre, pour que sa présence
ne causât p'us de troubles dans le
royaume. Cette princesse fut con-
duite à Rome , où elle servit à or-
ner le triomphe de César. Depuis
celle époque, tout le pouvoir fut
à Cléopàtre : et son mari n'eut que
le vain titre de roi. En Tan ^G ,
les deux souverains firent le voyage
de Rome , où ils furent admis au
nombre des alliés de la république.
( Fuyez Cléopàtre , IX , 70 ).
On ignore quelles farentlcsactionsde
Ptoli'mée XIH,ct lesurnom qu'il put
adopter:iluiouiut, tropjeunc poura-
voirpuprcudrepartauxafl'aircs,dans
la huiiicraeannécdu lègue de sa sœur
PTO
(3 septembre 45 — 3 septembre 44
avant J.-C. ) Il fut , dit-on , empoi-
sonné par les ordres de cette prin-
cesse, dans la quatrième année de
son règne, comme l'atteste Porphy-
re ( I ). Ses années royales furent
donc comptées depuis le 4 sept. 4^
jusqu'au 3 septembre 44 ^^'^"t J-"^^*
S. M— N.
PTOLÉMÉE XIV, prince connu
sous ]e ïiomde Césarioii, mais réelle-
ment appelé Ptolémés, comme Dion-
Gassius (a; l'atteste, était t'As de Ju-
les-Gésar etdeCléopàtre , ladernière
souveraine de l'Egypte. Il naquit en
l'an 47 avant J.-G. , peu de temps
après que Gésar eut quitté l'Ep;ypte,
quand la guerre d'Alexandrie fui ter-
minée. Gléopâtre se gloriliaiten toute
occasion de la naissance illégitime de
son fils :clle nefaisaitpas dillicultéde
lui donner le nom de Gésnr ; et dès-
lors, sans doute, ellese préparait à lais-
.ser la couronne de ses a'ieux au fils
d'un Koraain. Peut-être même était-ce
pour la lui assurer , qu'elle fit périr
Ptolémée XIII , son frère et en mê-
me temps son mari. Elle obtint enfin
ce qu'elle desirait, en l'an 4*2 avant
J.-G.: les triumvirs, héritiers et ven-
geurs da Gésar , reconnurent pour
roi le fils que le diclateur avait eu de
Gléopâtre. Gette prince.''Se comptait
alors la onzième année de son règne.
Les monuments viennent, au reste,
confirmer les témoignages de This-
toire: on trouve encore dans les rui-
nes du temple de Deuderah , des
inscriptions en caractères hiérogly-
phiques,qui rappellent le souvenirde
ce prince, que les écrivains modernes
n'ont pas admis au nombredes souve-
rains de l'Egypte. H y est nommé
Ptolémée , avec les surnoms de Néo-
(i) Apud Euseb. Chron., p. ii8, t'dit. de Milan,
(îj Lib. XLVn, S 3i, t. I, i).5i3, ed.Rciuiar.
PTO 255
César ou Nouveau César, d'Etemel^
selon l'usage consacré en Egypte, et
de Bien-aimé (Visis (3 . Le surnom
de Néo - CeVr/r répond , sans aucun
doute, au nom plus vidgaire de Cé~
sarion , que les historiens nous ont
transmis. Marc-Antoine, le triumvir,
ne montra pas moins d'amitié pour
le jeune fils de Gléopâtre , qu'il avait
d'amour pour la mère : il le reconnut
pour le véritable fils de Gésar , pré-
tendant que Gléopâtre avait été fem-
me légitime du diclateur; peut-être
voulut-il, en agissant ainsi, blesser
l'amour - propre d'Octave, qui n'é-
tait que le fils adoptif de ce grand
homme. Il est au moins certain que
quand ils furent tout-à-fait brouillés,
Octave lui reprocha d'avoir intro-
duit dans la famille de Gésar, le fils de
Gléopâtre. En l'an 32 av. J.-G. , après
le meurtre d'Artavazde, roi d'Armé-
nie, ce jeune prince fut déclaré i?oi<^e^
Rois ^ dans le temps même où sa mè-
re reçut le titre de Reine des rois,
et que les enfants d'Autoine appelés
aussi au rang suprême , recevaient de
superbes apanages. G'est à celte épo-
que qu'appartient la médaille latine
qui offre d'un côté la tête de Gléopâ-
tre , avec la légende : cleopatrae
REGINAE REGVM FILIORVM REGVM:
et de l'autre la tête d'Antoine, avec
une tiare arménique auprès , et la lé-
gende : ANTONI, ABMENIA DEVICTA.
Gléopâtre et le fils de Gésar eurent,
pour leur partage , l'Egypte , l'île de
Cypre et plusieurs cantons de la Sy-
rie et de l'Arabie , qu'Antoine avait
déjà donnés à Gléopâtre. L'amitié
d'Antoine fut bien funeste au dernier
des Ptolémées. Quand le triumvir
eut été vaincu à Actium , en Tan 3i
avant J. - G. , et que , poursuivi
par son vainqueur , il fut réduit
(3) ChampoUion jeune, Lettre à M. Dacier, p.2i.
a 56 PTO
à s'arracher la vie ; Clcopàtre son-
gea à placer le fils qu'elle avait eu
de César, hors des atteintes et à
l'abri de la vengeance d'Auj^ustc :
elle confia des sommes considéra-
bles à son précepteur Tln-odore,
alin qu'il le conduisît en Ethiopie ,
et de la dans l'Inde ; mais ce traître
préféra le conduire à Rhodes, le
ramener ensuite en Egypte , et le li-
vrer à Auguste, qui, sentant com-
bien un (ils, même illés^itime, do Jules
Cc'sar, était redoutable puur lui, le
lit aussitôt mettre à mort , en l'an
3o avant J.-(<. , peu de temps après
la mort de Clcopàlrc : il avait alors
environ dix-huit ans, S. M — N.
PTOLÉMI^'E, surnommé Phila-
delphe, fils d'Antoine et de Cléopà-
trc, lut déclaré, par son père, eu
l'an 3i avant J.-C, souverain de la
Syrie , de la Phéuicie , de la Cdicic ,
et de toutes les régions comjjrises
entre l'Kuphrate et rHelJcs[)out ,
dans le même temps que son frère
Alexandre recevait le litre de roi d'Ar-
ménie,etdc tous les paysa conquérir
jusqu'aux frontières de l'Inde, et que
sa sœur Cléopàtre obtenait la Cyré-
iiaiqnc. Ptolémée ne jouit jamais des
états qui lui avaient été assignés : il
fut biculôt enveloppé dans la mauvai-
se fortune de son père. Il n'éprouva
cependant pas le sort de Césarion :
un tils d'Antoine était moins à crain-
dre qu'un (ils de César. Auguste crut
donc pouvoir se montrer clément sans
inconvénient. Ce prince, son frère
Alexandre et sa sœur Cléopàtre , fu-
rent amenés à Rome, où ils sidjirent
une dernière humdiation , celle de fi-
gurer parmi les captifs qui suivaient
le char d'Auguste. Les deux frères
accompagnèrent ensuite, en Numi-
die, leur'sœur Cléopàtre, qu'Augus-
te donna en mariage à Juba, fils
de ce Juba auquel il avait restitué
PTO
le rovauracde ses pères , pour le ré-
compenser des services qu'il en avait
reçus dans la guerre d'Kgvpte. En
l'an 25 avant J.-C. , Juba obtint eu
échange de ce royaume, la Maurita-
nie toute entière ; il paraît que les
frères de sa femme l'y suivirent. On
ignore qiu'l (ut leur destin depuis
cette époipie. S. IM — n.
PTOl.EMÉE, roi de la .Maurita-
nie , né de Juba 1 1 cl de Cléopàtre 8é-
lèiie, (ille de Marc-Antoine et de la
dernière Cléopàtre d'Egypte , mon-
ta sur le troue, vers l'an i() ou 'lo ,
sous le règne de Tibère. 11 passait
pour un juiiice adonné à ses ])laisirs ,
et (|ui laissait à ses alTrancliis tout
le soin des aflaires , se bornant à
montrer, en foute occasion , son at-
tacliemcnt à l'empire. Il fournit des
secours aux généraux romains char-
gés de réduire le rebelle Tacfarinas ,
prince numide , qui avait soulevé
une grande partie de l'Afrique. Pour
récompenser Ptolémée de ce servi-
ce , le sénat lui accorda, en l'an y,6,
sous le règne de Tibi re , les or-
nements triomphaux. H vint à Ro-
me sous Caligiila , qui était sou
cousin, descendant comme lui de
Marc- Antoine, par son a'ieule Anto-
nia. Ce tyran fut irrité de l'admi-
ration que le peuple témoigna pour
la robe de pourpre du roi des Mau-
res. L'iiKjuiétude que cette marque
d'intérêt lui causa, et le désir de
s'emparer des trésors considérables
que Ptolémée avait amassés , lui
iirent résoudre de le perdre. En
effet, ce prince fut assassiné en re-
tournant dans ses états j et les deux
Mauritanies devinrent provinces ro-
maines en l'an ^o. Ce ne fut cepen-
dant pas sans résistance. Edémon,un
de ses afliauchis, voulut venger la
mort de son souverain, cl alluma une
guerre qu'on eut bien de la peine à
PTO
éteindre. Nous savons, parletémoi-
p;nnge de Pausanias que la statue de
Ptoléiiie'c, roi de Mauritanie, et cel-
le de sou pcre Juba , se voyaient
dans un gymnase d'Athènes, bâti par
Ptolémëe Philadclpbe. La base de ce
monument, élevé par la reconnais-
sance des Athéniens , subsiste enco-
re : elle a été vue par plusieurs voya-
geurs, (pii ontcopié l'inscription qui
la décore ( Sluart , Antiquities of
yJthens,tom.\u,p\. 58). On connaît
beaucoup de médailles latines de
ce dernier rejeton de la race des
Lagides ; elles ont pour légende
PTOLEMAEVs REX , et, au rcvers ,
la date du règne ; on n'en connaît
pas au-delà de la dix-neuvième an-
née. Il existe une médaille assez im-
portante du même prince , qui porte
d'un côté la tète d'Auguste avec la lé-
gende : AVGVSTVS Divi. F. ; et au re-
vers le nom de C. Laetilius Ajjalus
duumvir quinquennal ( c. laetilivs
APALvs. II. V. Q. ), qui exerçait sans
doute ses fonctions dans ime des co-
lonies romaines de la Mauritanie :
elle présente de plus le nom de
Ptoléiaée : rex ptol. au milieu du
champ de ce revers. Ce monument
donnei'ait peutêtie lieu de croireque
le règne de ce prince date d'une épo-
que antérieure aux années 19 ou 20
de notre ère, puisqu' Auguste ne mou-
rut qu'en l'an 1 5. On pourrait croire
encore que ce Ptoléméc avait été asso-
cié à la royauté par son père , si l'on
s'enrapportait à une médaille décrite
par Scipion Maffe'i ( i ) , et qui offre
d'un côté la tète du roi Juba , avec
la légende: bex Ivba régis Ivb.e. f.;
et au revers un aigle avec les mots :
R. PTOL. A. XVII. Le roi Ptoléniée ,
l'an xvii. S'il s'agissait des années
de Ptolémée, ce serait une tnédaille
' " ■ '■ " I ■■ «Il
^i) Anlif/. GaW/a'[, p. jit.
XXXVI.
PTO 257
commémorativequ'il aurait fait frap-
per en l'honneur de son père : mais
comme cette date pourrait se rap-
porter aux aimées de Juba, il en ré-
sulterait que Ptolémée auraitprolou-
gé fort loin sa carrière ; car on con-
naît des médailles de la quarante-
huitième année de Juba, cl rien ne
prouve que ce prince n'a pas régné
davantage. En rapprochant ces dates
de la durée du règne de Ptoléméc
qui fut au moins de dix-neuf ans, ou
en inférerait que ce dernier roi de
la Mauritanie aurait pu naître vers
l'an 20 avant J.-C. , et peut-être
plutôt, d'où il suivrait qu'il aurait
eu environ soixante ans à l'époque
où Caligula le fit assassiner. S. M-n.
PTOLEMEE surnommé u4pion
c'est-à-dire le Maigre , roi de la
Cyrénaique, était fils de Ptolémée
Evergètes II, et de sa maîtresse Irè-
ne. Il devint souverain de Cyrène
et de toute la partie de la Libye qui
dépendait de l'Egypte , en l'an i in
avant J.-C, par le testament de son
père , qui démembra ainsi ces pro-
vinces au préjudice des héritiers lé-
gitimes. L'histoire ne nous a conser-
vé le souvenir d'aucune des actions
de ce prince, non plus que celui
d'aucun événement arrivé dans la
Cyrénaïque sous son gouvernement.
Il mourut après un règne d'environ
vingt ans ; et , par son testament , il
laissa tous ses états aux Romains.
Les Lagides perdirent alors la pos-
session de la Cyrénaïque. Cet évé-
nement eut lieu sous le consulat de
Cn. Domitius iEnobarbus, et de G.
Gassius Longinus , en Tan 96 avant
J, C. Le sénat ne voulut cependant
pas profiter de cette disposition: il
donnalalibertéàtouteslesvillesdela
Cyrénaïque. Ce ne fut qu'une vingîai-
nc d'années plus tard que, pour
faire cesser les troubles qui agitaient
17
a58
PTO
CCS pelilcs républiques , ou les rédui-
sit en provinces. On attribue à l*to-
léincc Apion quelques incd.iillcs de
la Cyrcnaiquc qui portent le nom
d'un roi Ptolcmc'c, llTUAliMAIoY
BAilAEiHZ, que rien ne désigne d'ail-
leurs. S. M — y.
PTOLÉMÉE , roi de l'ilc de Cy-
prc , fils naturel de Ptoleinco Soler
il, devint souverain do Cypre, dans
le mémo temps que son Irôre aîné,
Plulcme'e Aiiletos , montait sur le
trône d'Egypte, en l'an 8i avant
J.-C, après la mort de Plolcmcc
Alexandre 11. De même que son
frère , il devint roi sans l'agrément
des homains ; mais il n'imita pas
son exemple: ilnclît anoMue dèinar-
clic aiijuès du sénat pour être ad-
mis d.ms l'alliance de la république.
Il tenait même assez peu de compte
des Romains, comuio il le prouva
en l'an (i(j. P. Cilodius ayant été
pris par des pirates en allant de
Syrie en Cilicie , ceux-ci liront of-
frir au roi de Cypre de rendre la li-
berté à Codius, pourvu qu'il jiayàt
sa rançon. Ptolcmce ne voulut pas
leur donner plus de deux talents ( en-
viron douze mille francs ), que les
pirates refusèrent. On attribue à l'a-
varice la conduite du roi de Cy-
pre. Ce pi ince, en ellet, était aus^i
économe , que son frère le roi d'E-
gypte était prodigue ; mais il pa-
rait qu'il fut plutôt dirige dans celle
occasion par son aversion pour les
Romains , que par lesentimont qu'on
lui suppose. En ell'et , il était alors,
ainsi que son frère , en relation
avec le grand Milliridate, qui de-
vait lui accorder en mariage sa
fille N'yssa, tandis qu'Aulétès aurait
épousé son autre lille Mithridatis.
Ces deux piiacesses moururent avec
leur père en l'an 63. Lorsqu'Aii-
létcs eut été reconnu roi en l'an .X),
PTO
et admis dans l'alliance de Rome,
le roi do Cypre ne fit rien pour ro-
chercber inie semblable faveur. Il
ont à s'en repentir. L'année suivante,
P. Clodius, qu'il n'avait pas voulu
reti l'or dos mains des pirates, mais
qui avait été mis eu liberté sans ran-
çon par ces brigands , était alors
tribun du peuple; et il profita du cré-
dit que lui dormait celte place pour
se venger de Ptolomoo. Il rap])cla le
prétendu loslamont do Ploléméc
Alexandre 11 , et présenta au pouj)lc
une loi pour réduircrilc de Cy|)ioeti
province, et mettrcà l'encan les biens
du roi. Ce plébiscite passa sans dilli-
culto. Clodius, pour éloigner de Uoine
Caton rpi'il détestait , lui fit déléguer
la commission d'exécuter une nresu-
rc que celui-ci désapprouvait. Calori
fut donc nommé questeur, et investi,
à son gr-ind regret , de la puissance
prétorienne, pour aller prendre j)os-
scssion do l'île de Cypre. Ainsi ,
sans déclaration de guerre, et contre
le droit des nations, on dépouilla de
ses états un prince (pii n'était pas, il
est vrai , reconnu pour ami de la
république , mais qui n^-n était pas
non plus reirnomi. li'indiguation fut
générale en Egypte, quand on y
connirtia loi portée par Cloflius: sans
la lâcheté d'Aidélès, la guerre aurait
éclatéentrelesdeux empires; et Rome
n'eut pas consommé , au moins sans
éprouver de résistance, cette odieuse
injustice. Cependant Caton neseprcs-
sail pas d'accomplir les ordres dont
on l'avait rliargé; il s'était arrêté à
Rhodes , d'oii il avait cnvoyéen Cy-
pre, son ami Canidius , pour déci-
der Ptolérnée à résigner volontaire-
ment son royaume , pr'oniettant de
lui faire conférer , par le peuple
romain, la haute dignité de grand
pontife de Vénus à Paphos. Aulélcs
vint à Rhodes vers le même temps "
PTO
pour arrêter la spoliation de son
frère. Cette démarclie fut inutile.
Caton ne pouvait se dispenser d'exe'-
cuter les ordres du se'nat. Ptolémée,
se voyant délaissé par son frère et
par les Égyptiens que divisait la guer-
re civile, et n'ayant aucun moyen de
résister, prit la résolution de renon-
cera la vie plutôt que d'abandonner
volontairement ses états ; il s'em-
poisonna.C'est ainsi que les Romains
devinrent les maîtres de l'ile de Cy-
pre. Caton n'y arriva qu'après la
mort de Ptolémée; il rassembla tou-
tes les richesses de ce prince , qui
étaient considérables, et lesenvoyaà
Rome. Pour les Cypricns,ils comp-
taient être déclarés libres et recontuis
comme amis et alliés des Romains, et
ils avaient vu avec plaisir la chute de
leur roij mais ils furent trompés
dans leurs espérances : Caton fit de
leur île une province, qu'il annexa
au gouvernement de Cilicie.S. M-n.
PTOLÉMÉE surnommé Alori-
tès, roi de Macédoine, fils naturel
d'Amyntas III , devait son surnom
à'Aloritès à une peuplade macédo-
nienne , chez laquelle il fut sans
doute élevé, ou à laquelle il appar-
tenait peut-ctre par sa mère. Il jouit,
à ce qu'il paraît, d'une grande consi-
dération dans la Macédoine sous le
règne de son père , dont il avait
épousé une fille légitime appelé Eu-
ryone. La reine Eurydice , femme
d'Amyntas , fut tellement éprise de
ce prince , son beau-fils , qu'elle our-
dit une trame pour faire péiir son
mari et placer sur le trône Ptolémée,
avec lequel elle eût partagé la puis-
sance. Sa fille Euryone dévoila le
complot à Amyntas. Après la mort
de ce prince, Ptolémée fit de nou-
velles tentatives poiirs'emparcr delà
couronne, et fut encore soutenu pai
la reine Eurydice. De concert avec
PTO
259
un grand nombre de seigneurs ma-
cédoniens, il se révolta contre Alexan-
dre II , fils d'Amyntas. Celui-ci de-
manda du secours aux Thc'bains ,
qui envoyèrent Pélopidas en Macé-
doine , afin de terminer ce diifé-
rend. A peine fut - il apaise, et
l'armée thébaine retirée , qu'A-
lexandre périt assassiné , en l'an
37 1 avant J.C. Son frère Per-
diccas lui succéda sous la tutelle
de sa mère Eurydice; mais la cou-
ronne lui fut disputée par Pausa-
nias , prince du sang royal , et par
Ptolémée Aloritès. Pausanias fut
battu et chassé par Iphicrale , gé-
néral athénien , dont la reine avait
implosé l'assistance. Bientôt après
Perdiccas fut obligé de soutenir I.i
guerre contre Ptolémée, qui parvint
à se faire reconnaître dans toute la
Macédoine, dont il fut loi pendant
trois ans environ ( 371-368 ). Per-
diccas ne conserva qu'une très-petite
portion du royaume. Vainement il
demandait du secours aux Athéniens
et aux Thébains : ces peuples étaient
trop occupés pour songer à le défen-
dre. Cependant, en l'an 368, Pélopi-
das vint en Macédoine sans ordre
de sa république, suivi d'iui corps
de volontaires. Sa présence suffit
pour rétablir Perdiccas sur son trô-
ne. Ce général était si redouté , quo
Ptolémée n'osa lui résister , et qu'il
remit à sa discrétion le jugement
des différends qu'il avait avec sou
frère. Pélopidas déclara que la cou-
ronne appartenait à Perdiccas ; et
Ptolémée se soumit à cette décision.
Cependant, comme le héros thébain
craignait qu'il ne s'élevât de nou-
veaux troubles après son départ, il
emmena en otage à Thèbes , le
frère de Perdiccas, Philippe, qui
fut père d'Alexandre, et Philoxène ,
fils de Ptolémée. La pais fut ainsi
17..
'i6o
PTO
rétablie «Lins la Miire.loinc. Depuis
celte ('poqiic. il n'est plus (|ucslioii.
«lans riiistoiic, tic FlolLinee Aloi ilL's.
S. M— I».
PTOLÉMÉK , surnomme Céraii-
nus^ on \^' Foudre, roi de ÎM.icédoi-
ne , cUit le (ils aine de l'iolciuce
Sotcr . premier roi d'É|;vple de la
race des Lapides, et d'hurydice ,
lille d'Antip.iter, Irrité de ce que ,
mal<^rcles .ivis dcDruictrins de IMia-
Ure , son père lui avait préfère les en-
fants qu'il avait eus de Bérénice, ce
prince abandonna rÉj;i;ypte où il
ne voulait pas cire snjet, et se relira
aupri?s de Lv>imaque, dont le fils
aîné Aj;athoclc av.iit epuiisé «a sœur
Lvsandra , nc« comme lui d'Kurydi-
cc. Il parailque Ly>andr i parlapciit
le ressiiitiiiM ni dont son friio était
anime contre Ptoicmee Soter et les
enfant* de Bérénice. Aussi la fille de
cette pi inresse, Ar.'inoé, qui était
en même temps sœur et belle -mère
de Lvsandra , à caïuede son maria-
ge avec Lvsimaqiie , père d'A^alho-
cle , con^ul-elle de vives inquirlu-
des de l'arrivée de Céraunus. Elle
craignait pour les (Dfantsciu'cllc avait
eus de Ly^imaque , si jim.iis ils de-
vaient cire dans la dépendance (!u
mari de Lysaiidra. Elle tenta donc
de faire empoisonner Apaibocle : ce
crime n'avant pas réussi, elle ac-
cusa le prince qu'elle voulait per-
dre , d'avoir voulu atUnlcr aux jours
de son père; el Lvsimaque, trompé,
fit périr son fils innocenl. Alors sa
femme Lysandra quitta la Tlirace ,
avec SCS frères Ptoléiuce Céraiinus et
Méléagre, ses eufants, et Alexandre,
(ils de Lysimaque et d'une femme
Odrysicnne. Ilsallcrcnt tous à Baby-
lone, auprès de Selencus Nicator ,
roi de Syrie. Ce prince les reçut avec
honneur, et promit à Céranuus de
le rétablir sur le trône d'Egypte ,
PTO
mais seulement aprèi la mort de
^on père, avec lequel il ct.iil lie
|>.ir un traité. Ces événements (lurent
arriver en l'an uH/j av. J.-C Ptolé-
mée Philadelplie , informe de l'ac-
cueil que son frère avait éprouvé à la
cour deSvric, et des promesses que
Selencus lui avait faites , voulut se
fortifier par l'alliance de Lysima-
que , qui lui donna en mariage sa fil-
le Arsinoé.CepcmlanlCéraiinus et sa
sœ«- Lvsaniira ne cessaient de pres-
ser Sélcucns de faire In guérie à I^ysi-
maquc. Selencus s'y préparait quand
il fut prévenu par Lysimacjiie, qui-,
informe des intrigues des fugitifs ,
voulut avi)ir l'avance, et j'assa eu
Asie, où il penetrajiisquedans la Pliry-
gie. Les deux rois se lenconîièrent
dans les plaines de Coiiroiipeilium.
(les deux anciens compagnons d'A-
lexandre étaient les .seuls qui vécus-
sent encore , car Ptolémée Sotcr ve-
nait de mourir; l'un avait soixante-
dix -sept ans, et l'autre soixante-
(piatorze. Us combattirent coinniedes
jcunrs gens. Lvsimacjue fut vaincu ,
et resta sur le champ de bataille,
l'an v.Si avant J.-C. Ses ét.ils tom-
bèrent au pouvoir de Selencus ; et
Céiaiiiuis réclama l'exéciilion de \jl
promesse que ce prince lui avait
faite avant la guerre. Mais Selencus,
qui avait déj.i peut-être appris à
connaître le carractère violent , em-
porté cl perfide de Plolén.co , et qui
d'ailleurs ne songeait qu'a prendre
possession des myanines delbrace
et de Macédoine rpi'il venait d'ac-
(piérir par la morl de Lysimaque,
était impatient de revoir .son pays
natal , dont il était devenu souve-
rain : il opposa des réponses évasi-
ves aux sollieilations de Céraiimis ,
alléguant que lui et Plolémec Sotep
s'ctaiciit réciproquement jjromis de
ne jamais faire la guerre à leurs en-
PTO
fants. G^rauniis , trompe dans ses es-
pérances, n'atlendit qu'une occasion
pour se veng;er; il la irouva bientôt.
Mal'j^rë le refus de Seleucus, il était
resté dans le camp de ce prince . qui
se préparait à passer dans la Macé-
doine , où il voulait terminer ses
jours. Lorsque Seleucus eut traversé
i'Heilespont et qu'il allait à Lysima-
chie, dans la Cliersoncsc de Thracc,
il fut assassine par Ptolémcc Cérau-
nus , sept mois après la mort de Ly-
siraaquc. Ccraunus se rendit à Lysi-
macliie, ou il prit lediadème; et, sui-
vi d'une nombreuse escorte, il revint
promptement vers l'armée , par la-
quelle il fut salué roi. Lorsqu'Anti-
gonus Gonatas , fils de Démctrius
Poliorcètes , fut informé de la mort
de Seleucus , ce prince , qui régnait
dans la Gi'cce, voulut se mettre en
possession de la Macédoine, où son
père avait régné , et il y fit une inva-
sion. Ptoléméc, qui avait à sa dis-
position toute la flotte de Lysiraa-
<|ue , y parut aussitôt que lui ; il ar-
riva parmerdans la Macédoine. An-
ligonus fut vaincu , et obligé de se re-
tirer dans la Béolie. Céraunus vain-
quit ensuite un fils de Lysimaque y
nommé Ptoléméc et Monunius roi
d'illyrie, qui lui firent la guerre , et
il demeura maître de tout le royau-
me de Macédoine, à l'exceplion de
la ville de Cassandrée , où sa sœnr
Arsinoc, veuve de Lysimaque, s'é-
tait retirée avec ses enfants. Le nom
de son père Ptoléméc Soter , et la
vengeance qu'il avait tirée delà mort
de Lysimaque, avaient concilié à Cé-
raunus l'aU'ection des peuples. Il
voulut aussi obtenir l'amitié des fds
de Lysimaque, en épousant leur mè-
re , qui était sa sœur , et en les adop-
tant pour ses héritiers. Comme il
était déjà en guerre avec Antigonus
Gonatas et avec le roi de Syrie Antio
PTO 261
cluis , dont il avait assassiné le
père , il ne voulait pas avoir au
commencement de son règne un troi-
sième ennemi à combattre : il en-
voya donc une ambassade à sou
frère Ptoléméc Phiiadelplie , pour
lui déclarer qu'il avait oublié tous
ses sujets de ressentiment , et faire
la paix avec lui. Appréhendant
qu'Antiochus , qui depuis peu avait
été battu par Antigonus Gonatas ,
ne se joignît à ce [)rince et à Pyrrhus
afin de lui faire la guerre , il se
porta médiateur entre ces trois
monarques, il contracta lui-même
une alliance avec Pyrrhus , et lui
donna en mariage sa fille , dont
le nom est inconnu. Coramece prin-
ce guerrier se préparait alors à por-
ter ses armes eu Italie pour soute-
nir les Tarenlins , qui lui avaient
demandé du secours contre les Ro-
mains , Céraunus engagea Anlio-
chus à lui donner de l'argent, tan-
dis qu'Anligonus lui fournissait des
vaisseaux , et que lui - même lui
prêtait , pour deux ans , un corps
auxiliaire de cinq mille hommes
d'infanterie, quatre cents chevaux,
et cinquante éléphants. Céraunus,
n'ayant plus aucune inquiétude sur
la possession du royaume que la
fortune lui avait donné , songea à
se débarrasser des fils de Lysima-
que , qu'il n'avait épargnés jusque là
que par politique. Nous avons ra-
conté ailleurs ( Foj. page 208 ci-
de.ssus ) avec quel rallinement de
cruauté et de perfidie , Céraunus
exécuta ce crime odieux, et com-
ment sa sœur Arsinoé , après le meur-
Ire de ses enfants qui avaient été im-
molés entre ses bras, se réfugia dans
l'île de Samothrace , sous la sauve-
garde des dieux qui y étaient xévé-
rés. Tous ces attentats ne restèrent
pas long -temps impunis (Justin,
a6i
PTO
lib. XXIV , c. 3 ) ; cl les Gaulois fu-
rent les Tcnç;eursde tant de crimes.
Ces peuples répandaient alors la ter-
reur dans l'Europe et dans l'Asie,
qu'ils menaçaicut d'une conquèle
prociiaine. Leur nation surcliarf;ée
d'une trbp nombreuse population
avait voue aux dieux un printemps
sacré; et un essaim de jeunes guer-
riers avaient altandoniie leur patrie
pour chercher de nouvelles demeu-
res. Divises en deux corps , le> uns
ravageaient l'Italie, tandis que les
autres s'étaient portés dans l'illvrie ,
dont ils soumirent les peuples. Ils
se pix'parcrent alors à pousser plus
loin leurs exploits. Ils désoUrent la
Grèce, la Macédoine et la Thracc
p.ir leurs fréquentes invasions. La
terreur qu'inspirait le nom Gaulois ,
était si grande, ijue les rois mêmes
qu'ils n'avaient point altacpiés, s'em-
pressaient d'acheter la paix h prix
d'argent. Ils ne tarilérent ])as à
passer en Asie, où ils ne furent pas
moins redoutal)les;et, j)eniiant près
«l'un siècle, ils soumirent à des tri-
buts , ou épouvantèrent de leurs ar-
mes, les successeurs d'Alexandre,
Ptolémce Céraunus apprit seul s.ins
terreur l'arrivée des (laulois. Soins
rev Macedoniœ, dit Justin , P/o^c-
inœus aih'entum Gallorum intrepi-
dus andUùt. Ces peuples qui avaient
de")! fait plusieurs invasions dans
la iMacédoine , qui étaient toujours
cantonnés sur les frontières du royau-
me , et qui avaient alors pour chef
Beigiiis , envoyèrent demander la
paix et i;n subside à Céraunus. Ce-
lui-ci , pensant que la crainte seule
les portait à faire cette démarche j
traita leurs envoyés avec le plus
grand mépris , et refusa de leur
accorder la paix, à moins qu'ils
ne livrassent leurs armes et qu'ils
ne donn.itscnt leurs clicfs en ola-
PTO
ge. Céraunus refusa même un sc-
conrs de vingt mille hommes que
lui oll'rait le roi des Dardanicus,
prétendant que les enfants des vain-
queurs du monde n'avaient pas be-
soin d'alliés. Les Gaulois ne lardè-
rent pas à lui faire voir combien il
s'était tromj)é : peu de jours après
ils furent en présence des Macédo-
niens ; et Céraunus, vaincu, tomba
percé de coups sur le champ de ba-
taille. La vue de sa tète, placée au
bout d'une lance, acheva la défaite
de son armée, qui fut presque toute
détruite. PtoléméeCéraurnis mourut
en l'an 7.80 avant J. C. , après avoir
occupé, pendant un an et cinq mois,
le tronc de Macédoine : son frère
Méléagre lui succéda ; mais , deux
mois après, il fut chassé par les Ma-
cédoniens , qui furent eu jiroio aux
discordes civiles pendant plusieurs
antjées, tandis que les Gaulois rava-
geaient impunément leur pays.
S. M- >.
PTOLÉMKE.filsde Menncus l'un
des petits souverains qui se partagè-
rontlaSyrieaprès la cliutedcs Seleu-
cides, étaitdynastcdela Chalcidènc.
Cette région , située dans le mont
Liban , comprenait les villes d'Hé-
liupolis et de Chalcis, et s'clendail
à l'orient jusqu'au désert d'Arabie,
environnant, au nord et à l'occident,
le territoire de Damas. Ptolémce pos»
se laitencore la plaine(leM.irsyas,aQ
milieu du Liban , et l'iturée , région
limitrophe de la Judée. Il est proba-
ble qu'il tenait de son père la souve-
raineté de toutes ces contrées. Nous
ignorons à quelle époque il lui stic-
ccda. Il régnait déjà vers l'an 86
avant J.-C. , date probable de la înort
d'Antiochus XII, roi de Syrie. Il
faisait de fréquentes incursions sur
le territoire de Damas : ceux qui gou-
vernaient cette ville , alors sans sou-
PTO
verain, appelèrent Aréthas, roi des
Nabathëens , et le reconnurent pour
leur prince, à la condition qu'il les
défendrait contre les coursea de
Ptolëmëe. Arislohulc , roi des Juifs ,
fils d'Alexaudra , fil l aussi envoyé par
sa mère pour le combattre ; mais il
n'obtint aucun succès dans cette guer-
re. Quelques années après, quand
Pompée, vainqueur de Mithridate ,
vint en Syrie en l'an 6i , Ptolémée
trouva moyen de faire sa paix avec
lui: il évita le sort de son parent Dio-
iiysius , tyran de Tripoli, qui fut ûiis
à mort ; et il conserva ses états en
donnantà Pompéela somme de mille
talents ( environ six raillions ). Dans
la suite , Ptolémée prit le parti de
la famille d'AristobuJe, que Pom-
pée avait dépouillée de la souverai-
neté des Juifs II donna un asyle
dans ses étals aux frères d'Alexan-
dre , fils d'Aristobule, qui, vaincu
et fait prisonnier par le lieutenant
de Gabinius , avait eu la tête tran-
chée à Antiocbe, en l'an 49 avant
J.-G. , par les ordres de Métellus Sci-
pion , partisan de Pompée. Il envoya
aussi à Ascîlon son fils Philippiou ,
pour emmener dans ses états la veu-
ve d'Aristobule , son fils Antigone et
ses filles. Philippion conçut de l'a-
mour pour l'uned'elics, qui s'appelait
Alexandra , et il l'épousa. Ce fut la
cause de sa perte. Ptolémée devint
également épris de cette princesse:
pour la posséder , il fit périr son fils,
et il épousa Alexandra. Plus tard,
de concert avec Mari on , tyran de
Tyr,en ^i avant J.-G., il recondui-
sit dans la Palestine Antigone , dont
il était devenu le beau-frère. Il pa-
raît qu'il mourut bientôt après , lais-
sant ses états à son fils Lysanias ,
qui en fut dépouillé et rais à mort, en
l'an 36 avant J.-G. , par Marc An-
toine. On l'accusait d'avoir embras
PTO
"iCK
se le parti des Partlies lors de l'ex-
pédition faite en Syrie par Pacorus.
Ses états -furent donnés en posses-
sion à Gléopàtre. Il existe quelques
médailles , sur lesquelles ce prince
syrien pren(^ le titre de grand-prê-
tre , comme plusieurs autres dynas-
tes qui régnaient à la même époque.
S. M— N.
PTOLÉMÉE, prêtre égyptien
de la ville de Mendès , avait écrit
une histoire d'Egypte , divisée en
trois livres. Gct ouvrage, cité par
Clément d'Alexandrie, Eusèbe et Ta-
tien , était chronologique, à ce qu'il
paraît ; au moins c'est ee qu'on est
fondé à inférer de ces paroles de
Clément d'Alexandrie : «.'jç èv xotç
y^^oôvotç xvéypx'li-v o'Mîvâ-o'ytoç Uto\ï-
y.7loç. Ces auteurs le citent au sujet
d'Amosis , ancien roi d'Egypte , qui
chassa les pasteurs de son royau-
me, et de la sortie des Israélites de
l'Egypte , événement qui semble
avoir été confondu avec l'expulsion
des pasteurs , par quelques anciens
écrivains. Il y a lieu de croire que
plusieurs dates importantes et fort
exactes , rapportées dans S. Clé-
ment d'Alexandrie , et relatives à
l'bistoire des Égyptiens , viennent
de cet auteur ; celle de l'Exode en
particulier. Nous ignorons à quelle
époque vivait Ptolémée de Mendès.
Le Père de l'Église déjà cité rap-
porte que le célèbre grammairien
Apion avait allégué son témoignage
dans le (piatrième livre de son his-
toire d'Egypte : il est donc probable
qu'il vivait au moins sous le règne
d'Auguste, puisque Apion écrivait
sous Tibère. S. M-n.
PTOLÉMÉE (Claude), ou
K>avr;j'o; nrolép.aïoç , le plus célè-
bre , sans contredit , mais non le
plus véritablement grand astronome
de toute l'antiquité , était , dit - on ,
atJ4 PTO
iiatil de PciliLsc ( > ) ; ii^^^s il est cons-
tant maintenatit ((u'un ne sait pas
exactciiicut le lieu de sa jiaissauce
(a;. II fleurit vers l'.ui lij et jus-
qu'à l'au iSpdc l'ère vulgaire (3).
(O Oc»! p«r rrrrur({ur l'oo ■ auooe a Ptulriurr ,
le f tirnoDi rlr Peluiirla , et qu'on lui a iiv>igD<- jxMir
patrie la villr de Peluse. GrttC erreur, qui est de-
Teiiue griH-raJe . a rie i>roduitr j>«r les prrmirr» tdi-
leur» uu interprrte* ar cet atlrnooiiir , qui travail-
lairut sur drs nngiiMui irabea. Ib ont Dial lu Ir ii<>in
peut-rlrenijl nrit de CUu,L„s . que (...ilalt Ptoli-
mer. On »oil en trie de la nmniiir rdilinu dr «on
AllUJiErstr y Alm-i^ritii'n t l. f't<'lr,,nri l'heludien-
sn AUxantinnt , a^tiointmorum jmndpit . i-tc. Aver
uo mauuMrTit arabe, >irn n't lait plut i'actir que de
•etr-jniprr. |viur |>ru qu'il fût rrril urcli^t-inniruL 11
•uffil de l'abaeDce seul, d'un |>«int diarriliqur |«nur li-
re ^'r^na./jrA , no iu>'t qui Joli lelirr, ri qui se lit
•ffrctirenirnl cbci 1rs Arjl.r» KcU'uitrh. i.r nVst
pa» autre cbuae qur Ir |>mi/>jn rum'in tir CJaudiu».
<Hl peut c<il>«iillrr, j <. ' >u'|el , iiIM: liulrqurM. l'.jut-
•io a placer t U suilr dr aon Mèmoirr lur t'Oplif. c
de Ploie tiee ( yoittnmx iltmoirri d,- Cucntlcm «
dei inicr,f,t„,r,< , X. VI. p. \n-^l ). Les uTUt»,
trompes |>ar celte maoraise lecture, pebaaieBl asarm
romuiiiiicmrut que le inruim de l'rluuoir «Tailrle
doniK j Pt'ilrnire, parre i|u'il aT»il ubsrnre '. Pr-
liue. Il est ronilant ntaiatritaol que j^n^iia ftiJeiur*
n'a fj!! set obsrrrations eu cr liru. Riru ur (iruuTc
abaolumatil que crt astniDome n'a pas ••bserrr qnri-
Îoeluis à t.<iH>p« , auprès d'Alriaiulric , ommc
r |>.-u*r M. l'J.l.r U^duia , dauisa Prrfjtr dr la tra-
docti'iu fr^ifaue dr l'Atmagestr , p. (ji , se f>ndant
aor Ir triu'Mgua|;r d'< 'Irnipiodorr. I^tle niiiuiou ri
celte aulorilr «ut rlr (uniliatlurs |>ar M. i.rtriiuu»
^Jouraml €iei $^vtnli , |8i8, p. lou ri suir. }, qui
C ose que c'rit uni.(tirmri,l ,1 ,im AJrKttflrir uur l'iu-
ne* a fait luut. . ...i». S. M—X.
(») Srl.>o Tli. .ite.GrecdumojeB
içe, autrur d'w ■ a l'ailrcnomif , pu-
biire txr ll-'ulliaii , l'I.,!, m. i t L,,il iir m TTirhaidr ,
dans J 4 ville fri-i-qur u^jmutre Plulciuait d'Ilrnuias,
mrtroiv.le dr irllr provinrr. Il r»t pr'ib'bir quo
TheodureaTait puiw crllr in.licalion djn« qurique
mitrur aujiunriiui prdu , ri il srr.iil|x>a>iblr qu'rllr
bon* rit counailre la véritable patrie dr Ptolnure.
S. M— M.
\i) II est impoaaible de determiorr l'époque de
I» mort de Ptulemer : elle est nécrtsairrineut |ioslr-
rieure à la date de la damirre obterv'tinu astruno-
miqur cuiisi|;r>re dans son Almagestr , qui rst du ■<
pachon de V m 8S8 dr >abouaaaar, rr|>ondaol au
•» rnars i Ji de la 4'. anacc ecT|4iciuie d'Antuiiiii
le Pirui. [1 ,-si om*taut qur Ptoiruire a com)<osê
m* Geu|;raphie après soo Almageste , puisqu'il expri-
me daus cr dcrnirr <)iiTr.«(;e l'iulrntiuo où il • t-it de
•'occuper de cri autre livre: il rst dune probable iiu'il
a vécu riicure asarx lunf^teuipa aprrs l'ejMjque duut
nous vruuus dr parirr. < >ii nr prul iuvoaucr, pour
S'-aoudre celle qurstioo, l'aulonle du canuo dirouo-
iogique de cet ••uti-ur , i|iii m- Irrmiiie par Aiitoinu,
au rr|:oe dutpirl il aM.f i.r iiuc durer dr yingt-tniis
•na, pourcroiie qu'il soitmort aprts crtlr époque,
nui rrimnd J l'au |5(). 1^ fjil .-si tns- passible; luaia
il faudrait nu autre );arant qur ci- lUuon , contione'
par toua 1rs surcrssriirs de Ptulruirc, it prolongé
jusqu'à la prise de Coiut;iDlio<q<lr , sxim qu'on nuiase
indiquer ce qui appartient rrrllement - Plolrmé*
et k chacuB de aes coutiuuatcurs. S> M — ?!•
PIO
Nul u'a clé loué avec plus d'exa-
gcratioii. Daus une Épigraraincgreo-
que, en ipiatre vers, qu'on a mi-
se en ttîte de son ouvrage le j)Ius im-
portant, on lui l'ait dire, en parlant
de liii-incme : « Je sais que je suis
») inorlel , et que ma carrière ne peut
» tîtro de longue dui-ee; mais cpiand
» je parcours , en esprit , les roules
» des astres , mes pieds ne touchent
» plus la terre. Assis près de Jupiter
» mémo, comme les dieux, je me
» nourris de la céleste ambrosie. »
Sci fontemporains et ses commen-
tateurs juignint toujours à son nom
les adjeriii's admirable , étunnant et
même {lU'in. L'école d'Alex. nulrie ,
illustrée par ses travaux , est quali-
fiée, par Synésius , d'école divuie.
Il avait donne à son Traite d'astro-
nomie le litre moileste de Compo-
sition ou Sjnlaxe mathématique.
Ses éditeurs ont cliangé ce titre en
celui de Grande Composition. Enlrc
les mains des traducteurs arahes ,
cette Composition est devenue la
Tres-gratidt (y, M -y i-rn . Almagesti ) ;
cl le nom d'Almagesle lui e.«il demeu-
ré. Il faut avouer que l'tolémée avait
de quoi justifier, jusqu'à un certain
f)uint , cette espère d'idolâtrie. Son
ivre était le seul dans son genre :
tous ceux d'Ilippanpie avaient dis-
paru. On trouvait , dans la Sy nia ce.
une exposition claire du système du
monde, de l'arrangemeiil des corps
célestes et de leurs révolutions ; un
Traité complet de trigonométrie rec-
tilignc et sjihériqiie; tous les phéno-
mènes du mouvement diurne, expli-
qués et calculés avec une précision
Lien lemanpiable , surtout si l'on
considère les longueurs et les em-
barras de l'arithmétique et de la Iri-
gonomélric grecques. On y lisait en-
core la destriplion de tous les instru-
ments nécessaires à un grand obser-
PTO
vatoire, instruments qu'il disait avoir
inventés ou perfectionnes. Il y par-
iait de ces armillcs célèbres au
moyeu desquelles il avait observe
l'obliquité de l'écliptique , les équi-
uoxes et les solstices. L'une de ces
armilles était placée dans le plan du
méridien, et lui servait à dctcrniiiun'
les déclinaisons de tous les astres.
L'autre, placée dans le plan de l'é-
quateur, luiavait donné les équincxes
et la longueur de l'année ; le jour el-
le était en outre un excellent cadran
solaire , et la nuit un cadran sidéral,
non moins utile. Il avait imaj:;iné un
quart de-cercle mobile, qu'il pouvait
tournera volonté vers tous les points
de l'horizon. Avec cet instrument,
il prétendait avoir mesuré un arc du
grand cercle du globe terrestre, sar.s
cire forcé, comme ses prédéccsseur.<,
de se diriger dans le plan du méri-
dien. Il donnait la première descrip-
tion de Téquatorial , ou de la machi-
ne parallactique. Ensuite, pour des
observations plus délicates, il s'était
procuré une espèce de secteur d'un
bien plus grand r;iyon, qui lui per-
mettait de diviser le degré en un
nombrede parties beaucoup |)lus con-
sidérable que ne l'avait fait aucun
des astronomes précédents. A l'exem-
])le d'Hipparque , et sans avoir vu
l'instrument de ce grand astronome,
il s'était construit un astrolabe pour
composer un nouveau catalogue d'é-
toiles , et suivre commodément le
cours du soleil, de la lune et de tou-
tes les planètes. A l'imitation d'Hip-
parque , il s'était également procuré
une dioptre pour comparer les dia-
mètres du soleil et de la lune. Pour
lesrecherchesastrononiiquesde tous
les âges , il avait construit un globe
céleste à pôles mobiles , sur lequel
il avait placé toutes ses étoiles, sui-
vant leurs longitudes et leujrs latitu-
.PTO i65
des. Ce globe tournait autour de deux
pointes diamétralement opposées ,
que l'on pouvait déplacer à volonté,
pour amener les deux pôles de l'é-
quateur à toutes les positions qu'ils
avaient pu successivement occuper ;
ce qui mettait l'astronome en état
de vérifier, sans travail , tous ces le-
vers et couchers mentionnes parles
poètes elles autres écrivains. Un sait
que , dans ces premiers temps , ces
})héuomènes foi niaient le seul calen-
drier qu'on eût pour régler les divers
travaux de l'année et les temps favo
râbles à la navigation. Jusqu'ici nous
n'avons encore vu que le calculateur
exact et l'observateur industrieux.
Pénétrons plus avant: il nous expo-
sera clairement la théorie des mou-
vements inégaux du soleil : il rappor-
tera les temps des équinoxcs et des
solstices ', il nous calculera , de la
manière la plus simple, toutes ces
observations , pour en déduire de
combien le centre de la terre est éloi-
gné du centre de ce cercle dans le-
quel il suppose que le soleil avance
chaque jour d'un mouvement par-
faitement uniforme; il déterminera
les lieux et les temps où le soleil se
trouve ci la plus grande et à la plus
petite distance de la terre; il fixera
la longueurdel'année, et donnera des
tables d'après lesquelles nous pour-
rons, en quelques lignes, calculer,
pour un jour et pour un instant quel-
conque, le lieu que le soleil occupe-
ra dans le ciel , sa hauteur méridien-
ne , et la longueur des ombres d'un
gnomon. Il est vrai que, dans ces cal-
culs, nous pourrons nous tromper
d'un diamètre du soleil; mais il n'en
dit rien : il ne s'en doute ])as lui-mê-
me; et personne n'en avait le moin-
dre soupçon. Si vous passez au livre
de la lune, votre étonnement redou
blera ; car ce qui précède, était d éjà
266
PTO
dans les ouvrages d'Hipparque. Par
les éclipses anciennes , llipparqiic
avait reconnu dans les mouvenienls
de la lune nne ine'j^alilé de cinq de-
grés , qui sullisait pour ces éclip-
ses, mais non pour expliquer tou-
tes les anomalies du cours entier
de la lune. Faute d'observations as-
sez, nombreuses , ou plutôt parce
qu'il aurait voulu représenter éga-
lement bien toutes les observations
qu'il avait faites dans tous les points
de l'orbite lunaire, Hipparque n'avait
pu déterminer les lois d'iuépalilé
tropnombreuses. Ploléiuée.en se bor-
nant à trois positions principales ti-
rées d'Hipparque, imagine nne hv-
potlièse qui les représente parfaite-
nient, au moyen d'une seconde int-ga*
lité de deux degrés et deux tiers, qui
est à son maximum dans les quadra
turcs, c'est-à-dire. dans les premier et
dernier quartiers. Satisfait de ce suc-
res, bien remarquable en elTet, quoi-
que bien facile, il n'examine pas si la
théorie qu'd donne de son heureuse
découverte , n'a pas d'ailleurs quel-
que inconvénient très - grave , qui
le forcerait à chercher une autre
explication d'une inégalité <pie toutes
les recherches postérieures ont con-
lirmée:la parallaxequ'ilendéiuitest
trop forte de deux tiers de degré; il
n'y l.iit aucune attention. Il en ré-
sulterait aussi , pour les instants des
quadratures , un diamètre apparent
dont l'erreur se remarquerait à la
vue simple: il n'aperçoit pas cette
conséquence, ou bien il la dissimule;
et jusqu'à Copernic , aucun astrono-
me n'y prit garde, ou du moins
ne sut y remédier. Plolémée est |»liis
exact et plus géomètre dans le calcul
des éclipses : il est vrai cpie, dans ce
livre, il ne fait que copier Hippar-
que, dont l'ouvrage est perdu; mais
il a la bonne foi de le citer par-
PTO
tout. Lesractbodes qu'il enseigne, qtic
nous connaissons par lui seul et par
fiou commentateur Théon , servirent,
sans amélioration sensible, jusqu'au
temps de Keppler , qui n'y ajouta
(pi'unc chose , mais bien importan-
te, le moven de faire servir les éclip-
ses de soleil à déterminer les dillc-
lences des méridiens entre tous les
lieux où la même éclipse a été obser-
vée. Quant aux étoiles , Ptoleméc
assure positivement qu'il en a re-
commencé toutes les observations
avec un astrolabe semblable à celui
d'Hipparque. D'après une observa-
tion unique , qu'il iiidii|ue sans en
développer les détails, il allirme que,
depuis le temps d'Hipj)arque, toutes
les étoiles se sont avancées de deux
degrés et deux tiers en longitude ; et
il en conclut un mouvement iiiiifor-
nie et général de 36 secondes par
anufe. Hipparque , en comparant
ses propres observations à celles
d'Aristille et de Timocharis , avait
trouvé, pou r ce mouvement, des quan-
tités dilFerentes , depuis /^^^ jusqu'à
58"; parnn milieu , il aurait pu en
conclure que , suivant toutes les
probabilités , ce mouvement devait
être de 5o" , tel qu'il est en elïèt :
mais les observations anciennes
étaient trop grossières pour donner
avec certitude un point aussi déli-
cat. Hipparque se borne donc à dire
que certainement la jirécession uc
saurait être au-dessous de 36". Pto-
lémée , moins circonspect, tranche
la difficulté : il adopte la limite in-
férieure posée par Hipparque ; et
son erreur ne fut découverte que
700 ans plus tanl , par les Arabes ;
parce que, dans l'intervalle, la (ire-
ce n'avait produit aucun (d)serva-
teur. Ptolémée appuie son assertion
téméraire d'une foule de calculs ,
qui ne prouvent réellement que deux
PTO
choses : l'une, qu'il n'entend rien à
celte théorie; et l'autre, que la pre'-
cessiou est rcelleraent de 5o " envi-
ron, et non de 36, comme il le répè-
te à chaque fois qu'il leimine un de
ses mauvais calculs. Aucune de ces
erreurs , aujourd'hui .si évidentes ,
n'avait été remarquée jusqu'ici, par-
ce que personne n'avait pris la pei-
ne de refaire ces calculs suivant des
règles plus exactes : tant était gran-
de la confiance que Ptoléniée avait
inspirée par des calculs plus heureux,
dans lesquels il suivait pas-à-pas la
route frayée par flipparque ; au lieu
que, dans l'incertitude où il était sur
la quantité précise de la précession
en longitude , ce père de Tastrono-
mie n'avait pas cherché à déterminer
bien exacicment les variations qui
devaient en résulter pour les décli-
naisons des diverses étoiles. Dans ce
qui concerne les planètes , Ptoléméc
dut paraître et parut plus admirable
encore , et surtout plus original.
Hipparque n'avait pu l'ecueillir que
des observations trop peu nombreu-
ses et trop grossières : il avait du
moins vu combien cette théorie était
compliquée. Il s'assura qu'il était
impossible de s'y contenter de l'ex-
centrique, qui lui avait suffi pour le
soleil; que cet excentrique ou que
l'épicycle serait insuffisant , s'il était
seul ; il annonça , et c'est Ptolémée
qui nous l'apprend, que l'on n'y pour*
rait réussir sans combiner ensemble
les deux hypothèses : ce moyen avait
déjà fait tous les succès de Ptolémée
dans ses Tables de la Lune : il l'em-
ploya aussi pour les planètes. Hippar-
que avait travaillé pour laisser à ses
successeurs des observations plus
nombreuses , plus exactes et en
meilleur ordre. Pendant plus de
deux cent cinquante ans . aucun as-
tronome ne se présenta pour re-
PTO
'267
cueillir ce précieux he'ritage. Pto-
lémée fut plus hardi ; mais , ce qui
paraît vraiment étrange, il ne fait au-
cun usage de ces observations d'Hip-
parque , dont il vient lui-même de
nous faire sentir toute l'importance.
Pour chaque planète, comme pour
la lune , il se contente de trois ob-
servations, souvent assez grossières,
et parfois très-désavantageuscraent
placées. Il en conclut les lois de deux
inégalités principales : une quatrième
observation , la plus ancienne qu'il
peut rencontrer, lui sert à détermi-
ner le mouvement moyen de la pla-
nète. Pour en représenter plus exac-
tement les inégalités , il imagine de
rapporter ces mouvements à trois
rentres dilTcrents. L'un était le centre
des mouvements apparents et iné-
gaux ; le second, celui des mouve-
ments vrais et uniformes ; le troi-
sième , placé à égale distance entre
les deux autres , était le centre des
distances constantes , c'est-à-dire le
centre du cercle dans la circonféren-
ce duquel l'épicycle de la planète se
mouvait réellement, mais d'un mou-
vement dont il se dissimule l'inéga-
lité; manquant ainsi volontairement
à cet axiome fondamental de l'an-
cienne astronomie, renouvelé depuis
par Copernic , que tous les mouve-
ments devaient se faire dans des cer-
cles , et d'une manière parfaitement
uniforme. Copernic lui en fit un
grave reproche, et trouva moyen de
parer encore à cet inconvénient pré-
tendu. Cette conception , très-singu-
lière , mais très-ingénieuse, de Ptolé
mée , prépara les voies à l'ellipse de
Keppler : elle avait été critiquée très-
vivement par l'arabe Alpétrage, mais
reçue avec admiration par tous les
contemporains , par tous les com-
mentateurs et par tous les astrono-
mes jusqu'à Copernic, qui sut la mo-
268
PTO
dirier,ft Keppicr qui , plus habile,
osa la renverser. Kllc régna dans tou-
tes les écoles, et se répandit partout,
dans l'Asie ronune dans l'Afrique.
On se persuada , pendant i .|00 ans ,
«pic Ploléniec avait déeonvert le se-
cret de la nature. Alnl.onse, roi de
Castille, fui le snd (ini, en adnu-t-
tant , comme tous les autres, la vé-
rité du svstcme , se permit de le dé-
sapprouver, lorsqu'il é\j)rinia le re-
gret que Dieu ne l'eût pas appelé à
Sun conseil à l'instant de la créa-
tion. Les platR'tesollrairnt cependant
les plicnoraènes singuliers des sta-
tions et des rétrogradations ; on les
voyait , presque chaque année , s'ar-
rêter , retourner sur leurs pas . s'.ir-
rêter de nouveau , puis repreridrc
leur marche direrte. Apollonius de
Ferge avait démontré que ces ano-
malies étaient des consé lueiiccs ma-
theriiati(pies , des suppositions anx-
(piellw on était forcé de recourir
j)our calculer leur marche inégale
dans les autres parties de leurs révo-
lutions. Il avait donné, pour déter-
miner ces irrégularités, dc"» théorèmes
qui se trouvent identiipies aux règles
dont nous nous servons encore au-
pturd'liui , quoi<|u'e!lcs ne soient
qu'approximatives , parce que ces
pliénoinènes, dont on a tant fait de
bruit, ont perdu toute leur impor-
tance depuis qu'on en connaît bien
les causes , et surtout depuis qu'on
fait un Usage plus général de ces éphé-
inérides , où les lieux apparents des
planètes sont marqués poiu- tous les
jours do l'année , ce qui dispense de
chercher directement a quels instants
elles sont ou statioiinaires ou rétro-
grades. Plolémée , «jui nous a con-
servé les théorèmes d'Apollonius,
nous dit que l.i détnoiistratinii en
était fort obscure ; et elle devait l'ê-
tre beaucoup si elle l'était plus encore
PTO
(pic ceik» qu'il a mise à la place : mais
on attribua cette obscurité à la difli-
cullé ilu problème; et Ptoléinée eut
encore le mérite d'avoir renfermé la
solution dans des Tables, qui, si elles
ne sont pas d'une grande jirccision ,
en rendent au moins le calcul très-
facile. Une chose bien plus obscure ,
et réellement plus dillicile ])our les
anciens, était la tliéoiie des latitudes
apparentes des |)liiiiètes. Pour les
reprcs( iiter, Plolémée se voit loiTi- de
multiplier les inclinaisons, (pi'il dis-
tribue entre ses exceiitriipies et ses
épicycles ; de rendre ces inclinaisons
variables ,en attachant un des points
de la circonférence à la circonférenre
d'une roulette qui , venant à tourner,
fait hausser ou baisser rexlri'!iiit(Mlii
di.imètreauqiiel elle est atlaihée. De
cette livpothèse si compliquée , Plo-
lémée ne donne aucune preuve : il ne
rapporte à l'ippiii aucune observa-
tion quelconque ; et cependant il a
fallu (pi'il en eut de bien varices , et
en bien grand nombre , pour liAlir
un pared système. Ouïe crut sur ce
point , comme sur tout le reste ; et
r.iveuglcnient dura jusqu'à Keppler,
qui sut donner , de ces pliciiouièiies
ininlelligiMes, une explication sim-
])lc et naturelle, qui ne laisse rien à
désirer : elle avait échappé à la sa-
gacité de Copernic, et Tyclio ne
voulut jamais l'adopter. Telle était
donc la Syntaxe mathématique, mo-
nument précieux encore aii)nurd'liiii,
puisque seul il renferme l'histoire
avérée de la science , et la scien-
ce de ces temps tout entière. Bien
plus : Ptolémée est encore , ou du
moins passe pour être l'auteur d'un
ouvrage extrêmement curieux , inti-
tulé : Planisphère de Ptolémée. Ce-
pendant aucun auteur grec ne lui en
fait honneur : Syncsiiis, admirateur
enthousiaste du dii^in Plolémée , le
PTO
donne au vieil Hipparque ( -xu-u.-
\xio; ) , dont il parle d'ailleurs assez
lëgèrcmeut. Quoi qu'il en soit , cet
ouvrage est un Traite fie la projec-
tion qu'on nomme aujourd'hui sté-
rèogrnphiqite. C'est l'art de repré-
senter sur un plan tous les cercles de
la sphère ; d'observer et de rendre
sensibles aux yeux tous les mouve-
ments diurnes ; de trouver l'heure
sans calcul , soit par le soleil , soit
par les étoiles. Cette théorie , due
entièrement à Hipparque , a e'tc
étendue et simplifiée à quelques
égards par les modernes : mais les
démonstrations d'Hipparquc, égale-
ment rigoureuses , reposent sur un
principe plus élémentaire , qui se
trouve dans les Éléments d'Euclide,
au lieu que les démonstrations mo-
dernes , dont la première idée est de
Commandino, s'appuient sur un théo-
rème tiré des Coniques d'Apollo-
nius. La j)rojcction d'Hipparque est
celle dont nous nous servons encore
pour tracer les mappemondes sur le
plan d'un grand cercle quelconque ,
et par les procédés du premier inven-
teur. Elle sert également pour les
cartes partielles , quelque grande ou
quelque petite qu'en soit l'étendue.
Le texte grec est perdu ; nous ne
possédons que la ir.iduclion latine,
d'après la version arabe de Maslem.
Il est à croire que c'est ce IMasîem qui,
faute de connaître le véritable au-
tour, aura cru pouvoir donner à Pto-
lémée ce que celui-ci n'a jamais fait;
car Synésius , le dernier élève un
peu connu de l'école d'Alexandrie ,
dit positivement que personne , de-
puis Hipparque jusqu'à lui Synésius,
ue s'était occupé de celte théorie ,
sur laquelle Proclus , Pluloponus et
Nicéphore Grégoras, pour ne parler
ici que des Grecs, se sont exercés de-
puis. H est un autre traité , non moins
PTO 269
curieux, intitulé /?e VAnaleinme^
dont le texte est également perdu ;
nous ne le connaissons encore que
par une traduction laline, faite d'a-
près l'arabe. \\ porte le nom de
Ptolémée ; et nous n'avons aucun
motif pour lui en contester la pro-
priété. L'auteur y traite de deux au-
tres projections de la sphère sur \m
plan. L'une est connue aujourd'hui
sous le nom de projection ^nomo-
niqite : les arcs y sont représentés
par leurs tangentes, ou leurs ombres,
comme disent les Arabes. L'autre
s'appelle la projection orthographi-
que , et les arcs y sont représentés
par leurs sinus verses Dans toutes
ses constructions comme dans toutes
ses démonstrations , l'auteurfait uni-
quement usage des sinus , sans jamais
parler des cordes des arcs doubles ,
ou de ces doubles sinus sur lesquels
Hipparqueavait fondétoutesa trigo-
nométrie. Si Plolémée est véritable-
ment auteur de V yJfialeriune , il est
bien singulier que jamais il n'ait eu
l'idée si naturelle de faire entrer
ces sinus dans la trigonométrie ,
dont il aurait ainsi considérablement
simplifié toutes les opérations. Il est
eucoreassezextraordinaire qu'il n'ait
pas même eu l'idée bien nette de ces
tangentes qui jouent un si grand rô-
le dans la projection gnomonique ,
et qu'il ail laissé à Albategnius et
Aboid-Wefa, le mérite , si grand
et pourtant si facile , d'introduire
ces deux espèces de lignes dans les
calculs trigonométriques. Il est éga-
lement remarquable qu' Albategnius ,
qui nous a donné les premières ta-
bles des sinus, n'ait fait aucun usaae
des tangentes m des cotangenîes,dout
cependant il a donné des formules et
même des tables , mais appropriées
aux usages de la gnomonique. Ces
changements importants , les seuls
a7o PTO
au reste que les Arabes aient faits
aux tliëories de Ptolémee , n'ont cté
connus eu Europe que noo ans plus
tard ( y. Peubbacu , J. Mu ller et
JoAcniM ) Le traite de V Analemme
est d'ailleurs un ouvra{;e où se trou-
ve cou.^ignee toute la théorie guomo-
iiique des Grecs. Il renferme des rè-
gles sûres et gconietrifjucs pour tra-
cer les cadrans des heures antiques
et même e'quinoxiales , sur un plan
quelconque. Athènes possède encore
aujourd'hui , à la tour des Vents ,
huit cadrans divers. monuments pré-
cieux de la science des Grecs en cet-
te partie ; et ces cadrans , dont les
figures et les mesures exactes ont cte'
publiées par Stuart, calcules de non-
veau par les méthodes de Ptoicme'e
et par des formules modernes , ont
été reconnus d'une exactitude frap-
pante. On a donc raison de s'ctonner
que Montucla ait décidé si témérai-
rement que la gnomonique des Grecs
était entièrement perdue ; et cette as -
sertion est d'autant plus inconceva-
ble, qu'elle est consigni'edans l'ouvra-
ge même où Montucla nous oflrennc
espèce d'extrait de W-inalemme de
Ptoléniée , dont sans doute il n'a-
vait pis lu mèineles premières lignes.
Un troisième traité, perdu comme
les deux autres, et dont nous n'avons
qu'une mauvaise traduction latine ,
d'après nu manuscrif arabe très-in-
complet, se rapporte plus directe-
ment à l'astronomie , puisqjic Pto-
lémee v donne , de la réfraction as-
tronomique , l'idée la plus complè-
te qu'on .'lit e>ie jusqu'au temps de
Keppler. Il en expose la nature, la
cause et les principaux efTets, sans
entreprendre d'en mesurer la quan-
tité; ce qui n'a été fait qu'imparfai-
tement par Keppler, auquel il man-
quait xm théorème cssenliel , décou-
vert vingt ans plus taid , et dont
PTO
D. Cassini a su profiter, pour faire
beaucoup mieux. L'ouvrage de Pto-
lémee a pour titre 1' Ovlique : il n'a
jamais été publié. La bibliothèque du
Roi en a deux manuscrits ; une biblio-
thèque d'Italie en possède un exem-
plaire plus correct, dont M. Venturi
lious fait espérer la traduction. Ou y
trouve des t.ibics de la refraction de
la lumière, à son entrée dans l'eau
et dans le verre. Ces tables sont
d'une exactitude remarquable ; l'au-
teur de cet article en a déduit , pour
les sinus des inclinaisons des rayons,
les mêmes rapports que Ne\vlon a
déduits de ses expériences , dans
un temps où l'on croy^iit l'ouvrage
de Ptolémee perdu pour toujours
( f'.V lliil. Hcl'astron.anctomc ii,
p. /juc) ). Ce traité d'opti(]ue est lo
seul ouvrage que nous ait laissé l'an-
tiipiité, dans lequel on voie quel-
que trace de physique expérimentale;
car les Grecs, grands discoureurs et
métaphysiciens std)lils, ont presque
toujours dédaigiu" rexpcrienceetrob-
servation. La Géni^niphie de Ptolé-
mee , malgré des erreurs énormes ,
est encore un ouvrage tris-précieux,
parce qu'il est le dépôt le plus vaste
des connaissances de ces temps an-
ciens. Toutes les latitudes y doivent
être fausses, au moins d'un quart de
degré, parce qu'on les déduisait des
ombres d'un gnomon , qui ne donne
que le lieu du bord supérieur du so-
led , et qu'on jirenait ce lieu pow
celui du centre. Celte erreur, incon-
cevable en des mathématiciens ha-
biles , fut remarquée pour la pre-
mière fois j)ar les Arabes. Ptob-mc'e
la commit lui-même sur la latitude
d'Alexandrie, sur celle du lieu où il
prétend avoir fait un si gr/md nom-
bre d'observations, avec des instru-
ments qui n'avaient pas cetlc cause
d'erreur. Les longitudes géographi-
PTO
qrses devaient être bien plus de'fec-
t'ieuscs encore : on n'avait rien de
mieux , pour les déterminer , que les
éclipses de lune , dont les temps ne
sont jamais donne's qu'en heures , en
demies , et tout au plus en quarts
d'heure; en soile que les différences
des méridiens ne peuvent être exac-
tes qu'à quatre, dix ou quinze degre's
])rès, et cela pour les lieux détermi-
ne's directement par des observations
astronomiques : qu'on juge à quoi
l'on peut s'attendre pour les positions,
tirées des précédentes d'après des
itinéraires grossiers. Mais ces derniè-
res erreurs ne peuvent être imputées
à l'astronome qui , n'étant jamais
sorti de sa ville, était réduit à ti-
rer le moins mauvais parti possible
des journaux des voyageurs (4).
On lui reprocherait avec plus de
justice, la mauvaise construction de
ses cartes , fondées sur les princi-
pes les moins géométriques ; ce qui
porterait à croire que, loin d'être
l'auteur du Planisphère qui porte
son nom, il n'avait pas même lu cet
ouvrage, où Hipparque avait posé
les principes et tracé toutes les règles
dont nos géographes se servent en-
core dans la construction de leurs
mappemondes et de toutes leurs car-
tes terrestres. Nous ne parlons pas
ici des cartes qui servent à la navi-
gation , et dont l'invention est toute
moderne. Tous les ouvrages que nous
avons mentionnés, étaient destinés
aux savants et principalement aux
astronomes. En faveur des astrolo-
gues et des calculateurs d'almanachs,
Ptolémée rédigea une édition abrégée
C4) Outre rarticle MARIN de Tyr ,' XXVII , i5i ,
on peut coasuiler aussi , pour voir ce que la gëo-
grapliie doit à Ptole'mes , et ce que Ptolerace doit à
Marin de Tyr, l'ouvrage de M. Gossellin, iutilule;
Giosiaphie des Grecf analysée^ et le 2«. vol. de ses
RechiTehes sur la Géogrofjkie systématique des
PTO 271
et commode de ses tables astronomi-
ques ; et pour la distinguer de la pre-
mière , il l'intitula Tables manuel-
les ( * ). On en trouve un extrait
dans V Histoire de l'astronomie an-
cienne , tome II. Les manuscrits
de la bibliothèque du Roi en of-
frent une explication , qui est sous le
nom de Ptolémée, mais qui paraît
l'ouvrage d'un pédant qui n'aurait
travaillé qu'à se montrer bien savant
en se rendant inintelligible. Théon,
commentateur de Ptolémée, en a
donné une explication beaucoup plus
claire et plus complète , qu'il a mise
à la portée de ceux qui voudraient
employer ces tables à composer leurs
horoscopes , leurs thèmes de na-
tivité, et autres (oïic$ judiciaires. A
cela près , dans tout ce qu'il a écrit
pour les astrologues , Ptolémée n'a
pas mis un seul mot ni de trigono-
métrie , ni d'astronomie ; comme on
lui doit cette justice que le mot d'as-
trologie ne se rencontre pas une
seule fois dans ce qu'il a écrit pour
les astronomes. Il est vrai que le mot
comète n'y paraît pas davantage ;
mais alors les comètes n'étaient pas
du domaine de l'astronomie ; Aris-
tote les avait rangées dans la classe
des météores. Le plus grand ouvrage
de Ptolémée sur l'astrologie judi-
ciaire porte le titre de Tetrabihle ou
Qiiadripartitum. Procl us Diadochus
a commenté le Tetrahible. Sa para-
phrase a été traduite en latin , par
Léon Allatius j et nous en avons,
dans les deux langues , une jolie édi-
tion sortie des presses d'Elzevir, en
i635. C'est un honneur dontla5jn-
tnxe mathématique n'a pas été ju-
gée digne. Nous avons encore de
Ptolémée le Centiloquium , c'est-à-
dire , les Cent maximes ou théurè-
(1 ^«yesla note i] ci-api-is , jfag. ^77 cta78.
17 î PTO
mes astrologiques , recueillis de ses
divers ouvrages. Boulliaii a publie
de Ptolcine'e (^Paris, iGG3), un Trai-
te du jugement et de L'empire de
l'ame y auqut-l il a joint des extraits
d'auteurs grecs, dans lestjucls nous
lisons que Ptoleinee demeura qua-
rante ans dans les Ptères ou ailes du
temple de Canope; qu'il y grava, sur
des colonnes , les rcsultats de tous
ses travaux , avec cette iusrription :
^u Dieu siuweur , Claude Ptolé-
mée ( consacre ) ses éléments et ses
hypothèses mathématiques. Nous
avons, sous ce mên»e litre à' éléments
ci à' hypothèse s , un Ti-iitt fort suc-
cinct, qu'on attribue à Ploleméc, et
qui pourrait être curieux, [ter les rrt-
riantes qu'il contient pour les élé-
ments et même pour les hypollioses ;
mais Plolcuiée , dans re même écrit,
nous dit lui-même qu'd a travadic
pour les artistes qui, en composant
leurs pl.inétaires , clierclicnt moins
les nombres les plus exacts , que les
approximations propres à faciliter
le travail. Nous avons de Ptolémee les
trois livres des Harmoniques , dont
VVallis, dans le tome m de ses Œu-
vres, nous a donné une édition grec-
que et latine, enrichie de notes. Kn-
fin Ptulémée avait composé un Trai-
té des trois dimensions des corps ,
dans lequel il pai la le premier de ces
trois axes rectangulaires , auxquels
la gconaétric moderne rapporte la
pCÂÏtloQ d'uu point quelronipie de
l'espace. Nous avons exposé (idélc-
mcDt, avec franchise et sans aucune
réticence, les titres nondtreux que Pto-
lémée pouvait avoir à ces sentiments
d'à Imiration que , pendant si lon;;-
lemps,il avait inspirés à tous ses lec-
teurs. A la vue de tant d'ouvrages
importants , et uniques , • h.tcun dans
leur genre , en se rappelant les con-
naijsances précieuses que seul il nous
PTO
a transmises, et doDt on le regardait
comme l'unique auteur, il était im-
possible do le considérer autrement
que comnieun \\oiu\ui' prodigieux. Ce
sentiment él.iit tellenieiit enraciné ,
que Keppicr, qui, mieux que personne,
sentait tout ce qu'il y avait à repren-
dre dans les hvpothè^es de l'astro-
uom»' grec, Kepplerobligéde conve-
nir que les observations de Plolemc'e
ne peuvent s'accorder ni avec celles
d'ilipp.irque, ni avec celles des mo-
dernes, aime mieux supposer (pi'il
est arrivé des perturliations considé-
rables dans les mouvements célestes,
qued'admettrequ'unsi gr.ind homme
ait pu se tromper, ou voulu nous
induire en erreur. Mais, en historien
lidèle,dnous est impossible de dissi-
niider les reproches que, depuis plus
de cent ans , ne cessent d'adresser à
Ptolémee des savants nu peu moins
prévenus en sa faveur. Halley , dans
les Transactions philosoplii(jues ,
u". "io^ , p. ÎM^, reproche .i Alba-
tcgnius la préférence «pi'il a doiuiée
aux observations de Ptolémee sur
celles d'Ilipparque, quoiqu'il n'y nk
aucune comparaison à faire de l'un
à ViUitre du côté de lliahileté , de
l'industrie , pour ne pas dire de la
bonne- fui. Les équinoxes de Ptolé-
mee ne peuvent se concilier a\>ec
ceux d'aucun astronome : il faut
les abandonner comme sih>pom:s et
A<*.v ou.sLnyks. Ailleurs il l'accuse
d'avoir déguisé des fautes qui lui
étaient bien connues , et celé des
observations qui auraient dévoilé
l'erreur de se^ tables. Lemonuicr ,
dans le Discours préliminaire de ses
Institutions astronomiques, regrette
que Ptolémee ne se soit pas borné à
donner une histoire générale de
V astronomie ; car s'il eut discuté
et recueilli fidèlement tout ce qui
pouvait servir à constater les élé-
PTO
illents (les orbites .,11 est certain que
V astronomie serait plus avancée
quelle ne l'est aujourd'hui : mais
il a moins songé à rendre sa Sjji-
taxe utile aux astronomes , quà la
mettre à la portée du commun des
hommes; et comme le vraimojen
de perpétuer ces sortes d'ouvrages ,
est d'unéantir toutes les observa-
tions qui peuvent y être contenues ,
il est arrivé quà l'exception de
celles qu'il fut obligé d'employer à
la construction de ses Tables^ les au-
tres observations astronomiques ont
été perdues ^le seulAlmageste s' étant
alors répandu , et la lecture des an-
ciens auteurs , qui étaient d'un plus
difficile accès , ayant été presque
entièrement négligée. Lalaude dit
( Astroii. 344 ) •■ On est persuadé
que Ptolémée n était pas observa-
teur ^ qu'il a tiré d'/lipparque et
des auteurs qui Vont précédé , tout
ce qu'il y a de bon dans ses ouvra-
ges; et là-dessus il renvoie aux Me'-
ijioircs de l'académie, 1757, p. 4'^o ;
à Boulliau , p. \5i; aux Elémcuts
dcCassini, p. igG et 467. Ailleurs
il dit que tous ceux qui ont voulu
aprofondir un point quelconque
d'astronomie , ont toujours été for-
cés d'abandonner Ptolémée , sur
tous les points dont ils avaient fait
une étude particulière. Tout rccem-
nieut, dans une Histoire de l'As-
trououiie ancienne, l'auteur de cet
article a consacre un volume entier
à discuter la doctrine de Ptoléme'e :
il a refait ses calculs sans en cKceptcr
un seulj et partout il a e'té conduit
à penser comme Halley , Lemonnier
et Lalandc. Ce qu'il y a de bon et
d'irrépréliensible dans la Syntaxe
mathématique , c'est la trigonomé-
trie, c'est la partie piircneut sphe'ri-
qiie , et la théorie mathématique des
éclipses. Dans toutes ces parties, Pto-
XXXVI.
PTO 273
Ic'raée n*a fait que copier Hipparquc,
qui avait résolu tous ces problèmes
avant lui. Tl suit les mêmes métho-
des , il calcule tous ses exemples
pour le parallèle de Pihodes, où de-
meurait Hipparquc; il n'en donne
aucun pour le parallèle d'Alexandrie,
qu'il habitait lui-même , et qui est de
cinq degrés plus austral. D'où vien-
drait unchoixsiexlraordinaire, s'il ne
copiait des exemples tout calculés
pour s'épaigïier la pciue et les inrer-
titudes d'un nouveau calcul ? Ce n'est
pas qu'il ne sache calculer très-cor-
rectement : on en juge par tout ce
qu'il a fait pour les planètes. Si l'on
n'y remarque ni un homme fort
adroit , ni un génie bien inventif, on
reconnaît au moins mi homme don t la
marche est sure ; on ne trouve à cela
d'autre exception que ce qu'il a fait
pour déterminer la précession , ou
du moins pour lâcher de démontrer
qu'elle n'était que de 36", Dans tou-
tes ses autres oj)ératioi)s PtoleThécse
montre exact, quoique toujours pro-
lixe et verbeux. Ses calculs pour la
lune présentent un tel accord , <|ue
tous les astroiioracs sont persuadés
qu'il a modifié les observations pour
les faire cadrer avec sa théorie. Cet
accord sisouteuiin'est pas celui qu'on
peut espérer d'un bon calcul com-
paré à une bonue observation : c'est
celui qui existe nécessairement en-
tredeux bons calcids faits sur les mê-
mes tables. Ptolémée se vante d'a-
voir imaginé plusieurs instruments :
il assure qu'il s'en est servi pour at-
teindre à plus d'exactitude; mais i!
ne rapporte aucune de ses observa -
tions. Il nous laisse ignorer en com-
bien de parties il avait divisé le de-
gré. H ne donne le rayon ni de ses
armilles, ni de son quart - â" - cer-
cle , ni même de son astrolabe. Il
donne , à la vérilc , celui de son
18
2;/, PTO
sccleiir. qu'il nomme ses règld\ pa-
rallactiqius , sans ricii dire des c!i-
Yi^ioIl^ de la troisième règle , qui te-
nait lien de limbe. Deux fois ^culc-
mciit il paraîtrait s'être servi de ce
dtrnicr instrument |>our connaître la
parallaxe de la lune; il adonc nè;;lit;c'
de rcm|iloyer à la mesuie de l'obli-
quité, el à la vc'ri(îcati()n de la hau-
tfur lu pôle, siir laqutlicil se trom-
pait d'un quart de df<;ré : il ne pou-
vait cependant pas ignorer que ces
deux quantités entrent comme don-
nées dans le calcul que l'on compare
à rt>b>ervation pour eu conclure la
parallaxe. Avec ces éléments vicieux,
il arrive, en ell'et.àune parallaxedont
l'erreur excède deux tiers de degré.
La diopirc était percée d'un Iiou suf-
fisant pour laisser voir la lune tout
entière. Il ne dit pas si c'est Ip lune
i «érigée ou apogée. Mais le diamètre
le la lune a des %'ariitions propor-
tionnelles à celles des paralla\rs.
Ploléfnér fait varier la parallaxe de-
puis 53' 34" . jusqu'à io4'. L'iie ou-
verture de 54 parties , quiaurait sulli
pour enfermer la lune apogée, aiiiait
été biiii insuiUsautf pour te diamètre
périgée, qui en eiit « xigé 104. Une
ouverture de io4 partie» aurait ren-
fermé la lune en tout temps; mais
dans l'apogée la lune n'eut cou\ert
que 5 i de ces parties : elle n'eût
Suère rimpli que la moitiédu cliamp
c la diuptre. Dans le fait , les difiif-
renccs sont bien ioin d'être si consi-
dérables : une ouverture de V)\ par-
lies aurait sufti pour contenir la
lune eu tout temps : la lune apogée
eût couvert f)3 de ces parties. Com-
ment Ptulémée n'a-t il pas aperçu
que les variations du diamètre , et
par conséquent celles de la parallaxe,
étaient beaucoup moindres que ne
l'exigeait son hypotiiè'e. Voilà ce
qiii serait incomprc'hcnsiblc , et voilà
FTO
j'ourquoi Halley l'accuse d'avoir ct'lé
des fautes qui lui étaient bien cun-
7iues, et qui auraient dévoilé l'erreur
de ses tables. Ptolémée a ose' nous
donner ses fausses parallaxes, qui ne
peuvent être sensibles ipie pour celui
oui calcule : nu le p.u t il n'évalue
les diamèdes apparenls de l.i lune,
dont les eireuis seraient seii>ibles à
la vue, et sans aucun instruiiient.
Nulle part il n'emploie les diamètres;
partout il suppose qu'on a observe
le Centre de la lune , ce qui est tou-
jours plus ou moins dilVicile et
inexact. Ce sont ces mauvaises pa-
rallaxes, jointes a beaucoup d'autres
remarques , qui ont fait din- (juc
jamais Ptolémée n'avait rien observé;
que les observations qu'il rapporte
ne sont que des calculs faits sur ses
tables , et qu'il emploie comme des
observations réelles pour remonter
aux éléments qui les lui ont fournies.
Il est évident qu'il n'a fait que copier
les labiés solaiie^ d'Hipp.ir.|Uf ; il
cmprunle de cet astronome la lon-
gueur de raniiéc , et par coiisécpienl
le mouvement moyen : il a trouvé,
dit -il, comme Iiipparf[ue, (}\]. 11
h. , et 9a j. I i 11. pour les intervalles.
entre le scislicc d'été et les deux eqiii-
noxes voisin«. Aurnni' des trois ob-
servations n'est sûre a plusieuis lu ti-
res près : comment s» rait - il possi-
ble qu'à -itio ans (le disianc*', dans
des climats divers , avec des insliu-
menis dilï'cTents , (Ïlux a<;tronoinfS
se fussent trompés précisément des
mêmes qu^^iittés? Avec ces données
identiques, Ptolémée doit nécessaire-
ment retro'iveret trouve en cU'et des
éléments jtarfailenient les mêiiies , la
même excentricité et le même lieu
pourl'apogée. C'est sur ces tab'esqu'il
a calcule ces faux cquinoxes qu'il
•prétend avoir observés; el os tables
ont dû en effet lui rendre les deux
I
PTO
înttrvallcs observes par Hipparque.
il n'est pas moins évident qu'il s'est
craparé du Catalogue d'c'toilcs l'orme'
par Hipparque, et qu'il a gâté ce Ca-
talogue , en ajoutant à toutes les lon-
gitudes , '2° l^o' , au lieu de 3^^ 4^'
qu'il aurait dû ajouter. 11 a pris à
Hipparque l'équation principale do la
lune , et l'inclinaison de l'orbite : il
pst à croire qu'après avoir calculé ses
Tables des planètes d'après les id^'es
et les observations d'Hipparque, il a
cilculé sur ces tables trois longitudes
géoceniriques pour chacune des pla-
nètes , et qu'il s'en est servi pour
retrouver les éléments arrêtés d'a-
vance. Mais comme il n'avait pu
satisfaire également à toutes les ob-
servations d'Hipparque , tant à cause
des erreurs de la thco:ic qu'à cause
des erreurs des observations , il a
gardé le plus profond silence sur les
observations originales , qui par-là
sont perdues pour toujours. Tous
les astronomes qui dressent aujour-
d'hui des tables , ont soin de les
comparer à un grand nombre d'ob-
servations ; ils se font un devoir d'en
signaler eux-mêmes les erreurs. Pto-
léraée s'est dispensé de ce soin : il
n'a doimé que les t'.ois observations
qui, à l'en croire , lui avaient fourni
ces éléments. Personne n'a fait ces
calculs , sans doute parce que les
écrits d'Hipparque étaient très-peu
répandus. Pendant six ou sept cents
ans, les tables de Ptolémée ont servi
à la composition desalmanachs : el-
les étaient suffisamment bonnes pour
ces usages ; elles n'étaient que trop
tonnes pour les opérations de l'as-
trologie judiciaire. Pendant tout cet
intervalle, la confiance n'a pu être
ôltérée , la réputation del'auteur s'est
soutenue. Mais dès que les Arabes
eurent commencé à faire des obser-
vations réelles , ou sentit le besoin
PTO «75
de nouvelles, tables. Nombn; d'as-
tronomes en composèrent à l'envi de
moins mauvaises , et qui étaient en-
core très-imparfaites , parce qu'en
changeant les nombres de Ptolérae'e
on a\ait conservé toutes ses théories.
Kepplcr les changea ; Newton apprit
à ses successeurs à calculer les effets
des attractions avec plus d'exacti-
tude qu'il n'avait pu les déterminer
lui-même : c'est depuis ce temps que
les tables ont pu rivaliser d'exacti-
tude avec les boiuics observations ;
mais depuis ce temps aussi, nous
ne voyons pas qu'aucun astrono-
me fasse Je moindre usage des pré-
tendues ol)servations de Ptolémée.
Si véritablement il eût exécuté ce
qu'il annonce, s'il nous eût trans-
mis fidèlement un certain nombre
des observations qu'il avait recueil-
lies, il serait encore possible d'ea
tirer un parti quelconque pour cer-
tains éléments qu'on ne peut con-
naître qu'avec des intervalles de plu-
sieurs siècles , tels que les mouve-
ments moyens des longitudes , des
aphélies et des nœuds, la diniimition
séculaire de l'obliquité , et des incli-
naisons planétaires. Après tout, nous
lui avons encore de très -grandes
obligations. 1\ n'est pas très-sûr qu'il
ait tout exprès fait disparaître les
observations d'Hipparque : elles ont
pu se perdre par la négligence
des admirateurs exclusifs de Ptolé-
mée; il est bien plus certain que, sans
la Sjntaxe mathématique , nous se-
rions bien moins avancés : probable-
ment nous n'aurions eu ni Kepplcr ,
ni par conséquent Newton. Ptolémée
n'a pas été un grand astronome,
puisqu'il n'a rien observé, ou que
du moins il ne nous a transmis au-
cune observation à laquelle on puisse
accorder la moindre confiance: il n'a
travaillé que pour sa propre gloire,
i8..
2^6 PTO
et pour le commun des hommes ,
comme r.i dit Lemoniiior. Mais il
fut un savant l,iboricu\ , ni» malhc-
maticieii distingue ; il a rassemble
en un corps de doctrine ce qui était
disscmincdans les traites particuliers
de ses prédécesseurs. II n'a donne à
sou çrand ouvrage que le si m pic litre
de ^jntaxe, »pii n'annonce tpie le
projet de réunir et de coordonner
des choses connues ; il se montre ius-
iruit de tout ce qui a ctc fait aAant
lui ; il se montre professeur habile ,
quoique souvent prolixe ; il s'arrête
à de'montrer lon|;ucment des théo-
rèmes peu ou point utilûs ; il nous
traîne péniblement dans fous les dé-
tours de SCS calculs numériques. Il
aurait pu être plus sobre tie détads
et d'exemples, et N'étendre davan-
tage sur les observaiious et sur nom-
bre de renseignements qui sont à
jamais perdus. Voilà les reproches
qu'jl a mérités , et les éloges qui lui
sont du5. Quant à ce qui le concerne
personnellement ,et à l'Iiisloire de sa
vie , nous n'en ci>nnaissons aucune
particularité. Quehpies écrivains pré-
tendmt qu'il était de la rare royale
des Ptoléinées, et que, peu ambitieux,
et d'un caractère trancpiiilc, il avait
borne ses désirs a se faire un nom
dans les sciences ; qu'il avait vécu
dans la plus profonde solitude, dans
les plcres d'un tenipîe. Tous ces ré-
cits paraissent apocryphes ; mais
que nous importe? il a fait la Sjn-
taie mathématique ; on lui doit ou
on lui attribue le Planisphère ;V Ana-
lemme , V Optique ; il a composé sa
Géographie: ces titres sont assez im-
portants pour que son nom ne tom-
Le jamais dans l'oubli. Il vivra, ne
fût-ce que par le système qui porte
ce nom, quoiqu'il ne fût j)as son ou-
vrage, mais le système de tous les
astronomes ses pKfdécesscur.s. Pto-
PTO
léméo n'a s»i trouver ancune raisoit
plausible pour l'appuyer : il n'a pu
opposer aucune objection raisonna-
ble au système contraire. Il se met
à son aise eu se bornant à dire
que ce système (du mouvement de la
terre )est trop ridicidc pour mériter
un examen sérieux. Ainsi, (piand on
dit encore aujourd'hui le Sj sterne
de Ptolèmte , il faut entendre tout
simplement le système <p»'il a sup-
posé dans tous ses écrits. Ces écrits
ont eu pour la plupart de nombreu-
ses éditions. En >oici les principales:
I. Alma^estum Cl. Ptulemœi Phc'
ludirnsis Alerandrini , astronomo-
rum principis , opus iii^ens ac no-
bile , omnes cœlorum motus conti-
nens. Felicibus astri.s eat in lurent
duciu Petn Liechtenstein Colonien-
sis Gcrmani , anno vir<^inci partûs
i5i5, die decimd ja. Fenetiis ,
ex olficind ejusdem litterand ,
cum pri\'ilegio. Cette édition , en <a-
ractères gothiques, a conserve beau-
coup (le mots arabes, termes tech-
niques dont le traducteur ignorait
sans doute les équivalents latins,
Uipparque y est partout nomme
Aliraclus. — Ptolemœi Almap^es-
tum , ei versione latind Geor^ii
Trapezuntii , Venise, i5'-i5, infol.
La lande nous prévient qu'il n'a ja-
mais pu voir celte édition, non plus
que celle de Paris, ifJîiO, in-H". —
Ptolemu'i Almap^estum , editum à
Lucd Gaurico, Paris, i jv.^, Lalandc
ne l'a jamais vue. — Le même, Venise,
iSiB , in-fol. , opus plane divinum.
— Ptolemœi malhematicœ cons-
tructionis libri edente Heinholdo ,
Paris , 1 5Go , in-S». — Ptolemœi
regulœ arlis mathematicœ , avec
des notes de Reinhold, lOfjç^, in-S".
— K'f.xjoioj MrrAîuéio-j etc., édition
grecque avec le commentaire de
Théon, Bile, 1 538, in-fol. — Idem:
PTO
Liber primits grœcè cum versione
Rcinholdi ^ Witteinl)cig, i54<). —
Idem, cdilioii grecque et tVaiiçaisc
de M. Halma, Paris, i8i3-i5, a vol.
iii-4''. H- Ptolemœi opéra omnia y
pneter Geographiam latine versa
( On n'y trouve ni le Planisphère ,
ni l'Analemme ), Hùlc , i54i. L'ë-
ditionde Sch rekenfuchs est de 1 55 1 ,
Bàlc , in-fol. ^ f^OJ. MoNTIGNOT ).
III. Ptolemœus de Analemmate ,
cum Frederici Commandini com-
mentario , Rome , i5f)'2 , in-4*'. J
ibid. , 1573, in - 4". IV. Ptolemœi
Flanisphceriuni , sphœrœ atque os-
troruni cœlestiiwi ratio , nutura et
motus. Baie, i53G , in-4^. ; Veni-
se, i558,in-4°. V, Liber Quadri-
partiti Ptolemœi... Ejusdem centi-
loquium , Venise , 1 484 , in 4"* J
Venise, 1 49^ , in-fol. — Centum
sententiœ , Venise, iSiq, in-4''.
— Centum aphorismi , Cologne ,
I 544' in-8".Vl. Ptolemœus deprœ-
dictionibus astronomicis seu qua-
dripartitiim grœcè et Ictinè , Bàle ,
i533 , in-8". — Quadripartitum
et Centiloquium , Prague, 1610 ,
m- 12. Vil. Ptolemœus de Ji/pothe-
sibus planetarum , Procli sjdtœra ,
Londres , iG.>.o , in-4°. VITI.Pfo-
leinœi liber de apparentiis inerran-
t/«;7i, cd. Pélau, Paris, i63o, in-fol.
IX. Ptolemœi de judicandi facul-
tate et anim.i principatu inscrip-
tio Canohi in Serapidis templo , Pa-
ris , i(363, in- ^°. X. Geographia,
Vicence , i475, in-fol., en latin,
sans cartes (5); Amsterdam , 1618,
in fol. avec les cartes de Mcrrator ;
Lyon , 1 535 ; Bâle , 1 54 1 • L^ édition
(5) C'est l'édition ))riiicc|if. Celle de Bologne , ini-
priiucc chez Uuniioi<|iie île raiiig , sous la fausse
d;ilc de 1^62 , parnit élie de i4<)i- C'est le senti-
nieut de M. liriiiiet. y oyez [lussi les Osservaziuui
ifitla ciiizione deUa Oeot^rujia tii J'olumco fatia in
Jiuliijiiia colla tlataileliffGf; eiposle du liailolomco
Cantba, liassauu, i79G,iu-4''. de 5o pajj.
PTO 277
jiurement grecque de Baie, i533,
petit in-4'\, porte le titre dont voici
la traduction : Les huit livres de la
géographie de Claude Ptolémée
d' Alexandrie , philosophe des 'plus
savans , imprimés avec toute l'exac-
titude possible ( Voy. , pour plus de
détail , les articles Bertius , Buc-
KINCK , BRONCnOUST, MaRCO BeNE-
VENTANO , Mercator , Raidel et
Servet ). XI. Les Harmoniques eu
trois livres , ont été imprimes à part ,
en 1682 , in-4**. , grec-latin. On les
trouve au tome m des œuvres de
Wallis, en grec et en latin , avec des
notes, Oxford , 1699. Kepplor vit
avec ravissement que le livre m
tout entier est employé à la con-
templation de riiarmonic des corps
célestes. Keppler croit avoir surpassé
son modèle : c'est en cflet dans ses
harmoniques , qu'il a donne sa fa-
meuse règle des carrés des révolu-
tions, et des cubes des distances (G).
D— L— E.'
(G) Cet article serait iiiconi|ilet si nous ue parlions
p ts uu Ciinon c/intnoLfi^it/ue des rois , dout l'utilité'
pour la clirunolo^ie est counue et l)ien iippri'riée de
totisceux t|ui se sont occupés de Tbistoiro ancienne.
Ce cauon luit partie d'un recueil intitulé TfpOyStpOt
ZatVOVîÇ» c'est-à-dire TaliUi iimnuelles , conijMjsé
par l'tolcincc, et coiuineulé par Théon d'Alexan-
drie, et par plusieurs autres astronomes. Ces tabltîs,
destinées à lacUiter les calculs ou les combinaisons
ustronomiques, et ([ui ne sont fort souvent que des
extraits de l'Almagcstc, étaient restées inédites jus-
ipi"i nos jours. Il n'en est p.is de même du Canon
ihronolojtii/ite : depuis loii);-lemps . il avait été ex-
trait des manuscrits de Ptolcinee, et jniblie plusieurs
lois. Le Syncelle ravaitdej.'i inséré dans sa Cliinno-
f^iiiuhie; il fut tire par Scaliger, de cet ouvraf;e en-
core iuedit, et inséré par lui dans son édition des
fragments grecs de la Chronique d'Iiuscbe , et daiib
ses autres ouvrages chi-onologiqucs. Petau l'en tir.»
de nouveau, et le reproduisit dans son grand ou-
vrage , avec toutes les Tantes qui y avaient été intro-
duites par Je Syncelle etjiar Scaligcr. Calvisius, qui
en avait reçu d'Angleterre une copie prise dans un
lu.inuscrit de Ptolémée , le plaça dans les deux édi-
tions de sa Chronologie, qu'il donna en itiiS et
itiao. Dans le même temps , lesavautmathématicieii
Ijaiubridge en donnait une édition plus correcte , :»
la suite du traité de la Sjibèie de Proclus, Lon-
dres , iC<îo; on en eut encore une autre quelques
années après, et ou la dut au P. Petau, qin , eu
itiiZ , inséra ce précieux fragment de chronologie,
dans son /{i(t(0H«nuni tcmporuin. linHu, en ((JS^ ,
278 PTO
PTOLOMÉE. r«>^. Ptolemke et
TOLOMEI.
PUBlTiK.\ (François), liisto-
rioii, ne, ou i "/n, àCoinmolaii, dr.iis
]a liAihoiiU'.cmbras.sarinstitul des Je-
suites , cl fdt cliargc siiccessivenient
d'cnsci{;ner la philosophie, la grara-
niàire.la poésie, le piec,réloqueiicc et
riiistoire nationale. Lors de la sup-
pression de ccttesocicle, il rcniplisï.iit
Il.>.l»rll JuDI,., ui«' ..lll.oll |.l..< >IU|.I.- ri )J.I< . >a. -
t. . ,,. :.-, I . rrilrllln ; il r «ioul» l.iut.» 1.» T«-
' ' rrciiollir, rt il ¥ j'ii^iuit uii i-uiu-
Mr; If (iiiitfut inipriuir ■> Uniitc
t f «■.•)«>n, t>r|tiii«,M.
cl. .1 ^
i'i'ij* Ualiiia m m |>i.
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■inir dri uicirit*. Hn rviroi
▼e l'un ri i j'.rrt- ijju« l'rdtti' »■>/'/'> "<*'*//• drs 'i'atlrt
mtinurllet quM a dou'rr, ru iSu, Il riiiivirnl iii^in.
Ir"*iit <lc Uir» «-<)"n«l»r«- ^11 |»«i <!<• iiioli ir ii)i><<o-
«»»»>< tju 'un d. ( ' . ' ■ l'Iiii iiii-
|ior(atili i|iir I . «utl à
cautc dr •. tt . 1 ■■ ii"inii,
»*iit i r.. M ' ' ,,-
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If-mf-f . , (
r |.-r,.ul i
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I 4'.t.4 r drj> i.K\p(irtu pfrvrtitr trC a,«tjU|;r . cllr
obtialU prrhimc». \'\ja.rmrr irduMil d'inc rD an-
tudr rt h|.-u p <'lii|>U taO'l , la {KMltt lU aliaolar rt
triatiTr dr ilijcuiir dr rr> dalr-. Mai> ou ««11 i^bc
«rtir iiirtliinlr , etr* llmtr |Hjur \r liut iiur ar prfH»4>-
sait PtoIraïC' , |>rut avoir i^urluur» iiiruiivrnit nti
daut uuc ap|i)icjtioii tiulunijnr. 1^ iliov r>t l'acilo
a ctjac'Tdir ; rii aiipputafit selon Ir^ aiiiM*r« «.igur,
de l'KgTpIr , ira n g r« dr« •ouvrraitai lialitinnii- 1,
pt-rsai •, ftrrcs ri mciiain», ciui m- rr^lairnl »ur drt
iDaiiiiirs de compter f.irt dilTrrttilt:» , il doit m rr j-
•jirrinri.l en 1^ siUtrr qnrlt|np< inexa< litudr*. I^ave-
ritW.lt « aniire^t de cra <MjU%rrains, calculer» wlun la
mrlh'tdc dr leur fiaT», drvairut aT^ocer on ri'tarder
tir (jurlijiM « yxirt ou inèinc de i^urjqur» luuia mr
lr« ^ai„, < drnoialirrr» d'une (aron unii'iiruir dau« le
Canon Je rtulrtnee* llnr jieul «trr exact r|iir p<iur les
priiirr» l^iHx, 'pii >n.-<pulairDt prt riwinrnt de la
mrtn* inauM-rr !•• aiini'i» de leur piiiwafii'r. Muia
pcar les eiop* r<«rt r.^iuaii>> , lu dilliratut |*aauiit
PUB
les foDCiioDs de hibliothccairc à Kla-
tow. Il professait riiistoiic , en
fj-j-a , au collège de Saint-Clciuent,
à Pia'j;ue. Le reslo de sa vie fut
j)arla|;é entre renseigncuieiit et les
recherches historiques : il mourut,
le 5 juin 1807, à fàgc de qiiatre-
vinf;t-ciiiq ans. Les ouvrages ilc Pu-
hit'k.i, peu connus en France, sont :
l . St'i it'iclimnnloi^ica reruni SUivo-
Jjohemicarmn , uh ipso iiulî- Shno-
rum in Jiuheiniam adventu usque ml
haptismwn Jlonii'oi (en 8()4 ) -, nd
nostra iisifue tempora , l'iaguc ,
I7."j8; 'i'". cdit. , aiipin., \ ieniic ,
I7(i8-G(), in-4". IL Histoire duo-
mjlui^Kjtie de ^a Hohtine ( en alle-
mand) , Prague, 1770 , et ann. suiv.
G Vol. in-4''. C)«i annonçait ,011 1807,
qnc l'auteur s'occupait de roiitinncr
cet ouvrage [Mat;. cncycL, i8«>7 ,
IV , 4 '^ J ; "lais sa mort lit évanouir
cette espérance, ill. J)e anliipiis-
mnis iedibus Slavorum , Leipzig,
1771 , in-4". Cette Dissertation ,ain-
^i que la suivante, fut couronnée
par la société littéraire fonrlt'e par le
jniiMe .l.d)loiio\v.ski. IV. Disserta-
tii) de f eiiedi^ cl Jinelis , Oiimilz,
1773, in-8".; Leipzig, 1773,111 4"-
Les Vencdes cl les Winles étaient
des peuples de la Sarfnalie, pays qui
dijj ipiarat.lr jolirt au leinp» dr Plulrnu r, ininip en
•'attrei^iiaul . calculer le* aDnm <[« ce» prince» «e-
lon la nirtiiode uailrr alun ei L)iipli'. Il ni ent
ainii . ù pliii lorle raiaoïi , pour te» rpnipif<i drs
|iriDcra lialivlouielM et priMilia. Ou >H* doit dulli-
voir daui ce t'.aiiun , liors tout cr (jui w lupporlr '■
detfa (aailfiuoiniifura, i|urdia inaicatinu» .ipproii-
lOatiTci, «t iHjii dr» dfti-riniiiatiuii» bialui it|iir» prr-
ciie» : te uVlait |ui» Ir l>ut deTaulrur ( .V,l (p mi>-
niimenl ciui a donne iiai»aureà l'ire de Nal>oiia,jar.
tioiuoie Ir ('.Alalo^ur di't obvTTalioii, .l^tlollOllli-
cfoea , fpji était à la difpottlioii dr l*toleinee ou dcn
astrunoiiir» (|ui l'av.iirut prictdc .1 Alcialidi ir , in
rrinontail |M> plus liaul <|ur la prrmirrr aiiire dr 11
prince bahyluoien , Ptolrinee a pris pour koii point
de di purt , raiinér rgvptiruneijui concourait ou ipii
tombait dans cette preiiiii;rr année : r"r»l à celte < ii-
coustancr l/iot-i-lait particulière. qu'il faut r.ipp<jrti'r
rori,;inc de crllc i-pr celelire , toute axtronoinirpip ,
rt 'pu n'io: jasiaia riend'biftoviijne ( /'. VabonA"»-
Sili . S. M— N.
PUB
comprenait la partie orientale de la
Pologne et une portion de la Russie
d'Europe. W — s.
PUBLICOLA (Publ.-Vallrius),
l'un des fondateurs de la république
romaine, desrendait d'une famille du
])ays des Sabins , qui s'était établie
a Kome peu de temps après la fon-
dation de cette vdie , et il y jouissait
d'une influence qu'il devait uniijue-
ment à ses vertus. Il s'unit à Bruliis
pour expulser les Tarquins; et, après
l'abolition de la royauté, il deman-
da le consulat : mais le peuple lui
préféra Collalin, mari de Lucrèce ,
persuadé (jue le souvenir de son inju-
re le garantirait de toute séduction.
Valerius , piqué qu'on ne l'eût pas
cru ciipablc de la même fermeté,
cessa d'assister aux assemblées du
se'nat, et de prendre aucune part aux
affaires publiciues. Cependant, Bru-
lus ayant convoqué les sénateurs
])our leur faire jurer une haine im-
mortelle aux Tarquins, Valeiiiis, dit
Plutarque, descendit avec un bon vi-
sage, sur la place, et fut le pre-
mier qui jura (pi'il n'épargnerait et
ii'omettraitricn pour la defensede la
liberté. La conspiration qui s'ourdit
bientôt après, en faveur de l'ancien
roi , fut découverte à Valerius , par
im esclave nom.uié Vindcx ; et, dès
qu'il eut recueilli les preuves néces-
saires , il vint lui-même la déijoncer
aux consuls. Brutus , clouirant les
scntimcuts de la nature, prononça la
condamnation de ses deux (ils recon-
nus coupables : mais , après ce grand
effort, il se hâta de quitter le tribu-
nal ( V. Brutus, VI, 167 ); et Col-
latin, resté seul, aurait sauvé tous
les autres conjurés, si le peuple, ex-
cité par Valerius, n'eût ordonné
qu'ils fussent tous misa mort le jour
même. La faiblesse que Collatin avait
nioutrée, et Irs soupçons répan'iiis
PUB 279
sur sa lldélitc , l'obligèrent de se de'-
mettre du consulat ( V. Collatinus,
IX , '.'S 2 ); et Valerius lui succéda.
Son premier soinfutdc récompenser
Vindex du service qu'il venait de
rendre à la chose publique: il l'af-
franchit, et, par une faveur spéciale,
lui permit de choisir sa tribu. Vou-
lant ensuite donner au peuple jme
preuve de la haine qu'il poêlait aux
Tarquins, il abandonna leurs riches-
ses au pillage, et distribua leurs ter-
res aux citoyens les plus pauvres.
Dans la guerre qui suivit , Brutus
ayant été tué, Valerius prit le com-
mandement de l'armée, acheva la
défaite de l'ennemi, lui fit un grand
nombre de prisonniers, et rentra dans
Rome en triomphe. Le lendemain,
il s'occupa des funérailles de son col-
lègue, dont ilavait rapportélecorps,
et prononça son oraison funèbre. Va-
léi ius habitait une maison située sur
le Mont Velia, d'oîiil dominait la vil-
le. Il neparaissaitpassongeràsedon-
nerun collègue; et le peuple, toujours
soupçonneux , disait : « Il loue Bru-
» tus; mais ilimiteTarquin. «Instruit
de ces murmures , il fit raser sa mai-
son , et la reconstruisit au bas de
la monlague. 11 supprima les ha-
ches des faisceaux qu'on portait de^
vant les consuls, et ordonna qu'on
les baissât devant le peuple : il
diminua l'autorité des magistrats, en
permettant d'appeler de leurs juge-
ments. Toutes ces mesures rendirent
Valerius si agréable aux Romains ,
qu'on lui décerna le surnom de
Publicola (i), qu'il transmit à ses
descendants. Avantdes'adjoindre un
collègue , il rendit encore plusieurs
lois favorables à la multitude ; porta
le nombie des sénateurs jusqu'à cent
soixante-quatre, et fit un règlement
(ij Publicola ou Populicola, qui lionore le peu-
ple.
a8o
PUB
pour la perception «les deniers pu-
blics , qui fuieut ilc'posés dans le
temple de S.ituriie. H nomma consul
Spurius Lucrelius ( le père de Lu-
crèce ) , et lui céda les faisceaux , à
cause de son grand âge. Mais Spurius
étant mort peu de jours après, le
peuple élut à sa place Marc. Hora-
tius, avec qui Valcrius eut une con-
testation pour savoir auquel des deux
consuls appartiendrait le droit de
dédier le tcmplo de Jupitfr (lapilo-
lin (u). Ce fut Horatius qui l'empor-
ta. Valérius était consul pour la troi-
sième fois, lorsque le roi d'Étrurie
déclara la guerre aux Romains afin de
les obliger à rétablir Tanjuin dans
ses droits. On peut voiries détails de
cette guerre mémorable, aux arti-
cles PonSENNA , CoCLtS, Sc.ï-:VOLA,
ClÉlie et TAr.QtiN le Superbe. Il
suflit de dire ici que Valcrius la ter-
mina par le seul ascendant de ses
vertus sur un prince digne de les ap-
précier. Pendant son quali iiine con-
sidat , il défit complitenient les
Sabius , et obtint une seconde fois
les honneurs du tiiomphc. ]l mou-
rut peu de temps après , l'an de Ho-
me l'a (av. J.-C. 5oO, si pauvre,
que sc^AuiérailIcs furent célébrées
aux frais du public. On déposa sts
cendres dans un tombeau (|ui fut éle-
vé dans l'intérieur de la ville, dis-
tinction que l'on n'arcorJait que ra-
rement. Les dames romaines portè-
rent le deuil de Publicola pendant un
an, Plutarcpie a écrit la l'ie de Va-
lérius, qu'il met en paralèle avec So-
lon. W— s.
PUBLÏUS SYRLS , poète mimi-
que, florissait a Konie l'an 44 avant
J.-C. ; il était encore enfant lorsqu'il
fut emmené esclave à Rome : le nom
de Syrus lui fut sans doute donné
(«^ <)n p*tjt »oir , pciir 1. j .1. t..,lj d • ...tic l n -
UtUtU>o, lite-LiTCct PluUr<juc.
PUB
j)arce «pi'il vit le jour en Syrie. Son
maître, cpie (pieltjues-uns nomment
Domitius , charmé de sa gentillesse ,
autant que de sa lîgure et de son es-
prit , lui donna une éducation très-
soignée, et l'airrauchit : ce fut alors
que Syrus dut prendre le nom de Pu-
blius. Il se livra à l.i composition des
mimes, comédies burlesques, que
les Grecs aimaient beaucoup , et
qui ne consistait d'abord qu'en dan-
ses grotesques et en grimaces. Tcuit
l'art de ces acteurs était de bien
imiter. Ils joignirent à leui-s danses
le burles(pic de la comédie, et l'on
produisit ce (pie nous appellerions
aujourd'hui des parades «-n action.
Les mimes n'eurent jamais, ni la
régularité , ni la (inesse , ni le sel
de la comédie : ce n'étaient que
des scènes sans intrigue, sans liai-
son et sans dénouement. Malgré la
licence que les mimes empruntè-
rent de l'ancienne comédie , leur
objet principal fut cependant de faire
rire par le naturel avec kvpiel ils imi-
taient les défauts et les vices des
hommes connus. II parait que, dans
les cortèges funèbres des H(»mains ,
on voyait une troupe d'aft<'iirs mi-
miques dont le chef, nommé archi-
mirniis^ contrefaisait les discours et
les gestes du mort ( f^. Vespasien ).
PubliusSvrus , après avoir obtenu de
grau'^ applaudissements dans plu-
sieurs villes d'Italie , vint à Home
pendant les fêtes (pie donnait Jules-
César. 11 provoqua à un combat lit-
téraire les poètes qui travaillaient
alors pour les jeux scèni(pies. Tous
acceptèrent le défi , et tous furent
vaincus. Jules César lui accorda mê-
me la préférence sur Labérius, cheva-
lier romain ( F". Lakébius). Piiblius
Syrus tempéra la licence des scènes
mimiques par des traits nombreux
de morale. Plusieurs témoignages
PUB
des anciens prouvent que ce poète
jouissait d'une liauîe leputation dans
les plus beaux siècles de la littc'ra-
turo romaine. Sc'ncquelui donne de
iirands éloges , et saint Je'ioine dit
que les Romains le lisaient dans leurs
écoles publiques (JE^pi,jf. adLœtam).
De très - bonnes pensées morales ,
exprimées avec une précision très-
remarquable dans un seul vers iara-
bique et trocha'ique , composent
les sentences de Publius Syrus ; elles
nous ont été conservées par Aulu-
gelle , ÎNIacrobe et Sénèquc. On les a
plusieurs fois imprimées à la suite de
Sénèque ou des fables de Phèdre. La
plus aiicicnne édition citée par Fa-
bricius , est celle qu'Érasme publia
eu i5o'.i ( Bàle , in-4". )? d'après
uu manuscrit de Cambridge. Les
meilleures éditions sont celles de
Gruter, d'Havercamp et de Zwiu-
ger. M. Levasseur a donne , en
1811 (Paris, L'ihiillier, in-S". )
une édition de ce poète mimique,
avec des notes explicatives dans
le genre de celles de Jean Bond.
Le texte est conforme à celui de
Gruter et d'Havercamp , avec les
corrections proposées par l'ingénieux
Bentley. Dans les éditions précé-
dentes , les sentences de Labérius et
de Senèque furent confondues avec
celles de Publius. Le tout, rangéordi-
nairement par ordre alphabétique ,
forme neuf cent quatre-vingt-deux
vers. La nouvelle édition ne conserve
que celles de Publius Syrus; et l'édi-
teur y a joint luie traduction litté-
rale en prose (i). Enfin l'édition la
plus complète est celle de J. G. Orcl-
lius, Leipzig, 1822, in-S". camno-
(t) Une trailuctiou en vers français, de seateii-
ces tirics de Syrus et d'autics auteurs , [ireccdée de
celle des Distiques de Caton , avec Je texte ktiu ,
forme le Stipplément <tii Puili'J'euillc d'un rentici ,
par P. S. S. (PoaD de St. Simon ) , Paris, i-tf) ,
in-iS.
PUC 281
tis variorum, et avec la traduction
grecque de Scaliger. Z.
PUCCI (François) , d'une famille
noble et ancienne de Florence , an-
nonça, dès son enfance, une grande
disposition pour l'étude ; ce goût le
suivit à Lyon , où il s'était rendu
pour entrer dans le commerce. 11 y
recherchait la société des gens de
lettres, et se plaisait surtout aux
controverses des théologiens catho-
liques et protestants. Naturellement
curieux et avide de nouveautés , il
adopta insensiblement, du moins en
partie, les opiinons dos derniers. Dès
ce moment , il abandonna son état
de commerçant, passa en Angleterre,
et alla se mettre sur les bancsdc théo-
logie à Oxford , où il prit , en 1 574,
le degré de maître-ès-arts. Son Trai-
té De Fide in Deiim , quce et (jualis
sit , où il combattait ouvertement les
dogmes du parti calviniste, qui do-
minait dans l'université, lui atliia
de nombreux ennemis , et lui fit man-
quer une chaire de professeur; ce
qui l'obligea de se retirer à Bàle ,
où il fit connaissance avec Fauste So-
cin,dontilaccueillit les opinions. Les
théologiens de cette ville le forcèrent
de la quitter , à cause de son sentiment
sur la grâce universelle , qu'il exposa
dansdesthèsesintitulées : Universwa
genus hurnaTiwn in ipsomatris utero
efficaciter particeps esse benejicio-
rum Christi et vitœ immortalis et
beatce, eîc , Pucci crut trouver plus de
tolérance à Londres; mais à peine y
fut-il arrivé que ses opinions exoti-
ques , manifestées avec trop de licou-
ce, le firent mettre en prison. A ]irès eu
ctresorti , il se réfugia en Hollande ,
et entretint inie correspondance avec
Fauste Socin, qu'il combattit cepen-
dant sur certains points , dans son
Traité De Immorlalilale naturaU
primi hominis unie pcccaiwn. 11 eut^
•i8j
PUC
a Anvers , clos lîisputes avec les thco-
lo<^iciis de toutes les lelinions : a
Cracovic , il trouva ilciix alcliiinistcs
anf;lais, qui riiiiticreiit ilans leurs
mystères, csperiiit tirer parti de
sa rcfpulatiou et de sou savoir. Ils
lui persuadèrent , que , par leur
commerce avec certains e>prils , ils
avaient le privilège de découvrir
beaucoup de choses inconnues au
leste du genre lnnnain. La lettre
latine qu'd leur adressa , en i 583 ,
atteste jusqu'à quel point il était leur
dupc( f^^"^'. DtE et KtLLKV ). Mais
cnlin, ayant ouvert les yeux, il cul
des conférences avec l'évèquedc Plai-
sance, nonce du pape à Prague , et lit
une rétractation publique de ses er-
reurs , eu I 3f)">. (Jii«I(pirs années au-
paravant . il avait dédié au pape (.\é-
iniiit Vlll l'uuvrage suivant : J)e
Chisti Sitlvatoris rtfuacilate omni-
bus et iin^idis hoininibiis fjuatenus
hnmines sunt , assert io catholicn ,
tic, Gouda, i3()i,in-H«*. I/autcurse
proposait d'y proaver par la raison ,
par ri'ilcrit'Jre cl par les SS. Pères,
<jiic J.'sus-CIinst, en mourant , a sa-
tisftit pjur tous les liomnies , de
manière que tous ceux qui ont une
connaissance naturelle de Dieu , se-
ront sauvés , quoiqu'ils n'aient au-
cune conuiiisauce de Jésus Christ ,
opinion directement contraire a la
parole même du Sauveur, qui dit
que personne ne peut aller au Père
que par le (ils, cl que ceux qii ne
croiront point au lils «.eront con-
damnés {Joann. Xlf , {'y; Marc
Xn, i(J ). Puce» , après avoir
fait pénitence de ses erreurs, fut or-
donné prèire. Il devint secrétaire du
rardinal Porapoi d'Arag'^n , chez
lequel il mourut, en 1600. Il avait
i.jit les deux vers suivants , qui attes-
tent la sincérité de sa conversion ,
pour être gravés sur ^a fomUe :
PUC
Invem ftoilum , tpet rf /ÎV-tuna, valeir -.
yU mihi vobiscum ,- liuiite nuni- altos.
Col article a été rédigé d'après Dodd ,
(pli a tr.ivaillé sur des niainiscrils
originaux. Ou n'y trouve rioii qui
puisse juslilicr ce que dit le nouveau
Dictionn. histor. critiq. et bihliogr. ,
que Pticci, étant n venu à ses erreurs,
fut arrêté par ordre de l'evêtpic de
Salt/hnirg , qui l'envoya à Uoiiie, où
il fut brûle. On peut consulter encore
la Dissertation d'ittig : JJc Puce a-
nisiiio, cl la Disser:.ilion de J. H. de
Gaspari : JJc vitd , fatis , ojn'rihus
et oiHtiionibus Fr. J'iiccii Fdiiiini ,
dans la Xiiwa liaccolla Calogerana,
tome 3o, Venise, i77<3. A — d.
PUCCIO. f'ov. Capanna.
PUCKLLE ; He >É ), abbé «le Cor-
bigni , conseiller au p irleituiit , né à
Pans , le i''. février i(j33, était (ils
d'un avocat, et nev«'u, par sa mère,
du maréchal de Catinat. li cuira d'a-
bord au service , et (il quelques cam--
pagnes comme volontaire. 1-e désir
de s'instruire l'engagea ciisui le à voya-
ger ; il visita l'Italie et l'Allemagne.
De retour a Paris, il se décida pour
la magisiraluie ; et après avoir passé
que'cpic temps au séiniiiaire des bons-
Ku('a:its , il prit le soudiacoiial , £t
acheta une charge de consedlerclerc
au parlement. Sa conduite y lut celle
d'un luagislrat intègre, laborieux,
exact à remplir tous ses devoirs. Il
passa, en 170.* , à la grand'cham-brc,
et se lit remarquer, lorsqu'après la
mort de Louis XIV, le parlement
prit ipiehpie part à l'adminiNlralion
des allaires de l'état. Le duc d'Or-
léans le iioinmi membre d'un conseil
de conscience. L'abbé Puccllc acquit
alors une assez, grainic influ nciulans
sa compagnie. Outre sa capai itépour
les atfaires , il avait le talent de la
parole, la repartie vive, et l'art de
ma;iier l:s esprits. Dévoué aux in-
PUC
térèts de son corps , et enclin à en
clendrc les pre'ro«a;atives , il se mon-
tra toujours inflexible contre la
cour cl les ministres. On le re-
gardait comme le chef d'une oppo-
sition qui se forma, peu -à -peu,
dans le sein du parlement, et qui
s'accrut par la faiblesse et les va-
riations du mitiislère : cette oppo-
sition fut surtout nourrie par les
contestations élevées alors dans l'É-
p;lise; et la direction que piil l'abbc
Pucelle dans ces disputes, tenait à
son caractère, à ses liaisons, et à ses
habitudes assez frondeuses. S'il se
pièla, en 1720, à l'accommodemeiit
concerte' alors, on le vit toujours
depuis favorisant le parti ojiposë à
la Bulle, et luttant, avec pius ou
moins de succès, contre la marche
suivie par le ministère. Les Uccucils
du temps contiennent ses discours,
qui olï'renl souvent nne extrême vi-
fiucur. L'abbé Pucelle, il faut bien
l'avouer aujourd'hui , eut la faiblesse
de se déclarer pour les miracles du
diacre Paris, et de vouloir entraîner
sa conip,ip;nic à en prendre la dé-
fense : la chaleur qu^d montra dans
celte occasion, lui attira un cxd. Il
cul ordre, en lyS^, de se retirer à
son abbaye de Corbigni , au diocèse
d'Autun. De retour à Paris , lorsque
la paix eut été faite entre la cour et
le parlement, il déploya la même vi-
vacité , jusqu'à ce que ràt:;e et les in-
firmités l'obligeassent à se rctirerdes
airiires;mais il ue se délit point '!tsa
charge , et mourut nonagénaire , le
7 janvier 1745 : il était doyen
des conseillers-clercs , et le plus an-
cien magistrat de sa compagnie. Les
appelants lui ont déocrnc, à l'envi ,
des élogfs ; et il est vrai que ce ma-
gistral avait des t.ilenls et des qualités
qui lin donn.iienl droit à l'cslinjc ;
mai« il éponsa trop vivenjcnt nne
PUF -283
cause qui flattait son esprit d'oppo-
sition , et qui l'entraîna , dans sa
vieillesse , à des démarches assez
voisines du ridicule. L'abbé Pucelle
était resté soiidiacre ; on a publié de
lui des lettres à M. Soanen, évêque
de Sciiez : elles prouvent entre eux
une entière conformité de sentiment.
P— C— T.
PUENTE ( De la ). Foj. Pont
et PoNz.
PUfENDORF( Samuel), un des
])lus grands publicistes et historiens
du dis -septième siècle, et, selon
Biiliic, le premier qui ait donné une
forme systématitpie à tout l'en^^^em-
ble du droit naturel, s'éleva , par son
seul mérite, à la faveur des princes
et à la fortune. Fils d'un pasteur de
Dippoldswald , village de la Misnie,
et né le 8 janvier i63'2 (i), il
reçut de son père la première ins-
truction. Il étudia ensuite les huma-
nités à l'école de Grimma, la théo-
logie à l^eipzig, et la |)hilosophic
sous VVeigel , à Icna : ce fut , tJe tou-
tes ses études , celle qui lui plût
dcivaniage. Par bonheur pour lui ,
son maître , au lieu de conduiio
ses élèves sur le terrain aiidedela
scholaslique, leur enseignait une
science plus raisonnable, et qui mé-
ritait mieux le nom de philosophie:
i! leur apprenait surtout à laisonner
avec la précision des géomètres.
Etant mis une fois sur celle route, le
jeune P.ifendorf y lit plus de chemin
qtic son maître, et tira, dans la suite,
d'heureux fruits de la méthode de
Weigel ; mais peut-être fut-elle aussi
la cause de la sécheresse qui règne
dans les écrits de Pufendorf, où il
eût fallu substituer quel([nefois à
(i) Suivant J.i-clii'r , Il nai|iiih à Flohe, près de
CliemnitT,; m»is des rechiTcliis ultérieures iionsa))-
preiiupnt que sou lieu natal l'ut le bourg même de
Chcranitz , où sou père était pasteur, en iG37../'ry,
\es..iula philo$ophornm , part, i 8 ,pag. y^O ^* '"'v.
a84 PUF
l'exactltiidc lie h dcinoustratiou les
fleurs (lo rini.igiiintioii ou le iiionvc-
ntriit (lo<i .ictiuiis ilr,iriiatii|U('s. Plein
tiv l.i pliiltKopliip tie Dcscailos, de
la iiiri>|»i iitlrmcdi- (.iroliiis, (ju'il lut
avec avidilc , el Je la uictliudc ri^ou-
rcu>cdc Wci^îcl , il oflVil ses services
k sa pairie: mais, étaut sans protec-
tion , et n'ayant encore donne au-
cune preuve de talents , il n'essuya
(pic des refus ou de vaincs promes-
ses, et s'estima heureux d'obtenir,
en i<)"»8, iuie |)la(e d'instituteur au-
nros du lils du ministre de Suède,
baron cle Ooyet , prés la cour de Da-
ucmarL.. M.iis, arrive, avec la lé;;a-
tiou , à Copenliaçuc, au monicui de
la rupture entre les cours de Dane-
mark et lie Suitle ,il fut arrêté , lui et
toute sa famdle, et ilemeura captif
peiiiiaiit huit mois. Ce malheur de-
vint la source indirecte de son clév.i-
tion future. Kn etiet , dans les loisirs
de sa captivité, ilaprofonditles prin-
cipes de Grotiiis , d'Hobbis et de
Cumberland sur la société humaine
4 1 sur le"> rapports des homme* entre
eux. Il lui parut (piécette matière im-
portante u'avait pas encore été cnvi-
saf;ce sous toutes les faces, et 'pi'ellc
était susceptible de nouveauxdévc-
loppemenls. Il jeta ses pensées sur le
papier; mais, ayant encore des sou-
venirs récents de la méthode de
Weigel , il proct^a par axiomes ,
théorèmes «t corollaires , et pu la en
géomètre des plus hauts intérêts de
l'espèce humaine. 11 se ren«lil , en
itkio, avec son manuscrit, d.ins la
f latrie de Gruttus , le lit imprimer à
a Haye, sous le titre d' hUinents
iLr juiisprudetice univenelle , et le
«ledia à l'électeur palatin , Charles
l.oiii». Ce prince reconnut ,a travers
l'ariditcdu style d'un lualhc'aialicien,
des pensées profondes et un ensem-
ble de );raiides vues : il cun^ut l'idée
PUF
de crder , pour Pufendorf , une
ch.?ire de droit naturel et des <ç,vus\
ensii^iieiuiut dont il n'existait pas
encore île modèle , par la raison ,
bien simple , <|ne jusqu'à la fiuiestc
scission du xW^. siècle, le droil di-
vin , ce dopme conservateur des états ,
formait en (piel(|ue sorte le droit pu-
blic de l'Kurope, el domin:!il dans
toutes les écoles. En i(i(ii, Pulcn-
doif coniineiu,M ses <t)uis à lleiilel-
berj^, el eut bientôt unaudiloueiioiii-
breiix. Kucourape et réc(iiupen;:é , il
se livra depuis , avec une niuivelle ar-
deur, à l'investij^atioii des droits na-
turels et des devoirs et (»bli^al ions dos
hommo réunis ensociélé, et recueillit
les matériaux de ses);rands ouvrages.
L'éditeur l'eiiga-^ea aussi à jeter (piel-
cpies lumières sur l'origine de ce
corps à cent tètes , qu'on appelait
l'Kiupire gerin.iuiipic , «t qui présen-
tait un assemblage bi/.aiic de prin-
ces, de petites n'publiques, de prélats
et de chevaliers , tous plus ou moins
souverains. Cet état de choses avait
toujours paru si sacré, que personne
n'avait son<:cà eniiioulrer les vices.
Tout au plus a\ait-<Mi permis au trai-
té lie Westphalie d'v apjiorter quel-
«pies modifications. Piifcmlorf eut le
courage de remonter a l'oiigine de
cet assemblage informe, d'en exposer
les droits , d'en montrer les usurpa-
tions et les défauts , el de ()roposer
des remèdes aux grands abus (pu
s'y étitient glissés. Cependant , pré-
voyant la rumeur que sou ouvra-
ge all.iii produire dans le saint eni- \
pire romain , il envoya le maiiiis- jl
crit a son frère haie, alors am-
bassadeur de Suède à Paris; et celui-
ci le lit imprimer sous ce litre: Un
statu iinpciu Gerinuiuci ,par Scvc
rin Moii7.anibano de Vérone , i !>(>'].
I.a rumeur fut grande en ellct, dans
riCiupire, à rapparitiuii de ce livrt.
PUF
Ij'Autriclienc pouvait revenir de son
ctonnoincnt, nu sujet ilc la tc'mcrUc
(l'un autour qui prétendait porter la
lumière jusque dans la clianrcllerie
de ri^mpirc germanique. Pufcn-
tÏMidorf défendit son livre, sans oser
s'en déclarer l'auteur : son Traite
fut mis à l'index à Vienne; on dit
même que le bourreau eut ordre
de le brù'.or. Depuis ce temps, d'au-
tres publu'isles ont mieux éclaire en-
core que Pufendorf les droits et les
devoirs des membres du corps ger-
manique, sans que personne ail ose
crier au scandale : tant la didèrcnce
des temps est grande. Sou ouvrage
n'en fut jins moins rcimpnmc'et tra-
duit plusieurs fois : mais , pour l'au-
teur , il ne se crut pas en sûreté en
Allemagne; et il accepta volontiers
la cliaire de droit naturel , que
lui oiTrit, en 1O70, le roi de Suè-
de, Qharles XI, qui venait de fon-
der une université à Lund, en Sca-
nie. Il y porta les fruits de ses mé-
ditations; et ce fut à Lund qu'il mit
au joui', deux ans après son arrivée,
le Traité du droit de la nature et des
gens ; ouvrage plein de reflexions
solides, exposées d'une manière lu-
mineuse , et enchaînées avec ordre.
Quoique ni Grotius, ni Pufendorf
n'aient pénétré peut-être assez avant
dans la nature, pour pouvoir expli-
quer les premiers droits des boni-
mcs , l'un et l'autre eurent le mé-
rite de substituer des raisonnements
lumineux aux définitions barbares
qui n'expliquaient rien. Il y a , selon
M. lenisch , cette différence entre le
livre de Grotius et celui de Pufen-
dorf , que le premier est rempli
d'une érudition classique, et le se-
cond plus à la portée de tous les lec-
teurs ; que Grotius s'occupait peu des
principes , et que Pufendorf y reve-
nait toujours ; que le livre du premier
PUF
a85
est bon à consulter , et que celui
du second présente un Traité plus
susceptible d'être lu d'un bout à l'au-
tre ; enfin que Pufendorf a quelque-
fois réfuté, avec succès, son pré-
décesseur, mais que Grotius a l'a-
vantage d'avoir pénétré , «ous (piel-
ques rapports , plus profondément
dans son sujet. On peut ajouter qu'il
montre plus de modération que Pufen-
dorf dans ses préventions contre l'É-
glise romaine, (.i) « En recherchant
» ce principe des droits et des devoirs
» de l'homme, dit Huhle dans son
)) Histoire de la Philosophie mo-
» derne, Pufendorf distingua le pre-
» mier la raison et la révélation
)) comme deu^ sources de connais-
» sauces essentiellement difféi'entes.
» C'est-là un des principaux services
» qu'il rendit à la science. Il admet,
» avecCirotius, que la sociabilité est
» le principe naturel des droits et des
» devoirs : aussi donne- t-on le nom
» de Socialistes à ses sectateurs. La
)) religion ne doit entrer en considé-
» ration , dans le droit naturel , que
» parce qu'elle resserre encore davan-
» tage les liens de la société , et qu'en
•» prescrivant à l'homme des devoirs
j) envers lui-même et envers les au-
» 1res , elle le rend plus apte à rem-
» plir le but de la société
» Pufendorf croyait que les idées
» fondamentales de la morale peu-
» vent être déterminées avec une
» certitude apodictique d'après des
» principes indubitables , et que la
(2) Qiioi<nie l'iifciidoH montre ])cu do modéra-
tion l(irs>|u*îl narle dfi l'Kglisc romaine et des sou-
verains i>ontifes; il convient cependant que « la
» suppression de l'autorité des |)apes a jeté dans le
» monde des germes infinis de discorde; car n'y
» ayant jilus d'autorité souveraine pour terminer
)i les disputes <jui s'élevaient de toutes paits, on
» a vu les protc-itauts se diviser entre eux , et de
>i leurs propres mains déchirer lenr» entrailles, //t-
rere protestantes in s:ia i//sorHm visceia riepe-
riint { Pufendorf De monarch. pont, roni ). L'aveu
est précieux quand il sort de la bouche d'un aus6i
savant luthérien. G — RD.
ti8G PDF
» méthode inatliématiqHc leur est
M par cotisequciU applicililc. Il ilc-
w veloppc donc les principes et les
» caractères des actions inoralis ;
n détermine le rapport de la rai>oii
» à Id moralité ; explique la coiis-
» cienrc , 4'ij;norance , l'erreur, etc.
u Puis il fixe la loi {générale pour la
» moralité des actions , et discute ce
V qu'on doit entendre par maxime,
» loi, droit. oblip;atioii, action bonne
u ou mauvaise, etc. Dans le second
• livre , il traite<lu rapport de la na-
M ture humaine a la Kgalilé , et tait
» voir que l'anarchie , ou l'elat de
» nature admis par Hobhès , est en
M contradiction totale avec elle. Mais
» le droit de natuiè n'a pas nccessai-
11 reinent besoin d'exister avant la
» loi : \\ ne repose pas non plus sur
1) le cousentenient unanime des i)eii-
« pies , ou sur l'utilité, ou sur le lé
» moi'^najje de la conscience; il est
» uni |iieiMenl le fruit du besoin na-
» tiirel de l'homme, qui donne nais-
» sance aux droits et aux oblif^a-
» lions. Dan^ le lioisièmc livre , l'u-
9 fendorf examine les prin<ipes du
» droit des hommes xiitre i ux : n'of-
• iVnser personne , reparer le m.d
0 qu'on a causé , etc. Le quatrième
» renferme les principes diidruil sous
y» le rapport du li manifevlatioii de
» nos seiiiiraents , la V( litc, le men-
» soupe, le serment. Ensuite il s'uc-
s cnpedu droitde propiie'.c- Le cin-
» qiucnie livre traite du prix de»
» choses, des conventions. etc. Uan*le
• sixième on trouve des recherches
» sur l'oricine du droit de domiiia-
» tion , des droits du mariajjc , des
» relations entre parents, et entre
V maître et serviteur. Ces objelh con-
» «luisent Piifendorf a développer
)» le droit publique dans le septiè-
I) me livre. Le huitièrac enfin est
» consacré aux principaux objets du
PUF
» droit politique, aux qualités néces-
» saires des lois sociales , aux droits
» du pouvoir souverain sur la vie et
» 1(S biens des citovens, aux droits
» de la gucri e et de la paix , et ayssi ,
u par occasion, à quelipies points
» du droit des gens ». (^et ouvr.i^e,
qui fut traduit, réimprimé et com-
menté dans presque toute l'Europe ,
irrita si fort deux lumimes de Li:nd ,
le professeur Heckinann et le pasteur
Scli\\ar7,(pi'ils le dénoncèrent auprès
del'evèque, vieillard jirescpie twnibé
eu enranee , et le lireiit condamner.
Pufendorf se venf;ea dans une bro-
chure où il rendit ses adversaires ri-
dicules ; mais il ne put se soustraire
aux censures acerbes des érudits. Il
veut même un échanj^ed'injures, em-
preint (le toute la rudesse de latinis-
tes emportés (3\ Le j;ouveiiienunt
suédois iin|Misa silence aux deux aii-
taponisles de Piifeiulurf; ils irftdici-
n-nl pas, et fui eut bannis (lu royaume.
U ne annéeapièsavoir donne son Trai-
te du droit naturel , il en lit paraî-
tre une espère d'abrégé qui n'eut pas
nutins de succès, et (|ui est connu, en
France, ]»ar la traduction de l>ar-
bevrac. On juj^ea (pi'un savant qui
avait débrouillé les cléments du droit
piimitif . serait très-propre ;• écrire
l'histoire: en con.«éqiieitee, il fiit.ip-
nelé à Stockholm , et revêt u de la
charge de .secréfaire-d'élat et d'his-
toriographe. Tontes les archives lut
furent ouvertes ; il fut à portée de
eonsuller les hommes qui avaient
.1. c'iiuaivn^n ri>ll;t<|iir jair une ■/.<■«'-
. nira X" ". Piifi.d.'ifl, rx-ciahilrt
I ntitt aitibitt iUe Confia oninein vrn-
' Liu.n ■ I jri luim , lit cnrnului iliiiliiiliis ri iiiigu-
laiii mriularirnim aftftx ^jirr fiitilia Jiiii riilia
iiioralia di»lxilica |>ulo ) lulv hoiieito tl ei uJ,lt> or-
/•i inii'.lioie ri i^namnmie inifiuncre -ifliiil. El Pu-
fvi dorf rriioodit It cr Mtoré- oicia d'iniiiir.. lir foo
i.ii.frin- I ..r uiir F.//f loin ailviiiim /iiiiiini^timum
\ I ,ium , loliui Cermiiniir rani'ilii'lnrem
irin longe iiiiffiit/rnli."hnitm. Il i-ut )«
I ne L'irhtr o.llc r(j>liiiiic' ruujroyalile
i(H' v.u k uuni d" P. DuoMi*.
PUF
été ou témoins, ou acteurs, dans les
évc'ncineuts dont il avait à faire le
récit. 11 écrivit en latin l'histoire de
Sue le , depuis la j^uerre de 'Gus-
tave-Adolphe en Alleinaf;ne jusqu'à
l'abdication de la reine Cliristine; et
il consacra un autre ouvrage à la vie
du roi Charles-Gustave. Ce sujet of-
fre, sans doute , de grands événe-
ments, des batailles, des exploits ex-
traordinaires , des guerres générales ,
la vie et l'abdication d'une reine non
moins singulière qu'étonnante; rien
ne manquait à l'historien: cependant
il n'a tiré (ju'un faible parti de celte
matière riche et variée. L'écrivain est
julicieux, méthodique : mais il man-
que de chaleur et de mouvement. Les
événements les plus faits pour exciter
de vives sensations, le laissent froid:
« Il raconte, sans poindre; et, com-
» me un homme qui, au lieu de voir,
» a seulenicnt oui dire , les lecteurs
» lisent et ne voient pas : sa narration
» marche toujours d'im mouvement
)) égal ; et nulle part des pensées vi-
» ves ou profondes ne viennent rom-
» pre cette uniformité , » ajoute son
biographe Icnisch. Aussi l'on a dit
de son style qu'il était sec , dur et
froid comme une proposition de
mathémanique. Dans quelques pas-
sages seulement , on reconnaît d'heu-
reuses imitations de la manière des
anciens. Peut-être les devoirs d'his-
toriographe de la cour ont-ils impo-
sé quchpie gène à un auteur habitué
à écrire toute sa pensée ; mais il ne
paraît pas que Pufendorf ait possé-
dé le génie de rhistoire:il réussissait
mieux à déduire unenchiînerncntde
raisonnements neufs et inattendus,
qu'à peindre des événements. Cepen-
dant la réputation de l'historien
égala presque en lui celle du publi-
cisie. L'électeur de Brandebourg, Fré-
déric-Guillaume, l'appela j en 1686,
PUF
'xS-j
à Berlin, pour lui faire écrire l'his-
toire de son règne, peu richecn grands
événements: on sait que cetélecteur,
qui se piquait d'imiter Louis XIV en
tout, voulait , comme lui , avoir des
maîtresses et des historiographes.
Pufendorf , nommé conseiller au-
lique, puis conseiller intime et as-
sesseur , remplit néanmoins sa tâ-
che , et la Cnit sous le règne de Fré-
déric III , successeur de Frédéric-
Guillaume. Celte Histoire u^eul point
de succès. On lui demanda aussi d'é-
crire la vie de l'empereur d'Allema.
gue , Léopold; mais il s'y refusa,
dit-on , avec beaucoup de fermeté ,
soit qu'il se ressouvint du mau-
vais accueil fait à Vienne à son
livre sur l'Allemagne, soit qu'il fût
las d'écrire la vie de souverains
qui n'avaient pas fait de grandes
actions. Il eut , en Prusse , uu trai-
tement de deux mille écus , et ses (i!-
les obtirent une pension. Le roi
de Suède l'éleva au rang de baron ;
mais il ne retourna plus en Suède :
il mourut à Berlin , le 26 octobre
iGç)4- Suivant ses biographes, Pu-
fendorf était un homme de mœurs
sévères , exempt de vanité , et très-
laborieux, même au milieu des fa-
veurs dos cours. Le grand nombre de
ses écrits fait foi de cette ardeur
pour le travail. L'académie de bel-
les-lettres et d'histoire de Stock-
holm , ayant proposé, au concours ,
l'éloge du publiciste allemand qiii
avait fait tant d'honneur à la Suéde,
décerna , en 1797 , le prix à M. le-
nisch , de Berlin. Cet éloge, écrit en
latin , est inséré dans le septième vo-
lume des Mémoires de cette acadé-
mie , S ockholm , 1802. Pour l'in-
dication des ouvrages de Pufendorf,
nousncsuivrons qu'en partie la No-
tice qui se trouve à la (lu de l'E'oge
compose' par M. lenisch , en divi-
388
PUF
santscs travaux en philosoplùqucs ,
politiques , philolof;i(iiK'S, et inelaii-
^cs. D'abord , oeuvres pliilttsoplii-
qiics : 1. Elementa jnris]>riulenlitv
naliiralis methodn mathemnlicd ,
I.i Havc, i()()o. Pufeiulorf roineiiait
lui - iiiêine que ce premier ouvra-
ge se ressentait de sa jeunesse. \\. De
existimationc y Heiilclherf; , \{\{\- .
m. De jure naluriv et î^entium, lih.
riii, Lunil , \(J~/i, in-4"- ;cumnolis
variorumà Gnttl. Mascoviu, Leip-
zig, i'7/|4.''. vol. in-/}". ;trail. eu fran-
çais avec des notes par Harbeyrac ,
Ainsterd. , i 7^9, 1 7 |0 , 3 v. in-^". ;
17J I , lu-S"^. , 2 vol. in-4°- IV. De
officiu homitùs ac cù'islil'ri 11, Lund,
iti73.in-S".C'cst l'abregede l'ouvra-
précèdent ; il a ctc réimprime plu-
sieurs fois, cntrcautresa Cambiid-
gc, 1701 , in-ra; Ediiibourg, ciim
mnis Garmirhael , 1 724 ; Londres ,
1735, et «758, cuin nulis vnrio-
nim et Johnstnni, in-8'*. ; Leyde ,
i-fk) , cuni not. var. , 'i vol. iu-.S".
îiarbcvrar l'a aussi traduit en Iran-
çais. V. Spccimen contr'iversitirum
circà jus uaturale , Lpsal ou plutôt
Osnabruck, 1O7H. VL JJris ScandU
ca, Francfort , 1686 , in-4". C'est le
pamphlet qu'd composa au sujet de
ses démêles avec Hcckinani!. On y
trouve tout ce qui a rapport à cel-
te querelle — OKuvres politiques :
Vil. Se^'crini Monzambnni l'ero-
nensis de statu Imperii gerinamci ,
i6(3o ; trad. en français, Amster-
dam, i<Wj(), in- 12. Ce ne fut qu'a-
près la mort de Pufendorf qu'on ac-
quit la certitude qu'il e'tait l'auteur
de cet ouvrage. VIII. Dissertalioncs
academicie selcctœ , su'C .'iiiulecta
poUtica, Lund, 1O75, in-8'*.; Ams-
terdam , ir)<)8, iu-ia. IX. Disserta-
liu de faderihus inler Sueciam et
GalUain , la Haye, 1708, iu-8". ;
trad. en français , ibid. , 1709. X.
PUF
De habiln relif^ionis chrislianœ ad
rempublicain, Hième . i()87 , in-4",
XI. Politische J)etrachluiigen dcr
peistlic/um Monarchie desStuhls zu
nom. Halle, 1714(4). XII. Dis-
quisitio de repuhlicd irregulnri ,
Lund, i()()i), iri-i2. XllI. JH.sser-
talio de forma reipublicœ loma-
jiœ , i6()<) , in-4". — Ses travaux,
philologiques consistent dans les édi-
tions qu'il a données de Meursii
miscellanea laconica , Amsterdam ,
i()6i , in-4".; ^^" Ceramicus ge-
viinus , Utrecht , i()()3 , in - 4". ;
et de Laurembrrgii Gra'cia anti-
f/ua , Amsterdam , i()()i , in-4".
— Ses ouvrages hisfori(pu'S sont :
XI\'. Georgii Castriota' Scander-
be gi historia , Sladp , 1O84 , in-i'i.
XV. Comment arii de rébus Suecicis,
ah expeditione Gustavi - ^'idolphi
usque ad ahdicalionrm Cliristinœ ,
Ulreeht. i()8(l, in-fol. \\\.Dcrcbus
gestis Ctiroli- Gustavi SucciiP régis,
Nuremberg, i()()j , \'JM),:>. vol.
in-fol. C'est le plus cslime'de ses on
vrages. XVII. J)e rvbus gestis Fre-
derici fVilhelmi magni electoris
JJrandenburgici , IJerlin , i()()5 ,
1733 , in-fol. On a cru à tort que la
dernii'rc e'dition avait été mutilée :
du moins OKhichs , dans ses Sup-
pléments aux historiograplus bran-
debourgcois , assure que la réim-
pression est eu tont conforme à l'ori-
ginal. XVIIl. De rébus gestis Fre-
derici m electoris , posteà régis
commentarinrum libri /// , Berlin ,
1784. Cet œuvre posthume fut mis
au jour par le comte d'Hci/.bcig.
XIX. lunlcilung zur Gescbicbte
dcr luiapa'iscben Staalen , Franc-
fort , \(')Hl , in-H'\ ; trad. en fran-
( ',) r.itlc Drirnpiion lui
Vrni/firc du /"»/'*? R** n'trii
17.^1 lie •••n Intruduclion « HiMloirc <ii'» iiriiici-
yant i lal.i di- l'Iviii'rijM'. M y r<');nc iior gniick- pur-
li*lil.-. G — BD.
PUF
çais par Rouxcl , 1 7 1 o, 4 v- i"- ' ^ • . et
conlinucparOhlcnsclilœger. La Mai'-
linicre publia une oontimialion fVaii-
taise , Amsterdam, i7':i'2; repro-
duite avec l'ouvrage original , sous
le titre pompeux (ïlnlroduction à
l'histoire générale et politique de
l'univers ; édition revue et augmen-
tée par De Grâce, Paris, 17 53 et
suiv. , 8 vol. in-4''. : ce livre écrit
d'un style lourd et d'une sécheresse
rebutante, est, pourtant, maigre les
inexactitudes et les erreurs qui y do-
minent, uuc des meilleures produc-
tions de l'auteur. Parmi les écrits sur
divers sujets , nous citerons seule-
ment : XX. Les Epistolœ amœbece
Fufendorfii et Groninpi de com-
merciis pacatorwn ad belligéran-
tes , insérées dans le Bibliotheca
univer^alis librorumjuridicorum de
J. Groniugius , Hambourg, 1 708 , in.
8**. — Isaïe PuFENDORF , frère aîné
de Samuel, était également un sa-
vant et un politique habile : il fut
chargé de missions diplomatiques
par les cours de Danemark et de Suè-
de, et fut pendant quelque temps mi-
nistre de Suède à Paris j il re-
présenta ensuite la même puissan-
ce à Piatisbonne, où il mourut en
iG8f). On a de lui divers ouvrages ,
dont les principaux ont été recueillis
par J,-P. Ludwig ( Esaiœ Pufendor-
Jiiopuscula àjuvenelucubrata ) avec
une Vie de l'auteur, Halle, 1700,
in-8''. On y distingue une Dissertation
De legibus salicis , et une autre De
Druidibus. On lui attribue aussi les
anecdotes de Suède , ou Histoire
secrète des changements arrivés
dans la Suède sous le règne de
Charles XI , la Haye , 1 7 1 6. — Ses
descendants existent encore dans le
Hanovre : Tuu d'eux , Frédéric-Isaïe
DE PuFENDORF , vicc-présideut du
tribunal de Celle , mort en 178.5 , a
PUG û6y
publié plusieurs ouvrages sur le droit,
entre nutvcs: De juridictione germa'
nicd, Lcrago, 1740? 1786; et Ob-
servationes juris universi y Celle et
Hanovre, 1744-7G7 ^^ol.; 1780-
84. Samuel n'a point laissé de des-
cendants directs. D — g.
PUGATSCHEFF. Fojez Pou-
CIIEW.
PUGET (Pierre), qui fut en
même temps célèbre statuaire, cons-
tructeur de vaisseaux , peintre et ar-
chitecte, naquit à Marseille, le 3i
octobre 1622. Sa famille se fait des-
cendre d'une maison déjà illustre à
la cour des comtes de Provence de
la première branchcd'Anjou ;elles'y
raiiaclie par Christol de Pugct, troi-
sième fds de Jean, lequel Jean fut qua-
tre fois premier consul de la ville
d'Aix,en i54 ', i:)5o, i559eti570.
Simon, petit-fils de Christol , et père
du statuaire , était architecte. 11 pa-
raît qu'il mourut jeune, et ne lais-
sa qu'un faible patrimoine. L'édu-
cation de Pierre Pugct fut extrême-
ment négligée. H s'appliqua de bon-
ne lieurc aux beaux-arts • mais il les
étudia mal. A l'époque de sa jeu-
nesse, les établissements créés par
Louis XIV pour en aplanir la rou-
te au génie, n'existaient point en-
core. L'Italie, lorsqu'il alla y puiser
de l'instruction , était tombée dans
une décadence d'autant plus funeste,
qu'elle croyait avoir faitde nouveaux
progrès vers la perfection. Trom-
pé dans la peinture , par un maî-
tre dont il dut, dans la suite, ab-
jurer les leçons ; sans guide dans
l'architecture, non plus que dans
l'art statuaire; dominé par une ame
sensible mais ardente , par un ca-
ractère brusque et impétueux , il se
montra pathétique, gracieux, grand,
énergique , sublime, mais irréguliei-,
par la force de cette impulsion inté^
19
290
PUG
rieare qu'où ne lui apprit point à
modérer. La n.iture l'avait fait ar-
tiste; et il fut artiste, cuiuinc le vou-
lait la seule u.iture. A l'âge de qua-
torre ans , il fut place auprès d'un
constnicteurde galères, nommé Ro-
man, ipii était aussi sculpteur en
bois. A peine un an s'était écoule ,
(pic Uonian , ne trouvant plus rien à
lui enseigner, se reposa enlièremeut
sur lui de la construition d'une ga-
lère. Pugct ne se borna point à en
diriger les travaux ; il en exécuta , en
grande partie, l«s sculptures, de sa
propre main. Il était âgé de seize
ans quand ce bâtiment fut lancé à la
mer. .\ dix-sept ans, il était en rou-
te pour l'Italie: il voyageait à pied.
Arrivé a Florence , il fut réduit à sol-
liciter des travaux pour subsister. Sa
jeurusse, et peut- être aussi sa qua-
lité d'étranger, lui ferniau-nt tous les
ateliers. Déjà îcs bardes étaient en
gage, lorsqu'il parvint.! se faire pré-
senter cher nn sculpteur en bois,
qui exécutait des meubles pour le
grand-duc. Il lui fallut supporter
plus d'une humiliation , avant qu'on
lui permit de dégrossit un bout de
bois. Quand ce travail fut terminé,
il demanda la permission d'exécuter
un scabellon. Le maître jellc sur lui
un regard moqueur, en lui disant ;
« En sere/.-vous capable? » Pugct
s'était contenu iuscpi'à ce moment;
la patience enfin lui échappe : il sai-
sit un i rayon ; et , sans repondre un
seul mot , il improvise des projets
de meubles , de ligures , d'enroule-
ments , d'ornements de divers gen-
res, avec tout le feu qui le caracté-
risait. Le maître le regarde avec éton-
nement : le dédain se change en ad-
miration; etbieutôt l'esiimcqu'il con-
çoit pour ce jeune homme est si gran-
de , qu'oubliant les usages de l'Italie,
il le loge dans sa maison , l'admet à
PUG
sa table , et le traite comme son fils.
Au bout d'un an, Piiget est parti
pour Rome : il \oiilait être peintre ,
et y apprendre son art. Sou inaitro
lui donna des recomiuaiulations
pour un ami du Cortone, qui jouis-
sait alors d'une réputation colossa-
le ( f. Cortone, X , 19). Puissam-
ment sollicité par le maître floren-
tin , cet ami accueillit Puget comme
un père, et le ])iésenfa au Cortone ;
lequel, ayant visité ses portefeuilles,
le rei^ut auprès de lui avec eniprcs-
sement. Le]euiie peintre ne tarda pas
d'être employé dans les travaux de
son maître. La tradition désigne enco-
re, dans le plafond du palais Baibc-
rini, deux figures de Tritons , regar-
dées comme son ouvrage. Le Cor-
tone , appelé à Florence pour exé-
cuter des plafonds dans le palais
Pilti , eniinena dans cette ville un
si précieux élève. Son atladifinent
pour lui croissait de jour en jour.
Mais le besoin de revoir ses pa-
rents et son pays commençait à se
faire sentir dans l'ame du jeune !Mar-
seillais. Son amour pour sa patrie
est la plus vive passion que ce grand
homme par.'iisse avoir éproivée. vSi
nous en croyons des récils qui se
perpétuent encore , le Cortone , qui
avait une fille unique, et qui possé-
dait de grands biens, lui lit en vain
les olTres les plus brillantes. V.n
1043 , Puget était de retour à Mar-
seille. Sa première production fut
nn Portrait de sa mère, esquisse ra-
pide , où l'on retrouve irait pour
trait, sa propre image : ce Portrait
existe dans le cabinet d'un amateur
de la ville d'Aix. A |»( inc Puget fut-il
arrivé que des oliiciers de marine,
instruits du génie précoce qu'il avait
manifeste en construisant une galè-
re à l'igc de seize ans , et ayant vu
des dessins de vai*seaux , qu'il tra-
PUG
çait pour son amusement , parlè-
rent de SCS talents avec tant d'admi-
ration au duc de Brezc, amiral de
France, que celui-ci l'appela auprès
de lui à Toulon , et le charf;ea de des-
siner et de faire exécuter le vaisseau
de guerre le plus mafçiiifiqucmcnt dé-
coré que son imagination pourrait
concevoir. Ce fut alors que Piiget, âge'
de vingt-un ans , inventa ces poupes
colossales , ornées d'un double rang
de galeries saillantes et de figures en
bas -relief et en ronde-bosse , qu'on
imita proinpteraont dans divers
ports, et qui ont f.iit long-temps l'or,
nemcntdes vaisseaux de toute l'Eu-
rope. Lors de rinvenlion des armes
à feu , le système de décoration des
bâtiments de mer avait dû changer.
Les constructeurs ne s'occupèrent
d'abord que de les défendre, autant
qu'il serait possible, contre le choc
des boulets. Bientôt cependant ils
devinrent plus hardis; et déjà, avant
Puget, on avait étnbli à la poupe une
paierie saillante. Pins audacieux en-
core, ce jeune maître conçut l'idée
de joindre à ce premier essai toutes
les richesses propres à former un
ensemble majfstneux et imposant.
Le vaisseau qu'il exécuta portait soi-
xante canons. T,a poupe était ornée
de deux, galeries, l'une au dessus de
l'autre, de quatre figures colossales
en ronde-bosse et de plusieurs figu-
res en bas - relief : cette décoration
présentait des allégories en l'hon-
neur d'Anne d'Autriche, devenue ré-
gentedu royaume. Ce bâtiment, nom-
mé la Pleine^ fut terminé en 16^6.
Peu de temps après , un religieux de
l'ordre des Feuillants , chargé par
Anne d' Au triched'aller faire ex éditer
à Piome une suite de dessins d'après
les monuments antiques les plus cé-
lèbres de tous les genres, le prit avec
lui pour l'aider dans ce travail. L'ob-
PDG agi
servalion attentive des cdîfîccs de
l'antiquité développa chez le jeune
Puget un sentiment dont il ne s'était
pas encore rendu compte. Sa passion
pour l'architecture devint si vive,
qu'il voulut en fairesou art favori. On
nelui connaît point de maître dans cet
art, non plus que dans la sculpture eu
marbre : son génielui en tint lieu; mais
les emprunts qu'il a faits à l'antiq'ie
montrent combien il l'avait étudié.
Dans ses projets de travail , il devait
être ])rincipalement architecte ; la
peinture devait remplir ses moments
de loisir : la sculpture était ce qui ap-
pelait le moins son attention. La for-
tune en disposa autrement. Picvenu à
INLarseille en i653 , il fut d'abord
invité à peindre un grand nombre
de tableaux d'église. Ses ouvrages
de ce genre se succédèrent rapide-
ment. Les villes de Marseille , d'Aix,
de Toulon, de Cuers, de la Ciofat,
s'embellirent de ses productions ,
tandis que quelques petits tableaux
se répandaient dans les cabinets de
divers amateurs. \J Annonciation
et la Fisitation de la ville d'Aix ^
dont les figures sont grandes comme
nature ; le Sauveur du monde , de la
même proportion ; et les petits ta-
bleaux représentant le Baptême de
Conslantintl celui de Clons, aujour-
d'hui dans le Musée de Marseille ,
ainsi qu'un Portrait de lui , peint
de sa main, qui se trouve à Mar-
seille dans un cabinet riche de ses
ouvrages, (celui de M. le marquis de
Panissc) appartiennent à celle épo-
que. Ces tableaux, indépendamment
de ceux dont il nous reste à parler ,
suffisent pour faire apprécier son ta-
lent tout entier. Vers la fin de l'an-
née i655 , Puget ayant été frappé
d'une maladie grave, ses médecins
lui conseillèrent de quitter la pein-
ture. 11 se livra, dès ce moment, à
19..
Il
agi
VU G
la sculpture en marbre, dont au-
cnn moiiiimont public ne prouve
qu'il je fût occupe jusqu'alors d'u-
ne manière suivie. La porte et le
balcon de rhôtcl-de-ville de TuuIdu
furent sou premier ouvni|;e. Ce mo-
nument est enlii'rement de lui : il en
a été l'architecte et le sculpteur. Le
contrat qu'il fit à ce sujet, avec les
consuls , porte la date du 19 jan-
vier it'5(3. Son travail fut teiniiiic
dans le courant de la même année.
Le balcon , qui sert de rouronncment
à la porte , est soutenu par deux
Termes ou Allas, dont l'ellbrl met
en contraction tous les muscles, ce
qui fait apparemment allusion aux
travaux exécutes dans l'arsenal par
les malheureux que la loi con-
damne à ce penrc de peine Le IJer-
nin, lorsqu'il vint en France ^ i(i05),
eut la péncro>ité de dire qu'd s'é-
tonnait d'avoir été appelé , pmsque
le roi possédait un si liabilc ar-
tiste. C'est une opinion assez gé-
nérale, à Marseille, que la façade
de la maison commune, ou de la La.
ge de cette ville , est un ouvrage de
Pupef. Cette tradition , adoptée par
Piganiol de I.a Force et pard'auties
auteurs , paraît dénuée de fonde-
ment. Ce fut le 7 septembre iGj3 ,
que le conseil admini>(ratif de la
Commune délibéra de faire démolir
l'ancien hôtel de ville , et d'en cons-
truire un nouveau. La première
pierre du nouvel édifice fut posée le
•i5 octobre suivant. Cette prompti-
tude donne lieu de croire qu'd y
avait déjà auparavant un architecte
choisi et des plans arrêtés. Nous
avons dit que Puget revint de Rome,
la même année. A peine arrivé, il
dessina un projet de façade beaucoup
plus riche et incomparablement plus
beau que celui qui a été exéculf. Ce
dessin te voit a MarscUlc , dans
PU G
le cabinet d'un amateur ( M. Roi
landin ). Mais , soit que la dépense
parût devoir être trop considérable,
soit (|ue les administrateurs eussent
contracté un cncafrement définitif,
son plan nefut point adopté. I/auteur
du inonurvent est , jusqu'à présent ,
inconnu : il paraît n'enavoir été fait
mention nulle {>art, dans les archi-
ves de la ville. Une semblable néf;li-
pence a quelque cliose d'étonnant :
mais les exemples n'en sont pas ra-
res dans notre histoire. Le buste de
Louis XIV , (|ui orne la façade, est
d'un sculpteur nommé Moiel . qui
habitait Mars'ille. Les (piatie bas-
reliefs sont de Garava{;ue , que
Guys , dans son ouvrage intitule
Maneille ancienne et moderne , dit
élève de Piip< t , et nie inbre de l'aca-
démie royale. Ils n'ont été exécutés
qu'en i-iH. Il n'y a de Piipet , dans
tout ce monument , que l'ecusson
aux armes de France , dont nous
parlerons tout -à - l'heure. Du res-
te, la gloire de ce maître s'accroî-
trait peu par l'invention de cette fa-
çade, quel que puisse en être le rac-
ritf . Elle est hors de sa manière ;
cl il s'y niontreiait au-dessous du
graiiil caractère (|ui lui est propre.
A peine la porte de l'hôle'-de ville
de 1 oulon venait d'être arhevée ,
que Pupel fut appelé en INorman-
die, par le marquis de (îiraidin. Il
exécuta , pour ce seigneur , dans sa
terre de Vaudreuil , deux statues ou
deux groupes , de huit pieds et demi
de haut , en pierre de Veriion ,
dont l'un représentait //eiciile, l'au-
tre Janus el la Terre. C'est alors
qu'il vint à Paris , pour la premiè-
re fois. Il y fut connu de Le Pau-
tre , architecte , à l'occasion d'un
bas-relief dont il avait modelé l'es-
quisse: celui-ci en fit l'éloge à Fou-
quet,qui,dès ce moment, corçut
PUG
le projet de le charger de Toutes
les sculptures destinées à l'enibellis-
semeiU de son château de Vaux-le-
Vicomte , et de l'envoyer d'aijord , à
Carrare , choisir les marbres néces-
saires pour ces impurtants travaux.
S irces entrefaites, ^Iazarin qui enten-
dit parler de lui, voulut se l'altaclier,
et chargea Coibert , alors son se
cietaire , de l'engager à quitter le
surintendant , pour se vouer à son
service. Puget n'était pas homme
à trahir un engagement : les of-
fres les plus brillantes furent reje-
tées ; et peut être Golbert a-l-il eu le
tort de se ressouvenir , étant miiiis-
tre, d'une négociation où il avait
échoué avant île le devenir. Puget
partit de Paris pour Carrare , en
lôGo. On bâtissait, a Mar.'ieille, l'hô-
tel-dc -ville : on s'occupait aussi de
l'établissemenc de la rue d'Aix,du
cours et de la rue de Rome , sur des
terrains qui se trouvaient auparavant
hors de la ville. Puget fut consulté :
il proposa de donner plus de largeur
à la rue d'Aix ; ce qu'on ne fit point.
Mais il dessina des projets de façade
pour les maisons centrales, et pour
celles des angles de chacune des îles
du cours ; et, heureusement , quel-
ques-uns de ses dejisins furent suivis.
Du côté gauche du cours, en allant
du norJ au midi , à partir de la rue
dite de l'Arbre , les maisons qui por-
tent les numéros '2, 4 et G ; et ensuite ,
en commençant a l'angle de la rue de
Noailles, celles qui portent les numé-
ros i, 3, 5, 7, 9, sont regardées corn me
son ouvrage. Ces édifices ofTrent en ef-
fet les formes grandioses q'ui le distin-
guent. Les cinq maisons particulière-
meni , qui suivent la lue de Noail-
les , n''^ 1^9, coordonnées entre
elles de manière qu'elles paraissent
n'en former qu'une seule, présentent,
ainsi réunies , un cn&cnîble plein de
PUG agi
grandeur et de majesté, et bfen di-
gne d'une des principales villes du
monde. L'idée première de ces bâti-
ments consiste en deux pilastres io-
ni(pies ou corinthiens , qui , du des-
sus du rez-de-chaussée , s'élèvent
aux deux extrémités latérales , et
montent jusqu'au faîte. Un balcon en
saillie , soutenu par des Tritons ou
des Sirènes , couronne la porte prin-
cipale; et une corniche, qui règne
dafis toute l'étenduede l'édifice, com-
plète le beau système de cette décora-
tion. Malheureusement les propriétai-
res ne respectent pas toujours ces in-
ventions de g^énie. Le cours deMarseil»
le a déjà éprouvé plusieurs dégrada-
tionsdans les édifices dePuget, qui en
sont le plusbel ornement. Depuis peu
de temps, cet habile maître avait éta-
bli sa demeure à Gènes, lorsque Fou-
quet fut disgracié. Les Génois ne lui
permirent pas de retourner en Fran-
ce. Les travaux et les honneurs se
succédèrent , et le retinrent dans
cette ville, qui fut pour lui une se-
conde patrie. Au moment de la dis-
grâce de Fouquet , il avait commen-
cé la statue dite V Hercule français.
M. Guillaume Sublet des Noyers en
fit l'acquisition. Celte statue se voit
auj-iurd'hui dans une des salles d'as-
semblée de la Chambre des pairs: elle
esten marbre, et de six pieds et demi
de proportion. Il exécuta ensuite les
ouvrages qui ornent la ville de Gè-
nes : ce sont, la statue colossale du
bienheureux Alexandre Saiili , et
celle de Saint Sébastien , de l'église
deCarignan ; le groupe de V Assomp-
tion , de l'hospice dit Y Alhers,o ; la
figure de la ricrge, du palais Balbi;
celle du palais Carréga ; la statue de
Saint Philippe Néri ; le Tabernacle ,
et les Anges en bronze doré de l'égli-
se de Saint Syr ; l'autel de Notre-
Dame-des A'igncs; Icgroupc de VEn-
U94 PUG
lèi'criient d' Hélène, du palais Spino-
la. 11 sculpta , pour le duc de Man-
toue, ujj f;iaud uas-rclief , représen-
tant aussi W4ssomption. Tandis qu'il
était prieur de la confrérie de l'Aii-
nonciade, ou recon>tr'.ii>ii une des
chapelles de celte e^li>e, sous le ti-
tre de Saint Louis. Cunstaunnent
attache à son pays, Pu^ct composa
tous les dessins , et paya lui seul la
moitié de la dé|>eu5e. Suivant le t»-
inoignaf;c du père Boupercl , qui cite
Tourncfort et Jean de Dieu , ce fut le
Bernin , qui , ayant vu !es sculptures
de Gènes, et la porte de l'hùtelde-
ville de Toulon , luaiiifcsta auprès
de Colbcrt tant d'admiration pour
CCS ouvraj;es, qu'il décida ce minis-
tre à rappeler un artiste qui illus-
trait sa patrie dans l'etranf^er d'une
manière si distinguée. Eu ellet . Col-
bert invita Pugct à rentrer en Fian-
ce: mais au lieu de l'apprler à Paris,
il le uoniir.a directeur de la décora-
tion des ruisseaux , à Toulon, avec
trois mille six-cents francs d'ap-
pointements. Puget jouissait, à Gc-
ucs, de l'existence la plus brillan-
te. La maison Doria l'avait chargé
de la construction d'une église pi-
roissialc, dont les dcs'^insélaiint dé-
jà tracés. La famille Sauli et la fa-
mille Lomellini le gratifiaient cha-
cune d'une pension de trois nulle six
cents francs, et lui payaient en outre
ses ouvrages. Lf sénat venait de le
choisir j<our peindre en entier la
salle du gnnd-conscil. Rien ne put
le retenir. Arrivé à Toulon, au com-
mencement de 1CJG9, après un sé-
jour à Gènes de sept à huit ans, il
fut sur-Ie champ employé par le
duc de Beaufort, diors amiral, à la
décoration Au Vdisseau - comman-
dant le iV^ig/ïZ/î/^we de 104 canons ),
que ce prince montait d.jns la nial-
beurcuse expédition où il perdit la
PUG
vie, le 'i5 juin de la même année.
Cette construction fut exécutée avec
une exlièmc précipitation. Comme
le duc manisfcsiait un jour tlu mé^
contentement de ce que les travaux
ne s'aclievaieul pas aussi rapide-
ment qu'il l'aurait voulu , Puget , im-
patienté à son tour, lui dit : « INIon-
» seigneur, si mes services ne sont
» pas agréables à V. A. , je la prie
» de me donner mon congé. — Le
» roi , répon Jit le prince , ne retient
» personne m.dgré lui. » A ce mol,
Puget rentra ilans son logis; et déjà
il était occupé à faire une malle
j)Our I clourner à Gènes , lorsque le
prince, lui envoya un de ves |>ages, et
le lit invi;er à revenir. Dès qu'il le
revit, il fit un pas vers lui, l'em-
brassa, le pria d'oublier le passé,
et lui donna do mar(pies sincères de
son c>lime (Hougerel). Ce trait rap-
pelle Jules II à Hologne , disant à Mi-
chel-Ange : il ni a donc fallu te ve-
nir chercher '. ( /'. MicHKi.- Ange,
XXVllI , 58o ); mais il honore
d'autant plus le jugement du duc de
Beaufort, que l'artiste français était
encore loin d'avoir oLlenu l'im-
mense et juste réputation du cé-
lèbre Buonarroli. La poupe du Ma-
pnifujue était ornée de plusieurs
ligures en ronde hosse, de vingt
pieds de haut. Ce vaisseau périt dans
l'expédition où le duc de Beaufort
fut lue. Puget exécuta ensuite les
décorations de plusieurs galères ,
notamment de celles qu'on appe-
lait la Commandante , la seconde
Commandante , la ficloire, et de
quelques autres vaisseaux. On con-
serve, ilans l'arsenal de Toulon, deux
Benonimées, deux Tritons, la figure
d'un Saui'ape , tous en ronde-bosse,
et divers bas-reliefs, représentant le
Soleil, les Quatre Eléments, les
Quatre Saisons, les Quatre Parties
PU G
du jour , et d'autres sujets , qui pro-
viennent lie CCS différents bâtiments.
Tandis qu'il s'ocriipait de ces sculp-
tures , il taisait exécuter une machi-
ne de son invention, propre à mater
et à de'raàicr les plus grands vais-
seaux. Celle machine a été employée
dans le port i!e Toulon, jusqu'au mi-
lien du siècle dernier. Il construisit
aussi une maison pour son habita-
tion : elle est située au voisinage
du port , sur un angle formé ])ar
la rue de rilùtel-de-ville et par celle
deBourlton. L'idée en est à-peu-près
scrablaMe à celle des maisons du
Cours de Marseille, sur une moin-
dre échelle. Puget orna le plafond
d'une des salles , d'une peinture re-
présentant les Trois Parques : il y
déposa aussi son Portrait , peint par
lui-même. Le tableau des Parques a
péri depuis peu d'années : le Portrait
est maintenant à Paris. Quelques égli-
ses deToulon s'embellirent de ses ou-
vrages. 11 sculpta en marbre , pour
le tabernacle des Minimes , deux
Anges cjifants^ que nous avons vus
dans le Musée des monuments fran-
çais , sous le n". 552 ; et , pour l'autel
delachapelleditedeCor^M5Z>07H/«t,
de la calnédr.de , deux Anges en ado-
r.illou, appelés les Adorateurs , en-
core aujourd'hui existants dans cette
église. Un projet bien plus impor-
tant flattait sa passion pour l'archi-
tecture; c'était la construction d'un
arsenal. Aucun genre de bâtiment ne
convenait mieux à un génie de celîe
trempe. L'intendant des galères, le
duc de \eudonie gouverneur de la
province, le ministre même, avaient
approuvé ses plans : une salle d'ar-
mesélaildéjà construite. L'intendant
de Toulon (it naine des dillicuhés :
il fallut attendre une nouvelle déci-
.sion de la cour. Dans l'intervalle ,
es concurrents de Puget employé-
PUG 295
rent un moyen plus expëditif que
les réclamations : ils mirent le feu
à la partie déjà élevée ; tout de-
vint la proie dos flammes, et, par
d'autres machinations , le projet
fut abandonné ( Bougerel ). Navré
de douleur , Puget sollicita sa re-
traite, et revint dans sa ville na-
tale. Son premier travail fut d'y
construire une maison, ou 11 s eta-
bbt avec sa famille. Cet édifice est
situé dans la rue de Rome , sur
l'angle formé par cette rue et par
celle de la Palun. La façade la plus
étroite, c'est-à-dire, celle qui se
présente sur l'angle, est la principa-
le. Elle se compose, au-dessus du
rès de chaussée , de deux pilastres
composites , accompagnant un bal-
con en saillie, et surmontés d'un
fronton qui forme le faîte de l'é-
diiice. Ce qui n'est pas moins à re-
marquer , c'est le caractère reli-
gieux de ladécoration. On dirait que
Puget ait voulu y déposer l'etuprein-
te du sentiment douloureux dont
il était pénétré quand il construisit
ce monument. Dans l'architrave , et
dans une portion de la frise, au-
dessus de la fenêtre du premierctage,
est taillée une niche ronde , où était
consacré un buste du Sauveur , rem-
placé aujourd'hui par une copie.
Dans la frise est tracée cette ins-
cription : Sahator Mundi, miserere
nobis ; et dans le couronnement qui
surmonte la corniche de la porte-
fenêtre du balcon , se lit cette devise,
dont Puget paraît avoir fait la
sienne : Nul bien sans peine. Ce
monument, plein dégoût et d'élé-
gance , a été dégradé lors de l'éta-
blissement d'une boutique , par l'en-
lèvement du chambranle et de la
corniche de la fenêtre du rez-de-
chaussée; mais il est connu par un
ancien dessin qui subsiste eaco-'
2f)£j
PUG
re (i). Un édifice plus important
occiip.iit Piipct à la même époque ,
c'était la halle au poisson ilu quar-
tier tles Acoules , dite aujonririuii
la //allt-Pnget. Il en avait ol)(ei)ii
radjudicitiou , en i67'2 , pour le
])ri\ d«- huit mille trois cent cin-
(juaiite livri"s. Cet édifice se compose
de vin};t colonnes isolées , d'ordre
ionique, disposées sur un carré-long,
au nombre ilc cinq sur dru\ côtés ,
cl de sept sur chatiin des deux autres.
Les colonnes sont élevées sur des sîy-
lobates, entre lesquels rîgnent trois
raiie;s de m.inlii's. I,es arcs repo-
sent directement sur les chapiteaux;
la saillie* du toit sert de corniche.
Toutes ce> parties, habilement com-
binées, forment un ensemble sin;;u-
licremcnt élé'^anl. Puget aimait, dans
l'architecture , le-» pensées neuves ,
hardies, grandes, orij;inales: mais cet
amour de la sinp;ul.irité était guidé
par un sentiment judicieux qui le
tiomp.iil rarement. Le trait dislinc-
tif de l'édifice dont nous parlons,
ce sont les colonnes en nombre im-
pair sur chaque façade. L'antiquité
olFre des exemples d'une semblable
licence. L'habile maître a senti que
des colonnes en nombre pair auraient
domié aux façades utie gravité mal
assortie avec l'esprit d'iu) moiniment
où la foule du piiijlic qui monte et
descend les mirches , se piésentc
sans cesse en état d'agitation. C'est
au nombre impair des colonnes ,
que ce bel étiifice doit , en partie , la
piquante légèreté qui le distingue. La
sculpture occupait Puget en même
temps que l'architecture. En 1673,
les éthevins lui demandèrent un éciis-
son aux armes de Fraficc, soutenu
l'i> C.r dnan a été retrouvé p.ir M. PmcLaiiil
•rdutrrU Hu departnacut, de <|ui le zJc |i..ur il
cni.*rr^ati«u de» aniieos moDumciiU ùûe l'ha-
PUG
par lieux anges enfants, destiné à
décorer le portail de l'hôtel de-ville.
Il éprouvait une si grande satis-
faction à orner euîin sa ville natale
d'une production de son ciseau ,
qu'il exécuta celui-ci pour qriinze
cents livres , somme inférieure;! ses
déboursés. Ce groupe se voit sur la
façade de l'hôtel-de-ville , toujour.s
digue de ce grand statuaire , quoique
mutdéplusieursfois dansles oragesde
la révolution. Pendant son séjour à
Toidon , Puget avait obtenu de Col-
bert trois blocs de marbre , destinés
poui- Paris ; et , dans des moments de
loisir, il avait commencé à sculpter,
sans aucune destination , le gruupc
colossal de Milan , et le grand bas-re-
lief d'.V/extiM^rctff Diogènc. Aucun
sujet ne pouvait mieux convenir à la
sculpture, et aucun n'était mieux ap-
pro[»rié au génie particulier de Pu-
get , que celui de IMilon déchiré par
un lion. Son ciseau plein de feu trou-
vait, dans une scène si draïualiipie ,
l'occasion de développer tout ce qu'il
possédait de force et de grandeur
dans le style, de vivacité dans la
pantomime, de chaleur et d'énergie
dans l'expression des adections les
f)lus passionnées de l'ame. Aussi
'art de la sculpture , qui a produit,
sans contredit , des ouvrages plus
achevés , n'en a-l-il enfanté aucun
qui saisisse le spectateur avec autant
de promptitude , et qui le touche
plus profondément. Ce groupe, qui
n'avait été commencé que pour la
jouissance pcrsonnellede l'artiste, ob-
tint une juste réputation avant mè-
med'ctre terminé. Le Nôtre, ayant eu
occasion de le voir, en fit un si digue
éloge à Colbcrt , à Louvois, et au
roi lui-même, que puget reçut l'ordre
de le terminer, et de l'envoyer A
Versailles. La caisse qui le ren-
fermait, y arriva au printemps de
PUG
l'année i683, cl fut ouverte en pre'-
soncc de Louis XIV et de sa cour.
Plusieurs histoiicns onlraj)porfe Tcx-
riamation echappceà la reine Maric-
ïhcrèse, à l'instant où la figure se
trouva dévoilée -.yih lie pauvre hom-
me ! Ce cri de la pitié ne fut pas le
seul éloge donné, dans celte occasion,
au chef-d'œuvre de la sculpture
française. Lebrun , <pû se trouvait
présent à cettestène, eu Ht connaître
quelques détails à Puget , dans une
lettre qu'il lui écrivit , en date du 19
juillet. «Lorsque Sa Majesté, lui dit-
» il , me lit l'honneur de me denian-
» der mon sentiment, je tachai de
» lui faire remarquer toutes les
» beautés de votre ouvrage. Je n'ai
)) fait en cela que vous rendre justice ;
» car , en vérité , cette figure m'a
» semblé très-belle dans toutes ses
» parties, et travaillée avec un grand
» art Je vous témoignais ( dans
» une précédente lettre ) l'estime que
» )e fais de votre mérite , et vous
» demandais part en votre amitié ;
» faisant plus de cas de l'affection
» d'une personne de vertu comme
M vous , que*e celle des plus quali-
■» fiés de notre cour. » ( Boûgerel ,
pag. 35, 3G. ) Nous avons dû rap-
porter cette lettre presque en entier,
parce qu'elle prouve que Lebrun ne
fut point envieux de Puget, comme
on l'a faussement supposé , et qu'il
n'est pas vrai que celui ci ait aban-
donné la capitale à cause des dé-
goûts que le premier peintre lui fai-
sait éprouver. On y voit, en outre ,
que Puget n'avait pas quitté sa re-
traite pour venir solliciter des louan-
ges à Paris , et qu'il était demeuré
au milieu de ses travaux , tandis que
son ouvrage venait former le plus
bel ornement des jai'dins de Louis
XIV : trait de caractère qui dément
beaucoup de fausî'cs chroniques , et
PUG
297
qui ne devait pas nous échapper.
Le roi , satisfait de la beauté du
Jifilon , chargea Louvois de deman-
der à Puget s'il avait commencé
quelque figure , qui pût servir de
pendant à celle-là , et de s'informer
en même temps de son âge. La ré-
ponse de Pujet , en date du 20 octo-
bre i6B3 , renferme des mots naïfs ,
qui nous offrent le portrait le plus
fidèle de l'esprit et du caractère de
ce grand homme. 11 propose d'abord
son groupe à\4n(lromè(le , auquel il
avait déjà travaillé pendant cinq ans.
« Je suis dans ma soixantième an-
»née, dit -il ensuite au ministre j
» mais j'ai des forces et de la vigueur,
» Dieu merci , pour servir encore
» long -temps. Je suis nourri aux
» grands ouvrages ; je nage quand.
» j'y travaille, et le marbre tremble
» devant moi, pour grosse que soit
» la pièce. » — Il fait , après cela,
une description abrégée de quelques
ouvrages c.ont il a conçu l'idée pour
l'embellissement de Versailles : puis
oubliant V Alexandre Sauli,\e Saint
Sébastien , le Milon^ et tant d'autres
belles figures , il ajoute , avec la
candeur qui le distinguait : « Tou-
» tefois , Monseigneur , avant que
» de penser à aucun autre ou-
» vragc , je crois, sauf votre bon
)) plaisir , qu'il faudra attendre que
» mon Andromède soit posée à sa
» place ; et j'espère qu'alors vous
» serez plus persuadé de ma suffi-
» sance. » ( Boûgerel, pag. 38 à 43. )
Louis XIV, en elfct , lui fit demander
le groupe à^ Andromède , qui fut pla-
cé dans le parc de Versailles, en
i685. Puget ne quitta pas plus la
ville de Marseille , dans cette occa-
sion , qu'il ne l'avait fait lors de l'en-
voi du Milon. Il chargea François
Puget , son fils , de présenter ce mo-
nument au roi. Ce fut à François que
208
PUG
Louis XIV adressa ces nobles pa-
roles : « Votre ]icre est ç;iMnd et il-
» lustre ; i! n'y a personne dans l'Ku-
» rope qui le puisse égaler. » IMais
cet iiomm.ij^c rendu au génie par un
rei digne cle l'apprécier , n'eut point
d'aiitie ellil que celui de proclamer
le mérite d'un artiste qui ajiprochait
du terme de sa carrière. Puîiet ne
reçut d'ailleurs aucune rccoinpetise,
aucune distinction. Le groupe d'-7n-
dromètle ne lui fut paye que quinze
mille francs. Sept ans après, il ex-
posait encore au roi, que le marbre
lui coûtait , avec les frais de trans-
port , neuf mille cinq cents francs;
qu'il avait , en outre, paye' des ou-
vriers, supporte d'autres frais , et
qu'il ne lui restait presque rien pour
un travail de six années : son j^lacet
demeura sans réponse, Kn i()H:î , il
travaillait encore au bas -relief île
Violette, et il exe'culait des des-
sins et des modèles de plusieurs
figures qu'il av.iil annoncées à Lon-
vois , pour rembe!lisscinenl de Ver-
.s-iilles. Celait , cuire autres , une sta-
tue équestre de Louis XIV. 11 s'agis-
sait aussi d'une figure d'Apollon, de
trenlc-liuit pieJs ac haut , (pii aurait
ctcelevccau-dessus du canal, et portée
de chaque coté par des ruchers où se
seraient groupes des Tritons etdesSi-
rciies. (^iichpips tableaux de Piigel
prouvent, par réjujque a laquelle ils
apparlieniicnt , qu'il n'avait pas tot.i-
lemcnt abandonné la |)eiuture.Il n'a-
vait pas cessé non plus d'exécuter de
ces dessins à l'encre de la Chine, oit
il a représenté, avec tant d'esprit et
de vivacité, des sujets de marine de
divers genres, des vaisseaux amarrés
on (luttants, des orages , des combats
niarilirnes , des poupes de navires
enrichies de divers onunicnts. Tan-
dis qu'il s'occupait des projets de
Versailles , la ville de Marseille vou-
PUG
lut crigej- une statue équestre, a\
bronze, à Louis XlV, et construire
une j)lace qui serait consacrée à ce
monument. Pnget lut d'abord choisi,
tant pour donner les plans des édi-
fices , <]ue j)our exécuter la statue.
La place devait occuper un terrain
alors obstrué par des b.îliments du
parc royal , et qui font aujourd'hui
partie de celle de la Canébièie. Plus
de deux ans furent employés a tracer
les dessins, et à faire un modèle de
la statue dans de petites proportions.
Le cheval était représenté au galop :
il devait être soutenu , s'il le fallait ,
par des ligures de soldats ennemis,
morts ou mourants; ce qui aurait
été le premier exemjile d'une slaluc
cqu.sîrc dans un semblable mouvc;-
ment. Le prix était fixé à cent cin-
quante mille litres ; l'artiste fournis-
sait tous les matériaux ( Archives de
Murifille). Déjà était dressé un ate-
lier pour l'exécution de la (igme eu
grand. Tout-à-coup, sous le prétexte
d'une économie de douze mille livres
que faisait espérer un sculpteur nu-iii-
mé Clérion , l'exéculicm fut suspen-
due ; le contrat fait aWc Puget fut
regardé comme non avenu , et le
projet de GIcrion adopté. nuel(|ucs-
luis ont prétendu qu'un écheviu de
qui la maison devait se trouver mas-
quée par les nouveaux bàlinunls,
fut cause de cette détermination.
D'autres ont dit que Puget avait re-
fusé a cet administrateur une statue
pour ses jardins. Ou sent combien la
douleur de ce grand homme dut être
vive. Il partit sur-le-champ jiour
l'aris, à l'elTct de réclamer l'exécu-
tion de son contrat. Loiivois le pré-
senta a Ijouis XIV. Ce prince lui re-
fléta les paroles honorables qu'il
avait adressées à son fils, à l'occasion
du ^roui^c d' A ndroincdc , et lui don-
na, de &a main, une médaille d'or,
PUG
portant pour légende les mots : Féli-
citas publica, M;iis sa réclamation
demeura sans clîct. Après six mois
de séjour à Paris , oîi il était arrivé
dans l'été de l'année 1G88, il repar-
tit pour Marseille , sans avoir rien
obtenu. Clérion ne réussit pas da-
vantage : aucun des deux projets ne
fut exécuté. Revenu dans sa patrie ,
Pugct ne parut occupé que du besoin
de s'unir à ses concitoyens par de
nouveaux liens. Il bâtitune maison
dans un jardin situé hors de la ville,
sur des terrains occupés aujourd'hui
par la nie de la Troisième Calade ,
et par les maisons qui la bordent au
nord. Dans la partie supérieure ,
vers la rue Font^ate, était l'édifice
principal , composé d'une salle ron-
de , éclairée par un dôme, et accom-
pagnée de deux j»avi[lons. Dans la
partie inférieure , sur la rue de la
Falun^ il construisit une chapelle,
où il établit une fondation pieuse.
Le milieu de l'emplacement était
occupé par des plantations. Un des
pavillons subsiste encore , sembla-
ble, par la noblesse du style, à
une ruine antique entourée d'édi-
fices modernes ( dans l'enceinte de
la maison de la Troisième Calade,
qui porte le numéro 27 \ C'est dans
cette habitation que Puget passa ses
dernières années , travaillant sans
cesse, et se vengeant, par l'excellence
des ouvrages qu'il léguait à la posté-
rité, de l'inconcevable indifTércnce
de ses contemporains. L'énergie de
sa main se soutint jusqu'à la fin de sa
carrière. C'est de l'an 1689 à 1694,
qu'il construisit l'église de l'hos-
pice delà Charité. Une nef ovale,
ceinte de douze colonnes d'ordre
corinthien, qui soutiennent un tam-
bour et une coupole également ova-
les ; un vestibule et trois chapelles,
disposés autour de cette nef, l'un
PUG 299
eu face de Tautrc, en forme de croix :
telles sont les parties principales
dont se compose l'intérieur de cet
édifice. Le dehors , isolé de toutes
parts , est décoré , dans tout son
pourtour , de pilastres corinthiens.
Le tambour et la coupole , élevés
au-dessus de ce premier ordre, font
admirer une noblesse et une gra-
vité éminemment convenables à la
maison de ])iété que ce petit tem-
ple décore. Pugct ne vit point termi-
ncr ce monument. Ce fut son fils qui
en dirigea la construction après lui.
Le portique extérieur , qui devait
être orné de quatre colonnes , n'a
point été achevé. La dernière pro-
duction du ciseau de ce grand maî-
tre , fut un de ses plus beaux ouvra-
ges. Tout ce que sa jeunesse avait
imj)rimé dans le marbre, de feu et
de mouvement , s'y trouve réuni. Ja-
mais il n'avait donné à la pierre
plus de souplesse, à une scène dra-
matique plus de vérité, à l'expres-
sion de la douleur plus de justesse
et d'énergie. Cet admiiable ouvrage
est le bas -relief représentant la Pes-
te de Milan , qui se voit à Marseille,
dans la salle du conseil de la Santé.
Puget l'avait commencé pour M. de
la Chambre, curé de la paroisscde
Saint-Barthéleini , de Paris. Il ne
vécut pas assez pour le terminer en-
tièrement; et ce travail est demeuré
dans un état d'imperfection , dont
on s'aperçoit à peine. Les adminis-
trateurs l'ont acquis du petit-fils de
Pugct, moyennant 10,000 liv. , et
une rente viagère de 5oo liv. Il a
cinq pieds de haut , sur trois et de-
mi de large, et renferme quinze fi-
gures de diverses proportions. A
tous les arts du dessin , Puget joignait
le talent de la musique. II chantait ,
et jouait habilement de divers ins-
truments. Cet amusement embellit
3ûo PLTi
sa vieillesse. Son casin de la rue
Fontgiite , animé par sa présence ,
était devenu le temple de tons les
b^'anx. arts. C'est la que ce grand
liumme cessa de vivre, après une
courte maladie, le idécemhre \i^\)'\.
11 a produit trop d'ouvrac;os pour
f|uc nous puissions les nuiitionncr
tons. Aux tableaux que nous avons
déjà cités, nous joindrons, parmi
ceux dont les ligures sont gran-
des comme nature, \u\c Sainte- Fa-
taillii , tableau d'un dessin noble
et d une bonne couleur, uù la (i-^ure
«le Saint Joseph paraît cire le por-
trait de Puget V a Aix , chez M. Boycr
de Fonscolombc ) ; la f'ier^e ,
VEnJant Jéuis et Saint- François
(dans l'église cathédraledeToulon );
une .Annonciation [ tableau retouché,
dans la même église ) ; une rocation
(le Siiinl- Matthieu , dans l'éulise de
Château - Combert , au terr«)ir de
Marsedie ) ; un Saint Jean-Hajitis-
te dam le désen ' autrefois dans la
palenedu Palais-royal ) ; wnv .Ado-
ration des Bergers , esquisse ven-
due publiquement à Paris , vers les
années i8o4 on i8o0. Parmi les ta-
bleaux de petite dimension , nous ne
devons pis oublier une Fterf^e re-
gardant l'Knfant -Jésus couché sur
un coussin , t.tbleau singidièremeiit
reinanpiable par le bel empâtement
et l'éneigie de la couleur ( dans la
collection de M. le marquis de Pa-
rtisse, au château d'EntrevcMes ); nu
tableau d'un ton fin et transparent,
représentant l'Intérieur d'une cha-
pelle que Piigct devait construire
dans l'église cathédrale de Toulon ,
et où il a reproduit son tableau de
V Annonciatinn à Aix , dans le beau
cabinet »le M. le minpiis Magnan de
la Roquette ) ; une Sainte-Famille ,
d'un coloris qui tient de celui du
Cortone , mais fin et riant , qu'on
PU G
voyait dans le cabinet de feu M. Fhi-
fourny, architecte ; nue Vierge en-
st'iiXnant à lire à l'Enfant Jésin , et
une Finie en Ef;^}lte , qui faisaient
partie de la colleclioii de Boyerd' A-
giiilles, et qui ont été gravées pir J.
Coélmans ( f. BoYtn , V , 4'-'"' ) 5
nue Elucation d' Achille , un Dé-
liis;e universel y etc. , etc. Parmi les
ouvrages de scul|ituie, nous devons
citer un Portrait de Louis XI F ^
en médaillon, et une statue de Fau-
ne , l'iiii et l'autre en marbre ( chez
M. de Panisse 1 ; une Tète du Sau-
rfHr , aussi en maibie, qu'on dit
provenir de la C(dlectioii de Boyer
d'Aguiles ( à Marseille, chez INI. Ger
mond): un bas-relief en marbre, repré-
sentant Saint Jean liajttiste enfant;
un mo<lèle en terre cuite de la statue
équestre de Louis A7/", projetée
pour la ville de Marseille , oit le
cheval est représenté au galop ; un
modèle du Milon, aussi en terre
cuite ( à Aix, dans le cabinet de M.
Magnan de La Hoquette ' ; un modèle
en cire de la statue équestre de lAmis
XI f^ , projetée pour Versailles, oii
le cheval porte sur trois pie/ls^ con-
formément à la lettre de Puget à Lon-
vois 'il IMarseille, chez un aiualeur),
etc. M. lie Panisse, que nous avons
cité plusieurs fois, possède des des-
sins représentant la Poupe du vais-
seau iionnné la Heine ^ et aWcàw Ma-
gnifique , ainsi que ceux de la ])lace
Royale projetée pour la ville de Mar-
seille. Dans la belle suite de dessins
de !M. le marquis de La Guv , on en
voit un de la main de Puget, repré-
sentant une Chapelle du Saint - Sa-
crement, projetée pour la cathédra-
le de Toulon. M. de Bourguignon de
Fabregoiile, .i Aix , conserve , dans
sa riche collection , le dessin du Ta-
bernacle projeté pour l'église de l'An-
noneiade de Gènes. Le cabinet du
I
PUG
Roi renferme plusieurs dessins de
luaiinc. II s'en trouve dans divers ca-
binets. La re'volufinn a cause la jier-
tede plusieurs grands tableaux de Pu-
get : on ne retrouve pkis à Toulon , un
S'.-Félix; à la Valette, unS'.-Ifer-
mentaire^ un S'. -Jean écrk'ant l'A-
pocafypse ; une Agonie de S'. -Jo-
seph. Pnget , comme tous les liorn-
mcs doues d'un génie original et irrc-
gulier, a ete diversement apprécie.
Ceux qui ont clierclie dans ses ou-
vraces la pureté des contours anti-
ques , n ont voulu y reconnaître
rien de bien, par la raison qu'ils y
ont rencontré rarement ce goût ex-
quis et cette correction achevée.
D'autres, frappes de ses écarts, mais
étonnés de la vérité qu^il imprime
dans les méplats des chairs, l'ont
appelé le Riihens da la sculpture.
D'autres enfin , admirant la variété
de ses talents, sa fierté, sa grandeur,
sa pathétique expression , l'ont sur-
nommé le Michel-. Jnge de la Fran-
ce. Aucun de ces rapprochements
n'est parfaitement exact : Puget ne
ressemble à personne. Les chairs que
formeson ciseau sont pénétrées d'une
chaleur dont l'art de Rubens n'aj)-
proche point, malgré la magie de ce
grand peintre. Rccherche-t-un dans
la sculpture rexpression des affec-
tions de l'ame? Pugel se montre au
moins l'égal de Michel- Ange , et peut-
être il le surpasse. Considère-t-on
plus particulièrement la noblesse et
l'élégance du style? Michel -Ange,
au confraire , est supérieur à Pugct.
Dans la peinture, celui -ci soutien-
drait rarement la comparaison. INIi-
che!-Angc est grand par son savoir;
Puget doit davantage à son organi-
sation. Tout, ou presque tout , en
lui, est le produit du sentiment. Ses
émotions le dirigent , plutôt que la
théorie de l'art: on peut mêmedou-
PUG
3oi
ter qu'il se soit jamais fait une théo-
rie ; mais sou ame élève soih ciseau ,
parce qu'el'e est elle même forte et
élevée. Dansla composition deses ta-
bleaux , il est généralement simple :
il se livre aussi moins habituellc-
iiient que dans la sculpture à son
efTervescence naturelle. On dirait
quelquefois que la crainte de tomber
dans le fracas de son maître , a re-
tenu sa main. Il y a, par cette rai-
son, du choix, à faire dans ses ou-
vrages. Si une alleclion vive le
rend à lui-même, en reprenant son
caractère propre , il retrouve sa
grandeur. Il redevient exj)ressif et
touchant , dès qu'il s'abandonne à
la nature. Quant au coloris , il n'a
aucune manière habituelle. Tantôt ,
il offre dans ses teintes une lucidité ,
une finesse , qui rappellent ce que le
Cortone présente de plus brillant:
tantôt il est gris et monotone; tan-
tôt, au contraire, son pinceau dé-
j)loie une richesse de tons, une force
de clair-obscur, dont le Caravage, ou
le Guidedans ses meilleurs ouvrages,
offrent à peine des exemples. Tel est
le tableau du Sauveur. Les anges en-
fants , groupés dans des nuages aux
pieds de la figure principale, sont
aussi admirables pour la couleur que
pour le dessin. Un de nos plus ha-
biles artistes du sièclederniei-, Pierre
Julien, disait en présence de ce ta-
bleau : « Puget est aussi grand pein-
» tre que grand sculpteur ». Dans la
sculptuie, comme dans la peinture ^
il varie son style avec ses sujets. Mais
il a souvent le tort de ne pas appor-
ter assez de sévérité dans le choix de
ses modèles. Avide du grand par une
disposition naturelle , il recherche
en même temps la vigueur des for-
mes , pour rendre j)iusfacilcmentré-
nergiedes alîectionsde l'ame; et, dans
ce désir d'atteindre à une expression
3oi
PUG
vive, il sacrifie souvent l'elo'ç^nnce à
la force. La nature lui parait lu'llc
aussitôt tiirelle est ample et rolniste.
En ce qui concerne ses incorrections ,
elles n'alteifjnent jamais les lij;nes
centrales de ses fif;nres. L'ensemble
en est toujours juste; les mouvements
en sont toujours |)rccis.Dela cctteap-
parcncede vérité qui saisit, cl«*s qu'on
les aperçoit , malgré ce qu'elles peu-
vent offrir d'incorrect. Si dans la vio-
lence de l'expression , un muscle trop
contracte s'ecarle de sa position na-
turelle , l'imitation de la chair pro-
duit, mèmed.tiis ce snoment, une dlu-
sien qui dedommaçje de l'altératiou
des formes : la beauté se place encore
à côté du défaut. Un des caractères
dislinctifs de Puget , c'est la disposi-
tion qui le porte vers des sujets tra-
giques. Plus la scène est pathétique ,
plus son génie, qui se retrouve dans
son clément, s'élèveetacquiertdc nou-
velles forces. Si dans une semblable
occasion, la grandeur du style s'unit
à la chaleur de l'expression , comme
dans le Milon , il touche , il étonne, il
devient sublime. C'est sous cet as-
pect qu'il faut juger ce grand maître
pour l'apprécier dignement. Quand
on se place avec lui a cette hauteur,
on lui pardonne ses impei fectiuns ,
parce qu'on reconnaît que le génie
peut ditllcilement s'élever si haut ,
sans acheter sa sublimité par (}uel-
ques écarts. Une droiture que rien ne
pouvait ébranler , un désintéresse-
ment à toute épreuve , de la naïveté,
de la bonté , de l'emportement , tel
ét.iit son caractère : il ne savait
endurer ni les exigences, ni la hau-
teur. On cite qndqiies mots de lui ,
qui aclièventde nous f.tiie connaître
son caractère fier et indépendant.
Man>>ard s'étant permis de lui dire
que, s'il voulait exécuter la statuedu
roi au prix proposé par Clériou , on
PUG'
lui donnerait la préférence : « Me
» comparer à Clérion , dit Puget ! je
» ne puis être mis en paiallèlequ'avec
» les cavaliers l'.^lganîe et IJernin. »
Louvois, qui marchandait ses hono-
raires au sujet d'un des colosses
proposés pour Versailles , lui dit
que le roi ne ])ayait pas davanta-
ge un général d'armée : « J'en con-
» viens , repartit l'artiste; mais le
» roi n'ignore pas qu'd peut facile-
)) ment trouver des généraux parmi
» le grand nombre d'excellents olll-
» ciers qu'il a dans ses troupes , et
» qu'il n'y a pas en France plusieurs
» Puget. » Toutefois , il faut se res-
souvenir que Puget parlait ainsi,
dans un moment où il était pénétré du
sentiment de l'injustice qu'il avait
soufferte : il rentrait dans le droit ilc;
se juger lui-même, quand ou l'appré-
ciait si mal. On trouvedans la collec-
tion lie Hoyer d'.\guilles', un portrait
de Puget, peint de sa main, (piilerc-
pré>enteàgéd'environ vingt-( iiiqans :
il est gravé à la manière noire par
Hardoin Coussin , natif d'Aix, Le
portrait , peint aussi par lui , qui ap-
partient à M. de Panisse , a été gravé
a l'eauforte , in-H". ; il porte les let-
tres L. C. F. Celui de sa maison de
Toulon , est inédit. Un quatrième
portrait, peint par son (ils ,1e repré-
sente dans les dernières années de sa
vie. On le voit à Paris , chez une daine
descendante d'un de ses hères. II a
été gravé par Jeaurat , in -fol. Un
buste en terre cuite , de la main do
Veyrier , et rpii le représente âgé de
plus de soixante ans , ouvrage d'une
bonne exécution , orne la collection
de IVL de bourguignon , déjà citée.
L'académie de Marseille a propose*
son éloge pour un sujet de juix , ea
1801. T.e prix a été décerné le i'>.
avril iSo-j. Ce concours a fait naître
plusieurs discours qui ont été im-
PUG
primes : i<». Elop;e, etc. sans nom
d'auteur ( par M. Duchesnc l'aï-
ne' , premier employé' au cabinet
royal des estampes, à Paris); ui®.
par M. L. D. Fcraud ; S**, par
M. Alplionse KaLbe. Le prix a c'te'
décerné à un Discours (encore inédit)
de l'auteur de cet article. Ln antre
ouvrage a suivi ceux-là ; il est inti-
tulé : Essai sur la vie et les ouvra-
sses de Pierre Puget , par Zenon
Pons, Paris, 1812, in-S*^. La Vie
de Pierre Puget , écrite par le père
Bougcrel, de l'Oratoire, que nous
avons citée, se trouve dans ses Mé-
moires pour servira V histoire de plu-
sieurs hommes illustres de Proven-
ce. L'hommage rendu par l'aca-
démie de Marseille , a appelé une
nouvelle attention sur ce grand ar-
tiste. En 1807, l'administration mu-
nicipale a fait élever au-devant de
sa maison, rue de Rome , une co-
lonne surmontée de son buste, exé-
cuté par Chardini, et portant cette
inscription : A Pierre Pu^et , sculp-
teur , peintre et architecte , Mar-
seille , sa patrie , qu'il embellit et
honora , etc. Cette colonne est po-
sée sur une fontaine qui existait
auparavant dans le même emplace-
ment. Puget n'eut qu'un fils , nommé
François , architecte , et assez bon
peintre de portraits. On voit un ta-
bleau de lui clans la collection du Roi:
il renferme huit figures vues à mi-
corps , qui sont des portraits de
Lulli , de Quinault, et de plusieurs
autres poètes et artistes du siècle de
Louis XIV, au nombre desquels l'au-
teur s'est placé lui-même. François,
mortcn i'yo'],n'a eu qu'unfils, nom-
mé Pierre-Paul, qui a éîé architecte.
Celui-ci avait voué une sorte de culte
à son aïeul. H habitait sa maison,
rue de Rome, et il y avait établi une
galerie , entièrement ornée d'ouvra-
PUG
3o3
gcs de Pierre Puget. C'est à son décès
qu'un grand nombre de ces ouvrages
se sont distribués dans divers cabinets.
Pierre-Paul est mort sans enfants. La
branche issue de Gaspar , frère de
Pierre , subsiste encore. Puget forma
plusieurs élèves , ce sont : Chabcrt ,
constructeur de vaisseaux et sculp-
teur en bois ; Baptiste , sculpteur en
bois ; Veyricr ; De Dieu ( Jean ) ;
Chabry ( Marc ) ; Solaro ( Andréa ) ;
on lui donne aussi Du Parc et Gara-
vague , tous statuaires. On a peu
gravé d'après Puget : presque tous
ses ouvrages sont inédits. La Halle
au poisson de Marseille, se trouve
sur un plan de cette ville , exé-
cuté en 1787 , et dans l'ouvrage de
Durand , intitulé : Becueil et Parai,
lèles d'édifices anciens et moderneSy
pi. 14. — Le tableau du Sauveur^
a été gravé à l'eau - forte , in - fol.
])ar Marchand , artiste de Marseille ,
Cetleestampe, exécutée vers 1785,
n'a point été rendue publique. — Le
Milon a été gravé par Desplace ; on
le retrouve, ainsi que le groupe d'An-
dromède , dans les Annales du Mu-
sée , de M. Landon , tome ix , pi. 63,
tome XI , pi. 4o- Le bas-relief de la
Peste a été gravé négligemment ,
in-4°. , par Moreau. — Depuis long-
temps le public regrettait de voir le
groupe de Milon et celui d'Andro-
mède, exposés aux intempéries des
saisons dans le parc de Versailles.
Le Milon a été récemment trans-
porté à Paris; il doit orner un mu-
sée de sculpture moderne , qu'on
préparc dans le Louvre. On assure
qu'il sera placé au centre d'une des
salles. E — c D — D.
PUGET ( Louis DE ) , fils d'un
procureur du roi au siège présidial
de Lyon , né dans cette ville , en
1629, annonça , de bonne heure , de
grandes dispositions pour les scien-
3o4
PUG
ces , qu'il ciiliiva toute sa vie avec
succès et agrément. 8a tort'inc lui
permit de se moriteriiu cabinet d'his-
toire naturelle , qui devint le plus
riche de l'Europe en aimants et en
microscopes. Ses découvertes sur le
double courant de l'aimant, et sur
la déclinaison de rai{;uille aimantée,
lui valurent de la réputation , et en
incuie temps mie querelle avec Jo-
blot. Pugct ne s'et.iit pas borne à
l'étude des sciences : il cultivait aussi
les liltcratures grecque et latine; il
avait même traduit plusieurs o.les
d'Horace en vers français. Boileau a
fait l'éloge de son talent pour la poé-
sie; mais il faut tout dire : Puget avait
compose des vers en l'honneur
du satirique fr.mçais. Lors de l'ap-
parition du rabdomancien , Jacques
Aiinarv f- AiMAu-Vtn.NAY ,l,3.jo),
Puget combattit les prélendues mer-
veilles de la baguette divinatoire. Il
n'était |)is moins charitable ijue sa-
vant. Dans l'hiver même de sa mort,
il veiulit sa vaisselle, aiin de pouvoir
donner plus de secours aux malheu-
reux. Il mourut le i(> décembre
i"0();iiavaitléguésa bibliothèque au
petit collège des Jésuites de sa pa-
trie , après avoir distriluic à ses amis
les raretés et lesjjiècesde prix de son
cabinet. Puget était membre de l'a-
cadémie 4le Lyon. On a de lui : I.
Ob.^eivaliom, ^ur la structure des
jeux de divers insectes , et sur la
trompe des papillons , Lyon, 1706,
in-8'*. C'est de cet ouvr-igeque Boi-
leau fait l'éloge dans sa Lettre à
Brossette , du i5 juillet 1706. IL
Lettres de M. Pitiict de Lyon à
M. Joblot , sur l'aimant j 170'i.
IIL Lettres écrites à un plùlosophe
sur le choix d'une liYpothèse propre
à expliquer le^ ^/cii de l'aimant ,
1702 , in-iu. IV. Lettres au P.
Lami , où il lui rend compte de di-
PUI
verses expériences qu'il a faites avec
le microscope ( dans le Jaurtial des
Savants àc 1704). Son l'éloge, par
l'aLhc Tricaud de Belmond , est im-
primé dans le Journal de Trévoux ,
septembre 1710, pag. i575-iiJ8t).
Le P. Vanière lui avait consacre
tme épitaphe latine , dor.t la tiaduc-
tion . en vers français , par Cirigny ,
a été impriméedans \cJouinnlliislo-
r/V/we (de Verdun ) , juin 171(1. Le P.
Hinet, jésuite, avait composé, sur
la mort de Puget, une Lclogue latine,
qui fut imprimée en 1 7 i o, et traduite
en vers fiançais par Du IMoulceau ,
académicien de I>yon. Grigiiy et
Mouiccau paraissent être le même
auteur. A. B — t.
PUISIEUX ( PlIiBUE Bl.ri.AUT ,
marquis ur. ), homme d'étal, était
(ils du chancelier Brulart de Sdle-
ry ( foyez Sitr-tnv ). A tous les
avantages extérieurs il joignaitbe.in-
coup d'esprit , d'instruction, et une
grande capacité pour les allaires.
Pourvu, dès l'âge de dix-se|)t ans,
d'une charge de secrétaire - d'état ,
j)ar la protection de Nie. de Villeroi ,
dont il épousa la petite - fille , il fut
envoyé en Espagne , avec le titre
d'ambassadeur extraordinaire, pour
conclure le mariage de Louis XIJI
avec l'infante Anne d'Autriche j et ,
après avoir rendu compte de sa mis-
sion, il retourna chercher la nou-
velle reine, qu'il eut l'avantage de
saluer le premier. Cependant le ma-
réchal d'Ancre, (pii redoutait la sé-
vère probité de Puisieux, parvint à
le faire éloigner delà cour, en iGi(i:
il y fut rappelé l'aïuiée suivante,
et d continua d'être employé pen-
dant la faveur du duc de Luynes. Il
soumit, en 1621 , à l'obéissance
royale, la ville de Montpellier, révol-
tée; et Louis XIII, pour le récom-
penser de ce service important;, le fit
PU!
chevalier de ses ordres j mais la bon-
ne volonté du roi resta sans effet , et
Puisieux ne fut jamais reçu (i) : la
reine Marie de Médicis , qui voulait
faire entrer au conseil le cardinal de
Richelieu (2) , son prote'gc' , s'unit
avec le marquis de la Vieuville pour
en éloigner les Sillery. Puisieux était
malade depuis quelques jours, quand
on lui signifia (le 4 fév. 1624), en
même temps qu'à son père, l'ordre
de sortir deParis. Il demandala per-
mission de se inslilier : on lui accor-
da tout ce qu'il voulut, à condition
qu'il obéirait sur-le-champ aux or-
dres du roi, en partant pour ses ter-
res. Il soutint sa disgrâce avec beau-
coup de fermeté. Puisieux refusa
constamment la finance de sa charge
de secrétaire-d état, pour laquelle le
roi lui fît offrir jusqu'à deux cent mil-
le francs, avec son rang dans le con-
seil et l'ambassade de Rome. Désa-
busé du monde, il ne voulut plus
s'exposer à de nouvelles intrigues , et
mourut, le 22 avril 1640, à l'âge de
cinquante-sept ans, laissant la répu-
tation d'un homme ferme et intègre.
On trouve des Lettres de ce minis-
tre dans le recueil des Ambassades
de La Boderie (Voyez LefÈvre,
XXXIII , 55o ), Il n'avait point eu
d'enfants de son mariage avec M'^^.
de Villeroi. Après la mort de sa pre-
mière femme, il épousa Charlotte
(i ) On assure que Louis Xin aval t le projet de créer
Puisieux, duc et pair, mais que celui-ci refusa cet
iiouneur par suite de son esprit de modération.
{■>.) Puisieux n'eut jamais aucun rapport avec Ri-
clielieu depuis sou éiévatiou; a nsi l'anecdote sui-
Taiite , rapportée dans le nouveau Dict. historique ,
ciiliij. el hihliogr, XXII. 4^8 , est controuvce : Pui-
sieux, dit-ou , jouait nu jour à la prime avec le car-
. diual de Richelieu; il survint un coup de dé, qu'on
fit juger par les spcclateurs. 15rulart fut coudahmié
tout d'une voix. Outré de la décision , il paya en
murmurant , et dit entre ses dents : Tous les corsai-
res ne sont pas sur la mer. Riclielieu l'entendit;
«■t lorsque Brulart sortit et qu'il fut près de la porte
le cardinal vint doucement lui prendre la tète , ctia
retournant , dit : « Voilà une belle lète qui tient sur
j) ce beau corps ; ce serait dooimaô« dcl'cM séparer ! »
XXXVI.
PU!
So5
d'EstampcsValencey,morteeni675,
dame de beaucoup d'esprit, connue
par ses relations avec M'"», (Jg sé-
vigné , qui la nomme plusieurs fois
dans ses Lettres. W — s
PUISIEUX ( Philippe -FLO-
RENT de), littérateur , né en 1713, à
Meaux , se fit recevoir avocat au par-
lement de Paris ; mais il abandonna
le barreau pour se livrer à la culture
des lettres , et en particulier au "enre
de la traduction. Il eut le bon esprit
de s'attacher à ne faire passer, dans
notre langue que des productions
utiles , et par-là mérita, non une ré-
putation , qu'il paraît n'avoir point
ambitionnée, puisqu'il n'a mis son
nom à la tefe d'aucun de ses ouvra-
ges , mais l'estime et la reconnais-
sance de ses lecteurs. Puisieux mou-
rutàParis, au mois d'octobre 1772.
Outre quelques Romans de Fieldino-
et d'autres bons auteurs , il a traduit
de l'anglais : La grammaire géo-
graphique de Gordon, 1748, in-S"*.
— La grammaire des sciences phi-
losophiques de Benj. Martin , m^^q
1 764, 1 777 , in-80. ( F. B. Martin'
XX VU , 3 1 1 . ) — Dissertation oii
l'on prouve que la femme n'est pas
inférieure à l'homme , 1750, in-i 2.
— Le Calendrier des jardiniers de
Bradley , avec une description des
serres , 1750 , m- xi. — L'Histoire
navale de V Angleterre , de Lediard
1751 , 3 vol. in-40. — La géogra-
phie générale, de Varenius, au"-
raentée par Jurin, 1755 , 4 vol. in-
1 2. — Eléments des sciences et des
arts littéraires , de Benj. Martin
1 756 , 3 vol, in- 1 2. — Nouvelles ob-
servations physiques et pratiques sur
le jardinage, par Bradley, 1756,
3 vol. in-i2. — Les voyageurs mo-
dernes , 1760, 4 vol. iu- 12 j c'est
une .compdation. — Vojage en
France , en Italie et aux îles de
20
3o6 PUI
VArchifwl^ [»ar Maihows , 1763,
4 vol. iu-i-i ; cet ouvrage avait paru
l'année précedenie , sous le litre de
Lettres écrites de divers endroits de
l'Europe et du Levant. — Expé-
riences physiques et chimiques sur
plusieurs matières relatives au com-
inereeet au\ arts, par Lewis, 1769,
4 vol. in- 12. Puisicux a traduit en
outre du latin: Les Consultations de
médecine, de Hoirmann, i754-5>5,
4 vol. in- 12. — Les Observations
physiques et chimiques du luèuie au-
teur, 1754 , 2 vul, in- 12 ; — et les
Avis et préceptes de médecine, du
docteur Mead, 1738, in- 12. Enfin,
de l'italien : Becueil de pièces de
médecine et de physique , par Coc-
clii , 1702 , in-i'.i , dont on a extrait
le Régime de P) thagore , 1702,
in-8°. ' W— s.
PUISIELX ( Madelène d'Au-
SANT DE ) , épouse du précédent ,
née à Paris en 1720, cultiva la lit-
térature à son exemple, mais avec
plus de li'le que de succès. Elle par-
vint à un âge avance, puisqu'elle se
trouve comprise pour une somme de
deux mille livres dans la répartition
des secours accordés aux gens de
lettres , par le décret du \ septembre
1795: mais depuis long-temps elle
avait cessé d'écrire, ctl'on n'a pu dé-
couvrir l'époque de sa mort. ]>!'»»'=.
de Puisicux ne manquait ni d'esprit,
ni d'une certaine facilité de style ;
mais elle n'avait point d'imagination,
pointde chaleur, cl toutes ses produc-
tions sont marquées au coin de la
plus déplorable médiocrité. On a de
celte dame : I. Conseils à une amie ,
1749, in- 12. Ce sont des préceptes
d'éducation pour une jeune demoi-
selle. Fj'ouvrage eut du succès : il fut
même traduit en anglais ; mais le
traducteur l'attribua , par inadver-
tance , à une dame qui n'y avait eu
PUJ
aucune part. II. Les Caractères ,
1750 , in-12 ; nouvelle édition aug-
mentée, 1755,2 V. iu-12. Palissot
lui reproclia , dans le temps , d'avoir
oublié celui de la Femme bel-esprit.
m. Réflexions et yivis sur les dé-
fauts et les ridicules à la mode ,
1751 , in-8**. IV. Le Plaisir et la
rdupté, conte allégorique, 1752,
in-12. On eu trouve l'analyse dans
la Ribliothèqtie des Romans, avril
1787. V. Zamoret Almanzine , ou
l'inutilité de l'esprit et du bon sens ,
1755, iu-12 : mauvais roman dont
le titre prêtait trop à la plaisanterie
pour que l'auteur pût y échapper
( f'oy. l'art, de M'"<^. de Puisieux
dans les Trois siècles de la littéra-
ture , ])ar l'abbé Sabatier ). VI.
\' Education du marquis de *** ou
Mémoires de la conitesse de Zurlac,
1755, 1 vol. in-12 ; traduit en alle-
mand. VII. Alzarac, ou la nécessité
d'être inconstant, 17G2, in-12. \ III,
J/istoire de M"", de Terville , 1 7G8,
in- 1 2 , six parties ; traduite en alle-
mand. IX. Mémoires d'un homme
de bien, 17G8, in-12, trois parties,
in-12, trad. en allemand. L'abbé de
La Porte a donné une analyse très-
étendue des ouvrages qu'on vient de
citer, dans le tome v de V J/istoire
littéraire des femmes françaises.
On attribue encore à M'"*^. de Pui-
sicux : le Marquis à la mode, comé-
die , 17G3 , in-12 ; et V Histoire du
rè^ne de Charles Vil , 4 v. in-12 ,
citée dans la nouvelle édition de la
Bibliothèque historique de la Fran-
ce , et par la ])lupart des autres bi-
bliographes , dont aucun ne donne la
date de cet ouvrage, qui, peut-être,
n'a existé qu'en projet. W — s.
PUJOULX ( Jean - Baptiste ) ,
littérateur aussi modeste qu'estima-
ble , naquit, en 1762, à Saint-
Macaire, dans laGuienne, vint fort
PUJ
jeune à Paris, et se fit connaître
par des articles de journaux , qui
prouvaient de la facilite, du goût, et
des connaissances dans les arts du
dessin. Il devint l'un des rédacteurs
du Journal de littérature française
et étrangère , qui s'imprimait ci Deux-
Ponts, et continua de fournir des
articles aux journaux littéraires de
Paris. Il composa , pour les dif-
férents théâtres une foule de piè-
ces , dont plusieurs annonçaient un
talent d'observation remarquable ,
et obtinrent un succès mérité. Sa-
tisfait d'une fortune médiocre , il
refusa tous les emplois qui lui furent
offerts pendant la révolution, à la-
quelle il resta constamment étranger,
se bornant , comme il le dit lui-mê-
me, à tout voir, tout observer de
son dojijon, tour-à-tour gémissant
ou espérant , donnant des consola-
tions a ceux de ses amis qui, plus
courageux ou moins prudents , des-
cendaient dans l'arène , et revenaient
bientôt également froissés d'une cour-
se où chacun d'eux tendait vers l'n
but diflerent ( Voyez Paris à la fin
du dix-huitième siècle, p. 3 ). L'é-
tude des sciences, et en particulier
de l'histoire-naturelle, occupa Pu-
joulx dans ses dernières années. Il
eut part à quelques entreprises litté-
raires, et, entre autres, au Journal
de V Empire, et à la Biographie
universelle , à laquelle il a fourni
des articles de compositeurs , d'ac-
teurs et d'auteurs dramatiques. Il est
mort à Paris, le 17 avril i8'-ii. Il
était , depuis quelque temps, secré-
taire du Théâtre de la Gaîté. Ou-
tre une nouvelle édition de la Gram-
maire italienne de Vénéroni, avec
des corrections , une Vie de Pi-
ron , à la tête des OEuvres choi-
sies de ce poète , et des Notices
sur Florian, dont il avait recueil-
PUJ 3o7
li des manuscrits ( F. Florian), et
Vy^strologue parisien , Alman.ich
qu'il a publié de 1812 à 1817,
(3 vol. in- 18 , on a de Pujoulx: I. La
Critique des salons de peinture, des
années 1783, 1785 et 1787, sous
les titres suivants : Momus au Salon,
comédie en vers et en vaudevilles ;
— le Songe, ou la conversation à
laquelle ou ne s'attend pas, scène cri-
tique; — Figaro au Salon, pièce épi-
sodique, en prose, mêlée de vaude-
villes;— les Grandes F rophélies du
grand Nostradamus , sur le grand Sa-
lon de peinture, en vers et en prose.
II. Des Pièces de théâtre : les Capri-
ces de Proserpine , ou les Enfers à la
moderne , comédie en un acte et en
vers , 1 784 ; — le Souper de famil-
le , ou les Dangers de l'absence, co-
médie en deux actes et en prose ,
1788 :elle eut beaucoup de succès
dans la^nouveauté; et tous les jour-
naux s'accordèrent à en rendre un
compte avantageux : l'auteur l'a mi-
se eu opéra , sous le titre du Re?idez-
vous supposé, 1 798 ; — Encore des
Savojards, comédie en deux actes
et eu prose, 1789; Pujoulx réduisit
cette pièce en un acte , y ajouta des
couplets, et la fît représenter, eu
179-2, au théâtre Italien , sous le ti-
tre de V Ecole des pajve?w s : c'est
la suite des Deux petits Savoyards
( F. Marsollier ) ; — - Amélie, ou
le Couvent, comédie en deux actes
^ 79 ' ; — Mirabeau à son lit de mort
comédie en un acte, 1 791 .- les prin-
cipaux personnages de cette pièce
sont MM. de Talleyrand , Lamarck ,
Frochot, Cabanis, Petit, etc.; — k
Feuve Calas à Faris, comédie eu
un acte, 1791 , mise en opéra et
jouée sous le titre d' Une Matinée de
Foliaire , 1 799 ; — Cadichon , ou
les Bohémiennes , comédie en un ac-
te, mêlée de vaudevilles, 1792; —
20..
So8 PUJ
Philippe, ou les Dangers de Vi\'res-
se , comédie en «n acte, 179'! ; —
les Monta f;nards, ou VEcole de la
lierifuisance , romëdic en un acte,
ï 71)4 ; — la Benccntre en voyas;e ,
opera-coraique on un acte, 1708; —
les Modernes enrichis , comédie eu
trois actes et en vers libres, 1 798 :
cette pièce étincelle de traits d'un vé-
ritable comique; — les Noms suppo-
sés , opc'ra-comique en deux actes ,
1 7()H ; — le roisinap;e , opéra - co-
mique en un acte, iHoo; — V.-lnli-
célibatfùre , ou les Maria g^es, comé-
die en cinq actes et en vers , i8o3.
m. f.e Livre du ■second d^c , 1800,
in-8°. , fig. Cet ouvrage a eu trois
éditions. ÎV. Le Naturaliste du se-
cond df;e, i8o5 , in-8"^., fig. Il a e'tc
traduit en polonais. V. Paris à la
fin du dix - huitième siècle, ou Es-
quisse historique et morale des mo-
numents et des ruines de celle capi-
tale, etc., 1801, in - 8". ; traduit en
alleiudiid. Cet ouvrage, dans lequel
on ne trouve pas un mot relatif à la
politi'pic, renferme quelques anec-
dotes assez piquantes, cl des chapi-
tres (pli décèlent un observateur ju-
dicieux. VI. Promenades au jardin
des Plantes, à la Ménagerie et dans
les galeries du Muséum dliistoire
naturelle, i8o.|, 1 vol. in- 18. VII.
Leçons de physique de V école p'dj-
teciinique , sur les propriétés géné-
rales des corps , i8o5, in-8"., fig.
VIII. I.a Botanique des jeunes gens
et des gens du monde, 1810,2 vol.
in-S"., fig. IX. Promenade au mar
ché aux Fleurs, ou la Bofaniipie du
second âge, 181 i , in-iu, (ig. X.
Minéralogie à l'usage des gens du
monde, i8i3,in-8<'., fig. XI. Louis
xri peint par lui-même , ou Cor-
respondance et autres écrits de ce mo-
narque, pre'ce'dés d'une Notice sur la
vie de ce prince , avec des notes , etc.,
PUL
Paris, 1817 , in-S**. Depuis la publi-
cation de cet ouvrage, iM. Beuchot
a démontre que la Correspondance
attribuée à Louis xvi n'était jioint
autlicnti(]ue ( Vov. \c Journal de la
librairie, ann. 1818, p. 3;) i - 4io,
et ann. 1819, p. 374 \ Pujoulx s'é-
tait charge de fournira V Em\y clopé-
die des dames les parties de l'astro-
nomie, la phjsique, ia chimie , la
minéralogie et la musique. Le Jour-
nal qu'on vient de ciler contient le
Catalogue exact des productions de
Pujoiilx, ann. 1821 , n*^. 4-1- W-s.
PUL (N LE } naquit à Béziers,
vers i6\o. Les recueils du temps of-
frent diverses pièces de vers de sa
composition. Ou insérera ici, sur ce
poète , quelques détails , qui c'vite-
ronl peut-être des recherches aux
Saumaises futurs. Ils sont tires
d'une correspondance cpi'il entrete-
nait avec M' "''. de Scudèry , et dont
les originaux existent dans le cabinet
du rédacteur de cet article. Le Pid
prend , dans l'une de ces lettres , la
qualité de figuier de Béziers ,chnr-
gc de magistrature qui correspondait
à celle de prévôt royal. Il se trouvait
à Rome pendant leconrjavcde 1O70,
dans lequel Clément X fut exalté.
De retour dans sa patrie, il fut nom-
mé , en i()8i , premier consul et
gouverneur de Bé/icrs. On voit dans
une lettre datée du 3i mars 1701 ,
qu'ayautété présenté par Icmaréchal
de Noaillcs au duc de Bourgogne et
au duc de Berri , qui venaient d'ac-
compagner Philippe V jusqu'à la
frontière d'Espagne , il leur fit hom-
mage d'une traduction en vers fran-
çais des Eglogues de Virgile , qu'il
venait de faire imprimer. Cette tra-
duction , que nous n'avons pu nous
procurer, ij'a pas été connue de l'ab-
bé Goujet ; et il est vraisendjiabic
que sa mcdiocritc l'aura condamnée
PUL
à l'oubli. On a insère' dans les Déli-
ces de la poésie galante , i»*^. par-
tie, Jean Ribou , 1666, p. 198,
nue petite pièce, assez joHe, signée
tle LcPul, qui a pour titre : Le je ne
scai quoj. On lit aussi dans la lu*'.
partie du même recueil, Paris, lOG-y,
p. 40 , une pièce intitulée V Epingle,
adressée à M^^''^. de Longueval , iillc
d'honneur de la reine : elle n'est pas
signée ; mais elle se trouve , avec sa
signature , dans la correspondance
qui vient d'être indiquée. On conser.
ve , à la biLliotbèquc de KAisenal ,
( Manuscrit go'j , tome x , p. 53'y ),
des stances de Le Pul , adressées au
comte de Saint-Paul, depuis duc de
TiOngueville , qui fut tué au passage
du Rhin. On lit, au même manuscrit,
p. 547 , une ode au Roi par le mê-
me poète , sur la défaite des Turcs ,
en 1666. Nous avons sous les yeux
une ode à la reine Christine, com-
posée en 1670 , et dont il envoya le
manuscrit, en 1678, à M^^'". Scu-
déry. 11 n'est pas vraisemblable que
l'on commette jamais , envers Le Pul ,
l'indiscrétion de publier ceux de ses
ouvrages qu'il a sagement gardés
en portefeuille. L'époque de sa mort
est inconnue. M — É.
PULCHÉRIE (/Ex/,4 Pulcue-
RiA AuGUSTA ), impératrice, née à
Constantinople , le 19 janvier Sgg ,
était (ille d'Arcadius et d'Eudosie:
elle fut déclarée Auguste, eu 4^4 ?
et gouverna l'empire , sous le nom
de Théodose, son frère, plus jeune
qu'elle de deux ans. Dans un âge si
rapproché de l'enfance , Pulchérie
Ht voir des vertus et une sagesse
qui sont d'ordiuaire les fruits d'une
expérience consommée. Son éduca-
tion avait été confiée à d'habiles maî-
tres , et elle avait répondu à leurs
soins. Elle s'exprimait avec autant
de grâce que de facilité, dans les
PUL
309
langues grecque et latine , rflmait les
lettres, et accordait une noble protec-
tion aux savants. Pour prévenir les
divisions qu'aurait infailliblement
amenées dans la famille impériale
son mariage ou celui de ses sœurs ,
elle les décida par ses conseils et par
son exemple à se consacrer à Dieu.
Le vœu solennel des trois filles d'Ar-
cadius fut inscrit sur des tablettes
d'or, enrichies de diamants , qu'elles
déposèrent dans la cathédrale de
Constantinople. Dès -lors le palais
impérial fut une espèce de monastère
où les princesses partagèrent leur
vie entre la prière et le traA^ail des
mains. Pulchérie, dit Gibbon, est
la seule des descendants du grand
Théodose , qui semble avoir hérité
d'une partie de son courage et de sou
génie. Malgré son exactitude à rem-
plir tous ses devoirs de piété , cette
princesse ne négligeait aucun des dé-
tails du gouvernement : elle assistait
à toutes les séances du conseil, et ré-
digeait eile-mêmc toutes les délibéra-
tions importantes ; mais c'était sans
bruit , sans ostenlation , attribuant
à son frère tout le bien qu'elle fai-
sait , sentant combien il importait
de conserver à l'empereur le res-
pect et l'affection des peuples. Elle
eut la plus grande part à la con-
vocation du concile d'Ephèse , qui
condamna les erreurs de Nestorius
( F. ce nom ) ; et , en mémoire de ce
triomphe, elle fit ériger, sur le port
de Constantinople , une basilique dé-
diée à la Mère de Dieu. La sagesse
de Pulchérie, sa douceur, son iné-
puisable bonté, ne purent la mettre
à l'abri des traits des envieux. On
parvint à lui faire perdre la confiance
de Théoduse, qui s'abandonnait aux
conseils de Teunuque Chrysaphe ; et
elle se vit obligée de quitter la cour,
en 447- Sa dis^grace ne dura que pmi
3fo
pl:l
de temps : Thëodose ne tnrdn pas h
la rnppcirr; et, après la mort de ce
prince , Piilrhcrie fut unaiiiniemcnt
proclamée impératrice de l'Oricut.
C'était la pninicre fois , dit Gibbon,
qu'une femme occupait le trône des
Komains. Dès qu'elle v fut montée ,
Pulche'rie satisfit son ressentiment
personnel par un acte de justice.
L'eiMiti'jue Chrvsaphc , monstre cou-
vert de crimes , fut livre' à la ri-
gueur des lois , et pendu devant les
portes du palais. L'impératrice ne
pouvait se dissimuler le de'savantagc
auquel les préjugés exposent son
sexe : elle résolut de prévenir les
murmures en s'associant un collègue
qui respectât la supériorité de son
épouse, Kile ollrit le tnine avec sa
main à Marcien , sous la condition
qu'elle resterait fidèle à son vo'u ( /'.
Marcieîv, WVI , (ji5\ Pulchérie,
de concert avec l'époux de son choix,
continua de trav.iiller au bonheur
des peuples et au maintien de la fui
catholiipie ; elle reçut de prands élo-
ges des Pères du concile de Ohalcé-
doine , assemblé en '|") i , et qui con-
damna l'eulvchianisme ( /'. Kutv-
rnKs \ Elle fit construire un grand
nombre d'églises , fonda des monas-
tères , dota des hospices; et, par son
lestameiif. elle donna tous ses biens
aux pauvres. Klle mourut le i8 fé-
vrier /|")3. C'est an i*""". juillet que
Benoît XIV a autorisé plusieurs com-
munautés religieuses à honorer la
mémoire de cette vertueuse impéra-
trice par une messe rt an office par-
ticuliers. Les Grecs font sa fête le i3
septembre. Quoique Pulchérie man-
quât peut-être de vigueur dans son
administration , on n'en doit pas
moins applaudir, dit encore Gibbon ,
à SI douceur et à sa longue prospé-
rité [ \ oy. V/Tist. de la dëcad. de
l'empire Romain , ch. .\.\.\/y ;.0u a
PUL
des médailles de cette princesse , en
or , en argent et en petit bronze ;
elles sont très-rares. Pulchérie est
le sujet d'une comédie héroïque de
Corneille, représentée en i()'j*i.Dans
la préface que Vollairea miseà la tète
de cette pièce, il cherche à rabais-
ser les grandes (pialilés de cette prin-
cesse. On a vu que Gibbon , qu'on
ne soupçonnera pas d'être trop fa-
vorable au christianisme , lui rend
plus de justice. Outre les dilVércnls
hagiographes , on peut consulter sur
Ptdchérie , sa Vie écrite par le P.
Coiitucci, jésuite , Rome, 175 j, tt le
tome XV des Mémoires de Tillemont
Soiir servir à l'Histoire ecclésiastique
es six premiers siècles. W — s.
PULCl (Louis), h- jilusjciuie,
mais non le moins célèbre d'une fa-
mille de poètes , qui s'associa digne-
ment aux elTorts des Medicis pour
la restauration des lettres, était né à
Florence, le i 5 août i43'.>. Ses ancê-
tres avaient mérité leur longue illus-
tration par des services pidjlics.Tout
ce (pie nous savons de lui, c'est que
Laurent de Médicis l'admettait dans
sa familiarité, et qu'on ne sépare
guère son nom de celui tles hommes
les plus remarquables de cette oour
lettrée, et surtout du nom de Poli-
tien , dont l'amitié est un de ses ti-
tres de gloire. La vie toute littéraire
de Pulci n'a eu d'autres événements
que ses ouvrages ; et ce qui le recom -
mande surtout à la postérité, c'est
d'avoir été le créateur de l'épopée
badine des modernes , et d'avoir an-
noncé l'Arioste. L'Italie du quitizic-
me siècle n'était pas mûre pour la
poésie épique. Cent ans plutôt , Boc-
cace avait consacre roctavc , cette
forme si heureuse qu'il a^ait em-
pruntée à nos troubadours, et nalu-
ralrsée le premier en Italie, à chan-
ter les aventures romanesques de
PUL
personnages imaginaires de l'anti-
quité'. Luc Pulci , le deuxième frère
de Louis, avait suivi cet exemple en
rapprochant des temps modernes
l'action de son poème. Des versifica-
teurs, dont les noms ne nous sont
pas même parvenus avec les poèmes
obscurs qu'ils nous ont laissés (i),
avaient lu, dans nos vieilles chro-
niques romanes, l'histoii'e se'rai-fa-
buleuse de Charlemagne et de Ro-
land; et ces misérables rhapsodes du
moyen âge avaient rimé, pour le peu-
ple des carrefours , ces récits plus
qu'extraordinaires , traduits en lan-
gue vulgaire avant eux , et qu'ils or-
naient de prières, quelquefois consa-
crées par l'Église, mais qui n'étaient
le plus souvent que des vœux pour
eux-mêmes, ou pour leurs auditeurs ,
dont la générosité ne leur était
point indifférente. Ces essais infor-
mes étaient sérieux, ainsi que ceux
de Boccace ; mais rien de tout cela ne
ressemblait à l'épopée. Laurent de
Médicis , qui lui-même ne dédaignait
pas de composer des chansons pour
le carnaval, trouva plaisant de pa-
rodier en quelque sorte ces poèmes
populaires, et de faire rire des sou-
venirs vrairaeniépiques qu'ils avaient
célébrés : cette idée sourit à la gaîté
bouffonne de Pulci ; et la Mnse ita-
lienne fut dotée d'un nouveau genre
de poésie (2). Ces faits rapprochés
nous expliquent tout le dessein de
son poème , qui a été l'objet d'une
si vive controverse entre les criti-
ques italiens. Sans admettre et sans
repousser l'opinion de Gravina , qui
a cru que Pulci avait voulu vouer au'
(i) Buovo d'Anlona , la Spagna ^Ancioja regina,
(2) Crescimbeni affirme que le sujet au Morgante
avait été donné ù Pulci , jiai' Lucrezia Tomabuotii ,
inère de Laurent ; il cite à cet égard un vers du vingt-
liuitième chant, qui prouve seulement que cette da-
me a encouragé le poète. Il est encore moins prouvé
que Pulci chantât son poème , comme 1( s anciens
rhapsodes , n la table des Médicis.
PUL 3n
ridicule toutes les inventions cheva-
leresques de son temps , et qui en
fait ainsi le Cervantes de l'Italie^
nous n'hésiterons pas à prononcer,
avec lui et avec Ginguené , que le
Mordante 3Iaggiore ne peut avoir
été dans l'intention de l'auteur qu'une
débauche d'esprit, qu'un poème hé-
roï-comique j et les deux premières
stances du vingt-septième chant lè-
vent sur ce point les derniers dou-
tes. Comment concevoir autrement
le caractère mêlé de bravoure et de
bouffonnerie du géant qui donne son
nom au poème, dont Koland est le
véritable héros, et ce burlesque Mar-
gutte,dont Voltaire nous a fait con-
naître quelques traits, et l'épisode
d^Olivier et de Méridienne, et tant
d'autres détails qu'on ne peut expli-
quer que comme une gageure , quand
on réfléchit que Pulci écrivait pour
des juges tels que Laurent de Médi-
cis et Politicn ? C'était ccdernier qui
lui avait indiqué l'ouvrage du moine
Alcuin, et celui d'Arnauld , ancien
troubadour de Provence , comme
des sources précieuses et inconnues:
de là vient la vieille erreur , réfutée
par la diversité même du talent des
deux amis, avant de l'être par la
critique judicieuse de La Monnoye ,
que leurs porte feuilles s^ét aient sou-
vent mêlés pendant la composition
du Mordante, Le caractère singulier
de ce poème, sa conduite bizarre qui
contraste surtout avec la grandeur
de l'action , cette variété que le chan-
tre de Roland a presque fait oublier
en la surpassant, cet art, si familier
depuis à l'Arioste, de rattacher ses
uaiiations les unes aux autres, et ce
défaut absolu d'unité, qui est resté le
défaut dominant de tous ces imbro-
glios héroïques ; enfin cette élégante
naïveté qui conserve au récit tout le
charme d'une causerie familière , et
3ia PUL
Jusqu'à c<^lte mésalliance de la poésie
avec les proverbes populaires dout
la diction du Pulci est nomrie ,
voilà ce qui -n'est qu'a lui; voilà ce
qui a fait du Morgante une produc-
tion originale , bien que le poète ait
mérite de graves reproches. Des plai-
santeries grossières, des images bas-
ses ou burlesques, des inoraliLcs sa-.
tiriqucs , souvent judicieuses , mais
presque toujours longues et dépla-
cées ; enfin un abus monstrueux des
choses divines et des applications
ironiques des Livres saints, qui ne
sont pas loin de l'impiété, souillent
presque tous les chants du poème;
et Crescinibcni u'essaie de le dèleu-
drc , contre la sévérité de (jravina ,
qu'eu accusant le siècle de Pidci plus
que le Puh i lui-inèine , et en alllr-
liiant que l'auteur eî-t plus retenu que
la plupart de ses cuuteinporaius et
que tous ses devanciers. Celle ré-
flexion lait excuser surtout les pré«
ambulcs de ses chants, qui oiliait
quelquefois la traduction littérale de
plusieurs endroits de la Liturgie (3; :
ces sortes de prièi^ élairut , comme
nous l'avons dit , des formes conve-
nues , qui avaient presque perdu leur
solennité en ]>assant dans la bouche
de ceux qui chantaient Y Ancroja et
Buovo d' Anluna sur les places publi-
ques ; cl Pulci ne se les est permises
que pour contrefaire cl ridiculiser
ces mu5csmcndiantesdu quatorzième
siècle. C'est peut-être dans le même
Lutqu'il se joue ordinairement, dans
SCS fictious,(ie toutes les connai.'-san-
ccs géographiques ; car le vingt-
cinquième chant du Mordante ollre,
sur l'existence des antipodes , le pas-
sage le plus remarquable peut être
qu'on puisse citer avant la découverte
[y) lyc i". cl.aiit comiiidirp par 1'/" fjiiiiii//i,f
triU t'eil'tim , le /i*. par le Gloria in excdsit, la
fo^ par 2 e ilaum Utudamus , ctck
PUL
de rAmc'rique (4). Du reste, on ne
jicnt nier que Pulci , sans doute en-
traîné par son sujet, ne soit vraiment
poète dans ses deimers chants ; et
c'est, pour ainsi dire , une bizarrerie
de plus : on a cité surtout, dans le
vingt - septième , la mort de Bau-
douin de M.iïeuce, et celle de Roland,
si louchante et si chevaleresque. Ce-
pendant \c Moi'f^ante csl peu lu de
nos jours, si ce n'est par les philo-
logues, qui y recherchent les finesses
natives , les anciens tours de la lan-»
gue toscane, et celte foule d'idiotis-
mes qui ont fait citer les écrits de
Pidci comme classiques , par l'aca-
démie JcZ/a Crusca. Les puristes lui
ont à p<-ine reproché quelques incor-
rections dans les désinences des ver-
bes ; et tous ont loué la perfection de
ce style , qui a été cité comme mo-
dèle par Machiavel. Ce style est à-
pcu-près le seul mérite des poési( s fu-
gitives de PhIcj , et en particulier de
ses sonnets contre Malleu Franco.
Ce poète Uorentin , l'un de ses meil-
leurs amis, était , comme lui ,daus la
famili.irité de Meiiicis. Ils imaginè-
rent, pour amuier leur iMécène , de
se déchirer tour-à tour dans des son-
nets qu'ils lisaient à la table du maî-
tre. Laurent était magiii(j<pie , mais
il n'était pas grand : il encouragea
celle émulation d'injures et de cy-
nisme, qui exclut toute dignité de
caractère , et à la(jucile nous devons
plus de cent quarante sonnets, la plu.
part écrits sans la moindre décence,
et dans le genre proverbi.d et décousu
de Curchiello. On doit à Pu!ti la jus-
tice de dire qu'ils ne sont pas tous de
lui. Quoi qu'il en soit, plusieurs furent
(4) Los Ji'Teloppemenls UicologJi|u' » qup Pulci a
mi> iJaiiA b huix lie du (Iriuuii AiUrulli , <Ihiis ce ^5"".
■ liant, »iil fdit dire 'i Crcsciinbriii, sur l'auliirilédn
Ta»»*! , i\aï\ avait •'té compose par Slarsile l"i< in , !•!
clic-rdes iicuplatouicivua ae Florence. Celte preuvo
rat iosuUiiiaute.
PUL
jiroliilDes comme impies ; et l'aulcur
îit amende lionorable , en publiant
successivement le Credo ^ in-4'*. , et
sa confession à la Sainle-Viei[^e ,
pocmc on tercets, suivi de quelques
poe'sics pieuses, Florence, 1597,
in-4*'. Ou a encore de lui la Frottola,
pièce citée dans le Dictionnaire délia
Crusca; — une Nouvelle imprimée à
Florence ( i547 ) ■> ^* ^"^ ^^ retrouve
dans le Recueil de Doni ( édition de
Venise, 1 55 1 , p. 7 7 ) j — des Lettres à
Laurent le IVIagnifique , souvent réim-
primées ; — ç,x\a Becada Dicomanu ,
pâle contr'épreuve de la Nencia da
Barberino , de Laurent de Médicis ,à
qui la Beca est faussement attribuée
dans une édition de i568. On ne sait
poiutladatedela raortde Pulcijon la
place communément en 1487. Gin-
guené , qui saisit avec tant d'empres-
sement l'occasion de mettre les pro-
ductions italiennes en opposition avec
Je caractère public des auteurs, a im-
primé que Louis Pulci était chanoine:
les biographes nationaux nous ap-
prennent , au contraire , qu'il était
marié , et qu'il eut deux fils qui sont
restes inconnus. Les meilleures édi-
tions du Morgaiite sont celles de
Venise, i494? i545, 1574, in-4°j
Florence ( Naples) , 173^2 , in-4*'. );
et Paris , 1768 , 3 vol. iu- la. Gra-
vina regarde avec raison ce poème ,
et quelques-uns des sonnets de Pulci ,
comme les premiers monuments du
genre de poésie auquel Berni a laissé
son nom. F — t i.
PULGAR (Ferdinand de) , histo-
rien espagnol , né en 1 436 , à Pulgar ,
près de Tolède, mourut vers i486.
Henri IV de Casîille et Ferdinand le
Catholique l'occupèrent à plusieurs
missions, soit à la cour de France,
soit auprès derarchevcquedeTolcde,
Carillo, qu^il fut chargé de réconcilier
d'abord avec Henri IV, puis avec Fer-
PUL 3i3
diuand et Isabelle. Mais c'est moins
comme homme d\'tat que comme
historien et poète que Pulgar est cé-
lèbre. Sur la demande de Ferdinand
et de son épouse , dont il était l'iiis-
toriographe, il composa un ouvrage
sur les hommes illustres de ce règne,
sous le titre de Los claros F'arones
de Espana , Alcalà , i5'24, in-4'^.;
souventréimpriraé. Cet écrit contient
quarante-six notices biographiques
très-courtes : le style en est concis ;
mais la partie biographique y est
trop resserrée pour avoir beaucoup
d'iulérêt. Ses souverains l'engagèrent
à écrire l'histoire de leur règne. Pul-
gar rédigea celte chronique; mais
il s'arrêta à la guerre de Grenade.
Elle est intitidée : Cronica de los
rejescatolicos D. Fernando y Doua
Isabel , Saragoce , i567, in -fol.
C'est la première édition publiée
avec le nom de Pulgar ; car l'édition
princeps du texte espagnol, Vallado-
lid, i565 , in-fol., attribuait l'ou-
vrage à Ant.de Lebrixa. lien a paru,
à Valence , en 1 780 , une édition col-
lationnée sur les anciens manuscrits ,
un vol. in-fol. Elle fut d'abord pu-
bliée en latin par Sanche de I^ebrixa ,
avocat à Grenade , qui , sur le titre ,
annonça l'ouvrage comme ayant été
écrit par son père , lequel n'en était
que le traducteur, Grenade, i545,
in-fol. ; i55o , în-8°. Les deux livres
De hello Navariensi , insérés dans
l'édition latine , appartiennent à An-
toine de Lebrixa. Ce n'est pas
dans ses ouvrages historiques que
Pulgar a consigné la peinture des
mœurs de son temps : c'est dans une
pièce de vers ou Dialogue entre deux
bergers, qu^il censure sévèrement les
mœurs corrompues et efféminées des
Castillans sous le règne du faible
Henri IV de Castille. Antonio attri-
bue à Pulgar une histoire de Gonsalvç
3i4
PUL
de Cordonc. publiée à Alcalà , en
I ;")8 j , iiî-fol. , et deux ouvrages ma-
nusrriis: nue Cluoniqiu'du roi Dilte-
ric IV, et une Histoire des Maures de
Grenade, On a atissi de I ni trente-deux
Lettres, qui ont rapport à l'histoire
du temps , et à la vie de Piili^ar : on
croit y reconnaître l'ambition d'imi-
ter le style o'pistolaire de Cioérou et
de Pline. Dans tine lettre au docteur
Nun z , il dit (]u'd a vainement re-
couru au Trailé de Ciceron sur la
Vieillesse , pour trouver du soidaj;e-
ment , et qti'il pense que, pour les
inlirmitcs qui viennent de l'âf^e , il
vaut mieux s'adresser au médecin
qtii en guérit , qu'au philosophe qui
en console. Ces Lettres, imprimées
d'abord a la suite i!e Los Clams f^a-
rones , ont e'te irn[)rimées en espa-
gnol et en I itin , avec les Lettres de
Pierre-.Martyr Vermigli, et traduites
en français par Magon , chanoine de
Dol. D— G.
PULMANN ( TnÉoooRE Poel-
MA\> , plus connu sous le nom de ) ,
savant philologue , était ne vers
I >io, à Crancnbourg, dans le du-
ehc de CIcves : ses parents , quoique
pauvres, renrovcrent d:itis une éco-
le, où il ajtprit rapidement les élé-
ments du latin. Forcé d'interrompre
ses études pour prendre l'état de fou-
lon, il continua cependant de lire
tous les ouvrages qu'il pouvait se
procurer; et, comme il avait beau-
coup de pénétration et de mémoire,
il parvint a se rendre familiers tous
les bons auteurs. Ses talents le firent
connaître à l'académie de Louvain et
ailleurs; mais ilétait dc'jà sur le retour
de l'âge, quand il fut admis comme
correcteur, dans la célèbre impri-
merie de Chr. Plantin ( F. ce nom ) :
il y resta , seize ans , travaillant à la
collation des anciens manuscrits ,
avec un zèle et une assiduité qui lui
PUL
mé^it^^ent l'estime des gavants. Le
désir d'améliorer son sort le condui-
sit vers i5So , à Salamanque; et l'on
croit généralement que, trompé dans
ses espérances , il y mourut de cha-
grin. Cependant Cour. Zeltner con-
jecture quePnlmann vint reprendre
sa place à l'imprimerie de Plantin,
et qu'il mourut à Anvers, dans un
Ageavancé( F. le Thcat. virnr.eru-
ditor. ) On lui doit de bonnes édi-
tionsdes Poésies de Juvencns, Coid.
Arator et Ven. l-ortunat, de Virgile ,
Horace, Ausone, Lucain, Claudien,
avec des corrections et des notes
choisies de Turnèbe et de P. Virto-
rius ; des Satyres de Jnvénal et Per-
se; de Suétone; du traité df Hoèce
De consolât, philosnph. ; des Poé-
sies de Prudence , etc. W — s.
PULTKNKY ( GuiuAUMi: ),
comte de Bath , homme d'état dis-
tingué , appartenait à une famille
ancienne du comté de Leicester. Sir
William Piiltencv , son grand-père,
représenta, au parlement, la cité de
Westminster, et se lit remar(|iier à
la chambre des communes par une
éloquence mâle et courageuse. Celui
quiest les'ijetdecet article, na(piit en
iG8'2 ,ct futélevéàl'universitéd'Ox-
ford. fiOrsque la reine Anne vint vi-
siter le collège où Pulteney étudiait ,
cc'fut lui que le doyen désigna pour
haranguer cette princesse. Au sortir
de l'université, il voyagea dans dilTc-
rentes parties de l'F^urope ; et , à son
retour, il Tit nommé membre du par-
lement par le bourg de Heydon , au
comté d'York. Coxe, dans ses Mé-
moires de Walpolc , prétend que Pid-
tcney dut sa nomination à la protec-
tion de M. Guy. qui lui laissa quarante
mille livres sterling , et une proprié-
té d'un revenu de cinq cents. Des-
cendu d'une famille de wliigs, et
élevé dans les principes de la révolu-
PUL
tiou de 1688 , Piihency en avait
cliaudement épouse la cause : aussi
se montra-t-il , pendant le règne de
la reine Anne, l'adversaire prononce'
du ministère qu'elle avait en 17 10
choisi parmi lestorys, et s'opposa-
t-il à toutes leurs mesures. 11 ne se
l)asarda néanmoins à porter la pa-
role dans la cliandire des communes ,
qu'après y avoir fait un assez long
séjour , parce qu'il pensait qu'un
jeune député devait éviter d'attirer
trop tôt sur lui l'attention du public.
On l'entendait souvent déclarcrqu'on
pouvait à peine compter une per-
sonne qui lût devenue un bon ora-
teur , lorsqu'elle avait commencé
trop tôt ]iar un discours d'apparat.
L'opposition de Pulteney aux pro-
jets des torys fut si vive , que les
ministres , pour s'en venger , éloi-
gnèrent du conseil de commerce
Jean Pulteney, son oncle. Guillau-
me prit non - seulement une part
principale dans les débats qui eu-
rent lieu pendant les quatre der-
nières années du règne de la reine
Anne , tandis que les wihgs étaient
dans l'opposition ; mais il fut admis
dans les secrets les plus importants
de son parti , à cette époque critique
où la succession protestante étant
supposée en danger , ses partisans
s'engageaient souvent, pour l'assurer,
dans des entreprises très-hardies. Il
souscrivit libéralement à un emprunt
inutile et hasardeux , qui fut négocié
secrètement par le parti whig , en
faveur de l'empereur, afin d'encou-
rager ce souvei'ain à ne pas coopérer
à la paix générale avec l'administra-
tion tory. Lorsque Robert Walpole
( J^oy. ce nom ) fut poursuivi pour
crime de corruption et d^abus de con-
fiance ( 1 7 1 -i), Pulteney défendit avec
chaleur son ami; et quand on envoya
celui-ci à la Tour, il fut du nombre
PUL 3i5
de ceux qui firent de fréquentes vi-
sites à ce prisonnier , que tous les
whigs considéraient comme un mar-
tyr de leur cause. 11 travailla aussi ,
avec Walpole, à la défense de l'admi-
nistration whig , et adressa au comte
d'Oxford ( Harley ) une dédicace iro-
nique, placée en tête de l'ouvrage de
Walpole , intitulé : Account oj'the
parliament. George l*^'"., étant par-
venu à la couronne ( 1714), récom-
pensa Pulteney en l'admettant dans
son conseil privé. Il l'éleva en même
temps au poste de secrétaire d'état
de la guerre, malgré l'opposition de
IMarlborough, qui croyait, en sa qua-
lité de commandant en chef, avoir
le droit de recommander celui qui
devait occuper cet oflice. Pulteney
fut nommé membre du comité
secret chargé par la chambre des
communes ac faire un rapport sur
les papiers relatifs à la négociation
de la paix d'Utrecht. Lorsque Geor-
ge 1'=''. eut triomphé de la rébellion de
1715, si fatale aux plus nobles fa-
milles d'Ecosse, et qui n'aurait pro-
bablement pas éclaté, au jugement
même des écrivains du parti whig,
sans les mesures violentes et impoli-
tiques du ministère dont Pulteney
faisait partie, ce dernier montra une
grande auimosilé contre les vaincus.
11 demanda que lord Widrington fût
mis en accusation , et s'opposa même
h l'amnistie offerte aux Écossais qui
étaient encore en armes. Il était ,
alors , tellement lié avec Walpole
et Stanhopc , que faisant allusion à
la triple alliance entre la Grande-
Bretagne, la France et la Hollande,
qui était alors négociée par le dernier
de ces hommes d'état, on les appe-
lait les trois grands alliés , et qu'il
était passé en proverbe de se deman-
der si l'on était entré dans la tri-
ple alliance. Cette heureuse intelli-
3i6 PUL
gcuccne suhslsta pasloiif^-trmps.En
1716, Staiihope, chercliant à faire
sa cou au roi , ouvrit l'avis d'un
subside extraordinaire, nécessaire,
à son avis, pour garantir le royau-
me contre les dangers dont il était,
disait-on, menacé de la part de la
Suède (0; mais plutôt pour crapc-
clier le Hanovre d'être envjhi parles
troupes suédoises. Cette proposition,
que les antres membres du ministère
ii'.ippronvaient pas plus que l'oppo-
sition , et sur laquelle ils se conten-
tèrent d'abord de garder , dans la
chambre des communes , un silence
signilicatif, amena nu schisme dans
le parti whig. Townshend reçut
bientôt sa démission ; Walpole rési-
gna ( 17 17), et Pulteuey suivit l'exem-
ple de sou ami , eu abandonnant
la place de secrètaire-J'èlat de la
gueire. A peine sorti du ministère ,
ce dernier parla vivement contre le
Lill de subsides, et surtout contre le
mode inusité, suivi, à cet égard,
par Stanhope. Walpole s'étant, quel-
que temps après , rapproché de la
cour, parvint, en 17'io, à elTec-
tuer une rcronciliation entre le roi
et le prince de Galles. Il négocia en
suite avec Sunderland pour former
une nouvelle administration dans
laquelle il eut, avec To\vnshend,la
part la plus considérable. Le se-
cret qu'on avait gardé à l'égard
de Pulleney sur les progrès de ces né-
gociations, l'olTcnsa vivement. Son
amour-propre fut en même temps
blessé de ce qu'on ne lui avait réser-
vé, dans le nouveau ministère , au-
cun emploi important , malgré ses
talents bien connus et l'attachement
invariable qu'il avait constamment
(1 ; I^J tuirersaires J.iliiil <.'<'l<,Diiairu( , avprqiirl-
ijoe I.JLJ.IO, uii'iuic iuIikO n.i;;iiiit la brrtur de
l'hiir<j|>r, xmLUit craiixlre un euocmi làusà iiui^ui-
XhuI que le roi de ^lùdot
PUL
montré à To\vnsheud et à Walpole.
On lui ofl'rit, il est vrai, une pairie;
mais, lorsqu'il l'eut refusée, ses an-
ciens amis furent pins de deux ans
sans lui faire d'autres ouvertmes.
Ces procédés se gravèrent profondé-
ment dans son esprit, et amenèrent
enfin nue rupture éclatante. Il solli-
cita néanmoins et obtint la place de
trésorier de la maison du roi; mais
il n'en fut pas satisfait , parce qu'il
la regardait comme fort au-dessous
de ce qu'il aurait dû espérer. Quoi-
qu'il continuât de soutenir , jien-
dant quelque temps, les mesuies de
l'administration, la manière dédai-
gneuse avec laquelle il croyait avoir
été traité par Walpole, avait fait
sur son esprit une troj) forte im-
pression pour pouvoir s'eflacer en-
tièrement. Persuadé qu'd ne pos-
sédait pas l'entière conliaiice de l'ad-
ministration,et désapprouvant d'ail-
leurs ses mesures , qui tendaient ,
suivant lui, à élever le pouvoir de la
France sur les ruines de la maison
d'Autriche, et à sacrifier les intérêts
de la Grande - Bretagne à ceux du
Hanovre, opinion qu'il développa ,
f)arla suite, dans le parlement, avec
a plus grande énergie et une rare
éloquence, il s'éloigna de plus en plus
de ses anciens amis, et témoigna, en
public et en particulier, combien il
improuvait leurs actes. Son mécon-
tentement arriva enfin à un tel de-
gré, qu'il déclara sa résolution d'at-
taquer le ministre dans le parlement.
Walpole s'aperçut alors de la faute
qu'il avait commise en abreuvant
de dégoûts un associé aussi capable;
et, dans la vue de prévenir son op-
position au paiement des dettes du
roi, il lui fit entendre, dans la cham-
bre des communes, que, dès qu'u-
ne des places de secrétaire-d'état de-
viendrait vacante, les ministres l'a-
PUL
vaieot designé pour la remplir. A
cette proposition, Pultcney uc re-
pondit rien ; mais il sourit , et , par
un signe de tête , fit connaître à
VValpole qu'il le comprenait par-
faitement. 11 devint , depuis cet
instant , l'un des antagonistes les
plus prononce's du gouvernement; et
sa première sortie dans les rangs de
la minorité eut lieu lors de la discus-
sion sur la liste civile , qui se trou-
vait, à cette époque, fort arriérée
(avril i7'25). Les sarcasmes (2)
qu'il se permit , à cette occasion ,
lui firent perdre la place de tré-
sorier de la maison du roi ; et il
commença des - lors une opposi-
tion systématique ans vues du mi-
nistre. Il s'y montra tellement re-
doutable , que Walpole tenta de
nouveaux efforts pour se réconcilier
avec lui. Lors de la résignation de
Townshend (mai 1729), la reine
Caroline offrit à Pulteney la pairie ,
avec le poste de secrétaire - d'état
pour les affaires étrangères ; mais il
déclara sa résolution invariable de ne
jamais faire désormais partie d'une
administration oîi figurerait sir Ro-
bert Walpole. Les altercations les
plus violentes eurent lieu entre ces
deux hommes d'état , dans la cham-
bre des communes. Leur animosité
sembla augmenter en proportion de
leur ancienne intimité ; et ils ne
s'épargnèrent ni les sarcasmes , ni
le^ accusations , ni les invectives.
La haine que Pulteney avait con-
tre Walpole , il l'étendait à tous
les actes de ce ministre : aussi ses
critiques n'étaient-elles pas toujours
fondées. Après avoir aiFirmé , en
(î) Dans Fuu de ces discours, Pultruey fit obser-
ver qu'il n'était pas étonnant ([ue quelques jjerson-
iies, et on sentait bien qu'il désignait Walpole, mis-
sent tant d'intérêt à éteindre les dettes de la liste
civile, puisqu'elles et leurs amis puisaient dans ce
revenu.
PUL 3i7
1727, que la dette nationale n'a-
vait fait que s'accroître depuis réta-
blissement de l'amortissement ( sin-
fiing fiind ) , ce qui pouvait cire
vrai , parce que Walpole y puisait
souvent pour les besoins de divers
services, Pulteney contesla le mérite
de cet établissement , qu'il jugeait
plus brillant que solide, ne s'aperce-
vant pas qu^il confondait ainsi l'abus
qu'on avait fait du fonds d'amortis-
sement avec l'établissement lui-mê-
me (3). Il serait trop long de rap-
porter tous les détails de la con-
duite réciproque de Pulteney et de
Walpole. Ceux qui désireront les
connaître , peuvent recourir à l'his-
toire parlementaire du temps , et à
rexcelleute Vie de Walpole par Co-
xe. Pulteney , placé à la tête des
whigs mécontents , et réuni à Bo-
lingbroke , son ancien antagoniste ,
devintle principal soutien du Crafts-
mail , auquel il fournit plusieurs ar-
ticles. La controverse qui eut lieu, eu
1731, entre Pulteney et les amis et
pamplilétaires de Walpole, élargit
la brèche, et la rendit irréparable.
Le Craftsman était journellement
rempli d'invectives contre Walpole
et contre les mesures de l'adminis-
tration. En réponse à ce papier , il
parut sous le titre de Sédition et dif-
famation dévoilées, un pamphlet qui
contenait des injures diffamatoires
contre Pultcney et Boiingbroke. L'op-
position du premier y était unique-
ment attribuée , et ce n'était pas sans
quelque fondement, à une ambition
déçue et à une animosité personnelle.
Pulteney, qui attribuait cet écrit à
(3) Au reste, malgré les critiques s|)écieu^es de
Robert Haiiiilton , l'expérience a suffisamment dé-
montré eu France, et même eu Angleterre , les ejrauds
avantages que pouvait offrir un londs d'anioi'tifse-
nient, tontes les fois qu'on ne s'écartait pas des lois
organiques de cette institution, et que lesgiuverue-
inents étaient assez sages pour ne pas faire des ein-r
prunts trop coasidcrables et trop fréquents»
3tB PUL
lord Horvcv , l'un des amis el des
pins chaiias dclouseurs de Robert
Walpole, uc le laissa pas sans répli-
que ; et sd Réponse catés,orique à
un libelle récent et difjamatoire ,
etc. , parr.t sons le nom oiupruiilc de
Caleb d'Anvers , de Grav's Inn ,
écnyer. Il v trace le portrait deWal-
]»ole, qui uc le cède en rien , pour
l'exagération elles railleries cho(juan-
tes, à celui qu'on avait fait de lui mê-
me dansle pamphlet auquel il repon-
dait. Pour >e venger en même temps
delord llervoy celui que désigne Po-
pe } jditnt il croyait avoir à se plain-
dre, il le couvrit de tant de ridicule
en faisant allusion à sa tournure eflê-
niiue'e, que celui-ci en fut vivement
offense, et demanda satisfaction. Un
duel eut lieu; et lord Hervey y fut
légèrement blesse. Pulteney reron-
iiut ensuite sou erreur ; ^ais il
en commit une autre, en attribuant
le p.imphlet à Walpole lui - mê-
me. Il rst certain aujourd'hui que
sir William Yonge , secrétaire de
la guerre , en était l'auteur. Le
Craftsman attira encore à Pulteney
d'autres querelles; à l'occasion d'u-
ne brochure publiée contre lui , il
fit par.iîtrc, dans ce journal, un pam-
phlet devenu fameux , et ayant pour
litre : Piénnnsi' à un infâme lihelle ,
intitulé : Bemanjnei mr l'apoloî^ie
des deux hunurables patrons du
Craftsman , dans laiiuelle le carac-
tère it la conduite de M. P. sont
pleinement justifiés. Pulteney se lais-
sa tellement entraîner par la colère,
en e'ciivaut ce libelle, «pi'i! s'y livra
à toutes sortes d'inconvenances ,
cl que le ressentiment du roi con-
tre lui ne fit <|u'auginculer. Frank-
lin, (pii l'avait imprime , fut arrête;
et (ieorge II raya de sa main le
-uoni de Pulteney de la liste des
conseillers prives ( juillet i-jSi ),
PUL
en ordonnant de l'exclure de toutes
les commissions. Ces mesures ri-
goureuses élevèrent à un point con-
sidérable la popularité de Pulteney
et son acharnejuent contre Wal-
pole. Ce dernier disait lui - même
qu'il craignait plus !a langue de Pul-
teney , que repec d'un autre ad-
versaire. Apres de violents débats
qui eurent lieu à la chambre des
communes, à l'occasion de la conven-
tion du Pardo conclue avec la cour
de Madrid au mois de janvier 1739,
n'ayant pu réussir à faire déclarer
la guerre à ri'Lsj)agne, l'opposition
l)re>>(pie tout entière , sous prétexte
que toutes les motions étaient soute-
nues non par la raison , mais par
l'esprit de ]iartt , exécuta l'étrange
résol'ition d'abandonner ouvertement
la chambre. Kllc n'y rentra que
Tannée suivante, après que la guerre
eut été déclarée à l'Espagne. A celte
époque , Pulteney , qui était un
des membres (pii avaient ainsi dé-
serté leur poste , crut devoir dé-
fendre une démarche aussi inconve-
nante qu'inconstitutionnelle, et sou-
tint avec chaleur la motion qui fut
faite dans la même séance, pour de-
mander l'éloignement de sir Robert
Walpole. Celui- ci , dans sa répli-
que , traita les membres de l'oppo-
sition avec un méjtiis dérlaigneux :
el , présentant le tableau des choses
utiles qui avaient été faites pendant
leur absence, il témoigna la craialc
que leur présence ne fût pas aussi
avantageuse à l'état. La motion pour
le renvoi de W^alpole fut repoussée;
et il en fut de même de celle qui fut
présentée, au mois de février 1741 ?
|>ar Saiidys. Pullenev la soutint éga-
lement : après avoir l'ait un tableau
anime des erreurs et des prévarica-
tions de W^alpole, il l'accusa ouverte-
raeul de haute-trahison, et d'attache-
PUL
mentaux ennemis du royaume. Celte
exa>;ëration ne servit qu'à détruire
l'ctret des imputations qui pouvaient
être fondées. Ce qu'une session n'a-
vait pu amener, arriva enfin avec
le temps : au mois de février 1742 ,
Walpole, vovantquel'opposition ac-
quérait tous les jours ilc nouvelles
forces , et convaincu que sa place
n'était plus tenable , résiji^na prudem-
ment tous ses emplois ( 3 février ),
et fut créé comte d'Orford. L'auteur
anonyme des Anecdotes de lord
Chatham prétend qu'après la re-
traite de Walpole , le duc de New-
caslle , partisan déclaré de ce der-
nier , cherchant à. semer la divi-
sion parmi ses adversaires, proposa
une conférence à Pulteney , et lui
offrit , au nom du roi , de le placer à
la tête de la trésorerie. Suivant le
mSmc écrivain , Pulteney refusa cet
cfîlce pour lui-même, mais déclaia
qu'il le verrait avec plaisir occupé
par lord Carteret, son ami. Quoique
cette conférence se terminât sans
résultat positif , l'opposition , qui
en eut connaissance, fut alarmée;
et une seconde réunion entre les mê-
mes personnages compléta la disso-
lution que Newcastle desirait. Lord
Carteret n'eut point la place , qu'on
n'avait jamais eu l'intention de lui
donner ; et Pulteney , qui avait été
joué, ne tira pas de sa défection
le résultat qu'il avait espéré. Ce
fut à ce sujet que le duc d'Argyle
lui dit devant une nombreuse réu-
nion de leurs amis , « qu'un grain
» d'honnêteté valait mieux qu'une
» charretée d'or. » (4) Quoi qu'il en
soit, peu après le changement du
ministère , Pulteney , auquel on at-
(4) Sir Cbarles Hanbury fait allusion à ce qui se
passa lors de cette réunion, dans une ode satirique
adressée à Pulteney, et qui fit beaucoup de bruit daus
ie temps.
PUL 3i9
tribuait la formation du nouveau ,
où il était parvenu à faire entrer lord
Cartexet comme secrétaire-d'état , fut
replacésurlalistedu conseil privé, et
obtint la pairie avec le titre de comte
de Bath. Onl'accusaitsurtoutd'avoir
marchandé avec la cour pour la sû-
reté du comte d'Orford ( Walpole ) :
aussi les faveurs qui venaient de lui
être accordées, lui firent perdre tout
crédit auprès de ses anciens amis et
du public , qui n'est pas en général
partisan des gens en place, et lui atti-
rèrent beaucoup de désagréments.
Le comte de Bath dédaigua les
clameurs de ses antagonistes , et
passa le reste de sa vie à mépri-
ser ces applaudissements qu'il ne
pouvait plus obtenir : il se trouvait
sans doute dédommagé par la gran-
de influence dont il jouissait à la
cour. Les Pelham ( F. Pelham et
NewcASTLE ) cherchèrent à l'affai-
blir, et ils y parvinrent en partie ,
par leur étroite union et leur adresse.
L'un des premiers coups qu'ils lui por-
tèrent fut de forcer le comte de Gran-
ville ( Cartel et ) , à résigner ses em-
plois. Le comtede Bath conserva sou
crédit sur l'esprit du roi, jusqu'à la
mort de ce souverain ( i-jtjo ). II
sut se concilier les bonnes grâces de
son successeur, et dut sans doute la
faveur dont il jouit dans la nouvelle
cour, aux liaisons qu'il avait coii^
tractées en 1753 avec le comte de
Bute, auquel il avait, dit-on, sug-
géré l'idée de créer un double cabi-
net, pour être exactement informé
des intrigues qui pourraient se for-
mer contre son autorité , et empê-
cher qu'elle ne lui échappât. Le
comte de Bath ayant perdu son fils
unique en Portugal, etlui-mêmc étant
mort sans postérité , le 8 juin 1 764 ,
son titre fut éteint, et sa fortune pas-
sa au lieutenant - général Pulteney ,
320 PUL
son frère. Le caractère du comte ilc
Bath a ctc trace diversement par les
écrivains anj;l.iis. Suivant Ior*l Or-
fonl , dans ses Roy al and noble aii-
thors , les e'crils de Pultcney seront
mieux connus par son nom, que son
nom ne le sera par ses écrits^ quoi-
que sa prose produisît de roirct , et
que ses vers, car il clait aussi poète ,
lussent faciles et 5;racieux. h H ccri-
i> vait, dit lord Orford, par occa-
» sion, et non ])Our courir après la
\» rcpiitation. La {;aîtë ( ^ood hu-
u moiir ) et l'esprit de société' ont
» dicté ses poésies; l'ambition et
» rai£;reur , sestfcrits poliîiques. Ces
» derniers ont fait dire à Pope :
Uow maoy M«rti«b mer* io Pult'ncy Imt l
» Celte perte fut néanmoins ample-
» ment compensée par les odes aux-
» quelles la conduite du comte de
» Balli donna naissance. La plume
M de sir Charles Haiibury \Villiams,
» fit, en trois mois, dcpliis profondes
)) blessures à ce lord, (pi'une série de
i> numéros du Craftsrnnn, dans Ic-
» quel il fui aidé par Holingbroke ,
» n'eu put faire à sir Robert VValpo-
» le. Ce deniicr perdit le pouvoir;
V mais il vécut assez pour voir ren-
1) dre justice à son ciractère. Son ri-
» val n'.ic ]uit pas le pouvoir; mais...
» il mourut fort riche. » On peut
•penser qu'en portant ce jupjemcnt sé-
vère , lord Orford a montre une
grande partialité pour son père.
ChcstcHieid ne le peint pas avec de
plus bellescouleurs.il reconnaît que
ses poésies fugitives , quelquefois sa-
tiriques , souvent licencieuses, sont
toujours pleines d'esprit; qu'il en-
tend parfaitement les aflTaires, et sait
présenter les plus compliquées avec
une lucidité remarquable ; «ju'il a
une imaj^ualion brillante et impé-
tueuse; et que, considéré comme ora-
PUL
teur de Li chambre des communes,
il était éloquent, persuasif, plein de
vigueur, on pathétique , suivant l'oc-
casion ; qu'il avait même les pleurs
à son commandement. Mais il le pré-
sente, en même temps, comme domi-
né par une avarice insatiable, une
ambition sans bornes, et une haine
aveugle, (|ui allait jusqu'.*» la rage, con-
tre Wali)ole. Pour satisfaire ces pas-
sions v ajoute Cliesterfjcld, le comte
de lîath n'hésitait pas à employer les
moyens les plus honteux. Le docteur
Pearce, évèque doKochester,el ledoc-
teur Newton, (pii l'avaient coniui par-
ticidièrement, en tracent un portrait
plusavautageux. Suivant resecclésias.
tiques, il était plein de pieté cl de dé-
sintéresscmeiil; son caractère était
généreux ,ctilsavait sefaircetsecon-
server tics amLs. Nous ne rapporte-
rons pas ce qu'ils disent de ses graflds
talents; ses adversaires mêmes ne les
contestent pas. Le comte de Bath
prit non-seulement une grande part
a la rédaction du Crafl^jnan , mais
il est auteur de poésies estimées, et
de plusieiirs pamphlets pcditiqucs ,
outre ceux que iu)us avons cités dans
le cours de celle notice. Peu de per-
sonnes l'ont surpassé dans ce genre
de composition. D — ■/. — s,
PULTENKY ( Richard), bota-
niste el médecin distingué , naquit
en Angleterre, à Longlil)nrough , le
17 février i-iSo. Il s'établit d'abord
à Leicester , pour y exercer les pro-
fessions de chirurgien et d'apothi-
caire; mais, comme il était calvi-
niste, et que les puritains dominaient
dans cetteville, il eut peudepratiquc,
et fut obligé de lutter contre le be-
soin. Néanmoins ilparvint à soute-
nir son cxislejice à force d'économie,
et s'attacha à l'étude de la nature .
pendant tout le tcm[)s qu'il n'était
point occupe de sou état; ce qui lui
PUL
arrivait souvent. II mit par écrit ses
remarques et ses découvertes , et les
cominuninua d'abord au Gentle-
man s Magazine, dès l'année 1 7.50
et pendant les années suivantes. Pnl-
teney étudiait aussi les antiquités,
La société royale de Londres , qui
avait su apprécier le mérite de cet
homme, aussi modeste qu'instruit ,
fit imprimer , à ses frais , les ou-
vrages de botanique qu'il avait com-
posés Sur le sommeil des plan-
tes et Sur les plantes rares du com-
té de Leicester, et l'admit enfin dans
son coros , en 1 76'i. Deux ans après ,
Pulteney reçut de l'université d'E-
dinbourg , un diplôme de docteur
en médecine, sans avoir même ac-
compli le temps de résidence , alors
ordinairement requis , et mainte-
nant indispensable. Sa Thèse sur le
Cinchona officinalis justifia pleine-
ment la faveur dont il avait été l'ob-
jet. A peine eut-il obtenu cette mar-
que d'estime d'un corps aussi respec-
table , que le comte de Bath ( K. l'art,
précédent ) , qui avait conçu une opi-
nion favorable de ses talents , le re-
connut comme sou parent. Par re-
connaissance , il acompagna ce sei-
gneur comme son médecin dans
ses voyages : mais le comte de Bath
mourut au mois de juin 17645 et
Pulteney vint se fixer à Bland-
ford , dans le comté de Dorset , où
se trouvait une place vacante. Il se
maria dans cette ville, en 1779 , et
y acquit une grande réputation et
une clienlelle très-étendue, qu'il con-
serva jusqu'à sa mort, arrivée le i3
octobre 1801 . Les ouvrages qui font
le plus d'honneur à Pulteney, sont,
sa Revue générale ( ou Examen
général ) des écrits de Linné , et
ses Essais sur les progrès de la
botanique en Angleterre. Le pre-
mier, publié en 1782, en un vol.
XXXVI.
PUL
32 1
in -S**., a contribué, plus que tout
autre, à l'exception peut-être du
Traité de Stillingfleet , à répandre
le goût de la botanique en Angle-
terre , où il est devenu populaire. Le
docteur Maton , ami de l'auteur, en
a publié une seconde édition, et y a
joint les portraits de Linné et de Pul-
teney , avec une INotice sur ce der-
nier , et la traduction du célèbre
journal de Linné sur sa propre vie.
Les Essais sur les progrès de la bo-
tanique, qui parurent en 1790, en
1 vol. in -8°., n'obtinrent pas un
succès aussi universel que le livre
précédent. On y trouve cependant
des renseignements curierix ( i ).
Pulteney fit partie de la société Liu-
néenne , dès sa première institution ,
et témoigna toute sa vie un vif at-
tachement pour ce corps savant.
Plusieurs écrits de lui se trouvent
dans les Mémoires de cette société ,
à laquelle il légua , par testament ,
son musée d'histoire naturelle , qui
était d'une valeur considérable. Il y
mit la condition que les collections
qu'il laissait seraient conservées sé-
parément, sans être jamais confon-
dues avec celles que la société possé-
dait ou qu'elle pourrait acquérir par
la suite. Elle avait néanmoins le
choix, soit de garder le Muséum
entier, soit d'en disposer, en em-
ployant le prix à former un capital
dont les intérêts seraient employés
annuellement à une médaille d'or ,
pour l'auteur du meilleur Mémoire
botanique. Il fut décidé , sans hé-
sitation , que ces trésors seraient
conservés en entier , comme le meil-
leur et le plus utile souvenir d'un
bienfaiteur de la science. Le doc-
teur Pulteney était remarquable par
(i) Ces fleux ouvrages oui e'te traduits en français,
chacun eu deu»; volumes, in-S". , le preraiT pur
Millin , 1789 ; et rautre par M. Boulard , i8og.
3»
PUL
un air franc et ouvert , par des ma-
iiicres pleines d'aineuilc , et qui lui
avaient tait obtenir l'estime Je tous
ceux avec lesquels il était en rela-
tion. Son ardeur pour la science était
sans bornes, et aussi vive vers la fin
de sa vie qu'au commencement de
sa carrière littéraire. Il était pieux,
mais sans allectation , et aussi éloi-
gné de la bigoterie que de l'intolé-
rancc. D — z — s.
PU NT ( Jean ) , pcii-tre et comé-
dien hollandais , avait acquis , surtout
sous ce dernier titre, une grande célé-
brité. Amateur passionné du théâtre ,
il devint épcrdaraent épris des char-
mes et du talent d'une tragédienne
trèsAlihtinf^uéc, en même temps qu'elle
c'tait , sous tous les rapports, l'or-
nement de son sexe, Anne-Marie do
Bruin; et cet amour décida la voca-
tion dcPuntpourla scène. Vers la fia
de l'-Si ( il était né à Anisterdam ,
en 171 1 ) , ayant épousé robjet de
son adoration, il ne tarda pas à
débuter, sur le théâtre de sa ville
natale, par le rôle de Rhadamistc,
et il V obtint le plus biillant succès.
Latruuj)o d'Amsterdam olfrait alors
un }:;rjnd nombre de talents, et sur-
tout beaucoup d'ensemble. Le prin-
cipal concurrent de Punt était Ja-
cob Duim ; mais leur rivalité fut
sans jalousie. Duim brillait dans les
rôles où il fallait de la pravilé, du
calme, de la majesté; Pimt , dans
ceux qui exigeaient de la chaleur :
il avait une amc brûlante. Le jeu
du premier était plus également ir-
répréhensible, mais il manquait des
transports , des écarts sublimes de
l'autre ; Punt lançait des éclairs.
Lr>rsqu'ils étaient en scène ensemble,
comme dans Ciuna et Auguste ,dar\5
Orestc et Pylade , le premier avait eu
d'abord de l'avantage ; mais l'autre
parvint bientôt à l'emporter sur lui.
PUN
Apre» deux années de félicité conju-
gale, Punt perdit l'idole de son cœur ,
et il en fut inconsolable. 11 essaya de
continuer à jouer; mais l'épreuve était
au-dessus de ses forces : il (it ses
adieux au public par le rôle d'Hé-
rodc , dans la tragédie d'//éro/le et
Mariainiw ; et ce fut nu jour de deuil
pour les amateurs. Rentie clans la
solitude de sou cabinet . ou j)lulôl de
son atelier, les productions de son
burin ne lui firent pas moins d'hon-
neur que son talejii pour la scène. 11
se remaria en 174^ , et unit sa des-
tinée, avec non moins de bonheur,
à Anne-lMaric Chicot, lille d'un ni.ir-
rhand de tableaux. Les sullicitatioiis
de ses amis, et penl-êlrc de secrets
regrets , le décidèrent à rentrer au
théâtre : cefut le -ii l^ptembie 1753,
dans son rôle favori d'Achille, où il
s'est lui-même peint et gravé. Son ta-
lent ne parut pas avoir rien pci du. Le
poste lucratif de concierge du théâ-
tre d'Amsterdam lui fut dévolu en
I 755. Considération et fortune, tout
liait également à Punt; mais il rc-
de>int veuf en 1771 ; et , en 177-8 ,
il se remari. 1 de nouveau avec une
camarade digne de son choix , Ca-
theiinc - Elisabeth Fokke. L'année
suivante mit un terme à son bon-
heur par l'incendieduthéâtre d'Ams-
terdam , arrivé le Il mai. Punt n'en
sauva que sa vie et celle de sa nou-
velle compagne ; mais son i!)obilier,
sa gaide-robe, sa bibliothèque, son
atelier, sa riche collection de ta-
b'eaux, tout devint la proie des flam-
mes. Il ne lui resta que son coura-
ge. Ne trouvant point dans la di-
rection du théâtre d'Amsterdam le
zèle qu'il aurait dcsiré pour la répa-
ration d'un aussi grand désastre j
l'intérêt qu'il prenait à ses compa-
gnons d'infortune, réduits à de trop
misérables secours , lui inspira l'idée
PUN
tîc constriiîi-c eu charpente , à ses
trais , un asile provisoire pour fitcl-
pomène et Thalie. Le projet fut goii-
lé, approuvé, mais jicn convenable-
ment encourafi;é ; et, sur ces cn-
tretailes, la ville de^ Rotterdam en-
leva Puut et ses camarades au
théâtre iiccouturaë de leur jjloire.
ïi acciieillit les propositions qui
lui furent faites. Des scrupules reli-
gieux firent placer extra -miiros la
saile de spectacle construite à ses dé-
pens; et riuaii^uralion en eut lieu
le 26 mai 1-773. Cet établissement
ne s'est pas soutenu. L'auteur fut
abreuve de dégoûts ; et , au laois de
septembre 1777, il prit congé des
Kolterdamois, par le rôle de ]\i-
nus , dans Séniiramis. Melpomène
ot Thalie eurent enfin , dans la me'-
tropoledu commerce hollandais, un
nouveau sanctuaire; mais il n'y avait
])1lis de prêtres dignes de le desservir.
Duira et l'actrice Bonhon faisaient
trop disparate avec les autres. Punt
restait à l'écart; et l'envahissement
de la tragédie bour<:;eoise, triste signal
de la déc idencedn goût dramatique,
prolongeait son éloignemcnt. On né-
gociait cependant sa rentrée, et l'on
se flattait d'avoir vaincu sa répu-
gnance, quand il mourut, le 18 dé-
cembre 1779. Son constant ami
Daim, depuis peu retiré du théâtre,
à cause de son grand âge, le suivit au
tombeau, le 12 juin 1 780; et le théâ-
tre hollandais a pu (lifficdement répa-
rer ces deux perles. Comme graveur
et comme peintre , Punt mérite aussi
d'être mentionné avec honneur; on
cite parmi ses productions les estam-
pes représentant une suite de trenîe-
six tableaux , queRubens avait peints
pour la grande église des Jésuites
d'Anvers, devenue la proie des flam-
mes en 1718. Six ans auparavant,
ils avaient été dessinés par le peintre
PUP
3^3
Jacob de Witt , et Punt les a gravés
d'après ces dessins. Sa Manière est
moins léchée que celle de Houbra-
ken , sen illustre contemporain, et
approche plus de celle des Italiens.
Il a gravé un Corps-de-garde, d'a-
près Troost ; le Cortège funèbre du
stadliouderGuillaiiinc IV (1755, in-
f>>l., 4 « pl- , avec texte hollandais et
français ). Il a orné d'estampes les
ouvrages de quelques-uns des poètes
hollandais les plus distingués de son
temps , tels que Hoogvliel , Smits ,
etc. Il peignait l'histoire, le paysa-
ge et le portrait. Il avait, dans ses
compositions historiques, de la no-
blesse et de l'originalité; elles sont
recherchées des amateurs. M — orr.
^^91E^ {Claudius-Maximus'-
Pupienus), empereur , que les écri-
vains de l'histoire Auguste , nom-
ment Maxime ( i ) , était né vers Tan
164, dans une condition obscure. II
négligea la culture des lettres pour
les exercices du corps; et ayant em-
brassé la profession des armes, il dut
àsestalentsuneélévalion rapide. Il fut
préteur , consul (2), et gouverna suc-
cessivement la Biihynie , la Grèce
et la Gaule Narbonaise; il battit les
Sarmates dans l'Illyrie, et les Ger-
mains sur le Rhin ; enfin , ayant été
nommé préfet à Rome, il se con-
duisit , dans cette place importante
avec beaucoup de prudence et d'ha-
bileté. Le sénat, après la mort des
Gordiens , résolut de leur donner un
successeur capable de résister à IVIaxi-
min, que les prétoriens avaient décoré
de la pourpre ; mais les circonstances
parurent si graves , que, sur la pro-
position de Vectius Sabinus, au lieu
(i) C f'tait 1" uom de soa jipre , suivant J. Capito-
liu , Vie de Maxime.
(2) Il f(\t crc'c- consul, l'an 277 , selon TiUemont,
dont Crcvier adopta Isa calculs, Hiât. des emfier.,
V, Sag, »dit. 10-4".
21..
3i4
PCP
d'un empereur, on en ëlut deux, l.e
choi^ tomba sur Pupien et Balhiu ,
que le peuple contraignit de s'assoeier
un JcscenJaul dos Gordiens, dont le
nom restait en vénération ( roy.
Gordien, XVIil, lao \ Laissant
à son collèç;ue le soin de veiller à
la tranquillité de Rome, Pupien se
mit à la tête de l'armeV (pii de-
vait se reunir sous les murs de Ra-
venne; mais pendant qu'il faisait ses
dispositions pour arrêter la inarclie
de Maximiu , ce tyran , battu devant
Âquilce , fut egorgê par ses propres
soldats [f'oj. Maximin , XXVll ,
608). la joie que causa cet événe-
ment fut si grande, que le sénat n'iic-
sita pas à décerner à Pupien les mê-
mes honneurs que s'il eût délivré
l'Italie de ce monstre; et son retour
à Rome fut un véritable triomphe.
Les deux empereurs, quoique jaloux
l'un de l'autre, alFecIaicnt de vivre
dans la meilleure iulellipence : après
avoir pri> , de concert avec le sénat ,
de sages réglemrnts j)our assurer la
tranquillité de l'empire , ils se dis-
f)0saient à partir , Pupien pour faire
a guerre aux Perses , et Balbin pour
une autre expétlilion : mais les pré-
toriens qui regrettaient Maxiiuin ,
s'emparent des deux em pereurs , tan-
dis que le peupleetait sorti de la ville
pour assister aux jeux capitolins, et ,
après les avoir accablés d'outrages, les
massacrent tous les deux , l'an "238
( f^^iy- Balbip» ,111, '^(3.2 ). Pupien ,
lors de son élévation à l'empire ,
sembl-iit avoir prévu ce triste sort :
o Si nous délivrons , avait-il dit à
Balbin , le genre humain du monstre
qui le tyrannise, quelle récompense
devons-nous nous promettre? — La
reconnaissance , répondit Balbin , et
l'amour du sénat , du peuple et raê-
rae de l'univers. — Ajoutez , reprit
Pupien , et la haine des soldats , qui
PUR
nous deviendra funeste. Pupien avait
la taille élevée , le maintien grave et
la (jgure noble ; mais son air mélan-
colique l'avait fait surnommer le
Triste, Quoique naturellement sé-
vère , il était ini^ulgcnt , humain sans
faiblesse, el d'une douceur admirable.
On a des médailles de ce prince en
or , en argent, et en grand et moyen
bronze; celles d'or sont très-rares
{^"oy. l'ouvrage de M. INIionnet, Du
prix des médailles romaines ).
W— s.
PIRBACH. r. Pelrbach.
PUHCHAS (Samuel), théologien
anglais, principalement connu par
le Kecueil de voyages ipii porte son
nom, naquit à Thaxsted, dans le
comté d'ivssex, en 1577. 11 fut élève
à Cambridge, au collège de Saint-
Jean , ainsi que l'atteste un vieux re-
gistre de celte maison. Purchas y
prit ses degrés de maîtie-îs-arts, en
iGoo. (Quatre ans après, le roi lui
accorda le vicariat de Kast-Wood ;
mais il le résigna en faveur de son
frère, pour se fixer à Londres, rési-
dence plus convenable pour un hom-
me qui préférait les travaux littérai-
res aux devoirs ecclésiastiques. Pour-
vu d'iif riche rectorat par l'évê-
que de cette dernière ville, et nom-
mé chapelain de l'archevêque de Can-
tcibury , il fit servir sa fortune à ac-
quérir la plus nombreuse collection
de voyages, tant imprimés que ma-
nuscrits, qu'on eût vue jusqu'alors.
Ce savant laborieux mourut vers
iG'i8. On doit à son zèle et à S3 vas-
te érudition l'un des plus célèbres
recueils de voyages qui aient été pu-
bliés , tant par l'abondance des ma-
tériaux que par leur importance pour
l'histoire des premières découvertes,
surtout de celles des Anglais. Ce fut
en iGi3 que Purchas fit paraître le
premier volume de ce Recueil , qui
PUR
peut en ôtrc regardé comme l'inlro-
diictioii,etdontlaquatrième édition,
très -augmentée, fut réimprimée en
ïÔ'iô. Ce premier volume porte le
litre suivant : Purchas , his pUgri-
mages, or relatiunsoftheProrld and
the religions , observed in ail âges
andplaces discoveredfrom thecrea-
tion iinto this présent ; in four parts,
un vol. in- fol. Cette quatrième édi-
tion du premier volume est infini-
ment préférable aux précédentes :
elle est dédiée à l'archevêque Abbot ;
et, dans la préface, Purchas annon-
ce avoir mis à contribution plus de
douze cents auteurs de voyages ou
d'histoires , tant nationaux qu'étran-
gers. La même édition est ornée de
i^artes géographiques deMercator et
Hondius. Les quatre derniers volu-
mes de Purchas parurent, en 1625,
sous ce titre : Hakluytus Posthu-
mus or Purchas his pilgrims ; con-
taining a historj of the fForld in
sea voyages and land travels hy
englishmen and olhers, etc.; Lon-
dres, i6'25, 4 vol. in-fol. Cet ouvra-
ge fut tradui t en h ollandais , Amsler-
dam, i655 , plusieurs vol. in-4''.
Purchas y a fait entrer tous les ma-
nuscrits laissés par Hakluyt , dont
il avait fait l'acquisition ; et ces ma-
nuscrits en forment à - peu - près un
volume. Les compilateurspostérieurs
à Purchas l'ont rais fortement à con-
tribution. Harris , surtout , s'est sou-
vent borné à abréger ses extraits ;
Bergeron l'a traduit avec plus de fi-
délité: Pinkerton y a également pui-
sé , pour la Collection de voyages
qu'il a dernièrement publiée à Lon-
dres , et dont les Anglais font assez
peu de cas. Ses autres ouvrages sont:
I. Purchas , his pilgrini or Micro-
cosmos or the historié ofman, 1 627,
in - 8". C'est un Recueil de médita-
tion3 sur l'homme^ dans tous les âges
PUR 3i5
et dans toutes les positions sociales;
méditations qui ont pour base le tex-
te du Psaume xxxix , 5. IL La Tour
du roi ( The king's tower , etc. ) ,
i6'23,iu-8«. L. R— K.
PURE ( Michel de ), fils d'un pre'-
vôt des marchands de Lyon , naquit
dans cette ville, en 1 634- llétait abbé
et hommede lettres : sa médiocritéle
dérobait à l'envie , et son existence
obscure était du moins tranquille.
Malheureusement on vint dire à Boi-
leau que l'abbé était le distributeur
d'un pamphlet contre lui. C'en fut
assez pour que de Pure eût place dans
les satires deuxième, sixième et neu-
vième. JMichel de Pure mourut en
1680 , à la fin de mars ou au com-
mencement d^avril. On a de lui : I.
Fita Alphonsi Ludovici Plessœi Ri-
chelii , presbyteri cardinalis , ar-
chicpiscopi Lugdunensis , iG53, in-
12. II. La Précieuse , ou le mystère
de la T-uelle y i656, 4 vol. in-12.
Léris , qui en général est exact dans
son JDict. des théâtres , attribue à
l'abbé de Pure une comédie , non im-
primée, des Précieuses. Il aura pris
le roman pour une pièce de théâtre.
III. Ostorius , tragédie en cinq ac-
tes et en vers, 1 65g, in- 1 2. Ostorius
figure dans le dialogue de Boileau in-
titulé : Les héros de roman ; mais
il paraît , quoi qu'en dise Boileau,
que cette tragédie a été représentée
plus diune fois : elle n'en est pas
moins pitoyable. IV. Quintilien,De
l'institution de Vorateur , traduit
avec des notes , i6G3 , 1 vol. in- 4**.
V. Histoire des Indes orientales et
occidentales , par J. P. Majfée ,
trad. du latin, i665, in 4^*. VI.
Histoire africaine de la division de
Vempire des Arabes , de l'origine
et du progrès de la monarchie des
Mahométans dans V Afrique et dans
l'Espagne , traduite de l'italien , dû
3i6
PUR
Birago, 166G, iu-ia. VII. Idée des
spectacles anciens et nouveaux ,
i()68. in-i2. VIII. Fie du marè-
cluiL de Gasston j 1673 , 3 vol. in-
I j. IX. La fie de Léon X , traduit
du liilinde Paul Jove, 1 075 , in- 1 i.
L'ai»Lc de PurcaTait compose quel-
ques vers Jp.lioscu l'honneur de l'ab-
bé de Marelles, qui en refour fil i;n
granl tlo;;e de son fl.itleur, et dit
qu'il s'occupait d'écrire la \ ic du
car liu.d de Kiriifliei-f Armand:, celle
en c^.linjl Mdzarin, et celle du roi*
de Siictlc : aucune des trois n'a '.•n
le jour, MaroUes mentionne , p^rmi
les ouvras;es d" IMir'ipl de Pure, une
£rigone, sans explitpier si c'est un
romnn oii une pièce de the.ltrc, et
sans dire si cel oi.rragc a etc im-
piinie. A. B— t.
PL'RI ( David) , fil*, «lu fondateur
de Purisbourp, dans la (laroline ,
était ne a NuJiàîel, en i7'^it). Il
coraiDcuçi le trafic de» pierreries
chez un banquier de Londres , où il
avait ete'cfivovpcn appreniissare, et
le continua en Portugal. S'étant éta-
bli à Lisbonne, il fit, par la joail-
lerie, nne fortune considérable , qu'il
augmenta encore , en se chargeant
d'une partie du bail des fermes gé-
Bcraîe*. (..etfe fortune fut consacrée,
presipic tout entière, .-in bien de sa
patrie. II envoyait, chaque année,
à Neucb.itcl , des sommes considéra-
bles, qu'd laissait à la disposition la
plus convenable des magistrats de la
Tille, indépenda m ment des fonds qu'il
adressait directement au conseil de
charité pour les pauvres. Ce fut avec
l'argent de Puri que le gouvernement
de Neuchâtel bâtit l'hôpital de la
▼ille, portant à la façade cette ins-
cription : Civis pauperihus; et qu'il
embellit et agrandit l'hotel-de-ville
( f^. P. A. Paris) ; qu'il fonda des pen-
sion* pour les veuves des pasteurs,
PUR
etc. Enfin n'ayant pas d'enfants , il
légua à sa ville natale tous ses biens,
montant à trois ou quatre miîlians,
à rexoepîion de quelques hgs pour
Sfs j.;.reiits et amis, commis , domes-
tiques, et pour les pauvres de sa pa-
roisse a Lisbonne. Il divisa cet héri-
tage en deux parts , dont l'une devait
être employée par le gouvernement
de Neucli.îtcl h des œuvres pieuses et
charitables ;et l'jutreaux munuments
et travaux publics, et à l'rmbtliisse-
nirut de la ville. Il mourut à Lis-
bonne le 3i mai 1786 ( i ). Par re-
connaissance pour r.n titovcii qui
avait comblé sa patrie de bienfaits,
les magistrats de Neuchâtel ordon-
nèrent un deuil rie quinze jours. Les
édifices publics de cette ville, et sur-
tout riinpiial , sont des niunuments
durables de la bienfaisance de J^uri
( F. son Teilauient dans le Conser-
vateur Suisse , t. i*^', , 3o3, 307; et t.
VIII , 3.>S}. — Jean-Pierre Pi'nt ou
Puiiy. né aussi à Neu(li.îlel, est au-
teur de Mémoiies sur le pays des
Cafres et la Terre de Pierre Nuilz,
Amsterdam , 1718, in-8°. , qui fu-
rent traduits en hollandais. Ayant
été lui-même en Cafréiie,il avait
conçu le projet de coloniser ce pays
désert , et en écrivit a la compagnie
des Intleseii Hollande; puis il trouva
la terredc Nuitz , dans la Nouvcllc-
Hullandc , enc(»re meilleure pour uûe
colonie que la Cafréric, et communi-
qu I ses vues au gouvernement de
Batavia, qui l'accueillit assez mal.
Il se rendit alors en Hollande , et
présenta ses projets à la compa-
gnie. Ses Mémoires contiennent des
notions curiciues sur les pays qu'il
avait visités, et qu'il proposait pour
servir d'emplacements à des colo-
nies. — Un colonel du nom de Pu-
(ij V.i iiou rD 1775, coiiiiii*- Je dit I« uuitvoau
Dtet. hiit,, eril, et bibUpifrofiliiifin,
PUR
RI soulint J.-J, Rousseau contre
le pasteur IMontmolliii, mais avec
peu de succès; et Rousseau obtint
pour lui, auprès de lordKcifli, la
place de conseiller-d'ëtat, quoiqu'il
se fût mal conduit , suivant l'auteur
des Confessions, dans l'affaire du mi-
nistre Petit-Pierre. Il ne resta pas
long-temps en place. S'étant oppose'
aux^ innovations du gouvernement ,
il fut destitué avec le maire Ptiri , et
publia à ce sujet un 3Iémoire justi-
ficatif, 1767 , iiT-8^.ct in- 12. Haller,
dans U bibliothèque suisse , croit
qu'il est aussi auteur de la Relation
exacte et impartiale de tout ce qui
s'est passé à Neuchdtel , depuis la
naissance des troubles actuels, 1 767,
in-8". Le Mémoire pour servir de ré-
futation à la brochure intitulée Con-
sidérations pour lespeuples de l'état ,
NeuchàteW, 1 761, et les Quatorze
Lettres de M. Charles Albert Pury,
adressées à M. Ferdinand Oster-
vald , au sujet de son livre qui a
pour titre : Défense des principes
et de l'auteur d'un écrit intitulé :
Considérations pour les peuples de
l'état , etc. , Neuchàtel , 1 762 , sont
probablement du même. — On attri-
bue au conseiller-d'ëtat Samuel Pu-
Ri , qui a laisse' un extrait manuscrit
des Chroniques dt Neuchâtel , le Mé-
moire pour justiGer quele commerce
des vins de Neuchàtel doit être libre
dans les états de Berne , 1 706 , in-4'*.
D— G.
PURICRLLT ( Jean-Pierre ) , l'un
des écrivains qui se sont occupés avec
le plus de succès de débrouiller l'his-
toire et les antiquités du Milanez ,
naquit à Gallarate , en iSSg. Dès
son enfance, il montra beaucoup de
disposition pour les lettres , et le plus
vif désir de s'instruire. Après avoir
terminé ses études au collège de Bré-
ra , sous les Jésuites , il prit l'habit
PUR 327
ecclésiastique , et fut cliargé d'ensei-
gner la philosophie , la théologie et
l'éloquence , au grand séminaire de
Milan. Le cardinal Fréd. Borroméc,
archevêque de cette ville, le récom-
pensa de ses services par les plus ho-
norables emplois, et le revêtit, en
i6'29 , de la dignité d'archiprêtre de
la basilique de Saint-Laurent. L'an-
née suivante , la peste désola Milan ;
et Puiicelli, qui s'était dévoué au
service des malades , fut le seul des
chanoines qu'épargna la contagion.
« Je me souviens, dit Tiraboschi,
» d'avoir lu , parmi les manuscrits
') de la bibliothèque Arabrosienne, la
» déplorable histoire , qu'il écrivit
«jour par jour, des ravages que la
» peste causa dans son chapitre ( i ). »
Malgré les devoirs de son état , qu'il
remplissait avec zèle, il s'occupait
sans cesse de recherches d'érudition.
Il recueillit un grand nombre de
chartes et de diplômes , ensevelis
dans la poussière des archives ou des
bibliothèques, et s'en servit utile-
ment pour éclaircir les points les plus
obscurs de l'histoire ccclésiastiquedu
moyen âge ( P^. Guillemine , XîX ,
i65 ). Les ouvrages qu'il a livrés
à l'impression sont la moindre partie
de ceux qu'il avait composés, et que
l'on conserve dans la bibliothèque
Ambrosienne. Enlisant le Catalogue
qu'en a donné l'Argelati ( Scriptor.
Mediol. , n , I T 37-4.2 ) , on ne peut
qu'être étonné de la vaste érudition
et de l'infatigable activité de Puricel-
li. Ce savant mourut à Milan , le 27
novembre lôSg. Outre l'édition qu'il
a publiée , des deux derniers livres
I III - — ' '^—
(i) Les compilateurs du nouveau Dict. hisl., cnl.
cl bil'lio^r. n'ont san^ doute jias couuu ce passade
de Tiraboscbi; autrement ils n'auraient Jias dit que
Puricelli « fut le seu< parmi les chanoiiies de cette
» église ( Saint-Laurent ) , lorsque la peste raTageait
» Mjlau , qX'i se dévoua avec le plus ^rand rele «u
>i service dci pestiférés, et <jui ne sertit /joint as la
)> ville. »
3a8
PUR
de l'Histoire, du Milancz ( Resiâua )
par Calchi , .\(j\!\ , iii-fol. , on cite
de Piiricelli : I. Ainhrùsianœ Medio-
larii hasilicœ monumenta , Milan ,
iG45,in 4*'.j suivant Frcytag (.Vrirt-
lect. litter. ); \0^S , in-t'ol. , selon
Argclati . insère, par Gre'viiis, dans,
le tome iv du Tliesaur.antiquit.lta
îi e. Tiraboschi regarde cet ouvrap;e
comme un trésor d'érudition et de
saine critique ( Storiu ilell. leltera-
tnraitaîiana,\\\i,3i)- ). 11. Laitr.
Littœ civis et archiep. Mediola-
ni vita , ibid. , i653 , in 4°- HI-
De SS. marljribus Nazario et Cel-
50 , ac Protasio et Gervasio hiito-
rica disserlatio , ibid., i65G, in
fol. IV. De SS. marty rilnis Jrialdo
Alcialo et Ilerlcinlaldo Cvlta, li-
hri (juadinr , quihiis historia Medio-
lan. illustratur , etc., ibid., 1G57
ou 1667 , in-fol. V. Sancti Saljri
confessons et sanctoruin Ainbrosii
et Marcellinœ tumulus luci restitu-
tus, ibid., ifjjtt, in-4". Tous ces
ouvrages , dit encore Tirabosrlii,
sont pleins d'une érudition choisie ,
quoiqu'on puisse y relever quelques
erreurs. Puricelli se proposait d'écrire
l'histoire de l'ordre des Humiliés ;
et il avait rassemblé , dans ce but ,
un grand nombre de documents et
de pièces intéressantes, qui ont beau-
coup servi à Tiraboschi pour complé-
ter l'histoire de cet ordre. W — s.
PLKICELLI (François), litté-
rateur, né, vers 165", à Milan, fit
ses études dans le célèbre collège de
Brera , dirigé par les Jésuites ; et à
l'âge de vingt-deux ans , il se rendit
à Rome , pour se perfectionner dans
la connaissance des langues et de
l'antiquité. Pendant son séjour dans
cette ville , il embrassa la règle de
saint Ignace : mais la faiblesse de sa
santé ne lui permit pas d'achever
son noviciat; et, après avoir reçu
PUS
les ordres sacrés, il revint à Milan ,
où il partagea sou temps entre ses
devoirs et la culture des lettres. Il fut
bientôt admis à l'académie des In-
ijuieli , comme il l'avait été dans
celle des Arcadiens de Rome, dont
il établit une colonie à Milan , avec
le secours de quelques littérateurs.
Puricelli réussissait particulièrement
dans le genre de poésie que les Ita-
liens nununenl berniesque , du nom
de relui qui l'ti mis le picniier eu
vogue ( /". BehnO ; il •"> com])osé un
grand nombre de .S"o/J/jet5 , de Capi-
toli , et des vers latins , estimés des
coiinaisseurs.il mourut le 17 octobre
I 738, dans sa campagne à Decio, où
il passait ordiuairenient les autom-
ne •;. Par son testament, il légua sa
bibliothèque au collège de Brera , en
reconnaissance des soins qu'il y avait
reçus dans sa jeunesse, et ij fit divers
legs pieux. Ses poésies, éparscs dans
diirérents Recueils , ont été rassem-
blées parle comte Jos. Imbonati, qui
les a publiées sous le litre de liime ,
Milan, 1750, in-4".: oii en cite
des éditions de Venise, 17^1 ; Bo-
logne, 175^, iu-8".; et Nice, 1781.
rayez Aigel.iti, Bill, script. Me-
diol. , p. I 134 et suiv. W'— s.
PL'SSORT ( HL.>ni ) , conseiller
d'état, était l'oncle de Colbert,et
dut son élévation uniquement à ce
grand ministre , auquel on ne peut
guère reprocher que son ambition,
et sa haine contre le malheureux
Fouquet. Pussort se montra l'un des
plus acharnés à la perle du surinten-
dant. Il faisait partie de la commis-
sion chargée de prononcer sur son
sort; et , quoique Fouquet l'eût ré-
cusé, comme parent du président de
Nesmond , il n'en persista pas moins
à rester un de ses juges. Pendant les
débats , il se conduisit de la manière
la plus indécente j interrompant à
PUS
pur
3iy
cîiaqiie instant Foiiquct, sans motif , la j)]us excellente de ses sublimes
ou taisant des mines d'improbation qualités. Pussort mourut, doyen du
qui scandalisaient les gens de bien conseil, le f8 février 1697, à ^'^8^
(/'. FouQUET, XV, 355). Lorsqu'on de 82 ans. Son portrait a ete gravé
en vint au jugement, il opina pendant iu-fol. par Ant. Masson. W — s.
quatre heures avec tant de vchc- PUTEANUS. Fo) . Dupuy.
mence et d'eraporiemcut , que plu- PUTSCHIUS ( Eue ), pliilolo-
sieurs juges en turent scandalises g"'-? natif d'Anvers, est compté
Il redoubla de force sur la tin de son par Klcfekcr au nombre des sa-
avis, et termina par dire que, pour vants précoces. Originaire de Hara-
punir le crime du surintendant, il bourg , et d'une famille patricienne,
n'y avait que la corde et les gibets ; il naquit le 26 novembre i58o. Ses
mais qu'à cause des charges qu'il parents , que des alTaircs avaient
avait possédées , il se relâchait à l'a- amenés dans les Pays-Bas, ne pu-
vis de M. de Sainle-Héène, qui avait rent donner aucun soin à sa pre-
couclu a la décapitation ( l'ojez micrc éducation. A quatorze ans ,
les Lettres 38, 4 i et 4'2 de M^c. de
Sévigné à I\l. de Pomponne, édition
de Monmerqué ). Pussort alTcctait
une dévotion outrée ; mais person-
li commençait seulement a expliquer
les auteurs latins ; mais alors , ayant
été placé successivement dans les
collèges d'Embden et de Hambourg,
ne n'en était la dupe. Sur la demande il y lit , sons d'habiles maîtres , des
de Colbcrt , il fut chargé par le roi progrès étonnants dans les langues
de travailler à la rédaction des Or- et la littérature anciennes. 11 alla
donnances de 1667 et 1670, pour ensuite à Leyde, où il suivit les
la réformation de la justice et pour leçons du savant Jos, Scaliger , qui
l'abréviation des procès. 11 dressa le le distingua bientôt de ses autres élè-
plan des articles, et se montra l'un ves , et lui témoigna beaucoup d'af-
des commissaires les plus assidus aux fection. Pendant son séjour à Leyde,
séances : aussi le regarde t-on gêné- il fit paraîire une édition de Salluste
ralement comme l'auteur de r Or^on- ( iGo'2, iii-8° ), avec des notes que
nance de 1667 ; mais il est certain Jos. Wasse et Sigebert Havercarap
que Colbert y eut beaucoup de part, ont reproduites dans les belles édi-
Boileau, qui ne pouvait guère se dis- tions qu'ils ont publiées de cet bis-
penser de donner quelques éloges à torien. L'excessive application de
l'oncle du principal ministre , l'a Putschius avait atTaibli sa vue : on
loué du moins avec beaucoup de me- lui conseilla de voyager. 11 parcou-
sure(i ). Quant aux éditeurs du Pro- rut l'Allemagne, s'arrêta quelque
cès-verhal des conférences ( V. VA- temps à-léna , puis à Leipzig , où il
vertissem. éd. de 1709 ), ik ont dé- se lia d'une étroite amitié avec Go-
passé toutes les bornes de l'adulation, dcfroi Jungermann ( F. ce nom ) ; et
en nommant Pussort un grand lioni- Conrad Zeltner conjecture qu'ils fu-
me , et en ajoutant que son attache- rent attachés, comme correcteurs,
ment inviolable pour la justice était à l'atelier typographique des We-
— cbel ( F. Theatr. viror. eruditor. ,
(i)Boileau ne l'a nommé qu'une seule fois dans je X/Q )• PutSchiuS s'oCCUpait déjà dc
Z,u<( ifi, cil. V, vers 07, en parlant des progrès de ^^^ i i i / • i> •■>•
u chicane, il peint, rasscmbler des matériaux pour I edi-
Se» griffe» vainement par Pu«or< accourcies. tion qu'U projetait du ReCUeil dcS
33o
PUT
PUT
anc.icD5 ç;rararuaiiicns , rt Jimcjrr-
iiiann l'aidi dans ses l.iborieuîits re-
cherches. L'impression et- ce j^rand
ouvrage fut terminée vers la (in de
septembre i(jo5. L'année précéden-
te , notre auteur avait eu la douleur
de perdre sou frère aîné ( Jean Puts-
cliius ) , et il n'avait voulu céder à
personne le triste priviiép;c de pro-
noncer son Oraison funi'.bre ( Leip-
zig;, 1G04 , u\-\°. ) Le clngriii et la
faliç^ue l'épuisaient de jour en jour.
Putschius , sentant la nécessité de
prendre quelque repos , se rendit à
8tadc , dans le durhé de Brème ;
mais sa santé' ne lit que décliner,
et il mourut eu cette ville , le g
mars iGoG, à \'\^t de iS ans. Son
Recueil des grainniairiens est intitu-
lé : GramtnaticiE Intime anctores
anliijui , Hanau , Weclul , ido j , >.
totu. iu-4".> ^'. sa description dans le
Marutel du libraire par M. Mrunet ).
Ce volume, dé Jié à Joseph Scaliger,
est très-rccherclic des amateurs (i);
il contient les ouvrages de trente-
trois gramrnainens . sur lesquels on
peut consulter la Biblioth. latina de
Fabricius: plusieurs de ces ouvrages
étaient inédits ; et tous ont été revus
et corrigés >ur les manuscrits des
Borigars , des Pitliou , de Dou/.a , de
Velser , Gruter , Hoeschel , Kitter-
hus , etc. Quelque imparfait que
soit ce tnvad, il sulFit pour assurer
à Putschius une réputation durable,
et pour justifier tous les regrets
qu'e\cita sa mort prématurée. Fop-
pcns ( Bill, belf^ica ] et quehjues au-
très bibliographes citent avec éloge
des Elégies de Putschius ( Leipzig
(l) Il f»ot joindre au Recueil di- PriUchlii», celai
c|ui fiit publie miiu ce titre : /■lurtiTci Uitin^ lin-
Çiar ,n iinnat rr'r;nn adjerlil ISclit Dtcnyf. On.
lÀnfredi ( Gnt,wi ) , 1603 , iu-4". Cette collection ,
sur U<jii.'lle onfrouTer* des detBils dan* la fiihl. de
falirlciii\ . n« contient yretqu'tucuu das auteurs pu-
et FInnau , in-8'*. ) Conrad Ritter-
hus a publié la fie de ce jeune sa-
vant , Hambourg, 1608, in-4'\ ;
ib. . i7.>.(i, in 8". W— s.
PUTTER ( Jean Etienne ) fut un
lies plus célèbres publicistcs de l'Al-
lemajiue : né, le 15 juin i^i^, à Lser-
lohu en \Ve>tphalie, d'un père com-
merçant , il (it ses ])reinièr(S classes
avec un succès si précoce, qu'à l'àgc
de treize ans, il fut en état de se ren-
drcàrui.ivcrsité. Il étudia successive-
ment a Marbourg. Halle et léna, oiiil
s'attacha particulièrement à Kstor ,
qu'il suivit iiicinc ( 174* ) ^^ nou-
veau à Marbourg. De celte univcr-
siié. où Piillcr commença sa canitrc
académique ( i74-f ) par un cours
sur l'histoire de l'I'lmpire , il ïwl ap-
jielé, comme professeur, à (itjtfiiigue,
eu 174'». Avant «l'y entrer en foiic-
litms, il alla aux frais du gouverne-
ment hanovrien , à Wet/.lar, Hatis-
bonnc cl Vienne , pour prendre une
connaissance pratique des tribunaux
suprêmes, et de la diètedc rEm|)irc.
Depuis sou retour, pendant plus de
cinquante ans ( 1 ), il donna des cours,
sur la procédure des tribunaux supi'ê-
mcs , le droit public et l'histoire de
l'Kuipire; enfin , des leçons pratiques
de jurisprulence. De plus, il travail-
lait comme membre de la faculté de
jurispru'lence , dont il fut doyen , eu
1797 , à la mort de Boehmcr. Cette
longue activité, dans une université
telle que celle de (iôttingue, pourrait
déjà faire juger de l'influence de
Putter en matière de droit public.
Mais celte influence était encore fort
augmentée par ses consultations
(-2) , ses autres travaux littéraires ,
il) Eu 1-qC, Putter cclubra sJenneJltinint Sun
juÙUi. '
11) Ces cousnltations , almi qne lei travaux le»
plu» inlt^ressant» de Pùlter, comme meuilire dr- U
f^rullc de jurisprudence , ontctcimprinn'fs en gran-
de partiu, «oit Mparemnit, aoit recueillie! tous U
PUT
et ses rapports avec beaucoup de
grands sci^^neurs et de gens en place.
C'est ainsi que, lors de son se'jour
à Gotha, de 176*2 à 1763, pour
donner des leçons au prince be'-
réditaire , Piitter fut prescnJc au
grand Frédéric. En 1764 > ^ l'élec-
tion de Joseph II comme roi des
Pnmains, ce savant professeur fut
adjoint, on qualité de conseiller, à
1.1 légation hauovricnne àFr-Tncfort.
Piitter fait époqtte dans l'iii-^toire du
droit public d'Allemagne. Non moins
iusiruit et laborieux que Moser , le
plus fécond écrivain des temps luo-
dei'ues ( V(yez MostR , XXX ,
'^36 ), il fut plus méthodique cl plus
clair que celui-ci ;, et il a de plus le
mérite d'avoir introduit un meilleur
sîyle tant par ses écrits cpie par ses
cours prali'ques. Ses nombreux ou-
vrages, dont quel(;ues - uns en la-
tin , et les autres en allemand ,
roulent principilement sur le droit
public et riiistoirc d'Allemagne ,
et sur la procédure des tribunaux
suprêmes de l'Empire : quelques-
uns traitent du droit civil , et de la
jurisprudence pratique. Nous ne ci-
terons que ceux d'uu mérite supé-
rieur, ou d'un intérêt plus général ,
comme : I. Inslitutiunes juris pu-
hlici germanici , sixième édition ,
1802 , Goltinguc. II. Nova epitums
processus Imperii siipremorum tri-
bimalium , S». , ibid. , 1796. III.
Manuel de l'histoire d' Allemagne ,
2 vol. , seconde édition , Goltingue ,
1772. IV. Développement histori-
que de la constitution de V Empire
germanique , 3 vol. , troisième édi-
tion, Goltingue, 1 798. Cet ouvrage,
puisé dans les sources et basé sur
une profonde connaissance du droit
titre de Causes choitiei de droit, iti vol. iu-fol.,
Gotti/igue, i767-i8o(),r (sous celui de B<jy/ra^e, etc.,
Ibid., 1777-1779, ivol.
PUY 33 1
public , mciite encore une attention
particulière V. Essai d'une histoire
académique des savants de l'uni-
versité de Gottinguc , 2 vol. , Got-
tiugue, 1768-1 788. Vï. Littérature
du droit public allemand, 3 vol.,
Goltinguc, 1781-1783. Cet ouvrage
a clé .continué daiis un quatrième
volume , par Kliiber, jusqu'en i 791 .
VII. Sa Hiog;raphie , écrite par lui-
même, eu 2 vol., Goltingue, 1798.
Piitter n'était pas considéré seule-
ment pour son grand savoir , mais
encore pour sa piété (3) et sa modes-
tie. Il a donné des preuves de cette
dernière qualité, et de son attache-
ment plein de reconnaissance pour
Goltingue, en refusant , entre autres
places honorables, celle déconseiller
aulique , qui lui fut ofl'crte par la
cour de Vienne, en 17O6. Quoique
marié fort heureuseineiit, il n'eut
jamais d'enfaut.«. Piitter mourut, le
12 août 1807 , dans sa qualre-viugl-
troisième année. Affaibli, durant
les dernières années de sa vie, dans
ses facultés morales, il n'eirt point
le chagrin de connaître les change-
ments politiques de l'Allemagne , et
de voir, avec la chute de l'Empire
germanique, diminuer l'utilité de ses
travaux et le prix de sa gloire lit-
téraire. T — NN.
PUY (Du). Fpjr.îtvvvY.
PUYSÉGUR ( Jacques de Chas-
TENET, vicomte DE ), descendait
d'une des premières familles de l'Ar-
magnac , très en faveur à la cour des
rois de Navarre. Il existe des lettres
de Henri IV, adressées à des membres
de cette famille. Puységur fut leseptiè-
me de quatorze enfants. Après avoir
été page du duc de Guise, il entra au
service , à l'âge de dix-sept ans, dans
(3) Nous lui devons méaw quelques livre» de pielo
et de morale.
33i PUY
le régi ment des ç;ardes, par la protec-
tion (lu duc d'ÉpiTuon, son parent;
fut irDHinie conseiller niaître-d'liô-
tel du roi, en i63(), et, peu après,
colonel du re'>j;iiucnt de Piémont. 11
parvint ensuite .nu grade de lieule-
nant-general , et fut nomme gouver-
neur de Berg. En 1648, il eut ^c com-
mande ment de l'armée pendant l'ab-
sence du marcchil de Rantzau; on
le députa, en i65i , pour porter au
roi la nouvelle de la soumission de
l'armccdu maréchal d'Aumont, alors
en révolte contre la cour, ou plutôt
contre le cardinal Mazarin. Les Mé-
moires du temps rapportent, qu'en
i63G, les Espagnols avaient entre-
pris de passer la Somme, pour por-
ter la guerre aii\ environs de Paris.
Puységur, qui les observait sur la
rive opposée de celte rivière', n'avait
avec lui que peu de monde pour leur
en disputer le passage. Le comte de
Soissons, qui commandait l'armée
française, craignant, avec raison,
qu'il ne fût écrasé, lui envoya dire
de se retirer, s'il lejuf^eait à propos,
a Monsieur, répondit Puységur à
» l'aide-de camp, un homme com-
» mandé pour une action périlleuse
n comme est celle-ci, n'a point d'a-
» vis à donner. Je suis venu ici par
i> ordre de mousicur le comte; je
» n'en sortirai pas , à moins qu'il ne
» me l'envoie commander. » Retrait
suivant ne lui fait pas moins d'hon-
neur. A l'alTaire du pont de Ce , il
poursuivit si vivement les ennemis,
qu'il pénétra avec eux dans le châ-
teau. Le pout-levis ayant été baissé ,
il allait être fait prisonnier ; mais
son courage et sa présence d'esprit
le sauvèrent, et donnèrent une issue
très-favorable à cet événement. Il ha-
rangua les assiégés, et les détermina
à rentrer sous l'obéissance du roi.
Puységurétait un des officiers les plus
PUY
considérés de l'armée ; et , dans les
troubles de la minorité de Louis
XIV, sa {idélitc fut souvent mise à
l'opreuve. 11 resta constamment dans
la ligne de ses devoirs; et quoitju'il
n'aimât pas le cardinal INIa/.arin, il
n'en refusa pas moins d'entrer dans
le parti du faible Gaston : il rejeta
toutes les oITres qui lui furent faites
pour laisser échapperles maréchaux
d'Ornano et de Marillac (1), suc-
cessivement confiés à sa garde dans
les châteaux de Vincennes et de Pon-
toisc. Oflicier-général de l'infanterie,
il soutenait les intérêts de cette ar-
me : c'est pourquoi Turenne, colo-
nel-général de la cavalerie, ne l'ai-
mait pas , et le lui fit quelquefois sen-
tir. 11 prit part , pendant quarantc-
nn ans de services , à trente combats
et à plus de cent -vingt sièges où le
canon avait été tiré; et dans uiu^ car-
rière si longue et si remplie, il ne re-
çut aucune blessure , et n'essuya au-
cune maladie. Seulement il fut deux
fois fait prisonnier; la première, au
combat de llonnecourl, en i64'i;
puisdevant \ alenriennes,cn iG5(). A
l'attaqucdu([uartierdcs Cravates près
d'Avcsnes en iGSç), Puységur de La
Grange, son frère , fut liiéa ses côtés.
Quoif]ue Louis XIII lui eût montre
une bienveillance particulière , Puy-
ségur mourut sans avoir rien ajouté
à la fortune qu'il tenait de ses ancê-
tres. 11 est vrai qu'il était plus atta-
che au roi qu'à ses ministres; et dans
ce teraps-là , comme aujourd'hui ,
c'e'tait le contre-pied de ce qu'il fal-
lait pour arriver aux richesses. Il
décéda , le 4 septembre 1G82, à l'â-
ge de quatre-vingt-deux ans. Du-
chesne a publié en 1G90 des Mémoi-
res que Puységur avait écrits sur les
(1^ Oîi lui proposa cent mille crus s'il voiJait f»
Toriwr l'évatioD du maréchal d'Oraano.
PUY
cvenemeuls dont il avait été témoin ;
ils comprennent les années depuis
1617 jusqu'en i658, et forment 2
vol. in- 12 : ils sont curieux, et re-
présentent Louis XIII sous un as-
pect plus favorable qu'on ne le voit
dans la plupart des écrits du temps.
A la fin de ces Mémoires, on a ajouté
des Instructions militaires intéres-
santes. Le tout fut réimprimé en
1747» I^ï- Petitot a compris cet ou-
vrage dans sa collection des Mé-
moires relatifs à l'Histoire de France.
M— T.
PUYSÉGUR (Jacques-Fran-
çois DE Chastenet, marquis de ; ,
maréchal de France, comte de Chcs-
si, vicomte de Busanci, et, par cette
dernièie propriété , l'un des quatre
quarts-comtes de Soissons , était fils
du 1^ lit du précédent. Né à Paris, en
i655, il entra au service, en 1677,
dans le régiment du Roi, infanterie,
corps que Louis XIV affectionnait
particulièrement, et y parvint, à son
rang , au grade de lieutenant-colonel.
En 1690, il devint maréchal-géné-
ral des logis, d'abord dans l'armée du
maréchal d^Humières, ensuite dans
celle du maréchal de Luxembourg ,
après la victoire de Fleurus ; et de-
puis il en remplit toujours les fonc-
tions, même lorsqu'il se trouva le
plus ancien lieutenant-général. Il fut
nommé gentilhomme de la manche
du duc de Bourgogne , lorsqu'on
forma la maison de ce jeune prin-
ce , et obtint le rang de lieutenant-
général en 1704, n'ayant été absent
des armées que le temps nécessaire
pour se faire guérir de ses blessures.
Au retour de chaque campagne ,
Louis XIV avait avec lui une con-
versation sur les événements mili-
taires de l'année , et lui communi-
quait ses projets pour la campagne
suivante. Les Mémoires du temps
PUY
333
s'accordent à le représenter comme
un des hommes de guerre les plus
e-xpérimentés de son siècle. Le duc
de Saint Simon , si peu prodigue d'é-
loges, n'en est point avare pour lui:
a Puységur, dit -il , devenu si tard
» maréchal de France , eut la gloire
» du projet et de l'exécution de la
» prise de toutes les places cspagno-
» les des Pays-Bas , toutes au même
» instant , toutes sans brûler une
» amorce , toutes en saisissant et dé-
» sarmant les troupes hollandaises
» qui en formaient presque toutes
» les garnisons. » Puységurétaitalors
chargé d'une mission diplomatique
auprès des électeurs de Bavière et de
Cologne. En 1708 , il précéda, en
Espagne , le maréchal de Berwick ,
sous les ordres duquel il devait ser-
vir co.Tîme directeur- général des
troupes : il trouva tout bien préparé
pour elles jusqu'à Madrid, l^e con-
trôleur-général Orry lui avait donné
l'assurance que les choses étaient
disposées avec le même soin, jus-
qu'aux frontières de Portugal. Voilà
pourquoi, dans sa correspondance
avec Louis XIV, il fit l'éloge le plus
complet d'Orry et de la princesse des
Ursins : mais ayant reconnu que rien
n'était ])rêt , il s'en plaignit vivement
aux cabinets de Madrid et de Ver-
sailles, et contribua beaucoup, par
ses rapports , à la première disgrâce
de la favorite. Un grand nombre de
lettres de Philippe V et de ses minis-
tres , des maréchaux de Berwick et
de Tessé , du prince Nicolas de Til-
ly, de Chamillart, ministre de la
guerre , du duc et de la duchesse de
Beauvilliers , témoignent que Puysé-
gur eut une influence considérable
sur les événements qui, sous Phi-
lippe V, ont consolidé le trône d'Es-
pagne dans la maison de Bourbon.
Pendant la minorité de Louis XV,
334
PUY
Piiyscgur fut meiubrc du conseil
de 5;iiene ; et , jusqu'r» sa mort , ou
nede'cida presque jamais autuuc 0|)(v
ration militaire de quelque impor-
tance sans l'avoir cousiillc. U avait
blanchi sous les armes ; et depuis
louj;-lenips l'opinion publique l'ap-
pelait au grade 'le maréchal de Fran-
ce, lorsque, remplissant \fs fonctions
de commuidant en chef sur toutes
le> frontières des Pays-Bas , il reçut
lebàtou , en i-jS^ : d lui lait cheva-
lier des ordres du roi , cinq ans après,
et mourut le i5 août 1743. •îj;»-* i'<-'
qualre-vinj;t-huit ans. Les dernières
.-innées de sa vie furent employées à
rcuniren un corps d'ouvraj^e plusieurs
petits Traites qu'il avait composes sur
dilTérentes parlit-s de l'art militaire.
Peu c(jnti-nt de son travail , il eu
avait fait brùlerdiverses copies ; mais,
sou (Ils en ayant retrouvé une , l'.^/t
(le la guerre parut eu i"\S, in -fol.
et in-'i". : il a été traduit eu allemand
par G. R. Fœsch , Leipzig, 1753,
in-4'^. La partie de cet ouvrage qui
concerue les notions militaires, avait
clé composée pour le duc de bour-
gogne , et celle des marches d'arnjée
pour l'ébuationde Louis XV. Quoi-
que la tactique ait épr(tuvédegrauc!s
changements depuis la publication
de ce livre , et surtout depuis les
campagnes de la révolutiou, les gens
du métier peuvent encore y puiser
une instruction solide; et l'élude eu
est devenue aussi indispensable que
celle de Fulard et de Vaubaii. Le
baron de Traverse a publié, en i75i,
-un Abrégé de cet ouvrage ; et en
1758. un extrait (le la première par-
tie àcVArt (le la ffue/rc, formant la
première partie de son Elude mili-
taire. Le maréchal de Puységur est
encore auteur d'un réi^lcmoat pour
les armées espagnoles , intitule : Or-
domumce de PlUUi'pe. M — r.
PUY
PCYSLGUR( JACQUES-FnAKçois-
Maximi; dk CnAS'^K^ET , marquis
DE ) , lils du précédent , naquit à Pa-
ris , en 171(3. Instruit par son père
dans r.ut de commander , il fut
nomme, en 17.^8, colonel du réj^i-
ment de Vexin , se distingua parli-
culicrcmcntà la journée de Fontenoi,
et parvint , jeune encore, au rang de
lieulenart-gcnéral. 11 ne se lit pas
moins remarquer par son originalité
spirituelle que par sa liiavoure. La
publication desa brochure, intitulée:
Discusiion inté.essanle sur la jné-
tenliun du clergé d'être le premier
ordre d'un élat , 1 767 , in-8". , pensa
le faire mettre à la Bastille; et la
pièce fut supprimée par arrèi du
conseil d'étal , du \'x février 1768.
L'évèque d'Orléans , alors chargé de
la feuille des béuélices, déclara, dans
son indignation contre le livre et
l'auteur, cpic jamais aucun Puységur
u'aurail de bénélicc. Cet ouviagc est
imprégné des désolantes docirines
qui donnaient celte célébrité fâcheu-
se trop anibilionnée alors par ceux-
là mêmes (pii , plus tard . en ont si
cruellement éprouvé les ellèls : aussi
à l'assemblée conslituaule, les révolu-
tionnaires nemanqt èrenl-ils pasdcle
citer avec éloge; et, lors de la discus-
sion sur les biens du clergé, Dupont
de Nemours s'écria : u Eh pourquoi ,
» dans le temps, n'a-t-on pas suivi le
» plan de INI . Puységur, qui , eu cou
» sidérant , il est vrai, les biens du
» clergé comme pouvant cire une
«ressource de l'Ktat, avait fait un
» admirable plan de réforme des
» moines et drs abbés , en laissant
» au moins l'existence à tous ceux
» qu'on aurait dépossédés I >» Le mar-
quis de Puységur mourut le 'x février
1 782. Outre r^/t de la guene , dont
il fut l'éditeur ( f'. l'article précédent),
ou a encore de lui : 1. Etat actuel de
PUY
l\4rt et de la Science militaire à la
Chine, tiré des livres militaires des
Chinois , avec diverses observations
sur retendue et les bornes des con-
naissances militaires chez les ]Euro-
péens , Londres ( Paris ), 1773 , in-
1 2 de 288 pag. et i o pi. ( v ) Ce livre
a été revu par le comte d'Espie. Les
35 premières pages de cet ouvrage
sont de M. de Saint Maurice de Saint
Leu. On trouve, à la suite, un examen
de la Tactiijue de Guibert. II. Du
Droit du souverain sur les biens du
cierge et des moines, imprime' sépa-
rément en 1770. 11 en a été pu])!ié
une réfutation sous le titre de Lettres
d^un archevêque à V auteur de la bro-
chure intitulée , elc. m. Analyse et
Abrégé du Spectacle d"; la nature
( de Pluche ") , Reims, 1772 , 1786,
in- 12. IV. Diverses brochures de cir-
constance , sur lesquelles on peut
consulter le Dictionnaire des Ano-
nymes M T.
PUYSÉGUR (Antoine-Hyacin-
the-Anne de Chastenet de ) plus
connu sous le nom de comte de Chas-
tenet, second fîls du précédent , né le
l4février i752,entradebonne heure
dans la marine. En 1772 , il obtint
du roi d'Espagne la permission de
pénétrer dans les cavernes servant
de sépulture aux Guanches , à Téné-
riffe ; et il parvint , au péril de sa
vie , à en extraire des momies très-
bien conservées , qui enrichissent le
Cabinet d'Histoire naturelle. Quel-
ques années après , il fut chargé
par le maréchal de Castries d'alier
dresser les caries de tous les débou-
qucraents de Saint-Domingue , et
(1) C'est proprement une analyse criliijue de
l'An militaire dei Chinoi< , publié à Paris l'annce
lirecédèufe ( f^. Amioi , II , y. ^8 ); et il conticut
des remarques tjui tendent à éclaircir ou à recliîier
divers eodroits de ce livre. On les a reproduites en
1789., à la tète du toine VII des Mémoires ete. sur
Us Chinois , p. I — XII.
PUY
33^
de rédiger des obsei-vations sur les
érueils et sur les moyens de les éviter.
L'on se sert encore aujourd'hui de
ces cartes pour naviguer dans les
parages de cette colonie. Après avoir
servi sous les ordres du comte d'Es-
taing et de MM, de Borda et de Ver-
dun,il émigraen i79i,etservit dans
l'armée de Condé. En 1 794 , il passa
au service de l'Anglcten o , sous les
ordres du comte d'Hector ; et , peu
de temps après , cédant aux sollici-
tations de Don Rodrigo de Sousa
Coutinho, ministre du roi de Portu-
gal , il entra dans la marine portu-
gaise , 011 il fut bientôt promu au
grade de contre-amiral , et obtint la
croix de l'ordre du Christ. Eu 1 798 ,
il était, en qualité de capitaine de
pavillon de l'amiral marquis de
Nisa , sur l'escadre envoyée dans la
Méditerranée comme auxiliaire du
roi de Naples , Ferdinand IV , sous
les ordres de Tamiral Nelson. Du-
rant cette campagne , il fut toujours
chargé des relations du gouverne-
ment portugais avec les amiraux
anglais Nelson et Saint- Vincent,
L'escadre portugaise était particu-
lièrement destinée au blocus de l'île
de Malte. Le comte de Chastenet
traita en secret de la reddition de
l'île , réduite aux horreurs de la fa-
mine. Le jour était fixé, la ville de-
vait se rendre au marquis de Nisa
et l'étendard portugais allait flotter
sur le fort la Valette. Lord Nelson en
fut instruit : il rappela l'escadre por-
tugaise à Palerme, et s'empara, pour
l'Angleterre, de l'île, que le cabinet
de Lisbonne voulait rendre aux che-
valiers de Malte, Le comte de
Chastenet eut le bonheur de sauver
de Naples , et de conduire en Si-
cile , sur le vaisseau qu'il comman-
dait, Ferdinand IV, sa famille, et
un grand nombre de cardinaux ^
336
PL Y
parmi lesquels se trouvait le cardinal
Chi.»riimoiilc ,de|niis Pie VII. Ren-
tir tu France, en i8o3, il n'v re-
trouva que dcbienf.iibles débris de sa
fortune passée. Il aurait pu farile-
meut se rattacher à la marine fran-
çaise , où sa réputation et ses talents
l'auraient fait accueillir par legouver-
nenient d'alors : mais , à tous les
avantages qu'il aurait eu lieu d'en at-
tendre .il preferadevivre dans la re-
traite. Une courte maladie l'empor-
ta , le "io février i8<i(). Le Uoi vient
d'ordonner la reimpression de son
ouvrage iur Ui Déhouijuements de
SairU-Doininpie ^ dont la i'^'^'. édi-
tion est intitulée : Détail sur la na-
vigation aux côtes de Saint-Domin-
gue et dans .\es debuuquenwnts , Pa-
ns , 1787 , in-4''. M — r,
PCYSÉCiUR ( PlEKRK- Lotis DE
CiiASTt>tT. comte Dt), ne, en 1"/^"],
de la faïuille des précédents , mais
d'une brandie établie pri^s d'Aibi ,
fut succosivemcnt colonel des réj;i-
mentsde Vexin, de Fore/., de Royal-
Comtois f l de Normandie, lieutenant-
gênerai désarmées du roi, et giand'-
croix de l'ordre de Saint - Louis. Il
était ministre de la giierre au com-
mencement de la rcvûlulii)ii:lors(ju'il
remit, en 1789, le portefeinlle de
son département , r.\ssemblcc cons-
tituante déclara qu'il emportait l'cs-
lirae et les regrets de la nation. Il
resta toujours près de Louis \VI;
et, au 10 aoîit 179'i , il commandait
une compagnie d»- {gentilshommes,
qui combattit pour la famille royale
dans celle funeste journée. Il se relira
en pays étranger, rentra ensuite dans
sa patiie, et mourut a Rabasteiiis.en
octobre 1807, suivant Milliu, qui
lui attribue un ouvraj^e sur le magné-
tisme animal. pul)lié avec des notes
de Dc'prcraènil ( Magas encycl.^ oc-
tob. , 1807, p. 4>8 ,. M— T.
PUZ
PUVSÉGLR ( Jean-Augustf. df
CuASTENET de), archevêque de Hour-
ges, frère du j>rccedent, né ii R.i-
basleins, le 1 i novembre i7.'|0, fut
nomme, à l'àiie de trente - un ans ,
évequc de S.iint - Omer , et sa-
cré le -if) juin J775. Trois ans
après, il fut transféré à l'évêché de
Carcassone; et il devint archevè<[uc
de Bourges , en 1 788. Monuné, l'an-
née suivante, déj)utc aux états-gcné-
raux, il signa plusieurs protesla-
tiuns du cote droit, et fut un des
trente évcques quisouscrivirent V Ex-
position desprincipes contre la cons-
titution civile du clergé. On a de lui
une Lettre aux électeurs du Cher ,
pour les détourner de lui donner un
successeur. Obligé de sortir du royau-
me , Puy^égur paraît avoir réside
en Angleterre et en Allcm.igne. 11 fut
un des signitaires de V Instruction
sur les atteintes portées à la reli-
gion , qui fut publiée, sous la date du
i5 août 1 7<)8, par les évêques fran-
çais exiles. Kn i8oi, l'archevêque
de Bourges donna la démission do
son siège , et revint en Fr.ince , où il
vécut dans la retraite. Il mourut à
Rabastcins , au mois d'août 181 j.
P— c— T.
PUZOS (Nicolas), célèbre ac-
coucheur, nacpjit à Paris, en iG8(J.
Fils d'un ancien chirurgien - major
des armées , qui .servait encore ,
en cette qualité, dans une compa-
gnie de mousquetaires , il fut des-
tiné à la même profession. Après
avoir fait d'excellentes études et sui-
vi un cours de philosophie à l'uni-
versité de Paris, le jeiuic Piizos s'a-
donna toui entier aux travaux qu'exi-
geait son entrée dans la carrière mé-
dicale. De 1703 à 1709, il servit
dans les hôpitaux militaires, fit plu-
sieurs campagnes, et arriva au grade
de chirurgien aide-raajor. Au milieu
PUZ
des embarras et des occupations qui
l'accabbieut , il parvint à obtenir
la maîtrise en cbirurnic. Rendu en-
suite à la vie civile , il trouva dans
Cle'tnent, l'ancien ami de son pcre,
et le plus célèbre acco.icbeiir de cette
époque , un protecteur <|ui lui com-
mujn'qua les premiers prihcipes de
l'ai t des accouchements , et lui aban-
donna une partie de son immense
clientelie. Puzos fit dans cette car-
rière des progrès rapides ; et sa ré-
putation devint consiijèrable. Mem-
bre de l'acadëinie de chirui f:;te dès la
formation de cette compagnie, il en
fut nomme' vice directeur, en I74' ?
et, bientôt après, directeur. Les fonc-
tions de censeur royal pour les li-
vres de chirurp;ie lui furent con-
fiées, à la mort de Petit; et, en
i^Si, le roi lui accorda des lettres
de noblesse. Ce praticien célèbre ne
jouit pas longtemps deslionneurs qui
avaient été la récompense de trente ans
d'exercices et d'ell'urts pour l'avan-
cement de son art. Tombé malade en
mars 17 53, il mourut le 7 juin suivant.
Puzos était actif, laborieux , infati-
gable. A l'académie de chirurgie , il
se fit remarquer par la sagesse qu'il
portait dans les discussions , par
i'ardeurella bonne-foi avec lesquelles
il recherchait la vérité, par l'em-
pressement qu'il metlait'à recueillir
les bannes observations. 11 rendit à
l'art des accouchements un impor-
laniservice, en démontrant les avan-
tages qui résultent, dans les pertes de
sang survenues durant la grossesse,
(lorsque les moyens médicinaux sont
restés inefficaces, et après la dibita-
tion du col utérin, ) de perforer la
membrane , de solliciter et d'activer
les douleurs ; en un mot , de détermi-
ner UD accouchement naturel, aussi
prorapt que le permettent les forces
de la femme. Cette méthode , qui
XXXVI.
PUZ
337
tient le juste milieu entre une inaction
prolongée , presque constamment
funeste , et une précipitation non
moins dangereuse, permet souvent
de sauver à - la - fois la mère et
l'enfaut : aussi e?t - elle générale-
ment adoptée par les meilleurs pra-
ticiens. Puzos donna des détails ,
précieux alors, sur les mouvements
de la matrice, sur les conformations
vicieuses du bassin, sur les moyens à
employer, soit pour rendre l'accou-
chement moins long et moins labo-
rieux, soit pour extiaire !e placenta.
On lui doit aussi des préceptes ju-
dicieux concernant la pratique du
toucher. Sa vie ayant été presque
exclusivement consacrée à la pra-
tique, il n'a pu])lic qu'un seul écrit;
Mémoire sur les perles de sang
qui sun'iennent aux femmes gros-
ses, sur le moyeu de les arrélev^
sans en venir à Vaccouchement ^
et sur la méthode de procéder à
l'accouchement^ dans les cas de
nécessité, par une voie plus dou-
ce et plus sûre que celle qu'on a cou-
tume d'employer. Ce travail est in-
séré dans le second volume des Mé-
moires de l'académie royale de chi-
rurgie. Puzos avait coi;signé la plu-
part de ses remarques pratiques dans
des cahiers recueillis , après sa
mort, par Morissot- Deslandes ,
qui les mit en ordre , les revit ,
les enrichit de notes, et les fit im-
primer sous ce titre : Trail^ des
accouchements , contenant des ob-
servations importantes pour la pra-
tique de cet art; deux petits Trai'
tés , l'un sur quelques maladies de
la matrice, et l'autre sur les mala-
dies des enfants du premier âge ;
quatre Mémoires , d<mt le premier
a pour objet les pertes de sang chez
les femmes ., et les trois autres ,
les dépôts laiteux, Pai-is, 1759, in-
338 PUZ
4°. L'cditciir a enrichi ce livre d'une
Préface, et de la traduction d'une Dis-
sertation de Graiitz sur la rupture
de 1.1 matrice. li — w.
PYGMALION , roi de Tyr , suc-
cédai à Matgeu , en l'an 874 avant
J.-C. 11 régna quarante-sept ans , et
mourut en l'an 8i7 , à{;é de cinquan-
te-huit ans ; ce qui porte sa naissan-
ce en l'an 885 avant J.-C. G:ltc in-
dication prouve en même temps que
Pvc;malion remplaça Matj;ca sur le
Irène de Tyr, à l'âge de onze ans seu-
lement : circonstance qui donneaussi
lieu de présumer qu'il était le fils de
Matgcn , ce que les anciens ne nous
apprennent pas. Pvgmalionétaitdonc
mineur quand il devint roi. 11 en
avait été de même de son prédéces-
seur , qui avait porté la couronne
pendant vingt-neuf ans, et n'en avait
vécu que trente - deux ; d'où il suit
qu'il était né eni'an ()o(Javant J.-C. ,
et qu'il était devenu roi eu 908 , à
l'âge de trois ans. Tous les rensei-
gnements chronologiques qui font la
base de ces combinaisons , nous ont
été conservés par Josèplie , d'après
l'histoire de Tyr , écrite par Ménan-
dre d'Éphèse . qui avait consulté les
archives des Tyriens. La minorité
de PvgmalioD, à l'époque où il par-
vint au trône , qui se déduit sans dif-
ficulté de ces indications chronolo-
giques , est confirmée par ce que
Justin nous apprend du même prin-
ce. Selo'i lui , le roi de Tyr, venant
à mourir, laissa pour héritier son
fils Pyginalion , et sa fille Elissa ,
vierge d'une grande beauté ; mais le
f)euple donna la royauté à Pygma-
ion , qui n'était encore qu'un jeune
enfant' 1% Pour sa sœur Elissa, nom-
mée Didon par d'autres écrivains ,
qui n'ignorent cependant pas ce pre-
(1) Joït. lib. XVIU, cap. 4-
PYG
mier nom , elle épousa son oncle Si-
chée , qui était revêtu du sacerdoce
d'Hercule, la seconde dignité de l'E-
tat. Sichée possédait de très-grandes
richesses : elles tentèrent la cupi-
dité de Pvgmalion, qui assassina
son oncle . dans une partie de
chasse, et le jeta dans un précipi-
ce . où il fit croire qu'il était tombé
par accident. Pygmalion fut trompé
dans son espoir. Sichée avait ca-
ché ses trésors; et sa veuve, qui
feignait d'ignorer le meurtre de son
mari , parvint a les soustraire aux
recherches de sou frère. Sous pré-
texte d'aller vivre auprès de son au-
tre frère Barca, à Charla ou Charta-
ra, petite vil le entre Tyr et Sidon,elle
obtint de Pygmalion des vaisseaux
pour l'y conduire ,et y porta ses ri-
chesses. Celui-ci croyait , par cette
complaisance , arriver plus faci-
lement à son but ; mais sa sœur
méditait le projet de s'enfuir avec
Barca ( 'i. ). Elle fut secondée par
plusieurs personnages considérables
de Tyr , qui étaient mécontents du
gouvcrnementdcPygmalion. Ils mon-
tèrent avec ellesur sa flotte, (piiaban»
donna aussitôt la Phénicie pour n'y
plus revenir;etbientôtellefut rejointe
pard'autrcs fugitifs , que menaçaient
les fureurs de Pygmalion , irrité d'a-
voir été trdhipéparsasu'uretpar ses
sujets. Les émigrés Tyriens s'arrêtè-
rent d'abord dans l'îledeCypre, où
ils se pourvurent de fomuies : un
grand prêtrcile Jupiter consentitaus-
sià les suivre avec sa famille, et à être
le chef religieux de l'émigration ,
sous la condition que sa postérité
posséderait à perpétuité le même sa-
cerdoce dans la ville nouvelle. Ce-
pendant Pygmalion faisait un arme-
(î) C'ert de lui r|oe tirait »on f.njjinf l.i faruiile
RÙceniDr, toujoar» tr<->-(iui*«anU- -,\ rdrtLage,*t
qui donna i otUe Tille le fameux Uuuiibal.
PYG
ment destiné à poursuivre sa sœur ;
mais il en fut empêche par les priè-
res de sa mère et les mcuaccs des
dieux. Elissa ou Didon fit alors
voile vers l'Afrique , où elle jeta
les foiuleraents de Cartliage. On
connaît le stratap;ème qu'on lui attri-
bue, pour obtenir des indigènes la
cession d'un terrain suflisant pour
recueillir ses compagnons lassés d'u-
ne longue navigation , et sur lequel
on bâtit ensuite la citadelle de Car-
tbage , appelée i)'^)nrt. Cette fable
n'est autre chose qu'une mauvaise
e'tymologie , comme les Grecs ai-
maient à en faire , et produite par
la ressemblance entre le nom phé-
nicien de celte forteresse , et le
mot grec p-joax , qui signifie une
peau de bœuf. En effet , c'est à-peu-
près ainsi que se prononce le mot
hébreu , et sans doute phénicien ,
qui signifie citadelle , forteresse.
C'est de là que viennent les noms de
Bosor ^Betzer , Bosra et Bostra, qui
servent à désigner plusieurs villes de
la Judée et de la Syrie, l.e fait est que
les émigrés Tyriens achetèrent , des
indigènes de celte partie de l'Afri-
que , par un tribut annuel , la per-
mission de s'établir dans le lieu où
Carthage fut hâtie. larbas , roi des
Gélules, était maître des régions envi-
ronnantes(3). Les annales tyricnnes
dont Josèphe nous a conservé le té-
moignage, placent la fondation de
Carthage ( 4), en la septième année du
règne de Pygmalion, qui répond à
l'an 867 avant notre ère. L'extrême
jeunesse de Pygmalion , qui ne devait
guère avoir que dix-huit ans à cette
(3) Justin ( Hist.Vih.y.\m , cap. 6 ) l'appeJle roi
des Maiiitaiiis , rex Maxitanoriim lllarhas.
(4) Selon uii discours de Caton , cite par Solia
( cap. •i'j ) , c'était un roi nommé Japon , qui gou-
vernait alors cette partie du continent africain. Ur-
bem islam ut Cato in oratione senatoriâ atilumat
cum rex lapon rerum in Libyâ polireltir , EUsia
millier exiruxit dorno Phœnix.
PYG 339
époque , pourrait donner lieu d'é-
lever quelques doutes sur les mo-
tifs qui amenèrent l'émigration de
Didon, ella fondation de Carthage:
malheureusement riiistoire nous of-
retrop d'exemples d'une cruauté pré-
maturée, pourquecc soit une raison
suffisante de rejeter les récils qui con-
cernent l'origine de Carthage. Dans
les commencements deleur établisse-
ment,les réfugiés Tyriens furent aidés
et secourus par la colonie Phéni-
cienne d'Utique , qui existait à quel-
que distance ; et celle fille de Tyr ne
tarda pas à surpassci- sa mère, sinon
en réiébrité , au moins en puissance.
La date lyricnne de la fondation de
Carthage doit sans doute, par son
origine , par la manière dont elle
nous a été transmise , ainsi que par
les détails qui l'accompagnent , mé-
riter la préférence sur toutes les
autres dates , fort difîerentes , qui
sont données par les anciens. Selon
deux autorités , recueillies dans la
Chronique de Saint Jérôme (5)
cefe fondation serait antérieure de
668 ans , ou de 748 ans , à la prise
de Carthage parles Romains en l'an
1 46 avant J.-C. La première indica-
tion nous porterait en Tan 894 avant
notre ère : pour l'autre, elle nous
donne l'an 8i4 ; ce qui est d'accord
avec le témoignage de Timée (6)
qui plaçait la fondation de Carthage
trente- huit ans avant la première
olympiade(776 + 38=8 r4). Justin
(7)elOrose(8)la mettaientsoixante-
doiize ans avant la fondation de
Rome, et Velleïus Palerculus (9} ,
soixante-cinq ans seulement , si son
texte n'est pas altéré j ce qui nous
(5) P. i47,ed.Scaliger.
(b) Apud Dionys. Halicarn. /inl. Boin. lib. I,
(7) Lib. XVIII, cap. 6.
(8j Lib. IV, cap. a.
(9) Lib. I , cap. G.
22..
34© PTG
donnerait les années 8i4 o" 817 ,
dates qui ditlereut peu de celle de Ti-
mée , avec laquelle elles étaient
peut-être originairement identiques.
Diverses autres dates, recueillies par
Euscbe (10), s'éloignent beaucoup
de celles que nous venons de Citer:
en assignant tour-à tour à cet évé-
nement les années 143, 17061229,
après la prise de Troie , elles nous
portent aux aiinécs 1040, ioi3 et
954 avant J. C. Si l'histoire et les
origines de Carlhage nous étaient
mieux connues , il nous serait sans
doute possible de rendre raison de
toutes ces diverMtcs , qui se rap-
portent peut - être aux ctiblisse-
menls successifs qui coiilnbuèrent
à former cette ville. Rien ne prouve
enellVl que la colonie de Diduii ait été
la première : il est assez |>iub.d)!e. au
contraire, qu'elle trouv.» dej.i des Plié-
niciens , avec les'piels elle se fondit,
et qu'elle reçut plus lard de nouveaux
auxiliaires , qui contribuèrent a arlie-
vcr Carlhage. Selon un autre témoi-
gnage, rapporté par Appien (il),
c'est à une époque bien aulerieurc,
cinquanleans avant lapri'NedcTroie,
qu'il f.iiit placer la fuudaiion de Car-
tli.tge, bàlie, à ce qu'il assure, par
deux personnages nommés Zorus et
Carcliéilon ; mais ce n'était pas là ,
aioutc-l-il , l'opinion des Roniaitis ,
ni celle des Carlliagiuois , qui tous
s'accoidaent à rcg.uder Didon com-
me !a seule fondai rire de cette ville.
L'opinion qu'il allègue est probable-
ment celle de l'IiiNtorien Pliilistc de
Syracuse citésur cet objet, par saint
Jérôme (12), qui. d'après lui, nomme
aussi Zurus et Carcliedon , les foiida-
(10) Cliron., p. 3.5,3f*>, 3i.( et i; , éd. Me-
diol. — Hieronym. Cliron., p. 91 ,100 •! loi , cd.
de Sca'.igcr.
Il) De reb. Punie. % t , tom. I , pag. 3o4 , éditioo
deSdiweigh.
(iï)P. i4:, td.Soliger.
PY6r
tenrs de Cartbage. Bocbart ( 1 3), San-
niaise (i 4). et plusieurs autres ont
déjà fait voir que les noms de ces
deux personnages ne sont autres que
des appellations de la ville dont il
s'agit. Zurus est l'^llération grecque
du '.loin original de Tj r , ipii eu j)lic-
nicien était Tsour. PoiirCarcludon ,
c'est le nom grec de Cartliage, Kao-
yrMi'i. Quant à la vraie dénomina-
tion de cette ville dans la propre
langue des Carthaginois, Solin (i5)
nous l'indique parées paroles : Elis-
sa millier cxtrii.iit di mo Diœnix
et Carlhadain dixit , quod Phœni-
ciminre exprimât Civitalem novam.
C.ulhaRc s'appcllait donc la ville
Twm'ellti , ce qui se retrouve dans
Etienne de l)V7.aiicc( ifJ) et Eusiathe
( 17) , qui la nomment en grec , /atvJj
TT'Ai;. C'était aussi le sentiment de
litc-l-ive, dans un endroit de son
histoiie perdu maintenant, mais dont
le contenu nous a été conservé par
Serviiis : Cartliago est lingud Pœ-
norum nova ( iuitas, ut docel Livius.
En hébreu Aarta-hadas , et Knrta-
hnditth en syriaque, .'ignifient la
même chose: en carthaginois, ce de-
vait être Aartnhddilh : au moins
c'est ainsi que je le lis dans la légende
phéiii( iennc de ]>lu.">i(uis belles mé-
daillcsquinous présentent lui palmier,
et une tète de cheval, ernbli mes con-
nus de Carlhagc. Telle fut donc bien
certainement la véritable dénomina-
tion ipie les colons Phéniciens impo-
sèrent à celte ville fameuse , qui était
considérée comme nneauiie Tyv, sur
les côtes de l'Afrique. Une portion
très-considérable de la ville de Car-
thage était appelée par les Grecs
(l3) PhaUg ,lil,. l.cap. »4.
(i4) EiercUalioiiei PUniana ^-çi. 3ïï.
(i5)Cap. 1^ p. 49, éd. Ssilmaiiu.
(16) Sub»oce Kapj^rjowv.
(17) /n Dionyt,
PTG
TfeapoUs : il pourrait se faire que ce
fut celle là qui eût e'tc fondée par
Didon , ce qui rendrait picincnient
raison des difTcrcntcs époques cliro-
nolo<:;iques que nous avons rappoitces
plus liant. Carlliap,e conserva toujours
des relations avec la ville à (jui elle
devait son origine. Pyginalon con-
tinua de régner à Tyr, après la fuite
de sa sœur. Il paraît que ce prince
avait aussi des possessions, ou ipi'il
étendit sa puissance jusque dans l'i'e
deCvpre ; carEtienne de Byzance lui
attribue la londationdela viiledeCar-
pasia . située dans cette île. S. M n,
PYIiADE, fameux pantomime,
passe pour l'inveiileur de ce genre
de spectacle, ou du moins pour le
premier q.ii le porta, chez les Ro-
mains , à un degré de perl'eclion dont
on n'avait pas eu l'i lée iuS(|iraloRS.
IjCS mimes, qu'il ne faut pas con-
fondre avec les poètes mimiques (^.
Laberius et PuBLius Syrus), n'é-
taient que des houlTotis sans consé-
quence, à la dinerence des pantomi-
mes, qui vinrent à bout d'exprimer,
par le geste seul, des |)oèmes entiers,
dans loq'iels ou distinguait mêfne
les mots pris au sens propre de ceux
qui l'étaient dans un sens figuré; et
tout cela sans pouvoir tirer parti
des mouvements du visage, car ils
jouaient masqués, comme les comé-
diens : seulement leur masque était
d'une forme plus agréable, et n'of-
rait pas une bouche béante, comirie
ce'ui des autrci acteurs. Pylade était
né en Cilicie, et avait été esclave
d'Auguste, ({iii 1 afTranchil. Il forma
dansKoine une Iroupeà part, sans se
mêler dans les tragédies et comédies
ordinaires; et, par le moyen d'une
danse composée de sujets tragiques,
comiques ou satiriques , il sut repré-
senter, dans son geste muet, tout ce
quelediscours aurait pu exprimer. Ce
PYL
341,
nouveau spectacle excita un enthou-
siasme général. L'opinion publique
se partagea vivement entre la troupe
de Pylade et cellede Balhylle, son
élève et son rival, qui excellait sur-
tout dans les sujets comiques {-Voy .
Bathylle ); et l'autorité de l'empe-
reur dut plus d'une fois intervenir
pour imposer silence à ces '\GKvy>. fac-
tions. Cette espèce de fureur ne fit
que»s'accroîlre sous les règnes sui-
vants; et sous Tibère, il fallut qu'un
décret défendît aux sénateurs de
fréquenter les écoles des pantomi-
mes , et aux chevaliers de leur faire
cortège en public. On conçoit aisé-
ment que ces histrions , devenus
ainsi l'objet d'une espèce d'idolâtrie,
n'étaient pas moins insolents que
certains comédiens de nos jours. Py-
laile jouant une fois le rôle d'Hercu-
le furieux, fut sifflé par quelques spec-
tateurs à qui son geste sembla ou-
tre. Il ôta son mas(|ue, et leur cria :
Fous que vous êtes, ne voyez-vous
pas que je représente un plus a^rand
fou que vous? [ Macrobe ). Appelé
])our rem pli rie même rôle à lui souper
de l'empereur, qui voulait égayer
ses amis et les régaler de ce specta-
cle, Pylade se laissa tellement em-
porter à sa fureur simulée , qu'il
commençait à lancer des IJèches sur
les convives, sachant fort bien pour-
tant, dans son transport, ne les di-
riger que sur ceux ([u'il regardait
comme partisans de la faction de
Batliylle. Une autre fois, se voyant
sifflé par un spectateur, il le montra
aucloigtafinderexposer à l'indigna-
tion de ses partisans. L'empereur
cliàlia l'insolence de l'histrion, en
le bannissant de Rome et de l'Italie:
mais les Jiiurmures du [)ublic ne tar-
dèrent pas à obtenir son rappel. Au-
guste, pour qui le soin d'apaiser ces
rivalités devenait une affaire d'état ,
34'i PYf^
l'exhorta sérieusement à bien tivro
avec ce concurrent, que Mécène pro-
tégeait. L'acteur se contenta de ré-
pondre que ce qui pouvait arriver
lie mieux à renij)ercur c'était que le
peupIcs'occupàtileBathvlIcct dePy-
lade. On a vu de nos jours un per-
sonnage non moins fameux que cet
empereur, remarquer avec complai-
sance , dans ses Bulletins , (|ue le
])euple d'une des grandes capitales
de l'Europe se battait pour du pain,
taudis que celui de Paris se battait
pour des actrices! Les pantomimes
furent encore chnssels de Rome sous
Tibère, sous Néron, sous Doniitien,
sous Trajan, etc.; mais leur exil ne
duri jamais long- temps. La manie
pour ce genre de spectacle .ne fit
qu'augmenter. Vers Pan if)o, [\omc
se trouvant menacée d'une famine ,
on prit !a précaution d'en expulser
tous les clrangcrs , même ceux qui
professaient les arts libc'raux. Néan-
moins , dit Ammien Marccllin , on
laissa tranquilles les gens de théâtre;
et il resta dans I » ville plus de trois
mille danseuses et autant d'iiommes
qui jouaient dans les chœurs , sans
compter les comédiens. Ce nombre
s'accrut encore par la suite; et ce
fut nue des causes de la corruj)tion
des mœurs , qui ne finit qu'avec la
destruction de l'Empire. On prétend
avoir retrouvé l'iuscription flu tom-
beau de Pylade , et l'on cite trois au-
tres pantomimes du même nom. ainsi
«pi'un faiiicux musicien, né à Méga-
lopolis en Arcadie , et contemporain
de Philopémcn ( Vov. De la salta-
lion théâtrale, par M. de l'Aulnaye,
p. 62 , 69 , etc. ) C. M. P.
PYLE ( TuoMAS ), ecclésiastique
anglais, ne' en 1674' •» SloJey ,
dans le comté de Norfolk., paroisse
dont son père était recteur; obtint,
en 1608, le vicariat de Saintc-Mar-
PYL
guérite de King's Lynn, et fut nom-
mé, en 1 -joi , ministre ou prédica-
teur de la chapelle Saint-Nicolas de
cette ville. Il se livra avec succès à
la prédication , et publia , depni.s
170G jusqu'en 1718, sixsermons qui
avaient pour but de dérndre les
principes de la succession de la fa-
mille de BruiisNvick au tronc. Doué
d'ime grande facilité pour compo-
ser ses sermons, dont le caractè-
re distinctif est la force plutôt que
l'élégance, il les débitait avec beau-
coup de chaleur. Pyle se distingua
tellement dans la controverse dite
Bangnrienne , élevée sur la juridic-
tion civile du cicigé, au sujet d'un
sermon de l'évê'iue Hoadiey, sur ces
paroles de Jésus Christ , Monroyau-
me n'est point de ce monde, que ce
prélat le récompensa par une pré-
bende dans l'église cathédrale de Sa-
lisbury , et demeura toujonrs son
ami. Il devint ministre de Sainte-
IMargiierite, en 1732, et résigna ce
bénéfice »in an avant sa mort, arri-
véelc3i décembre 1750 à Swaffara,
où il s'était retiré deux ans aii|iara-
vant. Son mérite semblait l'appe-
ler à quelque dignité éminente dans
l'Eglise; mais ses prin(i])cs religieux
et politi(pies, quoique d'accord avec
ceux de sir Robert Walpole, députe'
de King's Lynn, et avec reux de la
reine Caroline, qui tenait alors la
feuille des bénéfices, ne convenaient
point au clcigé anglican : il ne pas-
sait pas pour adopter le symbole de
saint Alhanase , et il inclinait vers
le socinianisme. Ses manières man-
quaient aussi d'une certaine souples-
se qui eiît pu lui gagner des protec-
teurs. L'archevêque Herring écrivait
à un de ses amis , au sujet de Pyle :
« La vivacité de sou caractère, qui^
» conteiuie dans de justes bornes^
» en fait un homme aimable, l'a do.
PYL
■» ramé dans quelques circonstances
» de sa vie, et a été nuisible à ses
» projets. » Il était cependant ami
généreux , et tellement exempt d'a-
mour - propre et de confiance en
lui , qu'il adopta souvent Topluion
de personnes qui lui étaient de beau-
coup inférieures. Ses ouvrages, tous
écrits en anglais , sont : 1. Défen-
se de Vévéqiie de Bangor, en ré-
ponse aux exceptions de Guillaume
Law , 1718, 1 part. in-S**. II. Pa-
raphrase des Actes des apôtres et
de toutes les Epitres du Nouveau-
Testament ^ 2*=. édition, Londres,
1787; nouvelle édition, 1763, 1
vol. in-8°.; traduite en allemand,
parE, G. Kuster, Hambourg, 1778,
•y. vol. in-8**. HT. Paraphrase de
V Apocalypse avec des notes, i735;
nouvelle édition, i795,iii-8°. IV.
Paraphrase des livres historiques
de V Ancien- Testament ^ publiée de
1715a 1725, et réunie sous un titre
général, en 1738, 4 vol. in-S". P.
Chais s'est servi de cet ouvragedans
la Bible qu'il a publiée avec commen-
taires tirés de divers auteurs an-
£^/ai5, la Haye, 174*2- 1790, 8 vol.
in-4". V. Soixante Sermons sur des
sujets simples et pratiques , publiés
par son fds Philippe, 1778, 2 vol.
in-8''. , aux(juels on réunit , Quatre
Sermons sur la bonne Samaritaine ,
et sur la nature du royaume de /.-
C. , et Trente deux autres Sermons,
I 783 , in-8<'. ; nouv. édit. , 1 785 , 3
vol. in-8". — Philippe Pyle, le plus
jeune de ses fds , mort le \'i juillet
1 799 , a composé des Sermons à Vu-
sage du peuple , parmi lesquels on
en a imprimé qui appartiennent à
son père,i 789, 4 vol. in-8'J. B-r 3.
PYLÉMENES est un nom com-
mun à presque tous les rois de Pa-
phlagonie.Lcur race se conserva sous
la domination des Assyriens , des
PYL
343
Mèdes , des Lydiens _, des Perses et
des Macédoniens. Elle se perpétua
jusqu'au temps des Romains ; mais
elle ne possédait plus alors la totalité
du pays : les colonies grecques qui
s'étaient établies sur les côtes, les ty-
rans d'Héraclée, et enfin les rois de
Pont s'étaient rendus successivement
maîtres de la partie maritime ; ces
derniers avaient fait leur capitale de
Sinope , ville grecque de la Paphla-
gonie. Les légitimes possesseurs du
pays se contentaient de la partie mon-
tagneuse située dans l'intérieur, et qui
était , à ce qu'il paraît , partagée en-
tre plusieurs princes. La domination
des Pylémènes avait été si longue, et
leurs droilssiirlaPaphlagonie étaient
si bien reconnus , que le pays en était
même appelé quelquefois Pyléménie,
gens Paphlagonia , quam Pylce-
meniam, aliqui dixerunt , dit Pline
( lib. V! , cap. 1 ). Le premier des
rois de ce nom , dont l'histoire nous
ait conservé le souvenir , est men-
tionne par Homère , qui le range
parmi les chefs venus au secours
des ïroyens. Il était à la tète des
Hénètes , peuple qui habitait alors
la Paphlagonie , et qui était presque
entièrement anéanti au temps de
Strabon. Homère nomme les prin-
cipales villes de la Paphlagonie qui
reconnaissaientles lois de Pylémènes,
telles que Sésamus, Cromna , Égia-
lée, Trithynne. Pylémènes reçut la
mort en combattant les Grecs: après
lui, les Hénètes, privés de leur chef ,
ne retournèrent pas dans leur patrie:
ils s'attachèrent à Antenor, et pas-
sèrent, dit-on, avec lui en Italie,
où ils fondèrent Padoue , et donnè-
rent naissance à la nation des Hénètes
ou Vénètes , qui occupaient autrefois
le territoire de Venise. — Après le
siège de ïroie , il faut franchir un
bien grand intervalle pour trouver
344
PTL
un autre PyT.tMÈ.tES. En l'an 1 34
avant J.-C. , il existait un prince de
ce nom , de la nu-me race que le pré-
cèdent , qui est placé par Kiitrope
( lib. IV, cap. io), au nombre des
amis et des alliés de la république
romaine. Il fournit des troupes aux.
Romains, et leur rendit de pr.imls
services dans la guerre opiniàlrc
qu'ils eurent à soutenir contre .\iis-
tonirns, fds naturel du dernier des
Allali^Ies, qui vou!aitse remettre en
]»osses>iondu riiv.aimede.scs..i(UX.—
Un aut.e PYLLMi:.>Ls..sans douie (ils
de ce dernier, réy;n.iit dans la Paplda-
gunic à l'époque de la première guer-
re de ^Iitliriddle contre les Romains,
en l'an 88 avant J.C Comme il
ctail c'-alcmcut allié des Romains , il
fut r liasse par le roi de Pont, qui don-
na ses états a un de ses propres fils.
Pour que le nouveau monarque parût
moins 0 lieux aux Paplila{;onirns, et
afin de les tromper, pour ain>i dire ,
sur Tori-ine de cet nsiupateur , Mi-
tlnid.iiefit prendre à son fils le nom
de P)lémèiies , si clier à la na ion :
P) Lpinenein , Paphlagontini rff[uin
noinine appellat , et ijmiii stirpi re-
f^icp rediluUt sic re^num , faiso nu-
mingjenet dit Ju-itin ;\ \xvn.4 • Le
prinre Pa[.hlaj;onien fut rclaMi dans
.ses états par Pompée, quand , après
les revers de Mitliridale, le Pont fut
réduit en pro> iuce romaine vers l'au
<Î4 3v. J.-C. La partie occidentale du
Pont cl la l'aplilag.;nie maritime fu-
rent alors divisées en onze cantons ,
annexés à la jirovince de Billiynic.
La race de Pylenièues ne conserva
que la |>ailie située d ms l'intérieur
des terres. Pyléuiènes, qui avait été
chassé par Milluidaïc, et un antic
piince Paph!a;;onien appelé Atta-
lus il] , furent alors réiuie-rés dans
fi ) Appicii ! '^ilhrid. , Ç 1 1.^ > ne parU que H' \t
PTM
leurs états, selon le témoignage d'Eu-
tropc ( lib. VI , <)\ i4 ). Ce dernier
Pylémènes portait , à ce qu'il paraît,
le surnom A' FA'erg^èles,s\ ce|>endaiit
c'est à lui qu'il f.uit attribuer une mé-
daille extièmement rire, qni i llVe la
lé-en.le : BAIIAEilZ nVAAIMENOV
ElEITETOr ( Du roi lyleinenes
Ei'er^etes).'ïv\\c est l'opinion reçue;
cejiendaiit le surnom d'iV(Tpè/t'i(pii
fut porté par le roi de Pont , pèiedu
grand IMitliiidate Enpalor, l'eiait
croire que ce nom app.irliendiait
j^lutôt au prédécesseur du dernier
Pyléiiù'iies, conlempor.iiu de Mitliri-
dale Évergètes. Les petiis princes de
l'Asie avaient l'iiabilude de s'at-
tribuer, par imitation , les surnoms
des rois plus |>uissants , dont ils
étaient voisins. Il ser.iit facile d'en
citer des exemples. Après l.i mort du
prince cpie Pompée avait i établi >ur
son tnine. la portion delà Pajilila-
gonie qu'il pussédail , fut réunie au
territoire de la républi(|ue ( Sexliis
Riifus, cap. Il , ; et la race royale
s'éteignit alors ( Strabon , lib. xii,
p. fiOi). S. IM — N.
PY M ( Jean), membre de la
cliatiibrc des communes d'.Augle-
terre , du temps de Charles I"". ,
criihie par les sentiments rcpi bli-
cains qu'il manifesta , descendait
d'une bonne famille du comté de
Soniraerset, et naquit en i 5H4. Apres
avoir coinmenré son éducation à l'ii-
niversi'é d'Oxford, il paraît, sui-
vant Wood , qu'il fréquenta le bar-
reau, et qu'il abaniloniia cette pro-
fession pour entrer corîime secrétaire
dans les bureaux de l'étliiquier : il
n'y occupait pas un poste fort im-
|)oilaiit, lorsqu'il fut nommé mem-
bre du parlement. Pym se fit distin-
guer par une opposition invariable
aux mesures de la cour , sous le rè-
gne de Jacques I*^"^. , et sous celui de
PYM
son successeur. En 1626 , il concou-
rut à la rédaction des articles de l'acte
d'accusation contre le duc de BiK kin-
gliain;et,en iG'iS, il attaqua, de-
vant la rliamlirc des comtuiines, le
docteur IMainwaiing, ([ni avait pro-
fesse des doctrines que Pyui consi-
derail comme cgaleiucnl injui ieiises
pour le roi et pour Ut rovauine. Pym,
qui paMaj^oait toutes les opinions des
piiiitaiiiS , et qui était , coinrae eux ,
extrêmement atr.cté de la dissolution
du parlement et des mesures delà cour,
avait formé le projet de se rendre en
Aiucriqne pour y fonder unp;ouvernc-
ment où la liberté civile et la liberté
relii;ieuse fussent plus respectées qu'en
Angleterre. Il était déjà lendu dans
le poi t où il devait s'embarquer avec
Harapden , Croinwcll cl uri giand
nombre de leurs coreligionnaires,
lorsqu'un ordre du conseil les empé-
clia d'exécuter leur résolution. Ce
contretemps augmenta encore l'a-
Tersicn qu'il avait conçue contre le
roi. En 16-iç), il eulreàiit , de con-
cert avec ]>lusieurs autres membres
delà chambre des communes et plu-
sieurs pairs , une correspondance
très-suivie avec les commissaires en-
voyés à Londres par les convenan-
taires écossais. 11 fut un des mem-
bres les plus actifs et les plus iuflueuts
du parlement qui s'assembla le i3
avril 1040 , et dont le roi prononça
la dissolution le 6 mai de la même
année. A la reiuiion de celui qui le
suivit immédiatement ( novembre
1640), et qu'on a appelé le long
parlement, Pym , après avoir débité
un discours préparé, sur les soiifTran-
ces de la nation, accusa de haute-
trahison le comte de SlratTord, et
fut nommé l'un des commissaires des
communes, pour suivie cette af-
faire devant la chambre des pairs.
La vioknce effrénée des discours de
PYM 345
Pym et de quatre de ses collègues, dé-
termina le roi à les faire accuser , en
son nom, du crime de haute-trahi-
son , et à demander leur arrestation.
La chamhre basse, loin d'avoir égard
aux désirs du souverain , déclara,
au contraire, que ces actes de « igiieur
étaient une violation de ses privdé-
gcs ; et ce prince se transporta en
personne au parlemert , pour f.iire
saisir Pym et les autres membres qui
av.iient encouru son indignation :
mais cette démarche imprudente
n'eut aucun résultat favorable pour
les affaires du roi; les membre, in-
cu'pés ne furent point arrêtés : ils se
réfugièrent dans la Cité , dont les
habitants étaient dévoués à leur par-
ti ; et Pym mit encore plus d'achar-
uement à défendre les intérêts du
parlement. Il s'opposa à toutes les
ouvertures de paix et d'accommode-
ment . appuya fortement la proposi-
tion d'appelejles Écossais au secours
des parlementaires , et parvint, par
son habileté et jiar l'influence qu'il
exerçait, à empêcher que le comte
d'Essex ne conclût, en 164^, un traité
avec le roi,comnieil en avait d'abord
manifesté l'intention. Charles P''. ,
sentant la nécessité de gagner, à tout
j)rix, m\ ennemi si athar.'ié , et qui
pouvait devenir un auxiliaire fort
utile , lui fit offrir le poste de chan-
celier de l'échi puer. Glaiendon, qui
rapporte ce fait, ne dit pas quelle
fut la réponse de Pym : cej)endant
il se moiitra , dès ce moment ,
moins virulent dans ses attaques con-
tre la cour , et fit même quelques ou-
vertures en faveur de la couronne :
mais elles furent mal accueillifs par
ses collègues; et il put se convaincre
alors.qu'il est plus facile de faire le
mal , que d'entreprendre le bien. Sa
popularité souffrit un grand échec
du nouveau système de conduite qu'il
346 PYM
essayait d'aJopter ; et on l'entcnJit
se plaindre avec amertume de l'in-
constance du peuple à son e'g.ird.
Utie apologie de sa conduite , qu'il
iu!;ca nécessaire de publier quelque
temps avant sa mort , laisse quelques
doutes sur la partwqu'il auiait prise
aux e'vciiements poste'rieurs , s'il eût
assez vé.u pour cire tomoiu des
tristes résultats de ses premiers em-
portements. Nomme lieutenant d'ar-
fdlerie, au mois de novembre i6/|3,
Pvm aurait obtenu , sans doute , un
avancement rapide : car , maigre la
méfiance qu'il avait inspirée à quel-
ques parlementaires, il jouissait en-
core d'un grand crédit dans son
parti , lorsqu'il mourut a Dcrby-
House, le 8 décembre suivant: il tut
enterre avec de grandes solennités
dans l'abbaye de Westminster. Plu-
sieurs de ses discours ont été im-
primes séparément , et sont insérés
dans les annales et dav les histoires
du temps. Lord Clarendon et quel-
ques autres assurent qu'il mourut au
milieu des plus grandesdouleiirs, d'u-
ne maladie pédiculaire tellement dé
goûtante, qu'un très-petit nombre de
ses amis scdement fut admis auprès
de lui. Mais Etienne INIarsIiallaflirme,
dans le sermon cpi'il pi à ha à ses fu-
néradles , que huit médecins, dont
l'intégrité ne peut être suspectée , et
dont quelques-uns étaient toutà-fait
étrangers à Pym ou d'une crovance
différente, furent présents à l'ouver-
ture de son corps , avec une foule
d'autres personnes , et (jiie le mal
dont il muurut , n'était autre chose
qu'un apostumc dans les entrailles.
La nature n'avait point favoriscPym,
dit lord Clarendon; mais il était par-
\enu à acquérir des talents pir un
travail opiniâtre : il connaissait à
tond les formes et la manière de
procéder de la chambre des com-
PYN
rauncs, et s'exprimait avec mtg gran-
de aisance et beaucoup de dignité.
Personne ne connaissait, comme lui,
le caractère et les opinions de ses
concitoyens: il avait obervé, avec
attention, les erreurs et les fautes du
gouvernement , et savait les faire
paraître plus graves qu'elles n'é-
taient réellement. A la première ou-
verture du long parlement, il parta-
gea l'influence qu'y exerçaient Hamp-
den et Olivier S.iint-John. Ou peut
dire qu'a cctteépoque, et même quel-
ques mois après , personne ne jouis-
sait d'autant de popidarité que lui.
Dans leprocèsducon)tede Sfraflord,
il montra beauroupd'animosilé per-
sonnelle ; et il a été accusé d'avoir
employé , pour faire périr ce sei-
gneur, certaines pratiques indignes
d'un honnête homme : on lui a éga-
lement reproché d'avoir l'ame vé-
nale , cl d avoir , dans plusieurs cir-
constances , reçu de l'argent pour
rendre service, soit à des particuliers
persécutés parle parlement, soit au
roi lui-même. D — z — s.
PYNAKF.R ( AuAM ), peintre hol-
landais, né en \(ri\ , dans un petit
bourg non loin de IJelft, qui lui a donne
son nom, était fort jeune lorsqu'il fit
le voyaged'Ilalie : il s'arrêta troisans
à Rome, pour y copier les plus beaux
tableaux modernes , et les chefs-
d'œuvre de la scidpture antique. II
ne passait pas un jour sans visiter la
campagne de Rome, pour en dessi-
ner les points de vue les plus pitto-
resques. Fortifié par un exercice aus-
si continu de son art, il revint en
Hollande, et ne tarda pas à y donner
des preuves multipliées de son habi-
leté. A l'époque où il retourna dans
sa patrie , l'usage était d'orner les
appartements de grande» toiles sur
lesquelles on peignait des paysages
ou des vues de villes. Pyuaker , dont
PYN
îe talent était apprécié, fut chargé
de décorer de cette manière les
premières maisons de la Hollande :
mais , au grand regret des amateurs ,
la mode des tentures en étoffes , et
des lambris en menuiserie, vint ré-
gnera son tour; et les peintures qu'ils
remplacèrent, furent reléguées dans
les greniers. C'est ainsi qu'on vit dis-
paraître la plus grande partie des
productions de Pynaker : heureuse-
ment ses tableaux de clievalet sont
restés pour conserver sa réputation.
C'est dans ces petites compositions
qu'il s'est montré habile paysagiste.
On distingue la forme et le port des
différentes espèces d'arbres : sa cou-
leur est toujours aimable et vraie; ses
lointains et ses ciels sont vaporeux ;
il traite surtout d'une manière supé-
rieure les oppositions et les dégra-
dations entre les divers plans de ses
tableaux. Le Musée du Louvre a trois
sujets de ce maître : L Une tour ,
au pied de laquelle est une barque
à l'ancre. Sur le devant, des passa-
gers débarquent d'une felouque avec
leurs bagages. II. Paysage dans le-
quel on voit un muletier arrêté à la
porte d\ine auberge. 111. ylutre
Pajsage représentant desvdlageois
qui gardent leurs bestiaux ; sur le de-
vant, on voit une vache seule. Pyna-
ker mourut en 1678. P — s.
PYRA ( Jacques - Emanuel ) ,
poète allemand , était né , eu 1 7 i5 ,
à Kotbus, en Lusace, d'une famille
(jui se prétendait issue du maréchal
Biron , sans en avoir aucune preuve,
mais qui se trouvait réduite à l'in-
digence , au point que le jeune Pyra
se vit obUgé de la soutenir, à l'aide
d'une bourse qu'il obtint à l'universi-
té de Halle. Réduit aux plus grandes
privations, il avoua une fois, en ren-
contrant son ami Langen , qu'il n'a-
vait pas mangé depuis trois jours.
PYR 347
Cet ami, sans être riche , devint soa
bienfaiteur , et le logea chez lui , à
Laublingen , où il fut envoyé en qua-
lité de ministre du culte. Ce fut alors
que Pyra , inspiré par l'amitié et par
les charmes de la vie champêtre , se
livra tout entier à la poésie , qui n'a-
vait point encore fourni de grands
modèles en Allemagne. Le professeur
Gottsclied , écrivain correct , mais
sans génie et sans verve , tenait le
sceptre delà littérature allemande :
Bodmer , en Suisse , fut le seul qui
eut le courage d'attaquer la réputation
littéraire de cet aristarque. Pyra fit
cause commune avec le poète suisse,
en publiant la Preuve que l'école
de Gottsclied corrompt le g,out ^
Hambourg et Leipzig , 1743. Cette
attaque lui attira de vives répliques ;
il publia une suite de sa Preuve, Qi il
osa s'affranchir de la rime, qui était
encore regardée comme indispensa-
ble dans la poésie allemande. Ses
pièces de vers présentent des mouve-
ments lyriques, des images imitées
d'Horace , d'heureuses épithèles, en-
lin des traits de bonne poésie ; cho-
ses dont on avait alors peu d'exem-
ples. Son plus grand morceau fut le
Temple de la vraie poésie , poème
épi-didactique , en 5 chants , ayant
pour but d'opposer la poésie, imitée
des classiques, aux vers ampoulés ou
fades des Lohenstein et des Gotts-
clied. Le poète feint que la déesse de
la poésie l'introduit dans son temple j
il y trouve personnifiés les divers gen-
res de poésie; aux colonnes il voit
suspendues les règles de la poétique.
Pyra avait emprunté , pour ce poè-
me, plusieurs tableaux, aux anciens
poètes épiques. Après avoir été pré-
cepteur dans deux maisons , il re-
vint, eu 1741 5 chez son ami Lan-
gen , et commença une feuille pério-
dique , sous le titre de Pensées de la
348 PYR FTR
société invisible. Il n'en parut que ladoue i Paindoue. « Ainsi (fcartes et
neuf niimcros, publics à Halle. Ap- • sépares les uns des autres en ces
pelcensuiteà Berlin, pour enseigner » îles, dit-il , nous soullVîiues toutes
au gyuuia«.c, dildc kœlla,il y mou- » sortes d'aflliclions et misères, ]>res.
rut, le 14 juillet 1744- Son ami » ses de famine, couelics sur la dure,
Lat'grn rceueillil ses poésies, et les » au-dehurs, sans couvert, exposes
unit au\ siennes soun le liiredc Pué- » aux injures de l'air, el des pluies
siei amicales. Bodmer les publia , » qui étaient lors fort conlinues ,
pour la premii re fois , à Zuricb , en » |)arce que c'était leur liiver. Joint
ijicltanl , à la place des noms des » que leseauxde toutescesîlessout si
auteurs, ceux de Tvrcis et de Danion. » n>al-saines poiu- tous ciiang«'rs qui
Liugen doiuia de ce recueil une edi- » n'y sont point aceoulunies' el Tin-
lion .iUgn)entèe,H.ill»'. i-;4.), ii, 8\ « température de l'air si grande, que
Gleiiu possédait plusieurs raauus- » j'.ii rem.uq-ie durant mon séjour,
crus de Pyra, entre autres , des Rc- » queceux du dehors, et toutes sortes
eliercbes ciitiques sur les beautés de » d'étrangers, même des Indiens de
V Enéide. L ne tragédie du même au- » la lerrc-ferme et des autres îles,
tciii . Jei'hté , est perdue. D— g. » n'y peuvent faire une longue dc-
P\HAKL)v ^RA^<;oIs ), Voyageur «meure que presque tous ne de-
français, était ne a L.ixal. Non moins B viennont lu.d.tdes , el (pie la plu-
désireux de voir et da|)prendre , » part n'y meurent. Aussi, gr.nide
que d'.iC'piénr du bien , il .-,'embar- » partie de mes compagnons ne de-
qiia sur le Corbin , gru> na\iic, » meurèrent uuèie la (pi'ils iie luou-
qu'unecourpagnie de marcliands de » nissent. » Pyrard fut ensuilc con-
Sjiut-M.do , Laval cl \ iiré, arma, diiit a IMalé , "résidence du roi , qui
ainsi que le Cmis^ant , pour sonder le t aila fort bien , parce «pi'd par-
le guc, cherclicr un chemin des l.iit facilement la langue du pays.
Indes , et le mouiier aux Français. Quchpus-uns de ses compagnons en
Les deux bàtiinei.ts partirent de conçurent de b jalousie : ■l'autres fu-
Saiut-M.ilo , !e 18 mai Hioi. a Je rent |>unis de mort pour avoir es-
» n'avais jamais eu bonne opinion Siiyé de s'éva 1er; il y en eut «pii réus-
» de noire voyv^c dri)uis l'enibar- sin ni d.ms celte teulalive. Le roi ir-
• qiiemeni , dit Pyiaicl , vu le mau- rilé défendit de continuer les distri-
» vais or.lrc et le peu de poliee qui bulicuisde vivrcsàcenx (pii reslaient;
» étaient dans nos naviies. » Ou rc- n'empêchant pas néanmoins les insu-
lài ha succissivement aux î'es Aniio- laites de leur doimer des jirovisions,
bon , Mtdagascar et Comorc. Le 7 s'ils le voulaient. Tous ces cvénc-
iuin iGoi , on quitta cet Archipel ; meiits , et la mort il'un de ses amis ,
le X joiîlet, \f Corhin fit naufrage affligèrent lellement Pyrard , qu'il fut
sur les Maldives , par l'inexpérience altatjuc d'onc longue maladie. On
du capitaine; \e Croissant ,h\eili du l'av.iil relègue, avec les autres, dans
danger, s éloigna des'écueils, et fil inie île écartée; au bout de quatre
voile pour Sumatra ^ T. Fr. iMau- mois, ilsre\iiiienlaii|>rèsdu roi : « Je
Ti>, XWIl , 120 ^. Pyr.ird et ses » servais le roi. commerundescs do-
comp.tguons furent recueillis par les » mcstiques, dit Pyrard, prêt à faire
insulaires, qui les divisèrent sur plu- » tous ses commandements. J'étais
sieurs îles. Pyrard fut mené de Pou- » fort bien auprès de lui et des reines,
PYR
» qui souvent s'enqucraient des fa-
u çons de vivre des Français , de
» leurs mœurs, liibils, et princi-
•o paiement des Imbils de dames de
« France, et de notre relii;ion. Le
» roi mo donna uniogis à |);ii t , assez
» près de lui ; et , tous les jours, on
» m'apportait de sa maison du riz
» et des provisions ne'cessaires pour
» ma vie: il me bailla aussi un ser-
» vitour, pour me servir, outre rpiel-
w qucari^'-ntet d'aulresprcseiîts Hoiit
» il m'acrommoda : par le moven de
» quoi , je devins quelque peu riche
» à la manière du pays , à laquelle
» je me conformais au plus près qu'il
» m'était possible, et à leurs coutu-
» mes et laçons de faire, afin d'être
» raieiux venu parmi eux. Je trad-
» quais avec les navires elranç;ers ,
» qui ariivaicnt là, avec lesquels j'a-
» vais même pris une telle habitude,
w qu'ds se couliaient entièrement à
» moi , me laissant giande quantité'
» de marchandises de toutes lessor-
» tes, pour vendre en leur absence,
M on pour garlcrjusqu'a leur retour,
» dont ils niedonuaicjit une certaine
» pirlie. J'avais qmnlilc de cocos à
» moi , ([ui est là une espèce de ri-
» chesse, queje faisais accoutrer par
» des ouvriers , qui sont gens (pii se
» louent pour cet elfet. Bref, il ne me
» man juait rien que l'exercice de la
y> religion chrétienne, dont il mefà-
» chaitft)rtd'ètre prive, commraussi
» de perdre l'e'pèiMnce de jamais re*
» venir en France.» Depuis cinq ans,
Pyrard vivait dansées î!es,lorsi|'i'au
mois 'le février 1607 , elles furent at-
taquées par une flotte du roi de Ben-
gale, Le roi des Maldives s'enfuit et
fut tué; Pyrard alla trouver lesétrau-
gers , les priant de le sauver. On le
prit pour un Portugais, et on voulut
bii otcr la vie ; ou le mi? tout nu ,
et on le dépouilla de tout ce qu'il
PYR 349
araiî. Cependant , lorsque l'on eut
reconnu qu'il était français , on le
traita plus humainement , et on le
conduisit au chef, (pii le prit sous
sa protection avec trois de ses com-
pagnons, lis s'embarquètent sur la
flotte, qui (it voile pour le Bengale.
Au bout d'un mois, l'on entra dans
le port de Charlican. Un navire de
Caieciit transporta les quatre Fran-
çais à Montingtie, port voisin de
Cananor; ils gagnèrent ensuite Ca'e-
cut. Deux Jésuites, qui jouissaient
de la confiance du roi. leur conseil-
lèrent d'aller à Cochin : c'était au
mois de février i ()o8. Les Portugais
les arrèlèrenten route, etlcseuvoyè-
rent garottés à Cochin : on les y em-
prisonna. Pyraid ne sortit de capti-
vite que pour être traîné malade à
l'hôpital de Goa. Revenu à la santé,
il servit deux ans comme soldat , et
fut employé dans plusieurs expédi-
tions qui lui donnèrent la facilité de
connaîtrcdiffcrcnîes parties desliidesj
et de recucil'ir des lenseignernents
sur celles qu'd ne vit pas. 11 était de re-
tour depuis six mois, lorsqu'il fut mis
en j)rison avec tous les étrangers qui
se trouvaient à Goa. Les Jésuites
vinrent à bout de les délivrer. Py-
rard et trois Français partirent le
3o janvier ifiio; et le 20 janvier
iGi I, il débarqua aux îles de Baïon-
ne , dans une baie de la côte de Gali-
ce : il profila du voisinage pour ac-
complir un pèlerinage à Saint- Jac-
ques de Compostelle. 11 ne mit en-
suite que trente-six heures à faire la
traversée d'un petit port de Galice à
la Rochelle; et, le i(3 février, il re-
viuL à Laval. IL alla bientôt à Paris ;
et le récit de ses aventures lui va-
lut la protection de personnages
puissants. Le président Jeannin
lui conseilla de publier la relation
de ses voyages. Elle parut sous ce
35o
PYR
titre : Discours du voja^e des
François aux Indes Orientales ,
ensemble des dii-ers accidents , ad-
ventures et dangers de l'uutheur en
plusieurs royaumes des Indes, etc.
Traité et Description des animaux,
arhres et fruits des Indes , etc. Plus
unhrief adi-ertisiementet iidi'ispi ur
ceux qui entreprennent le voyuf^e
des Indes, Paris, i()i i , iii-8". Le
Discours esl dc'die à la rciiie-re'grn-
te ; cl les Traite cl Descriplioa des
animaux , etc. , avec l'advis, au
président Jeaiinin. Le succès de ce
Îelil livre (ixa rutteiitiunsurPyrard.
c'roiue Bi^noti, avocat-general , le
fit venir cliei lui , le questionna , et
lira , de ses réponses ainsi que des
eulrelieus qu'il eut avec lui , des
renstigueraeuls hcaueoup plus am-
ples que ceux qui étaient coulcuus
daiLs le Discours. Ces matériaux, soi-
gneusemeul trauscrits, furent con-
lies à Berperoii , qui les mit en or-
dre et les publia sous ce litre : foja-
ges des François aux Indes Orien-
tales , MaUlwes , Moluques , tt au
Brésil, depuis iGoi jusipi'cn i(ji i,
Paris , 1 6 1 J , 'i vol. in 8". La narra-
tion est beaucoup plus delaiilée (|uc
dans le premier ouvrajie. Quelque-
fois les circonstances dillerenlunpeu
entre elles; mais le luud esl le même :
cette e'iiition est enrichie d'un Vo-
cabulaire de U langue des Maldives.
LnGn Pierre Duval Ht imprimer :
Foj âge de François J'j rard , de
Laval , contenant sa navigation
aux Indes Orientales, etc., divi-
sé en trois parties , nouvelle édition
revue , corrigée et augmentée , etc. ,
Paris, 1679, in-4*i. Duval, quoi
qu'il se vaute de donner une édition
du Voyage de Pyrard plus correcte
cl plus ample que les précédentes,
et d'y avoir ajouté quel<jucs Discours
fort curieux , a été assez mal-adroit
PYR
pour omettre le Vocabulaire des Mal-
dives. 11 a au reste dressé une carte
ou routier de ce Voyage , pour l'or-
nement du livre. On ne peut que par-
tager son ojnnion, lorsqu'il dit que
la relation de Pyiiud esl une des plus
exactes et des plus agréables que l'on
puisse lire. Il y a , s'ccrie-l-il , des
aventures si extraordinaires ,. qu'el-
les passeraient pour des incidents de
roman, si l'on n'était pas persuadé
de la sincérité de l'auteur, qui , n'é-
tant pas homme savant , avait eu
la précaution de prendre les avis
des plus savants hommes de son
temps. (Quiconque a lu les Voyages
de Pyrard confirme ce jugement. Il
faut (pi'il ait eu une mémoire prodi-
gieuse, pour s'être souvenu de tout
ce qui lui était arrivé durant un si
grand nombre d'années, et dans les
divers pavs où il était allé. On sup-
pose dillicilement qu'il ail tenu un
journal , ou (pi'il ait pu le conserver
au milieu des cvénemens de sa vie
agitée. 11 se plaint même de ce que
la méfianct des Poitiigais ne lui per-
mit pas de s'instruire de beaucoup
de choses qu'il aurait voulu connaî-
tre. Il n'avait p.is fait beaucoup d'é-
tudes ; mais son bon sens , son esprit
observateur, et sa sincérité, l'ont mis
à mêuie de donner un livre exccllenl
.sur un pays peu connu. Des voya-
geurs anglais , qu'un malheureux
hasard avait jetés, de même que lui,
sur les Maldives , ont , par leur ré-
cil, confirmé son témoijjnage. On
trouve dts extraits de la relation de
Pyrard dans plusieurs recueils de
Voyages , écrits en fiançais ou dans
les langues étrangères. E — s.
PYRAULT ou PYRAUX (i)
( CLAUDt), médecin, né, vers 1720,
( I ) U a écrit lui-iu>'ioe miIi nom Ais deux iniiniJ;-
rC9 , 5» tbi K'9 , que uoiu av'ins entre Ii.i iiiaiiiii , tuiit
«iftucos Pyraujc , et Ict aulrea actei qu'iiu a vus de
lui , Pjrraiill.
PYR
à Besançon , après avoir achevé ses
études avec succès , prit ses degrés
à l'université de cette ville , et vint
à Paris , où il se lit couiïaître d'une
manière avantageuse. De retour à
Besançon, il épousa la nièce de Bal-
lyet , evêque et consul de France à
Bagdad ( F. Ballyet); et, sur la
recommandation de ce prélat , il ob-
tint un emploi dans la compagnie
des Indes. Il était attache, depuis
huit ans , au service de cette compa-
gnie , quand il fut nomme', en i -jCij ,
son agent à Bassorah. Pyrault tra-
vailla sans relâche à rétablir nos re-
lations commerciales avec la Perse;
et il eut le bonheur d'obtenir, en
1 769 , de Kerim-Khan , régent du
royaume, le renouvellement des pri-
vilèges dont avait joui le comiKcrcc
de France , et la cession de l'île de
Karek , située avantageusement pour
servir d'entrepôt à nos marchandi-
ses: mais la négligence du ministère
français empêcha l'exécution du
traité ; et la remise de Karek ne fut
point effectuée ( F. Mir-Maunna ,
XXIK , I 4^ )• Sans cesse occupé des
moyens d'étendre notre commerce
dans les Indes, Pyrault avait établi,
dans Ie3 déserts, un service de cour-
riers , qui ne put pas se soutenir
long temps , malgré son utilité. Il
avait recueilli des renseignements im-
portants sur les produits des pays
qu'il avait visités^ et sur les mœurs
des habitants ; et il se dispos;iit à
faire un voyage en France , pour
rendre compte du résultat de ses tra-
vaux au gouvernement, quand il fut
emporté par la peste (2) qui causa
de si grands ravages à Bassorah , et
dont sou oncle Ballyet fut aussi vic-
time , au mois d'avril 1773, Tou-
(ï) Hest asseï remarcjuable qu'il eiitclioisi le trai-
tement de la Pesie pour le sujet de la thèse iju'il
arait soutenue ,en 174^ , pour le doctorat.
PYR 35 t
tes ses collections et manuscrits fu-
rent perdus. On a de Pyrault : Trai-
té de la pharmacie moderne, Paris,
i75i,in-ia. Selon IM. Grappin {His-
toire abrégée du Comté de Bourgo-
gne,p. 299) , il est encore auteur de
quelques Traductions d'ouvrages an-
glais sur la médecine, et d'une Lettre
intitulée , V^Jrt de faire des songes ,
etc. Cette lettre est peut-être le même
ouvrage que VyJrt de se rendre heu-
reux par les songes , etc. , Francfort,
1746 , in-i2 , rare , et dont l'auteur
a échappe jusqu'ici aux recherches
des l)ibliogra plies. W — s.
PYRGOTÈLES, graveur en pier-
res fines, vivait sous le règne d'A-
lexandre , et fut un des plus grands
artistes de ce siècle fécond en mer-
veilles. Il paraît que la gravure en
pierres fines fut alors portée à sa
perfection , comme la jieinture et la
sculpture ; et Pyrgolèles partagea
avec Apelles et Lysippe ( Foj^. ces
noms ) l'honneur de pouvoir retra-
cer exclusivement les traits du con-
quérant de l'Asie. Pline le cite par-
mi les quatre plus habiles gra-
veurs qui aient existé. Il fut toute-
fois précédé de plus d'un siècle, dans
cet art difficile, par Théodore de
Saraos , qui grava le fameux anneau
de Polycrate; ensuite, par Mnésar-
que, père de Pythagore; Heïus ou
Eios , dont il nous est parvenu une
Dia?ie chasseresse; Phrygillus , qui
a gravé V Jmour sortant d'une co-
quille d' œuf ;T\iaimyiu<,,ai\lcurô\m
Sphinx qui se gratte; Admon, dont
on a un Hercule hweur; Apolloni-
des , un des quatre cités par Pline :
le sculpteur Polyclète de Sycioue fut
aussi un graveur célèbre ; son nom
se trouve sur un Diomède enlevant
le Palladium. Pyrgotèles les eflaça
tous; mais les pierres qui portent
son nom , et qui sont , une Tête d' A-
35a HTR
lexandre , yxnt \\c Phncion, et un
Hercule assommant /'//> dre , sont
coritcslces ; et il est probable qu'au-
cun ouvraç^e auti(|iic ne nous révèle
le nient d'un aiti^teque les bisto-
rien* ouf itumortalisé. Ti — s — E.
FYUOM DE L.\ VARElNNE. r.
PlROI*.
PVRRHON, fut l'un des philoso-
phes (|ui firent école riiez les Grecs:
ne a K'is, ville ilu Ptloponnèsc , cpii
avait donne son nom a l'une des sec-
tes fondées par les <li-cip'es de So-
cralc, on pîuiol à Elée »mi Velia en
Sici e, il florissait vers l'an 330 av,
J.-C. Il est peiniis de présumer que
le> lialiitons de l'ér.de éléaliipje ne
lui furent paséhanj^ères; du miins la
direclion qu'il choisi» «'frre plus d'un
tra.t d'analogie avec l'euM-i^tirment
philosophique du maître de Hhcdon:
même eloigncmcnt des recherches
spéculatives, même nveision pour
les so[d/istes, même respect pour la
vertu. Mais le doute ironique de So-
crale était un moyen ; le doute sé-
rieux de Pyrrhon était un b'il. Le
sa"e d'Aihénes avait commence par
être un scu'p'cur Pyrihnn, né pau-
vre, exerça la peinture dans sa jeu-
nesse. D'abord discip'e de :'éco!e de
Mégare, il avait appris comment on
abuse du raisonnemenl, lorsque les le-
çons d'.Anaxarque le préparèrent à
l'élude des ouvrages de Démocrite.
Pyrrhon accompagna son maître
dans la grande e\[>édition d'Alexan-
dre en Asie, et s'enlrtlint , dit - on ,
avec les mages de la Perse et les gvm-
nosophi>tcs de l'Inde. Sa sagesse de-
vint célèbre d.ins toute la Gière. A-
thènes lui donna le droit de cité ( i ;.
(l^ B«tI» oir le fait , i> cause an mr.tir^a'un »»»l-
fae 'tt cette fweur. Ce icolil' ejtle meurtre du mi
de Tbrace. B»j1e prouve In »-bieii que Prirlion ne
fat pas le meurtrier; raai$ il ue pr**OTe pai quM
»■» p»« rie citfje» d'Athio «.
pth
Ses concitoyens relevèrent aux fonc-
tions de grand-prêtre, et , par estime
pour lui, ^écoulèrent utie immuni-
té d'impôts à tous les pliilosophes.
Ces témoignages, et celui d'Epicure,
philosophe coMtempurain, mais a-l-
veisaire déclaié de sa doctrine, ré-
futent haiiIeineiU les folies que (]uel-
qiies anciens ont prêtées à Psirlion.
Il minirut ntui.igénaire ; et , dans le
cours d'une si longue vie, on cite à
peine une occasion où l'égalité de son
caractère ail paru se démentir, tl
partageait avec >a sœur les plus pe-
tits soins du ménage , jusque- là qu'il
portail lui-mèmedes pou'.etseldesco-
cliciiis au marché. On raconte (pTun
jour il s'emporta contre elle; et,
comme on lui rappelait ses maximes
sur l'indill 'relire du .sage : « Pcn'^ez-
» vous, répundil il, que ma pliilo-
» Sophie soit a|)plirable à une fem-
» me? I) Pyrrhon aimait la solitude.
Sans ainbiiiun, comme sans orgueil,
il n'aspirait pas même à la gloire.
Quand il parlait, il ne s'attachait
point à captiver ses auditeurs; et, si
quehpies-iins l'abandonnaient, il con-
tinuait ses insiruclions, comme s'il
ue s'en fûl pas aperçu. « Les liora-
» mes, disait - il, ressemblent aux
» feuilles, qui tournent an gré des
» ven:s , et (pii sèchent bientôt ; leur
» estime n'importe pas plus que leur
» mépris, n Son imjiassibilité au mi-
lieu (les soiiflTrances , lui a mérité les
éloges d'Épiclètc , si connu par son
mépris pour les Pyrrhoniens. II sou-
tenait un jour qu'il ne voyait aucune
dilTérence entre vivre et mourir :
Pourquoi donc ne moure z-vous pas ,
demanda un de ses disriples? —
Parce que cela, est indijjérent , ré"
pliqua le maître sans hésiter. Ses en-
nemis conviennent que, dans un nau-
frage , il fut le seul que l'aspect de la
mort n'effraya point. Il pria les au-
PYR
très , d'un ion calme, de regarder un
pourceau qui mangeait près d'eux :
r-j'dà , leur dil-il , quelle doit être
la sécurité du sa^e. Cette comparai-
son nous donne la mesure de la phi-
losophie pyrrhonicnnc, que M. De
Gerando a si bien appelée l'epicu-
réisme de !a raison. Anacharsis, au
temps des sept saj^cs, Heraclite, Xe-
nophane et Zenon , dans la preniicre
c'cole d'Éîcc, De'mocrite et IMe'lro-
dore, dans la nouvelle , Protagoras,
et surtout Gorgiis, parmi les sophis-
tes, plus rc'ceiuntent enfin les dispu-
tes de l'école de Mc'gare et les para-
doxes des Cyrenaïques, avaient scme'
tous les germes du scepticisme par-
mi les Grecs, La pocsi;.' avait recueilli
leurs maximes j et leurs disciples in-
voquaient, comme des autorites, plu-
sieurs vers d'ïlomère, d'Archiloque
et d'Euripide. Tous cependant, en
sapant, à beaucoup d'égards , les fon-
dements de toute croyance, avaient
aflirme (piclque chose. Pyrrlion ré-
duisit leurs doutes en corps de doc-
trine; et (lu scepticisme indirect des
sophistes (^ui avaient enseigne' que
tout peut se soutenir, il tira cette
conséquence rigoureuse, que rien ne
peut se démontrer. Son axiome
fondamental a été exprimé en latin
par un seul mot : ]\on liquei ^ que
Bayle traduit par ccrix-ci : Soit plus
amplement informé. En efibt , Pyr-
rlion ne rejetait point la vérité;
il déclarait seidemeut que les philo-
sophes ne l'avaient pas encore trou-
vée. Il voulait que le sage suspendît
son assentiment, sans lui détendie
de persévérer dans la recherche de
cette vérité, qu^il croyait obscure.
Il admettait comme un fait notre
confiance involontaire dans les im-
pressions des sens. Il reconnaissait la
nécessité d'agir, l'autorité pratique
du sens commun, celle des lois et
XXXVI.
PYR
353
des usages , celle de la morale, qu'il
considérait comme écrite au fond du
cœur de l'homme, et comme la fin
de toutes ses actions. On a surtout
calomnie cette partie de sa doctrine.
Bayle lui-même a répété , et tous les
biographes après lui, (jue Pyrrhou
regardait les jcgles du juste et de
l'injuste comme une convention des
hommes. JMais le piiilosophe grec
était trop l'ennemi des sophistes
pour leur emprunter cette absurde
maxime; et Ciccron l'absout pleinc-
raen t de ce reproche. Py rr h on n'a rien
écrit; mais il paraît l inventeur des
dix Tropes ou Epoques qui portent
son nom, et qui sont comme les lieux-
communs du scepticisme. C'est un
résumé de raisonnements contraires
sur Jios moyens de connaître et sur nos
jugements les plus habituels; il peut
être renfermé tout entier dans ce priii-
cipe: Point de motif de croire auquel
on ne puisse opposer un doute d'un
poids égal et d'une meure force. Ainsi
Pyrrhon n'affirme rien, ne oétniit
rien; et, suivant la judicieuse remar-
que de l'auteur des Systèmes com~
parés de philoso>hie , sa doctrine ,
au milieu du vague qu'elle présente,
se rapproche plus de l'idéalisme que
du doute absolu d'Arcésilas, fondé
sur l'iucompréhensibiiité de toutes
choses. On est surpris de l'étroite
analogie des motifs par lesquels le
sceptique s'élève au culte de la Divi-
nité, avec le fameux raisonnement
proposé par Kant, qui appuie le mê-
me sentiment sur la croyance prati-
tique, comme celle-ci sur la nécessi-
té d'agir. La plus grande contradic-
tion du pyrrhonisnie, c'est de pré-
senter le doute suspensif comme un
état fixe, et de placer, dans celte si-
tuation inquiète et violente , le par-
fait repos de l'intelligence et de la
volonté, que les sceptiques appelaient
23
354
PYR
le souverain bien. Tout ce qu'il y a
ile plus iulimcen nous , proteste con-
tre cette doctrine , «pii tend à paraly-
ser rintelligeucc de riiorume, et à
matérialiser\a\ic, enétei£;n.'inl toute
enerj;ic dans son nme, et toute sensi-
bilité dans son cœur. La \ ie de Pyr-
rhon a ctc écrite par Sextus Empi-
ricus, qui nous a laisse' l'Expose le
plus complet de sa philosopliie. Elle
se trouve aussi dans !»; Recueil de
Diopiène Laiirce , qui s'est fait l'ccho
de toutes les fables répandues sur le
fjcre des sccpliques. Ce biopraj»hc
ui assifjue un <;:aud noinlire de dis-
ciples , dont le seul connu est Timnii
de Plilionte. Leur enseignement fut
individuel et i>oIe ; ils ne formèrent
point une succession liée de pliilo-
sophes , et furent rapiilement cclwji-
se's parla seconde et la troisième aca-
démie, qui s'emparèrent de presque
toutes leurs opinions. F — t j.
PYRRHUS, roi d'Épirc , au troi-
sième siècle avant l'ère vulgaire,
descendait de Pyrrli us, (ils d'A» liille.
Il est le douzième des rois Pyrrliides
dans les listes cliroDologiques ; mais
il s'en faut que la succession de ces
princes soit aulhcnli.|iiement établie.
On sait au moins ([u'Alexandre, frère
d'Olvmpias, et oncle d'Alexandre-
Ic-Grand , régna sur rÉ()iie depuis
l'an 342 avant J.-C. jusqu'en 3u8 ,
époque où il fui lu<^' en Italie ( /''.
Alexi>dre, T'A trEj)ire, I,5o7 );et
que son cousiii-gcrmain, jEacidc {f^.
ce nom , I, *2(ji \ lui succéda, et prit
pour épouse Plitlii 1 , fille duThessa-
lien IMcnon. De ce mariage naquit
Pyrrhus vers l'an 3i5 : comme on
supposait que Méuon éîait delà race
d'Hercule, Pyrrhus passait pour des-
cendant d'Hercule , par sa mère, et
d'Achille par son père. I,e livre De
illu^tribus viris , alfrihiié a Aurelius
Victor , dit précisément tout le con-
PYR
traire : matenio ç^encre ah Jchille ,
pnterno ah Hercule oriwtdus. 13ayle
a mal lu ce texte , et l'a cité tel qu'il
devait être , et non tel qu'il est dans
les éditions correctes, l.es Romains
avaient fort peu éclairci la généalo-
gie de Pyiihus; il leur suHlsait de
donner deux héros pour ancêtres à
nu roi qu'ils avaient vaincu. 1/liis-
toire de Pyrrhus, depuis sa naissance
jusqu'à l'ail uBo , où il eutreen guerre
avec les Romains , n'est pas sans
dilTicultés; les auteurs qui la racon-
tent , ne s'accordent parfaitement ni
sur les dates , ni mime sur les faits.
Il n'a point imméiliatcmcnt succédé
à son père ^acide. Ce prince périt
vers l'an 3 ri ; et ce fut Alerte, au-
trement ajipelé Néiqitolème , (jui
s'empara du trône d'Epire. Pyrrhus
n'avait alors que trois ans : deux sei-
gneurs Épirotes le sauvèrent, dit-on ,
et le conduisirent à la cour de sa
tante Réroa , l'épouse de Cdaucias,
roi d'illyrie. Selon certains récits,
Pyrrhus était encore au berceau ; il
s'en dégagea , et se traîna sur ses
pieds jusqu'aux genoux de (îlaucias,
(|ui le fit élever avec ses propres en-
fants , et refusa de le livrer à (las-
sandre. Quoi qu'en disent Plutarque
et Justin , il paraît que le roi d'illy-
rie ne terita point de placer Pyrrhus
sur le troue de l'Épire : cependant
Bayle et Rollin adoptent la tradition
qui le fait régner des l'âge de douze
ans. Pliitar(|ue parle de la majesté
précoce de son visage, et du don qu'il
avait de guérir des maladies de la
rate, ceux de ses sujets qu'il touchait
après le sacrifice d'un coq blanc; le
coq lui restait pour salaiie, et lui en
estait le présent très-a^réablc. Tout
en avouant qu'il n'était pas tiès-bien
aflèrmi en Épiie , on suppose qu'il
fit un voyage en Illyrie, pour assister
aux noces de l'un des enfants de Glau-
PYR
cias : pendant son absence , les Mo-
losses se icvoltcrenl; et P3'iTliiis,ne
pouvant rentrer dans ses états , se
retira chez son bcau-frcre Dc'mélrius
Poiiorcetcs( F. ce nom ,Xl, 29-34 )•
A vrai dire , l'histoire de Pyrrhus ne
commence qu'à la bataille d'Ipsus ,
en 3oi : âge d'environ quinze ans , il
s'y distingua par sa bravoure. De'me'-
trius n'en fut pas moins vaincu ; et
Pyrrhus consentit à se reudre comme
otage en Lgypte , après le traite con-
clu entre les successeurs d'Alexandre.
Là , ses qualités brillantes (ixèrent
l'attention de la reine Bérénice , fcm-
îuc de Pioléraéc : il obtint d'elle la
maindela princesse Antigonc, qu'elle
avait eue d'un premier mariage; et
cette alliance le mit en élat de reven-
diquer ses droits sur l'Épire. En effet,
il y rentra bientôt avec des troupes
et de l'argent , et ne s'y rétablit toute-
fois qu'en s'accoinmodant avec Al-
cète ou Ncoptolème : ils partagèrent
entre eux le pouvoir. Comme il ar-
rive en pareil cas, Alcète ne tarda
point à vouloir régner seul , et tenta
d'empoisonner Pyrrhus, qui le pré-
vint , et regorgea au milieu d'un
souper. C'était probablement en l'an-
née 295 , que Pyrrhus se mettait ainsi
en pleine possession de son royaume.
Les quinze années suivantes sont
remplies par ses démêlés avec son
beau - frère , et par ses tentatives
pour s'emparer de la Macédoine.
Déraétrius ayant tué Alexandre, l'un
des fils de Cassander, et s'étant fait
nommer roi des Macédoniens , Pyr-
rhus prit les armes contre lui , et
devint son ennemi le plus redoutable.
En 291 , il profita d'une maladie de
Démétrius pour envahir la Macé-
doine entière. Un Traité suspendit
un instant leurs querelles , et Dé-
métrius remonta sur le trône : mais
Pyrrhus avait un parti chez les Ma-
PYR
355
cédoniens; et, dès l'an 290, on le
voit ligué contre leur roi, avec les
rois de Thracc , de Syrie et d'Egypte,
Lysimaque , Séleucus et Plolémée.
Démétrius , qui craignait de se me-
surer avec Lysimaque , se porta d'a-
bord à la rencontre de Pyrrhus, qui
s'était rendu maître de Bérée, place
importante. Quand les deux rivaux
furent en présence , \\ n'y eut pas de
bataille : les Macédoniens n'en vou-
lurent point soutenir; ils abandon-
nèrent Démétrius , et Pyrrhus fut
proclamé loi de Macédoine : il le fut
pendant sept mois , en 289 et 288.
Pyrrhus , dans son nouveau royau-
me , se montrait affable et clément :
déjeunes officiers, auxquels il re-
prochait quelques propos légeis
qu'ils avaient tenus a table contre
lui , osèrent lui répondre : « Nous en
aurions lùen dit davantage, si le vin
ne nous eût manqué » ; il ne s'en of-
fensa point. CependantLysimaque ar-
riva, et prétendit qu'ayarit contribué
à la défaite de Démétrius, il avait droit
aune part de ce royaume : il fallut lui
céder des provinces; et le partage
amena , selon l'usage , une rupture
entre les deux alliés. Les Macédoniens
que Pyrrhus fatiguait d'expéditions
militaires , se détachèrent bientôt de
lui : Lysimaque le représentait com-
me un étranger auquel il était hon-
teux d'obéir ; et l'aversion publique
se manifesta d'une manière si ra ])ide
et si menaçante , que Pyrrhus se hâta
de retourner en Épire. 11 ne s'y tint
pas long-temps paisible : « estimant,
» dit Plutarque , que s'il ne faisoit du
» mal à quelqu'un , ou que quelqu'un
» ne lui en feist, il ne sçauroit à quoy
» passer son temps, w Voilà donc
l'unique motif pour lequel il accepta ,
en 280 , la proposition que lui firent
les Tarenlins de commander leur ar-
mée contre la république romaine.
23..
356
PYR
En vnin le Thcssalion Cineas (Z^'. ce
nom, VIII, r>6G) s'cirorça-t-il de
l'en (létouriior , dans un entretien
ijuc toat le momie connaît depuis
qne lîoileau l'a mis en vers : Pvrrlins
envoya Cineas à Tarente avec trois
mille hommes d'infanterie , et s'em-
barqua lui-même pour cette ville , où
il conduisnit \ïu^t ele|>hanfs , trois
mille cavaliers, et plus de vin;;t-trois
mille fantassins. Une tempête submer-
gea une grande pnrlie de ces troupes:
le reste siillit au roi d'Epire, d'abord
pour subjuguer ses nouveaux allie's ,
les Tarcntius ; puis pour marclier
contre le consul Livinns qui, à l.i tête
d'une arinc'c considérable, s'avan-
çait dans la I.iicaiiie. Avant d'atta-
quer les Romains . Pyrrhus s'offrit à
enxpourarbitredeltursddmêlesavcc
les Grecs établis dans l'Italie me'ri-
dionale. Rome lui répondit " qu'elle
» ne le vonlait point pojir arbitre ,
» et qu'elle ne le craignait pas pour
» ennemi. » Alors il conduisit ses
troupes près de la ville d'FIéraclée ;
il attendait là lesTir/'iftins , avant
de livrer l>ataille : l'ordre et la disci-
plinc qui régnaient dans le cauip ro-
main, lui avaient conseillé ce délai ;
mais ses ennemis, plus pressés que
lui , passèrent la rivière de Siris ou
Semno , et le forcèrent d'en venir
aux maiiis. Ils obtenaient déjà un
avantage qu'ils auraient conserve', si
l'odeur des éléphants n'eût efTirou-
che' lenrs chevaux. Profitant de cette
circonstance , Pyrrhus mit en dérou-
te leur caviletie , et bientôt tonte
leur armée. Il avait , en cette jour-
née , couru de grands périls , et per-
du beaucoup de monde ; mais aussi
Laîvinus laissa quinze mille guerriers
sur le champ de bataille. M dgre cet-
te défaite, on maintint à la lêic des
légions , le consul qui venait de l'es-
suyer; et on le chargea de repousser
PYR
lesr Kpirotcs, q»n usaient deleur victoi-
rcen ravageant la campagnedeRorac:
ils n'étaient plus qu'à douze ou quin-
ze lieues de cette ville. Un ambassa-
deur de Pyrrhus vint ollVir la paix
au sénat; c'était Cineas , disciple de
Démosthènes : on i'écoutait, et ses
propovilions serid)laient assez bien
accueillies, lorsque le vieux Appius
Claudius , celui ([u'on surnommait
CiPciis ou l'Aveugle ( for. Appius
II , 3.30, 337 ), dicta une réponse
conforme à l'orgueilleuse polili(|uc
des Romains : « Pyri bus . s'il voidait
M traiter, devait commencer par sor-
» tir de l'Italie , et n'envoyer que
» d'E[)ire les députés chargés de de-
» mander la paix. » INo'annioins le
sénat jugea convenable de négocier
la rentrée des priscmniers : ce fut
l'objet d'une mission confiée à Caius
Fàbrieius ( r. ce nom , ^IV, /\\ ),
pauvre et grand citoyen, que Pyrihus
ne parvint ni à séduire, en lui of-
frant des trésors , ni à effrayer par
l'apparition sidiited'un éléphant. Ce
désintéressement et celte fermeté
lui valurent l'estime de Pyrrhus , à
la'|uelle il acrpiit bientôt d'autres
droits. l'',lu consul, en 9.7H , il reçut
une lettre du méderiu du roi d'Epi-
re,qui oO'rait d'emjioisoimer ce prin-
ce. Fabiiciusla fit passer à Pyrihus,
en je plaignant de choisir aussi mal
ses amis que ses ennemis. Touche
de cette générosité, Pyrrhus renvoya
tous les prisonniers romains sans
rançon ; et le consul , pour n'être
pas en reste avec un Epirote, se
pressa de lui rendre iin égal nombre
de Sarunites et de Tarcntius : après
quoi il lui livra bataille, non loin
d'Asculum ou Ascoli. Le courage
également opiniâtre de l'une et de
l'autre armée, prolongea l'action
durant deux jours; et la victoire
semblait incertaine, lorsque, cette
PYR
fois encore , les éléphants de Pyr-
rhus la décidèrent en sa faveur.
Les Romains perdirent six mille
hommes; les Ej>irotcs, trois mille
cinq cents, selon Hiéronyrac de Car-
die, cité par Plutarque. Denys d'Ha-
licarnasse, que cite aussi le même
biographe , dit qu'il périt quinze
mille guerriers dans les champs
d'Asculum , et que les deux armées
se retirèrent avec une perte égale.
Ce dernier récit semble confirmé par
la réponse que fit Pyrrhus à ceux
qui le complimentaient sur sa vic-
toire : « Si nous en remportons en-
» core une pareille , disait-il , c'en est
)) fait de nous. » Déjà il avait perdu
la plus grande partie de ses propres
troupes; et le zèle de ses alliés se re-
froidissait de jour en jour. Survin-
rent des ambassadeurs Siciliens, qui
l'invitaient à venir défendre leur île
■contre les attaques des Carthaginois :
il saisit avec empressement cette oc-
casion de quitter l'Italie , et d'aller
chercher d'autres ennemis quq les
Romains. En laissant à ïafcnte une
garnison considéra])le, il descendit
en Sicile avec trente-deux mille cinq
cents hommes. A la tète de cette ar-
mée, et secondé par les Siciliens, il
eut bientôt chassé les Carthaginois
de toutes les places qu'ils occupaient.
Une si rapide conquête lui inspira
l'espoir de soumettre la Libye ; et ,
comme il avait besoin de matelots
pour passer dans cette contrée, il
voulut en recruter chez les Siciliens :
ces enrôlements forcés indisposèrent
les esprits; et des poursuites qu'il
eut la maladresse de diriger contre
deux des principaux capitaines de
Syracuse , portèrent le méconten-
tement à son comble , si bien que
la Sicile , qui avait appelé Pyr-
rhus contre les Carthaginois et les
Mamertins, résolut de solliciter leur
PYR 357
alliance contre lui-même. Pour cou-
vrir sa fuite d'un prétexte honiiêfe ,
il publia que les ïarentins et les
Samnites, ses alliés, redemandaient
son appui. A peine s'était-il embar-
qué, que les Carthaginois attaquè-
rent sa flotte à l'entrée du port de
IMcssine, où ils l'altendaient, et lui
prirent plusieurs vaisseaux : de leur
côté , les Maraertins descendirent
avant lui sur la côte d'Italie, le sur-
prirent dans les montagnes , et tuè-
rent un assez grand nombre de ses
soldats. 11 reçut un coup d'épée sur
Iatêle;etàrinstantmême,rundeces
Mamertins , honunt de haute taille ,
et tout armé à blanc, osa le défier
en combat singulier, s'il était encore
vivant : Pyrrhus , quoique blessé ,
pourfendit le téméraire , de sorte
qu'en un moment les parties du
corps divisé en deux , tombèrent
l'une de cà, l'autre de là, dit Plu-
tarque ; véritable exploit de paladin ,
selon la remarque de Bayle,.etqui
pourtant déconcerta les ennemis , à
ce qu'où assure. Pyrrhus gagna Ta-
j ente avec vingt mille hommes d'in-
fanterie et trois mille de cavalerie.
Des guerriers ïarentins se joignirent
à cette armée , qui aussitôt marcha
contre Rome : mais cette fois , les élé-
phants ne déroutèrent plus les Ro-
mains; et le roi grec se retira battu jjar
le consul IManiusCuriusDeutatus(^,
ce nom , X, 3^ 3 ) , soii6 les murs de
Bénevent. Celte bataille, la dernière
que Pyrrhus ait livrée en Italie, est
de l'an '274, ainsi que son retour en
Epire. Il ne ramenait dans ce royau-
me que huit mille fantassins et cinq
cents cavaliers. Ennius rapporte un
oracle amphibologique qui avait an-
noncé le résultat de cette expédition :
u4io te, jEacida, Romanos vincere
posse; mais Cicérou observe qu'en ce
temps les oracles ne parlaient plus
358
PYR
en vers , et qu'à aucune époque , ils
n'avaient répondu en vers latins. Le
fils d'.Eacide n'avait ni vaincu les
Ivoraains , ni conquis le inonde; et
néanmoins il pouvait encore se re-
poser et faire bonne chère, ainsi
que Cineas le lui avait si sagement
conseille avant le premier de'j'art
pour Tarentc : mais il fallait à Pyr-
rhus da mouvement, et non du re-
pos ; il lui fallait de l'argent pour
payer et entretenir ses troiqies : il at-
taqua donc Antigonus, qui régnait
alors sur la Macédoine, et cette en-
treprise fut aussi heureuse qu'elle
était injuste. Déjà presque tout ce
royaume s'était soumisau roi d'Épire,
quand le roi de Sparte, Cle'onvme,
chasse par les Lacedcmonicns , vint
l'inviter à s'armer pour !c relablir
sur le trône. C'etait-la un de ces pro-
jets aventureux que Pyrrhus ne savait
pas repousser. Aussitôt il marche
contre les Spartiates , campe sous
leurs-nuirs, tente plusieurs assauts;
et, fatigue d'un sicge inutile, il part,
non moins soudainement , pour Ar-
gos, cile alors divisée entre les fac-
tions d'.Aristeas et d'Aristippc.Les J, a-
ccdcmoniens l'attaquèrent |^usieurs
fois dans sa retraite , et tuèrent son
fds Ptolcmée : il le vengea par un
Carnage horrible. Lui - même tou-
ciiaii au terme de sa carrière, et di-
vers présages l'en avertissaient, sui-
vant l'usage du temps. Par exemple,
un jour qu'il venait de sacrifier des
bœufs , on vit les langues de ces aui-
mauxsorlir de leurs tê:es coupées, et
lécher leur propre sang. Piularquc
rapporte bien d'autres prodiges, qui,
selon lui , aimonç.icnt c'airement la
mort (le Pyri hus. L'intrépide monar-
que n'en persista pas moins dans le
projet de soumettre Argos. 11 entra
dans cette ville avec deux mille des
Gaulois qu'il avait à sa solde. On se
PYR
battit de nuit dans les rues; et plus
l'action se prolongeait , moins il res-
tait aux Épirotes et aux Gaulois
de moyens de soutenir et de concer-
ter leurs mouvements. Pyrrhus com-
prit que le péril était extrême: il ne
commandait plus ; on n'entendait
plus ses ordres. Renonçant donc à la
fonction de général, il voulut com-
battre en soldat; et, déposant sa
couronne entre lis mains de l'un de
ses ofllciers, il s'engagea dans la mê-
lée. Il allait frapper un Argien (jiii
venait de le blesser : tout à-coup une
tuile jetée du toit d'une maison , le
renverse et retend parterre. La fem-
me qui l'avait lancée, était la mère de
l'Argien que le glaive de Pyiihiis me-
naçait. Les Argiens ont débité que
c'était la déesse Cércs , déguisée sous
l'image de celte femme. Le prince
commençait à reprendre ses sens :
des ennemis le reconnurenf , et lui
tranchèrent la tète. Aleyonéus la
porta à son père Antigonus, qui ac-
ciioillit mal ce présent. Par ordre
d' Antigonus, on brûla et l'on inhu-
ma honorablement les restes du roi
d'Epire, l'an 272 avant J.-C. Apiès
Alexandre, que l'immensilé de ses
ravages cicvc au-dessus des autres
conquérants antérieurs à l'ère vul-
gaire , Pyrrhus était , aux yeux des
anciens, le plus célèbre dans l'âge
qu'ils appelaient historique. Nul n'a
paru plus persuadé que à'ii qu'il fal-
lait attaquer, usurper, détruire, pour
régner avec gloire. Ses principes ,
comme ses goûts, le retenaient dans
de perpétuels brigan'laçeç. Ses pa-
reils, et plusieurs guerriers mêmes
qui ont combattu pour leur patrie,
l'ont déclaré le plus grand des capitai-
nes. C'était l'avis d'Annibal , qui l'a
pourtant surpassé; c'élait celui des
généraux romains, qui ont clé dignes
de le vaincre. Cicéron , dans ses Let-
r.
PYR
très , parle avec éloge des livres
que le roi d'Épire avait composés
6ur l'art de la guerre; et, ce qui
est plu^ étrange, dans le Traité De
amicilid , il loue sa probité. On
eut bien croire que son courage éga-
ait son habileté militaire ; qu'il en-
seignait à braver les plus grands pé-
rils, en les affrontant le premier.
Mais , ardent à concevoir de vastes
desseins, il ne savait pas les accom-
plir avec cette persévérance opiniâ-
tre qui peut seule enchaîner la for-
tune. Il n'achevait aucune entrepri-
se. On l'a vu passer si rapidement
de ïarente en Sicile, de Syracuse en
Afrique , d'Afrique en Italie , que ses
succès, toujours iu)parfaits, épui-
saient ses moyens , et le l.ussaient
presque sans ressource , dès qu'il
éprouvait des revers. Il eut trois fem-
mes : Antigone, mère de Plolémée ;
Lauassa, mère d'Alexandrej Bircen-
ne, mère d'Hellenus. D'autres disent
qu'après la mort d'Anligone, il épou-
sa la fille d'Autoléon , roi des Péo-
niens; puis l'IUyrieime Bircenna; et,
en quatrièmes noces, Lanassa, fille
du Syracusain Agalhocle : c'est beau-
coup d'épouses pour un prince qui
meurt à l'âge de quarante-trois ans.
Il menait ses fils à la guerre , et di-
sait qu'il voulait laisser l'empire à
celui des trois qui aurait l'épéela plus
tranchante. Son Histoire avait été
écrite par Hiéronyme de Cardie ( r.
jEROMi:,XXI, 545 );etce livre, quoi-
que partial, esta regretter, parce que
l'auteur avait été attaché à Pyrrhus,
et l'avait suivi dans la plupart de ses
campagnes ( Foy. , sur ce sujet , un
Mémoire de Sevin , tome xiu du
Recueil de l'acad. des inscriptions
et belles-lettres}. Hiéronyme est, com-
me on l'a vu, cité dans la Vie de Pyr-
rhus par Plutarque , vie très-détaillée,
et où sont rassemblées presque toutes
PYT
359
les traditions relatives à ce personna-
ge, vraies oufabuleuses.il la faut rap-
procher des récits de Polybe ( l. i ,
II, m), de Diodore de Sicile ( liv.
xxii), deTite-Live(l. xxii et xxix)
et de Justin (l. 16, 17 , 18, 23, 24,
et u5). On peut aussi consulter avec
fruit l'article du Dictionnaire de Bay-
le, et plusieurs morceaux de l'Histoi-
re ancienne de RoUin (t. vu, in- 12).
J.-B. Jourdau a composé une His-
toire de Pyrrhus, roi d^Epire, Ams-
terd., 1749) 2 vol. in- 12, — Alexan-
dre , fils de Pyrrhus , qui occupa le
trône de Macédoine , depuis l'an 272
jusqu'en '242, eut pour successeur son
fils Ptolémée , père d'un dernier Pvr-
Euus. Celui- ci, dans sa minorité, per-
dit une partie de l'Acarnanie, que les
Étoliens lui enlevèrent. Sa mère 0-
lympias fit empoisonner une Leuca-
dienne nommée Tigris , que ce jeune
prince aimait. Les règnes de Ptolé-
mée et de Pyrrhus , son fils, ont été
fort courts; et la famille des Pyrrhi-
des s'est éteinte, avant l'année 200 ,
dans la personne de la princesse Déi-
damie ou Laodamie , sœur de ce der-
nier Pyrrhus. D — n — u.
PYRRHUS LIGOKIUS. r. Li-
GORTO.
PYTHAGORE, chef et fondateur
de l'école philosophique qu'on dé-
signe sous le nom d'Ecole d'Italie,
semble presque appartenir aux temps
fabuleux , si l'on considère l'incerli-
tude des documents historiques que
l'antiquité nous a transmis à son su-
jet, et les récits merveilleux qu'on
s'est plu à accumuler sur toutes les
circonstances de sa vie. C'est que
d'une part, quel que fût le vif intérêt
(pie dut inspirer aux philosophes de
la Grèce la carrièie de ce génie ex-
traordinaire , ceux de ses biographes
qui nous sont connus , n'ont vécu
qu^à une époque fort éloigucc de celle
36o l^YT
qu'il avait illustrée ; c'est que , d'un
autre côte , la plupart de ces bio-
graphes appartenaient à l'ecoic nou-
velle, qui avait dcl^gurc le Pvthago-
rcisme primitif, eu le confondant
avec les autres doctrines j^recques
et avec les traditions orientales , ^t
qui, livrée aux speVulations njvsti-
qiies , cliercliait ;i les entourer i]c-.
prcit iges de tout {;t lire que peut ad met-
tre et accréditer une i machination exal-
tée. Nous ne possédons ni sa vie écri-
te par la pytliagoiiricnne Theano,
ni celles qui av.iient eu pour auteurs
Aristoxène, llcriaippe, Lycon , Mo-
dérât de Gades, etc. Diogènc Laërce,
le piemier de ses historiens qui nous
soit j>arvonu , est un giiiJe peu sûr :
Porj)hyrect lambli:]ue, qui ont traite
avecetenduela vio de ce philosophe,
auquel ils voulaient rapporter l'ori-
gine de leur secte , l'ont peint tel
qu'il convenait à cette secte de le re-
présenter. L'e'poque même de .sa
uajssance a été long-temps contro-
versée. LIovd l'assignait à la troi-
sième année (!e la \i.viii''. olvmpiadc
( f-85 avjiit J.-r. ); Dodwcll à la 4^
année de la m'". ( 5t>b ), ou à la i '^'=.
année de la lui*". ( Sti-j ) ; cnlin , les
savantes Dissertations de I.anauzc
et de l'rcret ( Mémoires de l'iicadé-
mie des inscriptions, tomes xiii
et XIV ) , l'ont placée entre la \t,i\«.
et la L*". olym;iiade« ( vers 58o ),
sans en déterminer rannéc précise.
hfs témoign.igcs de l'antiquité diflr-
rcnt également sur h lieu qui lui
donna le jour; mais le plus j^ijnd
«ombre s'arcorde à lui donner pour
patrie l'îie de Samos ; et cette opi-
nion a prévalu, L'ile de Samus
jouissait alors d'mi graod degré de
prospérité sous l'autorilé de Poly-
crate : elle étendait au loin ses rel.i-
tions commerciales; l'industrie et les
beaux arts florisi aient dans son sein.
•PYT
Mnesarquc, père dcPythagorc , livre
lui-même au négoce, associa de bonne
heure son (ils à ses voyages, et lui pro-
cura tous les avantages d'u;ie éduca-
tion distinguée. Le jeune Pyth.igorc
recueillit les leçons de Phérécyde ;
et l'on présume qu'il put être ad-
mis aussi à l'école de Thaïes et d'A-
na\imandre. Doue de tous les dons
extérieurs , d'une éloquence natu-
relle , et surtout d'une passion ar-
dente pour la vérité , d'un enthou-
.si isnie profond pour la vertu , il en-
lre|)iit , suivant l'usage C(«niinun aux
f)hilosophes de ce temps , de visiter
es contrées que la lenoraraéc si-
gutldit comme jouissant au plus
haut degré des bienfaits de la civili-
sation , et du trésor des connais-
sances , alin d'y observer les mœurs ,
les institutions , a(in de s'instruire
dans les communications avec les
hommes les j)Ins éclairés , et de
pénétrer , s'il était possible , dans la
science des traditions antiques. 11 ha-
bita lorig-teuipsl'lvgypte, parcourut
la Phénieie, l'Asie-Mineure, visita
les temples les plus célèbres de la
Grèce, fut initié dans les mystères
de Hacchus et (i'Or[diée. I.imbliqueet
le plus grand nondjre des auteurs
ont voulu le conduire jusque dans
la Perse, dans l'Inde; d'autres ont
voulu le mettre en lapport avec les
Ilcbreux, et même avec les Druides
des Gaules. De ces suppositions ,
dont le motif et l'origine sont mani-
festes , et qui sccontrcilisent entre
ellts , la dernière est inadmissi-
ble; les autres ne se présentent (pie
comme des conjectures plus ou moins
hasardées. Il dut , sans cloute, dans
le cours de ses longs pèlerinages ,
étendre Iccercle.descsconnaissanccs,
cl s'exercer surtout à d'utiles com-
paraisons : mais il est permis de
douter qu'il eût autant d'obligations
PYT
qu'on l'a dit , aux Clialdccns , pour
SCS notions en astronomie, aux Phé-
niciens pour l'étude de Ja géométrie,
aux prêtres ét;ypticiis pour l'art mé-
dical, et les diverses comiaissances
qu'il réussit à acquérir : car il fit lui-
même des découvertes importautes
dans les sciences malliémaliqucs ( i).
Il leur donna une forme méthodique,
dont il ne paraît pas qu'elles fussent
encore en possession chez ces dilTé-
rents peuples: on saitd';iillcurs avec
quellejalousielcs prêtres égyptiens se
défendaient de toute cou;municalion
indiscrète, surtout avec les étiangers.
Revenu dans sa patrie, Py ihagore en-
seigna d'abord la géométrie cl l'arith-
métique à Samos : Poi-j)hyre et lam-
bliquele transportent successivement
dans la plupart des îles de la Grèce,
pour y propager , avec ces sciences,
la doctrine mystérieuse et sacrée
dont ils se plaisent à le représenter
comme l'apolre ; il est certain , du
moins, qu'il abandonna dcHnitive-
raent le séjour de Samos , et qu'il
passa dans la Grande- Grèce , où
s'ouvrit pour lui un brillant et nou-
veau théâtre. Il entreprit d'y faire
fructifier les résultats de ses médila-
tions et de son expérience , pour
l'instruction et pour l'amélioration
des hommes , deux buts qui se con-
fondaici'.t à ses yeux , et dont l'heu-
reuse alliance, dans la carrière qu'il
se proposa de remplir, est son plus
(i) Dio^èue Lacrce lui altiihue la fameuse de-
monstiatiun du carré de ILypotLcnuse ,qui est d'un
si grand usage dans la gcomctrie. Pj thagore pa^se
aussi pour aToir dtlerminc les rappuris luatlipinati-
ques des intervalles musicaux. Voici cumulent Nico-
iua(jue ( /sa»oi,'e aritliuiel. ) rajipurte qu'il fut con-
duit à ceUe idre. En passant divaut uu altlicr de
forgerons, il avait entendu que les sous des marteaux
formaient la quarte , la quinte et l'octave ; et il re-
connut que les ^joids de ces marteaux tlaiei'it dans
les rapports de 3/4 i d" V^ *t "^ ';'•• 'J'cst cette
détermination calculée de i'Larmonie des sons, qui
distinguait l'école musicale de Pytlj3;;ore , de celle
d'Aristoxène, qui prétendait au contraire que les
«eus étaient seuls juges des raj)]jorts harmoniques.
G — CK.
PYT
Ô(JI
beau titre de gloire. Ce fut au com-
mencement de la LXii*^. olympia-
de (an 490 avant J. - C, ), sui-
vant Cicéron (2) , que Pythagore s'é-
tablit à Crotone. 11 n'aspira ])oint à
revêtir le caractère de législateur , à
obtei:ir le pouvoir : il n'exerça au-
cune fonction publique. La seule au-
torité dont il emprunta l'irdlucuce,
fut celle des lumières et de la vertu j
et, par cette seule influence, cet hom-
me extraordinaire obtint sur ces heu-
reuses contrées un empire égal à celui
des législateurs eux-mêmes. La ma-
jesté empreinte sur son front et clans
ses manières, l'austérité de sa vie,
sa frugalité , son costume lui-même,
qu'on nous repré^ente composé d'une
simjde tunique blanche, inspiraient
le respect ; ses discours excitaient
l'admiration la plus vive. On accou-
rait en foule autour de lui ; les ci-
toyens les plus disiiiigucs se ran-
geaient au nombre de ses disciples ;
la jeunesse surtout recueillait avec
avidiié ses éloquentes paroles : tous
ses efforts étaient dirigés vers la ré-
forme et le perfectiuii Dément des
mœurs ; c'est par cette voie (ju'il es-
pérait procurer aussi le pcrf'eclion-
nement des institutions sociales : il
sentail que le moyen le plus sûr pour
conduire les peuples à la liberté, est
de commencer par les en rendre di-
gnes ; que c'est en formant de bons
magistrats , qu'on pré|Jbare Je bonnes
lois ^ qu'on p.iocure aux lois une
bonne exécution et un saluîaiie em-
pire. Aussi un grand nombre de ses
auditeurs furent-ils naturellement ap-
pelés aux principaux emplois pu-
b.ics dans les villes de la Grande-
Grèce; et déjà, parleurs soin», les
institutions politiques picnaient uii
nouveau caractère. Consulté par les
(a) De Bf:pul4icil,V\\i.\i, S »<>■
36i
pYr
magistrats cii\-mt'mes , le premier
roiisc'il qii'il leur donna fut d'élever
iiu tcuiplo aux Muses ; il leur recom-
manda la botine-fui , la justice , leur
représenta l'anarcliie comme le plus
grand des maux, l'éducation des en-
fants comme le moyen le plus ellicacc
d'assurer un jour d'heureuses des-
tinées à l'état. Il enseignait aux sim-
ples citoyens les vertus privées, con-
venables à leur situation ; il s'a-
dressait aux femmes, aux enfants
mêmes : il enseignait dans les tem-
ples, comme pour consacrer les le-
çons de la sagesse sous les auspices
de la religion. Mais, quelle que fût la
réserve <pie Pytliagorc s'était impo-
.sée, les passions s'irritèrent , la ja-
lousie réussit à empoisonner ses in-
tentions , les intérêts ambitieux s'c-
Icvèrent contre son ouvrage : on
.s'alarma ilcs innovations (ju'il intro-
duisait , on s'ellraya de la sévérité
de ses précepte*; déjà, de son vi-
vant , il vit éclater la persécution qui
s'altaclia a son école. Suivant quel-
ques auteurs, il en aurait personnel-
lement été la victime. Mais toutes les
incertitudes qui rignent sur sa nais-
sance, se reproduisent relativement
à sa mort: ou sait seulement qu'elle
arriva vers la (Kf. olympiade ( vers
l'an 5oo avant J, - C. ) Si nous en
croyons au témoignage de Diogène
Laëico , qui s'appuie d'Aristote , il
eut pour é(M)iisc cette illustre Tliéa-
no , (pii occupe aussi un rang distin-
gué dans l'histoire de la ])liiIoso-
pbic, et à lacpu-lle on attribue plu-
sieurs ouvrages : suivant d'antres ,
elle fut sa fille. Parmi ses fils , on
cite Télange, qui fut le maître d'Km-
f)éikjcle; Mné.sar(|uc; et qurlquesuns
cur Joignent Arimnesle , qui fut le
maître de Democrite. Les anciens
rangent encore deux de ses esclaves ,
(Astrce,etZamoixis IcThrace), dans
PYT
le nombre de ceux qut ont transrais
aprî's lui les mystères de sa philoso-
jdiie; et ils veulent que le dernier ait
été le même que le législateur des
Gètes , supposition qui est cependant
contredite par la grave autorité d'Hé-
rodote. Ce fut surtout par la créa-
lion de son célèbre institut, que Py-
thagorc voulut asseoir , étendre ,
perpétuer l'exécution du vaste jilan
qu'jl avait conçu pour le bien de l'Iui-
manité. On peut présumer (pi'il en
avait pris l'idée d'après le modèle
des castes sacerdotales d'Kgvple , et
des initiations établies d.itTs les mys-
tères. Ce n'était pas seulement une
institution académique , destinée à
recevoir et à conserver le dépôt de.^
doctrines scientifiques ; c'était aussi
une sorte d'école pratique , dans la-
quelle les élèves étaient appelés à re-
cevoir le bienfait d'une grande édu-
cation morale , et qui avait cpielque
analogie avec les ordres monasli-
ques , nés j)liis tard du sein du Chris-
tianisme : c'était même une espèce
d'association politique , Vnais dont
le but et les moyens avaient un ca-
ractère essentiellement moral , com-
me sou principe- Ce grand homme
est le premier, dans l'antiquité, qui
ait compris toute la puissance de l'es-
prit d'association , développé sous
les lois d'une organisation forte et
régulière. Persuade , avec la plupart
des sages de l'antiqiuté , que la véri-
té , pour porter ses fruits , ne doit
tomber que sur un sol convenable-
ment prépaie; que la fausse science,
produit inévitable d'une iustrurtioii
superficielle, est j»!us funeste encore
que l'ignorance, il institua , par un
cxemj.lc que suivirent après lui Pla-
ton et Aristote , la distiiK tion du
double enseignement . dont l'un , s'a-
dressanl .i l'universalité des audi-
teurs , leur offrait des leçons h leur
PYT
portée, cl les disposait à en recevoir
de plus élevées; dont l'autreetaitrcser-
vë à uu petit nombre d'élèves choi-
sis. Il soutuettait ces derniers à de
longues épreuves ; il !cs taisait passer
par plusieurs degrés successifs , tou-
jours proportionnés non -seulement
au développement de leur intelligen-
ce, mais encore à leurs progrès dans
la vertu. Les épreuves embrassaient
à-la-fois et le régime diététique, et
les vêtements , et le sommeil , et les
exercices gymnastijues ; tout y ten-
dait à fortifier l'ame en la puri-
fiant , à dompter les sens , à faire
supporter les privations et vaincre
la douleur , à façonner l'esprit aux
liabitiidcsdela méditation. Les adep-
tes devaient subir un silence de deux,
trois ou cinq années , silence au res-
te qui , d'après quelques auteurs ,
n'aurait pas été aussi rigoureux , ni
aussi absolu qu'on l'a généralement
supposé. C'est alors seulement qu'ils
étaient initiés à la doctrine secrète ,
dont les sciences mathématiques for-
maient l'introduction. Le dépôt ne
leur en était confié que sous le ser-
ment d'en garder religieusement le
secret. Tous ces disciples mettaient
leurs biens en commun , avec la fa-
culté, cependant , laissée à chacun ,
de les reprendre, s'il lui convenait
de se retirer de la société • ils habi-
taient tous ensemble , avec leurs fa-
milles , dans un vaste édifice appelé
Omachoion ou auditoire commun :
ils y suivaient, pendant ton te la jour-
née , une règle dont l'austérité était
tempérée par la promenade , le chant,
la musique instrumentale , la danse,
la lecture des poètes. La frugalité de
leurs repas n'admettait ni la viande,
ni le poisson ; le vin était interdit aux
contempla tifs; tous étaient vêtus d'une
tunique blanche d'mie cxtrêuic pro-
preté : les cérémonies religieuses elles
PYT
363
sacrifices se mêlaient aux travaux de
l'étude. Les femmes étaient admises
aussi dans cette vaste communauté;
et plusieurs d'entre elles occupèrent
un rang éminent dans l'école Pytha-
goricienne: IMénagca recueilli leurs
noms. Cet institut, par la force et
l'esprit de sa constitution, devait
exercer sur l'état social une action
puissante tout ensemble et salutaire;
et la Grande-Grèce en recueillit quel-
que temps de nombreux bienfaits ;
mais il devait aussi rencontrer des en-
nemis : il en trouva d'acharnés, dans
des individus bannis de la communau-
té. Peut-être même des circonstances
qui nous sont inconnues contribuè-
rent-elles à soulever de vives préven-
tions contre cet institut. Il fut exposé
tonr-à-tour aux violences des émeu-
tes populaires et aux attaques d'hom-
mes puissants. H y succomba en-
fin; mais ses membres opposèrent à
la persécution qui les atteignit une
fermeté calme, une patience coura-
geuse. Séparés, dispersés, ils con-
servèrent quelque temps encore les
traditions du fondateui-. «La vie d'un
Pythagoricien, dit Platon, dans sa
République, est devenue le synonyme
d'une vie exemplaire. » Les derniers
restes de celte brillante école dispa-
rurent vers l'époque des conquêtes
d'Alexandre. Quel que fût le méri-
te des sujets qu'elle avait formés ,
quels que soient les éloges que l'on
doive à l'auteur pour la noblesse de
son but et la grandeur de son plan,
il est juste cepenriantdc reconnaître
que l'institut de Pylhagore, consi-
déré surtout comme un établisse-
ment , non - seulement momentané,
mais durable, aurait présen>j les gra-
ves inconvénients attachés aux as-
sociations secrètes; qu'il aurait ten-
du à renouveler, en partie, les fu-
nestes conséquences qu'a produites ,
364 P^r
dans la Cliiue. l'Inde, l'Egypte, cette
division des castes qui, en faisant
des lumières scientifiques le privilège
d'un petit nombre d'initiés , a mis
lin obst-iclc invincible aux progrès
de la civilisation et à l'avancement
de l'esprit humain. U n'est pas, dans
l'histoire entière de 1.» philosophie,
de problème plus curieux , phis im-
portant, mais en même temps plus
diflicile, que celui qui a pour oLjet
de déterminer avec quel(juc préci-
sion la véritable doctrine de P} tha-
gore. Une hypothèse imposante au
premier coup-d'œil , par >un éclat et
par sa grandeur , tend à admettre
une philosophie unique et primitive,
qui , née dans le berceau même de la
civilisation, cultivée d'abord en A-
sie,* aurait passé ensuite dans la Grè-
ce, aurait traversé les premiers siè-
cles de notre ère, et se serait perpé-
tuée jusqu'à nos jours : car cette plii-
losop h ie, qui serait ccliedes nouveaux
Platoniciens, a régné pendant le cours
du moyeu âge, bien plus qu'un ne le
croit communément ; elle se confond
avec les doctrines mystiques qui,
sous diverses formes, subsistent en-
core de notre lem |)s. Dans cette hypo-
thèse, la philosophie de Pythagoi use-
rait l'anneau principal qui unirait les
traditions orientales avec les doctri-
nes grecques : Pytliagurc aurait reçu
d'Hermès, de ZoroaNtre, d'Orphée,
les trésors qu'd aurait transmis à
Platon. Platon lui aurait emprunté,
non- seulement celles de ses opinions
fondamentales que nous retrouvons
dans ses écrits , mais celles aussi que
lui a prêtées l'école île Plotiu, de
Porphyre et de Proclus. Dans ce sys-
tème, les nouveaux Pythagoriciens,
qui prétendirent ressusciter, au com-
mencement de l'ère clirélieniic, l'an-
tique enseignement de l'écule d'Ita-
lie, en auraient été les fidèles intcr-
PYT
prêtes : les Plotin , les Porphyre, les
lambliquc, les Proclus, en y ratta-
chant l'enseignement de Platon et
d'Aristote, n'auraient fait que resti-
tuer celui-ci à sa vraie origine. La
théorie pythagoricienne des nombres
ne serait qu'un voile emblématique
imaginé pour déguiser au vulgaire,
pour représenter aux yeux des adep-
tes ce mêaicidéalismetranscendcntal
et raystiqueque la critique sévèiede la
plupart des liistoi iens a désigné sous
Je nom de syncrétisme , et dont ils
ont placé le berceau à Alexandrie.
Le savant Dacier, dans sa \ icde Py-
thagore , a prêté à cette opinion
son autorité, plus grande à la vérité
dans les matières d'érudilion que
dans les questions philosophiques ;
de même qu'il a attribué à Socrate
les doctrines que Platon met dans la
bouche de son maître. Mais quels
documents authentiques iiUcrroge-
rons-nous pourconnaître les pensées
de Pythagore ? il n'a rien écrit. Les
f-^ers dorés qui j)ortent son nom, ne
sont point de lui : on ne peut fixer
avec certitude l'époque à laquelle ils
ont été composés (3). Les ouvrages
attribués aux premiers Pythagori-
ciens, àThéano, à Ocellus de Lu-
canie, à Timée de Lucres, à Philo-
laiis , soumis par les modernes à
une critique savante, ont été géné-
raleiueut jugés apocryphes , d'après
des motifs à-peu-près irrécu ables.
D'ailleurs l'intérêt qu'avaient les nou-
velles sectes nées sous les Césars , à
faire remonter leurs dogmes à la
plus haute antiquité, à les placer
sous la protection des noms les plus
vénérables , rend leurs assertions
fort suspectes; et ce soupçon s'ac-
(T) Voyex I-es vers dorés Je Prtha^ore , erpli-
quci et Iradii'Uy pour la pieiiiièri'. /ois en tmrt ru^
inulftiijuet /ranf'iit ^etc., |>ar M. FaLro d'OliTsl,
ParU, 1813,10-8".
PtT
croît lorsque l'on considère qu'un
des caractères propres à ces racmcs
sectes fut de dénaturer les faits his-
toriques , de f«bri({uerdes e'crits sup-
poses , et d'accréditer les fables les
plus absurdes. Plus on étudie les doc-
trines que ce systèiue ferait attribuer
à Pytliag;ore, moins on peut recon-
naître , dans des abstractions aussi
subtiles, dans un spiritualisme aussi
exalté, un germe de notions compa-
tibles avec le degré de culture que
l'esprit bumain pouvait avoir acq^iis,
parmi les Grecs, à une époque aussi
reculée. Ivefuscrait-on d'ailleurs ainsi
tout mérite d'originalité, toute con-
ception neuve , toute puissance de
création aux plus beaux génies delà
Grèce, qui, sur cette terre féconde en
productions libres et spontanées, fu-
rent secondés par le concours des cir-
constances les plus favorables? Cette
dernièreconsidération détruit, si nous
ne nous trompons , tout le prestige
de celte grande chaîne à laquelle les
nouveaux Platoniciens ont donné le
nom de chaîne d'or; et certes ce serait
en mettre la beauté à un prix trop
élevé que de dépouiller ainsi tant de
grands hommes, de la propriété des
vues qui les avaient illustrés, pour
ne voir en eux que les canaux par
lesquels se serait transmise je ne sais
quelle sagesse primitive, découlée
de l'enfance même de la société hu-
maine. Si l'on veut des témoignages
plus certains, on les trouvera dans
EmpédocleetDémocrite, qui certai-
nement furent élèves des Pyfhagori-
ciens,quoiqu'ils eussent pris une direc
tion qui leur était propre , et dont les
systèmes étaient certainement liés à
l'enseignement de Pythagore , par
une consanguinité très - prochaine.
On les trouve dans Platon et Aristo-
te , encore si voisins de l'ancienne
école d'Italie , et dont le second
PYT 365
surtout avait d'ailleurs e'tudié avec
tant de soin les opinions de ses
prédécesseurs. On admettra même
le témoignage de Cicéron , qui a pré-
cédé les nouveaux Pythagoriciens ,
et qui était exempt des préventions
et des vues particidières à ceux-ci.
Or , la philosophie mécanique de
Démocrite et d'ErapédocIe atteste l'i-
dée fondamcnlale qui tend à expli-
quer les phénomènes de la nature
par des combinaisons géométriques.
Aristote, dans un grand nombre de
passages, déclare, non - seulement
que les Pythagoriciens avaient admis
très - sérieusement l'axiome que les
nombres sont les principes des cho-
ses; mais il explique comment ils
avaient conçu et explique ce princi-
pe : il prend le soin de le réfuter.
Cicéron est d'accord avec lui; Dio-
gène Lacrce est d'accord avec l'im et
l'autre. Aucun des trois ne soupçon-
nait encore les interprétai ions symbo-
liqucs, introduites plus tard par des
écrivains qui avaient, il est vrai , nu
système ilouveau à accréditer, mais
qui n'avaient aucun moyen de re-
cueillir des traditions plus certaines,
et dont la crédulité, les affirmations
gratuites, sont devenues proverbiales.
Si Aristote et Cicéron ne séparent
point la doctrine de Pythagore de
celle des Pythagoriciens, c'est qu'en
effet il n'existe aucun moyen de les
distinguer , puisque Pythagore n'a
laissé aucun monument où soient
consignées ses idées personnelles ;
c'est que le caractère de son institut
ne laisse guère supposer que ses dis-
ciples pussent s'être écartés de ses
voies. Si la nature des choses permet-
tait d'établir entre eux quelque diffé-
rence , on concevrait que les disciples
auraient pu développer les opinions
du maître, et non qu'ils les auraient
restreintes; qu'ils auraient spirituali-
366 PYT
se et non matérialisé sa doctrine. En-
fin toutes ces inductions sont encore
fortiliees par celles qui naissent de la
inarche naturelle deTesprit humain
et de l'état dans lequel se trouvaient
alors les connaissances. Li grande
division des sciences , opérée ensuite
par Arislotc , n'était pas encore sen-
tie ; le domaine des sciences mora-
les et celui des sciences physiques
se confondaient l'un dans l'autre ; les
sciences malhcmaliques . à leur nais-
sance , ne se séparaient p.is encore
des phénonicnes du monde sensible,
par des abstractions (pii les rendis-
sent à tonte leur pureté. Cela pose ,
on conçoit comment Pylhagnre a pu
procéder, et cimimenl il a pu se trou-
ver conduit à créer ses doctrines
des nombres. Le premier objet des
spéculations de tous les philosophes,
consistait a découvrir ce qu'ds ap-
pelaient le princifie des choses ; ils
confondaient même encore alors ,
sous le terme de piincipes , et les
causes productives , et les éléments
primitifs. L'école d'ionie 'avait de-
mandé ces principes à la nature elle-
même. Pvlhagore, exercé dans l'é-
tude des connaissances mathémati-
ques, dut être fiappé de celte pio-
pnélé génératrice qui caractérise la
science des nombres, de cetîe vertu
qu'ont les notions de l'arithmétique
et dt la géométrie , de s'expliquer
les unes parles autres, et de former
des combinaisons systématiques : je-
tant ensui:c les veux, sur la grande
scène du monde physique , il y vit
reparaître, sous raille aspects, et
les proportions , et les lois sur les-
quelles se fondent la géométrie et
l'arithmc-tique ; il put soupçonner
d'une manière confuse , tout ce que
la physique pouvait attendre de l'ap-
plication de ces deux sciences à l'in-
Tcslig.ition des pliénomcnes de la
PYT
nature. IVIais le succès de cette gran
de application , qu'd était réservé à
dalilee de pénétrer dans les temps
modernes, ne pouvait se révéler dans
l'enfance de la philosophie. Les
idées abstraites adhéraient encore si
fortement aux objets eux - mêmes
par l'alliance cpie les sens ont insti-
tuée ; elles conservaient encoïc telle-
ment la forme concrète , que les
spécidalions de Pythagore ne purent
s'alliauchir de ces liens naturels.
C'est un fait historique, que l'ytliago-
re Considérait l'univers comme une
vaste harmonie ; et cette grande et
belle conception explique toutes ses
autres pensées. Comme tous ceux
qui , au début d'une carrière d'inves-
tigations , découvrent un principe
de solution , il lui donna une valeur
absolue et universelle. Cette inter-
prétation de sa doctrine est dans l'ac-
cord le plus parfait avec la marche
d'idées que nous retrouvons dans
tous les philosophes de son temps.
Il est deux espèces de vérités généra •
les : les lois physicpies ou j)ositivr>s ,
les lois m;ithématiques ou hvpolhé-
tiques; les secondes porlentscules en
elles mêmes une évidence intrinsè-
que : Pythagore crut donc y trouver
les principes dont les premières dé-
rivent. C'est ainsi qu'il fut conduit
à instituer cette philosophie corpus-
culaire dont il fut le premier auteur
parmi les Grecs , à moins qu'avec
Strabon et Sextus l'Empirique, on
ne la ra|)portc, sur le témoignage de
Posidonius , à un Sidonum noinmé
Moschus , qui a vécu avant la guerre
de Troie. Suivant Platon, dans le
Thea^lètc , « la philosophie pyth.igo-
» ricienne sup[iosait en général que
» tout est composé de^iarticulci in-
» sensibles formées par le mouvement
«local; la couleur, par exemple,
» n'est pas une chose qui existe hors
!
PYT
«de nos yeux, ni dans nos yeux. :
» elle vient des mouvements dilîé-
» rents que les objets diversement
» modiQes causent dans l'œil. N''cst-ce
V pas ici l'origine de la cclcbrc dis-
» lincliou entre les qualités preiniè-
» res et les qualités secondes ? » Ge'-
phante, célèbre pythagoricien, décla-
rait que les unités n'étaient autre cho-
se que les atomes; et Aiisfotc con-
firme cette observation. L'hypothè-
se des atomes , qn'Aristotc et Dio-
eène Laërce attribuent à Démocri-
te et à Leucippe, parait donc avoir
sa première racine dans la physique
fîe Pythagore; Déraocrite professait
la j)lus haute estime pour Pythagore,
et avait même intitulé l'un de ses li-
vres du nom de ce philosophe ; le
pythagoricien Empédocle considé-
rait la nature de tous les corps com-
me le produit du mélange et de la
séparation des particules; sa doctii-
ne sur les qualités sensibles était ,
selon PI tton et Aristote, contoriue
à celle de Démocrite. Ce dei nier phi-
losophe et Leucippe auraient donc
eu seulement le mérite de coordonner
d'une manière systématique cette hy-
pothèse célèbrC; développée par Epi-
cure, et quia traversé les siècles. Dé-
mocrite aurait aussi emprunté du fon-
dateur de l'école d'Italie, la découver-
te, si étonnante pour cet âge, du mou-
vement de la terre autour du soleil ,
si c'est de la sorte qu'avec Aristote
il faut expliquer la pensée de Pytha-
gore , que la terre , étant un des as-
tres ( c'est-à-dire une des planètes ),
tourne autour d'un centre : mais
les paroles qui suivent semblent faire
plutôt allusion à la rotation de la
terre sur elle-même; car il ajoute:
c'est ainsi qu' elle produit le jour et
la nuit. Cependant Pythagore s'était
livré, avec une ardeur non moins gran-
de, à l'élude de la morale ; il était na-
pYr
367
turellement porté aux exercices con-
templatifs : les notions morales lui
offraient aussi ce caractère d'ordre
et de régularité qui est propre aux
idées géométriques. La musique,
qu'il cultivait avec soin , en était le
lien commun , et semblait les confon-
dre. Les notions morales se réfléchis-
saient à ses yeux sur le théâtre de la
nature : il y admirait l'œuvre du
gj'and architecte ; il y voyait res-
plendissantes ces images du beau,,
qui sont comme le reflet du bon.
Ainsi, les trois ordres de connais-
sances, confondus autant qu'associés,
se rattachèrent pour lui à des fonde-
ments communs , furent soumis par
lui àdes lois communes. C'est ce qu'on
voit manifestement dans la célèbre
Décade attribuée à Alcmaîon. Gar-
dons-nous de croire , au reste, que la
notion dcsjionibres pût offrir aux Py-
thagoriciens la précision que lui don-
ne pour nous le langage des mathéma-
tiques. Elle représentait pour eux
non-seulement les quantités arithmé-
tiques , mais toute grandeur, toute
proportion. Les nombres étaient
pour eux identiques avec les êtres ,
avec les objets eux-mêmes, avec les
parties élémentaires et constitutives
de la nature ; l'univers était pour
eux un nombre aussi ; lenoînbre, en
un mot , n'était point encore séparé
de la réalité. C'est ainsi qu'ils trans-
portaient , dans le domaine de la
réa'ilé , les lois qui , dans le domai-
ne de la pensée , gouvernent cet or-
dre de combinaisons. Le système des
nombres résolvait, dans leur doctri-
ne , le problème de la cosmogonie.
L'unité, ce terme éminent vers lequel
se dirige tonte philosophie, ce besoin
impérieux de l'esprit humain, ce
pivot auquel il est contraint de rat-
tacher le faisceau de ses idées , l'u-
nité , cette source , ce centre de tout
368
PYT
ordre systématique , ce principe de
vie lies institutions sociales , ce but
eleve de la nature morale, ce foyer
inconnu dans son essence, mais ma-
nifeste dans ses rflets , de toutes les
puissances phvsi(|ues ; l'unité , ce
nœud sulilime auquel se rallie néces-
sairement la cliainc des causes , fut
rau;;uslc notion vers la(|iiellc con-
vertirent aussi toutes les me.litations
des Pvtlia{;oriciens. La dyade déjà
produite et composée , origine des
contrastes , représenta pour eux la
'malii-'ie, ou le principe jiassif, sui-
vant les opinions du temps. La
triade , nombre mystérieux qui
joue un si grand rùle dans les tra-
ditions de l'Asie et dans la pliiloso.
pliie pl.itoficiennc , image des attri-
buts de l'K're Suj>rème, reuniten elle
les propriétés des deux premiers ncim-
bres. La télrade ou le quartenaire,
qui ex|uime la premiire piiiss.inte
mathématique, repre'sentc aussi la
vertu génératrice , de laquelle déri-
vent toutes les combinaisons: c'est le
plus parfait des nombres ; c'est la
racine de toutes clioses ; le nombre
septénaire aj>parlient aux choses sa-
crées ; l'enneadc est le premier car-
ré des nombres impairs; le décade
ramène a l'unité les nombres multi-
ples. Nous ne jKuivons ofliir ici que
la clef de ce système , qui , au travers
des siècles , dans rinsullisancc des
documents , se présente nécessaire-
ment d'une manière confuse , que ses
partisans se plais.iient encore à en-
velopper des voiles de l'obscnrilc,
et qui d'ailleurs ne pouvait guère
être en lui-mènte qu'une esquisse foit
imparfaite , qu'un mélange ^d'idées
hétérogènes. Nous savons que l'ii-
nilc de Dieu se montrait aux Pytha-
goriciens dans sa simplicité subli-
me ; que le monde se présentait à
leurs regards comme un tout ordonne'
PYT
et Inrmonicux, et reçut d'eux le beau
nom de Cosmos , qui en est l'expres-
sion : nous comprenons comment
ces vues app;irlenaieiil à l'esseiue
de leur dortniie; mais nous coin|ire-
nons aussi pourquoi leur tlièoloi;ie
fut encore empreinte d'une foule d'i-
dées matérielles , pourquoi le feu, la
lumière, la chaleur, reçurent d'eux
des propriétés divines , pourquoi ils
envisagèrent la Divinité coin me la for-
cevitale de la nature. Leur psycliolo
gie ne put se dégager davantage d'un
alliage sembbible : « les âmes sont
des émanations de la Divinité; elles
remplissent l'air; elles se distribuent
en une nombreuse hiérarchie de gé-
nies , de géants , d'ames inférieures ;
rhomme,à sa naissance, aspire l'u-
ne de ces âmes préexistantes , la
rend , lors de son trépas, à une car-
rière nouvcUedetr.uisfurmat ions suc-
cessives ; » l'immortalité elle même
ne s'ollrail aux Pythagoriciens , que
sous des foi mes corpord'es. Cepen-
dant l'habitude de la méditalion,
l'ctiidedes vérités thcoii(pies et spé-
culatives, leur apprit à mieux distin-
guer qu'on ne l'avait fait encore, les
facultés intellectuelles , des facnllés
sensuelles : c'est au pi incipe doué des
premières, qu'ils réservèrent la pré-
rogative d'une existence future. Nous
comprenons encore combien leur
physique dut être im])aifaite : ils
concevaient le système de l'univers
comme un graijd poème, et confon-
daient les rapports symétriques avec
les lois productrices. i>a pialiquedela
médecine dut cepeirlanl attirer leur
allenlion sur une branche spéciale de
]dienomènes;c'cstà leurs succès dans
l'art de guérir, qu'il faut attribuer ,
sans doute , l'opinion qui les fit re-
garder comme se livrant aux opéra-
tions de la magie : mais , en obser-
vant les phénomènes isolés , ils ne
PYT
pouvaient les lier entre eux, pre'ci-
scincut parce qu'ils allcnent clu relier
le iicn iniuiediat dans les rapports
les plus universels des clioses. Le me'-
rite propre auxPythagoriciens , con-
siste dans l'application avec laquelle
ils se livrèrent aux sciences mathé-
matiques,etàia pratiquede la morale.
Diogèue Lai'rce dit qu'ils plaçaient
la première de ces deux études , au
rang le plus noble , et qu'ils en fai-
saient leur occupation principale.
Les Pythagoriciens ne s'altachaicnt
point à revèlir la morale de formes
scientiliques;et cette circonstance est
digue de remarque : ils se dirigèrent
surtout aux préceptes d'application;
mais ils y portèrent, certainement,
une rare élévation. Les Vers dorés ,
quel qu'en soit l'auteur , sont , sous
ce rapport , un monument admira-
ble , et qui commande encore aujour-
d'hui la vénération. Les signes d'une
baute antiquité qui y sont empreints ,
ne nous permettent guère de douter
qu'ils ne renferment les traditions
essentielles de cette école. Les règles
de l'institut de Pyihagore, la vie de ses
disciples , sont comme autant de té-
moins en accordavec elles. Cette école
considérait la vertu comme une har-
monie , l'unité' comme le caractère
de la perfection , le multiple comme
celui du désordre. Elle s'attachait
surtout à faire naî tre la vertu, de l'em-
pire sur soi - même , à procurer la
paix intérieure comme sa récompen-
se. Elle concevait aussi la vertu com-
me un caractère de ressemblance avec "
laDivinité : a car la vérité et la bonté
sont les attributs de Dieu, disait Py-
thagore ; et le plus précieux présent
que l'homme ait iTçude son auteur ,
est l'amour du vrai et de la bienfai-
sance. Dieu est le juge moral de
l'homme, » disait- il encore , aurap-
port de lamblique. La justice était ,
XXXVI.
PYT
369
d'après lui, contenue dans cette for-
mule : un nombre répulé plusieurs
fois semblable à Jui-méine ^ c'esl-à-
dire , qu'il la fondait sur régalilé, 1^
réciprocité : aussi supposait-il qu'un
homme doit recevoir d'un autre ce
qu'il a fait k son égard. Les préceptes
de la morale , dans le code des Py-
thagoriciens , étaient exprimés dans
des sentences détachées , et sous des
symboles , à la manière des. Orien-
taux et des gnomiques Grecs ; c'irst
sous cette forme que nous \çs retrou-
vons toujours dans la philosophie
primitive. Le mystère dont les Pytha-
goriciens s'entouraient, les allégories
dont ils se servaient pour protéger ce
mystère, les vues neuves et hardies,
qu'ils avaient semées dans le champ
de la spéculation , la pureté de leur
doctrine, le respect qui s'attachait à
leur caractère , tout concourait à fa-
ciliter l'extension nouvelle et prodi-
gieuse que l'on tenta de donner à leur
enseignement , lorsqu'on prétendit
le faire revivre, à une époque où un
enthousiasme exalté saisissait avec
empressement toutes les notions da
merveilleux , où le mélange des
doctrines mystiques pénétra dans la
philosophie et vint la dominer. De
là ce Pythagoricisme moderne qui
servit de prélude au nouveau Pla-
tonisme , et fut ensuite adopte par
lui. Telle est du moins l'opinion que
nous nous sommes formée , d'après
nos propres conjectures , et après
une investigation assidue des mo-
numents épars de l'antiquité. Ceux
qui voudraient comparer les points
de vue divers sous lesquels cette
philosophie a été envisagée, peuvent
consulter les divers historiens de la
philosophie : ils trouveront particu-
lièrement dans Brucker les indica-
tions relatives à l'érudition biblio-
graphique; dansTennemann, une ap-
^4
370 f'YT
pre'ciation sage et prudente ; dans
Mciners , un t.ib'caii intéressant do
l'institut de Pylliagorc. Peu de snicts
ont autant occupe les modernes ,
quoique, à nos yeux, il en soit peu qui
laissent encore autant à désirer.
D— (;— o.
PYTHÉAS, astronome, géoi^ra-
phe et iiaviç^ateur , passe pour le
plus ancien écrivain qu'aient produit
les Gaules. Il était de Marseille, et
florissait au corninenccrnent du qua-
trième siècle avant J.-C. , son voya-
ge ayant précétlé la conquête des In-
des par Alexandre, qui eut lieu l'an
327. A cette époque, Marseille avait
ae<piis par sou commerce une splen-
deur qu'elle n'a jaruiis perdue.
Pvlhéas trouva dan», si patrie les
movcBS de cidtiver son goût pour
les sciences : il s'applii]ua surtout à
la physique et a l'astronomie; et il y
fit des [.."ogres qui lui méritèrent l'es-
tiracde ses compatriotes. On conjec-
ture que les Marseillais , dans la Yuc
d'étendre encore leur commerce, en-
voyèrent Pytliéas reconnaître de
nouveaux pavs vers le nonl, tandis
qu'Futynièi;e,illait en découvrir vers
le inidi. Il suivit les côtes de l'Espa-
gne et de la Lusitanie, longea l'Aqui-
taine et l'Armorique, entra dans le
canal qu'on nomme aujourd'hui la
Manche ; et s'avançanl de cap en
cap , jusqu'à l'extrémité orientale
des îles Britauni(pios , après six jours
de navigation , aborda l'île cpic les
b%rliares nommaient Thnlé , et que,
l'on a cru être l'Islande. Le célèbre
Danvillr clierclie à démontrer que
dans six jours , Pythéas , avec sa
manière de navijijuer , ne put arriver
qu'aux îles de Shetland , que les
anciens désignaient aussi par le nom
de Thulé (Voy. les Méni. de Vacad.
des inscrIpt. , .\xxvii , 4^9 ) ; mais
ce qui ferait croire que Pythéas s'est
PYT
avancé réellement jusque dans l'Is-
lande, ou du moins qu'il en parle
d'après des témoins oculaiies, c'est
qu'il rappoite qu'au solstice d'été, le
soleil n'v quitte pas l'horizon, phé-
nomène (|u'd n'avait pu deviner et
qui n'a lieu que dans les climats aussi
rapj)rochés du pôle. Aussi, M. Gos-
sellin ( 1) reconnaît que la Thulé de
Pythéas n'est pas celle de Plolémée.
Dans un second voyage que Dauvillc
ni M. Gossellin n'admeîtcnt pas ,
Pythéas se diiigea vers le nord-
est, pénétra par le Sund dans la mer
Baltique, et poussa jusqu'à l'embou-
chure d'un fleuve qu'il imnimc le
Tantiis, et «jui serait, ou la Vistule
.selon(jucl(|ues uns, ou, selon Hougain-
villc , la Hadaune , rivière qui se
jette dans la \ islule près de Danizig,
ou , suivant M. Gossellin , la Duna.
Pour apprécier les dillicullés que
Pythéas dut vaincre dans cette dou-
ble navigation , il faut se rap-
peler qu'd était privé de tous les
secours que l'art et l'expérience ont
opposés depuis aux dangers de la
mer. Il rendit compte de ses décou-
vertes dans deux ouvrages : le pre-
mier intitulé. Description de l'O-
céan, contenait la relation de son
voyage de (îadès à l'île île 'I hidé; et
le second, qui avait pour tilrc le
Période , ou se\nu d'autres le Péri-
ple, le récit de sa dernière naviga-
tion : il ne nous reste de l'iui et de
l'autre que de courts fra;;meu(s dans
la Géng^raihie de Strabon, et dans
V Histoire naturelle de Pline. Stra-
bon , qui pnraît se délier en général
des r3p[»orls des voyafjenrs , trait<;
Pythéas avec une excessive sévérité:
cependant il avoue que ses remar-
ques sur les mœurs des habitants et
sur les productions des pays qu'il a
'i') Gco^ruphit dct Crées analyiée ,Yf- ï»7- —
Recherches , <!lc. , 1,3- 3«); IV, 60-ÏÎ8.
PYT
parcourus, sont assez exactes. Il n'en
est pas de même des latitudes que
Pytheas avait assif;;nées aux princi-
pales villes de l'Espagne, des Gaules
et des îles Britanniques : Sirabon les
contredit presque toutes; mais les
observations des géographes moder-
nes ont confirme celles de Pytheas,
et dc'niontre que Strabon lui-mê-
me s'était trompe'. Pytheas est célè-
bre en astronomie , pour avoir dé-
termine' la latitude de Marseille en
mesurant avec un gnomon la hau-
teur du soleil au solstice d'été' ("i).
Cassini déclare que , si l'on avait
exactement les circonstances de celte
observation, elle pourrait servir à
décider la célèbre question du chan-
gement de l'obliquité de récUptique
( Voy. les mémoires de Vncad. des
sciences , viu , 1 1 , et V Histoire de
V astronomie ancienne ^ i , 47 i )• Se-
lon Hipparque , Pytheas apprit aux
Grecs que l'étoile polaire n'ét.iit pas
au pôle même ; mais qu'avec trois
autres étoiles voisines elle formait un
quadiilatère ou carré, dont le pôle
était le centre ( Voy. Y Histoire des
mathématiques ^ par Montucla, i,
i8q ). Enfin, il paraît être le premier
qui ait soupçonné la liaison du phé-
noracnr des marées avec le mouve-
ment de la lune. Plusieurs savants
modernes, parmi lesquels on distin-
gue Nicol. Sanson, Gassendi, Ru.d-
beck, etc., ont vengé Pytheas des
injustes reproches de Polybe et de
Strabon. On peut consulter pour des
détails , le Dictionnaire de Bayle ;
V Histoire littéraire de la France ,
(2)On a levoque'en doute la réalite oiila justesse
(le cette observation , sur ce que Pytheas avait, tli-
sait-cn .identilic' la latitude de Marseille avec celle
de Byzauce , qui en difTcrede plus de deux degrés :
l'accusatiou est maJ fondée : c'est Hipparque , et non
Pytheas, qui supposait cette égalité de latitude. Voy.
le Journ. îles savants de 1818, pag. 558 , nut. i , et
le IV". vol. des Recherches de M. Gossellin , pag.
3i6 , et pag. 691.
PYT 37 1
I, 7i-';8;les Eclaircissements sur
la vie et sur le s voyages de P) t/iéas,
par Bougainville , dans le Recueil
de Vacad. des inscrip. , xix, 4t) ; le
Mémoire de J. P. Murray, De Pj-
thed Massiliensi , publié en 1775 ,
dans les N09. comment, soc. Got-
ting. , tora. VI ; et les Mémoires pour
seri'ir à l'histoire des voj'ages ma-
ritimes des anciens navigateurs de
Marseille par M. D. A. Azuni. Le
P.Hardcuin a confondu Pjthéas de
Marseille, avec un orateur athé-
nien , contemporain et ennemi de
Démosthcne. W — s.
PYTHIS. For. Buyaxis.
PYÏHODORÏS, reine de Pont,
fille de Pythodorus, riche citoyen de
Tralles, dans la Lydie, qiii avait été
ami de Pompée, était femme de Polé-
mou I'"''. , qui gouverna le Pont , le
Bosphore Ciraméricn et la Colchide,
peu de temps avant noti .ère. Nous
avons peudcchosesàajoutcrà ce que
l'on en a dit à l'article de son mari.
Quand ce princepérit, en combattant
les Aspurgitains, sa veuve lui succéda
dans l'administration des étals qu'il
possédait dans l'Asie - Mineure. Le
Bosphore seul resta au pouvoir des
barbares, qui avaient vaincu Polé-
mon; et il ne revint jamais à sa fa-
mille. Pythodoris avait eu de ce prin-
cedeuxfils et une fille; elle régna pen-
dant leur minorité. On connaît quel-
ques-unes des médailles qu'elle fit
frapper à cette époque ; elles sont
fort rares : elles offrent la tête de Ti-
bère, et, au revers, un des signes dn
zodiaque, et la légende : BAZIAI^EA
nreOAflPIS ETOYS Z, LareinePj-
thodoris, l'an 60. On peut voir, sui-
ces médailles, un Mémoire dcTabbc
Belley ( Académie des inscriptions
et belles-lettres , tome x\iv ). Cette
princesse régnait sur toute la parjjip
orientale de l'ancien royaume de
24..
373 PYT
Pout , connue sons le nom de Pont
Pole'raoniaqiie, et qui s'étendait de-
puis le fleuve Iris ju>qu'aux trouliè-
res de rAinicuie et de la Colchide.
Elle y joignait la souveraineté de ce
dernier pays, comme Strabon nous
l'atteste ^ lib. \i, p. 499 )• Les Clial
décns , les Tibaréuiens et les autres
peuplades barbares qui habitaient
dans les montagnes au sud-est de Tré-
bizunde. lui élaientégalement soumis.
Elle résidait ordinairement dans la
ville de Cibire, que Pompée avait
appelée DiopoUs , mais qui fui con-
sidérablement agrandie par elle , et
décorée du nom de Sebaste, sans
PYT
doute pour témoigner sa reconnais-
sance à Auguste. Strabon, contempo-
rain de cette princesse , et qui était né
dans une des villes grecques encla-
vées dans ses états, vante ses belles
qualités, sa prudence et son habileté
dans l'art de la guerre. Elle épousa
en secondes noces Archelaiis , der-
nier roi de Cappadoce , dont elle de-
vint veuve en l'an i "j de notre ère.
Elle continua de régner dans le Pont,
avec son lils aîné, Polemon II, qu'el-
le avait associé au trône, mais en se
réservant tout le soin des afl'aires.
On ignoreà quelle époque Pythodoiis
mourut. Son Qls lui succéda. S. M n.
Q
v2UADE( MicuEL FBLDtRic), phi-
lologue, tiaquiten i68i,àZechau,en
Poméranic. Après avoir fait de bon-
nes études dans sa patrie, à Berlin,
Wittenberg et Grcifswaldc , il se fit
connaître dans la dernière université
par plusieurs Thèses et Dissertations,
et fut chargé du soin de la grande
bibliothèque du vice - chancelier
Mayer. Outre l'avantage do profiter
de cette vaste collection , Quade eut
celui d'accompagner son protecteur
dans ses voyages en Allemagne, et
d'y connaître plusieurs hommes cé-
lèbres , tels que Leibnitz , Olearius ,
etc. En i"o4 , sou bienfaiteur, en sa
qualité de comte Palatin, usant du
droit de sa charge, de couronner des
poètes , fit ce petit honneur a Quade,
qui pourtant n'a composé de vers ,
que des inscriptions latines, et une
pièce de vers allemands sur l'impri-
merie, remarquable seulement en ce
ue les noms de tous les imprimeurs
Peméranie s'y trouvent réunis.
Ayant reçu ensuite le titre de ba-
chelier en théologie, il obtint, en
1716 , le rectorat et la chaire de
philosophie au gymnase du Vieux-
Sletlin ; il conserva la place de rec-
teur jusqu'à sa mort , arrivée le 1 i
juillet 1757. Quade a publié un grand
nombre d'écrits , surtout de bro-
chures latines dans le genre que les
Allemands appellent micrologie ,
c'est-à-dire , des traités sur des sujets
minutieux. Dans cette cathégoriedoi-
vent être rangées : sa Dissertation De
virii staturd parvis erudilione ma^-
mj, Greifsv^'alde, I7b6, qu'd paraît
avoir faite avec d'autant plus de
plaisir qu'il était lui-même fort petit ;
De rectoribus schularum quadra^e-
simum laboris annum supergressis ,
Stettin , 1719, \n-io\.-j De juriscon-
sultis ex theologisj'actis, i 728 ; De
morbis eruditorum ordini familia-
ribiis et pleruinque exitiosis , i 74 ' >
in -fol. Parmi ses autres écrits,
on remarque : I. De Dionjrsio
QUA
areopagitd scriptisque eidem sirp-
positis , Grcifswalde , 1708. IL
Leonis Allatii instniclio de hiblio-
thecd Palatind Romain transpor-
tandd , ibid. , 1 708 , iii-4*'. , d'après
un manuscrit de la bibliothèque de
Mayer : cette instruction a été ré-
irapriraée dans divers Recueils. III.
Prodromus vindiciarum glorice et
nominis Pomeranoriim , Rostock
et Nouveau-Brandebourg , 1721 ,
in-S". Il défendit l'honneur de sa pa-
trie contre Schoettgen , et fut atta-
qué par un pamphlet anonyme.
IV. De ritu veterum vota sohendi,
1780 , in-fol. V. De conditorihus
Augustanœ confessionis , ibidem.
VI. De usuetahusu studii mathema-
iici, 1747, in fol. VII. 3on Spécimen
supplément orwn ad Mich. Maittaire
annales typographicos , cum tribus
continuationibus , a été inséré par
OEIrichs dans le tome vu de sa Ber.
liner bibliothek. VIII. De varid
hujus gjmnasii fortund et fatis ,
1752 , in-fol. \X. Dissert, epist. de
felici reilitterariœ successu et incre-
mento per academias et scolas illus-
tres, 1756, in-40. X. De caussis
quare elegantiores disciplinœ , m-
primis litterœ latince, hodiecontem-
tim habeantur à multis , 1767 , in-
fol. Quade a coopéré à la première
édition poraéranienne de la Bible en
allemand, publiée à Slettin en 1 708 ;
mais c'est à tort que Fabri lui attri-
bue le Bibliothécaire impartial ,
qui est de KIosen et Krausen , comme
l'affirme positivement Marc - Paul
Huhold , dans sa curieuse Notice des
journaux (i),pag. 11. D— g.
{i)Nachricht von der haut ziiTagc, grand Mçde
^ewordenen Joumal-Qiiarlal undnnniial Schnflen,
lena, 1718, jn-S". La je. édition est de Leipzig,'
«/IS : réimprimé à Jéna, i^ifj et 1117; et avec des
augmentations, à Gardclegea , 1718 e'i 177,4. L'auteur,
cure à MiediicLod eo Pologne, est mort en octo-
fcre iyj5.
QUA 373
QU ADRAT (Saint ) , un des apo-
logistes de la religion chrétienne ,
florissait dans le second siècle de
l'Eglise. Nous ne savons presque rien
de lui. 11 était disciple des apôtres ,
au rapport d'Eusèbe ( Ilist. eccles.
lib. III , c. 37 ) , et se montra véri-
tablement l'héritier de leur esprit.
Doué, corameeuXjdudondeprophé-
tie , et opérant les miracles qu'ils
avaient opérés ,É|| contribua puis-
samment à la propngation de l'Evan-
gile. Publius , évêque d'Athènes ,
ayant reçu la couronne du martyre
en 1 25 , Quadrat fut élevé sur son
siège. Son premier soin , dit saint
Jérôme , fut de rassembler les Chré-
tiens que les persécutions avaient
dispersés , et de ranimer dans leur
cœur le feu de la foi qui commen-
çait à s'éteindre. L'an 126, l'emjYÇ-
reur Adrien se fit initier aux mys-
tères de Cérès-Eleusine. Cette céré-
monie devint le signal d'une nou-
velle persécution. Quadrat composa
une apologie du christianisme, et la
présenta à ce prince, à la fin de l'hi-
ver qu'il passa dans cette ville. Elle
produisit son eflçt ; et la violence
de la persécution fut entièrement
apaisée. Les anciens ont donné de
grands éloges à l'Apologie de Qua-
drat. Eusèbe l'appelle un admirable
monument des talents et de la pure-
té de la foi de l'auteur ; elle est un
ouvrage très -utile, selon saint Jé-
rôme , et digne de la doctrine apos-
tolique. Il est fâcheux qu'il ne nous
eu reste qu'un très -petit fragment
qu'Eusèbe nous a conservé. Quoiqu'il
se trouve dans une multitude de li-
vres , nous le rapporterons à cau-
se de son importance. « Jésus-
)) Christ a fait ses miracles à la vue
» de l'univers , parce qu'ils étaient,
«au-dessus de tout soupçon. Il a,
» guéri des malades , et il a ressuscité
374
QUA
M des morts. Quclqucs-iius même ont
» survécu long-temps à l'auteur du
» proi^ige , et ne sont luoits ijue de
» nos jours. » Valois , Dupin , Tille-
mont ri lîasnn^^e ont prétendu que
Quadrat l'apologiste n'était pas le
même que rcvèijuc d'Athènes: mais
cette opinion a été réfutée par Cave,
Gralie rt Lardner. L — b — e.
Q U A D K I G A R I U S ( Quintus
Claudius ), liistoacn romain, an-
térieur à SiscnnaUni tnivailla sur
la même matière, vivait du temps
de Sylla , 80 ans avant J.-C. , et
peut cire considère comme le plus
ancien de ceux qui écrivirent les An-
nales de la n'publique. Tile-Livc
s'en est approprié plusieurs passa-
ges. Aniu-Gelle le cite fréquemment ,
et scniMe faire grand cas de son au-
t^'ilé : les nombreux passages de
(Tuadrigariusréj)andusdanssesxTMif5
Attiqiies, sont d'un style assez pur,
et prouvent que cet écrivain, quoi-
que fortanricn, n'était point dépour-
vu de goût ni d'élégance. Les Annales
de Quadrigarius existaient , dit-on,
encore sur la fin du douzième siè-
cle; du nïoins elles sont citées par
Jean de Salisbiuy : ce qui en reste
donne lieu de regretter re qui est per-
du. .\ntoine Augustin l'a inséré dans
SCS Fragmenta historié a, et fia ver-
camp l'a mis, ami notis variorum ,
à la suite de son édition de Salluste ,
Amsterdam, i74'2,in-4". , tom. 11 ,
P- 3U. V— R.
QUADRIO (FnAKçois-XAviER),
littérateur italien, naquit à Ponte ,
enVaheline, le l'^f. décembre lOyS.
Apres avoir achevé de très - bonne
heure ses éludes littéraires, il se dis-
posait à se rendre à Pavie pour y
suivre des cours de juri^prudence,
lorsque l'enxie lui prit de se fai-
re jésuite II s'engagea , bien jeune
encore, dans cet ordre religieux,
QUA
sans avoir réfléchi sur les conséquen-
ces d'une telle résolution. Vers l'â-
ge de vingt ans, il commença d'en-
scigiior les humanités à Padoue ,
avec un brillant succès ; et , après
cinq années consacrées à celte fonc-
tion laborieuse, il fut envoyé à Bo-
logne. U y étudiait la théologie, et
en même temps il y donnait des le-
çons , en qualité de répétiteur , ou
de maître de conférences . dans le
collège de Saint -Xavier. 11 se livra
ensuite à la prédication : il expliqua
l'Ecriture sainte à Venise et à IMo-
dène; après quoi il revint à Padoue
pour y êlre préfet des clas.NCs. Ce fut
.ilors qu'il composa deux livres in-
titulés : Délia j oesia italiaiia, cpii
furent iinpiimés ,i Venise, en 17 ■54,
sous le nom fictif de Giuseppc Ma-
ria Andrucci ,|)ar les soinsdeSeghez-
zi et d'Aposlolo Zeno. Bientôt il
conçut im plan beaucouj) plus vaste.
Encouragé par Cordara, son confiè-
re el son ami ( f^. Cokoaha, 1\ ,
5()7), il entreprit une Histoire géné-
rale de la poésie, histoire (|ui devait
embrasser tous les âges , tous les
pays , tous les genres. Cette entre-
prise a exigé de lui de longues et pé-
nibles recherches: il lui a fallu visi-
ter les bibliothèques de Venise, de
IMilan, de Bologne. H séjourna aussi,
entre les années 1734 et 1743, à
Modène, à Borgo San-Donino, et ne
laissa pas de rencontrer, en ces di-
vers lieux, assez de contrariétés et
de dégoûts. En 1743, il se rendit à
Rome, cil le général des Jésuites, et
surtout le pape Benoît XIV, l'accueil-
licent avec bienveillance. Sensible
à ces témoignages d'estime, il écri-
vit un long Mémoire où il expo-
sait avec confiance sa propre situa-
tion , l'état de ses affaires et de
ses travaux; et il le remit , en par-
tant, au souverain pontife. I/im-
QUA
pression de son ouvrage, commencée
à Venise et à Bologne , se continuait
à Milan : il vint habiter cette ville,
où il ne larda point à fixer sur lui les
regards du public par l'humeur mé-
lancolique dont il se montrait at-
teint. 11 devint inquiet, soupçon-
neux : les dettes cpi'il avait contrac-
tées pour se faire imprimer , accru-
rent ses chagrins; il s^iniagina qu'il
était mal vu des personnes avec les-
quelles il vivait , et qui, au contraire,
avaient beaucoup de considération
pour lui. Ayant résolu de se dégager
des liens qu'il avait contractes , il
sollicita et obtint de ses supérieurs
la permission dépasser quelque temps
à la campagne pour rétablir sa santé
visiblement affaiblie. De IMilan, d'où
il partit précipitamment, au mois de
mai de l'année 1744? '' ^^ dirigea
vers Come ; et non loin de cette ville ,
il se dépouilla de l'habit de jésuite .
qu'il laissa sur la grande route. En-
tré en Suisse , il écrivit de Zurich ,
puis de Coire , des lettres au Saint-
Père, pour justifier le parti qu'il ve-
nait de prendre , et reçut du sage
Benoît XIV des réponses bienveil-
lantes. Toutefois Quadrio refusa obs •
tinément les chaires que des villes
protestantes s'empressaient de lui
offrir , et il soutint à Bàle plusieurs
disputes contre les théologiens ré-
formés. Le goût des lettres l'attira
bientôt à Paris : il resta en France
jusqu'à la fin de mai 1747 , et il eut
des relations avec des personnages
distingués : on cite particulièrement
le cardinal de Tencin et Voltaire, qui
estimaient son savoir et appréciaient
son mérite. De retour en Italie, et
après quelques mois de séjour à Pon-
te , sa patrie, il fit un nouveau voya-
ge à Rome, en 1748, et obtint de
Benoît XIV l'autorisation de porter
l'habit de prêtre séculier pendant
QUA 375
trois ans. Cet excellent pontife («yi^eZ
saggio pontefice , disent les biogra-
phes italiens de Quadrio ) lui fournit
des moycnsde subsister, et lui donna
des lettres de recommandât ion pour le
cardinal Qucrini, é\èpie de Brescia ,
et le Mécène de cette époque: le pape
fit mieux encore; il lui conféra, en
avril 1751 , deux canonicats , et le
dispensa , pour sa vie entière , de
porter le costume des jésuites. Par
surcroît de bonne fortune, Quadrio,
dès le mois de septembre de la même
année, fut présenté au comte Palla-
vicini , gouverneur de Milan , qui le
prit pour bililiothécaire. Pallavicini
quitta ce gouvernement, en 1 753, et
continua de s'occuper du sort de
Quadrio: il ne tenait qu'à celui-ci de
se placer avantageusement à Gènes
ou à Bologne; mais il aima mieux res-
ter à Milan, et se retira dans le cou-
vent des Barnabites , où il termina ,
le ai novembre 1756, sa carrière,
qui, depuis 1 744 5 avait été heureuse
et paisible: auparavant ses travaux,
et plus encore ses chagrins , avaient
fort altéré sa santé. Il laissait ma-
nusci'it un Traité de médecine ,
fruit de ses souffrances autant que de
ses études ; c'était un abrégé qu'il
avait composé en cédant aux conseils
de Morgagni, un de ses amis les plus
illustres. On conservait aussi à Ve-
nise , dans la bibliothèque des Jé-
suites, une Botanique universelle,
écrite de la main de Quadrio ; et ou
lui attribuait une grande partie d'un
ouvrage de Jacques Zannichelli (fils)
sur le même sujet. Il avait fait, à l'âge
de trente - trois ans , un poème inti-
tulé: Il cai^aliei e en ante, en soixante
chants ; mais depuis, il le condamna,
dit on, aux flammes. Dans le cours
des six dernières années de sa vie, il
a publié , à Milan , plusieurs ouvra-
ges , à coi.'imcncer par une lettre sur
376 QUA
les titres honuriliqucs , imprimc'e en
i-jji. En la même année, il a in-
sc're dans un Recueil intitulé : Bor-
landa impasticciata, in - 4''- , des
vers runi'ines [versi in linç^ua rwiica
lUSknni.n kniifa^ , retrouves dans la
l)ibliothè(]uc Mn;;liabecclii, Sa Let-
tera intonv) alla sferisllca , sur le
jeu de paume des anciens , est de la
même date. Il n'existait qu'une an-
cienne et rare édition (donnée vers
14S0 ), de la Traduction des sept
Psaumes pe'niicnliaux , en vers ita-
liens, par le Dan le: Hnadrio, en y ajou-
tant d'autres vers pieux de ce poète ,
et des observations littéraires , en fit
paraître une édition nouvelle , en
175?, , in-S**. Ce livre a été réimpri-
mé à Bologne, en i7j3, petit in-
4°. En 1755 , Qiiadrio publia , tou-
jours à Milan , les deux premiers vol.
petit in-folio, de ses j)isserta:ioni
eritico - storiche intorno alla Rczia
( la Rhctie ) di qiuï dalle Alpi , o^^i
delta faltellina : { le 3". tome ,
quoique portant la date de 1756 ,
ne parut que deux ans après la mort
de l'auteur ). Ces reclierclies sur les
antiquités de la Valteline, sont pré-
cédées d'un exposé des motifs qui
avaient déterminé le P. Ouadrio
à clianf;er d'état. L'ouvrage était
dédié à Benoît \lS\ qui , de sa
luain , écrivit à l'auteur , le 3 jan-
vier 175G, une lettre de remercî-
inents très-alTcclueusc ' T ). Il y a de
plus , dans la Faccnlta Milanese
de 1750, un opuscule de Quadrio ,
ayant pour titre : Letlera intorno
alV on f^ine ed alla propa^azione del
le lin'^ue. Nous avons indiqué son
(i) LacarUqiii nccompa^nait cetoum^e e»l de-
T«>ue aD« rarrlrbibliogr.i|.|Mqiir ,aTant (-te •■iippri-
mer daoi presque tous Ir» cx>'in|>làirej, par ordre
du coiirerDerariit dr MiUn . coinriif donnant d'une
■naiiù-re raDMe,U«liiuil<>3 rntre cesHpiix pavs , rela-
•iveinml BU lac de Cbiavemia ( Haller , 'Bihlioth.
hiil. iuiii. , 1 , 567).
QUA
Histoire de la poésie italienne , en
deux livres : c'était Tessai de l'ou-
vrage volumineux par lequel il est
principalement connu : Delhi slo-
ria e délia ragione d'ogni poesia , 7
tomes in -4"- !■'<" premier volume
avait été imprimé à Venise, en 173G;
il reparut à Bologne, en 1739 : les
suivants sont de Milan , 1741-1759;
et dans le frontispice des deux der-
niers, l'auteur prend le titre d'.7/y/^rt-
te , au lieu île délia Coiytpaç,nia di
Gesù. Si cette publication a été con-
duite à son terme , on le doit aux
soins du marquis Trivulci et du com-
te Pailaviciiii ; car l'auteur ne trou-
vait plus d'imprimeurs ni de librai-
res. L'ouvrage était pourtant fort
instructif; on n'avait point encore
rassemblé, sur la théorie et l'histoi-
re de la poésie , un aussi grand nom-
bre de notions générales et particu-
lières, de recherches et d'observa-
tions, de jugements littéraires et de
détails bu)graphi(|ues et bibliogra-
phiques. Depuis même qu'on a les
moyens de mieux faire, ce vaste rc-
cucd n'a point été remplacé; on a
fort souvent besoin de le consulter
encore. Il sufllt d'en mesurer l'éten-
due pour s'attendre à y rencontrer
des inexactitudes : Tiraboschi en a
relevé jilusieurs; on doit s'étonner
qu'il n'y en ait pas davantage. Les
omissions n'y sont fréquentes et gra-
ves qu'à l'égard des littératures mo-
dernes , distinctes de l'itaiienne. Mais
les jugements hasardés, pronêncés
par tradition ou sans examen, pres-
que snns conniissance de cause, ne
sont malheureusement rares en au-
cune partie de cet ouvrage. On s'a-
perçoit , dans les derniers volumes ,
de la fatigue de l'écrivain : ils pren-
nent quelquefois le caractère d'une
pure compilation. La méthode n'est,
pas non plus excellente. Quadrio a
QUA
voulu associer partout l'histoire à la
théorie ( Storia e raglone ) ; plan
qui serait assurémcut le meilleur ,
s'il était parfaitement cse'cute' , mais
qui offre des diiricuhës de plus d'un
genre. Le tome i*^"". a pour objet la
nature de la poe'sie, ses formes, sa
matière , et son instrument ou son
lansace, c'est-à-dire la versification.
L'auteur distingue eusuite trois gran-
des espèces de poe'sies, qu'il désigne
par les noms de mélique , dramati-
que , épique. Il comprend dans la
première, avec les poésies chantées ,
toutes celles qui sont assnjéties à des
cadences particulières : le sonnet, le
rondeau , et jusqu'aux madrigaux y
e'pigrammes , énigmes , emblèmes :
les tomes ii et m correspondent à
cette première classe. Les deux sui-
vants sont consacrés à la poésie dra-
matique : tragédies, comédies, tragi-
comédies, pastorales, etc. La poésie
épique, sous laquelle Quadrio range
les poèmes didactiques, remplit le si-
xième volume ; et le septième ren-
ferme des additions, des corrections,
une table enfin , à laquelle on est
souvent forcé de recourir: car il ne
règne pas assez d'ordre dans l'ouvra-
ge , pour que les recherches immé-
diates y soient toujours praticables.
Quoi qu'il en soit, ce travail, par
son étendue et par son utilité , a mé-
rité l'estime des littérateurs instruits
qui vivaient au milieu du dernier siè-
cle. Les Italiens l'ont généralement
préféré à celui de Crescimbéni, qui
d'ailleurs ne concernait que leur poé-
sie vulgaire f F. Crescimbéni, X,
235-'24o "). Entre les jésuites hom-
mes de lettres qui ont aidé Quadrio de
leurs lumières, on cite, avecCorda-
ra, André Zuccheri, Belgrado ( F".
IV, 79-80), et Nogheia ( XXXI,
340 et 341 ). Hors de celte société,
il a eu pour amis ou pour protec-
QUA
377
teurs , Lazzarini , Morgagni , Que-
rinijetcommeonl'a vu, Benoît XIV.
Passcroni(f^.XXXI, io2-io4), qui
l'avait connu à Milan , lui a rendu
hommage dans sou Cicérone :
f'''è il- tiollo QiiaHrio a ciii In poesia
Dei'e cotanio , ecl i poeli fg'f^/,
l^er quel ch'ha sciitlo e scrive Ittlla via^
Ë caro al papa, a' cardinali e rcgi.
On peut consulter , sur la vie du Qua-
drio , la préface qu'il a mise à la tète
de ses Disserta zioni intorno alla Be-
zia ;\à Raccolta Milanese^àe 1756;
les Annali letterarj d'Italia , tome
I , part. 1 I , p. 263 , etc. ; les notices
sur les hommes illustres délia Co-
masca diocesi, par le comte Giovio.
— Le médecin Jos. Quadrio , né à
Ponte en 1707 , était cousin du pré-
cédent , et l'un des élèves les plus
distingués de Vallisnieri et de Mor-
gagni. II est mort le '26 septembre
1757, connu par quelques poésies
et par des livres de médecine : tels
que : Uso,Htilita è storiadelle acque
termali di Trescorio , nel territorio
di Bergamo , Venise , 1749? ^uovo
Metodo per curare il canchero co-
perto e specialmente leghiande scir-
ro^e, Venise, 1760. 11 est honora-
blement cité dans la 3^ partie des
Dissertations hi storiques de Fr.Xav.
Quadrio , sur la Valteline. — Un
autre Quadrio ( Jos. -Marie ) , un peu
plus ancien que les deux précédents,
était archiprêtre de Locarno , sur le
lac Majeur. Il a publié, en 171 1 ,
à Milan , une Paraphrase lyrique en
vers italiens du Stabat,àuDies irœ,
et de quelques autres proses qui se
chantent à l'église. D — N — u.
QUANZ ( Jean-Joachim ), musi-
cien, naquit en 1697, à Obersche-
den, village situé près de Goltingue.
Son père qui était maréchal-fer-
rant , l'avait destiné au même mé-
tier. Mais le fils s'étant plu, dès sa
378
QUA
première jeunesse , à jouer de la bas-
se , «i la grande satisfaction des pay-
sans de son villa';e, et ayaut pris
du goût pour la musique, se mit, à
l'à^e de dix ans , en apprentissage
chez son oncle , qui était musicien
pensionnaire de la ville de IMers-
Lourg,oùQuanz eut dans lasuiteToc-
casiou de former son goût dans
l'orchestre du duc. Il alla, en 1714»
à Dresde, y fut nomme, deux ans
après, musicien-pcnsiounairc de la
ville, et admis, en 171H. comme
hautbois, à l'orchestre de Varsovie,
où la flùlc devint l'objet de son ap-
j)licalion particulière. Il fil, en \']i\y
le voyage d'Italie, à la suite de l'am-
bassadeiirdc Pologne; vit, à N'aples,
fiasse et Searlatti, dont il sut se con-
cilier l'amilie; visita Paris et Lon-
dres; et, de retour à Diesde, obtint
une place dans l'urclicstre de la
cour. Le grand Frédéric , n'étant
encore que prince royal, avait re-
çu de lui des leçons de flûte : dès
«[u'd fut monte sur le trône , il
appela Quanz à lierlin, lui donna
une pension de deux mille cens avec
d'autres avantages, et il prit plaisir
à exécuter souvent des duos avec lui ,
jusqu'à la mort de l'artiste, qui eut
lieu , à Potsdam, le li juillet 1773.
Quanz passait pour un des pi us grands
virtuoses sur la flûte, et il perfec-
tionna cet instrument. En 171G, il
commença par y ajouter une languet-
te; en i7Ji , il inventa le bouchon,
à l'aide duquel on peut faire baisser
la flûte ou hausser de ton , sans avoir
besoinde toucher au corps de rechan-
ge. Il établit, en 1739, un atelier;
et la fabrication de se> instruments
lui rapporta beaucoup d'argent. Son
ouvrage intitule : Instruction pour
jouer de la flûte , Berlin , l'jïîj , iu-
4"., eut plusieurs éditions, et a e'tc
traduit en français cl en hollandais.
QUA
Comme compositeur, Quanz ne tra-
vailla guère (pie pour son royal dis-
ciple, à l'usage duquel il composa,
diton, '^99 concertos et 200 so-
los; mais celles de ses compositions
qui ont etd publiées sont estimées des
gens de l'art, et font preuve de sa
j)rofonde connaissance de l'harmo-
nie. Rotermund cite de lui, en fran-
çais , sous le nom de Quouance,
une suite de pièces à deux flûtes,
publiée en 17 -'.9. Pour montrer quels
furent l'attachement , la tendresse
même du roi pour son instructeur,
il suflira de dire qu'il prit person-
nellement soin de lui , (pi'il rem-
plaça souvent son médecin , et qu'a-
{irès sa mort , il lui érigea un très-
jcau monument. L — o.
QU ARI\ ( Joseph ) , raédccin célè-
bre , na(|uità Vienne le 19 novembre
1733. vSon père, médecin di.^tiugué
de cette ville, lui procura une ex-
cellente éducation. A l'âge de i5ans ,
le jciuie Quarin fut reçu docteur en
plMloso|)hie ; et , à dix huit ans , il /
obtint à Fribourg, en Brisgau , le
grade de docteur en médecine. D'a-
près l'invitation de Van-Swieten ,
il se livra à l'enseignement, et il
fit , à l'iuiiversité de Vienne , eu
1754 et en 17JO, des cours sur l'a-
natomie et. la matière médicale. Il
continua ensuite ses leçons à rh(')pi-
tal des frères de la Charité, dont il
fut le médecin pendant vingt- huit
ans. En 1 706 , il fut nommé conseil-
ler aulique, etmédecin-inspecleurde
la Basse- Autriche. Ce fut vers cette
époque que Storck son maître fil re-
tentir l'Europcdessuccèscju'il préten-
dait avoir obtenus de la ciguè contre
les«alJ'ections cancéreuses. Quarin (it
des essais sur ce médicament ; et il en
publia les résultats en i76j. Quel-
ques années après, il donna au public
un Traité des fièvres , que suivit
QUA
bientôt après son Traité des inflam-
mations. Ces deux ouvrages eurent
un grand succès en Allciaagne , et
furent traduits en anglais et en ita-
lien. Peu s'en fallut que la carrière
de noire me'decin ne fût ici terminée:
il fut atteint , en 177a, d'une fièvre
putride , qui mit sa vie dans le plus
grand d;inger. Il reçut , à ce sujet,
comme il l'a consigné dans ses écrits,
des témoignages du plus vif intérêt,
de la part des habitants de Vienne;
et il dut son rélablissement aux. bons
soins de Storck, son ami. Les tra-
vaux de Qnarin lui avaient acquis
une juste célébrité: l'arcliiduc Fer-
dinand étant tombé dangereusement
malade à Milan en 1777, Quarin
y fut envoyé parMarie-Thérèsepour
diriger son traitement : il fut assez
heureux pour rétablir la sauté du
prince, qui , par recounai'^^sance , le
fît nommer son médecin. Eu 1781 ,
Quarin reproduisit son Traité des
fièvres , et celui des inflammations ,
réunis en un seul corps d'ouvrage.
Emonnot, praticien distingué, cpie la
science vient de perdre , en a donné
une traduction française en 1800.
Quarin étant de retour de Milan ,
l'empereur Joseph II le nomma mé-
decin de l'hôpital- général , et , quel-
que temps après, son premier n)é-
decin, il profita de l'influence que
lui procurait ce poste éminent pour
perfectionner l'instrucliou médica-
le et améliorer le système des hô-
pitaux. Des écoles de clinique qu'il
établit , ont depuis servi de modè-
le à celles qui ont été formées en
Italie et en France : il procura la
fondation d'hôpitaux , et s'occupa
de surveiller leurs moyens de sa-
lubrité. Dans la vue de donner à
ces établissements toute la perfection
dont ils étaient &n.sceptibles , il fit un
voyage en France, en Angleterre , en
QUA
379
Italie, pour visiter ceux de ces dif-
férents pays , afin de connaître ce
qui avait trait à leur économie , à
leur assainissement , et à leur ad-
ministration. Les occupations nom-
breuses de Quarin ne lui permi-
rent pas de continuer ses fonctions
de médecin à l'hôpital-général ; il
s'en démit en 1791 : mais l'acti-
vité de son zèle pour tout ce qui in-
téressait l'exercice de sa profession
ne se ralentit pas : il remplit six fois
les fonctions de recteur à l'univer-
sité; et il publia divers ouvrages sur
la médecine , et notamment ses Ob-
servations pratiques sur différentes
maladies. Ce dernier ouvrage a été
traduit en français par M. Sainte-
Marie , sous le titre impropre d' Ob-
servaiions pratiques , sur les ma-
ladies chroniques^ 1807, in -8°.
Quarin jouit de son vivant d'une
grande réputation ; et ses services
furent honorablement récompensés.
Les sociétés de médecine de Co-
penhague , Londres , Venise , Vien-
ne , l'admirent au nombre de leurs
associés. Dans la dernière maladie
de Joseph II , ce monarque ayant
demandé à Quarin ce qu'il pensait
de son état , celui-ci eut la candeur
de lui répondre qu'il ne restait au-
cun espoir , et que sa Majesté n'a-
vait que peu de jours à vivre. L'em-
pereur lui sut gré de cette franchise;
il lui décerna le titre de baron , et
lui fit présent de raille souvei'ains
d'or (environ 20,000 liv.) En 1797,
Quarin reçut le titre de comte; et en
1808, le cordon de l'ordre de Saint-
Léopold. Son buste , exécuté en mar-
bre en 1802 , fut placé avec solen-
nité dans la salle consistoriale de l'u-
niversité. Ce respectable médecin est
mort le 19 mars i8i4-Les ouvra-
ges de Quarin ont eu peu de succès
en France : ils n'y ont guère été cou-
38o QUA
mis que par les traductions trop tar-
dives d'Enionnot et de M, Sainte-
Marie: ils sont remplis de vues pra-*
tiqucslrès-sages ; mais ils pèchent par
des divisions peu exactes, et par des
théories erronées sur les fièvres, théo-
ries qui répjnaient au moment où ils
ont été publiés. En voici la liste : I,
Tentumina decicutà, Vienne, 1761,
iu-8". II. Mdlhodus medendanim
fehrium , ib. 1772, in-H". III. Me-
thodus medendi inflammaliones ,
ib. i774,iu-8\ IV\ Nouvelle édition
de ces deux derniers ouvrages sous
ce titre : De ciirandis febribus et in-
jlammatinmbus commentatio, ib.,
1781. V. Tractalus de morbis ocii-
lontm. VI. De Entomid nord et
iilili phjsico - medicè consideratd.
VII. Considérations sur les hôpi-
taux de Fienne ^qw allemand, 1784.
VIII. Animadversinnes practicœ ,
in diversos morbos . ib. 1 786 , in 8".
L'auteur avait annoncé des Obser-
vations sur la digitale , et une Phar-
macopée, qui n'ont pas e'té publiées.
N— H.
QUARREY ou QUARRÉ ( Jean-
HcT.UEs), écrivaiu ascétique, né, en
i58o , à Poligiii , d'une famille no-
ble, acheva ses études à l'université
de Paris : après avoir pris ses degrés
en .Sorbonno, il fut nommé cha-
iioinc-lhéologal dans la collégiale de
sa ville natale , et se démit de celte
prébende pourentrer, en i6i7,dans
la congrégation naissante de l'Ora-
toire. Sa pieté, sa douceur, et son
talent pour la rliaire, l'avant bieniôt
fait connaître d'une manière avanta-
geuse, rarclievc(|uede Malines. Jac-
ques Boonen , le demanda , en 1 634 ,
pour remplacer le P. Bourgoing dans
le gouvernement des maisons de l'O-
ratoire de Flandre , et se l'attacha
personnellement par un canonicat
dans son église métropolitaine : mais
QUA
Quarrey en abandonna les revenus à
la maison de l'oratoire de Malines.
Il mérita la confiance de l'infante
Isabclle-Claire-Eugénie, gouvernante
des Pays-Bas, qui le choisit pourson
confesseur, et lui fit obtenir le titre
de prédicateur du roi d'Espagne. Ce
fut pendant son gouvernement que la
partie de la congrégation de l'Ora-
toire établie dans les provinces bel-
giques , se sépara de l'Oratoire de
France , et se soumit au régime d'un
chef particulier , qui , sous le titre
de prévôt, devait néanmoins cire con-
firmé par le général de cette congre'-
gation. Ce pieux ecclésiastique mou-
rut à Bruxelles , le 26 mai i656 , en
odeur de sainteté. Par son testament
il légua tous ses biens à la maison de
l'oratoire de Poligni , dont il était
l'un des fondateurs. On a de lui plu-
sieurs ouvrages qui eurent un grand
succès dans le temps; mais le style
en est suranné. Les principaux sont:
I. Le Trésor spirituel ^Parh , i036,
in-8''.; la septième édition est de
1 6G0. II. Traité de la pénitence chré-
tienne , ibid. , 1G48, ïn-i-2. III. La
Fie de la U. Angele , fondatrice des
Ursulines, ibidem , 1G48 , in- 12.
IV. Le Biche charitable , Bruxelles ,
i053 , in- 12. V. Direction sjnri-
tuelle , avec des méditations, ibid. ,
1 654 > in-8''. — Guillaume Quarre,
chirurgien de Paris , publia , en
)638 , un Traité de myologie en
vers latins , Myolo^ia heroïco versa
explicata , in-4°. de 4" P^g. , dédié
à Bouvard , premier médecin du roi.
— Thomas QuarrÉ ou Carré , con-
fesseur des bénédictines anglaises , à
Paris , à l'époque de la contestation
sur l'auteur de V Imitation de J.-C. ,
a publié, contre les Conjectures ou
Remarques apologétiques de dom
Valgrave en faveur de J. Gorsen ,
des Preuves ou Réclamations con-
QUA
traires pour Kempis, Paris , lô^i ,
in-i2 , en anglais ( avec le texte ) ;
1644 > in- '2, en français ; et i65i ,
in-S". , en latin, avec une préface de
Naude'. W — s et G — ce.
QU ATREMAIRE ( Dom Jean Ro-
BERT ), bénédictin de la congrégation
de Saint-Manr , naquit , en 1 6 1 1 , à
Gourzeraux, dans le diocèse de Soez,
embrassa l'état monastique à l'âge de
vingt ans , et employa toute sa vie à
défendre la gloire et les intérêts de
son ordre. Dans la fameuse querelle
sur l'auteur du livre de l'Imitation.
il publia deux Dissertations pour éta-
blir les droits du prétendu Gersen ,
abbé de Verceil , contre le père
Fronteau, l'un des plus ardents dé-
fenseurs de Kempis ( P^. Fronteau ,
XVI , 1 1 7 ). Le rôle important que
D. Quatremaire joua dans celte dis-
pute , à laquelle toute l'Europe prit
intérêt , étendit sa réputation ; et il
fut appelé par ses supérieurs à l'ab-
baye de Saint-Germain-des-Prés ,
dont il défendit les privilèges contre
le savant Launoy , redoutable ad-
versaire de toutes les erreurs et de
tous les abus nés dans les siècles d'i-
gnorance ( if^. Launoy ). D'autres
débats occupèrent encore D. Quatre-
maire ; mais l'affaiblissement de sa
santé l'ayant forcé d'interrompre
ses travaux , il se rendit à l'abbaye
de Ferrières , en Gatinois , pour s'y
soigner. En entrant dans la rivière
pour prendre un bain , il tomba dans
un creux d'eau , et s'y noya , le 7
juillet 167 1 , à l'âge de 59 ans. C'é-
tait un homme d'esprit et plein d'é-
rudifion ( i ) , mais ardent et causti-
que , comme la plupart des savants
de son temps. Ses principaux ouvra-
(1) Conrartl* regardait comme le plus savant hé-
nédictin ^{ui €ùt alors en Fraiïcc. Voy. sa Liste des
gens de lettres , etc. , dans la Bibliothèque des livres
nouveaux (par Camusat), août 1726 ,p. i4o.
QUA
38 r
ges sont : I. Joannes Gersen , Ver-
cellensis ordinis Sancli Benedicti
abbas, librorum de Imitatione Chris-
ti auctor assertus , Paris, 1649, in-
80. IL /. Gersen auctor librorum
de Imitatione Christi iterùm asser
tus , ib., i65o , in-8"\ (7.)IIL UÉ-
pitaphe de Math. Mole , garde-des-
sceaux en France ; elle est insérée
dans VHist. littér. de la congrégat.
de Saint- Maur , 74-78 ; — celle de
Jérôme Bignon , dans le recueil des
Éloges de ce grand magistrat , à la
icieàes Formules de Marculphe ; —
et une Pièce ( Epicedium ) sur la
mort de la reine Anne d'Autriche
( i666) , imprim. in-H". et in-40.
IV. Privilegium Sancti - Germani
adversùs Joannis Launoii inquisi-
tionem propugnatum , Paris, 1657,
in-8°. D. Quatremaire y soutient
que l'abbaye de Saint-Germain est
exempte de la juridiction de l'ar-
chevêquede Paris. Celtecontestation,
qui ne présente plus aucun intérêt ,
fit éclore de part et d'autre plusieurs
ouvrages , dont on trouvera les ti-
tres dans la Biblioth. historiq. de
France, n». i -2497-504. V. PnVf-
legium Sancti-Medardi Suessonien-
sis propugnatum , Paris , i GSg , in-
8". VI. Concilii Bemensis , quod in
causa Godefridi, Ambianensis épis-
(2) Nous devons ici restituer à D. Quatremaire ,
avec D. Delfau lui-même ( Voy. ce uora ) , le texte
publiéparce deniier, du livre Dt Imitatione Cliris-
ii ,en 1674- C'est en redonnant, la même anne'e , sa
dissertation préliminaire considérablement aug-
mentée , que D. Delt'au reconnaît qu'il doit I2 tra-
vail de son édition du texte latin de l'Imitation ,
aux soins de D. Quatremaire ( Qui labore iinpro-
ho exeinplaria erlila leeensuil ad derem et oclo
Mss); et il y joint Textrait du privilège du roi
accordé pour l'impression d<!s le iomarsi66p.Nous
nous sommes assurés en effet de la collation de ces
dix-huit manuscrits faite par D. Quatremaire ,
quoiqu'ils ne soient pas indiques dans Tédition , et
qu'elle ait admis dans le texte beaucoup de leçons
non autorisées. L'auteur de la ])résente note fait
connaître ces leçons, ces manuscrits, leurs varian-
tes, etun grand nombre d'autres, discutées et com-
parées , dans son édition latine de V Imitation , qui
est la base de la nouvelle Traduction française
qu'il a publiée en tSao. G — ce.
382 QUA
copi , celehratum fertur , falsitas
demonstrata , \\i\AQm , i663,in-8^.
C'est une défense des droits de l'ab-
baye de Saint-Valery. Vil. Histoire
abrégée du Mont Saint-Michel, a\cc
les motifs de son ]»clermaj;e , ibid, ,
16G8 . in-r2. D. Qiiatromaire a lais-
sé quelques ouvrages en manuscrit.
On peut consulter , pour plus de dé-
tails , la Bibliothèque ri et). Le Cerf ,
et V Histoire littéraire de la rongré-
sation de Saiut-Maur ( par D. Tas-
sin \ p. "9.-80. VV — s.
QUAUHTEMOTZIN. r. Guati-
Mozm.
QUENSEL (Coî^rad), mathé-
maticien, ne à Slorkholin en i<376,
mort à Lund le i3 janvier i73>. ,
professa les matliémaliques à Abo
en Finlande , à Peruau en Livonie ,
et à Luiul en Scanie. Dans eetfe der-
nière ville, Charles XIl s'entretint
plusieurs fois avec lui, et assista à
ses leçons. En 179.8, Quensel fut re-
çu membre de la société royale d'Up-
sal , (|ui venait di- se former, et en-
ricliit depltisicurs savants Mémoires
le Recueil que cette socictécommen-
çait à publier. Les autres Disserta-
tions ou Mémoires dont il est l'au-
teur, sont indiqués dans la secon-
de partie de l'Histoire de l'universi-
té' de Lund, par Doeboln , où l'on
trouve quelques détails sur ta vie de
Quenscl. ( f'o^-. aussi les^éctn lit ter.
Sueciœ , tom. m (173 J) , paj;. 88;
et le Dictionn. de Chaufcpié. ) —
Conrad Quensll, delà famille du
préccdeut , ne, en 17(38, .i Iley-
aa,près d'Ilmenau , en Scanie , est
mort, le 'xi août i8of>, à Stoc-
kholm , où il était intendant du ca-
binet d'histoire naturelle de l'acadc-
mic des sciences. 11 fit un voyage en
Lapouie, pour observer le climat, les
productions et surtout les papillons
de ce pays. Peu après , il fut chargé
QUE
de rédiger en suédois le texte d'une
collectiondesplautesde Suéde, ayant
pour titre : Flore suédoise. 11 s'oc-
cupait d'un grand travail sur l'his-
toire naturelle , lorsque la mort l'en-
leva , à l'âge de trente-lniit ans. 11
était l'ami du célèbie Oiof Swartz,
professeu r de botani(|ue à Stockholm,
et l'un des plus habiles botanistes
de l'Europe. C — av.
QUENSTEDT ( Jean - Andué ),
savant théologien protestant, naquit,
en 1617 , à Quedlimboiirg, d'une
famille patricienne: après avoir re-
çu des leçons d'instituteurs particu-
liers , il fréquenta le gymnase de sa
ville natale, pour se perfectionner
danslacounaissaiicedes langues grec-
que et latine. Il .se rendit ensuite à
l'université d'Helmstadt, où il étu-
dia la théologie pendant six ans , et
prit, en i()43, le degré i!e maître-
ès-arls. L'année suivante, il vint à
Wittemherg, où il continna de don-
ner des leçons de géographie et d'his-
toire. Mais les thèses qu'il eut l'oc-
casion de soutenir dans diirérentes
circonstances l'ayant fait connaître
avantaîreusement, il fut aîrréiic <î la
faculté de philosopliic; et, Lyserus
étant mort, en 1647, '^ '"' succéda
dans la chaire de théologie , qu'il
remplit avec distinction. Il obtint,
en 1660 , le titre de professeur or-
dinaire , et fut nomme directeur du
pensionnat du collège électoral. La
prévôté de l'église de Tous-les-Saints
devint la 1 écompense de ses services
dans l'enseignement; et il mourut, le
22 mai 1G88, à l'âge de soixante-
onze ans. Quenstedt avait été marié
troisfois. Ona de lui plus desoixante
Dissertations sur différentes ques-
tions théologiques, dont on trouve-
ra les titres dans le tome xxxii des
Mémoires de INiceron , et parmi les-
quelles on distingue les suivantes :
QUE
De mistione linguarum^ Gènes., xi,
g ; — Explicatio Dei maussim, Da-
niel, XI, 38; — De germine Jeho-
vœ et Davidis Christo-Jesu, Jerem.,
XXIII , 5 ; — De petitione Naamani
Syri ; — De puritate fontium hebrcei
f^eteris^et grœci Novi-Testamenti;
— De deprecatione calicis Christi,
Matlh. , XXV, 36 ; — De lectione
Scripturœ sacrœ làicis concedeiidd;
— De primitiis et decimis Hebrœo-
rum et Christianonim; — De Pau-
lind Petriincrepatione ; — De aqud
ex Christi latere profluente,] oànn.,
XIX, 34- Quelques Dissertations de
Quenstedt ont été' inse'rc'es dans le
Thésaurus fhenlogico-philologicus.
On cite encore de lui : I. Sepultura ve-
teriim , seu Tractatiis de antiquis ri-
tibus sepulchralibus G nvcorum , Ro-
mannrum^ Judœoritm et Christia-
nnruin, Wiltemberg, i648, iG6o,
in-8°. Ce savant Traite a été inséré,
par Gronovius , dans le tome xi du
Thesaur. antiquitat . grcecar. , et
réimprimé à la suite de l'ouvrage
suivant : II. Anllqidtales biblicœ et
ecclesiasticcF, ibid., i688, itigS, in-
4^.111. Dialogus de pat riis illustrium
doclrind et scriptis virorum, om-
nium ordlnum ac facidtatinn ^ qui
ab initio mundi per universum ter-
rarum orbem usque ad annuin 1 6oo
cluruenmt, ibid., i654 et 1691, in-
4". , rare. C'est une espèce d'histoire
littéraire , distinguée par l'ordre des
pays ; elle commence par l'Espagne
et finit par l'Ethiopie. On y trouve
des notices trop peu détaillées sur
les savants; et l'ouvrage , d'ailleurs
érudit, et puisé, sur chaque genre,
dans les meilleurs auteurs connus ,
mais qui ne sont paslouiouis exacts,
contient beaucoup cl erreurs cJiro-
nologiques et géographiques. IV.
Ethica pastorum et instriictio ca-
thedralis , ibid., 1678, in S''.; 3^.
QUE 383
éd., 1708, même format. V. Theo-
logia didacticopolemica , sive sys-"
tema theologicum , ibid., i685 et
1696, in- fol. W-s
QUER Y MARTINEZ (Joseph ),
botaniste espagnol , né, en i()q5,
a Perpignan , y reçut sa première
éducation , et se livra à l'étude de la
botanique, de l'anatomieetde la chi-
rurgie. Il fut ensuite nommé chirur-"
gien-major d'un régiment espagnol,
et resta , comme son père , attaché k
son ancienne patrie, quoiqu'il fût de
venu Français par la cession de sa
ville nataleà la France. Queraila suc-
cessivement herboriser dans les pro-
vinces orientales de l'Espagne, sur
les côtes d'Afrique, où son régiment
faisait partie de l'expédition d'Oran;
à Naples, en Sicile, où il fut nommé
chirurgien-major de plusieurs hôpi-
taux; etdans les autres partiesde l'Ita-
lie, où il cultiva aussi la chimie. Reve-
nu en Espagne, en i 737, il s'établit
chez le frère de son colonel , le duc
d'Atrisco, devenu son Mécène. II
mit en ordre ses colleclions, et for-
ma dès - lors le projet de composer
une Flore espagnole, pour laquelle
il réunit encore , dans son pays , de
nombreux matériaux. En 174*2,, il
revit l'Italie, en qualité de chirur-
gien-major de l'armée , et sut allier
les devoirs nombreux de sa nouvel-
le place avec le commerce des natu-
ï'alistes italiens , et les excursions bo-
taniques. Lors de l'atiaque du camp
de Viterbe par les Allemands , ne
voulant pas quitter le duc d'Atrisco
au moment du danger , il fut fait
prisonnier , mais bientôt relâché ,
après avoir été dépouillé de tous
ses vêtements , ne conservant que
son herbier, qu'il avait confié au tré-
sorier-général de l'armée. A la paix,
il revint en Espagne par le midi de
la France , où il vit Sauvages et Bar-
384
QUE
rère. Accueilli par la duchesse d'A-
trisco, devenue veuve, il profita de
sa protection pour semer dans ses
jardins les nombreuses graines que
ses voyages lui avaient procurées ,
ainsi quecellesquedenouvellesexcur-
sions en Espagne lui rapportèrent ,
et celles qu'il continua de recevoir
de France et d'Italie. Il ne tarda pas
à manquer d'espace ; et alors il fit
l'acquisition d'un jardin, dans le voi-
sinage, où, en peu d'années, il reu-
nit plus de deux mille espèces. Cet
établissement, le premier de ce gen-
re qui fut forme en Espagne, accrut
beaucoup sa réputation, et répandit
le goût de la botanique. Les succès
de Quer doimèrcnt à Charles III l'i-
dée de créer un jardin de botanique
dans le potager du Prado : mais ce
projet ne fut mis à exécution que
sous Ferdinand VI , en i']55. Les
plantes cultivées dans le jardin de
Quer firent le fond de celui du roi ,
et lui-même en fut nomme le pro-
fesseur. Les premiers progrès de la
botanique en Espagne furent dus
aus cours qu'il fit en celte qualité, à
ses conversations avec les jeunes
gens qui visitaient en grand nombre
ce jardin , autant peut- jtre qu'à sa
Flore. Quer renonça dès lors pres-
que entièrement à la pratique de
la cliirurgie, qui lui avait elè très-
utile , et se consacra exclusive-
ment à la botanique. Il avait précé-
demment visite l'Eslramadure et la
chaîne des Pyrc'ne'cs , où il observa
le lagopède et le chamois , dont le
4*. vol. de sa Flore, p. i58 , 5i3
et suiv, , contient des descriptions
détaillées et intéressantes. Il explora
ensuite la Vieillc-Castille et les pro-
vinces maritimes du nord-ouest. Au
retour de ce voyage, il s'occupa de
la rédaction de sa Flore espagnole ,
et mit en ordre les matériaux qui de-
QUE
vaîcnt remplir les derniers volumes;
mais il n'eut pas la satisfaction de
terminer cet ouvrage. 11 mourut d'u-
ne fièvre inflammatoire, le u) mars
1764. Avant Quer, la botanique était
tiès-peu cultivée en Espagne. 11 con-
vient lui-même, et c'est aussi l'opi-
nion de Rodriguez, que les Espa-
gnols n'avaient aucun botaniste mar-
quant à opposer à ceux des autres
nations. Laguna , moins natur.disle
que médecin, n'était connu cpie par
un Commentaire sur Dioscoride.
Hernandez , Garcias ab Horto, A-
costa , IMoiiardès, avaient fait con-
naître un grand nombre de plantes
utiles desdeux Indes; mais ils avaient
très-peu avancé la botanique. Jacques
Salvador, contemporain et ami de
Tournefort, était seul nommé avec
distinction , quoiqu'il n'eût rien pu-
blié. Les plantes de l'Espagne n'étaient
connues que par les heiborisations
ou les ouvrages de l'Ecluse, Tourne-
fort , Ray, Ijarrelier et Ant. de Jus-
sieu , Ltt'filing et d'autres étrangers.
Quer fut le premier Espagnol qui
publia un travail sur les plantes de
son pays. Les quatre premiers volu-
mes de son ouvrage parurent , en
l'jGî, sous le titre de Flora Kspa-
hola , b historia de las piaulas que
se crian en Fspaila, etc., in - 4".,
Madrid, avec iwc dédicace au roi,
une petite carte de la Péninsule et
188 planches. Le premier volume
se compose: i". d'une Lettre du P.
A.-J. Rodriguez à Quer, sur l'état
de la botanique en Espagne et la Flo-
re de Quer; i*^. d'un Avis au lecteur,
annonçant unesuile de Mémoires spé-
ciaux, qui n'ont point été publiés;
S'*, d'une Introduction j 4"- ^^^ '^
traduction espagnole de VJsagoge
de Tournefort ; 5<*. d'une Analyse
des méthodes botaniques. L'auteur
les passe toutes en revue : il donne
QUE
la préférence à celle de Tournefort ,
dont il est grand admirateur , et se
montre fort injuste envers Linné',
dont il critique les de'fauts , sans par-
ler des immenses services que ce
grand homme avait rendus à la bo-
tanique. Le second volume contient
un Avis au lecteur, dans lequel Qiier
cliercheà prouver, par de nouveaux
fiits et de nouveaux argnmenls, que
le système sexuel est totalement dé-
pourvu de fondement; un petit Dic-
tionnaire botanique; une Lisîedes au-
teurs espagnols qui ont écrit sur
l'histoire naturelle; enfin le com-
mencement delà Flore , dont les troi-
sième et quatrième volumes com-
prennent la continuation. Les des-
criptions en sont fort détaillées ; et
elles sont accompagnées de tout ce
que l'auteur a pu rassembler d'inté-
ressant sur l'utilité des plantes et
leurs propriétés chimiques. Celte
Flore est disposée par ordre alplia-
bétique, ce qui l'a empêchée d'avoir
tout le succès qu'elle méritait sous
quelques rapports. Qucr n'a tenu au-
cun compte de la réforme opérée
par Linné dans l'élude de l'histoire
naturelle, et ne cite sa synonymie
que rarement et d'une manière in-
complète. La crypîogaraie y est omi-
se presque en entier, tandis que les
coraux, corallines, etc., y figurent
parmi les plantes, Quer reg?.id;iiit en-
core la question comme indécise,
quoique B. de Jussieu eût prouvé,
"vingt ans auparavant, qu'ds appar-
tenaient au règne animal. Enfin ,
dans cet ouvrage, qui n'est point un
traité de matière médicale, les dé-
tails sur les propriétés sont hors de
proportion avec la botanique pure.
C'est ainsi, par exemple, que dix pa-
ges sont consacrées à Valoës^ vingt
au bouleau, quarante-deux à la ci-
guëj etc. Ces défauts ne doivent pas
XXX Yl.
QUE 385
empêcher de reconnaître les servi-
ces rendus par Quer à la botanique:
et c'est avec raison que Lœffling lui
consacra le genre Queria, de la fa-
milledes légumineuses , qui fut adop-
tépar Linné lui-même. Ortega f P^. ce
nom), continuateur de cette Flore,
obligé de suivre le même ordre, a su
du moins éviter quelques-uns de ces
défauts. Les cinquième et sixième
volumes parurent en 1784, Madrid,
in - 4°., avec le portrait de Quer et
vingt-quatre planches. Le cinquième
est précédé d'un Éloge historique de
Quer, d'où nous avons tiré les dé-
tails biographiques de la présente
notice. Le quatrième se terminait par
le genre Cornus; mais Quer avait lais-
sé des matériaux jusqu'au genre
Sium. Ortega en profita, donnant
toutefois moins d'étendue h l'exposé
des propriétés, et en retranchant les
analyses chimiques. 11 a également
abrégé la synonymie, ne citant que
Tournefort, Linné, quelquefois La-
g'.uia , et un petit nombre d'autres ; et
il a trouvé le moyen de rendre la Flore
utile, en rapportant , dans un tableau
de concordance, les genres de Quer
aux classes de Tournefort. Eu un
mot , la seconde partie de la Flore est
fort supérieure à la première. Elle
n'est pourtant pas exempte de dé-
fauts particuliers à Ortega. Ainsi la
plus glande confusion rogne dans les
graminées , presque toutes rangées
sous le nom général de granien.
Deux espèces à'eschara T, ( millepo-
ra, L.), et cinq de lilhophjton , T.
( gorgojiia , L. ) , sont maintenues
dans le règne végétal, quoique Or-
tega dise, en note, que ces derniè-
res n'en font point partie. 11 cite
exactement la synonymie de Linné;
mais il n'adopte aucun de ses genres.
Enfin cet ouvrage, pour l'exposé des
caractères génériques et les descrip-
25
386
QUE
lions .spc'cifiqucs, n'csl millemcnl au
niveau de la science , telle qu'elle
t'iait à cette époque, et il est fort infé-
rieur aux. Décades du lutme auteur.
D— u.
QUERBEUF ou QUERBOELF
( Yves-INIatul'rin-Mauie ue ) , litté-
rateur, ue, àL;iuderuau,le 1 3 janvier
iT'iG , entra chez, les Jésuites , et fut
chargé de renseignement de la rhé-
toriquedansdiflcrcnts cullcges. Après
l.i sup])ression de la société, il s'éta-
blit à Paris , et continua d'y cultiver
les lettres dans la retraite, restant
(•tranj;er à toutes les iutri'j;ues. Obligé
de fuir la France , ou j ']iyi , pour
se soustraire aux mesures odieuses
prises à cette époque contre les prê-
tres , il abandonna sa bibliothèque,
qui fut conGsquéc. On y trouva le
Recueil des lettres autu-iraphcs de
Hilet, dont IM.M. Poirier et liaibier
ont public la IS'vlicc dny\i\c Juurnal
des >rti'rt»/i de l'année \'](^K p-334>
Qt (|ui fait partie .'m)(.iirirhni des
manuscritsdela bibUolhècpie du Roi.
L'abbé de Querbcuf , que ses talents,
ses vertus et son zèle pour la reli-
gion, rendaient également estimable,
est mort eu Allema{;nc, vers 1799,
dans nû âge avanré. On a de lui :
une Ode sur la naissance du duc de
Bret(ts.ne; et la Tradiui. française
de V Elo^e funèbre du duc de Bour-
gogne , composé en latin par le P.
CL Fr. Willermet , Paris , 1761 , in-
4**. et in-iu (1). Mais ses droits à
l'eslirae et à la reconnaissance des
gens de lettres sont principalement
fondés sur les excellentes éditions
qu'il a publiées des ouvrages sui-
vants : Sermons du P. de Neuville ,
Paris , 1770, 8 vol. in- 12 ( F.
î^tuviLLE ). — Mémoires pour ser-
(i) VoT ïiir c<tt* j)i'-te, le> M ni Je Tiivoux,
<e)iUialire 17C1
QUE
wir à l'histoire de Louis , dauphin
de France , recueillis par le P. Grif-
fet , ibid., 1777, 'i- vol. in-12. —
Recueil des Lettres édifiantes et
curieuses écrites des missions étran-
gères ^ ibid., 1780-83, 2(j vol.
in- 12, avec caries et fig. {J'oj.
DuaALDE et Legobien ) , collection
importante , à laquelle on doit join-
dre : jSouvelles des Missions orien-
tales , Paris, 1787. 2 vol. in- 12 ;
et NoiiK'elles lettres édifiantes ,
1818-21, C) volumes in- 12, —
OEuvres de Fénélon , ibid. , 1 787-
»)2, () volumes in -4"-, belle édi-
tion , que le malheur des temj)S n'a
j)as permis de terminer. A la tète
du premier volume , on trouve une
vie très-étendue de Fénélon , dans
laquelle l'abbé Querbeuf a fait entrer
des pièces qui n'avaieni point encore
vu le jour : mais il n'eut pas le loisir
d'employer tons les manuscrits qu'on
ava'it rassemblés jiour cette cntie-
prise; et il a commi.i quelques erreurs
que M. de Bausset a corrigées dans
son histoire de rai(lievc(pie de Cam-
l)rai( /^. FÉ^ÉLo^■, XIV , Soi ). —
Observations sur le Contrat Social
de J.-J. Rousseau , par le P. Ber-
thier, Paris, 1 78(),in- i2.Querbeuf y
ajouta une suite. On lui doit encore :
Frincijies de Bossuct et de Fénélon
suf la Soin'craineté ^ Paris, 1791 ,
in-8". M. Barbier nous apprend que
l'éditeur de cet ouvrage fut l'abbc
l'imery, supérieur de St. Sulpice ( F.
Emery ). — Histoire des intrusions
les plus mémorables tirées des Li-
vres saints , de V Histoire ecclésias-
tique de FIf ury , et de la Fie des
Saints et des Martyrs , trad. de
l'anglais , Paris , 179'* , in-8''. , de
16G pag, ( Fof. le JOict. des ano-
nymes par M. Barbier , 2*=. éd. ,
n". 7891 ). La littéraîurede la Basse-
Bretagne n'était pas moins familière
QUE
à QueiLeuf ((ue celle des Romains:
l'abbe' de Boisbilly, l'abbe de Peiiticz
cl lui, étaient les troubadours du
château de Bicsal près Landcrnau ,
devenu, en 1776, le rendez-vous de
tout ce qu'il y avait d'aimable dans
la Basse- Bretagne. Rien déplus gai
que les Veillées de Bresal : on y fai-
sait des vers bretons et français ( P'.
Kerdanct, Hist. de la langue des
Gaulois, page 74 )• W — s.
QU ERG ET AN US. Foj. Du-
CHESÎVE.
QUERINI (Angelo-Maria), car-
dinal et littérateur , naquit à Venise ,
le 3o mars 1680. Son père, son aïeul
maternel Marco Giustiniani, et deux
de ses frères, ont tous été' procura-
teurs de Saint-Marc (i ). Dès le mois
d'octobre 1687 , ses parents ren-
voyèrent , avec sou frère aine' , au
collège des Jésuites à Brescia. Il y
passa neuf ans à étudier la gram-
maire , les humanités et la philoso-
phie j et soutint avec éclat des thè-
ses publiques : mais pendant qu'on
l'occupait d'études arides , il en
faisait, de lui -même, de ])Ims
utiles, et acquérait de véritables
connaissances qui n'entraient point
encore dans le système de J'ensei-
gneûient : il apprenait particubèrc-
juent la langue française. Comme
ses succès et son caractère studieux
présageaient un littérateur distin-
gué , les Jésuites s'efforcèrent de
l'attacher à leur société; et, si nous
QUE
587
(1) LesQuerini, dit M. Paru, étaient une mai-
son puissante; ils se pieti udaient issus delà fiiniille
■■ .maine des Sulpicius, et, comme tc!s, ils cump-
' lient parmi leurs ancêtres l'empereu-.- Galba, dont
1 • nom a ele' porte par trois Querini , elevis au do-
gat, dès le Iiniliijme siècle. Le provéditcur Léonard
Querini. <jui, eu 10-28, battit la OoUe de Tempe-
reur de Nice'e , a laisse une descripliou de Tile de
Candie , description f[ui se conserve mauuscrite î»
la bibliothique duRoi. Beaucoup d'hommes d'elat ,
nés dans la même famille , figurent dacs Touvrage
de M. Daru; et ceux ijuMle a fournis aux lettres,
dins la Letterali.ra veneziana de Foscariui , il lis
Scnlloii vciiezî.ini du P. Jean degli Agjsliui.
en croyons le récit qu'il en fait, us
ne négligèrent aucun moyen pour y*
parvenir: mais leur institut ne lui
parut pas convenir assez aux éludes
pour lesquelles il était passionné • il
préféra l'ordre de saint Benoît , où
il entra en cfièt , malgré les ef-
forts de ses parents pour l'en dé-
tourner. Au mois de novembre 1 696,
il alla se renfermer dans l'abbaye
des Bénédictins de Florence , et y fit
profession , le î*^'". janvier 1698, en
prenant les prénoms d'Ange-Marie ,
au lieu de celui de Jérôme qu'il avait
reçu au baptême. Ce monastère était
gouverné par un homme de méiite ,
Angelo Ninzio , qui ne croyait pas ,
dit l'académicien Le Beau, que l'igno-
rancefûtunedes vertus monastiques.
Avide de tous les genres d'instruction
le jeune Querini étudia la théologie
la langue grecque , l'hébreu , les ma-
thémaiiques : il lisait avec délices le
Traité de la grandeur, du P. Lami -
et son goût pour la géométrie , scien-
ce qu'il a peu cultivée depuis , an-
nonçait l'esprit judicieux et l'exac-
titude méthodique qu'il porterait dans
toutes les autres. Quoiqu'il trouvât
de très-bons maîtres dans l'iniéritur
de son abbaye, il recherchait la so-
ciété des plus habiles littérr eurs de
Florence. Ses relations avec l ilvini,
Magaloni , GuiJo Grandi , le séna-
teur Buenarotti , le médecin Bellini
et Anlonio Magliabecchi , accélérè-
rent ses progrès en plusieurs sciences;
philosophie, antiquités, littérature
grecque et latine. Magliabecchi lui
procura des occasions de connaître
un grand nombre de savants étran-
gers qui visitaient Florence (2), et
(?.) Le uonveau Z>(c;. hiil. , critiij. et bibliogr.,
dit , d'après Lebeau , que ce fut par ce moyen qu'il
connut le célèbre Newton , alors député vers le
giand-duc Cusme lU. Le célèbre Newton n'alla ja-
maij eu Italie ; et celui que Querini a vu à Floren-
ce , est Henri Ne^vton , dont nous avons parlé ail-
leurs' F. Bp,i:nri\iann \
'l'.)..
388 QUE
dont le plus illustre fut sou confrè-
re Montfaucoa , qui y passa deux
mois , eu i-joo , et dont les entre-
tiens lui inspirèrent le };oùt de l'éru-
dition. Eu 170'i, onfit vcnirQiierini
à Pérouse pour y soutenir une thèse
de tlicoltif^ic: on disput.iit alors Ix-au-
cou[) sur ce qu'on appelait la science
mojenne de Dieu : Quelle est, lui de-
manda un jésuite , la science moyen-
ne que vous rejetez .' Pre'ciscincut
celle , re'pondii-il , qu'admettent et
enseij^nent les Pères de la société de
Jésus ; et tous les assistants applau-
dirent à celte réponse. Après avoir
passé à Venise , auprès de sa famille,
les vacances de 1704, il revint à
Florence , d''où il lit (juchpies voya-
ges à Pise , à Ccsène et a Bulopnc.
Malgré les travaux qu'e\ip;eaienl ses
éludes particulières , et les leçons de
langue hebiaiqueetde tliéologiequ'on
l'avait chargé de donner à ses jrunes
confrères, il jouissait d'ime santé par-
faite; il se peisuaJa néanmoins, en
1709, à l'âge de vingt neuf ans, qu'il
ëtail atl.iquede la pierre : il alla con-
sulter Bellini , qui en ce momentexpi-
rait lui-même par l'elfet du régime
qu'il s'était prescrit pour se guérir
d'une maladie imaginaire. C<'l exem-
ple dissifia les inquiétudes du jeune
professeur, en lui en munlranl les
dangers; et il ne lui fallut pasd'aulrc
remède que la mort de son médecin.
Il Mp|H'ite lui-mè'nc cette aventure,
en y altacliant la date de i 709 , que
Le Beau a conservée : mais il y a la
qiulquc erreur; car Be Uni ( Fcjez
ce nom , IV, 1 19 et l'io ) , est mort
en 1704. Euliaiiié par le hesoin d'é-
tendre ses connaissances littéraires,
Quclrini employa près de quatre an-
nées , depuis le mois de seplerahre
1710 jusqu'en avril 1 7 i 4 , à visiter
ri à étudier l'Allemagne , les Pays-
Bas , l'Angleterre et la France 5 cn-
QUE
tretenant partout d'honorables re-
lations avec la plupart des hommes
célèbres de cette époque. Il connut
en Hollande , Jacques Gronovius ,
Kuster , Jean Le Clerc , et Quesnel
avec Prtitpicil , Fouillou et Biigodc.
Malgré K-s dillcreuces d'opinions
théologiqiies. il Irouvait des charmes
dans leur société: en plaignant leurs
erreurs, il se complaît à louer leur
politesse , leur savoir et leurs vertus.
En Angleterre , il fréquenta Gilbert
Burnet , Thomas Buruet , Beniley,
Hudson , Potier : il regrette de n'a-
voir rencontré ni Adili.son , ni Dod-
well ; mais il vit deux fois Newton ,
qnil avait , répète ici Le Beau, connu
à Florence. C'est une fausse traduc-
tion de l'expixssion , Florentiœ mi-
hi com/erti , dont se sert Querini en
parlant de Newton, de Hickès et de
Bentley ; il veut dire seulement qu'il
y avait connu leurs ouvrages. En
tiaversant les Pays-Bas pour se ren-
dre à Paris , Querini passa plusieurs
jours a la Haye, auprès du cardinal
Passionéi; à Leyde dans la société de
Périzoïiius , de Jacques Beinaid et
de Casimir Oudiu : il eut à lloler-
dam, un entretien amical avec Ju-
rieii, après avoir assisté à une prédi-
cation de ce ministre protestani , oc-
togénaire. Les conversations fl'uu au-
tre \ieil!ard , dn jcsnile Papebroek ,
le retinrent deux j )Uis à An\ers; et
il cul peine à s'arracher de Carabiai,
où FeiU''on l'aei ueilit avec la plus
tendre bienveillance. Durant son sé-
jour à Paris , il habita l'abbaye de
Saint - Germain-des-Prés, qui était
alors l'une des plus savantes acadé-
mies de l'Europe. Ou donneiat une
liste presque complète des savants
efdcs littérateurs fiançais qui vi-
vaient en 1 7 1 1 , 1 2 et 1 3 , s'il fallait
nommer tous ceux qu'il a particuliè-
rement recherchés , ou qu'il rcncon-
QUE
trait réunis chez le cardinal d'Es-
trees , et chez d' Aguesseau. Il ne vou-
lut point quitter la France sans avoir
Sarcouni les provinces , et recueilli
e toutes parts l'instruction qu'elles
pouvaient lui offrir: il fréquenta par-
liciilièrenif^nt le P. Bernard Lanii ,
à Rouen ; l'abbe Le Beuf , à Auxerre ;
Bouhier, à Dijon; et leurs entretiens
littéraires faisaient une heureuse di-
version aux querelles tlicolof^iqiics ,
qu'il entendait retentir tiansles mo-
naslèies et dans les palais épisco
paux. Rentre dans sa patrie , où il
rapportait les fruits de tant d'obser-
vations et de recherches , il fut clwir-
ge , par un chapitre de son ordre ,
d'é:rire les annales des Bénédictins
d Italie. Il n'a jamais jiublié qu'une
SOI te de programme de cette his-
toire ; et bien qu'il ait employé les
années ^']i^, 171 5 et 17 iG à fouil-
ler les biljliolhèqiies et les arcliives
de Venise , de Trévise , de Padoue ,
de Ferrare, de Modène, de Florence,
de Rome, de Nap'es et du Mont
Cassin ; malgré les renseignements
et les secours que lui ont fournis quel-
ques-uns des conservateurs de ces
dépôts, surtout Muraloriet Assemani,
il a fini par renoncer à ce traA^ail.
Cependant la partie la plus difficile
en avait été déjà faite par Mabillon ,
dans les annales Benedictinl , dont
les cinq premiers volumes in-folio,
publiés de 1703 à 17 13, condni-
s. lient jusqu'à l'an 11 16, l'histoire
de l'oidreeutier de saint Benoît. Quoi
qu'il en soit, Querini, d.nis son pre-
mier séjour à Rome , depuis le mois
de décembre 171 4 jusqu'au mois de
septembre 1716, obtint l'amiàc de
Lambertini (depuis Benoît XIV ), et
les bonnes grâces de Clément XI,
alors pape, qui eut avec lui plu-
sieurs entretiens secrets sur les affai-
res de France, Toutefois le souverain
QUE 36o
pontife ne voulut pas consenlir à la
publication d'un premier tome d'his-
toire monastique, que le P. Querini
avait préparé , et qui devait conte-
nir certaines chartes extraites des ar-
chives de l'abbaye de Farfa. Les
examinateurs y avaient remarqué
des dispositions propres à compro-
mcltie les droits de la cour romaine;
et malgré les explications de l'édi-
teur . Clément XI lut inflexible. Dcs-
lors Querini résolut de ne plus s'oc-
cuper de cet ouvrage , et entreprit ,
en «718, une édition des livres litur-
giques de l'Église grecque, et des au-
tres chrétiens Orientaux. Ou établit,
pour l'examen de ces livres , une
congrégation dont il fut membie :
il l'était fléjà de quelques autres. Le
pl.in qu'il se hâta de rédiger de son
nouveau travail ayant été approuvé,
il eut bientôt mis en ordre un pre-
mier volume ; et les censeurs du ma-
nuscrit n'y trouvèrent rien à repren-
dre. Pour le récompenser de sou zèle
et surtout de sa docilité , Clément
XI le fit abbé de ce inonastèie de
Florence , où il avait embrasse l'état
religieux ; il était même question de
lui donner l'évêché de Bergarae : le
siège n'ayant point vaqué , comme
on s'y attendait , il fut nommé
consultcur du Saint-Office, emploi
souvent considéré comme un aA^ant-
coureur du cardinalat. L'impression
de ce premier tome de liturgie grec-
nue ne s'acheva qu'en \']ii ', Inno-
cant XIll , qui venait de succéder à
Cément XI , en reçut la dédicace.
De nouvelles intiigues forcèrent Que.
rini d'interrompre ce second travail :
revenant à l'histoire monastique , i\
mit au join-, en 1723, une Vie de
saint Benoît, attribuée à saint Gré-
goire-le - Grand , avec une version
grecque qu'on dit être du pape Za-
chane; et ce volume, dédié encore à
'6go
QUE
Innocent XIII , lui vjIuI l'aichcvc-
chedcCurloti.Ses.iinis leplaiguaient
(1*11110 telle dcsliiialion : il ne sougra
qu'à la biea i.'MiHr, et après un
voyage à Venise, c " il sclourna deux
mois au sciu de sa famille , il alla
s'embarquer à Otrnntc,et arriva dans
son île au mois Je juin i7"-i4- ï-'<'s
magistrats s'empressèrent lic lui ac-
corder les immunités et les préséan-
ces qu'ils avaient disputées à ses
prédécesseurs; et il eut le bonheur,
non moins inespéré, de se concilier
l'amitic des Grecs scliismatiques :
aucune rivalité n'éclata entre lui
et leur protopapas. Pour qu'il ne
lui manquât à Corfou aucune des
jouissauces dont il avait contrac-
Ic le besoin, il s'y créa une occupa-
tion littéraire; il entreprit un ouvra-
ge sur les antiquités de cette île [Pri-
mordia Curcj^rœ ). Après en avoir
publié, en i'25 , une première édi-
tion , avec une dédicace à Benoît
XIII qiu , l'année précédente, avait
succédé a Innocent , il partit pour
Rome , eu i-aG , sans aucun des-
sein, à ce qu'il assure, d'y obtenir
la pourpre romaine; mais il en était
fort soupçonné par quelques compé-
titeurs moins timides que lui. L'ac-
cueil honorable qu'il reçut du nou-
veau pontife présageait des faveurs
qui ne se firent pas long-temps at-
tendre. L'archevcquede Corfouavait
recueilli , pour l'usage de ses diocé-
sains , un Enchiridion Crxecorum^
qui fut imprimé à Béncvcnt , ^n
1727 , et dont Benoît XIII agréa
l'hommage, fort peu de mois après,
Querini devint évcquc de Brescia et
cardinal : sa promotion à cette der-
nière dignité est du 25 novembre de
la même année. Le pape desirait
qu'on fît une nouvelle édition de
l'ouvrage de Pierre Comestor , in-
titulé Ilîstoria ^cholastica; l'évêque
guK
de Brescia se chargea de ce soin , et
l'cdiliou parut des 17.18, à Venise,
mais à ce qu'il semble, sans aucun
travail littéraire qui lui appartînt
en propre, sinon une dédicace au
concile abus assemblé à liénevcnt.
Il s'ocrii])ait à réparer et achever
magni(i(jiieiueut son église cathédra-
le. Depuis il a trouvé encore les
moyens de contribuer à un grand
nombre de constructions et de fon-
dations utiles hors de son diocèse,
et même de l'Italie. Benoît XUl
mourut en 1730; Clémeiil XII, qui
le remplaça , voulut s'attacher de
plus près le cardinal Qnerini : il le
njniina bibliothécaire du Vatican, et
fit taire les envieux «pii feignaient
de s'alarmer de voir les titres de
la cour de Rome entre les mains
d'un prélat vénitien. Celui-ci , de
son côté, calma les inquiétudes de
ses diocésains , qui craignaient de
ne pas le revoir. Il leur promit de
ne point les quitter ; et , en ollol ,
il passait au milieu d'eux neuf mois
de chaque aunéc , et ne faisait que
deux voyages à Rome, de six semai-
nes clncun , pour entretenir l'ordre
du dépôt confié à ses soins. Il l'enii-
chit par le don de sa propre biblio-
thèque , pour laquelle il fallut cons-
truiie au Vatican une nouvelle salle.
La ville de Brescia reçnldeliii uiicau-
trebibliothcquequ'il rendit |nibii(pu*,
et pour l'entretien de laquelle il fon-
da des revenus. Il usnit ainsi de sa
riche fortune, dont il réservait pour-
tant la j)li;s grande partie aux pau-
vres. Durant le conclave de 1740,
il montrait sa Ct Vction de médail-
les awx autres caidinaux, qui l'esli-
mèrcul 180 mille francs : s'il en est
ainsi, s'écria-l-il , il ne m'apjnr-
tieut pas de posséder un pareil tié-
sor au milieu des pauvres; et il en
fit don a la bibliothèque du Vatican.
QUE
Lainbertini, son ancien ami , devc-
im le pape Benoît XIV , lui ofTrit
l'cvccLe (le Padoiie, dont le revenu
était plus considérable que celui de
l'e'vèchë de IJrescia : Querini n'ac-
cepta point, et resta fidèle à la parole
qu'il avait donnée aux Bressans. Ses
travaux littéraires , et les relations
qu'il entretenait avec un grand nom-
bre de savants , rayaient fait asso-
cier à l'institut de Bologne, aux aca-
démie* de Vienne, de Berlin , de
Pe'tersbourg : celle des inscriptions
et belles-lettres de Paris lui défera ,
eu 1743 , li place d'académicien
étranger, vacante par la mort de
Banduri. Sa correspondance avec
Voltaire com.raença en 1 74 i • '^ ^^^'
sert.'.tion sur la tragédie ancienne et
moderne , qui précède Sémirnmis
représentée ct î 74*^ > tst adressée à
ce prélat : « Il était digne, dit Vol-
» taire, d'un génie tel que le vôtre,
» et d'un homme qui esta la tête de
» la plus ancienne bibliollicque de
» l'Europe , de vous donner tout
» entier aux lettres Mais si tous
» les lettrés vous doivent de la re-
» connaissance , je vous en dois
» plus qu'aucun autre, pour avoir
» traduit en si beaux vers latins ,
» une partie de la Henriade et le
» poème de Fonienoy. » Nid n'a
plus encouragé tous les genres de
travaux littéraires , et rendu j)Uis
de services à ceux qui s'y consa-
craient : il compulsait pour eux des
manuscrits , recueillait les notes qui
leur pouvaient être utdes . et facili-
tait la publication , autant que la
composition , de leurs ouvrages. On
lui doit ainsi particulièrement l'cdi-
lion des OEuvres de saint Eplirem,
en grec , en syriaque et en latin , en-
treprise par Jos.-Simon Assemani, et
imprimée au Vatican , de 1732 à
1746, en six vol. in -fol. Les écri-
QL'E 39»
vains de toutes les sectes l'ont com-
blé d'éloges , parce que , malgré son
ferme et inébranlable attachement
à ses propres croyances , même aux
maximes particulières de la cour de
Rome , il savait rendre justice à
tous les talents , et porter , jusque
dans les controverses, la plus dou-
ce et la plus bienveillante urbanité'.
Il mourut d'une attaque d'apople-
xie, au milieu de ses fonctions épis-
copales , à Brescia , le six janvier
1759. Ses ouvrages sont fort dilii-
ciles à rassembler; Voltaire desi-
rait qu'on en publiât une collection
complète : ce vœu n'a point été et
ne sera probablement jamais rem-
pli. Voici les titres des plus impor-
tants : I. De monasticd Italice his-
iorid conscribendd Dissertatio,^o-
me , «717, in-4'^. Il- OJficium qna-
dragesimale Grœporwn , adfidem
codicis Barhetini , cwn versione
latind , et diatribis ^ P,one, 1721,
in-4°. : c'était le i*''. volume d'une
collection des liturgies grecques et
orientales. 111. Édition de la Vie de
saint Benoît, par Grégoire 1"., avec
la version grecque de Zacharic , Ve-
nise , 1 723 , in- 4°. IV. Primordia
Corcjrœ , Lecce , i7'25 , in-4''. ;
adaucta , Brescia, 1738, in-4°' :
on y joint un Appendix de nomini-
bus CojTfrce , Rome, 1742 , ïn-4**'»
en réponse aux objections de Maz-
zochi , sur l'origine des anciens
noms de Gorfou. V. Enchiridion
Gra'corum , Béuevent , 1726, in-
4°. VI. Animadversiones in propo-
sitionem vii^esiinam primam libri
ni Euclidis , cwn novddemonstra-
tione^ct demonslrationiun algebri-
carum specimine , Brescia , Rizzar-
di , n38, in-40. maj. VII. Éditioa
des OEuvres des anciens évêijues
de Brescia, saint Philaslre, saint
Gaudcnce, etc, : Brescia, 1738, in-
392 QUE
fol. VIII. Spécimen litteraturœ Bri-
xiancE , Brescia , 1739, ?. parties
iii-4'*. ; excellent morceau d'histoire
littéraire , spécialement en ce qui
concerne la seconde moitié du quin-
zième siècle , et la première du sci-
Tièmc. IX. Pauli H Fita, Rome,
i74t>, in- i°> Cet ouvraj;c fut com-
pose pendant les nuits du conclave
où fut clu Benoît xiv ; c'est pour-
quoi le cardinal de Fleurv lui don-
nait le nom de yuctes raticana?. Ce
n'est qu'une revision du livre de
Canensius sur le même sujet ( Mura-
lor'x. Script, rer. Jtal. , tome m ):
maisQueriui, pour justifier Paul II ac-
cuse'par Plat ina d'avoir persécute les
gens de lettres, y ajoute le talileaudes
encouragements donnes ]>arceponti-
feauxc'tudesetprincipaleuienla l'art
typographique ; ce qui ainhic une
description des éditions publiées à
Rome, depuis 1 .jOj jusqu'en 1471
et au delà. Cet append'ix de la vie
de Paul lia éle impiimë avec des
additions de Shclhorn, sous le tilrc
de Liber de optimonun scriptorum
editionibns quœ liomœ primùm
prodienint , etc., Lindau , i-(ii ,
in- 4". ; et ce volume était rcclicn hc
avant la publication , f lile en \ -H"? ,
d'im travail plus complet d'Aiiditric-
di sur le même sujet. X. Dialriha
prœliminaris ad Francisci Bai bar i
et aliorum adipsum Kpiytolas, Bics-
cia, 174'' in-/|". — Fianc. Barbarie
etc. , Epistulœ , Brescia, 17 J3, in-
4*'.Queiini a rassemble des Noiices
pre'cicuses dans le premier de ces
volumes : il serait seulement à dési-
rer , dit Gin'^ueué, qu'il y eût
mis plus d'urdre, et laissé échapper
moins d'erreurs. \l. Soixante Éj»!-
tres latines de Querini lui-même,
distribuées en dix livres , ont été im-
primées à Brescia , de «7i'-ià 1749,
6 parties 10-4". ; et dix autres à
QUE
Rome , en 1 7 43 , même format. Ofl
a d'ailleurs réuni dix de ses Lettres
italiennes , eu un volume in-4'*. pu-
blié à Brescia , en 1740; et toutes
celles qu'il avait écrites en latin ont
été rassemblées par Nie. Coleli, à
Venise, 1756, in-fol. Xll. Beg^i-
nnldi Poli et aliorum ad eumdem
Epiilolœ , Brescia, i'jL^^ct î745,
2 vol. in-fol. ; Querini a joint a ce
recueil une V ie du cardinal Polus ,
et nue Dis'^ertaliun sur ses Lettres.
XI II. Iina^o oplimi puntijicis , tx-
pressa in i^estis Pauli III , ipitdiltr
exhibentur in Be^in. Poli e/nsLvlis ,
Brescia, i745,in-4o. XIV. fita
del cardia. Gasp. Contarerio , da
Lodm'. Becntelo, coii alcuueaggiiiu-
te ( dair cditore Ang. M. Querini ) ;
Brescia, 174^^- i»-4"- ( ^ • BtxcA-
DELM , IV, 4; CùNTAIlINI ( Gasp. ),
IX , 5o4 ). XV. Epislola de Iler-
culaneo : cette lettre de l'évèque de
Brescia à J. M. Gesner a été insérée
en deux recueils , l'un de INlunler,
en I 749, l'autre de Gori , en 1751.
XVI. i'oinmentttriiis de rehus per-
tinentibus ad ying. M. Quirinum ,
Brescia, 1749, ^ tomes in 8". ;
ciim appendice , ibid. , 17.00. Ces
JMéraoires , écrits par Querini lui-
même , conduisent l'histoire de sa
vie jiistpi'à l'année 174^*- On en a
réim|)rimé, en 17^0, in-S"., sans
nom de ville , les trois premiers li-
vres, qui ne vont que jusqu'à l'année
17.17. Nous n'avons pas fiit entrer
diiis cetîe liste chrouologi pie des
ouvrages puLliés par Querini , ceux
dont nuii.> ne connaissons point les
n.iies précises; telles sont plusieurs
Lettres pjstor.iles,uiu'Rc!alionde.ses
voyages , l.i Traduction du poème de
Fontenoy (3) et d'une partie de la
{"ijXAil^Irrcitre [ srcond yolnme de deccml). i74-'ïp
Vge ix-tù ] KOut\eui Y bxirait d'une Ullrc(laliDr)
du cardinal (Juirini , au tujtl du poème de M. d»
QUE
Henriade, et diverses pièces fugiti-
ves. On peut consulter, sur sa vie,
ses projîres IMeinoires , dans l'édi-
tion de Brescia , que nous venons
d'indiquer, et ses écrits intitulés:
Viceiinalia Brixiensia Emin. Car-
din, biblioihecarii ^'/ng. M. Quirinï,
célébrât ain academid Gottin^ensi,
Gottinguc, Vandeihoeck, 17 jH, in-
8°. ; — Lettera intorno alla morte
delcard. Querini , deW abate Ant.
Sanihuca, Brescia, i^Sq. in-8''.; —
son Éloç;e par I^e Beau , tome xxvn
de l'académie des inscrip:ions cl bel-
les lettres , etc. Quoique si renom-
mé pentiant sa vie et long -temps
après sa mort , ce cardinal n'a lais-
sé aucun grand ouvrage; mais l'en-
semble de ses productions annonce
une littérature étendue et fort variée,
un esprit judicieux et un caractère
honorable. — Les autres Querini
dont les Italiens ont conservé quel-
que souvenir, sont au nombre de
plus de vingt; nous ne parlerons
que de Lauro, né vers 1420, à Can-
die, où une branche de cette famille
s'était établie au xiii^. siècle ; il vint
fort jeune à Padoue , et y lit des étu-
des brillantes. A 29 ans , il ouvrit à
Venise un cours de philosophie , où
il expliquait la morale d'Aristote :
ses auditeurs étaient si nombreux
qu'il fut obligé de donner ses leçons
sur une place publique. L'université
de Padoue le rappela, en \^5i , et
lui confia une chaire d'éloquence.
Cependant il était , en 1 453 , à Can-
Vollnire, sur la hnlndlede For.tenry; fxtrait dans
lequf'l plusieurs passages du poèmi' de Voltaire su:!
triJuilse vers latins. Mais ce mnrteauj; se ut peut-
être toutcccju'eu a traduit Queiiui : le cardinal avait,
il est VI ai , le pioiel de traduire toute la pièce; mais
il y reu'iiiçià i ause du trop j^rand innubredc noms
propres qu'elle contient. Voici ce qu'il ditlul-mcnie;
Cur (inior ilte meus refii^escei'ft ^ in cauid fuii
propriorum nominani (eoruni scilicet , quorum ma-
xime virtus enitiiît in pu^nd eopoemate descripld )
éjucjdam. veluti phalanx. . , . ilaque ab ed cogila-
tione divelU coaelum me senti. A. B — T.
QUE 395
die, d'où il adressa au pape Nicolas
V une relation de la prise de Cons-
tantinople. On croit qu'il mourut
dans sa patrie , vers i /j66 : il a pris
part à plusieurs querelles littéraires
de son siècle ; disserté sur les doc-
trines d'Aristote et de Platon ; et
laissé divers écrits , des Oraisons ,
des Lettres, un Livre contre les Juifs",
et un traité de Nobilitate , qui dé-
plut à beaucoup de Vénitiens. Le
cardinal Querini fait mention de lui
dans la préface des Épîires de Fr.
Barbarô ( ci-dessus n». X ) , parce
qu'il se trouve des lettres de Lauro
dans ce recueil. D — n — u.
QUERLON ( Anne - Gadriel
Meusnier de ), laborieux littéra-
teur, naquit à Nantes , en 1702 , de
parents peu favorisés de la fortune.
Il acheva ses études à Paris, et s'y
fît recevoir avocat ; mais , entraîné
par son goût vers les lettres , il re-
nonça bientôt aux succès qu'il pou-
vait espérer au barreau, pour suivre
son jjenchant. Quelques articles insé-
rés dans le Mercure l'ayant fait con-
naître avantageusement , il fut atta-
ché par l'abbé Sallier à la garde des
manuscrits de la bibliothèque du
Roi; et pendant huit années qu^il oc-
cupa cette place , il lut avec fruit les
meilleurs ouvrages dans tous les
genres. Il devint ensuite l'un des ré-
dacteurs de la Gazette de France ,
et obtint, en 1752, le privilège des
Petites Affiches de Province , jour-
nal dont SCS articles firent long-iemps
tout le succès , et qui en eut réelle-
ment beaucoup , quoi qu'en dise La-
harpe , dans sa Correspondance
russe ( I ). La rédaction de ce journal.
(i) Ce Qnerlou, dit le trop se'vère Arislarque,
est un bavard quiccrit .d'un style platement bnur-
j^eois ou ridiculement burlesque, des ainionces de li-
vres à acheter ou de maisons à vendre [Corrf^spond^ .
liilér. , I , 368). Un autre critique prétend que, si
l'on détachait des Petites Affiches les articles çfi
3iV» QUE
à laquelle il associa dans la suite
l'abbe de Fontcnay (a), ue suffisait
pas à l'activité de Qucrlou, augir.cii-
tcc, depuis sou mariage , par la nc-
ccssitc de subvenir aux besoins de
sa famille. Force do se mcître aux
{^agcs des libraires , il acquit la repu-
tatiou d'un éditeur plein de goût ,
publia d'utiles compilations , et en
outre se chargea de retoucher le style
des ouvrages dont les auteurs étaient
parleur profession presque étrangers
à la littérature. Cependant , maigre
son ardeur pour le travail, et son
économie, il n'avait rien pu mettre
en réserve pour la vieillesse; et il
allait être obligé de vendre ses livres,
son unique ressource, quand l'abbé
Mercier de Saint-Léger , son ami ,
lui fit acc'cpter, avec un traitement
convenable , le litre de bibliothé-
caire de Bcaujon , riche fiuancier ,
qui consacrait une partie de son im-
mense fortune à protéger les lettres
et les arts : grâces à ces secours ,
qu'on lui a reproché d'avoir reçus ,
et à une pension que lui fit accorder,
dans le même temps , M. de INIau-
repas , Qucdon connut cnlin l'aisan-
ce , et passa dans un don\ repos les
dernii-rcs années de sa vie. Il mourut
à Paris , le "il avril i 780 , rcTClté
des gens de lettres , dont il avait été
constamment le conseil et l'ami, A
des connaissances irès-variées , à une
instruction solide et profonde , il
joignait beaucoup de modestie , de
simplicité , de bonhomie et de
candeur. Outre la part qn'il a eue
à la Gazette de France , au Jour-
cincement I ^ ouvragp» n-iuTraux , ou nuraii pruU
rire le in'-illriir journal qui ait paru en France
{Sicrol. , p. 3o4).
(») lie recueil des P'Hilcf Affl-hft furinrrail eii-
\'iruo 4o vnl. lu-')'*. Qurrloo y travailli •■al dnpiiii
1731 iu»qu'en 177O; c lui «lor» qu'il tf^ntix f'»l>-
l>é dp FontrDiy , qui rlwunw» !•• liln» d- rp ic)a''ii.il ,
Pli i-'Si, etl'intibiU/i'urrxi/ ^i'tti il lie Fiance {f^.
Vos TEK 4> '.
QUE
nal étranger, aux Petites • Affi-
ches , (prit rédigea pondant "vingt-
deux ans , au Journal encyclopédi-
que et à VAvant- Coureur, Qucrlon
a publié un assez grand noinbic d'O-
puscules ; mais , avant d'en donner
les titres , il convient de faire con-
naître les services qu'il a rendus aux
lettres comme éditeur. On lui doit
(ie bonnes éditions du Géog^raphe
méthodique de l'abbé de Gourné,
1 74 ' ,avecanc préface ; — du poème
de Lucrèce , 1 744 1 et des Fables de
Phèdre, 1748 , avec des notes, dans
la collccli<ui de Constclier ; — des
Dun^ de Cornus, par Marin ( maî-
trc-d'hôtel du maréchal de Soubise),
avec une Préface , i749"5'^ » ^ ^'"j-
in- 12 ( F. Bougeant ) ; — del'i?-
ZoçCiieZrt i''o/it;,tra(l.dcGu(udcvillc,
Paris, Barbon, 17.51 ,in-ia; — des
Poésies d^ Anacréon , tr id. par Ga-
con , 1754 , in- la ; — des Mémoi-
res de M. de *** , pour servir à
l'Histoire du dix-septicrac çiècle ,
'7^9 (3); — des OEuvresàc Gré-
court, 1761 , 4 '^^^- >n-ia ; — des
Poésies de i^alh'^rbe , avec la vie de
ce grand poète, i7Gî,in-8°. : ac-
coulumé à retoucher le sylc des au-
tres , on doit reprocher a Querlon
d'avoir voulu donner un vernis mo-
derne au langage de ce poète , qu'il
fallait savoir respecter — des Pièces
dérobées à un ami ( L'Altaignant )
(4) ; — de V Encoinium Moriœ ,
Ci) Ce! ouvrage fut nllribuc datu |p trtnii» » Flf-
rrllc< lir liic^Yi in^'» 'I dcrlara forinillfiucnt qu'il
iiViirt.iîl p.-i* r.'inleur, rlan<i une Irltre à Frcron , iii -
•erëe daqn l'Année lilli'raire. Voy. le Diction, det
Anonymes ^\MT M. i>arljii>r , i". id.,n°. /|'Jii.
(4) Dam la Noiicr ror Quci-lon , cilcp à la fin «le
l'article, on pnlend €|u'il a rédigé la Prijàre de
l'cdit. de* OEufret de l'AlUigii.int ,publ.)>ar l'alilié
de La Porte ( f. ATTAir.NANT ) : on lui iiltrihue
encore, dam la di'-id» Nul ici- , p. Si.ï . une éiiil. dti
Pétrone , avec une l'rpfatc cl de» Noies ; relie des
oitTnget de Bunon, rliinirgir-rf-dentistc ; celle de»
owrngrs de Mouton et de Bourdit , premier» chi-
mriticn.'i-dentistpii du roi; et enfin oôle de Lellret
iut la Grecr , en t. vol. in-8". : mais celle édition de
QUE
d'Kiasrac. 1765,111-12; — des Grâ-
ces ou Élite des mcilleiirs écrits
anciens et modernes laits à la louan-
ge des Grâces , 1 769 , in - 8". ,
fig. ; — du Menrsii elegant'uv lalini
sermonis , 1774, in- 8". ( /'. Cno-
Ritu) (5) ; — du Fojnge de Mon-
iniffie en Italie , avec unePrc'face et
des Notes ( /^. Montaigne) j — de
V Histoire de la chirurgie , depuis
sou oric,ine jusqu'à nos jours , par
Dujardiu, 1774^ i '-■''. vol. (6). Quer-
lon fi:t un des éditeurs du Recueil
A. B. C. D. etc., 1745-62, \'i
vol. in- 1 2 ; et il y a fourni tout le se-
cond volume. 11 a continue V His-
toire des Fuyages , par l'abbé Pré-
vost, et a publie, avec Surgy, le 18'^.
et le [9''. vol. de celte intéressante
compilation ( V. Prévost). Il a tra-
duitenlVanç.iis : \e Foùme de la Pein-
ture de l'abbéde Marsy ( V. ce nom) ;
— le Problème sur les femmes ( F~.
AciDALius ) ; et six Livres de V His-
toire naturelle de Pline. EuGn on a
de lui : I. Les Soupers de Daphné ,
et les Dortc.irs de Lacédémone ,
anecdotes grecques , Oxford ( Paris ) ,
1740 , in 8'\ de 96 pages; rare et
recherché des curieux : c'est la sa-
tyre des Soupers de Marlj' ; Querlou
la coinposa sur les notes de Monnet.
H. Réfutation d'une Lettre sur Vo-
raisan funèbre du Card.de Fleurjr ^
ou Défense du P. de Neuville, 1 743 ,
in-40. III. hi Code Ijrique , ou Rè-
glement pour l'Opéra de Paris, r 7/^3,
in- 12. Les statuts de Topera, dit
Fréron , sont d'un homme d'esprit ,
QUE
395
Pétrone n'est oitue par aucun bibliographe ; et les
autres rcusrignements donnes par J'auteur delà No-
tice ne jiaraisseut pas mériter une grande coiiliance.
(.î) M. Kerdanet, dans ses Notices sur les f'cri-
vaius de la Bretagne , p. Sjjpjui attribue aussi le
iMciim sine concubilu , I-5o, Jn-8", f V. HlLL
XX,38ti. ) '
(6) On assure, dit M. Barbier, que Querîon fslle
véritable auteur de ce volume. Vov. le Dicliou. des
Anonymes, j'e c'dil. , n". 83U7.
élabii depuis long- temps à Saint-
Domingue. Querlon, pour grossir un
peu celte brochure, y ajouta le Point
devuederopéra( Voy. VAna.littér. ,
1 780 , tome M ). IV. Testament lil-
lèraire de l'abbé Desfontaines , la
Haye, 1746, in- i-i. C'est une
critique assez vive duDiscours de ré-
ception de Voltaire à l'académie
française , et de la Réponse de l'abbé
d'Olivct, qui remplissait les fondions
de directeur. V. Psaphion , ou la
Courtisane de Smyrne , 1748, in-
12 ; roman dans le goût de l'anti-
quité , écrit d'une manière agréable,
mais qui présente des tableaux trop
voluptueux. VI. Lettre de M. D
licencié en droit , à Fréron , 1756,
in- 12. \II. Collection historique j
ou Mémoires pour servir à l'his-
toire de la guerre terminée par la
paix d'Aix-la-Chapelle en 1748,
Paris, 1707 , in- 12; réimprime
sous ce titre : Histoire du Siège de
Pondichérjy , sous le gouvernement
de Duplcix , Bruxelles ( Paris ) ,
1766, in-i2. VIIL Les Impos-
tures innocentes , 1761, in 12. C'est
le Recueil de plusieurs Opuscules
que Querlon avait publiés dans sa
jeunesse comme traduits du grec,
du latin et de l'italien; il renfer-
me le Poijit de vue de l'opéra ;
Psaphion ; les Hommes de Promé-
thée ; Serpilleet Lilla , ou le Pioraan
d'un jour (7) , et Cinname , histoire
grecque. Ce ]iremier volume dev^ait
avoir une suite qui n'a point paru.
IX. Naufrage et retour en Europe
de Kearnj^ 1764^ in- ^'i.l^. Mémoi-
re historique sur la chanson en gé-
néral, et en particulier sur la chan-
son fra?ïç aise (à la tête du i<=«". vol.
(7) Cette agréable baRafflle, rjuc l'auteur donna t
comme traduite de l'italien, avait dej.'i paru dans le
Jiiurnal élraiii^er, mai et juin i-5-. Son second ti-
tre a fait attribuer :\ Querlon le Roman du jour ,
qui est du tbcvalier d'Arccp
396 QUE
de V Anthologie française. ( Voy.
NoNNET, XXIX, 380). Ou trouve
une Notice sur Qnerlon , dans le
Nécrologe des hommes célèbres ,
année 1781 , paj;. 3oi-i6. Son por-
trait a été grave d'après Vispi , in-
ia;8). "W—s.
QUESNAY ( François ) , le chef
de la secte des économistes , ou
France, naquit , en i6()4 , à Merci,
prcsdeMontfurt l'Amauri. Son pè-
re, que le poùt de l'a;;iifultiire avait
fixé à la cainpiignc, était un avocat
fort instruit ; mais connue il s'occu-
pait uniquement de prévenir les pro.
ces en accoinmodani les parties, il
ne tirait pas un praud revenu de son
cabinet. Le jeune Quesnay fut laissé,
dans son enfance, aux soins rie sa
mère, femme active et laborieuse,
qui l'initia de bonne heure dans tous
les délads de l'exploitation de la fer-
me dont le produit les faisait sub-
sister. A ràj;e de douze ans , la Mai-
son rustique de Liebault ( T. ce
nom) lui tomba sous la main ; et,
avec le secours du jardinier , il par-
vint bientôt à la lire couramment. Il
lut ensuite, ou plutôt il dévora tous
les livres qui se trouvèrent à sa por.
téc ; et il apprit , presque sans maî-
tre , le latin et le grec. Dès-lors ses
progrès furent très-rapides dans la
carrière des sciences : m.ds sentant
la nécessité d'y faire un clioix , il se
décida pour l'art de guérir ; et . mal-
gré les tendres inquiétudes de sa
mère, qui le voyait s'éloigner d'elle
à regret , il vint à Paris étudier la
médecine et la chirurgie, ^'on con-
tent d'assister assi lument aux le-
çons de la faculté, Quesnay suivait
encore les cours d'anatoraie , de
(«: Qi.erloD biM^it „ne h.Ll.olJirqae cboUie .
d«., laqQelIr on rrinarqu.it un ^ranu oombre d^
belles cdiboas et de livra tr^rares, dont le Cota-
/«■g.«r a éU imprime en 1780, in-go.
QUE
chirurgie et de botanique : il visitait
les malades dans les hôpitaux , et
montrait tant de zèle , qu'on lui ac-
corda la permission de fréquenter ,
comme élève, l'Hôtcl-Dieu. Dans les
courts loisirs que lui laissaient des
occupations si multipliées, il étudia
la métaphysique, dont le livre Delà
recherche de la vérité ( /'o) . Male-
BiiA>'cuE ) lui avait inspiré le goût:
il cultiva les dilToretiles branches de
la philosophie, même les malliérna-
ti((ues;et il apprit du célèbre (^o-
chin , chez qui le hasard l'.ivail pla-
cé, les principes du dessin et de la
gravure. Après avoir terminé ses
cours , il se lit rerevoir maître en
chirurgie , et s'établit à Mantes. Mal-
gré l'uppusitioii qu'il éprouva de la
part de ses confrères , jaloux d'un
concurrent si dangereux, il ne tarda
pas à se f.iire connaître d'une ma-
nière avantageuse. Jjcs succès qu'il
obtint dans le traitement des grandes
blessures , lui méritèrent la place
de chirurgien- m.ijor de l'hôlel- (li(;u
de Mantes ; et le maréchal de Noail-
Ics lui procura la confiance de la
reine , qui le consultait dans les
voyages qu'elle faisait à Maintenon.
La réfutation du Traité de Silva ,
sur la saignée , que ce méilecin ,
après avoir tout employé pour en
empêcher la publication, crut de-
voir laisser sans réponse, acciut en-
core la réputation de Qnesn;iy. La
Peyronie, occupé du projet de l'éta-
blissement de l'académie de chirur-
gie, jeta les yeux sur lui, pour rem-
plir la place de s(crélaiic-peipétuel
de cette compagnie : il le détermina,
non sans peine , à se fixer à Paris ,
et iui fil obtenir, en 1737 , avec la
charge de chirurgien ordinaire du
Roi , le brevet de professeur royal ,
et enfin sa nomination à la place de
secrétaire . choix que justifia bien-
QUE
tôt la publication du premier volu-
me des Mémoires de l'académie, à
la tête duquel Quesnay mit une Pré-
face regardée comme un chef-d'œu-
vre en ce genre. Quesnay prit , com-
me on l'imagine bien, une part très-
active aux déplorables querelles qui
s'élevcient à cette époque entre la
faculté de médecine et le collège de
chiiiugie. Il rédigea le plus grand
nombre des écrits qui parurent au
nom des chirurgiens , dans l'inter-
valle de sept ans que dura cette
mémorable dispute , et rendit à sa
coinpaç;nie les services les phis essen-
tiels. Il ne cessa pas de la servir
lorsqu'en changeant d'état , il fut
désintéressé dans la question qui
partageait les esprits ; et il montra
touiours le même attachement pour
ses anciens confrères. Des attaques
répétées de goutte interdisaient à
Quesnay les opérations manuelles de
la chirurgie: pendant la campagne
de 174 il 0" il avait suivi le roi
Louis XV , il se fit recevoir docteur
en médecine , à l'université He Pont-
à-Mousson. Peu de temps apiès , il
acheta la survivance de la charge de
médecin ordinaire du Roi , avec l'a-
grément de ce prince , qni lui témoi-
gnait beaucoup de bienveillance, et
se plaisait à l'interroger, même sur
dis matières étrangères à la médeci-
ne ( I ). Au mi^i'-u des diveis emplois
qu'il exerçait, Quesnay n'avait point
oubii<^ le triste sort de-. L iliitants des
campa;;nes, dont il avait été le té-
moin d ins sa jeunesse. Il crut devoir
apptder l'attention du gouvernement
5iir les améliorations que réclamât
l'agriculture , dans un royaume dont
(1) Louis XV appelait Quesnay le Penseur; en
lui accordant des lettres de uoSlesse pour le récom-
penser de ses service», ce priuce lui donna pour
armes trois fleurs de peusée , avec cette devise :
Propter cogitationem mentis,
QUE
397
elle est la principale richesse : mais,
aussi modeste que désintéressé , et
n'ayant que le bien public en vue , il
ne songea pointa former une secte.
Ses idées, accueillies avec enthousias-
me , furent reproduites , dans ua
style lidiculemeut emphatique, par
des écrivains qui n'avaient pas la
candeur et la bonne-foi de Qnesnay,
qu'ils proclamaient, malgré lui, leur
chef et leur maître. Parmi les réfor-
mes proposées par les économistes ,
celles qui pouvaient être réali.sécs ,
l'abolition ô.e?, corvées , la libre cir-
culation des grains, et la suppression
des douanes à l'entrée de chaqne
province , l'ont été depuis par Loiu's
XVI , sous le ministère de Tur-
got ( Fb/.ce nom ). Le temps a fait
justice des autres , en démontrant
qu'elles étaient impraticables. L'âge
et les infirmités ne diminuaient rien
de l'activité de Qaesnay. Il avait plus
de 70 ans , quand, regrettant d'avoir
négligé l'étude des mathématiques,
il résolut de les aprofomlir : mais
la vigueur de ses organes ne répon-
dait plus à son ardeur ; et il n'était
plus en état de soutenir un tnvail
long et pénible sur des matières
abstraites. Il crut avoir résolu le pro-
blème de la quadrature du cercle; et,
malgré les instances de ses amis , il
fit imprimer sa prétendue découver-
te. Les douleurs de goutte qui le tour-
mentaient d' puis sa jeunesse , en
l'afflnblissant , n'oiaiint rien à sa
gaîié. « Il faut bien, dis.dt-il à ses
amis , avoir quelques maux, à mon
âge; les autres ont la pierre, sont
paralytiques, aveugles , sourds, ca-
cochymes ; eh bien ! moi , j'ai la
goutte : je ne suis pas plus à plain-
dre qu'eux. » Il avait senti que la li-
berté de penser a des bornes. Ja-
mais il n'oublia le respect que l'on
doit au gouvernement et à la religion.
3ij8
QUE
dout il avjit fait une élude suivie.
Aussi vit -il approilier la fin de sa
cariicre avec calme et résignation.
« Console-toi, dit-il à sondoniesfi-
» que, qui pleurait pics de son lit ,
» console-tui; je n'étais pas ne' pour
» ne pas mourir. Regarde ce portrait
» qui est devant moi ; lis au bns
V l'annccde ma naissance; juge si je
» n'ai pas assez vécu » Qnosnay
mourut octogénaire, le lO décembre
i'j'^4' Doué d'un sens droit et d'nn
esprit exact, mais trancl..int et ri-
gonrcu\ (a), il était bon, franc,
loyal et obligeant. Qitoiipi'il eût peu
de fortune, il ii'employa jamais son
créJil à la cour pour lui ni pour les
siens , et s'y montra consiamnient le
défenseur des malheureux. Il était
membre de la société royale de Lon-
dres , de l'acailémic de Lyon , et de
l'académie des sciences, où Grand-
jean ."If Foucliy prononça son éloge.
Outre la PréJ'ace à\\ premier volu-
me dcTS IMémoires de l'académie de
chirurgie, collection dans laquelle on
distingue deluicpiatre J)issertationsy
snr les plaies à la tè(e et l'us.ige du
trépan ; outre des articles dans l' En-
cyclopédie, ciilic autres, Grainscl
Fenniers , et un graïul nombre de
Mémoires , dans les Journaux tVn-
griculture et dans les E''hétnérides
dm Citoyen , on citera de Oiiesnay :
1. Observations sur les cjj'ets de la
saiv;née , Paris, 1730; nouv. ëdit. ,
1750, in-i 2. IL Esai physique sur
l'économie animale, avec l'Art de
gue'rir par U saigne'c , iuid. , 173G,
in-12; 1747 « 3 vof. in - 12. Selon
quelques cntiqnes , la doctrine que
l'auteur expose dans cet ouvrage, est
i,») Un jour le naDpliiii. pire de Ixiuig XV'f , .e
plaiffn^il lics einiKim>d" I.1 r<._v;iu(<'; 3Ioiis<'igiicur,
iiii dit QoeMUT, je ne tronii: p»% rtrJ^. — I.b ! iiue
leriez-vousHuiicM vous < lir» roi? — MoïKri.'iimr ,
!» ne firais rieo. — Et tjai guuvCTiM.'i-ait ? — I.t»
QUE
entièrement fondée sur rcxpérieiice
et l'observation; et les faits y tien-
nent plus de place que les rai,-.unne-
îiii-nts. Mais Eloy prétend an con-
traire (jn'd a souvent été soiiid à la
voix de l'expérience et de l'observa-
tion , pour n'écouter que ce que la
vivacité de son imagination lui dic-
tait. III. Recherches critiques et his-
toriques sur l'origine , les divers
états et les progrès de la chirurgie
en France , Paris , 17 \\ , '\i\-.\'\ et
in-1'.î , '1 vol. ; leproduit sous ce ti-
tre : Histoire de l'uii^ine et desvrn-
grès de la chirurgie en Errance , i[>.,
17 ^9, in-/|<*. A la lin de cet ouvrage
curieux, on trouve V Index funertus
de Jean Devanx, On dit qi.e Louis y
a travaillé, et que l'abbé Desfontai-
nrs en a retouclic le style ( \'oy. la
Bill, liist.de la France, n". 4 ^^O^)-
IV. Traité de la suppuration , ibid.,
174c), in-iM ; traduit en allciuaud ,
par J.-H. Plingsten, 178G. V. Trai-
té de la gangrène ^ ibid. , 17491 '"-
l'i. VI. Traité des fièvres continues,
ibid., 1753 , 1 vol. in- li. VIL La
Phjsiocratie^ ou Constitution natu-
relle des gouvernements ,ibid.,i7<j8,
in - 8°, ; publié par Dupont de Ne-
mours, «i Dans cet ouvrage, l'-iicorau
des économistes , l'auteur, dit La-
liarpc , se propose de substituer,
dans tout© l'administiatiou inté-
rieure ilu royaume, relative aux
impositions et au commerce, des
piincjpcs universels et constants de
calcul et d'intérêt général" à l'ac-
tion du gouvernement, et une li-
berté indéfinie à la variation arbi-
traire des règlements. » Lestylecnesl
obscur et ampoulé. VI II. Becherches
philosophiques sur l'évidence des
vérités géométriques , suivies d'un
Projet de nouveaux éléments de géo-
métrie, Amsterdam et Paris, 1773,
in 8''. IX. Obsercations sur la cou-
\ QUE
seivalion de la vue; — Observations
sur la psychologie , ou science de
Vaine ; — Extrait des économies
royales de Sully. Ces trois ouvra-
ges furent iinpiiinës à V'ersailles ,
par ordre exprès du roi Louis XV,
qui en tira lui-même quelques épreu-
ves : mais ils ont cie si soigneuse-
ment séquestrés , qu'il n'en est pas
même demeuré nn seul exemplaire
à la famille de l'auteur ( V'^oy. V E-
log^e de Quesnay, dans le Recueil de
Tacad. des sciences, 1774» P- i34)-
Le marquis de ÎMirabeau, l'un des
plus grands admirateiu's de Quesnay,
qui l'avait aidé dans la rédaction de
la plupart de ses ouvrages ( F. Mi-
rabeau ) , a publié son Eloge , d'un
liiliculesi i-are, que les curieux, dit
Laliarpe, l'ont conservé comme un
modèle de galimatias. Il existe un
troisième Eloge de Quesnay, par !c
comte d'Âlbon, Paris, 1775, in-S".
et inséré dans le tome xii du Nécro-
loge des liommcs célèbres de* Fran-
ce. On a son Portrait gravé parWill,
in-S*^. et in-fol., et par J.-Ch. Fran-
çois ^ in-fol., à la manière noire; ce-
lui- ci est très-rcclierché ( F. Fran-
çois). W — s.
QUESNE (Du), r. DuQUESNE
et Jos. DUCUESNE.
QUESNÉ (François - Alexan-
dre ) , botaniste cultivateur , était
né à Rouen; ily est mort, le 17 avril
1810, à l'âge de soixante-dix-huit
ans. Il suivit quelque temps la car-
rière des affaires, et la quitta pour
se livrera son goût pour les plantes.
11 avait au Bois-Guillaume, près de
sa ville natale, un jardin dans le-
quel il acclimata plusieurs arbres
exotiques. Les tulipiers favorisés
par la bonne qualité d'.i sol et la fraî-
cheur du climat, y étaient de la plus
grande beauté. Les melèses et les cè-
dres du Liban y poussaient avec ti-
QUE 3y.j
gueur. On y vit fleurir , il y a déjà
nombre d'années , le Ginkgo hiloha.
Quesné a traduit en français la Phi-
losophie botanique i\q Linné, Rouen,
1788, in - 8"*. 11 a publié pluj^icurs
Mémoires sur la botanique, et insé-
ré diverses Noiiccs dans le Recueil
annuel de la société d'émidation de
Rouen. 11 avait traduit l'excellent
Discours que M. A. -L, de Jussieu a
placé en tête de son Gênera plant a^
rum ; mais ce travail est resté inédit.
E— s.
QUESiNEL (Pasquier), théolo-
gien, fameux par ses écrits, et par la
longue lutte qu'il soutint pendant les
querelles du jansénisme, naquit à
Paris, le i4 juillet i634. I' ^it avec
succès sa théologie en Sorbonne, tt
entra, en 1G57, dans la congréga-
tion de l'Oratoire, oii il leçut l'or-
dre de prêtrise. Il s'y adonna à l'é-
tude de l'Ecriture sainte et des saints
Pères, et à la composition de livres
de j)iclé. 11 avait à peine vingt-huit
ans lorsque ses supérieurs le jugèrent
capable de remplir l'emploi impor-
tant de premier directeur de l'insti-
tution de Paris. L'ouvrage par lequel
il débuta , celui qui produisit le
plus d'éclat , et qui rendit la vie de
l'auteur si orageuse , fut le livre
des P.éjJexions morales. Tl paraît
qu'il fut fait à bonne intention, ot
q ('originairement il ne contenait
rien de répiéhensible : il ne consis-
tait qu'en de courtes maximes et de
pieuses pensées sur les paroles du
Sauveur , que l'auteur avait écrites
pour l'usage des jeunes confrères
qu'il était chargé d'instruire. Le mi-
nistre-d'état Loraénie, le marquis
de Laigue , et d'autres personnages
pieux qu'elles avaient édifiés, l'cnga-
gèrentà en donner de pareilles sur les
quatre Evangiles ; et, trouvant l'oc-
casion d'en parler à M. Vialart, évê-
4oo QUE
que lie Châlons-siir-Marne, ils le û-
rent avec tant d'ologes , que ce pré-
lat, reuoramcf pour sa sagesse et ses
vertus, voulut en prendre connais-
sance. Après avoir lu et examine ce
livre avec soin, il l'approuva par un
mandement du 5 novembre iG';i,et
en recommanda la lecture aux ecclé-
siasliqnes et aux fidèles de son dio-
cèse. L'édition en fut pnblie'eà Paris,
la même année, chez. Pndiirt, avec
privilège et approbation des doc-
teurs, au su et du consentement
de M. de Hailay, arduvèque de cet-
te viile. Qiu'Siiel dunua ensuite une
édition de saint Léon. Il s'occupait
en même temps, par les conseils de
Nicole, à faire, sur les Actes des
apôtres et sur les Épîlres de saint
Paul, le mc'PCtiavailqi'il avait entre-
pris sur l<s Évangiles, jusque-là rien
n'était veiailc t roublenl.i us ses occu-
pations : mais M. de Ilarlay avant
fait exiler le P. Abd de Sainte-Mar-
the, geneial de l'Oiatuirc, ami du
fameux Ainauld, et qui paitageait
les opinions de ce docteur, Quesnel,
qu'on savait fort attaché à son siipc ••
rieur - général, et qu'on crut, avec
raison, imbu des mêmes principes,
reçut ordre de sortir de Paris et du
diocèse, 11 se retira, de son propre
gré, dans la maison de l'Oratoire
d'Oflé.ins, où il arriva vers le mois
de décembre lOBi.ll continuait d'y
travailler à ses lléjlexions morales,
lorsqu'un nouvel incident l'obligea
encore de changer de demeure. Dans
une assemblée tenue en iG'S, la con-
grégation de l'Oratoire avait dressé
pour elle uu formulaire de doctri-
ne qui condamnait et défendait d'en-
seigner la pliiloso[)hie de Descartes,
reçue dans quelques écoles, etlc jan-
sénisme. Une nouvelle assemblée, te-
nue en i (J84 , exigea de tous les mem-
bres de rOratoire la signature de ce
QUE
formulaire. Plusieuts la refusèrent,
et Quesnel fut du nombre. 11 quitta
la congrégation ; et, craignant d'être
inquiété, s'il restait en France, il al-
la joindre Arnauld à Bruxelles, et
demeura auprès de lui, jusqu'à la
mort de ce dernier. C'est à Bru-
xelles que Quesnel acheva son livre
des Réflexions morales. Il en rtvit
la première partie , imprimée en
167 I , et lui donna plus d'étendue ,
pour la mettre en rapport avec son
nouveau tr.ivail. L'ouviage , ainsi
refait à nei>f, parut en \V)(.)'\ , et fut
présenté à M. de Noailles, (pii avait
suLcédé à M. Viilart sur le siège de
Chàlons. Ce prélat, informé que ce
livre avait cours dans son diocèse
et y était goûté, après y avoir fait ,
dit-ou, quelques changements, l'aj)-
prouva par un mandement du 'i3
juin i()95,eten recommanda la lec-
ture au clergé et aux fidèles de son
diocèse, comme l'avait fait son pré-
décesseur. Jusque-là les Réflexions
murales n'avaient pas fait grand
bruit ;et l'on ne voit pas qu'elles eus-
sent été l'objet d'auciuic aniinadvcr-
sion (i ). Un événement imprévu en
fit un brandon de discorde. IN), de
Noailles, qui n'était point encore car-
dinal , fut, cette même aimée, trans-
féré sur le siège métropolitain de
Paris. Le 'xo août i6()(), il jtublia
une ordonnance dans lafpielle il con-
damnait un livre de l'abbé Barcos ,
intitulé : ExjKtsition de la foi de
r Eglise, tducJiant lu grâce et la
prédestination. C'était, comme on
l'imagine bien , toute la doctrine de
Port - Royal. Deux ans après , on
vit paraître, sous le titre i\c Pro-
blème ecclésiastique , un écrit oïl
l'auteur opposait Louis- Antoine de
(i) Une 01 doimance drM. tic Foicsta de (Jolon-
gDc , évoque d'Apt, publiée en i^oS , jiarait être le
premier acte de l'autorité épitcopalc contre eUe&.
QUE
Noaillfis , evêqnc de Cliàlons , en
i6(j5 , appi-iHivaiit cette doctrine
dans les Fié flexions morales, à Louis-
Antoine de Noailles . archevêque de
Paris , eu \ (iç)G , condamnant la mê-
me doctrine dans V Exposilion de la
foi; on y d'^niandait mali'^neracnt :
auqiel des deux il fallait en croire?
Le Problème fut condamne au feu,
par arrêt du parlement de Paris , du
10 jauvicr lOgo ['i)', mais cela ne
tirait pas !\L cle Noailles de l'état ])e'-
nib'.o où le mettait cet eraharrassaut
dilemme. On sait aujourd'hui que la
partie doçinalique de l'ordonnance
du '20 août:, était l'ouvrage de Bos-
suet. L'illustre prélat ne s'en crut que
plus obligédevenir au secours del'ar-
chevêque de Paris ; en conséquence ,
« il composa un e'crit dont l'objet
e'tait de de'montrer qu'il existait des
dilll-rences essentielles entre la doc-
trine du livre de l'Exposiîion, que I\L
l'archevêque avait condamnée , et
celle du livre du P. Quesnel , qu'il
avait approuvée : et quant aux pro-
positions de ce dernier ouvrage , qui
pouvaient offrir un sens répréhensi-
ble , il s'ed'orça de les réduire au sens
des Thomistes que l'Église permet
aux écoles d'admettre ou de rejeter. »
C'est cet écrit et quelque autre tra-
vail du même genre , que le P. Ques-
nel et ses partisans appellent VaJus-
lification des Réflexions morales ,
par Bossuet. (3) On doit à la bel-
(».) Cet écrit satirique fut d'abord attribué aux
Jt'suites; et Von nomma le P. Daniel , cjui s'en dé-
fendit. D'autres crurent que le P. Doricin , de la
même socicté , en était l'auteur. Il avait été pu-
blié par le P. Souâtre, flamand, et au^si Jésuite,
ce qui devait fortilier les soupçons. Cependant dom
Thierry de Viaixues, bénédictin de la congrégation
de Saint- Vannes , déclara que l'ouvrage était de lui.
Des ])ersonues, néanmoins, ont continué de lecroire
du P. Doucin, et prétendant que dom Thierry n'en
a été que le copiste. Hisl. de Boisuet , prir M. le
cardiucdde Uaiissel , Ti'. éd. toin. IV, ]>■ '-\i et suiv.
(3) Ce lut un abbé Le Brun , doyeii de Tournai ,
exile à ÎNîeaux , qui ayant surpris une copie de ces
écrits, restée parmi les papiers de Bcssuet, après
XXXVI.
QUE 4oi
le Histoire de Bossuet , par M. le
cardinal de Bausset , l'éclaircisse-
ment complet de ce point de cri-
tique : il résulte de son récit, que ,
loin d'avoir approuvé le livre des
RéJLexions morales , Bossuet y avait
tiouvc beaucoup de choses à re-
dire , cl avait proposé d'y raettie de
nombi'cux cartons. Soit insinuation ,
soit peur et honte de se contredire ,
1\L de Noailles , qui i'ut nommé car-
dinal l'année suivante , ne voulut
point consentir qu'on y touchât. La
nouvelle édition des Réflexions mo-
rales parut on i6t;9, sans correc-
tions, mais aussi sans a])pronaLiou
de M. de Noailles. L'eflet du ProJjiè-
me ccclésiasîique fut de ranimer les
disputes que la paix de Clément IX
avait eu pour objet d'élouOcr. On vit ,
de part et d'autre, se multiplier des
écrits oij l'on se faisait une guerre à
outrance. La plupart partaient de
Bruxelles, où Quesnel, devenu le chef
du parti depuis la mort d'ArnauId ,
vivait sous des noms supposés , et
déguisé sous des habits laïcs. Hum-
bert de Precipiauo , archevêque de
Malines, craignant que la tranquillité
de son dio(;èse n'en fût compromise,
obtintde Philippe Vun ordiepourlc
faire arrêter. Quesnel fut découvert,
saisi et enfermé dans les prisons de
l'oiricialilé , d'où , tandis qu'on ins-
truisait son procès , quelques amis ,
en perçant les murs , parvinrent à le
faire échapper. Il se cacha de nou-
veau, erra pendant quelque temps ,
non sans inquiétude, ayant été arrêté
à Namur et à Huy : il put enfin se
rendre <à Amsterdam, où Codde, évê-
que de Sebaste, et vicaire apostoli-
que en Hollande , qui venait d'être
sa mort, l'envoya au P. Quesnel , qui !h fit impri-
mer en Hollande, sous le titre de Justificalion des
Réflexions mondes par M. Bossuet; ihid. à l'endroit
cité.
26
4oa
()UE
dépose po'ir son atfaclionient an inc'-
mc parii , l'avait invite à v<inr. Là ,
il put érrirc m librrli-, et usa larp;c-
mcnldudrnitd'altafpie et dedcfciisc.
Clément XI , voulant mettre Hn à
ces contestatiiiiis, rendit, le 1 3 juillet
l'^oH, un décret, [tar lequel il con-
damnait le livre des Rèjle.x ians mo-
rales , avec lies qualifications assez
sévères. Cette mesure n'avitnl pas
produit rolVct désiré . Louis XIV,
las de voir rÉ;;lisedc Frain'ie déclii-
réc par des divisions , deman \n au
pape une constitution assez pronon-
cée pour mettre fin aux débats. C'est
sur cette demande et d'après le rap-
port d'ime conpiégatiou créée à cet
effet, et aux séantes de laqiiolle le
pape assista souvent, qoo fui dressie
la fameuse ronstitntion [ nii;t'nitus :
elle condamnait le livre îles Bé-
jlexions morales, et loi proposi-
tions qui en sont extraites , avec des
qualifications diverses, parmi les-
quelles se trouve celle d'Iiérésie ;
toutefois sans .ipi liration à aucune
proposition particulière , et aussi
sans approbation du rcstedc l'ouvra-
ge. Cette bulle ne fui pas , sur - le-
champ , reçue unanimement. Dans
une assemblée de quarante neuf é\c-
ques , tenue le 7.5 janvier 1714, sons
la présidence du cardinal de Noailles,
quarante l'acceptèrent; les neuf au-
tres , pnrmi lesquels se troiivait le
cardinal, furent d'avis d'attendre des
explications. Un des neuf néanmoins,
M. deClermont, évèqnedt; I.aon, se
réunit a la majorité ; le parlement «le
Paris enregistra la bulle, exemple
qui fut suivi par la plupart des cours
du royaume. La Sorbormc , sur des
lettres de jussiou , l'inscrivit sur ses
registres , malgré un mandement du
cardinal , qui lui défendait de rien
statuer à cet égard. Louis XIV mou-
rut, sans que rien fût fini. I.'opposi-
QUE
tion , les appels , la scission dans le
corps épiscopal, subsistèrent pen-
dant la régence : ce ne fut qu'en
1718, que le cardinal de Noaillos
céda , en acceptant définitivement
la bulle. Cependant Que.>^nel était
mori à Amsterdam , le u décembre
1719, dans sa quatre-vingt-sixième
année . après une vie passée dans
l'a^italiou , et dans de continuels
travaux , dont des troubles |)our l'Fi-
glisc , une p'aie qui n'est ])oiiit en-
core fermée pour la religion, et pour
lui-même une assez triste célébrité,
furent les amers et uniques fruits. On
s'accorde à lui reconnaître i\es fa-
I<nts,des mœurs et une conduite ré-
gu'ière. Beaucoup de ses ouvrages
respiient la pieté; mais le propir de
l'e.spiit de parti est de dénaturer les
meilleures choses. Il fil, avant d'ex-
pirer, une profession de foi : il y dé-
clarait, dit-on , «qu'il v(uilait mou-
rir dans le sein de l'Eglise catholi-
que, comme il y avait toujours vécu;
qu'il rroyait toutes les vérités (pTello
enseigne,ot condamnait tout rc(prellc
condamne ; et ()u'il reccuinai.ssait le
souverain pontife poui- le vicaire de
Jésus Cliiisl. » On a outc qu'interro-
gé par im de ses neveux, sur le parti
à prendre dans les disputes qui l'a-
vaient occupé, il lui recommanda
d'être attaché à V Eglise , «■tallribua
aux persécution.s dont il avait été
l'objet, V opiniâtreté i\\\\\ avait mise
dans ce qu'il avait soutenu ; senti-
ments qi:i ne cadrent gnJre avec la
manière dont il avait vécu, et aveux
qui semblent en indiquer quelques
regrets. Heureux si , dans ces mo-
ments >o!eimels , ces regrets furent
sinf ères et accoraj)agnés d'iui vérita-
ble et salutaire repentir ! Qucsnel
avant passé toute sa vie à écrire, la
liste de ses ouvrages est fort nom-
breuse. Les principaux soiit , outre
QUE
le livre îles Réflexions momies : 1.
Unccilition des OEuvresde St. Léon,
( fciile sur ini manuscrit apporte de
Venise, lequel avait ëte donne' à la
maison de l'institution de l'Oratoiic
de Paris) , avec des Notes , de* Ob-
servations et des Dissertations , i
vol. in-4'^. Elle fut mise à Vindex à
Rome. Cette édition acte revue, beau-
coup aupjmenic'e et corrigée , à Ve-
nise , par les frères Ballei ini , 3 vol.
infol.; elie l'a ete' cncoie à Rome,
en i'-5i et 1755, 3 vol. in-foî.,
par Cacciari , professeur à la pro-
]>Hc;aiidc , qui reproche à Qiie^nel
des infidélité'-; et des altérations ( V.
LÉON, XXIV, 3). II. Plusieurs ou-
vrages de piclc, tels que V Abrégé
de la morale de V Evangile , 1 687 ,
3 vol. iu- 12 : — les Trois Consé-
crations, in- 18 ; — Eléi>alions à N.
S. Jésus Christ , in- 18 ; — Jésus
pénitent , in- 12; — Du bonheur de
la mort chrétienne , in- 1 2 ; — Priè-
res chrétiennes , avec des pratiques
de piété , in- 1 -2. ; — l'olHce de Jésus,
avec des réflexions, in-8''. III. Tra-
dition de V Eglise romaine sur la
prédestination des saints , et sur la
grâce efficace, Coiogr.c , 1687, 4
vol. in-12, sous le nom du sieur
Germain , docteur en théologie. IV.
Apologie historique des deux censu-
res de Louvain et Douai, sur les
matières de la grâce, sous le nom
du sieur Gery, bachelier en théolo-
gie , in-12 , 1688. V. La Discipline
de r Eglise , tirée du Nouveau- Tes-
inent et de quelques anciens con-
j ciles , Lyon, 1689, 2 vol. in-4''.
' VI. L'Idée du sacerdoce de Jésus-
Christ , in \l , souvent réimprimée.
VII. Causa Arnaldina, m -'6°.,
1699 ; c'est un Recueil de pièces la-
j tines en faveur de ce docteur. VIII.
I f/istoire ahrégéede la vie d^ Antoine
Amauld, Liège , 1699 ' ^ "^°'* ^"'
QUE
4o3
ii.W. Justification de M. Amauld^
1702 , 3 vol. in-12. X. La Sou-
veraineté des rois , défendue contre
Lcydeker, Paris , 1 704 , in- 1 2 ; cité
avec éloge pour la pureté des prin-
cipe sur cette matière. XI. Recueil
de lettres spirituelles sur divers su-
jets de morale et de piétés 1721,3
vol. iu-i2. XII. Une quantité prodi-
gieuse de 31 é moire s , Ecrits 1 olémi-
ques, Opuscules. Pièces relatives aux
oontest.itions dans lesquelles Quesnel
s'est trouvé engagé ; productions de
circonstance, oubliées aujourd'hui,
et dont IMoréri donne là longue no-
menclature {F. Arnauld (Antoine),
Il , 5oi , et NoAiLLEs ( Louis - An-
toine ), XXXI, 3o5). L— Y.
QUESINEL (L'abbé), nommé
Pierre , et surnommé Bénard clans le
Dictionnaire de Feller, est connu dans
la républiquedes lettres par divers ou-
vrages, ctsurtout par une Ilistoiredes
Jésuites : mais il l'est peu quant à sou
personnel, sur lequel même plusieurs
renseignements se contredisent. Fel-
ler , par exemple, dit qu'il mourut à
la Haye , en 1774, âgé de soixante-
quinze ans, et d'autres assurent qu'il
est mort a la Bastille. On convient
assez (ju'il est né à Dieppe. Néan-
moins, <\?Lnsi\ts Mémoires chronolo'
giques pour servir à l'histoire de la.
ville de Dieppe, on ne trouve point
son nom parmi ceux des personna-
ges de la même ville qui se sont fait
quelque réputation. D'après les dates
de Feller, il serait né en 1699, et
n'aurait en que quarante-un ans, eu
I 7 40, époque où a paru la première;
édition de VHistoire des Jésuites.
Cela ne s'accorde pas avec ce que
l'auteur dit dans la préface qui sert
d'introduction à celte histoire, oii il
se donne pour un vieillard à qui « il
ne reste qu'un soufle de vie , que la
vieillesse et les infirmités sont prêtes
26..
/,o^ QUE
à li)i arracher. » Le P. Qucsncl avnit
un frère ([v.i perlait le nom iVahhé
Quesnel; raais l'âge qu'il aurait eu
ne jicmu't f:;uèrp de voir eu lui l'au-
teur de celle liistoire. iM. Bai hier
l'attribue à un neveu du fanfeux
oratoricu.il paraît, au reste, qu'il
clait dans rintention de son auteur
de n'être point connu. Voici , outre
l'âge avance qu'il se donne , ce que,
daus la préface déjà citée , il annonce
ou veut faire croire de lui-même : il
dit qu'il avait été mis icune chez les
Jésuites, pour v être élevé; que dès-
lors il sentit le désir de connaître ces
hommes, dont il avait eritcndu j)arlcr
comme de personnages qui jouaient
un grand rùlc dans le mon, le aliu
de les faire connaître a tinte la terre,
après qu'il les aurait lui-même par-
faitement connus ; « qu'il vit , dès-
lors , que ces prétendus maîtres en
Israël , n'avaient aucune teinture de
la vraie religion ; » qu'ils avaient
cherché à l'engager dans leur com-
pagnie , « ce qui leur parut d'autant
plus assuré , (ju'ayant perdu , dans
son enf.ince, les parents qui auraient
pu s'opposer à cette démarche , il se
trouvait maître de ses volontés j» que
sa fortune était considérable , et sa
naissance illustre; qu'il avait voyagé
en France , eu Angleterre , en H(j1-
lande , parcouru louifs les contrées
de l'Europe, visité les Indes orienta les
et occidenlales , le Pirou . le Mexi-
que, en un mot,faiile tour du monde,
pour ne rien omettre de ce qui pou-
vait l'instruire sur l'objet de son ou-
vrage , dont l'exécution « lui avait
coûté quarante ans de travail et de
recherches. » Enfin , il se dit étran-
ger, et réclame l'indulgence du lec-
teur « pour sa diction ; le français
n'étant point sa langue naturelle. »
Rien de tout cela ne peut assurément
convenir à uu neveu du P. Quesnel.
QUE
1/ écrivain semble donc ne s'être*
propose d'autre but que celui de
détourner l'attentioii du j)ublic, et
de dérober à sa connaissance l'au-
teur ou les auteurs de celte His-
toire; car Fontclte laisse entrevoir
que l'abbé Quesnel ne fut jias le seul.
Quoi (|u'il en soit , et quel (|ue soit
cet abbé Quesnel , on a de lui : I.
Histoire lies relifiieiix de la compa-
gnie de Jésus, contenant ce qui s'est
fiasse dans cet ordre depuis .■^on éta-
blissement jusqu'à présent , jour
servir de sup/ lément à l'Histoire
ecclésiastique des seizième , dix-
septième et dix - huiliènie siècles ;
iîolcurc , 1740, 4 ^^'- iii- ''->.. Ija
préface ou introduclion comprend,
à elle seule, presque tout le premier
volume : elle contient un article très-
ctendu sur le commerce des Jésuites.
L'auteuravait annonce (|u'il commen-
cerait sou Histoire à la naissance
même de l'instilul, et qu'il la con-
duiiait juscjiren l'année 1737. Les
qu.itre qui ont paru ne vont que jus-
qu'en iS^'i, et se terminent à la
mort de saint François de Ijorgia ,
troisième général de la compagnie.
Fonlette dit que l'abbé Quesnel en pré-
senta la suite à divers libraires de
Hollande , mais y mit un prix si
excessif qu'elle lui est restée. Suivant
Fellcr, elle ne fut achevée que trois
mois avant la mort de l'abbé Ques-
nel , qui, peu d'heures avant de ren-
dre le dernier soupir, à la per-
suasion de certaines personnes qui
lui en firent un cas de conscience,
jeta au feu le manuscrit , lequel au-
rait formé 20 volumes in-ia. Quoi-
que les quatre premiers volumes
contiennent des choses curieuses, il
y règne un tel esprit de dénigrement
et tant de partialité, que la perte du
reste n'est pas fort regrettable. 11
existe une édition retouchée du cora-
I
QUE
menccineut, Ulrecht, 1-^4» el >74^'
C'est la seule (jiie Fellex" ait cûiimie.
H. Extrait de V ahnanach du Dia-
ble , I -^37 , ef Almannch du Diable,
i-yoH, \i\-\i. Ces deux pièces sont
remplies de faits anecdotes et satiri-
ques, sur plusieurs personnes de la
cour , prélats et beaux-esprits. On a
quelquefois attribue à l'abbeQuesnel
un 0)ivra<:;;e allégorique sur les affai-
res de la bulle Uniç^enitus , intitule :
Histoire de don Ranucio d^ Alétès ,
Venise (Rouen), 1730, 1738, -x
vol. in- ri. Ce roman est de l'abbc'
C. G. Porëe [F. ce nom. ) L — y.
QUESNOY (Du). F. Duques-
NOY.
QUETIF ( Jacques ), savant do-
minicain , e'iait ne à Paiis le 6 août
i6i8. Dès l'âge de dix-sept ans , il
prit riiabit de l'ordre de 6aint-Do-
iniui(]ue ou dos Frères-Prêcheurs,
dans le couvent de la rue Saint-Ho-
norc. Après avoir étudie en philoso-
phie à Paris, et en théologie à Bor-
deaux, il habita successivement di-
vers monastères de son ordre. Il
était, en ib^i^à Amiens; en i6/j5,
au couvent de la ruedeSainl-Dooini-
(piede Paris; et àToul, en 1G49. ^l
revint, en i65'2,dans la maison de
la rueSaini-Honore', où il avait fait
sa profession, et s'y fixa pour tout le
reste de sa vie. Il y remplissait la
fonction <le bibliothécaire; et il pa-
raît n'avoir exercé , depuis l'âge de
trente-quatre ans , aucun autre em-
ploi. Il n'aimait, dit son confrère
Échard, que les occupations littérai-
res, et fuyait les charges claustrales.
Il s'appliquait surtout à enrichir et
à mellrc en ordre la bibliothèque
qui lui était confiée. E'ie était peu
considérable encore, quoiqu'eni 6 j8,
à la naissance du Dauphin, qui fut
depuis le roi Louis XIV, les reli-
gieux 50 fussent avisés delà dédier à
QUE 4o5
ce prince. On lisait sur la ])orte de
ee dépôt: Hœcprincipi Delphine hi-
hliolheca dicata fuit , die natali
ejui, 5 sept. i038; maison ne croit
pas que celte dédicace leur ait attiré
a ucune libéralité de quelque valenr.Ce
fut aux soins de Quélif , durant qua-
rante-six ans, que la bibliothèque de
ce monastère dut ses premiers et ses
plus jirécicux accroissements, et mê-
me le legs qu'elle reçut, peu de mois
après la mort de ce religieux , des li-
vres de Piques, docteur de Soibon-
re : elle était, en 1789, composée
de plus de trente raille volumes,
bien choisis , au moins en ce qui
concernait les sciences ecclésiasti-
ques, l'histoire et leslangiies orienta-
les. Quétif doit êlrecompté parmi les
bibliothécaires qui ont laissé des tra-
ces de leur zèle et de leur liabiletc
dans les dépôts de ce genre. Il avait
acquis des connaissances bibliogra-
phiques très-étendues , et alors assez
rares. Le chancelier Séguier luiavait,
en quelque sorte, confié le soin de
ses propres livres; et l'on dit qu'il
n'en adîneltait aucun dans sa col-
lection qui n'eût été acheté 013 exa-
miné par Quétif : la bibliothèque
de Séguier est connue par le Cata-
logue qui en a été imprimé à Pa-
ris, 1685. Intimement, lié avec ce
chancelier , Quélif entretenait des
relations non moins honorables avec
plusieurs litléraîeurs de son siè-
cle ; en France , avec les frères Du
Puy , Thévenot, Ducange , Rtnau-
dot , Richard Simon, Longuerue,
et les jésuites Labbe et Garnierj
au-dehors avec Léo Allalius , Luc
Holstenius, Em, Schelstrate , Bol-
land et ses associés Henschen et Pa-
pcbrock. Il était d'ailleurs fort sou-
vent consulté sur des questions de
droit - canon; car il pass;iil pour
très -versé dans cette jurisprudeu-
4o6
QUE
ce, alors oxtiiîincmeni compliijueo;
et lorsqu'il s'e'.cv.iit en celle uiatic-
rc des liifllciil tes graves , ou avait
recours à lui, comme à un oracle,
«lit EcliarJ. L'cteudue de ses cou-
naissances, et le talent qu'il avait
d'écrire ele'gaïuuient eu latin, le dé-
signaient à ses supérieurs connue
le littérateur le plus capable de com-
poser, eu cette langue, une histoire
générale de leur ordre : il en fut
charge ; mais il renonça bientôt a
une entreprise qui lui [)arut trop
vaste , et qui , silon lui , exigeait en-
core plus de luUcriaux et de monu-
ments qu'il n'en avait a sa disposi-
tion , (jUûiqu'il eût fait, pour en ras-
sembler et eu vérifier uugraud nom-
bre, plusieurs voyages en France,
en Belgique et eu Allemagne.il se
borna donc à l'histoire liKéiairode
l'ordre des Frères Piêcheurs, à par-
tir de leur établisseiofut au treizième
siècle; c'était un Ir.ivail déjà bi<n con-
sidérable , selon le plan (jii'il en avait
conçu , et qu'd a eu pailie exécuté.
)1 en était encore occupé, lorsqu'il
tcrmiua, eu iGy8, sa paisible ei la-
borieuse carrière. Écliard dit qu'il
u'avait pas soixanicJix-huit ans ac-
complis -.œtatis unno L.wrju non-
dum complel'j; et cependant c'est
Echard lui raèuie qui donne les da-
tes de sa naissance, eu itji8, le G
août , et de sa mort , le -i mars
1698; il y a soixaute-dix-neuf ans
et plus de six mois entre tes deux
termes. Voici les ouvrages qu'il
avait publics: I. En 1GJ7 , Ilierony-
mi de Medicis , (orinaUs evplua-
tio Sumniœ t/ieoïogicœ D. Tfiumœ
^quinatis, cditu delersis mendis ,
a Paris, 5 tomes in-folio, avec une
préface dcQiiétif. II. Concilii Tri
denlini canones , Paris, 1G66, in-
I i. Quétif y a joint une table des per-
sonnages qui ont Cguré au concile de
QUE
Trente , et nu index des livres dé-
fendus. Bayle et Niceron indiipient
cette édition ; Echard l'a omise. III.
Joluinnis à S. Thonid Oieolo^iœ ta-
mus yjitc'l idiiinus, Paris. i(i();,in-
fol. Les se|)t premiers tomes avaicnl
paru en Espagne et à Lyon : Quétif
a concouru avec Combelis, son con-
frère , à l'é<lition du huitième, et y
a joint une Vie de l'auteur, Jean de
Saiut-Thomas . dominicain portu-
gais. Il a de plus préparé le manus-
crit d'à pi es lequel un (leva il i m primer
un opuscule du mèiiio théologien ,
sur la confession. IV. rie de Sm'o-
wirule, pur Pic de la Mirandule ;
réi'elatiuns , épitres et uiiircs écrits
de Sa^'unarole , ai'ec une préface ,
des notes et des additions , par Qué-
tif, Pans. 1G74, 3 vol.inii. V.
Pet ri Morini iipusculu et episloUr ,
Paris, iG^i), in-i.l. Quoicpie le P.
Quétif se soit annoncé comme l'édi-
teur de ce livre, sur le frontispice
, même , Echard n'a pas jugé à propos
d'eu faire mention : mais Richard Si-
mon paile avec éloge de ce recueil ,
dont il dit ( Lettr. choisies , t. 1 , |).
. 3i4 ) avoir vu les originaux dans la
chambre du P. Quétif, savant reli-
gieux dominicain de la rue Saint-
Honoré. VI. Factura des Domini-
cains contre les Jlériédictins , qu'ils
accuscntd'avoir usurj)é leur couvent
de Metz, iG9o,iii-4''. Ce Factum
est le sujet d'une lettre ( t. m, p. 1 47 )
de Richard Simon à Quétil, qui le
lui avait envoyé, et qui paraît avoir
contribué aie lédiger. \\l. Scripto-
res urdinis Pradicatorum recensili,
Paris, 1719 - 1721 , '2 vol. iiiful.
C'est le principal titre de la réputa-
tion littéraire de Quétif. A la vérité,
il n'a pu achever cet ouvrage; mais
il en a fait huit cents articles , qui
sont les plus importants, puisqu'ils
conccrneut les écrivains que l'ordre
QUE
cîc Saint-Dominique a produits aux
treizième , (jiialor/.icme et quinzième
siècles, temps on la lillèrature était
cultivée plus qu'aillcnrs dans les
inonastcres, et principalement dans
ceux dos Frères-Prêcheurs. On doit
donc à Qtie'tif une partie cousidcra-
hlc de l'histoire littéraire de cet à^;
et il n'a néglige aucune recherche
pour compléter ce travail , aucun
examen j)our le rendre exact, au-
cun soin même pour eu polir le sty-
le, autant que le permettait la ma-
tière. Il avait d'ailleurs préparé, pour
le continuer, des matériaux dont a
profile Jacques Echard ( F. ce nom ,
XII, 4">">-56 ), qui, en suivant la
même méthode, a conduit ces Anna-
les jusqu'à \yio. Dora Liron ( Sin-
giilar. histor. , m , 369-383 ) a re-
levé , dans ces deux volumes , un petit
nombre d'omissions et d'erreurs, et
n'en a pas moins rendu hommage
aux talents et au travail des deux au-
teurs. C'est en eiïet un excellent Re-
cueil de Notices biographiques et bi-
bliographiques. On y lit avec inté-
rêt les Vies de plusieurs écrivains
célèbres en leurs siècles, et fameux
encore ; leurs ouvrages sont iiuli-
qués avec précision , et appréciés
lorsqu'ils eu valent la peine : les édi-
tions sont bien décrites; et il est per-
mis de dire, qu'à tous égards, ces
deux volumes tiennent un rang Irès-
distingui j)arroi les livres d'histoire
littéraire et de biographie, rédigés
avant 17-21. VIII. Quétif avait lait
des additions à la Vie de Barlhélc-
ini des Martyrs , par J.-B. Le Beau :
il avait préparé une é lition rie cette
vie et de toutes les OEuvres de Bar-
thélemi ; mais ce travail est resté
manuscrit. La Vie du P. Quétif se lit
rédigée par Éehard, p. 746, 747 du
lom . H d u ScripLores o:d. Prœdica t . ;
et avec moins de détails Liographi-
QUE
407
ques.au tome xxivdcs 3féinoiresde
INiceron. — Une faut pas confondre
Jacques QuKTiK, dominicain, avec
Jacques Qul'tik, boari^eois de Fa-
ris, auteur d'un volume in-S**., in-
titulé : La fie et les miracles de
sainte Aure , ..bbessc de l'ordre de
saint Benoît , Paris , iGji3 , et avec
des additions, Paris, i6u5,in-8''.
Ce Quétif était probablement de la
même famille que le religieux domi-
nicain ; mais il y a peu d'apjiarence
que ce soit soJi pèie : car celui-ci
était notaire , et il est à croire
qu'il aurait pris cette qualité , plu-
tôt que celle de bourgeois de Paris ,
dans l'intitulé de son livre.
D N — u.
QUEVÉDO Dt VILLEGAS(DoN
Fraixçois ), l'un des littérateurs es-
pagnols les plus féconds et les plus
spirituels, et le seul que l'on puisse
comparer à Cervantes, quoiqu'il ne
l'ait point c'g.dé , naquit eu i58o, à
IMadiid(i), de parents nobles et at-
t'jchés à la cour par d'honorables
emplois. Orphelin dks son enfance,
il fut envoyé , par son tuteur , à l'u-
niversité d'Alcalà , où il fit de grands
et rapides progrès dans toutes les
sciences. Il s'attacha d'abord à la
théologie (2); ensuite il étudia les
belles-lettres, la philosophie, la ju-
risprudence tl !a médecine , avec un
égal succès. Outre !e latin et le grec,
il possédait l'hébreu (3), l'arabe,
l'italien et le français ; et il passait
les jours et les nuits à lire les meil-
leurs ouvrages dans ces différentes
(i) Et non pas à ViUemieva de riiit'iutado , com-
me le preteudeiit quelques biographes.
(2) Qtieve'do prit ses degits eu tliiologie à l'âge
de quinze ans ; ce qui paraît à peine croyable .
comme le remarque M . Buiitevweck , daus l'Histoiie
de la littérature espagnole, il , ni.
(3) L'auteur de l'Essai sur lalitlf'ratiirc esj>;ignoIe
( M. de Malmontel') assure f p. 1 13 ) qu'.'. la requête
de Vhistoi-icn Mariiiaa, Quèvédo fut ihargé par le
roi de revoir la Jionvelle édition de la Bible d'.Vriat
:,Iuul.ii:.s.
4o8
OLE
lancucs (4 • Qocvcdo n'avait cepen-
dant point ucgligc les ails d'a^reiiu'Ht:
il avait tronvé le loisir de cultiver la
musique; et, malpié la dillorniite
de SCS pieds, qni devait lui rendre
pins pénibles les exercices du corps,
aucun cavalier de sou âge ne le sur-
passait dans les armes et dans la
danse. Aime de ses camarades , sou-
vent ils le prenaient pour juge de
leurs querelles ; et presque toujours
il parvenait à réconcilier les deu\
adversaires, en menaj^eaiit leur dé-
licatesse et leur susceptibilité. Jouis-
sant d'une grande fortune et de la
considération générale, il vivait heu-
reux , (piand une aventure singulière
vint changer sa dt-stincc. Un jour,
il vit dans une église, à Madrid ,
un cavalier qui maltraitait une fem-
me: il piit la (lefi-nse de rinconiiue ,
et eut le malheur de tuer son adver-
saire, qui était également inconnii.
C'était un granl seigneur. Craignant
les poursuites de sa fimille , Queve-
do Miivit , ru Si- i!e , le duc d'Osso-
ne. qui venait d'en être nomme vice-
roi. F,a cipacité q-i'il iMonira pour
le- alTiires , lui mérita bit niot tonte
la conliance de son protecteur. Il fut
chargé de rinspettion-génciale des
finances , dans la Sicile et dans le
royaume de Naples ; et il remplit
cet emploi difli'ile avec une rare
intégrité. Avant enfin olilenu sa grâ-
ce, par le crédit d;i duc d'Ossone, il
fit emplovc dans plusieurs négocia-
tions . dans dill'érentes ambassades
à la conr d'Espagne, et près des jia-
pes ; et il déplova partout beaucoup
d'habileté, de pruJencectde coura-
f') Srt Irrliirrt rniitlniirllrt aATtiblirefit ta xur .
ai point qu'jT.iit !<;•■ de Irenle «u», il >•» (nUTail
|v«tu <Ju4iHf(uer le* ul»)''(« *ari« If «'■court dr lunrt-
I •. \ntri bM« Jr» |>olrailj H.-Oti»-»rdj le rc in>*ii-
I lit .i»rc <Jm 1 Dell"» tr. vlargf», au traTem dr»-
I I « on dùtiDjae la |iby»unomic tivv et «iiiri-
QUE
ce. Il se trouvait à Venise lors de la
découverte de la conspiration de
Bedmar ( f. Bkdmar, IV , 4t) , et
Osso^E , XXXI 1 , iiO ) ; mais il
réussit à se dérober à toutes les re-
cherilies, et revint en Esiiagne. I.a
disgrâce du duc d'0-vsone uv pouvait
lAiiqncr d'entraîner celle de son fa-
vori. Quevédo fut arrêté en i()io,
et transporté dans sa terre de la
Torie di- Juan Abad , oii on le re-
tint prisonnier pendant troi» ans et
demi , sans vouloir lui permettre,
])endant les deux premilres années,
de faire venir, de la ville voisine,
un médecin pour lui donner les soins
que réclamait sa santé. vSoii inno-
cence fut enfin reconnue: mais, avant
eu l'imprudence de réclamer le paie-
ment des arrérages de ses pensions,
et en outre un dé lommagenient pour
les maux qu'il avait sonlltrls , il ii;t
exilé de nouveau. Ce fut alors que ,
cherchant des consolations à >es pei-
nes dans lu culture d»s lettres, dont
ses occupations politiques l'avaient
depuis long -temps détourné , il
cf.mposa la plupart de ses poé-
sies, qu'il publia sous le nom du
bâche' ier d« La Torre (.'^). Ses
ennemis se lassèrent à la fin de le
persécuter : il obtint la permission
de revenir à la cour ; et en i()3i , il
fut revêtu de la charge de seciétaiie
du roi : mais il se conlenta du titre ,
et refusa de rentrer dans les af-
faires, malgré les instances du duc
d'Olivarès , qui lui proposa l'ambas-
sade de Gènes. Éclairé , par son ex-
périence, sur le néant des grandeurs,
il avait résolu de se vouer sans par-
tage a l'élude de la philosophie,
et à la culture des lelties. Sis ou-
vrages étendaient chaque jour sa rc-
putalion dans toute l'Europe ; il en-
(i) r.Vlait le i.om de ta terre qu'il lial>it«.l dan»
la iiruTioce de la tAaiKbt.
QUE
trctcnail une correspondance suivie
avec les hommes les plus savants de
l'Italie et des Pays-Bas ; et ses com-
patriotes eux-mêmes rendaient jus-
tice à son mérite. Une fortune suUi-
sanle pour ses besoins, s'était accrue
de quelques bénéfices ccclésiasiii|ues
qui lui formaient un revenu de huit
cents ducats. Il y renonça pour épou-
ser , à l'âge de cinquante-quatre ans
( en iG34 ) , mie femme d'une haute
naissance , qui lui avait inspire la
plus vive passion. Après quelques
années d'une union paisible, il eut
la douleur de perdre son épouse, et
revint à .Madrid demander des con-
solations à l'amilie. Ses ennemis l'ac-
cusèreni bientôt d'être l'auteur d'un
libelle contre le ministère : il fut ar-
rête, en 1641 -et jeté dans un noir
cachot , où il languit oublie pendant
vingt-deux mois. Tous ses biens fu-
rent saisis ; et il fut réduit à vivre
d'aumônes dans la prison , où il ne
put obtenir un chirurgien pour pan-
ser les plaies dont tout son corps
était couvert. 11 écrivit enfin au com-
te-duc ( d'Olivarès ) , pour lui expo-
ser sa situation et demander justice.
On trouva que l'auteur du bbclle
qu'on lui avait faussement attribue,
sul)issait de]à sa peine dans une au-
tre prison ; et il recouvra sa liberté.
L'erreur dont il était la victime, l'a-
vait entièrement ruine : mais il sa-
vait que ses plaintes ne seraient point
c'coulo'es; et il lelourna malade dans sa
terre de La Torrc, 011 il mourut, le 8
septembre iG45.Pendantsa dciuièrc
détention, les manuscrits de Qucvèdo
furent dispersés (6), et entre autres
{(>] ^I. Bpnoiiard est pa'veim ?i se |irocurer nn ou-
vrage encore inédit de Qncvedo, et qui, s'il u'cst
pas aiitngr.iphe , est du moins une boime copie du
temps : Orumles anales de qiiinci: dias. Historia
de inttcUos S'^liis que paninm en ttn rn^$, Kscriio
en la terre d; Juin Abad , iCn.i , in-4". Voyez le
Cat. de la biblicth. d'un amateur, III , ?.56.
QUE
409
ses Pièces de théâtre el ses Ouvrages
historiques , en sorte que le Recueil
de ses OEuvres ne contient pas tous
les genres de littérature, comme il
l'aurait de§irc. Qiicvédo , dit M.
Sismondi , est de tous les écrivains
de l'Espagne, celui qui olFrc le pins
de rapports avec Voltaire, non par
le génie , mais par l'esprit : il avait ,
comme lui , cette univcrsalilé de
connaissances et de facultés ; ce ta-
lent pour manier la plaisanterie ;
cette gaîiéun peu cynitpie, lors mê-
me qu'elle était appliquéeà des objc'.s
sérieux ; cette ardeur pour tout en-
treprendre et pour laisser des monu-
ments de son génie dans tous les
genres à-la-fois ; cette adresse à ma-
nier l'arme du ridicule, et cet art
de faire comparaître les abus de la
société au tribimaldcropinion.Mais
Quevédo écrivait sous un gouverne-
ment soupçonneux ; et il avait en
outre à lutter contre le mauvais goût
de son siècle, à l'influence duquel il
n'a pas entièrement échappé. Que-
védo , en évitant l'enflure et l'exagé-
ration, qu'il reprochait avec raison
aux disciples de Gongora ( P^of. ce
nom, XVIII, 04), n'a pas su se
garantir de l'afTcctation de l'esprit :
peu d'écrivains en ont eu plus que
lui ; mais aucun n'a tant alT'ecté d'en
montrer, et c'est ce qui rend fati-
gante la lecture de ses ouvrages. Il
a porté cet abus de l'esprit plus loin
qu'aucr.n de ses compatriotes ; et il
pourrait fournir , à lui seul , un
immense recueil de C07zce/ti, de rébus,
de jeux de mots et de calembours.
Ses œuvres ont été réimprimées plu-
sieurs fois en Hspagnc et dans les
P.iys-Bas , au dix-septième siècle ;
mais on ne fait aucun cas des an-
ciennes éditions en 3 vol. in-4°. ,
parce qu'elles sont mal exécutées , et
d'ailleurs fort incomplètes. Les deux
4>o QUE
seules que recherchent les amateurs,
sont celles deMadrid. Ibarra, i;"-.?,
0vol. 111-4".; ou i-y, , ,, voK ui-
b°. Oulrc des Traductions espa-
gnoles de V Introducliûn à la vie
dévote, |)ar saint François de Sales
( 1(534 , i" -b". ); de la /Ve </e
M. hrutiis, par Phitarquc ; des Re-
mèdes contre lu furliine, ouvra-
ge attiib'Jc qiielqMi-rois a Scnèquc ,
mais qu'on sait être de lVtrar.|iie(/'.
ce nom;; du Homuliis de ALlvezzi;
des Sentence:, de Phocylide , et du
Manuel d'Epictète , trad. en vers ,
ce Kecueil contient un grand nom-
bre d'ouvra-es, parmi les(|uels on
citera : I. PoUlicade Dios , etc. ( la
Poliii(|uc lie Dieu et du gouverne-
ment de Jésus -Christ, tirée de la
sainte Ecriture ;. Ce nVsI point un
traite de politique tel qu'on pouvait
l'attendre du coulident du duc d'Us-
sone ; mais, dit M. Sismondi , à dé-
faut de profondeur , on y trouve de
l'esprit et des idées ingénieuses , et
un btyle précis et énergique. II. La
fie de l'apûlre iuinl P„ul. III. La
fie ahrèi^ée du li. Thomas de f'il-
leneuve, IV. Méiminal per el Ta-
trunato de sant Ias,o ; l'auteur y
prouve que saint Jac(jues doit être re-
gardé seul comme le patron de l'Es-
pagne. \. Caria , etc. ( Lettre à Louis
xui , roi de P'rance ). (^ucvcdo s'y
plaint avec force de>cxcè!> que les (iro-
testant-s commettaient dans les Pays-
Bas, .sous la conduite du maréchal
de Châtillon. VI. Los Suenos , etc.
(les Songesou visions;, Rouen, 1GÎ7;
ils sont écrits avec une gaîlc que le
sujet ne semble pas toujours com-
porter. Le premier intitulé : El
suenude luscavulleras [ le son^c des
crânes ou des tètes de mort ) , est un
tableau du jugement dernier , dans le
genre grotesque : il est impossible
d'clrc plus gai dans uu sujet aussi
QUE
grave, et de peindre d'une manière
plus piquante les abus des dilTerents
états et les vices des hommes de
toutes les classes. Lps Visions de
Quevedo ont été trad. en français ,
j)ar de La Gcncste , Paris, 1667,
1(383, in- l'i ; sous le titre de
fûjage récréatif, par l'abbe Bé-
rault , Paris, 17 50, in-12, et dans
le Recueil des f'o) a^es inia<^inaire3,
tomes XV et xvi. Enlin il en a paru,
en iHii, une traduction nouvelle,
par M. L. ( Paris , Blanchard , un
vol. in-i-i ) (7). Moschcrosch (sous
le nom de Philander de Sittewald )
les avait traduites en allemand dès
1045 , Strasbourg , in 8». \\]. Jlis-
tiiria y vida dcl ^ran tacanno del
Lu con ; c'est un roman dans le-
quel le» mœurs nationales sont pein-
tes d'une manière très - divertissan-
te. Il a été traduit en français sous
le titre de WJvenluricr Buscim ,
par de LaGeueste, Paris, i(J33 ,
i(J44 1 in-8". ; sous celui de Cou-
reur de nuit ou l'aventurier noc-
turne , par Raclot, .\msterd. (Paris),
1731 , iu 1-2 ; et enfin , sous celui de
Ein mutoii ou histoire du ^rand la-
tjuin, par Relif de La Bretonne, et
d'Hermilly, Laliaye Paris), 177(3,
3 part, in-ia (8). Bertuch en adon-
né dans sou Magas. de lilter. esp.
une traduction alh^mande fort es-
timée sous ce titre : Lehen und
Tfiaten des Erzschalks. VIII. Car-
tas del cavnlleio de la tenaza
( les Letiies du chevalier de l'É-
pargne). Celte correspondance en-
seigne toutes les manières de refu-
ser uu service , un prêt ou uu pré-
tcht : elle a été traduite par La Ge-
(- ) X^iGatrUc lie France, du ïo nov. l8i», rnul
uu <:uinptc aMc» peu avHnlageux de cette Iradiittioii.
(8) Sur 5oo eipmplaires de cette édition on «
criiii«rv<' r^ucien titre \' Aventurier Buiron : Toyt»
le Ûicl.iUi anvri^m,, a'', cdit. ,u". Gj33.
QUE
ueste 1 1 par Rotif de La Bretonne ,
à la suite de l'ouvrage précèdent. TX.
Lihrodetodaslascosas, etc. (le Livre
de toutes les choses et de beaucoup
d'autres encore). X. La cultalatini
parla. Ce sont des conseils ironiques
aux amateurs du langage cultive' ;
Quevëdo y raille, avec beaucoup de
(inesse, Gongora, Lone de Vega et
leurs imitateurs. XL Cuenlo de
ciientos. XIL Carta de los calida-
des de un casamiento. Dans celte
leltre,Qucvcdo fait la desciipliou des
qualités qu'il souhaiterait dans nne
épouse ; elle a été trad. par Rétif de
La Bretonne. XIII. Tira la piedray
escondela mano, c'est-à-dire , jette
la pierre et cache la main. XIV. Les
Poe.si(?5 de Quevédo consistent dans
des Sonnets , des Romances , des
Idylles très-agréables , des Sylves ,
des Épîtres , des Odes ; des Chan-
sons et des Satires , genre où il ex-
celle particulièrement et dans lequel
il aeu de nombreux imitateurs. LUes
ont été recueillies par J. N. Ant.
Gonzalès de Salas, qui les a publiées
sous le titre dc^Z Parnaso espanol,
Madrid , 1648, 2 vol. in-4". L^c'di-
teur les a divisées en neuf livres, qui
portent chacun le nom d'une Muse.
Don Paul Ant. de Tarsia est auteur
d'une /^te deQiievédo , en espagnol,
Madrid, i66i , in-8".; M. Sismondi
en a donné une bonne analyse dans
V Histoire de la littérature du midi
(iv, 74"94 ) ; et l'f'n s'en est aidé
pour la rédaction de cet article.
W— s.
QUEUX ( Claude Le ). Foyez
I.EQUEUX.
QUIEN ( Miguel Le ). F. Le-
QUIEN,
QUIGNONEZ ( François de) , né
dans le royaume de Léon , vers la fin
du quinzième siècle, était fils du com-
te de Luna. Il fut admis parmi les
QUI 4 • ï
pages du cardinal Ximcnès, et quitta
la maison de cet homme célèbre ,
pourcntrerchcz lesCordeliers. Après
avoir passé par toutes les charges de
cet ordre , il fut élevé à la dignité de
général dans un chapitre tenu à Bur-
gos, en i5'2i. Charles-Quint, qui
avait de l'alTection pour lui, témoi-
gna beaucoup de joie de son élec-
tion , et lui donna une place dans
son conseil de conscience. Wadiug
ne parle (le Quignoncz qu'avec éloge :
il se plaît a raconter divers actes de
son administration , et à relever
tout le bien qu'il fit à l'ordre de Saint-
François. Ce savant religieux était
très-zélé pour le maintien de la dis-
cipline , et ne s'en écartait jamais.
On voyait briller dans sa personne
une chaiilé ardente et une abnéga-
tion apostolique. Pendant que l;i
peste ravageait l'Estramadoure ,
il ne dédaigna pas de servir les
malades de ses propres mains ,
d'administrer les sacrements aux
mourants , et d'ensevelir les morts.
Son humilité le porta, en 15^6, à
se démettre du généralat dans nu
chapitre qui se tenait à Assise ; mais
son abdication ne fut point acceptée.
Clément VII , prisonnier au château
Saint- Ange , le chargea de négocier
auprès de Charles-Quint : Quignonez
eut de la peine à obtenir l'élargisse-
ment du souverain pontife, et encore
plus à consommer sa réconciliation
avec l'empereur. Le cardinalat fut
la récompense de tant de services.
Clément VII ne fut pas le seul pape
qui l'honora de sa confiance : Paul
III , son successeur , l'envoya en Al-
lemagne pour des affaires iiuportan-
tes. En i534, Quignonez fut nom-
mé protecteur des Franciscains. Au
mois de juin laig, il (!e\int évê-
qiie de Cauria dans le royaume de
JNaples ,• mais, au mois d'octobre
/jia QUI QUI
suivant , il donna sa démission. En quelle l'auteur l'avait soumis. La fa-
i54o , I évôche' de Palestriue étant culte' nomma des docteurs pour l'exa-
veuu a vaquer, Quignoncz en fut miner; leur rapport l'ut loin d'être fa-
pourvu par le p.ipe : mais il ne le viir.il)le:entreautrosdefauts,il.s,vii;iia-
garda pas lutii^-tcmps ; il moiinit à lent la dilîerence de ce nouvc.iu hre-
Veridi, d.insle mois de septembre de viaire d'avec ceui qui sont in u.saj;;e
la même année. Son corps fiittrans- dans toutes les autres églises, et no-
porté a Home, et enterré dans l'é- taramcnt dans celle de Rome. On
glise de Sainte-Croix de Jérusalem , n'y voit point , disent-ils, le petit
dont il était titulaire , et qu'd avait olVicc de la\ ier{:;c , les antiennes, les
fait réparer. Nous avons de lui : I. r^-pons, les capitules , les homélies ,
lie ç^i sir: tin accuralisùmum siti ge- l'ordreet lenomhrcdes psaumes, tels
ncralalùs , manuscrit. II. Comi- qu'on les lit dans rÉ;;lise , ni mè-
lalio omnium j)r,vilt'p,iorum M no- me l'ordre à suivre pour lire l'Kcri-
ribïis coTicessurum , Séville , i •")3o , turc sainte aux matines. Tous ces
in fol. III. Diwiarium liumaniim ex cliangemcnts, ajoutent-ils, sont con-
sacrd fX'tissimùtn Scriptiird, et prn- traires aux anciennes pratiques , et à
balis sanctorum historiis nuper cun- h dévotion des (idèles ; en sorte (jiic
feclwn , Rome, 1535, in-S**.; Lyon, c'est une {;rande témérité à l'auteur ,
i54o,in-4". ; i54i,in-8°. ; i">4i, d'avoir Ù!c tout cela. Ce qui excita
in-4". ; I jj6, in «8°., avec privilège principalement leurs plaintes , c'est
du souverain pontife et du roi de que la Vie des .saints dont on fait
France; Paris, i 53(3, iu-4". ; i558, roHice , y C3t si abrégée, (pi'on ne
i;>8".; 1 50(3. iii-8"., Venise, i54<J, pourrait être instruit, ni de leurs
in-8'.; .\nvcrs , 1 5(33 , in- i(3, et vertus, ni des mir.irleN «pic Dku a
et ailleurs in-4^, in-8°. et in-i(): faits par leur ministère pour l'edifi-
dans quelques-unes de ces éditions, on cation de l'Kglise. Ou trouve celle ceii-
a ainumcé des corrections sur le fion- sure de la Sorbonne dans la Collcc-
tispice, mais il n'en existe presque <ton </<?jy«i'emen(5elr. par d'Argen-
pas dans le livic. Il a ciereproduit en tré, lom. II , pag. l'^i et suivantes.
i(37«),.i Paris, in-S".. sous le titre de II faut le dire cependant, la faculté
Jireviariiim CoH^erlinum. Celle i-d'i- se montra moins sévère en i574:
tioiifut f.iitc pour l'usage particulier e'Ie passa sous silence la plupart des
du grand Colbert : aucun exein|)lairc vices qui l'avaient choquée en i535.
ne fut mis dans lecommerce. Afin que Dans le temps que le cardinal de (^)ui-
le vo!ii:ne ne fût pas trop gros , on gnonez était accusé d'avoii' relranclié
n'y inséra point les leçons tirées de trop de choses de son bréviaire , le
l'Kcrilure sainte; scule.nent ou y jésuite Maldunal se jtlaignail liau-
laissa à la fin un lilcl de soie , pour lemeiil de son impudence, en ce
mettre en fcnille la Leçon de l'ecri- qu'il avait osé recueillir dans la
(ure occfirrcnte , vxlvHilc de la l>i- troisii-uie leçonde l'oflicc de la Con-
ble de Vitré. Le iJréviairedu cardi- ccpîion , les témoignages de plusieurs
nal de Quignonez, composé par or- saints, fju on préletid i\voir cuscigné
die de Clément VII , obtint successi- que la sainte Vieige a été conçue sans
veraent l'appiobalion des papes Paul péché originel. Eu i5t>8, le pape
111. Jules III , et Paul IV ; mais il ne Pie V , s'étaut aperçu (pie plusieurs
put obtenir celle de laSorbonne ,àla- ecclésiastiques avaient abiindouné le
QUI
bréviaire romain pour adopter celui
de QiiiguoDez, déicndil la récila-
tioii de celui ci par une bulle. Depuis
lors, il accsséd'èlre eu usage, et il n'a
])lus servi qu'à présenter nn modèle ,
dans quelques-unes de ses parties ,
an\ diuccses qui jouissent du ]»rivi-
le'qe d'avoir une liturj:;ie particulière.
Quant à la préface qui précède le
bréviaire, et dans laquelle le cardinal
de Quignonez expose ses motifs et
son plan , elle a été constamment
regardée comme un excellent mor-
ceau. Voyez les LettresdeKicharà
Simon ; la Biblioth. Bilual. de
Zaccaria , tom. i , et Claude Joly De
reformandishoriscanonicis, -î.^. édi-
tion. L — B — E.
QUILLET ( Claude ) , l'un des
meilleurs poètes latins modernes, na.
quit en i6o';ià Cliinon , dans laTou-
raine. Il étudia d'abord la médecine,
et la prali([ua quelques années avec
succès. Dans le temps que Laubarde-
mont informait toucliant la préten-
due possession desUrsidines de Lou-
dun ( V. Grandier, XVIII , 29'y ),
I Quillet se rendit en cette ville, cu-
' rieux d'assister à la cemnonie de
l'exorcisme. Un jour le diable, par-
lant p.ir la bouche d'iuie des reli-
gieuses, menaça d'élever jusqu'à la
voûte de l'égbse , le premier incré-
dide qui paraîtrait douter de son
pouvoir. Qudlet vint le lendemain à
î'é'^lise , et somma le diable de tenir
sa parole. Cette imprudence fut mal
vue par Laubardemont ; et Quillet ,
craignant d'être arrêté , s'enfuit à
Rome, où il prit l'habit ecclésias-
tique Ses talents et la politesse de
ses manières le firent connaître du
maréchal d'Estrées, ambassadeur de
France près du Saint-Siège , qui le
choisit pour secrétaire. Les loisirs
dont il jouissait , lui permirent de
cultiver son talent pour la poésie.
QUI 4i3
Ce fut alors qu'il composa la Calli-
pedie , })oènie auquel il doit tonte
sa réputation, et dont le sujet paraît
lui avoir é!c inspiic par le souvenir
de ses études médicales. Il termina
cet ouvrage à Paris , oij il ne revint
qu'après la mort du cardinal de Ri-
chelieu , et le fit iuipriiuer à Leyde,
en i6j5 , sous le nom de Cdhidius
Zeù<j,',anagiammedusien. On ignore
s'il avait lieu d'être mécontent du
cardinal Mazarin ; mais son poème
contenait ])lusicurs traits satiriques
contre le ministre et sa famille. Ce-
lui-ri en fut averti, et fit a])peler
Quillet. « Quel sujet, lui dit-il,
vous ai -je donné pour me traiter
comme vous l'avez fait dans votre
admirable Callipédie? Ma'gré votre
procédé, j'ai toujours senti quelque
chose qui me portait à vous deman-
der votre amitié , et à vous donner
des marques de la mienne. » Quillet,
touché d'une si grande bonté, voulut
bégayer ([uelques excuses ; mais le
cardinal, l'interrompant, lui annonça
qu'il venait de le nommer à l'abbaye
de Doudeauville ( diocèse de Boulo-
gne) , dont le revenu était de quatre
cents pistoles , et le congédia par ces
mots : « Adieu , apprêtiez à mieux
connaître vos amis. » Comme on le
devine aisément, Quillet s'empressa
de fairedisparaîtredeson ouvragelcs
traits ollensanlspour son bienfaiteur,
et y substitua des éloges dans unenoi!-
vclle édit. (iG!j6), qu'il lui dédia (i)
par une épître pleine de louanges. Il
travaillait alors à un poème en l'hon-
neur de Henri IV , dont on doit re-
gretter la perte {'2). lien laissa par
(i) Il est singulier, dit un critique , qu'un ]>oènie
sur un pareil sujet ait elé coiupo.''e par un ecclésias-
tique , dedic à un caidiual, était procure une ab-
baye à son auteur: raais la science des bienséances
n'a été connue que l'urt tard parmi nous.
(2) « Je ne puis vous exprimer , écrivait Costar a
Quillet, la passion que j'ai devoir votre divin poe-
4>4 QUî
son tcstamcnl,lc raaniiscrit à Mon.içro,
aver cinq cents cens pour le faire
iniptinicr : ^Icnaf;e paida l'argent,
et oublia le poème, qui devait ajonter
à la gloire de son ami. Quillet mou-
rut à Paris dans les derniers jours de
septembre »Gl»i. L'ahbe de Ma-
rolles parle, dansses }ft-mnirc's [tome
m, ]t. 344 ) ' ti'""f Tradueiion en
vers frinçais des Satires de Jiivenal
que Quillet lui avait comniunitpiee ;
mais on ij^nore ce qu'elle est devenue.
11 ne nous reste donc de lui que
le pocrae dont on a parle ; il
est intitule : Callipœdia ; \e« de pnl-
chtiv prolis haheiid - ratinne poénia
didaclicon. I/edition de I.ev'lc ,
l'ij"». in^"- . ^^t rare sans être re-
cherchée. Celle de P.iris , 1 ("»;><) , in-
8°., a soullerl plusieurs retranche-
ments 3,; mais elle est au..;mentee
^'unc Epitre à Eiidoxe , et d'un
FAnç^e funèbre Juç^ubre encnmium)
du pliil(i».nphe P. Gassendi [ r. ce
nom \ I/cdliii>n la plus estime'c est
celle de Londres , 1708, in-8". ,
dont le texte a ète' rétabli sur relui
de re'diliou de ifiVj, et dans In-
quelie on a re'imi la Pipdntrophie ,
poème de Sccrole de Sainte -^I;irlhe.
La Ciillipèdie a ctè traduite en fran-
çais (par Monthenanll d'K{;ly\Pari<,
i-40' P*"*'^ in-8<*. Il en existe iinc
traduction en vers ( par Lance -
lin de Laval ) , ibid. , 1774 •- '"' '"^^ î
enfin Caillau , médecin de Bor-
deaux ,en a publie, dans celte ville.
me latin , dont voo» m'am eoTOïé le comramcr-
ment. Si I* mtr ett dcmrme fnrce . il r-t «uMi loin
au-<lr«<u5 de la Selle i'alti/jéJir , c|ue la l»eJI» Cal-
lipéJtr est aii-dr^«iij de loin le» ouvrai;)-* dr rrlte
nature qui- uoiro v. t ji- a pnidiiil*. { l.<llrr ->5o de
r.o««ar . ti.m. II. ' r,.-i //m. .-m m- Iri.iivail . dit-oii ,
eulirre daru> la Lililiul}» i|uc ducardinal ii'Iuln-f'« ,
réunie ^ celle du niari-dml . v^n ne^eii; ren^'odast
elle n'est paA iudiqu4-e dar* le Catalojtuc iiuprime i
Parii . 1-40 . iu-8". ( Vuï. la b,lil. hul. dm Framce,
luni. IV, |>. 4«8. n"- ioo<l5. )
(3) Les pa«M|^5 Hip()rimei ont éU recueiJIù daiii
l« Menagùin» , lU, |>. i33 et iniv.
QtJÏ
en 1709, in-iî, un*' nouvelle Tra-
'bictioii . avec des variantes , et une
Notice sur la Vie de l'auteur. Ce
poème est divisèen quatre livres. Les
critiques s'accordent à y louer la
juste distribution des parties, l'in-
f;cnienx emploi de la fable, la variété
des épisodes, et la beauté de la versi-
fication , pleine de douceur et d'iiiir-
monie ; maigre quebjues incorrec-
tions relevées avec ai-j^ienr par La-
monnoye (dans le Mcnaç^itina , m,
■i35 \ qui reproche en outre à (Juil-
let de n'avoir pas traité sa malièrc
fort solidement , comiiiesi le but du
poète n'était pas plutôt de plaire que
d'instruire. Tout ce qu'on peut blâ-
mer avec raison dans la Callipédie ,
ce sont des peintures licencieuses ([ui,
niallieureusement , naivs.iient du fond
du sujet , et des détails trop longs sur
l'iiifluence des .istres que (Juillet n'ad-
mettait sans doute pas , puisqu'il se
piquait de force d'espiit. Le (pia-
trième livre est entièrement exempt
des défauts qu'on vient de signaler.
L'auteur y traite des soins que rc-
elaïucnt les enfants nouveau - nés ,
et donne d'utiles ])ré<eptes que Rous-
seau a développés deptiis dans son
Emile , avec tonte la supériorité
de son génie. Ce livre a été tra-
duit en entier par Coupe, dans le
tome xi". des Soirées littéraires. On
conserve, h la bibliothJ-quc du Roi ,
nu exemplaire d'une pelite pièce de
Quillet , intitulée : Ad Alexaudrum
m pontif. npt.mar. propuceinter
reges conciliandd carmen prolrep-
ticon , in^"' ^ — ^•
(lUlLLOT ( Claude ) , ne vers le
milieu du dix-septième siècle , d'un
artisan d'Arnai-lc-Duc , petite ville
de Bourgogtic, y fit ses premières
études , et alla les achever à Dijon.
Dépourvu de fortune, il e;;tia en
qualité de pre'ccptcur chez M. de
QUI
Cliinlrey , conseiller au parlement
de cette ville. Qiiillot avait de la
pictë ; il se crut appelé à l'état reli-
cicnx , et entra diez les Chartreux :
mais ses forces ne repoiiclircnt point
à son 7.èle ; sa santc souffrant de ce
nouveau çjcnie de vie , il fut oblige'
d'y renoncer après quehpics mois
d'épreuves : il re'solut alors d'entrer
dans l'otat ecclésiastique , prit les
ordres , et s'attacha , en qualité de
prêtre habitue, à la paroisse de Saint-
Pierre à Dijon. S'étant livre' à la di-
rection des consciences par ordre
de son cvêque , il s'y (it bientôt un
nom ; et sa réputation de j)ieté atti-
ra autour de son confessionnal un
grand nombre de pénitentes , parmi
lesquelles se trouvaient des personnes
les plus distinguées de la ville. Ce
succès lui fit des jaloux; malhcureu-
reuseracnl Qnillot, sans s'en dontcr,
leur fournit des armes contre lui. Il
avait lu les mystiques , étude assez
naturelle à un directeur; il avait j)ris
du goût pour leur doctrine , qui fnt
celle de plusieurs saints personnages.
11 initiait à la spiritualilé et aux
voies intérieures celles de ses péni-
tentes qu'il croyait susceptibles de
cette perfection. On agitait alors la
question du quiétisme , dont quelques
idées avaient séduit d'assez bons es-
prits. QuilIot avait eu des relations
assez intimes avec Philibert Robert,
curé de Seurre , prévenu depuis de
cette hérésie, et condamné par cou-
tumace à être brûlé pour abus de
confession et séduction de plusieurs
de ses pénitentes. Plus anciennement,
QuilIot avait reçu chez lui la célèbre
M""^. Guyon et le père Lacombe son
directeur , et avait eu avec eux de
longues conférences sur ce genre de
dévotion. Madame Guyon lui avait
même laissé quelques-uns de ses
ouvrages, et entre autres un assez
our
4i^'ï
grand nombre d'exemplaires du
Moyen court de faire V oraison.
QuilIot les avait distribués ou fait
distribuer à plusieurs dames de la
ville (i). Ses ennemis surent trans-
former ces faibles apparences en
réabtés odieuses. Suivant eux, Quil-
Iot était l'ami et le (Complice de
Robert ; les mêmes principes leur
étaient communs ; ils en avaient
tire les mêmes conséquences : les
crimes dont celui-ci était convain-
cu , et qui faisaient peser sur sa
tête une sentence si rigoureuse et in-
famante , QuilIot devait en être cou-
pable. Ces allégations furent si son-
vent répétées , que l'autorité ecclé-
siastique crut devoir les prendre en
considération. L'arrêt du parlement
de Dijon contre Robert , portait
qu'il serait informé contre ses com-
plices , sectateurs et adhérents. En
conséquence de ccîte clause, une
procédure fut établie par-devant l'of-
ficial de Dijon. Les esprits étaient
tellement échauffés , que QuilIot ju-
(i) Ce livre avait eu de la vogue et la repirfalion
d'un bon ouvrage de |>ieto. « Des notes nianusciites*
» de 1 ablie Fleury nous apprennent que l'evèque
» de Chartres ( Godet Dcsmarais ) vin! un jour dire
» à Mme, Je IMaiiitenon (ju'il uo fallait pas sVtoii-'
» lier s'il y avait à Saint-Cyr de la division ; qu'il y
«Courait des livres pcrnirieuT , entre autn-s. le
» li/oren court. M""», de Maintenon le tira de sa
« ))othe en riant, lui demandant si c'i tait celui-là
>i et soutenant qu'il était fort bon. » 1,'alibé Fleury
ajoute : « Depuis deux ans Mme. de Maintenon le
>' pjrtaif toujours sur elle. » ffiit. de Bomiel, par
M. le cardinal de Bausset, cdit. de iSir) , tome iil
p. ■>&'}. Le vovage de Mm«. Guyon à Dijon date de
lG8(). L'abbé thelipeaux, dans sa Relation de l'ori-
gine et des proférés du (/iiiéltune , tom. I , p. 35 ra-
conte que ic l'abbé de la Pérouse et plusieurs doc-
» (purs en théologie faisant, au coininenceraent de
» l'année i(î8p, une grande mission à la paroisse de
«Saint-Micbcl de Dijon, découvrirent que le sieiir
» QuilIot enseignait à ses dévotes la nouvelle spiri-
» tualitë Le Moyen coar«,aioute-t-il , était répau-
» du dans toutes le* maisons. Us en firent brûler trois
» cents exemplaires, par M™e. Languet, veuve de
» M. Lauguet, procureur -général au ].arlement.
» Cette bonne dame, très-verluense, dit encore
» l'abbé Phelipeanx , était chargée de les distribuer
» sans en connaître le poison et l'illusion. » 11 paraît
que QuilIot lui-même , que cela éclairaitsur le dan-
ger du livre, en remit plusieurs exemplaires aux su-
périeurs ecclésiastiques.
4ifi QLI
gca dangereux de se présenter ; et
sentence intervint oonlre lui par dé-
faut, en date du 17 juillet i-oo : il
y est déclare rontuiuace , atteint et
convaincu d'avoir tenu des discours
remplis des erreurs du quiclisine,
d'avoir di-'liibiie des livres suspects
dcstlites erreurs , d'avoir entieteim
des liaisons avec Robert et d'.uilres
personnes suspectes, pour raison de
(pioi il est condamne à cire rcnferine
pcridant trois ans dans un monas-
tère. I.a même sentence englobant
d'autres personnes condamnées à di-
verses peines, l'autorilc séculière en
prit c'tunaissance er« ce ijui la regar-
dait. Quillol envoya divers mémoi-
res justilicatifs. Enfin , par r.rrêl du
n août 1700, il fut mis hors de
cour. Enhardi par ce premier suc-
cès , Q'ullot se pourvut en révision
contre la sentence de rofllcialitc , se
rendit en piisun; et une nouvelle
sentence, lendiie par le même ofli-
cial , le 10 avril i-joi , le déchargea
a pur et à plein. \[ sortit de prison,
et reprit ses fonctions. Seulement
on crut convenaMeiju'il s'alislînt du
4;onfe-isionnal et de li direction. Il
parait qu'après cet orage, Quillot
vécut dans la letraite ; du moins on
entendit peu parler de lui. Open-
daul le jugement soleiujel tpii l'inno-
centait , n'en imposa point à la liaiuc
qui l'avait poursuivi. Ses ennemis
voulurei.t faire île lui le chef d'une
nouvelle secte , sous la désignation
de ( )uiUoti>me; cl pour donner l'ap-
parence d'une sorte d'existcucc à
cette fiction, ils firent circuler un
livre sous ce titre : Histoire du QuiL
lotisine ou de ce qui s^est pas.'é à
Dijon au sujet du quiétifme ^ avec
unt réponse à l\-/pologie enjorinede
requélf produite au[irocès criminel,
par Claude Quillot , etc. Ce livre, ou
plutôt ce libelle, prétendu imprimé
QUI
à Zell , che7. Henriette Hermillc , en
1713. forme un volume in-4''. de
434 pjges. Il est sans nom d'auteur;
mais on sait aujourd'hui qu" c'est
l'ouvrage d'Hubert .Mauparly, pro-
cureur au prc'sidial de l.angres. 11
paraît ([u'il fut tiré à un petit nom-
bre d'exemplaires. Du moins il est
auj(uird'hui assez rare. 11 fut prohi-
be par l'évèque diocésain , comiue
contenant des faits faux <t calom-
nieux ; et un an et du parlement de
Dijon ( ç) juin 1703 ) ordonna qu'il
serait lacéré et brù'é par la main
du bourreau , elc. , etc. Ainsi la sup-
t)osilion du Quillatisine , commu
léresie nouvelle, n'est qu'une f.d)!c
digne de la flcliissurc que lui a im-
primée le double jngeiuenl de l'aulo-
rite ecclésiastique et séculière. On
ignore la date du décès de Quillot.
{f'oj-. (ifVON, XIX, '2.\Ç).l-l AIaLA-
VAL. XXVI, 333.) ' I V.
QLIN ( Jacques ),f.imeux acteur,
ne à Londres , en i()i)3. descendait
d'une ancienne famille d'Iilatule. 11
était le froitdii mariage ilufi'sdu lurd
maire de Dublin et d'une dame ipii l'a-
vait épousé parce (pi'ellc se ci oyait
veuve ; son |)iemi(r mai i , <|ui fusait
des spécidations aux fn les ()c( ideii-
tales . avant cesse depuis long-temps
de lui donner de ses nouvelles. Le
retour de ce négociant rendit la nais-
sance de J. Qdiii illégitime , et influa
beaucoup sur le reste de sa vie. Quin
fut élevé à Diihlin : mais il paraît
qu'il fit peu de progrès dans la lit-
térature; et , à vingt ans, il scvoyait
sans jessources et sans état, quoi-
qu'on assure qu'il avait fréquenté,
pendant quehjue temps, le barreau.
H se décida pour la carrière du théâ-
tre, et débuta, eu 1714, sur celui de
Dublin. Ne se croyant pas suffisam-
ment encouragé eu Irlande , il se ren-
dit à Londres, et entra au théâtre de
I
on
Diiiry-Iiano; m.iis on ne lui coniia,
dans les |iroinièrcs années, que des
emplois peu propres à faire lirilier
son talent. En novembre 1716, ce-
pendant, un accident snrvcnn subi-
tement à l'actenr Mill , fournit à
Ouin cette occasion qu'il cherchait
depuis si long - temps. Il représenta
Bijazet, dans Tamerlan; et les ap-
plaudissements qu'il reçut des spec-
tateurs, le placèrent dès-lors au pre-
mier rang. Il obtint plus de succès en-
core,en 1 7'20, danslerùle de sir Juhn
Falstaff ( des Commères de fTind-
sor, du célèbre Shakspeare ). On
trouva qu'aucmi acteur n'avait aussi
bien saisi que lui l'esprit de l'auteur;
et, pendant plus de dix ans , il rcgi:a
sur la sc'^ne anglaise presque sans ri-
vaux. Ce fut vers la fin de 1732
qu'eut lieu l'ouvei ture du théâtre de
Covent-Garden, où Ricli pissa avec
sa troupe, dont Quiii faisait alors
partie. En 1740, Eleelwoo l , ayant
réuni les deux troupes de Drury La-
ne et de Hay-Market , tàcba d'atti-
rer à lui les meilleurs acteurs des au-
tres théâtres , surtout ceux de Co-
vent - Garden, en leur oiï'rant des
appointements hors de toute pro-
portion avec ceux qu'on avait eu jus-
qu'alors coutume de leur donner.
Quin ne sut pas résister à l'appât de
cinq cents livres sterling par an, et
abandonnason ancienamiRich pour
passer avec son rival. Au théâtre de
Drury-Lane, Quin parut avec suc-
cès dans le Cornus de Milton , dans
V Agamemnon de Thomson, et dans
P^ rrhiis, et présida le comité de lec-
ture chargé de donner son opinion
sur les pièces nouvelles qui lui étaient
soumises. Un poète lui ayant remis,
pendant qu'il était sur le thcàtrc ,
une tragédie qu'il venait de terraiiver,
Quin la mit dans sa poche, et n'y
pensa plus. L'aulenr , ne recevant
XXXVI.
QUI 417
que des défaites toutes les fois qu'il
parlait de son ouvrage, insista un
jour si vivement pour qu'on le lui
rendît, que Quin voulut le satis-
faire. jNIais il ajriva qu'an lieu d'u-
ne tragédie , ce fut une comédie qu'il
lui donna ; et, lorsque le malheureux
poète l'eût fait apercevoir de sa mé-
prise, Quin lui répondit, en riant ,
« qu'il avait sans doute perdu son
» onvragc. Perdu mon ouvrage ! s'é-
» cria le poète, comme frappé de la
» foudre. — Eh! mon Dieu oui, ré-
» pliqua Quin, j'ai eu ce malheur;
» mais je puis le réparer; » et, lui
montrant xm tiroir rempli de co-
médies et de tragédies nouvelles ,
il lui offrit, en compensation, la
pièce qui lui conviendrait le mieux.
On ne dit pas si le nourrisson des
]\Iuses fut satisfait de celle proposi-
tion. Après un court séjour à Drurv-
Lane , Quin se rendit en Irlande , et
revint à Londres, en 1741. A son
arrivée, il trouva toute l'attention
du public fixée sur Garrick , qui ve-
nait de commencer sa carrière théâ-
trale avec un succès jusque-là sans
exemple. Quin essaya vainement de
lutter contre ce rival, qui lança con-
tre lui une épigramme ; et il eut en-
core le chagrin de se voir éclipser à
Dublin, par Shéridan. Il cessa de
jouer pendant quelques mois; ce qui
donna lieu à son ami Thomson, qui
travaillait à son poème du Châ-
teau de V Indolence , de le placer
dans le Palais de la Paresse. Après
avoir essayé long - temps de réunir
an même théâtre Garrick et Quin ,
Ricb parvint à obtenir ce résultat
en déterminant Garrick cà s'engager
à Covent-Garden. «Un pacte d"al-
» liance entre deux grands monar-
» ques, dit à ce sujet Davies, n'est
» pas aussi difficile à conclure que
» les préliminaires d'un trailcoùde
418
QUI
» hauts et puissants $cic;ncuis de
» théâtre sout parties intéressées, v
Ils devaient jouer alternativement
certains rôles, entre autres, ceux
de Richard III et d' Othello , mais
sans être obli<;es de paraîlie ensem-
ble dans la même pièce. Le même
écrivain ajoute que Quin s'aperçut
bientôt que la concurrence de Gar-
rick,donlla réputation croissait jour-
nellement, tandis que la sienne était
sur son déclin , lui était trop défavo-
rable : car il avait à peine quelques
auditeurs lorsqu'il représentait Ri-
chard 111 . tantlis que les spectateurs
accouraient en foule .ni Garrick jouait
ce même rôle. On ne les avait point
encore vus cliarf;és, dans la mê-
me pièce , de rôles d'une impor-
tance à peu-près égale, lorsqu'en no-
vembre 1746, la Belle Pénitente
offrit cette occasion aux amateurs
de spectacles. Au moment où Ilora-
tio et lothario ' c'étaient les rôles
qu'ds remplissaient) parurent en-
semble sur la jcèue, ils furejit ac-
cueillis par (les applaudissements si
effrénés, que les'deux livaux en fu-
rent un peu déconcertés, et ne pu-
rent s'empêcher de changer de cou-
leur : ils se remirent cependant bien-
tôt , et jouèrent fort bien tous les
deux, qvioique Garri( k l'emportât
de beaucoup sur son rival. La piè-
ce eut un grand nombre de repré-
sentations; cl la salle fut chaque fois
encombrée de spectateurs. En 1747
ou 174*^1 Quin, croyant avoir à se
plaindre des procédés de Rich, quit-
ta brusquement le théâtre de Covcnl-
Garden , pour se retirer à Bath ,
quoiqu'il n'eût pas terminé le temps
de son engagement. Se repentant
ensuite de celte démarche, et dési-
rant se rapprocher de Rich, il lui a-
dressa. dit-on, cette épître laconique,
« Je suis à Batb, » et il n'obtint que
QUI
la réponse peu civile et presque aus-
si briève : « Restez - y , et allez au
« diable {Amibe damned). » Il pa-
raît néanmoins qu'ils se raccommo-
dèrent ; et Quin rentra au théâtre
de Covent-G.irdcn , vers le mois de
janvier I749i p^r It" 'ôle de Corio-
\an [•!), dans la tragédie de ce nom ,
ouvrage posthume dc.Thonison, avec
le(piel nous avons déjà dit qu'il était
intimement lié. Ce fut luicpii débita
le célèbre prologue composé par Lyt-
telton(r. ce nom, XXV, 554); et
l'émotion dont il était véritablement
pénétré, passa dans l'amcde ses au-
diteurs, qiri ne purent retenir leurs
larmes. Vers le même temps, Quin,
qui avait un talent particulier pour
lire les ouvrages des grands poètes
anglais, et qui rendait surtout avec
autant d'ame que de goût les passa-
ges de Shakspeare et de Milton , re-
çut du prince Frédéric de Galles ,
père de George 111 , l'honorable et
flatteuse mission d'enseigner ;i ses en-
fants à prononcer correctement leur
langue, et à bien débiter : il réus-
sit au gré de son auguste protecteur.
La tragédie de Caton fut représentée
à Leicester-House (3), par la famil-
le et la cojir du prince Frédéric, sons
la direction de Quin. Lorsque ce vé-
téran de la scène eut appris ( 1760)
que George 111, âgé alors de -^'2 ans,
avait débité avec autant de majesté
quede grâce son premier discours au
parlement (17G0;, il ne put s'empê-
cher de s'écrier avec enthousiasme:
« C'est cependant moi qui ai instruit
» cet enfant î » Giarrick chercha ,
dit-on, vers 1750, à lui faire quitter
Covent-Gardcn , et à l'attirer à Dru-
(ï) Suivant d'autres , Quin ue te rindil .'i Lon-
dr»(, en i " }g , qu» pour jouer »ur le lliiàtre de Co
▼ent-Oardeu, le rule à.' Othello , auprulitdcs inceii
diés de fLoruIiill.
(3) Leicoter-HouM était le lieu de rtsidrnce du
prince de Gallei.
QUI
ry-Lane, dont il était, à cette épo-
que , un des directeurs ; mais il ne
put y parvenir. Ce fut le lo mars
i-;m que Qiiin termina sa carrière
théâtrale, comme acteur salarié, par
le rôle d'^oraf/o. Il se fixa ensuite
à Bath , et ne revint quelquefois à
Londres que pour représenter Fais-
taflf, au bénéfice de son ami Ryan ,
qui se trouvait dans le malheur.
Mais, en 1754 , ayant perdu deux
<3ents de devant , il repoussa toutes
les sollicita tipns de uvan, et lui écri-
vit, afin de s'excuser, une Epîtrc
comique, dans laquelle il disait que
pour personne au monde il ne se ré-
soudrait à siffler FalstalT. Quin avait
été toujours fort économe, depuis
qu'il fréquentait le théâtre; ce qui
lui avait permis de conserver une
certaine indépendance. Vers la fin
de sa vie, lorsqu'il ne pouvait plus
exister aucun motif de ris alité entre
lui et Garrick , ces deux fameux ac-
teurs se lièrent assez particulière-
ment. Ce fut au retour d'une visite que
Quin avait faite à ce dernier , qu'il
mourut à Balh, le 21 janvier i-yfiô.
On prétend que lorsqu'il sentit sa lin
approcher, Quin se lit apporter une
bouteille de vin de Bordeaux , et
qu'après l'avoir bue , il dit : « Je
» désirerais beaucoup voir la fin
•>i de cette dernière scène tragique;
î) mais j'espère y conserver ' tou-
» te la die^nité convenable. » Quin
est représenté, par quelques écri-
vains, comme ayant été hautain,
débauché et avare. Le docteur Smol-
lett reconnaît qu'il était souvent in-
solent avec ses inférieurs, grossier
et brutal, lorsqu'il était pris de vin,
ce qui lui arrivait souvent; mais il le
peint en même temps comme un fort
honnête homme, parfaitement bien
élevé , et susceptible de sentir le prix
de l'amitié, et d'éprouver ce senti-
QUI 4'9
ment. On ne peut disconvenir que Qu in
n'ait été quelquefois généreux. Sa
conduite pleine de délicatesse envers
ïliomsou en est une preuve irrécu-
sable. Ce poète célèbre était détenu
pour dettes : Quin, qui ne le connais-
sait que de réputation, se rendit à sa
prison. Thomson, étonné de cette
visite, le fut encore plus, lorsque
Quin lui dit qu'il venait sans façon
lui demander <à dîner; mais il ajouta
presque aussitôt, que, comme il sup-
posait qu'il pouvait y avoir quelques
inconvénients à faire préparer le re-
pas dans le lieu où ils se trotiv.iient,
il l'avait commandé à la "taverne
voisine. On apporte une douzaine de
bouteilles de vin de Bordeaux pour
débuter ; et, après avoir fini de man-
ger, Quin , s'adressant au poète, lui
dit : a II est temps de régler main-
i) tenant nos comptes, v Ces paroles
commençaient à effrayer le détenu ,
qui craignait de voir un créancier
dans son hôte , lorsque celui-ci ajou-
ta : « Monsieur Thomson , je ne puis
» évaluer à moins de cent livres ster-
« ling, le plaisir que j'ai éprouvé à
» lire vos ouvrages; et je veuxabsolu-
» ment alpitter ma dette sur-le-
» champ. » En disant ces mots , il
jeta sur la table un billet de banque
de cette valeur , et prit congé sans at-
tendre une réponse. Outre sa liaison
avec Thomson , Quin était dans l'in-
timité de Pope et de plusieurs autres
personnages éminents de son temps.
Nous avons vu qu'il lisait parfaite-
ment bien : il contait également d'u-
ne manière admirable, concise et
pleine de vigueur, quoiqn'avec une
certaine affectation. Il n'était pas
fort instruit; niais il connaissait à
fond Shakspeare , Milton , Dryden et
Pope. Considéré comme acteur , il
passe pour n'avoir pas eu de rivaux
dans les rôles de Falstalf, du Moine
2-7.,
4io QUI
espagnol , lie sîr Joliii Brûle, Je Vul-
poiic, etc. ; il moiiliail du falent
(!an>; Caton , Pierre, Coriolan, cl en
j,'ciicral clans les caractcros fortement
.sévères, qui sotlt aujourd'luii perilus
pour la scène anj^laise. Il excellait à
pein Irc le chagrin profond , qui ne
peut s'expiiuicr par des paroles, et
irlontrail une profonde sensibilité,
quoique Churchill lui conteste cette
qualité. Ou lui reprochait des de'-
fauts graves, et de uiauvai>es habi-
tudes, qu'il avait ciuitrartèes dans
ses débuts, et dont il ne put jamais
5e corri;;er. 11 existe une VicdeQuin,
i-Gtj, m -8''. On trouve aussi de
farauds détails sur cet acteur , dans
a Vie de (iairii k , par Davits.
I)_z_s.
QUINAULT ; Philippe ) naquit à
Paris, le 3 juin i(>33. Sou extrait
(Ittaplèmp l'atteste ( i ) : c'est donc
à tort qi;e tous les dictionnaires his-
toriip^cs le font naître à Pelleiiu ,
dans la M.»rche. Furi tièrc, dans son
a*", et 3*". Factura , prétend que Oui-
nault devait le jour k un bonlaiM^pr
de petits pains. l/abl)éd'0!ivet,d<«ns
$onllistoite de l'âcadén^^rançaise,
afTirme que cette asscrlimi est celle
d'un iiuposteur,elqu'elIelui futdicîce
parla médisance et la colère. «Qîiand
1) cela .^erait , ajoute l'albé , Quinault
» n'en mérite que plus d'eslime, pour
» avoir si bien iep;«ré le tort de sa
» naissance. » Tout le mon le adop-
tera cette opinion ; mais il n'en est
pas moins hors de doute que le poè-
te, qui va faire l'objet de cet article,
e'tait o (ils de Thomas Quinault ,
(i) Non» d'VOD« Il r"nn.-.i«-aocr de IVttrait He
liapb ne «le Qaiualt, rt pluiirun cirronalani r> de
I4 \ il- de ce- )KH le , j M. hrll'ara , auU'ur de i'E'prit
tir M'iliert , d'aoe Diiierlaliun tur t'nnnèe de in
naii la—ce, d'an Dictionnaire de l'aeadimie roynlà
dr rnuiKfu^, d'un autre Dirtmnnmre drt ballett-
riférmf'fui n'ont jtat ili rrjtréfenlit et d'one Dra-
i:iui<r^tt tjrii.iiir ilrmn^rrr-. C, (.où d.-r i r» ini-
ytxt'* i-'bl riic'iré riiaiiu>CTit«.
QUI
» maître boidanp;er , et de Pcrrine
» Uupiier , sa femme , demeurants
» rue de Grenelle. » C'est ce qui ré-
sulfedes registresdela paroisseSaint-
KiiNtache, où il fut baptisé. Après
avoir fiit quelques éludes . le jeune
Qiiinaidt manifesta un peneliant inné
pour la poésie; penchant que re-
doubla une coniiaissafce (m'il fit
aloi's. Ce fut celle de Tristan PHer-
niite,qui, malgré son esprit bizar-
re et son mauvais goût , jouis>ait
d'une certaine réputation. Ou a pré-
tendu , mais sans aucune apparence
de vérité, que le jeune poète avait
été son domesti>pie. (ie (ju'd y a de
certain , c'est que Tristan s'était
épris pour lui d une amitié si vive ,
qu'il lui avait fait accepter un loge-
ment et sa table ; et ((u'enfin il lui
laissa , par son lebtamrnt , un legs as-
sez. con>idérab!e , à l'aide duquel le
jeune poète acheta nue place de va-
lel-dc-chainbre du roi. Ce fut , sous
les ati'^piees de ce ge'néieux ami ,
que Quinault fit ses premiers pas
dans la canièie dramatique. Il avait
composé une pièce intitulée les lU-
Villes : il engagea Tristan à la prc'-
senter aux comédiens , comme un
de sc% propres ouvrages. La su-
percliciie fut découverte ; et les
comédiens , qui avaient promis
cenlécus, ne voidiircnt plus er) don-
ner que la moitié. Le résultai d'une
nouvelle nég«jeiatiun fut que le poè-
te serait paye , ch.Kjue f<us , au
prorata de la recette; et telle est, J!
dit -on, l'origine de ce que Pou
nomme aujourd'hui la part d'auteur.
Encouiagé par un premier suc-
cès , d'autant plus flatteur, qu'il I
n'avait encore que dix - huit ans
( i653 ) , Quinault ne laissa plu.s
passer une année sans donner une
et quelquefois même deux pièces
df théâtre. Elles s'élevaient au
QUI
nombre de seize , en i GG6 ; et il
n'était encore que dans sa trente-
unième année. Parmi ces produc-
tions, dont les unes portent le titre
de comédie , d'autres celui de trage'-
die , ^'autres enfin celui de traj^c-
die comédie, ou en compte deux seu-
lement dont on ail conserve le sou-
venir : l'une est La mère coquette ,
l'autre est V Astrale , si courue dans
le temps , et si malheureusement im-
mortalisée par Boileau. La première
s'est lon<:;-teraps soutenue au tlic'â-
tre : « Elle fait voir , dit Laliarpe ,
» que Quinault avait plus d'un talent:
» elle est bien conduite; les caractè-
» res et la versification sont d'une
» touche naturelle, mais un peu fai-
w blc. Il y a des détails agréables et
» ingénieux , de boiuies plaisante-
» ries. «Quoique V^oltaireait dit qu'il
y a de très-belles scènes dans Vâs-
trate , il serait assez difficile de dé-
fendre cette tragédie contre le satiri-
que. C'est ici le lieu d'examiner quel
a pu être le fondement, ou, du moins,
le prétexte, du mépris injurieux que
Despréaux affectait pour Quinault ,
et des railleries cruelles dont il l'ac-
cabla pendant un certa,in temps.
Qui ne connaît ce Irait de la Satire ii :
Si je ])ense exprimer un auteur sans défaut,
La raison 'dit Virgile, et la rime Quioault.
Cl cet autre de la Satire m :
Le" téros chez Quinault parlent bien autrement;
Ltiusqu'àye l'oiij /la/j , tout s'y dit teudrcminll
Oa pourrait ici laisser Boileau s'ex-
cuser lui-même. Dans la préface de
la dernière édition de ses œuvres,
en I7i3,il répète, avec un soin
particulier, ce qu'il avait dit, dans
une autre préface , trente ans aupa-
ravant : « Dans le temps où j'écrivis
» contre M. Quinault , nous étions
» tous deux fort jeunes ; et il n'avait
» pas fait alors beaucoup d'ouvrages
» qui lui ont, dans la suite, acquis
OUI
4-21
r> ime juste réputation, w On trouve
une garantie plus certaine encore des
sentiments de Boileau , dans une let-
tre confidentielle qu'il écrivait à Ra-
cine, le ujaoût 1G87 .■ « Dites bicu
» à M. Quinault que je lui suis infi-
» niinent obligé de son souvenir.
» Vous pouvez l'assurer que je le
I) compte présentement au rang de
» mes meilleurs amis , et de ceux
» dont j'estime le pbis le cœur et
» l'esprit. » On voit maintenant à
quel point Voltaire était fondé à flé-
trir l'immortel satirique du nom
odieux de Zoïle de Quinault ! En
supposant même qu'il faille prendie
à la lettre toutes les boutades qu'un
poète , dans sa mauvaise humeur ,
peut se permettre contre un autre ,
qu'avait produit Quinault à l'époque
où Boileau l'attaqua dans ses Sati-
res ? les pièces de théâtre que
nous avons mentionnées ci-dessus,
et dont aucune assurément ne faisait
présager la hauteur à laquelle , vingt
ans plus tard , il s'éleva dans ses
chefs-d'œuvre lyriques. Mais tel est
l'empire de la routine et des préjiîgés
p iipulaires , que l'on entend , chaque
jour encore, des gens lettrés ou du
moins qui devraient l'être , appli-
quer aux tragédies lyriques de Qui-
nault , ce vers composé si long-temps
avant leur existence :
Et jusqu'j je vous hais , tuiil s'y dit teudreraesl.
Brosselte pous apprend pourtant
quelle était l'application de ce irai!.
Il était dirigé contre une tra^iédie-co-
médie de Stratonice , où Quinault ,
âgé de vingt-un ans , avait fait dire
à sa princesse , secrètement éprise
d'Autiotbus :
Adieu : croyei toujours (jue ma /ini«<î estçïlrêinc ,
PriiJCi-; et il je^'ous hait , hainez-moi de même.
Le silence que le législateur du Par-
nasse a gardé , dans son Art poéti-
que ; à V égard de Quinault et du gcn-
4i2 QUI
re où il a excelle, paraît décisif à
certaines gens. Mais Boileau , dans
ce poème , où il u'a oublie ui le son-
net , ni la ballade , a-t-il donncî" plus
de place à la fable et à La Fontaine.'
De tous les arguments employés con-
tre Quinault, celui qui se reproduit
le plus souvent est fondé sur ces
vers , tant de fois répétés :
. . . Cet du>Cour> sur l'amour acal rouloiiU ,
C«s duurireux R;nauj5, rr3 iiiuusi't RoliUicU,
mtuu^c ilieuxiontiiiiiiu Je morale lubrique,
Que Lulli rt'cliauflu d» >ol» Je m iiiusitjue.
Ce trait de la Satire sur les Femmes^
'pli ne fut conipo.séc que cinq ans
après la murt de Quiiiault , n'en a pa-
lu que plus contluaiit contre ce poè-
te. D'autres personnes en ont fait un
crime à Despréaux : ils l'ont trouvé
impardonnable d'attaquer, jusque
dans sa tombe , nii homme avec le-
quel, depuis long - temps, il s'était
réconcilié. Les noms de Renaud et
de Koland désignent en effet deux
des plus célèbres ouvrages de Qui-
naull; et il est d'autant moins per-
mis de s'y méprendre, que, qucNpies
lignes plus bas, il nomme Angélique
et -\rmide ; mais l'équité veut tpi'on
s'attache à l'intention du poète : ce
u'est point à Quiiiault personnelle-
ment qu'ildéclare ici la guerre; c'est
à la morale licencieuse d'un specta-
tacld enchanteur. Ptiii-on s'étonner
de cette sévérité de la part de Boi-
leau, dont l'âge était avancé, l'es-
prit morose et la piété rigide? Au
reste, comme le dit Lahaipe, si le
satirique e.>t insensible aux charmes
du style de Qiiinault , il faut lui par-
rlonner d'avoir été injuste : il était
assez puni; et ne s'en punit - il pas
lui-même, lorsqu'il fit, pour un ope'-
ra ébauché par Racine ( la Chute de
Phaélon ) , ce malheureux Prologue,
indigne du dernier des rimeurs qu'il
avait livres à la risée publique. Nous
QUÏ
avons donne une certaine étendue â
celte discussion : elle nous a paru
nécessaire pour détruire des préven-
tions trop généralement répandues;
en un mot, pour ôter à l'ignonince
tout prétexte d'attaquer l'un p;lt l'au-
tre deux hommes qui s'estimaient ré-
ciproquement, et i]ui lireiit tous deux
honneur au grand siècle. La prodi-
gieuse fécondité dont Quinault avait
donné des preuves dans la premiè-
re partie de sa carrière dramatique,
ne l'empêcha point de dérober aux
INIuscs un temps qu'il employa fort
utilement pour ses intérêts. Il avait
lecherchc avec ardeur la main d'une
fort jolie personne, nommée Louise
Goujon, (pii ressentait pour lui une
inclination non moins vive. IMais les
parents de la demoiselle la forcèrent
d'épouser un riche négociant appelé.
Bouvet. La mort de cet homme la
laissant veuve, à l'âge de vingt - un
ans, Quinault la détermina sans pei-
ne à s'unir à lui ( iGGo) : elle lui ap-
porta une fortune considérable pour
l'époque quarante mille écus , selon
l'estimation la plus modeste ). Qui-
nault composa, sur ses amours et
son mariage , une Nouvelle qu'il
intitula : W-lmour sans faiblesse ,
titre usurpé, si l'on en croit cer-
tains Mémoires du temps, qui re-
présentent les jeunes mariés comme
brûlant l'un et l'autre d'une passion
si violente, qu'ils n'eurent pas la for-
ce d'attendre la retraite de leurs
nombreux convives pour se livrer
aux douceurs du tcte-àlêle. Quinault,
dans son acte de mariage, prit le ti-
tre d'avocat en parlement; et, dans
l'acte de naissance de sa Clle, qui eut
lieu l'année d'après, il se qualifie
d'écuver , valet de chambre du
roi. Il avait promis à sa femme de
ne plus travailler pour le tlicàlre :
mais , ayant été reçu membre de l'a-
QUI
cadémie française, en 1670 (2), il
crut, contre Topinion consacre'epar
trop d'exemples, qu'il fallait hono-
rer le fauteuil par de nouvelles pro-
ductions. Il accueillit donc avec em-
pressement la proposition que lui fît
Molière de se charger de la partie
chantante de sa Psjché, qui fut don-
née à la cour en janvier 1671 (3).
Bientôt après , Quinault acheta une
charge d'auditeur en la chambre des
comptes. Cette compagnie ayant fait
quelque difficulté de l'admettre, il
parut une Épigramme qui finit par
trait :
Puisqu'il a f;jit tant rl'auditcurs ,
Pourtjnoi l'empècbez-vuus de Tètre?
Il faut observer que l'eloge contenu
dans cette Épigramme ne se rappor-
tait encore qu'aux premières pièces
de Quinault, dont il a ctë question
au commencement de cet article. Ce
ne fut que Tannëe suivante que, cé-
dant aux instances de Lulli, qui ve-
nait d'obtenir le privilège de l'aca-
démie royale de musique, il arrangea
son premier opéra des Fêtes de l'A-
mour et de Bacchus. Digne appré-
ciateur de son rare talent pour la poé-
sie lyrique , le compositeur florentin
s'attacha à ses pas avec une telle opi-
niâtreté, que La Fontaine , dans une
querelle violente qu'il eut avec Lulh,
crut ne pouvoir mieux exprimer
l'obsessiou dont il avait eu à se plain-
dre de sa part, qu'en disant : « Cet
') homme a voulu m'enquinauder.y»
Une fois lancé dans cette nouvelle
(9.) On yoit ce qu'il faut penser de l'assei-fiou du
Dictionnniie hisloiit/ae de Cbaudon et Delandiiie
où il est dit que les Opéras de QuinaiJt lui avaient
mérité une place daus cette compagnie. Or, à cette
époque, il n'avait pas encore composé uu seul yers
d'opéra.
(3) Nous ne pouvons nous abstenir d'observer en
passant, que ce tut une chose bien étonnante que la
réunion des talents qui concoururent à la composi-
tion de cette Psyché. Molière , Corneille et Qui-
nault en écrivirent les vers; et, indépendamment
Je la musique . LuUi fournit le premier intermède
qui est en italien.
QUI 4a^
carrière, Quinault , pendant l'espa-
ce de quatorze ans , n'en laissa point
passer un seul sans livrer à Lulli uii
de ces poèmes qui ont immortalisé
son nom. Le compositeur les lut
payait quatre mille francs, selon les
conditions passées entre eux, Louis
XIV, toujours appréciateur des ta-
lents, et particulièrement sensible
aux beautés des premiers Opéras de
Quinault , s'était plu à lui indiquer
des^jets, tels que celui à' Amadis
de Gaule : il le décora du cordoa
de Saint-Michel, en y joignant le
brevet d'une pension de Aiwx mille
livres. L'académie des inscriptions et
belles lettres s'empressa d'admettre
Quinault au nombre de ses membres
( 1 6'; 4). Son talent poétique semblait
s'accroître avec sa fécondité, lors-
qu'à j)rès avoir donné son chef-d'œu-
vre d'Armide, il cessa tout- à-coup
deproduire. Profondément religieux,
comme tous les hommes distingués
du grand siècle, et frappé de la mort
de Lulli ( F. Lulli, XXV, 428 ),
il ressentit des scrupules de travail-
ler pour le théâtre j scrupules qu'il
exprima dans ces vers , qui devaient
faire le début d'un poème intitule
V Hérésie détruite :
Je n'ai que trop cbantc les jeux etîes amours»
Sur un ton plus sublime il faut me fàireeutendre;
Je vous dis adieu , Muse tendre ,
Je vous dis adieu pour toujours!
Quinault mourut à Paris , le 26 no-
vembre 1688, n'ayant encore que
cinquante - trois ans. Il fut inhu-
mé dans l'église de Saint -Louis en
l'île. Sa succession s'élevait à trois
cent mille francs. Cette fortune, con-
sidérable pour le temps, ne l'avait
pas- empêché de se plaindre de son
sort , SI toutefois il faut prendre à
la lettre les vers suivants :
C'est , avec peu de bien , uu terrible devoir
De se sentir pressé d'être cinq fois beau-père»
Quoi! ci:iq ailes devant i.otai-ie
M gui
Pour <.iji({liJloc qu'il f'jul |>uur\uii!
<• rid.' iK'ut-o'i juuiais atoir
OjKT.i plu> tTiclieux )i f-iire .'
Tout ce qi:c Qiiinaiilt a écrit dans le
^cnrc l)ri(]uc devant exciter vi\e-
ineiit la curiosité des amis des Ut
très , nous allons donner la lisle la
plus complète qui ait encore |)a-
rti de ceux de ses ouvrages qui ont
ele' représentes sur le liicàtre de
i'Acadc'mic - Royale de musique ;
nous suivons l'oidrc des dates: les
Fctes de VAmour et de liacchus ;
Cadmns ; .-ilceste; Thésée ; leT'rtr-
iia^>ul ; Atjs; Isis ; Proserpiiie ; le
Triomphe de V Amour ; Persée ;
Phaélon ; Amadis de Gaule; Ro-
land; la Grotte ou V Eji^lo^ue de
ï'ersailles ; le Triomphe de la paix;
^rmilc. Indepondainnieut de la par-
tie chantante de la J^sjché de IMo-
lière et de Corneille, dont nous avons
ile'jà fait mention , Quinault avait
aussi compoîc,poiir la paix des Vy-
rcnc'es et le mariage de Louis XIV,
une pastorale où tout est allégori-
que , jusqu'au titre : Lviis et J/es-
périe. Celte pii;ce n'a point ctc impri-
mée; et bcaucouj) d'autres écrits de
l'auteur ne l'eussent point été, si l'on
l'ùt respecté les dispositions fcsti-
Tuenlaiies jiar lesquelles il défendait
ii publication de tous les ouvraces
«juc 1 on pourrait trouver après sa
mort. La* prodigieuse f^cililc dont
était doué ce poète inj^cnieux, s'exer-
ça dans tous les {genres connus, mais
iiou pas , assurément, avec le racmc
succès. Une seule de ces productions
mélangées mérite quelque attention :
c'est la description de Sceaux, poè-
me en deux cliants , offert en ma-
nuscrit à Colbert , et qui n'a été im-
primé que dans ces dernières années.
L^ plus grande gloire , ou , pom-
mieux dire, toute la gloire de Qui-
uanlt réside maintenant dans ses tra-
l^edics lyriques, ^oub uc croyons pas,
QUI
néanmoins, pouvoir luidéterner le
titre de créateur de ce genre , qu'on
lui donne assezcomiuuiiéinent. Lon>;-
temp-. avant rajqiantion du premier
opéra de (^)uinault , Corneille avait
donné sou Andromède ^ elsa Toison-
d'' Or , pièces fort inférieures , assu-
rément, aux cbcfs-d'œuvre de l'au-
teur d'Armide , mais qui ont sulU
pour faire dire à Voltaire : « Le gé-
» nie de Corneille se pliait à tous les
» genres. Il fut le premier qui lit de^
» comédies, le premier qui lit des
» tragédies , et le premier (pii ail
» don!!c des pièces à maeliiues. »
Le prodigieux mérite de Qui -
nault , en ce genre , loin d'avoir
été exagéré , n'est pas assez généra-
lement senti. D'autres poètes , sans
ddule, ont possédé les gi.ires et l'élë*
gancc du style ; m lis nul d'entre eux
n'a été doué de cette mélodie en-
chanteresse qni permettrait de dire
que les vers de Quinault étaient déjà
de la musique, avant d'être livrés au
musicien. Hacinc seul a mérité le
mémo éloge dans quehpies strophes
de ses chœurs A' EstherviiV Alhulie.
Celui (pii a dit que Quinault avait dé-
sossé la langue fi ançaise, a cru lui dé-
ceiner la louange la plus délicate, et
il lui a fait injure. Ce poète, en ellèt,
si moelleux et si suave dans la pein-
ture des scènes tendres et voluptueu-
ses , devient quelquefois énergicjuc
et même subliru»; dans l'expression
des grandes pensées , cl des [)assions
violentes. Nous croyons faire plaisir
aux amis des lettres en ras.'euiblant
ici les opinions des juges les plus
accr.;dilés. jNous commencenjus par
Voltaire. On a j)rétendu que dans les
éloges qu'jl prodiguait au poète lyri-
que, il était bien moins dirigé par
une admir;)tion sincère , que |)ar le
dcsir de se mettre en opposition avec
Boileau. Nous avons déjà fuit voir ce
QUI
qu'il fallait penser du mot connu :
Zoïle de Quinault. Voltaire n'e'cou-
tait certainement que son goût per-
sonnel , lorsqu'il s'exprimait dans
les ternies suivants : « Quinault in-
» serait des morceaux ad?niraljles
» dans les opéras que Lulli lui coni-
)) mandait. Ce musicien était très-
» adroit et bon courtisan j et Qui-
» nault n'était que doux et modeste.
» Lulli fit accroire que celui-ci était
» son garçon poète , qui , sans lui ,
V ne serait connu que par les satires
» de Boileau. Quoi, cependant, de
» plus beau et même de plus su-
» blirae que ce chœur des suivants de
» Pluton dans Alcesle :
Tout moi le! doit ici paraître, etc.
» La charmante tragédie d'^/^'5, les
» beautés ou nobles ou délicates , ou
» naïves , répandues dans les pièces
«suivantes, auraient dû mettre le
» comble à la gloire de Quinault , et
» ne firent qu'augmenter celle de
)) Lulli.. .. Y a-t-il beaucoup d'odes
M de Pindare plus fières et |ilus har-
» monieuses que ce couplet de l'opéra
» de Proserpine :
Ces superbes géants armes contre les dieux , etc,
» Le quatrième acte de Roland , et
» toute la tragédie à'Armide sont
» des chefs -d'œuvre. Le sévère au-
» teur de l'Art poétique, si supérieur
» dans son seul genre, devait être
» plus juste envers un homme supé-
» rieur aussi dans le sien. » Un cri-
tique , souvent aussi sévère que l'au-
teur de l'Art poétique , a consigné
dans plusieurs endroits de son Cours
de littérature , ses opinions sur Qui-
nault. jNous les reproduisons ici :
« Rien n'approche , dit Laharpe ,
» même de loin , dans le genre de
» l'opéra , de l'heureux génie qui l'a
» créé , et qui , seul , jusqu'ici , y a
;' excellé. Quiiiault y reste toujours
QUI
4-25
» hors de comparaison, comme Mo-
w lière , comme La Fontaine , com-
» me Boileau , cliacun dans le sien.
» — Seul , et cela sullirait pour son
» éloge , Quinault a séparé sa gloire
» de celle de son musicien , au j)oint
» de gagner dans la postai ité autant
» que Lulli y a perdu. Aussi , a-trOU
» cru ( Laharpe lui-même ) devoir
» retourner ainsi Boileau :
Aux dépens du ])ortc on n'entend }>]ns vanter
Ces acoords languissants, cette faible liarmoiiie,
Que rccliauUa Quinault du feu de sou génie.
» Son expression est aussi pure et
» aussi juste que sa pensée est cîairc
M et ingénieuse. Ses vers coulants, "ses
y> phrases arrondies, offient un mé-
» lange continuel d'esprit et de sen-
» timent , sans que l'on y sente ja-
» mais la recherche ou le travail.
» Comme Virgile nous fait recon-
» naître Vénus à l'odeur d'ambroisie
» qui s'exhale de sa chevelure ; de
» même, quand nous venons délire
» Quiiiault , il nous semble que l'A-
» mour et les Grâces viennent de pas-
» ser près de nous. » Laharpe cite
ici ces A'ers fameux de l'opéra d'Isis :
Dcjiuis qu'une i;ymplie incon' tante, etc.
Et il ajouteun motauquelnous avons
fait allusion plus haut : « En vérité,
» si Despréaux était insensible à la
» douceur charmante de semblables
» morceaux , il faut lui parfloiuicr
» d'avoir été ifijusîe \ il était assez
» puni. » Enfin , le Quinlilicji mo-
derne n'oublie pas plus que Voltaire,
de faire observer que, lorsque la
situation l'exige, Quinault sait s'éle-
ver au sublime. Le monologue do
Méduse :
J'ai perdu la^beauté qui me rendait^si vaiuc, etc.
lui arrache cet éloge : « Ce mor-
» ceau est comparable , pour, l'éncr-
» gie, la noblesse, le nombre, la
» marche poétique , aux endroit^
4i6 QUI
» les mioux écrits des cantates de
» Housseaii. » La pureté' soutenue du
langage ne frappe pas moins vive-
ment Laharpc; et, sous ce rapport,
il déclare. Quinault classique. « Il
» semble que ce poète , dit Palissot ,
» était ne pour donner à un grand
» r(5i des fêtes nobles et majestueuses.
» Personne , en elFet , u'a su lier avec
» pliisd'artdesdivertisseineu'sagre'a-
» blcs et varies à des sujets intcres-
» sauts; pcrsoime n'a porte plus loin
» cette raolle délicatesse , celte douce
» mélodie de style qui semble appe-
» 1er le chant. » Les étrangers qui
ont fait une élude profonde de noire
littérature , sont tellement enchantés
par la lecture de Quinault, qu'ils
nous reprochent de ne pas savoir lui
rendre justice. « Pour ètreprcsqu'ou-
» biié de nos jours , dit un critique
» allemand justement célèbre (A-VV.
» Schlegel ] , ce poète lyrique n'eu
i> mérite pas moins les palmes les
» plus brillantes. Ses opéras sont
» remarquables par leur marche lé-
» gère el animée , et par l'imagina-
» tion fantastique qui y brille. La
» tragédie lyrique ne peut pas renon-
» cer a l'attrait du merveilleux sans
» tomber dans une monotonie assou-
» pissante. C'est en cela que je trouve
» la roMte qu'a tracée Quinault fort
» préférable à celle que Métastase a
» suivie long-iemps après. Quinault
» est resté sans successeurs : et com-
» bien les opéras français d'aujour-
» d'hui ne sont-ils pas inférieurs aux
» siens, soit pour le plan, soit pour
» l'exécution .> L'on a visé à l'héroi-
» que et au tragique , dans un genre
» qui n'est nullement propre à de tels
» elFcts. )) Aux sulfriges des littéra-
teurs, il ne manque plus que ceux des
musici(fns ; et voici deux autorités
imposantes. On «ait quel enthou-
siasme excitaient chczGluck les vers
QUI
à'Armide , pendant qu'il composait
cet opéra ; mais ce que l'on sait
moins , et ce qui est beaucoup plus
extraordinaire, c'est qu'un compo-
siteur italien , le célèbre Paisiello , ar-
rivé à Paris avec toutes les préven-
tions de sou pays contre la langue
française, ne cessait, en mettant
Pro,-erinne en musiipte, d'admirer
la suavité et la musicalité du stylej
style , disait -il , qui ne le cèJe en riea
à celui de l'élégant Métastase. Le se-
cret de ce style enchanteur païaît
perdu : les littérateurs (|ui écrivent
présentement des poèmes d'opéra ,
oublient trop que les poèmes doivent
être chantés. En olfrant au musiciea
des difticultés insurmontables , ils
blessent l'oreille ; et Quinault lu
charme toujours. Le talent des vers
n'étiit pas le seul qu'il possétlàt. Il
avait le don de la parole; et plusieurs
fois il eut l'honneur de haranguer
Louis \IV , au uom de l'acaelémie
française. Dans un de ces jours so-
lennels, au moment où il allait par-
ler, il apprit la mort de ïurenne. Il
improvisa sur-le-champ un morceau
qui lui attiia les louanges du roi et
de toute la cour. Il existe deux f^ies
de Quinault : ï'inic, par l'architecte
BofTiand, .son neveu, en tète de l'édi-
tion de 1 7 I 5 ; l'autre , par Boschron,
inédite. Celle-ci mérite peu de con-
fiance , puisque l'auteur n'était pas
même instruit du lien de la naissance
de son personnage , qu'il place à Fel-
Ictin, et non à Paris , comme nous l'a-
vons déraontré.Marmontel a retouche
plu-ieurs opéras de Quinault: mais
ce littérateur avait l'oreille peu mu-
sicale ; et on l'a quelquefois accusé
d'avoir gâté ce qu'il voulait corri-
ger. Aussi disait - on qu'il avait
marmontélisé Quinault. (i ) S-v-s.
(i) L'. rlili.m du Thcàlre de QuinauU ( Ain.ilrr-
dam , Eliévir), i663,ï -volumes , petit in-ii, u«
QUI
QUINAULT-DUFRESNE (Abra-
ham-Alexis) , célèbre acteur du der-
nier siècle, né eu iGcjS, était fils
d'un comédien nommé Qiiinault ,
dont le plus grand mérite fut d'avoir
donné le jour à cinq des premiers
sujets de la scène française. Ayant
débuté avec beaucoup de succès , le
n octobre i -j i '.*. , par le rôle d'Oreste
dans V Electre de Crébillon , Qui-
nault-Dufresnc fut reçu le i^ juin
de la racme année. Comme à ses
heureuses dispositions , il joignait
l'extérieur le plus beau et le plus sé-
duisant , il eut particulièrement le
bonheur de plaire aux femmes à la
mode , et cela dans un temps où elles
prenaient peu la peine de combaître
leurs inclinations. La mijltitude ,
néanmoins , lui préféra long -temps
l'impétueux Beaubourg , si bien tour-
né en ridicule dans Gilbias; et ce
fut seulement après la retraite de
cet acteur , qu'il put enfin obte-
nir Tunanimité des suffrages. Les le-
çons de Ponteuil , autre acteur du
temps , qui avait eu le mérite de
conserver la*diction pure et naturelle
de Baron , furent , dit-on , très-utiles
à Dufresne. Ce fut lui qui , le pre-
mier, joua rOEdipe de Voltaire,
et l'on sait qu'il y produisit le plus
grand elFet. 11 est aussi le premier
qui ait représenté au théâtre , Aman
contient que douze Iragédies , tr^igi-comedies ou co-
inédie.s ; ce sont toutes les pièces de ce genre qu'il
eut alors composées ; quatre autres qu'il lit depuis
ont été imi)rimées dans le même format. Les édi-
tions-du rhédlie de Quinaiilt , 1-39 ou 17-8,5
volumes iu-i?, contiennent les seize comécJies ou
tragédies , et quatorze opéras. On a donné , eu
1811 , des OEuvrcs choisies de Qiiinault ,■>, vol. in-
18 et in- 12 , contenant la lilère Coquette, comédie ,
huit opéras , et Sceaux , poèiue eu deux cbants , qui
jusqu'alors était reste inédit. Une pièce qui fait
paitie du théâtre manuscrit de Domiciique Biau-
colelli , iulilulée \es AvcnliLies des eaux de Porche-
fonlaine, était (au moins pour le fon J J l'ouvrage de
Fuzelier , Grandval père , LegraoU et Quiiianlt.
al. Naiiteuil a douuéau théâtre de l'ojjéra comique,
le 27 février 1812 , un opéra en un acte, iutitulé:
l.uUiet Qiiinault ouïe Déjeuner im/jossible , ira-
pn.ué la raènic année in-S". A. \i — T.
QUI 4'-î7
( d'Esther ) , Don Pèdre ( d'Inès de
Castro) y Orosraane , Gustave , Ven-
dôme , etc. Ce fut pour lui , en ou-
tre , que Destouches fit la comé-
die du Glorieux ; et , comme la
personne de l'acteur avait servi de
modèle au personnage , jamais rôle
ne fut mieux joué, dans l'origine,
que celui du comte de Tufièrcs (i),
La tradition de Dufresne dans la Mé-
tromanie et les Dehors trompeurs ,
servit long-temps de règle à ses suc-
cesseurs; et il paraît qu'on ne l'a ja-
mais surpassé dans le rôle d'Euphé-
raon fils (de ['Enfant prodigue). ^ons
avons dit que la superbe repré>enta-
tion de cet acteur avait singulière-
ment contribué à ses premiers suc-
cès. Il paraît aussi qu'il avait le son
de voix extrêmement flatteur, et
qu'il était , pour les belles manières ,
comme l'ontété, depuis, Grandval et
BcUecour, un modèle pour beaucoup
d'hommes du grand monde. S'il faut
en croire M^'*^. Clairon , il aurait été
plus éblouissant que profond , plus
noble que terrible , et il n'aurait dû
sa célébrité qu'aux suprêmes beautés
de tonte sa personne. En récapi-
tulant , au surplus , ce qui a été
écrit dans le temps sur le t.ilent de
Dufresne , on peut croire que cet
acteur ne porta pas aussi loin que
Lekain , ce qu'on nomme le grand
pathétique ; et que sa manière, moins
entraînante , se rapprochait plus de
celle de Baron. Tous les dictionnai-
res dramatiques rapportent diverses
anecdotes, dont l'effet semble Être de
prouver que Dufresne avait un or-
gueil démesuré. Les suivantes sont
les plus connues, et sans doute aussi
(i) On prétend qu'il garda cette comédie pendant
tr lis ans sur le ciel de sou lit avant d'y jeter un coup-
d'œil, et qu'elle était à moitié rongf^e parles rats,
lorsqu'il prit euGn la peine de se la faire lire. D'au-
tres disent que ce fut au chef-d'œuvre de Piron,
que Dufi-ebne fit cette insulte.
4^8 QUI
les plus dignes de foi. Un jour qu*!!
déclamait d'un ton tiop bas pour se
faire bien entendre, les auditeurs lui
crièrent : Plus haut ! Il parut mé-
priser cet ordre, et continua ainsi
qu'il avait commence. Plus haut !
reprirent les mécontents : Et vous
plu. '>iS, leurrepiiqua-i-ilfii-rement.
Nous sujiprimons la peinture du tu-
multe que causa cette impertinence.
Le lendemain , forcé de demander
pardon au public , il commença ainsi
sa harangue : « Messieurs , je n'ai
» jamais mieux, senti qi:c dans ce
» jour, la bassesse de mon ctat..- »
Quoiqu'il fût facile de reconnaître
toute l'aigreur de ce préambule, les
spectateurs l'intcrrompirciit par des
applaiidisserneuls, et lui épargnèrent
ainsi le uialheur d'agraver sa pre-
mière faute. Ktait-il question de |)ayiT
un cocher ou un porteur de chaise ,
il se contentait de faire un signe à ses
gens , ou de leur dire, d'un air hau-
tain : a Allons , qu'on paye ce raal-
» heureux. » Enfin , on cite ce propos
qu'il aurait tenu dans un lieu public :
« On me croit heureux j quelle cr-
» rcur ! je changerais volontiers
w mon état contre celui d'un pauvre
» gentilhomme , qui mangerait tran-
» quillement dans ses terres, douze
» à quinze mille liv. de rentes. » C'é-
tait à ce sujet qu'un auteur peu connu
(le baron de Walef ; avait fait entrer
ces vers satiriques dans un poème sur
les coraé liens de l'époque (2) :
« Ji^tifire cnror par quoi ancien uvige
»> Il c*t pormis aox arirurs de tout âge,
» Qiiukju'oppuses d'humeur, de smliineiit ,
» Û'ctrr or^ueillrux it fats iiiipuiiéiiirut.
» A quelqir'ic'.squ'eu I >rieDt , co Grèce,
»ns aient poife la l'ddcur qui nuuj blesse ,
» En rnuonlaut jusqu'aiii sii?clcs passes,
» Dujresiic seui les a tous e'Qaces. »
r^ décence nous force de supprimer
les grossières imputations qui suivent
(») Le poi'ine ds Themire , cj>ii est malijtcuaiit
dwaau très-r «re.
QUI
cette vive apostrophe. Quinault-Du-
fresne se relira du tliéàtre en 1741 ,
et mourut en i ■^67. H s'étaitmarié,en
172'^ à une actrice (Catherine ou
Jeance-Marie Dupré ) qui, sous le
nom de !M'*^". de Seine, avait acijuis la
réputation d'une habile comédienne.
M"'=. de Seine, que nous a]i[)ellcrons
désormais M""'. Q.iinault-Dufresne ,
jouait avec un égal succès les pre-
miers rôles tragiques et comiques j
et il lui fallait d'autant plus de mé-
rite pour obtenir la faveur du par-
terre , qu'elle se trouvait en concur-
rence avec les plus célèbres actrices
de son temps , M'^'-"^. Duclos , Le-
couvrcur et Gaussin. Elle excella
j)rincipalenicnt dans le rôle de Di-
don , qu'elle avait créé. On la voit
sous ce Costume dans son portrait
gravé par Lépicié, d'après Aved. Dès
son premier début (c'était en i 7*24 >
et clic avait a'orsdi\-huit ans ), clic
joua lerôled'Hcrmioneavec tant d'à.
me «t d'intelligence, que Louis XV ,
témoin d'e son succès, donna ordre
de la recevoir sur-le-champ. Malheu-
reusement elle était 4'""<^ com-
plexion délicate : elle se retira du
théâtre une première fuis , le 24
décembre 1782 ; essaya de remonter
sur la scène , où elle ne joua plus
qu'à de longs intervalles ; et prit
sa retraite définitive en mars 1736.
Elle monrut en 1759. F. P — t.
QUINAULT cadette ( Jeanne
FnANÇoiSE ) , l'une des sœurs de
Quinan'.t-Dufresnc , dont nous avons
parlé dans l'article précédent, joignit
à la réputation d'une excellente ac-
trice , celle d'une femme de société ,
pleine d'espiit et d'instruction. Elle
débuta , sous le nom de M"^. Qui-
nault-Dufresne, le 14 juin 1718, par
le rôle de Plièdre. Se reconnaissant
presque subitement plus de vocation
pour le culte de Thalie , que pour
QUI
celui de Mciporaènc , elle s'essaya ,
peu de jours après , dans les rôles de
soubrettes ; et ce fut pour cet emploi
comique qu'elle fut ensuite admise
au nombre des comédiens français.
11 serait trop lon<:5 de rappeler ici les
ouvrages dont elle décida le succès :
il nous siiflit de dire que tous les au-
teurs comiques , charmés de son ta-
lent flexible et piquant , s'empressè-
rent de lui ofiVir des rôles. La fran-
che gaîté d'une servante , les grâces
de 4'ingcnuité , les grands airs de la
coquetterie , les traits marqués des
caractères . lui étaient également fd-
miliers. Elle joua même de la ma-
nière la plus originale plusieurs rôles
de caricature. Non contente de ser-
vir les auteurs par son talent , elle
ne leur était pas moins utile par ses
• conseils, et elle leur "donna plus
d'une fois des sujets de pièce. Ce fut
d'après ses idées que La Chaussée
composa le Prèjngé à la mode ; et
l'anecdote suivante prouve que Vol-
taire , lui-même, avait en elle une
grande confiance. Dans le carême de
1735, elle avait vu jouer, sur un
théâtre de la Foire Saint-Germain ,
certaine pièce de V Enfant prodigue,
où , parmi de nombreuses trivialités,
elle avait cru reconnaître des motifs
de scène propres à être mis en œu-
vre par des mains habiics. Je veux
en vnirVessai , ditelîc à Voltaire ,
et il faut que f en parle à Destou-
ches. La conversation changea d'ob-
jet, et, peu de moments après , Vol
taire disparut. Le lendemain de
bonne heure , il arrive chez M^^''.
Quinault, et de l'air le plus inquiet,
il lui demande si elle a vu Destou-
ches. Non , en vérité , lui répond-
elle -.Eh bien , reprend-il , ma chère
bonne , ne lui parlez pas de ce que
■ vous savez. J'ai passé la nuit à
tracer le plan de votre Enfant pro
QUI 4'iç}
digue , et je rn'empresse de vous
l'apporter. M^^^. Quinault, surprise,
/jpprouve, critique , coriige; et, pour
rendre la chose plus singulière, s'en-
gage , quoique jeune encore , à jouer
le rôle ritlicide de la baronne de
Croupillac. Il paraît que IM^^''. Qui-
nault tint parole : elle présida , en
outre , à toutes les répétitions ,
sans faire connaître le nom de l'au-
teur ; et la ])ièce , malgré d'assez
grands défauts , obtint , comme ou
sait, le plus brillant succès. Cette au
tre necdote racontée par Laharpe,
n'est pas non plus sans intérêt : « \ ol-
» taire avait lu Zaïre à M'^*", Qi:i -
» nault... Cette actrice, qui joignait à
» un grand talent comique, beaucoup
» d'esprit naturel , de finesse et de
S) gaîlé, sachant combien Voltaire,
» sur tout ce qui avait rapport à ses
» pièces, était facile à s'alarmer, se
» divertit d'autant plus à faire une
» plaisanterie sur son ouvrage, qu'el-
» le même assurément n'y attachait
» aucune conséquence. Quand elle
» eut entendu cet acte: Sàvez-A'^ous^
» lui dit-elle, comment il faut inti-
» tuler votre pièce? la Procession
» des Captifs. Voltaire jeta vui cri
» d'effroi : Mademoiselle , si vous ne
» me donnez votre parole d'honneur
» de ne jamais répéter cette plaisan-
» terie , jamais Zaïre ne sera repré-
» sentée. » On peut imaginer que
M'^*^. Quinault lui promit tout ce qu'il
voulut. La soubrette voulut attirer
chez elle les gens du monde , et les
gens de lettres. Elle eut, pendant quel-
que temps, un dîner qu'on appelait
dîner du bout du banc , où l'on
voyait ce que la cour et la ville of-
frait d'hommes les plus aimables et
les plus éclairés (i). M. le marquis
(i) On s'assemljlait deux fois par semaine , et clia-
nia api)i>rtait soii liitnlt,soit eii |)rcse, soit eiiveis.
\,e dîner avait liiu alteriiativemeut clicz. BI'l'^.Qui-
43 0 QUI
d'Argenson y c'tall fort assidu. Lors-
qu'il l'ut appelé au ministère , M''*'.
Qninauh se rendit à sa première au-
dience pour le complimenter; et il
l'embrassa cordialement en présence
de cini|uante solliciteurs. Un d'entre
f\\\ , clievalirr de Saint Louis , s'ap-
proclia aussitôt de IM"'". Ouinault,
|iour lui demander , tout bas , sa
j)rolection auprès de IMcnseigneur.
Ah I Monsieur, lui repondit-eile en
riaut , je ne puis rien faire de mieur.
que de vous rendre ce que le ministre
vient de me donner; et elle l'em-
brassa aussitôt , à la grande surprise
de tout le monde, ('.ette actrice , qui
avait quitte' le thcàlre , en 1711 ,
n'ayant alors que quarante ans, vécut
jusqu'au commencement de 1783,
Sa vieillesse fut aussi heureuse que
longue. Toujours gaie, vive , spiri-
tuelle , M"'". ( Viinault faisait encore
le charme de sa socie'tc , et s'occu-
pait même du soin d'une toilette
recherchée, au moment où la mort
vint la frapper presiju'à l'iniproviste.
Elle e'iait rlevemie la meilleure amie
^eD'Alembeit '■>.' ,à qui elle laissa,
dit-on , par testament , un diamant
de valeur , et beaucoup de manus-
crits précieux. On trouve , sur elle et
sur ses relations avec Durlos , de
curieux dèlnils dans les Mémoires
de M""". d'Épinav , 1818, 3 vol.
in -8". On remarque que la famille
de cette actrirr fournit au théâtre ,
outre QuinaullDufresnc, sa femme,
et M"*^. Quinault cadette f 3), quatre
nault et chn |p cnmU de C.aylu« !><■ f.iiid cje relie
iocirtc i-t »U cuiii)ii>>«- de duuze h tni^tone p^rxorr
D«. De ce nuiiilxp «-taient le cInTalier d'Orlians ,
grand -prirur . Voll.iin-, ^)<•^ll>u^he» , Facan , I)ii-
clo,, Collt, M. ncrif, i:r.l.illotilils,P..Dt dcV.yle.
Voiienoii , M. de Maiir<|>u. Ces neliU» aorirtéi
particulirrc« ont < Ir (iliuieur* loi» le berceau de*
plu» célèbres académies. L— P — E.
(1) Apre* la mort de M"<. Leipinasse et de M^".
GeoffriD.
(3) On a 3; lellres de Voltaire \ M"e. Qainault ,
de 1-36 i 1741 -Od y voit que cette actrice était u
QUI
sujets eu réputation. — Quinault /c
père , qui avait, dit on , commence
à jouer en iGip , et qui tenait l'em-
ploi des manteaux, ou des ^liinwes,
n'avait que le talent d'un farceur ;
mais , s'il plaisait peu a la bonne
compagnie , il s'en consolait par les
applaudissements de la multitude.
On place, en 173O, la date de sa
mort. — Jean - Baptiste- INLiurice
Quinault Vaine débuta le (3 mai
17 lu parle rôle d'Hippolyte dans
Phèdre, fut recule •.>.7 juin suivant,
et, depuis 1718, partagea les pre-
miers rôles comiques avec sou frère
Dufresnc. C'était un comédien plein
d'intelligence cl de finesse. A son ta-
lent d'acteur, il joignait celui de mu-
sicien Il chantait avec beaucoup de
goût ; et outre ses divertissements ,
composés jiour de petites pièces de
la Comédie Fran^aiNC, il (it la musi-
que du ballet de W-lmour des dtes-
iâs , mis au tlié.Hre, en 17'i;). Il
était fort répan !u dans la société
des gens de lettres ; et l'on cite de lui
quelques mots ])iquants qui donnent
une idée avantageuse de sa conver-
sation. Hetirédélinitivement du théâ-
tre , en 1733, il mourut à Gien , en
17/11. — M"'^.QuiNAui.TZV/f/i<?<? ( Ma-
rie-.\nne), plus célèbie par sa beauté
que par ses talents, fut reçue en 1715,
et quitta le théâtre en I7'i9,. l'^lle
avait plu d'abord au duc d'Orléans,
et ensuite au vieux duc de devers,
père du duc de >ivcrnais;il passait
même pour l'avoir épousée. On croit
qu'elle mourut en 17O' , -'gcc d'au
moins cent ans. On ne l'avait appelée
Quinault Vaînèe , qu'après la moit
de M"'-. Quinault Deneslc , dont il
roii&(l< lite , et ((u*il n'en dcdai^nail pas If» avis pour
ses ouvrage» dramatiques, (les lottri s eut <-tc iiiipri-
mr'C.1 pour la première fuis par M. Rcuuuard , en
i8«a , dans un volume de Leilrrs incrliUs , qui forme
aussi le 63*. volume de son édition de Vultairr.
A. Jl— 1 ,
QUI
va ctre question. — IVU'^. Quinault
( Françoise) , sœur des pre'ce'dentcs,
et femme d'un officier de la louvc-
terie du roi ( Hugue Dencsle ) , qui
s'était fait comédien , fut encore pl'is
connue sous le nom de j\I^''-. Denesle,
que sous celui de sa propre famille.
Elle débuta , le 4 janvier 1708, par
le rôle de IMonime , fut reçue dans la
même année , et mourut , le l'i dé-
cembre 1 7 1 3 , âgée d'environ vingt-
cinq ans. Cette actrice était fort ai-
mée du public ; et l'on croit qu'elle
aurait pu acquérir une grande répu-
tation dans les deux genres drama-
tiques , si la mort ne l'avait pas
enlevée ainsi à la fleur de l'âge.
F. P— T.
QUINCY (Charles Sevin, mar-
quis de), brigadier des armées du
roi, né vers iGbo, signala sa valeur
dans les guerres que Louis XIV eut
à soutenir contre les difierenles puis-
sauces de l'Europe, et fut récompen-
sé de SCS services par le grade de*
HeutCBant- général d'arti'lerie. Il se
distingua dans la malheureuse batail-
le d'Hochstedt ( 1704 ), et y reçut
une blessure. En 1707 , il comman-
da l'artillerie sous les ordres du ma-
réchal de Villa rs; et, l'année suivante,
il ût partie de l'armée commandée
par l'électeur de Bavière pouragir sur
le Rhin, tandis que Villars pénétrait
en Italie. Après la pais d'Ûtrecht ,
il fut nommé lieutenant du roi au
gouvernement de la province d'Au-
vergne. Il consacra ses loisirs à met-
tre en ordre les matériaux qu'il avait
recueillis, et publia V Histoire mili-
taire du règne de Louis-le-Grand ,
roi de France, elc, Paris , \'^'26,ii
vol. in - 4°- , avec des cartes et des
plans. L'auteur, dit Voltaire, entre
dans de grands détails , utiles pour
ceux qui veulent suivre, dans leur
lecture , les opérations d'une campa-
QUI 43 1
gnc. Ces de'tails pourraient fournir
des exemples, s'il y avait des cas pa-
reils j mais il ne s'en trouve jamais,
ni dans les afTaircs, ni dans la guerre.
Les ressemblances sont toujours im-
parfaites , les différences toiq'ours
grandes. La conduite de la guerre e5 1
comme les jeux d'adresse qu'on n'ap-
prend que j)ar l'usage; et les jours
d'action sont ((uelquefois des jeux de
hasard ( Siècle de Louis XIF). Le
huitième volume est intitulé : Maxi-
mes et instructions sur l'art mili-
taire; il renferme des leçons et des
exemples de conduite pour tous les
grades, depuis le simple soldat jus-
qu'au général, et le Traité des mines
de Vauban ( F', ce nom ). Le marquis
de Quincy mourut vers 1729,- du
moins il est certain que depuis celte
époque, son nom ne se trouve plus
dans \ Almanach Boj al. W — s.
QUINETTE ( Nicolas- Marie )
était jeune encore , et nouvellement
pourvu d'une charge de procureur à
Soissons , lors des premiers troubles
de la révolution. Sans expérience ,
et dépourvu de l'instruction qui met
les gens sages en garde contre la
séduction des principes nouveaux ,
Quinette les embrassa avec cette
violence désordonnée quidevait bien-
tôt tout bouleverser : il était bel
homme, fort et vigoureux; et,
bien que sans éloquence, il avait
assez de facilité dans le pariage du
temps pour captiver momentané-
ment la faveur des assemblées popu-
laires , où ce n'étaient certainement
pas les hommes raisonnables qui ob-
tenaient du succès. On sait qu'aussi
tôt que l'assemblée dite constituante
fut formée, les révolutionnaires de
Paris firent établir des clubs danstou-
tes lcsvilles,etmêmedansles plus pe-
tits bourgs. Quinette fut membre de
ces sociétés qui arrachèrentl'autorité
432 QUI
publique aux classes élevées, pour la
faire .irrivcr, par un inonvcuunt na-
turel, non pas précisément an\ plé-
béiens, mais à cette portion d'Iiom-
mes sans frein que les Homainsappc-
\:ùeul plelieculn. La plupart des dé-
putes à l'assemblée législative tin-
rent véritablement leur mission des
clubs; ce fut par leur pouvoir que
Quiuptte en devint membre. Avant
son élection il était l'un dos admiuis-
traleurs du déparlement de l'Aisne.
Dès la première séance, il prit pla-
ce au coté gauche : c'est là qu'on
avait vu siéger les plus violents
révolutionnaires de la constituan-
te ; et ceux des législatures sui-
vantes se placèrent constamment
du même côté. Pendant les premiers
mois de la session, le député de l'Aisne
"arda le silence: il parut attendre la
détermination définitive de l'assem-
blée. Les cris contre les émigrés se
faisaient entendre dans toutes les
séances ; Quinette y mêla les siens :
le ç) février 179^ , il demanda que
les biens de ces malhcureu.\ fugi-
tifs fussent sécpicslrés ; et sa mo-
tion fut adoptée à la presqu'una-
niinité. Le 10 mars, il appuya
la proposition de son collègue La-
marque, qui voulait que le décret du
séqueslre ne fût |ias soumis à la sanc-
tion royale. Le Zi mai, le capucin
Chabot demanda que le duc de
Brissac , commandant de la garde
constitutionnelle du roi, fût mis en
accusation : (^linetlc appuya vive-
ment la motion de Chabot ; et l'acte
d'accusation fiitimmcdi.itement por-
te. Depuis celte époque jusipTaprès la
révolution du 10 août, ou entendit ra-
rement jiarler de(^iiinelle, qui , dans
l'assemblée législative, ne fut guè-
re qu'un révolutionnaire à la suite.
Il fut cependant nommé membre de
\.i commission cbargcc de survcil-
QUI
1er et de diriger le nouveau gonver-
nementaprèsledétrùnementde Louis
XVI : ce fut lui qui (it décréter, au
nom de cotte commission , que le
malheureux ])rince et sa famille se-
r.iient logés à l'hôtel de la chancel-
lerie, sous la surveillance d'iuiegarde
à la disposition du maire , et que jus-
que» la réunion de la Convention, il
serait accorde un fonds aiuiuel de
cinq cent mille fr. , payable par se-
maine, pour les depiiiscs de la f.i-
mille royale. Quinelle fut un des pre-
miers représentants du peuple , en-
voyés aux armées. Revenu de celle du
Nord , il fut nommé député à la Cdi;-
vention par le département de l'Ais-
ne. Dès la première séance, l'abbé
Grégoire et le comédien Collot-l'Hcr-
bois avant demandé l'abolition de la
royauté, Quinette, républicain très-
prononcé , osa dire que c'était au
peuple à choisir entre l'ancien gnu-
•verneuient et la république : il par. ut
qu'il fut ell'rayé lui-même de sa mo-
tion , et chercha à la faire oublier
par les propositions les plus violen-
tes. Le \i décembre 179'i, il de-
manda que le roi fût tiaduit à la
barre de la Convention . juge sai<s
désemparer ; et que ses défenseurs ne
pussent, dans leurs discours, dépasser
les bornes qui leur seraient assi-
gnées. 11 vola ensuite contre l'appel
au peuple, pour la mott, et contre
le sursis ; et il prit l'en^gemenl de
traiter de même tous ceux qui usur-
peraient les droits du peuple et
prendraient le titre de roi ; de sorte
qu'il prononça par anticipation un
jugement de moi t contre celui (jui ,
peu d'années après, (itde lui un noble
baron (ij et l'un de ses piincipaux
a lininislrateurs. Après la mort du
(1 ; Il quitta a1or« le nom dp Quiiielle , et >c Ct
aj)j>der le barou de Rorlietimiit.
QUI
roi , Quinette devint menibic du co-
mité de salut public , et fut envoyé à
rannée de Dumouriez , pour l'aire
arrêter ce gênerai , qui le fit saisir
lui-même ,et le livra au prince de Go-
bourg. Après une détention de deux
ans et demi, en Autriche ( V. Ca-
mus) , il fut ëchaugc, le -25 décembre
i"9'^, avec ses collègues, contre
Madame, fille de Louis XVI , alors
enfermée dans la prison du Temple.
Lorsqu'il revint à Paris, la Conven-
tion n'existait plus : il fut présente au
conseil des Cinq-cents, et [)orle' eu
triomphe jusqu'au fauteuil du prési-
dent : le conseil déclara que Quinette
avait bien mérite de la patrie. Mem-
bre de cette assemblée parla réélec-
tion des deux tiers de la Convention
eni 'J96 , il reprit des sentiments plus
humains , et demanda qu'on assurât
des secours aux cnfantsdes Français
émigrés. Ilsortitdu conseil, en 1797,
avant la révolution. du 18 fructi-
dor. Le parti jacobin ayant eu une
espèce de succès dans Tété de 1 799 ,
parvint à faire nommer Quinette mi-
nistre de l'intérieur: après le 18 bru-
maire, Buouaparlc lui donna la pré-
fecture d'Amiens. Il s'y comporta sa-
gement; sonadmiuislrationfut bicil-
veillaute, et n'excita aucune plainte :
pour reconnaître les services qu'il
avait rendus dans ce pays , le collège
électoral de la Somme le désigna
comme candidat au Séuat conser-
vateur. Biiouaparte n'accepta point
le candidat ; mais il le fit conseil-
ler - d'état dans la section de l'in-
térieur , et créa pour lui une sor-
te de ministère , sous la dénomi-
nation de direction - générale de la
comptabilité des communes et des
hospices. Le 11 avril i8j4 .Qui-
nette donna son adhésion à la dé-
chéance de Buonaparte, qui, après le
p^ ^o.m^rs i8i5,leuommacommissai-
XXXVI.
QUI
433
f
rcpour rétablir son autorité dans les
départements de la Somme et de la
Normandie , et en fit un des pairs
des cents jours. Le nouveau pair ne
parla qu'uuefois, pour cssayerdc fai-
re passer la motion de la Fayette ,
qui avait demandé, dans la chambre
des représentants , que ceux qui ten-
teraient de dissoudre ce qu'il appe-
lait la représentation nationale , fus-
sent déclarés traîtres à la patrie , et
punis comme tels. Quinette fut appelé
parFouchéjà faire partie de la com-
mission qui gouverna pendant quel-
ques jours , après la seconde abdica-
tion dcBuonapartc. Bannicommc ré-
gicide , il se retira à Bruxelles , où il
mourutd'uneatlaciued''apoplexie fou-
droyante, le i4juin iSii 1 .-aumomcnt
oii il (cherchait quelques livres dans
sa bibliothèque , il tomba comme une
masse de plomb. Sa femme, qui se
trouvait dans une pièce voisine avec
sa fille , envoya celle-ci pour savoir
d'où venait ce bruit ; et elle trouva
son père expiré : il avait environ
soixante ans. On ne cite de lui que le
Bapport des représentants du peuple
Camus, Bancal , Quinette , Lamar- \
que et Drouet ( sur leur détention ) ,
lu au conseil des 5oo, les'.ii-27 "i^-
an IV, in-8*', . de 206 p. B — u. ' "*
QUINONÈS. r.QuiGNONÈs.
QUIKQUARBOREUS. F. Cinq-
Arpr fs
QUINTE - CURCE ( Qumrus-
CuRTWs- RuFus ), auteur latin
d'une histoire d'Alexandrc-le-Grand
a vécu probablement au premier siè-
cle de l'ère vulgaire. Toutefois il y a
des savants qui le croient conteiu-
porain de Constantin ou de Théo-
dose: quelques-uns même prétendent
que sou ouvrage porte un nom sup-
posé, et n'est qu'une production du
moyen âge. On peut compter jusqu'à
treize opinions sur l'époque où il a
■2H
434 QUI
ccrit : ceM le icf;ne cVAiigiiste , se-
lon P. Pilbou ; do Tibcrp, selon Pc-
rizonius; de Caligula, selon Sainlc-
Croi"^ ; de Claude , selon Ip P. Tcl-
licr.Tillenionf.Dubos et Tiraboschi;
de Vcspasien , selon Vossins ; de
Trajan , selon d'auires. Un litleia-
!eur italien , nomme liaj^nolo, a pu-
blic en I 74 'i ""^^ Dissertation à l'ap-
pui du système qui fait vivre Qiiinte-
Ciirce sous Constantin, et qui a e'ic'
adopte par M. Ciinzc , éditeur de cet
historien , en i^ç)"). Barlh s'était
persuade que eeltc Vie d'Alexandre
n'avait etc composte que sous l'un
des Tlic'odose. Enfin, elle aurait été
fabriquée, sous le nom imaginaire
de Oiiintus-Curtius , par quelque au-
teurdu douzième ou du treiziî me siè-
cle, eu par un Italien du quatorziè-
me, ou même au quinzième, par un
contemporain de Platina , s'il en fal-
lait croire Rodin, Gui Palin et Jean
Leclerc. Pour se dclerminer entre
tant d'hypotliises , on est réduit ,
faute de données positives, à de sim-
ples considérations sur les person-
nages divers appelés Quintu.'i Curtius
Pu fus , sur certaines lif;nes de l'ou-
vraj^e , sur les manuscrits qui le con-
tiennent , et sur les citations qui en
ont été faites. Ciréron parle de plu-
sieurs Cui tius, et donne à l'un d'eux le
prc'nom dcQuintus : mais il n'en de-
signe aucun comme auteur de livres
liisloriqucs. Dans Tacite, un Curtius
Rufus , fils d'un gladiateur, disait-
on, devient questeur, puis consul,
obtient Us honneurs du triomphe
en l'année 47 de notre ère, va gou-
verner l'Afrique , et y meurt fort
âgé, toujours adulateur des grands,
oppresseur des faibles, et incommo-
de à ses égaux. Pline le Jeune fait
mention de lui : mais quoi qu'en aient
dit Juste Lipse,Brisson,Crevier, etc.,
en n'a aucune raison de présumer que
QUI
ce soit-là l'historien d'Alexandre;
et il serait bien plus naturel de le
trouver dans le Quintns Curtius
Rufus inscrit parmi les rhéteurs sur
lesquels Suétone avait rédigé c\cfi no-
tices : cependant celle qui le concer-
nait ne s'est point conservée ; et l'on
ne croit qu'e'lea existe que sur la foi
d'un manuscrit où se lisait ce catalo-
gue de rhéteurs. Quant aux manus-
crits de l'ouvrage même de Quinto-
Curcc, Luc llolstenius et Wagenscil
assurent qu'il en subsiste un du dixiè-
me siècle, à Florence; I\l ont faucon
en cite un du même âge, appartenant
à la bibliothèque dcC(ilbert;Bongars
on a possédé un pareil, déposé de-
puis dans la bibliothèque de Derne.
Aussi vovons-nous que Jean de Sa-
lisburv, Pierre de Blois, Jacques cîo
Vitri , Vincent de 13cauvais , ont con-
nu et cité Qiiinte-Curce. Alj)honse
X, qui commença de régner en riSci,
fut, dit-on. gneri d'une maladie par
le plaisir que lui causa la lecture des
livies de cet histoiien : c'est Antoine
de Palerme qui rapporte cette anec-
dote. On peut la révoquer en doute;
mais les manuscrits et les citations
immédiates faites ])ar les quatre au-
teurs du douzième et du treizième
sièc'cs que nous venons de nommer ,
suflisent pour démontrer que la com-
position de celte histoire n'est pas
postérieure à l'an mille. 11 est moin»
facile de réfuter l'opinion qui la
place aux temps de 1 héodose et de
Constantin , puisqu'on n'y peut op-
poser que la trace bien légère d'un
texte de Suétone, et quelques pas-
sages de QuinteCurce lui même, qui
sont foit éiiigmaliques , de l'aveu de
Tiraboschi. Le principal (1.x, c. 9)
porte « que le peuple Romain dut
» son salut à un prince qui, comme
» un nouvel astre, lui apparut dans
» une nuit qu'on croyait la dernière
QUI
>» .do tontes. Le lever de cet astre,
» non celui du soleil , rendit le
M jour au monde, etc. » Quel est ce
prince? C'est une question crue les
érudiis modernes ont laissée plus in-
décise , par les eirorls nicmes (ju"ils
ont faits peur l'éclaircir et par la
diversité clés solutions qu'ils ont pro-
posées. Seulement, nous reconnaî-
trons avec Sainte-Croix, que le ton
de flatterie et de bassesse qui règne
dans cette digression, montre que
l'auteur a vécu sous le rc'girae impé-
rial , probablement au premier siè-
cle de l'ère vulgaire. On peut le sup-
poser ne en Italie, ou même habi-
tant de Rome. Voilà tout ce que nous
avons à dire de sa personne : cepen-
dant , pour lui assigner une e'poque
et une patrie , on se détermine aussi
par l'opinion bonne ou mauvaise
qu'on se forme de son ouvrage; on
déclare l'auteur plus ou moins an-
cien, selon qu'on le juge plus ou
moins habile. Aucun écrivain anté-
rieur à l'an ïioo n'a fait mention
de celte Histoire d'Alexandre. Mais
la plupart des modernes l'ont admi-
rée : Du Perron en préférait une seu-
le page à trente de Tacite : aux yeux
de Vossius, elle est digne du siècle
d'Auguste : La Motbe-Le-Vayer ,
Rapin, Bayle,Tirabosclii, Laharpe,
Sainte-Croix ,y trouvent plus à louer
qu'à reprendre. Au contraire, Bo-
din, MoUer, l\Iascardi, J. Le Clerc,
Jacq. Brucker , RoUin même, et
plusieurs autres, en ont amèrement
critiqué le fonds et les formes. Le
Clerc surtout en a relevé ou exagéré
tous les défauts dans une section en-
tière de son Ars crilica. Sans doute
on a droit de reprocher à Quinte-
Curce des erreurs énormes en géo-
graphie, et trop d'ignorance de la
tactique pour l'hisiorien d'im con-
quérant, il néglige la chronologie,
QUI
43:'
et ne se montre point assez attentif
ou assez éclairé dans le choix des
faifs. Les ornements de son style ne
sont pas sans affectation ; ses ré-
flexions trop fréquentes sont rare-
ment profondes : il prodigue les lia-
rangues j et si l'on excepte celle de
Philotas , qui est fort pathétique, et
celle des Scythes qui se recojnniando
par une vcrilabie énergie, et que
Dorât a imitée en vers français , ces
morceaux ressemblent plus aux dé-
clamations d'un rhéteur qu'à l'ex-
pression naturelle des idées et des
sentiments de chaque personnage.
L'ouvrage n'en a pas moins un ca-
ractère classique; et, comme l'a dit
B.'iyle, les reproches qu'il peut su-
bir s'adressent aussi bien à presque
toutes les compositions histori(jues
de l'antiquité. Ij'autenr a le (aient de
peindre : il intéresse constamment
par l'éclat de ses récits. On doit lui
savoir gré de n'avoir vanté Alexan-
diequ'avec quelque reserve. Les deux
premiers livres étant perdus , l'ou-
vrage commence pour nous par le
conte du nœud gordien, et par la ma-
ladie d'Alexandre, a])rès qu'il s'est
baigné dans le Cydne. 11 y a une lacu-
ne à la fin du livre v , et deux autiTs
dans le X''. Ou croyait avoir retrouve
le premier livre dans un manuscrit
de Saint-Victor; mais c'était un sup-
plément, composé, a-t-on dit. par
l^élrarque. Brunon , professeur de
belles-lettres, à Munich, a essayé,
en 1545, de compléter l'ouvrage.
Quintianûs Stoa ( /^'. Quinzano pag.
454 ci-après:) s^était aussi occupé
du même soin ; mais son travail est
tombé dans l'oubli. Les suppléments
que Freinslieim ( F. ce nom, XVI,
t5 ) a publies en 164*^? ^"^ reparu
fort souvent depuis; ceux deChristo-
pheCcUarius, mis au jour en 1688,
sont recommandablrs p{îr Icurconci-
•i8..
436
QUI
sion et leur élégance : iicanraoîns on
ne les a pas autant réiinpriines , non
plus que ceux de Junkcr, conjposiis
en i-joo. Les édilions de Qiiintc-
Curce, avec ou sans Supplenunts ,
avec ou saus (loiumentaires , sont in-
nombrables : on écartant celles <jiii
eut ])ou de valeur, ou en compterait
encore cent cinquante qui mérile-
raient , à divers égards , de fixer l'at-
tention des bibliographes. Il v en a
douze du quinzième siècle. Les deux
premières sontcellesdeRonic( i^^jO)
et (le Venise ( i^^o ou i 47 • ) , l'une
et l'autre, in-4'\ De i5oo à 1600,
nous n'en distingtierons que huit :
celle de Bologne, en i5oi, in-fol. ,
augmentée d'épîtrfs attribuées à
Quiutc-Curce ; celles des Juntes à
Florencc,iu-8°, , en iSo-j et i5i7;
de Bàlc , en 1 5 1 7, in-fol. , la premiè-
re avec les notes d'hrasme; des Ai-
des, avec de nouvelles leçons, à Ve-
nise , in-^". , i 5io; de Paris, Simon
Colines , i j33, in-8°. ; de Bàle,en
i54>, in-fol., avec les Suppléments
de Brunou ; de Lyon, cIkz Antoine
Gryphe, in-i-i', eu 1 584 , avec l^'^
corrections de Fr. Modius. Le dix-
septième siècle fournit celle de Co-
logne, iG.>8, in-fol., enrichie du
commentaire de Martin Rader ; de
Lcyile, Klzrvir, i033, jietit iu-r.i,
recherchée ])our .son élégance; de
Strasbourg, \f'»^S, i vol. in 8*^. , où
parurent pour la première fois ,
les Snpplonients de Freinsheim ;
de lO-jo, in 4". , à Strasbourg, édi-
tion plus correcte qu'aucune des pré-
cédentes : celles d'Amsterdam , iil-
zevir, iG-j 3 , in 8«>. ; la <pjatrième ,
de Schrevelius , cuni noti-> vario-
rum; de Paris, i()78, in-4°., ^d
usum Deljihini. donnée ))ar le père
Miohcl Tcllicr. jésuite, et à la'iucllc
on croit que lluct a coopère"; de
Leipzig, it>88,ïQ-i2, avec les Sup-
QUI
pléments de Ch. Cellarius, et des
cartes géographiques ; de 1700 , iu-
1 >. , à Dresde, avec les Suppléments
de Jiniker. Au dix-huitième .siècle,
on peut remarquer les éditions delà
Haye, 1708, iu-8". , avec le com-
mentaire de Pitiscus; de Londies,
1 7 1 G , petit in- 1 i , par les soins de
Maittaire; deDelft, i7ii4,in-4"., où
Henri Snakenburga réuni à un texte
soigneusement revu , tout ce tpse les
éditions antérieures contenaient de
Variantes , deSuppléments et de No-
tes instructives. Le Qiiiute-Curccde
Brindley a |iaru à Londres, eu i 7)8,
2 vol. in- 18; celui de 15arbou , en
1757 , in- ri; celui des Deux-l'outs,
en >78i, u vol. in-8". , leproduits
avec (\cs addilions, à Stra.sbt)urg ,
en 1802 ; celui de D. J. T. Cunze,
Helmstadt , i 'jf)')-i8o'i , 3 vol. in-
8''.; et celui de J, C. Coker, Leip-
zig, 1818, grand in 8°. L'édition,
aujourd'hui la plus récente, est celle
qui fait partie de la collection des
classiques latins de ftL Le Maire ,
Paris, i8ii , in-8'*. , '.>. vol. — Can-
dido Decembrio ( v. X, ()3'i ) avait
composé, avant i438, une traduc-
tion italienne de Quinte-Curce : elle
a été inipiiniéea Florence, en i 478,
in-fol. ; à Milan , in-fol. , 1481 ; à
Florence, chez les Juntes , eu i5i()
et en 1 j3o, in-8". , etc. La version
de'J ommaso Porcacehi lut publiée à
Venise, en 1 558 et i55f), in-J", ;
en i5(5i , in- 12; et celle de Niecolô
Castclli, à Leij)zig, ti!-8^.,en iCi^S.
L'Histoire d'Alexandre a été tiaduite
on espagnol, par Fenollet, Barce-
lone, 1 4^1 > in-fol. ; par Gabriel de
Castancda , Séville , in fol. , i53/4;
])ar Ybanucs de Ségovie, Madrid .
lu-fol.. 1699. On cite d'anciennes
versions françaises, dont l'une, pré-
sentée par Vasques de Lucènc à
Charlei-le-Tctnérairc, duc de Bour-
I
QUI
gognc, au quinzième siècle , se con-
serve niaïuiscrite à la bibîiotlièqut du
Roi : Sainte-Croix dit qu'elle a tté
ituprinie'ecn 1 5o3. Ou counaîtmieux
uu Qiiiute-Curcc français sorti vers
1 490 , des presses d'Antoine Verard,
iu-fol., et celui de i53o, Paris,
Galliot Dupre' , racrae format. La
version de INic. Se'guier, Paris, 161 3,
se reproduisit l'année suivai.'c à
Genève. Celle de Vaugelas parut
ca 1647, iD"i"' ; et l'édition qui en
fut donnée en i6jq, in-4'^. encore,
était dcja la cinquième : elle conte-
liait les suppléments de Freinsheim ,
traduits par Du Ryer. On dit que Vau-
gelas avait passe trente ans à com-
poser cette A'crsion ; Balzac écrivait
que l'Alexandre de Quinte -Curce
était invincible, et celui de Vaugelas,
ini.'uitable. C'était un cbefd'œiivre,
aux yeux de Tanncgui Le Fèvre,
dont pourtant la fille , M"!^. Dacicr,
ne partageait point cette admiration.
Sans parler des expressions qui ont
vieilli, il s'y rencontre des contre-
sens assez graves, dont quelques-uns
ont été relevés par Dnpuy ( t. xxix
de l'acad.des inscript, et bellcs-let. ).
Deux nouvelles traductions françai-
ses ont été publiées à Paris en 1781,
l'une par l'abbé IMignot, 2 vol, in-
S"*. ; l'autre par Bcauzée, 1 vol. in-
l'i. : celle ci a eu une deuxième édi-
tion eu 1789. L'histoi'ien latin d'A-
lexandre a été traduit en anglais par
J. Brende, Londres, i553, i56i ,
i59'.i, iu-4'^.; parRob.Godrington,
1632, etc. , in-i 2 ; par Nalium Ta-
ie, 1690, if)94, in-S". ; par Jean
Digby, Londres, 1714,2 vol. iu-
12 ; cette dernière version a été re-
vue par Young, en 1747- Les traduc-
teurs allemands du même auteur sont
Von Lebsten , Francfort, i653, in-
8"., 1696, in-4".; Léon Chr.Rulli,
Hall, 1720, iu-S*'.; Gbr, Guillaume
QUI 437
Krltsinger, Bade, 1748,2 vol. in-
8".; J. Fr. Wagner, Lemgo, 1768,
in-8'*.; P. A. Doling, Augsbourg ,
1775, in-8«. ; J. Pliil. Ostertag,
Francfort, 1799,2 vol. in-8'».; et
A. de Rainer, Vienne, 1806,2 vol.
iu-8''. Enfin , Quinte-Curce a été tra-
duit en polonais , Cracovie, 1624,
in-fol.; en langue bcigiqne, par Gla-
semaker, i663 et 1728, in 8».; en
suédois, par J. Sylvius, Stockholm ,
1695, in-8°. ; en danois , par Win-
gaard, Copenhague, 1704, in-4".;
et en russe par Kopvewitz, Moscou,
in-4**. , 1710. — On ne doit tenir au-
cun compte des lettres publiées sous
le nom de Quinte-Curce , à Reggio ,
en i5oo, in-4°. , et réimprimées à
la suite de l'Histoire d'Alexandre, à
Venise, en i5o2 , in-fol. Elles sont
divisées en cinq livres , et il n'y en a
qu'une partie qui soit attribuée à
Quinte-Curce lui-même. Les autres
portent les noms de Numa Porapi-
iius, de Brutus, le premier consul,
de Cinciuuatus , de Fabius Maximus,
d'Annibal, de Masiuissa, de Caton
d'Utique , etc. C'est lui de ces re-
cueils épistolaires que des oisifs se
sont amusés à fahriquer après le qua-
trième siècle; celui-ci est d'une insi-
gnifiance extrême , et pourrait bien
n'appartenir qu'aux plus déplorables
époques du moyen âge : aux yeux de
J. Fréd. Grouovius , et de tous les
hommes instruits, il n'a aucune sorte
de valeur 5 et l'on a peine à compren-
dre comment Fabricius s'était déter-
miné cà l'insérer dans (juelques édi-
tions de sa Bibliotheca latina : Er-
ncsti l'a exclu de celle de 1773. Il
suffit, dit Tiraboschi, de jeter les
yeux sur ces épîtres , pour reconnaî-
tre l'iinposture. — Les écrits à consul-
ter sur la vie et l'ouvrage de cet his-
torien, sont : Dan. Molleri Pisser-
tatio de 0. Curlio Rufo ; Altdorf ,
433
OLI
1 683, in-4'^.; Nuremberg, 1726, in-
4°.; — Hcrmann Brever : Dissert.
lie Curtii œlale , Altdorf, iG83,iii-
4'^. ; — la section m de la 3*^. partie
»le V.drs critica de J. J.eclerc ; —
l'article Qiiinie-Ciirce du Dict. de
Bayle; — unarliclede Jac. Bruckcr,
dans !c tom. 1 x des lUiscellanea Lip-
sierisia; — !c ch,)p. xviii du second,
livre de lalîiMiutli. latine lie Kabii-
oiiis, edit. d'Erncsti; — Uap^iona-
inenlo di Giov\ Franc. Giust. Bn-
};nolu, dellu fcnte Ciirzia e dell'
i-tà di Q. Curzio , Bologna, \- \\ ,
iii-4".;— ^ Tiraboschi, t. 11, 1. 1, c.
4 ; — Sainte - Croix , Examen des
historiens d'.-llexandre ^ p. joa-
1 15, etc. D — > — t.
QUI Vri ANUS STOA. r. QUIN-
ZANO.
QUINTILIEN {M.4Rccs-F.i-
vivs - Qiiy criLiASL's ) , rlieieur
«"«cièbrc, vivait an premier siJcIc de
l'ère vulgaire. Sa vie, par nn auteur
inconnu , se trouve à la tète de plu-
sieurs e'ditions de ses ouvrages. Nous
y lisons « qu'il natpiit a Rome, ou ne
sait sous quels consuls , ni sous (pie!
règne ; et qu'il ne faut point ;tiouIer
foi à la tradition qi;i le fait naîlrc en
Espagne a Calagcrris on Calaborra,
puisqu'il n'est poi?it du nombre des
Ibciicns que 3Iartial a célèbres : ce
poète le nomme à part ; et, dans
rhoramage qu'il lui rend, ne le dé-
clare que llomain :
ijuincltliuiie vigœ mntirrrWr siimme jiivenltr
OUriii lonutnu; ^ Qiiincitiane , togir.
Qtiintilicii -c dit fi!s d'un avocat ,et
Jions appiciiJ d'ail'ours qw dans sa
jeunesse, ii a connu Doiaitius Afer et
ScMèipie, qui tous deux ont péri sous
Néron. Sc'nèque pat led'unQiiintilieu,
ilJcIamaletir , aïeul de celui qui cn-
^eigna long -temps la rlietoiiqne à
Rome. Domilieii confia l'instruction
l'e il 5 pcliro-iicveiîx à Quinlilicn.Un
QUI
autre e'Iève de celui ci , C, CtHus ,
devint le meilleur orateur de ce temps.
Ayant épousé une femme d'une famille
noble, Quintilien eut la douleur de la
perdre, ainsi que l'un des fils qu'elle
lui avait donnes; il essuyait cette sc^
coude perte, peu après avoir coin po-
sé son iivre sur les causes de la cor-
ruption de l'cloqncncc. il écrivit en- |
suite ses livres de rhétorique; et, au
milieu de ce travail , il perdit son
autre lils. Sa fille, née d'une seconde
épouse, dont le père était le chevalier
Tutilius, eut pour mariNovius Celer,
homme distingué. » L'auteur ano-
nyme finit en disant qu'on ne sait pas
en (pu-Ile aimée mourut Quintilien.
Selon les calculs de Dodwell , il a dû
naîtie l'an 4'i de notre ère , et mourir
so;is Adrien , entre les années i i-j à
1 3H. Ceux qui le tiennent pour Espa-
gnol, disent qu'il fut amené à Rome,
par Galba , ce qui se lit en ciTet dan >
la chronique d'Euscbe : mais Quinti-
lien nous assure avoir connu , dans
cette ville , Doraitins Afer ; et la
nioi t de cet orateur est de l'an 55
( /'. Afe«, I , aG8, 26() ). En con-
s'^'qnencc , Dodweîl conjecture qu'en
()i, Q^iiiitilien suivit Galba en Espa-
gne, y enseigna la rhétorique, y plai-
da des causes, et revint à Rome, en
(J3 , avec cet empereur. De là , jus-
qu'en 88 , il donna des leçons de rhe*-
torique : un traitement public avait
été attache à cette fonction par Gal-
ba , suivant Doflwel!; par Domilieu,
selon la clir'oniquc d'Eusèbc ; par
Vespasien , selon Suétone. I'>u même
temps, Quintilien brillait au barreau ;
on écrivait et l'on vendait ses plai-
doyers. Il jouissait d'un honorable
crédit , et, selon Juvénal , d'une for-
tune considérable; ce qui s'accorde
mal pouitant avec le présent que ,
pour doter sa fille, il reçut de Pline
le Jeune. Pline , eu énonçant ce fait ,
QUI
parle-t-il d'un autre Quinlilien ? On
ne couuaît point d'autre rlicteur de
ce nom, à celte époque. L'auteur des
Institutions oratoires a-t-il été con-
sul , soit en 1 18 , comme Dodw cil le
suppose, soit auparavant ou après ?
On le conclut de quelques mots d'Au-
soue et de Juvéual, qui ne le disent
pas expressément. IMais s'il est diili-
cile de bien demcler les détail» de sa
vie , il ne l'est pas de reconnaître le
mérite cminent de son ouvrage: c'est
le cours de rhétorique le plus com-
plet que les anciens nous aient laissé.
Gibert et Laharpe en ont donné des
analyses très -étendues. Cliacmi sait
que le premier livre traite de l'édu-
cation de l'orateur; le second, de
l'art oratoire en ;^énéral;les suivants,
de l'invention , de la disposition , de
l'élocution , de la mémoire et de l'ac-
tion ;le ix^. et dernier, des mœurs et
du caraclèrede l'orateur, ou plus par-
ticulièrement de l'avocat. L'auteur
aime à descendre à tous les détails ,
quelquefois même à ceux qui ne tien
Kent qu'à la ç^rammaire; et d'ailleurs,
il entremêle aux préceptes tantd'obT
servations , et surtout tant de faits ,
qu'on a besoin de son ouvrage pour
acquérir une connaissaijce sulFisante
de l'histoire littéraire de l'antiquité.
La faute la plus grave qu'on y ait
reprise , consiste dans les éloges
qu'y reçoit Domitien : elle est inex-
cusable aux yeux de Bayle , de Dod-
vsell et de Gibert même. L'une des
critiques littéraires que Quinlilien
peut mériter, est qu'en citant et en
contredisant les rhéteurs qui l'ont
précédé, particulièrement Arislole ,
il ne saisit pas toujours bien le vé-
lilable sens de leurs paroles. Du
reste , si son ouvrage est long , il est
plein ; et ce que nous y pouvons trou-
ver d'obscur, se réduit à quelques
détails dont la trace s'est cflacée
QUI 439
après lui, et qu'il n'explique point
assez pour nous , parce qu'ils étaient
familiers à ses premiers lecteurs, L'é-
numération qu'il fait d'environ cent
figures , tient plus qu'on ne croit à
la théorie du langage et de la pensée.
Cependant Rollin a pris la peine d'a-
bréger celte rhétorique , pour la
rendre plus acce^sible et plus utile à
la jeunesse; il en a retranché près
d'un quart : nous ignorons s'il ne
vaut pas toujours mieux laisser les
livres classiques tels qu'd sont; nous
parlons de ceux qui, comme celui-ci,
n'inspirent que des goûts purs et des
sentimenls vertueux. On ne peut,
sous le rapport du style, l'égaler , ni
le comparer aux Traités de Gicéron
sur l'art oratoire ; mais il est cons-
tamment écrit avec beaucoup de sa-
gesse et d'élégance. Des censeurs sé-
Aeres ont jugé que la préface du
sixième livre sentait un peu la dé-
clamation ; l'auteur y déplore la
perte qu'il vient de faiie de son s'e-
cond fils, et se retrace les souvenirs
de l'autre fils et de la jeune épouse
que la mort lui a aussi enlevés : à
vrai dire , l'expression de la douleur
n'est 2)as aussi simple, aussi natu-^
relie qu'on le voudrait, dans la dcr-'
nière page de ce morceau; et l'on y
aperçoit presque autant le rhéteur
que le père. Celte préface , néan-
moins, se lit avec intérêt , et uç res-
semble ]n)int aux déclamations dont
on a publié , sous le nom de Quinli-
lien, un long et inutilç ïccucil. Ou
les distingue en grandes et en petites:
les ])renuères , au nombre de dix-
neuf , et les ai\trcs au nombre de
cent quarante-cinq , qui restent de
trois cent quatre-vingt-huit. PhileU
phc, Yivès et surtout Érasme ont re-
connu que les dix-neuf grandes ne
pouvaient être de l'auteur des Insti-
Ljitioas oratoires ; il y a des laanu^-
44o QUI
crits qui les aUribncnl h Aï. Flonis :
un tcKlc (le Trebclliiis Pollio niilo-
riscrait à croire qu'elles sontdcPos-
tumtis le jeune , rm» îles trente tvrans :
Poliimus. . . ità in ileclamationi-
hu<; ({i<;ertiis , ut ejus contnwcrsi f
Qcinctiliann dicnntiir insertœ. Mal-
j;rel'.iutoiile(le plusieurs manuscrits,
el ccl'e lie Lactance, d'Knnodius, de
Vincent de Beanvais , nous ne sau-
rions y reconnaître Q'iii)lilien : la
dillcrenrc est trop sensible, mcrae
flans la diction ; ce n'est pas lui qui
écrit dilertio , discretio , impœni-
tens , lenocinamcntum, etc. Les cent
quarante-rinq petites déclamations ,
si elles étaient de lui , seraient des
extraits de ses plaidoyers , recueillis
par des tachypraphes. Peut-être ap-
partiennent-elles à son père ou à son
a'icnl, ou à quelque autre personnage
du même nom : on croit remarquer
entre elles drs inégalités qui indique-
raient dilTérents auteurs et divers
JÎges. Ce qui embarrasse le plus les
savants, c'est la distinction de ers
pièces en deux espèces, les coloratœ
et les tractatœ. Faut-il a ppliquer cette
seconde qualiliration à celles dont le
sujet a été réellement traité , et la
première à celles qui révèlent de
coidrurs des sujets imaf;inaires? ou
bien les tractalœ ne sont-elles que
de simp'es expositions des causes,
et les coloratœ admettent-elles plus
d'ornements ? Une production qui
ferait bien plus d'honneur à Quin-
tilien , serait le dialogue De eau-
sis comiptcp eloquentiœ : il avait cer-
tainement composé un Traité qui
portait ce titre; il le déclare dans la
préface du sixième livre des Institti-
tions: mais, à la (in du huitième, en
rappelant ce même Traité, il dit qu'il
y a pirlé plus amplement des tropcs,
«•t particulièrement de l'hyperbole ;
ce ijui ne convient point au dialogue
QUI
qui nous a été conserve* , cl dont les
interlocuteurs sont Aper, Maternus,
Julius Secundus et Vipsanius Mes-
sala. Pierre Pithou ,_Culomiés, Dod-
^vcll et beaucoup d'autres savants ont
mieux aimé l'attribuer à Tacite; et
l'un des motifs surlesquels cette opi-
nion se fonde, est le caractère politi-
que des observations répandues dans
cet opuscule; c'est d'ailleurs Tacite
que plusieurs manuscrits désignent.
L'ouvrage pourrait n'être ni de l'un ,
ni de l'autre : mais Suétone , (ju'on a
quelquefois indiqué, n'a pas , dans
ses véritables écrits , la même force
de pensée et d'cx^pression. Nous re-
viendrons sur ce dialogue , à l'article
de Tacite. Le Traité ( non dialogué )
que Quintilien avait composé sur
les causes de la corruption de Té-
ioqurnce, n'est point la seule de
ses productions qui ait péri. On
a perdu aussi sa rhétoricjue élé-
meritaire en deux livres ; et il ne reste
delui aucun autreouvrageaut lient iqiic
que ses Institutions, (pii ont failli dis-
paraître elles-mêmes. Exiles existaient
au moyen âge; Cassiodorc , Lsidorc
de Séville , Loup de Ferrière , Vin-
cent de Beau vais, les ont citées. Pétrar-
que en avait lous les veux un manus-
crit informe et incomplet: celui r|ii'cn
i.|if), le Pogge déterra au fond de
l'abbaye de Saint-Gall , a reproduit
Quinldien au grand jour. C'est l'uu
desservices émincnts qucPoggio T\
tome XXXV, p. \'i()) a rendus
aux lettres : il est toutefois incontes- ^
table que les littérateurs du quinzième
siècle possédaient au moins des co-
pies défectueuses de Qiiintilien ; et
l'on en retrouve la preuve jusque
dans la lettre où Léonard Arétin parle
avec tant d'emphase de la nouvelle
apparition de ce classi(juc; car il y
déclare qu'il a dcpiiis long-temps lu
et admiré la moitié des Institutions
QUI
oratoires. Ces deux manuscrits de
Saint-Gall et de Léonard Are'tin, sont
les sources de tous ceux qu'on a faits
depuis , ainsi que des copies impri-
mées. Les deux premières éditions
des Institutions oratoires de Quiuti-
licn sont de 1470, à Rome , l'une
chez Udalricus Gallus , l'autre chez
Sweynhcym et Pannartz ; toutes deux
in foL Le XV''. siècle en a produit dix
autres j et dans le grand nombre
de celles du seizième , on distingue
celles des Aides, i5i4, in-4°., à
Venise ; de Vascosan , à Paris , en
i538, in-fol., de Simondc-Colines,
in-4". , i54i; de Robert Estieniie ,
in-4°., i54'i;et de INlamert Pâtisson,
1 58o , in 8**. : cette dernière a été re-
vue par P. Pitliou , qui y a joint des
variantes, des notes, et les 1 45 petites
Déclamations; on n'en avait encore
imprimé que i3G. Sclirevclius , et
après lui, J. Fréd. Gronovius, ont pris
soin de l'édition qui parut, en iGG5,
Leyde etRoterdam, in-8'% cuvi nous
variorum. Toutes les Déclamations y
sont jointes auxTnstitutions, comme
dans celle de Strasbourg , 1G98 , in-
4*^. Ce fut en i ■^j 1 5 que Rollin publia,
chez les Esîiennes , son Quintilien
abrégé , en 1 vol. in • 12. Pierre Bur-
mann , dans l'édition de i7'^o, à
Leyde , en 1 vol. in-4*'., profita des
meilleurs travaux déjà faits sur cet
auteur, y compris \cs Annales Qidnc-
iilianei de Dodwell. Gapperonier
donna , chez Coustelier , à Paris , l'é-
dition in-fol. de 1 7'-i5 , avec un choix
de notes , et quelques observations
critiques , dont s'offensa Burmann ,
et auxquelles il répondit sans mé-
nagement ( f^Oy. BuRMAPfN, VL
378 , et Capperonnier . VIT. 83 ).
L'édition de Malhias Gesncr, Got-
tingue, 1738, in-4"-, ^st plus es-
timée que les deux précédentes. Sui-
vent celles de Barbou , 1769, in- 12;
QUI
i4i
des Deux-Ponts, 1784, 4 ^'ol. in-
4*'. ; de Leipzig, 1798-181 5 ,4 vol.
in-8**. , due aux soins de G. L. Spal-
ding (0. L'abbé de Pureavait publié,
en i663, une version française des
Institutions oratoires ; mais on ne lit
que celle de Gédoyn , qui vit le jour en
1718, à Paris , in-4". , et qui a été
souvent réimprimée depuis jusqu'en
181 -i, 4ou6vol.in-ia. OrazioTos-
canella a traduit en italien les Insti-
tutions , Venise , 1 566 , in 4". •. et
les Déclamations, ibid., 1 580, même
format. On a deux versions anglaises
des Institutions ; par Wili. Guthrie ,
1756 ; et par J. Pastal , 1774 ; cha-
cune, à Londres, en 9. vol. in-8''. ; et
une version allemande par H. Philip.
Conr. Henke , Hclmstadt, 1775-77,
3 vol. in-8''. ; une en espagnol ( sur
l'édition de Rollin), par deux profes-
seurs des Écoles pies, Madrid, 1800
in-8''. ; une en danois ( du dixiè-
me livre seulement ) , par Schlegel ,
Copenhague, 1777 , in-S". Le Dia-
logue sur les orateurs a été traduit
en français par Claude Fauchet,
Paris , i585 , in-8''. ; par L. Giry ,
i63o, in-4''.; par Maucroix( dans
sesOEuTrcs); par Jacq. Morabin,
i7'22, in- 12; par Dureau de la
Malle (à la suite des OEuvres de Ta-
cite ) ; par M.Dallier, 1809, in 8^. ;
par Cheïiier , dans ses Fragments
de littérature. — Les principales
Notices à consulter sur la vie et
les ouvrages de Quintilien , sont les
Annales Qidnctilianei de Dodwell ;
Bayle, Dict.; Fabricius, BibL lat.y
II. i5; Gibert, Jugements des sa-
vants sur les rhéteurs, t. 11 ; Mait-
taiie , Épistolaris des antiquis
qidntiliani éditionibus dissertatio ,
17 19, in-4'' de ^2 pag. ; le chap. i
( I ) Ou peut joindre m cette cd'dion , Sarjni ( G. )
Analecloruni ad Spaldin^ii Quinctilianurn spect,.
meti , Halle, ifliô , iu-8°.
44^ QUI
du livre ii du Lycée de Laharpe.
D— N— u.
QUINTILLUS ( Maecus-Aure-
lil'S-Claldius ) , empereur romain ,
avait été employé dans la guerre
contre les Gollis , et il commandait
un corps de troupes stationne pics
»J'Aipiilee,(piand C.lautle, son frère ,
mourut ( /'.Claude II ). Croyant
sans doute <pie ics liens du san^ lui
donnaient des droits à succcilçr au
trône , il prit le titre d'aufjuste ,
qui lui fut confirmé par les léj^ions
u'Italie , à la fin de mai u-jo. Cliu-
de ne )uj;eait pas (hiintilluN capable
»le soutenir le poids d'une couronne:
avant de mourir . il avait recom-
mandé A ses généraux d'élire Auré-
licn , dont la valeur , éprouvée dans
cent comlials . promettait un défen-
seur à riimpire attacjué de toutes
parts ( V . AuutLitN ). Kn apprenant
l'élection de ce dernier , (jiMutiilus
désespéra de pouvoir lutter contre
un pareil compétiteur: il réunit ce-
pendant ses létjiûns , et les enj^a^ea ,
par une liaranj^ue, à lui rester fidè-
les ; mais voyant que les soldats se
disposaient à l'abandonner, il ren-
tra dans Aquilce, et s'y fit ouvrir les
"Veines dans ihi bain , par le conseil
de ses amis. Trcbellius Pollion dit
queQuintillus fut tué dans une émeu-
te , par ses soldats , qu'il voulait as-
sujéiir à ime disciplitie trop sévère ;
mais , à son tétrioi;naf;p, que son at-
tachement à la famille de Claude
rend suspect ( V. Pollion ) , on peut
opposer celui de tous les autres his-
toriens. Quinliilus n'avait réj;né que
dix-sept jours. Aurélien , délivré de
son rival , s'empressa de lui faire
accorder les honneurs de l'apothéo-
se. Les médailles en or de ( Kiintillus
sont très-rares : on n'en connaît
point en arj^eut ; mais elles sont as-
sez communes eu petit bronze ( V.
QUI
Kouvracjede M. INIionnet sur la Ra-
reté des médailles ruinai nés , p.
3i3). W— s.
QUINTINIE ( Jean de la ), cé-
lèbre auteur agronomique français ,
né en \iriG, a Chabanais, petite
vdie de l'Ani^oumois , où l'on mon-
tre encore sa maison paternelle ( 0 ,
fut sppelé par fiOuisXl V à Versailk-s,
l)Our soigner ses jardins. Il mérita ,
par son habileté, de compter parmi
les personnes distinguées qui ont il-
lustré ce règne : il mourut à Ver-
sadles , en 1G88, laissant un ou-
vrage posthume, (pii a été longtemps
regardé cortjuie le seul guide des jar-
diniers. LaQuintinie fut envoyé très-
jeune a Poitiers, pour son éducation :
de la l'erreur qui, jusqu'en ces der-
niers temps, l'a fait naître dans
cette ville; il y ^it de boinies études ,
tant pour les belles-lettres sous les
Jésuites , que pour la jurisprudenre :
les ayant teriniiiécs , il vint à Pa-
ris, où il fut rc(;n avocat. Il com-
mençait à se distinguer dans cette
profession , lurscpi'd l'abandonna
j>our se consacrer à une éducation
particulière, celle du fils de IM. Tam-
boncau, président à la chambre des
comptes. Il emplova ses moments
de loisir à satisfaire la passion qu'il
avait eue dès son enfance pour l'a-
griculture. Ayant entrepris avec son
élève, un voyage en Italie , il le tour-
na au profit de son goût dominant,
en observant avec beaucoup de soin
tout ce qui se pratiquait dans le jar-
dinage: par-la il y ac(pùt une grande
théorie; mais il fallait l'appliquer a
la pratique. M. Tamboneau lui en
1 (.'•<( par rT'ur r(u'r>n l'a ilit ' alif de Saint-
I-..ii|>, |irc* dr Puiiiri» : «a Ijujillc r.ub>i»le «•n<:orc 4
I .li.il>ao;iij ; it l'un y liiuit . il V a |>«u ij'.iiii>(:«» ,
l'acti- d'un<! 'lonatir'-u 'ju'il avait faite à IVgliiM! dr
Saiut- Srliaftieo , «a pur. ■»«-. ' (.h.<-iiril , SlaliUiqun
du Urparlrm'-nl d* lu ChurcnU , Pan*, 1818, iuf
V-4 P- 3'iy^
QUI
fournil le moyen, en lui abanduwuaut
le jardin de sou hôtel , qni venait
d'être bâti ( 1641 ), sur un terrain
acliete de Tuniversit^ , et qui com-
mençait la rue de ce nom : il devint ,
par la suite, Thôtel de Pons. La
Qiiintinie en profila pour faire des
fssais, dont les résultats devinrent
pour lui des guides certains. C'est
ainsi qu'ayant constate', par des exf»e-
riciices multipliées , que le chevelu
ou les nouvelles racines qu'on respec-
tait beaucoup dans la transplanta-
tion des aibres , était plus nuisible
qu'utile à leur reprise , il apprit à les
reîranclier absolument. En général,
voyant la grande facilité avec laquelle
la nature réparait les plaies qu'on
faisait aux arbres par la taille et au-
tres opérations auxquelles on les
soumetlait, il les pratiqua avec plus
de sévéïité que ses prédécesseurs ; en
sorte qu'avant que le succès eût jus-
ti(ié cette hardiesse ,on le regardait
plutôt comme le destructeur àcs
arbres, que comme leur cultivateur.
Il sentit de bonne heure que ce n'é-
tait pas encore assez de sa [iropre ex-
périence pour se perfectionner dans
son art, et qu'il fallait y joindre celle
des autres: pour celaileutra en com-
munication directe avec tous ceux
qui partageaient son goût ; et, à la
fin de sa carrière , il se vantait d'en-
tretenir, depuis plus de trente ans,
une correspondance avec tous ceux
qui s'étaient rendus célèbres dans
cet art, tant en France que dans
les pays étrangers. 11 l'avait com-
mencée d'abord dans son incursion
en Italie , ensuite dans deux voyages
qu'il fit en Angleterre : il fut parfai-
tement accueilli dans cette île par les
plus grands seigneurs, et par le roi
lui-même. Jacques II apprécia tel-
lement ses talents, qu'il lui fit les
»jffres les plus brillaules pour le pla-
QUI
44^
cer à la tête de ses jardins ; mai*
l'amour de la patrie , et le pressenti-
ment qu'il avait peut-être des servi-
ces qu'il rendrait un jour à son pro-
pre souverain , l'empêchèrent d'ac-
cepter ces offresavantageuses: cepen-
dant il resta en relation avec pi usieurs
lords qui lui avaient accordé leur
amitié ; et ses lettres contenaient
toujours quelque instruction pour
le jardinage : suivant Charles Per-
rault , elles auraient été imprimées
pour la plupart à Londres. On a été
jusqu'à dire qu'elles formaient un
Recueil en trois volumes ; mais oa
n'eu trouve aucune trace chez les
bibliographes : on ne peut constater
l'existence que d'une seule lettre in-
sérée (par extrait) dans les Trans-
actions philosophiques ,n° . l\S et 46,
concernant la culture des melons:
elle était adressée au secrétaire mê-
me de la société royale, Oldenbourg,
qui la traduisit en anglais. 11 est cer-
tain qu'on ne peut tirer maintenant
beaucoup d'instruction de cet écrit ;
mais il dut être utile au moment où
il parut : on ne peut y recueillir
qu'une seule particularité sur La
Quintinie , c'est lorsqu'il dit que la
graine de melon qui accompagnait
sa lettre , provenait d'une espèce
qu'il cultivait depuis plus de vingt
ans : or comme cette lettre est datée
de 1G68, cela prouve que , dès l'âge
de vingt-deux ans , il s'occupait du
jardinage. Les seuls renseignements
que l'on ait pu se procurer sur les
époques de sa vie, sont puisés dans
les services qu'il a rendus ; ce sont
les seules médailles qui puissent les
constater : c'est ainsi qu'en parlant
de la poire de Virgouleusc , il dit que
c'est lui qui l'a tirée de l'obscurité où
elle croissait au village de Virgoule'
près Saint- Léonard, dans les jardins
du marquis de Chambret ; mais le
444
QUI
nom de celte poire se ht pour la
prcmii're lois dans le Jardinier fran-
çais de Bonnefons publie en i65i :
La Qaintiiiie avait alors vin;;l-si\
ans. H semble donc certain que , de
bonne heure , il devint un centre où
Tenaient aboutir toutes les découver-
tes (ju'on pouvait faire en jardiiia{;e;
on peut croire qu'il dut cet avantaj^c
à l'excellence de son caractère : la
franchise en faisait le fond , en sorte
rpie , naturellement cxpansif.il con-
trastait avec ses contemporains; car,
à celte époque, ceux (jni cultivaient
les sciences et les arts , tenaient plus
ou moins des aliiiimistes : comme
eux , ils se croyaient d'autant plus
liabiles qu'ils se trouvaient posses-
seurs exclusifs d'im plus ;;rand nom-
bre de secrets. LaQuinlinie, au con-
traire, ne paraissait faire cas d'nna
df'çDUvertc , «pie pour avoir le plai-
sir de la communipier. Aussi sa con-
versation e;ail-elle recherchée. Le
prand Conde , qui, à l'exemple de
Cynis le jeune , joi'^nait l'amour
paisible de l'agriculture à la rive
ardeur de la ploire i!es armes , pre-
nait beaucoup de plaisir à l'entm-
dre parler de son art. Cependant La
Quintirne ne tarda pas d'être appelé
sur un plus vaste théâtre, où ses
préceptes reçurent une plus grande
autorite. Louis XIV venait .x- dé-
ployer toute sa magniliccnce à \ er-
sailles. Lenôtre en avait trace les
jardins : par son art , on avait vu
l'architecture fondre ses formes ré-
gulières avec le vaj^ue de la nature,
et composer un tout harmoniq-ie de
ce vaste local. Le beau s'y montrait
partout ; mais cela ne suH'isait pas
au monarque : il voulait que l'utile
s'y trouvât aussi; et La Quintinic
fut appelé pour l'introduire. On
avait de'jà songe à proliler d'un an-
cicQ jardin qui existait depuis l^ouis
QUI
XIII ; mais la stérilité du sol sem-
blait repousser la culture : déses-
pérant iren tirer parti , on avait
forme le projet de transporter les
potagers à Saint-Cloiul ; c'est ce (juc
ditelegainment Santeul,dansun j)oè-
rae , intitule Pomone , oîi il célèbre
les travaux de La Quiutiuic : suivant
lui cette déesse
Siineloviof priie prirrlplll prK/irrahat in hortoi,
C'iiiH ijuinttniailes propernntcm sistit. .. .
LaQnintinie vint donc, à la voix de
Louis XIV, l'arrêter et la fixer dans
ce séjour. D'abord, il fut obligé de
se servir de ce terrain si di,scredit(- ;
mais il le força , par ses soins, à don-
ner îles produits si beaux, que le roi,
voulant lui assigner un local plus
dignede ses talents , le chargea d'en
choisir lui-même remplacement , et
la (Juintinic avait déjà lixé son choix :
niais une sorte de hasard en disposa
autrement ; car ce tut à un ictoiir
dc chasse , (|ue les dames de la cour
déterminèrent le roi à placer ce po-
tager dans l'endroit même où l'on se
trouvait réuni. On sent que, dans une
pareille circonstance, on fit jilus d'at-
tention à quelques agréments exté-
rieurs de position , qu'à la conve-
nance du Soi : aussi n'aceorda-t-on
à Fja (^lintiiiie qu'une superfuio de
trente-six arpens ; et il semblait que,
par une sorte de déli , on av.iit moins
voulu le favoriser que lui ollrir l'oc-
casion de développer toutes les res-
sources de son art : c'était la réu-
nion de tout ce que le sol peut
présenter de défectueux , sous tous
les raji])orts. Il dut cependant s'en
servir pour y tracer un potager
qui devint un modc!e pour toute
l'Knrope. On peut consulter sou ou-
vrage pour se faire une irlée des dif-
ficultés qu'il eut à vaincre : d'abord ,
c'était un étang qu'il fallait combler ;
pourcela, on fut contraintd'em ployer
QUI
la terre qui exislnit dans les en-
virons ; et elle se trouva , suivant
l'expression de La Qiiiiitinie , « de la
» nature de celles (ju'on ne voudrait
» rencontrer nulle part : c'était une
» espèce de terre franche qui se rë-
» duisait en bouillie par la pluie , et
» qui se pétrifiait, pour ainsi-dire ,
» par la sécheresse; il fallut clicrcher
» un remède à un si grand iuconvc-
» nient , ou autrement ce grand ou-
» vrage du potager, dont la dépense
» avait fait tant de bruit, et dont
» la Ggure donnait tant de plaisir ,
» aurait été inutile : on ne pouvait
» donc encore que juger deux points
» de ceit(! entreprise, la dépense et
» laligure. » L'une avait étéénorme,
puisqu'elle montait à dix-huit cent
mille francs , tandis qu'elle eût été
à peine de trois cent mille francs
si l'on eijt adopté le terrain pro-
posé par La Quintiuie ; de plus
on eût eu l'avantage du sol et de
l'exposition : quant à la figure, ce
qu'elle avait .le remarquable , c'était
la manière dont La Quintinie avait
distribué le terrain dans le but de
multiplier les murs, et par consé-
quent les espaliers; elle consistait
dans un carré de douze arpents en-
tourés de trente jardins d'un arpent
chacun : mais tous ces travaux n'é-
taient (jue préparatoires; le potager
n'existait pas encore, puisque l'excès
d'humidité ou de sécluresse auquel
son sol paraissait condamné, repous-
sait toute culture, comme les essais
l'avaient prouvé. C'est alors que le
talent se montra : par un aqueduc
ménagé sur toute la longueur, et des
branches latérales , on se débarrassa
des eaux superflues; et au lieu de faire
rapporter de nouvelles terres , La
Quinlinie imagina de disposer la su-
perficie de chaque carré en plan in-
cliné, ou comme il le dit , en dos de
QUI 4v'ï
bahut. « Le succès, dit-il , a été fort
» bon, et la dépense très-petite. » La
fertilité, par ces moyens, se fixa dans
cette enceinte. Ce fut donc une sorte
de création; et La Quintiuie en reçut
immédiatement la récompense qu'il
ambitionnait le plus, l'approbation
du roi. Il était souvent à même de
connaître jusqu'à ses moindres fan-
taisies; car, suivant Pluche, « Louis
» XIV, après avoir entendu Turen-
j) ne ou Colbert, s'entretenait avec
» La Quintinie , et se plaisait sou-
» vent à façonner un arbre de sa
» main. » Il mettait donc à profit
tout ce qui, dans ces honorables
conversations, pouvait servir à dé-
voiler les désirs du monarque. C'est
ainsi que, sachant, par exemple,
que les figues étaient son fruit de
prédilection, il mit tous ses soins à
en perfectionner la culture. Quelque
multipliés que fussent les murs , il
n'y plaçait en espalier que les seuls
fruits dont la beauté égalait la bon-
té. Aussi les voyait-on figurer com-
me décoration, dans ces iètes splen-
didcs où Louis XIV conviait toute
l'Europe ; mais ce n'était pas » en
» formant de brillantes pyramides,
» fort à la mode alors, dont l'hon-
» neur était de s'en retourner tou-
» jours saines et entières; elles étaient
» remplacées pardes corbeilles dont
» l'honneur consistait à s'en retour-
)) uer toujours vides. » On voit figu-
rer des couches de melons, couver-
tes de fruits à maturité, dans une
des fêtes décrites par Molière. Ainsi
donc, ce qui entretenait le zèle de
La Quintinie , c'est qu'il voyait
qu'aucun des clforts qu'il faisait
pour plaire au roi, u'élait perdu. Ce
prineeluientémoignaitsa reconnais-
sance sur-le-champ ; mais ce n'était
pas en créant pour lui la place de
directeur - général des jardins frai-
4^6 QUI
tiers cl po'.agcrs de loiilds les mai-
sons royales (-i), ni par l'aiigmcn-
ïation do son traitoincnt , qu'il
croyait payer son dévoilement ,
mais par des attentions partirulii;-
Tcs et une sorte de rodicrche dé-
licate. C'est ainsi qu'il fit construi-
re expressément pour lui, une mai-
son commode. Il étendit ces senli-
mciits de bienveillance au - delà du
iombeau; car il dit à sa veuve, lors-
qu'elle lui fut p»rc^rnlee: Madame ,
nous Tenons de faire une perle que
nous ne pournins jamais réparer.
^'liarlcs Perrault, qui nous n conser-
^erve* cette expression, ne donne
point la date de la mort de La ( hiin-
<iiiie: et jusqu'à présent on l'avait
ignorée. niiai:t à sa doctrine, nous
^vous vu qu'il l'avait propagée par
ses conversations et sa correspon-
<latice. De plus. les princes et les
grands soij;n<-urs l'invilaie ni à venir,
dans leurs palais et leurs demeures,
V tracer des potagers. C'est ainsi
<pi'd exécuta ceux deChantilli pour
le prince de Condc'. de Rambouillet
pour le duc de Mont.iiisier. de Saint-
Ouen pour M. Buisfranc. de Sceaux
pour Colbert, enfin do Vaux pour
Fouquet. Ces monuments n'auraient
pas sufli pour jvrpeluer sa mé-
moire : comme sa corrcspondan-
•ce, ils n'auraient pas tarde à dispa-
raître ; mais on apprit liientot qu'il
n'c'tait pas mort tout entier , ou plu-
tôt on vit se re'aiifer l'eiptrance
qu'on en avait conçue ;car on savait
qu'il avait travaillé pendant sa vie à
un grand ouvra.^c, dans lequel il
«'omptait reproduire tout ce qu'il
avait pu acquérir sur son art. On en
a la preuve dans la Dédicace que lui
fit Laurent, not.iirc à Laon , d'un
(^ i^u^nà il m rrçut U brrrrl dr4 iiiaios de (^ol-
K^ri , le a5 août i'j>*-, il ril I» particiilr fie prfcrdrr
•on Doin : drpaijlon il nfo» !>» la (Juimimjr*.
QUI
oiivraî^e intitulé : ^■Jhrèfé de la cul-
ture des arbres nains , qui parut en
i()"3. Cet auteur le qualifie d'iiiten-
d.iiit des jardins à fruit de .<a maies-
té, en sa maison rovale de \ ersail-
Ics. H lui dit entre autres : « Saclmnl
» que vous êtes à présent le plus ba-
» bile homme de France en la con-
» naissance de ces choses. » On voit
par-là que, dès 1G73, la Qiiinliiii(;
itiit placé à Versailles, mais ji.is
encore comme directeur-général. Il
répondit avec beaucoup de m(»flcs-
tie : a Vous avez bien fait, INIuii-
» sieur , de donner au ]Mil)lic des
» marques de votre habileté; j'espc-
» re. Monsieur, que dans quelque
» temps TOUS verrez, des marques de
»> mon ipnoranceen cette mèiiiema-
» licre : je ne peux plus m'en défcn-
» die. r>Cet ouvrage, impatiemment
attendu, p.iriil enfin en 1 (i()o : il était
par con>.fquent postliumc de deux
ans. Le privilège est accordé au sieur
de La Ouintiuic, bachelier en théo-
logie, pour l'ouvrage portant ce ti-
tre : Instructions pour les Jardins
fruitiers et pi)taç,ers , «irr un Trai-
te des Oranpers , suii'i de quelques
réflexions sur Itiç^ricullure , parle
Jeu sieur de La Quinlim e, son pcre;
et ce privilège est cédé a Cl.nrJe Har-
bin. L'abbé de La (^uinliriic , mort
lui-même peu d'années après, ne put
surveiller les éditions suivantes.
L'ouvrage devint la proie de librai-
res plus avides qu'instruits; ils le gâ-
tèrent, eu V introduisant des mor-
ceaux étrangers et disp.irates. Cet
ouvrage est en deux volumes in-^".,
bien imprimé, et orné du portraif
de La Oaintinie, gravé par V ermeii
Icn : des vignettes élégantes, à la tête
de chaque livre, représentent quel-
ques-unes des opérations décrites ,
outre dix planches, qu'on peut ap-
peler techniques. On trouve do plus
QUI
le Poème de Sautcul , inlitnle' Po-
rnona^ dont nous avons parlé, et une
Idvlle de Cliarlos Perrault; elle est
du pelit nombre dos poésies de cet
auteur aux(|uclles le sévtie Boileau
avait accordé quelque éloç;e. L'ou-
vrac;c est divisé eu six livres, l.e
premier, espèce d'introduction, est
terminé par un Vocabulaire des ter-
mes du jardinage; c'est un tableau
de la langue dccet art, à cette épo-
que. Les quatre livres suivants trai-
tent des arbres fruitiers , de la taille,
de la greflTe, etc. Dans le sixième, il
traite du potager, en indiquant,
mois par mois , les opérations qu'on
doit y faire. Il termine par un Trai-
té des Orangers; là, il cherche, en-
tre autres , à prouver que leur cul-
ture est beaucoup plus facile qu'on
ne le croit communément. Enfin il
termine par des réflexions sur l'a-
griculture : c'est en quelque sorte un
traité de physiologie végétale. C'est
donc une théorie qu'il présente pour
appuyer la pratique qu'il a enseignée
dans le cours de son ouvrage. Un
très-bon extrait en fut publié dans
le Journal des savants du mois
de mai de l'année même oîi l'ou-
vrage vit le jour. Ensuite Charles
Perrault plaça La Quintinie dans
sa Galerie des hommes illustres
du dix-septième siècle , qui parut
en iGgG. Mais l'éloge qu'il lui a con-
sacré présente fort peu de détails,
et n'est pas exempt d'erreurs. A en
croire ce panégyriste , La Quintinie
aurait, le premier, découvert, par
ses expériences, « la méthode infail-
lible de bien tailler les arbres, pour
les contraindre à donner du fruit, à
le donner aux endroits oij l'on veut
qu'il vienne , et même à le répan-
dre également sur toutes les bran-
ches , ce qui n'avait jamais été pen-
sé ni même cru possible ; » en sor-
QUI 4W
te qu'il le présente comme le créa-
teur de l'art des jardins : ce qui a été
répété dans toutes les occasions. fiC
fait est qu'on jugeait plutôt La Quiii-
iiiiie sur ce qu'il avait annoncé que
sur ce qu'il avait fait réellement ,
puisqu'il avait dit expressément (|ue
c'était pour su])p!écr au manque d'un
bon ouvrage qu'il avait composé le
sien. Quanta l'exécution en général,
le style est coulant, mais souvent né-
gligé. Il est quelquefois concis : on en
trouve un exemple dans les axio-
mes ou aphorismes du jiremier li-
vre, et dans les observations qui se
trouvent dans le quatrième ; mais
dans tput le reste, il est au contrai-
re très - diffus. L'auteur se perd
dans les détails , surtout lorsqu'il
entreprend de discuter le mérite
de chaque espèce de fruit, pour
choisir celle qui doit avoir la place
d'honneur d'un espalier. Se souve-
nant de son ancienne profession d'a-
vocat,il plaidcen règle et avec toute
la loquacité alors en usage au bar-
reau , pour déterminer ce choix en
faveur du Bon Chrétien. C'est prin-
cipalement dans les Reflexions sur
l'agriculture que cette diffusion se
fait sentir. Cela n'empêche pas que
l'on n'y remarque des observations
neuves; mais elles sont de pratique
plutôt que de théorie. Relativement
a celle-ci, elle est tout en raisonne-
ments vagues , fondée sur des hypo-
thèses puériles : par exemple, pour
rendre compte des greffes, illes com-
pare à des ajustoirs de jet d'eau. Le
Traité sur la taille est moins exa-
géré dans la pratique que les prin-
cipes qu'il pose ne seijjblaicnt l'an-
noncer. Le choix des arbres, au-
quel il s'amuse si long-leujj)S , était
utile à cette époque pour guérir la
manie des amateurs , qui voulaient
renfermer dans leur enclos , quelque
44B QUI
borne qu'il fût, toutes Icscspcccs dont
les nouis parvenaient à leur conuais-
saucc. 11 rendit surtout un service
important à la culture , en attaquant
fortement l'opiuion dominante qui
prescrivait de consultor les phases
île la lune, pour faire les moindres
opérations du jardinaf^e. Ce n'est
pas qu'd uiat les influences de cet
astre sur notre globe ; mais il en
repoussait l'observation pourlcs pra-
tiques de détail. Non -seulement il
admettait l'ellét de la Iulc de mars
ou rousse sur ratmosplière ; mais il
disait de plus, (pic les melons com-
mençaient à nouer dans le premier
quartier de la lune de mai , ou la
pleine lune , etc. 11 a sans doute
profité des travaux de ses devanciers,
quoiqu'd ne les cite pas eu détail.
11 convient , dans sa j)réfacc, que
tt nous avons beaucoup d'obligations
» non -seulement à d'anciens auteurs
» qui ont si solidement ])arlo d'agri-
» culture générale , mais encore à
» quelques modernes qui ont fait part
» au public de leurs coimaissances
» particulières ; nous sommes sur-
it tout redevables à quelques pér-
it sonnes de qualité émineute, qui,
» sous le nom et sur les Mémoires du
» fameux curé d'Knonvillo, ont si
» poliment écrit sur la culture des
» arbres fruitiers 1^3). « Il i;ous reste
(3: On \»i( (|u'il (li'tigi'c i(> I^ (•i-uJrr, fut le
nom duquel parut , rn i65i , uu ouvia|{r toai ce ti-
tn :1a .l/.j/ii./e lU tulu>-er let arhrc'fiuilirr<,\télil
Volume iii-i(i. |ilu»irur* foi* rriiiil>riiiH- ( VuT. la
Bihlio^. o^ninom. , a". 9-H '1, QurI i]u'fU!uil l'au-
teur, ieluuvr>i;e»^t tri"-*-ri'ai.<rqualil"-<iiianl .'• la ic-
dacttuu et <*u foijcJ df-sijp«*9; inaî« Ji al'aiint*^ prc-
crduile, iliji , \v J'irilinirr /rii/ii un de Micotas
TWonefi'i» axait pris l'initialive ; et il fut suivi , m
ttii3,df; \'liislniiii,>n pour les iirhres fmilirrt ,de
Triquft. Ces tiui, «Aivragrs ,qiiî parureclconifiie »'U
voit coup !iur c up . et i|u> 9uul i^'ileg c-iiiine celui
de I^ Quiiiliiiie, c'i>l-'i-'jire ne i>e citant iia> luu-
tuelW-nii'Ut , août rgalciuent lecoiiiiiiaiidablt s boii^
I<iu5 1rs ra]i|>ortt ; niais il» »c recuioimuidcut «urtoat
par la priii>i"D avec lauu* lie ils fuudi iit le» piii>-
ciiic» de la culture des ai lins, (ire* de l'ubsertaliau
de la oaliye : auaw out-ils de\ aure La (^uiutiliic sur
prévue tuos lis puiiitsi et ils out laiué i>eu de
cliow à diiv aux autcui4 les plus rcctAts.
QUI
maintenant à examiner l'influence
qu'a eue La Quintiniesur ses succes-
seurs. Les uns, sans le citer, tels que
l'abbé de La Châtaigneraie yConuais
sauce des Jrbresfruilic'rs, i G() 0 ; le
frère Fraïu^ois Le Gentil , chaitreux
( le Jarilinier solitaire^ i ']'o4 ) ; d'au-
tres, en ne prononçantson nom qu'a-
vec les plus grands éloges , tels que
Dahuron , qui fut jardinier du duc
de Lunebourg (/\'oi/rert// Traité de la
taille des Arbres fruitiers ), Pjuclie
( tome II du Spectacle de la Na-
ture ) , Decombe ( Traité du pé-
cher, publié en i'j45 ) > n'ont guère
fait (jue reproduire sa doctrine. L("
père d'Anlennes , dans son Année
champêtre , qui parut en i7()(),
est encore celui qui paraît faire le
plus de cas de ce père des jardins ,
suivant son expression ; c'est tou-
jours ])()ur lui ce sax'ant ou cet habile
jardiniste : il avait imaginé ce mot
pour distinguer les écri\ ains ou cé-
lèbres amateurs de jardinage, des
simples jardiniers. Duhamel , dans
son Tr.iite des arbres fruitiers , de
I 'j()K.parlepcudeLaQuintinic;m.iis
le Berryais, ayant repris ce travail eu
sou nom, lui rendit unesorted'lioci
mage par le titre de Nouveau lu
Quint inie , qu'il donna en 17-5, a
son Traitédes Jardins , dont l'abii i;c
ful])dr lui intitulé :1e Petit La ijuin-
iinic , en 1 7») i . L'abbé Roger Sein -
bol , au contraire, to:;l eu parlant
avec une sorte de icspcct de laQuiu-
tiuic , cherche a discréditer toute sa
doctrine. Ce n'était pas pour se met-
tre lui-mè'mc à sa place , mais pour y
établir les habitants de Montreuil :
l'enthousiasme <|ue le bon abbé avait
couru pour ces cultivateurs , l'aveu-
glait quelquefois sur le mérite des
autres. La lirelouneric etButré mon-
trent aussi beaucoup de prévention
contre l'auteur de V Instruction pour
QUI
les jardins fruitiers et potagers.
Les diilorentes éditions et contre-
façons de ce livre , qui se suc-
cédèrent assez rapidement, témoi-
gnent le cas qu'on eu faisait. Eu
i69'2, IMorticr en fit paraître une
contrefaçon à Amsterdam ; elle est
conforme à l'original, excepté qu'é-
tant en plus petit caractère , elle
a pu être bornée à un seul volume.
La seconde édition, de Barbin, parut
en 1G95; elle est déjà au|;uiculéc
d'une ïmlriiction jwiir la culture des
Jleurs. L'élitcur crut par-là remplir
un vide laissé par La Quiutinie :
pour cela il fondit assez maladroite-
ment trois traités qui avaient paru
chez Sercy. Le principal avait été
donné comme ouvrage nouveau , eu
167Q : c'était une simple traduction
de l'ouvrage italien de Mandirula,
qui avait paru en i652. La seconde
contrefaçon parut à Amsterdam ,
avec un Traité anonyme des melons ;
il est de peu d'impo! tance : il eût été,
ce semble, plus convenable de re-
prendre, dans les Transactions, l'ex-
trait de la lettre de La Quintinie sur
ce sujet. La compagnie des libraires,
s'étant emparée de l'o.uvrage , en fit
paraître , eu 1713, une troisième
édition, qui a été reproduite en 1780.
Les éditions que l'on cite sous la date
de 174G et 1756, pour^raient bien
n'en différer que par un changement
de frontispice. Nous ne pouvons lé-
pondre que de celle de 1730 ; on y a
encore ajouté un Traité des Arbres
fruitiers , qui avait paru anonyme ,
eu i683; on disait seulement qu'il
était d'un médecin de la Rochelle
( c'est Vcnette , auteur du Tableau
de V Amour conjugal). Ce Traité
n'est pas sans mérite ; mais il fait
disparate ainsi que les autres ad-
ditions dont nous avons parlé ,
puisque leurs auteurs , surtout Ve-
XXXVI.
QUI 449
nette , paraissent fort attachés à
l'observation des phases de la lu-
ne que La Quintinie proscrivait : la
seule addition utile qu'on ait faite à
celle-ci, c'est une Table des matières
assez complète. Quant aux traduc-
tions , Séguier en cite une anglaise
sous le titre de The compleat Gar-
diner of La Quintinie, 1G93, in-
fo!. , et il l'attribue au célèbre John
Evclyn : Haller en fait mention ,
sous le titre français du Parfait Jar-
dinier-, mais, à ce qu'il paraît , c'est
sous la seule autorité de Séguier :
c'est de là que sont partis les auteurs
du dernier Dictionnaire historique ,
pour dire, article iVe/;^'-»: «Sa nation
lui doit la Traduction de quelques
bons ouvrages français, tels que le
P a-fait Jardinier de La Quintinie : »
mais nous avons cherché inutilement
des traces d'un ouvrage aussi ma-
jeur , notamment dans l'article Ei'e-
lyn des deux bibliographes que nous
venons de citer: on lui attribue seu-
lement Thefrench Gardcner, et c'est
la traduction du Jardinier fran-
çais de N. Bonnefons , de i65i ; il
n'en est point [)arlé non ]»lus dans la
Bibliothèque de Banks. Tout porte à
croire que c'est une méprise : ou aura
confondu cette production avec un
Abrégé anglais de La Quintinie, pu-
blié par Loudon et Wise , à la suite
d'une Traduction du Jardinier soli-
taire, qui parut en 17 17. Haller
parle vaguement d'une Traduction
belge , qui aurait paru à trois repri-
ses , en commençant par le Traité
des Orangers ; mais il ne cite ni l'an-
née , ni le format. 11 annonce plus
positivement , ainsi que Séguier ,
comme traduction italienne, le Tral-
tato de gli Arbori fnittiferi del la
Quintinie, Bassano, 1697 ' ^ ^'o'*
in-S". ; mais ce format semblerait
encore aiijioncer un Abrégé : il est
29
iSa
QUI
QUI
vrai qu'il reparut à Venise, iu-fol. , maii quelques savants ne voient là
eu 170V Quoique la rejuilalion qu'une allégorie, et prétendent y
de La Quinlinie soit fort deduie, tiouver la preuve que Quintus avait
eoinine on a pu le voir , il fait lion- à Sniyrne une école celibre de gran».-
neur à la nation, et doit compter maire et de pliilosopliie. Selon M.
parmi ses auteurs classiqufs : aussi Tourict, le nom de C oint os , qu'on
mcrilenil-il qu'on en donnât une lit à la tète des manuscrits, et qu'on
nouvelle édition faite exactement sur a pris pour celui de l'aulcurdu poê-
la premi re , en supprimant tout ce me, indiqi;er.->it seulement le rliapso-
dont on l'avait surrliargce ; et on le de qui l'a recueilli, et à (pii l'on en
remplacerait par lÉlogede Perrault, doit la conservation. Ce Poème, dont
et la Traduction de la Lettre sur les on n'a pu deviner le tilre, contient,
melons. M. Briquet a insère un Elof^e en quatorze livres, le récit des evc-
lïe la (Quinlinie , dans les IMemrires nements du siège de Troie, depuis la
de la Société d'agriculture de Niort, murtl'Hcctoric'est unecontinuation
1S07. in-8"., pag. a^S. I) — p — s. dcriliade. AussilcsdillVicnt.straduc-
QUlNTUSouCOINTOSdeSmyr. teurs latins l'ont-ils intitule : //«'/nm
ne, poèlc grec, est aus.si nomme Paralij'omenon ; ah Jlomevo dere-
Quintiis Calaber, parce que le poè- licta, finrtenni^sn, ou l'oillioine-
me qu'on lui attribue fut decou- rica. Le célèbre Lascaiis ( /'o>. ce
Tert piès d'Olraiite, ville de la Cala- nom ) , dont le sentiment est ici d'un
bre, dans le monastère de Sainl-Ni- prand poids, retrouvait, dans ce
colas, par le savant cardinal lir<sa- poème, le style d'Homère, et appelle
rion, avec les l'uesies de Trvpliio- l'aïUeur /loincrisiimus. La plup.irt
dore et de Colullius. L«-s criticpies ne des ci itiques dont l,aur. Crasso a ras-
s'accordcnt point sur le temps où il 5rn)l»l.' les divers jugements {//islo-
a vécu. Les uns le croient antérieur riu de poeti f^ieci ), parlent de ce
à Virgile, et trouvent dans l'Knèiile, Poème avec cloge. Celui qu'en ont
de fréquentes imitations du poète l'.e porté depuis, IJaillet tt le P. H.ipin,
Smvrnc: d'autres le supposent cou- n'est jias aussi favorable. « INlais ,
temporaiu d'Auguste, dont, suivant dit i\L Tourlet , tout lecteur impar-
cux, Quintus fait un magnifique clo- îial doit convenir qu'il y a , dans le
ce; et d'autres enfin conjecturent style de l'auteur, de la noblesse , du
qu'd florissait dans le cinquième siè- feu, de rentliousiasme , du génie;
de, sous le règne de Zenon ou d'A- qu'il règne dans l'ouvrage un goût
naMase. Si l'on en croit Rcinesius sain,»inetouchenerveiise,cnunmol,
( Epiit. G7 ), ou ne doit pas distin- un ton qui convient à l'épopée. » En
guer Cointos du grammairien Corin- reconnaissant que ce Poème est bien
thos, dont on a un Opuscu'e sur les inféricuià l'Iliade, M. Tourlet con-
dialectes grecs , et qui vivait sous les jecture que les onze premici s cliauts
empereurs. D'après un passage du (les trois autres lui paraissent d'u-
poème de (,)uinius (liv. xii), cet ne main plus moflerne ) peuvent
écrivain aurait, dans sa jeunesse, gar- être attribués à Homère; mais il sou-
de les troupeaux dans les pâturages met celte conjecture liasardée à l'exa-
deSmvrne, éloignés de rilémus trois raen des savants. Ce Poème fut d'a-
fois autant que la voix humaine peut bord publie' par les Aides , à Venise,
s'étendre ( 'frad. de W. Tourlet ) : in 8®., en i5o4 ou \jo5 : ccttoprc-
QUI
raière édition, qui est très-rare, four-
mille de fautes. Il a ete' traduit en la-
tin , par Jodocus Valasa'ùs, Bernar-
din Baldc et LaïuTiit Rhodoraann.
La version de Rliodoinann , impri-
mée à Hanau , en 1G04 et i6i4> a
c'te insérée, par Corn, do Paiiw, dans
l'édition qu'il a publiée du texte
de Quintus, Leyde, 1734, in -8''.
Enfin M. Th. Ch. Tychscn, qui avait
publie, en 1783, une savante Dis-
sertation : De Quinti Smrmcpi Pa-
ralipomenis I/omeri , Goitingue ,
in-8''. , a donné une édition de ce
Poème , supérieure à toutes les pré-
cétlentes , 1 807 , in-8". , faisant par-
tie de la Collection de Deux - Ponts
{ i). Le premier volume , le seul qui
ait paru , contient le texie revu et
corrigé sur les manuscrits de Mu-
nich et de Naples, les meilleurs que
l'on connaisse, avec une Disserta-
tion sur Quintus de Smyrne et son
ouvrage. Le second volume, qiicles
savants attendent avec impatience,
doit contenir les notes de Heyne et
les éclaircissements de l'édiîeur sur
les passages les plus difficiles, avec
les Index. Il existe une traduction
italienne du Poème de Quintus, par
Ant. -Marie Salvini, dont Bandini a
publié une bonne édition , Florence,
1765, in -8°. Boitet avait donné en
français, un Extrait du même Poè-
me, à la suite de la version de l'O-
djssée, 1619, in-8''. {F. Boitet);
mais nous devons à M. Tourlet |a
première traduction complète qui ait
paru en notre langue; clic est; inti-
tulée : Guerre de Troie , depuis la
(i) On peut y joiDJre le livre de Fr. Spitztier,
Lfe vei'^u £^rœcorrini heroico , maxijnè homertco ; ar-
ceilit ejitsiUin Munlissn ofxeivationiim crillcaruin,
et grammulicnrtim in Q.Smrmni poilliomericonim
1. XIV, cl F.T.Friedemaniii Disseilatio de niedd
fyllahà peiitamelri grœcoriim elegiaci ^ Leipzig,
1816 , in-So. Brnnck adonné, dans ses Annlectavet.
poét.ifr., Il , /J75, un fragiueiit de Quinliis sur les
travaux d'Hercuîe,
QUI 45 1
mort d^Ifector jusqu'à la ruine de
cette "ville, Paris, 1800, 2 vol. iu-
8". Le traducteur y a joint une Pré-
face fort intéressante, et une Disser-
tation sur Quintus et son Poème. On
trouve , à la fin du second volume ,
les Amazones , imitation du grec de
Quintus, par Cournand, professeur
au collège de France. W — s.
QUINTUS -ICILIUS. F. Gvis-
CHARDT.
QUINZANO ( Jean - François
CoNTi , connu sous le nom de ) , en
latin Quintianus Stoa , poète latin
moderne, naquit en 1484, au vil-
lage de Quinzano , dans le Brescian ,
mais d'une famille milanaise (ouber-
gamasque selon quelques auteurs ).
Dès sa jeunesse, lorsqu'il n'était en-
core qu'un écolier, ses condisciples
l'appelèrent du nom grec Stoa, qui
s'xQxwÇie Portique des muses, parce
qu'il versifiait avec une telle facilité
qu'il semblait ne pouvoir parler
qu'en vers ; et Quintianus , à cause
delà ressemblance, qu'à leur égard,
en corrigeant leurs compositions
poétiques , il avait avec ceQuintieu
par qui Martial dit que ses propres
poésies étaient censurées : c'est lui-
même qui nous apprend ces particula*
rites, dans ses Epogrnphies. Apres.
avoir reçu de soii père les premières
leçons , il vint étudier à Brescia la
rhétorique et la langue grecque ; et
s'appliqua ensuite à l'étude de la phi'
losophic, des mathématiques, et mê-
me de l'astrologie , science dans la-
quelle il s'acquit une réputation peu
commune. Pour obéir à son père , il
alla f.iire à Padoue un cours de juris-
prudence ; mais bientôt , préférant
suivre ses penchants , il revint à Bres-
cia s*adonner tout entier à la poésie
latine. L'ambition de la fortune, et
plus probablement delà gloire, le con-
duisit en France. Il fut accueilli avec
39,.
45î QUI
distinction par le cardinal d'Am-
boiscqiii le présenta an roi Lonis
XII. Ce nioiiartpie le nomma insti-
tuteur du jeune duc d'Amioulème ,
qui fut depuis François 1''. On ne
doute point (jue ce ne soit à Conti
Stoa que ce prince dut cet amour et
ce poùt pour les lettres dont il de-
vint le restaurateur. La cliaire de
belles - lettres de l'université de Pa-
ris ('tant devenue vacante, Stoa pa-
rut le plus capaMc de \n. remplir; et
parvint même à la place do rrcteur
cl de principal. Son esprit hrdiant ,
et la fecondiié de son tdent poé-
tique , étaient propres à eutraîner
tous lessuiriay;cs : en uuscul jour il
improvisait et dictait jusqu'à 800 et
lucrae 1000 vers latins. Louis XII ,
qu'il encliaulait par cette facilité,
le prit avec lui , lorstpi'il passa eu
Italie à la tète d'une arniée , pour
la conquête du Milanez ; et à |iei-
ne fut-il eiilrc en vainqueur dans Mi-
lan , qu'il l'v couronna lui-même so-
lennellement, comme poète, en pré-
sence de ses troupes , suivant rusaj;e
pratiquée!» d'autres villes d'Italie. Au
moment de son couronnement , Sloa
improvisa (luehjues vers, et olTrit, en
reconnaissance, au monarque, l'Iiis-
toire tpi'il avait écrite de la vie et des
exploits de ce roval et f;énéreux bien-
faiteur. Le sénat de Milan le nomma
à la cliiire de belles-lettres de l'uni-
ver.sité de Pavic ; et ce fut là qu'il
publia ses E po graphies , qu'il a-
vait composées à ao ans. Lorscpi'en
i5i3 , les Français furent ob!if;és
d'abandonner l'Italie, Conli Sloa re-
vint à Paris , ou il fit imprimer plu-
sieurs ouvrages. Il y eut à souffrir
de la jalousie de quelques lillcrateurs
italiens. De retour à Milan en 1 5 i J ,
aiLssitôt après la victoire remportée
àMari^nan par François I'""., succes-
seur de Louis XII, il alla reprendre,
QUI
à Pavie, ses fonctions de professeur,
et s'en démit, vers i5'2'2, pour de-
mander, à lirescia, le titre de ci-
toyen, qui lui fut accordé. De là, il se
rendit à Venise, où le sénat le décora
de celui de chevalier , et lui conféra
ensuite la présidence de l'université
de Padoue ; mais il ne l'accejJta pas.
Il vint, pour vivre tranquille, à
Villaibiara, qu'il finit par abandon-
ner pour retourner à Quinzaiio, sou
lieu natal , où il mourut à ^3 ans,
le 7 octobre ijj^. Ou lui érigea,
dans l'église paroissiale , un pom-
peux mauso'ée , d'où ses ossements
furent retirés , on i58<) , et trans-
portés depuis dans le chœur de l'é-
glise Majeure délia Pieve, où, en
1714, on érigea , en son honneur,
un monument orné des portraits de
Louis XII , de François !•'. , de
Jean et Domitien Conti , ses pa-
rents, etc. Stoa fut tout-à-la-fois ora-
teur, philosophe , historien, poè-
te, graniriairien. Son compatriote
et contemporain , le médecin Jean
Plancriiis , ne fut pas le seul qui le
loua, comme on le voit dans ses Epis-
tolœ morales. Les plus beaux esprits
du temps lui donnèrent des éloges
dans leurs ouvrages. Le |)ère Léo-
nard Cozzando publia sa Vie , à
Brescia , en i(i«j4. b-Hc a été écrite
de nouveau et d'une mai.ièie plus
étendue et plus exacte, par Joseph
Nember, sous le titre de: Memorie
anedduie criluhe speltanli allavi-
ta ed Gf^Ii scrilli di Gio. Frances-
co Qiiinziano Stoa, etc., Brescia,
' 777 » '* '1"^' •' '^■"'' ajouter quanti-
té de notes manuscrites , que ce Jo-
seph Nember, avait écrites pour une
seconde édition , sur un exemplaire
de la première qui nous a été com-
muniqué. La liste des ouvrages de
Conti Stoa est curieuse par leur
nombre cl leur variéld ; la voici :
QUI
De accentii lib. i contra Qulnti-
lianum , Pavic , in - 8'^. , i5o3j
— De omnibus vietris libri y , Pa-
vie, i5io ; — De Uttevanim pro-
minciatione lib. i. Cet opuscule est
réuni à celui de Jacob Ceratini , De
sono litterarum prœsertim grœca-
runi, sans date; — De dictionum te-
norel. i, Venise, sans date; — De
inslitiUione poeticd lib. i, Venise,
1 53 1 ; — Apologiapro poëtis, sans
indication du lieu ni de l'année de
rini pression ; — De poëtices venus-
tate, Pavie , 1 5 1 1 ; — Cleopolis : De
Icuidibus celeberrimœ Parisionini
iirbis ; Sjlva^ et Bacca.nliwn elelo-
dia post interfectum Orphea, Paris,
i5i4 ; — Orpheos lib. JU , Milan ,
1 5 1 0, in-4''.; — Monosjilabnrum l.
IV , Pavie, 1 5 1 1 ; — Defigwis po'é-
ticis l. Il , Venise, i5t)7 • '^ pi'éface
de cette édition atteste qu'il en avait
été fait précédemment une autre; —
De sjllabanim qunntitate epo'^ra-
phiœsex, et de aliquiims metronim
generibus, ne de omnibus heroïcicar-
juinis speciebus , Pavie, 1 5 1 1 , 1 5o3 :
Venise , en iSip , i53e , i533 ,
i544i i564 1 ïS68; André A.lciat
disait , en parlant de ces Epogra-
phies, que Stoa était le Varron de
son temps. Niccron observe , au
contraire , que , dans ce traité de
Prosodie , Stoa enseigne souvent à
faire brèves les syllabes longues , et
longues les brèves ; — Annota-
tiones contra commentaria gram-
maticœ Joannis Tortellii Aretini,
Brescia , i5iç); — Grippi decem
de omnibus numeris ad imitatio-
neni Ludicri Ausojuani , Milan ,
T 5 I 2 ; — Lucernce xx in totidem li-
bros Noclium yliticarum A . Gellii,
Milan , i 53 1 , et Venise , 1 54'^ ; —
Odce très ad cardinalem de Roa-
710 ( le cardinal d'Amboise, arclievê-
quc de Rouen ) , Paris , 1 5o4; elles
QUI 453
avaient déjà paru en français ; — Fi-
ta divi Quinliani Arvernorwn cpis-
copi , Venise , 1619; — Disticha in
omne s fabulas P. 0\'idii Metamor-
phoseon , et Elegia , Pavie, j5o6,
et Paris, i5i4, édition rare , qu'on
trouve dans la grande bibliothèque
royale de Paris ; idem , Bàlc, 1 544 »
Brescia, i563; — Paraclesis : ad
Ludovicum XII elegia , i5i2 ; —
De menibrorum privilegiis , Pavie,
i5i.y ; — ])e mulieium dignita-
te. Milan, 1 5 1 7 ; — Threni et mo-
nodia in régime Gallorum Annce
immaturum fatum , et régis Sco-
tiœ epitaphia cum monodid, Paris,
sans date d'année , et dans les Poë-
mata aliquot insignia^ Bàle, i544>
in-i(); — Vit a Ludovici XII, ré-
gis Francorum , IMiian , sans date ;
— Threni in mortem Ludovici XIIj
Galliarum régis, Pavie, sans date;
— De Martis et Veneris concubitu
lib. Fin , Pavie , 1 5o3 ; — Exem-
plorum muliebrium L vi , Brescia ,
i533; — Or alloues duœ in Iloralii
et Plauti prœleclionibus , Brescia,
1 534 ; — Endecasrllabum in mor-
tem Erasmi Desiderii, Paris, sans
date ; — Sylvain laudem Mariin Be.
cichemi , Pavie , 1 5 1 6 ; — Epheme-
rides xx , in quibus ostenditur quas
mcndas incurrerhit qui hactenùs
elucubrarunt , Bàle , 1 538 ; — Dis-
tica in Ovidium et Falerium Maxi-
mum , Venise, i54'^ ; — Annota-
tionesin Caprum et Agretium , Bres-
cia , i534 ; — Citation s omnium
po'èlarum , cum adnotameniis et
scholiis. Milan , t538 ; — Quinii et
Poljphilce Historiœ, Pavit-, i5i i ;
— Chris l ia nnrum Métamorphose on
lib. y m , Pavie , 1 5 1 1 ; — Diario-
rum lib. xii, Pavie, i5o3; — De
miraculis ethn'cis\ y.cu\sc, \5{3 ;
— Ortographicevelèri?, l. 1 , Pavie ,
1 5o4 ; -1 Oriographice novœ lib. 11 ,
454 Qb'i
Pavic, i5o4 ; — ^.> A-a inlaudem R.
F. Francisci Cvlumhani , Pavic,
i5i I ; — Heracleu.htllamve ï'etis-
f«/n,dedic à Louis XII Milan, sans
date; — Dicchronia in dinhthon^os,
Paris , 1 5 1 4 ; — Cosmo^raphia, IMi-
lau , I 5 .U); — Minindorum lib. \.\X.
in quihiis iiaturœ totius miranda h
mundi inciinabulis ad no.strani us-
que œtalem , Brescia , i53G; —
QuinlusCiirtius suœ integritati res-
titutus , \ cuise, i537. ( Fojez
Qui> TE-CuRCE , pap;. 4^5 cidessiis.)
— Dialogi très ,vidc'licet quantum
à di^'ite pauj'cr distct , quunlùin nu-
va ingénia vetcribus cédant ; quan-
tum prœ.stet pulchro nomine nun-
cupari , Pavic, i5i8; — Facetia-
rumlib'iji, Brescia, i534; — Ve
Dissidio auctorum , Venise, \!j3'] ,
grand in-S".; — Poésies cLreliennes
en latin , parmi lesquelles sont trois
ïraséJics , Paris , i>i4,in-rol. : la
prefdcc du paiie'gviiqiie delà Vier-
ge, qui fait pariic de ce recuiil ,
intitulée Jn Parthenocleum Orph-
nilogia , a e'tc insérée dans le Àle-
nagiana ( tome i , page ()4 ) com-
me uu cliet' - d'œuvre de gaiima-
thias double. Adrien Ijaillet a dit
du mal des Iragcdiis de Stoa Ju-
gements des sa^'ants , tome iv ) ;
ScaligercnavailditduLicn Poc/à-.,
1. VI , ch. IV ) : elles étaient bonnes
pour le temps où elles furent com-
posées. Leur auteur en fit aussi de
profanes, qui sont restées inédites ,
et dont les sujets sont : Pompeius ,
Cœsar, Marins, Nero, Tullius, Bu.
siriSjSopliotles , Homerus , Ilippo-
Ijtus, Ljcus, Sjlla, Calo^Alexan-
der, haras. Ses autres ouvrages iné-
dits consistent dans les suivants: Du-
bitationum lib. ni; — Mysticorum
l. yi; — Hectoridos l. ni ; — Mir-
jnecomjomackiii ; — Parallelica-
rum lUiloriantni L ii ;■ — Publico-
* QUI
rum crrorum l. n; — Minutiarum
l. m ; — Furiii'orum , comédie :
il avait compose d'autres comédies
qu'il perdit à la prise de Pavie, ainsi
que plusieurs productions (|u'il rc-
grcllait , savoir, les comédies inti-
tulées , Lesbia , Cermini , SorvreSy
Consobrini ; — Pliinorum studio-
rum lib. ni; — De crisibus po'éta-
rum lib. ir ; — Koctisorgium in ur-
biuni sequestrum ; — Proprietatum
l. n ; — Novorum im'entorum, l.ii;
— De Aivernis l. i ; — Nirnianun
l. ;/, in quibus duccntu virorum il-
lustrium cpitiijdda conlititniur ; —
Itinerarii l. ly ; — Efigrammatum
l. y, etc., etc. Outre les ouvrages
imprimes de son vivant , il en est
cncored'autres publics après sa mort,
par sou ami Planerius; et ce sont :
Geographiœ lib. \.\a, Padoue, 1 5 ")8;
— Ludicmrum l. ;/, \ eni.se, i 508;
— Tetrastica in omnes puntificcs et
Cijesares, Venise, i^-jo; — Com-
menlaria in Julinm Solimim , Ve-
nise, 1 f}*] I ; — I.inologiv lib. ri, in
quibus à semine ad charlam us'pie
omnia quœ de lino fiant descii-
buntur, Venise, i583; — Knco-
mium urbis renetiarum herdicis
carminibus conscriptum , Venise,
i;'J83. On trouve j)lusif'urs autres
Poésies particulières de Conti Stoa,
dans le P.ecueil intitulé : Carminum
illustrium poèlarum italorum , aux
tomes vni et ix; ainsi que dans
les Deliciœ poëtanini italorum, et
parmi les Poëinata de Tajetli. Le
diplôme que Louis XII lui donna ,
en le couronnant à M dan , se conser-
ve en original, dans la hlljlioll:èque
de feu le conile Jean-Marie .Mdzuc-
cbelli, à Brescia. G — n.
QUIQUERAN DE BEAUJEU
( Pierre ), littérateur, d'une an-
cienne et noble maison de Proven-
ce, qui a produit un grand nombre
QUI
d'hommes distnigues daus tous les
genres , uaijuit dans Arles , en 1 5.26.
Son père, maître- d'hôtel du roi
François I*^'., mourut, le laissant en
bas ii^e. Il fut envoyé peu de temps
après à Paris, oh il suivit les leçons
de Turnèbe, Lambin, Morel, Baif,
etc. , et fa de £;rands et rapides pro-
grès dans les lai)j;ues et la littérature
anciennes. Poussé par le désir d'é-
tendre ses connaissances, il se len-
dit ensuite en Italie, dont il visita
les principales villes et les écoles les
plus célèbres, recueillant partout des
témoignages flatteurs de l'intérêt que
ne pouvaient manquer d'inspirer son
ardeur pour l'étude et la précocité
de ses talents. A son retour d'Italie.
il fut pourvu de l'évêché de Sencz
(0, faveur qu'il n'avait point sol-
licitée : mais un procès dont dé-
pendait toute sa fortune , l'ciapc-
cha de prendre possession de son
siège; et il revint à Paris, oii maU
gré l'importance de ses affaires , il
donna la plus grande partie de son
temi^'s à la culture des lettres et des
sciences. Il y mourut, avant d'avoir
été sacré, d'une attaque d'apoplexie,
le 17 août i5:')0, à l'âge de vingt-
quatre ans , et fut inhumé dans l'é-
glise des Grands-Angusiins, où sa
famille lui fit élever un tombeau ma-
gnifique , dunt Gilles Corrozet a
donné la description dans ses anti-
quités de Paris. Pierre de Qtiique-
ran y était représenté, soutenu par
une renommée , au milieu des allri-
(l) ("/est en i54fJ, suivant le Gnllia chr:ilinnn ,
cjue Pierre de QuitjuerHii l'ut nommé évijiie de
oeiiez ; il avait alui-s vinj;t ans, et non pas dix-lmit ,
comme ou le dit dai!S le UDUveau IJiclioiinaira
hisluiii/ite , ciilifjue et hiblio^nipliii/iie. De Boze
prétend que ce l'ut le premier cyf-quc nommé deyinis
le coucoidat de Léuii X et de François l^''.; mais le
concordai signi! en i5iG, fut exécuté , malgii- i'op-
pusitiou du parlement et de l'université, depuis
l5i8; et il est impossible d'ad'ueltre ((ue Fran-
çois 1er. aitattMidusiloug-tomps à jouir d'ua di'uit
qu'il avait si cLèrenieut aclicté.
QUI 4r>5
buts des sciences et des arts. Lors
de la destruction de ce monument ,
le cardinal de Joyeuse demanda le
bustedu prélat, que l'on attribuait au
fameux Jean Goujon. L'évèque de
Scnez est auteur d'un panégyrique de
la Provence , qui fut imprimé, après
sa mort, sous ce titre : De Imulihus
Provinciœ lihri très, Paris, 1 55 i , in-
fol. très-rare (■>.) ; cet ouvrage a été
traduit en français par Fr. de Cla-
ret, archidiacre de l'église d'Arles,
Tournon , 161 3 ou itii4, in-8'\
Dans le premier livre , l'auteur ,
après avoir déterminé les limites de
la Provence , compare sa fertilité
avec celle de l'Afrique, de l'Egypte
et des Indes : dans les deux suivants
il en détaille les productions ; et il
termine ])ar des recherches sur l'his-
toire ancienne de Marseille , et par
des remarques sur le caractère et
les mœurs des Provençaux. Cet ou-
vrage est fort curieux; mais l'au-
teur s'abandonne à des digressions
qui lui font perdre de vue , pres-
que constamment , son sujet. Ain-
si, par exemple, dans le premier
livre, après avoir dit que le Uhoiio
est pour la Provence ce que le Nil
est pour l'Egypte, il rapporte une
grande quantité de passages des an-
ciens auteurs grecs et latins sur le
Nil , sur ses débordements périodi-
ques, et sur l'ignorance oii l'on était
du lieu de sa source. Les citations
qu'il a tirées de Pline, et de Solin ,
son copiste ou son plagiaire, l'entraî-
nent à flétrir les écrivains qui s'ap-
[■>.) LVdition de i3:?q, citée dans la Blhl. hhlor.
de La France, est imaginaire; celle de lâji u est
)i;.s 111-40., mais in-l'ol. Le P. f.e Long cite encore
deux éditions Je cet ouvrage , Lyon , iï()5 , in-.|^. ,
et 1014, iu-80. Il assure que la traduction l'iançaise
parCIaret, est intitulée : La nouvelle ngriciUtiira
ou InslruclioH générale pour ensemencer toutes '■or-
les <i' arbres fruitiers, etc. L'exemplaire que nous
OToiis sons les yeux a pour litre : La l'rovenee de
t'ierie de Quii^ueran , distinguée en Irais Uvrvt^
4^5
QUI
propricut les recherches de leurs de-
vanciers : vient ensuile un éloge de
Pline qu'il prétend venger des atta-
ques de ses envit-ux ; ce qui le con-
duit à jmiler de l'envie, maladie trop
commune aux littérateurs :il passe
en revue les grands hommes de l'an-
tiquité qui en ont été atteints, et vient
en(in à Ciccron, qu'il peint des cou-
leurs les plus odieuses, l'accusant de
vauité, de manque de courage, de
perfidie, et lui reprochant de n'a-
voir su ui fuir, ni mourir liouora-
Llcuient. Dans le second livre, après
avoir décrit les beaux troupeaux de
la (^imarguc, il \^.ir\c des J'en ades
ou combats de taureaux : avant de
traiterdes bêtes fauves , il fait l'éloge
de la chasse et du chien, dont il in-
dique les diflTérentes espèces, et les
services qu'on en peut retirer, Kidin
l'ouvrage entier n'est qu'une suite de
digressions , mais presque toujours
curieuses et intéressantes. On a de
l'évèquc de Sene?. un opuscule on
vers, imprimé à la s'ute de l'ouvrage
précèdent : Dr ad\>etHu .-/nnibalis in
adi-ersain ripanx Arelatcnsis agri
hexamctris centum. W — s,
QUIQLKRAN DE DEAU-
JEU ( Paul-Antoi>-e DE),cé!tbie
marin , de la même famille que le
préeé lent , fut reçu chevalier de
Malte, eu ifii-j. ii.i valeur, et les
avantages qu'il avait remportes rous-
tamuient sur les Turcs, lui méritè-
rent la réputation d'un des plus
grands hommes de mer de son
temps. Au mois de janvier iGOu ,
obligé par une tcmjcte de relâcher
dans un des ports de l'Archipel , il y
fut investi par le capitan pacha Ma-
zamamct , à la tète de trente gilcres
de Rhodes. .Après avoir épui'.c tou-
tes ses munitions , et penlu les trois-
3uarts lie sou équipage, il fut force
e se reudre, et transporté sur la ga-
QUI
1ère du pacha. IMais bientôt une nou-
velle tempête, plus violente que la
première , dispersa la flotte victo-
rieuse ; et TMazamamet se vit réduit
à implorer le secours de son prison-
nier , liont il connaissait les talents.
Le chevalier de Beaujeu , par l'ha-
bilelé de ses manœuvres, sauva le
bâtiment d'un danger presqu'inévi-
table ; et le pacha , pénétre de recon-
naissance , voulut le sauver à son
tour, en le cachant painii les au-
tres prisonniers. Mais le grand-visir
le reconnut sous son déguisement, au
portrait qu'on lui en avait tiacé,
et l'envoya au château des Sept-
Tours. Toutes les propositions qu'on
fit, au nom do roi , pour sa rançon ,
furent inutiles; et les Yénitiensdeman-
dèrent vainement qu'il fût com-
pris dans le traite de Candie. En-
fin un de ses neveux (i) furiiia la
résolution de le délivrer : il partit
pour (^.oiistaiitiiiople , à la suile de
IM.Nointel. ambassadeur de l'iaueeà
la Porte , obtint la permission de voir
le prisonnier, et lui communiq\ia le
plan qu'il avait conçu pour lui rendre
la liberté. Une fois d'accord sur les
movens , il continua ses visites à son
ont le , sous divers prétextes , et lui
porta des cortles , dont il .s'entourait
le corps , pour les soustraire à la
surveillance des gardes. Ouaud il en
eut assez , ils convinrent du joiu- de
l'évasion. Au signal donné , le che-
valier de Beaujcu descendit à l'aide
de la corde, dont il avait allarhë
l'une des extrémités aux barreaux de
sa prison : elle se trouva trop coin te
de quelques toises ; mais il n'hésita
pas a s'élancer dans la mer qui bai-
gne les murs du château. Le biiiit
(pi'il fil en tombant, attira quelques
(i ; Jiii 'jnci de (Uàiiucian , fitrc aiiit Je l'évrquc
<le Castro; il n'était âgé c{u« de yiogt-dcux bd*.
QUI
Turcs qui passaient non loin de là
dans un brigautin ; mais son neveu,
arrivant à force de rames dans un
esquif Lien arme, dispersa les Turcs,
et le recueillit , puis le conduisit
à bord d'un vaisseau que comman-
dait le comte d'Api-emont. Ainsi le
cbevalierde Bcaujeii, après onzeans
de captivité, eut le bozijieiir de le-
voir la France ( 1O7 i ). 11 fui pour-
vu , peu de temps après , par le
granl-maître de Malte , de la cora-
manderie de Bordeaux , et vécut
plusieurs années au sein de sa famille,
jouissant de la considération due à
ses talents et à ses services ( Voy.
V Eloge de Vévéque de Castres , par
M. dcBoze. ) W— s.
QUIQUERAN de BEAU JEU
( Honoré de ) , neveu du précèdent ,
ne' dans Arles, en i6j5, montra,
dès son enfance, une grande vivacité'
que ses parents dirigèrent vers l'c-
tude. 11 fit de rapides progrès dans
les langues grecque et latine, culti-
va son goût pour l'éloquence , et
se rendit un profond lliëologicn. A
l'dge de dix-sept ans , i! entra dans
la congrégation de l'Oratoire , et
fut chargé de professer la théo-
logie au collège d'Arles , et en-
suite à Saumur. Les talents qu'il
montrait pour la chaire , engagèrent
ses supéiieurs à l'employer flans les
missions de l'A unis et du Poitou ;
elles succès les plus brillants furent
le prix de son zèle. Appelé par Flë-
chier dans son diocèse, nomme cha-
noine de la cathédrale de INîmcs ,
et choisi i)our l'un de ses grands-
viciires , il contribua beaucoup à
calmer l'agitationdcs esprits, encore
irrites par la revocation de l'cdit de
Nantes , et prévint dans Nîuics une
sédition qu'allait occasionner la sé-
vérité du maréchal de IMonlrevel ,
commandant alors en Languedoc
QUI 457
(i). L'abbe' de Beaujcu se conten-
tait de tracer , en latin , les plans
de ses discours, et s'abandonnait,
pour les remplir, à l'inspiration du
moment. Par cette méthode, il avait
acquis une extrême facilité, qui lui
fit beaucoup d'honneur dans les as-
semblées du clergé de lOgS et de
1700, où il fut député du second
ordre. Bossuet, frappé de ses talents,
le j^rcssa de s'établir à Paris ; mais
le prédicateur ne voulut point être
infidèle à sa vocation , et continua de
se livrer à la carrière évangclique.
Le roi le nomma , en 1 705 , à l'cvc-
ché d'Oleron : mais celui de Castres
ay^nt vaqué dans le même temps, il
y fut transféré presque aussitôt ; et
depuis celle époque jusqu'à sa mort ,
c^est-à-dire pendant liente-cinq ans,
il ne sortit plus de son diocèse que
pour assister aux étatsde Languedoc,
ou aux assemblées du clergé. U éta-
blit dans sa ville épiscopale un sé-
minaire, qu'il soutint, par ses bien-
faits, dans les temps les ])!us diffi-
ciles ; cl il trouva dans ses économies
les sommes nécessaires pour réparer
ou reconslruiie plusieurs églises. Les
devoirs de sa charge, qu'il remplis-
sait avec autant de zèle que d'exacti-
tude , ne rempèchèrent pas de prê-
cher fréquemment , et toujours avec
le plus giand succès. En 171 1, il
harangua le roi, en lui présentant le
cahier des états de Languedoc; le
discours qu'il prononça dans cette
occasion , fut extrêmement applaudi.
(i) Vdici comment de Boxe rappelle ce fait: le
marcclial de Moritrcvel ayant été informé que, le
Himnnche des Rameaux , les fanatiques devaient te-
nir leur assemijlee i a s UD muulin des fjubourgs de
Nimis, Gt iuve.'tir ce monliu avec ordre de le brû-
ler. Les lialjitanls elfiayés crurent que c'était à leur
Tie et à leur ville qu'im en voulait; ils prirent les
arîiics, et se rcfugièri nt dans l'église, avi c la réso—
luli n de se défendre jusqu'à l'extrémité. L'abbé de
lieanjeu monta aussitôt eu chaire , et parla avec tant
de foi ce et d'onction , que le calme ayant succédé-
an luoiuUe , le service se litià l'ordinaire , et chacun
s'en retourna chez soi , rassuré et en yaix.
458
QUI
Ce fut pendant rasscmblcc-gnierale
du cIorf;ë, qui se tenait à Paris, que
Louis XIV nionriit ( i -y i 5) : l'tvcv|uc
de Castres fut chui>i pour prononcer
l'oraison fiinèlirc de ce jn incc , à
Saint-Denis, C'est la seule pièce d'c-
loqiiencc de re prcl.it , qui ait c'te iiu-
prinidc; tt elle suflit pour faire re-
gretter la perte des autres. De retour
dans son diocèse, il s'occupa d'exé-
cuter de nouveaux projets qu'il avait
conçus pour améliorer le sort des
peuples confies à ses soins. Quoique
j)eu riche, il bâtit, à ses frais , le
•;ranJ- liôpiial de Castres , le dota
d'une pirtic de ses épargnes , et lit
reconstruire le chœur de la calhe-
dralc. L'ctmlo était l'uniq'je delassc-
mcLt de SCS travaux: chaque jour, il
passait quelques heures au milieu de
ses livres , dont la [tluparl étaient
enrichis de notes de 5a main. Ayant
voulu {^OMler la consoliliun devoir
encore une fois sa famille, il se ren-
dit à Arles: mais il y fut attaque
d'une fluxion de poitrine qui l'en-
leva, le aG juin i^SG, à l'à^e de
quatre vingt-ua ans; il fut enterre'
dans l'église des Dominicains, et nni-
Tcrsellemcnt regrette. II était associe
de l'académie des inscriptions , de-
puis son renouvellement ; et Do7.e y
lut son Elo^e, qui est inséré dans le
tome XII du //t'C»<-<7de cette compa-
gnie [ 33(3-44 /• Outre r Oraison fu-
nèbre de Louis XW, 1715, in-4°. ,
ou a encore , de ce digne prélat , des
Lettres et des Instructions pasto-
rales, sur rétal)lisseiMent du sémi-
uairc de Castres , sur les maladies
contagieuses de Provence et de Lan-
guedoc , sur l'incendie de Castres ,
sur les abus de Ii mendicité, sur
1j légende de Grégoire VU, sur le
concile d'Embrun , etc. Sou portrait,
gravé par Duflos , fait aussi partie
du Recueil de Desrochers. W — s.
QUI
QUIRINI (Angelo-Mauia). F.
QUKUIM.
QUlPiINO (Piehre), voyageur
vénitien du quinzième siècle , faisait
le commerce dans l'île de Candie ;
mais il n'est remarquable que par les
dc'ails (|u'il nous a transmis sur la
Scandinavie , ou il fut ])orlé par
un naufiagc. Ayant armé un n.nirc
pour la Flandre , il mit à la voile le
a5 avril i43i. Contiarié par les
vents , il ne passa le détroit de Gil-
braltarque le -x juin , et fut oMigé de
relâchera Cadix, ensuite à Lisbonne,
f)uis à iNIures en Calice. H fut poussé,
c f) novembre, au ilelà des Soi lin-
gues ; et la tem|)èle continua pres(jue
sans interruption juscpi'au 17 dé-
cembre. Les voiles étaient déchirées;
le bîtiment faisait eau de toute part;
il fallut l'abandonner. Quarante-sept
hommes, embarqués sur la chaloupe,
essayèrent en vain de gagner l'Ir-
lande. .\piès avoir er.duié les extré-
mités les plus allreuses du fioitl , de
la faim et de la soif, ils a|)eiçiirent
nue terre, le 4 janvier i43a. Le Icii-
dcmaia , la chaloupe fut portée par
les vagues sur un rocher. Cinq des
naufragés jK-rirent pour avoir avalé
trop de neige; vingt -cinq autres
tl.Mcnt morts en mer. Les dix sept
qid restaient se construisirent une
tente avec les avirons , les voiles et
les bordages ; ils n'avaient que des
coquillages pour se nourrir. Onze
jours après, le domcstiqucdc ()uirino
trouva, sur la pointe la plus septen-
trionale de l'îlot, une maison en bois ;
on s'y transporta : cnlin la Provi-
dence prit pitié de Quirino et de ses
compagnons. Au bout d'une qiiin-
z;iine de jours , des habitants d'une
île éloignée de huit milles , arrivèrent
à l'îlot qui s'appelait Saml-Ly ( lie de
Sable ). Ils ne purent emmener que
deux des naufrages à l'île de Ruslèuc
QDI
(Rost-oe) , surlacôtesepteutiionale
de Norvège. Deux jours après, le 2
février , les insulaires vinrent tlier-
clier les antres : ils n'étaient plus
que dix. Quiiino et ses compagnons
furent re[).irtis clans diltcrentes mai-
sons , et traites avec la plus grande
humanité. Les voyageurs sortirent
de Rost à la lîn de mai , et furent dé-
barqués près de Drontlieira, la veille
de l'Ascension. Comblés de mar-
ques débouté de l'archevêque, et du
vice-roi , ils se mirent en route pour
la Suède , où on leur avait dit qu'ils
trouveraient un de leurs compa-
triotes établi à SticUimborg ( Stege-
borg eu Ostrogolliie ) , à cinquante
journées de Drontlieim. Celui ci ne
négligea rien pour consoler Quirino
et les siens dans leur adversité j il les
fit , à leur départ , accompagner par
son fils , jusqu'aux bords du Jœtliaî-
Elf , où ils s'embaripicrcnt. Trois
des voyageurs allcront à Rostock ;
les autres suivirent Quirino en An-
gleterre, puis conlinuèrentleur roule
par rAUcmagne et Bàle , et eîifia at-
teignirent Venise. La relation de
Quirino intéresse non-seulement par
le récit naïf et toucliant de ses mal-
heurs , mais aussi par les renseigne-
ments précieux qu'elle olîVe pour
l'histoire de la géographie. La des-
cription de la Norvège et de son
commerce, la peintiue des mœurs et
des usages de ses habitants , sont des
fragments importants pour l'histoire
des ])euplcs. La pèche de la morue
au Lofodden , et le commerce de
stokfisch et de harengs, étaient déjà
très florissants. En un mot , ce voya-
ge est très - instructif. Ramusio Je
publia le premier sous ce litre : ^ia^-
gio del inagnifico Messer Pietro Qui-
rino nal quelle partito di Candia con
vialvagie pcr poncnte l'aiino i43i,
lacorre in uno horriOile spayenioso
QUI 45<)
naufra^io delquale alla fine con di-
versi accidentiscampato, arriva nel~-
laI\on>egiae Sueliaregni settentrio-
nali. Ce morceau est suivi d'une re-
lation du même naufrage, par C. Fio-
ravante , et Nirolo di IMichicl , com-
pagnons de Quirino. L'un et l'au-
tre sont dans le tome ii du Recueil.
Le récit de Quirino a trouvé place
dans la plupart des Collections de
voyages : l'auteur de cet article en a
inséré la traduction dans l'Histoire
des Naufrages, en 1816. E — s.
QUIROGA ( JosEPu ) , jésuite ,
naquit , en 1707 , à Lugo , dans la
Galice , d'une ancienne et noble fa-
mille. Dans sa jeunesse , il étudia les
mathématiques avec succès ; fut ad-
mis à l'école de la marine, et fit plu-
sieurs voyages sur mer. 11 prit en-
suite l'habit de S linl-Ignace, et sol-
licita de ses supérieurs la permission
de passer en Amérique, pour y prê-
cher l'Evangile. Dans le même temps,
il reçut du roi d'Espagne , Philippe
V , la commission de visiter la terre
Magellani que, qui n'était encore con-
nue qu'imparfaitement; de s'assurer
des ressources que le pays pouvait
oflrir; et de dclenuiner les points
les plus ])ropres à rétablissement de
ports et de rades pour les bâtiments
du commerce. Le P. Quiroga, parti sur
lin vaisseau ( le Saint-Antoine ) que
commandait un excellent officier , se
rendit d'abord à Buenos - Ayres.
Deux de ses confrères, attachés à,
la mission du Paraguay, et dont l'un
( le P. Matthieu Slrohl ) parlait ia
plupart des langues de celle ])arlic
de l'Amérique , lui demandèrent
l'honneur de partager les dangers de
celle expédition. Après avoir termi-
né les préparatifs de son départ, il
mit à la voile de Monte-Video, le
27 décembre 17/p; cl, porté par
un vent favorable , atteignit sa dca-
46o QUI
tination sans aucun accident. Tan-
dis que ses compacçnons, escortes de
quelques soldats, p.ucouiaiont à pied
riiitérieiirdii pays, le père Quiroj;a,
monte sur une chaloupe , en visitait
les côtes pour signaler les rochers à
fleur d'eau dont elles sont bor^Jccs ,
et pour déterminer avec précision
retendue et les avantai^es des havres
et des j)orts naturels qu'il reconnais-
sait sur sa route. Le résultat de ce
voyage ne fut point aussi important
qu'on aurait dû l'attendre du /è!e du
P. Quiroga. Ses compagnons , après
s'être avances jusipi'à i4 lieues du
détroit de M.igeliari, sans rencontrer
aucun habitant, se virent presses par
le manque de vivres, et obligesdcga
guer la côte dont ils ne s'étaient pas
trop éloignes. F^es provisions du vais-
seau étaient presque épuisées , et on
avait perdu l'espoir de les renouve-
ler : il f «iliit donc songer au retour ;
et le l*. Quirogi arriva , le 4 avril
i74<>,^ Buenos- A\rts, trois mois
otquerpies jours après en cire parti.
11 s'<Mupressi d'envoyer à IMadriJ
les observations qu'il avait recueil-
lies dans son voyage, et qui furent
«léposées aux archives de la mari-
ne ( i). Peu de temps après , il fut
chargé de tracer la limite qui sépare
les provinces espagnoles des portu-
tugaises dans l'Amérique méridiona-
le. Des qu'd eut terminé cette opé-
ration importante, il revint en Eu-
rope , et se rendit à Rome, pour
y exposer l'état des missions dans
le Paraguay. 11 partagea le reste
de sa vie entre ses devoirs et la
culture des sciences, principalement
de l'astronomie et de la j)hvsique ;
et mourut à Bologne , le 23 octobre
(i) Le p. QuiroKn y j-iignlt treiilp cartes conte-
nanl ses décnuTcrtcsdaii.s les terres Md^cllaniques;
elles sont couscrvees au «ccrclariat du miuistire
ije5 Indei.
QUI
1784, laissant la réputation d'un sa-
vant aussi modeste qu'éclairé , et
d'un parfait rdigieu-s. Le Journal
du voyage de Quiroga, rédigé sur
ses observations et celles de ses
compagnons , par le P. Pierre Loça-
no ( eu espagnol), a été imprime
parmi les [lièces juslidcatives, dans
le tome m de VJ/istoire du Para-
guay , par le P. de Gharlevoix ( F.
ce nom ). On n'a de lui qu'un seul
ouvrage imprimé : Tratado del ar-
te vcrdtidero de uai'eg^ar jior circn-
lo fhiraltflo a la efjuinozitil , 1 784 •
Kmamicl Mendez , son neveu, qui
fut l'éditeur de ce traité , annonçait
la pulilication prochaine d'un opus-
cule latin de son oncle, dont il a
donné l'analyse : De ralione inve-
niendi loug^itudinem in mari , ope
solis , lurue , jdanelavuvi et stella-
runi jlxarum ; mais il n'a pas tenu
sa promesse. On conserve à Bologne
plusieurs manuscrits du P. Quiroga:
Sur lu manit're de connaître la lon-
gitude en mer , par l'observation
des taches du soleil , de la lune , des
éclipses, des satellites de Jupiter ,
et de la boussole ; — Sur tart de
fabriquer les boussoles ; — Sur les
ventilateurs ; — Sur le mojen de
faire marcher les vaisseaux, dans les
temps calmes ; — Sur la construc-
tion de bar(|ues et de j)oiits d'une
grande légèreté; — Sur un moulina'
vent, dont les ailes placées horizon-
talement ne peuvent éprouver aucun
accident par le changement subit
de l'air; — Sur la construction d'oi-
seaux artificiels , etc. On ju-ut con-
sidter le Supplément à la Bibl. Soc.
Jesu , parle P. Caballero,p. 236.
W— s.
QUIROS (PEDRO■FEnNA^'n^.z de),
l'un des plus grands hommes de mer
des temps modernes , et l'un des der-
niers héros de l'Espagne, naquit dans
QUI
ce royaume, vers le milieu du seiziè-
me siccle.Quelqucs e'cri vains, croyant
apercevoir daus son style l'emploi de
l'idiome portugais , et l'usage de la
plirase'olocjie de celte nation , en ont
fait le compatriote des Gama et des
BlagcIIan; mais cette supposition est
toul-à fait sans fondement. On man-
que de renseignements sur les pre-
mières années de cet illustre naviga-
teur. Il paraît qu'à l'exemple de ses
compatriotes, il alla de bonne heu-
re en Amérifjue chercher la gloire et
la fortune. II ne faisait point partie,
ainsi qu'on l'a mal-à -propos sup-
pose, de la première expédition de
ftlendana, en 1567. D'après quelques
passages de ses écrits , on peut être
conduit à penser qiiM voyagea d'a-
Lord pour le commerce; mais ce n'est
que depuis ioqj, que Quiros , com-
me grand homme de mer, a]));artient
à l'histoire. Il fit, dans cette deinière
année, partie de la seconde expédi-
tion de Mendana, en qualité de pre-
mier pilote. Ami et compagnon du
général, investi de toute sa confiance,
Mendaûa lui confia , au lit de mort ,
les destinées de l'expédilion. Quiros
se montra digne d'un choix aussi ho-
norable. Par sa fermeté, il main-
tint la discipline parmi des équipages
découragés: il fit passer dans l'ame
de ses matelots l'ardeur qui triomphe
des obstacles ; et avec des vaisseaux
délabrés , ayant la famine à bord, et
naviguant dans des mers peu connues,
il parvint enfin à rcconjiiire à Ma-
nille les déplorables restes de la
flotte. De là , il s'embarrjua sur le
Saint- Jérôme nour Acapulco ; et du
Mexique , i! se rendit au Pérou , au-
près du vice-roi don L. de Velasco ,
auquel il s'adressa pour obtenir un
nouvel armement destiné à poursui-
vre les découvertes de Mendaria. Il
parait que ce fut , dans ce dernier
QUI 461
voyage, que Quiros conçut l'idée de
l'existence d'un continent austral ,
idée restée vague jusqu'alors chez les
géographes et les gens de mer. Ni Ma-
gellan , ni Gallego , n'avaient soup-
çonné ce continent dans cette par-
tie du monde. Sa recherche n'avait
encore été l'objet spécial d'aucun
voyage , pas même de la dernière
expédition de Mendaîia : mais la dé-
couverte de Santa-Crux fit croire à
Quiros qu'on avait enfin trouvé cette
terre inconnue. C'est dans les deux
Mémoires qu'il présenta alors à D.
Ti. de Velasco , qu^on remarque pour
la première fois une discussion scien-
tifi(|ne et aprofondie sur cette grande
question géogra])hique , qui n'en est
pins une depuis les derniers voyages
de Cuok et de Surville. Le vice-
roi, croyant que la demande de Qui-
ros excédait les limites de son auto-
rité, rengagea à se rendre à la cour
de Madri^l, et le chargea de lettres
par lesquelles il appuyait forleraent
ses projets. Philippe 111 les accueillit^
mais tout en caressant les idées de
Quiros sur le continent Austral , on a
cru, que le gouvernement espagnol
avait plutôt l'intention de faire tenter
la route de l'Amérique en Espagne
par les Indes Orientales , d'arriver
par cette voie aux îles à épiceries ,
et de faire reconnaître entre la INou-
velIe-Guinée et la Chine , d'autres
îles auxquelles une tradition , dont
on ignore l'origine , attribuait de
grandes richesses. Quoi qu'il en soit^
Quiros , muni d'un plein- pouvoir et
d'un ordre adressé au comte de Mon-
terey , vice roi du Pérou, se rendit
à Lima ; il y fit construire deux vais-
seaux et une corvette. L''armcment
fut soigné dans tous ses détails : ses
bâtiments furent pourvus d^une forte
et nombreuse artillerie; et l'on dut se
promettre les plus grands résultats
4Gi QUI
(le celte expédition desliiic'e , dit un
historien espagnol , à g^as,ner des
âmes an ciel et des royaumes à
V Espnç,ne. A la verito, les vœux jlc
la ieliç;u)n et de la politiqr.c ne fu-
rent puint exauces ; mais îa gcogra-
pliie dut à ce A'oyagc la dcconvertc
il'un grand nombre d'il(s. L'océan
Pacifique ne parut plus nn désert
immense. Quiios appareilla de Cal-
lao , le 2 1 décembre iGo5 , et fit
voile à l'ouest suel-oucst, jusqu'à mille
lieues du Pc'iuu, sans rciiconlrcr au-
cune terre. La petite ilc de l'/n-
camacion fut la première qui s'offi it
à sa vue. Courant toujoiirs à l'ouest ,
il en aperçut plusieurs autres , et
donna à la ilernière d'entre elles , le
nom «le la Dezana, sans doute parce
que c'était la dixième qu'il décou-
vrait. Celte Derana a depuis ctc re-
connue pour èlrc Y Osnabruç.h de
Wallis, le IJoiidnirtic Huugainville,
et !a Mailea de Coot. (Juiros se trou-
vait dune à l'entrée de rArcliipcl de
la Société. Il lui clait réserve d'aper-
cevoir le premier la belle Ota'ili, que,
depuis, le génie français dota du nom
de Nouvelle-t^.yllière, Le lo février
iGoG, il vit la Saç,ilaria, qu'il re-
connut pour une île : ses chaloupes
y abordèrent et y retournèrent le jour
suivant. Les détails relatifs à la to-
pographie du pays, mêlés, dans la
relation de Torriuemada , au récit
de la seconde descente dans l'île ,
offrent une conformité frappante
avec les détails du même genre, rap-
portes dans le Journal de Cook.FIcu-
ricu [Découvertes deiFnwcais, etc.)
a consacre une Note très-sav;inle , à
l'cxaiiien de ces delà ils d'identité: c'est
là qu'il faut recourir pour se faire
une idée juste de celle question géo-
graphique. J'ajouterai que le tableau
phvsique et moral que trace le navi-
gateur espagnol, des habitants de la
QUI
Sagitaria , présente la ressemblance
la plus parfaite avec les descriptions'
des navigateurs modernes; et c'est
un point qui , sans trancher la dif-
ficulté, sert au moins à la résoudre.
Quiros , en quittant la Sagitaiia ,
découvrit plusieurs autres îles, qui
n'ont pas été retrouvées. Il donne à
l'une d'elles le nom de la Gente
J/ermosa, île de la Belle-Nation , à
cause de la beauté des naturels. Dans
l'île de Taumaco , voisine de cette
dernière, il (it enlever quaire Indiens
pour lui ^er.vir d'inlerprèles dans la
suite de son voyage : étiangc ma-
nière de rcconnaîlie les services d'un
peuple simple, corapalissant et géné-
reux , qui avait abondai:iinent fourni
aux besoins de ses équipages. Ce
crime de lèse-humanité souleva d'in-
dignation les autres Indiens : ils
attaquèrent, avec leurs faibles ar-
mes , les ravisseurs de leurs frères.
Les foudres européennes donnèrent
didit aux I-.spagnols : mais la force
légi(ime-l-elle la trahison ? C'est à
Taumaco que Quiros obtint des ren-
seignements qui influèrent sur sa rou.
le ultérieure, et sur les destinées de
l'expédition. Il apprit de Tumay ,
chef ou cacique de l'île, qu'un grand
nombre d'îles dont il en désignait
soixante par des noms particuliers ,
qu'un vas{e continent, devaient se
trouver par inie lafiluije plus méri-
dionale que celle de 1 1 degrés (celle
de Santa-Crux ) , et qu'en dirigeant
sa route vers le sud, on rencon-
trerait une grande terre fertile ,
peuplée , et qui se prolongeait dans
le midi. Tumay nommait celte terre
I^Janicola. La recherche de la Santa-
Crux avait été jusqu'alors le but
avoue du voyage. C'était toujours
sur le parallèle de cette île , que
Quiros s'était dirigé. Les renseigne-
ments qu'il venait d'obtenir, le de'-
QUI
terminèrent à changer sa route : il
marcha vers le sud ; aperçut succes-
sivement les îles de ïucopia et de
Nueslra Serlora de la Liiz, et ne
s'y arrêta point. Celte dernière , que
Qniros place par i4 dcp;ics et demi
de latitude sud, aurait ëtè retrouvée,
d'après Flcurieu , et serait la inême
que le Pic de l'étoile de Bougainville:
mais c'est encore un point douteux.
Fidèle aux indications qui lui avaient
éîc foiirnies , Quiros continua de se
diriger vers le sud ; et sa perse've'-
rance fut couronne'e du plus heureux
succès. Le 26 avril iGoG, plusieurs
terres se présentèrent à la vue des
Espagnols. Quiros, dans l'embarras
du choix , se décida à faire route sur
celle qui restait au sud-ouest de Nues-
tra Seîïora de La Luz. Après quel-
ques recherches d'une baie et d'un
port commoJes pour le mouillage,
on en trouva v.n entre deux: embou-
chures de rivièies : la flotte y jeta
l'ancre. On nomma ce port La Fera
Crux , et la terre dont il fait partie,
Tierra Austral del espiritu Santo.
Cette terre a encore ètèreîruuvcc par
les navigateurs snodernes. 11 est bien
reconnu aujourd'hui que c'est la mê-
me que les Grandes-Cyclades de Gou-
gainville , et les Nouvellcs-Hcbiides
de Cook : mais si ces navigateurs ne
se sont pas fait illusion sur cette
identité, s'ils l'ont eux-mêmes re-
connue, par quelle manie , de quel
droit ont ils imposéun nom nouveau
à une ancienne découveite? Qui-
ros séjourna un mois entier sur
celte terre riche de tous les dons de
la nature, de toutes les proiiuctions
des Moluques , et d'une admirable
fertilité. Son génie la lui fit regarder ,
dès le premier moment , comme
le lieu le plus propre à l'établisse-
ment d'une grande colonie, et sus-
ceptible de devenir, en peu de temps,
QUI 4(i3
la rivale des îles à épiceries. C'est
dans son Mémoire au roi d'Espagne,
qu'il en fait le tableau le plus vrai
et le plus brillant. Il en prit posses-
sion , au nom de son maître, avec
toutes les formalités du temps; for-
ma'ilés ridicules, et qui ne peuvent,
sous aucun rapport, légitimer l'usur-
pation. Lt déplorable esprit de do-
mination et d'orgueil , qui dirigeait
alors les Espagnols, les engagea dans
des querelles sanglantes avec le.s na-
turels , où l'abus de la force triom-
pha toujours du bon droit. 11 pai'aît,
d'après le récit de Torquemada , que
le projet de Quiros , en quittant la
baie de San-Felipe y Sant-Yago, était
de se rendre à la Chine ; mais ayant
éprouvé de grandes contrariétés de
temps , et une alfreusc tourmente de
plusieurs jours , son vaisseau étant
d'ailleurs en mauvais état , il aban-
donna ce projet , et fit route pour la
Nouvelle-Espagne. La traversée fut
pénible; et ce ne fut qu'après avoir
échappé à de grands dangers , que
Quirosatteignit les côtes du Mexique,
le 3 oct. 1606, neuf mois après son
départ du Cailao. L'Amirante , se-
cond bâtiment de la flotte, comman-
dé par Louis Vacz deïorrès , et qui
avait été séparé du vaisseau de Qui-
ros par la tempête, au sortir de la
baie de Sm-Felipe , suivit la route
de l'ouest. Cet événement doit être
regardé Comme une circonstance heu -
rcuse. Torrès touclia , dans sa route ,
à plusieurs îles abondantes, selon lui,
en or, en perles et en épicéiies : il y
enleva plusieurs naturels ; et longeant
ensuite la côtcsudd'unegrandeterre,
V espace de huit cents lieues , parvin
enfin aux Philippines, où il rendit
compte de ses découvertes. Comme
Torrès, dans ce voyage, ne pul longer
d'au ti'es côtes au sud, l'espace de huit
cents lieues, que la partie méridiona ! e
464
QUI
(le la Nouvelle Guinée, il en résulte
qu'il traversa le premier le détroit
que Gook a depuis nouiuic le de'lroit
de VEndeavour. Se faisant une juste
idc'c de l'importaneede ses découver-
tes, Quiros crut devoir aller solliciter
lui-mcMic, à Madrid, les moyens do
les poursuivre, ainsi que rétablisse-
ment d'une coloïiie sur la terre du
Saint-Esprit : mais ce grand homme
n'eut guère une étoile plus heureuse
que iMendafii.Cc fut en vain qu'avec
des couleurs dont deux siècles n'ont
pu ed'acer ni la vérité, ni la vivacité,
il peignit, dans deux Mémoires adres-
ses a Pliilipjielll ,les avantages phy-
sitpies de cette nouvelle partie du
monde, les mœurs de ses habitants,
la conduite à tenir envers eux ; eu
vain conjura-t-il son roi , jiar Va-
moiir de Dieu, de ne point laisser
tant de travaux , tant de veilles , une
si noble persévérance, sans fruit pour
le monde et pour la patrie, .«a voix
fut méconnue parles faibles doceu-
danls de Cliarles-Quint. On ne lui
fournit que des moyens peu propor-
tionnés à la grandeur de l'entreprise.
Harcelé de contrariétés , et après
avoir consumé plusieurs années en
démarches faiblement accueillies, il
résolut t'-C se rendre à Lima pour
tenter un nouveau voyage; mais il
n'eut p.is le bonheur d'y arriver : il
mourut à Panama, en iGi4- Quiros
fut le donner héros de l'Kspagne:
avec lui s'éteignit cet esprit entre-
prenant , qui avait conduit les Co-
lomb aux Antilles , et les Corlez
dans le pal.iis de Monlezuma. Le
Mémoire de Quiros à Philippe III ,
fut publié à Séville , eu 1610; en
lalin . à Amsterdam , en 1 6 1 3 ( i ) j
(1) Franc. Ferd. Qiiir nnrralio de terrd auslrali
mco^nild et de leirà Xnnwjedanim et Fingeniio-
■rum in Turtarid^ iii-4''.
QUI
et en français, à Paris , iGi-j (2).
PurchaSjdans sa Collection des voya-
ges ( his Pil^rima^e ), vol. 4 -, pag.
\!{i'i , Londres , iGi5 , eu a donné
une traduction en anglais. On en
trouve une autre plus élégante, avct^
quelques changements , Oans Dal-
rymi'Ie's Ilist. coZ., vol. i , p. 1G2.
FIcurieu en a publié une version
française abrégée, dans ses Vécoii-
i'erles des Français au md est de la
Noin>elle Guinée, in -4". On peut
encore consulter, sur Quiros, sa vie
et ses découvertes : Lettres de Quiros
àD. Ant. Morga, dans l'ouvrage de ce
même Morga, intitulé : Succesos de
las Uns Plnlijiinas ^ ch. G , pag. 29;
— Tonptemada , Moiiiirchia fndia-
na , pren.ière partie, liv. v , cji.
() i; — dans la collection de Garcia ,
Jlechos de D. Garcia II. de J\ien-
doza, lib. 6, p. '^190; — Dalrym-
plc's llist. collection , etc. , tome i ,
pag. io3; — Debrosses, Navif^ations
aux Terres aust. , tome i , liv. m ,
pag. 3o6 et suiv. ; — Pingre , jVéïn.
p. le passage de Venus , etc. , pag.
48 à Go. L. R— 1:.
QUIROS ( Tni'oDORE de), mis-
sionnaire espagnol, na(]uit en i5()9,
à Vivero, dansla Galice. Après avoir
terminé ses études avec beaucoup de
succès, il prit l'Iiabilde saint Domi-
nique, et solliciin de ses supérieurs
la permission d'.dler pi ècher l'Evan-
gile dans les Indes. Il s'embanpia
pour les îles Plidi|)pines , en 1G37 ;
professa d'abord la philosophie à
Manille, et se rendit cnsuiie dans
l'île Formosc , où il demeura dix
ans , remplissant avec un zèle infati-
gable les fonctions de son ministère.
Les Hollandais s'étant emparés de
(7) Copie de In reijufle présentée au roi d'IUpu-
gne , pnr le capituine Pieire Feidinand de (Jiitr mr
la découverte tle la cinquième partie du monde , ap'
pelce la Terre Australe, iiicogneuo , et des ffranda
richesiet eljirtiliti d'icelle ,ia~li de iG pi>s.
QUI
cette île , le P. Quiros fut fait pri-
sonnier , et conduit à Jacatra , puis
à Macassar. 11 retourna , par l'ordre
du roi d'Espagne , à Manille , et
consacra le resie de sa vie à la con-
version des Indiens , dont il parlait
la langue aussi bien que les natu-
rels du pays. Enfin , c'puise' de fati-
gues , il mourut le 4 décembre i66'2,
à l'âge de soixante-trois ans. Le P.
Quiros avait composé la Grammaire
et le Dictionnaire de la langue Ta-
irai a ; de plus, il traduisit, dans
celle langue, un Catéchisme , et plu-
sieurs ouvrages ascéliques, entre au-
tres un Traité de la dévotion au
rosaire , imprimé plusieurs fois à
Manille et à Mexico. Foy. la Bibl.
fratr. ordin.prœ.licator. desPP.Que-
tif et Echard. — Quiros ( Augustin
de), jésuite espagnol, natif d'An-
dujar, inspecteur des missions de la
Nouvelle-Espagne, mort à Mexico,
le 1 3 décembre i6ti2, âgé de cin-
quante-six ans , a laissé des Com-
mentaires , en latin , sur quelques
livres de la Bible, Séville , 1622 ,
ia-fol., et une Dissertation en espa-
QUI
465
gnol , contre les écrivains qui affec-
tent de se servir d'expressions an-
ciennes et inusitées. C'est par qui-
proquo que l'abbé Declaustre ( Tables
du Journ. des sa\>. , viii , 286 ) lui
attribue la relation de la découverte
des Terres Australes , en i6o5, insé-
rée à la suite des voyagtsdeFr.Coréal.
— Hyacinthe -Bernard de Quiros,
dominicain espagnol , portait dans
son ordre les noms d'Augustin-Tho-
mas. Après avoir enseigné la théo-
logie et le droit canonique à Rome ,
il apostasia , et se rendit à Berne, où
il obtint une chaire d'histoire ecclé-
siastique à l'université de Lausanne.
Il y mourut , d'apoplexie , le 6 no-
vembre 1758: sa bibliothèque a été
donnée à ette université , par ordre
de la république de Berne. Ou con-
naît de lui une Histoire de l'Eglise,
en allemand , Lausanne , 1^56 , in-
fo!., et quelques Dissertations aca-
démiques, en latin. Sa Vie se trouve
dans la collection de Simler , tom.
Il , pag. 35g - 64. f^oj-, la Gazette
littéraire dç^Gottingue, i']5ç), page
448. W— s.
R
RaBAN-MAUR , appelé quelque-
fois en latin Hrahanus Magnentius,
le plus laborieux et le plus fécond
écrivain de son siècle , naquit vers
«j^ô, à Ma'ience , de parents nobles.
Il fut consacré à Dieu , dès l'àgc de
dix ans , dans l'abbaye de Fulde, où
il fit ses premières études; et il se
rendit ensuite à Tours , pour s'y per-
fectionner, sous la direction d'Al-
cuin ( P^. ce nom ), dans la connais-
sance des arts libéraux et des saintes
lettres. Sa douceur et son applica-
XXXVI.
tion lui méritèrent l'amitié d'Alcuin,
qui lui donna le surnom de Maur.
Après une absence de deux ans , il
revint à l'abbaye de Fulde , et fut
chargé d'y enseigner la grammai-
re et la rhétorique. Malgré les soins
que réclamaient ses élèves , Raban
trouva le loisir de composer quel-
ques ouvrages qui le firent con-
naître , et de cultiver l'amitié des sa-
vants de France et d'Allemagne. Or-
donné prêtre, au mois de décembre
Si 4, il fut placé, vers le même
3o
466
RAB
temps , à la tète de l'ccolc que ses
talents avaient illustrée. IMais l'abbc
Ratgar , interprétant iniil la rè|;lc de
saint Benoit, lui reprocha bientôt
de perilrea l'élude ini temps qu'il
devait consacrera la prière , le jiriva
de ses livres et dispersa ses élèves.
Raban parvint à se soustraire au
zèle inconsidéré de son albc ; et
l'on con)ecture que ce fut à cette
époque qu'il Gt un voyaj;e en la Pa-
lestine, pour visiter les lieux saints.
L'empereur avant exile Rat^ar pour
rendre la paix à l'ijbbave de Fulde ,
Raban vint y rej)retidre ses leçons
publi<(iies et ses autres exercices lit-
téraires. H en tut élu abbë, en 87.2 ,
après la mort de saint Hgil , et mit
tous ses soins à y l'aire fleurir la dis-
cipline et les lettres. C'est pendant
son administration, que l'abbaye de
Fuldc ac(piit une juste rcpulaîion,
ijui la rendit lon;;-teinps comme la
pépinière des prélats de l'Allemaf^ne,
et la plus célèbre école de cette par-
tie de l'Europe. Pei sonne , avant lui,
n'avait encore enseigne' la lanpne
i;recquccn Allemagne. Haban sccon-
dui^it avec sagesse dans les démê-
les de Louis-le-Debonnairc avec ses
enfants ; et il n'épargna ni soins, ni
démarches pour faire cesser une
lutte dont le moindre mal était l'af-
f.ublisseraeut du respect pour l'auto-
rité souveraine ,' foj. Louis le Dé-
bonnaire , XXV , 90 , et Rad-
BERT ). L'empereur et ses fils lui
témoignèrent à l'envi leur recon-
naissance, par la cession de nou-
velles terres dont il dota plusieurs
maisons naissantes, entre autres la
célèbre abbaye d'Hirsaiige ( V. Tbi-
TUEiM},dont on le regarde comme le
fondateur. Raban sedemitde sachar-
geen842, pourserelirerdans la soli-
tude du IVlont-Saiiit-Pierre , oîx il se
proposait de consacrer le reste de ses
RAB
jours à la prière et à l'élude ; mnh
il en fiK tiré , cinq ans après , ])Our
occuper le siège épiscopai de IMa'icn-
ce. 11 déplova beaucoup de zèle dans
le gouvernement de son diocèse ,
tint plusieurs synodes pour reniéviier
aux abus (jui s'étaient glissés jusque
dans les cloîtres , et fit de sages rè-
glements pour en prévenir le retour.
l\Iais l'histoire lui reproche , avec
raison , son excessive sévérité , à l'é-
gard de CiOtescalc , dont les senti-
ments ne méritaient point la quali-
fication odieuse d'héreli(|ue, et qu'a-
près a voir fa il condamner, il nnvoya
devant Hiucniar , son juge naturel ,
en le traitant de vagabond ( f. Go-
TESCALC , XVI II , i53 ). Une fa-
mine qui désola son diocèse , en
85o , fournit à Raban l'occasion
d'exercer son immense charité pour
les pauvres : il leur fit distribuer la
plus granile partie de ses levcnus ,
et eu nourrit, à sa propre table, jus-
qu'à trois cents par jour. Raban pré-
sida le concile assemblé à IMa'ience,
en 85,i , par le roi liOiiis - le - Ger-
manique ; et il assista , l'année sui-
vante, à celui de Francfort. Ce digne
prélat mourut à Winfeld , le 4 fc-
vrier 85G , el fut inhumé dans l'ab •
baye de Saint-Albert , s<uis une tom-
be décorée d'une épitaphe qu'il s'é-
tait composée, et qui coiilieiil l'a-
brégé de sa vie. Le nom de Raban
se trouve inscrit dans quchpies ca-
lendriers; mais rLgliseneluia j)oint
décerné de culte public. On a de lui
un grand nombre à' Opuscules , qui
ont été recueillis à Cologne, 16^7 , 6
tom. eu 3 vol. in-fol. ; et le P. En-
hueber, prieur de Saint Emeran ( à
Ratisbone) , en préparait , en 1 --SS,
une édition plus complèle,(|uin'a pas
vu le jour. Celle de Cologne contient
quarante - quatre ouvrages , dont
vingt-sept paraissaient pour la pre-
RAB
raicre fois : elle est précédée de deux
Vies de Raban, l'iiDe par Ihidolfe ,
son disciple, et l'autre par Trith'eirn :
elles ont été insérées depuis, avec une
savante préface de God. Henschen ,
dans les Acta sanctoriim ( tome i*^'".
de février ). Les éditeurs y ont fait
entrer plusieurs Opuscules qui ne
sont pas de Raban ; mais ils en ont
otais un bien plus grand nombre
dont le pieux arclievcque delMaïeuce
est évidemment l'auteur. Parmi les
ouvrages compris dans la collection
qiiel'onvientdeciterjOndistinguc : I.
tlnExtraitde la Grammaire de'Pris-
cien ( F. ce nom ). II. Un Traité de
V Univers , en vingt-deux livres : on y
trouve l'explication et la définition
des noms - propres et d'un grand
nombre de mots employés danr, la
Bible, Freytag ( Analecta , p. -ySb)
en cite une ancienne édition , sans
date, in -fol. , de i66 f . , dont la
Bibliotheca Portensis possédait un
superbe exemplaire, oii la lettre
initiale de la dédicace à Lonis le dé-
bonnaire offrait le portrait de Ra-
ban. m. Un Trtilé des louanges
de la Croix , en de>ix livres ; c'est un
Recueil d'acrostiches tétragones ,
composées de trente-cinq vers, et
cLaque vers de trente-cinq lettres ,
formant des figures mystiques de la
croix , avec des explications en prose
( F. les Jnnisem. philol. de M. Pei-
gnot, pag. 17 ). Cet ouvrage, qui n'a
d'autre mérite que celui de la diffi-
culté vaincue, a joui d'une grande
réputation dans le siècle qui l'a vu
naître ; mais toutes ces puérilités
dont les poètes de la décadence de
l'Empire avalent donne- l'extravagant
exemple ( Forez Optatien ) , sont
maintenant appréciées à leur jus-
te valeur. L'ouvrage de Raban
a été imprimé séparément à Pfortz-
heim , par Th. Aushelm , en i5oi ,
RAB
467
in-fol , et à Augsbourg , par les soins
de Marc Velser , en i6o5, in-fol.
Ces deux éditions sont encore re-
cherchées par quelques curieux ;
mais ils préfèrent la première ,
comme la pins rare. IV. Des Com-
mentaires sur presque tous les li-
vres de la Bible, tirés des Saints
Pères. V. Un Homiliairc , ou Recueil
d'Homélies. VI. Un Recueil d'Allé-
gories sur la Bible. VU. Un Traité
de l'institution des Clercs , et des
cérémonies de V Eglise ,- c'est le plus
utile et le plus intéressant des ouvra-
ges de Raban ; il a eu plusieurs édi-
tions dans le seizième siècle , et il a
été inséré dans la Bibliothèque des
Pères, VITL Un Martyrologe , pu-
blié par Canisius dans le tome vi
des Antiquce lectiones ( F. Canîsius,
VII , 29 ). IX. Des Poésies ; ce
sont des hymnes parmi lesquelles ou
doit distinguer celle que l'Eglise em-
ploie dans les cérémonies les plus
imposantes , et qui commence par
le vers : Feni Creator Splritus ; des
Epita plies , des Inscriptions , des
Elégies, etc. : elles ont été publiées
par le P. Brower, avec des notes à
la suite des OEuvres de Fortunat ,
Maïence, i6ti7 , in -4*^. H-Dein-
ventione linguarum ab hebrœd us-
que ad theotiscam , et notis anti-
quis ; cet Opuscule a été inséré par
Goldast , dans le tome 11 des Berum
Alemanicanim scriptores , avec les
Alphabets hébreux , grecs , latins ,
Scythes et tudesques , recueillis par
Raban. On ne trouve pas , dans l'édi-
tion des OEuvres de ce prélat, un
Traité des vices et des vertus , pu-
blié par Wolfgang Lazius , Anvers ,
i56o, in-S**. , dans un Recueil de
veter. Ecclesiœ ritibus; et depuis on
a découvert de nouveaux Opuscules
de Raban, entre autres, àes Lettres
publiées par Baluze , le P. Sirmond ,
3o..
468 RAB
D. Mabillon , etc. ; un Traité sur di-
verses questions tirces de l'Ancien et
du Nouveau Testament , publie par
D. Martènc , dans le tome v du Tlte-
saiir. noi'. anecdotorum ; et le Com-
mentaire sur le livre de Josiié, insère
dans le tome ix de VAmpUssima
collectio; un Traité sur la Pa'-sion,
public par D. Bernard Pez , dans le
Thesaur. anecdotor. nwissim., \omG
IV , etc. Enfin on conserve en ma-
nuscrit dans les bibliothèques de
Vienne et de Munich , un Glossaire
théotisque de Raban , sur tous les
livres de l'Ancien et du Nouveau
Testament, dont I>ambecius promet-
tait la publication. Diccman en a
donne' la description sous ce titre :
Spécimen glossarii mnnusrripti la-
tino-theotisci quod Hhabano Mauro
inscribilur , Brème , !■;•.» i , '\n-\°.
On en trouve des fraj^ments dans
Yjc\<\\SiT\.{Francia oriental. \\. 3u(î,
95o), Laraber ( Comm. L. ii. 4iG-
42'i , etc. ) , Denis ( Codices Mss.
tom I ), etc. Outre les auteurs cites
dans le cours de cet article, on peut
consulter , pour de pins piands dc-
t:\i\s, Vl/istoire littéraire de France
( par dom Rivet), tom. v, pap.
i5i-ao3; la dissertation de J. F.
Biiddœus , De ritd ac doctrind Ba-
bani, lena , iyi\, '"-4"-; et les
Annal, litter. y Helmstadl , 1782,
i,28(). W— s.
RABAUT DE SAINT ETIENNE
( Jean-Paul ) , ne' à Nîmes , en avril
1743, était avant la révolution , avo-
cat et ministre de la relij;ion réfor-
mc'e , et l'un des hommes les plus
zclc's de sa communion ( i ). Élève de
(i) LafamiUr dr Habaul était unrdr-s plusnrdeDtn
du parti protr!>t.>Dt. PhuJ liabaiit , m>ii pire, iif eo » 7 1 8 ,
liomme aVinc coxicjitiuij obscur<',rnai«dc-iriiri.- do iMe
pour la croyiiucr à^us laqm Ile il avait ••té nourri,
cliercliait partout à lui faire des prusélvto ou à iur-
tiEer dans leur foi ceux de ses frères que des raisOBS
cpielroDqut-s auraient pu y faire renoncer. Non con-
tent d'ev angclJscr dans les familles, il s'introduisait
RAB
Court de Gebelin, il cultiva les bel-
les - lettres avec succès , et avait
même commence' un Poème épique
sur Charles-Martel: enfin, il avait
tous les moyens de se faire un nom
dans cette terrible crise politique
qui devait bieniùt e'pouvanter le
monde ; et il en avait adopté les
]>riiicipes , avant même qu'elle eut *
éclaté. Ce n'était pas seulement des
réformes qu'il desirait : comme
quehpies-uns de ceux qui , une fois
lancés dans l'arène , le dépassèrent
de beaucoup , il déclarait (ju'iinc
décomposition totale de l'état et du
gouvernement était nécessaire. «Tous
les établissements anciens nuisent au
peuple, disait il ; il faut donner aux
esprits une autre direction, changer
les idées, détruire les usages, re-
nouveler les hommes et les choses ,
eiilin tout recomposer. » Tel est l'cf-
fravant système qu'on trouve dans
ses écrits. On sait comment l'on s'y
prit pour le réaliser : il faut dire
cependant que Rabaut eût reculé de-
vant les forfaits dont un si grand
nombre de révolutionnaires se ren-
dirent coupable. (Juand sa fougue fut
calmée, il déplora sa haute extrava-
gance ; mais il n'était plus temps:
un mur d'airain s'était élevé der-
rière lui ; et le goufT're , dont il
avait élargi la profondeur , devait
d;ii>ïlf's priioUN, p»)Ur <-.it<*( liisi-r Irs rirlï-iiiiH , ;ui ris-
que d'i'niiMirir Ir» peims lis plus graves purtt'es con-
tie les auteurs de ce> hortes di* prédit ;itMjii.s. Son
éloquenre inculte et sauvage produisait sur le vul-
gaire UD tri'>-:;raiideirel. Siuii troisiiiiie IIU , Rahaut-
lliipiiis, )>ro.iril comme frdéraliile npres le .li
ruai , ayant pris le ]»ai ti de se laclier , fut ]iort<f
sur la lis'.e den eiui);res : et Paul Raliaut arrêté com-
me père d'émigré, suliit sous le régime delà tih^rtê ,
une incarcération à laquelle il avait toujours écha^
pc dans le temps où il jin-chail au désert avec
une publicité que les loi* défendaient sons peine de
mort depuis Louis XIV. Perrin (des Vosges) lui ren-
dit la liliei té apri s le i) thermidor ; mais il eu jouit
|>eu de temps, étant luort le 4 vendémiaire an III
( 21 seji. I -9^ j. M. J. P. de N. , ( Pons de Nimes )
a donné sur lui une Notice à la suite de ses Ré-
flexions pliiii>supliiques et poliU cur la tuleraoce re-
ligicuso, Paris, 1808, io-S».
IIAB
bientôt le d^orer lui-mêrac. Rabaut
commença sa carrière politique par
la défense de ses coreligionnaires ;
entreprise honorable, sans doute,
quoiqu'il soit vrai de dire qu'alors
les protestants n'étaient point tyran-
nises , comme on l'a prétendu. Sur
la fin du règne de Louis XV, la sé-
vérité des mesures ordonnées contre
eux par les édits de Louis XIV avait
cessé ; on était tombé d'accord de ne
plus les mettre à exécution : mais
comme ils n'étaient point légalement
abrogés , les religionnaires crurent
qu'un ministre rigoureux pouvait
les faire revivre ; et, de concert avec
leurs nombreux amis , ils résolurent
de faire constituer en droit ce qui
n'était encore qu'une tolérance. Ra-
baut vint à Paris , où le parli philo-
sophique et le ministère même cou-
vraient le protestantisme d'une pro-
tection qui n'était plus déguisée:
ils obtinrent de Louis XVI , en
1788 , l'exercice des droits civils , à
l'égal des sujets catholiques ; inelFa-
ble bienfait dont on devait savoir si
peu de gré à ce malheureux prince.
Rabaut , qui avait montré beaucoup
d'activité dans cette négociation, ac-
quit dès-lors une grande importance:
c'était un homme d'esprit, qui, soit par
conviction , soit pour se conformer
au caractère général de cette époque,
imprimait fortement à toutes ses
productions le cachet delà philoso-
phie moderne. On remarqua surtout
un ouvrage de sa composition sur
l'histoire primitive de la Grèce ,
adressé, en forme de lettres, à l'aca-
démicien Bailly. Cet écrit, maintenant
oublié , eut un grand succès , et ne
contribua pas peu à fixer sur l'au-
teur l'attention du public. On fit va-
loir les services qu'il avait rendus
aux protestants , et ses talents, com-
me littérateur; il fut convenu que
RAB
46y
le tiers-elat ne pouvait avoit un plus
habile délégué : Rabaut fut donc dé-
signé aux électeurs de la sénéchaus-
sée de sa ville natale, qui le nommè-
rent leur député aux états-généraux,
où il arriva jnécédé d'une réputation
vraiment colossale. Ses amis voulu-
rent même l'élever au-dessus du fa-
meux Mirabeau {'i). La hai'dicsse de
ses opinions, si favorables aux pro-
jets des novateurs , motivait cette
préférence ; IMirabeau appartenait à
la noblesse qu'on voulait détruire ,
et Rabaut à la classe moyenne, qu'on
voulait porter à son niveau : celui-ci
était d'ailleurs l'un des chefs d'une
secte religieuse, dont on avait inten-
tion de se servir pour réaliser contre
la religion romaine les projets avoués
du parli philosophique. Rabaut en-
tra donc l'un des premiers en lice
dans les débats révolutionnaires : ou
le vit sur la brèche , aussitôt que les
états-généraux ouvrirent leurs séan-
ces. La première question agitée fut
celle de savoir si les pouvoirs des dé-
putés des trois ordres seraient vérifiés
particulièrement dans chaque cham-
bre , ou si l'opération aurait lieu dans
la salle commune , et serait soumise
à leur contrôle réciproque. Les états
avaient été ouverts le 5 mai 1 789 ; le
6, la noblesse s'occupa de cette véri-
fication , la termina dans une seule
séance, et se constitua encorpsdéli-
bérant. Le clergé s'occupa aussi de
cette vérification , et y mit deux
jours, mais ne se constitua point : il
voulut attendre quel parti prendrait
le gouvernement du roi dans cette
circonstance difficile. Quant au tiers-
état , il resta systématiquement dans
l'inertie j ses membres soutinrent
généralement que les pouvoirs des
[7) Jouant sur les noms de ces deux persouuages ,
on disait que le déouté de Provence u'ctait qu'iiu
470 RAB
trois ordres ne devaient être vérifies
au'en commun : Rabaut fut un des
ae'putés du tiers qui défendirent ce
système avec le pins de constance ;
il s'accordait parfaitement avec le
projet de soumettre la monarchie à
une régénération complète. Pour
commencer l'épuration , il fallait d'a-
bord détruire les trois ordres : ce-
pendant il fut convenu qu'ils nom-
meraient des commissaires pour dis-
cuter cette question , et examiner si ,
au moyen de quelques concessions ,
il serait possible de s'entendre. Ra-
baut fut le premier desij;nc par le
tiers-etat, qui lui adjoignit quatorze
de ses collègues. La rédaction des
pouvoirs de cette commission , ré-
daction à laquelle le députe de Mî-
mes eut la plus grande part , portait
a qu'il était permis aux. persotines
» nommées par leurs collègues , prc-
» sûmes depiite's des communes (3),
» de conférer avec les commissaires
» nommes par MM. les eccle>iasli-
» ques et MM. les noliles, sans pou-
» voir jamais se départir de l'opinion
» par tète, et de l'indivisibilité des
» ëtats-généraux. r> Les termes seuls
de cette délibération prouvent qu'imc
grande révolution était d'avance pro-
jetée.La destruction des anciens étals-
généraux était clairement annoncée ,
et lebouleverseraeut allait commcn-
cer.Les conférences, qui ne pouvaient
être qu'inutiles , furent ouvertes le 23
mai, et tour-à-tour suspendues et
reprises , sans autre résr.ltat qu'un
peu plus d'aigreur et d'irritation des
esprits, non seulement dans l'arsem-
hlée, mais dans tout le royaume,
Rsbaut , et son collègue Chapelier ,
(3V La n, blesse ne -voulait n.-is recounaUre crite
<lcDoiuîtiatîou de communes ,
<{U
L-lle
1 d:ut .
>ne un des ]iremiers pas dau^ la carrière d ■ la rtvo-
lutioD. Ou disputa beaucoup sur te mol; le» com-
missaires du tier5-«tat ne voulurent jauiais Ven de •
purlir.
RAB
son rival en re'putation et en talents
politiques ( /'. Chapelier ), furent
ceux des commissaires du tiers , qui
prirent le plus de part à ces débats.
Pendant le reste de l'année 1789,
Rabaut fut un des députés qui ]iaru-
rent le plus souvent à la tribune.
Lorsque le tiers , ne pouvant faire
entrer les deux premiers ordres dans
ses vues , résolut de se constituer
législateur, sans leur interveniion ,
Rabaut proposa de déclarer que l'or-
dre se constituait en assemblée légi-
time des représentants de la natiujt,
agissant au nom de la majeure par-
tie ; c'est-à-dire, s'attribuait les droits
jusqu'alors reconnus du clorgc et de
la noblesse. Ce titre parut trop long ,
obscur et cquivo(|uc : il fut rejeté ,
ainsi qu'un projet d'emprunt, que
Rabaut voulut faire passer; propo-
sition , en effet, assez mal imagi-
née dans une telle circonstance. Les
nouveaux constituants prirent la de-
nomination ce Assemblée nationale ,
proposée par un député du Ben i ,
nommé Legrand. Dans la fameuse
nuit du 4 aoîit, Rabaut fit supprimer
quelques privilèges résultant de la
féodalité , entre autres celui d'avoir
exclusivement des colombiers. Lors-
qu'il fut question de publier une dé-
claration des droits, il s'occupa beau-
coup de celte matière , et jiroposa
de mettre en délibération le projet
présenté par l'abbé Sieyes , qui é-
tait alors le principal oracle du
parti révolutionnaire ; mais les inté-
rêts du protestantisme étaient ceux
qui touchaient plus particulière-
ment Rabaut, dans une telle dis-
cussion : il s'agissait , en fixant une
égalité des droits, tant en maliire
religieuse que civile, de faire arriver
la religion réformée sur le même
terrain que la religion catholique.
Les évêques, et une grande partie des
lUB
autres ecclésiastiques, voulaient con-
server au culte catholique une prée'-
mineuce qu'on n'avait pas encore
ose' lui contester : ils déclarèrent que
le rabaisser au niveau des autres
croyances , c'était saper les bases
de la monarchie , et décomposer l'é-
tat social lui-même. Rabaut préten-
dit , au contraire , que l'égalité des
cultes religieux était une suite et une
conséquence nécessaires de tous les
autres droits , et que cet avantage ne
pouvait être refusé aux sujets d'un
même état. Ce fut le 23 août, qu'il
plaida cette cause avec la plus grande
chaleur: il la gagna, malgré les ef-
forts de ses adversaires, et fut uni-
versellement applaudi par ses core-
ligionnaires et tout le parti philoso-
phique. Le Moniteur n'existait pas
alors : la plupart des écrits , dont les
matériaux sur la révolution out été
pris dans ce journal, ont très-peu
parlé de cette discussion , qui fut
cependant d'un grand intérêt, et l'une
des plus remarquables de cette pre-
mière époque. Après la dissolution
du comité de constitution , qui avait
proposé les deux chambres, dont
la majorité de l'assemblée ne vou-
lut pas entendre parler . Rabaut fut
nommé membre de celui qui succéda ,
et eu devint l'organe dans plusieurs
questions majeures , notamment
celle de savoir comment seraient
composées les législatures suivan-
tes , quels seraient leurs droits et
la duitie de leurs sessions. Lorsque
son rapport sur la composition des
législations fut soumis à la discus-
sion générale, les partisans du systè-
me des deux chambres tentèrent de
nouveaux efforts pour le faire adop-
ter; Rabaut les combattit avec la plus
constante opiniâtreté : il soutint que
l'assemblée , à qui il attribua le droit
exclusif du législateur^ devait être
RAB
47'
une , indivisible et permanente ,
c'est-à-dire continuellement réunie,
sans que le roi eût le pouvoir de la
dissoudre , ni même d'arrêter le
cours de ses délibérations. Rabaut
parvint à son but ; et une grande
majorité rejeta de nouveau les deux
chambres. Il est bon de remarquer
que l'unité du corps législateur fut
décrétée par une pluralité formée
des députés de l'extrême droite et
de l'extrême gauche de l'assemblée
constituante : on a aussi très-peu
parlé de cette délibération si remar-
quable , et considérée depuis comme
la cause des événements les plus fu-
nestes (4). Quelques députés , ne trou-
vant pas de raisons convaincantes
pour faire croire que cette unité
était la meilleure des conceptions
possibles , s'écrièrent de leurs pla-
ces : Un seul Vieu^ un seul roi ^
une seule assemblée ! on applaudit
à droite, à gauche, et dans les ga-
leries publiques. On alla aux voix,
et le décret fut plutôt emporté que
rendu : on l'avait d'ailleurs fait
préalablement appuyer par les ré-
volutionnaires du Palais Royal. Cet-
te question était discutée concur-
remment avec celle de savoir quelle
serait la nature du veto du roi sur
les décrets du corps législateur ; Ra-
baut et les autres députés , qui vou-
laient consacrer l'unité qu'ils crai-
gnaient de voir repousser par le roi ,
demandaient l'ajournement de toute
(4) L'unité de l'assemblée était le système que
Louis XVI craiguait le j'Ius de voir établir; voici ce
qu'on tiouve sur ce sujet dansles Mémoires de Nec-
l;er , qui, à celle éjuque, était le dépositaire des
ojiiniuiis du monarque. « Le i ui , dit ce irnuistre ,
« uc ])rétendait pas soustraire à l'examen des elats-
« généraux, Texamen des défauts inhérents à leur
» vieille coraposition : setilemeut, il ecnitait avec
)ï vigueur les idées naissantes sur la constitution de
>i ces états en une seule assenibbe; et il déclarait
>i d'une manière positive, qu'il lefuserait soi; assen-
» liment à toute espèce il'orgauisatlon législative
>■ qui ne serait pas composée au moins dû t/enAj
>' chambres. ...»
47'-»
RAB
délibération sur ce veto , jus'in'à
ce (jue l'iiuité et la pcrniancnre de
rassemblée lussent arrêtées et recon-
nues. Pendant que tontes ces ques-
tions s'agitaient, les insurrections,
dont on vient de parler, s'or;:;ani-
saient au Palais Royal , et les insur-
jîés se préparaient à marcher sur
Versailles , pour pendre les parti-
sans des deux chambres et du veto
( r. Saint-Huruge ). R.ihaut re-
jeta le l'eto absolu , dont Mirabeau
avait fait sentir la nécessité dans
un de ses plus importants discours ;
et il vota pour le l'eto suspensif: il
parla longtemps sur cette matière,
toujours jaloux d'aflaiblir l'auto-
rité du roi , ou plutôt de la rendre
tout-à-fait nulle. Il discuta aussi le
nouveau système des municipalités
et des assemblées des provinces ,
cherchant à les soustraire au pou-
Toir monarchique. A la fin de la
même année, il proposa , pour évi-
ter les riv.-ilités et le mécontciife-
ment , de faire alterner le siège des
administrations supérieures entre
les principales villes de chaque dé-
jiarteraent. Cette ridicule motion
lut rejetée. Voilà à-peu-près tout ce
que la vie politique de Rab.iut of-
fre de remarquable pendant les
huit derniers mois de l'année 1789.
Depuis cette époque, le grand cré-
dit politique qu'il avait eu dans l'as-
semblée et au dehors, baissa sen-
siblement : plusieurs députés, aux-
quels on avait d'abord prêté assez
peu d'attention , le dépassèrent dans
l'opinion , et planèrent au - dessus
de lui. En 1 -rjo , il parut beaucoup
moins à la tribune. Le 7 mars, il
parla sur les finances , et n'ubtint
aucun décret sur cette matière. Le
1 5 , il fut nomme président ; puis il
s'occupa , dans le cours de l'année ,
de ^org,^nisatiou des gardes natio-
RAB
nales: il vonhit que ceux qui étaient
entrés dans les bataillons lors des
premiers troubles , continuassent
d'en faire partie, quoiqu'ils ne payas-
sent pas les impositions etigces pour
être citoyens actifs. Il plaida la cau-
se des écrivains , même incendiai-
res , et dem.'inda que, lorsqu'il fau-
drait absolument les poursuivre, ils
fussent traduits devant des jures,
}>our ne pas cire exposés , disait-il ,
a l'inqiusition de la pensée. Il paraît
que déjà l'on avait des vues sur les
provinces Belgiques : Rabaut cita
deux lettres qui lui étaient adressées
de ce pays, et dans lesquelles il était
question de son indépendance ; c'est-
à-dire qu'on formait des projets pour
\m système qui ne tarda pas a se réa-
liser. Le travail le plus important
de Rabaut , pendant l'année '7<)o,
fut l'organisation de la gendarmerie,
qui fut substituée à l'ancienne maré-
chaussée : il la mit absolument dans
la d('pendance des nouvelles autori-
tés qui , étant toutes formées d'après
un système démocratiipic , devin-
rent bientôt des instruments de per-
sécution , que la nouvelle gendarme-
rie servit à souhait, pendant tout
le cours de la révolution fO). En
i-Qi , les assignats avant fait dis-
paraître de la circulation toutes les
espèces métalliques, Rabaut propo-
sa de créer les assignats de cinq li-
vres, et demanda qu'il en iiit émis
pour cinquante millions. Pendant le
reste de l'année, il ne parut à la
tribune qr.e pour parler de la réunion
du comiat d'Avignon à la France:
il soutint ijne cette réunion , qui
avait été rcjelée dans tuie première
(5) lAirs de la calastmplic dii lo août l'f)', le
fjouverucmeiit du roi voulut employer ce corps dan-
gereiii. Loiu de défendre le po^te qu'on li:i avait
confie , il ue %'it pas plutôt paraître la tête de la CO'
loiinc des insurges , qu'il se ri unit à eux , et se mit
.'1 sabrer les Suisses ctlea antres défeosears du roi.
RAB
délibération ( F. Menou, XXVIïI ,
3i7 ) , ne pre')iic;eait rien quant aux
droits que la France avait sur ce
pays. On a remarqué qu'il resta muet
lors des événements du Cliamp-de-
Mars , et delà proposition de Pétion
etdcrabbéGrégoire,de mettre Louis
XVI en jugement. Le députe de Nî-
mes était certainement un républi-
cain très-prononcé ; mais il n'était
ni atroce , ni inconséquent, comme
les sept à huit révolutionnaires de
rassemblée qui demandaient ce jii-
l^ement inconcevable : il ne pouvait
imaginer comment on avait l'impu-
dence de violer , dans sa base prin-
cipale , une constitution à peine
formée , au moment même où l'on
allait la mettre eu activité. Après la
session de l'assemblée constituante,
il publia un Précis de l'histoire de
la révolution jusqu'à cette époque.
Cet ouvrage, continue par M. La-
cretelle le jeune , contient quelques
détails curieux, qu'il faut cependant
lire avec circonspection : on regret-
te que l'auteur, qui était revenu à de
meilleurs principes, y laisse encore
percer sa mauvaise humeur contre
les ministres de la religion catholi-
que : il ne pre'voyaitpas, sans doute,
qu'un tel concours d'attaques et de
dénonciations provoquait contre ces
malheureux ecclésiastiques, les épou-
vantables proscriptions dont un si
grand nombre d'entre eux furent
bientôt les victimes. Rabaut fut dé-
pute' à la Convention parle départe-
ment de l'Aube : c'est ici que sa con-
duite mérite des éloges. Le a8 sep-
tembre , il combattit, de toutes ses
facultés, les énergumènes qui vou-
laient que la Convention jugeât le
roi : il rappela les principes qui
avaient établi l'inviolabilité person-
nelle du monarque , et soutint qu'une
assemblée législative ne pouvait être
RAÎÎ 473
transformée en cour judiciaire ; il
ajouta que, si l'on voulait entrepren-
dre un pareil procès , les tribunaux
seuls devaient en connaître , et qu'au
surplus , il devait être confirmé par
le peuple. « Je suis las de ma por-
)) tion de despotisme , ( s'écria-t il,
au milieu des huées des conven-
tionnels qui siégeaient à gauche); et
» je soupire après l'instant où un
» tribunal national nous fera perdre
» la forme et la contenance de ty-
» rans. » Rabaut appuya son opi-
nion par des arguments pris dans
la révolution d'Angleterre; et il éta-
blit que la mort de Charles I*^''. avait
amené la don)ination de Cromwell ,
qu'avait suivi le rétablissement de la
royauté. On sait qu'il y euî dans ce
procès quatre appels nominaux. Sur
la première question, Rabaud répon-
dit que l'accusé était coupable , opi-
nion qui provoquait une peine quel-
conque. Cependant, suivant ses prin-
cipes constitutionnels , cette peine
pouvait être infligée au roi qu'il avait
reconnu inviolable (6). Tl vota ensui-
te pour l'appel au peuple, pour la
détention jusqu'à la paix , et en fa-
veur du sursis. Jusiju'à la révolution
du 3i mai, le parti connu sous la
dénomination de Girondin , dont
Rabaut faisait partie , eut la majori-
té, et il le fit nommer président après
le ju.^^ement du roi , qui fut prononce
sous la présidence et par l'organe de
Vcrgniaux ( V. ce nom). Rabaut fut
désigné au m ois de mars, pour surveil-
ler les opérations dutiibunal révolu-
tionnaire , dont le parti de la Giron-
de voulait modérer la violence. Alors-
les révolutionnaires de Paris prépa-
raient les mesures les plus atroces ^
sous la direction delà commune, eE
(6) Sept à huit députes seulement ne voulureuii
]ioiiit voter sur celte question! tyua les autres décla -
rcieut la culpdbilité»
474 RAB
du pniti de la Convention , dit de
la Montagne ; il s'agissait d'assassi-
ner tous ceux de leurs adversaires
qu'ils pourraient saisir, et surtout
lesdcputés Girondins. Ceux-ci turent
instruits du projet , et l'armèrent
une commission composée de douze
d'entre eux , pour en reclicrclier les
auteurs. Kabaut fut membre de cette
commission, qui fit arrèler Hébert ,
substitut du procureur de la commu-
ne, qu'on supposait un des princi-
jiaux agents du complot. Aussitôt
que l'arrestation fut annoncée , la
commune atlro\ipa tous les jaco-
l)ins de Paris : ils viiucnt entou-
rer la Convention , eUrayant ras-
semblée et le public par leurs épou-
vantables cris. Dans ce moment ,
liabaut cl'.argèdu rapport delà com-
mission, était a la tribune, et le par-
ti montagnard le couvrait de buc'es.
Les habitues des tribunes p\ibliques
et les révolutionnaires du dehors fai-
saiint ccho : il fut impossible de
l'entendre. Les menaces d'assassi-
nat retentissaient à ses oreilles: la
majorité de la Convention, n'étant
plus reconnue , n'avait |dus les
moyens de se faire obéir. Raiiaut,
réduit au silence, donna sa démis-
sion de membre de la commission ;
et ses collègues suivirent sou exem-
ple. Le parti Girondin dut alors se
coasidérer comme perdu. La révo-
lution du 3i mai s'opéra :K.ibautfut
mis en arrestation chez lui , le u juin
1793 ; mais il s'évada , et se réfugia
dans les environs de Versailles. Mis
Lors la loi le .48 juillet, il revint à
Paris, cil il trouva un asile avec
Rabaut-Poraicr son frère, dans une
maison du faubourg Poissonnière
(7); une indiscrétion (it découvrir
(7 Cbex M. et .M"»». Prtviac , cutholiiiuet cou-
ragruz , auxquels il avait pu occabion de rcDtIre
M-rvice , et que cet acte de dévouement couduiMt à
l'écLâlàud la tt déœuibre.
RAB
leur retraite (8), et , comme il était
hors de la loi, il fut livréàFouquier-
ïainvillc, qui le fit cxéculcr le 5 dé-
cembre 1793. Il avait été découvert
le 4- Telle fut la fin de l'un dos hom-
mes qui eurent le [(lusd'influeiicesur
les premiers événements de la ré-
volution. Outre les Lettres à Bailly
sur l'histoire priinilii>e de lu Grèce^
Paris, 1787 , in-S". , et le Précis
sur la révolution de France , Rabaut
a publié : I. Le vieux Cévenol , ou
Anecdotes de la vie d' Amhroise
horely , mort à I^ondres , à Vdge
de io3 rt/Ji", Londres, i':84, in 8**.
Ce roman , qui n'est qu'une censure
des édils portés contre les protes-
tants depuis i(i8j, et une apologie
des fauatiijues des Céveimes ( f^ny.
Cavalier ) , fut publié comme tra-
duit de l'anglais d'un prétendu W.
Jcslerman. Une première édition ,
donnée à Londres , en 1779, est in-
titulée : Triomphe de l'intolérance^
OH Anecdotes, c[c. Uneautre édition,
sous la rubrique d'Augsbourg, Van
du rappel, a pour titre : Justice et
nécessité d'assurer en France un
état légal aux protestants ;\\\\c réim-
pression donnée par 1\I. Boissy d'An-
glas, est ornée de son portrait et
de celui de Rabaut (9). IL A la
(8) I'ul>rr-il'Ej;lautiuc ayant voulu faire pratiquer
cbi'z lui une raclutle , lit i>|>pel<T un meinii»ier, qui ,
jiour lui donner une preuve de son adresse en ce
Uenre , lui dit qu'il en avait ercruto , elle/. M.
l'ayiac, une qu'il «lait Inen .s<irqni'rr>u ne soupçon •
nerait jamais, l'abre alla le iiièiue jour la dénoncer.
(p) Celte édition , iu-i8, est de 1811 , et on
trouve dans le même volume un f/ti'iimnge (de
Bal.aut ) à la métnniie lU M. l'it'e</iir lU Nîmes (M.
IJecdeli" vre ) , opuscule daus leqtiel Laharpc , qui
en avait lu le manuscrit , reconnaissait la véii-
tiihU èloijiienci; , r.elU de l'aine el dn ier.limettl.
i'.e volume forme le j". tome des OEvres de lia
haiit'Saint-Kiienne ; le secoud, imprimé la même an-
née , se compose du Précis de l'histoîre ite la lèvo-
Itilion fiuiitiiise (Assemblée constituant,), pré-
cédé dès Ciinsidérations sur les iiiléréls du liers-
clal. Le Précis avait paru sous \r litre d' Alinunuch
hiiloiiaue Je la révolution française. Rabaut avait;
publié, eu 1770, un Sermon sur le mariage du
Daupbio(depui<i Louis XVI ) , en 1774 , uu Sermon
sur la mort de Ix,uis XV. Sa Lettre sur la vie <:<
RAB
nation française , sur les vices de
S071 gouvernement , sur la nécessité
d' établir une constitution , etc., juin,
1788 , in-S*^. III. Réflexions politi-
ques sur les circonstances présen-
tes, in-8°. IV. Motion au sujet du
premier mémoire du ministre des fi-
nances, io-8*^. V. Rapport sur V or-
ganisation de la force publique , iii-
8°. VI. Considérations sur les inté-^
rets du tiers-état , adressées au peu-
ple des provinces , par mi propriétai-
re foncier , 2'^. édition, 1788, in-
8**. VIT. Prenez-y garde , ou yivis
à toutes les assemblées d' élections ,
17B9. V'III. Opinions sur quelques
points delà constitution ; — sur la
motion de M. de Castellane : Nul
homme ne peut être inquiété pour
ses opinions, ni troublé dans V exer-
cice de sa religion , etc. ; — sur une
motion de M. le vicomte de Nouil-
les. — Idées sur les bases de tonte
constitution. IX. Réflexions sur la
division nouvelle du royaume, 1 789,
in-8°. — Nouvelles Reflexions , etc.
' B-u.
RABAUT-POMIER ( Jacques-
Antoine ) , ne à Nîmes le 24 octo-
bre 1 744 1 fi'cre puînc' du précèdent,
fut, comme lui, ministre de la reli-
gion réformée. Il professa les mê-
mes principes que son aîné; mais
ses débuts littéraires et politiques
ne furent pas aussi lemarqués. Ra-
haut - Pomier n'était point sans
talents ; mais il avait moins d'ac-
tivité dans l'esprit, et d'ardeur dans
le caractère , que Rabaut Saint-
Etienne, et devait jeter moins d'g'-
les éciits de M, Court de Gehelin est de 1774 > >i-
4°. H avait , avec Cérulti , fonde \.i l'ciiilte villii-
geciie. Jl a passe aussi pour l'un des collaborateurs
au Moniteur. Le Piième de Charles Mortel qu'il
avait entrepris n'a pas été acLevé ; les fragments
qu'il en avait composéà ]taralssent perdu*. U en est
de mcnie d'un roniap, a l'imitation de Tèlèmaque
et de Selhûs , dont il ularait la scène en Egypte.
A.B-T,
RAB 495
clat. On parla peu de lui les trois
premières années de la révolution ,
et il ne parut sur la scène qu'après
la catastrophe du lo août. Les élec-
teurs du département du Gard , le
nommèrent député à la Convention,
où il fut d'abord assez circonspect.
Il voulait persister dans une salutaire
obscurité; mais les événements ne
le lui permirent point: le jugement
du roi, auquel il fut forcé de prendre
part (0, et la détermination de son
frère dans cette grande cause, le
précipitèrent dans le chaos anarchi-
que où il faillit perdre la vie. Dans
le premier appel nominal, il vota
la culpabilité du royal accusé; dans
le second, l'appel au peuple de
l'arrêt à intervenir ; dans le troi-
sième , la mort, avec sursis; et
dans le quatrième, le sursis. Il ne
fut point proscrit comme son frère ;
mais , ayant protesté , le 0 juin
(i) Lorsqu'en iSiG le gouvernement de Loms
XVlll delibc^ra sur l'exécution de la lui contre les
régicides, J^abaut fut considéré comme tel , et re-
çut l'ordre de sortir du royaume ; voici de quelle
manière il s'était exprimé en prononçant .son vote :
« Je crois , dil-il, que Louisa mérite la mort; mais
» si la Convention en prononçait la peine, je crois
» que son exécution doit être renvoyre après la tc-
>. nue des assemblées primaires , auxquelles on aura
« présenté à l'acceptation les décrets coiistilution-
« nels : mon opinion est indivisible. » Kabaut recla-
ma contre la décision des ministres , et ijretendit
que ses réponses anx quatre appels n'avait eu d au-
tre but que de sauver le roi. Ou ne peut pas être
de cet avis quant àlapremière réponse ; car eu décla-
rant EouisXVI coupable , ce qui était certainement
une odieuse injustice , ou devenait complice de ceux
uni le condamnèrent : il ne s'agissait que du plus ou
inoins de sévérité de la condamnation. Les conven-
tionnels qui ne votèrent pas la mort, ou qui la vo-
tèrent coudilinnuellement , comme Rabaut -lo-
mier, ont fait la même réponse que lui : elle a ele
asso7. généralement accueillie. Dans le recensera, nt
des votes, qu'il est facile de consulter , on ne compta
pour la mort que ceux qui furent émis sans condi-
tion ; or, Kabaut joignit au sien la condition expres-
se de sursis, en déclarant que son opinion était m-
d.visible; il ne doit donc pas être compris dans la
CMté^orie dis régicides. Son vote fut écarte dans la
prononciatl.m de l'arrêt ( F. VeRGNIAUX ). 11 pré-
senta ces observations à Bl. Desèze, qui avait paru
si hoiiorablenjeiit dans le procès , et soutint de nou-
veau que son intention avait été de sauver le roi.
M. Desèze approuva ses raisonnements : Rabaul-
Pomier fut néanmoins obligé de quitter la France ;
mais il obtint, deux ans iiprès, la penuissiou d y ren-
trer.
476 RAB
i-jqS , contre la tyrannie de la Con-
vention, il tut un des soixante-treize
dépiilcs , dont l'arrestation fut dé-
crétée : on le saisit le 4 décembre
( Voyez l'article procèdent ) , et il
fut iminédiatcnictit eiifcrniéà la Con-
ciergerie , où raiiteiir de cet ar-
ticle l'a vu confondu avec les ha-
bitues des cachots , et dans l'étal le
plus déplorable. Rentré dans le sein
de la Convention , après le 9 tlicrnii--
dor , il favorisa le parti modéré , et
se comporta prudemment. Le 7 oc-
tobre 1795, il fit l'éloge de son
frère à la tribune de la Convention ,
qui décréta que les conipositionb po-
liti(jues de ce dernier seraient ini pri-
mées aux frais de la nation . et en-
voyées aux dé[)artenients. Rabaut-
Poniier devint mcrabrc du conseil
des anciens , sous le gouvernement
directorial , et fut secrétaire de celle
assemblée , lorsque Portalis ( f . ce
nom ) la présidjit;il eulipielqiie liai-
son avec lui, et il professait lesraêines
principes politiques , m.iis en pre-
nant le soin de se tenir à l'écart ilaîis
les débals qui devaient détruire la
misémble constitution ditede l'an ni:
aussi ne fut-il pas compris dans la
proscription du 18 fructidor. Il ar-
riva ainsi , sans événement fâcheux,
à celle du 18 brumaire, dont il fut
le partisan. Après avoir été employé
dans les bureaux de la trésorerie ,
à la comptabilité intermédiaire ,
il fut nommé sous - préfet du Vi-
g.in. Rabaut quitta cette place, en
i8o3, et devint l'un des pasteurs
de l'église protestante de Paris ,
fonctions qu'il a remplies jusqu'en
18 1 5. Il est mort le iG mars i8uo.
On a dit , et il paraît prouvé, que
Rabaut eut la premiire notion de
la vaccine, avant que les Anglais
eussent rien écrit sur cette décou-
verte. Il a déclaré qi.c, vers rannce
RAB
1 780 , il avait observe qu'anx envi-
rons de Montpellier , la petite vé-
role , le claveau des moutons, et
les pustules des vaches, étaient re-
gardés comme des maladies idonti-
(pies connues sous le nom de Pi-
cole. Ayant reconnu que celle f\.c?> va-
ches est la plus bénigne do ces affec-
tions , et (pie les bergers, lorsipiils
la gagnaient par hasard en trayant
ces animaux , passaient dans le pays
pour être, par cela seul , préservés
de la petite - vérole , il pensa que
ce procédé serait aussi suret moins
dangereux que l'inoculationde la va-
riole. Rabaut racontait qu'en 1784 ,
il eut occasion de rommuni(pier ses
observations à un M. Pugh , en ]iré-
sence de sir James Ireland île Bris-
tol. ^I. Pugh promit qu'à son ar-
rivée en Angleterre , il ferait part
de ce qu'il venait d'entendre au doc-
teur Jen'ner son intime ami. Rabaut
était porteur dune lettre de M. Ire-
land , datée du 12 février 181 1 ,
qui rapj)elle ce fait ( Voy. le Dic-
liontiatre des Sciences iiiédicdles ,
art. Vaccine, tom, lvi, pag. 09")).
Rabaut avait publié, en 1810, un
Opuscule intitulé : Napoléon libéra-
teur, discours relif^ieii.v ,\u-^'\ , etc. ;
et en i8i4 , un Sermon d'action de
çi^rdces sur le retour de Louis X F III.
— Un troisième Rabaut, sui nommé
Dupuis , qu'on appelait Rabaut
jeune, frère des précédents, cl né-
gociant à Nîmes , partagea les opi*
nios de ses frères , et fut proscrit
comme eux en 1793, sous le titre
de fédéraliste ( Voyez la note i ,
p. 4^8 ci-dessus). Député du Gard ,
au conseil des anciens, en 1797 ,
il écrivit dans les journaux en fa-
veur du Directoire, quoiqu'il n'en
approuvât pas toutes les mesures.
Il défendit à la tribune les émigrés
du Bas - Rhin j c'étaient , pour la
RAB
plupart , de pauvres paysans , qui
s'étaient momentane'ment sauves de
leur pays , pour se soustraire aux
féroces proconsuls qui dévastaient
ces contrées , et en faisaient assas-
siccr les habitants ( V. Schneider):
il défendit aussi les émi£î;rés d'Avi-
gnon et du comtalVenaissiu , et s'éle-
va contic les Jacobins du midi , qui
s'étaient portés à des excès inouis.
Au mois de décembre 1 799 , il passa
au corps législatif formé sous Buona-
parte , et le présida en 1802 : le con-
sulat à vie fut voté sous sa prési-
dence. Rabaut se prononça vive-
ment pour cette mesure; et il s'é-
tendit en éloges du nouveau gouver-
nement. Les consuls l'envoyèrent
dans les départements du midi , en
qualité de commissaire, pour établir
le nouvel ordre de choses ; et sa con-
duite , dans cette mission , mérita
des éloges. An moment de son ar-
rivée à Toulouse , on allait fusiller
un émigré rentré , nommé Segiiy ,
condamné par un conseil militaire:
Rabaut prit sur lui de didérer l'exé-
cution : de concert avec les parents
et les amis de M. Seguy , on fit faire
une consultation d'avocats, qui surent
trouver dans le jugement des nullités
radicales ; et malgré les réclamations
du général commandant , qui de-
mandait impérieusement le sacri-
fice de la victime , Rabaut ordonna
que l'exécution fût suspendue , se
déclarant responsable de ce qui pour-
rait en arriver. Le premier con-
sul approuva cette honorable déter-
mination. Rabaut Dupuis reçut ,
Comme Rabaut - Pomier , en i8o3 ,
la décoration de la Légion d'hon-
neur. Sorti du corps législatif, il se
retira dans sa ville natale, oii il fut
nommé conseiller de préfecture. Eu
1808, il fut renversé par un che-
val fougueux , et mourut des suites
RAB 477
de cet accident. On a de lui: L Dé-
tails historiques , et Becueil de piè-
ces sur les dii'ers projets qui ont été
conçus depuis la réforniaiion jus-
qu'à ce jour , pour la réunion de
toutes les communions chrétiennes ^
1806, in-8''. IL annuaire ou Ré-
pertoire ecclésiastique à l'usage des
égli:;es réformées ., Paris , 1807 , in.
8". , recueil qui a été continué sous
le titre de Nouvel Annuaire protes-
tant. B — u.
RABELAIS (François) naquit
vers l'an i483 , k Ghinon , petite
ville de Touraine. Son père, qui était
un apothicaire du lieu, le mit chez
les moines de l'abbaye de Seuillé,
voisine de Chinon , pour ses pre-
mières études ; et , comme il n'y ap-
prenait rien , on prit le parti de
l'envoyer à Angeis , au couvent de
la Bàmette , où il ne fit guère plus
de progrès : presque tout le fruit
q'i'il retira de son séjour dans cette
maison , fut de se lier avec les frères
Du Bellay, dont un devint cardinal,
et fut son plus zélé protecteur. JI se
fit ensuite religieux au couvent des
Cordelicrs de Fontcnai- le -Comte.
Il répara , dans le cloître, le temps
qu'il avait perdu dans les classes. Il
acquit toutes les connaissances que
les livres pouvaient mettre à sa por-
tée , et devint particulièrement ha-
bile dans la science des langues. A
cette époque, pour des cordeliers du
Bas-Poitou, un livre grec était du
grimoire, et celui qui s'en servait,
un sorcier. Les confrères de Rabelais
le virent avec horreur , comme un
homme en commerce avec le diable.
Il les scandalisa encore d'une autre
manière. Le jour de la fête du cou-
vent , jour oix le peuple des environs
venait en foule apporter ses prières
et ses offrandes à l'image de saint
François , il s'avisa , comme celte
478 RAB
iraa'^e était placée Hans un lieu assez
obscur, de la dénicher , et d'y siibs-
tituoi- sa propre personne, ajustée
en conséquence. Son liuineur joyeuse
ne put tenir aux discours et aux gestes
risibles de ses rustiques adorateurs :
on aper<;ut un mouvement , et tous
les assistants crièrent au miracle. Un
vieux moine, moins crédule , soup-
çonnant une espiéi;!crie sacrilège où
les autres voyaient une marque de la
faveur divine, s'approcha du f.inx
.saint , et le lit descendre de sa niche.
Il fut reconnu , saisi , et dépouillé de
ses habits ; et tous les frères , armés
de leurs cordons à nœutls, le fouettè-
rent presqu'au sang. U n'en fut pas
quitte pour ce rude traitement : il fut
mis in pacc, c'est-à-due , renfermé
entre quatre murailles , au pain et à
l'eau , pour le reste de ses jours. Le
savant Tiraqucau , lieuienant général
du bailliage de Fontcuai le-Comte, ob-
tint qu'on le remît eu liberté. Quel-
ques autres personnes considérables,
qui avaient eu occasion de jouir de
sa conversation à-l.i-fois érudite ,
spirituelle et facélieusc, lui conseil-
lèrent de quitter un couvent où il ne
pouvait étudier ni bonHouncr im-
punément : et lui obtinrent du pape
Clément VU , la permission de pas-
.ser dans l'ordre de Saint -Benoit,
Il entra dans l'abbaye de Maillezais :
apparemment cette maison ne lui fut
pas beaucoup plus agréable que l'au-
tre ; car il en sortit bientôt , mais ,
celte fois , sans permission du pape;
et, jetant, comme on dit, lefrocaux
orties , il se mit à courir çà et là , en
habit de prêtre séculier. Après quel-
que temps de cette vie vagabonde , il
se rendit à Montpellier, où il fut
reçu docteur en médecine. Il exer-
ça et professa avec succès en cette
qualité; et il publia une édition la-
tine de quelques écrits d'Hippocrate,
RAB
qui fut estimée des médecins et des
lettrés. Le chancelier Duprat , mé-
content , on ne sait pourquoi , de la
faculté de médecine de Montpellier,
avait fait abolir par arrêt ses privilè-
ges. Elleiléputa Kabelaispour eu sol-
liciter le rétablissement. Ne sachant
comment avoir accès auprès du chan-
cliclier, il imagina de parler la tin à son
j)ortier, (pii, comme on le pense bien,
n'en comprit pas un mot: à une autre
personne appelée , parce qu'elle sa-
vait le latin , il parla grec , langue
qu'elle n'entendait pas ; à une troi-
sième qui savait le grec, il jiarla
hébreu , et ainsi de suite , jusqu'à ce
que le chancelier, informé de l'aven-
ture, voulut voir riiomme(]ui parlait
tant de langues , l'écouta , fut char-
mé de son esprit , et lui accorda ce
qu'il était venu demander. Ce n'est
peut-être là qu'un conte dont .Ra-
belais lui-même a pu fournir l'idée
dans le chapitre où Panurge , rencon-
trant Pantagruel, lui pat le en di\ lan-
gues diverses, tant mortes qiu^ vivan-
tes , avant de se servir du français.
Mais, fausse ou vraie, l'Iiistoriette
n'est pas indigne de ll.ibelais : il était
assex boullon pour concevoir un pa-
reil tour , et assez savant portti'cxé-
cuter. Quoiqu'il en soit, l'université
de Montpellier , en reconnaissance du
service qu'd lui avait rendu , décida
que tout médecin qui prendrait le
boimet, se revêtirait delà robe de Ra-
belais : cet usage subsiste encore au-
jourd'hui. C'est peut-être ici le lieu
d'avertir le lecteur, qu'il nous reste
à raconîer plusieurs autres préten-
dues aventures , dont le cynisme
pourrait , en excitant leur dégoût ,
faire naître aussi leur doute. Vol-
taire les repousse avec l'incrédu-
lité la plus méprisante : nous serions
bien tentés d'imiter son scepticisme,
et même de retendre aux deux his-
RAB
toriettes que nous avons déjà rap-
. portées. Il est certain que les unes et
les autres ressemblent assez à ces
contes absurdes et ridicules dont la
■ tradition populaire , ou la grossière
imagination de certains fabiicateurs
d'anecdotes , ont charge' la mémuire
de tous les hommes qui se sont ren-
dus célèbres par un tour d'esprit fa-
ce'tieux et original, Mais , d'nn autre
côte, Rabelais , la plume à la main,
était d'iuie bouironnerie bien impu-
dente, bien audacieuse; et si l'homme
en lui difFcrait peu de l'écrivain ,
comme quelques faits plus certains
autorisent à le penser, les plaisante-
ries efTrontées de son livre ne ren-
draient i(ue trop vraisemblables les
facéties insolentes de sa vie. N'osant
affirmer que ces dernières sont toutes
fausses , et n'ayant aucun moyen de
critique pour discerner celles qui
pourraient être vraies , nous pren-
drons le parti de les raconter indis-
tinctement ,sans y croire, ni deman-
der que nos lecteurs y ajoutent plus
foi que nous-mêmes. Le cardinal
du Bellay , nommé ambassadeur de
France à Rome , emmena Rabelais
avec lui, peut - être comme méde-
cin , peut-être aussi parce que c'était
alors la mode parmi les grands sei-
gneurs , d'avoir ua bouffon ou un
fou à leur suite. Le cardinal étant
allé, suivant l'usage, baiser les pieds
du pape , Rabelais , qui était du cor-
tège , se tint à l'écart contre un pi-
lier , et dit assez haut pour être en-
tendu que , puisque son maître, qui
était un grand seigneur en France,
n'était jugé digne que de baiser les
pieds de sa Sainteté, lui , à qui ne
pouvait appartenir tant d'honneur ,
demandait à lui baiser le derrière ,
. pourvu qu'on le lavât. Une autrefois,
. le pape lui ayant permis de lui de-
mander quelque grâce , il dit que
RAB 479
la seule qu'il solliciterait , c'était
d'être excommunié par lui. Le pon-
tife voulut savoir pourquoi: « Saint
» Père , répondit -il, je suis Fran-
» çais , et d'une petite ville nommée
» Chinon, qu'on tient être fort sujette
» au fagot : on y a déjà brûlé quau-
» tité de gens de bien et de mes pa-
» rents. Orsi votreSaintetcm'e\com^
» muuiait , je ne brûlerais jamais , et
» voici ma raison : en venant à Rome,
» nous nous sommes arrêtés , à cause
» du froid , dans une méchante petite
» maison delà Tarentaise. Une vieille
» femme s'étant mise en devoir de
» nous allumer un fagot , et n'ayant
» pu eu venir à bout, s'est écriée qu'il
» fallait que ce fagot fût excommunié
» de la propre gueule du ])ape , puis-
» qu'il ne voulait pas brûler. » Ceux
qui rapportent ces indécentes anec-
dotes, ajoutent que tant de cynisme
et d'insolence ayant fini par déplaire,
Rabelais fut obligé de quitter Rome
précipitamment, et de se sauver en
France. Arrivé à Lyon , ajoutent-ils,
et n'ayant pas de quoi faire le voyage
de Paris , il fit éciire par un enfant
ces étiquettes sur de petits sachets :
Poison pour faire mourir le roi; Poi-
son pour faire mourir la reine , etc.
L'enfant ayant jasé , le voyageur fut
arrêté , amené à Paris aux frais de
l'état, et, sur sa demande, conduit
au roi , devant qui il prit de tous les
prétendus poisons , qui n'étaient au-
tre chose que de la cendre. Ou place
cette anecdote à l'époque même oîi
le roi et toute la France pleuraient
le dauphin qu'on avait cru empoi-
sonné ( /^"OJ'.MONTECUCCULI, XXIX
478 ). « Les auteurs de cette plate
» historiette , dit Voltaire , n'ont
)) pas fait attention que, sur un in-
» dicc aussi terrible, on aurait jeté
» Rabelais dans un cachot, qu'il au-
» rait été chargé de fers, qu'il aurait
48o
RAB
» subi probablement la question or-
» dinaire et ex.lraoi*clinairc , et que,
» dans des circonstances aussi l'ii-
» nestes , et dans une occasion aussi
.<» cravc, une mauvaise plaisanterie
» u aurait ]'as servi a sa justiiica-
» tion. » Tout ce qui vient d'être dit
des insolences de Rabelais envers le
pape, de la colère du punlife contre
lui, et du parti qu'il pi il de s'y sous-
traire par la fuite, toutes ces parti-
cularités , ]ilus que douteuses d'ail-
leurs , semblent démenties par un
seul fait qui est certain , c'est que le
pape lui remit la peine canonique
qu'il avait encourue en quittant le
froc pour la soutane , et le cloître
pour le moiule. De retour en France,
il obtint, par le crédit du cardinal
du Bellay, imc prébende dans ré{;lisc
colléj^iale de Sainl-IMaur-des-Fossés,
et la cure de Meudon. U mourut à
Paris , lue des Jardins , sur la pa-
loisse Saint-Paul , et fut enterré diuis
le cimetière de celte ép;lise, au pied
d'un arbre qu'on a lojif^-tenips conser-
vé par égard pour sa mémoire. La
date de sa mort est inceitainc : la
plupart des auteurs la placent en
i553 , dans la soixanto-di\ième an-
née de son à^e. Ses derniers mo-
ments n'ont pas été plus cpart^nés
que le reste de sa vie , par les fai-
seurs de contes ridicules et de préten-
dus bous mots. Contre le témoif^nage
de ceux qui assurent rpi'il mourut de
la manière la plus édifiante , ils ra-
content qu'il se fit alfubler d'un do-
mino, et en donna pour raison ces
paroles de l'Ecriture : Beati qui mo-
riuntur in Domino. Ils racontent en-
core que le cardinal du Bellay ayant
envoyé savoir des nouvelles de sa
santé , il dit au page : Dis à monsei-
gneur Vétat où tu me vois. Je m'en
vais chercher un t^rand peut-être. Il
est au nid de la pie : dis-lui qu'il
RAB
s^jr tienne ; et, pour toi., tu ne seras
jamais qu'un fou. Tire le rideau , la
farce est jouée. Eniin , ils préten-
dent qu'il rédifi;ea son testament en
ce peu de j)aroles : « Je n'ai rien ; je
» dois beaucoup ; je donne le reste
» aux pauvres. » On n'est point d'a-
cordsur le lieu, ni sur le temps où
Rabelais a composé son roman : ou
Test bien moins encore sur l'objet
qu'il s'est proposé. On a beaucoup
dit qu'il s'était couvert du masque
delà folie, pour pouvoir impuné-
ment tourner en ridicule plusiouis
des événements et des personna<;(s
considérables de son temps; et l'on
est allé jusqu'à lecom]iarerà Hrutiis
l'Ancien, tpii contrefit l'insensé, pour
échapper au despoli.<me, en travail-
lant a le icnverseï'. Mais <à combien
d'explications forcées ne faut-il pas
recourir pour accorder clie/. lui l'his-
toire et le roman , la vérité et la fic-
tion ? D'ailleurs on diflèrc beaucoup
sur l'espèce des actions et des per-
sonnes dont on veut qu'il ait fait l'in-
solente parodie. Quelques inventions
semblent rappeler des aventures du
rèj^neet de la cour de François 1'='". :
beaucoup d'autres paraissent n'avoir
rapport qu'aux moines , aux bour-
geois et aux paysans du Bas-Poitou ,
ou plutôt du Chinonois , qui est le
lieu ordinaire où se passe l'action ,
et dont les moindres détails topogra-
phiques sont soigneusement indiqués
par Rabelais. Ce qui u'estaucunement
douteux , ce qu'on aperçoit trop
claiicment dans son livre, c'est le
mépris de la religion et de ses minis-
tres. On ne saurait s'abuser sur l'in-
tention des indécentes allusions que
l'auteur fait sans cesse aux plus res-
pectables passages des Écritures, aux
plus saintes pratiques et même aux
plus redoutables mystères du chris-
tianisme. Les sobriquets de pape^ols,
RAB
tle Cardingots , â'évêgots , etc. , sont
des injures à peine de'guise'es. Je ne
parle pas des traits de satire conti-
nuels contre les moines : c'était alors,
pour tous les écrivains , un droit ac-
quis de se moquer d'eux , et de leur
prêter de bons tours, si l'on ne faisait
queles leur prêter. Quand onconsidère
avec quelle audace Rabelais tourne en
ridicule et le dogme et le culte et les
prêtres , dans un siècle où les moin-
dres erreurs en matière de foi ou de
discipline canonique e'taient punies
par le feu , on ne peut s'émerveiller
assez de la sécurité dans laquelle il vé-
cut. Il est pourtant vrai de dire qu'il
fut une fois dénoncé comme héréti-
que et même comme athée. François
\'^^'. se fît lire en entier l'ouvrage ; et,
ne jugeant pas que l'accusation fùtfon-
dée, il accorda sa protection à l'au-
teur. Henri TI en usa de même. Ainsi ,
ces deux princes n'aperçurent pas ou
ne voulurent pas apercevoir la satire
de l'autorité , ni celle delà religion ,
dans un livre dont les détails au
moins en portent , à chaque page, le
caractère évident. Jamais les privi-
lèges de la bouffonnerie ne s'étendi-
rent plus loin ; jamais la folie , ser-
vant de voile à la témérité, ne lit
plus d'illusion , ou n'obtint plus d'in-
dulgence. Qu'a voulu cependant Ra-
belais? Quel a été son véritable des-
sein? Son livre est une espèce d'é-
nigme, dont beaucoup de personnes se
sont évertuées à chercher le mot, et
se sont flattées de l'avoir trouvé, maisi
qui n'en a peut-être pas. Se livrant,!
dans les fréquents accès d'une caîté
que souvent exaltait! ivresse, a cette
composition bouffonne et satirique
qui était le gènFe propre de soi* ta-
lent, il a écrit, peut être sans se pro-
poser autre chose que de s'amuser
lui-même et d'amuser les autres, des
aventures encore plus extravagantes
XXXVI.
RAB 48i
que merveilleuses , répandant à plei-
nes mains l'esprit et l'érudition , les
traits piquants et les sottises grossiè-
res , surtout les ordures et les im-
piétés , et saisissant quelquefois , avec
un rare bonheur, les ridicules de ca-
ractère , de mœurs et de profession.
Le but de l'ouvrage est si indetermP"
né , les contraires y sont tellement
réunis et mêlés, qu'il a eu des preneurs
et des détracteurs également exclu-
sifs , dont les uns y admiraient tout ,
et les autres n'y approuvaient rien;
ceux-ci n'y voulaient rien compren-
dre , et ceux-là croyaient y enten-
dre tout. Les bons esprits se sont
placés entre ces deux extrêmes : ils
n'ont eu ni cet enthousiasme , ni ce
dégoût absolu. Ils n'ont pas cru qu'un
auteur dont Molière et La Fontaine
faisaient leurs délices et leur profit ,
fût un écrivain tout-à-fait sans génie
et sans agrément : ils n'ont pas cru
non plus que des saletés fussent de
bon goût , que des sornettes fassent
pleines de sens , des sottises ingénieu-
ses , et des absurdités amusantes.
Enfin , ils ont adopté ce jugement
de Labruyère , dicté par la raison :
« Où Rabelais est mauvais , il passe
» bien loin au- delà du pire ; c'est
» le charme de la canaille : où il est
» bon , il va jusqu'à l'exquis et à
» l'excellent ; il peut être le mets des
» plus délicats. » — On a de Rabe-
lais : I. Ex reliquiis venerandœ anti-
qnitatis , Lucii Cuspidii Testamen-
tum; itemConlractus vendilionis inî-
tus,antiquis Romanorum tempori-
bns , Lyon , Gryphe , 1 532 , 'm-S°. :
ces prétendus restes de la vénérable
antiquité , sont apocryphes ; le Tes-
tament est Touvrage de Pomponius
Lœtus ; le Contrat de vente est de
Jovien Pontanus. Tout savant qu'il
était , R.abelais a été dupe ; et il est
aSsez singulier que ce soit par là qu'il
3i
482 RAB
ait commencé sa carrière littéraire.
II. Ilippocratis ac Galeni libri ali-
quot, Lyon, i536, in- 1(), avec une
épîtrc dédicaloire à G«ulelVoi d'Es-
tissac ; réirapi imc en 1 543 : ponr les
IraductiousdHinpocraie, il ï>'est con-
tenté de revoir le travail de Nicolas
Leonicenus. lll. Epistola ad Eer-
nardutn Sali^nacum ,àà\\s le volume
intitulé : Clarorum vlroriim epistoLv
centiim ineditœ , ino'2. IV. Joannis
Manardi, Ferrariensis medici, cpis-
tolarum viedicinalium , tomits seciin-
dus,nunquani anltà in Galliù excii-
ius , Lyon, i53'>. , in-8''., contenant
les livre-i vu à xii ; en tcte est une
dédicace à Tiraqucau. V . yllmannch
pour Vannée i533, calculé sur le
méridional de la noble cité de Ljon,
et sur le climat du royaume de
France. Antoine Leroi , auteur d'une
Vie manuscrite de Rab( lais , qui cite
cet opuscule comme imprimé, n'en
donne ni le fcirmat , ni la date d'im-
pression,ni même le nom du libraire.
Jl indique un autre .Ihnanach pour
l'an ir»35, comme imprimé à Lyon,
chez François Juste , et enfin un
ihnanach et éphémérides pour Van
de y. S. J.-C, I j5o, comme impri-
mé à Lyon. Lacroix du INLiine indi-
que un Almanarh ( u prcnoslication
pour Van i5j8, imprimé à Lyon.
VL Joannis Barlhnlomœi Marliani ^
tojioç^raplna anlitpur Bomœ, Lvon ,
1 534 , in-8". , avec une lettre à Jean
du Bellay , dans laquille il dit avoir
eu le dcs.>iein de doi.ner an publie
ses observations sur les antiquités ,
pendant son séjour à Rome ; mais
que l'ouvragcdeMarliani élan (tombé
entre ses mains , il ne crut pas pou-
voir fnire mieux ( r. ÎMarliam ,
xxvii, i I 4 ). VIL Fr. liabelœsi Epi-
gramma ad Doletuia ac de Gara
Salsamenlo^-^ncccàc dix vers , qu'on
trouve parmi les poésies de Dolet, qui
RAB
lui-même a fait des vers sur \in sup-
plicié dont le corps avait servi pour
les leçons anatoiniques de Rabelais.
VllI. LaSciomachie et Festins faits
à Rome, au palais du révérendissi-
me cardinal du Bellay , pour Vlieu-
reuse naissance de M. le duc d' Or-
léans, Lyon, 1 549 , iu-8". IX. Epi-
ties de François Rabelais, Paris ,
i (35 1 , in-8°. , avec des Ob'^ervations,
par les frères de Sainte-Marthe. Les
Epitres sont au nombre de seize , et
remplibsenl 75 pa;;cs ; les Ob^en'a-
tionscn remplissent 191 en |)lus petit
caractère. Une nouvelle édition ,sous
letitredc Leltresdc }L Fr. Rabelais^
fut donnée à Bruxelles , en 1710,
in 8"*. X. Epitre à Bouchet, j)ar-
mi les Epitres familières du Tra-
verseur, i545, in-fol. XL La Vie
inestimable du î^rand Gar^anlua ,
pèrede Pantagruel , jadis composée
par Vabstraclenr ( e qnintesycni e ,
Iwn'jdi'in de panta^ruelisnie, Lyon,
Fr. Juste , I 535 . in-i(). Ce n'est ici
(pie le premier livre du f,imeu\ ro-
man de Rabelais : lesrcond livre est
de I 533, Ce second livre commen-
çant à la naissance de Panfa{:;ruel ,
on conçoit comment le nom du (ils se
trouve rappelé dans le titre du pre-
mier livre, qui, d'après cela paraî-
trait n'avoir été j>ublié (pi'après le se-
cond. On ne peut diie (pie eeite date
de i533 est fanlivf , et qu'il l.jul lire
i538 ( soit que l'iii! primeur ail mis
le cliiirre 3 au lieu du chiffre 8 , soit
qu'en se servant des chiffres romains
il ait omis le v de muwvmi );
car on a de ce second livre une réim-
pression de 1.534 ^0-1' parut, en
i54'i,des deux premiers livres, trois
(i) A riii.«tant où cet article c-t lui» sous prc-vsp ,
arrive i Paiis nue iiuiivallc livral.«'iii du Uni. ht-
liUo^r. iiniv. de M. Ebcrt. On y itidiq"'- It» Chio-
ni/jnes du grant et puissant géant Gai^antua ,
iiouvellemenl imprimé h T.yt'ti , j533 , in-K". obi.
goth., coutenaut a3 l'euiUe s, doq compris la première
I
RAB
cditionsjdontdeiix sons le pseudony-
me de maître Alcofrihas. A la fin du
second livre est la panta^rueline pro-
gnoslication. Trois éditions du troi-
sième livre virent le jour eu i546 :
en 154.7 , parut la Plaisanle et
jojeuse Histoire du grand géant Gar-
gantua^ etc. , Valence, 'i vol. in- 16,
contenant les trois premiers livres,
et onze chapitres du quatrième livre
qui paraissaient avoir èlc voles à l'au-
teur , à en juger par le mauvais
ordre que quelques personnes ont
pris pour de grandes di'Ferences dans
le texte. Le quart livre ( en 67 cha-
pitres ) fut imprime quatre fois en
i55'>, , réimprime en i553. La pre-
mière édition des quatre livres réu-
nis est de cette dernière année, qui
est aussi celle de la mort de Rabelais.
Ce ne fut que neuf ans après , qu'on
imprima V Isle sonnante , contenant
les seize premiers chapitres du cin-
quième livre : la premièi'e édition
complète de ce livre, en quaraulc-
sept chapitres, est de i5G4. C'est
doue par faute d'impression qu'une
e'dition des OEuvres de Rahelais qui
la contient, est datée de 1 558. C'est
ce roman qu'on réimprime ordinai-
rement sous le titre inexact d' OEu-
vres de Rabelais. Parmi les éditions
qui en ont été faites , on distingue
celle de ( Leyde , EIzevier) , i663,
deux volumes, petits in-12, élégam-
ment mais incorrectement impri-
primés ; i666, u vol. petit in-12;
avec les remarques de Leduchat et de
La Monnoye, 17» i , 5 vol. , petit
in-8'\ ; réimprime avec des remar-
ques nouvelles de Gueulette et Ja-
met l'aîné , i 782 , 0 tomes en 5 vol.
in-i2; avec de nouvelles notes de
RAB
483
uni est sans si^nalure. L'exemjilairc ({ui se trouve
dans la bibliothèque de Dresde, le seul connu jus-
qu'ici, est sans frontispice; le titre rapporte' par
-«.. Ebert, est celui qui se lit ù la lin du volume
Leduchat, et des figures de B. Pi-
cart, Amsterdam , 1741 , 3 vol.
petit in-4". , contenant aussi les seize
lettres de Rabelais , avec des remar-
ques publiées en anglais par Lemot-
teux , et traduites en français par C.
de Missy , Paris , an vi ,' 3 vol. in-
8". L'édition de Paris, Desocr, 1 820
3 vol. iui8,aeupour éditeur M. De-
laulnaye , qui a formé le troisième
volume de divers glossaires et tables:
à la suite du Paîtagruel, ou trouve
l'Épîtrc de Eabcl.iis à Jean Bouchot,
\oi réponse de Bouchet , et l'cpi-
gramme De Garo Salsamento. Ou a
conservé les deux Epitres à deux
vieilles , qui sont dans toutes les
éditions de Rabelais , quoiqu'elles
aient pour auteur Fnmçois Habert :
cette édition a de jolies figures en
bois. Une nouvelle édition, par le
même M. Delaulnaye , en 3 vol.
in-S-^., a paru en i823; elle contient
non -seulement les écrits indiqués
sous les no^ vu à xi , mais encore
les épîtres qui font partie des no\ it
m, IV et VI. Les Alinanachs n'y
sont pas compris , non pins que la
préface du i\o. i. L'éditeuracru, par
respect pour Rabelais , ne pas devoir"
reproduire cette préface qui donne
pour vraies des |)ièces apocryphes.
Cette même année( 1 8-23) a paru le i^'".
vol. des OEuvres de Rabelais , édit.
Variorum, etc. , avec un Comment
taire historique et philologique pai-
MM.EsmangartclÉioi Juhaniicau,et
qui doit avoir 8 vol., imprinjés avec
soin, et ornés de i32 gravures. Le
travail des éditeurs ne jieut être juge
que lorsqu'il aura étéentièrement pu-
blié. Uabelaise.st un de ces auteurs sus-
ceptibles d'avoir un commentaire
plus amplequeîetexte. Les commen-
tateurs nouveaux pensentquc Grand-
Goffiier est Louis xn; Gargantua^
François i«r.»; Picrochole. Maximi-
3r..
484 RAB
lien Sforce; Paritap'iiel , Henri II ;
Garf;amelle, Anne de Bietagnej Ba-
dehec , la reine Claude ; la Grande
/uATient, Diane de Poitiers; frîvcjean
des Entosmeures, le cardinal du Bel-
lay ; Panuroe , le cardinal de Lor-
raine. Quelques personnes nient que
le roman de Kabelais soit l'histoire
allégorique de son temps; mais ou
ne peut s'empêcher de convenir que
beaucoup de passages sont des allu-
sions à des événements ou anecdotes
du temps ; et voici , à cette occasion,
ce qu'où lit sous le n**. i83 , dans le
Lantiniana manuscrit : m Elabelais
V fait un conte d'un seigneur étran-
» ger , dans le retrait de qui l'on
•o avait peint des lys pour lui faire
» peur , et lui tenir le ventre libre
» par ce raoven : il ajoute qu'il au-
» rait eu la diarrhée si l'on y avait
» peint le roi lui-même. Ou avait
» peint Franrois l*^"". dans le lieu
» commun de Charles-Quint. «Quoi-
que le travail de l'abbé de Marsy
n'ait pas eu de succès ( /''. Marsy ,
XXVII, 2Gg), d'autres ont pensé
à rajeunir le style de Rabelais , et à
le purger de ce qu'on regarde aujour-
d'hui comme des obscénités. Uu
avocat , nommé Thiloricr, lut , le
19 avril i^5a , à l'académie de la
Rochelle, sur la personne cl les
ouvrages de Rabelais , un discours
qui devait servir d'introduction à un
Commentaire historique sur Grand-
Gousicr, Gargantua et Pantagruel.
Thilorier i,e se bornait pas à vou-
loir retrancher les obscénités ; il ne
tenait pas moins à faire disparaître
ou atténuer les critiques trop araèrcs
des désordres du clergé dans le sei-
7.icme siècle : autant vaudrait retran-
cber toutes les médisances des sati-
res de Boileau , et prétendre conser-
ver son caractère et ses traits. Le
Mercure du mois d'août 1752 cou-
RAB
tient^ pag. 5i4 , m» extrait du dis-
cours de ïhiUirier : il paraît que
c'est tout ce qui en a été public. On
doit à Pérau ( forez x tî x 1 1 1 ,
334), Le Rabelais moderne ou
ses OEiivres avec des éclaircisse-
ments , 1 1S1 , 6 volumes in-i 2. Ou
sait que le commentaire de Passerat
a été brûîé ( V. Passerat, xxxiii,
98 ). Morellet a laissé imparfait le
commentaire qu'il, avait commen-
ce depuis long- temps : l'exemplai-
re de Rabelais , interfolié de papier
blanc qui contient son travail, est
dans la bibliothèque de M. Auger,
à qui l'abbé le donna quelque-temps
avant sa mort. Le roman de Rabe-
lais a fourni le sujet de plusieurs
pièces de théâtre. IMoutauban, éche-
vin de Pari» , mort en i68j , a fait
deux comédies, l'une intitulée Pan-
tagruel^ imprimée en i()54 ', l'aulre,
les Aventures de Panuroe , jouée en
1G74, non imprimée. Ou doit à
Autrcau, Panarde à marier, et Pa-
nurge marié dans les espaces imagi-
naires, comédies, qui sont impri-
mées dans SCS OEuvres. Tout le
monde connuii Panurge dansl'ile des
Lanternes {V. Parfaict, xxxii,
56 i ), opéra que s'attribuait Morel
de Chefdeviile.L'/i/e^o/iHa/îte, opéra
comique de Colle , rappelle le titre du
cinquième livre de Rabelais , mais
n'a rien autre de commun avec lui:
le sujet est entièrement de l'invention
de Collé. Ce n'est pas le titre, mais
plusieurs idées de Rabelais que Beau-
marchais a employées dans son Ma-
riage de Figaro. Voltaire, dans sa
vingt-deuxième Lettre -philosophi-
que , avait dit que Rabelais était m\
iihilosophe ivre qui n'a écrit que
dans le temps de son ivresse ; il ajouta
dans son Temple du goût , que l'ou-
vrage de Rabelais devrait être réduit
tout au plus à un demi-quart j mais i!
RAB
changea d'opluion plus tard. Il écri-
vait, le 12 avril 1760, àM^^.duDef-
fdiid : « Si Horace est le premier des
» faiseurs de bonnes Épîtres, Rabe-
» lais, quand il est bon , est le premier
» des bons bouffons : il ne faut pas
» qu'il y ait deux hommes de ce me'-
» tier dans une nation; mais il faut
» qu'il y en ait un : je me repens d'a-
» voir dit autrefois trop de mal de
» lui. M G. des Autelz a , dans son
Fanfreluche et Gaudichon ( F. Au-
telz , m , 93 ) , imite' le roman de
Rabelais, que J. Bernier a analyse' et
commente' ( F. Bernier, iv, 3o4).
Le nom de Rabelais fait partie du
titre d'un ouvrage du père Garasse
( Foyez Garasse , xvt , /\i^ ). Il
existe d'autres imitations françaises
de Rabelais : aucune ne me'rite d'être
distingue'e. Parmi les traductions on
cite la version anglaise de PL. Ur-
chard , Le Molteux et Ozeil , dont
les trois premiers livres parurent en
1 708 , et dont on a fait de nouvelles
éditions , 1736 et 1700 , 5 vol. in-
12; 1807, 4 vol. in-S"^. La pre-
mière e'diliou de la version alleman-
de, par J. Fischart, est de i55'2,
in-8^. , sous le titre, Affentheurlich
Naupengeheurliche G eschichtklitte'
rung , etc. , et sous la rubrique de
Grenesing. im Gausserich ( Foj.
Fischart ), XII. Les Songes dro-
latiques de Pantagruel , uii sont
contenues plusieurs figures de l'in-
vention de M. Rabelais , et der-
nière OEuvre d'icelui pour la ré-
création des bons esprits , Paris ,
I 565 , in-8^. C'est encore un ou-
vrage posthume. Beaucoup de per-
sonnes pensent qu'il n'est point de
Rabelais : c'est un recueil de cent-
vingt figures grotesques, sans autre
texte que le titre du volmue, et un ,
y^ulecteur, salut. Ce volume était
très-rare. Le libraire Sallior eut l'i-
RAB 485
dée , vers 1797, de le faire réim-
primer. M. Brunet a vu les soixante
premières planches , et rapporte
qu'on lui a dit que ia suite avait été
terminée , mais non publiée. Aucun
éditeur de R.djclais n'a compris dans
les OEuvres de cet auteur , les Son-
ges drolatiques, qui ne pouvaient
guère s'exécuter dans un format
moindre que rin-8''. , et dont d'ail-
leurs l'exécution eût été très-coû-
teuse : les Songes drolatiques forme-
ront le huitième volume de l'édition
dirigée par MM. Esmangart et Jo-
hanucau. Déjà la première livraison
de vingt figures est livrée au public :
avec la sixième et dernière livraison,
sera distribuée une explication des
cent-vingt figures, travail entière-
ment neuf , et qui ne peut que don-
ner du prix à cette seconde édition
des Songes , publiée plus de deux
siècles et demi après la première.
MM. Esmangart et Johanneau , qui
les premiers auront rattaché au texte
du Gargantua et du Pantagruel les
caricatures des Songes drolatiques ,
annoncent qu'on voit reparaître sous
ces figures bizarres tous les person-
nages tant réels qu'allégoriques de
ces deux romans. S'il faut en croire
Duverdier, a Claude Massuau a tra-
» duit du latin de maître François
» Rabelais , Stratagèmes , dest-à-
» dire promesses et ruses de guerre
» du preux et très-célèbre chevalier
» Langej,au commencement delà
^^ tierce guerre césarienne^ impri-
» mes à Lyon , par Sébast. Gryphius ,
» 1542. » Duverdier est le seul qui
parle de ce volume, inconnu à Ni-
ceron et aux autres bibliographes.
L'ouvrage latin de Rabelais a-t-ilété
imprimé? La traduction de Mas-
suau existe t-elle? c'est ce dont il
sera permis de douter jusqu'au mo-
ment où l'on en aura trouvé uit
486
RAB
exemplaire. G rosley, possesseur d'un
exemplaire des opuscules latins du
cardiual Bombe, Lyou , Grvplic ,
i532, in-8^'., avec des notes ma-
nuscrites qu'il croyait de Rabelais,
en fit, en i-j6S ou 1769, hommage
à la faculté de mc'ilcciuc de Mout-
pellier. On a publie, en 179^'
une facétie sous le titre de Lettre
(le Babelais , ci-ilevnnt curé de
Jlfeudon , aux qualie-vini^t - qua-
torze rédacteurs des ^-Jcles des
j'Jpûlres, iu-8". de U2 pajres , bro-
chure qui fut bientôt oubliée; mais
ou reniarqiia celle qui avait pour ti-
tre : DeVuulor'Aéde RabeLns dans
la révulution préiente , ou Institu-
tions royales , politiques et ecclé-
siasti'/ues , tirées de Garrrantuu et
de Panla^^ruel, 1791 , in 8"., ilont
l'aiitciir est Gingweiie'. Le Quurt-
tVheure de Rabelais csf le litre
d'une jolie comcilie dc-MIM. Dien-
lafoy et PreAosi d'Iray , jouce sur
le théâtre du Vaudeville , le '.'.J ni-
vôse an vu, pub!ice la même an-
ne'e , in-8°. (3} M. Duniersau a
donne', sur le théâtre des Variétés,
le U9Juin i3i3 , Garu.anlua ou Ra-
belais en voj âge , comédie , impri-
mée la même année. R;d)elais est un
des personn.if^es «lu Clément Marot ,
vaudeville de M:M. A. GoulFé, et G.
Duv.il, joué sur le théâtre des Trou-
baiours, le 19 fluréal an vu (1799 .
R. INI. Lesuire, sous le titre de Con-
fessions de Rabelais, 1 797 , in- 1 8 ,
n'a publié qu'un roman. Hayle, à qui
Rabelais ne plaisait guère, ne lui a
pas donné d'arlicledans son Dictio-
naire. Il n'en [)arleque deux ou trois
fois en passant, La plupart des édi-
{■i) ri-smotï.le 0:in,i,riie;re ,1,- Unhcliis, sool
devenus proverlif* puur eijjrimer le moment de
compter avec son bote, cl i>ar allusion à l'em-
barras où l'on preteod (jue Rabelais se trouva à
Lyon. A. D — T.
RAB
tions des OEuvrcs de Rabelais con-
tiennent une Notice plus ou moins
étendue sur sa vie. Niceron lui a con-
sacré un article dans le ton)c xxxii
de ses Mémoires , et Chaufepié dans
son Dictionnaire. Tous ces morceaux
laissent beaucoup à désirer. La Fie
de Rabelais , qui doit îtie placée en
tête du [ircmier volume de l'édition
de MM. Esmanj;art et Eloi Juhan-
ueau , ne j)araîtra qu'avec un des
volumes non encore publiés. La Bi-
bliothèque historique de Li France
monlionue huit portraits j^ravés de
Rabelais; dejiuis on en a «^lavé plu-
sieurs : il y en a deux , l'iui eu buste,
l'autre on pied, dans la première li-
vraison des (îj^ures destinées à l'édi-
tion de M.^L Esman;;art et Eloi
Jjhanneau. L'article sur Rabelais,
fourni par M. Aii5:;cr, à la Galerie
française , est accompa|j;néc d'un
beau p.irii.iif. (3) A — (; — a,
UABENl'iR ( Thi:ophii,e - Guil-
laume ) , moraliste allemand , au-
teur de satyres estimées , naquit le
17 septembre 17 i4,à W^achau, près
Leipzi;; , terre noble, apjiarteiiant à
son père , qui était avocat au tribu-
nal supérieur du cercle de Leipzig.
En I7'i8, il fut envoyé au coltéj^c
de Meiïscn, dont son jiieul avait été
recteur , et il s'y lia d'amitié avec
Gartner et Geilcrt ( f^cj^. leurs arti-
cles ). Six ans après, il se rendilà
l'iuiiversilc de Leipzig , où il sou-
tint, à la (in de son cours de droit ,
en 1737 , une thèse De mitigandd
Jiirti picnd ob reslitulionem rei
ablatce. Les sciences administrati-
ves , surtout l'assièle et la percep-
tion des impôts, furent , non moins
que la jurisprudence , l'objet de ses
éludes. Il se montra, dès sa jeunesse,
Ci) La partie bibliograpbiqnc du pri'scnt article,
à partir da lias de la page 481,, est de M. A. Il — T.
RAB
et fut tonte sa vie un excellent hom -
me d'affaires. Sa facilitepour le tra-
vail , la sûreté et la rapidité de son
coup-d'ceil , le firent distinguer de
bonne heure : mais celte aptitude
pour une carrière active ne fit au-
cun tort à ses progrès dans plusieurs
branclios des sciences , ni à son goût
pour la poésie. Ses premiers essais
parurent dans une feuille publiée
par Schvvabe sous ce titre , Amu-
sements de l'esprit et de Vimas^i-
nation ( i ) , et ils formentle premier
volume de ses Satyres. Verve, gai-
té , connaissance du monde et des
travers de la société , le sentiment
des convenances, et une concision
qui contractait avec la prolixité et
le style verbeux des auteurs de l'é-
jioque, le signalèrent aux hommes
de goût comme un des écrivains ap-
pelés à tirer la littérature allemande
de l'état de nullité ou d'enfance où
elle était plongée. Mécontents du Re-
cueil de Schwabe , et de l'influence
que Gottschcd exerçait sur le choix
des morceaux qui y étaient admis,
quelques jeunes littérateurs , parmi
lesquels on remarque Cramer , Jean
Élie et Jean-Adol phe Schiegcl (oncle
et père de MM. Aug. Ouill. et Fred.
Schlegel ), Ebcrt, Zachariœ, Klops-
tock, etc. > se réunirent pour encoura-
ger l'entreprise d'un libraire de Bre-
men , qui leur avait offert de publier
tous les mois un cahier consacré aux
productions de leur p! unie. C'est dans
cet ouvrage périodique (2), que pa-
rurent les premiers écrits de plu-
sieurs des hommes qui contribuèrent
le plus à créer la poésie et à per-
fectionner la langue allemande. Ka-
(i) Belusligiingen des Verslandes und TT'Uzes ,
Leipzig, 174^ etsuiv.
(î) Neiie Bejtrage zum Vergnûge?i des Ver Glan-
des und J'J^ilzes , auxquels succéda bientôt : Sanim-
lung vermischier Schrjjten.
RAB 487
bener vit ses essais accueillis de squ
collaborateurs et du public. Ces tra-
vaux littéraires ne l'empêchaient pas
de rendre à la société des services
qui semblent, à la première vue,
inconciliables avec cette indépen-
dance d'esprit et cette verve d'ins-
piration qui sont les premières con-
ditions du talent poétique et les ga-
rants de ses succès. Dès l'an 174^ »
nommée! une place de réviseur des
contributions du cercle de Leipzig,
il se livra, jusque vers sa mort, ar-
rivée le 'l'î mars 1 77 1 , au détail mi-
nutieux et aride de diverses fonc-
tions fiiiancièrcs , à Leipzig et à
Dresde, avec une assiduité, une pro-
bité et une délicatesse exemplaires.
La justesse et la rapidité de son
coup-d'œil , la facilité avec laquelle
il débrouillait les affaires les plus
compliquées, lui acquirent l'esliine
publique , mais lui attirèrent en mê-
me temps un surcroît de travail
par le besoin qu^éprouvait l'admi-
nistration de recourir à ses lumiè-
res eî a son zèle dans toutes les cho-
ses diflàciles et contenlieuses. 11 met-
tait , dans leur expédition , tant de
rectitude d'intention , et tant de
sagesse dans la conciliation des in-
térêls des contribuables avec ceux
de l'Etat , qu'aucune plainte ne fut
articulée contre ses décisions , si
ce n'est dans ime épigramme , lancée
par son ami Kaestner ( Frjez ce
nom ) , dont le sens est à -peu-près :
« Rabener s'acquitte bien de la dou-
» ble tâche de se moquer de nous ,
» et de nous dépouiller. Il rit aux
» dépens de tout le monde, tandis
» qu'il nous fait tous pleurer. )> Sa ré-
putation d'équité était tellement éta-
blie ; son désir de ménager le con-
tribuable, si connu; cette saillie était
si peu capable de l'atteindre, que, du
vivant de Rabener, le pieux Gellerl
438
RAB
le proposa au brillant auditoire qui
suivait sou cours de morale ( impri-
me depuis , et deux fois traduit en
français ) , comme un modèle pour
ceux, qui voul.iieut allier les travaux
littéraires qui demandent le plus de
liberté et de fraîcheur d'esprit, aux
fonctions de l'homme public les plus
sèches et les plus laborieuses. Dans
la dernière e'dition des Épij^rammes
de Kaestner ( Francfort et Leipzig,
i8ûo , r''. partie , pag. t)2 ) , ce der-
uier crut devoir lui-même, dans une
note , rendre justice à la parfaite
bonté de son ami ; et avertir le lec-
teur que Rabener s'était le premier
amusé de cette épigramme, ainsi que
d'une autre plaisanterie de Kaestner
qui lui prédisait la prochaine arrivée
du jour où les campagnards , ap-
pauvris par sa sévérité , viendraient
à sa rencontre , en chantant comme
le voyaj^eur d'Horace , \]u\ , les po-
ches vides, ne craint pas la rencontre
des voleurs :
Canliibil vaciiut coram latron» v'alor.
A son tour, Rabener prétendait que
Kaestner s'était fait le défenseur des
paysans et des sots. Dans le bombar-
dement de Dresde, en 1760, il vit sa
maison détruite, et perdit son mo-
bilier , ses manuscrits , sa bibliothè-
que , tout , excepté la sérénité et le
calme d'esprit que donnent un heu-
reux naturel et une rcsij:;nation fon-
dée sur une piété sincère. « N'al-
» lez pas croire , mon cher ami ( di-
» sait-il dans une lettre adressée à
» Ferbcr après ce désastre), que mon
» coeur soit en cendres comme mou
» habitation. Je prends plus queja-
» mais part à tout ce qui regarde
» mes amis absents ; et je puis vous
» assurer, en toute vérité, que mes
» perles ne m'ont pas coûté une lar-
» me. J'ai vu brûler ma maison avec
RAB
» le plus grand calme , dont, au sur-
)) plus , je vous prie de ne faire hon-
» ncur , ni à ma philosophie , ni à
)) mon insensibilité , mais à la grâce
» divine que je ne puis assez louer.
» Les bombes nous forcèrent de nous
» réfugier avec une quarantaine d'au-
» très personnes , chez M. D. , oii
» elles vinrent bientôt nous chercher
» le i5 juillet. Vous n'avez pas d'idée
» des scènes comiques et lamentables
» qui se succédèrent sans interrup-
» tion. Fenêtres, chambres, salions,
» grenier, cour, toutes les ouvertures
» étaient garnies de fumierqui servait
» de litière à tous les âges , à tous
» les sexes , et à toutes les trempes
» de caractère. Quelques-uns de mes
» voisins montrèrent beaucoup d'hu-
» meur; il était écrit sur leurs (igures
» qu'ils reprochaient au bon Dieu de
» ne leur tenir aucun compte des
» prières qu'ils lui avaient adressées
» depuis quatre grandes années révo-
» lues, et de la cour qu'ils lui avaient
» faite à l'église si régulièrement.
» Dans un coin de la salle, des gobe-
» mouches traçaient au feld maré-
» chai Daun , un plan de campagne
» dont lesuccèslcur paraissait assuré.
» D'accord sur les opérations , ils ne
» puient s'entendre sur le parti qu'il
» fallait en tirer ; les uns opinant
V pour que le roi de Prusse fût sommé
w de se rendre à discrétion avec son
» armée ; les autres insistant sur la
» nécessité de la passer tout entière
» au fil de l'épée. La dispute s'c-
» chaufTa au milieu du fumier et des
» éclats de bombes ; on me demanda
» mon avis : j'opinai pour qu'on ne
» fit pas de prisonniers , mais je me
» trouvai eu minorité quand on alla
n aux voix. Une veuve de pasteur
» me prit à part pour me dire à l'o-
'» reille que nous étions trop heureux,
» et que uous devions des actions de
RAB
») grâce au ciel , le roi de Prusse ne
» uoiis tuaut et ne nous incendiant
» que pour servir la cause de la reli-
w giou. Ventrebleu , Madame , ni'é-
» criai-je, qu'a de communia religion
» avec mes perruques? Je venais d'ap-
» prendre qu'une grenade de trente
» livres avait dispersé toute ma gar-
» de-robe. — Enfin , cherFerber , me
» voici en vie, et avec tous mes mem-
» bres , mais pour tout bien un ha-
5) bit râpe' que j'avais mis à la bâte
» pour être phis leste à éteindre le
» feu , une vieille perruque qui n'a-
» vait pas été peignée depuis le com-
» mencement du siège , et qui s'était
» la première trouvée sous ma main,
» plus deuxvieillescberaises que j'a-
» vais déjà mises de côté pour mon do.
» mestique. Les manuscrits spirituels
» qui ne devaient être imprimés qu'a-
» près ma mort, sont tous consumés
» à la grande joie des sots des siècles
» à venir. IMaintenantil ne vaut pres-
» que plus la peine que je meure ,
» puisqu'il ne se trouvera rien pour
M être imprimé après ma mort (3).
y> Je mefaisais, depuis quelque temps,
» scrupule de vivre , en pensant aux
» privations que j'imposais au pu-
» blic , en m'obstiuant à ne pas mou-
» rir; mais à présent, je suis résolu de
» vivre , et de m'accommoder de
» l'existence dans ce monde comme
» je puis. » Ce fragment , en pei-
gnant la tranquillité d'ame de Rabe-
ner, et son boa esprit , peut , en mê-
me temps, donner quelque idée de sa
manière. On s'était flatté que , trans-
porté à Dresde sur un plus crand
théâtre et dans des relations plus im-
. portantes , où le plaçait son em-
_ (3) Il avait ( dans la prciace du 4"^. vol. de ses Sa-
tires, vu''lic en 1755 ) annoncé sa résolution de ne
plusrieu imprimer durant sa vie. Après le bi-ùlemeiit
de ses manuscrits , ses amis ne purent jamais le dé-
terminer à se remettre au travail , et ù réparer çstte
perte jiar de nouvelles compositions.
RAB 489
ploi, il agrandirait le cadre de ses
satires , et que les rangs élevés lui
fourniraient de nouveaux sujets et
des couleurs plus brillantes. Mais
cette attente fut trompée ; et lui-
même se bâta d'otcr cet espoir à
ses admirateurs, dans la préface du
quatrième tome de ses OEuvres , pu-
blié en 1755. 11 y répète sa détermi-
nation irrévocable de ne plus rien
donner au public pendant sa vie. Ce
qui l'affermissait dans sa résolution,
c'est la conviction où il était que ,
d'enjoués et plaisants qu'avaient été
ses écrits, ils prendraient désormais
le caractère de l'amertume et de l'in-
dignation , sentiments qu'une ame
telle que la sienne repoussait. Il y a
peu de doute que cette conviction ne
l'ait bien inspiré. Ses écrits , tels
qu'ils sont, pleins d'observations fi-
nes et vraies, d'une grande connais-
sance des bommes et de leurs tra-
vers, peignent, à la vérité, avec fran-
cbise et vigueur leurs folios et leurs
sottises; mais, loin d'être empreints
d'affections baineuses et misantro-
piques, ils respirent la plus aimable
gaîté, et constamment l'amour des
bommes et une opinion encoura-
geante sur ce qu'ils peuvent faire
d'eux-mêmes, par des efforts sincè-
res, et en cultivant les germes du
bien déposés dans leur nature, La
richesse des idées, une variété dotons
et de tournures, dans laquelle il éga-
le La Bruyère j une fidélité, exempte
de toute caricature , dans l'esquisse
des caractères et dans la maniîre
dont ils sont soutenus; une diction
correcte et coulante, une imagina-
tion riante et vive, une raillerie fine
et presque toujours de bon goût; une
grande netteté dans le trait, une fran-
chise d'intention , qui ne laisse aucun
doute sur le modèle qu'il a en vue
(modèle qui n'est jamais un individu,
490 RAB
mais toujours une espèce tout en-
tière de sots , de fripons ou de tètes
à l'envers ), sont, dans les tableaux
de Raboner, en parfait accord avec
cette gaîté et cette philantropie qui,
au milieu des excès et des ridicules
qu'il expose, ne l'abandonnent ja-
mais. Entre les diverses productions
de sa plume, celles qui réunissent
ces qualités à un de:;ré plus remar-
quable sont: le Teslament de Swift,
le Puisson d'avril, le JJicliomiaire
allemand, la Chronique du hameau
de Queilequitych , la Liste chrono-
logique de IS'icolas Alini , les Pro-
verbes d'.Jnton Panssa, dédiés à
l'dne du grand Sancho Pansa; les
morceaux intitules : Un poète est-il
taillable ? Preuves que la médi-
sance n'a sa source ni dans l'or-
pieil ni dans la méchanceté ,
juais dans un véiitahle amour de
nos semblables , a^'ec une bonne
Table des matières.mnh surtout les
Lettres satiriques. Ces dernières
sont indubitablement son meilleur
ouvrage, celui où la vérité des mœurs
et des caractères , la justesse des cen-
sures , et la force comique , bril-
lent du plus vif e'clat. 11 fa'it toute-
fois avouer que les folies cl les prèju-
f;èsqu'il attaque, ontenqiiebpie sorte
disparu de la scène du monde , qu'ils
sont remplaces par des travers
d'un genre diflerent , et que les ori-
ginaux qu'il immole à la risée, ap-
partiennent presque tous aux clas-
ses mitoyennes de la société. Les pe'-
dants, les demi-savanls, les petits-
maîtres j les ecclésiastiques gauches
et importuns , quelquefois coupables
de bassesses et de simonie; des su-
balternes trafiquant de leur ascen-
dant sur leurs maîtres insouciants ,
niais et vaniteux ;les gentillâtrespre'-
somplueux et bêtes ; les mauvais poè-
tes, les charlatauS; les avares, les
RAB
femmes vaines et folles , sont princi-
palement les objets de sa critique.
Rarement ses sarcasmes semblent-
ils atteindre une sphère supérieure.
Mais, comme les défauts et les ridi-
cules se retrouvent, sous d'autres ha-
liits , à tous les étages de l'èdiiice so-
cial , les portraits que trace la main
sûre et habile d'un peintre tel que
Kabcner, ollient des passions qu'on
voit réparai! re sous d'autres cou-
leurs dans les situations de la vie les
plus disparates, et des sujets d'étu-
de dignes de l'attention duujoraliste
et du liltéiateur de tous les siècles et
detoutes les nations. A vouons qu'il est
un résultat honorable pour les com-
patriotes de Rabencr , que ne man-
quera pas de tirer de la leciurede ses
écrits riiomme qui sait que la litté-
rature est l'expression de la société,
et que les tableaux de mœurs que
nous ont laissés particulièrement les
écrivains dramatiques , nous pré-
sentent . en quelque sorte, riiistoirc
morale des générations dont ils sont
contemporains. On peut dire que Ra-
bencr est, sous ce rapport, pour son
pays , un historien j»liis exact et plus
instructif que les auteurs de pièces
de théâtre, souvent fondées, sur-
tout chez les Allemands , sur des
mœurs i léales et un état fantastique
des affaires humaines. Rabencr re-
présente ce qui était sous ses regards;
et il faut avouer que son ironie ne
s'exerce que sur l'ii nocence , la pu-
reté, la boiiliomic*en personne, si l"'on
en compare les obj( ts avec ceux qui
provoquèrent les railleries d'Horace
etde Lucien, l'indignation de Ju vénal,
l'humeur de Boileau , les sarcasmes
de Swift, ou qui servirent de modè-
les an Méchant de QrcsscA^ixu Séduc-
teur an marquis de Bièvre, aux Sa-
turnales de Beaumarchais et aux in-
fâmes leçons de lord Chesterfield.
RAB
Auprès des originaux ignominicuse-
nicut exposés au fouet d'une satire
vertueuse, ou flétris parles louanges
d'écrivains corromj)us, les bonnes
gens que persiîHe Uabcner , sont des
êtres débonnaires, probes, recom-
mandables par des qualités solides et
parune véritable lionnèlclé. Puissent
la haute société, çt surtout les classes
mitoyennes des nations civilisées, ne
jamais offrir, aux pinceaux des mo-
ralistes", des vices plus dignes de blâ-
me, des travers et des préjugés plus
nuisibles à la moralité i des usages
plus contraires à l'iiumaîiité et à
l'honneur, que ceux qui ont exerce
letalenl pittoresque et d'observation,
l'animadversion et la gaîté de Uabe •
ncrî Si l'on demandait si son influen-
ce a été, comme celle de IMolicre ou
celle de Swift, sensible par des ré-
formes qu'on soit fondé à rapporter à
ses écrits, il devient plus difticilede
faire leur part relativementaiix chan-
gements opérés, depuis leur première
publication, dausies mœurs qu'il a dé-
crites. Ce qu'on pourrait, sans se trom-
per beaucoiqî, àllribuer à ses raille-
ries , c'est quelque modification ap-
portée à la rigueur de l'éliquelte qui
séparait la bourgeoisie de !a nobles-
se, et qui mettait, par exemple, sou-
vent obstacle à ce que le précepteur,
s'il était roturier, mangeât à la mê-
me table avec les pareuis nobles des
enfants dont il était l'instituteur et le
commensal aussi long -temps qu'il
restait attaché à leur cducalion. On
peut, aver moins d'hésitation, affir-
mer qu'il a été long-temps, comme son
excellent émule et ami Gellert, le fa-
vori du public allemand , et qu'il a
puissamment contribué à former le
sentiment des convenances sociales,
età épurer le goût deses concitoyens.
Au surplus, quoi qu'il eu soit des ef-
fets positifs de sou talent satirique ,
RAB
49»
Rabencr fut , entre ceux qui ont dû à
ce même talent une grande renom-
mée, le plus digne peut-être par
ses vertus , d'exercer cette magis-
trature morale dont l'autorité ne
peut que s'accroître par le mérite
personnel du censeur. iMais si , d'un
côté, il n'avait pas à craindre les
récriminations de ceux qu'il voulait
cori iger , en les faisant rougir ou ri-
re d'eux-mêmes, il était, de Tautre
côté , éminemment propre à s'éî iger
en réfuruialeur des travers d'une
nation distinguée par les qualités de
l'amc et par ses bonnes mœurs. Les
amis de Rabcner ont tous célébré à
Tenvi l'excellence de son caractère
et les charmes de son commerce.
Plein d'une gaîté spirituelle, qui,
dans l'intimité, serépand.iit en sail-
lies non moins remarquables que
celles qui brillent dans les produc-
tions soignées de sa plume , plein
d'égards et de bonté envey|, ses in-
férieurs, de cordialité et de ten-
dresse pour ses amis , de franchise
et de dignité dans ses relations avec
les grands , il était aussi sévère pour
lui-même qu^équitable et indulgent
dans ses jugements sur les autres, et
dans ses rapports avec ses subor-
donnés. Inflexible défenseur de la
justice comme magistrat , conscien-
cieux et zélé observateur de tous ses
devoirs, il apportait à ses travaux
une ponctualité, un esprit d'ordre,
eu même temps qu'nne habitude d'é-
légance et de concision, qui contri-
buèrent au perfectionnement de l'ad-
ministration où il occupait une pla-
ce importante, età la réforme du style
usité qi.i, jusqu'alors*barbare, ver-
beux et compliqué, reçut, par son
ascendant et ses rédactions , des amé-
liorations importantes , favorables à
laclarté et à l'expédition plus promp-
te des alï'aires. Il était animé des sen-
49^ RAB
tiinents d'une pieté sincère. Assidu
aux assemblées chrétiennes de sa
cominiiniou, ennemi de toutes su-
perstitions , et de disputes oiseuses
sur des matières de dogme , il té-
moignait à chifpio occasion combien
il détestait l'incréduiitc; et il se mo-
quait également de l'hypocrisie et de
l'intolérance. Quoique célibataire et
)Ouissant d'une grande aisance, il
s'imposait souvent des privations ,
ctse refusait beaucoup de jouissances
pour se ménager de plus abondants
moyens de venir au secours des mal-
Leureux. Son extérieur était agréa-
Lie, sa physionomie prévenante, son
œil plein de feu , sa stature de gran-
deur moyenne, et sa mise élégante
sans recherche. Son portrait a été'
pravé par Derger , Haid et autres.
Le meilleur est de Jjaase , d'après
le tableau de GralF, petit in-ful. et
in 8^*., en tète du x*^. volume de la
Nouvel^ Bibliothèque des belles-
lellresn beaux arts. A l'exception
d'une seule de ses Satires , toutes
sont écrites en prose , et ont étc
fréquemment réimprimées , depuis
i^Si jusqu'en 1772. La onzième
et dernière édition des OEuvres de
Rabcncr (en G vol., Leipzig, 1777,
in-8\ } est accompagnée d'une Vie
de l'auteur, par sou ami C. F. Wcis-
se : c'est la source oii ont puisé tous
ses biographes allemands. Le sixiè-
me volume renferme sa correspon-
dance avec quelques dames et avec
ses amis : Ant. Cramer, J. Ad.
Schlcgel , Frédéric de Ilagedorn ,
Gisekc, Gellert, Weisse et Fer-
ber. Ou a traduit les œuvres de Ra-
bener, soit en totalité, soit en partie,
en dilTércntes langues : eu anglais
{Satiricalletlers , Londres 1757 ,
1 volumes in-S".; et le Lève qui
révèle au poète les occupations
des ombres , dans le recueil :
RAB
Summer - Evenings enlertain-
ments, vol. 1'^. , Lond., i7G.i ). En
danois , en suédois , en hollandais
toutes ses œuvres : ( cette dernière
traduction , à laquelle Rullaud eut la
plus grande part, est très-estiincc;
elle a paru à Amsterdam , eu 1 760 ,
en 4 volumes ). Le public fiançais
ne peut guère juger du mérite de Ra-
bcncr par les traductions informes
ou incomplètes qu'on lui a données.
A l'exception de quelques-unes des
Lettres satiriques , traduites par Hu-
ber( dans le Choix de poésies alle-
mandes, tome IV, p. •l'ji) suiv. , et
imprimées à la suite des Lettres choi-
sies de il/. Gellert , Leipzig, 1770 ),
et de quelques morceaux imités de
Rabencr, et publiés dans le Journal
étrangler, aucun des ouvrages de Ra-
bencr n'a clé traduit d'une maniè-
re supportable, en français. Le style
du livre intitulé : Satires de M. Êa-
bener, traduction libre de rallcmaud,
par Boispréaux ( Dujardin ), Paris ,
175'}, '2 vol. in- II, est tout-à-fait
tudcsque ; et les Mélanges amusants ,
recréatifs et satiriques de littératu-
re allemande , trad. librement de
Rabener, par M. N. L. F. , Paris,
177G, 4 vol. in-i2, offrent plutôt
nue imitation et des extraits des œu-
vres de Piabcner , qu'une véritable
traduction ( i ). Il est juste de dire
(ju'une traduction fidèle demanderait
tant de soins , et , pour cclaircir les
nombreuses allusions aux usages na-
tionaux et même locaux , dos no-
tes tellement étendues , qu'un littéra-
teur capable de se bien acquitter de
celte tâche aurait , pour être excite'
à la remplir , besoin d'encourage-
ments qu'd est peu probable d'ob-
■ ( i) Od a aussi Osaureus , ou le nouvel Aheilard ,
comédie , traJiiile d'un manuscrit allemand de fia-
heiier ( pai Caillcau ) , Beruc (Paris , l'auteur) ,1761,
iu-I2.
RAB
tenir du public en faveur d'un
poète peu connu en France, et peu
lu aujourd'hui , même dans sa patrie.
Klopstock a célèbre' le talent et les
vertus de Rabcner , dans son Win-
golf ou Temple de l'araitie' ( i^.
chant , i*^'. vol. de ses Odes , p. 12).
S— R.
RABUTIN ( Roger de ). Foyez
BussY, VI, 374.
RACAN ( Honorât de Bueil,
marquis de ) naquit en iSSg, à la
Roche Racan, château situé à l'ex-
trémité de la Touraine, sur les con-
fins du Maine et de l'Anjou, dans
une des contrées les plus poétiques
de la France, et par son climat dé-
licieux , et par ses sites riants , et par
les souvenirs historiques dont elle
abonde. C'est sans doute à l'inspira-
tion de ce beau pays qu'il fut rede-
vable de son goût pour la poésie et
du caractère de sou talent. L'étude
n'exerça aucune influence sur la di-
rection que suivirent ses idées. Son
père était mai'échal-de-camp ordi-
naire des armées du roij et l'on
peut conjecturer avec raison que le
chantre des Bergeries reçut une édu-
cation toute militaire. 11 avait mê-
me tant d'aversion pour la langue
latine, qu'il ne put jamais, dit-on,
retenir le Confiteor. Mais son jeune
esprit, fécondé par les images gra-
cieuses que lui offrait la terre natale,
avait senti le besoin et deviné l'art
des vers. Racan n'attendait qu'une
occasion pour être poète. Le hasard
lui fit trouver cette occasion dans
un séjour et dans un emploi où l'on
en trouve ordinairement de toutes
contraires. En i6o5, il devint page
de la chambre du roi. Placé comme
tel sous les ordres du duc de Belle-
garde , quelques liens de parenté
qui l'attachaient à l'épouse du duc ,
lui ouvrirent un' libre accès dans la
RAC 493
maison de ce seigneur illustre, que
le bon Henri avait chargé alors de
prendre Malherbe pour commensal.
Il était dans la destinée de Malher-
be , après avoir été le premier ré-
formateur de la poésie française, de
créer encore des poètes français. Une
de ses Oies devait révéler à La Fon-
taine h secret de sou génie; et lui-
mêi..c il forma Racan, par des le-
çons vivantes, et pour ainsi dire par
la pratique. Bientôt on ne distingua
plvis ni le disciple ni le maître. Rivaux
et toujours amis, leur tendre atta-
chement dura , sans la moindre alté-
ration, jusqu'à la mort de Malherbe,
arrivée en 1628. Cette liaison si
honorable pour tous deux ne se bor-
nait pas à des rapports littéraires.
Revenant de Calais , où il avait ser-
vi au sortir des pages (i), Racan,
inquiet de la manière dont il devait
désormais régler sa vie, et s'établir
dans le monde, ayant, comme dit
La Fontaine :
. . . Les siens, la cour, le peuple à contenter,
pria Malherbe de lui tracer un plan
de conduite qui pût obtenir l'appro-
bation universelle. On sait comment
Malherbe répondit, en lui contant
l'ingénieux apologue du Pogge, dont
(i) Sou séjour dans cette ville où il était en gar-
nison, nous fournit Tauecdote suivante , que Ména-
ge rappoite dans ses Observations sur Mallierbe. Eh
itioS, le jeune Racan, s'avisant de sa verve, jeta
tout d'un trait sur le papier le quatrain que voici :
Estime qui voudra la mort épouvantable ,
Et la face l'horreur de tous les animaux ;
Quant à nioy je la tiens pour le poinct désirable
Où commencent nos biens et finissent nos maux.
À quelque temps de là, il récite sou quatrain à un
de ses amis. Quelle est sa surprise, lorsque cet ami
le lui montre mot pour mot, au commencement du
livre intitulé : les Tablettes d:: la vie et de la mort ,
par le conseiller Matthieu ! Cette rencontre au .sur-
plus s'explique facilement par l'usage où l'on était
alors de faire apprendre par cœur aux enfants des
quatrains de Pibrac , ou de semblables moralistes,
aiusi qiie l'atteste un passage de Molière , dans sa
comédie de Sganarelle , acte i^'. , scène i''". Le
quatrain dont il s'agit se sera retrouve tout d'un
coup dans la ti?te du jeune ^oète, où il était perdu
avec d'autres souvenirs d'enfance.
494 RAC
La Fontaine, qui s'est empare de
cette anecdote , a fait depuis sa belle
fable intitulée, Le Meunier^ son ftls
et Vdne. Racan passe pour avoir été
un des seigneurs les plus galants
d'une courqui s'était formée à l'erole
de Henri IV (-2). Il se maria à l'âge
de trente-neuf ans. En i652, il per-
dit un (ils âge de sei/e ans , qui mou-
rut page (le IMademoiselle, et dont
il fit lui-même l'épitaplie dans un
sonnet. En voiei quelques vers, plus
touchants peut-être par leur naturel
que la douleur élégante et travaillée
de Quintilien, après une semblable
perte :
f"-e fils doDl l'aimable iriinrsse
1^ enduit Je mes vieux inurs tons 1rs désirs contents,
Ce lils, qui fut rappuy de ma fnible vieillesse ,
A vu tiiuiber sans triiictla Heur de sou |iiiutem)is.
Tout le siîcif jupeai|(|uVn sa vertu naissante
La tige de llueil, jads si florissante,
Vonloil sur son diclin l'aire un demi r elTort.
Sou esprit fut brill;<iit , son auie ct-mreuse;
El jamais sa maisou illustre et uiiilbcureuse
N'en a receu d'eniAv que celui de sa mort.
Racan fut un des premiers membres
de l'académie française. Celui de ses
ouvrages qui eut le plus de vogue, et
devint le fondement de sa réputa-
tion , c'est la pastorale des Bergeries,
dont le titre est encore cite quclque-
(«) II était extrêmement sensible à la beauté des
femmes , et n'eiit |iiis volontiers écliange ses exploits
palants contre les trioniplics des ]>Ius grands guer-
riers , ou les succis diplumaliunes des plus babiles
inini>tres. ainsi qu'il l'avoue dans une de ses let-
tres. Malherbe, cjui n'avait pas en amour les uirmes
avantages, s'etail, dans une lellre à Italzac, per-
mis quelques plaisanteries sur les bonnes fortunes
de Bacan : « Du côté des Hcrgeries, sou cas va le
» mieux du monde; mais ceites, pour ce qui est
» des Ix-rgères , il ne saurait aller ].is. t.elte afTaire
« veut une sorte de soins, dont sa nouibulance n'est
«> pas cap^ible. S'il attaque luie place , il y va d'une
>i fae, n qui fait cr. ire que s'rl l'avait piisê, il en sc-
» lail bien empescbe , etc. » Celleraillerie vint aux
oreilles de P.acan , qui p' it feu l.'.-de.ssi s, et ( crivit
à Ralzac, avec une iodignatii u comique : •< M. de
« Malherbe a eu l'cHroiiterie de m'accirscr de froi-
ndiur, lui qui n'est plus que glace, et (Je qui la
.' dernii'iemaitrisse est morte de vii illesse l'année
» du grand byver.ll a beau jeu à se vanter desmer-
» veilles de s» jeunesse^ersonne ne l'en peut dé-
» mentir , et ])our moy, etc. » Ces petits détails
.•«rveqt à faire connaître le ton d'une époque.
RAC
fois , mais qu'on ne lit plus guère.
Fontenclle a dit qu'avant Corneille,
le viol réussissait dans les pièces de
Hardy. Racan a fait de ce moyen
anti-dramatique , un des incidents
de son bizarre ouvrage (3), où, à côté
des passages les plus monstrueux , se
trouvent quelquefois des vers d'une
grâce naïve et enjouée. La pièce de
Racan la plus connue de nos jours,
est celle qui commence par cette
stance :
Thyrsis, il faut penser à faire la retraite ;
La course de nos jours est plus qu'à deuiy faite ;
L'âge Insensiblement nous conduit à la mort :
Nous a\ons assez veii sur la mer de ce luundc
Lrrer au gre dis vents nosire nef vagabonde;
11 est temps de jouir des délices du port.
On remarque, dans toutes les stances,
un licui eux choix d'images, et une lé-
gère teinte de cette mélancolie si fort
à la mode aujourd'hui. On est surtout
frappe de la singulière pci fection de
style qui s'y soutient d'im bout à
l'autre. Rien ne prouve mieux corn- *
bien le choix mcine des mois dé-
pend du degré de vérité dans l'émo-
tion. Racâii , sous l'inspiration d'une
heureuse cl furie idée , écrit avec une
clég.iiue et une pureté ([uc Malherbe
se [)Iaiguait de trouver trop rare-
ment dans ses vers. Presque pas une
expression qui ait vieilli. H est vrai
que le génie de Racan ne le sert ja-
mais mieux que lorsqu'il s'agit de
peindre la rapidité de la vie, l'in-
constance de la fortime , le néant de
(3)11 nous a|iprend I ui- même qu'il s'i tait proposé
de se servir d'un sujet assez connu à la cour. i< .Mais,
» dit-il, les d' plaisir.s que je receus d'une cei laine
» personne ipii ei.l pu s'en allribuer Ic^s plus belles
>i advinUires, me llrtnt k Sfiudre .'.changer les deux
» pi entiers actes, qui étaient desjà faits, pbistnst
» que de luy duui;er Je content ment de voii- l'Iiis-
» toirc de ses aiaouf.s dans mes vers. <i l'ar uu autre
jiassagc de la même lettre , il parait que cette ))er-
sonue qu'il a privée d'uti contentement si étian.^e,
avait, malgré ses lort^ et la vengeance du poite,
conserve encore des droits sur sou ancien amant. 11
s'ap; laudit d'avoir placé dans sa pièce le nom d'Ar»
tcuice, que pot tait cette belle, u et voudrois estre.
» dit-il , capable d'en faire durer la ménjoirc aussi
» loog-temps que l'amour que j'ay jjour elle. >i
RAG
la gloire. Parmi les autres produc-
tions de ce poète, nous signalerons
à la curiosité moderne un discours
contre les sciences , prononce' à l'a-
cade'mie française, le 9 juillet i635.
Il est impossible que ce simple énon-
cé ne réveille pas aussitôt dans l'es-
prit du lecteur le souvenir du fa-
meux, discours que Rousseau com-
posa sur un sujet semblable, et qui
fut, plus de cent ans après celui de
Racan, couronné par une académie.
Il serait piquant d'examiner le même
paradoxe , naissant entre les mains
d'un poète, au commenccmentjiu dix-
septième siècle, et développé au mi-
lieu du dix-huitième, par un phi-
losophe; léger prétexte de badinage
pour le grand seigneur opulent à qui
tout riait dans l'ordre social ; arme
terrible et vengeresse pour le plé-
béien pauvre que l'ordre social fati-
guait, écrasait, du poids même deses
avantages. Le paradoxe dans la bou-
che du preinier n'a rien de passion-
né, d'hostile, de vindicatif. Bien
qu'en général Racan tirât assez vo-
lontiers vanité de son iguorance, et
afflctàt en homme de cour un dédain
chevaleresque pour les savants, ou
voit néanmoins en cette occasion que
ce n'est pas de bonne-foi qu'il atta-
que les sciences dont il se proclame
l'antagoniste. Sa seule intention est
de faire du bel-esprit , et il n'y réus-
sit que trop. Sa diction, ingénieuse
jiisqu'à la subtilité, manqiic de nerf
et de chaleur. Quant au fond des
idées , on y cherciierail en vain une
argumentalion sérieuse, et cette es-
pèce de vérité sophisliqi:e dont les
paradoxes tirent leur agrément et
leur singularité. Toute la harangue
pst sur le ton des plaisanteries de
Voiture. On y rencontre plusieurs
traits fins , mais peu naturels , celui-
ci, par exemple , où Racan s'appuie
RAG 495
du mépris que les Romains avaient
pour les sciences, « qu'ils estimoient,
» dit-il, indignes de leur grandeur,
» hormis celles qui leur apprenoient
» à donner la paix à leur estât , et
» des loix à tout le reste du monde.
» A peine sçavoient-ils assez de nom-
» bre pour coiçpter les royaumes
» qu'ils possédoient, et ne se sont
» point travaillez à mesurer la terre
» pour ce qu'ils ne la vouloient par-
» tager avec personne. » Racan
dans son vieil âge, chercha, de même
que Corneille, à sanctifier la poésie
en la rendant l'interprète des Livres
sacrés. Les poètes ont seuls le pri-
vilège de concilier ainsi leur grande
passion dans cette vie avec les inté-
rêts de la vie à venir. De même que
Corneille, Racan, en traduisant les
psaumes , resta bien inférieur à ce
qu'il avait été dans un genre profa-
ne. Malheureusement pour lui, sa
chute a été moins rude; car il tom-
bait de moins haut. Racan vécut fort
avant dans le siècle de Louis XIV,
et mourut en février 1670, à l'âge
de quatre-vingt-un ans, ayant sur-
vécu aux hommes , aux mœurs, aux
idées, au langage même, qu'il avait
trouvés à la cour dans les biillantes
années de sa jeunesse. On prut lui
appliquer ce mot de Pline le Jeune ,
sur un Romain illustre : « La posté-
» rite comuiença pour lui de son vi-
» vaut. «Cette postérité, quelque-
fois si amère à ceux qui ont le grand,
tort de mourir tro]) tard, n'altéra
en rien la gloire de Racan. Dans ses
vainqueurs mêmes , elle lui don-
na des panégyristes; et le rival de
Malherbe, près de rejoindre son
ami, parut s'endormir au milieu
d'un concert de louanges. Boilcau ,
le persécuteur de tant de renom-
mées littéraires , respecta celle de
Racan. Voici le jugement qu'il por-
49G RAC
te de ce poctc,dans nue lettre à "Maii-
croiy : « Racan avoit plus de gé-
» nie que Malherbe. Biais il est plus
» néglige' , et songe trop à le copier;
» il excelle surtout à mon avis à dire
» les petites choses; et c'est eu quoi
» il ressemble mieux aux anciens ,
» que j'admire surtput par cet cn-
» droit. Plus les choses sont sèches
» et mal-aise'es à dire en vers, plus
» elles frappent quand elles sont di-
» tes noblement et avec celte clcgan-
V ce qui fait proprement la poe'sie. »
Le même Boileau a bien caracie'risc'
Racau et M ilhcrbc , dans ces deux
vers de l'Art poétique :
M.illierlx- (l'un lurvs peut vanter \p* exploit» ;
Rdcan , cUaut'T Pliili» , le» bergers cl in Uji».
Il a été moins exact et moins vrai
dans sa neuvième satire, lorsqu'il dit
en se juslili lut de ne point quitter le
fouet de Lucilc pour emboucher la
trompette bcro'ique :
Tout cluiilrcnc ]ieut pat, surir ton d'un Orplure,
lîntoniier en ](rands vers la Discorde rtuaOt-r ,
Peindre tWJloncen frii toun;iDt de t<iute5 parts,
Elle Belge rlTraTé fnraut sur «es remparts.
Sur uu tnu si hardi . >aus nrc triurraire ,
Racan pourrait ch.>Dtcr à dtlaut d'un llumcre.
Après ce tableau tout lyrique, la
raison disait sans doute Malherbe ;
mais la mesure du vers a valu à Ra-
can un éloge trop pompeux, que nous
uepouvons acceptcrpour l'autcurdcs
Beri^eries (4)> Sabaiier de Castres,
dans ses Trois Siècles de la littératu-
re française , prétend justifier ces
(.'l) Le Lantiniana , rnanii^crit rpie j'jÎ cil** ci-
desus J l'aitirle RabETI.AIS, rapporte que Raran
«'était miDe \ gag-rrr des proci», A qu'on disait que
c'était de lui que Ttoileau a voulu pailcr daus ces
vers de son epilre II i
t'es fous dont la sotte avarice
Va de ses revenus engraiss<T la jastice.
Qui , toujours a>si:-iuiit et toujours as»i;;nés,
Souvent demeurent ^ucox devingt procès gagne's.
Cette circon~taDce a < té inconnue à Rrossettc et à
tous les autres commentateurs de Boilean jusqu'à ce
jour. L'un des fjs de Racan [ dit le nicuic Lantinia-
na ) acte précepteur des paRrr, du daupLin. Ilseni-
Wc que le CIs d'un gcnlilhoiume qui avait eu qua-
raut« mille livres de rentes , p,juT»it pret*-ndre a la
cour à un emploi plus relève que cdui-ld. A. S T.
RAC
vers de Boileau, en en faisant l'ap-
plication aux odes que Racan a com-
posées , et q".i, dit-il « le mettraient
» même au-dessus de Mallicrbe, si
» elles avaient autant de pureté et de
» correction qu'elles ont d'élovalioa
» et d'enthousiasme. » 11 semble que
l'élévation et l'enthousiasme n'étaient
pas le caractère dominant du génie
de Racan. Il a plutôt de la grâce et
de la mélancolie. Au surplus, les
deux éloges de Boileau paraissent en
dire moins que deux vers de La Fon-
taine à la gloire de Malherbe et de
Racau^
Crsdeui riva'ix d'Horace, Iieritiers de sa lyre.
Disciples d' Apollon, uos maîtres pour mieux dire.
Racan n'était pas seuleinent un poète
distingué; c'était un homme aima-
ble, qui savait et converser et vivre.
Ou recherchait sa société. Il trouvait
dajis son heureuse mémoire une
source intarissable d'historiettes et .
de bons mots. Mais, soit par une
faiblesse naturelle d'organes, soit,
comme plusieurs traits de son carac-
tère le pourraient faire croire , par
une sorte de coquelteriq et de hau-
teur dédaigneuse, il contait à voix
basse, et ne se faisait pas entendre
bien distinctement. Un jour qu'il
avait fait un conte des plus piquants
dans un cercle nombreux , personne
ne se mit à rire, parce qu'on n'avait
pas saisi toutes ses paroles. Racan ,
se tournant alors vers INIénage, lui
dit : « Je vois bien que je ne me suis
» pas fait entendre; Iraduiscz-raoi ,
» je vous prie, en langue vulgaire. »
— Les ouvrages de Racan sont :
les Bergeries, Paris, i6'i8, in-S".
— Lettres diverses, dans le recueil
des Lettres nouvelles de Faret, Pa-
ris, 16-27, in-8<*. — Les Sept Psau-
mes de la pénitence , en i63i , in-
8". — Poésies diverses , dans les
recueils de lOii, 1O27, iG33. —
RAG
Odes sacrées, dont le su^et est pris
des Ps'iumcs deDa\id,et qui sont
accoiniuodc'cs au temps, aTec un Dis-
cours contre les sciences, Pa lis, 1 65 1 ,
in-S". — Mémoires pour la vie de
Malherbe^ i65 1 , in- 1 a (2). — Der-
nières OEuvres et Poésies chrétien-
nes, Paris, 1660, Ce volume, dont
les sollicitations de deux amis arra-
chèrent à Raca« la publication tar-
dive, tut adresse par une épître de
l'auteur à l'académie française. Cous-
telier donna, eu \'i'3.l\ , à Paris , une
nouvelle édition des Oii«i^re5 de Ra-
can, 1 vol. 'u\-\'i : il !a disait com-
plète; mais il y manque, entre autres
pièces , une Ode à Riclielicu , et les
JMc'moircs sur la vie de Malherbe.
On a donne' au théâtre du Vaudevil-
le , en 1799, la Fisile de Racan ou
la Femme bel-esprit ( Magasin en-
cjcl. , 5^-. année, ii , SSg ). P. D-ï.
RACHYD ED DYN. F. Raschid-
Eddyn.
(?) Que!<|Mos liil>lingiaii!ics(ilciil rt-lto editi'ondc
itioi ; mais beaucoii|i rcvocpiriit eu tldiitc sou exis-
tence. Personne ue l'a vue. La Viihliulliéquc liisloii,--
tjne de la h'rnnce , n". i^33b de la i"'^. édition ou
475o(j delà seconde, ne mentionne pas d'cdilioii 3»i-
lerieure ."i celle qui parut en 1G72, dans ie volume
intitulé : Diven Iniilés d'hislolre , de morale etd'é-
Ir.'/nence , un petit volT-me iu-11. P. de Saint-
Glas, alihé de Saint- U.'sius, qui en fut l'édi-
teur, n'a mis aucune note, ni avis, et n'explique
pas conséi|uomment si jiisqiie-lù celte pièce était
inédite, ou s'i! n'en donne cju'uue nouvelle impres-
sion. Les auteurs et éditeurs de la Bibtiolh'-tjue his-
torique de la France jionseut que c< Racrin n'a pa.<
» fait proprement luic Vie de IMalberlie, mais unpe-
11 lituuviage intitulé: L.r<i Failf et dits de lUaUier-
» be. > Ce titre convient assez à l'opuscule impri-
me eu 1672, et réimprimé en 1717, dans la première
partie du tome second des Mémoires de liltcralure ,
par Saller.gre. Mais fabbé Joly ne peut croire que
cette Vie de Mnlherbe , telle que nous l'avons, suit
fouvr.igc de Kacan, l'iimi , le disciple, le fils do
Malherbe, et dont il n'a pu 'déshonorer la me moire.
Nou-seuliment celte Vie Vil iuiurieuse à Mallicrije;
elle est remplie de contradictions qui ne peuvent
venir d'un écrivain aussi judicieux que llacau. (Ce-
pendant Pellisson, dans sa 7?e/rt/ on contennr.l l'his-
Inire de l'académie française , page 280 de l'édiliou
de iG53, parle de faits concernant Slailierbe , qu il
a '• appris dejiiiis peu dans quelques Mémoires que
» Prl. de Kacan a donnés pour la vie de cet execl ■
» lent poète. » Ou peut conclure, de ces paroles ,
que les Mémoires de Racan sur Malherbe existaient
<lès i(J57. ; mais niin qu'ils fussent imprimés. Pellis-
son a conservé les mêmes termes dans son édition
de 1672. A. B-^T.
XXXVI.
RAC
497
RACINE ( Jean ) naquit à La
Ferlc-Miloiî , le 21 décembre i63(),
de Jean Racine, contrôleur du gre-
nier à sel de cette ville, et de Jean-
ne Sconin , lille d'un procureur du
roi aux eaux - et - forets de Villers-
Coterels. Sa famille, anoblie par
l'acquisition d'une charge , avait un
cygne dans ses armoiries; et certes,
jamais armes pailanles ne se trou
vèrcnt mieux justifiées. Orphelin de
père et de mèic, à l'âge de trois ans,
il passa sous b-ulutclle de son aïeul
paternel , nomme aussi Jean Racine
( I ) , qui le'gua , peu de temps ai>rès ,
cette tutelle à S:! veuve. 11 étudia
d'abord à Beauvais , puis à Paris au
collège d'Harcouit , puis enfin à
PortRoyal-dcs-Champs, où s'étaient
alors retirés , pour se dévouer à
Dieu et à l'instruction de la jeunes-
se, l'avocat Lcmaître , le docteur
Hamou, Nicole, Sacy, Lancelot ,
auteurs de la Logique, de ia Gram-
maire générale et d'autres ouv-rages
classiques, connus sous le titre de
Méthodes de Port-Rojal. Lancelot
se chargea particulièrement d'ensei-
gner le grec au jeune Racine. Avec
le goût des bonnes-lettres et des étu-
des sérieuses, ces immortels solitai-
res inspirèrent à leur élève ces prin-
cipes religieux qui ne l'abandonnè-
rent jamais, et dont s'honorèrent ,
comme lui , sans exception , tous les
grands écrivains , tous les grands
horurae3 du grand siècle. La docili-
té de Racine envers ses maîtres éga-
lait son ardeur pour l'e'tude. Il se
montra pourtant indocile une fois.
On lui avait ôté des mains le roman
grec de Théagène et Chariclée ; il
s'en procura un autre exemplaire, et
(1) Et non pas Pierre Sconin, comme l'a dit La-
liarpe, sur la foi de Louis Piacine, dont plusieurs er-
reurs de ce genre ont été rectiCtes d'après dua actes
authentiques.
3-2
498
RAG
l'apprit par cœur :puis, le remettant
à Lancclot, il lui dit : J^ous yom'ez
hriller encore celui-là. Qnc\cusciSiins
peine nne dosobcissauce d'un genre
si nouveau: on n'avait pas à craindre
qu'elle eut beaucoup d'imitateurs. S 311
premier essai poétique fut la ISj in-
plie de la Seine , ode qu'il composa
fiour le mariagcdc Louis XIV; et qui
'ayant fait connaître de Chapelain,
arbitre passajjcr des réputations lit-
téraires et des grâces de la cour, lui
valut cent louis comptant, que Col-
Lert lui envoya de la part du roi. Il
reçut, peu après, une pension de
six ceuts livres. Quatre ansplus tard,
vers la (in de i(j(33, nne autre Oile,
la Renommée aux Muses , compu-
sce à l'occasion de rétablissement
des trois académies , lui mérita une
seconde gratification royale, dont
l'ordre était àioncc avec cette grâce
qui accompagne toujours les bienfaits
des Bourbons. Cette Ode, inférieure
à la première, futcependant plus heu-
reuse. Récompensée, comme l'autre,
par le roi, elle eut le bonheur d'être
critiquée jiar Boileau. Le j)oète dé-
sira remercier le critirpie; et ce fut-
là l'origine de celte li.iison intime ,
si honorable, si utile à Racine, et
qui ne fut pas un des moindres avan-
tages que la fortune lui donna sur
Corneille. Un peu avant cette épo-
que , Racine avait connu Molière; il
lui avait communiqué une tragédie
de Théa^ime et Chariclée , tirée du
roman pour lequel il sétait tant pas-
sionné à Port-Pioyal. JNloIière , n'en
ayant point été content, lui donna
le plan de la Thébaïde, ou les Frè-
res ennemis , sujet sur lequel on as-
sure qu'il s'était exercé lui - même
(•i). Celte pièce eut quelque succès.
(a) <• Pluiienr» ppr«oi:ue5 ont ciilttulii r^rnotir U
i> Miiiit)'M|iiii'<i iiD l'ait c|ui ji;i!>«.-iit pour constant à
r IttirUcaui , U'>i|'ri'S uni: ancienne IraJiliiin du pav.i;
RAG
Alexandre , joue l'année suivante
(iG6f)), réussit complètement, et
montra de grands jirogrès dans la
versincation de l'auteur, alors âgé
de vingt-cinq ans; mais, hors les
vers, rien, dans ces deux ouvrages,
n'annonçait encore Racine. C'étaient
deux, faibles imitations tic Corneille,
dont, |)ar un malheur assez ordinai-
re aux imitateurs. Racine n'avait
pris (pie les défauts, c'est-à-dire, la
galaiiteiie froide mêlée à l'héroisme,
les maximes oiseuses, les raisonne-
ments métaphysiques et la déclama-
tion. Corneille, h qui Racine lut son
^■tlexandre , lui conseilla, dit - on ,
de ne plus faire de tragédies. Le mê-
me conseil fut donné, depuis, à Vol-
taire, par l'onteiiclle , a|)rès la lec-
ture de lirutus. Il est heureux pour
les lettres que ces conseils n'aient
point été suivis. Voltaire y répondit
en donnant Zaïre ; Racine, en don-
nant Andromnque. Kngagc jusque-
là dans une mauvaise route , Raci-
ne en prit tout- à -coup une dillé-
rente, inconnue jieiit - être à (cor-
neille lui-même. Celui-ci avait éton-
né, enlevé le s|)ectateur : son jeune
rival chercha à l'émouvoir et à l'at-
tendrir. La pitié lui parut un ressort
tragique plus actif , plus étendu ,
d'un elfet plus pénétrant et moins
passager que l'admiration. Il étudia
le cœur humain, ses passions, ses
faiblesses, ses replis les plus secrets.
C'est là qu'il découvrit un genre de
tragédie tout nouveau , dont il ofliit
le jnemicr , et probablement l'ini-
mitable modèle, dans son Andro-
muf/ue, celle de toutes ses tragédies
qui , sans être la plus parfaite, pro-
r. c'est ijuc M'iliire, n'ft.inl encore que conic-.liin
» de campagne, av.it fjit rcpr<-5eiitir dans cette
» ville noc tnif-edie de »a façon, intitulée ]a Thé- ^
>■ baie/e , dont le peu de auccès J'avail dégoûté de
>■ faire dea lr..gedies. «(Œuvres de Racine , édition
d'Afjasse, putilitfe 601807.)
RAG
, ^ dnit le pins d'olTct au lliéâtrc , par
If l'expression énergique et vraie des
^ sentiments et des caractères , et par
riieureuse alternative de crainte et
d'espérance , de terreur et de pitic ,
dont le poète sait agiter nos âmes.
La représentation d'Andromacpic
( 1667 ) fut suivie, presque chaque
année, d'un nouveau chct-d'œuvre.
Mais Racine surprit d'abord le pu-
blic par une excursion dans le do-
maine de Molière. — Les Plaideurs ,
imite's des Guêpes d'Aristopliane ,
sont une comédie d'une intrigue un
peu faible: mais que fie naturel, de vé-
rité, de facilité, dcgaîté! quelle foule
de vers devenus proverbes î Mal ac-
cueillie d'abord à Paris ( liMiS ) , la
pièce réussit fort bien à Versailles.
Les comédiens, tout joyeux du suc-
cès, vinrent, à leur retour, réveiller
Racine au milieu de la nuit , pour lui
.npprendre cette bonne nouvelle. Le
bruit des voitures , à celle heure ,
dans la rue des Marais (3), fit croi-
re aux voisins , et le lendemain à tout
Paris, que la justice s'était vengée de
l'auteur des Plaideurs , en le faisant
mettre à la Bastille. Cette plaisante
méprise , et la connaissance qu'on
eut bientôt du suffrage du monar-
que, ramenèrent à la comédie de Ra-
cine le bon peuple de Paris; et , de-
puis ce temps , la pièce est en posses-
sion défaire rire la Justice elle-même.
11 n'est pas vrai que les Plaideurs
soient de plusieurs mains. Racine a
pu recevoir de ses amis le motif de
quelques scènes , et emprunter à quel-
ques hommes de palais (4) quelques
formules, quelquesexpressionsétran-
(3) L'appartement occupé par Kacine dans ceUe
petite rue du faubouii; Saint-Germain, Ta été suc
cessiveineut depuis par les deux tragedienuis qui
j)eut-ètre ontle mieux joué ses chefs-d'œuvre , BlU»?.
Lccouvicur etM'l>=. Clairon.
(4) -^I- de Brilhac, conseiller au ))arlcnicnt, et
uièmerillustre Lamoijju&n.
RAG
499
gères à ses études habituelles : mais
l'ensemble, mais le tissu du style est
trop parfait pour n'être pas d'un
seul et même écrivain. Le succès
d'v/ndromaque , qui n'était compa-
rable qu'à celui du Cid, avait éveil-
lé l'envie : peut-être aussi avait il ren-
du le ptdjlic plusdiflicile. — Britan-
nicus fut reçu froidement ( 1669 ) ,
et se traîna péniblement jusqu'à la
huitième représentation. ( Voyez
Floridor. ) On ne sentit point d'a-
bord tout ce qu'avait de vrai , de
profond , de terrible , ce tableau
historique du caractère et de la cour
de Néron. Boileau , jiresque seul,
en fut frappe ; et , courant em-
brasser Racine , il lui cria devant
tout le monde : Voilà ce que vous
avez fait de mieux. Ce grand criti-
que ne fut pas seulement utile à Ra-
cine , en le louant ; sa sévérité le
servit enèorc mieux , en lui faisant
supprimer deux scènes qui dépa-
raient l'ouvrage : l'une entre Bur-
rhus et Narcisse, au commencement
du troisième acte; l'autre, qui rame-
liait Junie, au cinquième, en pré-
sence de Néron (5). Louis Raci-
ne, dont on apprend chaque jour à
lire les Mémoires avec plus de dé-
fiance, parce qu'il ne les a écrits que
sur des oui-dire, rapporte que « ces
» vers de la dernière scène du qua-
» trième acte :
Pour toute ambition, pour vertu singulière,
11 excelle à conduire un cliar dans la carrière ,
A se donner lui- même en spectacle auxRomaiiiS,
» firent une vive impression sur
» Louis XIV , qui crut y voir une
» censure de sa conduite, et que,
» dès ce moment, il quitta l'habi-
» tilde où il était de figurer dans les
» ballets qui se donnaient à sa cour.»
11 est très - possible que Louis XIV
ait réfléchi, à propos de ces vers ,
(5) Edition d'Agasse , t. Il , p. 35S et 424.
32..
5oo ^^■^^'
sur le peu de dignité qu'il y avait à
danseï" en public; mais (pi'il les ait
crus diriges contre lui, et surtout
que Ricinc ait jamais eu la pensée
df les lui appliquer , c'est ce qui est
contraire à toute vraisemblance. Ces
vers sont si nalurellenient places
dans la bouche de Narcisse , ils sont
si conformes à l'histoire , ils vont si
directement au but de la scène, il
clait si impossible qu'ils ne s'y trou-
vassent pas, qu'il serait superllu de
supposer au poète d'autres intentions
que des intentions purement drama-
tiques , quand nièun- il ne serait pas
ridicule et odieux d'imaginer (pi'il
ait songe- le moins du monde h
Louis \lV,cn parlant de Néron. —
A Lritannicus succéda Uèrtnice. Ce
fui à la sollicilation de* la célèbre
Henriette d'Angleterre, belle- sœur
du roi , que Racine et Corneille trai-
tèrent tous deux , et à l'insu l'un de
l'autre, ce sujet si peu fait pour la
scène. Outre le plai>ir de voir lutter
ensemble deux illustres rivaux ;(>" , la
princesse s'en promettait secrète-
ment un autre, dans la peinture de
la séparation héroïque des deux au-
gustes amants (7). Trois mots de
Suétone : invitus invitam dimisit ,
voilà tout le fonds de la pièce : fonds
bien léger, quelJoilcau , s'il n'eût été'
absent, n'aurait pas laissé fXj)loitcr
à son ami ; travail inoiat,doiit Cor-
neille vieilli ne prévit pas le danger
beaucoup plus grand encore pour lui
que pour Racine. Les deux Hérénice
furent représentées sur la fin de 1 G^o;
celle de Corneilleau Palais-Royal, par
la iroupc de Molière; celle de Kaciiie,
à riiôiel de lîouigogne. Corneille
(•; L'iiif'jrtiiiKi' III' lut point ( moin licci tlvlutl .
Une iii<jrl|irciiiiitnri <• iii\ il i i il.' |.rii>(-<'<>«' au luoii-
dr , <l<iiit elle • Uit l'uriK-uieiit . 1 1 aiii letlni , (lui>t
»lJt ftail l'yppui ( f ly. sonaitiilc, XX , ir)7 ).
(7; Od Mit iia'rlIonM'ine avait mis nii frein h scn
jenchaot puur Louis X.1V.
RAG
tomba : Racine eut trente représen-
tations de suite , honorées des larmes
de la cour et de la ville. Le grand
Coude répondit un jour, par ces deux
vers de la pièce , aux critiques (pi'on
en faisait devant lui :
Drpiiis cinq ans entiers rlia(|uc jour je l.i vuis,
Lt cruis toujours la voir pour I» |jrt'iuivre lois.
On a dit, et de très -zélés admira-
teurs de Racine ont avoué, que Bé-
rénice n'était pas une véritable tra-
gédie. Tragédie ou drame , tprim-
porte le titre qu'on lui donne, pourvu
que l'on convienne que c'est un mi-
racle de l'art , et qu'il n'y a jamais
eu ,d.ins aucune pièce, un plus grand
mérite de dillinilté vaincue.' Qiiant
au style , écwulons comme eu parle
l'auteur de Zaïre : « Voilà , sans
M doute, la plus faible des tragédies
» de Kacine qui sont restées au tliéà-
» tre : ce n'est pas même une Iragé-
» die ; mais que de beautés de détail 1
» et quel charme inexpriuialile rc-
» gne ])resque toujours dans la dic-
u lion I Pardoniioiis à Corneille de
» n'avdir jamais connu ni celle pu-
» reté, ni celte élégance; mais coni-
» ment se peut-il faire que personne,
w depuis Racine, n'ait aj'finiclié de.
» es stj le enchanteur? » — Que sous
les noms de hoxane et de tajaztl ,
Racine ait eu l'intention de peindre
la reine Christine de Suède imiiio
lant, par jalousie, son f.ivcri IMo-
ualdeselii , on lO^-j , dans unegaleiic
de Fontainebleau , ou qu'il ;<it sim-
plement voulu , comme il tt; dit ,
transporter sur le théâtre les scènci
tragiques, alors presque inconnues ,
qui s'étaient passées au sérail en
iG38 , cela est tout-à-fait iiidi lièrent
au mérite de la pièce. Mais cela ne
fut probab'eraent pas élranger au
succès de vogue qu'elle obtint ( 1 Ci-j .i).
La nouveauté des mœurs et des cos-
tumes dut aussi piquer beaucoup la
RAC
curiosîtté de spcclatcnrs habitu(?s à
110 voir presque toujours sur la scène
que des Grecs et des Romains. Voilà
pour l;i inallitnde. Les connaisseurs,
et Boilcau à leur lêle , admirèrent la
force de la passion de Roxane , l'iu-
trépidite calme d'Acomat (8) ; et ce
sont ces deux véritables créations
qui feront vivre à jamais Bajazet ,
tnalgre' ses défauts. Scgrais raconte
que Corneille, place près de lui à la
première représentation , lui dit tout
bas : « Les habits sont à la turque ,
» mais les caractères sont à la fran-
» çaise ; je ne le dis qu'à vous, pour
» qu'on n'aille pas croire que j'en
» parle par jalousie. » Non, personne
ne l'aurait cru: non , Corneille pou-
vait faire hautement ce reproche
aux caractères de Bajazet et A' A-
talide; il était trop juste pour l'é-
tendre aux autres personnages. Boi-
leau trouva le style de cette tragé-
die négligé. La sentence est sévère.
Mais il jugeait Bajazet par compa-
raison avec les autres pièces de son
ami ; et puis c'était Boileau. — Mi-
thri(iate,vc[)rQsen\.é pour la première
fois en janvier iG^S , est, suivant La-
harpe , l'ouvrage où Racine parait
avoir voulu lutter de plus près con-
tre Corneille, en mettant sur la
scène les grands personnages de
V antiquité , tels quils sont dans
l'histoire. 11 semble que ce désir de
lutter , si tant est que Racine l'ait
eu , s'était déjà manifesté dans Bri-
tannicus , avec non moins d'éclat,
et que les admirables figures d^Agri-
pine et de Néron méritent d'être pla-
cées auprès des personnages histori-
ques les mieux peints par Corneille ,
tout aussi bien au moins que Mithri-
date. Quoi qu'il en soit, le théâtre de
(8) Volt.-iire considère Ib rôle d'Acomal comme
Un effort da l'esprit humain.
RAC
301
Corneille ofïVe peu de caractères plus
grandement tracés que le Milhridate
de Racine (9). On a reproché toute-
fois à ce poète d'avoir fait son héros
amoureux et jaloux. Corneille aussi
a souvent commis une pareille faute,
qui était un sacrifice au goût du
temps. Mais, ici , que celte faute est
heureuse ! elle nous a valu Moniuie, le
rôle le plus parfait,le plus touchant
du théâtre de Racine , et par consé-
quent de la scène française. Voltaire
a dit que l'intrigue de Milhridate
n'était autre chose que l'intrigue de
V Avare. On aurait pu lui répondre
que l'intrigue de Zaïre n'est autre
chose aussi que l'intrigue de Nanine.
Mais qu'est-ce que cela prouve contre
les deux tragédies , si des moyens de
comédie y sont traités noblement ,
tragiquement, et de manièreà exciter
l'intérêt et la terreur? — « J'avoue,
)) dit Voltaire , que je regarde Iphi-
» génie ( 1674 ) comme le chef-
» d'œuvre de la scène. Veut - on de
» la grandeur ? on la trouve dans
» Achille , mais telle qu'il la faut au
» théâtre , nécessaire , passionnée ,
» sans enflure , sans déclamation.
» Veut - on de la vraie politique ?
» Tout le rôle dHUljsseGn est plein,
» et c'est une politique parfaite , uni-
» quement fondée sur l'amour du
» bien public; elle est adroite, elle
» est noble , elle ne discute point;
» elle augmente la terreur. Cljtem-
» nestre est le modèle du grand pa-
» ihétique ; Iphigénie , celui de la
7) simplicité noble et intéressante ;
» Aganiemnon esttel qu'ildoitêlre:
» et quel style ! c'est-là le vrai su-
M blime. » C'est à propos de cette
(q) « De toute« les tragédies frauçais''S , dit Vol-
11 taire, celle qui plaisait le plus à Cl.arles XII,
«celait D/Uthridale ; et, quand on la lui lisait , il
» marquait du doigt les endroiUquile frappaient
>! davauDagu. »
5o'i
RA(
pièce que rauteur tle Mérope s'écrie
ailleurs: « O Iraç^éiUedes tragédies!
beauté de tous les tejni'S et de tous
les jxiys I malheur au barbare qui
ve sent pas ton j>rodir^ieur mérite! »
11 y eut, pour le tourmeut de Ratine,
un Hssez f;rand nombre de ces bar-
bares , lors de rapparition de ce
clief-d'œuvrc, auquel pourtant une
foule immense courait et pleurait
cliatpie jour.On ne se contenta pas do
la critiquer amèreinent , et sous plu-
sieurs formes. On voulut lui opposer
une autre /^»/</gf'Vjù'; celle ci fut jouee
quatre ou cinq fois : donnée d'abord
sous le nom de Coras , elle fut re-
vendiquée par Leclerc, très-indi;;ne
confrère (le Racine à l'académie fran-
çaise. Coras , Leclerc, et leur Iphi^é-
nie, ne sont connus aujourd'hui que
par rcj)iç;ramme de Racine :
Enlre Loc Icrc et $ûu ami Coros, etc.
IJIphirrénie de Kacine était réservée,
dans le dix-huitième siècle, à un plus
sanglant outrage. Un LuneaudeRois-
jermain (lo), un La Dixraerie [i \) ,
conçurent l'idée de substituer à l'ad-
mirable récit iV [lysse , un dénoue-
ment on aciion; et l'anirur de la ro-
mcilicdeV OracleettWirlequinauSé-
rail{i 7)se charf;ea intrépidement, rn
1 769, de refaire le. j"'^". acte, d'après le
plan de ces réformateurs: il retran-
cha cent vers ; il en fit ou refit une
douzaine. Ce sacrilège fut silllc; et le
chef-d'œuvre de Racine resta inipar-
fait...commeauparavanlf i3 .-Trois
(10) Auteur «l'un ('iininici>t:Mre5ur H^icine, qu'on
croirait eiilrepri» ddiis le ivul d' s-eiii de rïbniksf r le
mirite littirairede ce grand poète, cl iiii'me d'^lla-
ijufTsonciiracliMeprr»i)iiiiil; '/iivr.if;eà-la-r<i!i inepte
>t odieux , que I^-iliarpc a pri« la peine de réfuter
d'uu bout U Tautre avec tontes les forces de i>a rai-
t^iii y dans un iionvrau Conimentaire plein de f;oïitet
Je kavoir, dont GeoOrov '.'est hcaucup s^rvi.tout
en le di pniuaut . p iir faire ie sien oui i/eu e>t paJ
moins à*peu-pi es oublié.
(11) I.rtms Sur l'ilal prisent de nos SfirctarUs.
fia) Saiol-Foiz.
(i3) Lrs fcformaleurs de Kacioe se sont trop
RAC
ans s'écoulèrent entre Iphif^énie et
Phèdre (1677}. Les critiques , dont
l'une de ces tragédies av.iit été l'objet,
n'étaient qu'un faible essai des ]>er-
sécutions qu'on préparait à l'autie :
le duo de Nevers et la duchesse de
Bouillon , neveu et nièce du cardinal
Mazarin , ennemis de Racine , ou ne
sait pourquoi, se déclarèrent d'avan-
ce , et sans pudeur, les chefs d'une
cabale odieuse et ridicule. Tout fut
mis en œuvre pour faire tomber la
Pliidre de Racine , et poui faire aller
aux nues l;i Phèdre de Pradon , qui
fut jouée, trois jours après, sur le
thé.àtrc de la rue Guéuégaud. On a
peine à le croire, malgré le témoi-
gnage de Boileau, transmis par Louis
Racine : tojites les premières loges
des deux théâtres avaient été louées
par cette cabale pour plusieurs re-
présentations ; elles fuient remplies
pour Pradon, et laissées vides pour
Racine, de façon que sa pièce pa-
rut être jouée dans le désert : cette
mancriivre coilta environ vingt-huit
mille francs de notre monnaie ac-
tuelle; et, ce qu'il y a de plus in-
crevable, elle réussit assez., pendant
quelque temps , pour tromper le ])u-
blic,et pour donner à Pradon toutes
les a[)parences du triomphe. 11 est
fàchei\x pour la mémoire de M""=.
Deshonlières que son nom ait figure'
parmi les chefs d'une si scandaleuse
intrigue : on sait que , soupant avec
le triomphateur , le soir même de la
première représentation , elle com-
posa ce sonnet que nous n'osons
citer en entier , par un reste d'égards
pour elle :
Pan* nn fauteuil iloré, Phèdre tremblante et blême,
Dild'*>ver?i oii d'abord pers'iune n'eiileu I lien ,etc.
pressés. Ils auraient réussi vingt-cinq ans plus t'. ,
oii ron vit accueillir avec acclamation Je nouveau
3'. aetcde la MorI de César , elle nouveau .^''.aete
des Uoraces. Les lumières avaient fait des progrès !
RAG R^G 5o3
On attribua d'abord ce sonnet au duc Cyr ( 1 5). Le succès fut prodigieux
de Nevers. Des ainis indiscrets , vou- ( -lo janvier 1689). « Le roi, dilM'"^
lant venger Racine , répondirent par » de la Fayette , n'y mena , pour la
un sonnet très-injurieux, sur les raè- » première fois , que les principaux
mes rimes , queleduc imputa à Racine
et à Boileau, et auquel il répliqua par
un troisième sonnet et par des mena-
ces personnelles contre ces deux poè-
tes. Il fallut toute l'autorité du prince
de Coudé pour mettre fin à la querell^.
M°"^. Deshoulières , véritable auteur
du premier sonnet , fut seule punie ,
et le fut sévèrement , quoique long-
temps après ; car tout Paris la re
» ofiiciers qui le suivaient à la chas-
» se. La seconde fut consacrée aux
» personnes pieuses, telles que le
» Père Lacbaise et douze ou quinze
» jésuites (iG). Ensuite elle se répan-
» dit aux courtisans , etc. » L'hon-
neur d'y assister devint l'ambition
de tous. M'"'', de Sévigné y fut ad-
mise; et l'on sait avec quel enthou-
siasme elle eu parle dans ses letti'es
connut dans ces vers de la dixième (17). Le théâtre en France , et plus
Satire de Boileau: particulièrement à la cour, est un
cest une précieuse, etcinel sujct d'applicatioiis et d'al-
Reste de ces esprits jadis si renommés , luSlOUS. LcS SpCCtalCUrS Cil tl'OUVeilt
Que, d'un coup de son art , Molière a diffamés , etc. . ,, k < I' . ' ., „
^ ^ , ' souvent la-meme ou 1 auteur n en a
La reprise de Phèdre , qui eut heu ,(^^,^, H f,,,,^ ^^y.^ en général se
au bout d'un an , mit les deux pièces ^^ç^^^^ ^^ to,,^ \ç^ récits faits sur ces
à leur place. Mais cette réparation .matières. Il est toutefois assez cons-
tardive ne put consoler Racine : elle
fut d'ailleurs empoisonnée par de
nouvelles indignités de ses ennemis,
qui publièrent une édition fautive de
la pièce, et substituèrent aux plus
beaux vers , des vers de leur façon,
ridicules ou plats ; tant il est vrai
qu'il n'y a rien de plus méchant que
les méchants auteurs , et rien de pire
en fait de populace, que le bas peu-
ple de la littérature. L'auteur de
Phèdre, dégoûte du théâtre, y re-
nonça , à l'âge de 38 ans , c'est-à-
dire , dans toute la force et la matu-
rité de son génie. — Ce ne fut qu'a-
près un silence de douze années que,
à la prière de M™*^. de Maintenon, Ra-
cine composa son Esther , pour être
jouée , non sur la scène française
(i4) , mais dans la maison de Saint-
(i4) Elle nV Tut jamais représentée du vivant de
Bacine. Dans les premières tdilioDS qui en furent
faites , quoiqu'E>7/ie;' porte le titre de tragédie , elle
u'est point intitulée ainsi dans leprivilégo du Roi;
et il serait injuste de la juger comme telle , bien
que les sentimenis, la diction et la plupart des ca-
ractères eu soient vcrit.iblcmcut tragiques,
tant que, dans cette pièce. Racine eut
en vue quelques allusions , ou du
moins qu'il ne protesta point contre
celles qui furent faites. M'"'^. de Main-
tenon se reconnut avec plaisir dans
(1?)) "Mn^^-de Maiiilenon rtaitpersnadée que les
» amusements de la scène sont lions a la jeunesse;
>i qu'ils donnent de la gr^ice , apprennent à mieux
» prononcer, et cultivent la mémoire. Mais après
« avoir fait jouer Andromaque par 1(S demoiselles
» de Saint-Cyr, elle craignit que cela ne leur insi-
>> uuât des sentiments opposes à ceux qu'elle voulait
y leur inspirer. 1-lle écrivit en conséquence à M. Ra-
» cine : Nos petites fîlies l'ienuent fie jouer 'votre
« Andromaque, et L'ont si h':en jn^ice qu'elles ne
» la joueront plwi ^ jii aucune autre de vos pières ;
« et elle lui demanda ensuite un poème moral ou
» historique dont l'amour fut entièrement banni. »
^ Soui'enirs de Mm", de Caylus. ']
(iG) « Aujourd'hui , disait Mme. de Maintenon,
>i on ne jouera que pour les saints.»
(l■•^ Il est permis de croire que M"'^. de Sévi-
gné fut encore plus sensible à l'invitation du roi ,
qu'aux beautés de l'ouvrage. Elle ne prouve que
trop dans ses letlres , dont la lecture est d'ailleurs si
remplie de cbarine , combien peu elle sentait le rjé-
rite de ce grand poète. Au reste, Mni<=. de Sévigné
n'a jamais écrit que liarine pnsterait comme le ca-
fé ; et Voltaire, sur la foi duquel Laliarpe , l'abbé
de Vauxcelles et Suard l'ont réj)été, nelui a jamais
rien prêté de semblable ( V^oy. la Notice sur M™^.
de Sévigné, par M. Saint-Surin , à )a tète des Let-
tres de cette dame, dans l'édition de Biaisa , Paris,
1818, tom. !«'., iu-ii, pag.iSa. )
5o4 HAC
Esther ; et tous ses amis ne man-
(juèroiitpa<» clo voir iM"»*^. de Montcs-
]ian dansTalliiTc Faslhi. Les chan-
sons du temps qui , comme on l'a
dit ingénieusement, formaient, on
iM-ancc , une sorte de contre-poids
ri de tempérament an pouvoir abso-
lu , donneraient même à penser que
le ministre Louvois et la rcvocalion
de l'edit de liantes étaient signalés
dans Aman, surprenant au roi ^75-
sue'nts l'edit de pro>cription des
Juifs. Mais celte liar.lies.ve est peu
vraisemhlablc; et il faudrait , pour
y ajouîer foi , des ]nL-ces historiques
])I'is f^raves que des chansons. —
Alhnlie , comj»osée |iour Saint-Cyr
rommeHsthcr (i8), eut un sort bien
dllférent. LVnvie, masquée d'ua faux
yèle, en empêcha la repiésentation.
Elle fu: jouée seulement deux fois à
Versailles, dans une chambre, sans
théâtre, sa.'s costumes , par les de-
moiselles de Saint-Cyr ( 19;. Racine,
ne lui ayant point donne d'autre des-,
lination, la fit ii.nprimcr. JMais , 0
injustice scan ialeuse et vraiment
inexplicable! ce clief-d'œuvre , au-
dessus duquel il n'y a rien , ui chez
les anciens , ni chez les modernes ,
ne trouva point de lecteurs ! Que dis-
jc ? S'il faut en croire ceilains mé-
moires du temps , dans quelques so-
ciétés de soi-disant beaux-espiits ,
(18^ Oq a soiiTont dit qiie ridée dp cf sujet i-fail
ubsolumetit iiriivp, «t i|irAriianld liii-nirme n'avait
l>ascrii que If.» livres 5.iinls jiuMeDl fuiiriiir un auti;e
.su), t de Iragc'die que cilii d'I -Iher. rej>rDd.iiil le»
Jésuites avaient. W ir( août ifîiS , fuit jouer une
.-///.../,> dans leur oillrge de «:iri mont. Voici ce
qu'in dit Lorct , dau> sa Gaieltu en vers , lettre da
34 août :
Au collège de Sainf-I|;nacc,
Oii , dans une a»e7. lionne place ,
Je me rois et me cai:l'>nii;:i
Pour quinze suis que je douuai.
Fut avei: appareil exln me
Représente cei tain poèrue,
iinviron cinq jours il v a,
Portant pour titre Alliitia, etc.
(19) « Celle ftiéie est si hellr, dit M""^. de Cay-
» lu*,y.'<« l'aclion n'en yurut pal r<i/ioiilie, u
RAC
on en prescrirait la lecture pour pe-
nitence î tant les jugements des con-
temporains sont souvent bizarres on
passionnés I On ne saurait en vérité
se défendre d'une aflliclion profonde
en songeant que Racine est mort avec
le chagrin devoir son siècle mécon-
naîlre cette œuvre immortelle. Eu
vain Arnauld , du fond de son exil ,
soutenait par sou suH'rageson ancien
élève découragé; en vain Boileaului
répétait : C'eU voire meilleur vii-
i'mge , le public y reviendra ; peu
i>^::\\ fallut tpie Racine ne crilt avoir
survécu à son génie , comme Pierre
Coineilie. La voix de Doileau , si
bien entendue de la postérité, ne fut
point écoulée du vivant de son ami.
Le succès à' Aihalie composée en
i(3t)i, ne commença qu'en i-j i (3: mais
depuis ce temps, il s'est accru et propa-
gé chaque jour; et, s'il augmente en-
core, on trouvera bientôt que Vul-
taire n'en a p.is ilit assez, quand il a
proc'.anié Al'uilie . l'uuvrage lej)lus
ajipwchant fie la perfection qui soit
jamais 'iorii de la main des hom-
mes (ao). Celle seconde iniquité
du public envers Racine , en rou-
vrant la j)laie de la première , mit le
condjle à ses dégoûls , et le décida
toul-à-fait à quitter la carrière du
théâtre , beaucoup j)Ius, sans iloiitc,
\i,A <)umA Io eii;i>re l,c k.in vint ;. dix - linit
iins.cbex Vultaiie, l'aire desai.tliii )'e.>,>al de te t.i-
lent trop t>jt jMrdu noiir le tlie.'itrc dont il a ele la
gloire, il voulut d'abord Iri réciter 1« rôle de (ins-
tavc. M Non , non ( dit le p.ji te ) ,/e n'iiimr pas le)
)> iiifiiivais x'ei'S. » Le jeune boniine lui oflVit alors
de repeter la prrinii're sci'nc à' /llhalie , enli e /miil
et Abnei: Voltaire Tecoute; et l'ouvrage lui faisant
oublier l'aelenr, il s'écrie avec transport : « IJiîel
» style I quelle ftoésie t cl toute la pièce est rcrilcite
» iiirine ! .Jli ! lijonsieui ! //iiel liuniine que Hiicinc ! »
C.'e:.t L< kaiii qui rapporte, dans ses îMenioiics, ce
fait , dont il lut d'aiitaut plus iVnppe que, dans ce
ciomeut, il aurait bien voul'j que Voltaire s'occu-
pât un |>eu plus de lui et un peu moins de Itaeine
( Labarpe ). L'adiniratiou de Voltaire se manifesta
un jour j)lus vivement euiore devant Labarjie lui-
même, Jorsqu'apris avoir déclamé la scène du 4"-
otte de Pbi-dre , il lui dit, en laissaot loruber sa '
tcle >ur sa poitrine : j Mon ami , /e ne suis i/ii'un
r polisson en con\paraison de cel homme-là. w
RAC
que les autres motifs qu'on lui a
jirètës. Les sentiments religieux qu'il
puisa dans safamiiie, et dans l'exem-
ple de ses maîtres , se fortifièrent
avec l'âge : mais ils étaient , ce sem-
ble , assez vifs , dès sa jeunesse, pour
le faire renoncer plutôt encore qu'il
ne l'a fait, à des travaux qu'il aurait
cru incompatibles avec la vie chré-
tienne ; et , en supposant que sa dé-
votion , qui d'ailleurs était douce et
tolérante comme celle de Fcne'lon ,
l'eût empêche de traiter des sujets
de tragédie profane, combien de su-
jets sacrés n'aurait-il pas pu mettre
sur la scène I combien de chefs-
d'œuvre utiles à la religion même ,
n'aurait-il pas pu joindie aux chefs-
d'œuvre à'Eslher et à'Jthaîie! Di-
sons le franchement : ceux qui s'obs-
tinent le plus à attribuer à la religion
la retraite prématurée de Racine, ne
sont peut-être pas fâchés d'avoir ce
petit reproche à lui faire , et de pou-
voir en conclure qu'elle rétrécit l'es-
prit et étouffe le génie. C'étaient ,
en effet , des esprits singulièrement
rétrécis , que le grand Corneille,
Pascal , Bossuet , Fénélon et Des-
préaux ! Et comment s'étonner que
le ressentiment d'une grandeinjusticc
ait suffi pour éloigner Racine du
théâtre , quand on sait , quand il a
lui-même avoué , que la plus mau-
vaise critique lui faisait plus de
peine que les plus s^rands suc-
cès ne lui faisaient déplaisir ? C'est
une faiblesse, dira-t-on; mais peut-
être est-elle inséparable de cette sen-
sibilité ardente, qui seule produit de
grandes choses. Ne reprochons pas
si légèrement aux hommes de génie
des défauts qui peuvent avoir été la
source de leuriaient. Mohère, dira-
t-on encore, n'a point eu celte fai-
blesse. Mais, de bonne foi, a-t-il
été mis à de pareilles épreuves ? Peut-
RAC 5o5
on comparer le froid accueil fait aux
premières représentations der.'/crtre,
des Femmes Savantes et du Misan-
thrope , à la rage aveugle et stupide
qui, après s'être essayée contre /p/u-
génieii raidedeLccIcrc, après avoir,
j)cndant un an , fait triompher la
Phèdre dePradon, se déchaîne con-
tre Alhalie , et parvient à en faire
dédaigner la lecture? Racine ne pou-
voir être lu I Qui peut affirmer que
IMolière, dont le style n'avait pas
pourtant la perfection de celui de
Racine, aurait supporté sans amer-
tume un pareil affront ? Qui sait
même si le peu de succès de trois de
ses chefs - d'œuvre n'aurait pas suffi
pour le dégoûter aussi du théâtre,
sans la nécessité où il était d'y de-
meurer pour faire vivre sa troupe ,
et pour vivre lui-même? En n'attri-
buant qu'à des motifs temporels la
retraite de Racine , il ne faut pas dis-
convenir toutefois , que c'est à par-
tir de la disgrâce de Phèdre , que sa
conduite privée devint ce qu'elle
resta pendant toute sa vie, c'est-à-
dire , d'une régularité exemplaire :
nonqu'auparavantil eût jamais man-
qué,dans ses actions , de cettedécence
inséparable du bon goût dans les
écrits. Mais, en se détachant du théâ-
tre , il renonça naturellement aux
distractions et aux liaisons , tant
soit peu périlleuses , qii'il y avait
trouvées. La piété , dans laquelle il
avait été élevé, se réveilla facilement
dans son cœur, et lui offrit, dans ses
chagrins , des consolations que le
genre de monde qu'il quittait ne pou-
vait lui donner. On assure même
qu'il songea un moment à se consa-
crer tout-à-fait à Dieu, en embras-
sant la vie monastique. La réflexion
lui fit ])référer des chaînes plus lé-
gères. Il se maria, en 1677, à la
fdie d'un trësoiier de France d'A-'
'îoG
RAC
miens {■}. i).\\ lit un bon choix, cl fut
lieurcux. Ce fut celle même année
f|iie le roi nomma R;icine etBoilcau
hisloiio;ira[)lios de France. Au re-
tour de la cam[.aç;nc qui fut si courte
et si çjloricuse , le roi leur dit : « Je
» suis fâché que vous ne sojez pas
» venus avec moi ; vous auriez vu
» la guerre , et votre voyage n'eût
» pas été long. » — « Ftire Ma-
^y jesté , lui répondit Racine, ne
» nous a pas donné le temps de faire
y> faire noshal>its. » Boileau , dont
la proseassez ne'^li^ccsc scraitclcvec
dillicilement peut - être à la dignité
historique , eut sans doute une très-
petite part à riiistoireduroi. Racine,
qui s'en occupa beaucoup, ne put la
terminer. On sait que l'oin'rage, in-
terrompu à sa mort, périt à Saint-
Cioud , dans l'incendie de la maison
de Valincourt , son successeur , le
1 3 janvier i7'îr». On sait aujourd'hui
que \alincourt , voyant le manus-
crit près d'être consume , doiuia
vingt louis à un savoyard pour aller
le chercher au travers des flammes ,
et que celui-ci lui rapporta un re-
cueil de Gazettes de France. Il était
assurément diflicile , que l'Histoire
du Roi , lue au roi lui - même à me-
sure qu'elle avançait, ne ressemblât
pas un peu à un panégyrique : mais
nous avouerons que cette réflexion
ne nous paraît point, comme à La-
harpe , devoir diminuer nos regrets,
à en juger uniquement par le Pré-
cis historique des Campagnes de
dr M"'. r;.lh.-riiic Roinanpl. Sq,t ci.finU na-
qn.rpnt de re .„i.rl:.go. !),.„ fille, prirrnt le voile.
Louis Facine assure .,ue M"'. Kadue n'avait jamaij
lii le» lra;:edic< de s.ii mari. . .Ses devoirs de m. re
. Tnccuja.ent m eTcliisivement, q„'ua jour que R»-
«cine, .ejenant de Versailles, lui ra,.,K>rlait une
» tjoarse de mille louis quM avait rrruc du roi ù
>• l*.iie y Ct-«lle aU. ntion, ne «,Bi;eaijt<iu'à lui pa'r-
»■ ier d nn de ses eufanU yu.' n'ai/a,t pas t-nulu elit-
« <ti-r drpm, d,ux ,ours ( Laharpe ). . Llle mo.iriit
treille ans apr. s lui. Une partie de sa furtune pciil
daiii le système de Law,
RAC
iG-î h iG-S , seule partie de l'ou-
vrage, qui, avant été confiée par Va-
lincourt à l'abbé de Vatry avant
rincendic , n'ait pas été la proie des
flammes. Le stvie de ce Précis , faus-
sement attribué d'abord à Pellisson
( /^ ce nom , XXXIII , 3oo ) , est
élégant et simple : la narration en est
claire , rapide et animée; et la louan-
ge n'y est point donnée aux dépens
de la vérité (2'i). — Quelques esprits
indépendants , à qui peut-être il n'a
manqué , pour être des flatteurs , que
des souverains qui voulussent écouter
leurs flatteries , ont reproché à Ra-
cine , ainsi qu'a Molière et à Dcs-
préaux , d'avoir trop fréquenté la
cour, et d'avoir consacré leurs tra-
vaux à l'éloge de Louis XIV , et à
ses plaisirs. Kh I où donc est le crime
d'avoir recherché souvent l'entretien
d'un prince qui comblait à-la-fois le
mérite, et de distinctions et de lar-
gesses ; qui , au milieu des pénibles
soins du trône , disait à lioileau :
il. Souvenez -vous que j'aurii tou-
» jours une demi - heure h vous
» donner? » Où est le crime d'avoir
loué un monarque que ses plus cruels
ennemis ont jugé louable à tant d'é-
gards ; dont les travaux ont ta jamais
illustré la France; qui a donné son
nom à son siècle; dont les plaisirs
même avaient un caractère de gran-
deur , et nous ont valu Eslher ,
Athalie . le TartuJJ'e ^ le Bourgeois
gentilhomme , et tous les chcfs-
d'ouvre des Quinault , des Lulli , des
Lebrun , des Mansard et des Girar-
don ? — Louis XIV se plut à prodi-
guer à Racine les gratifications et les
faveurs ; il le fit trésorier de la géné-
ralité de Moulins , et Gentilliommc
ordinaire (^3) : il lui accorda les en-
(ai) r.a relation fin vége de Nanwr ( en i(i<|» ),
imprirnf-e la même année par ordre du roi , <!>t un
raodi:le d'exactitude et de précision. — ^a3) La sur-
f
RAC
lic'cs , et un appartement au château :
il le nomma plusieurs fois des voya-
ges de IMarli : il l'admit fréquem-
ment dans son intimité, lors même
qu'il ne recevait aucun de ses courti-
sans. 11 trouvait sa conversation si
remplie d'agrément que, durant une
maladie , il le Ct couclier dans une
chambre voisine de la sienne , afin
de le voir plus souvent. Racine alors
lui servit de lecteur , et lui lut un
jour Plutarque dans la version d'A-
myot , en substituant habilement le
langage moderne aux expressions
gauloises que le roi n'aimait pas. —
Gomme la faveur dont Louis XIV
honorait le premier de nos poètes
n'était , ni le fruit du caprice, ni le
prix d'une basse adulation , elle se
soutint long-temps. Une circonstance
imprévue vint malheureusement l'af-
faiblir. C'était en 1697. Dans un de
ces entretiens intimes que M'"*^. de
Mainteuon accordait souvent à Ra-
cine, la conversation ayant eu pour
objet la misère du peuple épuisé par
de longues guerres , cette femme cé-
lèbre pria le poète de rédiger ses
idées en forme de mémoire , pro-
mettant que l'écrit ne sortirait pas
de ses mains. Racine y consentit ,
non point par une complaisance de
courtisan, et bien moins encore dans
aucune vue ambitieuse ( la conduite
de toute sa vie repousse cette accusa-
tion ) , mais dans l'unique dessein
d'être utile. Le roi surprit ce Mé-
moire , et le nom de l'auteur fut ré-
vélé. Peut-être la leçon était nn peu
trop directe , puisque Louis s'en
offensa. « J'aime beaucoup , disait
» un jour ce prince à un prédicateur
)) qui l'avait apostrophé pci^sonnelle-
» ment , J'aime beaucoup^ mon père,
» à prendre ma part d'un sermon ;
vivance de celte charge fut donnée à J. Ij. Racine, soii
âbaiaéàpeine âgé de seize ans.
RAC 507
» mais je n'aime pas qu'on me la
yi fasse. » Louis XIV avait-il besoin
d'ailleurs qu'on lui exposât si vive-
ment la misère du peuple, lui qui,
bien que victorieux de tous côtés ,
venait , dit Torcy , de précipiter la
paix de Bisn'ick, par le seul besoin
de soulager le rovawne ? mais j)eut-
être aussi ( et celte conjecture est la
plus vraisemblable } le roi fut - il
blessé seulement de voir un homme
de lettres, sortant de la sphère exclu-
sivement assignée alors à cliaque
profession , vouloir se mêler des af-
faires de gouvernement. Voici , en
effet , quelles finent ses paroles :
« Parce qu'il fait bien des vers ,
» croit - il tout savoir ? et , parce
» qu'il est grand poète , prétend il
» être ministre? » Si l'on se reporte à
ce qu'était alors l'état social, aux usa-
ges , aux convenances , aux devoirs
particuliers à chaque classe et à cha-
que individu, on conçoit que la sévéri-
té du roi dut paraître toute naturelle;
mais qu'elle doit nous sembler bar-
bare, à nous qui, dans notre siècle
de lumières , avons vu, non-seule-
ment des poètes qui n'étaient pas des
Racine , mais jusqu'à des histrions,
s'arroger le droit de régenter leur
souverain, ct , pour comble de civi-
lisation , se constituer les arbitres
de sa couronne et de sa vie ! Quel
qu'ait été le motif de l'humeur de
Louis contre Racine, elle ne fut que
passagère j son estime et sa bien-
veillance ne l'abandonnèrent point :
Racine ne cessa pas de le voir. Du-
rant sa dernière maladie, le roi se fit
donner chaque jour de ses nouvelles
avec un intérêt touchant; et ses bien-
faits le suivirent au-delà du tom-
beau (24). Il n'est donc pas exact de
dire que ce fut une disgrâce , et en-
(24) Sa pension de zooo liv. fut couservéo à sa
veuve.
5o8
RAG
core moins , que cette disgrâce ait
cause sa inorl. Mais on ne j>eiit nier
que le cliaç;riti d'avoir pu déplaire
un nioinciit à son roi et à sou bicn-
iaiteur n'ait contribue à augraeiiter
le mal dan.;erenx {■jl3) dont il était
alteiiit depuis jiiusieurs années, — On
a roproclié à llacine d'èlre trop en-
clin à la raillerie ; et Boileau lui-mê-
me eut a s'en plaindre (juclquelois.
Un jour qu'il raillait trop vivement
et depuis trop Ionç;-temj)s son ami,
celui-ci lui dit enliu : « Aviez-vous
ctivie de me fâcher ? — Dieu m'en
j^ai de I — Eh bien I vous avez donc
tort , car vous m'avez fâché. » Quoi-
que son cœur n'eût aucune part à ce
penchant de son esprit, il lit, j)our
s'en corric;er, de nobles et heureux
efforts sur lui-même. Quand la cha-
rilé clirclieimc ne le lui aurait pas
ordonné. Racine avait trop bon
î^oùt , il avait t'ame trop élevée pour
ne pas sentir que, si la radicrie a ses
danç^ers entre des éf:;aux , clic est , à
l'éj^ardde nos inférieurs quelconques,
un abus de la force ipii resscndjle a
de la lâcheté, comme un acte de
violence envers un homme désarmé.
Les épif;rammes échappées à sa jeu-
nesse sont piquantes et d'une malice
très-fine; mais elles sont fraies , sans
liel , et en fort petit nombre. On ne
j)eut guère trouver a redire qu'à cel-
les contre D' Olune et Crequi {-^G).
Son (ils aine lui en ayant lui jour
envoyé une conlie Perrault : «< Je
voudrois. lui écrivit Racine, que
vous ne l'eussiez point faite. Outre
qu'elle est assez médiocre, je ne
saurois trop vous recommander de
ne point vous laisser aller à lu ten-
tation de faire des vers français :
surtout il n'en faut faire contre
RAG
personne. » Il va, dans tontes ses Ict
très à sou fils, un caractère de ten-
dresse , de simplicité , de bonté et
d'indulgence , qui émeut et qui at-
tache. Quoi de plus touchant , que
celle ou d lui dit (27") : « Je n'ai ose
» demander à INI. l'ambassadeur si
» vous pensiez un peu au bon Dieu
» et j'ai eu peur que la ré[)onse ne
M fùl pas telle que je l'aurois soidiai-
» lé : mais enfin, je veux me flatter
» que , faisant votre possible pour
» (ievcnir un parfait honnête liom-
» me , vous concevrez qu'on ne le
» peut être sans rendre à Dieu ce
» (pi'on lui doit. Vous connoisscz la
» rclij^iou : je puis même dire que
» vous la connoisscz belle et noble
» comme elle est , et il n'est pas
M possible (pie vous ne l'aimiez
» Pour moi , plus je vais en avant ,
» plus je trouve qu'il n'y a rien de
» si doux au monde que le repos de
» la conscience, et do regarder Dieu
» comme un père qui ne nous nian-
» tpiera pas dans tous nos. besoins.
» iNI. liespréaux, que vous aime/,
» tant , est plus que jamais dans ces
M sentiments, etc., etc. » Les lettres
de Racine à ses amis sont naturelles,
faciles, élégantes. Il y a parfois des
traits de force. En voici un , à |)ro-
j>os de la mort de M. de Siiiit-
Laurent, précepteur du duc de (îhar-
trcs , qui fut dejuiis Régent. « Il a
» été emporte, «lit-il (u8j , d'un
« seul accès de colique néphrétique.
» Je ne crois pas, qu'excepté IMa-
» DAME , on en soit fort allligé au
» Palais-Royal : les voilà débarras-
» ses d'un homme de bien. » On ne
peut se dispenser, en lisant ce qui
nous est reste de cette correspon-
dance de Racine avec sa famille et
(i5) Ld alicés au fuie
(a(j; A prupu* des crilicjaes li'Andron
(17^ ».i juillet iC>i)H.
(38) LcUre à Builcau , 4 août 1687 .
RAG
avec ses meilleurs amis , de remar-
quer combien le ton en est généra-
lement peu familier. Dans un volu-
me entier de lettres , on ne trouve
pas une seule trace de tutoiement.
L'amitié alors était grave : elle sem-
blait un devoir plus encore qu'un
plaisir. P«.acine eut pour amis les
écrivains les plus célèbres de son
temps , Bourdaloue , La Briîycre ,
Rainn, Bouliours, Èernier, Nicole,
La Fontaine , Boileau , etc. , etc. On
ret;relte de ne jiouvoir aussi nommer
IMoiière. Il n'est que trop vrai qu'il
rendit à Racine, dans les commen-
cements de leur liaison , des servi-
ces qui semblaient devoir en assurer
la durée; que cependant elle dura
peu , et que Racine eut les premiers
torts, qui amenèrent une rupture, en
retirant son Alexandre du théâtre
de Molière, pour le donner à l'hôlel
de Bourgogne.'Mais ces torts étaient,
ils bien sérieux ? Si Molière, direc-
teur de comédie, pouvait les juger tels,
Molière , auteur dramatique, n'au-
rait-il pas dû les excuser ? Au reste,
ce refroidissement jieu raisonna-
ble de l'une et de l'autre part, ne dé-
généra jamais en hostilité , ni même
en secrète inimitié. Racine et Mo-
lière s'estimèrent toujours. Noble-
ment armés l'un pour l'autre , Raci-
ne défendit le Misanthrope , et Mo-
lière, les Plaideurs (?.9), contre un
public ignorant ou prévenu. Les hom-
mes supérieurs, même sans être unis,
serendent réciproquement justice : la
médiocrité seule est jalouse. Cette vé-
rité sullirait pour justifier Corneille
et Racine du soupçon de jalousie mu-
tuelle, dont on a osé flétrir leur mé-
moire. Ajoutons seulement, en ce qui
regarde Racine , qu'il avait un trop
(aç)) « Ceux f|ui se moquent des P Laideurs ( di-
» lait il), inéiiteraicut qu'où se moquât d'eux, >■
RAC
SOQ
grand génie pour ne pas sentir toute
la grandeur de celui de Corneille ,
et qu'il l'a loué trop éloqucmment
pour qu'on pût l'accuser de n^être
pas sincère, llnefaut pas , dira-t-on,
prendre toujours au mot les éloges
académiques : soit ; mais si l'on peut
croire que Racine , ayant à louer pu-
bhquement Pierre Corneille mort, le
jourde la réception (et par conséquent
eu présence ) de Thomas Corneille,
son frère et son successeur (3o), ne
pouvait, sans manquer à toutes les
convenances, se dispenser d'exalter
son mérite; du moins ne saurait-on
récuser l'éloge volontaiiequ'il faisait
de lui en particulier , dans ses con-
versations avec son fils , où, déve-
loppant à celui-ci les beautés du
Cid et à' FI or ace , illui disait :
« Corneille fait des \cis cent fois
« plus beaux que les miens. » On
a fait à Racine un reproche plus
grave, et dont il est plusdilïicilede
le justifier. Nicole, dans une répon-
se au visionnaire Desinarets (3i),
avait traité les poètes dramatiques
à' empoisonneurs publics et de s^ens
liorribles aux yeux des Chrétiens,
Cette injure grossière et blâmable ,
même à l'égard de Desrnarcts, ne
pouvait assurément regarder en au-
cune façon le jeune auteur àks Frè-
res ennemis et à' Alexandre. Il se
l'appliqua cependant, et publia con-
tre Port-Royal , contre ses anciens
maîtres , cotte fameuseleitrc, J. Van-
teur des hérésies imaginaires , qu'il
eut le malheur d'écrire avec un ta-
lent digne de Pascal Çèi). « Les Mo-
(3o) Disnoii'. ■; |ironoiiC(; à racadc'mie fi iirai-e , le
9. janvier i6S5 , à la réception de MM. Coiueille et
Tiergcret. Kaoine le lut au roi , qui lui dit : < Je le
« louerais davaiilage, si je n'y étals pas tant loué. »
(3 i) Desiuarets de Saiat-Sorlin , auteur de la co-
médie des Visioniiaiies,
(3^) C'était au cimiueucement de iGGG; PvacLne
avait vingt-sej)t ans.
5 10 RAC
» linistcs , dit J.-B. Rarine , y batli-
j) ront tics uiains, et furent charmes
» d'avoir enfin trouve ce qu'ils clicr-
» chaicnt depuis long-temps et si
» inutilement , c'est-à-dire, un liom-
» me dont ils pussent opposer la j>!u-
» me a celle de l'auteur des Pnn'in-
» ciales. » Provoque par deux ré-
ponds très vives de Dubois et de
Birbier-d'Aucourt, Racine allait re-
plitpier par la publication d'une se-
conde lettre plus piquante encore
que la première. Les conseils de
lioilcaij , ou plutôt son bon naturel
et lcref;ret d'.ivoir manque aux ins-
titui.eurs de va jruncsse, le décidè-
rent à ne point l'imprimer (31^) : il
retira même tous les exemplaires de
la première qu'il put trouver. 11 avait
commis une jurande faute sans doute:
mais combien la réparation fut plus
cramle encoie! De tpiel respect, de
quel attend ri.sseraent ne se sent-on
point saisi , cpiand on se représente
Bacine , se faisant conduire par Boi-
Icau, fiiez Arnauld , et se précipitant
aux pietls de celui-ci, en présence
de vingt témoins; Arnauld se jetant
à son tour aux pieils de Racine , et
tous deux s'embrassaiit en fières,en
amis , en cbréticns ! Le souvenir de
cette faute pesait encore sur son
C(eiu Ionf;-temps apris. L'abbcTal-
lemants'avisaut un jour de la lui re-
procher en pleine académie : « Oui ^
V Monteur , lui répondit Piacine,
y» avec une noble humilité, vous
» ai>ez raison; c'est l'endroit le plus
» honteux de ma vie, et je donne-
» rois tout mon sans; pour l'ejja^
» cer. » Ces faits rcjondentsuflisain-
nient aux biographes inconsidérés,
malveillants ou mal instruits (34),
^3^) 8^.11 CI;
^rit 1^ ffi* iiif r<-A4»lutiQli:
ayaiit ttc lruuv<.'C eu inaouM rit d.aii> le* papicis
dr rahljc- Du|iiii, parent et ati.idf haciue, eui7ir),
elle fut alor» livn-c i l'iiupreision \m\it la i'*. fou.
(3.i) Luucau , le Dictionnaire hiloritjue , etc.
RAC
qui ont accuse Racine d'avoir eu un
amour-propre excessif. S'il eût eu
ce défaut, aurait-il c'tc si docile à la
critique? Aurait-il, sans le remer-
cier il est vrai, mais aussi sans so
f.îcher, suivi jusqu'aux conseils de
Subligny (35) ? Parmi les auleurs
dramatiques de nos jours les plus
modestes, combien y eu at il (|ui I
prolitassent des avis donnes dans I
une parodie? iNe serait-ce point .'i
nue petite lancune de Baron, que
Racine a dû cette accusation de va-
nité? On sait que ce comédien insis-
tant un jour, sans aucune es|)èce de
mesure, aujirès de Hacine, sur quel-
ques obserAatio'is concernant un de
ses rôles : « Iiaton,\in d;t le pucte,
» je vous ai fait venir pour vous
» donner des instructions , et non
» pour en recevoir ; » et l'on sait
aussi que Messieurs les come'diens
sont sujets à prendre pour un amour-
propre excessif , la dignité d'un
homme de lettres qui sait g.irder son
ranp. — Racine était naturellement
mélancolique avec Ini-mème, (pioi-
que fort doux avec les autres. 11
avait l'ame tendre; il recherchait
les émotions tristes ou religieuses ,
plutôt que celles de la joie. Il était
généreux , et savait se conserver les
moyens i\i- l'être, par beaucoup
d'ordre et d'économie. Il aidait de
ses secours beaucoup de parents
éloignés; il avait un soin tout filial
de sa nourrice, et ne l'oublia point
dans son testament. Parmi les amis
qu'il s'était faits dans le inonde, un
de ceux qui lui paraissaient le plus
attachés, c'était le chevalier de Poi-
gnant, si connu par son duel avec
son ami Lafontaine. Poignant an-
nonça long temps d'avanre qu'il le
ferait son héritier, et il tint parole.
(3 j) Auteur de la h'uUe Qui relie , i oiiicdie pa-
ruoie d'Andromar/ue , Paris, ititiS, iii-12.
RAG
Mais, h sa mort , tout le Lien se
trouva mange. Racine n'en acquitta
pas moins avec zèle et reconnaissan-
ce les frais de maladie et de sepullurc
du magnifique testateur. Nul ne fut
meilleur époux et ])lus tendre père.
L'éducation cbrèlienne de ses en-
fants était sa grande aflaire. Il faisait
chaque jour la prière en commun
avec sa femme , ses enfants et ses do-
mesti((ucs. Il leur lisait et leur ex-
pliquait l'Évangile. Dans les dis der-
nières années de sa vie, tous ses plai-
sirs, tout son bonheur, étaient con-
centrés dans ses afl'eclions domesti-
ques. Il n'allait même plus à la cour,
que pour les devoirs de sa charge et
pour les inte'rèts de sa famille : et ce-
pendant, combien n»avait-il pas de
moyens d'y plaire et de s'y faire ai-
mer; une belle et noble figure, des
manières gracieuses, tous les char-
mes de l'esprit, tout l'éclat delà re-
nommée , unis à l'art heureux de les
faire oublier I Soixante ans après les
représentations d'Esther, à Saint-
Cyr , les dames qui en avaient été té-
moins, parlaient encore de lui avec
attendrissement, et disaient à Louis
Racine : « f^ous êtes fils d'un hoiii-
» me qui m'ait un grand génie et
» une grande simplicité. » Il avait,
en effet, enchanté tout le monde, plus
encore par l'aménité et la grâce des
instructions qu'il donnait aux jeunes
demoiselles de Saint- Cyr, que par
son talent même pour la déclama-
tion ; et ce talent , il le possédait au
plus haut degré. Aucun homme de
son temps ne lisait et ne récitait
mieux que lui. Un jour, chez Boileau,
dans sa maison d'Auteuil , lisant et
traduisant d'abondance V OEdipe de
Sophocle, il fit verser des larmes à
tous les assistants. Il enseigna à Ba-
ron et à La Champmêlé un système
de déclamation plus conforme à la
RAC DU
nature et an bon goût , on , pour
mieux dire, il leur apprit h parler
et non à déclamer. — Comment un
homme doué de tant de qualités na-
turelles ou acquises a-t-il eu des
ennemis? Cette question pourrait pa-
raître par trop ingénue ; et nous
ne la ferons point. Mais comment
ces inimitiés lui ont -elles survécu
pendant plus d'un demi-siècle? C'est
ce qu'on ric peut guère expliquer que
par l'extrême influence de Fonlenelle
sur la littérature du siècle dernier.
Fontenelle, neveu de Corneille , et,
à ce titre , disposé à défendre et à
maintenir la prééminence de son
oncle sur ses rivaux, fût-ce aux dé-
pens de la justice et de la vérité ;
Fontenelle haïssait personnellement
Racine, depuis l'épigrarame qui avait
immortalisé sa tragédie à'Aspar. Sa
rancune dura soixante ans ( cela est
un peu long pour un phUosophe ) :
elle lui inspira cette odieuse et ab-
surde épigramme où l'auteur à^ Es-
theresl traité de suppôt de Lucifer.
Elle se manifesta de toutes les ma-
nières et dans toutes les occasions ,
sans se lasser jamais , et sans avoir
à craindre la férule de Boileau qui
n'était plus : enfin elle parvint à re-
tarder, pour Racine , le jour de la
justice. Grâces soit rendues à Vol-
taire, qui s'indigna de cette iniquité,
et qui , tant que la passion de l'irré-
ligion ne vint pas fasciner ses yeux
et fausser son goût exquis , proclama
dans tous ses écrits, comme dans tous
ses entretiens, l'inimitablepertéction
de Racine. Si Racine n'a pas, comme
Corneille, joui, de son vivant, de tout
l'éclat de sa gloire, il faut plain-
dre ses contemporains. Pour lui , il
s'était depuis long - temps consolé,
dans le sein de Dieu, de l'injustice
des hommes. Il poussait l'indifféren-
ce pour ses ouvrages jusqu'à refuser
jii RAC
de revoir les éditions qu'en faisaient
les libraires; et rautiunle tant de
clitfs -d'œuvre, unitiiiciiiont orm-
ne , en mourant , de riiiinioi talilc de
son aine, ne sonj^ca pas même à cel-
le de son nom. Si lin, tjui eut lieu
le ri avril iO()(), fut douloureuse , et
d'une intrépidité tonte cliretiennc.
11 voulut être enterre à Port-Royal,
aux pieds du docttvu- Ilamon ( r.
ce nom ) , afin de n'être plus sépare,
même par la mort , de ses anciens
instituteurs. Après la destruction de
ce monastère, on transporta ( en
i"- 1 O SCS restes à Paris, dans l'cj;li-
se de Saint-Éliennc-.lu-Mout , où ils
furent places à cote de Pascal. Le
inarLrc tumulairc de celui-ci, enlevé
en i'y3 , par les violateurs des tom-
beaux, a cte relal)li à la restaura-
tion. La tombe de Racine, beaucoup
moins apparente, déposée, depuis
long-temps , dans une enlise de vd-
lage (à Magni-Lessart^, y fut retrou-
vée en 1808, et fut rapportée à
Saint Etienne du-Mont , le il avril
1818 ( Voyez la Quolùliennc du
'j»3 avril de la même année ). Son
cpitajtlic, composée par Roileau ,
fait peut - être su-.iriie de pitié nos
soi-disant philosophes 3<3^ ; elle se
termine ainsi : « 0 toi I qui que tu
» sois, que la pictc attire on ce saint
» lieu , plains , dans un si excellent
M homme, la triste destinée de tous
V \vs mortels; et, quelque grande
» idée (pie puisse te donner de lui sa
» rcpuiatiou, souviens - toi que ce
» sont des prières, et non pas de
» vains cloî;es , qu'il te dcroaudc. »
Outre les ouviaqts dont nous avons
^(6 l.r lutr J<- <<tl' ■■■'■
dau le» Mem.ulr' d. I • "
yrrr ; «-llr c<t m'-m'' "i ' '""
lair« |H<ur r-Toi. ■ i ■ i >■< 'l'rtlicr
di.D»l<»tH-uvrc«.; i> M.Sj.lut Marc,
ou luirox «KTori- • Il de VUix.', lSa3 ,
doiuicc |ur M.Saiiil-SuMii.
RAC
parlé dans le cours de cette Notice ,
il en est encore quelques-uns qu'il ne
nous est pas permis de passer sous
silence ; de ce nombre sont : I. h\^-
hit-fié de l'liist( ire de Poit-Fiornl,
composé en iO()3. C'est àla fois un
monument de la reconnaissance de
Racine pour cette maison, et une
preuve de plus de sou talent pour
écrire l'histoire. Boilean le nj^ardait
coMîme un morceau de beaucoup de
mérite; toutefois iî est aujourd'hui
peu lu. II. Les (.iintiqiies sniriliicls ,
composés pour la maison de Sainl-
Cyr, eu \0\)\ ; c'e>t la dernière pro-
duction poétique de Racine : c'est le
chant du cvgnc. Ils sont remplis de
grâce et d'onction ; Fénélou n''cn
parlait qu'am-c enthousiasme. Le
sujet du troisième Cantique est l.i
l'iainle d'un dirtlien niv les f<>ii-
trarietés qu'il épruuvc au - dedans
de lui-même.
m Mon nirii! qiirllp |;ncrrc rrnel'c !
■ Jr Irtiiivr clfiii Itoiiiiue^ m iiKii.
■ I.'iiii v<iit q«if, j)lii" il'niiiiiiir |>uur toi ,
. .'Nfon rmirir «..il louioiir» fldMr;
> I '.mire. . te Ti.luitf» iclirllt- ,
• lUe rrvultf coutre la lui. >
On dit qu'à cette strophe le roi s'é-
cria : / 'oilà deux hom mes (jueje con-
nais bien. — Les Discours acadé-
miques qui nous restent de Racine
ye réduisent à deux : l'un, que nous
avons déjà cité, pour la icfception
de Thomas Corneille; l'aulri', pour
la réception de l'abbé Colbert. Il est
à rcntarquer que cet abbé Colbert ,
reçu (le l'académie à l'âge de viugl-
q-!alrc ans , ayant eu à haranguer le
roi, quelque tcjups après, au nom
du clergé (en iG85), pria Racine
de lui faire sa haiangue : aus.-i se
tronvc-t-clle dans les OKuvres de ce
poète. Quant au Discours que pronon-
ça Rarine pour sa propre réception,
il n'a jamais été imprimé; il paraît |
qu'U avait eu peu de succès , et que '
RAC "^
Flcchier, reçu le même jour que lui
( le 12 janvier 1673 ) , avait eu tous
les honneurs de la journée. Racine
eut de quoi se consoler de ce petit
c'clicc, dans la même semaine , par
le succès de sa tragediede Millinda-
te. — Tout a clé dit sur les ouvrages
et le talent de Racine. On proposait
un jour k Voltaire île faire un com-
mentaire de ce grand poète, comme
il en avait fait un de Corneille. « Il
» ny a, reponditil, qu'à mettre
» au bas de toutes les pages : beau ,
» pathétique , harmonieux , ad-
» mirable , sublime ! » Cette re'-
ponse , ou ( si l'on veut ) cette
saillie , n'a pas empêché une foule
d'écrivains plus ou moins rccom-
niandables , de commenter Racine;
et leurs travaux sont loin d'avoir
été inutiles. Quoi de plus propre
à arrêter les progrès du mauvais
goût que de faire sentir tout le char-
me du bon? Quelle meilleure répon-
se aux novateurs , aux romantiques,
aux ])eintrcs de la nature brute, que
le dévcloppenientdcs beautés de l'art
porté à sa plus haute perfection?
Or, telle est la perfection de Racine,
qu'il n'y a peut-être pas, dans toutes
ses pièces, nous ne disons point une
seule scène , mais un seul vers qui
puisse être remplacé par un autre.
Tout y est juste et vrai; tout y est
rempli de cette poésie d'images et de
sentiments, de cette élégance conti-
nue, que, depuis les Grecs, Virgile
et lui ont seuls possédée, et qui est
d'autant plus admirable dans Raci-
ne , qu'il avait pour instrument une
langue moins riche, moins harmo-
nieuse, moins flexible et bien plus
timide que celle de Virgile. C'est
surtout dans Esther, dans Alhalie^
et parliculièrement dans les chœurs
de ces deux tragédies , qu'appuyé
sur le plus sublime des modèles , il
XXXVI. •
RAC 5i3
est presque toujours sublime lui-
même. C'est là que Racine a toute
l'élévation d'un prophète hébreu ,
qui , cmpruataut et embellis.-ant
notre langue, viendrait nous annon-
cer des vérités divines dans des
vers presque divins. Mais ce qui ca-
ractérise principalement Racine ,
c'est l'union complète, et peut-être
imique, de deux qualités qui semblent
incompatibles , de l'imagination la
plus luillantc et de la raison la plus
parfaite qui fût jamais , de la sensi-
bilitélaplus exquise avec le bon sens
le plus invariable. La raison en ef-
fet , autant et plus encore peut-être
que l'imagination, domine dans la
conception de ses œuvres les plus
touchantes , dans l'exécution de ses
scènes les plus dramatiques , dans le
choix même de ses expressions les
plus riches , de ses fours les plus el-
liptiques , de ses alliances de mots
les plus hardies. Boileau , ({ue plu-
sieurs critiques ont surnommé le
poète de la raison , Boileau lui-mê-
me n'est pas , sous ce point de vue ,
supérieur à Racine : et, d'ailleurs,
cette qualité noiis étonne moins en
lui , parce qu'elle est accompagnée
d'une imagination beaucoup moins
vive. On a souvent proclamé Racine
le plus gr.iud des poètes français : il
faudrait aussi le proclamer le plus
raisonnable ; ou plutôt , n'est-ce pas
précisément parce qu'il a été le plus
raisonnable, qu'il a étéle plus grand .-*
— Indépendamment des ouvrages ci-
tés dans le cours de cet article, on
attribue à Racine la traduction (au
moins poiu- un tiers ) du Banquet de
Platon, publiée par d'Olivet, Paris,
1 t32, in- 1 •! . Le reste de celte traduc-
tion est de M™*^. de Rochcchouarî,
abbesse de Fontevrauld. Quelques
passages de la correspondance de Ra-
cine avec Boileau donnent lieu de
33
5i4 HAC
croire qa'il est l'aotcur de l'iTp/a/jAe
du chancelier Letellier cl de relie <fe
M"^. d^ Z«/noJi,'nor;(37\ pièces que
Pigaiiiol a insérées dans sa Descrip-
tion de Pans. \J Abrégé de l'histoire
de Port-Boy al, compose vers 1 6ç)5 ,
et, même, dit -on, à la sollicita-
lion de rarelievè(jiiede Paris, ne fut
imprime en entier qu'eu 17()7: la pre-
mière partie seulement avait paru en
1 "4^. L'édition la plus complète dos
ÔfAivres de Karine est cille que M.
Aime Martin a publiée en 6 vol. , in-
8". , Paris, Lefèvrc, i8-»o, réimpri-
mée en i8ia. La correspondance
avec Boilcau y comprend 5o lettres,
tandis que les éditions précédentes
n'en contenaient que 47 ot avec beau-
coupdelarunes.Lesnlitionsdu Théâ-
tre sont innombrables : nous indi-
querons sculeîuent celle de 15 "doni ,
iHi3 , 3 vol. inful. ; et celle de P.
Didol l'aîné, an i\ ( i8oi-o5 ), 3
vol. in-fol. , le livre le plus magnifi-
que que la iypoj;rapbie d'aucun pays
ail encore produit. Nous avons parle
des Commentaires, not. i o ci-dcisus.
Son éloge lut mis au concours , en
II"!, par l'académie de IMatseillc
( r. Laharpe, XXIII, 187 ;. Sun
portrait , gravé par A. Picrron , d'a-
près le tableau original ( par J. B.
Sanlerrc) conservé chez M. de Nan-
rois ( arrière netit-lils de J. Racine ) ,
est joint à l'édition de ses OEuvres ,
donncf en 1H07, par G. Garnier ,
en '^ vol. , in 8". , avec le commen-
taire de Laharpe. Ce même portrait
avait été gravé in-fol., par Kdelinck,
en i(3()9. R — R-
RACINE (Louis) le second fds
du poète le plus parfait dont s'hono-
re la scène française , s'est montré
digne de cette illustie origine. 11 na-
quit à Paris, le 6 novembre 169-2.
(ij) Lettres du agiuiUetet du t, août 1G8-.
RAC
Son père se plut à former son enfan-
ce, et, peu de temps avant sa mort ,
le recommanda aux soins de Rollin ,
alors principal du collège de Beau-
vais. 11 fut dirigé dans ses études par
cet habile maître , et par Mésenguy ,
dont les conseils le fortifiaient dans
les principes de sagesse et de pioié
qu'il avait puisés dans sa famille.
Le jeune Racine faisait des vers à
l'insu de sa mèi c , jnévenue contre la
poésie; lîoileau qu'il consulta surses
premiers essais, voulut le dclouriur
ducoinmerce des Muses. «Depuis que
le monde est monde, lui dit-il , on
n'a point vu de grand poète lil.^ d'un
grand poète; et d'ailleurs vous de-
vez savoir , mieux que personne , à
quelle furtime cette gloire peut con-
duire. » Mais les remontrances furent
inutiles. Au scjlirdu collège, il ètu-
dialedroil, et se fit recevoir avocat.
Ne se sentant aucun goût pour celte
profession , il piit l'habit ecclésiasti-
que,et passa quelque temps, comme
pensionnaire, dans la congrégation
de l'Oratoire. Pendant trois ans (pi'il
habita la maison dcNoIre-Damedes-
Verlus , il composa le ])0(nic de la
Grâce. Les lectures qu'il en lit à
quelques personnes , révélèrent son I
talent pour les vers , et on l'engagea |
de s'appliquer à la Tragédie. l'eut-
être , dit-il, me serais je laisse sé-
duire ( I ) et aurais-je eu la témérité i
de vouloir approcher du Théâtre, si '
des atnis plus sincères ne m'tn eus- j
sent détourné , en me représentant \
(t) Racine te wntait pniiMe malf;rr lui daUH la
carriJ-n- que ton pire a r' ndiir «i diflTu ile. » Lii gloi-
re d'itrr |x>i te tragique, dit-il, m'a tinti', Ji ma
»<-nlai> capabir dr l^irt- ronniir un autrr dr erg pi<:-
cr> qui u<- demaudeirt pas un grand cfl'nrt de g<'iiie,
rt qui cepcudaul, à cau-e tir Irur ijuu\('aute, rap-
p>jit/-iit -1 l'autrur beaucoup d'applaudiurinentidau*
quelques repré»eiilaliou« , avec de» eiiii)luiiicnl«;
mais je n'eu voulais f.iire que d'ocelltnle» : m<in
ambition fut niun aalut. Ayant toujoura devant le>
yeui roc J'/J* de Sopboclc , et Athiilic, je u'euija»
mail la faaiuieMc de c<Jinmcocer une scirno. >i
RAG
los {grandes diflicultcs du pocme dra-
matique ( Avertissement sur Vépitre
à Falincour ). Le chancelier d'A-
giiesseaii le pressa de venir partager
son exil de Fresnes; Racine passa dans
cette agréable retraite les moments
qu'il regardait comme les plus heu-
reux de sa vie , et ne revint à Paris
qu'avec son illustre protecteur. Sa
réputation, et la mémoire de son pè-
re , lui firent ouvrir, en 17 19, les
portes de l'académie des Inscrip-
tions ; et, peu de temps après, ses
amis l'eiigigèrent à se mettre sur les
rangs , pour une place vacante à l'a-
cademic française. L'ancien cvêque
de Fréjus (depuis cardinal de Fleu-
ry ) traversa son élection. 11 man-
da Racine , et lui promit une place
plus utile que celle d'académicien ,
à laquelle il devait renoncer pour le
moment. Racine , dont la fortune
déjà très-mediocre se trouvait rédui-
te à moitié par le système ( F. Law ),
se soumit aux volontés du prélat , et
partit, en l'j'i'x , pour Marseille,
avec le titre d'inspecteur-géne'ral des
fermes en Provence. Il passa succes-
sivement à Salins, à Moulins, à Lyon,
et enfin à Soissons, oit û demeura
quinze ans , et où il se fit recevoir,
à la taLie de marbre , maître par-
ticulier des eaux-et-forêts du duché
de Valois. Tout en remplissant avec
zèle des occupations si peu confor-
mes à ses goûts , il trouvait encore
le loisir de cultiver les lettres ; et,
presque chaque année , il payait son
tribut à l'académie des inscriptions ,
par quelques Mémoires qu'il venait
y lire , et qui sont insérés dans le
Recueil de cette société savante ,
tom. vu à XV. Ce fut au milieu de
ces divers emplois qu'il composa
presque tous ses ouvrages ; et, tan-
dis que les récompenses et les encou-
ragements étaient prodigués à des ta-
RAG 0r5
lents médiocres, l'aulcnr du poème
de la Belipon languissait oublié
dans le fond d'une province. Pen-
dant son séjour à Lyon , Racine
avait épousé IM*^''"^. Presle , fille d'un
secrétaire du roi: cette union, d'ail-
leurs assortie, assura sa fortune; et
après avoir été vingt-quatre ans com-
mis de finance , jamais financier , il
demanda sa retraite, et revint à Pa-
ris , avec la résolution de consacrer
le leste de sa vie aux lettres. Les nou-
velles éJiîions qu'il publia de ses ou-
vrages , ai'crurcnt bientôt sa réputa-
tion. En I "Se, il se mit une deuxiè-
me fois sur les rangs pour une pla-
ce à l'acailémie tVançaise; mais il
se retira, dans la crainte d'être enco-
re exclus ])ar la cour, comme soup-
çonné de jansénisme. Admirateur de
Milton, il avait appris l'anglais pour
faire passer (ians notre laiigue les
beautés du Paradis perdu. li venait
d'en terminer la traduction , quand
il reçut l'alTrcuse nouvelle delà mort
de son fils unique, jeune-homme de
la plus grande espérance. Cet infor--.
luné se trouvait sur la chaussée de
Cadix , et fut entraîné par les flots ,
lors de l'inondation causée par le
tremblement de terre qui détruisit
Lisbonne et se fît ressentir jusque
dans l'Amérique ('i). Ce coup terri-
bb- plongea Racine dans le désespoir,
et peu s'en fallut qu'il n'y succom-
bât. Il vendit sa biblicthèque et une
collection d'estampes qu'il avait pris
plaisir à former : i énonçant poui ja-
mais à l'étude, il ne conserva <[ue
les livres qui pouvaient enUctenir en
lui le goût de l'autre vie, après la-
quelle il soupirait, La seule distrac-
(7.) ("e déplorable cve'uement fournit m Ijpfiancde
Poni|iignan le sujet de stances t ès-toiicliantes ; et
I.ebiuii a consaci'é la tni moire du fils de Louis Ra-
cine , son ami , dans les Jernières strophes de sa belle
Ode sur les causes pliysiques des ticmUemeiits de
terre.
33..
;i6
UAC
tion qu'il se permit, fut la culture des
(leurs , dans un petit jardia qu'il
avait loue' au faubourg Saint -De-
nis. 11 V recevait quelquefois ses
anciens amis , dont la conversation
avait le pouvoir de suspendre ses
douleurs. Ce fut dans cette humble
retraite qu'il accueillit Delille , qui
desirait lui soumettre sa traduction
des Georgiques : « Je le trouvai ,
dit Delille , dans un cabinet , au
fond du jardin, seul avec son chien,
qu'il paraissait aimer extrêmement.
11 me répéta plusieurs fuis com-
bien mou entreprise lui paraissait
aud.icicusc. Je lis , avec une gran-
de timidité, une trentaine de vers ;
il m'arrête et me dit: « Non-seule-
u meut je ne vous détourne pas de
» votre projet , mais je vous exhor-
» te à le poursuivre. » J'ai senti peu
de plaisirs auisi vifs dans ma vie.
Cette entrevue, cette retraite mo-
deste, ce cabinet, où ma jeune ima-
cination croyait voir rassemblées
la pieté tendre , la poésie chaste
et religieuse , la philosophie sans
faste , la paternité malheureuse
mais résignée , enfin le reste véné-
rable d'une illustre famille prêle
à s'éteindre faute d'héritiers, mais
dont le nom ne mourra jamais, m'ont
lais>é une impression forte et dura-
ble. » ( A^. la Freface de VJIomwe
des Champs. ) Delille n'est pas le
seul poète dont Racine ait encouragé
les essais ; Lebrun s'honorait d'a-
voir reçu de lui les premières leçons
de l'art des vers ( f^oy. Lebrun ,
XXIII , 499 ). Quelques atteintes
d'apoplexie l'avertirent de sa fin
prochaine, à laquelle il se prépara eu
chrétien ; et la mort le frappa , sans
le surprendre, le 29 janvier 17G3.
Racine était d'un caractère simple et
vrai , sans jalousie comme sans ma-
lice , bon et obligeant, rt sincère-
RAC
ment modeste. On sait qu'il se fit
f)eindre, les OEuvres de son père a
a main , et le regard fixé sur ce vers
de Phèdre :
Et iiKii, fils ioCDDnu tl'iiD &i [t;loTit'UX pirp.
Il était membre des académies de
Lyon , de INLirseille , d'Angers e( de
Toulouse. Son ^Zog[e, parLebeau,est
inséré dans le tome xxxi du Recueil
de l'académie des inscriptions. C'est
la source où l'on a puise principale-
ment pour la rédaction de cet arti-
cle , qu'on terminera par l'iudica-
tion de ses ouvrages. I. La Grâce ,
poème, 17.*'?., in-iu. Racine nous ap-
prend que ce fut la lecture du poème
de saint Prospcr ( f^. ce nom\ qui lui
donna l'idée de traiter en vers fran-
çais une question agitée depuis si
long-temps ; mais que son but n'était
pas de réveiller le souvenir d'une
discussion encore récente , qu'il fau-
drait, dit-il, oublier. Néanmoins ,
malgré l'impartialilé et la boniic-foi
qu'd crut y mettre, les traces de l'é-
cole de Port-Royal y percent trop
visiblement (3); et l'ouvrage lui fit
quelques ennemis dans le clergé (4) :
on Y aperçoit, dit Laharpe, le même
caractère d'élégance et do pureté «pic
dans le poème de la Religion , mais
Cl) (In sait qur Voltaire [Poéfirt tUi'cises) lui
adrrMa iinr]>u'Ccf|ui cuiuinciicc ainsi :
f'.hrr Racinr , j'ai lu, dans tes vers diilactiqufs ,
Oc tun JaUAcnius les du^Dies faiiallcjucs ;
Et qui le termine par ce Ters :
Et soyons de» thrttieiis, et non pas des docteurs.
On peut voir dans le Diclionn. des livret janii-
niilei , III , îi5i-5r), l'eianieu de» pauages de ce
po(-iac qui pri'îciit le [plus ù la censure.
^4) Racine raconte ( dansune /.cMre à J.-D. Rous-
seau ) qui tant aile rendre visite i uu arcliryiquc,
re piel.it lui montra un cïeniplairc du |ioi ii.e de
la Crdce , dont plusieurs endroib étaient iDarqui s
au crayon ; et lui dit : « Ne croyez pas que ce soient
les lieain endri'ils oue j'ai ainsi crayonnés ; ce sont
vos Lirrsie». Voilà' un ouvraRe qui sera voire con-
dacnaatirii, au jour du juceraeol. >• Racine s'eiciisa
coramt il put , ajouUnt k que ne voulant )>as travail-
ler jKjur le th. âlre , il ne s'altadi'-rait <\m'U d. s su-
j.-t5 saints.— Eb ! tait |)i», s'écria le prélat ; j'aime-
rai» mieux que von» riv>«^ <!'■• comédies. »
RAC RAC 5! 7
moins marque ; rien ne s'élève jus- anglais , en vers allemands, deux
qu'à la grande poésie. Il a été traduit fois en vers italiens, et plusieurs
en allemand par Schaeffer, et en fois en vers latins, notamment par
vers latins par M. R. ( Revers ) , Etienne Bréard ( F. ce nom ) , et par
Avignon, 1768, in-iu. 11. La. Re- l'abbé Revers (6), III. Des Odes\û-
Ztiîion , poème. I/auteur y développe rées des Livres saints : on y trouve de
cette pensée de Pascal , qui en est, l'élégance ct'du nombre, s'il n'y a
pourainsi dire, l'abrégé :« A ceux qui pas toujours de l'élévation et de la
ont de la répugnance pour la Reli- force. IV. Des Epître s swr Y homme ^
gion , il faut commencer par leur adressées au chevalier de Ramsay j
montrer qu'elle n'est point contraire sur ramedesbêtes,etc.;et des Poésies
à la raison ; ensuite, qu'elle est véné- variées, j)armi lesquelles on distingue
rable ; après, la rendre aimable, V Ode sur l'harmonie , ou \(i])rkcc\)\.e
faire souhaiter qu'elle soit vraie, et l'exemple sont joints heureuse-
montrer qu'elle est vraie, et enfin ment, dit Laharpe , qui l'a insérée
qu'elle est aimable. » L'existence de toute entière dans le tome xiii du
Dieu fait le sujet du premier chant ; Cours de littérature. V. Réflexions
la nécessité de la révélation est ex- sur la Poésie , 2 voL in- 12. Elles
posée dans le second ; au troisiè- sont le fruit d'une critique sage et
me , le poète en montre les ca- éclairée. L'auteur avait étudié les an-
ractères dans la religion chrétien- ciens en poète et en crudit : cet ou-
ne ; son établissement est le sujet du vrage peut être consulté avec profit
quatrième chant ; et dans les deux par les jeunes littérateurs. VI. Mé-
derniers , on répond aux objections moires sur la Fie de J. Racine,
des sophistes et des incrédules. Ce avec ses Lettres et celles deBoileau,
poème est, selon J.-B. Rousseau , un 2 vol, in-ia. C'est un monument de
des ouvrages les plus estimables delà la piété filiale, et un morceau de
langue fra-nçaise. Le sujet, dit La- biographie du plus grand intérêt
harpe, en est parfaitement tracé; ( F. l'article précédem ) ; mais il
les preuves sont bien choisies , forti-
fiées par leur enchaînement, et dé-
duites dans un ordre lumineux. Rien
ne manque à la partie didactique :
mais le plan n'a rien de cette imagi-
nation qui invente; et la versification
n'a pas non plus assez de cette poé-
sie qui anime et vivifie tout. Malgré , . _ .
1 -C ^ 1 > • .. J 11 Charlier, Paris, Carl)oii,in-i7., vers i8f.4 ( Voy. le
ces detauts, il n y a point de chant /?,<.<. rf« „»o«ymes,i>c.edit.,DO. ,0404 ).
dans lequel on ne trouve des traits (7) Par exemple, cVst d'après son Umoignage que
U. . J 1 1 l'on a souvent répété que Boileau laissa eu raouranfc
entS et un grand nombre de j,„sque tous ses l.ieos aux pauvres : mais le testa-
vers admirables; ce poème , en un ment du saiiriq
n'est pas toujours exact (7). \'II, /?g-
Les dernières éditions oflVent des cViauj^pments assez
considérables, surtout dans les notes. L'auteur y joi-
f;nit quelques Épitres , et la Prière de Cleantlie {V .
ce nom ), qu'il regardait comme plus chrétienne
que la Piicre universelle de Pope , bien qu'elle fût
l'ouvrage d'un païen.
(G) Celte traduction de Vabbé Revers a élé réira-
priraée avec beaucoup de changements, par l'abbé
mot , est très-supérieur à celui du
cardinal de Bernis ( F. ce nom) : il
s'en est fait un grand nombre d'édi-
tions (5) , et il a été traduit en vers
(5) On distingue , dans le nombre , celle de Parif ,
'74'» B'""'"! in-S"., suivie du poème de la Gràoe^
pour la première fois p^r M. Saint-SurIn , dans son
édition des OEuvres fie Buileuu ( tom. i"^'^. , à la
fin de la Notice sur rauteur ) , contient pour en-
viron cent mille francs de legs ou dispositions par-
ticulières , qui certainement formaient une très-
grande partie de sa fortune. Quant aux Lettres de
Racine et de Boileau , M. Saint-Surin a fait voir
(ifaid. tom. IV pag. IX de l'avertissemeuf) les chan-
geini nts considérables que L. Racine s'ost permis
rnpuLliiint cette coire&pouctaoct.
5i8
RAC
marques sur les Traf^èdies de Ra-
cine , aycc un Traité de la Poésie
dramatique ancienne et moderne^
Paris, 175a , 3 vol. in- 1*3. Elles sont
prc'ccdccs (rnne Lettre de Lcfi.inc de
Ponipij:;naii à rautour, pour l'cnga-
;;cr à publier cet ouvraf^c. LcsiNotcs
sur le style sont le plus souvent
justrs , mais {je'ucralcinent supcrH-
ciellcs, qtioiqu'on s'aperçoive, ajoute
Laharpe, qu'il est bien pins au l'ait
de la ver>iriealion que du théâtre.
\ III. Le Pariidis perdu de Mdton^
traduit en français , avec les notes
et remarques d'Addison , et un Dis-
cours >ur le put-nie r'pique, ibid,,
l^J.^, 3 vol. in-iu. licite traduc-
tion est plus exacte, mais moins
aprcable qucccllede Duprc de Saiut-
Maur, qu'elle n'a point fait oublier.
Elle a obtenu plus de suer<'sdans la
patrie de Milton ; et les Anglais s'en
servent assez eommunenuiit pour
étudier la langue française. On a pu-
blie , sous le nom de Louis Harine,
en « "jS-j , des Pièces fiiptivcs, que sa
veuve et ses amis ont desavoutrs
liaûtemeut. Les OEm-res de cet
auteur ont etc recueillies en '747 •>
en i7;V.î , 0 vol. , petit in- 12 ; mais
la seule edi'ion complète est celle
qu'a pidjlie'e M. Lenormant , Paris,
180S, G vol. in-8"., (8; précédée de
VJîlof^e de l'auteur p.ir Lebeau ff)).
(8 "c. .,r il^u. rrlU
cJiti"li ' \rt» . rtuilc-
t>»nl.<l'.; i .ivriiliirr il' \n-
dn il. « • l du MU ; tt mil Ir j i ju u, »iirl..iit .!<•-
|iui» c|iril ■ rtr ailini» par lU-rriigrr . f<anii ..■ 1/..
taie en action, fnu.il c . I i. .. !.. |il> mirrr l.liitrr
ù M""-. 1» dut ., r -ir V^m. dit
b^i»-,. t'r m'irr. iiu ^^ m. ml du» lr<
noifi! rrii.i'» rdiUui» •: • u ^ctiun . tn.t%%
<iii.-i>rc daiK l« Mcnum,, Je UoiuoUlt , lirtiiiii ri-
H»rlir du tulu. VI. A. Il — T.
/^ V.I.. A[ farbicr , Louis Racine Mt t'i^ilpor
«!. 'ifuill rn im.fjnr In mrlUnis
)• l'arii, \~û\ . in-ii: mai» il rul (>ru
d<- l'.r iil>nudr« L'tir.-t de J..H. H-nxraii ,
<loiil «naTail dit qu'il i tait IVJiti-nr . \tj^.\»LeHre
qu'il rcri%>t '•> m Mijrl aux autiur* du Journal tirt
SHvantt . i-.',9, y. 'di ). hrtmriia ra%ait uii.mror-
rfiyondai'ccarccec gMod i>ucte,cu f/ix; itRaciu*
RAC
On peut encorr consulter une Notice
sur cet écrivain par Palissot, dans le
Nécrologe des Hommes célèbres de
France , pour l'année i7f)(3; et VA'
hréi^é de sa rie, dans la Galcrio
française. Son portrait, grave plu-
sieurs fois d'après Aved , fait partie
du //fc»<'/7d'0dieuvre. \V — s.
RAClMi ( HoNAVENTunE ) , théo-
logien appelant, ne le uS novembre
1708 à (".nauni, diocèse deNoyon ,
se livra d'abord l\ renseignement , et
fut jiiincipal du collège de Rahas-
teius, dans le diocèse d'AlM. Dc-
noni è pour ses opinions , il fut foire
deijuitter citte place, et revint à Pa-
ris, oii il fut cnipii>ve ;in C(dlègc
d'I larron rt.conuiicprccepleur: mais
le cardinal de Fleiirv donna ordre de
le congédier. L'aLbe Racine prit part
aux disputes élevées, en 1 7,3 \ , entre
les appelants, sur la crainte et la con-
fiance; il publia successivement un
Simple exposé de ce qu'on doit pen-
ser >ur la cifijiance cl la crainte; —
Mémoire sur la confiance et la crain-
te;— Suite du Mémoire; — Instruc-
tion familière sur la crainte cl l'es-
pérance chrétienne, i'j3't. M.deCay-
Iiis, cvêque d'Auxerre , l'attira dans
son diocèse , et lui donna un bénéfice
afin de pouvoir lui conférer les or-
dres en lui épargnant la signature du
forniulaiic. Du reste l'abbc' lîaciiie
rc>i(lait habituellement à Paris, et
y pii)>lia W-tbrégé d' Ili^titire ecclé-
siastique, contenant les Ci'énements
considérables de chaque siècle, avec
dcsréjlcxions , 1748- 1760, i3vol,
in- 12. Les premiers siècles de l'É-
glise V sont traités avec assez d'exac-
titude et de mesure ; mais 1rs dei niers
n'offrent qu'une conliiiuellc ajxdogic
pn cultiva , ru rSfft . /'aniitic drpuis a vrc l>«>aiiroiip de
T.i Ir , iirrnaiit sn di-fi-iine d«ii« (nul*'» ivn ofriisiniis ,
pt « l>. rcliUit .'. Je jiuli/icr de» inijuilalic.nj de «f» eu -
utm'a.
RAG
du parti auquel l'auteur s'était voue ,
et des déclamations contre tous ceux
qui étaient contraires à ce parti. Il a
paru une suite de cette Histoire en
2 vol. in-i2; on l'attribue à l'abbe'
Troia d'Assigny : ce n'est qu'un ex-
trait du /ournrti de l'abbe Dorsaune,
et des Nouvelles ecclésiastiques ; et
cet extrait est fort inférieur au tra-
vail de l'abbé Racine. Celui-ci ne
manquait point de talent : il avait
d'abord adopté un assez bon plan ,
et son style est animé ; mais sou
livre devient insoutenable quand
on arrive aux dernières contesta-
tions. Racine mourut à Paris, le i4
mai I745' Oii ^ît paraître, après
sa mort , ses OEuvres -posthumes ,
1753, in-i2, et des Discours sur
l Jlistoive universelle de V Eglise ,
1709, 2 vol. in- 12 : il y a, dans ce
dernier ouvrage , des réflexions qui
sont de Racine ; mais l'éditeur, Ron-
dct , y a mêlé beaucoup du sien. Cle-
mencet fut éditeur des OEuvres pos-
thumes. Ron let doinia, depuis, une
nouvelle édition in-4''. de V Abrégé
d' Histoire ecclésiastique de Racine ,
auquel il joignit des notes et des sup-
pléments. P — c — T.
RACLE ( Léonard ) , architecte ,
ne' en 1736 à Dijon , montra , dès
son enfance , un goût décidé pour les
arts du dessin , et fut admis , fort
jeune , à travailler dans le cabinet de
Moutin de Saint- André , ingénieur
de la province de Bourgogne , qui
lui enseigna les principes de l'archi-
tecture. Doué d'une grande vivacité
d'esprit , et de beaucoup de pénétra-
tion , il acquit, presque sans maître,
des connaissances très étendues dans
les niaihématiques et dans les diiïe-
rentes branches de la physique. Ses
talents le firent connaître de Voltaire,
qui le choisit pour son architecte ,
et le chargea des travaux qu'il avait
RAC 5 19
entrepris à Fcrney. Les dloges et la
recommandation de Voltaire lui mé-
ritèrent la faveur du duc de Choiseul;
et le premier ministre invita Racle
à donner les plans delà ville et du port
de Versoix (i), dont diverses cir-
constances empêchèrent l'exécution.
Racle obtint , en 178G, un prix qui
lui fut décerné par l'académie de
Toulouse, pour \m Mémoire sur la
construction d'un pout de fer ou de
Lois , d'une seule arche de quatre
cent cinquante pieds d'ouverture. A
cette époque, l'impéralrice Catherine
lui (it des propositions très -avanta-
geuses pour l'attirer en Russie; mais
il préféra rester pauvre dans son
pays , auquel il avait l'espoir d'être
encore long-temps utile. Il dirigeait
alors les travaux du canal de Pont-
de-Vaux, qui joint la Reissouze à la
Saône j et il profita de cette occa-
sion pour appliquer la théorie qu'il
avait développée dans son Mémoire
couronné par l'académie de Tou-
louse , en faisant construire, sur le
canal , un pont de fer , le premier
qu'on ait vu en France , mais qui ,
malheureusement , n'a subsisté que
peu d'années. Il avait établi près de
Versoix , et ensuite à Pont-de-Vaux,
une manufacture de faïence , d'oîi
sont sortis un grand nombre de beaux
ouvrages que la révolution a détruits.
C'est a Racle qu'on doit le secret de
cette espèce d'enduit que Voltaire
nommait argile-marbre . parce qu'il
en a le poli et la dureté. Il en a re-
vêtu , au châteaude Ferney, la charn-
bre dite du cœur, où il construisit
(OToiis les amateurs out dans la mémoire les
chiirmaatei Sluiii-es de Voltaire, à Mn"=. de Choi-
seul : ,
3Iadame, un héros destructeur,
S'il est gi aud , u'est qu'uu grand coupable , etc.
où l'on trouve ces vers
A Versoix, nous avons des rues,
Lt nous n'avoui pas de maison».
520 RAC
le inouuiucnt qui renferme le cœur
de Voltaire. Racle fut nomme mem-
bre de la ]ircniièrc administration
centrale du département de l'Ain :
il s'occupait avec ardeur de di-
vers projets utiles à ce pays , qnand
nue mort prématurée , cansee par
rexct.>s du travail, l'enleva , le 8 jan-
vier i-jt)! , à Pont-de-Vaux. On a
de lui : Eéjleiions sur le cours de la
rivière de l'Ain, et les viorens de
le fixer , Bonrfï, 1790, in H", de
41 pages : c'est le seul opuscule qu'il
ait lait imprimer; mais il a laisse
Leaucoiip de manuscrits , parmi les-
quels ou cite: Projet pour mettre,
])enddnt la paix , les vaisseaux de
ligne à l'ahri de l'intempérie des
saisons. — Un Mémoire sur la terre
cuite. — Des Projets pour régulari-
ser le cours du Rliônc. — Le Projet
d'un pont en 1er sur la Saoue ou le
Rluuie, à Lvon. — Des MémoiresswT
les propriétés de la cyclo'ide, hono-
rés des sufliages de Baillv, et de
Lombard, savant professeur d'artil-
leiie ( For. Lomdap.d ). Racle était,
depuis 1785, membre de la sociélc
d'émulation de Bourg en Bresse {•!),
M. Amanton , conseiller de pre'fcc-
turc (lu département de la Cote-d'or,
a publié, en iHio, une j\utice bio-
fraphique sur Léonard Bade , Di-
jon , Frantin,in 8". de 17 pag. ; et
M. Chardon de La Roc bette en a
inséré, dans le Magasin encyclopé-
dique (août 1810) , un extrait fort
étendu , qu'il a reproduit dans le
troisième volume de ses Mélanges
philologiques. W — s.
RaCOCZL Forez Ragotzky.
(»] Parmi le» Mémoire» qu'il lat à celte iorictc,
on peut citer une Description du cour» do Rbone,
depifi» Genève jusqu'à Lyn ; il v donne de curieux
dtl;.il» sur le pouH're »i)|>»-lc \à Pertr du Rhône ,
3u'il avait exaiiiiDe avec soin, et diicuti- Irs moyens
e rendre ce Oeuve^Mviguble. ( Voj. le Journ, dei
lavanti de drcembre 1788 , p. 816. )
UAD
RADAGAISE, l'un des chefs des
Germains , n'est connu que par l'ir-
ruption qu'il fit en Italie, au com-
meurcmont du sixième siècle. Il avait
sous ses ordres une multitude de Sué-
ves ,de Vandales et de Bourguignons:
les Alains lui fonriiircnt nn corps
formidable de cavalerie légère ; et
les Gotbs demandèrent à l'iiccompa-
gner,en si grand nombre que les
historiens lui ont donné le titre de
roi des Goths. L'armée deRadagaise,
fortede deux cent milleconiball.inls,
était suivie d'iin nombre égal de fem-
mes et d'enfants : elle s'avança des
bords de la mer Baltiqtie , traversa
le Danube sans obstacle . et ])énétra
dans la haute Italie; mais alors la di-
vision se mit parmi les baibares,
dont une grande partie refusa de |)as-
serles Alpes. Slilicon, général d'Ho-
norius , ne pouvait opposer à l'.ada-
gaise que trente à quarante mile bom-
mes: il acheta par des sacrifices le
secours des Huns; et les (ioihs,
conduits par Huldin et Sariis , leurs
princes légitimes, le joignirenleom-
mc auxiliaires. Trop faible encore
Eonr s'exposer au hasard d'un com-
at,il établit son quartier à Tici-
num ( Pavie ) , et laissa s'avancer
Radagaise, qui prit et pilla plusieurs
villes , et vint enfin assiéger KIorcnce ,
dont les habitants arrêtèrent l'impé-
tuosité des barbares. Slilicon, s'avan-
çant alors, enfeinu Radagaise dans
une circonvallatiun, et laissa son ar-
mée se détruire par la disette et par
les maladies, Radagaise, qui ne pou-
vait compter sur la clémence du vain-
queur , tenta de s'échapper ; mais il
fut fait prisonnier, et eut la tête tran-
chée , l'an 4'j4 ou 4<J^^- Cieiix des
Germains qu'épargna la fureur des
auxiliaires , furent vendus comme
esclaves , au prix d'une pièce d'or par
tête : mais la différence du climat et
PvAD
do la nonrrilnre les fil tons périr dans
l'annc'c. Le succès inespc'rc de Stili-
con fut altriljuë par les historiens
contemporains à une protection spé-
ciale du ciel ; c'était la seconde fois
qu'il méritait le litre de libérateur
de ritnlie, dont il acheva d'eloif^ner
les barbares , par son adresse et son
activité ( V. Stilicojv ) : mais il ne'-
gligea d'assurer la tranquillité des au-
tres provinces de l'empire : et les
restes de l'armëc de Radac^aise exé-
cutèient , deux ans après , l'invasion
de la Gaule , projetée par Alaric ( V.
Tillcmont, Ilisl. desemper.^ et Gib-
bon, Hist. de la décad. de l'empire
romain , ch. xxx). W — s.
RADBERT (Paschase), abbe de
Corbie , au neuvième siècle , naquit
à Soissons , ou dans le voisinage,
de parents obscurs , qui n'ayant pas
le moyen de le nourrir , l'exposè-
rent , suivant l'usage de son temps ,
à la porte de l'église du monastère
de Noire-Dame de cette ville. Les
religieuses enprircntsoin, et lorsque
son âge le permit , elles le mirent en-
tre les mains des moines qui desser-
vaient l'église de Saint-Pierre , de'-
pendante de l'abbaye , pour qu'ils
relevassent dans la piété et dans les
lettres. Lorsqu'il y eut fait quelques-
progrès, ces religieux le consacrè-
rent à Dieu , et lui donnèrent même
la tonsure. Il se déroba néanmoins à
celte première destination , entra
dans le monde , et s'y livra quelque
temps à la dissipation ; mais reve-
nu à lui-même, il se rendit à Cor
bie , et embrassa la vie monastique
sous le saint abbé Adelard l'ancien,
neveu du roi Pépin, Corbie avait
une école célèbre et d'habiles maî-
tres. Radbert fit sous eux de grands
progrès dans les lettres divines et
humaines ; après quoi lui-même fut
chargé de les y enseigner. Il était
RAD
iiii
profondément versé dans les saintes
Écritures , et les écrits des Pères ; et
il avait étudié avec soin l'histoire
ecclésiastique. Les meilleurs auteurs
profanes lui élaient familiers. A la
connaissance de la langue latine , il
joignait celle du grec et de l'hébreu.
Il écrivait avec facilité en prose et
en vers : aux jours solennels , il ex-
pliquait l'Evangile à la communauté.
Mais ses études , quelque assidues
qu'elles fussent , ne nuisaient en rien
à ses autres devoirs ; et aucun reli-
gieux n'était plus exact aux offices.
Ses talents et sa régularité l'avaient
rendu cher à Adelard , son abbé , et
à Vala , aussi moine de Corbie ,
frère d'Adelard. Radbert était de leur
société iiilime, de leur conseil, de
leurs voyages ; ils l'admeltaient en
tiersdans toutes les affaires d'état,dont
à raison de leur haute naissance , ils
étaient chargés. En 826, après la
mort d'Adelard , Radbert fut député,
par son chapitre , vers l'cmjiercur
Louis-!c-Débonnaire , pour obtenir
la confirmation deréleclion de Vala,
qui succédait à son frère. Le même
empereur l'envoya en Saxe , en
83 1 , et l'employa dans diverses
négociations. Il eut part a. l'établis-
sement de la INouvelle-Corbie, ou
Corvey , en Saxe. En 833 , il accom-
pagna Vala , son abbé, dans le voya-
ge que celui-ci fit en Alsace, appelé
par Grégoire IV , qui s'y était rendu
dans l'espoir de concilier les diffé-
rends qui s'étaient élevés entre Louis-
le-Débonnaire et ses enfants ( i ).
(i) L'auteur d'une Dissertation ms<''rec dans le Dé-
Jiiiseui {i\, ■>->.o), renroche à un arlitlede la Biogra-
phie universelle { celui de Louis 1'=''., XXV,f)o ) d a-
voir imputé à Grégoire IV une part beaucoup troj>
active dans l'iudigne traitement que firent éprouver
à Louis-le-Dtbonuaire, ses enfants. << Le pape, di-
» sent les rédacteurs de cet article , ne craignit pas
» de se rendre au camp de ces rebelles, et delesai-
» derdes foudres de l'Église, dont il inenaça ceux
» qui ne se déclareraient pas contre l'empereur; s
52*2
FxAD
En 844 , Radbcrt , dnns un âç^c déjà
très-;naiicc, fui du al Ix' de Cui])ii' ,
ri dans un autre pa«ape : ■ S'il ( Louis-le Di-l>ou-
» nairc ^ n'avait pa5 luulli contre eux , on peut dou-
» ItTsi Grrgoirr l\. mnli^ri H^it audace . ouiml osi
« ><■ ''^'ucrçontrr lui avrr ses rnfants. • L'anti-urde
I ^'*'*''*''"" I"^""re tris-l.ipn. d'apris rjutoiité
de Mrzerai , ci le de l'ablM- l leurv, et nliis enc re
l»rlecar;.ii;re de «îreyoïre IV, et' par les faits, ane
ces gra»., inculpation, sont démîtes de tout fonde-
tuent. I n liMUl ces auteurs , on deiiieu'e ciut <iucu
que le pa|>e n^vall accnni|M|;ne I.olh.iire que d i.a
1 mte t . n de r.lal.lii la i.aix ei.lr* le |.i re el lesen-
faiiU. A»ant de jarlir de Rouie, il avait .rdou' é
de»/riuie( et des /i/ir/e. , |>.,ur d niandei i Dieu de
Jioori <rr rc piru. divH'iu. Airiv. . u TraLce . il en-
voya , de sa l"'t et de celle des |u incps , cliercli. r »
t.oibie , ral<l>e Vila , cuniine celui dont le» conseil*
aéraient (r;»-util,-, ,,„ur J., ,,ai,. I,.- ,u,,h- lui-même,
« sa première ei trevuc avec Loms, Cil une decla-
rali.in roriuellcdr, , „.., qui r..mi nri.l : .. Je n. su.»
«'•nu. dit-il, que [«lur pruiurrrla (lait ijue le
» .Seigu, ur iKiu, .. l.,„t recmin ndee. 1. Il demeure
€jue|q„„ jour, i.v,.i l,.,m, reur; lis . oufercnces sont
p-iisibles, unjimli». acciiiip giirrs de presriits mu-
tui Is. Il n'y a U assurémeut ni fiiitlr'S , oi in-rnurcs ,
ni aiiitarr, (.r<);oire rrtoDrue vers l^itliaire , cspi--
raiit toujours reiiuir le père avec I.s enfu t<. « >n
«ait que, |i.n<la;it le temps de ces . «ili r. nces, I.0-
tliaire travaillait l'ariuée de son [M-nr el de son sou-
verain , ,t qu'il jurvint I la Hebauilier .< 11 ne fut
>• I lus permis au pape , dit Fliurv. de revoir l'em-
» pereur,... Alors . de Tavs du p-^ tife et de tous lr«
•» srijjneurs, ou rrg..rda Louis comme d. 1 bu de la
» dignité iui|ieriale, et on la d. fer» à Lotba re
» I-e pape relounia k Runie . lr>»-alBit;e de la ma-
» nicri- dont le jM-re était traite par ta enfauU. »
Que rondurc de t->ut ce récit, sinon que le |iapa
avait f.\ie tous »c» l'Oiirls pour amener K-s enfauls \
une ronciliation , el qu'il ava t, maigri lui , cède i la
force. Quant à rîiiiputat.un faite au même )>ape ,
dan. . 'article s^us s.m nom ( WUl , 3HS ), d'avoir
fait \c pirmirr f>af vers la doctiincde •Uftrémalie ,
d.iiit ..lia tint ahusi- nar la »u,t" , elle n'est paa
mieux fondre. <irégoire recunuaissait si bien l'au-
torite de l'eiuiiereur , et «a su]>éri.rile dans Tordra
)> lilique, que , maigre quelques tentai ivr» précéden-
tes, il ne voulut p- iul eln- consacre avant d'ivoir
obtenu de ce prini e la coiili- in ilion de son el. cti.iu ,
r( qu il nesede-avoua |tas|>our soD justiciable daus le
P"» es qui >'etail ele».- entre le mon-slirr de laifa
et le si'ge |N>ntilical , fait reconnu daus le iiiénie ar-
ticle, t, estd.> .c iiuiqiieiii nt siii sa L*-ttre aux e»c ■
Qties . iiii il reltve la puissance ecrloiasliquc au -
a. MUS de la Meulière, que < cite iiirulp..ti.,u ie|iuse;
mai» celte doctrine n'était |.. iut celle de ce p.intife :
elle lui fut .u,;;;. r e. Loin qu'il * .n^ràt à altenter à
rautoriU- d'aolrol, il . lait alanne )>our L sienne.
* '»*» e' Had'.eit, dit F.eury.le rassuièreiit en lui
» donnant des pa.«.,:e« des Pères pour moutrrr qu'en
» vertu d.-s («luvoirs qu'il .ivait reçu» de Dieu , il
>» poiiv.iit aller et envoyer à toutes Ic-s nations p..iir
» prêcher la foi el pr .curer la (laix . ^Mlte^ les e^li-
» se», qu'il uouv...t )Ufer tous les autres s.tiis que
« personne le jail iii,;er. tic fut appan mmrnt d'a-
>• prés cecniiseil, ajoute Fleury. que la lettre fut
i> écrite.» Ix-s cxinseiller» mii» doi.te avaient tort;
el !e pape l'eut aussi de di firer ,"i leur conseil. Il
l'cul euc.ire de ne point j'opjxjMr .'■ la dccbeaoce de
I-oiU». On peut voir eu t.l.i un r.iractérc timide et
de Ij f» blesse . mais il n'y a ni audace ni inenaen ,
et moins encore l'intention d'cny. eter sur la puis-
«auoe ]éou]i»re.
RAD
ciprès Isaac. Il Ji'ëtait qne dtacrt;, <>t
n'eut jiiinaisd'oidrcplusclove. Etant
altbe, il présenta au roi Charles-Ie-
Chauve son Traite dci'£'Mt7iam^e,
pour le présent d'usage qui avait
lieu aux fraudes solennités. Ce Trai-
té , compose' depuis long - temps ,
mais (juc Radbeit avait retouclie
pour celte occasion, n'avait eiuorc
)us(]iie-!.i cte l'objet d'aucune di.spu-
te. Ridbcrt, en sa qualité d'abbe, as-
sista, en 5^4^*5 '"*" concile de Paris , te-
nu pour le rélablissciuent d'Kbbon
sur le sirge de Reims. Il y fit eonlir-
mer les privilèges de son abbaye. Il
se trouva aussi, en 84»), à celui de
Qiiicrri - sur - Oise , contre ("ntllics-
calc. En 85 I , il se démit de son ab-
baye, après l'avilir gouvernée sept
ans, pour passer le reste de ses jours
en paix et dans l'etudc de l.i philo-
sophie cbrcliennc , à l'abbaye de
Saint- Riquier, où il reprit ses tra-
vaux littéraires, j)artagcani son
temps entre la prière et la composi-
tion d'ouvrages savants. Il mourut
vers l'an 805 , le 'i(j avril. Son liu-
niilité était telle, qu'ri derendit à ses
disciples d'écrire sa Vie, el que,
dans tousses écrits, il ajoutait;! .sa si-
gnature : (Jmniiiin inonachoiuin pe-
ripsema, « le rebut de l'étal monas-
tique. » Il fut mis an nombre des
saints, parl'autorité du Saint-Siège;
et le Mjiiyrologe gallican , ainsi que
celui de l'ordre de Saint-Benoît, finit
mention de lui , avec la qualité d'ab-
bé el les litres de saint et de confes-
seur. Le célèbre P. Sirmond a donné
une édiliitn des OEuvres de Radbert ,
Paris, iGi8,infol. On y trouve : 1.
Un ample Commentaire sur ZVcan-
gile de saint Matthieu , en douze li-
vres, qui occupe plus des deux. licr.s
du volume. C'est un résumé des ex-
plicalipns dont il a été parlé plus
haut, fj'ouvrage fut conniosé à di-
RAD
verses reprises. Les quatre premiers
livres sont dédies à Contran , moi-
ne de SainlRiquier , elles huit au-
tres à tous les reliç^ieux de ce mo-
nastère. 11. Trois livres d'Exposi-
tions du Psaume 44 '• Eructavit cor
vieum, etc., faites en faveur des reli-
gieuses de Notre-Dame de Soissons,
auxquelles ces li^rcs sont dédios, et
où il adresse la parole à l'abbessc , en
la remerciant, ainsi que ses sœurs ,
des soins qu'elles ont pris de lui dans
son enfance. HT. Cinq livres sur les
Lamenlations de Jéj'éniie , adresses
à un vieill.ird nommé Odilaian Sé-
vère, àquiRadberl donne le liirede
frère. Cet écrit avait été imprimé à
Eàle, en i5o2, et à Cologne, en
1 53i. IV. Le Livre du sacrement de
l'Eucliaristie : De sacramento cor-
poris et sartgiiiiiis Domini nostri Je-
su - Chiisli ad Placidian liber. Ce
Placide étaitWarin, abbé de la Nou-
velle-Goibie, quiaA^ait pris ce nom:
il était disciple de Radbert. De tous
les ouvrages de ce savant religieux,
celui-ci est le principal , et celui qui
fit le plus de bruit ; il parut pendant
l'exil de Vala ( le P. Labbe et quel-
ques auti-es disent, d'Adelard). Rad-
bert y établit le dogme de la présen-
ce réelle , tel que l'Eglise catliolique
l'enseigne et l'a toujours enseigne.
Ce Traité était , depuis plus de quin-
ze ans, entre les mains du public,
lorsqu'il devint l'objet de quelque
attaques de la part deRalram, moi-
ne, ainsi que Railbert, de l'abbaye
de Curbie, et de Scot Erigène. Il pa-
raît néanmoins que, dans le sens de
Ratram , le fond du dogme , c'est à-
dire, la transsubstantiation, comme
les Catholiques renlcudent , était
conservé , et qu'il n'éiait question
que dç la manière de l'exprimer.
Mais, deuxcents ans après, Bcrengor,
archidiacre d'Aiîgers, s'éleva contre
RAD 5'23
la doctrine même, et fut condamne'
( F. Beheîvgkr, IV, 24)- I-nthcr et
Calvin ont prétendu que ce dogme
était inconnu avant le Traité de Rad-
bert , et ils lui imputent de l'avoir in-
troduit. Une tradition suivie et dé-
montrée en fait remonter évidem-
ment ia connaissance et la profession
jusqu'aux premiers temps du chris-
tianisme, il paraît , au reste , que le
Traité de Radbert fut altéré par le
luthérien Job Gast, qui en donna la
première édition , à Haguenau , chez
Jean Seccrius, i5i8, et que toutes
les éditions suivantes , malgré les
soins qu'on avait pris, avaient, plus
ou moins, été entachées de ces alté-
rations. Enfin, dom Pierre Sabbatier,
bénédictin de la congrégation de
Saint-Maur , après avoir revu le texte
de ce Traité sur vingt manuscrits ,
livra son travail à ses confrères Mar-
tène et Durand , qui l'imprimèrent
dans le dernier volume de leur yJm-
plissima collectio , et l'on en eut une
édition correcte. V. Lettre à Frude-
gard,&Vir le même sujet ; c'est un des
derniers ouvrages de Radbert. VI. /^7e
de saint Adelard , ahhé de Corhie ^
composée après la mort du saint ,
arrivée en 826 , et avant celle de
Vala , son frère et son successeur ,
lequel mourut en 836. VII. -^t'?eic?e5
saints martjrs Riijin et Falerius ,
qui avaient soulFert dans le Soisson-
nais , vers l'an 287. Radbert les
écrivit , rà la prière des gens du pays ,
chez qui la mémoire de ces martyrs
était en grande vénération. A ces
sept ouvrages . compris dans l'édi-
tion du P. Sirraond , il faut joindre :
VIII. La rie de Fala, ahhé de Cor-
hie ^ dont le premier livre fut écrit
aussitôt après la mort de cet abbé, et
le deuxième ne fut composé qu'après
l'an 85o. Radbert y justifie Vala de
la part qu'on l'accusait d'avoir prise
5i\ RAD
à la rébellion contre Louis-le-Debon-
uaire. On doit 1 1 découverte de celte
vie à dom Mabiilou, ijtii en trouva
le manuscrit à Saint- Martin- des-
Champs , oîi on l'avait eu de Saint-
ArnouM de Crespi , monastère, com-
me St. INIartin-dcs Champs, dcl'ordrc
de Cluni.Clctte fie est insérée au cin-
quième volume des Actes dos saints
de i'ordredesaint Benoît. IX. Traité
sur la foi , l'espérance et la charité,
publié par dom Bernard Pez, à la
tète de son premier volume à'.^nec-
dota , et injprimc sur une copie d'un
manuscrit original du monastère de
Corvey , trouvée dans les papiers de
J.eibnitz. On en est redevable au sa-
vant J. G. Eckliart. X. Traité de
reufantenuMit de la Vierç:;e, Deparlii
rirç^inis. On attribue, en outre , à
PascliaseRadbcrt, des Poésies ,{l.oni
il nous reste peu de chose , et quel-
ques Traductions à\\h\\\\\ et du grec.
Ce qui vient d'être dit de lui prouve
(ju'il réunissait dans sa pcrsoime
toutes les qualités qui forment un
grand théologien, un interprète ha-
bile des saintes Écritures , un phi-
losophe chrétien , un savalit vérita-
ble , à une époque où les lumières
n'étaient pas tort avancées. Il savait
en littérature tout ce qu'on pouvait
savoir de son temps : son érudition
était étendue et solide; saint Augus-
tin était celui des Pères auquel il s'é-
tait le plus attaché. L'objet auquel il
visait principalement était de former
les mœurs. On a reproché à son style
d'être un peu dilbis : mais il voulait
cire entendu; et dans cette vue, il
multipliait les explications. Celle
dilTusion, au reste, n'empêche pas
que sa manière d'écrire ne soit fleu-
rie , élégante et agréable. L — y.
RADCLIFFE ( JEA^ ^ , médecin
anglais , né l'an i65c>, à Wakefield,
dans le Yorkshire , acheva ses études
RAD
à l'université' d'Oxford, où II se fit re-
marquer plus par son esprit vif et
brillant que par la solidité de ses con-
naissances. Ce fut à Oxford qu'il
commença de pratiquer la méde-
cine : mais , en frondant avec aigi eur
les anciennes coutumes et traditions
de son art , il s'attira l'inimitié de
tous les vieux médecins de la ville.
On ne sait si ce fut son hal)ileté ou
cette censure qu'il exerçait sur la mé-
decine, qui lui valut sa réputation ; il
est de fait que, dans peu de temps, il
cul les principaux habitants parmi
ses clients. Espérant avoir autant de
succès dans la capitale, il alla s'éta-
blir à Londres , en 1(584; '' ^^ ^'^'
tait point tromjié dans son calcul :
It'S gens du bon ton s'empressaient de
recourir, dans leius maladies , à un
médecin aussi spirituel ; la princesse
Anne de Danemark lui confia le soin
de sa santé. RadclifTc , <à ce qu'd pa-
raît, ne s'en soucia pas beaucoup:
du moins, à la révolution de i()8H,
il lefusa de .suivre la princesse au-
près du prince d'Orange, s'excusant
su rie grand nombre de malides qu'il
avait a Londres. Le nouveau roi,
riuillaume, le consulta, ainsi que
plusieurs personnes de sa cour. Rad-
clillè conserva son franc-parler au-
près du tronc , et n'en but même
pas , dit-on , une bouteille de moins.
Son ivrognerie fut le prétexte de son
renvoi d'auprès de la princesse de
Danemark La reine Marie, qu'il avait
traitée , mourut de la petite vérole :
les autres médecins, irrités de sa caus-
ticité, ne man(juèrent pas d'attribuer
cette mort à la négligence ou à l'i-
gnorance de Radclifi'e. Il perdit , en
effet , la faveur du roi lui-même , qui
s'était d'abord fort amusé des saillies
du docteur, mais qui ne goûta pas du
tout la réponse que KadclifTe lui fît
un jour que ce prince le consultait
RAD
sur l'enflure de ses jambes. Que pen-
sez-vous de mes] amlaes? lui demanda
Guillaume. « IMa foi , repondit le me'-
dccin , je ue voudrais pas avoir ces
jambes-là , quand même vous me
donneriez vos trois royaumes. » Il
n'en conserva pas moins la vogue
dans la capitale ; ses ennemis avaient
beau le décrier comme un empirique
et un charlatan ; le "rand monde
s'égayait de ses plaisanteries ; et
bien des gens ne voulaient gue'-
rir que sous le traitement d'un me'-
decin d'esprit. Il fut toujours à la
mode jusqu'à sa mort , arrivée le
1 S'', novembre 17 i4- L^ Encyclopé-
die britannique termine l'article qui
le concerne , par cette reflexion : Si
RadcliiTe n'a jamais rien fait impri-
mer , il a du moins éternisé son nom,
en fondant une belle bibliothèque à
Oxford , pour conserveries écrits des
autres ( i ). On a publié quelques let-
tres de lui , avec sa Vie ( par Will.
Pittis), en in36. Cette Vie, à laquelle
le docteur Mead a fourni diverses
anecdotes, avait eu déjà , sans nom
d'auteur , trois éditions , dont la pre-
mière avait paru dès 1 7 1 4 ou 1 7 1 5 ,
sous ce litre : Quelques Mémoires
sur la Vie du docteur Radclijf'e.
D— G.
RÂDCLIFFE ( Anne ) , anglaise ,
auteur de quelques romans , qui
ont été traduits dans presque tou-
tes les langues de l'Europe , naquit
vers 1762. Les seules particularités
que nous connaissions sur cettedame,
sont qu'en 1 794 , elle se trouvait à
Fribourg en Brisgau , d'où elle se
(i) Il laissa 4o,oooliv. st prmr la construction du
bâtiment , avec une rente aunuelle de loo liv. sterl.
pour achat de livres , et de i5o pour le traitement
des bibliotliôcaires. On volt tjue le tout s'élève i) en-
viron un million cent vingt-cinq mille francs. Si un
médecin français , moins riche , mais qui , du moins
était un savant , a fait une fondation aussi généreuse
C V, FaLCONF.T ) , il a donné ses livres , au lieu que
l'Anglais n'a donné que son argent.
RAD 525
proposait de se rendre en Suisse ;
mais qu'elle fut obligée de renoncer
à ce projet , parce que le gouverneur
de celte ville , soupçonnant qu'elle
n'était point anglaise malgré les
passeports et les lettres de recom-
mandation qu^elle produisit , lui re-
fusa la permission de continuer sou
voyage. Les journaux anglais , eu
donnant l'avis de sa mort , n'y joi-
gnent aucun détail sur sa vie : rien n^a
élé publié sur elle, même en Angle-
terre ( I ) , si nous nous en rapportons
à l'éditeur de V Encyclopédie britan-
nique , publiée à Edinbourg , qui n^l
pu , faute de matériaux , lui consa-
crer une courte Notice dans son Re-
cueil. Nous nous bornerons donc à
donner la liste de ses ouvrages , en
faisant connaître le jugement qu'en
ont porté quelques écrivains. I. Les
Châteaux de Dumblaine et d\4th-
lin, trad. en français , 1819,2 vol.
in- 12. II. La Forêt ou V Abbaye
de Saint-Clair, roman mêlé de poé-
sie , 3 vol. in- 12 ; traduit eu fran-
çais, 1798,3 vol. in-i 2. Chénicrpla-
ceccroman immédiatement après les
Mystères d'Udolphe. III. Jnlia ou
les Souterrains du château de Maz-
zini, trad. en français 1801 , 2 vol.
in- 12. Chéuier le regarde comme le
plus faible des romans d'Anne Ra-
dcliiïe : il a été traduit en français
par un anonyme. IV. Les Mystères
d'Udoljihe , roman mêlé de poésie ,
Londres, 1794, 4 vol. in- 12. La
réputation de l'auteur était déjà si
bien établie , que le libraire acheta
son manuscrit pour la somme de
mille livres sterling ; il n'eut pas
(i) Wychois [Anecdotes ofhowyer, vilt, 367)
parle bien d'une Aune Radcliffe , célèbre par son
esprit, et qu'il qualifie y'e)y ingenious driiin'atir
wriler : celle-ci était fille unique de William
AVard , el petite nié' e du docteur John Jebb , dont
la bibliothèquefutveudue eu 178;. 11 n'eu dit ricu
de plus.
5iG
PxAD
lieu lie s'en repentir; car ce roman
sombre et mystérieux eut un débit
extraordinaire, et fut souvent réim-
prime. Chenicr , dans son Tableau
hislurique de la Littérature fran-
çaise , dit , « que c'est le meilleur des
» Romans d'Anne Uadcliire , et que
» M"*". V. de Chaslcuay , qui l'a tra-
» duit ( 4 vol. iu-i.2 , I7()7 , 1808 ,
» 181Ç)) n'en a pas afl'aibli les
» sombres beautés.)) — « Un fonds
)) d'événements probables, piquants
)) et variés , un style brillant , des
» sentiments délicats , mie morale
» pure , l'attrait constant de l'in-
» térèt » , voilà ce qu'on trouve
dans les Mystères d'UdoIplie , au
jiif;ement du rédacteur de la liiblio-
lliècpie britannique , dans le compte
qu'il rend de celte production. V. -/
Journey made in summer I7()4>
( Fo-i a'^e fait dans l'été de 1794»
en Ilullandc et sur la frontière
d'.Jllemagnc, avec des observations
faites dans une tournée près des
lacs de Lancasliire, f'^estnioreland
et Cuinberlarul),uii vol. in-4°., avec
planches, 179.^, traduit en fran-
çais, par Cantwel , deuxième édi-
tion, Paris, 1709, "i vol. in-b".
Ceux qui s'étaient attendus à retrou-
ver dans celle relation l'esprit roma-
nesque qui domine dans les Mystères
furent bien étonnés de n'en découvrir
presqu'aucune trace. 1/auteur de la
relation décrit avec simplicitéetsans
aucuns frais d'imaj^ination les lieux
qu'il avdil ])arcourus , et les événe-
ments qui s'y étaient passés sous ses
yeux : c'est ainsi qu'il détaille jus-
qu'aux opérations militaires , et jus-
qu'au siéi;e de Ma'ience , par Custi-
ne: ce n'était pas là ce qu'on attendait
d'Anne Radclille en voyage ; aussi sa
relation.futelle assez froidement re-
çue eu Angleterre. Bicnlùt on re-
trouva la célèbre romancière tout
RAD
eiilièrc dans un nouveau roman,
VI. L'Italien; le manuscrit en fut
acheté i,5oo liv. sterl. par les li-
braires Cadell et Davies : IMorellet
le traduisit en français sous le titre
de Jj' Italien ou le ConJ'essional des
Pénitens noirs , Paris, 179^, 18 19,
3 vol. in-ia; et il en parut une au-
tre traduction en 7 vol. in- 18, par
M.jry Guy - Allard , sous le titre
ce Eléonore de Rosalha. L'influence
de ces livres remplis d'horreuis ro-
manesques engagea quelques écri-
vains à s'élever avec force contre un
genre qui dégc'ucrait de plus en plus
entre les mains d'imitateurs sans
génie. Ces crifiipies ne blrssèrent pas
moins ramour-jjrojire d'Anne Rad-
clille, qiu' les faibles copies que de
plats écrivains osèrent lui attri-
buer. On poussa la témérité jusqu'à
la supposer morte (1), et publier
comme un ouvrage posthume d'el-
le , un roman intitulé le Toniheau
(supposé traduit de l'anglais, Pa-
lis, 2 vol. in-i'i). Ces contra-
riétés , jointes à lUie santé dtlicate,
la dégoûtèrent de la carrière d'au-
teur; on ])rétend qu'elle a compose
d'autres ouvrages, mais qu'elle a
toujours refusé de les céder aux li-
braires. Elle se retira avec son mari
à Linclico , auprès de Londres , et
y termina ses jours le 7 février 1 823,
dans la soixante-deuxième année de
sonâge^3;. AnneRadcliflc était d'une
petite taille; dans sa jeunesse elle
avait montré dans la conversation
un esprit vif et agréable. M'"<^. Bar-
bauld a recueilli les romans de Rad-
clille , dans son édition des romans
(a) C'est sans donle d'après qiwlqurs ii>urii.iiixdii
toDijis , (juc M. llarhier a d.t, dans lu i'°. ediliuii de
Sun Diitioim. dci niionjrmcs ( IV, 3^5 ), qn'Aiino
Hadcliffc muuriit » Bruiiglitnn près Stiinlurd , uii
couinienccuici.l de i8oc) , à Tâge de 71 .lus.
(3) Voyez la courte notice iiiseri'c au iWw Mon-
th{y Magazine de uiai iSsS , pag. aSz.
RAD
anglais. « Les divers romans d'An-
» ne Radclitîe, olFrent, dit Che'nier,
» des caractères fortement pronon-
» ces , des situations terribles que
» l'auteur amène et accumule, au lia-
» sard de s'en tirer péniblement ; de
» belles descriptions de l'Italie et du
» raidi de la France ; d'énergiques ta-
» bleaux , de vrais coups de théâtre,
» et même quelques tons de Sliaks-
» peare, le £;e'nie éminemment anj^lais
» qui, depuis deuxsiccles, fécondcen-
1) core dans sa patrie tous les champs
« de l'imagination. Ces romans, con-
» sidérés dans leur ensemble , se
» rattachent à une seule idée d'un
» grand sens. Partout le merveilleux
» domine ; dans les bois , dans les
» châteaux, dans les cloîtres, on se
» croit environné de revenants , de
)) spectres, d'esprits célestes ou in-
)> feruaux; la terreur croît, les pres-
» tiges s'entassent, l'apparence ac-
» quiert presque de la certitude; et,
» quand le dénouement arrive, tout
M s'explique par des causes naturel-
» les. Délivrer les esprits crédules
» du besoin de croire aux prodiges,
» est un but très - philosophique ;
» mais les plans n'ont pas l'étendue
» et la portée dont ils étaient suscep-
» tibles. L'exécution en serait tont-
» à-la-fuis plus originale et plus uti-
» le, si le lecteur était forcé de rire
» des choses mêmes qui lui ont fait
» peur. Tout ce qui blesse la raison,
» tout ce qui tend à la dégrader, est
» justiciable du ridicule : ses traits
» sont les plus fortes armes contre
» les sottisesimportantes. Horace l'a
» dit, et Voltaire l'a prouvé, Legcnre
» d'Anne Radcliffe exige des facultés
» médiocres : aussi n'a -t -elle pas
» manqué d'imitateurs. wL'àuteurde
l'article Radcliffe, dans le nouveau
Dictionnaire historique, critique et
bibliographique, lui attribue : i».
RAD 5^7
V Avocat des femmes , ou la Tenta-
tive pour recouvrer les droits des
femmes usurpés par les hommes ;
1°. les Visions du château des Py-
rénées; on sait que ce roman est de
M. G.R. — M. Pigoreaunous apprend
que l'on a encore faussement atlribué
à M'"*=. Radclillc le Tombeau , qui est
d'Hector Chaussier et Bizcl; V Her-
■mile de la tombe mystérieuse ^ qui
est du baron de La Mothe-Houdan-
courtj le Couvent de Sainte-Cathe-
rine ; la Forêt de Montalbano.
D — G et D — z — s.
RADEGONDE( Sainte) était
fdle de Bcrthaire, roi d'une partie
de laThuringe, ou plutôt du p;iys
de Tongres ( F. Clovis, TX, i34,
note I ). Elle fut emmenée prison-
nière, à l'âge de dix ans, par Clo-
taire , qui la fit instruire dans le
christianisme, et lui donna des maî-
tres pour cultiver ses heureuses dis-
positions. Touché des charmes de
sa captive, Clotaire l'épousa j mais
Radegonde ne pouvait aimer un ty-
ran voluptueux et cruel, qui lui don-
nait d'indignes rivales et qui bientôt
fit égorger le frère de son épouse ( V.
Clotaire P'".) Elle lit part an pieux
évêquc de Noyon, du projet qu'elle
avait de fuir la cour pour se con-
sacrer à Dieu dans wn monastère.
Saint Mé lard, redoutant la vengean-
de Clotaire, refusa de favoriser son
dessein. Alors Radegonde coupa ses
cheveux elle-même, couvrit sa tête
d'un voile, et retourna près du pré-
lat , qui , touché de son généreux
courage, l'ordonna diaconesse, quoi-
qu'elle n'eût pas l'âge prescrit par
les canons. Radegonde se rendit en-
suite à Poitiers ; et , ayant apaisé
Clotaire, en obtint la permission d'y
fonder im monastère , devenu célè-
bre, qui prit le nom de Sainte-Croix,
d'une précieuse relique que cette
5-i8
RAD
princesse reçut de reinpcrcur Jusliii,
et qu'elle y déposa. Elle y introduisit
la rè^Ic de saint Ccsairc d'Arles, et
mit ce couvent sous la direction d'une
abbesse , à laquelle elle rcsia soumise
elle-même. Elle mêlait à ses exerci-
ces de pieté la culture des lettres, et
se rendit savante dans la connais-
sance des Pères grecs et latins , des
poêles, et des historiens ecclésiasti-
ques. Radegonde devint la protec-
trice de Fortunat, qu'elle s'attaclia
d'abord en qualitc de secrétaire et
ensuite de chapelain [F. Fortunat,
XV, 3o5 ). Cette pieuse reine mou-
rut, en 587, à soixante-huit ans, le i3
août , jour où l'Église honore sa mé-
moire. Ses obsèques furent célébrées
par saint (irégoire dcTours , pendant
l'abseDce de l'évèque de Poitiers. On
déposa ses restes dans une basilique
qu'elle faisait bâtir , et qui reçut le
nom de la sainte fondatrice que la
ville de Poitiers regarde comme sa
patrone , et dont les reliques ont été
exposées àla vénération publique jus-
qu'à leur destruction par les protes-
tants , en i56.i. Nous avons de sain-
te R.idcgonde un Testament en for-
me de lettre adressée aux évèques de
France. Cette piècea été insérée par
Grégoire de Tours , dans son His-
toire, d'oii çlle a passé dans les Be
ciieils des conciles , dans les yJnna-
les de Baronius et dans celles d'A-
quitaine. Les signatures d'cvèqucs
dont elle est suivie, dans ce dernier
Recueil, ont été ajoutées après coup.
L'histoire contemporaine fait men-
tion de plusieurs autres Lettres de
sainte Radegonde; mais elles ne nous
sont point parvenues, ou bien elles
sont encore ensevelies dans la pous-
sière des bibliothèques' Voy. VHist.
littér. de la France, m, 346). On
a la Vie de sainte Badeg^onde^ par
Fortunat. Une religieuse du monas-
RAD
tère de Sainte-Croix , nommée Bau-
donovie, y joignit un second livre ,
qui contient, sur la vie intérieure et
sur les miracles de celte sainte, des
détails que Fortunat n'avait pas con-
nus, ou qu'il n'avait pas cru devoir
rapporter. Les deux livres ont été
insérés dans le Beciieil de Surius ,
dans le tome i*^''. des Acta sanctor.
ord. S''. Benedicti {V. INIabillon),
et dans \qs dictes des Bollandistes,
au 1 3 d'août, avec un long et savant
Corumenlaire, suivi d'une antre Fie
de Radegonde, par Hildeljcrt , e,ê-
que du I\Ians ( V. PlitnEBtr.T, XJ\,
3*^8 ). Ce sont les sources dans les-
quelles ont puisé les nombreux his-
toriens de sainte Radegonde : Jean
Bouchet, Pidoux, Montoil, Filleau,
dom Liron, etc. (i ) INI""", de Gottis
a publié récemment un roman liis-
rîque intitulé : V Abbaye de Sainte-
Croix , ou Radegonde , reine de
Franco, i8i5, 5 vol.in-r.>.. W-s.
RADELGAIRE, prince de Béné-
vent, où il régna de 85 i à 8r)4, était
le (ils et le successeur de Uadelgisc
!'='■., qui avait introduit les Sarrasins
dans ces contrées , et causé ainsi le
partage et la ruine du grand-duché
de Bénévent. Radelgaire, par sa va-
leur et sa probité, s'efforça de répa-
rer les désastres du règne précédent;
mais on ne connaît aucune })arlicu-
larité de sa vie. Il eut pour succes-
seur son frère Adelgisc. S. S — i.
RADELGISE 1«^'., prince de Bé-
névent, dont le règne fut une époque
funeste pour l'Italie méridionale, où
il appela les Sarrasins d'Afrique et de
Sicile, avait été trésorier deSicard;
et ce dernier ayant été assassiné en
839, son trésorier fut désigné par
le peuple de Bénévent pour lui suc-
céder : mais Salerne et Capone ne |
^0 On trouvera In liste dttaillLP de leurs ouvra -
);es dans la Bihl. hist. delà Fninre, II, 25oo8-»(). i
RAD
voulurent point reconnaître cette
élection. Siconolfe, frère du dernier
duc, et Landolfe, prince de Capoue,
s'y opposèrent par les armes. Radel-
gise, pour maintenir sa nouvelle di-
gnité, o^ïrit, dans ses e'tats, un éta-
blissementaux Sarrasins, qui, depuis
peu d'années, avaient conquis la Sicile
surles Grecs. Il lesincorporadansson
armée ; et il força ainsi Siconolfe de
recourir à d'autres Sarrasins, que le
prince de Palerme fît à son tour ve-
nir en Italie. Le fanatisme religieux
des Musulmans , la férocité de sol-
dats qui ne vivaient que de bi^igan-
dasi;es, l'opposition des mœurs, des
coutumes, du langage, tout se réunit
pour rendre cette guerre désastreuse
et porter la désolation dans le plus
beau pays du monde. Tour -à -tour
vainqueur et vaincu , Radelgise as-
siégea Salerne , en 84-* ; et il fut as-
siégé dans Bénévent, en 843, Après
dix ans de combats, l'Italie mé-
ridionale fut partagée entre les deux
princes , par un traité dont Louis
II, roi d'Italie, fut médiateur. Les
provinces situées sur la mer Adria-
tique demeurèrent à Radelgise et aux
princes de Bénévent ses succes-
seurs; les provinces situées sur la
Méditerranée échurent en partage
au prince de Salerne. Celui de Ca-
poue se rendit indépendant, quelques
années après; et les Sarrasins, éta-
blis à Bari et dans plusieurs autres
places - fortes , restèrent en guerre
avec tous les Clirétiens de ces con-
trées. Radelgise P'. mourut, en 85 1,
peu après ce traité de partage : il eut
pour successeur Radelgaire, son fils.
— Radelgise II, prince de Béné-
vent, régna de 88i à 900. Son père
Adelgise avait été massacré, en 879,
pour faire place à Gaiderise, son ne-
veu. Celui-ci fut cbassé à son tour ,
en 881 ; et Radelgise II fut élevé' sur
xxxvi.
RAD 529
le trône de son père. Mais , faible
lâche , et s'abandonnant aux plus
méprisables favoris, il excita l'indi-
gnation du peuple, qui le chassa en
884. Après douze ans d'exil, Radel-
gise fut rétabli dans sa principauté ,
par Ageltrude, sa sœur, qui avait
épousé l'empereur Gui, auparavant
duc de Spolète. Mais Radelgise ne
se maintint qu'avec peine sur le trô-
ne, de 896 à 900. Les Bénévenlins,
qui le méprisaient, le livrèrent enfin
à Atenolfe P'"., prince de Capoue,
qu'ils reconnurent pour souverain.
Avec Radelgise II finit la principau-
té de Bénévent, qui, sous Radelgise
I*^""., avait perdu son ancienne puis-
sance, en se divisant. S. S — i.
RADEMAKER(GnERARD), pein-
tre, naquit à Amsterdam, en iGni.
Son père, habile charpentier , et qui
était assez versé dans rarchiicclure
pour en donner publiquement des
leçons, voulut qu'il exerçât son pre-
mier métier, avant de se livrer à ce
dernier art. Rademaker devint donc
charpentier : mais les "moments de
loisir , que lui laissait sa profession,
étaient employés à lever des plans ,
à dessiner des élévations , à étudier
la perspective. Tandis qu'il se livrait
avec ardeur à ce travail , un habile
peintre de portraits , nommé Van
Goor , vint apprendre l'architecture
chez le père du jeune Rademaker ,
qui se lia bientôt de la plus vive
amitié avec le peintre , et puisa dans
son exemple et dans ses conseils le
goût le plus décidé pour la peinture.
Entraîné par cette nouvelle inclina-
tion, il abandonna, un beau jour, la
maison paternelle , et alla se réfugier
chez Van Goor, qu'il eut le malheur
de perdre au bout de six mois. Mais
il sut mettre à profit le peu de temps
qu'il vécut avec son ami : les jours ,
les nuits , tous ses instants , étaient
34
53o RAD
consacfes au travail ; et les pf oç^cs
qu'il fil furent vraiment merveilleux.
Ija venveiie Van Goor , qui peignait
elle-même avec talent, le perfec-
tionna dans son art , et parvint, par
son crédit , à le placer auprès de
Coddc , cvôjue de Sebaste , pour
enseigner le dessin à la nièce de
ce prélat , ijni l'craraena avec lui
à Rome. Pendant un séjour de trois
ans dans cette ville , une étude cons-
tante des ihefs-d'œiivre des grands
miitres , le mit en état fie marcher
désormais sans guide. Son protec-
teur, accusé de janscni>nie , ayant
été retenu à Konie , UaJeniaker se
vit forcé de revenir seul en Hollande.
Arrivé à Amsterdam , il alla trouver
sou aucienne élève ; et ils firent tant,
par leurs démarches, qu'ils engagè-
rent les États de Hollande et la ré-
gence d'Amsterdam à écrire à Kome,
en faveur de révèqnedeScbasle, qui
obtint du Saint- Père la permission
de revenir eu Hollatide, A son retour,
le prélat , pour témoigner sa recon-
naissance à l'artiste , lui donna sa
nièce en mariage. Uademaker avait
un véritable génie pour la peinture ;
son imagination ét.iil inépuisable, et
sa facilité presque incrovalile: néan-
moins ses tableaux sont étudiés, et
peu de peintres ont possédé jnieux
nue lui la science de l'architecture et
de la peinture. Toutes ses produc-
tions sont , en général , de vastes ma-
chines , parmi lesquelles on cite une
yuo perspective de l'église de Sainl-
PierredeUome,et surtout Icfahlcau
all^f;orique fie la Bé^ence d'Ains-
terdiini, qu'il a peint dans l'hôlel-
de-villc de celte cité. Malgré le nom-
bre considérable de ses tableaux , il
en aurait exécuté bien davantage, si
une mort prématurée, duc en partieà
l'excès de ses travaux , ne l'eût enlevé
aux arts, en 171 1 , âgé seulement
RAD
de trcnte»huit ans. — Abraham Ra-
DEMAKtn , peintre hollandais , naquit
à Amsterdam, en xG'j^. On ne dit
pas qu'il fût parent du précédent.
Son père était un pauvre vitrier , (|ui
lui permit toutefois de cultiver le des-
sin, I.c jeune .\braham se livra à l'é-
tude le jour et la nuit, et se mit à
dessiner, à l'encre de la Chine , tout
ce qui le frappait. Bientôt après , il
peignit à la gouache ; et il sut mettre
dans ses tableaux une telle vigueur
de coloris , et une telle hanliesse de
pinceau , que ses tableaux parais-
saient peints à l'huile. Lorsqti'ii fut
parvenu à ce degré de perfection, il
apprit la perspective et rarchitec-
lure ; et ses paysages surtout , ornés
de fabriques et d'animaux , fiicnt
l'admiration générale. Toujours gui-
dé par la nature, son unique maître,
il peignit alors à l'huile ; et ses ou-
vrages montrèrent la même perfec-
tion et obtinrent le même succès. Ses
petits tableaux sont composés avec
art, peints avec facilité etavec choix:
.sa couleur est excellente ; et rien n'y
décèle celte sécheresse qui se laisse
quelquefois apercevoir dans ses ta-
bleatjx de plus grande dimension.
En 1^30 , il alla se fixer à Harlem,
où, deux ans après, il fut reçu mem-
bre de la société des ]>eintres de celte
ville. H mourut le u-i jan\ier \'j35.
Le Musée du Louvre possède de cet
artiste un dessin à la plume , lave
à l'encre de la Chine, qui représente
V Hiver. \\ a dessiné et gravé, d'une
j)ointe légère, un recueil fort curieux
des faites les plus mlère'^santes des
vwmimenls de V atUiquilé , rq)an-
dus dans les Pnn>iitces-unies. Ce
Recueil, composé de trois cents es-
tampes , a été publié à .Amsterdam ,
en 1781, en un vol, in-4'^ Nicolas
Dufour a gravé , d'à près Rademakcr,
deux rues de la Meuse. P — s.
RAD
RADER ( Matthieu ) , savant jé-
suite , ne dans le Tyrol , à Inicliin-
g<?n , en 1 56i , embnssa la règle de
«aint Ignace à l'àgc de vingt ans , et
professa la rhétorique dans divers
collèges avec lieauconp de succès.
Il fit une étude aprofondie des lan-
gues grecque et latine, et mérita,
par les notes dont il enriclilt plu-
sieurs auteurs, l'estime de Juste Lipse,
de V^elser, et des plus célèbres philo-
logues de son temps. Son ardeur
pour l'étude était si grande, qu'il y
consacrait les jours et les nuits , et
que l'on a dit de lui qu'il n'avait fait
toute sa vie qu'apprendre , ensei-
gner et écrire. Cependant il remplis-
saitavec exactiludelesdevoirsdeson
état ; et , après avoir servi long-temps
de modèle à ses confrères, il mourut
à Munich , le 22 décembre 1 634- Ou-
tre des Commentaires très-étendus
sur Martial et Quinte-Cnrce, et des
IVotes sur la Médée , la Troade , et le
Thyeste de Sénèque; on a du P. Ra-
der, des traductions latines de V His-
toire du Manichéisme , par Pierre
de Sicile , Ingolstadt , 1604 , in. 4°. ,
et dans le tom. ix de la Ma^na Bibl.
Patrum; — des Actes du huitième
concile œcuménique , ibid. , 1604,
in 4". ; — des OEuvres de saint Jean
Cliniaque ( F. ce nom ); — du Chro-
nicon Alexandrimim, Munich , 1 6 1 5,
in-4'*. ; ouvrage plus connu sous le
nom de Chronicon paschale , et dont
le célèbre Ducange a publié la meil-
leure édition (1), qui fait partie de
la collection Byzantine ( F. Ducan-
ge, VII , i5). Enfin les autres ouvra-
ges de Rader sont : I. Firidarium
(i) Ducange l'a enrichie de Notes et d'une Préfa-
ce trcs-savarite , dans laquelle il examine Tiinpor-
tance de cette Chronique . dont il indiqueles princi-
paux manuscrits. A la suite de cette préface , on
trouve une courte Analyse àa Chronicon ^tirée des
manuscrits de J. B. Haultin , célèbre aumismate (f^i
RAD
i!3i
Sanctonim ex Menœis Grœcorum.
collectum , annotationihus et simili-
bus historiis illustratum, Augsbourg,
1604-1 612, 3 part. in-8''. C'est un
assez bon abrégé des Menées ou mé-
nologes grecs ; le P. Rader se propo-
sait de compléter la version de cet
important Recueil, et il avait prié
Bollandus de traiter avec Balt. Mo-
retus pour l'impression. Celui-ci ne
consentit à s'en charger qu'à la con-
dition qu'on y joindrait le texte grec;
mais Rader n'eut pas le temps de
terminer ce grand travail ( F. ]si Pré-
face générale de Bollandus , dans le
tom. i^''. des Actasanctor.,]). xlvi).
II. Aula sancta Theodosii Junioris
imperatoris, è grœcis et lalinis scrip.
toribus edilis et non editis concin-
nata, IVIunich , i6o4,in-8''. III.
Fita P. Canisii soc. Jesu , ibid. ^
1614 ; deuxième édition , 1623 , in-
8°. IV. Bavaria sancta , ibid. ,
1615-24-27 , 3 vol, in-fol. Cet ou-
vrage, auquel il faut joindre un qua-
trième volume , intitulé , Bavaria
pia , 1628 , n'est plus guère recher-
ché qu'à cause des belles gravures de
Sadeler, dont il est orné. V. Aucta-
rium ad librum quintum Nicolai
Trigaltii de christianis apud Japo-
nios iriumphis , Munich , 1623, in-
4°, ( F. IN ic. Trigaut. ) W— s.
RADHY-BILLAH. F. Rady-
BlLLAn.
RADICATI (Albert), F. Pas-
sera m.
RADIER (Dreux du). F.
Dreux ).
RADONVILLIERS ( Claude-
François Lysarde de ) , littérateur
très- estimable, né à Paris en 1709,
fit ses études au collège de Louis-le-
Grand , sous le P. Porée, qui , témoin
de son application et de ses progrès,
conçut pour lui la plus tendre amitié.
La reconnaissance qu'il devait aux
34..
532 RAD
Jésulles , et son goût pour les lettres
le déterminèrent à prendre l'habit de
saint Ignace; et, après avoir subi les
épreuves du noviciat, il professa les
humanités et la rhétorique dans diffé-
rents collèges. Pendant qu'il était à
Bourges , il eut occasion de voir lo
ministre INIaurepas , exilé pour avoir
fait une chanson contre M*"*^. de
Poni padour ( F. Maurepas, XXVI I,
546 ) ; il ga?na son estime , et lui fut
redevable de son avancement. Ce fut
par ses conseils que Radouvillicrs
quitta les Jésuites, sans cesser de
leur être attaché , et accepta l'em-
ploi de secrétaire, que lui faisait of-
frir le cardinal de la Rochefoucauld,
archevêque de Bourges. Il accompa-
gna ce prélat dans son ambassade à
Rome, et fut ensuite employé , sous
ses ordres, dans le ministère de la
feuille des bénéfices. Après la mort
de son illustre protecteur, l'abbé de
Radonvillicrs fut nommé sous -pré-
cepteur des enfants de France; et il
justifia, par son zèle et parsestalents,
cette marque d'une haute confiance.
Une intrigue formée, dit-on , à son
insu , le mit sur les rangs , après
la mort de Marivaux, pour lui suc-
céder à l'académie française. 11 y fut
admis sans aucune opposition, par
le sacrifice que lui fit Marmonlel ,
son concurrent, de toutes les voix
dont il pouvait disposer ; et il se
montra très reconnaissant de ce pro-
cédé généreux (Voy. les Mémoires
de Marmonlel, liv. vu). L'abbé de
Radonvilliers , en qualité de direc-
teur de l'académie , se trouva chargé
d'y recevoir l'abbé Delille , Ducis ,
qui succédait à Voltaire , et l'illustre
Malesherbes; et, dans ces trois cir-
constances mémorables, il se mon-
tra le digne interprète des sentiments
de l'académie et du public. Il sut
louer, sans restriction, le traducteur
RAD
des Géorgiques , et le vertueux chef
de la magistrature; mais , en rendant
justice au talent prodigieux de Vol-
taire , il osa le plaindre de n'en avoir
pas toujours fait l'usage que lui con-
seillait rintérct même de sa gloire
( 1 ). D'utiles travaux , des études
grammaticales , ou des essais de
traductions , qu'il ne confiait qu'à l'a-
mitié, occupèrent ses loisirs. Il con-
sacrait tout le reste de son temps à
des devoirs dont il connaissait l'im-
Sortance, et dont rien ne pouvait le
étourner. L'expérience qu'il avait
acquise des affaires le faisait consul-
ter par les divers ministres , sur plu-
sieurs questions épineuses; et rare-
ment on s'écartait de son avis. Il eut
pour récompense de ses services la
charge de conseiller - d'état , qu'il
n'accepta que malgré lui, par la dé-
fiance qu'il avait de ses forces et par
le désir de rester utile à son pays ,
qu'il aimait sincèrement. L'abbé de
Radonvilliers mourut à Paris, le 'lo
avril l'ySç), dans sa quatre-vingt-
unième année. Il n'eut point do suc-
cesseur à l'académie française ; et ce
ne fut qu'en 1807 que le cardinal
Maury , aflmis, pour la seconde fois,
à l'académie , se chargea de payer
un tardif hommage à la mémoire de
son ancien confrère. A des talents
très-remarquables, l'abbé de Ra-
donvilliers joignait des vertus plus
rares encore, et surtout une charité
inépuisable envers les pauvres ,
auxquels il distribuait annuelle-
ment plus des trois quarts de son
' F ■ ' "
(i)Laharpc, grand adrairatenrde Voltaire à relie
crKxfue fi/aiiprouv.iit point la ronduile de Ta^bé de
KadooTillier!!. >: Ceux des academicieus, dit-il , à
qui il avait lu son discours , n'avaieot pu l'engager
à supprimer les expressions de'placées dans IV-loge
d'nn confr«.'re. On avait même fait des eftbrts pour
lui persuader de laisser i un autre les fonctions de
directeur, s'il ne trouvait pas qu'elle s'accordassent
assez, avec ses principes et avec son état. II a pcr-
siaté à vouloir les remplir» (Correspondanet liltcr.,
11, 344)-
RAD
rèvcuu (2). Ses Œuvres diverses
ont été recueillies et publiées par
M. No^jl, Paris, 1807, 3 vol. in-
8". Le premier volume , précédé de
l'Eloge de l'auteur par le cardinal
Maury ( /^q^. ce nom ) , contient le
Traité De la Manière d'apprendre
les Zangue^, imprimé en 1768, in-
8°., et qui sufiirait pour assurer à
Radonvilliers une place parmi nos
grammairiens les plus distingués.
L'éditeur y a joint les remarques
laissées par Radonvilliers sur son
ouvrage ; l'indication des princi-
paux auteurs dont les méthodes se
rapprochent de celle de notre aca-
démicien, tels que Dumarsais, Plu-
che, etc. , et une Notice sur le collè-
ge d'Aquitaine, sous la principalité
d'André Govea (3). On trouve, dans
le second volume , une Idylle sur
la convalescence du roi , seul mor-
ceau de poésie qui reste de Radon-
villiers (4) ; divers Opuscules com-
posés pour l'éducation des enfants
de France , et qui , selon Maury ,
rappellent la manière et le style de
Fénélonj des Fragments d'un ou-
vrage en forme de lettres , entrepris
pour la défense de la religion ; quel-
ques Articles traduits du Spectateur
d'Addison ; les Discours acadénii-
7«e5;etlatraduct. des trois premiers
(s) Dans tous les pays où il avait des revenus ec-
clésiastiques, il en déléguait le quart aux indi^euls
du lieu : luais à Paris, il avait abonné au mois ses
charités courantes; et durant les trente-trois der-
nières années de sa vie , il n'a jamais manqué d'en-
voyer cent lj)uis au curé de Saiut-Roch , sa paroisse
( Voy. son Eloge , par le cardinal Maury ).
(3) L'article consacré à ce savant jurisconsulte,
toin. XVIII, y. aïo, peut être complété d'après les
nouvelles recnerches de M. Berryat Saint-Prix :
voyez sa Notice surl'ancienne université de Greno-
ble , insérée, en 1821 , dans les Méin. de la sucièté
royale des antiquaires de France, 111, 3()o-452.
(4) Il avait composé, en 174°' "''^ comédie
intitulée , les Talents inutiles, qui fut jnu< e avec
succès par les é'èves du collège de Louis-le-Graud;
mais, ou cette pièce s'est perdue avec la plupart des
manuscrits de Radonvilliers, ou bien son éditeur ne
l'a pas jugée digue deCgui-er dans la collection de ses
Obiii-res.
RAD
533
livres de VÈnéide. Enfin le troisiè-
me volume , qui se détache des deux
premiers, renferme la traduction des
Fies des hommes illustres, -car Coi'-
nélius Nepbs, revue et terminée par
M. Noél. W— s.
RADY-BILLAH (Abou'l Abbas
Mohammed VIII, Al-) onzième kha-
lyfe abbasside de Baghdad , fils de
Moctader , fut tiré de la prison où
son oncle Caher-Billah l'avait fait ren
fermer, et mis en la place de ce prin-
ce , déposé l'an 3 >.2 de l'hég. ( 933
de J.-G. ) ( Fof. Caher. ) H choisit
pour vezyr le célèbre Ibn - Moclah
qui, n'ayant pas su réprimer les trou-
pes mutinées, fut destitué peu d'an-
nées après , et périt misérablement
( F. MocLAU , XXIX, 191 ). L'an
3^4 ( 936 ), Rady , pressé de tous
côtés par les divers usurpateurs qui
avaient démembré l'empire musul-
man, créa la chaige à'Emjr al-om-
rah ( prince des princes ) , en faveur
de l'un d'eux, AboubekrMohanimed
Ibn-Raïek , maître de Koufah , de
Waseth , de Bassorah et de presque
tout rirak-Araby. Cette charge don-
nait à celui qui en était revêtu , l'ad-
ministration suprême des iiuauces
et de toutes les affaires civiles et mi-
litaires , avec le droit de srippléer le
khalyfe dans les fonctions sacerdo-
tales , et d'être nommé après lui dans
la khothbah. Ainsi l'indolent Rady,
en croyant se donner un protecteur ,
acheva d'avilir le khalyfat, et l'as-
servit à une puissance tyrannique
dont plusieui's de ses successeurs fu-
rent les victimes. Lui-même fut ré-
duit au point de ne pouvoir disposer
d'un dinar , sans la permission de
l'emyr al-omrah , ou de son secré-
taire. Le vezyrat ne fut plus qu'un
vain titre, que l'onsupprimadans la
suite. Telle fut la forme du gouver-
nement qui subsista dans Baghdad
534 BAD
pendaut plus de deux siècles , jusqu'à
la décadence des sulthans seldjouki-
des, qui succédèrent aux princes de
la maison de Bowaiah, dans la char-
ge d'cmir al-omrah. Avant ces der-
niers , elle ne fut possédée que par
des brigands et des scélérats. Ibn
Raïek , qui en avait été revêtu le pre-
mier, débuta parmi traité honteux
avecjes Carmalhes , auxquels il s'o-
bligea de payer un tribut annuel au
nom du khalyfe , pour obtenir , eu
faveur des Musulmans, la liberté du
pèlerinage de la Mekke, qui était
au pouvoir de ces sectaires. ( Foy.
Carmatu). Ibn Raïek employa les
forces de B ighdad à venger ses que-
relles personnelles. ^1 n'avait pas
encore gouverné deux ans , lors-
qu'il fut chassé par le turk Yah-
cara , son lieutenant, qui s'empara
de Baghdad el de la charge d'émir
al-omrah. De tout le vaste empire
londé par les premiers successeurs
de Mahomet , il ne restait que cette
ville aufaible khalyfe. Le Khoraçan,
le Kerraan et la Transoxane étaient
possédés par les princes Samanides.
Le reste de la Perse était partagé en-
tre Waschineghyr, frère du fameux
IMardawid) ( F. ce nom ) , et les en-
fants deBowaïah. {F. Imad-eddau-
lah). Les LamdaiiiJes étaient maî-
ties delà Mésopotamie; et l'Egypte
avait pour souverain AboubekrMo-
tammed al-Ykhchid. Tous ces usur-
pateurs reconnaissaient du moins le
i.halyfc Rajy pour suzerain et pour
chef spirituel. Mais l'Espagn-j , où
régnait une branche des Ommaïades,
l'Afrique et la Sinile qui obéissaient
aux khalifes Fathimides, et l'Arabie
presque entière dont les Carraathes
étaient restés maîtres , s'étaient entiè-
rement aiTrauchies delà domination
des khalyfes Abbassides. Rady fut
forcé, l'an 3:^8, de suivre son nou-
RAD
veau tyran, qui marcha pour faire la
guerre au prince de Moussoul ( Foy.
Nasser - ed - Daulah ). Il mourut
d'hydropisie , fruit de ses excès
avec les femmes, le i6 raby i*^"". de
l'année suivante ( 19 décembre ,
94o de J. - G. ), dans la trentième
année de son âge , et la septième
d'un règne à peu près semblable
à ceux de nos rois fainéants. Ce
prince indolent et voluptueux était
all'able et libéral , Surtout envers les
savants et les gens de lettres. Il cul-
tiva l'éloquence et la poésie; et l'on
trouve quelques-uns de ses vers dans
Elinakin et dans Abou'1-feda. Il fut
le dernier des khalyfes ( au moins
jusqu'à l'époque où ils recouvrèrent,
sinon leur puissance, du moins leur
indépendance ) qui ait fait des vers ,
olliciéponlificaIement,paru à la tête
des armées, disposé des trésors de
l'état, en un mot , qui ait conservé
quelque ombre d'autorité sur les Mu-
sulmans. A — T.
RADZTWIL (Nicolas IV), pa-
latin de Wilna , au seizième siècle,
descendait d'une noble et ancienne
famille connue dans l'histoire de Li-
thuanie, long-temps avant sa réunion
à la Pologne, par Jagellon. Nid gen-
tilhomme ne le surpassait en adres-
se aux exercices du corpsj et la
réputation de sa bravoure s'étendait
dans toutes les cours de l'Europe.
Luther venait de donner le signal
des querelles théologiques (jui trou-
blèrent et ensanglantèrent l'Allema-
gne pendant plus d'un siècle. Le
jeune Kadziwil s'engagea dans la
controverse avec toute l'ardeur de
son caractère, et se prononça pour
les réformateurs, dont il favorisa l'é-
tablissement en Pologne. Son devoir
l'appelait à la cour de Sigisraond-
AugHste, qui l'avait nommé capitaine
de ses gardes , et qui ne cessait de le
[RAD
coarWer de marques d'amitié'. Rad-
ziwil se distingua dans la guerre
contre les chevaliers Tentoniques ,
en 1557 , et fut nommé gouverneur
de la Livonie, ce'dce aux Polonais par
Gothard Ketler, dernier grand-maî-
tre. En i564 , il fut charge de re-
pousser les Knsses, qui s'étaient em-
parés de la Lithuanie sans aucune
déclaration de guerre : forcé de lever
le siège de Polotsk, faute d'artille-
rie, il se retirait en bon ordre, quand
il surprit l'armée russe dans ses can-
tonnements, le 26 janvier i565 , et
la tailla en pièces. Les soldais échap-
pés à cette journée furent poursuivis
et tués par les paysans • de sorte que
la Lithuanie fut cnlièremeut délivrée
de ses ennemis. Au milieu des camps,
Radziwil n'oubliait pas les intérêts
de la réforme : le nonce du pape , Lip>
pomani , lui écrivit pour le plaindre
d'un aveuglement qui compromettait
son salut : « C'est vous-même , lui ré-
pondit Radziwil , qui êles un héréti-
que. » 11 avait recueilli les nouveaux
pasteurs dans son palais de Wihia ,
où les réformes polonais tinrent leur
premier synode , au mois de décem-
bre 1.557 y enfin, il établit à Brzcscie
un atelier typographique d'où sorti-
rent plusieurs ouvrages ascétiques ,
et une traduction de la Bible en po-
lonais (i), dont l'impression fut
achevée en i563. Elle est de la plus
grande rareté , parce que beaucoup
d'exemplaires en ont été mutilés et
jetés au feu. Cette version , faite
d'après le texte hébraïque, et im-
primée aux frais de Radziwil , lui
coûta, dit-on, plus de trois mille
ducats. Le palatin de Wilna mou-
(i) 11 existait déjà une Bible en polonais, Craco-
vie , lôGi , iii-tul.; mais cette virsioii avait cte faite
d'après la Vulgate : et postei ieurement à la Viliie de
Rtidziwil , il a paru dans la même langue difttren-
tes traductions, sur lesquelles on trouvera des dctails
dans la Bibliothèque curieuse de Dav, Cltoent.
R.ra 535
rut en 1567 , et fut porté dans le
tombeau de ses pères par ses qua-
tre fils. W — s.
RADZÏWIL (NîcoLAs-CnRisTo-
PUE ) , duc d'Olica et de Nieswitz ,
fils aîné du précédent , naquit en
1549. ^^ père, qui était grand-
chancelier de Lithuanie , l'envoya
en Allemagne , lorsque son fils n'a-
vait que quatorze ans. Le jeune Rad-
ziwil fut présenté à l'empereur Maxi-
milien II , à la diète d'xAugsbourg.
Il abjura le luthéranisme ainsi que
ses frères, après la mort de son père,
et alla ensuite en Italie, où le pa-
pe Pie Y l'accueillit avec bonté.
De retour dans sa patrie , Radzi-
wil, attaqué, en 1675 , d'une ma-
ladie grave , contre laquelle l'art
des médecins échouait, lit vœu , s'il
en réchappait,- de visiter le Saint-
Sépulcre. L'année suivante, il prit
les eaux de Javor , pour compléter
sa guérison; elle n'était pas achevée
en 1577. Sur ces entrefaites, la guer-
re avec la Moscovie éclata. Il fit la
campagne de 1 578. Les fatigues qu'il
éprouva, l'obligèrent de chercher la
santé en Allemagne. Songeant cepen-
dant à l'accomplissement de son
vœu, il était revenu en Lithuanie
pour les préparatifs de son dé-
part, lorsque l'arrivée d'Etienne Bat-
tori, roi de Pologne, changea sa ré-
solution. « Ayant embrassé l'état
» militaire, dit-il , je devais marcher
» avec mon roi, contre l'ennemi de
» la patrie. » Il fut blessé à la tête
d'un coup de feu , à la bataille de
Polotsk. Dès qu'il fut convalescent, il
reprit son projet de pèlerinage, et
s'achemina vers l'Italie, en i58o.
La peste, qui dévastait l'Oiient, le
força de retourner en Lithuanie j et
il accompagna le roi au siège de
Pleskovr. La paix permit à Radzivil
d'effectuer son dessein , le 16 sep-
536
RAD
tembre i582. Reçu partent avec dis-
tinction, il alla s'embarquer à Veni-
se; visita, en passant , la Dalmatie,
Zautc, Candie et Cyprc, et prit ter-
reà Tripoli de Syrie. Il vil le Liban,
Balbck , Damas, le lac de Ge'ne'sa-
rctli et Samarie. Après avoirsatisfait
sa dévotion à Jérusalem, il gagna
les bords du Jourdain et de la mer
Morte, revint à Jérusalem , et se di-
rigea sur lafa, puis sur Tripoli, où
il appareilla pour Damiette. Ayant
séjourné auCaire, examincles pyra-
mides, et parcouru les puits des mo-
mies , il descendit le iS'il, fit voile
d'Alexandrie pour Corfou , et ensui-
te pour Otrante. Dépouillé, ainsi que
ses compagnons de voyage, par des
brigands, près de Monte- Silvano ,
sur les bords du Sala , dans la Prin-
cipauté citérieure, il continua son
voyage le long de la côte orientale
de l'Italie, traversa le Tyrol,tt re-
vit ses foyers, en 15.S4. 11 assista,
en 1587, ^ '^ ^'^'<^ d'élection de Si-
gismoud Auguste 111, devint maré-
chal de la cour , puis vo'ivode de
Trozka et de Wida. Il mourut à
Kieswies en 1G16, et fut inhumé
dans l'église des Jésuites , revêtu de
son habit de pèlerin. On a de Hadzi-
Avil, en polonais : rorai^e à Jéru-
salem. Ce livre fut traduit en la-
tin, par Thomas Trotter, custode
de l'église de Warmie; il est inti-
tulé : lerosolymitana peresjina-
tio illust. Pr! N. - Chr. Radzivil ,
etc., Brunsberg, i(3oi , in-fol.; a*^.
édit.', corrigée et augmentée, An-
vers, 1G14 , in-ful. , fig. Cette édi-
tion , quoiquç moins rare, est plus re-
cherchée que la première. La re-
lation de Radzi-vvil , comprise en
quatre lettres, est intéressante par
les détails qu'elle donne sur la Terre-
Sainte, l'Egypte et les antres pays
que Radzivil a vus , et par la manière
RAD
dont elle est écrite. L'auteur raconte
sans prétention ce qui lui est arrivé.
Quelquefois il est crédule ; mais ja-
mais ses récils ne peuvent faire sus-
pecter sa bonne-foi. E.
RADZIWIL (Françoise, prin-
cesse DK ), fille du prince Janus Wis-
sicniowecki, castcllan de GracoA'ie ,
arrière -neveu du roi Michel, fut la
première femme du prince Michel-
Casimir Radziwil , palatin deWilna
et grand - maréchal de Lithuanie ,
dans le dernier siècle. Elle écrivit en
polonais des tragédies et des comé-
dies , et traduisit , dans la même lan-
gue, quelques pièces françaises, et
notamment un Traité des devoirs
du soldat chrétien, W'i\i\a , 1748,
in- 12, fig. Le Recueil des OEuvres
dramatiques de la princesse Radzi-
>vil parut en 1751. On a de cette mê-
me princesse une Instruction à ses
enfants , sur leurs devoirs envers
Dieu , envers le prochain, et envers
eux- mêmes. — La seconde femme
du princeR^uziAViL, palatin deWil-
na , de la famille Mycieziski, se dis-
tingua également par son goût pour
la poésie, et laissa un Recueil de vers
sur divers sujets sacrés et profanes.
— Ulric , prince de Radziwil , fut
grand-ronnétable de Lithuanie, dans
le dernier siècle. 11 cultiva la poésie,
et jiublia plusieurs Poèmes dans la
langue de son pays : celui qui a pour
titre , Des peines des hommes dans
toutes les conditions de la vie , pa-
rut en 174' 5 in-80., sans lieu d'im-
pression. Le prince Radziwil tra-
duisit aussi en vers polonais, la Thé-
baide, ou les Frères ennemis, de Ra-
cine. Voyez L'ibliotheca pcëtarum
Polonorum do Zaluski. C — au.
RADZIWIL (Charles de), palatin
de W^ilna , descendait d'une noble et
ancienne famille de Lithuanie, qui ,
parla substitution des bicos^ conser-
RAD
v^e dans cette province malgré les
lois et les règlements de la Pologne ,
possédait d'immenses richesses. A la
mort de son père , il se trouva maî-
tre d'une fortune évaluée à cinq rail-
lions de revenu: il avait, dans ses
domaines , plusieurs forteresses , et
pouvait lever jusqu'à six mille sol-
dats. Elevé, dit Ruihière , comme
dans les temps barbares , le jeune
Radziwil n'était presque jamais sorti
des forêts de la Lithuanie. Etranger
à tous les arts , à toute politesse , il
avait une confiance féroce dans sa
force corporelle , dans le nombre de
ses amis, dans la valeur de ses sol-
dats, et surtout dans la droiture de
ses intentions : car un sentiment de
justice et de grandeur le guidait mal-
gré sa férocité; et, quoique sans es.
prit , il avait un sens droit , quand
la passion du vin n'en obscurcissait
pas la lueur. Presque toute la jeune
noblesse de Lithuanie lui composait
uue cour , et , à son exemple , se li-
vrait à une licence effrénée. D'au-
tres s'attachaient à lui dans l'espé-
rance que ses bonnes qualités fini raient
par l'emporter sur ses vices , et qu'il
emploirait un joursa fortune à défen-
dre la liberté publique ( Voy. VHist.
de l'anarchie de Pologne ). Le roi
le revêtit , en 1762 , de la première
dignité de la province , pour l'oppo-
ser aux Czartorinski , vendus aux
Russes, et que, pour cette raison. Rad-
ziwil haïssait mortellement. Celui-ci
lit procéder aussitôt à l'élection du
tribunal suprême , qui fut installé
sans opposition de la part de ses ad-
versaires , certains que les Russes ,
dont ils avaient imploré le secours ,
ne tarderaient pas à changer l'état
des choses, ou que la présence des
étrangers amènerait une confédéra-
tion dont ils seraient les chefs. Quel-
ques corps russes s'approchèi'ent en
RAD 537
effet des frontières: Radzivril réunit
alors à Wilna quatre mille hommes
de troupes avec quarante pièces de ca-
non j et le tribunal continua l'exer-
cice de son autoritésousla protection
de cette armée, qui ne tenta d'ailleurs
aucune entreprise, pour ne pas aigrir
l'impératrice de Russie, avec laquelle
on négociait. Les démonstrations du
grand Frédéric, et les menaces du
khan de Crimée, déterminèrent la
retraite des Russes. Après la mort
du roi Frédéric-Auguste 11 , les diè-
lines s'assemblèrent dans la Lithua-
nie : mais aucun des candidats pré-
sentés par Radziwil ne réunit les
suffrages ; et, dans quelques districts,
ses partisans furent même battus et
dispersés. A cette nouvelle, il accourt
à Wilna , suivi de 200 gentilshom-
mes, son cortège ordinaire et la ter-
reur du pays , force la maison de Té-
vêque , connu par son attachement
aux Czartorinski, en chasse les magis-
trats nouvellement élus par cette fac-
tion; et menaçant l'évêque de le tuer
s'il continuait à se mêler des affaires
publiques : « Rappelez-vous , lui dit-
il , que j'ai cent mille ducats en ré-
serve pour aller demander mon ab-
solution à Rome. «L'évêque de Wilna
sollicite l'appui des Russes, et prêche
une espèce de croisade contre Rad-
ziwil , qui , de son côté , travaille à
rétablir son autorité dans la Lithua-
nie. 11 quitte Wilna pour aller se ma-
rier dans une province éloignée; ap-
prend , dans la route , que les Russes
sont entrés en Pologne , hàle son
voyage , se marie , part le surlende-
main de son mariage pour visiter ses
principales forteresses , et se rend ,
avec son épouse, à Varsovie, où la
diète était assemblée pour procéder
à l'élection du nouveau roi. il réunit
les nobles qui professaient les mêmes
opinions , et leur jure de consacrer à
538
RAD
la delfense du pays tous ses biens et
toutes ses forces , et d'en soumettre
l'emploi à leurs couseils.Poniato^vski
est élu roi , sous le nom de Stanislas-
Auguste; et la diète, dominée par les
Czartoriuski, cherche les moyens
de dépouiller Kadziwil d'une fortu-
ne qui lui laissait tant d'influence.
Radziwil , ayant échoue dans le pro-
jet de former une coufédércilion , et
voyant les divers états de l'Europe
indillcrcnts sur le sort de; la Polop;ne,
•voulut se rapprocher de ses adver-
saiies, et leur fit des propositions qui
furent rejetées : des- lors, ne comp-
tant plus (pie sur sou courage , il s'é-
loigne avec sou armée, enlève sur
sa roule l'artillerie et les munitions
des Czartoriuski , dont il incorpore
les soldats dans ses régiments , et
bat, près deSloruica , un détache-
ment russe qui voulait s'opposer à
son passage. Instruit que ses ennemis
étaient maîtres de la Lithuanie , et
craignant d'être enveloppé par les
Russes , qui s'avançaient de toutes
parts, il prit le parti de chercher un
refuge en Turquie. 11 abandonna son
infanterie, en lui laissant le soin de
capituler comme elle pourrait; et,
avec l'escortede cinq cents chevaux ,
il s'approcha des frontières, traversa
le Niester à la nage , sous le canoa
russe , et vint demander un asile au
pacha. Les ennemis de Ha(lziv\ il s'em-
parèrent aus^it6t de ses biens, qu'ils
se partagèrent , sous le prétexte
d'acquitter d'anciennes dettes de sa
maison : son palatinat de Lithua-
nie fut déclaré vacant , et donné
aux Czartoriuski; et les tribunaux ,
composés par ses adversaires, sanc-
tionnèrent des mesures si rigou-
reuses. Loin d'être abbatu par l'in-
fortune, Radziwil s'en montrait fier:
il demandait vengeance , et non pas
grâce; et sa voix retentissait dans
RAD
le nord de l'Europe. En attendant le
jour de la justice, il vint à Dresde ,
d'où il ne pouvait être chassé sans
honte pour la Saxe , et reprit ses
relations avec ses anciens amis. Il
rejeta les propositions que lui firent
les dissidents Polonais, de se mettre
à leur tête, préférant de rester à ja-
mais proscrit et dépouillé, plutôt
que de se rendre le chef d'une entre-
prise regardée comme une rébellion
]iar le plus grand nombre de ses con-
citoyens. iMais il ne put résister
aux invitations pressantes qu'il reçut
de l'impératrice Catherine, de se
joindre aux confédérés qui travail-
laientà renverser Stanislas d'un trône
où elle - même l'avait placé ( P\ Sta-
MSLAs PoMATowsKi ). Le rctour de
Radziwil en Lithuanie fut un vé-
ritable triomphe. Il entra dans Wil-
na ( 3 juin 17O7 ) , suivi d'un peu-
ple immense, accouru sur son pas-
sage ; il était escorté de deux mille
gentilhommes , et brillant de l'éclat
des diamants qu'il avait emportés
dans son exil. La diète s'empressa
d'annuler les arrêts rendus contre
lui par des juges iniques ; et il fut
rétabli dans tons ses droits , dans
toutes ses dignités , et dans lo\is les
biens de sa maison. Le lendemain il
partit pour lîlalistock, où le grand-
maréchal Branicki le reçut avec la
tendresse d'un père ( F. Branicki ,
V , 5oo ). Élu maréchal de la confé-
dération dans ce district, il se rendit
à l'assemblée générale de Radom ,
sans soupçonner les vues secrètes de
la Russie. Le prince Repnin, accrédite
j)ar Catherine près de cette assem-
blée , travaillait à gagner des suffra-
ges à Radziwil ; et, après l'avoir fait
déclarer chef de la confédéraliou
générale , il le conduisit à Varsovie.
iVlalgré la pompe dont on l'entourait ,
Radziwil s'aperçut enfin qu'il était
RAD
prisonnier des Russes. Maudissant
ceux qui l'avaient retiré de Ja misère
et de l'exil pour l'employer à l'asser-
vissement de son pays , il voulut
fuir : mais il était garde dans sou
palais par des soldats russes , qui
s'opposèrent à son évasion. Il par-
vint cependant à tromper leur sur-
veillance, et gagna la Lithuanie. La
Vioblesse de celte province s'em-
pressa de se re'unir à son chef dans
la forteresse de Niewitz : mais les
confédérés , surpris par les Russes ,
furent obligés de se soumettre , et
dispersés dans leurs terres. Sous le
prétexte de se former une gorde,
Radziwil leva six cents hommes, qu'il
se proposait d'employer au service
de sa patrie quand il le pourrait sans
témérité : par suite de son inexpé-
rience , tous ses efforts toui-nèrent
contre la Polognej et, à trois reprises ,
ses troupes ne servirent qu'à recruter
les armées ennemies. Il remit enfin
ce qui lui restait de soldats et d'ar-
tillerieà Birsinski , que la Saxe cher-
chait à rendre le chef de la confédé-
ration ; et , quoique dans cette cir-
constance il eût feint de n'avoir cédé
qu'à la force , redoutant la vengeance
des Russes , il gagna la frontière
par des chemins détournés , et se
rendit à Teschen, où se trouvaille
conseil-général des confédérés , et où
il fit parvenir les trésors qui lui res-
taient, pour les partager avec tant de
j^énéreux citoyens dépouillés par les
Russes. Privé des moyens de s'op-
poser au démembrement de la Po-
logne , RaJziwil ne voulut pas en être
le témoin. Dans le dessein de susciter
une rivale à Catherine , il enleva la
princesse Tarakanoff , fille de l'im-
péralrice Elisabeth , et la condui-
sit à Rome , se flattant de parvenir
à faire reconnaître les droits qu'elle
avait au trône. Les ressources de
R^EM 539
Radziwil furent bientôt épuis(fès ; et
pour rentrer dans la possession de
ses domaines, il abandonna sa pro-
tégée, qui périt peu de temps après,
victime de la plus atroce perfidie
( Fojr. Orloff , XXXII , 1 43 ). De
retour dans sa pairie , Radziwil cessa
de prendre part aux affaires publi-
ques , quoique ses richesses lui
donnassent une influence qui l'avait
fait surnommer le roi de Lithuanie.
Il mourut le 22 novembre 1790,
laissant, malgré ses revers, une suc-
cession très-opulenle. La jirécieuse
bibliothèque qu'avaient formée ses
ancêtres à Newitz , en fut enlevée par
les Russes , en 1772, et donnée par
Catherine à l'académie des sciences
de Pétersbourg. On peut consulter,
sur cette bibliothèque, le Voyage de
deux Français au Nord, par M. de
Fortia de Piles , et le Dictionnaire
de bibliologie de M. Peignot. W-s.
lŒMOND ou RÉMOjND ( I )(I-Lo-
RiMoiND DE ), historien médiocre,
né, vers i54o, à Agen , d'une ancien-
ne famille , fit ses éludes à Bordeaux,
sous un régent qui professait en se-
cret les principes des réformateurs,"
et vint ensuite à Paris, où il suivit
les leçons du célèbre Ramus, Il était
présent au supplice d'Anne du Bourg
( F. Bourg , V , 37 i ) ; et le courage
que montra ce prêtre apostat, ache-
va de le gagner à la cause du calvi-
nisme. Il fréquenta dès-lors les prê-
ches , et les instructions que faisait
alors le fameux Th. de Beze, dans
le faubourg Saint - Antoine. Mais,
ayant été témoin de la guérison mi-
raculeuse d'une femme qui passait
pour possédée, il se raffermit dans
les j)riucipes de la foi chrétienne,
dont il devint plus tard un ardent
défenseur. Il reçut ses degrés en droit
(i) n a encore tcrit son nom Reymonil, Uuy-
mond et Ratmound,
54o
ILÈM
à Toulouse; et, en 1572, II fut pour-
vu d'une charge de couseiller au par-
lement de Bordeaux. La même an-
née, il eut le malheur de tomber en-
tre les mains des Protestants , qui
désolaient la Guiennc; et il n'en sor-
tit qu'a près avoir payé une rançon de
mille livres : mais il trouva l'occa-
sion, plus d'une fois, de se faire rem-
bourser cette somme ; et si l'on en
croit ses adversaires, il n'y manqua
pas. Dans sa jeunesse , Floriraond
cultivait la poésie avec quchpie suc-
cès. Ne jugeaut pas cet art compatible
avec la gravité de son état, il cessa
de faire des vcis. Toutefois il conti-
nua de chercher , dans les lettres, \u\
utile délassement , et de former sa
société des poètes qui brillaient alors
à Bordeaux, tels «jue Brach (u;,Du
Bartas, Peletier, etc. Le zèle amer
avec lequel il combattait les Protes-
tants, par ses écrits et dans ses fonc-
tions de juge, ne pouvait manquer
de le rendre odieux à tons les parti-
sans de la réforme. Ils se sont ven-
gés , en cherchant à flétrir sa mé-
moire par les accusations les plus
graves, que Bayle a recueillies dans
son Dictionnaire {atl. Bemond ).
Sans doute Florimond aurait pu
mettre plus d'impartialité dans ses
fondions. Queltpicfois la passion
l'emporta tro|) loin: mais l'aveu qu'il
en fait lui-même, prouve qu'il n'était
pas, comme on l'a dit, un juge sans
conscience. Ses ennemis prétendent
aussi qnr; le P. Richeome, jésuite, est
le véritable auteur des ouvrages de
controverse qui portent le nom du
conseiller de Bordeaux; mais Joly
a démontré sans réplitpie la faus-
seté de cette allégation ( Foj. ses Ee-
marques siirleDicticnn. de Bajle).
(îlOutronveunppircc de vrrb iiitilulrc \r f'mitin,
yar ftaeinoïKl , da. s le Recueil des Poèmes de Pierra
dcBrach, son ami, Uurdcauz, »jj6,iu-4''.
Î{JEM
Comme ccrivaiji, Florimond ne tient
pas un rang bien distingué; cepen-
dant il a joui, en son temps, de l'esti-
me générale. Il comptait au nombre
de ses amis ou de ses correspondants,
Fronton du Duc,Théoph. Raynaud,
Juste Lipse et Pasquier ( Fof. les
Becueils de lettres de ces savants).
Il fut chargéde publier les 3/emozre5
de Monlluc ( F. ce nom), et reçut
quelques autres marques de la con-
fiance qu'on avait dans ses talents.
Flor, de R.Tinond mourut en 1O02.
Outre quelques écrits moins connus,
cl sur lesquels on peut consulter l'ab-
bé Joly , on cite de lui : I. Erreur
populaire de la papesse Jeanne ,
Bordeaux, i588, i^Q'i , 1^94;
Lyon , 1595 , in-8". ; Paris, 1099,
in -4°.; traduit eu latin, par Jean-
Charles de Rxmond, l'un des fils
de l'auteur (3), Bordeaux, iGoi ,
in-B**. De l'aveu de Bayle , per-
sonne n'avait encore si bien réfuté
cette f.ible. II. La Couronne du sol-
dat et V Exhortation aux martyrs ,
traduit du latin , de Terlullien ,
Bordeaux, i594, in 8*'.,et réimpr.
à la suite de l'ouvrage précédent. 111.
Jj'^ntiChristy '2*=. éd. , Lyon, 1 597,
in-4°.; Paris, 099, avec V Erreur
populaire, etc., qui porte, dans cet
édition, le titre A'Anti - Papesse,
L'auteur y réfute l'opinion des Pro-
testants , qui regardaient le pape
comme l'Ante- Christ. Nicolas Vi-
gnier lui répondit, dans le Théâtre
de VAnte - Christ. IV. Histoire de
la naissance , progrès et décadence
de l'héréiie de ce siècle, en huit vo-
lumes, Paris, iGo5,in-4".; réiraj).
plusieurs fois, dans ce format et in-
(3) (!linrle!< de Rirmorid oinlirnss» rt-tal <T.<\csiaf-
tiiine, et «Ltiul l'alibajc de la Ir'renade. «)ti cit"' do
lui : ne^rct s funèbres sur la motl de Henri //'.
Paris, 1610, in-8". — Le .Var re et couronnemet-l
de Louis XIII, ibid., »(iao, in-S».
RtEM
8". ; trad. en latin et en allemand , et
continuée par Cl. Malingre ( V. ce
nom ). Le succès qu'eut cet ouvrage
prouve qu'il n'était pas denue' de rae'-
rite : il y a beaucoup de digressions
et de de'clamations; mais on y trou-
ve des faits curieux, racontés avec
plus d'impartialité qu'on ne devait
l'attendre de l'auteur ; et tous les
historiens y ont puisé largement. —
François de R^emond , l'un des fils
de Florimond, continua V Histoire
de l'hérésie , que son père avait lais-
sée imparfaite. Il ajouta quelques
chapitres au cinquième livre, et ré-
digea tout le sixième , qui contient le
schisme de l'Angleterre. Baillet le re-
garde aussi comme l'auteur de VA?iti-
Papesse, Paris, 1607, in-S". ; opus-
cule très-rare, et que l'on a souvent
confondu avec V Erreur populaire ,
etc. ( Voy. Baillet, Jugent, des sa-
vants, VII , 3'i3 , éd. in-4". ) W-s.
RAGHIB PACHA (Mouammed),
célèbre grand - vézyr de l'empire
othoman , né vers l'au 1702 , était
à peine âgé de neuf ans lorsqu'il
fut amené à Gonstantinople , oîi il
reçut une éducation soignée , sous
les yeux d'un de ses parents , officier
de la secrétairerie. L'ardeur du jeune
Mohammed pour l'étude, les con-
naissances qu'il acquit , les grands
talents qu'il annonça , lui valurent
de bonne heure le surnom de Ea-
sjiib ( le Studieux ). Admis dans les
bureaux du grand-vézyr, il parcourut
avec; distinction différents emplois ;
et il n'avait que trente ans au plus ,
lorsque sa sagesse et son expérience
le firent recevoir parmi les princi-
paux officiers de la secrétairerie. A
l'époque de la guerre de 1736 , il
remplissait la charge de raektoubdjy-
efendy ( premier secrétaire-d'état du
grand - vezyr ). Nommé plénipoten-
tiaire , l'aunéo suivante , au congrès
RAG
5/1 1
de Niemirov , Raghib y signa un
traité avec le ministre de l'empereur.
Il fut élevé ensuite à la charge de
reis-efendy , puis à la dignité de pa-
cha à trois queues , et obtint succes-
sivement les gouvernements d'Aïdin,
d'Alep et du Caire. L'indiscipline, et
la puissance des bcys mamlouks
ne lui avaient laissé en Egypte que
la corruption pour se soutenir, sans
en être moins exposé a ux voies de fait ;
et il venait d'échapper à un coup de
pistolet tiré sur lui dans son pro-
pre divan, lorsqu'en 1757, le sul-
than Osman III , qui, dans l'espace
de deux ans et demi , avait déposé ou
fait étrangler cinq vézyrs et six caïm-
hakem , ou lieutenants de vézyrs ,
appela Raghib - Pacha au suprême
mais dangereux ministère de l'em-
pire. La mort du sulthan, arrivée la
même année, préserva le vézyr du
sort de ses prédécesseurs , affermit
son crédit , et augmenta sa puis-
sance. En effet , maître un instant de
disposer du trône othoman. Raghib
y plaça Mustafa III ; et ce prince ,
par reconnaissance , fit de son vézir
son ami , son confident , et se l'atta-
cha pins intimement, en lui donnant
en mariage une de ses sœurs , qui
était veuve. Raghib était digne de*
ces faveurs , par la supériorité dr
ses lumières, et par son zèle pour
la gloire de son maître et la pros-
périté de l'état. Voulant remédier au
fléau de la peste , il eut l'idée d'éla-
blir des lazarets dans les îles des
princes, près de Constantinople. Il
renouvela aussi l'ancien projet de
couper l'Asie mineure , par un canal
de navigation qui aurait facilité les
approvisionnements de Constantino-
ple , eu les préservant des dangers et
de l'incertitude des trajets par mer.
Raghib n'éiait pas homme de guerre.
Déjà avancé en âge , il était aussi
54^ RAG
propre à radministration de l'ctat ,
qu'il l'eût etë peu au cominandeincnt
des armées. Aussi détourna-t-il cons-
tamment Musfafa III de déclarer la
guerre à la Russie , et de protéger
les Polonais à la mort du roi Auguste
m. On pourrait sans doute lui re-
procher d'avoir en cela moins con-
sulté la gloire et les véritables inté-
rêts de l'empire, que ses habitudes
pacifiques et son goût pour le repos;
d'avoir éludé de faire respecter les
garanties du traité de Carlo\viiz , et
préparé en quelque sorte les malheurs
de la campagne de i -jOS et des années
suivantes. L'anglais Porter parle
avec éloge des talents , de l'élo-
quence, de l'habileté et du caractère
de ce ministre; mais il compare sa
politique à celle de Tibère lorsqu'il
voulait se débarrasser des hommes
qui lui portaient ombrage. Le bai on
de Toit, qui , en peignant Raghib-
Pacha des mêmes couleurs, nous pa-
raît avoir chargé le tableau , est ac-
cusé par Chenier d'avoir parlé de ce
vézyr avec prévention- Ce dernier
écrivain excuse Raghib , comme
turc, comme ministre , de sa dissi-
mulation. Il avoue seulement qu'il
était peu porté pour la France, dc-
Itais que les cours de Versailles et
de Vienne s'étaient unies, en 175G,
par un traité qui déplut à la Porte
Olhomane. Raghib mourut en place,
dans l'année i "jOS , suivant Chenier,
et non jias en 1 -(33, comme le ditTo-
deriiii. Ce n'est pas seulement com-
me habile ministre, mais aussi com-
me ami des sciences, et savant lui-
même , que ce vézyr mérite d'être
cité. Raghib était un des Turcs les
plus éclairés de son temps, et celui
peut-être qui écrivait le mieux. Il
avait l'esprit caustique, et fertile en
bons mots. Avide des connaissan-
ces étrangères, il voulut avoir en
RAG
langue turque une Histoire de la
Chine , qui ne fut achevée qu'après
sa mort. On peut juger, parle trait
suivant , qu'il ne partageait point
los préjugés de sa nation. Un Euro-
péen , qui se disait parti tout expies
de Dantzig pour embrasser le raaho-
métisme , se présenta un jour à la
Porte. Le grand vézyr trouva le pro-
jet trop bizarre , et la vocalion trop
équivoque, pour n'être pas curieux,
d'interroger cet aventurier. Un drog-
raan expliqua (pic le néophite alle-
mand n'était venu de si loin que
parce que Mahomet avait daigné lui
apparaître, et l'inviter à mériter les
faveurs réservées aux Musulmans.
« Voilà un étrange coquin , dit le
» vézyr ! Mahomet lui a apparu à
« Dantzig! à un inlidMel tandis qu'il
» ne m'a jamais fait jiareil honneur ,
•n à moi qui, depuis plus de soixante
»aiis, suis exact aux cinq prières!
» Dites à cet homme qu'on ne me
» trompe pas impunément; qu'il a
» certainement tué père et mère , et
» que je vais le faire pendre, s'il ne
» me dit pas la véiité. » Intimidé
parées menaces, l'allemand avoua
qu'il était maître-d'école, et qu'on
l'avait chassé de Dantzig, à cause de
ses mœurs suspectes. « Qu'on lui
» fasse prononcer la profession de
» foi , reprit Raghib ; mais qu'il sa-
» che qu'aucune religion ne tolère de
» pareilles indignités. » On a de ce
vézyr des mélanges en langue arabe,
intitulés : Séfinei Bagliib , ou le
Vaisseau des gens studieux. Ce
livre, divisé en cent vingt-cinq cha-
pitres , traite de dilTcrentcs matières
de religion , de morale , de philoso-
phie , et d'autres études en honneur
chez les Musulmans. Ce sont des
Dissertations sur l'unité de Dieu , la
prédestination, le libre arbitre, la
défense et l'intégrité du Coran : il
RAG
parle de Tenfcr , du paradis , de l'é-
tat futur deriioramc et de l'iraraor-
talité de l'ame; des sonj:;es, des sor-
tilèges , de l'arithmelique , de la
formation du monde , du déluge , des
plantes , des minéraux , etc. Dans un
genre différent, on a encore de Ra-
ghib-Pacha xmDwan , ou Recueil de
Chansons ; le Moiinte kalat , ou
Choix de mots remarquables et de
sentences. Ce manuscrit se voit dans
la bibliothèque du sullhau Osman à
Constantinople, Il reste aussi de lui
un Recueil de Lettres concernant les
négociations , les actes , ou les intri
gués de son vézyrat. Enfin , il fonda
à Constantinople , en 17G2 , une bi-
bliothèque publique , qui porte son
nom. Ce n'est pas , comme dit le ba-
ron de Tott , la première qui fut éta-
blie dans cette capitale; mais c'est une
des plus belles et des plus éléganics
parmi les treize qu'on y voit. A cette
bibliothèque il attacha une école ,
et assura des fonds pour i'entrelien
des gardes de l'une et des professeurs
de l'autre. On peut en voir la des-*
cription dans Toderini , Littérature
des Turcs, tomeii,pag. 122 à 129.
Raghib a été enterré près de ce mo-
nument de sa munificence. Parmi les
gravures qui décorent le Tableau de
l'Empire Othoman, par Mouradgea
d'Ohson , se trouve celle qui repré-
sente la chapelle sépulcrale, et le
tombeau de ce célèbre vézyr , ainsi
qu'une partie du bâtiment de sa bi-
bliothè([iie. A — t.
RAGIMBERT, roi des Lom-
bards, était fils de Godebert, roi
de Pavie. Lorsque ce dernier fut mas-
sacré , en 662 , par Grimoald , duc
de Bénévent, qui usurpa le trône des
Lombards , Ragimbert , encore en
bas âge , fut dérobé, par un servi-
teur fidèle, à la première fureur de
l'usurpateur. Grimoald ne chercha
RAG
5/, 3
point à le poursuivre; et Ragimbert,
élevé parmi la jeune noblesse de
Lorabardie, vit, au bout de quel-
ques années, Pertarite son oncle re-
monter sur le trône. A celui-ci suc-
céda Cunibert son fils , et plus tard
enfin , Liutbert fils de Cunibert. Ra-
gimbert avait reçu en fief de Perîa-
rile le duché de Turin ; il devait tout
à ce prince : il lui demeura fidèle
ainsi qu'à son fils; mais l'ingrat pro-
fita de la fiiiblesse de Liutbert, qui
était encore mineur , pour faire va-
loir, contre l'héritier de ses bienfai-
teurs, de prétendus droits au trône,
qu'il avait laissé dormir pendant
quarante ans. 11 prit les armes, en
701, et il remporta, près de Novare,
une grande victoire sur Ansprand ,
tuteur de Liutbert : il se fit ensuite
couronner avec son fils Aribert II •
mais il mourut cette même année ,
avant de recueillir les fruits de son
ingratitude. S. S — i.
RAGOBAH. r. Raroubau.
RAGOIS ( L'abbé Le ) était ne-
veu de l'abbé Gobelin , directeur de
M"^^. de Mainîenon, et obtint, par
la protection de celle dame, ia place
de précepteur du duc du Maine. Il la
remplit avec zèle, et, tout occupé
de ses devoirs , resta constamment
étranger aux intrigues de la cour.
Le Ragois mourut vers i683. Ou a
publié une Instruclion sur l'Iàs-
toire de France et sur V histoire Ro-
maine , qu'il aA'ait composée pour
son élève, et que , sans doute, il ne
destinait point à l'impression. Cet
ouvrage, qui parut pour la première
fois en 1684, in-12, sous le titre
d'Introduction à l'histoire de Fran-
ce , fut adopté par toutes les maisons
d'éducation ; et il a été réimprimé
un très-grand nombre de fois , avec
des corrections et dts additions qui
ne l'ont pas rendu nieilleur. L'édi-
544 R'^G
tion de Paris , i8io, 2 vol. ia-ici ,
a été totalement refondue par M.
Moiistalon, et aui;meutée d'uu Ahré-
gé de géographie , de V Histoire
poétique , avec un précis des Méta-
moi'phoses d'Ovide , et enfin d une
Instruction, par demandes et par
réponses , sur l'Histoire ancienne.
W— s.
R AGOTZKY , ou plus exactement
R.\C0GZ1 ( Fhaivçois - Léopold ) ,
prince de Trans.svlvauie, naquit, en
167G, au château de Borshi , près
de Patack. 11 perdit son père, au ber-
ceau ; et sa mère , dans l'espoir de lui
procurer un défenseur de ses droits,
se remaria, peu de temps après, avec
le comte Tekeli , d'une des premiè-
res familles de Hongrie. Tekeli ,
qui n'avait en vue, dans cette allian-
ce, que les richesses de la maison
Raj^otzky , abandonna bientôt son
jeune pupille aux. domesii<]ucs ; et
ceux-ci le ncgli;;èrcnt au point de le
laisser manqiier souvent d'hibils et
de nourriture. Une vie si rude forli-
fia son tempérament , et le rendit
capable de supporter, dans la suite,
les fatigues et les privations de toute
espèce. Cependant le comte Tekeli
4ontinuiit de faire la guerre à l'Au-
triche. Vaincu successivement dans
plusieurs rencontres, il s'enfuit chez
les Turcs ( r. Tereli ) ; et le prince
Ragotzky, conduit, avec sa mère et
sa sœur , à Vienne, fut place sous la
tutelle du cardinal Colonitz , qui le
relégua dans la Bohème, où il pas-
sa cinq ans, dans un collège, con-
fondu avec les autres écoliers. Sur
les instances du comte d'Ajtremont,
son beau-fièrc, il obtint cnliu la per-
mission de revenir à \icnne; mais
il reçut , presque en même temps ,
l'ordre de voyager en Italie. A son
retour, il fit déclarer sa majorité,
triompha des obstacles que le cabi-
RAG
... • «4 .
net autrichien mettait a son mariage
avec la princesse de Hcsse-Rhinfels,
et se retira dans les domaines qu'il
possédait en Hongrie, où son projet
était de vivre étranger à toutes les
intrigues. Les paysans hongrois s'é-
taut révoltés, on l'accusa de les ex-
citer eu secret ; on alla même jus-
qu'à supposer qu'il entretenait avec
la France des intelligences criminel-
les. Les avis qu'il recevait de "Vienne,
ne purent le déterminer à s'éloigner.
Il fut arrêté (avril i-joi ), par ordre
de l'empereur (i), et renfermé dans
les prisons de ISeustadt. On nomma
des commissaires pour instruire son
procès, et son innocence n'aurait pu
le sauver; mais la tendresse ingé-
nieuse de sa femme lui procura les
moyens de sortir de prison, et de se
réfugier à Varsovie, où il trouva le
comte Borcheuy, son parent, obli-
gé, comme lui , de chercher un asile
en Pologne^ /^. BERClll:^Y,lV, 228).
En partant, il avait laissé sur sa ta-
ble une lettre à l'empereur , dans
laquelle il se plaignait des mauvais
traitements qu'on lui aA'ait fait éprou-
ver , et engageait sa parole de venir
se justifier , pourvu qu'on lui ac-
cordât un sauf- conduit et des juges
non suspects: mais les commissaires,
qui avaient reçu l'ordre de le con-
damner, prononcèrent la confisca-
tion de SCS biens , et mirent sa tête
à prix. Le malheureux Ragolzky ne
put échapper aux émissaires de l'Au-
triche qu'en changeant souvent de
demeure et de déguisements. Tandis
qu'il errait dans les forêts de la Po-
logne, il apprit que les paysans hon-
grois voulaicnl tenter encore une fois
(i) Fellor qui, pcndaiit son séjour en Hongrie, s
rpcneilli trs traditiims de plusieurs anecdotes cu-
rieuses , dit que Ragotzky, quaud il fut arrêté , avait
dans sa cliajnbrt un tigre qui le dc'feudit Iony-tcm|>»
contre le5 suldata.
HAG
de secouer le joug. Sur l'assurance
qu'il leur fit donner de se mettre à
leur tète avec Bercheny, quelques
centaines de paysans prirent les ar-
iues,et se livrèrentà toutes sortes d'ex-
cès : mais, incapables d'opposer la
moindre résistance à des troupes ré-
gulières, ils venaient d'être disperses
par un de'tachcment de cavalerie,
quand Ragotzki parut sur les fron-
tières de la Hongrie, au mois de juin
1703. Bientôt il l'ut rejoint par une
partie des fuyards, et vint s^établir
dans la ville de Mongatz : il n'osa
pourtant pas attaquer le château, que
défendait une faible garnison, dans
la crainte qu'un échec ne jetât le dé-
couragement parmi les siens. L'ar-
rivée de quelques escadrons autri-
chiens le força même de se replier
avec sa petite troupe : néanmoins aidé
par Bercheny et quelques autres no-
bles hongrois, qui vinrent le rejoin-
dre avec leurs paysans , il s'empara
de plusieurs villes, et décida, parce
premier succès , le soulèvement de
toute la Hongrie. Des députés vinrent
alors offrir à Ragotzki le trône de
Pologne; mais il le refusa, ne vou-
lant point abandonner au ressenti-
ment de l'Autriche ceux qui s'étaient
rangés sous ses drapeaux. La cam-
pagne de 1704 s'ouvrit par de nou-
veaux succès. Quoique ses soldats
fussent mal disciplinés et mal armés,
et que , ne pouvant point lever d'im-
pôts dans un pays ravagé par la guer-
re civile , il manquât d'argent et de
vivres, Ragolzky fit trembler un ins-
tant l'Autriche , et poussa des ex-
cursions jusqu'aux portes de Vienne.
L'empereur Léopold, occupé d'un
autre côté par la guerre contre les
Bavarois et les Français, eut recours
à la voie des négociations, et lui
fit demander une trêve. Ragotzky
proposa, pour condition de traité^ le
xxxvi.
RAG 545
rétablissement des privlle'ges de la
nation hongroise et la reconnaissan-
ce du droit qu'elle avait d'élire son
souverain. Lavictoircdcs Impériaux
àHochstedt, et les secours que Léo-
pold reçut de la Hollande et de l'An-
gleterre, bii permirent enfin d'en-
voyer des troupes en Hongrie. Ra-
gotzky, malgré sa prudence, ne put
éviterquelques actions, dans lesquel-
les il fut battu. Desalleurs , que la
France envoyait près de lui, comme
ambassadeur, arriva; mais il n'était
accompagné que de deux ingénieurs,
et n'apportait ni les armes ni l'ar-
gent promis. Dans cet abandon, Ra-
gotzky conserva toute sa fermeté.
Ses troupes , qui ne pouvaient op-
poser aucune résistance aux Autri-
chiens , les fatiguaient par des mar-
ches continuelles, et pillaient sou-
vent leurs bagages et leurs vivres.
H s'empara lui-même de quelques
villes mal défendues , et prit ses
quartiers d'hiver dans des mon-
tagnes où l'ennemi n'osait s'engager.
Eu 1707, Ragotzky prit posses-
sion de la Transsylvanie, après avoir
juré de maintenir les lois et les pri-
vilèges du pays ; et, à son retonr , il
convoqua les états de Hongrie , dont
il fut élu président à la presque-una-
nimité des suffrages. La session s'ou-
vrit d'une manière orageuse. Les
députés du comté de Turviz , ven-
dus à l'Autriche, accusèrent Ragotzky
d'être le seul auteur de la prolonga-
tion de la guerre. Le prince se justifia
par un discours qui produisit un tel
effet sur l'assemblée , que les députés
se levèrent en tumulte. Des deux ac-
cusateurs de Ragotzky , l'un fut mas-
sacré sur son siège ; et l'autre, griè-
vement blessé, périt, ])eu de jours
après, sur l'échafaud. Le reste de la
session fut employé à chercher des
moyens de continuer la guerre contre
35
54^) RAG
rAuliiclic. Le sTslcmcqu'avait adop-
té Raç^otzky, d'éviter toute bataille
ranp;cc, pouvait la prolonger encore
plusieurs années : mais surpris , eu
1-08 , près de Trenczin, il fut de-
fait enticrcraent. el l;iissa ses équipa-
ges et toute son artillerie au pouvoir
des vainqueurs. La mésintelligence
se mit alors parmi ses généraux :
quelques-uns passèrent du côlé des
Autriclicus ; cl ceux qui lui restaient
fidèles en apparcnre, refusèrent de
lui o!)éir , ou paralysèrent toutes ses
dispositions. Le secours qu'il avait
demandé, n'arrivait point. Pour com-
ble de malluiir, la peste se déclara
sur les frontières , du côlé de la Tur-
quie,et il se trouva dansTimpossilii-
lité de communiquer avec les |)la(es-
forlçs qui tenaient encore pour lui.
Toute résistance dcvendt donc im-
possible. Ragotzky , s'en étant con-
vaincu, résolut d'écrire à l'empereur
peur lui recommander les malheu-
reux Hongrois ; et ayant réuni quel-
ques sénaleu! s , il les dégagea du ser-
inent de fidélité, les priant de lui
remettre les siens , et partit pour la
Pologne , le 1 février 1710. A|)rès
avoir erré quelque temi)S dans les
diflerents pays du nord , il vint en
France, eu "i-ji3, et fut accueilli
par Louis XIV, qui lui assigna une
pension considérable. Dégoûté des
granleurs, il demanda la permission
de se retii er dans la maison des Cam-
aldulesdeGrosbois.où, sous le nom
de comte de Saros, il passa plusieurs
années, paitageant son temps en-
tre l'étude, la méditation et les exer-
ciccs de piélé. I^e cabinet d'Aulriclic
ayant demandé son cloigaement de
France, il partit, en 1717, par Mar-
seille , et ne put trouver d'asile que
dans les états du Gmud-Turc. 11 ob-
tint pour retraite la ville de Rodosto
près de la mer de Marmaia j ce fut
RAG
là qu'il mourut , le 8 avril 173^. Le
prince Ragolzky avait composé plu-
sieurs ouvrages , entre autjcs, des
Médilailons sur V Ecriture sainte •
des Confessions (a), qu'il cile plu-
sieurs fuis dans ses Mémoires , pu-
bliés par l'abbé Rrenner,dans hs
tomrs V et VI de V Histoire des ré-
volutions de Hongrie , la Hâve ,
1789, édition in-i'.>.. On a le Testa-
ment politique et moral du jtrince
Rticoczi , 1 731, in-12; mais c'est un
ouvrage supposé. , \V — s.
RAGLM«:^ET ( François ) , litlé-
ratctir estimable, né vers 16G0 , à
Rouen , embrassa l'état ecclésiasti-
que , et devint préeeptcnrdcs ^le^eux
du cardinal de BduiHoii. Cetti' j)l.ice
lui laissant le loisir de cultiver sou
gdût pour les lettres, il se signala
dans les concours de l'académie liaii-
çaise ; obtint , en i(J85 , un accessit
par un discours sur ce sujet, Pe la
patience et du vice qui lui est (on-
traire ( 1 ) ; et, deux ans après , rem-
porta îe prix par un discours : Sur
le mérite et Vutililé du Martyre.
Kncouragé par ce pioniicr succès ,
il publia la Fie de Croinwel , qui
reçut un accueil favonible. L'abbé
R.igucnrt suivit, en i('98, le cardi-
nal de Rouijion à Ruine; et, ]'en-
danl deux ans, étudia les cliefs-d'ccu-
vre des arts qui décorent les j)alais
et les églises de; la capitale du monde
clirétien, La /^<;jcn/;a'('H qu'il «iidon-
na , pende temps ajirès son retour à
Paris , lui valut des iellres de citoyen
romain, titre (pii le flatta beaucoup
(»1 Si'Ion ion dftir, le manuscrit de ces dpin oii-
Tragp» , el ««tiffrur cinhauiiié. l'iirrnl lraii!mn\ aux
Caii.alduli » de Gi osbi is L- P. Maraiie Pi ne, gê-
nerai de cetoidiir , consacra , en i-'i- . à la mémoire
de ce |>r.Dcc, un nionnnienl dm.l l'iim riiitinn reli :.r.r
lef iirinci|>->ux (rjil» de na vie ( Voy. Jej /iiinaUt
Cum'iUiiUii'CS , \III, 53^, el la 'jjinertiilinn de
M. ChaDii>olIi<'n Tigeac siii une ancienne snil/itiire
greci/tie, dans le l\Itif;n>. enryrl., 1811 , IV, a-i).
(i "] Ce fut Fonlenelle qui rcmporU le prit.
RAG
(2) et qu'il ajout» depuis à son nom.
Pendant son séjour à Rome , il s'était
passionne pour la musique italienne;
et il entreprit de de'montrer sa supe'-
rioritc sur la triste psalmodie des
Lulli et des Campra : mais les parti-
sans du chant français ne purent lui
f)ardoi)iier d'avoir jcle'du ri liculc sur
es objets de leur culte; et peu s'en
fallut qu'on ne vît alors une guerre
aussi terrible que celle qu'excita, plus
tard,îa première apparition des bouf-
fes , ou la rivalité de Gluck et de
Piccini. L'abbé Raguenct eut le bon
esprit de céder à l'orage. Il paraît
qu'il s'éloigna de Paris , sur la fui de
sa vie ; et l'on conjecture qu'il mou-
rut en i^ai, dans la retraite qu'il s'é-
tait choisie. Outre les deux Discours
donton a parlé et qui sont insérés dans
les RecueiL de l'académie française ,
on a de lui : I. Histoire d'Olivier
^romweZ, Paris, Barbin, 1691 f3),
în-4"., en 2 vol. in- 12; elle est écrite,
selon Bayle, avec assez d'impartia-
lité dans tout ce qui n'a pas trait di-
rectement à Cromwell. On la recher-
che encore à cause des pièces justi-
ficatives ; et c'était la seule qu'un pût
consulter avant que M. Villeraain eût
publié son excellente Vie de cet usur-
pateur (/^. Cromaveix, X, 3o'2). H.
Des monuments de Rome, ou Des-
cription des plus beaux ouvrages de
peinture , de sculpture et d'architec-
ture , qui se voient à Rome et aux
environs , avec des Observations ,
ibid, 1700, in-12; Amsterd., 1701 ,
même format. III. Parallèle des
Français avec les Italiens , dans la
musique et dans les opéras , ibid. ,
(«) Cpspatentrs, dafpps clii iÇ) février 1701 , sont
rapportoes par M. Giiilbert .dans ses Mém hlo^r. ,
ÎI , 593. Il ajoute que depuis Montaijjue aucun
Français n'avait obtenu cet honneur.
(3) Et non pas en iG-i , corame le disent tous les
biographes, erreur cjul a passé dans la Bio^iapliifr
aVart. CromwciL
RAG
BA
'M
1702 , in-i'j. Cet ouvrage fut vive-
ment critiqué par Lecerf de La Vievil-
le, compatriote de Raguenet( F. Le-
cerf, XXIII, 509 ). IV. Histoire
abrégée de V ancien - Testament ,
ibid, , 1708 , in - 8°. ; réimprimée
plusieurs fois. V. Vie de Turenne.
R;iguenetla composa par l'ordre et
sous les ypux du cardinal de Bouil-
lon , qui lui avait appris plusieurs
particularités intéressantes : elle était
restée en manuscrit ; et Ramsay , qui
l'avait eue à sa disposition , dit que
les faits sont vrais et les dates exac-
tes, et que la narration est claire,
mais qie Raguenet semble plutôt
avoir écrit un journal qu'une histoi-
re ( F. La Préface de l'histoire de
Turenne, par' Ramsay). Malgré ce
jugement peu favorabîe, la Fie de
Turenne , par Raguenet, a été im-
primée enfin à la Haye, Paris, 1738 .
'2 vol. in- 12; et les différentes édi-
tions qui se sont succédé prouvent
qu'elle jouit de l'estime générale. Le
libraire Barbou en a publié une nou-
velle édition, en 1806, revue avec
soin , et enrichie d'augmentations
qui viennent de bonne main ( F. La.
ISouvelle biblif'thèque d'un homme
de goût , par M. Barbier, IV , 25 ).
On a quelquefois attribué à Bague-
net les Aventures de Jacques Sa-
dejir, mais c'est à tort ( F. Gab.
FoiGNY ). W s
RAGUET (Gilles-Bernard),
littérateur, naquit eu 1668, à Na-
mur , et vint fort jeune à Paris , où .
après avoir terminé ses cours de
théologie , il embrassa l'état ecclé-
siastique. II entra dans la commu-
nauté des prêtres de Saint-Sulpice ,
et partagea son temps entre ses de-
voirs et l'étude. Ses talents l'avaient
fait connaître de l'cvêque de Fréjus
( depuis cardinal de Fleury ). Ce
prélat employa l'abbé Ragutt à l'c-
35..
548 RAG
diicalion de Louis XV , et lui fît ob-
tenir plusieurs hene'fices , entre au-
tres le prieure' d'Arj;enteuil. Il obtint
dans la suite la place de directeur
spirituel de la compagnie des Indes,
et mourut à Paris, le ao juin l'j^S,
à quatre vingt et lui ans. Raguet a
coopère, de i-joS à 1721, à la
rédaction du Journal des savants.
On cite de lui : I. La Nouvelle Atlan-
tide de Kr. Bacon , trad. en français
et continuée, Paris, \']o>. , in-n.
IL Histoire des contestations sur la
Diplomatique , avec l'analyse de cet
ouvrage compose par le P. Walùllon,
Paris , 1708 , ia-ri ; Naples ( Ge-
nève ) , 1767 , in-8°. On y trouve
l'analyse exacte et impartiale des
objections du P. Germon et des au-
tres adversaires du système du sa-
vant bénédictin , avec les re'ponses
de Mabillon et de ses confrères. Mal-
gré la neutralité qu'affecte Raguet ,
on voit qu'il penche j^our le P. (ier-
TOon ( P''. ce nom ). IlL Explica-
tion d'un bas relief en bronze ( sup-
posé antique ) du cabinet de l'abbé
IJignon (dans les Mémoires de Tré-
voux , juillet 1714, et dans le Jour-
val des savants , avril 1715, page
'ixZ ) : ce bas-relief, (pii représente
les noces de Thétis et de Pelée , a été
gravé par M""^. Lehay ( /''. Chéron).
W— s.
RAGUSA ( JtBÔME ), savant jé-
suite , naquit, en iGGï , à Modica ,
dans la Sicile. Il embrassa la règle
de saint Ignace , à seize ans; et après
avoir teirainéses études , il professa
la philosophie et les différentes bran-
ches de la théologie , avec un suc-
cès qui lui mérita l'cslimc de ses
compatriotes. Dans ses loisirs il cul-
tivait la littérature , ou s'occup;iit
de recherches d'érudition. On igno-
re l'époque de sa mort ; mais il pa-
raît qu'il vivait encore eu 17 li.
RAH
IMongitore, dans le deuxième ^/j^ctî-
dix de sa Biblioth. Sicula , cite en-
core de lui quelques ouvrages pu-
bliés en 17 r2 et 1715.N0US indique-
rons les suivants : I. Elog;ia Siculo-
rum qui veteri memorid litteris fia-
ruerunt, Lyou, 1G90 , in-ri.honda-
Ragusa , neveu de l'auteur , a piiblié,
sous son nom , une nouvelle édit. de
cet ouvrage, avec des additions {Sici-
liœ biblioth. vêtus ) Rome, 1700,
in-^'^; et Burmann l'a inséré dans
le Thésaurus antiquit. Jtaliœ, lom.
X, 14. II. Fragmenta progj mnai-
matum diversorum , Venise, 1706,
in-8'J. IJI. Bagionamenti, panegi-
rici, etc. , ibid. , 170G , in-r^. On
trouvera dans la Biblivtlieca Sicula
dc3Iongitorc , i , .>84-8j , l'Éloge de
de P. Jér. Ragusa , et les titres des
ouvrages qu'il a laissés en manus-
crit, parmi lesquels ou distingue:
Sicilict biblioth. vêtus et recens ,
I vol. in^". W — s.
RAHN ( Jean-Henhi ), historien
et biographe suisse , né à Zurich ,en
1G4O , mort le -iO sept. 1708 , était
seckclmeister on questeur à Zurich,
II fut employé à diverses missions
et autres affaires d'état , et cliargé,
dès \(')l')(j, du soin de la bibliothèque
de sa ville natale. Il a fait des re-
cueils immenses sur diverses ma-
tières relatives à la Suisse. Ces re-
cueils , encore manuscrits, se mon-
tent à lOo volumes. Il avait or-
ganisé , en 1G7Ç) , avec quelques
amis des lettres et des sciences , une
société savante qui subsista plusieurs
années à Zurich sons le nom de Col-
legium philomusorum. Rahn eu
conservait les Mémoires parmi ses
manuscrits (i). Il composa , pour
celte société , divers morceaux sur
(i) Ce rerncU forme ^i- pa;^. in-ful., ef sr (ernit
ne ^ t*<>Q ïi'Ai, Halier e* a donné rcrtr^iit raiâouuv
ilaOÂ id BibUolli. hisl. iuusc , t. Il , u^, i5i.
I
RAH
les rapports politiques de la Suisse
avec les puissances voisines. On
trouve encore, parmi ses manus-
crits , un ouvrage intitule' : Me-
thodus stiidii historico-politici Hel-
velici , et une Biologia historico-
Helvetica : c'est un Dictionnai-
re de deux cent huit auteurs, dont
Rahu cite et juge quelquefois les
ouvrages , et fait connaître briève-
ment la vie. Il existe en Suisse, des
copies de cette biographie, sous le
titre de Catalogns bibliothecœ Rha-
nianœ. Il a écrit , en outre , Histo-
ria belli Burgundici, demeurée ma-
nuscrite : son ouvrage le plus im-
important est son Histoire de la
Suisse , en allemand , conlinue'e par
Bodmer de 1 676 à 1 7 1 1 , mais dont
on n'a imprimé qu'un abrégé , Zu-
rich, 1690, in-8°. ,de ii-japag. —
Son père (Jean-Henri Rahn) , 1:^111
de Kybourg, mort en 1676, avait
publié en allemand un Traité à! Al-
gèbre , qui fut traduit en anglais , et
il a laissé d'autres ouvrages de ma-
thématiques. — Un troisième Jean-
Henri Raun , né en 1749 ? et de la
même famille, pratiqua la médecine:
nommé professeur de physique au
gymnase de Zurich , il fut en 1 782
l'un des fondateurs de l'institut médi-
co-chirurgical, ou il donna des cours
de pathùlogiectde thérapeutique. Il
eut part à beaucoup d'autres établis-
sements du même genre , qui eurent
lieu en Suisse vers cette époque , fut
créé comte -])alatin par l'électeur
Charles-Théodore, et député de son
canton à l'assemblée nationale hel-
vétique , lors de la révolution de
1799 : il mourut le 1 août 181a ,
après avoir publié plusieurs ouvrages
de médecine, recueils périodiques et
pièces académiques , la plupart eu
allemand. — Jcau-Ilenri-Guillaunic-
Raun , ne à Waibcck , au pays d'Haï
RAI
549
berstadt , le 7 décembre 17G6, mort
le 7 juillet 1807 , jurisconsulte-as-
sesseur à un collège de l'université
de Helmstadt et d'un tribunal d' Al-
loua , a laissé en allemand quelques
ouvrages sur divers points de juris-
prudence , et contre les jeux de ha-
sard. — Jean-Rodolphe Rahn , bour.
guemestre de Zurich , en i644 ■> est
auteur d'un ouvrage qui fut traduit
en français sous le titre de Discours
véritable sur Vétat des trois ligues
communes des Grisons , 1G21 , in-
4°. , dont il parut un extrait : Som-
maire description de Vétat présent
des trois ligues ^ 1624 ,in-4*'. D — g.
RAI (Jean),>oj. Ray.
RAIDEL (George-Martin), sa-
vaut bibliographe, naquit à Nurem-
berg , le ii6 août 1702. Après avoir
terminé ses études théologiques avec
succès , il fut admis au saint minis-
tère, et pourvu de quelques bénéfices.
Entraîné par son ardeur pour les
recherches littéraires, il avait par-
couru l'Allemagne pour visiter les
savants et les bibliothèques. La publi-
cation de l'ouvrage dont on parlera
tout-à-l'heure le fit connaître d'une
manièreavantageuse; et l'on attendait
de nouveaux fruits de ses travaux ,
quand il fut enlevé par une mort
prématurée , le 28 janvier 1741. Ou-
tre une édition d'une partie de la
correspondance de Jean-Gérard avec
les érudits de son temps (/. Gerardi
litlerarium quodcum doctis hahuit
commerciwn ex parte editum , Nu-
remberg , 1 73 1 , in-8°. ) , et la Géo-
graphie du moyen dge , publiée par
J. D. Kochler, en 1737 , dont il
composa la seconde partie ( ^^oy,
KOELER, XXII, 520, U». IX ), OU
ne connaît de Raidel qu'une Disser-
tation intitulée : Commentatio cri-
t Lco -lit ier aria deCl.Ftolemœi Geo-
graphid , e jusque codicibus tam
)5o
RAI
jnanuscriptis quàm tjpis expressis ,
Nuremberg;, 1787 , in- 4". Cet ou-
vrage est divisé en douze chapitres :
le premier contient de savantes re-
ihcrclics sur la vie et les écrits de
l'toléinc'e , et en particulitr sur sa
(uograi)liie; le second, la notice des
manuscrits grecs de cet ouvracc ,
Il ri '
conserves dans les principales l)i-
Lliothèques del'Europe, et dont les
meilleurs, selon Raidel , sont ceux
de Vienne et de la bibliotlièquc Saint-
IMarc à Venise ; le troisième, celle
des manuscrits latins ; le quatrième,
la description du précieux manuscrit
que possède la bibliothèque de Nu-
remberg de la version latine de J.
Angélus , avec les caries de Nicolas
Donis , bénédictin allemand , que
IMaittairc confond avec Nicolas Ila-
lin , dont il fait un imprimeur ( r'.
DoMs , XI , 5:")8 }; ce manuscrit est
richement orné , et relié par des
cercles d'or. Dans le cintpiième cha-
pitre, on trouve l'indication des cdi-
1 ions grecques et des clitions grecques
et latines: la première édition grec-
que fut publiée parKrasmc, d'après
un manusciit de Th. Fellirh , mé-
decin d'Ingolsfadt, Bàlc , Froben ,
1 5Î3 , in-4". ; clic fut suivie de l'é-
dition de Paris, Wechcl , i5\() ,
in-4". ; <^t il tn parut une troisième
édition par les soins de Monlanus,
Arasterclam , iGo5, in- fol. , avec
une version latine. Raidel prétend
que l'e'dilion de 1G18, publiée par
Ijcrtius, ne diflere de la précédente ,
que par le changement du frontis-
pice ; mais c\'st une erreur ( foj.
Bertil's, IV, 3G<) ). Le sixième
chapitre traite des éditions latines
du quinzième siècle, au nombre de
sept. La première, comme on sait ,
est celle de Vienne , 1 47''- Parmi les
autres , on dislingue celles de Rome,
i478;dcBologU'j , 14B2, célèbre par
R.U
sa date fautive , qui la reporterait à
i4Gi(r.PT0Li:MÉE, XXXVI, 277,
not. 5) , et d'Ulm , i 48u , dont le
cardinal de Brieiine possédait l'excm-
plaire sur vélin offert par Donis
lui -même au pape Paul II ( Voy.
['Index du P. Laire , 11, 6'i). Le
septième chapitre contient la liste
des éditions latines publiées pen-
dant le seizième siècle , au nond)re
de quinze, parmi les(|uellcs on dis-
tingue celles que l'on doit au fameux
Servet ( f^oj'. ce nom ); et le hui-
tième, la description des deux seules
éditions du dix-septième siècle, l'une
tl'Andicim , 1G07 , et l'autre de
Bologne, 1G08. Dans le neuvième,
Raidel donne le résultat de ses re-
cherches sur les versions de la Géo-
graphie de Ptolémée , dans les lan-
gues modernes; le dixième cliajiitrc
tra^ des éciivains qui ont annoté
cet ouvrage, ou qui l'ont éclairci
par des commentaires ; le sui-
vant indi([ue les dilléiences que l'on
remarque entre le texte de Ptolémée et
les cartes d'Agalhodémon d'Alexan-
drie, et celles delNicolas Donis; enfin
dans le douzième , il parle des dillé-
rentes éditions annoncées de la Géo-
graphie de Ptolémée , et qui n'ont
point été pidjliées. Cette analyse suf-
fira pour faire apprécier l'ouvrage
de Raidel , et justifier les éloges des
autcms contemporains qui en ont
rendu compte. Murr y a néanmoins
signalé quelques erreurs ( P^. IMurk,
XXX,4';G,n«. IX ). VV— s.
RAIMOND (Saint), surnommé
de Pennafout, du nom d'un château
de Catalogne dans lequel il naquit
en 1 17'î , descendait des coinles de
Barcelone, et sa famille était alliée
aux rois d'Aragon. Il montra de bon-
ne heure des dispositions peu com-
munes pour l'étude; cl il fit des ]/• o-
j^rès si rapides dans les scicncen ,
I
RAI
qu'à vingt ans, il fut en état d'ouvrir
un cours gratuit de philosophie. lise
rendit en Italie, pour se perfection-
ner dans la connaissance du droit j
et , après avoir reçu le laurier doc-
toral à l'université de Bulof^ne, il y
fut pourvu d'une chaire, qu'il rem-
plit avec aulant de zèle que de dé-
sintéressement. Berangcr , évêrpiedc
Barcelone, revenant, en 1219, d'im
voyage qu'il avait f;iit à Rome, en-
leva Raimond à l'afTeclion des Bolo-
nais , le nomma chanoine de sa ca-
thédrale, et le revêtit successivement
des premières dignités du chapitre.
Mais R'iimond, que son goût portait
à la retraite, prit la résolution de
s'ensevelir dans un cloître, et entra
dans l'ordie des Frères-Prêcheurs,
en i22'i, huit mois après la mort
de saint Dominique. 11 avait alors
quarante - sept ans; et cependaiil»il
ne voulut être dispensé d'aucune des
épreuves du noviciat. 11 choisit, par-
mi ses confrères, un directeur, et le
pria de lui imposer quelque péniten-
ce, eu expiation de la vanité qu'il
avait montrée dans le monde. On le
chargea de composer un Recueil des
cas de conscience pour l'instruction
des confesseurs. Ce travail impor-
tant ne l'empêcha pas de se livrer
avec ardeur à la prédication, et de
remplir tous les devoirs de l'état
qu'il avait embrassé. Bientôt il fut
consulté de toutes parts ; et l'on vit se
ranger sous sa direction les hommes
de la piété la plus éminente ( /^ St.
Pierre Nolasque , XXI , 347 )•
Jayme l^""., roi d'Aragon , se fit ac-
compagner par Raimond au concile
qui prononça la dissolution de son
mariage avec Éléonorc deCastille,
sa cousine germaine. Raimond j)ar-
la , dans cette assemblée, avec tant
d'éloquence et d'action, que le légat
le cha
l'gca ae prêt. lier une croisade
RAI 55 1
contre les Maures. Eu laSo, le pape
Grégoire IX , instruit de sa capacité,
le fit venir à Rome, le nomma son
confesseur et son gi and-pcnitcncier,
et le choisit pour recueillir les dé-
crets des papes et des conciles , pos-
térieurs à l'année i i5o , où finit la
compilation de Gratien ( Foy. ce
nom ). Ce travail l'occupa pendant
trois ans; et, en ia35, Grégoire
nomma Raimond à l'archevêché de
Tarragone : mais celui-ci s'excusa
d'accepterun fardeau qu'il jugeait au-
dessus de ses forces; et le pape, cédant
à ses instances, accepta sa démission,
en exigeant qu'il désignât lui-mê-
me son successeur. Peu de temps
après , il obtint la permission de re-
tourner en Espagne, et se hâta de
rentrer dans son couvent, où il re-
prit ses ])remiers exercices avec la
même ferveur qu'avant de le quitter.
A peine goûtait-il le plaisir d'être
rendu à la vie privée, qu'il fut élu
général de son ordre, en 1288. 11
recourut vainement aux prières et
aux larmes pour être dispensé tl'ac-
cepter celte diguilé : il fut oblige de
se soumettre, Raimond fit à pied la
visite dos maisons de l'ordre; et,
malgré la fatigue du voyage, il ne
diminua rien de ses austériiés. Il re-
vit la règle laissée à ses religieux par
saint Dominique, en disposa les ar-
ticles dans un meilleur ordre, et y
joignit quelques dispositions nouvel-
les, qu'il fit approuver par les divers
chapitres d'Espagne, de France et
d'Italie. En \'if\0 , il se démit de
ses fondions, sous prétexte de son
âc:e,etrepritnéanmoins avec joie ses
tiavaux evangeliques. Il a con-
tribué à l'établissement de l'inqui-
sition dans r Aragon et dans les pro-
vinces méridionales de la France ,
mais avec le soin de ne placer dans
les tribunaux du Saint - Cfiice que
552
RAT
des hommes connus p.ir leurs lu-
mières et leur charité. Il stimula le
zèle de Raimond I^ulle, cnj^açica ses
confrères à étudier l'arabe et l'hé-
breu, pour mieu\ travaillera la con-
version (les Maures et des Juifs, et
fonda deux chaires d'araLe , l'une
à Tunis et l'autre à Mincie. Il ac-
compagna le roi Jayme dans un
voyageque ce prince lit à IMaïorque,
et y allerrait la foi catholique, par
ses prédications et ses exemples.
Sentant sa fin prochaine, il s'y pré-
para par la prière et par les exer-
cices delà pénitence, et mourut à
Barcelone, le G janvier \'2-j, dans
sa centième année. L'Église célèbre
la fcle de saint Raimond de Penafort,
le '.«3 du même mois. Le Recueil de
Decrétales, compilé par cet illustre
doclciM', fut imprimé à Maienre, par
P. Schoeilèr,e:i i473, in-fi»I.Il enpa-
rut un grand nombred'éilitionsjdans
le quinzième siècle, parmi lesquelles
les curieux recherchent surtout cel-
le qu'on vient de citer, et les deux
édi;ions de Rome, i474 i in-fol. Cci
ouvrage forme la seconde jiarlic du
corps de droit canonique ( r. Grl-
r.oinE IX ). La Somme de saint
Raimond , intitulée Suninia de pœ-
nitentid et viatrimoniu , a souvent
été réimprimée dans le seizième
siècle , avec des commentaires ;
mais la meilleure édition est celle
qu'a publiée le P. Laget, Lyon, 1718,
in - fol., ou celle de Vérone, 174 ii
in fol. Un certain Adam en a donné
un Abrégé, en vers hexamètres , Co-
logne, i4<)B, i5o2, in -4°., et Ve-
nise, i56() , iii-H''. On peut consul-
ter , pour de pbis grauds détails, la
JJildiot. Frut. Pnedicator. , par le
P. (^uetif, I, 109, oii l'on trouvera
Ils titres de quelques 0/Juscults de
saint Raimond , dont on n'a pas cru
devoir alougcr cet article. La rie
RAI
de saint Baimnnd , écrite en latin ,
par le P. Pcuna, Rome, lOoi , in-
4"., est très-détailléc, mais manque
de critique. L'auteur l'a compose'e
d'après d'anciennes traditions dont
l'ai;thenticité n'est pas bien prouvée.
Ou lira avec plus de fruit celle que
le P. Touron a insérée dans le tome
I *=•■. des Hommes illustres de l'ordre
de Saint- Dominique. W — s.
RAIMOND IV , dit Raimond de
Saint Gh.lks , comte de Toidouse ,
duc de Narbonnc , marquis île Pro-
vence, naquit vers l'an io4'->-, de
Pons, comte de Toulouse , et d'Al-
modis , fdle du comte de La Marche.
Son frère aîné, Guillaume IV, se
vovant sans enfants, lui céda , ou
vendit, en 1088, la souveraineté de
Toidouse , et ses autres domaines ,
que Raimond agrandit encore par ses
ar^s : tout le Languedoc moderne,
l'Albigeois, le Ouerci , l'Agcnois ,
le Houcrgue , le Périgord , etc. , for-
maient ses vastes états , auxquels il ne
tarda pas à joindre une partie de la
Provence , par droit de succession ,
ayant épouse , en 1 oGG , la fille de
Bertrand J'"^. , comte de Provence ,
quoiqu'elle fût sa cousine germaine ;
ce qui attira sur lui les foudres de
l'Église. • En 1080 , il épousa en
secondes noces I\Lithilde , fille du
comte de Sicile , nièce du célèbre
Robert Guiscard ; et en troisièmes
noces ( io()4)» Klvire, fille d'Al-
phonse VI , roi de Castille , auquel
il avait porté du secours contre les
Maures. Raimond de Saint Gilles est
principalement connu par la part qu'il
])rit à la première croisade f 109O ),
où il fut mis sur les rangs pour ob-
tenir la couronne après la prise de
Jérusalem ( F. Godefuoi de Bouil-
lon , XVII, 5Jo). Après la mort de
Godefroi , le sceptre fut encore of-
fert au comte de Toulouse , qui le
RAI
refusa, content des domaines acquis
par sa valeur. Il assiégea la forte
ville de Tripoli , et bâtit , dans le
voisinage , la forteresse de Châtel-
Pelerin : il re'sidait souvent aussi à
Laodicée. Sa vie , de ce moment ,
ne fut plus qu'une suite d'événements
f:;uerriers , ou de voyages politiques.
Il se rendit à Constantiuople pour
traiter avec l'empereur, et ramena
en Asie une nouvelle armée de croi-
sés , en iioi. Après s'être trouvé
à vingt batailles, il tomba au pouvoir
du neveu de son ennemi Bobémond ,
qui le retint prisonnier dans Antio-
che ; mais il fut délivre par le vœu
unanime des seigneurs français , qui
le choisirent même pour chef dans
leur dernière expédition. Il mourut à
Châtel-Pélerin, le 28 février de l'an
1 io5. Bertrand , son successeur, né
de sa première femme , prit en
II 09, Tripoli (i), qu'il assiégeait
depuis sept ans : il mourut trois
ans après , et laissa ses états d'Occi-
dent, à son frère Alphonse-Jourdain,
ainsi nommé parce qu'il avait été
baptisé dans ce fleuve, étant né en
Palestine, en i io3. Z.
RAIMOND V, fils d'Alphonse-
Jourdain, naquit en 1 134. Il épousa
Constance, filleduroiLouis-le-Gros ,
mais il la répudia, et refusa de la
reprendre, malgré tous les efforts du
pape pour les réconcilier. Il eut à dé-
fendre ses états contre Henri II, roi
d'Angleterre , qui prétendait y avoir
des droits, du chef de sa femme Élco-
nore de Guienne. Piaimond fut même
(1) Ce fut eu cette occasion que périt la fameuse
l)ibliotlièi[Ue de Tripoli , la plus riche qui eût existé
jusqu'alors : ou y coniplait trois uiiJlious de volu-
uies , si l'ou eu croit \e^ Lisloriens arabes. Il y avait
jusqu'à 5o,oco copies du Corai. Les vainqueurs,
voyaot une multiluded'exemjjlaîresde celivre, cru-
reut que la bibllotlj- que ne coutenait pas autre cho-
se , et tout lut abaudonué aux tlaïuiues : il n'échappa
qu'un petit uumbre de livres qui furent disperses eu
dittcrcuts pays ( Mém. géo^, sur l'É^/'te , par
M. I;, Quatreuitre , II , Sut) ),
RAI
553
assiégé dans sa capitale ; mais les
secours de son beau-frère , Louis-le-
Jeune , et son propre courage , obli-
gèrent l'ennemi à se départir de cette
entreprise ; et une trêve , plusieurs
fois renouvelée , mit fin à celte
guerre. Celles que firent au comte de
Toulouse , Alphonse IV , roi d'Ara-
gon , et quelques-uns de ses vassaux,
se terminèrent aussi à son avantage ;
et , par un traité avec le vicomte de
Nîmes , il réunit à son domaine ,
cette ville et son territoire. Il per-
mit aux habitants de substituer de
nouveaux murs à ceux qui avaient
formé l'enceinte romaine , depuis
long-temps ruinée; et c'est derrière
ces nouvelles murailles qu'on a trou-
vé , en 1790, à-peu-près intacte,
une porte antique , dont l'inscription
a révélé l'époque jusqu'alors ignorée,
de la construction des portes et des
murs dont l'empereur Auguste envi-
ronna la ville. La barbarie du siècle
ne permet pas de faire honneur à
Raimond de la conservation de ce
monument. Cependant il aima les
lettres autant qu'on pouvait les aimer
alors : il protégea les troubadours ;
et plusieurs ont consacré dans leurs
vers , le souvenir de ses bienfaits , et
l'expression de leur reconnaissance.
Sa cour, qu'il tenait presque toujours
à Saint-Gilles, paraît avoir été spi-
rituelle et galante. Il résidait aussi
quelquefois à Nîmes : il mourut dans
cette ville , vers la fin de i 1 94-
V. S. L.
RAIMOND VI , dit le Vieux ,
comte de Toulouse , fils du précè-
dent, naquit en 11 56. Neveu, par
sa mère , du roi Louis-le-Jeune , et
allié aux principales maisons souve-
raines ,il épousa, en quatrièmes no-
ces ( 1 1 93) , Jeanne , veuve du roi de
Sicile , et sœur du roi d'Angleter-
re , Richard Cœur - de - Lion. Ce
554
KAI
fut hous son règne que l'iicn'sie 'îcs
Albigeois (it les prop;rèslcs plus rapi-
des. (Contenus pai- h fermeté de R.ii-
mond V ( /'. ÎMAvr.ANn), et confon-
dus au concile dt- [.ornbès, ils avaient
pris le parti du silence ; et ce n'était
que d.ins l'ombre qu'ils a-^^issaient.
Saint Bernard , et s.iint Dominique
{K. ce nom, XI , 5i5 ), prêcLt-rent
contre eux , ainsi que plusieurs au-
tres docteurs recommanJablcs par
Icursciencc et Inirs vertus. Les chefs
des Albigeois, Pierre de IJruix, Hen-
ri Olivier, clc , furent toujours vain-
cus dans les conférences qu'ils vou-
lurent euf^ager : mais leur opiniâ-
treté croissait de leur défaite même.
Raimond VI mettant peu de zèle à
les empècherdc se répandre , le pape
Innocent 111 envoya, en i U)2, deux
religieux, en qualité de coiumissai-
res , dans la Provence, le Lyonnais ,
le Dauphine et le Lauf^uedoc. Le pre-
mier, nonim j ArniulJ, sortait Jel'il
lustre maison de N arbonne : il était
abbc'dc Citeaux, et recommandable
par ses vertus airisi que par son
adroite politique. Le second , Pierre
de Gastpin.iu , était le'solu de pour-
suivre rhcrcjie sans ménagement.
Les prélats , Ls seigneurs , et gcnc-
raleraent toutes 1rs autorités , étaient
nienacés de l'excommunication s'ils
refusaient de i)rctcr main-forte à ces
légats , pour les assister utilement
dans leur opération. Les légats dépo-
sèrent les évcques de Hezicrs, de Vi-
viers tt de Toulouse, l'arrhevèqucdc
Narbonne, tous accusés de montrer
trop de faiblesse ou de pencher en
faveur des nouvciles opinions. Rai-
mond , taxé de favoriser les héré-
tiques , fut excommunié : intimide
par la menace d'une croisade dirigée
contre lui , il demanda l'absoliition ,
s'attira encercles foudres de l'Église,
éclata en menaces, cl, sur ces entre-
RAI
faites , Pierre de Castclnau ftil assas-
siné. Ce meurtre saciilége impu-
té au comte de Toulouse , devint
le signal d'un soulèvement universel
contre lui ; on p\iblie une croisade ,
on court aux armes de toute part :
vainement il proteste de son iniuicen-
ce; la présomption était trop forte:
il n'avait pas fait punir l'assassin j
et ses amis les plus chauds conve-
naient an moins que s'il n'avait pas
ordonné le crime , il l'avait vu com-
mettre sans regret. Cependant l'orago
s'approche , les croisés menacent les
états du comte Haimond : il s'Iiumi-
lie, et obtient une absolution nouvel-
le, après avoir, pour g.Tge de sa sin-
cérité, livre sept places-fortes au lé-
gat Milon. Pendant (pie ces clioses se
passaient dans le Languedoc, on pre-
nait la croix dans toutes les villes
du Pt)yaume. Ajtrès la Saint- Jean de
l'an i9.of), le Rliùne jiai ut couvert de
plus de trois cent mille soldats, ap-
pelés pèlerins : à leur tète on voyait
Odon , duc de liourgogne ; Pierre de
Courtcnai, comlcd'Auxerre; lecora-
te de Nevers , ceb\i de Sain!-Pol ; h;
comte Simon de iMontfort , lièros de
la croisade , et une foule d'autres
Îirinces et grand s capitaines. Raimond
ui-mèmr marchait avec eux : le lé-
gat l'avait exigé ainsi. La campagne
s'ouvrit par le siège de Ikziers, pla-
ce qui passait pour imprenable, et que
l'on regardait comme le boulevart
des Albigeois. Mais ses remjiarts ne
lui servirent que faiblement ; elle fut
emportée d'assaut, et, suivant les
plus modérés, vingt mille hommes
y furent passés au (il de l'épée. De
Beziers on se rendit devant (iarcas-
sonc , défendue par le jeune Roger-
Trincavel , neveu du coraie Raimond.
On essaya en sa faveur les voies d'ac-
commodement :leroi d'Aragon, qui
î'eu mêla , ne put y réosiir. ]j« vdio
RAI
fut contrainte à se rendre : on en
chassa les habitanls , après avoir
pendu ou i)riile ceux qui refusaient
d'abj'irer l'iiércsie. Le vicomte fut
arrête' , et mourut quelques jours
après , non sans soupçon de poi-
son. Jusque-là, celte armée n'a-
vait pas eu de chef : elle obéis-
sait au légat; et l'on s'aperçut qu'il
était temps de mettre fin à cette es-
pèce d'anarchie. Le commandement
fut offert successivement au comte de
Nevers et au duc de Bourgogne. Ces
deux princes n'ayant pas voulu l'ac-
cepter , les évêques , unis aux prin-
cipaux seigneurs , désignèrent Simon
de Monifort , comte de Leicester
( F". IMoNTFORT ) , auquel on donna
en même temps le gouvernement des
villes conquises, et de celles qu'une
juste terreur déterminait à se rendre
volontairement aux croisés. Ce chef
ne put retenir plus long-temps au-
près de lui la multitude des soldats
et des hauts barons , qui, ne s'étant
engagés que pour une croisade de
quarante jours , se retirèrent dans
leurs foyers. Malgréla désertion d'une
partie de ses forces , il lui en resta en-
core assez pour subjuguer l'Albigeois,
et pour attaquer les sectaires dans
leur dernier retranchement. Le com-
te Fvaimond n'avait pas chassé les
liéiéùques de Toulouse : les légats
lui députèrent deux prélats , qui le
sommèrent, sous peine d'excommu-
nication , deleurlivrer tous ceux des
habitants de cette capitale qu'ils lui
désigner<iient. Raimond, voyant son
indépendance menacée, en appela
au Saint-Siège , et se rendit à Rome,
au mois de janvier 1210. Le pape
lui fil le plus favorable accueil ; écou-
ta ses plaintes ; le déchargea de l'ac-
cusa'ion du meurtre de Caslelnau ,
qu'on lui reprochait toujours; lui
remit un bref adressé à l'archevcque
RAI
555
dcNarbonne , portant défense de dis-
tribuer les terres du comte ; et , au
moment de se séparer de lui , le re-
vêtit d'un riche manteau , et lui don-
na une bague de grand prix, comme
tcmoiguage de la bonne inlelîigencc
entre eux rétablie. Revenu en Langue-
doc , et so croyant dorénavant tran-
quille, Raimond conliiuia de protéger
ouvertement les Albigeois. Les lé-
gats tinrent un concile solennel à Ar-
les , en 121 1 , où il fut excommunie
de nouveau. Celte proscription le
jeta dans le désespoir : il se renferma
dans Toulouse, s'y préparant à la
plus vigourei'.se résistance. Un inter-
dit ayant été jeté sur cette ville , tout
le clergé en sortit processionnelle-
ment, par ordre de l'évêque Foul-
que, qui s'était retiré dans le camp
des croisés. Le siège fut mis devant
la place, au mois de juin laii ;
mais Raimond, appuyé des comtes
de Foix et de Commi; ge, soutint les
attaques avec tant de A^aillance, que
Simon se vit contraint à se retirer.
Ce fut alors que Baudouin , frère du
comle de Toulouse, passa dans le
paru de Montfott, auquel il aban-
donnalechàteau de Monferrand qu'il
défendait. Le comte de Leicester ,
pour se l'attacher davantage, lui don-
na desdomaincs dans l'Agenois. Bau-
doin futdans la suite cruellement pu-
ni de sa défection. Ayant été fait pri-
sonnier, et livré à son fi ère , en l 'i 1 4,
il fut traduit devant un conseil ' qui
se tint en plein champ. Le comte
Raimond présidait,et le comte de Fuix
y assistait. Baudoin fut condamne'
à mort; et, suivant les historiens,
fut pendu à un arbre par le comte
de Foix, Bernard de Portelle , et au-
tres chevaliers , qui ne rougirent pas
d'exécuter eux-mêmes la sentence.
Jusqu'à ce moment , Raimond s'é-
tait tenu sur la défensive: mais eu-
556
RAI
hardi par la levée du siège de Tou-
louse, il marcha en avant; et sachant
que IMontfort s'était retiré dans Cas-
teinaudari avec peu de monde, il
courut l'y investir , et pressa vive-
ment Tatlaquc. Il était prêt à forcer
la ville, lorsque Gui de Levis , l'un
des plus braves seigneurs croisés, et
connu sous le nom glorieux de
Maréchal de la Foj , vintau secours
de Montfoit. Raimond courut au-
devant de lui pour lui livrer ba-
taille ; dans ce moment , Simon
tenta une sortie qui lui réussit ; et
Raimond leva le siège, après avoir
brûléscs machines. Le roi d'Aragon ,
beau-frtre du comte de Toulouse, of-
frit alors sa médiation pour faire la
paix de Raimond avec ses adversaires;
mais le pape intervint, et défendit au
roi de se mêler des allairesdu comte.
Pierre , loin de recevoir le bref
avec respect , s'en indigna ; il prit
hautement la défense de son parent,
se déclara contre Montfort, lui en-
voya un défi , et ronimcnça une guer-
re que la bataille de Muret termi-
na malheureusement. Muret est une
petite ville à trois lieues au-dessus
de Toulouse, sur les borJs de la Ga-
ronne : Montfort en était maître ; il
incommodait de là les Toulousains ,
qui prièrent le roi d'Aragon de les
dégagerens'emparant de cette place.
Ce prince , fier des victoires qu'il ve-
nait de remporter contre les Maures,
vint , avec une amée que les histo-
riens les plus modérés portent à soi-
xante mille homuies , investir la vil-
le. Les évèques quiétaieut avec Mont-
fort, tremblaut pour eux, voulaient
aller implorer la clémence du roi :
mais le chef des croisés les en détour-
na. II marcha avec deux mille hom-
mes , lemplis de confiance dans
les prièies de saint Dominique ( F.
XI , jiy ). Il ne se trompa poiul :
RAI
une terreur panique s'empara de
ses adversaires ; le roi d'Aragon
fut tué à la première charge ( 12
ou l'y septembre i'2i3 ) : la cavale-
rie , qui seule avait donné , se déban-
da ; l'infanterie prit aussi la fuite
avant d'avoir combattu : enfin ce fut
moins une bataille qu'une déroute ,
où les partisans de Raimond perdi-
rent quinze ou vingt mille hommes
tués ou noyés dans le fleuve , tandis
queMonfort, si l'on en doit croire des
historiens , n'eut à regretter la mort
que d'uu seul chevalier et de huit
croisés. Ainsi finit cette journée, qui
parut miraculeuse , et qui ruini pour
long -temps la puissance de Rai-
mond VI. Un dernier coup de fou-
dre acheva de le terrasser : le con-
cile général de Latran l'excommunie
de nouveau , en i '2 1 5 ; adjuge ( i ) à
Simon de Montfort le comté de Tou-
louse et les autres conquêtes des croi-
sés , ne laissant à Raimond qu'une
pension viagère de quatre mille marcs
d'argent , et à son fils qu'une partie
du marquisat de Provence. A celle
funeste nouvelle, Raimond, sans trou-
pes et sans états, ne pouvant plus
soutenir une lutte aus.si inégale, se
relira en Aragon , auprès du roi Jac-
ques , son neveu ; et Raimond , sou
fils , passa en Provence. Leicester ,
solennellement reconnu comme pos-
sesseur légitime de tous les domai-
nes formant l'ancienne souveraineté
des comtes de Toulouse , se croyait
bien affermi dans son autorité ; mais
il se vit tout-à-coup enlever ses con-
quêtes , par la bravouie du fils
du comte alors dépossédé ( Voyez
l'article suivant ). Les Toulou-
(1) CpUo mesiirp , <(ui sriiililo li'aboid (•liaiigère
aux droits d'un cniuili' , fui priv <ii \crludu cuo-
ctiiirs de la puissance t'^mirorelie. Le roi d*f Fr;*nce ,
' qu
i lelevail li- coiuU- de Tuuloii:.
au pa|>e le ju|;>:iueul de suO vasu.il. Kaiiaond lejcuiU]
vt|ilu>icuri iiutit» i>riucci aMi>Urti>l ii ic cuucile.
RAI
sains , exaspérés par la crnaulc des
croises , se soulevèrent aussi : ils ap-
pelèrent à leur secours Rairaond VI ,
alors réfugié sur la frontière d'Es-
pagne. Ce prince arrive à Toulouse,
le i3 septembre 1617, passe la Ga-
ronne à la faveur d'un brouillard ,
s'introduit dans la place , et appelle
à son secours sonfils et les seigneurs
ses voisins , et ses alliés. Vainement
Simon reçoit des renforts de nouveaux
croisés ; les Toulousains, que la pré-
sence de leur comte et son exemple
ont transformés en héros , ne se lais-
sent point abattre. Le siège se pro-
longe : enfin Montfort périt en iii8,
frappé d'un coup de pierre. Cette
mort répandit la consternation dans
son camp. Amauri, fils du comte de
Leicester, se vit contraint de lever le
siège : il se retira dans Carcassonne,
où Raimond victorieux ne tarda pas
d'aller l'investir. De nouveaux en-
nemis s'armèrent pour Taccabler.
Louis, fils aîné du roi Philippe-Au-
guste , fut le chef d'une seconde croi-
sade ; il vint assiéger encore Toulou-
se : mais le même esprit animant le
comte et les habitants , ils tinrent
ferme ; et comme l'indulgence accor-
dée aux croisés n'exigeait d'eux ,
pour cela , qu'un service de quarante
jours , au bout de ce terme, la plus
grande partie retournèrent chez eux ,
et Louis fut obligé de lever le siège.
Un grand nombre de villes , qui s'é-
taient soumises aux croisés , rentrè-
rent sous Tobéissance de Raimond ,
qui finit par recouvrer à-pcu-près
tousses états. Apres une carrière aus-
si agitée, il mourut, au mois d'août
1222. Raimond VI, marié cinq fois,
ne laissa que deux enfants légitimes,
Raimond VII qui lui succéda , et
Constance , mariée en premières no-
ces à Sanche VIII , roi de Navarre,
et en secondes noces à Pierre Ber-
RAI 557
mond de Sauve , seigneur d'Anduse.
Vigilant, actif, libéral , fécond en
intrigues et en ressources , plein de
hardiesseetd'intrépiditéj aucun prin-
ce n'eut des alliés si constants , ni
des sujets si fidèles. Tour-à-tour l'en-
nemi ou le soutien des plus puissants
rois , il sut leur résister avec avan-
tage, ou les secourir avec succès.
Chancelant dans sa croyance , effré-
né dans ses mœurs , chassé de ses
états par un pouvoir auquel tout cé-
dait à cette époque , il sut y rentrer
et eut la gloire de s'y maintenir con-
tre les plus formidables puissances
de l'Europe. Sa cour fut la plus bril-
lante de ce temps ; il y rassembla les
troubadours les plus célèbres , les
combla de ses bienfaits, les honora
de son amitié : aussi tous vantèrent
sa générosité, et prirent sa défense.
L — M E.
RAIMOND VIT, dit le Jeune,
dernier comte de Toulouse, né à
Beaucaire en 1197, P^ssa son en-
fance au milieu des calamités dont
le sort accablait son illustre maison;
et, dès qu^il put tenir les armes, il
se signala, et parut digne de ses an-
cêtres. Il épousa, en 121 1, San-
cie , sœur du roi Pierre d'Aragon,
et se trouva, par ce mariage, beau-
frère de son propre père. Après Fa
malheureuse bataille de Muret, dont
les suites lui furent si funestes, il se
rendit à la cour du roi d'Angleterre,
son oncle; puis, eu 121 5, au con-
cile de Latran, où Innocent III, tou-
ché de ses infortunes , lui accorda le
marquisat de Provence, et lui per-
mit de rester à Rome. Près d'en pair-
tir cependant, il demanda une der-
nière entrevue au pape. Après lui
avoir témoigné sa reconnaissance,
il ajouta : « Saint-Père, si je puis re-
» couvrer mes domaines sur le com-
» le de Montfort et sur ceux qui les
5:i3 R^i
M dctiennciît, n'en soyez pas facile, —
» Quoi que vous fassiez, lui répliqua
» Innocent , Dieu vous fas.-:e la t^ràcc
» de bien commencer et de mieux
» finir I » Il lui donna ensuite sa bé-
nédiction, bii remit les lettres par
lesquelles il lui conservait ses pro-
priétés en Pro\eucc, cl le congédia,
Kaimond alla cnsinfc rejoindre le
comte , son père , à Gènes, d'où , s'c-
lant cml)ar(|tics, ils arrivèrent lirurcu-
çeuunt à ^Marseille, A la vue du fils de
Imr souverain, les habitants d'Avi-
o^non se levèrent spontanément, auK
Cl is de riife Toulouse , If comte fiai-
moml et son fils l Les principaux
seigneurs du pays s'oflTrirent pour le
seconder dans son entreprise, qui
fit couronnée par un lieureux succès.
La ville de Heaucairc lui ouvre
.ses portes ; la garnison se retire dans
le château , oii le jeune Raimond la
force de capituler au bout de quel-
ques jours. Il repousse le comte de
]jci( ester, qui accourait au secours
de celle place , et le contraint de
se retirer vers Nîmes, après avoir
perdu une bonne partie de ses trou-
pes , et vu incendier les niacliincs
par lui construites à grands frais. Si-
mon ayant è'.c tue au siège de Tou-
louse,'le jeune Piaimond, toujours
infatigable, soumtt Mmes , le Rouer-
gue, leQucrci. l'Agenois, cl rentre
à Toulouse au milieu des acclama-
lions. AnauridcMontfort, en l'iiQ,
assiégeait Bariege , petite ville du
Lauraj^ais, dans laquelle s'était ren-
ferme le comte de Foix, allie de
Raimond : celui-ci l'apprend; il y
court avec vitesse, présente le cor.i-
bal, range lui - mèr^c son armée en
trois lignes , et se place à l'arrière-
rarde , pour soutenir les siens s'ils
venaient à reculer. \\n effet, le corps
que commandait le comte de Foix
commençait à plier; Raimond se dé-
RAI
t.îclio a^ors de l'arrière - garde . s'o-
lance dans la mclèe, et, par sa bra-
voure cbevaleresque , décide la vic-
loiie, Opendant le prince Louis ,
fils aîné du roi de France, Pliilippc-
Augu.'-le, marcliait au secours d'A-
mauri de Montfort : il jiarut devant
Toulouse , le i6 juin de la même
année, et en forma le siège. Rai-
mond, prévoyant cette attaque, avait
aufimenlé les fortifications de la ville,
et s'ctiit assure du .«ccours de mille
clievaliers , ses amis ou ses vassaux:
il distribua à ces seigneurs la garde
des murailles, La défense de la ville
fut |îr(qioi tioniiée à l'attaque; et le
siège fut levé le i*""'. août de la niè-
mc année. Raimond poursuivit le
cours descs swccès: il perdit son pèic
sur ces entrefaites; cl, malgré les
fuiidresderi\.;lisc ,donl il était frap-
pé, il contraignit Amauri , son ad-
versaire, à traiter avec lui : ce der-
nier lui promit même sa fille en n;a-
riage; car Raiiiiond voulait déjà di-
vorcer avec Saiicie d'Aragon , sa
femme, corTime il le fit flans la sui-
te. Cet liymcn n'eut pas lieu. La guer-
re continua; et Monlforl, se voyant
clhuiuc jour plus faible , coniprit
qi:'ii ne conserverait pas ses con-
quêtes: il voulut s'en défaire, et sus-
citera Raimond un ennemi puissant.
11 s'anangea en conséquence avec le
roi de France (Louis VI II ), auquel
il céda ses droits et ses prétentions
sur les états du comte de Toulouse.
Louis alors prit la croix, der-cendit
le Rliône avec une nombreuse armée,
etviiit metlrele siégedevanlBeaucai-
re , après avoir pris Avignon ; mais,
comme l'hiver survenait, il s'en re-
tourna , et ni ourut à Montpensier ( F.
Louis, XXV, I iG), Son fils Louis
IX lui succéda, en 122G, sous la re'-
goncc de la reine Blanche, sa mère:
clic donna ordre de continuer la
RAI
piierre contre RairaonJ. On porta le
fer et la flamme dans les environs de
Toulouse; et Rrùniond finit par se
soumettre. La paix fut siguce à Paris,
le ix avril i'i.)8. Raimotid consen-
tit à marier Jeanne, sa fille, avec un
vies frères du roi. 11 leur abandonnait
ses états après sa mort, sans pou-
voir les iranspoiter à d'autres en-
fants , s'il eu avait dans l'avenir. Il
s'eugap;cait à poursuivre les lie'rcti-
ques; il etid)lissait la dîme dans ses
états, etc. Enfin il subit toutes les
conditions qu'on voulut lui iuiposer.
Il fut absous d.ins l'église de Notre-
Dame, ])ar le Ic'gat du Saint-Siège;
et le roi l'arma chevalier. Il ne tar-
da cependant pas de reprendre les
armes, mais il les posa aussi promp-
tement. Toujours mu par son ca-
racière inconstant , on ie voyait
tantôt poursuivre, ou tantôt sou-
tenir les Albigeois. Il l.iissa éta-
blir le tribunal de l'inquisition à Tou-
louse. Il acquit de nouveaux états,
par des négociations, ou par la force
de ses armes. Il se mit à voyager,
tant h. la cour de l'empereur qu'à
floîne, où le pape le reçut avec dis-
tinction. A son retour à Toulouse,
i! tint une cour plënière, où il créa
deux, cents chevaliers. Toujours in-
quiet, il se fit excommunier de nou-
veau, demanda et obtint la cassation
de sou second mariage (il avait
épouse Marguerite de La Marclie ) ,
entreprit plusieurs fois le voyage
d'Espagne ; enfin, pour se remettre
en entier dans les bonnes grâces du
roi Saint - Louis, il consentit à se
croiser , et à se rendre dans la Ter-
re-Sainte; mais il retardait toujours
son départ , lorsque la mort le sur-
prit à Milhaud , le 27 septembre
1249. Ses peuples le pleiuèrent sin-
cèrement. On ne douta jamais de sa
catholicité', lors même qu'il proté-
RAT
-y.O
gcait ic plus les hérétiques. II trans-
mit ses domaines à Jeanne, sa fille
unique, qui avait épouse, en iT.'i'j ,
Alphonse, comte de Poitiers, frère
de Saint-Louis. Ainsi finit la posté-
rité masculine des comtes de Tou-
louse , dans la ligne aînée , api es
avoir duré pendant quatre sioi les ,
depuis Fridclon , créé comte de Tou-
louse en 85o par Charles-leChau-
ve. Une branche cadette de cette
maison subsiste de nos jours , dans
celle des seigneurs de Laulrcc, Saint-
Germier et Monlfa. Raimond VII
aima et favorisa les lettres , fut am-
plement loué par les troubadours ;
et il doit être considéré comme le
fondateur de Funiversilé de Toulou-
se, où il établit, en 1228, les facul-
tés de théologie, droit canoni(iiio et
philosophie, par suite du traité de
Paris. L — M— E.
RAIMOND D'AGILES , chanoine
de l'église cathétlralc du Pui en Vê-
lai , fut de l'expédition de la pre-
mière croisade , ainsi que l'évêcpie
du Pui , le célèbre Adhemar ou Ay^
mar de Monteil , qui en avait été'
déclaré le chef , avec le titre de légat
du pape Urbain II. A son départ
pour la Terre Sainte, en 1096, il
n'était encore toutau plusquediacrc:
il fut ordonné prêtre , lorsque l'ar-
mée était déjà en route , et fut atta-
ché pendant la croisade, en qualité
de chapelain , à Raimond , comte de
Toulouse et de Saint-Gilles , l'un di s
chefs de l'armée croisée. C'était , sui-
vant les auteurs de V Histoire litté-
raire de la France , un homme
d'esprit, de piété et de mérite, en
qui le comte de Saint-Gilles avait
tant de confiance, qu'il l'admettait
volontiers dans ses conseils. Ce qui
prouve la considération dont il jouis-
sait parmiles croisés, c^est qu'il tut
du petit nombre de ceux qu'on choi-
56o
BâI
sit pour prendre part au recouvre-
ment, dans l'ëglisc d'Antioclic, de
la lance, l'un des instruments de la
pission de J.-C. H écrivit l'iiisloire
de la croisade; et son ouvrage, qui
a pour titre : Baimundi de .4oiles
historiit Francorum qui ceperunt
Jherusalem, a été insère par Jacq.
Bongars , dans le Gesta Dei per
Francos , etc. On ignore le lieu et
répoi|Upde sa mort. Z.
KAIMONDI ( Marc- Antoine ) ,
célèbre graveur , na(|uit à Bologne ,
en 1488. Destiné d'al)urd à la pra-
tique des ouvrages d'orfcvrcrie , la
vue des estampes d'Albert Durer le
décida pour l'étude de la gravure eu
taille douce, dont F. Francia lui en-
seigna les premiers cléments. Etant
allé à Venise, il contrefit les estam-
pes d'Albert Durer avec tant d'a-
dresse , qu'on prenait ses copies
pour les origina\i\; et afin de rendre
encore la méprise plus f.icile, il imi-
tait la marque de l'-uiteur. Albert
Durer , plus sensible à un procédé
aussi peu délicat , à cause du tort
qu'eu pouvait souffrir sa réputation ,
qu'au préjudice qui en résultait pour
ses intérêts, adressa ses plaintes aux
m.igistrats de Venise, qui contrai-
gnirent le contrefacteur à elfacer rette
marque trompeuse. Ayant passé à
Konie, où il fit connaissance avec
Raphaël, Marc- Antoine se perfec-
tionna dans l'étude du dessin, sous la
direction d'un maîtreaussi renommé,
qui , charmé des talents qu'il déve-
loppait pour la gravure , le chargea
de reproduire un sujet de Lucrèce, et
ensuite ses plus beaux ouvrages, tels
que le Massacre des Innocents , la
SaintcCécile, leMartyrc desaint Lau-
rent, et beaucoup d'autres. Echappé
au sac de Kome, de i ju-j, en ahan-
dotmant à l'armée du connétable
de Bourbon tout ce qu'il possédait
RAl
afindcracheter sa liberté', Marc- An-
toine faillit perdre la vie, pour avoir
gravé, d'ajirès Jules Romain, les
estampes obscènes , qui accompa-
gnent les sonnets del'Arelin ; et (]lé-
ment ^ II ne lui accorda sa giàcc
qu'à cause de la supériorité de ses
talents. Cet artiste mourut en i546,
assassiné, suivant Malvasia,par nn
particulier, pour lequel il avait grave
la première planche du Massacre des
Innocents, indigné de ce que, contre
sa promesse formelle, il en avait
gravé une seconde. IM.irc-Antoiiic est
le premier graveur italien qui se soit
distingué : la grande réputation de
Raphaël, les heureuses circonstances
qui le mirent à portée de graver ses
chefs-d'œuvre, et surtout la purelé
et la fidélité avec lesquelles il rendait
le contour des figures de ce maître
célèbre , auxquelles on dit même que
Raphaël retouchait souvent , con-
tribuèrent à la vogue qu'il a obte-
nue , et au prix excessif que l'on
met a ses productions. Berghem don-
na soixante florins de son Massacre
des Innocents. La Sainte Cécile a été
payée , à la vente de Saint - Yves ,
six ccntdixneuffrancs. Quoi qu'il en
soit, cet artiste supérieur pour le siè-
cle où il a vécu , ne peut être regarde
comme un modèle à suivre : on ne
trouve dans ses ouvrages aucune va-
riété de style, aucune entente du
clair-obscur, aucune souplesse dans
les travaux ; en général , il est sec ,
et n'a point ce goût délicat , ni celte
marche savante , qui caractérisent
un graveur habile. Mais malgré cette
monotonie et cette dureté dans les
tailles qu'on peut lui reprocher, il
D'en mérite pas moins le premier
rang dans son genre pour la préci-
sion du trait et la correction du des-
sin. Anç^ustin, son principal disci- .
pic , l'imita sans l'égaler. P — e. ^j
I
RAI
RÂIMONDI (Jean -Baptiste),
l'iui des premiers orientalistes du
seizième siècle , naquit à Crémone ,
vers l'an i5:^o. Un assez lonç; séjour
en Asie (i) , le mil en état d'acqne'-
rir une connaissance ajirof'ondie (ies
langues orientales; et après (]u'ii fut
de retour eu It^tlie, le cardinal Ferii-
nand de Me'dicis qui, suivant les vues
du pape Grégoire XIII , n'épargnait
ni soins , ni dépenses pour fonder un
vaste atelier de typographie orienta-
le , le logea dans son palais , et lui
confia la direction de cet établisse-
ment qui a été comme le berceau
de la célèbre imprimerie de la Pro-
pagande. Le plus habile graveur en
caractères [T. Granjon ) , fut appelé
à Rome ; et ce fut sous l'inspection
de Raimondi qu'il grava , de i 586
à 1592, quatre corps d'alphabets
arabes , outre les syriaques et autres
qui furent exécutés alors pour la ty-
pographie des Médicis , et avec les-
quels on imprima, en iSqi , les
deux éditions des quatre Evangiles ;
en 159*2 , la Géographie d'Edrisi
( F. ce nom, XII, 538); VAvi-
cenne de i583, chef-d'œuvre de ty-
pographie arabe ( Foj, Avicenne ,
111, 118), et V Euclide de ^5ç)^^
(/^oj'. Nassir-eddvn,XXX, 590),
sans parler d'autres ouvrages moins
injportants. 11 paraît aussi que Rai-
mondi eut quelque part à l'édition de
la Cosmographie arabe , de Sala-
mesch ou Alzalechi , publiée par
Basa , en i585, avec les caractères
de Granjon (2). On n'avait encore
rien vu, en typographie orientale, qui
approchât de la beauté de ces édi-
tions; et tout ce que l'on avait voulu
publier jusqu'alors en langue arabe
n'avait produit que des résultats in-
(i) Erpeuius Oral, très, p. -4'
^1) Schooirer, Bihlioih. arahiea , in-8». , y. i-j^,
XXXVI.
RAI
561
formes, tels que la Grammaire de
Postel ( F. ce nom , XXXV , 497 ,
n". III ), ou bien n'avait pu être exécu-
té qu'avec des caractères hébreux ou
syriaques, comme le Libemi pre-
cationum , imprimé chez Basa , en
I 584 , ou le Coran de Paganini , Ve-
nise, i5o9, (l"nt nous avons parlé
à l'arlicle Hinckelman ( XV, '.ig^ ),
mais qui fut supprimé si exactement
qu'il n'est un peu connu que par le
spécimen qu'en a donné Theseus Ara-
brosius. Raimondi ne bornait pas ses
soins à la surveillance de la typo-
graphie : il était chargé de mettre
en ordre tous les livres orientaux que
les voyageurs envoyés par le pape et
par le cardinal de Médicis, leur
transmettaient du Levant. Il s'occu-
pa long-temps de l'exécution d'une
polyglotte plus complète que celles
d'Alcalà et d'Anvers, puisqu'elle de-
vait donner de plus les versions ara-
be, persane, égyptienne, éthiopienne
et arménienne : mais depuis la mort
de Grégoire X III ( 1 585) et le départ
du cardinal Ferdinand, retourné à
Florence, en iSSj, poursuccédcr au
grand-duc François son frère ( Foj.
tome XXVllI , pag. 83 ) , on cessa
d'appliquer à la typographie orien-
tale des fonds aussi considérables j
le travail se ralentit; et Raimondi,
avancé en âge , et resté seul de tous
ceux qu'il avait associés à cette belle
entreprise, abandonna son projet, qui
devait plus tard recevoir en Fran-
ce son accomplissement ( F. Ga-
briel Sionite ). Ce fut par le conseil
du cardinal Duperron, qu'il résolut
de consacrer le reste de ses forces à
la publication d'une grammaire ara-
be, très-répandue en Asie; et il la dé-
dia, en i6io , au pape Paul V, par
une longue épître qui a été réimpri-
mée , en 1718, daas le Discours sur
les bibles polyglottes , par le P. Le-
36
562
RAI
long, p. 349, et en i-j^S, dans sa
Bihliotheca sncra, pag. 3-'). Celle
grammaire, intitulée Liber Tasriyhi,
ne traite guère que des conjugaisons
des verbes. L'éditeur y joignit une
version latine littérale, et une espèce
de commentaire. Ce livre n'est pres-
que d'aucun usage aujourd'liui. Rai-
mondi survécut probablemenl peu à
celte publication. Le sculdcses élèves
qui luiait survécu, Klienne Paulin, di-
rigeait à Home la typographie orien-
tale de .Savary de Brèves, avant
qu'elle fût transportée à Paris ( /'.
BnÈvEs), elil continua d'imprimer à
Rome(piel(pies livres ara])es. La ver-
sion arabe du Catéchisme de Rellar-
min, publiée dans la même ville, en
1617, porte encore son nom. Les
caractères orientaux passèrent bien-
tôt après a l'imprimerie de la Pro-
pagande, dont le nom se voit pour
la première lois sur l'Alphabet ara-
be qu'elle mit au jour en i63i. De-
puis lors il n'est plus fait mention
de Paulin; cependant ou sait qu'il
vivait encore en i(i3o, comme on
l'apprend par une lettre de Pieiro
dclla Valle a Richard Simon , rap-
jïortce par ce dernier dans ses .4n-
tiq. eccles. orient. , p. jOi. I^es
beaux caractères orientaux des Me-
dicis, après avoir servi quehpie temps
à l'imprimerie de la Propagande, fu-
rent rapportes à Florence, dans les
ni.ngasins du Paluzzo vecchio; ils
sont niaiiitdiant à l'imprimerie
royale à Paris. (>. M. P.
"RALNALDI (Oderic). To/. Ri-
NALDl,
RAINFROl ou RAGENFROI ,
c'tait un des principaux seigneurs
de France lors des troubles qui ame-
nèrent la fin de la première racCé
Pépin -le- Gros , qui, sous le titre
de maire du palais d'Austiasie, gou-
vernait en effet la monarchie, avait ,
RAt
en 7 1 ï , mis sur le trône de Neus-
trie et de Bourgogne , Dagoberl III ,
âge de dou/.e ans , fils du dernier roi ,
fllui avait doimé jiour tuteur son
propre lils Grimoald : celui-ci étant
mort en 7 I 4 , laissant un fds nomme
Théodoald , agc de six ans, Pcj)iii
qui ne voulait pas que la maiiie du
palais sortît de sa famille , en revêtit
cet enfant, qui se trouva ainsi tuteur
de Dagobert III , encore mineur.
Celait , dit Montesquieu , mettre un
fantôme sur un autre fantôme.
Dans le fait, c'était Pépin qui régnait :
il mourut le 16 décembre 7 i 4 , lais-
sant le sceplre d'Austrasic à ses fils
Charles-Martel etChildebrand ; mais
sa veuve Plectrudc s'emi)ara du gou-
vernement, et l'exerça quehpu- temps
avec Théodoald. Les seigneurs fran-
çais , indignés d'èlre gouyernés par
une femme et lui enfant, se sou-
levèrent, attaquèrciitThéodo ild dans
la foret de Cuise, près de Cora-
])iègnc , le mirent en fuite, et con-
férèrent la mairie du palais de Neus-
Irie et de Bourgogne à Rainfroi.
Celui-ci , pour opposera PIccirudc
un rival redoutable , alla délivrer
Charles-Martel , qu'clie retenait pri-
sonnier dans Cologne, et fit alliance
avec Radbod , duc des Frisons. Da-
goberl III mourut sur ces entrefaites
(7 1 5) , ne laissant qu'un (ils au ber-
ceau. Les seigneurs , ne voulant pas
être gouvernes par un enfant , appe-
lèrent au trône de Neustrie Chil|)eric
II ( /^. ce nom ), qui avait environ
quarante-cinq ans. Quoique ce prince
eût passé sa vie dans un monastère,
il montra du talent et de l'activité;
et Rainfroi , son maire du palais ,
le seconda de toute son influence :
mais ils ne purent résistera la bra-
voure de Charles-Martel, qui , sous le
titre de duc d'Austrasie, était, à son
tour^ le vrai maître de la France. Il
KAI
mit en fuite i'armëe de Cliilperic II ,
en 7 16 : en 7 17 , Rainfroi se se'pare
deChilperic, se retire à Angers , et
tait alliance avec Eudes , duc d'A-
quitaine, qui, à l'approchede Charles-
Martel , en 719, s'enfuit ainsi que
ses troupes, emmène aussi Chilperic,
et le livre à Charles-Martel , l'année
suivante. Rainfroi, se sentant trop
faible contre un si puissant adver-
saire , transige avec lui , en 724 -,
obtient le comte' d'Angers, pour sa
vie seulement , et lui laisse son fils en
otage. Il mourut à Angers , en 731.
Les Chroniques d'Anjou ne parlent
de Rainfroi que comjne d'un tyran.
Il s'empara des biens de l'abbaye de
Saint-Maur sur Loire , en cliassa les
n»oines , démolit ce beau monastère ,
en fit transporter les matériaux à An-
gers , et s'en servit pour s'y bâtir ,
sur les ruines de l'ancien capitole ,
un palais, qui fut encore celui des
comtes d'Anjou , ses successeurs ,
dont la série commence à Ingelgcr ,
fils de TertuUe , sénéchal du Gâti-
nais , vers l'an 870. — Rainfroi ou
Ragenfuci , évêque de Rouen , fut
dépossédé de ce siège , en 735 , par
Pépin , qui lui avait déjà précédem-
ment ôté le gouvernement de l'ab-
baye de Fontenelle. — Un autre
Rainfroi , secrétaire de Charles-le-
Chauve , devint évêque de Meaux ,
et assista , en 876 , au concile de
Pont-Ion. Il paraît que le Rainfroi
auquel Loup , abbé de Ferrièrcs ,
adresse sa soixante-sixième Lettre,
était un personnage différent. — En-
fin on trouve un Rainfroi , évêque
de Cologne, en 7^5, qui occupait
encore ce siège en 743. C. M. P.
RAIiNOLFE, premier comte d'A-
verse , était le frère et le successeur
de Drengot, qui avait coinmandéles
premiers aventuriers Normands éta-
blis dans les provinces que nous
RAI
563
nommons aujourd'hui royaume de
Naples. Dans ces provinces, deux
souverainetés indépendantes furent
fondées au commencement du on-
zième siècle, par les Normands:
l'une , dans la famille de Drengot ,
fut celle des comtes d'Averse, depuis
princes de Capoue ; l'antre , dans la
famille de Tancrède de Hauteville ,
fut celle des comtes de Melfi , qui
devinrent ensuite ducs de Pouille,
puis rois des deux Siciles. Rainolfe
avait assisté à la bataille de Cannes ,
livrée aux Grecs , par Mélo, en i o 19.
Ses compatriotes y avaient été pres-
que détruits , et son frère Drengot y
avait été tué. Les survivants le re-
connurent pour leur chef; et , s'atr
tachant à l'empereur Henri II , ils
firent , en 1021 , une seconde tenta-
tive infructueuse sur les Grecs de la
Pouille, Rainolfe , cependant , avait
recruté sa petite armée ; et s^éloi-
gnant des Grecs , dont il n'espérait
plus se venger , il s'empara du petit
château d'Averse , situé à dix milles
de Naples sur la route de Capoue,
pour faire , de ce lieu fort , l'asile
des aventuriers Normands qui vien-
draient se joindre à lui , et le dépôt
de leurs richesses. Il eut , peu d'an-
nées après, la bonne fortune de faire
recouvrer à Scrgius , duc de Naples ,
la liberté de sa patrie . qui avait été
ravie par Pandolphe IV, prince de
Capoue, En reconnaissance , Sergius
l'investit, en 1029, de la ville et du
territoire d'Averse , sous le titre de
comté, et en même temps il con-
tracta une alliance avec lui : ce fut
la garantie de cette première colonie
des Normands. Mais dans les révo-
lutions fréquentes de l'Italie méridio-
nale , Rainolfe ne fut point fidèle aux
Napolitains , dont il s'était déclaré le
feudalaire: il fais.iit de la guerre son
métier, et s'attachait, tour-à-tour,
36..
5(54 RAI
aux princes qui lui offraient la meil-
leure solde. Cependant , il s'occu-
pait d'assurer l'indépendance de son
comlc' d'Averse. 11 en obtint , en
io38 , l'investiture , de l'cuipcrcur
Conrad 11 , par l'inlercession de
Guaiinar 1\ , piinccde Salerne. Vers
la même e'pocpic, Guillaume Bras-
de-Fcr, elles GisdeTancrcdedcHau-
tevillc coramencèrent la conquête
de la Fouille : Rainolfe les seconda ,
et eut part à leurs succès ; mais il
traita toujours avec eux en prince
indépendant: il fut reconnu en cette
qualité par Henri III, qui lui doima ,
eu 104- , l'investi ure du comté d'A-
verse, aux mêmes conditions sous
lesquelles Drnp;on recevait du même
empereur celle du comté de Fouille.
Bainolfe mourut en loSg , après un
règne de près de quarante ans: il
eut pour successeur Ricliard V^. ,
son ncveti. S. S — i.
RAINSSANT ( FiEntit ) , savant
numism.ite, né, vers 1O40, à Reims,
étudia la médecine, dans sa jeunesse,
avec beiucoup de succès. La décou-
verte d'une urne pleine de médailles
de bronze , détermina son goût pour
la numismatique, science dans la-
quelle il fit de rapides piogrès: mais,
nialjrié sou penchant pour l'anliqui-
té , il ne négligea point l'étude de la
médecine; et, apiès avoir reçu le
doct( rat , il vint exercer son art
à Faris , où il fut bientôt connu
avant.ipciisement. Nommé directeur
du cabinet des médailles du roi
( P^. Rascas ■;, il fut admis, l'un des
premiers, â l'académie d s ii'sciip-
tions , qui portait alors le titre d'a-
cadémie des médailles. Un jour qu'il
se promettait seul d^ns le parc de
Versailles . il se laissa tomber dans
la pièce d'eau dite des Suisses , et
s'y noya , le 7 juin 1689. Oudinet ,
iOn parent , qui partageait son goût
RAI
pour les me'dailles , et qu'il s'était
associé pour la rédaction du catalo-
gue de celles du roi , lui succéda dans
la place de directeur de ce cabinet
( r. Oudinet ). Rainssant a mérité
les éloges de la plupart des savants
de son temps: il était en correspon-
dance avec Havie ; et à sa prière . il
s'intéressa pour faire restituer à Rou
les planches de ses Tables chrono-
logiques , qui avaient été saisies par
la police , comme renfermant des
faits favorables aux protestants F.
les Lettres àç Bayle). Outre quelques
Dissertations dans le Journal ties sa-
vants , on a de Rainssaut : 1. Qucps-
tio medica an cometa muiborum
prodrornus ? Reims , iG()3, in - 4".
II. Dissertation sur l'origine de la
figure desjleurs de Ij's^ Paris , 1 G-B,
iu-4''. D'api es quebpies monuments
découverts à Reims, il voit dans ce
signe une espèce de fer de lance { V.
le Joum. des sai'. de 1678, ji. 87 1 ;.
III. Dissertation sw douze médail-
les des jeux séculaires de V empereur
Domitien , ibid. ( Versailles , Fr,
Muguet ) , i()H4 , in-4". ; traduit en
latin et en italien , Brescia , 1G87 ,
in-8°. C'est une histoire complète
deces j(u\ célèbres, sur Icsqiu-Is l'an-
tiquité ne nous avait laissé d'autres
détails que ceux qu'on pouvait re-
cueillir d'un }»assage de Zozime ,
dont Rainssant a joint la traduction
à son ouvrage. IV. Explication des
tableaux de la galerie de Versail-
les, ibid. , 1(387 ' '"■4°* " avait en-
trepiis une Histaire de Venipereur
Adrien , par les médailles , et une
partie des planches étaient déjà gra-
vées; mais ce travail est demeuré
imparfait. W — s.
RAIS ou RAIZ (Gilles de La-
val , maréchal de ';. Foj. Rtxz.
RAITSCH Jean). archimandrite
du couvent de saint Michel archan-
RAT
Çe à Kovila, né, en 1726, à Kar-
lowitz, mort à Kovila, le 23 de'-
cembre 1801 , étudia la théologie
à Kiew , et entrepiit plusieurs voya-
p;es dans les provinces turques, pour
faire des recherches sur Taucienne
histoire de la Servie. Il prit des ex-
traits des divers manuscrits qu'il
trouva dans les couvents serviens.
C'est à ces savantes recherches qnc
l'on doit l'important ouvrage his-
torique imprimé à Vienne, eu i7g4)
en 4 volumes in-8". , figures, sous
ce titre : Istorijà pazyich slaven-
skisch Narodownœpatsche Bolgar,
Chorwatow , i Serbow, iz tmji zah-
weiiia isjataja u wo swtl istorits-
cheskii proizweden in Joannom
Raitschem ; c'est - à - di re : Histoire
des divers peuples Slaves , particu-
lièrement des Bulgares , des Croa-
tes et des Serviens , tirée de sources
obscures et oubliées ^ et mise au jour
par Jean Baitsch. Col Auteur a laissé
plusieurs ouvrages manuscrits , en-
tre autres une Relation de ses voya-
ges , et des Fragments pour servir
à l'histoire de la Servie. P. L.
RAJALIN ( Thomas de ) , amiral
suédois , naquit en Finlande, en 1673.
11 commença sa carrière couime sim-
ple matelot, servit en Angleterre, et
dans plusieurs autres pays , et re-
tourna en Suède, au commencement
du règne de Charles Xlï. Placé à l'a-
miraulé de Carlscrona , il avança
rapidement, et parvint jusqu'au gra-
de d'amiral. En 17 17 , il donna une
preuve éclatante de son habileté et
de son courage: il combattit avec un
seul vaisseau suédois , contre trois
vaisseaux de ligne et deux frégates
russes , qui lui laissèrent le champ
de bataille. Pendant les années de
paix qui suivirent le règne de Char-
les XII, Rajalin perfectionna les éta-
blissements de l'amirauté de Caris-
RAK 565
crona , et publia en suédois deux
ouvraces: V Instruction sur V art du
pilote , 1 730, in-4". ; et V Instruction
sur l'architecture navale, 1732,
in-S'*. Ces ouvrages fixèrent l'atten-
tion du gouvernemenl ; et l'auteur
obtint une récompense considérable.
L'amiral Rajalin mourut en 1741 »
à bord d'un vaisseau de ligne, faisant
partie de la flotte de Carlscrona.
Ses descendants ont tous servi dans
la marine ; et l'un d'eux s'est élevé ,
sous le règne de Gustave 111 , an
grade de vice-amiral. C — u.
RAKOUBAH, peischwah ou ré-
gent des Mahrates, appelé aussi quel-
quefois Ragobah, mais dont le vrai
nom est BakonatRaou,étah\e second
fils de Badji-Raou, mort en 1759,
T^remiev peischwah indépendant de
cette nation (i). Rakoubah s'était
distingué par savaleur sous les règnes
de son père, et de Baladji, son frère
aîné. 11 avait conquis la moitié du
Guzarât sur un autre chef mahrate,
et ne s'était pas moins signalé eu
combattant pour le nabab Ghazi-
eddyn, contre les Djattes. Il avait ,
depuis, chassé de Lahor, Tymour,
fils du roi de Kaboul , Ahmed-Chah
Abdally. Celui-ci, alarmé des pro-
grès des Mahrates dans le Pendjab,
y accourut en 1761 ; et, soutenu
par les armes de quelques autres
princes musulmans de l'Indoustan ,
il remporta sur les Mahrates, près
dePannipout, une victoire mémora-
(i) Sou3 le faible règne du troisirme successeur
de Sewadji, i'ondateur de l'empire des Mahrates
( f^. SewADJI ), les deux prin ipaux officiers de
l'e'lat convinient de partager les domaines du Ram-
Rajali , leur souverain. Le peîschwah ( chaucelierou
premier ministre ) , Badji-Raou, relégua le monar-
que djus la forteresse de Sattarah, gouverna sou»
son nom les provinces occidentales, et s'établit a
Pounab , l'aocieune capitale. Le boukschi ( g( néra-
lissime ) Ragodji s'empara des ijroviucps de Vest ,
et fixa .sa résidence à Nagpour, dans le Berar. Mais
d'autres chefs Mahrates conservèrent des gouverne
ments héréditaire» comme ûefs de Yno ou Vautra
ctat.
566 RAK
blc, ma»s vivement disputée, llakou-
•bah, qui avait refuse d'y comman-
der en cliei", y lit des prodij^es de va-
leur. Ijdiadji, son frère, mourut peu
de temps après, laissant deux, fils,
dont l'aînè, Mad^hou-Raou, lui suc-
ce'da , à l'âge de dix - huit ans. Ra-
koubali, ayant élevé des prétentions
pour s'emparer de la régence, com-
me tuteur naturel de son neveu, eut
recours à Nizam Aly Kban , soubah
du Dcklian, et eu obtint une armée.
Vainqueur dans une bataille, il fut
rappeléà Pounah, et revêtu delà di-
gnité de peisoliwah; mais bientôt ,
victime des intrigues de quelques
courtisans qui étaient dans les inté-
rêts de la mère de Mad'liou Raou,
il fut renfermé dans le palais par
ordre de son neveu, qui cul pour
Jui les égards et la déférence d'un
l»arent respectueux. La détention de
Rakoidjah dura jusqu'à la mort de
Mad'hou, arrivée en novembre 177 "2.
I^ jeune peisclnvah n'ayant pas d'en-
fants , et ne laissant pour liéiitier du
trône des IMali rates qu'un frère, ]\a-
rain Raou , âgé de dix-neuf ans, ren-
dit la liberté à sou oncle, avant d'ex-
pirer, et lui recommanda de servir
de père et de protecteur au nouveau
souverain. Rakoubah prit les rênes
du gouvornera«nt ; mais, ^oit qu'il
eût abusé de son pouvoir ou voulu
usurper l'autorité de son neveu, soit
qu'd lut la dupe des artifices de sa
belle-sœur ou delà puliliquedesbrab-
mes, il fut encore une fois dépouillé
de son autoiitc et mis eu prison. II
parvint à gagner quelques ofliciers ,
qui romplotèrenl d'assassiner Na-
ra in Raou. Les COI) jurés ayant pénétré
dans le, palais , le jeune piince se ré-
fugia dans l'appartement occupé par
.«.on onde, entre les bras duquel il
fut poigiuirdc, le 18 août 1778.
fjakoubab , regardé généralement
RAK
comme l'instigateur de ce crime ,
avait promis quatre cent mille rour
pies à ses complices , qui le retinrent
prisonnier jusqu'à ce qu'il eût payé
la moitié de la somme et donné cau-
tion pour le surplus. 11 fut alors re-
connu peiscbwah : mais son forfait,
justpi'alors inoui chez les Malirates,
l'avait rendu odieux; on conspira de
nouveau contre lui. Tandis qu'il fai-
sait la guerre eu personne au soubah
du Dekhan, la veuve de Narain, huit
mois après la mort de son époux ,
accoucha d'un posthume. Les grands
reconnurent cet enfant pour souve-
rain , et formèrent un conseil de ré-
gence, composé de douze membres,
au nombre desquels étaient llolkar
et Madadji Scindiah , dont les noms
ont si souvent retenti en Europe. Ra-
koubah fut déposé, abandonné par
la plus grande partie de son armée,
rejeté par tous les chefs mahrates,
et contraint d'aller chercher un asi-
le à Bombay, où ses trésors et ses
promesses lui valurent, delà part
des Anglais, une réception favorable
et une armée. Telle lut l'origine de
la premièreguerredirectedes Anglais
contre les Mahrates. Les hostilités
commencèrent par terre et par mer.
Les Anglais s'emparèrent de Baroch,
place-forte à douze lieues de Surate,
et conquirent ensuite l'île de Salcetle,
endéc. 177 "î. Rakoubah leurenlitJa
cession. Mais ce chef venait d'être bat-
tu j)arlcs troupes de Pounah. Forcé
de lever le siège de Broderah et de
fuir avec mille hommes, il se retira
vers Cambaye, dont on refusa de lui
ouvrir les portes , et se rendit à Bou-
nagar, d'où il passa, dans une ga-
liotc , à Surate. Ce fut là que les An-
glais, commandés par le colonel Kea
tiug, étant venus le joindre, ils mar-
chèrent ensemble vers Poun;jh,a(i
printemps de 1775. Leur armée fut
mise en déroute par les Maliraics. Ce-
pendant un des douze clicfs du gou-
vernement de Pounah ay;)nt pris ou-
vertement les intérêts de RakouLali,
Jes hoslililës continuèrent avec des
succès balances. Mais le conseil de
Calcuttadcsappronva cette guerre, et
députa le colonel Upton à la cour de
Pounah , pour y négocier une paix
avantageuse, qui fut conclue et ratifiée
le i*^"". mars 1776. Celte convention
satisfit peu Rakoubali et ses auxiliai-
res, qui, ayant obtenu quclquesavan-
tages, menaçaient de nouveau Pou-
nah. Quoiqu'elle cédât aux Anglais
Salcette et les îles adjacentes , dans
la baiede Bombay, et la ville de Ba-
roche (l'ancienne Barygaza), avec
un territoire considérable ; elle
les obligeait d'abandonner Rakou-
bali , de lui retirer leurs secours , et
elle prescrivait à ce prince de congé-
dier ses troupes, de renoncer à ses
prétentions , et de se retirer dans les
états des Mabrales, où on lui offrait
un asile et une pension convenable.
Rakoubah , se croyant vendu à ses
cnneniis, et regardant comme une
prison la résidence qui lui était assi-
gnée, refusa les conditions stipulées
pour lui, et ne licencia pas ses trou-
pes, qui, faute de paiement, pillè-
rent les villages des environs de Su-
rate, et en dévastèrent les campa-
gnes. Craignant enfin d'être livré ,
par les Anglais , aux Mainates , et
n'ayant pu réussir, auprès du consul
français à Surate, Anquetil de Brian-
court , à s'assurer des secours de
Pondicliéri, on même de France, il
rechercha la protection des Portu-
gais. i\iais le gouverneur de Daman
lui refusa l'entrée de la ville ; et le
vice - roi de Goa, ne voulant pas se
brouiller avec les Mahrates, qui né-
gocièrent avec lui, fut sourd aux
propositions de Rakoubah. Celui-
MK
567
ci, dans cet intervalle, ayant épui-
sé ses provisions et ses finances ,
vivait en chef de brigands, et ra-
vageait les provinces qu'il parcou-
rait. Il tenta vainement de corrom-
pre le gouverneur mahrate de Baçain,
et n'osa pas même attaquer cette pla-
ce. Poursuivi par une partie de la
garnison, il n'eut que le temps de
s'enfuir, et de traverser un bras de
mer, auprès de Bombay , où il se je-
ta une seconde fois entre les bras des
Anglais, qui, très - contents de re-
commencer la guerre, le reçurent
avec joie, et lui promirent de nou-
veaux secours. Les circonstances sem-
blaient plus favorables. Ses intrigues
avaient excite deux révolutions a
Pounah : et le conseil de Calcutta ,
inquiet des négociations des Mahra-
tes avec Tagent français , Saint- Lu-
bin ; trompé d'ailleurs sur la force
réelle du parti de Rakoubah , consen-
tit à opérer une diversion en sa
faveur , de concert avec le goii-
vcrnemeut de Bombay. Mais la soif
des conquêtes aveuglait étrangement
les Anglais. Les hommes attachés à
ce prince turbulent étaient prison-
niers à Pounah j et personne, parmi
les Mahrates , ne songeait à le réta-
blir sur le trône. Le '.12 novembre
1778, une armée de huit à dix mille
hommes, y compris sept cents Eu-
ropéens , suivant Anquetil de Brian-
court, ou seulement de quatre miile
hommes, suivant les relations an
glaises ( qui sans doute n'y compren-
nent pas la division d'avant-garde,
composée de deux régiments de ci-
payes, de six cents chevaux et de
jîlusieurs éléphants, que comman-
dait Rakoubah , monté sur un de ces
animaux), partit de Bombay avec
une énorme quantité d'artillerie, de
bagages et de bestiaux, qui retar-
daient sa marche, dans une contrée
568
RAK
aride et montagneuse. Pendant cin-
quante jours, elle ne rencontra point
d'ennemi, et put inipnnc'ment met-
tre à feu et à sang tout le pays qu'elle
traversait. Ln ruine ilu beau villaf;e de
Tulicanoun fut son dernier exploit.
Attaquée par Go,ooo Malirales , a
deux journées de Pounali , elle bat-
tit en retraite, fut enveloppée à War-
gaoun, le 1 6 janvier 1779, et forcée,
après un combat très-meurtrier, de
se rendre à discrétion. Les ennemis
se montrèrent gcncreux : ils se coii-
tenlèrent de la restitution des pays
ccdés aux Anglais , ou conquis par
eux; et, moveiinant des otages, ils
leur permirent de retourner à Bom-
bay, et leur foin"nirent des provi-
sions. Rakoubah , prévoyant l'issue
de celte expédition, avait traité se-
01 élément avec les chefs raabrates ,
et il p^S'sa dans leur camp, dès le
commencement de l'action générale;
mais, dupe d'une feinte réconcilia-
tion , il fut conduit prisonnier à Pou-
nali. Il s'échappa, au mois de juin,
et se réfugia dans le camp du colo-
nel Gûddaid, qui commandait l'ar-
mée anglaise du Bengale. Ou lui té-
moigna cepcud.ii;t moins d'égards ;
ou diminua sa pension, et on le trai-
ta comme un homme qui pouvait ai-
der à faire la paix ou la guerre avec
RAK
plus d'avantage. Les succès que l'ar-
mée de Goddard remporta sur les
Mahrates , et les intelligences qu'il
entretint avec RTadadji Scindiah, l'un
de leurs chefs, amenèrent enfin un
traité deliuitif , qui fut signé à S.tl-
bev , le 17 mars i78'2. Les Ani^lais
rendirent leurs dernières conquêtes;
mais ils obtinrent la cession à perpé-
tuité de Salcette et des îles voisines,
de Baroche et de son territoire. Ils
renoncèrent aussi à proléger et à se-
courir Rakoubah, à qui l'on accorda
quatre mois pour choisir sa réiden
ce irrévocable auprès de Siindiah
ou de tout autre chef mahrale. Nos
INIémpires ne nous disent pas dans
quel asile cet usurpateur se retira
avec son fils adoptif. Nous ignorons
également l'année de sa mort ; mais
il est probable que ses jours furent
respectés par les Mahrates, parce
qu'il était de la race des brahincs.
L'Ang'ais IMackiulosh nous apprend
que ll.ikoubah (tait giand et luince;
qu'il avait l'abord sévère, mais no-
ble et expressif; qu'd était supersti-
tieux, rusé, insinuant et fourbe; qu'il
aimait le faste dans son costume et
dans ses équipages; et que les trou-
pes anglaises lui rendaient les hon-
neurs militaires pendant son séjour
à Bombay. A — t.
ni» DU Tr.ENTE-SIXIEME VOLUME.
• ï
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