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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/biographieuniam46mich
* £9
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE.
^V%%rfc\«VL-V^l.%%V%^/%'V k%%M.«/%<V\%/V-V% WV
DE L'IMPRIMERIE D'ÉVERAT,
RUE DU CADRAN, K". l().
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE ,
ANCIENNE ET MODERNE,
OU
UISTOIUE, PAR ORDRE ALPHABETIQUE, DE LA VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DE
TOUS LES HOMMES QUI SE SOKT FAIT REMARQUER PAR LEURS ECRITS ,
LEURS ACTIONS, LEURS TALENTS, LEURS VERTUS ET LEURS CRIMES.
OUVRAGE E >• T I k n E M E > T NEUF,
r.ÉUIGÉ FAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ET DE SAVANTS.
On doit des égards aux vivants; on ue doit aux mûris
que la vérité, y VoLT. , pi cniiire Lettre sur OEdipe.^
TOME QUARANTE-SIXIÈME.
A PARIS,
CHi:Z L G. MICIIAUD, LIBRAIUE-KOITEIIR,
PliACE DES VICTOIRES , N". 3.
1826. ^^^^^iiJ^
^ BlELfOTHeCA
SIGNATURES DES AUTEURS
DU QUARANTE-SIXIÈME VOLUME.
MM.
MM.
A. B— T.
Becchot.
L— c.
3 -V. Leclerc
A-D— R.
Amar Durivieh.
L ? E.
HippOLTTK DE La Portï:
A— G— s.
De Angelis.
M— n j.
MiCHAUD jemic.
A. L— D.
Adolphe Lesourd.
M— G— n.
MiCER.
A. R_T.
xAbel-Remusat.
M— I.
Thadée de ]\Iostowski.
A— T.
H. AUDIFFRET.
M LE.
Mentelle.
B— P.
De Beatjchamp.
M N — D.
MONNOD.
B— T.
BlOT.
M — ON.
Marron.
B— D.
Beaclieu.
M-R-r.
MOREAU DE MONTALIN.
B— T.
M"'». De Bollt.
N-D-T.
Naudet.
c AU.
Catteau-Callevi: le.
N-n.
Naûche.
C.B.
Breghot du Lt;t.
N-L.
Noël.
D— B— s.
Dubois.
P— C— T.
Picot.
D— G.
Deppinc.
P— I.
Pav.oletti.
D— G— s.
Desgenettes.
P-NV.
De Prony.
D— N— r.
Daunou.
P— RT.
Philbert.
D— R— n.
Ddrozoir.
P— S.
Périès.
D_T.
Ddrdent.
R— L.
De Rossel.
D— u.
DUVAU
S.D.S— Y
. Silvestre de Sac y.
D— X.
Decroix.
Si— D.
Sicard.
D— z— s.
Dezos de hk Roquette.
S-L.
ScHOELL.
Kc-Dd
EMÉr.ic-DAvm.
S. M— N.
Saint-Martin.
E~K— n.
ECXARD.
S_R.
Stapfer.
E-s.
Eyriès.
S. S— I.
SiMONDE-SiSMONDI ■
F— A.
Fortia-d'Urban
St — T.
Stassart.
F— T.
FoissET aîné.
S— V— s.
De Sevelinges.
G — Rn.
GuÉRAnn
S— Y.
De Salabetrï.
G-T.
(iLET.
T— D.
Tabaraud.
H— Q-N
Hennequiw.
1—1.
USTÉRI.
3— R.
3ACon.
Y—y .
VlLLEMAlK.
3-N.
30UrtDAlN.
V. S. L.
Vincens-Saint-Lai'REnt.
Kt-H
Klaproth.
^^'—<x.
Walckenaeh.
I,.
Lr.i'EiîvnE-CAucHY.
\V_s.
Wei.ss.
L — n— E
LAnOUDEI.IE.
z
Anonyme.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE.
JL lARA ( Petreics ou Pierre ) ,
numaniste et médecin hollandais ,
naquit , le i5 juillet i5i4,àWor-
çujn , en Frise , où il commença ses
Immanités , et se rendit ensuite à
Harlem, oii il e'tudia la lo};ique, les
matbématiques et la morale. C'était
un de ces esprits privilégiés qui se
passent de maîtres, et qui sont ca-
pables de tout puiser dans leur pro-
pre fondj déjà helléniste et latiniste
consommé, il fabriquait lui-mêjne
ses instruments de musique, d'astro-
nomie, de géométrie , et ne demeura
même pas étranger à l'art de la pein-
ture. S'étant voué toutefois spéciale-
ment à la médecine , il alla l'étudier
à Louvain,et visita ensuite l'Allema-
gne, la France et l'Itaiie. Créé doc-
teur - médecin dans cette dernière
contrée , il vint , au bout de ses
vpyages , s'établir à Louvain ( vers
i553) , et y enseigna la langue grec-
que. En i56o, une académie ayant
e'tfi fondée à Douai, il y fut appelé à la
même chaire ; mais son épouse, Fri-
sonne , se déplaisant dans celte ville,
il retourna dans sa patrie , et
fut bourgmestre à Franeker. En
iSyS, quand on rechercha partout
les savants les plus distingués pour
la nouvelle université de Lcyde ,
XLVI.
Tiara y fut appelé , pour l'ensei-
gnement du grec ; et il eut l'honneur
d'être le premier recteur magîiifique
de celtegraude école. Mais sa province
natale le rappela encore une fois dans
son sein. Franeker ayant fondé une
académie en 1 585, Tiara en fut un des
sept premiers professeurs , toujours
pour l'enseignement du grec. Il y
mourut le 9 février de l'année sui-
vante , dans la soixante-treizième de
son âge. Vers la fin de sa vie,
ce savant , s'étant un jour pré-
senté à la sainte cène , le pasteur
refusa de la lui administrer sans
une déclaration préalable qui cons-
tatât son orthodoxie, vraisembla-
blement douteuse : il consentit à la
faire et fut admis. On a de lui : I,
Une traduction latine du Sophiste
de Platon, Louvain, i533, in-12.
II. Une de la Médée d'Euripide,
Utrecht, 1543, in-12. III. Une des
Sentences de Pythagore,dc Tliéo-
gnis et de Phocylide , Franeker ,
1 589, in-12 IV. Poëmation de no-
bilitate et disciplina militari vete-
rum Frisiorum ^ Franeker , 1 Sg^ ,
in-i 2. C'est un appel à la guerre con-
tre l 'Espagne , et cette production fait
également honneur au talentdeTiara
pour la poésie latine , et à son patrio-
2 ' * T! TÏB
tisrafi.La date de la publication fait
juger qu'elle fut posthume. Gniter
l'a recueillie dans ses Deliciœpoéta-
nitn Belgicoruvi. M. Peerckamp,
à l'article Tiara de ses Fitœ Belga-
rum qui latina carmina scripserunt
(Bruxelles , i8'^2 , in-8o.) , ]i,i a ac-
cordé de justes éloges , appuyés de
qiieîques citations. Voyez aussi le
Parnassus Latino-Belgicus de M.
Hoeulft (Amsterdam et Breda , 1 8 19,
in- 8". ). V. Un autre Poème élégia-
que latin De Nobililate ejiisque ve-
ris insignibus , qui se trouve dans
les mêmes Deliciœ , à la suite du
précédent. Tiara avait aussi travaillé
sur les Apliorismes et les Prognostics
d'Hippocrate, sur les Hymnes d'Ho-
mèic, sur d'autres dialogues de Pla-
ton ; mais il ne paraît pas que ces
travaux aient vu le jour. 11 était meil-
leur homme de cabinet que profes-
seur ; et portait à l'excès , dans ses
leçons, fa défiance de lui-même.
M ON.
T16AI.D0 ou TIBALDI. Foy.
Pellf.grini.
TIBIÎON ( Jlda Aben ) , savant
rabbin du royaume de Grenade , vi-
rait à la fin du douzième siècle. Il se
fit une grande réputation parmi ses
co-religionuaires^ par le nombre et le
mérite de ses îraduclions de l'arabe
en heluTu. Aben Jacliias , dans son
Scialceleth , lui donne le titre de
prince des traducteurs. Les princi-
paux ouvrages qu'il a traduits sont :
1. Cozari on Cozn',de Juda Levita,
en I 1^)7. 11. Scpht-r einurioth [ Li-
vre des articles de foi ). La traduc-
tion par le rabbin Saadias, ache-
vée en I I 7 I , a été imprimée à Cons-
tantinople, en 1 ')<»?. , et ailleurs. IIL
Chovàd alhvavoth ( Le devoir des
cours ). C'est un li\re de morale
très-cstimé |)armi les .Juifs, et qiu
fut imprimé pour la première fois à
TIB
Naples, en 1490. 11 est du rabbin
Bêchai Ben Joseph. Aben Tibbon fit
sa traduction en 1 161 , suivant Azu-
lai. IV. Tikkùn midoth ( Des ver-
tus ). Cet ouvrage du R. Salomon
Gavirol , traduit en 1167, suivant
Azulai , parut en i562, à Trente.
V. Agiographa , seu Proi'erbia ,
J(.h , Daniel , Esdras ^ Ruth , Can-
ticinn Canticorum , et ordo precum,
ciitn confessione , traduction excel-
lente. \'l. Galeni ars parva , seu
compendium praxis medicœ cum
commentario Ali ben Retzuàn.
VIL La Grammaire de Jonas ben
Ganah, traduite en 1 186. Juda Aben
Tibbon a laissé une lettre pour l'ins-
truction de son fils Samuel , intitulée
Ighered Muzàr. Sur tous ces arti-
cles on peut consulter le Dictionnai-
re historique de Rossi , et le Cata-
logue des manuscrits hébraïques de
sa bibliothèque. L — b — e.
TIBBON ( Samtjel Ben Juda>
Aben) ,filsduprécc'dent, marcha sur
les traces de son père, et mérita égale-
ment le titre de prince des traduc-
teurs. On lui doit : I. Ikkam am-
maim ( que les eaux se ramassent ■.
C'est un conmientaire des versets 9
et 10 du premier chapitre de la Ge-
nèse , en vingt-deux livres , ou plu-
tôt un traité de physique dans le-
quel l'auteur s'attache à prouver
comment les eaux de la mer ne sor-
tent pas de leur lit. Il n'a jamais été
publié, quoi (pi'en di.se l'auteur du
Catalogue de la bibliothèque d'Op-
peidieimer. IL Un Commentaire
sur le livre deVEcclésiaste, inédit.
III. Dehbt filosofim ( sentences des
])hilosophes ) , inédit. IV. More ne-
i'iirhini ( le docteur des faibles ), tra-
duit dr l'arabe de Maïmonide.(Voy.
son :\rù(\v\\ .E.rposilio7H)nimpere-
grinnrum lihri More Nevochim . V L
Epistola de resnrrectione morluo-
TIB
rum , traduite de Maïmonidc. VII.
Scemonè perachini ( huit cl)apitres
des facultés de l'ame ) , comme le
précédent. VIII. Pirke avoth ( cha-
pitres des pères ) , comme le précé-
dent. IX. Rhuah clien ( esprit de
grâce). Les livres de Maimonideont
jDeaucoup servi à la composition de
cet ouvrage, que plusieurs critiques
ont attribué à Juda Aben Tibbon;
mais que J. Bernard de Rossi a dé-
montré èti'e de Samuel AbenTibbon.
X. Ahiinasaris AlphaTahii Uhtr de
principiis natiiralihus. Voyez la bi-
bliothèque Arabique des philoso-
phes , par Casiri. XI. Aiistotelis
liber de meteoris , sen de signis cœ-
li. Cette traduction a été faite pour
l'instruction du rabbin Joseph ben
Israël. XIÏ. A^'errois compeiidium
libri acroasis , seu j>ltj'sicœ auscid-
tationis Aristotelis. Bartolocci et
Wolf ont attribué mal-à-propos cette
traduction à Samuel Aben Tibbon;
elle est de Mo'ise Aben ïibbon ou
Tibbonide. Nous renvoyons nos lec-
teurs aux ouvrages que nous avons
indiqués dans l'article de Juda Aben
Tibbon, et à la Bibliothèque des
rabbins espagnols, par Rodriguez
de Castro, qui n'a })oint parlé de
Juda, ou qui l'a confondu avec Sa-
muel et avec Moïse. L — b — e.
TIBBON ( Moïse Ben Samuet.
Aben ), autrement appelé Tibboni-
de, lils du précédent, vivait aussi
dans le royaimie de Grenade vers
l'an ri']o;il cultiva les mêmes scien-
ces que son père et son aïeul , et s'y
lit la même réputation. Nous avons
de lui : 1. Canticum Canticorum
cuiu conime/Uario , manuscrit rare
et; qui n'a jamais été imprimé.
Voyez le Catalogue des ntamis-
crits de la bibliothèque de J. I^ern.
de Rossi, Cod. Sqo. II. li. Mosis
Maïmonidis liber prœccptorum .
TIB 3
Tibbonide a enrichi cette traduc-
tion d'une savante préface. III. iî.
Mosis Maïmonidis liber de voca-
bulis logicis , seu logicœ compen-
dium. Cette traduction a été impri-
mée plusieurs fois à Venise , et une
seule fois à Crémone, en 1 566. Nous
ne pousserons pas plus loin le cata-
logue des ouvrages de Maïmonide,
traduits enhébreu,par Tibbonide;il
semble que cette famille des Td)bonse
soit réservé la gloire de les faire con-
naître à la nation juive , dans sa pro-
pre langue, et qu'elle en aitioçu la mis-
sion du célèbre rabbin. IV. Hippo-
cratis Aphorisini. La traduction des
Aphorismes d'Hi[)pocrate est accom-
pagnée de colle du oommentaiie qu'en
a fait Maïmonide. V. Averrois com-
pendinm lihri Aristotelis de sensu
et serisibili.W faut ici replacer la tra-
duction du livre d'Aristote sur les
signes célestes ou les météores , dont
il a été question dans l'article précé-
dent, ii'\ XI. VI. l'abula astrono-
mica Alfragani. VII. Achmet Ben
Abraham Tzedàd derachïm. C'est
un ouvrage de médecine, peu con-
nu, même de ceux qui en ont parlé,
comme le fait entendre Rossi. VIII.
Euclidis libri. Tibbonide a traduit
d'arabe en hébreu presque tous les
ouvrages d'Averroès , ceux d'Aristo-
te et des plus célèbres philosophes et
médeciiis de l'antiquité. L — r — e.
TIBERFl ( Clatjpius Nero ), em-
pereur romain, naquit à Rome, le
i6 novembre de l'an 34 avant notre
ère, de Tiberius Nero, grand ponti-
fe , et. de Livia , fille de DrususClau-
di.'tnus. Tous deux descendaient éga-
lement de l'illustre famille des Ap-
pius. Dans les troubles qui suivirent
la mortde César. Tiberius Nero. long-
tempsattaché à la fortune du dicta-
teur . courut de grands périls. Réfu-
giée dans divers lieux dç l'Italie,
1..
4 TIB
sa femme manqua deux fois d'être
(Ic'célëe par les cris de son fils au her-
ccau. Étant passée en Grèce, elle
se retira quelque temps à Lace'dé-
mone; et Tibère, enfant, fut con-
fie à la foi publique des descen-
dants de Léonidas. Emmené', de
nuit, hors de cette ville, il faillit
périr, en traversant une foret, où
le feu avait pris , et d'où sa mère
n'e'chappa que les vêtements et les
cheveux à demi brûles. Cette pé-
rilleuse destinée fut bientôt fixée :
Livie, de retour à Rome , plut aux
regavds du triumvir Octave, déjà
tout-puissant. Elle était alors encein-
te; mais cela ne fut point un obsta-
cle. Son mari la fiança hii-raème au
nouveau maître de Rome. Tibère fut
élevé avec soin dans la famille impé-
riale. A l!âgede neuf ans, il pronon-
ça , du haut de la tribune, rélop,e de
son père , qui venait de mourir. Quel-
que singulier que nous paraisse ce
fait, d'autres exemples le rendent
vraisemblable ; et il s'explique par
l'éducation hâtive que recevaient les
jeunes Romains d'une illustre nais-
sance. Les vices du jeune Tibè-
re ne furent pas moins prématurés
que son esprit. Un Grec savant, qui
]ui servait de précepteur , avait cou-
tume de dire de lui, que c'était de la
boue détrempée avec du sang. Sous
ce maître habile et si clairvoyant ,
Tibère apprit la langue grecque ,
et s'exerça soigneusement à l'élo-
quence latine. Ses essais étaient
marqués par une imitation du vieux
langage , et un goût d'expres-
sions antiques dont Auguste se mo-
quait. Ce ])rince lui mondait d'ail-
leurs une afïéction paternelle, soit
par faiblesse pour Livie, soil pour
lelever aux yeux du peuple tout ce
qui était alliéà la maison des (lésars.
Dans le triomphe célébré pour la vic-
TIB
toire d'Actium, Tibère parut à cheval ,
à côté du char d'Auguste. Il présida
aux jeux qui suivirent le triomphe ;
et dans les jeux troyens donnés par
Auguste, il commandait les plus âgés
des jeunes combattants. Lorsqu'il
eut pris la robe virile , il donna deux
fois des spectacles de gladiateurs ,
toujours avec une grande magnifi-
cence , et par la libéralité d'Auguste.
Il avait épousé Agrippine, pelite-fille
de Pomponius Atticus, l'ami de Cicé-
ron ; mais quoiqu'il l'aimât, et qu'il en
eût un fils , il ]a répudia dans la suite
pour entrer de plus près dans la mai-
son des Césars ,enépousant Julie, fille
d'Auguste. Tibère était dès-lors un
des appuis du pouvoir impérial. Dès
l'âge de dix-neuf ans , Auguste l'a-
vait nommé questeur; et il s'occupa
de l'intendance des vivres avec beau-
coup d'habileté. En même temps ,
suivant le système de l'éducation ro-
maine , il s'exerçait à plaider. Il dé-
fendit, au tribunal de l'empereur,
dans des causes diverses , le roi, Ar-
chélaiis , les Tralliens et les Thessa-
liens; il porta la parole ,dans le sé-
nat , en faveur de quelques villes
d'Asie qui avaient été affligées par
un tremblement de terre; enfin, ce
qui paraît un augure plus remarqua-
ble, il remplit le rôle d'accusateur,
et fit condamner pour crime de lèse-
majesté , Fannius Cepio ^ prévenu
d'avoir conspiré contre l'empereur.
11 aurait voulu dès-lors communi-
quer au gouvernement d'Auguste
quelque chose de soupçonneux et de
tyraunique, dont la froide modération
de ce prince crut n'avoir pas besoin.
H s'irritait de la liberté ae quelques
écrits satiriques qui circulaient impu-
nément dans Rome contre Auguste,
ij'empereur , en réponse aux plaintes
ami'rcs (|uc Tibère faisait de cette in-
dulgence, lui disait, <lans une lettre
TÎB
citée par Suetoue : « N'en croyez pas
» là dessus , mon cher Tibère , l'em-
» portement de votre âge ; et ne vous
» fâchez pas trop, si quelqu'un dit du
» mal de moi; c'est assezque personne
» ne puisse m'en faire. « Les travaux
militaires devaient se mêler à cet ap-
prentissage de la vie civile et séna-
toriale. Tibère y était disposé par
la vigueur de son tempérament et
son activité. Il fit d'abord, comme
tribun militaire, la guerre des Can-
tabres , rude et ancienne école de
la jeunesse romaine. Tibère avait le
courage , mais non la tempérance
des anciens généraux. Il était adonné
aux excès du vin ; et les soldats , pour
s'en moquer , parodiaient son nom
par celui deBiberius-Mero. Ensuite ,
il fut envoyé dans l'Orient, subju-
gua l'Arménie , occupée par un prin-
ce que l'on appelait usurpateur, par-
ce qu'il était l'ennemi des Romains; et
il rendit le trône à Tigrane , auquel il
mit lui-même le diadème sur la tête
du haut de son tribunal. Ce fut
à lui que le roi des Parthes renvoya
les aigles romaines enlevées sur Cras-
sus , hommage à la puissance romai-
ne dont Horace a fait tant de bruit.
Ensuite, il gouverna pendant un an
la Gaule , nommée Chet^elue. Il sou-
mit les Rhœtes et les Vindéliciens ,
dans les Alpes, et fit la guerre avec
succès dans la Germanie, la Panno-
nie et la Dalmatie. Il perdit alors
son frère Drusus , qu'Auguste avait
élevé au consulat , et qui mourut
dans cette guerre : il ramena son
corps à Rome, en suivant à pied le
char funèbre. Il retourna combattre
les Germains , les vainquit; et, pour
mieux les assujctir, en transporta
quarante mille dans les Gaules, au-
delà du Rhin. Il entra dans Rome
avec les honneurs de l'ovation, mais
revêtu des ornements du grand trioni-
TIB
6
phe , privilège jusque là sans exem-
ple. Il fut alors créé consul , et déco-
ré de la puissance tribunitieune pour
cinq ans. Dans cette élévation, il se
détermina tout-à-coup à quitter Rov
me et les affaires. Ses motifs, mai
connus il y a dix-huit siècles , ne
seront guère devinés aujourd'hui.
Etait-ce répugnance pour sa femme
Julie , dont les débauches devenaient
la fable de Rome, et qui, fille de
l'empereur , ne pouvait être aisément
répudiée? Était-ce un calcul pour se
rendre nécessaire eu s'éloignant /
Etait-ce enfin désespoir d'arrivet à
l'empire, en voyant les deux fils
d'Agrippa qu'Auguste avait adop-
tés , gianà'r et occuper la se-
conde place? Quoi qu'il en soit, Ti-
bère n'obtint qu'avec peine la per-
mission de se retirer. Auguste se
plaignit dans le sénat d'être aban-
donné. Tibère partit , laissant à Ro-
me sa femme et son fils. Ayant ap-
pris , sur la route , une indisposition
d'Auguste, il ralentit son voyage;
mais le bruit s'étant répandu qu'il
tardait à dessein, et pour une grande
espérance , il s'embarqua brusque-
ment, et passa dans l'île de Rhodes,
agréable colonie grecque, renommée
par la douceui- et la salubrité du
climat. Il y vécut en simple particu-
lier, habitant à la ville et à la cam-
pagne une maison modeste , fréquen-
tant les écoles des sophistes et les
gymnases ,sans gardes, sans licteurs.
Il n'avait près de lui qu'un seul ami
du rang de sénateur, quelques confi-
dents obscurs, associés à ses déban-
ches, et un astrologue qu'il conswl-
tait sur sa destinée i f'^y. Thha-
-BYLLE }. Cependant les proconsuls
et les lieutenants de l'empereur',
qui se rendaient eu Asie, ne mâii>-
quaiient guère de le visiter au pas-
sage; car la cause de s;i disgrâce
6 TIB
était obscure , et son crédit pou-
vait renaître. On conçoit, du reste,
quelle devait être la déférence desha-
bitants pour un Romain de si grand
nom. Un matin, Tibère, qui sans
'doute s'enuuvait de son loisir, avait
dit qu'il voulait visiter tous les ma-
lades de la ville. Le mot fut mal com-
pris par quelques courtisans; on se
hâta de transporter tous les malades
sous une galerie publique , et de les
ranger par ordre. Tibère fut embar-
rassé de ce singulier spectacle , qui
n'attestait que le servile empresse-
ment des peuples pour !e caprice
présume d'un Romain. 11 fit le tour
de la galerie , s'excusant auprès de
chaque malade, même du plus pauvre
et du plus inconnu. Il gardait habi-
tuellement cette feinte douceur dans
son commerce avec les habitants de
l'île. Une fois seulemenf que, dans une
école,deux sophistes se trouvaient aux
prises, l'un d'eux a vaut accusé Tibère
de partialité pour son adversaire,
l'orgueil du Romain et du prince im-
périal leparut tout -à -coup, et le
pauvre sophiste fut jeté en prison.
Tibère appritdans sa retraite la con-
damnation de sa femme Julie , et le
divorce prononcé d'ollice par l'em-
pereur : dans la joie de cette nou-
velle, il allécta cependant d'écrire
plusieurs lettres à Auguste, pour l'a-
doucir en faveur de sa lille; et il le
suj)plia de lui laisser tous les dons
qu'elle tenait de son époux. Lorsque
le temps de son tribiuiat fut expiré,
il sollicita son retour à Rome, ne pou-
vant ])lusrrain(lre . disait il , ce qu'il
avait voulu surtout ])révenir, une
appareure de rivalité avec le lils
de l'empereur. Auguste ne goû-
ta pas les aiubigiut('s , et répon-
dit |).ir un icfiis. Sa retraite devint
un exil, dans lequel il traînait obscu-
rément le titre de lieutenant de l'cin-
TIB
pereur; on l'appelait en Italie Vexilé
de Rhodes. Il vécut dès-lors, non-seu-
lement en homme privé , mais en
homme suspect et menacé , se reti-
rant au milieu des terres , cherchant
la solitude . et évitant les hommages
des ofîlciers romains qui passaient
par rîle de Rhodes. Il lit un vovage
a Samos , au-devant de Gains, qui se
rendait en Orient ; mais ce jeune
prince, aigri par Lollius, son gou-
verneur , ne lui montra que haine et
deliance. On l'accusa d'avoir voulu
gagner quelques centurions. Auguste
l'avertit lui-même des plaintes et des
soupçons qu'il excitait; et Tibère ne
cessa dès-lors de demander un sur-
veillant de sa conduite et de ses dis-
cours; ce que probablement il avait
déjà , sans le savoir. En même temps,
il abandonna l'exercice des armes et t
du cheval ; etquittant l'habitromain ,
il se réduisit au manteau et aux san-
dales grecques, comme pour se ré-
fugier dans le rôle obscur d'nn so-
phiste. Là même , il était, ou se
crovait menacé; il demanda de nou-
veau sonra])pel avec d'instantes priè-
res, que Livie appuya de sa tendresse
et de son pouvoir. Auguste se laissa
fléchir, de l'aveu de Gains, auquel il
destinait l'empire du monde; et Ti-
bère, après huit ans d'éloignement,
revint à Rome , pour y vivre d'abord
aussi retiré et aussi modeste que dans
son île. 11 conduisait au barreau son
lils Driisus. ]l avait quitté le quartier
de la cour et la maison de Pompée,
et il habitait aux Esquilies , dans les
i.irdins de Mécène. Il y vivait j)ai-
sible , et ne se mêlant d'aucune aliàire
j)ubli(pie. Mais la mtu't prématurée
de Gaïus <>t de son frire Lucius vint
tout changer. Auguste, qui cherchait
des appuis et des héritiers de scm
pouvoir, fut oblige de reporter les
yeux sur Tibère. Il est aiissitôl
riB
adopte par l'empereur , en même
temps qu'Agrippa , dernier frère de
Caïus. Il est de nouveau revêtu de la
puissance tribunitienue , et mis à la
tète des légions de Germanie. Sou
esprit inquiet et actif qui avait dévo-
ré l'ennui d'une si longue inaction ,
reparut tout-à-coup avec une nou-
velle vigueur. Il revoyait le théâtre
de sa gloire^ il reprenait le chemin
de l'empire. On peut croire mê-
me, sur la foi du flatteur Velléius ,
qu'il fut accueilli par les transports
et les acclamations des soldats :
« Nous te revoyous , général , di-
» saient-ils , nous te retrouvons sain
» et sauf- puis il entendait de toutes
» parts ces mots : Moi /général, j'ai
» servi avec toi dans l'Arménie ; moi,
» dans la Rhétie ; moi, j'ai été décoré
;> de ta main dans la Viudélicie ;
» moi, dansiaPanuoniejmoidansla
' w Germanie. <> Tibère justifia cet en-
thousiasme par des victoires : il sou-
mit plusieurs peuples de la Germa-
nie, jusqu'au Véser, qu'il traversa j
puis il laissa sou armée en quartiers
d'hiver aux sources de la Li[)pe, et
revint auprès d'Auguste , jusqu'au
printemps , et à la campagne nou-
velle. Elle fut marquée par des suc-
cès , et Tibère revint encore à
Rome , surveiller la santé d'Au-
guste, et l'héritage de l'empire. Il
vainquit les Marcomans, que leur
chef Mjroboduus avait disciplinés
presque à la manière romaine, et
dont la résistance fut aidée par les
Pauuuuicns et les Dalmales. On ne
doit lire qu'avec déliancc les récits
de Vclleius, témoin oculaire, mais
témoui conoinpu ^ ayant à-la-fois
l'engouement d'un ollicicr pour son
général , l'abjection d'un courtisan,
et l'emph.ise d'un rhéteur. Toute-
fois on ne peut douter (jue Tibère ne
fût un général habile. Tacite, pt §ué-
TIB 7
tone conviennent de sa réputation
à cet égard. Il conduisit avec pru-
dence et vigueur la guerre contre les
Pannoniens et les Dalmates , et sou-
mit la belliqueuse province d'IUyrie.
Velléius porte jusqu'à huit cent mille
hommes les forces des peuplades con-
fédérées que Tibère eut à combattre.
Cependant cet historien , au milieu
de ses hyperboles , ne rapporte au-
cune grande bataille gagnée par Ti-
bère, ni aucun trait mémorable de
sa part. Il s'extasie sur sa douceur ,
sur le soin qu'il avait des olUciers
malades , sur la bonté avec laquelle il
prêtait sa litière , comme je l'ai
éprouvé moi-même, (lit-il, ain-
si que beaucoup d'autres. La dé-
faite de Varus, qui survint à la
même époque, fit encore ressortir
la fortune et le talent du fils adoptif
de l'empereur. Cette nouvelle arriva
ciuq jours après que Tibère eut
terminé la guerre de Pannonie et
de Dalmatie. Il serenditsur-le-champ
près d'Auguste, diiTéra son triomphe,
par égard pour le deuil public , et
repartit au printemps , pour repous-
ser les Germains, vainqueurs de Va-
rus. Il porta, dans cette guerre, un
nouvel ell'ort de vigilance et d'activi-
té. Tout était délibéré dans un con-
seil et réglé d'avance, la disciphne
sévèrement observée , la mollesse
proscrite. Le général lui-même sou-
vent n'avait pas de tente, bivoua-
quait sur le gazon, et était prêt à
toute heure de nuit. Malgré sa pru-
dence habituelle , il livrait bataille ,
lorsque, durant sa veille nocturne , il
avait vu la lumière de sa lampe bais-
ser et s'éteindre d'elle-même. Il pa-
raît qu'une fois son armée se trouva
surprise dans un défilé, par un chef
pannonienj mais Tibère séduisit ce
général,, que, dans la suite, il récom-
pensa par uu établissement et des ter-
a
TIB
res en Italie. Sorti de ce péril , il
acheva de soumettre la Germanie^ et
revint à Rome pour triompher. Au-
guste présida la cérémonie, et reçut
les hommages de Tibère, qui descen-
dit du char , et fléchit les genoux de-
vant lui, avant de monter au Capi-
tole. Peu de temps après , il fut déci-
dé, par une loi, que Tibère partage-
rait avec Auguste le gouvernement
des provinces réservées à l'empereur,
et qu'il célébrerait la cérémonie du
Cens. Après s'êtreacquittéde ce der-
nier soin , il partit pour faire encore
la guerre en Illyrie. Auguste, mal-
gré son âge et le déclin de sa san-
té, l'accompagna jusqu'à Bénévent,
et ensuite reprit la route de Noie, où il
fut saisi d'une grande défaillance.
Tibère averti revint à la hâte , trouva
l'empereur qui respirait encore, et
demeura un jour enfermé avec lui.
Selon le flatteur Velléius , Augus-
te , environné des empressements
de Tibère, rassuré désormais sur
l'avenir j et même un moment ranimé
par la pl-ésence et l'entretien de ce
fils chéri , rendit au ciel son amc
divine. Suivant Suétone , Auguste ,
peu satisfait de cette dernière conver-
sation, laissa échapper ces mots,
lorsque Tibère fut sorti : Malheu-
reux le peuple romain , de se trou-
ver sous celle pesante mâchoire !
Quoi qu'il en soit , tout avait
e'té préparé; toutes les issues étaient
gardées, pour que le peuple apprît
du même coup la mort d'Auguste
et l'avènement de Tibère. Le der-
nier fils (l'Agrippa , le jeune Agrippa
Posthume, déjà relégué loin de la
cour par les intrigues de Livic ,
reçut la mort flans sa prison, par
les niaiuH d'un rcUlurio», contre le-
quel il se di'feudii I6i1gtr»n(»s. Ce
menrlre , dit Tacite, fiit le. pu-:-
mit-r crime fhtuntn'rau rèsrtr^ Lm-^-
TlB
que le tribim militaire vint rendre
compte de l'accomplissement de tet
ordre, Tibère dit qu'il n'avait rien
ordonné de semblable , et que le tri-
bun rendrait compte au sénat. Mais
cette menace hypocrite tomba d'elle-
même , et fut oubliée dans les soins
nombi-eux qui suivirent. Tibère , par
le droit de la puissance tribunilienne,
convoqua le sénat ; mais à peine eut-
il commencé de parler qu'il s'arrêta,
comme accablé de sa douleur , et sou-
haita de perdre la parole, et même la
vie; puis il donna son discours à lire à
son (ils Drusus; ensuite les vestales ap-
portèrent le testament d' Au guste, dont
un affranchi donna lecture. Dans cet
acte solennel , Auguste semblait agir ,
comme particulier, et non comme
prince : il disposait de sa fortune, et
non de l'empire; mais il était entendu
par la servilité commune , que l'une
de ces expressions supposait l'autre.
Telles étaient les premières paroles
du testament : « Puisque la fortune en-
nemie m'a enlevé Caïus et Lucius ^
mes fils, que Tibère César soit mon
héritier pour les deux tiers de ma
succession. » Les autres dispositions
ne renfermaient que des legs et des
libéralités pour le peuple romain.
Après celte lecture commença le
singulier débat de servitude et d'hy-
pocrisie si énergiquement dépeint
par Tacite, et où Tibère, qui pos-
sédait la réalitédu pouvoir , le palais ,
la garde, le trésor, se fit supplier
d'accepter l'empire. Après avoir ré-
sisté long-temps aux arguments et
aux fausses larmes des sénateurs , il
céda eulin, comme vaincu par la
violence , et (inil par ces mots : « Au
» moins que je puisse arriver à un
«temps, où vous pigerez équitable
)) (raccorder (pi('lr|iir repos à ma
» vieillesse! » Celle comédie ('tonne-
ra hi oins , si l'on songe que l'ctablis-
T3B
sèment impérial n'avait encore été'
confirmé par aucmie transmission;
qu'Auguste lui-même avait feint de
u'cn jouir que pour dix ans. Indé-
pendamment de sa résistance publi-
que, Tibère, même dans le secret du
palais, exprima son anxiété, tantôt
en reprochant à ses amis de ne pas
savoir quel monstre c^ était que l'em-
pire, tantôt en avouant avec plus de
franchise , quil tenait le loup par
les oreilles. En effet, plusieurs pro-
vinces étaient agitées. En Germa-
nie , les légions mutinées offraient
l'empire à Germanicus, qui le refu-
sait avec une indignation trop ver-
tueuse pour être comprise par Tibè-
re. En Illyrie , la sédition se bornait
à des demandes de paie et de con-
gés; mais elle n'était pas moins vio-
lente. On parlait aussi d'un rassem-
blement formé par un esclave du
malheureux Agrippa ; et l'on pou-
vait craindre des complots parmi les
grands de l'empire : tout céda bien-
tôt. Germanicus calma les légions,
et les conduisit à de nouvelles victoi-
res, au nom de l'empereur. Les lé-
gions d'Illyrie s'apaisèrent égale-
ment par la présence et les promes-
ses de Drusus. Tibère eut un pou-
voir aussi vaste que paisible ; il parut
d'aboixl en user avec modération. Il
refusa les honneurs entassés à ses
pieds par le sénat. Il ne voulut ni
prêtres , ni temple , ni statue. Il ne
permit pas de jurer par ses actes, de
donner le nom de Tibère à l'un des
mois de l'année. Une prit que rare-
ment le nom d'Auguste, et refusa
toujours le surnom d'Imperator. Il
affectait en même temps une grande
déférence pour le sénat , et quelque-
fois une apparence de soumission
qui devait faire trembler les séna-
teurs. Ainsi , dans un discours au sé-
nat , il proféra ces paroles littérale-
TIB ,9
meut conservées. « Je l'ai dit, pères
» conscripts ;, et maintenant , et dans
1) d'autres occasions ; un bon et utile
» prince que vous avez entouré d'une
» puissance si grande et si libre , doit
» être le serviteur du sénat et des
» citoyens , et souvent de chacun
w d'eux en particulier : je ne me re-
» pens pas de l'avoir dit^ car j'ai
)> trouvé, et je trouve encore en vous
)) des maîtres bons et équitables. »
Quelques autres traits particuliers
semblaient indiquer de la modération
des égards pour le peuple romain.
Tibère avait fait transporter dans sa
chambre (i) une statue précieuse,
placée devant les Thermes d' Agrippa,
et qui représentait un homme se
frottant, au sortir du bain. Le peuple
romain , si peu sensible à la perte de
sa liberté , réclama contre cette fan-
taisie du prince ; et de grands cris
éclatèrent au théâtre , pour redeman-
der le rétablissement de la statue
dans un lieu public. Tibère la fit
replacer ; mais il supprima les
comices, dont Auguste avait conser-
vé l'image, et qui s'étaient assemblées
encore pendant toute la durée de son
règne. Cette grande révolution , qui
détruisait la dernière forme de la li-
berté populaire, est appelée dans Vel-
léius , par un de ces euphémismes
communs à tous les temps de servi-
tudes , l'organisation des comices
{comitiorum ordinatio). Des paro-
les hautaines , des traits de despotisme
se mêlaient à tous les actes de Tibère,
et annonçaient la dureté farouche de
(i) Pliirima ex oninibui signa J'ecit , ut diximus ,
J'acundis^iinn' artis interijuœaistrin^enteni se , quem
Marciis --i^rippa anté thermas suas dicavit ^ mire
gralitm Tiberio principi : qui non quivil lemperare
sihi in eo , quanquam imperiosus sui inter initia
principalils , Iranslulilque in eubiculum , alio ibi
stgnn substituto : cum quidem tanta poputi romant
rontninacia juit . ut magnis iheatn clamorihti%
reponi apoxyomenonflngttaverit,princepsquef quart -
quant adamaliim, rrpo^uerit. (Pliu. Hiit. nal. , lill
XXXIV. )
10 TIB
sou règue : un ancien arai lui disait ,
dans les premiers jours de son éléva-
tion: Vous souvenez- vous, César?
et il allait rappeler quelques souve-
nirs de leur liaison. « Je ne me sou-
» viens pas de ce que j'ai été, »
lui répondit Tibère. Il différait à
payer les lep;s d'Auguste au peu-
ple romain. Un homme, rencontrant
un convoi funèbre , dit tout haut que
le défunt devrait bien «e charger de
prévenir Auguste de cet oubli. Le
plaisant est arrêté, conduit à Tibère,
qui lui fait donner aussitôt sa part
du legs , et ordonne qu'il soit pendu,
afin d'aller avertir Auguste. Insensi-
blement il luarquadavantage son pou-
voir, se montra surveillant sévère de
la justice, et même réformateur des
mœurs. Il venait assister aux juge-
ments des tribunaux; et, s'il croyait
apercevoir faveur ou corruption dans
les juges, il les réprimandiiit : mais
ce qu'il faisait ainsi ])our la justice , il
pouvait le faire au profit de la tyran-
nie; et il ne tarda pas. Il avait d'a-
bord refusé de punir les libelles , et
écarté lesaccusaliMis delèse-majestéj
il parutijientôtdisjioséàlesaccueillir.
Ce fut surtout après la mort de Ger-
manicus qu'il laissa voir tous ses vi-
ces. La vertu du jeune prince le con-
tenait; et il avait peur de sa gloire.
11 l'éloigna d'abord des provinces
voisines de l'Italie, et l'envoya com-
mander dans l'Orient : mais l'amour
et les v«;ux des l'omains suivaient
partdut (ieimanicus. On comparait
son affabilité, sa douceur, à la dure-
té de Tibire. On espérait en lui ,
comme on avait autrefois espéré
dans son pire Drusus. La haine de
Tibère s'en irritait ; (iernianicus
nidiinit m Oii( ni , apris une coui-
le maladie. SnctcUKr n'ailinne pas
l'enipoisoiuK ment de (ici juanicusç
el , dans les temps modernes , V'nl-
TIB
taire avec ce scepticisme qui de-
vient quelquefois trop favorable aux
méchants , a rejeté , comme une fa-
ble les soupçons de Tacite. Mais les
fdaintes de Germanicus mourant,
es accusations répétéespar sa femme
et ses amis , le mécontentement de
Tibère qu'on eût montré le corj)s
du jeune prince , et sa cruauté
sur la veuve et les enfants de Ger-
manicus : voilà des motifs de soup-
çonner un premier crime attesté par
tant d'autres crimes. La conduite de
Tibère pendant le procès de Pison
n'est pas moins remarquable Kome
et l'empire accusaient le gouverneur
de Syrie , et demandaient sa mort. Il
fallait une satisfaction. Ou dirait
que Tibère eût voulu d'abord la
détourner. Un accusateur aposté
se présente afin de substituer une
accusation de commande aux voix
énergiques des amis de Germanicus.
Ceux-ci ne voulurent pas se désis-
ter de leur pieuse vengeance. Le
sénat leur fut ouvert. Tibère , dans
un discours ambigu , parut laisser
quelque espérance à Pison , pleura
Germanicus , et blâma le zèle trop
ardent de ses amis. Lorsque les dé-
bats s'animèrent, et que Pison , sans
être convaincu sur le crime d'em-
poisonnement , fut accablé par la
véhémence de ses adversaires , le
|)rince parut si froid , si impénétra-
ble, que Pison sortit du sénat sans
espérance : ou le trouva mort dans
la nuit. Selon quelques récits du
temps , répétés par Tacite , cette
mort eût été violente , et prévint
le désespoir de Pison , qui , dé-
posilaire des ordres seciets de l'em-
|icreur coiitic Germanicus , était
résolu de les produire au sénat.
L'imagination , (|ui aime le dramati-
cpie dans l'iiisldire , se ligure l'ibè-
re présidant au jugemculdcsoncom-
TIB
plice , redoutant un aveu , deruière
défense de l'accusé , le retardant
quelques jours par de fausses pro-
messes , et s'assuraut à la fin le si-
lence par un meurtre secret. Cepen-
dant les dernières paroles écrites par
Pison, et apportées dans le sénat,
démentent cette conjecture. Pison se
plaiut de succomber à la conspira-
tion de ses ennemis, 11 n'accuse ni
rinditTéiv'nce,ni les ordres du prince;
il lui rappelle seulement une ancienne
amitié qu'il invoque pour ses enfants.
Mais ou sait que l'iionible loi des
confiscations pouvait faire redouter
à un Romain quelque chose après la
mort. D'autres victimes de la tvrau-
nie des Césars semblaient la bémr
dans leur testament ou dans leurs
derniers adieux, afin de sauver par
cette flatterie de mourant le patri-
moine de leur famille. 11 reste donc
vraisemblable que Pison avait été
l'apient de Tibère dans mille persé-
cutions contre Germanicus, Plaiicine,
son épouse , plus particulièrement
soupçonnée de l'empoisonnement de
Germanicus , fut sauvée à la deman-
de du prince. Du reste , après la mort
de Pison, Tibère eut égard à ses
dernières prières ; il fit réduire les
amendes, et conserva la plus (i;ran-
de jiartie de ses biens à ses enfants.
Mais en même temps il récompensa
les accusateurs par des places et des
honneurs. Soit que Tibère se sen-
tît délivré par la mort de Germa-
nicus, soit que son orgueil fût ulcéré
par les regrets qui la suivirent , il est
certain que son gouvernement, jusque
là raclé de quelque bien , devint de-
puis cette époque cliacpie jour plus
tyrannicpic et plus cruel. 11 avait dé
j.i pour ])riiici|)al miiiislie Séjaii ,
qui, })ar une circonstance remarqua-
ble, s'attira tant de liainc, sans
diminuer celle que l'on ])urlait au
TIB
1 1
prince. Il admettait en même temps
Dnisus dans le gouvernement , l'as-
sociait au consulat, et ne parais-
sait pas jaloux de son pouvoir.
Cette même année , il quitta Ro-
me , pour habiter la Campanie.
La paix de l'empire était faible-
ment troublée par quelques guerres
dans l'Afrique ou dans la Tlirace ,
et quelques révoltes dans les Gaules.
Tibère, du fond de sa retraite, don-
nait des ordres ; et il annonçait au sé-
nat ces troubles passagers lorsqu'ils
étaient apaisés par le courage des gé-
néraux romains. Les principaux évé-
nements de ce règne sont donc l'avi-
lissement du sénat, ses iniques sen-
tences et ses lâches délations , qui
frappèrent tant de victimes , depuis
les ennemis de Tibère jusqu'à ses fa-
voris. On conçoit avec peine quelques-
unes de ces barbaries légales dont le
sénat se montrait l'exécuteur docile
avec un zèle tantôt blâmé , tantôt loué
par Tibère. Drusus étant tombé ma-
lade, un chevalier romain , Lutorius
Priscus , avait préparé des vers sur
la mort du jeune prince. Drusus gué-
rit; mais le poète, ayant In son ou-
vrage dans quelques cercles de fem-
mes , fut dénoncé pour crime de lèse-
majesté. Le sénat le jugea digne de
mort ; et il fut exécuté dans sa pri-
son. Tibère, en trouvant la peine ri-
goureuse , approuva cependant le zè-
le des sénateurs à venger les injures
du prince; mais, comme si l'on eût
fait tort à sa clémence, il ordonna
qu'à l'avenir les arrêts de mort ne
seraient exécutés qu'après un délai
de dix jours. La bassesse du sénat
n'en fut pas moins ardente à multi-
plier les victimes, sur un soupçon,
sur un prétexte. Le progrès de la ser-
vitude était continu. Lin général vain-
queur n'osait pas , sans l'ordre du
prince , accorder la couronne civique
12 ÏIB
à un soldat. Tous les gouverneurs de
provinces tremblaient devant les ac-
cusations , que l'on rendait mortelles,
en y joignant le crime de lèse -ma-
jesté. Les premiers citoyens de Ro-
me , possesseurs de ces immenses ri-
chesses, de ces palais, de ces vastes
domaines , de ces armées d'esclaves ,
qu'ils tenaient de leurs aïeux, vivaient
dans tous les excès du luxe. Ils en
étaient moins suspects au prince.
Ou avait proposé , dans le sénat, de
nouvelles lois somptuaires. Tibère i!es
désapprouva, dans une lettre; et l'on
se réduisit à prescrire quelques ré-
formes dans les plus obscures ta-
vernes. L'empereur conservait au
sénat un simulacre de pouvoir ,
dans les choses indifférentes. Il lui
laissait discuter longuement les titres
sur lesquels se fondait le droit d'asi-
le réclamé pour les temples de quel-
ques villes d'ionie. Après deux ans
de séjour dans la Campauie , Tibère
fut rappelé à Rome par une maladie
d'Augusta , sa mère. Le sénat prodi-
gua les offrandes, les prières publi-
ques et les sacrifices. Tibère , sans af-
fection pour sa mère, respectait en
elle cependant la veuve d'Auguste, et
redoutait la vieillesse encore ambi-
tieuse de cette femme à laquelle il
devait l'empire. Jaloux de le perpé-
tuer dans sa maison , il deman-
da le tribunal pour son fils , comme
lui-même l'avait reçu d'Auguste. Le
sénat répondit en votant des arcs de
triomplie, eldcs actions de grâce aux
dieux. Tibère parut quelques moments
tempérer la rigueur du pouvoir. Sur
les rôles des accusations inscrites de-
vant le sénat, il raya le nom d'un ci-
toyen prévenu d'avoir fait fondre une
image du prince, pour la transformer
«;n une vaisselle d'usage. Mais le sé-
nat trouvait alors en soi (juelques
forcer de résistance : c'était une des
TIB
bassesses ingénieuses du temps. Un
sénateur, jurisconsulte célèbre, Asi-
nius Gapito , accusa Tibère d'abus de
pouvoir, pour avoir ainsi soustrait
à la justice du sénat un homme cou-
pablede lèse-majesté. Dans ce despo-
tisme si grand et si peu contesté, Ti-
bère se laissait lui - même dominer
par Séjanj et cette faiblesse était por-
tée si loin , que le grave Tacite n'y
trouve d'autre explication que le ca-
price du sort , et la colère des dieux
contre Rome. Commandant des co-
hortes prétoriennes, ministre princi-
pal de l'empereur , qui le nommait en
public le compagnon de ses travaux,
Séjan voulut arriver à l'empire. Dru-
sus , fils de l'empereur , élevait une
barrière à son ambition. Séjan sédui-
sit la femme de ce jeune prince , et
le fit périr par le poison. Pendant là
courte maladie de Drusus et dans lès
premiers jours de sa mort , Tibère tie
cessa point de paraître au sénat. Il
réprima les larmes réelles ou feintes
des sénateurs; et, ce qui fut plus
important , il fit présenter au sénat
les deux fils aînés de Germanicus ,
comme les héritiers désignés de l'ein-
pire. Rien n'était plus conforme aiix
vœux des Romains ; et quand Tibère
prononça, sur la place publique,
l'éloge de sou fiis Drusus , une joie
secrète se cachait sous le deuil ap-
parent du peuple. On peut croire que
le vieux prince pénétra sans peine
cette hypocrisie de la douleur publi-
que , et qu'il ne tarda pas à repren-
dre ses délianccs et ses haines con-
tre la maison de Germanicus. Il re-
grettait peu son fils; il trouvaitraa'u-
vais qu'un lui rappelât un souvenir
qu'il avait si vite oublié. Les envoyés
d'Ilion venant un peu lard le haran-
guer sur cette ]>orte , il leur répondit ,
(|u'il l(;nr f disait aussi son coinpîi-
meni de condoléance sur la mort
T4B
d' Hector, leur illustre concitoyen.
Mais Agrippine l'oflensait par son
orgueil et par sa vertu j et le sëuat
lui-même, par son imprévoyante flat-
terie, se hâtait trop d'bunorcr les
jeunes princes que lui avait recom-
mandés Tibère. Séjan, dont le pre-
mier crime était inutile si de nou-
veaux héritiers remplaçaient Drusus,
dénonçait à Tibère l'élévation et les
espérances des jeunes princes. Dès-
lors les anciens amis de Gcrmani-
cus furent la proie désignée aux
délateurs. Ces hommes , protégés
par Tibère , devinrent le fléau de
l'empire. Déchaînés , par des ordres
secrets, contre tous ceux qui pou-
vaient déplaire, ils semblaient, dans
leur servile impudence, imiter l'é-
nergie et réclamer le droit de ces li-
bres accusations , usitées dans la ré-
publique. Ainsi Rome, et ce fut la
science d'Auguste perfectionnée par
Tibère, s'enfonçait daps l'esclavage
par l'abus des mêmes choses qui ja-
dis l'avaient rendue libre. Le tribunat
était devenu l'inviolabilité de la ty-
rannie, les accusations publiques l'ins-
trument des soupçons et de la servi-
tude commune , le sénat le greffe de
toutes les vengeances de l'empereur
ou de ses favoris. Ainsi périrent plu-
sieurs amis illustres de Germanicus ^
ainsi l'on vit un père dénoncé par
son fils j ainsi Gremulius Cordus , his-
torien illustre, accusé d'avoir loué,
dans ses livres , les grands hommes
de la république , fut forcé de se don-
ner la mort. Tibère, dissimulésur tout
le reste, protégeait ouvertement les
délateurs. 11 ne voulait pas permettre
qu'on leur ôtât leur salaire, dans le
cas où l'accusé se tuait avant le ju-
gement, pour prévenir la confisca-
tion de ses biens j et il les fit payer
alors de l'argent du trésor. Séjan ,
qui dirigeait, par ses clients, toutes
TIB
]3
les accusations de lèse -majesté', mit
sa faveur à l'épreuve , en demandant
à Tibère la permission d'épouser la
veuve de Drusus. L'empereur refusa ;
et , ce qui doit surprendre , le crédit
de Séjan n'en fut point affaibli. Ti-
bère viçiilissait ; et sans doute il lui
paraissait pénible de changer sa con-
fiance et l'ordre qu'il avait établi pour
les affaires de l'empire. Le ministre
profit^de cettedisposition. Rome fati-
guait Tibère. Il ne pouvait supporter
aucune ombre deliberté; et son esprit
amer et juste , était dégoûté delaser-
vitudejil refusait les temples qu'on
voulait lui dédier. Il se plaiguait , en
sortant du sénat , de la bassesse des
sénateurs. D'autrefois il était choqué
des vérités qu'il entendait , par le
zèle des accusateurs à reproduire
tous les discours olïensants qu'ils im-
putAientà leurs victimes. D'ailleurs à
Rome , il était lassé des prières et
du crédit de sa mère. Il était impor-
tuné par la hauteur et les plaintes
d' Agrippine ; et pour la frapper, ainsi
que ses enfants , il aimait mieux s'é-
loigner. Ce fut ainsi , qu'il quitta
Rome , pour se rendre, d'aboixldans
la Campanie, sous prétexte de dé-
dier le temple de Jupiter à Capoue,
et celui d'Auguste à Noie. Au com-
mencement de ce voyage , le pouvoir
de Séjau sur son maître s'accrut en-
core par un incident fortuit. Tibère dî-
nait dans une grotte sauvage, dont
une partie s'écroula pendant le repas.
Tout le monde fuit. Séjan , couvrant
Tibère de son corps , soutint l'effort
de la chute , et fut trouvé dans cette
situation par les soldats qui vinrent
au secours. Plus assuré que jamais
de la fidélité de son favori , Tibère
ne s'en fia qu'à lui du soin de l'em^
pire. En partant poux la Campanie,
il avait défendu par un cdit , qu'oji
vînt troubler son repos j mais il voulut
i4 TIB
unasile plus solitaire ; et il passa dans
l'îledcCaprce^oùil lit coustruire dou-
ze maisons de plaisance , dans lesquel-
les il cachait son ennui , ses vices et ses
plaisirs infâmes. 11 fut un moment
rappelé par deux, grands désastres
publics , la chute de l'amphithéâtre
de Fidènes, où périrent plus de vingt
mille Romains , et l'incendie d'un
quartier de Rome. Mais après avoir
domié quelques ordres et quelques
secours , il rentra dans son île , comme
si Gaprée fût devenue la capitale du
monde romain. 11 avait près de lui
quelques sénateurs , l'astrologue
Trasylle qu'il avait éprouvé pen-
dant son séjour à Rhodes ; et quelques
lettrés ou beaux esprits grecs. Il pro-
tégeait particulièrement cette classe
de sophistes dont il aimait la langue
et l'érudition frivole. On a conservé
même une lettre de recommandation
qu'il donnait à l'un de ses courti-
sans grecs qui retournait à Mylilène
dans sa patrie. Les termes de cette
espèce de ilrraan sont assez curieux.
« Si.quelqu'nn ose faire tort à Pota-
». mon,. fils de Lesbonax; qu'il ait à
» s^oir auparavant s'il est en état de
« me faire la guerre. » Il n'en fut pas
moins q~iielquefois très-cruel pour ces
pauvres sophistes , qu'il accablait
habituellement de questions pédantes-
<j»ei et capricieuses sur la mytholo-
■^ie. L'un d'eux s'informautprès des
esclaves du prince quels livres il li-
sait le soir , aliu de juger par-là des
questions du lendemain , Tibère of-
fensé l'exila d'abord et le lit mourir.
Il s'était toujours occupé de minu-
ties grammaticales ,s'excujant au sé-
nat d'avoir employé le motdeii/oHo-
polium , et proscrivant d'autres ter-
mes tiré.s du grec , ])uur ne faire usa-
ge que de termes bien latins ; mais
dans sou oisive retraitovce pédanli.s-
nic augmenta. Tibère parut négliger
même les affaires. 11 laissa pendant
plusieurs années des places vacantes,
fies provinces sans gouverneur. Mais
c'était plutôt par défiance que par
inertie ; car en même temps il écri-
vait assidûment au sénat, accueillait
toutes les délations , et désignait
toutes les vicliraes. Du fond de ce re-
paire de débauche , la tyrannie pe-
sait sur Rome ; et de Rome , sur
l'univers. Le sénat conlir.uait ses
bassesses , comme sous les yeux du
prince. Tout ce qui restait d'amis
lidèles à la mémoire de Germanicus
était poui'suivi par les délateurs ; sa
veuve et ses fils étaient entourés d'es-
pions et de gardes. Cependant le sénat
dressait des autels à la clémence et à
l'amitié , et les entourait des images
de Tibère et de Séjan. En même
temps, il snp])liait le prince et son
favori de revenir à Rome; et ce vœu
pouvait être sincère ; car il y avait
quelque chose de plus terrible dans
cette puissance qu'on ne voyait ])as ,
et qui de loin ordonnait de mourir :
mais Tibère ne voulut pas quitter
son asile, même pour assister aux
derniers moments de sa mère. Celte
mort parut enlever une dernière pro-
tection aux Romains. Peu de temps
après , Tibère accusa , dans une lettre
au sénat , Agrippme et son fils. Cepen-
dant telle était la puissance du nom
de Germanicus, que la bassesse des
sénateurs hésita. Le peuple eu foule,
portant les images d'Agrippine et de
son fils, entourait l'assemblée. On
accusait Séjan; on suppliait Tibère.
Les séances du sénat étaient sécrètes;
mais on répandit dans le public ,
sons le nom des sénateurs , des dis-
cours que l'on supposait prononcés
contre Séjan. Du l'ond de son île,
Tibère réprimanda le peuple par
un éilit , et se plaignit des séna-
teurs; mais la perte de la famille
TIB
de Germaniciis parut quelque temps
àiournc'e. C'est cà cette époque de
i'erapirc de Tibère , et pendant les
premiers temps de sa retraite à Ca-
pree, que se place le plus grand évé-
nement des annale- humaines, le mar-
tyre du divin législateur. Quelques
écrivains ecclésiastiques ont même
avancé que Tibère fut attentif aux
miracles qui s'accomplissaient dans
Ja Judée. « Tibère, écrivait Tertullien
« dans le second siècle , fit rapport
» au sénat des clioses qu'il avait ap-
» prises de Palestine sur la vérité de
» ce dieu nouveau, et il l'appuya de
» son suffrage. Le sénat, n'ayant pas
» éprouvé le fait par lui-même , re-
» fusa. Tibère persista dans son opi-
» nion , en menaçant du supplice les
» accusafeurs des Chrétiens. » Ce
récit olli-e , il faut l'avouer , plusieurs
invraisemblances , la première , que
le sénat ait refusé quelque chose à Ti-
bère; mais peut-ond'ailicurssupposer
une semblable intervention de la part
de cet empereur, et peut-on conce-
voir une religion pure et sublime re-
commandée par Tibère ? Tacite et
Suétone ne disent rien que Ton puisse
ra|)porter à ce fait si singulier , si
contraire à tous les préjugés ror
mains. On voit même dans Tacite et
Suétone que Tibère lit exiler quatre
mille Jtiifs de Rome, et réprima les
cultes venus d'Egypte et de Judée.
Or tout le monde sait , et l'on voit
par Tacite , que même sous les rè-
gnes suivants , les Romains , dans
leur ignorant et féroce mépris pour les
nations étrangères , ne distinguaient
pas les Chrétiens des Juifs , et les
f onfondaient dans une commune per-
sécution. Il est donc plutôt à présJi-
mcr que si Tibère s'occupa jamais
du christianisme, ce fut en frappant
quelques-iuis de ses sectateurs, dans
la fouledc ces malheureux Juifs qu'il
TIB I "i
envoyait mourir en Sardaigue ('2).
Un reste de pudeur l'empêchait de
proscrire ouvertement Agrippine et
ses enfants. Le sénat le comprit , et
déclara d'abord Agrippine et Néron
coupables. Agrippine fut reléguée
dans une maison de campagne près
d'Hcrculanum , sous la garde d'un
centurion féroce qui la frappait^ et
lui arracha même un œil par ces hoi'-
ribles outrages : ensuite Tibère la fit
couduiredansl'îledePandatairejCom-
me pour avilir cette vertueuse prin-
cesse par le même exil que Julie , dés-
honorée par tantdedébauches. Le jeu-
ne Neron^ relégué dans l'île de Ponce,
y périt de faim ou se donna la mort
pour échapper aux. tortures étalées
devant lui. Vclléius enveloppe ces
horreurs de vagues expressions, a De
» quelle douleur, dit -il, ces trois
» dernières années ont-elles déchiré
» l'amo de l'enipcreur ! Quel tour-
» ment secret a dévoré son cceur
M par,, le chagrin , par l'indigua-
» tion, par la honte que lui ont
» causée sa bru et sou petit-û.Ls I »
On voit que le lâche flatteur ue sait
comment accuser de si nol:}les.yicti-
mes. Drusus,]e second fils de Gexnia-
nicus, restait prèsdeTibère.et.avaiti
dit-on, applaudi par am|);lion à la
perte de sou frère ; mais il fut bien-
tôt suspect, déuoace devant le sé-
nat et renfermé dans la prison du
Capitole. Il paraît qu'alors ^e'jau ,
à son tour, fut l'objet des soupçons
de Tibère. A travers les lacunes de
l'histoire, il est ditllcile de juger s'il
(i) ActUin el li^e sarrif ctgjfitiis , jud<ficisaur
/>'llliuH< : faclumpie jinintm ror'f'iliiim l iil M:a-
tiior millialiberliiit ^enr-rif,ed fupei'xtitionc ii^ffcln,
</ui^ idorea alas, in i-imtamSirdiii-nm leher.iiM'-,
roerrendif illVr Irtl'-rx rtfi'if : el.ritth ^ro>'iVn(<'"i> fWi
in(erhsrir(,-ufle Hamnuiif ■ caieii>C£<ii-i:<:nt.lialifi.Mist
lerlnm tinlr dicin l'u-Caiiot liliis i'Vi<i!<!' ^ tar.
.4nn. lih. II, 'r. 81. — ExUmas ta-)imt>nia> .
a-gjwdot , jwlaicofijiie riliii rom/'i-'ciiil ; roarln
qui rrlit^ioHf eu trnehiinlur . ivli^in'ai veOe' fiint
inttnimrvto omni roirthiirirr. Snef,, in Tib. , C ^f).
i6
TIB
forma réellement une conspiration;
dans ce cas, elle eût été bien lente;
mais son immense pouvoir suffi-
sait pour le rendre coupable, dès
'^ue Tibère commencerait à se dé-
fier de lui. Le vieux prince prépa-
ra dé longue main la cloute de son
favori. Il le nomma consul avec lui.
Le sénat ne vit rien de mieux que de
proroger ce consulat pour cinq ans.
■Mais Tibère écrivit à son cher collè-
gue , qu'un décret semblable étâk
contraire aux anciennes lois , et qu il
fallait se démettre du consulat. Sejan
obéit ; et le sénat le consola par des
honneurs presque divins. TiLère se
plaignit pour lui-même de ce culte
profane qiie l'on prodiguait à des
hommes. Il essayait , pour ainsi dire,
d'eliranler le crédit de Séjan, puis il
le raffermissait par des éloges pu-
blics : tantôt, il annonçait 'dans ses
lettres au sénat qu'il était accablé
de vieillesse et près de mourir; tan-
tôt qu'il allait se rendre à Rome. 11
demandait au sénat la dignité d'au-
tureet de pontife pour le jeune Caïus,
dernier fils de Germanicus, et en
même temps il faisait accorder le
même honneur à Séjan et à son fils.
Ddns cette sourde guerre qu'il faisait
à son favori , Tibère s'appuyait sur
iin nouveau confident , Macron , of-
ficier du prétoire , aussi pervers que
Séjan, et plus fidèle. Quelles furent
les tentatives de Séjan? quelles forces
avait-il réunies? quel coup devait-il
porter ? L'histoire mutilée nous ap-
prend peu de choses à cet égard. Ses
projets ou ses mécontentements fu-
rent dénonces par un des plus vils
agents de son ancien pouvoir , Sa-
trius , celui qui avait demandé au sé-
nat le sang de CremutiusCordus. Cet
homme instruisit de tout Antonia ,
mère de Germanicus , et belle-sœur
de Tibère. Antonia fit avertir l'em-
TIB
pereur par rall'ranchi Pajlas. Le vieux
tvran , réfugié derrière les rochers
de son île, prépara tout pour la perte
de Séjan. Macron se rend à Uome,
avec une letti-e du prince au sénat ,
•et des ordres secrets pour l'un, des
consuls et pour le préfet des cohortes
urbaines. Il convient avec eux du
rôle qu'ils vont jouer. Le sénat est
convoqué , dans le temple d'Apollon,
pour entendre la dépêche de l'empe-
reur, qui doit annoncer, dit-on, la
nomination de Séjan au tribunal ,
c'est-à-dire, un partage de l'inviola-
bilité impériale , et presque une dési-
gnation à l'empire. Séj an arrive plein
de confiance au sénat. Macron lui
répète que l'empereur a voulu le sur-
prendre par cette faveur , et ne lui a
pas écrit à lui-même , afin que son
élévation lui fût aniwncée, dans le
sénat, et de la bouche des consuls.
Puis il se retire , et emmène avec lui
les cohortes prétoriennes , sous pré-
texte de leur distribuer dans leur
camp , hors des murs de Rome , une
gratification de l'empereur. Le poste
qu'elles viennent de quitter prèS' le
sénat est aussitôt rempli par les co-
hortes urbaines , et Lacon leur gé-
néral. La séance est ouverte, et
chaque sénateur , en passant auprès
de Séjan, se hâte de le féliciter, sur
les nouveaux honneurs qu'il va rece-
voir, et de faire remarquer sa joie
d'une chose si juste. Le consul dé-
roule la lettre de l'empereur, et en
commence la lecture. Tibère s'éten-
dait en longs détails , en vagues di-
gressions qui n'arrivaient pas au su-
jet attendu par tout le monde : en-
fin , le nom de Séjan se présente,
avec un blâme , léger il est vrai.
L'empereur passait à autre chose j
puis il revenait à Séjan , pour le blâ-
mer encore ; puis bientôt , il lui don-
nait quelques louanges , et s'écartait
TIB
encore Je ce su j et , pour le reprendre,
et le laisser avec une alternative
lie blâme ou d'approbation, jusqu'au
moment , où , sur la fin de cette lon-
gue lettre , les expressions deviennent
plus amères , les reproches continus.
A l'étounement succède un sentiment
nouveau. Les bancs les plus rappro-
ches de Séjan sont bientôt déserts. Le
consul , qui poursuivait sa lecture,
arrive enfin aux paroles décisives,
à l'ordre d'arrêter Séjan , comme
un conspirateur; et, se hâtant d'o-
béir : lève-toi, Séjan, dit-il. Frappé de
de ce coup inattendu, Séjan demeu-
rait immobile , paraissant ne pas
enteudi'c l'ordre réitéré du consul.
Il se lève enfin au milieu des inju-
res et des cris du sénat qui rampait
tout-à-l'heure à ses pieds. Il est saisi
par les licteurs, entraîné hors de la
salle, et, sous la garde des cohortes
urbaines, conduit dans la prison. Ti-
bère qui avait calculé à dessein la
longueur de sa lettre , pour donner à
Macron le temps d'éloigner les co-
hortes prétoriennes dévouées à Sé-
jan , n'avait pas moins soigneuse-
ment médité toutes les parties de son
plan : si Séjan résistait, si quelques
cohortes se déciaraientpour lui , Ma-
cron avait l'ordre de tirer de prison
le jeune Drusus, pour le présenter
aux Romains. Tibère avait fait ap-
procher de son île la flotte de Misè-
ne, afin d'y monter au moindre pé-
ril, et de se réfugier en Orient. 11
avait fait disposer sur la route de
nombreux signaux pour être averti
de l'événement ; et lui-même se tenait
en observation sur la tour la plus
élevée de son île. Tant de précau-
tions ne furent pas nécessaires. La
joie du peuple , à la disgrâce de Sé-
I'au, éclate en mille transports. On
irise , on renverse ses statues : l'idole
est détruite. Le sénat , réuni denou-
XLVI.
TIB ï7
teau dans Je temple de la Concorde,
condamne Séjan à l'unanimité j et le
même jour il meurt étranglé dans sa
prison. Cette justice du tyran contre
un de ses ministres ne fut que le com-
mencement de cruautés nouvelles; et
Séjan fut fatal, après sa mort, comme
pendant sa vie. Les enfants de Séjan
furent d'abord condamnés ; on n'é-
pargna pas même sa fille à peine
sortie de l'enfance; et, comme la loi
défendait le supplice d'une vierge ,
elle fut violée par le bourreau
avant d'être mise à mort. Cette in-
famie , renouvellée pour d'autres
victimes, était commandée par Ti-
bère. La femme de Séjan , séparée
de lui par un divorce, n'ayant pas
survécu au supplice de ses enfants _,
révéla , dit-on , avant de mourir , un
ancien crime de son mari , l'empoi-
sonnement de Drusus. Tibère se vit
à l'aise pour punir et faire couler le
sang. On n'entendit plus parler que de
la trahison et des complices de Sé-
jan ; et, sous ce prétexte, une foule
de victimes furent frappées. La bas-
sesse devint crime d'état : on était
coupable d'avoir connu, d'avoir sa-
lué le favori. Tibère se chargea lui-
même d'une partie des poursuites, et
fit torturer les prévenus sous ses
yeux. Le sénat , complice tout entier
d'un long dévouement à Séjan , se
justifiait en se décimant par des dé-
lations et des supplices. Tibère ,
comme pour surveiller le zèle des
bourreaux, sortit alors de Caprée ,
s'avança jusqu'à Sorrente, et visita
même ses jardins aux portes de la
ville : mais il n'entra pas dans Rome,
et bientôt se retira, commeun banni,
dans les rochers de son île. On a dit
plus d'une fois , pour expliquer la
longue patience des Romains, que la
tyrannie des Césars pesait sur le sénat,
que leurs cruautés , quelque grandes
2
i8
11 li
TIB
qu'on les suppose, tombaient sur un
petit nombre d'hommes rapproches
du pouvoir par leur ambition cl leurs
intrigues; que le reste dcj citoyens
reposait en pleine sécurité; et qu'ain-
si, ces règnes odieux dans l'histoire
ont pu n'être pas mallieurcux pour
les peuples. Cetlo cxpliraliou est mal
fondée, même pour ïibcre , le plus
habile, et partant le plus modéré
de ces despotes qui opprimèrent les
Romains avec une ié'rocité semblable
à la démence. Sa t^-raimie s'étea-
dait dans toute l'Italie et dans les
provinces : de riches citoyens de la
Gaule, de l'Espagne et de la Grèce
étaient injustement condamnés , l'un
parce qu'il avait des mines d'or que
le prince confisquait à son prolit ,
un autre , parce qu'il était suspect,
un autre parce qu'il déplaisait.
Non- seulement les défiances, mais
les infâmes passions de Tibère cher-
chaient des victimes dans tous les
rangs , et pénétraient dans les fa-
milles. La beauté, la jeunesse étaient
enlevées par des satellites , pour êti-e
souillées par un monstre impur. La
résistance , ou les plaintes des pa-
rents étaient châtiées; et, suivant
l'expression de Tacite , on exer-
çait sur les Romains , comme sur
des captifs , le rapt , la violence et
tous les caprices du plus fort. Du
milieu de ses infamies inexprimables
pour une plume moderne, Tibère ne
relâchait pas son inquisition politi-
que; il se repaissait de cruautés com-
me de débauches. Un monument
authentique semblerait faire croire
qu'mic sorte de délire , uu marasme
de dégoût et d'horreur pour soi-
même , se mêlait par intervalle à
SCS crimes et à ses vices. Une de ses
lettres au séjiat commençait par ces
mots : « Que vous écrirai-jc, pi'res
» couscripts ? ou comment vous
» ecrirai-)c .•' ou que ne vous ecri-
» rai-je pas en ce temps ? que les
» dieux et les déesses me tuent plus
» cruellement que je ne me sens cha-
» que jour dépérir, si je le sais I »
Mais il reprenait bientôt son activité
malfaisante, attentif à recevoir les
délations , dirigeant le sénat par
ses lettres ironiques et impérieuses ,
suivant de loin toutes les délibéra-
tions de l'assemblée , blâmant l'un ,
excitant l'autre , s'occupant d'un dé-
tail relatif aux livres sibyllins , et
d'une sédition pour la cherté des blés,
s'offénsant d'une proposition qui pou-
vait flatter les gardes prétoriennes ,
se moquant [d'une flatterie qu'on lui
adressait, confisquant les biens des
condamnés , et créant une espèce de
caisse publique pour prêter de l'ar-
gent aux citoyens obérés. Au milieu
de ces soins , il poursuivait les com-
plices deSéjan: les prisons en étaient
remplies ; et, Tibère , quelle que fût la
docilité du sénat, lassé de taut de
procès , les fit tous égorger. « Ce fut,
» dit Tacite, une immense boucherie
» de tout sexe, de tout âge, gens
» illustres ou incoimus : ils gisaient
» ça et là , par cadavres isolés , ou
» par monceaux. 11 n'était point per-
» mis aux parents ou aux amis d'en
» approcher, de leur donner des
» lai'mes, ou même de les regarder
)) long-temps. Des gardes apostés à
» l'entour, attentifs à la douleur de
» chacun, veillaient sur ces corps
)> putréfiés , jusqu'à ce qu'ils fussent
)> traînés dans le Tibre , où tantôt
)) flottant sur l'onde, tantôt rejetés
» au rivage, personne n'osait ni les
« réduire en cendres, ni même les tou-
» cher. Toute communauté de senti-
» meuls humains était interrompue
» ]),ir la terreur ; et , [)liis la cruauté
» s'acliarnait , plus la cojiipassion
« était interdite. » En poursuivant
avec ces atroces fureurs le souvenir
de Scjan, Tibère n'en fut pas moins
cruel pour les anciennes victimes de
son favori. Le jeune Dnisus , prison-
nier dès long-temps , expose à mille
outrages , mourut de faim , en dévo-
rant la bourre de son matelas. Tibè-
re publia lui-même ces allicux dé-
tails. Il fit lire dans le sénat le regis-
tre tenu par les gardes et les espions
de Drusus, « Rien, dit Tacite, ne
» sembla plus atroce. Que l'aïeul de
» Drusus ait pu entendre . ait pu lire
1) de pareils faits , qu'il les publiât
» lui-même ; on le concevait à peine ;
■a mais les lettres du centurion Ac-
» tius et de l'affranchi Didyme, in-
» diquaient par leurs noms quels es-
n claves , lorsque Drusus sortait de sa
» chambre, l'avaient frappé , l'a-
D vaieut fait reculer d'épouvante. Le
» centurion citait de plus avec or-
» gueil ses propres paroles pleines
» d'outrages , et les expressions du
» mourant , qui d'aboid , sous une
» ajjparence de délire ^ avait laissé
« échapper quelques paroles funes-
» tes contre Tibère , et bientôt dé-
» sespérant de la vie , avait pronou-
» fé des malédictions longues et mé-
» ditées , souhaitant que celui qui
» avait couvert de sang par le meur-
» Ire de sa bni . de sou neveu , de son
» petit-lils sa maison toute entière ,
» satisllt par sou propre supplice
» à la vengeance de ses aïeux et de
» ses descendants. Les sénateurs
i> troublaient, en murmurant , cette
«lecture, comme par indignation
» de telsblaspliêmes; mais au fond
» des' amcs pénétraient la crainte et
» l'étonncmeut que cet homme au-
» Irefoi.s rusé, et qui couvrait ses
» crimes de tc'nèbrcs , en fût venu à
M cet excès d'impudence, d'abattre,
» pour ainsi dire , lesmiu-ailles, et de
» montrer son petit-fils, suus le fouet
;]B
»9
« d'un centurion, sous les coups des
» esclaves, implorant en vain les
» plus vils aliments pour soutien
» d'une vie mourante. « La mort
d'Agrippine suivit celle de Dru-us :
cette illustre romaine périt de faim
dans sa prison. Tibère , selon le
génie des plus vils tyrans , outragea
par des calomnies la mémoire de sa
victime. Il accusa d'impr.dicité cette
femme renommée par ses vertus , et
supposa qu'elle s'était donné la mort
par douleur de la perte de Gallus,
consulaire récemment condamné.
11 ajouta, comme une chose heu-
reuse et mémorable, qu'elle avait
péri à pai'eil jour que Séjau , deux
années après lui; et il se vanta qu'elle
n'avait été , ni étranglée , ni exposée
aux gémonies. Le sénat lui en rendit
grâce , et décréta que tous les ans .
le quinze des calendes de novembre ,
jour de cette double mort, un don
serait consacré à Jupiter. Taudis que
Pome et le sénat étaient plonges dans
cet avilissement de servitude, un sou-
verain étranger , Artaban , roi des
Parthes , écrivit â Til)ère pour hii
reprocher ses infamies, ses meurtres^
ses parricides , sa vieillesse inutile et
souillée. Tibère n'avait nulle envie
d'entreprendre une guerre lointaine ,
contre les Parthes ; mais il fomenta
des troubles dans leur em pire. I ! attira
jusqu'à Rome des chefs barbares ,
qu'il excita contre Artaban ; il lui
donna pour compétiteur Phraate ,du
sang des Arsacides , et depuis long-
temps otage des Romains. Phraate
étant mort , il suscita l'ambition d'un
autre chef qui, fort d'un grand parti
dans la nation, et seconde par les
légions de Vitellius, gouverneur de la
Syrie, parvint à chasser Artaban du
trône, et le repoussa jusqu'aux dé-
serts de l'Hyrcauie ( For. Ti ri-
dates ). Ainsi la vengeance de Tibè-
i..
9.0 TIB
rc atteignait partout ; c[ du fond de
son île , il destituait les rois barbares
(fui osaient lui dire la vc'rito', dans le
silence de Rome. A Rome on acquérait
le même droit, eu se donnant la mort.
Un consulaire , Fulcinius Trio , se
tua , laissant un testament remj)li de
sarcasmes et d'insullcs contre Tibè-
re : celui-ci le fit lire dans le sénat ,
comme pour étaler sa propre infa-
mie. Les supplices ou les suicides
des accusés se multiplièrent, à me-
sure que le prince vieillissait. Ce
qui peut étonner, c'est que le déses-
poir de tant d'hommes qui se don-
naient la mort n'ait ai-mé le bras
d'aucun d'eux, contre la vie de Ti-
bère. Il avait cependant quitté son
île inaccessible ; et il venait jusqu'aux
portes de Rome , exciter les cruautés
serviles du sénat. La dernière année
de sa vie fut marquée par un désas-
tre pubbc , et par les ell'orts qu'il lit
pour le réparer. Le feu ayant détruit
un quartier de Rome, il secourut les
citoyens par un don de cent mille
sesterces. Le sénat lui vota de nou-
veaux hoimeuis ; mais déjà , comme
pour expier le bien qu'il avait fait ,
Tibère demandait de nouveaux sup-
plices. On peut s'étonner qu'au mi-
lieu de tant de barbaries, ses soup-
çons aient épargné Caius , un fils de
Germanicus, élevé près de lui, et
menaçant de lui succéder. Une puis-
sance plus forte que la volonté du
vieillard protégea (]a'ius : c'était Ma-
rron, qui espéraitperi)étucrson pou-
voir sous le jeune César, auquel il
avait livre' sa femme Ennia. Caïiis
d'ailleurs, par sa bassesse, par sa
profonde inclillérencesur le sort cruel
des siens , désarmait Tibère; el lors-
qu'cusnite les soupçons du prince se
ranimèrent , il était tard pour fraj)-
per. Tibère avait un autre li('riticr
plus j»rcs de lui , Gcmcllus, (ils de
TIB
Drnsns , et à peine sorti de l'enfan-
ce. Un jour qu'il le tenait dans ses
Juas, il sur[)rit un regard féroce que
lui lançait Caius : « Tu le tueras , dit-
» il, à Caius, et un autre te tuera. »
Malgré cette prévoyance , rassuré
par l'astrologue Thrasylle, qui lui
promettait à lui-mcine plusieurs an-
nées de vie , Tibère ajourna la
mort de Caius. Peut-être craignit-il
ensuite de n'être pas obéi : du
moins , dans ses derniers jours ,
il reprochait à Macron , par une
allusion assez intelligible, d'aban-
donner le soleil couchant, et de
se tourner vers le levant. Sa lan-
gueuraugmentait; il s'cIForçaiten vain
de la cacher par la fermeté d'âme et
même par la débauche. Méprisant
l'art trompeur des médecins , s'il fut
cruel et soupçonneux , comme Louis
XT , il n'eut pas ce pusillanime
amour de la vie qui faisait ramper
Louis XI devant son médecin. Il
avait coutume de se moquer des
hommes qui, passé l'âge de trente
ans, avaientbcsoin des conseils d'un
autre pour connaître les choses uti-
les ou contraires à leur tempérament.
Un médecin grec nommé Chariclès ,
admis près de lui , ne découvrit , dit-
on, que ])ar adresse le danger pro-
chain de Tibèi'c. Au moment oii
il prenait congé du prince, qui sé-
journait alors près de Misène dans
une maison (le campagne qu'avait pos-
sédée Lucullus , eu serrant sa main
])oiir la baispr, il lui ta ta le pouls.
Tibère le devina , et peut-être pour
mieux cacher le dépit (|u'il en avait,
il retint Chariclès et ])rolongea le re-
pas. Rusuite, selon sa coutume, il.se
tint debout dans la salle, unlicteurà
ses cotés , recevant le salut de chaque
ciuivive «pi'il appelait par son nom.
yVverli cependant par sa faiblesse,
el mécontent d'apprendre que le se-
TIB
nat avait renvoyé quelques accnsi» ,
même sans les entendre , il voulait re-
tourner à Caprée, afin d'être plus en
surete' pour sévir j il fut retenu, par le
mauvais temps et par la violence du
mal, dans la maison de LucuUus.
IMacron , averti par Chariclcs , at-
tendait révëucment, et avait tout
préparc pour fane régner Gaïus. Le
vieux tyran tomba dans une défail-
lance que l'on prit pour la raortj
déjà Caïïis sortait eu grand appa-
reil , pour se montrer au peuple ; tout-
à-coup Tibère se ranime , appelle ses
esclaves , et demande quelque nour-
riture. La terreur saisit toute sa
cour : Gains précipité de son es-
pérance reste immoljile , n'atten-
dant plus que sa dernière Leurc.
Macron , sans se troubler , fait étouf-
fer le vieil empereur sous des amas
de couvertures, et ordonne que tout
le monde se retire. Selon d'autres ré-
cits^ la mort de Tibère fut natu-
relle; et il expira d'épuisement, au
moment où après avoir inutilement
appelé ses esclaves , il faisait effort
pour se lever. Il mourut le i(3 mars
de l'an Sy de notre ère, dans la
soixante - dix - huitième année de
son âge. A Rome , cette nouvelle
excita de tels transports de joie ,
que l'on courait eu foule , les uns di-
sant qu'il fallait le jeter dans le Ti-
bre, les autres suppliant la terre et
les dieux mânes de ne donner asile à
sou ombre que parmi ks impies , les
autres demandant le croc et les gé-
monies pour son cadavre. Toutefois
ou n'osa pas suspendre l'esccution
de quelques condanniés. Leurs gardes,
j)our ne rien faire contre l'ordre éta-
bli, les étranglèrent dans la prison;
horrible exactitude des bouiieaiix,
qui, dans nos temps niodeines, s'est
reproduite à la nioit du plus vil des
tyrans démagogues. Le corps de Ti-
TIB 21
Ix'ie fut appcftlé à Rome par des sol-
dats, et brûlé dans des funérailles
publiques. iSon testament, éerildeux
ans avant sa mort , se trouva eu dou-
ble copie , l'une de sa main , et Tau-
tre de celle d'un alTranchi. 11 y avait
fait aj)poser le sceau même de ses
derniers esclaves. Il instituait ses pe-
tits-fils Gains et Gemellus ses héii-
liers pour moitié , eu les substituant
l'un à l'autre. Il faisait aussi beaucoup
de legs,parliculièremeBt aux vestales,
à tous les soldats , au peuple romain ,
par tête, et aux magistrats de cha-
que quartier. Il laissa un trésor de
plus de cinq cent millions qui furent
promj)tement dissipés par l'insen-
sé Galigula. Tibère avaitrégiié vingt
trois ans. Tacite résume ainsi son ca-
ractère et son règne: «Une vie et une
» réputation honorable, tant qu'il fut
» homme privé, ou qu'il comman-
M da sous Auguste j du secret , et de
» la ruse pour contrefaire des vertus
» tant que Germanicus et Drusus vi-
» vaient encore. Mêlé de bien et de
» mal jusqu'à la mort de sa mère;
» détestable par sa cruauté , mais ca^
)) ché dans ses débauches , tant qu'il
» aima Séjau ou qu'il en eut peur;
» enfin il se précipita tout ensemble
» dans les crimes et dans les infamies,
» depuis que , libre de honte et de
1) crainte, il n'agissait plus que par
» son propre génie. » Tibère avait
écrit , sur sa vie , des Mémoires fort
abrégés, et pleins de la mêmehypo-
crisie que ses discours. 11 y disait que
la haine de Séjan pour les fils de Ger-
manicus avait été la seule cause de
la perte de ce favori. Domitien n'a-
vait pas d'autre lecture que les mé-
moires et les actes deTibère(l).V-^
(1) tne iMucdie il.: 'J'iljrir. |.Mi..>rii i-vô, iiii-
piiiiice en 17^7 »""s K^ in'Uj du iircsidciil Dupiiis ,
liasse iioia- ctie de l'abbé Pellcgiiii , ipii a Tail un.
22 TIB
TIBÈKE-CONSTANTIN , empc-
reurd'Oricnt, naquit en ïhrace, d'une
l'ainillc o])scure. Maître d'ecrilure
dans sa jeunesse, il l'ut ensuite soldat :
doué de tous les avantag;es extë-
lieurs et de l)cauco«p de vertus et de
talents , il parvint rapidement au
grade de capitaine des gardes de
l'empereur Justin IL Ce prince , se
voyant sans enfauls , et dans un état
de faiblesse qui ne lui permettait pas
de résister aux prétentions de sa fa-
mille et à celles des courtisans , vou-
lut se donner un successeur que la
reconnaissance seule déterminât à
faire son bonheur et celui de l'em-
pire. Ce fut par les conseils de sa
femme iiophie , qu'il choisit Tibère,
son capitaine des gardes. La céré-
monie eut lieu, en 5-^4, dans le
portique du palais, en présence du
patriarche et du sénat. Justin ,
après avoir réuni le peu de for-
ces qui lui restaient , remit au nou-
vel empereur les marques de sa di-
gnité , et lui adressa des conseils
si évidemment pleins de sagesse ,
que l'opinion publique les considéra
comme une inspiration divine ( V .
Justin IT , XXII, 175); ilfmit
son discours en lui disant : « Je
« vivrai si vous y consentez ; si vous
» l'ordonnez , je dois mourir. » Ti-
bère eut pour son bienfaiteur tous
les égards qu'il lui devait; et Justin
passa les quatre dernières années de
sa vie , dans une paisible obscurité;
mais la fierté et les prétentions de sa
veuve Sophie troublèrent quelque-
fois les projets de félicité conçus
par son successeur. Après sa mort,
moins le» i-ôles des rciiiiiK's, cl qui reçut cent eciis
pour son travaij. Fallef lit jouer el iinpriiiier, eu
178». Tibi-<r H .Vé/V»«< ( /'. l'AM-rX, XIV,
iS7-i38 ). Marit-Jo»ci>li Clieuier a fait nu 7'/V-è;<-,
tragédie en ciiii| acUts , qui se trouve daus ses OEii-
e/v » posthumes : In Uiol-t de Pisoii eu e«t le di'iioMc-
Hici.t. A. Il— T.
TIB
qui arriva en 5'j8 , Sophie crut , c»
épousant celui qu'elle - même avait
tant contribué à faire monter sur le
trône , pouvoir conserver son rang
et son crédit ; mais si l'ambition de
Tibère avait porté ce prince à flatter
par sa dissimulation les désirs d'une
protectrice, il ne lui était pas pos-
sible de satisfaire l'espoir qu'elle
avait conçu , ou la promesse que
peut-être il lui avait faite. Le peu-
ple demandait avec impatience une
impératrice ; et ce fut avec une ex-
trême surprise que Sophie vit pro-
clamer , en celte qualité , Anastasie ,
l'épouse secrète , mais légitime , de
Tibère. Ce prince lit, pour calmer sa
mère adoptive , tout ce qu'il crut
capable d'apaiser sa douleur. Elle re-
çut de lui de grands honneurs . et le
titre d'impératrice avec une maison
nombreuse et un palais magnifique ;
il allait même la consulter dans les
occasions importantes : mais cette
princesse. ambitieuse et hautaine dé-
daigna ce vain simulacre de souverai-
neté ; et le titre respectueux de mère
que lui donnait un étranger, un hom-
me sorti des derniers rangs , irritait
son orgueil au lieu de l'adoucir. Llle
suscita des ennemis à Tibère , et
forma avec Justinien , fils de Ger-
manus , qui était environné de quel-
que popularité, un complot pour le
détrôner. Tibère, qui goûtait dans
une retraite champêtre les plaisirs
de la solitude, se liàta de revenir à
Conslantinople, où sa présence et sa
fermeté étouffèrent bientôt la cons-
piration. Toute la vengeance de cet
excellent prince se borna à priver
l'impératrice douairière de la pom-
pe et des honneurs dont elle abu-
sait, et à la mettre hors d'état de
lui niiiie. Il adressa quelques re-
proches patcinels à Justinien ; et
celte modération fil croire qu'il sou-
i;
TïB
geait à former une double alliance
avec son rival , afin d'aH'cnnir sou
trône ; mais poTir cela Tibère comp-
tait encore plus sur ses vertus et
sur les ]3ienfaits qu'il voulait re-
pandi-e. Il ajouta à son nom odieux
de Tibère , celui de Constantin y de-
venu populaire , et il prit véritable-
ment pour modèles les Titus et les
Antonins. Après avoir ge'nii si long-
temps des vices et des extravagan-
ces de tant d'empereurs , les peu-
les purent à la fin contempler sur
e trône un prince aussi remarquable
par sa douceur et son humanité que
par la justice et la fermeté de ses dé-
cisions. Airable dans son palais ,
religieux au pied des autels , et
toujours impartial dans ses fonctions
de juge , il soulagea tous ceux dont
les affaires domestiques arvaient été
dérangées par les malheurs des temps
ou par la dureté des financiers. Il
manda aux gouverneurs des pro-
vinces qu'il ne voulait pas qu'on vît
de pauvres dans son empire; remit
une année entière du tribut , et le
diminua considérablement pour l'a-
venir. Il dédommagea , en même
temps , les provinces frontières des
ravages que la guerre de Perse leur
avait causés, et il mit fin à celte
guerre par les victoires de ses géné-
raux. Mais le trait le plus touchant de
ce beau règne est sans doute le renvoi
généreux que fit Tibère de tous les
prisonniers persans, après les avoir
rachetés de ses soldats et de ses offi-
ciers. Voyant ce souverain toujours
prêta réparer, par des bienfaits im-
prévus , toutes les infortunes et tous
les désastres de la nature et de la
guerre , le peuple crut qu'il avait dé-
couvert un trésor inépuis.ihle ; mais
le véritable trésor de Tibère était
l'économie et le mépris de tontes les
dépenses vaines et superflues. Le rc-
Tir,
23
gue de cet empereur fut trop court:
attaqué d'une maladie grave , il eut
à peine le temps de se donner un suc-
cesseur parmi les plus dignes d'un
tel choix. Comme lui , son héritier
Maurice fut choisi dans la foule {V.
Maurice). Après lui avoir accordé la
main de sa fille Augusta , il lui remit
le diadème en présence du patriar-
che et du sénat léunis autour de son
lit de mort : « Je ne vous demande
» pas d'autre mausolée , lui dit-il ,
» que celui que m'élèveront vos ver-
» tus. Je serai assez grand dans l'es-
» prit des Romains , si je leur ai
» donné un prince qui les gouveinc
» avec sagesse.... » Tibère mourut
le i4 août 582, après un règne de
huit ans. On a de lui des médailles
en bronze , en argent et en or. M-d j.
TIBÈRE - ABSIMARE ( Tibe-
nius - AuGUSTUs) 1 empereur d'O-
rient, d'une naissance obscure, par-
vint , sous le régne de Léonce , à
la dignité de drungaire, et sut don-
ner aux soldats une haute idée de sa
valeur et de ses talents. L'armée que
commandait le patrice Jean, décou-
ragée par une suite de revers, crut
Absiraare propre à les réjiarer, et
le proclama empereur (698). Le
nouvel Auguste prit le nom de
Tibère , marcha sur - le - champ
contre les Sarrasins , et les défit
complètement. Profitant de l'en-
thousiasme des soldats , il les con-
duisit à Constantinoplc , dont il s'em-
para malgré la résistance de Léonce,
qu'il fît enfermer dans un monastère,
après lui avoir fait couper le nez. Il
confia le commandement de l'armée
à son frère Héraclius; et tandis (jue
celui-ci continuait de remporter des
victoires sur les Sarrasins , Tibère
s'occupa de g.ignerl'airection des peu-
ples, en réformant les abus les plus
monstrueux. Quoique adoré dans
a4
nu
Constantinople, l'usurpateur ue pou-
vait croire son autorité suffisamment
affermie tant que Justinien , lie'ritier
le'gitime de l'empire, serait en état
de réclamer ses droits. Il chargea des
sicaii'es de l'assassiner. Justinien ,
averti du danger qu'il courait, prit
la fuite ; et quelque temps après, avec
l'aide des Bulgares , remonta sur un
trône dont sa cruauté l'avait fait des-
cendre. Le malheur n'avait point
adouci son caractère féroce. Il se ven-
gea de Tibère et de Léonce en barba-
re. Après avoir rassasié ses yeux du
spectacle de leur humiliation, il leur
fit trancher la tète, en 707 {Fojez
Léonce, XXIV, 162). On a des mé-
dailles de Tibère : celles d'or sont
moins rares que celles d'argent et de
petit bronze. Voyez le Traité de RI.
Mionnet , sur le degré de rareté des
médailles ^ p. 5 1 4 . W — s.
TIBÈRE (Alexandre), filsd'^-
lexandre , alabarquc d'Alexandrie ,
le plus riche et le plus puissant par-
mi les Juifs établis dans cette ville ,
s'est acquis une célébrité funeste
pendant les derniers malheurs qui ac-
cablèrent la nation juive. Ayant
abandonné la religion de ses j)ères
pour embrasser le paganisme, il fut
nommé gouverneur de la Judée , et
s'acquitta de cet emploi avec beau-
coup de zèle pour les Romains. Il
fît crucifier Jacques et Simon, fils
de ce Judas galiléen qui avait porté
les Juifs à se soulever contre les maî-
tres du monde. Son père étant mort
après l'avoir déclaré son successeur
dans la dignité d'alabarquc , Tibère
céda le gouvernement de la Judée
à Cumanus , cl se rendit à /Vlexaiidrie,
vers l'an G3 de J.-C, ])eii de tem])S
avant l'affreux désaslrc (|ui devait
accabler dans celle ville la lualhcu-
reusc nation juive. l>es habilaiils
s'élant^asscmblés dan!> l'aniphilliéil-
TIB
tre, pour délibérer sur une députa-
tion qu'ils devaient envoyer à Néron,
plusieurs Juifs entrèrent dans le lieu
de leurs séances; on se jeta sur eux
avec fureur, en criant que c'étaient
des espions dont il fallait se défaire :
ils s'enfuirent ; et l'on ne put en ar-
rêter que trois que l'on traînait par
les cheveux pour les brûler tout
vifs , lorsque leurs compatriotes
qui , depuis cinq siècles , s'étaient
établis en grand nombre à Alexan-
drie, se rassemblèrent pour arracher
leurs frères à la mort. Les uns je-
taient des pierres sur les habitants
grecs , les auties s'avançaient avec
des torches vers l'amphithéâtre, me-
naçant d'y mettre le feu et de brûler
ceux qui s'y trouvaient rassemblés ; ce
qu'ils auraient fait, si Tibère Alexan-
dre ne s'yfût opposé. Ayant fait venir
près de lui les principaux de la na-
tion juive, il les engagea à user de
leur influence pour étouffer ce mou-
vement et pour faire rentrer la foule
dans le devoir ; mais les chefs de
l'émeute repoussèrent tous les avis ,
se moquant hautement du gouver-
neur qu'ils appelaient apostat et traî-
tre à sa nation. Tibère, craignant les
suites d'une sédition si fortement dé-
clarée, lit avancer deux légions ro-
maines et un corps de cinq mille
soldats lybiens , qui, par malheur
pour les mutins, venaient d'arriver à
Alexandrie. Ayant rangé ses troupes
en bataille , il leur commanda de
marcher sur les Juifs, de passer par
les armes ceux qu'ils rencontre-
raient , de ])iller leurs biens , et
de mellrc le feu à leurs habitations.
Les troupes marchèrent vers le Del-
la^quarlicr ocqipé parles Israélites,
el elles y «"nlrerent après avoir essuyé
do grandes pertes. Les Juifs ayant
élé à 1,1 lin mis en fuite , le soldat les
poursuivit dans leurs maisons cl s'a-
TIB
bandonna sans aucun frein à toutes
ses fureurs. Ceux que le feu épargnait
furent brûles dans leurs demeures. Il
n'y eut ni respect pour les vieillards,
ni compassion pour les enfants ; on
poursuivait dans les campagnes ceux
qui s'enfuyaient de la ville , et l'on
égorgeait tout sans distinction d'âge ni
de sexe. Ce malbeui'cus quartier, avec
les campagnes environnantes , cou-
vert, en peu de temps, par cinquan-
te mille morts, fut inondé de sang.
Aucun Israélite n'eût échappé, si le
gouverneur , se souvenant peut-être
enfin que lui-même était né juif,
n'eût ressenti quelque mouvement de
pitié. Il donna ordre d'arrêter cette
horrible boucherie ; et le soldat ro-
main , accoutumé à une sévère dis-
cipline, rentra dans ses rangs au
premier signal du gouverneur. Il
n'en fut pas de même des habitants
acharnés contre les Juifs j on eut
beaucoup de peine à les retenir et à
arracher d'entre leurs mains les
corps morts^ auxquels ils insultaient
avec une joie barbare. Néron s'étant
donné la mort (an 68) , Galba, Othon
et Vitellius se disputant l'empire,
Vespasien, qui se trouvait à Césarée
en Judée , fut proclamé empereur
par l'armée de Syrie qu'il comman-
dait. Les chefs et les légions le pres-
saient de les conduire à Home; mais
il crut devoir d'abord s'établir à
Alexandrie. Voulant prcVciur ses
<jompéliteurs, il se hâta d'adresser
à Tibère une lettre dans laquelle ,
flattant sa vanité, il lui disait: a l'ai'-
» mée m'a élevé à l'empire avec une
» si noble allèction, avec tant d'ar-
» dcur , que je n'ai pu refuser; j'ai
» jeté les yeux sur vous comme sur
j) celui qui peut m'aidcr le ]>lus clli-
» cacemeul à soutenir le jioids d'un
» si grand fardeau. » Dès que Tibère
eut reçu celle lettre, il se hâta de
TIB '»5
proclamer Vespasien , de lui faire
prêter serinent par les deux légions ,
par les habitants ; il prépara tout
ce qui était nécessaire pour sa i-écep-
tion ; et l'on accourut de toutes
parts à Alexandrie pour v'oir le
nouveau maître du monde. Peu de
temps après , on voit, à l'occasron
d'une nouvelle émeute, suscitée par
les Juifs d'Alexandrie , que Lupus
était gouverneur de cette ville. Ti-
bère Alexandre avait sans doute été
appelé à d'autres fonctions. Les em-
pereurs romains faisaient grand cas
de sa fidélité et de sa bravoure :
comme il entendait bien le métier de
la guerre , Titus le choisit pour son
beutenant dans celle qu'il alla faire
contre les Juifs de Jérusalem ; et il
paraît que cette terrible expédition
oii il seconda de tout son pouvoir
les Romains contre ses compatriotes,
fut le terme de sa vie. G — y.
TIBON. Foj. TiBBON.
TIBULLE {Albivs Tibullus).
L'histoire ne jette presque point de
lumières sur la vie de îibulle : clic
le nomme parmi les poètes les plus
distingués du beau siècle de la litté-
rature latine ; et les modernes ne le
connaissent que par ses Ouvra gesj
mais on y voit moins le détail des
événements , que l'expression des
mœurs et du caractère. A tout
prendre , ce portrait moral est plus
intéressant que le récit de quelques
anecdotes , surtout lorsqu'il s'agit
d'un homme de lettres. Tibulle passa
ses jours dans le calme et l'uniformité
de la condition privée , dans la sim-
plicité d'une fortune médiocre et
avec des goûts encore plus modestes
que ses moyens ne lui jicrmcttaient
de les avoii-. Dans une telle existence,
il n'y a d'actions saillantes que les
ouvrages , qui n'étaient point un tra-
vail pour l'auteur, mais une par-
26 rm
tie de ses loisirs et de ses aimisc-
ments. Le reste ne fournit qii*unc
stérile matière à la narration histo-
rique ; et plus l'homme a joui d'un
sort constamment heureux et tran-
quille , plus les particularite's de
sa vie échappent à la renommée. Ce-
pendant la cm'iosité,qui s'attache aux
grands noms , a engagé les commen-
tateurs dans des recherches laborieu-
ses pour éclaircir quelques points
obscurs ou douteux de la biographie
de ce poète. Incertitude sur la date
de sa naissance et l'époque de sa
mort , soupçons élevés sur l'authen-
ticité d'un passage cité comme preu-
ve, difficulté de concilier quelques
faits avec l'âge présumé; c'était plus
qu'il n'en fallait pour offrir un am-
ple sujet aux conjectures et aux dis-
sertations : nous nous arrêterons aux
résultats les plus probables. Des vers
insérés dans une élégie du troisiè-
me livre ont fait penser à plu-
sieurs savants qu'il était né l'an
711 de Rome, et qu'il était du
même âge qu'Ovide. Mais les criti-
ques les plus habiles , et à leur tête
Scaliger et Heyne , rejettent ce té-
moignage supposé de Tibulle , et y
reconnaissent une interpolation évi-
dente. Tibulle servit dans la guerre
des Gaules , sous M. Valerius Mes-
sala Corvinus. Un auteur anonyme
dit même qu'il y mérita des récom-
penses et des décorations militaires,
et un monument lapidaire atteste que
Messala obtint les honneurs du
triomphe sur les Aquitains , en 72G.
On demande comment Tibulle au-
rait pu se signaler par sa bravoure
guerrière , ou même se trouver sous
les drapeaux dès sa (|ninzième an-
née, lorsque les jeunes Romains n'a-
vaient pas cucok; déposé à cet âge
le vêtement de l'a(lol(;s(-ence, la robe
prétexte, pour prendre la rolx! vi-
TIB
riic, et qu'ils étaient encore sous la
garde d'un précepteur. La valeur
n'attend pas le nombre des années:
mais Tibulle n'avait pas un génie si
belliqueux qu'il dût se faire remar-
quer par des exploits si précoces. 11
délestait les fureurs des combats,
et en redoutait les périls. Ses plain-
tes et ses alarmes, au moment du dé-
part pour une expédition , montrent
que le devoir et la nécessité l'entraî-
naient à la suite de son général, plu-
tôt que l'instinct du courage ( i , 10,
éd. de Heyne , 1777 ).
Qiiif fuit horrenilos primus quiprolulil enses ,
Quant Jcms et verejerreus itlejuil .'
Nitnc ad bclla trahor, et jam t/uis forsitan hoslis
Hœsura in nostro tela geril latere.
Ce n'est pas le langage d'un homme
appelé par une vocation extraordi-
naire au métier des armes, et brave
soldat à quinze ans. On s'est donc
généralement accordé à ne voir
qu'une intercalation apocryphe dans
les deux vers où il paraissait donner
lui-même la date de sa naissance :
JVataleni voit ri primnm vidëre parentes
Ciiin cecidit jfato consul uterque pari.
Le second vers de ce distique se re-
trouve mot pour mot dans le quatriè-
me livre des Tristes d'Ovide. Ovide
raurait-iIcopiésisimplement?N'est-iI
pas plus probable qu'un copiste mal-
adroit aura voulu , comme il est ar-
rivé souvent dans la transcription des
ouvrages , ou enrichir son auteur , ou
remplir une lacune? Si tme telle éga-
lité d'âge eût existé cutreTibulleetOvi-
de, ce dernier, qui se plaisait à saisir et
àconsignerdanssesvers les rapports
singuliers de faits et d'idées , n'au-
rait ])as négligé celte circonstance.
Mais il ne permet pas de douter , au
contraire, ([ne Tibulle ne fût ])lus
avancé (|ue lui presque d'une géné-
ration. Voici la liste des poètes cic-
TIB
giaques , telle qu'il la donne suivant
l'ordre des temps :
Virgilium 'vidi tanlùnt , nec avam Tibullo
2'empus amicUice fata deiléie iiiea;.
SucceisorfuU hic libi. Galle; Piopertius illi ;
Qiiarlus ab bis série lemporis ipsefui.
(Trist. IV , 10, 5l ).
TibuUe a donc précède Pro perce,
comme il a succédé à Gallus ; et Pro-
perce lui-même était entré dans la
carrière avant Ovide, qui commença
cependant de très-bonne heure à se
faire connaître par ses poésies. ïi-
bulle était donc déjà fameux , quoi-
que jeune encore , quand Ovide n'é-
tait encore qu'un enfant. Jusqu'où
faudra-t il rétrograder jiour rencon-
trer la date véritable de la naissance
de Tibulle ? On ne peut point fixer
de terme précis. Sans doute on n'ad-
mettra pas la conjecture d'Ayrman-
nus, qui, eu adoptant le distique liti-
gieux , substitue dans le second vers,
cessit à cecidit , et l'explique ainsi:
«lorsque les deux consuls furent con-
traints par un destin pareil de sortir
de l'Italie; » c'est-à-dire, lorsquel'in-
vasion de César , au commencement
de la guerre contre Pompée , força
les consuls de fuir de l'Italie avec le
sénat , en 'jo5 : mais dans le cas
oij l'on recevrait la correction ^falo
cessit ne signifierait toujours que
mourir. L'opinion d'Ayrmannus ne
s'appuie sur aucun fondement solide.
Enlin , il y en a qui rangent Tibulle
parmi les contemporains d'Horace ,
né , comme chacun sait , en 688. Il
est vraisemblable, en effet, qu'Horace
n'aurait pas eu tant de déférence
pour le jugementd'un homme qui eût
cté à une grande distance d'âge au-
dessous de lui : Alhi iioslrorum
sermonum candide judcx. Il est
plus vraisemblable encore qu'Ho-
race n'aurait pas eu à consoler
Tibulle du chagrin d'être sacrifié
TIB
a-?
par une maîtresse à un rival plus
jeune que lui , et cela avant l'an-
née 733 , époque de la publica-
tion des premiers livres des Odes ,
si Tibulle n'avait pas approché alors,
comme son ami , de la maturité.
Mais l'épitaphe que lui composa le
poète DomiliusMarsus ,son contem-
porain , porte que Tibulle survécut
à peine à Virgile, mort en ^35 ,
et qu'une fin prématurée l'enleva
aux lettres , juvenein. Doit - on en
conclure que Tibulle n'ait pas dé-
passé sa vingt - quatrième année ?
Ignore-t-on toute l'extension dont le
mot juvcnis était susceptible dans
le langage des Romains ? qu'on était
dans la classe àcs juvcnes , des hom-
mes en état de porter les armes, jus-
qu'à l'âge de quarante-cinq ans.^ et
que cette qualification ^'appliquait
même à des gens qui prolongeaient
leur carrière au-delà de ce terme? Si
l'on veut que Tibulle soit venu au
jour, en -yi T , il est impossible de
faire concorder naturellement avec
celte date celles des auti'cs faits
dont les années sont connues avec
certitude. Si l'on suppose , au con-
traire , comme toutes les apparences
induisent à le croire , qu'il y eut peu
d'intervalle entre sa naissance et celle
d'Horace, tout s'explique, et la chro-
nologie n'est plus en contradiction
avec la raison ( i ). Il y avait deux
(i) M. Golbéry a publié deux tris-bonnc»
Dissertations , Tune eu latin , l'autre en Fran-
çais , dans lesquelles il combat tous ces raison-
nements, et tient pour l'anthculicite du distique
tialalein iileripte pari; il prétend même qu on
ne peut faire remonter la naissance de Tibulle au-
dessus de l'an ^lo ou^ii , saus tomber dans une
erreur grossière; car Tibulle n'aurait commence h
porter les armes qu'à l'âge de vingt-huit ans. Mais
dans un temps oit le service itiilitairc n'ctait plus
d'inic nécessité rigoureuse pour les Romains , est-
il si étonnanl que Tibulle ne se soit décidé à suivra-
les camps qu'à vingt-huit ans, par amitié |>our Mes-
sala? M. G<>U)éry ajoute que Tibulle aurait atteint
sa quarante-unième année, et que Marsus i&'Aurait
pas pu dire qu'il était mort jeune. Mais, sans recou-
rir à la rigueur des interprétations légales du mot/ h-
2« TIB
familles Albia dans Rome , l'une pa-
tricienne et l'autre équestre. C'est à
la dernière qu'AlbiusTibuUus appar-
tient. Si l'on ne rabat rien du témoi-
gnage d'Horace, la nature et la for-
tune avaient conspire ensemble pour
lui prodiguer tous les avantages qui
peuvent rendre le sort d'un homme
digne d'envie : la beauté de la iigure,
la force de la santé , l'abondance des
biens, la noblesse de l'ame, les ins-
pirations du talent (Horace, Ep. i , 4).
Après avoir lu les vers de Tibulle .
on croira qu'il ne jouissait pas d'un
tempérament vigoureux comme ledit
Horace. H fut attaqué, à plusieurs re-
prises , de maladies qui le mirent en
péril 5 la teinte de tristesse qui se
incle toujours à la douceur de ses
pensées , ses fréquentes appréhen-
sions d'un(^ mort prochaine, l'idée
constante que la femme qu'il aimait
lui fermerait les yeux , toutes les ha-
bitudes de son esprit décèlent eu lui
l'influence d'une complexion déli-
cate , et la brièveté de sa vie ne con-
firma que trop bien ses pressenti-
ments. Quant à sa richesse , elle
pouvait paraître considérable encore
au sage Horace , qui plaçait le sou-
verain bien dans une modeste for-
tune , et regardait la médiocrité
comme l'unique trésor, aiiream me-
<Ztocn7rtf6'//i; mais si l'enfance de Ti-
bulle avait été environnée des espé-
rances brillantes d'une grande opu-
lence, ce qui lui resta de son patri-
moine était peu de chose, en com-
paraison de ce qu'il aurait dû pos-
séder :
Vos quomic fcUci', ijiminlnin , nunr pauj)oris agii
Custodes ,fht lis iniiiura l'eilrn , Larrs.
'Tune l'Uiita innunicnts liistrahat cœ^a juvcnros,
JVunc a^tta exi^ui eU ho^lia magna soU,
vrnis f ne jH-iit-on |>as dire ijn'iin i-rrivitin a iiim- lin
prPiriotlirrr .'i <|iiarniil<- ans? Iji n':iiln|iliilil ]>ns lis
conclusioni d<,' M. (loll.riy, on !!<■ tloil |>h» iiiniiis
rrndre ju^l.icc » r.Tiitiil i..ii cl i la nngacilé «lu'il
déploie dans se» diMcrtotiuii».
TIB
Est-ce par sa propre foute, est-ce
par l'injusticcdcs hommes, qu'il avait
perdu la plus grande partie de l'iié-
litagc de ses pères .^ Quelques mo-
dernes , sur la foi d'un vieux sco-
liaste d'Horace , n'ont pas hésité à
prononcer que Tibulle avait été un
dissipateur , et qu'il ne pouvait ac-
cuser que lui-même de sa ruine. Mais
il n'a pas manqué d'avocats ardents
à le défendre j et tel était le zèle
véhément de leur réclamation, qu'elle
ressemblait moins à une dissertation
d'histoire ancienne qu'à une plai-
doieriedans un procès qui toucherait
l'honneur d'un vivant. Sans prendre
autant l'aU'aire à cœur , il est permis
de repousser comme injuste et fausse
l'imputation du vieux scoliaste. Ti-
bulle se plaint en plusieurs endroits
d'une cruelle spoliation. Aurait-il
rappelé si souvent ce malheur', si c'eût
été l'elfet des rigueurs de ses créan-
ciers? On voit que Tibulle, dès sa
jeunesse, fut attaché à McssalaCor-
vinus. La famille équestre des Albius
pouvait être liée , par des rapports
de chenlellc , à l'illustre et puissante
maison de Yalérius. En 7 1 1 , Valé-
rius prit parti pour Firulus , et fut
proscrit par les triumvirs. Après la
mortdeBnrtus, et lorsque la division
se mitdans le triumvirat, il se rangea
du parti d'Antoine. Tibulle embrassa,
sans doute , la même cause que son
patron , et subit la même disgrâce.
Octave ne se contentait pas d'abattre
ses ennemis , il les dépouillait : ses
soldats s'enij)arèrent, par le droit de
la force et le privilège de la con-
quête , d'une grande ipiantilé de terres
en Italie et en Sicile. Pour les enii-
cliir, il fallut bien ipie beaiiooiip de
citoyens fussent a ppaiiviis. Hien n'é-
tait si roiniiiiiu, en ce temps , (pic de
voii les nioniiiuculs de celte violence,
soit dans les forlmies élevées subite-
TIB
ment, soll daus les maisons à moitié
ruinées. L'orage tomba principalo
lement sur la classe des chevaliers ,
peut-être parce qu'ils avaient c'ic at-
tache's à la cause de la république ,
si l'on peut dire qu'il y eût alors
quelquepatriotisme; du moins avaient-
ils favonsc le parti de Pompée et de
ses successeurs contre les Césars.
Mais le véritable motif de la persécu-
tion qu'ils essuyèrent fut leur opu-
lence. Les chevaliers étaient les fer-
miers-généraux de la république ro-
maine dans les provinces , dans les
trois quarts du monde civilisé , in-
dustrieux et commerçant. Ils avaient
acqius des biens immenses. Leurs pa-
lais , leurs maisons de campagne ,
leurs domaines , ofl'raient une trop
belle proie aux. vainqueurs , pour
qu'ils ne fussent pas mis en tête des
listes de proscription. C'est proba-
blement de cette manière que fut ea-
valii le patrimoine de Tibullej et
lorsque Valerius Messala (It sa paix
avec Octave César , sa protection
ne fut pas assez ferme ou assez
puissante pour faire rémtégrer le
poète dans sa propriété. Ce ne se-
rait pas l'unique exemple d'une tran-
saction , par laquelle un grand , en
se réconciliant avec ses ennemis
vainqueurs , eût sacrifié ou négligé
ses clients et ses amis. Cependant
il serait injuste d'accuser sans preu-
ve Messala d'ingratitude ; car il y a
des critiques qui j)enscnt que Ti-
biille ne contracta de liaison avec
lui que plusieurs années après ces
événements , en '-•^S , lorsque Mes-
sala fut nommé consul avec Oc-
tave Ciésar. C'est du moins la date du
panégyrique inséré dans les OEuvres
de Tibulle, et qu'on suppose fait à
l'occasion de ce consulat. Ses antres
poésies contieunentdcs preuves moins
équivoques de son atlacliemcnt à
TIB
29
Messala depuis cette époque. Sana-
don aHirme , sans autre fonde-
ment que sa propre hypothèse , que
Tibulle se trouvait avec Messala
sur les vaisseaux d'Octave , à la ba-
taille d'Actium. Mais il est certain
qu'il l'accompagna l'année suivante
dans les Gaules , et qu'il prit partàla
réduction de l'Aquitaine. Après cette
expédition , Messala passa en Asie :
Tibulle s'était embarqué avec lui ;
une maladie arrêta le poète à Cor-
cyre , et le força de se séparer de
son patron. Il craignit de mourir en
ce lieu , chez des étrangers , loin de
sa famille , sans qu'une main chère
l'assistât à ses derniers moments ;
enfin sa santé se rétablit et il revint
à Rome , oij il ne cessa point de cul-
tiver l'amitié de Messala et de ses
Ids. Plusieurs de ses poèmes attestent
son affection constante et désintéres-
sée pour cette famille. Il lui consa-
crait les fruits de son génie , la re-
commandait au souvenir et à l'estime
de la postérité par ses éloges ; et
sans doute il ne lui demandait rien.
Content des débris qui lui restaient
du bien de ses aieux , il ne songeait
plus qu'à mener des jours tranquilles,
au sein d'une agréable oisiveté , sans
regret du passé , sans ambition pour
l'avenir. Toute sa passion , tout son
soin était d'aimer et d'être aimé • il
partageait son loisir entre les amuse-
ments de la ville et les jouissances de
la campagne; mais si l'on en juge
par ses vers , il préféra au séjour
bruyant de Rome sa solitude pai-
sible de Pedum , petite contrée de
l'antique Latium , entre Preneste et
Tibur. C'est l.à qu'il se plaisait à re-
trouver, du moins dans les rêveries
et les illusions de son imagination
exaltée, la simplicité, rinnoccncc ,
la félicité des vieux âges. Sa poésie
serait bien trompeuse si ce n'eût
3p
TIB
pas été un bonheur pour lui de se
mêler aux exercices et aux. jeux de
la vie rustique; d'être le chef des la-
boureurs et des bergers , dans son
petit domaine ; d'être quelcjuet'ois la-
boureur et berger lui-même , soit
qu'il présidât aux fêtes religieuses
des champs , soit qu'il encourageât
les travaux de la ciiltuie , ou qu'il
surveillât ses troupeaux ( i , i ) : mais
quelques beautés , quelques riauls
tableaux que la nature étalât à ses
regards , pour qu'il fût heureux ,
il fallait que l'amour enchantât et sa
demeure et toute sou existence. L'a-
mour fut la grande affaire de sa vie.
De cette source lui vinrent et ses
plaisirs les plus vifs , et ses plus cui-
sants chagrins , et ses plus délicieuses
inspirations. Eu lisant successive-
ra£ut les noms de Délie , de Némé-
sis , de Néère , dans les suscrijitions
de ses Élégies , si l'on se rappelle en
mcme temps qu'Horace essaya de le
guérir des blessures que lui avait
faites Glycère ['i) , on sera disposé à
croire qu'il était plus tendre que
constant. Mais qu'on lise ses plaintes
assidues , et qui ont un si grand air
de siiicérité, on se persuadera qu'il eut
beaucoup à souffrir , et qu'un enga-
gement nouveau était pour lui plutôt
la consolation d'un amant délaissé
que le caprice d'un cœur volage. Par-
mi SCS maîtresses , il en est deux qu'il
chérit plus long-temps et plus pas-
sionnément que toutes les autres , et
qu'il a immortalisées : Délie, à qui il
offrit son premier hommage; Némé-
sis, qui reçut ses dernières caresses et
sou dernier soupir. Ovide les a pla-
cées ainsi toutes deux auprès du bû-
cher de Tibullc ; A mor. m , g, 3 1 , 53).
,,l.|ii.\.:;r.rl l)(:ii.
, drcm noms (limrci
[■>) I*llJ'iilMIvi«lvlilils|ii
wjiit «pir- la inôini' lirninr
etcjiu.- ci-luiJeOlyci-re ne d<'Ai^i>:i>t fncoir qnc De-
lie ou Néini'si». Ce» liypolhisi-s paralsnent pin»
»j)tfci<-tuiciiient90utcuuce (juckicnrundccs vu raisuii.
TIB
Sic Neuifftii longnm , sic Délia nomen hahilunt ;
Altéra cura recens , ullera priinus amor.
Le Doui de Némési.s et celui de Délie
Survivront ù jamais chez, nos derjiier> neyeux.
L'une alluma ses premiers feux.
Et dans les bras de l'autre il termina sa vie.
Cumque tiiis sua junxeruiil Nemesifr/ue priorrjue
Oscula; nec sotos destiiuêre rogos.
Délia discedens : Feliciwi , inqtiii , utnala
Sum libi; virisli dum tnus if^nis eram..
CiiiJS'umesis: Qiiid aii? lUtisint mea damna dolori;
Me tenait moriens déficiente manu,
La tendre N'émésis et ta première amante.
Autour de ton lii'iehpr , sur ta dépouille ardente.
Ont p'irtc leur tribut et répandu des pleurs.
Amante plus bcureusc, au moins, disait Délie,
.le n'ai pas, en t'aimant, vu s'éteindre ta vie.
Nemésis répondait : Euviez mes douleurs.
C'est ma main qu'il serrait de sa main défaillante.
Rien de ce qui touche un homme cé-
lèbre ne paraît indifférent à la curio-
sité des savants , et souvent de pe-
tites choses ont été l'objet de leurs
longues et minutieuses i-echerches.
Ainsi ils ont yoidu savoir si les noms
de Délie , de Néère , de Nemésis ,
étaient supposés ou véritables; (juelle
était la condition de ces amantes de
Tibulle. Ces questions ont si peu
d'intérêt en elles-mêmes, que nous
craindrions d'abuser de la patience
du lecteur en l'y arrêtant seulement
quelques instants, si elles ne nous don-
naient l'occasion d'éclaircir un point
d'histoire et de philologie. Nous ne
pensons pas qu'il importe à la gloi-
re de Tibulle d'ennoblir ses maî-
tresses , et nous ne verrons en
elles que ce qu'il nous a montré lui-
même , des femmes qui faisaient
profession et métier de vivre dans la
galanterie ; cependant il paraît y
avoir contradiction entre plusieurs
passages de notre poète concernant
-S'a Délie. 11 se plaint d'un époux qui
tantôt la retient captive , tantôt ne
la surveille pas assez ])Our prévenir
.ses légèretés. Nec tnmcn hmc crcdct
conjiix tmis ( i , 7, , 4 O » '''^ '"
fallacis conjux incaule piicllœ ( i ,
0 , 1 5j ; et il avoue qu'elle n'est pas
TÏB
TIB
Ji
d'un clat à porter la robe longue et tissus , ou à préparer les blanches
le bandeau des femmes libres : toisons pour gagner un modique sa-
c. j- - j „.,^„„.;c „n„ „;«,. z,-a/o. laii-e. » Ce n'eût pas ete à une femme
Sit modo tasla doce , quamvis non inua iigaio\ 1 _
Jmpeiliat crines nec stota lor:ga pedes. e'tabllC daUS la malSOtt d Un CpOUX ,
C I. s>67 )• qu'on eût fait entrevoir une pareille
Ces expressions sont remarquables, détresse et un tel abandon dans l'a-
Ovide, pour justifier auprès d'Au- venir. N'est il pas permis de penser
gustele dessein de son Art d'aimer, que le docte Heyne s'est trompe en
alléguait qu'il avait écrit ses leçons prenant trop à la lettre le mot co/j/ur?
pour les seules courtisanes , et que , Les poètes employaient ce terme avec
dès le début de son livre, il éloignait ses dérivés et d'autres semblables,
de son école les femmes de condition dans un sens très - détourné , pour ex-
honnête: primer une union qui n'avait rien de
Alprocd ah scripla solh merclricibi.s arle chastC ni dc légitime. Tibullc CU of-
Submovelmgcnuas pagina prima nnm,. fre dcS CXempleS frCqUenlS. S'il 30-
( Trlst. 11 , 3o3 ). T.T „ j^ ■ ^ »l J • I
cuse JNeere rie parjure^ s il déplore
En quels termes prononçait- il cette la dureté du joug de l'amour, il sem-
exclusion?
Esleprocul, vittce tiniiei:, imigne piuloris ,
Qitœque tegis niedios , instita lotiga, pedes.
( Art. am. , I , 3i }.
I>e rapprochement de ce passage
avec celui de Tibulle sur le costu-
me interdit à sa maîtresse , donne
lieu de soupçonner qu'elle ne dif-
férait point , quant à la condition ,
des femmes auxquelles Ovide avait
dédié le recueil de ses préceptes. Com-
ment aurait-elle été mariée? Heyne
ble parler des rigueurs et de la rup-
ture d'un hymen :
Nec gaitdet raatn niijtla Neera domo,^,,
Nescis qiiid sit amor , juvenis , sijerrr récusas
Immitem dominiun conjngiumijut: firuni.
(m , 4, Co, 73. )
Il serait aisé dc multiplier des ci-
talions pareilles. Mais quel empi-
re , quel droit exerçait donc sur
Délie celui que Tibulle aj^pelait con-
jux , et qui repoussait les amants
de cette belle et la tenait sous les ver-
concilie ainsi les faits qui ne semblent i.qux? Ne peut-on pas voir là une de
pas d'accord. Délie était une ailran- ç^^ alliances temporaires , un dc ces
chie, comme le fait entendre Ti- demi-mariages , que des hommes for-
bulle; elle fut d'abord aimée parlui,et raient avec des courtisanes , etdont
elle prit un époux, pendant qu'il était igs clauses étaient stipulées dans une
absent. Mais si l'on suppose que son ^gp^ce de contrat ? Cet usage est re-
sort eût été fixé et assuré par un ma- ^^.^^é ^lans plusieurs scènes de Plaute
nage, comment expliquer ces avis
qu'il lui donne :
AltjHœJldaJ'itilnuUi,posl, vicia seiiectd ,
Diicil inops Iremtda stamina lorlii manu ,
yirmnriue conduciis adnectit licui telfi ^
'J'railaque de niieo velicre ducla putal.
(i>6, 77)-
« Celle qui no fut jamais fidèle ,
quand la vieillesse flétrit son visa-
ge^ est contrainte par l'indigence
( Asinar. i , 2 j iv , i ). On inten-
tait procès pour réclamer les dons
qu'on avait faits , si l'on avait à se
plaindre de graves injures. Ovide rap-
porte une anecdote qui sert d'exem-
ple à ces divorces ridicules. «Sied-il
bien que deux amants deviennent en-
nemis ? Vénus réprouve ces débals.
Souvent on accuse une coupable ai-
à conduire la navette d'une main mée; cet éclat apprête un triomphe
tremblante, à façonner de pénibles à l'amour. J'assistais un jour un
33
TIB
ami dans une afiaire de ce genre. Sa
maîtresse était venue an tribunal
dans une litière ; il iVcniissait de cour-
roux , et prêt à déposer l'acte d'ac-
cusation , il s'cciiait : Qu'elle pa-
raisse; elle se montre , il reste muet;
l'écrit tombe de ses mains , et il lui
rend les armes. Il vaut miens, ajoute
Ovide, n'en pas venir à ces extrémi-
tés. Séparez-vous sans reprendre
vos présents , si vous voulez vous
affranchir : » ( Remed. anioris).
Nous savons à présent quelle restric-
tion il faut mettre souvent à la signi-
fication des molsconjux, conju^iuni,
principalement chez les poètes eroti-
ques. Cette discussion nous a fait per-
dre de vue Tibulle ; mais Délie et ses
pareilles ont occupé une si grande part
de la vie de notre poète, et tenaient
tantdeplacedans la société romaine,
qu'on nous pardonnera cette digres-
sion. Tibulle était digne, par son ta-
lent, d'un attachement plus noble ; il
méritait , par son caractère , d'être ai-
mé avec plus de dévoûraent et de fidé-
lité. Qu'il était bon ! c'est l'exclama-
tion qui s'échappe involontairement
de la bouche du lecteur en parcourant
ses Élégies. La douceur et la sensibilité
faisaient le fond de son ame ; elles
le soumettaient entièrement, elles le
livraient en esclave à la femme qu'il
adorait , et il se complaisaitdans cette
servitude : « Qu'elle règne , qu'elle
dispose de tout; j'aimerai à n'être
compté pour rien dans ma maison.
Illa re^at cunctos , ilU sint omnia
curœ ; Me juvet in iotd me nihil
esse domo ( i , v ). » Voilà Tibulle :
c'est ainsi qu'il aimait, c'est ainsi
qu'il tralii>;sait le faible de son cœur.
On en abusa souvent; on ne se conten-
tait pas de régner, on voulait oppri-
mer, tyranniser le pauvre esclave;
on le désolait par des caprices cl Acs
k'gèrttés impardonnables, s'il avait
TIB
en la force de ne point pardonner ;
et domiait-il la moindre inquiétude ,
on se livrait à des emportements fu-
rieux ; on le battait , et on le battait
même aux yeux de tout le monde j
car Délie était aussi violente , qu'il
était débonnaire. Il n'y a pas de
portrait qui puisse mieux représen*
ter la physionomie de Tibulle , que
cette image où il s'est peint, sans le
vouloir , avec sa Délie. « Qu'elle me
reste fidèle , quoique son joug soit
dur, et que je ne puisse vanter aucune
femme sans qu'elle m'arrache les
yeux , qnoiqu'au premier soupçon
jaloux , elle me saisisse par les che-
veux , et me traîne ainsi dans les
rues , sans que je l'aie mérité : »
Sil modo casta doce , quann'h
Et mihi sini diirœ leges -, laudare nec iiUam
Potsiin ego, tjiiin oculos appelât illa meos.
Et si rjuid peccasse puter, ductergue capillis ,
Jmme?-iib pivnas proripiarque vias.
(1,6,6:).
Quelle naïveté dans ce mot imme-
ritb ! Il ne se plaindrait pas du trai-
tement , s'il était coupable. Mais
coupable ou non, il le supportera.
Que de tendresse et de bonhomie
dans cette résignation et dans les
vers qui l'expriment 1 Cependant l'a-
mour ne remplissait pas tellement
son ame qu'il y étouffât les affec-
tions de la nature et de l'amitié. Ho-
race , Ponticus , Macer aimaient sa
personne autant qu'ils estimaient son
talent; et il fut bon frère et bon fils,
autant q^ie fidèle ami. Une de ses
douleurs, dans la maladie qu'il eut à
Corcyre, était de ne pas recevoir ,
s'il y succombait , les derniers em-
brassementsde sa mère et de sa sœur.
On voit qu'il se laissait frapper aisé-
ment de la crainte de mourir. Il ar-
rive rarement ([u'une si grande bon-
lé ne soit ]»as accompagnée de fai-
blesse de caractère et d'esprit. Il
était paresseux et timide ; une vie
TIB
dpsoccupéc , loin du tnmuUe el des
périls, était rolijet'cle ses vœux; il
décrit trop vivement son liorreur
des alarmes et des fatigues de la
guerre , pour qu'il n'ait pas été pé-
nétré de ce seotiment. Il u'était pas
non plus prémuni par la raison con-
tre les terreurs supersti lieuses: il con-
sultait les magiciennes , et il croyait
au?: enchantements , bien loin d'en
rire comme Horace , et de les dé-
d^igner comme Ovide. Tibullc avajt
tout ce qui fait les amcs tendres et
aimables, peu do ce qui fait les âmes
fortes et intrépides. Cependant s'il
manquait d'énergie et de fermeté, il
ne manquait ni de dignité, ni de no-
blesse. On ne lit pas une seule Cois le
nom de Mécène, ni celui de César
dans ses vers , pas un ^eu! éloge di-
rect ou indirect donné au maître de
l'empire ou à ses favoris. Ce silence
de Tibulle , au milieu du fracas de
louanges qui rctcntissaicat de toutes
pv-irls , est un trait bien remarquable
de sa vie. On n'a pas tous ses ou-
vra ces , il est vrai; mais ou n'en
regrette pas un grand nomore, et ce
serait un hasard bien singulier que
le temps n'eût détridt que ceux qui
auraient contenu l'hommage de la
flatterie. On lui pardonue pins aisé-
ment de s'être prosterné aux genoux
de Délie et de Némésis , quand on
pense qu'il ne rampa jamais aux
pieds d'Octave. 11 mouriit la mênje
année, ou à-pcU'près , que Virgile ,
35. C'est ce qu'on peut conjecturer
'après l'épigramme de Domitius
Marsus , leur contemporain :
Te quoifue Virgilio namitem non tequa , Tibulle,
Mon juve/jem campos itihit ad ELvsio'i^
Ne foret aut elegit molle! r/ui fterrt amoref ,
Aut cancrel^orti regia bella pedr.
L«5 Parqiips , cher Tibulle , ont donc tranché te»
jour»;
Jeune, tu suis Virgile sut cliapip* de rtlj-sce.
O musc des bèr<^9 , à muxe des amours ,
PSr çn 4p.>U>l9 trcpas Tolrç Jjrg st\ briifv».
XLVI.
TÎB
3a
l
Marmonlel , prciiant le fait pour la
règle , et les , aifférciiccs de caractère
des poètes pour des furmes générales
de poésie , a divisé l'clégie en trojs
genres : le passionné , celui de Pro-
pcrce ; le gracieux , celui d'Ovide j
îe tendre , celui de Tibulle. S'il faijt
que toutes les inspirations de l'élégie
viennent dii cœur , les chants de Ti-
bulle en sont le plus parfait modèle.
I! n'a pointlimagination ctinceldnte
du volage adorateur de Corinne , çi^^
l'érudition jnytliologique du brûlant
esclave de Cynl]iic. Il j. a peu d'iD-
ventioii, peu de variété dans îe foi^d,
des idées. Les émotions amoureuses
et la paix du séjour champêtre rem-
plissent tous ses écrits. S'il se fait
l'image de la félicité sur la terre , il
la trouve dans une cljaumiève auprès
de sa Délie ; s'il célèbre une fèlc , le^
bergers renvironucjit , il pflTrç des li-
bations aux divinités des troupeau.^:
et des moissons. Qu'il exajte la gloire
de MÇssala , le cours natqrel de s^
pensées l'amène des champs de ba-
taille aux champs qu'Osiris i'écond^
par l'agriculture. Qu'il vante la
grandeur et l'antiquité divine de I^
i*ace romaine , les mortels fortunes;
qui habitaient ces paisibles solitudes
avant que Rome s'élevât viennent
s'olîrir d'abord à sa mémoire. Par-
tout aussi, il porte ou les regrels, ou
l'espoir, ou la dou'em- , ou la JQ.i^
que lui font éprouver sa Dcliç , s^
N.éère. Ainsi toujours dap$ $ç.s^ vor*
se frproduisent et la campagne çt
l'amour. Cependant on ne sent poio^»
en le lisant, la langueur de la moMQ.-
tonie. H nous parle sans cesse de lui-
même; il nous entretient d'objet?
futiles : d'où vient ({u'il émeut et qu'il
attache? c'est que son amcrespiredans
se5 écrits plus qu'il ne songe à faire
briller son esprit pt son talent. H se
pçint tout entier en exprimant ses
34
TIB
souhaits, ses ciainlcs, ses jouissan-
ces et ses peines. On ne peut s'empê-
cher d'aimer ce caractère si ingénu ,
si tendre , si bon. L'homme nous de-
vient cher , et nous rend le poète plus
aimable et l'amant plus intéressant.
Il ne s'agit que de soins légers et fri-
voles 5 mais le sentiment est si vif et
si profond , l'expression si vraie et
si touchante î et puis il nous occupe
de ses souflrances plus souvent que
de ses plaisirs. Les soupirs de Tibulie
retentissent au fond de notre cœur.
La mélancolie et la sensibilité répan-
dent leur teinte sur toutes ses pen-
sées 5 mais sa mélancolie n'est point
ime sombre tristesse j chez lui la sen-
sibilité ne dégénère point en douce-
reuse fadeur; un feu intérieur , sans
éclater violemment^ anime et viviiie
tous ses poèmes. A ses idées d'amour
s'entremêlent involontairement les
idées de la vieillesse et de la mort ;
il jouit mieux du bonheur dans la
solitude ; et , sur son visage , le sou-
rire de la volupté n'est point exempt
de larmes. Le génie de ïibulle est
contemplatif et rêveur; et l'on de-
vient rêveur avec lui ; on se laisse
entraîner. Un beau désordre est, dit-
on , le sublime de l'ode , et son im-
pétuosité vagabonde est un de ses
privilèges essentiels et distinctifs. L'é-
légie , du moins celle de TibuUe , se
rapproche en cela du genre lyrique. Il
ne paraît point avoir prémédité un su-
jet; ses sentiments s'épanchent spon-
tanément; les élans de son cœur exci-
tent les fantaisies de son imagination
Seusive; il n'a point de plan tracé
'avance, point de méthode fixée ; sa
marche est guidée par les apparitions
des objets que les contrastes et les
analogies fout naître à l'imjjrovist»-.
Il peint tout ce (jui le frappe ; mais
une même inspiration préside à toutes
ses idées , elle dessine , elle colore
TIB
tous ses tableaux. Les écarts ne son(
amenés (pie par des rencontres heu-
reuses. C'est un abandon agréable ,
et non une divagation confuse ; c'est
la variété dans l'uniformité. ïibulle,
comme tous les écrivains supérieurs,
a son style propre et caractérisé, qui
enchante par l'accord parfait de la
parole avec la pensée. Mais peut-on
le définir ? Comment expliquer cette
ingénieuse candeur qui provient de la
sincérité et de la douceur de son
ame , et qui tient aussi à l'exquise
pureté de sa diction correcte sans
travail , ornée sans recherche de
parure ? Comment analyser ces né-
gligences qui sont le fini de la grâ-
ce , et cette mollesse délicieuse , qui
n'est point de la faiblesse , et qui a
tant d'attraits ? Ou se fait souvent
une opinion trop exclusive sur le talent
d'un auteur. Le partagede Tibulie est
la tendresse : on ne le croit pas ca-
pable de véhémence et d'énergie ; et
cependant avec quelle chaleur il sait
rendre le délire, les transports de la
passion qui le maîtrise ;
Jlliits fst noltis lege coîendus amor.
Quin eliain sedcs juheal si vendere avitas ,
Ile siih imperiiini , sub lilulitmque, Lares.
Quidfiuitl /label Circe ^ quiilnitid ]\Icdea Vfiieni,
QiiiJi/uid et herbaiam l'hcssalu terra gerit.
Si modb tue plavirlo vident Neme^is mea vultu ,
Millj lUias herbas tnisreat illa , biham.
( «», 4, 5»)-
On trouvej-ait aisément plus d'un
autre passage semblable. Jamais écri-
vain Ji'a mieux fait sentir que la poé-
sie ne consiste pas dans le luxe des
figures , dans l'éclat des lo'^utions
pompeuses ou fleuries , dans les ar-
tifices d'un mécanisme sonore; mais
qu'elle vit dans la franche et native
expression à laquelle le sentiment a
donné l'ame , la force et le mouve-
ment, et qui enchaîne l'esprit du lec-
teur jjarl'ilhisioud'uue magique sym-
pathie. Sans doute, et Properce e(
Ovide furent poètes au.ssi; mais pour
TIB
eux l'amour était un sujet de poésie :
pour Tibulle la poésie était le lan-
gage de l'amour , un langage qu'il
n'avait point appris , point étudié,
un langage beau comme la simplicité
de l'inspiration naïve d'un génie favo-
risé du ciel. Ou le prendrait pour un
poète de l'âge d'or , si , à ses tour-
ments^ à ses chagrins, on ne voyait
qu'il était né dans un autre temps.
On goûte le charme de ses vers sans
penser au mérite de la versification ,
comme ou est ravi d'un concert mé-
lodieux sans s'apercevoir des combi-
naisons de l'art musical. Quoique
les Elégies de Tibulle ne composent
pas un volume considérable , ou ne
lui attribue pas toutes celles qu'on a
imprimées sous son nom. Des quatre
livres dans lesquels elles sont dis-
tribuées, les deux premiers seulement
lui appartiennent sans contestation :
mais les savants s'accordent assez
généralement à révoquer en doute
l'authenticité du quatrième. Le pané-
gyrique de Messala leur a paru ,avec
raison, indigne de Tibulle, par la sté-
rilité des idées et par la faiblesse du
style. Les quinze pièces qui suivent
le Panégyrique forment uu petit ro-
man moitié épistolaire, moitié nar-
ratif, dont Sulpicie etCerinthus sont
les héros : on y voit les premières
sollicitations de l'amour , ses pro-
grès , son entraînement , son triom-
phe, la fureur de la passion, qui fait
mépriser le soin de la réputation et
de la décence , les contrariétés des
circonstances, les jalousies, les plain-
tes , les menaces , la réconciliation.
Plusieurs de ces pièces ne portent
pas l'empreinte du caractère de Ti-
bulle. Broukhusius et Heyne ontjugé
qu'elles n'étaient pas sorties de sa
plume. Voipi et M. Voss sont d'un
avis oppose. Faut - il croire qu'un
copiste les aura jointes aux ouvrages
TIB
35
de Tibulle? Mais quel qu'en soit l'au-
teur, elles ne déparent pas le Recueil.
Jusqu'à M. Voss, il ne s'était point
élevé de controverse au sujet du troi-
sième livre; mais voici que cet illus-
tre critique, appuyé encore par d'au-
tres savants , ses compatriotes , pré-
tend l'ôter à Tibulle , et le donner à
uu auteur dont il s'imagine qu'il a
découvert le nom dans une élégie de
ce livre même : Lj^damus hic situs
est , etc. , comme si l'on n'avait pas
d'exemples de poètes qui se fussent
appelés d'un nom fictif dans leurs
écrits. Les raisons sur lesquelles il
fonde son paradoxe ne semblent
pas exiger une réfutation sérieuse ,
(juoique M. Golbéry ait pris la peine
de les discuter et d'y opposer des
arguments aussi solides que lumineu-
sement expliqués. L'imprimerie a mul-
tipliébeaucoup les éditions de Tibullej
nous nous bornerons à en signaler quel
ques - unes des plus précieuses. La
plus ancienne est de l'an i^'j-i. Les
Aides en donnèrent deux ^ l'une en
i5o2, l'autre eu i5i5; cette der-
nière servit de base à celle de Muret,
i554, et à celle d'Achille Statius,
1 567. Scaliger fit beaucoup de chan-
gements trop hardis dans le texte de
celle qu'il publia, iS'^n, Celle de
Broukhusius, i-joH , est renommée à
cause des leçons qu'il avait puisées
dans de nouveaux manuscrits ; mais il
défère trop à l'autorité de Scaliger.
On dislingue encore les éditions de
Volpi, 1710; Brindicy, 1749J Bar-
bou, 1754, Baskerville, 1772, La
plus estimée et la plus utile est la
seconde de Heyne, Leipzig, 1777.
M. Voss donna une édition nouvelle
à Heidelberg. 181 1. Celle que M.
Golbéry vient de publier , dans la
collection des classiques latins, est
très-recommandnble. Les traducteurs
français de Tibullo sont : en prose ,
0..
36
lie
l'abbé lie Marolles, 16185 Pezav.
1^^, (T. Pk/ai, XXXIII, ,^63";;
Lonf!;champs,i776(/^.LoNG<:nAMPS,
XXIV , 664); ^'î- P.-i^toret, 1783 ,
in-S". ; Mirabeau et Lachabeaussiè-
re, 1796 ( F. MmABE\ti, XXIX ,
lia, et Lachabeavssikre au Sup-
plément) ; en vers, M. Molle vaut,
i8o6,in-i2j 1808, in-i2; 1810,
iu-13; 1814, iu-i^; i8i6,iu-i8;
1821 , in- 18; M. Caronde!et-PoteI!e,s,
1807 , iii-80. ; M. Badcion St. Gc-
niez, i8i4, in-S". Lachapelie n'eu
a traduit qu'une partie ( F. Lacua-
PELLE , XXIII , 49)- Beaucoup d'au-
tres auteurs n'ont traduit que quel-
ques morceaux, j savoir Guys ^ en
1779 ^^"' ^'^'y^' XIX, 260 ) , La-
fare, Laharpe , Ricber, Tilly, Varon ,
>m. Saint Marcel et Cl. Louis Mat-
thieu , etc. , etc. TUnille ou les Sa-
turnales i'ormc le îroisicme acte des
Fe'tes grecques et romaines , ballet-
opéra de Fuzelier, joué en 1728 et
imprima; la même année, iu-4'^-
L'acte de Tibulle a été imprime sé-
parément, 1777, in-H". N — n— T.
TICHO. F. Brahé.
TICKELL ( Thom/vs ) , poète an-
glais, né, en 1686, à Bridekirk ,
dans la province de Cumberland, ter-
mina ses études à l'université d'Ox-
ford , et fut agréj^é au collège de la
Reine. Des vers élégants , qu'il écrivit
sur l'opéra de Bosamondc , lui pro-
curèrent la protection d'Addison, qui
l'introduisit dans la liante société, et
lui ouvrit la carrière des emplois.
Lorsqu'en 1 7 1 3 , cet illustre écrivain
donna au tliéàtrc sa tragédie de Ca-
ton, Tickell entretint la bienveillance
de son Mécène par un nouvel hom-
mage poétique , qui fut distingué dans
la foule des vers inspirés par le mê-
me sujet. A l'époque oi'i se poursui-
vaient les négocialions ((ue termina
la paix d'Utrecht, il publia un poè-
ÏÏC
111c iiiti!u!é : Perspeclù'e de la paix
( the Prospect of peace ) , qui fut ad-
miré par les whigs eux-mêmes, fort
opposés alors aux. mesures pacifiques,
et qui fut l'objet d'un grand élo-
ge, inséré dans une des léuilles du
Spectateur (n". SsS). Six éditions
de ce poème furent rapidement enle-
vées. L'auteur salua l'an'ivée du roi
George I^^^'. par un nouveau poème ,
le Foj.age royal (tlie Royal pro-
gress ) ; et lorsque dans la suite la suc-
cession de la couronne d'Angleterre
dans la maison d'Hanovre vint à être
disputée, il prcta encore à cette fa
mille l'appui de sa plume, en mettant
au jour deux satires contre le parti
jacobite : i". Imitation de la pro-
phétie de Nérée ; 2°. Epitre d'une
ladj , en Angleterre , à un gentle-
man , à Avignon , a où , dit le doc-
teur Johnson , le mépris est exprimé
sans grossièreté , et la supériorité sans
insolence. » Cette Epître eut cinq édi-
tions. L'événement le plus connu de
la vie de Tickell fut l'espèce de con-
currence ou il panit se mettre avec
Pope, en publiant la traduction en
vers du premier livre de l'Iliade,
tandis que celui-ci donnait la pre-
mière partie de sa traduction du
même poème. Addison, comparant
les deux traductions, déclara que tou-
tes deux étaient bonnes, mais que.
colle de Tickell était la meilleure qui
eût jamais été faite. La vérité est
(pi'ellc est très-inférieure à la version
rivale. Pope crut avoir sujet de pen-
ser que cette traduction si vantée par
Addison était d'Addison lui-même ;
et il n'en parle jamais autrement
lorsqu'il en fait mention , dans son
Art de ramper ( Art of sinking ).
Cette opinion a été abandonnée de-
puis ; mais la persuasion de Pope
paraît avoir été la cause de sa
rupture avec Addison. Th. Tickell
TÎC
étail alors iulimeo\eut lié avec ce
dernier, qui, se rendant on Irlan-
de , comme secrétaire de lord Sun-
derland, l'emmena avec lui, et l'ini-
tia aux alfaircs publiques. L'auteur
de Caton, élevé , en 1 7 i ■] , au poste
de secrétaire d'état, nomma son pro-
tégé et sonami sous-secrétaire 5 et con-
servant jusqu'à ses derniers moments
son atfecliou pour lui, ce fut à lui
qu'il confia le soin de publier ses OEu-
vres, recommandant en même temps
sa fortune à Craggs, son successeur
dans l'administration. Tickell fut dé-
signé, en \']?^'<t, secrétaire des lords-
juges d'Irlande, et se maintint dans
cet honorable emploi jusqu'à sa mort,
arrivée à Bath , le 23 avril i n^o. Le
f^oj-age royal est imprimé dans le
Spectateur , où se trouvent aussi plu-
sieurs morceaux en prose du même
écrivain. C'est de lui que sont tous
les articles relatifs à la poésie pasto-
rale insérés dans le Tuteur { thc
Guardian), à l'exceptieu d'un seul ,
dont Pope est auteur. L'édition qu'il
a donnée des OEuvres d'Addison est
précédée d'une Notice biographique,
ainsi que d'une touchante LIcgie. Le
talent qui biille dans cette dernière
production dénient la supposition
que les beautés de ses ])récédi'nls ou-
vrages étaient dues à l'assistance de
son illustre ami. On cite encore de
lui la ballade de Colhi et Lucr com-
me une des pièces les j>lus agréables
et les plus pathétiques de ce genre.
Tickell occupe , sur le Parnasse an-
glais , un rang élevé parmi les poètes
du second ordre. 11 sedistinguaitdans
le monde par de nobles procédés et
par un esprit aimable et enjoué. Po-
pe, même après leur refroidissement,
ne parlait de lui que dans les termes
d'une grande estime . ^-^ T i c k l i.t.
f Richard), de la même famille, fut
•m des <iomiilissair»'S de l'jidfninistra-
TIE
3'
tiou du timbre, et se fit connaître.,
vers 1778, comme écrivain ingé-
nieux, par deux poèmes : la Guir-
lande de l'élégance (the Wrealh of
l'ashiou ; , 011 VArt de la poésie sen-
timentale ; et le Projet , dédié au
doyen Tucker {Voj-, ce nom )^ mais
la célébrité s'attacha surtout à un
pamphlet qti^il donna sous le titré
à' Anticipation dès débats de la
chambre des communes. L'heureu-
se gaîté avec laquelle il imitait ici la
manière des principaux orateurs du
])arlemeiit, alors assemblé, paralysa
d'avance les cil'orts de l'opposition.
Un a du même quelques autres opus-
cules, notamment : Arguments re-
battus (Conuuon-place arguments)
contre l'administration , avec les ré-
ponses qu'ils comportent, à l'usage du
nouveau parlement, 1780, in 8". Ces
légères productions, rem:irquables
par uu tour d'esprit original , et un
eenre de plaisanterie inoit'ensive , ont
etÈ réimprimées eu looo. L auteur
se tua en tombant d'une fenêtre , à
Hamptoncourt , le 7 nov. 1 793. L.
TIEDE MANN (Dietrich ou
TniERRi ) ; professeur de philoso-
[>hie et de langue grecque à l'uni-
versité de Marbourg,. naquit, le 3
avril 1745, à Bremer-Vœrde dans
le duché de Brème. Envoyé à Gœttin
gue pour y faire sa théologie , il se li-
vra tout entier à l'étude de la philo-
sophie , de l'histoire et de la littéra-
ture ancienne. Ses études étant fi-
nies, il suivit en Livonie deux nobles.
Russes , dont l'éducation lui avait
été confiée , revint ensuite à Gçettiii-^
f,ue , ôt, sur Ll recôtîïmandation dé
iieyne, fut nommé , en 1776, pro-
fesseur des langues anciennes au, col-
lège Carolin , a Casscl. En 1786. Ir
land^raTc ajanl transféré ce ool-
!cge à Mc'tthovirg , pour y faire
partie '{>• liiniveisifé . 'ric<leiiKiiùi
38
TIE
en fui nomme l'un des professeurs.
Ses cours étant très - suivis , et le
nombre de ses auditeurs s'augmen-
tant chaque jour , il étendit le cercle
de SCS leçons, et enseigna la logique,
la me'tapliysique , la psychologie, le
droit nature! ,. la morale , l'histoire
de la philosophie , celle de l'homme,
etc. Les divers systèmes philosophi-
ques et leur histoire l'occupèrent
avant tout. Ses principes avaient, au
début de sa carrière d'écrivain phi-
losophique , été ceux de l'école de
Wolf, modifiés par quelques-unes des
idées de Locke; mais il s'attacha en-
suite à la méthode expérimentale et à
l'observation des phénomènes du sens
intime. L'anthropologie et l'histoire
des idées spéculatives en métaphysi-
que furent l'objet principal de ses re-
cherches et des nombreux écrits qui
lui ont , à juste titre , acquis la
réputation de l'un des hommes les
plus savants de l'Allemagne. "Voici
la listedes plus remarquables : L Quœ
fuerit artium magicarum crigo ;
quomodo illœ ah Asiœ popitlis ad
Grœcos atque Bernanos , et ah his
ad cœteras gentes sint propagatœ ,
qidbusque raliombus adducti Jue-
rint il, qui ad iiosira usque tempora
easdem vel dcfenderint vel oppu-
gnarint , Marbourg , 1787, in-4".
II. Dialogorum Flatonis argumen-
ta ezposita et illustrata , Deux-
Ponts, 1786 , in-8". Cet ouvrage
fut composé pour l'édition de Pla-
ton imprimée à Deux -Ponts. IIL
De antiquis (juibusdam Musœi Fre-
dericiani simulacris , Marbourg. liCS
Ouvrages smvants sont écrit en alle-
mand. IV. Recherches sur r origine
des langues, Riga, i77*->. , in-8".
V. Système de la Philosophie stoï-
cienne , Ticipzig , 1770,3 vol. in-8".
VL Recherches sur l'homme , Leip-
zig, 1778,3 vol. in-8". \U.Fre-
TlIE
miers philosophes grecs , ou Fie et
système d'Orphée , de Phérécyde ,
de Thaïes et de Pythagore , Leip-
zig, 1780, in-8". VIII. Esprit de
la Philosophie spéculative , depuis
Thaïes jusqu'à Berkeley , Mar-
bourg, 1787 - 1797, 6 vol. in-8°.
C'est le principal de ses ouvrages
et son plus beau titre à une célébrité
durable ( Voy. Socrate , XLII ,
536 ). Son plan est moins vaste que
celui deBruckeretde Tennemann. Il
a exclu de son histoire tout ce qui
est étranger aux questions de philo-
sophie strictement tbéorique. Meil-
leur philologue que Brucker , moins
profond que Tennemann , il a mieux
que l'un et l'autre étudié les systèmes
qu'il expose dans la pensée de leurs
auteurs; dans ses jugements , il a su
se garantir de l'influence de ses idées
particulières. 11, se place, avec une
franche abnégation de ses propres
sentiments, dans leurs divers points
de vue , et développe avec sagacité
les conséquences des principes fonda-
mentaux adoptés par chacun d'eux.
Il a surtout porté une lumière nou-
velle dans l'histoire de la philoso-
phie spéculative des pères de l'église ,
et des scolastiques du moyen âge.
Son exposé de l'ensemble du système
de saint Augustin est remarquable
par la clarté ; il en embrasse toutes les
parties et en montre l'enchaînement,
Des citations nombreuses et bien choi-
sies légitiment . sur chaque point
de doctrine , les applications et les
assertions de Tiedemann.IX. Avan-
tages que les nations modernes
peuvent tirer de leurs recher-
ches et de h'urs connaissances sur
l'état des sciences chez les anciens.
Cet ouvrage fut couronné et publié
par l'académie dos sciences .î Berlin,
1798, in 8". X. Système d'Em-
jiédocle , Gœl lingue , 1 781 . XI- Sur
riE
V'mcendie de la bibliothèque d'A-
lexandriepar les Arabes , ibid. XII.
Origine des Ordalies ou Jugements
de Dieu , Berlin, 1798. Tiedemann
a dirige pendant deux ans la Nou-
velle Bibliothèque philosophique ,
qui paraissait de son temps à Berlin,
et il a fait , pour V Encyclopédie al-
lemande, publiée à Francfort, tous
les articles qui appartiennent à l'His-
toire de la philosophie. Il mourut à
Marbourg , le ^lf^ mai i8o3. On a
trouve' parmi ses manuscrits: 1°. un
Traité de morale , sous ce titre : Lé-
gislation générale des mœurs ; '2°.
Manuel de Psychologie , qui fut pu-
blié ?vec la Biographie de l'auteur ,
Leipzig, i8o4, iii-8°. Il avait aussi
fait une Traduction du F'ojage de
Denon dans la Haute et Basse-
Egypte , enrichie de notes impor-
tantes. L'habitude de passer d'un
système à un autre et de s'identifier
avec les vues des créateurs lui avait
donné de la défiance pour toute phi-
losophie dogmatique , et peut-cire
du penchant pour le scepticisme.
Toujours est-il qu'il se montra émi-
nemment éclectique G — Y et S — R-
TIEFFENTHALER ( Le P. Jo-
seph ), célèbre missionnaire, né, vers
1 7 1 5 , à Bolzano dans le Tyrol , em-
brassa jeune la règle de saint Ignace.
Résolu de se dévouer aux fatigues des
missions, il partit, en 1740, pour
l'Espagne , oîi il attendit deux ans
l'occasion de passer aux Indes. Le
vaisseau sur lequel il s'embarqua re-
lâcha aux îles Philippines , d'où
Tieffenthalcr se rendit, en 1743,
dans l'empire moghol. Tout entier
à ses travaux apostoliques , il em-
ploya ses loisirs à étudier la lit-
térature, les mœurs et la religion des
Hindous, et à recueillir des objets
d'histoire naturelle. Pendant un sé-
jour de trente années, il eut occasion
TIE 3o
de parcourir ])1 -.sieurs districts peu
connus de cette vaste contrée, sur-
tout dans le territoire des Mahrattes
et les cantons situés plus au nord. Ses
talents ne tardèrent pas à le faire re-
marquer par les Européens qui visi-
taient cette contrée. Anquetil-Duper-
ron ( V. ce nom) se trouvant , en
1 75g , à Surate , écrivit au P. TiefTen-
thaler , pour lui demander quelques
détails sur les troubles de la cour du
Moghol , et sur les antiquités du pays.
Le savant missionnaire reçut sa let-
tre à Narvac , et s'empressa de lui of-
rir la communication de ses recher-
ches, se bornant à demander eu retour
quelques ouvrages de science, et la
longitude de Surate ( V oy. le Zend-
Avesla , i, 33 1, note). On voit, par
ce détail, que le P. Tietfenthaler s'oc-
cupait déjà delà géographie de l'In-
de j et en effet on lui doit plusieurs
observations de latitude. En 1776,
Anquetil-Duperron reçut de ce mis-
sionnaire , avec une lettre datée d'A
gra , sa résidence habituelle , ti*ois
Cartes , dont il donna la Notice, ac-
compagnée de ses observations ; dans
le Journal des savants , du mois de
décembre, mèmeamiée. m'informait,
par sa lettre, qu'il venait d'adresser
à l'un des professeurs en médecine
de Copenhague les ouvrages sui-
vants : I. Description géographique
de rindostan. II. De la religion
brahminique. III. Astronomie et
astrologie indiennes , et Système
du monde selon les gymnosophis-
tes. IV. Des idoles des Indiens et
de leur forme , et des plus célèbres
pèlerinages de l'Inde. V. Histoire
naturelle de V Indostan , contenant
la description des animaux , des oi-
seaux et des plantes, avec des ligu-
res enluminées. Jean Beruoulli , de
Bâle, découvrit bientôt que le pos-
sesseur de ces précieux manuscrits
4o
TIE
était M. Krutzenstein , prol'essour à
Copenhague , et il s'empressa de fai-
re l'acquisition de la partie géogra-
phique, qu'il traduisit du latin eu al-
lemand et en français^ sous le litre
de Description géographique de
rindostan , Berlin ,- 1 -jbo , et Paris ,
1786, in-4''. Cet 'Ouvrage curieux
est estime , surtout à raison des no-
tions qu'il présente sur ia nation des
Seiks , l'une des quatre grandes puis-
sances actuelles de i'indoustan. Ber-
noulli le lit suivre des Recherches
historiques et geogra p h iques sur ! '1 n-
de^ par Anquetil-Duperron, avec la
carte du cours du Gange et da Go-
gra, et la carte générale de l'Inde,
par Je major liennel ( Voyez ce
nom, Biographie des hommes vi-
vants, V, 176 ). L'ouvrage ainsi
complet forme cinq part, en 3 vol.
in-4". C'est d'après les notes et les
indications du P. Tiellenthaier qu'An-
quetil-Duperron a tracé la Carte du
Gange et du Gogra. Ce mission-
naire n'ayant pas pu visiter la source
de ce dernier fleuve , s'en était rap-
porté aux naturels du pays pour toute
la partie supérieure de son cours
et il en est résulté des erreurs gra-
ves. Mais le major Rennel les a cor-
rigées d'après de nouveaux rensei-
gnements ( Voy. sa Description
histor. et géograph. de Vindostan,
tom. I»-''., Averlissein.), Tout en ren-
dant justice au zèle et aux travaux
du P. Tiedéntlialer, on doit convenir
que les nouvelles observations des
savants anglais ont beaucoup dimi-
nué l'importance de son ouvrage,
qui ne doit même être consulté qu'a-
vec précaution. W-s.
TILLCKE ( Jkan Gottltlb ) ,
capitaine du génie et d'artillerie dans
l'armée saxone, né \c 2 juillet 1731 ,
a Tauteiibourg en Tlniringt' , ser-
vit d'abord comme simple grcnti-
TÏE
dier , et , après avoir pris part aux
j)rincipanx événeiûents de la gtierre
de Sept-Ans ^ fut eiivoyf*, comme ca-
pitaine d'état-major de l'artdlerie, a
Freyberg , où il mourut le (i novem-
bre 1787. Cet oJîicier fut lui-nlémc
son maître et son instructeur. Les
plus petits mouvements , les circons-
tances les plus ordinaires, et surtout
les grandes batailles furent pour lui
un champ fécond d'observations. Piien
ne lui échappait ni dans les choses,
ni dans les jiersonncs. 11 a publié cii
allemand : i. Instructions pour lés
officiers du génie, Freyberg , 1769.
On aura suliisamment loué cet ou-
vrage élémentaire , quand on aura
dit que le grand Frédéric eu faisait
le plus grand cas; qu'en peu d'années,
il eut cinq éditions, et qu'il a été
traduit en anglais, par Hrgvvill. IL
Qualités et devoirs d'un bon soldat,
Dresde et Leipzig, 1773, in -8°.
IIL Prières et psaumes pour les
militaires, Dresde, 1779, in-8°.
IV. Mémoires pour servir à l'art
militaire et à l'histoire de la guerre
de 1755 à 1763^ avec plans et
cartes , Freyberg, 1776, seconde
édition , 5 vol. Dans cet ouvrage in-
téressant, mais peu connu en France,
l'auteur prend pour texte. les faits
importants de la guerre de Sept-Ans ,
dont il a été témoin; racontant ce
qu'il a vu et observé, il applique les
principes de l'art à sou récit , pour
en tirer des leçons utiles aux jeiuies
oli'iciers du génie et de l'artillerie.
Dans le premier volume, après avoir
exposé, en peu de mots, les premiers
événements militaires de cette guerrfc,
il arrive à la bataille de Maxen,dont
il donne les détails avec plans et car-
tes. Le résui ta t, comme on sait , en de-
viritfunesfe au général Fink,qui, quoi-
que peu 'éi'O'igîKi d\i roi , fut Ociitraint
do Mii'ttff bas Ica oittifô, atcé tiu
TIÊ
corps de quinze mille hommes. An
récit de ce qu'il avait vu , l'auteur
ajoute les rapports que publièrent
olficiellemeut sur cette journée l'Au-
triche et la Prusse. Apres cette par-
tie historique , il examuie comment
on peut lei>er le plan d'une position
que l'on ne voit que de profil. Dans
une troisième section , il traite de la
manière d'attaquer et de défendre
les montagnes et les hauteurs qui ne
sont point fortifiées. Dans la quatiic-
ine et dernière section , il expose ses
Vues sur la manière dont le général
Fink aurait pu défendre son poste ,
et se retirer de position en position ,
fiOur ne pas être réduit à capitu-
er. L'auteur observe , avec raison ,
que l'on ne doit pas toujours juger
un général d'après l'événement ; ce-
pendant il cite des faits qui sont à la
charge de Fink. Le second volume
commence par le Journal des ar-
mées russes et prussiennes , depuis
le I". janvier jusqu'au '^4 août 1 758,
jour où se donna la bataille de Zorn-
dorf L'auteur joiut au récit de ce
qu'il a vu un rapport du général Pa-
nin à la cour de Saint-Pétersbourg.
Dans la troisième section, il donne
■les détails du siège de Colberg ; dans
la quatrième, il expose le mauvais
résultat de cette entreprise, elles fau-
tes des Paisses. Le troisième volume
offre un journal de la campagne de
Silésie , en 1761. Dans les deux der-
nières sections , prenant pour texte
le camp retranché que le roi de
Prusse occupait autour de Bunzel-
veitz, il examine les dispositions que
!e général Laudon avait prises pour
l'attaquer , les raisons qui firent
échouer l'entreprise, etc. Cette partie
historique se termine par un Traité
élémentaire sur l'art de se fortifier
en campagne, dont les exemples sont
puisés dans le camp deBunzelwilz.
TIE
4»
Le même sujet est continué dans le
cinquième A^olume ; les applications
sont prises dans la campagne de
Poméranie , en 1761 , où les Prus-
siens étaient commandés par le duc
de Wirtcmberg , les Paisses , par les
généraux Tottleben et Platen. Eu
1777, on publia à Freyberg , sous
les yeux de l'auteur , une mauvaise
traduction française du premier vo-
lume de ses Mémoires. II est proba-
ble qu'elle ne réussit point , et qu'on
en resta à ce volume ; l'ouvrage en-
tier mériterait d'être traduit et ex-
pliqué par un officier français. M-d j.
TIEPOLO ( Jacob ) , doge de Ve-
nise, fut donné, en 1229 , pour suc-
cesseur à Pierre Riani, avant que ce
dernier eût expiré. Il alla rendre visite
à son prédécesseur mourant, qui le
reçut avec mépris. Tiepolo prit part,
eu i'24o, à la guerre des Guelfes
contre Ferrare; et Salinguerra, s'é-
taut confié entre ses mains, fut, con-
trôla foi publique, conduit prisonnier
à Venise , où il mourut. Jacob Tie-
polo , parvenu à un âge très-avancé,
abdiqua sa dignité en 1249. fl mou-
rut le 9 juillet de la même année.
Marin Morosini lui succéda. S. S-i.
TIEPOLO ( Laurent ), doge de
Venise, en 1268, à la mort de Re-
nier Zcno, fut le premier pour la
nomination duquel on adopta la mé-
thode bizarre et compliquée du tira-
ge au sort et d'élection, qui a été
pratiquée ensuite à Venise tant que
la république a subsisté. Il mourut
le 16 août 1275. Jacob Contarini
lui succéda. S. S — t.
TIEPOLO (Boémond) fut le
chef d'une conspiration formée à Ve-
nise, en i3io, pour empêcher l'affer-
missement de l'aristocratie établie
peu d'années auparavant par la clô-
ture du grand conseil. Tiepolo, qtic
l'illustration de sa f,i mille appelait
4a
TIE
aux premiers emplois, voyait avec
ialoiisie l'aristocratie nouvelle rédui-
re tous ses membres au même uivcau ,
en même temps qu'elle opprimait le
peuple. Il réunit tous les chefs de la
plus ancienne noblesse aux citoyens
et à la bourgeoisie ; tous avaient éga-
lement à se plaindre du changement
sunenu dans les anciens principes
de la constitution. Les conjurés, après
s'être assuré les secours des Guelfes
de Lombardie , résolurent de s'em-
parer de force, le i6 juin , du palais
ducal et de la place de Saint-Marc ,
de tuer le doge Pierre Gradenigo^
élu en opposition au vœu très-pro-
noncé du peuple, en faveur de Jac-
ques Tiepolo , frère de Boémond ;
de dissoudre le grand conseil , et de
le remplacer selon l'ancien usage par
une élection anuiielle ; mais cette
conspiration fut révélée au doge , la
veille du jour où elle devait avoir
son exécution : il se prépara au
combat, et remporta l'avantage sur
les conjurés qui avaient cru le sur-
prendre. Ce fut à cette occasion
que s'établit à Venise le fameux
conseil des dix. Boémond Tiepolo
fut obligé de sortir de la ville par
capitulation , et il mourut dans l'exil
en Dalrnatie. Cette conspiration est
le sujet d'un poème intitulé Baja-
monte Tiepolo. S. S — i.
TIEPOLO (Jean-Baptisti:),
peintre célèbre , appelé communé-
ment LE TiEPOLtTTo , naquit à Ve-
nise , en i(')gi. 11 étudia sous Gré-
goire Lazzarini , le meilleur peintre
vénitien de son temps. Dès l'âge de
seize ans , Tiepolo donna des r.reuves
d'un talent spirituel et facile dans di-
vers sujets de son invention j aussi
de fréquentes commissions lui furent-
elles bientôt adressées de tculcs paris.
Il alla travaillera Milan, et dans
d'autrci villes d'ilahc. Nous n'énu-
TIE
mérerons pas ici les ouvrages ma-
gnifiques dont il embellit les égli-
ses , les palais et autres édiQces pu-
blics. Étant enfin passé à Madrid ,
il y mourut le 25 mars 1769.
On a de lui , en estampes , diffé-
rents caprices qu'il a gravés à l'eau-
forte , in-fol. Zanetti , dans son His-
toire de la Peinture vénitienne , et
Alexandre Longhi , dans ses Vies
des Peintres vénitiens , ont donné
diverses Notices sur cet artiste, ainsi
que sur plusieurs personnes de la
même famille qui se sont illustrées
dans l'ordre civil , dans les arts et
dans les lettres. Un pinceau heureux
et sûr, une prompte exécution, telles
sont les qualités qui distinguent J.-B.
Tiepolo. Plus sa manière s'éloigne
de celle de son maître , et plus elle
se rapproche de celle de Paul Véro-
nèse. L'abbé Bettinelli lui a dédié,
en 1755 , un Poème sur la Peinture ,
dans lequel il le loue d'avoir fait re-
vivre les chefs-d'œuvre et le plus bel
âge de cet art. — Tiepolo ( Jean'
Dominique ), fds du précédent, sui-
vit la profession de son père , et
réussit aussi dans la gravure. Ses pro-
ductions les plus remarquables sont
une estampe de la Fuite en Egypte y
qui eut beaucoup de succès , plusieurs
morceaux de plafond et vingt-six
têtes de caractère dans le goût de
Benoît Gastiglione. Il grava encore
plusieurs tableaux de son père. —
Tiepolo ( Nicolas ) , patricien de
Venise , poète et philosophe , fui
intimement lié avec l'Arioste et le
]>embo : il florissaitvcrs 1 59>5. Ses Ri-
jne ont été insérées dans le Recueil de
Giolito, imprimé à Venise, en i547'
— Tiepolo {Jac(fues), autre pa-
tricien, florit au milieu du seizième
siècle , et se distingua dans la [loésie
lyrique. On cite particulièrement de
lui les Lj s d'or , Ode pindarique,
TIF
imprimée , eu i SyS , et le Chant de
JVéréê , i\uï fait partie des pièces
composées , tant en italien qu'en la-
tin , à l'occasion de l'arrivée k Ve-
nise d'Henri III , roi de France et
de Pologne , et dont Dominique Fer-
rari a publié la collection. M-g-r.
TIFERNAS(Grégoirf.)(i), savant
helléniste^ était né, vers i4i5,
d'une famille honorable , à Ciltà
di Castello , l'ancien Tiphernum ,
dans l'état de l'Église. Suivant l'u-
sage des érudits de son temps , il
joignit à son nom celui de sa ville
natale , le seul sons lequel il soit
maintenant connu. 11 fit de grands
progrès dans les langues latine et
grecque , ainsi que dans la médecine ;
mais il n'exerça que bien peu cet art,
son goût le portant vers la culture
des lettres. Après avoir enseigné le
grec dans sa patrie, à Naples et à
Milan , il vint à Rome , où il fut ac-
cueilli par le pape Nicolas V. Ce fut
sur la demande de ce pontife qu'il
acheva la version latine de Strabon,
dont Guarino avait traduit les dix
premiers livres (/^. Strabon, XLIV,
i4 ). Il traduisit, dans le même
temps, le Traité De regno , de Dion
Chrysostôme ( 2 ). Son protecteur
e'tant mort ( i455), Grégoire vint à
Paris; et il obtint du recteur l'auto-
risation de donner des leçons de lan-
gue grecque. On en a conclu , mais à
tort,qu'il avait occupcune chairedans
l'université. La littérature grecque
était alors presque inconnue en Fran-
ce; et Tifernas ti-ouvait à peine dans
la rétribution de ses élèves de quoi
subsister. Dès qu'il sut l'élection de
Pie II (jEneas Sylvius J à la chaire
de saint Pierre , il s'em])ressa d'a-
(1) A la t<'lo de ses po»lrs il cs[ ui>ianie l'iihliin
Orr^nriii^ Tif'-Tiias,
(n1 La hililiolhôqup Soinl-Mair de Vrnisc piu-
«*f(if tiiic *;o|)ic (te cMtc vpriion.
TIF 43
dresser à ce pontife , ami des lettres ,
une Élégie , dans laquelle il lui dé-
peignait sa triste situation , et le sup-
pliait de favoriser son retour en Ita-
lie. Use rendit en effet , peu de temps
après , à Venise , où ses talents ,
mieux appréciés , attirèrent à ses le-
çons un grand nombre d'auditeurs.
Ce fut en cette ville qu'il mourut (3),
à l'âge de cinquante ans , par consé-
quent vers 1 465 ou i466. On pré-
tend qu'il fut empoisonné par ses en-
vieux. Parmi ses élèves, on cite Li-
lius Tifernas , son compatriote, avec
lecpiel on l'a confondu quelquefois
(4); George Merula, Bapt. Mantuan,
Jov. Pontano, Barthél. Calchi, etc.
PaulGiovioluiattribue , mais sans au-
cune vraisemblance , la version latine
à'Hérodien , que Politien a publiée
sous son propre nom. Suivant Phi-
lippe de Bergame , Tifernas avait lais-
sé , en manuscrit, des Discours , des
Lettres et un gra nd nombre de Poésies .
On ne connaît de lui qu'un Recueil
de vers latins , imprimés à la suite
à'Ausone , etc. , Venise , 1472 , in-
fol. Ils ont été publiés depuis , avec
des pièces de différents auteurs, Ve-
nise, 1498, in-4". (3); Strasbourg ,
1 5o8 , in - 4", , et Città di Castello ,
sans date, mais vers i5i2, même
format. On trouve quelques-unes des
pièces de Tifernas dans les Deliciœ
poetar. italorum. Joly est le pre-
mier qui ait donné des détails satis-
faisants sur cet écrivain, dans ses
Remaraues sur le Dict. de Bayle.
W— s.
:'.<) Le Dicl. unh'eisel à\\ cjuc Tifnnas mmirul à
Paris, ni i4"0, empoisoiiii« par des envieux He 5»
gloire. Il V n Ù plus d'erreurs que de mol*.
! !i\ T lliiit Tifcrno' . qui fil un .nssc?. Inn sejnnr
i'\ Cn'nslanlinnple, pour 5e perferlinnner dan.i b
l^mgue grecque . esl aulciu' d''.iue version laline
dr.sV»f »i»f< de Philon , eonscjvée à la hiMiothi--
que du Vatican.
(.V) -Maitlaire cile ( Anit. Iifw^inph., 1, 6ifJ ; ■
une édition de Venise , i4nfi', in-4"- ; "»•* ''*«"-
Vrnee eu piirail douteiiM',
44
TIG
' TIGELLIN (SoFENWs ) , mims-
Ire et favori de Néron, ne doit qu'à
ses crimes la place qu'il tient dans
l'histoire. Il était d'une naissance obs-
cure. Sa jeunesse ne présente qu'une
suite de débauches. Exilé, l'an 89,
par Caligida, pour le scandale de
son commerce avec Agrippine , il ne
tarda pas d'obtenir son rappel à Ro-
me. Sa réputation d'homme dé-
pravé fut précisément ce qui lui
mérita la faveur de Néron j car il
n'était doué d'aucune de ces qualités
brillantes qui ne i-achctcnt pas, mais
qui peuvent faire excuser des A'ices.
En flattant le goût de Néron pour les
plaisH'S grossiers , Tige!!in gagna sa
confiance- et il s'en servit pour ache-
ver de le corrompre. Apiès !a mort
de Burrhus, il eut le commandement
d'une partie des gardes prétoriennes.
La retraite de Sénèque le iaibsa bien-
tôt maître de diriger le jeune César
au gré de ses caprices. 11 le rendit
féroce en lui montrant des ennemis
dans tous les gens de bien , et en
l'excitant à sacrifier tous ceux qu'il
pouvait craindre. La mort de Sylla,
relégué à Marseille , et celle de
Plautus. en Asie, furent la suite de
SCS affreux conseils. 11 n'hésita pas à
favoriser le penchant de Néron pour
Poppéej et il porta rniidace jusqu'à
vouloir jeter des soupçons sur !a ver-
tu d'Octavie f F", ce nom ). Personne
n'avait encore poussé si loin tous les
raffinements de la débauche. Tacite
n'a tracé qu'en rougissant les hon-
teux détails d'une fête , ou ])liit6t d'u-
ne orgie, que Tigellin ollrit à Néron
( Ann., XV , 37 ). Ce fut dans ses jar-
dins que se manifesta d'abord l'in-
cendie qui réduisit en cendres une
partie de Romcj <;t cette circonstan-
ce a dû sans doute influer sur l'opi-
nion que Néron n'était point étrangei
j cet effroyable évciie incnl. f)n ignore
TIG
si sa vigilance fit échouer la conspi-
ration de Pisou ( F. ce nom ) ; mais
l'activité qu'il mit a çn punu' les au-
teurs lui valut, avec les ornement)»
du triomphe , deux statues , l'une
dans le Forum , l'autre dans l'encein-
te du palais impérial. La mort dé
Néron, qu'il abandonna lâchement
dans le malheur, lui fit perdre la
place de préfet du prétoire; mais il
dut la vie à Vinius, favori de Galba ,
dont il avait su se ménager adroite-
ment la protection. Un édit du nou-
vel empereur ayant dissipé toutes ses
craintes, il ofi'rit aux dieux un sacri-
fice d'actions de grâces, et rassem-
bla , le soir , dans un festin , tous
ceux qui ne rougissaient pas de con-
server avec lui quelques liaisons. Vi-
mus y vint au dessert, accompagné
de sa fille. Tigellin la salua par une
santé d'un million de sesterces (i),
et lui fit présent d'un collier d'un
grand prix, qu'il détacha du cou d'u-
ne de ses femmes. L'âge de Galba né
pouvant pas pi-omettre un long rè-
gne, Tigellin, pour se mettre à l'a-
bri des événements, se retira dans
une camj)agne près de Sinuesse, et
ajouta la précaution d'avoir des ga-
lères prêtes à le recevoir avec ses ri-
chesses, si la nécessité le forçait de
fuir. Vaine prévoyance I Son supplice
retardé n'en était dcsiréqu'avecplus
d'impatience par tout le peuple. En
arrivant au trône, Othon lui envoya
l'ordre de mourir. Tigellin , n'ayant
pu s'échapper, après de longues hé-
sitations, au milieu des embrasse-
ments de ses femmes , se coupa la
gorge avec un rasoir, l'an 69. W-"*.
TIGNY ( Marin Grostète de)
doit aux travaux de sa femme l'hon-
neur d'occuper une place parmi les
naturalistes du xvin''.siècle. NéàOr-
^1) 135, (luu IivJl■^ (le ii(Jtii; niuimair
TiG
leaiis, le 3 sept, i -36, d'un père tré-
sorier de France, il fit ses éludes au
collège de la Flèche, et servit pendant
plusieurs années dans une des compa-
gnies rouges de la maison du roi. A la
mort de son père , il quitta le service,
et lui succéda dans sa charge. Ses
goûts l'entraînèrent vers l'histoire na-
turelle. Il s'occupa d'abord de la bo-
taniquej mais il l'abandonna pour se
livrer presque exclusivement à l'en-
tomologie ou à l'étude des insectes. Il
épousa une femme qui seconda et
partagea ses penchants , et ils formè-
rent ensemble une des plus belles col-
lections d'insectes indigènes qu'on
eût encore vues à Paris. Ce fut avec le
secours de cette collection et des
connaissances que son mari et ciie
avaient acquises en la formant , que
M'"'^. de Tigny entreprit d'écrire
l'Histoire naturelle des insectes pour
faire suite à l'édition de Bufton, abré-
gée par Casfel. M^*^. do Tigny avait
déjà fait preuve de persévérance et
d'aptitude pour les travaux littérai-
res, en composant une table raison-
née des trente premiers volumes des
Annales de chimie. Elle fut guidée
dans la composition de son histoire
naturelle des insectes par M. Bron-
gniart, savant professeur, et actuelle-
ment raembi-ede l'Institut de France.
Celui-ci composa l'introduction de
cet ouvrage , qui parut en dix volu-
mes in-i2 , 1801 : mais M. de Ti-
gny était mort dès le i'^''. mai 1799.
Cependant l'Histoire des insectes n'en
fut pas moins publiée sous son nom ,
parce qu'on jugea , sans doute, que
le nom d'une femme pouvait nuire
au débit d'un livre scientifique. Ce
livre eut du succès et en méritait. Il
n'avançait pas la science , mais il-en
jirésentait les éléments et les généra-
lités sous une forme claire, métho-
dique et agréable; il a contribué à en
TIG
45
répandre le goût, et il distingue hono-
rablement le nom de Tigny parmi
les auteurs utiles. W — r.
TIGRANE ou DIKRAN I^.. , roi
d'Arménie, de la race des Haïga-
niens, succéda ,ran 565 avant J-C,
à son père Erovant I^^"". Doué des
qualiiés les plus brillantes, il fit con-
naître, pour la première fois, le nom
des Arméniens aux nations étrangè-
res. Contemporain de Cvrus, qui n'é-
tait pas encore roi de Perse, il l'ac-
cueillit à sa cour, lui fit épouser une
de ses sœurs , et se lia d'une étroite
amitié avec lui. Lorsque Cyrus' se
fut révolté centre Ajtahag ( Astya-
ges) , celui-ci, pour ùter à son petit-
lils son plus ferme appui, résolut
de se défaire de Tigrane; et afin de
mieux tromper le roi d'Arménie, il lui
demanda sa sœur aînée en mariage.
Devenu l'époux de cette princesse ,
le roi des Mèdes, qui voulait la faire
servir d'instrument à ses perfides
desseins , feignit pour elle un amour
extrême, et la laissa jouir d'uneauto-
rité sans bornes. Puis il chercha à lui
rendre suspects et odieux Tigrane et
la reine son épouse , et à lui persua-
der qu'ils avaient le projet de régner
sur la Médie . et d« les faire périr :
il (init par lui déclarer qu'ils n'a-
vaient d'autre moyen d'échapper au
sort qui les menaçait qu'en donnant
la mort à leurs ennemis. La reine dis-
simula l'horreurque cette proposition
lui inspirait. Tigrane , averti secre'-
temcntpar elle , au lieu de se trouver
à une entrevue qu'Astyages lui avait
demandée, fit des préparatifs de guer-
re; mais il ne commença les hostilités
qu'après que sa sœur se fut sauvée
d'Ecbatane , et que Cyrus fut arrivé
avec son armée. Les deux princes
attaquèrent alors les Mèdes , les tail-
lèrent en pièces et s'emparèrent d'Ec-
batane. Astyages leur échappa par
46
TIG
la fuite , et reparut bientôt avec de
nouvelles forces. Ils lui livrèrent ba-
taille au pied des monts Hyrcaniens;
et Tigrane , dans la mêlée , fendit ^
d'un conp de hache , la tête de son
ennemi (i). Il laissa le ti-ône de Mc-
die à Cyrus , et se contenta des tré-
sors d' Astyages et de dix mille prison-
niers , parmi lesquels se trouvaient
les femmes et les enfants de ce prince.
Tigrane les établit sur les bords de
l'Araxe , près de Naklijiwan , où
leur postérité fonda une principauté
qui a subsisté jusqu'au milieu du
deuxième siècle de l'ère chrétienne. Il
remaria sa sœur , veuve d' Astyages ,
à un prince arménien, fit bâtir, eu
son honneur , la ville de Tigrano-
certe ou Digranagerd , sur les bords
du Tigre (2) , et y joignit la souve-
raineté des pays voisins. Tigrane
aida Cyrus dans ses guerres contre
Grésus , roi de Lydie , et contre Na-
bonid on Baltliazar , roi de Baby-
loue. Ils partagèrent ensemble les
dépouilles des vaincus • mais ils con-
vinrent de donner le royaume d'As-
syrie et de Babylone à l'un des fils
d'Astvages. Suivant les historiens na-
tionaux , Tigrane possédait la Cap-
padoce , la Géorgie, l'Albanie et le
mont Caucase : aussi est-il regardé
comme un des plus grands rois de
l'Arménie , à laquelle il avait rendu
ses premières limites et son ancienne
puissance. Il mourut l'an 5'-io avavit
J.-C. , après un règne glorieux de
(i) <.)uoiqui. ce rûcit, tiré de Moisb de Kliorcn ,
fl coulirmii par plusieurs passages de la Cfii/jùiiie
de Xéiiophun , ditl'èrc à plusieurs égards de co
qu'oDt écrit les auteurs grecs et lalius , on lie doit
pas le rejeter ; rar il n'est point eu contradic-
tion avec l'idée ipie l'on se forme du caraclèrc
d'Astyages , et il n'ollre d'ailleurs rien de moins
Trai»cmï)lal>l<" que les faits rapportés par Hérodote
et par <>lcsias.
^î) Celte ville, qui paraît i'irc la luëu» ijue lu
célèbre Amide , nommée encore aujourd'bni par les
■furrs Kara-Amid cl Uiar-Bekir , fut foodee , sui-
vant (I aiilreji , par Tigrane |II , qui ne lit ix-ul-iiie
ipir la réparxr.
TIG
quarante-cinq ans , et eut pour suc-
cesseur son lils Vahakn, que sa va-
leur et ses exploits ont fait mettre au
rang des dieux et regarder comme
l'Hercule des Arméniens. A — t.
TIGRAINE 11 (I) ou plutôt AR-
TAXÈS ou ARDASCHÈS , roi d'Ar-
ménie, de la race des Arsacides (2),
était petit-ills de Vagharschag ( F".
ce nom ) ou Valarsace , fondateur de
cette dynastie eu Arménie , et succé-
da y l'an 1 1 8 ou 11 4 avant J. - G. , à
son père Aisace ou Arschag I'»". Sa
beauté extraordinaire , sa force , son
esprit vif et pénétrant l'avaient ren-
du , dès son enfance, l'objet de la
prédilection de son aïeul , qui avait
conçu de lui les plus grandes espé-
rances. Ambitieux et guerrier , Ar-
dascliès marcha sur les traces de ses
ancêtres , continua d'agrandir ses
états aux dépens de ses voisins ^ et se
crut bientôt assez puissant pour oser
attaquer son parent Mithridate II ,
roi des Parthes {F. ce nom , XXïX ,
179, 180)5 mais il fut vaincu et
obligé de donner son fils pour gage
de la paix , qui ne lui fut accordée
qu'à de dures conditions. Ce revers
n'abattitpointson courage. Jaloux de
la prééminence dont les rois parthes
s'enorgueillissaient, il rassembla une
armée plus nombreuse, s'attribua le
titre de roi des rois; et ayant défait
Mithridate ou (suivant d'autres) Ar-
taban , il le força de se contenter
du titre de roi , lit en signe de su-
zeraineté battre monnaie à son
coin sur les terres de son voisin ,
et y fonda un palais. Ayant donné
sa fille Ardaschacna en mariage à
(1) C'est ce prince qui , dans l'article de Mithri-
date VII, roi de Pont (XXIX, i5()-J7), est
nomme Tigrane l"'.
(») Siralion s'est trompé en le faisant desceudrc
d'Artiixias , gnuxM>rneur , puis sOUTCrnin dcin gran-
de Arménie, sous Antioehus III , nu de Syrie ( F.
TIG
Mithridatc VII ( ie Grand ) , roi
de Pont , il resserra son alliance
avec ce prince par un traite en vertu
duquel il s'obligea de lui abandonner
la souveraineté de tons les pays dont
il ferait la conquête , ne se réservant
que les prisonniers et le butin. Ardas-
chcs remit en effet au fils de Mithri-
datc la Cappadoce , que la fuite d'A-
riobarzane avait laissée en son pou-
voir sans combat. Le roi d'Arménie,
s'étant rendu dans l'Asie Mineure, à
la tête de son armée, pour agir de
concert avec son gendre dans une
nouvelle expédition , fut assassiné
par un de ses généraux, l'an 91 av.
J.-C. Ardaschès ou Tigranc II avait
régné environ vingt -cinq ans. Les
troubles qui suivirent sa mort don-
nèrent aux rois parthes la facilité de
reprendre les prérogatives dont il
les avait dépouillés. A — t. et W — s.
TIGRANE m (1), dit le
Grand , roi d'Arménie , fils du pré-
cédent , ne put s'asseoir sur le tro-
ue de son père qu'en cédant aux
Parthes une portion de ses états ;
mais, profitant habilement des divi-
sions des princes Arsacides , il ne tar-
da pas à se remettre en possession
des provinces qu'ils lui avaient arra-
chées. Héritier des vertus guerrières
et des vues politiques de son père , il
étendit sa domination sur tous les pays
voisins de l'Ai'ménie, et porta les
armes jusque dans l'intérieur de la
Perse. Les troubles qui déchiraient
la Syrie et le caractère inquiet de
ces peuples lui oil'rirent l'occasion de
joindre ce royaume à ses états. An-
tiochus-Eusèbe et Philippe , deux des
derniers rois Séleucides , chassés par
(1) Il n'est <jue le Ile. Je ce nom, >i son p^re
n'a povt^^^ que relui d'Ardaschès , et si , rouime Je
dit M. Oirbied , dans ses Rechercbei sur Vhisloite
nncirnne de l'.-tni:, Il était d'usage que les rois
d'Arménie, par respect, ue porlaswot pas 1«
«lêni» nom q<ie leur p^re. A T.
TIG
47
leurs propres sujets , traînèi'cnt dans
l'exil une vie obscure et malheureuse.
Tigrane établit un vice-roi en Syrie,
et eut la générosité de laisser à la rei-
ne Séléne , veuve de plusieurs rois et
épouse d'Antiochus - Eusèbe , quel-
ques villes de la Basse-Syrie ( Voyez
Gléopatre-Sklené ). Cette princesse
ayant voulu, quelques années après,
rétablir la domination des Séleucides
en Syrie, Tigrane l'assiégea dans
Ptolémaïs, la fit prisonnière, et or-
donna sa mort. 11 prit alors le litre
de roi des rois. Ayant épousé sa niè-
ce Cléopâtre , fille de Mithridate-
le-Grand, roi de Pont , il rétablit son
beau -père dans la Cappadoce, dont
les Romains l'avaient expulsé; mais
il emmena de cette province trois
cent mille captifs , qu'il employa ,
non pas à construire Tigranocerte,
qui reconnaît un autre fondateur ( F.
TiGBANE I"-), mais à l'agrandir et
à lui procurer de nouveaux embellis-
sements. Enflé des triomphes qu'il
avait obtenus sur les Romains , Mi-
thridatc avait oublié que le roi d'Ar-
ménie était le monarque suprême de
l'Orient , et il s'arrogea les titres les
plus pompeux (Vof. Mithridate,
XXIX, 170). Tigrane, mécontent
que le roi de Pont parût décliner sa
suzeraineté, ne l'aida que faiblement
dans la nouvelle guerre qu'il eut bien-
tôt à soutenir contre les Romains.
Après la défaite de Mithridate, il
consentit à lui donner un asile dans
ses états; mais il ne l'admit point
en sa présence, et le relégua dans une
province éloignée , où il le fit garder
plutôt comme un prisonnier que com-
me un monarque allié et un proche
parent. Lucullus ( V. ce nom ) ayant
réclamé Mithridate , Tigrane , indi-
gné, congédia l'ambassadeuravec mé-
pris ; et, oubliant les motifs de plain-
te qu'il avait contre son beau -père ,
48
TIG
il ne s'occupa plus que de ie venger.
Cependant Lucullus, maître de tous
les états de Mlthridate , u'e'prouva
presque aucun obstacle à s'emparer
de la Syrie et de la Mésopotamie , et
pe'nétra bientôt dans l'Arménie. Ti-
Cranc , dont les forces étaient bien su-
périeurcs à celles de LucuUus, atten-
dait avec impatience le moment d'en
venir aux mains ; mais Mithridate ,
qui connaissait les ennemis que Ti-
grane allait avoir à combattre, ne
cessait dcre\liorter à ne point enga-
ger une action p;e'nc'rale. Lucullus, eu
se portant sur Tigranoccrte , força le
roi d'Arménie à quitter ses positions,
pour venir au secours d'une ville qui
renfermait la plus grande partie de
ses ricliesses. Averti de sa marclie ,
Lucullus détacha seulement dix mille
hommes , avec lesquels il se posta
sur son passage. Suivant Pluîarque ,
Tigrane, en voyant cette poignée de
soldats, dit : « Si les Romains m'en-
voient des ambassadeurs , ils sont en
trop grand nombre j mais s'ils vien-
nent pour me combattre, ils sont trop
peu {F^ie de Lucullus). » L'événe-
ment ne tarda pas à le détromper.
Les Arméniens , enfoncés dès le pre-
mier clioc , et ne pouvant pas se ral-
lier, à cause de la pesanteur de leurs
armures , ne firent plus aucune résis-
tance. Obligé de chercher son salut
dans la fuite , Tigrane rencontra son
fils, et lui re«iit, en pleurant, son
bandeau royal, le priant de s'éloi-
gner par un autre chemin. Ce ban-
deau tomba , quelques instants après,
entre les mains d'un soldat romain ,
qui s'empressa de le porter à son gé-
néral. La défaite de Tigrane entraîna
la prise de Tigranoccrte; mais ce fut
la trahison qui livra celte ville im-
f»Qrtante à Lucullus. Mithridate, in-
orméde l'état d'abandon dans lequel
se trouvait Tigrane , vint à sa ren-
TIG
contre, et releva son courage , eu lui
faisant entrevoir la possibilité d'un
avenir plus heureux. De nouvelles le-
vées d'hommes mirent bientôt les
deux rois à la tête d'une armée moins
nombreuse, mais mieux aguerrie que
la première (2). Ils se placèrent au
milieu des montagnes du Taurus, dans
des positions avantageuses. Lucullus,
n'ayant pu les attirer dans la plaine
par ses provocations, feignit de vou-
loir entrer dans l'intérieur de l'Ar-
ménie , pour assiéger Arîaxale , la
capitale. Tigrane aussitôt se porta
sur les bords de l'Arsanias , aiin de
s'opposer à son passage. S'il fut en-
core défait dans cette rencontre , il
disputa du moins la victoire. Arta-
xaîe , que Lucullus se flattait d'em-
porter à la première attaque, l'arrê-
ta jusqu'à la fin de la campagne ; et,
forcé de lever un siège dont la durée
avait lassé la patience de ses soldats,
il alla prendre ses quartiers d'hiver
dans la Mésopotamie. Tigrane enleva
sur-le-champ aux Romains tout ce
qu'ils avaient dans l'Arménie , et opé-
ra sa jonction avec Mithridate. Les
deux princes entrèrent dans la Cap-
padoce. La révolte de son fils , Ti-
grane le jeune, soutenu par Phraha-
tes , roi des Parthes , son beau-père,
obligea le roi d'Arménie à suspendre
le cours de ses conquêtes , pour s'oc-
cuper de rétablir la paix dans ses
états. Mithridate , resté seul pour
lutter contre Pompée, que le sénat
venait d'envoyer euAsie, fut contraint
d'opérer sa retraite • mais son armée,
ayant été cernée par les Romains, fut
entièrement détruite. Co malheureux
prince , dans son désastre , eut encore
(51) 0 fut alors que Tigrane, ayant «te forc^ <ie
rappeler le vice-roi et les Iroiiix.'» ijui ro«inteaai«l>t
sa dnmiiiatiun en Syrie, perdit ce royaume, dont
luic partie tomba snns opposition au pouvoir d'Ao->
liocbu» l'Asiatique ( ^'. ce uonj)- A — T.
TIG
recours à sou gendre ; mais Tigraiic
lui lit signifier l'ordre de sortir de
ses états. On croit qu'il le soupçon-
nait d'avoir favorise secrètement la
révolte de son fils. 11 songeait aussi ,
sans doute, à se ménager les moyens
de traiter avec les Romains , puisqu'il
ne pouvait se flatter de leur opposer
une longue résistance. Dès que Pom-
pée fut entré dans l'Arménie, Tigra-
ne le jeune alla le trouver, s'alliant
ainsi publiquement à l'ennemi de
son père. Le vieux roi d'Arménie ,
assiégé dans Artaxatc , oiVrit de ren-
dre cette ^^lle à des conditions qui ne
furent point acceptées. S'abandon-
nant alors à la générosité de Pompée,
il se rendit, sans escorte, au camp
des Romains. Conduit devant le gé-
néral , il voulut se jeter à ses pieds j
mais Pompée le retint dans ses bras ,
et, l'ayant mené dans sa tente, lui
lit reprendre les insignes de la royau-
té , qu'il avait déjà dépoudlées ,
et le combla de témoignages de res-
pect. Un traité , qui confirmait à Ti-
grane le titre de roi des rois lui ren-
dit l'Arménie et la Mésopotamie, à
la condition de payer , pour les frais
de la guerre , six mille talents (3).
Cette somme devait être fournie pres-
que en totalité par la Godyène et la
Sophène, deux provinces que Pom-
pée avait détachées des états de Ti-
grane, pour en former une espèce
d'apanage à son fils. Tigrane le jeu-
ne ayant déclaré qu'il n'acceptait
point ces conditions , Pompée indi-
gné le retint prisonnier. Un autre fils
de Tigrane (4) suscita liientôt à son
père une nouvelle guerre contre Phra-
batcs. Le roi d'Arménie remporta
TIG 49
d'abord une victoire sur les Parthes j
jnais ayant ensuite éprouvé des revers,
i\ réclama l'assistance de Pompée ,
dont la médiation rétablit , du moins
en apparence , la bonne harmonie en-
tre les deux rois. Reconnaissant de la
manière dont les Romains l'avaient
traité , Tigrane fut leur allié le plus
lidèle. Lorsque son grand âge ne lui
permit plus de vaquer aux devoirs de
la royauté , il s'associa son ills Arta-
baze ( F. ce nom , II , 542 ) ou Ar-
tavasde , qui lui succéda , vers l'an
35 avant J.-C. Ainsi Tigrane le jeu-
ne , malgré la protection du roi des
Parthes, n'a jamais occupe le troue
d'Arménie. On a des médailles et des
médaillons de Tigiaue-le-Graud , en
argent et en bronze. W — s.
TIGRATSE , fils d'Artabaze ou
Artavasde , fut emmené captif avec
son père, à Alexandrie par Marc-
Antoine. Conduit ensuite à Rome , il
paraissait destiné à terminer ses jours
dans l'oubli , lorsque les Arméniens,
mécontents d'Ardachès ou Artaxias,
leur roi , demandèrent qu'on lui subs-
titucàt Tigrane, son frère. La prière
qu'ils adressèrent à cet égard à Au-
guste , alors dans l'Orient, ayant été
favorablement accueillie , Tibère fut
chargé d'établir Tigrane sur le trône
de l'Arménie. La mort d' Artaxias ,
tué par ses proches ( F. Autaxias ,
(3) i8 millions de notre moniiaip
bistoriuns noDiniciit
de /
<^ui répond
(4) Quelque
! Tigrane Shitriiliiert ; c. est le nom d'i
lie de cunnclable ou de
..ri cf lils
no di|initc
géuéralis-
XLVI.
II , 545 ) , vint encore lui en facili-
ter l'accès. Tigrane, oubliant bientôt
la reconnaissance qu'il devait aux
Romains, s'unit aux Parthes pour
leur faire la guerre. Les Romains
s'avançaient pour le châtier , quand
il mourut , vers l'an 6 avant J.-C-
— TiGRAiNE IV, fils du précédent ,
fut exclu du trône par les Romains ,
(pii choisiient, à sa place, Artavasde ,
prince du sang royal. Avec le secours
de Phrahataccs , roi des Parthes , il
rentra dans l'Arménie ( l'an 5 avant
4
5o TIG
J.-C. ) , et parvint à chasser son
compe'titeur. Artavasde e'tant mort
peu de temps après , Tigrane envoya
des députés à Auguste pour lui de-
mander de le maintenir sur le trône.
Auguste invita Tigrane à se rendre
en Syrie , près de Caïas César , char-
ge de pacilier les troubles de l'Orient.
Comme il était le seul auteur de ces
troubles, il ne jugea pas prudent d'o-
béir. Alors Caïus lui donna pour
successeur Ariobarzane, prince Mède.
Comptant sur l'appui du roi des
Parthes , Tigrane ne sortit cepen-
dant point de l'Arménie ; mais il fut
tué ( l'an 1 avant J.-C. ) , dans
une guerre contre certains peuples
barbares , que l'histoire ne nomme
pas ( F. Caïus César , VI , 485 ).
Ariobarzane étant mort dans le mê-
me temps , ainsi que le fds d'Artavas-
de qui lui avait succédé, Érato , sœur
et veuve de Tigrane , tenta de se
maintenir sur le trône;maiselleen fut
déposssédée et chassée de l'Arménie
( /^.PhR AH ATACES Ct VoNONES). Tl-
GRANE V était, par Alexandre, son
père , petit-lils d'Hérode , roi de Ju-
dée , et par Glaphyra , sa mère ,
d'Archelaiis, roi de Cappadoce. Ame-
né, dans son enfance, à Rome, il y
fut élevé dans les croyances du poly-
théisme. Ainsi le reproche qu'on lui
fait d'avoir abandonné sa religion
ne paraît pas fondé. L'Arménie était
devenue une province romaine, gou-
vernée par des rois élus par les em-
pereurs. Après la mort d'Artaxias
III , Tigrane fut choisi ])our lui suc-
céder • mais ayant été convaincu
d'entretenir des intelligences avec les
Parthes, Tibère le fit mettre à mort,
vers l'an 54 de J-C.(Voy. Annal, àc
Tacite, vi, 4'>)' — Tigrane "VI ,
neveu du précédent, avait été retenu
long temps en otage à Kome , et il y
avait contracté des habitudes servi-
TIG
les. Corbulon ( F. ce nom ) ayant
expulsé Tiridate de l'Arménie , Né-
ron en détacha plusieurs provinces
dont il agrandit les royaumes voi-
sins , et donna le reste à Tigrane ,
auquel Corbulon laissa quelques trou-
pes pour se maintenir sur le trône.
Mais les Arméniens, aidés des Par-
thes, chassèrent Tigrane _, et rappel-
lèrent Tiridate {V. Tibidate l^r, ) ,
l'an 6i ou 6a. — Tigrane VII
ne nous est connu que par les Tables
chronologiques des rois d'Arménie
( Voy. Mémoires sur V Arménie, par
M. Saint -Martin, ii, 4i^)- H était
de la seconde branche des Arsacides
d'Arménie, et il succéda, vers l'an
. 1 42 , à Diran I^r. ^ son frère. Après
avoir occupé le trône pendant vingt
ans , sans s'illustrer par aucune ac-
tion remarquable , il en fut expulsé
par Lucius Verus , qui mit en sa
place, vers l'an 161 , Sohème^ prin-
ce d'une autre branche de la race des
Arsacides. Cependant les Tables que
nous venons de citer , donnent pour
successeur à Tigrane son fds Volo-
gèse ou Vagarsch, dont elles lixent
l'avènement au trône à l'année i -yS.
— Tigrane VIII était fds'd'Arsacc
IV, mort, vers l'an l\o'6 (1), insti-
tuant héritiers de ses états Tigrane
et Arsace , par portions inégales. Ar-
sace , mécontent de son lot , quatre
fois moindre que celui de son frère ,
eut recours à l'empereur Théodose
pour faire casser le testament de son
père. Tigrane, craignant que la dé-
cision ne lui fût pas favorable, s'en-
fuit à la cour du roi de Perse , au-
quel il céda tous ses droits sur
l'Arménie; Arsace céda les siens à
(1) l.rs 7»A/r. </„v/„./,.;;,;/,,f, drs n.i,, d'Armo-
lilc, (|ili IH' lijlil :iii.iini' iiic'iiliDii de ce Tlurmic ,
iihicinl In piMljif.!' iIm ■•«■\ aiiiiic d'Ariiionif «iitre les
Uniii.ilii» cl Ir5 l'.-is:iii» j à l'niiiK'C '.\^-\ mai» ccUe
dute ne s'accorde i>os nvec le reci» de IVi>c<nic.
TIL
Thëodose. Alors l'Arménie futdi visée
en deux provinces , gouvernées , l'une
par les Persans , et l'autre par les
Romains ( Fof. Procope de œdijic.
jiistinian. , m, 1 1. W — s.
TIL ( Salomon Van ) , savant et
laborieux théologien , naquit à We-
sop, petite ville à deux lieues d'Ams-
terdam , le 26 décembre 1644. Se
destinant au ministère sacré, il fit
ses preraièi'es études académiques à
Utrecbt ; mais un défaut qu'il avait
dans l'organe lui ayant fait désespé-
rer de réussir dans la prédication , il
se tourna momentanément du coté de
la médecine. François Burmann l'en-
gagea à revenir à la théologie; et,
docile à ce conseil ^ il alla continuer
ses études à Leyde. Jean Coccéius y
florissait alors. Van Til goûta sa doc-
trine, signalée par la manie de voir
partout, dans l'ancienne alliance , des
allégories et des types ; et il se ran-
gea sous la bannière du parti dit des
Coccéiens , qui, avec celui des Foé-
tiens , séparait en deux branches le
clergé de l'Église réformée. Van Til
débuta dans la carrière pastorale par
occuper deux cures rurales , et fut
ensuite , vers la fin de i68.i, nommé
pasteur à Medemblik , dans la Nord-
Hollande , et , peu de mois après , à
Dordrecht. Eu égard à l'imperfec-
tion de son organe, il évitait d'em-
ployer , dans la prédication , les mots
difficiles à prononcer; et , comme
il était peu sûr de sa mémoire ,
il prit l'habitude de prêcher sur un
simple canevas ou une analyse. Le
magistrat de Dordrecht manifesta
le contentement qu'il avait de son
ministère , en lui conférant le ti-
tre de professeur d'histoire et d'her-
méneutique sacrée. Il avait refusé, en
i685 , l'église d'Amsterdam; mais il
accepta , eu 1 ■702, une chaire de théo-
logie à l'université de Leyde; et il la
TIL 5i
remplit avec distinction pendant dix
ans , au bout desquels il se vit éprou-
vé par de douloureuses infirmités ,
qui , le 3 1 octobre i 7 1 3 , mirent un
terme à son honorable carrière. Van
Til a laissé, tant en latin qu'en hol-
landais, de nombreux ouvrages; mais
son système , aussi bien que sa mé-
thode , étant tombé en désuétude ,
nous n'en indiquerons qu'une partie.
Paquot eu énnmère jusqu'à quarante-
un , sans avoir la prétention de les in-
diquer tous. Nous nous bornerons aux
suivants. L La Poésie et la musique
des anciens , mais principalement
des Hébreux, éclaircies par des re-
cherches curieuses sur l'antiquité ,
Dordrecht , 1 692 , in- 1 1 ; réimprimé
plusieurs fois, et traduit de l'original
hollandais en allemand. Ce livre tient
assez bien ce qu'annonce le titre. II,
Le Parvis des gentils ouvert à tous
les incrédules , pour les introduire
dans le sanctuaire de la loi de Dieu
par la démonstration de la divinité
de la législation mosaïque (en hol-
landais), Dordrecht, 1694, in -4°.,
et mie Suite , ibid., 1696. Il eu a été
fait deux éditions postérieures , in-4°.
III. Histoire de l'élévation et de la
chute du premier homme , dévelop-
pée et défendue , ou Commentaire
sur les huitpremiers chapitres de la
Genèse (eu hollandais), Dordrecht,
1698, et Leyde, 1724, in -4". IV.
Phosphorus propheticus , seu Mosis
et Habakuki lyalicinia , novo ad is-
tius Canticum et hujus lihrum prô-
pheticum commentario illustrata ;
accedit dissertatio de anno, mense
et die nati Christi , Leyde, 1700,
in-4"' V. Malachias illustratus ; ac-
cedit dissertatio de situ Paradisi
terrestris , ibid., 1701 , in-4°. VI.
Theologiœ ulriusque compendium ,
cùm naturalis, tùm revelatce , ibid.,
1704, in - 4"- VII. Anlidolwn
52
TIL
viperinis morsibus D. J. (Joncoiu l)
oppositum, Ma., 1707, in - 4"-
JoDCOurt s'était im peu moqne du
coccéianismc. Van Til s'attache à
le venger des rejnoclies de cet ad-
versaire, qui répliqua ]iar ime let-
tre , à laquelle Van Til opposa
une défense. VIII. Commentarius
litteralis de tabernaculo Mosis , seu
in capiia -iS-So Exodi,et Zoologin
sacra , seu de qundrupedihus sacrœ
Scripturœ , Dordreclit et Amster-
dam, 1714? in-4". IX. Commenta-
ria analjtica in varias libros pro-
pheticos; — Dissertationes philolo-
gico-theologicœ , et Acta apostolo-
rum ad annales rei^ocata , Leyde et
la Haye , i74i , 3 vol. iu-4°. Ce sont
quelques publications antérieures réu-
nies. X. La Paix de Salem affer-
mie en charité , en confiance et en
vérité (en hollandais ), Dordrecht,
1687 y in -4'^. E" l'honneur du bon
esprit qui caractérise cette produc-
tion, nous l'avons réservée pour !a
dernière. L'auteur y avait pour objet
depacifierles controi'erses du temps,
et de prouver l'union des frères
(c'est -à -dire , des Goccéiens et des
Voétiens), dans les points néces-
saires, en préparant la voie pour
le reste. M — on.
TILENUS ( Danikl ) , ministre
calviniste , né le 4 février 1 563 , à
Goldbcrg , en Silésic , fit ses études
en Allemague , et se rendit aussitôt
après à Sedan, où le duc de Bouillon,
qui venait de fonder un collège , le
nomma professeur de théologie. Ti-
lenus se montra d'abord partisan de
la doctrine d'Arminius ; mais la lec-
ture des écrits de Corvinus lui fit en-
suite adopter celle des Kemontrauts.
Il eut des discussions très-vives avec
le ministre Du Moulin ; et l'ini et l'an-
tre s'accusèicnt d'erreur sur le mys-
tère de l'union hyposlaticpie. Cette
TIL
aflaire , qui fit beaucoup de bruit ,
obligea Tileuus de quitter iSedan pour
venir à Paris, oii il eut des discus-
sions avec l'évèque d'Evreux , J.
Davy du Perron , qui furent im-
primées sous le titre de Conférences
sur les traditions apostoliques ,
Paris, 1597. Défense de la su^-
sance et perfection de VEcriture-
Sainte contre les Cavillations du
sieur du Perron ,\jA Rochelle , i5q8.
Tileuus se rendit ensuite à Oi'léans ,
où il eut encore à soutenir des dis-
))Utes théologiques avec G. Cameron,
professeur de Saumur. Peu de temps
après , il adressa aux Ecossais un
discours dans lequel il avança que
l'on avait fait un changement trop
considérable dans la religion des
presbytériens. Ce discours fut pré-
senté au roi d'Angleterre , qui l'ap-
prouva , le fit imprimer et écrivit
à l'auteur de venir dans son royau-
me, où il lui fit des propositions qui
le décidèrent à s'y fixer ; mais étant
revenu en France pour y arranger ses
affaires , Tilenus fut accusé , pen-
dant ce temps, à Londres, d'hérésie,
et l'ayant appris , il ne pensa plus à
y retourner. Il publia , en 1621 , un
traité de la Cause et de l'Origine
du mal moral , en faveur de quel-
ques-uns de ses amis , qui étaient
scandalisés de ce qu'il n'assistait jias
aux assemblées des Calvinistes à
Ciiarcnton. Le synode d'Alais ayant
alors approuvé les décisions de celui
de Dordrecht, Tilenus blàina cette
décision , et il se rapjn-oclia des Ar-
miniens, que la cour de France sem-
blait protéger. C'était un homme de
talent , et d'une assez grande élo-
quence pour ce temps ; mais trop
aident à disputer , et défeudant avec
nue sorte d'achar/ieiucnl la secte
qu'il .ivail adoptée. Il mourut à Pa-
ris le 1*^'. août iG33. On a encore
TIL
de liu un grand nondji e d'écrits ,
cuire autres : 1. Traité de la
Cause ou de V Origine du Péché ,
où sont examinées les opinions des
philosophes Païens , des Juifs , des
autres Hérétiques , des Libertins ,
Lutlœr , Calvin , et autres qui
ont traité cette matière , Paris ,
1 62 1 , in-S". II. Rcpouse à un ouvra-
ge qui fit grand bruit dans le temps,
sous le titre de Discours des vraies
raisons pour lesquelles les Réform es
de France peuvent et doivent en
bonne conscience résister par armes
à la persécution ouverte qu'on leur
fait. La réponse de Tilenus est de
i6i2.1II. Observations sur le Con-
cile de Laodicée. On trouve dans la
Préface de ce dernier écrit dillVrentes
circonstances sur la vie de l'auîcur.
M— DJ.
TILESIUS. Foj. Telesio.
TILLADET ( Jea>-Marie de La
Marque (i) de), littérateur , était
né, vers i65o_, au château de Til-
ladct dans l'Armagnac , d'une noble
et ancienne famille. Après avoir fait
ses études au collège d'Aucli et à
l'académie de Toulouse ;, il embrassa
la profession des armes , et fit deux
campagnes, l'une dans l'arrière-ban,
et l'autre à la tèle d'une compagnie
de cavalerie. La paix de Nimégue
( 1678) lui permit de quitter le ser-
vice. Son père et sa mère étaient
morts, laissant leurs affaires dans le
plus grand désordre : il vendit sa
terre pour paver ses dettes, et plaça
cequi lui restait à fonds perdu. Etant
revenu à Paris , il se retira dans la mai-
son des PP. de l'Oratoire, prit les or-
dres sacrés et professa pendant quin-
ze ans la théologie et la philosopbie.
Sa santé l'ayant force de renoncer à
TIL
53
^euse^gnemenl, il vint demeurer au
séminaire des Bons-Eufauts , où il
partagea ses loisirs entre la prédica-
tion et la culture des lettres. Admis à
l'académie des inscriptions, en i ;Oi,
il y fut reçu pensionnaire en fjoS.ll
mourut à Versailles, le i5 juillet
i'jïJ. Tilladet était doué des qua-
lités les plus estimables. On a de
lui : des Dissertations siu' les géants,
sur les .-allocutions des empereurs
romains , marquées sur les luédailles-
sur les Endroits de Tacite el de
Velleius Paterculus , où ces auteurs
paraissent opposés; et sur le Culte
de Jupiter tonnant. On trouve des
extraits de ces différentes pièces dans
le Recueil de l'académie, tome^ à
III. IMais de Boze en cite plusieurs
autres, qui sont restées inédites. C'est
à l'abbé Tilladet qu'on doit la publi-
cation du Piecucil intitulé : Disser-
tations sur diverses matières de reli-
gion et de philologie , contenant
plusieurs Lettres écrites par des per-
sonnes savantes de ce temps , Paris ,
1712 , 2 vol. in- 12. Cet ouvrage a
été réimprimé à la Haye , 1 7 1 4 ou
l-îio, avec quelques changements
dans le titre (2; ; et à Florence , en
1738, 2 vol. in- 12, avec des remar-
ques du P. Thomas -IMarie Griselli,
dominicain. Fabricius nous apprend
que l'abbé Tilladet était occupé
d'une traduction française des Pa-
negy rici veteres ( T^oj. la Bibl. la-
tina). Son Eloge par de Boze, inséré
dans les Mémoires de l'académie
des inscriptions, m , 33i-34 , a été
reproduit littéralement par le P. Ni-
ceron dans ses Mémoires des hom-
mes illustres, viii, 187-192, et
avec quelques additions dans le Dic-
tionnaire do Chaufepic. W — s.
(1) L^ mai:
Cfllp Ai- Mai (
Marca ).
I lie La Marf|t»c est la même <jiic (i.) Vuseï talions sur tlij/c/enis sujets, composées
, Vnuc di-» meilleures du ncaiii (,''. P"r ^t. Hiict (/'. ce nom ) , éf^que d'Avranthes,
/■< par f/Hclrfiirs autres savante , etc.
54
TIL
TILLEMONT ( Sebastien Le
Nain de ), historien, naquit à Pa-
ris , le 3o novembre tôS-j. Il était
fils de Jean Le Nain, maître-des-re-
quêtes, et de Marie Le Ragois, et
l'rère aîné de Pierre Le Nain ( Foj.
XXIV, 75 j , qui fut sous-prieur de
la Trappe^ sous l'abbé de Rancé. Dès
l'âge de neuf ou dix ans, Tillemont
reçut , dans les petites écoles des so-
litaires de Port-Royal , l'instruction
la plus saine peut-être qui jamais ait
été donnée. Lorsqu'il eut fait assez
de progrès pour étudier Tite-Live ,
il prit à la lecture de cet auteur un
goût qui parut déceler sa vocation
au genre historique. Ses maîtres lui
firent puiser immédiatement dans
Quintilien, dans Cicéron surtout, les
règles de l'art de parler et d'écrire.
Nicole lui expliqua , durant deux
mois , une heure par jour , la théorie
de l'art de penser ; mais quoi qu'en
aient dit les biographes , ce ne pou-
vait être en faisant usage du livre
devenu depuis classique sous le nom
deLogiquede Port-Royal , car ce livre
n'a étémisau jour qu'en 1662, lors-
que Tillemont était âgé de vingt-cinq
ans ; et comme ou va bientôt !e voir ,
il n'en avait pas encore dix-huit. En
elFct, après avoir reçu des leçons de
philosophie , l'élève , entraîné par ses
penchants, reprit l'étude de l'his-
toire : il lut Raronius; et, déjà cu-
rieux de remonter aux sources 011
cet annaliste avait puisé, il accablait
Nicole de (juestions quelquefois em-
barrassantes , même pour un maître
dont les connaissances étaient fort
étendues. Il étudia ensuite la théolo-
gie d'Estius ; et quoique parmi les
scolasliqucs , cet auteur soit l'un
des plus savants rides pins estima-
bles, Tillemont comprit aussi qu'il
fallait recourir aux sources de cette
science, c'esl-à-dirc, aux livres sa-
TIL
crés, aux monuments ecclésiastiques,
aux écrits des saints-pères. En con-
séquence , il se traça un plan de re-
cherches ; et dès sa dix-huitième an-
née, il commença de recueillir et
de mettre en ordre des extraits qui
devaient être les premiers maté-
riaux de ses propres ouvrages. Il
était loin de former le projet d'en
publier aucun : il ne travaillait que
pour son instruction personnelle 5
son plan s'agrandissait néanmoins
par le développement de ses idées
et d'après les conseils qu'il rece-
vait de ses excellents guides. En
1660, à l'âge de vingt-trois ans , il
n'avait encore choisi aucune profes-
sion : vers ce temps , Choart de Bu-
zanval , évêque de Beauvais , le pres-
sa d'embrasser l'état ecclésiastique ,
le tonsura , le retint trois ou quatre
ans dans son séminaire. Tillemont
jiassa les cinq ou six années suivan-
tes chez Hermant , chanoine de cette
même ville, ami d'Arnauld, et fort
versé dans l'histoire des premiers siè-
cles du christianime {Voj. Godefroi
Hermant, XX, 260 ). Il suit de là
que Tillemont devait avoir environ
trente ans , lorsque , pour échapper
aux sollicitations de Buzanval, qui
l'engageait à prendre les ordres , et
qui espérait l'avoir un jour pour
coadjuteur et pour successeur;, il re-
vint de Beauvais à Paris , où il re-
joignit Pierre Thomas Du Fossé {F.
Fosse , XV , 3 1 4-3 1 7 ) , jadis son
condiscipleàPort-Royal-des-Champs,
et avec lequel il avait aussi déjà de-
meuré dans la capitale. Ils y vécu-
rent de nouveau ensemble pendant
près de deux années, après lesquelles
Tillemont se retira dans la paroisse
rurale de Saint-Lambert, entre Port-
Royal et (ilievreuse. Il consentit à
recevoir le sous-diaconat, en Hiy'i,
le diaconat en \^']^ , la juttrisc eu
TIL
1676 , entraîne par les exhortations
d'Isaac de Saci ( Fox- ce nom ,
XXXIX , 455-458 ) , qui était ren-
tre à Port-Royal en 1(175. et qui
lui voulait léguer la direction spiri-
tuelle de cette maison. Pour se rap-
procher de Saci , Tillemont se lit bâ-
tir un logement dans la cour de l'ab-
baye; mais, en 1679, chassé de cette
retraite avec tous les autres habi-
tants de Port-Royal, il se réfugia
dans le petit domaine dont il portait
le nom, à Tillemont, entre Montreuil
et Yincennes. En 1681, il lit un
voyage en Hollande , où il visita An-
toine Arnauld et d'autres réfugiés.
Peu s'en fallut qu'il n'acceptât , en
i68'.>, , la cure de Saint-Lambert;
mais son père , M. Le Nain , s'y étant
opposé, il revint à Tillemont. Le
reste de sa vie ne présente d'autres
faità que ses exercices de piété , ses
étndes, ses travaux et ses relations
avec quelques amis qui venaient le
consulter sur leurs propres ouvrages.
Il ne se bornait point à leur donner
des conseils : il leur communiquait
les résultats de ses longues recher-
ches, il mettait à leur disposition
tout ce qu'il avait de matériaux et
d'esquisses. C'est ainsi qu'il a coopé-
ré à plusieurs écrits d'Hermant , de
Du Fossé, d' Arnauld, de Goibaud-
Dnbois, de Lambert, de Filleau, de La
Cbaise. Il y a dans les Vies de saint
Athanasc, de saint Basile, etc., par
Godefroi Hermant, des morceaux
qui se letrouvent en entier dans les
Mémoires de Tillemont : c'est que
celui-ci , en publiant ou composant
ses propres livres, a repris le bien
dont il avait cédé l'usage. La mê-
me observation s'applique aux Vies
de Tertullicn et d'Origine , publiées
( in-folio ) par Du Fossé, sous le
nom du sieur de La Mothe. Ou
doit aussi revendiquer pour Tille-
TIL
55
mont les Notes qui accompagnent
la Lettre d' Arnauld contre le récit
qu'a fait Hégésippe de la mort de
saint Jacques de Jérusalem, ainsi
que celles qui sont jointes aux tra-
ductions de plusieurs livres de saint
Augustin, par Dubois (F". XII, 68).
Il a pareillement fourni la Vie de
saint Cyprien à homhtvX {F . XXIV,
648 ), traducteur de ce père de l'É-
glise. Il avaitpassé deux années à ras-
sembler pour de Saci les matériaux
d'une Vie de saint Louis : après la
mort de Saci , Filleau de La Chaise
( F. Filleau , XIV, 536-537 ) se
chargea de composer cet ouvrage;
on lui remit toutes les pièces, toutes
les notes recueillies dans les manus-
crits par Tillemont ; et ce fut cet ex-
cellent fonds qui donna du prix à
l'histoire de saint Louis, mise au
jour en 1688. Nous pourrions ajou-
ter que le savant et modeste solitaire
dont nous retraçons les services a
été fort utile encore aux éditeurs de
saint Augustin , de saint Paulin, de
saint Hilaire, etc. ; mais pour ne plus
parler que des livres publiés sous son
nom , nous dirons d'abord qu'en
1690, cinquante-troisième année de
son âge, il fît paraître le premier tome
in-4°. de son « Histoire des empe-
» reurs et des autres princes qui ont
» régné durant les sis premiers siè-
» oies de l'Église ; des persécutions
» qu'ils ont faites aux Chrétiens ; de
» leurs guerres contre les Juifs ; des
» écrivains profanes et des person-
» nés illustres de leurs temps , justi-
» fiée par les citations des écrivains
» originaux , avec des notes pour
)> éclaircirles principales diiilcultés.»
Le tome second parut en 1691 ,
le troisième en i69i, le quatrième
en i<>97, les deux autres après la
mort de l'auteur , l'un en 1701 ,
et le dernier en 1738. L'édition
56
TIL
m-12 , commencée à Bruxelles ,
en i'707 , est moins correcte et
moins complète. Cet ouvrage ne for-
mait originairement qu'imseul corps
avec celui que nous allons bientôt in-
diquer : Tillemont l'en a détache
par déférence aux conseils de ses
amis et pour pressentir le goût du
Î)ublie. C'était la première fois qu'on
lasardait en langue française une
histoire véritablement critique, pui-
sée dans les sources, composée de
récits originaux , et dégagée d'orne-
ments étrangers. Les trois premiers
volumes ayant obtenu les suffrages
des savants, l'auteur mit au jour,
en 1693, le tome i de la principale
partie de son travail, c'est-à-dire de
ses Mémoires pour servir à l'histoire
ecclésiastique des six premiers siè-
cles , avec un abrégé chronologique
des annales même profanes de cette
période et des notes pour éclaircir
les difficultés des faits et des dates.
Ce tome et les trois suivants , impri-
més en 1694, 95 et 96, ne corres-
pondent qu'aux trois cents premières
années de l'Église. Mais Tillemont
laissait en mourant le manuscrit de
douze autres volumes qui ont été suc-
cessivement publiés de 1 698 31712,
et qui conduisent l'histoire jusqu'à
l'an 5i3 seulement j il n'avait pas
eu le temps de rédiger ce qui concer-
ne les quatre-vingt-sept autres an-
nées du sixième siècle, en sorte que
les 16 tomes iu-4". de l'ouvrage
n'embrassent pas toute la matière
qu'il s'était proposé de traiter. 11
faut noter que le treizième a été im-
prime en 1702, avant le 8°. et les
suivants, parce que la Vie de saint
Augustin , qui est contenue dans ce
tome VIII , étail le véi ilable texte de
relie (pii venait de païaîlrc en latin
dans le derntcr voliune <les œuvres de
ce saint docteur , publiées par les Jîé-
TIL
nédiclins. Une version italienne ,
mais infidèle et mutilée, de ce même
tome , a paru en 1729 : il a été
d'ailleurs traduit en anglais, ainsi
que tout le reste de l'ouvrage. Les
bibliographes font mention de l'édi-
tion française de ces Mémoires, qui
a été donnée à Bruxelles , en une lon-
gue suite de volumes in-12; mais ils
négligent d'indiquer unedeuxièmeédi-
tiun de Paris , publiée chez Bobustel ,
comme la première , et qui s'annonce
comme revue et augmentée par l'au-
teur, ce qui ne serait vrai qu'à l'é-
gard des tomes antérieurs au cinquiè-
me. Ces deux éditions sont de même
format , et l'on rencontre des exem-
plaires composés de l'une et de l'au-
tre : dans la deuxième , exécutée de
1700 à 1713, l'auteur est nommé
Le Nain de Tillemont, au lieu des
initiales D. T., par lesquelles seules
il s'était désigné dans les premiers
tomes de l'édition originale. L'ouvra-
ge a obtenu beaucoup d'é'oges : c'est
le plus grand et le plus savant ti'a-
vail qui existe sur les cinq premiers
siècles de l'Eglise ; et , sans excepter
celui de Pagi sur Baronius, nous
n'en connaissons aucun où cette im-
portante partie de la science ecclé-
siastique ait pris autant d'étendue,
de profondeur et d'exactitude. Du-
pin toutefois en a critiqué le plan :
il aurait mieux aimé que Tillemont
eût composé un corps d'annales sui-
vies j mais Tillemont n'avait aspiré
qu'à lecueillir des Mémoires qui
])ussent servir à rédiger une histoire
proprement ditej et il ne faut pas se
plaindre qu'il se soit voué à des re-
cherches bien plus instructives et
plus laborieuses (|ue ne l'eussent été
de pures compilations pareilles à
(|uel{pies-unes de celles de l)uj)in.
Dans Fleiiry , les cinq premiers siè-
cles du christianisme ne remplissent
TIL
que six. voluraes : il est ake de
concevoir que la même matière a été
traitée et discutée Lien jilus à fond
par Tillemont. Ce dernier n'a mis au
jour , de son vivant et sous sou nom,
aucun autre livre de sa composition
que les quatre premiers tomes de
l'Histoire des empereurs, et les qua-
tre premiers des Mémoires ; mais à
la fin du deuxième volume des Mé-
moires , il a imprimé une lettiT as-
sez étendue au P. l.ami de l'Oratoi-
re, sur la dernière pàque de J.-G. ,
et sur la question de savoir si saint
Jean-Baptiste a été mis deux fois en
prison ( F. Bernard Lami ,XX11I,
289 ). Cette lettre, que Bossuet trou-
vait troj) modeste, était regardée par
Nicole comme un modèle à suivre
par tous les hommes de bien dans
leurs controverses. Tillemont, avant
de publier dans le tome i"^^''. des Mé-
moires deux notes où il contredisait
Lami , les lui avait communiquées,
Lami répondit , et Tillemont répli-
qua par la lettre que nous venons
d'indiquer. L'oratorien se défendit
encore j mais Tillemont craignit de
prolonger cette dispute. Il n'aurait
pas , s'il eût voulu , raai'qué d'occa-
sions de se livrer au genre polémi-
que, suitont lorsque Fayditde Riom
{F. Favdit, XIY, 'iZ-i. ) eut publié,
en iOqS , sous le nom anagrammati-
que de Datyfi de Rumi , une critique
fort injurieuse de ses Mémoires. Til-
lemont garda le silence qui lui con-
venait j et ses amis , par un zèle peut-
être excessif, iircnt supprimer ces
feuilles satiriques qui devaient êlrc
suivies de plusierrs autres , de quin-
zaine en quinzaine : le mépris jiublic
en faisait assez justice. Quehpu's au-
ti'cs écrits de notre pieux solitaire
ont vu le jour après sa mort. Telle
çst d'abord une Lettre à l'abbé de la
Trappe {F. Rancé , XXXVII, 70-
TIL
^7
■^5(1) ), touchant la mort d'Arnauld:
c'est une apologie écrite en 1O94,
et qui n'a été imprimée qu'en 1 704,
à Paris , 36 pages in-i 2 ; il y en a ,
dans le mûne format une édition de
i-oS, à Cologne. Kn 1711, on a
joint à l'histoire de la Vie de Tille-
mont des Lettres de piété compo-
sées par lui, ainsi que des réflexions
sur divers sujets de morale. Il a lais-
sé , dit-on , le manuscrit d'un ouvra-
ge plus considérable sur les rois de
Sicile de la maison d'Anjou , ouvra-
ge encore inédit , ainsi que celui qui
concerne Guillaume de Saint-Amour,
et les démêlés de ce docteur avec les
Jacobins et les Cordelicrs, depuis
^'l^1 jusqu'en 1271. Ces deux ou-
vrages restèrent entre les mains de
Troncliay, secrétaire de l'auteur : le
second se trouve aujourd'hui chez
M. Brial , et servira pour rédiger
l'article de Guillaume de Saint-
Amour, dans le terne xix de l'His-
toire littéraire de la France. La san-
té de Tillemont s'altéra sensiblement
vers le milieu de l'année 1697 : il
mourut à Paris , le 10 janvier 1698.
Conformément à ses dernières volon-
tés , son coips fut transporté à Port-
Royal -des -Champs; mais il fallut
l'exhumer, comme plusieurs autres,
en 17 1 1, et on le transféra dans l'é-
glise de Saint-André-des-Arcs. 11 y a
i)ien peu d'hommes dont la mémoire
soit plus irréprochable, dont la pie'té
ait été plus sincère, les intentions
plus droites, et le savoir plus réel.
Son style n'est pas fleuri; mais la
prétendue sécheresse qu'on a cru y
remarquer n'est au fond qu'une pré-
cision sévère, bien préférable à l'em-
phase et à de vaines parures. Tron-
cliay, qui avait vécu avec lui depuis
(i)noiis cette- page 75 , fr'l. i, l'ij-
les intits lie Tillemont.
i8
TIL
1690 , et qui est mort clianoine de
Laval , en l'jS'i , a fait paraître , en
1706, à Naucy, un petit volume in-
titule : Idée de la vie et de l'esprit
de M. Le Nain de Tillemont- et, en
1 7 1 1 , à Cologne , une Vie un peu
plus étendue, de cet écrivain, sur le-
quel on peut consulter aussi le tome
II des Éloges de Perrault ; la Biblio-
thèque^ des Aut. Ecclés.de Dupin , le
Dictionnaire de Chaufepié , et le tome
XV de Niceron. — Jean-Nicolas du
Trallage , mort en i6g6, a pris le
nom de sieur de Tillemont , en pu-
bliant une carte de France , à Paris ,
chez Nolin, en 1694. D — n — u.
TILLET (Mathieu ) , agronome,
ué à Bordeaux, vers 1720, portait
encore , en 1 766 , le titre de directeur
de la monnaie de Troyes , quoique
depuis neuf ans on ne battît plus
monnaie en cette vdlc. Il s'occupa
beaucoup d'agriculture j et les soins
qu'il incitait à ses expériences lui
procurèrent d'iicureux résultats. Ad-
mis à l'académie des sciences, en
1758, il eut part aux recherches
utiles de Duham,cI-du-Monceau. ( V.
ce nom.) Il mourut en 1791. On a de
lui : I. Dissertation sur la ductilité
des métaux, et les moyens de l'aug-
menter, Bordeaux, i75o,in-4°. II.
Essai sur la cause qui corrompt et
noircit les grains dans les épis ,
Bordeaux, 1755 , in-4''. L'auteur
publia une Suite , la même année.
m. Précis des expériences faites
à Trianon, sur la cause qui cor-
rompt les bleds , t 7 GG , in-8". ; nou-
velle édition , 1785, in-4". IV. His-
toire d'un insecte qui dévore les
grains dans V yln^oumois , 1763,
in-r^. V. Essai sur le rapport des
poids étrangers avec le marc dv
France^ '7^-*^7 in-4">; bi dans la
séance publique de l'académie des
.sciences, le9 avril. VI. Observations
TIL
faites sur les côtes de Normandie ,
au sujet des effets pernicieux qu'on
prétend , dans le pays de Caux, être
produits par la fumée du varech ,
lorsqu'on brûle cette plante pour la
réduire en soude, 177 2, in-4".; lues
à l'académie des sciences , en 1771.
VIL Expériences sur le poids du
pain au sortir du four , 1 78 1 , in-8<'.
VIII. Projet d'un tarif propre à ser-
vir de règle pour établir la valeur
du pain , proportionnellement à cel-
les du bled et des farines , avec des
observations sur la mouture écono-
mique, comme base essentielle de ce
traité, et sur les avantages du com-
merce des farines par préférence à
celui du bled, extrait des registres de
l'académie des sciences , 1784. IX.
( avec M. Abeille) Observations de
la société royale d'agriculture sur
l'uniformité des poids et mesures ,
1 790 , in-80. Z.
TILLET ( Louis - Guillaume
Du), né, en 1729, au château de
Montra may , d'une famille distinguée
dans la robe, fut destiné, dès l'en-
fance, à l'état ecclésiastique. Après
avoir été prévôt du chapitre de Pro-
vins , puis grand-vicaire de Châlons,
il obtint l'évêché d'Orange, en i774'
Sa conscience ne lui permettant pas
de garder deux bénéfices , il n'hési-
ta pas à se démettre d'un riche
prieuré. Ce digne prélat ne cessa
de donner, dans son diocèse, l'excm-
j)le des plus touchantes vertus : vi-
vant avec la simplicité des apô-
tres , il distribuait la majeure par-
tie de ses revenus en aumônes ,
dont les Protestants et les Juifs ne
furent jamais exceptés. Lcshabitants
n'ont j)oint oublié le courage héroï-
(pie avec lequel il brava , en 1784 ,
les eaux de î'Ouvè/.c, pour secourir
des malheureux. La convocation des
états-géncranx, dont il (il partie, fut
TIL
pour ce prélat une époque de gloire.
Apres avoir fait connaître aux fidè-
les, par une lettre pastorale, la mis-
sion dont il s'était chargé et les sen-
timents qui l'animaient dans cette
importante circonstance , il annonça
qu'il était prêt à faire tous les sacri-
fices pour couvrir le déficit des finan-
ces , ajoutant que le clergé devait
saisir avec empressement cette occa-
sion de secourir l'état. Il publia ,
dans le même sens, un ouvrage re-
marquable intitulé : Sentiment d'un
évêque sur la réforme à introduire
dans le tempoporel et la discipline
du clergé , in-i2. Sa conduite ne
démentit point les opinions qu'il avait
manifestées- mais ses efforts devin-
rent inutiles. Il eut le regret, en reve-
nant dans son diocèse, qui fut bientôt
supprimé , de prévoir tous les orages
auxquels la France allait être expo-
sée. N'ayant point voulu prêter le
serment civique^ il se retira d'Orange
et vécut pour ainsi dire ignoré chez
un de ses parents , au château de
Blunay-Lezmetz- sur- Seine, où il
mourut le 22 décembre 1794- Du
fond de cette retraite^ il faisait encore
passer des secours à ses diocésains ,
et particulièrement à ceux de ses
prêtres qui se trouvaient dans le be-
soin. Du Tillet , dont l'éducation
avait été très-soignée , consacrait ses
moments de loisir à la culture des
lettres et des arts. 1/ Abrégé chrono-
logique de V Histoire sacrée , qu'il
avait fait imprimer pour les écoles
de son diocèse , donne une idée avan-
tageuse de son style 5 et ses sermons,
qui ra])pellent souvent l'onction af-
fectueuse de Cheminais, mériteraient
d'être recueillis et publiés. Quehpies
amatenrs possèdent de ses paysages
])cints à l'huile : s'ils n'ollient pas un
dessin très-correct , ils annoncent du
moins un pinceau distingué. L'auteur
TIL 59
de cet article , alors sous-préfet d'O-
range , fit élever , eu 1 H09 , dans
l'ancienne église cathédrale , un mo-
nument funéraire , avec l'inscription
suivante : A la mémoire de Louis-
Guillaume Du Tillet , dernier évê-
que d" Orange : il fut , pendant vingt
années y Vliomieur de Vépiscopat,
et le père des pauvres de son diocè-
TILLET ( Du ). Foj. Dutillet
etTiTON.
TILLI (Jean TzerclaÈs, comte
de), d'une illustre famille de Bruxel-
les , et dont le père , Martin Tzer-
claès, était sénéchal héréditaire du
comté de Namur , porta d'abord l'ha-
bit de jésuite , qu'il quitta pour pren-
dre les armes. Après avoir signalé
son courage en Hongrie contre les
Turcs , il eut le commandement des
troupes de Bavière, sous le duc Ma-
ximilien. Entré, en 1620, dans la
Haute - Autriche , il contribua puis-
samment au gain de la bataille de
Weissemberg, qui fit perdre en un
jour au comte palatin Frédéric les
états de ses aïeux et ceux que lui-mê-
me avait conquis. Mansfeld, un des
soutiens de la maison Palatine et des
Protestants contre la maison impé-
riale , proscrit par Ferdinand , après
la défaite de Prague , avait conservé
sa petite armée, malgré la puissawce
autrichienne, et faisait la guerre en
partisan habile. Tilli marche contre
lui , en 162 J , reprend Pilsen et Tha-
bor , dont il s'était emparé deux ans
auparavant , et le force à la retraite
sur le Bas-Palatinat. En 1622 , il se
porte vers Aschafl'enbourg , et défait ,
auprès de cette ville , le prince Chris-
tiern de Brunswick, surnommé, à
bon droit, l'ennemi des prêtres , puis-
qu'il venait de piller l'abbaye de Ful-
de vi toutes les terres ecclésiastiques
de cette partie de l'Allemagne. H ne
Go
TIL
leslail plus que Mansfeld qui put de-
4«ndre le Palatiuat ; et il en c'iait ca-
pable, à la tète d'une petite armée
qui, avec les débris de celle de Hruns-
wick, allait jusqu'à dix mille hom-
mes; mais Frédéric, dans l'espoir
d'obtenir de l'empereur Ferdinand
des conditions plus favorables^ pres-
sa lui-même Brunswick et Mansfeld
de l'abandonner. Ces deux cliefs cr-
iants passent eu Lorraine et en Al-
sace, et cherchent de nouveaux pays
à ravager {V. BRu^swICK et Mans-
feld). Alors Ferdinand, pour tout
accommodement avec l'électeur pa-
latin, envoie Tilli victorieux prendre
Heidelberg, Manheim et le reste du
l'ays. L'année suivante ( i GaS ) , Tilli
presse le cercle de Basse-Saxe de l'ai-
der. Brunswick et Mansfeld avaient
reparu dans l'Aiiemagiie. Le premier
s'était établi d'abord dans la Basse-
Saxe et ensuite dans la Westplialie.
Tiili campe, avec deux raille hom-
mes, dans la Vétéravie et la Hessc;
il prend Hirsclifeld, entre dans l'Eis-
leld , et , malgré la disette qui se ma-
nifestait dans son armée, remporte
d'assez grands avantages. Enfin, ie
•iG juillet, il livre baltaille dans le
pays de Munster , près de l'Ems. Les
Protestants sont défaits; et les Croa-
tes en font un si horrible massacre,
<(ue Tilli lui-même prend pitié d'eux
et fait cesser le carnage. Cependant
Mansfeld demeurait incbranlabic et
invincible. Tilli fut obligé de se leli-
icr; mais bientôt Ferdinand lève nue
nouvelle urmcc sous Wallensîein ,
poiu- occupcj-la Franconieella Soua-
be. 'i'illi se iciid alors maître des pas-
sages sur le VV('S( i , prend lla-xter ,
Ilamchi, Munden, el lav.igc les états
de Brunswick. Wallensîein le icjulnl
bicntôl , cl tous deux obtieiuu ni du
cercle de lîasse-Saxe rpic ses troupes
seront licejiciccs , qu'il sesounielira
TIL
à l'empereur, et que Mansfeld l'évû-
cuera. Kn i Gif), Tilli passe du Wéser
en Wesîphalie, et revient ensuite de
Paderborn en Hesse pour s'opposeï'
à Brunswick et à Maurice. 11 prend
plusieurs villes sur la Fulde et la
Weria , entre autres Minden. Cette
p!a<;e ayant été sommée de se rendre,
et le trompette, porteur de la som-
mation , ayant été insulté, la ville
fut forcée; soldats , bourgeois , fem-
mes , enfants, totit fut égorgé : sur
deux raille cinq cents soldais qui
composaient la garnison , <à peme y
en eut-il vingt d'épargnés. Gottingue
avait été pris par capitulation; mais
Ics- Danois forcèrent bientôt Tilli à
se retirer. Quelques corps de Wal-
lensîein étant venus à son secours , il
ne tarda pas à reprendre l'offensive,
Alors eut lieu la célèl)re bataille de
Lutter , près de Wolfenbutle! , dans
hupielle Christiern IV, roi de Dane-
mark , déclaré chef de la Ligue ,
ramena trois fois ses troupes au
combat. Enfin les Danois furent com-
plètement battus ; et cette défaite pa-
rut laisser le Palatin sans ressource ;
car Mansfeld et le prince de Bruns-
wick , ses deux principaux soutiens ,
étaient morts peu de temps aupara-
vant. Le pape Urbain VIII écrivit
à Tilli pour lui exprimerla joie que
toute l'Eglise avait d'une' victoire si
avantageuse aux cathoHques. Til-
li., poursuivant ses succès, s'em-
pare de Verden et de toutes les
j)laces-fortcs du pays de Brunsw ick ,
Hrandebourg , Raten , Pincberg, etc.
(Cependant les troupes danoises cora-
mellaienl beaucoup d'excès dans les
élatsdu duc de Lunebourg.(]hrlslicrn,
n'ayant |>as voulu areepler, ei> i(>.i7,
les conditions olUrtes jiar Tdb et
Wallensîein, futchassé par ces deux
généraux, chacun de leur côté, dans
le llolsteiii , puis dans le Sclileswig
TIL
et le Jutland. Tout réussi ssa il à Fer-
dinand ; il jouissait de l'autorilc ali-
solue , et rien n'interrompait sou
houheur. Le roi de Danemark s'é-
tait pourtan t relève cpicLi iies instants,
et avait pris, en i6'^8, plusieurs
villes du eomté d'Oldenbourg. Tilli
y vient de l'Ost - Frise ^ mais les
pa)î«ans e'tant disposes eu faveur du
roi , les succès lurent varie's. En
1G29 , ce gênerai , aussi habile di-
plomate que guerrier valeureux^ fut
envoyé à Lubeck , en qualité' de plé-
nipotent'aire, pour la conclusion de
la pai\ avec le Danemark. Dans le
même temps, d'épouvantables excès
ayant ete commis par l'armée de
Wallenstein dans le Wccklenbourg ,
l'électeur de Bavière, qui aurait voulu
la commander, exigea de Ferdinand
la déposition de ce général ( Foj.
Wallenstein ). L'empereur consen-
tit à cette demande j mais le comman-
dement de l'armée impériale fut dé-
féré à Tiili. Cependant l'éiecteur de
Saxe se repentait d'avoir aidé à ac-
cabler le Palatin, et, de concert avec
les autres princes protestants, il en-
gagea secrètement Gustave-Adolphe,
roi de Suède, à venir en Allemagne ,
au lieu du roi de Danemark dont le
secours avait été si inutile. Gustave
arrive, en j63i , et se porte, avec
seize raille hommes, sur le Mecklen-
bourg. Tilli marche à sa rencontre
et prend Feldsberg d'assaut; mais
il perd plus de deux mille hommes
à l'attaque de New - Braudeijourg.
Renonçant alors au projet de chas-
ser Gustave de la Poméranie , il
laisse tout le nord de la Silésie ex-
posé , et se perte sur Magilebourg.
Cependant (îustave menaçait Frauc-
fort-sur-l'CMcr : Tilli veut secourir
cette place; mais bientôt il apprend
sa l'cddilioii et revient proiu|)leineut
devant Magdelx)urg. il resserre cette
TIL
Gi
place do jour en jour, et exige !,aL
soumission avec menaces ; elle re-
fuse. Vainement le duc dcllolstein et
le colonel Wrangel essaient d'in-
quiéter Tilli : il négocie encore, mais
toujours sans succès. Enfin i! redou-
ble d'clîbrts, et le 9 mai Magdebourg
est emporté d'assaut , et réduit en
cendres; les habitants périssent par
le fer et les flammes , et leurs corps
sont jetés dans l'Elbe : événement
horrible et que Schiller a peint des
])lus vives couleurs. Tilli, maître de
l'Elhe , comptait empêcher le roi de
Suède de pénétrer plus avant: il écrit
à la Saxe et aux états protestants ,
qu'ils aient à se soumettre franche-
ment à l'empereur et à licencier leurs
troupes. Sur le refus de la Saxe, il
entre en Thuriugc ,et y répand la ter-
reur. Bientôt après, il pénètre dans
la Hesse. Gustave approche, jette un
pont sur l'Elîx^ à Tangermiind, et
veut attaquer Magdebourg. Mais Til-
li , qui était à Mulhausen , l'evient
sur Magdebourg, et se porte sur la
Saxe, fai-^ant sa jonction avec le
comte Furstenstein , (jui avait quinze
mille hommes : il entre dans Mois-
biug, et prend Leipzig par capitu-
lation. Cependant l'électeur avait
donné à Gustave ses propres trou^^es
à commander. Le roi de Suède s'a-
vance à Lei[)zig. Tilli marche au-
devant de lui et de l'électeur de Saxe ,
à une lieue de la ville. Les deux ar-
mées étaient , chacune , d'environ
trente mille combattants. Les trou-
pes de Saxe, nouvellement levées,
ne font aucune résistance, et l'élec-
teur iui-mcmc est entraîné dans leur
fuite. La discipline suédoise répara
ce malheur, et Tilli, qui jusqu'alors
avait été cousidéré comme le meilleur
général de l'Europe, vit s'évanouir
cette réjintation en présence de Gus-
tave-Adolphe. La bataille se donna
62
TIL
le '2'] septembre. Tilli , blessédc trois
coups de feu et de plusieurs coups
de pique à la tête et au bras droit ,
fuyait dans la Westpbalie, avec les
débris de son armée , renforcée des
troupes que le duc de Lorraine lui
amenait , et il ne faisait aucun mou-
vement pour s'opposer aux progrès
de Gustave. Ce prince, après avoir
poursuivi les Impériaux dans la
Franconie , soumit tout le pays , de-
puis l'Elbe jusqu'au Rhin. L'empe-
reur Ferdinand , décbu tout-à-coup
de ce haut degré de grandeur qui
avait paru si redoutable , eut enfin
recours au duc de Wallenstein, qu'il
avait privé du généralat , et lui re-
mit le commandement de l'armée,
ne laissant plus à Tilli que quelques
troupes pour se tenir au moins sur
la défensive. Cependant le roi de Suè-
de avait repassé le Rhin vers la
Franconie , au commencement de
i632; Tilli le suit, et attaque Nu-
remberg , qui lui oppose une défense
énergi([uej mais bientôt il lève le
blocus, sans motif apparent, en di-
sant seulement qu'il n'était plus heu-
reux. I! essaie ensuite, sans succès,
de dégager Hcilbrouu , prend la cita-
delle de Wurtzbourg, et se porte avec
vingt mille hommes sur Forckheim,
dans l'évèché de Bamberg, qui avait
demandé des secours à la Bavière,
contre Horn , chef du parti protes-
tant. Gustave ayant ensuite quitté
les bords du Rhin pour rentrer en
Allemagne, Tilli se retire à son tour
sur la Bavière , et se retranche dans
la petite ville de liain sur le Lerli ,
où il était maitre d'un boi-^. Mais
Gustave, par des batteries élevées
sur l'autre rive, domine et protège
l'étahlisscmcnl de ponts sur le T/Cch.
Les {bavarois sont écrasés par l'artil-
lerie et |)ar les arbres que couj)enl les
boulet», Gustave enliu force le pas-
TIL
sage malgré Tilli , qui tombe blesse
mortellement à la cuisse droite. Alt-
ringer prend le commandement de
l'armée bavaroise , et ordonne la
retraite. Tilli fut transporté avec
beaucoup de peinera Ingolstadt, où
l'on tira quatre esquilles de sa cuisse.
Peu de jours après, il mourut, le 3o
avril i632. On a dit qu'avant d'ex-
pirer il exprimait des regrets sur le
sac de Magdebourg , dont il rejetait
tout le blâme sur Pappenheim. Jean
de Tilli ne fut point marié. — La
postérité de la famille fut continuée
par Jacques de Tilli , son frère aî-
né, qui servit les empereurs Rodol-
phe et Matthias, et qui était mort
dès 1624. Le second iils de celui-ci ,
Wcrner TzebclaÈs de Tilli , de-
puis gouverneur d'Ingolstadt , fut
institué par son oncle Jean héritier
de tous les biens qu'il possédait en
Allemagne, à l'exception de soixante
mille écus, légués à de vieux régi-
ments qui avaient combattu sous lui.
— Jacques eut trois petits-fils, dont
l'un , Albert de Tilli , fut promu à
la dignité de prince, par le roi d'Es-
pagne. — Le second , François de
TiLLi , fut tué au siège de Bude, en
1684. — Le troisième , Claude de
TiLLi , est le dernier de cette famille
que l'on connaisse. Il s'avança , par
de lonc;s services , aux premiers em-
plois dans l'armée hol landaise j fut
gouverneur de Namur,puisde Bois-
Ic-Duc, et mourut le 10 avril i-jtiS.
M— G— R.
TILLI ( Michel- Angk), botaniste,
né, en i<)r)5 , à CasteKiorentino , fit
ses études à l'université de Pise, et
en 1677, alla s'établira Florence,
cpic Hedi reuiplissail de sa rciiom-
uiée. Admis à l'inlimité de ce fameux
naturaliste, il gagna bientôt son es-
time; et c'est à sa recommandation
(|u'il fut nommé médecin des galères
TIL
toscanes. Dans un voyage qu'il fit
aux. îles Baléares , il en reconnut le
sol et les productions. 11 se rendit
ensuite à Constantinople , pour soi-
gner la santé du gendre du grand-
seigneur , qui avait fait demander un
habile professeur à Florence. Tilli ,
qui s'était rendu au camp des otho-
mans, à Belgrade, fut témoin de la
déroute de leur formidable armée ,
sous les murs de Vienne {V. Sobies-
Ri , XLIl , 5i5 ^. 11 en suivit le
mouvement jusqu'à Andrinople , et
aux approches du prnitemps , il s'em-
barqua pour visiter les îles de la mer
Egée et les rives du Bosphore. De re-
tour à Florence , il prit possession de
la place de directeur du jardin bota-
nique de Pise. Il allait se livrer à ces
nouvelles fonctions, lorsque le bey
de Tunis , atteint d'une maladie gra-
ve , désira être traité par le docteur
qui avait laissé une si belle réputa-
tion à Constantinople. Le grand-duc
Cosme III, resté en rapports d'ami-
tié avec les puissances barbaresques ,
n'opposa aucun obstacle au départ
de Tilli , qui après avoir rendu la
santé au bey, en obtint la permission
d'herboriser sur un terrain incon-
nu et tout couvert des ruines de
Cartilage. Encouragé par l'excmpie
de Redi , il avait étendu la sphère de
ses spéculations. A des observations
barométriques, qui n'ont pas été pu-
bliées, il (it succéder une suite d'ex-
périences à l'aide d'une machine
pneumatique, fabriquée sous les yeux
de Musschenbroek, et dont l'électrice
j>alatinc venait de faire présent à l'a-
cadémie de Pise. Il chercha aussi à
déterminer la quantité d'eau qui tom-
be chacpie année sur le territoire
de celle ville : cette dernière expé-
rience lui avait été suggérée par Der-
ham, au nom de la société royale
de Londres, dont il fut proclamé
TIL
63
membre. Mais le but principal de
Tilli était l'agrandissement du jardin
public de Pise. Il entretenait une cor-
respondance très active avec les plus
illustres botanistes de l'Europe, et
on lui permit d'envoyer un de ses
élèves pour examiner les plantes exo-
tiques rassembléesà grands frais, par
le célèbre Commelin , dans les jar-
dins d'Amsterdam. Ce lut par ses
soins assidus et par son zèle éclairé
que Ton vit pour la première fois
( 1 7 1 5) , enitalic , fleurir l'alocs et le
calier , que le savant hollandais
s'était en vain eftorcé de faire pi-os-
pérer dans les marais de sa patrie.
Non content d'avoir enrichi le jar-
din qui lui était confié, Tilli se pro-
posa d'en publier le Catalogue, tra-
vail remarquable pour l'époque à la-
quelle il appartient, mais qui laisse
à désirer une plus grande précision
dans les détails. On prétend que l'au-
teur, accablé de la perte inattendue
d'un de ses frères, n'avait pas eu le
temps de s'occuper de la révision de
ses manuscrits. Ce qui doit faire ad-
mettre une telle excuse, c'est que les
fautes reprochées à cet ouvrage sont
trop cviilentes pour qu'on puisse les
croire volontaires. En partageant son
temps entre les études de la nature , la
pratique de la médecine et l'instruc-
tion de la jeunesse , Tilli atteignit un
âge très-avancé , et mourut octogénai-
re , à Pise , le 1 3 mars i ']f^o. On n'a
de lui que l'ouvrage dont on vient de
parler , et qui est intitulé : Catalo-
gus plantarum horti Pisani , Flo-
rence, 1723, in-fol., orné de 53
planches. I! contient la description
d'envnon cinqmille piaules ( i ). Voy.
V Eloge de Tilli, par Fabroni j Fitœ
Italorum , etc., iv , 17^; et Calvi,
(i 1 Avaiil lc<';itali>guc de Tilli , «m ne coniiaissiiil
(]«(■ celui (ic iM'llucci, ii.litulc : Index /ilnnldrum
Itofli Pisani, Florence, lOSa , in-iO.
04 TIL
CommcnUmuni insen>ilurum his-
toriœ IHsani vireti holanici, Pise ,
!777,iii-4'\ A— G— s.
TILLI. Foy. Tillv.
TILLIOT Jean-Benigne Lucot-
TE seigneur du ), curieux philologue ,
ne, à Dijon, en 1O68, annonça de
bonne heure un goût très-vif pour les
objets d'arts et les antiquités. Il em-
ployait une partie de ses revenus à
l'acquisition de tableaux, de livres,
de médailles, etc. , dont il forma un
cabinet que l'abbe Papillon cite com-
me l'un des ornements de la capitale
de la Bourgogne. Entre autres mor-
ceaux précieux , on y voyait un dip-
tyque célèbre, dont Baudelot d'Air-
val (1), Moreau de Mautour (2), et
le P. de Montfaucon (3) ont public
l'exphcation (4). Du ïilliot était en
correspondance avecles savants qu'on
vient de nommer : il comptait au
nombre de ses amis le P Oudin, le
président Boidiier , ainsi que tous les
Bourguignons qui cultivaient alors
les sciences et les lettres. Son titre
de gentilhomme ordinaire du duc de
Bcrry Fobh'gcait d'habiter Paris nne
partie de l'année. Apres la mort de
ce prince, il revint à Dijon, oîi il
termina sa vie, en i-^So. Le seul ou-
vrage qu'il ait public est le suivant :
Mémoire s pour sen>ir à Vhistoire de
la fc'le des J'ous ,]jausaime^ I74' ?
ou Genève, 174J , in-4°. ; ib. ,1761
ou 1 7 5'Ji , in-8>'. (5). Ccvolumc , orné
(1) Dans son ouvrage de VUtilHé des fojatjes.
(-«) Mriii. de l'acad. des iuscript. , V, 3<)0.
(3) Aiiliij. cxpluj. , Siippk'in. III, i3a.
{/i) MoiT^u di- IVIanlour et le P. de Montfaucon,
ijui n'avaient vn <iii'iin coté de ceDiplyque, ledon-
Iienl fi SlilicoD (/''. ce nom >; mais fa liihiiotbèque
de Fie»anr*»n pohHt'de maintenant la seconde l'ace,
MIT la({iieile on lit le nom tWIrenhihditn, f)ii Irou-
v«rra la description du diptytpie de Mrsaiicon dans
ïine Lrllre de M. Cosie , mi'niliie de racadeniic de
celle ville, insérée dan» le lHiigut. encynlop. , et
|>ul)iiéc«éparémenl , Pari», i8o3 , in-8". de 34 l"'K-
avec une ])lanclie.
(5) L'ouvrane de Du TilMol a clé réimprimé
dans le» Cr.i-imtiiiiei ifli^i'iiU' , idit. île Hollande ,
lum. vni
TIL
de 1 1 planches , est divisé en deux
parties : la première contient des re-
cherches sur la fête des fous , qui se
célébrait autrefois en France, dans
plusieurs églises. La seconde renfer-
me des détails intéressants sur la con-
frérie de la Mère folle de Dijon , ins-
tituée vers i38i , et supprimée par
un édit du roi Louis XIII. Ou trou-
ve des suppléments à cet ouvrage
dans les Mémoires de l'abbé d'Ar-
tigny , IV , U78; vu , 67 , et dans
les Mélanges philologiques de Mi-
cliault, I ,'-i34.DuTilliota laissé plu-
sieurs ouvrages manuscrits : il em-
ployait pour les transcrire Jean Pi-
ron, tr<!;s-habi!e calhgraphe, et les
ornait de peintures et de dessins de
bons maîtres , ce qui leur donnait
une valeur considérable. Ils furent
acquis, du moins en grande partie ,
par Fevret de Fontette. Les princi-
paux sont : Miscellanea eruditœ an-
tiquitatis , notis illustrata , in-fol. ,
4 vol. Fontette a donné le détail des
pièces qui composent ce précieux re-
cueil , dans la Bibl. historiq. de la
France, n". 15579. — Mémoires
hisloriques sur les événements du
règne des favorites de Louis XIV,
in-fol., n"^. '}.[\'6<oQ. — Mémoirespour
servir à l'histoire des ducs de Bour-
gogne de la première et de la secon-
de i"ace royale, in-fol. C'est, dit
Fontette, l'un des plus beaux ma-
nuscrits qu'il soit possible de voir ,
uo. 25436. — Mémoires pour servir
h l'histoire du duc de Guise et du
maréchal de Biron , in-4°., manus-
crit magnillipie, n". 3î).3i4. Indé-
pendamment de ces dillérents ouvra-
ges , on doit à Du Tilliot : une Dis-
sertaiion sur les bains des Bomains;
— Due Dissertation sur Tauleur du
Boman delà Rose ; — les Vies des
poètes latins, depuis Liv. Andro-
nicus jusqu'à Michel Marulle , et
TIL
quelques autres écrits moins impor-
tants dont ou trouvera les titres dans
la Bibl. de Bourgogne , article Lu-
cotte. W — s.
Tl LLOCH 'Alexaîndf.e), écrivain
anglais, étaitnéà Glasgow ,en 1759.
Après qu'il eutterraiuéses études, son
attention se porta sur l'art de l'im-
primerie, qu'il espérait perfection-
ner. S'étant adressé à Foulis , impri-
meur de l'université de Glasgow, il
h'i lit part du projet d'un nouveau maison paternelle, il fut envoyé à
procédé qui n'était qu'une véritable l'université de Cambridge. Élu , en
TIL 65
le 26 janvier 182J. Son collabora-
teur a donné, dans le numéro de fé-
vrier du Philosophical Magazine ,
une courte Notice sur cet homme la-
borieux. D — G.
TILLOTSON (Jean), l'un des
meilleurs prédicateurs de l'église an-
glicane , était lils d'un manufactu-
rier de draps , dans le Yorkshire : il
naquit en oct. i63o. Après avoir re-
çu nne éducation soignée dans la
stéiéotypie. Foulis, en ayant seuti
l'imporlauce , entra pour moitié
dans l'exécution. Ils prir( nt des bre-
vets d'invention eu Ecosse et en An-
gleterre , et stéréotypèreiit quelques
volumes. ïilloch apprit dans la suite
qu'un bijoutier écossais , nommé
Ged , avait exécuté quelque chose de
semblable , cinquante ans aupara-
vant. On ignore si ce fut cette cir-
constance qui le refroidit pour son in-
vention. Ce qu'il y a de certain , c'est
qu'il ne s'en occupa plus, et qu'il se
rendit à Londres, oii il acheta une
partie de la propriété du journal in-
titulé The Star, et coopéra Irès-acti-
vemcnt à sa rédaction. Voyant que
l'Angleterie manquait d'un bon ou-
vrage périodique peur les sciences
malhcmaliqucs et physiques , il en
fonda un, sous le titre de Philoso-
phical Magazine , et ne négligea rien
pour en assurer le succès. C,c journal,
auquel s'est réuni celui de Kiciiolson,
a déjà soixante six volumes. 11 a été
conliuué par Taylor, que Tilloch
s'était associé dans les dernirres an-
nées. Quoique cette entreprise utile
roccu|)àt beaucoup , son esprit actif
se portait encore sur d'autres objets.
Il tr.ivailla au perfectionnement des
machines à vapeur ; et , peu de se-
maines avant sa mort , il avait pris
un brevet à cet elfet. Tilloch mourut
i65i , membre de son collège , ce-
lui de Clare-Hall, il s'y occupa avec
zèle de l'enseignement. Son père,
zélé puritain , l'avait élevé dans la
religion calviniste. La sociétédcCud-
worth, la lecture des ouvrages de
Chilliugworth , les entretiens de
Wilkins, principal du collège de la
Trinité , dissipèrent les idées de sa pre-
mière éducation ; mais il ne renonça
publiquement au calvinisme qu'en
1661, et il ramena jilu.'ii'urs non-
conformistes à l'Église anglicane. De-
venu aumônier de la société des avo-
cats de Liucolns-lnn à Londres, ses
sermonsqui se ressemaient du jargon
puritain, et dans lesquels il laissa
apercevoir quelques principes d' Aria-
uisme , n'eurent pas d'abord beaucoup
de succès. Le premier sermon
qu'on trouve dans ses OEuvres , prê-
ché en i663, devant le lord maire
et le conseil de la commune , sur la.
sagesse qu'il y a à être religieux ,
est un des plus beaux, des mieux rai-
sonnes qu'il y ait peut-être dans au-
cune langue. Nommé, en 1(372,
doyen de Canîorbcry, la conversion
du comtede Shreswsburyqu'il opéra,
en 1G7O, fut peu agréable à la cour.
Un sermon , qui ne se trouve pas
parmi ses ouvrages , prêché devant
le roi , le 2 avril 1 680 , fut sévère-
ment attaqué par quelques théolo-
5
66
TIL
giens , comme dérogeant aux. princi-
pes fondamentaux de l'Église an-
glicane. On prétend que Cliarles II
s'e'tant endormi , un courtisan lui fit
observer que le sommeil avait em-
pêcliësa majesté d'entendre du Hob-
bes tout pur , et que le roi lui ré-
pondit : « dans ce cas , qu'il soit im-
primé » , et il le fut. A la mort de
Charles II , Tillotson fut regardé
comme un des hommes dont le nou-
veau roi était le plus mécontent. Il
avait soutenu avec beaucoup de cha-
leur le bill tendant à exclure du trône
le duc d'York , et refusé de si-
gner l'adresse que le clergé de Lon-
dres présenta au roi pour le remer-
cier de n'y avoir pas donné son
consentement. Après la révolution,
lorsque la question de donner la cou-
ronne au prince d'Orange fut débattue
dans le parlement, Tillotson engagea
la princesse Aune à retirer sa pro-
testation contie cette mesure. Il fut
bientôt dislinguépar Guillaume etpar
Marie , qui , puur tout ce qui regar-
dait la religion et l'Église , avaient
en lui une entière confiance. Il en
obtint le doyenné de Saint-Paul de
Londres, et une prébende dans la
même église , et fut nommé, en 1 689,
secrétaire du cabinet du roi. Comme
il venait le remercier , ce prince lui
offrit l'archevêché de Cantorbéry,
vacant par l'interdiction de Sancroft,
qui avait refusé le serment d'allé-
geance à (juillaume et à Marie : il
fit dilficulté de l'accepter. Pressé de
nouveau par le roi, il céda enfin
en iG()i ,cndemandantseiilementque
la nomination fritdiiïéréc deqiielqucs
mois : il fut nommé en même temps
membre du conseil privé. On l'ac-
cusa publiquement de sociniatiismc.
Celte accusation était fondée sur
quelques i)assagcs de acs sermons ,
sur ses liaisons intimes avec Locke, et
ÎIL
sa correspondance avec Jean Leclcrc'.
C'est à quoi se rapporte le passage
où il dit : « L'incomparable Chilling-
» worlh , la gloire des nations et
» de son siècle , a été accusé de so-
» cinianisme, parce qu'il a voulu met-
» tre de l'accord entre sa croyance
« et sa raison. Faut-il donc être an-
» tropophage ou soupçonnéde n'avoir
» point de religion ? » On lui remit
un jour un paquet, dans lequel il ne
trouva qu'un masque , qu'il jeta sur
son bureau : une personne qui se trou-
vait chez lui témoima de l'indicrna-
■ 1 • • •
tion de cette indécente plaisanterie.
Tillotson, mettant la main sur un
tas de brocbures , répondit sans émo-
tion : « Ceci n'est qu'une censure fort
» douce , en comparaison de celles
» que vous verriez là ^) . En effet ,
après sa mort on trouva un gros pa-
quet de papiers ainsi étiqueté de sa
main : « Libelles , je prie Dieu de
pardonner à vos airteurs comme je
leur pardonne ». Tillotson mourut à
Lambeth , le 22 novembre .i6g4.
Locke en exprimant ses regrets ,
sur cette mort , dit dans une de
ses lettres : « J'ai perdu en lui un
» ami que j'aimais à consulter, sa-
» cliantqu'il cherchait la vérité avec
» candeur et intelligence ». Il ne
laissa ni fortune , ni dettes. Sa veuve
vendit deux mille cinq cents guinées
le manuscrit de ses Sermons posthu-
mes. La meilleure et la plus complè-
te édition de ses OEuvres est celle
que le docteur Warburfon a publiée,
eu 12 vol. in-8". Les Anglirans font
grand cas de sa Règle delà foi,
contre les athées. Il avait aussi
compose- quelques (railésde contro-
verse où l'Eglise catholique est at-
taquée avec beaucoup de violence et
d'injustice. Ses sermons ont été fré-
quemment iinpiimés in-fol. etiu-i().
La dernière édition in-fol. est prc-
TIL
ccdce d'une notice biographique par
le docteur Birch. Tillotson lui-même
en publia un volume in-fol., et fut
éditeur de plusieurs ouvrages des
docteurs Wilkins et Barrovv. On ne
peut pas juger Tillotson sur les tra-
ductions françaises de ses Sermons,
qui sont très - imparfaites ( V. Bar-
BEYRAC ). 11 faut distinguer d'ail-
leurs , dans ses discours , ceux qui
étaient le résultat force' des cir-
constances de ceux où il n'a suivi
que les impulsions de son ame.
C'est là qu'on voit l'orateur consom-
me' , qui ne cherche pas à briller, à
capter l'admiration ; mais qui, avec
une dialectique claire et concluan-
te , emploie les meilleurs arguments
pour parvenir à son but. Lors-
qu'il entra dans la carrière de la
prédication , le public était depuis
long-temps accoutume au jargon pu-
ritain , familier et vulgaire. 11 eût été
aussi déplacéqu'infructueux, alors, de
lui parler tout à-coup un langage élé-
gant et élevé. Tillotson devait se met-
treau niveau de ses auditeui's , et em-
ployer encore quelquefois des méta-
phores et des comparaisons que son
goût réprouvait. 11 avait, dit Leclerc,
une piété solide et constante , les
sentiments rcbgicux les mieux enten-
dus( i),la pénétration la plus profon-
de,le jugemcntle plus sûr, de la clarté
et de l'élégance dans le style, joints à
des talents pour le raisonnement, su-
périeur à tout autre , sans vanité ,
sans orgueil , sans la moindre alTec-
tation. Ses discours sont des dis-
sertations exactes , capables de sou-
(i) LorsquVii t58ï, des protestants, cbasse's de
France par la revocation de l'édit de Nantes, vin-
rent se réfugier en Angleterre, Tillotson mit beau-
coup de 7.èle ù les secourir ; et comme le docteur
Beveridge , alors prébendier de Cantorbéry , s'op-
posaità ce qu'on fit lecture d'une recommandation
en leur faveur , cela lui paraissant contraire aux
formes , Docteur , lui dit le prébendier de Saint-
Paul , la charité est suyérieure aux formes. L.
TIL 67
tenir , à la lecture , l'examen le plus
rigoureux. « Tillotson , dit Burnet ,
» avait les idées nettes, l'esprit bril-
» lant, le style plus pur qu'aucun
» de nos théologiens; et, à une sorte de
» sagesse , il joignaittant de candeur,
» qu'il n'y a point eu d'homme d'é-
» glise plus universellement chéri et
» estimé. wDrydenavouaitavec plai-
sir , que s'il avait quelque talent
pour écrire en prose, il le devait à la
fréquente lecture des OEuvres de Til-
lotson. Addison les regardait de
même comme des modèles , et une au-
torité pour tous les écrivains (2).
Chaufepié, dans son Dictionnaire, a
consacré à Tillotson un article fort
étendu. T — d.
TILLY ( Le comte Alexandre
de) naquit en 1734, en Norman-
die, d'une ancienne famille (i), eni-
(2) Le cardinal Maury , dans sou Essai sur l'élo-
quencedc lacUaue, aporté des sermons de Tillotson
un jugement Itien difiérent. Seloniui, ou n'y trouve
point de traits sublimes; les détails en sont arides,
subtils , et souvent ils manquent de noblesse ; ce
sont des divisions et des subdivisions sans lin ; à
chaque page on aperçoi't le fanatisme d*uQ pro-
testant qui veut plaire a la populace Cette censure
est peut-être esigérée ; mais cependant, à ne con-
sidérer que le fonds des pensées , et non la ma-
nitre de les, rendre , plus ou moins altérée par la
traducliou , les morceaux que cite ie critique ,
pour motiver son opinion , ne donnent pas une
îiaute idée de la dialectique et des talents oratoire»
du prédicateur anglican. Voici, par exemple , les
arguments que Tillolson emploie pour prouver
qu'il faut croire les mystères de la religion , quoi-
qu'on ne les comprenne pas avec évidence : On
?iint!ge , dit-il, o/i hoit tous les jours , bien que
personne , à mon avis , ne puisse démontrer nue son
boulanger , son brasseur ou son cuisinier n'ait pas
mis du poison dans le pain , dans la bif-rrc ou dans
la liniide. « O Louis XIV ! s'écrie, à ce sujet , le
» cardinal Maur/, qu'aurais-tu donc pensé si les
» ministres des autels t'avaient parlé ce langage au
» milieu de ta coiu- ? Quelle eût été ta surprise , si
» ton oreille accoutumée aux accents majestueux de
11 Bossuel , au ton noble et véhément de Bourda-
» loue . à l'iusinuante mélodie de I\Iassillon , eiit
ï> été frappée de cetle élocution grossière et bar-
» bare ? » Le mauvais gont du siècle , l'imperfec-
tion de la langue ne justifient pas les défauts d'un
écrivain : s'il n'a pas su triompher de ces obsta-
cles , il ne peut-être proposé pour modèle. Z.
(1) Un des ancêtres de M. De TiUy se fit remar-
quer, dans le qualorxièmesiècle, par son 7.è]e pouf
1 agriculture , et surtout par ses découvertes .sur le
croisement des races , et le perfectionnement des
laines. II légua à l'abbave d'Ardenne les brebis et
les chèvres qu'il avait fait venir d'Espagne.
5..
GH
TIL
brassa , encore jeune^ la carrière
des armes, et se montra ^ dès le com-
mencement , fort opposé à la reVo-
lution. En 1790 et 179 1 , il donna,
dans les Actes des apôtres et la
Feuille dujour , des morceaux, très-
remarquables par l'énergie du style
et la chaleur des opinions. En 1792,
il fit tous ses efforts pour la défense
de Louis XVI, et il eut le courage
d'écrire à ce prince , le 27 juillet de
cette année , une longue Lettre très-
remarquable par les avis courageux
qu'il lui donnait et les prédictions
effrayantes , mais trop fondées , qu'il
osait lui faire. Cette Lettre a été pu-
bliée en 1792 , à Paris , par l'auteur
lui-même, et en 1794, à Berlin^
puis dans le tome onze de V Histoire
de la révolution de Bertrand-Mole-
ville. On ignore si cette Epître , que
l'auteur envoya dans le temps à
Louis XVI, en fut bien accueillie; ce
qu'il y a de sûr , c'est que ce monar-
que fut loin de profiter des sages et
courageux avis que M. de Tilly lui
avait donnés. Après la journée du 10
août 1792, celui-ci dut quitter la
France. Il se réfugia d'abord en
Angleterre, puis à Berlin, et revint
à Paris à l'époque du retour des
Bourbons, en 1 8 1 4- Obligé de s'éloi-
gner encore à leur second départ , il
resta dans la Belgique, et se donna
la mort à Bruxelles, le 23 déc, 181 G.
Dans une note de son Discours ( en
vers ) à Chamfort , il s'était pro-
noncé contre le suicide. On a de lui :
I. OEuvres mêlées , 178^, in-B*^.
de iGo pages; Berlin, i8o3, in-8".
II. Lettre à M. Philippe d' Orléans ^
1 790 , in-S*'. , d'une demi - feuille.
Cette brochure est ordinairement à
la suite d'une autre qui a pour litre:
A moi Philippe , un mol ! in-8". ,
sans date, d'une feuille ; faut-il pour
cela l'attribuer au comte de Tilly ? il
TIL
est permis d'en douter quand on ré-
fléchit qu'il ne craignait pas de met-
tre son nom à tout ce qu'il faisait.
III. Six Romances mises en musi-
que par Garât, 1792, in-B". ÏY.A
M. de Condorcet , membrede la Con-
vention nationale , Londres , 5 no-
vembre 1792. V. De la Révolution
française en 1794? Londres, 1794^
in-8"., réimprimé, ainsi que la Lettre
à Louis XVI , dans les OEuvres
mêlées, édition de Berlin. C'est au
comte de Tilly que l'on doit ce disti-
que si connu, sur Louis XVI :
II ne sut que mourir, aimer et pardonner j
S'il avait su punir , il aurait su régner,
— Le comte de Tilly , lieutenant-
général , n'était pas de la même fa-
mille, quoiqu'il fût né en Normandie.
Il entra également , dès sa jeunesse _,
dans la carrière des armes ; et, s'étant
montré partisan de la révolution, il
devint colonel de cavalerie , en 1 792,
puis aide-de-camp de Dumouriez, qui
lui confia j dans le mois de mars
1793, le commandement de Ger-
truydenberg. Il fit, dans cette place,
une belle défense, obtint une capitu-
lation honorable , et devint bientôt
après général en chef de l'armée des
côtes de Cherbourg , où il l'emporta
quelques victoires sur les Vendéens.
Cependant il leur rendit personnelle-
ment quelques services , et il eu a
reçu , plus tard, des témoignages in-
contestables; mais il n'a jamais osé
s'en vanter publiquement. En 1794 ,
il passa romine divisionnaire à l'ar-
mée du Nord , puis à celle de Sam-
bre - et - Meuse , fut gouverneur de
Bruxelles, en 179G, et revint à
l'armée de l'Ouest, qu'il eut enco-
re une fois l'honneur de commander
pendant un an. Sous le gouvernement
impérial , il servit à la tête d'uncorps
de cavalerie dans les campagnes
d'Autriche, de Pousse et de Pologne^
TÎM
puis eu Espagne , où il se distingua
à la bataille d'Ocaùa. Le roi le
nomma, en i8i4,gra"fl officier de
la Légion -d'Honneur. Biionaparte
l'ayant charge, pendant les cent jours
de son re'tablissement, en i8i5 , d'al-
ler présider le collège électoral du
Calvados, Tilly fut nommé par ce
département député à la chambre des
représentants. Il garda , dans cette
chambre , un silence dont plus tard
il tirait beaucoup de vanité. Ce géné-
ral avait montré du courage sur le
champ de bataille ; mais c'était un
homme de peu d'instruction, et tout-
à-fait incapable de diriger en chef
de grandes opérations. Il était , dans
les derniers temps de sa vie , fort lié
avec l'amiral Allemand , et l'un des
chevaliei's les plus zélés de l'ordre
du Saint-Sépulcre {P^oj. Allemand,
au Supplément). Il est mort à Paris,
le 10 janvier 1822. M — d j.
TILPIN. Fof. TxjRPiN.
TIMAGENES, historien, naquit
à Alexandrie. Son père était banquier
du roi Ptolémée - Aulétès. Ce prince
ayant été chassé par les Alexandrins,
Gabinius fut envoyé pour le rétablir
sur le trône. Ce général prit la ville,
l'an 699 de Rome ; et Timagènes fut
au nombre des prisonniers. Il fut ame-
né à Rome et vendu à Faustus , lils de
Sylla , qui , quelque temps après , lui
rendit la liberté. Sa détresse le força
d'exercer d'abord le métier de cuisi-
nier et ensuite celui de porteur de chai-
se. Plus tard , il ouvrit une école de
rhétorique. Il paraît qu'il acquit peu
de gloire dans cette profession , ou
que du moins ses talents pour l'his-
toire éclipsèrent ceux qu'il montra
pour l'art oratoire j car aucun écri-
vain latin ne parlede lui comme rhé-
teur. Il obtint bientôt l'amitié de plu-
sieurs personnes d'un rang élevé, en-
tre autres de l'illustre Poilion ( C.
TIM
('^
Asinius), et parvint même jusqu'à
la faveur d'Auguste; mais son pen-
chant pour la raillerie et sou carac-
tère envieux la lui enlevèrent. Il pro-
digua tellement les sarcasmes contre
ce prince, qu'après plusieurs avertis-
sements, il fut chassé du palais. Pour
se venger, il jeta au feu l'Histoire de
cet empereur, qu'il avait composée,
comme s'il eût voulu, dit Sénèque,
bannir ce prince de son esprit, pour
avoir été banni lui-même du palais.
Timagènes , recueilli par Poilion ,
brûla ses autres ouviages. Auguste
ne s'offensa point de l'asile que Poi-
lion lui avait donné, et se contenta
de dire qu'il nourrissait une bête fé-
roce. Poilion offrit de le renvoyer;
mais Auguste répondit qu'il ne lui
conviendrait pas de donner un ordre
semblable , après les avoir réconci-
hés quand ils étaient brouillés. Ti-
magènes se retira à Tusculum, oîi
Poilion avait une maison de campa-
gne. Il quitta ensuite cette retraite, et
alla terminer sa vie à Dabanum , ville
de l'Osrhoène , au dire de Suidas qui
a distingué Timagènes le rhéteur de
l'historien ; mais Bonamy , dans
un Mémoire qu'il a donné sur cet écri-
vain (Mém.de l'acad. des inscript. ,
tome xiiT , p. 4 1 ) 7 ^ très-bien prou-
vé qu'ils ne forment qu'une seule per-
sonne. Outre l'Histoire d'Auguste ,
dont il a déjà été fait mention , Ti-
magènes avait encore publié un PeVi-
ple de la mer entière, en cinq livres;
une Histoire des Bois , c'est -à -dire _,
d'Alexandre et de ses successeurs ,
dont Quinte - Curce paraît avoir fait
usage; et enfin une Histoire des Gau-
les, à laquelle Aminien Marcellin a
beaucoup emprunté. — Suidas fait
mention d'un autre TimagÈnes , né à
Milet, qui fut aussi rhéteur et histo-
rien. 11 écrivit l'Histoire d'Hc'raolée,
ville de Pont , et des hommes célèbres
70
TIM
qui l'avaient illustrée, en cinq livres.
On avait aussi de lui un recueil de
Lettres. — Quant à un autre Tima-
gÈnes que Vossius et Valois désignent
par le titre de Syrien , Bonamy
pense , avec raison , qu'il n'est pas
différent de celui d'Alexandrie , et
que sa retraite à Dabanum lui a fait
donner le nom de Syrien par le seul
écrivain qui fasse mention de lui ,
l'auteur du Traité des Fleuves, faus-
sement attribué à Plutarque. Si — d.
TIMANTHE, né, selon l'opinion
la plus probable à Cithne , l'une des
Cyclades , vers l'an 4oo avant J.-C. ,
est regardé comme un des peintres
les plus habiles de l'antiquité. Il en-
tra en lice avec Parrbasius, Cololès
et autres artistes renommes de cette
époque, et remporta sur eux plu-
sieurs prix dans différentes villes de
la Grèce. Le tableau qui lui fit le
plus d'honneur fut celui du Sacrifice
d'Iphigéiiie , que l'on voyait encore
à Rome sous Auguste. La jeune prin-
cesse y était représentée avec une
noblesse et une magnanimité dignes
de son rang; mais en même temps
avec cette sensibilité, cette émotion
touchaijte que les apprêts du fatal
sacrifice devaient lui causer. La tris-
tesse du grand -prêtre Calchas était
tempérée par la gravité de son mi-
nistère. Une profonde affliction pa-
raissait accabler Ménélas . oncle d'I-
phigénie; Ajax , Ulysse et les autres
spectateurs étaient dans l'abattement.
Mais après avoir épuisé toutes les
ressources de l'art pour donner à
chaipic ])ersonnagc le caractère pro-
pre à sa situation, Timaiithe sentit
que le pinceau était insiilUsant pour
exprimer la douleur paternelle. Par
un de ces traits de génie qui n'appar-
ticnufiil (pi'aux grands maîtres, il
jicignit Agameninon U; visage caché
dans sa draperie, laissant à l'imagi-
TIM
nation le soin de représenter l'éfaf
où se trouvait ce père infortuné près
d'immoler au bien public l'objet de
ses plus tendres affections. Cette idée,
reproduite plusieurs fois depuis, a
été heureusement employée par le
Poussin , dans son tableau de Germa-
nicus ; et comme les arts et les lettres
sont unis par le même anneau , Cicé-
ron et Quintilien ont rappelé l'exem-
ple de Timanthe aux orateurs , pour
leur apprendre qu'en certaines occa-
sions une belle réticence v^aut mieux
que les paroles les plus énergiques.
Un trait aussi agréable qu'ingénieux
se remarquait dans un petit tableau
où Timanthe avait leprésenté un Cj'-
clope endormi ; pour faire juger de
la grandeur du personnage, il avait
placé auprès de lui des satyres me-
surant la longueur de son pouce avec
un ihyrse. Son Palamède tué par
surprise avait tant d'expression ,
qu'il causa , dit-on, une vive émo-
tion à Alexandre-le-Grand, qui, en
voyant ce tableau à Éphèse , se res-
souvint d'Aristonicus , son joueur de
lyre , tué dans une embuscade par
les Massagètes. Ajax outré de colè-
re contre les chefs de l'armée grec-
que , qui avaient adjugé a TJlrsse
les armes d'Achille , fut le sujet
d'un prix disputé dans la ville de
Samos , entre Timanthe et Parrba-
sius, et remporté par le premier.
Parrbasius, que ses talents avaient
rendu si orgueilleux, ne put maî-
triser les mouvements de l'aniour-
propie humilié : " Ce n'est pas,
» dit-il , mon sort que je plains;
)) mais c'est celui d'Ajax, puisque
» ce héros vient de succomber , pour
» la seconde fois , devant un bomrae
» bien inférieur à lui (i). » Knhn ,
(i) O» pai'olm <ln Pnrrhii.siiis ont poiil-<"lre ins-
|iiir .'i H.K lue l'i^pigiiiiumc (|ii'il lit sur mu- l,vui;c-
,Im' .1.' l'.n.lou
TIM
uu tableau de Tiinanthe , représen-
tant un Héros , était place' dans le
temple de la Paix , à Rome , et s'y
voyait encore du temps de Vespasien
et de Titus. Cocquard, avocat au
parlement de Dijon, a publié dans
le Mercure de France , second vo-
lume de l'anne'e 174O1 ""<î Vie de
Timanthe , remplie de recherches
curieuses et savantes. Il prétend qu'il
a existé un autre peintre appelé Ti-
manthe , ne' à Sicyone, qui floris-
sait sous Aratus, et que plusieurs au-
teurs ont confondu avec celci qui
fait le sujet de cet article. P — rt.
TIMARCHIDÈS. F. PolyclÈs.
TIMÉE DE l.OCRES, philosophe
pythagoricien, ne fut sans doute pas
un des disciples immédiats de Pytha-
gore, comme on l'a cru long-temps-
mais, né dans la Grande -Grèce,
chez les Locriens Epizéphyriens , il
a pu recueillir avec fidélité les tra-
ditions encore récentes de cette éco-
le mystérieuse , qui donna aux peu-
ples d'austères leçons , de grands
exemples, et mcniede sages lois. So-
crate , dans le Dialogue de Platon qui
porte le nom de Timée , attribue à
cet héritier des doctrines jiythagori-
ques un génie capable d'embrasser
tout le cercle des connaissances hu-
maines , depuis la physique la plus
élevée ju?qu'a:ix détails les plus sim-
ples de la morale; il nous apprend
que Timée jouissait d'une grande con-
sidération dans sa patrie, où il avait
rempli les premières magistratures;
etCritias , autre interlocuteur du dia-
logue, ajoute qu'il passait surtout
pour un très-habile astronome («7^0-
vowi/.ôjTa-oç ). Un platonicien, qui
Q,,,- j,- [.LiIms Ip dr^lin <ln grand Gcinianicu
OikI l'ut II' priv de ses rares verhis !
Perseeule par le criiel Tibère,
J'^nipuisuniié par le Irailrc Pisou ,
Il itc lui restait plus, pfnir dernière misère,
One d'cire tliantepar l'radoii.
TIM 71
fut évêque de Prolémais , Synésius
( De Dono astroUib. , p. 807 ) , parle
de Timée à-peu-près dans les mêmes
termes. Suidas cite de lui trois ouvra-
ges : un Traité de Mathématiques ,
une Vie de Pythagore , et un livre
sur la Nature , qui est peut-être ce-
lui que nous avons encore, sous ce
titre • Ilîpt •^•■jyÔLç, v.ôn'jM /.at (pùmoç ,
sur l'Ame du monde et sur la Na-
ture. Ce manuel philosophique, di-
visé ordinairement en six chapitres ,
et qui ressemble à l'extrait d'un plus
grand ouvrage , est écrit en dialecte
dorien. C'est une analyse un peu sè-
che , mais précise et méthodique, du
système de l'idéalisme. Dieu , la ma-
tière, l'idée; une cosmogonie embar-
rassée quelquefois par la théorie des
nombres et les similitudes géométri-
ques; la nature présentée dans tous
ses phénomènes, avec une rare saga-
cité ; d<es sentiments généreux , des
pensées graves , de nobles espérances,
il n'est rien , dans cette exposition ,
qui ne puisse appartenir à uu disciple
de ce Pvthagore, surnommé par les
anciens lepère delaphilosophienjer-
veillcuse. Platon, dans son Timée ,
a développé inagnillquement les opi-
nions les plus religieuses de cet illus-
tre disciple, que, suivant Cicéron et
saint Jérôme, il avait pu voir et en-
tendre dans sou voyage en Italie. Il
fait parler Tiniéelui-même , et lui fait
exposer, devant Socrate, ses brillan-
tes conjectures. 11 n'est donc point
plagiaire, comme l'en accusait Ti-
mon le sillographe , dans des vers que
cite Auhi -Gelle , ni , 1 7 , et que les
nouvelles leçons fournies parles 5co-
Z/e5 platoniques de Ruhnekcn, page
500, permettent aujourd'hui de tra-
duire avec plus de certitude : « Et
toi aussi , Platon , tu as voulu dog-
matiser; tu as acheté à grand prix un
jielit livre , et tu es })arli de là pwtr
72 TIM
faire le Time'e. » Chardon de la Ro-
chette {Mélanges, tome ii , p. 467),
d'après Diogcne-Laërce et les anciens
éditeurs d'Aulu-Gelle, pense qu'il s'a-
git ici du Traite pythagorique de Phi-
lolaiis, acheté fort cher à Syracuse
(Diogène-Laëice, m, g- vin, 85);
mais pourquoi ne serait-ce pas une
allusion au livre de Time'e lui-même?
Il faut avouer cependant que si nous
avons encore l'ouvrage original de
ce pythagoricien , l'imitateur doit
souvent nous paraître en contradic-
tion avec celui dont il s'est fait l'in-
terprète. Quelquefois aussi des phra-
ses entières de cet ouvrage se relrou-
veut dans celui de Platon ; et maigre'
l'aveu du larcin, un tel hommage
doit surprendre dans un écrivain d'u-
ne imagination si féconde. C'est là
probablement une des raisons qui ont
fait regarder le Traité de VAme du
mcndc comme apocryphe par L. Le
Roy, traducteur du fimée, fol. i^ j
par Conriugius, Propolit., c. i5,p.
io4; par Thomasius , Observât.
Halens., tome ix , 6 , 7 ; par Morhof,
Foljhist., tome 11, liv. 3, part. 2,
chap. n, pag. 32i, etc. Le célèbre
Meiuers s'est appliqué surtout , à plu-
sieurs reprises , à en combattre l'au-
thenlicilé, soutenue par Th. Gale,
par Batteiix, par C.-G. Bardili, par
Tiedemanu, qui depuis s'est rétracté
( Gcschichte dtr spacidaliven Philo-
sophie , liv. I, pag. 89) , etc. Plus
récemment, le savant historien de la
philoso|)hic ancienne, G. -Th. Ten-
neiuana, a prétendu encore que Pjo-
clus , qui nous a conservé ce mor-
ceau en le joignant à son grand Com-
mentaire sur le Tiinéc , avait pris
pour nu ouvrage original un simple
abrégé du Dialogue de Platon. Quoi-
que Synésius {loc. cit. ) partage l'o-
pinion de Proclns, il n'est pas élon-
iMnt fpi'nn ouvrage de ce genre, qui
TIM
ne commence à être cité que fort tard^
soit environné de beaucoup d'incerti-
tudes. Les savants , aujourd'hui , sont
toujours prêts à s'armer de défiance
et de scepticisme. A la renaissance
des lettres , ils ne songeaient qu'à étu-
dier avec respect ces textes nouveaux,
à les commenter, à les propager. Le
Traité de VAme du monde , publié
sous le nom de Time'e de Locres dans
toutes les éditions de Platon ( Foy.
XX , 5o ) , parut en latin , dès (4^^?
traduit par George Valla , Venise,
chez Ant.de Strata; \f\^^, chezSim.
Bevilacqua. Le grec ne fut imprimé
qu'en 1 5 1 3 , dans le Platon des Aide.
Louis Nogarola donna le même ou-
vrage en grec et eu latin , VcTiise ,
i555j réimprimé à Paris, la même
année, en grec ; et , l'an 1 56 J , en la-
tin , par Guill. Morel. Thomas Gale
fit entrer le texte, avec la version de
INogaroIa et le Sommaire et les Notes
de Jean de Serres, dans ses Opuscu-
la mjthologica , Cambridge, 167IJ
Amsterdam, 1G88. Stanley l'a tra-
duit en anglais, dans son Histoire de
la philosophie, Londres, i655. H y
a deux traductions françaises accom-
pagnées du texte : l'une du marquis
d'Argens , avec des Dissertations
sur les principales questions de la
viétaphjsique , de la physique et de
la morale des anciens , Herliu, \ 7685
ouvrage d'une érudition confuse et
téméraire, comme tous ceux de ce
laborieux sophiste; l'autre, de l'abbé
Batteux , Paris, 17G8, traduction
qui avait paru déjà en partie dans le
tome XXXII des M émoires de l'aca-
démie des inscriptions , mais que
l'auteur revit et corrigea pour cette
édition. licite, dans les notes du tex-
te, les variantes de deux manuscrits
(cotés 1 Si 5 et i8l8)de la biblio-
thèque du Roi. Ce travail laisse peu
de chose à désirer : on voudrait scu-
lement que le traducteur, moins pré-
venu , moins dogmatique, eût été plus
capable de faire un parallèle impar-
tial entre Tiraée et PJatou. 11 y aurait
peut-être aussi , pour établir le texte,
quelques nouveaux secours à l'ecueil-
lir dans les diverses bil)liotlièques de
l'Europe. Don Yriarte ( Catalo^.^^.
343 ) dit qu'il se trouve dans celle de
Madrid un manuscrit de ce Traité,
avec des Scolies inédites , et une lon-
gue Note sur les ]\ ombres, également
inédite , à la fin du texte. Ces com-
mentaires ne seraient pas inutiles
pour éclaircir les dilllcultés qu'il pré-
sente encore : elles tiennent et à l'ex-
trême concision du style, et à l'obs-
curité même du sujet. L'ouvrage ,
quoique beaucoup plus simple que le
Dialogue de Platon, n'est cependant
point élémentaire. Proclus a dit (m
Tini. ) que le livre d'Ocellus Lucanus
{F. ce nom, XXX.I, 4^4) devait
servir d'introduction à celui de Ti-
mée. 11 a placé lui-même l'ouvrage
du philosophe doLocres, comme ar-
gument et comme préface, à la tête
du Timée de Platon; et c'est cette
heureuse idée qui a fait vivre jusqu'à
nous le Traité de V Aine du inonde.
Les savants doivent s'en féliciter ,
quelle que soit d'ailleurs l'opinion
qu'ils adoptent sur l'authenticité de
cet écrit. Si ce n'est, comme l'ont
pensé l^e Roy, Meiners et Tenne-
mann, qu'un extrait du Dialogue de
Platon , cette analyse a toujours beau-
coup de prix; si c'est réellement un
ancien manuel des doctrines pytlia-
goriques, les monuments de ce genre
sont si rares qu'on doit s'applaudir
surtout de pouvoir liie aùjourd'iuii ce
livre qu'avait lu Platon , ce livre qu'il
imite, (|u'il modifie, dans le plus su-
blime de ses ouvrages , et dont le pa-
rallèle ne saurait nuire à sa gloire ,
qui no craint aucune rivalité. L-c.
ri M 73
TIMÉE, rhéteur et historien grec,
naquit , vers l'an 35o avant J.-C. ,
à Tauromène , eu Sicile , ville fon-
dée par son père Andromaque , au
temps d'Agathocles et de Plolémée-
Philadclplie. Il écrivit plusieurs li-
vres , entre autres une Histoire gé-
nérale de la Sicile , une Histoire des
guerres de Pyrrhus , et un grand
nombre d'ouvrages sur divers sujets
de rhétorique : ces productions ne
sont point parvenues jusqu'à nous.
M. Gœller en a recueilli divers frag-
ments dans un ouvrage intitulé :
De situ et origine Sjracusanan ,
Leipzig, 1818, in - 8°. Cicéron
a fait l'éloge de l'éloquence de Ti-
mée, dans le deuxième livre de l'O-
rateur. Longin n'en a pas parlé aussi
avantageusement; il l'accuse de trop
de penchant à la critique. Diodore
de Sicile en dit autant, et il ajoute
que ce défaut lui fit donner avec rai-
son le surnom à'Epitimée, c'est-à-
dire correcteur {h. y, c 3 ). Chasse'
de nie par Agathocles , et ne pouvant
se venger de ce prhice , tant qu'il fut
sur le trône, Timée l'accabla , après
sa mort, de toute sorte de reproches,
ajoutant à ses vices réels un grand
nombre de vices imaginaires, rabais-
sant toujours ses succès , et lui impu-
tant les torts de sa fortune. Bien qu'il
soit constant , par le témoignage de
tous les anciens , qu'Agathocles ex-
cella dans la science et la prudence
militaires, et que , dans les plus grands
dangers, il fit preuve d'une singulière
présence d'esprit et d'une hardiesse
merveilleuse , Timée ne cesse , dans
tout le cours de son Histoire, de l'ap-
Dcler un homme lâche et sans res-
source. Diodore, touteu louant l'exac-
titude deTiméedans les choses où il
ne pouvait satisfaire sa malignité, le
reprend de son atTectation à rendre
peu de justice à Agathocles ( P'of.
74 TIM
ce nom , I , 284 ) , et d'avoir
sacrifie à sa vengeance personnelle
l'amour de la vérité, premier ob-
jet que doit se proposer un histo-
rien. Il fait ressortir les coutradic-
tions de cet auteur qui , relevant ,
dans toutes ses pages , la valeur des
Syracusains, accuse de lâclielë celui
qui les a soumis. Strabon l'appelle
envieux , médisant , et ces accusa-
tions ont été répétées par Polybe,
Plutarque, elc. Il est rare qu'à côté
de son nom on ne voie pas quelque
épilliète injurieuse, telle que wWZZe
conmière , calomniateur ^ d'un au-
tre côté, Cicéron le cite comme un
modèle de c*^ style asiatique , qui
commença à prévaloir après la prise
deRliodes. On ])rétend même que ses
ouvrages se faisaient remarquer jiar
l'exactitude des détails géogia])lii-
ques , et qu'il fut un des premiers à
faire usage de la chronologie dans
son histoire grecque; malgré tout ce
qu'on a dit en faveur de cette inno-
vation , il faut convenir que ïimée
augmenta les difficultés par les
moyens mêmes emjdoyés pour les
vaincre. En adoptant, à l'exemple
d'Hérodote, le système des Égyp-
tiens , fondé sur le principe aussi
faux qu'hy])Othétique d'une période
uniforme (de lirutc-lrois ans ) pour
les générations et les règnes, il ne
pouvait qu'ajouter à l'incertitude ré-
pandue sur 1rs traditions des temps
primitifs de la (irt'ce. Chassé de la
Sicile, pour des menées oligaiclii-
qiies, Timée n'était pas moins l'ad-
mirateiirle ])lus ardentdcTimoIéon,
qui . selon Cicéron (3), doit la ])lus
grande partie de sa gloire au bun-
îieiir d'avoir eu un historien comme
Timée. Si en exaltant les vertus de
l'ancien libérateur de Syracuse, »e-
(:<) /■>/</. ad jiimil. , IV , 11, seil. •.■/|.
ÏIM
lui-ci ne s'était ])roposé d'autre but
que de susciter des ennemis à l'op-
presseur de sa patrie, il ne se trom-
pa pas ; car Agathocles au faîte de la
grandeur, fut empoisonné dans son
palais ( 289 avant J.-C. ) , et par
ordre de son propre neveu. Timée
n'était pas moins excessif dans ses
éloges que dans ses invectives ,
puisqu'au rapport de Suidas , il
mit Tiinoléon au-dessus des dieux.
Plutarque l'a condamné sur des pué-
rilités qui se rapportent à un lieu
commun que l'ancienne histoire cul-
tivait beaucoup , la compilation
des bons et des mauvais présages.
D'autres lui ont reproché l'origine
fabuleuse qu'il a donnée à des villes
de Sicile. Il vécut fort tranquille à
Athènes, lieu de son exil , où il ter-
mina sa carrière à l'âge de g6 ans ,
si l'on en croit Lucien. M — g — r.
TIMÉE le Sophiste, grammai-
rien, dont l'époque est incertaine, a
laissé un Dictionnaire spécial de lo-
cutions jdatoniques (è/. twv toù Ulx-
Twvoç lé'^EMv), qu'il accompagne de
courtes explications. Le nom du Ro-
main auquel il le dédie pendant les
saturnales, Gentianus , répand fort
peu de himière sur l'âge de l'auteur:
il faudrait le croire postérieur au
philosophe Porphyre, si l'article où
se trouve le nom de Porphyre ( OOx
>9/.t(7Ta) n'était pas évidemment in-
terpolé, comiiie beaucoup d'autres
de ce Lexique, oii l'on rencontre, par
cxem])le, (pielcpies expressions d'Hé-
rodote. 11 est ridicule d'iiuaginer ,
comme l'a fait IMeursiiis , que le py-
thagoricien Timée de Locres soit
l'auteur de cette compilation. Jonsiiis
( (le Srriptor. histor. philos., 1,6)
l'attribue, avec aussi peu de fonde-
ment , à 'l'imée de Cy/.ique , discijde
de Plalun. On .lurait |)u songer en-
coi<' à Timée l'iiistorieu ,' puis(|iif:
TIM
Suidas a cite , comme étant de cet
illustre e'crivain, un Recueil d'Argu-
ments de rhétorique, en soixante-huit
livres ( 2u).^oyy! ônzopt/Mv àooou.ôjv,
jStÇ/j'a Sri); mais il est probable que
Suidas se trompe , et il est bien plus
sûr de donner cet ouvrage même au
sophiste qui a rédige le Lexique sur
Platon. S'il était permis de conjec-
turer sans induction suffisante , on
pourrait placer ce Timëe entre le
second et le quatrième siècle de notre
ère , époque si féconde en compila-
teurs de ce genre j mais comment as-
signer une date précise à un gram-
mairien obscur , qui s'est contenté
peut - être de recueillir par ordre
alphabétique les gloses marginales
éparses dans les manuscrits de Pla-
ton , ou d'abréger les Dictionnaires
platoniques d'Harpocration et de
Boëthus, perdus aujourd'hui , mais
autrefois celèljres? Plusieurs des No-
tes qu'il a rassemblées sont repro-
duites dans le Grand Etymologique ,
dans Suidas, dans le Lexique de Pho-
tius. Un lexicographe est nécessaire-
ment plagiaire : il ne peut avoir que le
mérite du choix. Sous ce rapport , le
Recueil de Timée est d'une faible va-
leur, et c'est au travail de son éditeur
qu'il doit presque tout son prix. Telle
est la destinée de ces vieux glossaires :
leurs citations les plus insignifianlcs,
leurs inutilités, leurs erreurs mêmes ^
font naître quelquefois de précieux
rapprochements , des observations
neuves , qui enrichissent la science,
et dont s'enorgueillit la critique. Un
assemblage de phrases tronquées, de
mots pris au hasard, tristes débris des
trésors de l'antiqnité, est pour les Riili-
neken, les Hemstcrhuys, une source de
découvertes. Le Lexique de Timée ,
que Photius avait lu (for/. iS i , i54,
i55 ), ne s'est retrouvé, avec d'au-
tres glossaires , que dans un manus-
TIM 75
crit du dixième siècle , conservé
autrefois dans la bibliothèque de
Coislin , qui fut depuis celle de l'ab-
baye Saint-Germaiu-des-Prés. On ne
connaissait l'ouvrage que par l'ex-
trait , souvent fautif, que D. Bern.
de Monlfaucon en aA'ait donné , en
1 7 1 5 , dans sa Bibliotheca Coisli-
niana , pag. 477 y lorsque Jean Cap-
pcronnicr en fît parvenir une copie
au savant Dav. Ruhneken ( Foj. ce
nom ,.XXX1X , 297) , qui la publia
avec d'excellentes IS otes , dont quel-
ques-unes sont d'Henisterhuys , Ley-
de, 1754, in -8". J.-Frid. Fischer
réimprima le texte , en abrégeant les
Notes,àlasuitedeMoERis Vatticiste,
Leipzig, 1755^ in-8'\ \'illoisoii,
dans son Lonpis , pag. 17g, accu-
sait Capperonnier d'avoir été copiste
négligent. Ruhneken profita des ob-
servations du savant français dans la
seconde édit. qu'il publia du Lexique,
Leyde, 1789, in-80., avec d'impor-
îautes augmentations. 11 est à re-
gretter cependant qu'il ne se soit pas
procuré une seconde collation du ma-
nuscrit. L — c.
TIMOCRÉON, athlète et poète
comique rhodicn, né vtrs l'an 47^^'^*
J.-C. , se rendit célèbre tout-à-la-fois
par ses comédies et par sa gourman-
dise. Il était très-vorace et très-sati-
rique. Dans ses pièces de théâtre ,
ainsi que dans ses chansons , il dé-
chira sans pitié Théinistocle et Si-
monide. Élien ( Hist. Dii>. , liv. i ,
c. 27 ) le cite parmi les plus grands
mangeurs. Athénée ( Banquet des
Sept-Sages, liv. x, ch. 9) rapporte,
à son sujet, le passage suivant, extrait
d'une des Préfaces deThrasimaque le
Macédonien : « Timocréon, étant allé
« chez le roi de Perse y reçut l'hos-
» pitalilé, et mangea considérable-
» ment. I^e roi lui demanda ce qu'il
)) allait faire après cela. Je vais, dit-
f) TIM
■» il , broyer uu grand nombre de
» Perses. Eu effet , il en vainquit
» plusieurs. Le lendemain , il se mit
)) à gesticuler. — Que veut donc dire
» cette agitation de tes bras , lui de-
» manda-t-on? C'est, répondit-il,
» qu'il me reste autant de coups à
» donner. » Il ne nous est parvenu,
de ce satirique, que quelques frag-
ments j insérés dans le Corpus poe-
tariim grcecorum , Genève, 1606
et i6i4, 2 vol. in-fol. Simonide lui
composa une épilaphe , dont voici la
traduction : « Ci-gît Timocréon le
» Rhodien , qui passa sa vie à raau-
» ger , à boire et à dire du mal de
» tout le monde. » IM — g — r.
TIMOLÉON , né à Corinthe , vers
l'an 4 10 av. J.-C. , avait pour père
Timodème, selon Plutarque, Timé-
nède , selon Diodore , et pour mère
Démariste, noble couple issu des pre-
mières familles de la république. Dès
son jeune âge , il annonça des vertus
dont la perfection lui donnait plus
d'un trait de ressemblance avec
Épamiuondas, qu'il avait pris pour
modèle. A la valeur du soldat, il joi-
gnait une prudence consommée. Son
extrême douceur dans les relations
privées faisait j)lace à une fermeté
inébranlable quand il s'agissait de
défendre les intérêts publics. Il n'a-
vait qu'une passion, (et cliezies Grecs,
cette passion était la première vertu) ,
c'était sa haine pour la tyrannie.
Timophanes , frère aîné de Timo-
léon , n'avait ni ses principes , ni ses
vertus ; mais il possédait certaines
qualités biillantcs , qui, dans les dé-
mocraties, séduisent la multitude. Un
courage aveugle et présomj)tueux lui
avait attiré la confiance des Corin-
thiens , qui l'élevèrciit plusieurs fois
au commandement de leur armée.
Comme il s'exj)osait témérairement
devant l'ennemi, il lui arriva sou-
TIM
veut de compromettre le salut de ses
troupes : Timoléon était toujours là
pour réparer les fautes de son frère •
et dans une bataille contre les Ar-
giens il lui sauva la vie. Timopha-
nes, abusant de ses richesses et de son
crédit , s'était composé une cour
d'hommes corrompus , qui l'exhor-
taient sans cesse à s'emparer de l'au-
torité ; il crut en avoir le droit : les
Corinthiens lui eu donnèrent bientôt
les moyens, en lui laissant , pen-
dant la paix, une garde de quatre
cents hommes , dont il fit bien-
tôt des satellites. Tandis qu'il s'atta-
chait la pojjulace par ses largesses ,
il se créait des partisans parmi les
nobles , en promettant de les ad-
mettre au partage du pouvoir. Dès
ce moment , il agit en maître , et fit
traîner au supplice les citoyens qui
lui étaient suspects. Timoléon avait
jusqu'alors veillé avec une sollicitude
discrète sur la conduite et sur les
projets de son frère. Dans l'espoir
de le ramener , il tâchait de je-
ter un voi'e sur ses fautes , et de
relever l'éclat de quelques actions
honnêtes qui échappaient par hasard
à cet ambitieux. Indigné enfin de
voir la tyrannie s'établir de son vi-
vant et du sein même de sa famille, il
peint vivement à Timophanes l'hor-
reur de ses attentats, le conjured'ab-
diquerauplutôtun pouvoir odieux, et
de satisfaire ])ar cette noble démarche
aux mânes des victimes immolées à
ses coupable projets. Timophanes
est sourd aux conseils d'un frèi'e
jusqu'alors si dévoué , mais qui bien-
tôt va n'être plus (pie le vengeur de
sa patrie. Quelques jours après, Ti-
moléon revient che/, le tyran, accom-
pagné de deux de leurs amis com-
muns, dontl'un élait Eschyle, beau-
frère même de Timo|)hanes. Ils lui
rcilèrenl les mêmes [)ricrcs : ils le
TIM
conjurent an nom du sanj; , de l'a-
miiie, de la patrie. Timophanes leur
répond d'abord par une dérision
amère , puis par des menaces et
des fureurs. On était convenu que, de
sa part, un refus positif d'abdiquer,
serait le signal de sa perle. Les deux
amis, fatigués de sa résistance, lui
plongent un poignard dans le sein,
tandis que Timoléon , la tête cou-
verte d'un pan de son manteau , fon-
dait en larmes, dans un coiu de l'ap-
partement On ne saurait exprimer
l'effet que produisit dans la famille
de Timopliaues , et dans Corintlie, .
la nouvelle de ce fratricide , com-
mandé par un faroucLe patriotis-
me. Démariste perdit l'usage de ses
sens ; et cette malheureuse mère ne
les reprit que pour maudire le seul
fds qui lui restait. Timoléon n'eut
pas même l'espérance de la flé-
chir un jour : renfermée dans
son appartement , elle protesta
que jamais elle ne reverrait le meur-
trier de Timophanes. Parmi les
Corinthiens , les uns vantnient l'ac-
tion de Timoléon comme le der-
nier effort de la vertu , les autres
la détestaient comme le plus noir
forfait. Le plus grand nombre, en
approuvant la mort du tyran, ajou-
tait que tous les citoyens étaient
en droit de lui arracher la vie , ex-
cepté son frère. On intenta con-
tre Timoléon une accusation qui
n'eut pas de suite. Dès qu'il s'aperçut
que son action était condamnée par
presque tous ses concitoyens , il
douta de son innocence , et résolut
de renoncer à la vie. Ses amis , à
force de prières et de soins , l'enga-
gèrent à prendre quelque nourriture;
mais ne purent jamais le décider à
rester à Corinthe. Long - temps il
erra dans des lieux solitaires, occupé
de sa douleur , et^ sans doute^ tour-
TIM
77
mente par ses remords. Il passa quel-
ques années dans cet exil volontaire,
et vingt ans loin des affaires publi-
ques. Mais il était destiné à y repa-
raître plus tard avec une gloire sans
mélange : il devait rendre nu jour
h une autre république la liberté
sans avoir un nouveau crime à se
reprocher. Les Syracusains, accablés
pour la seconde fois sous la tyrannie
de Denys-le-Jeune , réclamèrent, l'an
343 avant J.-C. , les secours^ des Co-
rinthiens , dont ils tiraient leur ori-
gine. Ces derniers n'hésitèrent pas à
lever des troupes; mais comme ils
balançaient sur le choix du général ,
une voix nomma Timoléon , et fut
suivie à l'instant d'une acclama-
tion universelle. L'accusation intentée
contre lui n'était encore que sus-
pendue : les juges en remirent la
décision à sa conduite à venir : « Ti-
» moléon, lui dirent-ils, selon !a ma-
» nière dont vous agirez en Sicile ,
» nous conclurons que vous avez fait
» mourir un frère ou un tyran. » Les
Syracusains étaient alors sans l'es-
sources. Icétas , tyran de Léontium
dont ils avaient demandé l'appui, ne
songeait qu'à les asservir : il venait
de se liguer avec les Carthaginois,
(jui furent les constants rivaux de
la puissance svracusaine, avant de
devenir les plus dangereux ennemis
de Rome. Maître de Syracivse , Icé-
tas tenaitDenys-le- Jeune assiégé dans
la citadelle. La flotte de Carthage
croisait aux environs, pour intercep-
ter celle de Corinthe. Timoléon par-
tit avec dix galères et un petit nom-
bre de soldats : malgré la supério*
rite du nombre des ennemis il abor-
de en Italie , et se rend bientôt à
Tauromsenium en Sicile. Un pre-
mier avantage qu'il obtient près d'A-
dranum , sur les troupes d'Icé-
tas , change tout-à-coup la dispo-
îB
TIM
sition des esprits et la face des af-
faires : la re'volution fut si prompte ,
que cinquante jours après son arri-
vée en Sicile , Timoléou vit les peu-
ples de cette île briguer son alliance ;
quelques-uns des tyrans joindre leurs
forces aux siennes ; enfin Denys lui-
même, toujours assie'gé par Icëtas,se
rendre à discrétion et lui remettre la
citadelle de Syracuse , avec ses tre'-
sors et ses troupes. Timolëon traita
avec douceur le tyran déchu, et le
renvoya sur une galère à Coi'inthe ,
où son existence obscure donna, pen-
dant vingt ans, aux Corinthiens , un
exemple éclatant des jeux de la for-
tune. Mais ïimoléon n'était pas au
terme de ses travaux : Icétas , sou-
tenu par les Carthaginois , était tou-
jours maître de Syracuse; et il se
mit en devoir d'assiéger la garnison
corinthienne, qui avait remplacé les
troupes de Denys dans la citadelle j
Timoléon,quiétaitàCatane avec sou
armée , trouve moyen de diviser les
forces de l'ennemi , qui ne peut em-
pêcher les Corinthiens de la citadelle
de se rendre maîtres du quartier de
Syracuse appelé Achradine. Lui-
même marche vers cette ville avec
toutes ses forces ; il est précédé par
des émissaires , qui font sentir aux
Siciliens que commande Icétas la
honte de livrer leur patrie aux Car-
thaginois. Le général de Cartilage,
Magon , instruit de cetlc tentative ,
et craignant que les Siciliens, ébran-
lés par ces discours , ne s'unissent
aux Corinthiens , se retire avec ses
troupes. Le lendemain , Timoléou
fait attaquer Syracuse de trois cô-
tés , et s'empare de celte ville , qui
dès ce moment recouvre la liber-
té. Pour lui en assurer à jamais la
jouissance , il invita les Syracusains
à détruire la citadelle, (jiii, servant
de place d'armes aux tyrans , avait
TIM
toujours garanti leur puissance. Les
Syracusains en étaient si convaincus,
qu'ils surent peut-être plus de gré à
Timoléou de la démolition de cette ci-
tadelle , que de leur délivrance même.
Tous , armés de pics et de pioches ,
se mirent à l'ouvrage; un seul jour
vit détruire et celte menaçante forte-
resse que le Corinthien Dion, premier
libérateur de Syracuse , avait épar-
gnée à cause de sa magnificence ; elle
palais des tyrans, et jusqu'à leurs
tombeaux. Sur les débris de la cita-
delle, Timoléou fit établir des tribu-
naux : ainsi le repaire de la tyrannie
disparut pour faire place au sanc-
tuaire des lois. Mais Syracuse était
presque déserte : l'herbe croissait
dans les rues à une telle hauteur ,
dit Plutarque . que les chevaux y
paissaient à l'aise ; les autres villes
de Sicile , hoi'S un très-petit nombre,
n'étaient plus que de vastes solitudes ,
toutes remplies de cerfs et de san-
gliers. Tel était le triste résultat de
vingt années de guerres civiles et étran-
gères. Le fer avait moissonné une
partie des habitants ; les autres , en
grand nombre , s'étaient dérobés à
l'oppression par la fuite, et ils vi-
vaient dispersés dans la Grèce, dans
les îles de la mer Egée et sur les cotes
de l'Asie-Mineure. Les Corinthiens,
à la prière de Timoléou et des Syra-
cusains, envoyèrent partout des dé-
putés pour engager ces enfants de la
Sicile à retourner dans leur patrie.
Dix mille se rendirent à Corinthc ;
mais comme ils n'étaient j)as assez
nombreux pour repeupler l'île, les
Corinthiens firent ])ublier , aux jeux
solennels de la Grèce, qu'ils recon-
naissaient l'indépeiulancc de Syra-
racuse et de toute la Sicile. A ce mot
de liberté , qui retentit aussi dans la
Grande-Grèce, soixante mille hom-
mes vinrent à Syracuse , les uns
TIM
pour y jouir des droits de citoyens ,
les autres pour être distribues dans
l'intérieur de l'île. ïimole'on leur
partagea gratuitement les terres
vacantes; mais il vendit les maisons.
Les anciens propriétaires qui voulu-
rent conserver les leurs furent obli-
gés de les racheter. Cette infraction à
la propriété , qu'on ne prétend pas
justi/ier, eut pour motif la néces-
sité de se procurer des fonds pour
les premiers besoins du peuple , et
pour les dépenses de la guerre. Ti-
moléon fit aussi vendre à l'encan
les statues des tyrans, qui furent
jugées et condamnées à la pluralité
des voix , comme des criminels qu'on
aurait cités en justice : il n'y eut de
conservées que les statues de Gélon ,
dont le nom , fameux par des victoi-
res sur les Carthaginois , était tou-
iours cher aux Syracusains. Svra-
cuse commençait a sortir de ses rui-
nes , elle était libre ; mais Timoléon,
persuadé que sa liberté eût reposé
sur des bases bien peu solides si la
tyrannie n'eût été bannie du reste
de la Sicile, marcha contre les chefs
audacieux qui opprimaient encore
quelques cités. Icétas fut forcé de re-
noncer à l'alliance des Carthaginois;
ses forteresses furent détruites : et il
se vit réduit à vivre en simple parti-
culier dans Léontium, sa patrie. Timo-
léon obligea ensuite Leptiues , tyran
d'Apollonie , de se rendre à discré-
tion, et l'envoya à Corinthe rejoin-
dre Denys-le- Jeune : car , dit Plutar-
quc , il ne trouvait rien de plus beau
et de plus honorable que de faire
voira toute la Grèce les tyrans de la
Sicile réduits à cet état d'abaisse-
ment. Timoléon revint ensuite à Sy-
racuse : le gouvernement de cette
république avait éprouvé de fréquen-
tes révolutions; sa constitution et ses
lois , ouvrage de Dioclcs , étaient sans
TIM
70
vigueur. Timoléon les revit avec Ce-
phalus et Denys, deux Corinthiens,
qui lui servaient de conseillers. Les
lois civiles furent conservées; seule-
ment , comme elles étaient écrites en
vieux langage , et avec une précision
qui nuisait à leur clarté, elles furent ré-
digées en teriucsplusexplicites. Quant
aux lois constitutionnelles, elles furent
réformées , de manière à réprimer
la licence du peuple, sans nuire à la
démocratie. Les Carthaginois, alar-
més de la prospérité de Syracuse ,
débarquèrent à Lilybée, sous la con-
duite d'Asdrubal et d'Amilcar , au
nombredesoixante-dixmillehommes.
Timoléon , avec sept mille soldats ,
ose marcher contre eux. Sur quatre
mille mercenaires qu'il comptait dans
sa petite armée , il y en eut mille qui
désertèrent, en disant hautement que
leur général avait ])erdu le sens , de
vouloir , avec une poignée d'hommes,
affronter une armée si nombreuse.
Timoléon, loin de paraître affligé de
cette désertion, se félicite de ce que
les lâches se soient déclarés avant le
combat. Il encourage les braves qui
lui restent , et se dirige vers les
bords du Crimèse, où les Carthaginois
étaient campés. Comme il gravissait
une colline du haut de laquelle il
allait découvrir le camp ennemi , il
rencontre des mulets chargés d'a-
che, plante dont les Grecs tressaient
des couronnes pour orner les tom-
beaux. Les soldats , frappés de
cette idée sinistre , regardent cette
rencontre comme un mauvais pré-
sage ; mais Timoléon leur rappelle
aussi que les Corinthiens étaientdans
l'usage de couronner d'ache les vain-
queurs aux jeux isthmiques : « Soyez
«pleins d'espérance, s'écrie -t- il ,
» puisque les couronnes de la vic-
» toire viennent s'offrir à vous avant
» le combat. » Ces paroles inspirent
i^o
TIM
une noble confiance. Parvenu au haut
de la eoUine, Timoleon aperçoit dix
mille hommes d'inf'auterie pesam-
ment armée , formant l'elite des trou-
pes de Cartbage , qui se disposent à
passer les premiers le fleuve. Il pro-
fite du moment où , selon l'expression
de Pkitarque ci la rivière lui livre des
•;) ennemis en tel nombre qu'il lui
» plaît de les attaquer , » et fond sur
eux avant qu'ils aient eu le temps
de se former sur la rive qu'ils
viennent d'atteindre. Lui-même don-
ne l'eKenipie aux ])Uis résolus : se
couvrant de son bouclier, il cric à
son infanterie de le suivreet de bien es-
pérer;sa vois, qui parvient jusqu'aux
derniers rangs, paraît aux soldats
non-seulement plus forte que de cou-
tume, mais entièrement surnaturelle.
Leur confiance superstitieuse a déjà
doublé leurs forces , quand un ora-
ge, mêlé d'éclairs et de tonnerres,
s'élève du haut des montagnes , que
les Grecs ont à dos , et pousse des
torrents de pluie au visage des
Carthaginois. Ceux-ci, couverts
d'armes pesantes et que l'eau pénè-
tre de toutes parts , ne peuvent se
soutenir sur un terrain fangeux. Dès
ce moment les Grecs sont vain-
queurs : trois mille Africains d'élite
périssent par le fer : un p'us grand
nomhrede leurs mercenaires se noient
dans le Crimèse , grossi par la pluie
et encore plus par la multitude
qui le passe et le repasse en dé-
sordre. Les Grecs s'emparent du
camp ennemi , et y font un butiu im-
mense : il s'y trouva une si grande
quantité d'or et d'argent , qu'on ne
se donnait pas la peine de ramas-
ser le fer et le cuivre. Le nombre des
prisonniers, mis eu commiui , s'éle-
va à plus de cinq mille, nombre égal
à celui des vainqueurs. Dans la
joie de cette journée, comparable
TIM
à la victoire d'Himère, remportée par
Gélon, Timoleon n'oublia point sa
patiie : il envoya en Grèce les plus
belles armes prises sur les Cartha-
ginois , pour décorer les temples
de Corinthe. A son retour à Syra-
cuse, il bannit les mille soldats qui
l'avaient abandonné: ces lâches pas-
sèrent en Italie, et furent massacrés
par les Bruttiens, Timoleon avait
vaincu les tyrans ; mais il ne les avait
pas changes. Icétas, et Mamercus
oppresseur de Catane, avaient repris
les armes , après s'être assures de
l'appui des Carthaginois. Les troupes
que Timoleon envoya contre eux fu-
rent défaites; mais tout changea de
face lorsque le vainqueur du Crimèse
marcha contre eux en personne.
Après avoir défait Icétas près de
Calaurie , il l'assiégea dans Léon-
tium , et le fit prisonnier avec toute
sa famille et ses principaux officiers.
Icétas , et son fils Eupolème furent
mis à mort comme tyrans et comme
traîtres. Celte exécution était, sans
doute, commandée par l'intcrct pu-
blic : on pourrait en dire autant du
supplice d'Euthyme , général de la
cavalerie cV Icétas , qui paya de sa vie
ses railleries contre les soldats de
Timoleon, qu'il allectait de nommer
des femmes cormthieTines ; mais ce
qu'on doit reprocher au libérateur
de Syracuse, c'est d'avoir traduit
devant le peuple et fait condamner
à mort la fVmme et les filles d'Icétas.
Ce n'était, il est vrai , qu'une repré-
saille , car ce tyran avait fait périr
l'épouse et la sœur de Dion ; mais
jamais un crime n'en peut justifier
un autre. Timoleon marcha ensuite
coiilie le tyran de Catane, Mamercus,
qui l'attendit de jiied ferme au bord
d'une ])etite rivière nommée Abolus,
par Pliitanpie , et Alafius ou Ala-
bon dans le géographe Ploléiuce.
TIM
Mamercus fnt défait; et les Carthagi-
nois , qui avaient combattu pour sa
cause, renonçantà son alliance,deraau-
dèient la paix à Timoléon , qui leur
en dicta les conditions. Par la princi-
pale, ils s'engageaient à ne plus don-
ner leur appui aux tyrans. Mamercus
ne trouva plus d'asile que chez Hip-
pon, tyran de Messine. Tinioiëon
vint assiéger cette ville par terre et
par mer. Hippou, qui voit ses con-
citoyens soulevés contre lui , tandis
que son ennemi le presse , veut fuir
sur une galère. Les Messinois se
saisissent de sa personne , l'exposent
sur le théâtre , où ils font venir ious les
enfants des écoles , pour leur don-
ner le spectacle de la punition
d'un tyran : puis ils le battent de
verges et le mettent à mort. Bla-
mercus , menacé lui-même par les
Messinois , se rend , à condition
qu'il sera jugé par les Syracusains ,
sans que Timoléon se porte son
accusateur. Il fut donc conduit à
Syracuse et mené devant le peu-
ple. Mamercus^ qui se piquait d'ê-
tre à-la-fois poète et orateur , avait
préparé un discours pathétique; mais
jugeant , aux murmures qu'il enten-
dait de toutes parts , que ses phrases
manquaient leur effet, il jette son
manteau , se précipite contre une co-
lonne du théâtre, et se blesse à la tê-
te : il espérait ainsi se soustrai-
re au supplice ; mais il n'eut pas
cette triste consolation : on le ra-
massa encore vivant , et il subit la
mort ignominieuse réservée aux bri-
gands. La puissante république de
Carlhage forcée de demander la paix
aux Syracusains : les op|)resseurs de
la Sicile successivement détruits : les
villes rétablies dans leur splendeur,
les campagnes couvertes de mois-
sons, un commerce florissant, par-
tout l'image de l'union et du bon-
XLVl.
TIM
8i
heur , tels furent les bienfaits qu'en
moins de quatre années Timoléon ré-
pandit sur sa patrie adoptive. Après
de si glorieuses actions qui lui avaient
acquis un pouvoir sans bornes , il se
démit lui-même de son autorité, que
personne ne songeait à lui contester ,
et alla vivre dans la retraite. C'est
alors que, d'après les idées républi-
caines de la Grèce, il put se croire
absous du meurtre de Timophanes.
Les Syracusains l'avaient forcéd'ac-
cepter une des plus belles maisons de
leur ville, et aux environs, un do-
maine fertile et agréable. Là il cou-
lait des jours tranquilles avec sa
femme et ses enfants, qu'il avait fait
venir deCorinthe. Il y recevait sans
cesse denouveaux tributs d'estime et
de reconnaissance de la part des peu-
ples de la Sicile, qui le regardaient
comme leur second fondateur. Tous
les traités , tous les partages déterres ,
toutes les lois, tous les règlements
qui se faisaient dans l'ile , étaient
soumis à son examen, à son appro-
bation; et selon l'expression de Plu-
tarque , il n'y avait rien de bien fait
si Timoléon ne s'en était mêlé. Il
avait fait respecter et chérir l'auto-
rité pendant qu'il en était revêtu j
lorsqu'il s'en fut dépouillé , il la res-
pecta dans les autres. Un jour , en
pleine assemblée . deux orateurs
osèrent l'accuser de malversation :
Il arrêta le peuple soulevé contre eux :
« Je n'ai allronté , dit-il , tant de tra-
» vaux et de dangers que pour met-
» tre le moindre des citoyens en état
» de défendre les lois, et de dire li-
» brement sa pensée. » Il perdit la
vue dans un âge assez avancé. Les
Syracusains. touchés de son malheur,
redoublèrent d'attentions à sou égard.
Ils lui rendaient de fréquentes visites,
et lui amenaient les étrangers qui pas-
saient par leur ville, afin qu'ils vis-
82 TIM
sent le libérateur et le bienfaiteur de
la Sicile. Aux louanges qu'on lui pro-
diguait , Timole'on opposait cette ré-
ponse modeste : « Les dieuxvoulaient
» sauverlaSic!le;ielenr reudsgrâces
» de ni'avoir choisi pour instrument
» de leur bonté. » Ce langage était
smcère, car Timoléou attribuait si
bien tous ses succès à la protection
du ciel , qu'il dédia , dans sa maison ,
une chapelle à la Fortune qui prési-
de aux cas fortuits. Son bonheur
éclata dans une circonstance bien re-
marquable. Un assassin aposté con-
tre lui avait déjà le poignard levé
sans que Timoléou aperçût le danger,
lorsque ce scélérat tomba frappé de
mort subite. Bien que ce grand homme
fût devenu aveugle, les Syracusains
ne pouvaient se passer de ses avis dans
leurs aiï'aires importantes. Des dépu-
tés venaient l'inviter à se rendre à
l'assemblée générale. Il y paraissait
monté sur un char. Le peuple le sa-
luait par ses acclamations : la délibé-
ration s'ouvrait; ïimoléon donnait
son avis, qui entraînait tous les suf-
frages , et il rentrait chez lui au mi-
lieu des mêmes transports de lespect
et d'amour. Les Syracusains décrétè-
rent que le jour de sa naissance serait
regardé comme un jour de fcte, et
qu'ils demanderaient un général aux
Corinthiens toutes les fois qu'ils au-
raient une guerre étrangère à soute-
nir. Il fut emporté par une légère ma-
ladie, dans un àgetrès-avancé, versla
dernière année delà cV . olympiade,
l'an 33-7 av. J.-C. La douleur de tous
les habitants de la Sicile ne trouva
desoulagcniontfpie dans les honneurs
éclatants accordés à sa cendre. Tous
les ans, ils coiitirnièrcnt à honorer sa
mémoire |)ar des concours de musi-
que, (les courses de chevaux et des
jeux gvnniiqucs. T^a vie de cet hom-
me célèbre ollrc trois époques bien
TIM
distinctes. La farouche vertu qu'il
déploya dans Corinthe appartient à
un ordre politique trop éloigné de
nos mœurs et de nos idées pour pou-
voir être convenablement appréciée
aujourd'hui; mais si l'on a peine à
comprendre le sage et doux Timo-
léon se faisant ^ par patriotisme, le
bourreau de son frère, on ne peut
que s'intéresser aux regrets et à la
retraite de vingt ans qui remplissent
la seconde époque de sa vie. Enfin
on doit l'admiration la plus entière
à Timoléou libérateur de la Sicile.
C'est là qu'il se montre à nos yeux
comme le modèle achevé d'un vrai
républicain. Nous avons sa Vie écrite
par Piutarque et par Cornélius Né-
pos. Diodore de Sicile raconte éga-
lement ses actions avec détail. Timo-
léou, loué avec une imprudente ef-
fusion par le bon Rollin , est très-
bien apprécié dans deux chapitres du
Fojage du jeune Anacharsis, dont
on reconnaîtra plusieurs traits dans
cet article. Timoléou a été le héros
de dilïérenles tragédies. Alfiéri , dans
une action simple et tout-à-fait con-
forme à la tradition historique , a su
intéresser au caractère de son héros ,
sans oser conclure sur la moralité de
l'acte par lequel il délivra Corinthe
de la tyrannie de Timophancs. La-
harpe a fait représenter , en 1764 ,
une tragédie de Tinwléon, dans la-
quelle il semble avoir méconnu !a na-
ture même de son sujet , en y mêlant
une froide intrigue d'amour, lùifin ,
Chénier donua eu 1794» ^"i 3^'-
moléon. S'éloiguant des combinai-
sons d'AIfiéri ainsi que de l'exac-
titude historique, il a présenté Ti-
mophancs comme un tyran faible ot
timide , et Déinarisle comme une fem-
me plus citoyenne cpie mère , qui par-
tage les sentiments dénaturés de Ti-
moléou. Celle tragédie , qui n'a pu
I
TIM
réussir qu'à une e'poque où toutes les
idées de morale étaient interverties ,
semble présenter une apologie trop
directe du fratricide ; et tout en
rejetant comme une calomnie les
Lruits fâcheux qui ont couru sur le
compte de Che'nier, à l'occasion de
la mort de son frère, on convien-
dra qu'il y avait plus que de l'impru-
dence de la part de ce poète à abor-
der un pareil sujet. D — r — b.
TIMON \t Misanthrope, Ûh d'É-
che'cratide , était de Collytc, bourg
del'Attique, qui fut aussi la jiatrie
de Platon. Né quelque temps avant
la guerre du Pcloponèse , il est possi-
ble que les mailieurs de la Grèce,
les vices, les crimes dont il fut té-
moin pendant cette époque funeste
qui annonça, dans Athènes, la déca-
dence du courage, des mœurs et des
lois , aient contribué à développer en
lui ce caractère morose , par lequel
il mérita le surnom qu'il a porté le
premier. Il disait , comme le Misan-
thrope de Molière ( act. i , se. i ) :
« Je hais les uns, parce qu'ils sont
méchants, et les autres , parce qu'ils
ne haïssent pas les méchants. » On
voit surtout, d'après les anciens tex-
tes, et le témoignage indirect que lui
rend Platon lui-même, son contem-
porain ( Phédon , pag. 6'j, édit. de
1602 ) , que cette hainepour ses sem-
blables, dont le souvenir est aujour-
d'hui inséparable de son nom, fut
excitée en lui par la fausseté et l'in-
gratitude des hommes. Il prodigua
en bienfaits, en services, en devoirs
liospiialiers , une fortune légitime-
ment acquise ; et quand ses ressour-
ces épuisées ne sufÙrent plus aux be-
soins de son ame généreuse , il s'a-
perçiit qu'il avait perdu à-Ia-fois ses
biens et ses amis. C'est alors qu'il
accusa tous les hommes du tort de
quelques-uns, cessa tout commerce
TIM
83
avec l'humanité , et alla se livrer ,
dans une solitude profonde , aux
chagrins et aux plaintes de sa philo-
sophie sauvage ; ou , s'il rentrait
quelquefois dans Athènes , c'était
pour applaudir , par une cruelle iro-
nie, aux erreurs et aux folies de ses
concitoyens. Impitoyable pour tous,
il montrait cependant l'amitié la plus
vive au jeune Alcibiade, qui déjà
laissait entrevoir quels pourraient
être un jour les fruits de son audace
et de sa popularité. Apémantus^ qui
détestait aussi la race humaine, mais
sans exception, s'étonnait de cette
préférence. « J'aime ce jeune hom-
me, lui répondit Timon, parce qu'il
fera beaucoup de mal aux Athé-
niens, w 11 déclara même publique-
ment les motifs de cette unique ami-
tié. Alcibiade descendait de la tribu-
ne, après avoir fait approuver quel-
que nouveau décret à l'assemblée ,
et la multitude le reconduisait par
honneur. Timon, loin de se détour-
ner et de l'éviter, comme il évitait
tout le monde , vint au-devant de lui,
et lui prenant la main : « Courage,
mon lils, s'écria-t-il,- tu fais bien
d'augmenter ton pouvoir ; car tu ne
l'augmentes que pour la ruine de
tout ce peuple. » Quelques-uns se fâ-
chèrent de l'espérance de Timon j
d'autres se contentèrent d'en rire ;
d'autres crurent y voir tout l'avenir
d' Alcibiade , et ils le craignirent en-
core plus. On ajoute que Timon étant
parvenu, sans doute par l'agricultu-
re, à se créer une nouvelle fortune ,
devmt aussi avare et aussi dur qu'il
avait été d'abord libéral et généreux ;
on parle même d'une tour, située
près de l'Académie, au-dessous du
tombeau de Platon, oii le misanthro-
pe se renfermait seul avec ses riches-
ses , et que , du temps de Pausanias
( Altic. , c. 3o ), on appelait encore
6..
84
TIM
la Tour de Timon. Celle tradition
s'accorde peu avec le génie d'iin
l)omnie que Pline met au rang des
sages {Hist. nat., vii, 19), et à qui
Stobée {Serm. , viii, p. icy) attri-
bue cette maxime : 0 La cupidité et
l'avarice sont la cause de tous les
maux de i'humanitc. » Biais rien ne
doit surprendre dans ce caractère
bizarre ; et si , dans la folie de l'ava-
x'ice, on ne reconnaît point le sage ,
on y voit assez le misantlirope. L'a-
varice et la misanthropie semblent
venir toutes deux de i'c'goïsme qui
veut se venger; mais se venger ainsi,
c'est se punir soi-même. La mort de
Timon fut digne de sa vie. Il tomba
un jour d'un poirier sauvage, si l'on
en croit Suidas , ou du bord d'une
ravine, si l'on adopte le texte du
scoliaste d'Aristophane ( Lysistrat. ,
V, 809 ); il se cassa la jambe, et
comme son aversion pour tous les
hommes lui lit toujours refuser les
secours de l'art, la gangrène se mit
à sa plaie , et il mourut. Mais ce n'est
point là que s'arrête l'histoire de cet
homme singulier. Plutarque, qui ai-
me les caractères complets , nous ap-
pi-end que Timon ne négligea rien
pour que sa misanthropie lui survé-
cût. 11 transcrit [Fie d'Antoine , c.
70 ) répita])he qu'on lisait sur le
tombeau de Timon, et qui était re-
gardée comme son ouvrage. On en a
fait, depuis longtemps, une imita-
tion française :
Passant , laisse nia cenrlrr on paix ,
Et, sans cliPrchcr mon nom,;ippirnds que je te hais :
M suflit (jue tii sois un tifinime.
Tiens,ln vois ce tombeau qnimocnuvrranjonrd'hui,
.le ne veu» rif n de toi ; ce que je veux de lui ,
(/est qu'il se brise et qu'il t'nssomine.
Ce n'est pas tout encore : la nature
elle-même parut enlrcr d.ins les in-
tentions du malheureux Timon , en
le séparant, ajuès sa moil, de cette
terre habitée par les hommes. On
TIM
avait élevé sou tombeau sur le bord
de la mer , non loin de Haies, bourg
de l'Attique, qu'on peut placer, d'à-
j)rcs Suidas, le long de Ja route qui
conduisait du Pirée au promontoire
de Sunium. Le rivage s'étant affaissé
autour du monument, les flots l'envi-
ronnèrent de toutes parts , et le ren-
dirent inaccessible. Callimaque , deux
siècles après Timon, lui lit une au-
tre épitaphe :
Mortel, je suis Timon ; retourne sur tes pas.
Maudis-moi , si tu veuï , mais ne m'approche pas.
Ces deux vers , qu'on retrouve dans
un quatrain attribué à Hégésippe
( Anlholog. ,111,7, ' ^ ) •> expriment
une idée familière à tous les anciens
qui ont parlé de Timon. Il parait , en
effet , que cet ennemi des hommes
s'était résigné d'avance à les avoir
pour ennemis , et qu'il consentait à
être maudit de ceux qu'il avait tant
de fois poursuivis de ses malédic-
tions. Les Athéniens s'acquittèrent
généreusement envers lui. On doit s'é-
tonner qu'un peuple si ingénieux et
si gai n'ait voulu prendre qu'au sé-
rieux cette philosophie atrabilaire ,
qui a cependant son côté plaisant.
Les poètes comiques Platon et Aris-
tophane ne représentaient le misan-
thrope que sous des traits odieux :
« C'est , disait celui - ci , un homme
entouré d'une enceinte d'épines , un
homme intraitable, un homme issu
des furies. « Il ajoute, il est vrai ,
que Timon ne détestait pas autant
les femmes que les hommes; et c'est
un rapport de plus entre le misan-
thrope d'Athènes, et l'inflexible cen-
seur de Rome, ce farouche Calon ,
qui fut le Tiinun de son siècle : mais
nous ne voyons jias que le théâtre
d'Athènes ait profité , comme celui
de Paris , de loul ce qu'il y a de
vraiment comique dans le caractère
du niisanllirope amoureux. Les nom-
TIM
breuses epigraunues sur Timoi! que
l'Anthologie nous a transTuiscs ( m ,
7, 8-î6) ne renferment ([ue des
plaintes, des imprécations, des ima-
ges tristes et sombres. Les poètes
auraient pu néanmoins être conduits
à des idées moins graves parle sou-
venir de quelques anecdotes qui nous
restent sur le fils d'Échëcratide. Une
ou deux de ces boutades prouveront
que sa misantliropie , sans êlre tout-
à fait excusable , n'était réellement
pas un crime contre l'humanité , et
qu'il fallait en rire plutôt que s'en
indigner. Timon , après avoir re-
noncé pour jamais à la société des
hommes , avait conservé quelque liai-
son avec Apéraantus, misanthrope
comme lui. Dans un repas oij ils
célébraient ensemble le second jour
des Anlhestéries ( yhii) ■, peut-être
parce qu'on offrait ce jour-là un sacri-
fice à IVIercure conducteur des morts
( Scoliast. d'Aristoph. , Acharn. ,
V , 1075 ) , Apémautus , charmé du
tête-à-tête , s'écria : « 0 Timon , l'a-
gréable souper I » — « Oui, répondit
Timon, si tu n'en étais pas. » Une
autre fois , le peuple d'Athènes fut
très étonné de le voir monter à la
tribune ; et il se fit un profond si-
lence. « Athéniens , dit l'orateur , j 'ai
un petit champ , et dans ce champ
im figuier , où déjà plusieurs citoyens
se sont pendus. Devant bâtir sur ce
terrain, je viens vous en avertir,
afin que s'il en est encore parmi vous
qui veuillent se pendre , ils se dépê-
chent, avant que le figuier soit abat-
tu. » Si nous avions plus de détails
sur Timon, peut-être y verrions-nous,
comme ici , le misanthrope tel qu'il
devait être dans Athènes : vif, em-
porté , d'une franchise brus([ue et
originale , mais passionné pour le
bien, rêvant une perfection idéa-
le , et ne cbâiiant les hommes que
TIM
85
pour les instruire et les corriger.
Ces plaisantes saillies d'humeur cha-
grine, ces élans de vertueuse indigna-
tion , cette fureur contre un monde
perfide , ces haines vigoureuses ,
mais innocentes , et que l'on excuse
volontiers , parce qu'elles font rire ,
ont inspiré, sans doute, à notre grand
poète comique l'idée de transporter
dans la société moderne le misanthro-
pe de l'antiquité grecque . et d'en
faire un personnage de comédie. 11
faut pardonner à Timon son carac-
tère un peu sauvage, si les âpres
vertus de V Alceste de Molière ont
dû quelque chose à celui qui fut con-
temporain d'Aristophane. Dans l'an-
tiquité même, le spectacle de cet hom-
me qui s'éleva seul avec courage contre
les faiblesses de tous les autres s'offrit
quelquefois comme une leçon , com •
me un reproche ,à l'esprit des ambi-
tieux. Au milieu des luttes sanglantes
qui firent succéder à la république
des Scipions le long règne des Césars,
on rencontre avec surprise^ dans
l'histoire des révolutions de Rome,
le nom du misanthrope d'Athènes.
La victoire d'Actium venait de don-
ner l'empire à Octave. Son rival , qui
tout-à-l'heure était maître de la moi-
tié du monde ^ entraîné dans la fuite
de Cléopâtre, et abandonné de tous
les rois de l'Orient , voulut , comme
Timon ruiné, chercher une consola-
tion loin de la société des hommes.
L'île d'Antirrhodos , en face du port
d'Alexandrie , fut l'asile solitaii-e où
Antoine passa quelque temps à mau-
dire l'ingratitude de ceux qui avaient
trahi sa cause. Sur une jetée qu'il y
fit construire , il éleva un palais qu'il
nomma son Tiinoniiim. Ce rôle ne
convenait pas à un soldat débauché;
et il redemanda bientôt ses plaisirs
et ses fêres. Timon , qui ne pouvait
être pour Antoine que le sujet d'une
86
TIM
mauvaise parodie , est beaucoup
mieux, place dans les œuvres d'un so-
phiste ingénieux. Le Timon de Lu-
cien , que ïzetzès analyse en quatorze
vers {Chiliad. vii, hist. 129), et
que J.-L. Lebeau compare au PZMfi<5
d'Aristophane ( Mém. de Vacad.
des inscript. , tome xxx , pag. 77 ) ,
est un dialogue entre Timon , qui ,
oblige' de travailler à la terre pour
quatre oboles par jour, se plaint des
hommes et des dieux. ; Jupiter et
Mercure, qui chargent Plutus de lui
rendre ses richesses ; la Pauvreté, qui
veut rester auprès de lui , mais qui
l'abandonoe enfin à sa nouvelle for-
tune. Enrichi tout-à-coup par le tré-
sor qu'il vient de trouver sous son
lioyau, Timon voit accourir à la file
tous ses anciens flatteurs, un para-
site, i.n démagogue , un prétendu phi-
losophe, etc. 11 les chasse tous, et
ne veut plus faire d'ingrats. Le per-
sonnage de Timon prêtait à ces jeux
d'esprit , qui amusaient les rhéteurs
et leurs disciples. Libanius , dans sa
neuvième Déclamation , le fait par-
ler lui-même : il lui fait dénoncer aux
Athéniens, comme un crime d'état,
son amitié. pour Alcibiade , et suppo-
se qu'il leur demande la mort, pour
avoir un nouveau droit de les ha'ir.
Chez les modernes , on trouve une
imitation du Timon de Lucien, dans
le Tinione du Bojardo , Scandiano ,
i5oo ; Venise, i5o4 , i5i3 , i5i7 ;
dans Timon d'Athènes, ]5ar Shaks-
Seare, qui a profité aussi des détails
e Plutarque ( Fies d' Alcibiade et
d'Antoine ) , et dont l'ouvrage sin-
gulier , sans aucune vérité locale ,
mais ])lein d'ob.servatioiis d'une vé-
rité'universelle!, a été retouché d'a-
bord par Tli. Shadwell , ensuite par
Cumberland. Il faut y joindre Ti-
mon , comédie de Jîrérourt ( 1O84) '
celle de L.-F. Dclislc , intitulée Ti-
TIM
mon le Misanthrope ( 1722 ), re-
produite en anglais sous le titre de
Timon amoureux ; et plus récem-
ment, un drame de L. - S. Mercier ,
calqué sur la pièce de Shakspeare,
1794, in -8°. Quant à la vie même
du misanthrope, outre les anciens
que nous avons cités , on peut con-
sulter Lilio Giraldi , De poetarum
hist. Dialog., pag. i3i , édition de
169GJ le dix-huitième Dialogue de
Fénélou , entre Socrate, Timon et
Alcibiade; f?e Timone misanthropo ,
Dijsert. de Tliéophile StoUe, dans
les Miscellanea Lipsiensia , m, 70-
100 ; les Recherches sur Timon,
par l'abbé du Resnel , dans les Mé-
moires de Vacad. des inscript. , to-
me XIV , p. 74 , de l'ëd. in - 4". ; to-
me XXI , pag. 1 22 , de l'éd. in - 1 2 ;
le chapitre 78 du Fojage d'Ana-
charsis. L — c.
TIMON, poète etphilosophe grec,
fils de Timarque, naquit à Phlionte,
dans le Péloponèse , vers le milieu
du troisième siècle avant l'ère vul-
gaire. Devenu orphelin de très-bonne
heure, il dansa d'abord sur le théâ-
tre; il fréquenta ensuite , à Mégarc,
l'école de Slilpon , et enfin , à Elis ,
celle de Pyrrhon le sceptique, auquel
il s'attacha , et dont il devint le plus
illustre disciple. Il se maria dans sa
patrie, et enseigna, dit-on, la mé-
decine à l'aîné de ses fds , nommé
Xauthus. Comme il n'avait qu'une
fortune modique , à peine suflisante
pour les besoins de sa famille, il vint
à Chalcédoine, dans l'Asic-Mineure,
enseigner la philosophie et l'art ora-
toire. Après s'y être enrichi , il alla
visiter l'Egypte, célèbre alors parla
])rotcclion que Ptolémée Philadelphe
accordait aux arts et aux lettres. Ce
prince le ree^iit très-bien , ce qui n'em-
pêcha pas Timon de faire une satire
contre le Musée d'Alcxandiic , fou-
TIM
dé, ou du moins agivindi , ])ar Plo-
léméc. Delà il se rendit à la cour du
roi de Macédoine Anli{:;onus , sur-
nommé Gonatas , qui lui montra
aussi de la bienveillance et de l'es-
time ; et il finit par se fixer à Athè-
nes , où il mourut presque nonagé-
naire. On reconnaît . eu général ,
dans le peu de détails qu'on a sur lui,
un caractère de légèrelé ironique et
de gaîté railleuse , qui s'accorde beau-
coup mieux avec les idées du scepti-
cisme que la gravité de son maître
Pyrrhon, Il paraît qu'il aimait à
boire ; et Atliéuée nous le représente
luttant avec l'académicien La cyde , à
qui boira le plus ( Athénée , x , lo ;
Èlien, Var. hist., ii, 4' )• On voit
aussi , par quelques citations de ses
poésies , qu'il se connaissait en mets
délicats. Il se moquait de tous les
philosophes , mais surtout d'Arcé-
silas , chef de la seconde académie.
Le voyant un jour s'avancer, accom-
pagné d'une troupe de flatteurs :
« Esclave , lui dit-il , qr,e viens-tu
» faire chez des hommes libres ? »
Peut-être ne lui pardonnait-il pas de
transporter insensiblement dans la
doctrine académique la plupart des
opinions du pyrrhonisme , de faire
tourner au profit du doute méthodi-
que les arguments des sceptiques en
faveur du doute absolu , et de pré-
parer ainsi l'anéantissement d'une
secte, qui ne tarda pas, en effet, à
se perdre dans celle d'Arcésilas et de
Carnéade. Ses plaisanteries , bonnes
ou mauvaises, torabaientquelquefois
sur lui-même. Il était borgne , et il
s'était donné le surnom de Cjclope.
Accoutumé , par ses principes phi-
loso])liiques , à ne s'étonner de rien ,
il dit un jour à quelqu'un qui faisait
de tout un sujet d'admiration : «Que
» n'admires-tu donc que sur trois que
» nous sommes ici, nous n'avons que
TIM %-
» quatic yeux? » Celui qui se trou-
vait en tiers ,Dioscoride, son discipl-.,',
était borgne comme lui. Ou conjec-
ture aisément que sa critique littéraire
devait être impitoyable. Aussi n'é-
])argna-t-il pas les éditeurs d'Homère,
à la tête dc:;qnels était alors Zéno-
dote. Le célèbre Aratus , l'auteurdes
Phénomènes , qui lui-même revit et
corrigea une édition de V Od/y ssëe ,
l'ayant eonsidté sur le texte le plus
correctdes poésies d'Homère : a C'est,
« lui répondit ïimon , celui qu'on
» n'a pas corrigé. » Il paraît que
celle sévérité ne venait point d'a-
mour propre; car son indillérence
philosophique s'étendait jusque sur
ses propres ouvrages , qu'il laissait
traîner çà et là,demi-rongés. Au milieu
d'une lecture qu'il faisait d'une de ses
productions avec le rhéteur Zopyrus,
il s'aperçut pour la première fois, vers
la moitié du livre , qu'il en manquait
une grande partie. Il n'est pas éton-
nant qu'il ne nous reste aujourd'hui
presque rien d'un auteur si négligent.
Il avait composé de nombreux écrits
philosophiques , parmi lesquels on
distinguait un Traité des Sens , et
celui qu'il avait intitulé Python , ou
livres adressés à Pjthon : il y racon-
tait ses longs entretiens avec Pyrrhon,
qu'il avait rencontré sur la route de
Delphes. Dans le Repas funèbre
d' Arcésilas , il paraissait rétracter,
par de justes éloges, les sarcasmes
dont il l'avait accablé pendant sa
vie. Aristoclès ,péripatéticien du se-
cond siècle , avait fait , dans son His-
toire des opinions philosophiques ,
l'analyse et la réfutation de celles de
Timon : Eusèbe en a conservé quel-
que chose , Prépar. ét'ang. , xiv ,
18. Comme poète , Tiinou jouissait
chez les anciens d'une assez haute
estime. On lui attribuait trente comé-
dies, soixante tragédies, des drames
88
TIM
satiriques , uu poème des Indalrncs
ou Images, envers élëgiaqiies , etc.
Mais les plus célèbres de ses poèmes
étaient sans contredit les Sillcs ,
qui l'ont fait appeler le sillographe.
C'étaient trois livres de railleries
mordantes , d'éloges ironiqiics , de
parodies contre tous les philosophes,
excepté Pyrrlion et peut-être Xéno-
phane. Socrate , Platon , Épicure, y
étaient les plus maltraités. Au second
ot au troisième livre , ïimon sup-
posait un dialogue entre Xénopliane
et lui. L'ouvrage commençait par ce
vers ;
Venei ici, venra, importuns raisonneurs....
On voit que Quintilien a un peu trop
écouté la vanité nationale, et répété
avec trop de confiance l'as-sertion
d'Horace {Sat. , i, lo, 66), lors-
qu'il a dit, dans son dixième livre ,
chap. I : Satira tota nostra est.
Sans remonter jusqu'au Margitès
d'Homère , on s'étonne qu'il eût ou-
blié les vers ïambiques d'Archiloque
et les hexamètres de Timon , qui se
rapprochaient davantage encore de la
satire latine. Les Romains, dans leur
littérature toute d'imitation , devaient
trouver difficilement un genre oîi les
Grecs ne leur eussent pas ieni de mo-
dèles. II est bien peu croyable que la
satire , avec toutes les formes qu'elle
peut prendre, ne fût pas déjà née
chez cette nation légère et moqueuse;
et Quintilien, lorsqu'il la revendi-
quait pour sa patrie, scndjlait s'être
douté d'avance que la postérité, pri-
vée de tant d'ouvrages de l'antiquité
grecque, ne pourrait lire un jour les
oatiresd'Arrliiloque,ni cfllesd'Hip-
ponax , de Simonide, de Callima(pie,
ni celles deXiiuou. Les fragments de
ce dernier poi-tc, recueillis dans Athé-
née, Diogine-Laèrce, Plutarquc, Sex-
tus Empiricus, Kusèbe, etc. , ont été
rassemblés par Henri Estienne , Poe-
TJM
sis philosophica , Paris, iS-jS, in-
'6'\; par J. - F. Langheinrich , dans
trois Dissertations publiées à Leipzig,
en i7'2o, l'jix et x^'i'i -.De Timo-
ne Sillographo ; par Brr.nck, dans
ses Anaiccta , Strasbourg, i'j76,.3
vol. in-8'\ , tome ii , page 6n ; et plus
récemment , par F. Paul , dans un
Traité DeSillis Gj'œcoriim ,Ber]'m ,
1821 , in-8". Diogène-Laerce, à la
suite de la Vie de Pyrrhon, a donné
celle de Timon le Sdlographe, d'a-
près Sotion d'Alexandrie, auteur des
Successions des philosophes et d'un
Commentaire sur les Silles , et Apol-
lonide de Nicée, qui dédia à Tibère
un Commentaire sur le même ouvra-
ge. Il nous apprend aussi qu'ily avait
une Vie de ce poète pyrrhonien , par
Antigouc de Caryste , contemporain
de Timon. L — c.
TIMON ( Samuel ) , historien
hongrois , né en i6'y5 , dans le comté
de Trenscliin , embrassa la règle de
saint Ignace , et fut destiné, par ses
supérieurs, à la carrière de l'ensei-
gnement. Après avoir professé, pen-
dant quelques années , les humanités
et la philosophie , il résolut de se
consacrer aux missions ; mais la dé-
licatesse de sa santé l'obligea bientôt
d'abandonner la chaire évangélique,
et il s'appbqua dcs-lors à l'étude
de l'histoire et des antiquités de la
Hongrie. Cet écrivain laborieux mou-
rut dans la maison de son ordre , à
Cassovie , le 7 avril ia36. On a
de lui : I. Celebriorum ffimgariœ
urbiuni et oppidorum chorogra-
phia, Tiniau, ijoi, m-^".- réim-
primé avec des additions du P. Ga-
briel Szerdahelyi , Vienne, 1718;
Ca.ssovie , 1732; Tirnau , 1770,
même formai. IT. Imago antiijuce
et novœ Jliingariœ , Cassovie, 1 734,
in-8">. , deux parties 5 réimprimée à
Vienne, 1754 , in-4''. , avec un sup-
TIM
plément qui avait paru séparément
en 1735 , in-80. III. Epitome rerum
Hungaricarum y Cassovie , 1736,
in-fol, IV. Purpura pannonica , Tyr-
nau, ni5. Cette histoire des cardi-
naux hongrois reparut avec des
augmentations , à Cassovie , en 1 745.
Le P. Timon laissa en manuscrit une
continuation des Annalts regni Hun-
gariœ d'Isthuanti , poussée jusqu'à
l'an 1662 ; Kary ^ Kaprinaï et les
autres historiens modernes de la
Hongrie en ont fait usage. W — s.
TIMONI (Émanuel), médecin
grec, membre des i;niversités de Pa-
doue et d'Oxford , delà société roya-
le de Londres , avant entrepris d^é-
tendre et d'accréditer l'inoculation ,
en donna une description détaillée ,
dans une lettre au docteur Wood-
ward , écrite de Constantinople , en
décembre 1713, où il fait voir qu'elle
e'tait pratiquée, de temps immémo-
rial , en Circassie , en Géorgie et dans
les pavs voisins de la mer Caspienne.
On trouve un extrait de cette Lettre
dans les Transactions philosophi-
ques, n». i33g , dans le Voyage de
La Motraye, 17 12. Il donna, dans
le même temps, V Histoire de l'inocu-
lation, imprimée à Constantinople, et
substitua pour la première fois la mé-
thoded'moculer parincision aux piqû-
res que les inoculatrices grecques fai-
saient en diverses parties du corps.
Maitland, qui apporta le premier
cette méthode en Angleterre, la te-
nait de Timoni. La traduction de sa
Lettre , par M. Hulin , fut lue au con-
seil de régence; elle n'a pointparu.Le
fils de Timoni a été premier inter-
pri'te d'Angleterre à la Porte. On a
encore de lui : Tractatus de novd
variolas per transniutationem exci-
tandi methodo, Lcyde, 1721, in-
8°. Z.
TIMOPHANES. rqy.TiMOLÉox^.
TIM «9
TMOTHÉE. Foj. Bryaxis.
TIMOTHÉE , général athénien ,
fils de Conon , si célèbre pour avoir
relevé les murailles d'Athènes {Foj-.
Conon ) , devait soutenir la haute
renommée de son père aussi digne-
ment que Cimon, fils de Miltiade,
avait soutenu la gloire du sien. Com-
me la mère de Timothée était une
courtisane née en Thrace, Athènes
aurait perdu les services de ce grand
homme de guerre, si l'onyavait suivi
constamment la loi de Solon , qui ne
reconnaissait pour îcitoyens que les
enfants d'une citoyenne. 11 fut le dis-
ciple et l'ami d'Isocrate , et se mon-
tra , par son éloquence , digne
d'un pareil maître , à la fortune du-
quel il contribua. Lorsque Conon ,
vainqueur des Lacédémouicns à Cni-
de, vint délivrer Athènes , Timothée
seconda son père dans cette noble
entreprise (Sq^ avant J.-C). I/his-
toire le perd ensuite de vue pendant
dix-huit ans , et nous laisse ignorer
par quelles actions glorieuses il mé-
rita d'être mis à la tête des forces
navales de sa patrie, l'an 376 av.
J.-C. , au moment d'une rupture
qui éclata entre Athènes et Sparte.
Après avoir ravagé les côtes de la
Laconie , Timothée n'eut qu'à se mon-
trer, dit Xénophon, dans la mer
d'Ionie, et aussitôt il prit Corcyre ,
sans asservir ni bannir personne ,
sans rien changer à la constitution
ni aux lois , ce qui lui mérita l'af-
fection des peuples et des princes de
l'Épire et de l'Acarnanie , entre au-
tres d'Alcétas , roi des Molosses, qui
devint son ami. En quelques jours ^
plus de soixante-quinze villes se ran-
gèrent sous la domination du géné-
ral athénien , qui , selon Diodore ,
avait le don de la persuasion quand il
s'agissait de traiter, et celui de la
vigilance et de la promptitude quand
9û
TIM
il fallait agir. Les ennemis de Timo-
thce,poiir ne pas reconnaître son
mérite , raccusèrent d'être heureux :
ils le firent représenter endormi sous
une tente , tandis que la Fortune, pla-
nant an-dessus de sa tète , rassemblait
auprès de lui des villes prises dans un
filet. Quand Timothéc vit le tableau ,
il s'e'cria : Que ne ferais-je doncpas
si j'étais éveillé\k la nouvelle de la
prise de Corcyre , les Lacedémoniens
envoyèrent contre lui une flotte qui
fut vaincue près de Leucade. Dès
ce moment , les Atliéniens entiè-
rement maîtres de la mer , virent leur
supe'riorite' reconnue par Lacédérao-
ne , en vertu d'un traite' conclu sous
la me'diation du roi de Perse Arta-
xercès Mnèmon (37")). Ils en ressen-
tirent une si grande joie, que , pour la
première fois , ils érigèrent un temple
à la déesse de la Paix ; et di-essèrent
à Timothée une statue sur la place
publique , à coté de celle de Conon ,
son père. La paix ne fut pas de lon-
gue durée : en ramenant sa flotte à
Athènes , Timothée , cédant à une
imprudente compassion , rétablit
daiisleur île les bannis de Zacinthe,
qui avaient servi sur sa flotte , et
qui se trouvaient sans asile. Les
habitants de Zacinthe envoyèrent
à Lacédémone , pour se plaindre
de cette infraction au traité : aus-
sitôt les Lacedémoniens équipent
une flotte , qui vient attaquer Corcy-
re. Timothée à jieine de retour à
Athènes , reçoit ordre de partir pour
une nouvelle expédition. Ne trou-
vant pas dans le port d'Athènes les
fovces suflisanfos , il vogua vers
les îles et vers la Thracc , pour
lever des subsides sur ces j)ays sujets
d'Athènes, et pour mettre sa flotte
au complet. Les Athciiicus, estimant
qu'il aurait mieux fait d'aller rava-
ger les côtes de la Laconic , le des-
TIM
tituèrent, et lui donnèrent pour suc-
cesseur Iphicrate , qui s'était porté
son accusateur avec l'orateur Callis-
trate. Le peuple était si animé contre
Timothée, qu'Anlimaque, son tré-
sorier, fut condamné à mort, et
que lui-même n'obtint sa grâce,
qu'à la sollicitation de ses parents ,
de ses amis , et surtout d'Alcé-
tas, roi des Molosses, et de Ja-
son, lyran de Phères eu Thessalie.
Ce prince, dit Cornébus Népos, qui
ne se croyait pas en sûreté dans sa
patrie , sans satellites , vint à Athè-
nes sans aucune escorle, et fit tant
de cas de son hôte, qu'il aima mieux
exposer sa propre vie que de ne pas
venir à son aide dans cette occasion.
Le même auteur ajoute que Timo-
thée , iiietlant les droits de sa patrie
au-dessus de ceux de l'hospitalité ,
fit dans la suite la guerre à Jasou ,
par ordre des Athéuicus; mais ce
fait est controuvé : Jason mourut as-
sassiné trois ans après ( l'an S-jo av.
J.-C. ) , sans avoir cessé d'être l'ami
des Athéniens. La carrière mibtaire
de Timothée était loin d'être termi-
née : placé encore plusieurs fois à la
tête des armées , il s'illustra par de
nouveaux exploits ; soumit lesOlyn-
ticns et les Bysantiiis ; prit Torone ,
Potidéc^ et secourut Cizyque. Il se
rendit aussi maître de l'île de Samos ,
au siège de laquelle les Athéniens ,
pendant la guerre du Péloponèse,
avaient eîi pure perte dépensé douze
cents talents; et celte conquête de
Timothée ne coûta rien au trésor
public. Dans une heureuse expédition
qu'il lit en Asie-Mineure, il porta
dans le trésor public douze cents ta-
lents ])ns sur l'ennemi. Ayant con-
duit une aimée au secours d'Ario-
barzane, gouverneur ]>ersan de la
Lydie, il aima mieux agrandir le do-
maine de ses concitoyens, que d'ac-
TIM
ceptcr les sommes d'argent que lui
oll'rait pour lui ce satrape^ et il reçut,
au nom d'Athènes, les places d'Érich-
tiou et de Sestos.Daus la guerre que les
Athéniens eurent à soutenir contre
leurs allies, et qui pour cette raison
lut appelée sociale, Timothcese vit
entièrement abandonné par la fortu-
neà laquelleils'étail toujours défendu
de devoir ses succès. Il avait été éle-
vé au commandement des forces ma-
ritimes avec Iphicrate et Charès.
( an. 359 av. J.-G. ). Depuis long-
temps il s'était reconcilié avec lepje-
mier, dont le iils Mnesthée avait
épousé la fille de Timotliée. La tlot-
le que commandait Charès échoua
devant Samos. Ce général malhabile
écrivit à Athènes, qu'il lui aurait été
facile de prendre cette île , s'il n'a-
vait pas été abandonné de Timothée
et d'iphicrate. Le peuple léger , pas-
sionné, soupçonneux, et naturelle-
ment jaloux des hommes puissants,
rappela ces deux chefs pour leur fai-
re leur procès. La faction de Charès,
qui était toute-puissante à Athènes,
s'étant déclarée contre Timothée , il
fut condamné à une amende de cent
talents, injuste salaire d'un général
qui tant de fois avait enrichi des dé-
pouilles enlevées à l'ennemi le trésor
public épuisé. Hors d'état de payer
une si forte somme, il se relira à
Chalcis , ensuite à Lesbos , deux con-
trées que sa valeur avait rendues à
la république. Le choix de ces re-
traites prouve suliisamment la dou-
ceur de son administration, et com-
bien il avait été modéré dans la
piosjiérité. C'est à Lesbos que mou-
rut Timothée. Le peuple ne larda
pas à se repentir d'un jugement
si sévère; mais n'avouant son tort
qu'à demi , il réduisit l'amende, et
exigea de Conon, fUs de cet illus-
tre général , dix talents pour le ré-
TIM
91
tablissement d'une partie des murs
de la ville. Dans cet acte même
d'indulgence on vit liu nouvel exem-
ple de l'injustice populaire. Ces mu-
railles , que l'aieul avait rebâties avec
les dépouilles de l'ennemi, le petit-
lils , à la honte d'Athènes, les répara
forcément de son propre bien. Par sa
condamnation, Timothée expia le
mépris qu'il avait toujours témoigné
pour Charès. Un jour qu'on procé-
dait à l'élection des généraux , quel-
ques orateurs mercenaires , pour ex-
clure Iphicrate et Timothée, faisaient
valoir Charès : « Il est dans la vi-
» gueur de l'âge , disaient -ils, et
» d'une force à supporter les plus
^) rudes fatigues. C'est un tel homme
» qu'il faut à l'armée. — Sans dou-
1) te , reprit Timothée , pour porter
» le bagage. » Il est peu de grands
hommes de l'antiquité qui aient été
plus vantés par les divers auteurs
que Timothée. Cicéron , dans le
traité des Devoirs, loue la supério-
rité de son génie et l'étendue de ses
connaissances. Piutarque , Elien ,
Athénée , citent de lui plusieurs
mots aussi piquants que judicieux.
Pour se rendre maître des ville.s,
dit Élien, il n'emplo3'ait que la pa-
role , et persuadait aux habitants
qu'il leur était avantageux de se
soumettre aux Athéniens. A la gloire
de vaincre, il savait joindre relie
de se faire aimer par sa douceur et
sa modération. Personne ne porta à
un plushautdegréla prudence,qui est
la première qualité d'un général. Un
jour que Charès montrait aux Athé-
niens les blessures qu'il avait re-
çues en combattant à leur tête ,
« Et moi , s'écria TimotLée , lors-
» qu'au siège de Samos , un trait vint
» tondjer auprès de moi , j'eus honte
» de m'ètre ainsi exjiosé en jeune
» homme , et plus qu'il ne convenait
92 TIM
» au chef d'une si grande aime'e. »
On a regardé, avec raison, comme
le dernier âge des grands capitaines
d'Athènes le temps où vécurent Iphi-
crate , Chabrias et Timothée. On
trouve parmi les Hai-angues de Dé-
mosthèues un Plaidoyer contre Ti-
mothée, dans lequel ce général est
représenté sous des traits différents
de ceux que lui prête le témoignage
unanime des historiens. Ce plaidoyer
a paru à plusieurs critiques tellement
inférieur aux. autres Discours de Dé-
mosthènes , qu'ils ont mis en doute
qu'il pût être de ce grand orateur.
Au reste , les imputations qu'on y
trouve contre Timothée paraisssent,
les unes vagues, les autres complète-
ment ridicules. Par exemple, on lui
fait un crime de s'être réconcilié avec
Iphicrale , après s'être engagé, de-
vant le peuple , à intenter une accu-
sation contre lui. Ici Timothée doit
au contraire être loué de ce noble ou-
bli des injures. On voit encore, dans
ce Discours, que le fils de Gonon fit
pour les intérêts d'Athènes plusieurs
vovages auprès du roi de Perse ;
mais il serait assez difficile d'en éta-
blir la suite chronologique. D-r-r.
TIMOTHÉE , poêle et musicien ,
était de Milet , ville de Carie , où il
naquit dan!»la quatre-vingt-troisième
olympiade, l'an 44^^ avant J.-C. Il
cultiva d«tbonne heure ses dispo-
sitions pour les arts , et eu particu-
lier pour la musique ; mais lorsqu'il
voulut se faire entendre pour la pre-
mière fols , il fut interrompu par des
murmures. Cet alfront, au(|uel il était
loin de s'attendre , l'aurait peut-être
détourné d'une carrière tju'il devait
[)arcourir avec tant de gloire , sans
esencouragements d'Euripide , meil-
leur juge que la multitude des talents
de Timotliée. Il ne tarda pas à se
concilier les sufl'ragcs du [aiblic j)ar
TIM
de nouveaux efforts. Ayant remporté
le prix sur Phrynis ( F. ce nom ,
XXXI V, 243 ) , il eut la faiblesse de
célébrer lui-même sa victoire ; mais
de sanglantes épigrammes le punirent
de sa vanité. Timothée excellait sur
la lyre ou cithare. A l'exemple de
Terpandre ( F', ce nom ) , il enri-
chit cet instrument de quatre cordes,
suivant Pausanias ( m , 12 ) , ou de
deux seulement , suivant Suidas ( i).
Cette innovation déplut aux Lacédé-
moniens, qui la condamnèrent par un
décret que Boëce a conservé ( de
Musicd , I , ch. I ) (2). Il contient
en substaDce , que Timothée de Mi-
let, étant venu dans leur ville, avait
marqué faire peu de cas de l'ancienne
musique et de l'ancienne lyre : qu'il
avait multiplié les sons de celle-là ,
et les cordes de celle-ci : qu'à l'an-
cienne manière de chanter simple et
unie, il en avait substitué une plus
composée , où il avait introduit le
genre chromatique : que dans son
poème de Sémélé, il n'avait point
gardé la décence convenable : que
pour prévenir les suites de pareilles
innovations , qui ne pouvaient qu'être
préjudiciables aux bonnes mœurs ,
les rois et les éphores avaient répri-
mandé publiquement Timothée , et
avaient ordonné que sa lyre serait
réduite aux sept cordes anciennes ,
etc. ( F. les Remarques de Burette
sur le Dialogue de Plutarque tou-
chant la musique , xxvi ). Athénée
(i ) La lyre dr Terpandre n'avait que sept cor-
des; celle de Plirynis en cul neuf, et oelle.de Ti-
mothée onxc. C'est 1,\ sans doute ce qui l'ail dire n
Suidas (lue ce dernier n'avait ajoute que deux cor-
des. Mais les deux de Pliryni» ayant été retran-
chées par un décret , Pausanias a pu dire aussi que
Timolhéc avait ajouté quatre cordes !i la lyro , puis-
qu'il en porta réelleuieul le nomlire de sept 'i
uuic.
(ï) Cv décret a élé nuhlié séparément par Guill.
Oleover , évèquc de Cliester , sous ce litre : Pfcri-
liim. /.ueedirmoniorum conlra Timalluxuin Mila-
iium , r rmld. m(ï. nxoiiirmibuf , ciun commenta-
rio, Uxturd, 1777, iD-8". de 5i pog.'
TIM
rapporte qu'au moment où l'exccu-
teur de ce décret «e mettait en devoir
de couper les nouvelles cordes , Ti-
mothe'e ayant fait remarquer à ses
juges que sa lyre avait le même nom-
bre de cordes que celle d'une petite
statue d'Apollon , il fut renvoyé ab-
sous. Son nouveau système de musi-
que trouva de nombreux adver-
saires dans toute la Grèce. Plutarque
et Atliénèe out recueilli quelques-uns
des traits lances contre lui par la
plupart des poètes comiques , tels
que Phèrècrate , Stratonique , Ma-
chon , etc. ; mais tous leuis ellbrts ^
loin de nuire à sa réputation, servirent
à l'étendre. Timothée, après avcir
brillé dans les principales villes de la
Grèce , vint à la cour d'Archelaiis ,
roi de Macédoine. jN'ayant pas été
récompensé de ce prince aussi géné-
reusement qu'il l'es'pérait , il lui fit
un jour l'application d'un vers dont
le sens est : — Tu prises un vil métal
sorti de la terre. Et toi , lui dit Ar-
clielaiis, tu ledemandes [Apophte^m.
recueill. par Plutarq. ). Timothée
mourut en Macédoine , dans un âge
très-avancé, deux ans avant la nais-
sance d'Alexandre-le-Grand. 11 avait
composé des ouvrages dans presque
tous les genres de poésie. La Notice
qu'en a donnée Suidas a été com-
plétée par Burette. On cite de ce
poète des Nomes ou cantiques (3),
des Proèmes ou préludes , dis-huit
Dithyrambes , vingt -un Hymnes ,
huit Diascèves ou descriptions , un
Panégyrique , les poèmes de Diane
et de Sémélé , quatre tragédies : les
Perses ou Naiiplius , Phinidas ,
Lacrte et la JViobé : il ne reste que
des fragments de la Diane, des Per-
(.^) Etienne df RyxHnce prffleiïd que Timothée
avait composé dix-liuil livres de ISonies pour la
Ivre, en hnil mille vers , ei mille Prrlurles pour lu
lliile:
TIM 93
SCS, etc., recueillis par Grotiusdans
les Excerpta ex tragœdiis et comœ-
diis grœcis , etc. , Paris, 1626 ,
in-4''- VoyAcs, Bêcher ches sur la P'ie
de Timothée, par Burette, dans
les Mémoires de V académie des
inscriptions , x. 'V'V — s.
TIMOTHEE, célèbre musicien,
était de Thèbes. Burette est le pre-
mier qui l'ait distingué du précédent,
dans ses Ptemarques sur le dialogue
de Plutarque. Il fut l'un des artistes
invités à concourir à l'emLellissemcnt
des fêtes qui devaient signaler le ma-
riage d'Alesandre-le-Grand j et le hé-
ros macédonien voulut l'attacher à
sa personne. Il excellait surtout à
jouerde la flûte; et l'on rapporte qu'a-
vec cet instrument il excitait ou
apaisait à son gré les passions de son
maître. Dryden a célébré les subli-
mes talents de Timothée dans son
ode fameuse , sur le pouvoir de l'har-
monie ( Voy. DiitDEN ), dont nous
avons une traduction en vers fran-
çais, par Dorât, et une autre plus
moderne par M. Valmalette. W — s.
TIMOTHÉE (Saint), disciple de
saint Paul , naquit eu Lycaonie, pro-
bablement à Lystre , d'un père païen •
Eunice, sa mère, juive d'origine,
avait embrassé la religion chrétienne
ainsi que Loïde, son aïeule. L'an 5i
de J.-C, saint Paul étant venu de
Jérusalem en Lycaonie , les Chré-
tiens de cette province rendant un
témoignage avantageux à Timothée ,
l'apôtre le choisit , quoique jeune,
pour être le compagnon de ses tra-
vaux. Par l'imposition des mains il
lui confia le ministère de la parole
divinej et depuis ce temps il le re-
garda comme son frère et son fils
chéri. Ayant quitté Lystre , il jiar-
courut avec lui les autres provin-
ces de l'Asie. L'an 5?. , ils passè-
rent en Macédoine, et prêchèrent l'é-
94
TIM
vangile à Philippes, à Thessaloui-
que et à Bërée. Laissant ïimothee
dans cette dernière ville, l'apôtre
vint chez les Athéniens^ d'où il don-
na ordre à ïiraolbc'c de se rendre
auprès de lui ; mais informé qu'une
persécution violente s'était élevée
contre les fidèles de Thessalonique,
il y envoya son disciple pour les con-
soler et les fortilier. Tiraotliée revint
trouver saint Paul , qui était alors à
Corintlie; et il lui rendit compte de
sa mission. C'est alors que l'apôtre
écrivit sa première lettre aux iidèles
de Thessalonique. « Apprenant, leur
» dit-il, que vous étiez persécutés,
» et ne pouvant aller vous troii-
» ver, nous vous avons envoyé Ti-
» raothée notre frère, le ministre de
» Dieu dans l'Evangile de J.-C. , le
» chargeant de vous affermir dans
)> la foi, et de vous exhorter, afin
1) qu'aucun de vous ne se laissât
» ébranler par les tribulations. En
» revenant nous trouver, Timothée
» nous a annonce votre foi et votre
» charité 5 il nous assure que vous
» desirez nous voir, aussi vivement
» que nous désirons aller vous trou-
» ver, ce qui nous a b:en consolés
» dans les tribulations que nous éprou-
» vous. » De Corinthe, saint Paul
se rendit à Jérusalem . et il revint
passer deux années à Ephèse, d'oîi
il envoya ïimothee et un autre dis-
ciple en Macédoine, afin qu'ils y
recueillissent des aumônes pour sou-
lager les Chrétiens de Jérusalem. Il
chargea ensuite Timothée d'aller à
Corinthe pour rappeler les fidèles de
cette Église à la doctrine qu'il leur
avait enseignée. Dans sa première
Épîtrc: « Je vous en prie,dit-il,imi-
» tcz-moi , comme moi-même j'imite
» Jésus-Christ. C'est pour cela que
I) j'ai envoyé vers voiis Timothée,
» qui est rnon fils chéri dans le Sci-
TIM
» gneur , et mon fidèle disciple. Il
» vous fera de nouveau connaître ma
» doctrine, qui est celle que j'ai re-
» çue de Jésus-Christ , et celle que
» j'enseigne dans toutes les églises.
» Qnand il sera arrivé, recevez-le
» avec bienveillance , afin qu'd soit
» parmi vous sans aucvme craintej
» car il travaille à l'œuvre du Sei-
» gneur aussi bien que moi. Prenez
» bien garde que personne ne le mé-
» jjrise à cause de sa jeunesse. Quand
» il anra rempli sa mission , rcn-
» voyez-le en paix, afin qu'il re-
» vienne heureusement me trouver.
» Les frères et moi, nous l'atten-
» dons. Il Saint Paul attendit en Asie
le retour de Timothée, qu'il mena
avec lui en Macédoine et en Achaïe.
Timothée laissa l'apôtre à Philippes,
et le rejoignit à Ti'oade. Saint Paul,
étant resté deux ans en prison à Cé-
sarée , fut envoyé à Rome. Timothée
y était avec lui , puisqu'ils sont nom-
més conjointement à la tète des Épî-
tres que l'apôtre adressa alors aux
Philippiens, auxColossiens et à Phi-
lémon. Vers la fin de sa première
captivité à Rome , l'apôtre, écrivant
aux Hébreux , dit : « Vous apjiren-
» drez à connaître notre frère Timo-
» thée , qui a été renvoyé en liberté.
» Il pourra arriver avant moij alors
» je vous verrai avec lui. » Nous
voyons , par un autre témoignage de
saint Paul , que Timothée avait con-
fessé Jésus-Christ devant plusieurs
témoins ; et c'est sans doute après
cette confession qu'il fut mis en li-
berté. L'an 64 7 saint Paul étant re-
tourné de Rome en Orient, laissa Ti-
mothée à Ephèse, pour gouverner
l'Eglise de cette ville , d'où il pouvait
administrer les églises de toute l'A-
sie. Se trouvant en Macédoine , l'a-
pôtre écrivit sa première Epître à Ti-
mothée, son fils chéri dans la foi. Lui
TIM
ayant donné des instructions pour la
conduite qu'il devait tenir envers les
fidèles de son troupeau , selon la dif-
férence des âges et des conditions , il
lui dit : «Voilà ceque vous devez en-
» seigner. Que personne ne méprise
» votre jeunesse: soyez l'exemple des
» fidèles dans vos entretiens , dans
» vos rapports avec le procliain,
« dans la charité, la foi et la chas-
« teté. Appliquez vous à la lecture ,
» à l'exhortation et à l'instruction.
» Ne négligez point la grâce qui est
» en vous, cette grâce qui vous a été
» donnée , suivant une révélation
)) prophétique, par l'imposition des
» mains. Méditez ces choses , soyez-
« en toujours occupé, afin que votre
» avancement soit connu de tous.
» Veillez sur vous-même et sur l'ins-
» truction des autres, soyez ferme
» et constant dans vos exercices. En
)) agissant ainsi , a'Ous vous sauA^erez
■» avec ceux qui vous écoutent. O
» mon cher Timothée, gardez-bien
» le dépôt qui vous a été confié. »
Saint Paul étant une seconde fois
dans les fers à Rome , et prévoyant
le moment où bientôt il serait immo-
lé, écrivit une nouvelle lettre à Ti-
mothée, pour l'engager à venir le
joindre. Il dit en commençant : « Nuit
» et jour vous êtes présent à mon
» esprit dans mes prières. Je me sou-
» viens de vos larmes. Je désire vous
» voir, afin d'être rempli de joie,
» me représentant cette foi sincère
» qui est en vous , cette foi qui a
» premièrement animé Loïde , votre
» a'ieule , et Eunice, votre mère. Je
» vous en avertis , ranimez en vous
» ce feu, cette grâce de Dieu que
» vous avez reçue par l'imposition
» des mains. Gardez, par l'esprit
» saint qui habite en vous, le dépôt
» de doctrine que je vous ai confié.
» Quant à moi, je suis sur le point
TIN
95
» d'être sacrifié, et le temps de ma
» mort approche. Hâtez-vous de ve-
» nir me trouver. Prenez I\Iarc avec
» vousj il pourra m 'être très-utile
» dans le ministère de l'Évangile.
» En venant, apportez- moi le man-
» teau que j'ai laissé à Troade , chez
» Car pus , ainsi que les livres et sur-
» tout les papiers. Je vous le répète,
» hàtez-vous de venir me trouver
» avant l'hiver. » Il est probable
que Timothée se rendit à Rome,
pour conférer avec son maître , qui
comme on sait souffrit le martyre
avec saint Pierre , le 29 juin de l'an-
née suivante, c'est-à-dire, l'an 66 (/^.
Saint Paul ). Delà il revint à Éphè-
se, dont il fut le premier eVêque ,
ayant gouverné cette église avant
l'arrivée de saint Jean. Selon les Ac-
tes de saint Timothée ( écrits par
Polycrate, évèquc d'Éphèse , et pu-
bliés par Pithou ) ( 1 ) , le saint évêque
souffrit le martyre sous l'empire de
Nerva, le 22 janvier de l'an 97. En
356, sous le règne de Constance, ses
reliques furent solennellement trans-
férées à Constantinople , et placées
sous l'autel de l'église consacrée en
l'honneur des saints apôtres. G — y.
TIMOUR. r. Tamerlan.
TINCTOR ( Jean ) ^ célèbre mu-
sicien , sur lequel on n'a pu recueillir
que des renseignements incomplets,
était de Nivelle, suivant Sweert et
Foppens ( Bibl. Bdgica ) , et floris-
sait à la fin du quinzième siècle. Dans
sa jeunesse il cultiva la science du
droit, jiuisque les deux bibliothé-
caires qu'on vient de citer lui don-
nent le titre de jurisconsulte. Ayant
embrassé depuis l'état ecclésiastique.
(i) Voyei cPs actes en grec dans Pholius , CoJ.
054. n'a|ii-è,s le teaioignagc (le Lanibeccius , on
trouve dans les manuscrils precs de la bililiollù-
(juc impériale à Vienne une Einlre à Timolliéc ^
>ur la mon des saints apSlrrs , Pierre et Faiil.
9C
TIN
il visita l'Italie dans le but de perfec-
tionner son goût pour la musique.
Ses talents l'y firent bientôt connaître
d'une manière avantageuse ; et Fer-
dinand d'Aragon, roi de Sicile , s'em-
pressa de l'admettre au nombre de
ses musiciens. C'est à ce prince que
Tinctor a dëdie ses Traites sur la
musique, dont on conserve le recueil
parmi les manuscrits de la bibliothè-
que Saii-Salvador à Bologne. Il pa-
raît que Tinctor avait étudie' toutes
les parties de son art , et qu'il n'était
pas moins habile dans la théorie que
dans la pratique. On distingue parmi
ses ouvrages, tous écrits en latin, un
Traité de V Origine de la musique ;
mi autre de VArt du contre-point ;
lin de la valeur des notes, etc. Il fut ,
avec Gafforio ( F. ce nom ) , l'un des
fondateurs de l'école napolitaine. La
Borde, qui n'a point connu la patrie
de ce musicien , lui a consacré deux
articles , l'un sous le nom de Tintou
ou Tinctoris , Essai sur la musi-
que , III , a38 ; et l'autre, sous celui
de Tinctor, 870. W — s.
TINDAL ( Matthieu ) , né , en
i656, d'un ministre de Beer-Ferri,
dans le Devonshire , fut envoyé , à
l'âge de dix-sept ans , à l'université
d'Oxford , où il prit des grades en
droit. Sa conduite déréglée lui attira
une réprimande sévère et publique
de la part de ses maîtres ; mais celte
remontrance n'opéra pas en lui le
moindre amendement. Il prit alors
le parti des armes dans les trou-
})es du roi Jacques , et après avoir
changé de profession , il changea
de religion comme de parti sui-
vant les circonstances , et toujours
selon ses intérêts. Tour - à - tour
catholicpie et protestant , il ne
croyait rifn dans le fond de l'ame.
Partisan de Jaccjues II sur le trône ,
et .wn détracleur dans la disgrâce, il
TIN
composa contre ce prince des e'crits
qui lui valurent, du nouveau gouver-
nement, une pension de deux cents
livres sterling, dont , malgré son im-
piété scandaleuse, il jouit paisible-
ment jusqu'à sa mort , arrivée à
Oxford, le 16 août 1783. Tindal
publia à Londres , i6g4, iii-4°v "^
Essai concernant V obéissance due
aux pouvoirs suprêmes , et le devoir
des sujets dans toutes les révolu-
tions, avec des considérations sur
l'état actuel des affaires. Mais cet
ouvrage, et quelques autres avaient
fait peu de sensation , lorsqu'il mit
au jour , en 1706, les Droits
de l'Eglise chrétienne , défendus
contre les prêtres romains et con-
tre tous les autres qui préten-
dent à un pouvoir indépendant. Il
en avait pris l'idée dans le Lucii
Antistii Constantis de jure eccle-
siaslicorum , etc., attribué à Spi-
nosa , mais qu'on croit être de Louis
Meyer , son disciple. Sous le spé-
cieux prétexte de réduire la puis-
sance ecclésiastique à de justes bor-
nes, il établit des principes et en for-
me un système qui ruinent également
et la puissance légitime des souve-
rains dans leurs états, et la juridic-
tion des évêifues dans l'Lglise. C'était
principalement à l'Eglise anglicane
que Tindal en voulait. Aussi le doc-
teur Swift l'accuse-t-il d'avoir puisé
ses principes dans la doctrine de
l'Église romaine. Cet ouvrage fut
vivement réfuté par les plus savants
théologiens anglicans, et condamné
par les tribunaux à être brûlé. L'au-
teur, ])oursuivi jiersonuelkment, dis-
parut pendant (pielque temps, et alla
publier la seconde partie de son ou-
vrage fil Hollande , sous le titre de
Traité des fausses Eglises. Tindal
avait prévu le scandale que son livre
devait ])roduire, et il en avait joui
TIN
pAi- anticlpatioa. Quelqu'un le trou-
vant un jour la, plume à la main ,
J'écris , dit- il, un livre qui mettra
le dérivé en fureur. Au reste , cet
ouvrage fut accueilli avec faveur par
plusieurs protestants étrangers, et
Le Clerc en fit un grand éloge dans
sa Bibliothèque choisie. Dans le
Christianisme aussi ancien que le
momie, publie en 1 780 jin-/»". , Tin-
dal s'attacha à prouver que la révéla-
tion est absolument impossible ; que
l'Évangile n'est que la confirmation
de la loi naturelle , dont il ne fait
que meltre les principes dans un jour
plus lumineux^ en dissipant les er-
reurs par lesquelles la dépravation des
siècles précédents l'avait dégradée.
Le but de l'auteur est évidemment
de ruiner de fond en comble toutes
les religions positives, et de détruire
tous les mystères. La morale n'y est
pas plus respectée que le dogme.
Forster et J. Leland écrivirent con-
tre cctouvrage, et Pope, dans sa Dun-
ciada, traita sévèrement Tindal. Ce
livre fit grand bruit. Les déistes le
produisirent partout comme l'ou-
vrage le plus fort qui eût encore
paru contre le christianisme. Vol-
taire vanta l'auteur comme le plus
intrépide défenseur de la reli-
gion naturelle. Tindal ne faisait
cependant que ressasser les arguties
de Collins. Son ouvrage , dépouillé
du faste d'une fausse érudition par
les solides réfutations qu'en {ireut les
savants théologiens de l'Église an-
glicane, ne parut plus c[u'une mépri-
sable répétition de lieux, communs
contre le clergé, d'objections cent fois
rebattues contre quelques textes dif-
ficiles de l'Écriture sainte , de pa-
ralogismes dégoûtants par leur en-
nuyeuse prolixité : aussi Swift pense-
t-il que l'auteur ne devait toute sa
re'putation qu'à l'impiété qui règne
XLVI.
TIN 9^
dans soflilivrei' Ceia'en idtait iencoi'e
là que la première partie j :1a mo^tt
de Tindal l'empêcha de mettre la
seconde au joui^ Gibson , évè(|ue de
Londres, s'opposa à cette publica-
tion. On peut voir de plus ain-
])les détails sur la personne et les
ouvrages de ce fameux inci'édule ,
dans ['Histoire du philosophisme
anglais ,-j)ar l'auteur de cet article.
— Nicolas TiNDALv neveu du
précédent^né en 1687 , mort le 27
juin 1774, âgé de quatre-vingt-sept
ans , a donné la traduction en anglais
àts Antiquités sacrées et profanes,
de D. Caîmct , 1 7 24 ; et de V Histoi-
re d' Angleterre de Kapin-Thoyras ,
1726,6 V. in-8''., 1732, i^SS', 2vol.
m-fol. , ainsi qu'une continuation de
cette histoire, 1744» ^747 7 5 vol.
in-S*^. , deuxième édition , 1 751. Le
tout fut réimprime en 1757 , 21 vol.
in-8''. Cet ouvrage eut un très-grand
succès. Tindal publia aussi wna tra-
duction de ['Histoire de l'empire
Oihoman^ par le prince Cautemir ,
in-fol. I! avait été élu, en 1736 ,
membre de la société des antiquaires.
Son oncle l'avait , peu de temps
avant sa mort , désigné son unique
héritier, par un testament en bonne
forme • mais le seul testament qu'on
trouva après le décès , assignait
2000 guinées, et le manuscrit du
second volume du Chrisliajiisme
aussi ancien que le monde , à Eus-
tache Budgell. Nicolas Tindal, per-
suadé que celui-ci avait forgé cet
acte pour s'emparer de la phis gran-
de partie de la succession , l'attaqua
comme faussaire dans quelques écrits
imprimes vers 1 733. Budgell ( f^. ce
nom ) se défendit maladroitement
dans sa feuille périodique , intitulée
V yiheille ; et cette fiétrissure est
restée attachée à sa mémoire.' — Tin-
dal (William) , membre de la socie'té
gS TIN
des antiqiiaires ^ et rliapclain de la
tour de Londres, esl auteur de : I.
Histoire et antiquités de Vabbajc
et du bourg d' Evesham , 1794 ■> i"-
4". II. Excursions d'un jeune hom-
me { Juvénile excursions ) dans la
littérature et la critique, 1791 ,
in-r2. m. Les malheurs et les
avantages du génie mis e?i con-
traste , essai poétique en trois chants,
en vers blancs, \Vo^. Il se tua cette
même année d'un coup de pistolet ,
à l'âge de cinquante ans. T — d.
TINELLI (TiBÈut), peintre, né,
à Venise, en i58(), reçut les pre-
mières leçons de son art du cheva-
lier Contarino , élève du Titien , et
passa ensuite à l'école du Bassan,
qui lui enseigna l'art du portrait.
Voulant s'élever au premier rang ,
il s'appliqua à étudier la nature ,
l'histoire et tout ce qui y a rapport.
Il commença, dans un couventde reli-
gieuses, à représenter plusieurs sujets
de l'Évangile. Les ouvrages de cet
artiste , qui se trouvent dans les
églises de Venise , de Vérone et de
Padoue , sont d'une touche facile ,
d'une belle couleur et d'un dessin
correct ; ses portraits , qui sont en
grand nombre , n'ont pas moins de
mérite que ses tableaux d'histoire.
Un de ses portraits ayant été pié-
senté , en it)33 , au roi Louis XIII ,
ce prince , qui s'occupait de la pein-
ture au pastel , désira le faire venir
auprès de sa personne. Tinelli promit
de se rendre à Paris, et dans cet
espoir, Louis XIII le (it décorer du
cordon de Saint-Michel, faveur qu'on
n'accoidail qu'aux jxrsonnes distin-
guées |)ar leurs places ou par leursta-
lents. (le l'ut lediic de C-réquy, ambas-
sadeur de France près de la répidjli-
que de Venise, qui le reçut chevalier
au nom du roi. IVIalgré cette distinc-
tion et d'autres grâces (|ni lui étaient
TIN
offertes , Tinelli ne remplit point ses
engagemcTits. Sa mère, qui craignait
de le perdre pour toujours ^ l'empê-
cha de venir en France , et d'y jouir
des liienl'aits du roi. Il resta à Venise^
et y mourut en i638. Z.
TINGRY ( Pierre - François ) ,
professeur de chimie et d'histoire na-
turelle, né, à Soissons, en 1743, étu-
dia la chimie à Paris, sous le célèbre
Rouelle, et se rendit à Genève, en
1770, pourvu de nombreuses con-
naissances théoriques et pratiques, et
brûlant du désir de se distinguer. Il
y réussit promptement comme phar-
macien , comme chimiste et minéra-
logiste. Recherché par les savants ,
entre autres par de Saussure et
Senebier, il forma avec eux des
relations d'amitié qui ne cessèrent
qu'avec leur vie. Le charme du sé-
jour de Genève l'ayant déterminé à
s'y fixer, il y acquit la bourgeoisie ,
en 1773 ; et dès cette époque, il se
dévoua tout entier au service de sa
])atrie adoptive. L'année suivante ,
il publia deux écrits , l'un intitu-
lé : Jlnalj'se des eaux de Mnrclaz,
1774, in -8°.; l'autre : Prospectus
pour un cours de chimie théorique
et pratique , in-4°.Tingry fut un des
quinze amateurs que de Saussure re'n-
nit auprès de lui , en 177^' , dans des
coiiiVrences qui avaient pour objet
ravanccmont des arts que l'on culti-
ve à Genève. Ce fut l'origine de la
Société des arts , qui depuis lors n'a
cesse de rendre à cette ville des
services qui ne se sont j)as bornés à
son enceinte ; Tiugry en fut nom-
mé vice- président. IJn des premiers
soins de celle société , à sa naissance,
fut de faire donner des cours gratuits
de chimie, destinés spécialement aux
artistes. Tingry en fut chargé, et
réussit , en leur faisant connaître la
.science , à leur en inspirer le goût et
TIN
TIN
99
à leur en prouver l'utilité'. Il publia , était son activité , que ces travaux di-
dans cette vue , en 1777, un F r os- vers et les occupations d'une pharma-
pectus pour un cours de chimie à oie fort accréditée ne l'empêchaient
l'usage des artistes , in -4". Il s'oc- point de donner des cours particu-
cupa ensuiîe de la construction des
appareils destinés à préserver les do-
i'eurj de l'atteinte des vapeurs mer-
curielles. Le Mémoire, sur ce sujet ,
qu'il lut à la Société des arts , fut ré-
licrs . fort suivis , de chimie et de mi-
néralogie, à l'aide d'une riche col-
lection qu'il avait formée. Le sujet
des vernis l'occupa long-temps; et il
puMia le résultat de ses études, dans
compensé par une médaille, et inséré un excellent ouvrage : Traité théo-
dans les [Mémoires de la Société et rique et pratique sur l'art défaire
dans le Journal de Physique. On vit et d'appliquer les vernis sur les dif-
paraître ensuite trois Mémoires sur férents genres de peinture , les cou-
une espèce de schistes que l'on trou- leurs simples et composées j, Genève,
fr'f près de Salanches , et qui four- i8o3, -i vol. in -8". Ce savant ter-
nissent le sel amer. L'académie de mina sa carrière, âgé desoixaute-dix-
Turin lui décerna une médailie d'or huit ans, le i3fév. i<S2i , ayant con-
pour ces Mémoires , q)ii indiquaient serve jusqu'à la fin de sa vie l'usagede
à la Savoie une nouvelle source de ses facultés. I! a mis le comble, par un
commerce. Il a donné, sous forme acte de ses dernières volontés, aux
de tableaux, une analyse des eaux de preuves de son dévouement à la scien-
diflérentes sources des environs de ce et à sa seconde patrie, en attachant
Genève; une Analyse des eaux mi- à la chaire de chimie de l'académie
nérales de Drise près Carouge , in-
8°. , 1 785 ; et ce fut son ouvrage sur
les ^K chaudes de Saint - Gervais
( prèsSalanches ) qui commença leur
célébrité. L'académie de Dijon cou-
ronna, en 1785, son Mémoire ^wr
les remèdes antiscorhutiques qu'on
peut tirer de la famille des cruci-
de Genève la jouissance de sa maison
de campagne, l'une des plus agréa-
bles entre celles qui ornent les bords
du lac Léman. On trouve une Notice
sur Tingry dans la Bibhothèque uni-
verselle , tome XVI , wSiences et Arts, p.
173 , et XVII, pag. 326. M — n — d.
T I N S E A U ( Jean - Antoine ) ,
J'eres. Le Journal de physique et pieux et savant prélat , était né, le
plusieurs autres recueils scientiliqnes 20 avril 1O97 , ^' Bcsançou , d'une
contiennent les fruits de ses rccher- famille patricienne, qui subsiste en-
ches. Nous indi({ lierons entre antres : core honorablement. Uoué d'une vas-
Observativns sur la variété des te mémoire et d'une ardeur infatica-
spaths , dans les Mémoires de la so-
ciété des Curieux de la nature cl dans
le Jour mil de phjsiquej Sur la com-
position de l'éther { tome xxxiii ) ;
ble pour l'étude, il lit, sous la di-
rection de son père, magistrat dis-
tingué , de rapides progrès dans les
lettres et les sciences. Ayant résolu
Sur l'acide phosphorique (xxxv); de se consacrer à l'état ecclésiastique,
Sur la consistance que les huiles ac- après avoir achevé ses cours de théo-
quièrent a la lumière ( xlvi et logie et de droit canonique, il entra
XLV II ) ; Sur la phosphorescence des au séminaire en même tcinj)s que l'ab-
corps , et particulièrement des eaux bé Tricalet ( / '. ce nom) , avec lequel
de la mer (i,\vii); Sur la nature il se lia d'une étroite amitié. Ses ta-
du Jluide électrique (ibid.). Telle lents et ses vertus lui méritèrent bicn-
-^ 7-
B!3LfOTHfr
luo TIN
tôt toute la confiance de rarchevêque
Aut. Pierre II de Grammorjt ( i ) . qui
6e reposa sur lui des soins de l'admi-
nistration du diocèse de Besançon ,
alors le plus vaste du royaume. Joi-
gnant à des connaissances étendues
et variées un esprit juste et pénétrant,
et l'art si dilhcile de connaître les
tommes, il pourvut les paroisses de
pasteurs éclairés et vigilants , et re-
mit partout en vigueur les sages ré-
g'ements tombés en désuétude. Nom-
mé, en 1745, évêque de Eelley, il
s'occupa de faire refleurir, dans son
diocèse, avec les bonnes études^ l'an-
cienne discipline, et tint , chaque an-
née , des assemblées synodales , dont
il publia les décisions (2). En i-jSi ,
il fut transféré sur le siège de Ne-
vers , où il porta le même zèle.
Simple dans ses goûts comme dans
ses mœurs, il distribuaitaux pauvres,
chaque année , la plus grande partie
de ses revenus, et s'imposait des pri-
vations pour se procurer les moyens
de favoriser les jeunes ecclésiastiques
qui montraient des dispositions
pour l'étude. Sa bibliothèque, nom-
bi'euse et choisie, leur était ouverte
en tout temps ; et il se faisait un de-
voir de les diriger dans leurs lectu-
res. L'évèque de Nevers avait été
nommé l'un des premiers membres
de l'académie de Besançon ( i']5-z).
Il mourut à Nevers , le '2^ sep. 1 'jS'2.
L'éloge de ce prélat , par M. Berge-
ret, avocat -gcnéral au parlement,
ne se trouve point dans les recueils
de l'académie ; mais il en existe des
copies. W — s.
TINSEAU D'AMONDANS(Char-
les-Marie-ThébÈse-Léon) ,de la mê-
'i; Afi*. Pirrr** Il tir Gr.iinnïniil . iiniiimô archf-
Trtjur fir IViaiH'^n , |i' Ho j.invin i;'' "> , iiioiiriit Ir
- flpplrriiltro 17.I4.
i\ StiiUila *ynvdalin tiiaT.rt'if B^'Uirrnfn rtlitit fil
/^romtdgutn in fynndit fiiœmanii iinnor. ^-4**
4-. ^H ft ^g , I.Ton , 17'ig, in- 11
TIN
me famille que le précédent , naquit,
à Besançon, le 19 avril 1749- Admis
comme élève à l'école du génie , à l'a ge
de vingt ans, il ne tarda pasàsesigna-
1er par son application à l'étude et
par la rapidité de ses progrès dans
les mathématiques. 11 n'était que lieu-
tenant quand il obtint le titre de cor-
respondant de l'académie des scien-
ces (1773), sur la présentation de
deux Mémoires insérés depuis dans
le tome ix du Recueil des savants
étrangers ( i ) ; et il se serait, sans au-
cun doute, placé parmi les premiers
mathématiciens de répoque,si la révo-
lution n'eût interrompu ses travaux.
Il prit une part active aux délibé-
rations de la chambre de la noblesse
franc-comtoise, assemblée à Quin-
gey , en 1788, et fut l'un des quatre
députés chargés de porter à Versail-
les un Mémoire dont il était le prin-
cipal rédacteur (2) , et qui contenait
des représentations très - énergiques
sur les dangers du système adopté
par le ministère. La marche dB^evé-
nemenls l'ayant obligé de quitter la
France, il rejoignit, en 1791 , le
prince de Condé , à Worms ; et il y
publia , sous le litre à'Essai sur les
deux déclarations du roi , une pro-
testation contre toute espèce de ré-
forme : « Je n'admettrai, dit-il, ja-
» mais, sous aucun prétexte , le moin-
■» dre changement à la constitution
» par laquelle la monarchie a pros-
« péré pendant tant de siècles. » Il
fit la campagne de 1792 , à l'armée
des princes, en qualité de capitaine
du génie. L'année suivante , il fut en-
voyé à Toulon, que les habitants ve-
(i) .Koliilions de rjiieh/nrs profdèines relatifs h la
théorie de( sur/aca roiir/iei , et drt courbes à dou-
ffles conrhitres j avec oi pi. , p. 5*)3 ; — sur tfuelnues
proprièléi des solides renfermas par des surfaces
romumcrf dr ligncf droites , nvec une pi. . p. tîj.'î-
,'1 V iVlmiturla cile axer é\osiF. ce» essai» de 1 uiscau,
dans Sun Utitoire des niathéntatifj. , III , losi.
'?) Mémoire nu rui , in-S". de .'|7 (m.
TIN
liaient de livrer aux Anglais ; et il
concourut de tous ses moyens à re-
tarder la prise de cette place par les
républicains. Après avoir séjourne
quelque temps ou Angleterre , il visi-
ta la Haute Italie et la Suisse , et re-
joignit l'armée de Condé, Le roi de
Prusse ayant reconnu la république
par le traité de Bàle (5 avril « 795) ,
Tinseau , qui n'avait rien néglige pour
rompre les négociations entamées par
le ministère prussien , proposa , dans
un écrit rendu publie , de déclarer
déchus de tous leurs droits les prin-
ces qui traiteraient à l'avenir avec la
France. Les relations qu'il avait con-
servées en Fianclic-Comlé lui donnè-
rent l'espoir d'organiser, dans cette
province, une insurrection royaliste.
Il fit, dans ce but, un A'oyage à Be-
sançon; mais ayant été découvert, il
se liàta de regagner la Suisse. Crai-
gnant d'être poursuivi dans sa fuite,
il jeta tous les papiers qu'il avait sur
lui. On y trouva la liste des person-
nes sur la coopération desquelles il
avait compté pour le succès de son
plan. Elle fut envoyée au Directoire,
qui donna l'ordre d'arrêter les prin-
cipaux chefs royalistes. Cette alFaire
n'eut cependant aucune suite fâcheu-
se. Ayant réjouit l'armée de Condé,
Tinseau lit, sous les ordres de ce
prince, les campagnes de 1796 et
1797. Il reçut, en 1796-, des mains
du roi Louis XYIII la croix de St.-
Louis, qu'il avait refusée en I790 ,
n'ayant pas cru pouvoir l'accepter
d'un ministre constitutionnel; et, en
1797 , il fut nommé m.ij or, puis lieu-
tenant-colonel du génie. Après le li-
cenciement de l'armée de Condé, Tin-
seau se rendit en Angleterre; et il y
publia successivement plusieurs écrits,
dans l'iiitérct de la cause à laquelle il
s'était dévoué tout entier. L'un des
plus remarquables est celui qu'il fil
pour engager le cabinet britannique
à mettre les princes français en pos-
session de l'île de Saint - Domingue ,
qui serait devenue un point de réunion
pour tous les Français attachés à
l'antique monarchie. Ayant réussi à
calmer le peuple de Londres sur les
craintes d'une descente, il reçut du
gouvernement anglais , avec une let-
tre très - flatteuse , un présent consi-
dérable. Il contribua beaucoup aussi
à rassurer le cabinet de Saint-James
sur les suites que pouvait avoir la pri-
se de jMalte par Buonaparte (12
juin 1798), en démontrant la pos-
sibilité de reprendre cette île dans
quinze jours. Une nouvelle coali-
tion s'étant formée contre la répu-
blique, il se rendit en Italie, par
l'ordre des princes ; fut nommé, par
Souv^Trow ( Voj. ce nom ), chef
de son état-major ; et après la batail-
le de Zurich , gagnée par Masséna
( F^oy. ce nom ) , sauva les débris de
l'armée russe. A son retour en An-
gleterre, il fut accueilli par le comte
d'Artois (Charles X),qui le nomma
son aide -de- camp _, et le chargea de
ditTérentes missions importantes sur
le continent. Il était à Lisbonne lors
de l'entrée des Français en Portugal;
et ce fut lui qui donna au roi le con-
seil de se retirer an Brésil avec sa fa-
mille. Il refusa les otlVes du gouver-
nement anglais , qui desirait s'atta-
cher un oiiicier d'un si rare mérite.
Buonaparte, devenu empereur, lui
fit proposer par Monge , son ancien
condisciple, de rentrer en France,
lui promettant un avancement rapi-
de ; mais rien ne put ébranler sa fi-
délité à une cause que tout le monde
alors regardait comme perdue. Sans
cesse occupé de susciter de nou-
veaux ennemis à Buonaparte , il
fournit des plans à toutes les coa-
litions qui se succédèrent jusqu'en
102 'UN
i8i3. Devenu veuf et reste' seul
sur une terre étrangère , il trouva ,
dans un second mariage, les con-
solations dont il avait besoin. L'aifai-
blissemeiit de ses forces, à la suite
d'une longue et douloureuse maladie,
ne lui permit pas de suivre le roi à sa
rentrée en France , en i8i4- H ne re-
vit la terre natale qu'en i8îG. Pro-
mu, depuis plusieurs années, au gra-
de de mare'chal-dc-camp du génie, il
sollicita sa retraite, et Vint, avec sa
nouvelle famille, habiter Mcntpel-
lier , où il est mort, le '2 i mars 1822.
Parmi les nombreux écrits sortis de
sa plume , on citera : I. Essai sur les
deux déclarations du roi , du aS juin
1 789, sur les modifications à y faire
pour qu'elles puissent servir de base
au gouvernement français, et sur la
nécessite de les proposer le plus
promptement possible aux états -gé-
néraux , Worms (t Coblenlz, 1791,
in-8''. Cet ouvrage fut réimprimé, en
i'](y^-, sous ce titre : Nom'eau plan
de constitution , présenté , par MM.
les gentilshommes émigrés, à la na-
tion française , ou Essai sur les deux
déclarations, etc. Tinscau désavoua
cette réimpression , faite sans son
aveu , déclarant qu'il n'avait jamais
eu de mission des gentilshommes
pour parler en leur nom. II. Les
Suisses peuvent-ils et doivent-ils re-
connaître la république française ?
1793, iii-8". m. Précis historique
du siège de Toulon^ T^ondres, 17947
in - 8". IV. Mémoire sur l'état de
l'armée de Condé ( en Allemagne ) ,
179(5. in - 8". V. Lettres à milord
Hawkesbury sur la paix d'Amiens ,
insérées i\,\\\i>Vyimnial register, sous
le nom de Wil. Tobbett. VI. V Em-
pire germanique divisé en départe-
ments , sous la jiréfecture de l'élec-
teur de lirandehourg , IjOudrcs ,
180';',, in-8". Vil. Examen de Vélat
TIN
politique et militaire où la paix con-
tinentale mettra l'Europe, j)ar rap-
port à la France , ibid. , 1 8o3 , iu-
8". VIII. apologie des émigrés
français, ibid. , i8o4 , iu - 8"^. IX.
Essai sur les relations politiques de
la Bussie et de la France, ibid.,
i8o5 , in-8'\ X. Parallèle de la con-
duite des gouvernements britanni-
que et espagnol, l'un par rapport à
l'autre, depuis le renouvellement
de la guerre entre la France et
V Angleterre , ibid., i8o'j , in - 8°.
Xï. Statistique de la France, ibid.,
i8o5,in-8''. W— s.
TINTÉNIAC ( Le chevalier de ) ,
l'un des premiers chefs royalistes de
la Bretagne, dans les gueri'es de la
révolution , appartenait à une fa-
mille illustre de cette provmce , qui
depuis le treizième siècle y possédait
de grands biens. Il entra fort jeune
dans !a maiine royale. Brave jusqu'à
la téraérilC; et mu par des passions
très-vives, il se compromit d'une
manière grave, par sa légèreté, dans
une ailaire de galanterie, à Brest :
on l'en punit sévèrement , et il fut
obligé de sortir du corps de la mari-
ne. Condamné ainsi à l'oisiveté, il
jieixlit , pour sou avancement , les
plus belles années de sa jeunesse. Le
malheur mûrit ses idées , sans calmer
ses sentiments chevaleresques. Dès
l'origine de la révolution , il se dé-
clara contre ses principes , et s'en-
gagea dans la conspiration de la
Houarie {F. ce nom ) , dont il devint
l'aidc-dc-camp. Il fut chargé de com-
missions délicates et périlleuses qu'il
remplit avec intelligence et succès.
Poursuivi par les révolutionnaires
a| lès la mort de son chef et après
la découverte delà conspiration, il
échappa à toutes les recherches, et
jiassa en Angleterre. Là , de coiic<rt
avec les principaux émigrés bretons,
TIN
ihs'ellbrça d'intéresser Je ijuait-tcre
anglais à la cause des royalistes qui
venaient de se déclarer avec tant
d'cfclat dans la Vendée. Pill le
choisit pour ouvrir les premières
coramuuications entre le cal)inet de
Londres et les Vendéens; d s'agis-
sait d'aller s'aboucher avec leurs
chefs, au centre même de la Vendée.
Décide' ta braver tous les dangers
d'une telle mission, Tintcniac s'em-
barque dans le mois de juillet 1793,
et se fait mettre à terre pendant la
nuit, aux environs de Sajul-IMalo.
Là, sans guide , sans passe-[)ort, il
traverse seul au point du jour la pe-
tite ville de Cliàleauneuf , répond ct-
loj en au </««' we de la sentinelle ,
passe sans être arrêté, et se trouve
bientôt dans l'intérieur des terres.
Gardé deux jours dans une métairie,
et conduit à des municipaux roya-
listes, ou le revêt d'habits de paysan
et on lui donne un guide. De station
en station, il atteint les bords ûc
la Loire, après avoir fait cinquan-
te lieues à pied eu cmq nuits, évitant
toujours les ])ostes et les cantonne-
ments des républicains. Le fleuve
était gardé par des chaloupes canon-
nières et j)ar des batteries placées de
distance en distance ; mais à l'aide
de matelots riverains dévoués à sa
cause, Tinténiac passe furtivement
sur la rive oiipose'e , parvient au
camp vendéen d'Isigny , et enfin
au cliàteau delà Boidaye , près de
Cliatillon , où étaient rassemblés les
chefs royalistes. Il leur montre ses
dépèches, et sur l'étonnement ([u'on
lui témoigne de ce que le miiiislire an-
glais l'a choisi pour un tel message,
lui dont l'inexpérience cl la jeunesse
pouvaient ne pas insjnrer une assez,
grande conliauce , il fait observer
d'abord ([r.e plusieurs autres gentils-
hommes avaient refusé cette péril-
11 IN
1€)3
leuse mission , [tuisil ajoute avec une
noble franchise : « Messieurs , outre
» les motifs d'intérêt général qui
» m'auraient seuls déterminé, je ne
') vous cacherai pas que j'ai été mu
» par une considération particulière •
» ayant en, vous le savez , une jeu-
» nesic très-blamàblc , j'ai voulu la
» faire oublier ou périr, d La con-
fiance s'établit, et on le chargea des
réponses aux pro^iositions du gou-
Aernement anglais , et de lettres
adressées aux princes frauçai.s. Il as-
sura que son retour serait prochain;
et tomme il maïupiait d'argent, on
lui fil compter cinquante louis , par
rijiîendant-généiaj. Travesti de nou-
veau en paysan , et conduit par dillc-
rents guides , il réussit , à travers mille
dangers, k regagner l'Angleterre , oti
il rendit compte de sa mission. Ce
fut sur les dépêches dont il était por-
teur, et d'après son rapport, que
l'on prépara la première exjiédition
anglaise en faveur des royalistes , ex-
pédition commandée par lord Moira
( depuis lord Hastings ) , mais qui
arriva trop tard sur les cotes du dé-
partement de la Manche. Les Ven-
déens n'avaient pu prendre Gran-
ville, et leur grande armée fut dé-
truite peu de temps après au Mans
et à Savenay. Toutefois Charette et
Stolfletvinrentàboutd'organiserdans
l'intérieur de la Vendée de nouveaux
rassemblements. Tinténiac , au mois
d'août 1794. li't fiivoyé près de ces
deux chefs. Débarqué sur les côtes
de Bretagne, il parvient de nouveau
sur les bords de la Loire, traverse
le fleuve à la nage , ayant ses dépê-
ches sur le cou, évite ainsi les postes
républicains, et aborde sur la rive
gauche , au moulin Saint-Jean. S'é-
tanl abouché successivement avec
Stolllet et Cliaretle , il partit avec
leurs tlépêches , et repassa ei» Brcla-
io4 TIN
gne. Lky il.<:onfera avec le comte de
Puisaye, quis'e.Torçait d'y organiser
le pai^ù roy^ilisle; et rengagea vive-
ment à passer a Londres. Puisaye ,
«ni recoimnt en lui un courage et une
aiscrct;on a toute épreuve, lui donna,
pour se l'atlacher;, le grade de chef
de division parmi les Chouans, Tin-
téniac,qni avait promis des infor-
ma lions exactes sur les royalistes de
la Vendée et de ia Bretagne , tint pa-
role à son arrivée à Londres. Dès-
lors il devint le mobile de toutes les
communications avec les royalistes.
Au commeacHnent de 1795, il re-
viqt d« Jersey avec plusieurs gentils-
homme«, pour concerter, avec le chef
breton Boishardv, un débarquement
d'armes, de mutiitions et de cent vo-
lontaires nobles^ sur le rivage du
département desCôtes-dii-Nord. Réu-
ni à Boishardy, il se mit à la tête
d'une colonîlede douze centsGhouans,
eteutà'souîenii-'contre les troupes ré-
pulilicaines julusieurs combats, où il
montri la plus grande valeur. Les
côtes étaient trop bien gardées, et
l'on ne put cîTectuer que des débar-
quements partiels. D'ailleurs les
royalistes de la Vendée et de la Bre-
tagne étaient difjà en jiourparlers
avecles républicains. Tinténiac refu-
sa de signer le traité de la Mabilais,
et repassa. en Angleterre. Ce traité
n'était qu'une trêve, et Tinténiac ne
tarda ])as à revenir en Bretagne, oij
il précéda Puisa ve , pour annoncer le
débarquelnent d'une grande expédi-
tion. Le'26"juin 1795, il fit lui-
même, sur la côte, le signal convenu
à sir John Warren, commodore de
l'escaclre anglaise. Le débarquement
s'elleetiia sur la jdage de Carnac,
près de OuibeioU. Tinténiac eut le
eommandementd'unc ries colonnes de
(îliouaiis que Puisaye arma et orga-
nisa dès son arrivée. Après divers
TIN
combats , et lorsqu'il eut pris le hoin-^
de Landevant , qu'il ne put garder
faute d'être soutenu, il fut chargé
d'opérer une diversion derrière l'ar-
mée quevenait de réunir le général
Hoche {F. Hoche, d'Hervilly et
SoMBREuiL ). Le G juillet , ayant
rassemblé quatre mille Chouans , il
s'embarqua sur des chaloupes , et
alla descendre vers la pointe de
Saint - Jacques , près de Vannes.
Son but était d'opérer sa jonc-
tion avec d'autres partis d'insurgés
dans l'intérieur. Ayant culbuté les
corps ennemis qui voulurent s'oppo-
ser à sa marche , il gagna 1^ forêt
de Mollac ^ avec sa troupe appelée
l'armée ronge à cause des uniformes
de cette couleur qu'on voyait en assez
grand nombre parmi les Chouans.
En sortant de celte forêt, il mar-
cha sur Josselin , somma inutile-
ment la garnison, mit le feu au fau-
bourg, et se dirigea sur la forêt de
Lorges, afin de pénétrer dans le dé-
partement des C6tes-du-Nord. Parve-
nu près du château de Coëdogon , il
trouve trois cents grenadiers répu-
blicains qui se mettent en devoir d'ar-
rêter son avant-garde. Tinténiac oi'-
donnc la charge, et disperse les ré-
publicains. Alors, s'abandonnant à
leur poursuite, il arrive seul dans
l'avenue du château , veut atteindre
un grenadier et le somme de se ren-
dre; mais au moment où il va le
saisir , le grenadier se retourne^
l'ajuste à bout portant et le ren-
verse d'un coup mortel. Aidé en-
suite par d'autres soldats , il partage
ses dépouilles. Les royalistes accou-
rent, mais trop tard, au secours de
leur chef.: ils letrouventbaigné dans
sou sang. Toutes les circonstances de
celle UKirl glorieuse rappclJ'rent la
fin du héros de la Vendée, Henri de
Larochejaquelin , avec lequel Tinté-
TIN
niac avait d'ailleurs tant de rapports
de zèle et de valeur. B — v.
TINTIGNAC (Arnaud de). F.
Arnaud, II , 49o-
TINTORET ( Jacques Robusti ,
plus connu sous le nom de ) , pein-
tre, naquit, à Venise, eu i5iji. Ce
nom de Tintoret , sous lequel il est
généralement connu , lui vint de son
père, qui exerçait à Venise le métier
de teinturier. Il fut élevé du Titien j
mais ce grand peintre , malgré son
géiiie , ne put voir sans envie les ra-
res dispositions de son élève , et se
hâta de le renvoyer de son école.
Tout autre que ]e Tintoret aurait été
découragé d'un événement qui sem-
blait lui fermer, à son entrée, la car-
rière desartsj il sentit, au contraire,
redoubler son ardeur. Il ne se borna
point comme ses condisciples à n'être
qu'un simple imitateur du Titien, il
osa concevoir le projet de devenir
le chef d'une nouvelle école, qui per-
fectionnât celle de son premier maî-
tre , et qui lui donnât les qualités
qui lui manquaient : vaste projet ,
qui ne pouvait naître que dans une
ame aussi brûlante et aussi élevée
que certame de sa propre valeur.
N'ayant pour demeui'e qu'une misé-
rable chambre, il sut l'ennoblir par
sespremièresétudes. II avait écrit sur
la muraille cette inscription qui fut
sa règle : le dessin de Michel-
Ange et le coloris du Titien. Il
ne cessait de copier avec une as-
siduité infatigable les tableaux, de
ce dernier, et de dessiner, jour et
nuit, les plâtres des statues que le
premier avait faites pour Florence.
Il y ajouta encore l'étude d'un grand
nojnbre de bas-reliefs et de statues an-
tiques. Dauji un catalogue d'antiquités
cité par IMorcIli , et qui se rapporte
à l'année iG^5, il est fait mention
d'un buste de Vitellius, qui servit
TIN io5
loug-ten.ps aux études du Tintoret .
et d'après lequel il ne cessait de des-
siner. II avait aussi l'habitude de
dessiner le modèle à la lampe pour
obtenir des ombres plus fortes , et se
foi'mer, par cette méthode, un clair-
obscur plus vigoureux. C'était pour
parvenir au même résultat, qu'il fai-
sait des maquettes de cire , qu'il ha-
billait avec un soin extrême , et qu'il
plaçait dans de petites chambres fai-
tes de planches ou de carton , aux fe-
nêtres desquelles il adaptait adroite-
ment de petites lampes afin de mieux
connaître I.i distribution des orabi-es
et des lumières. D'autres fois il sus-
pendait les mêmes modèles au pla-
fond avec un fil, leur donnait tou-
tes sortes de positions et les dessi-
nait de différents points de vue , afin
d'acquérir la science des raccourcis ,
dans laquelle sonécoleétaitbeaucoup
moins versée encore que l'école lom-
barde. Au milieu de ces travaux
multipliés, il était bien loin de né-
gliger l'étude de i'anatomie , qu'il re-
gardait comme indispensable pour
connaître le mouvement des muscles
et la charpente du corps humain : il
dessinait le plus qu'il pouvait d'après
le nu , il faisait p^-endre au modèle
toutes les attitudes possibles et cher-
chait à être aussi varié que la nature
elle-même. C'est ainsi qu'il se dispo-
sait à introduire parmi ses compatrio-
tes la véritable manière d'étudier , qui
consiste à dessi ner d'abord d'à près les
anciens, qu'il regardait comme les
modèles les plus parfaits, et à copier
ensuite le nu, dont ses premières étu-
des lui ])ermettaient de corriger les
défauts. Il suivit cette méthode lors-
qu'il peignit, dans l'église de la Tri-
nité , le tableau à.' Adam et d'Eve
séduits par le Serpent, et celui de la
Mort d'Ahel. Il dessina ses figures
d'après nature et au carreau 5 mais
\u6
TIiN
il y ajouta une certaine grâce de
cuutoiir , qu'il avait puisée dans les
bas-reliefs antiques. Atanldequalites
acquises, il joignait un geuie que Va-
sari, son détracteur, ne pouvait s'cm-
pècher d'admirer et qu'il regardait
comme l& plus terrible qu'on eût ja-
mais vu en peinture ; une imagination
inépuisable en idées neuves ; lui feu
pittoresque , qui lui faisait concevoir
parfaitement les caractères les plus
forts des passions, et qui ne l'aban-
donnait point qu'd n'eût exprime sur
la toile ce qu'il avait dans l'idée.
Mais à quoi servent et la science la
plus profonde et le génie le plus ra-
re , si l'artiste en néglige ia culture ?
Le Tintoret travailla d'abord avec
ce soin et cette conscience qu'exi-
geait l'art qu'il cultivait ; c'est alors
qu'il composa ces admirables ta-
bleaux, où l'œil le plus prévenu ne
saurait découvrir un défaut. Il faut
surtout mettre au premier rang de
ces chefs-d'œuvre le Miracle de saint
Marc , qui a fait, pendant plusieurs
années , l'un des plus beaux ornements
du Musée du Louvre. L'artiste avait
trente-six ans lorsqu'il l'exécuta , et
ce tableau a toujours été regardé
comme une des merveilles de l'école
véuitienne. C'est le coloris du Titien
avec une vigueur de clair ~ obscur
dont on voit peu d'exemples. La
comj)osition en est sobre , sage et
pleine de justesse; les formes sont du
plus beau clioix; les draperies étu-
diées , variées, naturelles , exactes ;
tous les personnages sont pleins do
vie , les attitudes d'une vérité qui
ctoMiic; mais rien n'égale la har-
diesse du dessin , la légèreté toute
aérienne du saint, (pu traverse les
cicux pour Miiir au secours de l'es-
clave. {>e talile.iu se trouvait dans
l'école de Saiiit-M.ir.' à Venise. Le
Tiutorcl avàil peint, dans le même
TIN
édifice, plusieurs autres compositions
si belles , que Pierre de Cortone di-
sait, en les regardant : « Si je de-
» meurais à Venise, je ne laisserais
» point passer un jour de fête sans
» nourrir mes yeux de ia vue de ces
» chefs-d'œuvre , et surtout sans en
» admirer le dessin. » On met pres-
qu'au même rang le Cntcifieme?it de
Jésus-Christ , (jue l'on voit dans l'é-
cole de Saiiit-Roch. Je me bornerai
à citer la Cèue , placée actuelle-
ment en dehors du réfectoire des
porte- croix , pour lequel elle avait
été ])einie. Ceux qui l'ont vue dans sa
])lace primitive, en parlaient comme
d'un miracle de l'art. La char])ente
du plafond avait été si bien reprise
dans le tableau . et la perspective
avait été entendue avec tant d'adres-
se, que la salle paraissait deux fois
plus grande qu'elle ne l'était effecti-
vement. L'artiste lui-même faisait
tant de cas de ces trois ouvrages ,
qu'il y mit son nom. Cependant il ne
faut p/as croire que ce soient les seuls
qui méiileiil d'être vantés. On peut
voir dans Zanetti la liste de tous ceux
que le Tintoret a exécutés avec le
soin le plus exquis , et qui sont pu-
bliquement exposés à Venise. Mais le
soin et l'étude accompagnent rai-e-
ment la manie de vouloir faire vite
et beaucoup. Voilà la source de tant
d'ouvrages , sinon ordinaires , du
moins bien inférieurs à ses chefs-
d'œuvre. C'est ce qui faisait dire à
AninbalCarrachc, que dans ])Iusieurs
de ses ouvrages, le Tintoret était infé-
rieur au Tintoret; et Paul Véronèse,
son admirateur, ne pouvait s'empê-
cher de regarder comme un malheur
qu'il eût fait tort aux maîtres en pei-
gnant de toutes les manières, ce qui
était, pour ainsi -dire , dégrader en-
tièrement le but de ce bel art. Ces
reproches tombent particulièrement
TIN
siir un trop grand nombre de ses
producllous, qui, conçues sans étude ,
eséculccs de pratique , et tout au plus
ébauchées, ne soutpas exemptes d'er-
reurs de dessin, etpèclient du côté du
jugement. On y voit une multitude
de ligures, ou superdncs, ou mal
groupées; ou , ce qui lui est plus or-
dinaire . dans une action exagérée ,
sans spectateurs qui les regardent
tranquillement, comme c'est la cou-
tume du Titien et des autres habiles
compositeurs. li ne iauLpas chercher
dans CCS ligures cette dignité sénato-
riale dont Reynolds Taisait nn des
mérites du Titien. Le Tiutorct s'at-
tacha bien plus an brillant qu'à la
noblesse ; et c'est des gens du peuple
de son pavs, le ])lus vif peut-être de
toute l'Italie , qu'il lira la plupart de
ses modèles de tète , et les attitudes
de ses ligures; il ne craignait pas de
les introduire dans les compositions
les plus importantes : dans queiques-
unes de ses Cènes , on ^ oit des ajio-
tres qui ressenihlent absolument à ces
gondoliers du canal qui, dans l'exer-
cice de la jame, le bras en i'airet le
cor|)S incliné, lèvent tout-à-co'jp la
tète avec cet air farouche qui leiir
e>t naturel , soit pour regarder , soit
pour lâcher un bon mot, soit pour
disputer. 11 abandonna aussi la ma-
nière de peindre du Titien , et cessa
de se servir . comme lui , de toiles
imprimées en blanc, et de craie, pour
employer des tojles obscures , ce qui
est cause que les tableaux (ju'il a
peints à \ enise , ont beaucoup plus
soulîèrt que les autres. Le choix des
couleurs , ainsi q:ie le ton géné-
ral , n'est pas celui du Titien. L'ou-
tremer est ia teinte qui domine ;
et lorsqu'il le mèk- au clair-ouscur,
c'est autant d'agrément ((ii'il ôte à
sa jieinture. On aiierçoit aussi dans
ses chairs une teinte vioiàtre dont il
TIN
107
abuse , et particulièrement dans ses
portraits. Le Titien et hii ne suivent
])as non plus le même principe dans
les proportions du corps humain. Il
n'aimait pas , si l'on peut s'exprimer
ainsi , la pléuiLiide du Titien; il re-
cherche davantage la légèreté; mais
le svelte dégénère quelquefois chez
lui en maigreur. Ce qui, dans ses ta-
Ijieaux , olïre ordina'remciit le plus
de négligence , ce sont les dra})eries ;
il est rare qu'il en ait fait dont les
plis alongés ne ressemblent pas à des
tuyaux. Quant ta ses erreurs de juge-
ment , il est inutile de s'y étendre ici;
on peut voir dans Yasari ce que cet
auteur en a dit, surtout à l'occasion
an Jugement universel , que leTinfo-
ret a peint à Sainte-Marie deU'Or-
to. Viais quelle que soitl'animositéde
son détracteur , il ne peut s'emjiécher
d'avouer que, dans ses autres ta-
bleaux , et même dans ce dernier, si
les diverses parties en eussent été
soignées comme l'ensemble , ce se-
raientdesoavrages miraculeux. Dans
ses autres ouvrages oii il a voulu
pour amsi dire improviser , il fait
briller une liberté de pinceau , une
originalité de génie, quin'appartien-
nent qu'à un maître supérieur. C'est
surtout .dans 1e jeu des lumières ,
dans la didiculté des raccouicis, dans
la bizarrerie même de l'invention ,
dans le relief, dans l'accord , que
ces qualités se manifestent. Dans les
tableaux bien conservés , la grâce et
l'harmonie des teintes ne sont pas
moins remarquables. IMais c'est sur-
tout dans l'art de donner la vie à ses
figures que le Tiutoret l'emporte sur
tous le-, iuaîtres;el c'est un proverbe
commun chez les artistes, (jue c'est
chez le Tiutoret qu'il faut étudier le
mouvement. Pierre de Cortone di-
sait à ce sujet, (pie si l'on comparait
toutes les peintures (juc l'on a gra-
loH
TIN
vées , on ne trouverait aucun peintre
e?;al au Tinloret en fureur pittores-
que. Sa longue vie, sa facilite' à pein-
dre , rendent presque impossible le
catalogue de ses tableaux. Il ai-
mait à de'ployer l'enthousiasme
dont il était anime' dans de vastes
coinpositions, ou du moins dans des
sujets où il pouvait introduire un
grand nombre de personnages. Par-
mi les premières , une des plus célè-
bres, une de celles aiixquelleslesCar-
raclics ne purent refuser leur admi-
ration, est celle qu'il exécuta dans
sa vieillesse, pour la salle du grand
conseil , et dans laquelle le nombre
des figures est presque incalculable.
Ce tableau représente le Paradis : si
les groupes étaient mieux distribués ,
et les figures moins amoncelées, Al-
garotti l'eiit sans doute moins criti-
qué, en le citant comme un exemple
de composition mal imaiginée. Le Tin-
toret donna nne])rcuve éclatante de sa
facilité lorsqu'il fallut exécuter les
peintures de l'écolcdeSaint-Rocli. Les
membres de cette communautéavaient
deinandédesdes.sinsà Paul Véronèse,
à Salviati , à Frédéric Zucciiero et au
Tintoret , dans l'intention de choisir
les meilleurs. Mais le ïintorct eut
terminé et mis son tableau en place,
avanlque les autres eussent seulement
achevé leurs esquisses. Ce tableau re-
présentait V Apothéose de saint
Rock. Il lui mérita le surnom de
Furioso. Le doge et le sénat de Ve-
nise l'ayant préféré à Salviati et au
Titien lui-même ])our peindre, dans
une des grandes sallcsdu palais, la nié-
niorable victoire remjiortc'c, en 1 5- i ,
par les Vémliens sur les Turcs dans
le golfe de Lépante. malgré la vaste
étendue de la composition , et la mul-
Jiliidedfs (igiucs qu'il y introduisit,
li ne mit cfijcudant qu'une année à le
terminer. Il aimait sou art avec une
telle passion , son désintéressement
était si grand, qu'il ne demandait,
pour l'exécution des plus vastes ma-
chines, que le remboursement de ses
frais.'Onl'a vu aider plusieurs fois le
Schiàvone et d'autres peintres dans
la composition de leurs ouvrages pour
le seul plaisir de peindre. Quand
Henri m, roi de Pologne , passa à
Venise pour revenir en France, Tin-
toret se mêla, sur le Bucentaure, par-
mi les écuyers de ce prince , et lit son
portrait au pastel. Immédiatement
après il le peignit à l'huile , et le roi
lui permit de le terminer d'après lui.
Le fameux Arétin, lié d'amitié avec
le Titien , se permit de mal parler
du Tintoret en plusieurs occasions.
Le peintre le rencontra un jour, et
l'invita à venir chez lui pour qu'il fît
son portrait. L'Arétin ayant accepté,
Tintoret tira de dessous son habit un
pistolet chargé à balle ; le satirique
plein de frayeur lui demanda quel
était son dessein. Ce n'est rien , dit
le peintre, je veux seulement pren-
dre ta mesure. Il le mesura en effet,
et lui dit , tu as deux fois et demi
la longueur de mon pistolet. L'Aré-
tin ne put s'empêcher de rirej mais
à l'avenir il se montra ])lus réservé
dans ses propos. Les véritables Tin-
toret sont rares dans les galeries d'I-
talie; ils sont assez communs à Ve-
nise. C'est là que l'on peut vérifier
l'exactitude de Ridolfi sur un fait qui ,
an premier aperçu, semble peu croya-
ble, c'est que le Tintoretpeiguailquel-
quefois avec le fini d'un peintre en
miniature. Il existe, dans la noble fa-
mille de Barbarigo à San-Polo , une
Suzanw de ce genre , où l'artiste a
représenté un parcdélicieux avec des
volières d'oiseaux rares , des la])ins
et autres animaux , et dans lequel
ces accessoires et les figures sont étu-
diées et finies avec l« soin le plus
TIN
exquis. Le Musée du Louvre possé-
dait , en 1 8 1 4 , dix.-sept tableaux de
ce maître ,. parmi lesquels se trou-
vaient le célèbre tableau du Mira-
cle de saint Marc , le chef-d'œuvre
de son auteur, et sainte Agnès res-
suscitant le fils de Se mpronius , pré-
fet de Rome. Onze de ces tableaux
ont été repris , on i8i5 , par l'Au-
triche. Parmi les six que possède en-
core le Musée, ou distingue particu-
lièrement trois portraits , dont un est
celui de l'auteur peint par lui-même,
et un tableau de Suzanne au bain.
Les deux autres , dont les sujets sont
une Cène et un Christ mort, soutenu et
pleuré par les auges , ne peuvent être
considérés que comme desimpies es-
quisses. Ce grand artiste mourut à
Venise, en i5g4, âgé de quatre-
vingt- deux ans. — Dominique Ro-
BUSTi , lils du précédent, et son
meilleur élève , naquit à Venise ,
en i565 j mais il suivit son père
comme Ascagne suivait Euée, non
passibus œquis. Il y a une grande
conformité dans les airs de tète, dans
le coloris , dans l'accord général j
mais la différence dans le génie est
immense : aussi attribue-t-on à son
père tous les tableaux qui dénotent
quelque esprit, ou du moins soup-
çonnet-on qu'il y a mis la main.
Cependant on fait mention de quel-
ques vastes machines exécutées par
lui. On loue particulièrement celles
qu'il a remplies de portraits , talent
dans lequel le Zanetto le regarde
comme égal à son père. On voit un
tableau de cette espèce dans l'école
de Saint-Marc, où, comme dans ses
autres compositions , les figures sont
disposées avec plus de sagesse que
celles de Jacques, finies avec plus de
patience , et peintes avec une méthode
plus solide et plus durable. Lorsqu'il
parvint à la vieillesse , il tomba dans
TIN
109
le maniéré , qui commençait à être
en vogue à cette époque. C'est à ces
signes que l'on peut distinguer ses
productions de celles de son père , et
déjouer la mauvaise foi de ces bro-
canteui'S qui n'ont à la bouche que
le nom de Jacques , parce que ses
tableaux se vendent plus cher. Do-
minique a peint en outre un grand
nombre de portraits , une assez
grande quantité de petits tableaux
de mythologie et d'histoire sacrée ,
où il a mis son nom. Dans ce nom-
bre , on fait cas de son tableau de la
Madeleine pénitente , que l'on voit
au Capitole, et dont la couleur est
digne des meilleurs maîtres de l'éco-
le vénitienne. Cet artiste, qui jouirait
d'une plus grande réputation s'il
eût porté un autre nom , mou-
rut à Venise , en 1637, à l'âge de
soixante-douze ans ; il devint para-
lytique de la main droite , et se mit
à peindre avec succès de la main
gauche — Maria Robusti , fille et
élève de Jacques Tintoret , connue
sous lenom deJ/ar/eîfa TI^T0RELLA,
naquit, à Venise, en i56o. Montrant
la même aptitude pour la musique
que pour la peinture, elle jouait par-
faitement de plusieurs instruments ;
mais l'art dans lequel son père excel-
lait décida de sa vocation. Elle
abandonna toutes ses autres études
pour se livrer uniquement à la pein-
ture. Sous la direction de son père,
elle se rendit bientôt habile dans la
double science du dessin et de la cou-
leur ; elle étudia assidûment l'anti-
que , et se forma ainsi un excellent
style et une grande adresse de main.
Quoiqu'elle eût pu se distinguer dans
la peinture historique , elle sentit que
ce genre avait quelque chose d'ctran-
ge pour son sexe , et elle se borna à
peindre le portrait. Elle y fit de tels
progrès , que de son temps on met-
110 TIO
tait SCS oiivrnges presque au niveau
de ceux du Titien. Ils brillaient par
la linesse et l'élégance du dessin , et
par la force et le naturel du colo-
ris. Son pinceau était libre, sa tou-
che brillante et pleine d'esprit , et ses
portraits n'étaient pas moins remar-
quables par la beauté de l'exécution
que par l'exactitude de la ressem-
blance. Toute la noblesse fle\enise
se fit peindre par elle. L'empereur
Maximilien , le roi d'Espagne Phi-
lippe II, l'archiduc Ferdmand, cher-
chèrent par les oil'res les plus avan-
tageuses à l'attirer cà leur cour; mais
sa tendresse pour son père lui lit
rejeter toutes ces propositions. Elle
n'avait (pie trente ans lorsqu'elle mou-
rut, en i5go. Son père eut le mal-
heur de lui sui-vivre. P — s.
TIODA , architecte, né dans le
neuvième siècle , fut chargé par le
roi des Asturies, Alphonse le Chaste,
de la construction de plusieurs édili-
ces remarquables , dont ce prince
voulait embellir la ville d'Oviédo *
lorsqu'il v établit sa résidence. Le
jnemier fut la basilique de Saint-
Sauveur, avec deux autres égiises
sur les côtés , l'une dédiée à la Vier-
ge, l'autre à Saint Michel. La lia-
silique fut démolie, en i38o, et
l'on construisit sur son emplace-
ment la cathédrale qui existe au-
iourd'hui; lesdeux autreséglises sub-
sistent encore, (lelle de la Vierge a
cent ])ie(ls de largeur ; elle est divi-
sée en trois nefs , de six arcades cha-
cune el toutes portées sur des piédes-
taux. La |)iiiiripa!e chapelle et les
deux chapelles latérales . qui ont été
terminées, sont bien proportionnées
et ornées de marbres niagmliques. I,e
reste de cet édilice n'a jioint été
achevé, et le toit bas et écrasé que
l'on avait élevé provisoirement pour
mettre les ouvriers à cDUvert pen-
TIO
dant les travaux est celui qui existe
encore aujourd'hui. La basilique de
Saint-Michel renferme deux églises,
l'une inférieure et l'autre supérieure.
La première est construite sur une
voûte extrêmement solide , dont l'ob-
jet est d'élever davantage la seconde
en dessus du sol , et de la préserver
de l'humidité. On monte à cette égli-
se supérieure , nommée aujourd'hui
Caméra santa , par la croisée de la
cathédrale, au moyen d'un escalier
de vingt-deux marches. On arrive
d'abord dans une salle voûtée , de
vingt pieds ; on passe de là , par une
porte en arcade _, dans une autre salle
moins grande , mais également voû-
tée,d'où l'on descend enfin, par douze
marches , dans une église ornée d'un
grand nombre de travaux précieux
et remplis de délicatesse, longue
de vingt-cinq pieds , et large de seize,
et dont la voûte , quoique portée
sur les murs , semble soutenue par
six colonnes de marbre dillcrents ,
sur chacune desquelles sont placés
deux des douze apôtres. Le ])avé est
une mosaïque en pierres de dilléreu-
tes couleurs. Tioda construisit aussi
le palais du roi , orné de peintures ,
et que l'on croit être celui qu'habite
actuellement l'évêque d'Oviedo. Cet
édifice a été loué par le roi Alphon-
se le Grand, dans sa chronicpie , de
la manière suivante : « Cujus opc.ris
pulchritudo plus prœsenspotest mi-
rari <.juam erudito scriba laudari. »
Le même artiste édifia en outre l'é-
glise de Saint-Julien, extra muros :
grand et bel ouvrage , et qui tient
plus du style grec modeine que du
gotlii(|ue. Sans doute ces divers édi-
fices ne méritent pas tous les éloges
qu'ils reçurent de leurs contempo-
rains ; mais a réj)0(|iie où ils furent
construits , ou ne connaissait rien de
semblable. Aucun artiste n'aurait su
TIP
donner alors à ses édifices autnnt de
solidité , des proportions p;cncra1es
anssi régulières, et des ornonientsd'ini
aussi bon goût. C'est doue avec jus-
tice que Tioda obtint la faveur du
roi don Alphonse le Chaste et de son
successeur don Ramiie , qui lui
confia la conduite de deux églises
non loin d'Oviëdo. La plus grande
des deux , appelée Santa Maria , est
toute unie au dehors et au dedans ;
mais le plan en est bien distribue, les
})roporlionsen sont exactes, et elle est
si solidement construite, ([u'clle s'est
conservée intacte jusqu'à nos jours.
L'autre, sous l'invocation de Saint
Michel, est beaucoup plus petite ; elle
n'a que quarante pieds de long sur
vingt de large ; mais, dans sa peti-
tesse^ les proportions en sont si bel-
les , que les artistes les plus fameux
jiourraient l'étudier avec fruit. Le
vaisseau, lorsqu'on est dans l'inté-
rieur du monument , cause l'admira-
tion par sou élévation , par la beauté
des deux escaliers qui servent à y par-
venir, par la commodité et la ma-
nière habile dont les joins se corres-
pondent. Toute cette construction est
gothique , quoiqu'elle ait quelque
chose du goût romain. On y remar-
que douze colonnes de marbre par-
faitement distribuées. C'est sur ce
modèle que Ion a élevé un grand
nombre des églises les plus remar-
quables de l'Espagne. P — s.
TIPHAJGÎ^K DE LA RO(,HE
( C-harles-François ), né à Monte-
bourg , diocèse de Coutances , en
17^.9, mort , dans sa patrie , le vi
août 177/; , était médecin et littéra-
teur. (iC n'est qu'à ce dernier titre
qu'il est encore connu. Il avait ])ris
ses degrés à runiversilé de Caen. On
a de lui : L \j Amour dévoilé ou le
système des sjmpathistes , 1751,
in-i2, ouvrage moitié par chapitres,
TIP ,1,
moitié par lettres, où l'auteur , après
avoir réfuté Platon, Aristote, !)es-
cartes , donne la transpiration pour
cause de nos alfections ; c'est-à-dire
que la matière tianspirante de l'un,
selon qu'elle chatouille, blesse les fi-
bres de l'autre, ou ne produit aucun
ellèt , devient la cause de l'amitié, de
la haine ou de l'indiUérence. IT.
Âmilec au la graine d'hommes ^
17.04 , in-i2, critique, sous la forme
d'un songe , des faiseurs de systèmes
modernes, et satire générale de plu-
sieurs états. IIL Bigarrures j'iiiloso-
phiques , 1 7 Sp , 'i vol . in- 1 y , rej)ro-
duitessans avoir été réimprimées sous
le titre de -.Les discours d'Ihrahijn,
etc.. 1779, 2 vol. iu-ia. C'est un
mélange de sérieux et de badinage,
composé de trois articles : i'\ fai-
sions d'Ibrahim; 9.". Foj'age aux
Limbes ; 3°. Essai sur la nature de
l'ame. IV. Giphantie , 1760, deux
parties in-8'\ Giphantie est le nom
d'une lie que l'auteur suppose avoir
été donnée à des génies, un jour avant
que le paradis terrestre échût en par-
tage à x\dam. Ce roman , tout-à-la-
fois moral, critiqi;e et satirique, a été
traduit en anglais, y .Essai sur l'his-
toire économique des mers occiden-
tales de France , 1 n(Jo, in-8'*. L'au-
teur parle d'aboj'd des produits de
la mer en général ^ et de leur uti-
lité; puis il traite spéci-demrnt de ce
qui regarde le canal delà Manche,
des fonds et de la variété des côtes ,
des pêches, de l'origine de certains
péages sur la marée, etc.; la derniè-
re partie de son livre est consacrée à
des espèces particulières de pêches,
telles que celles des marsouins, des
huîtres, etc., et à l'occasion de cha-
cune d'elles il propose des amé-
liorations. "V). Obseri>ations physi-
ques sur l'agriculture , les plantes .
les minéraux^ ^']^^ ? in-H^\ VU
ll'J. IIP
L'empire des Zaziris sur les hu-
mains, ou la zazirocratie , Pékin
(Paris), 1761, in- 16 de 121 pag.
Les Zaziris sont des sylpiics ou des
génies qui influent sur chacun de
nous à tout instant et dans toutes les
circonstances. La zazirbcratie est
un récbautlé de beaucoup d'écrits ,
entre autres du Comte de Gabalis ,
de l'abbé de Viliars. VIIL Sanfrein
ou mon dernier séjour à la campa-
gne, 1765, In- 12, reproduit sous le
titre de : La girouette ou Sanfrein,
1770, in-i2. Ce petit roman, qui
n'a pas '^oo pages, obtint le suffrage
de Frérou , qui ( Année littéraire ,
1 765 , tome IV, page 1 75 ) , dit que
l'auteur aurait dû étendre cette ba-
gatelle. On a attribué à Tipbaigne
une nouvelle édition du Dictionnaire
de Furetière , à laquelle il a fait
quelques additions • nais la dernière
édition du Dict. de Furetière ( V.
FuRF.TiÈRE , XVI, 188 ) a paru en
1725, c'est-à-dire quatre ans avant
la naissance de Tiphaigne, A. B — t.
TIPHAINE (Claude), jésuite,
né, à Paris, en i'^7 i , entra dans la
société, en iSqS, y prononça ses
quatre vœux quinze ans après , pro-
fessa la philosophie et la théologie
pendant plusieurs années , fut succes-
sivement recteur des collèges de
Reims, Pont-à-Mousson, Metz, La
Flèche, puis chancelier de l'universi-
té de Pont-à -Mousson, et enfui pro-
vincial de Champagne. Ayant quitté
cette dernière charge, il ne voulut
plus avoir un feu particulier, malgré
les offres des supérieurs et la faibles-
se de sa santé. Il avait, dit-on, sur
la grâce des sentiments opposés à
ceux de sa compagnie. Il mourut à
Sens . le 27 décembre iGj i . On a de
lui : J. Avertissement aux héréti-
ques de Metz , sur le ministre Paul
Feiri, Ponl-à-Monsson, i6iH,in-
TIP
8". ( Foy. Ferki , XIV, 435 ). II.
Declaratio ac dejensio scholastica
doctrinœ sanclorum patrum de hr-
postasietpersond , Pont-à-Mousson ,
1634, in-4'>. III. De ordine , deque
priori et posteriori liber ad varias
et célèbres theologiœ ac philosophiœ
quôestiones enodandas, Reims, i(J4o,
in-4"
A. B— 1
TIPHERNAS. F. Tifernas.
TIPPOU - SULTHAN BP^HA-
DOUR, dernier nabab de Mjïssour
(ou ftlysore, suivant l'orthographe
anglaise), naquit en 1749, et porta
d'abord le nom de Feth-Aly Kha>.
Il reçut celui de Tippor-SAHEB, soit
à la circoncision, soit lorsqu'à l'âge
de seize ans il fut nommé dyvan ou
intendant de Bcdnor, par son père
Haïder-Aly Khan 5 et comme il don-
na des preuves de bravoure et de ca-
pacité en plus d'une occasion, sous
le règne de ce prince ( Foy. Hyder-
Aly), son nom de Tippou- Saheb
semble avoir prévalu sur ceux de
Tippou -Khan et Tippou -Sulthan ,
qu'il Y^i'it en montant sur le trône, le
7 décembre 1782. Il se trouvait dans
le ïanjaour, avec un corps de trou-
pes, lorsque Haider mourut. Les An-
glais , alors en guerre avec ce dernier,
profitèrent de celte double circons-
tance. Le brigadier - général Mat-
thews , qui les commandait , se mit
en campagne dès la lin de février
1783, et s'empara successivement
d'Onor, de Condapour, de Manga-
lor, de Bednor et d'Anampour , où
une partie de la famille du nouveau
souverain tomba au pouvoir des vain-
queurs.Tippou arrêta bientôt le cours
de ces succès. A la tète de vingt-
cinq mille hommes, parmi lesquels
était un corjis ilc mille Français, il
parut devant Bi'dnor , le 9 avril , et
força Matthcws d'évacuer la place ,
par suite d'une capitulation , où
TIP
il fut stipulé que les Anglais retour-
neraient à Bombay, par Goa , après
qu'ils auraient rendu Bednor, Anara-
pour et Colidroug , ainsi que l'ai-
gent, les armes , et les magasins ap-
partenant à leur gouveraement. Cette
capitulation fut violée de part et
d'autre. Les Anglais ayant voulu
soustraire une somme considérable ,
en la distribuant aux officiers qui de-
vaient la rendre au trésor public , uu
accident fit découvrir leur superche-
rie. Alors Tippou retint prisonniers
le général anglais et sa garnison , les
fit fouiller, dépouiller, charger de
chaînes, et les accabla de mauvais
traitements. S'il faut en croire les au-
teurs anglais, il poussa la barba-
rie jusqu'à faire empoisonner IMat-
thevis et plusieurs de ses otlio!ers,et
trancher la tète, en sa présence, au
fière de ce général , qui fuyait chargé
d'or et de bijoux. Il assiégea ensuite
Mangalor, qu'il ne put prendre, quoi-
qu'il eût découvert et puni la tra-
hison de son général en chef, qui se
disposait à passer du côté des Anglais
avec une partie de ses troupes. Le
siège durait encore, lorsque Tippou
reçut la nouvelle delà paix de Ver-
sailles entre la France et l'Angleter-
re. Il suspendit à l'instant les hosti-
lités, et prêta l'oreille à des négocia-
tions qui se terminèrent par un traité
signé à Mangalor, le 1 1 mars 1784.
Les Anglais rendirent toutes les pla-
ces qu'ils avaient conquises, et pro-
mirent de ne point aider les ennemis
de ce prince. Tippou , de son côté ,
restitua aux Anglais leur comptoir
de Calicut , que Haider leur avait en-
levé; promit d'évacuer les états des
radj.ihsdeTaujaouretdeTravancor,
leurs .'illu'S, et renonça à ses prcten-
fions sur le Carnale. Telle fut l'issuc
de la première guerre que Tippou eut
à soutenir contre les Anglais. Les lé-
TIP
ii3
gers avantages qu'il y avait obtenus
le remplirent de présomption . et en-
tretinrent cette haine héréditaire qu'il
leur avait vouée, et qui fut la pensée
de toute sa vie. Heureux, Si à l'am-
bition et à la bravoure qu'il tenait de
son père , il eût joint la prudence, la
modération et les talents politiques
qui n'avaient pas moins contribué
que les armes à fonder la puissance
de ce prince. Haider n'avait pris que
le titre de naïb ( lieutenant ) , et mon-
trait souvent au peuple le radjah lé-
gitime deMaissour, au nom duquel
il promulguait les actes de la souve-
raineté. Tippou se délivra de cette
entrave. Il laissa le radjah et sa fa-
mille dans l'oubli et dans la misère.
Il prit les titres de sulthan , de vain-
queur , et s'arrogea ceux de tous les
princes de la presqu'île de l'Inde ,
dont il prétendait être le suzerain.
Pi!:s lard même , à l'époqiîe où la ma-
jesté royale fut violée par un rebelle,
dans la personne du souverain tiîu-
laircdel'Indoustan [F. Chah-Alem),
il ajouta à tous ses titres celui de Pa-
dischah (empereur). Pour soutenir
le rang auquel il s'était placé, il sup-
jiléa , par le faste, à la véritable
grandeur; et sa cour devint une des
plus brillantes de l'Orient. Il porta
son armée jusqu'à deux cent mille
hommes; mais ces dépenses n'étant
pas en proportion avec l'étendue et
la richesse de ses états, il vit ses re-
venus diminuer et ses ressources s'é-
puiser. Toujours bercé néanmoins dn
vain espoir de domhier sur l'Indous-
tan ou d'en expulser du moins les
Anglais , il voulut s'assurer de l'ap-
pui et des secours de la France. Il lit
partir a-la-r'ois siv ambassadeurs, en
178-. Trois prirent leur route par le
golfe Persique , Bassora , Baglidad ,
l'Asie Mineure et Coiistantinopîe . et
éprouvèrent toutes sortes d'accidents
8
I \i
TIP
et de contrarictcs dans ce pénible
et périlleux toyoge. Celui des trois
qui survécut à ses deux collègues n'o-
sa ou ne put continuer sa mission. Il
se joignit à la caravane des pèlerins
de la Mekke , et gagna un port de la
mer Rouge , où il trouva un navne
qui le ramena dans l'Inde. Les trois
autres ambassadeurs s'embarquèrent
à Pondichery, le 2'i juillet i 787 , et
arrivèrent à Toulon le 9 juin de l'an-
née suivante. Ils furent , pour la Fran-
ce, qu'ils traversèrent, un objet de
curiosité, et alimentèrent, pendant
quelques mois , les conversations et
les journaux. Us obtnirent une au-
dience publique de Louis XVI , le 3
août T^cSS; ruais au lieu des secours
qu'ils venaient solliciter on n« leur
donna que des spectacles et des fêtes.
Le mauvais état des finances, la crain-
te de troubles intérieurs , empêchè-
rent le roi de Fiance de réaliser les es-
pérances tbi na])ab de Maïssour. Il se
borna au renouvellement de l'allian-
ce avec Tijipou , alliance qui demeu-
ra sans ellets, ces deux princes ayant
péri peu d'années après, l'un poin-
avoir trop aimé la paix, l'autre vic-
time de son ambition guerrière. Les
ambassadeurs furent de retour à Se-
riugapatnam au mois de mai 1789.
Comme ils n'avaient pas réussi dans
la dcm.iiide (pii était l'objet princi-
pal de leur mission^ et qu'ils ne ces-
saient d'exalter l'étendue, la popu-
lation , la richesse du rovaume qu'ils
venaient de parcourir- Tippou , (jui,
zélé musulman , croyait qu'aucun
potentat chrétien n'égalaitsa]niissan-
(•<■, fut blessé dans sa vanité: trompé
d'ailleurs dans son altenle jiar le peu
de succi's de son ambassade, il s'eiè
j)rit à ses agents , et en fit assassiner
deux. Il saisit bienlôt uiieoccasicui de
recommencer la gueire. Les Hollau-
«lais pus.se'dau'iil les forts de Cocliiii ,
TIP
d'Akkotah et de Granganor , dan» le
Malabar^ près des frontières de Maïs-
sour. La médiation des Français les
avait rétalilis dans la possession de
Cranganor , que Haidcr-Aly leur avait
enlevé. ïippou éleva des prétentions
sur ces places, situées dans les états
du radjah de Cochin, son vassal, et
marcha sur Cranganor avec des for-
ces considérables , au mois de juin
1 789. Les Hollandais , pour sauver
leur établissement de Cochin, vendi-
rentles deux autres au radjah de Tra-
vancor. Tippou ne voulut pas recon-
naître une vente faite sans son aveu;
et , le 29 décendjre, il envahit les
frontières de Travancor. Sur les
représentations du gouvernement de
Madras, il offrit de s'en rapporter
à des arbitres impartiaux, et rcs
la dans ses lignes, en attendant le
résultat des négociations. Il y fut at-
taqué, le i'^''. mars 1790 , par le rad-
jah de Travancor. Les Anglais pri-
rent part h cette action, comme alliés
du radjah , et ne furent pas fâchés de
recommencer la guerre contre un
prince qu'ils desiraient humilier. Dès
la première campagne, les hostilités
s'étendirent au-delà de la chaîne des
Ghàts. Tippou opéra nue diversion
dans le Carnate, et sut éviter habile-
ment toute action décisive avec l'en-
nemi. La seconde campagne s'ouvrit
par le siège de Bangalor , dont la
prise fixa le théâtre de la guerre
sur le territoire de Maïssour. Dcu\
armées anglaises , l'une commandée
par lord Cornwallis, qui avait fait
cette conquête , l'autre venue de
Bombay , sous les ordres du géné-
ral sir John Abercromliy , qui s'em-
jiara de Caiianor , pénétrèrent ,
apiùs une suite de succès , ])irs
des murs de vScringapaluam , eu
«791. l'aies se disposaient à foiiuer
le siège de cette capitale , lorsipu! les
TIP
filtiies , ie débordement des rivières ,
a disette et les maladies , les forcè-
rent , au mois de juin, de se retirer.
Ce fut vers ce temps-là que Tippou
chargea M. Léger , commissaire
français dans l'Inde, d'un message
particulier, dont l'objet était d'obte-
nir de Louis XVI un corps de six
mille hommes. Il oifrait de payer
le voyage, la solde et l'entretien
des troupes françaises , se faisant
fort de détruire, avec leur secours ,
l'armée et les établissements des
Anglais dans l'Inde , et d'en assu-
rer la possession à la France. Cette
proposition , présentée secrètementà
Louis XVI , par !e ministre Ber-
trand de Molîeville , fut sans ré-
sultat , parce que ce prince se repen-
tait alors d'avoir favorisé l'indépen-
dance des États-Unis d'Amérique,
et qu'il était déjà sans autorité.
Cornwallis revint, l'année suivante,
renforcé par les troupes du Nizam et
par les Mahratles, qui s'étaient coa-
lisés avecles Anglais conti'eun inquiet
et ambitieux voisin. Cette deniicre
campagne fut fatale au sulthan. La
prise de Co'imbettour , qu'il força de
se rendre, et dont il viola la capitu-
lation, ne put balancer les revers qu'il
éprouva. Les alliés ayant réduit plu-
sieurs places, enti'c autres la forte-
resse de Nundydroug et celle de Sa-
vendroug, ou le Rocher de la mort,
qui passait pour imprenable, arrivè-
rent devant Scringapatnam , le 5 fé-
vrier 1792. Deux jours après, Tip-
pou , chassé de son camp retranché,
fut contraint de se renfermer dans sa
capitale , où il fut vigoureusement as-
siégé jusqu'au 24. Menacé d'un as-
saut, il accepta les conditions qui lui
furent proj)osées , et le traité fut si-
gné le i(S mars. Il céda aux alliés la
moitié de ses étals, et leur paya une
somme considérable à titre d'indem-
TIP ii5
nité. Mais la clause la plus dure et la
plus humibantc fut celle qui l'obli-
gea de donner, pour garanties de
l'exécution du traité , deux de ses
iiis , Abd-el-Khalil et Moezz.-eddyn ,
enfants de huit à dix ans. Ainsi se
termina lUie guerre qui avait coûté
an sulthan soixante-sept forts, huit
cents pièces d'artillerie et cinquante
mille hommes. Depuis cette époque ,
sa cour cessa d'être le séjour des
plaisirs. Le deuil régna dans son pa-
lais ; et son caractère devint plus
irascible, plus dur, plus impérieux.
Tippou ne parut désormais péné-
tré que d'un seul sentiment, celui de
la vengeance. Il ne s'occupa qu'à
susciter des ennemis aux Anglais. En-
toui'éde puissances gagnées par eux,
il envoya , en 1707^ ""e araiiassade
jusque dans le nord de l'inrle, au-
près de Zemau-Chah , roi de Kaboul .
pour l'engager dans une alliance
dont le but devait être de chasser
les Européens de l'indoustan, d'y
anéantir la religion des Brahmes , et
de rétablir l'antique splendeur du
trône du Dehly , en y plaçant un
autre prince de la famdie de Ta-
merlan, et en l'affranchissant du
joug honteux des infidèles. Quoique
le roi de Kaboul fût ambitieux et
entreprenant , il ne goûta point ce
projet, soit qu'il prévît trop de dif-
licullésdans son exécution, soit qu'il
craignît de n'être que faiblement se-
condé par le sulthan de Maïssour,
qui , depuis ses derniei's revers , ne
pouvait plus être compté parmi les
puissances pi-épondérantcs de l'Inde.
Tippou, ayant encore échoué dans
cette négociation , conçut l'espoir
d'être soutenu par le gouvernement
républicain qui s'était élevé en Fran-
ce sur les ruines de la monarchie,
et qu'un intérêt commun devait unir
avec lui contre l'Angleterre. Les
8..
ji6 TIP
Français avaient toujours été ac-
cueillis à la cour de Maïssour. La
perte de Poudiclicry y en attira un
plus grand nombre , la plupart gens
ruines ou aventuriers , sans principes
et sans e'ducation. Tippou, entretenu
par eux dans ses cspcrauces imagi-
naires , s'avilit en les admettant dans
sa familiarité, en se prêtant à leurs
manies démagogiques. Ils établirent
à Seringapatnani un club de jaco-
bins , qui tint sa première séance
le 5 mai 1797. Ils y jurèrent haine
à la royauté , aux tyrans , exceplé au
citojen Tippou-le-Victorieux, Dix
jours après, ils arborèrent solennel-
lement le drapeau tricolore, et se
rendirent sur la place d'armes oii ils
plantèrent l'arbre delà liberté, au
bruit des salves d'artillerie , et enpré-
sence du citoyen prince. Ce fut par
les conseils d'un nommé Ripaud ,
capitaine corsaire^ qui s'était établi
le président de cette société populai-
re et le représentant de la nation
française dans l'Inde, que Tippou se
décida à envoyer secrètement deux
ambassadeurs à riie-de-France, pour
y proposer une alliance avec le gou-
vernement français, et demander des
troupes, lis y arrivèrent le 17 jan-
vier 179B. La publicité que le géné-
ral Malartic , gouverneur de la
culonie , donna à cette ambassade,
devint funeste au sulthan , et les se-
cours qu'il lui envoya , insufîlisant.s
pour le défendre, servi lent de pré-
texte aux Anglais pour l'altaqner.
Ces secours consislaieiit m trois com-
mandants, deux oiliciers d'artillerie,
six oiliciers de marine, quatre cliar-
penticrs de vaisseau, vingt-six offi-
ciers , sergents et interprètes , et
soixante-deux soldats européens ou
mulâtres. L'invasion de l'Egypte
par les Français , doux lettres adres-
sées par le général Huonajjarle au
TIP
sulllian de Maissour , et interceptées
par les Anglais; et plus que tout ce-
la , le système d'agrandissement que
ces derniers ne cessaient de mettre
en pratique dans l'Inde , décidèrent
du sort de Tippou. Le gouverneur-
général , marquis de Wellesley, après
s'être assuré de la neutralité des
Malirattes,etde l'alliance du Nizam,
fit marcher une armée nombreuse,
sous les ordres du général H;irris ,
tandis que les troupes de Bombay^
commandées par le général Stuart,
arrivaient à Cananor. L'imprudent
Tippou , qui avait répondu d'une
manière évasive à toutes les pro-
positions d'accommodement , ou-
vx'it les yeux sur les dangers dont
ses états étaient menacés par cette
double invasion. Il rassembla tou-
tes ses forces , mit des garnisons
dans ses places, et vint camper avec
Go mille hommes à Periapatnam ,
pour s'opposer au général Stuart,
Battu le 6 mars 1799, à Sidasir, il
laissa à Periapatnam quelques trou-
pes , pour disputer cette position , et
marcha à la rencontre du général
Harris , qu'd attaqua avec impétuo-
sité, le 27 mars, à Malaveli, à huit
lieues de Seriugapatnam. Mais au
bout d'une heure de combat , son
armée fut mise dans unedéroute com-
plète, et il ne lui resta d'autre parti
à prendic que de se renfermer dans
cette dernière place. 11 y fut in-
vesti, le 4 'ivril. Après des elï'orts
inutiles pour re])0usser les attaques
des assiégeants , Tippou tenta de
renouer les négociations; mais les
conditions ([ue le général Harris lui
imposa lui semblf'rent si dures ,
qu'il n'y répondit pas, et il ne son-
gea plus qu'à vauicre ou à s'ense-
velir sous les ruines de sa ca-
pitale. Pendant un mois que du-
ra le siège, il montra plutôt le cou-
TIP
rage et l'activité d'un soldat que
l'habilelé d'uu général. Eniin , le 4
mai, la brèche étant deveuiic pnili-
calile , les Anglais traver.sèreiit !a ri-
vière à une heiue après midi , cl don-
nèrent un assaut genéi-al. On se bat-
tit encore dans la ville. Les Français
rallièrent plusieurs fois les Maïssou-
rieus. Tippou périt dans la mêlée ,
atteint de plusieurs blessures , et l'on
trouva sou corps sous r.a monceau
de cadavres. 11 était âgé de cinquan-
te ans , et eu avait régné seize et de-
mi. Avec lui s'anéantit la puissance
éphémère que Haïder-Aly a-ait fon-
dée, et qu'on a ridiculement nommée
empire de Maïssour ou Mjsore ,
puisque sa plus grande étendue ne
surpassa jamais de beaucoup la moi-
tié de la France. Formé par les ar-
mes , par l'usurpation , et composé
d'éléments divers , ce prétendu em-
pire, qui ne subsista que trenie-hiiiî
ans, aurait pu durer davantage, et
se consolider sous un prince doué de
vertus pacifiques et de talents admi-
nistratifs, qualités qui manquaient
absolument au dernier nabab de
Maissour. Il en a été de la personne
et du caractère de Tippou comme
de ses états : on n'en a parlé qu'avec
exagération , soit en ma! , soit en
bien. Du vivant de Haïder , un his-
torien (Maîtredc la Tour) avait com-
paré le père à Philippe , roi de Ma-
cédoine , et le fds à Alexandre ;
mais si, en réalité, Tippou fut un
vaillant guerrier , il ne se montra
digne du trône qu'avant d'y mon-
ter. La taille même de cinu pieds
huit pouces qu'on lui a supposée
se réduit à cinq pieds deux pou-
ces et demi, mesure de France. H
avait le cou grus et court, les épau-
les cari écs , le coips charnu et gras ,
le nez aquilin, le teint très-basané,
de grands yeux, des sourcils ar-
TIP 117
qués , les membres petits , surtout
les pieds et les mains. Sa physiono-
mie était à-Ia-fois vive, spirituelle,
douce et majestueuse. Simple dans
son costume , il était affable, acces-
sible , populaire , et n'avait pas cette
morgue taciturne qu'a liectent les prin-
ces de l'Orient. Ac'if, laborie.ix , il
entrait dans les plus petits détails de
l'administration, Ldîéral jusqu'à la
prodigalité, fastueux jusque dans ses
disgrâces , lors même qu'il eut j)erdu
la moitié de ses possessions, il refusa
de diminuer son état mih taire , et de
réduire ses dépenses eu supprimant les
emplois inutiles. Tous ces hommes-
là , disait-il, sont nourris par Dieu
et non par mo/.Scrujiuleux observa-
teur des préceptes du Coran;,il persista
dans la prohibition du vin et des li-
queurs spiritueuses , malgré le préju-
dice qu'en éprouvaient ses revenus.
Au commeucement de son règne,
il fit rassembler dans Seringapat-
nam soixante mille Indiens bapti-
sés, et les obligea d'abjurer le chris-
tianisme : il n'y en eut pas un seul
qui se permît la moindi-e objec-
tion (i). Mais l'osgueil de Tippou
ne fut qu'une vanité' jniérile , sa
fermeté que de l'obstination , et
sou ambition fut toujours porte'e
jusqu'au délire. Il n'était cependant
pas dépourvu d'une sorte de noblesse
dans les sentiments j et son ame ne
se laissa point abattre par les revers.
D'ailleurs, inconstant, capricieux,
brusque , colère , ennemi de ia a éri-
té, de toute contrariété, il changea
sans cesse de ministres, s'entoura de
favoris sans se faire des amis, et eut
souvent recours aux moyens tyramii-
ques. Avec ces qualités et ces défauts ,
Tippou ne fut qu'un prince inédio-
[\) Lcltres sur Iclal du cliristiaui^Mne dans l'Iu-
de, pat- l'abbrn.iboiR ( Blhliolh. iiiiwèiiel. de Arc
182H, XXIV, LiU., i>. 307. )
iiB
TIP
cre j et s'il se montra rciinemi le plus
acharne des Anglais , il ne fut pas le
plus dangereux. Aussi ne clicrchèrent-
ils jamais à le ménager comme ils en
usaient envers des princes indiens
qui leur paraissaient plus redoutables
(/^. SiNDiAnMADADjO-Tlssemonti-è-
reut plus généreux après sa mort, et
le firent eusevelirlionorablemeut dans
le tombeau de son pè;e. Les trésors
et les états de Tij)pou furent parta-
gés entre les Arglais et le Nizam.
Les Malirates obtinrent rpielques ter-
ritoires , et le fds du dernier radjah
(le Maïssourfut rétabli dans une par-
tie du domaine de ses aïeux. Quant
aux enfants du malheureux nabab,
on les conduisit dans la citadelle
de Yellour, où le gouvernement bri-
tannique pourvut à leur entretien.
Tippou parlait plusieurs langues eu-
ropéennes; cependant son esprit était
peu cultivé (:\). Au temps de sa
prospérité, il avait, tous les soirs ,
a sa cour , une comédie mêlée de
chants et de danses. 1 1 était curieux de
beaux chevaux , d'éléphants , de ti-
gres apprivoisés et dressés pour
la chasse (3). Superstitieux commela
])lupart des princes musulmans ,
il consultait ses astrologues dans
toutes ses entreprises. 11 tenait lui-
raème un journal exact et minu-
(t.') Lorsqu'il cliassa de leur palais la famille des
radjahs de Maissour, il trouvai plusieurs apparle-
)neuU remplis de livres, monuments bistoriques
el copies d'inscriptions formant la bililiollièque
tju'avail recueillie le radjali TcLih-Dco-Radi, mort
en tjn/f. On lui dimanda ce qu'il voulait faire de
ces tas do feuilles de jialuiier el di' codotlom ou li-
vres en toile de colon vcruissee. .Vouvel Omar , il
ordonna de les porter i l'i'curie royale pour ali-
menter le feu destiné ii cuire le imiili ou |;rain d«
t^ea cbc\aux î .' Vue neiile chambre de ces archives
luteparijni-e, sur les inslancis d'un bralimine , <pii
dit que cet appartement conliiiait les divinités
jiarliculiires de sa famille, ttuverl enlin, en I7<tn,
ce dépôt lillilalic tomba .'nlre les mai us d'un of-
licier anglais. Aoi/i'. Aniitil. iU<, lurac. de février
iHx', , XXI, »38,c«lr. de«)ournau% de Calcutta.
(V) Il avait adopté le tinre pour sou «nblème ,
rt son troue , éclatant de pierreries , avait pour
su|'purt un t>|<re couvctl d'"r.
TIP
tieux de tous ks détails de sa vie , et
jusqu'au registre de ses songes. Ou a
trouvé ce reffislre dans sa bibliothè-
que, qui se composait d'environ deux
mille volumes. Cette bibliothèque
provenait principalement de celle
dont son père s'était rendu maître à
Tchitor. Elle fut envoyée à Londres ,
en i8oo(4) , ainsi que son cabinet de
médailles et sa ménagerie , et mise ,
l'année suivante , par le gouverne-
ment anglais , à la disposition de l'a-
cadémie de Calcutta. Au reste, quoi-
qu'il paraisse certain que Tippou
aimait moins la Francequ'ilne haïs-
sait l'Angleterre , et que, sous ce rap-
port mêmCj il semble permis de le
juger avec quelque sévérité, on est
forcé toutefois de convenir que la
catastrophe qui mit lin à sa vie et à
sa puissance porta un coup funeste
au comiuerce des Français, en leur
fermant le seul débouché qui leur
restait pour introduire leiirs mar-
chandises sur le continent de l'Inde.
On a public : Les Indiens ou Tippoo-
Sàib ^ etc. , avec quelques particula-
rités sur ce prince , ses ambassa-
deurs en France, etc., Paris , i'^88 ,
in-S*^. Piévolutions de l'Inde pen-
dant le dix-huitième siècle , ou Mé-
moire de Tjpoo-Zaèb , sultan du
3Iaïssour , écrits par lui-même, et
traduits de la langue indostane ,
Paris, 1796, 'J. vol. in-8". , i'jg7 ,
4 vol. in-8^. Cet ouvrage apocryphe
n'estfpi'uueconipilatiuii roniancsquc,
dont l'iuiteiir ( Fantin des Odoards,
qui a pris la qualité d'éditeur), n*a
pas su mieux imiter le style oriental
que déguiser sa propre ignorance.
Ces ])rétciidus mémoires, remaniés
par l'aiitour-éditeur, sont devenus
un mauvais roman sous ce titre :
(/|) M. Charles Slewarl en a publie lo catalonuo
en «iiKlais, Cai.ibridije , i»o3 , iii-4''- , "vce d«a
uutict'S et cxtiatls.
TIP
Hejder , Azcima , T;} fioo-Zacb ,
liisloiie orientale, tiadiiile de la lan-
gue lualabare, iHo'i, 3 vol. in-i2.
M. J. Micliand a donne VJJistoi-
re des Progrès et de lu chute de
l'empire deMysore , sous les règnes
d'il aider- Aly et de Tippuo-Sàib ,
avec cartes , portrait et plans , Paris ,
1801 , 2 vol. in-H*^., livre estima-
ble et devenu rare. On trouve plus
de détails sur Tippou , et surtout
plus d'invectives contre ce mallieu-
rcux prnice , dans quelques ou-
vrages anglais , tels que la Relation
de la guerre avec TippooSulthan ,
depuis le comme iicement des hosti-
lités dans les ligues de Travaiwore,
en décembre l'^^C) ,jusqu h la paix
de Seringapatnam , en février 1 'lÇ)'i.,
par Roderick Mackeuzie , Calcutta ,
1 --93 , •}. vol. in-8^. ; Histoire de la
campagne qui termina la guerre
avec TippooSulthan Behadour, par
le major Dirora , Londres, 1^93, gr.
in-4". , fig. ; Histoire des opérations
de l'armée commandée par le géné-
ral Georges Harris , el du siège de
Seriiigapatnam , par Alex. Beatson,
Londres , 1800 , gr. in-4'^ ^ lig. ; Re-
vue de l'origine , etc.^ de la guerre
décisive contre TippooSulthan , avec
des notes, etc. , par James Salmond,
cl la Traduction des principaux pa-
piers trouvés dans le cabinet de
Tt/jy^oO;, par Wood, Londres, 18005
le même ouvrage avec des Notes et
un Appcndix, parWood, 1800,
gr. in-i". Lettres choisies de Tip-
pooSulthan à div<;rs fonctionnaires
publics , commandants militaires ,
gouverneurs , agents diplomatiques
el commerciaux , etc. , mises en or-
dre , et traduites en anglais , par
VV. Kirkpatrick. avec des notes et
fac similc , Londres, 1811, in-4".
TippooSaib (III la jirise de Seringa-
pul(im est le sujet d'un mélodrame
TIQ I ïf>
de M. Dubois, joué au tlié.Uio de la
Porte-Saint-Martin, au mois d'août
1804 , et qui donna lieu à deux pa-
rodies représenlées sur deux lliéàlres
des boulcA^ards, l'une intitulée : Petit-
Pot ; l'autre : Ne seringuezpas tant.
M. Jouv ,de l'académie française, a
fait représenter sur \e Théâtre Fran-
çais , en 181 u , une tragédie de Tip-
pooSaëb , iinprimée la même année,
el précédée d'une Notice et du por-
trait de ce prince. M. Henri de Brc-
vannes a donné vers le même teiups
Tippoo-Saïb, Xra^GÔie en trois actes,
181 3 , in-S'^. , non représentée. A-t.
TIQUET ( Marie - Angéliqul
Carlikr , dame ) , ne dut sa triste
céleljrité qu'à ses tentatives réitérées
pour faire assassiner son mari. Elle
naquit, en lô'y] , à Metz; son père,
riche libraire de cette ville, lui laissa,
en mourant , une fortune considéra-
ble cà partager avec son frère. Orphc
line à l'âge de quinze ans, elle resta
sous la tutelle d'une tante, qui ne
songea qu'à se débarrasser de cette
charge, en la mariant promptement.
M'i^. Carlier, douée d'une rare beau-
lé, de beaucoup d'esprit et y joignant
les avantages de la fortune , pouvait
choisir un époux parmi les jeunes
gens les plus aimables. J>L Tiquet ,
conseiller au parlement de Paris ,
déjà sur le retour de l'âge , sut met-
tre la tante dans ses intérêts et obtint
la préférence. Il était moins touche
des agréments de sa femme que de
la dot qu'elle lui apportait, et qui
devait l'aider à payer ses dettes.
Cependant les premières années du
mariage furent assez paisibles. Un
fds el une lllle vinrent resserrer des
nœuds formés par l'inli'rêl et la va-
nité. Tant que ]M'"'^ Tiquet ne fut
point gênée dans son goût ])our le
luxe et la représentaliou , tout alla
bien; mais syn mari ayant voulu k
lao TIQ
forcer de diminuer ses dépenses, elle
n'eut plus pour luicpie de l'aversion.
Sa haine redoubla ({nand il eut
pris des mesures pour faire cesser
l'intrigue criminelle qu'elle entrete-
nait avec un capitauie des gardes.
Sur ces entrefaites , les créanciers de
M. Tiquet ayant exercé contre lui des
poursuites, elle crut la cix'constauce
favorable ]iour demander sa sépara-
lion; mais le jugement, en lui rendant
l'administration de ses biens, la for-
ça de rester avec un mari qui lui de-
A'enait chaque jour plus odieux, Déses-
pérant de pouvoir jamais recouvrer
sa liberté, ce fut alors qu'elle forma le
projet de s'en débarrasser en le fai-
sant assassiner.' Elle gagna , par des
présents , un domestique et son por-
tier j mais ils prirent si mal leurs
mesures qu'ils échouèrent. Le por-
tier , soupçoimé de favoriser les in-
trigues de sa maîtresse , fut renvoyé.
Elle eut recours alors au poison •
mais le valet de chambre jeta la
tasse qui le contenait, et demanda
son congé. Elle renoua donc avec
son ancien portier, qui se chargea de
tout. M. Tiquet, rentrant chez lui,
le soir, fut assailli par trois ou qua-
tre coupe-jarrets, qui tirèrent sur lui,
à bout portant , plusieurs coups
de pistolet. Se sentant blessé , il ne
crut pas devoir se faire transporter
dans son appartement, et préféra re-
touiner dans la maison d'où il sor-
tait. Sa femme, feignant d'ignorer ce
(pii venaitdese passer, se rendit sur-
Ic - champ auprès de lui ; mais il
ne voulut pas la recevoir. Un com-
missaire de police étant venu près
du lit du blessé, pour l'interroger si;r
les auteurs de l'attentat , il déclara
qu'il n'avait pouil d'ennemi que sa
femme. Les amis de M"'^'. Tiquet la
pressèrent de se sauver ; mais elle ne
le voulut pas, disant ipie sa fuite la
TIQ
ferait regarder comme coupable. Elle
attendit donc, sans témoigner au-
cune inquiétude, l'exempt chargé de
la conduire en prison. Les preuves
ne furent pas suiilsantes pour la con-
vaincre d'avoir eu part à la dernière
tentative d'assassinat sur son mari;
mais l'instruction du procès démon-
tra qu'elle avait cherché plusieurs
fois à le faire périr. En conséquence
elle fut condamnée à mort par une
sentence du Châlelet, qui fut confir-
mée par le parlement. M. Tiquet ,
rétabli de ses blessures , courut à
Versailles , avec ses enfants , pour de-
mander la grâce de sa femme ; mais
il pei'dit tout le mérite de cette dé-
marche , en se faisant adjuger ses
biens, dont la confiscation avait été
prononcée.Onne put obtenir l'aveu du
crime de M""*'. Tiquet qu'en ra|)plx-
quant à la question. Placée sur la mê-
me charrette que son portier, qui était
condamné à être pendu , elle s'occupa
de le consoler et de l'encourager :
elle le vit périr sous ses yeux sans
montrer la moindre faiblesse; ensuite
elle donna la main au bourreau pour
monter sur l'échafaud, baisa le bil-
lot , releva ses cheveux et plaça sa
tête. L'exécuteur était si troublé, que
ce ne fut qu'au troisième coup qu'il
la sépara du corps. Ainsi périt, à l'âge
de (puirante -deux ans, le i-y juin
lOgo, une des plus belles femmes de
son siècle. Elle avait eu pour amie
M'"'-. d'Aulnoy ( Foj\ ce nom) , el
d'autres personnes égalenicnt aima-
bles et spirituelles, («astaud, alors
avocat, lit V Oraison funèbre de M'"^ .
Tiquet ( F, Gastauu , XVI, 544 ) ;
el le P. Chauchemer en publia la Cri-
tique ( f (>J . CuAUCUliMliR, VIII,
2H9 ). Ces pièces , imprimées sépa-
rément , ont été recueillies eu un
vol. in 8 '. (layot de Pila val les a in-
sérées dans les Causes célèbres, iv ,
TIR
43 ; V, 485. Cependaut l'éditeur des
Mélanges historiques de M. de Bois-
Jourdain (Paris, 1807, 3 vol. iu-S».),
croyant V Oraison funèbre de M™*=.
Tiqiiet inédite, l'a insérée dans le
tome m , Sog- 'i5 , précédée d'une
i\o<iCe sur cette dame. W — s.
TIRABOSCHI (JÉRÔaiE), littéra-
rateur italien , né à Bergame, le u8
décembre 1731 , fit ses premières
études sous l'abbé Armati, et "a l'âge
de onze ans , entra au collège de
Monza, tenu par les Jésuites. Il eu
embrassa l'institut, et, cliargé de l'ins-
truction de ses camarades , il pré-
para une réimpression du Diction-
naire latin et italien de Maudo-
sio , regardé comme uu nouvel ou-
vrage par les nombreuses correc-
tions de l'éditeur. Ce premier suc-
cès, et la protection du comte de
Firmian, attachèrent Tiraboschi aux
travaux littéraires. Eu donnant une
meilleure disposition à la bibliothè-
que de Brera , à Milan , ii remarqua
plusieurs manuscrits relatifs à l'his- *
toire des Humiliés. Nés au sein des
guerres qui avaient désolé l' Ital ie pen-
dant les règnes orageux de Henri II et
de Conrad le SaliqiLe , ces cénobites ,
que le malheur avait jetés dans le
cloître, osèrent attentera la vie d'un
archevêque (/^. CHAHLEsBoRROMtE,
V, i()g). Ce crime ne resta pas impu-
ni; et le pape Pie V, par uoe bulle du 7
février 1371, ordonna la suppression
de cet ordre , qui comptait plus de
cinq siècles d'existence. Eu i6'28,
le cardinal Frédéric Borromée avait
chargé Puricelli ( Foj. ce nom ,
XXXVI , 327 ) d'écrire l'his-
toire des Humiliés. Le travail ,
qui était bien avancé , fut sus-
pendu par la mort de ce savant ;
mais on eut soin d'envoyer à la bi-
bliothèque Ambrosicnne les papiers
déjà rassemblés , et ces matériaux ,
TIR
»*|
joints à ceux du P. Hartzheim.
( Foj. ce nom , XIX, 469 ) dé-
posés dans les archives de Brera ,
servirent de base aux jMémoires de
Tiraboschi. Cet ouvrage , qui rem-
phssait une lacune dans les Anna-
les de l'Eglise , fut bien accueilli par
les savants , et cité avec éloge par
les journalistes de Leipzig ( année
17G6, pag. 181 etuoi ). 11 étendit
beaucoup la réputation de l'auteur ^
qui, eu 1770 , reçut l'invitation de
se rendre à Modène , pour être mis
à la tête de la bibliotlaèque ducale ,
illustrée par les travaux de Muratori,
de Zaccaria et de Granehi. Au mi-
lieu des trésors accumuléspar la mu-
nificence des princes d'Esté, le nou-
veau bibliothécaire conçut le plan
d'un ouvrage qu'on aurait cru au-des-
sus des facultés d'un seul homme. L'I-
talie , cet ancien berceau delà civili-
sation , n'avait pas trouvé un écri-
vain capable de réunir dans un seul
cadre les titres épars de ses richesses
littéraires. La tâche en était d'autant
plus dillicile, qu'il fallait fermer l'o-
reille aux prétentions particrlièrcs
de chaque état, et presque de chaque
ville, pour ne juger les auteurs que
d'après leur véritable mérite. 11 fal-
lait, eu outre ,étrv; versé dans la lit-
térature ancienne , connaître à fond
la littérature moderne , avoir une
idée suiiisaute des sciences et des
arts , et ne pas être embarrassé dans
le classement de tant de matériaux,
pour élever un édilice an.ssi riche
dans les détails qu'il devait être
simple et régulier dans l'ensemble.
Ce grand travail fut terminé en
moins de onze ans • et s'il n'a pu
échapper aux critiques de quelques
esprits moroses , il a trouvé un plus
grand nombre de partisans et d'ad-
mirateurs. Trois jésuites espagnols ,
Arteag:i,ScrranoelLam[)illas,s'atla-
1-22 TIR
chèrent à justifier leur pays d'avoir
en tout temps contribue à corroni])re
le guîil en Italie. Serraiio écrivit une
dissertation (i) pour prouver que
Martial , Lucain, les dcux.Senèquc.
loin d'avoir terni l'éclat de la litté-
rature latine, n'avaient fait que l'aug-
menter. Arlcaga , qui niaitl'influence
des Arabes sur la poésie moderne ,
.soutint que les Espagnols avaient eu
beaucoup de part aux progrès de la
musique italienne dans le seizième
siècle(2) ;etLampillasse chargea de
relever des avantages encore plus ca-
chés de la littérature castillane (3).
Malgré ces attaques , qui ne restèrent
pas toujours dans les bornes de la
modération et de la bienséance , l'ou-
vrage de ïiraboschi triompha de
ses ennemis; et l'académie royale de
Madrid elle-même répondit à l'oflre
d'un exemplaire dans les termes les
plus flatteurs. Cethommage publicfut
con/îrmé par les réimpressions exécu-
tées du vivant même de l'auteur ; et ce
monument élevé par ïiraboschi à la
gloire nationale est encore ce qu'il
y a de plus complet sur l'histoire de
la littérature italienne. Eu prenant
son point de départ des Etrusques ,
cet habile écrivain suit la marche
lente , mais progressive, des lettres et
des arts sous les anciens; il marque
leur décadence sous les barbares , et
les clTorts impuissants de Gassio-
dorc , Boëce , Alcuin et Constantin
l'Airicain ])our dissiper les ténèbres
du luoyfn âge. C'est avec le même
soin qu'il développe les causes de la
TIR
renaissance des lellres , dont il ac-
compagne les progrès jusqu'à la fin
du dix-septièine siècle. Tiraboschi
aurait probablement poussé son tra-
vail jusqu'au siècle suivant si un sen-
timent de reconnaissance envers la
ville qui l'avait adopté, et l'embar-
ras que l'on éprouve à juger ses con-
temporains, ou plutôt la crainte de
leur déplaire, no l'eusseutéloignéd'un
sujet général, pour le jeter dans des re-
cherches relatives à l'histoire poHti-
que et littéraire de Modène. Il s'était
pourtant déclaré contre les compila-
teurs de ces mêmes bibliothèques ,
auxquelles il consacra les dernières
et les plus belles années de sa vie (4).
Ce qui doit augmenter nos regrets ,
c'est que personne jusqu'à présent ne
s'est cru en état de continuer son ou-
vrage. On assure que le P. Pozzetti ,
successeur de Tiraboschi dans la
place de bibliothécaire , avait déjà
ébauché l'histoire littéraire du dix-
huitième siècle , en Italie. Reina ,
qu'une mort prématurée vient d'en-
lever ( lévrier 1826 ) aux lettres ,
avait olFert de remplir cette lacune.
M. Ugoiii, qui exploite le même su-
jet (5) , en adoptant le plan de son
compatriote Coiuiani (G) , s'est en-
tièrement écarté de la route tracée par
le père de la littérature italienne.
Tiraboschi, décoié des titres de che-
valier et de conseiller du duc de Mo-
dène, mourut dans celte ville le 3
juin 1 ']<){. Ses Ouvragessont : Ï.De
Patrice historid , oralio , Milan ,
1759, in "4". 11. Fêtera Jlumilia-
torum muiiumenta annutationibus
(il \un,, j„<l,r,„ II. T;,,il.„!chi, d^ Varliulc, .Vc-
ii'Ci! , l.uciitiu et iiliii (ii^riilnr rrliili: //iy;,i/ii'> ,
rftiflvlte liuœ ad Cl. y aniiclliy l'errurc , 17;*',
iu-8".
^ï) PcW iiijlui-ma ilff^li Arab! sifW priffine clellii
fWffiu inoiieniu in /iiirii//a , Koini', 171)1, lii-S».
(3) .V«j;y,./ i,/,.:l„nrlu„ ,1,11,1 lelh;,ilu,,i yfl„g,ii„>-
la , O^jiP» , 177H , (i vnl.iii-8". ; — <•( /{i^/juila allé
«t'C/iit! Ut Tiiabusclii, ibicl. , 1778, 111-12.
(4) « Nous avons cli'j'i tant cl'aulriirs de c.italo-
» folies utile l>il>li>>Uii'i|uu.s , (|ii'iui inniveau tnivaW
Il il;ili» <•(.• (jcill !• scliiil ;i-|iiu-jirJs inutile. » l'liji.lce
,1c rhisloirc ,1c la llllcnilnic icdwnnr.
(1) Pillii Irlhiiilniii iliiliana , lullii Hconila me
litil'lscciilo Wlll, llri-bL-ia , 1H20 , S vul. iii-ri.
(G) r ><■<-../; ,/.V/,i l,ll,,nli,,,i llnll,,,,,! , 'ofio il JIK
nwr^iilienlo, Urociu, i8ii, 9 vol. iu-B".
TIR
ac disscrtationibus prudromis illus-
tra ta , AJilan, 1766, 3 vol. in-4'^.
IIÏ. De Incolumitate Mariœ The-
resiœ Augustce , gratulalio , ibid. ,
ï 767 , in-b'^.; et Modcne, 1 78G, iu-8''.
IV. Sloria délia letteratura italia-
na , ibid, \']yz-'6'i^ i3 vol. iu-4-^. ;
ibid., 1787-93 , 16 vol. in-4°.; Flo-
rence, i8o5-i2, 20 vol. in-8*'., etc.
Cet Ouvrage a été abrège' en français
par Landi, Berne, 1784, 5 vol. in-
8". • et ce résume a été trad. en ita-
lien par G. A. iNl. (le père Moscliini )
Venise, 1801 , 5 vol. in-S'^. L'abbé
Zanuoni en a donné un autre abré-
gé en italien, ibid. ; 1800, 8 vol.
in-8". La partie relative à la poé-
sie italienne a été publiée séparé-
ment par M. Matthias , sous le titre
suivant : Istoria délia poesia ita-
liana, Londres, i8o3 , 3 vol. in-12;
et tout ce qui a rapport aux. arts a
été reproduit par Jagemann , en alle-
mand, Leipzig, 1777, y vol. in-S*^.
V. nta di Santa Olimpia , dia-
conessa délia chiesa di Coiistan-
tinopoU , ï* arme , i775,iu4°-VI.
Rijlessioni sugli scrittori genea-
logici , Padoue, 1779 , in-8". ( F'.
ClCC-iRELLl, VIII, 52Q ). VII,
FitadiFuh'io Te^i/, Modène, 1780,
in-8'J. YIII. Biblioteca modenese ,
5 vol. in-4". , suivi d'un sixième vo-
lume intitulé : Notizie di pitlori ,
scultori , incisori ed architetti 1110-
denesi , con wi appendice de' pro-
fessori di musica , ibid., 1786,
in-4'^. ( Foy. Franchini , XV ,
434 )• IX. Storia deir Augusta
BadiadiS.Silvestro di Nonantola,
aggiiinlovi il codice diplornalico del-
ta mcdesima , illuslrato con noie ,
ibid. , 1784, 'i. vol. iu-fol. X.SuW
iscrizione sepolcrale di Manfredo
Fio vescovo di P'icenza , ibid. ,
1 785 , in-8". W.Notizia dclla con-
Jralernita di S. Fielro Martire in
TIR
123
Modena, ibid., 1789 , ki 8'^. XII.
Elogio slorico di l'uimlmldo de^
Conti Azzoni Ai'O'^aro , Bassauo ,
1791 , in-8f'. XIII. Memorie sto-
riciie modenesi , col codice diplo-
mati.co illustrato , Modène, 1793 ,
5 vol. in-4". Les deux derniers vo-
lumes furent publiés , après la mort
de l'auteur, par le professeur Yen-
turi. XIV. Memoria sulle cogni-
zioni che si avevano délie sorgenti
del JVilo , prima del viaggio di
Bruce , dans le tome i«'. de l'acadé-
mie de Wantoue, 1795, pag. 139.
XV. Dizionario topografico storico
degli stati Estensi; ouvrage pos-
thume , dont le i^r. volume a paru à
Modène, en 1824 , in-4^. XVI. Plu-
sieurs morceaux insérés dans le Jour-
nal de Modèue , dont il était un des
principaux rédacteurs. Il fut l'é-
diteur d'uQ ouvrage de Jean Marie
Barbieri, iutitulé: Z'eZr origine délia
poesia riniata , INlodène , 1790 j
in-4°. , qu'il a enrichi d'un savant
discours préliminaire. \oy. Bue let-
tere riguardanti alcune più im-
portanti notizie délia vita e délie
opère del Tiraboschi , par Ciocchi ,
ibid., 1794 , in-8'^. Frécis histori-
que sur la Fie et les Ouvrages du
même , par St. L (Saint-Léger),
dans le Magasin enc/clop. au iv
( 1795), tom. V, pag. 477. Élog,e
du même , en latin , par Fabroni ,
dans le Fitœ Italor. , tom. xvi , pag.
24"-^ ■> trad. en italien , par Maggi.
Un second Eloge en italien , par
Lombardi , Modèue , 1796 , in-8°.,
trad. en français, par Boulard, Pai-is,
1802, in-8^.j un troisième en ita-
lien , par Pozzelti , en tète de l'édi-
tion de V Histoire littéraire d'Italie ,
Florence , i8u5 ; un quatrième, ])ar
Beltramelli , Bergame , 181 2 , ni-
8^. j une Notice , j)ar M. Ugoni ,
dans son ouvrage intitulé : Dcllc^
124
TIR
letleratura italiana , etc., tom. m,
pa£^. 35o. A — G— s.
TIKAQUEAU (André), ne,
à Fontenai- le -Comte , vers l'an
i4^o , y occupa long -temps la
charge de sénéchal. La réputation
que lui fit son Traité De legibus cou-
nubialibus , publié en i5i5 ( J^oy.
Chasseneux , VllI , 269 ), le pre-
mier et le meilleur de ses ouvrages ,
au jugement du chancelierdel'Hospi-
tal , lui valut l'honneur d'être choisi
pour occuper une charge de conseiller
au parlement de Bordeaux, par le
vœu unanime de cette compagnie ,
sans aucune démarche de sa part. Il
lui en témoigna sa reconnaissance ,
en faisant paraître, sous ses auspices,
son Comrnenlaire ?,uv\ai WiUnqiiam,
i534,- mais on croit qu'il n'accepta
pas la place qui lui avait été offerte :
car il était encore sénéchal de Fonte-
nai lorsque François I'^^''. le fit, en
i54i , conseiller au parlement de Pa-
ris, où , par une distinction sans exem-
ple , il fut admis à la grand-chambre,
sans ])asser aux enquêtes. Il prouva
coml)ien il était sensible à cet hon-
neur, en dédiant à ses nouveaux con-
frères son Traité De retractu iitro-
quc municipali et coni>eTitionali ,
1543. Tiraqueau travailla a réfor-
mer la méthode vicieuse qiii régnait
au palais; il administra la justice
avec intégrité. François 1*='. et Henri
II l'honorèrent de leur estime, et
l'employèrent utilement dans plu-
sieurs affaires importantes. Il était
lie avec tous les gens de lettres qui ,
dans ce temps - là, faisaient l'orne-
ment de la C0I11-. Son vaste savoir le
fit appeler le f^arronAc son siècle.
}5on mari, bon père, il fut lieiireux
au sein de sa vertueuse famille , (|iii
répondit parfaitemeiit aux soins qu'il
s'était donnés pour la former. Il eut
vingt cjifanls selon ks uns, et trente
TIR
.selon d'autres ; ce qui faisait dire à
son ami Dorât, qu'il donnait tous les
ans à l'état un enfant et un livre
( V^. Louis Cousin , X , i u^ ) : sur
quoi un anonyme, faisant allusion à
ce qu'il ne buvait que de l'eau, com-
posa cette Epigramme :
Tiraqueau , fécond à produi^"e ,
A mis au monde trente Blsj
Tiraqueau , fécond à bien dire ,
A fait pareil nombre d'ecrils.
S'il n'eut point nuve' dans les eaux
Une semence si i'écoude ,
n eut enfin rempli Je inonde
De livres et de Tiraqueaui.
Cependant M. du Radier réduit le
nombre des enfants de Tiraqueau à
quinze , d'après un calcul qui paraît
assez vraisemblable. Lorsqu'il était
lieutenant-général du baillage de Fon-
tenai , il tira le fameux Rabelais de
la prison où le détenaient les Corde-
liers de cette ville. Rabelais lui en té-
moigne sa reconnaissance dans le
nouveau Prologue du Pantagruel , où
il l'appelle le bun , le sage , le tant
humain , tant débonnaire André
Tiraqueau. Ce docte magistrat mou-
rut eu i558. Ses nombreux ouvrages
ont été publics par les soins de son
fils Michel , 5 vol. in - fol. , Paris ,
i5'^4- Les morceaux les plus intéres-
sants de ce vaste recueil sont : I.
De legibus connubialibus et de opè-
re maritali , où l'on admire une con-
naissance très -étendue des lois, une
érudition prodigieuse et une latinité
assez pure. On y trouve tout ce qu'il
est possible de dire pour ou contre
les femmes. Ménage y a puisé, sans
en avertir , son Traité des Femmes
philosophes. II. Commentaire sur la
loi Unquam , moins chargé de litté-
rature que le précédent , naais fort uti-
le aux jurisconsultes. 111. De retrac-
tu uiroque , etc. , où il épuise la ma-
tière; mais il y règne trop d'indéci-
sion. I V. Dcpœnislegum, petit traité
orne d'une érudition variée, et dans
TIR
lequel on aime à voir les moyens qu'il
fait valoir pour adoucir les peines lé-
gales, surtout par rapport aux cri-
mes produits par la violence de l'a-
mour , qu'il regarde comme une es-
pèce de délire. V. Dejudicioin rébus
exiguis, qui offredes principes sages,
dont l'application servirait à termi-
ner, sans frais, les contestations le'-
gères. VI. De nohilitate et jure pri-
mogenitorum. C'est le plus considë-
ralile des ouvrages de Tiraqueau, et
le dépôt d'un savoir immense et d'u-
ne littérature sans bornes, dans la-
quelle la jurisprudence se trouve trop
noyée. L'auteur ne se borne pas à y
traiter de la noblesse; il a su y ras-
sembler tout ce qui peut se dire de
plus important et de plus curieux
pour ou contre chaque profession j
magistrats , médecins , chirurgiens ,
etc., chacun y a son lot. VIL Des
Commentaires sur Alexander ah
Alexandre , intitulés Semestria ,
parce qu'ils étaient le fruit de ses loi-
sirs. Il y indique , avec beaucoup
d'érudition et d'exactitude, les sour-
ces où l'auteur original avait puisé ,
Lyon, i586, in-fol. ; et avec les no-
tes de Colerus et de Godefroy , Ley-
de, 1673, in - fol. , 2 vol. On voit
dans toutes les productions de Tira-
queau un jurisconsulte profond, tou-
jours guidé par l'expérience et l'es-
prit d'équité, mais donnant plus à
l'autorité qu'au raisonnement, sui-
vant la méthode de sou siècle. T-d.
TIRIDATE , prince du sang des
Arsacides, fut élu roi des Parthes,
à la place de Phrahates IV ( F. ce
nom , XXXIV, 234 ) , banni par
ses sujets, à cause de sa cruauté,
Phrahates étant rentré dans ses états ,
avec une armée scythe , Tiridate
se réfugia en Syrie , près d Octave ,
qui se disposait alors à passer en
Kgypte . pour arluver la défaite
TIR
125
d'Antoine. Octave, ne voulant point
entrer dans les querelles des princes
Arsacides, refusa de lui donner des
secours , mais il lui permit de rester
dans la Syrie, La barbarie de Phra-
hates l'ayant fait chasser du trône
une seconde fois , Tiridate , rappelé
par ses créatures , s'empara des tré-
sors de son rival , et le poursuivit si
vivement, que Phrahates lit égorger
toutes ses femmes , dans la crainte
qu'elles ne tombassent entre les mains
du vainqueur. Phrahates ayant en-
core recouvré son royaume, avec
l'aide des Scythes , Tiridate fut obli-
gé d'aller de nouveau demander un
asile aux Romains, Il rejoignit Au-
guste en Espagne , et lui remit com-
me otage le plus jeune des fils de
Phrahates, qu'il avait enlevé. Une
médaille publiée par Vaillant [Arsa-
cidar. imperium , 172 ), représente
Auguste recevant cet enfant des mains
de Tiridate. Persistant dans la poli-
tique qu'il avait adoptée k l'égard de
l'Orient, Auguste ne voulut point ai-
der Tiridate à reconquérir le trône
des Parthes, ni le livrer à ses enne-
mis. Ce prince passa le reste de sa
vie à Rome , où il fut traité cons-
tamment avec une grande distinc-
tion. W — s.
TIRIDATE , prince Arsacide.
On sait que Tibère , irrité contre
Artaban III, roi des Parthes, parce
qu'il s'était emparé de l'Arménie,
regardée alors comme une province
romaine, lui substitua Phrahates V
{For. ce nom , XXXIV, 286 ). Ce
prince étant mort de fatigue, il lui
donna pour successeur Tiridate, son
neveu, et chargea Vitellius, alors
préfet de Syrie, de le mettre en pos-
session de ses états. La présence de
Tiridate excita, dit Tacite, une jcie
universelle. Les Parthes se flattaient
qu'un prince accoutumé, dès son
ii6
TIR
enfance , aux mœurs et aux arts des
Romains , régnerait avec plus de dou-
ceur qu'Artaban, ëleve parmi les
Scythes ( Annal. , vi , 4i ). Toutes
les viîles, à son approche, s'empres-
saient d'ouvrir leurs portes , et la
plupart des généraux d'Artaban ve-
naient grossir l'armée de son rival ,
ou lui faisaient donner l'assnrance
de leur lidélilc. 11 s'avança sans obs-
tacle juscprà Cîe'siphon , et y fut
couronne soieunelleraent , aux accla-
mations d'un peuple immense. Alors
Vitellius , croyant sa mission termi-
ne'e, s'en retourna, laissant à Tiri-
date quelques légions pour achever
de soumettre les villes qui ne s'étaient
poiiit encore déclarées en sa faveur.
Au lieu de profiter de ce premier mo-
ment d'enthousiasme pour faire re-
connaître partout son autorité , Tui
date perdit un temps précieux au
siège d'un château , dans lequel Ar-
taban avait enfermé, avec ses fem-
mes , tous ses trésors. Les Partlies ,
qui l'avaient jugé d'abord d'une ma-
nière si favorable, en s'habituant à
le voir ne lui trouvèrent plus que
des défauts. Bientôt Artaban, rappe-
lé par les mécontents , rentra dans
ses états à la tête d'une armée qui se
grossit de tous ses anciens partisans.
Tiridatc, effrayé, prit la fuite, sans
combat ( l'an 3() de J.-C. ) La lâ-
cheté qu'il avait montrée dans cette
occasion lui lit perdre, sans retour,
une couronne (jn'il n'avait pas même
tenté de défendre; et l'histoire n'a
pas conservé son nom parmi ceux
des rois P.irlhes. La tragédie de
Campistron , intitulée Tiridate , a
trait à Tliamar et non au prince
Arsacide ( f^o). Campistron, VI ,
648 ). ' W— s.
THUDATE I''., roi d'Arménie,
fit la eonqiièlc de ce pays, avec le
secours de sou frère Vologcse , roi
TIR
des Parthes, sur Rliadamiste, qui
s'e'tait emparé du trône par un crime
odieux ( V. Pharasmane , XXXIV,
7 ). Dès que les Parthes se furent re-
tirés, Rhadamiste rentra dans ses
états, et traita les Arméniens en re-
belles. Un soulèvement général, exci-
té par l'horreur qu'inspirait sa cruau-
té, l'obligea bientôt d'abandonner sa
capitale. Poursuivi vivement dans sa
fuite, Rhadamiste poignarda sa fem-
me Zénobie, alors enceinte, et la
précipita dans l'Araxe , de peur
qu'elle ne vînt à tomber entre le»
mains de ses ennemis. Des bergers
sauvèrent cette princesse, et la con-
duisirent à Tiridate , qui la reçut
avec les égards dus à son rang et à
ses malhfciu-s. La guerre entre les
deux compétiteurs fut longue : elle
finit à l'avantage de Tiridate; mais
les Romains , accoutumés à donner
des souverains à l'Arménie , ne vou-
lurent pas y laisser un roi qui ne
tenait pas d'eux sa couronne. Corbu-
lon , l'un des plus grands capitaines
de son siècle, reçut l'ordre d'atta-
quer Tiridate, et de l'expulser de
l'Arménie. Ce prince, soutenu par
Vologèse, se défendit long -temps
avec autant d'habileté que de coura-
ge ; mais, Corbulon s'étant emparé de
toutes les places, il fut obligédese re-
tirer dans la Médie. Tigrane VI ( F.
ce nom ) fut alors établi sur le trône.
Tiridale ne tarda pas à venir l'as-
siéger dans sa capitale. Les Romains
marchèrent au secours d'un roi
leur allié; mais Px-tus qui les com-
mandait, n'avait ni les talents ni la
prudence de Corbulon ; et Tiridatc
le força d'évacuer l'Arménie. Volo-
gèse lit alors demander pour son Irè-
re , à Néron , l'investiture de ce royau-
me. Cette d('marche fut regardée
comme une dérision ; et Corbulon
fut chargé de continuer la guerre.
TIR
liCS négociations recommcnccrcnl
bientôt , et Tiiidate consentit enfin à
se rendre à Rome , pour y recevoir
des mains de Néron la couronne
d'Arménie. Dion et Tacite ont re-
cueilli les détails du voyage de ce
prince, ^'éron vint à sa rencontre
jusqu'à Naples, et le conduisit en
triomphe à Rome , où il fut traité
avec une magnificence extraordinai-
re. Tiridate sut gagner les bonnes
grâces de l'empereur en flattant ses
goûts capricieux , et surtout en exal-
tant son adresse à diriger un char.
Il en obtint des sommes considéra-
bles , qui lui servirent à réparer ses
orteresses et à rebâtir sa capitale,
détruite par Gorbulon, et dont il
changea le nom ^ Artaxate en
celui (le Néronée. Ce prince mou-
rut vers l'an 78 , après avoir oc-
cupé le trône onze ans. W — s.
TIRIDATE II, roi d'Arménie,
était fils de Khosrou, assassiné par
Anag , prince Arsacide, l'an "232
[Fof. Khosrou , XXII, 4oi ). Arde-
chyr, premier roi de Perse de la dy-
nastiedes Sarànvdes , s'étant emparé
de l'Arménie, Tiridate, encore en-
fant, fut conduit à Rome, par Ar-
dava/.t Mantagouni (1) , et y reçut
une éducation confoime à son rang.
Les talents qtie ce jeune prince mon-
trait pour la guerre lui méritèrent
l'estime des Romains , et il finit par
obtenir une armée pour reconquérir
le trône de ses pères. Accueilli parles
princes arméniens , comme leur sou-
verain légitime, l'an 259 il chassa
sans peine de ses états les Persans ,
qu'il poursuivit jusqu'au centre de
leur empire. N'oubliant point les ser-
vices qu'il avait reçus d'Ardavazt, il
TIR
127
le créa sharahied (2) , et se reposa
sur lui d'une partie des soins du goi»-'
vernement. Pendant \m voyage que
Tiridate avait fait à Rome , les Per-
sans rentrèrent dans l'Arménie,
et se rendirent bientôt maîtres des
principales provinces. Instruit de
ce désastre, il se hâta de revenir
dans son royaume , et avec le secours
des légions de Syrie il repoussa les
Persans , sur lesquels il remporta une
victoire complète : le fidèle Ardavazt
perdit la vie dans cette mémorable
journée. Taudis que les Romains pé-
nétraient dans la Perse, par la fron-
tière méridionale, Tiridate l'atta-
qua du côté de l'Atropatène , et re-
vint chargé de riches dépouilles.
Touché des vertus et de la piété de
saint Grégoire {F. ce nom , XVIII ,
4i2 ), ce prince embrassa le chris-
tianisme , qu'il avait long-temps per-
sécuté, et reçut le baptême, la seiziè-
me année de sou règne, avec sa
sœur et sa femme, des mains du vé-
néiab'e patriarche. Cet exemple fut
suivi par les grands ; mais le peuple
ne put se détacher aussi facilement
de ses anciennes croyances(3).Tirida-
te fît venir dans ses états des prêtres
grecs et syriens , établit des évèchés ,
et fonda dans toutes les provinces
des églises et des monastères. Cepen-
dant il fallut livrer des combats san-
glants dans plusieurs parties du royau-
me , et en particulier dans le pays de
Daron, que les Arméniens regardaient
comme une terre sacrée , k cause de
la multitude de terai)les et d'idoles
qu'on y voyait. Tiridate , auquel ses
])eup!es décernèrent le surnom de
Grand , mourut en 3 1 4 , après un rè-
(0 M. Salnl-Mnrliii (■(■iiiccliirr qu' hdm'a-.l fsl
k- luruic <|IIP r hl,il'i,t,le< . i|lir Tirhiiriil* l'olli.Ml
; iri / iilvr.) api>trilc' r<ii (!<» Ariuiiiileiii..
[■>.) r.liargo militaire <ju'ou peut comparer à celle
(le connitaiiU.
[}) Il iiaiail que la relii;inn des Arméniens,
comme celle des P;irllie.« , était alori. mi melanj;r
•le la doctrine de 'Aoroaslre . de ridulàlrie d<>s
Grecs et de» superslilioii» de» Scjthc». A — T.
120
TIR
gue de cinquante-six ans . Kliosrou 1 1 ,
son fils , lui succéda ( Foy. ce nom ,
XXII , ^oZ , et les Méin. sur V Ar-
ménie, par M. Saint-Martin). W — s.
TIRIIS ( Jacques ) , commenta-
teur de l'Ecriture sainte , était né
à Anvers, en i58o. Il embrassa
la règle de saint Ignace, à l'âge de
Yingt ans , et après avoir enseigné
les humanités à Loiivaiii , et la tliéo-
logie dans la maison professe d'An-
Ters, il fut employé dans la Tnission
de Hollande , où il se distingua par
son zèle. C'était un excellent l'eligieus,
joignant à une piété solide beaucoup
de douceur et une grande érudition.
Il mourut, dans sa ville natale ,1e 1 4
juillet i636. On a de lui : Com-
vienlarii in Fétus et Novum Testa-
vientum , Anvers, 1 63a, 3 vol. in-fol. ;
ibid. , i()56, 2 vol. in -fol. Ces
Commentaires ont été insérés , par
Jean de la Haye , dans la Biblia
magna et dans la Biblia maxima.
Le savant auteur a fait précéder le
premier volume d'un abrégé de l'His-
toire sacrée , depuis la création du
mondi" jusqu'à la ruine du temple de
Jérusalem par Titus; d'une Table
des poids et mesures des anciens,
comparés avec ceux des moder-
nes ; et enfin de l'explication des
idiotismes grecs et hébreux qu'on
trouve le plus fréquemment dans les
Kcritiues. Suivant Crenius ( defuri-
htislibrariis), Tirin n'a fait qu'abré-
ger les Commentaires de Conielins à
Lapide; mais cette accusation n'est
j)as fondée. H a recueilli ce qu'il a
trouvé de meilleur dans les auties
interprètes , et en a composé ini ou-
vrage fort utile , et que consultent
toujours avec fruit les élèves en tlico-
iogi<-. W — s.
TIBON ^Tl-i.mls TiBo), allran-
clii de Cicéron , contribua be.uiroup
à j erfeclionncr chez les Koniauis la
TIU
tachjgraphie ou l'art d'écrire aussi
vite que la parole. Cicéron, l'ayant
distingué parmi ses esclaves, se char-
gea de cultiver ses dispositions, le
lit son secrétaire, et l'établit ensuite
sou intendant avec l'autorité la plus
étendue. Tiron , reconnaissant , se
montra constamment un serviteur fi-
dèle et dévoué. Il avait accompagné,
son maître dans le gouvernement de
Cilicie: en revenant il tomba malade à
Patras ; et Cicéron , que ses affaires
rappelaient à Rome , fut obligé de le
laisser aux soins d'un médecin. Sans
cette circonstance on ne connaîtrait
pas tout rattachement que ce grand
homme portait à Tiron : « Quoi-
» qu'il soit très - important pour
» mon honneur, lui écrivait-il, que
)) je me rende à Rome, il me semble
» que j'ai fait une faute de vous quit-
)) ter.... Je vous demande en grâce
» de ne pas regarder à la dépense
)) pour rétablir votre santé. » Dans
une autre lettre, il lui dit: « Vous
T) m'avez rendu des services sans
» nombre ; mais vous y mettrez le
w comble , si vous me donnez , com-
•>•> me je Tespère , le plaisir de vous
» revoir en bonne santé.... Ne vous
» occupez que de votre santé. Je ju-
» gérai des sentiments que vous avez
» pour moi par l'empressement que
» vous mettrez à vous rétablir. » Des
que Tiron fut de retour à Rome ,
(Cicéron l'allranchit, comme il lui en
avait répété plusieurs fois la pro-
messe. Il dut aux bienfaits de son
maître un domaine ; et Fou peut con-
jecturer qu'il ne tarda pas de se re-
tirer dans cet asile, où il partagea
le reste de sa vie entre les travaux
champêtres et les douceurs de l'é-
tude. Ou sait qu'il avait compose
une /7c de l'orateur romain, le Re-
cueil de sr.s bons mots {joci) en
trois livres . e? quelques autres ou-
TIR
vrages. Un passage de Cice'ron don-
ne lieu de croire que Tiron s'e'tait
exerce dans le genre tragique (i).
C'est lui qui nous a conserve les Let-
tres de Cicéron ; le seizième livre du
Recueil si mal intitule par les copis-
tes Ad familiares contient celles
qui sont relatives à cet adVauchi.On
attribue à Tiron l'invention de la mé-
thode d'écrire en notes, qui porte
son nomj mais cet art était connu
des Grecs ( ^oy. Xénophon ) , qui le
transmirent aux Romains. Suivant
saint Isidore , le poète Enuius fut le
premier , à Rome , qui fit usage de
cette écfiture abrégée.Tiron augmen-
ta le nombre des signes ou notes, les
distribua dans un meilleur ordre , et
imagina de recueillir au moyen de
la tachf graphie les improvisations
des orateurs. Il paraît certain que
c'est à ses soins que nous devons la
Harangue de Caton contre César ,
insérée par Salluste dans VHAstoire
de la conjuration de Catilina ( V.
Caton , VII, 4oB). La tachf gra-
phie ou l'art d'écrire en notes , per-
fectionnée par Sénèque et d'autres ,
s'étendit dans tout l'empire. On s'en
est servi pour les actes publics , eu
France, jusqu'à la fin du neuvième
siècle, et en Allemagne, jusqu'à la
fin du dixième. C'est de là que les
officiers chargés de la transcription
des actes ont reçu le nom de lac-
taires , qu'ils conservent encore. En
cessant de faire usage des notes ti-
roniennies, on en oublia la signifi-
cation. Aussi les actes pour lesquels
on s'est servi de cette écriture abré-
gée fout -ils le désespoir des érudits.
Le pape Jules II avait chargé les
plus savants hommes de son temps
d'en rechercher le sens ; mais ils y
TIR
1^9
renoncèrcnt ( Voy. Sadolet, Epist.
V, 8 ). Juste Lipse avoue qu'il a fait,
dans le même but , de vains efforts
{Epist. ad. Belgas , centur. i, 27 ).
Gruter a publié , dans le Corpus ins-
criptionum , les IVotesde Tiron et de
Sénèque en vingt-une planches avec
des explications {F. Gruter, XVIII
5(}Ç) ). Tritheim en avait déjà donné
quelques-unes dans la Poljgraphie
et dans la stéganographie ; et
depuis Gruter, D. M/ibillon en a
donné plusieurs aljjhabets dans la
planche cinquante-six de sou Traité
de diplomatique. Mais le travail le
plus étendu , comme le plus intéres-
sant qu'on ait sur cette matière, est
VAlphahetum Tironianum de D.
Carpentier ( F. ce nom, VII, i83 ),
Cependant D. Tassin le trouve in-
complet et presque inutile (2); mais
ce jugement est dicté par l'humeur.
Les recherches de Carpentier ont con-
duit Sam. Taylor à la découverte du
Nou\'eau système de sténographie ,
suivi , depuis quarante ans , en An-
gleterre et en France. Outre les ou-
vrages cités, on peut consulter, sur
les notes tironiennes , le Nouveau
traité de Diplomatique de DD.
Tassin et Thuilier , m , ch. x • le
Dictionnaire diplomatique de B . de
Vaines, au mot Notes; et enfin V In-
troduction de Th.-Pier. Bertin au
Système universel et complet de
sténographie , an iv, in-8^^. W — s.
TIROU (...), né en Flandre, a
publié le premier une Histoire de
Lille et de sa châtellenie. Elle parut
dans cette ville, en un vol. in-12,
1780. Le style en est simple et peu
châtié ; mais elle est curieuse et inté-
ressante par ses détails sur les éta-
blissements de tout genre qui exis-
(1) An /Mtrigi.i alii^uid Sofjltoclrum? IcUrc 18,
llv. XVI.
{%) Vin. ]a Lettre ic \). Tissiii, sur ccl ouvr
gc , dans le Journal îles savanlf , lySfi, \t{.\.
i3o ' TIR
taiciU à \À\k. La clestniction ou l.i
mctaiiiorpllosc totale subie par ces
e1a])li.s.semoT)'ts, depuis trente ans, Jie
doit Vien ôter <à l'intérêt de cet ou-
vrage. L'auteur débute par un abro-
ge' de l'histoire des anciens châ-
telains de Lille , devenus depuis
comtes de Flandre. On lui a re-
proche d'avoir répète, sans exa-
men , quelques traditions fabuleu-
ses. "Voici l'excuse péremptoire qu'il
en donne : « La ville de làlle
)) étant aujourd'hui parvenue au
« faîte de la grandeur où elle ait
» jamais été , il est juste qu'elle suive
» l'origine des grandes choses , qui
1) ont toujours eu pour principe la
» fable ; telle que Rome , qui se dit
» descendue d'Enéo; Paris, de Pàris^
» fils de Priam , Anvers , de la main
» d'ungéantjetéedansl'Escaut: c'est
)) ce que signifie !e mot à'^^ntwer-
» pen en flamand. » On peut croire
qu'un écrivain qui se tire ainsi d'af-
faire a pu admettre des faits suspects
et des' prodiges avec bonne-foi et sim-
plicité , quelquefois même par des
motitS louables. Il croit, par exem-
ple , donner une grande idée de sa
piété et de celle des Lillois, en racon-
tant avec ingénuité (p. i44) " ^I"'"-
» ne famille ayant été convaincue de
» tenir de la nouvelle secte ^ le ma-
» gistrat (i) fit brûler vifs le mari,
» la femme et deux garçons, dans le
» carême de l'année i555. » Puis il
ajoute: a Certain tailleur ayant, pour
» je ne sais quel crime, été condam-
» né à perdre la tête, le a3 juin 1 56o,
» ayant tenu , dans la prison , cer-
» tains discours sur les nouveautés
» de religion, qui furent rapportés
» au magistrat , lequel fit dillérer
» l'exécution pour l'interroger , et
iiiiuit ai
illc-.<<lnl-lniull-
(T) Oi.
le corpn niiiiiiri|inl , (|iii , iiid<-iicnd;imiiiciit de» aC-
loir«!i «dinliiinUalivr», avait ;iiiMi d(JJ allribulion.i
)iidicinim<
ILS
)) ayant été reconnu hérétique, il fii!!
» brûlé vif, deux jours après. v> Ces
particularités et d'autres détails font
encore rechercher l'Histoire de Ti-
rou, malgré ses défectuosités. Les
exemplaires en étaient devenus rares
dès l'année 1764? pendant laquelle
fut publiée une autre Histoire de Lil-
le^ écrite d'un meilleur style et avec
plus de critique, mais qui ne va que
jusqu'à l'année i434 1 le second vo-
lume n'ayant jamais paru. Elle est
de Le Clerc deMontlinot, chanoine
de Saint-Pierre de Lille. D — x.
TISCHBEÎN (Jean -Antoine),
né , le 28 août i'^'?.o , à Haioa dans
le pays de Hesse , était le quatrième
fils d'un boulanger , qui en eut sept,
tous voués à la culture des arts , mais
dont les plus distingués furent celui
qui est le sujet de cet article, et sou
frère qui suit. Après avoir reçu ses
premières leçons de dessin à Franc-
fort, où il ne s'occupa d'abord que de
peinture en tapisserie , Jean-Antoine
alla étudier à Paris et à Rome, et
après avoir fait de grands progrès,
il vint établir une école de dessin à
Hambourg, où il mourut le a6 juillet
1784. Il a publié en allemand : Ins-
truclinnspour apprendre lapeinture
par principes , Hambourg, 1771 ,
in-8". G — Y.
TISCHBEIN ( Jean - Henri ) ,
peintre du landgrave de Hesse-
('asscl y frère puîné du précé-
dent , et fondateur d'une nouvelle
école en Allemagne, naquit le 3 oc-
tobre 172'^ , à Haina , dans le pays
de Hesse , où son père était boulanger
de riiùpital. Placé par celui-ci chez un
serrurier , il n'avait de pensée que
pour le dessin et la peinture. A l'àgc
de quatorze ans , on le confia à un
mauvais peintre en tapisserie, qu'il
eut bient()l surpassé. T-e comte de
Stadion ayant vu, à la foircde Franc-
TIS
fort , un tapis que Tiscbbcin avait
mis en vente , fut frappé du talent
qui s'y montrait, et découvrant dans
cette production les traces d'un génie
qui cherchait à se développer , il
promit à l'auteur de le faire voyager
en France et en Italie ; mais il lui
conseilla d'apprendre auparavant le
dessin. En 1^4^ Tischbein se ren-
dit en France , et il passa cinq ans
à Paris , à l'école de Vanloo. A Ve-
nise , où il ne s'arrêta que huit mois ,
il eut pour maître Piazctta , à qui il
reconnaissait devoir plus qu'à tous
les autres. Avant visite les. écoles et
les antiquités de Florence , de Bolo-
gne , de Rome , il revint , en i^Si ,
en Allemagne, près de son protec-
teur , le comte de Stadion. Un de ses
portraits frappa Guillaume Vlîl ,
landgrave de Hesse- Casscl, et ce
prince le nomma son peintre. De son
arrivée à Cassel date une nouvelle
époque pour l'art en Allemagne. Jus-
que-là on n'avait suivi dans la pein-
ture que la manière obscure de Rem-
brandt. Tiscbbein engagea ses élèves
à étudier la nature et ce mélange
heureux de couleurs qui est propre à
l'école de Venise. Pendant les pre-
mières années de son séjour à Cassel ,
il fut particulièrement occupé à
classer et enrichir la galerie des ta-
bleaux du landgrave^ dans ses mo-
mentsde loisir ilfaisait des portraits;
mais son goût et ses talents le por-
taient surtout vers la peinture des
objets mythologiques; l'histoire mo-
derne refroidissait son génie. La
guerre de Sept- Ans ne fit point tom-
ber son pinceau ; cependant ce fut
seulement après la paix d'Huberts-
bourg ( I ■]63)quc commença la vérita-
ble époque de ses succès et de sa répu-
tation. Ses meilleurs morceaux d'his-
toire mythologique ont été achevés
de \-jC)'?. à 1-S3. En 1776, une
TIS i3i
académie de peinture et d'architec-
ture ayant été fondée à Cassel , Tisch-
bein en fut nommé directeur, puis pro-
fesseur de peinture au collège Caro-
lin. C'est là qu'il devint le père de
tant d'élèves et le fondateur d'une
école qui s'est répandue jusqu'en Ita-
lie. Après une carrière si active et
si honorable , il mourut à Cassel ,
le 22 août 1789. Sou imagination
riante et poétique n'était satisfaite
que lorsqu'elle s'arrêtait sur les su-
jets mythologiques des Grecs , et sur
les fictions de leurs poètes. Il avait
trouvé dans Homère le sujet de ta-
bleaux qu'il plaça selon l'ordie des
pensées qui animaient le père de l'I-
liade et de rOd3^ssée. Ayant traité de
même le séjour de Télémaqne dans
l'île de Calypso , il choisit une autre
carrière ; ce fit l'histoire d'Antoine
et de Cléopâtre, qu'il ne considérait
que comme objet de mythologie , en
le traitant avec la liberté qu'Horace
accorde aux peintres et aux poètes.
C'est sous le même point de vue que
Tischbein a traité l'Histoire Sainte et
l'ancienne Histoire d'Allemagne jus-
qu'aux temps des troubadours. Ja-
mais il n'imitait , il aurait cru rabais-
ser sou art. Dans ses portraits de
personnages vivants il était toi^jours
entraîné à placer quelque chose de
poétique. Quand il travaillait un su-
jet de la f^able ou de Thistoire, il ex-
primait avec force ce qui tient aux
allée (ions de l'ame , ce qui peut re-
muer l'homme^ et c'est en cela qu'il
excellait. Ses compositions annon-
cent un génie créateur et qui savait
donner de l'ensemble , de l'unité à
ses productions. On voit par le nu
de ses figures qu'il av.lit étudié les
anciens soigneusemeJit ; sa draperie
transparente est jetée avec goût. Il
connaissait parfaitement l'art de mé-
langer la lunuèrc avec les ombres,
9 •
\3n
TIS
et c'est un trait caracte'ristique de sa
composition. Son coloris, qui tient aux
écoles française et vénitienne , est
quelquefois trop vif. 11 avait , dans
son abord, ces nobles prévenances ,
si propres à attirer les jeunes gens ,
et si nécessaires au fondateur d'une
école. Il fut toujours très-religieux ,
et dans ses dernières années sa piété
allait jusqu'à l'intolérance. Sa con-
versation était vive , intéressante; il
ne parlait que de son art , et de ce
qui peut l'ennoblir. G — y.
TISCHBEIN (Jean-Henri-Con-
rad) , neveu du précédent, naquit,
le 28 uov. 174'-* là Haina , étudia à
Cassel , sous les yeux de son oncle, et
s'appliqua particulièrement au pay-
sage et à la peinture d'histoire natu-
relle. Après avoir voyagé en Hol-
lande , il fut nommé , en i']'j5 , par
le landgrave de Hesse- Cassel , ins-
pecteur de la galerie que son oncle
avait mise en ordre , et qu'il enri-
cliissait tous les jours par son tra-
vail. Le neveu , voulant imiter les
tableaux des grands maîtres, com-
mença à graver à l'eau-forte et sur
le bois: ses premières épreuves ayant
été vantées , on en donna la liste
dans le Mercure allemand , de juil-
let 1781 , eu l'engageant à publier
son travail , ce qu'il a fait depuis
par l'ouvrage suivant : Traité élé-
mentaire de la s^ravure à l'eau-
furte , ai>ec quatre - i>ingt - quatre
feuilles de gravures , tirées selon
cette méthode , Cassel , 1790 , in-
fol. ( en allemand). Cet artiste mou-
rut, a Cassel , le 22 déc. 1808. G-y.
TIvSCHBElN (Jean-Henri-Guil-
LAUMi;) , frère du précédent , né le i5
fcv. 1751 , fut élevé , comme lui, à
l'école de son oncle (Jean-Henri),
dans la galerie deC^assel ,etdevMit un
des premiers peintres d'histoire de
.son tcm|)S. Après avoir travaillé à
TIS
Hambourg , en Hollande, à Hanovre,
il vint, en 1777 , à Berlin, pour faire
un portrait de i'amilie, demandé par
le prince Ferdinand de Prusse. On
fut si satisfait de son travail, que la
reine et toutes les personnes de la
famille royale lui demandèrent leurs
portraits. Il était, eu 1779,3 Rome,
et en 1787, à Naples , où il se fit
connaître de toute la cour. En 1790,
il fut nommé directeur de l'académie
de peinture. Les malheurs de la guei--
re , qui tombèrent sur Naples en
I 799 , le forcèrent de retourner dans
sa patrie. Il a publié : I. Têtes de
différents animaux dessinés d'après
nature, Naples, 1796, in-fol. Ce
Recueil d'études pour la peinture
d'histoire naturelle est très-estime.
II. Education , aventures et fin dé-
plorable d'un dne ; c'est une suite
de feuilles que l'auteur appelait ses
Bamhochades. L'auteur a traité ce
sujet avec gaîté et abandon; il l'a
oriié par les grâces de son pin-
ceau. III. Collection of engravings
from antique vases , piddished bj-
William Tischbein , Naples, 1791 ,
4 vol. infol. Un cinquième volu-
me qui était annoncé n'a point pa-
ru. On a publié en France la co-
pie de cette grande collection ,
sous le titre suivant : Recueil de
gravures d'après des vases anti-
ques , la plupart de travail grec ,
trouvés dans des tombeaux , au
royaume des Deux-Siciles , princi-
palement dans les environs de Na-
ples.en I ^i^Çfet x'-^^o, tir es du cabinet
du Ch. Hamilton, avec des observa-
tions sur chacun des xmses , publié
d'après H. Gaill. Tischbein, Paris,
i8o3-iHoG, 4 vol. contenant deux
cent quarante gravures. IV, Les ou-
vragessuivaiils outjiaru en allemand:
Gravures de tableaux grecs, Wci-
inar, 1797, m -fol. V. Homère ,
TIS
dessiné par Tisckbem , d'après des
antiques , expliquées par Heyne ,
Gottingue, 1801 à i8o4 , en six ca-
hiers. Ce bel ouvrage a paru en
France, sous ce titre: Figures d'Ho-
mère , dessinées d'après V antique
par H. Guillaume Tischhein , di-
recteur de V académie de peinture
et de sculpture à Napies , député
de la société des antiquités J'arne-
siennes , avec les explications de
Chr. Gott. Ilejne , Metz , 1801,
tome I , contenant l'Iliade eu six
feuilles; tome 11, 1802, contenant
rOdyssëe en douze feuilles. YI. Res-
tes des livres de la Sibylle , ras-
semblés devant la grotte de Cumes,
en dix-sept plauclies. G — y.
TISCHBEIN (Jean -Frédéric-
Auguste), frère du précèdent, naquit
à Maestriclit, le 9 mars 1700, fit ses
premières études près de lui , et
se rendit à Cassel pour se perfection-
ner à l'école de son oncle ( Jean-
Henri ). Par la protection généreuse
du pi'ince de Waldeck, il se vit en
état d'aller, pendant sept ans, fréquen-
ter les écoles de France et d'Italie.
Le nom de sa famille étant déjà
connu à la cour de Napies , la reine
se ût peindre par lui et le chargea
d'aller à Vienne remettre à sa mère,
l'impératrice Marie-Thérèse, le por-
trait qu'il avait fait. Revenu près de
son protecteur, le prince de Yaldeck,
il fut nommé peintre de sa cour ,
avec le titi-e de conseiller. Il passa
plus tard en Hollande. Il se trouvait
eu >7()5 à Dessau , et en 1800 il
lut nommé professeur et directeur de
l'école; des beaux-arts à Leipzig. Il
mourut à Heidelberg , le ui juin
1812. Ses portraits sont très-recher-
chés. G — Y.
TISIAS, orateur, natif de Sicile,
auquel Aristote et Cicéron attribuent
^invention de l'éloquence , ou du
TIS i33
moins le mérite de l'avoir réduite en
art et fixée par des règles, vivait vers
ran4o6av. J.-C. Nous apprenons de
Pausanias qu'il accompagna Geor-
gias Léontin , son élèvT , dans une
ambassade à Athènes ; et de Denys
d'Halicarnasse , qu'il eut la gloire ,
dans cette ville, d'être le précepteur
d'Isocrate. T — d.
TISIUS. Foy. Thysius.
TISSAPHERNES , satrape de
Perse, sous le règne d'Artaxercès-
Mnémon, commandait un corps de
troupes dans l'armée de ce prince ,
à la bataille de Cuuaxa, qui décida
du sort de l'Empire, et eut beaucoup
de part à cette victoire. Ce fut ensui-
te par lui que les chefs des Grecs ,
attirés dans uu piège, furent livrés à
Artaxercès et mis à mort ( Foy.
Cléarque ). Ce prince le récompen-
sa de ces services en lui donnant la
main de sa (ille et le gouvernement
de tout le pays dont Cyrus avait été
gouverneur {Foy. Cyrus , X , 4i5).
Mais cette faveur dura peu ; Tissa-
phernes ayant éprouvé un échec en
combattant les Lacédémoniens , et
surtout ayant encouru la haine de
Parysatis , qui ne lui pardonnait pas
la mort de Cyrus, fut tué par ordre
du prince qui lui devait le trône et
peut-être la vie, à Colosse en Phry-
gie , oii les assassins le surprirent
pendaut son sommeil. M — d j.
TISSARD (François), natif
d'Amboise, fit ses études à Paris,
suivit les écoles de droit à Orléans,
et s'étant rendu en Italie , y devint
liabilc dans l'hébreu et dans le grec.
De retour en France , il fut nommé
]n'ofesseur à l'université , s'occupa
beaucoup d'y établir l'enseiguement
du grec; et comme on était obli-
gé de tijcer deVenise les livres écrits
dans celte langue , ce qui les rendait
lrès-che;-s, il fit imprimer à Paris,
i34 TIS
eu I So-j , in-4°. , ua Recueil qui con-
tenait les Scntcnctis des sept sages ,
les Vers dorés de Pythagore, le Poè-
me de Phocylide et quelques autres
Opuscules , avec un Discours latin
de sa façon, pour exciter cV l'étude
de la langue grecque. Ce Recueil fut
suivi de plusieurs e'ditions grecques ,
accompagnées de préfaces: Tissard
composa aussi , et dédia au jeune duc
de Valois , depuis François l*^''. , la
première grammaire licbraïque qu'on
ait vue en France , iSoS^ iu'-4'*. Tis-
sard e^t le premier qui ait fait im-
primer ides livres grecs et hébreux ;
et son imprimeur , Gilles Gour-
mont, le premier qui ait employé
à Paris des caractères de ces deux
langues ( Va/. Gourmont ). li
mourut en. i5o8. — -Tissard
( Pierre ), prêtre de l'Oratoire ,
né, à Paris, en 1666, mort dans la
même ville, en 1740, après avoir
professé avec distinction les humani-
tés et la théologie, publia à Troyes,
conjointement à'Vec son confrère
Vniot,un petit Recueil de Fables
choisies de La Fontaine , traduites
en vers latins, où ils ont su
mettre toute l'élégance <jt toutes les
grâces dçnt ces pièces inimitables
étaient susceptibles en ]:yassàut dans
une langue mortel Ce îtecueil a été
réimjirimé cri 17 38- in-12, à Rouen,
sous le nom d'Anv<ii'*, par les soins
de l'abbé Saas, Il comprend aussi
d'autres pièces latines de^ d'eux au-
teurs. On a encore de P. Tissard plu-
.sieurs écrits anonymes sur les contes-
tations de l'Église.' "T — d.
TISSERAIS (jEAN)'/coi'delicr de
Paris, se distingua, Sur la fihdu sei-
zième siècle , par ses prédications.
7\y.'int converti ini grand nombre dé
filles de mauvaise vicyil fontïa p^ur
elles, en i4o4»""t^ maisor^d'é'i-d'rtfjè)
sousl'invocatioïidesainwMà'delcine.'
TIS
Plus de deux cents filles péiiitenies
s'y retirèrent ; et comme les revenus
de la maison devenaient insuffisants,
on permit à quelques-unes d'aller
faire des*quêtes, à l'exemple des or-
dres mendiants. Jean Simon, évêque
de Paris, leur dressa des statuts, et les
mit sous la l'bgle de saint Augustin.
Le duc d'Orléans, qui régna plus tard
sous le nom de Louis XII . leur ayant
donné son hôtel, elles furent astreintes
à la clôture , et restèrent dans ce lo-
cal jusqu'en iSya. Alors Catherine
de Mëdicis, qui voulait construire
un hôtel à la place du couvent des
fdles pénitentes , les transféra l'iie
Saint-Denis ,dans l'abbaye de Saint-
Magloire, oi^i elles demeurèrent jus-
qu'à l'époque de la révolution. Il y
avait déjà long-temps qu'on n'y re-
cevait plus que des lilles vertueuses;
mais d'autres maisons de refuge, telr
les que leS Madelonnettes et Sainte-
Pélagie , fondées par des personnes
animées du même zèle que Tisse-
ran, étaient ouvertes aux fdles pé-
nitentes. P— ^RT.
TISSIER ( Le P. Bertrand ), ber-
nardin , embrassa la vie leligieuse
dans la congrégation de Cîteaux j
introduisit , en 1 664 , la réforme
dans l'abbaye deBonnefontaine, dio-
cèse de Reims ^ dont il était priei;r,
et mourut vers 1G70. C'est à lui
qu'on doit la publication du Re-
cueil intitulé : Bibliolheca Palrum
cistercensuim ( 1 ) , id est opéra
abbalum et monachorum ordmis cis-
tercie.nsis , (jui sœculo sancti Ber-
nardi , aut jniulb jiost ejus ohitum
jlorueruiit, in uintin collecta ,ctc.,
Honneloniaiue , lOCio - (>() , in-fol. ,
8 tom. en 4 vol. Ce Recueil est très^
rare; Andun des bibliographes qui le
.i I i ■ Ji I ' I -: — ■ '. — •
.t(;i) ■Mrl'igKiiol; , 110111(10 par ce Ulru, .ilci'djiiufr
«■'élnil iiiir hislolri' lillcruirc do In congri'ijiaioii dw
TIS
citent n'arait pu le voir complet.
Freilag n'en connaissait que les deux
premiers tomes (Voy. Analecta lit-
teraria); et Lenglet-DuCrcsuoy n'a-
vait pas pu découvrir les tomes m ,
IV et V dans les hibliotlièques de
Paris. Nous allons le décrire d'après
l'exemplaire de la bibliothèque du
Roi , qui est complet. Le tome /<='".
(1660) contient^ en 264 pag- , deux
pièces anonymes sur l'origine et les
premiers accroissements de la congré-
gation de Cîteausj le second ( ]66'Jt)
a 3';7opag.,et offre des Dialogues sur
les miracles de Césaire , moine de
i'abbaye de Val Saint-Pierre en Heis-
terbacli ; le troisième ( daté de 1 660 )
a 2'j2 pag. : on y trouve un Traité
de Peregrinante Cwitate Dci , par
Henri Settimo , cardinal d'Albano ;
des Lettres du même , des Sermons ,
etc. ; le quatrième (i66s) contient ,
en 3 16 pag. , les OEuvres du B.
Guillaume de Saint-Thicrri , moine de
Signi : Disputatio anonyvii dbbatis
adversàs Petrum Ahaelardum , qud
etiam imposturœ ejusdem Abaëlardi
adversùs S. Bernardum confutan-
iur y et une Disputatio de Jacques
de Thermes, abbé de Charlieu ; le
cinquième (1662) a 3go pag. , et
renferme les ouvrages de Baudouin ,
abbé de Fard^ puis archevêque de
ruinterbnry et ceux d'Aelrcd Bie-
VaUis ( dioc. d'York ) ; le sixième
(1664) présente, en i33 pag., les
OEuvres d'Isaac , abbé de Stella
( dioc. de Poitiers ) , et celles de Ser-
lon, abbé de Savigni : une Lettre de
Heribert sur les Vaudois ou Albigeois
duPérigordjCt quelques autres opus-
cules; le septième et le huitième ,
datés de 1669, portent sur le titre
l'indication de Paris , chez L. Ril-
laine; le septième a Z'x\ pag. : on y
trouve l'Hisloire de la guerre des
Albigeois , par Pierre de Vaux-Ccr-
TIS î3»
nay , el les cinq derniers livres de la
chronique de Helinand ( Foy. ce
nom , XX j 5 ) ; enfin le huitième
(218 pag.) contient la Chronique
d'Oifo«de Freisiugen, avec la con-
tinuation par Radevic , chanoine de
Freisingen. Lenglet-Dufresnoy {Mé-
thode pour l'histoire , X, 352, éd.
in-12) regrette que le P. Tissicr
n'ait pas enrichi son Recueil dechar
tes et d'auvjes documents , qui l'au-
raient rendu plus intéressant encore
pour l'histoire. Le P. Bertr. Tissier
promettait une édit. des OEui>res i\.t
Geoffroy d'Auxerre ( Voj. ce nom ,
XVII , 1 15 ) , et une nouvelle édit.
des OEuvres de saint Bernard , dé-
gagée des divers écrits qui lui sont
faussement attribués. Casim. Oudin
a publié la liste des ouvrages qui de-
vaient faire partie de cet édit. de
saint Bernard , dans le Comment .
scriptor. eccl. , 11 , 1241. W — s.
TISSOT (JEAN-MAURlcu)^, ma-
tliématicicu , était né , dans le seiziè-
me siècle , à Pontarlier. Ajirès avoir
terminé ses études , il embrassa la
profession des armes , servit eu Ita-
lie^ sous les ordres du duc dé Lon-
guevillc, et fut ensuite attaché, com-
me ingénieur, à l'armée du roi d'Es-
pagne en Flandre'. Ses laleiils furent
récompensés par luic place de con-
seillera la chambre des comptes à
Dole , et celle d'inspcclcar des arse-
naux du comté de Bourgogne. Lors
de l'invasion de cette province par
les français^ en i636, le conseiller
Petrey ( F. ce nom ) , chargé de la
défense du bailla gc d'Aval , se fit
accompagner à Gray par Tissot ,
« jHUsonnagc , dit - il dans son stylé
naïf, fort bien versé es fortifications,
et qui par ses ouvrages s'est rendu
rcccmmandablc par tous lc5,^Payîi-
Bas 1) ( V. IcUrc de Peîi-cy , p. :>.o ).
La retraite des Fiatirais pornïit à
[36
TIS
Tissot de revenir prendre ses fonc-
tions à la chambre des comptes. Il
en fut e'iu second président , et mou-
rut vers i65o. Il avait épouse' la
sœur de Pierre Vernier, a ucfuel l'astro-
nomie est redevable de l'instrument
qui porte son nom ( V. Vernier ).
Aidé par Claude Vernier^ son beau-
pèi'e , Tissot dressa la Carte du
comté de Bourgogne, en quatre feuil-
les , 1642 , reproduite plusieurs fois
avec des corrections , notamment en
i6n5 , après la réunion définitive de
cette province à la France. On doit
encore à Tissot: I. Mars adversaire,
traitant des attaques et assiége-
ments, in-^'^. de 3i i feuillets. Catal.
des mss. de la maison professe de
Paris , n». cviii. II. Comitatus
Burgundiœ chorographica sjnomi-
litty in -fol. Cet ouvrage est divisé
en cinq parties : les deux premières
traitent de l'histoire naturelle, et des
souverains du comté de Bourgogne ;
la troisième contient le pouillé des
bénéfices de l'archevêché de Besan-
çon ; la quatrième, l'état des foires j
et enfin la dernière , la description
de la province. Le style, dit un cri-
tique, en est assez beau et assorti à
la matièrej mais la partie histori-
que est déparée par un grand nom-
bre d'auachronismes ( F, la Bibl. de
la France , iv, p. 236, n°. a2i6).
W— s.
TISSOT (Simon-André), mé-
decin, né, à Grancy dans le pays
de Vaud , le '.20 mars 1728, fit ses
premiires éludes à (îenève , et se
rendit à Montpellier, pour y suivre
les cours de jnédetine. 11 y prit le
grade de docteur , en 1 749 » et vint
se fixer à Lausanne. Le succès qu'il
obtint dans le traitement de la petite
vérole eonducnte , par des adoucis-
sants et des rafraîchissants, à une
époque où l'onjugcailindispcnsablcs
TIS
les sudorifiques etles stimulants, fixa
sur lui l'attention. Il s'attacha à dé-
montrer les avantages de ce mode
de traitement , dans un Ecrit en fa-
veur àtV inoculation , qu'il publia en
1700 , avec un Essai sur la mue de
la voix. Peu de temps après , il
donna la traduction française de deux
Dissertations latines de Haller , l'une
sur les parties sensibles et irritables
des animaux , l'autre sur le mouve-
ment du sang et les effets de la
saignée, Lausanne, 1757. Eu
1758 parut sa Dissertatio de fe-
bribus biliosis seu Historia épidé-
mies Lausannensis , auno 1755.
Cet ouvrage assura à sou auteur
un rang distingué parmi les méde-
cins observateurs. Dans une Let-
tre qu'il écrivit à De Haen , il
chercha à répoudre aux objections
que ce médecin avait faites contre
l'inoculation^ Vienne, 1759, m-S".
Cette Lettre , à laquelle De Haen ré-
pliqua , fit éclore une foule d'autres
écrits contre ce mode d'insertion de
la petite-vérole, qui fut même déféré,
dans un pamphlet, à l'église et aux
magistrats ( par De Bury , 1756,
in-ii ). Tissot adressa aussi à Zim-
merraann , avec lequel il avait con-
tracté des liaisons d'amitié , une Dis-
sertation latine sur la maladie noi-
re, le squirrhe des viscères , la mi-
graine , l'inoculation, l'irritabdité ,
Lausanne, 1760. Il reproduisit son
Histoire des fièvres bilieuses , et y
ajouta son Tentamen de morbis ex
manuslupratione orlis , Louvain ,
I7()0. Ce dernier Ouvrage panit eu
français dans le même temps , sous
le titre ài-V Onanisme , ou Disser-
tation sur les maladies produites
par lu maslurbalion : il se répandit
avec profusion en France , et y méri-
ta de nombreuses éditions. L'année
suivante , Tissot publia Y y/vis au
TIS
peuple sur sa santé, Lausanne, 1761.
C'était la première fois que la méde-
cine avait ëtc traitée en langage vul-
gaire et raisonnable. Beaucoup de
personnes , mues par des principes
d'humanité , crurent cet ouvrage à
leur portée , et sullisant pour les
guider dans leurs soins charitables
envers la classe peu aisée , ou dans
ceux qu'on peut donner lorsqu'on est
privé de médecin ; aussi eut-il un
succès prodigieux: il fut traduit plu-
sieurs fois en allemand, eu italien,
en suédois, et en sept autres lan-
gues, et il s'en est fait en Europe un
nombre infini d'éditions. La répu-
blique de Genève accorda une pen-
sion à l'auteur , et la chambre de
santé du canton de Berne lui décerna
une médaille. ïissot continua de
publier différents écrits , qui , sans
avoir le même succès , lui acqui-
rent plus de droits à l'estime des
savants. De ce nombre sont : une
Dissertation]atme adressée à Haller
sur la petite vérole , l'apoplexie et
l'hjdropisie ^ Lausanne, 17(50, in-
12 • — la Traduction française ,
avec notes , de la Dissertation latine
de Bi'gucr sur l'amputationdes mem-
bres , Paris , 1 764 ; — Lettres à Hii'-
zcl sur quelques critiques deDelIacn,
et à Zimmermaim sur l'épidémie cou-
rante, Lausanne, 17(35 ; — un Dis-
cours latin De valetudine litteralo-
rum , Lausanne, 176G, prononcé à
l'occasion de sa nomination à la
chaire de médecine du collège de
Lausanne : ce Discours fut publié en
français sous le titre à'Avis aux
f;eiis de lettres et aux personnes
sédentaires sur leur santé, Paris ,
17G8, et eut un succès marqué {i).
(1) TlsMjl l'uHri'.s-mrcdiiteut Je ccllu Iradiictioii
publiée l'i sciii insu , cl oii son ouvrage so li-ouvait
ti-oiiqué et d(;fi(;iiré par un grand nombre de con-
tre-sens ; ilja désavoua «(uolqu'elle efil eleannon-
<•<•« comme vevMc [lur lui , et il crut devoir, pour
TIS
i3'
Tant de productions eu peu d'années,
jointes à un grand zèle dans l'exer-
cice de sa profession , valurent à Tis-
sot beaucoup de célébrité. La société
royale de Londres , et plusieurs
autres , l'admirent au nombre de
leurs membres. Le roi de Pologne
voulut, en 176G, le nommer son
premier médecin. Sa majesté britan-
nique lui fit oflrir , en 1 767 ,1e même
titre pour l'électorat d'Hanovre. Tis-
sot refusa cesdeux placeshonorables ,
et indiqua pour ci lie du roi d'Angle-
terre le célèbre Zimmermann, La
magistrature de Lausanne sentit tout
le prix d'un savant aussi estimable 5
elle lui conféra le droit de bourgeoi-
sie, et le créa membre des Deux cents,
parmi lesquels on prenait les citoyens
composant les tribunaux et les ma-
gistrats. Les travaux littéraires de
Tissot ne se ralentirent point. Il pu-
blia le Recueil de ses ouvrages latins
et français , Paris , 1769, et années
suivantes , 10 vol. in- 12 ; — Epis-
tolœ medico-practicœ , Lausanne ,
1770 ; — Traité de l'épilepsie , Pa-
ris, 1770 : c'est le troisième volume
du Traité des nerfs et de leurs mala-
dies , qui ne ])arut en entier qu'en
1 18 i , 4 vol . in- 1 1 ; — Essai sur les
maladies des gens du monde , Lyon,
1770, in 12, ibid. , 1771, troi-
sième édition fort augmentée ; — une
édition estimée du traité De sedihus
et causis morhorum de Morgagui ,
Yverdnn, i77(). Joscphll , passant,
en 1780, à Lausanne, et désirant
donner un nouveau lustie à l'univer-
sité de Pavie, offrit à Tissot d'y
aller occuper une chaire. L'espoii'
de se rendre utile à un grand système
d'insiruclion publique , le fit céder
son honneur, doiuier lui-même une version fran-
rai.'.e qu'il corrigea et rel'ondil enlitrement. Ce
nouvel ouvrage parut sous ce litre : Vc la saute-
d, s gcH.t de lettres , Lausanne cl Lyon , 176g , in-
1 a . A— T.
,38
TIS
aux sollicitations de l'empereur , mais
avec la conditiou expresse que ce ne
serait que pour trois ans. La science
du professeur qui a peu exercé la
médecine n'est pas la même que
celle du praticien qui arrive tardive-
ment au professorat. Le premier se
jette dans l'érudition , et intéresse les
élèves par le récit des phases que la
médecine a subies, et des opinions
qui s'y sont succédées : le second s'at-
tache plus particulièrement à ce
qu'elle présente de positif , et parle
avec plus de circonspection du fond
même de la science. Le premier ,
plus séduisant , obtient souvent un
succès d'école. Le second n'est par-
fois apprécié que lorsqu'on a une
instruction avancée , et qu'on n'est
plus à même de l'entendre. Tissot
éprouva dans Pavie ces vicissitudes :
il ne justifia pas d'abord l'attente
qu'où s'était formée de ses talents.
Mais une épidémie meurtrière avec
irritation des organes gastriques et
biliaires s'étant manifestée en Lom-
bardie , on recueillit le plus grand
fruit des traitements qu'il avait in-
diqués. Dès-lors ses cours furent plus
goûtés ; les élèves célébrèrent son
triomphe par des fêtes 5 une inscrip-
tion eu son honneur , commençant
par ces mots : Iinmorlali prœcep-
tori , fut gravée sur le marbre, et
placée dans le portique des écoles. Ces
mêmes élèves iirent éclater les regrets
les ])lus vifs lorsque ïissot voulut
les quitter. Pie VI , dans un voyage
de ce médecin à Rome , témoigna le
désir de le voir ^ le dispensa, comme
protestant, du cérémonial rie pré-
sentation et lui lit don de la col-
lection des médailles frappées sous
son pontilicat. Après avoii' atteint le
terme qu'il s'était prcsiiit ]iour son
professoral , Tissot (|uitt;) Pavie, où
il eut pour successeur le célèbre
TIS
Franck. Il revint à Lausanne , et y
vécut encore plusieurs années au mi-
lieu de ses compatriotes qui !e ché-
rissaient, et d'une grande quantité
d'étrangers que sa réputation y atti-
rait. Il se disposait à publier l'Éloge
de Zimmermann , et une nouvelle
Edition de ses propres ouvrages ,
lorsqu'il fut atteint d'une inflamma-
tion de poitrine à laquelle il suc-
comba , le i3 juin 1797. On a don-
né une édition de ses OEuvres choi-
sies , Paris, 1809, 8 vol. in-80. ,
avec des notes du professeur Halléj
mais il n'a surveillé la publication
que des trois premiers volumes. N-a.
TISSOT ( Clément- Joseph ) ,
parent du précédent, naquit à Or-
nans, en lySo; il fit ses études
médicales à Besançon , et y fut reçu
docteur en 1776. Ses premiers tra-
vaux furent consacrés à répondre à
diverses questions de l'académie de
chirurgie , sur l'hygiène médico-chi-
rurgicale. Il lui adressa, en 1779,
1781 et 1783, trois Mémoires à ce
sujet : 1°. Du régime diététique
dans la cure des maladies ; 2°. Des
effets du sommeil et de la veille ;
3°. De l'injluence des passions de
l'dnie dans les maladies. Accueillis
par ce corps savant , ces Mémoires
furent traduits en allemand, et im-
primés à Brunswick, en 5799. Tis-
sot publia, dans le même temps , une
Gymnastique médicale , un vol. in-
12, Paris, 1-81 ; et il fut nommé ,
en 17B5, correspondant de la société
royale de médecine. Ensuite il vint à
Paris; et Tronchin , à la Recomman-
dation de son parent, en' fit son dis-
ciple et son secrétaire : il le désigna ,
en 1 787 , comme médecin adjoint de
la maison d'Oiléans. Kn 1788, Tis-
sot fut noiuni('(liiiurgien Cil chef ad-
joint au camp de Saiiit-Om(;r , com-
mandé y.n le prince de Coudé; peu
TIT
de mois après, inspecteur division-
naire de l'Alsace et de la Frauclie-
Comtë, dont il remplit les fonctions
jusqu'en l 'jg'i; puis cliirur^icn eu chef
à r hôpital militaire de Lyon , jus-
qu'après le siège de cette ville -, en-
suite inspecteur des hôpilaux mili-
taires , des eaux minérales d'Aix-la-
Chapelle, et cnlin chirurgien en chef
de divers corps d'armées. Il lit, en
cette dernière qualité^ les campagnes
d'Autriche , de Prusse, de Pologne , et
d'Italie. En r8o6 , il fut désigne pour
porter du secours aux prisonniers au-
trichiens cantonnés dans la Souabe,
qui étaient atteints d'une dyssen-
terie épidémique désastreuse. Pour
prix de son zèle, l'archiduc Charles
lui adressa une lettre flatteuse , avec
une tabatière ornée d'un médaillon
entouré de diamants et faisant allu-
sion à cette épidémie, ainsi que le di-
plôme de membre honoraire de l'a-
cadémie de médecine et de chirur-
gie de Vienne. Tissot obtint ensuite
sa retraite , et vint à Paris , où il
reprit l'exercice de sa profession.
Le duc d^Orléans lui conféra le
titre de son médecin consultant.
Agrégé à la société de médecine pra-
tique, il en était vice-président lors-
qu'il mourut, le 3o juin i8.i6. Ou-
tre les ouvrages que nous avons men-
tionnés , Tissot a publié une Notice
nécrologique sur Loreiilz, premier
médecin de l'armée de Rhin-ct-Wo-
selle ; des Observations sur les cau-
ses des épidémies dans les liôpitaux
militaires, et des Becheiches to-
pographiques insérées dans le quin-
zième volume des Mémoires de mé-
decine militaire , en déc. iB^/j* N-h.
TITE , disciple de saint Paul , ne
lie parents idolâtres , se convertit à la
foi , probablement à la parole de saint
Paul, qui le choisit pour son inter-
prète ordinaire et pour le coopc'ra-
TIT
i3g
teur de ses travaux. L'an 5 1 de J.-C,
Tite suivit saint Paul à Jérusalem ,
et il assista avec lui au concile que les
apôtres y tinrent sur les observances
légales. En 56, saint Paul envoya son
disciple d'Éphcse à Corinthe, pour
remédier à quelques abus, et mettre
fin à quelques divisions entre les fidè-
les. En parlant de cette mission , dans
la seconde Épître auK Corinthiens ,
l'apôtre dit ( chap. 2 , 7 , 8 et 1 2 ) :
« Etant arrivé à Troade, pour y an-
» noucer l'Évangile de Jésus-Christ,
» je n'ai pas eu de repos dans mon
» esprit , parce que je n'y ai point
» trouvé Tite , mon frère ■ ché-
» ri , et je suis parti pour aller en
» Macédoine. Y étant arrivé, Dieu,
» qui se plaît à consoler les humbles,
» nous a fait trouver dans l'arris'ée
» de Tite un sujet de consolation
» d'autant plus grand, qu'il m'a rcn-
» du compte de vos pieux désirs , de
» vos larmes et de l'attachement que
» vous montrez pour moi. J'en ai res-
» senti une joie bien vive. J'ai prié
» Tite d'aller vous trouver de nou-
» veau , pour achever ce qu'il a com-
» mencé parmi vous, et pour vous
» faire participer aux grâces alta-
1) chées à cette bonne œuvre. Vous
w connaissez Tite : vous a-t-il circon-
» venu en quelque chose? vous a-t-il
» été à charge ? ne raarche-t-il point
)) dans le même esprit que moi et sur
» mes traces ? » Dans son premier
Voyage à Corinthe , Tite avait été
reçu avec les plus vives démonstra-
tions de respect. Les iidcles s'étaient
empressés de lui procurer loute sorte
de secours ; mais , en vrai disciple du
grand apôtre, il n'avait rien reçu ,
pas même ce qui pouvait lui être né-
cessaire dans ses besoins. Ceux qui
s'étaient écartés de leurs devoirs y
étant rentrés , il alla trouver l'apôtre
en Macédoine, pour lui rendre compte
i4o
TIT
de sa mission , et solliciter , au nom
des Coriuthieus, la grâce de l'inces-
tueux, que l'apôtre avait excommunie'.
Il fut également heureux dans la se-
conde mission, qui avait pour but de
recueillir à Corinthe les aumônes des
fidèles. Saint Paul, étant sorti de sa
première captivité à Rome, alla dans
l'île de Crète, pour y prêclier l'E-
A'anglle. Les besoins de l'Eglise l'ap-
pelant ailleurs , il ordonna Tite c'vè-
que de cette île, afin qu'il achevât
l'œuvre si heureusement commencée;
et il lui adressa une Épître où il ex-
pose les devoirs du ministère sacré.
L'apôtre, ne pouvant se passer long-
temps d'un coopérateur si utile, en-
voya deux disciples pour remplacer
Tite en Crète , lui mandant de venir
le trouver à Nicopolis en Epire. C'est
ce qui donna occasion à une nouvelle
Epître de saint Paul à sou fils cliéri.
» Je vous ai laissé en Crète , lui dit-
» il , afin que vous régliez ce qui res-
» tait à faire, et que vous établissiez
» des évoques , des prêtres , selon les
» iustriiclions que je vous avals lais-
» sées. Lorsque je vous aurai envoyé
» Artenias ou Tychique , ayez soin
» de venir promptenieut me trouver
» à Nicopolis , oij j 'ai résolu de passer
» l'hiver. Envoyez eu avant Zenasle
» jurisconsulte et Apollon , et ayez
» bien soin que rien ne leur manque
» en voyageant. » Cette lettre fut
écrite en l'an G 4. Tite fut ensuile
envoyépar l'apôtre pour prêcher l'iv
vaiigilc en Ualmatie. De là il retour-
na en Crète. Ayant sagement gouver-
né celte église et répandu la lumière
de la foi dans les îles voisines , il
mourut dans un âge avancé. Ou gar-
dait son corps dans la cathédrale de
(ioitync, qui l'honorait cumnic son
premier arclievêrpie. Celte ville ayant
éle' détruite par les Sarrasins , en !S'.>,3,
on ne trouva plusdes reliquesdesaint
TIT
Tite que son chef, qui fut porté à
Venise et déposé dans l'église de
Saint- Marc. Voyez les Epîtres de S.
PauljD. Calmet, t. 8; lUyr. sacra,
t. I, et Creta sacra, t. i.jLambec,
VIII, '-il 3 et suiv. G — Y.
TITE-LIVE ( TiTvs-Livivs ).
Les détails de la vie de cet historien
sont aussi obscurs que ses écrits sont
célèbres. Il naquit à Padoue , d'une
ancienne famille, sous le consulat de
Pison et de Gabinius , l'an de Rome
G()5. Un lils et une fille partagèrent
ses soins et sa tendresse (1). C'est au
piemicr qu'il écrivit une lettre sur
les études de la jeunesse , dont le suf-
frage de Quintilien doit nous faire
regretter la perle. Il y disait , au su-
jet des auteurs dont il faut conseiller
la lecture aux jeunes gens , qu'ils doi-
vent lire Démosthène et Cicéron y
puis ceux qui ressembleront davan-
tage cà ces deux grands orateui'S.
Il y parlait aussi d'un maître de rhé-
tori(j.ue qui obligeait ses disciples, à;
retoucher leurs compositions , jus-
qu'à ce qu'elles devinssent obscuresj
et quand ils les rapportaient dans
cet état : « Voilà qui est liieu mieux
1) maintenant , disait-il ; je n'y en-
» tends rien moi-même. » Sa fille
épousa un rhétem" , nommé Magius ,
qu'on allait entendre déclamer plus
par égard pour le beau -père que
par esliine pour le talent du gendre.
Tite-Llve s'était exercé dans plus
d'un genre ; il avait composé des ou-
vrages philosophiques et des dialo-v
guesqui a|)partciiaient autant à l'his-
toire (pi'à la jihilosophie , et qu'il
avait dédiés à Auguste. Mais son
grand litre à riminorlalité, est VHis-
luirc. romaine , contenue en ccutqua-
raiitc ou cent quarante-deux livres,
depuis la fondation de Rome jusqu'à
(^iVroiiiH.iiiii , aiilvur de sa vie, lui donne deux
lil.« K\ (jualic lillrs.
TIT
l'an de Rome 743. Quelques passa-
ges de ce grand ouvrage semblent in-
diquer qu'il mit à le composer tout
le temps qui s'écoula depuis la La-
taille d'Actium jusqu'à la mort de
Drusus , c'est-à-dire, environ vingt-
un ans. Mais il en produisait en pu-
blic, de temps en temps , quelque
partie , et l'on croit qu'il les lisait à
Auguste, à mesure qu'il les compo-
sait j c'est ce qui lui valut à Rome
nne réputation qui s'étendit jusqu'aux
extrémités de l'empire. On rapporte
à ce sujet qu'un Espagnol , après la
lecture de ses écrits , vint exprès de
Cadix à Rome, pour en voir l'auteur,
et s'en retourna aussitôt après l'avoir
vu. « C'était sans doute, dit à ce
M propos saint Jérôme , dans une
» Lettre à Paulin , une chose bien ex-
•ù traordinaire, qu'r.n étranger, en-
» trant dans une ville telle que Rome,
» y clierchàt autre chose que Rome
w même. » On ne sait rien de plus
de ce qui regarde personnellement
Ïite-Live. 11 se paitageait entre Ro-
me et Naples ^ où l'appelaient la beau-
té du climat et le désir de se livrer
à la composition de son grand ou-
vrage. Le vainqueur d'Actium l'avait
admis dans cette intimité , où les en-
tretiens de Virgile, d'Horace et de
Varius, le délassaient des soins de
l'empire. Cette amitié d'Auguste n'al-
téra point l'impartialité de l'histo-
rien ; il loua Brutus, Cassius , et par-
ticulièrement Pompée, au point qu'Au-
guste l'appelait, en badinant , \e Pom-
péien. Ce prince lui avait confié l'é-
ducation du jeune Claude, dejîuis
empereur; et ce fut par son conseil
que son élève entreprit d'écrire l'his-
toire , genre de composition dans
lequel le témoignage des anciens nous
apprend qu'il avait réussi. Après la
mort d'Auguste, Ïite-Live retourna
à Padoue où il mourut, à 1 âge de
TIT i4i
soixante-seize ans, la quatrième an-
née du règne de Tibère , l'an de Ro-
me 770, et le même jour qu'Ovide
(2). Les Padouans n'ont cessé d'ho-
norer sa mémoire. Lorsqu'en i4i3
on crut avoir retrouvé son tombeau,
l'enthousiasme fut général jet depuis,
eu 145 1, ce ne fut pas sans peine
qu'ils se déterminèrent à faire pre'-
sent de son bras droit à Alphonse V,
roi d'Aragon. Antoine de Païenne
avait été chargé de cette négociation*
le prince reçut avec honneur ces res-
tes d'un grand homme, mais mourut
avant d'avoir érigé le monument où
il projetait de les placer. Ce soin fut,
dans la suite, rempli par Jovianus
Pontanus. On voit, dans l'hôtel -de-
ville de Padoue , le mausolée de Tite-
Live , accompagné d'inscriptions et
d'un très-ancien buste de marbre ,
qui représente cet historien. A la
droite du monument est l'immortali-
té; à la gauche est Minerve. Le Ti-
bre coule sous les pieds de la premiè-
re , la Brenta sous ceux de la secon-
de. Au milieu est nne louve allaitant
Rémus et Romulus. Au-dessus d'une
autre jôrle du même hôtei-de-ville,
est une autre statue en pierre, qui
représente Tite-Live dans l'attitude
d'un homme qui tient un livi-e ou-
A'ert, et porte la main gauche à sa
bouche avec cette inscription : Par-
i'iis ignis magnum sœpè suscitât in-
cenâium. On doute si Tite-Live avait
lui-même partagé son histoire en dé-
cades, c'est-à-dire, de dix en dix
livres. Quoi qu'il en soit, cette divi-
sion paraît assez commode. A l'égard
des sommaires qui sont à la tête de
chaque livre, les savants ne croient
pas qu'on puisse les attribuer ni à
Tite-Live , ni à Florus. Quel qu'en
(7.) Voyi''- , <l-->» Ip" P<" Mr.- latine." àc Tlundi.rc
(Ir Wiic , iiuf flcgic loiiilianle sur celte Iri.sie con-
i'ormilv.
l43
TIT
soit l'auteur, ils ont leur utilité , puis-
qii'ils servent à nous taire connaître
les faits rapportes dans ceux qui nous
manquent. Des ceutquarantc compo-
sés par Tite-Live , il ne nous en est
parvenu que trente-cinq , dont quel-
ques-uns même ne sont pas entiers ;
encore n'a-t-ou pas joui à-la- fois de
tout ce trésor littéraire. On doit, sui-
vant le père Niceron , deux livres à
Ulric Hutten, qui les déterra et les
publia en i5i8. Les premières édi-
tions de la fin du quinzième siècle et
du commencement diî seizième ne
contiennent que la première , la troi-
sième et la quatrième décade. Pétrar-
que, encouragé par le roi Robert,
n'épargna rien pour retrouver au
moins la seconde; mais toutes ses
recberclies furent vaines. Depuis, la
bibliotbèque de Mayence fournit une
partie du livre troisième , du livre
trentième , et ce qui manquait au li-
vre quarantième. Simon Grynéus re-
trouva , en i53i, les cinq derniers
dans l'abbaye de Saint-Gall en Suis-
se, et les fit imprimer par J. Froben.
Enfin, le P. Horrion, jésuite, en
parcourant les manuscrits de la bi-
bliothèque de Bamberg , en rencon-
tra un qui contenait plusieurs livres
de Tite-Live , entre autres , la pre-
mière partie du troisième , et du livre
trentième, qui manquaient encore,
et les publia deux ans après à Pader-
born. Voilà tout ce qui nous reste de
ce précieux monument. Ce n'en est
pas la quatrième partie. Vainement
le monde littéraire s'est flatté de
quelques lueurs d'espérance de recou-
vrer le reste. Thomas Erpénius est
lepremierqui ait assuré ([ue les Ara-
bes possédaient, dans leur langue,
une traduction eomplètede Tite-Live,
que les uns plaçaient à Fez, les autres
.à la Ciouletle , d'antres même à la
bibliothèquedcrEseuiial. l'irtroOfl-
TIT
la Valle, célèbre voyageur, assure
qu'en 16 1 j, la bibliothèque du Sérail
avait un Tite-Live entier • il ajoute
que le grand-duc de Toscane avait
traité pour l'obtenir , et en avait fait
vainement offrir vingt mille piastres ;
que l'ambassadeur de France, Achille
deHarlai, en fit proposer, sous main ,
dix mille écusà celui qui avait la gar-
de des livres ; que l'oflrefut acceptée,
mais que le bibliothécaire ne put ja-
ma's retrouver l'ouvrage. F.n 1682,
au rapport de Bonrdclot dans une
note sur la Bibliothèque choisie de
Colomiès , des Grecs de l'île de Cliio
vinrent traiter avec Colbert d'un
Tite-Live entier , dont le prix fut ,
dit-on , fixé à soixante mille francs ;
mais ils repartirent , et l'on n'enten-
ditplus parler d'eux. Chapelain, dans .
une lettre à Colomiès , l'entretient
aussi de manuscrits donnés par l'ab-
baye de Fontevrault à l'apotliicaire
du couvent, et vendus par celui-ci à
un mercier de Saumur , qui en cou-
vrit des battoirs , sur quelques-uns
desquels un acheteur remarqua des
titres latins des huitième , dixième et
onzième décades ; mais cette décou-
verte n'eut aucune suite. On a dit
encore que Tite-Live était conservé
dans l'île d'Iona , petite île d'Ecosse,
comme si ce précieux trésor avait
pu rester enfoui si long- temps, à
cette proximité d'une nation aussi
lettrée que l'est surtout la natiou
écossaise. En 177^, M. Paul-Jac-
ques Bruns, que M. Kemiicolt avait
envoyé à ses frais en Italie, avec la
mission de visiter les manuscrits la-
tins , cl M. Giovenazzi , en examinant
avec attention un manuscrit du Va-
tican , timbré '.î/j, du format iu-8". ,
démêlèrent, sous le texte des livres de
Tobie , de Job etd'Esther , une plus
ancienne écriture en lettres onciales.
Qnel(|ucs mois rnniius . ciunuie Scr-
TIT
torius , Pompeius , excitèrent leur
curiosité , et les mots Titi Livii
qu'ils aperçurent au liant du rec-
to , ne leur permirent plus de dou-
ter de l'importance de la découverte.
A force d'art , de soins, de patience et
à l'aide d'une bonne loupe , ils par-
vinrent à retrouver un fragment du
livre quatre-vingt-onzième, que le pre-
mier fit paraître à Leipzig , eu 1 770.
Ce fi'agment reparut à Rome la mê-
me année , in-4'^. , et à Paris , en
17^3. Le papeClëment XIV nomma
une commission poiu' vérifier l'au-
thenticité de ce manuscrit; et le car-
dinal Zelada exécuta les ordres du
pontife avec tout le zèle d'un savant.
M. Didot l'aîné réimprima la lettre
de M. Bruns, et le fragment, avec
une traduction de ]\L J. T. Hardouin,
1794, brochure de 72 pag. , in-12.
Ce même morceau se trouve avec
des notes à la lin du quatrième tome
du Tacite du P. Brotier , in- la,
dans le Tite-Live de Deux- Ponts ,
in-8". , tome xii , dans celui d'Er-
nesti, Leipzig, 1801 , in-12, et dans
le volume qu'a publié M. Niebuhr à
Rome, en 1820, petit in-4*'. , d'a-
près un examen plus aprofondi.
D'Anville a inséré dans le xli"^. vol.
des Mémoires de l'académie des bel-
les-lettres un Mémoire sur le nom
des peuples et des villes dont il est
question dans ce fragment. Au reste
cette découverte a été la dernière.
Dans les manuscrits d'Herculanum ,
on n'a encore rien pu déchifi'rer qui
permette quelque espérance. Jean
Freinsliémius a tâché de consoler le
public de cette perte , jusqu'à présent
irréparable , par des Suppléments ,
où il a plus réussi, au jugement des
connaisseurs , que dans ses Supplé-
ments de Quinte-Curce ( F, Freins-
hÉmius ). Deux personnages ont peut-
être contribué, par des motifs bien
TIT 143
divers , à cette lacune irrémédiable.
Suétone nous apprend que Caligula
comprit dans la même haine Homè-
re , Virgile et Tite-Live , qu'il appe-
lait verbeux , et qu'il entreprit de
bannir de toutes les bibliothèques
leurs écrits et leurs images. L'histo-
rien eut un ennemi non moins funes-
te à sa gloire dans le pape Grégoi-
re-le-Graud. Ce pontife, dit-on, lit
brûler tous les exemplaires de cette
Histoire qu'il fut possible de trouver,
parce que les prodiges qu'elle con-
tient pouvaient paraître favorables à
la cause du paganisme. L'estime des
juges éclairés a vengé Tite-Live de
la haine stupidc du premier et du^^ zè-
le peu éclairé du second. Quintilien
(3) , qui le compare à Hérodote, trou-
ve son goût si pur et si parfait, qu'il
le place à côté de Cicéron , en indi-
quant ces deux écrivains comme ceux
qu'il faut mettre de préférence entre
les mains des jeunes gens. « Sa nar-
» ration , dit - il , est singulièrement
» agréable et de la clarté la plus pu-
» re. Ses Harangues sont d'une élo-
» quence au-dessus de toute expres-
» siou. Tout y est parfaitement adap-
» té aux personnes et aux circoustan-
» ces. Il excelle surtout à exjirimer
» les sentiments doux et touchants ;
» et nul historien n'est plus pathéti-
» que. » Son style, quoique varié à
l'infini, se soutieni toujours égale-
ment : simple sans bassesse , élégant
et orné sans afTectation , grand et su-
blime sans enflure, étendu ou serré,
plein de douceur ou de force, selon
l'exigence des matières , mais tou-
jours clair et intelligible, (i Ces élo-
» ges, dit La Harpe (4) , sont justes
» dans tous leurs points ; et l'on
» peut ajouter que le génie de Tite-
(3) Tnslil. oral. , I. X , cli. 7.
(.'l) Coiiif lie lillcral., I. Ml, i'''. [kiiI , pai;. îÇiq.
»i4
TIT
» Livc , sans jamais laisser voir le
» travail ni l'etlort, paraît s'élever
M naturellement jusqu'à la grandeur
;) romaine. 11 n'est jamais ni au-cles-
» sous ni au-dessus de ce qu'il ra-
^> conte. Ses Harangues , que les an-
» ciens admiraient , et que les mo-
» dcrnes lui ont reprocliëes, sont si
» belles , que le censeur le plus sévère
» regretterait sans doute qu'elles
)> n'existassent pas. » On a répondu
à ce reproclie d'une manière satis-
faisante ; et La Harpe lui - même
a fort bien prouvé (5) que ces Ha-
i-angues n'élaientni desliors-d'œuvre
ni des infidélités. On sait que Pollion
reprochait à Tite Live sa patavinité.
Les savants sont partagés sur le sens
qu'il faut donner à ce terme. Piguo-
rius croit que ce défaut regardait seu-
lement l'orthographe de certains
mots , où Tite - Live , comme Pa-
douan , employait une lettre pour
l'autre, écrivant sihe et quase pour
sibi et quasi. D'autres pensent que ce
reproche s'appliquait à la répétition
de plusieru'S synonymes dans la mê-
me ])ériode ; redondance de style qui
déplaisait à Rome , et à laquelle on
reconnaissait les provinciaux. Roilin
(6) interprète ce mot par des expres-
sions ou des tours qui sentaient la
province. C'est l'opinion de Vossius
(7). ïomasini , auteur d'une Vie de
Tite -Live, y trouve un tout autre
sens, mais qui paraît un peu forcé.
Les Padouans avaient, dans les trou-
bles civils, emhrassé la cause de la
république, '\siniiis Pollion avait sui-
vi le parti d'Antoine, cl n'avait pu
contraindre Padouc à lui fournir des
armes et de l'argent. Soit attachement
((ï\ Hisl. anc, I. XI , piiRc ■y.M , ô<l. <1<- M. I.c-
Irorine.
(7) De lii<l.„. Inliii. ,1.1, c.iii. 19 , i>aKr ((>, «.l.
<)e iliSi.
TIT
poursonancien parti, soit envie de fai-
re sa cour au vainqueur , il reprochait
à Tite-Live son affection pour les ré-
publicains , et l'accusait de patavi-
nité , dans le même sens qu'Auguste
l'appelait Pompéien. Le passage de
Quintilien (8) , plus voihin de cette
époque , ne permet guère d'adopter
cette conjecture , et son autorité pa-
raît décisive en faveur de l'opinion
qui interprèle ce mot par une pro-
nonciation un peu provinciale. On
lui reproche avec plus de raison son
amour excessif pour la république :
perjiétuel admirateur de la grandeur
des Romains , non-seulement il exa-
gère leurs exploits , leurs succès et
leurs vertus ; mais il dissimule ou
diminue les vices de ses concitoyens,
et les fautes où ils sont tombés j
il parle de Rome naissante comme
de la capitale d'un grand empire ,
fondée pour l'éternité , et dont l'a-
grandissement n'a point de bornes.
On peut cependant répondre avec
la fïarpe (9), que : « Rome n'eut
)) jamais plus de véritable gran-
» deur que dans ses premiers siècles,
» qui furent ceux de la vertu , du
» courage et du patriotisme;... et ce
» grand caractère qui annonçait ce
» qu'il devint dans la suite , c'est-à-
» dirc,ledominateurdes nations, de-
» vait .se retrouver sous la plume de
» Tite-Live. On l'accu.se, continue le
» même critique, de faibles.sc et de
» superstition , parce qu'il rapporte
» sérieusement une foule de prodiges.
» Je ne sais s'il faut en conclure qu'il
)> les croyait. Le plus souvent il ne
» les donne que pour des traditions
» reçues , et il ne pouvait se dispen-
» scr d'en parler. Ces prodiges étaient
» une partie es.sentielle de l'hi.stoire,
» dans un empire on tout était pré-
(8) I.iv. VIU, r. 1".
vÇ)) Court dr lillcr. , tome 111 , i". fart., p. îoo.
TIT
» sage et auspice , où l'on ne faisait
» pas une démarche importante
» sans observer l'heure du jour et
» l'ëtat du ciel. » Se'nèque le père
impute à Tite-Live une faiblesse bien
moins excusable , celle de la jalousie
( I o). Suivant lui , cet historien accu-
sait Salluste de dëûgurer les pensées
des Grecs et de les affaiblir , et il en
donnait pour preuve une maxime de
Thucydide, que Salluste a rendue en
latin par cette phrase : Res secundœ
miré sunt vitiis obtentui. Cette accu-
sation, qui paraît démentie par le
caractère de noblesse et d'élévation
que ses contemporains ont reconnu
à Tite-Live, a d'ailleurs pour garant
un témoignage peu authentique. Com-
ment , en etfet , l'accorder avec ce
que dit le même Sénèque dans un au-
tre endroit (il), que Tite-Live ju-
geait avec équité et candeur des ou-
vrages des beaux-esprits? Un grief
plus important.a été objecté au rival
de Salluste. On l'a taxé d'ingratitude
et de mauvaise foi, pour n'avoir pas
nommé Polybe , ou pour l'avoir
nommé avec une indifférence affectée,
dans des passages où il ne faisait
presqiieque le transcrire. « Mais, ob-
» serve judicieusement Rollin , ne
» peut-on pas croire qu'en d'autres
» endroits de son histoire , qui ne
» sont pas parvenus jusqu'à nous, il
» a parlé de Polybe avec éloge ; qu'il
» lui a rendu toute la justice qui lui
r> était due , qu'il a mêmeaverii, par
» avance , qu'il se faisait une gloire
» et un devoir de le copier mot à
» mot en plusieurs endroits? » Au res-
te , ces légères taches n'ont fait au-
cun tort à sa gloire ; il n'en est pas
moins resté , avec Salluste et Ta-
cite, le modèle des historiens, et
(lo) Lit. IV, Oontrovers, , 4-
(il) Suasor. , 7, 6.
TIT i45
peut-être, comme Gicéron , le dé-
sespoir des traducteurs. On a cru pou-
voir lui appliquer l'éloge que Sénè-
que le rlieteur attribue à ce grand
homme, d'avoir eu le génie égal à la
grandeur de l'empire romain. L'his-
toire littéraire nous a conservé
de glorieux témoignages de cette
estime universelle , que n'ont pu
altérer l'humeur et l'injustice de
quelques critiques. Au moment de la
renaissance des lettres , on voit des
savants mettre en vente leurs terres
pour acheter un manuscrit de Tite-
Live (12); et le suffrage des rois cou-
ronne l'enthousiasme qui les porte à
ce généreux sacrifice. Alphonse , roi
d'Aragon , préfère la lecture de cette
histoire aux accords des musiciens
les plus renommés de son temps , et
prétend avoir retrouvé même la san-
té du corps dans un ouvrage où il ne
clierchait que des faits militaires et
des principes de politique. A la même
époque, un manuscrit de Tite-Live
est regardé comme un des présents
les plus précieux que les souverains
puissent faire ou recevoir. Cosme de
Médicis, pour obtenir une heureuse
issue d'une négociation entamée à la
cour de Naples , en envoie «ne belle
copie à ce même Alphonse , et le
soupçon de poison , si accrédité dans
ces temps-là , n'empêche pas ce prin-
ce de l'ouvrir , de la feuilleter, de la
lire, malgré l'opposition de ses mé-
decins alarmés. Un pape, célèbre par
ses lumières et par son amour des
lettres , fonde une chaire pour expli»
quer Tite-Live dans ce même Capi-
tole d'où un empereur frénétique
avait voulu le bannir, et d'où un au-
tre pape avait lancé contre lui l'ana-
tlième. Enfin le suffrage le plus glo-
rieux peut-être est celui de Henri IV,
Ix-x) Voy. BnYU,»t\. P»n<iimit«.
10
i46
TIT
qui , disait-il , eût domie une de ses
provinces pour la découverte d'une
Décade de l'historien romain. Un
écrivain de ce mérite a dû souvent
obtenir les honneurs de l'impression.
Les éditeurs du Tite-Live de Deux-
Ponts ont partagé en six âges les
différentes éditions rpii se sont succé-
dées depuis I 469 jusqu'en 1738-46 ,
époque de l'édition publiée par Dra-
kenborch. Cette Notice forme ciu-
quante-une pages , in-S'^. , de petit
texte : on y renvoie le lecteui. Nous
nous conteulcrous d'obseiver que la
plus rare est celle de Venise , 1 470 ,
et que les meilleures sont les suivan-
tes : I °. Elzévir , 1 034 , 3 vol. in- 1 2,
auxquels on joint les Notes de Gro-
novius, et i(i65 , 3 vol. in-S». ; 2°.
Cum notis variorum , 3 vol. in-8°. ,
1679 ; 3". celle de Doujat, Adusum
Delphini , ifi-jf) et 1680 , 6 vol. in-
4°-; 4°' celle de Drakenborch, 7 vol.
in-4°., 1738- 1740, dont le septiè-
me contient plusieurs Dissertations
sur Tite-Live , entre autres celle de
Morhoff De Patavinitale , une No-
tice des manuscrits , tant de ceux
dont l'éditeur a fait usage, que de
ceux qu'il n'a pu se procurer, et une
autre des éditions qui ont précédé la
sienne ; 5°. de Le Clerc , Amster-
dam, 1710, 10 vol. in- I2J 6°.
d'Hearn , Oxford, 1708, 6 vol. iu-
8". ; 7°. de Crévier , 1735 , fi vol.
in-4°., enrichie de Notes savantes,
et précédée d'une préface écrite dans
un latin élégant ; 8°. de Deux-Ponts ,
17184, i3 vol. in-8". , réimjirimée
depuis, qui présente le texte de Dra-
keuborch , comparée avec la secon-
de de Hàle , l'Aldine de Sigonius ,
relies de Gruler, de Gronovius et
de Crévier, et qui réunit tous les
iSnppléments de KreinslK raiiis ; 9".
celle d'Ernesti , 5 vol. in-8". , 180 1 -
i8o5 , dont le cinquième est un
TIT
Glossariian Livianum de 794 P^g-
M. Le maire vient de faire paraître
les derniers volumes ( lu et i3) de
celle qui fait partie de sa bellç
Collection des auteurs latins. Tite-
Live a été traduit dans toutes les
langues. Les versions allemandes les
pîusrécenteSjindiquées parles éditeurs
du Tite-Live de Deux - Ponts , sent
celles dé M. J.-Fr. Wagner, 4 part,
gr. iu-80. , 1776-8-2, et de M. Cila-
no y Hambourg , 8 part. gr. in - 8'.
Les Italiens estiment beaucoup celle
de Nardi , dont la première édi-
tion est de i544 -, chez les Juntes ,
et la dernière réimpression de 1800 ,
Milan , 10 vol. in - 8". Les An-
glais en ont publié une, en 1744»
avec les Suppléments. Cet ouvrage
est de plusieurs mains, comme on le
voit par la souscription de l'Épître
dédicatoire à l'amiral Vernon. Les
traducteurs professent , dans leur pré-
face, ime haute estime pour Rollin ,
et la prouvent à chaque page, par la
fidélité avec laquelle ils suivent ses
Histoires ancienne et romaine , par-
tout où il se Ijorne à traduire Tite-
Live. Une plus récente a ])aru sous
le nom de M. George Baker, en 6
volumes in-8". , Londres , 1.797.
On ne peut mettre au rang des
tiaductions françaises de Tite-Live
le volume que Corbinelli a donné
sous ce titre : les Anciens historiens
latins réduits en maximes, i*"^. vol.
Tite-Live , Paris, i6'9(. , in- 12. La
plus ancienne version complète fut
donnée par Pierre Betcheure ou
Berchoire, Paris, r")i4- i5, 3 v.
in-fol. Celle de Vigenère a été impri-
mée |)our la première fois en i5o2,
et pour la deriiiÎMC, en 1717- En
i6;'j3 , Pierre Duryer en (il pa-
raître une nouvelle, avec les Supplé-
ments de Frcinshémius , Paris, 2 v.
in-fol.; réimprimée, la même année,
TIT
à Lyon, cm 4 vol. in-i'i;eten 1700,
à Rotterdam, 8 vol. in- l'i. Avant
i8io, la dernière traduction com-
plète de cet historien était celle de
M. Guorin , ancien professeur de l'n-
uiversite'^ elle était épuisée lorsque
M. Cossou , professeur de la même
université, entreprit delà rajeunir,
et la fit reparaître en 1773, 10 vol.
in - I 2. Qiioicprelle ne fût pas sans
mérite , Dureau de La Malle , encou-
ragé par le succès de ses traductions
de Tacite et de Sallustc , ne désespé-
ra pas de la surjiasscr ; et l'on ne
peut nier que son travail ne soit bien
supérieur a tout ce qui avait été fait
jusqu'alors. Mallieureusement la mort
le frappa lorsqu'il n'était pas encore
à la moitié de son ouvrage. II laissait,
en manuscrit, la première décade,
les trois premiers livres et les treize
premiers chapitres de la troisième et
les deux premiers livres de la qua-
trième. L'auteur de cet article mit à
fin cette périlleuse entreprise ; et la
traduction complète parut à Paris ,
avec le texte en regard , 1 8 1 o à 1812,
i5 vol. in -8'». Une seconde édition
du même ouvrage a été pul^liée en
1824, 17 vol. in -8". , dont les deux
derniers contiennent neuf livres des
Suppléments de Freinshémius , qui
^ conduisent l'Histoire jusqu'à la des-
truction de Carthage et jusqu'à la
mort de Viriathus. Divers auteurs
ont donné au public des fragments
de Tite-Live. La première Décade a
été traduite par l'abbé Brimet, Pa-
ris , 1742 , 3 vol. in-i2. On a obser-
ve' que cette traduction olfrait une
grande ressemblance avec celle de
Guériu. Nous indiquerons successive-
ment les Discours de Tile-Livc qui
font partie des Harangues choisies
des historiens latins, par Millot,
1764, 2 vol. in-i2; ouvrage souvent
réimprimé, et reproduit en i8o5;
Tlï
147
Narrations choisies de Tite - Live ,
avec des réflexions, Paris, 1808,
2 vol. in- 12 ; Histoires choisies ti-
rées de Tite-Live , par M. P,..., an-
cien professeur , peut-être l'abbé
Paul , traducteur de Florus et de Jus-
tin, Paris, 1809, 2 vol. in- 12; le
Portrait de Caton, 1. xxxix^ n°».
4o, 4 1 , Mercure de France , année
1 77 1 ; Histoire de la famille de Hié-
ron, tirée du livre xxiv par l'abbé
Y^\Aut\ïeX{A pologues et Colites orien-
taux, etc.) ; Discours deQuintus Ca-
pitolinus auxRomains , extrait du 3^.
livre de Tite-Live , par M. de Lalli-
Tolendal, Genève, 1 7(10, brochure
de 55 pages in-8<>. Ou ])eut consulter
l'ouvrage intitulé : Jac. Philippi
Tomasini episcopi jEnwniensis Ti-
tus LiviusPatavinus , i63o;in4''.,
i("»70, petit in-i2 , et non iu-40, ,
comme le dit le P. Nicéron ; lia
Mothe Le Vayer, tome 11, p. 807 ,
édit. in-fol., de i634; la Notice des
historiens latins ^ par Rollin , Hist.
anc. , tome xii ; la Notice littéraire
de Fabricius ; la Compaiaison de
Thucydide et de Tite-Live, par le P.
Rapin; les Mémoires de l'académie
des belles-lettres; le septième volume
de Drakenborch • le Cours de littéra-
ture de Laharpe; Discours de Ma-
chiavel sur la première Décade;
Histoire du passage des Alpes par
Annibal ,Gcnhve, iSiS^in-é". , par
M. Deluc , fils du célèbre naturaliste.
Ce dernier ou\rage a été réfuté par
M. de Fortia d'Urban , dans sa dis-
sertation sur le passage du Rhône et
des Alpes , ])ar Aimibal , Paris ,
1821 , à la suite de laquelle il a joint
un supplément au Tite-Live inséré
dans la collection des auteurs classi-
ques de M. Leraaire , Paris , i8.i3 ,
([ui achève d'éclaircir ce point d'his-
toire assez dilTicile. M. Letronne ,
dans un article du Journal des sa-
i48
TIT
vanls _, janvier 1819, pag. aci , a
aclievé de renverser le système de
M. Deluc. N— L.
TITI ou TITO ( Santi di ) , ar-
chitecte et peintre, issu d'une famille
noble de Borgo San - Sepolcro en
Toscane , naquit dans cette ville , en
1 538. Il étudia d'abord le dessin sous
Angelo Brunzino; s'étant attaché à
l'école de Bandinello , il devint un
des dessinateurs les pins corrects de
l'Italie. Il travailla à la chapelle du
palais du ducSahiati à Rome, et lit,
à Saint- Jean des Florentins, la table de
saint Jérôme. On voit beaucoup de
ses pièces au Belvédère. En i566, il
retourna à Florence qu'il enrichit de
nouvelles productions. Les plus re-
marquables sont la Résurrection de
Jésus -Christ et la Cène d'Eramaiis
dans l'église de Sainte - Croix. Sa
Résurrection a été gravée par Cosimo
MogalH , et insérée dans le bréviaire
qui fut imprimé à Florence , in-4°.
On peut voir le Recueil des pièces
faites par Tito , dans le Riposo de
Borghini, p. 5o6 à (319. Les pein-
tures de Tito sont très - coriectes
quant au dessin, elles sont fortes par
l'expression : connaissant parfaite-
ment l'architecture et les effets de la
perspective , il savait donner à la
scène de ses tableaux quelque chose
de grand et de majestueux. Quant
jiu coloris , il n'est pas toujours
^gal ; sous ce rapport , on vante
néanmoins un Baptême de Jésus-
Christ, de grandeur naturelle, qui
se trouve dans le palais Corsini à
Florence. G — Y.
TITI (Robkrt), littérateur , né
en iSh , à San-Se|iol(ro en Tosca-
ne, fut élevé d'abord à Rologne , en-
suite .'1 Rome cl à Pisc. Attiré dans
cette derniirc ville par les bienfaits
de Cosme l'"". , il termina ses études
sous la direction des plus liabiles
TIT
maîtres , dans un collège nouvelle-
ment fondé par ce prince. En '5^6^
il prit les degrés de docteur, et il
alla s'établir à Florence pour fré-
quenter le barreau. L'Italie retentis-
sait alors des louanges de l'Arioste
et du Tasse : la gloire poélique était
la seule a laquelle on aspirât, et les
carrières les plus utiles étaient aban-
données pour la vaine ambition de
monter au Parnasse. Titi se mit aussi
à composer des vers qui lui acqui-
rent une certaine réputation j mais
ce qui contribua surtout à l'étendre,
ce fut une querelle très-vive qu'il eut
avec Joseph-JusleScaliger, qui l'atta-
qua avec son emportement ordinaire.
Le savant italien ne se laissa intimi-
der ni par la célébrité, ni par la
violence de son adversaire : il en re-
poussa les invectives avec une mo-
dération qui lui concilia tous les
suffrages. En iSqG, il se présenta
inutilement pour remplacer le Bargée
à l'université de Fisc. Il répara cet
échec , en tournant ses regards du
côté de Bologne, où il ne tarda pas à
obtenir une place de professeur. Vers
les dernières années de sa vie, il fut
invité par le grand-duc Ferdinand à
aller occuper une chaire de belles-
lettres à l'université de Fisc, et il
mourut dans cette ville, eu i(io9-
Ses principaux ouvrages sont : I. Car-
viinum liber primas , dans le Re-
cueil des poésies latines de son com-
patriote Pierre Gherardi , Florence ,
157 I, iu-8". IL Loconiin contro-
vcrsoriiiii libri decein , in qiiibus
pluriini vclerutn scriptonan loci
conj'crunlur , cxplicantiir et emen-
(lantiir, ibid., i5H3 , in -4"- Sca-
liger , sous le nom d'Yves Vil-
liomari , y répondit par un 011-
vr.igc intitulé : J/t locos contro\'(^rsos
Tiliiariiinach'crsioinini liber , Far;s,
i58G, in -8". 111. Pro suis locis
TIT
controversis assertio adversus Tvo-
nem quenidam Filliotnarum , Flo-
rence, iSSg, in-4°- C'est mie répli-
que au livre précédent. IV. Nereas ^
Carmen, ibid. , iSSg, in-4''. C'est
un cpithalame pour célébrer le ma-
riage de Ferdinand de Médicis avec
Christine de Lorraine. V. M. Aurelii
Oljmpii Nemesiani , et T. Cal-
phurnii Siculi bucolica , novis coni-
mentariis exposita , ilnd. , i Sqo ,
in-4'^. VI. Àd Cœsaris commen-
tarios de Bello Gallico prœlectio-
nes quatuor, ih\à. , iSqo, in -4" ,
et plusieurs lettres et poésies latines
et italiennes, imprimées dans diiré-
rents recueils,, F. Ceffini, Vita di
Roherto Titi , dans le Giomale de'
letterati d'Italia , tome xxxiii , p.
177. A — G — s.
TITIEN ( TiziANo Vecelli , ou
LE ) , le plus grand peintre de l'école
vénitienne , naquit à Pieve de Cado-
re, en i477 (^)' ^^^^^ s<^"s la férule
d'un instituteur de village , il se sen-
tit entraîné vers les arls , et donna
des preuves non équivoques de son
talent pour la peinture. Quelle que fût
l'imperfection de ses premiers essais,
on eut le bon esprit de ne pas le con-
trarier. Ses parents l'envoyèrent à
Venise, oi!i il fréquenta les atcliersde
Sébastien Zuccato , assez bon ouvrier
en mosaïque, mais faible dessinateur.
Dégoûté de la médiocrité de son
maître , le Titien fut attiré par la
réputation de Gentil Bellini , qui ,
mécontent du peu d'empressement
que ce jeune élève mettait à l'imiter,
osa lui dire qu'il ne serait jamais
qu'un barbouille;ir. Le Titien ne se
laissa point ébranler par la sévérité de
cet arrêt : il s'éloigna de l'école de
Bellini, avec la convictionden'y avoir
(i) Vasari s'«i»t Ij-onip» r» )« fai^cHt iia'rtr» 'mi
TIT
>4o
appris que ce qu'il fallait éviter. Il
se rapprocha de Giorgione, dont le
dessin lui parut plus correct , et qui
se faisait remarquer par l'éclat de
son coloris. Il prolita aussi de l'ai'ri-
vée de quelques peintres flamands ,
dont les ouvrages , pleins de vérité
et de force, donnèrent une sorte d'in-
décision à son style. Ses premiers
tableaux ont presque tous ce carac-
tère vague, que l'on pourrait appeler
les tàtoimeraents du génie. II fallait
pourtant opter entre les grands mo-
dèles qui commençaient à paraître en
Italie. L'esprit humain venait de rece-
voir une forte impulsion par les dis-
putes théologiques , le triomplie du
platonisme, les découvertes du nou-
veau monde et de l'imprimerie. Ni
les guerres étrangères , ni les dissen-
tions domestiques n'avaient pu ar-
rêter l'essor des Italiens dans les
beaux arts. Donatello, Léonard de
Vinci, le Pérugin, Bramante , Man-
tegna , les deux Bellini , trouvaient
des protecteurs à Florence , à Milan ,
à Venise , à Ferrare ; et leurs tra-
vaux préparaient déjà le grand siè-
cle de Léon X. Tous les regards
étaient fixés sur ces admirables car-
tons que Léonard et Michel - Ange
venaient d'exposer à Florence, lors-
qu'une seconde lice s'ouvrit à Venise ,
où les bons peintres exerçaient quel-
quefoislc métierde décorateurs. D'a-
près cet usage , les savants pinceaux
de Giorgione et du Titien furent em-
ployés ( i5o5 ) à embellir l'exté-
rieur du nouveau Fondaco de Te-
deschi , élevé , comme par enchan-
tement , sur les débris fumants de
l'ancien. Sortis de la même école , et
jouissant tous deux d'une réputation
méritée , Giorgione avait sur sou ri-
val l'avantage d'une plus longue ex-
périence dans la peinture à fresque :
aussi ce fut à lui qu'échut la fa-
î5o TIT
çade principale du Fondaco , tan-
dis qu'on reléguait le Titien sur l'un
des côtés du bâiiment. Le temps n'a
{)oint respecté leurs ouvrages ; mais
e vœu des contemporains fut entiè-
rement favorable à celui sur lequel on
comptait le moins, ctle Triomphe de
Judith en fut un pour le peintre {'i).
En sortant de cette épreuve , le Ti-
tien s'occupa de la composition d'un
tableau pour l'église des Frari , à
Venise (3). Ses figures, plus grandes
que nature, choquèrent l'œil timide
de ces spectateurs habitués aux pe-
tites dimensions des Bellini. Cette
première impression passée , le
public revint en foule admirer ce
chef-d'œuvre, qui plaçait le Titien
au-dessus de tous ses rivaux. Appelé
successivement à Vicence et à Pa-
doue , il se montra partout digne de
sa renommée. II l'augmenta encore
en achevant ( i5ii ) les peintures
que Jean Bellini avait entreprises dans
la salle du grand-conseil à Venise.
Un de ces tableaux , représentant
l'empereur Barberousse aux pieds de
son orgueilleux ennemi Alexandre
III , (4) était destiné à fixer le sou-
venir de cette réconciliation ^ à la-
quelle les Vénitiens avaient eu tant
de part. Peu satisfait de l'ébauche
de son prédécesseur , le Titien re-
commença l'ouvrage, dont il accrut
l'intérêt en mettant en scène plu-
(») Il en existe une ancienne gravure par Me-
tello.
(3) C'est le laMenu de Y Assomption qui e^t
maintenant dans les salles de l'académie des bf aux-
arts, à Venise. Il vient d'être gravé par M. Natale
Schiavoni. Dans une répcliliori , qui est à l'rgliso
cathédrale de Vérone , on <roit reconnaître le
portrait du fameux architecte Saamiclieli, «uns les
traits d'un upolre.
(4) I.e pendant de ce lahleaii représentait Li ba-
taille de ,S|)oret<? , livrée par le même empereur ,
en >i55. Lllc a. été gravie Jiar Jules Funtana. Ce
n'était ni la bataille de Obiaradaddii , r onime l'o
«.TU Vnnari . ni celle de Cndure, comme l'n dit.
Bidolfi. L'autorité de ces di in érrivains a entraîné
dan» l'errenr M. 'l'iroj/i , iini ■ inipjiosé (juc le
Titien avait pciiil de.iix Labiilli».
TIT
sieurs des personnages les plus mar-
quants de son temps. Si l'incendie
de 1577 "'avait pas détruit la salle
du conseil, on aurait la satisfaction
de voir les portraits de Ferdinand de
Cordouc, deBembo, de Sannazar ,
de l'Arioste , de Navagero , de Fra
Giocondo , groupés ensemble sur
le même tableau. Le sénat récom-
pensa le Titien en lui accordant la
place de courtier de la chambre des
Allemands ( Sensale del Fondaco
de Tedeschi ) , dénomination bi-
zarre par laquelle on désignait le pre-
mier peintre de la république. Parmi
les privilèges de cette charge , le plus
honorable était de peindre chaque
nouveau doge , pour le prix conve-
nu de huit écus. La réputation du
Titien se répandit bientôt dans le
reste de l'Italie. Le duc de Fer-
rare {Foy. Alfonse d'Esté,
XIII , 3'^3), occupé des embellisse-
ments de son palais de Castello ,
mettait en réquisition tous les talents
pour rendre cette demeure digne de
la magnificence d'un grand prince.
Il y attira le Titien , qui , chargé de
la décoration d'un cabinet , peignit
le Triomphe de l'Amour , et ces fa-
meuses Bacchanales (5), qu'Augustin
Carrache proclama les premiers ta-
bleaux du monde. Ces beaux ou-
vrages, enlevés à la ville de Ferrare,
lors de sa réunion aux étals de l'É-
glise (iGi';), restèrent quchpie temps
à Kome, avant d'être livrés au roi
d'Espagne par le cardinal Ludo-
visi (()). C'étaient ces mêmes tableaux
qui avaient servi d'étude au Poussin,
au Barroche , au Flamand ( F. Du-
QUESNOY, XII, 33'2 ), à l'Albane ;
que Rubens nedédaigna pasde copier,
f/i) ICIIes furent gravies en ifi3G et ifi'i" , par
Podest'i , médiocre artiste génois.
(Il) Il n'en resta <pt'un (Cul ^ Romo , dan» la go-
l«ri« l'amphili.
TIT
et devant lesquels Mengs ne passait
jamais saus tomber en extase. On ra-
conte que le Domiuiquin , au moment
de les voir partir pour l'Espagne , fon-
dit en larmes, en songeant à la perte
qu'allait faire l'Italie. Pendant son
séjour à Ferrare , le Titien eut occa-
sion de connaître la célèbre Lucrèce
Borgia , dont il fit le portrait, pour
être placé à côté de celui de son
e'poux. Il travailla aussi pour la pre-
mière édition du Roland , qu'il enri-
chit d'un portrait très - ressemblant
de l'auteur [']). On prétend que l'A-
rioste consultait souvent le peintre,
et que celui-ci puisait à son tour dans
l'imagination intarissable du poète.
Pour que quelque chose de sacré vînt
se mêler à tant de sujets profanes, le
Titien peignit le Sauveur, auquel le
pharisien montrait le denier de César.
Ce tableau, connu sous le nom du
Christ à la monnaie , forme mainte-
nant un des principaux ornements de
la galerie de Dresde f 8) . A son retour à
Yenise ( 1 5 1 5) , le Titien reçut du pa-
pe l'invitation de se rendre àllome.
C'était Bembo qu'on avait chargé de
cette négociation, qui ne paraissaitde-
voir rencontrer aucun obstacle. Les
souvenirs de l'ancienne reine du mon-
de, la renommée de Michel-Ange et de
Raphaël étaient en effet des moyens
bien puissants sur l'imagination d'un
artiste. Le Titien allait se conûer à
l'hospitalité de Léon X , lorsque ses
amis vinrent le détourner de ce
voyage. Jaloux de pos'^éder un ci-
toyen si illustre , ils lui firent per-
dre l'occasion la plus favorable
pour agrandir son talent. Le Titien
(7)11 a <'tc gravé par Sauderat et Fiquct. Un antre
porlrait de l'Ariostc, de grandeur iiahirelle, et en
habit de vcïonrs noir donl.lé de toiUTiires , e-it
maintenant à la galerie de M. Viaiiuli , à Venise.
(8^ 11 eti eiislo aiKsi de* rp'p<'liîîons à l*r5rnrifil el
à Florenr«. Il • ete grnvé par Bota , Gall , ZuccKi ,
Ma»iir<i , etc.
HT i5i
n'aurait pas vu sans profit les chefs-
d'œuvre des anciens; il se serait plu
à rendre justice au mérite de ses con-
frères ; et l'on n'aurait peut-être pas
à reprocher une trop grande rudesse
de formes à Michel- Ange, une cou-
leur quelquefois terne à Raphaël , et
l'absence du beau idéal dans plusieurs
tableaux du Titien. Il y aurait eu
échange du génie; et les résultats eu
eussent été incalculables pour les
arts. François I'"". échoua aussi au-
près du Titien , qui préféra tou-
jours le bonheur domestique aux
promesses les plus brillantes de la
fortune. Il ne s'éloignait de Venise
que pour visiter ses parents et revoir
les lieux témoins de son enfance. Ce
fut dans une de ces courses qii'il or-
na d'arabesques ce boudoir qu'un de
ses descendants (9) montre encore
avec orgueil aux étrangers. Ou doit
rapporter à la mêmeépoquerAunon-
ciation de la Vierge ( i o), le Saint Sé-
bastien (11), le Saint Jean -Baptiste
dans le désert ( 1 2), et un beau tableau
dans lequel on croit reconnaître le por-
trait de cette paysanne (i3jdestinéeà
remplacer Lucrèce Borgia , et à re-
nouveler la souche des princes d'Es-
té. Mais un plus bel ouvrage est le
Saint Pierre martyr , dans lequel le
peintre s'est élevé au-dessus de lui-
même. Trois figures , toutes remar-
(q) M. Alexandre Vecelli , de Pieve de Cadore.
(10) Dans l'église de Saint-Roch, à Venise. Gra-
vé par t'.ort.
(ix'\ Au Quirinal. Ce tab'ean fut acheté par Clé-
ment XIV. Il a été gravé par Leiebre^ L^ Por-
denone , en le vovant pour îa première fois dans'
l'église de .Sainl-NicoI..s , s'écria : « Ce n'est pas
» de la couleur , mais de la chair. >>
(lal Dans l'académie de peinture, à Venise. Ce
taLleau a été gravé par plusieurs.
(l3^ Au Louvre. Il a été eravé pnr Toi-sler. Un
outre portrait pareil, mais mii-ut ron.<eryé .a été
acheté dernièrement par lurd Slc".irl , à \ eiiise.
for. «urro dernier tableau une brochure intitulée :
litiazirnr ,1, iluc quctin </< Tiziaiio l'tcclli ( par le
cuml* Ciojnar* }, V«ni»e, ifliij, io-^"-
iSa
TIT
quables par !a pureté du dessin et par
la force de l'expression, se détachent
sur lefond d'une forêt. Le Saint , en vê-
tements blancs, et aux pieds de son
bourreau , fait de vains efforts pour
se relever : mais désormais il ne res-
te plus d'espoir ; et le bras de l'as-
sassin va frapper les derniers coups.
Le dangrr est imminent; et la ter-
reur de la mort é'oigne de la vic-
time son propre compagnon de voya-
ge. Deux a^)ges viennent assister à son
trépas , et lui apporter les palmes du
martyre. Ce tableau a toujours été
regardé comme l'ouvrage capital du
ïitien. Le sénat de Venise en avait
défendu la sortie sous peine de mort-
et il a'a fallu rien moins que l'épée
d'un conquérant pour violer impuné-
.nient un tel arrêt (i 4). L'admiration
des Vénitiens pour ce grand peintre
n'eut plus de bornes. Paris Bordone
et Palme le vieux briguèrent la faveur
de travailler sous ses yeux. L'Arétin ,
qui narguait les rois, devint le flat-
teur du Titien, dont la belle ame
était digne d'un meilleur ami. S'il
est vrai, comme on l'assure, qu'il
en recevait souvent des avis, il
fant l'admirer doublement de ne s'ê-
tre point laisse pervertir par un aussi
mauvais conseiller. Il nous en a con-
servé les traits (i5), ainsi que de
presque tous ceux qui fréquentaient
sa maison. C'était un jeu pour lui
que de donner l'immortalité à ses
amis. Son médecin (K)), son confes-
seur, qui l'était en même temps de
fi4) Ccli.l.l<aii, <.nIi-v,:ii|Vgl|,e de Sainl-Jran H,
Sïint-Paul , .-.si rc It^ uu I.ouvrejusqii'à l'anix^c iHiS',
iju'ilaéle rrndii au Kuuveriiciueul aulricbicn. Gra-
ve por Lcfebre, Rola, Fuiitaiin, ('o<hin, I.aiirenr,
«te. y or l'iirni'ia ilrl i/unrlio ili Tiziann rap/iif-
j' niante .V. J'ieliu mniliie , lettiia. Venise i8«3
iii-8".
'i5^ I.e |ilu> lieaii porlrait de l'/VrelIn eut à la ga-
lerie de Florence, lia ete «lave par Hollar cl Jr,de.
( i(il II s'appelait Parrua : fun purtrait cal ^ la ga-
lerie iuipcriald de Viitiiii*.
TIT
l'Arétin, exercèrent tour-à-tour son
pinceau. Il se dérobait souvent à ces
petits soins pour traiter des sujets
empruntés à l'histoire ou à la mytho-
logie. C'était Cornclie s'évanouissant
dans les bras de Pompée; Lucrèce ou-
tragée par Tarquin (17), et s'arra-
chantla vie pour expier une faute in-
volontaire (18) ; Saint Jean Vytumô-
nier{iQ)- la Femme adultère, les
Pèlerins d'Emmaiis , faisant par-
tie de la collection du Louvre (20).
Vers la fin de iSsg, le Titien se
rendit à Bologne , pour peindre
Charles -Quint. Il devait cette fa-
veur à l'Arétin , qui l'avait recom-
mandéau cardinal HippolytedeMédi-
cis. S'il est permis d'ajouter foi aux
historienscontemporains, jamais res-
semblance n'aurait été plus frappan-
te : les passants, se croyant en pré-
sence de leur maître , rendaient à ce
portrait les mêmes hommages qu'à
l'original. A l'exemple de l'empereur,
les princes, les cardinaux, les dames
les plus renommées par leur beauté,
les hommes les plus célèbres parleur
rang et leur savoir, chacun voulut
être peint par un aussi grand maître.
Charles-Quint posa jusqu'à trois fois
devant lui , et il le combla d'honneurs
et de richesses. Non content de lui
avoir accordé des pensions , il lui
envoya plus tard la croix de che-
valier et le diplôme de comte pa-
latin. En public, à la promenade, à
cheval , il lui cédait toujours la droi-
te jet lorsque les courtisans osaient lui
en faire la remarque : « Je puis bien
» créer un duc , répondait-il ; mais
» où trouverais-je un autre Titien? »
(i-M>hilili 'lall dan» la galerie du comte
d'Arniidetl , en Angleli'rre. (irave par Cort.
(iH) Deiii lal.leaux sur le luèine sujet font par-
lie de la Kalii'ie Liu{ii'rialc de Vienne.
fil)) Dans l'église do Saint- Jcau , pris U pont île-
Uiallii , ù Venise.
(îii) (iravc par Striàui.
TIT
Vous méritez d'être servi par unem-
j)ereur,à\i unautrejour le maître du
moude à l'artiste , dont il s'empres-
sait de ramasser le pinceau. Paul
III, qui s'était fait peindre a Bolo-
gne, fut loin d'imiter la générosité
de Charles -Quint. Il ne sut récom-
penser le mérite du Titien qu'eu lui
proposant d'accepter V OJficio del
Piombo , du vivant même de Fia
Sébastien ( F. ce nom , XLI , 4o5 ).
Le peintre remercia le pontife ; et il
ne voulut prendre avec lui d'autre
engagement que d'aller le rejoindre
à Rome. Il se passa encore quelque
temps avant qu'il pût réaliser ce
projet. Ce ne fut qu'en i545 qu'il
se mit en route pour la capitale
du monde chrétien. Peu de temps
avant son départ, le sénat lui donna
une marque éclatante de son esti-
me, en l'exceptant, par un privi-
lège unique, d'un nouvel impôt le-
vé indistinctement sur toutes les
classes de citoyens. L'admiration
publique se manifestait partout sur
son passage. Le duc d'Urbin alla à
sa rencontre, et le ramena eu triom-
phe dans son château. Il le fit ensuite
escorter jusqu'à Rome, où le cardinal
Farnèse s'était chargé de lui préparer
un logement dans le palais de Belvé-
dère. Le Titien y fut reçu par Michel-
Ange , qu'd avait tant désiré connaî-
tre, et il chercha partout Raphaël, qui
déjà ne vivait plus que dans ses ouvra-
ges. D'un âge beaucoup trop mûr
pour profiter de ce qu'il voyait , le
Titien , sans orgueil et sans jalousie ,
était, plus qu'aucun autre, disposé à
rendre justice à ses rivaux. Son sé-
jour à Rome ne dura qu'une année*
mais cette année ne fut point perdue
pour les arts. II y travailla pour le pape
et pour les Farnèse; et c'est le musée de
Tsaples qui a hérité du beau portrait
de Paul III , et de cette belle Danaé ,
TIT
[53
qui fut commandée par le duc Octa-
ve. La figure principale , étendue
sur un lit de velours, tourne vo-
luptueusement ses regards vers le ciel
obscurci par un épais nuage. La pluie
dor tombe sur sou sein, tandis que
Cupidon s'éloigne satisfait envoyant
le plus graud des dieux soumis à la
puissance de son arc. Le bras de
l'Amour , qui ressort du fond du ta-
bleau par la force des ombres , est
peut-être le raccourci le plus hardi
qu'on ait jamais conçu. Michel-Ange
ne se montra pas satisfait de cet
ouvrage : il lui reprocha même quel-
ques défauts: et il dit un j our à Vasari :
« Que! dommage qu'à Venise on n'ap-
» prenne pas à bieu dessiner I Si le
» Titien était secondé par l'art ,
» comme il a été favorisé par la natu-
» re , personne au monde ne ferait si
1) vite ni mieux que lui, » Ce juge-
ment a trouvé des apologistes et des
contradicteurs. Les uns en ont pro-
fité pour déprécier l'école véni-
tienne: les autres se sont crus autori-
sés à élever le Titien aux dépens de
Michel-Ange. On se battit alors pour
ces grands peintres à peu-près comme
on faisait pour le Tasse et pour l'A-
lioste. IMais si l'on avait réfléchi au
peu d'analogie qu'il y a entre leur
style, on n'aurait peut-être pas pris la '
peine de les comparer. ]Michel-Ange
ne songeait qu'à vaincre les diilicul-
tés ; le Titien cherchait à les éviter.
L'un n'étudiait la nature que pour
l'outrer, l'autre se coutentait de la
bien saisir j et c'est ainsi que , par
des routes opposées , ils parvin-
rent au même but , qui est de
plaire et d'étonner. Mais leur exem-
ple eut une fâcheuse influence sur
l'art en Italie. Les imitateurs de Mi-
chel-Ange , cherchant le merveilleux
partout, se jetèrent dans l'exagéra-
tion ; et les élèves du Titien^ séduits
154
TIT
par une certaine simplicité' apparen-
te, tombèrent dans le trivial. Dans
ce rapprochement force entre deux
artistes si peu ressemblants, un habi-
le écrivain a trouve' récemment une
occasion d'exposer ses idées sur le
beau idéal. Selon M. Majer (9.1), on
pourrait presque se passer des monu-
ments anciens etaspirer à la gloire de
grand peintre , par la seule imitation
de la nature. Si de tels principes n'é-
taient point absolus , on pourrait
les admettre. Mais soustraire les
arts à l'influence du génie , con-
damner les études sévères de Mi-
chel-Ange et de Raphaël , renon-
cer à ces formes divines consacrées
par le ciseau de Phidias et de Praxi-
tèle , nous paraît un tel paradoxe ,
que l'exemple seul du Oorrége ne
suffit pas pour l'établir. jM. Majer
a dû en sentir l'absurdité lui-même,
lorsqu'en acceptant toutes les consé-
quences de sa théorie , il a été obli-
gé de soutenir que les figures d'un
bossu, d'un boiteux, d'un borgne,
bien que défectueuses en e'.les-mèmes,
pouvaient, dans certains cas , rius-
cire hellissime (pag. 8). Et c'est à
l'appui de ces maximes éminemment
romantiques , qu'on ose invoquer
l'autorité de Virgile et du Tasse !
En sortant de Rome, le Titien prit
la route de Florence pour y admirer
la magnificence des Médicis. Il n'y
inspira aucun enthousiasme, et bri-
gua vainement la faveur de faire
le portrait d'un prince que l'his-
toire représente comme un zélé pro-
tecteur des arts. ( Fof. Cosme de
MÉDICIS , XXVIII , 7G ). Mécon-
tent du séjour de la Toscane , le Ti-
tien se hâta d'arriver à Venise, où
il était a|)|)el(,' par le vo-u de ses amis
:-,,) DrW i,,„i.,t,.,„c ,nll„nr„. ,IAI' crAl ■„■.,,
Jellr ttprre th 'J tmiann ^ « dtUa viln </i Zutano ,
V«iiii« , 1818, in-8".
TIT
et par ses affections domestiques. II
aurait pu y terminer sa vie dans le
repos que son grand âge devait
lui rendre nécessaire; mais, par un
privilège peu commun parmi les
hommes de génie, le Titien touchait
à sa soixante -dixième année sans
avoir presque rien perdu de la vi-
gueur de sa jeunesse. Dominé par
l'amour du travail , il s'y livra avec
une nouvelle ardeur , et ce fut de la
main d'un vieillard que l'on vit sortir
tant de beaux ouvrages. Charles -
Quint, qui semblait ne pouvoir pi us se
passer de lui, l'avait fait venir deux
fois à Augsbourg ( i54i3 et i55o ) ,
devenu le rendez-vous de ce qu'il
y avait alors de plus illustre en
Europe. Il l'emmena ensuite à Ins-
priick, où ce prince passa pour sur-
veiller de plus près le concile de
Trente. Au moment d'échouer dans
son vaste projet de monarchie uni-
verselle, il voulut jouir d'avance de
son apothéose; et le Titien composa un
tableau, où la Trinité, escortée d'une
troupe de chérubins , apparaît dans
les airs pour recevoir les hommages
de la Vierge et des Saints. Elle ac-
cueille en même temps les prières des
anges, qui lui présentent les membres
de la famille impériale. Des rayons
éblouissants, lancés du trône de l'É-
ternel, se brisent sur les nuages, et par
des reflets variés retombent sur les fi-
gures artistement disposées au pre-
mier plan. La beauté des formes, l'har-
monie des couleurs , et les torrents de
lumière qui jettent un si vif éclat
sur cette admirable composition,
tout concourt à plonger l'ame dans
le ravissement et dans l'extase. Ce ta-
bleau , ébauché à Inspruck, ne fut
terminé qu'en 1 55:") , ])oiir cire placé
sous les yeux de Cliarles-Quint, à
Sainl-Just [il). Le Titien ne laissait
échapper aucune occasion de satis-
TIT
faire l'avidité et l'ambition de l'Are'-
tin. Par ses discours il e'tait parvenu
à lui faire envoyer des présents et
une dot pour sa fille Aiistria. Il se
flatta même de lui avoir obtenu le
chapeau, et il se bâta de lui en faire
partager l'espérance. L'Arétiu le re-
mercia, eu lui donnant le titred'/iom-
me divin , qu'il avait d'abord usurpé
pour lui-même. A son retour d'Alle-
magne, le Titien fut admis au sénat
poury rendre compte des circonstan-
ces de son voyage : distinction bono-
rablc, qui n'était accordée qu'aux am-
bassadeurs! On le pria aussi de pren-
dre part aux embellissements de la
chambre du conseil; mais surchargé
de travail, et mettant plus d'importan-
ce à terminer ce qu'il avait entrepris,
il se fit remplacer par le Tinlorct, par
Paul Vérouèse et par son propre fils
Horace, dont il avait soigné l'éduca-
tion. C'est ainsi qu'il répara le tort
d'avoir écarté de la salle de la bi-
bliothèque le Tintorel, dont il n'avait
rien à redouter. Ne songeant désor-
mais qu'à mériter la faveur du nou-
veau chef delà monarchie espagnole ,
il consacra ses dernières années à
multiplier les jouissances de l'esprit
sombre et inquiet de Philippe II.
Après avoir terminé une grande
composition allégorique (^3) pour
Charles-Quint, il peignit Diane et
Actéon, Andromède et Persée, Mé-
déc et Jason, Pan et Syriux, Vénus
et Adonis (-24), qui sont plutôtdcspoc-
mes que des tableaux. Nous en avons
déjà nommé un grand nombre^ et
cependant nous sommes encore loin
de les avoir fait connaître tous. On
TIT
55
(lï) Apri's la mort de l'empereur (i55S) , ce ta-
bleau en suivit le cercueil \ l'Escurial , dout il ac-
crut les trésors. Il fut gravé par Corl , eu j5t)6 ,
«ous les yeux du Titien , à Venise.
(»3) C'est le CarneuT lahleau de la Religion , qui
Mt à rEscurial. Grave' par t'ontana.
(»4) Grav< par Julc« Sauuto , Rol«, Sadcler, etc.
verra parla , s'il est possible de bien
juger le Titien ailleurs qu'en Espa-
gne. C'est un grand malheur pour les
arts , que les plus beaux ouvrages de
ce peintre appartiennent à un pays
où ils sont, pour ainsi dire, ensevelis.
Soit réserve, soit insouciance, les
artistes espagnols n'ont jamais son-
gé à les graver ; et il ne faudrait
qu'un incendie de l'Escurial , pour
nous dérober à jamais la jouis-
sance de tant de chefs-d'œuvre. Si
l'on devait s'en rapporter aux paro-
les d'un personnage auguste, ce mal-
heur serait déjà arrivé, et une émeu-
te populaire aurait dispersé en un
jour , ce que plusieurs siècles ne sau-
raient reproduire (iô). Mais Char-
les IV, qui en a répandu le bruit,
était si peu au fait de ce qui con-
cernait son royaume, que l'on doit
conserver encore quelque espoir.
Ce qui j)araît incontestable , c'est
que plusieurs tableaux du Titien pé-
rirent dans l'incendie du Pardo , en
i6o8. Ou raconte même que Philippe
III se consola de la perte de ce pa-
lais, en apprenant qu'on avait eu le
temps de sauver une ï'énus du Ti-
tien. Ce peintre suspendit ses tra-
vaux en 155^, pour aller pleurer,
loin de Venise, la peite de son ami
l'Arétin. Il s'arrêta quelque temps
chez Nicolas Francipane à f arcento ,
et chez Adrien da Ponte à Spilem-
berg. La fille de ce dernier lui
inspira le plus tendre intérêt, et il
prenait plaisir à suivre les progrès
de celte jeune personne, losqu'une
mort ]irématurée vint la moissonner
au printemps de son âge. Frappé
de ce nouveau malheur , il prit de
l'attachement pour un jeune littéra-
teur, dont il fit son ami et son élève.
(îS'l L'auteur de cet article a entendu racont*»
re malheureux événemeut en Italie , (lar Cliarl»» IV
lui-uènir.
i56
TIT
( Voy. Verdizotti ). Il apprit bien-
tôt (i 558) la mort de son auguste
bienfaiteur Charles-Quint, et pour
qu'aucune de ses affections ne fût
épargnée , il eut à déplorer les écarts
de son propre fils Pompouius ,
qui par ses débauches déshonorait
son nom et son caractère sacerdo-
tal (^6). Dévoré par tant de cha-
grins , le bon vieillard éprouva ,
pour la première fois , le besoin de
chercher quelques consolations dans
le travail. Son imagination , fermée
aux sujets profanes , s'éleva à la con-
templation de plus grandes souffi-an-
ces pour tâcher d'oublier sa dou-
leur. Il peignit le Martyre de saint
Laurent (27) , la Flagellation de
J.-C. (28), la Madeleine , dont on
connaît plusieurs répétitions (2C)), et
surtout cette fameuse cène . fruit de
sept années d'études , et qu'il décla-
rait lui-même son meilleur ouvrage.
Nous regrettons de ne pouvoir rien
dire de ce tableau , dont il n'existe
qu'une mauvaise gravure, soi'tie de
l'atelier de Bertelli, et qui demeure
inaperçu dans le réfectoire du cou-
vent de Saint-Laurent, à l'Escurial.
Ainsi le Titien , qui avait débuté par
l'Assomption, marquait son déclin
par la Cène, laissant la postérité in-
décise entre ses premiei's essais et ses
derniers chefs-d'œuvre. Luttant avec
avantage contre les années , il put en-
core, en 1 564 , se charger de l'exécu-
tion de trois grands tableaux pour
l'Hôtel-de-Ville de Brescia (3o) , et
{■>.(>' Le l'ilicii ft:.it parvenu à lui oljlciiir une
l>la e Ho chanoine à Milan.
(17) (".c tableau est reste quelnue temps au Lou-
Tre ; il lut rendu en i8iïi, fi I église des Crocie-
cbicii & Venise ; grave par Cort et Sadeler.
(78) D»D» l.t galerie du roi de Portugal ^ Lin-
lioime,
(jf)) Trois h Venise, deux à Florence, une "r.
rKKeurial. Ce Ijilileini n e'tr K^i^vii par Cort , Roln ,
l'urabarl , Danker , Illol , elr.
(!îo) O» tableaux ont péri dnn» un incendie, f tn
n'a r'insiTvé que la gravure cpie Cort fil , en i.*»"!,
«lu laiiU-au rrpr''»*^i*a»it la Titrine de Vtilratti.
TIT
traiter quelques autres sujets pour les
églises de Venise (3i). On dit qu'un
jour rentrant chez lui, et voyant qu'on
lui avait rendu un de ses tableaux
(l'Annonciation) , pour y faire des cor-
rections, il le renvoya en écrivant au
bas TitianusfecitfJ'ecit; ne craignant
pas de s'en déclarer deux fois l'au-
teur. Mais il touchait enfin à cet âge
regardé comme le dernier terme que
l'homme puisse atteindre. Cent ans
d'une vietoujours active et si féconde
en prodiges, ne lui avaient presque
rien ôtc de son énergie. Il travaillait
encore, lorsqu'en 1576 une maladie
contagieuse se manifesta dans quel-
ques quartiers de Venise. Mercuriale et
Capodivacca , professeurs distingués
de l'université de Padoue, sont ap-
pelés pour en étudier les symptômes.
Trompés par les apparences du mal,
ils entraînent tout le monde dans
Terreur et empêchent de prendre des
mesures pour arrêter ce fléau. En peu
detempstoutelavillefut en jiroie aux
horreurs de la peste, et le Titien,
qui avait eu l'idée de se réfugier à
Cadore, périt victime de sa confian-
ce. Lesénat, dérogeant à un règlement
très-sévère qui ordonnait la destruc-
tion des cadavres pestiférés, permit
que les restes de ce grand peintre fus-
sent déposés dans l'église des Frari.
Horace , son fils aîné , frappé de la
même maladie , le suivit de près au
tombeau , et dès que la crainte de la
contagion fut passée, l'autre fils,
Pomponius, accourutdeMilan ,pour
vendre et gaspiller l'héritage pater-
nel. Cet enfantdénaturé, insensible à la
gloire de sou père , ne s'occupa nul-
lement d'en honorer la mémoire; et
ce fut une main étrangère qui grava ,
(3i^ I.a Transfiguration du Seigneur et l'Annon-
ciation lie la Vierge, pour l'église du SalMl-.Sanvcur.
Ce dernier («Ideau a été gravé par Lcfehre «t par
TIT
pour la première fois, le nom du
Titien sur une pierre sépulcrale.
Quarante-cinq ans plus tard, le jeune
Palme lui éleva un buste à cote de
celui de son aïeul, Palme le vieux ,
dans l'église de Saint-Jean et Saint-
Paul. En 1794» on eut l'idée d'ouvrir
une souscription pour lui dresser un
magnilique sarcopbage. Canova en
avait déjà présenté le projet , et
sansles malheurs qui fondirent sur la
république, il aurait consacré la mé-
moiredu cliefde l'école vénitienne par
un ouvrage dignede l'un et de l'autre.
Le Titien n'a été étranger à aucun
genre : son talent varié les embrassa
tous , et il brilla tour-à-tour dans les
sujets sacrés , profanes, mythologi-
ques et champêtres. Sévère dans le
choix des figures, il ne le fut pas
moins pour les détails -dans ses com-
positions rien n'est inutile , et tout
paraît nécessaire : on n'oserait sup-
primer les moindres accessoires sans
craindre de détruire l'harmonie de
l'ensemble. Peintre inimitable de la
nature , il a excellé surtout à expri-
mer les nuances les plus délicates ,
les sentyuents les phis opposés. C'est
le même pinceau qui a imprimé
rhorreur de la mort sur le visage de
saint Pierre martyr , la résignation
sur le front du Sauveur , la pudeur
dans la Vierge, la honte dans Calis-
te, (3'2) l'innocence dans les anges, la
volupté dans Vénus , la douleur dans
Marie , l'ivresse dans les bacchantes.
11 ne se bornait pas à bien saisir le
caractère d'une passion; il la nuan-
çait de plusieurs manières , en mar-
quant, pour ainsi dire, les degrés de
soulliance de chacun des principaux
acteurs. Dans la dé^josition du Christ
au tombeau (33) , par exemple , tout
l-la) Gravé par t'.ort et Kessel.
(33) U en existe cleiix repelitinns à Venise : une k
l'acarlrcni* des iMMiiix-orts , l'autre i la galerie de
TIT 157
le monde est frappé de douleur; mais
l'on voit la Vierge souflrir plus que la
Madeleine et saint Jean , qui sont à
leur tour plus accablés que Joseph et
Nicodème. Nous ne sommes plus en
état de juger de la ressemblance des
portraits peints par le Titien ; mais
qui pourrait en douter lorsqu'on
aperçoit la gravité espagnole dans
Charles-Quint; l'esprit chevaleres-
que dans François P''.; la dissimula-
tion dans Philippe II,, l'impudence
dans l'Arétin, l'habitude de la médi-
tationdansleBcmboi'C'estbeaucoup,
sans doute, de retracer fidèlement la
physionomied'un homme; mais c'est
bien un autre mérite de laisser sur ses
traits l'empreinte ineffaçable de ses
vertus et de ses vices. A toutes ces
qualités , plus que suffisantes pour
constituer le grand peintre, le Titien
réunit celle d être le premier colo-
riste de l'Italie. C'est en vain qu'on a
examiné, q-i'onamcme sacrifié quel-
ques-uns de ses tableaux pour sur-
prendie son secret : il demeure ca-
ché sous l'éclat des couleurs; et l'œil
le plus exercé se flatterait en vain de
suivre les traces d'un pinceau dont
on ne peut pas assez admirer les pro-
diges. Le Titien , par son exemple ,
détacha l'école vénitienne de l'imi-
tation servile des anciens. Son génie
le rapjirocha de la nature , dont il
suivit les insj)irations sans contrainte.
(iCpendant il ne méprisa point les
chefs-d'œuvre des Grecs, et s'il se per-
mit de travestir l'un de leurs plus beaux
monuments (34) , ce fut pour tourner
en ridicule ces artistes qui ne savent
rien faire sansreproduire ce quia déjà
été fait. Personne mieux que lui
Manfrin. Grave' par Pontius , Rousselet , Rola et
Bonasone.
(34) Il dessina un groupe de trois singes enlmlil-
Ic's de serpents , à-peu-près romm*i le Laoroon,
Cette rariratnre a été gravée par Nicolas Holdrinu ,
élèv* du Titien.
i58
TIT
n'apprécia le mérite de Sansoviuo
( F. ce nom, XL , 354 ) i 'ïont le
ciseau rivalisait avec Michel-Ange ,
et ne s'écartait jamais des formes
classiqncs. Les Ouvrages de Titien
sont dispersés dans les principales
galeries de l'Europe. Nous avons
déjà dit que les plus beaux sont en
Espagne : le Louvre en possède plu-
sieurs , savoir : L Les Portraits
d'Alphonse V^. et deLaure Bianti
sa maîtresse , graves par Forster.
IL Portrait deFraiicoisX'^^. , gravé
•pa.r \)\nsie\\vs, m. Une Etude dupor-
trait du cardinal Hippoljle de
Médicis , en habit de guerrier , gra-
vé par Audouin. IV. Le portrait
d'un Commandeur de Malte. V.
Le portrait d' Alphonse d'Ai'alos ,
marquis del Vasto , à coté de sa
maîtresse ; gravé par Natalis. YT.
Cinq portraits inconnus. VII. Le
Christ au roseau , ou le Couron-
nement d'épines ; gravé par Sca-
ramuccia, Lefèbre , Lorichon , Ri-
tault , David et Perugino. VIII.
Le Christ porté au tombeau; gra-
vé par plusieurs. IX. Les Pèlerins
d'Emmaiis ; gravé par Masson et
Cliauvreaii. X. La Fierge ai'ec
r Enfant Jésus, au jnilieu de trois
Saints. XI. Veux Anges adorant
V Enfant /e5H5, couclié sur les ge-
noux de la Vierge. XII. La Fiergc
au Lapin. XIII. Sainte Agnes.
XIV. Saint Jérôme dans le désert^
gravé par plusieurs, W.Jupiter et
Antiope ; gravé ])ar Baron et par
Corneille. Le Christ entre le bour-
reau et un soldat, et un grand ta-
bleau représentant la première ses-
sion du concile de Trente, que les
anciens inventaires du même Musée
attribuent au Titien, ne lui appar-
tiennent pas. Le portrait original de
ce peintre , qui était une proj)ri("lé
inaliénable de la famille Vccelli de
TIT
Cadore , fut soustrait par rinfidëlité
d'un tuteur, et vendu, en 1728, au
grand-duc de Toscane ^ pour le prix
de deux cents pistoles. Il est mainte-
nant dans la galerie de Florence. La
vie de Titien a été écrite par Vasari,
Vite de' pittori ; Ridolli , Maravi-
glie deW arte ; Liruti , Notizie de"
letterati del Friuli. V. aussi Doice ,
Dialogo délia pittura; Fita del Ti-
ziano{ anonyme ) , Venise , 1622^
iû-4". ; réimprimé par l'abbé Accor-
dini, ibid. , i8o9,in-4°.; Zando-
nella , Elogio di Tiziano , 1802,
in-8°.; Cicognara, le même, parmi
les discours prononcés à l'académie
des beaux-arts de Venise; Ticozzi,
Vite de' Pittori Vecelli , Milan ,
1817 , in 8". Cet auteur a été vi-
vement attaqué par M. Majer ,
dans un ouvrage que nous avons dé-
jà cité, et défendu par Carpani. Le
livre de ce dernier a pour titre : Le
Majeriaiui , ovvero lettere sul bello
idéale , Padoue , 1 820 , et 1 824 , Jn-
8"^., 3"^<=. édition. M. Majer y a ré-
pondu par un autre ouvrage , intitulé :
Apologia del libro dclV Imitazione
pittorica , e delV eccellenza delV
opère di Tiziano , Ferrare, 1820,
in-8". Le même M. Majer a rassem-
blé une collection importante de gra-
vuresd'aprèsleTitien(35),et dont il
(^i) Le cabinet des estampes (ïu roi en possède uu
recueil assez, complet (environ 8:'>o) , cjui nousactw
Ircs-ut Ile pour la rédaction de cet article. Ihionsres-
teencore adémenlir l'opinion de ceux tjui ont cru
que leTitien sVtait exerce au burin, et cjui ont mê-
me cité des gravures de lui.T>n lui attribue entre
autres : I. Le Triomplie du la loi , qui a élc gravé
par Andreaui. tl. ï.r l'asiate de tu mer Roii^e eu
la Subineraion fie l'Iiitraon , endouxe grandes feuil-
les , gr»vc par Dalle Grèclic. Il est également
faux f|uo cet illustre peintre ait travaillé pour
Vesale ( De humani corporis fululâ , llâle , i548 ,
in-fol. ) Vahhr MmcWi {^'nU-.i>■ M ofirre di dise-
fiini , iiellupiiin.i mctit del Seiolii A> /, etc., Uas-
sano , iHoo. in-8". , note \!^1 ) a prouvé, iivee
raulorilc de Vasari et de lialdinucci , que les
planclies de cel ouvrage avaient été gravée» d'a-
prèa les dessins de Jean Calcar , peintre llamaiid et
élève du Titien. C'est la réimpression de ees ligu-
res <piu l'on trouve quelrjueliiis sous 1« litre de
TIT
pi'omet de publier le catalogue. On
connaît deux médailles frappées en
l'honneur du Titien ; l'une par Va-
rino, et l'autre par Cornclio. A-g-s.
TITIEN (Horace, etc. ). F. Ve-
CELLI.
TITIUS ( GOTTLIEB ou ThÉo-
PHUE Gérard), jurisconsulte , ne à
Nordhausen, le 5 juin 1 66 1 , ilt ses
e'tudes à Leipzig , sous Alberli et
Thomasius. Oblige de s'éloigner de
cette ville , attaquée par la peste , il
se rendit à Rostock ; pendant vingt
ans, n s'ensevelit dans son cabinet,
occupé à faire des recherches sur la
jurisprudence , et à en publier le
résultat. Thomasius , son ancien
maître , le recommanda au comte
de Flemming , ministre de l'électeur
de Saxe, qui le fit nommer, en 1 709,
professeur en droit à l'université de
Leipzig. En 1710,1! était conseiller
au tribunal d'appel de Dresde ,
et en 1 7 1 3 , assesseur au tribunal
supérieur de Leipzig. Il s'était fait
des ennemis par la manière dure avec
laquelle il traitait ses adversaires,
ce qui nuisit à son avancement. On
disait qu'il avait des connaissances
théoriques , mais point d'expérien-
ce dans les aflaires. La cour de
Dresde, qui ne partageait point ces
préventions, l'employa dans des mis-
sions délicates ; entre autres , il fut
un des commissaires nommés , en
1706, pour examiner la conduite des
ministres de l'électeur qui , ayant si-
gné le traité d'Alt-Ranstadt , entre
Charles XII et Auguste 11 , furent
accusés d'avoir outre-passé leurs pou-
voirs. Les travaux que la cour lui
confia et ceux que demandaient ses
fonctions publiques altérèrent sa
santé; il revint, au commencement
o\i si l'ou vcul de cette
est uu cvrlaiu BuDaTcrri
iilcur df tilti-i
■pi'culatiou de
S"-
rcur BuluuaU.
TIT 09
d'avril 1714, à Leipzig, où il mou-
rut le 10 du même mois, n'étant
âgé que de cinquante-trois ans. Il
était alors, pour la quatrième fois,
recteur de l'université, qui lui ren-
dit les derniers honneurs avec gran-
de pompe. Dans la solitude où il
vécut si long - temps , il examina
les différentes parties de la juris-
prudence , en prenant pour guide les
principes d'une philosophie droite
et simple. Croyant avoir découvert
ce qui manquait à la science, il avait
résolu d'y substituer des idées plus
claires , et une méthode précise. Il a
peu fait pour le droit criminel j ses
études le portaient vers le droit pu-
blic d'Allemagne, dont il a tracé les
limites , et l'ordre dans lequel il doit
être enseigné. 11 insistait beaucoup sur
la maladresse avec laquelle ses prédé-
cesseurs avaient suivi les Institutions
de Justinien , en enseignantlc droit pu-
blic. Ses dissertations sur cblFcrents
objets de jurisprudence ont été re-
cueillies par Hommel , Leipzig, 1 7 ig,
in-4°. Nous en citerons quelques-unes,
après avoir indiqué ses principaux ou-
vrages : \. Spécimen juris puhlici Ro-
mciJio- Germaiiici , a consuetd or-
dinis materiarumque confusione ,
variisque scriptoruni prœjudiciis ,
adœqiiatd hrcvitate restituti , Leip-
zig, 1698, in-i2. Comme il avait,
dans sa préface , vivement attaqué la
méthode de Tribonien , dont Ph.
Reinh. Vitriarius se servait en expli-
quant le droit public d'Allemagne ,
Vitriarius fils publia : Findiciœ à
P. R. Vitriario conlra G. G. Titium
scriptœ , Leyde , 1698, in- 12.
Titius y répondit et fit même réim-
primer, avec ses observations , les
Findiciœ de son adversaire. La se-
conde édition du Spécimen juris pu-
hlici parut à Leipzig, lyoS, in-8°.,
avec de grands changements, et après
i6o
TIT
la mort de l'auteur, on en publia une
troisième e'dition à Leipzig, 1717.
Dans cet ouvrage, Titiusa surpassé ses
pre'de'cesseurs, surtout par la méthode
exacte qu'il a suivie. Comme Cocce-
jius avait pris l'histoire de l'empire
Germanique pour guide en parlant
du droit public d'Allemagne, Titius,
au contraire, s'est attaché à la phi-
losophie , et on lui reproche d'avoir
négligé l'Histoire de l'empire. Sur
cela on doit consulter Moser,^i&Z/o-
theca juris puhlici , p. 11 , p. 484
à4g3jetPutter, Littérature du droit
public en Allemagne , tome i , pag.
3oo. II. Droit féodal germanique,
considéré d'après sa nature et d'a-
près la constitution de l'empire ,
avec un supplément expliquant cer-
taines formules employées dans les
affaires féodales ( allemand ) , Leip-
zig , 1699, in- 12 , et quatrième édi-
tion , 1780, in-8'\ Senkenberg,
qui avait droit, plus qu'aucun autre
savant , de juger notre auteur , dit
de ce dernier écrit : « Il est, comme
les autres ouvrages qu'il a publiés ,
travaillé avec soin • l'auteur est indé-
pendant de tout préjugé; il a ras-
semblé les faits eu grand nombre, il
les juge sagement; mais il n'a pas
assez consulté l'histoire et les usages
de l'Allemagne. II a une manière de
présenter les faits qui est à lui : en
les examinant, il montre un juje-
ment sain, droit ; d dit ce que les
autres ont iguoré, et il a une ma-
nière qu'ils n'ont point connue. » 111.
Ars cogitandi , sive scientia cogi-
tationum cngitantium , cogitationi-
hus necessariis instructa , et a pe-
regrinis Uherata , Leipzig , 1702;
seconde édition, i7.>.3.Daiiscetécrit,
Titius a suivi son maître Tliomasius.
IV. Ohsen'atiom'S in Sam. L. B.
d/; Pufcndurf libros 11 . de officio
hominis et civis , Leipzig, 1708 ,
TIT
in-i2. Cet ouvrage a eu , jusqu'en
1 769 , sept éditions. V. Essai sur le
droit canonique d' Allemagne, pour
les états protestants ( allemand ) ,
Leipzig, 1701 , et jusqu'en 1741 ,
réimprimé quatre fois. Les traits qu'il
y a lancés contre les ministres de sa
religion furent, à ce que l'on assure,
l'obstacle qui arrêta , pendant tant
d'années , sou avancement. VI. Ob-
servationum ratiocinantium incom~
pendium jurisLauterbachianum cen-
turiœ quindecim , quibus loca obs-
curiora de duhia explanantur , ac
vêtus juris Romani habitas et usus
ex genuinis principiis , contra vul-
garia prœjudicia , per singulos ti~
tulos ostenditur , Leipzig, 1708,
in-B".; il a été réimprimé plusieurs
fois. VII. Ad S. R. Jauchium unius
illius casûs assertorem ac mndicem
optimum, Leipzig, 1704? in-B".
Cet ouvrage polémique est rare et
recherché. VIII. De habita territo-
riorum germanicorum et indè ve-
niente totius reipuhlicœ formd ,
Leipzig, i7o4' Moser , dans sa Bi-
bliotheca juris publici, p. 11, pag.
496, pense que Titius n'a pas assez
consulté les usages de l'Allemagne, et
qu'il a trop élevé la supériorité terri-
toriale. IX. De dominio inrebus oc-
cupalis ultra possessionem durante,
Leipzig, 1 704. Titius attaque les prin-
cipes que Bynkershoek, jurisconsidte
hollandais , avait exposés sur le Do-
maine de la mer. X. De successione
in Germaniœ territorio , Leipzig ,
1 7 07 . XI . Seuerini de Monzambano
de statu imperii Romano- Gerinanici
liber unus , Leipzig, 170B, in-B"*.
XII. De jure nohilitatis lutheranœ
ad immediata Germaniœ capitula
et c«A»07?t6"rtf«5, Leipzig, 1709. XIII.
Juris privât i Romano- Germani ci ,
ex omnibus suis parlibus , put à jure
civili, ecclcsiastico et feudali , liac-
TIÏ
tenus separari solitis , secunduin
geniiina jurisprudentiœ natiiralh
J'undamenta composid , a tricis et
obsoleto jure purgati , ex necessa-
rio suppleti , ac ordine natiirali
planoipie , adjectis etiam siimma-
riis capitum , slatui Reipuhlicœ
Gcrmanicœ attempe.rati , libri \ii ,
fiuibiis jurisprudentia privata Ger-
manica itsui schoiarinn et vitœ
civdis proprius aplatur , Leipzig,
i'-o9 et I7'i4, iii-4"- <'« titré mon-
tre assez le plan que l'auteur déve-
loppe plus au long dans sa préface,
et qu'il a suivi dans l'ouvrage. XIV.
DcUbertale juridicd , Leipzig, 17 i o,
in-4'^. XV. De servitude faciendi ,
Leipzig , 17 10. XVL De iitilitate
juris naturalis iii jure cwili , Leip-
zig, 1 7 1 1 . XVIL De poljgamia ,
inceslu et divortio , jure naturali
prvhibitis , Leipzig, 1712. XVIIL
De contractibus patris et Uherorum
in potestate ejus existentlum, Leip-
zis, iTi 3. Les Dissertations de Ti-
.^^ ' . . . ■ ,
tuis ayant ete réunies en 1729 , les
Acta Eruditoraia de Leipzig , dont
il avait été un des rédacteui-s ,
disent , en annonçant cette coilec-
tiou : « Titius n'ayant rien fait paraî-
tre qui ne porte l'empreinte de son
génie, et qui ne répande de vives
lumières sur la connaissance des lois
et sur l'étude delà jurisprudence , il
importait à l'honneur et a l'avantage
des lettres que l'on réunît les disser-
tations d'un jurisconsulte si célèbre;
qu'on les conservât comme ou garde-
rait avec soin des vérités couvertes de
feuilles d'or et de pierres ])récicuses,
ou comme on cherclierait à les re-
trouver si on les avait perdues. —
TiTius i Jean-Daniel) , professeur de
mathématiques et de physique à l'uni-
versité de Wittemberg , naquit le 2
janvier 1729, à Conitz , dans la
Prusse occidentale. Ayant étudié à
XLVI.
TIT
161
Dantzig et à Leipzig , il fut , en 1 706,
nommé à la cliaire qu'il a remplie
pendant quarante ans. Il mourut à
Wittemberg le 16 décembre 1797.
Cette ville ayant étéassiégée en 1766,
et presque entièrement réduite en cen-
dres , Tjtius y perdit le fruit de ses
travaux, entre autres ses manuscrits
qu'il allait donner à l'imprimeur. Jl
regretta particulièrement son Syste-
ma naturœ secunduin niethodum
Kleiidi breviter delineatuni. Avant
et après cette époque malheureuse,
il a publié des ouvrages dont nous
allons indiquer les plus remarqua-
bles. I. Honow , sur l histoire na-
turelle et l'économie (ail. ), Leip-
zig, 1753 à 1755,3 vol. in-S".
II. Magasin pour l'histoire natu-
relle , les arts et les sciences ( ail. ),
Leipzig, 1753 et 1754 ,4 ^'ol. in-S'*.
III. Nouveaux développements sur
les connaissances et le bonheur de
l'homme ( ail. ), Leipzig, 1753 et
1754 , 4 vol. in-80. IV. M. Chris-
tophori Honovii opuscula , cum no-
tis , Halle, 1761, in -4°. V. PA^-
sicœ experimentalis élément a, Leip-
zig , 1 782 , in-S*^. VI. Leçons élé-
mentaires sur l'histoire naturelle
(ail.); Leipzig, deuxième édition,
1791 , in-8". VII. Principes sur la
manière de conduire sagement l'é-
conomie domestique { ail. ) , Leip-
zig, 1780, iii-8-J. Titius a traduit
plusieurs ouvrages en allemand , en-
tre autres : les Considérations de
Bonnet sur la nature ; i\ a rédigé
pendantvingt-neuf ans le journal qui
paraît à Wittemberg sur l'Histoire
naturelle et l'industrie. G — Y.
TITON DU TILLET (Evrard),
célèbre par son zèle pour la gloire
des lettres, naquit, à Paris, le 16
janvier 1(377. Il était iiis de Maxi-
milien Tilon , directeur-général des
manufactures et magasins royaux
i62 TIT
d'armes établis en France en 1666.
Après avoir achevé ses premières
études avec succès , il fréquenta l'é-
cole de droit , et voulut se faire re-
cevoir avocat au parlement; mais
son père le destinait à l'état mili-
taire , et il quitta la robe pour l'é-
pc'e. A quinze ans , il avait obtenu le
brevet d'une compagnie d'infanterie ,
et peu de temps après , il fut fait ca-
pitaine de dragons. Après la paix de
Riswick ( 1 697 ) , ayant été compris
dans la réforme , il acheta la charge
de raaître-d'hôtel de la duchesse rie
Bourgogne ( Marie-Adélaïde de Sa-
voie), depuis dauphine. La mort
prématurée de cette princesse ( 1 7 1 '2)
le laissa sans emploi. Il profita de
ses loisirs pour visiter l'Italie , et
dans ce voyage, il perfectionna son
goût naturel pour les arts , par l'exa-
men des chefs-d'œuvre de la peinture
et de la sculpture. A son retour , il
fut fait commissaire provincial des
guerres , place qu'il exerça long-temps
avec une rare générosité. Passionné
pour les lettres , il avait conçu , dès
1708, l'idée de consacrer un monu-
ment durable à la gloire de Louis
XIV , et des grands hommes qui ont
illustré sou règne. Il chargea de
l'exécuter , en petit , Louis Garnier ,
élève du fameux Girardon , qui em-
plova dix ans à ce travail. Ce mo-
nument, si connu sous le nom de Par-
nasse français , excita la curiosité
des artistes et des gens de lettres , et
mérita leurs éloges (i). Titon du Til-
()) f)ii lui reprorl;a ccpeiidiiiit d'avoir accutlc
trop facilciiicnl les honneurs du ra|)ollicose à des
lillcraleurc oli^curs. Celle evccssive indulgence
lui allira, de lu jiart de Voll.iire, !'< |.:ai -.ninje -iii- ,
\anlp :
Rcpêrhei-vnuii, Monsieur Ti' >
Knrirliif.seï. vnlre llélicnn;
JMa( e7.-v «nr un piideslal
Sainl liidier, UatirliH el Nadn1 ;
(In'.in voie arnii'^ il'nii même areliel j
.Sanil-Oiiliri, N».l.iUt I),i.,. I.el ,
Il ii.iivirl» ilil iiiruie laiiriei-
n.intliel. Nad.il el S.<iull>i<lier.
TIT
let le fit peindre et graver; et il eut
l'honneur d'en présenter le tableau
et la gravure au roi , la veille de sa
fête (t 7^3) : encouragé par le succès
de son entreprise , il se flatta de par-
venir à faire exécuter ce monument
en grand dans un jardin ou sur une
place publique. C'était une dépense
de deux millions. Pour la couvrir, il
imagina de demander au contrôleur
des finances un bon de fermier-géné-
ral^ s'engageant à consacrer sa part
dans les bénéfices à l'exécution de ce
plan magnifique. N'ayant pas réussi
dans cette démarche, il publia la
description de son Parnasse , et en
distribua les exemplaires aux per-
sonnes qui , par leur foi'tune ou leur
position, se trouvaient le plus en état
de le seconder. Quoiqu'à peine au-
dessus d'une modeste aisance , il fit
frapper à ses frais une suite de mé-
dailles représentant Louis XIV , et
les principaux poètes ou musiciens
de son règne (a). On loua sa généro-
sité , son zèle ; mais personne ne pa-
rut tenté de l'aider , ni de l'imiter.
Sans cesse occupé des moyens d'a-
jouter à l'éclat de la France, il pro-
posa d'instituer àcsjeux Lodoïclens,
à l'exemple des, jeux olympiques ,
dans lesquels on aurait vu la repré-
sentation des sièges et des batailles
les plus glorieuses pour nos armes.
Titon du Tillet habitait une maison
agréable dans le faubourg Saint-
Antoine, où il recevait avec empres-
sement tous ceux qui partageaient son
goût pour les lettres. File était ou-
verte aux jeuucs écrivains nés avec
plus de talents que de fortune ; et
plusieurs Itii durent des encourage-
(ï) ('elle Mille se compose de frcnlc-quntre mé-
daille» , doiil virigl- liuil r'présenlent les poètes, et
M\ \>-f. lllll^ieiells les plus dislingues du siJ-cle itn
louis XIV. (ielle. du cc priucn a deux pieds de
liaiil sur un et demi de Inrge. /Inii. Udci . , i-G3 *
loin. i". ïlii).
TIT
mcnts et des secours , dont sa discrë-
liou doublait le prix. Sa bienfaisance
se manifesta surtout à l'égard du
neveu du grand Corneille : il employa
son crédit pour soulager sou indi-
gence , et recommanda puissamment
sa fille à Voltaire {F. ce nom). Son
zèle pour les lettres avait étendu sa
réputation jusque dans les pays
étrangers. La plupart des académies
de l'Europe s'empressèrent de l'ins-
crire parmi leurs membres ; celles de
Paris ne lui ^firent pas le même hon-
neur ', mais elles l'invitèrent à leurs
assemblées publiques , où il avait un
fauteuil. Ce giand citoyen mourut le
uO décembre irQx , âgé de près de
quatre-vingt sis. ans. Dans cette lon-
gue vie , il n'avait jamais été malade,
et il ne connut aucune des infirmités
de la vieillesse. Le modèle du Par-
nasse français , légué au roi, par
celui qui en avait conçu l'idée et diri-
gé l'exécution, est aujourd'hui dans
une des salles de la Bibliolhèqueroya-
le. La Description de ce monument,
publiée par Titon du ïillet, en 1726^
in-i 2 , fut réimprimée , en 1 "jS'i , in-
fol., avec fig. Cette édition est augraen-
téed' une Notice chronologique sur les
poètes et les musiciens aiixquels on y
a donné des places , et de remarques
sur la poésie et sur la miisique. 11 fuit
y joindre deux Suppléments, l'un
qui conduit la Notice dont on vient
de parler jusqu'à 174^ , <?t l'autre
en 1755 ; pour compléter cet Ou-
vrage , on doit y réunir la Nouvelle
description du Parnasse , i7<3o , in-
fol. , lig. , suivie d'un Recueil de
pièces françaises et latines , en vers
et en prose, relatives à ce monument
(3). On a encore deTiton du Tillet :
Essais sur les honneurs et sur les
I (3U)li troii\<>ra la tl(sriii>lioii délailli^e de ce
voliiinc ilaiis l;i i.u''/,.,(/.. I,i,l,;i./. ,lv la liane-,
TIT iGS
mvminients accordés aux illustres
savants pendant la suite des siè-
cles , où l'on donne une légère idée
de l'origine et du progrès des scien-
ces et des beaux arts , Paris , 1734 ,
in-i2. Il y a des recherches dans cet
Ouvrage j mais le style n'en est pas
agréable. On peut consulter , pour
plus de détails , l'éloge de Tilon ilu
Tillet , dans l'année littéraire de
Fréron , 1763, i. ^65; un au-
tre Eioge dans le Mercure , mai ,
1764, et une Notice par M. Duboul-
lay , dans le Précis des travaux de
l'académie de Rouen , m, 256. Son
portrait a été gravé in-fol. et in S".
Parmi les vers composés pour mettre
au bas , on dislingue les suivants ;
Du Titon de ralitîqililé
A celui de nos jours , voici la diflerence ;
L uu reçut et perdit sou iuiuiortalité .
L'autre en jouit et la dispense.
W— S.
TITSÎNGH ( TsAAC ) , voyageur
hollandais , était né , à Amsterdam ,
vers 1740. 11 passa de bonne heure
aux Indes Orientales, entra dans l'ad-
ministration de la compagnie, et, par
son zèle et son assiduité , parvint à
l'emploi de conseiller. Grâce à son
tempérament vigoureux et à son
humeur égale et enjouée, il brava,
pendant dix-sept ans les effets désas-
treux du climat de Batavia, si fu-
neste aux Européens; il y vit deux
fois se renouveler en totalité, par la
mort de ses membres , le corj^s dont
il faisait partie. En 177B, il fut en-
voyé au Japon comme chef du com-
merce. La guerre qui^de l'Océan At-
lantique étendit ses ravages jusqu'aux
extrémités les plus orientales de l'A-
sie, empêcha la compagnie des In-
des d'expédier, comme à l'ordinaire,
je grand navire qui de Batavia va
chaque année à Nangasaki. Ainsi
Titsiiigh resta bien ]ilus long-temps
que ses prédécesseurs dans la petite
11..
iG/t
TIT
île de Desima, où les Hollandais sont
à-peu-près prisonniers. Il alla plu-
sieurs fois , comme ambassadeur de
la compagnie, à Ye'do, saluer le Djo-
goun ou empereur séculier du Japon j
et , par ses manières prévenantes ,
réussit à se faire des amis chez, une na-
tion remplie de défiance pour les Eu-
ropéens, mais moins éloignée qu'on
ne le croit communément de leur em-
prunter des usages qui ne pourraient
que lui être avantageux. C'est un
fait dont Titsingli eut lieu de se
convaincre en plusieurs occasions.
Parmi les personnes avec lesquelles
il forma une liaison intime , il sulfit
de citer un prince , beau-père de
l'empereur, qui régna de 1780 à
1780. Titsingh, même après qu'il
eut quitté le Japon , entretint avec
ce personnage éminent et avec d'au-
tres Japonais de distinction une cor-
respondance réglée , qui lui fournit
des renseignements précieux sur un
pays si peu connu. Mais tel est l'es-
prit soupçonneux du gouvernement ,
que, malgré railéction toute particu-
lière que l'on témoignait à Titsingli ,
durant son séjour à Yédo , en
l'jSi, il ne put obtenir la permission
d'aller , à ses frais, visiter le temple
de Nilo, qui est à trois journées de
chemin de la capitale, oià est la sé-
pulture du chef de la dynastie actuel-
lement régnante, et dont il avait en-
tendu vanter la magnificence. Ou lui
objecta qu'il n'existait point d'exem-
ple d'une pareille faveur. Au mois de
novembre 1784, Titsingh |)artit du
Japon, d'où il lapporta une quantité
d'objets curieux , et où li avait habi-
lement piolite' d'une circonstance lieu-
rcuse, en stipulant avec le gouverne-
ment une augmentation considérable
sur les marchandises hollandaises
pour un terme de quuize ans. Peu de
temps après , il fut nommé gouver-
TIT
neur de Chinchoura, comptoir du
Bengale , sur les rives du Gange , à
une lieue au-dessus de Chandernagor.
Titsingh revint à Batavia. Il y exer-
çait ses fonctions de conseiller 'du
gouvernement, loisqu'il fut appelé
de nouveau à représenter sa nation ,
comme ambassadeur , auprès d'un
monarque de l'Asie Orientale. Van
Braam, chef de la compagnie hollan-
daise à Canton , desirait depuis long-
temps d'aller à Peking , comme en-
voyé du stadthouder. Ses premières
lettres , adressées , à cet eilét , à Ba-
tavia , n'ayant pas pjoduit le résul-
tat qu'il en attendait, il en écrivit de
plus pressantes- et, pour en assurer
le succès, il annonça que les repré-
sentants des diverses nations établies
à la Chine devaient envoyer compli-
menter l'empereur sur la soixantième
année de son règne. A la même épo-
que , les mandarins de Canton , crai-
gnant que les plaintes faites par lord
Macartney n'excitassent l'attention
de leur souverain , cherchaient de
leur côté le moyen de produire à sa
cour un Européen qui présentât leur
conduite sous un jour favorable, en
remerciant le prince des faveurs re'-
pandues sur le commerce des étran-
gers. Van Braam espérait bien être
choisi pour chef de l'ambassade^ mais
il fut trompé dans son attente, ainsi
que dans l'espoir d'engager les autres
nations européennes à suivre son
exemple. Toutes refusèrent, il se vit
réduit à n'ctre que le second. Le gou-
veineinent de Batavia nomma Tit-
singh ambassadeur. Il ne pouvait
mieux choisir; car où trouver un au-
tre Européen accoutumé, comme lui,
aux usages et aux mœurs des Asiati-
ques, et habitué à traiter avec eux?
Après être convenu avec les manda-
rins de (^-uilon de tout ce qui concer-
nait le cérémonial, il partit de cette
TIT
ville le -il uovembre i794- Indëpeu-
dammentde son adjoint Van Braam,
il avait avec lui quatre autres Hol-
landais et deux Français, MM. Agie
et de Guignes. Ce dernier l'accom-
pagnait comme un de ses secrétaires.
Les Chinois eux-mêmes avaient de-
mandé, par l'entremise des mission-
naires^ que deux personnes, parmi
les étrangers résidant à Canton et en-
tendant le latin et un ])eii le chinois ,
fissent partie de l'ambassade. Ellear-
riva le () janvier 1 79'j à Peking, après
un voyage très-fatigant , t'ait presque
toujours par terre. L'ambassadeur,
familiarisé avec le céréuionial des
cours de l'Asie Orientale , n'avait fait
aucune dilbcullé, étant à Canton,
d'exécuter le saint nommé keoii-leou
( Foj. Macartney, XXVI, 'i3;. Il
eut, ainsi que son collègue, l'occa-
sion de le répéter très-souveut durant
son séjour à la cour. Les Européens
d'un rang inférieur en étaient quittes
pour un simple salut. Le 12, Titsingh
remit ses lettres de créance. Il obtint
ensuite d'autres audiences, fut invité
à des fêtes et à des divertissements
de la cour; enfin il fut admis dans
les jardins d'Yucn-min-yucn. Il ne
put pas toujours profiter des mar-
ques d'intérêt dont on le comblait ;
car une indisposition produite par la
coutume incommode pour un Euro-
péen, d'être sur pied avant le jour,
pour aller au palais du prince, l'o-
bligea plusieurs fois de rester chez
lui. Van Braam jouissait alors , avec
son fils, du pénible honncurqu'il avait
tant convoité. Le '^8 fév. . Titsingh
vit pour la dernière fois l'empereur ,
qui lui recommanda de raconter à
ses compatriotes la maniire distin-
guée dont il avait été traité. Le len-
demain , il reçut les présents de ce
monarque, et sortit de la capitale le 1 5
mars. Ce fut la veille seulcraentqu'un
TIT i65
des missionnaires français put l'a-
border. Titsingh voulait, dès le com-
mencement , converser avec eux , et
était déterminé à se plaindre du refus
qu'on lui faisait éprouver; mais il en
fut détourné. Le retour à Canton se
fit en partie par eau. L'ambassa-
deur fut, eu plusieurs endroits, réga-
lé au nom de l'empereur , et en géné-
ral mieux traité qu'en allant à Pe-
king. Cependant lorsqu'il descendit à
terre, à Canton , le gouverneur de la
ville ni aucun chinois ne se présenta
pour le recevoir. Le 11 mai, l'am-
bassade fut terminée. Un édil relatif
à celte mission et l'exemption de
droits pour le navire qui avait ame-
né l'ambassadeur parurent aux Chi-
nois plus que suHisants pour dédom-
mager les Hollandais de leurs dépen-
ses. Titsingh , à son départ de Can-
ton, fut accompagné jusqu'à Macao
par trois officiers, parce que si les
Chinois traitent lestement les étran-
gers qu'ils reçoiA'ent, néanmoins ils
veillent à ce qu'il ne leur arrive au-
cun accident. Après un séjour de
trente-trois ans en Asie, Tiîsingh re-
vit l'Europe. Il y était avantageuse-
ment connu de plusieurs savants, et
coi'respondait avec eux, entre autres
avec sir W. Marsden , à qui nous de-
vons un ouvrage si important sur Su-
matra. Possesseur d'une fortune con-
sidérable, Titsingb la fit partager à
sa famille. 11 s'occupait de mettre en
ordre les matériaux nombreux qu'il
avait apportés du Japon , et voulait
publier le résultat de ses recherches,
a-la-fois en Hollande, dans sa langue
maternelle, et à Paris, en français.
11 venait fréquemment dans cette ca-
pitale, et avait même iini par y fixer
à -peu -près son séjour, lorsqu'une
maladie aiguë l'emporta, en février
l'61'x. Tous ceux qui l'ont connu sa-
vent que ses manières franches et
î66 TIT
loyales et son caractère aimable lui
gagnaient l'affection et l'estime. Sa
conduite ge'uëreusc en Chine et ail-
leurs lui valut une considération qui,
dans ce pays, ne s'accorde pas faci-
lement aux étrangers. On a publie' ,
d'après ses manuscrits: i°. Cérémo-
nies usitées au Japon pour les ma-
riages et les funérailles , suivies de
détails sur la poudre Dosia; et de
la préface d'un livre de Confoutzée
sur la piété filiale , traduit du japo-
nais , par feu M. Titsingli, Paris,
îSig, 2 vol. in-S"., dontun^obloug,
renferme soixante - seize planches ,
d'après des gravures et des dessins
japonais. Ces Mémoires , extrême-
jneuts curieux, sont précédés d'une
introduction très-intéressante , dans
laquelle l'auteur fait voir que plu-
sieurs Japonais de la première dis-
tinction reconnaissent que leur pays
ne pourrait que gagner à la fréquen-
tation des peuples étrangers. Les prê-
tres, par leurs ai'tifices, ont jusqu'à
' ])résent fait échouer tous les projets
«l'amélioration ; a". Mémoires et
titiecdotes de la dynastie régnante
des Djoguuns , souverains du Ja-
pon , avec la description des fêtes et
cérémonies observées aux différen-
tes époques de l'année à la cour
de ces princes , et un appendice
contenant des détails sur la poésie
des Japonais , leur manière de di-
viser l'année, etc., Paris, 1820,
in-8''. , fig. M. Abel Remusat , à qui
l'on doit cette publication, l'a enri-
«;l)ic de notes et d'éclaircissements ,
et il a corrigé l'orlhograjibe des noms
propres, qui élaunl suivant la pro-
nonciation hollandaise , précaution
que l'on n'avait ])as eue poiu' le li-
vre piécédrnl. lie .savant éditeur
fait connaître toute l'iniporlance des
travaux de Tilsingli , qu'il regarde
cunurie un observateur judicieux ,
TIT
et attentif et qui , par les moyens
qui étaient a sa disposition , avait
pu se procurer sur le Japon les
notions les plus exactes et les plus
aprofondies qu'il soit possible à
un étranger d'obtenir. Ou trouve
dans la Préface du livre une no-
tice détaillée de tout ce que Titsingh
avait rapporté du Japon. Une partie
fut dispersée après sa mortj et i! cir-
cula, àcetégard, des bruits peu hono-
rables pour quelques savants. Ensui-
te on est parvenu à recueillir la totalité
des dessins . peintures et manuscrits
tant japonais que hollandais , fran-
çais et anglais. La bibliothèque du
Roi est redevable à Titsingh de VEn-
cycJopédie japonaise , collection rare
et importante. Le Voyage au Ben-
gale^ de Charpentier Cossigny, con-
tient une Notice sur le Japon, que
cet auteur a rédigée de mémoire ,
d'après plusieurs conversations qu'il
avait eues avec Titsingh à Chinchou-
ra. On y remarque quelques inexac-
titudes. Ou lit dans le tome xxiv des
Annales des voyages des descrip-
tions de la Terre leso , traduites
du japonais par M. Titsingh; et une
Notice sur sa collection. La relation
de son ambassade à Peking a paru
sous ce titre : P^oyage de l'ambas-
sade de la compagnie des Indes
Orientales hollandaises vers l'em-
pereur de la Chine , en 1 794 et \
i^gS ; tirée du journal de f^an
Braam , et publiée j^ar Moreau de
Saint- Méry , Philadelphie, 1790-
1797 , in-4". , réimprimée à Paris ,
in-4°. et in-S*». Le livre de Van
Braam est écrit avec beaucoup d'em-
phase , et contient ])eu de choses
neuves. On en trouve davantage, et
surtout un récit plus sincère des
aveiituies<le l'ambassade, tlaiis l'oii-
vragr de M.de ("iiiignes, f'nyuges à
Peking, Manille et Vile de France,.
TIT
Paris , 1808, 3 vol. m-8<'. Cet auteur
pense que puisque les Hollandais
avaient un homme tel que Titsingh
il était inutile de lui associer un se-
cond , qi^i, avec de l'esprit et de l'a-
mabilitc, n'avait nullement le carac-
tère ferme et propre à la place qu'il
occupait. E — s.
TITUS SaBINUS VESPASIA-
NUS (Furius) , empereur romain,
uc le 3o décembre de l'an de Rome
794 ( 4o de J. - C. ) , était l'aîné des
lils de Vespasien , qui fut empereur
avant lui (/^. Yesp^sien) , et de Fla-
via, Domitilla. 11 fut élevé à la cour
de Néron , avec Britannicus , dont il
partageait les études et les jeux. Il
mangeait à la table du jeune prince j
et comme, dans leur familiarité en-
fantine, tous deux huvaieut dans la
même coupe , Titus , en goûtant du
breuvage empoisonne que Néron des-
tinait à son frère, ])ensa suivre au
tombeau l'infortuné Britannicus. En
mémoire de cet événement , le fils de
Yespasien , devenu empereur , érigea
à sou ami, dans le palais impérial,
deux statues équestres , l'une d'or et
l'autre d'ivoire. Destiné à être pro-
clamé un jour V amour et les délices
du genre humain, Titus se lit chérir
dès sa plus tendre enfance, par l'a-
ménité de son caractère, parla viva-
cité de son esprit , et entiu par ces
grâces extérieures qui donnent un
nouveau prix aux qualités de l'ame
(i)- Ces heureux dons se développè-
rent rapidement chez Titus. Sa force
prodigieuse, son adresse admirable à
tous les exei'cices gymnasliqucs et mi-
litaires , sa mémoire prompte , sou
aptitude aux arts et aux sciences ^ le
faisaient admirer comme le plus aC'
compll de tous les jeunes Romains.
(1) Gralior cl pitlchi-o veniens in corpore virliiS,
(. Virgil. , /Eneid. )
TIT 1G7
Un deviïi âvait promis l'empiie à
Titus encore enfant : les brillantes
qualités de sa jeunesse semblaient
déjà l'en rendre digne. Egalement
versé dans les deux langues , il com-
posait des vers et improvisait des
discours engrecct en latin. Il n'était
pas étranger à la musique , et chan-
tait, en s'accompaguant sur la harpe,
avec autant d'agrément que de mé-
thode. Il s'était accoutumé à écrire
aussi vite que la parole, au moyen
d'abréviations (/^^.Tiron ci-dessus);
et s'amusant quelquefois avec ses se-
crétaires à contrefaire toutes les si-
gnatures qu'on lui présentait, il disait
avec gaîté : « qu'il n'aurait tenu qu'à
» lui d'être le plus habile faussaire
» de l'empire. » Avec tant de moyens
de séduction, il était diiïicile qu'il
n'en abusàtpas; aussi s'abandonna-t-il
avec emportement à tous les plaisirs
d'une cour dissolue {1) : mais Vespa-
sien , qui , sous Claude et sous Néron ,
fut un des meilleurs officiers des ar-
mées impériales^ arracha son fils à
cette funeste oisiveté, pour le former
au métier dos armes. Titus était des-
tiné à parcourir tous les grades mi-
litaires; et ce fut en obéissant qu'il
apprit à commander. Tribun légion-
naire en Germanie et dans la Grande-
Bretagne , il se distingua par sa va-
leur héroïque , et se fit chérir des
étrangers par sa douceur et sa modé-
ration. Aussi , quand le père de Titiis
fut devenu empereur, la reconnais-
sance des Bretons et des Germains se
signala par un grand nombre de sta-
tues et d'inscriptions en l'honneur de
ce jeune prince. Après ses premières
campagnes , Titus se livra aux alTai-
res civiles avec plus de talent que
(pî) Sa jeunesse , nourrie ?i la cour de Ne'ron ,
S'csarait , clicr Paulin, par l'excmiile nbuse'e,
Et suivait du plaisir la roule Uop aisée.
( Racine, Bérénice. )
i68 TIT
d'assiduité ; car, auseiudeRome, sa
grande a(Rure était le plaisir. C'est
dans ce temps qu'il épousa Arricidia
Tcrtulla , lîlle d'un simple chevalier
romain, mais qui avait été préfet du
prétoire. Devenu veuf, Titus s'unit,
en secondes noces, à Marcia Funiilla,
femme d'une naissance illustre, dont
il eut une iille, et qu'il répudia par la
suite. Au sortir de la questure, il sui-
vit, en Judée, Vespasien, son père, que
Néron avait chargé de réduire les
Juifs révoltés (an de Rome 8^0 , de
J. - C. G7 ). Titus avait alors vingt-
six ans ; et sur ce théâtre brillant d'u-
ne guerre longue et dilïicile, il devait
déployer tout le zèle d'un fidèle lieu-
tenant, toute la valeur, toute l'habi-
leté d'un grand capitaine. II rendit
les plus grands services à son père,
et ouxnt la campagne en lui amenant
d'Alexandrie deux légions. A Jota-
pat , où s'élait renfermé l'historien
Josèphe, gouveineur de la Galilée,
il monta le premier à l'assaut qui ter-
mina le Siège, après quarante -sept
jours d'elïorts inutiles. Il avait mé-
rité le prix de la bravoure j il s'ho-
nora par sa bonté, en recommandant
Josèphe à la clémence de Vespasien,
qui le reliait avec honneur auprès de
sa personne. Tout , dans l'armée de
ce vieux général , semblait ne respi-
rer que ])our la gloire de son aima-
ble et valeureux lils. Titus Trajan ,
père de l'empereur de ce noîn , était
sur le point de prendre JalTa, dont
il avait déjà forcé la ])rcmière en-
ceinte; mais, par une attention déli-
cate, voulant lais'^er au lils de son gé-
néral riionueur de celle conquête, il
fit avertir Vespasien, qui lui envoya
Titus avec un renfort; et le jeune
guerrier eut bientôt enlevé la secon-
de enceinte à la pointe de rcj)cc. Le
siège de Tarichée, place très -forte,
située sur le lac de Tibériadc , lui of-
TIT
frit une occasion plus sérieuse de si-
gnaler sa valeur et son habileté. Deux
ti'oupes considérables, l'une campée
dans la plaine , l'autre servant de
garnison, défendaient cette ville mal-
gré ses habitants. Titus, après avoir
dispersé la première, à la suite d'une
attaque très-vive, donna sur-le-champ
l'assaut , mit hors do combat la nom-
breuse garnison ; puis , maître de la
ville, fit main-basse sur tous les sol-
dats , et prit sous s» protection les ci-
toyens. Il entra ensuite d'assaut dans
Gimale. De là il vint investir Giscale ,
défendue par un fameux partisan
nommé Jean : déjà la place était
hors d'état de résister plus long-
temps, et Titus n'avait qu'à ordon
ner l'escalade pour s'en emparer ;
mais il desirait épargner l'effusion du
sang, et, s'approchant des murs, il
oO'rit aux habitants toute sûreté s'ils
voulaient ouvrir leurs portes. Jean
j^arut accepter cette offre avec re-
connaissance , et demanda seulement
un jour de délai motivé sur la solen-
nité du sabbat. Titus était si loin de
soupçonner aucun artifice, qu'il éloi-
gne son camp de la ville, ])Our ins-
pirer aux assiégés la confiance qu'il
leur accorde à eux-mêmes ; le perfide
Jean de Giscale profile de la nuit
pour s'évader avec son armée, et un
grand nombre de femmes et d'enfants.
Le lendemain Titus est reçu dans la
place avec enthousiasme par le peu-
])le ; irrité de la fourberie de Jean ,
il envoie à sa poursuite un corps de
cavalerie qui ne put l'alteindre, mais
(jui fit maïu-basse sur la troupe de
femmes et d'enfants , dont ce traître
s'était faitsuivre. A])r('SCPS exploits,
le filsdc Vospasieii alla avecsesdeux
légious preudreses quartiers d'hiver à
Césarée, auprès de son [lère. Diu'ant
cette glorieuse cain|)agne i! vit, pour
la première fois, Bérénice , princesse
TIT
juive, qui portait le titre de reine
sans avoir de loyaume : il fut épris
de ses cliarmes ; et bien cpie Bérénice
aspirât à obtenir le même ascendant
snr lui que Cle'opâtre avait exerce snr
Marc-Antoine, il ne parait p.^s que
celte passion ait jamais porte ïitiis
à nefi;!iç;er ses afl'aircs ( i ). Cependant
un soulèvement dans Rome avait ter-
mine' la vie do Néron : les lec:;ions
avaient [)roclamë Galba empereur :
le peuple romain l'avait reconnu.
Vespasien, qui ne formait encore au-
cun vœu pour l'empire , envoya son
lîls aine êtfrir ses hommages au nou-
veau maître du monde. Titus, de son
cote', ne donnait à son départ, dit Ta-
cite, d'autres motifs que celui d'aller
faire sa cour au prince , et solliciter !es
honneurs auxtjuels son âge lui per-
mettait de prétendre ( il avait alors
vingt-sept ans ) : mais le public ,
prompt à former des conjectures ,
avait répandu le bruit que Galba ,
vieux et sans enfants , le mandait
pour l'adopter. Les qualités même
de Titus , digne de la plus haute for-
tune, un heureux accord de grâce et
de majesté, les succès de Vespasien,
quelques prédictions , des événements
tout simples, mais que la crédulité
transformait en présages , tout con-
courait à forlilier ces bruits. En ar-
rivant à Corinlhe, Titus apprit la
mortdeGalba, etaprcsde mûres ré-
flexions , il revint sur ses pas. Il était
convaincu que s'il persistait à aller h
Rome, on ne lui saurait aucun gré
d'un voyage entrepris pour un autre;
et qu'il ne serait qu'un otage pour
Vitellius ou pour Olhon. Son retour,
il est vrai , ne pouvait manquer de
choquer le vainqueur; mais son père,
en se déclarant avec ses légions pour
(i) Xed geiciiilii nhiis nnUiim ex en ini/iciliiiien-
iHin (Tacil. , Iliil. , IT, ï. )
TIT
i6ç)
un parti , avant que la victoire fût
décidée, devait lui obtenir sa grâce.
Enfin , si Vespasien aspirait à l'em-
pire , peu importait d'ollenser quand
on songeait à combattre. Tels furent,
selon Tacite, les graves motifs qui
ramenèrent Titus en Orient , et non
pas, comme quelques-uns le préten-
daient , son ardente passion pour
Bérénice. Dans sa route, il relâcha à
riledeChvprc,et consulta l'oracle de
Vénus, à Paphos : le prêtre lui dé-
voila les hautes destinées de sa fa-
mille ; et plein d'une nouvelle con-
fiance , Titus rejoignit heureusement
son père en Syrie ; c'était au moment
où les provinces et les légions , pour
ainsi dire en suspens , ne savaient à
quel empereur vouer leur fidélité.
Son retour opéra une révolution : on
avait prêté serment à Othon : des que
Titus parut, ce serment fut oublié, et
tout conspira pour élever Vespasien
à l'empire. Un chef illustre parta-
geait avec ce dernier le commande-
ment des forces de l'Orient : c'était
Mucianus, gouverneur de Syrie; mais
la proximité de leurs provinces les
avait rendus ennemis l'un de l'autre.
Titus les réconcilia , et fut ensuite,
selon Tacite, le lien principal de leur
concorde. La nature et l'art , ajoute
cet historien , avaient donné au fils
de Vespasien un charme qui séduisait
jusqu'à Mucianus lui-même. Les tri-
buns , les centurions et les moindres
soldats aimaient en lui , chacun sui-
vant son caractère, les vertus réelles
ou les vices aimables de cet incom-
parable jeune homme , et tous ne
respiraient que pour lui. Déjà Ves-
pasien avait formé le siège de Jéru-
salem , qui, seule de toutes les villes
delà Judée, n'était pas encore rentrée
dans le devoir. 11 suspendit cette en-
treprise pour aller en figypte se faire
proclamer empereur. Quand il fut
170
TIT
lemps pour lui d'aller se faire recon-
naître à Rome, il chargea Titus de
reprendre le sie'ge de Jérusalem.
11 importait à Vespasien de ne pas
laisser incomplète la conquête de la
Judée , et il lui était utile , dans un
commencement de règne , d'avoir
son fds à la tcte d'une grande ar-
mée. Avant de prendre congé de
son père , Titus , conciliant les
devoirs de lîls et de frère , sut adou-
cir les peines cuisantes que cau-
sait à Vespasien la couduite coupable
de Domiticn 5 mais en même temps ,
il sut calmer son ressentiment pater-
nel envers ce fils indigne. Il partit
alors pour Jérusalem : trois légions,
composées des vieux soldats de Ves-
pasien, l'attendaient non loin de celte
ville : ilycnjoiguittrois autres, dont
iDie tirée de Syrie , et deux venues
d'Egypte à sa suite. Il avait en outre
vingt cohortes alliées, huit divisions
de cavalerie, un corjiS considérable
d'Arabes et les auxiliaires d'Antio-
chus roi de Coinagène; Agrippa et
iSohème, souverains de deux contrées
de la Palestine, Tavaieut joint avec
<pielques forces. En un mot, les ar-
mées , les provinces et les rois se
disputaient le bonheur de le servir j
lui-même mettait son ambition à pa-
raître supérieur à la fortune : il fixait
tous les regards par l'éclat de sa va-
leur et de sa beauté : il attirait tous
les cœurs par l'allabililé et la grâce;
et souvent dans les travaux, dans
les marches, il se mêlait aux simples
soldais, sans rien jierdre de la digni-
té d'un général. Tel est le portrait
que Tacite a tracé de ce jeune prince.
Dès qu'il fut entré sur le territoire
ennemi, Titus , qui jirévovait la ré-
sistance acharnée des Juiî's, marcha
dans h; plus grand ordre et avec pré-
tanlion, fais-inl reconnaître tous les
lieux , cl se lenanl toujoiirj prêt à
TIT
combattre ; puis il vint camper avec
toutes ses forces à quelques stades de
Jérusalem. La nature et l'art avaient
fait de cette ville une des plus fortes
places de l'univers : le nombre de
ses habitants était prodigieux ; d'ail-
leurs , à ra])proche de la pâque, un
peuple innombrable y était accouru
de toutes parts pour célébrer cette
solennité. Cette foule , à la vérité ,
était bien plus propre à affamer la
place qu'à la défendre; mais le fa-
natisme national et religieux des Juifs
devait les rendre insensibles à la fami-
nccomme à tous les autres fléaux d'un
siège. Leurs forces eussent été bien
ph'.s redoutables sans leur désunion ;
mais le commandement avait été par-
tagé entre trois chefs ^ dont chacun
était obéi dans une partie de la ville
et détesté comme un ennemi dans les
deux autres. C'étaient Eléazar , fils
de Simoji, Jean de Giscale, et Simon
fils de Gioras. Les troupes aux or-
dres de ces factieux eus.angl an talent
chaque jour Jérusalem , et la plus
grande partie du peuple, opprime'
])ar ces diverses tyrannies , appelait
l'ennemi de tous ses vœux; mais per-
sonne n'osait exprimer hautement
cette pensée : la mort eut été le prix
de celte manifestation imprudente.
L'un de ces chefs oppresseurs de Jé-
rusalem devait, à la fin du siège,
interdire jusqu'aux entretiens particu-
liers à ses malheureux habitants. Tel
était l'état de cette capitale, quand
Titus parut à la vue de ses miu's, au
mois de mars de l'an 70 de notre ère.
Avant d'établir son camp, il s'avança
avec six cents chevaux d'élite pour
reconnaître les fortifications et les
dispositions des ennemis, espérant
que sa ])résencc exciterait dans la
ville quelque mouvement qui le dis-
penserait de tirer l'e'pée. Il fut bien-
tôt désabusé : les défenseurs de la
TIT
place sorlircnt avec impëuiosito , et
enveloppèrent l'escorte du prince cpû
ne se tira de ce danger, que par des
prodiges de bravoure. Dès le lende-
main les troupes des trois chefs, re'u-
nies un moment par le danger com-
' niun , firent une nouvelle sortie sur
la dixième légion , qui travaillait k
ses rctrancluments : elle allait être
dispersée, si le prince lui-même ne
lut venu la dégager , à la tête d'iuie
Iroupe choisie. Après cet avantage ,
il s'éloigna , et la dixième légion re-
piit SCS travaux. Les Juil's reviennent
à la charge, la légion est de nouveau
en péril ; mais Titus accourt pour la
sauver une seconde fois. Cependant
à la faveur des divisions qui ne tar-
dèrent pas à renaître parmi les as-
siégés , il parvint à entourer la par-
tie septentrionale de la ville de ses
ouvrages de siège. Jean de Giscale'
s'empara du temple qu'occupait le
parti d'Eléazar ; tailla en pièces la
plus grande partie des soldats de ce
dernier , et le réduisit à êti-e son subor-
donné. Ainsi Jérusalem n'eut pi us que
deux chefs : Jean , qui était maître du
temple 5 et Simon qui commandait le
reste de la ville. Tout acharnés qu'ils
étaient à se détruire réciproquement,
les Juifs n'en étaient pas moins ani-
més contre les Romains. Dans une
sortie générale et inattendue, ils pé-
nétrèrent jusqu'aux ouvrages des as-
siégeants : déjà ils commençaient à
V mettre le feu, lors(p!e Titus sur-
vient à la tête de la cavalerie :
sa présence ranime les Romains et
double leurs forces j les Jnifs sont
repoussés , mais non sans avoir long-
temps disputé la victoire. Suétone ra-
conte que , dans cette occasion , douze
traits lancés par le fils de Vespa-
sien renvcisiicnt autant d'ennemis.
Enlinaprèsquin/,ejoursd'eirorls,ilsc
rendit maître de la premicic des trois
TIT 17Î
enceintes qui défendaient Jérusalem.
Le second mur ne l'arrêta pas aussi
long-temps : dès le cinquième jour
il avait fait une brèche, et pouvait,
eu l'élargissant et en faisant avancer
toutes ses forces , prendre sur-le-
champ d'assaut cette partie de la
ville; mais les ménagements que lui
inspirait sa bonté retardèrent sa
victoire. Il voulait conserver cette
fameuse cité, il voulait sauver ses
habitants, et, faisant cesser le carna-
ge , il se contenta de garder la brè-
cheavec millelégionnaires et la trou-
pe d'élite fpu lui servait toujours
d'escorte. Le peuple, touché de ce
procédé, était disposé à se rendre;
mais les satellites des tyrans, prenant
la modération chi prince pour de la
faiblesse^ imposent silence à leurs con-
citoyens etaîtaquent avec toutes leurs
forces cette poignée de Romains qui
occupent la brèche. Titus lui-même
fut enveloppé, et il lui fallut toute sa
bravoure pour s'assurer une retraite
honorable. Il ne laissa pas aux Juifs
le temps de réparer la brèche , et
après quatre jours de combat , il put
se loger, avec sécurité, dans la se-
conde enceinte. Le siège était com-
mencé depuis vingt- quatre jours :
Jérusalem était à moitié conquise j
mais ni le temple , ni la tour Anto-
nia , ni la citadelle de Sion n'étaient
encore en son pouvoir. Espérant por-
ter enfin les Juifs à se rendre, il lit,
sous leurs yeux, au milieu de la basse-
ville, la revue de toute son armée,
avec l'appareilaccoutumé.Ce specta-
cle imposant ébianla les factieux; mais
après une résistance aussi obstinée,
ils ne pouvaient croire au pardon de
Titus , et refusèrent de se rendre. Ils
ne lassèrent pourtant point encore sa
clémence : quatre jours après, lors-
qu'il eut dressé toutes ses macliincs
contre la ville-haute et contre la tour
172 TIT
Aiitoiiia , avant de donner le signal
de nouveaux combats , il chargea
1 historien Joscphe d'ex.horter ses
compatriotes à céder à la nécessité.
On peut voir, dans l'article de cet
illustre juif ( F. JosÈphe ( Flavius ) ,
XXII, 33), combien cette ouvertu-
re pacilique fut inutile et même péril-
leuse j;our lui. Cependant la famine
e'tait dans Jérusalem : un grand nom-
bre d'habitants s'échappaient par
dessus les murs. Titus accueillait avec
humanité ceux qui se présentaient en
sup[)liants, et leur permettait d'aller
plus loin chercher leur subsistance.
Voyant que tant de ménagements ne
pouvaient toucher les assiégés, il se
décida à sévir. Il faisait crucifier les
malheureux qu'on prenait chaque
nuit 5 et il y en eut jusqu'à cinq
cents. La place et le bois manquèrent
à ces supplices. Les factieux tirèrent
parti de cette rigueur cruelle , pour
faire accroire au peuple que ces in-
fortunés étaient des suppliants et non
pas des ])risonniers ; et cette ruse
emj)êcha la désertion. Titus, informé
de l'erreur dans laquelle on entrete-
nait le peuple, renvoya dans la ville
quelques prisonniers pour désabu-
ser leurs concitoyens, après avoir
eu la barbare précaution de leur
faire couper les mains. Mais les
supplices, la douceur, les défaites,
rien ne peut ébranler les Juifs : dans
leur audace désespérée, ils se font
jour jusqu'aux ouvrages des Ro-
mains, et les détruisent par la sappe
et par la mine : il fallut même (|ue
Titus eu personne vînt à la défense
de son camp, qu'ils allaient eiujior-
ter. Pour prévenir de semblables ten-
tatives , il (it construire en trois jours
une luur.'iillc de ciiK| mille pas de
circuit, flanquée de trois forts : nuit
et jour il surveillait ces iuiiueiises
travaux , auxquels tous les Romains,
TIT
tous les auxiliaires s'appliquèrent
avec ardeur. Tacite rend raison de
cette étonnante activité de la part du
prince et de ceux qu'il commandait.
Ceux-ci ne voulaient pas attendre de
la famine la reddition de la place, et
ils voulaient des périls, les uns par
bravoure , les autres par amour du
s.ing et du pillage. Pour Titus, il ne
voyait que Rome, et la puissance et
les plaisirs qui l'y attendaient : tout
le temps que résisterait Jérusalem
lui semblait pris sur son bonheur.
Cependant les défenseurs de la place
avaient été insensibles à la famine
tant que ce fléau n'atteignit que le
peuple. Dès qu'il se propagea jus-
que dans leurs quartiers , ils se
créèrent d'horribles ressources , en
égorgeant les habitants , pour leur
arratlier leur nourriture ; le moment
vint où tout fut épuisé, même dans
le temple dont les gardiens n'avaient
jusqu'alors manqué de rien , en dé-
tournant pour leur usage les vic-
times destinées aux sacrifices ; en-
fin, l'on vit dans la ville une mère
manger son propre fils. Titus , qui
tant de fois avait gémi sur les souf-
frances des assiégés , ne ];eut tenir
contre une pareille horreur : il re-
double d'ellorts pour mettre fin à son
entreprise, moins par le désir de
A'aincrc cpie ])0ur faire cesser tant de
maux. 11 était déjà maître de la par-
tie du t<'m])le appelée cour des Gen-
tils : il fait agir le bélier, la sappe ; il
ordonne l'assaut pour forcer les der-
nières enceintes : rien ne lu: réussit ;
la solidité des coiislruclions ré.>>iste
à tout l'etl'urt des machines. 11 fait
alors mettre le feu aux portes : l'in-
centlie , qui se jirolonge pendant un
jour et une nuit, aurait gagn(i tout le
lem|ile,si 'i'itiis lui-même u'eùl or-
d()i)U(! de rcleiiidre afin d'épargner
du moins le suint des saints, com-
TIT
me un monument magnifique, dont
la conservation devait contribuer à
l'ornement de l'empire. Le lende-
main , nouvelle sortie des Juifs , qui,
combattant avec le courage du déses-
poir, ne sont repousses qu'avec pei-
ne par le prince en personne. Dès
qu'il fut rentré dans la tour Anto-
nia, résolu de donner le lendemain un
assaut général , les assiégés vien-
nent attaquer avec une nouvelle fu-
reur les Romains, occupés à éteindre
le feu des galeries extérieures. Dans
le trouble et la confusion produits
par tant de mouvements divers , un
légionnaire, sans l'ordre d'aucun of-
ficier , et poussé, dit Josèphe , com-
me par une inspiration divine, jette
une pièce de bois enlJ animée dans
une des salles qui entourent le sanc-
tuaire. Le feu gagne de tous cotés;
les Juifs, ne songeant plus qu'à périr,
se précipitent sans ménagement à
travers les flammes et les épées des
Romains , qui les repoussent , et
attisent l'incendie. Titus , qui le
matin avait fait décider dans son
conseil la conservation du sanctuai-
re , accourt avec empressement pour
arrêter les progrès de la flamme;
mais j comme l'observe Crévicr : « Il
» en avait été autrement ordonné
» dans un conseil supérieur, et toute
» la bonne volonté de ïite ne put
» sauver ce que Dieu avait condam-
» né à périr. » En vain il ordonne
aux soldats d'éteindre le feu , il n'est
pas obéi , les légions mêmes venues
avec lui en favorisent les ravages et
massacrent tout ce qu'elles rencon-
trent. Ainsi fut brûlé le second tem-
ple de Jérusalem, le lo août de l'an
70 de J.-C. , anniversaire du jour où
le premier temple avait été brûlé par
Nabuzardan , général deNabuchodo-
nosor IJ , roi de Babylone , l'an 585
avant notre ère. Cette journée , si
TIT 173
malheureuse pour tout un peuple, fut
marquée par la naissance de Julia ,
fille de Titus. Maîtresse de l'emplace-
ment du temple, l'armée romaine y
rassemble ses enseignes , et proclame
son général imperalor. Plusieurs des
prêtres Juifs viennent se rendre à
discrétion , et implorent la clémence
du vainqueur. Titus, qui leur attri-
bue la résistance obstinée de leurs
concitoyens, et qui redoute encore
leur fanatisme^ répond que le temps
de ia clémence est passé, qu'il aurait
pu pardonner aux lévites en considé-
ration du temple, mais que, cet édifi-
ce n'existant plus, ils devaient périr :
ce qui fut exécuté. La conquête de
Jérusalem n'était pas encore termi-
née : une partie des assiégés s'étaient
réfugiés dans la ville -haute. Titus
leur oll'ritla vie sauve, s'ils voulaient
livrer la forteresse et mettre bas les
armes. Les Juifs s'y refusèrent, sous
prétexte d'être liés par le serment
qu'ils avaient fait de ne jamais se
rendre : ils demandaient la permis-
sion de se retirer où ils voudraient
avec leurs familles. Outré de cetteau-
dace hypocrite, Titus déclara qu'il ne
recevrait plus aucun transfuge,et qu'il
ne ferait grâce à personne. Aussitôt
il fit détruire la partie de la ville
qu'il occupait depuis plusieurs mois,
et construisit de nouvelles machines
pour réduire celle qui tenait encore.
Infidèle à ses propres menaces, il ne
cessait de recevoir à merci les mal-
heureux qui échappaient à la vigilan-
ce des farouches soldats qui les op-
primaient, sous prétexte de les dé-
fendre. On pouvait croire qu'après
avoir poussé si loin l'opiniâtreté ^
les Juifs sauraient mourir avec cou-
rage : il en fut autrement. Dès qu'a-
près la confection des travaux d'at-
taque , les béliers des Romains com-
mencèrent à ébranler les murailles ,
174
TIT
ces hommes, jusqu'alors si aiidacieus,
allèrent se cacher dans des souter-
rains. Les Romains entrèrent sans
éprouver de résistance dans la ville
haute , passèrent au iil de l'épée tout
ce qui se rencontra sur leur passage,
et mirent le feu aux maisons. Ce der-
nier incendie , qui eut lieu le 8 sep-
tembre , consomma la ruine de Jéru-
salem, Titus n'épargna que les trois
fameuses tours bâties, par Hérode,
avec tant de solidité , qu'elles étaient
à l'abri de toutes les machines de
guerre , et que leurs défenseurs ne
pouvaient avoir d'autre ennemi à re-
douter que la faim. Il les laissa sub-
sister , comme un moiuimcnt de la
protection que le ciel avait accordée
à ses armes, et dit à cette occasion y
si l'on en croit Josèphe : « C'est sous
» la conduite de Dieu que nous avons
» fait la guerre : c'est Dieu qui a
» chassé les Juifs de ces forteresses ,
» contre lesquelles les forces humai-
» nés , ni les machines de guerre ne
» pouvaient rien. «Titusétaitsi péné-
tré de ce sentiment, qui ferait sup-
poser chez ce prince la crovance d'un
Dieu unique , que lorsque dans la suite
les nations alliées de lempirc lui en-
voyèrent des couronnes en l'Iionneur
de sa victoire, il déclara qu'il ne les
méritait pas. « Ce n'est [las moi qui
» ai vaincu, disait-il; je n'ai fait que
» prêter mes mains à la vengeance
» divine. » On aime à voir ([u'après
sa victoire, Titus, oubliant eu partie
les menaces échappées à un courroux
trop naturel, el qu'autorisait d'ail-
leurs la poiili(pie, apporta quelque
adoucissement au sort d'une partie
des captifs. Ceux qui furent recon-
nus complices des tyrans furent li-
vrés à la moit. Parmi les plus beaux et
les mieux faits d'c iitrc les jciiuics lié-
lircux , sept cents furent réservés ,
avec Simon cl Jean ilc Giscalo^pour
TIT
orner le triomphe du vainqueur : le
reste des prisonniers fut transporté en
Egypte, pour y être employé aux tra-
vaux publics^les autres furent envoyés
dans les diverses provinces pour ser-
vir à l'amusement du peuple dans
des combats inhumains. Ainsi l'au-
torisait chez les anciens le droit cruel
de la guerre _, et telle était la barbarie
des mœurs, que des vainqueurs du ca-
ractère même de Titus ne trouvaient
rien de choquant dans cet usage (2).
Josèphe porte à onze cent mille le
nombre des Juifs qui périrent au
siège de Jérusalem , outre deux cents
mille qui, dans le reste de la Judée,
avaient succombé sous le fer des Ro-
mains, depuis le commencement de
la guerre. Titus , avant de retourner
en Italie , laissa la dixième légion
a^ec d'autres troupes pour ache-
ver la réduction de quelques pla-
ces de la Judée. Il pourvut à la dé-
fense de la frontière orientale de
l'Asie-Mineure, en envoyant la dou-
zième légion prendre ses quartiers
d'hiver dans la province de Melytè-
ne. Il employa l'hiver à visiter les
villes de Judée et de Syi'ie; et par-
tout il donna des fêtes aux dépens
des malheureux captifs hébreux qu'on
exposait aux bêtes ou qu'on forçait
de combattre les uns contre les Au-
tres. Toutefois, dans sa justice impar-
tiale, il protégea les Juifs d'Antio-
che contre les Syriens , avec lesquels
ils habitaient cette grande ville. 11
jiorta ses pas jusqu'à Zeugma , la
flernière des places de S3'rie à l'o-
rient, et qui est située sur l'Iiuphra-
te. Là il reçut les ambassadeurs de
Vologèse, roi des Parlhcs , qui ve-
(ï) Vollulrr JlL que Tilus lit vriidi'r Ic5 .fiiifs a
mi'iiic prix c|m' si- vciidnii-nt li's oorhinis , el il r<
jirlo doux i'oiH thaïs ,suii Dictiniitiairc pliiUisoplii
i|iir,nvi'e uni' j,uikf triullc, ccUv «m'eilols ton
Iruuvfu,
i TIT
jiaif'ut au nom tle leur maître le féli-
citer de sa victoire. De là revenant
cîi Judée , il voulut revoir la place
où avait e'te' Jérusalem. L'aspect de
ce sol désert et dévaste lui arracha
des larmes, et il témoigna toute son
indignation contre les séditieux qui ,
par leur aveugle opiniâtreté, l'avaient
force' de détruire une si magnilique
cité. Ceux qui raccompagnaient s'oc-
cupèrent d'un autre soin : ils recueil-
lirent une quantité conside'rabled'or,
d'argent et d'elïèîs précieux cacliés
sous les décombres. Comme il se dis-
posait à quitter enfin la Judée, ses
troupes , dont il était l'idole , em-
ployèrent à-la-fois les prières et les
menaces pour l'engager à demeurer
avec eux ou à les emmener toutes
avec lui eu Occident. Titus ne se prê-
ta point à ce vœu j et les deux lé-
gions qui lui tenaient ce langage fu-
rent renvoyées par lui en Mœsie et eu
Pannonie, provinces d'où elles avaient
été tirées. Ces démonstrations indis-
crètes de la part des soldats firent
soupçonner Titus de vouloir se révol-
ter conti'e Vespasieu, sou père, et
fonder un nouvel empire en Orient.
« Sa puissance devenait redoutable ,
» dit l'historien Gibbon ; et comme
» les passions de la jeunesse je-
» taient un voile sur ses vertus ,
» on se défiait de ses projets. »
Arrivé eu Egypte, il sembla au-
toriser les soupçons , en se mon-
trant ceint du diadème comme les
anciens rois du pays, à la fêle du
bœuf Apis ; mais les pensées d'une
ambition coupable étaient loin de son
cœur. Pressé de se rendre auprès de
son père, il ne s'arrêta qu'à Argos
pour y consulter le célèbre Apollo-
nius. La réponse de ce p}iiloso|)lie
fut courte et j)récise. « Après avoir
» vaincu les ennemis , il ne le reste
» plus qu'à surpasser loa père en
TIT 175
» vertu , et à écouter les leçons delà
» philosophie.» Delà Titus s'embar-
qua pour Rhège : arrivé à Pouzzoles,
il se jeta sur un vaisseau marchand,
et vint en toute hâte surprendre Ves-
pasieu à Rome. Ses premiers mots ^
en se jetant dans les bras paternels ,
furent ceux-ci : « Me voici, mon père,
me voici , » comme pour lui faire
sentir combien il avait été sensible
aux imputations injustes répandues
sur son compte; mais loin de se li-
vrer à d'indignes soupçons , le sage
empereur partagea la joie universelle
que le retour de son fils causa dans
Rome et dans toute l'Italie. Le sénat
décerna un doul)le triomphe à Ves-
pasien et à Titus. Ce fut pour la pre-
mière fois , depuis la fondation de
Rome , que l'on vit réunis dans la
même pompe triomphale le père et
le fils. Simon et Jean de Giscale mar-
chaient à la suite du char , suivis de
sept cents captifs. Le premier fut
battu de verges et mis à mort, com-
me le principal auteur de la guerre :
l'autre fut condamné à une prison
perpétuelle. La table des pains de
proposition , le chandelier d'cr à
sept branches , le livre de la loi , mo-
numents vénérables de la religion des
Hébreux , furent étalés aux yeux du
peuple romain. L'arc de triomphe
érigé en mémoire de ce grand événe-
ment subsiste encore à Rome , et l'on
y voit en relief l'image de ces or-
nements religieux. Des médailles à
l'efïigie de Titus et de Vespasien re-
présentent, sur lem-s revers, une fem-
me assise au pied d'un palmier, cou-
verte d'un long manteau , la tète
penchée et appuyéesur sa main avec
cette légende : la Judc'c conquise.
Dion Cassius remarque que ni Ves-
pasien , ni Titus ne voulurent pren-
dre le surnom de Judaïque. Dès ce
moment Titus partagea le pouvoir
i']6
TIT
suprême avec son père, et agit com-
me administrateur de l'empire ,
tuiorcm imperii agere ( Suéton. )
Tous deux exercèreul conjointement
la censure, le tribunat et sepl consu-
lats. Cliargë de la direction de tontes
les aO'aires , il dictait les lettres
au nom de son père, rédigeait les
e'dits, et lisait les discours de l'em-
pereur au sénat, à la place du ques-
teur. Il était même investi de la char-
ge de préfet du prétoire, qui jusqu'a-
lors n'avait été remplie que par des
chevaliers romains. Titus n'abusa
point, conlre un père si confiant, de
cet excès de pouvoir. Pénétré de re-
connaissance, il se conduisit toujours,
à l'égard de Vespasien, comme le mi-
nistre le plus respectueux, et !e plus
fidèle. Ce n'est pas qu'à cette époque
de sa vie il ait d'ailleurs été à l'abri
de tout reproche. Au rapport de Sué-
tone, il montra , dans l'exercice de
ses fonctions comme préfet, de la
violence et même de la cruauté. 11
apostait au théâtre et dans le camp
des agents salariés , qui demandaient,
comme s'ils eussent parlé au nom de
tous , la moit de ceux qui étaient sus-
pects au prince, et il les faisait pé-
rir. De ce nombre fut Aulus (lécina,
homme consulaire, que Titus avait
invité à souper, et qu'il lit égorger
au sortir de la salle du festin. Le
danger, il est vrai était pressant.
Le prince avait découvert le plan
d'une conjuration que (iécina avait
tramée dans le camp; et une pièce
écrite de la main de cet homme ne
laissait aucun doute sur sa culpabi-
lité : mais la manière perfide dont
on s'était défait de ce conspira-
teur souleva l'opinion , et excita con-
tre Titus tant de iiaine, que jamais
prince ne parvint à l'emjjire avec une
plus mauvaise i(;|)iilalion. Autant
avant son retour de l'Orient il était
TIT
désiré de tout le monde, autant alor'^
on redoutait de l'avoir un jour pour
maître. Non -seulement on le taxait
de cruauté, mais encore d'avarice et
de débauche. 11 tirait de l'argent de
ceux dont les allaires se portaient de-
vant l'empereur , et vendait les sen-»
tcnces de son père. On le voyait pro-
longer jusqu'au milieu de la nuit des
repas qu'il faisait avec les hommes
les plus dissolus. 11 était sans cesse
entouré d'eunuques et de gitons. En-
fin ce qui indisposait le plus les Ro-
mains c'était sa passion ellrénéepour
la reine Bérénice, qui s'était rendue à
RomeavccsonfrèreAgrippa.Ilavait,
dit -on, promis de l'épouser : elle-
même agissait déjà publiquement
comme si elle eût été sa femme. Ce
qui redoublait les alarmes c'est que
Titus venait de répudier, à cause de
cette reine, son épouse Marcia Fur-
nilla , dont il avait une fille, Julia
Sabina. En un mot, on pensait et ou
disait publiquement qu'il serait un se-
cond Néron. Vespasien mourut au
mois de juin de l'an 'jq de J.-C. • et
Titus , devenu empereur , parut un
tout autre homme. Il est du très-pe-
lit nombre de princes que la puis-
sance souveraine a rendus meilleurs
(i). Aux festins licencieux succédè-
rent pour lui des repas animés par
une gaîté décente, il éloigna de sa
personne les débauchés, les histrions
qui servaient à ses infâmes plaisirs ,
et choisit désormais si j udicieusement
ses amis , tpie ceux qu'il honora de
ce tilrc rendirent sous son règne, et
même sous ses successeurs , les servi-
ces les plus importants à l'empire. Il
renvoya aussitôt de Rome la reine
Bérénice ( f^oj. ce nom , IV , i4 ' )?
malgré lui et malgré elle : iiivitus in-
vilam (Suétone). C'est ainsi qu'il an-
(i) Suo i/iiitm patris intficrio iiiodcslioi{Tucilv).
TIT
nonça sou règne aux Romains , et
qu'il leur lit voir que , maître de ses
passions , il ne prétendait prendre
pour règle de sa conduite que les lois
de l'ètal et les convenances publiques
(2). Un décret de Tibère avait règle
que les concessions et les libéralités
de l'empereur défunt seraient regar-
dées comme non avenues , si chacu-
ne de ces grâces n'était condrmée par
un édit spécial de son successeur. Ti-
tus confirma en masse et par un seul
décret tous les actesdela muniijcence
impériale qui avaient été promulgués
j usqu'à son avènement. 1 1 ne lit jamais
le moindre tort à un citoven , respec-
ta les propriétés , et refasa même les
dons qu'il était d'usage d'offrir à l'em-
pereur. Aucun prince ne l'égala en
générosité. 11 avait pour principe de
ne renvoyer personne sans lui donner
quelque espérance ; et comme un de
ses serviteurs osait lui représenter
qu'il promettait plus qu'il ne pouvait
tenir , il répondit « qu'un sujet ne de-
>> vait point sortir mécontent de la
» présence de son prince. » Se rap-
pelant une fois , pendant qu'il soupait,
qu'il n'avait accordé aucune grâce
dans le coiu's de la journée, il pro-
nonça ce mot si connu : « 0 mes
» amis, j'ai perdu un jour (3)! »
■>.) 0 triiiiiiplic (11' la rai.-oa sur l'amour le plus
vifmérilait, comme Ta dît Crevier , d'être ccleîirr
par le v' un tendre de. no.i portes ; mais daus la Tra-
gédie ac liérénice , Racine s'élève quelquefois à la
hauteur de Tacite : témoin ces vers où il explique
le prejuRe national des Romaius , coutre les reines
étrangères :
Titus . ouTre les veut :
Quel air rcspires-lu ? N'es-tu pas dans ces lieux
Où la liaiuc des rois avec le lait sucée,
Par crainte ou par amour ne peut être efiacée?
Rome ju^ea ta riiue en condamnant ses rois.
N'as-tu pas en naissant entendu cette voix?
lit n'as-tu pas encore oui la renommée
T'anuoucer ton devoir jusque dans ton armée?
(3) lioileau, d..ns la preniii-re de ses Epîtres ,
adressée à Louis XIV, a peint le caractère de Ti-
tus dans les \crs suivants, que le monarque trou-
va si :idmiral)l(S qu'il se l.-s fit relire trois lois :
Tel fut cet erapemir ïous q<ii R.une adorée
Vu renaître les jours de Saturne et de Kliée,
TIT 17-;
Son respect pour les lois allait jus-
qu'au scrupule. 11 était convaincu que
la puissance absolue dont il était re-
vêtu restreignait sa liberté , et que
plus il pouvait, moins il devait se
permettre. C'est ce qu'il répondit à
un courtisan étonné de ce que Titus
empereur lui refusait une grâce que
le lils de Vespasien avait sollicitée
pour lui auprès de son père : « Il v
» a bien de la diilerence, répondit-il^
» entre solliciler un autre et juger
» soi-même, entre appuyer une de-
» mande ou avoir à l'accorder. » En
prenant possession du grand pontifi-
cat , le nouvel empereur avait déclaré
qu'il regardait comme le premier de-
voir de cette dignité celui de conser-
ver ses mains pures, et de ne jamais
les souiller du sang d'aucun citoyen.
Titus se ressouviut toujours de cet
engagement; et pendant son règne,
qui malheureusement fut si court , il
n'ordonna la mort de personne (4).
Deux jeunes patriciens conspirèrent
contre lui, pour s'élever eux-mêmes
à l'empire j leur crime était avéré :
ils méritaient la mort; le sénat les v
avait condamnés. Titus se contenta
de les faire appeler; puis, leur par-
lant moins en juge qu'eu père, il les
exhorta à renoncer à leur dessein, en
leur disant que l'empire était un
don du destin ^ qu'au reste, s'ils de-
siraient quelque autre chose, il était
prêt à le leur accorder. La mère de l'un
de ces conspirateui's était absente de
Rome. Titus, par une attention déli-
cate, dépêcha un courrier à celte da-
me, pour calmer ses inquiétudes ma-
Qui rendit de son joug l'univers amoureux ,
Qu'on n'alla jamais voir sans revenir lieurenx.
Qui soupirait le soir si sa main fortunée
N'avait par ses hieulaits sisnalo la journée.'
Le cours ne fut pas long d'nn empire si donx.
(4) .\u.sone a exprimé celle pensée dans c*s d*(*x
vers ;
l'ttlîic imperio ^ Jelix hrevitnte regeridi .
iC vpers civifiç sartj'itinif y orbh mni»r.
178 TIT
tcrnclles, et l'assurer que la vie de
son lUs ne courait aucun risque. Non
content de ])ardonner y il pria les
deux, patriciens à souper le soir mê-
me. Le lendemain , assistant aux com-
])ats du cirque, il les fit asseoir au-
près de lui devant tout le peuple; et
lors{[ue , selon l'usage, avant que les
gladiateurs entrassent en scène, on
lui présenta les èpées pour qu'il les
clioisît, Titus défera l'honneur de ce
choix , et remit ces armes meurtriè-
res à CCS hommes qui, la veille en-
core, avaient voulu attenter à ses
jours (5). Domitien, aussi mauvais
fi'ère qu'il avait été mauvais fils, ne
cessait de tendre des embûches à Ti-
tus, clierchant jircsque ouvertement
à faire soulever les légions et à s'échap-
per de la cour. Titus ne put se résou-
dre à le faire mourir, ni même à le
priver de sa libertéetde ses honneurs.
Il le fit sou collègue dans le consu-
lat ; il le proclama son associé ,
son successeur à l'empire. Souvent il
le conjurait, les larmes aux yeux,
de ne point chercher à hâter par
le crime le moment d'obtenir une
])lace qui lui était assurée dans l'or-
dre de la nature; enfin il le sup-
pliait de vivre avec lui comme mi
îïère , comme un ami. Domitien
pouvait-d être sensible à ces bien-
faits, à CCS avances;' 11 était andji-
tieux et lâche; il était jaloux de son
frère; et d'ailleurs, comme sous le
rajiport du cœur, il jugeait Titus
semblable à lui, loin d'être touché
par ses vertus, il n'y voyait que de
l'hypocrisie. L'administration équi-
table de Vesj)asien n'avait jias enco-
re eiitit-remeiit banni de la cour les
délateurs , qu'on avait vus si puis-
{S) Mrlashisi- -.1 r.'l<:|,r<' <!' I..';.n In.M <h,ns n<.r
TraK.;di.' ljrii|i.c inllliil.r : h. Clémrn.r ,/,• 77/-/. ,
fl il'iiil la iiiiiniqiii- i-<.l lin clu-l' d'ivovrr de Mo
7.acl (/'. VlitKUtKiV. «1 MoZA.H'1' ).
TIT
sauts sous les règnes des derniers Cé-
sars. Titus ne se montra rigoureux
qu'envers ces misérables suppôts de
la tyrannie. Il les fit fustiger dans la
place publique; et après les avoir
donnés en spectacle au peuple , dans
le cirque, il fit vendre les uns com-
me esclaves , et déporter les autres
dans des îles presque inhabitables.
Non content de châtier les délateurs,
il Aouîut éteindre la délation ; et en-
tre autres règlements qu'il fit à ce su-
jet, il statua qu'à l'avenir on ne pour-
rait se prévaloir de plusieurs lois
pour attaquer un citoyen sur le mê-
me fait. Titus abolit entièrement
l'usage des accusations de lèse-ma-
jesté , qui avaient été sous la tyran-
nie une arme si terrible contre les
honnêtes gens. Yoici de quelle ma-
nière il s'expliquait à ce sujet : « Si
» ces prétendus crimes de lèse-
» majesté , qui consistent en discours
» outrageants , sont commis ta mou
» égard, ils ne peuvent m'alteindre,
» car je ne fais rien de condamnable^
» et il faut mépriser les discours qui
» n'ont d'autre appui que le men-
» songe et la calomnie. Si ces crimes
)> se commettent envers les einpe-
» reurs mes prédécesseurs , c'est à
» eux à venger leurs injures, puis-
» qu'on les a ])lacés parmi les Dieux. »
Puisant d'immenses ressources dans
son économie et dans la simplicité
de sa manière de vivre , il put ,
comme Vespasien, donner ses soins
à la réparation des anciens monu-
ments et à la construction de nou-
A'caux édifices. Après l'aclièvemcnt
du fameux amphithéâtre du Colise'e,
commencé par son ])èrc, il fit termi-
ner avec une incroyable célérité les
])aiiis qui furent construits auprès.
Kicii (le ])!us m.iguili(|U(' ([ue les fêtes.
(|u'il(louuaj)ouila(Jéilicacedecetaui-
phillié.ilre. l^jlesdurèrcut cent jours.
TIT
Il y cul représentation d'mi combat
uaval , combats de gladiateurs; puis
cinq mille bètes féroces de toute es-
pèce furent ollertcs en spectacle dans
un seul jour. Titus se plaisait à rele-
ver les Romains à leurs propres yeux,
par l'extrême déférence qu'il témoi-
gnait au peuple. Pour les combalsde
gladiateurs , il lui laissait décider
du nombre et du clioix des cham-
pions. Il permettait même aux ple'-
beieus de se trouver aux bains pu-
blics en même temps que lui. Suétone
observe néanmoins qu'en se popula-
risant ainsi, il savait toujours con-
server la majesté du rang suprême.
Cependant les armes de l'empire
prospéraient dans la Grande-Breta-
gne et dans l'Ecosse, sous la conduite
d'Agricola ( V, Agricola ( Cnœus
Julius ) , I , 3oç)); et les exploits de
ce grand général valurent à Titus le
surnom à'impcrator pour la seizième
fois depuis sou entrée dans la carrière
militaire. Le ciel ne permit pas que
le bonheur du monde romain fût saus
mélange sous le meilleur des princes.
Trois grands désastres marquèrent
son règne : une terrible éruption du
Vésuve engloutit plusieurs des cités
delaCampanie ( /^. Pline V Ancien,
XXXV , 67 ) , et les cendres dont ce
volcan avait couvert le pays , se mê-
lant avec l'air qu'on respirait, cau-
sèrent , dit-on , une peste si violente
que, pendant un temps considérable,
il mourut à Rome dix mille person-
nes chaque jour. Titus, dans cette
occasion , se conduisit en prince et
en père (6). Il n'épargna rien pour
adoucir les maux que la Campanie
avait soulferts : lui-même se trans-
porta dans cette province désolée.
Pendant ce voyage, un incendie exer-
(()) Non modii /irinrif/if tnlli, iludiueiu, *.</ el jta-
rentis { S»($(<>'>c ) .
TIT .,9
ça, dans Rome, ses ravages durant
trois jours et trois nuits, et consuma
entre autres édifices publics, le Pan-
théon, la bibliothèque d'Auguste , le
théâtre de Pompée et le Capilole, qui
venait à peine d'être reconstruit. Ti-
tus, dont l'inépuisab'e sollicitude était
égale à d'aussi grands maux, fit affi-
cher que toutes les pertes occasion-
nées par l'incendie seraient à sa
charge. Il consacra à la réparation
des temples et des édi lices ])ublics
tous les objets d'ornements qu'il put
faire enlever de ses maisons impé-
riales. Pour mettre plus d'activité'
dans les tiavaux, il en confia la di-
rection à des chevaliers romairis. Les
villes de l'einpirc , des monarques
alliés , et même de riches particuliers
voulurent s'associer aux énormes dé-
penses que Titus s'était imposées
pour réparer sa capitale ; mais il re-
fusa tous les dons , et il suffit à tous
les sacrilices. Tant de vertus devaient
à peine avoir le temps de se montrer
sur le trône. Comme il assistait à une
solennité publique , Titus , en proie à
desombres vapeurs, à de sinistres
pressentiments , versa devaut tout le
peuple deslarmcs involontaires. Quel-
ques jours après il partit pour le pays
des Sabius , qui avait été le berceau
de sa famille. En se mettant en route,
il était tourmenté par deux présages
que la superstition des ])aïens ne per-
mettait pas de mépriser. Une victi-
me qu'il était près d'immoler en sa-
criiice avait brisé ses liens , et le
tonneri'C s'était fait entendre dans un
temps serein. Bientôt il est surpris
par la lièvre: il veut cependant con-
tinuer son voyage et monte dans sa
litière. Le mal redouble avec des
symptômes qui lui annoncent que sa
fin est prochaine. Alors, écartant les
rideaux de sa litière, il lève vers le
ciel ses regards mourants , et se plaint
12..
îSo TÏT
araèremetit de mourir si jeiiue sans
l'avoir mérite , ajoutant que , dans
tout le cours de sa vie, il n'a à se re-
pentir que d'une seule action. Les
dernières paroles de Titus devinrent
le texte de Lien des conjectures.
Quelques-uns supposèrent qu'il vou-
lait parler d'un commerce adultère
avec Domiîia sa helle-sœur ; mais
Suétone réfute ce soupçon par le té-
moignage de cette princesse elle-
même , qui nia constamment le fait ,
et qui , s'il eût été vrai, aurait été
femme à s'en faire honneur comme
elle se vantait de toutes ses autres
infamies. D'autres conjecturaient ,
si l'on en croit Dion Cassius , que
Titus se repentait de n'avoir pas fait
mouiir Domitien • mais , suivant la
judicieuse remarque de Tiilemont ,
Néron lui-même ne se serait pas re-
proché comme un crime le pardon
accordé à un frère. DionCassius rap-
porte encore que la rumeur publi-
que accusait Domitien d'avoir em-
poisonnéson frère :mais il ne l'affir-
rae point; puis il ajoute que d'autres
assuraient que Titus fut en eilet at-
teinld'une maladie grave, mais dont
la guéiison n'était pas désespérée, et
que sa mort fut avancée par Domi-
tien, qui lit mettre le moribond dans
une cu\e pleine de neige. Suétone ,
ordinairement curieux, de recueillir
les anecdotes de ce genre, raconte seu-
lement, que voyant Titus à l'extré-
mité , Domitien ordonna qu'on l'a-
bandonnât comme s'il eût été déjà
mort. Ainsi le prince ([iii mérita d'ê-
tre \noc]:imc les délices du ^enrc hu-
main n'eut pas même un esclave
pour lui fermer les yeux. Aiirelius
Vu:lor et Zuu.irns sont les seuls au-
teurs qui alliriuent rempoisouuemeiil
de Titus. I/opinion contraire a pour
die le nombre et le poids des suffra-
p's : rar iri Kutrope et i'nid Orose
TIT
sont d'accord avec Suétone et avec
Plutarque , écrivains contemporains.
Ce dernier auteur , dans son Traité
des règles et préceptes de santé ^
dit avoir appris des médecins de
Titus , que sa mort avait eu pour
cause l'imprudence qu'il commit ,
étant légèrement indisposé , de se
mettre au bain dont il avait toujours
fciit un trop fréquent usage. Quoi qu'il
en soit , avant que ce prince eût rendu
le dernier soupir, Domitien parcou-
rait Rome et le camp pour se faire
proclamer empereur. Titus termina
sa trop courte carrière le 1 3 septem-
bre de l'an 8i de J.-C, au village
de Béate, dans la même maison oîi
Vespasien était mort : il était dans
la quarante-unième année de son âge,
et avait régné deux ans deux mois
et vingt jours. Chacun dans Rome le
regretta comme le père le plus chéri:
le sénat s'assembla , sans convoca-
tion , pour prodiguer à ce prince ,
dit Suétone , plus de louanges et de
témoignages d'une tendre affection
que cette compagnie ne l'avait jamais
fait quand il venait présider à ses
délibérations. Le caractère connu de
Domitien ajoutait à l'amertume de
ces regrets si légitimes: ce frère do
Titus fut, dans tout l'empire, le seul
homme (pii ne partagea point le
deuil universel. Toutefois il ne put se
dispenser de décerner au défunt les
vains honneurs de l'apothéosej mais,
pendant tout son règne ^ il ne cessa
d'outrager sa mémoire par des rail-
leries a mères, et même par des édiîs
qui contrôlaient ses actes. Tous les
historiens oui loué, sans resliiction ,
Titus sur le trône; et les écarts qu'on
luia reprochés n'apj)arliennent ])oiut
à son règne. D'ailleiu's ces excèsd'unc
jeunesse fougueuse, suivis d'un chan-
gementsi prompt et si entier, loin de
déshonorer Titus , ajoutent à son mé-
TIT
rite, eu ce qu'ils prou\eiil, par sou
exemple, quel empire une volonté
forte peut donuer à l'homme sur
lui-même. Quelques écrivains, en-
tre autres Zonaras et Dion Cas-
sius , ont insinué que sa mort préma-
turée avait mis sa gloire en sûreté, et
qu'il fut heureux de n'avoir pas assez
vécu pour démentir les heureux dé-
buts de son gouvernement; mais celle
conjecture aiiligeanle, et qu'aucun fait
n'autorise, a toujours été repoussée
par les esprits droits. Une seule chose
manque à la gloire de Titus, c'est
que nous ayions perdu le tableau de
son règne fait par Tacite , dont cet
empereur augmenta la fortune com-
mencée par Vespasien (•]). ]Malgré
cette perte irréparable , Titus nous
est assez connu j et, pour l'honneur
de l'humanité , il sei'a toujours cité
comme le meilleur et le plus aimable
des princes. C'est ce que Voltaire a
exprimé dans une de ses Epîtres au
roi de Prusse :
Jcrusaleui concpilse el ses murs abattus
N'ont poînL éternisé le gi-aud uoia de Titus :
Il fut aimé, voilà sa grandeur véritahle.
On possède plusieuis médailles de
Titus; on voit même au Musée roval
son buste et sa statue. La inanjèie
dont les cheveux sont disposés a
donné son nom à une coiffure mo-
derne. Il existe également des mé-
dailles qui représentent Julia , fille
de Titus, avec le titie d'Jugustaqne
lui avait donné son père. Cette prin-
cesse épousa Flavius Sabinus , lils
du frère de Vespasien. Domilien , son
oncle, la déshonoi'a par un amour
incestueux , du vivant même de son
père. Il fit mourir son mari , l'épousa
étant empereur, et la fit périr par
un breuvage empoisonné, qui, en
(7) Oi^nitatem nostt'tim a /^effhi^imo inchnntam j
k J'iio nuclnm.
TOA
iS«
même temps lit avorter le fruit de
l'inceste qu'elle portait dans son
sein. D — R — R.
TITUS (Sjlas). Foy. RIarignt
( Carpentier ni:).
TIXIER DE RAVISI. Foy. Ra-
visius.
TOALDO ( Joseph ) , professeur
de l'université de Padoue, naquit en
1719a Piauezze , petit hameau près
de Vicence. Envoyé au séminaire de
Padoue, pour y apprendre les belles-
lettres tt la théologie, il se livra aux
sciences dont il tit son occupation
favorite. Nommé archiprêtre d'un
A'illage voisin, il ne cessa de doimer
à l'étude le temps qu'il pouvait déro-
ber à ses devoiis. Un sentiment de
reconnaissance envers son maître
lui dicta nue notice Irès-détaillée sur
la vie de l'abbé Conli(j^. ce nom, IX,
5i'y ), pour être placée en tête de
ses ouvrages. Il avait déjà composé
une préface et des notes pour une
réimpx'essiondes OEuvres de Galilée,
pour laquelle il lui avait fallu lutter
contre trois censeurs qui exigeaient
la suppression des fameux dialogues
sur le système du monde. Appelé, en
1 762 , à occuper une chaire de géo-
graphie ]>hysique et astronomique à
Padoue , Toaido obtint la permission
de i'onder un observatoire, il profila
d'une ancienne tour qui avait ser-
vi aux Eccelins , pour y placer sas
instruments , et pour y continuer les
observations de son prédécesseur
( Foy. PoLENi , XXXV , i;3 ).
Dans unEssai météorologique, il éta-
blit des principes pour calculer avec
probabilité les accidents futurs de
ralmos|)hère. Il rendit un compte
plus satisfaisant de sa théorie, en ré-
pondant à une question de l'acadé-
mie de Montpellier; sur l'application
de la météorologie à l'agriculture.
Sou I\Iémoire fut couronné , et il al-
i82 TÔA
lira l'attcnlioii des savants sur cette-
partie peu cultivée de la physique,
ïoaldo travaillait de son côte à
confirmer son système par tous les
moyens que pouvaient lui fournir son
instruction et son expérience. A3'ant
remarqué qu'au bout de dix - huit
ans, les pliénomènes météorologi-
ques recommencent et se succèdent
à peu près dans le même ordre _, il
dressa les tables de trois de ces pé-
riodes , auxquelles il donna le nom
de Saros, et que les astronomes ap-
pelèrent aussi (yrcZei Toaldini. Il ré-
digeait en même temps un journal
desthié à l'épandre ses découvertes.
Embrassant dans ses observat'ons
tout ce qui pouvait lui servu' à déter-
miner l'influence des astres, il pu-
blia une Dissertation sur la chaleur
de la lune et sur la force d'attraction
que cette planète exerce sur la terre.
Sa théorie fut attaquée par le P. Fri-
si , auquel Toaldo répondit par un
Mémoire. Partisan zélé des décou-
vertes utiles, ce professeur fit sentir
les avantages des conducteurs élec-
triques , et il arma l'observatoire de
Padoue du premier paratonnerre
qu'on ait élevé dans les états véni-
tiens. Plein de zèle pour les progrès
des sciences , ou le voyait publier
tous les ans quelrpie nouvel ouvrage.
Sa méthode pour déterminer les lon-
p;itudes' ses tables de vitahté; son
discours sur les hivers extraordi-
naires; ses traités d'astronomie, de
trigonométrie et de gnomonique , fu-
rent surtout remarqués. Il embras-
sa la défense de Leibnitz contre
Deluc , relativement à la descente du
mercure dans le baromètre. Les jour-
naux italiens , les actes de la Société
Palatine , ceux des ar.idémies de Pa-
ris , de Berlin et de fjotulres conlien-
iieiU |i4usrenrs Dissertations de To.il-
Aa , (iontljalandeentrelniait souvent
TOA
l'académie des sciences. Frappé d'un
coup d'apoplexie, qu'on crut l'efliet
de quelques chagiins domestiques , ce
savant mourut à Padonc le 1 1 décem-
bre 1798. Ses principaux ouvrages
sont : I. Tri'^onometria piana e
sferica , colle tavole trigonornetri-
c^e, Padoue, 17P9, in-4"- ? réim-
prim.,ibid., 1772, 1794, in-4*'.
II. Saggio meteorologico sullave-
ra injlucnza degli astri , ib. , 1770,
in-4". , réimp. ibid. , 1 78 1 et 1 797 ,
in-4°. ,trad. en français, par Daquin,
Chambéri, 1784, in-4'^. ; et en alle-
mand par Feldban , Berlin, 1785 ,
in - 8°. III. Novœ tahidœ baro-
metri œstusque maris , Padoue ,
T771, in -4°. IV. Délia maniera
di difendere gli edifizi dal fulmi-
ne /Xcnise, 1772, iu-4'*. V. Com-
pendio délia sj'era e di geografia ,
ib. , 1773, iu~H". Nuova apologia
de' condiiltori metallici , ib. , 1 774 j
m-4". , trad. en français par Bar-
bier de Tiuan, Strasbourg 1779,
in-8''. VI. La meteorologia ap-
plicata air agricoltura , ibid. ,
1775, in-4°. , trad. en français, en
allemand et en espagnol. VII. Sag-
gio di stndj veneti nelf astrono-
mia e nella marina , ibid., 1782,
in-80. VIII. De methcdo longitudi-
nwn , ex ohservato transitu lance
per meridianum Padoue, 1784 ,
in -4°. IX. Trattato di gnomoni-
ca , Venise , 1789, in-4'*- X.
Schediasmala asironomica , Pa-
doup, 1791, in-4<'. XI. Discor-
so sopra i haromctri , che conlie-
jie la difesa di Leibnitz , dans le
5"'«. vol. du journal de Modène.
XII. De œstii reciproco fnaris
Adriatici , dans les transactions phi-
losophiques de Londres, an. 1779-
XIII. De l'impulsion de la lune
sur le barouiclre , dans les actes de
l'aïadéuiie de Berlin , an. V779.'
TOB
XIV. Le saros météorologique
et essai d'un nouveau cycle pour le
retour des saisons , dans le iournal
de Rozier, an. 178-2. XV. Delpas-
sa^gio d'Annihale perla Toscana,
dans le 3"«=. vol. des essais de l'aca-
démie de Padoue. XVI. Compléta
raccolta d'opuscoli , osservazioni e
notizie diifcrse , elc. : Venise, i8o'2 ,
4 vol. in-8'^. {P^o}'. ¥3ihvom,n-
tœ Italoruni, xvn , 291 ; Ferrari ,
f^itœ inronim illustr. seminarii Pa-
tavini , Padoue , i8i5 , in-8'\ , pag.
386; et une ISotice par Salomon ,
dans le Magasiu encyclopédique ,
troisième année, 1798, tom. vi,
pag. 4t'9). A — G — s.
TOBIE {bon maître) était
de la tribu et de la ville de Neph-
tali ou Tliesbe , dans la haute
Galilée. Dès le temps qu'il était
fort jeune et qu'il habitait sa ville
natale, il ne lit rien paraître dans
toutes ses actions qui tînt de l'en-
iance. Il fuyait la compagnie de
tous ses compatriotes, qui allaient
adorer les veaux d'or que Jéroboam ,
roi d'Israël , avait fait élever , et se
rendait seul à Jérusalem , où il ado-
rait l'Éternel dans son temple, et lai
offrait les prémices et les dîmes de
tous ses biens ; il distribuait exacte-
ment aux prosélytes et aux étrangers
la part qui leur revenait dans sa ré-
colte , et il observait en tout fidèle-
ment les ordonnances de la loi du
Seigneur. Parvenu à l'âge viril , il
épousa une femme de sa tribu , nom-
mée Anne, dont il eut un fils qu'il
appela Tobie , et qu'il éleva dans ses
prmcipes. Emmené captif à Ninive ,
avec sa femme, son fils et toute sa
tribu , du temps de Salmanasar , roi
des Assyriens , il n'abandonna point
la voie de la vérité. Au milieu du
torrent (jui entraînait la plupart des
Israélites vers les impuretés des gen-
TOB i83
tils , il fut inébranlable dans la reli-
gion desespères et dans l'accomplis-
sement de îa loi de jMoïse. Salmana-
sar le fit son pourvoyeur, et lui don-
na pouvoir d'aller partout où il vou-
drait, et d'agir comme il l'entendrait.
Tobie ne se servit de cette liberté que
peur visiter ses frères et leur distri-
buer les secours et les consolations
dont ils avaient besoin. Aprèsla mort
de Salmanasar, Sennachérib,son fils,
montra pour les enfants d'Israël une
haine qui s'accrut encore par la plaie
dont Dieu frappa ce prince en Ju-
dée , à cause de ses blasphèmes.
Tobie trouva dans la persécution à
laquelle ses frères étaient en luitte
une nouvelle occasion de manifester
sa charité : il nourrissait ceux qui
avaient faim , revêtait ceux qui étaient
nuds, et avait grand soin d'ens**-
velir ceux qui étaient morts ou qui
avaient été tués. Le roi, prévenu de
cette conduite , ordonna qu'on dé-
pouillât Tobie de ses biens, et qu'on
le mît à mort. Le saint patriarche se
déroba à la fureur du roi , et n'eut
pas de peine à trouver un asile dans
la maison de ceux qu'il avait obli-
gés , parce que le nombre en était
considérable. Après la mort de Sen-
nachérib, il fut réintégré, par les
bons ofiices d'un de ses parents, dans
tout ce qu'on lui avait enlevé , et re-
commença ses bonnes œuvres avec
autantde zèle qu'auparavant. Unjour
qu'il avait invité plusieurs de ses amis
et de ses proches , pour célébrer une
fête, on vint l'avertir , pendant qu'il
était à table , que le corps d'un des
enfants d'Israël , qui venait d'être tué,
était étendu sur la place publique.
Tobie se leva sur-le-champ , laissa
les convives, et alla chercher le ca-
davre pour l'ensevelir quand le so-
leil serait couché. Lorsqu'il eut rem-
pli ce devoir sacré, il se remit à tar'
iS4
TOB
Lie , gémissant dans le fond de son
cœur. Ses amis ne purent s'empê-
cher de le blâmer de ce qu'il s'expo-
sait de nouveau aux danp;ers dont il
e'tait à peine délivré' mais Tobie dé-
clara qu'il aimait mieux plaire à
Dieu qu'au roi. Comme il continuait
ses courses pour le soulagement des
malheureux ou pour l'ensevelisse-
ment des morts , sa grande fatigue le
contraignit, un jour delà Pentecôte,
à se coucher au pied d'une muraille
pour prendre du repos. Pendant qu'il
dormait, de la fiente d'hirondelle
tomba sur ses yeux, et le rendit
aveugle : il avait alors cinquante-six
ans. Dieu permit que cette épreuve
lui arrivât , aiin que sa patience ser-
vît d'exemple à la postérité comme
celle du saint homme Job. Imitateur
de cet antique patriarche, Tobie ;,
sans murmurer contre Dieu de ce
qu'il l'avait alïligé par cet aveugle-
ment, demeura ferme dans la sou-
mission la plus parfaite à sa volonté
supr^-me. Ses amis et ses proches in-
sultèrent à sa conduite, et se raillè-
rent de ses aumônes • mais il n'en fut
point ému. Nous sommes les enfants
des saints , leur disait-il, et nous at-
tendons cette 'vie que Dieu doit
donner à ceux qui ne violent j amais
la fidélité qu'ils lui ont Jurée. Sa
femme elle-même mêlait quelquefois
à leurs insultes des reproches san-
glants. ToLie élevait alors son ame
a Dieu , et lui disait avec confiance :
« Seigneur , vous êtes juste ; tous vos
» jugements sont remplis d'équité;
» toutes vos voies ne sont que misé-
» ricurde , vérité et justice. Seigneur,
» souvenez-vous maintenant de moi;
» ne tirez point vengeance de mes
» péchés j ne rajipelez point en votre
» mémoire iiies otlcnses , ni celles dt;
» mes ])roclies ; car nous n'avons
» point ol)éi k vos commandcnienLs :
ÎOB
» c'est pourquoi vous nous avez aban-
» donnés au pillage, à la captivité
» et à la mort • et vous nous avez
» rendus la fable et le jouet de toutes
» les nations ])armi lesquelles vous
» nous avez dispersés. Alainfenant ,
» Seigneur, traitez- moi selon votre
» volonté, et commandez que mon
» ame soit reçue en paix , parce qu'il
» m'est plus avantageux de mourir
» que de vivre plus long-temps. » Le
saint homme, croyant quele Seigneur
avait exaucé sa prière , et qu'il tou-
chait aux portes de la mort, lit ap-
peler sou fils , lui donna ces ten-
dres et sages avis qui remplissent tout
entier le chapitre ivdu Livre qui por-
te son nom; et il ajouta : « Je vous
» avertis aussi que j'ai prêté dix ta-
» lents d'argent à Gabéhis , qui de-
» meure dans la ville de Kagès, et que
» j'ai sa promesse entre mes mains :
» allez donc le trouver, et retirez de
)> lui cette somme. » Le fils de To-
bie témoigna quelque crainte sur les
duTicultés qu'il éprouverait dans son
voyage et dans le recouvrement des
dix talents d'argent. Le bon vieil-
lard s'attacha à le rassurer, et lui
conseilla de s'associer un homme de
bien qui jjiit raccomj)agner et lui
servir de guide dans le ])ays des Mè-
des , jusqu'à la ville de Rages. Le
jeune Tobie sortit à l'instant même,
et rencontra l'ange Kaphaël , que le
Seigneur avait envoyé sous la ligure
d'un homme de la ])lus grande beau-
té, et paré de tous les charmes de la
jeunesse ; il avait l'air d'un voyageur
qui se dispose à partir. Après un
court entretien que le jeune Tobie
rendit à son père , le vieillard lit
prier l'ange Raphaël d'entrer dans
sa maison. Le messager céleste en-
tra , salua Tobie, et lui dit, en ré-
|»ondant à ses questions, qu'il se
nommait A/.arias. Il fut convenu
ion
qu'il mènerait le jeune Tobie cliez
Gabélus, en la ville de Rag;ès, et
qu'après lui avoir fait toucher la
somme due , il le ramènerait auprès
de ses vieux parents. Les apprêts du
vovage furent bientôt faits. Le jeune
Tobie se mit en route, sous la con-
duite de l'ange , accompagné des
vœux et des bénédictions de son pè-
re , qui eut bien de la peine à se sé-
parer de sou (ils , et bien plus encore
à calmer la douleur d'une tendre mè-
re, qui aurait volontiers consenti au
sacrifice des dix talents , pour n'être
pas privée de la présence de celui
qui lui était une assez grande ri-
chesse , et qu'elle regardait avec
raison comme le bciton de sa vieil-
lesse et la lumière de ses feux.
L'Écriture raconte que le jeune To-
bie ^ suivi du chien de la maison ,
s'arrêta la première nuit sur les bords
du Tigre , et qu'étant allé laver ses
pieds dans ce fleuve , il en sortit un
grand poisson , qui était près de le
dévorer. La fraveur s'empara de lui;
mais Fange se liàta de le rassurer^ et
lui ordonna de tirer le poisson hors
de l'eau , d'en vider les entrailles , et
de prendre le cœur , le fiel et le
foie , pour des remèdes qui lui se-
raient indiqués. La chose fut ainsi
exécutée. Les vovagcurs firent eu mê-
me temps rôtir une partie de la chair
du poisson^ et salèrent l'autre pour
leur servir de nourriture jusqu'à
leur arrivée à Rages. Ils n'étaient pas
éloignés d'Ecbatanc quand l'ange
conseilla à son compagnon de vova-
ge d'aller loger chez Raguel , qui était
de sa tribu et de sa parenté, et de de-
mander en mariage Sara, fille uni-
que de cet Israélite ; comme le jeune
Tobie montrait de la répugnance ,
parce que Sara avait déjà eu sept
maris que le démon Asmodéc avait
étrarijlés la première nuit de leurs
Tor>
i8i
noces, et qu'il craignait de partager
leur sort , l'ange lui donna les moyens
de l'éviter, par des conseils qui res-
pirent la plus haute sagesse, et par
un expédient qui ne pouvait obtenir
son efi'ct que de la puissance diAine:
c'était de mettre dans le Jeu une
partie du cœur et du foie du pois-
son, pour chasser le démon. Ils al-
lèrent donc chez Raguel , qui les i*eçut
avec joie, et qui témoigna au jeune
Tobie la plus tendre amitié, dès qu'il
l'eut reconnu pour son parent. Le
mariage fut célébré le soir même de
leur arrivée. Les jeunes époux passè-
rent les trois ]iremières nuits dans la
continence et dans la prière, ainsi que
l'ange le leur avait prescrit. Ontrouve,
dans le chapitre viii du Livre de To-
bie, les expressions dont ils se servi-
rent pour implorer les miséricordes
du Tout - Puissant, et en obtenir la
conservation de leur vie. Ou y trouve
également le Cantique de Raguel , en
actions de grâces des bontés du Sei-
gneur. Au milieu des fêtes qui accom-
pagnèrent le mariage , l'auge Raphaël
partit pour R.igès, avec quatre ser-
viteurs et deux chameaux, pour re-
cevoir l'argent que devait Gabélus, et
lui rendre son obligation. Il revint
auprès de Tobie avec GaLelus, qm
combla ce jeune Israélite de toutes
sortes de bénédictions. Le saint vieil-
lard, affligé du retard de son fils, et
ne pouvant en savoir la cause, re'-
pandait en secret ses larmes devant
le Seigneur; mais sa femme, moins
résignée que lui , exhalait sa douleur
en plaintes lamentables, et s'en pre-
nait à tout de Tabsence de sou fils.
Cependant Raguel avait enfin consen-
ti à laisser partir son gendre et sa
fille , après leur avoir donné la moi-
tié de ce qu'il possédait en serviteurs
et servantes, en troupeaux , en cha-
m,eaux , en vaches cl en une grande
i86
TOB
quantité cV argent. Les jeunes e'poiix
étaient arrive's le onzième jour à Cha-
ran, sur le clieminde Ninive, quand
Tobie et Raphaël se séparèrent de la
troupe, pour marcher phis vite, dans
le dessein de dissiper les inquiétudes
des deux vieillards. Anne, qui allait
tous les jours s'asseoir près du che-
min , sur le haut d'une montagne ,
pour attendre son fils, ne l'eut pas
plutôt aperçu qu'elle courut en por-
ter la nouvelle à son mari. Le chien,
qui avait suivi les voyageurs , vint ,
après elle , confirmer la nouvelle , et
témoignant sa joie par le mouve-
ment de sa queue et par ses cares-
ses. L'heureux vieillard , oubliant
qu'il était aveugle , se fit mener
au - devant de sou fils , et l'em-
brassa , dans les transports de la sa-
tisfaction la plus vive. Le jeune To-
bie, par le conseil do l'ange, prit du
fiel du poisson, en frotta les yeux de
son père; au bout d'une demi-heure ,
il en tomba une espèce de pellicule,
et Tobie recouvra la vue après en
avoir été privé pendant quatre ans.
Qui peut exprimer le contentement du
vieillard et sa reconnaissance envers
Dieu ? Sept jours après , Sara arriva
avec tout sou monde; et ce ne fut
plus que fêtes et banquets dans la
maison de Tobie. Cependant il était
juste que Raphaël, que l'on prenait
toujours pour un homme, reçût la
récompense de tous les seivices qu'il
avait rendus à Tobie et à son fils : ils
le firent venir ; ils lui ofirirent la moi-
tié de tout ce qui avait été apporté
d'EcbataJie; mais l'ange, découvrant
ce qu'il était devant le tronc de l'É-
ternel et la mission qu'il en avait re-
çue, leur adressa des conseils, ctdis-
jiarul à leurs yeux. Le père et le fils
se prosterntuent le visage contre ter-
re. Le saint vieillard rlianta, dans la
profonde (-moliou de son auie, un su-
TOB
blime cantique , en vingt-trois versets,
que l'on peut voir dans le livre de
Tobie, chap. xii. Tobie vécut encore
quarante-deux ans , et vit les enfants
de ses petits-fils. Il mourut à Ninive,
à l'âge de cent deux ans, laissant à
son iils des leçons excellentes et
l'exemple de ses vertus. Celui-ci de-
meura à Ninive tant que sa mère vé-
cut; mais après sa mort, il en sortit,
suivant les avis de son père , et se re-
tira à Ecbatane, auprès de Raguel ,
dont il recueillit la riche succession ;
et il y mourut, âgé de quatre-vingt-
dix-neuf ans , entouré des regrets de
sa nombreuse postérité , qui persévé-
ra long-temps dans l'observation de
la loi du Seigneur , dont il avait don-
né l'exemple. Nous avons tâché de
conserver à cette histoire toute la naï-
veté qu'elle a dans les livres sacrés.
Si elle présente quelques di/llcultés ,
nous ne sommes pas chargés de les
résoudre : c'est l'atiaire des commen-
tateurs. Voyez domCalmet, la Bible
de Vence , etc. En quelle langue ie li-
vi'e de Tobie a-t-il été écrit? !e célè-
bre Jahn ppnse qu'il l'a été eu grec :
Introduct. in Libros sacros , page
453. En quel temps a-t-il été écrit?
le même philologue ne le fait pas re-
monter plus haut que 200 ou i5o
ans avant J.-G. Quel en est l'auteur?
on conjecture que c'est Tobie le
fils ; mais on n'en a pas de preuve
certaine. Quelques critiques ont pré-
tendu que le Livre de Tobie renfer-
me plutôt une allégorie qu'une his-
toire; mais ce sentiment a peu de
partisans , et ne ])araît pas aussi siir
que l'autiT. Voyez , sur tout cela , le
livre de Jahn , que nous venons de
citer , et les ouvrages philologiques
de J. Bernard de Rossi. Saint .lérù-
me a tradi-iit m latin , sur le cli.'.Idaï-
qne, le Livre de Tobie; et l'i-'/glise a
adopté sa traduction , comme la plus
TOB
claire et la plus dégagée de circons
tances étrangères. Les Juifs ne recon-
naissent pas ce livre pour canonique^
mais ils le lisent avec respect , com-
me contenant une histoire vénérable
et pleine de sentiments touchants et
d'une excellente morale (i). L-b-e.
TOBIESEN. F. Duby.
TOBIN (John), auteur dramati-
que anglais, naquit à Salisbury, en
I nno. Lorsque la guerre d'Amérique
vint à éclater, son père, jugeant sa
pre'sence nécessaire à l'île de Ne vis ,
où il avait des plantations , partit
avec sa femme , laissant en Angleter-
re trois de ses iils , sous la protection
de leur grand-père maternel, John,
placé à l'école de Southampton, sur-
passa bientôt ses condisciples , et ma-
nifesta de bonne heure un goût très-
vif pour le spectacle. La récompense
destinée , dans cette école, à ceux qui
produiraient les meilleures coraposi-
tionslatines, était d'assister auxrepré-
?entations que donnait , tous les ans ,
dans cette ville, une troupe de comé-
diens j et Tobin obtenait toujours le
prix. Après les heures d'étude, il se
dérobait , pour aller méditer en si-
lence, à la vie active et aux plaisirs
du jeune âge. La pèche était presque
son unique délassement. Recherchant
(i) Tehie , poème en qnnire citants et en prose
par M. Leclerc , parut en 1-73 , iu-19.. La To-
hiade ou Tobie secouru jtar Vnnç^e , poènip en dix
chants, 178G , in-19. , est de l'aUbé Leroy, curé
de Marville. Florian a fait aussi uu petit poème
en vers , sous le titre de Tohie. L'académie de
Niort proposa, en i8oç( , pour sujet du prix qu'elle
devait décerner l'antiee suivante , un poème sur
Tobie; dix-sept pièces furent envoyées au con-
cours; aucune n'obtint le prix; deux mentions
honorables furent accordées à MM. C.harriu et
Lecluse. L'ouvrage de M. Charrin a été imprimé
avec d'autres pièces , 1810, in-n. Une tragédie
en un acte fut imprimée , en inn4 , parmi les
OEuvres de Mesdames Des Roches ( V oy. DES
Roches , XI , î3(>) : cette pièce est aussi attribuée
à Ch. J. de Gurrrens ou Guerrans , né en i543 ,
et mort eu iSSS. Une autre tragédie de Tobie a
pour auteur Gal)riel liretou-de In-l'ond ; cnfia
Jacques Ouyï'-He-liOnviers donna une tra;>édie de
'l'ohie eu cini| ai te» et vu v.rs , imprimée en
i(i«6 , in-io!. A. It -T.
TOB 187
les lieux les moins fréquentés , il com-
posait, sa ligne à la main, des chan-
sons , dont son frère aîné était seul
confident. La guerre avec l'Améri-
que ayant cessé, leur père, de re-
tour dans sa patrie, ouvrit à Bris-
tol une maison de commerce; et
comme il avait lui-même de l'ins-
truction, il applaudit à l'ardeur que
ses fils montraient pour les études
littéraires, ne regardant d'ailleurs la
poésie que comme une innocente ré-
création. John Tobin fut mis, à dix-
sept ans, chez un avoué, àLincoln's-
Inn ; et , grâce à une rare facilité, il
se distingua bientôt entre les autres
elercs , par son exactitude et par
sa célérité dans un tra\^ail qui cepen-
dant ne lui inspirait que du dégoût.
Doué de cette précieuse faculté
d'abstraction , qui permet à la pen-
sée de s'exercer au milieu du bruit
et des distractions , tandis que sa
main était occupée à expédier des rô-
les, sou esprit se livrait tout entier
aux objets de sa prédilection. Son
penchant pour le théâtre était deve-
nu irrésistible; et il savoura le plaisir
de la composition. Avant l'année
1794, il avait terminé, entre autres
ouvrages , plusieurs opéras et une tra-
gédie, qui furent rejetés par les co-
médiens. Le jeune poète ayant échoué
dans le genre tragique, s'essaya dans
la comédie; et pendant une indisposi-
tion qui le retint quelque temps dans sa
chambre, il composa la pièce intitu-
lée :1a Table de pharaon (the Faro
Table). Le célèbre Shéridan , au ju-
gement de qui elle fut soumise, trou-
va qu'elle ressemblait trop à sa pro-
pre comédie , V Ecole du scandale ,
et craignit d'ailleurs qu'on n'y vît la
satire d'une noble dame , connue
pour tenir chez elle une table de ])!ia-
raon. \j Entrepreneur ( the Uiider-
taker) , que produisit ensuite Tobin,
iS8
TOK
n'eut pas plus d'accès au lliéàlic,
mais fut admiré des lecteurs. Le Nor-
mand, drame romantique, en cinq
actes, intitule depuis le Coui>re-feu
( tlie Curfew) , dont le sujet est pris
dans les temps féodaux , fut également
refusé des comédiens. L'auteur ne
perdit point encore courage. A l'épo-
que où les drames de Kolzcbue et le
Fizarre de Sliéridan avaient ia plus
grande vogue en Angleterre , il écrivit
son drame des Indiens , dont le héros
est le général Bov\ les , fameux par
des aventures extraordinaires; mais
il était dans ia destinée de J. Tobin
de voir successivement repousser tou-
tes ses tentatives dramatiques. Le Pé-
cheur, drame lyrique , et V École des
auteurs ( 1 800 ) ne furent pas plus
heureux. Une petite pièce qu'il avait
composée autrefois fut la seule que
l'on représenta; et ce fut au profit
d'un comédien : elle eut du succès ;
toutefois l'auteur la retira, craignant
de se nuire en se faisant connaître
par unesimple farce, à sondéhutdans
une carrière qu'il se promettait de
parcourir plus gloiieusement. Tobin
soumettait toutes les productions qui
.sortaient de sa ])Iume à la critique de
jeunes gens instruits , qui se réunis-
saient dans l'appartement occupé
par lui et son frère. On y éleva un
jour cette question : « Pourrait- on
espérer que l'ancienne comédie an-
glaise, renouvelée aujourd'hui, telle
qu'elle était au temps de Shakspea-
i-e et de Flelclier, fût goûtée du pu-
blic.^ » Tobin n'énonça point son opi-
nion ; mais il se mit au travail, et
appoila , quelque temps après , le
manuscrit de la Lune de miel ( the
Honey-moon), la [)lus célèbre de ses
comédies. Malgréles observations qui
bnent faites sur l'ixlravagancc du
sujet, sur l'invraiseinhlaure des iu-
ridcnls, cl .suid'autrcs imperfections
lOR
que l'auteur n'avait pas cherche h
éviter, elle fut présentée aux comé-
diens. Refusée à Covent-Garden, les
directeurs deDrury-Lane se réser-
vèrent d'exprimer jilus tard leur sen-
timent; mais déjà Tobin n'était plus
en état de l'attendre. Sa constitution
avait été minée par une vie sédentai-
re et une application sans relâche.
Pendant dix années, il s'était refusé
presque tout exercice , toute récréa-
tion; à peine s'accordait- ii le som-
meil. La nature ne supporte pas de
telles privations. Lebesoin de respi-
rer l'air de la campagne conduisit le
malheureuxTobinau|)rès d'un parent,
dans le Cornwall. Là, ayant une ri-
che bdjliothèque à sa disposition , il
conçut le projet de donner une nou-
velle édition de Shakespeare, et plein
de cette nouvelle idée, ii parut avoir
onblié les travaux où il avait consu-
mé sa vie. Ce fut cependant alors que
sa dernière comédie fut reçue à Dru-
ry-Lane. Son frère, eu lui transmet-
tant cette nouvelle, l'invitait à com-
poser sans délai un Prologue et un
Epilogue pour la représentation pro-
chaine; mais ce qui, peu de temps
auparavant, n'eût été pour lui qu'un
jeu, était maintenant au-dessus de
.ses forces. La consomption l'emjjor-
tait rapidement. On lui conseilla d'es-
sayer l'ellct d'un voyage en Améri-
que, Il se rendait à Bristol, lorsqu'il
mourut dans le vaisseau, à peu de
distance de Cork, le 8 déc. 1804,
n'ayant encore que trente - cinq
ans. C'est ainsi que finit John Tobin,
sans avoir joui de la renommée que
méritaient ses talents, et qui retentit
sur son tombeau à peine fermé. On ne
peut lui accorder le mérite de l'inven-
tion et de l'originalité : mais il s'ap-
j)ropriail les idées des autres avec un
r.ire bonheur; et eu saisissant avec
habileté l'esprit des anciens auteurs
TOB
dr.imatiqiiesdesa nation, il a su échap-
per au reproche d'ailectatiou et de
manière. On estime particulièrement,
dans ses productions , le mérite du
style et l'art du dialogue. La Lune
de miel, donnée à Drury- Laue, le
3i janvier i8o5 , a été applaudie de-
puis sur tous les thétàtres de l'Angle-
terre et en Amérique. La pièce est en
vers blancs, mêles de prose. Le plan
est calqué sur ceux de Shakspeare
et de Fletclier; mais l'imitation con-
serve un air d'originalité. L'auteur
anéc;li<ïéàdessein toutes les unités de
lieu , de temps , d action ( i ). Le Cou-
vre-feu fut représenté avec succès,
vers 1 806 , et imprimé en 1 807. \jE-
cole des auteurs fut très- applaudie
en 1 808. La Table de pharaon ou le
Tuteur ( ihe Guardian ) parut en no-
vembre 1816. sur le théâtre de Dru-
ry-Lane, et fut imprimée la même
année. Miss Benger a publié des Mé-
viob'es sur John Tobin, Londres ,
1820, in -8*^. Ils sont suivis d'un
choix de ses écrits inédits, entre
autres: les Indiens, en cinq actes
et en vers ; un fragment d'une tragé-
die ; le Pécheur, opéra en trois actes.
— Son frère , James Tobin , mort
en i8i5 , cultiva la poésie avec
succès, dans sa jeunesse. Plus tard il
s'occupa d'un ouvrage sur la politi-
que coloniale. Partisan zélé de l'é-
mancipalion des noirs , il voulait pré-
parer ces malheureux à jouir un jour
de la liberté. Il reçut , pour celte gé-
néreuse intention , un témoignage pu-
blic d'estime du duc de Gloucestcr ,
dans une réunion de l'Institution afri-
caine, en 181 3. On a de James To-
bin des Observations sur l'Essai
(i) MM. Scribe, Mclcsvilic et C;irmouche, ont
domiéavrc Mircrs, .'i Paris, en mars 189.6, sur le
théâtre dcMad-iuie, La Lune de miel , comédie-
Taudevillc en dvn\ actes, licite pii-ce a cti- iin-
priinép «niR^fî , in-R". , et a en deux rtlition».
TOC ,89
de Ramsaj , relatif au traitement
et à la conversion des esclaves afri-
cains dans les colonies à sucre
1785, 1787 et 1788, in-80. l!
TOB LE R (Jean) naquit, en
17312, à Sainte- Marguerite, village
du Rliintal, oii son père étaitpasteur;
fit ses études au gymnase de Zu-
rich , où il occupa , depuis 1 734 , dif-
férents emplois ecclésiastiques , et
devint prédicateur et chanoine. Élè-
ve et ami des Bieitiuger , des Bod-
mer et des Gcsuer^ ii eut part aux
travaux et aux succès de ces réfor-
mateurs des lettres et du goût en Al-
lemagne et en Suisse. Dans sa jeunes-
se, il avait essayé de traduire Homè-
re, et il avait donné une très -bon-
ne traduction allemande des Saisons
de Thomson, Zurich, in-8*^., i-5-.
Les écrits ascétiques, ainsi que les
poésies religieuses qu'il a publiées
plus tard, kii ont acquis une grande
renommée. Devenu le chef d'une
famille nombreuse , vertueux, reli-
gieux et le meilleur des hommes , il ne
cessa de suivre les progrès des scien-
ces, et de nourrir dans sou ame cé-
leste l'espérance d'un meilleur avenir
pour sa patrie, désolée par tant de
bouleversements politiques. 11 mou-
rut h Zurich, en 1 808. U — i.
TOCHON D'ANNECY ( Joseph-
François : , antiquaire, né, le 4 nov.
i77'i,au château de i\Iez, près d'An-
necy, en Savoie , appartenait à une
famille ancienne, honorée par les
charges qu'elle avait occupées dans
la magistrature. Il iit ses études à
Turin, où il fut reçu docteur en droit.
Il était de retour dans sa patrie, en
1792, quand la révolution françaisey
étendit ses ravages. La Savoie, réu-
nie à la France par un décret de la
Convention , fut soumise aux nouvel-
les lois françaises. Son père fut obli-
gé d'émigrer , et lui-même, atteint
1^0
TOC
parla réquisition, fut contraint d'en-
trer dans l'ctat militaire. Ou l'envoya
à l'armcedes Alpes , où bientôt il ob-
tint l'estime de ses chefs , qui l'atîa-
cbèrent à l'état -major. Les évé-
nements au milieu desquels il se trou-
va lui fournirent plusieurs occasions
desedistinç^ucr, notamment à Toulon,
en 1 7g5 , où il sauva, au péril de sa
vie, plusieurs victimes poursuivies
par les révolutionnaires. Il était par-
venu au grade de capitaine , quand il
lui fut permis de quitter la carrière
militaire, en 1797. Ce cliangement
le rendit à des occupations et à
des études qu'il n'avait jamais ces-
sé d'afléctionner , et auxquelles , dès-
lors, il se livia avec une nouvelle ar-
deur. L'histoire et la littérature an-
ciennes l'attachèrent plus particu-
lièrement; mais bientôt une circons-
tance imprévue vint lui donner nne
direction plus spéciale. Il était, eu
1798, aux bains d'Aix en Savoie,
quand on lui montra des médailles
antiques récemment découvertes dans
le pays : elles fixèrent son attention ;
et dejiuis ce moment la numismati-
que devint l'objet constant de ses
études. 11 entreprit alors le voyage
d'Italie, pour se familiariser avec
les monuments de l'antiquité. 11 visi-
ta et étudia les belles collections si
nombreuses en ce pays , et il y acquit
un grand nombre d'objets précieux,
de bronzes , de vases grecs dits étrus-
ques , qui formJ-rent la base d'une col-
lection devenue bientôt une des plus
)ichesde la capitale. 11 consentit, en
I Hi 7 à la céder au gouvernement , et
elle forme encore un des beaux oriie-
mentsdu Musée royal. Les troublesde
ri ta lie le forcèrent de revenir enFran-
cc, en 1800, et il lixa alois son sé-
jour à Paris, l'anui les objets pré-
cieux qu'il avait icriieillis dans son
voyage, ou doit remarquer une belle
TOC
et nombreuse collection de médaillés
grecques et romaines, qu'il ne cessait
d'accroître tous les jours. Sa prédi-
lection pour ce genre de monuments
et les études profondes qu'il entre-
prit pour les expliquer lui donnè-
rent des connaissances pratiques qui
le placèrent au premier rang parmi
les numismates j et avant qu'il eut fait
connaître au monde savant aucun ré-
sultat de ses études , son nom était
déjà invoqué comme une autorité en
ces matières. En 1 8 1 5 , il publia mie
Dissertation sur l'époque de la
mort d'Antioclius Sidatès, roi de
Sjrie , in-4". Cet ouvrage ])eu éten-
du, mais très-important, suiHt pour
montrer les vastes connaissances de
son auteur, sa sagacité et la justesse
de son coup-d'ttii. Il iutéiesse éga-
lement l'histoire des successeurs
d'Alexandre et la critique d'un de
nos livres sacrés , celui des Macha-
bées : on y combat une opinion ad-
mise par Eckliel , et sanctionnée par
l'autorité dcVisconti. Les preuves
réunies dans ce travail , parurent si
fortes et si convaincantes que Vis-
conti lui-même s'empressa d'en ad-
mettre les conclusions. Une Notice
sur UJie médaille de Philippe-Ma-
rie Fisconti , duc de Milan, iu-4". ;
et une Dissertation sur Vinscription
grecque d'un vase trouvé à Taran-
te , et sur les pierres antiques qui
servaient de cachet aux médecins
oculistes, in-4''. parurent en i8i().
Bientôt après , Tôchon publia un
autre Mémoire sur lui point diilicile de
la science numismatique , c'est-à-dire
sur les médailles ini|)érialesd'un per-
sonnage nommé Marinus, resté incon-
nu à l'histoire. On avait penséque les
médailles grecciues de ce personnage ,
illustré ])ar les honneurs de l'apo-
ihc'ose , avaient (;té frappées pour un
individu aussi obscurdcuaissancc que
TOC
(le rang , décore de la poiirpre ini-
])énale'dans nue ciueute militaire , et
raassaci'é bientôt après par ses com-
plices , daus un pays oii l'on ne par-
lait pas grec. L'auteur a prouvé
dans ce ?.lémoire que ce n'était pas
sur les rives du Danube, mais sur les
frontières de l'Arabie, qu'avait vécu
le mystérieux Marinus , objet de tant
de discussions. Ses médailles présen-
tent la ])lus parfaite similitude avec
les monnaies grecques de l'empereur
Philippe et des princes de sa famil-
le; elles ont été frappées daus la mê-
me ville, qui est Pliiiippopolis d'A-
rabie, patrie de ce souverain, éle-
vée par lui au rang de colonie romai-
ne. Les médailles de Marinus, décoré
du titre de dieu , ne sont donc ainsi
qu'un témoignage de la piété fdiale
de Philippe , qui à l'exemple de plu-
sieurs autres empereurs, avait vou-
lu faire participer sou père à son il-
lustration persumielle. Ce travail ,
dout les résultats furent adoptés par
tons les savants, parut, en iSi-j, sous
le titre de Mémoire sur les médail-
les de Marinus, frappées à Fhilip-
popolis , in-4°. 11 est terminé par une
Notice intéressante sur une médaille,
encore unique, de l'usurpateur Jota-
])ianus. C'est vers cette époque, au
mois de décembre 1 8 lO , que l'au-
teur fut élu membre de l'académie
des inscriptions et belles-lettres, à la
place vacante par la mort de Giuguc-
né. L'année précédente, il avait été
nommé membre de la Chambre des
députes , parledépartementdu Mont-
Blanc , mais il y siégea peu de temps,
ce pays ayant cessé de faire ])artie
de la France. Les travaux intéres-
sants et solides , qui jusqu'alors
avaient occupé lenouvel académicien,
n'étaient que les précurseurs d'ou-
vrages ])lus considérables, et depuis
long- temps les objets constants de
TOC iri-
ses études. Nous voulons parler
des Reclicrches sur les médailles
des nomes ou préfectures de VE^y-
te. Les monuments de cette espèce ,
quoique assez nombreux sous le rap-
port de la variété des types et des
modèles, sont au total assez rares :
peu de cabinets et même de collec-
tions rovales en contiennent mi cer-
tain nombre. Le cabinet du Roi , à
Paris , n'en renferme qu'une petite
quantité. Tochon est jiarvenu à en
réunir une collection qui l'emporte
sur toutes les autres pour le nombre
et le choix des pièces. Il se procura
eu outre des empreintes et des des-
sins de toutes les médailles du mê-
me genre qui existent à Rome ,
Florence, Naples , Turin, Milan,
\enise, Berhn, Londres et Copen-
hague; etj sûr désormais de pos-
séder tons les matériaux nécessai-
res , il s'occupa sans relâche de la
composition de son ouvrage. Il eu
avait communiqué des portions con-
sidérables ài'lustitut, en 1818; mais^
jaloux de lui donner im plus haut
degré de perfection, il ne se hâtait
pas d'en entreprendre la publication.
Malheureusement, ses travaux fu-
rent ]>lus d'une fuis ralentis ou in-
terrompus ])ar une maladie grave,
dont il avait éprouvé les premières
atteintes, en i8i3, après une chute
qu'il lit pendant un voyage en Nor-
mandie , où sa voiture se brisa. \\
languit durant plusieurs années , et
enfin il succomba, le ao août 1820.
Ses excellentes qualités , sa lovauté,
sa douceur , l'avaient rendu cher à
ses amis, (t sa mort leur a causé de
profonds regrets. Son ouvrage sur
les médailles des nomes ou juéfectu-
res de l'Egypte était encore inédit,
lorsqu'il cessa de A'ivre ; mais la it»-
daction en était tout-à-fait achevée :
il a été publié en i8i'2, à l'impri-
102
TOD
merie royale , eu ua volume in^"-
Il contient un grand nombre de plan-
ches destinées à représenter les types
de toutes les médailles des nomes de
l'Egypte. Ce savant numismate s'é-
tait encore occupé de plusieurs au-
tres ouvrages , dont on doit infini-
ment regretter la perte. Parmi eux on
distingue un travail complet sur les
Médailles gauloises , qui aurait été
très-considérable • une Bibliographie
numismatique; un recueil des médail-
les inédites de son cabinet , avec des
descriptions el de courtes explica-
tions. La plupart des gravures qui
devaient accompagner cet ouvrage
étaient terminées , et un grand nom-
bre d'exemplaires en ont été répan-
dus parmi les numismates, qui ontpu
proliter aiusi des observalious de ce
savant et des richesses de son cabi-
net. II a composé, pour la Biogra-
phie universelle, divers articles,
parmi lesquels on distingue ceux de
Denys de Syracuse, Dion, Dioclé-
tien, Frœlich, Gélon, Hiéron, etc.
S. M— N.
TODE (Henri-Julien ) , natura-
liste, né, le 3o mai 1733, à Zollens-
pieker daus le duché de Holstein,
remplit dillcrentes fonctions , com-
me ministie ])rolcstant, dans le du-
ché de Mekieubourg, et mourut, le
3o décembre 1797, à Schwerin, où
il était suriulendant. On trouve plus
de piété que de poésie dans ses Can-
tiques cliréliens , Hambourg et Lu-
nebourg, 177 i , iu-8". Cependant on
en a admis ((uelques-uns dans les li-
vres de chaut destinés aux ollices pu-
blics. Comme naturaliste, ïodes'est
fait connaître pai- des Dissertations
qui ont paru dans les Mémoires delà
société d'histoire naturelle de Berlin
et par ses Fiingi Meklenburgenses
setccti , Luncbourg, 1790 et 1791 ,
n vol. in-4". , avec clix-se})t jdau-
TOD
ches. Dans la Préface^ l'auteur ra-
conte qu'en 177B , encouragé par
un de ses protecteurs, il commença à
cultiver les champignons , que jusque-
là il n'avait observés que dans leur
état sauvage. Après avoir , pendant
douze ans, travaillé, avec un soin
infatigable, à cette branche de l'his-
toire naturelle, il publia, en 1790,
le résultat de ses observations, Con-
sidérantles champignons, selon le sys-
tème de Linné , d'après leiu-s dille-
renccs sexuelles, il place en tcte de
sou premier volume un tableau dont
le teste est Semina jimgorum. Ses di-
visionssont: i°.Seminamida , cons-
picua. 2°. Tecta anie lempusjruc-
tescenliœ. En développant et en ana-
lysant ces deux phénomènes princi-
paux , il trouve occasion de classer
les champignons selon la diirérence
des genres et des espèces. G — y.
TODE ( Jean-Clément) , méde-
cin du roi de Danemark , et profes-
seur de médecine à l'universilé de
Copeidiague, naquit, le'i4 juin 1 706,
à Zollenstocker près de Hambourg ,
d'une familleoriginairede Danemark.
Après avoir fait ses études à Ham-
bourg, à l'âge de vingt-un ans, il
vint .à Copenhague, où des talents
précoces attirèrent sur lui l'atten-
tion du roi. A(in de perfection-
ner ses connaissances eu chirurgie,
il voyagea pendant trois ans, en
Hollande et en Angleterre , où
il eut occasion d'assister aux leçons
de maîtres renommés. Etant de retour
à Copeidiague, il ouvrit , en 1769,
un cours gratuit de médecine , et en
177a, il fut nommé professeur à
l'université , où il a formé d'excel-
lents élèves. La ])hipart des médecins
eu Daneniaïk. , en Norvège et dans
le duché <le Holstein , parlent avec
reconuaissau(-e des soins qu'il doiniait
à leur iusli urlion. Il prit utio part
TOD
très-active à la fondaliuu de la soi^
ciëto médicale de Copeiibatjuc, et à
celle d'autres établissements d'utilité
publique. Étant parvenu à un âge très-
avancé, il ne quitta ses fonctions de
professeur que quelques moisavant sa
mort, qui arriva le 1 6 mars i8o5.
On trouve sou nom , comme rédac-
teur ou collaborateur , à la tète de
cent vingt - sept dillérentes produc-
tions littéraires, dont soixante-dix ont
TOD 19I
in-8'^. La Feuille Ih'bilomadaire mé-
dicale, qu'en 1778 il commença à
publier en langue danoise, eut un
succès qu'aucun autre journal pério-
dique n'a obtenu en Danemark : c'é-
tait un genre nouveau pour ces con-
trées septentrionales. On y trouvait
une satire ingénieuse, animée , em-
bellie par la vivacité des pensées,
par la tournure piquante des expres-
sions et par les charmes d'une dé-
cente plaisanterie. Todé a aussi pu-
blié , en langue danoise : T. Be'-
paru eu danois , trente -trois en aile
raand, vingt-deux en latin et deux en
français. Soixante-dix sont relatives flexions impartiales sur la tj'pogra
à la médecine; les autres appartien- phie en Danemark , Copenhaaie
nent à la pbilosopliie ou à la litté-
rature; cmq sont des journaux, et
six des dissertations polémiques. La
plupart de ces productions attestent
la tournure vive , gaie , saillante de
son esprit, l'indépendance et la fran-
chise de ses opinions ; partout ou
trouve des connaissances profondes^
soumises à la direction d'un sens
droit et d'une raison exquise. Dans
les universités d'Allemagne, il s'est
fait particulièrement connaître par
les ouvrages suivants : I. Bibliothè-
que médico- chirurgicale , Copen-
hague, 1774-87, 10 vol. in-8'. IL
Conversations sur la médecine ,
ibid. , 1785-178.'), 4 ^'ob in-8°.
III. Annales médicales , ibid. 1 787-
1792, i3 n*^'*. in-80. IV. Formu-
laires d'ordonnances médicales ,
ibid., i79'i-i798, 5 vol. in-8<*.
Y. Journal de médecine , 179^-
i8o4 , 5 vol. in-8°. \I. Instruction
sur la matière médicale, 1797, 'i-
vol. in 8". VIL Science médicale
en général , ibid. , 1798, -i vol.
in-8". YllI. De la goiiorrliée , Co-
penhague, 1774^ in-8". IX. Delà
manière de guérir la gonorrhée ,
Copenhague, 1790, in-8''. X. JVou-
f elle grammaire da?ioise pour les al-
lemands ( ail. ) , (]opcn!iaguo, 1 798,
in-8o.IL OEnvres en prose, Copen-
hague , 1793, 8 vol. in-80. III,
Fables originales et contes pour
la jeunesse des deux sexes , Co-
penhague , 1793, in -8°. Les fa-
bles de ce Recueil sont bien , comme
l'assure l'auteur , originales , se rap-
portant exclusivement aux mœurs et
aux habitudes de !a nation danoise.
Il a composé pour le théâtre danois :
I. Les Officiers de marine, comédie
en cinq actes, Copenhague, 178'^,
in-8°. II, Le Démon des mariages,
comédie en cinq actes, Copenhague,
1 783, in-8°. Ces deux pièces ont eu du
succès; celles qu'il a publiées depuis
étaient d'un faible intérêt. Joignant
à une activité extraordinaire un pen-
chant trop porté aux attaques incon-
sidérées de la satire, Todé s'est sou-
vent jeté dans des polémiques im-
prudentes, etqu'il n'a soutenues qu'ai
vec beauconp de peine soit en Da-
nemark , soit en Allemagne. Ses dé-^
bats avec Baldinger, professeur À
Marbourg, furent très-vifs et très-
animés. Vof. \°. Le Dictionnaire
des grands hommes de Danemark,
par Woi'm , vol. n , 49^ ( fn da-
nois ); "2". Tableau moderne de
Copenhague, i8o6,u"s, 40^ 47»
(dan.) G— Y. '
194 TOD
TODERINI ( Jean - Baptiste ) ,
littérateur , né , à Venise , en 1 728 ,
entra chez les Jésuites , et professa la
philosophie à Vérone et à Forli. Il
connut le marquis Maffei^ qui lui
inspira le goût des études archéo-
logiques. Il s'était amusé à rassem-
bler une collection de médailles des
rois Goths , et il en avait entrepris
une autre sur les Jésuites. Après
la suppression de son ordre , il s'at-
tacha au baïle Garzoni , qu'il suivit,
en 1781 , dans son ambassade à
Constantinople. Son séjour dans cette
ville, qui se prolongea jusqu'à l'année
1786, lui suggéra l'idée d'étudier la
littérature des Turcs , dont il con-
naissait très-imparfaitement la lan-
gue. Il se lit une bibliothèque de
livres et de manuscrits arabes , ra-
massa des instruments astronomi-
ques _, nautiques et géométriques ,
sortis des ateliers musulmans, et se
chargea d'apprendre à l'Europe que
les Turcs possèdent des imprimeries ,
des bibliothèques , des académies,
et qu'ils ne sont rien moins qu'étran-
gers à la belle littérature. Il est cu-
rieux de l'entendre parler de ses rap-
ports avec les gens de lettres de ce
pays. « Je cultivais , dit-il , l'amitié
» de quelques savants Othoinans, et
» surtout du viuderis de la Validé ,
» afin d'assurer mes recherches , et
w d'éclairer mes doutes. S'il arrivait
» que ces savants ne fussent pas d'ac-
» cord entre eux, je m'adressais au
» mufti, qui tranchait la question par
» wnfctfa , ou jugement définitif. On
» trouve, à la porte de son palais ,
» des écrivains chargés de recevoir
)) les demandes. Au bout de quelques
» jours, on se présente de nouveau ,
» et pour une faible somme d'argent ,
» on a la décision ou le fotfa , signé
» de la main du mufti. Si la question
)) blesse ouvertement la loi, on vous
TOD
» la renddesuite,eD vous disant qu'il
» n'y a pas de réponse. » Avec ces
secours, dont on doit apprécier la so-
lidité, Toderini fut en état de compo-
ser son ouvrage, qui étonna par la
nouveauté du sujet (i). A peine fut-il
annoncé, qu'on s'empressa de le lire
et de le traduii-e en plusieurs langues.
Le cardinal Borgia, chez lequell'ab-
bé Toderini s'était fait annoncer com-
me l'auteur de la liltérature de:
Turcs , lui demanda un jour s'il en
avaittrouvé la langue difficile? — «Je
» n'ai pas eu le temps de l'appren-
» dre , lui répondit naïvement Tode-
» rini. — Bravo ! hravissimo ! re-
» prit en riant son émineuce , je ne
» puis que vous admirer : vous avez
» parlé de ce que vous n'entendez
» point. » Toderini mourut à Venise,
le 4 juillet 1799. Ses ouvrages sont:
I. Dissertazione sopra un legno fos-
sile ; — sulV induramento di molti
hachi du seta ; — suW Aurora bo-
réale ^ Modène , 1770 , in-4°. II. Fi-
losojia Frankliniana dellepuntepre-
seivatrici dal fulmine ,\h\à.^ ^77'?
in-4°. m. La Costantiniana appa-
rizione délia Croce , contra al pro-
testante G. Alberto Fabricio , Ve-
nise, 1773 , in-4°. IV. Orazione in
morte di Alvise IV Mocenigo , do-
ge di Venezia , ibid., 1778 , in-4".
V. L'onest' uomo , saggi di morale
filosofia , ibid. , 1780 , 1785, in-
8". Vi. Della letteratura turches-
ca , ibid. , 1 787 , 3 vol. in-8". , tra-
duit en français par Cournand , Pa-
ris, 1789 , 3 vol. in-8". ; et en alle-
mand, par Ilansleutner , Konigs-
berg , 1790 , m - 80. VII. Nuo-
ve osservazioni sopra il camaleon-
tc di Smirne ; — sidl' andamento
(il 11 nvalt rti- tli i-i tr.iiti' pnr J.-B. Donado ;
mtii» pcrMiiiiii: ne songeail plu» i «on ouvrane iii-
lltulr: Drllci Ulleralum eit' Tiirchi , Venise,
16B8, in- 11.
TOF
de ijuadrupedi ; — sopra due an-
tichissimi Alcorani ed alcune mo-
nete enfiche , Padoue, i8io,in-8».
A — G — s.
ÏOFINO DE SAN -MIGUEL
(Don VictNTE) , astronome espa-
gnol , était originaire de Galice,
mais ne' à Carthagène ou au Mexi-
que , en \1'\0. Il entra de bonne
heure dans la marine, et se livra
avec tant d'application et de succès
à l'étude des hautes sciences , que le
gouvernement,ponr utiliser plus avan-
tageusement ses connaissances , le
nomma, sur la proposition de dou
Jorge Juan, en 1770, professeur
de l'académie des gai'des - mannes ,
dans l'île de Léon. La guerre de l'in-
dépendance de l'Amérique ayant con-
vaincu Charles III de la nécessite'
d'augmenter sa marine et d'encoura-
;ger les progrès de la navigation , il
chargea, en 1^83 , Tofiùo et d'au-
tres savants, à son choix. , de parcou-
rir les côtes d'Espagne, ainsi que
les îles reconnues par les vaisseaux
dans les voyagesd'Amérique; d'en le-
ver les cartes et de les publier avec le
résultat de leurs observations, qui de-
vaient servir à expliquer ces cartes.
Tofino travailla constamment à pro-
pager l'étude de l'astronomie eu Es-
pagne. Depuis 1773^ il lit jonrnelle-
mcnt pendant seiz.e années des ob-
servations astronomiques à l'obser-
vatoire de Cadix, qui ne furent in-
terrompues que par les devoirs que
lui imposaitson gradcdecaj)itainede
vaisseau. Les savants français Borda,
Pingre, Fleurieu et Verdun, étant
allés visiter cet établissement par
ordre de leur gouvernement , don-
nèient des éloges à l'état florissant
de l'observatoire , et à l'intelligence
avec h'Kpielle Toliho et dou Jos.
Varela , son élève et sou ami ,[F. ce
nom) , faisaient leurs observations {F.
TOF igt)
Lalande , Introduction à sou Trai-
té d'u4stronomie). Toliùo était de-
venu successivement directeur des
compagnies des gardes-royales de
la marine, en 1786, brigadier
des armées navales d'Espagne , mem-
bre de l'académie d'histoire de Ma-
drid , et coirespondant des acadé-
mies des sciences de Paris et de Pal-
ma , lorsqu'il muuiut a lMadiid,en
i8o6( 1 ). On a de lui : I. Cumptndio
de la Geometria elenientalj- Tri-
gonometria rcctilina , en la isia de
Léon, 1771 , in-40. Ce Traité do
géométrie, destine aux élèves de la
marine , et dont il a paru plusieurs
éditions, est suivi d'une Table des
Sinus et des Tangentes : c'est un ou-
vrage estimé pour sa" mélliode et sa
clarté. II. Observaciones astronomi-
cas hechas en Cadiz en el observa-
torio real de la compania de caval-
ières guardas- marinas , Madrid ,
177G et 1777. 2 vol. in-4''-, elles
sont exactes , intéressantes et nom-
breuses. III. Atlas des Côtes d'Es-
pagne, 1786, in- fol. max. IV.
Dénotera de las costas de Es-
pana en el Mediterraneo , y su
correspondenle de Ajrica , para
intelligencia y uso de las cartas en
fericas , Madrid , 1 787 , in-4 '. , ib. ,
1795 , in-4''. L'auteur a mis en tête
de cet Ouvrage une Introduction qui
renferme l'Histoire de la Géométrie
et des progrès immenses que les
modernes ont faits dans cette scien-
ce. Il avoue modestement avoir
suivi , dans toutes ses opérations as-
tronomiques, les méthodes adoptées
par les astronomes français, Picard
et La Hire , en combinant , autant
que possible , les opérations terrestres
avec les opérations maritimes. V.
(1) Suivaut Lalande (Wi'si. ahiégée île l'aslro
mie, p. ^63 ). Tolino mourut à Cadix eu i^gj
i3..
196
TOG
Derroiero de las costas de. Espana
en el Oceano atlantico j las islas
Açoras , Madrid, 1790. Ce rou-
tier est le complément de l'ouvrage
précc'dent , et tous deux servent à
expliquer les cartes de l'Atlas. C'est
avec raison qu'un journal français,
çn donnant des e'ioges à cotte der-
nière production de Tofino , l'oppose
comme un argument sans re'plique à
ceux, qui demandent ce que V Espagne
a fait pour les sciences depuis deux
siècles , depuis mille ans ? L'abbe
Cavanilles , dans ses Observations
sur l'article Espagne Ae la Nouvelle
Encyclopédie, avait déjà refuté cette
question , où Masson de Morvilliers a
fait preuve d'autant d'ignorance que
de présomption. Les noms de Jorge
Juan, â'Ulloa , de Tofino et de
Varela , dont l'Espa gne s'honore, té-
moignent qu'elle n'est point restée en
arrière pour les sciences mathémati-
ques dansle dix-huitième siècle. A-t.
T 0 G R A I ( MoUAYYAD -FDDYN
Abou-IsmailHocein al-), fiis d'Ali,
natif d'Ispahan, se rendit très-célè-
bre par son talent pour écrire en
prose et en vers , d'où vient qu'on
Ini donne quelquefois le titre de
Fakhr-Elcattah , c'est-à-dire, l'hon-
neur des hommes de plume. Il fut
vezir de Mas'ond , fils de Moham-
med , Se'djoukidc , sulthan de Mos-
sul. Ce sultan étant en guerre avec
son frère Mahmoud, ils se livrèrent ^
en l'an 5 1 4 ou 5 1 5 de l'hégire ( 1 1 20
on 1131 de J.-C. ), une grande ba-
taille pris de Hamadan, dans la-
quelle la victoire demeura à Mah-
moud. ( f'oy. Mahmoud, XXVI,
174, ctMAs'ouD, XXVn,383}.
Togr.i'i , qu'on appelait comiau-
nénioiit .^lostad , c'est-à-dire , le
maître ou le docteur , tomba un des
premiers au jiouvoir du vainqueur ,
et le ve/ir dcMahmouil .'^e hâta de le
TOG
faire mettre à mort , sous le faux
prétexte qu'il professait la doctrine
des Molaheds ou Ismaéliens ; mais
dans le vrai , parce qu'il redoutait
son talent. Tograï avait alors, en-
viron soixante ans. Ce qu'il y a
de certain , c'est qu'il en avait plus
de cinquante- sept ;, comme le té-
moignent des vers qu'il fit à cet âge,
à l'occasion de la naissance d'un fils,
et où il s'exprimait ainsi : « Cet en-
» faut, qui m'est né dans mes vieux
» jours, a charmé mes regards, et
» en même temps m'a inspiré de
» graves réflexions ; car cinquante-
» sept ans laissent des traces même
» sur la face de la pierre la plus du-
» re, » Tograï avait servi précédem-
ment Melik-Chah, autre sulthan seld-
joukide,filsd'Alp-Arslan,etMoham-
med,fils deMelik-Chah (/^. cesnoms).
On a fait un recueil des Poésies de
Tograï , parmi lesquelles le poème
le plus célèbre est celui qu'on nom-
me Lamijja al-adjem , qu'il com^
posaàBaghdad, en l'an 5o5. Cepoè-
me est nommé Lamiyya parce que
tous les vers se terminent par la let-
tre lain ou L • et on aionte al-a dj em ,
c'est-à-dire , des Persans , pour le
distinguer d'un ancien poème nom-
mé Lamiyya des Arabes , qui a
pour auteur Schanfari , ou mieux
Schanfara {F. Chanfauy ). Ce poè-
me de Tograï a été traduit en latin ,
par Edouard Pococke, et publié avec
cette version latine, à Oxford, en
iGGi, par Samuel Leclerc, qui y a
joint un traité de la Prosodie arabe.
Golius l'avait aussi traduit en latin ,
et sa traduction a été imprimée avec
le texte arabe, à Utrccht, en 1707,
par les soins de iM. Malhias Ancher-
5on , devenu peu après professeur de
philosophie en l'université de Co-
penhague. Les exemplaires de cette
édition sont très -rares , l'édition prcs=
fine enlit're avant pcri en mer dans
le trajet de la Hollande à Copenha-
gue. Une nouvelle édition du texte et
delà traduction de Golius , accompa-
gnée de gloses arabes et de beaucoup
de notes, et due à M. Henri Vander-
Sloot , a paru à Franeker , en i ■jôq.
Il y a eu plusieurs autres éditions de
ce poème de Tograï , , et il en existe
des traductions en français ( J^. P.
Vattier ) , en allemand et en an-
glais : ou en trouve l'indication
exacte dans la Dihliotheca arabica
de Schnurrer.Nous devons seulement
ajouter que le poème de Scliaufara
et celui de Tograï ont encore été pu-
bliés ensemble , sans traduction et
sans aucune note , à Gasan , en 1814.
Le surnom de Tograï, sous lequel
notre poète est connu , signifie un
employé de chancellerie chargé de
tracer en gros caractères , sur les di-
plômes , l'espèce de chifl're ou para-
phe qu'on appelle d'un mot persan
togra, et qui doit contenir les noms
et les titres dusouverain, enlacés d'une
manière toute particulière. On le sur-
nommait aussi mounschi, ce qui dési-
gne une personne employée à rédiger
les lettres écrites au nom du prince.
Abou'Iféda dit que Tograï descendait
d'un des plus célèbres compagnons
de Mahomet , nomnaé Aboulas-wad
et surnommé Doïoli ou Douoli. On
dit encore qu'il était adonné à l'al-
chimie, et il y a de lui un traité
abrégé sur la pierre philosophale. Ce
traité est intitulé Irschad elaoïdad ,
la Direction des enfants; et d'Hexbe-
lot , trompé par ce titre , l'a pris
pour un livre sur l'éducation des en-
fants. S. DE S — Y.
TOTGT (Nicolas du) ou DEL
TECHO ( I ) , jésuite , né à Lille , en
(i) C'est son nïiin en cspti(;n(il sous lequel il est
«it« coHSlamuioat p.ir Im bisturteiis du Parafa;.
TOI 197
iGii, embrassa lu règle de saint
Ignace en i63o , et, après avoir pro-
fessé quelque temps les humanités
dans la Flandre , obtint de ses supé-
rieurs la permission de se consacrer
aux missions lointaines. Il s'cmbay-
barqua pour le Pai'aguay , en 1649,
signala son zèle apostolique dans
cette province, dont il devint supé-
rieur, et mourut vers 1G80. Ou a du
P. Del Techo l'Histoire des établisse-
ments de la société dans cette partie
de l'Amérique, sous ce titre : Histo-
ria proi'inciœ Paraguariœ soc. Je-
su, Liège, 1673, iu-fol. Cet ouvra-
ge estimable a été traduit en anglais,
et inséré dans la Collection des voya-
ges de Churchill , vi , 3 - 1 1 6. Le P.
Charlevoix s'en est servi pour la ré-
daction de son Histoire du Para-
guay. W — s.
TOINARD ou THOYNARD (i)
( JNicoLAS ) , seigneur de \ illau-
Blin, naquit à Orléans , le 5 mars
162g, de l'une des plus anciennes fa-
milles de cette ville , où son père était
président et lieutenant- général du
baillage et présidial. Il s'appliqua^
dès sa jeunesse, à l'étude des langues
anciennes et à celle des médailles,
où il fit de grands progrès. Con-
sulté par les plus savants antiquaires,
il se montra toujours empressé de
faire part de ses lumières et de sa
fortune à ceux qui cultivaient la mê-
me science. Il mourut, à Paris, le 5
janvier 1706. On a de lui : I. Deux
Dissertations latines , dont l'une sur
des médailles de Galba , de Caracal-
la et de Trajan, 1689, in-4°., et
l'autre sur l'empereur Commode ,
îGqo, même format. II. Des Notes
(1) On Tuit par les lettres onlograptips <1e ce 9a-
Vdiit <{u'il sigii'iît de ces deux manières; mais i»
prcmiire est celle cju'il adopla sur le ironlispice
des livres qu'il fit imprimer ( Fahre , Calalog. des
lu tes lie la biHiolh. d'Orlians, pag. XVl , BOt. )
igS TOI
sur le traité de Lactance : De morti-
bus persecutonim , i6go, in- 12. III.
Discussion des Remarques du père
Bouhours sur la langue française,
pour défendre ou pour condamner
la version du Nouveau-Testament,
connue sous le titre de Traduction de
Mons. Toinard publia cette Discus-
sion , sous le pseudonyme à'un abbé
albigeois. Cependant il s'en déclara
publiquement l'auteur, et il deman-
da même la punition du P. Rivière,
jésuite, qui avait osé l'attaquer dans
un autre ouvrage j mais par le con-
seil de ses amis , il laissa tomber cette
affaire, et supprima lui-même de son
livre les passages que Rivière avait
attaqués. IV. Cahiers de correc-
tions , Bruxelles ( Paris) , 1 70'i , in-
12. C'est une critique de la traduc-
tion du Nouveau-Testament de Ri-
chard Simon. Toinard eut beaucoup
de part à l'ouvrage du cardinal No-
ris , sur les époques syromacédonien-
nes. 11 avait laissé une grande quan-
tité de manuscrits qui ont été disper-
sés dans différentes bibliothèques. Il
faisait imprimer, à l'époque de sa
mort , une Concorde grecque des qua-
tre évangélistes, et il laissa des fonds
pour en achever l'édition, qui parut
en 1707, in-fol. M-d j.
TOIRAS ( Jean du Caylar de
Saint-Bonnet, maréchal de ), na-
quit à Saint-Jean de Gardonnenque
dans les Cevennes,le i'^'". mars 1 585,
D'abord page du prince de Condé ,
il devint lieutenant de la vénerie et
capitaine de !a volière du roi. Com-
me le ronuétalilc de Luynes, il dut sa
faveur auprès de Louis XIII à son
liabileté dans l'art de prendre les oi-
seaux, et jusqu'à l'âge de trente-cinq
ans , il sembla n'avoir pas d'autre
vocation; mais à celle époque, s'c-
vcillèrcnt tout-à-coiip en lui , la pas-
sion de la guerre et l'amour de la
TOI
gloire. Deux actions principales oat
suffi pour donner un grand lustre à
son nom , et pour l'élever à la plus
éminente des dignités militaires. Ca-
pitaine aux gardes , il avait d'abord
servi avec distinction aux sièges de
Saint-Jeau-d'Angely , de Montauban
et de Montpellier. Devenu maréchal-
de-camp , il eut la plus grande part ,
avec Saint-Luc et La Rochefoucault,
à l'expulsion du duc de Soubise de
l'île de Ré , dont ce chef dos pro-
testants s'était emparé. Mais la dé-
fense de cette même île, en 1621,
contre les Anglais , commandés par
le duc de Buckingham , et celle de
Casai, en i63o, contre les forces
réunies de l'Autriche et de l'Espa-
gne , sous les ordres de Spinola , le
])lus grand capitaine de ce siècle, je-
tèrent un éclat qui fit oublier ses pré-
cédents exploits. Enfermé à Saint-
Martin de Ré, avec une faible gar-
nison, dans une citadelle non encore
achevée j mal armée , mal approvi-
sionnée, dépourvue d'eau douce, in-
vestie par mer , et presque sans es-
poir de secours , il y résista pendant
cinq mois aux efforts redoublés de
l'ennemi , et ne se laissa décourager
ni par la faiblesse de ses moyens, ni
par le long abandon où on le laissa ,
ni par la mutinerie de ses propres
soldats livrés à toutes les horreurs
de la famine, ni par le chagrin de
la mort d'un de ses frères , tué sous
ses yeux, et c'était le second qu'il
perdait dans celte île. La levée du
siège et l'embarquement précipité
des Anglais , à l'arrivée d'un secours
auquel Toiras les avait mis horsd'é-
tat de tenir lêtc , tels furent les consé-
quences glorieuses de son courage,
de la fermeté de son caractère et de
son habileté. A Casai , attaque par
des forces bien plus imposantes, et
par un adversaire bien autrement
TOI
redoutable que Buckingliam , aux.
mêmes obstacles qu'il avait eu à sur-
monter dans l'île de Re' Se joignirent
le défaut d'argent , la malveillance
des habitants , la trahison ^ la défec-
tion des troupes italiennes que le duc
de Mantoiie entretenait dans la place ,
et une maladie grave dont Toiras
fut atteint. Il subvint à l'épuisement
des caisses par le sacrifice de sa vais-
selle et par son crédit; il se rendit
personnellement responsable de la
monnaie obsidionale qu'il fut forcé
de créer , et il la retira en ellét après
le siège , avec une extrême fidélité.
Sa vigilance et sa sévérité rendneut
vaines les trames ourdies contre luij
et la bravoure des soldats français ,
animés par l'exemple de leur chef,
déconcerta toutes les entreprises de
l'ennemi. Indépendamment des nom-
breuxcombats qui furent livrés sur les
remparts mêmes de la place, Toiras
fit plus de soixante sorties , presque
toutes heureuses , pendant la durée
du siège , qui fut de près de six mois.
Dans l'admiration de tant de cons-
tance et d'intrépidité : a Qu'on me
» donne, disait Spinola, cinquante
« mille hommes aussi vaillants et
» aussi bien disciplinés , et je ferai la
» conquête de l'Europe entière. »
Une trêve et ensuite la paix mirent
fin à de si héroïques travaux. Le bâ-
ton de maréchal de France en fut la
récompense pour Toiras. Il eut, peu
de temps après , à la place du maré-
chal de La Force , le commandement
en chef de l'armée française au-delà
des Alpes, et le titre d'ambassadeur
extraordinaire , conjointement avec
Servien , pour les négociations de la
paix entre le duc de Savoie et le duc de
JVIautouc. Il signa, en celte qualité, les
trois traités de Chcrasco , qui mirent
fin à la guerre en Italie, et celui par
lequel Pignerol fut cédé à la France.
TOI 199
Il avait aussi été chargé de confédé-
rer toutes les républiques et tous les
princes d'Italie , pour rendre cette
contrée tout-à-fait indépendante des
auti-es puissances j mais il ne réussit
qu'à liguer le duc de Savoie avec
Venise. Tandis qu'il augmentait ain
si au dehors la considération de la
France et sa propre renommée , il
tomba dans la disgrâce du cardinal
de Richelieu. Soit que l'indépendan-
ce de son caractère n'eût pas fléchi
sous la toute-puissance du premier
ministre , soit qu'il l'eût peu ména-
gé dans quelqu'un de ces emporte-
ments auxquels il était très-sujet, il
est certain que le cardinal nourris-
sait dès long-temps contre lui une
secrète malveillance. On en avait re-
gardé comme un symptôme le mau-
vais accueil fait par le garde-des-
sceaux Marillac à Toiras, après sou
héroïque défense de l'île de Ré. De-
puis, Richelieu avait voulu s'oppo-
ser à ce qu'on le fît maréchal de
France : forcé de céder à l'enthou-
siasme qu'avaient excité à la cour et
dans le public les services de Toi-
ras au siège de Casai , il avait con-
servé un secret dépit de cette espèce
de violence ; peut-être aussi ne voyait-
il pas saus jalousie et sans crainte la
gloire dont s'était couvert le maré-
chal , et l'importance qu'elle lui don-
nait dans l'état et chez l'étranger.
Peu de temps après, la part que
deux frères de Toiras prirent à la
révolte de Gaston et de Montmoren-
cv devint un nouveau motif de res-
sentiment contre le maréchal , bien
que celui-ci , sollicité d'entrer dans ces
mouvements, les eût dénoncés au mi-
nistre. Quoiqu'il en soit, le cardinal
cacha ses mauvaises dispositions, et
pour faire rentrer Toiras en France
sans qu'il pût en soupçonner le mo-
tif, il le fit nommer chevalier de
2<Jo
TOÎ
l'ordre du Saint-Esprit , et l'invita à
venir recevoir le cordon ; mais le
maréclial ne donna pas dans le piè-
ge, et s'obstina à rester en Italie.
Quand Richelieu vit qu'il ne pouvait
pas atteindre sa personne, il leva le
masque , et se déclara ouvertement
son ennemi. Il le priva de ses gou-
vernements , de SCS traitements , de
ses pensions , el le réduisit , en quel-
que sorte , à la misère. Des puissan-
ces étrangères se disputèrent aussitôt
la possession de cet illustre proscrit,
et cherchèrent à l'attacher à leur
service : mais il repoussa toutes ces
offres; et ces refus l'élevèrcnt encore
dans l'estime de l'Europe. Il en reçut
de fréquents et de glorieux témoi-
gnages dans les principales villes
d'Italie , qu'il visita pendant son
exil. La guerre s'élant rallumée , et
le duc de Savoie ayant uni ses inté-
rêts à ceux de la France , il choisit
Toiras pour son lieutenant-général ,
et Louis XIII autorisa le maréchal
à servir son allié en cette qualité.
Etant entré dans le Milanais, à la
Icte de l'armée qu'il commandait, et
})résidant lui-même à l'attaque de
Fontanelle, il fut atteint, en visitant
la brèche, d'un coup de feu , qui l'é-
tendit sans vie, le 1 4 juin i636.
« Les soldats , dit son historien ,
» trempaient leurs mouchoirs dans
» le sang de sa plaie, disant que tant
» qu'ils le ])orteraient sur eux, ils
» vaincraient leurs ennemis à la gucr-
)) re. » Toiras ne savait point se
contenir devant une injustice ou une
insulte. Un jour qu'il sollicitait du
garde-des-sceaux Marillac quelques
rcconi|)enses j)our les gens quiavaient
servi sous lui, ce miuislie, qui con-
naissait les sentinienls de Richelieu
à l'égard du maréchal , rejeta avec
dédain ses sollicitations : « Vous
» parlrit Jjit-n haut^ lui dit-il^ cinq
» cents gentilshommes en auraiehf
» fait autant que vous , s'ils avaient
» été à votic place, — La France
)) serait bien malheureuse, repartit
» Toiras. si elle n'avait pas plus de
» cinq cents hommes capables de
» servir aussi bien que moi; mais il
» y a plus de quatre mille français
» en état de tenir les sceaux aussi
» bien que vous ; s'ensuit-il de là que
)> vous ne deviez pas récompenser
» ceux dont vous connaissez le méri-
» te? » Un ofticier lui ayant deman-
dé la permission d'aller voir son pè-
re , qui était à l'extrémité, dans le
moment où l'on allait livrer bataille;
il la lui accorda , en disant gaîment :
« Tes père et mère honoreras , afin
» que tu vives longuement. » L'his-
tone du maréchal de Toiras a été
écrite par Michel Baudier , gentil-
homme de la maison du roi, et sou
historiographe, Paris, ir)44i in-fol.
et in- 12. V. S. L.
TOKTAMISCH-AGLEN, khan
ou empereur du Kaptchak, était issu
à la cinquième génération de Tous-
chy ou Djoudjy , ûh aîné de Djen-
ghyz-khan. Son mérite et son cou-
rage ayant donné de l'inquiétude à
Ourousch-khan , souverain de cet
empire , à la cour duquel il vivait ,
ce monarque ne vit ])his en lui qu'uù
rival dangereux, et voulut le poi-
gnarder. Toktamisch , échappé à I.x
mort par la fuite, entreprit de ravir
le trône à Ourousch ; mais il fut
vaincu, l'an -^-j-y de l'hég. ( iS-jS àc
J.-C. ) , et obligé de se sauver à Sa-
markand, où Tamerlan lui fit une
brillante réception , le combla de
]U'cscnts. et lui donna les pays de Sa-
i)ran , d'Otrar , de Saganak , de Se-
rai et plusieurs autres districts de
l'empire du Kaptchak. Toktamisch
fut hicnlôl attaqué ynr Coulhloug-
Rouga, fils d'Ourouscli-khan; clpcr-
TOK
dit une seconde ]>ataille qui coula îa
vie au vaiuqueui-. Forcé d'aban-
donner le Kiiptchak , il se disposait
à y rentrer avec les secours que lui
fournit Tamerlan , lorsqu'il essuya
une troisième défaite près de Sabran ,
dans un combat que lui livra Tokta-
kaya , autre fils d'Ourouscb-khan.
ïoktamisch n'évita les fers on la mort
qu'en se cachant trois jours dans des
roseaux , et en traversant le Djiliouu
à la nage. Seul, nu et blessé, il fut
rencontré dans un bois par un émir
de la tribu de Tamerlan , qui le ra-
mena à Bokhara. Ourousch l'ayant
vainement réclamé , vint camper
dans la plaine d'Otrar; mais la ri-
gueur du froid réduisit les hostilités
à des actions peu décisives. Dans la
campagne suivante , Toktamiscb , à
]a tète de l'avant-garde de l'armée de
Tamerlan , surprit une ville frontière
du Kaptcliak. 11 y fut battu par Ti-
mour-Melik, qui , après la mort de
son père Ourouscb-khan , et de son
frère Tokta-kaya , s'était emparé du
Kaptcbak. Ces circonstances déter-
minèrent Tamerlan à faire de plus
grands efforts en faveur de Tokta-
miscb , qui se rendit maîti'e de Saga-
tiak , et y fut installé khan avec les
cérémonies accoutumées , eu -j-jS
( 1876 ), 11 battit Timour-Melik ,
qui était devenu méprisable par ses
débauches et son incapacité , et con-
quit Serai et le Kaptcbak entier , à
l'exception des provinces du nord
où un général mongol se maintint
quelques années avec le titre de ré-
gent , par le secours de quelques
princes russes et de Jagellon , duc de
Lithuaiiie. Vainqueur de ce compé-
titeur, Toktamisch pénétra en Rus-
sie , l'an i38a, et, profitant de l'a-
narchie où l'autorité méprisée du
grand -duc Démétrius avait plongé
SCS états ^ il prit et brûla Moscou ^
TOK
201
quoique les liabitanls fussent venu.»
en procession , avec les reliques et les
croix , implorer sa clémence. Il
traita de la même manière Vladimir-
Svienogorcd , Moja'isk , Perejeslavie,
et dans sa retraite, il incendia aussi
Kolumna , et ravagea la principauté
do Rezan. Bien qu'il eût usé de perû-
diepour faire mourir le goiiverneurde
Moscou , il fut plus généreux envers
le grand-duc , et hù renvoya ses deux
lils. Mais ces incux'sions dans les
contrées septentrionales , peuplées de
Chrétiens , ne satisfaisant point l'am-
bitieux et avide Toktamisch , il for-
ma une enti-eprise imprudente qui
fut la cause de ses longs malheurs.
L'an i8n ( 1 38i)) , il envoya une nom-
breuse armée, qui, avantfranchiledé-
troitde Derbend, entra en Perse, prit
et saccagea Tauris , dévasta l'Adzer-
baïdjan, et exerça d'horiibles cruau-
tés sur les IMusulmans. Tel fut le
raolif de sa rupture avec Tamerlan ,
dont ses plus sages émirs lui conseil-
lèrent vainement de ménager l'ami-
tié , sinon par reconnaissance , du
moins par politique et par intérêt (/''^.
Tamerlan ). Aveuglé par la pros-
périté , maître d'un vaste empire ,
Toktamisch oublia les bienfaits du
conquérant , pour ne voir en lui que
l'usurpateur de l'empire de Djaga-
taï : il se déclara le vengeur de la fa-
mille de Djenghiz-khan, et ayant
rassemblé une armée que les poètes
orientaux comparent aux feuilles
des arbres et aux gouttes de pluie ,
il commença les hostilités, en 789
( iSSg). 11 obtint d'abord quelques
succès sur les généraux de Tamerlan;
mais la fortune lui fut toujours con-
traire , quand il osa se mesurer avec
ce conquérant. L'an 798 ( iSgi ) *
nne partie des troupes de Tokta-
misch étaient occupées , sous les or*'
dres de son i\U, à subjuguer le pays
20 2 TOK
de Viatka an nord de Kasan , lors-
que Tamerlan fit sa première inva-
sion dans le Kaptcliak. Il tenta d'ar-
rêter sa marche en lui envoyant des
présents , avec une lettre remplie de
protestations de respect , de soumis-
sion et de reconnaissance: toutefois,
informe' que ce monarque, maigre' sa
réponse pacifique s'av.'uiçait dans
le Kaptcliak , il le laissa pénétrer
jusqu'au delà du laïck , persuade
que sou armée ])ériiait de fatigue et
de misère , ou qu'épuisée et aifaiblie,
elle serait aisément exterminée. Dans
cette confiance, il attendit Tamerlan
avec des forces supérieures , entre le
laïck et le Volga j mais il fut totale-
ment défait. Sa fuite et la retraite
du vainqueur mirent une partie du
Kaptcliak au pouvoir de Timour-
Coutloug, prince du sang desKlians.
Toktamisch , qui avait triomphé de
ce compétiteur , se laissa entraîner
par de funestes conseils : il ré-
pondit avec fierté aux ouvertures
amicales de Tamerlan , et s'exposa
encore aux terribles effets de sa
colère. Vaincu de nouveau , en 791
( iSqS), entre le Terck et le Vol-
ga • et poursuivi dans sa fuite à
travers les provinces au nord de ce
dernier fleuve, il vil son em])ire dé-
vasté , et ses sujets égorgés ou traî-
nés en esclavage. Ledépart de Tamer-
lan ne rendit pas meilleure la position
de Toklamisch. Timour-Coutloug
chassa du trône le khan que le con-
quérant y avait placé , et lorça Tok-
taïuiscli lui-même de se réfugier au-
près de Vithoud , grand-duc de Li-
lliuanie. Vitlioud ,d;ins le dessein de
rendre à ce. jirincc l'empire du Kapt-
chak , marcha contre le:; Mongols ,
à la tête d'une nombreuse année de
Polonais cld'Allemaiids j mais il fut
liallii par les généraux de Timour-
Coutloug , qui lavagèrenl toute la
TOL
Lithuanie , en 1 4oo. Toktamiscli ,
déçu dans ses espérances , mena de-
puis une vie errante et aventureuse.
Il eut recours encore une fois à Ta-
merlan , envers lequel il s'était mon-
tré si ingrat; et ce monarque, voyant
l'état d'a)iarchie qui déchirait le
Kaptcliak , songeait à replacer sur le
trône son ancien protégé . lorsque la
mort anéantit ses projets. Tokta-
misch lui-même, qui s'était réfugié
en Sibérie , y fut tué par Djanibeig ,
prince de sa famille , l'an i4o6. Il
laissa des fils qui régnèrent un mo-
ment au milieu des troubles : mais
l'empire du Kaptcliak ne tarda pas
à être démembré, et de ses débris
se formèrent les royaumes d'Astra-
khan , de Kasan et de Crimée ( F.
Menghely-Gheraï ). A — T.
TOL aND (Jean) naquit, le 3onov.
1670, à Redcastle, près de London-
derry en Irlande , de parents catho-
liques. Étant allé faire ses études à
Glascow, puis à Edimbourg , il y em-
brassa le presbytérianisme. Ce chan-
gement lui procura en Angleterre , où
il rcsîa trois ans, des protecteurs qui
l'envoyèrent perfectionner son édu-
cation littéraire à Leyde , sous les
savants ]uofesseurs Spanheim et Tri-
gland. Revenu a Londres , il se mit
à dogmatiser avec beaucoup de
chaleur, dans les cafés, les taver-
nes et les clubs. Ayant obtenu
l'entrée de la bibliothèque bod-
h'ieniic à Oxford, il y recueillit des
matériaux pour plusieurs ouvrages
qu'il se jiropos.iitde com])Oser; et ce
iutliiqii'd commença le trop fameux
livre publié à Londres, en 1696,
sous ce litre : Le christianisme sans
mystèics. Partant de ce jirinripc
des Soriniens , qu'il n'y a rien ,
dans l'Evangile, qui soit au- dessus
de la raison, il cherche à détruire
tous les mystères de la religion chré-
TOL
tienne; et il accable le clergé des
plus atroces invectives. Forcé, pour
se soustraire à l'orage qu'excita ce
livre , de se sauver de Londres , il
crut trouver un refuge à Dublin ;
mais il recommença ses déclamations
scandaleuses dans tous les lieux pu-
blics , au point qu'on craignait de
passer pour avoir quelque relation
avec lui. Le parlement, excité parla
clameur publique, condamna son li-
vre , et ordonna des poursuites con-
tre sa personne. La crainte de se voir
appliquer la loi De comhurendo
hœretico , l'obligea de repasser en
Angleterre ; les esprits n'étaient pas
moins indisposés contre lui à Lon-
dres qu'à Dublin ; dénoncé à la con-
vocation du clergé , il profita adroi-
tement d'un conflit de juridiction
élevé entre les deux chambres de
cette assemblée pour soustraire son
livre à une condamnation inévitable,
au moyen d'une rétractation simu-
lée de quelques-unes des proposi-
tions les plusrépréhensibles. Le par-
lement , moins indulgent , condamna
l'ouvrage à être brûlé, sans rien pro-
noncer contre l'auteur. Leibnitza fait
de très-bonnes remarques contre ce
livre. A peine l'orage était-il calmé,
que Toland en excita un autre par
sa Fie de M Ut on , publiée en 1698,
et par la défense de cette Vie, don-
née , l'année suivante , sous le titre
à!Ainfntor. Cet ouvrage, rempli de
citations fausses, mutilées , alléguées
à contre-sens^ était dirigé contre l'au-
thenticité des livres du Nouveau-
Testament. En 17 08, Toland publia
à la Haye un ouvrage dans le même
sens , sous ce titre : yideisidemon ,
sive Titus Lii>ias à superstilione vin-
dicalus. Il n'y reconnaît d'autre Dieu
que la machine du monde, mue mé-
caniquement et aveuglément par el
le-mème , sans le secours d'aucune
TOL 2o3
cause agissante. Le savant Huet y
était très-maltraité. Ce prélat lépon-
dit par une Lettre qui fut imprimée
sous le nom de Morin de l'académie
des belles-lettres. Elle est la cinquiè-
me des Dissertations de l'abbé de
Tilladet. Huet revint sur ce sujet,
dans les Mémoires sur sa propre vie.
Toland publia encore à la Haye^ en
1 7 1 o , ses Origines judaïcœ , wx
Moïse et Spinosa sont représentés
comme ayant eu à-peu-prcs la même
idée de la divinité , et toute la j'évéla-
tion judaïque comme une production
humaine, dont l'authenticité est très-
incertaine. Sansevero ( V. ce nom) en
donna une réfutation. On retrouve le
même système dans \ç.Nazarenus, ou
le Christianisme judaïque , païen et
mahométan , qui parut en 1718. Il
n'y reconnaît Jésus-Christ que com-
me un homme , à qui cependant il
veut bien donner la qualité du plus
grand des prophètes. Le Telrad^y-
m«5, ouïes Quatre jumeaux {\']-2o)y
est un recueil de quatre Disserta-
tions qui fourmillent d'impiétés et de
contradictions. Les grandes vérités qui
servent de fondement à la morale et
à la théologie naturelle ne furent pas
plus respectées par Toland que celles
qui forment la base de la révélation.
C'est ce qu'on voit par ses Lettres
philosophiques à Serena { 1704 ),
nom sous lequel il désignait la reine
de Prusse , cà laquelle on croit cepen-
dant qu'elles ne fuient jamais en-
voyées. Ces Leitres sont au nombre
de six. Il s'applique à y prouver que
les dogmes de l'immortalité de l'a-
me et d'un état futur ne sont que des
opinions égyptiennes; que l'origine
du culte religieux vient de la politi-
que des législateurs ; que le mouve-
vement est aussi essentiel à la matiè-
re que l'étendue et la solidité. Il a été
fort cincnt réfuté , sur ce point, par
ào4
TOL
Clarkectpar Gordon. Toland donna
un plus ample développement à son
principe , dans le Pantheisticon , si-
ve formula celebrandœ sodalitatis
socraticœ ( 17'io). Le Pantheisticon
n'est autre chose que l'univers divi-
nisé ; c'est le spinosisme , auquel il
ajouta quelques idées qui lui appar-
tiennent en propre , et qui n'en sont
pas meilleures. Il entreprend d'y ex-
pliquer tous les phénomènes de la
nature, ceux même de la pensée, au
moyen d'un pur mécanisme. Il y re-
vient sur la double doctrine secrète
et publique , qui avait fait la matière
de la seconde Dissertation de son Te-
tradfmus , prétendant qu'elle a été
dans tous les temps et chez tous les
peuples; que Jésus- Christ et les apô-
tres ont eu aussi leur double doc-
trine , une doctrine secrète pour
les initiés , et une publique pour
le vulgaire. Il donne une liturgie de
sa prétendue association socratique;
formée de plusieurs passages d'Ho-
race et de Juvénal. Ce n'est, d'un
bout à l'autre, qu'une plate dérision
de toutes les lituigies , et en particu-
lier de celle de l'Église anglicane;
qu'un tissu de blasphèmes et d'extra-
vagances. C'est celui de tous ses ou-
vrages qui a le plus contribué à ren-
dre la mémoire de Toland odieuse.
Il n'en avait fait tirer qu'un petit
nombre d'exemplaiies , aiin que la
l'areté en augmentât le prix. Il le
colportait lui-même mystérieuse-
ment, pour pi(jiicr la curiosité; et
comme on le savait dans le besoin ,
on payait son livre une guinée ,
par pure commisération , et sans
avoir envie de le lire. Le dépérisse-
ment de sa santé l'engagea à quit-
ter Londres ])our aller demeurer à
Putney. Sa mauvaise réputation n'a-
Vait pas encore détaché de lui tout le
moudcj et ce ftit alors que lord Mo-
TOL
icswortîi , qui connaissait sa pauvre-
té, lui écrivit en termes obligeants >
l'assurant qu'il ne manquerait de rien
tant que celui qui écrivait cette lettre
serait vivant. Toland mourut le 1 1
mai 1722, à l'âge de cinquante-trois
ans. Pendant sa maladie, il montra,
dit-on, beaucoup de patience et de
résignation ; et peu de moments avant
d'expirer, quelqu'un lui ayant de-
mandé s'il avait besoin de quelque
chose : Je n'ai besoin, répondit -il,
que de la mort. En rendant le der-
nier soupir , il prit congé des assis-
tants par ces paroles : Je vais mou-
rir. Dans les intervalles un peu tran-
quilles que lui laissa sa maladie , il
avait écrit une violente diatribe con-
tre son médecin, dont il croyait avoir
à se plaindre. Quelques jours avant
sa mort, il avait composé son épita-
phe, dans laquelle il se traitait assez
favorablement. En voici les princi-
paux traits :
Onitiiiim liltcrarum excullor
El liiigua?-umplus decem scient,
k^eritatis pfopiignalor,
Lihcrtatia asserior ,
NuUius aulem seclator aut clieni,
Nec minis , nec nialis irijlexns ,
Quin , r/iiam eiegil i>iam peragercl ,
Utili lioneiluni anUjerens.
Spiritus cuni atherco paire
A r/uo prndiU olim , conjungitur.
Ivie verh in aternuin eit resurrectiirus ^
Et ideiiijliliirui Tolandus numquam.
Ctttera ex scriplis pete.
Outre les écrits dont on a parlé dans
cet article, il en avait composé quel-
ques autres sur la politique, et avait
doiuié une édition des OEuvres de
Ilarrington; il publia aussi le dis-
cours de Schiuner( l^oj^. ce nom ) à
HenriVI il . Les écrits auxqueisson c'pi-
laphe nous renvoie n'oH'rcnt pas une
idée très-avantageuse de sa personne.
Collins , l'un de ses Mécènes, le re-
gardait comme un homme sans pro-
bité. Swift luî voyait en lui qu'un mi-
sérable sophislc. Voici le portrait
qu'on m [inuvc Adiuslc Frcc-Holdcn
TOL
« Ses disgrâces doivent être atlri-
» buc'es à sa vanité. 11 afTectait d'è-
» tre singulier en tout, alin de s'at-
» tirer l'attention publique. 11 reje-
» tait nn sentiment, parce qu'un au-
î) teur célèbre l'avait embrasse. Avec
» une teinture légère de toutes les lan-
» giics , il n'en savait bien aucune.
» Son style est bas , confus , dèsa-
» gréabie. Il se plaisait à mettre des
» titres bizarres à ses ouvrages. A l'i-
» mitation des anciens philosophes,
» il avait la manie de parler de lui-
» même avec une extrême complai-
1) sance, et d'irriter ses adversaires.
» Il était grossier, décisif, et mettait
» toujours dans son tort de mauvais
» procédés. La plus grande ijjjure
» qu'onpûtfaireà quelqu'un c'étaitde
» lui reprocherd'avoir des opinions
» semblables à celles de Toland. Ja-
» mais personne n'a autant écrit que
» lui contre la religion, et ne lui a
» moins nui. C'est encore un problè-
» me de savoir si les gens de bien ont
» eu plus de compassion pour cet
» homme cpie les incrédules eux-mè-
« mes n'en ont eu de mépris. » Il ne
se jeta dans l'athéisme que par esprit
de contradiction , sans en avoir ja-
mais été intérieurement convaincu.
L'année même qu'il publia son Pan-
theisticon , il écrivit à l'évêque de
Londres, pour repousser le repro-
che d'irréligion. Toute sa conduite
fut un tissu de mauvaise foi et de
contradictions. On publia ses OEu-
vres posthumes en ly-iG , 'i vol.
in-8". ; seconde édition, 1747 > ^vec
une Notice sur la vie et les écrits de
l'auteur , par des Maiseaux. On y
trouve l'Histoire des druides anglais;
im Mémoiie sur Jordano Bruno , et
son Livre sur les mondes innombra-
bles; enfin : la mort ilc Fcgulus ncst
qu'une fiction ; la Médecivc sans
médecin , etc. /'. Moshcim ^ De vila\
TOL
20.»
fatis et scriptis Tolandi , dan.»? sa
findiciœajitiq. Christ, discipl. T-d
TOLÈDE (D. PÈDREDE), sur-
nommé le Grand, vice-roi de Naples ,
était né, en i ,\'^\ , à Alva de Tormets
ville de Castille , qui donnait à sou
père , D. Frédéric , le titre de duc
d'Albe. Placé comme page au service
de Ferdinand-le-Catholique , il gagna
l'amitié de ce monarque, qui lui fit
épouser l'héritière du marquisat de
Villcfranche : il servit avec distinc-
tion dans la guerre de Navarre con-
tre Jean d'Albret ; mais il mérita la
confiance de Charles-Quint surtout ,
par le zèle avec lequel il embrassa
son parti pendant les guerres contre
les Flamands. L'empereur, attaqué
en Servie par Soliman , et sachant
qu'une flotte turque devait, dans le
même temps, envahir le royaume de
Naples , y envoya don Pedro comme
vice -roi , pour défendre ce royau-
me contre les Musulmans. II fit son
entrée à Naples le 4 sept. iSSa.
Son gouvernement fait époque par
la vigueur et la sagesse avec laquelle
il reforma les tribunaux , les lois ,
et corrigea les abus. H traitait ,
il est vrai , les délinquants avec une
excessive sévérité; mais l'on était
tellement accoutumé a l'impunité de
tous les crimes , que la sévérité im-
partiale de la justice parut au peu-
ple un bienfait suprême. Tolède se
signa-la encore par ses soins pour
l'ordre , la propreté et l'élégance
de la ville. La plus grande rue de
Naples , qu'iJ fit paver et aligner,
s'appelle encore rue de Tolède. En
i54o, il chassa du royaume tous les
Juifs , qui s'y étaient rendus odieux
par l'usure ; d'ailleurs les peuple;?
ont rarement accordé leur compas-
sionà cette nation persécutée.Dans le
même temps les prédications du P,
Bernardin Ocrhino et de D- 'ui'H
io6
TOL
Valdès commencèrent à répandre la
réforme dans Naples. Tolède, anime
du zèle le plus ardent contre toute
hérésie , s'efforça de mettre obstacle
à toute culture littéraire, persuadé
que le progrès des lumières devait
miirc à la foi. Il Ht supprimer toutes
les académies instituées à Naples , et
en i546, il entreprit, d'après les
ordres de Cliarles-Quint , d'y établir
les tribunaux de l'inquisition sur le
modèle de ceux d'Espagne. Il s'y
prépara cependant avec beaucoup de
ménagement, et en trompant sans
cesse !e peuple par de vaiues pro-
messes ; car les Napolitains, malgré
leur fanatisme et leur superstition ,
avaient l'aversion la plus décidée
pour l'mquisition. Enfin un édit de
Tolède , du ii mai i547, en met-
tant à découvert ses projets , excita
mi soulèvement universel , le peuple
prit les armes et s'unit à la noblesse
par un serment qu'on nomma de
Sainte Union; de fréquents combats
entre les Espagnols et ies Napolitains
se renouvelèrent pendant plusieurs
mois. Ces derniers , voulant éviter la
tache de rébellion , et Tolède man-
quant de forces, il n'y eut point d'ac-
tion décisive; et les troubles linirentle
lu août i5',7, lorsque les ordres de
Cliaries-Quint, qui supprimait l'in-
quisition et pardonnait à la ville ,
furent communi(jués au peuple. To-
lède , obéi et craint, mais détesté des
Napolitains, mourut à Florence, le
12 février i >53. Il y avait conduit
une armée es])aguole pour faire le
siège de Sienne. îl laissa trois Ids et
quatre (illcs , dont la sccoiule, Eléo-
nore, avait épousé Cosme de IMé-
dicis,alorsduc de Florence. L'un des
fils. Ferdinand, fut le fameux duc
d'Albe ( f^oy. ce nom ). S. S — i.
TOLÈDE (don PiiDiu: dk), ''»"-
uclabic de Caslillc, était de la même
TOL
famille que le précédent. Il suivit
d'abord la carrière des armes ; et
ayant été nommé général des galères
de Naples , il se signala contre les
Turcs , et fit , en 1 095 , une descente
sur les côtes de la IMorée , d'où il rap-
porta un immense butin. Il devint
l'un des favoris et des confidents les
plus intimes de Philippe III , qui le
revêtit de la dignité de connétable de
Castillc. L'honneur qu'il avait d'être
parent de la reine Marie de Médicis
fit jeter les yeux sur lui pour l'am-
bassade de France, a II avait , dit
» Péréiixe ( Histoire de Henri - le-
» Grand ) , une morgue fière et gra-
» ve, et était haut et magnifique en
» paroles , quand il s'agissait de
» l'honneur et de la gloire de sa na-
» tion et de la puissance de son roi 5
» mais hors de là , fort civil et cour-
» tois, soumis et respectueux où il le
» fallait être , galant, adroit et spiri-
» tuel. » Le but de sa mission était
de proposer à Henri IV le mariage du
dauphin avec une infante, pourvu
qu'il sedétachàt de l'alliance des Pro-
vinces - Unies. D. Pèdre se rendit à
Fontainebleau . où la cour se trouvait
alors , et fut admis devant le roi , le
-^ juillet 1608. A cette première au-
dience, il portait son chapelet à la
main {Pcrèfixe). Lorsqu'il eut ex-
posé le sujet de son ambassade , le roi
lui répondit « que ses enfants étaient
» d'assez bonne maison pour trouver
» parti; qu'il ne desirait point des
» amitiés contraintes et condition-
» nées 5 qu'il ne pouvait abandonner
)) ses a mis, et que ceux qui n'en vou-
» draient pas être se repentiraient
« d'avoir été ses ennemis. » D. Pè-
dre , dans sa réponse, après avoir
exalté la puissance de l'Espagne,
ayant osé se servir de termes mena-
çants, Henri IV lui dit que « si le
» roi d'Espagne conliiniail ses altcu-
TOL
» tats, il porterait le feu jusque dans
» l'Escurial, et que s'il montait une
» fois à cheval, on le verrait bientôt
» à Madrid. — Le roi François I<^''. y
» fut bien , répondit courageusement
» l'Espagnol. — C'est pour cela, re-
» prit Henri, que j'y veux aller ven-
» ger son injure, celles de la France
» et les miennes; » puis , adoucissant
le ton de sa voix , « Monsieur l'am-
» bassadeur , lui dit-il, vous êtes Es-
» pagnol , moi je suis Gascon : ne
» nous e'cliauirons point. » Le roi,
ayant fait voir à D. Pèdre les heaute's
du château , lui demanda ce qu'il en
pensait : « Que personne , répondit
D. Pèdre, n'y est plus mal logé que
Dieu. — C'est que nous autres Fran-
çais, dit Henri IV, nous le logeons
dans nos cœurs , au lieu que les Es-
pagnols le placent entre quatre mu-
railles. » Peu de jours après , la cour
revint à Paris • et, dès le lendemain ,
D. Pèdre eut une nouvelle audience :
« Je crains, lui dit Henri IV, qu'on
ne vous reçoive pas si bien que vous le
me'ritez. — Sire, répondit D. Pèdre,
j'ai été si bien reçu que je suis fâché
de voir plusieurs brouillcries , les-
quelles peuvent être cause de me faire
revenir avec une armée. — Venez-y,
l'cprit Henri IV , quand il plaira à
votre maître; vous ne laisserez d'y
être Ijien venu, pour ce qui vous
tcuche ; mais quant au reste, votre
maître en personne et toutes ses for-
ces se trouveront bien empêchés
dès la frontière, que peut-être je ne
lui donnerai pas le plaisir de voir. »
Henri IV , ayant su qu'on avait dit
au roi d'Espagne qu'il était presque
perclus de la goutte, fit inviter D.
Pèdre de venir le trouver au Louvre,
et tout en parlant d'aiïaires , le força
de se promener dans la galerie pen-
dant cinq heures. Voyant qu'il était
réduit, il lui permit eniin de se reti-
ÏOL 'lo'j
rer. « D. Pèdre, dit-il alors, pourra
» rapporter en Espagne que je n'ai
» point tant la goutte que si les Espa-
» gnols veulent la guerre je ne sois
» plutôt à cheval qu'ils n'auront le
» pied à l'étricr. » L'ambassadeur ,
voyant qu'il ne pouvait réussir dans
sa négociation, repartit de Paris, le
22 juillet, si l'on en croit L'Estode
{Journal de Henri IF , tome ni,
477 ' ^^^'^' ^^ Lenglet - Dufresnoy )•
mais le même auteur dit qu'il ne quit-
ta Paris qu'au mois de février i6og,
« où , ajoutc-t-il , il avait fait un trop
long séjour pour les bons Français ,
qui le souhaitaient depuis long-temps
dans son pays » [Méin.pour sen>ir à
l'histoire de France , éd. de Gode-
froy, 11, 205). Outre les ouvrages
cités dans le cours de cet article, on
peut consulter , pour plus de détails,
sur l'ambassade de D. Pèdre, V His-
toire de Henri IV , par de Bury,
iv, i3i et suiv. W — s.
TOLÈDE (Don François de),
de la maison d'Oropesa, fut nommé
A'^ice-roi du Péiou , et fit son entrée à
Lima en i566. Il renouvela aus-
sitôt la persécution contre les princes
du sang des Incas. Les ayant fait re-
chercher et poursuivre dans leur re-
traite de Vilcapuinpa , il attira , en
1571, dans sa capitale, par de faus-
ses et perlides promesses , le jeune
incaTiipac Amaru , îils de iNIanco II ,
le lit ensuite arrêter et condamner à
perdre la tête sur un échafaud. Les
Espagnols eux-mêmes demandèrent
sa grâce , exhortant François de
Tolède à ne point souiller son ad-
ministration par le meurtre d'un
prince infortuné , privé de son hé-
ritage , et qui méritait plutôt sa com-
passion que sa colère. Le vice-roi fut
inexorable et ordonna le supplice
d' Amaru. De retour en Espagne ,
en i58i , comblé de prospérités cl
2o8
TOL
tle ricli esses , François de Tolède se
présente à la cour de Philippe II j ce
prince lui lance un coup-d'œil fou-
droyant : « Retirez-vous , lui dit-il ,
1) je ne vous avais pas envoyé' au
» Pe'roii pour tuer les rois , mais
5) pour les servir. » Attéré par ce
reproche du monarque , et accuse de
malversation , François de Tolède
fut dépouillé de ses biens et jeté dans
une prison , où il mourut accablé de
chagrins et de remords, B — p.
TOLET ( François ) , cardinal ,
né, à Cordoue^en 1 532, d'une basse
extraction , fit ses études dans l'uni-
versité de Salamanque. Dominique
Soto, un de ses maîtres, l'appelait
un prodige d'esprit. A l'âge de quin-
ze ans^ il s'était déjà fait une si
grande réputation , qu'il fut nommé
à ime chaire de philosophie. Il entra
ensuite dans la compagnie de Jésus.
Ses supérieurs l'envoyèrent à Rome,
où il professa la philosophie et la
théologie avec beaucouj) d'éclat.
Nommé prédicateur de Pie V, il
exerça les mêmes fondions sous les
pontificatsde Grégoire XI II, de Six-
te V et d'Urbain YII. En 1^79,
Grégoire XIII le députa à l'univer-
sité de Louvain , pour y faire rece-
voir sa bulle contre Ba'ius , commis-
sion dont To!et s'acquitta à la satis-
faction commune des parties intéres-
sées. Vers i58^, le même pon-
tife lui adressa un bref Irès-hono-
rable, ])ar lequel il le faisait juge
et censeur de ses projires ouvrages. 1 1
posséda l'estime et la confiance de
Grégoire XI V, d'Innocent IX et de
Glénicnt VIII , <{ui lui donnèrent
l'emploi de leur tliéologien ordinai-
re, et qui lui confièrent des missions
ijtnportantrs. Il accompagna le cai-
(Ainal Jean -François (lomincndon
ilaiis sa légation d' MIeniagno , on il
i'atris.sail de former avec remncreur
TOL
Maxlmilicn et Sigisraond Auguste ,
roi de Pologne , une ligue contre le«
Turcs. Tolet fit voir qu'il était aussi
habile négociateur que profond théor
logien, et qu'il avait à cœur les in-
térêts de l'Europe civilisée, contre
les ennemis de la religion chrétienne
et des sciences. En 1 SgS , le pape
Clément VIII récompensa son méf
rite et les services qu'il avait rendus
au Saint-Siège, en lui accordant la
dignité de cardinal. C'est le premier
jésuite qui ait été décoré de la pour-
pre j et l'historien de Thou remar-
que que ce fut contre le vœu de la
société. En i595,le cardinal Tolet
contribua puissamment à l'absoluT
tion d'Henri IV , en levant toutes
les diificultés que les intrigues de
l'Espagne faisaient naître dans l'es-
prit du souverain pontife. Plus ami
de la justice et de la vérité que par-
tisan des vues ambitieuses de Phi-
lippe II , quoique né sous sa domi-
nation , il travailla constamment à
réconcilier avec le Saint-Siège un
monarque qui pouvait lui être si uti-
le. Du Perron , l'un des envoyés
d'Henri IV à Rome, après avoir
fait à ce prince le plus grand éloge
de la conduite du cardinal Tolet,
ajoutait dans sa lettre : « Votre ma*
jesté n'ont su espérer tant de preuves,
pour ne point dire tant de chefs-
d'œuvre et de miracles du plus alfec-
tionné et courageux de tous ses ser-
viteurs.» Clément VlIIdisaitun jour
à Tolet (pi'i! avait eu inie révélation
quil'''mpêchaitd'ab>oudre Henri lYj
Siiiiil Père, lui répondit le cardinal,
ce scrupule vient du diable; cat>
s'il vi nait de JJieu , il vous se-:
mit venu avant la résolution prise
de donner cette absolution. Il ré-'
plicpia aussi au duc de Sesse, arahM^
.sadriir d'Espagne , qui lui disait :
Si vous tliez uifs.';! bon Espagnol.
TOL
(fue bon théologien , vous n'opine-
riez pas à l'absolution d'Henri. —
Et vous, si vous étiez aussi bon
théologien qu'habile ambassadeur ,
vous seriez de mon avis. Il est vrai
que plusieurs personnes , au rapport
de l'historien de Thou , avaient at-
tribue à des raisons purement politi-
ques le zèle de Tolet pour l'absolu-
tion du roi. Elles prétendaient qu'eu
servant ce prince , il n'avait eu en
vue que le rappel des Jésuites en
France. Ce qu'il y a de certain, c'est
que le duc de Nevers , qui fut envoyé',
après Pisani , pour solliciter l'abso-
lution, n'eut pas lieu d'être content
du cardinal. Ce fut lui qui se char-
gea de dire au duc qu'il ne serait
point admis comme ambassadeur ,
mais comme simple particulier; que
le pape ne prolongerait pas le terme
de dix joui-s qu'on lui avait donne'
pour sortir de Rome , et que la répon-
se qu'il demandait par écrit ne lui
serait point accordée. 11 lui dit aussi
qu'il n« convenait pas que les évêques
français, qu'il avait amenés avec lui,
allassent à l'audience de sa sainteté
sans avoir vu auparavant le cardi-
nal inquisiteur ; que le pape n'était
point obligé de remettre dans le bon
chemin ceux qui s'en étaient écartés •
qu'il fallait s'adresser d'abord à ses
disciples... Comme le duc lui faisait
les réponses les plus solides , et lui
témoignait la plus vive douleur sur
le mauvais succès de son ambassa-
de , ce cardinal ne lui dit rien; mais
il fil un sourire moqueur, très-insul-
tant pour le duc. ( Lettres des car-
dinaux du Perron et d' Ossat , His-
toire du président de Thou ). Quoi
qu'il en soit de la sincérité de Tolet ,
Clément VIll le choisit, la même
année, pour la légation de France,
qui était extrêmement difficile ; mais,
de crainte que ce cardinal ne parût
XLVI.
TOL 209
suspect au roi d'Espagne, le pape
changea de sentiment. Tolet mourut
à Rome, dans le mois de juiu iSqG.
Suivant l'Étoile, la faction espagnole
fut soupçonnée d'avoir abrégé ses
jours par le poison; mais ou sait
avec quelle facilité cet écrivain ac-
cueillait les bruits populaires. Henri
IV donna des marques publiques de
regret et d'affliction , en apprenant
la mort de cet illustre cardinal; et
il lui fit faire des services solennels
à Paris et à Rouen. Nous avons de
Tolet de savants commentaires sur
l'Ecriture sainte , et des ouvrages de
théologie qui ont été estimés autre-
fois. I. Commentarii et annotatio-
nés inEvangelium Joannis , Rome^
i588, Lyon, 161 4 > in-folio. IL
Commentarii et annotationes in
Lucam ,T<iOine, 1600, in-fol. Bos-
suet cite ce commentaire avec hon-
neur dans sa première instruction sur
la version du Nouveau-Testament,
imprimée à Trévoux, no^. xviii et
XXI. m. Commentarii in Epist. ad
Romanos , Rome, 1602. in-4'*.
Lyon, i6o3, in-fol. IV. Commen-
tarius in Arisiotelem. V. Summa
conscientice seu instructio sacerdo-
tum , ac de septem peccatis mor~
talibus , Rome, 161 8; Paris, 1619;
Lyon, i63o , in- 4°. , traduite en plu-
sieurs langues, notamment en français,
sous le titre à' Instruction des prê-
tres,ti souvent réimprimée, comme
tous les ouvrages de Tolet. Bossuet
eu a recommandé la lecture. Cepen-
dant on a reproché au docte cardi-
nal d'y enseigner, ainsi que dans
ses Commentaires, quelques maximes
de morale relâchée sur la probabilité^
les équivoques et les matières bénë-
flciales, et d'y soutenir les opinions
ultramontaines sur le temporel des
rois. Il dit que les sujets d'un prince
excommunié sont déliés de leur ser-
«4
2IO TOL
ment de fidëlitë. Ces principes, dnns
lesquels les personnes équitables re-
connaîtront l'influence des temps et
des lieux , ont fait donner à Tolel ,
par certains écrivains , les ëpitliètes
de prohabilistc , de fauteur de la
simonie , du parjure , du régicide ,
etc. Voyez les Extraits des Asser-
tions,Paris, 1763, in^". — ToLET
( Jean ) , religieux anglais de l'or-
dx'c de Cîtaux , vivait dans le trei-
sième siècle. Innocent IF, qui l'a-
vait employé à la réforme du clcr-
"é d'Angleterre, le créa cardinal en
1 244 , et Urbain IV le fit évêque
de Porto eu i'i6i. C'était un homme
habile pour son siècle. On a de lui
des Élégies , des Satires, des Haran-
gues , quelques écrits théologiques ,
philosophiques , et histori([ues. Il
mourut en i274' L — i; — e.
TOLLET (Elisabeth), Anglaise ,
fdie d'un commissaire de la mari-
ne sous le règne de Guillaume et
Marie, naquit en i694> et reçut une
éducation soignée. Elle cultiva les
sciences et les beaux arts , et ne se
distingua pas moins par ses vertus
que par son esprit. L'illustre Newton,
qui l'honora de son amitié, encoura-
gea ses premiers essais , remarqua-
bles par une teinte de philosophie et
par une ])rol'ondeur de pensée qui
frap|)e toujours davantage chez les
personnes de son sexe. Malgré un pa-
reil suffrage , Elisabeth ne voulut pas
courir la chance des jiigenieuts du
]Uiblic5 et ce ne fut qu'un an après sa
mort, arrivée le i'^'. fév. 1754 . que
parut un volume de ses Poèmes , dont
un choix a été inséré dans la Col-
lection de ISichols. On y trouve des
beaul(:s de sentiment et de style, (hiel-
qucs-uns de ces Poèmes sont en lalin.
— (icorge ToLi.KT, son neveu , mort
le -il oct, 1779, est auteur de Notes
estimées sur bhakspeaic. L.
TOL
TOLLIUS (Corneille)( 1 ), philo-
ioiogue, naquit, vers 1620, àUtrecht.
Son père était lié de l'amitié la plus
intime avec Ger. Jean Vossius , qui
se chargea de surveiller l'éducation
des enfants de son ami , lequel , ne
pouvant pas leur laisser de fortune ,
desirait leur procurer au moins les
avantages d'une instruction solide.
Corneille acheva ses éludes classi-
ques à l'académie d'Amsterdam , et
sut mériter l'afTection de Vossius, qui
l'employa comme secrétaire. On lui
a reproché , dans la suite , d'avoir
gardé des copies des notes qu'il était
chargé de transcrire; mais cette ac-
cusation n'a pas été prouvée. Nom-
mé professeur extraordinaire à l'aca-
démie d'Hardervsyck , il obtint , en
1648, la chaire d'éloquence et de
langue grecque , et prononça , l'an-
née suivante, l'éloge funèbre de Vos-
sius , son bienfaiteur. Il sut capti-
ver la confiance des curateurs de
l'académie , et exerça la plus grande
influence sur le chuix des profes-
seurs. On ignore l'époqiic de sa
mort ; mais on sait qu'il n'a pas
prolongé sa carrière au - delà de
i(iGi. Outre V Oraison funèbre de
Vossius et celle de J. André Sch-
initz , on a de lui des éditions :
I. de l'ouvrage de J. P. Vahriano
( V. ce nom) De inj'elicitate litlera-
forum, Amsterdam, i(i47 , in-iu('i);
(1) Adkien ToM, , el non pas .liulii, cornuie
qiii-liin<:s liiiiLiiaphi-s le iiomipiint, ilail de !a mr-
irii; l'aiiiillfl. Il professait la iiiérlfcinc i\ Leyda , oîi
Il iiiiiiu'iit d'une l'iiideniie en i(i:i:î ; un lui doit nne
idilion esllniée dn Cominrnttilre de CFalicu sur
lIi|il)ocriile, delà traduction latine de Fors, Leydc,
i(i;f.i, in-iA , et de» noies sur le l'aifail jnnillirr
(le Hoodt- ( ''. ee nom , V , l'j^ ) , dont il prépa-
rait une édition, i|ui fnl pnliliee après sa mort.
(ï) Coupe' no connaissail pas cette jolie édition
sortie Agi presses des ICIievirs ; mais il est Inmijé
dans \nie (;rave erreur, en supposant que Corn.
lollins riait à l.eipziRen 170-. « Menrken, dil-il ,
.{iii ninipriinail alors la lieau Traité de Valri-ia-
MiiH /■'<• iiif'rliril<ilc llllenilciiiiit , lui denianilii s'il
ne pounàit lui fonmir qnel(|ues uiUlitions à rel
onviai;!'; el il lui donna la nouienclaliire onriensc
dool ie val. parler. „ Soi,. l,Uh„ir^< , \VI , ,'.«.
TOL
avec un supplément qui contient des
notices sur quelques littérateurs ita-
liens et frauvais. Il avait tiré les der-
nières des Eloges de Sainte-îMartlie
( F. ce nom }, sans indiquer la sour-
ce où il avait puisé. Aussi Heumann
l'a-t-il accusé de plagiat ( F. Bi-
blioth. histor. liltérar. de Struve ,
1 5 j I ). Coupe a traduit en Irançais
par extraits kSuppîém. de Tollius,
daus les Soirées littéraires, XVI ,
56 - 94- II. De l'Opuscule de
Palépbate : De incredibilibus , ibid. ,
i(i4ç) , in-ii ; avec des Notes et une
version latine , conservée daus les
éditions postérieures. 111. De Vffis-
toire de Jean Ciunamus , avec une
version latine, ibid. . i65'i. , in-4".
C r. ^.l^^AMVS, VIII, .)70}. Il
promettait des éditions de Valèrt
Maxime , et du Traite de Coruutus
ou Phuruutus , De naturd deorum.
— Tox-Lius ( Alexandre ) , frère ca-
det du précédent, fit, comme lui, ses
études à Amsterdam , et devint cor-
recteur de l'imprimerie de Jean
Blaeuw ( F. ce nom , IV , 55o ). Il
prit soin de la première édition des
OEuvres de Ger. J. Vossius, i64i ,
3 vol. in-4°* Après la mort de ce
savant, il écrivit à Isaac Vossius ,
alors eu Suède , de le choisir pour
secrétaire ; mais Isaac refusa ses
services. Alexandre fut attaché, com-
me professeur , à l'académie d'Har-
derwyck, où l'on cioit qu'il rem-
plaça son frère, et mourut, dans
cette ville , en i6^5. On lui doit
l'édition à^Appien , Amsterdam ,
if)-o , s» vol. in-8''. , qui fait partie
de la collection Farionim. W-s.
TOLLIUS (Jacques), philolo-
gue et alchimiste, frère des précé-
dents , était né , vers i63o , à Utrccht
ou dans le voisinage de cette ville.
A près avoir fait ses premièies études à
Dcvcutcr , il fut envoyé, par son pè-
TOL
21 ï
re , à Ger. J. Vossius ; mais il re-
connut fort mal les soins de ce sa-
vant, si, comme on l'en accuse, il
abusa de la permission qu'il avait
d'entrer dans son cabinet, pour s'em-
parer d'une partie de sou travail sur
les auteurs anciens. Vossius étant
mort, Tollius revint à Utreclit termi-
ner ses cours. Informé cju'Heinsius
était chargé par la reine Christine de
visiter l'Italie , il témoigna le plus
vif désir de l'accompagner comme
secrétaire. Les démarches qu'il fit
n'ayant point eu le succès qu'il espé-
rait, i! entra en qualité decommis dans
la maison de J. Blaeuw , libraire
d'Amsterdam ; son intelligence et sa
tidelitéluiméritèrent l'affection deson
maître, qui lui fournit les movensde
perfectionner ses connaissances, Tol-
luis, de son coté, s'attacha sincère-
ment à Blaeuw ; mais û ne put résis-
ter à la proposition que bu fit Hein-
sius, de le prendre pour secrétaire.
Il partit au mois d'octobre 1662,
pour aller rejoindre son nouveau pa-
tron à Stockholm. Heiusius s'étant
aperçu qu'il gardait des copies de
ses notes, le renvoya bientôt (1} ; il
revinten Hollande, et, quelque temps
après, obtint, par le crédit de ses
amis, le rectorat du gvmnase de
Gouda, Dans les loisirs que lui lais-
sait cette place , il étudia la médeci-
ne , et il se fit recevoir docteur, en
166;). Quelques intrigues, dans les-
quelles il se trouva mêlé , lui firent
perdre , en i6-3, la place de recteur,
et il vint habiter Noordwyk., où il
donna des leçons particulières, et
exerça l'art de guérir. Trouvant à'
peine dans ses talents les moyens
(le subsister, il tenta de rentrer dans
(i) U fiaraît fjiie Tollius ne se borna pas h Irans-
rrire les notes d'Heinsius ; re!ni-ci lui repruche
uiia giiii'itira , dans sa lettre à Isaac Vcssiui. Vov.
la V,7/.ig» rpisloliir. de Ittirniann , III, liyo.
2L2 TOL
la carrière de renseiguemfnt , et ob-
tint enfin, en lO-jc) , la chaire d'hu-
manitës à l'académie de Duysburg.
Passionné, depuis quelque temps,
nour la rcclierclicde la pierre pliilc-
sophale , il avait fait diverses expé-
riences sur les métaux , et découvert
le secret de donner au cuivre la cou-
leur de l'or. En 1G87, '' ^^'^ chargé,
par l'électeur de BrandeLourg , de
visiter les mines d'Allemagne et d'I-
talie. Ce voyage lui fournit l'occa-
sion de faire de nouveaux essais , et
de recueillir une foule d'observations
curieuses sur le règne minéral. Ayant
prolongé son séjour en Italie au-delà
du terme qui lui avait été fixé, on le
soupçonna d'avoir abandonné la Ré-
forme. Ses talents et les recomman-
dations dont il était porteur l'avaient
fait accueillir par le cardinal Barbc-
rini , qui le logea dans son palais. 11
quitta Pxome , en 1690, sans prendre
congé du cardinal , et se hâta de re-
venir à Berlin. Ayant trouvé l'élec-
teur prévenu contre lui, il jugea pru-
dent de regagner la Hollande. Forcé
de se procurer des ressources, il ou-
vrit une école à Utrecht j mais com-
me il avait négligé d'en demander
l'autorisation elle fut fermée irrévo-
cablement. Les amis qui lui res-
taient encore l'abandonnèrent ; et
ToUius , avec le secret de faire de
l'or, mourut dans la misère, le 2'.>.
juin 1G9G. On lui doit, comme phi-
lologue , une édition d'^nsone ,
Amsteidam, iOGf)ou iG^i , in-8".
(';■.), qui fait partie de la collection
Fariorum ; et une excellente édition
de Lori^in , Utrecht, iGg'j , in-4". ,
avec une version latine et des noies,
et la tradu( tion française de Boileau
{F. ce nom ). Il a donné des traduc-
{1'] Tollnm a Hitfré dana rrlt^ l'dlllon In ttrlnlinn
d'un voyage (jii'il nvnil fiil n Gratz m if)Gn,
TOL
lions latines de l'ouvrage de Bacchi-
ni : De sistris, Utrecht, i6g6, in-
^°., insérée àausleThesaiir.antiquit.
rcmanar. de Grœvius , tome vi j et
de la Borna vêtus de Fam. Nardini,
dans le tome iv du même recueil. Il
promettait des éditions , enrichies de
notes, de Lucien, deSalluste, de
Florus , de Phèdre et de l'opuscule
d'Artéraidore, Des Songes. Ses au-
tres ouvrages sont : I. Gustus ad
Lo?iginwn, cuin observatis in Ora-
tionem Ciceronis pro Archid, Ley-
de, 1667, iii-^". II. Fortuita, in
quitus , prœter critica nonnulla ,
totafahularis historia grœca , pkœ-
nicia , cpgyptiaca ad chemiam per-
tinere asseritur, Amsterdam, 1 686,
in-80. de 5^5 pag. Son but , dans
cet ouvrage , est de prouver que tou-
tes les fables de l'antiquité ne sont
que des allégories alchimiques; c'est
ce qu'a vouhi faire depuis D. Pernc-
ly ( F. ce nom , XXXllI ; Sgo ) ,
dans son ouvrage intitulé -.Fables
égyptiennes et grecques , déi>oilées
et réduites au même principe. III.
Manuductio ad cœlum chemicum ,
ibid., 1688, 111-8". de 16 pag. Tol-
lius y rend compte de la méthode
qu'il a suivie pour parvenir à la dé-
couverte sublime de la pierre philo-
sophale. Il assure que dans trois ou
quatre jours , et avec une dépense de
trois ou quatre florins, on vient à
bout de faire de l'or. Mais il avertit
que les jours dont il parle sont des
jours piiilosophiques , et qu'on se
tromperait en les mesurant par la
durée de vingt-quatre heures. IV.
Sapienlia insanicns , sii>e promissa
chimica , ibid. , iGSî), 111-8". de 04
pag. C'est l'exjjlication de l'opuscule
du prétendu Basile Valentin : Cur-
sus triiunphalis anlimonii. Les noms
de Hasile Falcnlin signifient, sui-
vant Tollins , régule puissant; c'est-
TOL
à-dire, le mercure. Voy. l'aualyse
de cet ouvrage, dans la Bibliolh.
universelle de Leclerc, xui , 204-
14. V. Insignia itinerarii italici,
quibus continentur antiquitates sa-
crée, Utreclit, 1696, iii-4'^. C'est uu
recueil de pièces anciennes que Tol-
lius avait rapportées de son voyage
en Italie. Ce volume devait être suivi
de deux autres , contenant les Opus-
cules de chirurgie , que les Grecs
nous ont laissés , et les Fragments
des poètes grecs relatifs a la chimie.
VI. EpistoLe ilinerariœ , observa-
tionibus et ftguris adomatœ , curd
et studio Henr. Chr. Jlenninii ,
Amsterd., l'joo ou \']\!\^ in-4'-'.
C'est le seul ouvrage de Tollius qui
soit recliercliè. Ces letti'es renfer-
ment beaucoup de détails intéres-
sants , particulièrement la cinquième ,
qui est la relation de son voyage en
Hongrie. \II. Comparaisons de Pin-
dare et d'Horace , de Tbéocrite et
de Virgile, etc., dans les Disserta-
tiones selectœ criticœ de poetis ,
gr. et lat. ^ publ. par J. Berkelius ,
Leyde , 17041 in-8'^. Hennin pro-
mettait une Vie détaillée de J.
Tollius; mais elle n'a point paru.
Outre le Trajectum eruditum de
Burmann , on peut consulter les art.
Tollius y dans le Dict. de Chaufepié,
où l'on trouvera quelques Lettres
inédites de Jacques tt de Corneille.
W— s.
TOLLIUS (^Hermann), philologue
hollandais, né, à Breda, le 28 février
I ']/^'î , fit de bonnes études de litté-
rature ancienne et de jurisprudence,
à l'université de Leyde , et y fut pro-
jnu docteur en droit, en l'-GS. Henis-
terhuis et Ruhukcnius l'ayant décidé
à suivre la carrière où ils brillaient
eux-mêmes au premier rang, Tollius
fut appelé , en 1 767 , à une chaire
d'histoire , d'éloquence et de grec , à
TOL 2i3
l'académie de Hardervvick, et il en
prit possession par un discours qui
eut le plus grand succès , et où il éta-
blissait : Etiamnum superesse in
grœcis litteris ex quo graviores dis-
ciplinée decus ac prœsidium capere
possint. Par un exemple alors trop
rare parmi les érudits hollandais, il
donnait volontairement des cours de
langue et de littérature nationale.
Profondément afiecté, en 1776, de
la perte d'une épouse qu'il adorait ,
il imagina de se distraire de son cha-
grin en voyageant ; et, après en avoir
obtenu l'autorisation , il vint à Paris,
où il se livra à la recherche des ma-
nuscrits de la bibliothèque du roi et
à la fréquentation des savants. Il était
occupé de recueillir des matériaux
pour l'édition qu'il projetait dès-lors
duLexique d'Apollonius, lorsqu'il re-
çutavisdesa vocationàl'illustreAthé-
née d'Amsterdam, pour y remplir la
place que venait de laisser vacante
Pierre Burraaimj et l'ayant acceptée, il
prononça , à son installation , un dis-
cours : De Gerardo Johanne Fos-
sio ,perJecto grammatico. En 1 784 ,
le stathouder Guillaume V jeta les
yeux sur Tollius pour l'éducation
de ses enfants- mais ces nouvelles
fonctions le firent envelopper dans
toutes les disgrâces qui ne tardè-
rent pas à foudre sur la maison d'O-
range. 11 les partagea avec uu dé-
vouement parfait; et la famille sta-
thoudérienue l'honora de toute sa con-
fiance. 11 en reçut la preuve dans di-
verses administrations , gestions et
missions dont il fut successivement
chargé, et dout l'une le retint en Po-
logne pendant plusieurs années. Re-
venu dans sa patrie, Tollius fut nom-
mé, en 1809, professeur de statisti-
que et de dipuomatie a Leyde. Sa ha-
rangue inaugurale traitait De fine
stalistiçes , quœ vocalur, hodicrnœ'
'4
TOL
Au Lout de quelque temps, il échan-
gea cotte chaire contre celle de
littérature grecque et latine , qu'il
avait anciennement occupée. 11 mou-
rut à Leyde, en iS'xi ; et jamais
])erte ne fut signalée par de plus
honorables regrets. Le roi des Pays-
Bas l'avait créé chevalier de l'or-
dre du Lion -Belgique. Il était mem-
bre de l'institut royal de Hollande
et de plusieurs académies. Dans
le temps de sa proscription , il
avait refusé de l'emploi en Angle-
terre, en Allemagne et ailleurs. Ses
principaux ouvrages sont : L Apol-
lonii Lexicon Homericum '; grœcè ,
cum notis Filloisonii et H. Tollii ,
Leyde, 1788, in - 8". Les observa-
tions de ïollius réunissent le mérite
à la brièveté. 11 a abrégé celles , im
peu dilluses, de Villoison. II. Diffé-
rents écrits polémiques sur les affai-
res du temps. La plupart ont été pu-
bliés ;inonymes. On distingue dans le
nombre un Mémoire sur les malheurs
de la Hollande et le remède à v ap-
porter , publié sous la rubrique d'An-
Vers , I -96 j en hollandais et en fran-
çais; et une Réfutation remarquable
du Mémoire à consulter des juriscon-
sultes Bavius Voorda et Jean Valc-
ken.ter, dans l'ad'aire du sfatliouder
Guillaume V, même année. Tll. Un
Recieil d'écrits politiques ou Mémoi-
res concernant la république desPro-
vir-'cs-Unies , 3 vol. in- 8"., i8i4-
1816. 11 a enrichi d'une bonne Bio-
graphie les Opuscula academica de
son ami Nicolas Paradys , professeui-
en médecine à Leyde , 1 8 1 3. M — oy.
TOLOMAS (CHARLES-PltKRE
Xavier), jésuite, né, en i-JôG, à
Avignon, se consacra de bonne
heure à la carrière de l'enseigne-
ment. Knvovf , par ses supéricius, à
Lyon , il Y professa les hellrs-leltres
au collège delà Trinilc-, et fut admis
TOL
à l'académie , dont il devint l'un des
membres les plus assidus. Ayant , en
1755, attaqué les encyclopédistes,
dans une harangue latine, d'Alem-
bert écrivit à l'académie de Lyon
pour lui demander l'exclusion du P.
Tolomas : elle refusa de servir la
vengeance du philosophe ; mais les
amis de d'Alembert ayant déclaré
qu'ils se retireraient (i), le P. To-
lomas donna sa démission. 11 suc-
céda , dans la place de bibliothé-
caire, au P. Jouve, quePernetti cite,
avec éloge, dans les Lyonnais dignes
de mémoire , et mourut en 1 7G3. On
a de lui : \. Dissertation sur l'hyène,
1755, in-12. Le but de l'auteur est
de prouver que l'animal féroce qui,
l'année précédente, avait jeté l'épou-
vante dans les campagnes voisines
n'était point une hyène , mais un
loup de la grande espèce. Delan-
dine trouve ce Mémoire savant et
curieux. II. Dissertation sur le ca-
fé, 1757, in- i'2. Il en conseille
l'usage aux personnes studieuses. III.
Discours sur la philosophie d'Epic-
tète (2), 1760, in-8". C'est une ré-
ponse aux attaques dirigées contre ce
philosophe par J. -B. Rousseau (3).
Ce sont les seuls ouvrages imprimés
du P. Tolomas; mais on conserve de
lui , parmi les manuscrits de la biblio-
thèque de Lyon , un assez grand nom-
bre de Mémoires et de Dissertations,
entre !es(|uels nous citerons : De l'ar-
chitecture des Egyptiens. Il leur
attribue l'invention de la belle archi-
tecliirc , dont on fait honneur aux
f>U;'.l..;tlir l.s nMlnl.r. . I.s l.luMllsliuKiir.s ,1.
riuiideiiili! .!<■ I,\.i.i, Alleon Dular, ('..hUoii, Moi.
lu.-lu, VahW Andia , etc. V..y. le CauU. <l.-s m,,-
niiyriils, III, Hnii. I,ii r<irTes|><iiicliiiicc de Mnllion
de Lacoui* avec Montiiclu, conservée en niaiiu>ciil
clieA M. Ili>iicliurlat , Juuiie du grands détails .sur
ii>ule cette u lia ire.
{■f.\ Et iiun pas A'I''picuie, ooinme le disBiil Iuik
le, l'jirùonnu),.-,.
^3) OiU « l'abbe Courlin , Il , i-
V
TOL
Grecs. Ceux-ci , dit-il , se sont con-
tentes lie dounei' de nouveaux noms
aux ordres dont les Égyptiens avaient
détermine les proportions. — De l'art
de fortifier la mémoire. C'est uu
nouvel examen de la méthode pro-
por.ée par Quintilieu. — Deux Dis-
sertations sur la mélographie ou
déclamation ornée des anciens. — Re-
cherches sur les feux de joie des
anciens , et sur l'invention de la
poudre à canon. Le P. Tolomas con-
jecture que l'usage de la poudre est
plus reculé qu'on ne le croit ordinaire-
ment (4)(^- SCIIWARTZ ^XLljS'yOj.
— De la Superstition des nombres ,
ou dissertation sur les années ciimac-
tériques. — Sur la sympathie et
V antipathie. Voyez pour plus de dé-
tails les Manuscrits de la hihlioth.
de Lyon , par Delandine. W — s.
TOLOlVIEI ( Jean -Baptiste ) ,
cardinal , était né le 3 décembre
i653 , k Florence , d'une famille
patricienne , originaire de Sienne ,
mais établie à Pistoic. Après avoir
commencé ses études , sous les Jé-
suites , à Florence , il les continua
successivement à Pise et à Rome , où
il acheva son cours de philosophie
au collège Clémentin. Il revint en-
suite à Pise étudier le droit et la théo-
logie, et retourna , bientôt après, à
Rome , où il embrassa la règle de
Saint Ignace. Les succès qu'il obtint
dans l'enseignement étendirent sa ré-
putation dans toute l'Italie. Le pape
Clément XI l'employa dans toutes
les affaires importantes j et, pour le
(4) Sinviuit les autriirs ar;il>f-T , dî's i'aniiee 1 1 "»<»,
les Maures d'Afrique assièges dans .\icbla en An-
dalousie, parles Ironies de Cas! i lie et de Grenade,
Hrent usage de canons , Tira de 1ni.jno ron f'uè-
^o (coups de tonnerre avec du feu) ce qui ne penh
se rapporter (ju'à l'arlillcric moderne et non point
au feu gri'geois des ancieuii , qui brûlait sans faire
explosion. ( y . Conde , ///(/. de la dominaiion de
los Aïoies en ICi/inna, tome III , et V ylrl de vé-
rifier les dalts, troisième partie, tom. m, p. '8. )
A— T. '
TOL
2\5
récompenser des services qu'il avait
rendus à l'Église , le créa cardinal ,
en I -^ I i.. Le P. Tolomei se défendit
d'accepter cette dignité ; cédant en-
fin aux ordres de ses supérieurs , on
lui permit du luoins de ne rien chan-
ger aux habitudes qu'il avait con-
tractées depuis quarante ans. Ainsi
le nouveau piélat continua de man-
ger à la table commune avec ses cou-
frères , et conserva son modeste ap-
partement au collège germanique ,
dont il était alors recteur. Dans les
dernières années de sa vie, il lut ac-
cablé d'infirmités, et mourut le i8
janvier 17.^0, laissant la réputation
d'un théologien profond et d'un ha-
bile critique. Le P. Tolomei possé-
dait toutes les langues de l'Europe ,
et avait des connaissances fort éten-
dues dans toutes les sciences. Il n'a
cependant publié qu'un cours de phi-
losophie sous ce titre : Philosophia
mentis et sensuum , Rome, if>9^ ,
in-fol. Un supplément aux Contro-
verses de Bellarmin , dont il s'occu-
pait depuis vingt-ans , est demeuré
inédit. — Nicolas Tolomei , de la
même famille , né, à Sienne , en 1 699,
entra dans l'ordre des Jésuites , se
lit remarquer par son talent pour
la prédication à Rome et à Florence ;
il mourut , dans cette dernière ville,
peu de temps après la suppression de
son Ordre , en 1774- Son ouvrage
intitulé : Pocation de Saint Louis
de Gonzague , jésuite , est devenu
classique , et a obtenu plus de trente
éditions du vivant de l'auteur. W-s.
TOLOMMEI (Claude), httéra-
teur , naquit d'une ancienne famille,
à Sienne, en il\()'i. Destiné au bar-
reau, il étudia le droit, et prit les
degrés de docteur. On ignore les mo-
tifs qui le portèrent à y renoncer ;
mais on sait qu'il voulut être ensuite
publiquement dépouille de son laurier
ai6
TOL
doctoral. En i5 1 6 , il se rendit à Ro-
me où il se rapprocha du parti papal,
qui méditait la perte de Sienne. On
croit que Tolommei fut de l'expédi-
tion dirigée conti'e cette république ,
en i526. Banni de sa patrie, il s'at-
tacha de plus en plus à la cause de
Rome , et entra au service d'Hippolyte
de Médicis, qu'il suivit à Bologne.
En i532 , il se rendit à "Vienne pour
régler les intérêts de ce cardinal. Pri-
vé (i535) de c<;t appui, il accepta
les offres de Pierre - Louis Farnèse
( Fej.cenom, XIV, 169), qui,
par ses débauches , était devenu un
objet de mépris pour tout le monde.
Tolommei , qui ne voyait en lui que
le fils du pape , s'estima très-heureux
d'appartenir à un tel maître. II em-
ploya tous les moyens pour en gagner
la faveur ; et il en obtint une place de
magistrat, dès que Paul III eut posé
sur la tète de cet homme dissolu
la couronne de Parme. Effrayé par
le meurtre de son prolecteur, Tolom-
mei alla chercher un abri à Padoue ,
où il donna un cours de morale , d'a-
près les principes d'Aristote ( F. Fi-
GMUcci , XIV, 5io). Il y apprit
bientôt (1549) sa nomination à l'é-
vêché de Corsola (1). et non pas
de Toulon , comme l'a cru Ugur-
gieri (2). Ses compatriotes , ou-
bliant ses torts envers eux, le mi-
rent au nombre des seize citoyens
charg('S de réformer les lois de leur
pays. Tolommei ne fut pas moins sen-
sible à cotte marque d'estime qu'il
l'avait été en recevant l'avis de son
rappel ( i54G). Il prit part aux tra-
vaux de cette assemblée, présidée
par le cardinal IVlignanelli ; et il y ap-
priya l'opinion de ceux qui croyaient
devoir s en tenir à la protection d'u-
{.) r.lil.. ;in rjp rAdrii.ll.|un, i.»r I.'. c6l« do
l'IIlvri»-.
(ï) Puiii/it Saimi , »•• jmrt. , pag. 573.
TOL
ne puissance étrangère. Envoyé au-
près de Henri II , pour resserrer lesi
nœuds entre Sienne et la France , il
luifit un Discours au nom de ses com-
patriotes , et resta auprès de ce mo-
narque jusqu'à la fin de 1 554- En re-
venant de cette mission , il mourut , à
Rome, le u3 mars i555. Rempli
de zèle pour les progrès des lettres ,
il fonda les académies de la Vertu et
de lo Sdegno , destinées à propager
les bonnes études. La première ,
parmi quelques pratiques ridicules
(/^o^. Annibal Caro, VIT , 172),
prit à tache d'éclaircir le texte de
Vitruve. On peut lire, dans les ou-
vrages de Tolommei, une Lettre (3)
où il trace la méthode à suivre
dans ce travail , et dont on pour-
rait encore profiter de nos jours.
Ce sont peut-être les seules pages rai-
sonnables qu'il ait écrites. Engagé
dans une dispute avec le Trissin , il
lui reprocha l'inutilité des nouveaux
signes dont ce littérateur voulut en-
richir l'alphabet itahen {F. Trissin).
Il l'accusa môme , avec autant d'in-
justice que d'aigreur, de s'être ap-
proprié les tra.vaux de l'académie des
Intronati (4) de Sienne , qui, d'après
lui , avaient été les premiers à discu-
ter ce point. Embrassant avec ardeur
les questions les plus futiles , il com-
posa uu lourd Dialogue pour exami-
ner quel nom Ton donnerait à une lan-
gue qu'on parlait depuis tant de siè-
cles. On en avait j)roposé })lusieur&.,
chacun desquels trouvait des apo-
(Vl I.eltrfc , llv. m , png. ll.'|.
(/[) M (liiil paiallrt- peu proliiiMc que Tolommpi ,
vivant i\ Koinc <]i'|iuis i5i(>, et Ireiupiiul da"» tous
les complots de Ck-inetit VU ctiutrc la liberté de
Sienne , ail pu concourir ii In fondation dos /«•
Ininali , en iSiS ; mais ou le trouve inirrit sur le»
premiers rcgintres de celte ncademic ( f^. <i'l?l' >
Oiaiiit saii.sc , 1 , «/l ) , oii il avait pris le non»
de Sollilr. Pans le inème vol. , paR. ^HS et suiv. .
on donne rindirniiun d« plujiïur» ouvrage» iu«-
dit» d« Toluiiimai,
TQL
logisles. Le ïrissin et Muzio au-
raient voulu qu'elle s'appelât ita-
lienne; Varclii et BemLo, Jloren-
tine; GelseCittadini, Bulgarini, Bar-
gagli , siennoise; d'autres , vulgaire,
taudis que Tolommei s'efforçait de
lui obtenir le titre de toscane. Ces
débats furent aussi longs qu'animés ;
et ils n'eurent d'autre résultat que de
laisser chacun libre dans son choix..
On ne fut pas plus heureux dans les
changements qu'on se flatta d'intro-
duire dans les règles de la poésie ita-
lienne. Désespérant de s'élever à la
perfection des grands modèles , on
essaya de tous cotés d'inventer de
nouveaux, mètres, pour échapper,
disait-on, à la monotonie et à l'i-
mitation. On fit des vers de dou-
ze, de quatorze, de seize et jusqu'à
dix-huit syllabes. Au milieu de tant
d'essais malheureux , parurent les
hexamètres et les pentamètres de To-
lommei , qui prétendit soumettre la
poésie italienne aux principes de la
versification latine. Il eut d'abord
quelques imitateurs ; mais l'oreille ,
le seul bon juge de tout ce qui a
rapport à l'harmonie , fit bientôt
justice de cette innovation , qui ,
dans le siècle précédent , avait déjà
e'choué entre les mains de Léon-Bap-
tiste Alberti. Nous ne croyons pas que
parées travaux, Tolommei doiveêtre
déclaré , comme Tiraboschi l'a fait,
l'un des écrivains les plus heneme-
ritiàç la langue italienne. Ses ouvra-
ges sont : \. Délie lettere nuova-
mente aogîunte (à l'alphabet ita-
lien ) : libre di Adriano Franci
intitolato il Polito. Rome (i524) ,
in- 4°. C'est une réfutation de l'ou-
vrage du Trissin , sur le même su-
jet. Tolommei s'est caché sous le
nom de Franci. II. Orazione ( à
Clément VII) délia pace , ibid. ,
i534, {0-4**. III. Fersi e regole
TOL 217
délia niiova poesia toscana , ibid. ,
iSSg, in-4". avec le portrait de To-
lommei. 1\ . Lettere libri sette , Ve-
nise, 1547 , in-4°.; traduit en fran-
çais par Vidal , Paris, iSns, in-8".
Les académiciens de la Crusca
citent la réimpression de i55g, in-
8°. , moins complète que l'édition
originale. V. Due Orazioni in lin-
gua toscana : accusa e difesa con-
tra Léon segretario , di segreti
svelati , Parme, i548, in -4". C'est
nu exercice de rhéteur sur un crime
imaginaire. VI. Orazione recitata
adEnrico II a Cojnpiègne , il me se
di décembre , 1 55 2, Lyon, i553,
in-S*^., suivi de quelques Sonnets en
l'honneur de madame Marguerite de
Francertrad.enfrançais, Paris, i553,
in-4°. VII. // Ces a no ^ dialugo net
quale si disputa del nome , col qua-
le si dee ragionei>olmente chiama-
re la lin gua vol gare , Venise , i555 ,
in-4*'. Cesano est le ifimd'un com-
patriote de l'auteur, qui fut aumô-
nier de Catherine de Médicis. L'abbé
MorelH a rendu compte, dans un jour-
nal italien intitulé : il Poligrafo (Mi-
lan, 181-2, n°s. 19 et 20), d'un pe-
tit ouvrage inconnu à tous les biblio-
graphes , et dans lequel Tolommei
établit un dialogue entre le Politien
et Jason del Maino. Il est intitulé : De
corruptis %>erbis juris civilis. Voy.
Poleni , Exercitationes Vitruvianœ ,
pag. 5o , et Tiraboschi, quia doimc
le plus de détails sur cet auteur.
A— G — s.
TOLOSANI (Antoine), général
de l'ordre de Saint- Antoine de Vien-
ne, né en 1 555, à Toulouse, d'une
maison illustre, originaire de Savoie ,
prit, en 1596, l'habit des chanoines
réguliers, dont il devait être le ré-
formateur, dans l'abbaye chef d'or-
dre en Daiiphiné, et fut élu abbé dès
l'année suivante. Il traça aussitôt le
ai8 TOL
plan de réforme, qui produisit les pins
heureux résultats. Toîosaui joignait à
uue grande piété une profonde érudi-
tion. Il fut un des plus habiles prédi-
cateurs de son temps. Ses [piahtés et
ses talents hii acquirent hi conliance
et l'estime des habitants de la pro-
vince du Dauphinc, où il fut le il eau
des Calvinistes, le restaurateur des
boimes mœurs et le destiuctcur des
vices, surtout de l'usure , qui y était
portée aux derniers excès. Il compo-
sa, contre les Calvinistes, divers ou-
vrages : I. Démonstration que ce
que l'Eglise enseigïiede la présence
réelle 7i'est que la parole de Dieu ,
etc. , le tout distribué en dix-huit
Dialogues dédiés au roi , Lyon ,
i(io8. II. ^j' Adresse du salut éter-
nel , et antidote de la corruption
qui règne dans ce siècle , et fait
perdre continuellement des pauvres
âmes, dédié à ia reine , Lyon, i6 1 u,
m -8°. III. Prétextes de la religion
prétendue réformée , desquels elle
s'est servie pour subtilement et com-
me insensiblement faire glisser ses
pernicieuses erreurs dans les cœurs
de ceux qui n'ont scu s'en aperce-
voir, et du vrai et inj'aillible moyen
pour bien entendre la parole de
Dieu, quelle déprave et corrompt
tant et plus , Lyon, i6i4, i» - f'-*-
Tolosani mourut en odeur de sainte-
té , le 12 juillet 16 1 5. Jean de Loyac
a écrit sa Vie , qui a été imprimée à
Paris, en iG4'>, in-8"., sous le ti-
lic du Bon prélat. Z.
TOLSTADIUS (Éric), ministre
d'une paroisse de Stockholm, né en
\i'y]i , mort en l'J^î), fut un des pre-
miers qui pcriccliounèrcnt en Suède
l'éloquence de la chaire. Ses sermons
.iltiiaient (ui grand nombre d'audi-
teurs, et furent Irès-goûtés à la cour.
Accuse par ses confrères de donner
dans les erreurs des piétistes, et d'é-
TOL
tre partisan du fameux Dippelius ,
qui s'était rendu en Suède, il fut tra-
duit devant les tribunaux; mais il se
défendit avec courage, et fut protégé
par l'opinion publique, qui avait tou-
jours été en sa faveur. La réputation
de son éloquence se répandit même
dans l'étranger , comme on le voit
par les dixième et treizième jjarties
de l'ouvrage allemand intitulé: Geist-
liche Fama , Renommée ecclésiasti-
que. Les Sermons de Tolstadius ont
été imprimés au nombre de onze , et
sont encore très -répandus en Suède.
On en voit la Notice dans Stricker ,
homilet. Bibh, p. i4o. C — ^au.
TOLSTOY ( Le comte Pierre ) ,
issu d'iHie ancienne famille alleman-
de qui vint s'établir en Russie, dans
le quatorzième ziècle, naquit vers le
milieu du dix-septième, et occupa,
sous trois règnes , divers emplois à
la cour de Moscow. Il était capitai-
ne dans le régiment de Préohajens-
ki , lorsque Pierre-le-Grand l'envoya
à Constantinople , en 1702, comme
ambassadeur. Les négociations qu'il
dirigea dans cette ville assurèrent la
paix entre les deux puissances; et le
czar lui en témoigna sa satisfaction ,
en 1 7 I o , par le don de plusieurs ter-
res et le titre de conseiller-privé ;
mais l'ambassadeur russe n'obtint
pas le même succès lorsqu'il se plai-
gnit de l'asile que la Porte avait don-
né à Charles XII , après la bataille de
PuUawa : le sulthan AchmetlII, au
lieu de faire droità cette réclamation,
])ublia inie déclaration de guerre con-
tre la Russie, et, selon l'usage, Ht
conduire aux Sept-Tours lecomtede
Toisloy. Tout ce que possédait cet
ambassadeur fut livré au pillage de
la populace de Constantinople ; et il
resta jirisonnicr pendant deux ans.
Rendu à la liberté, dans le mois de
iiovemlnc 171/j , il retourna à Mos-
TOL
cow , et fui amplement dédommagé
par les bienfaits de son soiiveram ,
qui lui lit encore don de phisieurs
terres , et le créa sénateur. Eu 1 7 i(>,
il accompap;na ce prince dans son
voyage de Hollande, et fut cbargé
de quelques négociations avec le roi
d'Angleterre. 11 suivit ensuite Pier-
re P' . eu France ; et ce fut de Paris
que ce monarque l'envoya à Yicnue ,
avec uue lettre menaçante pour Char-
les VI, qui avait donné asile au lils
du czar. L'empereur, qui voulait évi-
ter la guerre , livia le malheureux
Czarévitch; Tolstov alla le chercher
à INaples, et le lameua prisonniev à
Moscow {Voy. Alexis, I, 047)' Le
czar fut tellement satisfait du zèle
que Tolstoj avait mis à exécuter ses
ordres dans cette occasion , qu'il le
nomma président du collège de com-
merce , conseiller privé, et le décora
du cordon de Saint-André. Eu 1 7 1 9,
il l'envoya à Berlin , pour uue négo-
ciation moins fâcheuse^ et dans la
campagne de Perse , en 1722, il se
lit accompagner de ce zélé serviteur ,
qu'il créa comte de l'empire le 7
mai 1723, et dont il ne se sépara
qu'à sa mort. Sous le règne de Ca-
therine pc,^ Tobloy jouit de la mê-
me faveur; et cette princesse le fit
siéger dans son conseil privé; mais
lorsqu'elle eut fermé les yeux, il dut
craindre que le jeune empereur Pierre
II ne voulût un jour se venger sur lui
des malheurs de sou père , et bientôt
il fut en ellét accusé , dans un mani-
feste , d'avoir cherché à l'éloigner du
trône , et de s'être opposéà son union
avec la lilk de Mcntschikoff. Cette
dernière accusation était surtout bien
grave aux yeux du père , devenu l'ar-
bitre des destinées delà Russie [f^oy.
ME^TSCHlKOI F,XXVilI , S^f)). Le
comte Tolstuy fut dépouillé de ses
titres, de ses Inens , et renferme
TOM xiÇ)
avec son fils , le comte Jean, dans le
couvent de Soloretskoï, où il mourut,
en 1728 , avant la chute de son enne-
mi. Son fils , cpii ne voulut pas quit-
ter cette prison, y mourut aussi peu
de temps après. M — d j,
TOMACELLI (Pierre). Foy.
BONIFACE IX, V , 1 l5.
TOMASELLI (Joseph), natu-
raliste, né, en 1733, à Soave près
de Vérone , embrassa l'état ecclésias-
tique, s'éloignaut de la société, qu'une
surdité précoce lui rendait peu agréa-
ble. Accueillant les douîesde son com-
patriote Lorgna sur une prétendue
découverte de Requeno ( F. ce nom ,
XXXYII , 38i ), i! publia un ou-
vrage contre la nouvelle manière de
peindre à l'encaustique , et s'exposa
aux reproclîes de Tiraboschi , qui
l'accusait d'avoir défiguré un pas-
sage de Pline. Lorsque les Vénitiens
cherchaient à établir des nitrières
artificielles pour se mettre à l'abri
des vexations du fisc, Tomaselli fit
païaître trois Dialogues sur la fabri-
cation du uitre. Engagé dans ces Ira-
vaux , il sentit la nécessité de se for-
tifier dans l'étude de la chimie , dont
il fit , par la suite , son occupation fa-
vorite. Partisan des nouvelles théo-
ries , il ne craignit pas de se mesurer
avec le P. Piui , qui jouissait d'une
grande réputation comme chimiste ,
et il défendit la nomenclature de La-
voisier contre les attaques de ce cri-
tique. Il cultivait aussi l'histoire na-
turelle , et appelait souvent l'attention
des académies sur des inventions
relatives à l'industrie et à l'agricul-
ture. En 1795 , il fut élu membre
de la société agricole de Vérone ,
qui a couronné plusieurs de ses ou-
vrages. Tomaselli, qui jusqu'alors
avait négligé son style, se crut obli-
ge d'écrire en académicien; et lors-
qu'on le chargea de continuer Xn'*
aao TOM
observations météorologiques de Ca-
gnoli , il lit une étude aprofondie des
auteurs classiques, pour rédiger ses
notes avec élégance. En général ses ou-
vrages annoncent plus de patriotisme
que desavoir , et la réputation du sa-
vant y reste toujours au-dessous des
efforts du citoyen. Il est mort à Vé-
rone, le 2 décembre i8i8.Ses prin-
cipaux écrits sont : I. Cero^rafia ,
Vérone , 1785 , in-8^. II. Dialoghi
sopra l'arte di fare il nitro , suivi
d'iui Mémoire sur la conservation
des vers à soie,ibid. , 1792, in-S".
III. Risposta alV osservazioni dcl
P. Pini sulla nuova teoria e no-
menclatitra chimica , ibid. , 1793 ,
in - 8°. IV. Analisi de vegetabili ,
per arrivarc alla conoscenza de
generi e délie specie , ibid., 1794,
'1 vol. in-80. C'est un extrait de la
Flore française de M. Lamarck.To-
maselli a publié aussi des manuels
de botanique , de minéralogie et de
zoologie. V. Teorie generali di
agricoUura , ibid, , 1796 , in-8''. ,
ouvrage couronné. VI. Mezzi di ri-
mettere la specie hovina , ibid. ,
1798 , in-8'J. , couronné. Voy. Del
Bene^ ElogiodelV abbate Tomaselli,
ibid. , i8'i5, in-80. A — G — s.
ÏOMASINI ( Jacques-Philip-
pe ), né, à Pa doue, en 1597, mourut,
en 1654, à Città-Nuova , en Istrie,
dont il était c'vèque. Les lettres fu-
rent son occupation habituelle, et en
qiicl(|ue sorte la cause de son éléva^
tion aux dignités ecclésiastiques. Il
eut le courage de lutter contre le
mauvais goût de son temps, et d'op-
poser sans cesse Pétrarque à Marini.
Ce lut le motif principal de la publi-
cation qu'il fit, en i65o, du Petrar
cha rcdii'ivus , Laurd comité, Pa-
doue , in-4°. , fig. , où il a rassemblé
tout ce qu'il avait ])u trouver de
ce poète célèbre ( fny. Novi-s et
TOM
PÉtarque ). Il présenta cet ou'-
vrage à Urbain VIII , qui le récom-
pensa par l'évècbé de Città-Nuova.
Déjà , en i63o , il avait publié en la-
tin les Eloges des hommes illustres
de Padoue , i vol. in-4'*. , qui furent
réimprimés, en i634 , 2 vol. Cet
ouvrage est estimé. Si l'on en croit
Reinesius, dans l'une de sesEpîtres,
un Danois nommé JeanRhode, qui
avait vécu long-temps à Padoue , où il
s'appliquait aux sciences, en serait
le véritable auteur, et Tomasini se
le serait attribué pour se frayer uu
chemin au cardinalat. Reinesius sem-
blp même insinuer que ïomasini fit
doimer un canonicat à Rhode , en
reconnaissance d'un tel présent. Rien
assurément n'est moins prouvé que
cette inculpation ; mais , le fait fùt-il
vrai , on ne sait lequel serait le plus
blâmable , ou de Tomasini , pour
s'être attribué l'ouvrage d'autrui aux
dépens de sa conscience et de sa répu-
tation ; ou bien de Rhode , pour
s'être vanté d'avoir rendu ce service
à Tomasini , au risque de se perdre
d'honneur par une semblable divul-
gation. D'Ablancourt en usa bien
mieux envers le cordelier Dubosc, à
qui il abandonna un bon livre de sa
composition ; car il lui garda le se-
cret, ce qui est d'un très-honnête
homme; et il n'y eut que le Cor-
delier qui , par un autre trait d'hon-
nêteté, le découvrit au public, et en
rendit la gloire à D'Ablancourt.
Quoi (pi'il en soit de l'assertion de
Reinesius , nous avons encore de
Tomasini : I. Lfne bonne édition
des Epitres de Cassandre fidèle ,
avec sa Vie. II. Les Annales des
chanoinesdc Saint-Ciecrgcs inAlgd,
congrégation de prêtres séculiers ,
dont il avait été membre : cet ouvra-
ge est écrit en latin , ainsi que les sui-
vants. III. fgri Patavini itnaip-
TOM
tiones, 1696, in-4°.; ouvrage aug-
menté par Jacques Saloraoui (F. ce
nom ), IV. Historia gjtnnasii Pa-
tavini, i654, in-4°- V. Tractatus
de tesseris hospitalitatis , Udine ,
i647,in-4°., iig. YI. FitaMarci
Antcnii Peregrini, Padoue, i636,
10-4". On peut consulter encore sur
sa personne et ses ouvrages V Histo-
ria çymnasii Patavini, de Papa-
dopoli , t. II , p. 1 34 ; le P. Niceron ,
Méni. , t. XXIX y la Bihlioteca del
Cinelli , etc. M — g — r.
TOMBOIT. F. Hemricourt.
TOMITANO ( Bernardin ) , mé-
decin , né', à Padoue , en 1 5o6 , fit
ses études à l'université de cette ville,
et en fut nommé professeur , en
lôSg. Il appartenait aussi à l'aca-
démie des Infiammati , où il ne
resta pas étranger aux débats qui
éclatèrent à l'occasion de la Canace
( Foj. Speroni , XLIII , 290 ).
Écarté d'une nouvelle chaire à la-
quelle il avait aspiré, il donna sa dé
mission et alla s'établir à Venise. Sa
renommée comme littérateur , et ses
succès comme médecin , lui acquirent
une nombreuse clientelle. En cette
dernière qualité , il avait été proposé
par son ami Speroni au ducd'Urbin.
Ayant perdu l'espoir de servir ce
printe, il s'attacha au célèbre Ba-
glioni ( Foj. ce nom , III, 214 ) ,
qu'il suivit en Chypre ; et peu s'en
fallut qu'il ne fût enve!op])é dans lo
massacre de la garnison de Fama-
gouste, en i5'yi. Accablé de cha-
grin par la fin tragique de son pro-
tecteur, il revint à Venise, où il
mourut, en iS'yG. Ses ouvrages sont:
I. Quattro lihri dclla lingua tosca-
na , ove si prova la filosofia esscr
neccssaria al pcrfett' oratore e poê-
la , Patloue, i.O^o, in-S". C'est la
troisième édition d'un ouvrage im-
primé pour la picinicre fois à Ve-
TOM 221
nise, en \5^'> , sous le titre de Ra-
gionamenti. Il se compose eu grande
partie des discours tenus, en i542 ,
à l'académie des Infiammati , sous
la présidence de Speroni. II. Espo-
sizione letterale del testa di Matteo
evangelista ^ Venise, i547, in-4''.
\\\. Discorso intorno alV eloquenza,
ed air artijizio délie prediche e del
predicare diCornelio Musso , clans le
Recueil des sermons de cet évêque ,
ibid., i554, in-4°. C'est un frag-
ment d'un ouvrage plus étendu sur
les grands orateurs italiens, et que
Tomitano n'a point achevé. Il fait
beaucoup de cas des talents de Musso ,
et en appelle au témoignage des car-
dinaux Contarini et Bembo , qui , en
entendant ce prédicateur , disaient :
(i Ce n'est ni un philosophe, ni un
» orateur : c'est un ange qui s'entre-
» tient avec les hommes. » Ce qu'il
y a de vrai dans ce jugement c'est
la première partie : le reste ne sert
qu'à nous mettre en garde contre les
éloges des contemporains. Telle était
l'admiration de Tomilano pour cet
évêque , qu'il lui fit frapper une
médaille avec un cygne , autour du-
quel on lisait : DiriNUM sibi canit
ET ORBi ( Voyez Museo Mazzuc-
chelliano, tom. i , pi. lxxviii, num.
4). IV. Orazione recitata , in nome
dello studio Padovano , nella crea-
zione del principe M. A. Trivisano,
ibid. , i554, in-4". V. Consiglio so-
pra la peste di Fenezia , del 1 556,
Padoue , 1 556 , in-8». VI. Corjdon,
siée de Fenetorum laudibus , églo-
gue, Venise, i556,in-4'^. VII. Clo-
nicus , sive de cardinalis Poli lau-
dibus , ibid., i556, in -4°. VIII.
Contradictinnum solutiones inAris-
tolelis et A^>errois dicta , etc., ibid.,
i569. , in-4". IX. De morbo gallico,
lihri duo , dans le Recueil intitulé :
De morbo gallico , quœ extant cm-
222
TOM
nia ( Foy. Luvigini, XXV, 463),
ibid., i566, in -fol. X. Thetjs ,
ibid. , 1 5747 in-4"' l'-s'^oguc pour cé-
lébrer l'arrivée de Henri III, roi de
France, à Venise. XI. Lcttera à M.
Francesco Longo , nel i55o, ibid,,
l'y 98, in-8°. On doit !a connaissance
de celle pièce à iMorelii , qui releva
( Catalogo de' codici italiani délia
libreria Naniana , pag. l'i'i ) un
plagiat de Sansovino ( F. ce nom ,
XL, 357). Cet ouvrage est pre'cedé
d'une Lettre de Coletti, contenant
quelques nouveaux renseignements
sur l'auteur. XIL Fita e fatti di
Astorre Baglioni , libri viii. Cette
biographie, dont il existe plusieurs
copies à Pérouse, mériterait d'être
publiée. Voy. OyuscoU di More.lU ,
tome m , pag. 235. A — g — s.
TOMKLl^S ( Jean-Mernawchieh) ,
savant l)onc,'rois , né à Sebenico , issu
d'une famille servienue qui avait
émigré en Dalraatie, embrassa l'or-
dre des Barnabites à Rome , où il se lit
connaître et considérer par les cardi-
naux Raronius, Pazmany , Barberini
et Sacheti. Etant retourné en 1 longrie,
il fut nommé évcque de Bosnie, en
103 1, visiteur de soa ordre, cen-
seur des livres religieux , et prolono-
taire apostolique. Ce prélat mourut
à Rome . en 1639. On a publié sous
son nom ; L Fita Pétri Berislai
Fesprimiensis ej)iscopi , Venise ,
i6'2o , in-8". Le véritable auteur de
cet oiivragecst Ant. Verauzio, neveu
de l'évùpieBerislas. IL Rcgiœ sanc-
titalis lllyrica/iœjœaoïditas, Rome,
i03o, iii-4". [^c cardinal Barberini,
ayant In le manuscrit , voulut que
l'édition se fit à .'es frais. 111. Unica
gentis Àureliœ , Faleriœ , Sahmi-
tanœ , Dalvintiiiœ,nohilitas, liome,
ifiaK, in-'i". , dédié an canbiial Sa-
cheti. L'anicur y a recueilli des dé-
tails (rcs-iiil(Tessant.s sur l'état de la
TOM
religion chrétienne en Dalmatie pen-
dant les premiers siècles de l'Eglise.
IV. Indicia iietustatis et nobilitatis
J'amiliœ Marciœ ,vidgo Maniaviticp
nissensis , Romœ ^ i63'2 , ex pnla-
tio cardinalis Pazmany , trpis va-
ticanis , in-4°. L'auteur cherche à
démontrer que sa famille descendait
des anciens rois de Servie et de Bos-
nie . et à l'appui de ses titres généa-
logiques , il rapporte six ■diplômes
donnés par ces princes dans le qua-
torzième et le quinzième siècle. V.
Dialogi de Illjrico et rébus Dal-
maticis , Rome , i634. VI. Pro sa-
cris ecclesiarum omamentis et do-
nariis contra eorum detractores ,
Rome, i635, in-8". G — y.
TOMMASI ( Joseph-Marie), car-
dinal , célèbre par son érudition, par
ses ouvrages et par ses vertus , était
fîlsde JulesTommasi,ducdePalmaet
princedeLarapedosa. l!na([uit à Ali-
cate en Sicile, le i •* septem'jre 1649,
et fut élevé dans la piété. Toute sa
famille vivait dans les pratiques de la
religion et des bonnes œuvres. Un on-
eîc et trois sœurs du jeune Toramasi
étaient déjà entrés dans le cloître.
Joseph - Marie obtint, à force d'ins-
tances, de suivre la même voca-
tion; et, après s'être désisté de ses
droits en faveur d'un frère cadet , il
fut admis chez les Théatins de Pa-
lerme , et prononça ses vœux le 25
mars 1666. Sa ferveur, son amour
pour la prière, ses austérités, et son
zèle pour toutes les pratiques de la
vie religieuse, ne l'enipèchaienl pas
de se livrer à l'étude. La théologie,
les Inngiies savantes , les antiquite's
ccch'si.isliqiies et la liturgie l'occupè-
rent tour-à-four. Il apprit l'hébreu ,
le chahléen , rélhiopien , l'arabe , le
syria(|iie , et prit les leçons d'un sa-
vant juif de ce temps -là, iNîo"ise de
Cavi, i\\\\ se (il ensuite chrétien. Ses
TOM
recherclies dans les bibliothèques et
dans les couvents de Rome le condui-
sirent à des découvertes importantes
sur toutes les parties de l'ancienne
liturgie; et c'est sur ce sujet que rou-
lent plusieurs de ses ouvrages. Mal-
gré son amour pour la retraite et son
application à l'étude, il remplit dil-
fcrents emplois dans son ordre , et
fut attaché par les papes à diverses
congrégations. Clément XI faisait
une estime toute particulière du père
ïoramasi , et avait voulu avoir son
avis, lorsqu'il fut élu pape, pour sa-
voir s'il devait accepter une si haute
dignité. Il le nomma cardinal le i8
mai I n 1 2; et le modeste religieux lui
ayant écrit pour lui exposer ses rai-
sons de refus , le pape le contraignit
d'accepter. Le nouveau cardinal con-
serva , autant qu'il put , les habitu-
des et la simplicité de son couvent.
Sa maison , sa table , ses équipa-
ges , tout chez lui annonçait sou hor-
reur pour le luxe. En même temps
ses revenus étaient employés en bon-
nes œuvres. Non coûtent' de distribuer
de l'argent aux pauvres de Rome, il
envoyait des secours au loin. 11 fit
passer cinq cents cens aux Cathob-
([•aes suisses , qui soutenaient alors la
guerre contre les cantons prolestants.
Il avait soin de faire distribuer des
aumônes dans tous les lieux où il avait
des bénéfices ou du bien , entre antres
à Carpenlras, où il jouissait d'une
pension de mille écus sur la mense
épiscopale. A Rome , il décorait les
églises, spécialement celle de Saint-
Mai lin-tlu-Mont , qui était son titre
de cardinal; et il se plaisait à y faire
le catéchisme aux enfants. C'est au
milieu de ces soins pieux (pie la mort
frappa le cardin.d Tomniasi, le i*»".
janvier 1713. Par son testament, il
laissa a.i collège de la Propagande
tout ce qu'il possédait. Nous ne poii-
TOM
3-?.3
vous citer ici tous les ouvrages de ce
savant. On en trouve la liste au tome
viii de l'édition de ses OEuvres, par
Vezzosi , et dans une Vie du cardinal,
qui parut à Rome, en i8o3. Nous
nous bornerons a nommer les plus
importants : I. Codices sacramento-
rum Tiongentis anni^, vcUistiores ,
Rome , 1680 , in - 4". H. Deux édi-
tions du Psautier, l'une en i(383 ,
l'autre en iOq'j. Celle-ci est accom-
pagnée d'une courte Exposition litté-
rale. 111. AntiquL libri missarum ,
169G, in-4". IV. Inslitutiones theo-
logicœ ajitiquorum Fatruin , 3 vol.
in-t)>'., 1709, 17 10 et 17 12. On a en-
core du savant cardinal des Dissei'ta-
tions sur des points de critique, sur
des usages liturgiques, sur des ques-
tions d'antiquité, et quelques livres
de piété en italien, comme : Maniè-
re de ^lorijier Dieu et défaire orai-
son; Exercice quotidien pour la fa-
mille ; Courte instruction sur la ma-
nière d'assister utilement à la messe.
On a quelquefois cité du cardinal
une consultation sous ie titre deBre-
viculas contrôler siœ , relativement à
la signature du Formulaire d'A-
lexandre Vil dans les Pays-Bas. Cet
écrit fut produit lors des procédures
pour la béatification du cardinal :
mais la cungrégatiou des rites, pré-
sidée par Benoît XIV, décida-, le
20 septembre 1755 , qu'il n'était
pas constant que cet écrit fut de
Tommasi, et qucd'aiileurs il ne con-
tenait rien qui put mettre obstacle à
la continuation des procédures. Tous
les ouvrages de Tommasi ont été réu-
nis dans une édition commencée à
Rome, en 1747 , ]>ar le P. Vezzosi ,
aussi tliéatin, et qui se compose de
onze vol.in-4". Au tome viii, publié
en I70i), est jointe une Notice lulé-
ressantc sur la vie et les écrils du
cardinal. La Vie du même a encore
Îf24
TOM
ete écrite par le P. Boiroraco clc Pa-
doue; par le savant Fontanini , de-
puis archevêque d'Ancyre ; par Do-
minique Bernini, et enfla par nn tbe'a-
tin qui n'a pas fait connaître son
nom. Cette dernière Vie a paru à Ro-
me, en i8o3, in-4''-; elle est ornëe
d'un portrait du cardinal ;, et termi-
née par un récit de quelques miracles
attiibue's à son intercession, et par
l'exposé des procédures pour sa béa-
tification. Ces procédures commen-
cèrent immédiatement après la mort
du cardinal. Ou entendit un grand
nombre de témoins , qui déposèrent
les faits les plus honorables pour sa
mémoire. Après des informations
réitérées, un décret du i'^''. janvier
l'-jdi déclara con-^tant que le cardi-
nal avait pratiqué les vertus à un de-
gré héroïque. Un autre décret du .iS
mars i8o3 approuva deux miracles
opérés par les prières du pieux per-
sonnage. Enfin Pie YII , par un dé-
cret du 5 juin de la même année, a
décidé , conformément à l'avis una-
nime de tous les membres de la con-
srésation des rites, que l'on pouvait
procéder à la béatification du cardi-
nal. D'autres personnes de cette mê-
me famille se sont illustrées par leur
piété. On publia , eu 1 738 , la Vie du
duc Jules de Palma , père du cardi-
nal, et, en i-jGi , celle de sou oncle,
Charles Tommasi, frère aîné de Ju-
les, qui avait cédé ses droits à son
cadet, ])our entrer chez les Théatins,
et qui y vécut dans les pratiques de
la perfection religieuse. A la lin de la
Vie du duc Jules , se trouve celle de
don Ferdinand Tommasi, frère puî-
né du cardinal. Ces deux Vies sont
du P. Biaise de la Purification , car-
me déchaussé. Le cardinal avait qua-
tre sœurs, qui toutes se firent reli-
gieuses. La seconde d'entre elles ,
nommée dans le monde Isabelle , et
TOM
dans le cloître Marie Crucifixe , a été
qualifiée de vénérable ; et un décret
de Pie VI porte qu'il est constant
qu'elle a pratiqué les vertus dans un
degré héroïque. Sa Vie a été écrite
par Turano , et publiée à Girgenti ,
en 1704. Elle renferme un abrégé de
la Vie de Rosalie Traîna , duchesse
de Palma , sa mère , qui , du consen-
tement de son mari , se retira dans un
monastère, auprès de ses filles, et
qui y vécut trente ans dans les exer-
cices de la piété. Ainsi toute cette fa-
mille semblait destinée à offrir de
grands exemples de ferveur et de
détachement du monde. P — c — t.
TOMMASI ( Jean de ) , dernier
grand-maître titulaire de l'ordre de
Saint- Jean de Jérusalem, naquit, à
Crotone dans le royaume de Naples,
le 6 octobre 1731, et fut envoyé à
Malte ^ dès l'âge de douze ans, pour
être page d'honneur du grand-maî-
tre Emanuel de Pinto. Ce service
terminé, il commença ses caravanes
sur mer, se fit remarquer parmi les
meilleurs marins de l'ordre, et par-
vint jusqu'à la charge éminente de
coramandanten chef de la marinede
Malte, qu'il remplit longtemps avec
autant de zcle que de talent. S'étant
démis de ces fonctions, il obtint la
grand-croix, entra dans le grand-
conseil, et remplit successivement
les emplois les plus considérables
dans l'administration. Après la mort
du bailli de Mazzei , en 1784, le
grand -duc de Toscane, Léopold, le
nomma son ministre auprès du grand-
maître. Lorque la trahison et la lâ-
cheté eurent mis au pouvoir des Fran-
çais l'île de Malte, et transmis le ti-
tre de grand-maître à l'empereur de
Russie ( rojez IIompescu et Paul
1". ); et que l'une ayant été conqui-
se par les Anglais, l'autre eut été ab-
diqué par l'empereur Alexandre, un
TOM
accord eut lieu entre les grandes puis-
sances qui s'intéressaient à l'ordre
de Malte , et l'Angleterre y adhéra
en 1802 : la nomination du grand-
luaître fut alors déférée pour cette
fois au Saint-Siège, sur la présenta-
tion des prieurés de l'ordre. En con-
séquence de cet arrangement, le pa-
pe nomma , au mois de septembre
1802, le bailli de Ruspoli, prince
romain, né en 1734, qui avait été
quatre ans général des galères de
l'ordre. Ruspoli , qui se trouvait alors
en Ecosse, ayant refusé la dignité
qui lui était offerte , Pie VII , dans
un second consistoire , nomma le
bailli de Tomraasi, le 19 février
1803, sur la recommandation du
roi de Naples et de l'empereur de
Russie. Le nouveau grand-maître en-
voya aussitôt le commandeur deBus-
3v, comme son fondé de pouvoir et
son lieutenant, a. Malte, pour récla-
mer l'évacuation de l'île par les An-
glais, conformément à l'article 10
du traité d'Amiens , et la cession du
palais du gouvernement au fort La
Valette. Le ministre britannique,
Alex. J. Bail , répondit, le 2 mars,
que le retard de quelques puissances
à reconnaître l'indépendance de Mal-
te autorisait l'Angleterre à garder
cette île eu dépôt ; que le palais du
gouvernement étant occupé par les
chefs Anglais, civils et militaires,
on offrait provisoirement au grand-
maître celui de la Boschetta ; mais
que, comme il n'y avait phis^ie meu-
bles , le prince ferait bien de ne pas
venir à Malte, et de résider pi-ovi-
soircment en Sicile. Tel fut le résul-
tat de cette négociation inutile. Tom-
masi n'eut d'auti'C parti à prendre
que de suivre le conseil qu'on lui
donnait. 11 convoqua une assemblée
générale de tous les chevaliers, dans
j'cglj'^c prieurale de l'ordre , à Mes-
XLVI.
TOM 225
sine , le 27 juin. On y lut la bulle
pontificale de son élection , et lors-
qu'il eut prêté, à genoux , le serment
accoutumé, et reçu le baiser de tous
les chevaliers, il prononça un dis-
cours où il les exhortait à la con-
corde, si nécessaire pour rendre à
l'ordre son existence et ses anciens
statuts. Plus tard il fut question de
transférer la cour du grand-maître à
Corfou • mais il établit sa résidence
à Catane en Sicile. Ce fut là que
tous les chevaliers qui étaient x'estc's
à Malte se rendirent , à h-i fin de no-
vembre , avec la chancellerie et les
archives de l'ordre. Le couvent des
Augnstins fut mis à leur disposition ,
et le grand-maître Tommasi habita
un palais voisin. Il y mourut, le i3
juin i8o5, après avoir désigne pour
son lieutenant le bailli de Guevara ,
qui fut confirmé par le pape et par
le sacré conseil de l'ordre dans les
fonctions de lieutenant du magistè-
re, qu'il exerça jusqu'à sa mort, ar-
rivée le i5 avril 181 4. On lui donna
un successeur; mais l'ordre de Mal-
te , dépouillé de ses biens dans la
plupart des états de l'Europe , et di-
visé par les factions qui se sont for-
mées entre les divers chevaliers , ne
paraît pas destiné à recouvrer son
ancienne puissance, A — t.
TOMORÉE (frère Paul ) , arche-
vêque de Colocza , et généralissime
de l'armée de Hongrie sous le jeune
roi Louis II , était de l'ordre des frè-
res mineurs. Avant de prendre l'habit
monastique il avait porté les armes ,
et s'était marié deux fois : sa pre-
mière femme était morte le jour
même de la célébration de son ma-
riage ; la seconde était une veuve qui
mourut presque aussitôt après leur
union. Tomorée, frappé de ce cou-
cours de circonstances malheureuses,
le prit pour un avis que lui donnait
i5
226 TON
le ciel (le se revêtir de l'iiabit reli-
gieux , et il le gjjrda depuis ce mo-
ment , même à la tète des armées.
Le jeune roi Louis II avait tant
de confiance dans ses talents, ses
conseils et son courage , qu'il lui don-
na le gouvernement des pays et des
places tories situés entre la Saxe , la
Drave et le Danube. Frère Paul a^ ait
de la valeur, mais l'opiniâtreté et
l'ardeur lui tenaient lieu de l'habile-
té et delà prudenccqui lui manquaient.
Il sut par sa vigilance avertir le jeune
roi de ses dangers , et de l'approclie
de Soliman : mais il eut ensuite
la folie de l'engager à l'attaquer
plutôt que de l'attendre dans ses po-
sitions avantageuses. Le roi Louis
et son conseil voulaient qu'on ne
combattît que lorsque les secours qui
étaient en marche seraient arrivés :
frère Paul empêcha le prince et l'ar-
mée de se retirer , et lit résoudre la
funeste bataillcde Mohaczqui décida
les malheurs de la Hongrie ( Voy.
SoLTMAN I<^^. ). Ce moine se mon-
tra aussi brave soldat que mau-
vais général : il fut tué des premiers
en combattant avec intrépidité ; les
vainqueurs lui coupèrent la tête , et
l'exposèrent comme un trophée à la
vue de leur armée , le 29 août
iS'iô, jour de la victoire de Mo-
hacz. S — Y.
TOMRUT. Voy. Toumert.
TONDU dit Lei;nm( Pierre-Hen-
ri-Marie ) , ministre de la républi-
que française, naquit à Noyon, en
i-^Si, dans une telle obscurité que
personne aujourd'hui ne se rap-
pelle y avoir connu sa famille. Il fut
élevé aux frais du chapitre de cette
ville, et placé au collège de Louis-
le-Grand , à Paris, où il acheva ses
études. On l'admit ensuite à l'Obser-
vatoire, au noinbr(! des (lèves dont
le roi payait la pension. U embrassa
TON
l'état ecclésiastique , et fut connu
dans le monde sous le nom de V Ab-
bé Tondu -j mais trouvant ce nom
ignoble _, il le changea en celui de
Lebrun. 11 s'ennuya bientôt de por-
ter la soutane, et s'engagea comme
soldat dans un régiment d'infanterie,
où il resta à peine deux ans. Il dé-
serta et se réfugia dans le pays de
Liège, où il se fit ouvrier imprimeur,
puis journaliste, et joua une espèce
de rôle dans la révolution qui obli-
gea le prince évêque à sortir de ses
états , en i -jSy. Forcé bientôt de s'en
éloigner lui-même par la répression
des troubles , Tondu vint s'établir
dans la petite ville d'Hervé, au pays
de Limljourg, où il se fit encore
prédicateur de révolutions dans une
gazette intitulée le Journal général
de l'Europe ; blâmant néanmoins
avec beaucoup de violence celle qui
se faisait alors dans la Belgique, par
l'influence du clergé ( F. Vander-
NOOT ). Ses déclamations politiques
furent remarquées par les meneurs
de la révolution française , qui était
à cette époque (i '^90) dans toute son
ellervescence ; ils crurent avoir aper-
çu dans ce journaliste de profondes
connaissances en diplomatie , et ils
l'engagèrent à venir à Paris , où Du-
mouricz, devenu ministre des affai-
res étrangères , lui donna un emploi
dans ses bureaux. Lebrun parut alors
plusieurs fois à la barre de l'assem-
blée législative, avec des députations
de patriotes liégeois , et il ne man-
qua aucune occasion de signaler son
patriotisme. Lié avec tous les me-
neurs du parti qui renversa le trône
au 10 août I -j(y>. , il fut aussitôt après
cette calastiophe nommé ministre
des relations extérieures , et fit divers
rHp]iorfs à l'assemblée , sur la situa-
tion politique de l'Europe, entre
autres le 25 septembre i79"-ij où il
TON
annonça mystérieusement une négo-
ciation importante , et qui intéres-
sait l'existence de la république.
Cette négociation , qui ne fut point
livrée au public , était proLablement
celle qui venait d'être entamée avec
le roi de Prusse ( r. Dumouriez au
Supplément ). Le i *"'. octobre sui-
vant, Lebrun donna encore quelques
détails sur les ouvertures de paix
faites par le duc de Bruns^vick; et
cesdc'tails, où l'on ne trouve pas tout
le secret de l'inexplicable retraite
des Prussiens , sont néanmoins très-
précieux pour l'histoire. Le 'i-i du
même mois, le nouveau ministre fit
encore un rapport curieux sur le
refus de la Porte Ottomane de
recevoir comme ambassadeur M.
de Sémonville. Dans les séances du
19 et du3i décembre, il fit part
des dispositions hostiles de l'An-
gleterre, et déclara, au milieu des
applaudissements de la Conven-
tion nationale, qu'il avait menacé le
ministère britannique d'en appeler à
la nation anglaise. Enfin il commu-
niqua les déclarations de la cour
d'Espagne , en faveur de Louis XVI ^
et après la mort de ce prince , il an-
nonça l'expulsion de l'ambassadeur
Chauvelin, par ordre du roi d'An-
gleterre. Lebrun fut ainsi l'organe ou
le directeur des plus importantes af-
faires de la dij)!onialie de cette épo-
que; el l'on doit dire que ses rap-
ports ou ses discours , si on les
compare?, ceux des autres orateurs,
ne sont pas trop empreints du délire
et de l'exaltation du temps. Il paraît
même certain que , de concert avec
son protecteur Dumouriez , il avait
formé un plan pour sauver Louis
XVI. Du reste , comme beaucoup
d'hommes du même genre , Lebrun
avait sans doute pensé qu'après la
ruine de l'édifice monarchique, il se*
TON 11^
rait possible de rétabhr l'ordre et le
calmeavecleshommes et les éléments
qui avaient servi à le renverser j mais
il fut bientôt cruellement détrompé.
Robespierre et d'autres Monta-
gnards le dénoncèrent plusieurs fois
à la tribune de la Convention ; et, ce
qui caractérise bien la folie du temps,
ils accusèrent celui qu'eux - mê-
mes avaient nommé leur ministre
des afl'aires étiangéres , d'être un
homme d'état. Lebrun fit d'inutiles
etfurts pour résister à ces attaques.
Enveloppé dans la proscription du
parti de la Gironde, après le 3i
mai, il fut décrété d'accusation, le
25 septembre , et mis en arrestation.
Ayant eu le bonheur de s'évader, il
fut repris bientôt après, et traduit
au tribunal révobitionnaire , qui le
condamna à mort, les-] décembre
1793. W^^. Roland, qui a fait des
portraits assez flattés de la plupart
des chefs de la Gironde , a tracé avec
beaucouj) d^e sévérité , et peut-être
un peu de jalousie pour son mari,
celui de Lebrun-Tondu. « Il passait,
» dit-elle, pour un esprit sage, parce
» qu'il n'avait d'elan d'aucune espè-
» ce, et pour un habile homme,
» parce qu'il était un assez bon com-
» misj mais il n'avait ni activité, ni
» esprit, ni caractère. » M — d \.
TONDUZZI (Julf.s-Cesar), his-
torien , né , en 161 -y , à Faenza , fit
ses études à l'université de Padoue ,
et se voua à l'état ecclésiastique.
Il entreprit d'écrire l'Iiistoire de
son pays , au moment où son com-
patriote Cavina était occupé à ras-
sembler des matériaux pour le même
sujet (i). Cette identité de but ,
loin de tourner eu rivalité litté-
raire, rappiocha ces deux écrivainsj
lia anliijui:
âge de ce Hcrni<
'""' '■'-g'" '"''
st intitule : Favcn-
I , Faeiiia , 1670 ,
328
TON
et à la mort de Tonduzzi , arrivée
Je 27 septembre 1673 , ce fut son
confrère qui se cbargea de la con-
tinuation de l'ouvrage. On a de lui :
I. Faventinœ historiœ hreviarinm ,
Faenza , 1670, in-8«. A la lin
du voliime est une réponse de l'au-
teur à quelques observations de Ser-
torius Orsato. II. Istorie di Faenza,
ibid. , 1675, in-fol.^ ouvrage pos-
thume , publié par Jérôme Minacci.
Tonduzzi, qui y avait employé vingt
années de recherches , n'était ar-
rivé qu'à la fin du quatorzièmesiècle.
Cavina continua ce travail jusqu'à
l'année 1600, et y ajouta des tables de
matières , un tableau des évêques ,
des maires etdequelques autres auto-
rités de Faenza ;, avec une Notice sur
l'auteur. Haym et Lenglet-Dufresnoy
se sont trompés en ci'oyant que cet
ouvrage avait été imprimé à Ferrare
( F. Rlittarelli , de Litteraturd Fa-
ventinorum , et Marangoni , Tesoro
de parrochi, tome 11, liv. 3, chap.
m ). A— G— s.
TONE(Théobalu-Wot,f), fon-
dateur de l'assooiatic n des Irlandais
unis , naquit, à Dublin , le 20 juin
1 763 , fit ses études à l'université de
cette ville , et son cours de droit à
Londres. Destiné au barreau , il l'a-
bandonna bientôt pour se livrer à la
politique, et fut entraîué dans cette
périlleuse carrière par l'indignation
qu'excita en lui la triste position de
sa patrie, l'un des pays les plus fa-
vorablement situés, et cependant l'un
des plus malheureux par l'oppres-
sion oii y gémissent les Catholiques.
Quoiqu'il professât !a religion an-
glicane, Tonc n'en montra pas moins
un Ircs-vif intércl au sort dc-v Ca-
tholiques ses compatriotes, et il
publia , en 1790, luie Ijrochnrc vé-
hémente rontre les abus de l' admi-
nistration anglaise. Col écrit le fit ad-
TON
mettre dans la société des Whigs de
Bedford, et im second ouvrage du
même genre le fit nommer secrétaire
du comité central de l'opposition.
Dès-lors, attaché pour toujours à la
cause de la liberté irlandaise , il ré-
digea les pétitions, les défenses des
Catholiques , et fut chargé, en 1 793,
de demander au roi d'Angleterre l'a-
bolition des lois pénales sous lesquel-
les ils gémissaient. Il fonda ensuite la
société des Irlandais unis ( F. Tan-
dy ) , que le gouvernement anglais vit
avec tant de peine. Tone fut appelé
dans le parlement , oîi le chancelier
le traita de serpent nourri dans le
sein de l'état. Menacé dans sa liber-
té, il se retira en Amérique, puis en
France , où il se concerta avec le gé-
néral Hoche sur les expéditions de la
baie de Eantry et du Texel ( F. Ho-
che). Nommé adjudant -général, il
servit dans diiïé'rentes armées fran-
çaises, et eulin dans l'expédition du
général Hardi, en 1798. Le vaisseau
sur lequel il se trouvait ayant été pris
par les Anglais, il fut conduit à Du-
blin , et traduit devant une cour mar-
tiale qui le condamna à être pendu.
Ayant vainement demandé à être fu-
sillé ^ il se tua lui-même dans sa pri-
son. — Son fils a obtenu , en 1 8 1 o ,
une mention honorable au concours
proposé par l'Institut, sur cette ques-
tion : Etat cii'il et politique de l'I-
talie sous la domination des Goths.
M— D j.
TONELLI (Jacques). Foj.Di-
MAS DE La Choix.
TONG (Ezkail), fils d'un mi-
nistre dellolby, où il naquit en 1621.
Comme il était de la secte des puri-
tains , il sortit d'Oxford, où il faisait
ses éludes, lorsque l'armée parle-
mentaire vint mettre le siège de-
vant cette ville, et il alla établir une
école à la campagne. Ayant éj)ousc
TON
la fille du docteur Plucklcy , ce doc-
teur lui résigna sa cure dans la pro-
vince de Kent , qu'il fut ensuite
obligé de quitter à cause des fac-
tions dans lesquelles étaient parta-
gés ses paroissiens : il devint profes-
seur de grammaire au collège de
Durham. Après la dissolution de ce
collège, il se retira à Islington dans le
voisinage deLoudres , où il établit une
école de grec et de latin. Le colonel
Harley lui procura la place de chape-
lain de la garnison anglaise de Diiii-
kerqiie. Après la reddition de cette
ville, il fut nommé curé de Sainte-
Marie de Stayning , à Londres. Ré-
duit à une extrême détresse par l'in-
cendie de sou église _, il accepta la
place de chapelain de la garnison de
Tanger , d'où il revint daus sou bé-
néfice lorsque l'église eut été re-
bâtie. Cet homme, d'uu caractère
inquiet et fanatique ^ s'associa avec
le fougeiis. Oates , pour la dénoncia-
tion du prétendu complot des catho-
liques contre Charles II. Ce fat dans
la maison de cet infâme calomnia-
teur qu'il mourut, le i8 novembre
1680. Tong était habile dans le grec
et le latin. Il avait du talent pour la
poésie, et il obtint des succès dans
la profession d'instituteur • il con-
naissait parfaitement la chrono-
logie , l'histoire naturelle , et s'é-
tait même occupé d'alchimie. On
a de lui : I. abrégé de la gram-
maire. II. Trois Dissertations dans
les Transactions philosophiques , sur
la sève des arbres, et particulière-
ment sur celle des noyers. III. Plu-
sieurs pamphlets contre les Jésuites.
IV. Le Royal martyre. V. 'L'Etoile
du Nord, contenant des prophéties
sur la monarchie anglaise. VI. Tra-
duction d'un ouvrage français , sur
les persécutions exercées contre les
Protestants. VII. Traduction de quel-
TON 2'2ÇJ
ques Traités de Drelincourt. Il fut
aussi l'éditeur d'une Chronique
composée par Simson. Il a laissé
en manuscrit un Traité d'alchi-
mie et plusieurs Traités de théo-
logie. T — D.
TONNELIER (le). ^0^. Chas-
TELET, VIII, 263.
TONSI (Jean), biographe, né,
en 1 528 , d'un ancienne famille mi-
lanaise , entra dans l'ordre des Hu-
miliés, administré alors par un de
ses parents , avec lequel on l'a sou-
vent confondu (1). En i55g, il le
remplaça dans la dignité d'abbé de
Bréra, et, peu après, il alla gouver-
ner le monastère de Saint Abondius ,
à Crémone. Il était dans cette viUe ,
lorsquel'on complotait à Milan contre
la vie de rarchevèque ( V. Charles
Borromee, V, 197). Un certain Li-
gnana se présenta un jour devant
l'abbé, et il eut la témérité de lui de-
mander quarante pistoles pour faci-
liter l'évasion de Farina , qui devait
commettre ce crime. Tonsi effraya
cet émissaire , en le menaçant de dé-
voiler son projet : mais, n'osant pas
être le délateur de ses propres con-
frères , il garda le silence ; et cet acte
de faiblesse l'enveloppa dans la per-
sécution à laquelle restèrent exposés
les auteurs de cet attentat. Arrêté
avec sis des complices , il fut d'a-
bord relégué dans la chartreuse de
Garignan , et il obtint ensuite la per-
mission de se retirer en Toscane.
Ses manières et son instruction lui
gagnèrent l'estime de François de
Médicis , qui le nomma grand-
prieur de Saint-Étienne , et i-ecteur
de l'université de Pise. Tonsi resta
dans cette ville jusqu'à l'année i586,
époque de sou rappel à IMilau , où il
(1) Celui-ci s'appelait Jean-Bovlisle , et il jïtnit
abbé du monastère de Bre'ra , à Milan , eu i55a.
23o TON
mourut le 3 novemLre lOoi. Ses
ouvrages sont : I. DLceptationes
calvinicœ , traduit de l'italien de Pa-
nigarola , IMilan , i5g4, in-4*'- H-
De vitd Emmaniielis F hiliberli Al-
lobrogum duels , libri duo , Turin ,
iSgô, iu-fol.; trad. en italien , par
l'auteur lui-même, Milan, 1602, in-
4°. Toiîsi (2)av;ùtC(jnnu ie duc Éma-
uuel Philibert, lors de son voyage
à Turin , pour y remplir une mission,
au nom du gouverneur de Milan. Il
voulut honorer la mémoire de ce
prince ; et ce dévouement lui valut
mie pension de cinq cents écus par
an , de la part de Cliarles-Kmanuel,
qui lui avait déjà accordé le titre de
conseiller. 111. ï^ita d' Alfonso d\4-
valos , marchese del Vasto, uicdit.
{Voj. Argelati, Script. MedioL, n,
1499 î ^t Tiraboschi , Fêtera
Humiliât, monumenta , i , 3o4 et
417'!. A G— s.
TONSTaLL ( CuTHBERT ) savant
prélat anglais, était né vers 1476 ,
à Tacford dans le Mertfordshire y
d'une famille illustre. La nature l'a-
vait doué des plus heureuses disposi-
tions pour les sciences , et il les cul-
tiva par l'étude de la théologie , de
la jurisprudence , de la philosophie,
et des mathématiques. On conjecture
qu'il vint à Paris suivre les cours
de l'université que le mérite de ses
professeurs rendait depuis long- temps
célèbre. Quoi qu'il en soit , Tonstall
reçut le doctorat à l'académie d'Ox-
ford , et ne dédaigua pas d'y rem-
plir qii(Ii|ue temps une chaire. Ses
talents le (ir(!iit appeler au conseil du
roi Henri Vlll , qui l'emjjloya dans
diverses all'aires importantes , et le
Tin>l..
A'"
l.i la|,,..l-
011 v(Tilnl)K-
(,.) r.,.>lnml,i. Zrm
Icnl ï'ow , :iii lien de 7
nom. Celle crmir a i'Ip rrpeirc |i;<r le Piiliun
nairr historique i]c BasMinu-, <|tii n'o fait ({lie eu-
picr Tiraboirl'i |iarli>iit o» il l'a |>ii.
TON
récompensa de ses services, en iS'^'iy
par l'évèchéde Londres, et, en ) 53o,
par celui de Durham , le plus riche
du royaume , et auquel était annexée
la dignité de Palatin. C'était le prix
de la complaisance que Tonstall avait
eue d'écrire en faveur de la dissolu-
tion du mariage de Henri avec Ca-
therine d'Aragon. L'évèque de Dur-
ham était attaché sincèrement à la
foi catholique • mais il n'avait pas le
courage de son ami Thomas More
( F. ce nom ) , et on le vit approuver,
du moins par son silence, des mesures
qu'il détestait au fond du cœur, et
qui iiuuent par consommer le schis-
me de l'Angleterre. La mort de
Henri YIll fut le terme des prospé-
ritésde Tonstal. Ce prince l'avaitdé-
signé l'un des régents du royaume
pendant !a minorité d'Edouard; mais
ie duc de Northumberland le fît
déposer et supprima l'évêché de
Durham , pour s'attribuer la digni-
té de Palatin. Cette disgrâce ren-
dit à Tonstall le sentiment de ses
devoirs : il désavoua publiquement
sa faiblesse , et montra le plus grand
repentir de sa conduite. Enfermé par
ordre d'Elisabeth , il termina sa vie
dans une prison, en iSSg. On a de
lui : I. In laudem matrimonii ,
oralio habita insponsalibus Mariœ ,
Henrici Vlll filiœ , et Francisci ,
l'egis Franc orum primogeniti , Bàle,
i5i() . in-4'^- IL De arte suppu-
tandi libri (piatuor , Londres, i5^2,
in-4". (i). Ou en conserve un exem-
plaire sur peau vélin, dans la bi-
bliothèque de Corpus Chrisli , à Ox-
ford ( F. le Decani. de M. Dibdin,
M , 3G8 ) , Paris , Rob. Esfienne ,
i5i9, i535, i538, in-4"- C'est un
(l) MoiilM.la .M .ile iiii.'iilil. de Paris, l,ïo« ,
iu-4". ; mais illi- ue d"il son cxinlcucr n»'à iiue
faille t.vpoKra|)liiqiic, i5»8 pour |538. V.iy. l'//i)7,
ilei mal'ié>riatiijiir< , 1 , 573.
TON
Traite d'aritbmétiquc très -remar-
quable pour le temps. Tonstall , dit
dans la Préface , qu'il le compo-
sa pour faciliter l'examen des comp-
tes des trésoriers de la couron-
ne. III. Compendium et synopsis
in dccem libros Ethicorum Aris-
totelis, Paris, i554, in-8°. IV. De
veritate corporis et sajiguiîiis Jesu
Christi in eucharistid , ibid., 1 554,
in-4*'. V. Opus contra blasphema-
tores Pei prœdestinationis , Anvers,
i555,in-4'^. (2). W — s.
TONTI , banquier italien, qui se
fixa en France, imagnia les emprunts
en rentes viagères, appelés, de son
nom. Tontines. La différence de ce
moded'empnuit avec les autres con-
siste en ce que les extinctions tournent
au prolit des prêteurs survivants.
Le ministère établit , pour la pre-
mière fois, une Tontine , en i653 ;
et le trésor se trou va surchargé d'une
dette annuelle d'un million vingt-cinq
mille livres. On eut encore recours
au même moyen en i08p , 1696
(2) Suivant Aikiii, dans sa biographie geiierale,
TojistalloH Tunslall naquit à liatcUford , dans l'an-
cien Richmondshiro, vers j47h. U eludia à Ox-
ford, puisa Cambridge, et prit le doctorat eu
droit à Padone. II possédait déjà plusieurs bénéfi-
ces ecclesiastitptes, lorsqu'il i'ut uoniiue, en i5i6,
archiviste ou maître des rôles. Il fut, à diverses
époques, euvové comme ambassadeur aupri-s de
l'empereur C.harles-Quiut. Le sceau-privé lui fut
étudié en i5->3 : en lôay il arcompagna le cardinal
VVoIsey en France , à titre de conseiller d'ambas-
sade , et lut, en lôat) . l'un des ambassadeurs
de l'Angleterre, au traité de Cambra). Son 7.è!e
pour l'église romaine se deplova eu diverses occa-
sions, nolaumient en pres-aiit Érasme , l'un de
ses intimes amis , d'écrire contre^jUther. Plusieurs
des lettres qu'il écrivit à liudee et à Ëra-me ont
été imprimées dans lerecueil desEpitresde ceder-
«ier. Persécuté et dépouillé sous le règne d'E-
douard VI , il ne songea point à s'en venger lors-
qu'il eut recou\ ré sou évèclié , apri-s l'avéuemcnt
de Marie, et duraul ce règne sanglant , personne,
dit-on , ne fut allaclié au fatal poteau dans son
diocèse. Uit prédicaul avant été arrèlé en sa pré-
iîeuce , sou chancelier insistait pour qu'il lut ri-
poureus«|nent iiiterrogé. ï.'évèque de Durham mo-
déra son xi'le en <lisaiit : « Jusqu'ici nous avons sti
conserver l'eslime de ceux tpii imuis entourent ; ne
faites pas , je vous pri**, rejaillir sur ma tête ]o
*ang de cet homme. » Sous le règne d'Iilisabcth ,
ayanl persisté à refuser de prêter le serment de
suprématie , il fut de nouveau dépossédé. L.
TON
23l
et 170g. De tous les expédients de
linances , dit Forbonnais , c'est peut-
être le plus onéreux pour l'état , puis-
qu'il faut presque un siècle pour
éteindre une Tontine , dont les inté-
rêts sont cependant d'ordinaire à un
très-fort denier ( Yoy. Recherches
et Cojisidérations sur les finances
de la France ). La science des fi-
nances a fait de tels progrès , qu'on
peut croire qu'un pareil moyen ne
sera plus employé. W-s.
TO N T I i Le chevalier ) , fils du
précédent, avant embrassé la profes-
sion des armes, servit, liuit ans,
sur terre et sur mer , et se conduisit
partout avec honneur. Dans une af-
faire en Sicile , il eut la main empor-
tée d'un éclat de grenade; mais il la
fit remplacer par une main de fer,
dont il se servait fort adroitement.
Étant revenu a Paris solliciter de
l'emploi, La Salle, sur la recora
mandation du prince de Conti, l'as-
socia à l'expédition qu'il était sur le
point d'entreprendre , et dont le ré-
sultat fut la découverte du Mississi-
pi ( F. La Salle, XL, 181 ). En
partant pour i"oconnaître si , comme
il le soupçonnait, le fleuve qui donne
son nom à cette contrée avait son
embouchure dans le golfe du Mexi-
que, La Salle laissa trente hommes
à Tonli , pour la garde du fort Nia-
gara . qu'il venait d'établir entre les
lacs Érié et Ontario. Tonti s'occupa
d'aboi'd fl'assurer la subsistance de
sa garnison, et ensuite, avec un dé-
tachement , s'avança dans la rivière
des Illinois. Il ne négligea rien pour
gagner l'amitié des chefs de cette na-
tion, et réussit à les mettre dans les
intérêts de la colonie naissante. Mal-
heureusement il ne put aider ses nou-
veaux alliés dans la guerre qu'ils eu-
rent bientôt à soutenir contre les îro-
quois, excités par les Anglais, qui
232
TON
voyaient avec cuvie la France éten-
dre ses établissements dans un pays
dont ils convoitaient le commerce
exclusif. Les pertes que les Illinois
éprouvèrent dans cette guerre les
refroidirent beaucoup à l'égard des
Français. En 1680, ïonti fut char-
ge', par La Salle, de construire un
fort sur la rivière des Illinois, dans
une position avantageuse. Informe'
que le fort de Crève -Cœur était me-
nacé par les Iroquois, il s'y rendit
aussitôt ; mais, j ugeant impossible de
le défendre , il prit le parti de l'aban-
donner, et ramena la garnison, ré-
duite à cinq hommes par les déser-
tions et par les maladies. Il acheva ,
l'année suivante, le nouveau fort au-
<]uel il donna le nom de Saint-Louis.
Etonné de ne pas recevoir de nou-
velles de La Salle, dont il ignorait la
iin tragique , il descendit le Mississi-
pi jusqu'à son embouchure, et re-
auonta ce fleuA^e avec le chagiin de
n'avoir pu découvrir le sort de son
•nmi. Resté presque seul, par la mort
de La Salle et de la plupart de ses
compagnons, il se fixa dans le pays des
Illinois , desquels il s'était fait aimer,
et y vécut plusieiu-s années du pro-
duit de sa chasse et de la vente des
pelleteries. C'est de son nom que les
cantons qu'il avait habités sur les
Lords du Mississipi furent appelés
Petits et grands T onlicas. M ihci-
yille , nommé commandant de la
Louisiane, y trouva Tonti, en 1700;
mais on ignore la suite de ses aven-
tures ainsi que l'époque de sa mort.
On a sous le nom de Tonti : Les der-
nières découvertes de La Salle
dans V Amérique septentrionale ,
Paris, 1O97, iii-iii. Il déclara à d'I-
brrville, ainsi qu'au P. Maie.st, mis-
sionnaire (Voy. Lettres édifiantes ,
VI , 3'.i'i , éd. de Querbeul ) , qu'il
li'avait aucune part à cet ouvrage,
TON
plein d'inexactitudes, .et dans lequel
les productions de la Louisiane et
les ressources qu'elle oll're au com-
merce étaient ridiculement exagé-
rées. Cependant on l'a réimprimésous
le titre de Relation de là Louisiane
et du Mississipi , dans le Recueil des
voyages au Nord, v, 87-195. On
peut consulter sur Tonti VHistoire
de la Nouvelle-France j par le P.
Charlevoix, m et iv, éd. in-iî, et
VHistoire générale des voyages ,
par Prévost, tome lvi, in- 12. W-s.
TONTOLI (Gabriel), historien,
né, vers l'année 1 6 1 0, à Maufredonia
dans la Pouille , étudia la jurisprur
dence à l'université de Naples, qu'il
habitait encore lors de la révolution
de I (347 (■ V. Masaniello , XXVII j
342 ). A sou retour en province , il
vit éclater une autre guerre entré
deux chapitres , à l'occasion de la
double élection d'un vicaire : chargé
d'aller soutenir à Rome la nomina-
tion de son frère, Tontoli, qui s'était
bien acquitté de cette mission , se
voua pour toujours à l'état ecclésias-
tique. Il prit les ordres , fut sacré évé-
que de Ruvo , et mourut peu après
dans son diocèse , en i6G5. Témoin
des désordres qui avaient accompa-
gné la révolution de Masaniello , il
voulut raconter ce qu'il avait vu, sans
avoir la prétention de composer une
histoire : « J'ai fondu mes notes ,
» dit -il, dans un style naturel et
1) fantastique : je vous donne ce li-
» vie comme un mélange d'histori-
» que , de narratif, de poétique , de
» déclainaloirc et de familier.... J'ai
» cru qu'une j'évolul ion opérée parmi
)) homme du peuple ne devait être
» écrite que ])ar une plume vulgai-
» re. » Cet aveu nous disjicnse de
loul autre jugement. L'auteur avait
eu d'abord l'idée de rédiger les Mé-
moires du duc d'Avcos^ et sou ou-
TOO
vrage devait être intitule : //p-m-
cipe pietoso. Mais choque des actes
de rigueur exerces par ce vice-roi ,
il fit choix d'un nouveau titre , et
dëdia sou travail à don Juan d'Au-
triche. N'osant braver personne , il
loue indistinctement tout le monde.
Les Espagnols et les Napolitains , la
noblesse et le peuple , les gouver-
nants et les gouvernés , chacun re-
çoit tour-à-tùur ses éloges. Ne sa-
chant plus comment concilier ses
protestations sur l'attachement des
Napolitains au roi d'Espagne avec
leur tentative d'en briser le joug , il
finit par appeler cet événement une
sédilion fidèle , dont il ne fallait pas
trop sefàcherjcar aprèstout: licet ali-
quando insanire. Ses ouvrages sont :
i. Il Masaniello owero discorsi
narratii'i sopra la sollevazione di
Napoli , Naples, i648 , in-4°. M.
le marquis de Fortia vient de donner
un Catalogue raisonné des ouvrages
relatifs à la révolution de Masaniello,
dans le premier volume des Mémoi-
res de Modène , réimprimés à ses
frais, Paiis, 1826, 2 vol. in-8^.
Nous regardons ce travail comme le
plus complet qui ait paru jusqu'à
ce jour : il comprend les titres de
cinquante-huit ouvrages en italien, en
français, en anglais , en espagnol et
en allemand. II. Memoriœ diversce
metj opolitanœ ecclesiœ Sfpontince ,
ex apostoUcis in F'aticano monii-
mciiLis, et aliiindè deductœ , Rome^
1654, in-4°. III. Collectio jiirium
ecclesiœ Garganicœ contra Sypon-
tinam , ibid. , i(355 , in-4''. P^of.
Sarnelli, Cronologia de' vescovi ed
arcivescovi Sipontini; ctSoria, Sto-
tici Napolelani. A — g — s.
TOOKE (Le révérend William},
littérateur anglais , né, en i ^44 ( ' / 7
1 , ■ .
(1) Tl roiiiplall p;irmi sp» «iicètrc» Opnrgp Too-
Ve, qui , a[iios avoir |>ris une part Irî'S-BCtive à
TOO 233
fit ses études dans une école d'Isling-
ton , où il eut pour condisciple J.
Nichols, avec lequel il fut ensuite at-
taché à l'imprimeriedu savantBow-
yer. Il reçut les ordres sacrés , se
maria , vers 1771, et occupa la place
de ministre de l'Eglise anglaise à
Cronstadt , dans une île du golfe de
Finlande, soumise à la Russie. Ayant
été appelé, en 1774» à l'emploi de
chapelain de la factorerie anglaise de
Pétersbourg , sou mérite le mit eu
rapport avec les personnes les plus
distinguées par leur esprit ou par
leur rang : les Orloff , les Galitzin ,
le prince Potemkin , la princesse
DashkofF, le comte Boutourlin , les
Euler, pèreet fils , Pall3s,Krafft, Pla-
ton, archevêque de Moscou , et Eu-
gène, archevêque de Kerson , tra-
ducteur de Virgile en grec. Dans un
voyage en Prusse, il eut de fréquents
entretiens avec Kant. Ce fut h. la sol-
licitation de son ami Etienne Falco-
net, qui desirait mettre les Anglais eu
état de juger de ses idées dans la
théorie des beaux-arts , que Tooke
traduisit dans sa langue plusieurs
morceaux sur la sculpture écrits par
ce statuaire et par Diderot. Il envoya
cette traduction en Angleterre , où
Nichols l'imprima , en 1777 , in-4°»
Pendant un séjour de dix- huit an-
nées à Pétersbourg , il composa plu-
sieurs ouvrages importants, relatifs à
la Russie. La société royale de Lon-
dres l'avait admis au nombre de ses
rexprdition dirigée contre Cadix, en i(325 , vint
passer le reste de ses jours au manoir de Pope dans le
Hertfordshire, où il composa plusieurs ouvrages
en prose et. en. vers, entre autres les Danahies ,
poème ; et une /■Jégic ( ihe Ea(;Ie Trusser's Elegy )
en l'honneur du prince Rupert. — Andrew Tooke,
autre aïeul de William , fui professeur de géo-
métrie au collège Gresliain , premier maître do I c-
cole de la Cliarlreuse , et mourut en 1731. On a <lr
lui : Sriir^fiiis grierœ linf-ute, 1711; une Iraductioii
(in Pnnlhénn de l'iimey , t77.'>, 10" édition , «wi-
vlc (le plusieurs autres ; la traduction anglaise _dc«
Pei'nirs df l'Iiominc de PufcudolT, J7ilJ, et d'»u.-
trcs écrits.
234
TOO
membres, en 1782. Quelques années
après, l'académie impériale desscien-
ces et la société économique de
Pétersbourg lui ouvrirent également
leurs portes. Londres le revit , en
1 79'2 , possesseur d'une fortune in-
dépendante que venait de lui laisser
«n de ses alliés. Riclie en revenu et en
loisir , il coutinua de cultiver la lit-
térature, et d'ordonner les matériaux
qu'il avaitrccueillis chez l'étranger 11
mourut, à Londres, le 17 nov. 1820,
On a de lui : L Les Jmours d' Othniel
etAchsah, roman, 1767,3V. in-12.
IL La Russie , ou tableau histori-
que de tentes les nations qui compo-
sent cet empire , 1780, 4 vol. in-8".
ll\. Fariétés lillëraires, 1 795, 1 vol.
in- 8". L'accueil qui fut l'ait à cette
collection engagea Tookc à publier,
quelques années a])rès : IV. Extraits
de journaux étrangers , et manus-
crits originaux imprimés pour la
première fois , 1798, 2 vol. iu-S".
On distingue dans ces deux recueils
qualredissertations sur l'histoire an-
cienne des peuples du Nord, jjar le
professeur Slilaetzcr; plusieurs mor-
ceaux de IMeiners et de Wielandjdes
Mémoires sur l'abbé (jaliani ,etc. V.
Fie de Catherine II, impératrice
de Russie, 1797, 3 vol. in- 8". VL
Tableau de l'empire russe, sous le
règne de Catherine II , jusqu'à la
fin du dix - huitième siècle , 1 799 ,
3 vol. !n-8". VIL Histoire de la
Russie , depuis la fondation de cet
t^mjiire jitsfjii'à ravénemevt de Ca-
therine II , 1800, 2 vol. in-8". VllI.
Tableau de P étershourg ,\rAdmt de
Stonh , 1800, iri-8". IX. Sermons
tradnils de l'alleniaud de Zolliko-
fei- : Sur la diy^nilé de l'homme ,
i8o3. 7. vol. iii-fol. Sur les maux
nui sont dans le monde , i8o3, in-
n". Sur l'éducation , i8o(3, 2 vol.
111-8". Sur les f êtes et les solennités
TOP
de l'Eglise, 1807 , 2 vol. in-80. Sur
les erreurs et les vices dominants ,
1812, 2 vol. in-8''. X. Exercices de
dévotion et prières ,Xr garnis du mê-
me, 181 4, in-8*'. Zollikofer était
ministre de la congrégation réfor-
mée de Leipzig. Ses ouvrages sont
très-estimés. William Tooke fut, en
1814, l'éditeur du Dictionnaire de
biographie générale , i5 vol. in-80.
Son ami Nichols a iuséré dans ses
Anecdotes littéraires {X. ix,p. i59)
plusieurs Lettres qu'il en reçut de
Russie. On y lit, entre autres parti-
cularités intéressantes , la relation du
dîner que l'impératrice donnait an-
nuellement aux ministres de la reli-
gion de toutes les dénominations ,
qui se trouvaient dans la ville impé-
riale ; dîner somptueux qu'elle se
plaisait à ajipcler le dîner de la tolé-
rance. On comptait à cette réunion
jusqu'à seize communions diflérentes,
représentées ]iar leurs ministres en
habit ecclésiastique. La conversation
géuérale se faisait en langue latine.
Lorsque le repas était fini, le métro-
politain avait coutume de prononcer
rà haute voix ces paro'es : Gloire à
Dieu dans les deux ! paix sur la
terre ! hienveillance envers les hu-
mains I \ une grande connaissance
des langues et des littératures grec-
que et latine , Tooke joignait une
connaissance parfaite du français :
il |)rêcha souvent dans cette langue à
Pétersbourg devant les protestants de
cette nation, lorsque ceux-ci man-
quaient de pasteur. Apres son retour
à Londres , il prcclia également
avec succès eu faveur de l'école cl
de la maison de travail des protes-
ta n (s franc. lis. L.
TOOKl'". For. lIoHivK.
rOPALOSMAN ou OSMA?^ le
Boiteux, grand -v('zir de Mahmoud
!'='■. , entra , dans son enfance , an
TOP
collège des Itch-Goglans. Son ama-
bilité, sa douceur, sou intelligen-
ce , son adresse, le firent distinguer
dans toutes les études et les exer-
cices de corps en usage chez les
Otliomans. En 1699, il fut char-
gé de porter au Caire un ordre du
sulthan. Pour ne pas tomber au pou-
voir des Arabes qui parcouraient la
Natolie , il s'embarqua à Séide , et
son bâtiment fut attaqué en route par
un corsaire de Ma'iorque ; il reçut
dans le combat plusieurs blessu-
res , entre autres un coup de feu
à la cuisse , qui lui (it donner le nom
de Topai. La saïque fut conduite à
Malte , où un Marseillais nommé
Arnaud , employé en chef dans la
marine de l'ordre , vint visiter la
prise, et ne vit pas sans intérêt le
jeune Turc blessé. « Tu devrais me
» racheter , lui dit Osman avec con-
» fiance, tu ne t'en repentiras jias. «
— Arnaud lui répondit qu'il n'était
pas assez riche pour risquer de per-
dre la somme qu'on exigerait pour
sa rançon. — « Tu as raison, reprit
Osman , je n'ai d'autre sûreté à te
donner que ma parole : es -tu assez
généreux pour y croire ?i> L'hon-
nête Français , touché de la noble
confiance du jeune captif, le racheta
du corsaire ])our six cents sequins.
Osman lui ayant donné le choix d'at-
tendre seulement pour être payé
de sa rançon qu'il eût pu écrire à
Constantinopic, ou de le laisser aller,
sur sa parole, achever sa commis-
sion , le Marseillais se montra aussi
délicat que le jeune Turc était con-
fiant : le navire même d'Arnaud fut
mis à sa disposition : arrivé au
Caire , Osman récompensa généreu-
sement le capitaine et envoya mille
sequins à son libérateur. Il suivit la
carrière des honneurs qu'il méritait
si bien de remplir. Dans la guerre
rop
235
de Morée, de 171 5, il se distingua
assez pour exciter la jalousie et mê-
me la haine du grand-vézir. Son mé-
rite lui tint îieu de sauve-garde , et ,
en i-jia , il fut élevé à la dignité de
jiacha et de serasker dans la IMorée.
Jusque-là il n'avait pas cessé d'en-
tretenir un comjnerce de lettres avec
Arnaud: il fit, à cette époque, venir
auprès de lui le fils de ce généreux
Français, et aida de toute sa protec-
tion à sa forti.»ae. Le noble Osman ne
tarda pas cà cire nommé boiglerLeig
de la Romélie. Enfin , en i ^3 1 , il ob-
tint les sceaux de l'empire. Arnaud
vint à Constanlinople, et présenta à
sou ami Osman des orangers , des
fruits , des fleurs , et douze esclaves
turcs qu'il avait rachetés. Le grand-
vézir se leva , contre l'usage des Mu-
sulmans, a Ce Français, dit -il aux
» grandsqui l'entouraient .a été mon
» maître; snns me connaître, et peu
» riche, il a risqué une somme con-
» sidérable pour lue tirer de l'escla-
» vage. J'étais couvert de blessures :
» il m'a soTgné comme son enfant; il
» m'a laissé aller sur ma parole, et
» m'a confié son propre v^aisseau
» pour me conduire où je voudrais^
» ]e lui dois ma liberté, ma vie et
» ma fortune. Il vient encore de fai-
w re tomber les fers de douze de nos
n frères, qu'il ramène avec lui. » To-
pal-Osman combla Arnaud d'amitiés
et de soins, et lui accorda la liberté
de fairecntrei'à Saloniquedeux char-
gements de bled sans payer de droits.
Ce grand-vczir était aussi sage et ha-
bile que noble et vertueux. 11 fit la
paix avec la Perse, et en obtint, pat
le traité de Cazbin , e n i no i ,1a ces-
sion de la Géorgie ( J^. Thaumasp
II). Il entretint l'abondance dans la
capitale , protégea le commerce , et
se montra toujours l'ami des Chré-
tiens, surtout des Français. Ce fut lui
a36
TOP
qui le premier fit adopter l'essai des
e'volutions militaires européeiiucs, dé-
jà proposées par le ranieiix comte de
Bomieval ( F. Achmeï-Pacha ). Ces
innovations , qui choquaient les pre'-
juge's nationaux, furent le prétexte
dont le kislar-aga et la sulthane validé
se servirent pour nuire à Topal-Os-
man dans l'esprit de Mahmoud. Cet
illustre grand -vézir fut déposé en
i'jSs; mais en lui retirant les sceaux,
le sulthan fut trop juste pour le pu-
nir. 11 l'envoya remplacer son suc-
cesseur au vezirat dans le comman-
dement des frontières asiatiques , du
côté de la Perse. Thahmas-Kouli-
Khan venait de détrôner Chah-ïhah-
masp , et régnait sous le nom d'un
enfant au berceau. La paix de la Perse
avec la Russie était conclue j et^ au
mépris du traité de Cazbin , les ar-
mées du régent tenaient déjà Bagh-
dad bloqué depuis huit mois. To-
pai-Osman accourut avec cent cin-
quante raille hommes pour délivrer
cette place. 11 eut la gloire de com-
battre Tliahmas-Kouli-Khan ( Voj\
Nadir-Chah, XXX, 5:^9), le 19
juillet 1733, sur les bords du Tygre,
à douze lieues de Baghdad, après l'a-
voir trompé par une lettre supposée
qu'il fit tomber entre ses mains , et
dans laquelle il informait le pacha de
Baghdad des motifs qui retardaient
sa marche j de mettre son armée eu
déroute , et de le voir fuir , laissant
environ trente mille morts sur le
champ de bataille. Le défaut de vi-
vres l'empêcha de suivre plus loin ses
.succès. Cependant , trouvant dans
son génie les ressources que la jalou-
sie de ses ennemis , et surtout du
grand -vezir Ali -Pacha, lui refii-
•saieiil, de peur <|u'il n'ac((uît trop de
gloire ( I ), Topai -Osman , le •>.'>. oc-
'.ri<i|..i1-«)vni..n , ii.ri. .v..!,! p..- |. 5 i ii.!.., (s . l
4*1 uiunitiuiis iju'ilsollicituit , t>:iil <U'nMiici<' <]ii'('ii
TOP
tobrc de la même année, battit en-
core le régent de la Perse, près de
Kerkouk. Quelques jours après, il y
eut à Leilau, à six lieues de cette vil-
le , une troisième affaire dont chacun
s'attribua le succès. Topai - Osman ,
se fiant sur ses avantages, avait re-
fusé la paix* et quoiqu'il n'eût que
des troupes qu'il avait été obligé de
disséminer, il osa de nouveau at-
taquer le général persan , avec des
forces très-inférieures. 11 fut vaincu
et tué dans le combat (2). Telle fut la
fin malheureuse de l'illustre Topal-
Osman , dont la perte ne fut bien sen-
tie qu'après sa mort, aussi inutile-
ment que justement reprochée à ses
envieux. Peu de grands - vézirs ont
réuni plus de talents à plus de vertus.
Son noble caractère inspire autant
d'intérêt que d'admiration : il fait
honneur à l'humanité. S — y.
TOPIIAM ( Edouard ) était le
fils d'un juge de la cour de la préro-
gative à York , lequel fut en butte aux
traits satiriques de Sterne. Après
avoir étudié successivement à Eton
et à Cambridge, il entra dans les
gardes-du-corps du roi d'Angleterre,
oii il devint major. Quelques pro-
ductions littéraires , du genre drama-
tique , telles que des prologues et des
épilogues , le firent connaître avanta-
geusement. C'était ce qu'on appelle
un homme à la mode. Uni à mistriss
cimsiflrralion dp 5a vieillo.tsp et de sps infirmitis ,
il lui i'ùl prrmis dcreinetlro le commandcmcnl d«
l'armée à Ahmed, (laclia de IJaglidad. Le grand-
5pij;neur arcticiltaiit sa demande l'avail nommé pa-
ilia de Rimlayeli, cl beigleibeig d'Aualolic; mais
les circoMsIaiices je reluirent à siin poste, el l'ciii-
pri Ile rciil de recevoir les ordres de sa nouvelle des-
luialiun. A— T.
(v.) Ce fui le lendemain du romhat de Leilan ,
veis la lin d'oclohre 1733, f]ue fui livrée» Akder-
liriid la diTuière Ij^.laiHo. Topal-Osmau, porte dans
nue liliire el iniraini- ))ar les fuyards, lut lue par
de» suidais piTsans. Ils porlèrenl" sa ti^lc nu vnin-
iiueiir , <pii , renilaiil liouiniaKC oui lalenls du luul-
lieureux srraslier . (il ensevelir lionoruMcnicnt sel
restes ( /■. NADII(-(;ii/VII ). A-^Ti
TOP
Wells , comédienne autrefois ce'Iè-
bre , il eut d'elle trois fîUcs avec
lesquelles il se retira dans sa terre
du comte d'York. Il mourut, à Don-
caster ^ le '^6 avril 1820. Topliam
était propriétaire du journal intitulé
le Monde ( tlie World ).0n a de lui ,
entre autres écrits : I. Lettres écri-
tes d'Edimbourg , contenant des
observations sur la nation écos-
saise, 1776, in-S^. II. adresse à
Edm. Burke,sur sa Lettre aux shé-
rijfs de Bristol, 1777^ in^''. III. La
Fie de John Elwes , 1 790 , iu-8*^. j
nouvelle édition , i8o5. Cette Notice,
imprimée d'abord dans le Monde ,
fut lue avec avidité. Celui qui en est
le sujet était d'un caractère très- sin-
gulier , réunissant une avarice sor-
dide à un sentiment exquis de l'hon-
neur et à des vertus digues d'un
stoïcien. Elwes était membre de
la chambre des communes. On a
peine à croire tout ce qu'on lit
dans sa Yie , quoique l'auteur assure
ne rien avancer qu'il n'ait été à por-
tée de connaître. L.
TOPINO- LEBRUN ( François-
Jean-Baptiste ) , peintre d'histoire ,
naquit, à Marseille, en 17G9, et se
destina de bonne heure à la pein-
ture. Envoyé à Rome , comme élève ,
au commencement de la révolution, il
connut David, et le zèle des beaux-
arts autant que la conformité des opi-
nions politiques établirent entre eus.
une liaison intime. Topino reçut de
David la promesse que celui-ci le re-
cevrait au nombre de ses élèves. En
ellct, TopinO;, revenu à Paris, se per-
fectionna pendant plusieurs années
dans les ateliers du premier maître
de l'école française, et il y lit de
grands progrès. Mais, passionné com-
me la plupart des artistes ^ pour les
iilécs de révolution et de républitiue,
^ l'exemple de son maître, il se livra
TOP .137
à tous les excès de ce temps-là. Nom-
mé, en juillet 1793, juré au tribu-
nal révolutionnaire, ce jeune artiste,
qui était d'ailleurs bon, serviable et
ami fidèle , se laissa entraîner par
l'exaltation de ses idées à voter un
grand nombre de condamnations ini-
ques. Ami particulier d'Antonelle ,
qui , d'abord lié avec les députés de
la Gironde, devint ensuite leur bour-
reau , Topino ne vit que par ses yeux
dans ce grand procès entre deux fac-
tions emiemiesj et, républicain lui-
même, il dévoua au supplice les fon-
dateurs delà république. Après avoir
envoyé les Girondins à l'échafaud ,
il ne manquait à Topino-Lebrun que
d'y envoyer ses propres amis; et il
fut du nombre des jurés qui pronon-
cèrent sur le sort de Danton et de
Camille-Desmoulins. D'abord il ré-
sista aux ordres des décemvirs qui
régnaient au Comité de salut public
et dominaient la Convention ; mais
bientôt , égaré par de faux raisonne-
ments, épouvanté par des menaces,
il donna un vote qui le livra depuis
à de cruels remords. Tout prouve
néanmoins qu'il n'était point avide
de sang ; car il refusa la place de
président de la commission populai-
re d'Orange, qui devait le faire couler
en si grande abondance. Plusieurs
fois même, dans ses redoutables fonc-
tions de juré rés'olutionnaire, il se
prononça en faveur des victimes. Ou
cite entre autres le fait suivant : dix-
sept accusés de la ville de Tonnerre,
poursuivis par le parti de la Monta-
gne, comparurent devant le tribu-
nal. Topino eut le courage de se dé-
clarer publiquement en leur faveur ,
et il donna sa voix pour leur abso-
lution, qui fut prononcée. Plus tard
il reçut, pour ce fait, un témoignage
public de l'estime de M. Cliauveau-
Lagarde , ([ui avait défendu ces mal-
9.38
TOP
heureux, voues à la mort. «Dans les
» relations, dit -il, que mon état
M de dclenseur me donna quelque-
« fois avec Topino - Lebrun , il me
■>) parut , par ses discours , plutôt un
» ami exalté de la révolution , qu'un
» ennemi de l'humanité. Il annonçait
» même dans ces temps ailreux avoir
» le goût des arts et quelques idées
» libérales, et plusieurs fois, je l'ai
» entendu se plaindre violemment de
» la tyrannie de Robespierre, qu'il
» regardait comme un homme de
» sang. » En eO'et, les decemvirs, ne
croyant plus pouvoir compter sur
ses services , l'écartèrent d'abord , et
prirent ensuite un arrêté, signe de
presque tous les membres du Comité
de salut public , ])our le traduire lui-
même devant l'allreux tribunal , au-
quel ils venaient de donner une nou-
velle organisation. Topino ne fut
sauvé que par l'événement du 9 ther-
midor. Lorsqu'après cetterévolution,
le sanglant tribunal eut été renou-
velé , Topino y exerça encore pen-
dant quelques mois l'emploi de juré,
et le quitta de nouveau dès que la
justice eut repris son cours ordmai-
naire. A celte seconde époque, on
lui reprocha d'avoir concouru à fai-
re absoudre , sur la question inten-
tionnelle, les membres de l'épouvan-
table comité révolutionnaire de Nan-
tes , complices et émules de Carrier.
Comme tous les agents du régune de
la terreur, Topino se déclara pour
la Convention nationale, à la jour-
née du i3 vendémiaire , et, l'année
suivante (1796), il fut compris
dans les mandats décernés contre les
complices de Hab(euf. Plus tard il
suivit , en qualité de secrétaire, lias-
sal, qui se lendait en Suisse, chargé
d'imc mission secrète du directoire.
Tout en s'occiipanl de son art, un
goût naturel le ramenait toujours
TOP
vers les intrigues politiques. Lorsque
Ja conspiration de Grenelle éclata, la
police crut qu'il était venu faire un
voyage furtif à Paris , et elle le dési-
gna même comme l'un des agents
présents à l'attaque du camp de
Grenelle. Mais il prouva le contraire.
« J'étais en Suisse, dit-il, occupé à
» peindre la cascade de SchafTouse,
» lors de cette malheureuse aii'airej
» on voulut m'y impliquer à Paris ,
» et la police lit dresser un procès-
» verbal, pour attester ma pré'^eiice
» dans cette capitale. Il me fut fjcile
» de prouver l'alibi j car le jour mê-
» me qu'on fusillait, dans la plaine de
» Grenelle, mes prétendus compli-
■» ces, je me trouvais à Bà'e, oii je
» dînais chez notre ambassadeur,
» M. Bartliélemv. » Revenu en Fran-
ce , en 1797, Topino-Lebrun reprit
la palette et le pinceau , et produi-
sit le tableau de la mort de Càius
Gracchus , qui fut couronné au sa-
lon , et qui valut à son auteur une ré-
compense du gouvernement. Ce ta-
bleau , dont le directoire exécutif lit
présent à la ville de Marseille, an-
nonçait pour le genre de l'histoire un
talent auquel rendirent justice tous
les connaisseurs. Dirigé par son exal-
tation politique, Topino figura, en
1799, parmi lesjacobinsdu Manège;
et après l'installation du gouverne-
ment consulaire , il continua d'être re-
gardé comme un des moteurs secrets
du parti Jacobin. Il avait entrepris de
peindre dans une très-grande dimen-
sion le siège de Lacedémone , par
Pyrrhus, lorsqu'il fut imjiliqué dans
la conspiration de Demerville, Ce'-
racchi et Aréna , accusés d'avoir
voulu tuer le premier consul Buoua-
parte , à l'Opéra , le i o octobre 1 800.
Il est certain que l'usurpation mili-
taire du 18 brumaire (9 nov. 1 799)
avait exalté au plus haut degré les
ÏOP
idées républicaines de Topino-Jje-
brun,et que, lie depuis plusieurs an-
nées avec le sculpteur Ceracclii , il
avait conçu la même haine que cet
artiste romain avait pour le premier
consul Buouaparte. Topino par-
vint d'abord à se soustraire aux.
agents de la police ; mais , au bout
d'un mois, il fut arrête' chez une
femme nommée Brisset , qui lui avait
donne un asile. Toutes les charges
contre lui se réduisaient à une décla-
ration de Ceracchi , qui avait dit que
c'était de Topino qu'il tenait nu poi-
gnard destiné à tuer le premier con-
sul. Quoique Ceracchi eût révoqué
celte déclaration en présence des ju-
ges , et quelque noble et concluante
que fut la défense de Topino , sa con-
damnation à mort, ainsi que celle de
ses co-accusés, fut prononcée le g
janvier 1801. Il fut conduit au sup-
plice le 3o du même mois , et le cou-
rage qu'il avait montré dans les dé-
bats ne l'abandonna pas jusqu'au
dernier moment. B — p.
TOPLADY ( Auguste Monta-
GUE ) , théologien anglican , naquit ,
en 1740 , à Farnham en Surrey.
Peu de temps après sa naissance ,
son père , qui avait le grade de ca-
pitaine dans l'armée anglaise , fut
tué au siège de Carthagène. Au-
guste étudia successivement à l'éco-
le de Westminster et à l'université
de Dublin. Ayant reçu les oidrcs , en
1 762 , il obtint la cure de Bi-ead
Hembury en Devunshire , où il dé-:
ploya ses talents eu défendant, dans
ses sermons et dans ses écrits , l'ex-
cellence du calvinisme de l'église an-
glaise. Ce fut le seul bcnélice qu'il
posséda, et il s'y honora par un dé-
sintéressement qui bornait extrême-
ment son revenu, préférant rester pau-
vre, mais en paix avec ses parois-
siens , plutôt que de vivre dans l'abon
TOP jSo
dance , chargé de l'animosité publi-
que.Topladymourutle 1 1 août 1778-
Lc plus estimé de ses ouvrages est:
Preuve historique du cahnnisme
doctrinal de l'Eglise d'Angleterre,
1774 , '-i vol. in-8'. Ce livre est re-
gardé comme un des plus forts écrits
en faveur de celte doctrine j aussi ,
dans une controverse élevée depnis
sur ce sujet, les défenseurs du calvi-
nisme anglican n'ont fait que répé-
ter les arguments de l'auteur sans
pouvoir les présenter dans un meil-
leur jour : cet ouvrage fut réimpri-
mé en 181 6. Parmi ses autres écrits^
nous citerons un recueil (TZ/yinTies ,
177O, et sa Confession dernière
(Dying avowal ), 'in juillet 1778.
Lorsqu'on imprima , après sa moz't ,
une édition complète de ses oeuvres,
en six volumes in-8°., suivis d'un vo-
lume de pièces posthumes , ceux qui,
ne l'ayant connu que par la lectui'e
de ses ouvrages , étaient disposés à
lui attribuer du fanatisme, de l'into-
lérance et une excessive austérité,
furent surpris de voir que ce calvi-
niste, eu apparence si rigide, loin
d'avoir de l'éloignement pour le
monde et ses plaisirs , avait consacré
quelques-uns de ses loisirs à justifier
le jeu de cai-tes, les spectacles et les
autres amusements publics. On lui a
reproché quelque aigreur dans la con-
troverse, notamment à l'égard du
méthodiste Wesley , qu'il combattit
par le raisonnement et par le ridi-
cule. Toplady fut, quelques années,
éditeur du Magasin évangélique
( The Gospel Magazine). L.
TOPPI ( Nicolas ), historien , né,
vers i6o3, d'une famille noble de
Chieti , étudia la jurisj)rudence à
l'université de Naples, oii il prit ses
degrés de doctciu-. Engagé dans la
reclierche des écrits nécessaires à sa
profession d'avocat , il revenait sou-
ù\o TOP
vent dans les archives qu'il fouillait
aussi en philologue. Les connaissan-
ces qu'il y acquit lui valurent, en
i65i , la place d'archiviste, dont il
fut dépossédé quelques années après,
et qu'on lui rendit de nouveau en
1660. Profitant de la facilité qu'il
avait de consulter des titres originaux,
il composa un grand ouvrage sur les
tribunaux et les magistrats napoli-
tains. Si l'on en croit Meola (i), il
n'aurait fait que mettre son nom à
un travail inédit de Chioccai-elli {F.
cenom, YIII , ^oZ); mais le plagiat
rst uue accusation trop grave pour
ne l'appuyer que sur des conjec-
tures. C'est bien assez que de re-
])rocher à Toppi d'avoir rédigé une
nomenclature aride d'écrivains ,
qui n'a d'autre mérite que d'ê-
tre le premier essai d'histoire litté-
laire napolitaine. Cependant l'au-
teur refusa les secours de Magliabec-
chi, qui s'était donné la peine d'en
relever quelques fautes. Cette opiniâ-
treté détermina Nicodcmi à publier
.ses Jdditions à la bibliothèque de
Toppi, ISaples, iG83 , in-fol. Mais les
lacunes étaient si considérables, qu'au
lieu de faire un supplément il aurait
fallu recommencer l'ouvrage. Toppi
mourut, à Naples , en 1 68 1 . On a de
lui : I. De origine omnium trihuna-
lium nunc in Castro Capuanofidc-
lissimœ civitatis Neapolis exislen-
tium , deque eorum viris illustri-
hus , Napîes, i655, 1666, 3 vol.
iu-4". II. Funturc pietose : censura
contro Girolamo iSicolino di Chic-
ti , Rome (Naples), 16.57, in-4".
Critique dirigée contre cet historien,
qui lui ré|)ondit par un autre ouvra-
ji;e , intitulé: Sferzate amarose al
signor Toppi ; et dont le manuscrit
est resté dans la bibliothèque de
,r' lluilllutvmai Cliiucciiietti vU(i , l'iK- ^■">-
TOR
S. Angelo di Nido , de Naples. III,
Compendio de' benefici regj che si
trovano occupati nelle provincie del
regnoy Naples, 1666, in-4°. IV.
Notamento délie fatiche e diligen-
ze Jatte nelV archivio délia regia.
Caméra , etc., ibid. , lô^S, in-4°.
V. Biblioteca napolitana , ed ap-
parato agli uomini illustri in lette-
re di NapoU e del régna , ibid. ,
iG^S , in-fol. Il avait entrepris un
travail sur l'histoire générale et par-
ticulière de toutes les villes du royau-
me de Naples. C'était une espèce de
dictionnaire géographique et histo-
rique, en dix volumes, à-peu-près
comme celui qui a été ensuite publié
par Giustiniani. Cet ouvrage , qui
lui avait coûté quinze années de tra-
vail, n'a jamais été imprimé, et l'on
ignore même ce qu'il est devenu.
Voy. Soria , Storici napoletani j
pag 59. A — G — s.
TORCHE ( L'abbé de (i)) .litté-
rateur médiocre^ né^ vers i635, à
Béziers , oîi son père remplissait la
charge de lieutenant ou sénéchal , fit
ses études au collège de cette ville ,
sous les Jésuites. Ses talents précoces
lui vahirent l'amitié de ses maîtres,
dontil prit l'habit à l'âgedeseizeans.
Pour se délasser des fatigues de l'en-
seignement , il lisait des ouvrages
frivoles et cultivait la poésie. Il ap-
prit aussi l'italien et se familiarisa
bientôt avec les chefs - d'œuvre de
cette langue. Son penchant pour les
plaisirs, déjà très-vif, s'accrut en- ^
core j)ar le genre de lectures dont il
nourrissait son imagination. Une in-
tiiguc qui fut découverte l'obligea
derjuittcr les Jésuites j et il vint à
Paris éludicr la théologie en Sor-
boiuic. Il ne tarda pas d'abandou-
(l^Sn
it 'l'onlit, s»0(
TOR
lier les bancs pour se livrer aux dis-
sipations do son ;lp;e; cl la modique
pension qu'il recevait de sa famille
ne lui sulHsant plus, il dut songer
à se faire une ressource de sa plume.
Le genre des Nouvelles venait d'être
mis à la mode par le dégoût qu'ins-
piraient les éternels romans de Ca^-
sanclre elà'y^rlamèrie. Il pril des
arrangements avec le libraire Barbin
pour en fournir sa boi!ti(}ue. Loge
dans un grenier , il travaillait une
partie de la nuit et passait le jour
dans le monde. La maison qu'd fré-
quentait le plus assidûment était celle
d'une daine de Ferliugliam que le
desordre de sesailaires avait conduite
à tenir une académie de jeu. Elle
avait deux filles fort aimables : l'une
d'elles plut à l'abbé de Torche; mais
sçs vœux ayant été rebutés , il se
persuada que la mère seule en était
cause. Ponr s'en venger, il la peignit
des coideurs les plus odieuses , sous
le nom de Linguamfer (.>) , dans l'é-
pisode d'une nouvelle intituiéc le
Chien de Boulogne. La dame ou-
tragée devina le coupable et voulut
châtier son insolence ; mais ses deux
fils d'un premier lit , qu'elle chargea
de ce soln^ se trompèrent, et failli-
rent faire expirer sous le bâton un
malheureux abbé qui n'avait jamais
composé de Nouvelles , en lui criant :
Il te souviendra du chien de Boulo-
gne. De Torche , informé de ce qui
venait de se passer , ne se croyant
plus en sûreté , se hâta de quitter
Paris , pour revenir à Béziers. 11 se
rendit ensuite chez un de ses pa-
rents à Montpellier , et mourut en
cette ville, vers iCi75 , à l'âge de
quarante ans. Les Nouvelles et les
TOR 241
Romans de cet abbé, })!d)liés sons le
voilede l'anonyme , sont tombés dans
l'oidili. Il écrivait en prose avec l'ai-
sance d'un homme du monde qui tra-
vaille en se jouant. Ses vers sont
faciles , mais négligés. Cependant on
y trouve des morceaux tournés d'une
manière agréable. On a de lui : 1. Le
Berger fidèle , traduit de l'italien en
vers français , Paris , 16G4 , in - 12
(3) ; l'éimprimé au moins huit fois
( V. GuARiNi ). Les éditiiuis les plus
recherchées sont celles de Cologne,
P. Marteau ( Amstcrd. . EIzévirs ) ,
1671, in-12; ibid. , i<^77 , même
format, flg. La seconde ne contient
pas le texte italien. Dans l'avertisse-
ment , de Torche donne cette tra-
duction comme le fruit de quelques
heures de loisir. Il avoue qu'il a
long-temps hésité à traduire le mo-
nologue d'Amaryllis ( act. 111, 4) •>
désespérant d'égaler la version dont
le pubhc. jouissait depuis quelques
années. On l'attribuait alors à M'"^'.
de La Suzc j mais on sait qu'elle est
de l'abbé Régnier Desniarais ( V. la
Bihl, frauc. de Goujet, vin,73).
II. IJAminte du Tasse, traduite de
l'italien en vers français, Paris, 166G,
107(3, iu-i2;laHaye, 1679 et 1681,
in-ii. Cette édition fait partie de la
collection des EIzévirs français. III.
La Fhilis de Scire , pastorale de Bo-
narelli , traduite en vers français ,
Paris, 16G7, in- 12, le premier acte
seulement; ibid., lOfX), in- 12; seule
édition complète. IV. Le Démêlé de
l'esprit et du cœur, Paris, 1667 ,
iu-i2 de 77 pag. ; bagatcHc écrite eu
prose et en vers : elle a été réimpri-
mée avec le Combat du cœur et de
l'esprit , et le démêlé et Uaccomo-
denwnl de l'esprit et du Ctvur, ibid.,
(») Aua))r»iiunr de Ferlin^hnm. C.cUi- il.iiiu' , iiii'
IVmicié, ('tait <riiiio (iiiiiille de llcaiici' , dont clic
rrsia In s<'iile licrilurt do la hninclic comme sous le
iium du La Porte.
XLVI.
(3) Cette <'di(iui1 iiicuiaiue à Ginijet cl à Mercix'r
de Saint-Lc'ger, est citée par M. lîarbier, OUt.
des onuiiyines , u°. 1G77..
iG
242 TOR
1 668 , iu 1 2 ; dans les Recueils de
Mnie. de La Suze ( Voj. ce nom ,
XLIV , 24s ) ; et enfin on la ictioiive
dans le Conservateur , juin i-ySS.
V. Le Chien de Boulogne, ou l'A-
mant fidèle, Paris, 1668, in-12 ;
Cologne, i(36g, 1679, même for-
mat. On en trouve un extrait assez
étendu dans la bibliothèque des Ro-
mans , septembre 1787 , Î02; mais
il n'y est fait aucune mention du por-
trait satirique de M'"*^^. de Ferling-
hain. VL La Cassette des bijoux ,
ou Recueil de Lettres en prose et en
vers, Paris , iGOç) , in- 12. VIL La
Toilette galante de l'Amour, ibid. ,
16^0, in- 1 •! ; c'est une suite de l'ou-
vrage précédent. On peut consulter,
pour plus de détails, l'article fort
curieux publié snr l'abbé de Torche,
par Mercier de Saint-Léger , dans le
Magasin encyclopédique , troisième
année , vi , i83-g8. W — s.
TORCY. V. CoLBERT, IX , 227 ,
et PoMPONE, XXXV, 328.
TORCY (François de), prèfre
de l'Église constitutionelle, était de
la congrégation des prêtres de la
doctrine cluéticnae, oudoctrinaiics,
et se trouvait au moment de la l'évo-
lution recteur du collège de Saint-
Omer. 11 se montra favorable aux
décrets de l'Assemblée constituan-
te sur le clergé , et se lit connaî-
tre par des Eclaircissements sur
la constitution civile du clergé de
France , 1791 , 5o pag. in-8". Cet
écrit , dont il y eut la même an-
née , une seconde édition , était fon-
de sur les princi|)es des appelants
relativement à l'autorité de l'Eglise.
L'auteur développa les mêmes prin-
cipes dans deux sermons qu'il prê-
clia en janvier 1792, et qui fu-
rent imprimés sous ce titre : VE-
gUse galliram: vengée de toute ac-
cusation de schisme y et préjugés
ÏOR
légitimes de schisme contre ceux
qui l'en accusent , Saint - Orner , 03
pag. in-8''. ; et peu après , il donna
encore sur le même sujet : Principes
de l'unité catholique appliqués aux
circonstances présentes , enferme
de catéchisme , 1792, i38 pages
in 8". On cite encore du même théo-
logien, les Vrais principes sur le
mariage , ou Lettre à un curé , en
réponse à difjérentes questions con-
cernant les naissances , mariages
et décès , et la loi du divorce ,
1793 ; nous n'avons point vu cet
écrit. Les excès de la révolution ne
ïamenèrent point ïorcy à une au-
tre manière de penser , et il con-
tinua , même après la terreur, à res-
ter attaché à l'ËgUse constitutionnel-
le. Ou le voit alors employé dans le
diocèse de Reims, soit comme grand-
vicaire de Diot , évêque constitutio-
nel delà Marne, soit comme curé
de Vitry. Il assista, comme député
du clergé du diocèse , au concile de
1 797 , et il rédigea un Tableau du con-
cile national , présenté au clergé et
aux fidèles de son département j cet
opuscule , de 34 pages , contient
peu de faits j c'est un ])anégyriquc
continuel du concile , cntre-mêlé de
déclamations contre le pape et les
évcques légitimes. Il fut inséré dans
le journal des constitutionels , dit
les Annales de la religion, tome
VI , pag. 5o2. Le même journal con-
tient , tome VIII , deux autVes écrits
de Toicy j l'un est une Consulta-
lion sur cette question : Des institu-
trices chrétiennes peuvent -elles as-
sister et conduire leurs élèves aux
fêtes nationales et décadaires .* Ce
Mémoire est signé par le citoyen
TorcY, prêtre de Fitry-sur-Marne;
il est de 28 pagrs iu-8". , et conclut
«pu; les institutrices peuvent mener
leurs élèves aux fêtes décadaires.
TOR
1,'cnvie de plaire au parti dominant
explique , mais ne justilie pas des
décisions rclàchee^-d^s maximes har-
dies et des sophisraes évidents , qu'il
serait aisé de signaler dans ce ftle-
moire. L'autre écrit, du même temps,
est un Traité de l'accord des insti-
tutions républicaines avec les règles
de l'Église , de \f\f\ pages in -8°. ;
ce Traité est dans le même esprit
que le Mémoire , et fait beaucoup de
concessions aux dépens des intérêts
de la religion etdes règles de l'Eglise.
L'auteur s'y montre instruit , mais
subtil et paradoxal , et surtout fort
épris des institutions répulilicaines
qui existaient alors. Le parti du
clergé constitutionnel traînaillait dans
ce temps-là à se soutenir au milieu
d'un discrédit naissant; il tenait des
assemblées , organisait des presby-
tères , nommait des évcques. En avril
1801 , on tint nn sjnode ta ReiTus.
Ce synode était présidé par Diot j
Torcy eu fut promoteur et en donna
une relation dans les Jnnales de la
religion, tome xiii, page 79. Il as-
sista également au concile natio-
nal de 1801 , et y fut admis comme
procureur fondé de l'évêque Diot ,
absent. On l'y nomma vice-promo-
teur, et il prit plusieurs fois la parole,
notamment dans la discussion sur le
droit des prêtres de délibérer dans
le concile. Celte discussion fut fort
vive , et le discours de Torcy fut sou-
vent interrompu par des murmures.
L'orateur se déclara pleinement pour
les droits du second ordi'e , invoqua
l'autorité des écrivains de l'école de
Port-Royal, et parla fort longuement
du concile de Trente , où , dit-il , les
droits des éi>èques n'ont pas été
moins violés que ceux des prêtres.
Ce langage déplut même dans une
telle assemblée, et l'on jugea que le
système de Torcy favorisait trop le
TOR
0.43
prcsbytéranisrae. Après le concordat
qui suivit de près le concile de 1 80 1 ,
ou a lieu de croire qu'il ne fut
pas employé. Dans le Supplément
au Dictionnaire historique de Fel-
ler, Paris, i8'io , 4 voL in-S». , il est
dit que de Torcy mourut eu 1 -96 ,
peu avancé eu âge ; c'est une erreur,
puisqu'il assista au concile de 1801.
P— C— T.
TORDENSKIOLD (Pilri-.e), vi-
ce-amiral danois, né, le 28 octobre
1691, à Drontlieim en Norwége^, de
Jean Wessel , habitant obscur de cet-
te ville, porta le nuiii de son père jus-
qu'à l'époque où , pour récompense
de son courage et de ses exploits, le
roi lui donna le iioiii sous lequel il
est connu dans l'iiistuire. Placé d'a-
bord chez un barbier , il s'enfuit se-
crètement à la suite du roi^ eu i -jo^ ,
et vint à Copenhague, où onlc fit en-
trer à l'école de navigation. Après
avoir fait , comme simple matelot ,
ti'ois A'oyages dans les Indes, on ré-
compensa son dévouement et son in-
fatigable activité , en l'élevant au rang
de cadet de la marine royale. Lors-
qu'on eut reçu , fu 1 709 , la nouvelle
de la bataille de Pultawa, le roi de Da-
nemark, de concert avec Auguste , roi
de Pologne , déclara la guerre à la Suè-
de. ^^'essel continuant à sedistincuer
en toute occasion , on lui confia , en
1 7 1 T , un bâtiment corsaire , avec
ordre d'inquiéter les cotes de la Suè-
de. Nommé lieutenant, il prit, au
mois de mai 1712, le commande-
ment d'une frégate. On le rencontrait
partout où il y avait des dangers à
courir et de la gloire à acquérir. Lé
26 juillet 1714? passant, sous cou-
leur hollandaise^ près d'uue grosse
frégate suédoise, qui avait arboré les
couleurs d'Angleterre , et ayant reçu
ordre d'amener, quoique bien infé-
rieur, il répondit par une bordée, et
iG..
■44
TOR
le combat s'euj^agci avec fureur. Le
lendemain , vers deux. Iieures de l'a-
piès - midi , il apprit qu'il n'avait
plus rpie quatre coups à tirer , et s'c-
loi^ii.» , furieux de ne pouvoir recueil-
lir !e.s fruits de sa persévérance; car,
d'.![)rès ce qu'il avait remarque, la
hei^ale ennemie, malî^re sa supeïio-
i ite, ne pouvait plus tenir long-temps.
Ayant envoyé un trompette au capi-
taine emiemi , il Jui fit dire : « J'étais
près de tenter l'abordage, afin de
pouvoir me mesurer de plus près
avec un brave comme vous; mais la
mer est si liante que je ne puis y pen-
ser. Je n'ai plus que quatre coups à
tirer ; prêtez - moi de la poudre , et
nous recommencerons. Si vous refu-
sez ma demande , promettez-moi sur
votre parole que vous vous retrou-
verez ici, et j'irai clierclier des mii-
uitions. » Le capitaine répondit :
« Je n'ai de poudre que ce qu'il me
faut; j'invite le brave Wessel avenir
à mon bord; nous voulons boire à sa
santé. 1) On s'approcha , on but à la
santé de Wessel, qui y répondit, et
s'écria en partant : « Saluez vos
bonnes amies à Gotlien])Ourg ; — et
vous, répliqua le Suédois, saluez de
ma ])art les vôlres >'i (iopenliague. »
Ces deinières circonstances ayant été
rapportées au roi , il fit donner ordre
à Wessel de rentrer à Copenhague ,
pour paraître devant un conseil de
guerre. L'équi[)age fut entendu ; ctlc
résultat fut favorable à l'accusé, qui ,
le 7.8 déc. suivant, fut nommé capi-
taine de vaisseau. Avant de retourner
à la Hotte, il présenta au roi un mé-
moire, dans lequtl il s'engageait à
balajcr les mers du Nojd, si l'on
voulait joindre quatre autres frégates
à la sienne. Le roi, paraissant goûter
le projet, te soumit à l'amirauté,
qui jépondit : « Vous avez condjié
de grâces ce jeune ollicier, qui n'a
TOR
que vingt-trois ans ; pour le nommer,
en i'i\'x ^ capitaine -lieutenant, vous
lui avezdonué la préférence sur vingt-
sept premiers-lieutenants et sur vingt-
quatre seconds -lieutenants : pour le
faire capitaine, on a fait reculer neuf
autres capitaines-lieutenants plus âgés
que lui. Que veut-il encore? le com-
mandement en chef? » Wessel retour-
na à la flotte avec sa frég"ate,pourcom-
mencer la campagne de lyiS, qui
fut si glorieuse pour lui. Le iI^avïAj
les deux flottes se trouvèrent eu pré-
sence ; il reçut ordre de l'amiral
Gabcl d'aller en avant, et lorsque
la nuit eut séparé les combattants, de
se placer en observation entre les
deux, flottes. Au point du jour, il an-
nonça que quatre vaisseaux de ligne
suédois et deux frégates, désespérant
de pouvoir échapper, avaient donné
contre la côte. Remarquant que l'a-
miral ennemi , comte Wachtmeister,
s'apprêtait à brûler sa flotte, Wessel
lui lit signifier qvie s'il ne renon-
çait à ce projet sur-le-champ , toute
sa troupe serait passée au fil de
l'épée. L'amiral jeta son épéc daus
la mer , et vint avec le capitai-
ne de son vaisseau se rendre entre les
mains de Wessel , qui, ayant mis à
flotetdégagé la frégate suédoise VAi-
gle-Blanchc , reçut ordre de se ren-
dre à Copenhague avec cette prise
précieuse , tandis que l'amiral danois
faisait dégager les autres vaisseaux.
Le I ->. mai , il enlia dans le port , aux
acclamations d'une fouh; innombra-
ble, accourue de la capitale; et le 8
juin , il leva l'ancre j)our rejoindre
la Hotte , à bord de la frégate suédoi-
se , dont le roi lui donna le comman-
dement, en récompense de la [»art
glorieuse (pi'il avait prise à la vic-
toire. Le "] août, les deuv Hottes
étant en présence, et le ea|)ilaiiie
d'un vaisseau de ligne suédois ayant
TOR
onoyc à Ici rc iiii hâtiincnt pour faire
l'an , Wcsscl , par une ni.uunivrodoiit
l'audace déconcerta son adversaire,
s'empara du bâtiment, et l'enleva
presque sous le canon du vaisseau
ennemi, qui pon\ ailfacilement l'ocra-
ser. Le jour suivant, la ])ataiile s'en-
gagea sons les yeux de Charles XII ,
qui s'était place sur une liauteur,
dans l'île deRiigen, pour être témoin
de l'action, danslaquellcil pcrditdeux
vaisseaux et un vice-amiral. La nuit
ayant mis fin au combat, Wessel^
envoyé en avant, jiour observer,
se glissa au milieu d'un convoi , et
re'iissit à en enlever un bâtimeut ri-
chement charge, presque sous le ca-
non de l'escorte, qui était comjiosëe
d'un vaisseau de ligne, d'une frégate
et d'une galiote. Dans une de ses
courses, il attaqua avec trop d'ar-
deur un vaisseau de ligne et nue
fre'gate ennemis; les ayant mis en
fuite , mais ayant essuyé une grande
perte en hommes et dans son bâti-
ment , son amiral blâma son au-
dace , d'autant plus rejire'licnsible
que SCS instructions portaient qu'il
n'attaquerait qu'à force égale. Wosscl
ayant e'tc envoyé à Copenhague pour
rc[)arcr ses pertes , son e'quipoge te'-
raoigna hautement son mo'coutente-
nient ; plusieurs refusèrent de travail-
ler, se plaignant qu'il les sacrifiait
à son ardeur pour la gloire. Il
c'touira cette e'meute, et ayant rejoint
la flotte , qui couvrait le sic'ge de
Stralsund , il reçut ordre de l'amiral
de rallier trois autres frégates à la
sienne, et de bloquer Jellen. Wesscl
arriva le 3 dccenil)re à son poste ,
qui était delà plus haute importance.
Stralsund était aux abois ; Cliarl .s
XII, qui y était enfermé, dcvaitten-
ter les moyens de s'échaj)per; il y
réussit par un bonheur extraordj
nairc, ce qui ne serait point arrivé ,
TOR
245
si le mauvais temps , les glaces , n'a-
vaient arrêté les trois frégates qui de-
vaient joindre Wesscl. Celui-ci lit
plusieurs captures d'un grand prixj
mais la plus précieuse lui écliappa ,
Charles XII; ce juiuce arriva à
Ystedt., le 1 3 décembre , jour où
Stralsund se rendit. Le roi de Da-
nemark fit sou entrée dans cet-
te capitale de la Poméranie ; Wes-
scl , qui , d'après un ordre exprès
du roi , allait le trouver , voulut of-
frir du tabac à quelques ofliciers su-
périeurs qu'il avait pris à son bord.
La frégate ayant fait un mouvement,
il laissa échapper de ses mains une
boîte de grand prix montée eu dia-
mants, et qu'il tenait de la main du
roi. Il jeta un cri, se précipita aus-
sitôt dans la mer, et porta l'effroi
dans le cœur de ses amis. C'était au
milieu de décembre , pendant un hi-
ver rigoureux ; les mers du Nord
étaient prises ou chariaient des gla-
çons. Wessel reparut bientôt sans
avoir pu atteindre ce qu'il venait de
perdre. A son arrivée à Stralsund ,
le roi le consola en lui disant : « Je
» vous annoblis , je vous nomme
» Tordenskiold (i) , et je vous
» donne des armes qui répondent
» à ce nom honorable cpic vous
» avez si bien mérité. Vous êtes
» la Foudre qui écrase les Sué-
n dois , et le Bouclier qui couvre la
» marine de mou royaume. » Il re-
tourna à Copeiil'.ague avec le roi qui,
l'ayant nommé sou adjudant-généraU
lui confia l'insjjection de ses flottes.
Ces fonctions étaient d'autant plus
importantes qu'au mois de janvier la
mer du nord était prise , et que
Charles XI ï avait formé le projet
de faire passer sur la glace un corps
d'armée pour atlaquer la Norwège.
Uic-Uouclur.
24C
TOR
Le de'gcl étant survenu , l'expcdiuou
n'eut point lieu. Au commencement
de juin, Tordenskiold, qui était venu
à Copenhague rendre compte au roi,
lui proposa une attaque sur l'escadre
suédoise qui était à l'ancre dans le
port de Dyuekiln. Ce jour-là même
le roi approuva l'expédition , et lui
confia une escadre pour l'exécuter.
Sur sa roule il s'empara de trois
bâtiments suédois, et le 7 judlet,
étant arrivé à l'entrée du port de
Dynekiln , il attaqua avec tant de
vivacité , que les Suédois déconcer-
tés firent écliouer leur escadre, et
commencèrent à mettre le feu aux
Lâtiinents. Dans leur eflVoi , ils se
jetèrent sur le rivage, d'où, aunora-
J)re de cinq mille hommes, ils fai-
saient feu sur ïordenskiold, qui n'a-
vait que qnatrc frégates et trois au-
tres bâtiments. Pendant qu'il repon-
dait au feu des Suédois , ses équ'pa-
c;es étaient occupés à mettre leurs
bâtiments à flot. Ce travail fut ter-
miné dans la nuit , et il sortit du
port, emmenant l'escadre suédoise
composée d'une frégate, d'onze ga-
lères , de vingt-un bâtiments de
transport , chargés de munitions de
gnerre et de bouche. Charles XII
était devant Friedrichshall , atten-
dant son escadre de Dynekiln , à
laquelle devait se joindre la flotte
de Gothenbom-g ; à leur arrivée il se
proposait d'assiéger la place par
mer et par tene. Apprenant l'écliec
qu'il venait d'essuyer , il leva le
siège , et Tordenskiold , qui était
sorti du port avec son riche butin ,
fit voile avec trois frégates pour l'in-
quiéter dans sa retraite. A son arrivée
à Copeuliague , le roi le nomma
commanrleur , et lui donna le cor-
don-bleu avec une mcfdaille qui ne
fut accordée qu'à trois anriraux pen-
dant le conrs delà guerre j il l'eu-
TOR
voya en Norwége pour presser les
préparatifs d'ifne descente en Suède ,
qui avait été concertée avec le czar
Pierre-le-Grand; mais elle n'eut pas
lieu , parce que ce prince se refroidit
et forma d'autres jnojets. Tordens-
kiold , après avoir fait plusieurs
prises d'une grande valeur, revint à
Copenhague, et le roi le nomma chef
des armements qui se faisaient pour
les flottes du Nord. Sur la fin de
1 7 1 n , ayant reçu ordre d'attaquer
Strocmstadt , il fut poussé par la
tempête contre les côtes , où son es-
cadre échoua. Charles XII, appre-
nant que dans ce naufrage il avait
perdu ses équipages et toutes ses
épargnes , lui fit dire que , par con-
sidération pour sa bravoure , il
avait ordonné qu'on rendît tout
ce qui lui appartenait : ce. prince
mourut , et cette restitution ne fut
point exécutée. Le roi de Dane-
mark indemnisa Tordenskiold , en
lui donnant un bâtiment que l'on
avait enlevé aux Suédois , et sur
lequel se trouvaient les équipages
du comte Tessin. Charles XH
ayant été tué le 1 1 décembre 1718,
Tordenskiold se hâta d'aller porter
cette nouvelle au roi , qui le nomma
vice-amiral. Au commencement de
l'année 1719, s'étant habillé en pê-
cheur, il avait visité la viile de IMars-
trand (';>,), la citadelle Carlstein, qui
domine la ville , et remarqué avec
soin les lieux par lesquels on pouvait
attaquer. 11 conduisit à son ordinaire
cette entreprise avec tant d'audace
et de bonheur, ([ue , le iZ juillet,
il força l'entiée du poi't , et s'em-
para de la llolille (pii y était à l'an-
cre, et de cinq batteries. Par ce coup
de main il se trouva maître de dix-
(91) Marslriiiid , |i<-lile ilc ou loilifr (lu ('.»!<■
^Bt , av<M- une villi; dti nirliir lioui . qui , liÂlic suv
In rnic cirionlair, n un ()c>it vnsfc , proiuiid , »ùr,
et duiit l'«ii(ri'C cil Irin-clUiiciU.
TOR
sept bâtiments de tlillercntes gran-
deurs , et de quatre cent soixante-
dix-neiif canons. Il prit poste dans
la ville de Marstrand , lit ëvac\ier
les magasins, et jeta des bombes sur
la citadelle, qui capitula le 2G, après
un siège de trois jours. La capitula-
tion n'accordait au commandant que
cinq heures pour sortir de la citadel-
le j ce délai étant expiré, Tordens-
kiold impatient , se fit ouvrir une
petite porte par où il ne pouvait
t'aii'e passer que deux hommes de
front , entra l'épr'e à la main , et
paraissant tout-à-coup devant la de-
meure du commandant , lui deman-
da , d'un ton de voix élevé , pourquoi
il ne tenait point sa parole. Le com-
mandant ell'rayé, au lieu de faire
fermer cette petite porte , de s'empa-
rer de Tordenskiold et de sou déta-
chement, sortit de la citadelle et la
livra à l'ennemi. Le lendemain, le
drapeau danois flottait sur toute l'île.
Le roi fît frapper deux médailles
pour éterniser cette glorieuse con-
Îuête. Celle que le vainqueur reçut
e la main de son prince pesait
soixante-quatre ducats en or ; on y
lisait l'insci'iption suivante ; « Qui-
» conque porte ce signe doit attester
» avec force que Marstrand s'est ren-
» du pour la gloire de Dieu et celle
)) du roi. » Après la conquête de
Marstrand, Tordenskiold, suivant les
ordres du roi , se rendit à Copenha-
gue , où il fut nommé membre de
l'amirauté. Il fut un des quatre géné-
raux qui , en récompense de leurs
services , eurent la permission de
porter le portrait du prince , qu'ils
tenaient de sa main. Le roi donna ,
en sa présence , le nom de Mars-
trand, à un vaisseau de ligne qu'il
venait de faire lancer à la mer. Le
comte de Carleret , ambassadeur
d'Angleterre à JSlockholm , étant
Tcm
24-
venu à Copenhague , Tordenskiold ,
qui était trîs-lié avec lui, obtint du
roi la permîsion flatteuse de placer
du canon devant l'hôtel qu'il habi-
tait, et de faire tirer dos salves à
l'occasion d'une fctc qu'il donna à
ce ministre. Le aS juillet 1720,1a,
paix fut signée à Friederichsbourg.
Par i:ne des clauses du traité , la Suè-
de paya au Danemark six cent mille
thalers , et on lui rendit Marstrand
et Riigen. Tordenskiold , qui sem-
blait avoir lassé la fortune par
une élévation si subite , tourmenta le
roi pour obtenir la permission de
voyager. « Je pourrais vous com-
» mander , dit le prince , de rester
» près de ma personne; je me con-
» tente de vous dire que je verrai
» avec la plus grande peuie que vous
» vous éloigniez de moi. » Il partit
néanmoins, ayant pour ainsi dire ar-
raché la permission au roi. Use pro-
posait d'aller à Hambourg , Hano-
vre, Berlin, Dresde, et de faire là de
nouveaux projets de voyages. Etant
à Augustenbourg, il raconta au duc
un songe qui l'avait effrayé la nuit
précédente. Le prince, qui voyait qu'il
en était fortement frappé, profita de
cette impression pour l'engager à re-
tourner à Copenhague. Il y parais-
sait décidé; mais le lendemain, étant
à une partie de chasse avec le prin-
ce, son cheval tomba du haut d'un
pont , et resta sur la place sans
que Tordenskiold souffrît de cette
chute violente ; il crut que le mal-
heur qui lui avait été annoncé en
songe était arrivé , que tout était
consommé, et il partit pour conti-
nuer son voyage. Pendant les cinq
semaines qu'il passa à Hambourg,
il ne pouvait sortir de son hôtel sans
rencontrer une foule iimonibrable ,
avide de voir un homme qui, à peine
âgé de trente ans , s'était acquis
248
TOR
«ne si haute rdjnitation. Il avait pris
à sa suite !e fils d'nnriclie négociant
de C()])ciihaj;iie. Ce jeune liomme
freqwriita une seule fois une société
de joueurs, qui , lui ayant gap,ue ce
qu'il av.iit , lui firent signer un billet
de viiigl-:six naille thalers sur !a cais-
se de son père. P.irmi ces joueurs se
trouv.iit un colonel Stahl, (jui avait
ele au service de Suède. Tordens-
kiold ap|)rit avec indignation les dé-
tails de cet cveneinent, et sacliant
que le roi d'Angleterre se disposait à
retourner dans son royaume, il se
liàta de partir pour Hanovre, afin
de s'y trouver avant le départ de ce
prince. Le roi, l'ayant accueilli avec
les marques de la ])liis hante distinc-
tion, voulut l'avoir à sa table pen-
dant les trois jours qui précédèrent
son départ; il paraissait rechercher
avec cnij)ressenient Tordenskiold et
goûter le jc'cit de ses exploits. Le 18
nov. , après le départ du roi, l'a-
miral se trouvant à table chez le gé-
néral 15elau, apprit que le colonel
Stalil était au nombre des conviés.
Pendant ((ue l'on jouait, il dit, en re-
gardant cet oibcier, que le roi d'An-
gleterre avait agi bien sagement en
faisant arrêterdes hommes (jui avaient
trom]>cau jeu: «Userait l)ien à de.si-
rer, ajouta-t-d, en élevant la voix,
<jue l'on prît partout de paieilles
mesuies contre cette race d'hommes
si vils, à quelque rang qu'ils puis-
sent apjiartenir. Il yen a à [lam-
boiirg; il est surprenant (pu- le ma-
gistrat ne les fas.se j)as arrêter pour
les faire trans|)orter hors de son ter-
ritOMc, après leur a voir chargé le dos
d'une ceulaiiiede <oups de bâton. »
Ayant raj)|ielé (|uel()iics circonstan-
ces <pii ne jxjiivaient avoir rappoi t
(jii'au colonel, celui-ci demanda
une explication , ri peu satisfait de
ce (|ue (lit !' unir il . il s'"ei ia tout
TOR
haut, qu'il n'y avait qu'un lâche ma-
telot qui put se conduire ainsi, Tor-
den.skiold furieux, s'élance la canne
à la main, poursuit Stahl jusque dans
la cour, et comme celui-ci tirait l'é--
pée, il la lui arracha et la brisa sur
sa tète. Un rendez-vous fut aussitôt
proposé et accepté à quelques lieues
de Hanovre. En considérant toutes
les circonstances de cette malheureu-
se ali'aire, on est tenté de croire qu'il
y cul guet-à-pens. Le 20 novembre,
à cinq heures du matin, Tordens-
kiold partit dans une chaise de poste,
avec son \alel-de-chambi'e, n'ayant
d'autre arme qu'une épée de gala.
Un colonel hanovrien qui s'était
offert pour second, et qui tint en
cette lencontre une conduite bien
singulière, l'accompagnait à cheval.
11 avait même fait croire ta l'amiral
que Stahl ne viendrait point , qu'il
était retourné h Hambourg. Cepen-
dant celui - ci se trouva au ren-
dez-vous , ])ien armé. Le valct-de-
chandjre de Tordenskiold voulait
donner son éjiée à son maîlie , il
la refusa. Stahl eut bientôt écarté
la faible lame de l'amiral , qui , au
second coup tomba à la renver.se. On
retint le va l(;t-dc-ch ambre jusqu'à ce
que les a.ssistants, qui étaient bien
montés, se fussent évadés. Tordens-
kiold ex])ira entre les bras de son
serviteur , en recommandant son ame
à Dieu. Il était Agé de trente ans et
vingt-trois jours. Ainsi j)érit un des
])reniiers marins (pi'ait eus le Dane-
mark. Le bruit de sa mort se répan-
dit eu INoivve'ge et en Danemark, avec
la rapidité' de l'éclair ; tous , grands
et petits, dé|>loraieut la j)erte de ce
brave Sdiis peur cl sans reproche ^
•(pii, aprJs avoir cherché dans les
combats une mort glorien.se, venait
de périr par la main d'un lâche
joMcur. Le roi le legielta sincère-
TOR
ment : considérant Tordenskiold
comme l'ouA^rngc de ses mains, ce
I prince admirait sa vivacité à con-
cevoir un plan ,sonintre'pidite' quand
il fallait agir. Dans une attaque, Tor-
denskiold saisissait du premier coup-
d'œil le ve'ritablepoint , et il prévoyait
toutes les circonstances qui pouvaient
survenir. Aucun marin n'osait lut-
ter avec lui; tout cédait à ^on agilité
dans les exercices , et à une force de
corps plus qu'humaine. Quand il
commandait , sa voix de Stentor por-
tait au loin ses ordres , maigre le
lu'uit des armes et le feu des batte-
ries. Un jeune Danois publia en 3
vol. in-4*'., 1747 » '"^ biographie de
quelques hommes illustres, où l'on
trouve la Vie de Tordenskiold très-
de'taillee. Le même ouvrage a paru
en allemand, Copenhague, 17^3, 3
vol. in-8". Voyez aussi Biisching ,
Notices sur l'état des sciences en
Danemark. G — y.
TOr.DKSILLAS. r^. Herrera.
TORELLl ou TORELLO ( Gtji-
Do- Salingvebra I*^"".), guerrier,
ainsi surnomme par contraction de
Saliens - in- guerra , à cause de sa
valeur , fut seigneur de Eeriarc ,
en II 18. 11 était fils de Frédéric
Torello ou le petit Taureau , et de
Matliildo d'Ermengardf- des ducs
de la Romague. Pielro Torelli à'Er-
mengarde , son friic a nié , était déjà
gouverneur de Fcrrare, pour la fa-
meuse conilcssc Mathilde , depuis
1092. Il parait que Guido I*-'. lui
succéda : séduit par l'exemjjlc des
gouverneurs de ce tcmps-Ià , il se lit
élire j)ar les Ferrarois, et s'empara
du pouvoir souverain, dont il usa ,
du reste, assez bien , pui.siju'il favo-
risa le commerce , étendit la ville , la
fortifia , et bàlit l'église de Tous-lcs
Saints^ où il fut enterré. Mnratori ,
dans sa Dissertation dti Principi
TOR 24 ()
e liranni d'Italia , le distingue soi-
gneusement de Salingucrra II , son
petit-fils. — Torrelli II, fils du précé-
dent , lui succéda dans la seigneurie
de Fcrrare , en i i5o , et fit le traité
de celte ville avec l'cmpeur Henri VI.
11 était chef du parti Gibelin; Guillau-
me des Adelards, chef du parti Guel-
phe, imagina, pour réunir les deux
factions, de fiancer Marchésella , sa
nièce , seule héritière de tous les
biens de sa famille , à Arrii'erio, fils
aîné de Torelli II ( F. Adelabu, I ,
'.>.l3 ); m;iis le rapt odieux de cette
jeune princesse futla causedes haines
qui éclati'rent entre les Torelli et
les marquis d'Esté , et qui firent
verser tant de sang pendant un siè-
cle . dans le Ferrarois , le Padouan
et la marche de Trévise. Torelli II
mourut en 1 197 , laissant deux fils,
Piétro d'Ermengarde et Salingucrra
II ( F. Salinguerra , XL , 1G4, et
Este ( Azzo VI ) , XIII , 365 ).—
GiACOMo , petit-fils de Torelli , et
fils de Salinguerra II , rappelé par
les Ferrarois, ne put en profiter par
son incapacité , et se retira à la cour
d'Ezzeiin II , son beau-père , qui se
chargea de le venger. — Salin-
guerra III , fils de ce môme Giaco-
mo, marié à Jeamie, fille du fameux
Albert Pallavicini , fut un homme
d'esprit et de courage: créé, en i3ol,
chef de la ligue des villes de Bolo-
gne , Forli et Imola , il fit plusieurs
campagnes honoral)les. Rajipelé par
les Ferrarois , il fut proclamé cinquiè-
me seigneur de Fcrrare, en i3o8;
mais les eiï'orts des marquis d'Esté ne
lui permirent pas de s'y maintenir.
Salingucrra 11! perdit Ferrarre , en
i3io. Les Torelli l'avaient possédée
cent vingt ans avant les marquis
d'Esté, ceux-ci la leur avaient dispu-
tée pendant soixante-dix ans, et ils
l'ont conservée trois siècles. Z.
a5o
TOR
TORELLI ( GuiDo II ) , descen-
dant de Salinf^uerra III, était fils de
Marsilio Torelli et d'Hélène d'Arco.
11 lit ses premières armes sous son
père et sous le général Carmagnole
{F. ce nom, Vil, 2G2) , mérita l'es-
time du duc de Miîan, Jean-Alarie
Visconti , qui lui fit épouser Orsina ,
une de ses parentes , ( F. l'art, ci-
après) , et l'investit, eu i4o6 , des
fiefsde Guastalla etdeMontécliiarugu-
16.Guido,enservantsouslesdrapeaux
d'OttondeTerziet du marquis d'Esté,
avait développé de grands *alents
militaires : le duc Plulippe - Marie ,
qui avait succédé à Jean-Marie , au
duché de Milan , fit tous ses efforts
pour le rappeler à son service. Gui-
do Y rentra en il^'io , et lui resta
toujours fidèle. Dès la fin de cette
année, il fit la guerre au marcpiis
d'Esté, lui enleva plusieurs places,
et s'empara de Parme. II soumit
Gênes au commencement de \l\'i7. ;
en fut nommé commandant pour
le duc de Milan, et prépara l'expé-
dition que ce jnince envoya au se-
cours de Jeanne II Duiazzo, reiue de
Naples, et de Louis III d'Anjou. Sa
flotte, composée de treize bâtiments
de guerre et de vingt galères , mit à
la voile en novembre i4'-i3 , et vint
mouiller devant Gaëte. Il força le
port, se rendit maître de la ville,
vint bloquer Naplcs, qu'il avait or-
donné à François Sforce d'assiéger
par terre, et obligea cette capitale
d'ouvrir ses portes, le 12 avril \^if\.
Jeanne 1 1 récompensa son libérateur ,
en lui donnant, dans une fête publi-
que , un bouclier d'or, où les armes
de Guido Torelli se trouvaient écar-
telées avec les .siennes ( le lion de Du-
ras ). Elle y joignit l'investiture de
plusieurs fiefs, el le litre de baron
de la Pouille et du (',apr)ii.in. Guido,
à son retour à Milan , défendit Fian-
lOR
çois Slbrce , son ami , des accusa-
tions porlées contre lui auprès du
duc, lui regagna l'afléction de ce
prince, et fut ainsi l'origine de la
fortune prodigieuse de cette maison.
Guido eut de constants succès de
I 420 à 1 4^8. En 1 43 1 , il fut op-
posé au général Carmagnole, son an-
cien maître, et le battit le 'ii mai ,
dans le Cremonais, conjointement
avec François Sforce et Picinino.
En 1432, il fut commandant dans
la Valteliue , la Valcamonique , le
Bressan et le Bergamasque, avec les
pouvoirs les plus étendus. Philippe-
Marie érigea , en 1 4*^8, en sa faveur,
Guastalla et Montécbiarugulô eu
comté héréditaire , et y ajouta le don
de ses armes ( la Bisse de Mi-
lan ). II lui donna en 1 43 1 , les
fiefs de Casei Cornale et Settimo,
érigés en marquisat^ enfin , il le créa ,
le i''^. mai i/)4i7 patrice des villes
de Milan, Parme et Pavie. Guido
mourut à Milan , le 8 juillet i 449-
II avait construit les fortifications de
Guastalla , et bâti sur la Lenza la
forteresse de Montechiavigulb , dont
les ruines subsistent encore. Z.
TORELLI ( Obsina ) , femme du
précédent , était fille d'Antonio Vis-
conti, etdeDéjanire Valpcrga, et joi-
gnait à tous les avantages de la nais-
sance une extrême beauté et un grand
caractère. Depuis 1422, Guido II
lui laissa la régence de Guastalla ,
pendant ses fréquentes absences, et
elle s'y conduisit toujours avec sa-
gesse et prudence. En i 426 , pendant
que Guy était à Gênes, et qu'on as-
siégeait B rescia , les bords du Pô se
trouvant dégarnis de troupes, le gé-
néral Carmagnole envoya jusques
à Casai - Maggiorc une division
vcnilienne qui enleva cette place ,
ainsi que Brcsello , el vint assié-
ger Guastalla , qui ne se trou.-
TOR
vait alors défendue que par quel-
ques troupes ëti'angcres. Orsina ra-
masse tout ce qu'elle peut réunir de
soldats, court prendre des troupes à
Parme, et les mène el.'e-mcme à
l'ennemi, portant la cuirasse et le
casque. Les \ e'niliens croient que
c'est Guido Torelli qui tombe sur
eux j ils abandonnent leur camp
et un grand nombre de prison-
niers. Philippe de Bergame rap-
porte qu'on vit cette femme cou-
rageuse conduire elle-même les ren-
forts aux points les plus périlleux,
3ue plusieurs des ennemis périrent
e sa propre main, et que ses armes
étaient couvertes de sang au sortir
du combat. Tout le duclic de Milan
alluma des feux, et lit des rejouis-
sances à la nouvelle de cette victoire;
et les habitants de Guastalla firent
peindre celte glorieuse action sur les
murs de l'église de Saint -Bartliéle-
mi, où cette fresque existe encore.
Orsina mourut quelques années après,
laissant deux fils. — Sa petite-fille ,
Donella Sanvitali , s'étant également
trouvée, pendant l'absence de son
mari , assiégée à Sala , en sept.
I 483 , par Amurath Torelli , son
cousin , soutint un assaut , se défen-
dit long-temps sur la brèclie, empê-
cha la prise du château , et d'un
coup d'arquebuse tua elle-même le
malheureux Amurath. — Plusieurs
femmes du mêmenom se sontrenducs
célèbres en Italie, par leurs comiais-
sances et leurs talents littéraires. Z.
TORELLI (Lelig), en latin,
Tavrei.lus , célèbre éditeur des
Pcmdectes florentines, ï\'M[w\t à Fa-
no , le uS octobre 1 489, d'mie famille
patricienne, établie dans cette ville
depuis le commencement du quator-
zième siècle. Ses parents le confiè-
rent , de bonne heure , à Jacq. Cos-
tanzi, son oncle maternel , savant
TOR
a5f
2)rofesseur à l'académie de Ferrare ;■
et sous la direction de cet habile
maître, il lit de rapides progrès dans
les langues grecque et latine. Apris
avoir terminé ses éludes classiques ,
il alla suivre les lc(;ous de droit à la
faculté de Pérouse, et il y reçut, à
vingt-deux ans , le grade de bache-
lier. Sa naissance et ses talents lui
ouvrirent la carrière des emplois
publics. Nommé podestat de Fos-
sombroue , il devint bientôt le chef
de la magistrature de Fano , et
eu i5'20 j il fut député par son corps
au pape Léon X. Scanderbeg Com-
nène avait obtenu du Saint-Siège la
seigneurie de Fano , comme un dé-
dommagement des états qu'il avait
perdus par sa réunion à l'Fglise ca-
tholique. Ce prince se rendit odieux
à ses nouveaux sujets par l'abus de
son autorité. Secondé par les jeunes
patriciens, Lelio le chassa de cette
ville. Cette action courageuse fut re-
présentée comme un attentat aux
droits du Saint - Siège : mais Lelio
n'eut pas de peine à se justifier- et le
pape Clément YIII voulut lui don-
ner un témoignage de confiauce , en
le nommant gouverneur de Béné-
vent. La sagesse de ses mesures pré-
serva cette ville de la peste et de la
famine qui désolaient une partie de
l'Italie. N'ayant pu réussir à calmer
les habitants de Fano , révoltés con-
tre Pandolfe Malatesti ( F. XXVI ,
332 ) , i\ prit le parti de se retirer à
Florence , où le grand-duc Cosme de
Médicis l'accueillit avec empresse-
ment. Nommé l'un des cinq audi-
teurs de la Rote ( 1 53 1 ) , il se signala
par son impartiahtc et par l'étendue
de ses connaissances. Il fut ensuite
élu podestat de Florence ; et le grand-
duc le fit enfin son chancelier et son
premier secrétaire, eu i54(>. Malgré
les devoirs attachés aux dillërcules
'2.52
TOR
charges dont il avait été successive-
ment revêtu , Lelio ne cessa jamais
de cultiver les lettres et les sciences.
Charge par Cosme de publier une
édition des PaiidfCtfs , sur le pre'-
cieux manuscrit conserve dans les
archives de Florence, il consacra dix
ans à ce travail , auquel il associa
François , l'aînc de ses (ils ( i ). Cette
magnifique édition fut terminée en
1 553. Lelio , depuis plusieurs années,
était membre de l'académie florenli-
nej il en fut élu l'un des chefs {consola)
en 1557. Les services importants
qu'il avait rendus à sa patrie adop-
tive lui méritèrent, en iS'-G, son
admission an sénat, et l'inscription
de son nom sur le livre de la nobles-
se florentine; mais il ne jouit pas
long-temps de ce douille honneirr ,
puisqu'il mourut le •i'j mars de la
même année, à l'âge de quatre-vingt-
sejjt ans. Il avait eu la douleur de se
voir ])récc'der au lomlieau par neuf
enfants qu'il avait eus de son maria-
ge avec Lia Marcoliiii. Le grand-duc
luilitfaire do liiagniliques funérailles.
Philippe Sasselti prononça son orai-
son funèbre : elle a été recueillie par
Salvino-Salvini , dans les Fasti conso-
lari delV acadcvi. fiorentina. Une
médaille fut frappée en son hon-
neur ('i), et son portrait fut placé
parmi ceux des illustres Florentins.
Lelio joignait à beaiicouj) d'esprit et
d'érudition les talents d'un homme
d'(!lat , et toutes les vertus d'un ci-
toyen. La plu])arl des écrivains con-
temporainsloueiit à l 'envi sa piété,
sou dc'sinléresseiueul et sa probité.
( 1 1 I Vniirrii» T'irrlli JDiniiil , oiniilnc sun pire , A
i'rliulc fjri'lrllnl. r< llr Avk loi»; il l'ut cnliMil •]«
l'iiraili-mii- (I.Mirilliir , iMi uVii, t'I liioiiinl m i;")-,.
I.fli<. lui u.di. I.i kI.hii' <!.• .1. ,l»v îV.lil. <l.» /•«/,-
.l-rl.y .,» t;,i,.,>l llll. CoMur .1. 'U..1., i^, ri cVM lu
ITiisfHi niMir ln(|iii'll<' iwi lui .lUiiljin' i|iiHi|tii'r»is
<:>lt<! édition.
( >) Jblln c«l lijjiii'ci il.^ii:< II' ISl.iMiiiin MumtihA-
lianiim , I , |i|. 81 .
TOR
On lui dort 'les règlements de l'aca-
démie de Florence et les statuts de
l'ordre de Saint-Éticnne. Orateur et
poète, on a de lui des vers latins (3)
cl italiens (4) , et quelques Discours
(5); mais il est plus connu comme
jurisconsulte, quoiqu'il n'ait laissé
que trois opuscules de droit : ^d
Gallum et legem Felleam; ad Cato-
nem et Paulum enarratiuncidœ ; De
militiis ex casa. Les deux ]nemiers
sont adressés à François TorcUi ,
son fils, dont on a déjà parlé ; et le
troisième au savant Ant. Augustin ,
archevêque de Tarragone, son ami.
Ce prélat les fit imprimer à la suite
de son recueil de corrections {Emen-
daliones ) ( V. k. Augustin , III ,
64 ) ', et ils ont passé de là dans le
Tractatus iractatuum , tom. xii
{V. ZiLETTi) , et dans le Thésaurus
juris d'Éverard Otto, iv, i6o3-
1642. Mais le principal titre de Le-
lio à la reconnaissance de la posté-
rité, c'est son édition des Pandec-
tes, intitulée : Digestorum seu Pan-
dectarum libri l, ex Pandectis Flo-
rentinis reprœseniati , Florence ,
Torrenlino , i553, in-fol. , 3 vol.
C'est un chef-d'œuvre d'impressionct
decorrection. Le manuscrit sur lequel
cette édition a été faite futdécouvert,
en I il^, à la prise d'Amalfi. Trans-
porté d'abord à Sienne , il fut appor-
té dans le quinzième siècle à Floren-
ce, où il est conservé dans le palais
des Médicis , comme un des monu-
ments les plus précieux que possède
cette ville. Il est écrit sur parche-
(31 On iir Iroiivr ilc lui <|n'iiiip seule" pii i c diin>
\ph i'iinitiiiti illiisiiiiiiii /welanim llntoniin , IX,
»il ; o'chi iiiic r|>ii<rniame en <|iialri! v<m> sur Ih
luoi I (1.- U:i<la(;;uM- , i-oi des Cilis.
{\\ Siilvliin-Salviiii II riMucilli qiicliiurs vit.'. l>
t,u.s el iinh.rlls ilr l.elio , lU<> le s F»./, ,..,..<'/»;,
(.',lOu lile <lr L.ilio, IVIo^r, ru Inliii, .lu (lu.
.Mc«»ii.li.> il.' M.aiBiN, .(ti'il |>imio..rii m ii>Mi . .1
li: |)aniK>i l'juiM'u iliilieu, Ju toiiiti Un", ru"'!-»'»'""
il'.uu' iililiayr à rioroiice.
TOR
min , d'un caractère assez fort et trc-s-
lisible. On a mis cnlrc cliarfuc feuil-
let une bande de salin pour empê-
cher toute altération pouvant résul-
ter du flottement. Le nojnbre des
ouvrages publies en Allemajiçne et en
Italie, pour ou contre l'authenticité
du manuscrit de Florence , est si con-
sidérable , que Camus n'a pas pu les
indicpiQr dans sa Bibliothètjuc de
droit. Le moine motif nous oblif;e do
renvoyer les curieux, à Nettclb'adt :
Inilia historùu Ultcrariie juruîicœ
unwersalis ; à la Bihllotheca rea-
lis de Lipcnius , au mot Jus cà'ilc ;
et eufni aux Fasti cuusolari , déjà
cités. On doit consulter, sur Turclli,
les Osscrvazioni istorichc , de Dom.
Mar. ftlanni , Sopra i Sigilli anlichi
de' secoli hûssi , tom. ix et xxi , et
surtout la FïedcTorelli, qu'il a pu-
bliée, Florence , l'j'jo, iii-4"' W-s.
ÏOHELLI (PoMPoNjo), littéra-
teur, ne en ijSq, descendait des
comtes de Guastaila , et fut envoyé,
pour ses études , à l'unlversitc de
Padoue. Lorsqu'il les eut achevées ,
il fit un voyage en France j et à
son retour dans sa patrie, il devint
e'perdumenl amoureux d'une jeune
paysanne, pour laipioUe il compo-
sa ses premiers vers, Gucri do cel-
te passion, il épousa la nièce du
pape Pie V , et fut membre de l'a-
cadémie des Innomiiiati de Parme,
sous le nom de Perduto. Son rang
et ses talents le rapprochèrent du duc
Octave Farnèsc , qui , en 1 584 1 1'*^"-
voya en Espagne, pour réclamer la
restitution de la citadelle de Pl.iisan-
ce. Torclli alla d'a])oid en Flandre
prendre les iuslructions d'Alexandre
Farnèsc, quM trouva occupe du siè-
ge d'Anvers; puis à Uarcolone , pour
traiter avec Pliilip[ic 11. L'heureux
résultat de celle mission diUlcile fui
une source de faveurs pour ce diplo-
roR
253
ma te, oui, après a voir surveillé l'édu-
cation de l'héritier de l'élat. mourut
à Parme, le r2 avril i6o8. Truis ans
après sa morf., ses enfants se trouvè-
rent envelopjiés dans les plus grands
malheurs. Accusés faussement d'a-
voir trompé dans un complot contre le
duc régiuait ( r. Uanuce FarnÈse ,
XIV, 17J ), l'aîné eut la tète tran-
chée , et quatre autres furent bannis
de P.inne. Une branche de cette fa-
mille se réfugia alors à Keggio, et
une aulrc vint s'établir en France, où
il eu reste un dernier rejeton. Les ou-
vrages de ïorelh sont: L Rime amo-
ro56', Parme, 15^5, iu-4". IL Trat-
tato del debilo del cavaliero , ibid.,
1596, in- 4". 11 composa cet ouvr^i-
ge pour l'inslruclion tl'un enfant na-
turel qu'il avait eu de sa première
maîtresse. 111. Curini/iani libri sex ,
ibid., i()oo, in-4". IV. // Taneredi,
trag. , ibid. , 1 597 , in-40. V, LaMe-
/■o/y<%trag,,ibid., i589,in-4''.VI.//a
Galalea , trag., ibid. , iCioS , in-4".
V il. La Vittoria, trag. , ibid., iGo3,
in-4<^.VllI./ZPo/jVic»ro, trag., ibid.,
iOo5 , .ia-4". Ces tragédies sont
calquées sur le tlicàtre grec. Tira-
boschi en vante le style et le planj
mais ou sait quel cas ou doit faire
des tragédies Ualiennes antérieures à
celle de Malfei. De ce que cet auteur
a inséré laMéiope de sou rival dans
un Recueil de pièces choisies , ou
conclut qu'il l'estimait. JNe pourrait-
on pas plutôt croire qu'il ne le redou-
tait pas ? Plusieurs ouvrages de To-
lelli sont restés inédits dans les ar-
chives des comlos Torelli de Reggio
et dans la bibliotlièqucducale de Par-
me. A — G — s.
TORELLI (Jacques), archilec-
te- machiniste , né , en 1608 , à
Fauo , de la même faniille (jue le
chancelier Lelio (jui piecode, était
fils d'Anloiue Torclli , patricc de
Î254
TOR
cette ville , et commandeur de l'or
dre de Saint Etienne de ïoscaue. Une
ca'ut point, au-dessous de sa naissance
et d'nne fortune considérable , de pro-
fesser les arts libéraux. Aimant avec
passion les spectacles , et très-verse
dans Ici mécanique , il étonna tout
le monde à Venise, lorsque, pour la
première fois , il chanç:;ea en un ins-
tant, les décorations du théâtre de
SS. Jean et Paul , au moyen de
contrepoids et de cabestans. Des en-
vieusrattcndireutunsoirancoind'une
rue, pour l'assassiner : il en fut quitte
pour la perte de quelques doigts j ce
qui ne l'empêcha pas de coutmuer
ses travaux. La réputation toujours
croissante de cet artiste vint jusqu'à
Louis XIV , qui lui lit proposer de
passer en France. Torelli ne se refu-
sa pas aux désirs de ce monarque; et
honoré du titre d'architecte et de ma-
chiniste du roi , il exerça son talent
au théâtre du Petit -Bourbon Ce
fut en grande partie au talent de cet
étranger , que Corneille dut le succès
de son Andromède , en i65o. La
nouveauté et la hardiesse des essais de
ïorelli causèrent un tel étonneineut ,
que le public lui donna le nom de
Grand Sorcier. Il nous est resté quel-
ques Recueils de ses plus belles in-
ventions ( F. Jules Strozzi , XLIV,
G4). 1-11 liiQ'i., il revint en Italie,
amenant avec lui une demoiselle
Suez qu'il avait époustn; en Fiance.
Revenu à Fano, il y lit construire
le théâtre de la Fortune , qui fut éle-
vé d'apiès ses dessins , et dont il fit
présenta la ville. C'est la même salle
qui a servi de modèle à un théâtre
bâti à Vienne par l'empereur Léo-
pold. Torelli mourut à l'ano , le i*^"".
oct. iGnS, léguant aux PP. de l'O-
ratoire une rente pour lui faire, tous
les ans , un service solennel. Il en com-
posa lui-même la musique cl les pa-
TOR
rôles , et donna le plan de son cata-
falque. A — G — s.
ÏORELLI (Louis), biographe,
né à Rologne , en 1609, et conduit
dans le cloître par des chagrins do-
mestiques, apprit ia théologie, dans
un couvent de Saint-Jacques^ et par-
courut la double carrière de l'ensei-
gnement et de la prédication. Appelé
successivement dans les principales
villes de l'Italie , élevé par ses confrè-
res aux dignités les plus cminentes , il
sut , au milieu de ses occupations et de
ses travaux évangéliques , trouver le
temps de composer un ouvrage im-
mense sur l'histoire de son ordre.
Epujsé de fatigues, sans jamais cher-
cher le repos, il continua ses recher-
ches, même dans l'état de cécité où il
fut plongépendant lesdernières années
de sa vie, et mourut à Bologne, le i4
janv. iG83. Ses ouvrages sont : I. Ris-
tretto délie vite degli uominie dél-
ie donne illustri delV ordine Agosti-
niano , divisa in sei centurie , Bolo-
gne, 1647 , in- 4". IL La Fita di
S. Liborio , vescoi>o Cenoniatense ^
ibid. , in-i'i. III. Secoli Agostiniani
ovvero Storia générale delf ordine
di sant' Agostino , vesco\'o d'Ippo-
na ; dii'iso iji xiif secoli , ibid. , 1 OSg-
85 ; 3 vol. in-fol. Le dernier volu-
me est posthume. IV. La Fita di
Fra Alfonso d'Osorio, ira A. de
l'espagnol du P. Marquez, ibid.,
i65i. Voy. Fantuzzi, Scrittoribo-
lognesi, \ui , 108. A — g — s.
TORELLI ( JosKPH ), littérateur ,
était fils d'un négociant de Véro-
ne, où il nacjuit , en 1 721. fi étudia
d'abord chez les frères Ballerini,
comme s'il avait dû embrasser l'état
ecclésiastique ; mais envoyé à l'uni-
versité de Padoue, il y fit son cours
de droit, et s'exerça dans les langues
savantes. Décoré du bonnet de doc-
teur, il revint dans sa patrie, où,
TOU
plonge dans l'étude , et content de
l'estime de ses compatriotes, il ne
voulut accepter aucune charge pu-
blique. Par une hizancric inexplica-
ble dans un esprit éclairé, le même
homme qui avait refuse les places de
professeur à l'univcrsilé de Padoue ,
(le secrétaire de l'académie de Man-
tor.e , de gouverneur de Milan -, et
d'iuspecteur-p;cnéral des études au
collège militaire de Vérone , se char-
gea de solliciter , au nom de quel-
ques sociétaires d'un cercle institué
à Vérone , eu 1 7 1 o , l'intervention
du sénat vénitien pour obliger les jeu-
nes dames à n'y paraître qu'en ver-
tugadin et en fontanges. Ses Con-
naissances plus vanées que profon-
des le mettaient en rapport avec des
savants, des littérateurs et des artis-
tes. Il traduisait Plante , jugeait le
Dante, expliquait les antiquités de
Vérone , cultivait les mathémati-
ques, achetait des tableaux , clas-
saitdes médailles. Il avait aussi ras-
semblé les matériaux pour la vie de
Malici, qu'il n'a point publiée, et
ime collection de livres précieux,
dont hérita le chapitre de Vérone,
11 entreprit un grand travail sur
Archimède, dont l'édition posthume
parut à Oxford, en 179'i. lia épuré
le texte de la première, exécutée à
Bàle en 1544? et, mécontent des
versions latines de Jean de Crémone
et de Frédéric Commandino , il en
a donné ime nouvelle traduction,
qu'il a enrichie des commentaires
d'Eutocius , de plusieurs de ses
observations , et d'une Notice sur
Archimède. Celte édition , la plus
complète que l'on possède de cet an-
cien géomètre^ fait suite à l'Euclidc
de Gregory, et à l'Apollonius de
Halley. Torelli mourut à Vérone, le
18 août 1781. iSes ouvrages sont :
I. Somnium Jacohi Pindeviontii ,
TOK
255
Padoue , «743 , in-8°. C'est un dis-
cours académique sur la prééminence
des lettres ou des armes. II . Animad-
s'crsiones in hebraïciiia Exodi li-
brum et in grœcaniLxx interpreta-
tionein, Vérone, 1744? in-8<>.0n lui
répondit par l'ouvrage suivant : Ris-
posta dcl P. Carnieli ad una lette-
ra , in ciii gli viene doniandato il
siio sentimento sopra un' opéra nuo-
vaîuente uscita in Ferona , Padoue,
1744? 111-8°. III. De principe gitlce
incommodo , ejusqae remedio , Co-
logne ( Vérone ), 1744 ' "1-12. Dia-
logue satirique contre les casnistes.
IV. Tradiizioni poetiche , o sia
tentativi per hen tradiirre in verso,
Vérone, 1746, in-8°. V. De rota
suh aquis circumacta, ibid. , 1747,
in-8'^. Projet d'une nouvelle machi-
ne hydraulique , exposé dans une let-
tre à Poleni. VI. l'radiiziojie de^
dite primi libri delV Enéide , iljid. ,
1749, in-8'^. VII. Lettera al Mar-
chese Maffei , sopra wi antica is-
crizione greca , ibid. , 1700 , in^".
VIII. Scala de' meriti a capo
d'anno, trdttato geometrico, ibid.,
1751, in-8°. L'auteur essaie de re-
présenter par ime courbe la progres-
sion des intérêts d'un capital quel-
conque. IX. De nihilo geometrico ,
libri II , ibid. , 1 758 , in-8°. X. Geo-
metrica , ibid., 176g, in-S'». Ces
deux ouvrages ont pour but d'éta-
blir la supériorité de la géométrie
des anciens sur le calcul inlinitési-
mal des modernes. XI. Lettera sid-
la denominazione del corrente an-
no , ibid., 1760, in-8°. XII. Lutte-
ra intorno a due passi del Purgato-
rio di Dante , ibid., 1760, in-8''.
XIII. Il Pseudolo, conimedia di
Planta , con alcuni idilli di Teocri-
to e di Masco, Firenze , 1763, in-
8°. XIV. Imio a Maria Fergine ,
Vérone 17G6, in-8". XV. Xt'ffem
25G TOK
amiladi Fain^-Reit , etc., ihiil. ,
i-jG-y , in-H*>. XVI. De prohalnli
vita morumque régula , Cologne
(Vérone), 17747 in -!'->-• XVII.
Demoiistratio anticjui theorcmatis
de motuiim commixlione , Vérone,
1774, in-8". XVIII. Elegia, so-
pra un cimitero catnpestre , tra-
duit de l'anglais de Gray, ibid. ,
177G; in-8". XIX. Poemetio di
Catullo iiitorno aile nozze di Teti
e di Peleo , trad. du latin , ibid. ,
1781 , in - 8'^'. XX. Lettera sopra
Dante contra Foltaire , ibid., 1 7 H i ,
in-S'^. XX î. Lettera alf autore
délie Firgiliane ( Bettinelli ), di P.
Paladinozzu di Montegritti { To-
relli), ibid.;, 1787 , in-8«. XXII.
Elementonim prospectùuv libri 11 ,
ibid. , 1 788 , in-4°. Ouvrage ]iosthu-
lue, publie par J.B.Bertoliui.XXlII.
Archimeclis quœ supersunt oiniiia
cuni Eutocil Ascalonilœ commen-
tariis , cum nova versione latina ,
etc. , Oxford , 1 792 , in-fol. XXIV.
Poésie , con alcune prose latine ,
Vérone, 1795, iu-8'^. Voy. une
Notice latine sur la vie et les écrits
de Torelli, par Sibiliato, placée eu
tète de l'édition d'Arcliimcdc : Pin-
(}iem.oiû& , Elogio di Torelli, dans
les Menwrie délia società italiarui ,
tome II, part. -2 ; et Ugoni, Lette-
ratura italiana del xviii seculo,
lom. m, pag. 5. A — g — s.
TORliN ( Olaus ) , voyageur sué-
dois, était ne dans la province de
Vestrogotliie, ]irèsde (iotlicnbourg.
Animé diidcsir de v:sitei' les contréis
lointaines, il pensa (ju'il lcs])arcoiu-
rait avec plus de Iruil eu se préj)a-
rant à ses voyages par l'étude de
l'histoire naluicllc. Il suivit assidû-
ment les leijOiisde liUUié ,à Up.sal , et
(it une première navigation a Cailix.
Il s'cjul)an|ua ensuite, comme au-
mônier, sur un vaisseau de la corn
TOU
pagnie des Indes Orientales, et par-
tit le j*^'', avril i-jSo. Dans la tra-
versée , on loucha aux Comniores ,
et l'on mouilla sur la rade de Surate.
Le i^'". mars 1751 , ou lit voile pour
Mangalor , Ma hé, Quéda , dans la
presqu'île de Malacca. Enfin le 7
juillet suivant on ai'riva dans la
rivière de Canton. Le 4 janvier
I 'j!J'X , le vaisseau partit de la Chinej
et le 26 mai , il rentra dans le
])ort de Gothenbourg. Torén ne sur-
vécut pas long -temps à cette longue
navigation, (pii avait altéré sa santé
natuiellemcnt délicate. Il mourut à
Na;singe près Strœirastad,le 17 août
1753. Depuis son retour, il avait
successivement envoyé ses observa-
tions à Linné, dans les lettres qu'il
lui écrivait. Elles ont été insérées à la
suite du Voyage d'Osbcck, sous ce
titic : Fojage des Indes Orientales
à Surate, à la Chine , etc. Cet ou-
vi'age a été traduit eu français par
Dominique Blackford, IMilau, 1771,
m-i'2,. Cette version ne rend pas du
tout l'agrément de l'original. Torén
donne des détails intéressants sur les
divers pays qu'il a vus. Il écrit avec
facilité , et racoute d'une manière
agréable. Durant son voyage , il avait
recueilli beaucoup de plantes rares ,
dont il enrichit les herbiers de son
illustre maître. Celui-ci a nommé To-
renia un genre de la famille des scro-
phulaires, quireuferme deux plantes
vivacesde l'Inde, que Torén avait le
premier fait connaître. E — s.
TOHl'Éi-:, ( TUORMODE ) ouTOll-
FAS()]N , historiographe de Dane-
mark , naquit , en 1640 , à En-
goe , petite île sur la côte méridionale
d'Islande. Nommé, eu i(J()o, par
Erédéric i 1 1 , intcrjirèLe pour les auti-
(piilés islandaises, il fut chargé de re-
cueillir Cii Islande les manuscrits qu'il
pourrait découvrir. L'cvêque de
TOR
Skalholdelui fut tics-utile dans cette
luissiuu; en i663 , il revint à Copen-
hague , apportant une collection de
manuscrits extrêmement précieuse.
Nomme, eu i68a , historiographe
de Norwége, il continua , avec un
nouveau zèle , à travailler à l'histoi-
re de ce royaume. Sou dévouement
à l'histoire des antiquités des deux
royaumes et les connaissances pro-
fondes qu'il avait acquises^ lui ga-
gnèrent l'estime cl la protection
de ses princes. Frédéric IV , visi-
tant la ÎSorwège, en 1704 , vint dans
la petite île de Carmen, pour voir
Torfée, qui y demeui'ait, et lui fit
l'honneurdepasserlanuitchezlui. Il
avait poussé ses recherches jusqu'à
l'union de Calmar , lorsqu'en 1706,
une maladie qui avait aiîaibli ses
facultés intellectuelles, le força de
confier ses manuscrits au professeur
Reitzer. Il mourut en 1719, à 80
ans. La viedece savant est tout entiè-
re dans les ouvrages qu'il a publiés : I.
Coinmentatio historien de rébus ges-
tis Fœreyensiiim seu Farœnsiura
Tliormodi Torfœi, sacrce regiœ ma-
jestatis Daniœ et Non'egiœ , rerum
nojvegicarinn historiographi , Co-
penhague, 1 695 , iu-B'^.Ce Commentai-
re historique sur les îles Fc'roé , dédié
au comte de Gyldeulocw, fils naturel
de Frédéric III , est tiré du manus-
crit islandais , Flatejar nnnall , ou
Flateyenses annales , monument
précieux de l'aniiquité septentrionale,
que l'auteur avait pris pour guide dans
ses recherches. Selon lui , les îles Fc'-
roé sont au nombre de vingt - une,
dont dix-sept habitées. Il pense que
les ]uemières émigrations dans ces
îles ont eu lieu sous le règne de Ha-
rald à Belle-Chevelure, roi de ISor-
wége. Le com le Sigmond, nommé leur
gouverneur pour Olaiis , roi de Nor-
vvége,chcrc])a, au commencement du
\L\ 1.
TOR
35'
xi^. siècle, à y introduire la religion
chrétienne. II Séries dynastarum
et regum Danice à] primo corutn ,
Skioldo Odiniflio , ad Gormiini
Grandœvum , Haraldi Cœrulidcn-
tis patreni , amio i664;, jussu ré-
gis Friderici \\\ , seciindum mo-
niimentorum islandicoruni harmo-
nium deducta et concimiata : mmc
recognita , viultùm aucta et Fride-
rici IV auspiciis in publicam lu-
cem emissa , Copenhague, 1702,
in-4°. L'auteur dit dans sa préface:
« Le roi Frédéric III me chargea ,
» il y a près de quarante ans, de
» traduire en langue danoise lesma-
» nuscrits qu'il avait fait venir de
» l'Islande ma patrie. Mon travail
» lui plut. En conversant avec un de
» ses courtisans sur nos antiquités ,
» je dis que , d'après nos traditions
» islandaises, le premier prince de
M Danemark était Skiold et non Da-
» nus , comme on l'avait cru jus-
» que-là. Le roi repoussa d'abord
» mon sentiment; mais voulant que
)) ce point denotre histoire fût éclair-
» ci , il me donna ordre de recueil-
ce lir et de mettre en latin, d'après
» nos manuscrits islandais , la suite
» des princes et rois de Danemark
» sur lesquels ilj avait controver-
» se. Je lui présentai plus tard mon
M travail, pour lequel il me témoi-
» gna sa satisfaction ; et mon manus-
» crit fut traduit en langue danoise.
» Christian V m'ayant chargé, il y
» a quinze ans , d'écrire l'histoire de
» Norwége, j'eus occasion d'exami-
» ner avec plus de soin nos monu-
» ments islandais, et de donner plus
» d'étendue à la suite des princes
» de Danemark , que je fais paraî-
» tre. » Dans la Préface, qui est
adressée à Frédéric , l'auteur parle
avec la plus vive reconnaissance
des bienfaits dont il a été comblé
258
TOR
par ses rois. Ayant donné la liste
de cent ([uatre-vingt-sc pt manuscrits
islandais , dont il s'était servi dans
son travail, il les analyse , indiquant
ceux, qui appartiennent aux temps
mythologiques, aux fables, à la poé-
sie , en lin ceux qu'on doit considérer
comme jnonuments authentiques {F.
Lyschander ). Cette première partie
de l'ouvrage est classique pour ceux
qui veulent étudier la langue et la
littérature des anciens Islandais, leur
Edda et leur Sagas. Dans la seconde,
l'auteur donne la suite des anciens
princes et rois de Danemark. Selon
lui, vers l'an 70 avant J.-C. , Odin
vint de l'Asie ;, à la tète d'une nom-
breuse colonie. Ayant soumis la Rus-
sie , la Suède , le Danemark et la Nor-
wége , il donna à Skiold , un de ses
fds, le Danemark à gouverner. Ainsi
Danus qui , avant la découverte des
monuments islandais, passait pour
être le premier prince de Danemark,
n'en est plus à présent que le neu-
vième. III. Historia Hrolfi Krakii
inler jjotentissimos in ethnicismo
Da niœ reges cdeberrimi, ah avo cjiis
HalfdanoIIcl pâtre Helgio, hiijus-
què fratre Ilroare , sccundùia mom
nuinentorum islandicoriun manu-
ductionem dediicta , cumquc aliis
historicis, impjimis Saxont Gram-
matico, diiigenter collata, Copen-
hague, 1705, in-B°. C'est la vie
d'un ancien roi, que Torfée avait pro-
mis de donner. IV. Historia Finlun-
diœ anliquœ seu partis Amcricœ
sc.ptentrionalis , uhi nominis ratio
rtccnsclur, situs terrœ ex dierum
britmaliuni spalio expendilur , soli
ferlilitas et incolarum barbaries ,
père grinor uni leinporarius incola-
tus et gesta, vicinarum terraruin
nomina et faciès antiipiitatibiis is-
landicis in luceni producta expo-
nunfur, Goponliague, 1705, ni-8".
ÏOR
Dans la préface, l'auteur raconte à
quelle occasion il avait pi-éparé et
publié cette description historique
de la Vinlande ou Amérique septen-
trionale. Le roi Frédéric IV, visitant,
comme nous l'avons dit , en 1704,
la Norwége, passa chez Torfée le 5
et le 6 de juillet. On parla des rela-
tions commerciales qu'il serait pos-
sible d'établir avec le Groenland et
le détroit de Davis. ïorfée employa
la nuit à recueillir les notions qu'il
avait puisées dans ses manuscrits is-
landais. Le roi, lui en ayant témoigné
sa satisfaction, l'engagea à donner,
à ce sujet, plus de développement, ce
qu'il a exécuté dans sa description his'
torique des contrées qui forment l'ex-
trémité de l'Amérique septentrionale,
et auxquelles il donne le nom dJ an-
cienne Finlande. D'après les monu-
ments islandais, et surtout d'après
les Annales de Flatejar, qui sont à
la bibliothèque royale de Copenha-
gue , des Islandais avaient, en qBd ,
découvert le Groenland et la partie
opposée de l'Amérique septaitrio-
nale. Depuis cette époque jusque
vers ia fin du treizième siècle, qua-
tre autres expéditions partirent de
l'Islande pour visiter le Groenland et
la Yinlaiide. V. Gronlandia anti-
qua , seu veleris Gnmlandiœ des-
criptiu , ubi cœli marisque natura ,
terrœ locoruni et villarum situs,
aninialium terrestriwn, aqualilium
varia gênera , gentis origo et in-
crementa , status politicus et école-
siasticus , gesta memorabilia et vi-
cissitudines, ex antiquis niemoriis ,
prœcipuè islandicis , qud fieri po-
tuit industrid collecta exponuntur ,
Copenhague, 170G, in -8". Nous
avons dit à quelle occasion fut pu-
bliée cette description historique du
Groenland, l'allé est , ainsi que la des-
cription de l'Amérique .septentrio-
TOR
nale , remplie de détails curieux sur
ces contrées boréales. L'auteur y a
joint six cartes du Groenland et des
contrées adjaceutes.La première a été
tracée en 1606, par GudbrandTor-
laque, prélat instruit, qui fut pendant
cinquante-six ans évèque de Holen
dans l'Islande septentrionale. La se-
conde avait été faite, en i J70, par
Sigurde Stephanius , qui , dans le
seizième siècle, fut recteur de l'école
de Skalholde en Islande. La troi-
sième a été tracée par un Islandais ,
qui , en i63G, (it partie d'une expé-
dition envoyée dans le Groenland par
le roi de Danemark, La quatrième,
tracée, en i(J68, par Théodore
Tliorlaqae,indiquc spécialement deux
anses ; l'une , où aborda, en 1606 ,
l'expédition envoyée par le roi Chris-
tian IV; l'autre, où prit terre, en 1 636,
le Lion rouge , qui , envoyé par le
roi de Danemark, revint ayant à
bord, outre les dépouilles de Ixileine,
d'autres poissons et animaux terres-
tres y des morceaux précieux enlevés
aux mines d'arp;ent qui se trouvent
dans le Groenland. La cinquième
carte a été tracée par Torfée lui-
même , d'après les monuments qu'il
avait découverts en Islande et dans
la bibliothèque royale. VI. Trifo-
liuin historicum seu disserlatio his-
torico-chronologico-critica de tribus
poteiitissimis Daniœ regibus , Gor-
mo Grandœvo , Haraldo Cœruliden-
te, et Sveno Furcatœ Barbœ, ijisup-
plementum seriei regum Daniœ ,
Copenhague, 1 707, iu-4". Celte his-
toire des rois Gorm'is, Harald et
Suénon , est une continuation de la
suite des princes et rois de Dane-
7U«rA. Vif. Hisioria reruninorve-
gicarum in qud , privter Non'egiœ
descriptionem , priinordia gentis ,
inslituta , mores , incrcnienta , et
inprimis heroum ac regum , tain
ÏOR 259
ante quàm post monarchiam insti-
tulam , successiones , eorumque
domi juxtà ac j'oris gesta , cumque
vicinis gentibus commercia , genea-
logia , chronologia , et qucecunique
ad regni nor\>egici illustrationem
spectajit, singula ex archivis regiis ,
et oplimis , quœ haberi potuerunt ,
menibranis aliisque fide dignissi-
mis authoribus , eruta, luci publi-
cœ evponunlur , cujii prulegome-
niset indicibus , Copenhague , 1 7 1 1,
4 vol. in-iol. C'est d'après ce grand
ouvrage, publié par les soins du
professeur Reitzer, que l'on peut ju-
ger Torfée et apprécier l'étendue de
ses connaissances. Dans la Préface,
qui est adressée à Frédéric IV, l'au-
teur dit qu'il a rassemblé les maté-
riaux pour l'histoire de la Norwége
jusqu'au commencement du dix-hui-
tième siècle. Dans le premier vol unie,
après avoir fait ses divisions, il don-
ne une description de la Norwége et
de ses habitants pendant les premiers
siècles de l'ère chrétienne. Le second
volume commence au règne de Ha-
rald à Belle-Chevelure^ et finit à celui
d'Olaiis Trygwin. Dans le troisième
et le quatrième volume , l'auteur con-
tinue l'histoire de Norwége , depuis
la fin du dixième siècle jusqu'à l'an
i388. VIII. Orcades seu rerum
orcadensium historia, Copenhague ,
'.715, in-fol. C'est un tableau de
la géographie et de l'histoire des
îles Orcades , avec les diplômes
qui y ont rapport. Torfée a laissé
un grand uombx'e de manuscrits que
l'on peut consulter à la bibiiotiic-
que royale de Copenhague. La plu-
part a|)partiennent au travail qu'il
fit pour Frédéric 111 sur l'histoi-
re et la littérature islandaises. C'est
d'après ces manuscrits que Suhra a
publié : TorJ'œana , si^'e Tormodi
TorJ'œi notœ posteriores in seriem
17..
a6o
TOR
regum Daniœ , Copenhague , 1 797 ,
m-(\^. [V. SuHM\Beseuius en a aussi
fait usage dans l'édiUon de VEdda
Islandorum, publiée eu i665. G-y.
TORIBIO ou TURIBE (Saint),
archevêque de Lima , né le 6 novem-
bre ï538^ d'une famille illustre en
Espagne , fut apprécié de bonne heu-
re par Philippe II, qui, après l'avoir
éprouvé dans des places importan-
tes , le nomma président ou premier
magistrat de Grenade. 11 avait rempli
cette charge pendant cinq ans , avec
autant d'intégrité que de prudence ,
lorsque l'archevêché de Lima vint à
vaquer. L'état déplorable de la reli-
gion dans le Pérou demandait un
pasteur qui fut animé du même es-
prit que les premiers apôtres 5 on
crut l'avoir trouvé dans ïuribe , re-
gardé comme seul capable d'arrêter
les débordements et les scandales par
lesquels les Espagnols empêchaient la
conversion des Péruviens infidèles.
Turibc refusa d'abord ,^ se fundant
sur les canons de l'Eglise , qui
défendent aux laïques de recevoir
l'épiscopat. Mais le roi persista j
et ïuribe, ayant pris successivement
tous les ordres sacrés , arriva à Lima,
en i58i, âgé de quarante-trois ans.
Son diocèse avait , le long des cotes ,
cent trente lieues d'étendue , compre-
nant une multitude de villes , de vil-
lages et de hameaux dispersés sur les
montagnes des Andes. Le saint ar-
olievêque fut attendri jusqu'aux lar-
mes lorsqu'il connut l'état où ce
diocèse élaitrédiiit. LesEspaguolsqui
avaient fiil la conquête du pays , s'é-
taient c(mduits envers les habitants
fomnie des tyrans féroces^ avares et
inhumains. Les missionnaires avaient
réuni leurs eU'urts ])our s'opposer à
\m tel scandale. IN'élanl ])as écou-
tés , ils s'étaient adressés a la cour
d'Espagne , l'illuslre I5artliclcuii
TOR
de Las - Casas avait fait quatre
voyages à Madrid , pour plaider la
cause touchante des Indiens, et il
avait obtenu d'amples rescrits : il
avait été nommé protecteur général
des Indiens. Ferdinand et Charles-
Quint avaient déclaré les Indiens li-
bres , avec défense de les maltraiter ;
mais il faut autre chose que des or-
donnances , quand on veut contenir
les hommes qui ont pour eux les ar-
mes et la force. Las-Casas, désespé-
rant de ne pouvoir faire le bien, était
revenu , en i55i , eu Espagne, et il
était allé s'enfermer dans un couvent
de Valladolid. Turibe, instruit de
tout ce que l'on avait inutilement
tenté , ne perdit pas courage, et com-
mença par visiter son vaste diocèse.
Il est im'possible de se former une
idée des fatigues et des dangers qu'il
eut à essuyer. 11 gravissait les mon-
tagnes escarpées , couvertes de glace
ou de neige, au milieu des bêtes fé-
roces , pour porter des consolations
et des secours dans les cabanes des
parivres Indiens. Il fit ainsi trois vi-
sites de tout son diocèse, et y em-
ploya dix-sept ans. II recueillit le
fruit de ses travaux, en convertis-
sant une multitude d'inlldèles. Quand
il arrivait dans une paroisse, son
premier soin était d'aller à l'église
se prosterner au pied des autels. 1 1 pas-
sait quelquefois deux ou trois jours
dans un même endroit, occupé à ins-
truire les pauvres, quoiqu'il y man-
quât souvent des choses les plus né-
cessaires à la vie. Afin de se mettic
en état de mieux rem])lir les devoiis
de la prédication, il avait appris,
dans un âge assez avancé, les dilli -
lents idiomes péruviens. ISe pouvant
être partout , il établit des pasteurs
qu'il chargea de donner l'instruction
et les secours des sacrements à ceux
•pii habilaienl les rochers les plus
TOR
inaccessibles. Il rcgia qu'à l'avenir
on tiendrait tous les deux ans des sy-
nodes diocésains, et des synodes pro-
vinciaux tous les sept ans. Il fonda
des se'minaires , des églises , des éta-
blissements pour les pauvres et les
malades. Lorsqu'il était à Lima , il
visitait tous les jours les hôpitaux,
consolant les malades avec boulé, et
leur administrant lui-même les sa-
crements. La peste ayant attaqué une
partie de sou diocèse , il renouvela,
dans le Nouveau-lMonde, les exemples
touchants que saint Charles Bor-
romée avait donnes à l'ancien. Il
assistait aux processions : fondant en
larmes, et les yeux fixés sur un cru-
cifix, il s'offrait à Dieu pour son
troupeau. Le ciel se laissa fléchir, et
la peste cessa ses ravages. Ce saint
homme se trouvait à Santa, à cent
dix lieues de Lima, occupé à faire
la visite de son diocèse, lorsqu'il
tomba malade. Prévoyant sa Gn pro-
chaine, il donna à ses serviteurs ce
qui lui restait à son usage , et ses
biens aux pauvres II mourut le 23
mars 1606. L'année suivante, on
transporta son corps à Lima, et on
le trouva sans aucune marque de
corruption. Toribio fut béatifié en
16-9, par Innocent XI, et Benoît
XIII le canonisa en l'jaG. G — Y.
^ TORNÉ ( Pierre- Anastase ) ,
évêque constitutionnel , né à Tarbcs
le 2 X janvier 1 727 , était entré d'a-
bord dans la congrégation des Doc-
trinaires , et professa la philosophie
à Toulon ; mais il quitta ensuite la
congrégation et se livra au ministère
de la chaire. Un discours qu'il avait
composé pour un concours à l'acadé-
mie de Pau oJ)tint le prix en 17')4-
31 publia , en i'j5'] , des Leçons élé-
mentaires de calcul et de géomé-
trie, in-8'\ 11 prêcha à la cour de
iStanislas , qui lui donna le titre de
TOR
2G1
son aumùnicr, et lui procura une
place d'associé à l'académie de Nan-
cy. Le carême que Torné prêcha à
la cour de Versailles, en 1764 , le
fit encore plus connaître. L'évêque
d'Orléans , M. de Jarente , alors mi-
nistre de la feuille , lui donna un ca-
nouicat de sa cathédrale , et le fit
nommer au prieuré de Saint Paul-'
de-Bagnères-de-Bigorre. Ses ser-
mons furent imprimés à Paris, ea
1765 , 3 vol. iu-12^ ils sont dédiés
à l'évêque d'Orléans. On ne les jugea
point alors sans méritej et peut-être
Sabatier de Castres en parle-t-il avec
trop de sévérité dans ses Trois siè-
cles littéraires } mais aujourd'hui
nous ne pouvons lire ces mêmes dis-
cours sans nous rappeler la conduite
postérieure de Torné. On cite encore
de Torné une Oraison funèbre de
Louis XV , imprimée à Tarbes ,
en 1775, iu-4°- L'âge, le carac-
tère et les travaux de Torné sem-
blaient également devoir le prémunir
contre les illusions qui séduisirent
tant de têtes en 1 789 ; on le vit donc
avec étonuement se lancer dans la
carrière de la révolution. Il fut nom-
mé évêque du département du Cher
et métropolitain du centre, et sacré
en cette qualité le 26 avril 1791-
Son département le nomma député à
l'assemblée législative. Ses premières
motions n'annoncèrent pomt d abord,
d'exaltation; le 17 nov. 1791, il
combattit le projet de priver de leurs
pensions les prêtres non-assermeutés,
et il parla en leur faveur; le 29 du
même mois, il s'opposa à la veute
des églises occupées par les mêmes
ecclésiastiques; mais ensuite la peur
ou le délire le jeta dans les rangs
des jacobins. Il provoqua, le 6 avril
1792, la suppression du costume
ecclésiastique, et dès le lendemain
il vint recevoir les applaudissements
2(i2
TOR
de l'assemblée pour avoir secoue' tout
ce qui pouvait rappeler sou état. Il
vola pour la suppression des congrc-
s;ations religieuses , dénonça les ma-
nœuvres de la cour pour asservir le
peuple, et fit supprimer les préfets
apostoliques des colonies. Toutefois
la véliémencc de ses opinions ne le
lit point élire pour la Convention.
Le 12 août 1793, il maria dans sa
cathédrale un prêtre, le sieur Joly,
avec une religieuse , et il prononça ,
dans cette occasion , un discours
pleindes plus ridicules déclamations;
cel évêque et son conseil avaient an-
noncé qu'ils accueilleraient et place-
raient avantageusement les prêtres
mariés qui seraient inquiétés aii'icuis.
Au mois de novembre suivant, Tor-
iié fut un des plus empressés à abju-
rer son état ; il écrivit à la Conven-
tion qu'il avait été jusque-là un four-
be et un imposteur, se maria depuis ,
et se traîna dans les derniers eS'Cès
de l'abjection. Ses confrères convien-
nent qu'il éjwuvanta. V Eglise par
une des plus horribles apostasies
qu'on ait vues ; on parle surtout
d'un discours qu'il prononça au club
de ïarbcs , le 8 germinal an 11 {An-
nales de la religion, tome ni, page
4<>3). « Oui, nous l'avouons, dit
l'auteur de ce journal des constitu-
tionnels , ce satyre elFronté a versé
sur répiscopatl'infamiede ses mœurs
et les blasphèmes de sou impiété;
après avoir répandu la corruption
dans le troupeau, il a^ s'élant une
fois démasqué, poussé les principes
de persécution ])lus loin que n'ont
fait les plus audacieux agents de la
tyrannie. » Voyex aussi les Annales
catholiques , tome ni , page 368.
Torné vivait à Tarbes dans le mé-
pris , lorsqu'on le trouva mort subi-
tement dans son lit, le lu janvier
'797' '* '''ë*-' '^^ soixante-dix ans.
iOR
Barbier, dans son Dictionnaire des
anonymes , l'indique comme l'au-
teur du recueil intitulé : Esprit des
cahiers présentés aux Etats-Géné-
raux, augmenté de vues nouvelles,
par L. T. , 1 789 , 2 vol. in-S"* ;
mais Barbier ne paraît pas sûr de
cette attribution , et nous ne savons
sur quoi il la fondait. P — c — t.
TORNIEL ouplutôtTORNlELLI
( Augustin ) ( i ) , savant annaliste ,
était né, le 10 juin i543, à Barengo
dans le Novarèse^ d'une famille pa-
tricienne. Son père , habile médecin ,
désirant lui voir embrasser la même
profession , l'envoya faire ses cours
à Pavie. En les terminant , il reçut le
laurier doctoral avec distinction ;
mais son goût pour la retraite le dé-
termina bientôt à sacrifier tous les
avaiitages qu'il pouvait espérer dans
le monde, au besoin de suivre son
penchant. En i56g , il entra dans la
congrégation des Barnabites à Mi-
lan , et, après quelques mois d'épreu-
ves , y prit rhabit des mains du B.
Alex. Sauli ( F. ce nom , XL , 45 1 )•
Ses talents le firent élever prompte-
ment aux premières dignités de la
congrégation. Il en fut élu général
en 1579, et plus tard il fut encore
revêtu deux fois de cette dignité. Il
refusa l'évcché de Mantoue et celui
de Casai, préférant à tous les hon-
neurs la vie paisible du cloître. L'é-
tude des lettres et de l'histoire occu-
pait tous les moments que lui lais-
saient ses devoirs. Il mourutà Milan,
en 169.2, le 10 juin , jour anni-
versaire de sa naissance, à l'âge de
soixante dix-neuf ans. Parmi les nom-
breux amis que lui fit son mérite,
on doit citer Vincent de Gonza-
guc, duc de .Mantoue, S.Charles
(1) II avait reçu au liaplc'iiif le nom di- C. régoire ,
mais il io iliaiigen cuiilic te\ui d'.liigiislih , Iwn-
i|ii'il l'inhrasMi la vif religieuse.
TOR
Borromce et le cardinal Baronius.
On a de lui : Jnnales sacri et pro-
fani ah orbe condito ad eiimdem
Christipassione redemptum , Milan ,
1610; Francfort, 161 1 ; Anvers,
i6.io, 'î vol. in-fol. Cette édition a
long-temps été regardée comme la
meilleure; mais on doit donner la
préférence à celle de Lucques , 1757 ,
4 vol. in-fol. , enricliie des notes et
des additions du P. Mansi ( Foy. ce
nom V Cet ouvrage est le premier
dans lequel les diilicultés que pré-
sentent les livres saints se trouvent
éclaircies d'une manière convena-
ble. On peut le considérer , dit Du-
pin , comme un excellent commen-
taire des livres historiques de 1' \n-
cien-Testamcnt. Il est écrit d'un style
simple et naturel, avec beaucoup de
netteté et de méthode. ( Foj. la Bi-
bliothèque des auteurs ecclésias-
tiques ). C'est une introduction aux
Annales de Baronius; et Tornielli ,
dit-on , avait le dessein, de donner
l'Histoire de l'Église ; mais il y re-
nonça pour ne pas se trouver en con-
currence avec son ami, Sponde a
donné V Abrégé des Annales de
Tornielli , précédé delà Vie de l'au-
teur : on peut encore consulter les
Mémoires de Niceron , tom. xi , 1 34-
38 ; la Bibl. script. Mediol. d'Ar-
gcllafi,n,p. II, 2179. W — s.
T0R^'ÏELLI ( Ji^r6me-Fran-
çoïs ), prédicateur , né , en lOpS , à
Cameri , d'une ancienne famille de
Novare, entra chez les Jésuites , qui
le destinèrent à renseignement. Con-
tent de ses fonctions de professeur ,
il les aurait peut-être conservées , si
les eucourageuients de ses confrères
ue l'avaient détermuié à suivre la
carrière de la prédication. Il débuta
à Venise, où il enleva tous les sulFi'a-
ges. 11 reparut à IMilan , à Bologne,
à Rome , à Florence , sans jamais
TOR
263
démentir sa réputation. Fêté et ap-
plaudi partout , on le regarda com-
me le plus fort soutien de l'éloquence
sacrée , que la mort de Segncri avait
laissée dans un état d'abandon. Ce-
pendant les Sermons du P. Tor-
nielli manquent d'élévation et de
sénie : son style a de l'éclat , mais
il est sans vigueur : ses périodes sont
arrondies , mais elles renferment ra-
rement des pensées profondes : c'est
du clinquant qui éblouit, et dont l'ef-
fet est aus>i passager que la renommée
qu'il procure. Après avoir jugé l'o-
rateur , il reste peu à faire pour mon-
trer le poète. Les peuples , et les Ita-
liens surtout , ont une disposition
naturelle pour le chant. Le berger
des Alpes , le paysan piéinon-
tais , le cultivateur lombard , le
gondolier vénitien , apprennent tous
également les plus beaux morceaux
de leurs poètes classiques, afin de
dissiper par leurs chansons l'en-
nui du travail. Tornielli , choqué de
la licence de quelques-unes de ces
poésies , eut l'idée de mettre de nou-
velles paroles sur les airs les plus
connus , se flattant par ce moyen
d'habituer le peuple à ne chanter que
des hymnes sacrés. Loin d'en sa-
voir gré à l'auteur , on lui reprocha
d'avoir profané les mystères de la
religion ; et ce fut en vain qu'un au-
tre jésuite prit à tâche de défendre
son confrère. On persista dans la
première accusation , et l'on se féli-
cita que Tornielli eût échoué dans
son entreprise. Ce prédicateur venait
de terminer un carême à Bologne ,
lorsqu'il mourut d'un vomissement
sanguin, le G avril i^Sa. Modeste
sans etl'ort , il avait refusé le double
hommage que les académiciens de la
Crusca s'étaient proposé de lui ren-
dre, en le jnoclamant leur collègue,
et en se chargeant de la publication
264 TOR
de SCS ouvrages. On croit Torniclli
aiUeur d'un poème burlesque, intitule'
Jes Businate. Si cet ouvrage est de
lui , il ne peut l'avoir composé que
dans sa jeunesse. Ennemi du théâtre,
quoique poète, il fit un discours pour
dissuader ses compatriotes de bâtir
ime salle de spectacle. On a de lui :
\.Sette canzonette in aria marine'
Tesca, sopra le sette principali feste
di Nostra Signora , iMilan, i-jSB ,
in-8''. ; etModène, i8i8, iu-i6 ^
avec une préface, dans laquelle l'au-
teur rend compte de son but , et des
mètres qu'il a choisis. Le P. Sanchez
de Luna, jésuite napolitain , répon-
dit aux critiques dirigées contre le
P. Tornielli, par un ouvrage anonyme
intitulé : Risposta alla censura fatta
^dle canzonette viarineresche per le
fcstività di Maria Santissima , Cos-
mopoli (Naples), in -8°. II. Pre-
diche quaresimali , Milan, 1753,
in-4". ; et Bassano , 1820, in-4°. ,
ouvrage posthume, avec une préfa-
ce du P. Noghera. 111. Panegirici
e discorsi sacri y Milan , 1 767 , in-
8".; et Bassano, 1822, in-80. Voy.
]jOya , Elogio di Tornielli , dans
les Piemontesi illustri , tome m ,
1^3 *^ j o » A c n
TORQUATUS. Foy. Manlius.
TORQUEMADA ou TUKRE-
CREM ATA ( Jean de ) , cardinal , du
titre de Saint-Sixte , fut l'un des plus
célèbres théologiensdu quinzième siè-
cle. C'est par une grave erreur qu'où
]'a confondu avec le fondateur de
rinr|uisitioneu Es])agne {F. l'article
suivaut).Né,en i388, à Valladolid,
d'une des plus illustres familles de
Castillc , il ])rit , à quinze ans , l'ha-
bit de saint Doininicpie , et parlage.i
dès-lors son temps entre la prati([(ie
de ses devoirs et l'étude des lettres
sacrées. Les talents qu'il annonça dès
sou début lui méritèrent bientôt
TOR
l'estime de ses confrères. Le P.
Louis de Valladolid le choisit, en
1417 , pour l'accompagner au con-
cile de Constance. Après la clôture de
cette assemblée , il fut envoyé par
ses supérieurs à Paris , 011 il fut reçu
docteur en théologie, en \ 1^0.3 , et
professa même quelque temps , si
l'on en croit Dupin ( Bibl. des Aut.
ecclés. ) , avec un aj^plaudissement
universel. De retour en Espagne, il
fut élu prieur de la maison de son
ordre à Valladolid , et ensuite à To-
lède , et montra dans cet emploi
beaucoup de capacité. Sur sa répu-
tation , le pape Eugène IV lit venir
à Rome Torquemada , le revêtit , en
i43i , de la dignité de maître du
sacré palais , et le nomma son théo-
logien au concile de Bàle. Il s'y dis-
tingua par son éloquence , par son
érudition et par une infatigable acti-
vité , non moins que par son zèle
pour les intérêts du Saint-Siège. Il
lit condamner les erreurs de Wiclef
et de Jean Huss, qui conservaient en-
core de nombreux partisans ; il dé-
fendit l'institut de Sainte Brigitte
( V, 4o4 ) ? q"'J' avait éîé chargé
d'examiner , et les révélations de
cette sainte , dans lesquelles il ne trou-
vait rien qui ne pût venir de Dieu;
et soutint avec succès les dogmes at-
taqués par les hérétiques , notam-
ment celui de l'immaculée conce])lion.
IN 'aj'ant pu calmer les ennemis d'Eu-
gène, il quitta Bàle en 1437 ; mais
il ne larda pas à retotnuer en Alle-
magne, pour engager les princes et
les évêques à se réunir au nouveau
concile indiqué par le pape à Fer-
rare, et transféré depuis à Florence.
Il ne put assister lui même qu'aux
dernières sessions de cette assemblée;
il travailla cependant avec beaucoup
d'ardeur à terminer le schisme des
Grecs, et renit du Jiapc, à celle oc-
TOR
Casion , le titre tic Défenseur de la
foi ( Ughelli Italia sacra , i col. ,
i8o ). Dcpiité par Eugène vers
Charles VU , pour l'engager à faire
la paix avec les Anglais , il fut nom-
mé cardinal pendant sa légation eu
France. 11 se rendit a l'asscmMée
de Bourges , et contribua fortement,
par son éloquence, à la maintenir
dans la communion d'Eugène IV,
que le concile de Bàle venait de dé-
poser. De retour en Italie , il eut, à
Sienne, une discussion très-vive avec
le savant Tostat ( F. ce nom ),
et lit condamner quelques proposi-
tions de son antagoniste. La mort
d'Eugènenediminua rien de la consi-
dération dcntTorqnemada jouissaità
la cour de Rome. 11 fut nommé , par
Calixte m , évoque de Palestrine, et
transféré par Pie II sur le siège de
iSabine. L'étude n'aA^ait jamais cessé
d'occuper ou de cliarmer ses loisirs^
il employait les revenus de ses béné-
lices à fonder de pieux établisse-
ment et à protéger la culture des
lettres. Les liommes les plus savants
dont s'bonorait alors l'Italie étaient
au nombre de ses amis ; il suffira de
citer Bessarion, Campani, Nicol. Pei'-
roto, Flav. Biondo, etc. Cet illustre
prélat mourut le a6 septembre 1 4G8, à
quatre-vingts ans, dans le couvent de
\cii Minerve^ et fut inhumé dans la
chapelle de l'Annonciation , qu'jl
avait reconstruite et décorée avec ma-
gnilicence , sous une tombe de marbre
orn('e d'une épitaphe. Nicol. Antonio
( Bibl. hispan. ) et le P. Quctif
( Script, ord. Prœdicator. , i , 83q-
45 ) ont donné les titres détaillés de
ses ouvrages, dont vingt-sept sont
imprimés, ctquatorze manuscrits (i).
(i) I,c p. Mans! a jinUlic, dans le Supplènietit à
îa rollt'clton de^ conritrs , un des rnivragrs fjiic le
P. OuelifcomptP parmi les monuscrits ; c'csl /fe-
l'etilioiws quœiUwi sitper finhusdem pro/iosiltonihiis
TOR a65
On se contentera d'indiquer : I. Me-
ditationes Jo. de Turrecremata
positœ et depiclœ de ij)sius man-
dato in ecclesiœ amhilu sanc-
tœ Marice de Minervà , Rome ,
Ulrich Ilau, 1467, petit in-fol. de
34 feuillets. Cette première édition
est un des livres les plus rares que
l'on connaisse ; elle est ornée de 34
gravures en bois. De Murr en a donné
la description avec le calque de
la première estampe dans les Mémo-
rahil. Bihl. Norimh. , i , '263 ; elle
a été reproduite à Rome , en 147^,
parle même imprimeur , et à Foii-
gno , en i479i P^i" Jean Numeister
(2) ; on recherche encore l'édition
d'Albi_, i48i 7 in-4". , parce qu'elle
passe pour le premier livi'c imprimé
dans cette ville. Il en existe plusieurs
autres éditions du quinzième siècle j
mais elles ont peu de A^aleur. II. ^a;-
positio hrevis et iitilis super toto
psalterio , Rome , Ulricb Han ou
Gall , 1470, grand in -4"-, pre-
mière édition , rare et recherchée
des curieux ; Augsbourg , J. Schuss-
1er, 1472 , in-fol.; Maïence, Schoyf-
fer, 14745 in-fol. Cet ouvrage a été
réimprimé plusieurs autres fois dans
le quinzième et même dans le seizième
siècle. XW^Tractaius deaqudhene-
dictd, Rome , Guldinbeck , 1 47^, gi".
in-4". , première édition très -rare.
IV. Qucestiones spiritiialis convivii
delicias prœferenies super Evange-
liis tàm de tempore quàm de sanc-
tis , Rome, 1477» in-fol. , Nurem-
berg, 147B; in-fol. On cite encore
de cet ouvrage une édition sansdatc,
et qui porte toutes les marques d'une
ylugKsIIni de Roinn ; luais, suivaiil le P. I.aiic, cri
cipusciile avait déj.'i paru, en i475, •' '» «"'•<■ <J"
Iraclatns de n</ud bcnediclà. Voy. Spécimen tj-
p"gf\ rontaii, , a'jsy.
(7.) On Irouve dr grands di'lails sur retle rare
r'dit. , ainsi que les calques de plusieurs estampes ,
dans la IJild. Spencer, IV, n". 7,9».
i66
TOR
haute antîquité ( F. le Dict. de La
Serna } . V . Covi mentarii in decretinn
Graliainpart. v , Lyou , iSiq, in-
fo!., vi tomes, première édition, rare,
publiée par Boërius ( Voy. Bohier ) ,
Venise, iS-jS, l\ vol. in-fol. Les
continuateurs du Dict. de Moreri ,
édition de 1759 , citent une édition
publiée par Fontanini, Rome , i7'25,
comme la première de cet ouvrage •
mais on voit rpie c'est au plus la
troisième. Le P. Touron a donné une
Fie de Torqucmada , dans V Histoi-
re des Hommes illustres de l'Or-
dre de Saint-Dominique. W — s.
TORQUEMADA ( Thomas de ),
premier inquisiteur-généra! de l'Es-
pagne , était de la même famille que
le précédent, avec leijuel on l'a sou-
vent confondu. Il naquit à Vallado-
lid, vers l'an i4''0, et entra dans
l'ordre de Saint-Dominique ou des
Frères-Prêcheurs. Depuis deux cents
ans, cet ordre, suivant l'esprit de
son fondateur rt le but de sou insti-
tution , prêchait contre les héré-
tiques { Foy. Dominique , XI,
5i4). et jetait ainsi les fondements
de l'inquisition , qui dès-lors établie
en France, en Italie et en Lombar-
die , ne le fut cependant en Espagne,
qu'eu 1^33 , dans la ville de Lérida.
Quelques aruiées auparavant ( 1*2 1 9),
saint Dominique avait institué le tiers
ordre de la Pénitence , dit aussi
Milice du Christ; el, en iv/xx , un
ordre de chevalerie s'était établi sous
le même nom de Milice du Christ,
quoique dillérent du premier, (les
deux ordres se confondirent bientôt,
et leurs membres furent :iy^v\v?< fami-
liers du Saint- Office de l'Inquisi-
tion. Protégée, favorisée jiar les pa-
pes, riiK|nisition s'introduisit bien-
tôt à Barcelone, dans la (îastille, la
Navarre, à Valence; el |)arlout les
Dumiiiicains , autorisés par des bnl-
TOR
les pontificales , acquirent les privi-
lèges d'êtx'C les seuls inquisiteurs, les
seuls délégués du Saint-Siège, pour
agir contre les hérétiques , et de ne
pouvoir être excommuniés que par
le pape. Mais comme ces inquisiteurs
particuliers , indépendants les uns
des autres, ne recevaient d'un chef
éloigné que des commissions tempo-
raires , et des instructions unique-
ment adaptées aux circonstances et
aux localités;, il en résultait de lon-
gues et fréquentes vacances dans ces
tribunaux isolés , des mesures incohé-
rentes et contradictoires dans l'exer-
cice de leurs fonctions. Lorsque, par
le mariage d'Isabelle et de Ferdi-
nand le Catholique , leurs conquêtes
sur les Maures, et la réunion des
états de Castille et d'Aragon eurent
posé les bases de la monarchie espa-
gnole, les papes songèrent à y éta-
blir l'inquisition sous une forme plus
stable et plus régulière. Mais la ré-
pugnance d'Isabelle à recevoir la
bul'e de Sixte IV, en date du i^r.
novembre i477 ■< ^n retarda l'exé-
cution. Ce ne fut que le 17 septem-
bie 1480, que le pape nomma les
deux premiers inquisiteurs de la mo-
derne inquisition. Ferdinand les fit
installer à Séville, à la fin de dé-
cembre. Leurs jugements furent si
])rompts et si rigoureux , qu'au 4
novembre de l'année suivante, ils
avaient déjà fait ])érirdaus les flam-
mes deux cent quatre-vingt-dix-huit
nouveaux Chrétiens suspectés d'hc-
résie , de judaïsme ou de mahomé-
tisme. Sixte IV se ])laignit de cette
sévérité au roi catholique, par sa
lettre du ■;>.() janvier 1482; et ce fut
probablement pour modérer le zèle
des inquisiteurs que, par soubref du
1 1 février, il leur donna des adjoints
pris aussi parmi les Dominicains.
Thom as de Toi(iueuiada fut compris
TOR
dans cette nomination. 11 acquit bien-
tôt la plus grande prépondérance sur
ses collègues; et, comme il ne paraît
pas qu'il .'^e soit conformé au systè-
me de modération que la cour de
Rome semblait vouloir adopter , on
peut croire que ses intrignes et son
ambition ne contribuèrent pas moins
que ses talents à sa soudaine éléva-
tion. Un second bref du pape, du 2
août i483, l'établit inqiusiteur-ge-
néral du royaume de Castille ; et
soumit à son autorité tous les autres
inquisiteurs. Par un troisième bref,
du "j octobi'e i4B3 , il fut nomme in-
quisiteur-général d'Aragon. Ce fut
alors que l'inquisition devint un tri-
bunal permanent. Torquemada justi-
fia pleinement le choix du Saint-
Siège, par son zè'e à propager les
maximes dominatrices de la co:ir de
Rome, à multiplier les confiscations
dont le roi Ferdmand était avide, et
à établir par les supplices le système
de terreur sur lequel l'inquisition de-
vait fonder sa puissance.il créa d'a-
bord quatre tribunaux subalternes à
Séville, Cordoue, Jaëu etVilla-Réal
(i), et permit aux Dominicains de
commencer l'exercice de leurs fonc-
tions en divers diocèses du royaume
de Castille : mais il trouva en eux
peu de subordination, parce qu'ils
étaient, comme lui, commission-
nés par le pape. Persuadé que l'u-
nité et la centralisation étaient né-
cessaires à ses vues, il se choisit
pour assesseurs et conseillers deux
jurisconsultes , et les chargea de
rédiger la constitution du nouvel
empire dont il fut le véritable fon-
dateur. Ce Code de l'inquisition
fut promulgué, sous le titre mo-
deste d'/«ifr«ca'o/i5 , dans une junte
(0 Auj"urdliui <:ii.(la(l-Real. Cv dernier fut du
|iui» Irauslire à ToUdc.
TOR 267
tenue à Séville, le -ig octobre i484^
et composée des quatr*^ inquisiteurs
particuliers, des deux assesseurs, et
des membres d'un conseil royal de
l'inquisition , que Ferdinand venait
de créer , et dont Torquemada était
président de droit et à vie. Ces Ins-
tructions , composées de vingt-huit
articles, auxquels il en ajouta onze,
en I 490 , puis quinze en 1 498 , et
qui furent encore augmentées par ses
successeurs , laissaient les accusés
sans défense, et les livraient à l'ar-
bitraire, aux préventions, aux pas-
sions de leurs juges : aussi ce ne
fut pas sans surmonter de grands
obstacles que ce moine parvint à
aifermir son odieux pouvoir. Pierre
Arbues d'Epila , l'un des dçus
inquisiteurs qu'il avait établis à Sa-
ragoce , en 1484, fut assassiné
l'année suivante , par les habitants^
qui avaient réclamé en vain contre
l'inquisition. A Terruel , à Valence,
à Lérida , et surtout à Barcelone ,
les inquisiteurs éprouvèrent une aussi
vive résistance. Des émeutes écla-
tèrent de toutes parts, et ne purent
être apaisées que lorsque deux bulles
du pape Innocent VIII eurent af-
fermi l'autorité de Torquemada , en
le confirmant danslachargedc grand-
jnquisiteur d'Espagne, en donnant
plus d'étendue à sa juridiction, et
en désignant les villes et les provinces
qui devaient en dépendre. L'inquisi-
tion s'ciablit alors en Estremadure ,
à Valladolid, Calahorra, Murcie,
Cuença et Valence. Barcelone fut
forcée de se soumettre, en 1487 , et
IMaïorque en 1 490. Pour investir
Torquemada d'une plus grande con-
sidération, on lui conféra le titre de
Confesseur des souverains , quoi-
qu'il n'en remplît pas les fonctions.
Dès-lors son autorité n'eut plus de
bornes: il obtint une ordonnance du
268
TOR
conseil de la Suprcme , qui enjoi-
gnait de ne payer les bons royaux
qu'après l'acquit des dépenses du
tribunal ; et maigre' les privilèges ac-
corde's par des bulles pontificales aux
puissants personnages contre la juri-
diction des inquisiteurs , il fit péni-
tencier don Jacques de Navarre , ne-
veu du roi Ferdinand , pour avoir
donne' asile à des accuses fugitifs , et
força lecapitaine-ge'nc'ral de Valence
de s'humilier devant son tribunal ,
pour avoir rendu la liberté à un hom-
me arrête' par le Saint -Office. En-
lin c'est à Torquemada qu'il faut at-
tribuer le bannissement des Juifs non
baptisés, qui, au nombre de huit
cent mille , furent contraints de sor-
tir de l'Espagne, en i49'2 5 sous
peine de mort. Son zcle ne se signala
pas moins contre les livres. En 1 49O7
il fit brûler plusieurs bibles hébraï-
ques, et plus tard, il détruisit dans
Tui auio-da-fé , à Saragoce, plus de
six mille volumes , dont le plus grand
nombre méritaient d'être conservés.
La haine qu'il avait généralement
inspirée était si forte , que, craignant
pour sa vie , il obtint de Ferdinand
et d'Isabelle le droit de se faire es-
corter dans ses voyages par qua-
rante familiers de l'inquisition , à
cheval, et par deux cents à pied. Il
avait toujours sur sa table une dé-
fense de licorne, sorte de talisman
auquel on attribuait alors le pouvoir
de découvrir et de neutraliser les
poisons. Ses vexations et ses cruau-
tés excitèrent tant de plaintes , qu'il
fut obligé d'envoyer à Rome un de
ses assesseurs pour le défendre con-
tre ses accusateurs. Les choses en vin-
rent au point qu'Alexandre VI lui-mê-
me , ce pape sc.'indaleux,vouIulledc-
ponillerde son office ,et se ronlcnla,
])0ur nién iger la cour d'lvs[)a').iic ,
d'expédier, le u3 juin 1 4(}/| , un bref
TOR
par lequel il lui donna quatre collè-
gues , en raison de son grand âge et
de ses inlirmités 5 et comme le bien
de la religion n'était pas le seul mo-
bile des inquisiteurs , il fallut que ce
pontife, par ses brefs des 18 février
et 29 mars 1 49^ , leur défendît de
disposer à leur gré des revenus du
Saint-Office, et chargeât Ximenès, ar-
chevêque de Tolède de faire resti-
tuer au trésor royal les sommes dont
ils s'étaient emparés. Torquemada
mourut le t6 septembre 1498. Pen-
dant les seize années que dura son
ministère , il fit brûler huit mille
huit cents victimes, en réalité, six
mille cinq cents en effigie, et il en
condamna quatre-vingt-dix mille à
l'infamie, à la prison perpétuelle, à
la confiscation ou à l'exclusion des
emplois (2). On peut dire avec vé-
rité que c'est à lui seul que l'Espagne
doit l'inquisition et tous les malheurs
qui en ont été la suite; car dans tous
les pays , tels que la France et l'Ita-
lie^ où elle n'a pas été organisée sur
les mêmes bases , elle s'est éteinte ou
aiïaiblie depuis long-temps, A — t.
TORRE ( Pagano de La ), sei-
gneur de Valsanina , au pied des Al-
pes Milanaises, secourut, en laS^,
les Milanais , après leur déroute à
Corte-Nova ; il soigna leurs blessés ,
recueillit les fugitifs, et ramena leur
armée à Milan. Il acquit, par cette
conduite généreuse un grand crédit
auprès du peuple et du parti guelfe:
aussi les Milanais , dans les dissen-
sions qui déchirèrent leur république
on 1 242 , choisirent-ils Pagano de La
Torre pour chef de l'état. Il con-
serva ce rang, et l'influence qui y
(01) r.i'in qui onl e'ievi'; plus liniil li> iiiiinbrc rfr-s
^ il limes rl<' Tiirciiifimacla, oui suivi Ir calcul dc.niic^
|.iir l,li>r.ii|p, clnns le lnincr r clr snn flisinirrrie
l'iiuiiiiMlwii , c-l ils li'onl |ias rc-miil i|ill- C]m- Cl-tttU-
Iciir l'a réilnil lui-mcmc dans jou touiC IV.
TOR
était attachée , jusqu'à sa mort, sur-
venue en 125G. Noble lui-même, et
d'une naissance très-illustre, il fut
constanimont l'adversaire des nobles j
mérita i'atJection du peuple mila-
nais, par sa modération autant que
par ses talents , et fonda sur l'a-
mour de ses concitoyens la grandeur
de sa famille. S. S — i.
ÏORRE ( Martino de L a ) , neveu
du pre'ce'dent , lui succéda , en 1 256,
dans le titre de podestat de la cré-
denze. Il avait tous les talents d'un
chef de parti, et plus de vertus que
la plupart des usurpateurs. Parvenu
au faîte de la puissance, après avoir
sauvé Milan des mains du féroce Ec-
celiu deRomano, que la noblesse avait
voulu y introduire , il arracha au sup-
plice ses ennemis, que les tribunaux
avaient condamnés comme conspira-
teurs, déclarant que lui, qui n'avait
point de fils, qui n'avait jamais su
donner la vie à un homme , ne
roterait jamais à personne. Mar-
tino de La Torre fut nommé , en
1 '.i5c) , seigneur de Lodi, par le peu-
ple de cette ville; et en i263, il ob-
tint aussi la seigneurie de Novare ,
tandis qu'un rival dangereux de sa
famille, Othon Viscouti, était pour-
vu de l'arclievêché de Milan, que
Martino avait destiné à son neveu
Kaimond. Cette élection engagea , en
1 -263 , Martino de La Torre dans uue
guerre, contre l'archevêque et la no-
blesse , dont il ne vit que le commen-
cement. 11 tomba malade, et mourut
à Lodi , au mois de sept, même
année , après avoir demandé au peu-
ple de INIilan de lui donner son frère
Philippe pour successeur. S. S — i.
TOlllŒ (Philippe de La), ne
survécut à son frère que deux ans ;
mais jiendaut cet espace de temps
il all'erniit l'autorité de sa maison ,
et retendit sur les villes de Corne ,
TOR 269
Verceil et Bergame , qui se soumirent
volontairemeut à lui. Il congédia
le marquis Palaviciuo , qui , en se
mettant à la solde des Milanais ,
avait voulu empiéter sur leur liberté.
Il se rattacha au parti guelfe , dont
son prédécesseur avait paru s'éloi-
gner. Il promit son assistance à l'ar-
mée française qui marchait contre
Manfred , pour conquérir le royau-
me de Naples ; mais comme il se pré-
parait à la joindre (août i265), il
fut saisi d'une maladie dont il mou-
rut eu peu de jours. S. S — I.
TORRE (Napoléon ue La), ne-
veu du précédent _, lui succéda dans
la seigneurie de Milan , au mois
d'août 12G5. Il exécuta les conven-
tions conclues par Philippe avec la
maison d'Anjou , et tandis qu'il favo-
risait le passage de l'armée de Char-
les au travers de la Lombardie,
il reçut lui-même une garnison pro-
vençale dans Milan. La ville de
Brescia se soumit à lui , en 1 '266 •
mais celle de Verceil ayant été sur-
prise par les Gibelins , son frère
Pagauino , qui y commandait, fut
massacré. Le général des Proven-
«;aux à Milan vengea cette mort
sur cinquante - deux Gibelins mila-
nais , qu'il tira des prisons pour
les faire égorger. Le sang répan-
du ajipela de nouvelles vengeances
et des scènes plus féroces encore.
Napoléon lui-même s'écria en l'ap-
prenant : Le sang de tant d'inno-
cents retombera un jour sur mesen-
J'antsl Cependant ce seigneur vovait
avec douleur la cour pontificale, alliée
de son ennemi Othon Visconti , tenir
Milan sous l'interdit ; en vain il lit
représenter à Clément IV , qu'Othon
et les nobles ses partisans étaient
Gibelins et ennemis de l'Eglise j
en vain Charles d'Anjou intercéda
pour lui , le pape insista pour que
'i']ù
roR
les Milanais acceptassent l'ai-chevê-
que qu'il leur avait donné , et relâ-
chassent les revenus ecclésiastiques
qu'ils avaient séquestrés. Napoléon
se soumit enfin, en l'iGS; mais dès
qu'il apprit la mort du pape, suiA^e-
nue à cette époque même, il cbassa
de la ville les olilcicrs de l'archevê-
que , qu'il venait d'y recevoir , et sé-
questra de nouveau ses Liens. L'année
suivante , ayant été insulté à Lodi ,
par la famille paissante des Vesta-
rini , il en tira la vengeance la plus
atroce : il prit la ville d'assaut ,
fit mourir les Vestarini dans les
supplices , et Làtit à Lodi deux
forteresses pour priver les citoyens
des derniers restes de leur liberté.
Cependant le jouj; de Napoléon de La
Torre s'appesantissait sur les peuples
qui,dans l'origine, s'étaient volontai-
rement donnés à lui ; il punissait ses
ennemis par des supplices cruels; il
les enfermait dans des cages de fer,
et il croyait affermir son autorité
par la terreur : il ne réussit qu'à l'é-
ÏDranlcr davantage. Come, qui était
demeuré dix ans sous sa domination,
se révolta en i'i']i } et Napoléon,
pour recouvrer ses ofliciers qui y
avaient été arrêtés , fut oblige de
rendre la liberté aux Comasqucs qu'il
retenait dans ses prisons. En 1273,
le paj)e Grégoire X éleva son frère
Raymond au patriarcat d'Aquiléej
l'année suivante, Napoléon fut re-
connu comme vicaire impérial à Mi-
lan , par Rodolphe de Hapsburg ,
empereur élu ; mais Olhou Visconti,
rassemblant autour de lui les vassaux
du siège épiscopal, les nobles , les
Gibelins et tous les mécontents, for-
ma enfin une aimée supérieure en
forces comme eu courage à celle de
Napoléon. 11 suri)rit ce dernier à
Desio,le'2i janviei- i'-^-']'] ; après
la bataille la plus sanglante , il mit
TOR
en déroute son armée , et le fit
prisonnier lui-même , avec un de ses
fils et plusieurs de ses parents. L'au-
tre fils, Gaston de La Torre, qui ne
s'était pas trouvé au combat , voulut
maintenir Milan dans l'obéissance;
mais il en fut chassé , ainsi que de
Lodi, et, après avoir erré quelque
temps en Italie, il se réfugia auprès
de Raymond , patriarche d'Aquilée ,
son oncle. Napoléon de La Torre ,
renfermé parles Comasques dans une
cage de fer , à Monte Baradello , y
finit ses jours, au commencement de
septembre 1278, après dix - neuf
mois et demi de souffrances. Deux
de ses parents moururent dans
les mêmes prisons ; trois autres furent
relâchés en i i84- Guidode La Torre,
qui fut ensuite seigneurde Milan, s'é-
tait échappé de ces prisons avant
cette époque. S. S — i.
TORRE ( GuiDo DE La ) , fils de
François et neveu deNapoléon, avait
été fait prisonnier avec lui dans la
batailledcDesio, le 21 janvier 1277,
et conduit par les Comasques sur le
mont Baradello , oîi il avait été en-
fermé avec son oncle dans une cage
de fer. Après la mort de celui-ci, les
Comasques refusaient toujours de
rendre la liberté à leurs autres pri-
sonniers. Quelques amis de Guide
réussirent enfin à corrompre ses gar-
des, et à le faire écha])per vers la fin
de l'année 1278. Ses compagnons
d'infortune ne fiuent relâchés (ju'en
i'.).84. (iuido, avec Icsecours du pa-
triarche d'A(|uiIc'e, son oncle, com-
mença une guerre de partisan dans la
Lombardie, en réunissant autour de
lui les Guelfes ruinés parle triomphe
du parti contraire, les exilés de Mi-
l.inel tous les mécontents. Il n'aurait
point réussi cependant à recouvrer la
seigneurie de ses pères sans l'aide
d'Albert Scolto , seigneur de Plai
TOR
sance. Ce prince , qui voulait se
venger de Mathieu Visconti , vint
l'attaquer dans le Lodesan , en mê-
me temps qu'il excitait à Milan une
sédition contre lui. Les insurges
rappelèrent, le 1 3 juin i3o>., Gui-
do de La Torre à Milan, d'où Ma-
thieu Visconti venait de sortir. Il y
rentra commesimpleparticulieraprès
vingt-cinq ans d'exil : mais cette ville,
si ioijg-temps accoutumée à obeii" , le
regarda bientôt comme son souve-
rain. En i3o6 , la ville de Plaisance
lui déféra aussi la seigneurie , et le
ly septembre l3o7, le pouvoir su-
prême lui fut expressément accorde'
])ar un décret. Gaston , son parent ,
fut promu , en t3o8, au siège arcliié-
piscopal de Milan , et la maison de
La Torre paraissait de nouveau af-
fermie dans la souveraineté. Mais dès
l'année suivante, Albert Scotto , que
Guido avait dépouillé de sa seigneu-
rie avec une extrême ingratitude , lui
i-eprit Plaisance. En même temps le
seigneur de Milan , jaloux du crédit
de l'archevêque , le fit arrêter le i*^'".
oct. i3o9, et enfermer avec ses trois
frères dans la tour d'Angliiari , rom-
pant ainsi l'union de sa famille , et
se créant des ennemis parmi ses plus
anciens partisans. Les Milanais, qui
l'avaient rétabli avec joie sur le
trône , ne le considéraient plus qu'a-
vec horreur ; il avait encouru l'ex-
communication en arrêtant l'arche-
vêque • et lorsque Henri VU entra en
Italie; cet empereur entendit de tou-
tes parts des plaintes contre le sei-
gneur de Milan. Guido de La Torre
n'osa point lui fermer les portes d'iuie
ville où il prétendait être vicaire im-
périal , il l'y reçut le 23 décembre
i3io , et avec Henri entrèrent tous
les ennemis de Guido , et tous
les exilés. Comme il ne prenait
d'autre titre que celui de Vicaire
TOR 271
impérial , son autorité était suspen-
due par la présence de l'empereur.
Dans les conseils, Guido se retrouvant
en présence de son ancien rival, Mat-
thieu Visconti , ne pouvait dissimu-
ler sa jalousie et son irritation. Il
chercha enfin , le 12 février i3i i ,
à soulever les Guelfes , pour chasser
de la ville Henri Vil et tous ses enne-
mis j mais cette entreprise n'ayant
l^as réussi , il fut obligé de s'enfuir,
et se retira à Crémone , où il mou-
rut en i5i2. Sa famille ne put ja-
mais recouvrer la souveraineté de
Milan, qui retourna aux Visconti.
S. S— I.
TORRE ( Marc-Antoine Mam-
MUCCA DELLA ), d'unc famille noblc
de Capod'Istria , fut appelé, en
i65o , par l'ambassadeur de l'empe-
reur d'Allemagne Ferdinand m près
la Pv^rte Othomane, à remplir con-
curremment avec Panajottiles fonc-
tions de drogman de la légation im-
périale. L'ambassadeur de qui il
reçut cette nomination était le ba-
ron de Schwartzenhorn. 11 remplit
les mêmes fonctions, pendant trente-
trois ans sans interruption, auprès
de huit ministres impériaux qui se
succédèrent à la Porte, sous les di-
vers titres d'ambassadeur ordinai-
re , d'internonce ou de résident ,
et pli: sieurs fois il risqua sa vie |)ar
suite du zèle avec lequel il s'acquitta
des missions qui lui furent conliées :
une fois même il allait être pendu ^
pour avoir favorisé une correspon-
dance secrète entre un internonce et
un résident que les Turcs avaient sé-
parés l'un de l'autre et gardaient à
vue ; et déjà on le traînait au lieu de
l'exécution , quand il fut rencontre
parle defterdar ou ministre des fi-
nances, qui était son ami, et qui l'ar-
racha des mains de ceux qui le con-
duisaient au supplice. Un des plus
272 TOR
p;rands services qu'il rendit à la cour
(l'Autriche fut d'épier et de contre-
carrer toutes les de'inarclies que fai-
saient auprès de la Sublime Porte les
insurge's de la Hongrie , à la tèïe des-
([uels était Tékely, et dont la France
secondait les intrigues. Il parvint à
démasquer un jésuite français, le P.
]]ënin , qui se tenait caclié parmi la
suite des députés de l'insurrection
hongroise , et qui était l'ame de cette
députation , et à le mystifier com-
plètement, en se présentant à lui
sous le caractère d'un prince grec ,
et sous le faux nom du Bigzadèh
Dimitraser. Le succès qu'il obtint
dans cette circonstance lui valut la
haine de la société à laquelle appar-
tenait le P. Bénin 5 et quoiqu'il mé-
ritât bien dans la suite de cette même
société, en rachetant un autre jésui-
te , le P. Lango , qui avait été enlevé
par des partisans ennemis , on croit
que le ressentiment de la compagnie
nuisit à son avancement , et contri-
bua à le priver long-temps des ré-
compenses auxquelles il avait droit.
La guerre entre la Turquie et l'Em-
pire ayant éclaté en i683, Mam-
mucca , obligé de suivre le grand-vé-
/.ir, fut traîné jusque sous les murs
de Vienne, et sou costume turc fail-
lit lui coûter la vie, le jour même
de la levée du siège. Arraché par le
prince Jérôme Lubomirski <à des
Polonais qui se disposaient à le sa-
brer , le prenant pour un turc , il ne
sauva que sa vie : tous ses bagages
fiucnt pillés. Maminucca n'osa j)oiiit
retourner en Turquie , jusqu'à l'en-
tier n-lablissenuiil de la ])aix entre
l'Kmpiie et la Porte par le traité
de (lailovvilz • et il fut ainsi , durant
quinze ans, sé])aré de sa faïuillo,
qu'il avait laissi-e à Ciouslaiilinoplo.
l'ctidaiit ce temps, il lut enij)loyé à
\ iciinc à lire et à traduire les cor-
TOR
respondances turques interceptées et
autres , au nombre d'environ seize
mille pièces, et à composer divers
Mémoires qui prouvent la profonde
connaissance qu'il avait des affaires
de la Turquie. Il était déjà fort âgé,
lorsque les services qu'il avait ren-
dus furent enfin récompensés , en
1701, par les titres de comte du
Saint-Empire, et de conseiller au-
liquc effectif. Il survécut peu à
ces marques de la reconnaissance
de son souverain. Mammucca a con-
tribué à enrichir la bibliothèque im-
périale de Vienne , à laquelle, sur
la demande du docte Lambecius
et du célèbre orientaliste Mesguien
de Méninsky, il a procuré plusieurs
manuscrits orientaux tle grand prix.
S. D. S — Y.
TORRE ( Philippe del ) , archéo-
logue , né , en lôS-j , d'une famille
noble de Cividal de Frioul , apprit le
droit à l'université de Padoue, et fut
reçu docteur en 1G77. 11 allait débu-
ter au barreau , lorsque ses parents
l'engagèrent à succéder à son oncle,
qui jouissait d'un riche bénéfice. Le
jeune avocat consentit à devenir cha-
noine, et il se tourna vers l'étude des
antiquités , dont le goût lui avait été
inspiré par son maître Ferrari ( K.
ce nom , XIV , 4' o)* Ayant un jour
entendu parler des trésors caches
dans les archives de son chapitre , il
lui prit fantaisie de les fouiller: mais,
peu versé dans la paléographie ,ct dé-
sespérant de trou ver des moyens d'ins-
truction dans une ville de province , il
résolut de passer à Rome, en 1G87.
Ils'y (itbicntùt un nom, par ses con-
naissances historiques. Admis aux
réunions du collège de la Pro/iagan-
(le, il y |>ronouça un discours pour
réfuter (|uclf|ucs assertions du cardi-
nal liarouiiis sur l'Église d'Aquilee.
Cette dissertation fiia sur ce jcuue
TOR '
ecclésiastique l'attention du cardi-
nal Inipeiiali , qui l'emmena avec
lui à Bologne, en qualité d'auditeur.
Ces fonctions contrarièrent les études
de Torre ; mais elles le placèrent
dans une carrière qui devait le con-
duire aux honneurs. Après six aime'es
d'absence, il rev^int à Rome, elil y
donna l'explication de deux marbres
sortis des fouilles du port d'Anîium.
Le premier était une inscription en
l'honneur d'un certain Marcus Aqui-
lius , dont le nom et le caractère pu-
blic étaient également inconnus. Le
second, qui représentait un sacrilice
de Mithra , fournit à l'auteur l'oc-
casion d'cclaircir divers points rela-
tifs à la religion des anciens Persans.
Il remarqu;; , par exemple , que chez
eux la fête de Mithra était célébrée
au jour consacré par les Chré-
tiens à la naissance de Jésus-Christ.
On sait quelles fausses conséquences
Dupuis a ensuite tirées de ce rap-
prochement. L'ouvrage de Torre con-
tenait aussi des notes sur le dieu
Bélénus , et quelques autres recher-
ches sur l'ancienne Aquilée. 11 était
terminé par une Dissertation sur les
Frères ruraux (Fratres arvales) , ins-
tituée ])ar Romains, pour obtenir du
ciel des récoltes aliondantcs ( F. Ma-
niNi, XXVII, i08). Cette publica-
tion étendit la réputation de ïorre.
Le pajfc Innocent Xlï se dispo.saiLà
l'en récompenser, lorsqu'il mourut,
laissant à son sncces.scur le soin do
s'acquitter de ce devoir. Le cardinal
Albani , en mentant sur le trône pon-
tilical ( F. CliÏment XI , tora. IX,
'29), ordonna la révision des épactes
pour la correction des Labiés ]ias-
calcs. Il nomma une commission
chargée de faire de nouvelles obser-
vations sur le mouvement des astres,
eld'examiner les disjiositious du con-
cile de Nicée et de Grégoire XllI,
XLVl.
TOR unS
sur la réformatiou du calendrier.
Cette congrégation , composée de
douze membres, parmi lesquels fi-
gurait Torre , était présidée par le
cardinal Noris, qui avait fait choix
de Bianchiui et deMaraldi pour tra-
cer une méridienne à Sainte - Marie
des Auges. Tout faisait présager un
heureux résultat, lorsque les guerres
pour la succession d'Esp;!giie et les
troubles excités en France par la bul-
le Unigenitus appelèrent ailleurs
l'attention de la cour de Rome. On
proposa alors à Torre d'accepter la
place de légat auprès de l'empereur
de la Chine. L'idée de visiter des
régions lointaines le séduisit d'a-
bord; mais, découragé par la lon-
gueur du voyage et par la failolesse
de sa constitution , il fut assez
heureux pour échapjier , par un
refus, aux dangers de cette mis-
sion ( Foj^. le cardinal Charles de
Tournon). Ou l'en dédommagea par
l'évêché d'Adria, auquel il fut élevé
le 6 février i 705. Ses nouveaux de-
voirs, qu'il remplissait avec un zèle
exemplaire , ne l'empêchèrent pas
de se livrer à l'étude. Il expliqua
une inscription trouvée près de Lyon,
en 1703 , et qui lui avait été commu-
niquée par le P. Charmier , jésuite.
Elle était d'aute-int plus intéressante,
qu'elle faisait remonter de quinze ans
la chronologie connue des Tauroho-
Ies(i)y et qu'elle dévoilait en mê-
me temps le^i noms de deux consuls ,
jusqu'alors ignorés. A cette disserta-
tion en succéda une auiie sur un mé-
daillon grec d'Anuia Faiistina( /^. ce
nom, XIV, uoS ), conservé dans
(1) c'est le nom qu'on donuait ù uue sorte <le
sacrilice en riioiiiuur de ('.vbèle. Le 2: uir./rluiiH.
de Lyon avait ele céiclire sous l'empiienjr Aolo-
iiin le Pieux , l'an de Rouie Qio , i(io ùe J.-C;
taudis qu'on n'eu couuaissait pas d'auteriei;i> .\
i)<.S, 1-5 de J -C. /''ni. nue Uissci talion de Vau
Dalc, sur les 'J'auroooles \ et Colouia , liitloita
litt. de Lyou , I , iga.
i8
à H 4
TOR
]e musoe de Tiepolo , à Venise. Ou
clispiifait de') à sur une date du règne
d'He'liogabale , lorsqu'une lellre de
Torre, publiée à son insu par les
journalistes d'Italie (2} , rendit les
débats plus aninic's. Si, d'après un
passage de Dion ( livre lxxix ),
cet empereur ne régna que trois ans
neuf mois et quatre jours , comment
serait-il parvenu à la cinquième puis-
sance tribuniticnnc , que quelques me'-
dailles lui attribuent? Torre supposa
d'aboi'd que la première de ces ma-
gistratures avait été datée par anti-
cipation j ce qui n'était pas sans
exemple , puisque César , Auguste et
Justin le Jeune en avaient agi à-peu-
près de même. Mais , presse' par les
arguments de ses adversaires, il ima-
gina qu'He'liogabale, proclamé em-
pereur le 16 mars 218, et devant
entrer dans la cinquième puissance
tribunitienne le 16 mars 222^ avait
fait frapper d'avance les médailles
que l'on devait jeter au peuple le jour
du congiariiim : s'il avait été tué six
jours plus tôt , les pièces n'en exis-
taient pas moins ; ce qui expliquait
comment il se fait que l'on en
trouve avec l'indication d'un évé-
nement qui n'eut pas lieu. Mais
tout en accordant cette prévoyan-
ce, est-il probable qu'après la moil
d'Héliogabale, on ait osé mettre en
circulation des espèces à son edigie?
L'abbé Vignoli , en ])roduisant un
monument svnchronique, connu sous
le nom de chaire de saint Hippolr-
</«',(létermina l'époque de l'élévation
au li'ône d'Alexandre Sévère- et pai-
celte donnée liistoriquc, il fixa la
mort (le son prédécessctu' Héliogabale
au t() mai '2').2. D'un autre coîé, le
P. Virgiiinis Valsecclii soutenait que
(a) Oioniale Je' L lltiuli d'ItaUa ( i-io } , toui.
V, paj. t6<K
TOR
cet empereur, voulant passer pour le
fils de Caracalla , et faire regarder
les quatorze mois du règnede Macrin
comme un temps d'usurpation, avait
commencé à dater son empire du
jour de la mort de Caracalla^ ce qui
])lacerait la sienne au 1 i juillet 'l'i'i.
Comme on avait révoqué en doute la
double élection de Justin, Torre écri-
vi t un second Mémoire afin de j ustifier
celle assertion , dont il s'était servi
pour rendre croyable la cinquième
puissance tribunitienne d'Héliogaba-
Je. La question fut loin d'être déci-
dée j et de nouvelles publications de
la part de Vignoli et de Valsecchi la
lendireut encore plus diiticile à rc-
so'idre. Ce qui doit étonner dans
Mgr. del Torre , c'est la variété'
de ses connaissances positives. En
sortant de cette discussion , dans la-
quelle il avait tâché d'éclaircir un
des points les plus difficiles de la
chronologie ancienne , il examina un
phénomène d'optique , donna une
description détaillée d'un enfant et
d'un poulet monstrueux , se réunit à
son ami Vallisnieri pour combattre
le système de Bois-Regard (/^.An-
dry , Il , 1 53 ) sur la génération des
vers dans le corps humain , et écrivit
une lettre au marquis Poleni , à l'oc-
casion de l'éclipsé du 3 mai l'jiS,
Celte dernière dissertation , dans la-
quelle l'évcque d'Adria abordait une
«piestion cpii avait embarrassé les aca-
démiciens de Paris , en 1 70G , tendait à
expliquer pourquoi le disque solaire,
couvert pour "', a par la lune, con-
servait encore un éclat plus fort que sa
douzième partie ne devait en répan-
dre. Torre mourut, le 25 fév. 17 17,»
Rovigo, ( liel'-licu de son diocèse. On
a de lui : 1. Moniimcnla vetcris An-
tii , Rome, 1700 et 1714, in - 4**- ,
fig. ]r,i seconde édition est plus com-
plète que la première ; insérée par
TOK
Burmann dans le loinc vin de sou
Thésaurus rerum ilalicarum. II.
Clero et populo Adrieusi ,epistola ,
ibid., 1702, iii-fol. III. Tauroho-
lium antiquum Lugduni anno 1704
repertum , cuin explicatioiic , insère
par Salleiigre dans le tome 11 du
Thésaurus novus anliquitaium ro-
manarum , et par Leclerc , d;)ns sa
Biblioth. choisie , xvii, 1 67- 1 85. 1 V.
De annis imperii M. Aurelii Anto-
iiini Eliogabali et de initio impe-
rii ac duobus consulatibus Juslini
Junioris , Padoue, 1713, in -4"., et
Venise, 1741 , avec ia V^ie de l'au-
teur par Foutaniui. V. Lettera in-
torno alla gênera zione de' vermi ,
dans l'ouvrage de Vallisnieri , intitu-
le : Nuove osservazioni ed esperien-
ze intomo ail' oi'aja , etc. , ibid. ,
17 13, in-4'*. VI. De quddani teld,
(jute non comburitur , dans le Dia-
rium italicum de Montfaucon , page
45o. C'est une dissertation sur une
toile d'amiante trouvée dans un tom-
beau, à Rome. Voyez sa Vie , écri-
te en latin par Facciolati^, Padoue,
1 729 , in-S*^. ; insérée, par Fabroni ,
dans le tome vu des Fitœ Italorum;
la même , en italien, par Lioni , dans
le tome xxxiii du Giornale de' lei-
teraii d'Italia. A — g — s.
TORRE ( Jean-Marie Della ) ,
physicien , élève du collège Clémen-
tin et Nazaréen ds Rome , naquit
dans cette ville , en 1 7 13 , d'une fa-
mille originaire de Gênes. En 1732^
il prit l'habit des Somasques à Ve-
nise , et se livra tout entier à l'étude
de la physique. Appelé par le car-
dinal Spinelli , pour remplir une
chaire au séminaire archiépiscopal
dcNaples, il attira sur lui l'attention
de Charles III , qui lui confia ia di-
rection de sa bibliothèque, de l'im-
primerie royale et du musée d'anti-
quités dont il venait d'hériter de
TOR
'jrS
la maison de Famèse. Ces occupa-
tions, si ])eu conformes aux goûts du
P. Della Torrc, faillirent dénaturer
son talent : mais s'obstinant à ne vou-
loir être qu'un naturaliste, ce savant
détourna les yeux des statues et des
tableaux, pour les fixer sur les mys-
tères du monde microscopique. Il fit
venir du Flint-Glass d'Angleterre ^
polit lui-même des verres d'optique,
et au moyen de quelques boules de
cristal , dont il se proclama l'inven-
teur, il obtint des agrandissements
beaucoup plus considéiables qu'a-
vec les instruments ordinaires. On
essaya de lui contester la priorité
de cette découverte , en soutenant
qu'avant lui , Leuwenhoeck ( Voy.
c-e nom, XXIV^, 3G2) s'était déjà
servi de ces mêmes boules. Mais Ba-
ker ( Voj. ce nom , III , 253 ) avait
déclaré ( i ) que parmi vingt-six mi-
croscopes légués par ce physicien à
la société royale de Londres , il n'en
avait aperçu aucun qui eût la forme
sphérique. Non content du rôle d'ob-
servateur, le P. Della Torre, con-
çut le projet de bàtir des systè-
mes. Il prétendit que le sang se com-
pose d'éléments _, non pas globuleux
comme l'avait cru Leuwenhoeck;
mais annulaires, c'est-à dire de cer-
cles un peu alongés , vides par le
miheu, roulant sans cesse, s'assem-
blant et se détachant tour-à-toui",
sans jamais perdre leur forme pri-
mitive. Cette observation , confirmée
par JNeedham et Prokaska, trouva
des contradicteurs qui soutinrent que
cette configuration annulaire des mo-
lécules du sang n'était réellement que
l'effet d'une illusion optique, causée
par la projection irrégulière de la
lumière. Le P. Della Torre, sans
(1) Voy. soD HJirrofrofie ii la fiorlé^ île loul Ir
monde, trad. en françiiis , Paris, 1754, iu-S". ,
iliap. Il , noie.
18..
'276 TOR
être arrêté par ces remarques , con-
tinua ses jeclierches sur le cliyle ,
le lie! , les libres, les muscles, le cer-
veau , etc. Les nerfs ne lui parurent
qu'une agglomération de lilamenls
opaques , extrêmement minces et
joints ensemble par des globules dia-
phanes. Il affirma que le cerveau
était composé de petites boules, au-
tres que les globules de Malpighi , et
qui , par leur mouvement en ligne
droite ou oblique , expliquaient d'u-
ne manière satisfaisante , les opéra-
tions de l'esprit et de la mémoire.
Ainsi , d'après le P. Délia Terre, le
délire n'était que l'effet du mouve-
ment vertigineux de ces petites bou-
les ; etc. Observateur infatigable des
pliénomènes volcaniques, ce religieux
disserta sur la structuie , les com
munications , les ramifications et les
élaborations du Vésuve. 11 voulut
aussi en prédire les éruptions , et il
descendit plusieurs fois dans les flancs
de cette montagne pour en explorer
les cavités avec un courage jusqu'a-
lors sans exemple. Tant de zèle pour
l'avancemeiitdes sciences fut récom-
pensé par l'estime des savants et par
les suli'ragcs fies principales acadé-
mies de l'Europe, qui hii envoyèrent
le diplôme de membre corresjion-
daiit. Le P. Délia ïorre appartenait
à la société royale de Londres, aux
académies de Paris , de Berlin, de
Sienne, de Naplcs, etc. Il mourut
dans cette capitale le 7 mars 1782.
Ses ouvrages sont : I. Scicnza dclla
naliira générale e particolare , Na-
ples, 1749, et Venise, x'jbo ,'i vol.
in-4''. , IJg. Il en existe une autre
réimpression (Maples^ 1774,3vol.
in-4". , fig. ) , corrigée et augmentée
par l'auteur. 11. Nanazione dcl
lorrcnte di juoco uscito clul monte
Fesm'io nel 1 7 5 1 , ibid . , 1751 ,
111-4''. î^^- ^^liiit^ioni ariimcliclie ,
TOR
ibid. , 175^; et Padoue, 1768, in-
8°. IV. Instituliones phjsicœ ^^A-
ples, 1753, in-S". V. Descrizione
di due eruzioni del Vesuvio { juil-
let et décembre , 1754 ) , ibid. ,
1754 , in-4". VI. Storia efenomeni
del Vesuvio , col catalogo degli
scrittori Vesui>iani ^ ibid., 17 55,
in-4°. , fig. Ce n'est pas la première
histoire du Vésuve j mais on la re-
garde comme le premier ouvrage
scientifique sur ce volcan. La liste
des écrivains vésuviens est assez
complète, et elle aurait été beau-
coup plus intéressante , si l'auteur
avait osé se prononcer sur le mérite
de chacun de leurs ouvrages (2).
VII. Snpplemento alla storia del
f^esuvio fino ail' anno , 1759 ,
ibidem, '759, in-4". C'est la se-
conde partie du numéro précédent.
Tout l'ouvrage a été traduit en fran-
çais par l'abbé Péton, Paris, 1760,
in-8". VIII. Supplemento alla sto-
ria del Kesuvio , ove si descrive
Vincendio del 1760, Naples, 1761^
in "4°. C'est un second appendice
au numéro vi. IX. Nuove osserva-
zioni intorno alla storia naturale,
ibid. , 1763, in-4". X. Incendio del
P^eswio , accaduto ncl 1766, ib. ,
17O6, in 4"- XL Elementa phj'-
sices gêner alis etparticularis , ib. ,
1767 , 9 vol. in-8'*. , avec beaucoup
de (ig. A la physique proprement
dite, l'autour a joint des essais sur
la chimie, la minéralogie, l'histoire
naturelle , et sur toutes les sciences
qui dépendent de la physique. XIÏ.
Incendio del Fesuvio , accaduto il
ig oifoftre 1 7G7 , ibid. , 17G7 , in-
4". XI 11. Storia e f'enomeni del
resu{>i<> esposti fino al 17* '7 , ibid. ,
17G8, in-4". ^^y • flistoire et phe-
{■>) i..'i'. vh,-
,nn..„v«K.-lMhl„l.-
Napl."., 1780, iii-8"
mii'iix i'i'n>|>liri'ltr t;i( lie ilalis
// l'roilroiiio / (■>iiri'i("ii,t'tc.,
TOR
nomènes du Vésuve, exposés dès
l'origine jusqu'en 1770, ib., 1770,
in-8°., avec un Catalogue plus com-
plet des auteurs qui ont écrit sur le
Vésuve. XV. Nuove osservazioni
microscopiche , ibid. , T776 , in-4*'-,
fig. XVI. Incendia trentesimo del
Fesuvio accaduto il 8 Jgosto 1779,
ib. , 1779, in-80. trad. eu allemand,
Altembourg (léna), i;83, in-S».
L'auteur considère cette éruption
comme la trentième dont l'histoire
fasse mention , depuis celle qui cou-
vrit les villes d'Herculanum , de
Pompeia et de Stabia ;, l'année 79
de l'ère chrétienne l. Bianchi ( le
P. Ant. ) Orazione funèbre , del P.
Délia Taire , ibidf. , 1782, in-4'\
A — G — s.
TOME ( Bernard df. la ), né ,
à Naples , en 1 736 , fut professeur de
philosophie au séminaire de Naples,
directeur de l'académie apologétique
de la religion catholique , puis , en
1791 , évêque de Marsico-Nuovo ,
d'où il fut bientôt transféré sur le
siège de Lettere et Gragnano. Il mé-
rita la confiance de Pie VI , qui . en
partant de Rome , le nomma son lé-
gat apostolique dans le royaume de
Naples. Lors de l'invasion de ce
pays par les Français, en 1799 , La
Torre prêcha l'obéissauce ; mais ,
ayant manifesté quelques idées dé-
mocratiques dans une lettre pasto-
rale, il fut arrêté et banni après le
rétablissement de l'ancien gouverne-
ment. Il se relira en France ; et quoi-
que le traité de Florence de 1800 lui
eût permis de retouruer dans sa pa-
trie , il se rendit à Rome et y demeura
jusqu'en 1806. A cette époque une
nouvelle invasion plaça sur le trône
de Naples Joseph Buonaparte, qui,
après avou' exilé le cardinal Rullb
(Louis), archevcqvie de la capitale.
nomma La Torie pom- administrer
TOR 377
ce diocèse. Plus tard, celui-ci devint
aumônier des enfants de Murât, qui
avait remplacé Joseph Buonaparte.
La Torre remplit ces diverses fonc-
tions jusqu'au retour de Ferdinand
IV, en 1 8 1 5. Alors il se retira danssoii
diocèse de Lettere et Gragnano , qui
fut réuni en 1 8 18 à celui de Castella-
mare. Il mourut à Portici , le 28 mai
1820. On a de lui en italien : I. Cti-
ractères des incrédules , 1779. II-
Le rétablissement du christianisme ,
poème, imprimé en 1806. III. Véri-
té de la religion chrétienne , ou-
vrage posthume. P — Rt.
TORRRMUZZA (Gabriel Lan-
ciLLotTO Castello, pHucc DE ) , mi-
mismate.né, à Palerme , le 2t janvier
1727 , fît ses humanités chez, les
Théatins , et termina son éducation
sous les yeux d'un instituteur. Il al-
lait se livrer à l'étude de la physique
lorsque la vue des ruines A\4lesa
(Herbita) , ancienne colonie romaine,
renversée par un tremblement de
terre , en 828, vint changer ses pro-
jets. Un laboureur , en travaillant
à son champ , découvrit, en 174^,
environ deux cents médailles en bron-
ze , qu'il s'empressa de lui appor-
1er. Torremuzza n'y attacha d'abord
aucun prix ; mais à peine eut -il lu
quelques noms d'empereurs , qu'il
sentit naître l'envie de déchiflVer le
reste. C'est un point deressemblanro
très-remarquable qu'il eut avec Vail-
lant(^. ce nom). (Quelque eminesse-
ment qu'il mit à se procurer des ou-
vrages denumismatique , il ne trouva
qu'un abbé qui pût lui prêter les Mé-
moires historiques de Catania ( V.
Carrera, VII;, 211 ) ; et c'est
avec ce livre qu'il commença son ap-
prentissage. A son retour à Palerme ,
il rechercha l'amilié de Schiavo et
de Blasi : il apprit le grec , étudia les
auteurs cla=;>;iques , et , par un travail
78
TOR
aussiassidu qu'opiniâtre, il fiitbientot
en e'tat de coraposci" quelques disser-
tations. De tous ces essais , leplus im-
portant est l'Histoire de la ville d'A-
lesa, qu'il représenta libre sous les pre-
miers Romains, saccage'e par Verres,
organisée muuicipalement par Au-
guste. 11 fixa la division et les limi-
tes de cette ancienne colonie , en
:*joutant une série presque complète
de ses médailles. L'auteur s'est peut-
être jugé trop sévèrement , lors-
qu'en passant en revue ses premiers
écrits , il les regarde comme les ou-
^rages d'un débutant , qui dit tout ce
qu'il sait , et qui saisit la moindre
occasion pour faire parade de son
érudition. Mais ce qu'il avait ent||k
pris par goût , il dut bientôt le faire
par devoir. Le sénat de Palerme,
ayant eu l'idée barbare de mutiler
plusieurs monuments , pour en clas-
ser séparément les inscriptions, char-
gea le prince de Torremuzza d'en
dresser le Catalogue. Ce savant, tout
en regrettant la dégradation de ces
morceaux de sculpture, se rendit aux
vœnxdu magistrat, et publia un Re-
cueil d'inscriptions palermitaines,
préférable à celui de Gauthier (i).
Cet essai fut bien accueilli ,• mais on
aurait désiré que l'auteur eût étendu
ses recherches aux autres villes de
la Sicile. Torremuzza sentit lui-
même le manque d'intérêt de son
ouvrage , et il se mit h rassem-
bler des monuments antérieurs à
l'invasion des Arabes , pour mon-
trer par des titres incontestables , le
haut degré de prosj)érité et de civili-
sation (pie cette île avait atteint dans
une cpociue aussi reculée. Cette entre-
prise, trop vaste pour un seul indi-
vidu, lui parut digne de fixer l'at-
{■) .ViriVio- «tijurrnliui>i<iiir i,iti,/,inim , al fil
tiuiiim anli>/iiw Inbiilit <ii'r iinrrl/iliiiiirt , (',■<•!
tiiiullherii, Jdg'iitani , Mcuain» , i(i»4 , in-4".
TOR
tention d'une académie^ et il se flatta
de réveiller le zèle de ses compatiio-
tcs, en leur communiquant ses idées
sur le plan général de ce travail :
mais cet appel ne fut point entendu;
et Torremuzza, n'ayant pu tout em-
brasser, se borna aux seules médail-
les et inscriptions. Dès le commence-
ment du seizième siècle, Paruta avait
fait graver les types de plusieurs
monnaies siciliennes : son ouvrage,
rédigé sans ordre et sans discerne-
ment, ne remplitpoint l'attente des sa-
vants; etAgostini (F", ce nom, I,3o5),
Majer, Havercamp , travaillèrentsuc-
cessivement sur ce premier jet, sans
pouvoir l'améliorer. Pierre Burmann
le jeune mit beaucoup de soin à éclair-
cir cette partie de la numismatique
ancienne [F. d'OnviLLE, XXXII ,
184I) : niais tant d'efforts laissaient
encore un grand vide à combler ; et
Torremuzza fut assez conragcnxpour
se charger de cette tâche. Loin de se
traîner sur les traces des autres , il
signala les défauts d'Havercamp , le
plus habile de ses prédécesseurs , et il
composa un ouvrage entièrement
nenf , pour lequel il sollicita l'appui
du gouvernement. C'était le moment
le plus favorable pour les entreprises
littéraires. On venait de sujiprimer
lasociétédes Jésuites, qui avait exer-
cé le monopole de l'enseignement ; et
chaque jnince se croyait obligé à
montrer du zèle ponr ce qu'il avait
jusqu'alors négligé. Le livre fut
donc imprimé aux frais de l'état, en
1 781 ; et dès-lors le prince de Tor-
remuzza prit une place craincnte
jiarmi les archéologues. Le roi de
Waples ne pouA'^ait mieux en récom-
penser le mérite qu'en le char-
geant de la conservation des mo-
iMunents de la Sicile. Dans ces
fondions , Torremuzza cul pour col-
lègue le prince de liiscari, son com-
TOR
patriote, soil ami , et qui partageait
avec lai le goût le plus vif pour les
antiquités. C'était pour la première
fois qu'on songeait à l'enlretieu de
tant de cliefs-d'œuvre; et il est per-
mis de dire que si le temple de Se
geste , ceux d' Agrigente , les restes de
Sélinunte , le Lacouium et l'Hypogée
de Palerrae , existent encore , c'est
aux soins éclairés de ces deux
antiquaires qu'on le doit. Le prince
de Torremuzza n'était pas de ces es-
prits rouilles qui, fiers de leur érudi-
tion se croient dégradés, en vivant
avec leurs contemporains. Tout eu
«'occupant des anciens, il n'oubliait
pas les devoirs de citoyen. Élu mem-
bre d'un conseil-général d'instruc-
tion publique, il multiplia ea Si-
cile les chaùes de belles - lettres ,
de philosophie , de jurisprudence
et des sciences naturelles, que les
Jésuites avaient sacrifiées aux étu-
des théologiques. Il encouragea les
talents^ assura le sort des profes-
seurs, parmi lesquels il aurait désiré
voir Spallanzani , Toaldo , Landriani
et Fontaua. Après avoir organisé les
universités de Palerme, de Syracuse,
de Trapani , de Caltagirone et de
Piazza , il jeta, dans la capitale, les
fondements d'un observatoire , d'un
jardin botanique , d'un cabinet de
physique , etc. ; et il se priva de ses
livres pour fonder une nouvelle bi-
bliothèque. Ces soins nuisirent à ses
travaux pendant les dernières années
de sa vie; mais ils étaient au moins
dignes d'un homme de lettres. En
est-il de même de tant d'autres dé-
tails dont on le surchargea , pour
rendre un hommage public à ses ta-
lents? Nous ne parlons pas de ses
f)laces de sénateur et de directeur de
a monnaie. Sa naissance lui donnait
droit à la première ; et ses connais-
sances s'alliaient fort bien avec la se-
TOR 0.79
coude: mais devait-on faire chois d'un
numismate pour administrer un mont-
de-piété , un hôpital , un hospice ?....
Le prince da Torremuzza mourut à
Palerme, le o'j février 1790. {'i). 11
appartenait à la société des antiquai-
res de Londres , à l'académie des ins-
criptions et belles-lettres de Paris et
a plusieurs corps savants d'Italie.
Ses ouvrages sont : I. Dissertazione
sopra una statua di marino , sco-
verla nelle rovine di Alésa , Paler-
me, 1749, iu-8''. Cette statue, de
grandeur naturelle , représente un
personnage togat, que l'on croit être
le préteur Claudius Pulcher. II. Let-
tera su gli avanzi di Solunto (ancien-
ne ville à dix milles de Palerme ) ,
dans le tome i , part. 5, des Memo-
rie per la storia Ittteraria délia
Sicilia , ]Mi^. 17. III. Osseri'uzioni
critiche sopra un libro stampato in
Catania , Rome ( Palerme ) , 1 749 ,
in -4"., anonyme. C'est une critique
dirigée contre Hyacinthe Paterne ,
auteur d'un ouvrage intitulé : Ar-
denza e tenacità delV impegno di
Palermo nel contendere a Catania
la gloria di ai>er dato alla luce sant'
A gâta , Catane , 1747 ? in-folio.
Cette controverse sur la patrie de
saiuteAgathe , qui mourut sousl'em-
pereurDèce, avait éclaté entre les
habitants de Palerrae et de Catane ,
dès le conimcnccment du dix-septiè-
me siècle. Les deux villes s'en étaient
rapportées à la décision d'Urbain
YIII , qui éluda la question , et ne
voulut point prononcer son arrêt.
I V. Lettera in cui si difende il le-
gittimo cardinalato di JViccolb Te-
deschi , Palerme , 1756 , in-4''. Cet
archevêque , surnommé Vahhé Pa-
lermitain , fut décoré de la pourpre
(7.1 C'est par erreur <jii« Fabroui en a recule 1*
mort de deux ans.
28o
TOR
romaine par l'anli-jiape Félix, pen-
dant le concile de Baie, Quelques
historiens ecclésiastiques ont pré-
tendu qu'il avait persisté dans le
schisme, même après la soumission de
l 'anti-pape. Torremiizza prouve que
Tedeschi était mort avant que Ni-
colas V eût pris le timon de l'Église.
V. Nota de cardinali di Santa
Chiesa di nazione Sicdiana , dans
le tome n des Memorie per la storia
letteraria di Sicilia , pag. 211. VI.
Storia di Alésa, antica città di
Sicilia , di Selinunte Drogonteo
( c'est le nom académique de Tor-
remuzza ) , ibid. , lySS, in-4'^,
/^q^. les Actes de Leipzig , 1753,
pag. 427 ; le Journal des savants ,
1755 , pag. 444 1 Etc. VIL Le an-
tiche iscrizioni di Palerino , rac-
colte e spiegate , ibid. , l'^G.i , in-fol.
Ces inscriptions sont au nombre de
cent quinze. Il y en a d'étrusques ,
de grecques , de latines et d'arabes.
VIII. Idea d'un tesoro che cojiten-
ga una générale raccolta di tutie le
antichità ( siciliane) ; dans le tome
vin des Opuscoli degli autori Sici-
liani , p. 181. IX. yiUa Sicilia nu-
niismatica di Panda, puhblicata da
Avercampio, correzioni ed aggiun-
te , ibid, tome xi à xv. X. Siciliœ
populorum et urbium regurntjue (juo-
fjuc et tjrannorum numisniata c/uœ
extant in proprio auctnris cimelio ,
Palorme, 17G7 , in-B". C'est la des-
cription de son cabinet , liclie d'en-
viron douze cents médailles sicilien-
nes. 11 l'augmenta par la suite, et,
après sa mort, le P. de Blasi en pu-
blia un Catalogue plus complet^ sous
ce titre : Cutalogus veleruni et re-
cenlioriim numinorum , qui in Gahr.
LanceUoltii , etc. , gazophilaceo
scrvanUir , ib. , 1793, in -8". XI.
Siciliœ cl vbjacentium insularuni
l'rtrruin inscri^itionum nova ad-
TOR
lectio , ibid. , 1 76g , in-fol. Les
inscriptions sont distribuées en vingt
classes, d'après le système de S\ne-
tius , suivi par Juste Lipse, Gru-
ter , lleinesius , Muratori. Réim-
primé avec corrections et additions,
ibid. , 1784, in-fol., hg. Voy.
Journal des savants, 1 785 , p. 669.
XII. Siciliœ populorum et urbium,
regumque quoque et tjrannorum
vetercs nummi Saracenorum epo-
cham antécédentes , ibid. , 1781 ,
in-fol. , avec cent sept planches , et
deux stippléments de pièces inédi-
tes, ibid, , 1789 et 1791 , iu - fol.
Xllî. Relazione délie catacombe
di Palcrmo, dans le tome xi de l'^ra-
tologia romana. L'auteur lit insé-
rer dans le même journal deux autres
Lettres, l'une sur les aérostats lancés
par le prince de Pieti-apcrsia , tome
X ; et l'autre sur la prétendue décou-
verte du code arabe Martiuien , tom,
XII ( F. Vella ), XIV. Notizia
deir ongine,fondazione ed istituto
délia compagnia de' Blanchi délia
città di Palermo , Palerme, 1766 ,
in-4°. , anonyme. Cette institution ,
dont l'objet principal est d'assister
les criminels condamnés à l'échafaud,
fut fondée, en i54i , par le vice-roi
Ferdinand Gonzague, prince de Mol-
fetla. XV. Notizia preliminare délia
fondazione del générale albcrgo de'
poveri . ibid., 177'-»-, in -4"- XVI.
Memorie délie zecche del regno di
Sicilia , e délie monete in esse in
varj tempi coniale , ibid., 177^ ,
in-4". L'auteur profita des recher-
ches faites par F. iSchiavo pour
répondre à une question du comte
Carli. r. Carelli : Elogio del Prin-
cipe di Torremuzza , ibid., 1794 -,
in-/|". Fabroni en a donné im ex-
trait en latin dans le seizième volume
des Fitœ ftalorum, p. 181. M, Ca-
relli avait jïuisé lui-même dans les
TOR
Mémoires autographes , publies en-
suite par l'abbé d'Angelo , sous ce
titre : Memorie délia vita lettera-
ria del principe di Torremuzza ,
scritte da lui stesso , ibid. , 1 8o4 ,
in-4°. Il reste encore quelques frag-
ments historiques , et une espèce de
journal que l'auteur s'était proposé
de rédiger depuis 1072, époque à
laquelle la ville de Palcrme tomba
sous la domination des Normands.
Il en existe des exemplaires dans la
bibliothèque royale, çtdaus celle du
sénat de cette ville. A — g — s.
TORRENTINO (Laure^it ) , im-
primeur , né vers le commencement
du seizième siècle , était probable-
ment de Zwol , patrie d'Herman
Torrentinus, que l'on croit son pa-
rent. Il fut attiré à Florence , par le
duc Cosme, qui desirait répandre
dans le public les trésors littéraires
rassemblés par ses ancêtres dans la
bibliothèque des ]\Iédicis. Les pres-
ses de ce typographe , qui étaient
établies dans une rue appelée il Gar-
bo , nefurenfeu activité qu'en i547-
Negri et Haym se sont trompés en
indiquant des éditions antérieures à
cette époque. Torrentino , auquel
le duc avait accordé l'exemption
des gabelles , une gratification de
cinq cents écus,ct le privilège de
vendre exclusivement pendant dou-
ze ans chacun des ouvrages qu'il
aurait imprimés^ faillit être flétri
par la main du bourreau. Arrêté
dans la nuit du sH déc. i556, avec
deux poignards sur lui , il fut con-
damné à trois coups de corde et à
ime amende de vingt florins d'or :
on lui fit grâce de l'estrapade ; mais
l'année suivante, il éprouva de nou-
velles poursuites à cause d'une édi-
tion clandestine des commentaires
deSleidan , nouvellement traduits en
italien. 11 eut l)Csoin de toute la pro-
TOR
aSi
tection des Médicis, pour échapper
à la rigueur des lois. En attendant ,
son nom s'était répandu dans toute
l'Italie : éclipsant la réputation des
Giunti, et de Busdrago, célèbres ty-
pographes de Florence et de Luc-
qucs , Torrentino fut invité parEma-
nuel -Philibert de Savoie à venir fon-
der une imprimerie en Piémont. Ce
prince en avait adressé la demande
au duc Cosme , qui ne i-efusa pas son
consentement. Torrentino avait don-
né toutes les dispositions pour trans-
porter une partie de son établisse-
ment à Mondovi, où il s'était fait
précéder par son fils Léonard, lors-
qu'il mourut, en i563. La série
complète des ouvrages sortis des
presses de Torrentino se compose
de '^44 articles , dont on ne connaît
que deux sans date , et trois avec la
rubrique de Pescia , oi\ il s'était ren-
du en t5j4 ^t i555. En général, ses
éditions sont plutôt belles que cor-
rectes , quoiqu'elles aient été surveil-
lées par Arnold Harleim , savant
hollandais , et par Louis Domenichi;,
l'un des littérateurs italiens les plus
distingués de son temps. Les fils de
ce typographe continuèrent à impri-
mer jusqu'à l'année i S-jo ^ en société
avec Charles Pettinari et Bernard
Fabroni. Parmi les publications les
plus importantes de Torrentino , on
doit citer les œuvres de saint Clément
d'Alexandrie, Florence, i55i , 3'
vol. in-fol. , revus par Gentian Her-
vet ; la première édition des Pandec-
tes Florentines, ibid. , 1 553 , iu-fol. ,
donnée par Torelli, et celle de l'his-
toire de Guichardin, ibid., i56i ,
in-fol. Fof. IMoreni, Amuili délia
tipografia Fiorentina di Lorenzo
Torrentino ,¥lorence , 1811, réim-
primé , ibid. , 1819, in-80. et Gras-
si , Memoria siilla tipografia Mon-
regalese , dans les Fcglie dei pas-
■IS'l
TOR
tori délia Dora, Turin, 1801, iu-
8». A— G— s.
TORRENTINUS (Hlrman),
vulgairement Van Beeck , gram-
mairieu , né , vers le milieu du
q^uinzième siècle, à Zwol dans l'Over-
yssel, après avoir achevé ses études
à Deventcr , résolut de se consa-
crer à renseignement, et entra dans
la congrégation des Clercs de la vie
commune (i) , qui possédaient alors
plusieurs écoles dans les Pays-Bas. Il
professait, eu 1490, la rhétorique au
collège de Groningue, et l'on sait qu'il
conserva cet emploi pendant plu-
sieurs années. L'obligation de venir
au secours de sa mère , restée veuve
et sans fortune , le força de retourner
à Zwol, où il continua de se livrer à
l'enseignement avec beaucoup de zè-
le , même après avoir perdu la vue.
On place la mort deTorrentinus vers
i52o. Outre des Scoliessur lesÉvan-
giles et les Épîtresde l'année , et des
Notes sur les Hymnes et les Proses de
rEglise,réimprHaijps un grand nom-
bre de fois , il a publié quelques ouvra-
ges de grammaire, supérieurs à ceux
dont on se servait alors dans les écoles,
et qui durent avoir une utile influence
sur les progrès des lettres dans les
Pays-Bas. Il suffira d'en donner ici
les titres, en renvoyant, pour les dé-
tails, aux auteurs cités à la fin de
l'article : I. De generibus nominum,
de heterocUtis , de patron^ niicis et
de nominum significationibus ojnis-
cidum perutile ,De\eutcT , sans date,
in-4".ll. Commcntarius in Buco-
lica ac Georgica Virgilii, ibid. ,
1)02, iu-4". (-c Commentaire a eu
plusieurs éditions. III, Alexandri
(i) Ou Iruiivcia drs Jrlails inNTi.''.<aiit« sur cHIc
coniçrf-gatinii . d.iiil le» rliilillssi'ni.nl.s ruri-iil snj.-
(•rimris ail ««.'ir.iiMiii' siitlr, dan« \'Orifii>i<i île l'itii-
primerir , jiar l.aliiliinrl , II, i-n. C'rsl aiu fir-
rn lit? la vie fomtniini» f|ii'r<l duc riiitrndiiitinn
de l'art l}|>ogriiplii<{ii>.- * Kruicllrt , en l47<>-
TOR
Doctrinale cum Commentariis , ibid.
1 5o3 , in-4°- Torrentiuus se contenta
de corriger la grammaire d'Alexan-
dre de Villcdieu , n'osant pas pro-
poser de la bannir des écoles. Les
ennemis de toute amélioration lui fi-
rent un crime d'avoir essayé de ren-
dre claires et faciles des règles aupa-
ravant inintelligibles j et il ne put
conjurer l'orage qu'en justifiant sa
témérité dans nue Apologie adressée
à son frère Jean Torrentiuus , cha-
noine régulier (2). IV. Orafione.ç/rtmj-
liares et elegantissimce ex omnibus
P. Ovidii libris formatée , Cologne ,
i5io, in-4". V. Elucidarius carmi-
num et historiarum vel vocabula-
rius poeticus , continens histçrias ,
provincias, urbes, insulas , fluvios et
montes illustres , etc. , Haguenau ,
i5îo , in- 4"- , souvent réimprimé :
cet opuscule est le premier essai
que l'on connaisse d'un dictionnaire
historique , contenantaussi la mytho-
logie et la géographie ancienne. Aug-
menté successivement par IW)b. Es-
tienne , Charles Estienne et Frédéric
Morel , il a été traduit ou plutôt imité
dans plusieurs langues , notamment
en français , par de Juigné Broissi-
nièro et Paul Boyer , dont les Dic-
tionnaires ont servi de base à celui
de Moréri, comme il l'a reconnu dans
la préface de sa première édition.
Ainsi , malgré l'imperfection de son
travail , on ne peut , sans injustice,
refuser à TorrentiuMS l'honneur d'a-
voir donné l'idée et le modèk des
dictionnaires historiques , dont cha-
que jour fait sentir l'utilité. Voyez le
Dictionn. de Pros]). IMarchaud , 11 ,
•i83-9i, et Vii(\no\. y M ém. pour ser-
vir à l'hist. lit ter. des Paj s - Bas ,
1, 499-5oi , édit. iu-fol. \V — s.
(») Tc.noiitilMl» lir (lit |i;is le sriil riMi|..il.l«- ; il
n'a roiNtlirnhi (|iicla prrmijToiiailie tlii Pi'ciriiial :
lin rirlaiii Kriiipn , Tlirstnlieii^it , diinl un nu
«.niinail qiir lf> nain , a roinmeiit^ la ><-cundi^
TOR
TORRENTIUS ou VANDER
BEKEIN (LiÉviiN ), prélat belge,
humaniste et poète latiu, naquit à
Gaud le 8 mars iSsS. Après avoir
fait sa pliilosopliie à Louvain , il y
étudia le droit et reçut le grade de
licencie. Pendant ses études dans
cette ville, il coucouriit lionorabie-
jueut à la défendre contre un fameux
partisan nommé MarlinVan Rossura,
qui fît une tentative inutile pour s'en
rendre maître. Torrcntius A^oyagea
ensuite en Italie et prit à Bologne le
bonnet de docteur. 11 fit un séjour de
plusieurs années cà Rome et s'y con-
cilia les bonnes grâces des Lommes
les plus distingués , tels que les
cardmaus Sirlet et Borromée , Paul
Mauuce , Fulvius Ursinus , Faèrno ,
etc. De retour dans les Pays-Bas, il
s'attacha à George d'Autriche, évè-
que de Liège, qui le pourvut d'iui
bon bénélice. L'expérience des af-
faires , qu'il avait acquis» à Roaie ,
lui procura de nouvelles missions et
de nouveaux emplois. En iS^ô, le roi
Philippe II le nomma évêque d'An-
vers; mais la situation des Pays-
Bas retarda la ^^'ise de possession ,
qui n'eut lieu qu'en ijSy. 11 venait
d'échouer dans une négociation qu'il
avait entamée à Cologne, pour faire
réformer la pacification conclue dans
cette ville en i584.iièg#ciation dont
il existe un compte rendu, publié
par lui. Ni les soins de son diocèse,
ni ses occupatio^isau conseil-d'état,
dont il avait été nommé membre , ne
purent éteindre sa passion pour les
belles-lettres^ et il y trouvait son
délassement favori. Vers 1094, il
fut créé archevêque de Malines ;
mais il n'avait pas encore reçu ses
bulles de la cour de Rome, quand la
mort le surprit à Bruxelles, le 26
avril 1095. Il fut enterré dans le
chœur de la cathédrale d'Anvers, où
TOR 283
l'on voit son mausolée. Torrentius fon-
da, par sou testament, le collège des
Jésuites de Louvain ; sa bibliothèque,
qui faisait partie de la donation, était
estimée 3o,ooo florins. I! avait aussi
formé on Italie une précieuse collec-
tion d'antiquités. Gérard Braudt ,
dans son /lisloire delà re formation
des Pa^s-Bas, en rapportant à l'an-
née lôgS la mort de Torrentius,
lui rend le témoignage de ne pas
avoir approuvé les violences en ma-
tière de religion , et d'avoir traité les
protestants de son diocèse avec beau-
coup d« douceur ; mais Pierre Bur-
mann ,dans sa Sjllo^e epistolarum ,
1. 1, 48o,pensequcBrandt s'en cstrap-
porté là-dessus trop légèrement;! l'his-
torien de Thou , et il 5e fonde , non
sans quelque apparence de raison ,
sur une pièce de vers latins qui , en
edèt, dépare le recueil des Po'émata
de notre prélat. Elle est intitidée : In
laudem Baltasaris Gerardi , j'ortis-
simi tj'raunicidœ. C'est une espèce
d'apothéose du fanatique assassin
de Guillaume de Nassau , premier
stadhouder des Provinces - Unies.
Burmann en veut encore à Torrentius
de ses menées pour ramener Juste
Lipse dans le gii'on de l'église catho-
lique , et pour l'enlever à l'université
de Lejde {Voj. Lipse). On a de lui :
1. Foëmata , Anvers \5rc}et i594,
in- 12. Bien que ces poésies por-
tent le titre de sacra, toutes ne
traitent i>as de sujete religieux ; il
s'y trouve même une suite de huit
odes du genre erotique , ou plutôt de
celui d'une pièce précédente , intitu-
lée Bacchanalia : elles sont sous la
rubrique de Lyda sh'e adolescentia ;
mais elles n'olfrenlrien de licencieux,
et Paquot les a trop sévèrement ju-
gées sous ce rapport. Nous regrettons
de ne pas trouver daij^ ce recueil une
élégie latine sur la levée du siège de
2B^ TOR
Louvaiu et la fuite de Martin Van
Rossum ( voir plus haut ) , que ,
d'après Paquot , Torrentius avait pu-
bliée, mais anonyme, à Anvers , en
1542, quand il n'était âgé par con-
séquent que de dix-sept ans. Dans la
latinité moderne, les poésies de Tor-
rentius occupent un rang distingué ,
et elles se ressentent peut-être du
long séj our qu'il avait fa it en Italie. Il
le donne à entendre lui-même dans
la Dédicace de ses poésies au pape
Pie V. Paquot l'a jugé sans goût; et
xe poète a été bien mieux apprécié
par Peerlkamp ^ dans ses Fitce
Belgarum qui latina carmina scrip-
serunt , p. iSa-iSy , et par M.
Hoenfft , dans son Parnassus latino-
belgiciis , p. 4i et 4^. II. Une édi-
tion de Suétone , accompagnée d'un
bon Commentaire, Anvers, iS-^S et
1 592 , et dans les Fariorum de Hol-
lande. III. Une édition d'Horace,
également accompagnée d'un Com-
mentaire , Anvers ^ 1602 , in-4°. Ce
Commentaire est un des plus estimés ,
mais il n'a paru que posthume. L'au-
teur , dit M. Vanderbourg , « a fait
» usage de quelques bous manus-
» crits, que la mort l'a empêché de
» décrire • moins hardi dans ses
» conjectures que Cruquius, il en a
» offert quelquefois de très-plausi-
» blés , que d'autres ont développées
» sans le citer. Dacier a puisé dans
» ses commentaires la plus grande
» partie de son érudition , et n'eu a
» pas toujours averti. » Torren-
tius n'avait pas trouvé le temps de
commenter ï'y^rt poétique : on y a
suppléé par imCommentaire de Pierre
Nannius. (3n a imprimé, avec l'Ho-
race de Torrentius, sou Commenta-
riolus ad legeni Juliam et Papiam
de matriinoniis ordinandis , qui
prouve qu'il était encore savant ju-
risconsulte. IV. To^^•ellliIl^ a publié
TOR
les OKuvres posthumes de Jean
Goropius Becanus , Anvers , 1 58o ,
in-fol.j et il y a mis une préface où
il défend cet écrivain contre Joseph-
Juste Scaliger, qui n'en était pas
moins infiniment supérieur à l'étymo-
logiste belge. V. On trouve plusieurs
lettres de Torrentius dans la Sylloge
epistolarum de P. Burraann, t. i , p.
474-489. VI. On attribue aussi à
Torrentius une traduction latine de
quelques Homélies de St. Jean-Chry-
sostôme. M — on.
TORRENTIUS (Jean), peintre,
né , à Amsterdam , en 1 589 , dé-
ploya , dans ses tableaux en petit,
une finesse , un ton de couleur et
une grâce qui auraient obtenu l'ap-
probation des connaisseurs, s'il n'a-
vait pas lui-même détruit tout le
mérite de ses ouvrages par l'obscé-
nité de ses compositions. Il surpassa,
dans les sujets qu'il se plaisait à trai-
ter,même cequel'on connaîtde Pétro-
ne et de l'Arétin. Lorsqu'il commen-
ça à se livrer à la peinture , il peignait
de préférence des sujets de nature
morte , tels que des tables chargées
de livres ouverts et fermés, des verres
pleins de fleurs , des plumes, des mon
très, etc. Il représenta ensuite des
conversations , qui furent admirées
pour la couleur et le charme du pin-
ceau. Tant qu'il se contenta de pein-
dre de cette manière , il trouva, dans
le succès de ses ouvrages, la fortune
et la considération j mais malheureu-
sement il crut devoir abandonner cel-
te carrière pour peindre des sujets
obscènes. Sa conduite et ses mœurs
répondaient à la luxure de ses com-
jiositions. Il jtrèchait la communauté
des femmes, et présida aux assem-
blées d'une secte d'Adamites dont
les principes de morale religieuse
éveillèrent l'attention des niagistrats.
Aveili (|u'on cherchait le clief des as-
TOR
semblées que tenait cette secte , il
crut qu'il se préserverait du cliàli-
ment en niant tout. Il fut arrêté et
condamné par les magistrats de la
ville de Harlem à subir la question.
I! cul la force de résister aux tour-
ments. On ne put arraclier de sa bou-
che le moindre aveu j mais s'il ne fut
pas convaincu d'être le chef de cette
secte, les tableaux dans lesquels il
avait représenté les orgies abomina-
bles auxquelles elle se livrait paru-
rent mériter un châtiment sévère ; et
il fut condamné à vingt ans de pri-
son. Plusieurs personnages distingués,
entre autres l'ambassadeur d'An-
gleten-e , employèrent leur crédit
pour obtenir sa liberté. On lui per-
mit de passer en Angleterre, où ses
ouvrages eurent un succès qui ne
put préserver l'artiste du mépris
que ses mœurs déréglées lui at-
tirèrent. Il revmt alors à Amster-
dam ; mais le souvenir de sa mau-
vaise conduite subsistait toujours. Il
fut o])ligé de se tenir caché jusqu'à
sa mort, qui arriva en i64o. Loi'S-
qu'il eut cessé de vivre , le gouverne-
nemcnt ordonna la recherche de tous
ses ouvrages , et fit brûler , par la
main du bourreau , tous ceux que
l'on put découvrir. P — s.
TORPvÈS (Louis de) , arches èque
de Mont-Uéal , né, à îMalaga , le G no-
vembre i533 , futapneléà Rome , pn
i55o , par Louis de ïorrès , arche-
vêque de Salerne , son oncle, qui lui
résigna le protonotariat apostohque,
et un riche bénéfice. L'année .sui-
A'antc, il fut nommé président de la
cliambre ajioslolique. Pie V faisait
un si grand cas de ses talents et de
sa prudence dans les alfaires , qu'en
i.ïno, il l'envoya comme légal extra-
ordinaire en Espagne , p.our engager
Philippe II à se liguer avec les Vé-
nitiens contre les Turcs , et à don-
TOR
285
ner des secours aux Catholiques en
Angleterre. Torrès revint à Rome
après avoir complètement réussi
dans sa mission. Depuis ce moment
Philippe correspondit avec lui, et
lui recommanda les affaires impor-
tantes qu'il avait à traiter avec la
cour de Rome. En 15-72, le duc
d'Albe , qui se trouA^ait en Flandre ,
ayant un besoin pressant d'argent ,
et personne ne voulant lui ouviùr sa
bourse, Torrès offrit à l'ambassadeur
d'Espagne quarante mille scudis. En
i5']5, Philippe le proposa pour l'ar-
chevêché de Mont-Rc'al , et dans un
bref que Grégoire XIII lui accorda
l'année suivante . le pape rappelle
les services que Torrès avait rendus
à la chrétienté , en négociant nue
ligue entre le roi d'Espagne et la ré-
publique de Venise , par où il avait
puissamment concouru à la victoire
que les Chrétiens remportèrent sur
les Turcs, le 7 octobre iS'ji {Voj.
Selim II ). Torrès fut envoyé deux
fois à Malte par le pape Grégoire
XIII, qui lui confia plusieurs autres
missions importantes. Il mourut à
Rome le 3i dcc. i584. — Torrès
( Louis de ) , neveu du précédent ,
né, à Rome, le u^ oct. i552 , fut
nommé référendaii^e de l'une et l'au-
tre signature. Successeur de son
oncle, dans l'archevêclié de Mont-
Réal, il fiit proclamé cardinal, en
i5o6 j par Paul V. Il mourut , en
1609 à Rome , après avoir fondé le
séminaire de Mont-Rc'al, et lui avoir
fait don de sa riche bibliothèque, qui
fut pillée par des pirates dans le tra-
jet. Il avait été chargé par son on-
cle de recueillir dans les archives
d'Italie et de Sicile les diplômes
et documents relatifs à l'église de
Mont-Réal. Etant archevêque, il pu-
blia son travail, sous le nomdeLel'o,
son secrétaire , dans un ouvrage sa-
286
TOR
vant , qui a pour titre : Historia
délia chiesa cli Monreah , scritta
da Gio. Luigi Lello , Rome, i5g6 ,
111-4". , tlivise en 4 parties. Dans la
première , l'auteur décrit l'église ca-
thédrale de Mont-Re'al , où l'on con-
serve précieusement les entrailles
de saint Louis, roi de France. Il
raconte ensuite que la cliàssc en
marbre où sont renfermées ces reli-
ques avait cte faite de manière à
pouvoir contenir tout le corps , le-
quel y avait été place en Afrique ;
que les princes de France ayant célé-
bré les obsèques du roi , dans l'é-
glise cathédrale de Mont -Real,
avaient tiré le corps de la châsse ,
laquelle était restée dans cette église,
avec les entrailles et deux doigts du
saint roi; que le 25 août i^-jH ,
trois cent huit ans après la mort du
roi, la châsse , qui auparavant était
suspendue dans l'église contre la
porte de la sacristie, avait été solen-
nellement transférée derrière le grand
autel, où on lui avait préparé un riche
monument en marbre , avec cette
inscription : Hic sunt tumulaia
viscera et corpus Ludovici régis
Francice , qui obiit apud Tuni-
sium anno domiiiicce incarnationis
1210, mense augusto , i3 indictio-
nis. Dans la seconde partie de l'ou-
vrage, il donne la vie des archevê-
ques de Mont-Réal,sesprédécesseurs,
ctdanslatroisièmeles documents qui
ont rapport à l'églisccathédralc, età
la juridiction de l'archevêque. Dans
la quatrième, il a réimprimé le petit
ouvrage suivant, dont il avait dé-
couvert le manuscrit en Sicile , et
qu'il avaitdéj.i fait paraîtreà Rome,
en iSHj : De. rcœdificaliotu; tnonas-
terii saiicli Marllni de Scalis ,
Paulionnl urdinis Suncti Bencdicli
cl diceccsis Mimlis rcgalis , libellas
anle duccnlos aunos à pio auc-
TOR
tore coiucriptus. Ce prélat fut en
correspondance avec les hommes les
plus distingués de son temps , enti-e
autres avec les cardinaux Baronius
et Borromée, avec le Tasse, etc.
G— V.
TORRÈS ( Louis da Motta Feo,
etc.), amiral portugais^ né à Lis-
bonne en 176g, d'une ancienne
famille, fit ses études à l'académie
royale des Gardes marines , et fut
employé, dès l'année 1786, comme
lieutenant de vaisseau. Il fit partie
de la flotte qui se rendit à Naples en
1792, sous lesordi'es du contre-ami-
ral Brito, et qui se réunit à la flotte an-
glaisedel'amiralHowe, pour croiser
sur les côtes de France. Rentré dans
le port de Lisbonne , après dix-huit
mois de navigation. Terres fut nom-
mé capitaine de vaisseau , et reçut la
mission de porter un présent du roi
de Portugal à l'empereur de Maroc.
Devenu chef de division , il eut , en
^n()1 et 1798, le commandement
des batteries flottantes destinées à
défendre l'entrée du Tage ; et dans
le mois de septembre 1799, il partit
pour le Brésd , chargé d'y conduire
un convoi considérable. La paix
ayant été faite, il fut nommé gou-
verneur de la partie du Nord du
Brésil , et il remplit cet emploi pen-
dant trois ans. 11 revint en Portu-
gal en 1 8o5 , et fut envoyé _, à la tête
d'une escadre, devant Alger ))0ur y
traiter de la paix , et racheter les
captifs ; mais il ne put rien terminer,
et croisa sur les côtes d'Afrique , où
il s'empara de plusieurs corsaires
d'Alger et de Tunis. Il ne dépendit
pas de lui de suivre la famille royale
au Brésil, en 1807; et lorsque sa
])alrie fut attaquée ])ar les Français ,
en 1808, il lit ])reuve du plus grand
dévouement en donnant , pour les be-
soins de l'étal, une forte somme d'ar-
TOR
gent ^ et en combattant à la lêle de
trois légions qui furent oiganise'es
pour la défense de la capitale. Ap-
pelé au Brésil, eu 1811 , il y fut
créé yice-amiral , puis envoyé dans
le royaume d'Angola avec le titre
de capitaine -général. Il arriva dans
celte colonie en 1816, et, pendant
quatre ans qu'il y commanda , il s'y
Kt chérir par sa bienfaisance et l'ha-
bileté de son administration. Revenu
à Lisbonne avec son souverain , en
1 82 1 , il fut employé dans les conseils
de l'amirauté jusqu'à la révolution
des certes , en j8'1'2 j cet événement
lui causa un tel chagrin qu'il y suc-
comba le 27 mai delà même année. Z.
TORRICELLI (EvANGELiSTi),na-
quitle iDoct. 1608. Ona écrit, maisil
n'est pas certain , que ce fut à Wodi-
gliana, château dejaRomagne(i) ;ce
qu'il y a de bien assuré , c'est qu'il a
toujours pris le titre de citoyen de
Faenza, et qu'il fut élevé dans cette
ville par un oncle , de l'ordre des Ca-
maldules , qui le fit étudier chez les
Jésuites. 11 y apprit les mathémati-
ques^ et montra de bonne heure un
goût décidé pour cette science , qu'il
cultiva toute sa vie avec tant de suc-
cès. Son oncle , pensant qu'un génie
qui s'aimonçait si heureusement
trouverait à Rome plus de facilités
j)our se développer et s'exercer ,
s'empressa de l'y envoyer. Il s'y lia
bientôt intimement avec Castelli, le
disciple chéii de Galilée. Castelli ,
tout occupé alors de ses travaux sur
la théorie des eaux courantes, les
communiqua au jeune géomètre ; il
reconnut bientôt combien ses con-
seils lui seraient utiles^ et ne fit dès-
(i) Bonaventiiri fait naître Torrlcrlli à I\Tuc!iglia-
na; mais celle opinion a été comliattur par Laslii,
qui rapporte c|uelqiies documents pour prouver
auc ce péimiitre était lié à Pinncaldoli , dans 1«
iucèie d'Iuio'a.
TOR -^S-j
lors rien d'important sans y avoir
recours et sans témoigner , dans ses
publications , sa reconnaissance ])our
ce qu'il lui devait. Ce commerce
scieritifique établit entre eux une ami-
tié véritable et constante. Torricelli,
après avoir appris de son arni ce
qu'avait fait Galilée relativement
aux lois du mouvement, composa
son premier ouvrage : Sur la chute
accélérée des corps, et La courbe
décrite par les projectiles. Ce traité
enrichit de résultats fort utiles la
science de la balistique. Le P. Nice-
ron , qui était alors à Rome, l'ayant
mis en relation avec Roberval , Fer-
mat, Mersenne et d'autres géomè-
tres français très-distingués, il s'oc-
cupa comme eux de la solution de
plusieurs problèmes difficiles sur
l'aire et le centre de gravité de la
cycloïde. Les plus habiles y avaient
échoué; Torricelli les résolut, et en-
voya en France sa solution, avec la
démonstration , ainsi qu'il l'assure
dans les manuscrits qui existent de
lui à Florence. Il y paraît même dis-
posé à imprimer sa correspondance,
si Roberval continue à lui disputer
la priorité de sa découverte. Ce der-
nier , grand géomètre sans doute ,
mais homme très-passionné , mit
beaucoup d'aigreur dans celte con-
troverse; il alla jusqu'à accuser Tor-
ricelli de plagiat. Pascal, son ami,
et qui dans cette alîàire ne voyait
que par ses yeux , ne paraît ])as tout-
à-fait exempt de partialité dans son
Histoire de la roulette ( c'était le
nom qu'il donnait à la courbe nom-
mée depuis cycloïde ). On fit grand
bruit d'une prétendue lettre de ré-
tractation de Torricelli; mais il dit
seulement dans cette lettre , qu'il s'in-
quiélait peu qu'on le crût ou non;
qu'il lui suffisait de pouvoir assurer
qu'il n'avait reçu sa solution de per-
2B8
TOR
sonne , et qu'il se contentait du té-
moignage de sa conscience ; qu'il
abandonnerait cette découverte à qui
la voudrait, pourvu qu'on ne ju éten-
dît pas la lui arracher par violence.
Une découverte bien autrement im-
portante, et qui par son immense
utilité immortalisera le nom de Tor-
ricelli , c'est celle du Baromètre. On
ne savait pas quelle était la force qui
faisait monter l'eau dans le corps
des pompes et qui l'y soutenait , et
dans l'hypothèse du plein , on pré-
tendait que la nature, ne pouvant
souffrir le vide qui se serait trouvé
entre le piston et l'eau , était for-
cée de le suivre dans son ascension;
mais un fait particulier fit reconnaî-
tre la limite de cette force : les fon-
tainiers du graud-diic ayant eu be-
soin de pompes de quarante ou cin-
quante pieds, lorsqu'on les mit en
jeu, on ne put jamais faire arriver
l'eau à leur extrémité. Galilée, s'é-
tant assuré de la hauteur à laquelle
elle s'arrêtiiit, ia trouva d'environ
trente-deux pieds j et ce philosophe,
qui avait reconnu et démontré la pe-
santeur de l'air, put aisément penser
que c'était le poids de la colonne at-
mosj)hériqi!e qui faisait équilibre aux
trente -deux ))ieds d'eau restés en
suspension dans le corps des pom-
pes. Cependant on ne pouvait guère
espérer de celte idée des résultats
bien utiles , lorsque plus tard Torri-
celli s'en empara et la fécoiicla mer-
veilleusement. Voulant répéter l'e.K-
périencc d'une manière plus cojunio-
de, il im.igina de substituer à l'eau
un fluide qu.ilorzc fois plus j)esaiit,
le mercure, jugeant très-bien qu'une
colonne qualor/.e fois plus couite fe-
jait anisi cquililue à celte force qui
soutenait trente deux ])ieds d'eau.
Ayant donc rempli de mrrcun! un
tube de verre de trois pieds, fermé
TOR
hermétiquement à son extrémité, il
le boucha avec son doigt, et l'ayant
retourné et ])longé dans une cuvette
remplie de mercure , il retira son
doigt; alors le mercure du tube y
descendit jusqu'à la hauteur d'envi-
ron vingt-huit pouces au-dessus du
niveau de celui de la cuvette, com-
me le physicien s'y était attendu. Si
Galilée , si Torriceili , ont reconnu,
ainsi qu'on l'a dit, la cause de ce phé-
nomène, il était réservé à Pascal de
la mettre en évidence. Ce fut lui qui
imagina de l'aire porter le baromè-
tre à difiérentes hauteurs clans l'at-
mosphère , et qui établit ainsi , d'une
manière incontestable, que la pression
atmosphérique était bien la cause de
la suspension du mercure, puisqu'il
s'abaissait dans le tube, à mesure
que cette pression diminuait. C'est
cette belle expérience qui se répète
toutes les fois qu'on mesure des hau-
teurs par le moyen du baromètre.
C'est encore par elle que les observa-
tions multipliées et suivies du baro-
mètre sur divers points d'une con-
trée , et la connaissance de sa hau-
teur moyenne , qui en est la suite ,
peuvent donner leurs différences de
niveau. L'invention du baromètre,
cette idée si simple , mais si ingé-
nieuse , est un des jilus grands so*-vi-
ces rendus k la physique et à la chi-
mie : avec de tels instruments, deve-
nus comparables par les progrès de
nos sciences et de nos arts , les expé-
riences peuvent se répéter en les ra-
menant aux mêmes circonstances; le
calcul peut leur être appliqué, cl les
lois des phénomènes naturels j)euvciit
en être dc'duifes avec quelque certi-
tude. Cet instrument, qui donne avec
tant de précision, dans tons les mo-
ments , la mesure exacte delà pres-
sion atmosphéri(|iie, est dcNcnu aussi
nécessaire et aussi indispensable que
TOR -
le thermomètre , aux sciences expc-
rimeniales. Commenl Galilée , après
sa remarque sur les pompes de Flo-
rence, n'a-t-il pas imagine l'expé-
rience flcTorricelli? Comment Tor-
ricciii n'a-t-il pas imaginé les expé-
riences conlirmativos de Pascal? I!
semblerait, an premier conp-d'œil ,
que tout le monde aurait pu faire ces
lapprochemeuîs si simples j mais,
comme l'a fort bien dit un homme
célèbre de nos jours, c'est dans de
semblables rapprochements que con-
sistent les découvertes. La véné-
ration de Torricelli pour Galilée , et
son extrême modestie, lui firent pres-
que regretter que l'idée si simple de
sa découverte ne fut pas venue à ce
grand homme comme une consé-
quence toute naturelle de la remar-
que qu'il avait faite sur la suspen-
sion de l'eau dans les pompes. On
était loin d'avoir perfectionné les
moyens de faire le vide , et Torri-
celli venait de produire le vide le
plus parfait dans l'espace de quelques
pouces abandonnés par le mercure
à l'extrémité de son tube ; ce vide a
conservé son nom , et la physique en
a su tirer un grand jiarti pour ses
expériences les plus délicates, com-
me la mesure exacte de la tension
des vapeurs. ïorricelli eut la pensée
de s'en servir pour faire quelques ex-
périences sur le son et sur la vie des
animaux; mais ses essais ne furent
point heureux , et quelques insectes
(pi'il voulut faire arriver dans le vide
de son tube, furent étoullés, comme
cela devait être , par la pression
énorme dufluide pesant qu'ils avaient
à traverser. Castclli, obligé dequitter
Rome, pour les ad'aires deson ordre,
et de se séparer de son ami, ])ropo-
sa à Galilée de l'appeler auprès de
hii. Galilée, désireux de le comiaîlie
plus particulièrement , s'empressa de
XLVl.
TOR
289
l'inviter a venir à Florence , en lui of-
frant sa maison, et tout ce qui pour-
i-ait lalui rendre agréable. Torricelli,
qui avait formé à Rome des liaisons
de science et d'amitié, et qui atten-
dait quelques faveurs du pape , hésita
d'abord , et sa réponse ne fut ni une
acceptation ni un refus; mais il ne
tarda pas à se décider et à s'arra-
cher à toutes ses alfections pour se
rendre auprès de l'illustre vieillard;
il eu fut bien dédommagé par l'ac-
cueil tout paternel qu'il reçut. 11 con-
tribua de son côté à adoucir, ])ar ses
soins et par l'intérêt de sa conversa-
tion, les derm'ers jours de ce grand
homme aveugle, et accabléd'intirmi-
tés. Il le perdit au boutdc trois mois ,
et sembla n'être an ivé pris de lui ,
ainsi que Viviani , que pour lui fer-
mer les yeux. Plein de sa douleur, il
ne voulait plus continuer d'habiter
une Ville qui ne pouvait que la lui
rappeler; mais le grand-duc l'invita
si honorablement à professer les ma-
thématiques dans son académie, en
le nommant son mathématicien et
le faisant ainsi succéder à Galilée
parle titre et les attributions de cette
place . qu'il se rendit à des distinc-
tions si tiatteuses. Torricelli, comme
son maître Galilée , était aussi habile
à exécuter les instruments qu'à les
imaginer, et l'on montre encore, dans
le palais des Médicis, des objectifs
d'assez grande dimension , travaillés
par lui, et qui portent son nom. On
lui attribue aussi l'invention des pe-
tits microscopes simples . d'un très-
court foyer , qu'on fabrique avec de
petits fragments de verre iondus à la
lampe, et réduits ainsi eu petites
sphères fort transparentes , mais d'un
usage assez diiiicile. Les ouvrages
de Torricelli, sous le rapport dn sty-
le , sont remarquables par la conci-
sion, la cl.ult' , l'elégMHce cl le bon
V)o
TOR
goûl, mc'rile qui ])araîl avoir elé rv
Jui de l'école de (jalilcc. Ainsi que lui,
ses élèves Torricelli cL Viviani turent
membres de l'acade'mic délia Criis-
ca. Torricelli est mort, comme Pas-
cal , à trente-neuf ans. Cavalier! s'était
cliarp,?' du soin de metîre en ordre et
de publier ses manuscrits ; mais il ne
lui survécut qu'un mois. Le grand-
duc en chargea cnsuiie Viviani. qui
y mit beaucoup de lenteur et d'in-
souciance ; il s'en occupa enfin, mais
ne les publia pas. On les c; nser^e
dans le palais îMe'dicis, où Fabroni ,
son biographe, a pu les voir et en
faire une courte analyse. On a de
lui : I. Ses OEuvres géométriques ,
en latin, Florence , 1644 , in-4". 11.
Dans ie tome iv du Recueil des écrits
sur le mouvement des eaux, 2^. pdit. ,
Florence, i-^GH in-4"., ^^^ Trai>ail
sur le cours de la Chiana. 111.
Dans le tome m des Mémoires de
l'académie des sciences de Paris ,
p. l'JQ, parmi les OEuvres de Ro-
berval,la Lettre qu'il lui écrivit sur
le centre de gravité de la parabole,
sur la rycloide, etc. R — t.
TORRIGI ANO , médecin de Flo-
rence , est |)eut-être l'écrivain dont
le nom a subi le plus de métamor-
phoses. Les uns le nomment Turria-
no , Tursiann , Taurisanus, ou Tur-
mantt^; d'autres, Crucianus , Crri-
sianus ou Cruscianus , et même
Cursianus ; cl d'autres enfin Dnisia-
nus. On n'a sur sa vie et ses ouvra-
ges que des renseignements incom-
plets. Il était né vers l'A-jo, d'u-
ne l'amil'e illuslie,;! vSaii-Sepolcro ,
sur le territoire de Florence. On
croit (ju'il fut l'élève de Taddeo , {V.
ci-après , pag. '}.(.p . note y, ) son
compatiiote. qui jirofes>a loug-tenips
la niédcciiic à Hnlogne. Suivant Villa-
ni ( File d'ill. fîorcnl. , /|9) , Torii-
giano vint à l^iris, où il oliliut ,
TOR
à la faculté de médecine, une chai-
re qu'il remplit d'une manière l«*il-
lante. INlais ou ne trouve pas son
nom parmi ceux des professeurs de
l'université de Pans. Il renonçaà l'en-
seignement sur la \\n de sa vie , pour
étudier la théologie , et entra dans
l'ordredcs Chartreux. On conjecture
qu'il mourut à Bologne, vers i35o,
à l'âge de quatre-vingts ans. 11 est
auteur d'un commentaire sur Vyirs
parva de Galieu , auquel il don-
na le îiîre fastueux de plus quàm
comtnentum , ce qui lui valut celui
de plus quàm commentator. Cet ou-
vrage imprimé , pour la première fois,
à Bologne, en i4^9 •> iri-fol. , est in-
titulé : Crusiani, viOTiaci Cartusien-
sis , plus quàm cointuentum in li-
hrum Galeni qui Michroteclini in-
tilulatur. Le succès dut en être assez
grand , puisqu'il s'en fit de nou-
velles éditions à Venise , en i5o4,
iS^j-j et iSj'j, infol. On en a ex-
trait des préceptes sur l'usage et les
efléts du bain , ]iour les insérer dans
un recueil De Balneis , publié par
les Giunti, Venise, i553. Indépen-
damment de l'ouvrage de Villani .
déjà cité, on peut consulter sur Tor-
rigiano VIstor. de scrittor. Fioren-
tini , par Negri , 525 , mais surtout
Tirabuschi , v, 9.52 , 355. W— s
TORRIGIO C F.hançois-Marie ) ,
ériidit, né, à Rome, vers l'année
i;')8(), vécut sous le pontilîcal d'Ur-
bain Vil 1. Nommé chanoinede Saint-
Nicolas , il mit à profit ses loisirs
pour composer un grand nombre
d'ouvrages. Allacci ( Apes Urba-
nœ ) en mentionne dix-neuf ; nous
])ourrions grossir sa liste de plusieurs
autres articles tout aussi iusigniliants,
que ceux, qu'il .1 cités. Ce sont eu gé-
néral des IMcmoires sur la fondation
des églises, le martyre des Saints,
le culte des images, etc. Ses publi-
TOR
cations s'arrêtent à l'aniiec 1649 ,
qui fut probablement la dernière de
sa vie. Ses principaux écrits sont :
1. Nolœ ad velustissimam Ursi To-
gati ludi vilce vitrece iia'cutoris àis-
criptionem , Rome, i(33o , iu-4".
C'est rex])licatiou d'un marbre ,
fouillé à Rome, en iSt)! , el dans
lequel il est question d'un certain
Ursiis To5:;alus, supposé l'inventeur
d'une boule de verre ( jnla vitren ) ,
avec 'laquelle ii joua , la piemière
fois, dans les thermes de Trajau. II.
Fita dcl cardinal Ruherio de' No-
hili , ibid. , xQ'i'x . iu-4". ; réim])ri-
mée et augmentée par Barlolocci ,
ibid., 16-^5, in^'^- C'est la Notice
d'un jeune îiomme ciéé cardinal à
treize ans, et mort à dix-neuf. 11 était
le petit-neveu du pape Jules llî.
111. Le sacre grotte vaticane , cioè
narrazione délie cose yià nolahili
che sono sotto il pai>imento di San
Pietro ,'\h\à. , itiSg, in-8". L'au-
teur a profité des travaux de Jac-
ques Grimaldi et d'Alfarano. L'abbé
Dionigi a donné un recueil plus
pomplet de ces mêmes monuments,
dans un ouvrage intitulé : Sacrarum
Valicanœ hasilicœ cryptarum mo-
nw/uerefa, ibid., 1773, in-fol. , (Ig.
IV. De eminenliss. Cardinalibus
scriploribiis , ibid. , 1641 , in-4°.
A — G — s.
TORRITA (Fra Jacques DEGi.i Al-
TiMANM , de) , ouvrier en mosaïque ,
naquit, vers l'année iuo5, à Torrita,
petire ville de la Toscane, près de
Sienne. On ignore le nom de son maî-
tre; mais Yasari etBaldinucci se sont
trompés lorsqu'ils l'ont cru l'élève
d'André Ta (i, qui, né eu laiS, ne
pouvait pas avoir dirigé l'apprcntis-
saged'un artiste jouistSant d'une gran-
de célébrité en I2a5. Ce qui nous pa-
raît plus probable, c'est (pie Torrita,
engagé dans l'ordre de Saint-Fraa-
TOR 291
y ois , alla se former à Rome sur d'an-
ciens modèles, bien supérieurs à tout
ce qui sortait de l'école de Venise. A
sou retour en Toscane, il fut appelé,
en r.42j, pour orner la tribune de
Sainî-Jean , à Florence. Les admi-
aistraleurs de l'église , frappés de
la beauté de ces mosaïques , y fi-
jeut écrire que Fra Jacques était
le plus habile ouvrier de son
temps : prœ cunctis prohatus. On
cite d'autres ouvrages, dans les-
quels on croit reconnaître le style de
Torrita : mais on ne pourrait pas
l'allirmer positivement; et ce n'est
qu'au bout de soixante ans qu'on
voit reparpître le nom de cet artiste,
qui s'était de nouveau rendu à Rome,
en l'i'jp. L'absence du pape ( Foy.
Innocent IV , XXI, 280 ) , et les
troubles excités par les décisions du
concile de Lyon, tenaient cette ville
dans le plus grand désordre. Parmi
les dix pontifes qui , en un peu plus de
trente ans , s'étaient succédés sur le
trône, Nicolas III seulement avait
songé à bâtir une chapelle pour y
déposer son tombeau. Il est possible
qu'en des temps aussi malheureux
pour les arts, Torrita ait manqué
d'occasions pour déployer ses ta-
lents; ce qui expliquerait en partie
celte lacune considéiable entre ses
premiers et ses derniers ouvrages.
Ce ne fut que sous le pontificat de Ni-
colas IV, en i'.i88, qu'il travailla
dans la tribune de Saint- Jean de La-
tran, et en 1 si()4 , dans le chœur de
Sainte -Marie -Majeure, où il n'eut
pas le temps de feruiiiier une grande
mos<iïquc. Llle représente le Sauveur
environné de saints, parmi lesquels
on remaripie les jiorlraits du pape et
du cardinal Colonna ( Fof. Jacques
CoLONNA , IX , 3 16). Torrita y pla-
ça aussi le sien, s'étant déjà repré-
senté sous la figure de saint Paul,
19..
1f)'i
TOR
•lans 1.1 ii7().si»i(|uo de Saint - Jean de
Latian. Le P. délia ^ aile [Leitere
Sanesi , i , 288 ) s'est trompe en at-
tribuant à cet artiste une peinture de
la salle du conseil à Sienne. Ce ta-
bleau a été exécuté par maître Mino
de Simone , en 1 3 1 5 , vingt ans apri-s
la mort de Torrita. Deux autres his-
toriens siennois , Ugurgieri et Gigli ,
ont prétendu que ce cordelier avait
sculpté le tombeau de Boniface VIII,
élevé dans cette partie de l'ancienne
])asiiif[iic vaticane qui lut démolie
en i6o5.Ma!Ssi Torrita y travail-
la , ce ne peut cire qu'en qualité d'ou-
vi'ier en mosaïque, et en 1294, im-
médiatement après l'élection de ce
pape j car l'année suivante , qui a dû
être celle de sa mort, il était déjà
remplacé à Sainte- Marie- Majeure
par G.iddo Gaddi. Vasari, qui a
consacré un long article à Tafî, fait
à peine meirtion de Torrita, qui va-
lait infiniment mieux. Ce qui reste
de lui à Rome et à Florence sufiit
pour le l'aire considérer comme le
premier ouvrier en mosaïque de son
temps ; et c'est avec raison qu'on le
désigne comme le restaurateur de cet
art en Italie. Voy. Notizie istorico-
crilicJic di Fra Giacomo Torrita,
par l'abbé Louis de Angelis, Sienne,
i8ui,in-8o. A — G — s,
TOr>RUBIA( JosF-Pu ) , Listorio-
gra])lie des Franciscains , naquit vers
la !in du dix-septième siècle, à Gre-
nade en Espagne , oii il entra dans
l'ondi-e de Saint-Pierre d'Alcnntara.
Avant étéenvoyédans les îles i^liilij)-
pines, comme' missionaire et secré-
taire dii P. Pognéras, commissaire-
général du Mexi(|ue, les ordres reli-
gieux que ce commissaire devait i-é-
former se soulevèient contre lui, et
Torrubia, jeiéen piisou, ne fut déli-
vre' qu'après une caMtiviféde quatre
moiN,|iar le syndic-général dos Fraii-
Tor,
ciscains , qui le renvoya à Cadiîf,
S'étantrendu à Piomeetayantétérele-
védesva^ux qu'il avait faits dans l'or-
dre de Saint - Pierre d'Alcanlara ,
Torrubia embrassa celui des Fran-
ciscains , où il])arvint aux premières
dignités. Dans ses vovages en Asie,
en Amérique , qisand ses fonctions
le lui permettaient , il s'appliquait à
l'Listoire naturelle ; il lit surtout nn
recueil de fossiles très - rares En
1732 , il était gardien d'un couvent
dans les îles Philippines. Après aA oir
jiarcouru toutes les provinces de l'A-
mérique méridionale^ et après avoir
fait un assez long séjour à Canton
en Chine , il revint, en i^Sojdans
sa patrie , d'oîi il fit trois vovages à
Rome. Il mourut, en 1768, dans
le monastère d'Aracœli. Connais-
sant plusieurs langues américaines,
asiatiques et européennes , il s'était
formé uiie riche bibliothèque , et son
érudition lui avait acquis un grand
nom à Rome , aussi bien qu'en Espa-
gne. Les ])ersonnes du plus !;aut
rang venaient ie visiter dans sa cel-
lule, et Benoît XIV , par égard pour
son âge et pour ses hautes qualités,
le faisait asseoir en sa présence. I! a
public en espagnol : I. Ce'rémoniel
romain des religieux deschaussés
de Saint- François , dans In pro-
vince de Saint- Grégoire desP.'nlip-
pines , Manille, 17'iS , in-8'\ IL
Dissertation historico-politico-géo-
graphique des îles Philippines ; pro-
pagation du culte mahométan en
icelles, etc. , Madrid , 1 73(j , in-4°. ,
et 1753, in-S". IIL Traité critique,
Madrid, 1708 . in 8'. Cet écrit, di-
rigé contre un religieux de son ordre,
traite de dillérentes matières qui ont
rap])ort à celui de Saint -François.
IV. Oraison funèbre du vénérable
frère Louis , religieux deschaussé
de Saint -Franeoif dans la vieille
roR
■> Caslille , Madrid, 1707 , iii 8°.
V. ^^naljse historico- critique de
Saint - Gilles , 1738 , in-4". , VI.
Dissertation kisiorico - critico - apo-
logétique sur la pairie de Saint-
Martin de l'Ascension de Loynaz ,
Madrid, 1742, in-4". VIL Des-
cription poétique de la plante Gia
qui se trouve dans les campagnes
de la Havane , l'J^g y in-4°. VIII.
Dialogues de morale , Lcon, i65i,
iu-4°. IX. Chanson contre les
Jrancs-niacons y Madrid , 175*^ ,
iii-S". X. îtiiroduclion à l'histoire
naturelle de l'Espagne , RIadrid ,
1754, t. !'■'•., iu-i'oL; cuaHciiiaud,
avec 14 gravures , Balle , .1773 , iii-
4". L'auleur a rcimprime, à Rome, en
italien , la Gigantologia espanala ,
qui a[)partieiît à cette première par-
tie. La seconde ^ qui est restée ma-
nuscrite , a pour titre : Traité des
Insectes. XI, Chronique de l'Ordre
séraphique , Rome, 1700, in-fol.
XII. Sur le livre de V Oraison par
saint Pierre d' Alcanlara , Macjrid ,
1769. Les ouvrages ou vers de Tor-
rubia se trouvaient, en '775, à
Madrid ,dansjaLibiiotlicqi^ede J,- J,
Lopez Sedano. G— y.
\ ÏORSELLINO ou ÏURSELLIN
( Horace ) , liistoricu , ne, à Ro-
me , en 1 J45 , embrassa la rc-gîe
de saiut Ignace , se hvra de bonne
heure à renseignement, etpiofessa
vnigt ans les bciles-Jettres au collège
Romain. Ses supérieurs lui confiè-
rent ensuite la directiuji du sémi-
naire que l'institut possédait à Rome ;
<ît il contribua beaucoup à former ces
liabiies maîtres dont les talents ont
répandu tant d'c'clat sur la société.
Il remplit enfin les fonctions de rec-
teur à Florence et à Lorelte , et revint
à Rome, où il mourut, le Gavril i5ç)f),
a l'âge de cinquanic-quatre ans. Ou-
tre une traduction latine des Lettres
TOR
UQ.5
de sauit François Xavier ( Foj. ce
nom), V Oraison funèbre du jiapc
Grégoire Xlll , la Préface qu'on
trouve à la tèlc du recueil des Ha-
rangues du P. PerjnnJano , Rome ,
1 587 , in-B*^., et ({ueiques Opuscules
en vers, qui n'olCrent aucun intérêt
( I ) , on a de lui : I . ])e vild S. Fran-
cisci Xaverii libri 6 , Rome , i jqG ,
in - 4°., première édition complète.
Cet ouvrage a été traduit en français,
en italien et en espagnol, il. Laure-
tanœ historiée libri ^) , ibid., 1697 ?
in-4".; réimprimé dans divers for-
mats , et traduit en ti aurais et eu ita-
lien. Une tradition fort ancienne at-
teste, Comme un sait, que la maison
de la Sainte Vierge j'ut trans})ortce
par les anges à Lorctte. (]'«.'St la vé-
rité de ce miracle que l'auteur entre-
prend de prouver. III. De particulis
latinœ oralionis , ibid., iSqS, iu^
l'i; traité souvent reimprimé , mais
dont on ne se sert plus dans les
collèges. .Tacques Thomasius, Jean-
Conrad Scîiwarîz et Clir.-Aug. Heu-
maiin l'ont enrichi de remarques et
d'additions importantes. L'édition
de Thomasius fait partie du Recueil
de Rich. Ketel : De eleganliori la-
tinitate comparandd scriptores se-
lecti , Amsterdam, 1 7 1 3 , in-4". Ceiic
de Sclnvartz est de Leipzig , 1 7 1 9 ,
in-8". Les notes de Heumann sur cet-
te dernière édition, se trouvent dans
son Pœcile sive epistolœ niiscélla-
neœ , tome ii , 177-86. Raillel ac-
cusa Torsellino d'avoir dérobé cet
ouvrage à Scaurus ; mais il con-
fondait cet ancien grammairien avec
Ant. Schorus d'Anvers, mort à Lau-
sanne , en i55'2 , sans avoir pu-
blié le 7Vai7e qu'il promettait sur
les particules de la langue laline.
(.1 ftii .:ii li-on vira les litres aa.is le lh.i.,W
Alorcil.rd. <\r i-:,ç^.,nxT,„irllivn un nrl i.k r. H I-
i;>; siLi- les Slciuuues ilii 1'. Uuiliii yj . ce iinm ).
^94
TOR
La Monnôie à juslifié facilement
ïorseliino de cette ridicule accn-
sation de plagiat, dans ses Notes
sur les Jugements des savants , ii ,
53-], Gcl. in - 4"- IV. Nomenclator
vocum latinarum , in-<S". V. Epito-
me historiarum à mundo condito
^d ann. i5()8, Rome, in- la. Cet
abrégé de l'histoire luiiverse'Ie est
écrit avec élégance ; mais il est trop
peu détaillé : cependant il obtint un
succès que Tiraboscbi lui - même
trouve inexpliiable 11 a été conti-
nué par le P. Cli. Carail'a, Cologne ,
1649, in - 8". ; et jusqu'à l'année
i(}58, par le P. Phil. Brict {F. ce
nom, Y, 597 ). Les deux meilleures
éditions sont celles d'Ulrocht, 1708,
17(0 , in -8". Cet ouvrage a été
traduit en italien ; et il en existe
trois traductions françaises. La seule
qui mérite d'être citée est celle que
l'on doit à l'abbé Lagncan, Paris,
1706; Amsterdam, 170B, 3 vol.
in-i2; réimprimée à Paris, 1757, 4
vol. in-i"2. \J Histoire universelle An
P. Torscllino serait oubliée complè-
tement aujourd'lnii si le parlement
ne l'eût pas condamnée au feu par un
arrêt du 3 septembre 17'ii , comme
renfermant des maximespernicieuscs.
Celle circonstance peut la faire re-
chercher encore de quelques curieux.
W— s.
TORSELLO. Foy. Sanuto.
TORSTKNSON ( Lkcnard. comte
de), feld - maréchal de Suède, et
l'un dcsplus grands capitaiiies du dix-
seplième siècle, naquit en 1^9*"),
à Korsleua , chàleau de sa fo-
mille , l'une des plus distinguées
de la Siic'le. Nommé ])age de Gus-
tave-Adolphe, en 1618, il accompa-
gna ce ])ritice en Ijivonie, et assista
au siège de Riga. Gustave fut frappé
de son intelligence, de son courage,
et lui donna un avancement rapide.
TOR
]| était colonel d'artillerie , lorsque le
roi entreprit la guerre d'Allemagne ,
en i63o; et dès le commencement
delà première campagne, il se signala
])ar la prise de plusieurs villes. A la
bataille de Leipzig, il contribua beau-
coup au succès des Suédois , en diri-
geant avec habileté le feu de l'artille-
rie; il vendit le même service, en 1 63 1 ,
au passage duLeck, où un lioiiletat-
atteiguit le généra! Tilly.Torslenson
ne se distiiigua pas moins dans le
combat de Nuremberg ; mais il y
fut fait prisonnier et conduit à higol-
stadt , où il resta prèsd'un an. Ayant
été échangé après la bataille de Lut-
7.en, i! eut le commandement d'un
corps de troupes avec lequel \\ prit la
ville de Landsberg. Il passa ensuite
en Suède, sur l'escadre qui transporta
dans ce pays le corps de Gustave-
Ado! plie. La régence lui donna , en
1654, le <itre de grand-maître de
l'artillerie, et il retourna peu après en
Allemagne , où il combattit sous Bà-
nîcr. A la bataille de Witstock, il
commanda l'avant-garde. Etant de
nouveau retourné en Suède , il fut
nommé sénateur ; et après la mort
de Banier, il obtint le commande-
mort, de l'armée suédoise en Alle-
magne. Cette armée s'était désor-
ganisée ; les colonels s'étaient décla-
rés indépendants , et les soldats dé-
sertaient pour s'engager chez l'en-
nemi. Torstcnson arrive et rétablit
l'ordre par sa prudence et sa ferme-
té. Il s'avança bientôt contre les Au-
tricliiens, les délit, en i64'i, dans
la plaine de Breitenfeldt , et pé-
nétra en Bohème et en Moravie. Il
avait établi son camp dans ce dernier
pays, lorsque la régence de Suède ,
décidée à faire la guerre au Dane-
mark , lui envoya l'ordre de niarcbcr
siu- le Holstein. 11 fit celte expcdi-
lion avec rapidité , cl s'empara
TOR
non - soiileiuent du llolstein , mais
du Sleswig t't du Julland, dans l'es-
pace de quelques mois. Il se tourna
ensuite contre Ga'.las , qui l'avait
suivi dans le dessein de l'eut'erraer, le
foi ça à ia retraite et détruisit la plus
grande partie de son armée. Une nou-
velle armée autricliiennc s'ctant ras-
semblée, en 1 6 1 5 près de Jankovitz ,
Torstenson l'attaqua et remporta line
victoire décisive j il lit |(lus de qua-
tre uiille prisonniers, parmi lesquels
étaient le feld maréchal }Iatz,fe!dt et
cinq généraux, 'vîais sa santé était af-
faiblie par les iniirmités que lui avait
laissées sa captivité à Ingolstadt.
Il fut obligé de demander sa re-
traite , qui lui fut accordée en 164^-
Christine lui écrivit une lettre de
rernercîment , lui contera le titre
de comte, et lui donna des terres
cousidi-rables. Quoique .'.es forces fus-
sent épuisées, il se chargea encore,
à la demande de la reine, du gouver-
uenieut général de la Vestrogothie
et de plusieurs provinces voisines.
En i65o , il se rendit à Stockholm ,
pour assister au couronnement de
Christine; et cette princesse ayant
témoigné peu après l'intention d'ab-
diquer . il parvint , de concert avec
le chevalier Oxenstiern , à la détour-
ner, pour le moment, de ce dessem,
qu'elle exécuta cependant quelques
années plus tard. Torstenson mourut
ajirès de longues sonflrances, le -j
avril i6")4, et fut enterre dans l'é-
glise des Chevaliers à Stockholm , non
loin du tombeau de Gustave- Adol-
phe. Une inscription 1 appelle ses
vicloires. On grava , à l'occasion
de celle de Leipzig , une médaille,
ayant jiour inscription: On croit ,
Leipzig; , que tu connais mainte-
nant le couraf^c de Torstenson.
Ce fameux, général forma à l'ait
de la guerre Cliarles - Gustave , ou
TOR 295
Charles X, qui combattit souvent
à côte de lui , et qui eut toujours la
plus grande venevatiou pour sa mé-
moire. Gustave m, ayant fondé l'a-
cadémie suédoise, (it proposer pour
un des premiers prix d'éloquence
VElo}!^e de Torstenson; ce prince
concourut lui-mime , et remporta
le prix. Le Discouis , imprimé dans
les Mémoires de l'académie, a été
réimprimé clans les OEuvres de
Gustave , quoiqu'il n'eût pas d'abord
paru sous le nom du roi. La \ ie de
Torstenson a été écrite eu suédois ,
par Charles-ReinholdBercl». C — au.
TORTELLIUS ( Joannes Are-
Tisvs ), grammairien du quinzième
siècle, a joui, jiendant sa vie, de
quelque célébrité. Il était né à Arez-
zo , vers l'an i4oo, dans la famille
des Tortelli , non dans celle des Mar-
supiui , à laquelle appartenait Char-
les Arétin (1). A la vérité, Volater-
ran ( Mafi'ei de Volterra) rapproche
les deux Arétins, Jean et Charles,
pour les qualiiier tous deux nobilia
illius temporis ingénia; mais c'est
ma!-à propos que G.- J. Vossius, en
citant c& texte, y ajoute les syllabes
[i) C-barles Arétin, on dWrozzo , lié, daus cetle
vïUp de Toscane , \ers i^lçjo, et -liU de Gre^orio
>Iarsin>iiii , qtiî a 2;<jnverné Gènes an nom du roi
de France, Charles VI , devint, en i44' > secré-
laire apo.stoliqnp , el en i4'l4 scriélaire ou cb.uire-
lier de la république de Florence. Il succe'dail,
dans ce dernier eraploi , à Lt'onard Arétin ( Voy.
llRI'NI , TI, 17.0). .Auparavant il ivait été, du-
rant plusieurs années, professeur d'éloquence chex
les Flon-utins , et sVlalt brouille avec Pbllclj)he ,
qui exerçait avant lui ci'lte même fonction. Char-
les d'Ai"e7.xo uionrul en i/|53 , ayant acquis uue
renoniuiée lirlllanle : les écrivains de son siècle
l'ont fort loué. On le dit auteur de plusieurs li-
vres en langue latine, lettres, harangues et por>ips.
Vnssins l'a même compté, mais par erreur, à ce
qu'il semble, an miiubre des historiens. De tuulc-s
les productions de Cliarles, ou ne connail l.ien que
sa Iradiictioii en vers latins de la Balrachoinyo-
niacliie d'Itomi-re, imprimée à Parme, en i4o:i ,
in-4". ; le surplus est resté manuscrit. La <■ niedie
(Phdodoiiosl que lui attribue Albert d'iivb , est
de I.con-Bapli.ste Alberli. Voy. sur Chaiies Aré-
tin le Dicl. de Dayle , les /Jii<er(. lussiuii d'Ap.
Zeno, 1. 1 , p. ng-iS; ; Nicron , l. XXV , p. »f)?|-
îp8 ; Tiraboschi , XV , ,'i , I. m , c. V, n" 5o ; et
surtout Maz7urhelli, SciUl. il'Jtal., t. 1 , part. I,
•j. looo-iooG, iii-fol.
'i(,6
lOR
frutres. Philelphe écrit seulement
duc Jean était !e nccessariiisàc Char-
les; et ce mot , que Bayle a traduit
par celui de parent, peut n'exprimer,
comme l'observe Apostolo Ze'no ,
qu'une amitié intime. 11 faut s'en te-
nir au fénioigna2;e de Jean Tortelli
lui-même, qui n'appelle Charles que
son compatriote, conterraneus ; ce
n'est point ainsi qu'on désigne un
frère. Il était parent et ami du béné-
dictin Jérôme Aiioii, qni , dans une
lettre que possédait Zcno avec d'au-
tres écrits dî! même religieux , dit que
Tortelli a étudié la théologie à Bo-
logne, sous un professeur de l'ordre
de saint Benoît , et qu'il a fait un
voyage en Grèce. Nous apprenons ,
par les propres paroles de Tortelli,
qu'il a vu à Coustantinople un très-
beaii manuscrit de Dioscoride ; et
l'on ajoutera qu'il en a rapporté un
Thucydide, si l'on tient pour avéré
ce qu'en dit Jac. Camérarius , dans
l'édition de cet historien publie'e à
Bàle en 1040. De retour dans sa
Tille natale d'Arezzo , Jean y avait
obtenu la dignité d'archiprêire de la
cathédrale , lorsqu'il se rendit à Ro-
me, muni de lettres de recomman-
dation qu'Alioti lui avait données
pour divers personnages, et sjiécia-
lement pour Torquemada. II devint
sous-diacre de l'itglise romaine , sous
Eugène IV, dont le pontificat s'ou-
vre en 143 1 ; et dans la suite camé-
rier d'honneur , conseiller, secrétai-
re de Nicolas V . qui a gouverné l'E-
glise depuis 1447 i"squ'cn 1455. Ce
pajie lui avait confié le soin de sa bi-
bliothiqiic, (|ui a été le pren)ierfond.
de relie du Vatican. I/a mort de Ni-
rolas fut un malheur pour l'orlelli :
h cette occasion , Grégoire Ti[)lier-
iins ( Fojcz XVni , 434 , 435 ^ lui
.uircssa une élégie latine. Bien d'au-
tres littérateurs lui avaient ofix-i t
TOR
leurs hommages. Grammairien, l'hé-
leur, philosopheetthéologien, 1! avaij
la réputation ou le crédit d'un savant
du premier ordre. Les lioinmes du
monde et les gens d'église estimaient
surtout la douceur de son caraclcre^
raménitcdcses mœurs, le ton poli et
biem^eiliant de ses entretiens. 11 n'é-
tait pas querelleur, hargneux , sati-
rique , comme la plujiart des lettrés
de son siècle. On croit pourtant que
ses contemporains ne l'ont tant loué
que parce qu'ils le voyaient en faveur
à la cour pontificale. Quelques -v.ns
ont rétractéles éloges qu'ils lui avaient
prodigués. Philelphe, par exemple,
après s'être rangé parmi ses admua-
teurs , a fini par le traiter d'ignorant.
« C'est , dit - il , un grammairien si
mal-à-propos vanté, qu'en voulant
se montrer habile en grec et en latin,
i! fait voir seulement qu'il ne sait ni
l'une ni l'autre de ces langues. » Mais
Pliilelphe ne s'exprime ainsi qu'en
1473, sept ans après la mort de Tor-
telli , qui avait cessé de vivre en 1 466.
Cette date est celle d'un acte qui con-
fère l'abbave de Saint-Janvier de Ca-
poîone au diocèse d'Arezzo, laquelle ,
esl-i!dit,vcnaitdc vaquer par sondé-
cès , per ohilum D. Joannis Tortelli
Aretini siibdiaconi domini papœ. II
n'est tant soit peu connu que par ses
livres de grammaire. On lui a cepen-
dant attribué (|uelques autres écrits,
entre les(picls nous indiquerons d'a-
boi d ui;e HistoirCidc la médecine et des
m('decins. Apostolo Zéno , qui l'a lue
manuscrite , en cite les premiers
mots : Càm his diehiis Homerum le-
gerem (ces jours- ci , en lisant Ho-
mère, etc.), et l'un des derniers ar-
ticles , celui qni concerne le fameux
Taddco degli Alderotti {'i). Jaccpies
de H( rgame et Trilhcmc disent que
(») L'un (It's médecins les plus ccU-bres en l(a-
lic iiu treizième siècle fut Taddco, fils d'Aldcrolto.
TOR
Torleili a traduit en latiu l'iiistoiieii
grec Appien ; mais Fabriciiis assure
que cette version n'a jamais été im-
primée ; et Zéno n'en a rencontré au-
cun manuscrit. On a plus de motifs de
Je croire auteur d'une \ ie de saint
Zcnobius , évèquede Florence au qua-
trième siècle, qui est insérée dans le
recueil de Surius , au 5 mai. En ellet ,
le rédactetir est désigné par le nom
de Jean , archiprélre d'Arezzo ; et il
a y dit-il, assisté à la translation des
reliques du saint prélat, qui s'est fai-
te en 1439. D'ailleurs Tortelli est ex-
pressément nommé en des notes ma-
uu-crites . citées par Zéno , et relati-
ves à cetle légende. Toutefois les Bol-
landistesue Font pas trancrite: ils en
ont extrait seulement la relation delà
translation des reliques. Mais ils ont
employé et n'ont point hésité à don-
ner pour un ou\ rage de Turtelli une
Vie de saint Athanase, qui avait été
déjà imprimée, tant en i52o,àParis,
chez Jean Le Petit , avec quelques
Opuscules de ce saint docteur, qu'en
iSjj , à Mayence, dans Vllagiolo-
gium de Vicelius. Paul Jove dit que ce
n'est qu'unepuretraductiond'un livre
grec,etVossiusprète]emêmelangage
à Volaterran , qui dit simplement qiie
Sa vie, un peu falm'euse , a élé écrite par Fillppo
ViUani. Taddeo con.iueDca, vers i^Go , à profes-
ser la mederine ^ Bologne, tt composa d?s coiu-
menlaires sur Hippocrate et sur Galien : T/im'-
dai expositionrs in nplicriimoi Ifyppocialii ; f- e-
netiii , Junt. 1627 , jn-/ô/. In O'aleni arfem par-
vam ; Xeiipol., i529. , in-tol. Son traita d'HvsiJ'ue
est reste manuscrit. dans la Kihliollirqiie du Vati-
can. II avait aussi traduit en italien la Morale d'A-
nslotP, ainsi qu'on le rolt par un passage du
Dante (Cunviv. p. (JS ^ , où celte version est cri-
tiquée. flnusuUé de toutes pai Is comme un oracle,
ce médecin acquit d'immenses richesses ; il se fai-
sait payer fort clier .«es réponses, ses visites et ses
soins. On .^ssure. et Torleili est l'uo de ceux <jui
donnent ces de Jails , qu'appelé' auprès du pape Ho-
norius IV , qui eiait loml.r malade, railùeo ui- de-
manda pas n-.oins de rout durais par jour , et que
cette cure lui valut dix mille ducats , ce iiui nous
seDible, conuue à Tiraboscbi.fort exaserc. Il nu)U-
rnt en laq';, plus qu'octogénaire, et fut eulerre' ."1
Sologne; il éUit né a Florence. ( Vov. MaDget, Bi-
bibliolheca lUeUicor. , t. IV, p. 35» :"Tirab. t. IV
I. II, c. tu, n"*. 10 , II, lï et i3. '
TOR
'-^97
Tortellius a écrit. cojiscripsit, un trai-
té de l'orthographe et une vie de
saint Athanase. C'est, en réalité, un
ti.ssu d'extraits d'F.usèbc, de Socra-
te . de Sozomine, de Théodoret et
du ?Jétaphi'aste: Tortelli s'était char-
ge de ce traA'aii à !a demande d'Eugè-
ne IV. Ln version qu'il a rédigée de
l'Homélie de saint Chrysostôme sur
le psaume Miser tre se conserve , en
manuscrit , à la bibliothèque Lau-
rentiane. Peut-être même a-t-il com-
posé aussi une vie de ce père de l'é-
glise, et de plus celle de saint Gré-
goire de Nazianze. Montfaucon les
a trouvées réunies, l'une et l'autre ,
à celle de saint Athanase, dans un
manuscrit des chanoines réguliers de
Fiesole ; c'est du reste l'unique men-
tion qui en ait clé faite. On manque
encore plus de renseignements sur tes
deux livres de Dialectique et sur les
Lettres diverses, que Trithème attri-
bue à Torleili . outre d'autres pro-
d'actions qu'il n'indique point , et
qu'il comprend sous la formule et
alia.hes livresde grammaire de Jean
Arétin , ont été diversement désignés :
Depotestate litterarum , De ortho-
graphia, Lexicon , Commentario-
rum grammaticoriim libri duo; et
quelques bibliographes en ont fait
autant d'ouvrages distincts. La Mon-
noie et Zeno ont dissipé cette erreur:
ils ont monlré que ce qui est appelé
lexique par ?.îagius , orthographe
par Yolalerran , valeur des lettres et
des mots ]iar Paul Jove , commen-
taires p,ir Gesncr , n'est qu'une seu-
le et même coii;pilation, divisée en
deux parties ; la première contenant
un traité dos lettres de l'alphabet ,
de leur nombre , de leurs figures , de
leur prononciation , etc. ; et la deu-
xième, un catalogue alphabétique de
mots latins. 11 y en a deux éditions
de i47i; în-folio^ l'une de Rome,
298 TOR
l'autre de Venise. Dans la dédicace
de celle de Rome, l'éditeur, Adam
de Montalte , s'exprime eu ces ter-
mes : Existiniavi ut ojms.... exci-
tarem in lucem; et l'on conclut de
là que c'est la première édition. La
bibliothèque de Sainte Geneviève en
possède un bel exemplaire. Les sui-
vantes sont de Trèvise, i^']'], Vi-
cence, «479 et 1780; Venise, i4^i,
84 , 87 , 8;S , 9'.>, , 93 , 9 ji , 9G, 1 5 j I ,
i5o4 , toutes in-folio. Les dernières
renferment des corrections ou notes
critiques de Georges Vaila. Laurent
Valle a donne aussi beaucoup d'at-
tention à cet ouvrage : il avait mê-
me conçu une si haute idée de la
science grammaticale de Tortelli ,
qu'il soumettait ses j)ropres écrits à
sa censure, et qu'il lui a dédié ses
six livres d'Élégances de !a langue
latine. Des bibliographes ont énoncé
ce dernier fait d'une manière fort
inexacte; ils ont dit : « ïortcllius
» Valioeamicissinms. ad quem Eîeg.
» linguse lai. sexhbrosperscripsit ; »
ce qui semble dire, comme l'a re-
marqué Bayle , que Tortellius est
l'auteur de ce traité. Le sien . quoi-
que si souvent réimprimé , de 1 47 1 à
I ■'")o4 , a l)ien moins de videur , et ne
peut servir aujourd'hui qu'à nous re-
tracer l'état de ce genre d'études au
milieu du quinzième siècle (11 y ades
articles sur Tortellius , dans le Z?ic-
</o/;««/re de Bayle, dans les Disser-
ta zioni vos siane d'Apostolo Zcno( t.
' , ]). 1 4^-1 51 ) , dans les Mémoires
de Niceron, t. xxv, p. .>,()^-3oi ).
D— N— u.
TOPvTI ( François ) , médecin , né,
à Modène, en iG.-)8, et mort en
17'i I , eut de s(ui vivant, et après sa
mort, une grandect piste r'''|)ut;<lioii.
II quitta l'élude de l.i jin i^pi udcnce
pour celle de la nu^drcint' , et reçut
le litre de do«-teur dans l'université
TOR
de Bologne , en T678. A peine âgé
de vingt-trois ans , Torti obtint à
iModène une chaire de médecine.
Ramazzini ( Voy. ce nom ) fut en
même temps nommé professeur ^
et tous deux, après avoir bien vé-
cu ensemble , se brouillèrent , et
n'en illustrèrent pas moins l'école
naissante à laquelle ils se trouvaient
attachés. Le duc François choisit
pour SOS médecins ordinaires Ramaz-
zmi et Torti, dans In société desquels
son esprit orne trouvait beaucoup
d'agrément. A la mort de ce prince ,
en 1694 , son successeur conserva à
Torti le m'une emploi près de sa
personne , et fonda , à sa sollicita-
tion , un amphithéâtre pourvu de
tous les moyens nécessaires pour l'é-
tude et l'enseignement de l'anatomie.
Torti publia en 1709 son ouvrage
sur les fièvres pernicieuses , qui l'a
mis au rang des grands praticiens. Il
n'eu eut pas moins, le reste de sa vie,
a défendre celte production contre les
attaques de plusieiu's médecins qu'il
réduisit au silence. Torti avait des
talents de plus d'un genre : il com-
posa dans sa jeunesse des Oratorio
qui eurent Ijeaucoup de 8viccès. 11
faisait des vers , et maniait habile-
ment la critique. Des infirmités pré-
maturées le forcèrent d'abandonner
l'enseignement et de cesser de voir
des malades. Cependant il était con-
sulté de toutes parts. Sa vieillesse
fut signalée par ses libéralités envers
le>. indigents . et il fonda une chaire
de médecine. Torti mourut en mars
1 74 1 • J. Jaltici et G. Araldi ,ses élè-
ves, lui (iront ériger un sup-'-rbe tom-
beau , et F. Ferraii, son successeur
dans la rhairc de médecine pratique,
réiHii à îî. Sassarini . lit placer son
buste on marbre dans l'amphithéâtre
lie ModJ-nc. IVfinatori a écrit la \ ie
de Torti. Ou a de lui : /. Thvraïu'U-
TOR
tice specialis ad fehres quasdam
perniciosas , iiiopiiialo ac repente
lethales , und vero chind-chind
pecidiari mcUiodo miTÙstraid , Mo-
dène, incg , in-8°. ; iliid. , l'jr'.et
1700 ,in-4". ; Venise, i-jSsiot i-j/p ,
in-4". ; Leipzig, \']5(S , in 4"- ; 1-'""'
vain, I --81, 2vol.iii-8'J. . édition clans
laquelle se trouve la réponse à Ba-
inazziui. Cet ouvrage est le meilleur
de tons ceux qui sont sortis de la
plume de Torti. II. Eesponsiones ia-
tro-apolos,elica' ad criticam dis-
sertationcm de ahiisii chinœ-chinœ
Mutinensihus medicis perperam ob-
jecta à Bçrnardino Raniazzivo, IMo-
dène , 17 i5. ]\\. Miiiinensiiiin me-
(Ucoritm metliodus anlipjicdcavin-
dicata , nve ad nonnuHorum scrip-
tioncs eidem methodo succensentcs
notœ Furantis Ferrarii , Modène,
1819 Torti a concouru à la rédac-
tion des Eplie'mérides et aux Ira-
vaux de Ramazzini sur le baromètre.
On trouve aussi , dans les OEuvres de
J. J. Ursius, une Lettre deTorti écrite
en latin sous le nom de L. A. Cotta.
C'est une apoloç^ie du Tasse , dirigée
contre le P. Bouhours. D — g — s.
TORTOLETTl ( Bautuei.emi ) ,
poète, né, à Vérone, vers l'année
i5(3a , étudia la théologie, prit les
ordres et vécut à Rome sous le punti-
iicat d'Urbain VIII. Il fut très lié
avec Allacci , qui nous a donné un
assez long Catalogue deses ouvrages.
Il appartenait à l'académie des Hu-
moristes , dans laquelle il prononça
jusqu'à huit discours pour défendre
le grand Pompée contre les accusa-
tions d'Alexandre Guarini. 11 entra
en lice avec Villani , auteur estimé
<le deux Satires latines sur les nucurs
de Kome {F. Nicolas Villam). Loin
de l'emporter sur son compétiteur,
il en releva encore le mérite par la
faiblesse de l'attaque. Torlolclti
TOR
299
composa aussi des Mémoires sur la
révolution excitée par ie duc d'Os-
suna ( T'^oy. ce nom, XXX , 9,12 ).
dette relation, à laquelle il avait
donné le titre de Moins Ossunianus
Neapoïilaniis , parut, à son insu ,
à Venise: il en fut tellement irrité,
(|u'il ne voulut pas communiquer au
libraire des notes importantes qu'il
avait rassemblées pour une nouvelle
édition. 11 mourut à Rome peu après
l'année 1647 , dans un âge très-avan-
ce. Ses principaux ouvrages sont : I.
Ossuniana conjuratio , qud Fetrus
Ossunce regnnm neapolilanum sibi
dcsponderal ( V^enise ) , i()23 , in-
4". , anonyme. II. Ghiditta viltovio-
irt,po('me liéro'ique. Rome , i6i8,
in 4° 7 'ig- lll- JuditJia vindex et
vindicata , ibid. , i().).8, in-4''- C'est
aussi un poème en cinq clianls, et en
examètres latms, sur !e même sujet
quele précédent. 11 est suivid'un long
commentaire en prose, qui n'est qu€
l'apologie de l'ouvrage. IV. Ad sa-
tjram Du Festram Fivem , An-
tisatyra tyberina; et Actio ajndoge-
tica adversàs satjrani Du , etc. ,
Francfort, i63o,in-8'^'. La seconde de
ces pièces n'estqu'un discours en pro-
se, contenant à peu près les mêmes
idéesque l'auteur avait déjà exprimées
dans la Contre-satire. V. Acade-
mia Pompeïana seii defensio Magni
Pompei, in adniinistratione belli
civilis , Rome, i(i3ç) , in-8". VI.
Laiirus Gallica , ad J. cardinalem
Mazarinuni , Paris , i()4'] , in 4°' H
a doimé aussi quelques pièces aw
tlieatre. A — «i — s.
TORY ' Geoffroy ) , en latin To-
rinus , libraire et graveur, était né,
vers 1480, à Bourges, de parents
pauvres et obscurs (i). H apprit ce-
jOC'rsl liM-ni.'inr .|iil nous ;,|,pi-.ii.l .|.ill<-st
ne He- (>ctils cl limiil.lr.'i parciil.s , cl p.iin ri-s <?e
l)irii^ radii(|u<-5, Clompjlrury, y ■>. , rd. in-l'ul.
3oo
TOR
pendant les éléments des lans^iics an
ciennes et acheva ses études à Paris,
au collège du Piessis. On sait qu'il
cultiva, des sa jeunesse, l'art dndes-
sin , et qu'ayant eu l'occasion de vi-
siter l'Italie , il s'arrêta quelque tem ps
à Rome, où il suivit les leçons du
collège de la Sapience, et se perfec-
tionna dans le dessin par la copie de
l'antique r-i). De retour à Paris, il
entra, comme relent, au colie>e de
hourgognej et en lôot) devint 1 un
des correcteurs de l'imprimerie de
Henri Esîienue. C'est à lui qu'on doit
la révision du Psalterium quintu-
ple x { Foj-. Febvre d'Estaples );
de la Gosmogruphie d'iEiieas Sy\-
vius (Pie ]T): du Recueil d'iiistoires
d'JriJiiiis deVilcrbe( i5i i ,iii-4"/;
et de Vlûnéraire d'Anîoniu ( 1 5 12 ,
in- 16 ). Il orna cette édifiun àeVlïi-
néraire, dont on connaît des exem-
plaires sur vélin, d'une Piéface et
d'une Epitre à Phiiib. Babous , sou
compatriote et son protecteur, ild-
mis, en i5i'.>. , dans la corporation
lies libraires de Paris ( F. le Cat.
de Loitiii , 1 , 1 7) , il s'appliqua bien-
tôt à perfectionner les caractères de
Jossc Badins , et il forma Garamond ,
l'un des plus célèbres graveurs eu
ce genre ( P'. ce nom , XV 1 , 4-^4 ).
Dès 1 JiG , il obtintun privilège pour
l'impression iVHcures à l'usage de
Rome cl de Paris, décorées de lettres
ileuries, d'estampes et d'arabesques
de son invention, (pi'il exécutait lui-
ïucme avec beaucoup de goût. Une
fouîcd'auleuis, parmi lesquels il suf-
fit do ciîer La Caille ( I/isl. de l'im-
prim. , (,H) et ]VIailtaire( Annal, ty-
po^r., M, 55o), assurent que Tory
était iuiprinieiir à l'ariseu t/îcif). Ils
se soutlromjiés, au luoins sur la da-
te, puisqu'eu i53o, comme on le
it) y . CtiuiHiitlvur) , lui. m cl X.XXVIII.
lOR
verra ci-dessous, Tory se servait en-
core des presses deColines pour l'im-
pression de ses propres ouvjages.
Papillon ( Traité de la gravure en
bois ^ 1 , 194 ) , cite un ancien livre
in-8°, orné d'estampes, à la lin du-
quel ou lit : Parisiis ,ex officind Go-
toj'redi Toriniregii imprcssoris, an-
no salutis i53i. 8i l'on pouvait
s'en rapporter à l'exactitude de Pa-
pillon , iln'y aurait plus de doute que
Tory n'ait réellement été imprimeur
et même du roi; mais comme il ne
donne point l'intitulé de cet ancien
volume in- 8". , wn ne peut pas véri-
fier s'il en a copié Jidèlement la
souscription. Aucun autre auteur
n'a cité d'ouvrage sorti des presses
de Tory. Lottin ( ibid. ) ne l'a point
classé parmi les imprimeurs de Pa-
ris au seizième siècle. On en doit con-
clure qu'il n'a jamais été que librai-
re, comme il se qualifie à la fin de
tous les ouvrages que nous avons vus
de lui jusqu'ici. Son enseigne était
un vase antique , percé d'un foret et
placé sur un livre clos à trwis cbaî-
nes et cadenas (3), avec les mots
non plus , auxquels il donne le sens
de rien de trop. La brisure de ce
vase l'a fait surnommer ])ar les ama-
teurs d'estampes le Maître au poL
c«we. Cependant il n'est ])as certain
qu'il ail gravé lui-même. La plupart
des estampes dont ses livres sont or-
nés portent la double croix ou croix
deLorraine, marque de Pierre Woe-
iiot , graveur lorrram ( F. Woe-
RioT% Suivant Papillon (t7> i , ^09),
Tory mourut en 1 530. La Mouiutyc
doutait qu'il eût vécu jusque-là. Ce-
pendant Lottin ])lace sa mort en
i55o; et il n'est pas étonnant qu'il
ait poussé sa carrière jusqu'à cette
époque, puisqu'il ne devait être âgé
(3) U (loniir l'iiplicnlion lie sa uiunmc il di' .-,i
tltVJM', iOi<l.,(<i\. XJ.lli.
ÏOR
qr.c d'environ soixante-dix ans. Ca-
liieiinot, son compatriote , lui a
composé «ne ëpitaphe très-lionora-
blc que La Caille ( ibid. ) et Maittaire
(il, jj-) ont rapportée. C'était nn
])on Jiomqie , inslruitpour son temps ,
fort désireux de voir Ja langue fran-
çaise se maintenir dans sa pureté,
par conséquent grand ennemi des
forgeurs de mots nouveaux. Il comp-
tait parmi ses protecteurs ou ses amis
.Tean Grollier [ F. cenom, XVIII ,
522) , qui l'employait à décorer sa
bibliothèque (4) 7 ^^ h-e^r^ René Mas-
sé, de Vendôme , chroniqueur du roi,
lequel lui communiqua grand uom-
bi'e de vieux auteurs français (5).
Tory a traduit en français , mais
d'après des versions latines, quoi-
qu'il sût le grec : les HisrogljpJws
d'Orus Apollo(6) ; la Table de l'an-
cien philosophe Cebès , avec trente
Dialogues moraux de Lucien, Pa-
ris, 1029, deux part. in-l6j les
Politiques on civiles institutions
pour bien régler la chose publique,
])ar Plutarque, Paris, i53o,iu-8'^.;
Lyon, i534 , in-i6j la ^Touche
de Lucien et la Manière de parler et
de se taire , in-8". ( Cat. de la Bibl.
du roi, z, 19 18). Il a traduit du la-
tin le Sommaire des chroniques de
J.-B. Egnazio ( F. ce nom ) , Paris ,
i52o, in-8>^. Enfin o\i a de lui: Epi-
taphia sevtem de aliquot passioni-
bus , Paris, Sira. de Colines, i53o,
in-B". La Monnoye lui rej)roche d'a-
voir employé, dans cet ouvrage, des
(41 « (^c fut le siniveuir de quelque lettre anti-
que qTie j'avais , di!-il, naguires falcle pour la luai-
.son de Tiioiisi'iguenr le trésorier des guerres ,
maître Jéban Oroslier , qui me donna l'idée de
coinpo.'ier imm Champjlcurr; ii i) le cominenra le
jour de la fête aux rovs que l'on coranluit i5a3
ihid. , fol. I. " '
(5)11 donne la liste des auteiirs que lui avait
prêles frère Massé , ifciV/. , fol. m et IV.
((i) Il parle de celte translaliou ( iliid. , fol. ^3) ,
ilnnl il lit nn présent à un sien seinnenr et hnn
.jtiii ; ruai» on i^^iiore si elle a rie imprimée.
TOR 3oi
mots inconnus dans la bonne latinité
{Menagiana iv , 84 ) ; mais on ne
peut pas présumer qu'un homme si
jaloux de la pureté de la langue
française se soit relâché de ses prin-
cipes en latin; et i! paraît que son
but a été de se moquer du néologis-
me de V anteuv du Songe de Poliphile
(P^.¥r. Colonna,IX.5h)\ en fei-
gnant de leprendre pour modèle. Mais
de tous les ouvragesdeïory ,]eplus
remarquable est le suivant : Champ-
Jlenry , auquel est contenu l'art et
science de la due proportion des
lettres attiques , qu'on dit autre-
ment antiques, et vulgairement
lettres romaines , proportionnées
selon le corps et visage humain,
Paris, 1329, petit iurfol., fig. , réim-
primé sous le titre de l'^rt et science
de la vraie proportion des lettres
attiques, etc. , Paris, i54q, in-80.
Ces deux éditions sont également ra-
resj mais la première e.st la plus re-
cherchée des amateurs. Cet ouvrage
est divisé en trois parties. Dans la
première , après avoir fait l'histoire
de son livre et l'apologie de la lan-
gue française , l'auteur traite de l'in-
vention des lettres. Dans la seconde,
il parle de l'alphabet latin, du nom-
bre et de la forme des lettres dont il
se compose , et de leur proportion
avec le corps humain. Il établit que
toutes les lettres latines dérivent du
nom de la déesse lo ; ce qu'il jirouve
en montrant qu'elles sont toutes for-
mées d'une ligne droite et d'un cer-
cle , c'est-à-diie , d'un i et d'un 0,
En les divisant en dix lignes, ce qui
est la due et z^raie proportion des
lettres, il trouve des rapports entre
ces lignes et les noms d'Apollon et
des neuf mu.ses ; preuve que les let-
tres sont la clef des arts et des scien-
ces ( F. le Manuel typogr. de Four-
nier, averli.ssemeiit ,xii I.I.e troisiè-
TOS
TOS
me livre traite tle la prononciation sontemps, et sont presque tous oubliés
de chaque lettre; et ce n'est pas le de nos jours. Toscanella ne fut pas le
moins curieux. L'ouvrage est terminé moins infatigable de tous cesfollicu-
par un petit traite des langues lié- laires qui inondèrent l'Italie pendant
braique , grecqueet latine , avec leurs le seizième siècle , et qui , à force de
alphabets. Enlln il a fait procéder de s'cntre-louer , finissaient par se faire
quelques explications on/x' planches une réputation. La !i4e de ses ou-
représentant les alphabets des lettres vrages se compose à-peu- près de
cadeaux ou quadreaux (anciennes quarante articles; et pour la quanti-
capitales ) des lettres de forme, bâ- té, il n'y a que Ruscelli^DoIce etDo-
tardes,tourneiues; un alphabetprc- menichi qui puissent entrer en con-
tendu des langues persienne , ara- currence avec lui. L'Arétin (/.e«cre,
bique, africaine, turque et tarta- liv. vu , p. 249) l'appelle Za /«mière
rieune, en une seule planche ;ralpha- et l'honneur dt Castel Balclo , pe-
bet chalda'iquc ; l'alphabet goffe, au- tite ville entre Vérone et Padoue, où
tremcnt impériil oubullalique , par- Toscanella remplissait modestement
ce qu'il était à l'usage des chancelle- les fonctions de précepteur. Il alla
riesdeRomeetd'Allemagne; l'alpha- ensuite s'établir à Venise, et il y
bet fantastique ; l'utopique tiré de épousa une dameqiii lui apporta cent
l'Utopie de Thom. More ( T'oy.ce c?i/c«f.s- en dot. C'était beaucoup pour
nom ) ; l'alphabet des lettres fleuries, quelqu'un qui avait été oblige d'em-
et enfin des modèles de chiflres ou prunter à sa servante de quoi payer un
lettres entrelacées. Cette analyse ra- mémoire d'imprimeur. Il mourut en
pide doit suillre pour dunner une laissant à ses exécuteurs testamentai-
idée de l'ouvrage et justilier l'em- res , Recanati et Celio Magno, le soin
pressement que les curieux mettent à d'acquitter celle dette. IN on content
se le procurer. Outre les auteurs ci- de tout ce qu'il avait publié de son
tés dans le courant de l'article, on vivant , il recommanda qu'immé-
peut consulter, sur Toi y . les ^n'^/jo- diatement après sa mort on mît
thèqiies de Lacroix-du-Maine et de sous presse une Histoire universelle ,
Duverdier. W — s. divisée en plusieurs livi es , et qu'il
TOSCANE (Ducs de\ T^oy. Bo- destinait au grand -duc de Toscane.
MFACE, MÉDïCis et LÉoPOLD. 11 Ic'gua à sa servante la moitié des
TOSCANELIi.A. ( Horace), litté- bi-nélices de celte publication pos-
rateur, ainsi appelé du nom d'une thume; mais n'étant pas habitué à
petite ville siUu'e entre la Toscane et gagner avec les libraires, il ne comp-
les étals de l'Église , naquit vers le tait que sur le produit de la dédicace,
comnieucement du seizième siècle. Il Ce testament porte la date de iTi-jç);
apliarlenait à une famille distinguée; ou ignore celle de la mort de Tosca-
et l'on ne sail pas ce qui put le dé- nella. Ses principaux ouvrages sont :
cidcr ,i vivre loin de sou pays, dans 1. Ucllorica ad Erennio di Cicero-
un étal bien voisin de 1' indigence, ne ,ridotta inalhcri ,\a)i^c , i56\.
C'est peul-ètre à ces eireoiisîaiices et in - f\". 11. Prontuario di voci vol-
à sa qualilé de pédagogue qu'on doit f^ari c latine, ibid., i5()5,in-4"- HE
Ifi grand nombie i\r traductions et Nuove Icoric de' pianeti , U:n\. du
d'ouvrages élémentaires (pi'il a corn- latin d»- Peurbach, ibid. , i'ï()() , iu-
posés. llscuicntbcaucoupdevogucdc 8".j ouvrage inconnu à Paitoni cl à
TOS
Argelnli. IV. Istituzioni nratorie
di Qiiintiliauo , Irad.dii latin ,ibit1. ,
15(16, in -4°- V. Traltato in ma-
teria di scHveresloria , ibicl. , 1 5(17,
in- 8". VI. Nomi antichi c inoderni
ddle provincic , città, etc., dcW
Europa , ytfrica eâ Jmtrica , ib. ,
15(3-, in-8». VI!. Gioje istoriche
aggii'.nte alla prima parle dtlle
Vite di Plutarco , ibitl., i568, in-
40. VIII. jÇeZZecse dd Furioso, con
gli argomenti ed allégorie de' can-
ti, ib., 1 574 , iii-4"- ' 'iS- ^X- J''^^'-
citazioni rettoriche di Quintiliano ,
trad. du latin, ibid. , i:'iH(3 , iii-/j<^.
Voy. Fontanini : Eloquenza italia-
7ia , I, 87. A G S.
TOSCANELLI Paul del Pozzo).
ou Faul le Physiden , astronome ,
ne, à Florence, en 1897 . assistait nn
jonr à un souper d'amis , oîi il en-
tendit HrnneJlesclii ( Pof. ce nom ,
VI, 110 disserter savamment s'.ir
la géométrie. Séduit par ses disconrs,
il le pria (!e le recevoir au nombre
de ses disciples, et dès-lors il se livra
avec ardeur à l'étude des mathé-
matiques. Il en lit bientôt raj)pli-
cation à l'astronomie : il cultivait
en même temps les langues savan-
tes ; et tant de connaissances dans
lin jeune homme de trente ans , lui
valurent, en 1 4t>.8 , l'honneur d'être
choisi parmi les conservateurs de
la bibliothèque que Nicolas Niccoli
( Foy. ce nom , XXX , 'io8 ; pla-
çait sous la tutelle des plus il-
lustres citoyens de Florence. La lec-
ture des Voy;iges de Marco Polo av^it
exalté l'imagination de Toscanelli,
qui comparait les récits de ce voya-
geur avec les renseignements qu'il
se procurait en questionnant les nar-
chands riunois et tartares qui af-
fluaient dans la Toscane,dcvenue l'en-
trepôt du commerce desitalicns avec
l'Orient. Il eut, entre antres , un eii-
TOS Zoi
trelien avec Nicolas de Conli ( F. ce
nom , IX , 514), qui, après nue ab-
sence de vingt - cinq ans , revenait
des Indes, pour imjilorer du pape
Eugène iV le pardon de son aposta-
sie. Rêvant sans cesse à son projet
favori d'une communication facile
entre l'Europe et l'Asie, Toscanelli
conçut le plan d'une navigation oc-
cidentale. Des obstacles sans nombre
s'opposaient à l'exécution d'une ])a-
reille entreprise. Les marins n'o-
saient pas encore se conder à l'Océan,
malgré l'invention de la boussole et
l'usage de l'astrolabe. Les pilotes
les pins expérimentés côtoyaient ti-
midement les rivages de l'Atlan-
tique , dont ils mesuraient avec
frayeur l'étendue ; ils se bornaient
à observer les phases de la lune pour
calculer les marées , ou à prendre
chaque jour la hauteur du sofeil , et
à se diriger sur les Ourses pendant la
nuit. Rien n'était encore préparé pour
conduire les vaisseaux sur des mers
inconnues , lorsque Colomb entra en
correspondance avec Toscanelli pout
la découvertedu Nouveau-Monrle ( i ).
Un chanoine de Lisbonne , nommé
Ferdinand Martinez , à son retour
d'un voyage en Italie, parla au roi
( F. Alphonse V , tome 1 , p. GSa )
du mérite et des projets de Tosca-
nelli. Ses paroles iirent une forte
impression sur l'esprit du monarque,
qui le chargea de consulter l'astro-
nome florentin sur les découvertes
des Portugais , et sur la nouvelle
( i^ Dans la leUre que ToscaiieHi envoi^-a à Cn-
loiiil', el(iui porte la dulc du 9.5)11111 \!\'jt\,\\(i\i qu'il
a (ilileiiu beaucoup de reuseîjJîMemeuts de l'amiias
sudcur du grand kaii qui s'était rendu auprès du
pape Eugène IV , pour lui faire couiiaitre l'at-
Jiichemenl aue les princes et les liabilanls de
son pavs avaient pour les catholiques, 'roseau**!!*
ajoute que cet amliassadeur, avec lequel il rau.'.:i
fort long-temps , lui donna dis détails sur la ina-
Rnificeiice de son souvei-ain , sur les grands ileure*
qui arrosaient sou empire , sur les villes , el<;.
3o4
TOS
route proposée pour arriver aux In-
des. Toscauelli, dont les idées étaient
déjà arrêtées sur ce point, accom-
pagna sa réponse d'une carte bydro-
grapliique, sur laquelle était mar-
quée une ligne depuis Lisbonne à
l'extrémité occidentale de l'Europe ,
jusqu'à Quisai (Hau cheou), sur les
conlins opposés de l'Asie. Cette ligne,
subdivisée. en vingt-six espaces, de
deux, cent cinquante milles chacun ,
portait la distance totale entre ces
deux villes à 65oo milles ; ce qui ,
selon Toscanelli , faisait à-peu-près
le tiers de la sphère , c'est-à-dire
120°. Si ce calcul avait été exact,
Jes avantages de la navigation occi-
dentale sur l'ancienne route eussent
été incontestables. Mais Toscanelli ,
remplide la lecture deMarco Polo (a),
avait adopté les rêves de ce voya-
geur sur le prolongement excessif de
l'Asie vers l'Orient ; et eu établis-
sant son système d'après une don-
née aussi fausse , il ne comptait
que 120°. là où il y en avait 280.
D'ailleurs il ne tenait aucun compte
du continent américain, dont il ne
soupçonnait nullement l'existence ,
et qui aurait opposé une barrière
insurmontable à ce voyage direct de
l'Evirope au Cathaj. Cette erreur
faillit devenir fatale à Colomb , au-
quel Toscanelliavaitcommuniquéson
plan par une lettre du 23 juin i474 •>
et qui n'était qu'un duplicata de
celle qu'il avait envoyée à Martinez.
Si , en appareillant des Canaries ,
ce grand navigateur lit tous ses ef-
ÏOS
forts pour se rapprocher du tropique
du Caucer, c'est qu'on lui avait
recommandé de s'éloigner du pôlej
et il aurait probablement continué à
voguer en pleine mer au sud , si les
murmures de l'équipage , et tous les
indices d'une terre voisine , ne l'eus-
sent arrêté sur cette route périlleuse
jjour le mettre dans le chemin de la
découverte. Il était tellement imbu
des idées de Toscanelli, que lorsqu'il
descendit sur l'île Giovanna (Cuba),
il crut avoir abordé à la province
du Cathay (3). Ainsi au lieu de
supposer, comme quelques auteurs
l'ont fait^ que les conseils de cet
astronome avaient contribué à la
découverte de l'Amérique, il seia
plus juste de dire qu'ils n'y influèrent
qu'indirectement. Mais, tout eu lui
contestant ce mérite , on est obligé
de reconnaître les services qu'il a
rendus à l'astronomie : c'est à lui
qu'on doitla construction du gnomon
solsticial^ posé, en i468 , sur le
dôme élevé par Brunelleschi sur la
métropolitaine de Florence (4)- tos-
canelli fit usage de cette méridieiuie
pour déterminer les points solsli-
ciaux , les variations de l'écliptique ,
et surtout pour corriger les Tables
u4lphonsines { V. Alpho.nse X , 1 ,
618), employées jadispar les astro-
nomes , malgré leur inexactitude à re-
présenter les mouvements solaires, et
la quantité de l'année tropique. Tos-
canelli , en commerce avec le ciel ,
fut exempt des préjugés de l'astrolo-
[■>> M.dcNavarrtlc,cl;iiis
volume à*-- sa Coiicctivn de
if liulc du doilxiî:inL'
'wXflgc* *•/ (léconver^
tes des h'.spti^noh depuis lu fin du t/uinziéme
iièrl'- , fju#î Vaulcur de colle ohscrvalion tra-
duit en ce moment , prétend mie Hlarinna a con-
fondu Todcanelli avec Marro-Polo , quoique ce
deruier fût né à Venise et efil vécu deux «iècles
auparavant. CeUe erreur de Tliinloiien espagnol a
.'II' réfiitei' par \vs aunolaleuru vatenciniit de Afa-
I laua , loui, H , pa-. •.i\\ \\—7.—i.
(3) Voy. une Lettre au trésorier du roi d'Espn-
gne , dan» la fie de Culonih , par M. Bossi , Blf-
lan, 1818, in-g". , pag. 187.
(41 '"e gnomon , dont on s'clait srrvi pour In
dernière fois en i5io, fut rétalili par les soins de
Ximénès et de La C.ondaniine. Del ÎVliglioro ( ^'1-
lenir illuslrnlii , pag. 33 ) s'est trompe en allri-
huant celte invention )i Ignare Uauti. C'est Daiv-
li lui-uii'nu' qui en déclare aiilenr 'foscanelli. / t».
sn tradiielion ilalienne du Tiuiili'- lir frTipecliie
,n:u.lidr, Kloreiue, il;», in-/,". , png. «,',.
TOS
gie judiciaire. Il répondait à ceux qui
lui en parlaient, qu'il en trouvait une
preuve contraire en lui-même ; car
il avait atteint un grand âge , eu dé-
pit des constellations qui figuraient
dans son horoscope , et dont au-
cune n'était favorable à la vieil-
lesse. Malgré sa longévité, il n'eut
pas la satisfaction d'apprendre les
grandes découvertes de Christoplie
Colomb. II mourut à Florence , le
i5 mai 1482. /^^q>*. Ximénès , Del
vecchio e juiovo gnomone fiorenti-
no , Florence, 1757, in-4°., pag.
LXXIII. A — G — s.
TOSCANO ( jEA>-MATTmEU ) ,
littérateur , né, à Mi'an, vers la fin
du quinzième siècle , cultiva la poé-
sie , et emplova une partie de son
temps à rassembler les pièces des
poètes italiens qui avaient écrit en
latin. Il composa des Odes bibliques
et traduisit les Psaumes de David ,
d'après le texte hébreu. Ce dernier
ouvrage fut publié par Dorât ( f^.
DoRAT , XI , D'y G ) , son ami ,
dont il se vantait d'être l'élève. Il
l'avait connu à la cour de Catherine
de Médicis , dont il fut particulière-
ment protégé. To.scano est aussi l'au-
teur d'un Recueil d'épigrammes et
de discours eu l'honneur des écrivains
qui parurent en Italie depuis la re-
naissance des lettres. 11 mourut en
France, peu après l'année 1376. Ses
ouvrages sont : I. Octo Cantica sa-
cra, e sacris Bibliis, lutino carminé
expres^a , Paris , 1 575 . in -8^. II.
Psalnii Davidis , ex hehraicd veri-
tate. latinis versibiis <M/>r('55/^ibid.,
iD-j^), in-S". III. Car mina illus-
trium poetarum italornm , ibid. ,
iS-jG, 2 vol. in-16. Il avait préparé
un troisième volume, qui devait con-
tenir le Recueil complet des vers de
Marulli '^^V . Tarca(;>ota , XLIV,
:viÇ), note). IV. Peplus Italiœ ,
\i.vi.
TOS
3o5
in cjuo illustriviri.... tùm carminé ^
tàm solutd oratione recensentur ,
ibid., iD^S , in-80., réimprimé, en
1780, par J. Albert Fabricius. dans
le Conspeclus thesaiiri litlcrarii in
Italid/m-8". Foy. Argelati. Biblio-
theca scriptonim mediol. , tome 11,
partie i^e., p. 1607. Il ne faut pas
confondre cet auteur avec un autre
Matthieu Toscano _, romain , qui
après avoir publié un recueil inti-
tulé : Anlliologia epigrammatuni ,
niinc primum édita , Bordeaux. ,
1620, in-8''. , mourut à Condom en
\Ç>i.!\. A — G — s.
TOSCHI (Dominique), et non
Tusco , comme il a été impropre-
ment appelé par quelques biogra-
phes , cardinal , naquit le 1 1 juin
i535 , à Castellarano dans le dio-
cèse de Reggio , et fut élevé dans
cette ville, sous les yeux d'un oncle
paternel. Fils d'un pauvre notaire de
village , il devint l'artisan de sa pro-
pre fortune. Il étudia la jurispru-
dence à Rome , oîi , tout eu éclairant
son esprit, il était obligé de pour-
voir à son existence. Ce ne fut qu'à
force de zèle et de persévérance qu'il
obtint une place d'auditeur , en iDQ-i.
Trois ans plus tard , il occupait le
siège épiscopal de Tivoli , d'où il
revint à Rome en (pialité de gouver-
neur de la ville. En i5g9, le pape
Clément VIII le décora de la pour-
pre romaine ; et peu s'en fallut qu'en
i(3o5 , le iils d'un notaire de Castel-
larano ne fut proclamé le successeur
de Léon XI. Les membres du conclave
allaient lui donner leurs suffrages,
lorsque le cardinal Baronius, jaloux
d'un tel choix, fit tous ses eli'orts
pour l'empêcher : il reprochait au
candidat d'avoir conservé des ma-
nières simples , qui décelaient la
bassesse de son origine. Ces obser-
vations suivirent pour faire échouer
se
3o6
TOS
l'élection de Tosclii. Tomasiiii rap-
porte que ce cardinal , ctaiil dcchu de
la papauté', n'en témoigna aucun res-
sentiment: un coup si terrible à l'am-
bition ordinaire des hommes ne
l'empèclia point de mettre la der-
nière maiu à ses livres de droit
civil et de droit canonique ; il les lit
imprimer et les dédia même au pape
Paul V , qui lui avait enlevé la tiare.
Rendu à sa retraite et à ses travaux,
il se fit le protecteur et le soutien des
jeunes gens studieux , principaîe-
raent de ceux dont le défaut d'aisnn-
ce pouvait nuire à leur avancement:
il les excitait par son exemple, et leur
rappelait par quels degrés ilctaitmon
te', de l'état le plus humble, au faîte
des grandeurs. Parvenu à l'àgedequa-
tre-vingt-cinqans ,ilsellatta de vivre
encore assez pour bâtir un palais sur
Monte - Citorio ; mais il mouiut en
iQ'xo , ranue'emcmeoi!i il venait d'en
poser la première pierre. Ses ouvra-
ges sont : I. Practicœ Conclusiones
juris , Rome, iGo5-8, 8 vol. in-fol.
C'est un grand répertoire, où, par
ordre alphabétique , sont rangées et
discutées les questions les phis im-
portantes du droit canonique et civil.
Il a été réimprimé à Francfort, i G l 'i ;
à Venise , 1G17 ; à Cologne et à An-
vers , 1G20 ; <'i Lyon, t()3/| et iGGi.
î.c manuscrit original en a été con-
servé dans la bibliothèque des dues
de Modène. On peut y joindre un
supplénaent donné j>ar Charles Tos-
clii, neveu de l'auteur, sous ce ti-
titre : Additioncs ampUssimœ ad
coûtera octo volamina Cunclusio-
vnm practicarum , Lyon, iG-jo ,
in-fol. II. Tracta lus de jura sia-
tuum in impcrii» Bomano , Franc-
fort, iG'^,0, in-4". m. llifohii^i-
carum (jumstiomim , ac traclalùi-
tiiim omnium. . . . séries ,lllologne ,
i<)G3. 111-/1". 1)oniinii(iie 'l'osrlii a
TOS
hisse en outre des mémoires manus-
crits , qui ont été trouvés chez les
mineurs observants de Reggio , et
publiés, par NicoloTaecoli ,da!!S les
Mémoires his iori(pLCS de cette ville,
III ,'271 , Carpi , I -;(')(). Foj. Tira-
boschi , et la Bihlio teca modenese ,
qui contient un grand nombre de no-
tices sur la famille de ce cardinal.
M — G— R.
TOSELLT (Florian), biographe,
né , en 1 Ggg , ta Bologne , prit l'ha-
bit des capucins à Césène , et se fit
appeler Bernard , dès qu'il eut pro-
noncé ses vœux, eu 1718. Il fut
successivement lecteur de théologie
à Ravenne et k Ijologne : ses eonfrè-
res rélevèrent aux plus hautes digni-
tés de l'ordre ; et après avoir rem-
pli ditlérentes missions à Malte , à
Rome et à Milan, il mourut à Bolo-
gne, le If) février 17G8. Ses ouvra-
ges sont : I. Manuaîe confessario-
rwn ordinis Capuccinonim, Venise ,
i737,in-i6. II. Orazione panegi-
rica in Iode di S. Ansovino , vcs-
covo di Camerino , Camerino, 1738,
in - 4°- \\^ . InstiLutio iheologica ,
juxta omnia dogmata , scholastico
nen'o instructa , Venise, 17 '{G,
4 vol. in-4°. C'est un cours de théo-
logie, d'api'ès le système de Scot.
IV. Bibliotheca scriptorum ordinis
minoruni sancii Francisci Capucci'
nornni , etc., ibid. , 1747, in-fol.
C'est une réimpression de l'ouvrage
du P. Denis de Cènes ( foj^ ce nom,
XI, 81), avec lui grand nombre
d'additions. L'ordre des capucins
avait fourni , jusqu'en 174^ , mille
quatre-vingt-deux écrivains. V.
Lellcra al Marcsciallo Keilh so-
pra il vano limor délia morte ( ji.11
Fr('<léric 11 ) rifutata, Bologne,
i7()() , iii - 8". Foyez Fanlu//.i ,
Scrittori lologncsi , ix , i o i .
A — G — s.
TOS
TOSETTI (Urbain), plùJoso-
phe, né à Florence, et cleve chez
les Jésuites , embrassa l'institut des
piariste^, et vécut à Rome, sous les
pontificats de Benoît XIV et de Clé-
ment Xllt. Il y professait la philo-
sophie , lorsque les allaires de la so-
ciété eu Portugal le jetèrent dans la
polémique : peu reconnaissant envers
ses anciens maîtres , il grossit le
nombre de leurs ennemis , et les at-
taqua violemment dans ses écrits. Il
venait de recevoir la nomination de
recteur au collège de Parme, lors-
qu'il mourut à Rome , le 9 mars
1768. Son principal ouvrage est
intitulé : De societate mentis et
corporis , dissertatio ps^cologico-
phjsica, Rome , 1704 , in-4°. L'au-
teur soutient qu'il faut accorder à l'a-
me quelque étendue : « Parce qu'exer-
çant une action quelconque sur le
corps , elle doit nécessairement se
trouver présente dans cette partie du
cerveau où aboutissent les nerfs.
Quelque imperceptible que soit ce
point, c'est toujours un espace phy-
sique, qui suppose de l'étendue dans
l'ame. » Cet argument n'était pas
nouveavi: il fut combattu dans l'ou-
vrage de Bacchetti, intitulé : In lociiin
quemdani disputationis de societa-
te mentis et corporis , aiùmadver-
siones , ibid. , 1755, in-8°. A-g-s.
'POSTAT ( Alphonse ) , célèbre
théologien espagnol, et l'esprit le
plus vaste de son siècle, naquit au
commencement de l'année i4oo, à
Madrigalejo , petit bourg de l'Es-
tramadure. Envoyé par ses parents à
Salamanque , il y termina ses études
de la manière la plus brillante, et
reçut le doctorat à vingt-deux ans :
il avait, à cet âge , déjà parcouru le
cercle des connaissances humaines.
Savant dans les langues , et particu-
lièrement dans le grec et l'hébreu, il
TOS
3o'
possédait à fond la théologie, la phi-
losophie, le droit civil et canoni-
que , et s'était rendu très-habile dans
les mathématiques , la géographie et
l'histoire. Il fut pourvu d'une chaire
de théologie, qu'il remplit avec éclat;
et, malgré sa grande jeunesse, fut dé-
puté au cor.cile de Bâie , où il se si-
gnala par son érudition et par son
éloquence. Après la clôture de cette
assemblée, il se rendit en Italie. Étant
à Sienne, il y soutint, en présence
du pape Eugène IV, vingt- une pro-
positions thcologiques,dont quelques-
iijies n'eurent pas l'approbation du
pontife. Le cardinal Jean de Torqua-
mada fut chargé de réfuter les deux
suivantes : Quoiqu'il n'y ait aucun pé-
ché qui ne se puisse remettre , Dieu
toutefois ne remet ni la peine, ni la
coulpe , et aucun prêtre n'en peut ali-
soudre. — Jésus-Christ a souileri la
mort le trois d'avril , et non pas le
vingt-cinq mars , comme on le croit
communément. Tostat lui répliqua
par l'oavrago intitulé : Défense des
trois conclusions ; mais quoiqu'il eut
déclaré qu'il se soumettait au juge-
ment du pape et de l'Église , on trou-
va qu'il y montrait peu de déférence
pour l'autorité du souverain pontife
( P^oj. les Annal, de Sponde , ann._
1443 )• Il ne tarda pas à retourner
en Espagne ; et, peu de temps après,
il fut fait évêque d'Avila, membre
du conseil royal de Castille , et grand
référendaire. Ce prélat mourut le 3
sept. 1454? à l'âge de cinquante-cinq
ans ( I ) , et fut inhumé dans le chœur
de sa cathédrale, avec une épitaphe
qui commence par ce vei-s :
IJic stupor est miindi qui scihile disctUit omne.
(i"l \,a p]up:\rt dps Rufpurs osp.ignols prtlcndoiit
c]nr To.slat n'avait que cpiaranlc ans quand il innu-
rut ; mais cVst iin<*i'rrcur i*vidt;nloqu'ils ont accre-
dilee pour douuer une plus liaiile icliip d« la ficoii-
ditc.di'iùsi prodigieuse de leur couipniriotc. Voy.
In liihl. de Cliacon,
20..
3o8
TOS
Tostat était doué d'une mémoirepro-
digie»se,'d'un esprit vit" et pénétrant,
et d'une ardeur infatigable. On ne
peut s'étonner assez que, dans une vie
si courte , et au milieu de distrac-
tions continuelles , il ait trouvé le
loisir de composer autant d'ouvrages
que le savant le plus laborieux et le
plus fécond. Le nombre de ses écrits
est si grand , que ses compatriotes
ont calculé qu'il avait employé cinq
feuilles par jour , l'un portant l'au-
tre (2). Ses Commentaires sur les
livres historiques de la Bible et sur
l'Évangile de saint Mathieu, furent
publiés, pour la première fois, à Ve-
nise, en i5o7 ; par les soins du car-
dinal Xiraénès. Ils ont été réimpri-
més dans cette ville et à Cologne,
L'édition la plus estimée est celle' de
Venise, iSgG, in-fol., i3 vol., dont
le dernier contient VIndex ou table
générale des matières. Les Commen-
taires de Tostat sont si diffus , dit
Rich. Simon, que l'on pourrait aisé-
ment en retrancher une bonne partie,
sans qu'ils fussent pour cela moins
exacts : mais il est beureux dans ses
digressions jet la lecture peut en être
utile, parce qu'il est savant et exercé
dans le style de la Bible ( Hist. critiq.
du Fieux Testament, m, i49 )•
Suivant Mosheim, ces Commentaires
mystiques et allégoriques ne sont re-
marquables que par le poids des vo-
lumes {Hist. ecclésiastiq. , m , 4o3).
A la suite des Commentaires de Tos-
tat on a réuni les Opuscules suivants :
la Défense des trois Conclusions j cin([
Paradoxes : l'un sur le nom de vase
que l'on donne à la sainte Vierge j et
les qiialre autres sur les titres de
lion , d'agneau , de serpent et d'aigle
fî) Si srri/il'i dicbtii r/iitlnii vint fon/ciaiilur,
deiinhenilinius ùnj^ulu diehui nuinriiie chaituctai
vliciu teripùloitr. Bibl. d« Ch«i!Oii , «rt. Al).
ToUat.
TOT
qui conviennent à Jésus-Christ; un
Traité de la Trinité; un de l'état des
âmes après la mort ; un de la meil-
leure manière de gouverner les peu-
ples; un sur ces paroles d'Isaïe : En
virgo concipiet , et enfin un contre
les prêtres concubinaires. Parmi les
autres ouvrages de Tostat , on cite
un Commentaire , en espagnol , sur
la Chronique d'Eusèbe, imprimé,
suivant quelques biographes , à Sa-
lamanque, i5o6, in-fo!., 5 vol. « Je
ne connais pas, dit Lenglet-Dufres-
noy , de livre plus rare; et je ne sais
même pas s'il en existe un seul exem-
plaire en France » ( Méthode pour
étudier l'histoire). — Quatorze ques-
tions, en espagnol , sur l'histoire sa-
crée et la mythologie païenne , An-
vers, i55i. On conserve un grand
nombre d'ouvrages manuscrits de
Tostat à la bibliothèque deSalaman-
que. Les curieux en trouveront les
titres dans la Bibliotheca d'Alph.
Chacon, dans celle de ]Nicol. Anto-
nio, et enfin dans la Bihl. des auteurs
ecclésiastiques de Dupiu. W — s.
TOTILA , roi des Ostrogoths , sur-
nommé Baduella , était duc de Frioul
en 541 , pendant les règnes d'Hildi-
bald et d'Éraric. La monarchie des
Ostrogoths, ébranlée par les victoires
de Bélisaire, ne comprenait plus, à
cette époque , que les provinces si-
tuées entre le Pô et les Alpes. Des
divisions funestes avaient éclaté entre
les chefs de celte nation ; et Totila ,
neveu de l'avant-dernier roi Hildi-
bald , craignant d'être à son tour
victime des assassins de son oncle,
était déjà entré en négociation avec
les Grecs ; mais avant que le traité
fût conclu , à la fin de l'aimée 54 1 ,
les Goths massacrèrent Eraric , et
proclamèrent Totila à sa place. Ce
jeune prince , dont la prudence éga-
lait la valeur, dut cependant ses pre-
TOT
miers succès à l'ineptie et aux divi-
sions des généraux grecs qui lui étaient
opposes , bien plus qu'au courage de
ses troupes. Les Golbs étaient telle-
ment abattus par leurs précédentes
défaites , qu'ils abandonnaient, à l'ap-
procbe de l'ennemi , les vil les les plus
fortes. Ce fut au basard seul que To-
tila dut , en 5^1 , la conservation de
Vérone j et ce succès , peu glorieux ,
lui ayant donné le moyen de rassem-
bler une armée de cinq mille Goths ,
il alla cbercber les Grecs qui s'étaient
retirés près de Faenza , avec une ar-
mée non moins forte j il les attira
dans une embuscade , et les battit ,
après quoi, il entra en Toscane, où
il fut entouré par des forces supé-
rieures; mais une terreur panique,
qui saisit ses ennemis , le délivra
de leur armée. Les prisonniers que
lit Totila dans cette occasion étant
presque tous des soldats mercenai-
res et sans patrie, il les détermi-
na aisément à se ranger sous ses
étendards. Alors, avec une armée
plus respectable , il s'avança dans le
midi de l'Italie, quoique aucune ville
ne voulût lui ouvrir ses portes. Il prit
Bénévent, dont il rasa les murailles,
et ensuite Curaes , où les femmes de
plusieurs sénateurs romains s'étaient
retirées. Il les renvoya généreusement
à leurs maris, sans qu'on leur fit au-
cun outrage. Naples, qu'il avait long-
temps assiégée , et que les Grecs
avaient A'ainement tenté de ravitail-
ler, se rendit à Totila, en 543, et
le généreux vainqueur soigna lui-mê-
me , avec une rare liumanité, le régi-
me de ses ennemis , afin qu'eu jia^sant
tout-à-coup d'une extrême discite à
une extrême abondance, ils no fussent
pas victimes de leur voracité. Totila,
en étendant chaque jour son gouver-
nement sur dos provinces nouvelles ,
faisaitbénir sa justice, tandis qucl'Ita-
TOT 3 09
lieentièreaccusait les Grecs d'avarice,
de débauche et de cruauté. Totila^
qui ne voulait point affaiblir son
armée en en détachant des garnisons,
et qui rasait partout les murs des
villes , pour n'être pas exposé à les
reprendre une seconde fois , avait
besoin de compter sur l'affection des
habitants. En 54'> , Justiuien sentit
la nécessité de rappeler Bélisaire de
la guerre de Perse, pour l'opposer
à Totila ; mais il lui donna si peu
de soldats et d'argent, que ce grand
général ne put empêcher le roi goth
de prendre Spolèle, Assise, Pérouse,
Plaisance et enfin Rome elle-même ,
presque sous les yeux de Bélisaire ,
qui était alors à Porto. La capitale
de l'empire , avant d'être livrée aux
Goths, avait éprouvé les dernières
extrémités de la faim et de la mi-
sère; la veuve de Boèce, Rusticiana ,
après avoir distribué son immense
fortune aux pauvres , s'était trou-
vée réduite elle-même à mendier
son pain. Quoique cette dame illus-
tre eût fait renverser dans tous
les quartiers de la ville les statues
deThéodoric, par une vengeance
tardive du supplice de son mari et
de son père, Totila ordonna qu'elle
fût traitée avec respect. Le l'oi goth^
voulant ensuite marcher dans la Lu-
canie, lit abattre les murailles de
Rome, afin de n'être pas obligé d'y
laisser une garnison. On assure qu'il
voulait aussi raser les plus somptueux
édifices de cette ville , de crainte que
les Grecs ne s'y fortifiassent ensuite
contre lui ; mais Bélisaire lui écrivit
pour le conjurer de respecter ces
montmients d'une gloire passée , et
Totila préféra le culte des souvenirs
à son propre intérêt. Quarante jours
après le départ du roi goth et de son
armée, en 547 , Bélisaire rentra dans
Rome 5 qu'il trouva déserte, et il s'y
3iu
TOT
fortifia de manière à pouvoir bientôt
y soutenir un nouveau siège. Cepen-
dant de petits combats se répétaient
chaque jour d'une extrémité à l'autre
de l'Italie j et telle était la désolation
de celte contrée, que des corps de
deux ou trois cents hommes , Grecs
ou Ostrogoths, étaient réputés former
une armée. En 548, Êélisaire fut
rappelé par Justinien pour être char-
gé de la guerre de Perse ; et l'année
suivante, Totila reprit Rome, qu'il
résolut cette fois de ne point aban-
donner. Ne pouvant obtenir la paix
de Justinien j toujours insensible aux
désastres de ses sujets , il attaqua la
Sicile, qu'il dévasta en grande partie,
et il réduisit les Grecs à n'avoir plus
en Italie que quelques partis errants,
et quelques forteresses éloignées, saus
liaison les unes avec les autres. Enfin
.Tustinien envoya Narsès en Illyrie ,
on 55 1; et ce général, après y avoir
rassemblé une armée plus considéra-
ble qu'aucune de celles qui jusqu'alors
avaient soutenu le parti impérial ,
entra en Italie , en suivant les rives
de l'Adriatique, et vint chercher To-
tila dans l'Apennin entre Matelua et
Gubbio , dans un lieu nommé Ta-
gina , où les Goths furent défaits en
552 , après la bataille la plus san-
glante. Totila, blessé mortellement,
cx])ira peu de jours après. Teja, un
de ses généraux , recueillit les restes
de son année , et porta encore une
année le titre de roi des Osti'ogoths ;
<e|)endant ce fut la mort de Totila qui
entiaîna la ruine d'une monarchie
qu'il était seul en état de défendre
encore. S. S — i.
'i'OTT ( CrATinr, Akeson ) , gé-
néral suédois dans le seizième siècle ,
remporta , en i5']3 , sous le règne
de Jean m , sur les Russes, mit; vi('-
toirolsignaléc près de JiOde , en Li-
voiiie : avec six cents cavdia'rs cl
TOT
cent fantassins, il battit seize mille
Moscowiles , leur enleva une im-
mense quantité de bagages , les dra-
peaux , les canons , et un grand nom-
bre de très-beaux chevaux , dont il
se servit pour faire une entrée triom-
pliante à Revel. Quelques années
après, il eut, sur la frontière, luie en-
trevue avec les ambassadeurs du czar,
pour conclure une trêve, et en même
temps il fut nommé gouverneur , et
sénéchal de toute la Finlande. Ac-
cusé , en iSqo, d'avoir eu pai't à un
complot , qui avait pour but de chau-
ger la succession en Suède , il obtint
sa grâce à la demande du roi de Po-
logne Sigismond , fds de Jean III,
qui régnait en Suède. Claude Tott
mourut en i5g6.Voy.Ztf Chronique
de Jean III , par Girs , en suédois .
— Tott ( Claude , comte de ) , sé-
nateur de Suède , naquit , en i6i6,
et descendait par les femmes du roi
Éric XIV. Après avoir rempli plu-
sieurs charges importantes , il fut
nommé, en 1672, ambassadeur en
France, et en cette qualité, il ouvrit,
l'année suiA^ante, un congrès à Colo-
gne, pour la pacilicatiou générale;
mais il mourut, en 16^4 » à Paris. Le
comte de Tott , fut en grande faveur
auprès de Christine; et l'on rapporte
que cette priucesse voulut l'élever au
trône de Suède , parce qu'elle était mé-
contente de Charles-Gustave , qu'elle
avait fait désigner po:ir son succes-
seur , en iG4o. Elle avait le dessein
de donner auparavant au comte le
titre de duc, et pour cacher son but,
elle oITrit le même titre au chance-
lier Oxenstiern et au grand sénéchal
I5rahé, qui le lel'usèreut. La reine
abdiqua peu après, et Charles-Gus-
lavc lui succéda. La famille de Tott,
une des plus anciennes de Suède,
s'éteignit avec lui. V. Arclicnhol/.,-
Mémoires de Christirw. C-AU.
TOT
TOTT ( François, baiou dk ),
ne, le l'-j iioût 1733, à Chauiigiiy
\nxs la Fei'te-soiis-Joiiaiie, était issu
el'iiue f'amiJIe de geulilbhommes hon-
grois , officiers dans la maison du
prince Ragotzky. Sou ])cre était resté
atlaclié à la foifiiue de ce prince, en
qualité de page, jusqu'en 1720, où
il passa en France, avec le maréchal
de Bcrchiny. Celui-ci ayant obtenu
lie faire entrer au service de France
un régiment de hussards , le père du
baron de Tott fut eraplové à la for-
mation de ce corps. S'ét;nit rendu
pour cet objet à Rodosto, il en revint
avec une levée de Hongrois , et fut
successivement aide-major et licute-
iiaut-coloucl de ce régiment , et enfin
brigadier des armées du roi. Dans le
cours de son service militaire , le ba-
ron de Tott père avait été employé
utilement par l'ambassadeur de Fran-
ce à la Porte , M. de Villeneuve , tant
auprès de l'armée du général Mun-
nich , que sur d'autres points , en
1733 , et depuis la fin de 1736
jusqu'en juillet 5737. Le comte
Desalleurs , successeur de M. de
Villeneuve , lui avait aussi donné
une mission auprès du khan des Tar-
lares ; et endii d'autres négocia-
tions particulières lui avaient été
confiées en 1738, 1739 et 1740-
L'habileté avec laquelle il avait con-
duit ces affaires , la grande connais-
sance qu'il avait de la manière de
traiter avec les Turcs et les Tarla-
res , son extrême facilité à parler les
langues turque et polonaise, firent
jeter les yeu\ sur lui , eu avril 1 755 ,
pour accompagner le chevalier de
Vcrgcunes à Constantinople. Étant
allé , en se])t. 1757, à Rodosto, vi-
siter ses anciens compagnons d'infor-
lunc , qui s'y étaient reiin's avec l\a-
gol/Jvy, et lui avaient survécu, il y
fui atteint par une fièvre qui l'enleva
TOT 3ii
eu peu de jours. 'J'ott fils, qui avait
accompagué son père en Turquie, et
qui dès sou arrivée s'était mis eu me-
sure deconuaîlre la langue , les mœurs
et les prmcipalcs institutions du pays ,
demeura à Constantiuo])le. Le che-
valier de Vergennes lui fit obtenir
quatre mille francs sur le traitement
que laissait son père, et l'employa
dans sou ambassade, sans qu'il perdît
son grade de capitaijie dans le régi-
ment de Bcrchiny, où il servait de-
puis les campagnes de Bohème. Il
j)assa ainsi les années 1757 à 1763
à Constantinople , et se rendit en
France , par congé , au mois d'a-
vril de cette dernière année. Eu
1766, le baron de Tott ayant pré-
senté au duc de Choiseul ses vues
sur un traité de commerce avec le
khan des Tartares, et sur les moyens
d'ouvrir à notre pavillon l'entrée de
la mer Noire, ce ministre profita de
la circonstance de la maladie du cou
sul en Crimée , Fornetti , pour le
faire remplacer par Tott. Il était
question de lui conférer le titre de mi-
nistre, dans l'intention de fiattcr le
khan par cette distinction • mais de
peur de blesser la Porte , on donnant
un caractère pohtique qu'elle ne re-
connaîtrait pas , on renonça à cette
idée. Tott dirigea sa route par la Po-
logne, et apprit, chemin faisant , la
mort du khan Arslan-Guéraï, ce qui
pouvait apporter d'autant phis de dif-
ficulté à l'accomplissement de sa mis-
sion , queMakhsoud-Guéraï , sou suc-
cesseur , ne paraissait pas vouloir
suivre la même politique. Tott partit
de Varsovie, le i5 septembre 1767,
et arriva le 1 7 octobre à Baklilchésé-
raï, résidence du khan. Il ne tarda
])as à fournir de nouvelles preuves
de sou zèle et de son habileté, tant
par l'inlérct qu'il sul donner à ses
observations sur les affaires de Pulo-
3l2
TOT
gne et de la Porte , que par l'influen-
ce qu'il obtint sur le klian. On sait
le parti qu'il tira de l'afl'aire des
Noga'is et des troupes russes qui
poursuivirent quelques Polonais à
Ealta, petite ville tartare, et com-
ment il s'en servit pour réveiller la
Porte de sa léthargie. Les consé-
quences en furent telles , qu'elles ame-
nèrent entre la Turquie et la Russie
une rupture , que le duc de Clioiseul
appelait do tous ses vœux. Totî , ne
trouvant pas d'ailleurs dans Makh-
soud-Guéraï toute la condescendance
qu'il pouvait désirer, ne fut proba-
blement pas étranger à la déposition
de ce kban et au rétablissement de
Grvm-Guéraï • mais ce prince mou-
rut^ en 1769, et son fils Dewlet-
Guéraï lui succéda ( i ). Ce nouveau
kban lit défendre au baron de Tott
de retourner en Crimée , sous prétex-
te qu'un infidèle ne pouvait demeu-
rer dans son armée. Mais le véritable
motif était que Tott avait été fort en
crédit auprès de l'ancien kban, en-
nemi juré du grand-vézir; et ce pre-
mier ministre profita de la circons-
tance de la mort de Crym-Guéraï ,
pour faire renvoyer le baron de la
cour du successeur. De retour à
Constantinople,Totî dressa une carte
du thcàtrc de la guerre, qui fut pré-
sentée au graud-seigneur. Celui-ci en
montra beaucoup de satisfaction et ,
d'après les observations de cet ofb-
cier , il ordonna la marche du pa-
cha de Bendcr en Ukraine. Tott fit
ensuite pour sa hautesse luie carte de
Russie : bientôt apris, les vues qu'il
développa pour la réforme des pon-
ii) Dpwloi-Ciii'rni clait neveu v.l 11011 1.11s (ils il«
Crviii-Oui lai , sniviinl le n'cit mi"iiie fie Toll :
moi» «M •■•l ixTini» eli- n'en i.i|>|>iirler Ji l'incxarlc
«■I «èi.lie Notice d't Khans dr Crimie , donrirr |inr
l,*nKlpii, «lin» le tome III «lu A^ovrtyc de Hrn(;nlr
Il Siiinll'clriil'ourg , jinr Fiir«ter , il y eul. quiitir
fcliaun «lire Ci yiii «-t Oewiel À — T.
TOT
Ions et de l'artillerie turque engagè-
rent la Porte à le charger de cette
opération. Ce fut sa principale occu-
pation pendant toute la durée de la
guerre avec la Russie. Lorsque la
flotte russe , commaiylée par Orioff ,
vint, en 1770, menacer Coiistantiuo-
])le, on confia au baron de Tott le
soin de défendre les Dardanelles. Il
proposa d'établir sur la côte d'Euro-
pe six batteries garnies de cinquante
pièces de canons, et cinq sur la côte
d'Asie. I! conseilla en outre de fixer
des vaisseaux dans des postes dési-
gnés pour servir de batteries flottan-
tes qui tirassent sur le front de l'en-
nemi , pendant que les batteries de
terre l'attaqueraient en flanc. Ces
plans furent approuvés et quoiqueim-
parfailement exécutés ils arrêtèrent
la flotte d'Orloff. Au commencement
de 1 77 ï , Toit, prévoyant que les ef-
forts des Russes se porteraient du
côté d'Oczakow et de la Crimée , in-
diqua les moyens de mettre à cou-
vert toute cette partie des frontières
othomanes. Il ne négligeait pas tou-
tefois la réforme de l'artillerie, tant
sous le rapport du personnel que sous
celui du matériel. Pour cette même
campagne de 1 77 1 , il avait déjà fait
fondre cent cinquante pièces de ca-
nons , et il était parvenu, pour son
coup d'essai, à faire tirer à des canon-
niers turcs trois coups par minute ,
céléritéqui paraissait miraculeuse au
peuple aussi bien qu'aux ministres
othomans, et au grand seigneur lui-
même, qui ftit témoin de ces expé-
riences. Tott forma également les
canouniers turcs au jet des bombes.
L'année 177'^. fut employée à ces di-
vers travaux et à l'établissement
d'une nouvelle fonderie. Au mois de
septembre de celle année, le reis-ef-
fendi et d'autres olViciers de la Porte
se firent accompagner par Tott pour
TOT
examiner deux châteaux en mauvais
état à l'embouchure de la mer Noi-
re , et reconnaître le point où il
convenait d'en établir d'autres ; et le
1 6 février i'jn3,ce ministre en posa
la première pierre. Durant les années
1773 , 1774? ^11^} Totî se livra
à la construction de ces châteaux
et à la réorganisation de l'artillerie
turque. Il fit aussi établir une ma-
chine à mater et donna des dessins
pour la construction des vaisseaux.
Aucune partie de l'établissement mi-
litaire et maritime de cette puissance
ne lui échappait; et souvent il lit
connaître aux Turcs les désordres
de leur administration. Il avait ac-
quis leur estime et leur confiance;
il parlait leur langue , connaissait
leur caractère et les traitait avec
douceur et dignité. Aussi , à diverses
reprises , la Porte lui témoigna une
grande considération. Ce fut à la re-
commandation expresse de cette puis-
sance , que le roi lui accorda, en juil-
let 1773 , le grade de brigadier des
armées. A cette occasion le kaïm-
mékam se rendit à l'école d'artillerie
et le revêtit d'uue pelisse d'hermine.
Malgré ces témoignages et les servi-
ces immenses qu'il rendait à la Por-
te , il éprouva des dégoûts et des dé-
sagréments qui tiennent au caractère
de ce peuple et à son incurable aver-
sion pour les arts de l'Europe et
pour tout perfectionnement ou amé-
lioration. Le travail des châteaux
neufs sur la mer Noire n'allait qu'im-
parfaitement, et il en était de même
des autres opérations : il n'y put
tenir. Ayant demandé d'être em-
ployé ailleurs, il obtint l'autorisation
de revenir en France. La Porte re-
çut sans intérêt l'annonce de son
départ , et lui accorda néanmoins
des distinctions honorables. En pre-
nant congé du grand-vézir , ce mi-
TOT
3i3
nistre le fit revêtir d'une pelisse de
Samour. Peu de mois après le retour
du baron en France , vers la fin de
juin 177G, le ministère de la mari-
ne songea à tirer parti de ses talents,
en lui confiant l'inspection générale
des consulats dans les Échelles du
levant , en ï^gypte et en Barbarie.
L'objet de cette mission était de si-
gnaler les abus existants dans les éta-
blissements consulaires j et de re-
cueillir des renseignements utiles sur
le commerce et sur les productions
des contrées où ils étaient placés.
D'après le désir du célèbre BufTon ,
il fut accompagné dans ce voyage
par le naturaliste Sonnini , qui vou-
lait commencer, sur ce point, ses re-
cherches en histoire naturelle. Par-
tis de Toulon , au commencement de
1777, ils visitèrent successivement
la Canée , Alep , Alexandrie , le Cai-
re, Larnaca, Smyrne, Salonique,
l'Archipel , Tunis , etc. Enfin, après
di?L-sept mois d'inspection, Tott re-
vint à Paris. Cette mission termina
ses services diplomatiques. Ayant
obtenu deux pensions des ministères
de la marine et des afTaires étrangè-
res , il s'occupa de mettre en ordre
ses observations et le résumé de
ses travaux , tant en Crimée qu'à
Constantinople , et il les publia sous
le titre de Mémoires sur les Turcs
et les Tartares , (2) Amsterdam
(Paris) , 1784, 4 '^'oJ- in-8«. L'an-
née suivante , il en donna une secon-
(21 Quoique CCS Mémoires sentent le cbarlala-
iiisme qui formait un des traits distinctifs du
caractère de l'auteur, et que sa négligence à
rapporter les dates des cve'nemeuts généraux ou
pr.rticulîers qu'il raconte , y jettent beaucoup de
confusion, on peut dire qu'ils méritaient le succès
qu'ils obtinrent ; c'est le premier livre eu eflfel
qui , dans les temps modernes , ail commencé à
faire connaîlre eu France la politique , l'histoire
de l'empire othoman , les moeurs et les préjugés
de ses liabilauts. Les relations de Savary , de
Volncy, de Sonnini , de Clienier , d'Olivier , etc.,
n'ont paru qu'après. A-T.
3 . 4 TOT
de cdilion, a vol. in-4^ (3). Cet ou-
vrage fut traduit deux fois en alle-
mand à ElLing et à Nuremberg ,
i'^85, '2 vol.in-S", 5 deux fois en
anglais, 1785, 2 vol. iii-S*^. ; une
fois en danois , par IMorten Hallan-
ger, Copenhague, 1785, '2 vol. iu-
8°. ; une fois eu suédois , Upsal , in-
S°. y 1800; une fois en hollandais ,
par Yshr-Van-Hammelsveld , Ams-
terdam , 1 789 , grand in-S'^.Les tra-
ducteurs allemands y ont ajoute les
observations de Peyssonel. Tott
ayant ctc compris , en 1781, dans
la promotion des mare'chaux-de-
camp ,fut nomme, en 1 786 ou 1 787,
commandant de la ville de Douai :
il l'était encore au commencement
de la re'volution; mais , en 1 790 , les
quatre régiments qui formaient la
garnison ayant projeté de faire une
petite fédération , Tott , pour déj ouer
ce projet, ordonna de battre la géné-
rale à l'heure même où il devait
s'accomplir. Les soldats devinant
son motif accusèi'ent leur comman-
dant d'être un aristocrate, et jurè-
rent sa perte : ils se rendirent néan-
moins dans leurs quartiers pour pas-
ser sa revue • mais à peine sortait- il
d'un quartier , que mettant habits bas,
ils s'armaient de pierres et le pour-
suivaient. 11 trouva moyen de leur
échapper. La nuit étant arrivée dans
ces entrefaites , la ])lus violente ru-
meur régnait dans la place ])arcou-
rue dans tous les sens , par ces for-
cenés qui menaçaicnldc le laiitcnicr,
et molliraient les cordes dont ils s'é-
taient munis dans ce dessein. IjCS of-
ficiers du régiment d'artillerie de la
Fère alli'jent trouver le baron de
Tott pour lui oll'rir de ramener au
(3) La ^ccon.lirJilioi, , >l ;..>Kiiii'i.lr.' .1' /.',
,y;r>/iie « la riiln/iu ilc l'ijyutiitl ( y . Vv.\ ssiiM:i, ,
%XX1U , 5àU ). Ci'Uc /(^l'njt: est de UiiUiii.
A. I1--T.
TOT
milieu d'eux et de protéger sa re-
tiaiie. Kil'eclivement quelques-uns,
])rolitant du moment où les soldats
ivres étaient la plupart endormis,
raccompagnèrent le pistolet au poing
et le firent sortir de la ville. ïott
partit pour Paris et de là pour
la Suisse où il resta un an. 11 se
rendit ensuite à Vienne où il fut
obligé de solliciter des lettres de grâ-
ce comme fils d'un des partisans de
Ragot/.ky : il les obtint et trouva un
asile dans les terres qu'un ancien
ami de sa famille, le comte Théodore
Bathianv , possédait en Hongrie. Il
mourut à Tatzmansdorf, dans le cou-
rant de 1793. Tott ne laissa que des
filles; l'une d'elles a épouséM.de La
Rochefoucauld^ duc d'Estissac. (4).
G RD.
TOTTLEBEN ( Gottlob Henri ,
comte de) a mérité, par quelques ex-
ploits militaires , une place dans l'his-
toire ;mais s'est encore fait connaî-
tre davantage par le dérèglement de
ses mœurs , l'elîronterie de son ca-
ractère et la singularité de ses aven-
tures. Né, eu Saxe, vers 1710 , il
annonça de bonne heure ce qu'il se-
rait un jour , en recherchant, avant
toute autre lecture , la Vie de Car-
touche et la Pratique des Filous.
Ayant été placé comme page à la
cour de Dresde , il plut au roi Au-
guste llf , parle récit de ses tours
d'adresse et de friponnerie. Ce
prince étant un jour à table , vêtu
d'un riche habit de velours qu'il
portait pour la première fois , le
jeune ])age répandit à dessein sur
(/|) Un frire Jii liainii de Toit fut arrête , le i3
j.iMvicriaii3 , sur lepiiraiiet du l'nnt-Neul',» Pari.s ,
|>:ir des elîvci de l'iiiiiversité de jiirispnidrni-e ,
nii leiil <iii, girisM' pur la misère el le Iicmmii, il
;.ll.<il M' i.irripil.r iliMs h Seine. Ils nimeiù'ie»)
ee vieillord .'■ m>m diiniieile, liAlel de Londres, rue
i:roi\ .l.-s l'elils-(Ji.iini>s i iiii.ls Ions le» seeoiirs
i|ii'on lui |ii'odli;ii I ne |uircnl le sauver. Il inou-
lul le i()iln nièine uiois. A— T
Tar
lui un verre de vin. Aiigusle , qui ne
vit en cela qu'un peu de mal-adresse,
se conleuta de faire une légère répri-
mande au page, qui, sans s'excuser,
répondit qu'un lialnt désormais iu-
dicue d'un roi pouvait faire le Lon-
heur d'un pauvre page; et 1 habit hn
fut donne. Quelque temps après, Tott-
leljen fut nomme gentilhomme de
ia chambre ,et il s'insinua dans l'in-
timité d'une princesse de la cour. Le
roi, à qui cette liaison déplut, voulut
qu'il se mariât, et il lui donna pour
épouse la comtesse de Siewertz , eu
le nommant conseiller du premier
tribunal de justice. En 1740 , il
l'éleva à la dignité de comte de l'em-
pire. Des lors Tottleben, n'étant re-
tenu par aucune des considérations
qui dirigent l'homme d'honneur ,
s'abandonna au jeu et à la débauche.
La comtesse ayant voulu , par quel-
ques moyens de prudence, l'empêcher
de dissiper sa fortune, il l'accabla
de mauvais traitements et d'injures,
qui furent bientôt connus de la ville et
de la cour.Un j our il poussa le cynisme
jusqu'à forcer, le pistolet à la main ,
sa malheureuse épouse d'être témoin
de ses infamies avec deux misérables
créatures qu'il avait fait venir chez
lui.Dansunecauseimportante,il ven-
ditsa voix à un homme puissant, pour
quatre cents ducats. Le roi, qui en fut
informé, lui ôta sa place, et le bannit
de ses états. D'autres prévarications
ayant été découvertes, on institua une
commission d'enquêtes, et il fut obli-
gé de se réfugier dans le duché de
Saxe - Wcissenfels , puis à Ratis-
boime, où il fit à Charles VII l'of-
fre de le\ er un régiment à ses frais.
Sa proposition n'ayant pas été ac-
cueillie, il partit pour la Haye, où il en
fitunesemblable, qui fut mieux reçue.
Le sta.dhouder l'ayant nommé colo-
nel du régiment (pi'il devait crccr ,
TOT
3i5
Tottlebrn, qui s'était réservé la nomi-
nation des oHlciers , trafiqua hon-
teusement de ces emplois , vendant
plusieurs fois le même, et se fai-
sant payer d'avance, ce qui lui attira
desalfronts humiliants. Le stadliou-
der étant venu passer la revue du ré-
giment, fut indigné du mauvais état
dans lequel il le trouva , et fit au colo-
nel , à la tête du corps , les rcprociies
qu'il méritait. Le régiment fut licen-
cié , et le comte mis à la pension de
retraite. Se voyant encore une fois
abandonné par la fortune , Tottleben
eut recours aiix moyens les plus
vils. Il séduisit et enleva de la ma-
nière la plus lâche une jeune fille de
quinze ansj dissipa en peu de temps
sa fortune , et fut chassé de Ber-
lin, où il s'était réfugié. Après d'au-
tres avantures , non moins houleu-
ses, il alla à Pétersbourg , au com-
mencement de Ja guerre de Sept-
Ans , et ayant été présenté à l'impé-
ratrice Elisabeth , il fut autorisé à
lever un corps franc de douze mille
hommes , dont il eut le commande-
ment. Placé sous les ordres du géné-
ral Fermor , il enti'a en campagne, en
1 757, pénétra dans la Prusse, etle3o
août se trouva à la bataille de Gros-
Jagersdorf , où les Prussiens furent
battus. Après la retraite imprévue
d'Apraxin , il fut envoyé par le gé-
néral Fermor h Pétersbourg , pour
exposer à l'impératrice les griefs de
l'armée contre le général en chef.
L'impératrice , satisfaite des rap-
ports que lui fit Tottleben , le nom-
ma lieutenant-général , et porta son
corps franc à quinze mille hommes.
Il se distingua à la tête de cette
troupe , et fut blessé à la bataille de
Zorndorf , après laquelle on le déta-
cha pour entrer dans la Poméranie
prussienne, il devint le Iléau de
cette ])rovince , qu'il traita à la ma-
3i6
TOT
uière des brigands, livrant au pil-
lage et au feu les villages qui n'ac-
quittaient pas assez promplemcnt les
contributions qu'il e'tablissait. Une
jeune personne à peine nubile ayant
re'sisté à sa fureur , il l'abandonna à
ses Cosaques , et deux jeunes gens
qui accoururent aux cris de leur
sœur furent massacres sous ses yeux.
Le coup de main qu'il exécuta dans
ce temps-là sur Berlin , lui donna
quelque célébrité'. Vingt-deux mille
Russes et quatorze mille Autrichiens
marchaient sur cette capitale. Tottle-
ben, voulant les prévenir, se mit à la
tête de six mille hommes de son
corps franc , et arriva inopinément
devant la ville, qu'il bombarda et
força bientôt de capituler. La garni-
son se rendit prisonnière , et les ha-
bitants payèrent deux cent mille écus,
s'engageant en outre à en verser quin-
ze cent mille dans la caisse militaire.
Le 3 octobre i-jôo , il fit son entrée
dans Berlin ; et malgré la capitu-
lation , il la traita aussi inhumaine-
ment que la Poméranie. Mais ayant
appris que Frédéric marchait au se-
cours de sa capitale , il se hâta d'en
sortir ; et s'étant dirigé du coté de
Bellegarde, il y fut battu , et se jeta
surKolin, qu'il ])rit par capitulation
après en avoir brûlé les faubourgs.
Il commit encore dans cette ville, et
dans les environs, des excès si criants,
que, sur les représentations des habi-
tants, le général Buturlin lui envoya
l'ordre d'évacuer le pays. Quelque^
mois plus tard,TolllelK'n et trois de
ses olliciers furent arrêtés , et conduits
sous bonne escorte à Pélcrsbouig. On
avait iiilercopt(? une correspondance
coujiablc qu'il entretenait avec le roi
de Prusse , et que le général Laudon
fit parvenir , par Vienne, à Pélers-
bourg. La courdel\ussie réclama les
sommes queTotllebcn avaitenvoyées
TOT
aux banques de Hambourg et de
Dantzig : c'était le prix de ses pillages,
le sang des provinces qu'il avait ra-
vagées. La iille qu'il avait eue de sa
jeune hollandaise, apprenant ce mal-
heur , se rendit avec quelques au-
tres parents à Pétersbourg , et se jeta
aux pieds d'Elisabeth , qui promit
d'adoucir la sentence , si le conseil
de guerre, chargé d'instruire, le con-
damnait à mort. L'alfaire ne fut ter-
minée que le 1 1 avril i-jôS. Tottle-
ben, condamné à mort, ne fut que dé-
gradé et banni de la Russie. En i -769,
l'impératrice Catherine le reprit de
nouveau à son service j et il fut en-
voyé en Géorgie pour soutenir le
prince Héraclius. Il se rendit redou-
table aux Turcs par la hardiesse de
ses entreprises , et il réussit à sou-
mettre !a Circassie. Revenu , en 1 7 7 1 ,
à Pétersbourg , il reçut de l'impéra-
trice l'ordre de Saint-Alexandre
Newski. En 1772, il commanda en
Lithuanie , et il termina , en 1773 ,
à Varsovie, une carrière souillée par
des actions si lâches et si odieuses ,
que quelques exploits militaires ne
peuvent les eifacer aux yeux de la
postérité. G — y.
TOTZE ( EoBALD ) , professeur de
droit ]iublic et d'histoire à l'univer-
sité de Butzow , conseiller du duc
deMecklenbourg-Schwerin , etmem-
bre de l'académie royale d'histoire
à Gottingen , naquit, en 171 5, à
Stolpc en Poméranie. lia ]iublié : L
Histoire générale des Provinces-
Unies des Pa^s-Bas, traduite du hol-
landais , Tici])zig , I75() à 17O7 , 8
vol. iu/i". IL Ifistoire des Pro-
vinces-Unies, ou Nouvelle Histoire
du Monde , Jlalle, 1770, 17 vol.
in -4"' ÎH. Histoire abrégée des
Provinces-Unies ,lhi\\c, 177-'), in-
8°. IV. Jntroduclion à la Statisti-
que en f^éne'ral, et en particulier à
TOU
celle des états européens , Butzow
et Wijimar , 1779, 2 vol. in-S*^. ,
quatrième édition , revue par V. A.
Heinze; Schwerinet Wismar, 1790
à 1799, '2. vol. in-8°. Ce dernier ou-
vrage est regarde' comme le chef-
d'œuvre de Totze. On y admire sur-
tout l'art des transitions. Il passe de
l'histoire d'une contrée à celle du
pays voisin avec une facilité si sim-
ple, si naturelle , qu'on s'aperçoit à
peine de la transition. V. Histoi-
re du moyen âge, depuis L'émi-
gration générale des peuples jus-
qu'à la réformation , Leipzig, 1790,
i'-'. vol. , in 8". L'auteur étant mort
à Butzow, le 27 mars 17 89, ce i*''".
A^ol. fut public par Voigt , qui joi-
gnit des notes intéressantes au tra-
vail deïotze. Le second volume , qui
devait aller jusqu'aux temps de la
réformation , n'a point paru. Voigt
publia, en 1791 , quelques autres
écrits de Totze sur l'histoire et la
statistique. G — v.
TOUCHE ( La) , grammairien,
né, dans le dix-septième siècle, d'une
famille protestante , sortit de France,
après la révocation de l'édit de Nan-
tes, et se retira en Angleterre , où il
obtint la bienveillance du duc de
Glocester. Ce fut par ordre de ce
prince qu'il composa : VArt de bien
parler français , qui comprend tout
ce qui regarde la Grammaire , et les
manières de parler douteuses , Ams-
terdam , 1G96, in- 12. Il dédia cet
ouvrage au jeune duc , par une Epî •
tre dans laquelle il cherche à lui per-
suader qu'il lui est indispensable d'ap-
prendre le français : mais les raisons
qu'il en donne prouvent qu'il n'a-
vait conservé aucunattachement pour
sa patrie : « La France , dit-il , est
» devenue si redoutable par terre et
» par mer , depuis trente ans , qu'd
» est de la gloire et de l'intérêt de
TOU
317
» l'Angleterre , d'affaiblir cette puis-
» santé monarchie , et de ne souffrir
» jamais qu'elle s'étende au-delà de
n ses justes bornes. » Il lui montre
ensuite que la connaissance delà lan-
gue lui sera très-utile pour l'espion-
nage , pour les proclamations ou les
écrits qu'il sèmera en Finance : « mais ,
» ajoute-t-il , il est vrai , selon tou-
» tes les apparences , que le héros
» sous qui nous vivons ( Guillaume
» III ) aura abaissé la France avant
» que vous soyez parvenu au trône. »
Cette sinistre prédiction ne se réalisa
point. La Touche donna une seconde
édition de sa Grammaire , Amster-
dam, 17 10, 2vol. in-12; la qua-
trième, ibid. , 1730, 2 vol., est
augmentée d'un discours prélimi-
naire , et d'un avei'tissement. L'au-
teur mourut peu de temps après. Son
ouvrage fut encore réimprimé en
1737 (Amsterdam) , et dans le Dic-
tionnaire universel , on en cite une
édition de 17G0. La Touche traite,
dans le premier volume, de t^ut ce
qui regarde la grammatication ; il
donne, dans le second, un choix des
observations des meilleurs auteurs
sur les façons de parler douteuses.
La partie qui concerne la prosodie
de la langue française, n'avait pas
encoi'c été traitée avec tant de soin
ni d'exactitude ; et Goujet , en
avouant que la Grammaire de La
Touche n'est pas exempte de défauts,
dit que c'était la meilleure qui eût
encore paru ( Voy. Bibl. franc. ,
tom. i*^"". ). Suivant Desessarts ( Siè-
cles littéraires) , cette Grammaire
continue d'être estimée dans les pays
étrangers; mais celle de Levizac doit
l'avoir remplacée dans les écoles
d'Angleterre et d'Allemagne ( Voy.
Levizac ). W— s.
TOUCHE -TUÉ VILLE ( Louis-
René-MadelÈmf. Levassob ue La ) ,
i8
TOU
vice-amir.tl , naquit à Roclicforl , en
i']45 , d'une famille distinguée,
et qni avait déjà doiine plusienrs of-
ficiers à la marine. On dirigea , de
bonne heure , ses goûts A'^crs cette
carrière; et il avait à peine ti-eizc
ans , qu'il fut fait garde de la ma-
rine , et embarqué sur le vaisseau le
Dragon , qui faisait partie de l'ar-
mée navale aux ordres du maréclial
de Conflans. Il participa, sur ce bâ-
timent, au combat de Belle-Islc. La
Touche venait d'être nommé ensei-
gne de vaisseau, en 1768, lorsqu'il
se trouva compris dans une réforme
et admis à la retraite. L'oisiveté ne
convenait guère à son âge ni à son
caractère actif et entreprenant. Con-
trarié dans ses goûts , il les dirigea
vers une autre carrière, et il entra
dans les Mousquetaires. Le général
Dennery, qiii venait d'être nommé
gouverneur delà Martinique, se l'at-
tacha comme aide-de- camp , et lui
lit obtenir un brevet de capitaine de
cavalerie. En 1771 , La Touche pas-
sa , en cette qualité , au régiment de
La Rochefoucauld, dragons, et (it le
service d'aide-de-camp auprès du gé-
néral Vallière , qui commandait aux
îles du Vent. Les circonstances seules
l'avaient fait ofllcicr de cavalerie ;
son inclination le rappela vers la
marine, et il fut réintégré en i77'2 ,
comme capitainede brûlot. La guerre
s'étant rallumée en 177*'^, il fut nom-
mé au coimn.indementdu Rossignol,
avec le grade de lieutenant de vais-
.seaii. Chargé de croiser dans le gol-
fe de Gascogne , pour intercepter le
commerce anglais , il s'empara de
deux corsaires et tie ])lusieurs bâti-
ments marchands. La Touche com-
mandait V //crniione lors(pi'au mois
de juin i7<So, il soutint un combat
de deux heures et demie conlre la
fiégatc anglaise Vlsis , en ])résencc
TOU
de deux autres frégates de la même
nation. Il eut , dans cette action ,
trente-sept hommes tués et cinquante-
trois blessés ; lui-même fut atteint
d'une balle qui lui traversa le bras
gauche. En récomjiense de la bra-
voure qu'il avait montrée , le roi le
nomma chevalier de Saint-Louis, et
capitaine de Aaisseau. De retour
à Brest, il fut chargé d'une mission
pour les États-Unis : le marquis de
Lafayette, qui s'y rendait avec plu-
sieurs ofiiciers, s'embarqua sur VHer-
inione. Arrivé à la Nouvelle- Angle-
terre , \es généraux Terney et de Bar-
ras , confièrent à La Touche la di-
rection des travaux à faire pour éle-
ver des batteries à Uhode-Island, et
il prouva , dans cette circonstance ,
qu'il réunissait les talents de l'ingé-
nieur à ceux de l'homme de mer. Au
mois de juillet 1781 , VHermione ,
de concert avec V Astrée , que com-
mandait l'infortuné La Pérouse, sou-
tint , sur les côtes d'Acadie, un com-
bat de plusieurs heures contre quatre
frégates et deux corvettes anglai-
ses : la frégate commandante enne-
mie et l'une des corvettes furent
forcées d'amener , et les autres
bâtiments furent très - maltraités.
L'année suivante , on mit sous les
ordres de La Touche les frégates
V Aigle et la Gloire , et il fut chargé
de porter aux Etats-Unis trois rail-
lions en or. Un grand nombre d'ofli-
cicrs qui se rendaient à cette destina-
tion étaient embarqués sur ces fré-
gates. A l'entrée de la Chesapeak ,
elles rencontrèrent le vaisseau an-
glais V Hector de soixante-ijuatorzc.
J^e combat dura ju'ès d'une heure; et
le vaisseau , tout désempare fut
forcé de s'éloigner : l'importance de
la mission du capitaine La Touche
ne lui ]>eiinetlailpasdelc poursuivre;
mais on apprit (ju'i! avait coulé bas
TOU
quelques jours après. Les passagers
et le trésor que La Touclic aAait à
bord ayant été débarqués , il était
occupé de réparer ses avaries , lors-
que le Commodore Elphiuston vint,
avec toute sou escadre, le surprendre
au mouillage. V Aigle seul était en
état d'appareiller ; et cependant La
Touche ne balance pointa soutenir le
combat qui lui est présenté; mais en
appareillant, la mal-adresse du pilote
le lit échouer sur un banc. Dans cette
position , il répondit le mieux qu'il
])ut au feu de l'escadre anglaise ;
il se vit bientôt forcé d'amener ,
et fut conduit en Angleterre , où il
resta jusqu'à la paix. Rendu à la Fran-
ce, eu 1783, La Touche fut nommé
directeur du port de Rochefortj et
chargé de dresser une carte de l'île
d'Olerou ( elle est insérée au premier
volume de V Hydros,ra])hie françai-
se). L'année suivante , il fut appelé à
Paris par le muustre de la marine ; et
il concourut à la rédaction de l'or-
domiancc de i-^SG. En 1787 , le duc
d'Orléans le nomma chancelier de sa
maison. Élu, par la noblesse du bail-
lage de Montargis, aux. États -géné-
raux ( 1 789 ) , La Touche fut un des
premiers à se réunir aux communes.
Il fit ensuite partie de l'x^ssembléc
constituante jusqu'au mois d'octobre
1791 , époque de sa dissolution. La
guerre ayant été déclarée en 1792,
La Touche, qui venait d'être élevé
au grade de contre-amiral, porta son
])avillon sur \e Languedoc. A la tête
d'une division de quatre vaisseaux,
\\ parut devant Naples, qu'il mena-
ça d'un bombardement , s'il n'obte-
liait réparation d'une insulte faite à
la nation française , danslapcrsoune
deson ■iinbassadcurà Conslantinople,
Semonvi Ile. Ayant obtenu satisfaction
il se réunit à l'escadre commandée
parle contre-amiral Truguet , et par-
TOU 3 19
ticipa aux opérations dirigées contre
Oneille, Cagliari et Nice. Enveloppé
dans la mesure générale prise , en
1793, à l'égard des ofilciers nobles,
il fut destitué, détenu à la Force, et
ne dut son salut qu'à la révolution
du 9 thermidor ( 27 juillet i79i ). Il
ne jugea pas à propos alors de re-
prendre du service j et ce ne fut qu'en
1799 qu'ayant été rétabli sur les lis-
tes de la marine , il alla prendre le
coraraandemciit d'une division , à
Brest. La Touche commandait les
bâtiments de la flotille réunis à Bou-
logne, lorsqu'au mois d'août 1801 ,
Nelson vint les attaquer. Les dispo-
sitions de l'amiral français firent
échouer celte tentative [F. Nelson).
Une seconde attaque eut lieu deux
jours après j mais La Touche, qui la
prévoyait^ avait mis le temps à pro-
fit j et quoique mieux combinée
que la première , elle eut le mê-
me résultat. Nelson fut obligé de
se retirer, ayant, de son aven, per-
du plus de deux cents hommes. Ap-
pelé, en 1801, au commandement
de l'escadre de Rocbefort, La Touche
appareilla , au mois de décembre ,
avec six vaisseaux , six frégates et
deux corvettes, portant trois mille
hommes destinés à agir contre Saint-
Domingue. Il entra de vive force ,
avec son escadre , dans la rade
du Port - au - Prince , soumit les
forts j deliarqua ses troupes, et par-
vint, par ses belles manœuvres, à
préserver cette ville des ravages de
l'incendie. En récompruse, il fut
nommé vice-amiral; mais les fa-
tigues qu'il avait éprouvées dans ce
commandement difiicile avant altéré
sa santé, il se vit forcé de revenir en
France. Quelques mois de séjour à
Paris sudirent pour opérer sou réta-
blissement, et il reçut ordre d'aller à
Toulon , pour y prendre le comuian-
320 TOU
dément de l'armëe navale. Cet ami-
ral aurait eu besoin d'un plus long
repos- mais son zèle ne lui permit
pas de balancer. A peine fut-il arrive'
que les symptômes de la maladie qui
avait nécessite' son retour en Europe
prirent un caractère plus grave. Dès
les premiers moments de son indis-
position, pressé par ses officiers de
se faire transporter à terre , pour y
être plus à portée des secours de l'art ,
il s'y refusa , en disant : Un ami-
ral est trop heureux lorsqu'il peut
mourir sous le pavillon de son vais-
seau. La Touclie eut en eiiet cette
consolation 5 il succomba, le 19 août
1804^ à bord du vaisseau le Bucen-
taure. H — q — n.
TOUCHE ( GuiMOND DE La).
Voy. GumoND.
TOUCHET (Marie), fdle d'un
apolliicaire d'Orléans, née en ! 549 '
est l'uuique maîtresse à laquelle il
paraît que Charles IX se soit atta-
ché. On ignore l'époque précise où
commencèrent les amoux's de ce
prince avec la belle Touchetj seule-
ment on sait que cette liaison est an-
térieure au mariage du roi, qui eut lieu
en iS-jo, et que M'*''. Touchet , en
voyant le portrait d'Elisabeth d'Au-
triche . que ce prince allait épouser ,
dit : U Allemande n- me fait pas
;7t'«r. Eneflet , la passion de C'iarles
IX dura jusqu'à sa mort ; et, dans
l'indiilérence générale oii tomba ce
monarque pour le trône qu'il quittait,
et pour tout ce qui l'environnait , il
ne perdit point la mémoire de sa
maîtresse. N'osant parler d'elle à sa
mère , il la recommanda à un de ses
favoris. La mort du roi porta un
coup funeste à la fortune de Marie
Touchet ; maîtresse , depuis |)lu-
sicurs aimées , d'un prince aussi géné-
reux que Cli.irles IX, elle pouvait ctre
ricliej niais il ne paraît pr)iiii(pi'elle
TOU
eût, comme la favorite qui l'avait pré-
cédée , ni terres ni grands établisse-
ments. Elle épousa , à la fin de l'an-
née i5'y8, François de Balsacd'En-
traigues , gouverneur d'Orléans , et
chevalier des ordres du roi. Ce ma-
riage lui donna à la cour une exis-
tencebrillante, qu'elle soutint par une
conduite sage et même sévère. Mère
de deux filles d'une beauté remar-
quable, elle les surveilla avec une vi-
gilance extrême ; mais le succès ne
répondit pas à ses bonnes intentions ,
puisque l'aînée , la célèbre marquise
deVerneuiljfutmaîtressed'HeurilV,
et que l'autre vécut dix ans avec le
maréchal deBassompierre, et en eut
un fils , sans pouvoir le décider à l'é-
pouser. On peut voir , dans les Mé-
moires de Sully , combien M™*^ .d'En-
traigues opposa d'obstacles à la pas-
sion d'Henri IV. Après la mort du
roi, qui diminua beaucoup à la cour le
crédit de la maison d'Entraigues, Ma-
rie Touchet termina sa vie dans la
retraite ; elle s'y livrait à des lectures
solides et dignes de son esprit, que Le
Laboureur appelle mco/n/J«r«&Ze. On
appi end,parun sonnet queluiadressa
Berthaud , évèque de Séez, que les
OEuvrcs de Plutarque étaient l'objet
favori de ses études. Marie Touchet
eut de Ch^-rles IX deux fils : l'un
mourut enfant ; et l'autre Charles ,
bâtard de Valois , reçut le titre de
duc d'AngouIême , et l'ut père du
dernier duc de ce nom ( Fof. An-
goulÈme , II,i73-i';4)- Mézerai
a prétendu que Marie Touchet avait
été mariée du vivant du roi ; mais il
se trompe , puisque Jacqueline de
Rohan , prouiicre femme de Fr.
de Balsac d'Entraigues , ne mourut
qu'au mois de janvier i)'j8 , quatre
ans après la morldu roi. Un courtisan
avaitt.iitaiiisi l'anagramme de Marie
Touchet : Je charme tout. B — t.
TOU
TOU - FOU , surnomme Tseu-
mci, l'un des plus cclibrcs poêles de
la Chine, n.iquit, vers Je commence-
ment du liuilièmc siècle , à Si.mg-
yang dans la province de lioii-
kouang, et non pas à Kiifg - tcheoii
dans le Clien-si , comme l'a dit le P.
Amiot. Ses ancêtres s'étaient depuis
long-temps dislingues par leur talents
et par les hantes cliarges qu'ils avaient
occupe'es;elTou-chin-yan , son aïeul ,
avait compose des Poésies , dont il
nous est reste dix. livres. Ton- fou ,
des sa jeunesse, annonça d'heiuTuses
dispositions ; et toutefois il n'obtint
pas de succès dans ces concours lit-
téraires qui ouvrent, à la Chine, !a
route des emplois et de la fortune.
Son esprit récalcitrant et tant soit
peu inconstant ne put se plier à cette
règle inllesible que les institutions
imposent à tous les lettres sans ex-
ception. Il renonça donc aux grades
et à tous les avantages qu'il eût pu
en espérer pour son avancement ; et
son goût l'entraînant vers la poésie ,
il devint poète. Ses vers ne tardèrent
pas à le faire connaître; et dans l'es-
pace qui s'écoula entre '^jf\'i et 755,
il donna trois de ces poèmes descrip-
tifs qu'on nomme en chinoi'syis». Le
succès de ces ouvrages lui valut les
faveurs du souverain, qui voulut lui
donner des fonctions à sa cour , ou
lui confier l'administration d'une pro-
vince. Ton -fou se refusa à ces bien-
faits, et n'accepta qu'un titre, hono-
rable à la vérité, mais tout-à-fait inu-
tile à sa fortune. A la fin , lasse de
l'état de gêne qui le poursuivait dans
son infructueuse élévatiun, il adressa
à rem])ereur une pièce de vers, où il
peignait sa détresse avec cette liberté
que la poésie autorise et semble en-
noblir. Sa requête fut favorablement
accueillie , et lui valut une pension
dont il ne jouit pas long-temps, par-
XI.VI.
TOU
Ssi
ce que, cette année même, l'empe-
reur fut contraint d'abandonner sa
capitale à un rebelle. Tou-foii , fugi-
tif de son côté, tomba entre les mams
d'un chef des révoltés ; niais sa qua-
lité de poète et ic dédain qu'elle ins-
pira aux oificiers qui l'avaient pris, le
servirent mieux que leur estime n'au-
rait pu faire. Il trouva moyen de s'é-
chapper, et se réfugia, en 75'^, à
Foung-thsiang dans le Cl;en-si. C'est
de cette ville qu'il s'adressa au nou-
vel empereur (Sou-Tsoung). Il n'eu
fut pas moins bien traité qu'il ne l'a-
vait été du ]iréclécesseur de ce prince;
mais ayant voulu user des préroga-
tives de la charge qu'on lui avait
donnée, et défeudre avec hardiesse
\\n magistrat qui avait encouru la dis-
grâce du prince, il se vit lui-mùne
éloigné de la cour , et relégué, en qua-
lité de sous-préfet, à Thsin. Comme
il vit peu d'apparence à pouvoir s'ac-
quitter des devoirs de cette place, il
s'en démit immédiateracnl, et se ré-
fugia à Tclîing-tou dans la province
de Sse-tchhoiiau, où il vécut dans un
tel déniiejnent, qu'il fut réduit à ra-
masser lui-même les broussailles dont
il avait besoin pour se chauller et
])réparer ses aliments. Après plu-
sieurs années d'une vie agiîée et mi-
sérable, il fit, en 761 , la connais-
sance d'un commandant mditairc du
Sse-tchhouan , nommé Yan-won, qui
représenta à l'empereur l'état pré-
caire où se trouvait Tou-fou, errant
de bourgade en bourgade, dans la
province qu'il administrait. Sur la
demande de cet olilcier , l'empereur
accorda à Tou-fou ce qui était le plus
à sa convenance , un titre qui l'atta-
chait au ministère des ouvrages pu-
blics , et fournissait à ses besoins ,
sans lui imposer de fonctions; mais
le protecteur de Tou-fou étant venu
à mourir , et de grands troubles aj'ant
21
/>22
TOU
éclate dans la province qu'il liabitait,
le poète reprit sa vie errante, et passa
successivement à Sin , à Tching-tou et
à Klioiie'i.Vers'y(iS,il eut envie d'aller
visiter les restes d'un odilicc antique
dont on attribuait la construction au
célèbre Yu : s'él.int hasarde seul dans
uncbarquc sur un ileii vedebordc, il fui
surpris par les grandes eaux , et force
de chercher tuie retraite dans un
temple abandonne. 11 demeura dix
jours entiers dans ce refuge , sans
qu'il fût possible d'aller !e secourir,
ou lui porter des pi'ovisions. A la lin
pourtant , le magistrat du lieu lit
faire un radeau qu'il monta lui-même,
et re'ussit à tirer Ton-fou de sou
asile j mais les soins de ce magistrat
devinrent plus funestes an poète, que
ne l'avait été l'abandon où on l'avait
laisse languir, car son estomac af-
faibli par une si longue abstinence ne
put supporter les aliments qui lui fu-
rent oiicrts. ïou-fou mangea beau-
coup , but davantage , et mourut
d'indigestion pendant la nuit. Ilavait
compose un grand nombre de poë-
siei? , qui ont été recueilles avec som ,
et données au public peu de temps
après sa mort. Elles font encore au-
jourd'hui les délices de gens de let-
tres , qui se plaisent à les citer et à
les imiter. On les trouve dans les sa-
lons, dans les bibliothèques, dans
les cuisines mêmes; on les reproduit
en forme d'inscriptions, sur les pa-
ravents, les éventails et les bàlons
d'encre. Tou-fou et Li-llia'i-pc , son
ri\ a! et son contemporain peuvent pas-
ser ])our les véritables réformateurs
de la poésie cliinoise, j^uisqu'ils ont
contiii)iié, plus que tous les autres, a
lui donner les rigles (pi'ello observe
niieoje aujourd'luii. Lcius Ol'.uvrcs
sont leunies dans une collection dont
la bibliothèque du roi ])0ssède un
exemplaire, et que Fourmout, dans
TOU
son Catalogue ( N. clti )^a pris pour
un commentaire sur ieChi-king , on
Livre des Vers. A la tête de ce Re-
cueil se trouve une notice sur la Vie
et les écrits de Tou-fou : on s'en est
servi pour composer celle-ci , et rec-
tii'ier en plusieurs points celle que le
P. Amiot a consaci'ée an même person-
nage, dans ses Portraits des célè-
bres Chinois (Wém. des I\ïission-
naires, tome v, p. 3H6 ). iVTa-îouan-
lin, dans la bibliothèque historique
(L. ccxxxii , p. 3 et suivantes), fait
connaître plusieurs éditions des Oeu-
vres poétiques de Tou-fou , qu'il
nomme toujours Tou-koung-pou ,
c'est-à-dire Ton, du ministère des
ouvrages publics. La dillérence qu'on
observe dans l'étendue de ces édi-
tions , et dans le nombre des Libres
dont elles se composent , provient
des notes et des commentaires que
divers auteurs ont pris soin d'y ajou-
ter. L'édition qui fut mise en ordre ,
en io39, et imprimée vers io5g,
contient quatorze cent cinq pièces,
avec un index pour les classer chro-
nologiquement. Peu d'amiées après
(vers io65 ) , on y a joint un sup-
plément contenant les morceaux que
Tou-fou avait composés pendant ses
courses dans la ])rovince de Sse-
tchhouan.La renommée de Tou-fou
est du nombre de celles qui ne peu-
vent giH rc- s'étendre hors du cerrlc
où elles sont nées. La poésie à la Chine,
comme chez plusieurs autres nations
de l'orient , se rcconnnande par un
genre de beautés intraduisibles, par
des allusions, des nu-la [ihores et des
emblèmes qu'un commentaire peut
seul rendre inlelligibles. Peut-être, si
l'on voulait inellre eu français les
pièces descriptives rie Tou-fou ou de
Ja-llia'i-pe.ain-ait-onmours de succès
encore ([ue n'en ont oblenii ceux tpii
ont traduit les poètes les plus célèbres
TOU
de l'Asie , ceux que l'on goûte le plus
sous leur forme originale. A. R — t.
TOULAIN ( Françots-Adrien ) ,
ne' à Toulouse, en i^Gi , s'établit à
Paris , en 1787, comme libmiro-
marcbandde musique, et se jela avec
ardeur- dans la résolution. Nommé
membre de la commune du i o août ,
il arriva au Temple , imbu de pré-
ventions atroces contre la famille
royale , et s'y montra i'un des com-
missaiies les plus exagérés. Mais il
ne put voir les vertus de Louis XVI,
.sans en être vivement touché. De
concert avec Cléry et Turgy , il em-
ploya secrètement tous ses mcypus
pour adoucir la captnité de ce
prince et de sa famille. Ce fut lui
qui, après le 21 janvier, conçut
le hardi projet de faire évader
Louis XVII et les princesses. La
reine, à laquelle il le soumit, vor! ut
avant tout que ce projet fût examiné
par le chevalier de Jarjaves, h qui
le feu roi avait souvent confié des
missions secrètes. Elle lui remit pour
cet olbcier- général un billet portant :
« Vous pouvez prendre confiance en
» riiomme qui vous parlera de ma
» part. Ses senlimeuts me sont con-
» nus; depuis cinq mois ilin'a pas
» varié. » A la faveur d'un dcgiiise-
ment , le chevalier de Jariayes fut
introduit au Temple, par ToiiIan;il
conféra avec la reine , et reconnut
que si l'on pouvait gagner un second
commissaire , il y avait probabilité
de succès. Lepitre avait su inspirer
beaucoup de confiance à la reine :
on s'ouvrit donc à lui. Des billets de
celte princesse ont révélé récemment
qu'une forte somme offerte d'après
ses ordres et avancée par le chevalier
de Jarjaves détermina le municipal
à s'engager dans l'entreprise. Aussi
de'sinléressé qu'il se montrait dévoué,
Toulan ne voulut rien accepter de la
TOU
323
reine qu'une tabatière d'or , dont
elle faisait quelquefois usage. Toutes
les mesu'-es furent prises , et comme
la surveillance des commissaires était
bien moins active depuis la mort de
Louis XVI , le succès, au dire de
Lepitre lui-même , paraissait assuré.
Mais ses iriésolutions et ses frayeurs
firent différer d'un jour à l'autre
l'exécution du projet. Ce fut en
vain que la reine daignant lui don- •
ncr, ainsi qu'à Toulan, une mèche
de ses cheveux et de ceux de ses en-
fants, y joignit cette devise : Poco
nma ch' il morir terne , « c'est aimer
peu que cra ndre de mourir; » tan-
dis qnc Toulan écrivait sur celle qu'il
avait reçue : « Tiitto pcrloro , tout
pour eux ; « rien ne put vaincre la
pusillanimité de Lepitre. Enfin les
débats qui s'élevèrent dans la Con-
vention sur les mesures à prendre
contre les Bourbons ayant rendu
aux municipaux toute leur sévérité,
l'évasion de toute la famille royale
devint impossible. Alors pour sauver
la reine dont les jours étaient princi-
palement menacés, un nouveau pro-
jet auquel Lepitre ne fut point initié
fut proposé à cette princesse et adop-
té par elle. Toulan se chargeait de
la conduire dans un lieu où se serait
trouvé le chevalier de .larjayes : la
réussite était assurée; mais la veille
du jour fixé ]>onr le départ , cette di-
gne mère répondit aux instances de
cet oUlcier par un billet où se lisent
ces paroles admirables : « Nous
» avons fait un beau rcve, voilà
» tout.... Mais l'intérêt de mon fils
» est le seul qui me truide , el nuelcnie
» nonhei'iquc ] eusse éprouve a être
» hors d'ici, je ne puis conseiitir à
» me séparer de lui.... Je ne pour-
» raisjouirderiensansraesenfants. »
Ainsi s'évanouit encore l'espérance
de sauver Maric-Autoinelte. CcpcH-
21..
324 TOU
dant les projets d'évasion n'avaient
pu être concertés sans ëvciilcr l'at-
tention de Tison, l'un des geôliers
de la Tour. Quoiqu'il n'eût rien pé-
nétré , il dénonça Toulan et Lepiire
au conseil de la commune y « pour
avoir des intelligences avec la reine
et Madame Elisabeth ; » et ces com-
missaires ne furent plus chargés de
la surveillance du Temple. Peua})rrs
im mandat d'arrêt fut lancé contre
Toulan, qui avait eu l'indiscrétion
de montrer à quelques amis la boîte
d'or dont on a parlé. Ces mêmes amis
qui s'étaient chargés de mellre le
mandat à exécution, l'ayant arrclé
dans la rue, le ment'reut chez Ini
pour y apposer le scellé avant de le
conduire en prison. Pendant qu'ils
dressent leurs procès-verbaux, Tou-
lan s'évade par un escalier dérolj^^-'.
Quoique obligé de se tenir caciié , il
continua de rendie des services à la
famille royale, par l'entremise de
Turgy. Enfin , des avis le forcèrent
à s'éloigner de Paris. Il se rendit à
Toulouse; mais appienant qu'jJ y
était signalé au comité révolution-
)iaire , il échangea son passeport
contre celui de Bosalio Mcrtre;
noms qu'il transforma aiBémcnt m
ceux de Buch Alimertre , v\ qu'il
inscrivit sur une baïaque d'écrivain ,
dans laquelle i! s'établit à Bordeaux,
sur le quai de Royan. 11 y vivait
ignoré depuis six mois , lors(pie sa
femme, qu'il avait rappelée anj;iès
de lui_, fit connaître cette retrai-
te , en demandant , sous son vérita-
ble nom , un passeport pour cette
ville. A peine y fut-elle arrivée que
des ordres du comité de sûreté gé-
nérale firent arrêter Toulan : il
iul envoyé à Paris, et traduit au tri-
bunal révolutiomiaire. Il piTii sur
rccliafaud ,!ej<)iuui i'^()/|.l',n iHi/i.
iMadamf. , duchesse d'Augoulênie ,
TOU
accorda tnic pension à sa veuve. Poirr
connaître les plans et les moyens
des deux jH'ojets d'évasion, il faut
consulter : i". Quelques sotivenirs
ou Notes fidèles sur mon service au
Temple , parLe])itre, in-S^. , Paris,
i8i4; et seconde édition, iSi-j. 1!'
a supjirimé dans celle-ci les cinq yei^
qui_, dans la première, peigneiit ses
incertitudes et son elfroi ; 'i'^. 3fé^
moires historiques sur Louis XFI1\
in 8". , S*^. édition. Tout ce qu'on y
raconte sur les ])i'()jets d'évasion a
été puisé dans un rapport inédit ,
adressé aux princes frères de Louis
XVI parle chevalier de Jarjaycs,.'
et qu'il a communiqué à l'auteur dé
cet article; 3°. Précis des tentatives
qui ont été faites pour arraclu-r la
reine à hi captivité du Temple ,
avec plusieurs fac-similé des billets
de IMarie-Anlbmelte, in-8». Ce Pré-
cis y publié depuis la mort de Jal"-
jayes. n'est point de lui, et l'écris
vaimi'apprend rien de nouveau sur
ces tentatives; mais Ihs' biflets d*c
cette prjncessc confirment les faits
déjà publiés et en révèlV-ht d'autre^,
égalemeuî honorables pour Jarjave,^
et pour 'i'oîtlaii;' E— r— n. '
TOUTTCHE'N , diplomate et a.n
minislralein- Mandchou , vit le jour,
en 1 ()()'- , daiis le canton de Yckbé,
situé an nord de la province de I.iao-
toung. Sa famille , nommée Avnii
(ihioro ^ quoique ]ieu fortiniée, fut
))ourtant une des j)lus i'espcclabirs
du pays. A l'époque oai la tribu d'é,^
Mandchous comuicnça ."ï d(n'enii-
puissante et étendit ses conquètt^S
sur les peu])Ia(les voisines, le bi-
sa'ieill de Toulichen se sonmif à ellh^
comme d'autres chefs de cis e(Ui-
Irées. Dans sa jeunesse, Toulichen
était d'une eomplcxinn déli(*a(e, qui
ne lui permit ])as de suivre les élu-
dfs avec la même assiduité tpie ses
TOU
coiupagiions. Sa tail)lestie i'empècha
Ue se livrer , comme les autres jeunes
m;indclious , à l'exercice des armes
et à celui de la chasse. 11 choisit ,
j)Our celte raisou , la carrière admi-
uistrative, qui parut plus cuuveua-
hle à ses forces pliysiijues. Apres
avoir subi plusieurs examens, il tut
employé dans la cour des traduc-
teurs de l'empereur , où i\ servit avec
tant de zèle, qu'un an après on lui
donna la charge de rédacteur des
pièces oiiicielles. Dix ans plus tard ,
l'empereur Khang hi l'envoya , à l'oc-
casion d'une disette admise , dans
les provinces de Chan-si et de Chen-
il , pour distribuer des grains aux
|>auvres])aysans. Ayant termine cette
mission, il reçut l'ordre de se rendre
dans plusieurs districts méridionaux,
aOnd'y inspecter les cours des rivières
et les canaux , ot d'y faire en mê-
me temps fabriquer des cuirasses
pour l'arinëe. L'empereur , content
de ses services , le créa aiiiban , ou
grand de l'empire , et lui ccnlèra
d'autres titres; il le chargea aussi de
se rendre à la grande muraille pour
y faire percevoir les imj)ôts. A son
retour à Pekiug,Toulichenful nommé
directeur des haras impériaux , qui
se trouvent en dehors de la grande
muraille. Il paraît qu'd hs adminis-
.tra mal; car il tomba eu disgrâce,
et perdit ses places et ses titres. En
véritable philosophe, il se retira dans
mi village, oùvivaient encore son père
et sa mèie. Il s'y occupa d'agricu!-
lure , et voulait y finir ses jours ,
quand un ordre de la cour le ra])pcla
dans le cercle des affaires. Les Tor-
goots , une des quati-e branches de la
nation des Oeloetsou Kalmuks, éta-
blis auparavant dans l'empire des
Dy.oûngais , s'étaient avancés , vers le
milieu du même siècle i, jusqu'aux
bords du laïk. Leur khan Ayouka
TOU
3»S
Tardzi monta sur le trône eu 1G7U,
obtint des princes russes l'autorisa-
tion tlese fixer dans les Pepper, qui sé-
parent le Don et le Volga. Son neveu
Arabdjoiiv vint avec sa mère, en
1703 , oilrirses hommages au grand-
Lama. Pendant leur séjour au Tibet,
une guerre s'éleva entre Ayouka et
Tsevaiig arabdan , souverain des
Oeloets. Le jeune prince, n'osant tra-
verser les états de rennemi de son
oncle , vint à la cour de l'empereur
delà Chine , qui le reçut fort bien,
et lui donna des terres en Mongolie.
Quelques années après (en 1 7 1 2 j ,
Arabdjour voulant rejoindre sa fa-
mille , Ixhang hi envoya Toulichen ,
comme ambassadeur à la cour d'A-
youka khan, pour préparer et an-
noncer le retour du prince kalmukj
mais vraisemblablement pour inviter
le khan des Torgoôts à retourner
dans l'ancienne ])atrie de sa horde.
Parti de Peking au commence-
ment de l'été de 1 7 i 2 , il tra-
versa la Mongolie me'riibonale , le
désert de Gobi et le pays des Khal-
kha , et arriva , après soixante-trois
jours, à Seleiighiusk, alors première
"ville russe vers la frontière chinoise.
Les autorités russes le reçurent avec
honneur , et le firent partir pour
Irkoutsk, oii il fut o])iigé d'attendre
la permission du prince Gagarin ,
gouverneur de la Sibérie , pour pou-
voir continuer sou voyage. Il y
resta jusqu'au printemps suivant,
et s'embarqua sur l'Angara pour al-
ler à Icniseisk. De là il se rendit paa*
le /"ofoA { I )de Makovski , pour s'em-
barquer sur le Kiet , qu'il descendit
jusqu'à Narym , oii il se jette dans
l'Obi. Il remonta ce fleuve jusqu'àTo-
bolsk ; le prince Gagarin fit à toute
l'ambassade une honorable récep-
(i) î'oloh, espace enlie deux rivière» unvigablos
3^6
TOU
tion. Daus le journal de son voyaj^e ,
Toulichcn a donne un précis de la
plupart des conversations qu'il eut
avec ce prince; ou y démêle le secret
mécontentement de Gagarin et son
aversion pour le Czar Pierre I*^^'". :
cette aversion présageait déjà la ré-
volte qu'il méditait et qui le conduisit
à l'écliafaud. De ïobolsk , l'am-
bassade se rendit , partie par terre ,
partie sur les rivières , à Kazau , a
Simbirek et à Saratov , où la nar-
ration chinoise ])lace la frontière qui
divise la Russie et les Torgoôts.Tou-
lichen avait étédis-hi/ii mois en route
depuis Peking jusqu'à cet endroit. Des
honneurs plus grands l'attendaient
encore au campement d'Ayouka ,
placé à Manon Tokhai , canton
situé à ime sinuosité du Volga.
Il y resta quinze jours , sans avoir
entièrement réussi dans sa négocia-
tion. Cependant Ayouka avait reçu
avec respect la patente par laquelle
l'empcrciir Khang hi lui donnait l'in-
vestiture comme khan des Torgoôts.
Il se reconnut , par cet acte de sou-
mission , vassal de la Chine ; et c'est
pour cette raison que les Torgoôts
ont figuré depuis sur la liste des
peuples trlljulaires, jusqu'à ce qu'ils
soient venus, en 1-171, se r.aiger
tout-à-fait sous les lois de cet empire.
Toulichcn retourna à Peking, à-peu-
près par le même chemin qu'il était
étaitvcnu.Il arriva flanscetîecapitale
versla fin de juin 17 i5. L'empereur,
satisfiiit de la manière dont il avait
rem pli sa coiuinissiuii, le nomma sous-
secrétaiieil('laguerrc,etl)ientôt après
premier secrétaire du même minis-
tère. Il était investi de celte charge ,
quand il piihlia , en 1723, la rela-
tion de sou voyage clie/.lcs Torgoôts,
qui parut eu même temps en cliinuis
et en raandcliou. Elle porte en chi-
nois le \\ivc I yu luu, cl en mand-
TOU
chou, Laktchkaha dchetchen de
takoûrakha edchekhe bitkhe. C'est
un ouvrage qui fait honneur à la
sagacité et à l'exactitude de son au-
teur , et qu'on doit admirer d'autant
plus, qu'il a vovagé dans un pays
dont il ignorait totalement la langue.
Nous eu possédons deux traduc-
tions : la première , en russe , faite
par M. Lcontiev sur le texte man-
dchou, parut, à Saint-Pétersbourg,
sous ce \\lvc : P oui tchestevic kitais-
kago poslanika k' kalmjktskomou
Ajoukè khanou , 1782, in-8". La
seconde , en anglais , faite sur le chi-
nois par G. Th. Staunton , porte
ce titre : Narrative of the chinese
cinbassr to the khan of the Tour-
goulli Tartars , London , 1821 , in-
8'J. Un entrait que le P. Gaubil avait
fait de ce voyage avait déjà paru en
I7'i(), dans les Observations mathé-
matiques du P. Souciet, vol. I , pag.
148-1 75. 80US le règne de Khang hi,
en 1(389 , la Chine avait conclu avec
la Russie un traité de paix , par le-
quel les limites des deux empires se
trouvaient en partie iixées. Ce traité
permettait aux marchands russes d'en-
trer en Mongolie ])Our y îi-v^llquer , et
d'envoyer même des caravanes à Pe-
king. Cependant la conduite des Rus-
ses avait trop souvent excité le mé-
conleiitement du gouvernement chi-
nois, et Khang hi linitpar renvoyer,
en 1722, tous ceux de cette nation
(pii se trouvaient à Ourga , campe-
ment du khoutoukhtou mongol. Son
successeur, Young Icliing , insista
sur la fixaiion délinitivc des fron-
tières entre les deuK empires ; et le
cabinet de Saint Pétersbourg se vit
forcé d'accéder à sa demande , en
envoyant, en 1720, un ambassadeur
])lénipotentiaire à Pékin. Le congrès
j)our la lixation des limites s'assem-
bla r.innée suivante auprès de la ri-
TOU
vicre Boso,qiii se jette dans la Se-
lenga. ïoulichen en lut un des prin-
cipaux membres du coté des Chinois.
Il était alors vice-président du minis-
tère de la guerre. Le traité qui régla
les frontières depuis la mer orientale
jusqu'à l'endroit où le leniscï entre
en Sibérie fut conclu le 2 1 octobre
in'.i'j , et ratifié le i4 )>^i''i i7'^8.
C est encore aujourd'hui la base des
relations qui existent depuis un siècle
entre les deux empires. Nous igno-
rons la date de la mort de Touhchen,
qui, à cette époque j était âgé de
soixante ans. Kl — n.
ÏOULMIN (Joshua), ministre
anabaptiste, né à Londres, résida
long-temps à Taunton , dans le comté
de Sommerset , où il exerçait la pro-
fession de libraire. Lorsque son ami
le docteur Priestley partit pour
l'Amérique^ il vint s'établir à Bir-
mingham , comme ministre d'une
congrégation socinienne. Après s'être
long-temps distingué par son zèfc
à soutenir les principes dcPiiestley,
il mourut à Birmingham , en août
i8i5 , à soixante-treize ans. On a de
lui, entre autres écrits : I. Sermons
adressés à la jeunesse , avec une
traduction d'Isocrate , in-B*^". ,
,1'7'yO ; seconde édition. in- 12, 1789.
IL Mémoires sur la Fie et les écrits
de Fauste Socin , in-8", 1777. IIL
Dissertations sur les preuves du
Christianisme , in 'S'^. , 1783. IV.
Essai sur le Baptême, m-Q'^. , 1 786.
V. Histoire de lu ville de Taunlon ,
in-4". , 1791. VI. Histoire des Pu-
ritains , par Neal , nouvelle édition
avec la Vie de l'auteur et des obser-
vations, 5 vol. in-B"^., 1784-1787.
L'éditeur a détaché du texte et mis
en notes quelques documents qui in-
terrompaientle coursde la narration;
dans les notes qu'il a ajoutées, il s'est
attaché à répandre de nouvelles lu-
TOU 3-27
mières sur le sujet , ainsi qu'à justi-
lier l'historien contre les critiques
desévcqiies iMadox, Warburlon et le
docteur Grey. VII. Ulnjusiice de
classer les unitaires parmi les déis-
tes et les infidèles, in-1'2, <797-
Vlll. Trihui bicgr'aphique àla mé-
moire du docteur Priestley , in-
S**. , 1804. IX. Adresses aux
jeunes gens , in-ï'2 , 1804. X. Mé-
moires du reV Sam. Bourne , in-8"*.,
1809. XI. Sermons sur des sujets
de dévotion , in-8°. , 1810. Xil.
Quatre discours sur le baptême,
in- ri, 181 I. XIII. Tableau histo-
rique de Vétat des Protestants non-
cunformistes en Angleterre , iu-S".,
1 8 1 4- 1 oulmin a concouru au Theo-
logical repository , au Mémorial
du Non-conformiste , au Monthly
magazine , et à d'autres écrits pé-
liodiques. On trouve dans tous ses
ouvrages un style animé, simple et
naturel. L.
TOULON GEON ( Francois-
Emanuel, vicomte ( i ) de) , historien
et littérateur , naquit, en 1748, au
château de Champlitte, d'une des
plus anciennes familles de la Franche-
Comté (2). Destiné, comme cadet, à
l'état ecclésiastique, il fut envoyé, de
(i) On l'a confondu souvent a\ ec le marquis de
Touloutjeon , son frère aine. Celui-ci elait maré-
chai-di' camp avant la révolution , et il fut élu dé-
ptilc de- la noblesse de Franclie-t'omté , aux étals-
genéiauK de i-Sf) , où il se montra fort oppose' aux
opiniuus de sou frèi-e. Après avoir sigué toutes les
protestations de la minorité contre les opérations de
l'assemlilée nationale, il sortit de France avant la
fin delà session, rejoignit l'armée di-s princes,
fit avec elle la cam|>agne de l'O'- , d se retira
à Frilxmrp;, d'où il écrivit à Louis W'I et à ses
frères des lettres qui tombèrent dans les mains
des révolutionnaires, et le firent décréter d'accu-
sali.in par la Convention nationale, sur le rapport
de Rewliell. Le marquis de Toulongeon entra en-
suite au service d'Autriche , où il devint lieule-
nant-[;énéral. Il mourut à Vienne, dans les premiè-
res années de ce siècle. Ce général avait épouse une
demoiselle d'Aubigné , dernier rejeton de la famille
de ce nom , qui mourut, en i8o5 , dans une retraite
où elle vivait près de Fontainebleau , après avoir
subi une longue déteulion pendant la révolution.
( >,) Un Toulongeon éuit maréclial de l'.ourtogne
.-ous Phillppe-le-Bou.
3i8
TOU
bonne heure, à Paris, au sdminaire
de Saint -Sulpice, pour y l'aire ses
études ; mais la répuç^nance inviaci-
hle qu'il montrait pour la llie'ologie
■décida ses parents à lui permettre
d'embrasser la profession des armes;
et il ne tarda pas d'obtenir une com-
pagnie de cavalerie. Il consacra ses
loisirs à la culture des lettres et des
artSj qu'il avait aimes des l'enfance;
et quoique bien jeune encore , il re-
chercha la société des personnes qui
pouvaient l'aider de leur expérience
et de leurs conseils. Ayant embrassé
avec toute l'ardeur de la jeunesse les
principes du parti philosophique qui
dirigeait alors l'opinion , il fit , en
177O, une visite à Voltaire, dont il re-
çut un accueil plein de bienveillance,
et qui lui témoigna le regret de ne
pouvoir l'ai'rêtcr quelque temps dans
-ha solitude de Ferney : « Je n'ai fait,
w écrivit-il aumarquisdeTi'essan(3),
» qu'entrevoir M. de Toulongeon, Il
)) m'a donné la plus grande envie de
» jouir de sa charmante société; mais
» mon âge et mes maux ne me l'ont
« pas permis M. de Toulongeon
» m'a paru in.'iniment aimable et
■» bien digne de votre amitié. Il a les
» grâces, la politesse, les talents que
M je vous ai connus. » Parmi les jeu-
nes OiTiciersavec lesquels Toulongeon
s'était lié, celui qu'il aimait le plus
<'lait Giiibcrt , célèlue depuis par son
Traité de tactique. La conformitédes
goûts et du caractère les avaient ren-
dus inséparables. 11 ])uisa dans les cn-
tietiens et dans les ouvrages de son
ami une connaissance approfondie de
l'ait (le la guerre, et y joignit celle
de riiisloire et du droit public. Pas-
sionné pour les sciences, il suivit leurs
])rogrès avec ardeur ; et il trouvait
onrore le loisir de < iillivei' en secret
.<; f ■■„,,■, \,- V„ i.Mx- ;, l,r, ;,„ , ,1,. , , „.,v.riilji.-
'77''' ^'"j' '" ' un c-9|>uu JaiKi; ;i'iiir,ili'.
TOU
les arts. Dessinateur habile , il pei-
gnait ou gravait à l'eau - forte et au
burin de petites compositions pleines
de grâce et d'intelligence. Ce n'étaient
pas , sans doute , les ouvrages d'un
maître, mais c'étaient mieux que les
délassements d'un simple amateur.
Comme colonel de chasseurs à che-
val (4) , il eut le plaisir de voir son
régiment cité pour sa belle tenue et
pour sa disciphne ; et il aurait obtenu,
sans doute , un avancement rapide
s'il n'eût pas renoncé au service au
moment où la guerre commença (5).
Lors des états provinciaux assemblés
à Quingey eu 1^88 , il se réunit à
la minorité de la noblesse pour sup-
plier le roi d'établir l'égale réparti-
tion de l'impôt , et de supprimer
d'autres abus signalés dans les ca-
hiers de doléance. Il publia , à la
même époque, sous le litre de Prin-
cipes naturels et constitutifs des
assemblées nationales, une brochure
qui lui valut une grande popularité^
et ([ui le fit nommer député , par la
noblesse de sa province, aux états-gé-
néraux, avec Bureaux dePusy(^. ce
nom, VI, 9.()'i\ Ils furent, l'un et l'au-
tre, du petit nombre des députés de la
noblesse ({ui se séparèrent de leur or-
drepour se réunir à celui du tiers-état:
il indiqua ensuite les motifs du peu
de coniiaiicc que l'assemblée devait
avoir dans le parlement de Besançon;
et lorsqu'il fut question de présenter
au roi le plan de contributions propo-
sé par Necker et adopté par l'assem-
blée, un député de Gascogne , nom-
mé Broustaret, ayant demandé (jue
le monarque fût préalablement invité
à sanctionner la partie de la consti-
il puilait l<;
. Ita-
lie
(r») ('.'i!,! |mr ••iTiMir i|ii'ciiia dil qiia le vicoiuli'
4li' TiiuliinHi.m i liiit riiarnilial-(l« -tuliii) ù l't'liuijuv
il« 1,1 iivululioli. Il u'tliiil «liiu colujicl.
TOU
ttilion déjà décrétée , le vicomle de
Touloiigeoii apjmya vivement cette
proposition. 11 se montra ensuite très-
^laiid partisan du ministre Necker;
et se tint dans la ligne du parti ré-
volutionnaire qu'on appelait modéré.
Il fut un des membres de la reunion
qui se formait chez le duc (le La Ro-
chefoucauld (F", ce nom, XX XYIII ,
3io),et se plaignit amèrement, dans
l'Assemblée , de l'inscription de son
nom sur la liste du club monarchique
( F". Malouet ). Dans la séance du
1 2 avril 1 790 , il demanda l'ordie du
•jour sur la proposition de déclarer
dominante la religion catholique. Il
se livra ensuite à quelques travaux
utiles dans cette Assemblée , dont il
fut plusieurs fois nommé secrétaire •
il prit beaucoup de part cà la nou-
velle organisation de l'armée, à celle
des ponts-et-chaussées et de l'instruc-
tion publique. Apres la session , il ne
vouhit accepter aucun emploi , et se
retira dans le INivernais , où il pos-
sédait une terre (Sozay) , seul reste
de son patrimoine , et dont les reve-
nus étaient diminués d'un tiers par la
suppression des redevances féodales.
•Partageant son temps entre l'étude
et la pratique de l'agriculture , il
•n'eut pas le sort de la plupart de ses
imprévoyants collègues , immolés sur
les ruines qu'ils avaient si impru-
demment accumulées. Plus heureux,
il échappa aux échafauds et même
aux prisons de la terreur. Nommé
député du département delà Nièvre ,
eu iSo'i et en 1809 , au corps légis-
latif, il n'accepta qu'à regret cette
faveur du nouveau maître de la
France , qui le nomma ensuite com-
mandant de la Légion -d'Honneur.
L'ex[)érienfc avait désabusé Toulon-
geon des rrves de la politique , et il
se proposait de consacrer le reste de
sa vie à des travaux littéraires. Gou-
TOU
3a9
nu par (ji'.elquos Mémoires, il avait
rem{)!acé Dclcyre , en i';97 , à IMns-
tilut,daus la classe des sciences mo-
rales 6). il en fréquenta dès-lors
assidûment les séances, et y lut une
foule de morceaux sur les objets or-
dinaires de ses méditations. 11 venait
de terminer la traduction des Com-
mentaires de César , quand il mou-
rut ])resque subitement , le 23 dé-
cembre 18 «2, à l'âge de soixante-
quatre ans. Ses restes furent iidiumés
au cimetière IMonlmartre , où ses
enfants lui ont fait élever un modeste
monument décoré d'une épitaphe ( 7).
MM. Quatrcmère de Quincy et Du-
pont de Nemours prononcèrent sur
sa tombe deux discours qui ont été
imprimée. Ses principaux ouvrages
sont : I. Frincipes naturels et cons-
titutifs des assemblées nationales ,
(Besançon) , 1788, in-8'\ W.Èlo^e
véridique de Guibert , par un ami,
Paris, 1790^ in-8». ; nouvelle édi-
tion revue et corrigée , à la tête du
Voyage en Allemagne de Guibert
( V. ce nom ). 111. Manuel révolu-
tionnaire ou Pensées morales sur
l'état politique des peuples en révo-
lution, ibid., 1796, in- 18 de i37p.;
ibid. , 1802, in-8^. , traduit en alle-
mand. C'est, dit M. Dacier, l'ou-
vrage d'un homme d'esjirit et d'un
penseur. On y désirerait plus d'ordre
et de méthode ; mais on y trouve un
grand nombre d'observations neuves
et des réflexions ingénieuses et pi-
quantes. IV . V Esprit public ( 1 797) ,
in-8'\ C'est une espèce de journal en-
trepris dans le but de calmer les
partis qui divisaient alors la France,
en les engageant à de mutuelles con-
cessions. Il n'en parut que six nu-
{(>) OUo clas.sc l'ut Mi|)|)riim-e , en i8o3 , lurs do
la iforgaiiisalioii dv riustitut, et ses uiembifs re-
partis dans les nouvelles classes.
(7) On la trouve dans la Aolicc de M. Graii|»m,
citée ù la fui de l'arliile.
33o
TOU
méros. V. Histoire de France , de-
puis la révolution de 1780, écrite
d'après les Mémoires et m.inucrits
couteniporaius , recueillis dans les
dépots civils et militaires , Paris ,
1 801-1 810, 4 vol. iii-4''.;, ou 8 vol.
in-S*^. , avec cartes et plans. Cet ou-
vrage , quou lit peu , est cependant
reroinmandable par des détails mi-
litaires assez exacts. VI. Manuel du
muséum français , avec une des-
crijJtion analytique et raisonnée de
chaque tableau, indiqué au trait ])ar
mie gravure à l'eau-forte , tous clas-
sés par écoles et par œuvre des
grands maît-es , Paris, 1802-1808 ,
in-8°. , neuf livraisons : elles con-
tiennent l'œuvre du Poussin ; du Do-
miniquin ; de Rubens ; de Raphaël ;
de Lebrun; de Van-Ostade , Gérard
Dow et Van-Dick ; de Vernet ; du
Titien j et enfin de Paul Veronèse.
Ou yjoint une dixième livraison, con-
tenant la Galerie de Saint-Bruno, par
Lesueur, décrite et analysée par M.
L. R. F. Vil, jÇ/oge historique de
Camus ( f^'oy. ce nom ). Vil!. Re-
cherches historiques et philosophi-
ques sur l'amour et le plaisir , Pa-
ris , 1807 , in-8*'. ; sous ce titre ,
Toulongeon a publié nn poème en
trois chants, qui ne se recommande
ni par la régularité du plan , ni par
la sagesse de la composition; mais
on y remarque des détails ])iqiiants ,
et des tableaiixagréablcment dessillés.
IX. Les Commentaires de César ,
traduits en français , Paris , i8i3 ,
'i vol. m-\-x ; réimprimés en i8>.5.
Cette version joint le mérite de l'é-
légance à celui de la lidélité. Le
Recueil des i\Iérnoires de l'Inslitut
n'en contient que deux, de Toulon -
gcon ; l'un : De V influence du ré-
gime diéléliipie d'une ruitinn sur
son étal politique , m , lo'A; l'au-
tre , J)c l'usui^e du numéraire dans
TOU
un grand état , iv , 420 ) ils oflrent
des A^des ingénieuses , mais dilîlciles
à réaliser. Il en a publié deux: autres
sépaiément : De l'Esprit public , in-
8". de 22 pag. — Sur le danger pour .
la salubrité publique d'établir des
usines sur les petites rivières , in-8''.
de i(3 pag. Parmi les autres ouvra-
ges qu'il a communiqués à l'Institut ,
on cite des Mémoires sur la civilisa-
tion des peuples ; sur le destin chez
les anciens (8) ; sur l'analyse des sen-
sations et des idées; sur la mémoire;
sur l'esprit; sur la manière d'amener
la liberté individuelle dans un gou-
vernement représentatif; des notes
sur Homère ; la traduction en vers du
troisième chant de l'Iliade , et celle
de la quatrième satire de Perse; la
préface de l'Atlas militaire des cam-
pagnes de la révolution ; des recher-
ches sur la fondation et l'élablisse-
ment de colou.'?s nouvelles ; coup-
d'œil sur les différentes manières d'é-
crire l'histoire et surtout l'histoire
contemporaine : il insiste sur la né-
cessité des détails qui peuvent seuls
découvrir ou faire deviner l'origine
et les causes des événements et pein-
dre avec vérité les caractères. Il a
laissé beaucoup de manuscrits dont
quelques-uns sont l'ouvrage de sa
jeunesse, tels qu'un Voyage à Berlin,
un Traité des Comètes, et un Mémoire
sur les acTostals. Voy. son Eloge ,
par M. Uacicr , dans le tome v des
Nouveaux Mémoires de l'académie
des inscriptions ; et une Notice his-
torique sur sa vie et ses ouvrages ,
par iM. Grappin , dans le Recueil de
î'acadéiuic de Besançon, anu. 181 3.
Le portrait de Toulougeona été gra-
vé dansdivcrs formats. W — s.
(SlO (1
la (lis. „.ssi.,
M. n.n,...,
a^..i.'l.l l.'s
i>c:niirs 1
LIIVI-ll cl'i
niodllil 1
I,.' />.<//,
( 1)>,,...„I
'.•x.<-llni
r. . et r.
1 cl.. N.iii
Il Mti.iol
11' de
.li.'en
TOU
TOULOUBRE ( Louis Ven-
tre, scigiieiir de La ), juiiscon-
sulte et littérateur provençal, na-
quit à Aix en 1706 , d'une famille
altacliee à la map;istrature. Des-
tine' au barreau dès sa jeunesse ,
il cultiva d'abord la poe'sie avec le
plus grand succès, et remporta plu-
sieurs pnx. académiques. Quelqucs-
imes de ses pièces furent iui])nniècs
dans dill'e'rents recueils. En i -ySa , le
roi le nomma à la chaire de ])ro-
fesseur du droit français, en l'u-
niversitc d' Aix , et en 1734, il fut
pourvu d'un oUice de substitut du
procureur-ge'ne'ralau jiarlcraent. Par-
tage entre l'élude des lois et la litté-
rature, il sut se distmguer en même
temps dans les deux carrières ; mais
préférant ses devoirs à ses goûts de
prédilection, il abandonna insensi-
blement le temple des muses pour
celui de Thémis. En 1788, il com-
posa une Ode sur l'imagination , qui
fut couronnée par l'académie des
jeux floraux, et annoncée avec élo-
ge par tous les journaux. Il publia
encore un poème sur le Sacrifice
d' Abraham ; mais ce furent là les
derniei's sons de sa lyre, et il se livra
depuis entièrement au barreau. On
a de lui : L Les OEuvres de Scipion
Du Périer , lyGo , 3 vol.. in -4". ,
avec des observations très - judi-
cieuses sur l'état actuel de la Ju-
risprudence. IL Recueil des actes
de notoriété donnés par les avoc.»ts
et procuieurs-générausau parlement
de Provence, in-8". , i-SG, 177'-^.
Ces actes sont, en quelque sorte, le
recueil d'un droit particulier à la
Provence. La plujiart étaient rédi-
gés avec une concision qui les ren-
dait obscurs et susceptibles de faus-
ses inicrprélations. La 'i'ouloubre,
par des remarques, des exemples ,
des décisions et des maximes , a
TOU
33 1
fort bien éclairci ces jugements par-
ticuliers. IIL Jurisprudence féoda-
le suivie en Provence , 17S6, in-
80. • réimprimé en 1765 sous ce ti-
tre : Jurisprudence féodale obser-
vée en Provence et en Languedoc ,
'1 vol. in-S*^.; ouvrage estimable, que
l'on consultait tous les jours avant la
révolution. La Toliloubre s'était oc-
cupé d'un Commentaire sur les sta-
tuts de Provence; mais des considé-
rations particulières l'empcclièrent
d'y mettre la dernière main. On trou-
va , parmi ses manuscrits , le com-
mencement d'un ouvrage sur le Droit
maritime. Tous ses écrits , cités
comme des autorités respectables eu
Provence , annoncent l'homme stu-
dieux et le jurisconsulte profond.
Au retour d'un voyage d'Italie , il
mourut à Aix, le 3 septembre 1767 ,
laissant plusieurs enfants qui ont
marché avec distinction sur les tra-
ces de leur père. A — t.
TOULOU.se (Louis-Alexandre
DE Bourbon , comte de ) , troisième
fils légitimé de Louis XIV et de
]\jme_ 3e Montespan , naquit , à Ver-
sailles , le 6 juin 1678. Ce prince
était à peine âgé decinq ans, lorsqu'il
fut créé amiral de France. En 1G90,
il accompagna le roi aux sièges de
Mons et de Namur, et y donna de
si grandes preuves de courage, que
son père se crut dans la nécessité de
lui défendre de s'exposer aussi incon-
sidérément ( I ). Lors de la guerre
de la succession d'Espagne ( 170U),
le comte de Toulouse , commandant
pour la première fois une escadre ,
( 1) Vovaut le cheviil d'uu ofticier qui se trouvait
au siège près de lui eniporle par un boulnl , le
comte de Toulouse , qui n'avait que douze
ans, se retourna l'roidemeut , coiunianda (|u'oii
donnât un autre clieval à l'olFicier , et s'erna ;
« (Juoi .' lui coup de eunan,iiVs(-te <pie cela .' » Le
nu'^uie i"tir il moula , Ma Iraucliec ,'i la lèle de sou
réjiimeni- L'anncc suivante , il fui blesse au siège
<lc ^anulr.
322
TOU
sortitde Toulon , avec six vaisseaux ,
€t se porta successivement à Messine
et à Païenne, (It reconnaître dans
ces deux villes l'autorité de Philip-
pe V, et sut, ]iar d'habiles disposi-
tions, les mettre à l'abri de toute at-
taque. La campagne de 170! lui
cibit nne nouvelle occasion de se
distinguer. L'arclïiduc Charles, re-
connu roi d'Espagne jtar l'empe-
reur son père et par les alliés, s'était
rendu en Angleterre , pour s'y em-
l)arifuer sur l'escadre de l'amiral
Pvooke , qui devait le conduire à Lis-
bonne. Louis XIV, informé de ce des-
sein , chargea le comte de Toulouse
de s'opposer à son exécution. Deux
escadres furent armées simultané-
ment, et le prince prit le comman-
dement de celle de Brest. Sorti de
ce port . le G mai , avec vingt-trois
vais-eaux de ligne, il se dirigea sur
Toulon, dans l'intention de se réu-
nir à l'amiral Duquesne. Parvenu
jusqu'à la hauteur de Lisbonne, sans
avoir rencontré l'escadre anglaise,
il s'arrêta un moment à l'embouchu-
re du Tage, où il apprit que l'amiral
Jîooke était sorti de Lisbonne, quel-
ques jours auparavant, avec soixan-
te voiles , ayant à bord trois mille
liommesde troupes commandées par
le prince de Darmstadt, et qu'il se
dirigeait sur Barcelone. Arrivé à Ca-
dix le 25 , il se hâta de débarquer
les troupes et les munitions qu'il de-
vait y laisser , et se disposa à sortir
du détroit. Ce projet n'était pas
.sans danger, en raison de la supé-
riorité de l'armée anglaise ; mais
c'était le seul moyen d'opérer sa
jonction avec l'escadre de Toulon,
( t de déjouer les projets de l'en-
nemi sur Barcelone: le comte de
Toulouse n'iie'sita point. Arrivé à
Ja hauteur d'Alicanlc, il rencontra
Jcs dix-neuf vaisseaux commandés
TOU
par Duquesne. Cet amiral lui rendit
compte ([ue l'armée anglaise était
forte de soixante-dix bâtiments de
guerre, dont quarante -cinq vais-
seaux. Le 7 juin , étant à deux lieues
de Minorqiie, on eut connaissance
de l'eimemi. Quoique l'armée fran-
çaise fût de beaucoup inférieure à
celle des alliés, le comte de Toulouse
se mit en mesure de soutenir le com-
bat s'il lui était ])résenté. Toutefois,
ayant le vent sur l'ennemi , il en pro-
fita pour se rapprocher des côtes de
France. L'amiral Rooke le suivit
jusqu'au 10; mais une saute de vent
ayant occasionné la séj)aratiou des
deux armées pendant la nuit , et les
Anglais n'étant plus en vue , le com-
te de Toulouse saisit cette circons-
tance pour rentrer à Toulon. Il y ap-
prit que les alliés , sur la nouvelle de
son apparition dans la Méditerra-
née , s'étaient hâtés de quitter Bar-
celone pour se mettre a sa poursui-
te ; et ce fut ainsi que l'entreprise
hardie de ce prince de traverser le
détroit , pour ainsi dire à la vue
d'une armée eimemie supérieure en
nombre, lit échouer les projets for-
més sur la Catalogne, seul but de
l'expédition. Mais ce n'était point
assez pour le comte de Toulouse ; il
voulait se mesurer avec l'amiral
Rooke. Toutes ses dispositions étant
faites , il sortit de Toulon , à la tét€
de quarante-neuf vaisseaux de bgue,
et de vingt-(fuatre galères. Le maré-
chal d'Estrées commandait en second
sous lui. Le marquis de Yillette était
à l'avant-garde, et le marquis de
Langeron formait l'arrière -garde.
L'armée se dirigea d'abord sur Bar-
celone; et sur l'avis que le comte de
'i'ouloiise y reçut que la flotte des al
liés élait rentrée dans la Méditerra-
née , il força de voiles pour sortir du
détroit, et se porter à sa rencontre.
TOU
Le 24 ^oùt 1704, à la pointe du
jour, on .1 perçut rarmc'c eiuicmic ,
composée de soixante - cinq vais-
seaux, de plusieurs galioles , et di-
visée en trois escadres. L'amiral
Sliowel était à l'avant-garde, i'a-
miral Rookc au centre, et l'arrière-
garde était commandée par l'amiral
hollandais Calembourg. Les deux
armées se trouvaient alors à eu-
A'iron onze lieues nord et sud de
IMalaga. A dix lieures du matin , di-
verses manœuvres les ayant amenées
à la portée du canon, le feu com-
mença de pai't et d'autre, avec une
vigueur égale sur toute la ligne. Le
comte de Toulouse , attaqué par l'a-
miral Rooke et par deux autres
vaisseaux , leur opposa une telle ré-
sistance , qu'après les avoir très-mal-
trailés, il les força de l'abandonner.
L'avant-garde et l'arrière- garc|e se
comportèrent aussi vailLiraœent- et
les alliés, malgré leur sujicriorité,
furent battus sur tous les points. Le
combat dura jusqu'à la nuit et fut
tellement meurtrier que l 'ennemi
éprouva une ])erte de trois mille
hommes. Le vaisseau de l'amiral Ca-
lembourg , ainsi qu'un autre vaisseau
hollandais, furent coulés dansM'ac-
t!on, ou n'en put sauver que l'ami-
ral et neuf hommes. L'armée fran-
çaise eut quinze cents hommes hors
de combat. Le vaisseau du comte de
Toulouse se battit long-temps contre
celui de l'amiral Rooke, et le démâ-
ta. Le prince reçut lui-même une
blessin-e à la temjie, et eut quatre de
ses pages tués à peu de distance de
lui. Les deux armées après s'être ob-
-servées pendant plusieurs jours, se
séparèrent enfin ('.>,). Celle des alliés
(•>.^ Saint-Simon rlU- lianssrs Mrmnirps If foi
hal de MalaRa , luais , |)cii \t3vé dans ers niaticio
.1 ronroiiil K-s J il<-< cl I.- fiiU. Il (Ivr Ir c..m\>M
■x-^ M'pUuiliip , tandis qu'il cit ninslunt c(ii'il n
TOU
33;
se dirigea sur Gibraltar, et les Fran-
çais entrèrent à Malaga. Philippe V,
lorsqu'il apprit le beau combat du
comte de Toulouse, lui écrivit, de
sa main, une letue de félicitation, et
lui envoya l'ordre de la Toison, en-
richi de diamants pour une valeur
de plus de cent mille écus. La paix
vint rcndje ce prince à la cour. Le
comte de Toulouse, dont les vertus
ont trouvé grâce devant l'ennemi
le plus acharné des enfants légiti-
més de Louis XIV, était , Vhon-
neur , la vertu ^ la droiture , l'équi-
té même , selon le duc de Saint-Si-
mon , qui rend une égale justice
à ses vertus guerrières. « On ne sau-
» rait, dit-il, en racontant la bataille
» de Malaga^ voir une valeur plus
lieu |p 9.4 aoùL « Les deux (loties , dit-il , étaient ,
pinn- le noinlire de vaisseaux, à-iieu-piès égales. »
t)ii a vn , an ronliaire, qne raiiiiee alliée était
fmte de siiixante-ciuj] vaisseanx , et qne celle cki
comte do Tonlunsc n'elalt que de qnaraute-neul.
Même ignorance sur la perte des alliés , qu'il lait
monter à six mdie hommes, au lieu de trois mille.
Mais il est \ni |)oint snr letjuel nous devons parti-
culièrement insister, et qui fait l'objet principal de
cette note. Saint-Simon rapporte ipie le iendeoiain
du combat, it forée de vent et de manouvres ( ce
sont ses expressions ) , l'armée française parvifit à
ri |oliidre l'amiral Kookc de fort près. « J^e com-
-n le de Toulouse, dit-il , voulait l'attaquer de non-
>. veau; le mari rljal de Cœuvres (comte d'L.s-
» Irres 1 assembla le conseil; Ions e'iaient d'avis
)> d'attaqijej-. , lorsque d'O , le mentor de la flotte,
). et coolrp l'avis duquel le roi avait trJs-pie.isé-
i» ment défendu au comte de faire aticune r-liose ,
» s'y opposa avec mi air dédaigneux el une froide ,
» uiuolle el suilisanle opiniâlrclé. L'oracle pronon-
3> ce , chacun retoiu'na à son bord, et le coiitle ,
)i d.ms sa chambre, outré de la plus vive douleur.
» U acquit , .Vpin^c Saiut-Simon , un grand bon-
» nenr eu luut genre daus celle campagne, et son
)i plat gouv<ruenr,en perdit peu, parce qu'il n'en
» avait guère .'• perdre. » IVcms ne cnercbons
pas à aprolimdir les motifs de la haine de Saint-
.Simon cimtvc \o ^oiif'-rn'iir du comte de Tou-
louse, alors âge de vingt-six ,nns ; mais ucmi
nous contenterons d'observer qu'aucun des nom-
breux historiens du combat de Malaga h'a fait
mention de cette circoustaucc , et nous ajmi-
terous que le comte de 'Tonlonsc , dont l'armée
était si inférieiU-e-cn (brtes h celle des alliés , mal-
gré l'avantage qu'il avait remporté sur elle, n'élait
gu^1•e en mesure de recommencer le comliat le
letidrm.iin , et qne s'il eût pu mi cru devoir le
liMie , ui~Uu,-ui4e coiale <rUht4W4's «fui oom«)A4v-
dall en second sous lui , n'cusseni déféré à l'avl-
d'un homme qui, n'élanl pas marin , ne pouvait
prononcer sm- r,-»vaulage ou rincouvcuienl d'un
334
TOU
» tranquille que celle qu'il fit paraî-
» tre pendant toute l'action, ni plus
» de vivacité à tout voir et de juge-
» ment à commander à propos. Il
» avait su gagner les cœurs par ses
» manières douces et aflables,par
» sa justice et sa libéralité, etc. » Il
aimait l'ctude^, à laquelle il consa-
crait souvent une partiedes nuits(3);
mais il mettait une extrême l'éserve
à cacher son savoir. Doué d'un sens
droit plutôt que d'un esprit brillant,
il avait em^ie de bien faire , mais
par les bonnes voies; tout appliqué
d'ailleurs à savoir sa marine de
guerre et de commerce, et V enten-
dait très-bien. Quoique son abord
fût assez froid, la beauté de sa phy-
sionomie, noble image de la bonté
de son ame, lui gagnait tous les
cœurs. Il n'était pas moins aime
qu'estimé à la cour : aussi était-il eu
butte à la ialousie du duc du Maine,
son frère aîné. Le comte de Toulouse
ne pouvait soutlrir les prétentions
exagérées de sa belle-sœur, la du-
chesse du Marne , qui fit le mal-
heur de son mari, en le poussant
dans des intrigues qui empoisonnc-
rent sa vie. Le comte de Toulouse
demeura toujours étranger à ces me-
nées , qui ne tendaient à rien moins
qu'à troubler la France en inter-
vertissant les droits légitimes des
princes du sang royal. Il en fut
récompensé par l'estime de tous les
bons Français; et après la mort de
Louis XIV, le duc d'Orléans, ré-
gent, qui sévit avec raison contre le
duc Cl la duchesse du Maine, mon-
tra toujours uncbienveillance sincère
au comte de Toulouse; il lui é|);ir-
gua toute inorlilication jiersonnelle ,
(1) Cetlr lialiiliidc pi'ima lui dPTdiir ruiie^lr : li;
feu prit niix ridriutx Hfî ndii lit , «'ninmn it .t'rtnit
ciiUurmi uu iiiilicit U'iiiiv Iccluic iiiuloiigi.'i'.
TOU
et l'excepta de la mesure par laquelle
les ])rinces légitimés furent dépouil-
lés de tous les honneurs et préroga-
tives de prince. Le comte de Tou-
louse ne chercha pas comme son
frère à s'allier à une princesse du
sang. Il épousa secrètement, le 22
février 17 '-3, Marie- Victoire-So-
phie de ^oailles , qui avait été ma-
riée en ])remières noces au marquis
de Gondrin , menin du dauphin ,
et brigadier des armées du roi , et
dont elle avait eu trois fils. A l'âge
de vingt-quatre ans , la marquise de
Gondrin était, par sa beauté, ses
grâces et son esprit, un des orne-
ments de la cour. Le comte de Tou-
lousen'avait pu demeurer insensibleà
tant de mérite. Leur mariage fut dé-
claré public avec la permission du roi,
le 4 sept, de la même année. Jamais
union ne fut mieux assortie, jamais
époux n'offrirent une réunion plus
parfaite. La marquise de (îondrin ,
en devenant comtesse de Toulouse,
se montra digne du haut rang dont
on avait laissé les prérogatives à son
époux. Elle s'associa à ses modestes
vertus. Comme lui, elle demeura ton-
jours étrangère à toute cabale. Aux
scandales delà régence venaitde suc-
céder l'administration paisible et ré-
gulière du cardinal de Fleurv. La cour
de Sceaux , présidée par la duches-
se du Maine; et la cour de Rambouil-
let, tenue par la comtesse de Tciulou-
se, léunissaient alors la plus haute so-
ciété de la France. Le bel-esprit,
avec quelques prétentions , régnait à
Sceaux , depuis que l'intrigue en était
bannie. Due gaîté piquante et de l'es-
prit sans aHèctation , animaient la so-
ciété de Kambouiliet. C'était celle-ci
que préférait Louis XV, jeune enco-
re. « Le bel esprit le mettait au siip-
» plicc : son préce])teur l'avait ac-
» coutume à une vénération exchisi-
TOU
» ve pour le bon sens (4). » f^-e mo-
narque montrait pour la comtesse
de Toulouse une amitié qui n'c'tait
pas sans quelques nuances de ga-
lanterie, et qui pourtant ne fut ja-
mais calomniée. Elle s'entendait avec
le cardinal de Fleury pour donner à
Louis XV le goût des plaisirs qui
ne causassent ni troubles ni remords.
On la vit rarement quitter Rambouil-
let , dont la ponulation ne vivait pres-
que que de ses bienfaits. Par ses soins,
cetteville, quinese composait encore
que d'une rue etd'unee'glise, s'agran-
dit et devint florissante. La comtesse
de Toulouse , déjà heureuse mère par
la brillante fortune du duc d'Antin ,
l'aîné des trois fils qu'elle avait eus
de son premier mariage, eut encore
le bonheur do voir revivre toutes les
vertus de son père dans le duc de
Penthièvre, unique fruit de son se-
cond hvmeu. Rempli d'une aJlèction
chaque jour plus vive pour ce couple
respectable, Louis XV destinait au
comte de Toulouse la place de pre-
mier ministre après la mort du vieux
cardinal de Fleury, qui lui-même de-
sirait l'avoir pour successeur; mais
ce prince fut enlevé par une maladie
cruelle, dans la cinquante-neuvième
année de son âge ( i*^''. déc. i"]^"] ).
Taillé pour la seconde fois de la
pierre , il supporta ses soufiVances
pendant vingt-deux heures avec une
fermeté héroïque , et mourut en don-
nant k sou fils , le duc de Penthièvre,
des instructions qui fructifièrent si
heureusement. La comtesse de Tou-
louse fut inconsolable : son époux
en mourant l'avait recommandée au
roi, qui continua, pendant deuxans,
d'aller à Rambouillet; mais la socié-
té de cette vertueuse princesse finit
par avoir moins de charmes pour le
(4)Lai.ri:tL'llc, TubUau Uu 18'. iuv/<-.
TOU
33:
monarque , quand il se fut laissé do-
miner par des plaisirs corrupteurs.
La comtesse de Toulouse passa le
reste de ses jours à Rambouillet:
l'étude, la bienfaisance et les devoirs
d'une religion éclairée, occupaient
tous les loisirs de cette douce retrai-
te. Elle mourut en i'-(iG, à l'ace de
soixante- dix- huit ans. Lorsqu'elle
n'était encore que marquise de Gon-
drin , Voltaire lui adressa , en ly iç),
une Ëi)ître au sujet du péril qu'elle
avait couru en traversant la Loire.
D — R — R et H — Q — N.
TOULOUSE -LAUTRP:C (Le
comte de), né, au commencement
du dix-huitième siècle , d'une an-
cienne famille du Languedoc, entra ,
dès sa jeunesse , dans la carrière des
armes , fit , comme oflicicr de cava-
lerie, la guerre de Sept- Ans, et de-
vint colonel du régiment de Coudé ,
dragons. Il était maréchal-de-camp,
lorsqu'il fut nommé député de la
sénéchaussée de Castres aux étals-
généraux de 1789. Il se montra, dès
le commencement , très -opposé aux
innovations révolutionnaires , et s'é-
loigna de l'assemblée dans les pre-
miers mois de 1790 , avec le projet
d'aller prendre les eaux. S'étant ar-
rêté quelque temps dans un château
des environs de Toulouse , il y fut
détenu par ordre de la municipalité
de cetteville, sur la dénonciation de
deux individus qui l'accusèrent d'a-
voir essayé de les enrôler dans une
troupe destinée à opérer la contre-
révolution , et surtout à empêcher
la fédération de gardes nationales
qui devait avoir lieu à Toulouse. La
municipalité, respectant , dit-elle, la
qualité de député de M. de Lautrcc,
en référa a l'Assemblée nationale, où
de graves discussions eurent lieu à
cette occasion. Il fut défendu d'une
■ manière fort touchante par M. d'Am-
33(>
TOU
bly , son aiicicn ami , et, ce qui est
plus étonnant , par Robespierre lui-
même, qui voulait alors faire préva-
loir l'inviolabilité des députés. Ap-
pelé ensuite à l'Assemblée , M. de
Toulouse se défendit lui-même , et il
fut acquitte au milieu d'applaudisse-
ments unanimes. Plus tard , il parla
en faveur du maréchal de Castries , et
il eut une vive altercation avec Mi-
rabeau ; enfin, il se montra, dans tou-
tesles circonstances, l'un des plus zélés
délénseurs de la monarchie , et sigua
toutes les protestations de la minorité.
Après la session, il se réfugia en Es-
pagne, et fut dénoncé, en 1792, com-
me entretenant une corres]iondance
avec les royalistes des départements
méridionaux. En 1794' i' passa en
Pvussie avec sa famille, et fut nommé
lieutenant- général au service de cette
puissance. S'étant rendu à Berlin ,
dans l'année suivante , il y fut pour-
suivi par des particuliers qui l'accu-
sèrent de leur avoir ve;idu de faux
assignats , et le firent arrêter. Il mou-
rut en prison , et l'on répandit qu'U
s'était suicidé ; mais cette assertion
est dénuée de toute v'raisemblance à
l'égard d'un vieillard plein d'hon-
neur , et qui avait servi pendant
soixante ans de la manière la plus
distinguée. M — d j.
TOUMAN-B AY II ( i ), ( Al-I\Îï lik
Al-Aschraf) , dernier sulthan de la
seconde dynastie des IMamlouks ,
était né en Circassie : il était neveu
du sultlianK-iiisouli A!-Gauri,qiiiré-
leva et le lit monter par tous les em-
plois , jusqu'au poste iin])orlant de
dc^x'aclar ou secrétaire- d'étal. Ce
prince, en partant pour la Syrie , où
'i)'roiJMANn\v I". ( Âl-lUelik nl-A<lrl Srif-
f/idlTi ^ , jimli'rrMx'iir <lr Knrisoiih lit AI-CV»iiri ,
avïil liU* ilëpoM' m raiiiadliiin >)oli ( avi il iSoi ) ,
apri» Iroiii rania ilc rî'Knc , H luis !i mort qiir-liiue
Ittiilin apri». A— T.
TOU
il allait s'opposer à la marche du
sullhau olhoman Sc'lim 1^'. , confia
le gonveriiement de l'Egypte à Toii-
man-Bay. Après la mortdeKamsouh-
Al-Gauri, qui fut tué en i5i6, à la
bataille de Mardj-Dabek, gagnée par
Séliml'^'. , les IMamlouks échappés à
la déroute, et ceux qui étaient restés
en Egvpte, élurent unanimement Tou-
man-Bay pour sulthan, le i'^''. cha-
wal gi'2 (3o oct. i5f6) , et lui don-
nèrent le titre de Melik-al-Aschraf
(le roi illustre). Aussitôt qu'il eut
été installé en présence de l'armée,
il sortit du Caire, alla établir son
camp hors du faubourg P»eidanieli ,
et V fit élever une redoute formida-
ble, hérissée de canons du plus gros-
calibre. Ce fut là qu'il attendit Sélim,
qui , après avoir conquis Halep et
Damas, avait franchi le désert qui sé-
pare la Syrie de l'Egypte. Ce fut là
aussi que se livra, le VI 'i janvier 1317,
la sanglante bataille qui décida le
sort de la monarchie d'^s Mamlouks.
Touman - Bay était à la tête de qua-
rante mille soldats , tous résolus ,
comme lui , à vaincre ou à périr :
mais l'émir Kauberdy Al-Gaza!y,
l'un des doux traîtres qui avaient fa-
cilité la victoire des Othomans , et
qui, pour achever son ouvrage, était
revenu en Egypte , où il cachait sa
défection sous un zèle apparent, aver-
tit Sélim de ne pas attaquer Reida-
nielj , où les troupes othoraaues de-
vaient être écrasées. Sélim profite de
cet avis , dirige tous ses eftorts du
côté de la montagne Mokattam ,
loiunerarniéc égyptienne, et en fait
un horrible carnage. Après des pro-
diges devaleur , l'intrépide Touman-
Bay, forcé de céder au nombre,
donna en frémissant le signal de la
retraite (|u'il protégea avec autani de
bonheur (|ue de succès. Il se jeta
. dans la ville du Caire , dont il chan-
TOU
gea chaque rue en retranchement et
chaque maison en forteresse. Au bout
de trois jours et de trois nuits de
combats continus , Touman-Bay
passa le Nil , dans l'intention de ga-
gner la liaute-Égyntc, relïige ordi-
naire des Mamlouks A'^aincus. Mais
poursuivi par les Janissaires , il se
retrancha dans Dji/eh, où il tint
ferme encore pendant un mois , avec
une poignée de soldats : il fut vaincu
ime troisième fois , et forcé de fuir
déguisé. Trahi par un cheikh au-
quel il s'était confié , on le décou-
vrit dans un marais où il était caché
au milieu des joncs. Sélim , devant
qui Toumau-B.iy fut amené, parut
touché de son infortune et du grand
caractère qu'il avait montré. 11 son-
geait à lui confier le gouvernement
du pays dont il avait été le souve-
rain , lorsque la calomui^ vint accu-
ser le malheureux prince de n'at-
tendre que le départ du vainqueur
pour le trahir etremonter sur le trône.
(2) Sélim céda à ces impressions hon-
teuses, et, démentant sa générosité, il
fit pendre le brave et malheureux
Touman-Bay , dans la ville même du
Caire , à la porte de Zuveilé, le 1'''.
rabi l'^'.QaS ( u3 avril iSi^ ). L'E-
gypte devint alors une province de
l'empire othoman. S — y.
TOUMKRT, TOUMROUTet vul-
gairement TOMRUT ( Mohammed
AL Mahdy BEN Abdallah BEN ), cé-
lèbre imposteur et fondateur , en Afri-
que , do la secte et de la dynastie des
al-Mowahedoun, plus comrauné-
{■>) Suivant les liislorleiis lurcs , Tuimaii-liay, ga-
gné par l».H assurances que lui lit doiini-r Séliin ,
de res|)ecter ses jours, ae le combler d'Iiouueiu'.s
et de lui ronlier le gouvernement de l'Egvple , se
rendit voluntairenienl. Mais le traître kair-Beig, à
qui , pour prix de sa perOdic ( f oy. Kah'.-BeiG ) ,
St'Iim avait promis ce gouvernement, craignant
d'en être prive et de se voir puni de sa délovauté
par Touman-Bay , sacrifia ce prince infortuné à ses
■•■''■—■'■■ -* " -~ «iircté, en fclievaul de le perdre
aupriis de Sclini,
A— T.
XLVI.
TOU 337
ment x\omm6?> A l-Moha des , préten-
dait descendre , à la quinzième géné-
ration, du khalife flaçau , fils d'Aly
et petit-fils de Mahomet; mais on lui
contesta toujours cette illustre origi-
ne. Ce qui paraît plus certain, c'est
qu'il était de la tribu de Haraga ,
branche de celle deMoussamédah , et
qu'il natpiit vers l'an 4''^o de l'hégire
( 1 087 de J.-C. ). Avide de gloire et
d'instruction , il s'expatria de bonne
heure , pour aller à Baghdad étudier
la théologie et la philosophie sous
le célèbre Ghazaly. Ce docteur, frap-
pé des dispositions et du génie de
Mohammed, lui prédit sa fortune
future. L'an 5 10 (iii6),il re-
vint en Mauritanie , prêchant dans
tous les villages où il passait , et il
s'arrêta dans un bourg près de Tre-
mecen ^ où il fit connaissance avec
le jeune Abd'el-Moumen. A peine ces
deux novateurs se furent-ils fréquen-
tés qu'ils se jurèrent une amitié qui
dura jusqu'à la mort du premier. Ce
fut alors qu'IbnTouraert, s'annonçant
pour le véritable Mahdy ou douzième
imàm , qui doit paraître à la fin du
monde (T. Mahdy, XXVI, i56),
commença à débiter ses principes sur
l'unité de Dieu; d'où vient que les
princes de la dynastie qu'il fonda
et ses sectateurs furent appelés Al-
MowaJiedoun ou unitaires, par op-
position aux nations idolâtres , et mê-
me aux Chrétiens, auxquels ils i-e-
prochaient le dogme de la trinité.
Pour en imposer à la multitude, il
prend un extérieur farouche , se cou-
vre de haillons, brise les instruments
de musique dans les jilaccs publiques,
renverse le vin , défendu par le Co-
ran, et excite les peuples à se soule-
ver contre les Al-Moravides ( Morâ-
bétoûn), dont la dynastie dominait
alors sur la Mauritanie et sur une
grande partie del'lvspagne. lui 5i4
29.
338
T(3U
( 1 lO.o) , sous le règne d'Aly, il se
transporla de Fez à Maroc, où il prê-
cha publiquement dans nue mos-
quée sa doctrine séditieuse. Aly , ins-
truit de ses menées, le fit venir en sa
présence; mais le prétendu Mahdy ,
sans être ébloui delà majesté du dia-
dème , se mit à reprendre l'empereur
de ses défauts , et à lui exposer si
éloquemment sa doctrine , qu'Aly ,
eTaranlé , fit assembler les docteurs de
Maroc pour la juger. Mohammed
avait beaucoup d'instruction et plus
encore de finesse; en sorte qu'éludant
les questions des théologiens , il leur
en proposa de si captieuses qu'ils ne
purent y répondre. Indignés d'être
vaincus , ils eurent le crédit de faire
chasser Ibn Toumert de Maroc. Loin
d'être découi-agé par ce revers , il fit
construire une tente hors de la ville;
et là il continua ses prédications et
ses déclamations contre les vices du
prince. Une telle audace le lit con-
damner à mort par Aly : mais , averti
à temps , il s'échappa et se réfugia
à Tynamàl , accompagné d'Abd'el-
Moumeu et de neuf autres amis fidè-
les ou disciples. Il resta piès d'un an
à Tynamâl. Jugeant alors le nombre
de ses disciples assez considérable,
il déclara hautement et sa prétendue
mission, et ses prétentions. Le i5
de ramadhân 5i5 ( nov. 1121 ),
ses dix disciples lui prêtèrent serment
comme roi; et le lendemain, suivi d'un
cortège nombreux, il alla à la mosquée
deïvuamàl , où il fit, en son nom, la
khotlibaii (, prière ) , et s'annonça
pour le Mahdy , ou douzième imàm.
Tout le peuple de la ville, et les tri-
bus d'alentour le reconnurent ])our
tel , el lui prêtèrent serment. Cepen-
dant Aly, ellravé des progrès de cette
secte, avait levé une armée et s'avan-
çait, sûr delà victoire. Malidy, aussi
actif qu'éloquent, parvient à rassem-
TOU
blcr une armée de dix mille prosé-
lytes , dont il donne le commande-
ment à Mohammed -ben -Beschir ; ,
et les troupes d'Aly sont mises en
fuite. Depuis l'an oiG jusqu'en Sig
( 1 1 22 à 1 1 23 ) , Mahdy ne cessa de
combattre les Lamthounis et autres
tribus , contre lesquelles il remporta
plusieurs victoires. La défaite des
Al-Moravides avait porté uo coup
sensible à cette dynastie, et fourni
à Mahdy des chevaux pour monter
sa cavalerie. Aidé de ces secours, il
lève une nouvelle armée , et va éta-
blir son camp sur une montagne près
de Maroc , d'où il harcela , pendant
trois années consécutives, les troupes
ennemies. Enfin, lassé de cette posi-
tion, il descend dans la plaine, et sui-
vant le cours du Nâlis, soumet toutes
les tribus des pays et des montagnes
qui le bordent, et pousse ses con-
quêtes jusque dans le Moussamédah ,
qu'il réduit. Nous ne suivrons point
Mahdy dans ses conquêtes d' A ghmat,
d'Haroudjah , etd'uiie partie du mont
Atlas. Il suflit dédire que ses guerres
furent signalées par des succès écla-
tants , et que la secte des Al-Moha-
des s'étendit bien avant dans l'Afri-
que. Mahdy , de retour à Tynamâl ,
et fatigué de ses expéditions , donna
le commandement de ses troupes
à Ahd'el-Moumen , qu'il décora du
titre d'imâm ou grand-prêtre. Abd'-
el-Muumcn , revêtu de cette dignité,
se mit à la tête des troupes , et défit ,
en 5'2.\ , les restes des Al-Moravides.
Mahdy, charmé de cet exploit , sor-
tit de Tyuamal , pour aller à la ren-
contre de son fidèle ami; à sou re-
tour, il fut attaqué d'une violente
maladie. Alors, sentant sa lin appro-
cher, il donna à Abd'el Mouuien des
conseils suggérés par sa longue ex-
périence, et qui j)ouvaieiit alVermir
.sa dynastie. 11 lui reconimainla prin-
TOU
cipalement de cacher sa mort aux
Al-Mohades , afin d'éviter les guer-
res que cette nouvelle pourrait sus-
citer. Peu -à -peu la maladie s'ag-
grava , et Mabdy mourut , dans la
neuvième année de son règne, le i3,
23 ou '25 ramadlian 524 ( août
liSo ). Une éloquence vive et per-
suasive, beaucoup de dissimulation,
nn courage et une audace à toute
épreuve, l'art de se faire aimer de
ses ofliciers et de ses soldats , et sur-
tout le talent de séduire et de trom-
per les hommes , tels sont les traits
caracte'ristiques de cet imposteur. Il
joignait à ses avantages une taille,
ime figure et une voix imposantes.
Les historiens nationaux, quiontvan-
tc sa justice, sa sagesse, sa doctrine
et son habileté, conviennent qu'il
était perfide et cruel , et qu'il n'épar-
gnait pas morne les savants et les
pieux personnages lorsque son inté-
rêt l'exigeait. jNe pouvant enseigner
l'islamisme aux Moussamèdes, tribu
ignorante et grossière , il s'avisa de
donner d'abord à chaque individu
le nom d'un mot du premier chapi-
tre du Coran. Puis il leur dit que
Dieu n'exaucerait pas leurs prières ,
jusqu'à ce qu'ils eussent appris tous
ces mots rémiis. Il leur inculqua de
la même manière les autres chapi-
tres. Comme Mahdy avait besoin
d'emplover les prestiges afin d'affer-
mir sa puissance , il fit enterrer a i-
vants, après ime bataille, quehjues-
uns de ses sectateurs , eh ayant soin
deleurlaisscrde l'air, au moyen d'un
tuyau, et après leur avoir prescrit la
réponse qu'ils devaient faire lorsqu'on
les interrogerait, et leur avoir promis
de brillantes récompenses, s'ils exé-
cutaient fidèlement ses ordres. 11 con-
duisit alors sur le champ de bataille,
les chefs et les notables des tribus
qu'il voulait s'attacher, et leur dit
TOU 339
d'interroger les cadavres de leurs
frères , sur la vérité de ses promes-
ses ; ceux qui étaient cachés , répon-
dirent aussitôt : Notre sjvihole de
l'unité de Dieu , et la guerre que
nous avons faite aux Lanithounis ,
nous ont valu, dans le Ciel, une
doublerécompense : combattez donc
vaillamment les ennemis de votre
maître , et comptez sur la réalité
de ses promesses. Après que ces
oracles eurent joué leur rôle, il les
étouffa en faisant boucher les tuvaux^
afin de prévenir leur indiscrétion. Ce
fut par de pareils moyens que Mo-
hammed ben Toumert réussit à fa-
natiser les Moussamèdes , ses com-
patriotes , à leur persuader qu'ils
étaient destinés à maintenir la Sun-
nah ( le recueil des traditions ora-
les de Mahomet ), et à exterminer
les infidèles Al-Moravides , que le
prophète avait réprouvés. La dynas-
tie fondée par ce prétendu Mahdy
soumit une grande partie de l'Afri-
que et de l'Espagne, régna depuis
l'an 5i5 de l'hégire (i 121 de J.-C),
jusqu'en 66-^ (126g), et fournit qua-
torze princes ( F'oj^ Abdel-IMou-
MEN , qui en fut le premier souverain
héréditaire, MANSorR,XXYI ,225,
MeHEMED EL NASSER Ct YoUSOUF ).
A — T et J — N.
TOUP ( Jean ) ( i ) , l'un des plus
célèbres philologues du dix-huitième
siècle, était né à Saint-Yves, dans le
comté de Cornouailles , en déc. i -; 1 3.
Après avoirterminé ses études au col-
lège d'Exeter, à Oxford, il fréquen-
ta les cours de l'université de Carn-'
bridge , et y prit le degré de inaître-
ès-arts. Ayant embrassé l'élatecclé-
(i) Dau., iFS «liriiifi-s écrits iuiprinios, jl se
douua le iireiioin de Jean; mais il avail «le ba|i(isP
sous celui de Jcnnlliaii , el on le voi! »insi écrit-
de sa main, dans. sa jeuucsse ,^s.ur,des livres qui
lui avaient appavlenu. ;;, /, _ ,,-, , .
22..
34o
TOU
siastique , il fut pourvu d'une cure
dans le Cornouailles , et consacra
dès-lors ses loisirs à la philologie. Il
se livra d'abord avec une ardeur in-
fatigable à l'examen des anciens lexi-
cogra plies grecs. Les corrections
qu'il publia sur Suidas , en l'^ôo , le
firent connaître avantageusement des
savants. 1 nforme qu'il préparait une
édition de Longin, Ruhnckcn s'em-
pressa de lui comnuiniqucr son travail
sur ce rhéteur. Toup reconnut assez
mal un procède si délicat ( For.
RuHiNEKEN, XXXIX, '-^99) 5 mais
Ruhnoken fut assez génci'eiix pour
l'excuser, et ne cessa pas de lui don-
ner des marques de l'affection la
plus tendre {:>-.). Le reste de la vie de
Toup se passa dans des travaux qiù
tous ajoutci-ent à sa réputation. Il
mourut le 19 janvier i-jSS. Il n'a-
vait jamais été marié, et cette vie
solitaire , qui l'éloignait de la socié-
té, avait pu contribuer à le rendre
peu modéré dans ses discussions lit-
téraires. Malgré l'àpreté du ton qu'il
prenait comme critique, etqui lui at-
tira de la part dcReiske les qualilica-
tions d'hoino truculentus et malc-
dicus, Toup était d'une extrême
douceur de caractère, et sa bien-
veillance s'étendait jusque sur les
animaux. Il défendait aux enfants
de sa paroisse d'aller chercher des
nids ou de mettre les oiseaux en
cage, et il laissait sou bétail mou-
rir de vieillesse plutôt que de l'en-
voyer à la boucherie. On a de lui :
1. Emcndaliom-s in Suidant , in
quihus jdurinia vctenmi Grœco-
ruin loca , cùin explicantur , tùm
emaculant u r, ]A)m]ies, 17(^0, 04,
60, n^t . iri-8'. , 4 vol., réimprimés
sous ce titre : Opuscula ad Suidam
{i) Riihiickdi , cil d'apiMiyoïit Hc l'aiitoi iu! île
T'Mip , lo iiuiiiinc iimiriniiiiiK. y. av» OEuvies ,
vdiliou de Lcydc, 18x3 , !>■ 03/|.
TOU
cum appendiculd notanim et emen-
^fl</o7i«m, Leipzig, 1781, in-S". ,
Rie. Porson a donné une belle édi-
tion des Remarques de Toup , Ox-
ford, 1790, 4 vol. grand in-B^.j
rare. II. Glossœ selectœ ineditœ ,
epistola de Sjracusiis , dans l'cdit.
de Théocrite, par Waiton , Oxford,
1770 , grand in-4'*. (3). Chardon
de La Rochette regrettait que Porson
n'eût pas joint aux Remarques de
Toup sur Suidas son beau Traite'
sur les Syracusains. III. Curœ pos-
teriores , sive appendicnla notarum
atque emendationuin in Theocritum
Oxonii jmhlicatum , Londres ,1772,
grand iu-4". , de 45 pag. , non com-
pris V Index d'une feuille. Cet Opus-
cule doit se réunir au Théocrite de
Warton. IV. Une éditionde Longin,
Oxford, 1778, grand in-4". , avec
la Dissertation et les Notes excellen-
tes de Ruhneken. Elle a été repro-
duite in-8o.,en 1778, 1789 et 1806.
Toup s'était aussi occupé d'une édi-
tion de Polybe; mais il paraît que
son travail sur cet historien n'a pas
e'té conserve. W — s.
TOUR (Pierre-François de La),
d'Arerez, sixième supérieur- général
de la congrégation de l'Oratoire, na-
quit h Paris , le -i 1 avril i653 , d'IIen-
l'i de La Tour, premier écuyer de
M'"'', de Moulpensier et gouverneur
du château de Trouquii en Norman-
die. Après ses cours de philosophie
et de tliéologie à l'université de Caen,
il entra , en 1O7U , dans la congréga-
tion de l'Oratoire, y professa les bel-
les-lettres dans plusieurs collèges, et
devint directeur, ])uis sn|)érieur du
(:<) Tnup fiil hcnucoiip de pari à celte édition ,
<t il iivîiil oiilliitioliiK' le lexlc sur quill/e lliamis-
erils: mais des persoimaliles et des eipiessiou»
liaritie.s (pi'il s'rlail permise» eoiilrc divers navanls,
III .ni'ipnlrjiH'nl dans les noies 8iir la c|U»tnri,ii'iiic
Idylle, exeili renl de vives rccUiUttlious et iiccesti-
tèreiil des carluns.
TOU
séminaire de Saint - Magloire , alors
célèbre par le nombre et la qualité
des élèves. Le soin qu'cxi{:;eaieiit ses
emplois ne l'empêcha pas de se livrer
ail ministère de la chaire , dans le-
quel il se lit une brillante réputation.
Les talents qu'il développa dans le
gouvernement de son séminaire lui
méritèrent la confiance des évêques ,
dont plusieurs avaient été formés sous
sa direction. Le cardinal de Noailles ,
Le Tellier et Bussuet l'honorèrent
d'une estime particulière; et ils éprou-
vèrent en difiérentes occasions la sa-
gesse de ses conseils et son rare dis-
cernement. Ce fut par l'influence de
ces trois prélats qu'il fut élu , en 1 696,
supérieur-général de sa congrégation,
sur la démission du père de Sainte-
Marthe, qui l'avait lui-même désigné
pour son successeur , poste auquel d
était déjà appelé par le vœu unanime
de ses confrères. Leur attente ne fut
point trompée; et ils n'eurent qu'à se
louer de la prudence avec laquelle il
tint le gouvernail du vaisseau qui lui
était confié , au milieu des orages qui
l'assaillirent dans les temps les plus
difficiles. Louis XIV le citait comme
un des hommes les plus sages de son
royaume; et ce prince ferma cons-
tamment l'oreille aux insinuations
que les ennemis de l'Oratoire em-
ployèrent pour changer l'idée avan-
tageuse qu'il en avait conçue. S'il est
janséniste , disait le monarque à ceux
qui le lui dénonçaient, il faut qu il
soit bien adroit, puisqu'on ne peut
citer aucun fait ni aucun propos ca-
jiablede le compromettre. Le nonce,
depuis cardinal Gualteri, ne pouvait
se lasser de s'entretenir avec lui. Les
grands de la cour, les premiers ma-
gistrats , et surtout le chancelier d'A-
guesseau, avaient souvent recours à
ses lumières, dans les affaires les plus
importantes. Sa piété et son talent
TOU
3/n
pour la direction des âmes lui avaient
acquis la conri.ince des personnages
les plus distingués. Ce fut à ses pieds
que la célèbre marquise de Montes-
pan vint déplorer les égarements de
sa vie profane. Les deux princes de
Coudé et de Conti , peu satisfaits de
leurs confesseurs d'étiquette , s'adres-
sèrent à lui , dans leur dernière ma-
ladie , et voulurent mourir entre ses
bras. Le P. de La Tour prévit, au
premier abord , les troubles (jui de-
vaient résulter de la bulle Unigeni-
tus. Il proposa des mesures énergi-
ques pour les prévenir; mais elles ne
furent point adoptées. Lorsqu'il vit
ensuite qu'une opposition trop soute-
une entraînerait un schisme désas-
treux, il proposa des expUcations, et
détermina le cardinal de Noailles,
dont il possédait la confiance, à s'y
prêter. C'est ce qui produisit l'ac-
commodement de 1 720 , auquel il eut
une très - grande part. Après avoir
gouverné sa congrégation pendant
trente-huit ans , avec une prudence
admirable, le P. de La Tour mourut
d'une attaque d'apoplexie, le i3 fé-
vrier 1733. C'était un homme émi-
nemment pacifique, conciliant et sans
ambition. Il avait refusé l'évêchéd'É-
vreux, sous Louis XIV , et l'admi-
nistration de l'archevêché de Rouen ,
sous la régence. Le P. de La Tour
joignait à la connaissance de la litté-
rature une étude profonde des Saints
Pères, et particulièrement de tout ce
qui a rapport à la discipline ecclé-
siastique. 11 en avait donné des preu-
ves , dans ses conférences sur cette
matière, pendant qu'il était au sémi-
naire de Saint -Magloire, où elles at-
tirèrentun grand nombre d'auditeurs.
Elles comjjosaientun volume manus-
crit, in-fol., qui existait dans la bi-
bliotlièque de Saint -Honoré. On ne
sait ce que sont devenus ses Sermons,.
34u TOU
({lii eiireut un grand succès dans le
temps. On n'a d'imprimé de lui que
onze Lettres circulaires pour la con-
vocation des assejnble'es triennales de
sa congrégation. Le style en est élé-
gant, et porte l'empreinte de la
piélé qui animait toutes ses actions.
Les auteurs du Gallia christianaXm
ont consacré un Éloge , à la suite
de l'Histoire de l'Église de Paris.
T— D.
TOUR (Bertrand de La), pré-
dicateur et fécond écrivain, naquit
vers 1700, à Toulouse, d'une fa-
mille ancienne et distinguée de cette
ville. S'étant engagé dans l'état ec-
clésiastique , il lit sa licence avec
distinction, fut reçu docteur de Sor-
bonne, et se consacra d'abord aux
missions étrangères. Il était, en 17 '29,
doven du chapitre de Québec, et con-
seiller-clerc au conseil supérieur de
cette ville- mais il ne tarda pas de
repasser en France , où il soutint la
réputation qu'il s'était acquise com-
me prédicateur. Après avoir remj)li
les fonctions d'oflicial dans le diocè-
se de Tours , il fut pourvu de la cure
de Saint- Jacques à Montaubau^ et
devint bientôt l'un des ornements de
l'académie de cette ville. Il y fonda
des prix de littérature et d'agri-
culture , et accrut de cent francs
le prix fondé par l'évêque (i) , pour
un discours sur un point de morale ,
tiré des Livres saints. Sa causticité le
faisait craindre , dit-on , même de ses
supérieurs; mais il y joignait un l)on
cœur. Il cmployaitla plus grande j)ar-
tie de ses revenus au soulagement des
(1) M. de Veilharaon , ancien évi'qiic de Mon-
taiiLan , fonda un prix de "x^u liv. ijuiir un dis-
tour» de Morale, et l'ul>be de La Tour V ajouta
lunlÎT. Voy. Delandine , Couroiin* i aratléniiifttex,
II, »0. Quoique La Tou^ ne fùl Jk-peu-pi i.^ que
pour un tier» dnn* la valeur du piix , la inéilaillc
portail : /T.r inunifi, rnliil tl.miint dr la Tour ,\i--
(^eiide iiou-seuleuiefit fa^tueu^e , luai» faiiAKe , jiuii-
quc Vcrlliamun restait le véritable fondateur.
TOU
pauvres, dont il se regardait comme
lepère.Cedigneecclésiastiquemourut
le ig janv. 1780, doyen du chapitre
de Montauban. Son testament con-
tenait différents legs pieux et celui
d'une somme dont le revenu devait
être employé à doter, chaque année,
deux filles pauvres de sa paroisse.
La Tour joignait à des connaissances
très-étendues une extrême facilité à
écrire ; mais il faut avouer qu'il en
abusait. La table générale de ses ou-
vrages, imprimée à Montauban, attes-
te sa fécondité. On connaît de lui : I.
T^ie de M. de Caulet , curé de Mi-
re val , 1744^ 1762, in- 12. 11. 5er-
moiis et Panégyriques , Tulle ,
1749-50, 3 vol. in -8''. Dans le
premier volume , on trouve nue Dis-
sertation sur la chasteté de la lan-
gue française; et dans le troisième,
un Discours sur l'alliance des scien-
ces avec la religion. Ces deux mor-
ceaux avaient été lus par l'auteur à
l'académie de Montauban. Rien de
plus médiocre que les Sermons de
l'abbé de La Tour , trop loués alors
dans les Mémoires de Trévoux ,
mais oubliés depuis long - temps.
Plus tard, l'auteur publia 25 vol.
de Sermons et Discours pour la
chaire. III. Discourssurle sacrifice
(Montauban, 1761 ;, in- 12 de 200
oag. IV. Mémoires sur la vie de
M. de Laval ^ é^éque de Québec y
1762 (il n'en a paru que le premier
vol. ). V. Mémoires du père Timo-
thée, 1774;» in-i'*- VI. P^ie et Let^
très de M""', d' E tcheverry , in- 12.
VI. ^polo^ie de Clément XIF^ in-
12. VIII. Fie de frère Irenée , des
écoles chrétiennes ; Eloge de M.
de Cham])ll()ur; yllréç^é de la vie
de M.del)Oindoise, Avignon, 1774»
iu-i2. IX. liéflexions morales , po-
litiques , historiques et littéraires
sur le théâtre, iu-12, d'abord en
lOU
*] vol. puis eteudues jusquà uo.
t.'i'est le recueil des brochures qu'il
avait publiées contre la coiuc'die ,
et mtrae contre les comédiens. 11
a rassemblé tout ce qu'on a dit sur
cette matière ; mais les digressions
fréquentes qu'il se permet l'enlraî-
ueut loin de son sujet. 11 paraît
que Desprez de Boissy n'a point
couuu les brochures de l'abbé de
La Tour, puisqu'il n'en fait au-
cune mention dans le Catalogue qu'il
a donné des ouvrages pour ou con-
tre le théâtre , à la suite de ses Let-
tres sur les spectacles { V. Boissy,
V , 33 ). Enfin La Tour composa
encore quatre volumes in- 1 'i. de Ré-
flexions et Entretiens sur l'état
religieux ; dix Mémoires in-4". ,
sur des matières canoniques , et dix-
huit autres sur le nouveau Bréviai-
re de Montauban. Ceux-ci , qui pa-
rurent vers 177 2, sont une criti-
que sévère et minutieuse , du Bré-
viaire publié par M. de Breteuil.
P — c — T et W — s.
TOUR (Maurice Quentin de
La)j peintre de portraits, né, à
Saint-Quentin , en 1704, s'est fait une
grande réputation comme peintre en
pastel. 11 travaillait avec beaucoup
de lenteur , parce que, jaloux de ren-
dre la nature avec fidélité et préci-
sion , il n'était jamais satisfait de la
perfection de son ouvrage. Cependant
.ses portraits semblent peints avec fa-
cilité. 11 les terminait par des tou-
ches larges et savantes , qui don-
naient de la vigueur au pastel mê-
me. On les distinguait par leui
expression vraie et sentie ; et comme
c'était surtout la physionomie et le
caractère de ses modèles que La Tour
s'elTorçait de rendre , il savait leur
donner la ressemblance , qui est le
premier mérite des ouvrages de ce
genre. Il avait encore plus d'origina-
rou
343
lité d'esprit que de talent Louis XV,
voulant être peint par cet artiste,
l'appela à Ycrsailles. Le roi avait
choisi pour le lieu de la séance un
donjon où la lumière éclatait de tou-
tes parts. « Ah I s'écria La Tour ,
que veut -on que je fas>e dans cette
lanterne, quand il ne faut pour pein-
dre qu'un seul passage à la lumière?
— Je l'ai choisi exprès à l'écart, ré
pondit Louis X\ , pour n'être pas
détourné. — Je ne savais pas, sire,
répliqua l'artiste, qu'un roi de Fran-
ce ne fût pas maître chez lui. » La
Tour connaissait mal l'art des cour-
tisans. Mandé pour faire le portrait
de M""*^. de Pompadour , il répondit
brusquement : « Dites à IMadame que
je ne vais pas peindre en ville. » Un
de ses amis lui fit observer que le
procédé n'était pas très-honnête. Il
promit de serendi'e à la cour au jour
fixé; mais à condition que la séance
ne serait interrompue par personne.
Arrivé chez la favorite, il réitère ses
conventions , et demande la Uberté
de se mettre à son aise : elle lui est
accordée. Tout-à-coup il détache les
boucles de ses escarpins , se? jarre-
tières , son col , ôte sa perruque ,
l'accroche à une girandole, tire de
sa poche un petit bonnet de taffetas ,
et le met sur sa tète. Dans ce désha-
billé pittoresque , le peintre se met à
l'ouvrage ; mais à peine a-t-il com-
mencé le j)ortrait , que Louis XY en-
tre dans l'appartement. LaTourdit.
en étant son bonnet : « Vous aviez
promis , Madame , que votre porte
serait fermée. » Le roi rit du repro-
che et du costume de l'artiste , et l'en-
gagea à continuer : a 11 n'est pas pos-
sible d'obéir à Votre Majesté, répli-
qua le peintre; je reviendrai lorsque
Madame sera seule. » Aussitôt il se
lève, emporte sa perruque, ses jar-
retières , et va s'habiller dans une au-
344
TOU
tre jnèce , en répétant plusieurs fois :
« Je n'aime point à être interrompu.»
La favorite céda au caprice de son
peintre; et le portrait fut achevé. Elle
est peinte grande comme nature; un
volume de l'Encyclopédie est auprès
d'elle, sur un fauteuil. C'est sur le
Portrait de Restant , peintre du roi,
que La Tour fut reçu membre de l'a-
cadémie , en 1746. Ce beau portrait
a été gravé par Moitte, pour sa ré-
ception à l'académie. Parmi les au-
tres ouvrages do La Tour , on cite les
Portraits de Louis , dauphin de
France , gravé par Daullé; de Char-
les , prince de Galles , gravé par Au-
bert ; de René Fremin , sculpteur
du roi , gravé par Surrugues fds,
pour sa réception à l'académie; du
Maréchal de Lowendal , gravé par
Wille ; son Portrait , gravé par
G.-F. Schmidt, \'}k'i.- Il s'y est re-
présenté en Démocrite, le petit bon-
net de taU'etas sur la tête. Le Musée
du Louvre possède deux Portraits de
La Tour : celui du Maréchal de
Saxe et celui de J.-B.-S. Chardin,
pemtre de ])ortraits. Sur la fui de sa
vie, l'esprit de cet artiste s'affaiblit;
et, sous le prétexte que , dans un por-
trait, tout doit être sacrifié aux têtes,
il gâta la ])lupart de ceux qu'il avait
faits, en voulant les retoucher. Par
suite de ce principe il changea le
vêtement brillant de soie qu'il avait
d'abord dumié à Restout , en un sim-
ple habit de couleur brune. C'est
avant ce changement que le portrait
de Restout a été gravé par Moitte.
L'es])rit de Latour s'étant enfin to-
talement aliéné, on le r.imena dans
sa ville natale, où il mourut, le 17
février 1^88 , âgé de plus de quatre-
vingt-quatre ans. Il devait sa fortune
à la peinture: il consacra dix mille
francs pour fonder , à l'académie , un
prixannuel de cin(| cents francs, ap-
TOU
plicable alternativement au meilleur
tableau de perspective linéaire et
aérienne. 11 fonda un prix de pa-
l'cille somme pour être distribué,
tous les ans, d'après le jugement de
l'académie d'Amiens, à la jilus belle
action ou à la découverte la plus
utile dans les arts. Enfin la ville de
Saint-Quentin lui doit la fondation
d'une école gratuite de dessin. ( V.
Leblanc, XXIII, 483 ). D— T.
TOUR (Denis-François Gastel-
LiER DE La), généalogiste, né, le3o
mars 1709, à Montpellier, d'une
famille honorable , consacra sa vie
à l'étude de l'art héraldique et de
l'histoire, principalement du Lan-
guedoc. N'ayant d'autre ressouixe
que le produit de sa plume, il refusa
plusieurs fois des sommes considéra-
bles qui lui furent offertes pour l'en-
gager à recevoir des titres suspects.
Il supportait les privations avec une
indifférence dont un philosophe au-
rait pu se faire honneur. Mais une
riche succession l'ayant fait passer
tout d'un coup d'un état voisin de la
misère à l'opulence , il fut tellement
fra ppé de cette révolution inattendue ,
qu'il tomba malade et mouriil , quel-
ques jours après, le 2.'") janvier 1781 ,
à l'âge de soixante-dix ans. La Tour
a eu part à l'ouvrage de Dubuisson :
Armoriai des principales maisons
et familles du royaume , Paris ,
1757 , 1 vol. in- 12. On a de lui : I.
Dictionnaire étymologique des ter-
mes d'architecture , i7'J3, in- 12.
IL Description de la ville de Mont-
pellier, i7('4; iii-4"- III- -armoriai
des étals de Languedoc , x'^Qq y
in-4*'. de 24O pag. ; il est très- bien
exécuté. IV. Dictionnaire héraldi-
que, contenant tout ce qui a rap-
port à la science du hlason , 1774 >
in-<S". V. //hrégé de la généalogie
de la maison de Chdteauneuf de
TOU
Randon, 1760 , in-4°. — De la mai-
sou de Faj {\) , \ 762 , iu-4". — De
Faragne de Gardoitch, 1 769 , in-4*'.
-T- Et de Preissac d'EscUgnac ,
1770, iu-4''. Ces quatre généalogies
devaient faire partie de son NgU-
liaire historique de Languedoc, qui
était sous presse^ en 177 i ( Fqf. Ja
JiibL de la France, u". 40689) , et
annoncé comme formant 3 vol. in-
4". M. Barbier dit que La Tour a
laissé, eu mourant, une Description
géographique et historique du Lan-
guedoc, qui devait avoir plusieurs
volumes. ( F. VExavie?ides Diction-
naires historiques , 1, 370). W-s.
TOUR ( Jeaîv-Baptiste Bonaf-
Fos DE La), jésuite, était né, le l'i
avril 17 12 j à Montréal , diocèse de
Garcassone. Sou père le destinait
à la carrière des armes ; mais, resté
libre de choisir un état, il résolut
de se consacrer au saint ministère ;
et après avoir pris ses grades en
théologie , il embrassa la règle des
Jésuites. Dès qu'd eut terminé son
noviciat , H fut chargé de professer
la rhétorique à Castres, et ensuite à
Toulouse ; et il eut l'avantage de
compter plusieurs élèves qui se sont
distingués depuis dans la magistra-
ture et dans les lettres. Nommé préfet
des études, sa santé délicate l'obligea
de quitter cette charge ; mais , ne
voulant pas rester oisif, il accepta
celle de supérieur du grand sémi-
naire. A la suppression de la Société,
le P. La Tour desservit d'abord une
cure dans le diocèse d'Avignon; mais
il ne tarda pas à la résigner pour se
livrer à l'emploi pénible des mis-
sions. Il parcourut les provinces mé-
ridionales de la France, et s'y fit la
réputalion d'un grand prédicateur.
(i) Et non pas For, cuiiime ou lit, Jaus l'arli-
cl* La Tour de B..il>iur.
TOU 345
Epuisé de fatigues , il revint dans sa
ville natale , où il mourut le 1 1 mars
1777. Le P. La Tour est auteur du
Recueil intitulé : Cantiques ou opus-
cules lyriques sur divers sujets de
piété , souvent imprimé in- 19. et in-
8°. Barbier en cite deux éditions
( Dict. des anonymes , «". 1 qSo ) ,
Toulouse , 1755, in-i2, sans la mu-
sique, et I7O8, in-S"., avec la mu-
sique. II parut un Supplément des
Cantiques, Paris, 1769. Ce livre,
dit un critique , dont nous emprun-
tons les expressions, peut être cité
sans houle à coté des OEuvres sa-
crées de Louis Racine et de Pompi-
gnan. Voy. la Notice de M. Auguste
de La Bouissc sur la vie et les ou-
vrages du P. La Tour , dans le
Magas. encjclopédiq. , aun. i8o4 y
tome VI. Nous y ajouterons que le
P. La Tcur paraît auteur de la Fie
de Daumont , I745 , in-12. Ce
Daumont était un jeune écolier du
collège de Toulouse, dont la vie et
la mort furent très- édifiantes. —
Tour ( Simon de La ) , jésuite ,
qu'on a confondu quelquefois avec
le précédent jetait né, le 28 novembre
1697, ^ Bordeaux. Venu de bonne
heure à Paris , il y termina son cours
de théologie , fut chargé d'aller pro-
fesser la philosophie à Tours, et
s'en acquitta d'une manière si dis-
tinguée , qu'après la mort du P. Du-
ccrceau il fut désigné pour le rem-
placer comme instituteur du prince
de Conti. Cette éducation terminée ,
il devint principal du collège de
Louis-le-Grand. Ce fut à cette épo-
que , que Voltaire écrivit au P. de La
Tour une Lettre fameuse par les éloges
qu'il y doïine aux Jésuites , ses an-
ciens maîtres, attaqués de toutes parts
( Foy. Poule }. Le P. de La Tour ,
ayant été nommé procureur-général
des missions étrangères , il ne put
346
TOU
échapper à l'exil prononce par le
parlement de Paris coulre les in cm -
bres les plus influents de la société.
Il vint alors chercher un asile à Be-
sançon, et y mourut en 1766. Il avait
été l'un des rédacteurs des Mémoires
de Trévoux. On trouve une Notice
sur le P. de La Tour dans le Né-
crologe des hommes célèbres de
France, pour 17O7. W — s.
TOUR ( Charles- Jean-Baptiste
DES Galois de La), vicomte de
Glené , seigneur de Chezelles , etc. ,
naquit à Paris, le 11 mars 17 15,
de J.-B. des Galois , seigneur de La
Tour, en Forez. Son père, après
avoir administré les intendances de
Poitou et de Bretagne , passa à celle
de Provence, en 1734. Le fils qui
fait le sujet de cet article fut reçu
conseiller au parlement d'Aix , en
1735. Il devint maître des requêtes
en 1738, président au grand-conseil
en 1740, intendant de Provence eu
1744 j après son père , auquel il suc-
céda encore dans la charge de pre-
mier président du parlement d'Aix ,
que celui -ci avait occupée douze
ans , et qu'il laissa vacante par sa
mort , en 1747- A ces doubles fonc-
tions que le vicomte de La Tour rem-
plit jusqu'à la révolution, il joignit
celles d'inspecteur du commerce du
Levant , et de président du conseil
d'Afrique : il fut aussi chargé des
détails de l'administration militaire,
pendant la guerre d'Italie. En 1 77 1,
il partagea avec sa compagnie le ren-
voi et l'exil des parlements. Ce fut
chez lui (jue Monsieur ( depuis Louis
XVIIl ), choisit sa demeure à l'épo-
que de son voyage de Provence. Dans
le cours d'une longue carrière, en ac-
cumulant des places qui , par Icurna-
turc, semblaient être incompalibles,
l^a Tour sut |)ar ses jirincipcs, .«,C5
manières affectueuses et une adminis-
TOU
tration ferme et éclairée, maintenir
l 'autorité du roi , et se concilier la
bienveillance publique. A l'époque
du siège de Mahon , les troupes des-
tinées à cette expédition manquant
des fonds nécessaires à leur embar-
quement, il trouva dans sou zèle les
moyens d'y subvenir : plusieurs mil-
lions furent avancés sur sa seule
signature par les premières maisons
de commerce de Marseille. Les Pro-
vençaux , les amis des arts et les
archéologues , déplorent encore la
perte de trois belles tours antiques ,
ouvrage des Romains , qui étaient
incorporées au vieux palais d'Aix,
et dont l'intendant La Tour autorisa
trop facilement la démolition , en
178G, lorsqu'on creusa les fonde-
ments du nouveau palais qui n'a ja-
mais été achevé (i). Mais si, comme
intendant, il ne fut pas toujours en
son pouvoir de concilier les vœux et
les intérêts de ses administrés avec les
obligations de sa charge , du moins,
comme chef du parlement , il mérita
l'estime universelle par ses lumières
et sou intégrité. Exempt de morgue,
il joignait à beaucoup de bonhom-
mie, à un caractère obligeant et gai,
des talents peu communs. Il parlait
en public avec autant de décence que
de facilité, et ses harangues, aux
rentrées du parlement , étaient rem-
plies d'éloquence et de raison. Nom-
mé député à l'assemblée des nota-
bles , en 1787 , il y fut mal vu par
la magistrature , (pii le regardait
comme un llnancier , comme un
homme dévoué à la cour , et cepen-
(i) La priiicipale de ces Inurs, suivant Peiresc el
Saiiil-Viiicciis le père ( yoy. vus noms J , paiail
avoir l'Io iiii tuiiibcaii. Ou j (roiiv.i trois urnes ,
dont uni' CH [Mir|)hyro contmiail uuc huile d'or cl
d<-s lu.dnilles de Trajau et d'OEIius Vrru». ( V. le
iMciiiiùii- lie Saint- Viuccns , sur reUe tour , lu in
noveiidue 1786 , dans la séance publique de I'hik-
deraie des insii i|>li»ns et liellcs-tettres , cl la )(ra-
Ture «lui rnceuiii|iague ).
TOU
daut ce fut à son retour que rassem-
blée des communes de Pioveuce , eu
1788, lui de'oerna une médaille,
avec cette inscription bien remar-
quable pour !e temps : Le tiers-état
de Provence à Charles - Jean-Bap-
tiste des Galois de La Tour , inten-
dant du pars , son ami depuis plus
de quarante années. La ville de
Marseille lui est en particulier rede-
vable de plusieurs embellissements ,
et de quelques établissements utiles.
Après la suppression des parlements,
et la dissolution totale de la magis-
trature, La Tour fut obligé de quitter
la Provence. Retiré en Bourgogne ,
dans sa teri'C de Saint-Aubin-sur-
Loire, il y trouva , au milieu de ses
anciens vassaux , un asile sûr pendant
les premiers orages de la révolution.
Cependant il fut arrêté , en 1 798 ,
conduit à Paris , et renfermé au
Luxembourg , d'où il ne sortit qu'a-
près le 9 tliermidor. Il mourut dans
cette capitale, le 24 janvier 1802 , à
l'âge de quatre-viugt-sept ans. Il
avait épousé, eu 1748 , Marie-Ma-
deleine d'Aligre, iilledu second pré-
sident du parlement de Paris , et il
la perdit, en 1780. Il en eut deux fils.
— L'aîné, Etienne-Jean-Baptiste,
après avoir été conseiller au parle-
ment , embrassa l'état ecclésiastique ,
et fut pourvu, en 1788 , de l'évê-
ché de Moulins , créé pour lui ,
mais dont les circonstances politi-
ques l'empêchèrent de prendre pos-
session. Nommé , en 1817 , à l'ar-
chevêché de Bourges , et sacré le
26 sept. 1819 , il mourut dans cette
ville, le 20 mars 1820 , à l'âge de
soixante-dix ans. A — t.
TOUR (Baillet, comte dk La),
général autriclnen , né au château de
La Tour dans la province du Luxem-
bourg, vers le milieu du dix-huitième
siècle , d'nne ancienne et noble ia-
TOU 347
mille , d'origine française , prit de
bonne heure le parti des armes , fit
ses premières campagnes dans la
guerre de la succession de Bavière ,
en 1778, contre les Turcs , sous
Lascy et Laudon ; fut nommé colonel
du régiment des dragons de sou nom ,
l'un des plus beaux de l'armée autri-
chieune , puis général - major. C'est
en cette qualité qu'il fut employé, en
1789, par Joseph II, contre les ha-
bitants des Pays - Bas révoltés. Ce
qu'il devait à ses compatriotes ne
l'empêcha pas d'exécuter avec fidé-
lité les ordres de son souverain : il
se rendit maître de Charlcroi, et par
sa fermeté et sa valeur contribua
beaucoup au rétablissement de l'or-
dre dans ces contrées. Mais la révo-
lution de France vint bientôt y cau-
ser d'autres troubles^ et le général de
La Tour y fut encore employé. Il
commandait à Tournay lors de la ba-
taille de Jemmappes , en nov. 1792 ;
et après y avoir soutenu pendant plu-
sieurs jours les efibrts de la gauche
des Français , il se retira sur le Rhin,
rentra dans la Belgique au printemps
de l'année suivante , avec le prince de
Cobours , et contribua aux succès de
cette campagne , notamment a la
bataille de Nerwinde et à l'attaque
du camp de Famars. Nommé feld-
raarécual-lieutenant , il commandait
l'aile gauche de l'armée autrichienne
devant MaL;beuge ; et son corps fut
le seul qui obtiut des succès à la
bataille de Watiguies ( 16 octobre
1 793 ). Dans les premiers mois de
l'année suivante , il se fit encore re-
marquer par divers exploits près de
Landrecics et sur la Sambre ; mais
lorsque les armées de la coaUtion
abandonnèrent les Pays-Bas, en 1794»
le comte de La Tour fut chargé de cou-
vrir leurs mouvements rétrogrades,
d'abord derrière la Meuse, et ensuite
348
TOU
derrière le Rhin. Il résista long-temps
sur les hauteurs de Lie'ge; se retira
en bon ordre et ne put être entame'
lorsqu'il fut attaqué par sa gauche
sur rOurthe, le i8 septembre 1794^
et à Duren le 2 -octobre suivant. 11
fit encore !a campagne de 1795 , en
Franconie , où il conduisit l'arrière-
garde devant des forces très-supé-
rieures; mais qui ne purent Taccabler,
Nomme feld-zeug-meister ou général
d'artillerie , en 1796 , il fut chargé,
sous l'archiduc Charles, sur le Haut-
Rhin, du corps d'armée que le dépra't
de Wurmser pour l'Italie avec l'é-
lite des troupes , ainsi que la défec-
tion des Saxons et des Bavarois, qui
venaient de faire une paix séparée
avec la république française, avaient
fort affaibli. La Tour ne put empê-
cher le passage d« fleuve par l'armée
de Moreau , et se retira derrière le
Lech , a])rès avoir éprouvé divers
e'checsàFriedbergetàLaugcn-Bruck.
Les armées autrichiennes se trouvant
alors dans une position concentrique
au milieu de l'Allemagne, l'archiduc
Charles , leur généralissime , en pro-
fita habilement pour attaquer succes-
sivement les Français qui avaient
commis la faute de séparer leurs ef-
forts. Le général Jourdan fut d'abord
repoussé et forcé d'abandonner la
Franconie; et toutes les forces impé-
riales s'étant ensuite dirigées vers
Moreau , ce général fut obligé d'o-
pérer une retraite qui lui lit le ])lus
grand honneur , et dans laquelle La
Tour, qui était chargé de le poursui-
vre, fut loin de proliler des avanta-
ges ([ue lui donnaient la supériorité du
nombre et surtout celle de sa cavale-
rie. 11 éprouva même , le •). octobre ,
à Hiberach \\\\ (Vliec ini])ortant ( V.
MouKAU , XXX , iH() ;, L'année
suivante ( 1797 ), La Tour comman-
dait encore le corjis d'année f[ui fut
TOU
chargé de disputer à Moreau le pas-
sage du Rhin ; il n'y réussit pas
mieux , et il avait commencé sa re-
traite sur la Bavière , lorsque les
préliminaires de Léoben mirent fin
aux hostilités. Il fut alors nommé
gouverneur de la iStyrie , puis de la
Haute-Autriche. En 1806, il prési-
dait le conseil aulique de guerre ,
lorsqu'il mourut presque subitement
à Vienne. — Son fils , qui servait
sous SOS ordres en 1795 , fut tué, le
27 août, à l'attaque d'une redoute
près de Manheim. — Son frère, le
comte Baillet , fit , comme lai , les
campagnes de la révolution contre
les Français , parvint au grade de
feld- maréchal -lieutenant , et ayant
quitté le service d'Autriche , fut fait
lieutenant-général au service de Fran-
ce, par Napoléon , puis mis à la retrai-
te après lachutede celui-ci. M — d j.
TOUR ET TAXIS ( DE La ) ,
nom d'une ancienne maison priucic-
re d'Allemagne , originaire de Lom-
bardie. Ou prétend qu'il lui vient de
saint Ambroise, évêque de Milan _,
qui le donna au premier de cette
famille , <à qui il avait confié, dans
une émeute populaire , le poste de la
Tour, appelée de la Porte-Neuve ,
oîi il se défendit avec un grand cou-
rage. Un de ses descendants s'appela
Taciiis ; et c'est de cet aieul que
plus tard ( i3i3 ) Laniorald prit le
nom de Taxis. Son arrière-petit-lils,
Ros,er /"''. , comte de Thurn , Tassis
et Valsassina, se rendit en Allemagne,
y fut reçu chevalier, eu ij^Jo , par
l'empereur Frédéric II , et immorta-
lisa son nom par l'invention des
])Ostes, qu'il organisa d'abord dans
le Tyrol. — Son fils , François, qui
fit établir, en i5i() , un service de
postes entre iiruxcUes cl Vienne , fut
nommé maître des postes général ,
par l'empereur Maximilieu I^''. Ses
TOU
descendants ajoutèrent encore de nou-
veaux perfectionnements à cette utile
invention, qui s'étendit bientôt à tou-
tes les contrées. — Léonard - de-
Taxis , qui s'était distingué , en 1 54^ ,
par l'établissement d'un service de
poste à franc -étrier entre les Pays-
Bas et l'Italie^ à travers la Souabe
et le Tyrol , et par d'autres amélio-
rations du même genre, fut élevé,
par l'empereur BodolphcII, au rang
de baron et à celui de maître de
poste général de l'empire d'Allema-
gne. — Son fils , IjAmorald - de-
Taxis , obtint, en iGi5, la dignité
de comte de l'empire, et reçut en iief
de l'empereur Matthias , pour lui et
ses descendants, le privdége des pos-
tes de l'empire , qui fut étendu , en
1621 , par l'empereur Ferdinand II ,
à la branche féminine. — EugÈne-
Alexandre fut élevé, en 1681 , par
le roi d'Espagne Charles II , à la di-
gnité de prince , et en 1686 , par
l'empereur Léopold l^"". , à celle de
prince de l'empire, jusqu'à ce que la
charge de maître de poste général
ayant été établie en fief princier , re-
levant immédiatement du trône im-
périal , le prince Alexandre - Ferdi-
nand en fut investi par l'empereur,
et nommé, en l'jSi, membre du
collège des princes de l'empire à la
diète de Ratisbonnc. Cette maison,
qui possédait d'ailleurs encore la di-
gnité de maréchal du Hainaut, s'était
donc élevée si haut par l'introduction
des postes.Plusieurs princes et états re-
fusèrent de regarder les postes comme
une régale impériale, et, par exemple,
Brunswick , Brandebouig , la Saxe, la
Hesse, établirent dans leurs territoi-
res un service de postes indépendant
de celui de l'empire, et appartenant
à la maison Taxis : celle-ci se main-
tint pourtant dans la plupart des au-
tres états , en Souabe , eu Francouie,
TOU
349
en Bavière, etc., jusqu'au moment
de la révolution française , dont
elle devait aussi subir les consé-
quences. Par la création de la con-
fédération du Rhin, la maison de
Taxis perdit sa souveraineté. Elles
est à présent avec ses 16 milles
carrés et quarante mille habitants
vassale du Wurtemberg et de la Ba-
vière : ces deux états lui ont conféré
la dignité de maître de itoste général
héréditaire, avec la permission d'ex-
ploiter les postes dans leurs territoi-
res respectifs à son profit , contre une
rente à payer à l'état. La Bavière a
ensuite privé de nouveau la maison
de Taxis du service des postes, en la
dédommageant par une rente perjié-
tuelle de cinquante mille florins, éta-
blie sur des domaines. La maison de
Taxis a réorganisé, depuis 181 5,
le service des postes dans plusieurs
autres parties de l'Allemagne, nom-
mément dans les villes anséa tiques.
Z.
TOUR D'AUVERGNE, (de La)
Voy. Bouillon et Turenne.
TOUR D'AU VERGNE-CORRET
(Théophile Malo de LA ), né le a5
déc. 1743 ,àCarhai\ ,dansla Basse-
Bretagne , d'une ancienne et illustre
famille, la même que celle de Turenne,
fit ses éludes au collège de Quimper,
oi!i il se disthigua par son applica-
tion , et ses ])rogrès dans les langues
anciennes. En 1767, il entra dans
les mousquetaires , et quelques mois
après il reçut un bievct de sous-
lieutenant dans le régiment d'An-
goumois. Sa douceur et son attache-
ment à ses devoirs lui méritèrent'
bientôt l'estime de ses chefs et l'a-
inilié de ses camarades. Il employa
ses loisirs à s'instruire dans toutes
les parties de l'art de la guerre. Po-
lybc et Vegèce, Folard et Monfe-
cuccnli formaient sa lecture habi-
35o TOU »
tuelle; mais les commentaires de
César avaient un attrait de plus pour
le jeune officier, parce qu'il y trou-
vait des de'tails précieux sur les
Gaulois , dont il méditait d'écrire
■un jour l'histoire. Fatigué de sa
longue inaction , il sollicita un con-
gé pour aller défendre contre les
Anglais l'indépendance de l'Améri-
que. Il ne put pas l'obtenir ; mais on
lui accorda la permission de rejoin-
dre , comme volontaire , l'armée es-
pagnole , commandée par le duc de
Grillon ( F. ce nom, X, 269). Il
signala sa valeur au siège de Mahon
par de nombreux exploits. Un jour,
après un combat très-meurtrier ^ il
retourna seul sur les glacis de la
place , enlever , au milieu d'une grêle
de balles , un de ses camarades
blessé, et le rapporta sur ses épaules
jusqu'aux avant-postes. Le duc de
Grillon , n'ayant pu lui faire accepter
le commandement des volontaires ,
le choisit pour son aide-de-camp. Il
reçut du roi d'Espagne , Charles III,
la décoration de son ordre , mais il
refusa la pension de 3, 000 fr. que
ce princelui lit offrir en même temps.
Après la paix de l'jHS , il rejoignit
ses drapeaux , et reprit , avec une
nouvelle ardeur son dessein d'éclair-
cir les antiquités gauloises. Aidé par
Le Brigant ( F. ce nom , V , SgH ) ,
il lit une étude plus approfondie de
la langue des Celtes , que ce savant
avait retrouvée dans l'idiome popu-
laire de quelques cantons delà Basse-
Bix-tagne , et reconnut les emprunts
fails a celte langue primitive par les
Romains , et surtout par les (irecs.
Il se disposait à jiublicr le résultat
de ses recherches, lorsque la révolu-
tion , en soulevant toute l'Iùu-ope
contre la France , vint l'enlever à
ses paisibles travaux, et lui fournir
de nouvelles occasions de signaler
TOU
son courage. Ayant , par nne mo-
destie bien rare, refusé toute offre
d'avancement , il était encore alors
simple capitaine de grenadiers. Il fit^
en cette qualité , la campagne de
i79':i, à l'armée des Alpes, sous
Montesquiou ( F. ce nom , XXIX ,
024), et revint avec son régi-
ment vers les Pyrénées _, qui de-
vaient être le principal théâtre de
ses exploits. Appelé par les géné-
raux dans un conseil de guerre , il
donna son avis sur le plan d'atta-
que , et se chargea ensuite de l'exé-
cuter. Il tourne avec sa compagnie
la vallée d'Aran par des chemins
que la neige et les glaces rendaient
impraticables, en chasse les Espa-
gnols , s'empare d'une maison cré-
nelée , traverse la Bidassoa , et en-
levé à la baïonnette toutes les re-
doutes qui en défendaient le passage.
Son manteau plié sur le bras ganclie,
il fondait le premier sur l'ennemi ,
l'épée à la main , et le mettait eu
fuite (i). Humain, généreux même
avec les vaincus , il était le père de
ses soldats , s'imposant des priva-
tions pour adoucir leurs besoins ,
mangeant avec eux et couchant sous
la même tente. Dans les marches , il
allait toujours à pied, tenant son
cheval par la bride ; et si quelqu'un
de ses grenadiers lui paraissait fati-
gué: « Camarade, lui disait-il , monte
à cheval ; je suis las dele conduire; »
et il fallait obéir. Affligé des maux
qui pesaient sur la France, il n'ai-
mait pas en entendre raconter les
détails. Il ne voulait pas que les sol-
dats s'occupassent de ])olitique :
« Nous savons, leur disait-il, que l'en-
nemi est là ; voilà '.out ce que nous
(1) Toujoiirs placr cl^iin les |)iisilic)n5 pi'rilliuM» ,
il lie reçut pas une seule blessure. Les Mild»l>
Hisnieut ; Nolif tiwtlainc a le don iL- cliiiiiiicr Irt
iidUf.
TOU
devons savoir. » Il refusa le titre de
général j mais comme le plus ancien
capitaine de l'ai-mée il accepta le
commandement des grenadiers qui
devaient former l'avant-garde. Il ne
laissa que rarement au corps d'ar-
mée le temps de joindre l'ennemi :
dans tontes les rencontres il délit
les Espagnols, toujours plus nom-
breux , et conduisit sa colonne vic-
torieuse (2) jusqu'à Saint - Sébas-
tien. Quoiqu'il n'eût d'autre artil-
lerie qu'une pièce de huit, il se
présente devant cette forteresse im-
portante , et le commandant espa-
gnol intimidé se hâte de capituler.
La paix avec l'Espagne lui ayant
permis de demander un congé , il
voulut en profiter pour venir au mi-
lieu de sa famille , rétablir sa sauté
délabrée. S'étaut embarqué à Bor-
deaux ( 5 juin 1793 ) sur un trans-
port, le bâtiment fut enlevé par un
corsaire anglais, à la vue du port de
Brest, La Tour d'Auvergne, condné
dans leCornwal! , revint à ses études
favorites, dont à peine la guerre
avait pu le distraire; car il portait
toujours avec lui quelques livres. En
comparant les mœui's et la langue
des Gallois avec les mœurs et la lan-
gue des Bretons , il se coutirma dans
l'idée que ces deux peuples ont la
même origine. A sa rentrée en France,
il apprit qu'il venait d'être mis à la
réforme. 11 ne se plaignit point d'une
injuste mesure qui le privait d'un
grade acquis par quarante années
de service. Heureux de poiivoir
désormais se livrer tout entier à l'é-
tude , il s'établit dans une ferme à
Passy, afin d'être plus à portée de
recevoir les secours qui lui étaient
nécessaires pour terminer son grand
TOU 35 1
travail. Toute sa fortune consistait
dans huit cents livres de rente. « C'est
beaucoup, disait -il , pour un grena-
dier sous les armes : c'est assez pour
un homme qui ne s'est pas fait de
besoins, dans la retraite. » H écrivait
alors à l'un de ses plus intimes amis :
« Du pain , du lait, la liberté et un
;) cœur qui ne puisse jamais s'ouvrir
» à l'ambilion , voilà l'objet de tous
» mes désirs (3). » 11 avait aban-
donné sa pension à une pauvre fa-
mille , et il trouvait encore dans son
superflu de quoi soulager quelques
indigents de son voisinage ^ mais le
discrédit des assignats le réduisit
bientôt à la nécessité de demander
des secours pour lui-même. 11 s'a-
dressa au ministre de la guerre , qui
donna l'ordre de lui compter quatre
cents écus. Il ne prit que cent vingt
francs,en disant: « Si j'ai de nouveaux
besoins , je reviendrai. » Le duc de
Bouillon , son proche parent , à qui
il avait fait rendre ses biens , voulut
le forcer d'accepter la t( rre de Beau-
moiit-sur Eurc^ qui valait dix mille
francs de rentes. A toutes ses ins-
tances La Tour-d'Auvergne répon-
dit : Je vous remercie. Informé que
le dernier lils de son ami Le Brigant
allait être enlevé par la conscription,
il demanda comme une faveur d'être
admis à le remplacer comme soldat.
11 rejoignit l'armée en Suisse, com-
battit à Zurich {F. Massena), et,
après la victoire , sauva la vie à des
soldats russes qui, cernés, refusaient
de se rendre. A la lin de la campagne
il revint à Paris, rapportant des mé-
dailles et des inscriptions qu'il avait
déterrées dans les ruines de l'antique
Windonissa ( W indish ). Après la ré-
volution du 18 brumaire , il fut élu
(2) Selon l'usage, le» snlJaU «ppelaient cplte ré-
serve la colonne infeiiiaU.
(3) Voy. niirltjiief dèlaih sur J.a "l'oiit d' Auvrf-
nc ^ par ÎM. Kecoz , iSô . iii-î^**.
352
TOU
par le sc'nat membre du Corps le'-
gislatif. Il i-efusa d'y sie'ger, disant:
» Je ne sais pas faire les lois , je ne
» sais que les défendre : mon poste
» est aux armées. » Le premier con-
sul lui décerna , sur le rapport de
Carnot, alors ministre de la guerre ,
un sabre d'honneur , avec le titre de
premier grenadier de France. Il
accepta le sabre ; mais il se défendit
de recevoir un titre qui pouvait bles-
ser la délicatesse de ses camarades :
» J'attendais, dit-il , de mes services
» un salaire plus conforme à mes
» goûts , et plus digne d'un homme
» de guerre. On devait ou les oublier,
» ou ne se les rappeler qu'après ma
» mort. » Il fut obligé de se sou-
mettre. La gueire allait recommen-
cer en Allemagne ; il fit ses disposi-
tions pour rejoindre l'armée ; rédi-
gea son testament , distribua ses meu-
bles entre ses amis, et légua ses livres
avec ses manuscrits à M. Johanneau
( F. ce nom dans la Biograph. des
vivants, III, 47^)- A son arrivée
au quartier-général, il choisit son
rang dans les grenadiers de la l^Q'^.
demi-brigade. Six jours après , il fut
tué d'un coup de lance , en avant
d'Uber-Hauzen , le a-] juin 1800. Il
fut enseveli sur le cham|> de bataille ,
dans des branches de lauriers et de
chêne. L'ordre du jour par lequel le
général Dessoles instruisit l'armée de
la perte qu'elle venait de faire est
un modèle en ce genre (4). On ne
peut le lire sans attendrissement. Le
cœur de La Tour-d' Auvergne fut en-
fermé dans une boîte d'argent, re-
couveile de velours noir , et coudé
à la compagnie qu'il avait adoptée.
Son nom resta sur le contrôle, et dans
(/(■II. -si MiiprlMM' (Ini.s l.*i(..iu.aiix chiUnips,
daiii. I.I. Miimuic^ ,lcl'u,uul. rrlli,/uc, loin. I". ;
clan» II» liotri. \ I» suit.' ili- VJ-Jn^c ,U l.u Tulir
W Auvci'^ne y par M. JVIangourit , flf.
TOU
tous les appels , le plus brave grena-
dier répondait : viort au champ
d'honneur. L'épée qu'il avait reçue
pour prix de sa valeur fut placée à
l'église des in^^alides, dite alors le
temple de Mars , et un arrêté des
consuls décida qu'un monument lui
serait élevé dans la ville de Brest ;
mais cet ordre n'a point l'eçu d'exé-
cution. La Tour-d'Auvergne possé-
dait toutes les langues de l'Europe ,
et d'ailleurs était très-versé dans les
dilTérentes branches de l'histoire an-
cienne. L'académie espagnole d'his-
toire l'avait admis au nombre de ses
membres. L'ouvrage qui nous reste
de lui a eu trois éditions : la pre-
mière est intitulée : Nouvelles Re-
cherches sur la langue , l'origine
et les antiquités des Bretons , pour
servir à l'histoire de ce peuple ,
Baïonne, 1792, in-S». Elle est très-
rare, l'auteur, mécontent de son tra-
vail j en ayant supprimé tous les
exemplaires qui lui restaient. Elle
contient, de pins que les suivantes, un
Précis historique sur la ville de
Keraës , en franc. Carhaix , dont il
attribue la fondation au général ro-
main Aëtius ( F. ce nom , I , aS-j ).
vers l'an 436 (5). Cette Notice avait
déjà paru àAn?,\(i Dictionnaire de la
Bretagne , par Ogé ; mais elle est
corrigée et augmentée de réflexions
sur les moyens d'accroître le com-
merce et la prospérité de cette ville.
La seconde édition est de 1795 , in-
8"'. ; et la troisième de Hambourg ,
1801 , même format : elle est ornée
d'un portrait de l'auteur , d'après
son buste parCorbct, statuaire bre-
ton ; et on y a joint son Eloge , par
M. Mangoiu-it. La troisième est inti-
tulée : Origines gauloises , celles des
plus anciens peuples de V Europe .
(5) Kc-u
I biclou sigiiilic ville J'Aclius.
TOU
pidsées dans leur vraie source , ou
Recherches sur la Langue , l'origine
et les antiquités des Bretons , etc.
Le dessein de l'auteur est de prouver
que les Gaulois ont ëte' connus sous
le nom de Celtes , de Scythes et de
Gelto-Scytlies; que leur langue s'est
conservée dans la Bretagne armori-
quej qu'on en retrouve des traces
dans les langues des divers peuples
de l'Europe et de l'Asie , au milieu
desquels les Celtes ou Gaulois for-
mèrent des établissements ; enlin que
c'est aux. Celtes ou Gaulois que les
Grecs et les Romains ont emprunte
leur culte, et la plupart de leurs usa-
ges. La seconde partie coulient un
glossaire polyglotte, ou tableau com-
paratif delà descendance des langues
des Celtes ou Bretons. On dit que La
Tour-d'Auvergne a laissé manuscrit
un Dictionnaire breton , gallois et
français ; et un Dictionnaire poly-
glotte fort ample , dans lequel il com-
pare le breton avec les autres lan-
gues anciennes et modernes. Outre
V Eloge de La T our-d' Auvergne ,
par M. Mangourit , imprimé séparé-
ment, Paris , 1801 , in-Ho. ^ o^ p^ut
consulter, pour plus de détails : No-
tice sur La Tour-d' Auvergne , par
J.-B. Roux, Paris, in-8°., et Quel-
ques détails sur La Tour- d'Auver-
gne , par M. Lecoz. , Besançon , 1 81 5 ,
in-8". ; le Népos français , par Cliâ-
teauneuf, etc. W — s.
TOUR-DU -PIN -GOUVERNE!
( René de La ) , né , eu 1 543 , à Gou-
vernet, près de la petite ville du Buis
en Dauphinc, d'une branche cadette
de la maison dont étaient les'derniers
dauphins de Viennois, et que l'on
voit portée sur l'état de la noblesse
qui prêta serment au roi de France,
en 1343, lors de la cession du Dau-
phinc à Philippe de Valois ( Foj.
HUMBERT II, XXI, 4^)7 fut clcvé
XLVI.
TOU
353
dans la religion calviniste, et devint
le compagnon d'armes de Lesdiguiè-
res et de Dupuy-Monbrun. N'ayant
pu empêcher la iln malheureuse de
celui-ri, il fut, après sa mort, un
des chefs du parti protestant dans
le Daupbiné , et résista , dans ces
contrées , aux attaques de la Ligue et
du duc de Savoie. En i5H6, il
tua dans un combat singulier, le
chevalier de Loriol .prit son cheval,
qui était le plus beau de l'armée
ennemie , et l'envoya en présent
au roi de Navarre. Dans les années
suivantes, il s'empara de plusieurs
forteresses , et se distingua par de
nombreux exploits, surtout le i5 dé-
cembre iSgi , au passage du Ver-
don , où il tua de sa main le comte
de Vincheguerre _, officier de l'armée
du duc de Savoie. Nommé maréchal-
de-camp , dans la même année , il eut
avec Henri IV une correspondance
très - honorable , et ce prince, qui
l'avait fait chambellan n'étant que
roi de Navarre, le nomma, lors-
qu'il fut monté sur le trône de
France , conseiller en ses conseils
d'état et privé , commandant du Bas-
Dauphiné et gouverneur de Die, de
Mcvouillon, Montélimart ,etc. Enfin
Louis XïII hii accorda , en 161 1 ,
une pension de dix mille francs,
somme alors considérable, et dont
Gouvernet de la Tour-du-Pin jouit
jusqu'à sa mort, en 161 9. Sa terre
deLacharce avait été érigée en mar-
quisat au mois de mai précédent.
Brantôme, de Thou et Videl par-
lent avec éloge de ce guerrier ,
dont la devise était courage et loyau-
té. Ayant eu le malheur de tuer en
duel du Pouet, un de ses amis, il
acheta le terrain sur lequel avait eu
lieu ce combat funeste; et, quoique
protestant , il en fit don aux Capucins,
chargeant ces religieux de célébrer,
23
354 TOU
tous les ans, l'obiluairc de dnPoncl.
Pour reparer, autant qu'il était en lui,
im tort qu'il ])ieura toute sa vie, il
voulut être le tuteur du (ils de du
Pouet; et il le maria avec une de ses
filles. C'est de lui et de Jacques ,
son frère, que sont descendues tou-
tes les brandies de La Tour-du-
Pin q;ii CMstent encore. — Hector
de La Tour-du-Pin-Montaucan ,
son (ils puîné , f:it le clicf des Protes-
tants du Llauphinc , au commence-
ment du dix.-scptième siècle, se sou-
mit à Lesdiguières , en 1 626 , cl remit
les places de Me'vouillon et de Soyans,
où il avait fait une vigoureuse défen-
se. Louis XIII le fit maréchal - de-
camj) , et lui donna cent mille livres,
aveclegouvernementdelVIontélimart,
qui resta dans sa famille iusqu'à la
révolution de 1789. — Un fils de
Gonvernet, appelé comme lui René,
et député de la noblesse de Langue-
<loc aux étals-généraux de i()i4,
fut tue dans la guerre de Piémont ,
en 1616. M — D j.
TOUil-DU-PIN - MONTAUB AN
(René, marquis DE La), lieutenant-
général , était le (ils aîné d'ilector et
naquit en Dauphuié vers \Cy2.o. Ele-
vé dans la religion jirolesiante , il
embrassa , au sortir de l'eniance, la
religion calliolique , et fut présenté
a la cour de Louis XIII , où il eut
beaucoiq) de succès, par tous ses
avantages e^^lérieufs et par une ra-
re habileté dans les exercices du
corps. Le cardinal de Richelieu le
remarqua et lui (It donner une com-
pagnie de cavalerie, à la tête de la-
qucflle le jeune de Monlauban coin-
baltit en (lalalognc en iG4i. H lit
ensuite jilusicurs campagnes en Ita-
lie et en Allemagne ; et s'«'!ant démis
de sa compagnie, en lOSo, il leva
un régiment de cavalerie de son
niim ( IVFunlauban ) , «pt'il commamia
TOU
en Espagne avec une distinclion
telle que le roi lui confia le com-
mandement de l'armée qui était en
Catalogne sous les ordres du prince
de Conti. En iG()4.. il fnt envoyé,
avec le comte de Coligni, au secours
de l'empereur, qui , pressé par les
Turcs , avait demandé des secours à
la France; et il combattit, ainsi que
ses frères Louis et Alexandre, au
passage du Raab, et à Saint-(io-
dard , de telle manière que Cho-
rier en parle ainsi : « Notre nation
» n'a pas de plus braves hommes ni
» de plus vaillants ; la Hongrie a vu
)) jusqu'où allait leur courage , et les
» Turcs en ont fait l'épreuve. » Rap-
j)elé en France , l'année suivante , le
marquis de LaTour-du-Pin-Montau-
ban rétablit son régiment, qui avait
été licencié, et fut nommé brigadier.
11 servit en Flandre en celte qualité ,
et concourut, en 1668, à la con-
qucle de la Franche-Comté , sous le
prince de Condé, puis <à celle de la
Hollande, en 1G72. Sa conduite
dans ces dernières campagnes le fit
nommer gouverneur de Znlphen et
deNimègiie, puis maréchal-de-carap
(1G7/1). Il assista en cette qualité au
combat de Seuef, où il fut blessé. On
le chargea ensuite de conduire à Tu-
renne vingt escadrons et huit batail
Ions, avec lesquels il combattit à
Mulhausen.Onvoit, dans la relation
de cette affaire, que le maréchal
rendit hommage à la valeur de La-
Tour-du-Pin, en cette occasion : «M.
» de IVIontauban , dit-il, voyant que
» l'ennemi venait à lui, avant que
» les autres trou|)es eussent passé,
» chargea au milieu de ses esca-
)) dions, cl le mit tout en confusion.
» C'est une rc.-olulion à hupielle on
» doit tout \v succès du coud).!!. »
Malgré sa valeur, IMonl.iulian fut
(ail prisonnier dans celte balaillej
TOU
mais il obtint son ëchan{!;e aussitôt
après , et fit encore , sous Turcnne , la
belle campagne de 1675. Après la
mort de ce grand homme , il con-
tribua à la victoire d'Aitenlieim ,
que remporta le maréchal de Lor-
g€S. Nommé lieutenant - général ,
en 1677 , Montauban fut envoyé en
Sicile sous le maréchal de Vivonne ,
et y obtint plusieurs avantages ;
lut gouverneur de Messine, et passa
à l'armée de Roussillon, où il con-
tribua à la prise de Puy-Cerda , dont
il fut nommé gouverneur même avant
la reddition de la place. Le roi ré-
compensa alors ses longs services
en lui conféraut la lieulenance gé-
nérale au gouvernement de Franche-
Comté. 11 mourut à Besançon, leiQ
juillet 1687. M — D j.
TOUR-DU-PIN - MONTAUBAN
( Louis -Pierre de La), neveu du
préce'dent , fut d'abord chanoine de
Lyon, puis vicaire-général d'Apt,
et enfin ëvèque de Toulon (1712),
où il se montra le digne émule de
Belsunce , dans la peste qui désola
la Provence , en 1720 {F. Bel-
sunce, IV, iSy ). Ce prélat mou-
rut en 1737. — TouR-Du-PiN de
La Charge ( Jacq.-François-Rene'de
La ) , célèbre prédicateur, né à Ypres,
le i4 novembre 1720 , de la même
famille , fut d'abord abbé d'Ambour-
nai , puis grand-vicaire de Riez ,
ensuite chanoine de Tournay , et
s'élant fait remarquer par son élo-
quence , fut chargé de prononcer le
panégyrique de saint Louis devant
l'académie française, en 176 1 , et de
prêcher l'Avent en présence de la
cour , en 1 755. Son débit était noble
et persuasif; mais il l'outrait quel-
quefois. Ses Sermons sont l'ouvrage
d'une imagination brillante. 11 les a
publiés lui-même, en G vol. in-ia.
Ce prédicateur mourut à l'abbaye
TOU
355
de Saint-Victor de Paris, lie 26 juin
i7(i'>. M— D j.
TOUR-DU-PIN GOUVERNET
( Jean-Frédéric de La ) , comte
de Paulin , ministre de la guerre ,
naquit, à Grenoble, le 'rx mars
1727, et débuta, en 1741? dans
la carrière des armes en Westpha-
lie, puis en Bohème. 11 combattit
ensuite sur le Rhin, comme lieutenant
de cavalerie; obtint une compagnie,
et passa en Flandre, où il fit les
campagnes de 1 746 à 1 748 , sous le
maréchal de Saxe. En 1749, il fut
nommé colonel au corps des grena-
diers de France , et lit , en cette qua-
lité, la guerre de Sept-Ans. Il fut
ensuite colonel des régiments de
Guyenne , de Poitou et de Piémont ,
puis maréchal-de-camp, lieutenant-
général , et enfin commandant des
provinces de Poitou , Aunis et Sain-
tonge, emploi qu'il conserva jusqu'à
la révolution. La noblesse de Saintes
l'ayant nommé, en 178g , un de ses
députés aux états-généraux, il s'y
montra , dès le commencement, par-
tisan des idées nouvelles, et se réunit,
avec la minorité de son ordre , à l'As-
semblée des communes. Cette condui-
te , si étonnante de la part d'un ancien
oiïicier-général comblé des bienfaits
du roi , mais connu par ime rare
probité, n'empêcha pas Louis XVI
de le nommer ministre de la guerre,
dans le mois d'août de la même an-
née. Le nouveau ministre écrivit aus-
sitôt à l'Assemblée pour lui faire
connaître sa nomination, et protester
de son zèle pour les décrets. Il pré-
senta ensuite un plan pour l'organi-
sation de l'armée; mais ce plan, quoi-
que tout-à-fait nouveau, était encore
bien loin de remplir les Aiiesdu parti
révolutionnaire : il ne fut point adop-
té; et M. de La Tour- du- Pin, voyant
bientôt éclater de toutes parts la ré-
7.3..
356
TOU
volteet la sédition des Uoiipcs, com-
mença à s'apercevoir de son erreur.
11 s'en plaignit souvent à l'Assemble'e,
et n'obtint d'autre résultat que d'af-
faiblir le crédit que son patriotisme
lui avait d'abord obtenu. A l'époque
de l'insurrection de Nanci, il parvint
cependant à faire adopter des mesu-
res répressives. Mais les révolution-
naires connurent bientôt leur mé-
prise j et ils se répandirent en in-
vectives et eu accusations de totis les
genres contre le ministre qui les y
avait entraînés. Celui-ci offrit sa dé-
mission au roi , qui, après l'avoir refu-
sée , fut enfin obligé de l'accepter en
novembre 1790. M. de La Tour-du-
Pin vécut jusqu'au mois de mai i -gB
dans la retraite à Auteuil , où il fut
arrêté ; puis mis en liberté, et arrêté
de nouveau le 3i août suivaiit, pour
être appelé en témoignage dans le
procès de la reine Marie-Antoinette.
Cette circonstance devait le perdre;
il s'y attendait, sans doute; mais elle
devait honorer à jamais son nom.
Confronté, devant les juges sangui-
naires, avec l'auguste accusée, le
comtede LaTour-du-Pin salua respcc-
seinent l'épouse de son roi , et il ré-
pondit aux interpellations du prési-
dent avec une franchise et un coura-
ge qui ne pouvaient manquer de le
conduire lui-même à l'échafaud. Ce
fut le -iH avril 1 nç)4 , qu'on le tradui-
sit devant le sanglant tribunal ; et il
fut condamné et exécuté le même
jour. — Leirarquis de La Totib-du-
Pm GoUVtBMiT DE LA ChARCE ,
( l'iiilippe A. G. Victor-Charles ),
qui était aussi lieutenant - général ,
avait fait les mêmes campagnes en
Flandre et en Allemagne, et il s'était
particulièrement distiiigui- à la ba-
taille de Lawl'eldt , à la (ête du régi-
ment de La Tour-du-Pin. Il avait été
nommé commandant et licntenant-
TOU
général de Bourgogne , en i ^65 , et
membre des assemblées des notables,
en 1787 et 1788, bureau du prince
de Condé. Arrêté en même temps que
le ministre de la guerre, son cousin ,
et traduit le même jour au tribunal
révolutionnaire , il périt sur le même
échafaud. Il avait été aussi confronté
avec la reine dans le procès de cette
princesse qu'il connaissait à peine, et
s'était borné à de simples dénéga-
tions. M — D j.
TOUR-DU-PIN ( Philis de La ).
Foj. La Charge.
TOURAN-CHAH I"., vmgt-
deiixième roi d'Hormuz , succéda ,
l'an 1846 , à son père Cothb-
cddyn I<=r. Son cousin Schady lui
ayant enlevé, par trahison, l'île de
Keisch , i! marcha en pei sonne pouF
lui faire la guerre. A peine eut-il dé-
barqué , que Schady , abandonné par
la plus grande partie de ses troupes ,
se sauva dans l'île de Keischme,
d'où il eut beaucoup de peine à ga-
gner les îles Bahr-aïn,qui lui apparte-
naient : il y mourut bientôt après ,
laissant \m lils que Touran-Chah ne
dépouilla point de l'héritage pater-
nel. Mais Schambah, frère de Schady,
revint de Chyraz , où il vivait retiré
par suite.de ses guerres contre son
frère , se mit en possession des îles
Bahr-a'iu ,et fit périr son neveu ainsi
que plusieurs partisans de son frère.
Il se rendit si odieux par ses cruau-
tés , qu'il fut assassiné. Le chef de la
conspiration ayant voulu se faire roi
deCahr -ain, l'opposition qu'il éprou-
va de la part de quelques seigneurs
olfril à Toiiian-Cliali une occasion
favorable de recouvrer ces îles. II y
aborda et fit mettre à mort l'usurpa-
teur qui osait lui en demander le gou-
vernement, comme une récom|)ense
du service ([u'il prétendait lui avoir
rendu, en le débarrassant d'un prince
TOU
rebelle. Le loi d'Hormiiz , après
avoir rétabli la trauquillite à Bahr-
aïn , s'embarqua pour El-Katif ,(l'où
il alla visiter une partie de ses états
de terre -ferme en Arabie. De re-
tour dans sa capitale , il y passa le
reste de sa vie en repos , et mourut ,
après un règne de trente - deux
ans, eu 1377. Touran Chah a écrit
eu persan une histoire fort e'tcndue,
en vers et en prose, des rois d'Hor-
muzses prédécesseurs. Cette histoire,
dont Jean de Rarros ne paraît pas
avoir eu connaissance , puisqii'il
n'en a point fait usage dans son
Asie portugaise semble aussi n'être
connue en Eucope que par l'extrait
qu'eu a donné Pierre Texeira, {P^.
ce nom ) ^ extrait que les auteurs
anglais de la grande Histoire uni-
verselle ont encore abrégé. A — t.
TOURAN-CHAH II f Fakhr-Ed-
DYN ) vingt - sixième roi d'Hormuz ,
chassa du trône , en i436 , son
frère Seif-eddyn IIï , qui en avait
privé son père Cothb-eddyn II. Il
fut confirmé dans sa souveraineté
par Chah-Rokh , son suzerain , fils
de Tamerlan. Abd'el-Rezzak, ambas-
sadeur et historien de Chah-Rokh ,
parle, dans sa relation, de Toiirau-
Chah , auquel il ne donne que le
titre de fVali ( souverain indépen-
dant ) et à! émir (prince). Au re-
tour de son ambassade dans l'Inde ,
il repassa par Hormuz et eut avec
Touran - Chah quelques dillicultés
qui furent jugées par Chah-Rokh.
Le roi d'Hormuz mourut vers l'an
i/|G6, après avoir régné eu paix
trente ans , suivant Jean de Bar-
res. Texeira ne dit rien de Tou-
ran-Chah II, dont il ne fait qu'un
même prince avec Touran-Chah !<='",
ometraut ainsi les trois règnes qui
.se trouvcnlentre ces deux rois d'Hor-
muz,ce quiforinc, dans sa chronolo-
TOU
357
gie,une lacune d'environ quatre-vingt-
dix ans. Touran-Chah II laissa qua-
tre fils qui se disputèrent le trône
les armes à la main, et, qui eu affai-
blissant, eu desorganisant le royau-
me d'Hormuz, en préparèrent la con-
quête aux Poi'tugais {Voy. Albu-
QUERQVE et Seif-EddynIV). a — T.
TOURAN - CHAH III , trente-
deuxième roi, fut mis sur le trône,
vers l'an i5i3, par Reïs Nour-
eddyn, qui ayant fait périr Seif-
eddyn IV , frère et prédécesseur de
ce prince, ne laissa au nouveau sou-
verain que les prérogatives extérieu-
res et honorifiques du rang suprê-
me. Mais cet ambitieux se voyant
avancé en âge , et voulant cou-
server l'autorité dans sa famille,
la confia à son neveu Reïs Ahmed et
ne se réserva que l'adniiuistration
des revenus del'état. Le jeuneminis-
tre acheva d'asservir le faible roi et
l'entoura tellement d'espions , que
Touran-Chah n'osait dire un mot ,
de peur d'être sacrifié à la vengean-
ce de son tyran. Cependant Alfonse
d'Albuquerque, voulant assurer le
succès de l'entreprise qu'il avait
commencée sur Hormuz , y envoya
son neveu Pierre d'Albuquerque , en
1 5 1 4 , pour exiger, du nouveau roi ,
le tribut, la confirmation du traité
et la restitution de la citadelle bâtie
par les Portugais. Le roi, ou plutôt
son ministre . paya une partie du
tribut , prit des termes pour le reste ,
promit de ratifier le traité , mais
refusa de rendre la citadelle. Pierre
dissimula , et pour ôter même à Tou-
ran-Chah tout soupçon des prépara-
tifs de guerre qui se faisaient contre
lui, il lui donna vingt navires horiuu-
zieus qu'il avait repris sur les Per-
sans. Au printemps de l'année i5i5,
AU'onse d'Albuquerque parut devant
Hormuz avec une flotte de vingt-
35b
TOU
•ept voiles et quelques bâtiments in-
diens qui portaient quinze cents por-
tugais et sept cents naturels du pays.
Il ramenait un ambassadeur que Tou-
ran-Chah avait em-oye' en Portugal
pour demander, i». à êtrp exempté
de tout tribut , à cause de la dimi-
nution de ses revenus depuis que
les Portugais éloignaient de ses ports
Î0U6 les navires marchands • 2°. qu'il
fût permis à ses sujets de naviguer
dans l'Inde , et aux Indiens de venir
à Hormuz; 3°. que tous les prison-
niers horniuzicns fussent relâches. Le
roi Emmanuel avait promis de dimi-
nuer le tribut de moitié si le roi
d'Hormuz laissait bâtir une citadelle
dans sa capitale; de rendre la uaviga-
lion libre pour les Horrauziens et les
étrangers^ à condition qu'ils ne por-
teraient aucune marchandise pro-
Libée, ni aucun individu des nations
en guerre avec les Portugais. Il avait
ordonné de mettre en liberté tous les
prisonniers d'Hormuz; mais il avait
rejeté les autres demandes de Tou-
ran-Chah. Pressé par Albuquerque, le
prince musulman s'en remit à la géné-
rosité de ce vice-roi , qu'il pria de le
traiter en père. Un traité fut signé
par Nour-eddyn et par Albuquerque
au nom de leurs souverains. Un
étendard ,auxarmes de Portugal, fut
placé au sommet du palais, en signe
d'ailianc-e ou plutôt de servitude vo-
lontaire , et Ton commença de bâtir
la citadelle sur les fondements élevés
sept ans auparavant. Ïouran-Chali
DP craignit pas alors de se plaindre
de Rr'is-Ahmod à Albuquerque. Ce
minisire retardait les travaux de la
citadelle, contrariait les Portugais,
€t, pour les brouiller avec les Persans
et avec fton maître, il avait force
celui-ci à rrcovdir le tadj ( on roii-
rwine), que <^'.lial) Isinacl lui avait
envoyé, et lu doctrine d'Aly, que ce
TOU
monar({ue venait d'établir en Perse.
Ahmed et Albuquerque s'observaient
et cherchaient à se défaire l'un de
l'autre. Le second fut plus heureux ou
plus adroit; il lit assassiner le minis-
tre en présence de Touran-Chah. Les
frères d'Ahmed, sousprétcxte de ven-
ger sa mort, excitèrent une sédition ;
mais le roi s'étant montré au peuple
sur un balcon, avec Albuquerque,
les mutins se dissi])èrent; les chefs ,
assiégés dans le palais où ils étaient
barricadés, furent forcés de deman-
der quartier et bannis à perpétuité
des états d'Hormuz, sous peine de
mort, ainsi que toute leur famille.
Tourau-Ghah se croyait libre, parce
qu'Albiiquerque, lui témoignant beau-
coup d'égards, semblait ne se mê-
ler en rien des artaires du gouverne-
ment; mais l'habile Portugais ne né-
gligeait aucune mesure pour empê-
cher Hormuz de secouer le joug. Sur
le bruit répandu, peut-être à dessein,
par lui ou ])ar les Musulmans , de
l'arrivée d'une flotte égyptienne, il
feignit d'avoir besoin de son artille-
rie pour aller au devant de l'enne-
mi , et fit placer dans la citadelle
toute celle qui était dans le palais et
dans la ville. Quinze rois ou princes
du sang , privés de la vue , étaient
renfermés dans un palais avec leurs
femmes et leurs enfants. Sous pré-
texte de prévenir les troubles aux-
quels ils pouvaient donner lieu, il se
les fit livrer et les envoya sous bonne
escorte à Goa , ne laissant à Hormuz
que les deux fils de Seif-eddyn IV.
Loin de s'olfenser de ces mesures ,
Touran-Chah vit partir Albuquer-
que avec regrets . et pleura sa mort.
Les successeurs de ce grand homme
gâtèrent sou ouvrage. Les ministres
d'Hormuz furent dépouillés de la di-
rection et du maniement des finances^
mais en perdant la partie la plus im-
TOU
portante de leurs attributions , ils re-
prirent leur ascendant sur le roi.
Afin d'airiiblir les Portugais, ils dé-
terminèrent , en 1 5ti i , le vice-roi
Lopede Siqueira, à réduire le prince
de Lalisa , qui s'était révolté. Le
succès couronna celte expédition,
à laquelle prirent part les troupes
d'Hormuz, sans s'exposer : le re-
belle fut vaincu et tué ; El Katif
et les îles Bahr - aïn furent sou-
mises, et Mir-Ascliraf, ministre et
général des Hormuziens , en eut le
gouvernement. Après le départ de
Siqueira , il revint à Hormuz, et per-
suada au roi des'aiïranchir de la ty-
rannie des Portugais. Une cons]>ira-
tion se trama ; des ordres fuient en-
voyés aux gouverneursdeKalliat etde
Maskat, pour que, dans un même
jour et à la même heure, tous les Por-
tugais fussent égorgés : le premier
obéit ; le second refusa. Dans la
capitale, les conjurés massacrèrent
une soixantaine de PortuMis : mais
ils ne purent s'emparer de la ci-
tadelle. Les assiégés firent un feu
si terrible, qu'ils incendièrent le pa-
lais et'Ia ville. Tourau-Cbali et toute
sa cour se retirèrent dans l'île de
Keiscbme , d'oii ce prince , manquant
de tout , envoya demander la paix et
faire ses excuses au gouverneur por-
tugais. Mais Aschraf , craignant de re-
cevoir le cbàtiment de sa perfidie ,
assassina le roi , en 1 522 , et mil sur
le trône son neveu , Maliuioud ou
Mohammed Padischah , fils de Seif-
eddyn. Les aventures de Touran-
Chah, improprement nomme Tor ,
par Malici et d'autres auteurs
et celles de son frère Seif-eddyn,
forment le fond du roman de ]M'°c.
de Gomez, intitulé Anecdotes per-
sanes. Les successeurs de ce prince,
pendant un siècle , ne furent (pie des
mannequins couronnés , esclaves de
TOU 35o
la puissance portugaise, jusqu'au der-
nier , Mohammed Chah , qui fut
conduit prisonnier à Ispahiin, après
la conquête d'fîormuz, par les Per-
sans . en 1622 (/^". Abbas I*"' "i. A-t.
TOURAN-ŒAIL r. Meuk el
MOADHATVI, XXVllI , 219 et 224.
TOURAN-DOK HT ou plusexaete-
ment POURAN - DOKHT , renie de
Perse, de la dynastie des Sassanides,
était ia (Jlle aînée de Khosrou-Per-
\\\z et la sœurdeKobad-Schirouieh.
Après la mort de ce dernier F. Si-
ROEs) el de son lils Ardeschir , elle
fut l'ame des conspirations dirigées
contre l'usurpateul- Schahryar ou
Schahrbarz. Trois frères intrépides ,
persuadés par ses discours ou gagnés
par ses promesses, assassinèrent le
tyran à la porte de son palais, au
moment où il allait monter à cheval.
Comme il ne restait d'autres descen-
dants mâles de la famille royale que
deux ou trois princes dont on igno-
rait la résidence et même l'existence,
Touran - Doklil fui reconnue reine,
l'an 629 ouG3i. Douée d'un grand
discernement , d'un esprit niàle et
d'un zèle éclairé pour le bonheur de
ses sujets , cette princesse choisit
pour premier ministre et pour géné-
ral de ses armées Feroukh - Zad ,
l'aîné des trois frères qui avaient im-
molé l'usui-pateur. Secondée par ses
talents, elle s'ajipliqua à faire fleurir
la justice, à rétablir la tranquillité au
dedans , et à maintenir la paix au de-
hors. Elle fit ])érir tous ceux qui
avaient trempé dans le massacre des
princes ses frères. Pour faire rentrer
dans le devoir les gens de guerre , de-
venus insolents dès-lors qu'ils avaient
mis un de leurs chefs sur le trùne , elle
se délit de ceux qui commandaient sur
les frontières de l'empire grec , et ((ni
tous étaient partisans de l'usurpaleur.
Depuis que le désordre s'était intro-
36o
TOU
duit dans l'état, les grands oppri-
maient le peuple. La reine employa
d'abord les voies de la douceur pour
les ramener à des sentiments plus hu-
mains. N'ayant pu y parvenir , elle
fit arrêter et condamner à mort plu-
sieurs de ces petits tyrans. Cette con-
duite ferme et vigoureuse lui mérita
les bénédictions du peuple et intimi-
da les nobles : mais, pour le malheur
de la Perse , une mort imprévue en-
leva Touran-Dokht , après un règne
de seize, ou suivant d'autres , de sept
mois. On soupçonna , non sans fon-
ment , quelques seigneurs de l'a-
voir empoisonnée, pendant que son
ministre se trouvait sur les frontiè-
res. Avec elle s'évanouirent les espé-
rances et les derniers beaux, jours de
la Perse. Quelques auteurs lui don-
nent pour successeur un de ses pa-
rents , sur le nom duquel ils ne sont
pas d'accord. Ce prince inepte, ou-
vrage de la faction des nobles , dé-
plut au peuple, et disparut au bout
d'un mois. Il fut remplacé par la prin-
cesse Azourrai-Dokht , qui , plus belle
que sa sœur_, dont elle ne possédait
pas le génie et les talents, mais non
moins ficre que belle, punit de mort
l'imprudent amour de Fcrakh - Hor-
raouz , gouverneur du Khoraçan,
dont le fils fut le vengeur , en faisant
périr Azourmi-Dokht ( F. Rous-
T£M, XXXIX, 171 ). On donna
])our successeur à cette reine son frè-
re Ferakh-Zad , dont on avait décou-
vert la retraite, et qui, victime des
révolutions, fut bientôt rem])lacépar
le malheureux lezdrdjcrd 111. {F. ce
nom). Les auteursqiii rapportent des
détails de guerre entre les Arabes et les
Persans , sous les règnes de Touran-
Dokht et de sa stpur , ont commis des
anachronisines; car ces dfux reines
moururent avant iMalioniel , jiarron-
^équent avant le klialifat d'Abou-
TOU
bekr, époque des premières hostilités
entre les deux nations ( Foy. Abou-
BEKR et KhALEd). ToURAN-DoKHT,
femme du khalife Al-Mamouu , était
fille de Haçan Ibn-Sahl, gouverneur
de l'Irak etnièce du vezir Fadhl Ibn-
Sahl. Son père étala une magnificen-
ce extraordinaire et inouie jusqu'a-
lors , pour célébrer , l'an de l'hég. ,
"210 (825 dç J.-C. ) , ses noces avec
le khalife. Cette princesse paraît
avoir été aussi bonne que belle , sa-
vante et spirituelle , et on lui fait
honneur de plusieurs traits de clé-
mence de son époux. Elle mourut ,
l'an 27 I ( 884 ) à l'âge de 84 ans ,
ayant survécu 53 ans à ce monarque
{F. Mamoun, XXVI, 433). A— T.
TOURETTE(La). r.ToURRETTE.
TOURN EFORT ( Joseph Pitton
DE ), naquit, à Aix en Provence, le 5
juin :656. Le nom de Tournefort
était celui d'une terre possédée par
sa famille. Il fit ses études au col-
lège des Jésuites, dans sa ville na-
tale. On ne peut douter du soin qu'il
mit à s'instruire dans les lansucs
anciennes. Les connaissances qu'il
y acquit servirent de base à cette
érudition dont nous trouvons tant
de traces dans ses ouvrages , et
surtout dans son Fojage du Le-
vant. Mais la passion de la bota-
nique domina bientôt chez lui tou-
tes les autres. Dès son enfance ,
elle s'était manifestée : il était né bo-
taniste , comme on naît poète. Il se
livra donc avec ardeur à la recher-
ches des plantes. 11 parcourait les
campagnes enxironnautes , et quel-
quefois ses herborisations lui faisaient
manquer la classe. Aussi apprit-il, en
peu do temps, à ronnaîfre tontes les
])lanlesdc cctic partie de la Provence.
Il termina ses études par son cours
de |)liilosopliie; mais son esprit droit
et positif ne pouvait s'accommoder
TOU
d'un enseignement aussi vague que
celui qui régnait alors. Son père, qui
le destinait à l'état ecclésiastique, dé-
sira qu'il étudiât la théologie , et il
le lit entrer dans un séminaire. Fils
soumis, le jeune Tournefortend^rassa
cette carrière; mais sa tendresse liliale
ne put le faire triompher de ses goûts.
Il joignit même à ses études habi-
tuelles celle de la physique, de la
chimie et de la médecine. La mort
de son père, arrivée en 1^77, lui
rendit sa liberté. L'année suivante ,
il parcourut les montagnes du Dau-
phiné et de la Savoie, d'où il rap-
porta un grand nombre de plantes :
ce fut le commencement de son her-
bier. En iC)79, il se rendit à Mont-
pellier, dans le dessein de s'y livrer
plus spécialement à l'anatomie et à
la médecine. Il y passa deux ans ,
occupé de ces sciences et de la re-
cherche des végétaux du pays , et il
s'y lia avec Magnol , qui lui eut par
la suite de grandes obligations. Le
midi de la France ne sullisait plus à
Tournefort. En 1681 , il visita la Ca-
talogne, puis les Pyrénées, où il her-
borisa depuis le printemps jusqu'à la
lin de l'année. Pendant ce temps, son
ardeur pour la science et la force de
sa constitution furent mises à de très-
rudes épreuves. Réduit au ])lus strict
nécessaire , il fut néanmoins dépouillé
plusieurs fois par les miquelets, et il
ne réussit à sauver son argent qu'en
le cacliant dans le pain noir et dur
dont il faisait sa subsistance , et qui
n'excitait que le dédain de ces bri-
gands. Il courut un danger plus grand
encore. Une cabane dans laf(uelle il
couchait s'écroula , et il resta en-
seveli sous les décombres, d'où il ne
fut tiré qu'au bout de deux îieures.
Le spectacle des richesses dont il
était entouré, le dédommageait de
^•cs contrariétés , et il rapporta une
TOU 30 1
abondante moisson de plantes. Sa
réputation était parvenue à Paris.
Fagon , dont les lumiî ics et l'in-
tluence furent si favorables aux pro-
grès des sciences , réussit à l'attirer
dans cette ville , en i683 , et se dé-
mit, en sa faveur, de la place de
professeur de botanique au jardin du
Roi , que ses autres occupations ne
lui permettaient plus de remplir. Ce
jardin prit, parles soins de Tourne-
fort , un accroissement considérable,
et ses cours et ses herborisations dans
les environs de Paris attirèrent une
prodigieuse quantité d'étudiants, fran-
çais et étrangers. Le nouveau pro-
fesseur n'en conserva pas moins la
facdité de continuer ses voyages. En
1688, il retourna en Espagne , vi-
sita le Poitugal , et alla jusqu'en An-
dalousie , où il observa quelques pal-
miers. Il trouva dans ces dillérentes
contrées une assez grande quanti-
té de plantes inconnues eu France ,
dont il enrichit le jardin du Roi.
Il voyagea également eu Angleter-
re et en Hollande, où il gagna l'es-
time et l'amitié des savants, ller-
maun , professeur de Botanique à
Leyde , frappé de son mérite , et dé-
sirant l'avoir pour successeur , lui
proposa sa chaire, à laquelle le gou-
vernement attachait un traitement de
4,000 liy. La Hollande était alors en
guerre avec la France. Quelque ho-
norable et avantageuse que fût cette
proposition , Tournefort ne crut
pas devoir l'accepter. La France
lui devait des dédommagements.
Eu 1691 , l'abbé Bignon, prési-
dent de l'académie des sciences ,
le fit agréer au roi , comme membre
de cette société. Toiunefort jouis-
sait déjà d'une grande réputation,
lorsqu'il iit paraître son premier ou-
vrage intitulé : Éléments de botani-
que, ou méthode pour connaître la
36-1
TOU
plantes , 3 vol. iii-S". , Paris , 1 694.
Depii is pins d'un siècle, la botanique se
débattait, pour ainsi dire, sous le poids
des systèmes, qui se succédaient sans
aucun avantage durable pour la
science. La plus grande partie des
auteurs se contentaient de ranger les
plantes empiriquement , d'après des
caractères extérieurs, et sans fonder
leur classification sur aucune idée gé-
nérale qui embrassât l'ensemble des
végétaux. La botanique n'était pour
eux que la science qui apprend à con-
naître les plantes.Tournefort lui-même
ne sut pas s'élever au-dessus de cette
idée. Parmi ceux qui ne considérè-
rent la botanique que sous ces rap-
ports superficiels, figurent en pre-
mière ligne Dodoens^ l'Ecluse , Lo-
bel et les Bauliin. Tous, il est vrai,
ont rendu plus ou moins de services
parle grand nombre de plantes qu'ils
ont fait connaître, et en particulier
Lobel par ses figures , l'Ecluse par
ses descriptions, et G. Bauhm par
son Pinax. Mais , il faut en convenir ,
les sciences ne vivent pas seulement
de faits. Commencées par eux, elles
doivent être complétées par les mé-
thodes, ou plutôt les méthodes seu-
les font les sciences. Aussi, malgré
les travaux des célèbres botanistes
que nous venons de nommer, on
peut dire que la botani(|ue, à la (in
du dix-septième siècle , n'existait pas
encore; et cependant on possédait
déjà des matériaux d'un ordre im-
portant. A coté de ces botanistes em-
piriques , nous en trouvons quelques-
uns qui avaient entrevu les vrais
principes. Nous devons à Gessncr la
première idée des genres, qui, selon
lui, devaient être établis sur la fleur
et le fruit. Mais Césalpin fit un pas
immense. Son ouvrage J)c Plant is ,
publié en ifiSS, offrit le premier
exemple d'une méthode régulière :
TOU
elle était fondée principalement sur
la considération du fruit. Ses déve-
loppements annoncent une connais/-
sance des plantes beaucoup plus ])ro-
fonde que celle qui a régné pendant
un siècle entier après lui, et ses prin-
cipes étaient tellement supérieurs à
son époque, quenous voyons G. Bau-
liin lui-même avouer qu'il ne les
comprend pas. Fabius Coiumna seul
paraît avoir senti leur importance.
Il dit, dans son E/.opa7f.ç , que c'est
sur la graine qu'il faut établir les
genres. Nous trouA'ons également
di\ns Vlsai^ogephjtoscopica de Jun-
gius (iGG'i) des détails sur les fleurs
et les fruits , qui annoncent de gran-
des vues dans cet auteur. Tel était
l'aspect de la botanique vers la lin
du dix-septième siècle. Morisou ,
marchant sur les traces de Césalpin ,
mais sans le citer, fit sentir égale-
ment l'importance du fruit, et il eu
fit une heureuse application à la fa-
mille des OmhelUfères. Il insiste
aussi sur la nécessité des affinités na-
turelles. Mais sa première division
n'est fondée qu'en partie sur des ca-
ractères de premier ordre. La mé-
thode de Hermann parut en i6yo,
dans sa Flore de Lejde. Tout aussi
défectueuse , sous quelques rapports ,
que celle de Morison , sans avoir
d'ailleurs ses avantages, elle ne put
soutenir la concurrence avec celles
de ses contemporains. On nedoit pas
méconnaître les nombreux services
rendus par Ray à la botanique.
Mais sa méthode manquait de ba-
se unique. Inférieure à plusieurs au-
tres , elle tendait à faire rétrogra-
der la science. Rivin , un des plus
grands botanistes qui aient existé , et
celui de cette époque qui jiourrait
être avec le plus d'avantage opposé
à ToiuTicfort , publia , en iô()o-
i(k) ) , son Introduclio ^eneralis
TOU
ad rem herhariam ( F. Riviit ).
Ses grandes divisions sont fondées
sur la fieur , et les sous-divisions sur
le fruit; mais dans les essais qu'il en
donna , il employa d'une manière si
vague ses caractères de second ordre,
que l'usage de sa méthode ne pouvait
être commode pour l'étude. D'ail-
leurs^ les aJlinités naturelles s'y trou-
vent souvent contrariées. Nous ajou-
terons toutefois que, le premier. Ri-
vin eut le mérite de faire dispa-
raître la distinction entre les arbres
et les herbes. Les méthodes de ces
quatre auteurs étaient donc plus ou
moins défectueuses , et péchaient
surtout par le défaut de caractères
précis dans l'établissement des gen-
res. ]1 y aurait de l'injustice à ou-
blier Magnol, qui fut moins connu
peut-être , surtout en pays étranger ,
mais dont la méthode, fondée sur le
calice , ainsi que les principes , an-
noncent de la sagacité. Les choses
étaient dans cet état lorsque Tour-
nefort publia ses Eléments de la
Botanique. Ses principes relatifs à la
physiologie végétale sont peu déve-
loppés , et paraissent les mêmes que
ceux des physiologistes qui l'avaient
précédé. Il ne sera donc ici question
que de ses principes de classilication.
Après avoir examiné fort en détail
les diirérenles parties des plantes , il
les place , selon leur importance re-
lative , dans l'ordre suivant : fleurs ,
fruits , feuilles, racines, tiges , sa-
veur, et enfin le port. Il s'occupe
ensuite de la formation des classes ,
des genres et des espèces. La pre-
mière division doit être la plus sim-
ple : ce sont les classes , qui sont
comme des faisceaux de genres. Elles
sont fondées sur un seul caractère ,
qui est le premier , le plus apparent ,
le plus facile à distmgucr , la fleur
( c est ainsi qu'il nomme toujours la
TOU 363
corolle ) ; et il préfère la structure
des pétales à leur nombre ,'({uiest
souvent incertain , et qui , d'un au-
tre côté, s'accorde souvent avec la
structure , comme dans les Cruci-
fères. Les genres sont de deux or-
dres. Ceux du premier sont établis
sur les deux principaux caractères
de la plante, h fleur et ]e fruit ,
comme dans la Mandragore , \a
Belladone , la Bose , Y Aconit , le
Pavot, etc. Mais ces deux carac-
tères ne lui paraissant pas toujours
suffisants , parce qu'il ne connaissait
pas les détails de ces deux organes ,
il admet des caractères de moindre
importance , par exemple , la dispo-
sition des fleurs dans le Chamœdrys
et le Polium , les tubercules dans
le Bulbocastanum , la position et le
nombre des feuilles dans quelques
Rosacées et Légumineuses , etc. ; ce
qui constitue ses genres du second
ordre. Nous devons ajouter qu'il
n'en fait usage que rarement. Il éta-
blit aussi en principe qu'il vaut
mieux créer de nouveaux genres que
de conserver dans un genre ancien
des espèces anomales. Enfin il pense
qu'on ne doit admettre pour les gen-
res que des noms sans signification.
Telles sont les principales idées de sa
théorie des genres. Les Espèces ,
dont la détermination est le but de la
botanique descriptive , peuvent être
établies sur toutes les parties acces-
soires. Mais leurs noms ou phrases
doivent être aussi courts que possi-
ble, et non tels que ceux de Morison ,
qu'on ne peut réciter d'une haleine.
De là, à l'établissement si simple et si
naturel des noms spécifiques , il n'y
avait qu'un pas. Ils existaient même
déjà , comme on peut le voir dans
les auteurs précédents. Mais ce n'é-
tait , pour ainsi dire , qu'accidentel-
lement ; et ils n'étaient pas consacres
364
TOU
par la théorie. Ces principes posés ,
Tournefort établit vingt-deux classes
sur la considération de la fleur. Obéis-
saut au préjugé du temps , il partage
les plantes en herbes et en arbres.
Les quinze premières classes sont
fondées sur les difîérences dans la
structure de la fleur j la seizième, sur
l'absence de cet organe ; la dix-
septième, sur l'absence de fleurs et de
fruits ; enfin , les cinq dernières com-
prennent les arbres et arbrisseaux,
rangés également selon la structure
de la fleur. Le premier volume con-
tient la préface et la classification ;
les deux autres se composent de
quatre cent cinquante-un dessins faits
par Aubriet. Cette méthode fut atta-
quée par plusieurs personnes. Ray ,
dans le postscriptum de sa réplique
à Rivin {Responsoria ), et dans sa dis-
sertation De variis plantaruni me-
thodis , lui adressa plusieurs repro-
ches. Tournefort, dans ses observa-
tions placées après les espèces, avait
eu le torl de blâmer trop souvent ,
et avec quelque sécheresse , l'emploi
fait par Ray de caractères accessoi-
res dans l'établissement de ses genres.
Ray se trouvait placé avec avantage
pour attaquer à son tour les genres
de second ordre de son critique.
Nous ferons observer toutefois , que
Tournefort censure Morison presque
aussi souvent que Ray, et qu'il donne
à celui-ci, dans sa préface, de
très-grands éloges. Le botaniste fran-
çais répondit à Ray, dans une lettre
adressée à Sheraid , sous ce titre :
De optimd melhodo insllluendd
in rem herbariani , in-8". de ■i.'j
pag. , \Cn)'^ , qui n'est qu'une lépéli-
tion , avec quelques nouveaux déve-
loppements cl e.vinpics , des prin-
cipes des Eléments. Au reste , celle
discussion n'avait clé aceoni|)agnée
d'aiiriine aigreur. L'amour de la vé-
TOU
rite et le sentiment des convenances
la terminèrent d'une manière hono-
rable pour les deux grands hommes.
Les observations critiques sur Ray ,
Morissou , etc. , ne parurent point
dans les Institutiones , et Ray ,
dans son Melhodus plantaruni emen-
data et aucta (i-^SS), combina
la méthode de Tournefort avec celle
de Rivin , en fondant ses prin-
cipales divisions sur la fleur. Ce-
pendant il rompait alors les rap-
ports naturels encore plus que Tour-
nefort ; et il était forcé d'admet-
tre des plantes anomales. Collet pré-
senta les Eléments comme une tra-
duction et un abrégé de V Histoire
des plantes àe. Ray. Chomel, ou plu-
tôt , sous ce nom, Tournefort lui-mê-
me, lui répondit en exposant en re-
gard les deux Méthodes , dont la plus
légère inspection montrait la diffé-
rence ; et il fit voir , par un grand
nombre d'exemples , combien celle
de Tournefort était supérieure à celle
de l'auteur anglais, dans l'établisse-
ment des genres. Il nous est impos-
sible de discuter ici en détail le mérite
de la méthode de Tournefort. Elle
offre plusieurs vices essentiels. Le
plus choquant est le maintien de l'an-
cienne distinction des herbes et des
arbres et arbrisseaux , réprouvée par
Rivin, et sans aucun autre motif que
la disproportion de la taille , comme
si beaucoup d'herbes , la Férule , les
Angéliques , les Hélianthus , etc. ,
n'étaient pas plus élevées qu'un grand
nombre d'arbrisseaux. D'ailleurs il
fut obligé d'admettre dans plusieurs
de ses classes le mélange qu'il
jiruscrivail. Il était donc en contra-
diotiiiii avec lui - même, en j)la-
eaul parmi ses herbes les genres keL-
mia , ludiolropitiiim , bipwnia,adha-
toda , sahia , ^ranadilla , helian-
tlwnum , capparis , etc. Les formes
TOU
de la corolle sont aussi un caractère
trop peu précis. Elles se fondent sou-
vent les unes dans les autres; d'où il
rësalte que quelques-unes de ses pre-
micresdivisions ne sont pas assez tran-
clie'es. Mais , quelque sévère que
doive être la critique, elle reconnaîtra
que cette méthode contrariait moins
les affinités naturelles , et qu'elle était
plus commode dans la pratique que
toutes celles qui l'avaient précédée.
La plus grande partie des genres de
Tournefort fut conservée par Linné.
Quelques - uns furent changés avec
raison. D'autres, qui l'avaient été sans
motif suffisant, ont été rétablis de-
puis. Il en a été de même de plusieurs
noms auxquels Lmué eu avait subs-
titué de nouveaux , contribuant ainsi
à encombrer inutilement une nomen-
clature dont la création était un des
plus grands services rendus par lui à
Ja science. Tournefort , au leste , ne
parle lui-même de sa ÎVIétliode qu'a-
vec une grande modestie. Il est loin de
la regarder comme parfaite , et il pa-
raît nela donner que comme l'applica-
tion et le développement des idées de
Gessner, Césalpin etColumna. « Je
" suis même persuadé , dit-il, que si
» les premiers auteurs de cette mé-
» thode étaient descendus dans le
» grand détail des genres dont on
» traite dans cet ouvrage , ils auraient
5) apporté à-peu-près les mêmes teu\-
') pcraments dont on a tàclié de se
» servir. » Les dessins d'Aubriet, qui
composent les second et troisième
volumes, méritent une mention par-
ticulière. Ils sont faits avec soin,
et comprennent beaucoup d'analy-
ses fort supérieures à tout ce qui
avait été fait jusqu'alors. Tourne-
fort n'ayant pas toujours eu soin
d'en donner une explication très-dé-
taillée , quelques auteurs , entre au-
tres Linné et Haller , aCTectèrent de
TOU
365
supposer qu'Aubriet était meilleur
botaniste que lui; mais il est plus que
probable, au contraire, que ce pein-
tre habile lui dut de très-utiles rensei-
gnements et une bonne direction.
D'ailleurs la plus simple lecture des
principes de Tournefort , dans ses dif-
férents écrits botaniques, suffit pour
faire apprécier un aussi singulier ju-
gement. Nous croyons devoir rendre
compte de quelques autres idées iso-
lées de Tournefort, afin de faire con-
naître complètement ses principes. Il
regardait, avec d'autres naturalistes,
comme très - probable , l'existence
de graines , même dans les plantes où
il n'en avait pas encore été découvert,
dans les mousses , les plantes mari-
nes , etc. Il pense que, quand il man-
que une des deux enveloppes du fiuit,
celle qui existe doit porter le nom de
calice. Il établit la dillérence entre le
calice monophjlle et le calice poly-
phjrlle. Le premier persiste, parce
qii'il est formé par le prolongement
des fibres et nervures du pédoncule ;
le second tombe, parce qu'il n'est
qu'articulé avec l'extrémité du pé-
doncule. D'un autre côté , quoiqu'il
eût fait lui-même des observations
sur les palmiers mâles et femelles en
Andalousie, il nie rà-peu-près formel-
lement l'existence du sexe des plan-
tes , regardée comme probable par Cé-
salpin , admise par Millington, Grew
etKay, qu'aucun d'eux, au reste, ne
prit en considération; et il ne regar-
de les étamines que comme des vais-
seaux excrétoires. Tout ce qui pré-
cède doit suffii-e pour donner une idée
de l'influence que Tournefort exerça
sur la botanique. Chacun des célèbres
auteurs que nous avons cités eut son
genre de mérite. Tournefort eut la
gloire d'entrer plus avant qu'eux
dans les vrais principes ; et la des-
cription méthodique des parties de la
366
TOU
fleur et du fruit, ainsi que rétablisse-
ment rationel et systématique des gen-
res , lui assurent l'honneur d'avoir été
\e premier restaurateur de la science.
Toiirnefort fut reçu , en 1 6g8 , doc-
teur en médecine de la faculté de
Paris. Il pulj'ia , la même année, son
Histoire des plantes cjui naissent
aux environs de Paris , avec leur
usage dans la médecine , i vol.
in- 12, précédé d'une préface , dans
laquelle l'auteur explique plusieurs
procédés pharmaceutiques. L'ouvra-
ge est partagé en six herborisations :
Autour de la porte de la Confé-
rence, etc., Dans le bois de Boulo-
fçne, etc. Les plantes sont rangées
par ordre alphabétique : leurs noms
sont accompagnés de la synonymie
des auteurs précédents , et de l'ex-
posé des A'ertus médicinales. On n'y
trouve point de descriptions, mais de
fréquentes discussions sur les carac-
tères assignés aux plantes par les dif-
férents botanistes, seul, mais vérita-
ble avantage de cette composition ,
qui , comme on voit , ne devait pas
être d'uu usage commode pour les
commençants. Bernard de Jussieu en
publia une seconde édition, enrichie
de Notes , en -2 vol. iu-i2, l'juS ,
qui contient quelques plaptes nou-
velles , circonstance qui distingue
égaSeniPut la traduction anglaise de
.1. Martin , 2 vol. in-8'^. , 173 i. Le
succès qu'avaient obtenu lesiE/é-mcvif 5
engagea Tourncfort à en publier, en
faveur des étrangers, une traduction
latine , qui parut sous le titre de :
Institutiones Rei herhariœ, 3 vol. iu-
4". , 1700. La ])rcface contient : 1".
sous le titre AUsagoge in Rem Iierba-
riani , une histoire assez étendue et
fort curieuse de la botanique, et l'aj)-
pré<:ialion du mérite des botanistes
i«'s plus mar(|uanls ; 1^. l'exjjose des
principes de i'auleur , ipii ne sont
TOU
guère que ceux des Éléments ^(;\mie
nous avons examinés plus haut. Le
reste du premier volume contient,
comme dans les Éléments, l'exposi
tion des classes ; et les deux autres ,
les planches , au nombre de quatre
cent soixante-seize, c'est-à-dire vingt-
cinq de plus que la première édition.
11 en parut , par les soins d'Ant. de
Jussieu, une nouA^elIe édition ( Lyon,
1719, 3 vol. in-4°.)5 comprenant
également le Corollaire. On y trou-
ve un abrégédelaviedeTournefort,
la liste de ses ouvrages , un éloge de
sa méthode, et des détails sur la vie
et les écrits de quelques botanistes
dont ïournefort n'avait pas parlé
dans son Isagoge. Ce fut à l'époque
de cette importante publication, que,
sur la proposition de l'académie des
sciences, par l'organe de Pontchar-
train , Louis XIV chargea Tourne-
fort de voyager dans le Levant. L'a-
cadémie désigna pour l'accompagner
Aubriet , peintre très - distingué ,
dont nous avons déjà pai'lé, et Gun-
delsheimer, médecin allemand fort
instruit , et dont Tourncfort lui-mê-
me vante les connaissances en bota-
nique. Il fut décidé qu'à son retour,
toutes ses dépenses lui seraient rem-
boursées parle trésor ; qu'il recevrait
d'avance trois mille liv.; que ses pen-
sions seraient régulièrement payées
pendant son absence* enfin que son
voyage lui donnerait d'autatit plus
de droit à une augmentation de trai-
tement et à des gratifications. Tour-
ncfort partit de Paris , le 5 mars
1700 , pour aller s'embai-quer à
Marseille. Le premier fruit de ce
voyage fut l'envoi à Paris des dcs-
crij)tionsct dessins de quelques plan-
tes et poissons de IVovence, peu con-
nus. Notre voyageur visita l'île de
Candie, l'Archipel, Constantijiople ,
les côtes méridionales de la mer Noire,
TOU
l'Annënic turque et persane , la Géor-
gie, le moût Ararat «t revint par l'A-
sie-Miueiire qu'il traversa en visitant
Tocat , Angora , Pruse , Smyrue
et Éplièse. De tous les lieux où
il fit quelque séjour, il envoya en
France des descriptions et dessins de
plantes , d'objets des autres règnes
et d'antiquités. Ils étaient soumis au
roi, qui paraissait prendre plaisir à
les examiner. ïournefort devait éga-
lement visiter la Syrie et l'Egypte ;
mais la peste, qui ravageait ces deux
pays , l'en empêcha. Le i3 avril
ino'2, il s'embarqua à Smyrne et
rentra, le 3 juin , dans le portde Mar-
seille. Sa relation, sous le titre de
Fqyai^e du Levant , fut imprimée au
Louvre, en deux volumes iu-4°. ; le
second ne parut qu'après sa mort ,
eu 1717. La même année , une se-
conde édition, en 3 vol. in -8"., fut
imprmiée à Lyon , et une troisième
partit en 1718, à Amsterdam, en
'X vqI. in-4". Ce Voyage qu'on lit
avec intérêt, même après les rela-
tions de Spon', Wheler , Taver-
nier, etc., contient, entre autres,
beaucoup dt détails sur l'îiede (Can-
die, sur Constantinople et l'Armé-
nie, et sur l'archéoiOgie, qui leur
avaient écliap])é. Mais il a sur-
tout un grand juix sous le rapport
de la botanique , i'auleur ayant
recueilli treize cent cinquante- six
piaules nouvelles , la plus consi-
dérable moisson qu^cussent encore
fournie ces contrées, et dont quel-
ques - imcs leur étaient coranumes
avec l'Europe. Elles furent publiées
dans un Corollaire destiné à faire
suite aux Institutions; accompagnées
de quelques dessins faits par Aubriet,
comme ceux du reste de l'ouvrage.
M. Desfontaines a fait paraître, en
i8n8, vni Choix de plantes du Co-
rollaire des Instituts y I vol. in-4".,
TOU 367
avec soixante- dix planches gravées
sur les dessins d'Aubriet , les seuls
que ce peintre eût exécutés. Le ton
de la narration est fort simple, et
grave ou enjoué, selon que le sujet
l'exige : en un mot, ce Voyage est
un des monuments scientitiques les
plus remarquables de cetteépoque( i ).
Tournefort , après son retour , fut
nommé professeur de médecine au
collège de France. C'est ainsi que le
cercle de son influence tendait tou-
jours à s'agrandir. Ses nombreu-
ses collections y contribuèrent aus-
si beaucoup: elles se composaient
non - seulement d'un herbier très-
considérable , mais encore d'objets
des autres r-ègnes , qu'il avait rap-
portés de ses voyages , ou qui lui
étaient adressés de tous côtés ^ et qui
attiraient chez lui un grand nombre
de curieux de toutes les classes de la
société. Comblé des faveurs de son
gouvernement, admiré de ses com-
patriotes , considéré dans toute l'Eu-
rope, Tournefort pouvait jouir long-
temps encore de son illustration, et
faire faire de nouveaux progrès à la
science. Atteint dans la rue, com-
me Morisou , par une voiture , il
languit pendant cinq ou six mois ,
et mourut, des suites de ce coup , le
'i8 novembre 1708, dans sa cin-
quante-troisième amiée (2). Après sa
(i) La relation de Tournefort est écrite en furme
de Irtlres adrc?ii.sées au ministre Ponli hartrain , ce
qui lui ùte la sécberesse monotone d'un journal
Plus variée, et plus intéressante que celles de
Spon , de Wheler, etc. , qui ne parlent que d'ins-
criptions et de monumeuls atitiqnes, elle est bien
supérieure, sous le rapport de l'iustruction , aux
relations superlioielles ou exagérées de Tavernier ,
de Paul Lucas , etc. , qui ne voyageaient que yar
curiosité ou dans des vues mercantiles. Tournefort
ne montre pas moins d'érudition sur l'Liisloii'e du
moyen âge que sur celle des temps anciens. Le*
détails (|u'il donne sur la Géorgie sont d'autant
plus curieux, que ce pavs n'était alors connu que
par 'es récils exacts mais déjà surannés de Dclla
V«lle et de Cljaudiu. A— T.
{i) Tournefort . par son testament , légua au
r..i soncal.lnet d'iiistoirc nalunllo et de curiosités,
et à l'abljc Biguou ses livres de Botanique. A-T,
368
TOU
mort, Bernier fit paraître sou Traité
de la matière médicale _, et V His-
toire et l'usage des viédicaments et
leur analyse chimique, Paris, 1717,
'1 vol. in-i'2 , dans lequel les plantes
sont rangées selon leurs A'ertus ; il est
accompagné d'une grande quantité
de recettes. Les Mémoires de l'aca-
démie des sciences contiennent plu-
sieurs Dissertations de Tournefort, de-
puis l'an iG9'2 jusqu'en 1707. Celles
des années 1705 - 1706 olFrent quel-
ques genres nouveaux de plantes avec
des analyses. On trouve, dans ses Mé-
moires sur les plantes marines, sur
les usages des vaisseaux et des muscles
de certaines plantes ^ sur les maladies
des végétaux., etc., des observations
curieuses pour l'époque , etqui ont au
moins un intérêt historique. Haller
nous apprend qu'un grand nombre
de manuscrits de cet auteur passèrent,
après sa mort , entre les mains de
Réneaulme , qui promit de les pu-
blier. Ils contenaient , entre autres,
mie nouvelle édition de VHistoire
des plantes des environs de Paris ;
lui Catalogue des plantes qu'il avait
recueillies en France, surtout en Pro-
vence et dans les Pyrénées , et le Por-
tugal, avec l'indication des localités;
des discussions sur les descriptions
des auteurs j des observations histo-
riques ou descriptions des plantes.
Des trésors de science étaient proba-
blement renfermés dans ces Recueils,
dont rien ne paraît avoir clé sauvé.
L'Éloge de Tournefort fut prononcé
par Fontenelle , à l'académie des
sciences , en 1708 , et se trouve
en tête du Voyage du Levant. On
trouve aussi , dans l'édition de 1 7 1 8
du môme ouvrage , micLetlre de M.
Lautliier à M. Begon , contenant
un abrégé de la Vie de Tournefort.
Plumier avait consacre à cet illustre
botaniste le genre Piltonia, de la
TOU
famille des Borraginéesj Linné crut
devoir changer ce nom en celui de
Toumefortia. D — u.
TOURNÉLY ( Honore ) , docteur
et professeur de Sorbonne , né, à An-
tibes , le 28 août i658 , vint de bon-
ne heure à Paris , où il fut élevé par
les soins d'un oncle , l'abbé Mouton,
qui était attaché au clergé de Saint-
Germain-rAuxerrois. Les heureuses
dispositions du jeune Tournély lui
procurèrent des succès brillants dans
ses études ; il fut reçu de la maison
et société de Sorbonne, et prit le
bonnet de docteur eu 1G8G. Deux
ans après il obtint une chaire de
théologie à Douai. On l'a regarde'
comme ayant eu la principale part à
la mystificatiop de quelques Jansé-
nistes, connue sous le nom de Four-
berie de Douai , et racontée dans tous
les écrits du temps, entre autres,
dans les Mémoires chronologiques
et dogmatiques du père d'Avrigny,
sous l'année i.6go : nous avouerons
nettement que le rôle que joua l'ab-
bé Tournély dans éette affaire fait
plus d'honneur à son esprit qu'à sa
candeur. Aussi se trouva-t-il en buJte
à toute sorte de sarcasmes de la part
de ceux qu'il avait joués. En 1692,
on le rappela dans la capitale, et
ou lui confia une chaire de théolo-
gie en Sorbonne. Il la remplit avec
succès pendant vingt -quatre ans.
Cette place l'obligea de renoncer à
nu canonicat qu'il avait obtenu à
Tournay, ville alors réunie à la Fran-
ce j pour l'en dédommager, on le
pourvut d'un canonicat de la Sainte-
Chaj)elle, à Paris, puis de l'abbaye
de Plein-Pied , diocèse de Bourges.
L'abbé Touinély quitta sa chaire en
17 i(), lois des troid)les qui éclatè-
rent dans la faculté de théologie j
mais il ne cessa de réclamer contre
l'esprit de licence et d'insubordin.»-
TOU
tion, et l'on croit même qu'il defen^^l'l
les droits de l'Église par quelques
écrits qui parurent anonymes on sons
des noms empruntes. Le temps dosa
retraite fut principalement employé
à revoir les traites qu'il avait dictes
fil Sorbonne ; ces traites parurent de
i-j^o à i-jSo : ce sont cens, de la
Grâce, des Attributs de Dieu , de la
Trinité, dç l'incarnatiou, dd'i'lglise
et des Sacrements, tant en général
qu'en parliculier. L'impression du
traité du 3Iariage était presque ache-
vée au moment de la mort de l'auteur.
Cette tliéulogie est regardée comme un
des ouvrages les plus complets de ce
(^enre. Tournély fut un des doctenvs
qui travaillèrent avec !e plus de zèie
à ramener le jjon ordre dans la facul-
té de théologie de Paiis. Nommé à
cet effet membre d'une commission,
eu l 'jig , il rédigea un Mémoire pour
faire revivre les délibérations prises
eu 17 i4; 'fiais il ne vit point la con-
clusion de cette air;iire. Une attaque
d'apojilexie le conduisit au tombeau,
le 26 décembre i7'i<j. Ses adversai-
res mêmes ont rendu justice à ses ta-
lents: érudit, laborieux, propre aux
affaires, il était regardé comme un
des docteurs les pbis liabiles de son
temps. On a deux abrégés de sa tliéo-
logie : l'un plus étendu, par iMontai-
gne, docteur de Sorbonne et prêtre
de Saint-Sulpice , mort le 3 avril
Î7G7 ; l'autre plus court, par le la-
zariste Collet. Les Jansénistes préten-
daient que Tournély, ainsi que Tour-
nemine, rédigeait les ouvrages de
M. Languet , évèque de Soissous ;
mais ce bruit ne repose sur aucun
Tbndement solide ; et le prélat, depuis
la mort de l'un et de l'autre, (il paraî-
tre un plus grand nombre d'écrits"
qu'auparavant. P — c — t.
TOURNEMINE (Le P. RenÉ-
.rosEPii ) , célèbre jésuite , était né^ le
XLVI.
TOU 3Go
sf) avril 16G1 , à Rennes, d'une an-
cienne et illustre maison de Brctar
giie. Ayant aclievé ses études avec
succès, il embrassa la rîgle de saint
Ignace, à l'âge de dix-neuf ans , et
professa successivement les humani-
tés, la philosophie et la théologie,
de la manière la plus brillante. Doué
d'une imagination vive (1) ^ d'un es-
prit pénétiantet d'une mémoire heu-
reuse, il acquit, dans rcxcrcice des
diverses fonctions dont il était char-
gé, des connaissances très-variées.
Histoire ancienne et moderne , chro-
nologie, géographie, numismatique,
morale, littérature, etc., toutes les
matières étaient de sou ressort. 11
fut apjielé , sur la fln de i 70 1 , à Pa-
ris , pour prendre la direction du
journal connu sous le titre de I\!é-
moircs de Trévoux (2) , parce qu'il
s'est imprimé long-temps dans cette
ville ; et il l'enrichit d'une foule d'a-
nalyses et de dissertations curieuses ,
qui !e firent bientôt connaître dans
toute l'Europe. Remplissant les de-
voirs d'un critique avec une impar-
tialité bien rare, il ne se croyait
point obligé de dissimu'cr les torts
ou les erreurs , même de ses confrè-
res j et il rendit une justice complète
aux écrivains dont il ne partageait
ni les principes ni les opinions. C'est
ainsi qu'on le vit combattre les idées
systématiques des PP. Hardouin et
Pai}el ( ^. ces noms ) , et p^yer un
jusitje trijbut d'admiration aux talents
(1) Elle l'eutrainalt peiit-ùlrc trop loin. Suivaut
VuUaiiP, il ctall cuiinu chez les Jesulles, par ces
dcui petits Ttrs :
C'est notre père ^oqrncmi^p
(^ui croit tout ce qu'il imagine.
(9.) ('e Journal , commence' en 1701, par les PP.
Calj'uu et lluuilie , l'ut cuiiliiui. ■, upxiiâja iupprt'.s-
.^inii de la société , ius(|ii'eu 1767 ; il se compose ilc
7(i,î vol. , petit iu-iî. Ou le trouve dliiicilement
complet , parce que les dernières années sont rares.
Vov. la J\otice des joiirinnix , par M. Bruuct , à la
suite (lu Manuel du Wnaiie; et le Dict. îles ylnoni -
nte< j par IVI. Barbier, nf*. 117.'!.^.
370
rou
supérieurs de Voltaire. Apres avoir
lu Mérope , il n'hésita pas à déclarer
que cette pièce lui paraissait égaler
tous les clîefs-d'œuvre de l'antiquité
(3) _, tandis que des écrivains tels que
Piron (4) s'elforçaient d'en contes-
ter le succès j et il ne cessa jamais
de tcmoigiier pour l'auteur les plus
grands égards , nicine lorsqu'il était
forcé de le critiquer. Le P. Tourne-
mine ne s'est écarté qu'une seule fois
de cet esprit de justice et de modé-
ration qui le caractérise particulière-
ment : c'est dans sa défense du grand
Corneille, contre l'un des commen-
tateurs de Boileau ( Brossette ). Il est
évident que l'éloge de Coriieilie n'est
ici qu'un prétexte, et que son but est
d'infirmer les jugements du législa-
teur du Parnasse, dont il se rappe-
lait sans doute , bien qu'il n'en parle
pas, les épigrammes contre le jour-
nal de Trévoux. Mais cette tentative
lui a mal réussi; et en reproduisant,
dans les OEui>res diverses de P.
Corneille (Paris, 1738 ,in-i 2) l'art,
du P. Tournemine, l'abbé Granet lui
a rendu un fort mauvais service.
Malgré ses occupations déjà si nom-
breuses, le P. Tournemine entrete-
nait une correspondance active avec
les savants les plus drstingués de la
France et des pays étrangers ; il était
le protecteur de tous ceux qui mon-
traient des dispo.sitions pour les let-
tres , et il se faisait un devoir de
donner des conseils aux jeunes écri-
vains, dont les succès devenaient
les siens propres. Cependant ses con-
frères regrettaient de lui voir dissi-
per un temps pn;cieux, sans exécu-
ter auciu) des ouvrages qu'il ne ces-
(3) V.,y. I» L<ttr<- du p. Tourne-mine un V. Ilru-
moy, ini|>riin<e îi U lrl<- <le la t^:i^L•die île Mciitpr.
(/J) (;}iacun connail l'in'|usle «pigraramcde l'iron
4|ui coinmencje jiar ce vcm :
P«» I'Rrlei|iiin Miinpe in^e.
TOI)
sait de promettre. Ils c?saycrent de
le fixer , en lui confiant la garde des
livres de la maison professe , et après
Ja mort du P. Bonanni ( 1725), il
fut chargé de continuer l'Histoire
littéraire de la société , depuis l'é-
poque où l'a laissée Southwel ( /^.
ce nom). Il s'empressa de demander
des Mémoires dans chaque province;
il fit même compulser les archives
de Rome; mais, toujours entraîné loin
de son objet par des distractions con-
tinuelles, il ne put remplir ses enga-
gements. Dans les dernières années
de sa vie, il joignit à ses occupa-
tions ordinaires des conférences pour
les jeunes religieux et la direction. II
mourut à Paris, le iG mai 1789, à
l'âge de soixante-dix-neuf ans, vive-
ment regretté de ses confrères (5) et
de ses nombreux amis. On trouvera
la liste détaillée de ses ouvrages dans
les Mémoires de Niceron , tom. xlii ,
et dans le Dictionnaire de Chaufe-
pié. Ce sont, pour la plupart, des
DissertatioTis insérées dans les Mé-
moires de Trévoux j depuis le mois
d'avril 170*^ jusqu'au mois de jan-
vier 1736. Le recueil en serait fort
intéressant, et aurait été bien reçu
du public : les principales sont : Dis-
sertation sur le système des dynas-
ties d'Egypte, par le chevalier Mars-
ham, avril 1702 ( Voy. Marsham,
XXVII, 25H ). — Sur l'origine de
divers peuples d'Afrique, à l'occa-
sion d'un passage de Sallustc, juin
l'^oi. — Projet d'un ouvrage sur
l'origine des fables, novembre, dé-
cembre 1 70U , février 1 703. — Con-
(5) Suivant (|iiclque.s Mognipbcs,_ il était plus
coiuni\ini(alil avec les étranger» qu'avec se» con-
frère». Trop prévenu en faveur de son savoir, et
encore plus de sa naissance , il se plaignait quelque-
foi» ipi on le confondit avec un simple raligieii».
IV'avanl trouvé aucune preuve de relie nlUgalion
dan» le» l'crivaini conlenqiorains , on n'a pas cru
devoir In répéter »iir )« lémoiKnnge du Dictionnaivt
iinirerftl.
TOU
jecturc sur l'origine de la ditFérence
tla texte hébreu , de l'éditioK sama-
ritaine , et de la version des Septante
dans la manière de compter les an-
nées des patriarches, mars et août
i']o3 • l'auteur retoucha depuis cette
pièce , et donna de nouveaux déve-
loppements à son système, dans son
édit. de Menochius. — Histoire des
étrennes , janvier 1704; c'est un
supplément à ce qu'en ont écrit Lipe-
nius et Spon {F. Lipenius, XXIV,
544 )• — Des Dissertations sur des
médailles de Faustine l'ancienne , de
Gratien , de Galien , d'Adrien, etc. ,
traduites la plu])art en latin , et insé-
rées dans les Electa rei numariœ.
— Éclaircissements sur la prophétie
de Jacob : Non auferetur sceptrum
de Jiidd , mars 1 7 o5 ^février 1 7 2 1 ;
c'est, de l'avis de plusieurs critiques ,
ce que l'on a écrit de plus solide sur
ce sujet. — Explication d'une Cor-
naline du cabinet du roi , qu'on ap-
pelle le cachet de Michel-Ange, fé-
vrier 17 10. On trouvera des détails
sur ce chef-d'œuvre dans le Traité
des pierres gravées de Mariette et
dans la Bibl. glyptographique de
Murr. — Réflexions sur la disserta
tion de Leibnitz touchant l'origine
des F ^auçs^is, janvier 17 16. Le P.
Tournemine prétend que les Français
sont une colonie de Gaulois. Dom
"Vaissette ( F. ce nom ) a combattu
ce sentiment. — Lettre sur l'imma-
térialité de l'ame et les sources de
l'incrédulité, octobre lySS. C'est
une réponse à Voltaire, qui l'avait
prié de l'aider à rcsoudi-e ses doutes.
Il estpresquc inutilcd'ajoulcr que le
philosophe ne fut pas content des
raisonnements du P. Tournemine
( Voy. OEiwres de Foliaire, tom.
XLix , éd. de Kell ). On doit encore
à Tournemine : les Tables chrono-
logiques, dans l'édition delà Bible
TOU . 371
publiée par J.-B. Duhamel, 1706,
iu-fol; des Bejlexions sur l'athéis-
me , imprimées avec le Traité de
l'existence de Dieu, par Fénélon •
une excellente édit. des Commentai-
res de Menochius sur VÉcriture
sainte, Paris , 171g, '2 vol. iu-fol. ,
enrichie de douze dissertations très-
savantes; une édit. de V Histoire des
Juifs, de Prideaux, Paris, i-jiô,
avec des éclaircissements sur la rui-
ne de Ninive et la durée de l'empire
Assyrien ; et une Dissertation sur les
livres de l'Ancien Testament que
les Protestants n'admettent pas com-
me canoniques ; un Panég^^rique de
saint Louis , prononcé devant l'aca-
démie française, en 1783 , imprimé
in-4°. etin-i2,etc. Outre les auteurs
cités, on peut consulter pour plus de
détails : Lettre sur la mort du P.
Tournemine, parle P. Belingan ,
dans les Observations sur les écrits
modernes , tom. xviii; son Éloge ,
dans les Mémoires de Trévoux ,
septembre i73c). W — s.
TOURNE RIE (Etienne Le
RoyerdeLa), né, à Maiitilli près
de Domfroiit, le 20 janvier 1730,
mourut à Domfront, le 27 décembre
18 12. Issu d'mie famille qui avait
donné le jour à plusieurs hommes de
robe, La Tournene se sentit, très-
jeune encore, entraîné vers !a juris-
prudence, à laquelle it consacra une
grande partie de sa vie , soit comme
avocat, soit comme juge, soit com-
me auteur. Reçu avocat au parlement
de Rouen, eu 1754, il suivit ])eu-
dant quelque temps cette profession,
dont il n'interrompit l'exercice que
pour retourner, vers 1766, dans son
pays natal , où il fut pourvu des char-
ges d'avocat et de procureur du roi
et de Monsieur , au bailliage de
Domfront. Pendant la révolution ,
dont il adopta les principes, il fut
Snl
TOU
nomme successivement commissaire
près le tribunal du district de Doin-
î'ront, juge au liihunal do deparfc-
menl à Alcnçou, puis juge au fri-
Inuial de la pronièrc do cesvillos. De
cesqiiarautc-cinq années passées dans
les fonctions de la magistrature ,
La Tournorie employa tout le temps
dont il put disposera des reclierches
sur le droit normand. Piusieurî ou-
vrages utiles, souvent consultes et ci-
tes . fiii'ont le fruit de ses travaux ,
tels que : I. Traité des fief s , à ru-
sage de la province de Normandie,
Hotien, 1753, in-12; nouv. édition,
augmentée d'im Traité des droits
honorijiques , Rouen , 1773, in- 1 1 ■
3'^. édit., 17B4. II- Nouveau Com-
meniaire portatif de là CoiUiiine dé
Normandie, Rouen, 1771 ,2 Vol.
hi-l'i; '.>S-. éd. , 1 773 ; 3<^. éd. , Rouen,
1784. 111. Manuel du jeune répu-
blicain , iii - J<^ , ])Iusieurs fois réim-
primé. IV. Histoire de D om front ,
Vire, Adam, 1806, un vol. iu- 12.
Indépendamment de ces ouvrages ,
dont les deux premiers méritent le
succès qu'ils obtinrent , La Tôurhe-
rie allait livrer à l'impression, quand
la révolution l'en empêcha, une Bi-
bliothèque du droit normand. Conte-
nant les matières civiles, bénéficia--
les , criminelles et de police; tra-
vail .considérable , qui l'avait oc-
cupé pondant vingt ans , et qu'il
avait, en 1787, dédié à l'assemlilée
])rovinciale de la gt'néralilé d'Alen-
çon , dont il était membre. D'autres
productions manuscrites du même
autourn'ont pas vu le jour, telles qu'u-
ne Suite du Compère Mathieu, que
l'on doit peu regretter, et une His-
toire do la Cliouanerie aux environs
de Domfront, etc. I) — n — s.
TOURNES (m. ). T. DF.TOunNr.s.
TOURIN I':T (.rr:AN),.ivocat au par-
lement de Paris, étai t né, da ns cette vil-
TOU
le, dans la dernière moitié du xvi*".
siècle. 11 avait le titrcd'avocat au con-
seil piivé et était attaché au clergé,
dont il fut ponsiiinnaire. Ses occupa-
tibns et ses compilations ncrempêchè-
rent pas de cullivor la poésie latine.
Ou a de lui : I. Oraison funèbre de
Pomponne de BelUèvre, i O07 , in-S".
IL Traduction du traité de Chopin r
De Domanio Franciœ , lOi o , in-
folio. III. Traité de la police ecclé-
siastirpie , traduit du latin , de René
Chopin, 161 7, in-4°. , réimprimé
dans la traduclîml des Oi'lwvres de
Cliopin ( F. ce nom', VIII , 44^ )•
IV. Deux livtès des droits des re-
ligieux et monastères , tt^duit du
latin de R. Chopin , 1619, in-4". V.
Notice des bénéfces de Fraiice
étant à la nomination et collation
du roi , et des diocèses de l'église
uniperselle , 1621 , in -8". L'aulétit"
l'avait déjà fait imprimer quatre ans
aujiaravaut, à la suite de sa traduc-
tion du Traité de la police ecclé-
siastique. L'édition de iGèi fut
donnée sur la demande de qutîlqnes
évêqueS.VI. DiscoTti's finièbre sur
la mort de M. le chancelier Bru-
lart , i6'i/4 , in-80. VIT. Fie de Hen-
ri IF, trad. du latin de G. Sossi',
1(3247 îtiT^o. VIÎI. Bi\>ium jti'rîs
pontificii , 5iVe tractatus duo : prior
Corasii , juris pontificii thcoriain ,
posterior Àdr. Jacquelot , compen-
diosain heneficiorum praxiin conti-
jiens : recogniti à J. Tournet , Pa -
)is , I (h. 7 , in-8". 1 X . Observations,
dans l'édition de la Coutume de Pa-
ris , avec les notes de Dumoulin,
1627, in-i2. X. Tractatus de ah-
solutione ad cautvlam , 1619, in-
8".^ réimprimé à la suite de Fr.
Florenlis opéra juridica , 1^-79, 2
vol. in-4". XL J. Tournet advora-
ti Parisicnsis Gallio , 1629, in-4"-
C'est uiu; description en vers hcudé-
TOU
casyllabes de la maison de campa-
gne des aiclievèques ilc Rouen à
Gaillou. XII. Arrêts notables des
conseils élu roi et des cours souve-
raines , donnés en matières bénéfi-
ciales et causes ecclésiastiques ,
i63i , '1 vol. in-folio. XllI. Com-
mentaire sur la coutume d'Anjou ,
traduit du latin de Rcne' Chopin ,
i635 , in-folio , formant aussi le i^'".
volume de la traduction des OEu-
vres de Chopin. A. B — t.
TOURÎsEUR (Pierre Le) , lit
tc'rateur, ne, on lySG, à Yalognes,
lit ses humanités à Coutances et
obtint une bourse au collège des
Grassins , oii il termina ses études
d'une manière brillante. Entraîne' par
sou goût dans la carrière des lettres,
il y débuta par quelques Discours
académiques, et remporta deux, prix,
l'un à Montaubau , et l'autre à Be-
sançon. 11 enricliit ensuite notre lit-
térature d'une traduction du poème
des Nuits ( F. Young ). Diderot et
Laliar]>e furent les premiers à rendre
au traducteur la justice qui lui était
due ; et leurs sulïrages ue coniribuc-
rcnt pas peu au succès de vogue
qu'obtint cette version. Grimm s'é-
tait permis d'en parler avec beau-
coup de légèreté ; mais Diderot le
reprit vcrtemait : « Dites , sur ma
» parole, lui écrivait-il , que cette
» traduction , pleine d'harmonie et
» de la plus grande richesse d'ex-
» pressions , une des plus ddliciles à
» faire en toute langue , est une des
» mieux faites dans la nôtre. L'édi-
» tion en a été épuisée en quatre
» mois , et l'on travaille à la seconde;
» dites encore cela , car cela est vrai.
» Ajoutez qu'elle a été lue par nos
» petits-maîtres et nos pelites-maî-
» tresses, et que ce n'est pas sans un
» luérile rarecpi'on fait lire des jéré-
D.miadcs à un peuple frivole ef
lOU
37;
» gai (i)- » Le succès croissant des
Nuits d'Young décida Le Tourneur
à se vouer au genre utile, mais secon-
daire, de la traduction. Il publia suc-
cessivement les Méditations d'Hervey
et V Histoire de Richard ijavage {F.
ce nom ) , et il s'associa ensuite avec
Cathuelan et Rutlidge , jjour donner
une traduction complète du Théâtre
de Shakespeare. Le premier volume
parut , précédé d'un Discours , dans
lequel Voltaire crut voir le dessein
de rabaisser nos plus grands poè-
tes tragiques pour exalter le génie de
l'Eschyle anglais. Dans son indigna
tion , il écrivit à d'Alembert : « Ceci
devient sérieux. Le Tourneur seul a
fait toute la préface , dans laquelle il
nous insulte avec toute l'insolence
d'un pédant qui régente des éco-
liers. ... I! faudrait mettre au pilori
du Parnasse un faquin qui nous don-
ne , d'un ton de maître , des gilles
anglais pour mettre à la place des
Corneille et des Racine, et qui nous
traite comme tout le monde doit le
traiter ( 10 aug. 1776 ). » On a fait
un crime à Voltaire du cette bou-
tade (2) ; mais l'opinion qu'il expri-
mait était , à cette époque , celle de
tous les littérateurs français (3). La-
barpe , en adressant à sou auguste
correspondant une autre Lettre de
Voltaire , Ijeaucoup plus vive , la fait
précéder de cette xéllexion : « C'est
la colère du génie ; et jamais l'iudi-
guatiou poétique ue fut à-la-fois m
plus véhémente , ni plus plaisante »
( Correspond. Russe , i , 4o5 ). Pa-
lissot aussi croyait à l'existence d'unt*
■(1) Voy.^a Correspond, ie-&rimtn-,'\mo-j-^~o ,
a", partie, I, 56.Ï. \ \ •.
{■?.) Vov. les Troif tivcfei (?e Va 'lll/éràfitrc , )H<r
SahaUiiei-, ai t. l,i: ToURNEtlH ; Jts .«éWf . lillé
ral/es de la l-'rari ce, par Ve^fjismls, cfc.
(3) « Cetlf lia<lu^(ii>v , JiL Liiliai-jie , a rlr faite
d.m> l'uilanlitiij de laljaisséi- i€s plus sraiiijis rfidiua-
li<|M,, r.juçais.» Cone^winl., 1, 34<'-
374 TOU
couspiration conlreles chefs-d'œuvre
de notre scène , en faveur de la ma-
nière anglaise et allemande, et il en
signale Le Tourneur comme le prin-
cipal agent '^4)- Loin de lui nui-
re , la colère de Yoltaire servit au
succès de la traduction de Sliakes-
pearc. Cependant on doit louer Le
Tourneur de la modération qu'il
montra dans cette circonstance , et
de n'avoir point repoussé les injures
par les injures (5). Doue d'une ar-
deur infatig.'iL'e pour le travail , il
encouiagouiî les jeunes gens qui an-
nonçaient des dispositions , et il en
associa plusieurs a la traduction de
rilistoire universelle des Anglais ( V.
PsALMAiN.AZAR ) , dout il uc fut guèrc
que le reviseur. Il dut à son mérite
la place de secrétaire ordinaire de
iMoNsiEUR ( Louis XVni ) • et il fut
nomme censeur royal. 11 mourut à
Paris , le ^4 janvier i 788 , à l'âge
de cinquante-deux ans , vivement re-
gretté des gens de lettres. « Sa vie ,
» dit sou biographe anonyme , fut
» un cours de vertus privées et de
» philosophie pratique. Laborieux ,
» patient , renfermé dans son cabinet,
» il fut étranger aux rivalités litté-
» raires et aux agitations de la ca-
» pitale. Il avait, dans la société, la
» candeur et la timidité d'un enfant.
» Sa conversation était douce cora-
» me ses mœurs. Il connut tous les
» sentiments honnêtes, et ne mécon-
» nut que ceux qui rendent la vie
)) malheureuse ,te!s que le désir de la
» renommée et le tourment de l'en-
» vie. » On a de lui : I. Discours
moraux , couronnes dans les acadé-
(4) Mémoire) sur la lilléralurr ^ «r(. Mekcikh.
(5) Laharpc «e plniiil d'avuir cle traité d'une
utQuifTf? furt itijiiricusp par Le Tonniciir , uniqiip-
iniMil parce cju'il ii'ilall pan <le mm avis mir .Slio-
krxpeare ; iiiali on n'ii pav pu dilcoiivrir Tartic 'e
d'iit l.aharpe »r filaint. Voy. Ol'.m-rcs de Lalioqie,
«U. ue 1811 , toai. XIV , pug. n.
TOU
raies de Montaubau et de Besançon ,
en 1 766 et 1 767 , avec un Eloge du
Charles F , roi de France , Paris ,
17G8 , iu-S'». IL La Jeune fille sé-
duite et le courtisan ermite, contes,
traduits de l'anglais , ibid. , 1769 ,
iu-8°. IIL Les Nuits et œuvres di-
verses d'Young , ibid. , 1769 - 70 ,
4 vol. in-8°. et va- ii.\,cs Nuits ont
été réimprimées souvent dans de petits
formats. Le traducteur fiançais a
changé toute la distribution de ce
poème , et supprimé les passages les
plus choquants. Le Discours préli-
minaire est écrit avec noblesse , et
s iliirait pour prouver que Le Tour-
neur aurait pu ne pas se borner au
rôle modeste de traducteur. IV. Mé-
ditations sur les tombeaux , par
Hervey, ibid., 1770, in-8°., souvent
réimprim. in-1'2 (/^.Hervey). V.
Histoire de Richard Savage ; sui-
vie de la vie de Thomson , tra-
duite de Sam. Johnson , ibidem ,
1771 , in-i2. VI. Théâtre de Sha-
kespeare , ibid. , 1 7 76 et ann . suiv. ,
20 vol. in-8*^. ; il y a des exemplai-
res format in-4°. Cette version a été
reproduite, revue et corrigée par M.
Guizot, 1824, i3vol.in-8".VII. O5-
sian ,Jils de Fingal , poésies gal-
liques , traduit sur l'anglais de Mac-
pherson , ibid. , 1777,2 vol. in-8'».
( F. OssiAN et Macpherson ). « Cette
traduction, dit Laharpe, est beau-
coup meilleure que celle de Shakes-
peare , et fera moins de bruit, parce
que ce n'est pas une allaire départi »
{Corresp. Russe, 11, ^i. ). VI II.
Fue de l'évidence de la religion
chrétienne , considérée en elle-mê-
me, traduit de l'anglais de Jennings,
ibid. , 1777 , in -8". IX. Clarisse
Harlowc, fraduitde l'anglais de Hi-
cliardson , Paris ou Genève, 1784-
87 , 10 vol. in-8". , lig. Cette ver-
sion , la seule coiuplcte , a été réim-
TOU
primcfe plusieujs fois iii-12 et in-S".
( f^qy. Richardson). X. Choix d'é-
légies de VAriostey traduit de l'ita-
lien, 1785, iu-S». XI- Foyage de
Spannann au cap de Bonne-Espé-
rance , traduit de l'allemand, ibid.,
1787 , 5 vol. in-S". XII. Vie de
Frédéric , baron de Trenck , Metz
ou Paris, 1788, 3 vol. in-12. Celte
version est plus complète que celle
du biiron de Bock ; mais on préfère
la nouvelle traduction faite sous les
yeux de Trenck ( Voj. ce nom ).
XIIÎ. Mémoires intéressants d'une
Lady , ibid., 1788 , 1 vol. in- 12.
XIV. Les Jardins anglais , ou va-
riétés tant originales que traduites ,
ibid. , 1788, 1 vol. in-8°. Cet ou-
vrage est précédé d'une Notice sur
Le Tourneur , et orné de son por-
trait. XV. 'Lt Nord du globe ou Ta-
bleau de la nature dans les contrées
septentrionales , traduit de l'an-
glais de Pennant , ibid. , 1789 , 'i
vol. in-80. On attribue à Le Tour-
neur le texte de V Histoire d'An-
gleterre eu figures , par David ,
1784, 2 vol. in-4''. W — s.
TOURNEUR ( Charles - Louis-
François - Honore Le ). Foj. Le-
TOVRNEUR.
TOURNEUX (Nicolas Le). F.
Letourneux.
TOURNIER ( Jacques-Joseph ) ,
mécanicien, né, le i^'". mai 1690, à
Saint-Claude , avait reçu de la natu-
re des dispositions singulières pour
les arts. Destiné par ses parents à
l'état ecclésiastique , en faisant ses
cours de théologie, il apprit , sans
maître, la sculpture, la peinture, la
gravure, l'horlogerie et l'optique.
La lecture des ouvrages du P. Rey-
ueau ( F. ce nom ) lui donna la
première notion du mouvement des
astres ; et bientôt, il se persuada
qu'il n'était pas impossible de conci-
TOU
S7->
lier les systèmes de Copernic et de
Tycuo-Biahé. Dans ce but , il cons-
truisit nue sphère , au centre de la-
quelle la terre tournait sur son axe,
tandis que le soleil opérait sa icvclu-
tion annuelle dans le zodiaque. Quel-
ques membres de l'académie des
sciences , ayant entendu parler de
cette machine, furent curieux d'en
connaître l'auteur. L'abbé Tournier,
cédant à leurs instances , fit le voya-
ge de Paris ; mais il ne put y soute-
nir sa réputation. La difllculté qu'il
avait à s'exprimer , et le peu d'élé-
gance de ses manières, empêchèrent
qu'on ne rendît justice à ses talent*
réels. De retour dans sa ville natale,
il entreprit d'expliquer son système
astronomique, et gr^va dix -neuf
planches, qui devaient accompagner
son ouvrage j mais il ne l'a point
terminé. Son exemple et ses leçons
eurent une utile influence sur les pro-
grès de l'art du tour , lequel , com-
me on sait , est une des principales
ressources des habitants de Saint-
Claude (l). Il mourut , en cette ville,
le 1 1 novembre 1 768. Ce fut l'abbé
Tournier qui dressa la Carte du
diocèse de Saint-Claude , lors de l'é-
rection de l'évêché, en 1742. On a
vu loug-lemps des planisphères de
son invention, dans le cabinet de
physique de MM. de Saint-Sulpice
( Lalande, Bibliogr. aslronomiq. ,
^2^ ). Au jugement de M. Janvier
{F. ce nom, Biograph. des hommes
vivants; 111,459), Tournier aurait
fait honneur à sa patrie, s'il eût pu
vaincre sa timidité liaturtlle , et pren-
dre les habitudes de Paris. Un autre
de ses compatriotes, le P. Rom. Jo-
ly lui a consacré une courte Notice
(l'I Yo\. lu Soticc liislcn.pic ^'tr Sahit-Cl.sud,: ,
par ^^. trrrtin , 5uiis-pretVt At l'arromlissiau»'''» ,
iii-8-\
376 TOU
dans ses Lettres suj- la Franche-
Comté , p. 94' W — s.
TOURNÔN ( François de ) , iils
de Jacques , comte de Tournoit, et de
Jeanne de Po!i|;nac, naquit, en 1489?
à Touinon en Vivarais. Sa famille,
dont le cileractuel siège à la cliambre
des Pairs , était dès-lors une des plus
considérab?es du Languedoc. 11 se des-
tina de bonne heure à l'état eccle'sias-
tique , et prit l'habit de chanoine
de Saint-Augustin , à l'àgf" de douze
ans, dans l'abbaye de Saint-Anloi-
ue en Dauphiné. Ses talents et- sa
naissance le portèrent rapidement
aux honneurs ecclésiastiques : après
avoir été pourvu de l'abbaye de la
Chaise-Dieu , il fut nommé archevê-
que d'Embrun à peine âgé de vingt-
huit ans. Tandis qu'il remplissait
avec le succès le plus complet les fonc-
tions de l'épiscopatj la France pen-
chait vers sa décadence. François l'^'".
régnait, et déjà il avait commencé
avec Charles-Qnint cette lutte qui de-
A^ait encore faire verser tant de sang.
Le connétable de Bourbon était venu
chercher dans le camp impérial uu
asile contre les persécutions de Loui-
se de Savoie : la victoire de Pavie et
Ja captivité du roi ne l'avaient qUè
trop vengé. La régente, dans ces
graA-es cii'constances, réunit à LyOn
les liommcs les plus éminents du
j'oyauïne : l'archevêque d'Embrun
fut du nombre. La délivrance du
roi était l'afiairc la plus urgente :
la reine mère en confia la négocia-
tion bu pi'élat. 11 se rendit en Es-
])agne avec Jean tle Sclvc et plu-
^ieu^s autres ])crsonnagesdistingués.
Après fie longs déliais, Tournon si-
g'nA , le i/J janvier iGlif), commO
rliel' de l'auibassade, le traité de Ma-
«Irid, et accompagna le roi à son
lelour en France. iVTais ce tiaité , si
durement imposé par la victoire à
TOU
l'imnatience de François l-^''., con-
tenait des clauses contl'e lesquelles la
France se souleva. Tournon eut la
principale part aux négociations qui
en changèrent quelques dispositions ,
et qui amenèrent la paix de Cambrai.
Renvoyé en Espagne avec le maré-
chal de Montmorenci, pour y de-
mander la maind'Éléonore , il rame-
na cette princesse , et fit, à Captieux ,
petit bourg de Guyenne , la cérémo-
nie de son mariage avec François l*^"".
L'archevêclié de Bourges, l'abbaye
de Saint-Germaiu-des-Prés , et enlin
le chapeau de cardinal furent la ré-
compense de ses services. Depuis ce
moment, Touriion jouit de toute la
confiance du roi. La guerre avait
cessé ; mais ime fermentation plus
funeste encore régnait dans toute
l'Europe. Des dogmes notiveaux
avaient été prêches , et avec eux la
liberté d'investigation et de jugement
dans les matières jusqu'alors soumi-
ses à la foi. L'Allemagne avait adop-
té la réforme née dans son sem; la
France se partageait entre l'ancienne
et la nouvelle croyance, et l'Anglc-
teri'e, sous le joug de fer des Tudor,
attendait la sienne d'Henri VllI.
Les passions de ce prince firent ce
choix pour elle. 11 sollicitait à Rome
son divorce avec la sœur deCharles-
Q;iiuî. Le pape i-efusait de satisfaire
à ce caprice , et Henri menaçait d'a-
dopter la religion qui se montrait
plus favorable à sou amour pour
Anne de Boulcn. Le cardinal de
Tournon fut envoyé à Rome , pour
sus[)cndie les foudres dont le pape
menaçait Henri; ensuite il coiniit à
Londres, pour arrêter l'impatient mo-
nar(]ue; unis le pape, cédant à liu-
fluence de Ch.irUs-Quint, n'atteridit
pas le résultat de cette négociation : il
fulmina rexConiiiMuiication ; etl'An-
g'elerre cessa de rccùnnaîliesonaulo-
TOU
l'ité. Tournon, pins lieiireutdatis ses
autres ncç^ociatians , dëtacli.i les prin-
ces d'Italie de l'alliance de l'ompc-
renr. Le mariae;ede Catherine de Mé-
dicis avec le duc d'Orie'ans, deuxième
lils du roi , fut le prix de la complai-
sance de Clément VllI et du domina-
teur de Florence. A peine la France
s'était ainsi entourée d'alliances, que
les hostilités recommencèrent. Char-
les-Quint envahit la Provence. Fran-
çois l*""". chargea le maréchal Anne de
i\ïontmorenci de l'epousser l'ennemi ;
et nommant le cardinal de Tournon
son lieutenant-général, avec les pou-
voirs les plus étendus, il le chargea
de diriger de Lyon , comme un autre
lui-même, tontes les opérations de
la guerre. Tournon avait, comme
négociateur, donné des preuves de
la plus haute capacité; placé dans
une situation nouvelle, il montra tout
ce que jieuvent un grand caractère et
un esprit étendu. L'ennemi fut re-
poussé de la Provence , le Piémont
lut envahi , et l'Italie échappa pres-
que enlièieau joug de Charles-Quint.
Tournon put s'attribuer en grande
partie ces succès; car ce fut lui qui
pourvut aux besoins de l'armée, qui
par sa sagesse en contint les bandes
indisci])liuées , et qui, à défaut des
fonds de l'état , versa souvent dans
la caisse militaire ses propres reve-
nus et les sommes qu'il empruntait
en son nom des marchands de Lyon.
Il paraît qu'à cette époque, le cré-
dit du trésor n'était pas bien établi ;
car le roi le remercia très-alfectueu-
scment, le wx janvier 1 53n , d'avoir
trouvé (le l'argent à trois pour cent
par mois. Lorsque le besoin de la
paix se lit sentir, ce fut sur le cardi-
nal de Tournon que François 1'^''.
jeta les yeux pour le représenter, en
l538, aux conférences de INice , cn-
frc Paul HT et l'empereur; ce fut ce
TOU 377
ministre qui y signa une paix de dix
ans. Le oonnclahle de Montmorenci
avait ])artagé long-temps avec le car-
dinal de Tournon la couliance du
roi ; mais la disgrâce de cet illustre
guenier laissa Tournon l'unique ar-
bitre de l'état. La poursuite de l'hé-
résie devint pendant la paix le prin-
cipal but des ellbrts du ministre. De
toutes parts la réforme pénétrait eu
France, et son esprit s'était glissé
jusque dans la famille royale. Tour-
non, convaincu que la diliérence des
croyances l'eligieuses dans les mem-
bres d'un même état était de tous
les maux le plus redoutable , résolut
d'extirper la religion nouvelle et en-
core mal enracinée. Pour y parvenir,
non content de combattre avec rai-
son la tendance que François l*"".,
dominé par sa sœur la reine de Na-
varre, paraissait avoir pour les nou-
veautés, il établit une chambre ar-
dente ; et emporté par un zèle exces-
sif, il ordonna, ou du moins il tolé-
ra des cruautés horribles contre les
Calvinistes et contre les Vaudois.
Heureusement il ne fit pas de sou
pouvoir cet unique et malheureux
usage, et l'accroissement de la bi-
bliothèque du roi , la fondation de
l'imprimerie royale, celle des collè-
ges d'Auch et de Tournon , enfm les
bienfaits répandus sur les savants,
jn-ouvent qu'il comjn-enait tout ce
que les lettres peuvent ajouter à la
grandeur d'un état. Il eut pour pen-
sionnaires les savants les plus illus-
tres, Muret , Lambin , Vincent Lau-
ro , depuis cardinal , etc. La mort
de François Io^ / en 1647 , mit fin
au pouvoir sans bornes qu'exerçait
depuis dix ans le cardinal de Tour-
non. 'Pendant vingt-quatre ans de
ministère, malgré les guerres les ]>his
coûteuses, cet ^habile boramc d'état
.'*ut amasser , et laissa dans les cof-
3jH TOU
fres du roi, quatre millions de la
monnaie de cette époque. Henri II
monta sur le trône , et avec lui les
])riuces de la maison de Lorraine.
Le cardinal de Tournon se retira
aussitôt des afl'aires ; mais soit pour
l'éloigner du royaume , soit parce
que ses talents e'taient nécessaires , il
fut envoyé à Rome, où , après avoir
coopéré à l'exaltation de Jules III ,
il négocia un traité avec ce pontife,
et souleva contre l'empereur plu-
sieurs princes d'Italie, qu'il avait
réunis à Cli loggia. Objet de la ja-
lousie des Guises , il fut laissé liuit
ans en Italie , eu qualité d'ambassa-
deur , et y soutint sa réputation de
négociateur très-habile. A cette épo-
que , sa médaille fut frappée à Venise.
Le roi cependant , satisfait de ses ser-
vices, lui avait donné l'archevêché de
Lyon , et le pape l'avait nommé évo-
que de Sabine. Lorsque le cardinal
de Tournon revint en France, en
i555, il trouva l'état aux mains de
la duchesse de Valentitiois • et sa
fierté ne pouvant plier devant cette
idole , il se retira dans son diocèse
de Lyon, ville dont il était à-la-fois
l'archevêque et le gouverneur. Là
son zèle le porta de nouveau à des
actes d'une excessive rigueur contre
les Calvinistes. Les princes Lorrains
voulaient rallumer la guerre contre le
fils de Charles-Quint. Le cardinal de
Touf-nou fut contraint de retourner
à Rome , avec la mission d'entiaîncr
Paul IV; mais loin de se prêter aux
vues ambitieuses des Guises et à celles
des Caradà, neveux du pape, non
moins avides de troubles que les prin-
ces Lorrains, il fittous ses cd'orts pour
maintenir la paix. Le mauvais génie
de la France l'emporta cependant,
et une guerre que marqua la bataille
de Saint-(junitin mit l'état au bord
d« l'abîme. IjC cardinal de Tournon
TOU
resta en Italie, chargé des affaires
de France; et au conclave qui suivit
la mort de Paul IV, il balança le
choix des cardinaux. Pie IV, qui
l'emporta sur lui , le nomma évoque
d'Ostie , doyen du sacré collège , et
lui accorda toute sa confiance. Ce-
pendant Henri II était mort^ et le
cardinal de Tournon fut rappelé à
la cour. 11 la trouva livrée aux fac-
tions , et la France en proie aux plus
aO'reux malheurs. Eil'rayé des ])ro-
grès du calvinisme , le cardinal
crut y mettre obstacle en donnant
aux Jésuites le collège qu'il avait
fondé à Tournon , et en faisant rece-
voir en France cet ordre déjà célè-
bre. Il rendit à son pays un service
moins contesté en détournant le fai-
ble François II du dessein que lui
avaient inspiré les Guises et le maré-
chal de Saint-André de faire assas-
siner le père d'Henri IV. L'avéne-
ment de Charles IX au trône ren-
dit au cardinal de Tournon une
grande partie de son crédit : il l'em-
ploya encore contre les Protestants;
son zèle et son habileté se firent
remarquer aux états d'Orléans, en
1 5Go , et au colloque de Poissy, qu'il
présida l'année suivante. Ce fut le
dernier acte important de sa vie po-
litique ; il mourut, le 2 1 avril 1 56'2 , à
Saint-Germain-cn-Laye, après avoir,
dans le cours d'une vie de soixante-
treize années, pris, pendant trente-
neuf ans et sous quatre rois, la part
la plus active aux ad'aircs de cette
éjioquc, si féconde en grands événe-
ments. II fournit un exeuij)Ic unique
de faveur et de crédit dans des temj)s
si dllficilcs. Sa famille ne recueillit
aucun des biens qu'il avait amassés :
il les employa tous en fondations
j)icuses. dont la plus considérable
est le collège de Tournon, dans l'é-
glise dutpiel il fut enterré. De Thou
I
ÏOU
dit de lui : « Homme d'une rare pru-
» dence et d'un mérite extraordinai-
» re ; d'une habileté pour les ali'aires,
» et d'un amour pour sa patrie,
» presque au-dessus de ce qu'on en
» peut penser. François P'. l'avait
» mis à la tète des atlaires. Après la
» mort de ce prince, l'envie le fit
» chasser delà cour ; mais il fut tou-
1) jours estimé, considéré et respecte'
» de tous , même de ses envieux. Ou
» le vit toujours opposé aux Protes-
» tants , persuadé qu'on ne pouvait
» rien changer en matière de reli-
)) gion sans troubler la paix et la
» tranquillité de l'état. » « C'était ,
» dit Vardias , un ministre laborieux ;
» capable selon le temps; qui avait
» l'esprit pénétrant et le jugement
» net , et qui se piquait d'aller au so-
» lide. » « On ne sache pas, dit Da-
» niel , que Tournon ait jamais pris
» le mauvais parti dans une atFai-
» re. » Sans compter les Eloges ou
Oraisons funèbres de ce prélat , on a
sa Vie , en latin, par P. Bouvière et
par L. Doni d'Attichi ; en français ,
par le P. Ch. Fleiiry ( Paris, 1779,
m- 12 ), et par d'Auvigny [Hommes
illustres de France, 11, i4i )• F--i.
TOURNON ( Charles - Thomas
Maillard de), cardinal, issu d'une
ancienne et illustre maison originaire
de Rumilli en Savoie, naquit, à Tu-
rin , le 2 1 décembre 1 668 ( 1 ). Après
avoir achevé ses études à Rome , au
collège de la Propagande , il em-
brassa l'état ecclésiastique , et ne tar-
da pas à se distinguer par ses lumières
et par son dévouement au Saint-Siège.
Le pape Clément XI le revêtit de la
(i) Sou pire, Vicljr-Ainpdee de Maillard , com-
te de Tournon el marquis d'Albi , ministre d'elat,
chevalier del'Annonciade , gouverneur du château
et comté de Nice , mourut eu i^oi. Oa voit parce»
titres, combien c'est faussement que Voltaire ii
présenté le cardiual comme une espèce d'a7enlu-
rier , prêtre savoyard nommé MaiUard , qui iivMt
prii le nom de TournuD.
TOU
37a
dignité de patriarche , et le nomma ,
le 5 décembie 1701 , son vicaire
apostolique aux Indes et à la Chine.
Suivant les uns , le patriarche était
chargé seulement de prendre connais-
sance des rites don t lesJésuites avaient
cru pouvoir permettre la pratique aux
nouveaux convertis ( Voy. Ricci);
mais d'autres assurent qu'il avait re-
çu le pouvoir d'interdire aux nou-
veaux chrétiens tous les usages
qu'il jugerait contraires à la pureté
de la foi catholique. Le patriarche se
rendit aussitôt en Espagne , où il
devait attendre un bâtiment français
chargé de le transporter dans les In-
des. La guerre n'ayant pas permis à
ce bâtiment d'approcher de Cadix,
le prélat gagna l'île de Ténériffe, où
le vaisseau du roi le Maurepas le
prit à son bord , le 3 mai 1705 ; il
débarqui le 6 novembre suivante
Pondichéri. Les Jésuites allèrent à sa
rencontre jusque sur le rivage , et le
ramenèrent processionelleracut dans
la ville. Le patriarche n'eut qu'à se
louer de leur politesse et de la ma-
nière noble et généreuse dont ils
pourvurent à tous ses besoins. Forcé
de prolonger son séjour dans les In-
des , il en profita pour examiner les
rites pratiqués par les chrétiens ma-
labares; et convaincu qu'il était dan-
gereux de tolérer plus long - temps
ces restes de la superstition , il les
proscrivit par un décret qu'il rendit
public , le 1 1 juillet 1704. C'était le
jour même de son départ pour Ma-
nille , d'où i\ continua sa route jus-
qu'à la Chine. 11 arriva dans cet em-
pire au commencement de l'année
1705. Soi premier soin fut de réunir
à Canton l^s chefs des missions, aux-
quels il annonça que le but de son
voyage étnit d'épurer le culte catho-
lique à la Chine; et malgré leurs ob-
servations ïur les dangers d'adopter
38o TOU
lëgcremeut une pareille mcsiiic , il
leur enjoignit de faire disparaître
des églises les signes et eiiiLlèmes re-
latifs au culte du ciel et des ancêtres.
Le patriarche n'obtint que par le
crédit des Jésuites la permission de
se rendre à Peking , oîi ds lui pi-ocu-
rèrcnt une entrée qui surpassait, par
la pompe et la magniliceuce , celle
de tous les ambassadeurs. Admis à
l'audience de l'empereur Kliang - hi
( Voy. Maigrot ), le légat lui parla
du projet d'établir à la Chine un su-
périeur-général des missions, qui
deviendrait l'intermédiaire entre le
Saint-Siège et le gouvernement chi-
nois. Cette idée déplut à l'empereur,
qui cessa bientôt de montrer les mê-
mes égards, la même déférence au
i'égat , qu'd jugea minutieux et tra-
cassier. Le patriarche accusa les Jé-
siiites de ce changement j ceux-ci
l'attribuèrent à l'ignorance qu'il mon-
trait des nsages de la Chine, et à son
peu d'égard pour les volontés de
l'empereur. Quoi qu'il eu soit, le pa-
triarche reçut, le 3 août i^oO, l'or-
dre de sortir de Peking. Il ne quitta
oette ville que le '28, ayant été re-
tenu par des allaires qu'il jugeait de
son devoir de terminer avant son
départ ; m.iis la négligci.ce involon-
taire qu'il avait mise dans l'exécu-
tion d'un ordre émané de l'empereur
acheva d'indisposer ce ]irhice. Le
légat prit la route de Nankiug , où
il s'arrêta pour faire ses dernières
dispositions avant son retour en Eu-
J'ojje. C'est de cette ville qu'est daté
le fameux mandement qu'il publia
ie a8 janvier 1707 , par lequel il
interdit aux nouveaux chrétiens 'la
prali(}ue des aiieicnues cérémonies ,
et enjoint aux missionnaires de se
conformer à celte iiistrm^tion , sous
\^'s pcirus <aiioiii<|iies. Tiette pièce
irrita te Uemout l'empereur, qu'il don-
TOU
na l'ordre d'arrêter le patriarche et
de le conduire à Macao, où il fut re-
mis à la garde des Portugais , qui le
traitèrent d'une manière d'autant pi us
rigoureuse, qu'il les avait desservis
près de l'empereur. Malgré les récla-
mations des jésuites , le pape approu-
va la conduite de sou légat ; et, en ré-
compense du zèle qu'il avait montré,
le créa cardinal. 11 renit dans sa pri-
son les insignes de sa nouvelle dignité,
dont il ne devait jouir que peu de
temps. Sa santé, naturellement dé-
licate, ne put résister aux rigueurs
de ses gardiens , et il expira , dans
de grands sentiments de piété , le H
juin i -y I o , à i'àge de quarante-deux
ans. L'éloge du cardinal deïournon
fut prononcé par le souverain pon-
tife, en 1711 , dans une assemblée
du sacre' collège. L'ordre de rajjpor-
ter son corps à Rome fut exécuté
par le légat Mezzabarba ( Voy, ce
nom , XXVIll, 5i4); et il fut in-
humé, le 27 septembre 1720, dans
l'église du collège de la Propagande.
La légation du cardinal de Tournon
a fait naître unefoule d'écrits, parmi
lesquels on se contentera d'en citer
deux : Esarne e difesa del décrète
da M. di Tiiurnon sopra le cose
delV imperio délia China , Rome ,
1 7 '28, in-4". C'est une apologie com-
plète. — Mémoires du P. Thomas ,
vice-provineial des Jésuites en (.liine ,
sur la mission du cardinal de Tour-
non, dans le Recueil des Leilresédi-
Jiaîites , édit. du P. Qiierbeuf , xxvi ,
2()6-354. L'auteur , comme on le
pense bieti , cherche à justifier ses
confrères , et rejet/le tout le blàmc
sur le légat, dont les Mémoires au-
thenlicpies furent enfin publiés , en
'7^*'^? jiar les soins du cardinal Pas-
siohci , ,sous ce titre : Menwrie sto-
riche délia leç;azione e morte del
cardinale di Tournon esfjosli coti
TOU
inoimmcnii rari ed autcvtici , non
pià datiin lace , Rome, 8 vol. in-
8". On y trouve plus d'exactitude
que dans les Anecdotes sur l'état
de la religion dans la Chine , Paris ,
i-jSS , 'j vol. in- 12. Le nom chi-
nois de ce prélat e'fait To-loo. Il avait
e'ié , à Rome , un des ])i craicrs mem-
bres de l'académie des Arcadicns,
sous le nom d'Erasmiis Idalius ; et
(^rcscinibeui y prononça son Oraison
funèjn'c (V. Vite degli Aixadi illns-
tri , 3 , I , et JVotizie istor. des^li
Arcadi morti , •! , loo ). Sa Vie a
été écrite en italien par l'abbé Fafi-
iiclli ^2); mais on ne ?ait si ce tra-
vail a été publié. W — s.
TOURON (le P. Antoine), bio-
graphe et controvcrsisle ,né,dans le
(|j(/» èse de Castres, en iG88, prit
jeune l'habit de saint Dominique, et
se dévoua d'abord l\ l'enseignement
des noAnces. Ayant été remplacé dans
les fonctions de professeur de théo-
logie, il profila de ses loisirs pour
étudier l'histoire de son ordre , et à
l'âge de ciurpiante ans, publia la Fie
de saint Thomas dAquin , ouvra-
ge estimable par l'étendue et l'exac-
titude des recherches. Encouragé ])ar
les sulfragesdu public, il donna bien-
tôt la Fie de saint Dominique , et
enfin V Histoire des hommes illustres
(pii sont sortis de cet ordre célèbre.
Il oti'rit la dédicace de cette Histoire
au pape Benoît XIV , qui témoigna
sa satisfaction à l'auteur par un bref
conçu dans les termes les plus flat-
teurs. Les attaques dirigées contre la
religion excitèrent ensuite son xèie ;
et il consacra sa plume à la défendre
contre les efl'orls des incrédules. Il
mourut à Paris, le 'x sept. 1775,
à l'âge de quatre-vingt-cinq ans,
ayant conservé , jusqu'au terme de
(») J0UI11. lie l'eiiiim, Aéc. 17H, p. 384-
TOU
38 1
sa longue carrière, une santé vigou-
reuse et toutes l(s facultés de son es-
])iil. C'était un écrivain laborieux et
rempli d'érudition; mais son style,
clair et facile, pèche par la dilHision
et par i'abseiice de tout ornement.
Ses ouvrages sont : I. Fie de saint
Thomas d'Aquin, avec \m exposé
de sa doctrine et de ses ouvrages,
Paris, 1737 , in-/| '. II. Fie de saint
Dominique de Guzman, f(jndateur
de l'ordre des Frires-Prècheurs, avec
l'Histoire abrégéedc ses premiers dis-
ciples , ibid. , I 739 , in-4". III. His-
toire des hommes illustres de Tor-
dre de saint Dominique , ibid. ,i 743-
4;), G vol. in-4". Cet ouvrage forme,
avec le précédent , une bistoire com-
plète de l'ordre , depuis sa foridation
jusqu'en 174^- L'auteiu' a joint an
sixième volume une traduction lati-
ne, avec le texte en regard, du Dis-
cours du pape Benoît XIV sur ia
mort précieuse de Pierre martyr ( le
P. Sauz , évcque de Manricastre ) ,
l'une des phis illustres victimes de la
persécution suscitée à la Chine contre
les Chrétiens, eu 1747' I' existe dos
traductions de cet ouvrage en espa-
gnol et en italien. IV. De la Prcm-
dence , tmté historique, dogmati-
que et moral , avec un Discours pré-
liminaire contre l'irréligion et l'in-
crédulité , ibid. , 1 752 , in- ] 2. V. La
Main de Dieu sur les incrédules ,
ou Histoire abrégée des Israélites ,
souvent inlidèles et autant de fois pu-
nis , ibid,, i;56, 2 vol. in- 12.. VI.
Parallèle de l'incrédule et du vrai
fidèle , ihià. , 17.58, in-12. VII.La
Fie et V esprit de saint Charles Bor-
romée , ibid., I7()i , 3 vol. in-12.
VIÎI. flistoire générale de V Amé-
rique, depuis sa découverte, ibid.,
176S-70, i4 ^ol. in-12. (^est, com-
me l'auteur le dit lui-même, V His-
toire ecclésiastique du Nouveau-
3o2
TOU
Monde. On y trouve cependant des
détails sur les productions du pays
et sur l'oriç^ine et les mœurs des ha-
bitants , d'après les auteurs espa-
gnols. W— s.
TOURRETL ( Jacqles db ) , litté-
rateur français , naquit, à Toulouse ,
le iSnoverabre i656. Son père était
jnocurcnr-genéral au parlement de
cette ville; et sa mère, Marguerite
F ieubet , était sœur du premier pre-
.sideut de la même cour. Le jeune
Tourrcil montra de bonne Leure du
goût pour les lettres , et spécialement
pour l'art oratoire: il composait des
déclamations , des diatribes contre ses
camarades, quelquefois aussi contre
ses maîtres. Entraîné cependant par
l'ardeur bouillante de son caractère,
il eut envie d'entrer dans la carrière
des armes : pour l'en détourner, on
lui remontra que les grands person-
nages de l'ancienne Rome avaient
brillé au barreau avant de s'illus-
trer dans les combats; il n'en fallut,
dit-on, pas davantage pour le dé-
terminer à poursuivre le cours de ses
études. Seulement il prit le titre de
chevalier de Tourreil, et vint à Pa-
ris, avec l'espoir d'y perfectionner
les talents qu'il croyait posséder.
Quoiqu'il se fût ainsi voué à la scien-
ce du droit , et destiné à la haute
éloquence , il cultivait aussi la poé-
sie : à dis.-huit ans, il décrivit en
vers latins la maison que son cousin
Fieubet, conseiller-d'élat , occupait
sur le quai des Augustins. En 1G81
et 83 , il concourut pour les prix d'é-
loquence que l'académie française
avait proposés, l'un sur ces paroles:
Ave , gralia plcna , Dominus te-
cum; l'autre sur ce texte : Eccc hea-
tam me cUcenl nmncs ^cncrnlioneSi
et il eut le bonheur de cueillir les
deux palmes. Encourage par de si
glorieux succès, il se mit à traduire
TOU
Démosthène , et publia , en 1691 ( *
Paris , iu-B". ) , une version française
de la première Philippique, des trois
Olyntliienues, et de la Harangue sur
la paix. Les juges les plus éclairés
trouvèrent qu'il avait paraphrasé^
et plus énervé qu'embelli l'orateur
grec. « Le bourreau! s'écriaitRacine,
il fera tant qu'il donnera de l'esprit
à Démosthène. » D'Olivet rapporte
luie conversation où Boilcau disait :
« Tourreil n'est pas un sot , à beau-
coup près ; et cependant quel mons-
tre que sou Démosthène î je dis mons-
tre , parce qu'en etiét c'est un mons-
tre qu'un homme démesurément
grand etbouili. » Toutefois cette tra-
duction et les deux discours précé-
demment couronnés avaient valu au
chevalier de Tourreil les bonnes
grâces du contrôleur-général Pont-
chartrain , qui, dès iCigi , !e lit en-
trer à l'académie des médailles ou
inscriptions; et, en 1692, à l'acadé-
mie française. Le tableau des pro-
ductions de cet écrivain se continue
par son discours de réception , et
par celui qu'il prononça , au mois
d'octobre de la même année , en ré-
pondant aux députés de l'académie
de Nîmes, qui venaient remercier
les académiciens de Paris de l'asso-
ciation ou affiliation qu'ils avaient
daigné lui accorder. Tourreil eut en-
coi'e à prendre la parole au nom de 4
l'académie française , en 1694 ^ non-
seulement lorsqu'elle reçut dans son
sein l'abbé Charles Boileau; mais, ce
qui est bien plus mémorable , lors-
qu'elle présenta au roi , aux princes,
aux ministres, la première édition
de son Dictionnaire. Ce jour-là , le
direclcur Tourreil prononça vingt-
huit , ou même , selon Massicu, tren-
tc-deux compliments , à Fontaine-
bleau ; et malgré les applaudisse-
ments qu'ils avaient tous obtenus, il
TOU
n'en voulut pas donner de copies ;
on n'en retrouve qu'un seul dans ses
OEuvres , celui qui s'adressait à Louis
XIV. Le recueil de ses écrits renfer-
me de plus une Préface ou dédicace
particulière qu'il avait composée
pour être mise en tête de ce diction-
naire; et qu'il fit imprimer en l'an-
née même 169 4, à la suite de ses
Essais de jurisprudence ( à Paris ,
in- 12 ). Les questions traitées ou
proposées dans ces Essais sont, dit
de Boze , a susceptibles d'agréments
que n'oH're pas la lecture du Code et
du Digeste » : il y en a pourtant une
fort sérieuse , savoir si la torture est
une bonne voie pour découvrir les
coupables. D'autres sont conçues en
ces termes : Si l'on a sagcmeat^fait
en abolissant la loi qui tenait les fem-
mes en tutelle durant toute leur vie j
si un homme qui ne volerait que pour
donner commettrait véritablement
un vol; si un juge peut ordonner une
demi-peine pour le crime dont il n'a
qu'une demi-preuve, etc. Toutes, y
compris celledela torture, sont réso-
lues selonlc sentiment des j ur iscousul-
tes réputés graves , et les plus accré-
dités avant 1694; chaque problème
estle sujet d'une lettre que l'auteur a
l'intention de rendre divertissante : il
donne à un exploit le nom de com-
pliment timbré: à un salaire, celui
de reconnaissance monnoyée, etc. Il
était dilïlcile de traiter d'une maniè-
re plus frivole et à-la-fois plus fasti-
dieuse des matières natinellcment
austères , qui n'admettent d'autre or-
nement que la clarté des idées , la
vérité des faits , la justesse des con-
séquences et l'élégante précision du
langage. Ce livre n'ayant pas fait
fortune, quoiqu'il fût de fort mau-
vais goût, Tourreil dit adieu à la ju-
risprudence, et reprit son métier de
traducteur. Il eut le bon esprit de
TOU
383
sentir que sa version de Démosthèue
était ti'op brillante et trop ambitieu-
se; il la relit, en ajoutant aux cinq;^
harangues qu'il avait déjà traduites
trois autres Philippiques et les dis-
cours sur la Chersonèse et sur la let-
tre de Philippe. Elles parurent en
1701 , à Paris, in-4''. , avec des re-
marques et une préface, sur laquelle
nous reviendrons , et furent, en 1 706,
réimprimées à Amsterdam , in- 12.
Cette fois il s'était prescrit des lois
un peu plus sévères : on trouva ce-
pendant qu'il se donnait encore trop
de liberté, qu'il retranchait, qu'il
ajoutait, et qu'au surplus il n'avait
pas plus d'énergie quand il voulait
être lidèle que de grâce quand il se
dispensait d'exactitude. On peut lui
savoir gré d'avoir eu le couiage de
recommencer une troisième fois ce
travail : il y consacra les quinze der-
nières années de sa vie, durant les-
quelles néanmoins il composa quel-
ques autres écrits. De Boze le dési-
gne comme un des membres de l'aca-
démie des inscriptions qui ont le
plus contribué 1 l'édition, publiée en
l'jo'i , de l'Histoire du règne de
Louis XIV par .'es médailles. Pour
l'en récompenser, on augmenta sa
pension: et peu après, il obtint le
titre de pensionnaire vétéran , qu'il
avait sollicité afin d'être moins dis-
trait de sa traduction de Démostbè-
ne. Il ne reparaît dans les Aimales de
l'académie française qu'en 1708,
lorsque la place vacante par le décès
de Charles PeiTault était demandée
par l'abbé de Chaulieu. Tourreil , qui
remplissait alors les fonctions de di-
recteur, manœuvra , sans qu'on sa-
che trop pour quelle raison , contre
l'Anacrcon du Temple ( P^qy. Chau-
lieu , VIII , 9.95 ) ; et pour être ])lus
sûr de lui enlever les suffrages , il dé-
clara que le président de Ijamoignon
384 TOU
se mettait sur les rangs : ec magis-
trat fut c'iii, cl n'accepta poiiit cet
excès d'honneur. 11 aimait pourtant
la tittëratuieetccuxqui la cultivaient,
mais non pas au point de s'emparer
de leins places et de leur patrimoine.
Sur son refus , on nomma le cardi-
nal de Rolian, à la réception duquel
ïourreil jMOuonça un dernier dis-
covirs, le 3i janvier 1704. En reuT
dant compte de ce discours , dans le
Journal de Tre'voas:, les Jésuites ac-
coidaiciit à M. le directeur de l'aca-
démie beaucoup d'emphase , et l'art
dégrossir les objets par des expres-
sions ma'^nifiques. 11 se fâcha de
cet éloge ; et l'on croit que, pour s'en
venger , il prêta sa plume aux ecclé-
siastiques des missions étrangères ,
qui avaient en ce temps des démêlés
avec la société de Jésus , et qui pu-
bliaient contre elle des Mémoires sur
les allaires de la Chine. On lui attri-
bue particulièrement la préface assez
piquante et la traduction des Ré-
iles-ions sur les cultes et les supersti-
tions chinoises , imprimées eu hol-
lande.ïourreil avait un ]jeu de rudesse
dans le caractère; ses saillies étaient
brusques, ses réparties vives et quel-
quefois ollcnsanles; et il se corrigeait
d'autant moins de celte ,àpretc qu'il
la prenail pour de !a véliemencc : il
voulait conserver ie droit de louer et
jie blâmer avec fiancliise , et ])ardon-
nait cependant les torts dont on s'a-
vouait coupable. On assure qu'il
faisait profession de préférer les
<pialités du cœur et de l'esprit à
l'éclat de la naissance et des di-
gnités : s'd soutient que Démosthè-
ne n'était j)as (ils d'uu forgeron :
u Ce n'est point , dit-il , ])ar un culê-
» lenieut ridicule pour mon auteur,
» moi qii ne lui demande d'autres li-
» tics de noblesse que ses ouvrages,
» et qui ne comiais de véritahh; rotu-
TOU
» re que celle des actions. » Tofit
occupé de ce grand orateur , il n'a-
vait point encore achevé de retou-
cher la traduction de douze haran-
gues , lorsqu'il mourut à Paris , le i i
octobre 1715, à peine âgé de cin-
quante-neuf ans. 11 avait, <lans l'aca-
démie française , succédé à Michel
Le Clerc : il y fut remplacé par Jean-
Roland Malet (i), gentilhomme or-
dinaire delà chambre du roi. Tour-
reil , par son testament, chargeait
l'abbé Massieu ( F. XVll, 4oH-4 1 o ),
son confrère, de publier la troisième
édition de la version française de
Déraostliène; Massieu fit plus, il don-
na une édition complète des OEuvres
de ïourreil ( Paris , \^'}.\,i vol. in-
4". , 4 vol. in-i 2 ). A l'exception des
écrits sur les missions en (^hine , ce
recueil contient toutes les produc-
tions dont nous avons fait mention
danscet a rticîc,etde plus l'inscription
latine rédigée par ïourreil pom- la
statue équestre de Louis-le-Grand , à
la place Vendôme. Douze Harangues
traduites du grec en français y sont
comprises, savoir, les dix que nous
avons déjà indiquées, et celle d'Es-
chine contre Ctésiplion, avec celle de
Démosthènc pour la couronne. En li-
sant ce* versions , on plaint Tpur-
reil d'avoir consumé la plus grande
])artiedc sa vie s\u- un travail auquel
A n'était aucunement appelé par le
caractère de son .esprit , ni prépare
par le genre de ses premières études j
rtail 1
l.lc, <
M-n\ I
il <in
mis ^
(In ne sait ]ias m qnollp année ni en quel lieu
le J. Kol. niAet. Une ode , cxtrèmeiiicul fm-
■Diiipnnee |>9r l'.icndiiuic IVaiieaise , était son
ilre |)onr aspirer i y entrer; et il n'a laissé
ic autre prujuiliou Mais \» coutrôlcnr-jiCné-
)isni.iiels ( l'tn. ce nom, XI, ■>v6 ),
i Ton olli'iiit le. fauteuil de Tourreil , re-
il : Il J'ai dans mes bureaux no |>ii-niler coiu
qni rela convient m. eux. (Vlait^ Malel, €|Mi
ian<|iiillement aradeniieieu jusqu'en \-'M'> , <i
nom al le m avril de celte annre , en laissant
de l'.ulune, (|in)ique ayant ele em|ilcijc (len-
Limle sa vie dans les linances.
totj
Mâssieu lui-même est oblige d'avouer
qu'auparavant , Maucroix , que nous
ne lisons plus, avait e'té un traduc-
teur plus élégant de l'orateur grec ,
et s'était montré meilleur grammai-
rien , plus habile écrivain. Mais
Tourreil a joint à sa version des re-
marques souvent instructives, et des
préfaces dont l'une est, à notre avis,
sou plus estimable ouvrago(2). Nous
voulons parler de celle qui offre im
abrégé de toute l'histoire des Grecs ,
d'abord depuis leur origine jusqu'à
la prise de Troie , puis entre cette
catastrophe et la bataille de Mara-
thon; ensuite durant les cent soixan-
te-sept années qui séparent la victoire
de Miltiade , de la mort d'Alexandre.
C'était le tableau le plus animé qu'on
eût encore tracé, dans une langue
moderne , de ces traditions antiques
et de ces révolutions mémorables : il
autoriserait à penser que Tourreil
eût beaucoup mieux fait de se consa-
cier à l'histoire. L'éloge de cet aca-
démicien , par de Boze , a été repro-
duit en partie dans le tome xxvii des
Mémoires de Niceron : on peut y
joindre quelques articles de l'histoire
de l'académie française, par d'O-
livet 5 et les observations de Gou-
jet , pages 210-218 du tome se-
cond de sa Bibliothèque française.
— Amable de Tourreil , Irère de
l'académicien dont nous venons de
parler, est indiqué comme le vé-
ritable auteur du livre intitulé : Vln-
fiocence opprimée par la calom-
7iie ; ou Histoire de la congrégation
des filles de l'enfance de Jésus ,
168!^, 2 part. ini2. Toutefois cet
ouvrage a été aussi attribué à Ant.
Arnauld, et à Quesuel , qui l'a peut-
(7.) (".ctic jireface de Tourreil a été traduite en
ilaliru uar Osarolli ( Voy. ce nom , VII, 58i ) ,
uni l'a insi-rc'e en tcte de sa traduction de Démos-
TOU
385
être seulement con-igé , avant de le
faire imprimer. Quoique le titre por-
te : A Toulouse, chez Lanoue, l'édi-
tion sortait d'une presse hollandaise.
Amabicde Tourreil mourut à Rome,
en I ■] 1 9 ; il venait d'ctre détenu dans
les prisons de l'inquisition , et l'avait
été auparavant, durant quatre an-
nées, au château Saint-Auge.
D — N — u.
TOURRETTE ( Mjrc-Antoine-
Lbtfis Claret de La ), naturaliste ,
naquit à Lyon, en 1 729, d'un père qui
était président du tribunal et prévôt
des marchands. Après avoir com-
mencé SCS études chez les Jésuites ,
le jeune La Tourrette alla les finir
au collège d'Harcourt à Paris. De re-
tour dans son l^ays , il y remplit,
pendant vingt ans , une charge de
magistrature , et la quitta pour se
livrer tout entier à son goût pour
l'histoire naturelle. Il parut d'abord
fixer ses études sur la zoologie et la
minéralogiej la botanique vint ensuite
l'occuper plus particulièrement. Dès
1 7(33 , il s'était formé une collection
Irès-considérabîe d'insectes , et une
suite très - nombreuse d'échantillons
des mines du Lyonnais , du Dauphi-
né et de l'Auvergne ; il y réunit un
herbier très-riche. En 1766, il éta-
blit . au-dessus de la petite ville de
l'Arbresle , dans un vaste parc , une
j)épinièrfi où il recueillit tous les arbres
et arbustes étrangers qui purent s'y
acclimater ; et dans le même temps ,
il avait à Lyon un jardin où l'on
voyait plus de trois mille espèces de
plantes rares. Il voyagea pendant
plusieurs années eu Italie , eu Sicile;
puis avec Jean- Jacques Rousseau ,
son ami , à la Grande-Chartreuse ,
dont ils firent l'herborisation. La
Tourrette entretenait une conespon-
dance suivie avec Linné, Ilalier ,
Adanson , Jussieu et les plus célèbres
a5
380
TOU
iialiir.ili.-^tcsdi: .'OU temps. Dau3 l'yu-
loiiiiiç Je i'j()3, les fatigues et les
inqiiietiKlcs que !e siège de Lyon rcu--
dit communes à tous les liabitaiits
lui causèrent une përipneumonie qu'il
ne'gtigea et dont il mourut, à l'iîge de
soixante -quatre ans. Ses principaux
écrits , outre les Eloges de ses con-
frères à l'académie de Lyon , sont :
I. Déinonstralions élémentaires de
botanique , i70{j , 'i vol. iii-8\ Cet
ouvrage, fciit en commua avec I^)»
zier, ami de l'auteur , pour l'usage
des élèves de i'ecolc vétérinaire , a
eu phisieurs éditions. C'est à tort
qu''on l'a quelquefois aîtrunic à l'ab-
bé Rozier tout seul ( Foy. P\.ozier ).
il. Vojage au Mont-Pila , 1770,
in-S". Dans la première partie , La
Tourrette a donne ime description
des niontagnes et déterminé leur situa-
tion ; la seconde est consacrée tout
entière à la botanique , et l'on y
trouve beaucoup de plantes rares.
III. Chloris Lugikwensis , .178^),
in-8''. Ce petit ouvrage eltoima les
bbfaiîistesjpar le graml nombre des
espèces qu'il renferme, siutout daiis
la cryptoganiie. IV. Conjectures sur
Vorigine (les Belemnites. Elles >ont
insérées dans le Dictionnaire des fos-
siles de Bertrand. V. Mémoires sur
les monstres végétaux; imprimé
dans le Journal économique du mois
de juillet 17G1. VI. Mémoire sur
Vhelmenlhocorlon , ou mousse de
Corse , inséré dans le Journal do
physique. Bruysct , confrère de La
Tourrette à l'académie do Lyon , a
lu , dans une séance de celte compa-
gnie , une Notice sur ce naturaliste.
z.
tÔURTECHOT-GRA>T.ER. F.
Oranger.
TOUUT^LLLE (Étifnnf.), mé-
decin, naquit, à Besançon, le 27 fé-
vrier 1756. Apres avoir achevé ses
études classiques avec autant de r.i-
pi,dilé que de succès ,. il suivit les
çQurs de la' faculté de iiif'décuie.
D'uijC ardeur infatigable. Il ne quit-
tait l'iiopital que pour aller à l'am-
phithéâtre d'analomie , et passait
une partie des nuits à rédiger ses
observations. Cependant un senti-
ment Ircs-vif vint tout-à-coup l'ar-
rêter dans ses études. Epris d'une
ipunc personne comme lui sans for-
tune , d résolut de l'épouser. Lés
obstacles que sou père mit à son
projet achevèrent de l'exalter , et
ne prenant conseil que de sa douleur,
il s'enferma dans un cloître. Il y re-
trouva bientôt , avec la paix inté-
rieure , le goût de l'étude , et y traça
le plan d'une Histoire plidosophique
de la médecine. Guéri de son erreur,
il sortit du couvent pour aller écou-
ter les leçons des, habiles professeurs
de Montpellier et de Paris , et revint
au bout de quatre ans dans sa pA-
trie , riche d'une fouie de connais-
sances. Dans \es loisirs que lui lais-
sait!.';! pratique de son art, il s'occu-
pa de quelques questions d'économie
rurale proposées par les académies ,
et la même année ( 1784) remporta
deux prix , l'un à Besançon (i), et
l'autre à Grenoble. En 1788, il ob-
tint au concours une des chaires de
médecine de l'université de Besan-
çon (2). Ses talents répandirent un
nouvel éclat sur cette école. Parmi les
thèses qu'il y fit soutenir par ses élè-
Acs , ou remarqua surtout les ti'ois
suivantes: 1". De naturce regnis ,
dans laquelle il montre l'inexactitude
de la division des (rois règnes , quoi-
(1) I.o suicl [imposé ji-nr l'or.nl. de Bosanroii
rliiil ; hiJ'i/iirr les moyens d'amelimrr l'rspJro <li.*
moulons m l'iaiu lip-Comlc, Jio\ir prociiicr des
laines plus (iiies iiux iiiiinufacttires.
{il) Il V rcinplaealt M. F.angc, et non pas, com-
me le dit M. Urio'l , Allinlin , mort m 178» ( ^".v.
ATIIAI.IN 1.
TOU
qu'admise par les pins grands natu-
ralistes ; '-i". celle des Èmix miné-
rales, où il a présente l'analyse la
plus complète des sources thermales
si multipliées sur les revers dci Vosges
et du Jura (3) ; et enfin 3°. celle de
X Influence du moral sur le physique ,
sujet développé depuis par Cabanis
( roj^. ce nom ). A la suppression
des universités, Tourtelle l'ut attaché,
comme médecin principal, à l'armée
du Rhin; en 1794, d passa, comme
professeur, à l'école spéciale de Stras-
bourg ; et pendant quatre ans on le
vit faire , avec le plus brillant suc-
cès , des cours d'hygiène , de ma-
tière médicale et de chimie. Dans
le même temps, il s'occupaitde l'édu-
cation deson iils, et il donnait des le-
çons particulières de pathologie , dont
le produit l'aidait à soutenir sa
famille. Malgré tant d'occupations ,
il trouvait encore le loisir de rédiger
les ouvrages auxquels d a dû , plus
tard , une réputation qu'il n'a fait
qu'entrevoir , et dont il n'a pas
joui. L'excès du travail et plus en-
core les moyens qu'il employait pour
combattre le sommeil et ranimer ses
forces épuisées , détruisirent rapide-
ment sa santé. Se flattant que l'air
natal pourrait contribuer à la réta-
blir , il abandonna sa chaire pour
venir occuper à Besançon la place
de médecin en chef de l'hôpital mi-
litaire; mais pressé démettre la der-
nière main à ses ouvrages, il ne put
ni ralentir son travad , ni clianger
son régime pernicieux ,etmonrutde
phthisie,lc 10 mai 1801, à l'âge de
quarante-six ans. Tourtelle joignait
à de vastes connaissances beaucoup
d'esprit et im talent rare pour ren-
seignement. Onire des thèses et
TOU 387
des observations ( 4 ) > f"" «"^ de
cet l;abile professeur : I. Eléments
d'hygiène ou de Vinjluence des
choses physiques et morales sur
l'hojnme , et des moyens de conser-
ver la santé, Strasbourg, 1797,
Ci vol. in- 8°. ; ibid. , 1802 , Paris ,
181 5 ; ces deux éditions sont précé-
dées d'une Notice sur la vie et les
ouvrages de l'auteur, par M. Briot ,
l'un de ses élèves ; Paris , 1822 ,
2 vol. in - 8".; cette édition a été
revue , augmentée et enrichie de
Notes , par M. Bricheteau. L'ou-
A"rage de Tourtelle , honoré des
suffrages de lîallé ( Voy. ce nom
au Supplément ) , qui s'était long-
temps occupé du mcme sujet , eut,
dès sa publication , un succès re-
marquable. Il a été traduit en es-
pagnol , sur la première édition, par
D. Louis -Marie Mcxia , Madrid,
1801 , 2 vol. in-8". Suivant Spren-
gel , l'auteur montre de l'esprit , des
connaissances souvent très-délicates;
mais en général peu de critique ( V.
V Histoire de la médecine, \i, 433 ).
II. Eléments de médecine théori-
que et pratique , Strasbourg, 1799 ,
3 vol. in-80. ; Paris , i8i5 , 3 vol.
in-8°. Dans cet ouvrage , dit encore
Sprengel , l'auteur insiste sur la né-
cessité de reconnaître l'observation
comme le fondement unique de la
médecine. Cependant ses idées man-
quent de précision ; et il cite paitout
les observations d'Hippocrate , mê-
me dans les cas où elles ne sauraient
rien décider : quant k sa classilica-
tion des maladies , elle n'est eu au-
cune manière recoramandable (il)id.,
VI , 497 )• \\\- Éléments de matière
médicale , Paris , 1802, in -8'^. M.
Briot est l'éditeur de cet ouvrage.
(3)CcUe llii.sr, dit M. Kii.il , est un <los beaux
muiiuincnts t|iio l'auliur ail «Irvrs îk .'•a gloire. Voy.
Avlice histcrii/. , [i. \VU.
Cl) On se mnlciileia d'iruliçiiier : Ohnvnliom
fur un c-nfaiil rlinl Ir cuciir elail placé hcn ric la
poilrinc. '.lotiin. de médecine, novemhie 1784.
35..
388
TOU
IV. Histoire philosophique de la
médecine , depuis son oiigiiie jus-
qu'au milieu du di\-liiiitièmc siècle ,
ibid. , i8o4, 'i- vol. in-8°. L'auteur
a divise l'Histoire de la médecine eu
quatre âges : le premier cou tient les
médecins grecs et latins ; le second,
les médecins arabes et leurs secta -
leurs; le troisième , les médecins qui
ont brillé depuis l'époque de la re-
naissance des sciences jusqu'à Para-
celse ; et enfin le quatrième , les mé-
decins qui se sont le plus distmgués
dans le dix-septième siècle , jusqu'à
Baglivi , Rivière et Midler , etc.
N'ayant point eu l'intention de don-
ner les \ies des grands médecins , il
s'attache seulement à présenter, dans
un ordre metliodique, les découvei tes
qui les ont fait comiaître , et les sys-
tèmes qui se sont succédés. L'ouvrage
est écrit avec beaucoup d'élégance
et de simplicité. Parmi les nombreux
manuscrits de Tourtelle , on cite une
traduction des ouvrages de Sar-
cune , et celle de queK[ues Traités
(le Sjdenham , des Eléments de
physiologie et de chimie , une Topo-
graphie médicale de Besancon ,
etc. — TouRTiiLLE ( Marie-François ) ,
fils du précéileut , né , le 9 sept.
5 ']85 , à Besançon , mort professeur
suppléant à l'école de médecine de
Strasbourg , le 22 mars i8i3,est
auteur d'un Traité d'hjgiène pu-
hlitjiie , Strasbourg, 181 2, 2 vol.
in - 80. W— s.
ÏOURVILLE ( Anne-Hilaiuon
DE CoTLMiN , comte DE ), né, à
Tourvillc , en \6/^'i , était le troisiè-
me fils de César de Colentin, sei-
gneur de Toiuville, premier gentil-
homme de la diainlircde l;0uis XII l,
et j)remier iliambellan du (irand
Coudé. Destint: de bonne heure à
l'ctat militaire , il fut reçu chevalier
de Malte à l'àgc de quatorze ans.
TOU
Aussitôt qu'on le jugea en étal de
servir sur les galères de la religion
le duc de La Rochefoucauld, son pa-
ient du côté de sa mère , lui donna
des lettres de recommandation pour
le chevalicrd'Hocquincourt, qui com-
mandait une frégate à Marseille, en
le priant de l'embarquer avec lui.
« Que ferons-nous , écrivait le cheva-
» lier au duc de La Rochefoucauld,
» sur des vaisseaux armés en cour-
» se , d'un Adonis plus propre à ser-
M vir les dames de la cour qu'à sup-
1) porter les fatigues de la mer? »
Un teint blanc , des cheveux blonds,
des yeux bleus, des couleurs vives ,
des traits fins et délicats, voilà ce qu'é-
tait ,en effet, à dix-huit ans, l'ensem-
biede la physionomie du chevalier de
Tourville. Tel était cet Adonis, des-
tiné à devenir un grand capitaine.
Quelques jours après sa sortie du
port , le chevalier d'Hocquincourt
rencontra deux frégates algérien-
nes , qui , fières de leur supériori-
té, attaquèrent sa frégate, et sautè-
rent à l'abordage ; le combat devint
furieux : les assaillants, animés par
l'ardeur d'une si belle proie , faisaient
un carnage all'rcux des Français j le
chevalier de Tourville, à la tète des
plus braves de l'équipage, portaitpar-
toutses coups, et bientôt les corsaires
étonnés de tant de valeur , abandon-
nèrent la frégate , après avoir perdu
un grand nombre des leurs. Trois
blessures reçues dans ce combat , éta-
blirent sa réputation de bravoure , et
fi renl cesser les railleries que sescama
radess'étaienl permises sur son airef-
féminé.lNous ne le suivrons pointdans
ses ex])éditious(l('la Méditerranée, au
golfe Adriatique, et dans l'Archijie!;
il nous sulfira de dire (pie, pendant les
six années que durèrent ses carava-
nes, il participa à plusieurs combats
contre les Turcs cl les Algériens , cl
TOU
que dans tous il donna des preuves
de la plus grande valeur. Ses courses
l'ayant conduit à Venise, en i()(i6,
le doge , reconnaissant des servi-
ces qii'd avait rendus à la republi-
que, en purgeant l'Archipel des cor-
saires dont il était infesté, lui remit
un brevet dans lequel il était quali-
lié de Protecteur du commerce ma-
ritime, et A' invincible. Ce brevet
était accompagné d'une médaille et
d'une chaîne d'or d'un grand pris.
L'année suivante, Tourville rentra
en France. Le bruit de ses exploits
était venu jusqu'à la cour. On se sou-
venait encore de la lettre du cheva-
lier d'Hocquinconrt ; et les dames
surtout étaient curieuses de voir cet
Adonis, qui se battait comme un
Hercule. Le chevalier de Tourville
arriva à Versailles , au printemps
de 166"] 5 le roi l'accueillit avec la
plus grande distinction , le félicita
sur sa belle conduite , et le nom-
ma capitaine de vaisseau , quoiqu'il
ne fût âgé que de vingt-quatre ans,
et qu'il n'eiit encore aucun grade dans
la marine. Lorsqu'en 1669, Louis
XIV résolut d'envoyer une armée
au secours de Candie, assiégée par
les Turcs , il désigna lui - même
Tourville pour être employé dans
cette expédition , que comman-
dait le duc de Beaufort. Candie suc-
comba , malgré la valeur des Fran-
çais; et Tourville donna , dans cette
circonstance, de nouvelles preuves de
son courage. Dans la guerre de 16-71,
où les Hollandais luttèrent si coura-
geusement contre les forces navales
combinées de France et d'Angleter-
re, Tourville commandait un des
vaisseaux de l'escadre du comte d'Es-
trées, et il se distingua d'une maniè-
re si brillante au combat de Soulth-
Bay (juin iCi^'.i ), que le comte
d'Eslrées, écrivant au roi pourl'iu-
TOU 38o
former du g.iui de cette bataille,
cita le chevalier de Tourville avec
les plus grands éloges. L'année sui-
vante lui offrit une nouvelle occa-
sion de se signaler dans le combat
que livra le comte d'Estrées à l'ami-
ral Ruyler : il soutint , pendant plus
d'une heure, le feu de plusieurs vais-
seaux hollandais, et parvint même à
en couler un. En lô-jS , il comman-
dait un des vaisseaux de l'escadre
du chevalier de Valbelie , envoyée au
secours des Messinois révoltés contre
l'Espagne. Resté en Sicile avec son
vaisseau , il fit partie de l'armée aux
ordres de Duqnesne, et contribua au
gain de la bataille d'Agousta ( 21
avrd 1676), dans laquelle Ruyter
fut tué. Le roi, pour le récompenser
de ses services , l'éleva au grade de
chef-d'escadre. Au mois de mai de
l'année suivante, ayant rallié le pa-
villon du marquis de Vivonne , et
faisant route pour rentrer à Toulon ,
on découvrit , près de Palerme , l'es-
cadre des alliés. Tourville, qui com-
mandait l'avant-garde, eut ordre de
les attaquer, et il le fit avec tant
d'ardeur , qu'en moins de deux heu-
res il détruisit trois de leurs vais-
seaux, brûla dans le port le vice-ami-
ral de l'armée espagnole, le contre-
amiral de Hollande, ainsi que sept
autres bâtiments. La paix, qui fut si-
gnée à Nimègue, en iG'jS, aurait dû
permettre au chevalier de Tourville
de prendre quelque repos j mais, im-
patient d'ajouter encore à la gloire
qu'il s'était acquise , il fit contre les
Algériens et les Tripolitains, de con-
cert avec Duquesne , diverses ex-
péditions , qui toutes furent cou-
ronnées du succès. En 1682, il fut
nommé lieutenant-général des armées
navales. Duquesne, ayant reçu l'ordre
d'armer une escadre destinée à aller
détruire les Tripolitains, appela au-
OQO
TOU
près de lui Toiuvillcj dout il était
devenu , pour ainsi dire , inséparable.
Sortis de Toulon au mois d'août
168.2 , ils entrèrent dans la Méditer-
ranée , et dètriiisireut tous les cor-
saires de Tripoli qu'ils rencontrè-
rent. Ils se rendirent ensuite devant
l'île de Cliio , où ils savaient qu'un
grand nombre de bâtiments étaient
mouilles, et en peu d'heures le fort ,
la ville, et les bâtiments qui s'y trou-
vaient lurent détruits ou brûlés. Le
cbâtiment que venaient d'éprouver
les Tripolitaius n'avait point intimi-
dé les Algériens , et leurs corsaires
inquiétaient sans cesse le commerce
français. Duquesne fut chargé d'aller
bombarder leur ville. Tourville s'em-
bai'qua encore avec lui. Ils sortirent
de Toulon au mois de juin ib83,
dans le même temps qu'une autie es-
cadre appareillait de Brest, pour la
même destination. Réunies au nom-
bre de onze vaisseaux, quinze galè-
res , plusieurs brûlots et galioles à
bombes , les deux escadres se préseu-
tèi-eut devant Alger, au mois d'août.
Tourville, qui commandait l'avant-
garde, commença le bombardement
aussitôt qu'il fut mouillé. Une gran-
de partie de la ville fut détruite ,
ainsi que plusieurs vaisseaux qui se
trouvaient dans le poit. Un second
bombardement eut lieu l'année sui-
vante ; mais celte fois , les pertes des
Algériens furent si considérables ,
qu'ils sévirent contraints d'implorer
la paix. Tourville la leur accorda ,
au nom du roi, et il eu signa le trai-
té avec le divan. La même année vit
l'abaissement de la république de
Gênes. Une armée navale, forte de
quatorze vaisseaux de guerre, de
vingt galères et de dix galioles à
bombes, sous le commandement de
Duquesne , se présenta devant le
port, au mois de mai 1G84. Un y
TOU
jeta plus de dix mille bombes, qui
détruisirent presque tous les édilices,
entre autres le palais du doge. Les
Génois constci'nés demandèrent la
paix : elle leur fut accordée, à la
prière d'Innocent XI; mais à la con-
dition que le doge et quatre des
principaux sénateurs se rendraient
à Versailles^ pour v implorer la clé-
mence de Louis XIV. Tourville con-
tribua puissamment au succès de
cette expédition. Pendant ce temps
les Algériens , toujours incorrigibles ,
avaient recommencé leurs jiirateries
sur le commerce français. Tourville
eut ordre de les aller châtier encore
une fois. Quelques jours après sa sor-
tie du port de Toulon , il rencontra
près de Ceuta une division de cor-
saii'es , qu'il n'hésita point à atta-
quer; il coula à fond leur amiral,
dispersa les autres , et se rendit
sur les côtes de Sardaigne , où il
s'empara d'une grande quantité de
bâtiments algériens, délivra les es-
claves chrétiens qu'ils avaient à
bord, et rentra à Toulon, après
une campagne de six mois , qu'il
avait employés de la manière la
plus heureuse. Au commencement
de 1G88, Louis XIV ayant déclaré
la guerre à la Hollande, qui avait
favorisé le prince d'Orange dans son
invasion d'Angleterre, on arma , à
Brest une escadre de cinq vaisseaux_,
dont le commandement fut confié à
Tourville, avec mission d'aller croi-
ser dans la Manche et de rallier en-
suite l'arnH'e navale aux ordres du
maréchal d'Esfrécs. Dès les premiers
jours de sa croisière, il rencontra
deux bâtiments de îa comjiaguie des
Indes hollandaise, qu'il attaqua. Ces
vaisseaux firent une résistance vi-
goureuse ; mais forcés de céder au
nombre, ils se rendirent. Ils venaient
d'Alexandrelte, et avaient à bord
TOU
une cargaison d'aiviroii six millious.
Toiiiville , après les avoir ainariucs ,
les expédia pour la France, sons l'es-
corte de deux vaisseaux, et avec les
trois qui lui restaient lit voile pour
rejoindre le comte d'Estre'es. Che-
min faisant , il rencontra deux vais-
seaux espagnols , qu'il força , après
un combat de trois heures , de saluer
son pavillon. La Franceétait toujours
en guerre avec la régence d'Alger, et
le comte d'Estre'es était A'enu mouil-
ler devant ce port. Tourville l'ayant
rejoint avec les vaisseaux sous ses
ordres , on commença à lancer
des bombes sur la ville ( i*^' . août
i(38B), et l'on continua jusqu'au
16 j cinq bâtiments furent coulés,
et la ville fut entièrement ruinée.
Après celle expédition , le maré-
chal cl'Estrées ramena son armée
à Toulon. En 1(^89, Tourville fut
nommé vice- amiral des mers du
Levant. A celte éjwque , sa famille le
pressait de se marier, le roi lui-racrae
lui proposa une demoiselle de grande
qualité, mais qui n'était pas riche.
Tourville représenta qu'étant sans
fortune , et ne voulant pas abuser de
la générosité de Sa Majesté, il ne pou-
vait faire ce mariage. Le roi ne put
s'empêcher d'admirer un refus si no-
ble et si désintéressé. A quelque temps
de là , il épousa la Aeuve du marquis
de La Popelinière , et prit le titre de
comte. Le roi , en signant son con-
trat de mariage lui dit: « Je souhaite
» que vous ayez des enfants d'unmé-
>> rite aussi distingué que le votre, et
» qui soient aussi utiles à l'état que
)) vous. » Le roi d'Angleterre , Jac-
«|ues II , précipité du trône , s'é-
tait réfugié en France. Louis XIV
lui avait procuré les moyens de
passer eu Irlande : il fallait lui
porter des secours et surtout des
munitions. Une escadre de vincf
TOU
39 '
vaisseaux fut armée à Toulon , sous
le commandement de Tour\ illc , et
une autre de soixante-deux vaisseaux
fut préparée à Brest, sous les ordres
du comte de Châtcau-Reguault. Ces
deux escadres devant se réunir dans
l'Océan, Tourville appareilla de Tou-
lon au mois de juin 1689, doubla
heureusement le détroit de Gibral-
tar, et opéra sa jonction avec l'av-
mée de Brest. Quelques jours après ,
à la hauteur de Ouessant , on eut
connaissance de l'armée ennemie ,
composée de soixante- dix vaisseaux,
tant anglais que hollandais. L'armée
française étant beaucoup plus forte ,
les alliés n'osèrent jioint l'attaquer.
L'expédition ayant atteint son but ,
qui était de porter des secours et des
munitions en Irlande , rentra dans
le port de Brest. L'année suivante ,
Tourville fut nommé au commande-
ment d'une nouvelle armée, forte de
soixante-six vaisseaux, qui devait sor
tir de Toulon pour se réunir à une
escadre de six vaisseaux commandée
piar le comte de Château - Regnault.
La jonction s'opéra au mois de juin
1690 • et le 10 juillet, à la pointe du
jour , étant par le travers de l'ilc de
Wight, on se trouva en présence de
l'armée ennemie, forte de i\-i bâti-
ments. Le combat dura depuis neuf
heures du matin jusqu'à cinq heurcsdu
soir. Les Anglais ne soutinrent le feu
que pendant trois heures^ les Hollan-
dais, sur qui les efforts de l'armée
française avaient été dirigés , souffri-
rent considérablement: la plus grande
partie de leur escadre fut démâtée, et
ils perdirent un grand nombre d'hom-
mes. Le résultat de cette action fut,
pour l'armée alliée, une perte dequinze
vaisseaux , dont dix furent pris et
cinq brûlés. L'armée française eut
quatre cents hommes tués et cinq
cents blessés; mais elle ne perdit pas
392 TOU
un seul bâtiment. Tourville^ voulant
poursuivre ses succès, détacha neuf
vaisseaux de son arme'e , et , de con-
cert avec le comte d'Estre'es , se
dirigea sur la baie de Tinginoutli ^
où il avait appris que douze vais-
seaux et un convoi considérable
étaient mouillés. Les Anglais , pris
à l'improviste, ne purent opposer
qu'une faible résistance. Les mar-
chandises furent transportées à bord
de l'escadrej et les vaisseaux, ainsi
que le convoi , furent tous détruits
ou brûlés. Jacques II avait été con-
traint de quitter l'Irlande , et de
venir en France : mais il lui restait
encore des sujets fidèles en Angle-
terre; et les intelligences qu'il en-
tretenait avec eux lui firent conce-
voir les plus fortes espérances de
remonter sur son trône. Le roi de
France entra dans ce projet, et ré-
solut de faire un effort digne de sa
puissance , pour le rétablissement
d'un prince son parent et son ami.
Une année nombreuse se rassembla
sur les côtes de la Manche : trois
cents bâtiments de transport , des
munitions de toute espèce y furent
réunis ; et le commandement de cette
armée fut confié au maréchal de
Bellefonds , sous le roi Jacques ,
qui s'était rendu à la Hougue.
D'un autre côté , on arma deux es-
cadres : l'une à Brest, so:is le com-
mandement de Tourville , et l'autre
à Toulon, sous celui du comte d'Es-
tre'es. Ces deux escadres devaient se
réunir dans la Manche , pour lavori-
ser la descente de l'armée en Angle-
terrc._ Le comte d'Estrées appareilla
de Toulon, au mois de mai. Le i8,
étant sur le point de passer le détroit
de Gibraltar, une lernpcte, qui s'éle-
va subitement, jeta deux de ses bâ-
timents à la rôle, pri's de Ceuta. Les
autres furent dispersés; et ce ne fut
TOU
qu'après des contrariétés et des re-
tards de toute espèce qu'il rejoignit
le port de Brest, à la fin de juillet.
Les vents conti-aires retinrent le
comte de Tourville dans la rade
de Brest jusqu'au i2 mai. L'armée
anglaise, pour laquelle ils étaient plus
favorables , avait appareillé dans
les premiers jours de ce mois. Elle
était parvenue à opérer sa jonction
avec les Hollandais , et ils se trou-
vaient réunis dans la Manche au
nombre de quatre - vingt-huit vais-
seaux. Le roi , dès qu'il avait eu
connaissance de la sortie des An-
glais, avait adressé au comte de
Tourville des instructions qui lui en-
joignaient d'appareiller immédiate-
ment, d'aller les chercher, et de les
comhaltre forts ou faibles. Une
lettre écrite de sa main au comte
corroborait encore cet ordre. Mais
Louis XIV n'avait point en même
temps commandé aux éléments , et
l'on a vu que pendant que l'armée
française était retenue dans le port ,
les alliés opéraient leur jonction.
Toui'ville , sorti enfin de Brest , fut
rejoint à la mer par cinq vaisseaux ,
aux ordres du marquis de Villette,
et le 1"^ mai \\ arriva à la hauteur
de la Hougue , avec quarante-quatre
vaisseaux. De nouveaux ordres l'y
attendaient ; on l'informait de la
réunion des armées alliées , et il lui
était prescrit de ne pas combattre
avant d'avoir été rejoint par les
vingt - trois vaisseaux que devaient
lui amener le comte d'Estrées, le
marquis de La Porte et le comte
de Ciiâleau-Rcgnault. Dix embarca-
tions furent expédiées pour porter
cet ordre ; mais aucune ne put
parvenir jusqu'au comte de Tour-
ville. Le '-iQ mai, à quatre heures du
ujatin, on découvrit l'armée alliée.
Une brume épaisse empêcha d'abon!,
TOU
d*en reconnaître le' nombre; mais
lorsqu'elle fut dissipée , on ne fut pas
peu surpris de compter quatre-vingt-
huit voiles. Les ordres précis qu'a-
vait reçus Tourville, et la proximité
de l'ennemi, ne lui permcttaicntpas
de tenter sa retraite à la vue d'une
armée si supérieure à la sienne.
Après avoir assemblé un conseil , où
il fit voir les ordres positifs qu'il
avait reçus de combattre, il renvoya
chacun à sonçoste , et arriva , vent ar-
rière, sur l'armée ennemie. 11 était au
corps de bataille, sur le Soleil-Royal,
de cent six canons ; le marquis d'Am-
freville commandait l'avant-garde ,
et M. de Gabarret l'arrière-garde.
Du côté des ennemis , l'amiral Russel
( F. ce nom ) commandait le corps
de bataille; l'avant-garde, composée
de Hollandais, avait à sa tête le vi-
ce-amiral AUemonde; et l'arrière-
garde était sous les oidres du cheva-
lier Ashby. L'armée alliée mit en
panne pour attendre les Français, qui
s'en approchèrent jusqu'à la portée
du pistolet. A dis heures du matin ,
un coup de canon, parti d'un vais-
seau hollandais, devint le signal d'uu
combat jusqu'alors sans exemple. A
l'instant le feu devint général des
deux côtés ; mais les efforts de l'ar-
mée alliée se dirigèrent principale-
ment sur le corps de bataille des
Français. Tourville, en homme su-
périeur , ne se laissa point intimider
par le nombre : il combina de telle
manière ses dispositions , que cha-
cun de ses vaisseaux eut à soutenir
le choc de deux , et quelquefois mê-
me celui de trois adversaires. Quant
à lui, il répondit si bien au feu de
l'Amiral l^ussel , et de ses deux ma-
telots, tous trois vaisseaux de cent ca-
nons, qu'il les lit plier deux fois. Les
deux autres divisions combattaient
aussi avec avantage; mais leur princi-
TOU 3()3
pale occupation fut de conserver le
vent, manœuvre essentielle, et qui sau-
va l'armée. Les chances furent moins
heureuses à l'arrière-garde. Elle était
éloignée du centre lorsque Tourville
fit le signal de former la ligne de ba-
taille; cependant ses deux premières
divisions se trouvèrent en ligne quand
le feu commença ; mais la troisième
ne put jamais parvenir à prendre son
poste, en sorte qu'il se trouva un
grand intervalle entre l'arrière-garde
et le corps de bataille. Vingt-cinq
vaisseaux anglais en profitèrent pour
mettre Tourville entre deux feux. Le
vent , de favorable qu'il avait été à
l'armée française , au commence-
ment du combat , lui était devenu
contraire. L'amiral, qui avaitmouillé^
pour résister au vent et au courant ,
soutenait toujours le combat avec la
même vigueur ; il avait vu couler un
vaisseau des alliés sous son feu , un
autre avait sauté en l'air ; et ni
leur nombre , ni le vent qui les fa-
vorisait ne leur avaient donné au-
cun avantage. Mais lorsque les An-
glais l'eurent enveloppé , ils s'a-
charnèrent avec une telle fureur sur
lui et sur le marquis de Villette ,
qu'enfin ils les désemparèrent en-
tièrement. Plusieurs vaisseaux ar-
rivèrent à leur secours , et s'ef-
forcèrent de diminuer le péril en
le partageant. Alors la chaleur du
combat fut à son comble , on faisait
des efforts de courage du côté des
Français , et plusieurs capitaines don-
nèrent , en cette circonstance , des
preuves d'une valeur héroïque. Le
feu continuait de part et d'autre
avec acharnement, lorsqu'une brume
épaisse vint suspendre l'action. Dès
q ue colle brume fut dissipée, le combat
recommença avec jilus de ftuciu- en-
core , à la clarté de la lune; les al-
liés s'attachèrent de nouveau à Tour-
394 TOU
ville et à YillettC;, elles mirent tous
deux dans un péril imminent. Dans
le nombre des vaisseaux anp;lais qui
avaient douhlé le corps de bataille,
trois se trouvaient au vent de Toui'-
ville , ayant derrière eux cincj brû-
lots, lis les dirigèrent successive-
ment sur son vaisseau et sur celui du
marquis de Villelte, au milieu d'une
canonnade épouvantable ; mais ils
eurent l'un et l'autre le bonheur de
s'en garantir. Enlin, les Anglais,
las de la résistance opiniâtre qu'ils
éprouvaient, prirent le parti de re-
joindre le gros de leur armée, et
osèrent passer à travers les interval-
les des vaisseaux français : mais
cette témérité leur coûta cher ; car
dès qu'ils présentèrent le côté, ils
furejit criblés de coups , et on leur
rendit avec usure le mal qu'ils avaient
fait. Cette dernière acton termina le
combat : il était alors dix heures du
soir. La perte en hommes fut à-peu-
près égale de part et d'autre , et les
vaisseaux des alliés furent aussi mal-
traités que ceux des Français ; car
outre les deux qu'ils perdirent dans le
combat , deux autres coulèrent en se
rendant en Angleterre. Il ne restait
plus à Tourville que de pouvoir faire
une heureuse retraite^pour égaler son
bonheur à la gloire qu'il venait d'ac-
quérir par son héroïque; défense ;
mais il se trouvait trop éloigné des
ports où il eût pu relâcher , et les
suites d'un combat si glorieux furent
on ne peut ])as plus désastreuses. A
une heure du matin ^ il fit signal
d'appareiller et mit à la voile ; mais
le brouillard ajoutant à l'obscurité
de la nuit , les signaux ne furent pas
distingués , cl huit vaisseaux seule-
ment suivirent sa niaiiduvre. A sept
heures, lrenle-cin(( avaient rallié;
des neuf autres , six s'étaient dirigés
sur la Uougiie , el trois sur le port
lOLT
de Brest. Vers huit heures , Tour-
ville se trouvait à une lieue au veut
de rarinée ennemie , et cette avance
lui aurait suffi pour se dérober à sa
poursuite , si le Soleil-Royal , qu'il
montait , et qui était totalement
désemparé , n'eût retardé la mar-
che. Il fut donc obligé de mouil-
ler par le travers de Cherbourg.
A onze heures du soir, il leva l'ancre
et se dirigea sur le raz Blanchard ( i ).
pour profiter des vents et des cou-
rants , et par ce moyen devancer
l'armée ennemie. Le lendemain^ à
cinq heures du matin , il s'en trou-
vait à environ quatre lieues : vingt-
deux vaisseaux passèrent heureuse-
ment le raz, et lui-même n'en était
plus qu'à une portée de canon , lors-
que, la marée qui descendait venant
à manquer, il fut contraint de mouil-
ler. Malheureusement , ses ancres
chassèrent, il dériva, et se trouva
bientôt sous le vent de l'armée en-
nemie. Alors , il prit le parti de faire
entrer à Cherbourg le Soleil-Royal ,
V Admirable et le Triomphant , qui
étaient les plus avariés, et avec les
dix qui lui restaient , il mit le cap
sur la Hougue. L'armée alliée s'était
])artagée en trois corps , le premier ,
de quarante vaisseaux, s'attacha à
la poursuite du comte de Tourville ;
le second, de dix-sept, se tint en
observation vis-à-vis Cherbourg; le
troisième donna la chasse aux vais-
seaux qui se dirigeaient sur Saint-
Malo: mais ceux-ci, ayant beaucoup
d'avance sur l'ennemi, parvinrent à
se mettre en sûreté. Ceux qui blo-
quaient Cherbourg tentèrent en vain
de s'emparer des trois vaisseaux qui
Ml l.c-lav IIIuii.ImkI .-1 un .miihI fnriiH- |..i. !.•
mil- <lu f.dliMiliM , (U'iniis 1.- «:i|> la lliMiKiii- jn.vqu'.i
ri.iiiifin illc, cl pur lis îl«» .l'Oiigny cl de Ouirue
■■•y : il 11 rnvinin oiiu| lieiirit de lung , mil- lUie et
di'niic <li' liii(;i'; les «(iiivaiil» y m'iil ron«rr]iirni-
Mii'Ml Iris v icili iiis . Il II Iniid v l'kl Iri's-miitivnif.
TOU
voulaient y outrer j mais Us les for-
«•èrent à s'écliouer et à s,'iucendier.
Les quarante vaisseaux qui formaient
le premier corps de bataille ennemi
ari'ivèrent à la hauteur de la Hougue
Sresqueen même temps que le comte
e Tourville, et ils l'y bloquèieut,
ainsi que deux autres vaisseaux qui
l'avaient rallie dans sa route. Com-
me il n'y avait point alors de forts
ni de batteries pour protéger ces
vaisseaux , et que la position dans
laquelle ils se trouvaient ne pou-
vait être long -temps tcnable , il
fut résolu qu'on y mettrait le feu ,
après les avoir dégrce's et desarmés.
Aussitôt ou les lit échouer, et l'on
commença à en retirer les canons et
les agrès ; mais on manquait d'embar-
cations propres à celle opération , et
elle ne put être que lente et diiilcile. On
y travaillait cependant avec ardeiu* ,
lorsque l'ennemi mit à la mer deux
cents clialoupes armées , qui for-
cèrent les travailleurs à se retirer,
et brûlèrent les douze vaisseaux
échoués. Tels furent les résultats
d'une action dont le commencement
avait été si heureux, et qui, malgré
son issue , n'en est pas moins glo-
rieuse pour la marine française. La
réputation du comte de Tourville,
loin de soulfrir d'un échec dont la
cause ne pouvait être attribuée qu'aux
éléments , acquit au contraire un nou-
veau lustre. L'amiral Russel lui écri-
vit pour le féliciter sur l'extrême bra-
voure qu'il avait montrée en l'atta-
quant avec des forces aussi inférieu-
res , et en soutenant si vaillamment
im combat aussi inégal. Le duc de
Vendôme, appréciateur éclairé de
la valeur , écrivit au comte de Tour-
ville que « bien des généraux , en
» remportant la victoire, n'avaient
» point acquis autant de l'éputation
» que lui en la perdant. » Le roi
TOU 395
lui rendit la même justice. Quand il
apprit la. perte de ses vaisseaux, il
demanda : Toiuville est-il sauvé?
car pour des vaisseaux , on en peut
trouver; mais on ne trouverait pas
aisément un officier comme lui. Il
se souvint toujours que Tourville
n'avait donné cette bataille que par
obéissance à ses ordres • car étant
nu jour à son balcon, à Versailles,
et le voyant passer, il dit au maré-
chal de Villeroi : F'oilà un homme
qui ni a obéi à la Hougue. Tour-
ville fut fait maréchal de France, le
27 mars 1698 • et à cette occasion
le roi lui dit : M. le comte , vous
vous êtes rendu digne du bâton de
maréchal de France , par votre
mérite et vos belles actions. » On
conçoit aisément que le nouveau ma-
réchal brûlât du désir de prendre sa
revanche du désastre de la Hongue j
il en trouva l'occasion la même an-
née : le roi lui confia le comman-
dement de soixante - onze vais-
seaux destinés à intercepter nn con-
voi de bâtiments anglais et hollan-
dais chargés pour Cadix, l'Italie et
Smyrne. Partie de Brest le 26 mai
1693 , l'armée arri^^a le 4 juin à
la lianteur du cap Saint-Vincent, et
alla mouiller dans la baie de La-
gos , pour attendre le passage du
convoi. Le 27 , au soir , les chasseurs
signalèrent la flotte ennemie , escor-
tée par vingt-sept vaisseaux de ligne.
Le maréchal fit aussitôt le signal
d'appareiller et de chasser • mais
l'avant-garde ne put s'emparer que
de deux bâtiments hollandais. La
nuit fut emplovée à manœuvrier pour
gagner le vent, et mettre le convoi
entre la terre et l'armée. En clTet,
le 28 au matin, la llotle ennemie se
trouva cernée entièrement. Alors le
feu commença , et on peu d'heures ,
vingt-sept bâtiments , tant de guerre
396
TOU
que de commerce, furent pris , et qua-
rante-cinq brûlés. On se mit ensuite
à la poursuite de ceux qui étaient par-
venus à s'échapper : cniq vaisseaux
anglais et neuf iDâtiraents marchands
furent encore brûlés ou coulés. Les
alliés perdirent plus de quatre-vingts
bâtiments dans cette expédition , et
l'on estima leur perte à plus de tren-
te-six millions. Tourville se présenta ,
le 19 juillet suivant, devant Malaga,
y brûla deux vaisseaux anglais , et
trois corsaires , quoiqu'ils fussent
protégés par les forts , et rentra
triomphant à Toulon. Depuis cette
époque, jusqu'à la paix de Ryswick,
en 1697 , il fit encore quelques expé-
ditions pour protéger les côtes de
Provence et les purger des nombreux
corsaires qui les infestaient; mais, sa
santé se trouvant affaiblie par suite
des fatigues qu'il avait éprouvées , il
se vit forcé d'abandonner entière-
ment le service de la mer et revint à
Paris, où il mourut, le 28 mai 1701.
Louis XIV témoigna beaucoup de
regrets de la mort du maréchal de
Tourville, et en effet la marine fai-
sait en lui une perte irréparable (i).
L'abbé Margon a publié, sous le
(i) Tourville ne s'esl pas moins illusLie p.ir une
valeur éclataiilc <{ue par l'étendue de sou ge'uie. Il
a pris une très-gi'ande part à l'organisatiou dos
classes, institution à laquelle la marine militaire
et celle du coinuierce ont dû une ])epinicre de uia-
rins exerces; où l'une a trouve ks inslrnments
de sa gloire el l'autre de ses richesses. Tourville
est le premier amiral qui ail eu l'idce de réunir
en corps de doctrine les manoeuvres de la lacti-
que liavale. C'est d'après ses ordres que le père
Lhoslc a compose sou Traite de tactiqu*' navale,
Cereligicux avait ete' pendant long-temps emharqu.î
en qualité d'aumônier sur les vaisseaux commaa-
clés par les niarécliaux d'Eslrccs et de Tourville , cl
il n'a fait que rédiger , sons les yeux de ce der-
nier, le» idées de i es deux grands homnu^s. Les
.iruif'cs navales françaises ne se sont servies pendant
plus de soixante ans que des signaux composés
)wr Tourville, el dont .et amiral avait fait nsa-
t;e dan» se» campagne» glorieuses. (Vesl à dater de
la guerrir de 17:11! que l'on a commence à ope-
>er de» changeuM'uts "1 son sysllnie de signaux.
Mais depuis, M. du Pavillon a pus,' les hases du
système actuel , l)ien pin» conipl.l <pie l'ani ien -1
MUiin» .sujet aux erreurs ( f . l'AVlI.LON ). H-1..
TOU
nom de Tourville, des Mémoires,
3 vol. in-i 2^ 174^ 6t 17*58, qui ne
sont qu'tni roman informe et sans
vraisemblance. — Loi'.is Hilarion ,
comte de Tourville , fils unique du
maréchal, et colonel d'infanterie, fut
tué au combat de Denain , en 1712,
à l'âge de vingt ans. H — Q — n.
TOUSSAIN (Jacques), en latin
Tussanus , savant helléniste , né , à
Troyes, vers la fin du quinzième siè-
cle, vint de bonne heure à Pans , et
fit de rapides progrès dans la langue
grecque, sous la direction de Guill.
Budé ( V. ce nom), qui voulut bien
se charger de lui donner des leçons.
Son application au travail était ex-
traordinaire. Parmi les Lettres de
Budé , on en trouve quelques - unes
adressées à Tonssain ; et dans tou-
tes , en le louant de ses progrès , il l'en-
gage à modérer son ardeur pour l'é-
tude. Il se rendit fort habile, non-
seulement dans les lettres grecques et
latines, mais dans la philosophie et
la jurisprudence. Maittaire conjectu-
re ( Ann. typogr. , 11 , 78 ) que Tous*-
saiu fut quelque temps correcteur
dans l'imprimerie de Badins et pré-
cepteur de ses enfants. Ses talents lui
procurèrent enfin une chaire de grec
au collège royal de France. Ce fut au
plus tard en i532, si sa nomination
est de la même époque que celle de
Vatable à la chaire d'hébreu. Ses
contemporains louent à l'envi la mé-
thode qu'il avait adoptée et ses suc-
cès dans l'enseignement. 11 s'appli-
quait à faire sentir la force de chaque
terme, la vraie signification de cha-
que mol , employant un latin choisi ,
vraiment ciccrunien , mais toujotus
clair el à la portée de ses auditeurs.
(^)u.iii(l il e\pli(|nait un auteiu' , c'était
à-la-fois en maître suj)érieur à sa ma-
tière et en grammairien habile (|ui
ne néglige ni le tour, ni l'arrange-
TOU
ment du clisconrs , ni la syntase, ni
même l'ëtymologie. Il siilllri de citer,
parmi ses élèves , Frc'd. Morel , Tur-
uèbc et Henri Estienne, jJOiir donner
une idée des services qu'il rendit à la
littérature grecque. Ce savant mo-
deste et laborieux mourut en i547,
le mcme jour que "Valable, comme si^
dit de ïliou ( livre m ) , il n'avait
pu se séparer un moment de celui
qu'il avait eu toute sa vie pour col-
lègue et pour èmide. Une pièce de
vers dont il n'était peut-être pas l'au-
teur reiioidit l'ali'ection que lui per-
lait Érasme, qui ne cessa pas d'ail-
leurs de rendre justice à ses talents.
Tout ce que la France possédait de
savants rechercha son amitié, et dé-
plora sa perte prématurée. Toussain
eut part à la traduction latine de la
Grammaire de Théod. Gaza. Outre
quelques pièces de Fers , on lui doit
la publication des Lettres de Bu-
dé, avec des Notes, Paris, Badius,
i526 , in -4*^. j Bàle, Cratandre,
1628, in -4°.; une édition des
Epigrammes de Jean Lascaris ,
iSsi-j, in -8"., ornée d'une belle
préface; des 3^otes sur la Sphère
de Prochis. Enfin il laissait un Dic-
tionnaire grec et latin , enrichi d'un
grand nombre de notes. Fréd. Morel
se chargea de sa publication; et il
parut en i552, in-fol. Outre V Eloge
de ïoussain par Turnèbe, son élève
et son successeur , on peut consulter
le Mémoire de l'abbé Goujet sur le
collège royal, i , 4oj-i(), éd. in-ia.
' — ToussAiN (Daniel), théologien
protestant , né , à Montbelliard , en
1 541 , fit ses études à Tubingue et à
Paris, et professa la langue hébraï-
que à Orléans. Forcé de sortir de
France par suite des guerres de reli-
gion, il entra au service de l'électeur
palatin , et mourut , à Heidelberg , en
1602. On a de lui beaucoup d'ou-
TOU 397
vrages de controverse , entre autres :
I. Instruction sur la véritable ma-
nière d'éprouver les esprits , Neù-
stadt, 1579, in-8". II. \fAncie71ne
doctrine de la personne et du nii-
nistère de Jésus - Christ , Neustadt,
i585, in-4". — Paul Toussain, fils
du précédent , qui fut conseiller ec-
clésiastique de l'électeur palatin et
député au synode de Dordrecht , a
publié _, en latin , une Notice sur la vie
et les travaux de son père, Heidel-
berg , i6o3 , in -4". On a encore de
lui plusieurs ouvrages de controverse
théologique , oubliés comme ceux de
Daniel, W — s.
TOUSSAINT DE SAINT - LUC
(le Père), carme réformé des Bil-
lettes de Brelagne , mort en 1694?
est auteur de : I. Fie de Jacques Co-
chois , dit Jasmin, ou le bon laquais^
Paris, 1675 , 76, 8(5, 1789 , in-12.
Elle a été critiquée dans V Auteur la-
quais, Avignon, 1750, in -72, et
traduite en italien, Rome, 1(387,
in - 12. II. Mémoires sur l'état
du clergé et de la noblesse de
Bretagne, Paiis, 1691, in - 8°. ,
trois parties en 2 vol. Pour être sûr
d'avoir les exemplaires complets de
cet ouvrage rare et recherché , il
faut vérifier si les blasons des famil-
les s'y trouvent, parce qu'ils ont été
gravés en taille-douce sur des feuilles
séparées : ils manquent à beaucoup
d'exemplaires. III. Histoire de Co-
nan de Meriadec , Paris , 1664 , in-
8°. IV. Mémoire de V institution^
progrès et privilèges de N.-D. du
Mont-Carmel et de Saint- Lazare ,
Paris, i666,in-i2. V. Mémoireset
extraits des titres sur le même ordre,
depuis I \oo jusqu'en \QnZ , Paris,
1681 , in -8°. VI. Mémoires et Re-
cueils des bulles , édits , etc., sur le
même ordre, Paris, 1693, iu-S».
T— D.
398 TOU
TOUSSAINT ( François - Vin-
cent), littérateur, né, vers i-yiS, à
Palis , suivit d'abord la carrière du
barreau, qu'il ne tarda pas d'aban-
donuer pour celle des lettres. Il avait
publié , dans sa piemière jeunesse ,
des Hymnes latines à la louange du
diacre Paris; mais le ridicule des cOn-
vuisicns l'avait promptement désa-
busé. Cependant il conserva toute sa
vie une teinte assez forte de jansénis-
me. Le hasard l'ayant rapproche de
quelques-uns des chefs tlu parti phi-
losophique, qui commençait à s'é/e-
vcr , il adopta leurs principes , et con-
tribua , avec Diderot et Eidous , à la
traduction du Dictionnaire de mé-
decine , par James ( T oj. ce nom ,
XXI . 591 ) ; et il se chargea de ré-
diger la partie de la jurisprudence
pour V Encjclop édie . Ces travaux
n'auraient pu le tirer de l'obscurité;
mais , en 1 748 , il publia le livre des
Mœars , dont le succès surpassa son
attente. Cet ouvrage , dit Laharpe, est
le premier où l'on se soit proposé un
plan de morale naturelle , indépen-
dant de toute croyance leligieuse et
de tout culte extérieur. La nouveau-
té des idées dut contribuer à la vogue
de ce livre; cependant on doit con-
venir qu'il est écrit d'une manière
agréable et quelquefois piquante. Les
magistrats fermèrent Icng- temps les
yeux sur le danger qu'il pouvait y
avoir délaisser circuler un pareil ou-
vrage ; mais l'auteur s'étant avisé de
publier, sous le titre à' Eclaircisse-
ments , la justification des points de
sa doctrine les plus répréhensibles ,
le livre et son ajiologie furent con-
damnés au feu (i). L'anonyme que
ile.i mœiirf ni- fui condaiiinr i|iii' l«i'!i ilr hi |>iilili
lion dm /CrlahritirniriilK , i-n ,-('>■>. 1,'aiii'l eli- c
damnation i^t dti fi niai 1^4^ • C*riniin riait iiiir
itiMniil d.' rrlli- «Ironnulani r. Voi.i rv f|ii'il <■(
vail , m 1- "i!< ■ Il l.'iiiiviaRr dr> Hliriiri , dil-il , se
TOU
l'auteur avait garde le mettait à l'a-
bri des poursuites ; mais il jugea pru-
dent de se retirer à Bruxeres , où il
fut charge de la rédaction d'une Ga-
zette française ,qm s'y publiait sous
l'influence du cabinet autrichien.
Toussaint ne pouvait en conséquence
se dispenser de prodiguer les injures
au roi de Prusse , alors en guerre
aA^ec l'Autriche. Il l'avait baptisé le
Brigand du Nord, épithète par la-
quelle il le désigna jusqu'à la paix
( Soui'eDij's de Berlin , v , iG6 ). Fré-
déric ne l'ignorait pas. Cependant il
n'en eut pas moins le désir d'atta-
cher à son école militaire Toussaint ,
dont le livre lui avait plu , et qui d'ail-
leurs lui était fortement recomman-
dé. Il lui lit offrir la chaire de logique
et de rhétorique. Toussaint, l'ayant
acceptée , se rendit à Berlin , en 1 764,
et y fut acCTieilli par le roi d'une ma-
nière flatteuse; mais les familiarités
qu'il se permit avec ce prince et ses
indiscrétions lui firent promptement
perdre sa faveur. Tous ses torts ve-
naient de sa vanité; car il était d'un
caractère doux , obligeant et ])leiu de
bonhomie. Il ne se montra rien
moins que supérieur dans l'exercice
de sa place. Huinihé par ses rivaux,
le refus du prince Hemi de l'admet-
tre dans la loge maçonnique dont il
était le chef acheva de le désespé-
rer. Il tomba dans une maladie de
langueur , à laquelle il succomba ,
après ime année de souflranres, en
^'J'j'i, à l'''»?;c de cinquante-sept ans.
La veille de sa mort, il invita Thié-
bault son collègue, à passer , le len-
demain , à dix heures du matin , chez
lui , pour y être témoin d'une céré-
monie religieuse qui y aurait lieu.
Avant de recevoir le viatique des
I.I.- devoir ^a Kiandr f, I.I.rltr an I.oi.lin.r d'avoir
«•tri bliili- (d laccré. C'i'sl un recueil de lien» coin-
niiiiis nii'on trouve partout. » Correypomt . , ij t^i.
TOU
inaias du cure, Toussaint , en prc-
seiicc de sa femme el de ses cillants
qui étaient à genoux , ainsi qucTliié-
bault, demanda pardon à Dieu du
scandale qu'il avait pu donner par
sa conduite et par ses écrits, décla-
rant que si, dans ses ouvrages ou
dans ses discours, il s'était montrépcu
chrétien , ce n'avait jamais été par
conviction, maispar vanité , ou pour
plaire à quelques personnes ( Yoy.
Souvenirs de Berlin, v, 77-81 ).
Toussaint n'avait pas les dehors fa-
voraLles. Palissot le représente com-
me un homme d'une extrême simpli-
cité , n'ayant nul agrément dans la
conversation, et paraissant toujours
îilougé dans une espèce de létliar-
<rie. Il a fourni les ai't'.cles de Jiiris-
prudence aux deux premiers volu-
mes de V Encyclopédie. Griram, en
1754 , lui céda la direction du Jour-
nal étranger j l'ayant abandonné dès
le premier volume (Voy. la Corres-
pondance de Grimm, i, i6g), en
175G , il continua le Journal -de
Gauthier d'Agoty ( F. ce nom, XVI,
Goi ), dont il publia trois volumes
in-4''. , contenant dix-huiî numéros ,
sous le titre à! Observations pério-
diques sur la physique , l'histoire
naturelle et les arts. Ce Journal est,
comme on sait , l'origine de celui de
l'abbé Rozier ( Voy. ce nom). Enfin
Toussaint fnt l'un des rédacteurs du
journal littéraire, publié par les
professeurs français à Berlin , de
1772 à 177G, in - 12 , 27 vol. Ses
autres ouvrages sont : I. Les Mœurs
(Paris ) , 1748? iu- 12. 11 existe des
exemplaires de cette édition , format
in-4". , qui sont assez recherchés ;
iioiiv. éd., revue et corrigée, Ber-
lin, 1767 , in- 12; ib. , 1771 ; trad.
en allemand, Rrcslau , lytia, in-8".
Laharpc, en rendant justice au mé-
rite réel de cet ouvrage, en a réfuté
TOU
^99
les sophismes et les paradoxes dans
sou Cours de littérature , philoso-
phie du dix-huitième siècle, ch. i^'.
liC Livre des Mœurs avait été réfuté
long-temps auparavant , avec succès,
par Prémontval , dans un écrit inti-
tulé : Panagiana ( /'. Prémontval,
XXXVI, 4^ ) . par allusion au nom
Ae Fanage qu'avait pris l'auteur, et
qui est la traduction grecque de Tous-
saint. II. Essai sur le rachat des
rentes, trad. de l'anglais,' Londres
(Paris), 1751, in- 12. III. Histoire
des passions , ou Aventures du che-
valier Shroop , trad. de l'anglais , la
Haye, lySi, 2 vol. in -8". IV. La
Fie du Petit Pompée , trad. de Fv.
Coventry, 1752, 2 vol. in - 12. V.
La Traduction du tome m de l'His-
toire du monde , sacrée et profane,
par Shuckford, 1732, in- 12. VI.
Histoire et aventures de sir Wil-
liam Pickle , traduit de l'anglais de
SmoUett, Amsterdam (Paris) , 1 753,
4 vol. in-12; Paris, an vu ( i8oo),
6 vol. pet. in- 12. VII. Recueil d'ac-
tes et de pièces concernant le com-
merce des divers pays de rEuro|)e,
trad. de l'anglais, 1734, iu-T2, Cet-
te traduction se trouve dans le troi-
sième volume du Recueil pulilié par
Manvillon , sous le titre de Discours
politiques de D. Hume , Amsterd. ,
17G1 , 5 vol. in- r2. VIII. Eclair-
cissements sur le livre des Mœurs ,
1762 , in- 12 , traduit en allemand,
Breslau , i ';63 , in-8". IX. Extraits
des OEuvres de Gellert , trad. de
l'allemand, Berlin , 1 768 , 2 vol. in-
12. Palissot a publié une iVofice sur
cet écrivain , dans le Nécrologe des
hommes célèbres de France , année
1773. On trouve son Éloge dans les
Mémoires de l'académie de Berlin ,
année 1775. W — s.
TOUSSAINT -LOUVERTURE,
l'un des hommes les plus extraordi-
I
4oô
TOU
naires d'un temps où tant d'hommes
extraordinaires ont paru, était noir,
d'origine africaine, et naquit à Sainl-
Domingue, en 1743, d'un père et
d'une mère esclaves , sur riiabitation
du comte de Noè, appelée Breda , et
située à une lieue de la ville du Gap
(i). Les premières années de Tous-
saint, connu d'abord sous le nom de
Toussaint-Breda , s'écoulèrent dans
les travaux les plus durs ; il garda
les bestiaux sur l'habitation qui l'a-
vait vu naître. Mais la précoce acti-
vité de son esprit l'airranchitbientôt
de l'état de profonde ignorance au-
quel il semblait condamné; par les
soins d'un noir nommé Pierre-Bap-
tiste , il reçut les premiers éléments
d'une instruction très-commune^ mais
dont il sut merveilleusement profiter.
Dès qu'il sut lire et signer son nom ,
il sortit de l'emploi de pâtre; M.
Bayon de Libertat, procureur de
l'habitation, en fit son cocher. La
conduite de Toussaint lui mérita la
confiance de son nouveau maître^ au
point qu'il l'institua surveillant des
autres noirs. Toussaint , dans son
nouvel emploi, montra de la probi-
té, de la modération et des senti-
ments religieux. Telle fut la position
oîi le trouva la révolution. 11 ne prit
aucune part aux premières insurrec-
tions, et l'on n'eut point à lui repro-
cher d'avoir trempé ses mains dans
le massacre des blancs, au mois
d'août 1791. Malgré les liaisonsqu'il
avait eues avec Biassou et Jean-Fran-
çois , alors chefs des noirs insurgés ,
(0 IVinl.i.il la I.Milc-puissaT.ep de Tocissainl , ..u
lui (il une gciiiiilDgic, ou [.eul-rlic cm doiina-l-il
l'idée lui-mi-mc. Il tn rCTullcrait t|u'il ilesceudait
de Gaou-C.iiiriou , roi noir de la Iriliu africaine des
Arrudos ; «jnc son pi'rc, sprund (ils de ce roi , au-
rait été fait |>ri»onuier ù la .iciilc d'une giu-rre , ven-
du ensuite «elon la eoutiiine liarharc de» Atiicain»,
et conduit \ .SHiiit-lliimiiiKue; <|ur là il devint es-
clave du CKiutc de Nu
u'il (
il tinq
.niants mâle» et Inii» fdleii , et que l'aine de» ciricj
enfant! iii5les émit Tnutiaint.
TOU
il lui échappa plusieurs fois des im-
précations contre les auteurs des de'-
sastres de la colonie. Toussaint ne
concourut à la révolte que lors-
qu'elle lui sembla prendre un carac-
tère politique. Qui le croirait? Ce fut
d'abord aux cris de vive le roi et
l'ancien régime! que se soulevèrent
les noirs; ils attaquèrent les blancs
qui avaient embrassé la révolution ,
et en mcme temps ils prirent pour
devise : Vaincre ou mourir pour
la liberté. Les deux partis se fai-
saient une guerre à mort. Tous-
saint s'était rendu au camp du chef
noir Biassou, qui l'admit dans son
intime confiance, et l'employa dans
plusieurs expéditions. 11 acquit par-
mi les noirs une grande popularité,
au moyen de quelques remèdes par-
ticuliers recueillis par son esprit ob-
servateur ; il se fit même donner dans
les bandes de Jean-François le titre
de Médecin des armées du roi,
qu'il échangea bientôt pour un grade
mihtaire. Jean-François, jaloux de
l'ascendant que Toussaint avait ob-
tenu , le fit arrêter et emprisonner
à Vallière, en 1793; mais il fut
délivré par Biassou. Cependant, ce
Biassou s'étant rendu odieux par sa
féi'ocité , Jean-François, qui aspirait
au commandement général des noirs,
s'en défit , favorisé , dit-on , par
Toussaint, avec qui il s'était récon-
cilié, et à qui l'on fît depuis le repro-
che d'avoir abandonné et même tra-
hi son ancien chef. Quoi qu'il en soit,
il suivit les drapeaux de Jean-Fran-
çois, et d'aide-de-camp il devint le
colonel espagnol Toussaint , après
que Jean-François eut passé avec
ses noirs dans les rangs espagnols ,
OUI- combattre le parti de la répu-
liqiie liançaise. Toussaint porta
donc les armes contre la république
et au nom do roi, pendant toute la
l
TOU
campagne de i7î)3. La Vendée
seule peut être comparée à cette
guerre cruelle que firent les noirs
aux républicains de Saint-Domin-
gue y pendant près de deux ans.
Les commissaires Polverel et Son-
tlionax, ayant proclamé la liberté
des noirs, essayèrent, avec cet appât,
de les ramener à eux, et firent offrir
à Jean-François et à Toussaint paix,
liberté et protection. Mais ces pre-
mières ouvei'tures n'eurent aucun suc-
cès. Toussaint, croyant devoir moti-
ver particulièrementsonrefus , c'ciivit
aux commissaires : «Nous ne pouvons
» nous conformer à la volonté de la
» nation, vu cpie depuis que le monde
» règne, nous n'avons exécuté que
» celle d'un roi. Nous avons perdu
)) celui de France; mais nous som-
» mes chéris de celui d'Espagne , qui
» nous témoigne des récompenses ,
» et ne cesse de nous secourir. Com-
» me cela , nous ne pouvons vous re-
" connaître, commissaires, quelors-
» que vous aurez trôné lui roi. »
Celle lettre avait été rédigée par le
curé de Laxabon , prêtre espagnol ,
alors confesseur de Toussaint. Deux
mois auparavant , ce chef des noirs
avait adressé une proclamation dans
le même sens. Lui et Jean-François
n'agissaient alors que par les ordres
de don Joacbim Garcia , président
de l'audience royale à Santo-Domiu-
go , qui venait d'établir Toussaint
avec ses troupes noires au poste de
la INIarmelade, sous le commande-
ment du marquis d'Hermona , géné-
ral espagnol. Ce fut là qu'on eut con-
naissance du décret de la Conven-
tion, du 4 février 1794^ q>i' confir-
mait et proclamait la liberté géné-
rale de tous les esclaves, en décla-
rantSainl-Domingiic partie intégran-
te de la France. Toussaint savait à
peine lirej mais il c-lait capable de
XLVT.
TOU 4oi
méditer : il jugea tout l'avantage
qu'il pourrait tirer d"un pareil dé-
cret , si . abandonnant le parti où le
hasard l'avait placé , il passait dans
le parti de la France, qui était deve-
nu celui de rail'rancliissement des
noirs. Il se voyait d'ailleurs avec
peine dans un rang subalterne, sans
espoir d'égalerjamais Jean-François,
à qui l'Espagne venait de conférer la
grandesse et le rang de lieutenant- gé-
néral. Animé par la j alousie et l'ambi-
tion, Toussaint, avec qui Laveaux
entretenait des rapports secrets, fait
offrir à ce général de lui livrer les
postes et les troupes qu'il commande
si l'on veut le maintenir dans son
grade de colonel ; on lui promet de
le reconnaître pour général de briga-
de. Alors il n'hésilCplus. Cependant
la confiance qu'il inspirait aux Ks-
pagnols était sans bornes; il les avait
tellement séduits par ses dehors reli-
gieux , que le marquis d'Hermona ,
son général , s'écriait en le voyant
communier: « Non, Dieu ne sau-
w lait visiter une ame plus pure. »
Peu de jours après, Toussaint en-
tend la messe, reçoit les sacrements
avec recueillement, et part de la Mar-
melade , avec un gros de noirs à ses
ordres ; il fait d'abord main-basse
sur les Espagnols qui se trouvent à
sa portée, marche sur le ventre de
tous les postes qui refusent de se
rallier à lui, et se rend, par Plai-
sance et le Gros-Morne , aux or-
dres de Laveaux. Cette défection
entraîne la reddition immédiate de
la Marmelade , de Plaisance , du
Gros-Morne ^ d'Hcnneri , du Don-
don , de l'Acul et du Limbe ; elle
jette la confusion et l'effroi parmi
les Espagnols, et change tout-à-coup
la face des affaires. Devenu général
de brigade français, Toussaint jtrit
facilement sur les siens l'ascendanl
26
l\Ol
TOU
c[ue donne un caractère ferme et dé-
cide. Pourtant lieu en lui n'était en-
traînant, ni la valeur ni le courage
moral ; il n'avait aucun avantage ex-
térieur; il e'tait vieux, il avait vécu
cinquante ans dans l'esclavage; il
n'e'tait rien moins qu'éloquent : sa
diction était embarrassée ; et néan-
moins cet liomme sut tout-à-coup s'é-
lever en maître,' parce qu'il jugea
que les noirs voulaient un chef, et
le voulaient de leur couleur. Faisant
allusion aux. succès de la défection
de Toussaint, reste maître de plu-
sieurs camps retrancliés^ le commis-
saire Polvercî avait dit : « Comment!
» mais cet liomme fait oin'erture
» partout! » Dès-lors la voix publi-
que lui confirma le surnom de Lcii-
i'crture ; lui-même s'empressa de
l'ajouter à son nom, comme pour
annoncera la colonie, et surtout aux
siens , qu'il allait ouvrir la porte
d'un meilleur avenir. 11 vint avec ses
troupes au port de Paix , et y fit ser-
meht à la république française , en
présence de Laveaux , qui , par le
rappel dePolvcrel et Sonthonax, te-
nait seul le gouvernement de Saint-
Domingue. Ce général, instruit par
les événements , se montrait peu dis-
posé à donner sa conliavice à Tous-
saint, qui, surveillé dans toute sa
conduite, et réduit à l'maclion, sem-
blait avoir atteint le terme de sa car-
rière politique. Mais un événement
inattendu vint le replacer tout-à-
coup sur la scène, et ouvrir à son
ambition une nouvelle carrière. Au
mois de mars 1795, une sédition fo-
meiitéc et protégée par trois chefs
mulâtres éclate dans laviliedu Cap,
contre le général Laveaux, qui est
ariôlc et constitué j)risoinrcr. A
celte nouvelle, Toussainl-Louverlii-
rc, soutenu ])ar les amis de la Fran-
ce, arme ses noirs, it marche sur la
TOU
ville du Cap, pour délivrer le géné-
ral français. Il est bientôt à la tête
de dix mille hommes, et l'appareil
menaçant d'un siège force les habi-
tants à lui ouvrir les portes de la ville.
Toussaint y entre en vainqueur ; son
premier soin est de délivrer le géné-
ral Laveaux et de le réintégrer
solennellement dans ses fonctions.
Dans l'ivresse de sa reconnaissance,
le gouverneur le proclame le vengeur
des autorités constituées , et le sau-
veur des blancs. « C'était , disait-il
» dans sa pi'oclaniation, ce noir, ce
» Spartacus prédit par iUynal,dcnt
» la destinée était de venger les cu-
» trages faits à toute sa race w
Il ajoutait que désormais il ne ferait
rien que de concert avec lui et par
ses conseils. En elïèt , il le crée à-la-
fois général de division et lieutenant
au gouvernement de Saint-Domingue;
en un mot, il le constitue, en quelque
sorte, l'arbitre de la colonie. Les
services que Toussaint rendit à la
France furent immenses ; ce fut jiar
lui que Laveaux parvint à plier les
noirs à l'ordre et au régime militaire.
La paix entre la France et l'Espagne
ayant mis lin aux eflbrts de Jean-
François , ce chef s'embarqua avec
ses principaux oiiJcicrs ])our aller
jouir, dans la Péninsule, des faveurs
de la cour de Madrid. Toussaint-
Louverture resta seul à Saint-Domin-
gue pour flatter l'orgueil et les espé-
rances de sa couleur. Le général
Laveaux sentit tout le prix de son
crédit , qui lui facilita l'occupation
entière du Nord de l'île , à l'excc])-
tion du mole Saint-Nicolas qui res-
tait aux Angl.iis. II les fit harceler
parTouss;iint,qui nritposteaux Ver-
rettes , à la Petite-Uivière et sur l'Es-
ther. (l'est là qu'il fiillit s'emparer
du major anglais sir Thomas l^is-
baïuie. Il lui avait fait dire (jiie :
TOU
« Dégoûte de servir la r^iiubliqiie cl
» dt'siVaiit passer sons les drapeaux
» de l'Angleterre , il élait prêt à lui
» livrer les Gonan es , les Verrettcs
» et les antres places sous ses or-
» dres , s'il voulait lui accorder r.ii
« renilcz-voiis au pouttle l'Estlicr. »
Sir Thomas se met aussiiot en mar-
che ; mais sur l'avis qu'il cède avec
trop de coriliance aux propositions
d'un homme vieilli dans la dissimu-
lation , il rétrograde et envoie à sa
place M. Gauthier, oliicier émigré,
commandant en second à Saint-Marc.
Cet officier, escorte par des hommes
de couleur revêtus de l'uniforme an-
glais , commence sa négociation par
des ollres pécuniaires. Toussainl-Lou-
verture paraît s'en indigner ^ et tra-
duit devant une commission militai-
re les victimes de sa perfidie , et les
fait passer par les armes , en vertu
d'un jugement qui portait littérale-
ment le grief d'avoir voulu corrom-
pre le vertueux général Toussaint-
Louverture. 11 s'approche ensuite de
Saint-Marc , à la tête de ses légions
noires , et partout il est obéi. Telle
était déjà son influence, qu'en chan-
geant , par sa seule volonté, les ha-
bitudes licencieuses des noirs, il sa-
vait faire comprendre à ce qui res-
tait de propriétaires qu'il y allait
de leur intérêt de s'attacher à lui ,
puisque lui seul pouvait rétablir le
joug des anciennes cultures. L'arri-
vée de nouveaux agonis envoyés par
le Directoire exécutif pour procla-
mer la constitution de l'an m, alîcr-
mit encore le crédit de Toussaint ,
en prêtant , en quelque sorte , de nou-
velles armes à son ambition. L'ancien
commissaire Sonthonax était à la tête
de la nouvelle commission ; il avait
ordre de faire éprouver à Toussaint-
Lon ver turc toute la bienveillance du
gouvernement français , et de recon-
ÎOU
4o3
naître, par de nouvelles faveurs , les
services que ce nègre avait rendus à
la république dans la personne du
général La\ eaux. Fidèle à ses ins-
tructions, Sonthonax l'encourage à
denouveanx services, et lui expose la
nécessité de chasser promptement les
Anglais. Investi de la confiance des
agents du gouvernement, Toussaint,
déployant un grand zèle et des ta-
lents militaires qu'on ne lui soupçon-
nait pas , débouche ai^ec ses troupes
noires des sources de l'Artlbonite ,
parvient à reconquérir le Mirbalais ,
et les grands bois qui étaient restés
sous la domination anglaise, et de-
vient dans l'ouest le plus ferme appui
des armes de la république. Déjà
son ambition n'avait plus de bornes,
surtout dcjniis que le commissaire
Sonthonax , espérant plus de sou-
mission dans uu chef noir , lui avait
fait entendie qu'il le destinait au
commandement en chef. Quand il s'é-
tait vu associé, comme lieutenant,
au gouverneur de Saint-Domingue,
Toussaint s'était écrié : Après bon
Dieu , c'est Lai>eaux ; mais dès que ,
par la confirmation de son grade
de général de division , il se vit
loucher de si près au rang de son
bienfaiteur, sa secrète pensée fut de
le remplacer , et tout annonce quC
ce fut par son influence que La-
veaux, nommé au corps législa-
tif, se vit dans la nécessité de quit-
ter la colonie. Alors Toussaint fut
proclamé général en chef des armées
de Saint-Domingue ( avrd 179(5 ).
Le bruit de ses exploits retentit
en Europe ; et l'on célébra les vic-
toires du général noir à la tribu-
ne du Conseil des Anciens ; on !e
peignit comme le sauveur de la colo-
nie, comme le partisan le plus zélé de
la France. Tout paraissait concourir
alors à maintenir l'harmonie entre
/fo4
TOU
les commissaires tin gouvernement et
le nouveau ge'nc'ral en chef". La colo-
nie coninu'iiçait à res]iiicr ; la ville
du Caj) et les habitations du nord se
relevaient avec rapidité. Toussaint
donnait les plus belles espérances ; et
ce fut à cettee'poque qu'on l'entendit
dire: « Jen'ai pasenviedepasserpour
» un nègre de la côte; et je saurai,
» aussi bien cpieles autres, tirer parti
» des ressources territoriales ; la li-
» bertë des noirs ne peut se consoli-
)> der que par la prospérité' de l'a-
» griciilture. » Le quartier de la
Grandc-Pvivière^ où il avait ses pro-
priétés , voulut prendre son nom , et
il y eut un canton et une municipa-
lité' de Toussaint-Louverture, Mais
il restait encore au commissaire du
Directoire une ombre de pouvoir;
Toussaint résolut de s'en débarras-
rer : il se rend au Cap dans le cou-
rant d'août 1 --96 , à la tèle d'un
gros corps de cavalerie , et va des-
cendre cLcz tjontlionax, qui le reçoit
avec beaucoup d'égards. Le premier
jour s'ccoule dans des témoignages
d'estime etdeconliance mutuelles. Le
lendemain , Toussaint fait battre la
générale , passe eu revue la garnison,
et se retire dans son gouvernement,
où il inviteà un repas les chefs C!" ils et
militaires de la ville. Là, s'assuranl
les suHragcs du plus grand nombre ,
il projiosc sans détour l'embarque-
ment du commissaire; et il fait ar-
rêter les u/ïicicrs qui s'y opposent.
Dans une entrevue avec Sontlionax,
il lui démontre qu'il ne ]ieut ])lus res-
ter dans la colonie sans y causer des
Irouijlcs. Tout eu le comblant de té-
moignages de respcctet dcdcféicncc,
il le contrauit de mettre à la voile,
avec ses jirincipaux adliérenls , ne
a'etenant ])ics de lui que le mulâtre
Raymoni!, l'un des commissaires, qui
Jui était dévoué, et au(|U(.l , ])nnr
TOU
conserver quelques apparences , il
confie l'admiiiistralion de la colonie.
Mais, craignant bientôt que ce coup
d'éclat ne lui devienne funeste au-
près du gouvernement de France , il
se hâte , pour rassurer le Directoire ,
d'envoyer aux écoles de Paris deux
de ses enfants , qu'il fait accom-
pagner par le chef de brigade Vin-
cent, cliargé spécialement de la com-
mission délicate de faire comprendre
au Directoire l'impossibilité où serait
restée la colonie de se relever sous
l'admmistration inquiète et turbu-
lente du commissaire Sontlionax.
Dans la lettre qu'il écrivit à cette oc-
casion , il ne manqua pas de faire con-
sidérer « combien sa confiance dans
» le Directoire deyait être grande ,
» pour lui livrer ainsi ses enfants , à
■>■> une époque où les plaintes qu'on al-
» lait jiorter contre lui pouvaient met-
» tre en doute la sincérité de ses sen-
» timents. Aujourd'hui, ajoutait-il , il
» n'y a plus de motif à des agitations
» intérieures. Je garantis, sous ma
n responsabilité personnelle, la sou-
» mission à l'ordre et le dévouement
» à la France de mes frères noirs.
» Vous pouvez compter prochaine-
» ment, citoyens directeurs, surd'heu-
» reux résultats ; et vous verrez bicn-
» tôt si j'engage en vain ma respon-
» ponsabilité et vos espérances. » La
conduite de Toussaint fut louée pu-
bliquement à Paris. On le regarda de
nouveau comme le sauveur de Saint-
Domingue; et le Directoire lui-même
lui fit présent d'un babil richement
brodé, et d'une supeibeannure. Pen-
dant ce temps, Toussaint amenait le
commissaire Ivr.ymouda liùabandon-
nerle pouvoircivil de la colonie, sous
juétexle (ju'il nepouvait plus tenir les
rênes d'une administration devenue
trop orageuse; et, se servant de la
même 1 use qu'à l'égard de Laveaux,
TOU
il eut soin de le faire nommer de-
pute au corps législatif. Cependant le
Directoire pourvut enfin «u rempla-
cement de ses commissaires; et son
choix tomba sur le général Hédou-
ville, connu par sa modération, et
qui fut chargé de la mission difficile
d'aller observer et contenir l'ambi-
tion de Toussaint - Louverture. Ins-
truit rapidement de cette nomination,
Toussaint sentit qu'il avait besoin
plus que jamais du lustre des armes,
soit pour se maintenir^ soit pour ef-
facer la prépondérance militaire du
général Rigaud , qui, soutenu par le
parti des mulâtres , commandait dans
le sud. A la tête d'une nombreuse ar-
mée de noirs , il se montre décidé à
chasser les Anglais de Saint -Marc,
du Port-au-Prince, de Jérémie et du
Mole , dont ils étaient encore en pos-
session. A peine est-il en mouvement
que le général anglais Mait'and lui
envoie des parlementaires , porteurs
de paroles flatteuses. Ne pouvant
plus se maintenir dans l'île , il offre
à Toussaint d'évacuer les places , à
des conditions qui convenaient eu
même temps à la politique anglaise et
à l'ambition du chef des noirs. Ainsi
la guerre entre Toussaint et les An-
glais ne fut plus qu'un échange de
propositions et de bons procédés.
Dans ces entrefaites , arrive le géné-
ral Hédouville. Il fait la première faute
de débarquer à Santo-Domingo , ca-
pitale de la partie espagnole, mesure
qui décèle sa défiance. Toutefois il est
reçu au Cap avec des démonstrations
de respect par les adhérents de Tous-
saint, qui , resté à la tète de son ar-
mée, continue de négocier avec le gé-
néral anglais Maitland. Informé de
lout ce (|ui se passe à l'état -major
d'Héduuvillc, il apprend que des of-
ficiers de ce même état -major s'ex-
priment très - défavorablement à son
TOU
4o5
égard, et qu'ils ne demandent que
quatre braves pour aller , disent-ils ,
arrêter, dans son camp, le magot
coiffé de linge (2). Toussaint, qui
n'avait témoignéaucun empressement
de venir au Cap , voulant alors mon-
trer qu'il est sans crainte, s'y rend
presque seul , et fait entendre à Hé-
douville , dans une entrevue , que
s'il ne paraît pas plus soumis c'est
qu'il se sent déjà fort. Il retourne au
camp de l'Ouest , et y reprend ses né-
gociations pour l'évacuation des pla-
ces occupées parles Anglais. En vain
le général Hédouville se réserve de
donner sa sanction au traité, en qua-
lité d'agent direct de la république.
Les colons et les émigrés , sûrs de la
protection de Toussaint , déchirent
les proclamations des commissaires,
font rompre les préliminaires, et dé-
clarent qu'ils ne veulent recoiuiaître
que Toussaint. En effet, la capitula-
tion en vertu de laquelle le Port-au-
Prince, Saint -Marc, Jérémie et le
Môle sont remis à celui-ci par le gé-
néral Maitland, est consentie et con-
clue sans la pai-ticipation d'Hédou-
ville. Le général noir se rend aussitôt
au IMôle-Saint-Nicolas , pour y faire
son entrée avec pompe. Au Port-au-
Prince, il avait refusé les houneilrs
suprêmes qu'amis et ennemis s'é-
taient empressés de lui offrir. Au Mô-
le , il se montre dans tout l'éclat de
sa puissance. A son arrivée , les
troupes anglaises bordant la haie ,
le curé vient processionuellement le
recevoir sous le dais , et portant à
sa rencontre le Saint - Sacrement.
L^ne tente magnifique fut dressée
sur la place d'armes , où le général
Maitland lui donna un repas somp-
tueux, à la suite duquel il lui fit pré-
>i Intiss,\int pnrlaïf Umioiirs uu inailras autcnir
«n (■■le.
4oG
TOU
scait , au nom du roi d'Angleterre^ de
l'argenterie qui ornait la table. Tous-
saint, passant ensuite eu revue les
troupes anglaises , les vit défiler de-
vant lui, et reçut, après la revue, en
présent et au nom du roi d'Angleter-
re , deux coulcvriues en bronze. En-
chante' des Anglais , il ne cessait de
répéter que la république ne lui avait
Jamais rendu autant d'honneurs que
p roi d'Angleterre. Le général Para-
phile de La Croix assure qu'il a vu,
dans les archives du gouvernement
au Port-au-Prince , les propositions
secrètes qui expliquent ces démons-
trations de la part des Anglais. El-
les tendaient à faire déclarer Tous-
saint-Louverture roi d'Haïti, avec
])jomesse de le faire reconnaître
])ar l'Angleterre, s'il consentait à
signer, en faveur de cette puissan-
ce, un traité de commerce exclusif,
protégé, dans les ports etsur les côtes,
}!ar une escadie de frégates britanni-
<pies. Le bon sens du général noir lui
lit juger qu'il n'était pas temps en-
core ; et il éluda une réponse. Mais
dès-lors , et surtout depuis l'occupa-
pation des places de l'ouest, il pro-
clama, de son chef, des amnisties
générales, rétablit les anciens pro-
J)iiétaii'es sur leurs plantations, for-
çant les cultivateurs épars et les nè-
gres eux-mêmes de se livrer à la cul-
ture. Ce fut un spectaclebien imprévu
pour les créoles de voir cet homme
les remettre, par sa pleine puissance,
en possession de leurs propriétés et de
leurs esclaves. A sa voix , on vit tous
ces Africains, le corps nu , avec une
giberne , un sabre et im fusil , repren-
dre le hoyau, remuer la terre, et
donner l'exemple de la ])lus sévère
discipline, (^e fut le plus beau triom-
j)he de Touss.iml - jjouverlure. Le
général Ih'douvilio icsla sans crc'dit.
Lfl'i que Toussaint eut la certitude
TOU
de prévaloir sur lui dans ro])inion ,
il épia le moment de renvoyer en
Europe l'agent du Directoire j et celte
occasion ne tarda point à se présen-
ter. Le généra! Hedouville fit une pro-
clamation et un règlement sur la cul-
ture, qui semblait décider les ques-
tions les plus graves sur l'état civil
et politique des noirs et des blancs.
Toussaint en fit une en sens contraire^
portant une amnistie générale , et
déclarant qu'il n'y avait point d'émi-
grés parmi les habitants, de l'île;
que tous les propriétaires étaient in-
vités à y rentrer; qu'ils y jouiraient
de toute protection; qu'à la vérité
les noirs étaient libres , mais qu'ils
devaient continuer, pendant cinq ans,
leurs travaux chez leurs anciens maî-
tres, à condition de jouir du quart
du produit. Eu même temjjs , ses
émissaires, qui déjà signalaient par-
tout Hedouville comme un ennemi
secret des noirs , nourrissant le pro-
jet de les replacer dans l'esclavage ,
exaspéraient contre lui les hommes
des deux couleurs ; et un soulèvement,
fomenté par les noirs , se manifesta
près du Cap. Tout-à-coup Toussaint-
Louverture paraît au milieu des in-
surgés , et les pousse sur la ville. Ar-
rivé de nuit au fort Belair , il y fait
tirer le canon d'alarme. On s'elFraie
an Cap ; et l'agent français n'ayant
point assez de troupes pour résister
prend le parti de s'embarquer , suivi
de douze à quinze cents personnes de
toutes couleurs, attachées à son par-
ti, et emmenant les trois frégates et
les navires qui sont en rade. Les
noirs, si exaltés la veille, rentrent
aussitôt dans l'ordre; un Te Dcum
est chanté , et c'est à qui bénira
Toiissaiiit-TiOUverJure, regardé com-
me le lihérateur de la colonie. Dans
ses Ict'res au Direcloiic, il s'cU'orça
de jtislilicr sa conduite, et de faire
TOU
lomLcr le L'àme des derniers trou-
bles sur Hédouvillc. Cet évenemeut
eut pour résultat la lutte sanglante
des noirs et des liommes de couleur.
Ceux-ci, alarmes de voir passer tout
le commandement dans les raugsdes
africains pnrs, se f^ruupèrent autour
du gênerai Rigaud , chef" mulâtre ,
jaloux et rival de Toussaint. De part
et d'autre, les prc'paratifs furent
aussi prompts que la haine était vi-
ve. On s'accusait réciproquement
de trahison, d'être vendu aux An-
glais , et de vouloir re'tahlu- l'esclava-
ge. Des deux côte's on se recrutait au
nom de la France , dont les deux
partis portaient également les cou-
leurs. Les blancs, selon l'assiette de
leurs propriétés , servaient les noirs
ou les mulâtres. Rigaud débuta, dans
cette cruelle guerre, par la surprise
de I^éogane , où des personnes de tout
rang et de toute couleur furent im-
pitoyablement massacrées. A cette
nouvelle, Toussaint concentre sur le
Port-au-Prince ce qu'il a de troupes
dans l'ouest , et ordonne à tous les
hommes de couleur de se réunir à
l'église. Là , il monte en chaire, leur
annonce son départ , leur prédit ses
succès , la chute de Rigaud et la i-ui-
ne de leur couleur. « Je vois, ajoute-
» t-il, au fond de vos âmes; vous
» étiez prêts à vous soulever contre
» moi ; mais bien que toutes les trou-
» pes aillent incessamment quitter la
» partie de l'ouest, j'y laisse mon
» œil et mon bras : mon œil, qui sau-
0 ra vous surveiller; mon bras , qui
» saura vous atteindre. « Cependant
ceux du sud qu'oxaltc la présence de
Pkigaud, obtiennent des succès. A
Jérémie, au Grand et au Petit Goavc,
Jcs partisans de Toussaint ])ayaienl
de leur vie leur dévouement au géné-
ral noir. Déjà les hommes de cou-
leur du uord marchaient tête levée
TOU 407
dans leur entreprise, croyant Tous-
saint renfermé dans le Purl-au-Prin-
ce , quand tout à-coup ce chef infati-
gable abat les têtes de ceux qui l'ont
trahi, se porte avec la rapidité de
l'éclair vers le nord , force de nuit le
passage gardé du pont de l'Esther ,
tond sur les hommes de couleur, qu'il
surprend , délivre les blancs prison-
niers dans les quartiers des Gonaïves
et du Gros-!\îorue , et -^AÙent soumet-
tre leiMôle Saint-Nicolas, après avoir
échappé à mille dangers. Le sort des
hommes de couleur du nord devient
afTreux; il s'attendaient à être tous
immolés , quand Toussaint arrive
inopinément au Cap, convoque à
l'église toutes les autorités , fait j-ren-
dre les armes à la garnison noire , et
au jour marqué, déclare en chaire
que : « Les hommes de couleur ont été
» assez punis ; qu'ils doivent être par-
» donnés par tout le monde , comme
» ils le sont par lui-même ; qu'ils peu-
» vent rentrer dans leurs domiciles ,
») qu'ils seront protégés et traités cora-
» me des frères. » L'enthousiasme
s'accrut par l'étonnement et l'admi-
ration. Toussaint jouit du triomphe
qu'il s'était ménagé , et les bénédic-
tions l'accompagnèrent au sortir de
l'église. Mais celte scène politique
dont il attendait un grand résidtat
n'eut aucune influence sur les mulâ-
tres qui avaient lès armes à la main,
les haines de couleur étant plus vi-
ves dans l'autre hémisphère que les
haines d'opinion. Les circonstances
de cette lutte féroce font frissonner.
Toussaint, après avoir perdu plu-
sieurs milliers de ses soldats noirs ,
fut enfin triom.phant. Son adversaire
Rigaud se vit successivement enlever
toutes ses places et repousser jus-
qu'aux Caves. Mais là le génie de
Toussaint fut mis en défaut. On tou-
chait à la fin de l'aïuiée 1 709, époque
4o8
TOU
où le gouvernement de France venait
de tomber dans les mains du général
Buonaparte. Ce nouveau maître de
la France se hâta d'envoyer à Tous-
saint une dcputation composée du
commissaire Raymond, du gëne'ral
Micliel et du clief de brigade Vincent,
agent de Toussaint à Paris. A leur
débarquement, les deux commissaires
Vincent et Michel furent arrêtés , tant
l'irritation des noirs était extrême à
cette époque. Toussaint ayant or-
donné leur élargissement , la députa-
tion vint le joindre au Cap^ où elle
lui fit connaître que le nouveau gou-
vernementleraaintenait dans l'emploi
de général en chef. Cette confirmation
flatta peu le chef noir, qui^, s'aban-
donnant à sa déliance naturelle, se
jîlaignit de ce que le premier consul
ne lui avait pas écrit lui-même. II
éluda de faire imprimer sa procla-
mation, et de mettre , comme elle le
prescrivait, sur les drapeaux delà
force armée : « Braves noirs , souve-
» nez-vous que le peuple français seul
» reconnaît votre liberté et l'égalité
» de vos droits! » Cette proclama-
tion était loin d'ailleurs de tranquil-
liser les noirs, puisqu'elle remettait
aux actes d'une nouvelle législature
la rédaction des lois destinées à ré-
gir les colonies. Toussaint partit
pour le sud, afin d'aller faire con-
naître lui-même à son armée sa con-
firmation au grade de général en
chef; et dans la vue aussi d'amener
le général Pvigaud à se soumettre, il
lui dépêcha le chef de brigade Vin-
cent, qui fut près de perdre la vie
dans celte mission délicate. Higaud,
voyant que son parti l'abandonnait,
dans l'espoir de la paix , s'embarqua
et vint se réfugier en France, avec
plusieurs de ses chefs. Ainsi finit la
le'sistaure nieurtrière du sud. Daiis le
nord et dans l'ouest , la culture rc-
TOU
conwnença , et Toussaint en fit un
des premiers objets de ses soins. Ins-
truit que le gérant de l'habitation
Breda , où il avait été jadis esclave,
végétait aux États-Unis, il lui fit
écrire de revenir à Saint-Domingue ,
se mettre à la tête des intérêts de
leurs anciens bons maîtres. Le gé-
rant s'empresse d'accourir ; il débar-
que au Port-au-Prince, et il est invité
le soir même au cercle du géné-
ral en chef. A peine l'aperçoit- il
qu'il veut se jeter dans ses bras j mais
Toussaint, faisant deux pas en ar-
rière , lui dit d'une voix solennelle:
« Doucement, Monsieur le gérant,
» il y a aujourd'hui plus de distance
» de moi à vous qu'il n'y en avait
» autrefois de vous à moi. Rentrez
» sur l'habitation Breda ; soyez jus-
» te et inflexible- faites bien travail-
)) 1er les noirs, afin d'ajouter p*r la
» prospérité de vos petits intérêts à
» la prospérité générale de l'admi-
» nistratiou du premier des noirs ,
» du général en chef de Saint-Do-
» mingue. » Comme tous les hom-
mes extraordinaires, il atîectait d'en-
velopper son élévation de circons-
tances mystérieuses. Un capucin lui
avait appris à lire dans sa jeunesse;
il n'en convenait pas , et prétendait
qu'il avait cinquante - quatre ans
lorsqu'en peu de mois il apprit à li-
re et à écrire. « La révolution de
» Saint-Domingue, ajoutait-il , allait
» son train ; je vis que les blancs ne
» pourraient pas durer, parce qu'ils
1) étaient divisés et écrasés par le
» nombre ; je m'applaudis d'être
» noir. Il fallait commencer ma car-
» ricre; je passai dans la ))arlie es-
» pagnole , où l'on avait donné asile
)) et protection aux premières trou-
» pes de ma couleur ; mais celte pro-
» teclion n'aboulissant à rien, une
» voix secrète ine dit, au moment
TOU
w où la puissante république françai-
» se proclamait la liberté' générale
» des noirs : puisque les noirs sont
» libres , ils ont besoin d'un chef , et
» c'est moi qui dois être ce chef
» prédit par l'abbé Raynal. Je re-
» vins avec ce sentiment et avec
» transport au service de France ; la
» Fraucc et la voix de Dieu ne m'ont
» pas trompé. » Toussaint alTectait
tous les dehors du pouvoir absolu ;
il s'enviromiait d'une garde nom-
breuse et brillante; enfin il étalait la
magnificence d'un prince , mais il
gardait une grande frugalité, une
simplicité remarquable dans ses ma-
nières et dans ses mœurs. Ce fut alors
qu'il voulut se faire donner la partie
espagnole de Saint-Domingue, acqui-
se par letraitéde Baie. Le gouverneur
espagnol ayant demandé des délais ,
Toussaint lit avancer dis. mille noirs
pour s'emparer de Santo-Doniingo.
Surpris et déconcertés , les Espa-
gnols , après une faible résistance , ou-
vrirent les portes de la ville. Confor-
mément aux usages espagnols , on
invita le général noir , au nom de la
Très-Sainte-Trinité ^ à prêter le ser-
ment de gouverner avec sagesse la
place et la portion de l'île dont il
allait prendre possession; il s'y re-
fusa. « Je ne puis faire , dit-il , ce
» que vous me demandez; mais je
» jure, devant Dieu qui m'entend,
» que je mets le passé dans l'oubli ,
» et que mes veilles et mes soins
» n'auront d'autre but que de rendre
» heureux et content le peuple espa-
» gnol devenu français. » A ces mots
le gouverneur lui rendit les clefs de
la ville, où Toussaint fit son entrée
publique à la findejanvier 1801. II
se rendit d'.iboid à la cathédrale où
un Te Deum fut chanté en action
de grâces. N'ay.inlpliis que dos hom-
mages à recevoir ^ il prit plaisir à
TOU 409
jouir de ses triomphes, parcourant
les villes de la partie espagnole ,
au bruit du canon et au son des
cloches, s'étudiant a flatter les es-
pérances et le crédit du clergé , qui
partout s'empressait de le recevoir
processionnellement sous le dais. En-
fin peu de jours après la prise de
possession, il fut tout aussi maître
des Espagnols qu'il l'était des noirs ;
et cet événement ajouta beaucoup
à l'enthousiasme pour sa personne.
On ne voyait de salut pour la colo-
nie que dans la permanence de son
système. Toussaint lui-même disait
qu'il était le Buonaparte de Saint-
Domingue , et que la colonie ne
pouvait plus exister sans lui. Ayant
réuni une assemblée centrale , com-
posée de ses plus chauds partisans ,
il se fit pi'ésenter un projet de cons-
titution coloniale qui , en lui remet-
tant tous les pouvoirs , le nomma
gouverneur et président à vie , avec
le droit d'élire son successeur , et de
nommer à tous les emplois. En vain
quelques-uns de ses conseillers lui
représentèrent que ce projet de cons-
titution était un manifeste contre
la France ; il le lit publier avec
beaucoup d'appareil ; et singeant
tout ce qui se passait en France ,
dans le même temps, il fit , dans
l'ordre civil et militaire , de nom-
breuses promotions. Du reste , tout
prospérait sous son administra-
tion ; le commerce de toutes les na-
tions fréquentait Saint - Domingue ,
sous pavillon américain. Des règle-
ments fiscaux, fort bien entendus,
en tiraient des ressources considéra-
bles. Le siège du gouvernement était
tantôt au Cap , tantôt au Port-au-
Prince, suivant la présence de Tous-
saint, dont les palais, dans ces deux
villes , furent somptueusement meu-
blés et desservis. Tout-à-coup, tandis
'4 10
TOU
qu'il ëlait an Port - au - Prince , les
noirs du nord , qui prëféraicnl la li-
cence au travail, voulurent reprendre
leurs habitudes. Plusieurs ateliers
dans la plaine du Lijnbë se soulevè-
rent , et cette reVolle inattendue ,
venant jusqu'aux portes du Gap ,
coûta la vie à trois cents blancs égor-
ges dans les liabitations. Toussaint
accourt et fait tout rentrer dans l'or-
dre. Son pi'opre neveu , le général
Moyse , lui ayant ële' signalé comme
l'instigateur de ce mouvement , il le
livre à une commission, militaire et
le fait fusiller. Toussaint fait aussi
punir de mort treize des principaux
chefs de la révolte. Réunissant , sur
les places d'armes du Cnp, du fort
Dauphin et du Limbe, la population
et les troupes noires qui y tenaient
garnison , sur la raine , sur des ré-
ponses équivoques, il ordonnait in-
dividuellement à des noirs d'aller se
faire fusiller. Les victimes qu'il dési-
gnait , joignant les mains , baissant
la tête , sans murmurer, s'inclinaient
humblement, et allaient recevoir la
mort. Par le sacrifice d'un de ses
proches , ce noir, devenu l'arbitre
de Saint-Domingue, voulut aussi
rassurer les blancs et prouver k la
France son inflexibilité. Mais Buo-
uaparle ne répondait point à ses let-
tres, et c'était en vain qu'il les avait
intitulées : Le premier des noirs au
premier des hluncs. Par sa première,
du 1 '1 février 1 8o i , il annonçait l'en-
tière pacification de la colonie , cl de-
mandait que l'on approuvât les pro-
motions qu'il avait iailesj dans la se-
conde, il rendait compte de sa con-
duite envers l'agent du gouvernement
Rdurae, qu'il avait obligé de cesser
ses fondions; enfin par la troisième,
il avait anncuieé tpie l'assemblée
tenlrale s'était donné une consti-
tniioo , et que, pour satisfaire au.\.
TOU
rœux des habitants , il allait la faire
exécuter provisoirement jusqu'à ce
qu'elle eût été approuvée par la mé-
tropole. Le nouveau consul garda
sur tout cela un dédaigneux silence j
et lorsque Toussaint eut connaissance
de la signature des préliminaires de
paix entre la France et l'Angleterre ;
quand il apprit que l'esclavage serait
maintenu à la Martinique et à Cayen-
ne, et que le gouvernement français
se disposait à tout soumettre à sa vo-
lonté à Sanit-Domingue , il ne dissi-
mula plus ses inquiétudes sur des
nouvelles qui causèrent la plus vive
agitation dans la colonie. Affectant
de tranquilliser les esprits , il publia,
le i8 décembre i8oi , une procla-
mation, où, n'exprimant d'abord que
des sentiments de soumission et
d'obéissance , il fit un appel aux sol-
dats; ainsi l'on ne douta plus qu'il
ne fût décidé à se défendre. De
son coté , Buouaparte était résolu
de châtier cette espèce d'antagoniste,
cet homme qui avait l'audace de se
comparer à lui. Une escadre formi-
dable , composée de cinquante-quatre
bâtiments de guerre, mit à la voile,
vers la fin de décembre , sous les or-
dres du général Leclerc , beau - frère
du premier consul. Les dillerentes
divisions navales étant venues se ral-
lier au cap Samana , en vue de l'île,
Toussaint vint reconnaître lui-même
l'escadre. N'en ayant jamais vud'aus-
si imposante, il éprouva un premier
moment de découragement. « Il faut
» périr , dit-il à ses olficiers ; la Fraa-
» ce entière vient à Sauit-Domingue :
» on l'a trompée; elle y vient pour
» se venger et asservir les noirs. »
Cette première impression jeta de
l'irrésolution dans ses démarches : d
temporisa ; ses troupes ne furent jias
réunies, cl ses généraux ne reçurent
pas assez projuplemeut i'jnslruclioJU
TOU
àc lever l'c'lcndard de la gtieire. Il
avait pourtant plus de vingt mille
hommes de troupes régulières, tau-
disque cette immense expédition n'a-
A-ait à hord que dix mille cinq cents
combattants; mais c'était l'élite de
ces vieilles légions qui avaient fran-
chi victorieusement le Rhin , le Nil ,
les Alpes ; et d'autres troupes allaient
les suivre. C'était beaucoup que d'o-
ser les combattre. Franchissant la
partie espagnole , pour aller se met-
tre à la tète des événements y Tous-
saint-Louverlure arriva secrètement
au Cap dans le moment où le par-
lementaire du capitaine -général Le-
clerc y abordait, avec les proclama-
tioQs du premier consul. 11 se tint à
l'écart, dans une pièce voisine, tan-
disque son général Cliristophe admit
l'aide-de-carap Lebrun en sa présen-
ce. « Non Monsieur, lui dit Chris-
» tophe , je ne puis entendre à aucune
V proposition sans les ordres du gou-
» verneur-général Toussaint-Louvcr-
» ture. » Il ajouta qu'd ne reconnais-
sait que lui pour chef suprême; et
que si l'on persistait à vouloir entrer
au Cap , la terre brûlerait avant que
l'escadre mouillât clans la rade.
Eu elfet , l'incendie du Cap signala
le débarquement du capitaine-géné-
ral liCclerc , qui fut reçu à coups de
cauon. A mesure que les troupes s'a-
vançaient, Toussaint et Christophe
se repliaient dans les mornes. Tous-
saint vit l'incendie du Cap des hau-
teurs du Grand-Boucan. Il partit de
Mornay pour les Gonaïves , passant
par Ennery , où étaient sa femme et
une partie de sa famille. Cependant ia
colonie était attaquée et euA'ahie sur
d'autres points de la cote. La défec-
tion totale do la division noire de
l'est, aux ordres du général Cler-
vcaux, et la défaite de Celle de l'ouest,
aux ordres deDessaliues , réduisaient
TOU
4.f
à trois demi^brigadcs les moyens dé-
fensifs de Toussaint -Louvcrture; et
pourtant, avec ce faible noyau, aidé
de sa garde et des cultivateurs du
nord , il osa s'avouer le chef de l'in-
surrection dont jusque - là il n'a^
vait été que le moteur secret. Ses
deux fds avaient été embarqués sur
l'escadre avec leur précepteur. Ce
fut par eux que le capitaine- général
envoya la letti-e que le premier con-
sul avait écrite à leur père; mais
on ne put les faire partir pour l'in-
térieur de l'île que le -j février i8oti ,
trois jours après l'explosion de la
révolte. Ils ne joignirent leur père,
à l'habitation d'Ennery , que dans la
nuit du 8 au 9 février. Toussaint les
embrassa avec tendresse. M. Coas-
non , leur précepteur , lui ayant pré-
senté , dans une boîte d'or , la lettre
du premier consul , il la lut, la re-
lut plusieurs fois , et parut en être
satisfait. Cette lettre et la proclama-
tion aux habitants de Saint-Domin-
gue étaient des chefs d'œuvre de ré-
daction politique , en ce qu'elles al-
liaient habilement les promesses et les
menaces. Buoua])arte assurait Tous-
saint de son estime, louait sa con-
duite antérieure et les services qu'il
avait rendus. « Si le pavillon fran-
» çais, disait- il , flotte sur Saint-Do-
» mingue, c'est à vous et à vos bra-
» ves noirs qu'on le doit. Appelé
» par vos talents et la force des cir-
» constances au premier commande-
» ment, a^ous avez détruit la guerre
y> civile , remis en honneur la religioiî
» et le culte de Dieu, de qui tout
» émane. La constitution que vous
» avez faite renferme beaucoup de
» bonnes choses , et en contient qui
» sont contraires à la dignité et à la
» souveraineté du peuple iVanrais. »
Il le rassurait ensuite sur la liberté
des noirs, et finissiiit par le rendre
4l2
TOU
responsable de la re'sistance qu'il op-
poserait à ses armes. Ces insinua-
tions n'eurent pas l'effet désire. Tous-
saint repondit à l'exhortation de se
rendre près du capitaine - gene'ral ,
pour être son premier lieutenant :
« Ce n'est plus praticable , la guerre
» est commencée : la rage de com-
» battre possède tout le monde. Mes
» chefs militaires sont au moment de
1) tout brûler et de tout saccager. Si
» cependant le général Leclerc veut
» suspendre ses attaques, j'en ferai
» autant de mon côté. » 11 quitta ses
enfants , en promettant de faire bien-
tôt parvenir sa réponse au général
Leclerc. D'autres soins l'occupaient.
Ce fut dans ce temps-là qu'il fit en-
sevelir ses trésors dans les mornes
du Chaos. On croit que les valeurs
dont il fit disparaître les traces s'é-
levaient à trente-deux millions defr.,
et qu'il fit fusiller ceux qu'il avait
charges de cette opération, afin de
rester maître de son secret. Peu de
jours après , il envoya un de ses
agents à Ennery , avec ordre de ra-
mener ses enfants au capitaine-gé-
néral. Dans sa réponse au chef de
l'expédition française , il lui repro-
cha « d'être venu le remplacer à
)) coups de canon ; de ne lui avoir f;iit
)) remettre la lettre du premier con-
» sul que trois mois après sa datej
» d'avoir , par des actes hostiles ,
» mis en doute les services et les
i> droits de sa couleur. Il déclarait
» que ces droits lui im])Osaient des
«devoirs au-dessus de la nature j
» qu'il était prêt à faire à sa couleur
» le sacrifice de ses enfants , qu'il les
» renvoyait, pour qu'on ne le crût
» pas lié par leur ])i'é,soii(c. 11 linis-
» sait p.ir dire que, ])liis défiaiil (pie
» jamais, il lui lallaildu Icnips pour
» se décider. » Leclerc s'empressa de
lui renvoyer ses enfants, en ollianl
TOU
pour ultimatum un armistice de
quatre jours; mais il ajoutait que,
passé ce délai, il le déclarerait ennemi
du peuple françaisethorslaloi. Tous-
saint , irrité , dit à ses entants , qu'il
les laissait libres de choisir entre la
France et leur père. Leurs caresses ne
purent rémouvoir;infiexible,il ne ces-
sait de leur répondre : « Mes enfants,
» prenez votre parti; quel qu'il soit,
» je vous chérirai toujours. » L'un,
Isaac , se détacha de ses bras , et
passa dans le camp français; Placi-
de, le second, déclara qu'il ne con-
naissait plus la FraP'2 , et il prit les
armes pour combattre à côté de sou
père. Le capitaine général, par sa
proclamation du i'j février, mit
hors la loi Toussaint-Louverture et
Christophe. Bientôt le chef des noirs
éprouva divers échecs. Occupant
alors les plateaux de la Ravine avec
trois mille hommes, il s'y retrancha
dans une attitude formidable. Mais
attaqué avec vigueur par le général
Rochambeau, il fut forcé dans ses
retranchements, et se jeta en désor-
dre sur la Petite-Rivière, abandon-
nant huit cents des siens sur le champ
de bataille. La défection inattendue
d'un de ses généraux, nommé Mau-
repas , qui se soumit avec ses trou-
pes, ruina encore davantage les af-
faires de Toussaint. II n'en continua
pas moins à donner des instructions
très-énergiques à ses généraux. Le ca-
pitaine-général résolut de le poursui-
vre jusque dans son deriuer retran-
chement au milieu des Mornes du
Chaos , groupe de montagnes sur la
rive droite de l'^Vrtibonite. Tous
leurs débouchés sont susceptibles
dedéieuse; l'entrée princi|)ale de ces
mornes ('lait coiiveite par la fameuse
redoulela Crête-à-Picrrot. Là Chris-
toplic et Dcssaliiies joignirent Tous-
saint ; et les débris de la puissance
TOU
noire se concentrèrent clans ce der-
nier asile. Une première attaque com-
binée fut infiuotucusc. D'après le sys-
tème de défense prescrit aux noirs
par leur chef, les bourççs et les cam-
pagnes étaient incendies aux appro-
ches dos colonnes françaises. La
guerre devenait atroce. On fit au
pied des Chaos un vaste carnage
de blancs. Selon un ofllcier transfu-
ge de la garde à cheval de Toussaint,
là Crète- à - Pierrot était devenue
le principal dépôt de ses muni-
tions, la place d'armes de ses der-
niers eiTorts , et si l'on parvenait à
s'en rendre maître il ne resterait
plus à lui et aux siens d'autre res-
source que de se faire Marrons. Une
seconde attaque de la Crèle-à-Pierrot,
faite par plusieurs divisions et par
Leclerc en personne, n'eut pas plus
de succès que la première : les noirs
y firent des prodiges. Il fallut eu ve-
nir à un blocus, après avoir perdu
plus de quinze cents hommes inutile-
ment. Toussaint , devenu plus auda-
cieux, ordonne une attaque des lignes
fi'auçalses , et eu même temps il fait
évacuer la Crête -à-Pierrot par la
garnison , q'ai n'y laisse que ses bles-
ses, et vient assaillir la division Dcs-
fonrneaux , postée à Plaisance. Là il
trouve dans les rangs des ennemis
les soldats noirs que Maurepas avait
cntraînc's dans sa défection. Tous-
saint s'approche d'eux , et s'écrie :
« Tuerez-vous votre général , votre
» père et vos fières ? » Tout le régi-
ment se jette à genoux ; mais les
bataillons français surviennent , et
Toussaint court de grands dangers.
Repoussé dans ses attatpics, il alla
se poster au Dondon et à la Marme-
lade^ afin de couper les communica-
tions de l'armée française. Pour aug-
menter l'acharnement de ses bandes,
il faisait accoiuir de tous côtes les
TOU
4i3
cultivateurs sous les armes , en re'-
pandant le bruit de la défaite totale
de l'armée d'invasion devant la Crè-
te-à-Pierrot. Mais quatre mille hom-
mes de nouvo'lles troupes ayant été
débarqués, tous ses eO'orts échouèrent
devant la discipline et l'intrépidilé
des soldats français , et tous les ras-
semblements du nord furent disper-
sés. I-a soumission de Christophe et
de Dessalines amena des propositions
de la part de Toussaint. Ce chef,
abandonné des siens , et pressé de
tous côtés , ht venir devant lui le
chef de brigade Sabès, et un lieute-
nant de vaisseau envoyés A parle-
mentaires à l'arrivée de l'expédition,
et qui , traînés de morne en morne ,
avaient été vingt fols sur le point de
recevoir la mort. Le chef de brigade
Sabès ayant eu le courage de dire à
Toussaint que la guerre n'avait écla-
té que parce qu'il méconnaissait l'au-
torité de la métropole, Toussaint lui
jeta un regard d'ctonnement, dédai-
gna de lui répondre , et s'adressant
au lieutenant de vaisseau : « Vous
)> êtes im ofllcier de marine , Mon-
» sieur, lui dit-il; eh bien! si vous
» commandiez un vaisseau de l'état,
» et que, sans vous eu donner avis,
» un antre ofllcier vînt vous rempla-
» ccr en sautant à l'abordage , avec
» un équipage duuble du vôtre, pour-
» riez- vous être blâmé de chercher à
» vous défendre? Telle est ma sitna-
» tion. » Après ce court entretien ,
il renvoya les parlementaires au ca-
pitaine-général , avec une lettre , dans
laquelle il laissait entrevoir qu'il était
encore possible d'entrer en négocia-
tion. Il présentait la continuation de
la guerre comme étant désormais
sans objet et sans but, et terminait
sa lettre en déclarant qu'il serait
toujours assez fort pour brûler , ra-
vager le pays , et vendre chèrement
4i4 TOU
une vie (fui avait été quelquefois uti-
les à la uière-patrie. En eliet, les noirs,
pour être vaincus, n'étaient point sub-
jugues; et, retranchés dans les mor-
nes au sein de la colonie , ils ne ces-
saient pas d'être redoutables. Le ca-
pitaine-général accueillit les proposi-
tions de Toussaint avec d'autant
plus d'empressement que l'armée
française avait déjà perdu cinq mille
hommes; qu'elle en avait dans les
hôpitaux un pareil liombre^ et que
sur vingt-trois mille hommes arrivés
successivement , il restait à peine
douze mille combattants. L'arrêté
qui mettait Toussaint - Louverîure
hors i:i loi fut rapporté. Ce chef
Vint hardiment, quelques jours après,
saluer le capitaine-général. Sa pré-
sence mit tout en mouvement au Cap,
cil il fut salué par!'artii!eriedes forts
et des vaisseaux. Les habitants de la
ville, comme ceux du pays qu'il ve-
nait de parcourir, lui prodiguèrent
les denionstrations extérieures du
plus profond respect. Toussaint était
suivi de trois à quatre cents guides à
c!ieval,qui, pendant son entrevue
avec le généra! Leclerc, restèrent
constamment en bataille, le sabre
nud , sur la place et dans la cour du
gouvernement. Leclerc lui demanda
où il aurait pris des armes pour con-
tinuer à se battre? « J'aurais pris
» les vôtres,» hii répondit Tous-
saint. Le capitaine -général, après
.T voir reçu son serment de lidélité,
l'autorisa à se retirer sur ses pro])rié-
tés. Toussaint alla résider dans son
habitationdeSaneey, près des Gonaï-
vcs. Cette soumission mit le caj)ilai-
iie-général en possession de la colo-
nie et de l'armée coloniale ; mais
Toussaint conservait, sur toute cette
.irmée, le cicdit de son ancien {)ou-
vuir. Son iiifluence morale était im-
mense : elle se lit bien plus sentir
TOU
quand l'invasion de la maladie pcsti-
Icutiellc , connue sous le nom defiè-
\>re jaune, vint moissonner l',armée
française. On regardait la soumission
de Toussaint, dans toute l'île, com-
me une suspension d'armes jusqu'au
mois d'août , époque prévue de-
puis long -temps, comme devant
être celle de l'anéantissement de tou-
te armée européenne. De son côté,
le capitaine-général ne nommait cette
paix que le pardon de Toussaint.
Deux de ses lettres adressées à Fon-
taine, son aide-de-camp et son .T^ent
secret resté an Gap, ayant été in-
terceptées, laissèrent entrevoir ses
l)rojets. Le capitaine - général prit
alors secrètement la résolution de
le faire arrêter et déporter en
France. La méfiance de Toussaint
rendait son arrestation diflicile. On
y parvint cependant par des moyens
adroits. On surchargea de troupes
le canton d'Ennery ; les habitants
s'en plaignirent; Toussaiut-Louver-
ture se fit l'écho de leurs plaintes. Le
général Brunet , à qui s'était adressé
Toussaint, lui répond que, n'ayant
pas une connaissance assez précise
des localités , il a besoin des lumiè-
res de l'ancien gouverneur de Saint-
Domingue, pour déterminer l'assiette
deces nouveaux cantonnements. Flat-
té de cetle manpie apparente de dé-
férence, Toussaint néglige d'utiles et
justes avertissements; il donne tête
baissée dans le piège. « Voyez ces
» ])!ancs, s'écrie t-i! , en recevant la
» lettre du généra! Ihunet; ils ne
» doutent de rien ; ils savent tout , et
» pourtant ils sont obligés de venir
•> consulter le vieux Toussaint. » 11
jnévienl legénéral Hrunetqu'il sereu-
dra escorté de vingt hommes pour
conférer avec lui , à l'habitation (Geor-
ges , à moitié chemin des Gonaives ,
le lo juin. Ce général se rend an lieu
TOU
de la conférence , avec un pareil
nombre d'iiouimes. Après les pre-
miers compliments , les généraux
s'enferment , sous pre'texte de tra-
vailler; les soldats se mêlent. Tciit-
à-coup, à un signal convenu, on
saute sur les noirs ;, on les désarme.
En même temps, le chef d'escadron
Ferrari paraît devant Toussaint , et
lui dit : « le capiîaine-gene'ral m'a
« donne' l'ordre de vous arrêter j vos
)) gaixles sont enchaînes; nos trou-
» pes sont partout ; vous êtes mort
» si vous faites résistance ; donnez-
«raoi voire e'pëe. » Toussaint, plus
coiifus qu'irrité , remit ses armes sans
se plaindre. On le conduisit aux Go-
naives, où il fut emLarcpié sur la
frégate la Créole , qui fit voile pour
le C ip. Là il fut déposé à bord du
vaisseau de ligne le Héros, où il
trouva son troisième (lis. S'adressant
au commandant de ce vaisseau, il
lui dit cesparoles mémorables : « En
» me renversant , on n'a abattu à
» Saint-Domingue que le tronc de
» l'arbre de la liberté des noirs ; il
» repoussera par les racines , p:irre
» qu'elles sont profondes et noin-
» breuses. » Le vaisseau le Héros\iut
mouiller, après vingt-ciiiq jours de
navigation , dans la rade de Érest. On
fit débarquer Toussaint à Landernau,
d'où, escorté par un détacliement de
dragons, il fut transféré à Paris,
et d'abord enfermé au Temple, liuo-
naparte connaissait si peu le carac-
ti're de Toussaint qu'à son arrivée
il envoya près de lui à plusieurs re-
prises son aide-de-camp Calfarelli,
pour tîcher d'obtenir des notions sur
les trésors qu'il avait cachés à Saint-
Domingue. « J'ai bien perdu autre
» chose que des trésors, » furent les
se. lies paroles qu'on put iuîarracher.
TiC premier consul donna alors l'or-
dre de le conduire au château de
TCO 4i5
Joux près de Besançon , où il fut
mis au secret. 11 n'avait que Mars-
Plaisir, son domestique, pour lui
donner des soins; on lui arracha ce
iidèle serviteur. Après dixmois d'une
captivité très- sévère, il expira le ij
avril i8o3. On crut généralement que
sa lin avait été hâtée par le poison,
sans que néanmoins on ait jamais
appuyé ce fait par des preuves. D'ail-
leurs Toussaint-Lùviverture était âgé
de soixante ans, accoutumé au cli-
mat des Antilles et à une vie singu-
lièrement active; et il se trouva tout-
à-coup 1 enfermé et livré à toute la
rigueur d'un hiver des Alpes. Dé-
nué de tout, et sans espoir de ja-
mais recouvrer la liberté, il expira,
crispé par le froid, rongé par ses re-
grets , et selon ses bourreaux, d'une
apoplexie séreuse. La dévotion de cet
homme célèbre ne fut évidemment
qu'un masque politique. Piéfléclii et
concentré, il parlait peu, mais disait
lieaucoup. Il se complaisait à créer
des sentences et à faire des apologues.
Parlant mal le français, il aAait sou-
vent recours au langage créole pour
rendre ses idéeSi Réduit dans ses let-
tres à employer le style d'autrui , le
fond des pensées lui appartenait en
propre. Pour rien au monde il n'eilt
signé une lettre dont il n'aurait point
conçu ou pesé chaque expression.
Personne n'avait la moindre influen-
ce sur sou caractère. Dans plu-
sieurs de ses proclamations , il parla
de la morale, et surtout de la reli-
gion. Sous le titre modeste de règle-
ments, il publia des lois très-sévères
pour la répression du vice , de la ré-
volte, et pour contenir les étrai gors
cl les gens sans aveu. Non-seulement
i! avait rappelé les émigrés avant
que Buonaparîc lui en eût donné
l'exemple ; mais encore il avait dé-
claré que la religion catholique était
/n6
TOU
la religion del'ëtat. Sans rendie plus
légères les chaînes des cultivateurs
noirs, il les plaça sous le joug de
leurs anciens compagnons d'escla-
vage , devenus propriétaires. Dans
l'exercice de ce pouvoir absolu ,
Toussaint montra de la sagacité, de
la suite et des connaissances positi-
ves. Sacliant ce que jieuvent des de-
hors pompeux, sur la jjlupart des
hommes, il faisait régner à sa cour
un ordre constant et même une éti-
quette rigoureuse. La gravité de son
maintien , son regard obscivateur ,
tenaient les noirs dans la crainte et
le respect , et en imposaient aux
blancs eux-mêmes. Au milieu des cer-
cles brillants de sa cour, il aiiéctait
une simplicité parfaite, et ne portait
habituellement que le petit uniforme
d'oflicier- général. Nous avons dit
combien sa garde était magnifique :
tout ce qni l'entourait vivait dans la
profusion et la splendeur; lui seul
poussait souvent la sobriété jusqu'à
l'abslincuce. C'est ainsi qu'il entrete-
nait la vigueur de sa santé; car chez
lui l'énergie de l'ame était secondée
par un corps de iér. Sans cesse il
faisait des excursions dans les dilïé-
rciites parties de l'île , ayant soin de
se diiiger sur les points où il n'était
pas attendu. Souvent il faisait à che-
val, sans s'anêter, jusqu'à cinquan-
te lieues , laissant derrière lui tout
son monde, à l'exception dcse.i deux
tronijiottes aussi bien montés que lui.
Malgré tant de fatigues , il ne dor-
mait que deux heures; il semblait
que l'ambition, source de toutes ses
actions*, fût aussi le soutien de son
existence. La dissimulation, qualité
coninnine chez les Africains , était
la base de son caractère. Personne
ne connaissait ni ses desseins ni ses
démarches; lorsqu'on le rroyail au
Porl-au-Prilice, il était aux Caycs,
ÏOU
au Cap ou à Saint-Marc. Ce système
lui sauva la vie dans une circonstance
où des hommes de couleur, qui se te-
naient en embuscade, tirèrent sur sa
voiture et blessèrent mortellement un
domestique noir qui s'y trouvait ,
taudis que lui-même courait à cheval
sur une route dilférente. La discipli-
ne la plus sévère régnait dans son
armée : ses soldats le regardaient
comme un être d'une nature supé-
rieure, et ses généraux tremblaient
à son aspect. Enfin, sa conduite po-
litique fut telleque, dans une sphère
plus étendue , Napoléon parut l'avoir
pris pour modèle. On ne s'étonnera
donc pas qu'il ait été regretté par les
blancs et par les noirs. Après sa
mort , sa famille , qu'on avait aussi
embarquée pour la France, fut trans-
férée de Baïonne à Agen, où l'un de
ses llls mourut d'une maladie de lan-
gueur (3). Sa femme mourut en mai
1816, dans les bras de ses lils Pla-
cide et Isaac. M. Du Ijroca a donné
un Essai sur la vie de Toussaint-
Louverture; et M. Cousin -d'Avalon
en a fait l'objet d'une de ses com-
pilations , Paris , i8o3, un volume
in-i2. B — p.
TOUSTAIN (Dora Chari.ks-
François ) , bénédictin de la congré-
gation de Saint-Maur , naquit au
Repas , diocèse de Séez , le i5 octo-
bre 1700 , d'une ancienne famille du
pays de Caux. Il avait comniencé ses
études dans la maison patciiielle; il
alla les achever au collège do l'ab-
baye de Juniièges. II se destina
a la vie monastique, et le 20 juillet
1718, lit profession dans cette ab-
baye. Après ses cours de philosophie
(3) I.rs <liiix iiiMns, avant lenlc de s'rvador. Cu-
rent cinh.u iiuis |i(iur llellr-lsle ri rciifrniM's dniis la
c-ilodrilc , 01. l'anliiir dp lelte iioli- les a vmh .11
dcmiibre iSoii. La rertauralioii leur rendit la It-
l)erlé, A — T.
TOU
et de ihdologie , il fut envoyé au
monastère de Bonne - INouvellc à
Rouen, poiii" y apprendre les lan-
gues lie'braïque et grecque. Toustain
voulut aussi avoir des notions sur
les autres langues orientales ; et tout
en les acquérant , il cultiva l'italien ,
l'anglais , l'allemand et le hollandais.
Ordonné prêtre en 1729, il ne dit ja-
mais la messe sans éprouver un grand
tremblement : on raconte même que
ses actions de grâce , après celte cé-
rémonie y étaient accompagnées de
larmes abondantes. Il fut , avec D.
Tassin ( V. ce nom , XLV , 37 ) ,
chargé de l'édition des OEuvres de
Théodore Studite ( Voy. ce nom ,
XLV , 294 ). Mais il a aussi com-
posé seul des ouvrages dont plusieurs
sontrestés manuscrits. Cefut en lySo,
qu'il alla s'établir à Piouen dans l'ab-
baye de Saint-Ouen. En 1747 -, le
général de son ordre l'appela dans
le couvent de Saint - Germain-des-
Prés , et peu après dans celui des
Blancs-Manteaux. L'excès du travail,
l'austérité du régime qu'il suivait , al-
térèrent sa santé j ce ne fut cepen-
dant qu'en 1754 qu'il consentit à se
rendre à Saint-Denis pour y prendre
le lait ; il y mourut le i<^r, juillet de
la même année. On trouve la liste de
ses ouvrages, soitimpi-imés, soit ma-
nuscrits , dans V Histoire littéraire
de la congrégation de Saint-Maur,
Le plus important est , sans con-
tredit , le Nouveau traité de diplo-
matique en six volumes in-4". , dont
le second ne vit le jour qu'après la
mort de Toustain. Il coopéra au
FacUim contre Saas ( f^oy. ce nom,
XXXIX , 4o6 , note) , dans la que-
relle entre le chapitre métropolitain
de Rouen et les bénédictins de l'ab-
baye de Saint-Ouen. Ses autres ou-
vrages imprimés sont : 1. Remon-
irances adressées aux révérends
TOU 417
Pères supérieurs de la congréga-
tion de Saint-Maur, assemblés pour
la tenue du chapitre -général de
1733 , in-4''. II. La Férité persé-
cutée par l'erreur , ou Recueil de
divers ouvrages des saints Pères sur
les grandes persécutions des huit
premiers siècles de l'Eglise , pour
prémunir les fidèles contre la sé-
duction et \a violence des nova-
teurs , La Haye , I733 , 1 vol. in-
12. m. De l'autorité des miracles
dans l'Eglise , in-4". Le docteur de
Sorboune, à qui on avait remis le
manuscrit, retoucha l'ouvrage avant
de le publier. A. B — t.
TOUSTAIN ( Gaspard-François
de), chevalier - seigneur de Riche-
bourg , né, à Richebourg , le l'i fé-
vrier 17 16, de la même famille que
le précédent, embrassa l'état mili-
taire , fut successsivement gardc-du-
corps , mousquetaire , lieutenant des
maréchaux . Il avait fait les guerres de
1735 ; 1741 , 1756, et reçu deux
blessures à la bataille de Dettingen ,
en 1743. il avait obtenu ;, en 1791 ,
mie pension de retraite , qu'il perdit
en 1792. Emprisonné sous le règne
de la terreur, il fut rendu à la liberté,
après le 9 thermidor , et mourut le
3 avril 1799. Il avait remporté, en
1 766 , le prix à l'académie de Rouen
par une Dissertation sur l'origine de
l'échiquier de Nomiandie. Deux ans
après , il olfrit à la même compagnie
comme suite de la Dissertation ,
une Estampe allégorique de Véchi~
quier de Normandie devenu séden-
taire. La Dissertation et V Estampe
sont restées en manuscrit , ainsi que
d'autres opuscules du mcm-c ar.tcur :
3Iéi noires sur la Pue elle d' Orléans;
Dissertation sur les grands -sé-
néchaux de Normandie ; Recher-
ches généalogiques et historiques
sur la noblesse de Normandie. —
4i8 TOU
TousTAiN-DuMANoiR, dc la même
famille, jeune homme fort distiugue'
par ses talents et tous les avantages
extérieurs, fut condamne à mort et
fusille dans la plaine de Grenelle , le
23 janvier 1800 , et mourut avec un
grand courage. Ce fut une des der-
nières victimes des lois contre les
émigrés. A. B — t
TOUTOUSCH ( I ) (Tadj-fd-Dau-
lah) , fondateur d'une brandie dc la
dynastie des Seldjoukides en Syrie,
était frère du sulthan de Perse Me-
lik-Cliah ^••'., qui l'envoya , l'an 469
de l'hégire ( 1076 de J.-C), pour
achever la conquête de la Syrie , com-
mencée par son général Atzizqui , dé-
fait par les troupes égyptiennes , pas-
sait pour avoir été tué dans le com-
bat. Atziz, qui était revenu à Damas,
informé de l'arrivée de Toutousch ,
éloigna , à force d'argent , un prince
qui venait lui enlever la gloire de son
expédition. Toutousch alla faire des
courses de divers côtés, sans pouvoir
se former un établissement. Il assié-
geait Halep, en 471 ( 1078), lors-
qu' Atziz , investi dans Damas par les
Égyptiens , réclama son secours. Tou-
tousch accourut aussitôt ; mais après
avoir forcé les Égyptiens à décam-
per , il fit périr Atziz , qui était venu
au - devant de son libérateur , et il
s'empara de Damas. Il reçut bientôt
les soumissions de Baalbek, qui ap-
partenait au khalife d'Egypte , et
soutint, dans Damas, un siège que
les troupes dc ce dernier furent obli-
gées de lever en 47 ^ ( io85;. Trois
ans après, il se rendit maître du
(t) Dans la Iradiiclion latiue d'Elmakin par Kr-
ncniii», ce prince est iioiiinie par erreur, A (>«.< ,
ainsi que son Mtc doni il sera parlé à la fuo de cet
orlicle; Pocnrk le nnninie 'J'atetcli , dans sa Ira-
dnclion d'Aliuiil-furadj , el R.i>ke 'Jnimsch , da,.»
ses Annules d'Alinul Kéila. Ce nom est aussi écrit
ailleurs 'f'aln el 'J'atmtich. Ces (liUérenceu pro-
viennent de la position des points diacréliques
diiiu les divers iuanuscrit«.
TOU
château d'Halep _, et attaqua la ville j
mais l'émir ayant imploré la pro-
tection du sulthan Melik-Chah , Tou-
tousch se retira à l'approche dc
son frère , avec lequel il fit bien-
tôt la paix. Cependant les Égyp-
tiens étant revenus en Syrie avec des
forces plus considérables, lui enlevè-
rent Tyr, Séide, Saint- Jean d'Acre,
011 il avait des trésors immenses , et
Baalbek. Toutousch fut réduit à son
tour à recourir à des auxiliaires. Se-
couru par Acsancar Cacem - eddau-
lah , émir d'Halep , et par celui de
Roha, il reprit Baalbek; mais ayant
assiégé Tripoli, que possédait le ca-
dhi Ibn-Ammar, vassal dc Meîik-
Chah , il se brouilla avec ses alliés ,
qui lui reprochaient l'injustice de
cette guerre; et comme il afl'ectait
des airs de hauteur , ils l'abandon-
nèrent, et le forcèrent, par cette dé-
fection, de retourner à Damas. Il se
plaignit au sulthan de la conduite
d' Acsancar; mais ce monarque n'eut
aucun égard aux plaintes d'un frère
dont l'ambition ne respectait rien.
La mort de Melik-Chah , en 485
(log-î), et les troubles qui eurent
lieu pour sa succession , ranimèrent
les espérances de Toutousch. Dès
l'année suivante, il fit prononcer la
khothbah , en son nom , à Damas , et
envoya demander au khalife dcBagh-
dad de le proclamer sulthan. Le kha-
life fit une réponse évasive ; mais les
émirs dc Syrie s'étant déclarés pour
Toutousch , il entra dans la Mésoi)o-
tamie, prit Nisbin, vaincpiit l'émir
de Moussoul , qu'il fit mettre à mort;
s'empara de sa capitale , et détermi-
na , ])ar ses succès , '.'irrésohition du
khalife. INlaître dc tout le Diarbekr
et de l'Ad/.erbaidjan , il avait pénétré
jusqu'à Hoi et Hamadan , lorsque la
délectiond' Acsancar, qui pass.i dans
le parti du sulthan Barkiaruk, obli-
I
TOU
gea Toutouscli de retourner en Syrie,
où les Égyptiens avaient fait une in-
vasion. Il leva de nouvelles troupes^
pour re'sister à son neveu Barkiarok.
L'an 487 ( 1 094) , il vainquit, à quel-
ques lieues d'Halep, l'armée de ce
prince, fit mourir Acsancar, qi'.i était
resté prisonnier; épargna Korbouga,
général de Barkiarok; s'empara d'Ha-
lep , et fit rentrer sous sa domiua-
tion la Mésopotamie et les autres
provinces jusqu'à Hamadan, Après
d'autres avantages, il marchait sur
Rcï , lorsque son neveu lui livra ba-
taille près de cette ville, et le défit
complètement, en safar 488 (février
1095). Toutouscli fut tué sur le
cliainp de bataille ; et sa puissance s'a-
néanlil en quelque sorte avec lui ; car
il n'en resta que la Syrie, pas même
entière, qui fut partagée entre deux
de ses fds , ( Fqy Redhwan ) ,
après lesquels les états d'Halep et
de Damas passèrent à de nouvelles
dynasties ( /^oj>'. Tho ghtekin).
— Toutou s en, ou plutôt Ta-
KASCH, ou Tanasch (2), frère du
précédent , avec lequel la ressem-
blance de nom l'a fait confondre par
divers auteurs , tels que Hadjy Klial-
fali et De Guignes , se révolta , dans
le Kboraçan^ contre le sultbaa Me-
lik-Cbab , son frère, qui le vainquit,
l'assiégea dans Terraed , l'an 476
(1089), et lui pardonna. Ayant pris
la ville de Mérou , il y avait donné
le scandale déboire publiquement du
vin, dans la grande mosquée, pendant
le jeûne de Ramadlian. Après la
mort de Melik-Ghali , il refusa de re-
(2) Comme il est presque sans exemple, chez les
Musulmans et cliox les Tm-ks, que deux frùres
ronlemporalns et vivants aient porté le même nom,
il est probable qu'il y avait quelque difTcrenco
dans celui des deux princes dont il s'agit dans cet
nrliclc , ou que le second était, non pas le i'rîre
vlu premier, mais son oncle , et peut-être son par-
rain.
TOU 4,9
connaître Barkiarok pour son suc-
cesseur , et prit le titre de sulthau ;
mais il fut vaincu , l'an 486 ( 1 098),
par ce prince , qui le fit noyer avec
son fils. A T.
TOUTTÉE ( Dom Antoine-Au-
gustin), religieux -bénédictin de la
congrégation de Saint-Maur, né, à
Riom en Auvergne, le i3 décembre
iG'j'] , d'un père très-distingué dans
l'ordre des avocats , fit ses premières
études au collège de sa ville natale ,
tenu par les Oratoriens , et entra
à l'abbaye de Vendôme, oii il fit
profession le 29 octobre i6g8.Il ré-
péta son cours de théologie , et fut
ordonné prèlx-e , en 1702. Après
avoir professé pendant deux ans la
philosophie à Vendôme , il remplit
la chaire de théologie, pendant qua-
tre ans , à Saint-Benoît-sur-Loii'e.
En 1 7 08 , il fut appelé à Saint-Denis
pour y enseigner la même science.
Devenu très-habi!e dans la langue
grecque , nourri de la lecture des
Pères , juste appréciateur de la sco-
lastique et des questions frivoles
qu'elle agite , il s'acquitta dignement
de ses pénibles fonctions. La réputa-
tion dont il jouissait entretenait l'es-
poir de voir sortir de sa plume des
ouvrages nombreux et solides ; mais
il aima mieux employer son savoir à
se fortifier dans la vertu, qu'à illustrer
son nom dans le monde. Après six
ans de séjour à Saint-Germain-des-
Prés , il y mourut le 25 décembre
1718. Kous avons de lui : L Pro-
gramme, dans lequel dom Antoine-
Augustin Touttée annonce une nou-
velle édition des OEui'res de saint
Cyrille de Jérusalem , Paris, 1715.
L'auteur débute par l'éloge des Ca-
téchèses du saint prélat ; il porte en-
suite son jugement sur les éditions
et les traductions de cet ouvrage ; et
il finit par annoncer une meilleure
420
TOW
édition du texte , accompagne d'une
Version latine plus conforme àl'ori-
ginal, de Notes et de Dissertations.
II. Sa?icti Cyrilli arcliiepiscopi Hie-
rosolfinitani opéra quœ exstant om-
nia et ejus nomine circurnferuntur
admanuscriptos codices^necnon ad
superiores editiojies castigata , dis-
sertationihus et notis illustrata ,
cum novd interpretalione et copio-
sis indicibus , Paris, 1720, in-
fol. Cette édition de saint Cyrille
de Jérusalem , qui ne parut qu'a-
près la mort de dom Touttee , est
très - soignée. Cependant les re'dac-
teurs du journal de Trévoux atta-
quèrent vivement plusieurs asser-
tions de l'éditeur, dans le courant
de 1721. Dom Prudent Maran , qui
avait surveillé l'impression^ défendit
son confrère par des Dissertations
sur les Semi-Jriens. . . publiées en
l'-o.'i , in-r2. Depuis, le P. Orsi ,
dominicain, a également attaqué une
des assertions de dom Touttée, qu'il
réfute comme sentant l'hérésie. Au
reste , ce bénédictin alliait une gran-
de simplicité de mœurs à un génie
au-dessus du commun , beaucoup de
piété à une érudition distinguée, et
une morale sévère à des manières ai-
sées. C'est le jugement qu'en porte
dom Maran , .à la lin de la Piéface
qu'il a composée pour l'édition de
saint Cyrille. \j — n — e.
TOWERS (Joseph ) , écrivain an-
glais , nacjuit , en 1737, à Londres
dans le faubourg de South wark où
son père était bouquiniste. La facili-
té qu'il eut ainsi de; s'instruire par
la lecture dérida sans doute la car-
rièie qu'il parcourut avec quelque
distinction. A l'âge de douze ans, il
fui placé cliczun papetier, pour faire
les commissions , et fut mis ensuite
«n apprentissage diez mi iin])rimeur.
Déjà nniiii d'un fonds d'instruclion
TOW
assez variée , il continua à l'augmen-
ter dans ses moments de loisir , et
apprit alors le grec et le latin. Ses
lumières précoces et ses réflexions le
conduisirent à faire abjuration de la
doctrine de Calvin ; et ce fut pour
exposer les motifs de cette démarche
qu'il composa son premier écrit , in-
titulé : Examen des véritables doc-
trines du christianisme , I7(i3. II
exerçait alors son état à Shcrbornej
il vint l'amiée suivante résider dans
la capitale , où il publia un pamphlet
sur les libelles , dans un moment où
Wilkes et son parti avaient domié à
ce sujet un intérêt nouveau. L'impri-
meur auquel Tov\'ers était attaché,
ayant conçu le projet de publier , par
livraisons périodiques , une suite de
Notices biographiques sur les hom-
mes distingués de l'Angleteri'e , le
chargea de cette compilation , dont
le premier volume ( in-B". ) parut en
1 766 , sous le titre de Biographie
britannique. Les six volumes sui-
vants sont également de lui ; mais les
trois derniers sont d'une autre main.
Cet ouvrage, qui ne porte]>as le nom de
Towers, est assez estimé. L'auteur es-
saya ensuite de faire le commerce de
la librairie; mais il n'y réussit point.
En 1 774 , il fut ordonné prédicateur
parmi les non-conformistes , et peu
detemjis après fut élu pasteur d'une
congrégation. Il échangea celte fonc-
tion, en 1 77H, contre celle de prédica-
teur du matin , à Newiugton-Green ,
où le docteur Priée prêchait l'après-
midi. Peu d'événements politiques de
([uel((ue importance se passaient sans
lui inspirer une brocJiurc où il se pro-
nonçait forleiuoul contre les mesures
et les soutiens du ministère. Malheu-
reusement il ne sut pas se dégager
de j'iniluence de l'esprit de parti j
et c'est un reproche qu'il a encou-
ru particulièrement comme coo-
TOW
jicratour du docteur Kippis à la
nouvelle édition de la Biographia
hrilannica { in-fol. ) : on l'accuse de
n'avoir pas , dans les articles sortis
de sa plume , rendu justice au clergé
anglican , dont il s'était séparé. Plu-
sieurs opuscules publiés par lui ayant
paru mériter de survivre aux cir-
constances qui les avaient fait naî-
tre , il les réunit et les livra de nou-
veau à l'impression, en i "^gô , 3 vol.
in-8'J. On y remarque les écrits sui-
vants : Justification des opinions
politiques de Locke , en réponse au
docteur Tuckerj Observ. sur l'His-
toire d'Angleterre , àe Hujne', Oh-
serv. sur les droits et les dci^oirs
des jurés ; Essai sur la vie , le ca-
ractère et les écrits de Sam. John-
son. On a imprimé, sous le nom de
Towers , des Mémoires sur la vie de
Frédéric II , roi de Prusse , i '-88 , 2
vol. in-8'\ Cependant la Biograpliie
de Chalmers ne fait pas mention de
cet ouvrage , dont l'auteur a essuyé
le reproche de n'avoir pas toujours
puisé à des sources pures. Towers
mourut le 20 mal 1799. — Toavers
( Johnson ) , maître de l'école gram-
maticale de Tunbridge , mort le 5
janvier 1772, a donné une traduc-
tion anglaise des Commentaires de
César , fSS. L.
TOWNLEY (Charles), anti-
quaire anglais , né, d'une famille opu-
lente, en 1737 , fut envoyé en Fran-
ce de très-bonne heure pour y rece-
voir sa première éducation. Il y fut
quelque temps sous la direction du cé-
lèbre physicien Tuberville Needham.
Ses études furent brillantes ; son at-
tention se tourna pariiculièrement
vers la connaissance àv. l'état des
beaux-arts chez les anciens; et après
unassezlougséjouràRomCjilputctre
considéré comme un des premiers
connaisseurs de l'Europe. Il visita les
TOW
421
parties les plus reculées de la grande
Grèce et de la Sicile, où son premier
objet était constamment de visiter
les monuments des anciens. Ce fut
surtout à la sculpture qu'il s'atta-
cliaj et sa fortune lui permettant
de satisfaire son penchant, il ac-
quit une multitude de morceaux
d'un travail exquis ou curieux. Il
acheta successivement , pour les re-
cevoir , deux maisons dans Lon-
dres, la dernière située dans Park-
Street , à Westminster , qu'il décora
avec beaucoup d'élégance , et où il
mourut le 3 janvier i8o5. Les con-
servateurs du muséum britannique
obtinrent du parlement une somme
de vingt raille francs pour acheter,
de la famille, les marbres de Town-
lej. Ce n'était peut-être pas la moi-
tié de ce que ces marbres avaient
coûté originairement ; mais c'était
beaucoup , dit un écrivain anglais ,
au milieu d'une guerre dispendieise,
et sous l'administration d'un homme
dont le grand génie condescendit ra-
rement à protéger les beaux-arts.
C'est, au jugement de M. Whita-
ker , la collection la mieux choisie de
sculpture grecque et romaine qui
ait jamais été transportée en Angle-
terre. Celle du comte d'Arundel,
beaucoup plus nombreuse , paraît ,
d'après ce qui en subsiste encore ,
avoir été composée de sujets d'un
mérite très-inférieur. Dans le mu-
séum de ïownley , qui fait aujour-
d'hui partie du musée britanique , il
n'y a pas une statue , un buste , un
bas-relief, qui ne s'élève fort au-deS'
sus de la médiocrité. Toutes les piè-
ces dont il se compose méritent
d'èlre comptées parmi les meilleures
du second et du troisième ordre. On
distingue, dans cette nombreuse suite,
une Tcte d'Homère , une Apothéose
de Marc-Aurèle, un jeune Vc'niS;
4'i2
TOW
des Astragalizontes , un Groupe de
petite dimension mais d'un me'rite
très-remarquable, une Isis , un Bac-
chus féminin, une Muse couronnée
de lierre , et un petit bronze d'Her-
cule Alastor , trouve' à Biblos en Sy-
rie. Le Muséum Townley était aussi
fort riche en pierres gravées , en
monuments funéraires, et surtout en
une suite de médailles impériales ro-
maines en cuivre , qui ne le cédait
pour le nom-bre et pour l'état de con-
servation qu'à celle de Louis XVL
Townley fut un zélé partisan du
système mythologique de d'Ancar-
ville , qui puisa dans Park - Street
la plus grande partie de son cu-
rieux ouvrage , et tira de cette
collection plusieurs de ses mcilleu-»
res explications. Il a beaucoup
écrit • mais n'a presque rien livré à
l'impression. On ne cite de lui qu'une
Dissertation sur im casque ( The Rib-
chester lielmet) , dans les Vetusta
vwnumenta dt la société des anti-
quaires. Cette réserve s'explique
jiar la difficulté qu'il trouvait à
s'exprimer en anglais, après avoir
vécu long-temps hors de son paj^s :
aussi, lorsqu'il parlait, employait-il
fréquemment des mots français et
italiens , pour se tirer d'embarras.
Les dépenses que lui coûtait sa pas-
sion pour les monuments des arts
ne l'empêchaient pas de répondre
souvent à la voix de l'humanité
soufliante. Dans une année de de-
tresse , il distribua aux pauvres des
environs une somme équivalant au
quart de son revenu. Son buste en
marbre , exéc nié par M. Nollekens ,
orne luie des salles du musée britan-
nique. — Townm:y ( James ) , ne, à
Londres , en 1715, termina , à l'uni-
versité d'Oxford, .'-es éludes, com-
mencées à l'école des marchands-
tailleurs, où il devint par la suite
TOW
instituteur eu chef. Quoique admis
dans les ordres , et chargé de plu-
sieurs fonctions ecclésiastiques _, il
fut intimement lié avec le célèbre
acteur Garrick , et non-seulement pa-
tagca sou goût pour le théâtre , mais
composa lui-même quelques pièces ,
notamment High Life-Below stairs
( le Beau monde hors du salon,
175g), pièce qui a toujours joui
d'un grand succès. Ses sermons ,
dont plusieurs ont été imprimés , ne
furent pas moins goûtés que ses co-
médies. Ami du peintre morabste
Hogarth . il a eu quelque part à son
Analyse de la beauté. Un grand
nombre d'élèves sortis de son école
se oont distingués dans les carrières
delà théologie, de la jurisprudence
et de la médecine. Il mourut le i5
juillet 1778. Z.
TOWTSON (Guillaume) , voya-
geur anglais, dont on connaît les
voyages sur les côtes de Guinée. Dans
le premier , fait en 1 555 , on ne trou-
ve que quelques indications sur les
lieux où il put traiter avec les nè-
gres, et sur ceux où il fut attaqué
par les Portugais. Cette nation, ja-
louse à l'excès de son commerce
d'Afrique, ne voyait qu'avec inquié-
tude les entreprises des Anglais.
D'ailleurs il n'arriva rien que de fort
ordinaire àTovvtsou,qui recueillitde
grands profits de son entreprise.
L'année suivante le revit sur les cô-
tes d'Afrique, et ses profits n'y fu-
rent pas moindres. Il s'y lia d'ami-
tié et d'intérêt avec quelques capitai-
nes français, et ils se défendirent con-
joiulcnieut des attaques des Portu-
gais,qui prétendaient toujoursêtrclcs
seuls ."1 commercer sur cette côte. On
ne trouve d'ailleurs, dans ce second
voyage, aucun événemenl([ui mérite
d'êlre recueilli. En 1558, il eu entre-
prit un troisième. Son historien, qui
TOZ
craint, à bon droit, qu'où ne le taxe
d'une ambition insatiable, insinue
qu'il est probable que Towtson n'é-
tait que l'agent d'une compagnie. Ce
qui met quelque différence entre ce
voyage et le prëce'dent , c'est la mé-
sintelligence entre les Anglais et les
Français. Towtson revint fort mal-
traité • ses vaisseaux étaient sans
voiles , presque sans mâts et sans
équipages, (i) M — le.
TOZE(Éobald). r.ToTZE.
TOZZETTI. V. Targioni.
'X.Q'LTX ( Luc ) , médecin , né , en
i638, à Frignano, près d'Aversa,
apprit les belles lettres chez les jé-
suites , et la médecine à l'université
de Naples. Quelques observations
publiées sur la comète de 1664 lui ac-
quirent la réputation de savant. Vers
cette époque (166G), un jeune bom-
me de beaucoup de talent ( i ) , mais
qu'on a cru mal-à-propos l'inventeur
du thermomètre , était venu du fond
d'mie province pour porter les pre-
miers coups à l'autorité de Galien.
Il avait trouvé des amis et des pro-
tecteurs 5 mais il ne put pas captiver
Tozzi , qui se mit à la tête d'une
académie , nommée des Discor-
danti , pour balancer l'indueuce des
//iP'esf /§•««(/, à laquelle étaient affiliés
Th . Cornelio, Léonard de Capua, Por-
(i) Ou a lieu de s'étonner de l'expression dont
se sert l'abbé Prévost [ Hist. des l'Oya^es^ iu-12,
t. 11, p. 376' ). « Towlson suspendit, dit-il, à son
)> mnl uu -vieux bonnet , avec lequel il se conduisit
>i à l'ile de Wigbt. >> Mais comme en terme de ma-
rine honuettcs sipniGe ces élargissnres que l'un met
<juelqueiois aux voiles, je suis très -persuadé que
ce fut une de ces boiinetles qu'employa Towtson ,
u'ayanl plus de voile entière,
(1) Sebastien Bartoli , né, vers l'année iG!î,ï . à
Monlella, dans la Principauté ultérieure , et mort
h Naples, eu it);(i. Uans uu ouvrage posthume,
publié par un de ses élèves ( 7'lieriHut<igia Arago-
nia , Naples , 1679 , in-8". ) , il avait donné la des-
cription d'un instrument pour mesurer les degrés
de chaleur dis eaux thermales. On a prétendu pour
cela qu'il fallait le regarder comme 1 inventeur du
tliermomètre. Mais Galilée y avait déjik songé , en
i5()7; et Urebbel s'en était servi, en itjai {^f-'oycz
GALILÉE, XYI, 321 ; etDREDBEI,, XII, 17).
TOZ
423
zio,Borrelli; et en même temps pour
s'opposer aux. progrès des Secreti ,
société nouvellement fondée par
J.-B. Délia Porta, dans le but de pro-
pager les découvertes utiles. Cette
rivalité réveilla l'attention de la cour
de Rome, qui, alarmée parle titre
mystérieux de l'académie de Porta
{F. ce nom , XXXV , 44^)^ <^'^ or-
donna la suppression. En attendant,
Tozzi , agrégé à la faculté de méde-
cine, fut nommé supplé'^nt de Tho-
mas Cornelio , et bientôt professeur
à l'université de Naples. Désigné
pour succéder à Malpighi ( F. ce
nom , XXVI , 4o8 ) p il '^e rendit , en
1695 , à Rome, oii il réunit aux fonc-
tions d'archiatre pontifical , celles
de professeur de médecine à la Sa-
pience. A la mort d'Innocent XII ,
il fut appelé en Espagne en qualité'
de premier médecin de la cour. Il
allait franchir les Alpes, lorsqu'il
apprit à Milan la mort de Charles
II. Désapointé par cette nouvelle ,
il revint sur ses pas , et fermant l'o-
reille aiix propositions de Clément
XI , qui aurait voulu le retenirauprès
de lui , il se hâta d'arriver à Naples,
où leduc de jMedina-Celi , vice-roi es-
pagnol , le prit à son service ^ et le
nomma /?rof o-médccin du royaume.
Tozzi mourut à Naples le 1 1 mars
ï ■] 1 7 . Ses ouvrages sont : I . Recondi-
ta naturœ opéra jam détecta , uhi
circà cometam ( du mois de déc.
\QQl^) disseritur , Naples, i665,
in-i2. Ce livre n'est pas mentionné
dans la Biblios,raphie astronomique
de Lalande. Gimma s'est trompé en
parlant d'une comète de iQ^/^.W.
Medicina theoretica , Lyon et Avi-
gnon , 1681-87 , in-8°- L'auteur n'é-
tablit aucun système -, il se borne à
exposer les opinions des anciens et
des modernes , sur les maladies et
sur les diflérents remèdes. HT. In
4-24
TRA
Hippocratis aphorismos , commen-
taria , Naples , 1698, 1 vol. in-4".
IV. Horarum œquinoctialium et
antiquarum expositio , ibid. , 1706^
in-4". Dans ce Mémoire , Tozzi cher-
che à deviner ce que Galien a pré-
tendu dire par ses heures ëquinoclia-
iiales ou égales. Foy. les Mémoires
de TréYoux.Y . Comment, m librum
artis medicinalis Galeni , etc. , Pa-
doue ,1711, in-4". VI. Thèses phj-
sicœ , ex sacris lilteris depromptœ.
Tozzi n'est, pas le premier qui se soit
e-forcé de trouver un système de phy-
sique dans la Bihie. Il existe un re-
cueil complet de sesOEuvres, Venise ,
1721 , 5 vol. in-4''. ^oj". Gimma
( Elogi accademici , ï , 179 ) , qui
en a écrit l'éloge du vivant de l'au-
teur. A — G — s.
TRABEAS ( QuiNTiTs ) , poète
comique de l'ancienne Rome , flo-
rissait dans le cinquième siècle de la
république , du temps de Régulas. Ses
ouvrages furent long-temps fort ré-
pandus^ et Cicéron en a cité divei's
fragments , entre autres de la pièce
fpii avait pour titre : Ergastulum ,
mentionnée par Nonnius Marcellus.
Ce sont les seuls qui nous soient par-
venus. Maitlaire les a insérés dans
son Corpus poëtarum. C'est sous le
nom de ce poète que Muret tendit
plaisamment un piégc à la crédulité
de Scaliger {Fcy. Muret, XXX,
44 1). Z.
TRACHALUS ( Galerius ) , ora-
teur romain , qui fjorissait sous le rè-
gne des premiers empereurs, fut dési-
gné consul par Néron, avec Silius Ita-
licus, pour l'an OH; mais la nouvelle
de la révolte de Galba dérida Néron
à se subroger seul à leur place. Les
talents de Ti'achahis lui mérilèrenl
la {'.'ivcur d'()tlion,et il passait pour
l'anlcur des discours que ce prince
prononçait an sénat. On croyait du
TRA
moms , dit Tacite , y reconnaître le
nombre et l'harmonie qui distin-
guaient les compositions de cet ora-
teur ( Hist. I , 90 ). Quoiqu'il eût
employé, le crédit qu'il avait sur
Othon à se faire des partisans, il eut
besoin de toute la protection de
Galeria , femme de Vitellius , pour
échapper aux. proscriptions qui si-
gnalèrent l'avéhcment du nouvel
empereur ( ibid. 11 , 60 ). On ignore
les autres circonstances de la vie de
Trachôlus. Quintilien, qui l'avait vu
dans tout l'éclat de son talent , le
trouvait sublime et pourtant clair.
« En l'entendant, dit-il , on n'imagi-
nait pas qu'il fût possible de dire
mieux. 11 est vrai qu'il avait un or-
gane que je n'ai rencontré dans au-
cun autre orateur, un deliit qu'on
aurait apj^laudi sur le théâtre , une
grâce parfaite, et enfin tous les avan-
tages extérieurs j à un rare degré. »
( Institut, orat. x , i ). La beauté de
son organe est constatée par le pro-
verbe Trachalo zwcalior. Nous de-
vons à Quintilien un mot de Tra-
chalus qui prouve de la vivacité
dans la répartie. Un jour Suillius lui
disait : « Si cela est, tu vas en exil ;
— mais, repliqua-t-il, si cela n'est pas,
j'en suis revenu {ibid. vi ^ 3 ). » II
cite a'.issi, comme modèle de l'apos-
trophe, un passage de son ])laidoyer
contre Spathalé ( ibid. viii , 5 ).
Bernardi a laissé des Recherches sur
Trachcilus , qui font partie du
Nouveau recueil des Mémoires de
l'académie des inscriptions, tom. vu.
W— s.
TRACY (Le P. Bernard Des-
TUTT T>v. ) , écrivain ascétique , était
né, le si;') août ly'io, au château de
Parai-lo-Fresi près Moulins , d'une
famille noble, qui a produit plusieurs
hoinnics de mérite ( F. Desiutt ,
Siograph. des homm. vivants , 11 ,
TRA
394). Le goût de la i-etraite et une
santé délicate lui firent sacrifier tous
les avantages qu'il pouvait se pro-
mettre dans le monde ; et à seize ans,
il embrassa la vie religieuse dans la
congrégation des Théatius. La pra-
tique de ses devoirs et l'étude , eu
partageant tous ses instants, lui ren-
dirent plus supportables ses infirmi-
tés habituelles. Il refusa tous les em-
plois qui lui furent ofi'erts , excepté
celui de maître des novices , pour n'ê-
tre point détourné de ses occupations
littéraires. Le P. Tracy mourut à
Paris , le i4 août 1786, à l'âge de
soixante-six ans. Outre un Panégyri-
que de la V. mère de Chantai (F. ce
nom ) , prononcé , lors de sa béatifi-
cation , à Moulins^ en 17 53, on a
de cet écrivain : L Conférences ou
exhortations à l'usage des maisons
religieuses, Paris ^ ^765 , in-12 j
seconde édition, lySS. IL Confé-
rences ou exhortations sur les de-
voirs des ecclésiastiques, ib.^ 1768,
in-T 2 ; dans la préface de cet ouvra-
ge, ainsi que dans celle du pi'écédent,
l'auteur passe en revue et apprécie
avec une sage impartialité tous les
écrits du même genre publiés jus-
qu'alors en français. III. Traité des
devoirs de la vie chrétienne , ibid. ,
1770, 2 vol. in-i2. IV. Fie de
saint Gaétan de Thienne , fonda-
teur des Théatins ; suivie de notices
sur les BB. JeanMarinon, saint An-
dré Avelin et Paul Burali d'Arezzo,
cardinal, de la même congrégation,
ibid., 1774? iii-i2. L'auteur a réuni
dans cet ouvrage ses recherches sur
l'origine et la règle des Théatins^ et
sur leur établissement en France, où
ils ne possédaient qu'une seule mai-
son à Paris , fondée eu 1647 ■> P^'^ '^
cardinal Mazarin. V. Nouvelle re-
traite à l'usage de toutes les com-
munautés religieuses, iliid., 1782 ,
TRA 425
in- 12, VL Fie de saint Bruno ^
fondateur des Chartreux , avec di-
verses remarques sur le même ordre^
ibid., 1785 , in-i2. On y trouve des
détails sur le culte rendu à saint
Bruno, ses reliques, ses ouvrages et
leurs différentes éditions; une Disser-
tation assez étendue sur la fameuse
apparition d'un docteur à saint Bruno
{For. ce nom), quR le P. Tracy
regarde, avec les Bollandistes et les
meilleurs critiques, comme fabuleusej
des Notices sur les généraux des
Chartreux , sur les saints et les pré-
lats que cet ordre a fournis à l'É-
glise • des remarques sur les change-
ments apportés à la règle primitive j
l'état des maisons possédées alors par
les Chartreux en France, etc. ; eu un
mot , cet ouvrage , plein de recher-
ches curieuses et intéressantes, peut
tenir heu d'une histoire de cet ordre,
célèbre par les austérités et par le
gi"aud nombre de sujets distingués
qui en sont sortis. W — s.
TRADENIN ( Przibicon de )
commença , en 1374, par ordre de
Charles IV, à écrire l'histoire du
royaume de Bohême. Cet empereur
avait d'abord chargé de ce travail
Jean de Marignola , un de ses cha-
pelains. Mais la première Clironique,
que Dobner a publiée ( i ) , ayant
avec raison déplu au prince et aux
Bohémiens , Charles chargea Tra-
denin d'en faii'e une seconde ; il
lui fit donner entrée dans les bi-
bliothèques des monastères , des
chapitres, et dans les archives du
royaume. Ayant réuni plus tard la
Marche de Brandebourg à ses états , il
communiqua encore à Tradenin une
chronique , qui présentait , dans
le plus grand détail , la géuéalo-
(i) Moniinifnla hitlorira Buliemia; Prague, 1768
t. II, |>. ()8.
4^6
TRA
gie des princes de Brandebourg,
leurs alliances , leurs guerres , leurs
traites de paix, l'histoire des c'vê-
che's, des chapitres et des ordres
religieux (2). Eu confiant à Tradenin
oes sources précieuses, l'empereur
l'engagea à examnier attentivement
les faits, et à n'admettre dans son
ouvrage aucun des récits hasardés
et fabuleux quidéliguraient les chro-
niques publiées jusqu'alors. Trade-
nin a fidMemeut rempli sa mission
dans la Chronique dite de Pidkava.
L'auteur ne poussa son travail que
jusqu'à l'année i33o,lamort l'avant
empêché de donner la dernière par-
tiedu règne de Jean et celui de Charles
IV. Les comtes de Waldstein ont
dans leurs archives un ancien ma-
ïmscrit contenant cette Chronique la-
tine , avec la traduction en vieux
bohémien , et une continuation que
trois auteurs différents ont ajou-
tée en bohémien jusqu'en 1470 (3).
Les chevaliers ïeutoniques de Pra-
gue possèdent un manuscrit encore
plus ancien j c'est la Chronique ori-
ginale en latin , que Dobncr a pu-
bliée (4). G— Y.
TRADESCANT (Jean), natura-
liste , né en Hollande , voyagea dans
lilusicnrs pays de l'Europe, et vint
s'établir en Angleterre, oii il fut jar-
dinier chez le comte de Salisbury ,
grand trésorier , et le lord Woo-
ton ; ensuite il s'embarqua sur une
escadre envoyée^ contre Alger en
i^i^o. Il recueillit des plantes aux
Balc'arcs et dans d'autres îles de
la Méditerranée, et en cm-ichit l'An-
gleterre. A son retour^ il établit un
(>ni(|ii<> , qui n'a point clé impi-iinûc
clic driiis l.» I.il>liolli;<|,if.s de I)ia„-
(a) Cclli- c'Iironiipir , qui n'a
tst rc!il(lccniii'vi-lic driiis I™ bililiuiiii-qu
.l.-l,.,i.rg on ,\,- \., I!„l„„,..; ,.„ n'.M r.,,,,,;,;, ,,,„. ,;<• <|ue
■Jiad.'nin I. in.vi(: d..i.s \., CIii..im.|»o d,- l'ulkav.i.
(■S; Muniimcntuhnlnrica Bohntiiir , I. IV, |i. 12^|.
(\) ll)i<l., t. III, p. 7î.
TRA
jardin à Lambcth , et obtint , en
1629, le brevet de jardinier du roi.
Il fut le premier qui forma une col-
lection d'histoire naturelle; on ignore
l'année de sa mort : mais elle ari'iva
avant i656 , il paraît qu'il était très-
âgé. — Jean Tradescant , son fils ,
voyagea en Virginie, d'oii il rap-
porta entre autres plantes celle qui
porte son nom. Il continua la collec-
tion commencée par son père ; elle
était connue alors sous le nom iï Ar-
che de Tradescant , attirait beau-
coup de curieux , et était fréquentée
par de grands personnages qui contri-
buèrent à l'augmenter. Tradescant
légua son Muséum à Élie Ashmole
( r.ïl , 575 ) , et mourut en 1662.
On a de lui , en anglais : Muséum
Tradescantianmn , ou recueil de ra-
retés consen>ées à South-Lambeth ,
près de Londres , Londres, i656,
in-S*^. C'est la description de sa col-
lection qui , indépendamment des
objets d'histoire naturelle , com-
])renait des armes , des monnaies ^
des médailles, des costumes, etc.;
elle est suivie du catalogue , en
anglais et en latin , des plantes de
son jardin , et de la liste de ses
bienfaiteurs, en tète desquels figin-ent
le roi et la reine. S. G. Wetson a
donné, en 1749 , dans le tome xlvi
des Transactions philosophiques , la
description de ce qui existait encore
alors , du jardin des Tradescant.
Leurs portraits se trouvent en tête
du Muséum. Le Tradescantia , ou
Éphémère désigne un genre de plan-
tes de la famille des commelinées ,
cl de riu'xaudric monogynie; il com-
prend nu grand nombre d'espèces
toutes r\oti(pies , la plupart origi-
naires d'Amérique, (|nelqu(S-unesdes
Indes -Orientales. D'autres plantes
sont aussi distinguées ]>ar le nom
spécKique i\c Tradescant. E — s.
TRA
TRADONICO ( Pierre ) fut élu
doge de Venise, dans une sédi-
tion du peuple dirigée contre Jean
Participatio , son prédécesseur , en
837. Son fils, qui s'appelait aussi
Jean , lui fut donné pour collè-
gue peu de temps après. ïradonico
était originaire de Pola eu ïstrie ; il
habitait alors à Rialto. Son fils Jean
mourut le premier , à une épocpie
inconnue. CommeTradonico célébrait
la fête de saint Zacbarie, dans le
couvent de ce nom , des nobles, con-
jurés contre lui , le tuèrent eu 864.
Ils furent ensuite punis par Urso
Participatio , que le peuple lui donna
pour successeur. S. S — i.
TRAETTA (Thomas), l'un des
plus célèbres élèves de Durante , na-
quit , en 1727 , à Bitonlo , dans le
royaume de INaples. Al'âgede vingt-
trois ans , il débuta par Farnace ,
qui eut un grand succès sur les théâ-
tres de Naples. 'VEzio ne fut pas
moins bien accueilli à Rome ; et ces
deux triomphes suffirent pour établir
la réputation du maître. Après avoir
figuré sur les principaux théâtres
d'Italie , il entra au service de la
cour de Parme , pour laquelle il com-
posa plusieurs opéras. On remarqua,
entre autres, celui à'Ippolito edA-
ricia , donné en 1709, et qui valut
à l'auteur une pension du roi d'Es-
pagne , et un engagement pour le
théâtre impérial de Vienne. On lui
proposa deux sujets, dont l'un {Ar-
mide) , déjà traité par Jommelli ,
devait reparaître avec tant d'éclat
sous la plume de Gluck ; et l'autre
( Iphigénie ), après avoir abrégé la
vie de Jommelli , était destiné à
brouiller ensemble Gluck et Pic-
cini. Traclta ne recula pas devant
cette épreuve; et ces deux opéras
sont au nombre de ses plus beaux
ouvrages. A la mort de l'infant don
TRA 4^7
Philippe, en 1763 , il obtint la place
de maître au conservatoire de l'O^pe-
daletto , à Venise. 11 se rendit en-
suite à l'invitation de l'impératrice
Catherine, qui le retint sept ans à
Pétersbourg. Il y remplaça Galuppi
( en 1768), qu'il ne fit point re-
gretter , et qu'il surpassa même dans
quelques-unes de ses pièces. Attiré à
Londres par les offres de puissants
protecteurs , il ne put pas s'y fixer à
cause de la faiblesse de sa santé. Il es-
pérait la rétablir au sein de sa famille,
et sous le beau ciel de Naples , lors-
qu'il mourut à Venise , le 6^ avril
1 7 79 ( I ). Musicien profond et rêveur,
Traetta excelle surtout dans les effets
sombres et pittoresques de l'harmo-
nie. Ses meilleurs ouvrages sont au-
tant de monuments de correction et
de génie. Ginguené (Encyclopédie
méthodique , musique, art. Crier)
raconte que, dans la Sophonisbe de
Traetta , cette reine se jette entre son
époux et son amant pour les empê-
cher de se battre : « Cruels , leur dit-
)) elle , que faites-vous ? Si vous êtes
» avides de sang , voilà mon sein... »
Et comme ils s'obstinent à sortir,
elle s'écrie : Où allez-vous ? Jh !
non. Sur cet Jh ! l'air devait être
interrompu par un très-grand ciîort
de voix. Le compositeur , ne sachant
comment en marquer le degré , mit
au-dessus de la note sol , et entre
deux parenthèses [un urlo francese)
un hurlement français. Les princir
paux opéras de Traetta sont : I.
Ezio , à Naples, 1750. IL Ippolito
ed Aricia, à Parme, 1757. III.
Ifigenia , à Venise , 1 769. IV. Ar-
viida , ibid. , 1760. V. V Isola
disahitata, à Pétersbourg , 1769.
VI. VOlimpiade , ibid., 1770.
(i) Nous fiïons cette Jatr H'ai.rf-s Moschini , qui ,
dans son ouvingc <«i la lillcnUiirc vinitieiuii- , 111 ,
•Jo8 , nouiuic la me ot'i ce compositeur est mort.
4^8
TRA
VII. La Didone,ïhià., 17 12. VIII.
Gennonda , à Londres, 1776. IX.
La Disfatta di Dario , à Naples ,
1778. A — G — s.
TRAGUS. Voy. Bock.
T R A J A N (MjRcus- Ulpius-
Trajanius-Cbixitus ), empereur
romain, surnommé Optimiis (très-
bon ) , naquit à Italica , près de Sé-
ville en Espagne, le 18 septembre
de l'an 52 de J.-G. Sa famille, ori-
ginaire de la même ville , e'tait très-
ancienne, mais sans illustration. Ti-
tus Trajanus, père de Trajan, fut le
premier de cette maison qui pan'inî
aux honneurs. Il fit avec distinction
la guerre contre les Juifs , sons Ves-
pasien et Titus. ( F. Titus ). Le pre-
mier de ces princes le mit au rang des
patriciens, l'ëleva au consulat, et
lui décerna les ornements du triom-
phe. Le jeune Trajan, qui accompa-
gna son père sur TEuphrate et sur
le Rhin , ne tarda pas à se faire un
nom par sa bravoure et sou habile-
té. Il formait son génie à la science
de l'ollicicr, en même temps qu'il
endurcissait son corps à toutes les
fatigues du soldat. Populaire , affa-
ble, mais toujours avec dignité, il sa-
vait se faire aimer de ses inférieurs ,
estimer et chérir de ses égaux. Une
telle conduite lui rendit facile la car-
rière des honneurs , et il devint con-
sul ordinaire sous Domitien, l'an 91
de notre ère. Après son consulat , il
se retira en Espagne. Ce fut de cette
province que cet empereur le manda
pour le mettre à la tète des légions
de la Basse-Germanie. Dans ce pos-
te important, il déploya des talents
et des vertns militaires qui engagè-
rent rempfreurNer\ a à l'adopter. Le
nouveau César, qni fut nommé Ner-
va Trajanus, avait . dois (juaranle-
dfiux ans : il était doué de ces avan-
tages extérieurs qui sont si utiles
TRA
aux hommes appelés à coramaDder,
Sa taille élevée ajoutait à la ma-
jesté de son visage, et bien qu'il
fût d'une santé robuste et dans toute
la vigueur de l'âge , ses cheveux
blancs lui donnaient quelque chose
de vénérable. Personne dans l'empire
ne fut surpris d'un pareil choix de
la part du sage Nerva, si ce n'est
Trajan lui-même, qui se trouva fils
adoptif de l'empereur et associe' à
la puissance souveraine avant d'y
avoir jamais songé. Il était à Colo-
gne quand il reçut, avec les insi-
gnes du consulat , cette nouvelle inat-
tendue. Son nom seul apaisa les sédi-
tions qui depuis quelques mois trou-
blaient Rome , et qui avaient rendu
son adoption si nécessaire. Son éner-
gie acheva l'ouvrage. Pour venger
la dignité impériale outragée dans la
personne de Nerva , il manda près
de lui les instigateurs de la révolte :
ils n'osèrent désobéir à Trajan éloi-
gné, eux qui bravaient chaque jour
Nerva présent ; et le nouveau César^
plus sévère pour la cause de son père
adoptif qu'il ne le fut jamais dans sa
propre cause, n'hésita pas de con-
damner ces séditieux à la mort ou à
l'exil. Nerva mourut trois mois après
( an 98 de J. - G. ). Trajan , recon-
nu empereur par le sénat, par le
peuple et par les armées , ne se pres-
sa ])as de venir à Rome : les aflaires
de la Germanie lui imposaient la né-
cessité de rester dans le voisinage du
Rhin et du Danube. Son premier soin
fut de faire mettre Nerva au rang
des dieux. En même temps, il écri-
vit au sénat, pour prendre l'engage-
ment de n'ùlcr la vie ni l'honneur à
aucun homme de bien. «L'histoire ne
nous a])prend point par quels ex-
ploits fut marquée cette année, que
Trajan passa tout entière dans les
contrées germaniques. On sait seule-
TRA
tticnt qu'il contint les barbares , qui
n'osèrent profiter de ce que le Danu-
be e'tait entièrement fermé par les
glaces , pour entreprendre sur les
frontières de l'empire les incursions
auxquelles les avait accoutumes la
lâcheté de Domitien. Trajan reprima
également l'ardeur des soldats ro-
mains, qui voulaient, parreprésailles ,
entrer sur les terres des ennemis. Un
objet bien important l'occupait alors
tout entier : c'était le rétablissement
de la discipline dans les armées de
l'empire. Domitien avait détruit tou-
te émulation parmi les olliciers et les
généraux. , par une sombre jalousie
qui le rendait l'ennemi de tous ceux
qui se distinguaient. Ils évitaient la
gloire, qui passait pour un crime aux
yeux du despote ombrageux. Tra-
jan, avant d'être empereur, avait
trop bien fait ses preuves comme gé-
néral d'armée, pour s'inquiéter du
mérite et de la renommée de ses capi-
taines: il leur laissait les occasions
de se signaler ; et voulait que ,
malgré sa présence à l'armée, ils
jouissent de toutes les prérogati-
ves et de toute l'autorité attachées
à leur grade. La seconde année de
son règne^ il partit enfin pour Rome,
avec un cortège nombreux , mais ceux
qui le composaient montrèreut, en
traversant les provinces de l'empire,
une discipline et une modération en-
vers les habitants , qui formaient un
honorablccontrasteavecles excès tout
récents qui avaient signale le passage
de Domitien sur la même route. Ja-
loux de montrer la différence entre
les sommes dépensées pour l'un et
pour l'autre voyage, ïrajan en fit
afficher l'état dans les rues de Rome :
en cela il avait moins eu vue , selon
Pline le Jeune, sa propre gloire que
l'utilité publique. 11 est bon, ajoute
cet oi'ateur , que le prince s'accou-
TRA
4-^9
tume à compter avec l'empire et à
publier les dépenses qu'il aura faites :
c'est le moyen de l'empccher d'en fai-
re qu'il ait honte de rendre publiques.
De tels actes engagèrent le sénat à dé-
cerner à Trajan le titre de Père de la
■patrie ; il hésita avant d'accepter si
tôt celte qualification, qu'il regardait
moins comme im honneur que comme
un engagement de la mériter. Ce fut
à pied , et seulement escorté de quel-
ques compagnies de soldats qui gar-
daient un silence modeste, qu'il fit
sou entrée dans Rome. Quoi qu'il eu
fût sorti simple particulier , on eût
dit , à voir la modestie de son exté-
rieur, qu'aucun changement ne fût
arrivé à sa fortune. 11 permettait à
chacun de l'approcher , saluait ses
anciennes connaissances, et prenait
plaisir à en être reconnu. Il se mon-
tra toujours aussi accessible, aussi
ennemi du faste et d'une vaine repré-
sentation. Nerva avait fait mettre sur
le frontispice du palais impérial cette
insciiption : Palais public. Trajan
accomplit dans toute son étendue
l'espèce d'obbgation qu'imposait cet-
te annonce : nulle place publique ,
nul temple , dit son panégyriste ,
n'était d'un plus facile accès que
la maison de ce prince : il semblait
qu'elle fût la demeure de tous les ci-
toyens. On n'y trouvait aucune porte
fermée ,■ on n'y éprouvait nul rebut
de ia part des gardes. Tout y était
modeste et paisible, comme dans
une demeure privée. Trajan faisait
accueil à tous ; il écoutait tout le
monde, comme s'il n'eût eu d'autre
affaire que celle dont ou l'entre-
tenait. Il se prétait même aux con-
versations familières de ceux qui sans
le connaître venaient le trouver seu-
lement par affection. Les grands de
l'empire avaient pleine liberté de lui
faire leur cour, pleine liberté de s'en
43o
TRA
dispenser. Cet excellent prince sa-
vait goûter les douceurs de la so-
cie'té j il avait toujours à sa ta-
ble quelques citoyens distingués par
leur mérite et par leur vertu. La li-
berté , l'enjouement et même cet
abandon qui ne peut naître que de
l'égalité , régnaient dans ces entre-
tiens , où l'empereur et ses convives
trouvaient un véritable délassement.
Il avait des amis, parce que lui-mê-
me remplissait tous les devoirs de
l'amitié ( i ). Il visitait fréquemment
ceux qu'il honorait de ce titre : s'ils
célel^raient cbez eux quelque tête de
famille, il venait se ranger parmi les
convives : il prenait souvent place
dans leur voiture. 11 répondit à
quelqu'un qui blâmait cette familia-
rité comme indigne de la majesté
impériale : « Tels j'ai souhaité que
» les empereurs fussent à mon égard
» quand j'étais simple particulier,
» tel, empereur, je veux être à l'é-
» gard des particuliers. « Sa con-
fiance en ses amis était entière. On
voulait lui rendre suspect Liciuius
Sura, qui avait contribué à le faire
adopter par Ncrva. Sur-le-champ
Trajan va chez cet illustre sénateur^
en entrant dans la maison , il renvoie
ses gardes, se fait raser et panser les
yeux par les serviteurs mêmes deSu-
ra , et ne se retire qu'après avoir pris
le bain et soupe avec lui. Le lendemain
il ditaux accusateurs : « Si Sura avait
» cudesseinde me tuer, il l'aurait fait
5) hier. » Parmi ceux auxquels Trajan
accorda son amitié, l'iiistoirccompte
^encore Sossius Sénécion , à qui Plu-
"tarque a adressé plusieurs de ses trai-
tés de morale; Pline le Jeune, qui s'est
immortalisé par l'éloge de son au-
guste ami ; Cornélius Pahna , qui sub-
jugua r.4rabJe Pélréc sous ce règne j
(i) Hahei unicol r/uia amicus iftsc es. ( l'iiti. ,
TRA
enfin Celsus , illustre sénateur ; les
deux derniers éprouvèrent la haine
d'Adrien , qui les fit périr comme
auteurs d'une conspiration qui ne fut
pas prouvée ; mais ils avaient été
admis dans le secret des pensées de
Trajan; ils connaissaient mieux que
personne les circonstances équivo-
ques de la px'étendue adoption d'A-
di'ien : c'était là leur véritable cri-
me. Sura mourut avant Trajan ,
qui honora la mémoire de son ami
par de magnifiques funérailles, et
par la construction de thermes qu'il
appela Bains de Sura. La même sim-
plicité , la même franchise qui prési-
dait aux relations privées de cet em-
pereur, on la retrouvait dans ses di-
vertissements. 11 aimait la chasse et
s'y livrait sans mollesse, lançant lui-
même la bête et la poursuivant à
travers monts et vallées : se prome-
nait-il sur mer , il s'associait à la
manœuvre et se plaisait à manier la
rame , surtout lorsqu'il s'agissait de
vaincre la violence des vents et des
flots. L'exemple des vex'tns de Trajan
influa sur sa famille : la vertu de sa
sœur Marcia est demeurée sans tache j
et si l'aveugle affection que Plotine,
son épouse, portait à Adrien a pu
être attaquée dans ses motifs , du
moins cette impératrice respecta tou-
jours assez la décence pour que ces
attaques ne reposent que sur des
conjectures ; soigneuse de la gloire de
son époux, elle l'avertissait des abus
de l'administration; et celle qui devait
jouer le rôle de Taiiaquil k l'égard
d'un autre Servius Tullius en la per-
sonne de ce même Adrien, jiaraîtavoir
possédé la force de caractère et les
qualités de l'esprit qui distinguaient
l'épouse de Tarquin l'Ancien {f oy\
Pi.oTiNE, XXXV, 85, cl Tarquin,
Lucius T an luiiiiii s Prisais ^ XLIV,
55 1 , note i ). L'économie , la fru-
TRA
galité régnaient dans la maison de
Trajan et de Plotiuc , sans nuire à la
dignité impériale. Les bons exemples
du prince inlhièrent sur les mœurs
publiques : dans la seule vue de
lui plaire, le peuple, malgré sa pas-
sion pour le jeu des pantomimes, lui
demanda la suppressiou de ce sj)ec-
tacle ; et cette mesure s'étendit jus-
qu'aux provinces. Malhev.reuscment
plus tard, cédant à son infâme pas-
sion pour le mime Pylade , Trajan
rétablit ces jeux; car, il faut le re-
connaître , avec toute la simplicité
d'un yieux Romain dans sou ameu-
blement , dans ses repas , dans son
extérieur, ce pi'ince n'était rien moins
que réc;'é dans ses moeurs : il se li-
vrait habituellement à l'ivrognerie et
à tous les caprices de la luxure. A
Rome, comme dans ses voyages, il
était entouré d'une troupe de jeunes
enfants dévoués à ses passions , et
q.u'il appelait son petit gymnase pœ-
dagogiîtm (2). Toutefois il est juste
d'ajouter que chez Trajan les faibles-
ses de l'homme n'influèrent jamais
sur sa conduite comme empereur: bien
que ses excès de table n'allassent ja-
mais jusqu'à lui faire perdre entière-
dre la raison, il eut la sagesse de dé-
fendre l'exécution des ordres qu'il
pouvait donner après de longs repas.
Il est temps de suivre Trajan dans
ses rapports avec les peuples dont il
était appelé à faire le bonheur, ^on
premier soijii , à son retour à Rome,
fut de répandre les largesses ordi-
naires ; mais il sut se donner un mé-
rite particulier dans ces libéralités
d'usage , par la manière dont il les
distribua. Plus empressé de satisfaire
(7.) Julien , qui , dans Us Ccfars , représente
fort au naturel les sentiments et le caractèi'e de
Trajan , iail une picjuante allusion aux goûts iu-
lâines de cet empereur , en disant qu'à l'instant
où il parut devant les dieux assembles , un cria à
Jupiter de veiller de prc) sur sou Ooiiyuède.
TRA
43 1
les citoyens que les soldats , il fit en
entier la gratification destinée au
soulagement du peuple, ayantd'avoir
complété celle qu'il accordait aux
troupes. Il ne voulut pas que l'absen-
ce fût, comme par le passé, im titre
d'exclusion; et il étendit ces gratifi-
cations dans toute l'Italie, jusque
sur les enfants , et pour tout le temps
de leur éducation. Les ])rovinces et
les\ illes furent dispensées des contri-
butions prétendues volontaires qui se
percevaient à chaque nouveau règne.
Les empereurs avaient toujours don-
né la plus grande attention à l'ap-
provisionnement de Rome : de là dé-
pendait leur sûreté; mais trop sou-
vent , pour y réussir , ils avaient eu
recours à des moyens odieux, tels que
des enlèvements de blé chez les cul-
tivateurs. Trajan parvint au même
but par les voies de la justice et de
la douceur; en respectaut les pro-
priétés et en accordant une entière li-
berté à la circulation des grains. On en
apportait de toutes parts , parce que
le fisc les payait avec fidélité. Trajan
assura, par des établissements fixes,
la durée de l'abondance ; et Rome
fut non-seulement pourvue pour ses
besoins, mais encore en état de sub-
venir à ceux des provinces frappées
de disette : c'est ainsi que la seconde
année du règne de ce prince celte capi-
tale put rendre à l'Egypte, réduite à la
famine par l'insuflisancedela crue du
Nil, le service qu'elle en tirait tous
les ans. Toutes les branches de l'ad-
ministration furent l'objet de la sol-
licitude de ce prince , dont l'in-
croyable activité rappelait celle
de César. Rome ayant été désolée
à-la-fois par un débordement du
Tibre , et par de Vc^stes incendies , il
sut réparer tous ces maux. Pour pré-
venir la chute des maisons dans les
secousses des trcmblcmcutsde terre ,
43'2
TRA
et pour diminuer les frais de re'para-
tioiis , il défendit qu'on leur donnât
plus de soixante pieds de profondeur.
Les délateurs avaient régné sousDomi-
îien 5 ils avaient été impunis sousNer-
Ta. Inexorable envers les méchants^
Trajan purgea Rome de cette race
malfaisante; il les relégua sur des
rocliers stériles ; et la plupart péri-
rent dans la traversée. Des peines
sévères furent prononcées par lui
contre ceux qui avaient accusé injus-
tement un de leurs concitoyens. Les
di'oits du fisc donnaient souvent lieu
à d'injustes accusations : les déla-
teurs affectaient de faii'e valoir ces
droits et de les étendre, pour satis-
faire leur cupidité et enrichir le tré-
sor ans. dépens des accusés, que
des juges , complaisants du pouvoir,
condamnaient presque touj ours. Tra-
jan, sans abolir les redevances et
les di'oits légitimes attribués à l'admi-
nistration publique , réprimait avec
énergie le faux zèle des accusateurs
et des magistrats pour les intérêts du
prince. Les tribunaux apprirent à
condamner les agents du lise , et , se-
lon l'expression de Pline, l'empereur
lit voir que la cause du fisc n'est ja-
mais mauvaise que sous un bon prin-
ce. Trajan avait coutume de dire que
le fisc est dans l'état ce qu'est dans
le corps humain la rate , qui ne peut
croître qu'aux dépens de la substan-
ce des autres membres. Il réduisit
l'imposition du vingtième sur les
successions collatérales, établie par
Auguste , et qu'avait déjà modérée
Ncrva. Malgré cette diminution con-
sidérable des revenus impériaux , et
les libéralités continuelles qu'il répan-
dait sur toutes les classesde citoyens,
Trajan était ricUederéconomic et de
l'ordre qu'il faisait réguer dans la
maison inn)ériale. Loin d'clre jaloux
du mérite, il l'encourageait à se pro-
TRA
duirc : ennemi de la flatterie, il ai-
mait dans les citoyens la fermeté et
l'élévation d'arac ; empereur, il fa-
vorisait en quelque sorte les vertus
républicaines. Loin de craindre les
hommes indépendants , il leur don-
nait de préférence les dignités , les sa-
cerdoces, les gouvernements. Il pen-
sait avec raison, qu'il y aune grande
difféi'ence entre le despotisme et la
puissance souveraine. Incapable de
soupçons , sa vertu lui répondait de
la fidélité de ceux qui devaient lui
obéir. Il fit preuve de cette noble
confiance , lorsqu'en remettant à Su-
buranus l'épée de préfet du prétoire,
il lui dit : « Je vous confie cette épée,
5) pour l'employer à me défendre si
» je gouverne bien : pour la tourner
1) contre moi si je gouverne mal. »
Aux vœux que l'on faisait publique-
ment chaque année pour la conserva-
tion et la prospérité du prince , lui-
même ajouta cette clause : a Suppo-
» se qu'il gouverne bien, et pour l'a-
» vantage de tous, les affaires de la
» république.» Loin d'envahir le do-
maine des particuliers , comme l'a-
vaient fait plusieurs de ses prédéces-
seurs, ce prince fit subir une judi-
cieuse diminution au domaine impé-
rial ; il mit en vente ou donna cette
multitude de palais , de maisons de
plaisance , de jardins superbes , que
les jiremicrs Césars avaient acquispar
d'odieuses confiscations. A cette oc-
casion , Pline lui adresse cet éloge :
« César voit quelque chose qui n'est
» point à lui , et enfin l'état se trou-
» vc plus grand que le domaine du
» prince. » Peu curieux de bâtir pour
hii-niêmc, il ne se montrait magni-
fique que dans les ouvrages publics.
Des portiques , des temples élevés ou
nclicvés par ses ordres , le cirque
agrandi, la colonne Trajanc, sur la-
quelle sont gravés ses exj)loits, et
TUA
qui brave encore aujourd'hui l'injure
des siècles, comme le nom de Tra-
jau brave l'oubli auquel le temps
condamne le vulgaire des rois ; ces
embellissements de Rome ne lui firent
pas négliger les provinces. Il y éta-
blit diverses colonies importantes ,
soit comme positions militaires, soit
comme entrepôts de commerce ;
il fit construire un grand chemin
dans toute la longueur de l'empire ,
depuis la partie orientale du Pont-
Euxin jusque dans les Gaules. Un
grand nombre d'autres routes inte'-
rieures et de voies militaires , dont
on retrouve les traces dans diverses
contrées , attestent sa prevoyanie
sollicitude pour toutes les localités de
sa vaste domination. Le géographe
Banville a signalé, entre autres mo-
numents de ce genre, les vestiges d'un
chemin militaire construit par Tra-
jan , lors de sa première expédition
dans la Dacie , depuis le Danube jus-
qu'auprès de Bender. 11 fit creuser à
Centiimcellessnr la mer Tyrrhénienue
un port auquel il donna son nom , et
qui devint l3ientôt un des plus com-
merçants de l'Italie occidentale (3).
Le port d'Ancone sur le golfe Adria-
tique fut aussi creuse par ses soins
et aux frais de son trésor particulier.
Le monument que lui érigèrent le sé-
nat et le peuple romain , en recon-
naissance de ce bienfait, subsiste en-
core. En Espagne, le superbe pont
d'Alcantara sur le Tage , parfaite-
ment conservé , atteste sa sollici-
tude pour le pays qui l'avait vu
naître. Dans sa seconde expédition
eu Dacie , il jeta sur le Danube un
ponl dont le temps a encore respecté
quelques piles. Il serait impossible
d'énumérer toutes les forteresses qu'il
fit constriure ou réparer sur lesfron-
( 3) Ce port s'appelle :iiii<iiird'lmi Civita-Vecthia.
XLVl.
IRA
^33
tières, tous les camps qu'il fit forti-
fier et qui par la suite devinrent des
colonies romaines. La reconnaissance
de l'univers se manifesta envers ce
bon prince par le titre à' Optimus ,
qui lui fut donné, non par un décret
explicite, mais par la voix du peuple
qui le bénissait. On ne lui décerna
point les honneurs divins qu'avaient
reclamés de leur vivant plusieurs des
monstres qui l'aA^aient précédé sur le
trône impérial. Les statues qu'on lui
éleva furent en petit nombre^ et du
même métal que celles des citoyens
auxqtieîs ou en avait érigé sous la
république. Il paraît toutefois que
plus tard , après ses triomphes mi-
litaires , il souffrit que la recon-
naissance des Romains fût moins ré-
servée. En tous lieux alors on lui
dressa des trophées , des arcs de
triomphe : et le grave Ammien Mar-
celliu n'a pas dédaigné de conserver,
dans son Histoire , le souvenir de la
plaisante comparaison que l'on fit
entre le nom de Trajan et la parié-
taire, herbe qui s'attache à toutes les
murailles. Il serait peut - être juste
d'attribuer cette multiplicité de tro-
phées , moins à la vanité du héros
qu'à l'enthousiasme que durent ins-
pirer les triomphesdu premier empe-
reur qui , depuis César , eût fait véri-
tablement la guerre en personne .Rien
en général ne ressemble plus à la flat-
terie des courtisans que l'enthousias-
me des nations; et, pour ne parler que
de Trajan, rien n'est moins suspect de
flatterie que les éloges et les monu-
ments qui furent prodigués de son
vivant à un prince dont , après sa
mort, le panégyrique devait se re-
nouveler à l'avéneracnt de chaque
nouvel empereur, à qui, au milieu des
acclamations d'usage, on souhaitait
de surpasser, s'il était possible , Au-
guste eu Iwnheur et Trajan en vertus
28
434
TRi
(4). Ahï qualités tin souverain , aws.
vues de l'Jioraine df génie , ce prince
joi^n.iil la iraiicliisc du soldat. La
loyauté formait le caractère distinclif
de sa politique. Seseiï'orts pour resti-
tuer aux Romains une constitution ré-
puLlicaine , autant que lecomjiortait
la magistrature suprême dout il était
revêtu ; pour leur donner des élec-
tions libres et des magistrats indé-
pendants, n'étaient pas. de sa part,
de vains semblants et d'équivoques
hommages rendus à une ombre de
liberté. C'était la haute conception
d'un prince qui eût mieux, aime se
voir l'émule de Scipion que le
successeur de César. Aussi combien
étnicnt simples et vrais les éloges que
lui adressaient ses contemporains !
Pline, qui prononça le Panégvriqiîe
de Trajan, a mérité d'être regardé
par la postérité comme l'historien
du prince qu'il lui fut donné de louer
en sa présence. Les sénateurs ne se
croyaient pas obligés, lorsqu'ils trai-
taient des matières absolument étran- .
gères à la personne de Trajan , de lui
olFrir, hors de propos, leur encens
bannal , comme cela se pratiquait
sous les mauvais princes, dont l'adu-
lation seule pouvait a])privoiser la
fureur. «Ils le louaient, dit Crévier,
» quand l'occasion l'exigeait, par ef-
» fusion de cœur , naïvement , uui-
» ment, sans emphase, sans exagé-
» ration. La sincérité de leurs éicges
» les dispensait du faste dont la flat-
)) terie a besoin pour couvrir ses
» mensonges. » Ce fut particulière-
ment à l'occasion de sou troisième
consulat ( an loo de J.-G. ) qu'il
inéiila ces éloges et acclamations
siiuù;res. 11 ne se dispensa d'au-
«;une des formalités imposées aux
candidats. Il se rendit, sans cor-
l/j) F,lici,>r Mu-^uOo , m.l,.„ 'i;.,,<inv{ linlr.i-
l'p . \ III , 5 ;.
TRA
tége, au milieu du champ de Mars;
cl, confondu dans l'assembic'e , il at-
tendit sou élection comme h s autres
aspirants. Dès qu'il fut nommé , il
alla se présenter au consul qui pré-
sidait les comices^ et debout, devant
ce magistrat assis , il prêta le serment
qu'on exigeait des particuliers. Eu
prenant possession de sa charge , il
monta à la tribune aux harangues ,
et jura l'observation des lois. A l'ex-
piration de raiinée consulaire , il re-
parut à cette tribune, dédaignée de-
puis si long-temps par ses prédéces-
seurs, et protesta qu'il n'avait rien fait
contre les lois. Bien qu'il fût dans la
matuinté de l'âge, ce prince, nourri
au milieu des camps , ne put vaincre
sa passion pour la gloire militaire ,
qui, tant que le genre humain conti-
nuera de répandre plus d'éclat sur
SCS destructeurs que sur ses bienfai-
teurs, sera toujours le défaut des ca-
ractères élevés. Les louanges d'A-
lexandre, transmises par une succes-
sion de poètes et d'historiens_, avaient
allumé dans l'aine de ce vertueux
empereur une émulation dangereuse.
Auguste , en prenant les rênes de
l'empire , avait résolu de se borner
aux couquclcs faites par la républi-
que, sans en entreprendre de nouvel-
les. Il était convaincu qu'au point
culminant de grandeur où elle était
parvenue, Rome avait désormais, en
risquant le sort des combats , beau-
coup moins à espénr (pi'à craindre;
que dans la poursuite de guerres loin-
taines, l'entreprise devenait de jour
en jour plus dililcile, le succès plus
douteux, la possession moins sûre
et moins avantageuse. Eulin, lors
de la faïueuse ambassade des Par-
thcs , l'expérience prouva à Au-
guste que la modération nouvelle
inlroduile dans les conseils de Ro-
me, loin de nuire à sa considération
IRA.
çxte'ncTire rt d'exciter contre clic
les barbares, faisait au contraire ob-
tenir d'eux, sans peine, les conces-
sions exigées par la snrcte ou la di-
gnité de l'empire. « Heureusement
« pour le genre humain, observe (lib-
» bon , le svslème conçu par la raode-
») ration d'Auguste se trouva convenir
» aux vices et à la lâcheté de ses suc-
» cesseurs. » Constamment ils restè-
rent attaclie's à ses maximes pacifi-
ffues,lorsqueTraian,delamêmemain
dont il essayait de rétablir les vieil-
les institutions de Rome, voulut re-
mettre en vigueur l'ambitieux projet,
toujours suivi sous les consuls de la
re'publiqne, de subjuguer tout l'uni-
vers. Après im long intervalle , les
le'gions virent enfin paraître à leur
tête un empereur digne de les com-
mander. Trajan se signala d'abord
contre les Daces , nation belliqueuse ,
qui habitait au-delà du Danube , et
qui, sous le règne du làcheDomitien,
avait insulté à la majesté de Rome {V.
DoMiTiEN , XI , 53 1 ). De'eébale , roi
de cette nation , n'était pas un riva! in-
digne de Trajan ( f^oy. Décébale^
X , 629 ). On n'a sur cette guerre
importante d'autres mémoires que
des fragments incomplets de Dion
Cassius. L'empereur ouvrit la cam-
pagne ( l'an loi ou 102 de J.-G. )
par une victoire éclatante , qui dé-
truisit l'armée ennemie, mais qui fut
chèrement payée par les Romains.
Le nombre des blessés fut tel que les
bandages vmrent à manquer; Trajan
y suppléa en sacrifiant sa garde -ro-
be. Jjui-mcme présidait aux soins
qui furent donnés à ses soldats. Il fit
de pompeuses obsèques aux nom-
breux guerriers qu'il avait perdus ,
et voulut que, tous les ans, leur mé-
moire fût honorée par un sacrifice
solennel. Ces soins paternels ne lui
firent pas négliger de poursuivi'e sa
IRA 435
victoire. Divisant son armée en trois
corps , dont il commandait l'un en
personne, il poussa Décébale de re-
traite en retraite , força plusieurs
châteaux sitTiés sur de hautes mon-
tagnes, et pénétra jusque devant Zar-
miségélhusa , capitale des Daces ,
dont on ne voit plus aujourd'hui que
les ruines dans nu bourg de Tiansyl-
vanie, appelé Varhel. Décébale se
soumit alors. On peut voir , dans
l'article déjà cité de ce prince, à
quelles conditions il racheta son
royaume , et quelle déférence remar-
quable Trajan victorieux ne dédaigna
pas de marquer au sénat, en lui aban-
donnant la ratification du traité. De
retour à Rome, l'an io3 , ce prin-
ce triompha , et prit le surnom
de Dacique. Les deux années de
paix qui suivirent furent employées
par lui à d'utiles réformes dans l'ad-
ministration publique. Les élections
des magistrats par le sénat se fai-
saient de vive voix. Chaque candi-
dat, appelé par son nom , exposait
ses titres. Ceux des sénateurs qui le
protégeaient faisaient sou éloge, et le
recommandaient aux suffrages. Le
candidat avait même la faculté d'al-
léguer des motifs d'exclusion contre
ses concurrents. Sous les premiers
empereurs , cette forme d'élection
s'accomplissait avec décence j mais
insensiblement les assemblées du sé-
nat, convoquées pour cet objet, rap-
pelèrent toute la licence des comices
populaires. Les candidats et leurs pa-
trons invectivaient leurs adversaires.
Il en résulta des scènes si scandaleu-
ses , que les consuls et le sén&t se réu-
nirent pour supplier Trajan de i-e-
médierà cet abus. Ce prince ordonna
que l'on procédât aux élections par
la voie du scrutin secret. Il répiima,
par des édits , la brigue et la vénalité
des suffrages. Il statua aussi que nul
a8..
436 TRA
ne pourrait aspirer aux charges cu-
riiles s'il n'avait au moins le tiers de
sa fortune placée en biens - fonds en
Italie. Cependant De'cchaîe ayant
rompu la paix, la guerre recommen-
ça l'an io5, et fut terminée l'année
suivante , par la mort volontaire de
ce prince et par la re'duction de la
Dacie eu province romaine. Le peu
de détails que les auteurs anciens
nous ont transmis sur cette expé-
dition se trouvent dans l'article
Décëbalc ( X, 63o ). La colonne
Trajane , destine'e à perpétuer la
gloire de la guerre dacique , of-
fre, dans ses bas-reliefs, la repré-
sentation de procédés stratégiques ,
dont l'examen attentif a dédommagé
les érudits, entre autres Ciacconius
et Fabrctti , des documents qu'ils
clierchaient en vain dans les auteurs.
Parmi ces détails , on peut citer une
attaque de tranchée par les Daces et
l'image d'une baliste en batterie, qui
ont exercé la sagacité du chevalier
Folard , dans son Traité de l'at-
taque et de la défense des pla-
ces. Si l'on en croit Priscien , Tra-
jan écrivit lui-même l'histoire de
ses deux guerres contre les Daces.
Pour assurer sa conquête et pour y
répandre les bienfaits de la civilisa-
tion , ce ])rince établit plusieurs co-
lonies, soit dans le cœur de la Dacie,
comme Ulpia ïrajana, sur l'em-
])!acement de Zarmiségéthusa , soit
«lans les provinces voisines (la Mœ-
sie et la Thracc) , comme Nicopolis,
Marcianopolis et Plotinopolis. Pen-
dant qu'il étendait les limites de l'em-
pire audclà du Danube, Cornélius
Palma , l'un de ses lieu tenants,. subju-
gua l'Arabie Pétrée , (ju'il léduisil eu
province romaine (l'an 107 de J.-C.).
(i'clait comme le prélude des vic-
toires que Trajau devait rem])orlcr
en Orient. A[nTS huit ans de p.ii\ ,
TRA
qui furent marqués par la refonte
générale des monnaies de l'empire et
par la construction d'une immense
chaussée qui traverse encore au-
jourd'hui les marais Pontins , ce
prince, à l'exemple d'Alexandre le
Grand , entreprit une expédition
contre les peuples de l'Asie ; mais
il soupirait en songeant que son âge
avancé ne lui laissait pas l'espérance
d'égaler la gloire du fils de Philippe.
Le roi des Parthes , Chosroès , en
disposant du trône vacant d'Armé-
nie , lui fournit le prétexte qu'il de-
sirait pour rompre la paix. Trajan
revendiqua les droits de l'empire
romain à donner l'investiture de cette
couronne: à ses plaintes, le roides Par-
thes opposa une réponse dont la fierté
laissa le champ libre à l'ambition de
l'empereur. Il partità la tête de ses lé-
gions (i 1 4 de J.-C). Chosroès^ dont
le royaume était aiFaibli par des dis-
sentions Intestines , reconnut bientôt
son imprudence. Il envoya une am-
bassade à Trajan, pour lui mnnder
qu'il avait déposé le roi d'Arménie ,
qu'il desirait lui substituer Partha-
masiris, son propre frère, et qu'il
priait l'empereur d'accorder l'investi-
ture à celui-ci. Ces offres parurent tar-
dives à Trajan , qui se trouvait alors
à Athènes. Il continua sa route, et
entra dans l'Arménie, où tout plia
sous ses armes. Les petits princes
voisins s'empressèrent de lui en-
voyer des présents, et de le recon-
naître pour maître. Parthamasiris ,
qui avait d'abord tenté une résistan-
ce inutile , éci ivil à l'empereur une
lettre de soumission; mais comme il
s'était intitulé roi d'Arménie, il ne
reçut pas de réponse; lUie seconde
lettre, dans lacpicllc il ne prit point
ce titre , lui fil obtenir une confé-
rence, non avec M. Junius, gouver-
neur d(! la Cappadoce, mais avec le
IRA
fi!» de cet oflkier. Celte entrfvue
n'aboutit à rien, et n'empêcha pas
Trajan de continuer son expe'ditiou.
Alors, le prince parthe, se fiant à
la générosité de l'empereur, se ren-
dit dans le camp romain, où il se vit
l'objet des acclamations irrévéron-
tieuses des soldats, Trajan même ,
après lui avoir accordé dans sa tente
une audience qui fut sans résultat, le
lit arrêter et ramener à son tribunal,
comme il se retirait confus de cette
réception. Parthamasiris, retrouvant
cnlin toute la fierté de sa race: « Je
» n'ai été, dit-il, ni vaincu ni fait
» prisonnier. Je suis venu ici volon-
» tairement, dans l'espoir d'y être
» accueilli avec les égards dus à mon
» rang , et de recevoir de Trajan la
» couronne d'Arménie , comme Ti-
)) ridate la reçut de Néron. » L'em-
])ereur répondit qu'il ne céderait
l'Arménie à personne; qu'elle serait
gouvernée par un magistrat romain :
qu'au reste , Parthamasiris était li-
bre de se retirer. Ce prince ne se le
fit pas répéter : les Par thés qui l'a-
vaient accompagné eurent la permis-
sion de le suivre ; mais les Armé-
niens furent retenus prisonniers com-
me sujets de l'empire , ce qui n'était
ni généreux ni équitable. Parthama-
siris chfïcha des ressources dans
son désespoir. Après avoir combattu
avec des forces inégales , il périt les
armes à la main, et laissa les Ro-
mains paisibles possesseurs de l'Ar-
liiénic. Si Trajan n'eût voulu que
soutenir la gloire de l'empire , son
but était atteint; mais il voulait
conquérir le royaume des Parthes. Il
entra dans la Mésopotamie. Le roi
d'Edcssc, Abgare, souverain assez
riche, mais pou puissant, placé en-
tre les Humains el Les Parthes, avait,
n l'exemple de ses prédécosseins,
gardé jus<ju'alors une neutralité équi-
TRA 437
voquc; car il était facile de s'aper-
cevoir qu'il penchait pour les Par-
thes. A la vue d'une armée romaine,
il ne songea plus qu'à obtenir grâce
pour ses tergiversations. La beauté
d'Arbandès , son fds , fut pour
Abgare une puissante recommanda-
tion auprès de Trajan, dont le res-
sentiment politique céda aux attraits
et aux infâmes complaisances de ce
jeune homme. Il fut alors permis au
père de se présenter devant l'empe-
reur , qui accepta , dans le palais
d'Édesse , un somptueux repas ,
dans lequel Arbandès exécuta une de
ces danses lascives dont l'usage est
encore répandu en Orient. Balué,
Singares et INisibe, villes célèbres
de la Mésopotamie, tombèrent suc-
cessivement au pouvoir des Ro-
mains; mais ce ne fut pas sans de
fréquents combats, dans lesquels le
roi des Parthes n'eut jamais l'a-
vantage. Cette suite de succès fut en-
tièrement due aux talents personnels
de Trajan. Il était présent aux moin-
dies rencontres, nul danger ne l'ar-
rêtait , il se montrait également habile
dans l'art d'attaquer les places et de
combattre en rase campagne. Il sa-
vait surtout maintenir une admira-
ble discipline parmi les troupes ,
dans ces contrées dont les produc-
tions délicieuses et le climat ardent
pouvaient les porter au relâchement
et même à la licence. Ou le voyait
marcher toujours à pied à la tête de
l'armée, pourvoyant à tous les be-
soins du soldat, pour lui rendre l'o-
béissance et l'ordre plus faciles; chan-
geant souvent de direction, pour dé-
conceiter l'ennemi , et répandant à
dessein de faux bruits , pour dérober
aux autres la connaissance de ses
desseins. 11 se déguisait quelquefois ,
et faisait le personnage d'espion dans
sa propre année, oe qu'il voulait
438
IRA
bien que l'on n'ignorât pas. Par là il
tenait le soldat attentif à ses devoirs ,
et toujours en garde contre les sur-
prises. Fallait-il traverser une rivici'e
à g!ië, Trajanla passait à pied com-
lue le dernier des fantassins : il ne
s'exemptait d'aucune des fatigues nii-
lilairesj aussi n'enlendait-on pas le
niuindi'e murmure parmi ses trou-
pes , quelque hardies et quelque pé-
nibles que fussent ses entreprises.
Tant d'actions brillantes, dont la re-
nommée, en arrivant à Rome, acqué-
rait par l'éloignement un caractère
merveilleux, excitèrent l'enthousias-
me du peuple et du sénat : des sacri-
fices solennels d'actions de grâces
furent ordonnés, et les surnoms glo-
rieux à'Arméjiique et de Parthi-
Cjue furent ajoutés à tcus les titres de
Trajan.C'est encore à cette année 1 1^
(5), que l'on rapporte une expédition
de ce prince dans l'Arabie Pétrée,
dontles habitants s'étaient soulevés ,
et qu'il força de recevoir un gouver-
neur romain. Tant de prospérités
auraient pu lui faire oublier qu'il
était homme; mais l'hiver qu'il pas-
sa à Antioche fut marqué par un
tremblement de terre qui renversa
cette capitale et presque toutes les
villes de la Syrie ; l'empereur lui-
même n'évita la mort qu'eu se sau-
vant par une fenêtre , et se retira
dans le cirque , oii il fut conli'aint de
camper pendant plusieurs jours sous
la tente. Les chronologistes éprou-
vent de l'embarras à placer uue
expédition de Trajan contre quel-
ques pciqiles barbares qui habitaient
au nord de l'Arménie. 11 est au moins
certain (pi'elle précéda ou suivit ini-
fS) Pliisic.iri :..il.Mir.s, IrK <|nr Tlll.-n.c.iil , Cv6-
viiT, LiiUKtiil Jicliiii.l , tiii'lli'iil aux iiniK'cs inj cl,
11.8 lii prcijiiÎTC! c»|>i<Iiliim ilc 'rraiuii en Oriciil ;
Midis il.H »u troin|>eiitf iiu in^cniciil. di* I.l>ll^lll■ruc ,
il- Muratnrl, (le, i.nl.u.s ,lf I' hi U, -t.i^nftcr lc<
fi'ilrt, cl Je pliisieiir» iiMi'lil» iilli-jiiuiid!> , l'cls cjuc
itcliitl.6, Cuujad Mauiial, Ilcurcu, clc.
TPvA
médiatemcnt le tremblement de terre
qui désola l'Orient. Quoi qu'il en
soit , ce prince porta ses aigles vic-
torieuses entre le Pont-Euxin et la
mer Caspienne , donna un roi aux Al-,
baniens , et força les princes de l'ibé-
rie et de la Colchide à se soumettre.
Lucius Q lietus , habile lieutenant ,
qui l'avait déjà glorieusement secon-
dé dans la g:ierre contre les Daces
et dans la dernière campagne en Mé-
sopotamie, vainquit, sous les ordres
de Trajan, les IMardes, peuple belli-
queux et féroce, habitant au nord de
la Médie, et qui quatre siècles aupa-
ravant avait éprouvé les armes d'A-
lexandre. Ce fut l'an 1 1 5 que l'émule
sexagénaire du jeune héros de Pella
fit une seconde campagne contre les
Partiies. Au moment de son départ,
cédant aux sollicitations de ses amis,
il interrogea l'oracle d'Héliopolis en
Phénicie , qui avait alors beaucoup
de vogue; mais avant d'accorder sa
coniiancc au dieu , il voulut le mettre
à l'épreuve, et donna aux prêtres un
pa])ier blanc cacheté, eu lui deman-
dant sa réj)onse sur le contenu. Les
prêtres surent décacheter le papier
sans qu'il y parût, et lui en firent
passer im semblable pour réponse.
Alors il crut à l'oracle, et le consul-
ta sérieusement sur le succès de la
guerre. On lui répondit par-un de ces
symboles susceptibles de toute in-
terprétation : c'était une baguette de
sarment, brisée en mille morceaux.
Trajan mourut à la suite de cette ex-
pédition, sans avoir revu Rome, et
la baguette, ainsi rompue, fut regar -
dée comme le ])iésage sinistre de son
corps rc'duit en cendres. S'il fût re
venu vainqueur, les sarments brisés
eussent aussi facilement pu se pren-
dre poui- le symbole heureux de cette
foule d*cmiemis(|iravaitdom|)lés ses
armes. Trajan dirigea sa marche
TRA
vers l'Adiabcnc, partie septailrioiia-
le de la Syrie, au delà du Tigre;
mais il se trouva arrête par ce lleii-
ve , dont les Parthes étaient résolus
de défendre le passage. L'embarras
était de jeter un pont, la eontrée ri-
veraine étant dénuée de bois de cous-
trueîion. ïi'ajau ^ qui avait su se
ménager dans la ville de ISisibe ,
conquise l'année précédente , une
place d'armes et un point d'appui
pour les derrières de sou armée, fit
construire dans les forêts qui entou-
raient cette cité, un grand nombre
de pontons : on les transporta sur
des chariots jusqu'au bord du fleu-
ve ;, et quand on les eut lancés à l'eau ,
les barbares , surpris autant qu'ef-
frayés de cette multitude de navi-
res, prirent la fuite ; et le passage
s'eilectua sans obstacle , vis-à-vis
des montagnes des Carduqnes, Tra-
jau soumit sans peine l'Adiabène et
toute l'Assyrie. Quelle joie pour
lui d'entrer en triomphe dans les
villes d'Arbèle et de Gaugamèle^
si fameuses par la victoire d'Alexan-
dre ! Revenant sur ses pas , il repassa
le Tigre , et descendit vers le pays
de Babylone , sans éprouver de résis-
tance. Les Parthes, alfaibîis par de
sanglantes divisions intestines,parais-
saieut avoir perdu jusqu'au souve-
nir de leur valeur devant un si re-
doutable ennemi j et Trajau semblait
plutôt voyager que combattre. Il vi-
sita avec intérêt Babylone , qui n'é-
tait plus que l'ombre d'clle-mcme;
et vit la source de bitume qui avait
servi à la construction de ses mer-
veilleux édifices. Pour achever d'ac-
cabler les Parthes, il ne lui restait
plus qu'à con({uérir Ctésiphon , leur
capitale: mais il lui fallait passer
ime seconde fois le Tigre: et ])our
transporter plus facilement les maté-
riaux nécessaires à la couslruclion
TRA 43y
d'un nouveau pont , il songeait à
jirolonger jusqu'à ce fleuve le Naar-
malcha , ancieu canal dérivé de
l'Euphrate , par les rois de Ba-
bylone ; mais il renonça à cette
entreprise , dès qu'il eut reconnu que
le niveau de ce dernier fleuve s'éle-
vait beaucoup au-dessus du niveau
du Tigre. Il n'eut qu'à paraître de-
vant Ctésiphon jiour s'en rendic
maître. Suzé , ancienne métropole
des Perses , lui ouvrit ses portes :
c'est probablement dans l'une ou
l'autre de ces capitales que la fille
du roi Chosroès, et le fameux trône
d'or sur lequel le grand roi recevait
l'hommage de ses sujets, tombèreul
au pouvoir deTrajan. <i Chaque jour,
» dit Gibbon , le sénat étonné enten
» dait parler de noms jusqu'alors in-
)) connus, etde nouveaux peuples qui
» reconnaissaient la puissance deRo-
» me. » C'est ce qui explique pour-
quoi , eu lui confirmant le titre de
Farthiqiie ,ce corps lui décerna au-
tant de triomphes qu'il en voudrait.
Montesquieu parle avec une admira-
tion raisoKuée de cette expédition de
Trajan. « Il exécuta, dit-il , le pro-
» jet de César, et fit avec succès la
» guerre aux Parthes. Tout autre
» aurait succombé dans une entre-
» prise où les dangers étaient tou-
» jours présents et les ressources
» éloignées, où il fallait absolument
» vaincre, et où il n'était pas sûr de ne
» pas périr après avoir vaincu. » La
])rudence eût ensuite demandé qu'au
lieu de courir à d'autres entreprises
aventureuses et lointaines , Trajan
se fût occupé d'allérmir des conquê-
tes moins tliiïlciles à faire qu'à con-
server : mais comme depuis le com-
mencement de la campagne^ les Par-
thes n'avaient cessé de fuir devau t
lui, sans doute il se faisait illusion
sur leur valeur morale, et attribuait
44»
TRA
à la faiblesse et au découragement
ce qui était chez eux le résultat d'un
système de défense qui leur roussit
toujours; car, selon l'expression du
même auteur : « ce qu'aucune na-
» tion n'avait encore fait, d'éviter le
» joug des Romains^ celle des Par-
» tlies le fit , non pas comme inviuci-
» ble, mais comme inaccessible. »
Séduit par l 'idée de surpasser Alexan-
dre , Trajan descendit le Tigre , pour
soumettre Mcséné , île formée par les
deux bras de ce fleuve à son embou-
chure dans le golfe Persique. Atham-
bilus , roi de ce pays , n'osa pas mê-
me se défondre. Tandis que la sou-
mission si prompte de tant de peu-
ples était pour l'ambitieux empereur
un encouragement à ne pas borner
ses conquêtes , les fléaux de la nature
vinrent encore une fois lui rappeler
que toute puissance humaine a des
bornes : des pluies accompagnées
d'orages firent déborder le Tigre;
et plus de la moitié de son armée ^é-
rit dans les eaux. Ce désastre ne ra-
lentit poiutl'ardeur de Trajan. Après
avoir parcouru , dans toute sa lon-
gueur, le golfe Persique, il s'avança
jusqu'au Grand Océan. Là , à la vue
de vaisseaux marchands qui cin-
glaient vers les Indes , il s'écria , en
songeant à Alexandre : « Si j'étais
» plus jeune, assurément, je porte-
» rais la guerre chez les Indiens. »
11 se rabattit sur l'Arabie Heureuse,
dont sa flotte ravageait les cotes. Il
entra en conquérant dans l'antique
cité arabique , fameuse encore au-
jourd'hui sous le nom d'Aden, et se
consola de n'avoir pas pénétré jus-
qu'aux Indes, en songeant (pi'il venait
de porter ses armes dans une contrée
oij le héros macc-donien n'était ja-
mais entré. Après s'êln; promené
sur l'Océan en voyageur curieux,
Trajan remmila leTigie, et, se diri-
TRA
géant vas l'Euplirate ,il revit Baby-
loiie, où il olfrit des sacrifices aux
mânes d'Alexandre , dans la maison
même où ce prince avait terminé ses
jours. Ce fut un bonheur pour Tra-
jan , et surtout pour l'empire, qu'il
ne se fût pas engagé dans les pays
encore plus lointains que convoitait
sou ambition. Tandis qu'il charmait
son orgueil par ces voyages d'une fas-
tueuse inutilité, et que les Romains lui
élevaient un arc de triomphe qui a
suivécu même à l'existence de leur
empire, les conquêtes de Trajan lui
étaient enlevées , et des troubles inté-
rieurs agitaicntles provinces d'Orient.
Les Parthes avaient chassé ou taillé
en pièces les garnisons romaines , et
il lui fallut recommencer la guerre
tout de nouveau. Maxime , un de ses
lieutenants , dont il avait tiré de
grands services dans la guerre da-
cique, se laissa vaincre par les Par-
thes. LuciusQuietus, plus heureux ou
plus habile, reprit INisibe, Édesse,
tandis que d'autres généraux rame-
naient à l'obéissance la ville de Sé-
leucie. La domination romaine était
à-peu-près rétablie dans ces contrées ;
mais les soulèvements qu'il avait eus
à réprimer (irent sentir à Trajan la
nécessité de borner ses vastes ]irojets.
Renonçant à l'idée gigantesque de
réduire le royaume des Parthes eu
province romaine, il se contenta de
lui imposer un roi. Ayant réuni à
Ctésij)hoii les principaux de la na-
tion, il déposa solenuollcment Chos-
roès, fugitif, et nomma à sa place
Parthamaspatès, prince arménien du
sang des Arsacides ( 1 17 de J.-G. ).
lldonna aussi un roi aux Albaniens,
peuple qui habitait sur les bords de
la mer Caspienne, et soumit à deif.
jiouverneurs romains les provinces
• • • 1 • 'Il
voisines. Ainsi désormais les l)oriies
(le l'empire s'étendirent au - delà
IRA
du Tigre , où jusqn'alors les ar-
mes de Rome n'avaient pas pe'ne'tre •
ce qui donnait à l'empire une leu-
t^ueur d'environ deux mille lieues
d'Occident en Orient. Tandis que
Trajau distribuait des royaumes ^
sou armée , qu'il commandait en per-
sonne, fut repoussée par la garnison
d'Atra , forteresse située entre le Ti-
gre et Nisibe , selon Ammien Mar-
cellin ; dans l'Arabie Pétrée , selon
Dion Cassins. L'empereur fait de
vains efforts pour rallier les fuyards:
il manque de perdre la vie, et le
trait qui lui était destiné renverse
mort un cavalier qui combattait à ses
côtés. Contraint de lever le siège, il
se retire sur les terres de l'empire en
Syrie. Depuis le tremblement de
terre d'AutiocLe, les Juifs , dont
l'iûnombrable population remplis-
sait l'Afrique et l'Orient, se soulevè-
rent spontanément avec un fanatis-
me féroce. La rébellion commença
dans Cyrène, puis elle se propagea
dans Alexandrie , par toute l'Egypte
et dans l'île de Chypre. Non contents
de massacrer les Grecs et les Ro-
mains, ils inventaient pour eux les
supplices les plus atroces , jusqu'à
.scier les hommes dans toute la
longueur du corps. Ils dévoraient
les membres palpitants de leurs
victimes : ils se frottaient les mains
et le visage avec leur sang. Plus
de quatre cent mille individus de
tout âge et de tout sexe périrent
sous leurs coups. Espéiaut, à force
de massacres , recouvrer leur exis-
tence politique, qu'ils avaient perdue
depuis le règne de Vcspasien, ils s'é-
taient donné un roi nommé Lucua.
Cette allreuse révolte , qui éclata
l'an 1 15 de J.C. , n'était pas encore
complètement réprimée l'an 117,
que Trajan cessa de vivre. 11 se dis-
posait même à se ren Jre en personne
IRA 441
en Mésopotamie, où Luctns Quietus
avait exterminé un grand nombre de
ces rebelles , à la suite d'une bataille
sanglante, lorsque ce prince fut atta-
qué d'une maladie de langueur, qui le
fit résoudre à retourner à Rome; mais
il ne devait jamais i-evoir cette capita-
le. En quittant la Syrie , il laissa le
commandement de son armée à
Adrien, qui n'avait point assez de ta-
lent militaire pour maintenir l'ouvra-
ge de l'empereur. Les Parthes rappe-
lèrent Cliosroès, qui s'était réfugie
dans les piovinces de l'Asie supé-
rieure ; et Parthamaspatès se vit for-
cé d'abandonner le trône sur lequel
l'avait fait asseoir la main vigoureu-
se de Trajan. L'Arménie et la Méso-
potamie retournèrent à leurs anciens
maîtres, avant même que ce prince
eût cessé de vivre. Tel fut le résultat
de tant de travaux , de tant de sa-
crifices, et de sang répandu. La
maladie de Trajan , qui di:ra trois
mois, donna le temps à Adrien de
préparer , de concert avec i'impéra-
ratrice Ploline , les intrigues qui lui
assurèrent la succession impériale. Il
était cousin-germain de Trajan , qui
avait été sou tuteur , mais qui ne
l'avait jamais aimé, et qui, malgré
les efforts de Ploline, n'avait jamais
consenti à l'adopter. Cependant il l'a-
vait comblé d'honneurs comme son
parent: il lui avait donne , en récom-
pense de ses services dans la guerre
dacique , le diamant que lui-même
avait reçu de ]Nerva j Adrien afiécla
de regarder ce présent comme un ga-
ge d'adoption. En un mot , le protégé
dePlotnie s'était vu élever à un degré
de puissance au-dessus duquel il n'y
avait plus que l'empire. Trajan ,
moins par incaj)acité que par pares-
se, si nous en croyons .Julien {De
Cœsaribus) , ne composait pas lui-
même ses discours. Sura, de la plu-
44^
TRA
lue duquel il se servait , étant venu à
mourir , il se reposa du mcme soin
sur Adrien. L'histoire ne nous laisse
pas ignorer à quelles bassesses ce der-
nier eut recours pour se faire sup-
porter de l'empereur et de ses plus
intimes familiers. Trajau aimait le
vin : Adrien se lit une loi de lui tenir
tèîe à table ; il se prêtait à ses infâ-
mes caresses ; il s'abaissait même à
de serviles complaisances pour les
jeunes gens qui plaisaient à l'emjie-
reur : mais toutes ces condescendan-
ces eussent été en pure perte , sans
les intrigues de Plotine , q li sut se
rendre maîtresse des derniers mo-
ments de son époux, et qui supposa,
en faveur d'Adrien, une adoption
que jusqu'à la fm Trajan avait
jiersisté à refuser. Ce prince avait des
vues bien différentes. Se regardant
plutôt comme le généralissime de la
république que comme monarque , il
songeait à laisser au sénat le soin de
choisir un empereur parmi plusieurs
sujets. Il est certain d'ailleurs qu'il
eût préféré à Adrien plusieurs per-
sonnages illustres , tels que Servien ,
beau-frère de ce même Adrien , Lu-
cius Quiétus, dont les talents militai-
res l'avaient si bien servi , et Neratms
Priscus , fameux jurisconsulte, à qui
même il dit un jour : « Si les destins
» disposent de moi, je vous recom-
» mande les provinces. » Qr.and on
compare avec la brillante carrière
fournie par ïrajan le sombre tableau
que présentent les derniers moments
de sa vie, on ne peut qu'être frappé
du contraste. Sa maladie consistait en
une paralysie à laquelle s'élaient join-
tes la dyssenteric , et l'Iiydropisie
suite ordinaire des excès du vin. Ces
maux trop réels étaient aggravés
par l'idée de poison, dont il s'était
lrap|)é , bien que sans fondciuciit.
11 voyait ses con([uêtcs , fruit de tant
TRA
de travaux , s'échapper, en quehpu;
sorte, avec sa vie • et pour comble
d'angoisses, il lisait dans les regards
dePlotine l'unpatience de couronner
un successeur qu'd méprisait. Il mou-
rut le 1 1 août 1 1 -j de J.-C. , dans la
soixante - quatrième année de son
âge , et la vingtième de son règne.
La ville de Sélinunte en Cihcie , où
il rendit les deiniers soupirs , prit le
nom de Trajanopolis. Ses cendres ,
renfermées dans une urne d'or , fu-
rent portées à Rome : elles y entrè-
rent en pompe sur un char triom-
phal , et furent déposées sous la
colonne Trajane. Après avoir mérite
que les pompes du triomphe se mê-
lassent pour lui aux pompes de la
mort , ce fut encore une distinction
pour ce prince d'avoir sa sépulture
dans la ville, où jamais personne ,
avant lui, n'avait été inhumé. Adrien,
qui se montra si mal intentionné pour
la gloire de Trajan , ne lui refusa
point l'apothéose. Montesquieu a fait
un pompeux éloge de ce prince a le
» pins accompli, dit-il, dont l'his-
» toirc ail jamais parlé : ce fut un
» bonheur d'être né sous son règne :
» il n'y en a point de si heureux , ni
» de si glorieux pour le peuple Ro-
» main. Grand homme d'état, grand
» capitaine ; ayant un cœur bon qui
» le portait au bien; un espritéclairé
» qui lui montrait le meilleur ; une
» ame noble , grande , belle, avec
» toutes les vertus , n'étant extrême
» dans aucune; enlin , l'homme le
» plus ])ropre à honorer la nature
» liinuaine, et représenterla divine.»
Montes(|uieu semble avoir oublié ici
et les vices personnels de riiomme ,
et sa folle j)assion pour les conquêtes.
Trajan mérite aussi des rej)roches
commeaul<'urdela troisième perséni-
lioiiioiilre!('sCI»iélien.s:lesdcu\ plus
illustres martyrs sous sou règne fu-
TE A
rent saint Ignace, ëvêque d'Antioclie
( Foj-. Ignace), XXI , i85), dont
Trajan fut lui-même le juge , et qu'il
envoya de Syrie à Rome, pour être
dévoré par des lions; et saint Siméon
de Jérusalem , cousin germain de
Jésas-Clirist , qui avait trouvé grâce
devant Domitien. Il faut dire toute-
fois que Trajan ne publia point
d'édit général contre les sectateurs
de la religion nouvelle. Il est certain
aussi qu'à la fin de son règne il
conçut des sentiments plus judicieux
et plus humains à leur égard (6;. Sa
correspondance avec Pline le Jeune
en fait foi ( T'^oj'. Pli^e le Jeune ,
XXXV, 77 ). Consulté par cet il-
lustre personnage , qu'il avait nom-
mé gouverneur de BitLyuie , sur la
conduite à suivre à l'égard des Chré-
tiens , aux vertus desquels Pline ren-
dait un hommage impartial , Trajan
fit une réponse qui renferme tous les
égards pour la justice et pour l'Iiu-
manité qui pouvaient se concilier
avec les notions erronées que suivait
ce prince en matière de police reli-
gieuse. Il reconnaît combien il est
dilllcilede se former un plan général
dans celte matière; mais il établit
deux règlements utiles , qui depuis
furent souvent l'appui et la consoia-
tiondes Chrétiens opprimés. Quoiqu'il
ordonne de punir tout homme accusé
et convaincu d'être Chrétien, par une
sorte de contradiction dont on au-
rait tort de lui faire un crime, puis-
qu'elle était dictée par son humani-
té, il défend de faire aucune perqui-
sition contre ceux que l'on pourrait
soupçonner de ce crime. Il rejette les
délations anonymes; « car cela, dil-il,
» est d'un pernicieux exemple, et
u très-eloigué de nos maximes (7). »
(6) Rcsciiplii illico Icnioiihus leiii/ier.ii'il edirliun .
{ Pauliis Orosilu , liv, VU , ch. n. )
{7)LcllresdvPliiiccldL' Irajan , 1. \, IcU. 7 cl ijS.
TRA
440
Trajan , quoique peu lettré lui-même,
mérite les éloges de la postrrité
comme protecteur des lettres; il en-
richit Rome d'une bibliothèque , et
combla d'honneurs plusieurs écri-
vains illustres, entre autres Phitar-
que, qui selon quelques auteurs fut
son précepteur, et Pline le Jeune qui
fut son ami. Son règne, si glorieux à
tant d'autres titres , est encore célèbre
comme époque littéraire ; c'est sous
ce prince que fleurirent Tacite , Quin-
te-Curce, Suétone, Florus , Quiuti-
lien , Juvénal , Frontin ; eniin Juvcn-
tius Ce!sus,Priscus Javolenus et Ne-
ratius Priscus, tous truisfameux juris-
consultes. Trajan est le seul empereur
romain sur lequel l'antiquité ne nous
ait transmis aucunenotice particuliè-
re , car les Césars de Suétone finissent
à Nerva inclusivement ,et l'Histoire
Auguste ne commence qu'au règne
d'Adrien. IVous n'avons sur lui que
les extraits de DionCassius, parXi-
phiîin,avec les abrégés d'hutrope,
d'Aurelius Victor et de Paul Orose. Il
paraît que Tacite avait écrit le règne
de Trajan, qu'il loue avec prédilec-
tion dans la vie d'Agricola et dans le
premier livre de ses Histoires ,^8^. Le
panégyrique de Pline doit être consi-
déré comme une source particulière
pour l'histoire de ce prince; mais
on trouve des renseignements encore
plus propres à nous faire apprécier
l'esprit de son gouvernement dans sa
corres])ondance avec ce même Pline le
Jeune. On ne peut lire ses Lettres, trop
peu nombreuses , sans concevoir la
plus haute admiration pour l'homme
d'état couronné. Les écrivains ecclé-
siastiques ont beaucoup parlé de
(ft'i « Ouc si le ciel m'accorde de liaig:; innis ,
» dit Taci'e. j'ai réservé («un- ma vieillesse l's r»;-
» gncs de >'erva et de Tiai:.n , sujet plus riche rt
» moins dangereux pour Tliislorieii . gràcis a ces
n temps d'une rare félicité, oii l'on peiil penser
» comme on vent , cl pailcr tomme ou peuM.. •
( Hiit. , liv. I, ch. I.)
444
TRA
Trajan. Les uns l'ont juge avec pas-
sion , d'autres ont rapporte sur son
compte des fables absurdes. Jean
Damascène raconte que saint Gré-
goire le Grand,, pape, ayant vu une
statue de Trajan qui descendait de
cheval au milieu de ses expéditions
militaires, pour rendre justice à une
femme, demanda à Dieu de retirer
des enfers l'ame d'un prince si équi-
table , grâce qu'il obtint à condition
de ne plus en demander de pareille.
Grotiusfait deïrajan la bête de l'A-
pocalypse. Voltaire parle de cet em-
pereur avec une juste admiration;
mais lorsqu'il dit : « Je donnerai
» encore moins le nom de persécu-
» teur aux Trajan, aux Antouins;
» je croirais prononcer un blasphè-
» me ; » il fournit une preuve trop
manifeste de son indulgence partiale
jiour les cnnnemis du christianis-
me. Le règne de Trajan par Le Nain
de Tiliemont et par Cre'vier sont
deux compilations fort utiles à con-
sulter : Crevier juge ce prince avec
une im])artialitc judicieuse. Gibbon,
ru quelques pages écrites de verve ,
mais où tout est vrai , donne une
grande idée de Trajan. Parmi les
ouvrages nombreux des savants alle-
mands qui se sont occupés de ce
règne on peut citer Ritter : Tra
janus iii luccm rcproductus , Am-
bcrg , inG8; Rcs Trajani impe-
ratoris ad Danuhiiim gestcv , par
GonradMaunert , Nuremberg , i -jgS;
cufiu Commc.ntalio de expedilivni-
hiis Trajani adDanuhium, par Jcan-
Gliristophe Engel , Vienne , 1794-
Il a été publié en France une /lis-
toire des deux règnes de Nerva et
de Trajan, par de Barett, Paris,
1791. (^e n'est qu'une compilation.
On possède plusieurs médailles;! l'cl-
ligic de cet empereur et de l*loline
son épouse. La plus célèbre est celle
TRA
qui fut frappée à l'occasion de plu-
sieurs royaumes donnés par lui, avec
cette légende : Régna assignata. Le
Triomphe de Trajan , opéra par
Esméuaid ( /^. ce nom ) , a été re-
présenté avec beaucoup d'éclat , en
1807. D — R — R.
TRAKHANIOT (George), diplo-
mate russe, dans le quinzième siècle,
suivit Thomas Paléologue à Rome
lorsque Mahomet II eut soumis ie
Péloponcse, et accompagna, en 1472,
la princesse Sophie, fille de Thomas,
lorsqu'elle se rendit à Moscou pour
y épouser Iv^^an III. Honoré d cla
confiance du grand-duc , il reçut de
ce prince plusieui's missions impor-
tantes. Depuis l'invasion des Tar-
tares , la Russie ayant perdu son in-
dépendance , les souverains de l'Eu-
rope avaient interrompu leurs rela-
tions avec le grand-duché. Iwan ,
ayant brisé les liens qui assujétis-
saient la Russie à la grande horde,
l'empereur Frédéric et son (Ils Maxi-
milieu envoyèrent, en i488, Nico-
las Poppel à Moscou , pour y faire
différentes propositions. Le grand-
duc chargea Trakhaniot d'y répon-
dre, et tout fut réglé à la satisfaction
des deux souverains. Ce diplomate fut
ensuite envoyé en Allemagne pour y
engager au service de Russie des mi
neurs, des architectes, des médecins
et d'autres artistes ; ayant reçu pour
frais de voyage quatre-vingts mar-
tres zibelines et trois mille écureuils,
il se rcndità Francrurt,où il fut pié-
seuté à Maximilien . (pi'il harangua
en italien; il lui donna , de la part
de son maître, (juarante zibelines,
une pelisse d'hermine et une autre
d'écureuil, et bit cond)lé de poli-
tesses. L'empereur descendit de son
trône , alla au-devant de lui, et le (il
asseoir à ses côtés. Le iG juillet
1/190 il revint;'» Moscou , emmenant
ÏRA
avec lui un ambassadeur de Maxi-
milien. Matliias Corvin c'iant mort
dans ces circonstances , Maxirailicn ,
qui voulait faire valoir ses droits à
la coui'onne de Hongrie , mit une
grande importance à ses relations
avec la cour de Moscou, et il conclut
avec elle un traité d'alliance offen-
sive et défensive, qui fut le premier
entre les deux puissances. Iwan ,
l'ayant signé, fit serment de l'obser-
ver, en baisant la sainte croix ;
Trakbaniot partit pour le faire jurer
à Maximiiien de la même manière ;
et , ce qui est assez bizarre , il fut
chargé de demandera ce prince, pour
la maison du grand- duc , un méde-
cin qui sût guérir toutes sortes de
maladies, et qui ne laissât point
mourir ses malades ( i j. Après avoir
passé trois mois à Nuremberg , il
revint à Moscou avec un ambassa-
deur de l'empereur, et rapporta le
traité d'alliance confirmé et juré
par ce prince. L'année suivante ,
il fut envoyé de nouveau près de
Maximiiien , avec l'ordre de s'infor-
mer seulement de sa sauté , sans le
saluer , l'ambassadeur d'Autriche ,
dans l'audience qui lui avait été ac-
cordée , s'étant borné à demander ,
de la part de Maximiiien , comment
se portaient le grand-duc et la grande-
duchesse , sans les complimenter. Il
devait aussi s'informer s'il ne trou-
verait point une princesse royale qui
fiit digne de devenir l'épouse du prin-
ce Wassili. Pendant ce voyage, il fit
à Iwan des rapports curieux sur les
affaires politiques et commerciales de
(i) I/liishilrc ne dit iminl si l'on trouva J'iiom-
iiic qu'l«aii (Icuiandait. I,a manière dont on Irai-
lait alors Ips médecins en Russie D*était pas enc'oii-
rageantc. Uans la même année i49o , '"' médecin
venu <tc Venise, qui avait eu le inaliicnr de laisser
muurir le tils aînéd'lwan, l'ut exécuté puMiipic-
nicnt par ordre du pî-re. Un autre médecin aile ■
luand n'ay.'.nt pu yiuTir un prince tarlare Hit li-
vré aux parents du tléfunt , (|<ii l'éjEurgireiit.
TRA 445
l'Europe. En j>assant par LulxHîk , il
engagea au service du grand-duc un
imprimeur appelé Barlhclemi^ lequel,
dans ce premier àgc de l'art typogra-
phique , s'était acquis une grande
réputation. Maximiiien, ayant fait
la paix avec Wladislas , roi de Hon-
grie , et n'étant occupé que de la
guerre contre la France , mit alors
beaucoup moins d'importance à ses
relations avec la Russie. Trakbaniot
revint à Moscou au mois de juillet
1493, et depuis cette époque , il ne
fut plus charge de communiquer avec
l'Autriche. 11 fut eu grande faveur
près de Wassili III, qui lui donna
encore des missions diplomatiques
en Italie ; il fut admis dans son
conseil , et nommé grand-dignitai-
re de l'empire. Trakhaniot est le pre-
mier qui ait fait venir en Russie des
hommes habiles dans l'art d'exploi-
ter les mines j et ce fut par eux que
l'on découvrit alors, aux environs de
Petchora , une mine de cuivre qui
occupait un espace de dix verstcs.
Ce grand homme d'état mourut dans
les premières années du seizième
siècle. G — Y
TRALLES (Balthasar-Louis) ,
médecin du roi de Pologne, naquit, à
Breslau, le i*^'. mars l'j 08. Après
avoir fait ses études médicales à Leip-
zig et à Halle , ii vint exercer dans sa
ville natale, oii il s'acquit une telle ré-
putation , que plusieurs souverains
lui firent des propositions , qu'il re-
jeta , voulant vivre indépendant. En
i-^Hq, il publia sa correspondance
cl les cnti'ctiens qu'il avait eus avec
Frcdéric-!e-Grand , avec INIarie-Thé-
rèse et avec la duchesse de Saxe-Go-
tha. 11 mourut, à Breslau, le 7 février
'797' ayant atteint sa quatre-vingt-
neuvième année. Ses écrits lui raéri-
lèrcnt riiouneiir d'être admis à l'a-
cadémie impériale de Vienne et h la
44<5
TRA
société royale de Berlin. Il observait
avec justesse; tout ce qu'il a écrit
porte l'empreinte d'un sens exquis
et d'une raison droite. De son temps ,
quelques médecins voulaient guérir
toutes les maladies avec le camphre,
d'autres avec les vésicatoircsouavec
l'opium; Tralles s'éleva fortement
contre ce charlatanisme. Voici quel-
ques-uns des ouvrages qu'il a publiés :
I. Précautions que doit prendre une
bonne mère pour la santé de son en-
fant nouveau-né {iiWemaiuà), Bres-
lau , 17 5o , in -8". II. Historia cho-
lerce atrocissimœ , Breslau et Leip-
zig , 1753 , in-8'\ III. Sur les bains
de Carlsbad en Bohème , et leur e/-
/iCflc/fe (allemand) , Breslau, 1756;
seconde édition, 1757, in -8". IV.
Ifsus opii saluhris et noxius in mor-
borum medeld, solidis et certisprin-
cipiis superstructus , Breslau, 1 7 57,
in-4''.; réimprimé sept fois jusqu'en
l'^S'i.. V. rexatissimuni nostrd
œtate de insitione variolarum vel
admittendd vel repudiandd argu-
mentum, Breslau, 1765, in -8^.;
réimprimé à Naples , 1 780 , in - 8°.
VI. De animœ existentis imma-
terialitate et immortalitate cogi-
tata, Breslau, 1774? i»-8". ; en al-
lemand , Breslau , 1776 , in-8^. IMa-
rie-Thérèse^ pour témoigner la sa-
tisfaction que la lecture de cet ou-
vrage, dirigé contre le matérialis-
me de La Mcttric, lui avait procurée,
envoya à l'auteur une tabatière eu
or. VII. De usu vesicantium infe-
bribus aculis , ac speciatim in sa-
nandd pleurilidc accuratiàs dclcr-
minando , htcs\:in , 177G; seconde
édition, 1778. \\\\. Sur la langue
et la littéral lire allenumde (alle-
mand ), Berlin, 1781, in-8''. IX.
Ihus vesicantium saluhris et noxius
in morhorum medeld , J?reslau ,
1782 et 8J, in-4'^ (i— y.
TRA
TRANCHANT DE LA VERNE.
Vor. Verne.
TRANQUILLE ( le père ) , de
Bayeux, capucin. Son opposition à
la bulle Unigenitus lui attira des
persécutions dans son ordre , qui
l'obligèrent de le quitter en 172.5.
Deux ans après , il se réfugia en
Hollande , et fixa son séjour à
Utrecht. Il y vivait encore en 1770
sous le nom d' Osmont Du Sellier.
On a de lui: I. Eclaircissement de
plusieurs difficultés sur les conciles
généraux. II. Instruction théolo-
gique en forme de catéchisme sur
les promesses faites à l'Eglise ,
Utrecht, 1733. Cet ouvrage fut com-
posé sous la direction de l'abbé Le-
gros. \\\. Justification des discours
et de V histoire de M. l'ahhéFleury.
Le premier tome parut en 1736 , et
le second en Hollande sous le titre de
Nancy _, 1738. H y a, dans ce der-
nier volume, pages 287 et 288, une
note sur Vuiiité de l'Eglise que
l'auteur désavoua plus tard. IV. Plu-
sieurs manuscrits. T — d.
TRANSTAMARE. Voy. Henri,
XX, 170.
TRAPEZUNTIUS. F. George
DE TrÉp.IZONDE, XVII, l53.
TRAPP ( JosEPU ) , poète anglais ,
né à Cherington , dans le comté
de Gloucester , en 1679 , remplit
did'ércntes fonctions ecclésiastiques
dans l'Église anglicane, fut profes-
seur à l'iHiiversité d'Oxford, cultiva
en même temps les belles -lettres et
surtout la poésie, et mourut en 1747-
Ou a de lui : 1. Xhramule ou VA-
rnour et l'Empire (anglais) , tra-
gédie représentée en 1704. \\. Prœ-
lectioncs poeticœ. Ce sont les le-
çons qu'il donnait en latin ; elles
ont été aussi |)ubliécs en anglais ,
174'-'-. 111. Caractère du parti ac-
tuel des TVhigs (anglais), Lon-
TRA
Jrcs, 171 1. IV. Virgile, traduit en
vers libres. L'auteur jnvleiiri avoir
iTudu la pensée du poète laliu plus
fidèlement que Dryden; mais sa tra-
duction est faible et prosaïque. V.
Anacréon et le Paradis perdu de
Milton , traduits eu latin. Il a com-
pose , sur dilîërents sujets, de petits
poèmes latins, dont quelques-uns ont
été insérés àaïïs\es Miisœ anglicanœ.
Parmi ses pièces en vers anj^lais , on
remarque celle qu'il écrivit sur les
Quatre fins dernières de l'homme ,
dont ildonna un exemplaire à cha-
que paroissien de l'éj^lise à laquelle
il était alors attaché. Depuis l'j-2.5 ,
Trapp a publié ses Sej'mons et la
Défense de V Eglise anglicane con-
tre l'Eglise romaine. — Trapp
( Joseph ) , lils du précédent , a jni-
Llié : I. Fie de Linné , avec la liste
de ses ouvrages et la Vie de son
fils , traduit de l'allemand en an-
glais , Londres, 1794» iu-4". LL
Voyage à Madagascar et dans les
Indes orientales , avec les Mé-
moires sur le commerce en Chine ,
par Bjunel , traduits en anglais ,
Londres, i';93,in-8°. G — y.
TRASIBULE. V. Thrasybule.
TRATTNER ( Jean - Thomas ,
baron de), imprimeur célèbre par
son activité, par l'étendue de ses en-
treprises et par les services qu'il ren-
dit aux arts et aux sciences , naquit ,
en 1 7 I o , à Johrmannsdorf près de
Guns en Hongrie, de parents très-pau-
vres , qu'il perdit même dès son
enfance. Après deux années d'ap-
prentissage, il fut reçu, en lyS"],
dans les ateliers de Glielen , alors im-
primeiu- de la cour de Vienne. Sa
probité et son intelligence lui procu-
rèrent des amis, par le secours des-
quels il acheta, en 1748, une impri-
merie peu considérable et tellement
lombée qu'elle n'avait plus que sou
TRA
447
nom; mais Ijientot il l'eut relevée et
agrandie avec un tel succès, qu'aii
bout de qnchpies années on v voyait
trente-quatre presses , et qu'elle avait
cinq espèces de succursales , à Agram,
à Pest , à Inspruck , à Lintz et à
Trieste. Trattner y ajouta successi-
vement huit librairies et dix-huit dé-
pôts de livres, non-seulement dans les
états héréditaires d'Autriche, mais
aussi dans les villes étrangères, com-
me à Varsovie et à Francfort-sur-le-
Mein. Il éleva , dans la Josephstadt ,
à Vienne, un immense bâtiment pour
y réunir toutes les branches de i 'im-
primerie et de la librairie. Il établit
deux grandes papeteries. Enfin il a j ou-
ta aux embellissements de la capitale
de l'Autriche, en élevant, sur It Gra-
hen ou Fossé , un des plus beaux bâ-
timents que possède cette ville. Par
sesellbrts et par ses voyages dans les
pays étrangers , il donna à l'imprime-
rie et à la librairie, tantàViemie que
dans les pays héréditaires, une im-
pulsion qui a été très - favorable au
développement intellectuel de la na-
tion autricliienne. Marie -Thérèse le
mit à la tête de l'imprimerie de la
cour. François L''. le nomma cheva-
lier de l'empire, et Léopold II le fit
baron du royaume de Hongrie. Il
mourut, à Vienne, le 3 1 juillet 1798,
quelque temps après avoir célébré sa
cinquantième année de réception ,
comme maitre-imprimeur. On lui a
reproché les nombreuses contrefa-
çons qu'il se permettait sans scrupu-
le, qui lui firent une grande fortune,
et que ie gouvernement autrichien to-
lérait, malgré les réclamations qu'on
lui adressait de toutes les parties de
l'Allemagne. G — y.
TRAUCAT (François), mal-à-
propos af)pelé Brocard, dans les IMé-
moires de Bàville , naquit , dans la
première moitié du seizième siècle ,
448
TRA
à Nîmes , où il fut simple jardinier.
Les manufactures de soieries établies
en France sous le règne de Louis XI
n'employèrent long - temps que des
matières étrangères. Le mûrier n'e'-
tait encore qu'un objet de curiosité',
dans les jardins de quelques ama-
teurs opulents. On attribue générale-
ment à Olivier de vSerres l'important
service d'en avoir le premier propa-
gé la culture. Cependant Traucat l'a-
vait devancé. A l'époque oii le célè-
bre asïronomc du Pradel publiait le
livre de son Mesnage des champs in-
titulé : la Cueillette de la soie par
la nourrilure des vers (jui la font ,
et recevait d'Henri IV l'ordre de
planter vingt mille mûriers aux Tuile-
ries , et d'eu fournir aux généralités
de Lyon, de Tours , d'Orléans et de
Paris , les pépinières du jardinier de
Nîmes , mises en rapport dès l564 ,
avaient déjà enrichi le Languedoc et
la Provence de plus de quatre mil-
lions de ces arbres ; bienfait qui s'est
accru , perpétué , et qui est devenu
l'une des principales sources de la
prospérité de ces provinces , tandis
qu'il ne reste plus de traces des ef-
forts d'Olivier de Séries pour y faire
participer les contrées au-delà de la
Loiie. Traucat développa les moyens
de donner à la culture de cet arbre la
plus grande extension , en calcula
tous les avantages, dans un Discours
abrégé sur les vertus et propriétés
des mûriers, etc. , dédié au roi, Pa-
ris, ifJoO. Son zèle, ainsi que l'at-
teste Bà ville , avait alors été déjà ré-
compensé par une pension et par
l'autorisation l\o planter des mûriers
dans tous les endi'oits du royaume
où il le jugerait à propos. îl avait
.iiissi obtenu, en i()oi , la permis-
sion de fouiller, à ses frais, sous les
ruines d'un mouunu'iit romain (la
Tounuagne) , i^our chercher un Irc-
TRA
sor qu'on y snpposait enfoui. Le tiers
lui en était accorde : le roi s'était ré-
servé le surplus. Le bon jardinier,
moins sage et moins heureux dans
cette spéculation que dans celle qui,
jusqu'à ce moment, avait fait l'objet
de ses soins, consuma en de vai-
nes recherches la fortune qu'il avait
amassée par un plus utile travail. On
trouve sur lui une Notice dans les
Mémoires delà société royale d'agri-
culture, pour iSi'j. V. S. L.
TRAUN ( OtHON - FEr.DINAND ,
comte DE ), feld-maréchal au servi-
ce d'Autriche , né le 1'] août 1^)77,
était fils unique du comte d'Eschel-
berg , chef d'une des plus anciennes
familles de la Bavière. Après avoir
achevé ses études à Halle , il entra
au service d'Autriche. Pendant la
guerre de la succession d'Espagne ,
il se distingua d'une manière si bril-
lante , qu'en 1704 , à l'àgc de vingt-
sept ans , il était colonel et général-
adjudant. 11 fut d'abord envoyé en
Espagne , et de là il vint en Lombar-
die, puis en Sicile, à la tète de son
régiment , qui avait porté le nom du
comte d'Eck. L'empereur le nomma ,
en 1723, général -major; gouver-
neur de Messine , en 1727; puis com-
mandaut-géuéral des troupes de l'Au-
triche en Sicile. Ne pouvant tenir la
campagne en présence d'un ennemi
qui lui était de beaucoup supérieur
en forces , il passa le détroit , et se
jeta dans Capoue, où il se défendit
de la manière la plus distinguée.
Dans une seule sortie , il fit perdre
à renncmi cinq cents hommes : mais
n'ayant aucun espoir de secours ,
après un .siège de deux mois, il se re-
tira à la tête de trois mille hommes.
La cour de Vienne le nomma , en
1735, général d'artillerie ; et , en
1730, gouverneur de Milan. En
17 'lO, il défendit avec siiccès son
TRA
j^oiiverneraent , de concert avec le roi
de Sardaigne , contre des forces su-
périeures, et le 8 février \']^^ , il
gagna la iDataille de Gampo-Santo ,
sur les bords du Tanaro. Mais cette
victoire ne satisfit point la cour de
Vienne , qui trouva que sou général
n'en avait pas assez fait. Cependant,
selon Frédéric II , c'était le premier
des généraux autrichiens. Il éprouva
une sorte de disgrâce ; et après avoir
remis son commandement au général
de Lobkowitz , il alla servir sous le
prince de Lorraine , en Allejnagne ,
où ses avis furent extrêmement
utiles. Le roi de Prusse lui attri-
bue même la plus grande parlie
delà gloire qu'obtint dans cette cam-
pagne l'armée autrichienne. « Ce
» qu'il y eut de plus fâcheux, dit
» Frédéric, c'est que le maréchal de
» Traun commandait, en ellét , la
» grande armée qui portait le nom
» du prince de Lorraine. Tout l'a-
» vanlage de cette campagne fut pour
» les Autrichiens ; M. de Traun y
» joua le rôle de Sertorius , et le roi
» de Prusse celui de Pompée. La con-
» duite de M. de Traun est un mo-
» dèle de perfection. Par l'effet de
» sa savante tactique , le roi se vit
» contraint d'évacuer la Bohême,
» dont il avait d'abord enlevé la ca-
») pitale à une garnison de quinze
» mille hommes. » Frédéric achève
ce noble aveu, en disant « qu'il re-
») garde cette campagne comme son
» école dans l'art de la guerre, et
» M. de Traun comme son précep-
» teur. » En 1746, Ti-aun se rendit
à Vienne , où il fut reçu de la maniè-
re la j)Ius flatteuse. L'année suivante
il fut nommé gouverneur de la Tran-
silvanie, et le t8 février 1748, il
mourut à Hermanstadt. M — d j.
T R A U T S 0 N ( j£ AN - Joseph ,
comte de), cardinal cl archevêque
TRA 449
de Vienne , naquit , le 27 juillet 1 704,
de Léopold Donat , prince de Traut-
son. Destiné à l'état ecclésiastique, il
fut envoyé a Rome et à Sienne, pour
y faire ses études. A sou retour , il
fut nommé chanoine à Saltzboiirg , à
Passau , à Breslau , et abbé commcn-
da taire de deux maisons religieuses.
Le 7 septembre 1700, l'impératrice
Marie-Thérèse le nomma coadjuteur
de l'archevêque de Vienne ; et le pa-
pe, en confirmant ce choix, lui don-
na le titre d'archevêque de Carthage.
Le cardinal Kollonitsch, archevêque
de Vienne , étant mort le l 'i avril
1701 , son coadjuteur lui succéda de
droit. Dès ce moment , Trautson ,
nommé conseiller intime de l'impé-
ratrice, devint le prélat le plus puis-
sant à la cour. Le i^r. janvier 1752,
il adressa aux ecclésiastiques de son
diocèse une lettre pastorale, qui pro-
duisit en Allemagne, et surtout par-
mi les Protestants, une vive sensa-
tion. Préludant aux innovations qui
devinrent si fatales au règne de Jo-
seph II , il se plaignait de l'ignoran-
ce dans laquelle le clergé entretenait
les fidèles , au lieu de leur expliquer
les vérités fondamentales de la reli-
gion. « Vous ne leur parlez , disait-il ,
que des indulgences , que de pré-
tendus miracles , que de pèlerina-
ges , que d'images opérant des
guérisons miraculeuses, que de con-
fréries, etc. » Cet écrit déplut beau-
coup au clergé et à la plupart des
fidèles j mais le mécontentement
presque général ne lit qu'augmenter
l'intliicnce du prélat. Il fut chargé
par Marie - Thérèse de réformer l'u-
niversité de Vienne , et de lui pro-
poser un plan pour y porfectiouner
l'enseignement. En 1752 , cette jiiiu-
cesse le nomma protecteur de l'uni-
versité, en lui conliaut la surinten-
dance des études dans sou diocèse ,
4'îo
TRA
avec pouvoir de prendre les mesures
et de publier les règlements qu'il ju-
gerait convenables. Jusque-là les Jé-
suites avaient occupe toutes les places
à l'université : Trautson voulut qu'ils
les partageassent avec les autres
ordres religieux. Il s'entendit avec
Frédéric - Cliarles, evèque de Bam-
berg et de Wurtzbotirg , pour de'-
terminer la cour de Rome à dimi-
nuer le nombre des jours de fêtes.
D'après l'avis de ces deux prélats ,
l'impératrice écrivit, en lySS, au
pape Benoît XIV , pour lui repre'-
senter que le grand nondîre des jours
fériés ne faisait que favoriser l'oisi-
veté. Le pontife se rendit à cette de-
mande, par luie bulle du i^'". sep-
tembre 1753^ et le 4 février 1754,
l'arclievctjue de Vienne adressa aux
fidèles de son diocèse une longue let-
tre pastorale sur les fctes supprimées
et sur la manière de célébrer celles
qui étaient conservées. Le comte de
Khcvcnhuilcr avait gardé la di-
rection du cullt^ghini Thcresia-
nuin , fondé par Marie-Thérèse pour
l'éducation des nobles destinés au
métier des armes. 11 fut obligé de ré-
signer ces fouctions en faveur de l'ar-
chevcque de Vienne, qui douna aus-
sitôt à cet établissement de nouvelles
formes et de nouveaux règlements,
l-jilin Trautson parvint au comble
des honneurs. L'impératrice deman-
da pour lui le chapeau de cardinal;
et il lui fut accordé le 5 avril n56.
Ij'empereur lui remit la barette, dans
l'église de la cour, avec une pompe
extraordinaire; mais il jouit peu de
temps de celte haute faveur. Le 19
décembre de la même année , il fut
frappé d'apoplexie, et mourut le 10
mars I 7^7. Cl — Y.
TRAVASA ( C A,iKTAN - Marik ) ,
liislorieii , néà Bassano, en lO^.jH ,prit
riiahit des l'héatiiis .i Vcnse , eu
TRA
1717, étudia successivement à Bolo-
gne , à Florence , à Rome, et a pris
avoir professé la philoso})hiedanslcs
écoles de son ordre à Venise, il s'a-
donna à la prédication. Il s'était for-
mé une bibliothèque considérable, ou
il allait s'enfermer des qu'il pouvait
se dérober aux travaux de son aposto-
lat. Ayant conçu le plan d'un ouvra-
ge sur les h érésia rqu.es, il publia, en
1746, la Vie d'Arius , dont les opi-
nions avaient troublé l'Eglise au com-
mencement du quatrième siècle. Le
succès de cet essai l'encouragea à con-
tinuer ses recherches; et il ne lui fallut
pas moins de dix ans pour livrer au
public cinq volumes contenant la Vie
des hérésiarques des trois premiers
siècles de l'ère chrétienne. La Vie de
Manès , qui termine le dernier tome ,
est précédée de quatre Dissertations :
la première sur la secte des Adami-
tes et sur l'instoire du manichéisme
de Beausobre; la seconde sur l'auto-
rité des Actes de saint Archelaiis, et
les deux dernières sur Scythien et
Térébinlhe , les deux précurseurs de
Manès. L'auteur se jette dans des
digressions qui embarrassent sou-
A'cnt le récit des faits principaux. Il
prodigue les citations et les autorités;
ce qui annonce chez lui plus d'érudi-
tion que de jugement. Travasa mou-
rut presque aveugle, à Venise, le 1 5
janvier 1774- Sf's ouvrages sont : T.
Panegirico sacro dctto nclla hasili-
ca ducale di Veiiezia , Venise, 1727,
in - 8". IL Sloria critica dcUa vita
d'yîrio , primo cresiarca del ir°.
secolo , ibid., \-J^(\,\n 8". III. 5/o-
ria critica dellc vite degli eresiar-
chi de' treprimi secoli , ib. , 1752-
62, 5 vol. in -8"., avec portraits.
IV. Preparazianc alla morte, per
ogni pcrsoiia dt'l chiostro , ibid. ,
lyGoi , in -8". V. htruzioni c rcgolc
per taccrc c per parlnre corne con-
IRA.
inensiinmateria di religione, Lbid.,
i'-jO^^ m-8°. yi. Quaresimale, ib.,
i'j66, in-4*'. Cet ouvrage, dédie aux
syndics de Bassauo , \alut à l'auteur
uue médaille d'or à son effigie, por-
tant sur le revers les armes de la vil-
le, avec cette inscription : Civi sx;o_,
civitasBassam. vil Pajiegirici e
ragionamenti sacri, iLid., 1767 _,
in-4°. Une partie de ce recueil avait
paru , en 1758, sous le titre de Ra-
gionamenti sacri ^ in 8^. Les Pané-
gyriques sont au nombre de quinze.
YIIL Inni sacri dcl breviario roma-
no viinutamente spiegati , ibid. ,
1769, 3 vol. in-S^". Ce fut par ses
soins qu'on donna à Rome la pre-
mière édition complète des œuvres
du cardinal Tommasi ( V. ce nom ) ,
dont il a écrit la vie. Il a été aussi
l'éditeur des deux, ouvrages suivants :
I ''. Nuova Raccoîta di varie e scelle
orazioni, ibid., 1754-647 6 volum.
in-4*'. j 2°. Décadi di panegirici de'
Chierici regolari, Venise et Floren-
ce, 3 vol. iu-S*^. Deux de ses ouvra-
ges sont restes inédits. Voy. Vezzosi^
Scrittori tealini ^ 11 , 244? et \erci^
Scrittori Bassanesi , dans la Nuova
raccoîta calogeriana ^ tome xxx.
TRAVERS ( Nicolas ) , prêtre
appelant , né à Nantes eu 1 686 , y
lit ses études , et fut d'abord vicaire
de Saint-Saturnin , l'une des parois-
ses de cette ville. Il pubUa , eu 1734,
inic Consultation sur la juridiction
et l'approbation nécessaires pour
confesser, en sept questions. Sou but
était de prouver que tout prêtre non-
approuvé d'aucun évoque pouvait
absoudre validcment et souvent lici-
tement ; il écartait le décret du con-
cile de Trente , en disant que ce dé-
cret n'avait été rendu que pour le
temps du concile , et que d'ailleurs
les curés n'avaient point été cnten-
TRA 45 1
dus ni appelés. Cet ouvrage fut cen-
suré par la faculté de théologie de
Paris, le i5 septembre 1785 , et par
quelques évcques, et réfuté par le
père Bernard d'Arras , dans son li-
vre de V Ordre de l'Eglise ou la
primauté et la subordination ecclé-
siastique , Paris , 1735. Travers sou-
tint ses sentiments dans l'écrit inti-
tulé : la Consultation défendue par
l'auteur contre le mandement de
M. Langue t , le livre du père Ber-
nard et la censure de quatre-vingt-
six docteurs , 1 7 36 , in-40. Depuis, il
refondit cet ouvrage qui parut sous
le titre de Pouvoirs légitimes du
premier et du deuxième ordre dans
l'administration des sacrements et
le gouvernement de l'église, ^'^44»
iu-4°. , de -^44 pages , avec un grand
nombre de notes. Ce livre durement
écrit n'était pas meilleur sous le rap-
port littéraire que sous le rapport
tliéologique , et l'auteur mêlait à ses
erreurs des choses aigres et offen-
santes pour l'épiscopat. L'assemblée
du clergé de 1745 fit connaître, par
un rapport pubbc , son sentiment sut
cet ouvrage, que la faculté de théo-
logie de Nantes censura expressé-
ment, le 19 avril 1746. Cette cen-
sure , qui est imprimée, renferme
onze articles et applique des notes
spéciales à 99 propositions. C'est
contre cet ouvrage que l'abbé Corgne
publia sa Défense des droits des
évéques, 1763, 'î vol. in-4''. , pour
laquelle le clergé lui accorda une
gratification. Travers fut exilé dans
le couvent des cordeliers de Savenay ,
d'où ou lui permit de sortir _, en
1 748 , mais avec défense de rien fai-
re imprimer sur les affaires de l'é'
glise. Il mourut le i5 octobre
1750. Outre les ouvrages déjà cités,
on a de lui : Explication historique
et littérale de trois inscriptions ro-
29-
^32
TRA
mairies que Von voit à Rennes et à
Saint-Meloir en Bretagne^ dans le
tome V , publie eu 1 7'-i8 , des Mémoi-
res de Desmoiets ). IL Histoire
abrégée des évéques de Nantes,
daus le tome vu des mêmes Mé-
moires )■ C'est uu extrait du grand
travail de l'auteur , qui est reste ma-
nuscrit. III. Vie de Litoin , curé de
Saint-Saturnin, de Nantes , 1729,
in- 12. IV. Catalogue des princes
et comtes , seigneurs de Nantes ,
depuis les Romains jusqu'en 1 75o ,
Nantes, i75o,iu-i2.V. Codex eccle-
siœ nannetensis , acta ecclesiœ nan-
jietensis , spicilegium nannetense ,
sjnodeum luinnetense. VI. Dis-
sertation sur les monnaies de Bre-
tagne , in-S*^. , anonyme et sans date.
Travers a laisse plusieurs manuscrits
qui ont passé dans la bibliothèque
publique de Nantes : 1°. Un Traité
des conciles de la métropole de
Tours , eu 2 vol. in-fol. 2°. Utw His-
toire des évéques de Nantes , du
comté et de la ville , oit les faits les
plus singuliers de Vhistoire de l'é-
glise , de la ville et du comté de
Nantes sont rapportés , manuscrit,
in-4°. , de 820 pages. Ou ne sait si
jamais on publiera cet ouvrage dans
lequel Guimar a i)ris , dit-on . tout
ce que contiennent de bon ses an-
nales. 3°. Un Traité sur les con-
trats de constitution, etc. P-c-x.
TRAVERSARI. F. Amcroise le
Camaldule.
TRAVERSARI (Charles-Marie),
religieux, né à Lugo, dans le Ferra-
)ois, (il ses études à Faenza, et en-
tra dans l'ordre des Servîtes. Il pro-
fessa la théologie à IMantoue, et fut
un des adversaires de M. de Hon-
llieim ; son c-crit est sous fc titre :
Ennodii Favciitini. de romani pon-
tijicii primalu , adversùs Justinum
Fcbronium , l/ieologico- hisloricn-
TRA
critic.a dissertatio , Faenza, 1 77 1 , în-
4'^ Travcrsari adopta le sentiment du
père Nannaroni , dominicain de Na-
ples , qui prétendait qu'il faut com-
munier les (idèles , non avec des hos-
ties réservées , mais avec des hosties
consacrées à la messe même. L'ou-
vrage de Nannaroni avait paru eu
1770 , à Naples , sous le titre de Ca-
téchisme en forme de dialogue sur
la communion du saint sacrifice ,
1 vol. in-8°. • ce catéchisme fut atta-
qué, et l'auteur en publia des apolo-
gies ; un décret de l'index , du 1 8
août 1775, condamna ces différents
écrits. Toutefois Traversari donna à
Pavie , en 1779, une Dissertation
théologico-polémique sur la commu-
nion du sacrifice non-sanglant de
la loi nouvelle; cette dissertation
était eu latin , et fut suivie d'mie
Instruction sur le sacrifice de la
messe , eu italien, Pavie, 1780. Ces
deux écrits furent mis à l'index , par
décret du 3 décembre 1781. L'auteur
réclama par une requête que la du-
chesse douairière Gonzaguede Guas-
talla , dont il était confesseur , recom-
manda au cardinal Rezzonico. Pie VI
adi'essa sur ce sujet à la duchesse
un bref, du 27 mai 1783 , oii il re-
prochait au Servite d'avoir adopté
le sentiment de Nannaroni , malgré
les décrets du 18 août 1775 et du y.2
avril 1776. Traversari envoya uu
deuxième Mémoire , et lit paraître
uue Justification de sa doctrine ^
qui se trouve parmi les Opuscules
sur la religion que l'évêque Ricci
publiait k Pistoie , tome xii, 1786.
h' Instruction deTraversari fut réim-
primée à Gênes , eu 1798, avec un
discours préliminaire de l'éditeur,
et des exercices de piété; cette édi-
tion a été mise à l'index des livres
prohibés , par décret du 2v>. mars
18 19. P — c — T.
TRE
TREBATIUS ( Caius), sunioni-
mé Testa , savant jurisconsulte ro-
main , viva t du temps de Cicéron , à
la recommandation duquel il obtmt
la bienveillance de Jules César, qu'il
alla joindre dans les Gaules. Treba-
tius était de la secte d'Kpicure. Ce
fut sans doute moins à ses talents
militaires qu'à la conformité de ses
opinions philosophiques avec celles
de César qu'il dut l'amitié de ce gé-
néreux protecteur. Après l'avoir nom-
me tribun dans les légions , il lui ac-
corda la faveur de toucher les émo-
luments de cette jdace , sans en rem-
plir les pénibles fonctions. Durant la
guerre civile , ïrebatius demeura
constamment attaché au parti de Cé-
sar et fit de vains elForts poiu- dé-
tourner Cicéron de celui de Pompée.
Après la chute de la répid^lique, il
continua de jouir de la réputation de
grand jurisconsulte. Auguste, qui le
considérait beaucoup , le consultait
souvent. Ce prince , que l'on pres-
sait d'admettre les Codicilles dans
la législation , n'en adopta l'usa-
ge qu'après avoir pris l'avis et
entendu les raisons de Trebatius.
Ce jurisconsulte avait eu pour maî-
tre dans la science du droit Ma-
ximus Cornélius; et lui-même paraît
avoir été celui de Labeo (^F. ce nom,
XXIII, 19). Il joignait au savoir
et à l'éloquence une mémoire prodi-
gieuse. Suivant Cicéron, personne ne
fut ni plus probe ni plus prudent.
Macrobe et Aulu-ljelle lui attribuent
divers Traités sur les Rdisiions , qui
ne sont pas parvenus jusqu'à nous :
il publia plusieurs ouvrages sur le
droit civil. Les Pandcctes de Justi-
nien contiennent eu elfet un grand
nombre de décisions de Trebatius.
Horace lui adressa une de ses Sati-
res , qui est la première du second
livre. M — r — u.
TRE 453
TRÉ13ATTI (Paul-Ponge),
sculpteur florentin , a passé en Fran-
ce la plus grande partie de sa vie.
Ce maître est un de ceux à qui des
traditions vraies ou fausses ont fait
la plus brillante réputation, et sur le
compte desquels il a été avancé le
plus d'assertions contradictoires. Ou
l'a fait arriver en France en i5oo
et en i56o; il a été élève de Michel-
Ange , né en i474i et de Jean de
Bologne, né en 1524; il a exécuté
le tombeau élevé par Louis XII à sa
famille , lequel fut terminé en 1 5o4 ,
et une partie des sculptures du châ-
teau des Tuileries, dont Catherine
de Médicis ne jeta les fondements
qu'en i564. Tantôt, il ne vivait plus
en i556, tantôt il est mort en \5Qi.
Mais ce qui est plus grave , ce sont
les erreurs commises au sujet du
mausolée de Louis XII : suivant
quelques écrivains , on doit à Tré-
batti les sculptures de ce monument,
et Jean-Juste en a composé seule-
ment l'architecture; suivant d'au-
tres , l'artiste florentin n'a exécuté
qu'une partie des sculptures; suivant
d'autres enfin , l'architecture et la
sculpture lui appartiennent; asser-
tions que nous croyons toutes en-
tièrement fausses. Ce qui nous paraît
certain, c'est que l'opinion qui sup-
])ose Trébatti, Paul-Ponce ou maître
Ponce ( car on l'a désigné de ces dif-
férentes manières ) , auteur du monu-
ment élevé, par Louis XII, au duc
d'Orléans et à Valentinc de Milan ,
n'est fondée sur aucune preuve , et
doit être mise à l'écart. Il en est de
même de celle qui en fait le sculpteur
ordinaire du cardinal d'Ainboise.
Ces assertions AMgues sont démenties
par des faits indubitables. Tréballi,
naquit à Florence, on dans les envi-
rons de cette ville ; il vint à Paris,
fut employé à Fontainebleau à exé-
454 TRE
enter (les figures de stuc , en ronde
bosse , et développa dans cet ouvra-
ge beaucoup de taleut. C'est là ce
que nous dit Vasari : Nel medcsimo
luogo (Fontainebleau) ha lavorato
ancora moite figure di stitcco , pur
tonde , uno scidtore simdinente de'
nostj'ipaesi, cJdamato Ponzio, clie
si èportato henissimo. [f^ita di Pri-
maticcio ). La ])remière e'dition des
Vies de Vasari ayant paru en i55o,
il n'est pas étonnant que cet historien
n'ait ])arlë d'aucun ouvrage poste'-
rieiir aux stucs de Fontainebleau ;
mais il n'est pas presumablc qu'il
eût ignoré ou ne'glige' des travaux
aussi importants que le tombeau de
la famille d'Orléans , les sculptures
du château de Gaillon , exécutées
pour le cardinal d'Amboise , et le
mausolée de Louis XII. Félibien con-
firme indirectement le témoignage de
Vasari , en disant que ce fut le Pri-
matice qui fit les premiers ouvrages
de stuc ( de Fontainebleau ) , et qu'il
y employa Damiano del Barbieri, et
lin sculpteurfloreniin , nommé Pon-
ce (Entret, , tom. ii , pag. i88 , éd.
in-12 ). Même silence de la part de
cet écrivain sur tout ouvrage de
Ponce antérieur à ceux-là. Or, le
Rosso y chargé en chef des travaux
de Fontainebleau , n'arriva en Fran-
ce qu'en i53o, et Primatice qu'en
1 53 1 . Ces deux maîtres amenèrent
d'Italie^ avec eux, plusieurs jeunes
artistes qu'ils einploycrent à des jiein-
liires et à des sculptures, d'après
leurs dessins , et auxquels ne tardè-
rent pas de se joindre plusieurs jeu-
nes Français. L'a go de ces Italiens
nous est à-peu-près connu , ])uisque
l'on comptait parmi cuxLucca Pen-
ni , frère du Faltore , et Joanve-
Datlista da Bagnacovallo , de (jni
les époques sont cerlaiues. De ces di-
vers ra])jiror!)emcnls , nous croyons
TRE
pouvoir conclure que Trébatti , col-
laborateur ' de ces jeunes Italiens,-
était du même âge, qu'il était né par
conséquent vers les années i5oo ou
i5o5, et môme qu'il arriva d'Italie
avec le Rosso ou le Primatice. Les
faits qui vont suivre conlirmeront
cette opinion. Trébatti se fit connaî-
tre à Paris, en i035, par le tom-
beau du prince Alberto Pio da Car-
pi , savoisien de naissance , officier
au service de François 1^''. Il y re-
présenta ce ]nince de grandeur na-
turelle, en ronde bosse et eu bronze,
couvert de son armure , la tète et les
bras nus, à demi couché, les jambes
croisées , appuyé sur le coude , tenant
un livre ouvert, comme en état de
médiîation. Ce monument fut placé
dans l'église des Cordeliers; il échap-
pa à l'niccndie de i58o , qui anéan-
tit tant d'autres sculptui'es ;on l'a vu
long-terajis au Musée des monuments
français; il est maintenant déposé
au Musée des sculptures modernes ,
dit Musée d'Angouléme. Corrozet
et Dubreul rapportent l'épitaphe ,
qui renferme la date de ijSf). Ni
l'un ni l'autre de ces écrivains ne
nomme l'artiste. Sauvai a suppléé à
leur silence , et a indiqué Trébatti
( Antiq. de Paris, tom. ii , pag.
344 )• Celte figure se fait remar(juer
par la franchise de l'attitude, et par
la vérité de la tête, qu'on voit bien
être un ])orîrait ; le travail des bras
est un ]îeu lourd, quoirpie l'artiste
ait voulu y manifester de la vigueur,
et l'exécution en général n'est peut-
être pas assez soignée. Les grandes
cntrejnises de Fontainebleau ne fu-
rent point interrompues par la mort
de François P'i'. J^a décoration de
la grande galerie s'acheva sous Hen-
ri II , et tout porte à croire que
Trébatti continua d'être employé
à rexéculion des figures de stuc,
TRE
comme il l'avait e'te aux. ouvrages
pre'cedenls. Les travaux, de sculp-
ture du Louvre , commencés sous
Henri II , l'appelèrent à Paris. Jean
Goujon fut ctarge seul de la totalité'
de ces décorations : c'est Sauvai qui
nous apprend ce fait ( tom. ii , pag.
29 ), et l'on sait que cet écrivain a
puisé directement ses instructions
aux arcliivc-s delà cour des comptes.
Il répète plusieurs fois la même as-
sertion ( tom. m, pag. i5 ). Il dit
notamment , eu parlant des demi-re-
liefs de l'attique , que Goujon les a
sculptés et dessinés ( t. 11 , p. 26 ).
Engagé dans une si vaste entreprise ,
Goujon dut s'associer des collabora-
teurs ; aussi Brice nous dit-il qu'il y
a dans l'attique quelque cJiose de
Paul-Ponce , sculpteur renommé ,
qui a beaucoup travaillé à Fontai-
nebleau ( t. I , p. 5i ). Mais croire,
comme l'ont voulu de très -habiles
critiques , que la totalité des scidptu-
res de l'attique soit de Ponce, c'est
ce qui nous est impossible. Tout le
monde voit qu'il s'agit ici de la par-
tie de l'édilice dite le Fieux Louvre,
où se trouve l'ancienne salle des
Cent-Suisscs , décorée jiar la tribune
de Jean Goujon, et qui fait aujour-
d'hui partie du Musée des Antiques.
Les sculptures du pavillon central ,
de bas en haut , sont toutes de Sar-
razin et de ses collaborateurs, Gué-
rin , Van-Opstal, Le Clair et Bis-
telle. Celles des trois frontons de
l'attique dans la partie du nord sont,,
les premières de J-Q. Moitte , les
secondes de Rolland, les troisièmes
d.e Chaudet. La décoration de l'inté-
rieur de ce bâtiment occu])a aussi
Trébatti. Il exécuta, conjointement
avec Rolland Maillard, Biard le
grand père , les Hardoin cl Fran-
cisque , les sculptures en bois qui or-
naient les lambris , les portes , les
TRE
455
embrasures des fenétit^, et irolam-
ment le ])lalond de la chambre de
parade ( Sauvai , t. n, p. 35 ). Ces
raagnillques ornements , chefs-d'œu-
vre de goût et d'exécution , furent
vraisemblablement sculptés d'après
des dessins de P/er7V Lescot, ait l'ab-
bé de Glagiiy, architecte et directeur-
général de l'édilice. Un autre ouvra-
ge du même geure ne dut pas faire
moins d'honneur à Trébatti : ce fut
la décoration de la chambre particu-
lière du roi. Ici , tout était son pro-
pre travail , à moins qu'il ne se fût
donné lui-même des collaborateurs
( id. , t. m , p. 16 et 19). Les dessins
étaient de hii ou de l'aljbédeClagny.
Cette chambre , occupée d'abord par
Henri II, et devenue un obj et de véné-
l'ation à cause de la présence d'Henri
IV, subsistait encore en son entier, en
1807, aussi bien conservée que le
jour 011 ce malheuxeux roi en sortit
pour la dernière fois. Seulement,
dans un temps postérieur , il y avait
été ajouté des peintures dont le style
troublait un peu l'harmonie de l'en-
semble. Elle était dirigée au midi ,
sur le jardin, dit postérieurement de
Vlnfaiîte. Le fond était entièrement
occupé par une alcôve élevée de quel-
ques pouces au-dessus du niveau de
la chambre. Un balustre en bois do-
ré, des sculptures également en bois
doré , qui représentaient des rideaux
soulevés par deux Renommées , for-»
maient la séparation. Cette alcôve, où
reposait le Grand Henri , était sim-
plement tapissée d!unc tenture de
cuir vert. A côté de la chambre se
trouvait un petit cabinet de travail,
oriente de la même manière, et dé-
coré sans doute par la même main.
L'élégance et la simplicité de la dé-
coration de ce dernier appartement
frappaient autant les es|)rils que le
souvenir du bon roi imprimait de
4.56
TRE
respect. Les murs et le plafond
e'taient entièrement revêtus d'un lam-
bris en bois de noyer. Sur l'épaisseur
du bois étaient sculptes en bas-relief,
plus ou moins élevés , des casques ,
des épées , des boucliers et d'autres
trophées d'armes du meilleur style.
Des festons enroulés entouraient deux
j];laces de Venise ( à biseaux ) , qui
faisaient face l'une à l'autre. Les re-
liefs seuls étaient dorés mat ; tous les
fonds conservaient leur couleur natu-
relle , un peu brunie par le temps ;
on eût dit d'un revêtissement de
bronze , relevé d'or. Toutes ces piè-
ces se démontaient , pour pouvoir
être nettoyées. Tel avait été le pro-
duit du bon goût de Trébatli , et
de rhabileté de sa main (i). Dans le
même temps , Primatice dirigeait la
construction du petit château de
Meudon, appelé la Grotte, et Trc-
batti fut chargé d'une partie des dé-
corations. Cet édifice, commcîicé en
1552 , offrit tout ce que les' arts pou-
vaient produire, à cette belle époque,
de plus élégant et de plus accom-
pli. Le cardinal de Lorraine, qui le
fit construire, le dédia aux Muses
d'Henri II. Depuis long-temps il a
e'te' totalement détruit. Deux monu-
ments qui suivirent de près ces der-
niers paraissent avoir illustré de
plus en plus Trébatti. Le premier est
le tombeau de Charles de Maigné ou
de Magny, capitaine des gardes de
la porte, mort en l55G, et inhumé
nn\ Célestins. L'artiste plaça au-des-
sus du sarcophage une statue de ce
(l) Lorsque les nouvelles dispositions de l'iiitp-
rieiir du I, ouvre oui litc ordoiiiiéu» , les arcbi-
tccles rhftr;;**» dn ce Iravail oui coiiSHrvé lorttes
les lioisi'rics , Xnui de ha «Iiiiiiilirc de j>ar<ide , que
de U petite (')iarnbre. f.eur iirojel clail d'en re-
vêtir de» salles pnrticiilii-res , ii l'elPet <me de tels
ehefs-d'rcuvre ue fussent n:ui perdus. On espirc
que ee projef pourra se réaliser, ('es deux arelii-
teeles , qui ont l.-Mit de foi» , et sous tant de rap-
port» , »i l,ien nierilé de l'art , sont MM. l'ticicr
et Fonlahie.
TRE
seigneur , en pierre , grande comme
nature. 11 le représenta assis , som-
meillant, la tête nue, et le corps re-
vêtu de sou armure. Beurrier , dans
sonHistoirede l'éghse des Célestins,
n'a pas nommé l'auteur; c'eût été
contraire à son habitude; il n'en nom-
me jamais aucun. Comme beaucoup
d'écrivains français de son époque,
il dédaignait un pareil soin. Sauvai
nous désigne Paul -Ponce ( tom. ii ,
pag. 343 ). Germain Brice, Piga-
niol,D'Argenville, Lépicié, ont sui-
vi et confirmé son témoignage. Le
second monument dont nous voulons
parler est le tombeau d'André Blou-
de1 de Roquancourt, moi-t en l558.
Ce monument est en bronze. La fi-
gure de Blondel est couchée, la tête
soulevée sur le bras gauche , lequel
est ajipuyé sur un oreiller. Ce tom-
beau fut d'abord placé dans l'ancien-
ne église des Filles Repenties, en-
suite transporté dans celle de Saint-
Magloire. La figure a été recueillie
plus tard, comme la précédente,
dans le Musée des monuments fran-
çais , et toutes deux ornent aujour-
d'hui le Musée d'Angoulême. C'est
encore Sauvai qui nous dit qu'elle est
l'ouvrage de Ponce ( t. i , p. 582 ).
Ces deux morceaux ont été généra-
lement regardés jusqu'à présent com-
me lui appartenant. Une opinion ré-
cente les attribue tous deux à Ponce
Jacquio. Nous n'entendons ni adop-
ter, ni contredire , ni même discuter
ce jugement. Seulement nous regret-
tons que le savant qui l'a public
n'ait pas fait (•onnaître ses autorités.
A la mort de François H, son cœur,
renfermé dans une urne de bronze,
fut posé sur une colonne de marbre
blanc , d'oitlre composite , de neuf
pieds et demi de haut. Du dessus du
chapiteau , et autour de l'urne, s'c*-
levaient des flammes en bronze dore.
TRE
par allusion à la devise qu'avait pri-
se ce roi , Lumen redis. La colonne
était censée représenter celle qui con-
duisait les Israélites dans le désert.
Elle était élevée sur un piédestal
triangulaire , de marbre rouge , et
sur les saillies duquel furent placés
trois génies nus, en marbre blanc,
de deux, pieds de liauteur environ ,
pleurant et tenant des flambeaux ren-
versés. Une des inscriptions porte
que ce monument fut érigé en i56'>.
Il subsiste en entier , et se trouve au-
jourd'hui consacré dans l'église de
Saint-Denis. Les trois enfants , dit
Sauvai, sont de maître Ponce ( t.
I , pag. 4^1 ). Un écrivain dont
nous apprécions toute l'autorité en
matière de goût, dans ce qui concer-
ne les arts, M. Al. Le Noir, les croit
plutôt de Germain Pilon ( Musée
franc. , n». \o\ , pag. 228 ) ; mais
il nous paraît diflîcile de rejeter le
témoignage de Sauvai. Legrand
d'Aussy suppose que Ponce mourut
en iSô'i {Mém. de l'instit. , sciences
morales , tom. 11 , p. 6 1 7 ). Apparem-
ment il ne connaissait point d'ouvra-
ge de ce maître postérieur au mo-
nument de François II : c'est une er-
reur de ce savant. Catherine de Mé-
dicis ne lui témoigna pas moins d'es-
time que n'avait fait Henri II. Elle
l'employa dans les décorations du
château des Tuileries , dont elle jeta
les fondements au mois de mai de
l'an i564. TA\\à\?,({\\eJean Bullant
élevait la façade du couchant, et que
Philibert De Lorme construisait la
façade orientale , et ordonnait les dis-
positions intérieures, Trébatti sculp-
tait les ornements , et particulière-
ment les ligures des frontons , qui en-
richissent ce coté de l'est, bâti par
De Lorme. Au-dessus de la porte du
manège, construit sur l'emplacement
occupé aujourd'hui par la rue de
TRE 457
Rivoli , il plaça la figure d'un cheval ,
en pierre , grande comme nature.
Mais un ouvrage plus iiuportant dut
l'honorer encore davantage. Au mi-
lieu des jardins devait être élevée
une fontaine colossale; c'est lui qui
futcliargé de l'exécuter. Surun grand
piédestal à quatre faces devait ap-
paremment être établie une vasque,
d'où se seraient élancées des gerbes
d'eau. Il sculpta le piédestal , d'un
seul bloc de marbre, et sur les qua-
tre faces il représenta en bas-relief
des figures, plus grandes que nature,
de deux fleuves et de deux na'iades ,
groupées avec des vases et des con-
ques marines. Il paraît qu'il tom-
ba ici dans quelque exagération. Ces
figures sont d'un grand goût , dit
notre historien , mais maniérées
( Sauvai , tom. 11 , pag. 60 ). Ce mo-
nument ne fut pas terminé , soit par
la mort de l'auteur, soit par toute
autre cause. Le marbie demeura pen-
dant long-temps gisant dans les jar-
dins, et il reçut enfin une autre des-
tination. Ce travail ne pouvait guère
avoir été commencé avant les années
i5G6 ou i56n. Une entreprise en-
core plus considérable occupait fi lors
Trébatti. Catherine de Médicis fai-
sait construire, auprès de l'église de
Saint-Denis , la rotonde ajipelée la
Chapelle ou le tombeau des T^alois.
Indépeiidamment du mausolée qu'elle
élevait, au centre de cet édifice, à
Henri II , son mari , à ses enfants ,
et à elle-rarme quoique vivante , il
paraît qu'elle avait le projet de con-
sacrer , dans les six chapelles ména-
gées sur le pourtour , soit des monu-
ments particuliers en l'honneur de
divers princes de la branche de Va-
lois, soit des représentations pieuses
du genre de celles qu'on appelait des
Mystères. C'est en exécution de ce
projet qu'on plaça, de son vivant ou
458 TRE
après elle, dans la chapelle siluce
derrière le mausolée, à la partie
orientale de l'e'difice, la statue de
Henri II et la sienne propre, cou-
chc'cs et vêtues des habits de cour
( Felib. , Hist. de Saint-Denis , p,
566; Mus. des mon.fr., n<>. io3 ).
Ces sortes de statues ou de représen-
tations c'taient ce qu'on nommait
alors , comme dans les siècles précé-
dents , des propriétaires ou des per-
sonnes. On sait qu'en outre ^ le roi
et la reine étaient rejîrésentés nus,
en état de mort , au-dessus du sarco-
pliapjc; et une seconde fois , vivants et
à genoux devant des prie-dieu, sur la
voûte du monument. Vraisemblablc-
}nent on devait placer dans une des
chapelles le mystère de la Résurrec-
tion : Germain Pilon avait sculpté à
cet cflét trois figures de marbre , re-
présentant Jésus-Christ qui ressusci-
tait, et deux soldats, IVous devons
supposer qu'on voulait placer dans
une autre chapelle ime Mère de pi-
tié; car Trcbatti sculpta un Christ
mort, en marbre , grand comme
nature. 11 ne ])araît pas qu'il ait
jamais exécuté la figure de la Vier-
ge, qui devait se grouper avec celle-
là : ces travaux furent interrompus ,
ensuite abandonnés , et les statues de-
meurèrent à Paris , dans des déjiôts ,
où elles se trouvaient encore sous le
règne de Louis XIII. Dans le ma-
gasin de marbres du roi , chez M.
Leramhcrt , dit Sauvai , on voit
cinq fleures de marbre , de Pilon :
un Clirisl ressuscitant, deux Soldats
fjui gardent le sépulchre , etc. —
Il y a aussi un Christ mort^ qui est
la plus belle pièce que Ponce ait ja-
mais faite. — Toutes ces figures ,
ajoute-l-il, devaient entrer dans le
sépulchre des Falois , mais la dis-
position n'en est pas sue ( t. m , j).
idy 17 ). Ces fiiiis nous placent au
TRE
moins aux années 1 56H ou lo^o,
puisqu'à cette époqiic la consirnction
de la chapelle n'était pas teiminée
lis conduisent donc à une conséquen
ce toute naturelle, et que nous avons
annoncée en commençant , c'est que
Ponce , encore vivant à cette derniè
l'e époque, ne peut avoir sculpté, ni
le tomjjcau de la famille d'Orléans ,
terminé en 1 5o4 , ni celui de Louis
Xfl , soit en totalité, soit en partie,
puisque ce dernier monument porte
la-date de i5i5. Ainsitombela fausse
îraditioii qui donne à un sculjîteur
italien deux chefs-d'œuvre delà sculp-
ture française du commencement du
seizième siècle. Mais nous ne devons
pas nous en tenir à cette preuve dé-
tournée , pour montrer que le tom-
])eau de Louis XII n'apparti<nt
point à Trcbatti. 11 existe à ce sujet
un témoignage direct et sans répli-
que : c'est celui de Jean Brèche ,
jurisconsulte, natif et habitant de
Tours , qui vivait au commencement
et au milieu du seizième siècle. Dans
son traité sur le titre du Digeste in-
titulé De usu et significatione ver-
borum , cet écrivain , à l'occasion
du mot monimentum , nous dit que
le magnifique tombeau ou le moiui-
ment de marbre élevé à Louis XI 1
dansréglisedeSaint-Deuisaétésculp-
té à Tours parle statuaire Jean Jus-
te. Videas monimentum marmo-
reum , lAidovico XII dicatum , mi-
ra et eleganti artificio factum in
prœclarissimd civilate nostrd Tu-
ronensi , à Joanne Justo , statuario
eleganlissiino ( jing. 4 10 ). hc per-
mis d'imprimer de l'ouvrage de
Brèche, donne! à Fontainebleau, por-
te la date du 8 janvier i 55'.î. Ainsi ,
vingt-(|ualre ans s'étaient à peine
écoulés depuis (pie Juste avait termi-
né sou ouvrage , et Trébatli vivait
enc(u-e lors(fuc J. Hreche rn)q)elail
TRE
un fait qui devait être alors de noto-
riété publique. La preuve qui résulte
de ce témoic;na£;e est donc complète
et absolue. D. Félibien {Histoire de
Saint-Denis) , à qui nous devons l'in-
dication du passage de l^reclie , sup-
pose que les deux artistes Trébatti et
Juste ont travaillé à ce monument. Jl
se fonde sur ce que Sauvai dit qu'il a
été sculpte à Paris, dans l'hôtel Saint-
Paul. Mais on sent bien que Jean Juste
ayant à faire transporter de Tours
à Paris un fardeau si considérable ,
ne termina point avant le transport
les parties les plus délicates , et qu'il
dut venir les achever à Paris et à
Saint-Denis même. Nous croyons en
outre connaître le fait d'où a pu dé-
river l'erreur que nous avons dû
combattre. Dans le dépôt de Lcram-
bert, dont nous venons de parler , se
trouvait, au temps de Sauvai, avec
le Christ , une autre statue de Tré-
batti , en marbre , représentant Anne
de Bretap;ne nue et en état de mort.
Ce fait s'explique de lui - même j
car on n'avait pas sans doute dé-
jiouillé le tombeau de Louis XII ,
dans rép;lise de Saint-Denis , de la
statue d'Anne de Bretagne , pour la
jeter dans le dépôt de Lerambert: il
est donc évident que cette statue,
sculptée par Trébatti n'étaii pas celle
du tombeau. Apparemment Catheri-
ne de Médicis avait conçu la pensée
d'élever un monument quelconque à
Louis XII , prince de la maison de
Valois, dans une des chapelles de sa
rotonde. C'est cette statue d'Anne de
Bretagne qu'on aura confondue avec
celle qui repose sur le sarcophage.
On cile d'autres ouvrages de Trébat-
ti , ou qui lui ont été attribués avec
plus ou moins de vraisemblance : I.
Un bas-relief en marbre où est repré-
senté saint George combattant le
Dragon. Ce bas-relief, qui se voyait
TRE 45g
précédemment au Musée des monu-
ments français , est déposé aujour-
d'iuù au Musée d'Angoulcme; mais
il a été apporté du château de Gail-
lon ; et cette considération doit em-
pêcherde l'accorder à Trébatti. Sau-
vai d'ailleurs dit, à ce sujet, que de
son temps on regardait avec plaisir
dans la rue Saint-Denis une basse-
taille de Ponce , représentant le com-
bat de saint George contre le Dra-
gon ( 1 , 1 3 1 ) ; ce qui prouve que l'on
a confondu des ouvrages de deux
maîtres. II. Un bas-relief où se voyait
sainte Anne, montrant à lire à la
Sainte-Vierge ( Sauvai , ihid. ). ÎII.
Un buste, en bronze, d'Olivier Lefè-
vre, seigneur d'Ormesson , exposé au
Musée d'Angoulème ( n". 4^ )• Ce
magistrat y est représenté âgé au
moins d'une quarantaine d'années j
or, il naquit en iSsS; son buste a
dû parconséquent être exécuté vers
l'année i565. IV. Un bas-relief qu'on
voyait autrefois au-dessus de la porte
de i'Hôtel-de-ville de Paris , auprès
de la statue d'Henri IV. Il n'est plus
question aujourd'hui de la fausse opi-
nion qui attribuait à ce maître la
statue de l'amiral Chabot. Tout le
monde convient que cette belle figure
est de Jean Cousin. Quant au carac-
tère ou au style qui peut distinguer
Trébatti , les auteurs qui ont parlé
de lui , sous le règne de Louis XIII .
disent qu'z'Z est fier en sa manière,
et que ses figures sont même un peu
tropfikres. De nos jours on a dou-
té si les génies de la colonne de Fran-
çois Il , d'un style gracieux et élé-
gant, sont de Germain Pdon ou de
lui. Ces opinions ditiérentes nous sem-
blent prouver ce que nous croyons
en effet , que cet artiste varia sa ma-
nière, soit pour s'arranger avec les
maîtres qui dirigeaient les travaux
où il était employé , soit jjour se prc-
46o
TRE
ter au goût dominant. Formé d'abord
sur les ouvrages de Michel-Ange , ce
que paraît annoncer la statue du
prince de Carpi , il montra dans celle
de Charles de Magny ( si elle est de
lui ) un naturel, une bonhomie, qui
rapellent un peu le quinzième siècle. A
Fontainebleau, il imita Primatice, et
dans la chapelle des Valois , il se rap-
procha de Germain Pilon. En tout,
c'est un maître de beaucoup de ta-
lent , et un étranger que la France
doit honorer puisqu'il lui a consacre'
une grande partie de sa vie. Deux
faits principaiix ressortiront néan-
moins de cette Notice .-l'un, que Tré-
hatti n'est nullement l'auteur du
Mausolée de Louis XII, et que ce
monument appartient en entier à la
France; l'autre, que ce maître n'a
exerce' aucune influence sur notre
école, cl qu'il a suivi le mouvement
imprime aux esprits plutôt qu'il ne
l'a communiqué. Ec — Dd.
TREBELLIEN ( Caius-An-
Nius)^ célèbre pirate ,se (it déclarer
empereur dans l'Isaurie, sous le rè-
gne de Gallien, en l'an 264, et don-
na d'abord à sa puissance une assez
grande étendue : mais Gallien ayant
envoyé contre lui son général Causi-
solée, frère deTliéodote, à la tète
d'ime armée , et Trebellien s'étant
laissé attirer hors des montagnes et
des détroits de l'Isaurie, il perdit une
bataille sanglante , et y fut tué, un an
aj)rès son usur])alion. Voy. les Tren-
te-Tyrans de Tiebellius-Pollio. —
TRKiui.r.iEN (Riifus), préleur sous
Tibère , ayant été accusé du crime de
lèse-majesté, se tua lui-même. Z.
Ti{EnELUUS. F. PoLMON.
ÏRÉDI AKOVSKY ( Vassili-Ki-
iiir,oviTCH ), poète russe, né, en
1703, d'une famille uobje , reçut
une éducation soignée , et voulant,
à l'exemple de Pierre I''''. , s'instrui-
TRE
re par des voyages , se rendit, fort
jeune , en Hollande, en Angleterre et
eu France. Arrivé à Paris , en i 725,
dans le temps où Rollin y professait
avec tant d'éclat , il reçut des leçons
de ce grand maître , et se fit rece-
voir à l'imiversité. Après avoir ainsi
étudié , pendant cinq ans , les lettres
françaises , il retourna à Péters-
bourg, où il fut secrétaire de l'aca-
démie , et professeur de rhétorique.
Alors il se livra tout entier à des
travaux littéraires jusqu'à sa mort,
qui eut lieu en i 769. Il avait été
nommé, quelques années auparavant,
conseiller de cour. On ne peut douter
que lesécrits deTrédiakovsky n'aient
été d'une grande utilité à la Russie,
et que, publiés à une époque où la lit-
térature était à-peu-près nulle dans
ce pays, ils n'aient beaucoup contri-
bué à ses progrès. Il est également
sur qu'il a transporté dans sa lan-
gue , par des traductions estimées ,
beaucoup de richesses littéraires des
autres peu])les , quijusqu'alorsétaient
ton t-à -fait ignorées en Russie. Le mé-
rite de ses poésies a été contesté ,
surtout par l'auteur de la Vie du
prince Ganlémir , qui prétend qu'a-
vant cet auteur : « Le seul Busse qui
» se fût hasardé à versifier n'avait
» fait que des chansons, quelques
» odes à la louange de la cour, et
» des épigrammcs où il n'avait que
» médiocrement réussi, w Le même
historien ajoute que le prince Can-
témir a laissé manuscrites des re-
marques critiques sur la Prosodie
donnée par Trédiakovsky. Cette Pro-
sodie avait été publiée par ce der-
nier, en 1735, à Pétersbourg, sous
le titre de Méthode pour apprendre
à faire des vers russes , et sous ce-
lui de Dialof^ues entre deiuv amis ,
ly/JH. Les compositions poétique.',
de Trédiakovsky , qui ont été inipri-
l
TRE
ine'cs, sont des Odes sur la prise de
Dantzig, sur la mort de Pierre-le-
(Irand, sur le couronnemeut d'Eli-
sabeth, sur la reconnaissance de l'au-
teur envers celte princesse, sur les
c'iarmes du printemps, etc. Il en a
laisse beaucoup d'inédites, entre au-
tres une tragédie intitulée Déidamie.
Ses traductions en vers russes sont
les Psaumes de David , quelques Fa-
Lies d'Ésope , Tele'maque et l'Art
poétique de Boileau. Ce dernier ou-
vrage surtout eut beaucoup de suc-
cès, Tre'diakovsky a traduit en pro-
se : I. Les Mémoires de Saint-Re-
mi sur l'artillerie , i vol. in-i ii ,
l 'jS'.i. II. Histoire généalogique
des Tatares , 2 vol. in-i 2 , 17(39.
111. \J Histoire ancienne et l'histoi-
re romaine de Rollin , u6 vol. iii-
1 2. W .h' Histoire des empereurs,
4 vol, iu-i 2. M — D j.
TREIBER (Jean-Philippe), pro-
fesseur en droit à l'université d'Er-
furt , ne , à Arndstadt , le 26 février
1 (iy 5 , commença d'une manière biil-
lante sa carrière dans l'enseignement,
à l'université' d'Iëna , où ses leçons
sur les différentes parties de la juris-
prudence étaient très - suivies j mais
comme il s'expliquait avec trop deli-
beité sur ce qui tient à la religion, il
fut réprimandé par le sénat acadé-
mique et mis aux arrêts. Malgré cette
punition, il publia, peu après, en
allemand , une feuille périodique in-
titulée : Manière de confondre , par
la seule raison , la raison qui veut
aller trop loin dans les choses de la
foi, léna , 1704. Treiber avait an-
noncé qu'il proposerait, dans chaque
numéro de cette feuille , une des gran-
des questions que l'impiété oppose
aux vérités fondamentales de la reli-
gion. Les cinq premiers numéros pro-
duisirent , parmi les ministres protes-
tants, une vive et fâcheuse sensation.
TRE 4Gi
Ils prétendaient que l'auteur exposait
avec force la diiliculté, et qu'il n'y
répondait que faiblement , afin de
donner à entendre qu'elle était inso-
luble. En conséquence , le consistoire
de Gotha obtint du duc que Treiber
serait emprisonné pendant six mois;
ce qui fut exécuté. Avant d'ob-
tenir sa liberté, il fut obligé de pro-
mettre, par écrit, qu'il ne publierait
plus rien sans la permission du con-
sistoire. Mécontent de ces tracasse-
ries , Treiber se rendit à Erfurt , où
il se (it instruire ])ar le P. Prudence,
jésuite; et en 1706, ayant abjuré, il
embrassa la religion catholique. Ce
changement eut, à ce qu'il paraît,
une influence heureuse sur son esprit,
ses travaux , sa tranquillité et son
bonheur. Ayant reconnu qu'il n'était
pas suflisarament instruit dans les
matières religieuses pour les traiter
dans ses écrits, il s'attacha au droit
romain comparé avec la jurispru-
dence d'Allemagne , et il publia , sur
ce sujet , qu'il possédait à fond , des
ouvrages utiles et savants. Peu après
sa conversion , il fut nommé profes-
seur de droit romain à l'université
d'Erfurt j et la ville , qui eut souvent
recours à ses lumières , le choisit
pour un de ses magistats. En 1712,
il publia l'Analyse de ses ouvrages.
Les plus remarquables sont : 1. Séries
dichotomica titulorum in Institutio-
nihus imperialihus conspicuonim ,
docentiwn œquè ac discentium usui
inservire apta , nec non nexus dicho-
tomicus doctrinarum in examine ju-
ris feudalis Stryckiano contenta-
rum , Erfurt , 1 707 , in-fol, II, Cons-
pectus dichotomicus juris feudalis
atque puhlici romano- germanici ;
tanquam prodromus edendœ uhe-
rioris dictorwn jnriuin explanatio-
nis , geiudnœ discipliriarum practica-
rum methodo , per promissam con-
IS-i
TRE
nexionem accomodatus , iii usum
collegionnn desupcr instituendo-
rum , Eriurt, 1717, iu-fol. III. Ge-
nuina perspicidtas Inslitutionuin
Justiniani , mediantc cjiid earum-
deiii textus tùmparaplirasticè , ciim
analjtlcè , eiini in viodum dlustra-
tur, ut casus inibi ohvenieiites , prœ-
sertivi in materid contractuum ,
delictorum et actionwn , teutonicè
proponantur , posteaque tàm ex ju-
re veteri , quàm secundàni usum
fori hodiernum , nervosè decidan-
tur , nec minus for niulœ actionum
in textu recensitarum stylo germa-
nico inforis usitato conformes com-
muincentur ;, Eifiirt, i7'i5, in - 4°.
Treiber mourut à Erfurt le 9 août
1727. G — Y.
TREILHARD (Jean-Baptiste),
né à B rive dans le Bas -Limousin,
d'un père qui était avocat dans cette
petite ville , vint exercer la même
profession au parlement de Paris , et
s'y fit connaître par des talents assez
distingués. Ses plaidoieries pour sa
ville natale contre la maison de Noail-
les, et plusieurs Factum qu'il publia
lors des contestations qui s'élevèrent
entre les diverses branches de la fa-
mille Montesquiou , commencèrent
sa réputation : elle s'agrandit succes-
sivement et lui procura la plus riche
clientelle. Lors de l'institution du par-
lement Maupeou ( 1 770)^, il s'éloigua
du barreau, et n'y reparut qu'au re-
tour des anciens magistrats. C'est
alors qu'il fut investi d'une grande
confiance : la maison de Condé l'ap-
pela dans son conseil; la ferme et la
régie générales le choisirent pour leur
avocat. Il fut même nommé inspec-
teur des domaines ; enfin Treilhard
avaitdéjà réuni tous les élénientsdela
fortune, lorsque la révolution éclata
et le choisit pour un de ses favoris.
Elu dc'piilc au\élals-g('nérauxpai la
TRE
ville de Paris , il panit d'abord vou-
loir se ranger dans le parti véritable-
ment royaliste , comme son collègue
ïhouret ( F. ce nom ), et il est à
croire que si , comme lui , il changea
de système, ce fut par les mêmes
considérations : mais l'avocat limou-
sin , plus heureux et plus adi'oit que
l'avocat normand, sut se glisser à
travers les dangers avec une admi-
rable dextérité, échapper aux terri-
bles catastrophes qui frappèrent suc-
cessivement tous les partis , et arri-
ver au faîte des grandeurs , lorsque
le malheureux Thoureî ne parvint
qu'à l'échafaud. Un ami de collège
de ïreilhard, qui l'avait suivi dans
le monde , disait : « Je n'ai eu que
» trois amis j le premier a été pendu ,
» le second est aux galères; mais
» Treilhard, le troisième, se sauve-
» ra, malgré son écorce épaisse: il a
» des ressources dans l'esprit qui le
» sauveraient de l'enfer. » Treilhard
débuta, dans l'assemblée du tiers-'
état^ par quelques avis modérés sur
la réunion des ordres, auxquels on
fît peu d'attention : il voulut que le
corps législateur ne fût composé que
d'une seule chambre, système pour
lequel votèrent l'extrême droite et
l'extrême gauche de l'assemblée. Le
parti intermédiaire opinait pour
deux chambres , telles à -peu- près
qu'elles ont été instituées par la
Charte de Louis XVIIL En faisant
attention à ce qui s'est passé de-
puis dans nos assemblées représen-
tatives , cette particularité mérite
d'être remarquée. Quelques histo-
riens, et le Moniteur lui-même ou
])lutôt rinlroduclion ( 0 de ce jour-
(1) Ll- juiiiniil lo Muiiitrur ne [liuiit que (l.iii.>
les |>reiiiliis juur» du mois de iiuvcniliri- 17H1) ,
Ior.si|iio l'iisscriililrc vint tnnir se» scancos » l'iiris ,
cl r'iil à Vnwailles que )n question du vcio lut dis-
rnlie <l ducid.r. Cv <|u'on «[ipellr l'Iuli .«Inclinii
lui iiupi inie huin-lenqn ain'ès , sur des notes et
di". r<M,'.c;i;nfnieuU qu'cui (irul siunieuiiinr i\'\-
hcx.ieliludc.
TRE
liai, que prennent pour guide la plu-
part des écrivains (jiii parlent de la
révolution, ont publie' (pic, lorsqu'd
fut question des droits à reserver au
roi dans la constitution nouvelle ,
ïreilhard vota pour le veto suspen-
sif: c'est une erreur. Le rédacteur
de cet article était présent a. toute la
discussion qui eut lieu sur cette ma-
tière, et il peut certifier que Treil-
hard prononça un discours assez long
et très-bien raisonné , en faveur du
veto absolu. Mirabeau s'était déjà
prononcé pour cette opinion, en dé-
clarant que , quand bien même le roi
se contenterait du veto suspensif,
comme ce malheureux prince l'avait
résolu d'api'ès le conseil de Necker ,
il ne faudrait pas mpins, dans l'inté-
rêt de la monarchie , lui accorder le
veto absolu. Il paraîtrait que ce fut
alors que, voyant la monarchie per-
due , Treilhard prit une route dilïë-
rente. Les attaques les plus violentes
qui depuis les mots fameux écrasons
l'infâme n'ont cessé d'être dirigées
contre les ecclésiastiques de toutes
les classes , étaient alors dans toute
leur force : un comité fut établi pour
dissoudre le premier ordre de la mo-
narchie ; Treilhard eu fut membre ,
et fit, contre le clergé, une multitude
de rapports et de propositions ex-
trêmement violentes. On sent bien que
nous ne pouvons le suivre dans un
pareil travail. Nous ne rapporterons,
à cet égard, qu'une seule particula-
rité. L'abbé de Moiitesquiou avait
obtenu que les religieux qui vou-
draient continuer à vivre dans leurs
cloîtres en auraient la faculté. Treil-
hard voulut fpi'ils y fussent privés de
la jouissance des jardins, ou que la
valeur des fruits fût déduite de leurs
modiques pensions. Cet avocat fut
encore un des dé])ulés constituants
qui insisteront le plus pour que les
TRE
463
actes de naissance , de mariage et de
décès fussent exclusivement reçus
par les autorités municipales , et que
les cérémonies religieuses ne fussent
que facultatives. Le 2 juillet 1791 ,
il sollicita pour Voltaire les honneurs
du Panthéon , qui furent décernés
avec la plus grande solennité. Vou-
lant donner plus de poids à sa mo-
tion, il rappela que, dès l'année 1 -^64,
le philosophe de YQvney M'ait prédit
la réi>olutioji qui dans ce moment
régénérait la France. Treilhard fut
porté à la présidence^ à cette épo-
que ; et , le 3 septembre , il fit partie
de la députation qui présenta la nou-
velle constitution à Louis XVL Lors-
que le monarque harangua l'assem-
blée, en lui annonçant son accepta-
tion , Treilhard, emporté par un en-
thousiasme qui ne lui était pas très-
naturel, s'écria : ^h! voilà un dis-
cours qui est digne d^Henri IV.
Pendant la session de l'assemblée lé-
gislative , il fut président du tribunal
criminel de Paris , près duquel Ro-
bespierre était accusateur public.
Sous un tel accusateur, cette cour
n'était que la sauvegarde des bri-
gands : le crime n'avait rien à redou-
ter. Le président y fut, pour ainsi dire
inaperçu : il se contenta de laisser
faire, sans agir personnellement; et
l'on appela cela de la prudence. Il est
certain que Robespierie, avec qui il
communiquait chaque jour, n'eut
jamais avec lui aucune altercation,
et ne le désigna point parmi ses victi-
mes. Après la révolution du 10 août,
Treilhard fut député à la Convention
])ar le département de Seine-et-Oise.
Dans le procès du roi , il vota contre
l'appel au peuple , pour la mort et
jiour le sursis. Ce premier vote le sé-
])ara des Girondins, lui mérita la fa-
veur de Robespierre, et il devint son
agent contre le parti proscrit. Au
464
TRE
mois de juin 1793, il fut envoyé à
Bordeaux, avec son collègue Ma-
thieu , poui- dissoudre le parti qui
s'était formé en faveur des victimes
de la révolution du 3 i mai : il n'eut
point de succès , et fut même arrêté j
mais presque aussitôt remis en liber-
té , puis rappelé pour faire place à
des missiomiaires plus énergiques [ F.
Tallien ). Avant la détection de
Duniouriez, il avait aussi été envoyé
en Belgique , où il avait fait peu de
sensation , s'occupant plus de sa sû-
reté personnelle que des conquêtes de
la propagande. A son retour , le 6
avril , il fut nommé membre de l'o-
dieux comité de salut public : on
ne sait quelle fut sa conduite dans
l'intérieur de cette caverne. Cepen-
dant il fut assez modéré , pendant
le temps appelé de la terreur , et
n'est point cité parmi cette bande de
tyrans qui épouvantèrent l'Europe;
il garda le silence pendant les six
premiers mois de 1794? si féconds
en événements funestes , et ne reparut
qu'après le 9 thermidor ( l'j juillet
1794). A cette époque, il fut de
nouveau nommé membre du comité
de salut public , et se chargea de la
plupart des rapports que Barère
faisait auparavant. Il y fut moins
charlatan et moins ridicule ; mais
les temps étaient bien changés. La
presse, surtout dans les journaux,
faisait trembler les révolutionnaires.
Ce fut Treilhard qui fit échanger
Madame Royale , alors délenue au
Temple, contre les députés prison-
niers en Autriche. Après la dissolu-
tion de la Convention , il devint mem-
bre du conseil des Cinq-Cents , où il
fut un des plus déterminés champions
du parti révolutionnaire. Sur la lin
de décembre 179') , il présida le con-
seil, et le '21 janvier 171)0, pronon-
ça sur le supplice de Louis XVI
ÏRE
un discours très -emphatique. A la
même époque , il fit décréter la pei-
ne de mort contre les provocateurs
à la royauté ; défendit la loi du 3
brumaire , qui excluait des fonctions,
publiques les parents d'émigrés, et
fit annuler la nomination de Jean-
Jacques {1) Aymé. La carrière légis-
lative de Treilhard se termina en
1797. Les élections de cette année
ayant toutes été faites par les roya-
listes, il fut envoyé à Lille, pour
suivre , avec lord Malmesbury , des
conférences pour la pais avec l'An-
gleterre. Au mois d'octobre il fut dé-
signé pour l'ambassade de Naples ,
puis envoyé à Rastadt. Il y resta peu ,
et évita la catastrophe qui frappa
Roberjot , Bonuier et Jean Debry
( /^. RoBEBJOT ). Au mois de mai
1 798 , il fut porté au Directoire , puis
chassé de cet emploi éminent au mois
de juin 1799 ( 3o prairial an vu ),
par le conseil des Cinq-Cents , où
dominait le parti des Jacobins. Mer-
lin, devenu directeur, par la révo-
lution du 18 fruclidor , et La Réveil-
lère ( P^. ce nom au Supplément ) ,
qui était membre de cette autorité
depuis son établissement , partagè-
rent sa disgrâce (3). Treilhard prit
assez gaîment sa mésaventure , et
en rit lui-même avec le public , an-
nonçant à ses successeurs une pa-
reille destinée. En efl'et, trois mois
plus tard, Buonaparte, revenu d'E-
gypte, chassa du palais directorial
ceux qui en avaient chassé Treilhard.
Celui-ci se prononça pour le nouveau
w «■•
,,i,r Cl
(le Job.
uiir (|u'oii a duliuû h cv clejiiite ie
P''"
^3) On lit <!•■ tuiit eu l-rancc , iiieiiir uu luilu'ii
des plu» acrulihinlfs iiiiuiiiineh. (.nrt de l'exiiul
«ion des trois directeur», ou ulliclia dans les rues
de Paris une caricature qui rcprcseiilail l'rei-
lliard <•( Merlin porlanl sur un brancard leur col-
li'gnc La K<'\eillère, bossu et oniUelait , ayant
sur sa poitrine un );rus suc d'urgent , avec cette
inscription : ^oiis ciii//vrti>iif le nin^ol.
TRE
gouvernement , qui le licmnia succes-
sivement vice-pre'sideut et président
du tribunal d'appel de Haris, puis
conseiller-d'état. Eu i8o4, il prési-
da le collège électoral de la Corièze ,
qui était son département, et fut nom-
mé, eu 18^6, grand -oflieier de la
Lc'gion-d'bonneur. Eu sa qualité de
conseiller -d'état, il prit Leaucoup
de part à la rédaction du Code ci-
vil, et aux, diverses lois , règlements
et sénatus - consultes qui parurent
a cette époque j et l'on doit con-
venir que , dans tous ces travaux. , il
montra Leaucoup de connaissances
et de sagacité. On a dit trop de bien
et trop de mal de ce jurisconsulte :
c'était au fond un bonuète liomme
que la peur entraîna dans l'abîme
révolutionnaire. Il voulut un moment
être juste et sage- mais il n'en eut
pas le courage. Sous un gouverne»
ment habile et ferme , il eût fourni
lionorablement sa carrière d'avocat:
il y eût été moins opulent peut-être ,
mais sûrement plus estimé et plus
heureux. Il mourut à Paris, le i<=''.
décembre 181 o. B — u.
TRELLON (Claude de), pcète
( ou rimeur ) et militaire au seizième
siècle , a été tiré d'un long oubli par
Tabbé Goujet ( Bill, franc. , xiii ,
B^S-Sqd), qui croit que Trellon
commença à servir fort jeune sous La
Valette , dans le Piémont , en Lan-
guedoc et dans la Guyenne; qu'il ser-
vit pareillement sous ÎVIM. de Ne-
mours , de Guise et de Joyeuse , et
qu'il était attaché au dernier lorsque
celui-ci fut tué en lôS-j ( F', Joyeu-
se , XX , 80-81 ). Goujet croit
encore que Trellon était d'Angou-
léme j mais il ne peut donner la date
de sa mort. En revanche, il paile
avec détail de ses ouATages qui ont eu
huit à dix éditions ; la jiremière in-
titulée : Le premier Uyre de la
XLVI.
ÏRE
465
Jlamme d'amour ^ avec l'Histoire
de Padre Miracle , et de l'Amant
fcrtuné , en prose , plus diverses
poésies , est de Paris , Laugelier ,
iSgi , in-8''. ; une réimpression de
Lyon , 1592, in- 8°. fut, comme l'é-
dition de iSqi , donnée à l'iusu de
l'auteur, qui désavoua plus tard l'His-
toire de Padre Miracle. U paraît
que Trellon fut aussi étranger à l'é-
dition pidjliée sous le titre d' OEm'res
poétiques , Lyon , 1 594 , in- 1 2 ; du
moins ce n'est pas lui qui parle dans
l'Epître dédicatoire au duc de Guise.
Le Catalogue de La Vallière , seconde
partie, n°. i3o42, cite une édition
de iSgS , in-12. Une autre édition ,
sous le titre de la Muse gueirièje ,
est de 1097 , in-12. Enfin l'auteur,
mécontent de voir paraître sous
son nom des ouvrages qu'U n'avait
point faits, ou qu'il ne voulait pas
avouer , donna le Cavalier parfait ,
du sieur de Trellon , où sont com
prises toutes ses OEuvres , Lyon ,
1537 j in-12 j l'édition de i6o5,
in-12 , présente quelques différences.
Le Catalogue Méon, i8o3 , in-80. ,
no. 1662 et i663 , mentionne une
édition de la Muse guerrière , 1 6o4,
in-12, et une du Cavalier parfait ,
Lyon, 161 4, 2 vol. in-12. Trellon
avait été ligueur, et l'on vit paraître,
sous son nom , le Ligueur repenti ;
mais il renia cette pièce en disant :
Car je fus bien ligueur , mais non pas repenti.
Sur ces mots Goujet n'hésite pas
à regarder le Ligueur repenti ,
comme d'un autre auteur. Toute-
fois on ne doit pas oublier que les
serments , les désaveux , et les éloges
des poètes ne sont pas des articles de
foi. A. B — T.
TREMBECKI ( Michel), cham-
bellan du roi de Pologne Stanislas-
Auguste , fut un des meilleurs , peut-
3o
465
TRE
être le premier des poètes de sa na-
tion : grandeur et originalité' dans les
ide'es, richesse d'images, pompe et
harmonie d'expressions y il a tout ce
qui constitue le talent le plus distin-
gué : on pourrait cependant hii re-
procher quelques inégalités. I! est à
désirer qu'une main habile rassemble
et publie ses ouvrages, dont la ma-
jeure partie est inédite , et dont ce
qui a paru à diverses époques est
resté épars. On connaît de lui une
belle traduction en vers du quatrième
livre de l'Enéide; celle de l'Enfant
prodigue de Voltaire; de petits Poè-
mes , des Odes , des Epîtres et des
Fables. Il a dû laisser dans ses pa-
piers une grande histoire de Pologne,
en latin et en polonais , dont il s'est
long - temps occupé. Pour donner
une idée de la vigueur de ses con-
ceptions , nous présenterons la tra-
duction littérale d'une de ses belles
strophes où la pensée est revêtue de
tout le charme et de tout le coloris
de la poésie : « Ainsi , lorsque dans
» la jeunesse du temps , la mère des
» choses répandait d'immenses lar-
» gesses sur les êtres animés , elle
» distribua aux autres la force et les
» armes : l'homme , doué d'un peu
» de lumière , resta nu au milieu
)) d'eux. On crut qu» notre forme
» ])érirait la première. Le lion l'ef-
» frayait de sa dent , l'éléphant de
» sa trompe , le taureau de ses cor-
» nés, ... L'animal faible, mais qui
» reçut la raison en partage, mangea
» le bœuf, monta l'éléphant et se
» revêtit de la peau du lion. »
M— I.
TREMBLAY. Foy. Fuain et
Josi rn.
TUEMBLAYE (chevalier DE La) ,
né , dans l'An] ou, on \ ']?»■) , n'est plus
coniuiquepar les vers <|ne lui adressa
Voltaire, et par la mention qui est
TRE
faite de lui en quelques endroits
de sa correspondance. La Trem-
blaye, qui était allé visiter, en 1-^64 ,
Ferney et son patriarche , en rece-
vait, de temps à autre, des lettres
qui lui tournaient la tête de vanité
( Lettre de d'Alembert , du 3 janvier
1704). Voltaire même lui donna ses
OEiwres en i'y'70. Tout cela n'a pas
tiré La Tremblaye de l'obscuri-
té ; on sait seulement qu'il est
mort en ^807. On a de lui : L
Des Poe5je5, dans divers Recueils.
IL Sur quelques contrées de l'Eu-
rope, 1788, 2 vol. in-8°., en pro-
se , mêlée de vers. III. OEui>res
posthumes y ï8o8, 1 vol. in- 12. Le
tome premier contient Amable et
Jeannette , poème en quatre chants,
des contes , dix-huit fables , etc. ; le
tome second se compose de Lettres
sur l'histoire de France , et de Let-
tres sur l'histoire d^ Angleterre. L'é-
diteur n'a donné aucune notice sur
son auteur , dont mêrûe il écrit le
nom : Latramhlaje. A. B — T.
TREMBLEY (Abraham), célè-
bre naturahste, naquit en 1700 , à
Genève , de parents jouissant de l'es-
time publique, mais peu favorisés de
la fortune. Il fit d'excellentes études
au collège de sa ville natale , et se
distingua par ses dispositions pour
les mathématiques. En terminant ses
cours, il soutint une thèse, très-ap-
plaudie, sur les principes du calcul de
l'inljni , qui n'avaient point encore
clé présentés dans tout leur jour. Son
père le ]iressail de se préparer au
saintministèrcpar l'élude de la théo-
logie; mais ne se sentant aucune vo-
cation pour l'état ecclésiastique , il
résolut de voyager pour perfection-
cer ses connai,' sauces et trouver un
emploi. Accueilli ])ar le comte de
Benlinck , résident anglaisa la Haye,
il se chargea de l'éducation de ses
TRE
enfants. Il employait ses loisirs à
cultiver l'histoire naturelle , dont les
ouvrages de JÀeaumur lui avaient ins-
piré le goût. Pendant l'été de 1740 ,
se trouvant à la campagne avec ses
élèves , il aperçut, pour la première
fois , le polype à bras , dans le fossé
du château. Cet animal avait été vu
par Leuwenhoeck, et dessiné par
Jussieu ; mais c'est à Trembley qu'il
était réservé de faire connaître ses
mœurs , ses habitudes et sa singulière
organisation. Dans ce but, il consa-
cra près de quatre ans à des obseï--
vations qui démontrèrent jusqu'à l'é-
vidence que le Polype , confondu
jusqu'alors avec les herbes maréca-
geuses , était réellement doué de l'ani-
malité. Par une suite d'expériences
ingénieiises,et qui prouvent non moins
de sagacité que de patience , il par-
vint à s'assurer des moyens que le
Polype emploie pour sa nutrition. Il
le vit étendre ses bras comme autant
de fdets, saisir des insectes et même
de petits poissons, les introduire dans
l'ouverture qui lui sert de bouche ,
et les rejeter après s'en être approprié
la substance. Il reconnut aussi la pro-
priété si surprenante qu'a cet animal
de se reproduire de boutures comme
une plante , et de se multiplier à l'in-
fini sous l'instrument qui le divise ,
de manière que chaque tronçon de-
vient un Polype parfait. Réaumur ,
auquel il faisait part de ses admira-
bles découvertes , s'empressa de les
annoncer ( V. Réaumur, XXXVIT,
202 ) , ainsi que Bonnet. Encouragé
par les sulîrages de ces deux grands
naturalistes , Trembley consentit en-
fin à mettre au jour le rés;dtat de ses
observations ; mais il ne se dissimu-
lait pas que le lecteur le plus intelli-
gent aurait peine à deviner ses expé-
riences, sans le secours des planches.
Il eut le bonheur de trouver im des-
TRE 467
sinateur tel qu'il pouvait le désirer
dans Lyonnet ( V. ce nom , XXV,
532), qui, s'étant rais , en moins
d'un mois , au fait des procédés de
la gravure , exécuta lui-même les
huit dernières p'anclies. L'ouvrage
de Trembley parut en 1 744, à Leyde,
inVfO. , sous ce titre : Mémoires pour
servir à l'histoire d'un genre de Po-
lypes d'eau douce , à bras en forme
de cornes , avec treize planches. II
fut réimprimé la même année , à
Paris , 2 vol. petit in-8''. , lig., et il
a été traduit en allemand \)av Goze ,
Quedlinbourg, 1 79 1 , grand in-S». Le
premipi- Mémoire contient la descrip-
tion détaillée du Polype -, le second
traite des moyens qu'il emploie pour
se nourrir, ainsi que des phénomènes
de sa nutrition et de sa digestion ; le
troisième , de sa génération ; et enfin
le quatrième offre la suite des expé-
riences faites par Trembley sur cet
animal, dont la découverte lui assure
une réputation durable. Trembley sui-
vit son protecteur à Londres, où la
société royale s'empressa de l'ad-
mettre dans son sein. Dans le voyage
qu'il fit ensuite à Paris , il reçut de
Réaumur, de Jussieu et des autres
naturalistes l'accueil qu'il méritait;
et l'académie des sciences le nom-
ma son correspondant. Le duc de
Richmond se l'étant attaché comme
gouverneur , il parcourut , avec son
élève, l'Allemagne et l'Italie, portant
partout l'esprit d'observation qui le
caractérisait, et se conciliant l'affec-
tion de tous les savants par sa dou-
ceur , sa modestie et son obligeance.
De retour à Genève, en 17Ô7 , il ne
tarda pas de se marier , et il eut le
bonheur de trouver , dans la compa-
gne qu'il s'était choisie , une femme
digne de lui. Il devint membre du
grand conseil , et fit partie de la
commission chargée de l'approvi-
/i68
trp:
sionucment : cctle charge lui fournit
les moyens d"cliiclici- les insectes qui
détruisent les Jjleds ; et il parvint a
pre'venir, en partie, les dégâts qu'ils
occasionnent. Les soins qu'il devait à
sa famille^ et l'étude de l'histoire
naturelle partageaient tous ses loi-
sirs. Citoyen plein de zèle , il ne
négligea rien pour faire cesser les
troubles qui désolaient sa patrie ; et
ce fut un chagrin très-vif pour lui de
ne pouvoir y réussir. Trembîey mou-
rut le 12 mai 1784? emportant les
regrets et l'estime de tous les partis.
Outre son ouvrage sur les Polypes ,
auquel il doit toute sa célébrité , et
des Mémoires dans les. Transact.
phllvsophiq . , sur des questions d'iiis-
ioirc naturelle , ou a de ce savant :
I. Instructions d'un père à ses en-
fants sur la nature et la religion ,
Genève, 177.5 , 2 vol. in 8"^. II. Ins-
tructions d\in père à ses enfants
sur la religion naturelle et révélée,
iijid. , 1779 , 3 vol. in-B**. III. Ins-
tructions d'ujt père à ses enfants
sur le principe de la religion et du
bonheur, ibid. , \')Q'i, in-8''. Ces
trois ouvrages sont utiles aux jeunes
gens. Sencbier a publié l'Eloge de
Trcmblcy dans Vl/ist. littéraire de
Genève ,u\, 1 7^-92. On a : Mémoi-
re historique sur la vie et les écrits
d'y/hrahani Tremhley , Neufchàlel,
1787 , in-tS-^. W — s.
TREMELLIUS ( Émanuhl ) ,
né de parents juifs , à Ferrare, vers
l'année i 5 1 0 , embrassa la religion
catholique, d'après les insinuations
du car(linal Polus et de Marc-An-
toine Flaminius. Les discours et
rexem|)l(^ de Vennigli ( V. Pierhe
Mautvu , XXVII , 530 ) en /irent
par la suite \\n j)artisan de la réfor-
me, ce qui prouvait en lui l'a'nsencc
de tout sentiment religieux. (> der-
nier ciiangemeut l'obligea de quitter
TRE
l'Italie , où les protestants étaicrt
exposés à la rigueur de l'inquisition.
Il s'attaclia aux pas de son maître
Vcrmigli , qu'il suivit à Strasbourg
et en Angleterre. Après la mort d'E-
douard \I, en i553, il revint en *
Allemagne et professa publiquement
à Hornbach et à Heidelberg. Une
femme qu'il avait épousée en France
lui lit prendre la résolution de se re-
tirer à Metz. Il y vécut quelque
temps, avant d'accepter une chaire
d'hébreu à Sedan , où il mourut en
i58o. On prétend qu'il était retour-
né à la religion de ses pères. Nous
avons de lui : I. Targum in duode-
cim prophetas minores , Heidelberg ,
1567 , in-8°. Cette version latine
du Targum n'est point à dédaigner;
on la retrouve dans la plupart des
éditions de la Bible de Tremellius.
II. Novum Testamentum ex Sj-
riacolatinum, 1579 et 1621 , in-4".
LcsquatreEpîtres canoniques et l'A-
pocalypse n'y sont pas. Génébi-ard et
quelques autres critiques ont préleri-
du que Tremellius s'était approprié
le travail de Lefcvre de la Boderic;
mais François Junius ( l'ancien ) a
démoulré(i) que cela nepouvait ])as
être, puisque la Version de Tremel-
lius avait été imprimée au moins
trois ans avant celle de la Boderie,
qui ne parut qu'en 1 583. Les doc-
teurs de Louvain et de Douai l'ont
adoptée en la corrigeant, lll. Bihlia
sacra, idest, i». Lihri quiwpie
Moschis lalini recens ex hehrwo
facti , hrevihusque scholiis illustra-
li , Francfort, i575 in-fol.; 2°. Li-
bri historici, etc. , ibid. , 1 .^^G ; 3".
Libri jHH'lici , etc. , ibid., 1579;
4". Lihri prophctici y ibid., 1^79;
5". Libri apocrjphi... cum noiis
{,) >t,„;n ll.rol.itii.n, ill-1'..l , I. U , y l-rjS d,
[
TRE
brevibus Francisci Junii, ibid. ,
1579. Cette premirre édition de la
l>il)Ie de Tiemellius , comme l'on
A oit, ne renfermait point encore le
Nouveau Testament ; il se trouva
dans celles qui la suivirent de i58i
à 1703. Après la mortdeTremellius,
sou collaborateur, François Junius
ou Du Jon , ilt tellement de correc-
tions et de cliangements à la Bible ,
que les dernières éditions ne l'esscm-
blent pas du tout aux premières. De-
puis Junius , plusieurs ])rotestants se
so!!t encore permis de la retoucher,
sans la rendre meilleure. Drusius
fut un des premiers h. la condam-
ner. Constantin L'empereur décla-
ra qu'il était oLligé de s'en éloi-
gner , parce que Tremellius et Ju-
nius avaient une certaine manière de
traduire qui les jetait souvent dans
l'erreur. C'est aussi le sentiment de
Richard Simon, qui ajoute : u T.a
diction de Tremellius est aircctce et
remplie de défauts ; il met presque
toujours des pronoms relatifs oli il
n'y en a point dans l'hébreu. On
voit aussi dans cette Version cer-
tains mots ajoutés pour exprimer le
sens plus fortement ; ce qui est quel-
quefois sujet à l'illusion. Il y en a
d'autres qui sont traduits d'uiic fa-
çon singulière , et qui n'est pas cojn-
mure... Les auteurs de cette Version
se sont trop émancipés en beaucoup
d'endroits. » Histoire critique du
Vieux Testament , pag. 52-. Foj\
Teissier, Eloges des hommes sa-
vants , in , 178, et Gerdes , Spé-
cimen Italiœ reformatœ , pag. 34 1 .
A — G — s et L — B — E.
TREÎNIOILLE ou TRBIOUILLE
(Louis II du nom, sire de La ),
vicomte de Thouars , prince dcTal-
mont, né en 14O0, était le fils de
Louis de La Tremoillc et de Mar-
guerite d'Aml-wise- il contribua , plus
TRE 469
qu'aucun autre, au lustre de sa fa-
mille , l'une des plus aucieimes du
royaume, et rpii tire son nom de la
terre de la Tremoille en Poitou. Dès
l'âge de vingt-sept ans, ses talents
lui méritèrent le commandement des
troupes que Charles VIÏI envoya
contre le duc de Bretagne : à la tête
de cette armée , La Tremoille ga-
gna, en 1488, la bataille de Saint-
Aubin-du-Cormier , où il fit prison-
niers le duc d'Orléans , depuis Louis
XII , et le prince d'Orange. Les suc-
cès qui suivirent cette glorieuse jour-
née amenèrent le traité de Sablé ,
par lequel le duc François II se vit
contraint de rendre hommage de ses
étcits au roi. La Tremoille repassa
dans cette province eu 1491 , et hâ-
ta^ par le siège de Rennes , le maria-
ge de la duchesse Anne avec Char-
les VIII , qui réunit la Bretagne à la
France. Les guerres d'Italie ou-
vrirent un nouveau champ à ses ta-
lents. On le vit , eu 1 495 , faire trans-
porter , avec des peines incroyables,
l'artillerie française à travers l'Apen-
nin, excitant les travailleurs de la
voix et du geste , et portant lui-mê-
me deux boulets de canon. Lorsqu'il
vint saluer le roi après le succès de
cette pénible corvée , ce prince fut
quelque temps sans le reconnaître ,
tant il avait le visafie noirci et brûlé.
La victoire de Fornoue, oîx il com-
mandait le corps de bataille , lui va-
lut la lieiitenaiicc-généraîe du Poitou ,
de l'Angoumois , de l'Aunis , de l'An-
jou et des Marches de Bretagne. A
i'avénement de Louis XII au trône ,
quelques courtisans voulurent exci-
ter ce prince contre La Tremoil-
le , qui , après l'avoir fiiit prisonnier
à la bataille de Saint-Aubin , semblait
avoir cherché à le mortifier, en fai-
sant exécuter sous ses yeux plu-
sieurs officiers pris les armes à Li
47 o
TRE
main contre le roi ; le monarque fit
cette mémorable réponse : Un roi
de France ne ven^e point les que-
relles d'un duc d' Orléans, Si La
Tremouille a bien sen^i son maître
contre moi, il me sentira de même
contre ceux qui seraient tentés de
troubler Vétat. ( F. Luuis XII ).
Deux ans après , Louis lui confia le
commandement de l'armée d'Italie.
La Tremoille conquit la Lombar-
die, obligea les Vénitiens de lui li-
vrer le duc Louis Sforce de Milan et
son frère. Au retour , il eut pour ré-
compense le gouvernement de Bour-
gogne , et fut fait amiral de Guienne ,
puis de Bretagne. Chargé, en i5o3 ,
de faire la concpiête du royaume de
Naples , cette expédition manqua ,
parce qu'on l'obligea de perdre un
temps précieux aux environs de Ro-
me , pour favoriser l'ambition du
cardinal d'Amboise, qui aspirait à
la papauté. Lorsqu'il fallut agir, une
maladie le ramena en France. La
Tremoille donna de nouvelles preu-
ves de valeur à la journée d'Agna-
del, en i5og, sous les yeux de son
maître : il se laissa surprendre, et
fut battu en i5i3, par les Suisses,
à Novare; mais il sut bien rétablir
sa gloire la même année , par ses sa-
ges dispositions pour défendre, sans
troupes , la Bourgogne contre les
A'ainqueurs , et par l'adresse avec la-
quelle il leur fit évacuer cette pro-
vince, au moment où elle ne parais-
sait pas pouvoir écliapper à leur in-
vasion. Deux ans plus tard, il com-
battit contre les Suisses à la bataille
de Marignan , avec l'intrépidité d'un
guerrier qui voulait réparer l'af-
front de Novare. Il y perdit son fils ,
le jirince de Talmont, qui donnait
les plus belles espérances. Pendanlles
années iSaîft i.'i'JtlJldéfenditjavec
ptyj de troupes, la Pioirdie contre les
TRE
armées combinées de l'empire et A.c
l'Angleterre , sans se laisser enta-
mer. Enfin, il termina glorieusement
sa carrière, en \5i5, à la bataille
de Pavie , livrée contre son avis , et
dans laquelle iî fut percé d'une balle
au cœur , en donnant les plus grandes
preuves de valeur. Ce grand homme
servit honorablement sous quatre
rois : Louis XI , Charles VIII , Louis
XII, François F'"". Il fut tantôt puis-
sant à la cour , tantôt disgracié; mais
toujours respecté dans l'une et l'au-
tre fortune. Il avait quarante mille
livres de revenu de son patrimoine;
il les laissa à son petit-fils , sans les
avoir accrus ni diminués. Onl'honora
du beau nom de Chevalier sans re-
proche, et il méritait ce glorieux ti-
tre. Il prit pour devise une roue,
avec ces mots , sans sortir de l'or-
nière : jamais effectivement il ne
gauchit dans le chemin de l'honneur.
Également habile dans le cabinet et
à la tète des armées , il s'acquitta de
plusieurs négociations , auprès d'An-
ne de Bretagne, de Maximilien, roi
des Romains , du pape Alexandre VI
et des Suisses. Il fut encore chargé
de négocier l'affaire du concordat
avec le parlement, Jean Bouchet a
écrit sa vie. Il avait épousé , en 1 485 ,
Gabrielle de Bourbon, fille de Louis
de Bourbon I'^'". , comte de Mont-
pensier , princesse aussi distinguée
par son esprit et sa vertu que par
sa haute naissance , et qui nous a
laissé plusieurs ouvrages de piété.
{Foy. Talmont, XLIV, 44? )• —
François de La Trkmoille, petit-
fils de Louis II , épousa, en i52i ,
Anne de Laval , fille de Charlotte
d'Aragon , princesse de Tarentc , qui
apporta dans la maison de La Tre-
moille ses prétentions sur la cou-
roime de N.iples, que ses descendants
oiLt fait valoir aux congrès de Muns-
TRE
1er , de Nimëgue et de Riswick , et
qui leur fait accorder le titre d'altesse
dans les pays etran<;ers. Fouclier
avait compose une Histoire de cette
maison, qui n'a pas vu le jour ( /^.
FOUCHER, XV,332 ). T— D.
TREMOILLE (Henri-Charles,
duc DE La ) , prince de Tarente ,
était fils de Henri duc de La Tre-
moille, et de Marie de la Tour-d'Au-
vergne, et naquit à Thouars, le l'j
defcembre 1620. Son père étant ren-
tré dans le sein de l'Église par une
abjuration solennelle, le fit instruire
des vérités de la religion^ mais sa
mère , protestante zélée , ne négligea
rien pour préparer son retour au
culte de ses ancêtres. 11 fut presque
continuellement malade dans son
enfance ; sa santé s'étant fortifiée
A l'âge de sept ans, il fut placé ctez
les Jésuites , au coUége de Poitiers ;
€t avec le secours d'un précepteur
attentif, il apprit bientôt les éléments
de la langue latine , le dessm et les
mathématiques. Dès qu'il eut termi-
né ses exercices , il résolut d'aller en
Hollande faire ses premières armes ,
sous le prince d'Orange ( Frédéric-
Louis ), son grand oncle. Certain que
sa mère ne consentirait point à son
départ , il s'enfuit avec son valet-de-
cbambre, et arrivé à Dieppe, se jeta
dans le premier vaisseau dont le ca-
{)itaine voulut bien le recevoir. Ce
)âtiment avait sa destination pour
l'Angleterre, et La Trcmoille y resta
deux, mois malade , avant de pouvoir
passer en Hollande. H y fut accueilli
de la manière la plus alléctueuse
par le prince d'Orange , qui lui pro-
mit de le regarder comme son pro-
j)re (ils. Peu de temps après, il fut
désigné pour accompagner le prince
(iuillaurae en Angleterre, et assister
à son mariage avec la fille aînée du
malheureux Charles I"'. N'étant pas
TRE
47 ï
prêt au départ du vaisseau sur lequel
il devait s'embarquer , il prit im ba-
teau pour le rejoindi-e , et ne l'attei-
gnit qu'après avoir couru plusieurs
fois le risque d'être submergé. A
Londres , il eut une vive querelle avec
le comte Henri de Nassau, et il l'au-
rait terminée sur-Ie-cliamp par un
duel, si l'on ne fût venu les séparer.
A sou retour en Hollande , le prince
d'Orange, instruit de ce qui s'était
passé, lui donna l'ordre de se i-endre
à Nimcgue, et envoya son adversaire
à Graves , jusqu'à ce qu'il eût trouvé
le moyen de les réconcilier. Le duc
de La Trcmoille ayant fait la cam-
pagne de i6)0 , comme volontaire,
obtint un régiment de cavalerie , et
acquit bientôt la réputation d'un
excellent oïlicier. H avait cobçu l'a-
mour le plus vif pour la princesse
d'Orange, qui partageait ses senti-
ments ; et comme il était rentré
dans la religion réformée , il ne
prévoyait aucuu obstacle à leur
union. Cette princesse fut pour-
tant mariée au {Ils de l'électeur de
Brandebourg. Le chagrin qu'il en
éprouva , et la moi't du prince d'O-
range (164'^ , le décidèrent à quitter
la Hollande , pour revenir dans sa
famille. Peu de temps après, sa mère
lui lit épouser la princesse Amélie,
fille du landgrave de Hesse-Cassel.
Avec l'agrément du roi , il leva deux
régiments , l'un d'infanterie et l'au-
tre de cavalerie , et se montra dé-
voué aux intérêts de la cour; mais
irrité de n'avoir pu tii'er du cardinal
Rlazarin que de belles paroles et
des promesses sans effet , il entra
dans la ligue des princes contre le
premier ministre , et prit l'engage-
ment de faire déclarer en leur fa-
veur les villes de la Saintongc et du
Poitou , dans lesquelles il avait des
intelligences. La Tremuille .se signala
47'^ TRE
dans les giicnos de la Fronde : au
combat du faubourg Saint -Antoine,
il eut un cheval tue sous lui d'un
coup de canon j l'armée des princes
ayant été forcée de se replier, il en-
leva plusieurs villes de Champagne
aux troupes du roij mais il ne put
pas les conserver : manquant d'ar-
gent, et le prince de Condé ne pou-
vant lui en donner , il fit un voyage
en Hollande, et en rapporta quel-
([ues sommes qui lui suffirent pour
apaiser ses créanciers. Il rejoignit
l'armée des princes, en Picardie, et
fut chargé de diriger le siège de Ro-
croy. Après la prise de celte place
(i053), voyant l'armée s'aiTaiblir
de jour en jour par la mauvaise dis-
position des Espagnols , il obtint
du prince de Condé la permission
de se retirer en Hollande. Fatigué
bientôt d'une vie oisive , il sollici-
ta l'autorisation de rentrer en Fran-
ce , et revint à Paris , sur la fin
de l'année i655. L'accueil qu'il re-
çut de la reine-mère et du roi lui
causa beaucoup de surprise et de
jilaisir • mais il n'eu restait pas
moins attaché parla reconnaissance
au prince de Condé , et il ne voulut
jamais consentir à rien faire contre
ses intérêts. Ma zarin, furieux de sa
résistance à ses vues, le fit arrêter à
Compiègnc , où il s'était rendu pour
avoir une explication avec le minis-
tre , et il fut conduit à la citadelle
d'Amiens, où il resta phisicurs mois
au secret. H n'obtint sa liberté qu'à
la condition do sortir du royau-
me j mais cet ordre fut révoqué, et
il lui fui permis de se retiier dans
ses tares vu Poitou. Les troubles qui
éclatèrent dans celte j)rovince ayant
(hinné des iinjuiéluiles à la cour sur
la présence du duc de La ïremoillc
au milieu des méconU nls ^^ il reçut
l'ordj-« de $e rcudrc à AuxcriK; , puis
TRE
à Laval, où il resta jusqu'à la paix
des Pyrénées. Des affaires l'ayant
appelé en Allemagne , en 1 663 , il
voulut passer par la Hollande, pour
y revoir ses anciens amis ; mais les
états profitèrent de cette circonstan-
ce pour lui faire accepter le titre de
général, et l'employèrent utilement
dans la guerre qu'ils eurent bientôt à
soutenir contre l'évêque de Munster,
n fit un voyage en France, en 1 668,
pour présider les états de la province
de Bretagne , et dans cette circonstan-
ce , il se conduisit de manière à mé-
riter l'approbation du roi. Ayant
fait agréer, peu de temps après, sa
démission aux Hollandais , il revint
en France , avec la résolution de se
réconcilier avec l'Église romaine. 11
fit son abjuration entre les mains de
l'évcque d'Angers , au mois d'octo-
bre 1670. Le duc de La Tremoille
mourut le 1 4 sept. i67C>, , et fut inhu-
mé dans le tombeau de sa famille à
Thouars. H avait laissé, pour l'ins-
truction de sou fils aîné , des Mémoi-
res, que Griffet a publiés , Liège ,
1 767 , in- î 0.. Ou y trouve des détails
intéressants sur la guerre delà Fron-.
de. Le porti'ait du duc de La ïre-
moille est gravé dans divers formats.
— Tremoille ( Charles- Armand -
René de La ), mort en ij^i , est
auteur des paroles et de la musique
d'un opéra intitulé les Quatre jxir-
ties du monde , et de diverses chan-
sons imprimées dans les recueils du
temps. W — s.
TREMOILLE ( Cuaulotte de
La ). Voyez Condé.
TREMOILLE ( A. Ph. ). Foy.
Tai-mont.
TRENCHARD (Jean Y, écrivain
politique anglais, fils d'un secrétai-
re-d'étal de (iuillanme 111 , na(jiiil
en iG(k). Sa famille désirant lui faire
suivre la carrière des lois, il les élu.
TRE
(lia d'abord avec succès; raais son
goût pour la polémique, et la place de
comuiissaire des biens confisques
l'ëloiguèrent tout-à-fait du barreau.
La mort d'un de ses oncles l'ayant
rendu possesseur d'un héritage con-
sidérable , il se maria , et résolut de
se livrer entièrement aux discus-
sions politiques. 11 débuta par un
pamphlet qui parut en i6()8 , et
qu'il avait composé conjointement
avec M. Moyle , sous le titre de : ar-
gument pour montrer qu'une arme'e
permanente est en opposition avec
un gouueniement libre, et absolu-
ment destructive de la constitution
de la monarchie anglaise ; et la mê-
me année : Histoire succincle des
arm ées permanentes en Angleterre.
Les opinions émises dans ces deux
pamphlets trouvèrent des contradic-
teurs, qui y répondirent par d'autres
pamphlet.;. Au mois de novembre
I ;2o, il publia , sous le nom de Ca-
ton , avec Thomas Gordon , d'a-
bord dans le London Journal , et en-
suite dans le British Journal , une
série de Lettres sur différents sujets
relatifs aux alfaires publiques. Ces
lettres se succédèrent pendant près
de trois ans. Elles furent birn ac-
cueillies, surtout par les adversaires
du gouveiLement et de l'Église an-
glicane. Trenchard attaquait vive-
ment la religion établie, dans quel-
ques-unes de ces Lettres , qu'il avait
signées du nom de Diogènc. Jean
Jackson s'eiï'orça de les léfuter . dans
sa Défense de la liberté de l'hom-
me. Le docteur Clarke critiqua éga-
lement les principes de Trenchard;
Gordon réunit ses écrits aux siens ,
et les lit paraître eu quatre vo-
lumes in- 12, sous le titre de Let-
tres de Calon , ou Essais sur la U-
hert écivile et religieuse et sur d'au-
tres sujets importants. La quatri" -
TRE
i7^
me édition porte la date de 1737.
On croyait , dans le temps, que lord
Molesworth était l'un des principaux
auteurs de ces Lettres ; mais Gor-
don assure, dans la dédicace qu'il
adresse à Jean Miloer , que ce sei-
gneur n'y a pas inséré une seule ligne;
et il ajoute que « ce n'est point un
ouvrage de parti; qu'il n'a été com-
posé ni dans des vues d'intérêt ou
d'ambition , ni pour servir les des-
seins d'aucune faction , mais uni-
quement pour attaquer le mensonge
et la fausseté partout où on les rencuii-
trerait , en soutenant 1rs principes d'u-
ne sage liberté. » Trenchard était
membre du parlement pour Taunton
dans le comté de Sommersel. Il mou-
i-ut , le 17 déc. 17^3, d'un ulcère
dans l'aine. Outre les ouvrages déjà
cités, on lui doit encore un pam-
phlet intitulé le f^Fhig indépendant ,
dirigé contre la hiérarchie de l'E
clise audicane , et deux ou trois mor-
ceaux inédits, qui aevaicnt être in-
sérés dans les Lettres de Caton.
Antoine Collyns, dans le Catalogue
manuscrit de sa bibliothèque, lui at-
tribue les écrits suivants : I. Histoire
naturelle de la superstition , 1709.
Selon M. Tabaraud, ce livre, tra-
duit en français, par d'Holbach,
Londres, 1767 , in-i'.i , est rempli
de sophisraes et de déclamations con-
tre la religion. H. Considérations
sur les dettes publiques , 1 709. IIL
Comparaison des proportions de la
banque et de la compagnie de la
mer du Sud , 1719. IV. Lettre de
reiiiercînient , etc., 17 19. V. ,Pen-
sées sur le bill de la pairie ( Pecra-
ge-bill ), 1719. VL BéJlexioiiS sur
l'ancien whig , 17 19. Gordon a fait
l'éloge des vertus et des talents de
Trenchard; mais comme ils étaient
amis et collaborateurs, il f.)ul se dé-
lier de ce jugcineul. D — i — s.
474
TRE
ÏRENCK ( François , baron dï; ) ,
coramandant des Pandoiirs au seryi-
ce d'Autriche , naquit , à Reggio en
Calabre, le i<=r, janvier 171 i, et
fut conduit à l'âge de six ans en Sla-
vonie , par son père, qui y possé-
dait de riches domaines. De là il fut
ramené en Italie , oîi, dans un âge si
tendre , il assista à la bataille de Me-
lazzio. Son père , nomme gouvei'ueiir
de Brodi sur les frontières de la
iSlavonie, le plaça à Vienne, dans
un collège, où, par son caractère in-
domptable , il se fit haïr de ses maî-
tres et de ses condisciples. Nomme _,
à l'âge de seize ans, olficier dans le
régiment de Palfy, il y eut plusieurs
duels. Comme son père refusait de
fournir à ses folles dépenses , le
jeune Trenck demanda de l'argent
à un fermier , et irrité de son re-
fus , il lui fendit la tète d'un coup
de sabre. Cette affaire n'ayant été
assoupie qu'avec peine, eu 17 38,
il entra , comme capitaine , dans un
régiment de hussards , que la Rus-
sie formait sur les frontières de la
Hongrie. A la tcte de trois cents hom-
mes, levés à ses frais , il alla joindre
l'aimée russe, qui se disposait à pas-
ser le Bug, et gagna la confiance du
maréchal de Munnich , qui la com-
mandait. La nature avait prodigué
à Trenck tous les dons extérieurs.
Sa taille était de six pieds trois pou-
ces ; et dans cette stature gigantesque,
il était bien proportionné, d'une fi-
gure agréable , et d'une telle force
que, d'un coup de sabre, ilabattaitle
bœuf le plus puissant. En combattant
il coupait la tête d'un homme à la
manière turque, comme si c'eût été',
disent ses historiens , ime tête de pa-
vot. Connaissant la théorie de l'art
militaire, il était bon ingénieur, et
voyait au premier coup-d'oeil tous
les avantagea» dn terrain. 11 parlait
TRE
la plupart des langues vivantes, était
bon musicien , enfin comblé de tous
les dons naturels; mais, livré à toute
la violence de ses passions , il ne
gardait aucune mesure. Dans les
deux campagnes qu'il fit avec l'ar-
mée russe , il se distingua d'une ma-
nière brillante : haidi , entreprenant ,
il était toujours heureux; et au nom
seul de Trenck, l'ennemi prenait la
fuite. Mais il ne pouvait se plier sous
le joug de la discipline. Un jour,
croyant avoir un instant favorable ,
il propose à son colonel de faire mar-
cher son régiment contre les Turcs;
et sur le refus de celui-ci, il entre en
fureur , et crie à ses soldats : « Que
w les braves , s'il y en a , me suivent. »
Deux cents hommes s'étant réunis
autour de lui , il tombe sur les Turcs ,
et revient après en avoir fait un car-
nage allreux, emmenant un grand
nombre de prisonniers. Ivre de ce
succès^ il va droit à son colonel , et le
fi'appeà coups de fouet. On l'arrête :
l'issue du procès n'était point dou-
teuse; il fut condamné à passer par
les armes. Le jour où devait se faire
l'exécution, le général Mimnich, qui
affectionnait Trenck , vint , peut
être à dessein , près de la tente où il
était renfermé. « Permettez, géné-
» rai, s'écrie-t-il , que je monte à
» cheval , et que me jetant sur l'en-
» nemi je cherche une mort glo-
n rieuse , utile à vos armes. » Le gé-
néral paraissant indécis , Trenck
ajouta : « Voyez, on se bat sous nos
» yeux; side mon sabre j'abats trois
u têtes , et que je vous les rapporte ,
» me pardonnercz-vous } » — Oui.
Il se jette sur son cheval , revient
avec les têtes de quatre Turcs , atta-
chce»s à l'arçon de sa selle. Le géncv
ral l'embrassa, et le nomma major
dans le régiment d'Orlow , dragons.
Trenck se distingua de la m mière la
TRt:
plus brillante au passage du Bug , du
Dniester et du l'ruth. Mais peu de
temps avant la lin de la campagne,
il s'attira un nouveau malheur. Vou-
lant donner sur les Turcs qui liarce-
laientle régiment, et le colonel ayant
refuse d'attaquer, Trenck lui appli-
qua un soufflet. Il fut condamné à
mort, mais, par l'intervention de Mu-
nich , la peine capitale fut commuéej
il dut être conduit en Sibérie. 11 ap-
pela de cette seconde sentence; et
Ja cour de Pétersbourg le condam-
na à six mois de travaux, forcés
dans la forteresse de Kiow. Il y
passa le temps prescrit parmi les
malfaiteurs et les scélérats, et revint
dans SCS terres, en Slavonie. Ne pou-
vant vivre en repos , il conçut le pro-
jet de détruire les bandits qui s'étaient
organisés sur les frontières de la
Slavonie et de la Turquie. La ter-
reur qu'ils répandaient dans le pays
était telle, que les propriétaires leur
payaient des contributions. Ils par-
couraient librement le pays , armés ,
se reconnaissant à certaines marques,
et avaient jusque-là mis en fuite les
troupes réglées que la cour de Viea-
ne avait envoyées contre eux. \ou-
lant les attaquer , Trenck choisit
parmi ses vassaux les hommes les
plus robustes , les plus déterminés;
il les organisa en compagnies de
Pamlours. A leur tête , il tomba sur
les bandits, les chassa comme des
bêtes fauves à travers les forêts qui
leur servaient de repaires, et les trai-
ta avec tant de cruauté, qu'ils se
' réfugièrent par troupes sur le terri-
toire turc. En 1 -740 , les Hongrois
ayant pris les armes pour sauver
leur reine ( Marie-Thérèse ) , Trenck
offrit de lever à ses frais un régiment
de Pandours , ce qui fut facilement
accordé. Il forma parmi ses vassaux
un corps d'environ cinq cents hom-
TRE
47-
mes , et , avant de se rendre à Vien-
ne , il se jeta de nouveau sur les ban-
dits , qui, se voyant resserrés entre la
Sawe et la Sarsawa , capitulèrent ;
trois cents d'entre eux entrèrent dans
son régiment. La plupart étaient des
soldats déterminés: Trenck seul était
capable de les soumettre à une cer-
taine subordination. Un jour , comme
il les exerçait , une compagnie fil fea
sur lui; son cheval tomba. 11 court
furieux sur cette compagnie, compte
un , deux , trois , et coupe la tête au
quatrième. Il allait continuer , lors-
qu'un chef des bandits sort des rangs ,
tire son sabre, en criant : « J'ai tiré
» sur toi, défends-toi. » Ils s'atta-
quent , et Trenck le taille en pièces.
Devenu plus furieux, il allait pour-
suivre l'exécution , en décimant cha-
que quatrième homme. La révolte
étant devenue générale , il se pi'éci-
pita au milieu d'eux , taillant à droi-
te et à gauche. L'excès de sa rage
les épouvanta ; ils tombèrent à ge-
noux, promirent obéissance, et ils
tinrent parole. Au mois de mai 1741»
Trenck était arrivé , avec son régi-
ment , à l'armée autrichienne , cam-
pée dans les environs de Neiss. La ca-
pitale de la monarchie était mena-
cée par les Français et les Bavarois;
il accourut sur les bords du Danu-
be , et gagna la confiance du prince
Charles de Lorraine et du général
Kewenhûller. Ayant ouvert le pas-
sage à l'armée . il poursuivit l'enne-
mi jusqu'en Bavière, oîi il mit tout
à feu et à sang. Avec une poignée
d'hommes , il s'était emparé de trois
passages qui étaient la clef de la Sty-
rie. Le 20 janvier 1 742 , il prit Dec-
kendorf d'assaut; et le 26 du moi.s
suivant, Reichenhall eut le même
sort. Ayant aussi prisChara d'assaut,
il fit mettre le feu à la ville. Les ha-
bitants furent brûlés o« égorgés.
47^3 TRE ■
Les femmes et les enfants , qui cher-
chaient à se sauver , étaient conduits
sur le pont, d'oii on les jetait dans
l'eau, après les avoir pilles. Partout
où Trenck passait , il n'avait égard
nia la faiblesse des personnes, ni à
Ja sainteté des lieux. On prétend qu'il
obligeait ses Pandours à lui ce'dcr à
bas prix, les objets volés, et qu'il les
envoyait dans ses terres en Slavonie
par des bateaux expédiés sur le Da-
nube. Ayant su que , dans une
\il!e qu'il venait de prendre, un ha-
bitant avait caché un tonneau de
vingt mille florins , il visite la maison ,
et dans sa précipitation, il met le feu
à quelques livres de poudre, dont
l'exjîlosion le renversa par terre ,
tt lui brûla le corps et le visage. De-
puis ce moment, sa ligure noire, et
couverte de cicatrices, lui doimait
un air encore plus féroce. Laiidon ,
qui alors était capitaine dans le mê-
me jéginient, se trouvait à la porte
de la maison au moment où cet ac-
cident ariiva à son colonel. Trciick,
l'ayant soupçonné d'en avoir profité
pour enlever le trésor , ne cessa de
le persécuter. Appelé à Vienne pour
rendre compte de sa conduite, il fut
arrêté et mis en liberté au bout d'un
mois. ïl ])orta le nombre de ses Pan-
dours à quatre mille, avec lesquels
on forma, en 1743, un régiment
d'infanterie hongroise ; i! y ajouta
six cents housards et cent-ciuquante
chasseurs, qu'il équij)a à ses frais. A
la fin de c<;ltc première camjiagiie,
il avait fait quatre mille prisonniers,
et s'était enijjaré de vingt-cinq ca-
nons et de dix drapeaux. Au mois
d'août 174.1, l'aripée autrichienne
marcha vers le Rliin. Le f\ septom-
l)rc, d'après l'ordre du])rince Char-
les, Trenck attaqua , cl prit ime île
du lUiin , vis-à-vis le fort Mortier , et
s'y établit. En 1743, il p.issa le
TllE
Rliin à la nage avec soixante-dix
Pandours , prit d'assaut un fort
qui teuait à Philipsbourg , tua de sa
main l'oflicier français qui y com-
mandait ,ety laissa garnisonj ayant
traversé aussi heureusement un se-
cond bras du lUiin, il surprit deux
régiments de cavaleiie bavaroise.
L'armée autrichienne passa le Rhin;
et Trenck se répandit dans l'Alsace,
pour mettre la province à contribu-
tion. Au mois de septembre i744i
l'armée prussienne étant entrée en
Bohême, le prince Charles fut forcé
de repasser le Rhin. Trenck, qui
était à l'arrière-garde , fut constam-
ment aux mains avec le chevalier de
Belle-Isle, qu'il surprit plus d'une fois.
En marchant vers la Bohême, il re-
prit Neubourg, Suitzbacli, Tabor,
Budweïs et Frauenberg ; ce qui le
mit de plus en plus eu faveur auprès
du prince Charles. Il se distnigua à
la prise de Kossel; mais la bataille
de Sorr ou Soraw ( t4 sept. 1745 )
lui deviut funeste : chargé d'attaquer
Frédéric II par ses derrières , il s'ar-
rêta à pilier son camp, et eut pour
sa part la tente et la vaisselle du roi,
qui s'en dédommagea en battant com-
plètement le prince Charles. De là
les ennemi; de Trenck cherchèrent à
le rendre suspect. On l'accusa d'a-
voir relâché le roi de Prusse, qu'il
avait fait prisonnier dans son lit,
d'avoir reçu un million de ducats,
tandis qu'il pouvait dc-cidcr le sort
de la bataille en ])oursuivaul son at-
taque , et l'on conclut ipie c'étaità son
avidité qu'on devait attribuer la mal-
heureuse issue de la journée et laper
te de tant de braves. En arrivant à
Viennc,-il y trouva vingt-trois de ses
ofdciers, ([ui étaientdcvcnus ses accu-
sateurs. Le conseil de guerre nommé
])0ur examiner sa conduite écarta la
plujiaft des accus,!! ions; il le condam-
TRE
na cependant à pay<-r cent vinç;! mille
iîoriiis aux olUriors qu'il avait arbi-
trairement chasses du régiment. Au
lieu de se soumettre à cette sentence,
il s'en alla en Slavonie ; mais à son
retour à Vienne, IMarie-Tlieièse lia
ordonna de garder les arrêts. Au
mépris de ces ordres, il aiiecta d'al-
ler au théâtre , oii il savait que l'im-
pe'ralrice devait se trouver. Voyant
dans une loge un de ses accusateurs ,
il le prend au collet et le jette dans
le parterre. L'impératrice indignée
le lit arrêter ; et ses biens furent sé-
questres. Cité devant un nouveau
conseil de guerre, le pré-ident lui
reprocha la bataille de Soraw , per-
due par sa faute. Trenck se justifia
en montrant un témoignage écrit de
la main du prince Charles. Le prési-
dent s'étant exprimé sur le prince
avec mépris , ïrenck le saisit ,
comme un tigre enlève un cfmt,
disent ses Mémoires , et si la gar-
de n'était accourue, il l'aurait jeté
d'un quatrième étage. Depuis ce mo-
ment , il ne parut plus qu'enchaîné.
On lui reprocha les cruautés commi-
ses à Gham. Il chercha à les justifier,
en faisant voir que les habitants
avaient coupé les mahis à six Pan-
dours faits prisonniers. On l'accusait
d'avoir pillé les églises , enlevé les
vases sacrés et commis plus de mille
sacrilèges. Il païaît que sur tous ces
points sa justilication était faible. La
baronne de Lestock, qu'il devait
épouser au moment même où il fut
arrêté, répandait l'or pour le déli-
vrer. Selon les I\Iémoires de Trenck,
<'llc gagna l'orUcicr qui le gardait à
l'arsenal de Vienne ; le prisonnier lit
le moit, on le plaça dans un cer-
fueil , et on le conduisit au cimetiè-
l'c ; l'oillcicr ayant ouvert le cercueil ,
donna son manteau à Trenck, qui
s'enfuit en Hollande avec la haron-
TRE 477
ne. il y fut découvert, arrêté cl re-
conduit à Vienne, où l'on instruisit
mie nouvelle procédure. Condamné
à être renfermé dans une forteresse
juscpi'à sa mort, on le conduisit à la
citadelle de Bruim, où, s'étant lui-
même empoisonné, à ce que l'on as-
sure, il mourut le 4 octobre i^^O-.
n'étant âgé que de trente-huit ans. 11
avait amassé , par ses pillages, une
fortune de deux millions de ilorins
qu'il légua en mourant à son cousin
Frédéric Trenck fdont l'article suit) ;
mais, par l'elfet de procès assez in-
justes , elle fut presque entièrement
anéantie. La vie de ce guerrier a été
écrite par Frédéric Trenck , son
cousin^ f^oy. aussi : Mémoires de
François baron de Trenck , com-
mandant des Pandours , cousin d<f
Frédéric baron de Trenck , of-
ficier du roi de Prusse , écrits
par lui en italien, traduits en fran-
çais , Paris, 1788, 1 vol. ia-i'i.
G— Y.
TRENCK ( Frédéric , baron pe ),
cousin du ]n-écédent , né à Kœnigs-
berg, le 16 février 1726, d'une fa-
mille dont l'illustration remontait h
la conquête de la Prusse par les
chevaliers Teutoniques , devait à la
nature et à l'éducation tous les avan-
tages qui font les hommes supérieurs ;
mais une fatale circonstance, en l'ar-
rêtant dès le début de la carrière mi-
litaire et politique , le réduisit pour
le reste de ses jours au rôle d'aven-
turier. Il était doué d'une'belle ligu-
re, d'une taille très-élevée ( 5 pieds
9 pouces ) , de la force d'un Hercule;
ces dons heureux se développèrent
chez lui avant l'âge , et il les conser-
va jusque dans la vieillesse. A treize-
ans , il possédait les langues et l'his-
toire anciennes , et se vit en éfat de
passer aux hautes études dans l'iun-
versilc de Koniirsberg. H ne s'v lit
47S
TRE
pas moins lemarqiier par sou apti-
tude pour les sciences que par son
adresse à tous les exercices. Il eut
deux duels à cette époque , l'uu à
quatorze ans, l'autre à seize, et il
blessa ses adversaires^ dont l'un était
officier. A dix-sept ans, il soutint
publiquement ses thèses de philoso-
pliie , et fut présenté au roi Frëdëric-
II , comme l'élève le plus remarqua-
ble de l'université. Le comte de Lot-
tum, général-adjudant de ce monar-
que , frappé des dispositions précoces
de Trenck, son jeune parent, le con-
duisit à Potsdam , où le roi l'engagea
à quitter ses études pour embrasser
la carrièredesarmes.Frédéricjdès la
première audience , le chargea de
répondre en trois langues à diverses
dépèches. Satisfait de cette épreu-
ve, )1 admit Trenck comme cadet
dans ses gardes-du-corps : au bout
de trois semaines , il l'éleva au grade
de cornette, puis, au mois d'août
1743 , il le choisit pour montrer la
nouvelle manœuvre à la cavalerie
silésiennc. Enfin toutes les distinc-
tions réservées aux favoris échu-
rent à l'heureux Trenck. Le roi ,
qui le traitait moins en souverain
qu'en père et en ami, le présen-
ta à la savante société qu'il s'était
plu à former à Eerlin. Voltaire ,
Maupertuis , Jordan , La Mettrie ,
Pollnitz, devinrent les amis d'un
jeune homme de dix-huit ans, qui
était à-la-fo»s courtisan , militaire
et savant. Alors arriva l'aventure qui
causa tous les malheurs de Trenck.
Dans l'hiver de 1743, la cour de
Suède résolut de demander pour le
prince royal , héritier de la couron-
ne, une des deux sœurs du roi Frédé-
ric qui restaient encore à marier :
on n'était pas bien fixé sur le choix.
On redoutait le caractère vif ct'impé-
rieux de la princesse Ulriquc , qui
TRE
était l'aînée; et l'on penchait pour
la princesse Amélie, la plus jeune.
Dans cet état de choses, l'ambassa-
deur suédois s'annonça d'abord à la
cour de Berlin comme simple voya-
geur : il avait ordre de ne faire con-
naître sa mission que lorsqu'après
avoir étudié le caractère des deux
princesses, il aurait pu se détermi-
ner en faveur de l'une d'elles. La
princesse Amélie n'ignora pas cepen-
dant qu'elle était l'objet principal
de ce voyage. Zélée calviniste , elle
s'eflraya de l'idée d'être contrainte
de se faire luthérienne pour devenir
reine de Suède; elle fit part de ses
scrupules à sa sœur Ulrique , qui
lui conseilla, pour éviter le maria-
ge qu'elle craignait, d'alî'ecter, ea
présence de l'ambassadeur suédois,
un air de hauteur et dedédain. Amé-
lie, qui jusqu'alors avait été un mo-
dèle de politesse , de douceur et de
bonté, suivit ce plan avec un succès
qui surpassa son attente. L'ambas-
sadeur y fut complètement trompé,
et se persuadant qu'elle était haute,
impérieuse , fantasque , il lui préféra
la princesse Ulrique , qui de son côté
avait assez bien joué son rôle pour
paraître aussi réservée et aussi affa-
ble qu'elle l'était peu réellement. Du-
pe ainsi des conseils artificieux de sa
sœur, Amélie en la voyant devenir
reine de Suède se trouva dans une
disposition d'esprit telle que, selon
l'expression des Soui'enirs de Thié-
bault, elle avait soif de vengeance et
de consolation. Dans les fêles qui
eurent lieu à l'occasion du mariage
d'Ulriquc, elle vit ou du moins elle
remar(pia pour la première fois
Trenrk, qui , comme officier de gar-
de, faisait la police du bal. Tandis
qu'ii passait d'une salle à l'autre, on
lui enleva les franges d'or de son
écharpe ; ce petit accident fit quel-
TRE
que sensation; et le jeune odlicier de-
vint l'objet de tous les regards. « Ou
» ue put que remarquer eu lui , dit
» un témoin oculaire, une taille forte
» et plus qu'ordinaire, un air mar-
» tial , vif et spirituel , et le tout sous
» les plus belles couleurs de la jeu-
» nesse et de la saute. » Trenck ,
après avoir essuyé' quelques douces
railleries du monarque, en fut bien-
tôt console , lorsqu'après le banquet ,
la priucesse Amélie passa près de
lui , et lui dit à l'oreille : « Venez
» chez moi à telle heure , je vous
» rendrai votre écharpe. » Trenck
fut exact au reudez-vous ; et cotte
première visite fut suivie d'une inti-
nité d'autres. « Dans l'espace de peu
» de jours, dit-il dans ses Mémoires^
» je fus le plus heureux mortel de
» Berlin.,.. J'étais estimé; mon roi
» me témoignait ses bontés dans tou-
» tes les occasions : mon amie me
» donnait beaucoup plus d'argent
» que je n'en avais besoin ; et bientôt
» mon équipage fut le plus somp-
» tueux et le plus brillant de tout le
» corps, a Une telle dépense fut re-
marquée ; et comme Trenck avait à
peine mille écus de rente , on lit
bien des conjectures; néanmoins le
secret de son intrigue avec la prm-
cesse demeura caché pour tout le
monde. La guerre vint l'arracher à
son amante. Durant la campagne de
1 744» i' fit l'oillce de lieutenant au-
près du roi , qui l'employa à recon-
naître les lieux, à établir les campe-
ments , et le chargea du soin de four-
nir de fourrage le quartier-général.
Son activité, sa bravoux-C;, son intel-
ligence, ne se démentirent jamais, et
chaque jour il semblait devenir plus
cher à Frédéric. A la suite d'une ex-
pédition dans laquelle Trenck avait
fait vingt-deux prisonniers , le roi
l'admit à sa table, le présenta à
TRE 479
l'ambassadeur d'Angleterre , lord
Hintfort, en disant : c'est le ma-
tador de ma jeunesse prussienne ,
puis il lui attacha au cou l'ordre du
Mérite. La guerre finit trop tôt pour
la durée d'une prospérité si gran-
de. Trenck , revenu à Berlin avec
le roi, fut reçu avec transport par la
princesse Amélie. Ilfutmoinscircons-
pect que l'année précédente , peut-
être aussi plus observé. Frédéric fut
instruit de ses assiduités auprès de sa
sœur , et il ne put en méconnaître le
motif; mais l'honneur du sang royal
lui faisait une loi de ue pas paraître
si bien informé. Il ne lui restait donc
qu'un moyen convenable de faire
comprendre à Trenck qu'il fallait
changer de conduite : c'était de le
maltraiter j jusqu'à ce que celui-ci
devinât ce qu'on ne voulait pas lui
dire, Mais avant de prendre ce parti,
Frédéric montra envers l'audacieux
qui lui mauquait si essentiellement
unebonté vraiment paternelle. Un di-
manche, à la parade, il dit à Trenck,
en passant auprès de lui : « Monsieur,
» le tonnerre et la tempête s'amas-
» sent; prenez-garde à vous. » L'im-
prudent fut sourd à cet avis , et une
nouvelle visite à la princesse fut pn-
nie de trois semaines d'arrêts. Le
prétexte qui fut allégué pour cette
rigueur était une faute de discipli-
ne, qui s'expiait ordinairement par
trois ou quatre jours de détention.
Trenck était encore aux arrêts , lors-
qu'on lui apporta l'ordre d'aller à
Dresde , porter des dépèches. A son
retour, il se présenta au roi, qui ne
lui dit que ces mots : a Où étiez-vous
» avant d'aller à Dresde? — Sire,
» aux arrêts. — Hé bien , retournez-
» y. » Trenck y resta euvii'on quatre
mois , jusqu'à l'ouverture de la cam-
pagne de 1745. Il suivit le roi, et
combattit à ses côtés, à la journée
48o
TRE
de Strigau , où il reçut une blessure
el cul (Icus. chevauxtues sous lui. Fid-
dcric parut alors lui rendre son esti-
me et sa confiance. A la journée de
Sorr il servit d'adjudant au roi , et il
ne fut pas e'tranger au succès de cette
mémorable journée ; mais de graves
imprudences vinrent encore effacer
ces nouveaux services. Dès la cam-
pagne précédente, il était entré en
correspondance avec le fameux Fran-
çois Trcnck, sou cousin, qui com-
mandait le corps des Pandours au
service de l'AutricLe ( Voy. l'article
précédent ) , et qui l'avait iustitué
son légataire universel, en lyl^-
Bien que de pareilles relations entre
deux parents n'eussent ricu que de
fort naturel, les ennemis de Trcnck
surent en tirer parti poura/^hever dele
perdre dans l'esjirit du roi. Quelques
jours après la bataille de Sorr , il
avait reçu une lettre fort innocente de
sou cousin : Frédéric en fut instruit j
etXrenck, dès le jour qui suivit la
réception de cette fatale missive, fut
enfermé dans la forteresse de Glatz.
ï/intention du monarque était de ne
l'y retenir que pendant une année.
Par malheur, le prisonnier ignorait
les dispositions favorables de Frédé-
ric. Croyant qu'il était condamné à
rester eu prison toute sa vie , il ne
se (It pas scrupule de chercher à s'é-
chapper. La princesse Amélie, avec
laquelle il correspondait, par lemoyen
(l'un ollicier , ne le laissait pas man-
quer d'argent; et il mit dans ses
intérêts une partie de ses gardiens.
Cependant trois tentatives qu'il lit
pour s'évader ne réussirent point;
ce ne fut (lu'après onze mois de
séjour à Gl.itz , qu'il parvint à s'é-
chapper , avec le secours d'un
liculenaiit de la garnison, nommé
S(iiu!ll. Tniis dcuv sautèrent un soir
dans les fosM-s par lui endroit peu
TRE
élevé du parapet: Schœll eut le pied
foulé; Trenck, qui ne reçut qu'iuie
légère contusion, chargea son ami sur
ses q)aulcs , et le porta ainsi jus-
que sur les bords de la Neisse, qu'il
ti'aversa à la nage, malgré les gla-
çons, le 24 décembre 174^- Après
deux jours de souffrances et de dan-
gers inouis , tous deux se trou-
vèrent hors du territoire prussien.
Trenck, au moment de sou évasion
n'avait pas eu le temps de prendre
l'argent qu'il avait caché dans sa
prison. 11 faut lire dans ses Mémoi
res le récit de toutes les privations
qu'ils essuyèrent, depuis Brannau en
Bohême jusqu'à Elbing en Pologne.
Trcnck arrivé presque nu dans cette
dernière ville, le 17 mars 1746,
apiès avoir fait plus de trois cents
lieues à pied , y retrouva un de
ses anciens instituteurs , qui l'ac-
cueillit comme un fds. Sa mère, qui
vint le voir à Elbing , lui donna une
somme considérable , en lui conseil-
lant d'aller chercher fortune à Vien-
ne. Une lettre de change de quatre
cents ducats , qu'il reçut de la prin-
cesse Amélie, vint ajouter à ses res-
sources , il partagea son trésor avec
son ami Schœll , qu'il avait laissé
malade à Tliorn. Tous deux prirent
le chemin de V ienne , oii ils se sé-
jiarèreut ; Trenck trouva dans cette
capitale son cousin François Trenck,
détenu à l'arsenal , et implique
dans un procès criminel. L'accueil
distingué qu'il reçut de l'empereur
d'Allemagne et du prince Charles de
Lorraine lui inspira la confiance de
solliciter pour son parent ; mais il
ne tarda pas à s'apercevoir que ce
dernier ne le payait que d'ingratitu-
de. François Trenck eut la bassesse
de révéler , à la cour de Yieuuc, un
projet d'évasion k\\w lui avait |)ro-
posé l'r<;d('ric. Il lui suscita même
TRE
lin duel , dans lequel celui-ci mit suc-
ccssivemciithors de combat trois of-
ficiers , dont l'un avait rern , de
Trcnck le Pandour , la promesse
de mille ducats s'il rcussissait à en-
voyer sou parent dans Vautre mon-
de. A pi es cette aventure, Frédéric
Trenck quitta Vienne ( août ! 74G ) ,
et partit pour la Hollande, résolu
d'aller aux Indes. Son séjour dans
la capitale de l'Autriche l'avait ni-
tièrcment perdu dans l'esprit deFrc'-
dëric II , qui le soupçonna, mais à
tort , d'avoir livré au cabinet autri-
cliicn les plans des forteresses prus-
siennes. Arrivé à Nurember;; , il y
veiicontra un parent de sa mère , le
{général Licven qui commandait un
corps de troupes russes , et qui l'en-
gat^ea au service de Russie en qualité
de capitaine dans les dragons deTo-
bolsk. La paix s'étant faite pres-
que aussi lût, ïrenck fut envoyé, par
la Vistule, avec cent quarante con-
valescentSj àDantzic.k,d'Jù il devait
s'embarquer à Riga. A Dantzick , il
pensa être enlevé par un corps de
recruteurs prussiens, et ne leur échap-
pa qu'à force d'audace et de sang-
froid. Dans la traversée jusqu'à Ri-
ga y une tempcîe allait forcer l'équi-
page à relâcher à Pillaw, petit port
occupé par une garnison prussienne,
et Trenck y serait inévitablement
demeuré prisonnier- mais, il contrai-
gnit,le pistoletà la main ,1e timonier
à tenir la mer malgré la tourmente.
Arrivé à Moscow , où se tenait
la cour de l'impératrice Elisabeth ,
il fut bientôt distingué par les
|uemiers personnages de l'état,
r/ambassadeur d'Angleterre , lord
llintford, le même qui avait été té-
moin, en 1 744 ' de la faveur dont
Frédéric II l'avait honoré, se char-
gea d'être son patron , et lui avança
l'argent nécessaire pour se produire
XLVI.
TRE 48 I
d'une manière brillante. Trenck
ayant composé un poème, à l'occa-
sion de l'anniversaire du couronne-
ment de l'impératrice, lui fut présen-
té: Elisabeth le recommanda elle-
même à son cliancclicr, et lui (it
présent d'une c'pée cnric'iic de dia-
mants. Dès-lors il jouit de la plus
haute faveur à la cour; et |)0iirqu"il
ne manquât rien à son bonheur , il
inspira une vive passion à une prin-
cesse russe , plus jeune et plus jolie
qu'Amélie de Prusse, et qui ne se
montra pas moins généreuse; mais,
au bout de quatre mois une mort su-
bile lui enleva cette aimable créa-
ture. Elle avait laissé à Trenck
tous ses bijoux et tout son argent,
dont la valeur moulait à --oo 000
ducats. La femme du chancelier de
Russie, jusqu'alors sans reproche,
se laiss sé(biire )>ar cet iieurcux
aventurier ; leur union intime ne mit
aucune borne au crédit de Trenck.
Une noire intrigue , suscitée contre
lui parle comte de Golt/,, envoyé de
Prusse, fut déjouée par le zèle de
son amie; le diplomate démasqué
mourut de chagrin peu de temps
après ; et l'impératrice , pour dédom-
mager Trenck du chagrin passager
qu'on lui avait causé , lui cn^oya
un présent de deux mille roubles.
Thiébault , dans ses Souvenirs ,
l'accuse d'avoir eu la coupable
indiscrétion de faire circuler le por-
trait de la princesse Amélie de Prusse ,
entre les mains de tous les convives,
à un grand dîner chez le chancelier (h-
Russie. La mort de François Trenck,
arrivée le 4 octobre 1749 1 rappela à
Vienne Frédéric que le défunt avait
fait son héritier universel , à comb-
tion qu'il ne servirait pas d'autre
puissance que l'Autriche ; mais avant
de se vendre dans ce pays, Trenck
voulut visiter les états chi nord. A
48'2 TRE
Stockholm ,il fui reçu à bras ouverts
par la reine de Suède , sœur de la jirin-
cesse Amélie. De Copenhague , il
s'embarqua pour la Hollande; mais
assailli par des tempêtes , il tut jetc'
la premiire fois sur la côte de Suède,
à Gothenbourg , oi!i d employa une
grande partie de son argent à se-
courir les habitants ; la secon-
de fois , son vaisseau fut poussé
par la tourmente jusque dans le port
de Bahus en Norwege. D'Amster-
dam, où il séjourna peu de temps,
Trenck se rendit à Vienne, en lyfju,
où, pour ètrehabileà recueillir la suc-
cession de son cousin qui se trouvait
suus le séquestre , il se vit obligé
d'abjurer le luthéranisme. Indiffé-
rent à toute religion, il obtint un
certificat constatant qu'il s'était
converti au calholicisnie. L'hérita-
ge qu'il poursuivait était grevé de
soixanfc-trois procès. A force d'or,
de persévérance et d'activité, il les
termina en trois ans; mais le pro-
cès principal, pendant à la chambre
de Hongrie , n'était pas jugé. Par les
inti'igues de ses ennemis, i\ leperelit, et
il fut décidé que les biens que Trenck
le Pandour avait possédés en Escla-
vonie n'appartenaient pas en nature à
son légataire , et qu'il ne fallait lui
payer qu'une certaine somme re-
présentant le prix d'achat. Ces dis-
cussions cessèrent en JySS, et des
immenses richesses de Trenck , il
ne reçut que soixanle-trois mille flo-
rins. Déj)ité de toutes les chicanes
qu'on lui suscitait , il alla faire un
voyage à Venise , à Rome et à Floren-
ce. A son retour a Vienne, il fut,
par un mal eulcndu de la police, ar-
rêté pendautneul jours comme faux-
monuoyeur; et le gouvernement lit
insérer dans la gazette de Vienne
une sorte de réparation publique en
sa faveur. On le nomma alors eapi-
TRE
taine dans le régiment des cuirassiers
de Cordua. Il s'empressa d'aller re-
joindre son régiment en Hongrie, et
contribua puissamment à le discipli-
ner. La mère de Trenck étant morte
en 1 7 58 , il se rendit à Dantzick pour
régler avec ses frères et sœurs les af-
faires de la succession. Il ne pré-
voyait pas que la vengeance de Fré-
déric l'attendait en cette ville. L'un
des ennemis de Trenck avait écrit à
ce prince que cet officier ne faisait
le voyage de Dantzick qu'avec le
projet téméraire de surprendre le roi
au moment où il partirait pour le
camp qu'il assemblait en Prusse ;, et
d'attenter à sa vie. Trenck , après
avoir réglé ses intérêts de faradle,
allait s'embarquer sur un vaisseau
suédois , lorsqu'il fut enlevé, au mi-
lieu de la nuit , par trente hussards
prussiens et conduit à Berlin. Dans ce
trajet il fut traité avec tant d'égards
et gardé avec une telle négligence ,
que , s'imaginant que Frédéric n'en
voulait plus à sa liberté, il ne profita
point d'uneoccasion qui lui fut offerte
de s'évader. A son arrivée à Berlin,
il ne tarda pas à revenir de son illu-
sion : il fut étroitement gardé, sévè-
rement interrogé, dépouillé de tout
son argent, et des bijoux qu'il por-
tait sur lui , entre autzes du portrait
de la princesse Amélie , puis en-
fin conduit à la forteresse de iVJag-
debourg. Frédéric , en envoyant
Trenck dans cette prison d'état ,
avait ordonné que l'on prît toutes
les mesures nécessaires pour qu'il ne
pût s'échapper. Ce prince n'avait pas
oublie avec quelle adresse cet ofïicier
s'était évadé du fort de Glatz : il
était convaincu qu'avec un captif si
indusliieux , si plein d'audace , il
fallait prendre plus de précautions
qu'avec tout autre : c'est ce qu'il re-
conimanda , sous peine d'un chàti-
ÏRE
ment exemplaire, à tous les officiers
de la garnison de Magdebourgj et
comme la plupart avaient été témoins
jaloux de la faveur dont avait joui
Trenck à la cour et à l'armée quel-
ques années auparavant , ils ajoutè-
rent aux. précautions que leur suggé-
rait leur devoir ces raffinements de
barbarie qui étonnent l'esprit et ré-
voltent le cœur , mais qu'il faut peut-
être attribuer à eux seuls et non pas
au roi, qui les ignorait. Le cachot où
fut enfermé Trenck n'était pas à qua-
tre-vingts pieds sous terre , comme
le prétend l'auteur des Souvenirs de
vingt ans; mais il était pratiquédans
une casemate , et recevait assez de
jour , bien que le prisonnier ne pût
voir ni ciel, ni terre , ce sont ses
propres expressions. On ne lui mit
pas d'abord de fers. Ayant toujours
été grand mangeur , il souiTrait lior-
riblement de la faim. Sa nourriture
consistait, toutes les vingt-quatre heu-
res , en ime livre et demie de pain ,
dont à peine la moitié était mangea-
ble , et il lui en aurait fallu six livres
pour satisfaire son appétit. Quelque
étroitement gardé qu'il fût, il trouva
moyen d'entrer en communication
avec plusieurs des grenadiers qui fai-
saient sentinelle auprès de sa pri-
son. Tandis qu'à force de patience et
d'industrie, il creusait, au-dessous de
son cachot, un conduit souterrain par
lequel il espérait pénétrer dans une
casemate voisine , dont la porte était
toujours ouverte , ces généreux sol-
dais , par l'entremise d'une juive ,
sollicitaient auprès de la famille de
Trenck et auprès de l'ambassadeur
d'Autriche à Berlin les moyens de
faciliter son évasion. Le secret de
ces communications extérieures fut
révélé à Frédéric , qui lit pendre
les soldats , et construire une nou-
velle prison pour Trenck. Toute-
TRE
48^
fois personne n'avait découvert les
travaux intérieurs du prisonnier pour
sortir de son ancien cachot : il ne
perdit pas courage, et malgré d'in-
concevables difficultés, le trou était
sur le point d'être achevé , lorsqu'on
vint chercher Trenck pour le con-
duire dans son nouveau cachot, où
il fut chargé de chaînes et d'énormes
anneaux aux pieds , aux mains et par
le milieu du corps. Ce ne fut qu'en
i-jSG^ qu'on y ajouta un carcan : le
tout formait un poids de soixante-huit
livres. La largeur de la prison était
de huit pieds sur dix de longueur :
le jour y pénétrait à peine : sur la
muraille était écrit le nom de Trenck
en lettres rouges ; sous ses pieds était
la tombe dans laquelle il devait être
enterré : on y avait également tracé
son nom avec une tête de mort. Il ne
])ouvait faire d'autre mouvement que
de sauter sur la place oia il était at-
taché , ou bien de secouer la partie
supérieure de son corps pour se ré-
chauffer. Lorsqu'avec le temps il se
fut accoutumé au poids de ses chaînes
qui lui blessaient douloureusement les
os des jambes, il put se mouvoir dans
un espace de quatre pieds. La pri-
son ayant été bâtie de plâtre et de
chaux dans l'espace d'onze jours ,
l'infortuné fut environ six mois con-
tinuellement dans l'eau qui dégouttait
de la voûte, précisément à l'endroit
où il était obligé de s'asseoir: cepen-
dant sa santé n'en fut point altérée.
Toutes les fois qu'on Amenait faire la
visite , on était obligé de laisser pen-
dant quelques m mutes les portes ou-
vertes, pour que la A'apeur dumurn'é-
teignît pas les lumières. Au fond de
ce séjour affreux , il eut un moment
de plaisir indicible , lorsqu'après
avoir enduré pendant onze niuis la
faim la plus cruelle, il se vit libre de
satisfaire son appétit. Tl faut lire,
3i..
484
TUE
dans les Mémoires écrits par Trenek
Jui-iuème , ic de'tail des nombreuses
tentatives qu'il lit pour s'évader : si
elles n'eurent aucun succès^ il réus-
sit du moins , à se débarrasser de
ses chaînes , qu'il reprenait chaque
jour au moment oii l'on entrait
dans sa prison. Ses gardiens portè-
rent la cruauté jusqu'à l'empêcher
de dormir. Il vint un ordre de le
faiiîe éveiller tous les quarts d'heu-
re par les sentinelles. Cette consigne
atroce s'exécuta durant quatre ans.
Pendant sa longue captivité', Trcnck
se perfectionna dans les sciences :
il composa, soit Cn allemand, soit
en français, des Complaintes et
des Satires , qui se trouvent la plu-
j)art, insérées dans le recueil de ses
OEuvres , imprime en Allemagne.
D'autres fois il s'amu.^ait à graver
sur des gobelets d'étain, soit des des-
sins , soit des vers. Il lit tant de
progrès dans cet art, bien qu'il n'eût
qu'un mauvais clou pour lui servir
de poinçon , que l'un de ces gobe-
lets, représentant une vigne avec une
inscription en vers , qui rappelait
l'histoire deNaboth, ayant e'téapj)or-
te' à Vienne , produisit ime telle im-
pression sur l'esprit de Marie-Thé-
rèse, qu'elle ordonna à son ministre
à Berlin de s'occuper de la délivran-
ce de Trenek ( i )• 11 était encore par-
vciai à apprivoiser unesouris qui était
pour lui , dans sa prison , ce qu'une
araignée avait été pour Pélisson ,
dans unesiluation semblable, lorsque
^i) « F^'Hisloire de; me» Robelels est vraimciil
» îiur))rcnanli>, dil-il dan» sn f^ ie. Il «tait défendu,
» sous peine de la vie, de ine parler cl de me
» douiier ni cnrie ni plnnie , et cependant je sur-
» pris inaeusilileinenl I» nei mission d'écrire sur
n IVlain ce cpie je vimlai» l.iire connaîircau innnde.
»P(ircj siralagémc cl ce» mauvais vers , je parui.
xnux veux de ceux fpii ne me cnnnaissnient pn»
»• un malhenreiii ii|iprimé, mais intéressant. Mes
.1 f(<dielel» me valurent île i'csliuie el des nmis; et
>> je d'iis en grande pnilie ma lil)ert<' à celle inven
)■ tn-n, „
TRE
ce petit animal lui fut enlevé par
l'ordre du major de sa prison. Ce-
pendant la princesse Amélie ne per-
dait pas de vue son malheureux
amant; elle lui faisait passer des som-
mes considérables par le moyen des-
quelles Trenek avait séduit la plupart
des officiers de la garnison. Tout
était disposé pour une évasion lors-
que, par une inconcevable fanfaron-
nade , il annonça que le lendemain
on le verrait, à telle heure, sur les
glacis de la ville. Trompé par les
paroles insidieuses du major de la pla-
ce, il alla j usqu'à donner connaissance
des moyens qu'il devait employer ;
mais au lieu de la liberté cpi'on lui
avait promise pour cette confiante
révélation , il se vit chargé de nou-
velles chaînes, et gardé de plus près
qu'il ne l'avait jamais été. Frédéric
se lassa enfin de persécuter si long-
temps un innocent. La porte de la pri-
son de Trenek lui fut ouverte , le 24
déc. 1 7G3 , après neuf ans et cinq
mois de détention, qui, ajoutés aux
dix -sept mois qu'il avait passés à
Glatz, formaient onze ans de capti-
vité. « La délivrance de Trenek, dit
» Thiébault, est certainement ce qu'il
» y a de plus curieux dans son liis-
» toire ; c'est aussi ce qu'il y a de
» moins connu; car lui-même n'en
» parle qu'on termes vagues, qui ne
)) nous apprcuueiil rien. » Il est cer-
tain (juo la princesse Amélie, et même
la reine de Prusse, ne dédaignèrent
])as d'agir en sa faveur , soit auprès
de Frédéric, soit auprès de la cour
de Vienne. Des sommes énormes fu-
rent (loiuiées pour acheter la bien-
veillance de cerlains ministres autri-
chiens. La malheureuse Ajnélie, plus
accabléedes maux de son amant (|u'il
ne l'était lui - même , avait passé Içs
onze dernières années dans le deuil et
dans les larmes. « (l'est à cet état dé-
TRE
» cliirant, dit Thicbauh, qu'il faul
î) attriliiicr toutes les inlirmiles pre-
» coccs cl cxliaonlinaiics dont elle
)) fut assaillie. Elle perdit , eu peu
» d'aijue'cs , tous ses attraits ; elle
» perdit la voix : ses beaux yeux se
» contuuruèrcut; et peu s'en fallut
» qu'elle ne devînt aveugle. Elle ne
» conserva jîlus en rien l'usage de
M ses bras et de ses mains.... La fai-
« blesse de ses jambes était extrême.
» Jamais le chagrin et le désespoir
» ne produisirent de plus funestes ef-
» fets chez ceux qu'ils ne font pas
» mourir; et l'on peut légitimement
» présumer ([ue si elle n'en est jnis
» morte, c'est qu'elle a toujours con-
» serve le désir et quelque espérance
» de pouvoir être utile à celui pour
» qui elle soullrait, comme lui-mè-
» me de son côte soullrait pour elle.»
Treuck était libre • mais il devait
encore éprouver bien des traverses.
De nouveaux fers l'attendaient à
Vienne, où, ])endant six semaines, il
fut retenu prisonnier dans les caser-
nes impénales. Des intrigants , inté-
ressés à ne pas rendre comjitc de la
gestion de l'héritage de François
Trenck, avaient persuadé à Marie-
Thérèse (jue Frédéric, son héritier ,
était à demi -fou , et que , dans des ac-
cès conluiiiels de rage, il exhalait
son lessentinu'iit contre le roi de
Prusse par des menaces épouvauta-
])les. Celte odieuse menée fut lieureu-
seiiient déjouée. L'empereur Fran-
roisl^'. voulut s'assurer par lui-même
de la situation d'es])rit dans laquelle se
trouvait rinlorluné captif : la liberté
de Trenck suivit cette entrevue; et
le lendemain il fut admis à faire sa
cour à Marie-Thérèse. Il pouvait
s'attendre à de riches dcdomma-
geraents a])rès tant de soulfran •
ccsj mais tout se borna au grade de
major, qui lui fut donné; et ce ne
TRE
4H5
fut pas sans peine qu'il nul arracher
aux curateurs iniidèlcs de la foilune
de François Trenck quelques débiis
de cette immense succession : il se
rendit à Aix-la-Chapelle , et se bxa
dans celte ville , où il épousa , en
i'j65 , la lille du bourguemesti'c. La
littérature , la ])oliti(pie et le com-
merce de vins de Hongrie , parta-
geaient les loisirs de cet homme si at-
tif. 11 était même en correspondance
suivie avec le nouvel empereur , Jo-
seph II , qui , méditant de grandes ré-
formes dans ses états , goûtait assez
les projets systémali(pies et hardis de
Trenck. Chaque année , ce dernier
ajoutait à ses œuvres diverses , par-
mi lesquelles son Héros macédonien
produisit une grande sensation. Il
rédigeait aussi le recueil licbdoina-
daire inlilnlé : {'^-/mi des Hommes ,
et il entreprit, en in'j'.i,uncGazctleà
Aix-la-Chapelle. Professant les prin-
cipes delà liberté avec une exagéra-
tion pardonnable sans doute dans un
homme qui avait été si long-temps
privé de la sienne , il se lit de cruels
eimemis , surtout parmi le clergé ca-
tholique d'Aix-la-Chapelle; mais le
succès de sa Gazelle allait toujours
croissant. L'impératrice Marie-Thé-
rèse en lit défendre l'expédition dans
tous les bureaux de poste; cl Trenck
fut assez sage pour supprimer tout-
à-fait son journal, ))iutôt que de
manquer à une souveraine à ([ui il
devait quelque reconnaissance. Il
écrivit , pour se dédommager ,
comme il le dit dans ses Mémoiics ,
\\\\ petit Traité sur le partage de la
Pologne. Alors,depuis i-yn/j jusqu'en
\Yn ■) ^' P'ii'couiut en voyageur cu-
rieux toutes les provinces de la
France et de l'Angleterre. EuFrauce,
il se lia avec le célèbre Franklin et
avec le ministre de la guerre Saint-
Germain. Tous deux lui firent les
486
TRE
propositions les plus avantageuses
pour l'engager à passer en Amérique j
mais son atïection pour sa femme et
pour ses enfants le retint en Europe.
Son commerce devins prospe'rait; de'-
jà il en avait recueilli un bénëlice de
4o,ooo florins , lorsqu'une escroque-
rie concertée entre des négociants et
des magistrats de Londres lui enleva
jusqu'à ses capitaux , et l'obligea de
renoncer à ce négoce. De retour en Al-
lemagne , il fut chargé de plusieui'S
missions politiques trcs-conlidentiel-
les. A Vienne , il reçut de nouveaux
bienfaits de Marie-Thérèse , qui fit à
la baronne deTrenck une pension de
quatre cents florins , outre celle qu'on
payait à son mari. Cette princesse char-
gea celui-ci de traduire du français en
allemand les OEuvres spirituelles de
l'abbé Baudran ; mais il avoue lui-
même , dans sa Vie , que , s'affran-
chissant des entraves d'un traducteur,
il composa, pour ainsi dire, un nouvel
ouvrage; en sorte qu'il fit parler sou
auteur en fort mauvais catholique. La
mort de Marie-Thérèse, arrivée au
moment de la publication du 3^. vo-
lume, détruisit pour Tronck les espé-
rances de fortune que lui avaient fait
concevoir les bontés de cette souve-
raine. Une Oraison funèbre et une
Ode qu'il composa à cette occasion
eurent un grand succès; mais la ba-
ronne de Trenck n'en perdit pas
moins la pension que lui avait accor-
dée la feue impéraliice. Trenck se
retira alors en sonciiàteau de Zvver-
back en Hongrie, où pciidanl six ans
il se livra sans succès à des exploita-
lions agricoles. « Las de dépendre
» pour sa subsistance ou d'une giêle
» ou du bon plaisir de ses cura-
» leurs, » comme il le dit lui-même,
il cliercba dans sa plume de nouvel-
les ressonrcc» , et s'occupa de pu-
blier , j),ir souscription , ses poésies.
TRE
ses divers ouvrages et l'histoire de
sa vie. Cette entreprise lui rapporta
prodigieusement. Enfin, après qua-
rante-deux ans d'exil, il lui fut per-
mis de revoir sa patrie ( •78'] ) : il
fut reçu avec bonté par le suc-
cesseur du grand Frédéric ; et il
revit la princesse , dont la faveur
avait fait le malheur de sa vie.
« Hélas ! s'écrie un auteur con-
» temporain, qui pourrait peindre
» cette entrevue? Elle fut de plu-
» sieurs heures, et tout ce temps fut
» consacré aux larmes! Un homme
» blanchi par l'âge, tout voûté par
» les soixante livres de fer dont il
» avait été chargé durant dix années
» consécutives , défiguré en partie
» parle chagrin; était-ce là l'homme
» superbe dont on avait toujours
» conservé une si fidèle image! Mais
» d'un autre côté , dans cette dame
« également vieillie, et par les mê-
)) mes causes à-peu-près , sous cette
» tête chauve qui avait peine à se
» soutenir, sur ce visage défiguré et
» terreux;,... dans ces bras déchar-
» nés et sans ressorts , dans ces mains
» contrefaites;.... comment retrou-
» ver celle qu'on avait tant aimée? »
Mais leurs cœurs n'étaient pas chan-
gés : la princesse, après avoir écouté
dans tous ses détails l'histoire de
Trenck , l'assura de sa protection
pour ses enfants. Peu de jours après
cette entrevue, Amélie n'était plus;
elle mourut au mois de mars 1 787,
comme si après avoir revu son
amant elle n'avait plus rien en
à faire en ce monde (2). Trenck
lui donna des larmes sincères. Dans
un voyage qu'il (it à Konigsberg, il
retrouva sa famille, mais non pas
SCS biens , qui avaient presque entière-
(\\ Aime-Aini'lie de Prusse, nl)licsse «le Qnod-
linKliiiiii'K , cinil nrr le c) iiiiveiiiliri' i^-j.i.
I
TRE
ment disparu entre les mains de ceux,
qui les avaient gères durant un sé-
questre de quarante -deux ans. Alors
parurent en allemand ses Mémoires,
qui furent traduits dans toutes les
langues. Deux traductions françaises
furent publiées presque en même
temps , l'une du baron de Bock , Metz,
1787 , 2 vol. in-12 ; l'autre par Le
Tourneur, Paris, 1788, 3 vol. Le
nouveau traducteur rétablit plusieurs
passages supprimés par son devan-
cier. Le nom de Trcnck fut alors
dans toutes les bouches. Son por-
trait se voyait partout. Le fameux
Curtius fit voir au Palais - Royal
l'image en cire du prisonnier de
Magdebourg , avec le costume et les
chaînes qu'il portaitdansson cachot.
Arnoult ( /^q>'. ce nom au Sup-
plément) , un d°s auteurs les plus
féconds des boulevards, fit représen-
ter dans cette même année 1788,
sur le théâtre d'Audinot (Ambigu-
Comique ) , le Baron de Trenck ou
le Prisonnier prussien, en un acte. La
révolution , qui éclata successivement
eu Belgique et en France , trouva
Trenck tout disposé à en approuver
les principes. Diverses brochures po-
litiques qu'il lit paraître;! cette épo-
que lui attirèrent des disgrâces de
la part de la cour impériale, au ser-
vice de laquelle il était toujours at-
taché. On lui avait accordé une pen-
sion de deux mille florins , à condition
qu'il n'éciirait plus. Des réilexujus
sur la révolution française , pidjlic'es
par lui à Bade , au mois de sept.
I 791 , le firent accuser d'avoir man-
qué à sa ])arole. Conduit prisonnier
à Vienne, il resta di\ sept jours aux
arrêts. Au bout de ce terme , l'empe-
reur François lui rendit la liberté-
mais il fut privé de sa pension.
Quant à l'épouse de Trenck , elle de-
nienra à Vienne; elle gouvernement
TRE 487
impérial, ne prétendant pas qu'elle
fût victime de l'esprit inquiet de son
époux, la laissa jouir d'une pension
de quinze cents florins. Trenck re-
vint en France à la Cm de cette année
I 791 : il se flattait que le parti domi-
nant l'accueillerait avec empresse-
ment , mais il fut trompé dans son
attente; et il vécut à Paris dans un
état voisin de la misère. Sa vieil-
lesse , son délaissement, ses mal-
heurs , ne puient lui faire trouver
grâce auprès des monstres qui diri-
geaient le parti de la Montagne. Ils
suj)posèrent qu'il était un émissai-
re secret du roi de Prusse, et l'en-
fermèrent à Saint- Lazare. On ne
pouvait alléguer contre lui aucune
accusation sérieuse ; mais il fut ac-
cusé d'avoir pris part à la conspira-
tion des prisons, et fut conduit à la
guillotine . le 7 thermidor an 11 ( î5
juillet 1794 )i le même jour que les
poètes Roucher et André Chénier. Il
ne montra pas moins de constance
que ses compagnons d'infortune. En
allant au supplice, il disait à la foule
des curieux : « Eh bien ! eh b;en I
de quoi vous émerveillez-vous? Ceci
n'est qu'une comédie à la Robes-
pierre. « Ainsi périt victime des
iureurs populaires celui qui avait
si long - temps subi la vengeance
d'un monarque et l'injustice des
cours. De tous les écrits de Trenck,
l'histoire de sa vie mérite surtout
d'i'trc lue. Au milieu de déclama-
tions prolixes contre les courlisans,
les juges et les prêtres, on v trouve
des anecdotes curieuses , une noble
franchise de pensée ; et , ce qui
honore surtout l'auteur , il excu-
se toujours le monarque, qui , de
son ami , devint son persécuteur im-
])lacal)ic. On jieut encore lire avec
intérêt V Examen politique et crili-
(fue de Vliistoirc secrète de la cour
488
TRE
deBcrliiiy dans lequel Trenck x'eleva
toutes les ealoiuuics que MiiaLcaii
s'était jieimises coulrc ies soiivciains
du Nord. Laharpe^ daus sa cones-
j)oijd;!iice, tout en Llàmant Ticiick
d'olîïir trop souvent des coups de
hdtoii au comte de IMirabeau , vautc
le style de celte rcTutatioU;, tju'il pré-
fère à celui de l'auteur français,
D— R— R.
TRENCK ( MAURicE-FLAVius,ba-
ron de), journaliste, de la même fa-
mille que les précédents , naquit à
Dresde , où son père résidait comme
envoyé de Pologne. Ayant été éievé
au collège de Marie-Tliérèse à Vienne,
li fit, comme officier du génie et avec
la permission de la cour, un voya-
ge en Espagne, pour diriger les tra-
vaux des foi-tili cations de Carllia gène.
Ayant quitté le service de l'Autriche,
et voyagé pendant cinq ans, il se
lîxa à Neuwied sur le Rîiin , oi!i il
établit , en l'jBS^ un journal poli-
tique allemand qui , sous le titie de
Dialogues des morts, eut un succès
jirodigieux. Dès la seconde année, on
vn débita trois mdle exemplaires , et
la révolution ayant éclaté en France,
les souscriptions s'augmentèrentàun
tel ])oint que la recette d'une seule
année allait jusqu'à soixante - dix
mille florins. Les maîtres de ])ostcs
.se virent obligés de faire construire
des Aoitures particulières pour trans-
porter les Dialopies des morts. Cette
faveur extraordinaire fit naître l'i-
dée de plusieurs contrefaçons : il en
parut deux en Autriche, et l'on y
publiait même les Dialoç^ucs tra-
duits en latin. ïrcnck s'exprima
avec beaucoup de force contre l'au-
dace des contrcfactcius ; mais il
TA: put les empêcher. Obligé, par
les événements, de quitter Neuwied,
il r-illa s'établir à Francfort^ où il
couljuua , pendant quelque temps
TRE
encore , ses Dialogues. Il moujuÉ
dans cette ville , le 21. septembre
, iBio. G~v.
ÏRENEUIL ( JosKini ) naquit, à
Cahors.leay juin I7G3. A près avoir
terminé avec succès ses humanités
dans sa ville natale, il vint faire-son
droit et j)rendie ses grades à Toulou-
se. Une distribution desprixque l'a-
cadémie des Jeux floraux propose
annuellement à l'émulation des jeunes
poètes lui révéla tout-à-coup le se-
cret de son talent ; et trois couron-
nes successivement remportées prou-
vèrent bientôt qu'il ne s'était pas mé-
pris sur sa vocation. Sans attacher à
ces premiers essais plus d'importan-
ce qu'ils n'en méritent d'ordinaire,
on put remarquer , dans le poème
sur VEschwage des nègres , cette
chaleur de sentiment , celte énergie
d'expression qui sont i^estées le carac-
tère distinctif de ses ouvrages. Ap-
pelé, bientôt après, à diriger l'édu-
cation de l'héritier d'un grand nom
( M. de Castellane) , Treneull se dé-
voua aux persécutions qui ne tardè-
rent pas à frapper la famille de son
élève, dont il partagea constamment
les fuites , l'exil et la captivité. Heu-
reusement échappé à tous ces dan-
gers , il se chargea d'une autre édu-
cation , dans une famille non moins
distinguée, celle de Beaumont, où sa
conduite et ses principes ont laissé
des souvenirs et des regrets égale-
ment honorables. On conçoit l'im-
pression que durent faire sur son ima-
ghiation ardente et sensible les crimes
et Icsmalheursde la révolution. Il ré-
solut dès-lors de consacrer ce qu'il
avait de talent à flétrir les bourreaux,
et à célébrer dignement les victimes;
mais ce fut huig-temjvs dans le secret
du silence et de l'amitié. Le moment
de la ])ubliciié n'était jias encore ar-
rivé. Une circonstance imprévue le
TRE ^
ilt uaîtrc j et Trcncuil se hâta d'en
profiter pour ouvrir son portefeuille
au\ amis des beaux vers et des Ijous
scutimoiîts. Uu décret impcrialvenait
d'ordonner { 20 février 180O) l'érec-
tion de trois autels expiatoires, dans
l'église de Saint - Denis , en répara-
tion du régicide commis envers les
cendres de soixante-six rois. Le poè-
te rpii avait signalé le crime, et de-
vancé en quelque sorte la réparation,
saisit une circonstance aussi inespé-
rée , et publia les Tombeaux de
Saint-Denis , composés depuis long-
temps sur le lliéâtre même du sacii-
lége. Les autels ne s'élevèrent point
alors; mais le poème fut reçu avec
reconnaissance, et fixa sur l'auteur ,
encore inconnu , les regards du
public et l'attention du gouverne-
ment. Murât , dont Trencuil avait été
le condisciple , sollicita et obtint pour
lui une place de conservateur à la bi-
bliothèque de TArsenal. De nombreu-
ses éditions des Tombeaux confirmè-
rent bientôt le jugement que l'on en
avait d'abord porté , et méritèrent au
poète l'une de ces couroimcs décen-
nales que 181 o devaitdistribueravec
tant de pompe et de solcimité : mais
celte fête triomphale fut ajournée;
et le nouveau maître de la Fran-
ce s'épargna l'embarras de couron-
ner des chants consacrés à des temps
qu'il voulait faire oublier. Des évé-
nements d'un autre genre occupaient
alors l'attention de l'Europe : le ma-
riage de Buonaparte avec une archi-
duchesse d'Autriche , et la naissance
de leur fils. La réputation de Tre-
ncuil _, sa récente victoire dans la lut-
te décennale , et la place surtout qu'il
tenait du gouvernement, ne lui per-
mettaient pas de garder le silence ,
dans ces graves circonstances. Il le
rompit ; mais on n'a point oublié
les leçons courageuses par Icsqucl-
TRE 489
les le ]io6tc sut tempérer des éloges
commandés par le sujet , et tou-
jours renfermés dans les bornes d'une
juste mesure. Avouons -le toutefois :
on s'aperçoit aisément , à la lecture
de ces pièces ( i), de la position for-
cée où se trouvait l'écrivain. Ce n'est
plus cette abondance de sentiments ,
cette vigueur de pinceau que l'on
avait reconnues dans les Tombeaux
de Saint-Denis , et que l'on retrouva
ensuite dans l' Orjfheline du Temple,
le Martjre de Louis XFI , et la
Captivité de Pie VI , quand la res-
tauration lui permit de les pidjlier.
Quoique souvent réimprimés , ces dif-
férents poèmes ne pouvaient se pro-
mettre qu'une existence éphémère ,
tant qu'ils resteraient épars et iso-
lés. Treneuil s'occupa du som de les
réunir ; et ce recueil , nouveau dans
notre langue, parut en 181 7, un vol.
in - 8°. , précédé d'un Discours sur
l'élégie héroïque, qui est lui-même
un très-bel ouvrage. L'auteur pré-
parait une seconde édition , lors-
qu'une longue et cruelle maladie
l'enleva aux lettres et à l'amitié, le
7 mars 1818 {1). Conservateur , de-
puis plusieurs années, de la bibho-
thèque de l'Arsenal , il avait été pla-
cé, en i8i4,pai' le choix de S. A. R.
Monsieur (aujourd'hui Charles X),
h. la tête de cet établissement. Des
qualités estimables relevaient, dans
Treneuil , les talents de l'écrivain. Oji
lui reprochait , il est vrai , un désir
effréné de gloire , une insatiable avi-
(1) Lu t'cle iitipli'iilc (pour le uiai iagc tic l'cm-
prrciir ) , iinprimce dans Ir Recueil iutitule' :
J.' Hymen et la nal-suiice. — Ode sur la naissance
ilu roi fie Rome , iSji , in-4"-
(2) ("e qu'il n'eut point le (eiups «le faire, tiu
.nui s'en esl cliarné ; et celle nouvelle cjilion pa-
rut en i85t/|, Paris, Firniln Didnl , un vol. in-S«'.
Ellu.csl oi-uée iln pmlrail de l'auteur , prérédec
d'une AcdVe, etaugmeulée de plusieurs pièces iué-
diles , parmi .lesquelles on distingue l'/î.vWni'Wjic-
lies ni-givs , V Ji//!l IV sur lu mode, vi\c Chaiilfune-
liiT fur tu mon tic Josius.
490
TRE
(litëcl'elogcs(3); mais il est juste (l'ob-
server qu'il était poète dans toute la
force du mot , et né sous un ciel ou
les idées prennent naturellement plus
d'exaltation que partout ailleurs. Il
a donné à la Biographie unii^erselle
les ai'ticles Beaumont ( Christophe
de), archevêque de Paris; celui du
baron des Adrets, etc. A. D — r.
TRE NT A (Philippi:), né, en
i-^Si , d'une famille noble d'Ascoli
dans les états du pape , embrassa l'é-
tat ecclésiastique, et étudia la juris-
prudence, selon Tusagedcs prêtres
romains qui aspirent à des charges
adramistratives. 11 obtmt en ellét
!a place d'auditeur à Lucques , à
Macerata ; et il suivit, dans la même
qualité, le cardinal Buoncompagni à
Bologne. Loi'squc ce prélat fut élevé
à la dignité de secrétaire-d'état, Tren-
ta fut nommé , en 1785, évêque de
Foligno ; et il mourut dans cette ville,
en mars 1795. On a de lui un Recueil
de six tragédies , qui parurent d'a-
bord à Fuligno, en \"ji'] , i»-4'^., et
dont il existe uxic réimpression de
Luc({ues , 17(36, in -4".; leurs titres
sont : Giulio Sahino; — Teone ; —
Orestc ; — Annihnlc ; — P idacilio;
— Gionala. \,'' Auge , tragédie , qui
remporta le second j)rix au concours
dramatique de Parme, en 1774 ■> est
unprimé à part , Parme , Bodoni ,
i774i in-4". Le premier prix lut dé-
cerna à Pcrabo , pour sa tragédie in-
titulée falsei, ossia VEroe scozze-
(3^ Un jour que l'on comp»»Ril, pour la Gazelle
(le h'rnnre , un arlinlc sur une de ses priées ,
Trciieuil se rendit à l'imiirlmerip , s'annonça comme
ihiirne (le revoir Iss épreuves de l'article , en ol>-
linl ainsi eoinmunicalion ; cl trouvant trop faibles
lesélopes i|ii'iin lui doiniail , ajouta tous ceux <|u'il
rroyiiit iiienler.On raconte nièni ! qu'il v eul de sa
part récidive plus d'une lois (/ . aussi Ï'etitaiN ,
KXXIII, '>n\-^,m \. On iKouve ni otice sur
Treneuil dans In (Jiniiziiiiic lillcrilir du i5 mars
1818. I,a liste de «es écrits est dans la /!i/.fi„^,n,,l,ir
ilr In f'rritur, m, /niininl ilf la llliriiilie . t\u U, niai
iKiH; et c'est par erreur qu'un v dit 'l'renenil
oiorl .n ,8,-. • A. n— 1.
TRE
se, ibid. , 1774? in-4*'- H. Limon ,
sive urhanarum quœsiionum. libri
très, Rome, 1782, in-4''. C'est un
recueil de Dissertations sur différents
sujets d'antiquité. L'auteur l'appelle
Limon ( jardin orné de fleurs ) , à
l'exemple deCicéron , qui avait don-
né le même titre à un recueil de poé-
sies , qui ne nou^ est point parvenu.
A — G — s.
TRENTO ( JÉRÔME ) , prédica-
teur, né , en i7'-i8, d'une famille no-
ble de Padoue, prit l'habit des Jé-
suites à Bologne , où il prononça ses
vœux, en 1746. Marchant sur les
traces de Segneri , qu'il s'était pro-
posé pour modèle , il préféra les
humbles travaux des missions aux
succès éclatants des panégyristes. Il
mourut, en terminant un carême dans
l'église de Saint-Léon à Venise, le
19 avril 1784. Le P. Andrcs ( Ori-
gine , pi'o^ressi e s lato attuale d'o-
gni letteratura ) , cite ce prédica-
teur comme un des meilleurs modè-
les de l'éloquence sacrée en Italie. Il
le met sur la même ligue que Segneri
et Venini. Sans disputer sur ce rap-
prochement , nous ferons remarquer
que le style de Trento est inégal ; que
ses tournures sont vicieuses , ses phra-
ses vulgaires ; qu'il n'évite pas assez
la répétition des mêmes mots; et
qn'enlin ses tableaux, d'un coloris
faux et d'un dessin force, font trop
sentir l'art et la contrainte. Ses ou-
vrages posthumes publiés par le P.
Ptolémée ÎMarsigli sont : 1. Predi-
che quarcsinuili , Venise, 1785, in-
4".; ibid. , 1798 et 1816, in-4 ". II.
Panegirici e discorsi morali, ibid. ,
1786, i[i'4".; et ibid. , 1818, in-4".
f'oY. Boscaccio, Elogin di Trento,
ibid., 1784, in-S". A — r. — s.
TP.ENTSClllN (Matthieu m;)
commandait , comme ])alatin du
royaume , les troupes hongroises,
TRE
au nom de Wladislas III , à la ba-
taille de Stillfried ( a6 août 1278 ) ^
où le loi Ottocare perdit la couronne
et la vie. 11 iît ensuite tous ses ef-
forts pour arracher Wladislas à la
vie honteuse qu'il menait , entoure
de femmes débauchées. Apres la mort
de ce prince et celle d'André 111 {V.
ces deux noms ) , apprenant que
Charles Pobert ( Vof. Charobert ) ,
accompagné par un Ic'gat du pape ,
était entré en Hongrie pour se faire
sacrer roi , Trenlschin réunit les
magnats les plus puissants , et leur
Iît jurer qu'ils ne recounaîtraient
point Charles , et qu'ils enverraient
à Prague, vers le roi Wenceslas, pour
offrir la couronne de Hongrie au
jeune prince Wenceslas , alors âgé
de douze ans ( i3oi ). Pendant que
les magnats emmenaient à Bude leur
jeune roi , et qu'ils repoussaient à la
fois le légat et Charles Robert, la cour
de Rome ayant reconuu celui - ci
( i3o8), Trentschiu , de concert
avec Wladislas de Dobrogos, fît ré-
pandre dans tout le royaume une
circulaire par laquelle il protestait
contre l'intiuence que les papes vou-
laient s'arroger sur la Hongrie. Le
légat excommunia Trentschin, qui,
en appelant à son épée, leva des
troupes , fit armer ses places fortes
qu'il tenait comme fiefs royaux ,
vint assiéger Gran , résidence de
l'archevêque - primat du royaume ,
le força de signer une capitulation,
et mit le siège devant Kascliau. Le
roi Charles Robert étant accouru
pour délivrer la place , on en vint
aux mains le i 5 juin i3i a. Le com-
bat fut sanglant et le succès incer-
tain. Cependant Trentschin s'em-
para du pouvoir souverain , et ht
battre monnaie en son nom. Proll-
tanî du mécontentement de la nation
bohémienne, il Se jeta, m i3i5,
IRE
49 ï
sur la Moravie, qu'il dévasta. Le roi
Jean arriva , à marches foi'cées , au
secours de cette province , el Trents-
chin se retira ; mais il forma en-
suite une ligue contre Charles Robert
qui se livrait à la débauche et se dis-
posait à abandonner la Hongrie, oii
il désespérait de se soutenir. Le haut
cieigé mécontent se rassembla en
1 3 j 8 ^ et invita ce prince , sous peine
d'excommunication , à convoquer la
dicte pour se concerter sur les mesu-
res ta prendre contre Trentschin. Un
bref du pape , conçu dans le même
sen? , arriva simultanément ; et le
roi fut contraint d'ordonner la con-
vocation. On s'attendait à une diète
orageuse ; mais on apprit la mort ino-
pinée de Trentschin. Ses partisans,
n'ayant plus de chef, se soumirent;
le roi s'empara de ses biens , et de-
puis ce moment son trône fut affermi.
G— Y.
TRESSAN (Pierre de La Vér-
one de), missionnaire, né, eu 1618,
au château de ce nom dans le Lan-
guedoc , d'une ancienne et noble fa-
mille , qui a produit un grand nom-
bre de généraux et donne plusieurs
prélats à l'Église , fut élevé dans les
principes de la religion réformée j
mais étant venu perfectionner son
éducation à Paris , il se convertit à
la foi catholique, d'après l'exemple
et les conseils d'un oncle avec lequel
il demeurait , et résolut en même
temps de prendre les ordres sacres.
Sa naissance lui permettait de pré-
tendre aux premières dignités de
l'Église; mais renonçant volontaire-
ment à toutes les grandeurs du mon-
de, il revint en Languedoc, et se
plaça sous la conduite du pieux évê-
que d'Aletli , Nicol. Pavillon ( Foy.
ce nom, XXXIll , iBo ). Il avait
formé le projet de s'enfermer dans
un cloître et d'y terminer sa vie
49^
TRE
dans les cxcicices austères de la ))e'-
nitence ; mais l'cvêquc d'Aleth , ju-
geant que SCS talents pourraient être
Irès-utilcs à la religion , combattit
son dessein, et l'envoya dans la Pa-
lestine visiter les lieux saints. A sou
retour , il entra dans les missions di;
Languedoc , et goûta le plaisir de
voir son zèle recompense parle plus
grand succès. Son talent pour la
chaire et ses vertus étendirent sa
réputation dans toutes les provinces
méridionales de la France. La prin-
cesse de Conti , gouvernante du Lan-
guedoc , le choisit pour son direc-
tecteur , et il devint bientôt celui des
dames les plus distinguées, parmi les-
quelles on ne peut se dis])enser de
citer la maréchale de Schomberg et
M"i6. de (îrignan. La maréchale
de Schomberg s'ap])iaudissait chaque
jour de lui avoir donné sa confiance.
« Il n'y a point d'homme au monde
qu'elle aime davantage , écrit JVI"^'=.
de Sévigné à sa (ille : c'est son père,
c'est son premier et fidèle ami ; elle
en dit des biens infinis ; ce chapitre
ne finit point quand une fois elle l'a
commencé. Elle comprend fort bien
qu'il vous aime et qu'il vous cher-
che ;, il a le goût exquis : elle trouve
fort juste quevousvousaccommodicz
de sa facilité et de la douceur de son
t'S])rit j elle pense qu'il doit vous con-
vertir de ])!eiue autorité, parce que
vous êtes ])ersuacléc qu(! l'état où il
vous souhaite est bon. Si elle en eût
autant cru de celui où il veut la met-
tre , c'eût été une allairc faite ( Let-
tre du u(i aoiit lO^fi). » M'"^'. de
wSévigné rcvi(;ul plusieurs fois, dans
sa corresj>()iKlancc , à l'abbé de La
Vergue : « Vous me le iléjiojgney, Irès-
bu'u , écrit-elle a sa iillcj je n)euis
d'envie de le voir j il n'y a j)ersonnc
doiil j'aie enl(!ndu de si bonnes louan-
ge» ( I I scjilcmbn- l'i'jO ). » Ayant
TRE
rcsign<? tous ses bénéfices , il faisait
seul les frais des missions, auxquelles
il consacrait la plus grande partie
de ses revenus , ne se réservant que
le strict nécessaire. Ses vertus ne
purent le mettre à l'abri des persé-
cutions ; il fut exilé du Languedoc ;
pour avoir pris part à la Théulogis
morale ( F. Fr. Genest ); mais cet
ordre ne tarda pas d'être révoqué. 1!
se trouvait au château de Terrargues,
lors([u'il reçut une lettre qui l'enga-
geait à faire le voyage de Paris, pour
quelque dessein qu'on ne voulait con-
fier qu'tà lui. Il se mit en chemin
sur-le-cliamp ; mais ayant voulu tra-
verser dans sa litière le Gardon ,
grossi pal- les j)luies _, il s'y noya , le
5 avril j(J84. Son corps , retrouvé
cinq jou')S après , fut inhumé dans
la chapelle du château de Terrargues,
sous une tombe décorée d'une épila-
phe, qu'on trouvera dans le Diction.
de Moréri , édition de n^^9, au mot
Vcrpie. On lui doit : Exavien gé-
néral de Ions les états et conditions ,
et des péchés qu'on peut y com-
mettre, Paris, 1670, 3 vol. in-i2.
C'est un recueil de passages extraits
des saintes Écritures , des conciles ,
des ouvi'ages des Pères, et des ordon-
nances de nos rois. Le pieux auteur l'a
pul)lié sous le nom de Saint -Ger-
main. G'éîail celui d'un prieuié du
diocèse de Meiide, qu'il avait lésigue
depuis long-tem|)s à l'évêque, pour
l'enlrclieu de son séminaire. On sait
(ju'il avait rédigé la relation de sou
voyage dans la Palestine ; et quelqties
personnes lui allribuenl celle (jui pa-
rut, quatre ans après sa iiiorl, Paris,
in-iu , sous ce titre : Helalioa nou-
velle d'un voyage de la Tcne-
Siiintc , ou descri/Uiun de l'étal
présent des lieux où se sont passées
les principales actions de la vie de
Jésus-Christ. Cependaiil l'abbé Gou-
TRE
jet et tranlrcs critiques juj^ent cet
ouvrage tout à fait imligne de Tres-
sa n. W — s.
ÏRESSAN ( Louis-Elisabeth de
LA Vergne , comte de ) , si connu
par les extraits qu'il a donnes de
nos anciens romans de clicv.dcrie,
naquit, le 5 octobre ï'-o5 ,au Mans,
dans le palais de son grand- oncle,
évêque de cette ville. Elève des col-
lèges de la Flèche et de Louis-le-
Grand , il n'avait que treize ans quand
il fut admis à l'honneur de partager
les études et les amusements de
Louis XV^ encore enfant. Donc' de
tous les avantages extérieurs, il y
joignait le désir et le don de plaire,
une imagination vive , de l'esprit et
un goût égal pour les sciences , les
arts et les lettres. Ses dispositions ne
pouvaient manquer d'être remar-
quées par les littérateurs qui for-
maient alors la société du Palais-
Royal. C'étaient Fontenelle , Voltai-
re, IMontesquieu , Massillou, Mon-
crif, Gentil- Bernard , etc. Le jeu-
ne Tressan , qui px'éférait leur con-
versation aux amusements de son
âge, leur communiqua ses jiremiers
essais , et en reçut des conseils et des
encouragements. Il laissait voir dès-
lors son penchant pour la poésie et
pour les romans; mais obligé, pour
répondre aux vues qu'on avait sur
lui , de s'appliquer aux sciences qui
conviennent à l'homme de guerre, il
y lit de rapides progrès. Admis d'a-
Lord dans le régiment du roi, eu
I '^23 , il passa dans celui du régent ,
avec le brevet de mcstre-de-canip.
Son esprit, ses grâces naturelles et
son enjouement le rendirent bientôt
l'ame de toutes les fêles d'une cour
jeune et brillante ; et il se vit rcclier-
ché par les sociétés les plus aimables ,
auxquelles sa présence donnait un
nou\'cl agrément. L'archev^'cpic de
TRE 493
Rouen sentit la nécessite d'arracher
son ucveu à celte vie si pleine de
dissipation , et résolut de le faire
voyager. Il partit avec M. de Bissy,
ambassadeur à Parme, emportant
des lettres de recommandation pour
toutes les cours d'Italie. Accueilli par-
tout de la manière la plus gracieuse^
il vit ce que les principales villes
d'Italie renferment de plus intéres-
sant, 11 découvrit à Rome, dans la bi-
bhothèquedn Vatican, une collection
unique de nos romans de chevalerie,
écrits en langue romane ou proven-
çale ; et la lecture qu'il eu fit acheva
de lui donner pour ce genre d'ouvra-
ges un goût qu'il conserva le reste de
sa vie. La mort de sa mère , suivie,
quelques mois après , de celle de son
oncle jl'archevupie de Rouen, l'obli-
gea de revenir à Paris, où il arriva
malade, du chagrin que lui avait
causé cette double perte. Il était à
peine convalescent quand on déclara
la guerre à l'empereur , qui voulait
s'opposer à la nouvelle élection de
Stanislas au troue de Pologne ( i -^33 ).
Il partit aussitôt avec le duc de
Noailles, qui le choisit pour son aide-
de-camp , et se trouva au siège de
Kehl. Il se distingua , l'année sui-
vante, à l'attaque des lignes d'Eslin-
gen , et fut blessé dans ia tranchée
devant Philisbourg. A la paix , il fut
nommé brigatber et enseigne de la
compagnie écossaise des gardes du-
corps. La guerre s'élant rallumée^
en 1741, Tressan fut employé à l'ai--
mée de Flandres. Il oblint, en 1744»
le grade de maréchal-de-camp , et
servit, en celte qualité, aux sièges de
Menin, d'Ipres et de Furnes. Dans
la campagne suivante, il (it, sous
les ordres de Louis XV, le sic'gc de
Tournai, et remplit à la bataille de
Fontenoi les fonctions de son aide-
de-camp. Ayant obtcimla permission
494 TRE
Je se mettre à la tête de sa brigade
pour attaquer la fameuse colonne an-
glaise , il reçut, deux blessures , l'une
au bras , l'autre à la cuisse , et repa-
rut devant le roi après la victoire.
« Vous m'avez bien servi , lui dit
» ce prince , que ferai-je pour vous.-*
» — Sire , repondit-il, je supplie vo-
» tre majesté' de m'accorder de
» servir toute ma vie , en ligne, sui-
» vant mon grade. — Je vous re-
» connais bien là , dit le roi , je vous
» le promets, o II fut l'un des offi-
ciers généraux désignés pour com-
mander l'armée que la France en-
voyait au secours du prétendant {V.
Stuart ) ; mais l'expédition ne put
avoir lieu , et il resta chargé du com-
mandement de l'armée des côtes de
la Manche. Dans ses loisirs , il rédi-
gea un Traité sur l'électricUé, ou-
vrage connu dès i-j^Q^qui lui mé-
rita son admission à l'académie des
sciences et à la société royale de
Londres, et qui lui assure, d'une ma-
nière incontestable, l'honneur d'a-
voir expliqué le premier les princi-
paux phénomènes de cet agent puis-
sant de la nature. En i "JJO , Tressan
fut nommé gouveincur du Toulois et
de la Lorraine française; et peu de
temps après , il fut appelé par le roi
Stanislas à la cour de Ijunéville, avec
le titre de grand-maréchal. 11 n'em-
ploya son crédit sur ce prince que
pour seconder ses vues paternelles
( F'. Stanislas ). Nanci lui dut l'éta-
blissement d'une académie , dont il
fut le premier directeur; et il ne cessa
jamais de prendre une part frès-acti-
ve aux travaux de cette société, qui
a contribué beaucouj) à maintenir et
accroître le goût des lettres et des
arts dans la I.orraine. Au milieu de
tant d'occupations, Tressan trouvait
encore le loisir d'entretenir une cor-
res[)(ind,U)(e suivie avec les iioinmes
TBE
distingués qu'il avait connus dans sa
jeunesse , et cultivait aussi la poésie.
Cachant, sous les apparences de la
douceur, une causticité très-mordan-
te, il se vengea, par des épigrammes,
de quelques courtisans qu'il croyait
opposés à son avancement , et se per-
mit même des couplets , dans lesquels
les dames le plus en faveur n'étaient
point épargnées. Cette imprudence
refroidit Louis XV à son ég;ird. Fré-
déric, instruit de la disgrâce de
Tressan, lui lit olliir le même grade
en Prusse que cflui qu'il avait en
France : « Je suis Français , lui ré-
» pondit-il, je me dois au roi mon
» maître et à ma patrie; vous ne
» m'honoreriez plus de votre estime
» si je cessais de leur être fidèle. »
L'amitié de Stanislas lui restait;
mais ii se vit menacé de la perdre.
11 fut dénoncé par le P. de Menoux
( f^. ce nom ) , pour avoir affiché ,
dans un discours à l'académie de
Nanci, des sentiments trop philoso-
phiques : « Il faut , lui dit le roi, ou
» vous justilier ou vous rétracter;
» — S'il le faut, répondit-il , il ne
» m'en coûtera pas d'imiter Féné-
» Ion (i ). )) Il adressa son manuscrit
à la Sorbonne, pour avoir son juge-
ment sur la doctrine de l'ouvrage,
et on le lui renvoya , revêtu de
l'approbation la plus authentique.
Dans une comédie intitulée le Cer-
cle, ou les Originaux , que Palissot
fit représenter à Nanci le jour de
l'inauguration de la statue de Louis
XV, les pliilosoplies, et J.-J. Rous-
seau surtout , étaient tournés en ri-
dicule. D'Alembert, irrité, demanda
que l'auteur de cette pièce fut raye
(i) Suivant Coiidorcet , Tressan rrpondll i\ Sta-
nislns : « Ji; conviens cic mon tort; iniii» jf siipplir
» Su Mnicsie de se rappeler «lu'i la procession de
» la liijjne il y avait trois uiille moines et pas un
11 pliilosophe y
TRE
du tableau des académiciens de Nan-
oi; mais Rousseau pria ïressan de
n'en rien faire. Tressau , voulant mé-
nager à-la-fois les philosophes et Pa-
lissot, ne montra ni franchise ni di-
gnité dans cette alïaire (i), qui se
termina comme liousseau l'avait de-
mandé {F. Palissot et J.-J. Rous-
seau ). A la mort de !M. de Bombel-
les, il lui succéda dans la place de
gouverneur de Bitche. Ayant peu de
fortune,, la représentation à laq;ielle
il était oblige le mettait dans l'im-
possibilité de faire des économies j et
le duc de Choiseul ayant retranché
le traitement qu'il touchait comme
lieuîcnant-général eu activité, Tres-
sau revint avec sa famille à Luné-
ville , qu'il ne quitta qu'après la
mort de l'excellent piluce dont l'af-
fection le consolait des tracasseries
de ses ennemis et des privations
qu'il était forcé de s'imposer pour
l'éducation de ses enfants. Il vint
habiter une petite terre qu'il avait
acquise à Nogent-l'Artaut en Cham-
pagne. Dès que l'éducation de ses
enfants fut terminée , cédant aux
instances de ses amis, il vint s'éta-
blir à Paris. Son âge avancé et de
fréquentes attaques de goutte ne lui
permettant pas de jouir , comme il
se l'était promis , des avantages qne
Paris offre aux personnes qui culti-
vent les lettres , il transporta sa de-
meure à Fx'anconville , dans la vallée
de IVlontmorenci. C'est à cette épo-
que qu'il composa, pour la Biblio-
thèque des Romans ( F. Paulmy ) ,
les extraits de nos anciens romans
de chevalerie qui contribuèrent si
puissamment au succès de ce recueil,
et dans lesquels on trouve toute la
fraîcheur , toute la gaîté d'une ima-
(a) Voveï les Mémoiro de Palissot ( art. Tres-
san ") et la fie de J.-J. Rousseau, par M. Musset-
Pnlhay , II , 3i()-
TRE
49^"»
gination jeune et riante. Il publia ,
dans le nu-me temps , une traduction
de l'admirable poème de l'Arioste ,
le Roland furieux : elle ne lui avait
coiité que trois mois de travail , et
elle se ressent de cette précipitation
(3); mais on la lit avec plaisir , parce
que le style en est facile et naturel.
Depuis long-temps il desirait d'être
admis à l'académie française; il y
fut reçu , en l'jSi , à la place va-
cante par la mort de l'abbé de Con-
dillac; et il ne cacha pas tout le plai-
sir que lui faisait sa nomination.
Il reprit alors une maison à Paris,
pour être plus à portée d'assistei
aux séances de l'académie , dont il
devint l'un des membres les plus as-
sidus. Malgré son âge et ses infirmi-
tés , il continuait de fréquenter les
sociétés , et il yportait les mêmes grâ-
ces, la même amabilité que dans les
belles années de sa jeunesse. En reve-
nant, après souper, du château de
Saint-Lcu (4), sa voiture fut versée;
et il mourut des suites de cette chute,
le 3i octobre l'}83, à soixante-dix-
huit ans. Tressau, suivant Palissot ,
manquait absolument de caractère.
Son esprit caustique, qu'il s'eft'urçait
de déguiser sous une apparence dou-
cereuse , l'avait fait comparer, par
Boutllers , ta une guêpe qui se noie
dans du miel. 11 était membre d'un
grand nombre d'académies. Il eut
pour successeur à l'académie fran-
çaise le savant et malheureux Bailly
;^3) Vi)v. les Obseivaiions sur la traduction de
îluîand Furieux de Tressan ( par Maj^é de Ma-
rollcs ;, dvius V-E.yprit des journaux y i"Sn,etim-
priuieos se[>aTeiueiit , même année, in-12 de 68 p.
Celle traduction a été corrigée avec soin par
M. Pannelier , dans l'édition de j89.3.
;4^ Tous les biographes de Tressan s'accordent a
dire qu'il était ail»- l'aire sa cour à la duchesse
d'Orléans; mais M"''. deGenlis, dans une noie Je
ses Mémoires (lll. Si;"!, nous apprend n»e son
but , en se rendant à Saint-Leu , était de lui porter
de charmanti couplet; qu'il avait composés pour
sa fêle.
4o6 TRE
{F. ce nom). Les OEm>res choisies
de ïressan ont clc publiccs par (i;w-
nier, Paris, 1787-91 , 12 vol. in-
8'»., fig. Les trois premiers volumes
contiennent la traduction libre à' A-
madis de Gaule ( Voyez Lovei-
RA ) , et nn conrt extrait du Roland
de Boyardo ( Voyez ce nom ) ;
les tomes iv-vi^ la tnicluctiou de
Pwland furieux ; le tome vu , Tris-
tan de Leonois , Arliis de Breta-
gne, Flores et Blanchejleur , Cleo-
mades et Claremonde ; nn extrait
beaucoup trop court du Bonuin de
la Rose ( F. Guill. de Loris et J. de
Meung ), et Pierre de Provence; le
tome VIII, la Fleur des batailles,
Huon de Bordeaux et Guérin de
Mo7itglave; le tome ix, Doji Ursi-
no le Navarrin , le Petit Jehan de
Saintré ( F. La Sale ) , et Gérard
de Nevers ; le tome x, Régner Lod-
hrog et Zélie ou V Ingénue , roman
compose d'après une pièce de théâ-
tre de M'nc. de Genlis. Les deux der-
niers volumes contiennent ses OEu-
vres posthumes, précédées d'une Vie
de Tressan , par M. l'ablie' V ,
d'un extrait de son Éloge , lu , par
Ilailiet de Couronne, à l'académie de
Rouen, et de son Éloge, lu, à l'aca-
démie des sciences, ]iar Condorcet.
Ce sont des Vers de société, des Let-
tres ; un ouvrage compose par ïres-
san pour ses enfants , intitule : Ré-
flexions sommaires sur l'esprit; des
Discours prononces à l'académie de
Nanci; un Éloge de Maupertuis , etc.
Cette collection a clc réimprimée plu-
sieurs fois.T/éditionla ])lus récente,
comme la plus belle, est celle de Paris,
1823,10 V. in 8".,lig.Tiesmatièicsy
sont distribuées dans un meilleur or-
dre ; et elle est précédée d'une Notice
sur Tressan cl ses ouvrages , ])ar M.
Camj)enoii ; clic est augmentée de
y Eloge de Fnntenelle , le dernier
TRE
ouvrage de l'auteur ; de quclrpies pic-
ces inédites et du roman de Robert
le Brave , par l'abbé de Tressan {F.
ci-dessous); mais o;i ne trouve dans
aucune édition des OEuvres de Tres-
san ni les couplets auxquels on at-
tribue sa disgrâce , ni ses Epigram-
mes , ni les vers qu'il composa, dans
sa vieillesse , à Francoiiville , et dont
quelques-uns ont été publiés par
Grimm et par Laliarpc , dans leurs
correspondances (5). h Histoire de
Tristan de Leonois , celle du Petit
Jehan de Saintré et Gérard de iVc'-
UerS {P. Cl. AMF.^GESetGviiVLl.ETTK)^
ont été imprimées par Didot, 1780-
81 , 3 vol. , in - 18. 11 existe de cette
charmante édition quelques exem-
plaires sur peau de vélin. De tous les
romans jiuldiés par Tressan, Don
Ursino le Nai'arrin est le seul (jui
soit entièrement d'imagination. L'ou
vrage qu'il avait composé de])uis
1749 ne fut publié qu'après sa mort^
sous ce titre : Essai sur lejluide élec
trique considéré comme agent uni-
versel, Paris, 1783 ou 1780, o. \.
in-8'^. L'abbé de Tressan en fut l'é-
diteur, et le fît précéder d'une Préfa-
ce écrite avec sagesse et avec goût.
On peut consulter , pour plus de dé-
tails, les diverses Notices citées dans
le cours de l'article. W — s.
TRESSAN ( LA Vergnk, ab-
bé DE ) , fds puîné du précédent, était
né dans le Roulonnais, en 17 49, et
fut élevé sous les yeux de son père ,
dont la tendresse ne voulut se rej)o-
ser sur personne du soin de diriger
l'éducalion de ses enfants. S'élaii!
(r.) Tnns I,:, c.lllciiis,!,- Tl-.'S«ii 01,1 ,..,.1, l..l.•
/,r•«f.•,l.,l.<• cin 7.,, •)aMvi<-l- 178:», .1 qui onlic.l
ciiirlinic» d('l;iils sur 1rs iliriiirrcs aniirrs Ae l.c
Sii«c( / oy. •■0 lu.M. , X\IV , »(ii-n(iî 1, ;n-lrnr
.1.! Gll-liliis. C.oUo l.cllir se Iruuvo i> la suilc d<- la
lie il,' [.cSu^r, «lise c-ii l('lc tic Vctlili-iK il" /''«-
bhi hoiiitix , Uiion , (^«isso , 1707, <■• iiillrurs.
A. li - T.
TRE
destine de bonne teure à l'état ecclé-
siastique , il fut pourvu de plusieurs
bénélicos, et devint grand-vicaire de
l'archevêque de Rouen. La rc'voUitiou
l'ayant obligé de chercher un asile
dans les pays étrangers , il parcourut
l'Italie, l'Allemagne et la Russie, où
il reçut du grand-duc , depuis Paul
I«i". , un accueil plein de bienveillan-
ce. Aprôs avoir séjourné quelque
temps à Pétersbourg , il vint en An-
gleterre avec l'intention de s'y lixer.
La culture des lettres adoucit pour lui
les peines de l'exil. Lié, depuis son
enfance, avec l'abbé Delille , par la
plus tendre amitié , il fut l'éditeur de
sa traduction du Passage du Saint-
Gothard, ]>okme de M^". la duches-
se de Devonshire , et l'enrichit d'une
ÎNolice historique sur cette dame, que
l'on a conservée dans le recueil des
OEuvres de Delille. Il publia , dans
le même temps, Robert le Brave ,
roman chevaleresque , dont il avait
obtenu la permission d'offrir la dé-
dicace à l'empereur de Russie; mais
quoiqu'il en fût réellement l'auteur ,
il le donna comme un ouvi'age pos-
thume de son père. Rentré eu France,
après le 1 8 brumaire , il s'étabbt dans
une maison de campagne près Paris ,
où il partagea sou temps entre l^é-
tudc et lessoins qu'ildonnait à l'éduca-
tiond'uu troupeau de mérinos. Il mou-
rut, au mois de juillet 1809 , à l'âge
de soixante ans. Outre le roman du
Chevalier Robert , réimprimé à Pa-
ris, eu 1800, in-8° et in-18; à Lon-
dres, 1801 , in-8^., et eniin dans le
huitième volume de la ccllection des
OEuvres de son père, éd. de iB'jS ,
on doit à l'abbé de Tressan : 1. La
Mj'thologie comparée avec l'histoi-
re, Londres, 1776, in-S".; trad. en
allemand, avec des notes, par H.-D.
Koler, Francfort, 1800, in-B*^. j et
réimprimée plusieurs fois à Paris , 2
XLVI.
IRE 4<^7'
vol. iii-i'i. L'édition de 1826 est in-
diqucecomme la huitième. C'estun ou-
vrage élémentaire et adopté pour les
écoles, par le conseil de l'université;
mais il ne dispense pas de recourir à
r Explication historique desjables ,
]3ar Banier ( Foy. ce nom, lil,
3 13 ), dont il n'est guère que l'abré-
gé. II. Une traduction française des
Sermons deHug. Blair, Paris, 1807,
5 vol. in-8°. FJle est très estimée , et
on là regarde comme le premier titre
littéraire de labbé de Tressan. Il se
proposait de pubher un Mémoire
sur les cartes à Jouer, apportées,
suivant lui , par un ^éullien, de la
Chine en Europe ( Voyez V analyse
des recherches sur les cartes , par
M. Peignot, 274)- On trouve une
courte Notice sur l'abbé de Tressan
dans le Magasin encyclopédique ^
1809, iv^ 178. W — s.
TRESSEOL. Foy. Roubaud,
XXXIX, 85.
TRÉTER (Thomas"), savant polo-
nais , se lit connaître du cardinal Ho-
sius, évèquedeWarmie, qui, l'ayant
emmené à Rome , l'employa dans
les afî'aires les plus impoiiantes. Ce
prélat étant mort , la reine Anne Ja-
gellon nomma Tréter chargé d'af-
faires près du Saiuî-Siége ; les rois
Bathoryet Sigismondlll le continuè-
rent dans les mêmes fonctions, qu'il
remplit de manière à gagner la bien-
veillance de Grégoire XIII et de
Clément YII. Celui-ci étant encore
cardinal et devant aller en Pologne
comme légat apostolique , pria Ti'é-
ter de l'instruire sur les choses et les
personnes, et fut très-reconnaissant
des renseignements qu'il en reçut.
Grégoire XIII l'avait nommé à deux,
canonicats et comblé d'autres fa-
veurs. Le cardinal Bathory, évêque
de Warmie, neveu du roi Etienne,
retournant en Pologne, prit avec lui
3?.
498
TRE
Tietcr , à qui il .ivait donne un ca-
nonicat clans sa cajtj^ediale. A Rome,
ïrcter fut regrette par les voyageurs
polonais , qu'il recevait avec une bon-
té touchante. Ou a de lui : I. Quinti
Horatii poemata cum annotationi-
hiiset indice, Anvers ;, Ghr.Plautin ,
15-^6, iu-S*^. W. Romanorum im-
peratonim effigies cum elogiis ,
Rome, i583 , iu-8o. III. Staji.
Hosii cardinalis , majoris pœniten-
tiarii etepiscopi fFanniensis , vita;
— Oratio habita in exequiis ejus-
deiii cardinalis Hosii; — De obi-
tii ejusdem cardinalis Ode lu-
gubris , Rome, 1587 , iu-8'^. IV.
Epistola ad Stephanum I. regeni ,
ibid. Y. Nie. Christ. Radziwilj ,
ducis et Marschalli Lithuaniœ ,
perigriiiatio in Palœstinam annis
1 583 et 1 584 , cib eodem duce qua-
tuor epistolis polonicis ad aniicum
descripta latine reddita , Brauns-
berg , 1601, Anvers 161 4., in-
fo]. VI. Fitce episcoporum Posna-
nitensium , per Joh. Dhigoscum
oliui conscriptœ , cum supplemento,
Braunsbeig, i6o4, in-4°. VU. Vitœ
episcoporum fFarmiensium ex an-
nalibus Heilsbergensibus collectée ,
Cracovie, i685, in-fol. G — y.
TREUER ( GoTTLiEB Samuel ),
professeur de droit public à l'uui-
vcrsile de Gottingue , né, près de
Francfort-sur-l'Oder , le ^4 décem-
bre iG83^ fut, en 1707, nommé
professeur d'éloquence et d'histoire
i> l'académie de Wolfenbuttel, et
en 1714? '» lielmstadt , d'où il passa
à l'université do Gottingue. Il mou-
rut dans cette ville, en 174^, lais-
sant un grand nombre d'écrits, dont
les ]ilus remarquables sont : I. ^po-
logia pro Johanne Basilide II tj-
rannidis vulgb Jalsixpie insimulato,
Vienne, 171 1, in-'i". 11. Observa-
tions sur le droit absolu que les
TRE
princes s' arrogent ( allemand), Leip-
zig et Wolfenbuttel, 171g, in- 80.
IIJ. PuJ'endorf de officio hominiset
civis , cum annolationibus , Leip-
zig, I 7 I 7 , I 7'-i6 et 1735 , in-80.
IV. De licentid peregrinandi legi-
hus circumscribendd , Wolfenbut-
tel, 1720, in- 4". V. Origine des
cercles de Vempire germanique et
circonstances dans lesquelles ils
ont été établis ( allemand ) , Helms-
tadt , 1722, in-4°. VI . Dei>oirsquun
professeur de théologie est tenu de
remplir en Allemagne , d'après les,
lois de l'empire ( allemand ), Leip-
zig et Wolfenbuttel , 1721, in-4°.
VU. Annales academiœ Juliœ ,
quinze semestres de 1720 a 1728.
y\\\.Historia globi crucigeri, sjm-
holi majestatis , et disquisitio globi
duplicati in numniis bracteatis ,
seculo XII et xiii , Brunswick, 1 728,
in-8"., avec planches. IX. Anasta-
sis veteris Germani Germanœque
J'émince , Helmstadt, 1728, 1729,
in-4'*. X. Même origine des deux
maisons de Russie et de Bruns-
wick ( allemand ), iu-fol. XI. Mons-
trum arbitrarii juris territorialis ,
legibus imperii è Germanid projli-
gatum , Francfort et Leipzig , 1 739,
in-4°. XII. Pcedia juris Jéudalis
universalis , Francfort, 1753, in-8'\
Pour les autres ouvrages de Tieuer,
voyez Putter , dans sa Littérature
du droit public d'yillemagne. (i-v.
TREUTLER { Jérôme ) , fils d'un
tailleur de Schneiduitz eu Silésie, né
le i4 fév. 1 505, est au nombre des
pluscélèbresjuriscousultes du xvi™*^.
siècle. Après avoir étudié la philoso-
phie et le droit à Strasbourg , il ob-
tint, en i588, au collège de Mar-
bourg, unemploide professeur qui ne
l'empêcha pas de continuer ses étu-
des juridiques; il j)rit le grade de
docteur en droit , et après wii couri
TRE
séjour à Herboni , où it exerça les
fonctions de professeur au gymnase
académique, il obtint, en l5gi ,
une cliaire de professeur de rhétori-
que à l'université de Marbourg , où
il enseigna aussi le droit civil. En
1694, il fut nommé syndic du ma-
gistrat de Bautzen , et en 1 SgS, l'em-
pereur llodolphe II le fit procura-
teur de la chambre de la Haute-
Lusace. Ce souverain l'anoblit sous
le nom de Treuller de Kroschortz.
Il mourut le 14 février iGcj. Parmi
ses ouvrages , le plus célèbre est :
Selectarum disputationum ad jus
civile Justinianeum volumina 11 ,
Marpurg , \^{YX, 2 vol. in-4''. , sou-
vent réimprimé, et que plusieurs ju-
risconsultes ont commenté. S — l.
TREUVÉ (Simon-Michel), cha-
noine de Meaux,né, le 8 août i65i ,
à Noyon en Bourgogne , entra d'a-
bord dans la congrégation des doctri-
naires, d'où il sortit en i6y3. Après
avoir été ordonné prêtre à Châlons-
sur-Marue, il fut aumônier du comte
deGuitaut, et de M'"''. deLesdiguiè-
rcs , puis vicaire de Saint André-des-
Arts , à Paris , chanoine et théologal
de Meaux. 11 occupa cette dernière
place pendant plus de vingt ans, et
travailla , sous Bossuet, au bréviaire
de Meaux. Enfin , des infirmités l'en-
gagèrent à se retirer à Paris , où il
mourut le 22 février i'j3o. ïreuvé
s'était appliqué à l'étude de l'Ecritu-
re Sainte, et se fit connaître par des
ouvrages dont quelques-uns ont eu de
la vogue, entre autres les Instructions
snrles dispositions qu on doit appor-
ter aux sacrements de Pénitence et
d' Eucharistie ^ i670,in-i2, dédiées
à la duchesse de Longueville , et sou-
vent réimprimées; et le Directeur
spirituel pour ceux qui n'en ont
point , m- 12 , dont il s'est fait aussi
beriucoup d'éditions, l^e Pictionnai-
TRE 499
re des livres Jansénistes signale ces
ouvrages comme remplis d'erreurs.
Treuvé est encore autour d'un Traité
du Devoir des Pasteurs ; du Dis-
cours de Piété, 1696 et iGg-j , 2
vol. in-i2 ; d'une Dissertation sur
V Excommunication , î 726 , in-4''. ,
et in- 12 ; de deux Retraites de dix
jours , ayant chacune sa méditation j
de Prières tirées de V Ecriture , et
d'une Histoire de Duhamel , docteur
de Sorbonne. Il mit en ordre les cas
de conscience de Lamet et Froma-
geau , publiés en 1732 , 2 vol. in-4°.
Treuvé était un ecclésiastique exem-
plaire et un écrivain laborieux ;
mais ses ouvrages se ressentent des
opinions qu'il avait adoptées sur les
contestations de son temps. P-c-x.
TRÉVILLE. For. Touche.
TREVISANI ( François ) , pein-
tre, né, à Capo dTstria , en i656 ,
d'Antoine Trevisani , architecte, fut
élève du Zanchi , qui florissait à
Venise. Il est connu aussi sous le
surnom de Trevisani le Romain ,
pour le distinguer de son frère An-
giolo , qui ne quitta jamais Venise.
Son père lui avait donné les premiers
éléments du dessin j ses progrès fu-
rent rapides , et on le mit sous la
direction d'un certain peintre fla-
mand , qui avait un talent particulier
pour peindre de petits sujets qui re-
présentaient ordinairement des En-
chantements , des Sabats et autres
objets du même genre. Séduit par la
manière de ce maître , il s'appliqua
avec tant de persévérance à l'imiter,
qu'avant l'âge d'onze ans accomplis il
exécuta un tableau de son invention,
qui fut regardé comme un prodige.
C'est alors que son père l'envoya à
Venise pour y étudier\sous le Zanchi.
Pendant son séjour dans cette ville ,
il se livra avec ardeur à tous les exer-
cices du corps qui entraient, à cette
32..
5oo ÏKK
époque, dans l'éducation de la no-
blesse, et obtint les plus grands suc-
cès. Il n'était pas moins habile à
jouer la comédie et à improviser ses
rôles : son esprit , sa beauté firent
tant d'effet sur une jeune demoiselle
de Venise, qu'elle consentit à quitter
la maison paterneile pour suivre son
amant. Tous deux, se réfugièrent à
Rome , où Trevisani fut accueilli
par le neveu du pape Alexandre
VII , le cardinal Flavio Chigi ,
qui lui (it confier des travaux im-
portants , notamment le beau ta-
bleau de Saint Erasme , desliné
à la principale église de son évé-
ché de Porto. Le duc de Modène
le chargea de faire la copie des
plus beaux ouvrages du Corr^ge
et de Paul Véronèsc. C'est alors que
le cardinal , son protecteur , lui (it
obtenir la dignité de chevalier. La
vue des chefs-d'œuvre qui le frap-
paient de toutes parts à Rome lui
lit changer totalement sa manière
primitive; il s'en forma une analogue
au goût qui régnait à cette époque j
mais un talent réellement admirable,
que personne ne posséda jamais au
même degré que lui , c'éiait de con-
trefaire toutes les manières, et de
paraître à son gré et toujours heu-
reusement soit de l'école du Cignani,
soit de celle du Guidc.On voit à Forli,
dans la galerie des seigneurs Albic-
cini, une quantité de tableaux peints
par lui dansdilïércnts styles, et dont
le plus remarquable est un Crucifie-
menl de pctiîc dimension, que l'ar-
tiste lui même regardait comme son
chef-d'œuvre , et dont il oHrit une
somme considéiable pour le ravoir.
Toutes les figures y sont peintes avec
le fini le ])!us [)récieux, et le piiiceau
le plus spirituel, (i'est à lioine que
Trevisani a laissé un grand nombre
<ic ies produclion.s j elles se distin-
TRE
1
guent par un beau choix, un pin-
ceau fin , un ton général plein de
feu. Son Saint Joseph mourant ,
dans l'église du collège royal, est
un ouvrage célèbre. On fait un
grand cas d'un tableau qu'il a peint
dans le palais Spada , pour servir de
pendant à un tableau du Guide, et qui
soutient dignement le parallèle. Clé-
ment XI l'honora de son estime , et
lui confia l'exécution non -seulement
d'un des Prophètes du palais de Saint-
Jean-de-Latran , mais d'une partie
de la coupole du dôme d'Urbin. Il
représenta, dans les pendentifs , les
(Quatre parties du inonde , peinture
admirable et vraiment rare par le
coloris, l'imagination et la l.ieauté du
dessin. Quelques autres tableaux qu'il
a eKe'culés , soit à Bologne , soit à
Camerino, soit à Pérouse ou à Forli ,
sont plus ou moins soignés , ])lus ou
moins travadlés; mais tous présen-
tent de très-belles parties. La répu-
tation que lui avaient méritée tant de
beaux ouvrages parvint en Russie
jusqu'aux oreilles de Pierre-le-Grand,
qui lui demanda plusieurs tableaux.
Trevisani s'empressa de répondre à
une demande aussi honorable ; et
le monarque, satisfait de son tra-
vail , l'en récompensa magnifique-
ment. Le Musée du Louvre possède
deux tableaux de ce maître : I. La,
Fitrge couvrant d'une draperie
l'Enfant- Jésus qui dort; saint Jean
lui baise la main , et tous les anges
charment son sommeil par leurs
(liants. IL Jésus , assis sur une ta-
ble , montre à sa mère une grena-
dille , symbole mystérieux de la
Passion) la Vierge^ qui le soutient,
lui fait voir une tige de lis, emblème
de sa pureté inaltérable. Trevisani
moiuiit à Rome, en 17/16. — Angiolo
Trkvisani , frère du précédent, na-
quit, comme lui, à Capo d'hlria, et
TRE
fut élève du Zanchi. Il ne quitta point
Venise, comme son frère , et se fît
distinguer parmi les meilleurs artis-
tes de l'école. Les tableaux de son
invention, que l'on voit dans la Char-
treuse et dans plusieurs autres églises
de Venise, méritent d'clre loués ;
mais c'est principalement dans le
portrait qu'il se met hors de rang.
Ce genre ne lui a pas donné un style
saillant ; néanmoins il est tou] ours na-
turel et d'un bon choix; son pinceau
est soigneux et recherché, surtout
dansl'artdu clair-obscur. P^s.
TREVISANO (Paul), voyageur,
né à Venise, vers i45'2, d'une an-
cienne famille , parcourut la Syrie,
l'Egypte , l'Arabie , la Palestine et
l'Ethiopie , et lit un assez long séjour
eu Chypre, oîi il épousa , en 1484,
une riche veuve. Son habileté dans
les ai'f'aires le fit choisir par le grand-
maître de l'ordre de Saint-Jean de
Jérusalem , ptour négocier un traité
de paix avec le Soudan d'Egypte. Il
fut ensuite provéditeur de la répu-
blique de Venise _, à Sale dans le
Eressan, où il était encore en i5o5.
11 avait écrit, pendant son séjour en
Chypre : De Nili origine et incre-
inento : item de JEthiopiim regione
et moribus liber singularis , compo-
silus per me Paulum Trevisanum ,
nohilein venetuiii , in insidd Cr-
pri, anno reparatœ salutis m.cccc.
i.xxxiii. L'abbé Morelli , qui a re-
cueilli tous les détails relatifs à Tre-
visano , regrette que ce manuscrit ,
dont il n'existait peut-être qu'une
copie, se soit égaré. Trevisano était
connu pour avoir porté dans ses
voyages cet esprit d'observation
qui les rend utiles. E — s.
TREVISANO ( Marc- ÀNTomE ) ,
fut élu doge de Venise, le 4 juin t 553 ,
pour succéder à François Donato.On
vantait sa piété et sa sagesse; mais
TRE
5oi
il eut peu d'occasions d'en donnei
des preuves pendant son gouverne-
ment, étant mort le 3i mai suivant.
Sous son règne , quoique l'Italie
fût embrasée par la guerre entre
Charîes-Quint et Henri II , Venise ,
fidèle à sa politique , conserva et fit
respecter sa neutralité. Il eut pour
successeur François Venieri. S. S-i,
TREVISIO l André ), médecin
célèbre vers la fin du seizième siècle,
était seigneur de Slonghelio : il na-
quit à Occimiano en Montferrat, ou ,
selon quelques-uns , à Fontanello dans
le Novarais. Pendant qu'il exerçait
la médecine à Ga'larate , commune
du duché de Milan , des fièvres épi-
démiques y régnèreut , en i5B7 et
I 588. Trevisio en rechercha les cau-
ses et la nature , et ayant atteint
heureusement son but par une suite
non interrompiie d'observations , il
publia : De causis , natiird , mori-
bus et curatione pestilcntium fe-
brium vidgb dictarum cum signis
«Ve petechiis , Milan, i5H8, in-
4". Sa réputation devint si bril-
lante que la plupart des poètes con-
temporains célébrèrent son mérite,
et lui dédièrent leurs ouvrages. Il fut
nommé premier médecin et gentil-
homme de la chambre de l'infante
Isabelle-Claire-Eugénie et de i'archi-
duc Albert, son époux,dans le temps
où ces prnices gouvernaient les Pays-
Bas. Après la mort de l'archiduc, en
1(^21 , Trevisio , voulant donner tm
témoignage ])ublic de reconnaissance
envers le prince défunt , qui l'avait
comblé de bienfaits , publia sa Vie
sous ce titre : Phœnix principiun ,
sive ^Iberti pii morientis vita. De
retour en Italie, il s'établit à Pavie ,
où il assista , avec Louis Setfala ,
aux découvertes de Gaspard Alseliio,
qui, dans son ouvrage /)e/rtc/e«5
venis , c. ix, s'exprime ainsi : Jn.
aq'i
TRK
dr.cas Trcvisius . serenissinia.' Infaii-
tis Archiater , iwminis J'anid et
doctrines ahundantid nulli clarissl-
jnoruiti mcdicorum secundus. En
!Gi4., ïrevisio fonda, dans le cou-
vent des Augustins de Casai, uu col-
lège, où se[)t pauvres étudiants du
Montferrat devaient être entretenus
et instruits dans les lettres et les
.sciences, par les religieux ; et il leur
légua un revenu de sept cent soixante-
dix ëcus : mais , en 1619, les PP. A u-
gustins cédèrent ce collège aux PP.
de la congrégation Somasque. Cette
fondation existe encore au lycée de
Casai. P — I.
ÏREW (Abdias), matliémati-
<;ien , ué à Ansbach le 29 juillet
i59'j . fut professeur de physi-
q^ue à l'université d'Alldorf , 011 il
érigea , en iGSy , un observatoi-
rCj le premier que l'on ait vu dans
ces contrées. Il éloigna des études
de l'astronomie tout ce qui tenait à
l'astrologie. Les Protestants n'ayant
])oidt voulu admettre le calendrier
grégonen , il corrigea celui qu'ils
s'obstinaient à garder. Il a fait, dans
la théorie de la musique , des décou-
vertes heureuses. Trew mourut, à
Altdorf , le 12 mars 1G69. Il avait
])ublié : I. Compendium forlificato-
rum , avec figures , Nuremberg ,
1G41 , in- 12. II. Sur l'aiyeutage
( allemand), Nuremberg, i64i ,
seconde édition, 1GG8, iu-S". III.
Dircctoriuin mathematicuin , qiio
tola matliesis et umnes cjus partes,
nominatini arithmetica, geometria,
astrunomiu , geographia , optica ,
liarmonia, mechanica , mclhodicè
disci possunt , Nuremberg, iG'i'y ,
in-4°- 7 avec figures. IV. Summa
geometriœ prnclicœ , addiiis anno-
talionibus et addUiunibus arithme-
ticis , trigonometricis , graphicis ,
Nurrmbcig, iG63, in S'', avec fig.
TRE
V. Théorie du calendrier (allem.)
Lunebourg, 166G, in-4°. G — y.
TREW ( Christophe Jacques) ,
médecin et botaniste célèbre , était
petit-fils du précédent , et naquit, le
•26 avril 1 695 , à Lauf en Franco-
nie. Il publia â Altdorf , où il avait
fait ses études , ses deux premiers
ouvrages intitulés , l'un : De sudo-
rihus jioctiinds , 1714 5 in-4°. , et
l'autre : De Chjloso fœtu in utero ,
1 7 1 5 , in-4°. , réimprimé par Haller
dans le V^. tome de ses Dissertationes
anatovùcœ selectœ. Eu 17 17 , après
avoir parcouru la Suisse et une par-
tie de l'Allemagne , Trew vint à
Paris , où il passa treize mois , visi-
tant les hôpitaux^ les bibliothèques,
les cabinets d'histoire naturelle, les
établissements d'anatomie, de bota-
nique et de chimie. Les jeunes Alle-
mands qui faisaient leurs études à
Paris le choisirent pour leur méde-
cin , et avec deux d'entre eux , il vi-
sita la Hollande , Hambourg etDant-
zick. Il revint à Nuremberg, en 1 720,
avec les richesses qu'il avait acquises
dans ses voyages , et fut heureux dans
sa pratique : des cures fréquentes ,
diliiciles, répandirent sa réputation
dans toute la Franconie. En 1780,
il fit partie de la société Norique, que
quelques savants avaient formée à
Altdorf , sous ce titre : Commer-
cium Noricum litterario - phjsico-
technico medicuin , et lui ayant
communiqué des Mémoires intéres-
sants il en fut le directeur depuis
1734, jusqu'en 1745. En 1727 , il
avait été reçu membre de l'acadé-
mie de Nuremberg , qui le choisit
pour son directeur en 174G. Les
académies des sciences de Ijondres ,
de lierlin et de Florence le nommè-
rent aussi membre honoraire. 11
mourut le 18 juillet 17G9, le jour
uirmr ou il devait se rendre à Erlan-
TRE
gCii , d'après mie invitation |nos-
sante que le margrave d'Anspach Itii
avait adressée. Sa bibliothèque et
son cabinet d'histoire naturelle , de
botanique , d'anatomie , de gravures
et de peinture étaient des plus riches
que jamais particulier ait possèdes.
Un an avant sa mort , il avait , par
testament, fait àl'iiniversitèd'AItdorf
un don digne de la munificence d'uh
prince , consistant en manuscrits ,
livres rares , dissertations , gra-
vures , tableaux , machines et ins-
truments de chirurgie et de phy-
sique ; enfin en productions des
trois règnes de la nature : sa biblio-
thèque avait plus de trente -quatre
mille volumes , sans compter les Dis-
sei'tations , dont le nombre allait i
seize mille cinq cent quatre-vingt-
seize, relie'es en trois cent quarante-
six voUimes. On y trouvait , entre
autres, toutes les éditions de Virgile
qui avaient paru jusqu'alors. Les li-
vres doubles furent envoyés à l'uni-
versité d'Erlangen. La veuve de Trew
ajouta à ce legs un capital de six
mille florins, pour être emjiloyé d'a-
près le plan qu'il avait donné. Les
libéralités des deux époux avaient
pour principe les motifs les plus no-
bles. Ils se souvenaient avec recon-
naissiince que leur grand-père, Ab-
dias Trew , dépouillé de tout , pen-
dant la guerre de Trente-Ans , avait
été reçu avec bienveillance par la
ville de Nuremberg , qui, ayant d'a-
îjord pourvu à ses ])remicrs besoins ,
l'avait nommé professeur à l'univer-
sité d'Altdorf. Pendant qu'il faisait
venir de toutes parts des objets rares
pour enrichir sa bibliothèque et son
cabinet , Trew exécutait des entre-
prises qui répondaient à son immense
fortune et à son amour pour les
sciences et les arts. Il était l'ame de
la société iVoriquc , de l'académie
TRE 5o3
d'histoire naturelle, et qnoiqu'd prît
une part active à leurs travaux , il
publiait de bons ouvrages sur l'ana-
tomie , la médecine et la botanique.
Voici les principaux A. De Dijf'eren-
liis quibusdam interhominem natum
et hominemnascendum , Nuremljerg,
1 786, in-4*'. , avec des planchesqui re-
présentent la structure du fœtus dans
les développements successifs de ses
formes. W.Epistola adAlh. Ilaïle-
riivi de vasis liiiguœ salivaUbus at-
qiie sajiguiferis . III. Tabulée osteolo-
gicœ , seu omnium corporis humani
perfecti ossium imagines ad duc-
tum naturœ reprœsentatœ , avec
la version allemande en regard et
quarante planches enluminées , Nu-
remberg , 1767, grand in-fol. IV.
Anevrysmalis spurii post vence ba-
silicce sectioncm orti historia et
curatio , Nuremberg , 1 769 , in-4*'. ,
avec planches ; réimprimé à Stras-
bourg, 1785.V. Traité élémentaire
de V -4natomie , autant que cette
science peut être nécessaire aux
peintres (allemand ) , Nuremberg ,
17G7 , in-fol. VI. Planlarum
Hetruriœ rariorum catalogus , Nu-
remberg, i7'^5. VU. Description
de VAloës américaine en jleurs
( allemand ) , 1727. VIII. f'^asa
nutritia J'oliorum arboreorum , ou
Mémoire historique sur l'anato-
mie des plantes , sur leurs veines
et sur les vases nutritifs des feuil-
les ( allemand ) , Nuremberg , 1 7 4^ ,
in-fol. , avec planches enluminées.
IX. Plantœ selectce nominibus pro-
priis notisque illustratœ , in œs in-
cisce et vivis coloribus reprœsen-
tatœ, Nurembci'g . 1750 à 1760.
Cette magnifique Flore devait jiaraî-
tre par décades; les scpt])reinicres
seulement ont été publiées. Les con-
naisseurs admirent la beauté des
soixante-douze planches. X. Jlortus
5om
TRE
nitidissirniis omnem per annum su-
perhlens Jloribus , seu amœnissi-
viœjlonim imagines , quas jnagnis
sumptihus collegit Chr. Jac. Tre-w,
M urcmberg , 1760 à i-yôS, in-fol.
Il a paru six décades de ce beau tra-
vail relatif aux fleurs des jardins. 11
est orne de planches. XI. PZrtnfœ ra-
riores quas ipse in horto dumestico
coliiit, secundùni notas suas exami-
vai'it et hreviter explicavit, Nurem-
berg, 1763, in-fol. , avec planches.
Xll. Herbariuni Blackwellianuin
auctum , ex anglico idiomate in
latimim conversum , Nuremberg ,
17J0 à 1760, 5 vol. iu-fol. , avec
planches. Cette e'dition de l'Her-
bier de Blackwell ( Voy. Blacr-
WELL , ( Alexandre ) IV , 546 ) ,
est d'autant plus estimée , que Trew
y a ajouté la description d'un grand
nombre de plantes. XIII. Libre-
mm botanicorum catalogns, Nu-
remberg, 17.533 1707 , 3 vol. in-
fol. XIV. Cedrorum Libani histo-
ria earumquc character botanicus ,
cim illo laricis , abietis , pinique
comparatus.Accedit disquisitio, an
hœc arbor sit illa ipsa in S. Cod.
prœ omnibus célébrât a et vel Aères,
vel Berosch dicta , Nuremberg ,
1757 à 1767 , in-4°., avec plan-
ciies. XV. Apologia et Mantissa
cbservationis de cedro Libani , Nu-
remberg , 1 767 , iu-4°- XVI. Icônes
poslhumœ Gesnerianœ y Nuremberg,
174B. Cette publication fut faite avec
les plaiiches en bois que Trew avait
achetées après la mort de Gesner ,
et par le moyen desquelles il lit con-
naître les formes de deux cent seize
plantes dillérentes {V. Gf-sneu (Con-
rad ) XVII, 24^. ). Peu de temps
ayant sa moit , et ajjrcs avoir fait
.ron testament, Trew pid)lia le Cata-
logue de sa bibliotlièque : Catalogns
bihliolliccœ jncdica; , philosophica' et
TBI
miscellaneœ decursu quinquaginta
annorum in privatum et publicum
usum collectœ et acad. Norico-Al-
torjinœ post suafata ultima traden-
dœ, Nuremberg , 1769, in-S». G-Y.
TRIAL (Antoine), acteur français
de la comédie italienne, naquit en
1786, et fut d'abord enfant de chœur
à la métropole d'Avignon , sa patrie.
Ayant ensuite joué la comédie pen-
dant quelques années en province , il
fut appelé par son frère (i) à Paris,
en 1764 : il y débuta au tliéâtie
Italien , le 4 juillet , par le rôle de
Bas tien dans le Sorcier, ensuite par
ceux de Colin dans le Maréchal , de
JVouradin dans le Cadi dupé , etc.
Une figure agréable, une taille avan-
tageuse , une parfaite connaissance
de la musique, beaucoup de finesse
et d'intelligence dans le jeu lui obtin-
rent tous les suffrages. Mais sa voix
un peu nazillarde, et son accent pro-
vençal, qu'il ne put jamais déguiser,
le déterminèrent à quitter l'emploi
des Colins , qui lui offrait d'ailleurs
dans Clairval un émule trop redouta-
ble. Il joua les comiques, les pay-
sans , les niais , les valets poltrons ,
etc., et acquit une réputaiion dans
cet emploi qu'il a créé et auquel son
nom est resté. Dans le nombre inlini
des rôles que Trial a mis au théâ-
tre , nous nous bornerons à citer : le
Grand cousin dans le Déserteur ,
Aly dans Zémire et Azor ; Crispin
dans la Mélomanic , André dans
V Epreuve villageoise, Thomas dans
Alexis et Justine , le Nègre dans
V Amitié h Véprem'e , Antoine dans
\e Comte d'Albert , et Fabio dans
Camille. Quoique l'on fiit en droit
(i) Jcaii-Cliuule Trial, né à Avignon on I7[|4,
niininit Hiibilcim-iil Je 113 juin 1771 , Jl P»r>» , "îi il
rtnil , av<!0 liiiliiii , l'un tins rlirerleur» d<: rt>p>-.
la. «tn a (U: lui la iiiiiMf|in- de JV/rir, relie rlr
l'hionn , de 11 Chu r/icit <e 4''-''P>'il, d'JCso/te a Cx
TRI
de lui reproclier un peu d'uuifor-
mité dans sa manière de jouer, il
avait obtenu l'estime et la faveur du
public , qui ne manquait jamais de
l'applaudir. Ce fut, sans doute, le
désir de plaire au parterre , qui le
jeta dans le système de la révolution
et lui en fit adopter les principes les
plus exagérés. Son exemple prouve
qu'on peut être honnête homme et
se laisser entraîner à des excès dé-
plorables. Il fut , en 1793 , membre
du comité révolutionnaire de la sec-
tion Lepelletier ; il était encore char-
gé des actes civils de son arrondisse-
ment, lorsque le g thermidor eut
amené un nouvel ordre de choses.
Trial éprouva sur la scène l'humilia-
tion la plus sensible. On lui deman-
da compte des infortunés qu'on
l'accusait d'avoir envoyés à l'écha-
faud (2). On le força de se mettre à
genoux et de chanter le Réveil du
■peuple au milieu des huées et du
bruit des sifflets qui couvraient sa
voix. Emu de cette avanie, Trial osa
se présenter le lendemain pour rem-
plir ses fonctions municipales ; mais
il essuya de nouvelles mortifications,
et fut rejeté comme indigne de pro-
noncer l'union conjugale. Il ne put
résister à celte double secousse: ren-
tré chez lui , il n'en soinit plus , et
la honte , les remords , ou , suivant
d'autres, le poison qu'il prit lui-mê-
ine , terminèrent ses jours, le 5 fé-
vrier 1793 , à cinquante-neuf ans.
ihere .iXq plufioiirs Cnntales. e!c. C'était un bon
iiiusitleu , un Imliile vlolunlste pour fon temps.
>.) M'oe de .Sainle-AinarantLe.ilont la fille avait
vpou.se le Gis Sarliiie, tenait une espèce de maison
de jeu et recevait à diner. Trial , Salnl-Jiist et
Koliesi-ierre étalentqnclqurrnisau numlire J<'s con-
vives. Un jour, dans renlraineincnt de la conver-
sation , Robespierre laissa échapper quelques pa-
roles annonçant ses pru'iels. Triai, sortant avec
lui , lui Til remarquer qu'il s'était compromis par
• on indiscrétion. (;Vn fut asser pour que la perle
de tous les convive» lût risolnc ( / nv. UoBES-
ritniiK . À. B— T.
TRI 5o5
— Trial ( Marie - Jeanne Milon ,
épouse , en secondes noces , d'An-
toine), naquit à Paris le i'"'". août
1746, débuta sur le théâtre Italien ,
le i5 janvier 1766, sous le nom de
Félicité IMandcville , par les rôles de
Laurette dans le Peintre amoureux,
et de Perrette dans les Deux Chas-
seurs. M""^. Trial est la première
qui y douée d'un organe très- favora-
ble , ait montré sur ce théâtre et
dans notre mtisique un chaut si fa-
cile qu'elle semblait se jouer des
difficultés; talent poussédepuis bean-
coup phis loin par les cantatrices
formées à la méthode italienne. C'est
pour elle qu'ont été faits les rôles de
la Rosière , de la Relie .Arsène , de
Lucette dans la Fausse Magie , de
Leonore dans Vjlmant jaloux , et
plusieurs autres qui exigent plus de
talent pour le chant que pour le jeu.
Sa mauvaise santé l'obligea de quit-
ter le théâtre en t 786 ; et cependant
elle a survécu trente-deux ans à sa
retraite, car elle n'est morte que le
1 3 février 1 8 1 8. Elle partagea les op-
nions révolutionnaires de son mari ,
et l'on croit même que c'est à elle
qu'il dut son exaltation. — Trial
( Armand-Eraanuel ) , fils unique des
précédents, naquit à Paris en 177",
reçut une éducation soignée, et mon-
tra, de bonne heure, des dispositions
pour la musique ; il composa celle
de trois opéras-comiques qui furent
joués sur le théâtre Favart : Julien
et Colette ou la Milice , paroles de
Parisau , 1788; Adélaïde et Mir-
val , avec Patrat, 1791 ; les Z^eH.f
Petits aveugles , poème de Noël ,
1792, qui eut quelque succès; et
deux pièces de circonstance , dont
les paroles étaient de Joignv: Cécile
et Julien ou le Siège de Lille , en
1 793 ; et les Causes et les ejfets .
en 1794- Celle-ci tomba , quoique
5o6
TRI
bien en liannonie avec l'esprit du
temps ', l'autre réussit à cause de
quelques jolis airs, et surtout de trois
couplets qui , chantés d'une manière
originale et piquante par Elleviou ,
contribuèrent à établir la réputation
naissante de cet acteur. ïrial , après
la mort de son père, épousa Jeanne
Rigoney jVIéou , actrice du théâtre
Favart. Sage et rangé pendant sa
jeunesse , il changea de conduite
depuis son mariage, et vécut mal
avec sa femme, qui, engagée dans une
troupe de comédiens pour les colo-
nies , alla mourir à la Guadeloupe. 11
mourut lui-même des suites de ses
débauches , le 9 sept i8o3. A — t.
TRIBOLO (NicoLÔ, dit le) , scul-
pteur , naquit à Florence eu 1 5oo.
Son père , nommé Raphaël de' Peri-
coli , exerçait le métier de menuisier,
qu'il voulait faire apprendre à son
lils. La vivacité et la turbulence du
jeune Nicolô lui firent donner par
ses camarades le surnom de Tribolo,
qui lui resta j mais Baldinucci s'est
trompé quand il ajoute que sa témé-
rité .V s'exposer à tous les périls en
montant sur les échafaudages , les
toits , lui fit donner aussi celui de
NicoVo de PericoU , puisque ce
dernier nom. était celui de son père ,
qui , sachant que le dessin était né-
cessaire pour réussir dans son état,
le plaça chez un habile menuisier ,
nu miné Nanni Unghero ; celui-ci ac-
cabla son apprenti de tant de tra-
vail , que sa santé s'en altéra. Le
Tribolo avait fait coimaissance, chez
Nanni, avec le Sausovino , qui, char-
mé de ses dispositions, le prit avec
lui pour les cultiver. Sous ce nou-
veau maître, il s'occupa sans re-
lâche à modeler et à dessiner , et le
S'insoviuo lui conlia l)ient(jt quelques
travaux dont il se lira ave(' honneur.
Assez habile désormais pour Iravail-
TRl
lor de lui-même , il fut appelé à Bo-
logne, et il fit, pour la façade de l'é-
glise de Sainte Pétrone , deux statues
en marbre de Sybillcs , qui eurent le
plus grand succès. La peste qui , à
cette époque (iSsS), ravagea Bolo-
gne , le força à revenir à Florence ,
mais il se hâta de retourner dans la
première ville dès que le fléau eut
cessé. MesserBartolommeo Barbazzi,
son protecteur , le chargea de faire
un tombeau pour sa famdie et pour
lui-même. L'artiste se rendit à Carra-
re, pour y cboisir les marbres et ébau-
cher les statues , a(in que le transport
en fût moins difficile. Tandis qu'il s'oc-
cupait de ce grand travail, Messer
Bartolommeo mourut, et sa douleur
eu fut si grande qu'il quitta soudain
Carrare pour retourner à Florence.
En passant par Pise , il lit pour
Anastase de Pietra Santa , sculpteur
habile et son ami intime , une"'sta-
tue en marbre , d'un des deux, anges
destinés à être placés au haut de cha-
cune des colonnes du tabernacle du
Saint- Sacrement dans l'église du
Dôme ; ouvrage admirable , pour la
légèreté , la grâce et la hardiesse.
Jean-Baptiste délia Palla , que Fran-
çois P^. avait chargé d'acquérir
pour lui les plus beaux ouvrages an-
tiques et modernes , fit exécuter au
Tribolo une statue de la Nature ,
destinée à supporter la vas(jue d'une
fontaine : cet ouvrage ])lut tant au
roi (fu'il le fit placer dans le chà-»
teau de Fontainebleau. En tSug , le
pape Clément VU étant venu assié-
ger Florence , eut besoin, pour con-
duire les travaux du siège, d'un plan
de la ville et des environs. Le Tri-
bolo , par une trahison qui doit le
dc'shonorer à jamais , oubliant ce
qu'il devait à sa patrie , s'occupa ,
j)endant plusieurs nuits , à lever le
piau de la ville, cl le fil parvenir au
TRI
pape dan« des ballots de laiut'S , (|iie
l'on expédiait à Pérouse ; et c'est en
consultant ce plan que Clément \ II
parvint à s'cnipai-er de Florence. Le
pape, après sa conquête, n'oublia
pas celui qui l'avait facilitée , et lui
confia le soin de terminer une partie
des travaux de N.-D. de Lorette ,
que la mort d'André Contucci avait
laissés imparfaits. Il y exécuta , eu
concui'rence avec les plus habiles ar-
tistes , la plupart des sculptures qui
restaient à faii'e; et son bas-relief re-
présentant le mariaj^e de la Vierge
elfaça tous les ouvrages de ses concur-
reus. Il avait encore fait les modèles
en cire des figures des prophètes qui
devaient orner les niclies de cette
église , quand le pape lui ordonna de
revenir à Florence pour y terminer ,
sous la direction de Michel-Ange ,
les figures qui manquaient à la cha-
pelle de Saint-Laurent , et dans la bi-
bliothèque Laurenziana. Michel-Ange
lui confia l'exécution des deux statues
destinées à l'ornement du mausolée
de Julien de Médicis • l'une représen-
tant la Terre couronnée de cyprès ,
pleurant la perte qu'elle vient de
faire , et l'autre : le Ciel qui , les
bras élevés ^ témoigne sa joie de
recevoir l'ame de Julien. Une fiè-
vre obstmée empêcha long - temps
l'artiste de s'occuper de cet impor-
tant travail. Eniin , surmontant son
mal , il avait terminé le modèle de
la statue de la Terre , et commen-
çait à eTîaucher le marbre , quand
la mort du pape arrêta ses travaux.
Vasari , qui était lié avec lui , le re-
commanda vivement au grand-duc
Alexandre. 11 fut chargé de sculpter
les armes de Médicis sur l'une des
faces de la citadelle que ce prince
faisait élever. Les deux figures de
Victoires qui soutiennent ces armes,
sont un chef-d'œuvre digne des an-
TRI 5o7
ciens. Lorsque Charles Quint , après
son expédition de Tunis, vint à Flo-
rence , Le Tribolo exécuta , sous la
direction de Vasari, la plupart des
sculptures, cf particulièrement quatre
ligrires colossales destinées aux fêtes
données à ce prince, amsi qu'une gran-
de partie des décorations élevées pnur
la réception de l'archiduchesse d'Au-
triche et le mariage de cette prin-
cesse avec le grau'd-duc Alexandre.
La mort de ce prince, assassiné par
Pierre -François de Médicis , sem-
blait devoir clianger toute la fortune
de Tribulo ; et il se préparait à suivre
Vasari à Rome, pour v obtenir des
travaux , lorsque le grand-duc Cosme
I'-'' . , auquel il avait été vivement re-
commandé , le chargea de la direc-
tion des fontaines devant porter
les eaux de la Castellina , jusqu'à sou
château de Castello et de Fexéculion
des armes destinées à être placées
sur l'une des faces de la forteresse
élevée sur la colline deSaiut-Miniato.
Les groupes de marbre , les orne-
ments , dont il décora la fontaine de
Casteilo , étoiiuèrent tous les yeux ,
par lem- richesse , leur variété et
leur perfection. On admira surtout
une figure ds njmphe qui. en pres-
sant ses cheveux , eu fait sortir de
l'eau. 11 avait le projet d'embellir ces
jardins de monuments qui en au-
raient fait un lieu unique dans le
monde ; mais divers travaux dont le
duc le charîrea , entre autres le pont
■ ■•11
sur la Mugnone , qui va rejoindre Ja
grande roule de Bologne, ne lui per-
mirent pas de donner suite à ces
projets. Le grand-duc lui avait confié
l'exécution du mausolée qu'il voulait
élever à la mémoire de son père , et
le Tribulo était déjà allé à Carrare
pour en choisir les marbres ; mais
Bandinelli fit tant par ses intrigues
qu'il lui enleva cet ouvrage. Lors
ioR
TRI
ik'S i'ctes cëlébîëes à Florence jiour
Je maiiage d'ÉIéonore de IMëdicis
avec !e vice-roi de Naples , ce fut
Tribolo qui donna !es [)lans de {'arc
de trioniplie et de la plupart des
décorations ; et ce fut aussi lui qui
eu lit presque toutes les sculptu-
res, ])armi lesquelles on remarquait
une statue e'questre de Jean de Me'di-
cis , père du grand-duc. Sans rival à
cette époque dans la sculpture , il se
crut également habile comme ingé-
nieur, et voulut diriger le cours des
eaux du territoire de Florence; mais
loin d'y réussir, il ne fit que me'-
contenter tous les propriétaires :
un grand nombre d'inondations eu-
rent lieu par suite de ses travaux.
Les plaintes qui retentirent de tous
côtes firent sur lui une si forte
impression, qu'il en tomba malade^
et mourut le -j sept. i55o. Avec
lui s'évanoiiirent les projets d'cra-
bellisseracnts de Castello et du palais
Pitti , que le giand-duc Cosme venait
d'acheter, et dont il voulait lui con-
fier les travaux. P — s.
ÏRIBONIEN (Tribouniangs),
jurisconsulte grec, ne, à Side eu Pam-
philie, vers le commencement du
sixième siècle , fils d'un obscur Ma-
cédonien, parvint, sous Justinienlei'.,
aux plus hautes dignités. Il passait
pour l'homme le plus savant et le
plus spirituel de ce temps-là. Son
urbanité, sa douceur, les grâces de
son élocution , l'étendue et la variété
de ses connaissances, le faisaient ai-
mer et admirer de tout le monde
{Prncop. in [l(4lo pers.). A]»rès avoir
cultivé les lettres et la philosophie ,
il se livra exclusivement à la ]inis-
prndcncc. Cette science, dont les élé-
ments étaient encore épars et cnm-
Tne ensevelis dans les innombrables
écrits des anciens juiisconsultes de
Rome, offrait alors l'image du chaos.
TRI
Tribonien l'eu fit sortir; et l'on peut
dire qu'il créa , pour son siècle du
moins , la science que les moder-
nes ont depuis portée à un si haut
degré de perfection. Parmi ceux
qui osaient alors aborder les sources
du droit romain, on comptait à pei-
ne quelques érudits ou quelques étran-
gers qui aspiraient à s'élever. Tribo-
nien fut du nombre de ces derniers.
Souple , insinuant et persuasif, l'art
avec lequel il savait ajjprêter la
louange ne contribua pas peu ta son
élévation. Mais c'est surtout aux ta-
lents qu'il déploya comme juriscon^
suite qu'il doit sa célébrité. Il suivit
la carrière du barreau , plaida quel-
que temps devant les hautes cours
de Constantinople , appelées préfec-
tures Judiciaires , et fut ensuite ad-
mis, comme rapporteur, au conseil du
prince. Justinien , qui se connaissait
en hommes {F. BÉi.isaire et Nar-
sÈs ), discerna bientôt le génie de
Tribonien. Occupé de grands projets,
cet empereur sentait le besoin de
s'adjoindre pour la direction des af-
faires de l'empire un administrateur
suprême. Tribonien kii parut réunir
les qualités qu'exigeait ce poste
élevé. Il le nomma donc successive-
ment questeur , maître des ciliées ,
préfet du prétoire et consul. Ce fut
sous ces dilïérents titres qu'à l'exem-
ple de plusieuis autres empereurs ,
Justinien fit d'un jurisconsulte son
])remier niiuistre ( i ). Tribonien avait
déjà donné les plus grandes preuves
d'habileté dans l'exercice de ces di-
verses fonctions , lorsqu'une entre-
prise , la pins importante de celles
qiii ont illustré le règne de Justinien,
lui fournit l'occasion de se distin-
guer à-la-fois comme jurisconsulte et
(i) Tri. fniPiit li.iis r.iii>.'nT iuriscoiisiilln. >a-
oir Pi-(;.l7.i-, .1)11» Tr;ii.iii ; Pn|>lnii>ii . Jiilis \i'ê Art-
niiii", £l L'lj)icii, joiM A!«jjmlr« Sc\iTC.
TRI
comme législateur. Ce prince avait
conçu l'idée aussi lienreuse que har-
die de refondre l'ancienne législation,
dont il voulait faire la base de la
sienne. Lui-même avait tracé le plan;
Tribouien fui chargé de l'exécuter.
Pour une pareille opération , il fal-
lait un homme également versé dans
les sciences législatives, judiciaires ,
administratives et politiques. Tribo-
nien les possédait toutes ; il avait de
plus l'expérience des choses et des
nommes, science pratique que les
autres ne peuvent suppléer. Toute-
fois, comme il n'eût pu sufllre seul
à un travail qui se compliquait de
tant de détails , Justinicn lui jiermit
tle s'adjoindre des collaborateurs
dont il lui laissa le choix. Tribouien
les prit parmi les notabilités des éco-
les , de la magistrature et du barreau.
Ces collaborateurs , dont il devait
diriger les rechei'ches et les travaux ,
furentThéophile , Dorothée , les deux
Constantin , Cratinus , Etienne, Men-
nas , Prosdocius-Fulthomius, Timo-
thée , Thalalée , Léonide , Leontius,
Platon, Jacques et Jean. Leurs attri-
butions avaient été réglées d'avance
par une constitution ou ordonnance
impériale. Quoiqu'ils y figurent com-
me collègues de Tribouien, ils lui
étaient cependant essentiellement su-
bordonnés. On ne sait précisément
quelle fut la tâche qu'en sa qualité
dedirecteur il assigna à chacun d'eux.
Quant à la sienne, elle ne convenait
qu'à lui seul et consistait principa-
lement à élaborer, classer et dispo-
ser dans un cadre nouveau les maté-
riaux que ses collègues devaient lui
fournir. Ce travail était immense. A
la difiiculté de coordonner tant d'é-
léments divers , se joignait encore la
défectuosité du plan. Quand on con-
sidère de quel amas énorme de lois ,
du commentaires et de traités a été
TRI îmg
extrait le Corpus juris Jusliniancum ,
on a peine à croire que ce grand
œuvre, commencé en 53o, ait été
achevé quatre ans après ( 534 )•
Cette compilation , la plus A'aste qui
existe en ce genre, ne se composait
d'abord que de trois recueils dis-
tincts, savoir, les Listitutes , le Code
et le Digeste. Les Novelles ou consti-
tutions postérieures qui fout partie
du corps de droit de Justiuien , n'y
furent réunies qu'après la mort de cet
empereur. Les Institutes sont des
éléments de droit que rédigèrent, sous
la direction de Tribonien , deux cé-
lèbres professeurs , Théophile ( F.
ce nom , XLV , 333 ) et Doro-
thée. Le Code de la seconde édi-
tion , c'est - à - dire revisé , et qu'on
a appelé Codex repeliiœ prœlectio-
nis, pour le distinguer de celui que
l'on venait d'abrog r , est une collec-
tion de constitutions impériales ex-
traites des différents codes , consti-
tutions que Tribonien avait dispo-
sées dans un nouvel ordre ( /^. l'art.
JusTiisiEN , et ci-après ). Le Digeste,
aussi surnommé Fandectes , ouvra-
ge prodigieux sous le rapport de la
multiplicité et de la variété des ob-
jets qu'il embrasse , est le plus étendu
comme le plus important de ces re-
cueils. Il renferme la substance des
écrits des anciens jurisconsultes de
Rome. C'est un véritable monument
élevé à la belle et antique jurispru-
dence. Le Digeste est aussi , de toutes
les parties de la législation de Justi-
nien, celle à la rédaction de laquelle
Tribonien jiaraît avoir pris le plus
de part. Suivant le plan que l'empe-
reur lui avait ijnposé, ce juriscon-
sulte divisa le Digeste d'abord en
cinquante livres , et chaque livre en
un certain nombre de titres. 11 par-
tagea ensuite ces cinquante livres eu
sept parties; seconde division qu'où
5io TRI
lui avait prescrite pour l'ordre des
matières , probablement d'après celle
que pre'seiitait le fameux édit per-
pétuel composé sous le règne d'A-
drien. La première de ces parties,
intitulée Prota , renferme les doc-
trines générales. La seconde , De
judiciis , les actions réelles iii rem
actiones. La troisième , De rébus
crecUtis , tous les contrats , sauf
les stipulations. La quatrième, Li-
hri singuleires , contient le maria-
ge et la tutelle. La cinquième partie ,
intitulée aussi Libri smgulares , était
remplie par les testaments et les legs.
La sixième et la septième, sans por-
ter l'indication d'aucime matière
précise, contenaient les autres dériva-
lions du droit civil, c'est à-dire les
matii res de droit public , administra-
tif et pénal. Tribonien , fidèle au sys-
tème de la première division , plaça,
sous chaque livre et sous chaque ti-
tre, les fragments extraits des écrits
des anciens jurisconsultes , c'est-à-
dire tous ceux qui se trouvaient re-
latifs à la matière que le titre énon-
çait. Ce sont ces articles ainsi rédi-
gés qu'on appelle Lois romaines.
Presque toutes conçues dans des for-
mes argumentatives , elles n'étaient
pas originairement des lois propre-
ment dites ; elles ne portent ce nom
<jjic parce que Justinien leur a donné
le caractère de loi. Enfin, chacune
d'ellesestaccompagnéc d'une inscrip-
tion indicative du nom du juriscon-
sulte dans les ouvrages duquel elle a
été prise. On s'attendrait en vain à
trouver une exactitude rigoureuse
dans ces extraits que firent Tribo-
nien et ses collègues. Plusieurs causes
et même plusieurs raisons s'y oppo-
saient. Il fallait en ellct faire ronror-
der le droit ancien avec relui de .Fiis-
tinien , c'est-a-flire ini droit depuis
long-temps toinl>é en désuétude, et
TRI
même fort dilTërent de cehii qu'on
observait dans les écoles. De là les
mutilations et les altérations que le
rédacteur des Pandectes se trouvait
forcé de faire subir à la pensée ainsi
qu'aux expressions des anciens juris-
consultes. Les modernes , qui les lui
ont si amèrement reprochées , au-
raient dû au moins avoir égard
à l'espèce de gêne où le tenait un
plan bizarre et systématique , et sur-
tout faire la part des coiïcessions que
réclamaient les hommes, les mœurs
et les temps. Quelques érudits l'ont
accusé , mais sans preuves , d'a-
voir lui - même détruit les sources
où il avait puisé ; et enfin , si
l'on en croit Hotman^ Tribonien
aurait , pour ainsi dire , empoison-
né tout ce qu'il a touché du droit
ancien. L'opinion évidemment exa-
gérée de ce critique est suffisam-
ment réfutée par ce passage de Cujas ,
le meilleur juge en cette matière.
« Nourri de la substance qu'il sut si
» habilement tirer des écrits des an-
» ciens jurisconsultes, Tribonien,
» grand jurisconsulte lui-même, et,
» comme un autre Papinien , aimant
» et cultivant le droit avec ardeur ,
» fut , eu grande partie , le rédacteur
» et même l'auteur des savantes cous-
» titutions de Justinien : c'est donc
» avec une sorte de joie que je ne
» vois point sous le règne de cet em-
» pereur d'homme supérieur à ce
» même Tribonien , sans les soins et
» les travaux duquel les trésors de
» l'antique jurisprudence eussent été
» à jamais perdus pour nous. » Tou-
tefois le même Cujas ne loue pas en
tout point le rédacteur des Pandec-
tes j il relève ses négligences et son
inciu'ie; blâme sa précq>itation , et
atliibue aux changements qu'il fai-
sait en certains endroits sans les faiie
ailleurs les antinoniu's (mi contra-
TRI
dictions qui clc(ic;urcrit son ouvrage.
C'est en etl'et par là que Tribonien a
prépare d'interminables tortures aux.
commentateurs du texte qu'il rédi-
gea. Un reproche plus grave , et au-
quel il est aussi plus difficile de le
soustraire , du moins sous le rapport
de sa complicité, c'est celui d'avoir
fait un tralic de la justice et des lois.
Ce reproche , bien qu'il s'adresse
plutôt au prince qu'à son ministre ,
n'est pas dépourvu de fondement.
On a la preuve que plus d'une loi fut
achetée à prix d'argent sous le iTgne
de Justinieu. De là cette rétroactivi-
té dont sont entachées plusieurs No-
velles ; vice qui accuse à-la-fois et la
cupidité du souverain et la yénalité
des magistrats. Les embarras de fi-
nances qu'éprouva Justinien ne peu-
vent justilier ni les exactions ni les
concussions que favorisait la dépra-
vation de ce système. On attribue
aussi au caractère inquiet et versatile
de ce prince la manie qu'il avait
d'innover en tout. Aucun empereur
ne fiit , il est vrai , plus ami des in-
novations législatives ; mais cette
manie était encore entretenue par
une vanité excessive. Il avait la pré-
tention ridicule d'être un habile ju-
risconsulte ; et l'on sait qu'il n'hési-
tait pas à trancher d'un seul mot de
sa toute-puissance impériale les hau-
tes questions de droit civil et public
que les plus beaux génies de l'an-
cienne Rome avaient cru devoir agi-
ter et débattre long-temps. C'est sans
doute de la solution qu'il prétendait
avoir donnée de ces mêmes questions
que dérivent les cinquante fameuses
décisions qu'il avait rendues , et qu'il
inséra dans son dernier Code. Ces
décisions étaient spécialement relati-
ves aux diUércutes sectes qui parta-
geaient encore les jurisconsultes de
son temps. Tribonien fut de nouveau
TRI 5ii
chargé de les fondre avec les Consti-
tutions du Code. Celte autre mission
n'était pas sans difficultés : il fallait
surtout satisfaire la vanité du prince.
Tribonien s'acquitta de cette tâche
délicate de manière à concilier les
intérêts de la législation avec l'a-
mour-propre du législateur L'ap-
probation que Justinien donna à ce
travail a été confirmée par la pos-
térité. On remarque en effet , dans le
Code de cet empereur , un grand
nombre de lois beaucoup plus sim-
ples , et surtout plus claires que les
anciennes. De pareils services durent
valoir à Tribonien, auprès du prince,
une grande et constante faveur. Aus-
si son crédit était si bien affermi ,
que lors de la révolte de Nicée , le
peuple ayant demandé l'exil ou la
tète du ministre favori , Justinien se
contenta de le dépouiller de sa di-
gnité de questeur 3 mais bientôt après,
Tribonien fut replacé à la tête des
all'aires. Aucune réputation n'a été
plus attaquée que celle de ce juris-
consulte. Suivant Y Histoire secrète ,
qu'on ne peut attribuer à Procope
sans mettre cet historien en contra-
diction avec lui-même , ce même Tri-
bonien à qui il a payé ailleurs ( in
Bellopers. ) un juste tribut d'éloges
n'est plus qu'un artisan de fourbe-
ries , un vil et plat adulateur , un
païen, et même un athée ^ qui, fei-
gnant d'être chrétien , osait assurer
à Justinien , assez inepte pour le
croire, que son corps prendrait avec
son ame son essor vers le ciel. Nous
ne discuterons point ici l'authenti-
cité ni la véracité de cette préten-
due Histoire secrète, que d'habiles
critiques ont rangée jiarmi ces pro-
ductions pseudonymes et menson-
gères qui ne méritent que le mé-
pris ( f'oy. Procope ). Quoi (fu'il
en soit, si Tribonien ne p.eiit être
5ia
TRI
absous de tout reproche comme
iniiiistre, il est du moins reconnu
qu'il lendit à Justinien des services
éminents dont la postérité a profi-
té. Tribonien mourut vers l'an 5/| 7
de J.-C. Fqy. Voviwa^e de Ludewig
intitulé : Fita Justinianimagiû at-
que Theodorœ Augustorum , nec-
non Triboniani , Halle, i^Si ,
in-4". M — R — u.
ÏRI BOULET , fou de Louis XII
et de François P""., en titre d'oiïice ,
était né dans un des faubourgs de
Blois , vers la fin du quinzième siècle.
Comme les pages, les laquais et les
enfants abusaient de la misère de ce
pauvre homme pour le tourmenter ,
le bon roi Louis XII commit un de
ses officiers pour en prendre soin
(Voy. VHist. de Blois y par Bernier,
aux. preuves, p. 89 ). Il suivit ce
prince, en i5o9, dans son expédi-
tion contre les Vénitiens. JeauMarot,
à qui nous devons une Histoire en
vers de cette campagne, dit que Tri-
boulet , se trouvant au siège de Pes-
chiera , fut tellement effrayé du bruit
de l'artillerie, qu'il se cacha sous uu
lit; puis il ajoute :
Et croy qu'encor y fut qui ne l'en eut tiré :
OVbl de merveilles poui- si saigifs crai^uaut coups,
Qui fout telles lïemeurs aux inuocents et foulx.
Marot trace ensuite le portrait de
Triboulct :
(le la tète écorne',
Aussi saige à trente ans que le jf»ur qui iiit né ,
Petit front et gros yeux , nis grant , taille "i Tosle,
Tislon.ao plat H long , liaull dos à |)ortei bote ,
(ihacuii oonlrefaiseil, chanta , dansa , prêcha,
i't de tout si pluisaut qu'oiic hunmie ne fâcha.
( Sit-^e de Pesiiuaire, )
Après la mort de son bon maître,
Tiiboulet fut pris eu affection par
François I^"". , qui se plaisait, dit-on,
h. lui demander son avis sur des cas
embarrassants. Si les réponses qu'on
lui prête n'étaient pas évidemment
imaginées, il faudrait en conclure
que ce pauvre idiot avait à lui seul
IRI
plus d'esprit et de jugement que tous
les membres du conseil royal. Cette
réflexion n'a point arrêté les compi-
lateurs à'anas et de dictionnaires ,
qui se s(mt emparés à l'envi des pré-
tendus bous mutsdcTribouIet. Dreux
du Radier en a recueilli plusieurs ,
dans les Récréations historiques , i ,
5- 10. lîabelais , dans son Panta-
gruel (liv. III, ch. 37 etsuiv.), don-
ne à Triboulet l'épithèle de moroso-
phe ( fou - sage ) ; mais la conduite
qu'il lui fait tenir à l'égard de Pa-
nurge , qui vient le consulter sur
son projet de mariage, est celle d'un
fou, très-digne des petites- maisons.
On a déjà vu l'opinion que J. Marot
avait de Triboulet. BonaventureDes-
periers , autre écrivain contempo-
rain , ne le traite pas mieux , puis-
qu'il dit, dans un de ses Contes ( le
second) {F. Desperiebs), que c'é-
tait un fou à vingt-cinq carats . dont
les vingt- quatre fout le tout. Con-
cluons donc avec Bernier [loc. cit.),
que Triboulet, loin d'être un de ces
fous spirituels qui réjouissent par des
bons mots , ou qui disent au hasard
quelque chose de sententieux, n'était,
malgré sa célébrité, qu'un pauvre
idiot dont les naïvetés sans doute
n'auraient point été remarquées sans
le bonlieur qu'il eut d'éprouver la
bienveillance de deux rois. Triboulet
était mort avant i53(j. Ou trouve
son épilaphe dans les Poésies latines
de Vulleius ou Voulté , imprimées ,
en i538, à Paris, par Simon de Co-
lines. Ce fut Brusquct qui lui succéda
dans la charge de fou du roi ( Foy.
BrusquetjYI, 162). Le souvenir
de cet insensé subsista long- temps à
Blois, où l'on disait de quelqu'un
(|u'on n'estimait point : Je m'en sou-
cie comme de Triboulet. W — s.
'J' K 1 ]^ U ]S O ( Pi 1 Bnu ) , doge de
Venise, élu par le peuple, eu 888,
TRI
pour succéder à Jean II et à Pierre
Candiano I*"'. , qui avaient l'cgné al-
terna livemcnt. Il fut e'[;alcmcnt con-
sidère de rcm])creur d'Orient ^ qui le
revêtit de la dignité de protospapa-
thaire, et de Gui ou Guido deSpolelle,
empereur d'Occident , qui . à sa re-
commaudation , accorda plusieurs
privilèges aux Vénitiens, 11 eut le
premier à combattre les invasions
des Hongrois, les défit, le ci8 juin
go6, devant Rialto etMalaraocco, et
procura ainsi un peu de repos à sa
patrie. 11 mourut, en 912, après
avoir gouverne l'état de Venise avec
autant de sagesse que de bonté. Orso
Participacio II lui succéda. S. S-i.
TRIBUNO MEMMO, doge de Ve-
nise , succéda ^ en g-g , à Vital Can-
diano. Au lieu de chercher à mainte-
nir la balance entre les partis, qui ,
sous son gouvernement, se formèrent
à Venise, il se déclara j^our celui des
Caloprini contre les Morosini , et
commença lui - même une guerre ci-
vile qu'il ne fut plus maître de ter-
miner. Les Caloprini se détachèrent
de lui , en g83 , pour rechercher la
protection d'Othon II. Ils auraient
attiré sur Venise la guerre la T^\n?,
funeste sans la mort prématurée de
cet empereur. Tribuno Memmo se
vengea sur leurs maisons, sur leurs
femmes et sur leurs enfants, avec un
courroux aussi implacable que s'il
avait en effet éprouvé lui-même tous
les outrages. En g88 , les Caloprini
obtinrent , à la sollicitation de l'im-
pératrice Adélaïde , un sauf- conduit
de Tribuno Memmo , moyennant le-
quel ils rentrèrent à Venise ; mais
comme ils revenaient en gondole du
palais ducal , ils furent attaqués par
les Morosini, et massacrés, proba-
blement avec le consentement du do-
ge. En 99 1 , Tribuno Memmo envoya
son fils Maurice à Constinlinoplc ,
XLVI. y
TRI 5i3
jiour assurer d'avance sa succession
dans la dignité ducale; mais avant le
retour de ce iils , Tribuno tomba ma-
lade , et mourut dans le couvent de
Saint- Zacharie , où il s'était fait
porter. Son fils fut écarté par le
peuplej et Pierre Oviéolo lui fut don-
né pour successeur. S. S — i.
TRICALET (Pierre -Joseph),
écrivain ascétique , naquit , le 5o
mars i Gg6 , à Dole ( i ) , d'une famille
honorable qui subsiste encore. Ses
parents le destinaient à l'état ecclé-
siastique; mais son goût pour la dis-
sipationdevint un obstacle presquein-
surmontable à leurs vœux. Après
avoir achevé ses humanités à Besan-
çon, il fut envoyé à Nozcroy pour y
faire son cours de philostjphie sous
les Cordeliers , qui jouissaient, dans
la province, de la réputation d'ha-
biles instituteurs. La vie uniforme du
cloître ce tai'da pas à l'ennuyer; et
il escaladait, presque toutes les nuits,
les murs du couvent. Pour faire ces-
ser le scandale, les Cordeliers furent
forcés de le renvoyer à sa famille; et
malgré les représentations et les pleurs
de sa mère, restée veuve, il continua
de se livrer aux plus grands dérègle-
ments. Il arrivait cependant à l'âge
de se décider pour le choix d'un état.
Dans une retraite qu'il fit au séminai-
re^ afin de s'examiner sur sa vocation,
il fut touché de la grâce , réfléchit
aux désordres de sa conduite, et prit
la ferme résolution d'eu changer. En
sortant du séminaire, il quitta Be-
sançon sans faire part -î personne de
ses projets; et ce ne fut qu'au bout
d'un mois qu'on le découvrit aux
Cordclier'^ de Nozcroy, où il s'était
(i) Suivant l'abbé Jonnnet flic P. Bcrlbicr,
Tricnld serait né dans le village dp Piipicf ; mais
l'abbé Goujct assure qu'il est né » Dole, m Nous
parlons, dit-il, d'après l'extrait baptif-laire. »
Cette pièce, qui est sous nos yeux , ne laisse en ef-
fet aucun doute h cet é^ard.
33
5i4
TRI
retiré , daus le dessein de rompre tou-
tes ses habitudes. Dès - lors il fil de
rapides progrès dans l'étude des scien-
ces sacrées et dans la pratique de tou-
tes les verlus chrétiennes. Apres avoir
reçu ses degrés en théologie, il fut
ordonné prêtre ^ et se dévoua tout en-
tier aux fonctions du saint ministère.
Ayant résigné une cure considérable,
qu'il avait acceptée malgré lui , il
vint à Paris, pour s'y perfectionner
dans les sciences convenables à son
état. Il entra bientôt (mars 1721 )
dans la communauté de Saint- Nico-
las-du-Chardonnet, où il sut mériter
l'estime de ses confrères. Il y rem-
plit successivement les fonctions de
professeur et de supérieur avec un zè-
le infatigable et toujours croissant.
On l'obligea de se charger de la di-
rection des filles de Sainte-Geneviève
( F. MiRAMioN , XXIX, 1 15)5 et,
deux ans après ( i-jSS ) , l'arclievc-
que de Paris le nomma l'un de ses
grands -vicaires. La réputation de sa
haute vertu lui valut la confiance de
M""=. la duchesse d'Orléans, qui le
choisit pour son confesseur. Cette
princesse voidut lui donner une riche
abbaye ; mais il la refusa constam-
ment. Le duc d'Orléans, ce prince si
pieux et si éclairé ( F. Louis d'OR-
LÉANS , XXXII, 19. i), l'honora
plusieurs fois de ses lettres et de ses
visites, et le choisit pour arbitre
dans une discussion qu'd avait avec
son fils, déclarant qu'il s'en rappor-
terait aveuglément à sa décision.
L'abbé Triealet, accablé d'infirmi-
tés, fui forcé de se retirer, en 1744,
à Yiliejuif , oii le séminaire de Sainl-
Nicolas possédait une maison. C'est
au milieu de soulliauces continuelles
cl souvent intolérables, (|u'il y com-
posa plusieurs ouvrages (|ui lui don-
nèrent de nouveaux droits à l 'estime
cl à la reconnaissance des lecteurs
TRI
pieux. Ne pouvant pas écrire lui-mê-
me , il avait choisi pour secrétaire un
malheureux qui n'avait pas de mains.
Ce singulier copiste écrivait avec ses
deux moignons, et poussait l'adresse
jusqu'à tailler ses plumes. Triealet
mourut le 3i octobre 1-761 , à l'àce
de soixante - six ans, et lut inhumé
dans le cimetière de Yiliejuif. On a
de lui : I. Ahréi^é du Traité de l'a-
mour de Dieu, de saint François de
Sales , Pans, 1756, in - 112. II. Bi-
bliothèque -portative des Pères de
l'Eglise, ibid. , 1758-62, g volum.
in-B**.- nouv. édit. , revue et corrigée
( par Laur. -Etienne Rondet ) , ibid, ,
1 787 , 8 vol. in- 8". III. Précis his-
torique de la vie de Jésus - Christ ,
ibid., 1760, \n-\i-y nouv. éd., 1777.
IV. h'^jwée spirituelle, contenant,
pour cliaque jour, tous les exercices
qui peuvent nourrir la piété d'une
ame chrétienne, ibid. , 1760, 3 vol.
in-i2. V. Abrégé de la pratique de
la perfection chrétienne , tirée des
OEuvres du P. Alph. Rodrigiiez, ib.^
1 762 , '1 vol. in-i 2. VI. Le Livre du
chrétien, dans lequel se trouve tout
ce que le chrétien doit savoir et pra-
tiquer par rapport à la rehgion, ib.,
1762, in- 18. VII. Les Motij's de cré-
dibilité, rapjirochés dans une courte
exposition, prouvés par le témoigna-
ge des Juifs et des Payons , etc. , ib. ,
2 vol. in- 12. Tous ces ouvrages ne
sont que des extraits ou des compi-
lations ; mais on y trouve de l'ordre,
de l'exactitude et du goût. L'abbé
Goujet a ])iiblié V Abrégé de la vie
de Triealet, sur les Blémoiies qui
lui avaient élé fournis par M, Tin-
seau , évc'(|ue de INevers, 1762, in-
12 de 48 pag. Celle Vie se trouve à
la télé du neuvième volume de la Bi-
bliothèqne portative des Pères;
mais Aiig. Lotlin en avait déjà donne'
un Précis ,d:ms le tome vu. On peut
I
TRI
consulter, en outre, les différentes
Notices sur Tricalet , par l'abbe
Joannct , son compatriote , dans le
Journal chrétien, janvier, 17<)2,
80-100; par le P. Berthier, dans les
Mémoires de Trévoux , lévrier ,
I -jôa , 528-38 ; et par Fre'ron , dans
VAnnée littéraire, 17G3, tome i,
239-43. W— s.
TRICAUD ( Anthelme ) , abbc
de Belmout , littérateur , naquit à
Belley , le 4 ™ai 1671. Son père,
lieutenant-général au baillage de cet-
te ville, iouissait de la réputation
d'un magistrat éclairé. Il acheva ses
études tliéologiques à Paris , et , ayant
embrassé l'état ecclésiastique , fut
pourvu d'un canonicat du chapitre
d'Ainay , à Lyon. L'étude était sa
seule passion , et il y consacra tous
les instants dont il pouvait disposer.
Admis à l'académie de Lyon, lors
de sa fondation , il en devint l'un des
membres les plus assidus et les plus
laborieux, et y lut un grand nombre
de Dissertations sur dillé'rents points
d'histoire ou de critique. Son oppo-
sition à la bulle Uni^enitus ayant
excité des troubles dans son chapitre,
il reçut, en 1735, l'ordre de se ren-
dre à Paris, où il mourut, au mois
de juillet 1739 (1], et fut inhumé
dans l'église Saint-Etienne-des-Grès.
Par son testament, il légua plusieurs
ouvrages d'un grand prix à l'arche-
rêque de Lyon (Rocliebriine ), qui
l'avait fait exiler , et partagea sa
nombreuse bibliothèque entre ses
amis et les maisons religieuses qu'il
adéetionnait le plus. Outre un Eloge
du phvsieien Puget yVoy. ce nom,
XXXVI , 3o4 ) et plusieurs articles
dans la Bill, française de du Sauzet,
(1) .Suivant Prrndli, T.yonn. dignes de mé-
moire ,• mais d'aprps le iiét ioloi;e du touvenl de
Siiint-Iionavenlure de Lyon , l'abbe' ïricaud ne
mourut qu'en 1741. Vny. la A'o/irr rfei jWk, dr
Lyon, m, 2^6.
TRI 5 1 5
on a de l'abbé de Belmont : I. Essais
de littérature pour la connaissance
des livres (depuis le mois de juillet
1702 jusqu'au mois de juillet 1704),
in- 12, rel. en 4 ou 5 vol. C'est une
espèce de journal, dans lequel on
trouve quelques articles curieux.
L'abbé Faydjt en publia la critique,
sous le titre de Supplément aux Es-
sais, 1703-4, 6 part, in- 12 , rare.
C'est sans aucune apparence de rai-
son que le P. Baizé, dans le Catalo-
gue de la doctrine chrétienne , at-
tribue les trois premières parties pu-
bliées sans nom d'auteur à l'abbé
Tricand hii - même. II. Lettre à
M""", la comtesse... ou Contre- cri-
tique des auteurs de ce temps ,
Paris , 1704 , in- 12 (Barbier, Dict.
des anonjmes , n". 9269 ). C'est
sans doute une réponse à l'abbé
Faydit. III. Remarques critiques
sur la nouvelle édition du Dic-
tionnaire historique de Moréri ,
donnée en 1704 (par Vanhier), Pa-
ris, 1706, in - T2. Bayle trouva ces
Remarques assez intéressantes pour
en donner une nouvelle édition , Rot-
terdam , 1 706 , in-80. , avec un aver-
tissement et des notes , dans lesquel-
les il indique les faïUes grammatica-
les et corrige les erreurs de l'abbé
Tricand. Desmaizeaux les publia de
nouveau , à la suite du Dictionnaire
de Bayle, 1730, avec ses propres
observations ; et on les retrouve dans
toutes les éditions de ce Dictionnaire,
en y comprenant celle que l'on doit
à M. Beucliot, form. in-8o. IV. His-
toire des Dauphins français et des
princesses qui ont porté , en Fran-
ce, la qualité de Dauphines, Paris ,
17 13 , in- 12. V. Histoire de la der
nière révolte des Catalans et du siè-
ge de Barcelone , Lyon , 1 7 1 4 . in-
12. VI. Campagnes de M. le prince
Eugène en Hongrie , et des géné-
33..
LnG
TRI
raii.r vénitiens en Mnréc . pcnd.Tîn
les années 1 7 1 6 cl 1 7 1 -y , ib, , i n 1 8 ,
i vol . in- 1 'J . VII . Relation de la m ort
du feu pape (Innocent XIII) et du
conclai^e assemblé pour l'élection
de Benoît XllI , son successeur ,
Nanci, I7'i45 in-ï^. Cet ouvrage, le
plus curieux, suivant Peruetti, de
tous ceux qu'il a publiés, pensa lui
attirer des affaires fâcheuses. L'abbe'
Tricaud est l'éditeur de V Histoire
des savants ( par D. Gandin, cbar-
ireux), Paris, 1708, in-12. Suivant
Barbier, l'abbé Tricaud eut beaucoup
départ au 4'''. vol. du Nouveau re-
cueil de pièces fugitives. On conser-
ve de lui plusieurs manuscrits à la bi-
bliothèque publique de Lyon j entre
autres , on distingue : Observations
sur Hérodote et Ctésias , dans les-
quelles il s'attache à venger le père
de l'histoire du reproche d'exagé-
ration et d'infidélité. W — s.
TRICHET - DUFRESNE ( Ra-
phaël) , numismate et bibliophile ,
e'tait fils d'un avocat au parlement
de Bordeaux , et naquit en cette ville,
au mois d'avril 161 1 . Son père (i)
cultiva ses dispositions avec soin ,
et l'envoya de bonne heure à Paris ,
où il acquit, dans la société des ar-
tistes et des savants j la connaissance
des livres , des tableaux et des mé-
dailles. Le duc d'Orléans ( Gaston 1
s'attacha lejeuneDufresnectluiiiten-
treprendre plusieurs voyages pour re-
cueillir des antiquités et des objets
d'art , dont il enrichit son cabinet.
Lors de la fondation de l'imprimerie
royale , en 1G40, sous la suiiuten-
(1) Pierre TniCHET , aviirat à Hordcauj; , mort
rn 1644* ^ -''7 °"' •) ^^ atileur d\m ouvrage de
sorcellerie , intiliilé : De Lyc^dœ wnrfica^ prœsli-
giis y Bordeaux » li'i'f.'J , »*l d une tragédie latine :
tS'filinnnéf i et enfin d'un traité sur les instruiiienis
ffr muiiiiiic^ (lue ron ri>nsi-rvait en manuscrit h la
kililiolliriiue de Sainte-GiMicviève, Son porlrait eot
grave in-/|". , il est rrpiéiteuté un livre \ la niuin.
TRI
dance de Sublet-Desiioycrs , Trichct
en fut nommé le correcteur (2). 11 de-
vint, après la mort de Naudé, biblio-
thécaire de la reine Christine , qui
avait déjà eu le projet de l'appeler en
Suède (3) , et il accompagna cette
princesse dans son premier voyage à
Rome; il profita de cette circons-
tance pour visiter les principales
villes d'Italie, dans lesquelles il ache-
ta, pour sou compte et à vil prix^ une
foule de livres rares et curieux. Un
passage du Chevrœana ( pag. 3i )
l'accuse d'avoir abusé de la confiance
de la reine. Lui ayant conseillé de se
défaire d'une partie de ses médailles
et de ses tableaux , comme peu dignes
de figurer dans sa collection , il s'en
rendit l'acquéreur , et se trouva pos-
séder les médailles les plus rares et
les tableaux des meilleurs maîtres. Il
consacra ses dernières années à l'é-
tude , et l'on attendait de lui des ou-
vrages importants, quand il mourut
à Paris , le 4 j"iii 166 1 , à l'âge de
cinquante ans. On a de lui : I. Une
Vie de Léonard de Vinci, et une Vie
de L. B. Alberti , insérées dans le
Trattato délia Pittura , dont il don-
na, en i65i ,1a première édition {V.
Vinci). II. Le texte français de la
Briefve histoire de l'institution de
toutes les religions ( V. Fialetti ).
III. E])islola ad Petrum Segui-
juwi , de Charonodœ effigie in ca~
tanensi numo argenteo , Paris ,
iG58, in -8°.; réimprimé dans les
(î) l,e P. Jacoli lui donne le titre A'inicndant de
riiiiprinieric royale ( 'l'raitc des //lus belles l'ihlio-
ihèt/ues . (iSo). Les auleurs de la liibliolhèquc de la
France le font dhcri, ur de cet elablissenicnt , IV ,
v.<^ part. , 2-6 ; mais il paraît plu» certain, d'aprts
Siuval et Piganiol, suivis par M. Pcignol, que Su-
Met-Uesnoyers, alors surintendant des bâtiDients ,
eut le lilre de surintcudaut de riniprimerieroyale, '
'IVichel , celui de correcteur , el (^ranioisy celui
d'imprimeur ; en deux ans il en sortit soixante-dix
glands volimies grecs , latjns , français et italiens.
(3) Huel, Commcul. d,- r.-his „d eitm iieilincn-
lilnK, port. 3.
TRI
Selecta numismata de P. Seguin ,
îbid, , i665, iu-4°-J et dans le
Tliesaur. antiquit. grœcar. de Gro-
nûve,x, 569. IV. Une Éjiîtve dc-
dJcatoire à Fouquet , et l'Eloge de
Jérôme Maggi , a h tête du Traite
de Equideo , dont il donna nue nou-
velle édition ( Fof. IMaggI , XXVI ,
1 24 ). Cet Éloge faisait partie de sou
ouvraîTC : De Rerum italicaruni
scriptovibus (4) , dont le manuscrit
était conservé dans la bibliothèque
des Augustins déchaussés à Paris.
V. Fables diverses , tirées d'Esope
et d'autres auteurs , avec des ex-
plications, Paris , 1O59, 1689, iu-
4". , iig. de Sadeler. Cet ouvrage ,
dout leprincipal mérite consiste dans
les gravures , a été réimprimé eu
1 743 ; mais on donne la préférence
à l'édition originale. Le P. Labbe
nous apprend ( Bibl. numaria, 2-] 3,
édition de Rouen , 1678) que Tri-
chet-Dufresne travaillait à une his-
toire de l'île de Crête , illustrée par
les médailles ; et il désire qu'il se ji ré-
sente quelque savant capable de met-
tre la dernière main à cet important
ouvrage (5). Le Catalogue de la bi-
bliothèque de Dufrcsne, Paris, 16G2,
111-4". ? <^st curieux et mérite d'être
conserve ; mais les matières y sont
mal distribuées , et il est d'ailleurs
imprimé d'une manière très-incor-
recte (6). Son portrait a été gravé
par Bosse , in-4''. W — s.
(4) Cet ouTi'iigp est dt'sijîné dans les Dictionnai-
res comme luic Histoire d'Italie,
(5) Voici les termes du P. I^abbe ; F.iilne , qut
inchoato operi uUiinani admovcre maiiuin iusci'
pial ?
(6) Desessarts ( Siècles littéraires , VI , 274 ) "l''
que Tricïiel est cite , dans le P. Jacob , pour avoir
U)riné à Bordeaux, sa pairie, une belle biltlititliè-
que , qu'il lêi^iia nu roi. Le P. Jacob ( p. (îu)") dit
.sculcineni (pu- « M. De Fresnes , inteiulant de l'im-
» primeric royale, a fait une bibliothèffue en celte
» ville de Bourdeaux , lieu de sa naissance, fpi'il
i> augmente tous le» jours. » Mais il ne pouvait pas,
en i6i4» prévoir si De Fresnes la lèguer.ûl au rtii.
Elle a été venduu eu détail, conunr on le voit par
le CiOfalogue cpu- notis venons de cilcr.
TRI 5 17
TRICOT (Laurent), maître-ès-
arts et de pension en l'université de
Paris, mort dans cette ville le lo
décembre i778_, s'est fait connaître
par deux opuscules sur la grammai-
re latiue : l'uu est une Nouvelle mé-
thode , Paris 1754, in-i2^ réim-
primée plusieurs fois ; l'autre est un
Rudiment , Paris 1750 , in- 12 j
ibid, , 177^ j treizième édition. La
plupart des ouvi'ages élémentaires
dont ou se servait alors dans les
collèges ne remplissaient qu'impar-
faitement les intentions des maî-
tres. Quelquefois les règles y étaient
énoncées eu latin, c'est-à-dire dans
la langue même qu'il s'agissait d'en-
seigner , ou bien en vers techniques
aussi mal sonnants qu'inintelligibles.
Tricot les exposa en français , eu
prose et avec clarté. C'était un hom-
me très -versé dans la lecture des
auteurs et qui connaissait bien le
génie de la langue latine. Les deux
opuscules qu'il publia , son Rudi-
ment surtout , eurent beaucoup de
succès 5 ils ne furent pas sans utilité
pour les grammatistes qui écrivirent
après lui , et qui souvent n'ont été
que ses copistes. Mais depuis un de-
mi-siècle, la manière d'apprendre
les langues s'est tellement perfection-
née , les ouvrages de grammaire sont
devenus si nombreux , que ceux de
Tricot ont cessé de ligurer dans la sé-
rie des livres élémentaires. — L'abbé
T«icoT,né à Paris en 1734, deviat
chanoine de Saint-Quentin , et mon-
tra du talent pour la poésie et l'élo-
quence. On trouve , daus l'Almanacli
des muscs et dans d'autres recueils,
notamment dans celui de lu société
nationale des Neuf-Sœurs, [iliiMcurs
pièces en vers et en prose de cet
auteur. Il périt sur l'échafaud ré-
voluliouuaire, à Paris, en 1794»
P— KT.
5i8 TRI
TRIER (Jean-Paul), ne, à Mo-
la dans le duché de Saxe-Meinungeu,
Je 28 novembre 1687 , s'est fait re-
marquer par des attaques violentes
contre la religion protestante, dans
laquelle li était ne. Etant venu à Dres-
de, en 171 1 , il y vit le czar Pierre-
le-Grand, qui reclierclia ses entre-
tiens^ et témoigna au roi Auguste l'es-
liine que Trier lui avait inspirée.
Bientôt après , celui-ci, étant retourné
dans sa patrie , y fut nommé direc-
teur des raines de Glucksbrunn, et il
remplit, pendant cinquante ans, ces
fonctions importantes. Il mourut , le
24 avril 1768, pleuré et regretté par
les mineurs , dont il était l'ami et le
bienfaiteur. Dans ses moments de loi-
sir, il s'appliquait à la théologie. Il
connaissait à fond la religion réfor-
mée et son histoire. Il a publié, sur
ce sujet, plusieurs ouvrages, dont
nous n'indiquerons que deux : I. Ob-
Sf.rmtions sur le livre de la Concor-
de ( I ) , qui est discuté et souvent
contredit , d'après un grand ?iom-
bre de manuscrits et documents au-
thentiques , avec des notions histo-
riques sur les auteurs de ce livre et
sur les circonstances remarquables
qui ont rapport h son oris^ine ( alle-
nKind), Francfort st Leipzig, in-^".
L'auteur avait travaillé pendant plu-
sieurs années à cet ouvrage impor-
tant ; et la bibliothèque des princes
de Saxe -Gotha , si riche en manus-
(i^ « hc rwvr.le la Concnrrte, dit Bossuef,
> cmpoM- de- pipcfs qui sont de dificients auto
.ctd..,],n.-r<.„tosd.l,..,;I,.s Uthcr;,.,,s ont vo,
> noiis T dt.n.irr un icriieil de ce qu'il v a dp n
. n,.tl,cnl,T,o.T,,.Mv,op.rn, , en', 5-,,, «Prc-l
' c.-lol,rc., :,s,Pm|,|,:e.s ,e„„es à Torg et à Beig ,
> ift-bH i)— . .Tp„,. raronlerni pas coninienl
. livre r„(,„„„.,.,t .n Allemagne', ni l.s surprl
■ et lo, v,nl..„en, dont on prriend qn- l'on ,
' envers ceux qnl le ii-riireni ,nl lesnnposilinns
' qiic-lqiips prine,., e| d<- quelque, vil)™. q,,| re
«'■rrrild'v «onirrlre. If.isplni en a (•i-rit nne li
' *",•" ^'i'•^"i■•'■ '|>ii "«rnl e7, l.len fond-e en
' plupart de itc5 lait» : , V«l aux I-iilliérien» ,
■ .s V ...léres-..,,! ;, I, ront,,..!ire. „ /,„■/„/,•<„, > ,
TRI
crits et documents sur l'histoire de la
réforme , lui étant ouverte , il y copia
tout ce qui pouvait servir à son plan.
Cctouvrageexcitadevivesdiscussions
parmi les ministres luthériens el cal-
vinistes. L'auteur révélait un grand
nombre de faits et de circonstances
jusqu'alors inconnus. Sévère envers
ceux qui avaient signé le Formula
concurdiœ , il s'élève avec force
contre les livres symboliques de
son Ëglise, qui, n'étant, selon lui,
que l'expression d'une doctrine pure-
ment humaine, n'étaient utiles ni né-
cessaires pour entretenir Vunité dans
l'Eglise luthérienne. « Pour arriver à
» ce but, disait -il, il y a d'autres
» moyens à employer. Les ministres
)> devraient être unis dans l'esprit de
» Dieu; ils devraient être humbles ,
» doux , patients ;, tolérants , et ne
» pas mettre tant de prix à ces vai-
» nés formules qu'ils ont inventées
» pour fixer notre doctrine. Ceux qui
» se sont attachés à cette sjmbolola-
« trie ont cherché, mais vainement,
» à démontrer la nécessité des livres
» symboliques. Leurs arguments ont
» paru pitoyables; et il y a des coii-
» trées et dès royaumes évangéliques
» qui pensent que le Formula con-
» cordiœ est un livre absolument inu-
)) tile. » Trier démontre ce point en
douze chapitres , qui comprennent
toute la doctrine de l'Église luthé-
rienne. A la fin , s'appuyant sur tren-
te documents originaux , qu'il l'ap-
porte en entier , il fait voir combien
les auteurs de la Formule étaient peu
d'accord entre eux, et quels moyens
violents on avait emplovés pour la
faire signer. Crnsius, lunesli et quel-
ques autres théologiens protestants
parlèrent de Trier et de son ouvrage
avec beaucoup de modération. Le
plus gr iid nondire cria très - haut.
Plll'^i<■l^•s ministres le dénoncèrenl t'H
TRI
i;haire comme un hérétique. Le con-
sistoire de Meinungen porta plain-
te au duc régnant; et il annonça
qu'il ferait une critique sévère de
ses erreurs. Trier écrivit au pré-
sident du consistoire une Lettre ,
qu'il a publiée, et dans laquelle il
annonce l'rancheinent ses opinions. Il
y dit , entre autres ; « Boehm, un de
nos ministres, a reconnu hautement
que de la forme que l'on donne à no-
tre religion il ne peut résulter autre
«hose qu'un faux christianisme. » IL
Observations sur le catéchisme de
Heidelberg. Ici l'auteur traite les ca-
téchismes de son Eglise comme il
avait traité la Formule de concorde.
Selon lui , les catéchismes sont une
source impure dans l'Eglise luthé-
rienne , où l'on peut s'en passer, au
moyen de la Bible. Voy. Biof^raphie
de J.-P. Trier , écrite par lui-mê-
me, et pid)liée, après sa mort , par
un de ses amis, Eisenach , 1770,
in-80. G — Y.
TRÏEST ( Antoine ) , prélat bel-
ge, né, au château d'Auweghem
près d'Audeuaerde , en iSyG, d'une
noble et ancienne famille, après avoir
fait ses études à Louvain avec beau-
coup de distinction , fut évêque de
Bruges, en i6i6, et ensuite de Gaud.
Il édifiait également par sa pré-
dication et par sou exemple ; il
signala sa charité envers les pau-
vres , non moins que son goût
pour les lettres et les arts. La scien-
ce de la botanique avait des attraits
j)articuliers pour lui : il cultivait
dans son jardin, appelé le Belvédè-
re , beaucoup d'espèces de fleurs et de
plantes rares; il institua , à l'église
<le Saint - INiichel , la confrérie de
.saiute Dorothée , où les jardiniers et
les llcuristes faisaient, chaque année,
une exposition de fleurs, le jour de
leurpalrone; usage qui s'est maiii-
TRI
519
tenu jusqu'à l'entrée des armées
françaises, en 1792. Ami de Rubens,
de Van-Dyck , de Teniers et de tous
les grands artistes de son temps , il
se plaisait à les occuper, et il avait
dans son palais neuf grandes pièces
remplies des plus beaux tableaux.
C'est pour lui que Rulicns peignit le
massacre des Innocents et la conver-
sion de saint Paul. Nous avons sou
portrait peint par Van-Dyck et gra-
vé par Pontius. Duquesnoy fit son
buste, ainsi que son mausolée, qu'on
voit encore aujourd'hui à l'éghse de
Saint-Bavon. En i64o, un incen-
die ayant détruit la toiture de cette
église, Triest la fit réparer à ses
frais , et il pourvut également à la
dépense de la charpente du chœur.
Cet homme distingué mourut, eu
1657 , à l'âge de quatre- vingt- mi
ans. Il légua sa bibliothèque aux
Carmes déchaussés; des sommes con-
sidérables au mont-de-piété , afin
que cet établissement pût prêter aux
pauvres sans intérêt; d'autres som-
mes pour l'embellissement de l'é-
glise. Enfin le tiers de sa succession
fut vendu et distribué , par ses exé-
cuteurs testamentaires , aux pauvres
de Gaud , auxquels , par une autre de
ses fondations , on répartissait , cha-
que jour, jusqu'à l'invasion des Fran-
çais, trente pains , ainsi que, tous
les mois , un certain nombre de
chemises. Schelte de Bolswert a dé-
dié à Triest sa gravure du tableau
de la conversion de saint Paul , et
l'on pourra juger, par les détails
qu'on vient de lire , et qui nous
ont été fournis par M. Vanhnlthem ,
dans son Discours sur l'état ancien
et moderne de l'agriculture et de
la hotani(/ue dans les Pajs - Bas
(Gaud , 181 7 , iu-8".) , que cette dé-
dicace , quelque louangeuse qu'elle
soit , ne fait que i-endrc justice à
b'20
TRI
celui qui en est l'objet. Comparez
SanderiFlandria illustrât a (Amst. ,
1641 ) , tome I , pag. l'ig. RI — on.
TRIEWALD (Samuel), conseil-
ler du duc de Holslein , naquit à Stoc-
kliolm , eu 1688, et lit ses e'tudes
à UpsaL Après avoir été' employé eu
Allemagne par Charles Xlî , il en-
tra au service du duc de Holstein
Goltorji, neveu du roi de Suède ^
et fut charge de se rendre à Stock-
holm avec l'ambassadeur du duc ,
qui se flattait de parvenir au troue
de Suède : mais sou parti succomba •
et Triewald fut renvoyé', ainsi que
toute l'ambassade. Il passa le reste
de ses jours en Holstein , où il mou-
rut, en 1742. On prétend qu'il par-
lait et écrivait neuf langues. II se li-
vra surtout à la poésie suédoise ,
et contribua à la perfectionner ,
en traduisant plusieurs morceaux
de Boileau et de Lafontaine. On a
aussi de lui des Poésies allemandes.
L'académie des sciences de Stock-
holm l'avait placé parmi ses mem-
bres ; et il fournit à cette société sa-
vante plusieurs Mémoires , qu'elle fit
insérer dans le Recueil de ses tra-
vaux. — Triewald ( Martin ), frère
du ])récédent, ingéniciu' et mécanicien
habile, naquit à Stockholm en iGni.
Il fit un voyage en Angleterre, oîi un
riche marchand de Londres lui con-
fia l'intendance d'une mine de char-
bon déterre. Ayant vu , dans cette mi-
ne, une pompe à feu, il l'examina avec
som , la peifectionna , et construi-
sit plusieurs autres machines qui le
firent connaître avantageusement. A
Londres , il suivit les cours de phy-
sique de Dcsagnlicrs , et gagna la
confiance de Newton. Après un séjour
de dix années en Ajigietcrre , il retour-
na en Suède , où il obtint des emplois
importants et répan-dil le goût des
sciences pliysi(iues. 11 enrichit aussi
TRI
les mines et les forges du pays de
plusieurs inventions utiles. S'ctant
occupé d'une machine au moyen de
laquelle on pouvait vivre sous l'eau ,
il écrivit , à ce sujet , en suédois , un
Traité qui fut imprime' deux fois,
Stockolm, 174 1 , in-4''. , hg- H per-
fectionna la méthode de purifier l'air
dans les vaisseaux ( P^of. Hales
(Etienne) XîX , 3-26 ) , ainsi que la
culture des plantes exotiques. 11 fut
nommé membre de la société royale
d'Upsal, de l'académie de Stockholm
et de la société royale de Londres. Les
Recueils de ces sociétés savantes con-
tiennent plusieurs Mémoires de Trie-
wald. Il mourut en t747' ^ — av.
TRIGAN (Charles), historien
né, le 20 août 1694, à Quètreville,
diocèse de Coutances , embrassa l'é-
tat ecclésiastique , se fit recevoir
docteur de Sorbonne, et fut pourvu
de la cure de Digoville. Il partagea
sa vie entre les devoirs de son état
et l'étude des antiquités de Norman-
die. Ses paroissiens lui durent la
reconstruction de leur église , qu'il fit
bâtir , à ses frais , sur un plan régulier.
Il mourut le 21 février 1764. On a
de lui : 1. Lettre à l'abbé Lebeuf sur
quelques particularités de la vie de
saint Victrice , huitième évèque de
Rouen, Mém. de Tréi>oux , 1747 ,
mai, 1059-76. II. Vie de M. Pâté,
ciné de Cherbourg , décédé en odeur
de sainteté (le 21 mars 1728), Cou-
tances, 1 747 , in-8^. C'est moins une
biographie de ce pieux ecclésiastique
qu'une histoire du clergé de la Bas-
se-Normandie et des établissements
charitables fondés par ses soins, dans
le dix - septième siècle. III. Histoire
ecclésiastique de la province de
Normandie , avec des observations
critiques (t historiques, Caen, lyii;-
Gi , 4 vol. in-4". l'allé finit en i2o4 ,
à la réunion de cette province à la
TRT
couronne par Philippe-Auguste. L'au-
teur en a laisse manuscrite la conti-
nuation jusqu'au quatorzième siè-
cle. Le style u'en est pas agréable;
mais on y trouve de l'érudition et
une critique judicieuse. W — s.
TRIGAUT (Nicolas), en latin
Tngva/f/HA-, missionnaire, naquit à
Douai en 1577. A l'âge de dix-sept
ans , il embrassa la règle de saint
Ignace, et après avoir professe les hu-
manités a Gand , il se disposa , par l'e'-
tude des sciences et des langues orien-
tales , à la carrière des missions. Il se
rendit, en i(Jo6, à Lisbonne , et en
attendant le départ du bâtiment qui
devait le transporter aux Indes , il
traça le portrait du parfait mission-
naire dans la Vie du P. Gasp. Bar-
zis , l'un des compagnons de saint
François-Xavier. S'étant embarqué
le 5 février 1607 , il arriva le 10
octobre suivant à Goa.La délicatesse
de sa santé , que la mer avait encore
affaiblie, l'obligea de s'arrêter dans
cette ville. Il n'en partit qu'en 1 6 1 0 ,
pour Macao , d'où il aborda enfin à
la Chine. Chaque jour les mission-
naires faisaient de nouveaux progrès
dans ce vaste empire. Le désir d'é-
tendre de plus en plus leurs pieuses
conquêtes les avait conduits dans les
provinces les plus éloignées , où ils
comptaient de nombreux prosélytes :
aussi devenait-il indispensable d'aug-
menter le nombre de ces ouvriers
évangcliques. Le P. Trigaut fat choisi
pour revenir en Europe y rendre
compte de l'état et des besoins des
missions de la Chine. Arrivé dans
l'Inde, il jugea convenable de pour-
suivre sou voyage parterre, et, char-
gé d'un sac de cuir qui renfeiiuait
ses provisions, il traversa , non sans
courir de grands dangers , la Perse ,
l'Arabie déserte et une partie de l'E-
gypte. Un bâtiment marchand le
ITvI
5a I
transporta du Caire à Olrante , d'oi!i
il se rendit à Rome. Ses supérieurs le
présentèrent au pape Paul V, qui l'ac-
cueillit avec intérêt , et accepta la dé-
dicace de l'Histoire de l'établissement
des missions chrétiennes à la Chine ,
qu'il avait rédigée sur les Mémoires
du P. Ricci. Le succès mérité qu'ob-
tint cet ouvrage , le premier dans le-
quel on ait trouvé des notions exactes
sur la Chine , contribua sans doute
à lui faire atteindre le but de son
voyage. II repartit de Lisbonne , en
1 6 1 8 , avec quarante-quatre mission-
naires, qui tous avaient demandé,
comme une faveur , la permission de
le suivre. Plusieurs moururent dans
la traversée : il tomba malade lui-
même à Goa , et sa vie fut long- temps
en danger: mais enfin il se rétablit^
et s'étant embarqué le 20 mai 1620 ,
au bout de deux mois d'une naviga-
tion périlleuse, il atteignit Macao,
d'où il rentra dans la Chine, sept
ans après en être sorti. Chargé de
l'administration spirituelle de trois
vastes provinces, il se livra , sans re-
lâche, aux fonctions de son minis-
tère, et cependant il sut trouver le
loisir de s'iustruire dans l'histoire et
la littérature des Chinois. Epuisé de
fatigues , il y succomba le 1 4 novem-
bre 1628 , à Nanking , dans un âge
qui semblait lui promettre encore de
longs travaux. Outre la Fie du P.
Barzis , Anvers , 161 o , in - 8". ,
Colo£;ne , i () 1 1 , in- 1 2 , on a de lui :
I. Epistola, (le sud m Indiam navi-
gatione ; insérée dans l'ouvrage de
Pierre Jarric : Histoire des choses
les plus mémorables advenues dans
les Indes , tome m, i, 4i' Cette
Lettre , écrite en français , datée de
Goa , le 24 décembre 1G07 , est une
relation du premier voyage du P.
Trigaut dans les Indes; elle avait
été imprimée , Paris et Lyon, i(io5 ,
522
TRI
in- 12. II. De christiand expedidone
apud Sinas suscepta ab societate
Jesu , ex Matthœi Riccii commen-
tariis libri v, Au?;sbourg . i6i5 ,
^-4°. ; Lyon , i6i6 , même format;
avec des additions, Cologne, 1G17,
in-8'\ (1)5" traduit eu français , par
le sieur de Kiquebourg-Trigaut; Lille,
16 17 , in -4". , et sous le titre de
Voyage des PP. Jésuites en Chine,
Paris, 1617 , in-S'J.; en espagnol ,
par Ed. Fernaudez , 1621 , in-40.
Cet ouvrage est à-la-fois l'histoire
de l'établissement des Jésuites à la
Chine , et comme on l'a dit , une
excellente Biographie du P. Ricci
( Foy. GoEs , XVII, oqo , et
Ricci , XXXVII, 5i6 ). Le pre-
mier livre contient une description
abrégée de la Chine , des mœurs et
des usages de ses habitants , ainsi
que de leurs arts. Dans le chap. 4
{De avLihus apud Sinas mechanicis ),
il parle de l'imprimerie tahellaire ,
qui se pratiquait à la Chine depuis
cinq siècles ; mais il n'en détermine
pas les commencements d'une ma-
nière aussi précise qu'ils l'ont été
depuis ( Forez Tai-tsou ).
IIL Annuœ litterœ è regno Sina-
rum, annor. iGio, 161 1 , Angs-
bonrg , i6i5 , in-S". IV. Rei chris-
tianœ apud Japonios commenta-
rius ex litteris annuis soc. Jesu ,
annor. i(3o9 et seqq. , ibid. , 161 5 ,
in-8". V. De christianis apud Japo-
nios triumphis , sive de ç^ravissimd
ibidem persecutiune contra fidcm
Chrisli, exorta aiino i6ii , libri k,
Munich , i6i3 , in -4<^, , fig, de Sa-
deler ( F. Rad.:r, XXXVI , 53i ).
Cet ouvrage a été traduit en français,
par le P. Pierre iVIoriu, sous ce titre:
Ilisloira des martyrs du Japon ,
1) l.'iiMi.M'riîv
ill;8.
ÏRI
depuis l'an i6i2 jusqu'en 1620,
Paris , 1624 , iD-40. Enfin on a de
ce laborieux missionnaire un Foca-
bulaire chinois , en trois volumes ;
un Trai*é du Comput ecclésiastique
pour faciliter aux nouveaux chrétiens
le moyen de connaître les jours oh
tombent les fêtes et les jeûnes de l'É-
glise romaine ; une Paraphrase la-
tine des cinq King ; le premier volu-
me des Annales de la Chine , etc.
F. la Bibl. societ. du P. Southwel ,
p. 637. W— s.
TRIGLAND (Jacques), théolo-
gien hollandais , né à Harlem en
i652, fut nommé, en 1686, profes-
seur de théologie à l'université de
Leyde, où il fut aussi chargé d'ex-
pliquer les antiquités heljra'iques. Il
était très-estimé de Guillaume, prince
d'Orange , qui le nomma deux fois
recteur de l'université de Leyde , où
il mourut, en 1705. Trigland se fit
remarquer par son ardeur dans
les disputes sur le système de Jac-
ques Arminius et des remontrants.
Ses écrits prouvent plus d'érudi-
tion que de tolérance , savoir : I.
De civili et ecclesiasticd potes-
tate et utriusque ad se invicem
tùm subordinalione tùm coordina-
tione , occasione libelli Fedeliam ,
de Episcopatu Constaniini Magni ,
Amsterdam , 16.^2 , in-12. II. //is-
toria ecclesiastica continens grat'a-
mina et controversias in Unitis Bel-
gii Provinciis ortas , cum annota-
tioTubus ad historiam ecclesiasti-
cani Joh. fVytenbos,ardi , Leyde ,
1 05o, in-fol. 111. Systenia dispulatio-
Tuan thcologicarurn in confcssionem
et apologiain Ilcmonstrantium, Ley-
de, [050, in-4". W..Anta]}ologia ,
sive examen atque refulalio toliits
apologiœ lieinonslrantium , llarde-
wick. , \(W)l\, \n-f\°. V. De sectd
Karti'oruiii , \éiiyàc , 1700 j llam-
TRI
bourg, 1714 > iti-4''- VI. Commen-
larius in Isaiœ cap. 4 -, sive de
gratid electionis , sanctificationis
et conservationisj Amsterdam, 1O69,
iii-80. YII. Sonjecianea ad qucedam
ohscura fragmenti de Dodone loca,
dans le Thés. ant. grœc Gronovii ,
t. 7. YIII. Z>e/oi'e/?/io patriarchd in
sacri bovis hieroghphico abu'Egj'p-
iiis adorato , Leyde , 1700, in-^".
W Laudalio funehris Gidllelmi III
Magnce Britanniœ régis , Leyde ,
l'^o-i , in-fol. X. De origine et
causis rituiim mosàicorum , Leyde ,
i'j02. XT. Laudatio fanehris Frid.
Spanheniii , Leyde , 1701, in-4°-
XII. De utililate religioiùs in re-
publicd , etc. G — v-
TRIGTJEROS (Don Candide-Ma-
rie) , litteratem- , né à Orç;az en Cas-
tille le 4 sept, 1736 , emlirassa l'état
ecclésiastique, et obtint un bénéfice à
Carmone. Il fut membre de l'acadé-
mie des bonnes lettres , de la société
éconoraiquedeSéville,pnisbibliotlie'-
cairedes études royales à Madrid, Il
<lébutadansla carrière deslettrespar
El Poetafilosofo, 0 poesias filosofi-
cas en vers pentamètres , imprimé
sans nom d'auteur , Séviile , 1774 ,
in-4°. C'est un mélange de divers
poèmes intitulés : V Homme , qui est
parfois uncfalble imitation de Milton;
le Désespoir ; — V Espérance ; —
la Fausse liberté ou la Licence ; —
le Désir ; — le Remords ; — la Ré-
flexion; — la Joie ; — la Tristesse ;
— la Femme. Oiioicpie cet ouvrage ait
eu des admirateurs en France, la pré-
tention de l'auteur à se croire l'inven-
teur du rliytlime dans lequel il avait
composé ses vers , quoiqu'il fût déjà
usité en Espagno,lui donna des ridicu-
les dans sa p:>lric , et il fut obligé de
convenir de son erreur. Il iiublia en-
suite : T. Poesias de Melchlor DIaz
de Tolède, jioela del siglo xri ,
TRI 523
SéviUe , 1776. Ce sont différentes
pièces , tant originales que tra-
duites du grec et du latin , de Lu-
cain, de Théocrite, etc. Trigueros
lit passer ses propres vers pour ceux
d'un prétendu poète inconnu du
seizième siècle , et il eut la satisfac-
tion de voir que quelques lecteurs
furent dupes de sa ruse , et que les
autres rendirent au moins justice à
son ingénieuse facilité. II. Viage al
cielo , del poeta filosofo , poème en
trois chants à la louange de Charles
III, et à l'occasion de l'accouche-
ment de la princesse des Asturics ,
Séviile, 1777. \\\.S. Felipi Neri
al Clero , Séviile, 1784 , hî-4'>. C'é-
tait la seconde édition d'un poème
qui , à sa première apparition ( vers
l'an 1775 ) , avait généralement dé-
plu en Espagne , même à un orato-
rien qui l'avait demandé à Trigueros,
parce que sa doctrine offrait plu-
sieurs allusions à l'expulsion des Jé-
suites, Cet ouvrage donna naissance
à divers écrits polémiques , dans
lesquels le poète était fort maltraité.
Ses envieux on vinrent au point de
l'accuser d'hérésie , moyeu toujours
commode en Espagne pour atterrer
et perdre son ennemi. Trigueros, sans
se laisser abattre, usa de modération;
maisvovantquece moyen nclui réus-
sissait jias , il eut recours à la satire,
et réfuta ses rivaux dans l'ouvrage
suivant : IV, Papel viejo y malo ,
ou Lettre critique et apologétique du
docteur D. M. M, A, C, M. T. avec
des notes et des commentaires , par
un professeur de vim vi repellere
licet , Aletopolis , 1777. V. La,
Riada (l'inondationl, Séviile, 1784.
C'est un poème allégorique sur le
terrible débordement du (luadalqui-
vir , dans l'hiver de 17B3 à 1784,
vl à la louange de don Pedio Lope/.
de Lerena , alors a.ssist.tnt de Séviile,
524
TRI
vt depuis ministre des finance». On
blâma l'aiitear d'avoir pousse l'adu-
lation jusqu'à faire paraître Minerve
sous les traits de cet intendant de
l'Andalousie , qui étôit fort laid, et il
essuya les traits d'une satire viru-
lente de don Juan Forncr. Il fut dé-
dommage' de ces désagréments par
les éloges qu'il reçut de quelques lit-
térateurs français . entre autres de
Florian , dont la lettre originale est
rapportée dans le tome iv de la Bi-
hliothèque espagnole deM. Sempère.
VI. Los Menestrales ( les artisans ),
comédie couronnée par la ville de
Madrid , et représentée à l'occa-
sion des fêtes de la paix et de la
naissance des infimts jumeaux , don
Carlos et don Philippe , Pdadrid ,
1784. Cette pièce, au jugement de
Sempère , est une des meilleures du
théâtre espagnol , et l'une des pre-
mières qui aient été écrites dans un
genre différent des anciens auteurs
dramatiques castillans. Elle n'a pas
laissé cependant que d'essuyer de
violentes critiques , comme trop sur-
chargée de morale , et de compter
parmi ses détracteurs don Thomas
Yriarte : mais elle a trouvé aussi des
apologistes parmi les Français ; et
Sempère rapporte à ce sujet une
pièce de vei's anonyme , qu'il dit être
de Florian , quoiqu'on n'y recon-
naisse point la grâce du diantre d'Es-
telle , du second de nos fabulistes.
Triguerosestmort vers la lin du der-
nier siècle. Outre les ouvrages que nous
avons cités, il a publié : VU. Deux
comédies , El Tacano ou Ducndes
hay scnor D. Gil ( V Avare ou les
farfadets du seigneur D. Gil ) , et
El Precipilado ( l'Impatient ) , en
prose. W[\ . La A'^ecepsis ,\m\h'C A' un
assez mauvais opéra italien , et qui
cependant produisit plus de (piatrc-
vijigt mille réauv (vingt mille francs)
TRI
à la première représentation, parce
qu'elle fut la première pièce jouée
sous le titre de tragédie , et que la
fameuse actrice Françoise Ladveuant
était chargée du principal l'ole (1).
IX. Les Cadres de Murillo , poème
lu à la distributiondes prix à l'acadé-
mie des beaux-arts de Séville.X. La
Paix dans la guerre , poème lu à la
société économique de la même ville ,
et qui valut à l'auteur une médaille
d'argent. XI. Relationdesf êtes , tic,
qui eurent lieu à Séville pour la ra-
tification de la paix et la naissance
des deux infants jumeaux. Les ouvra-
ges que Trigueros a laissés manus-
crits sont en bien plus grand nombre:
neuf tragédies , Oreste , et OEdipe
roi , traduites ou imitées du grec ;
Alceste , Scipion à Carthage , Cj^a-
ne , Phèdre , Viting , les Théseï-
des , et les Guzmans ; neuf comé-
dies, Y Ileautontimorwnenos , imitée
deTérence; DonAtnador, imitée de
V Indiscret de Voltaire ; la Délicate ,
le Critique , le Théâtre comique ,
Trampalantran , \eMort ressuscité^
les Illustres voleurs, El Gazmoho
(l'Hypocrite), imitée du Tartiiffe
de Molière. Quoique l'auteur ait
adouci plusieurs traits de son mo-
dèle, et (pie sa pièce ait été très-ap-
plaudie sur les divers théâtres d'Es-
pagne, elle est pourtant mise à Y index
des livres prohibés. Cinq jvislorales :
la Belle matinée , la Zalamcra ,
Endjmion , les Fureurs de Roland
et la Mort d'Abel , les deux dei-
nières imitées de Métastase. Le Livre
des Psaumes, mis en vers casiillans,
avec des notes 5 cet ouvrage n'a pas
été terminé. Des Traductions, en vers
(1) Cill-- ;■■ liiti;, la |>1ii.h iiail'iilh- i|ii'iiit ihi« l'iis-
jugiii', iiiminil lie cli'liiiuclii's, 'i viiiKt-''*"» »»■'' •
1.' Il i.Mil 17751, cl lui inHi irc duii.1 l'iglisc du
villiiKC de liiiriasol, i)r;'s de Valence , où l"ou \oit
[it'iit-i'lre encore son luiul)eaii.
TRI
castillans, des Églogiies et de l'Éueide
tie Virgile , de divers morceaux de
riiiade et de l'Odyssée d'Homère,
de plusieurs Odes d'Aiiacrcon y de
Sapho , de Pindare, d'Horace , de
divers passages de Sophocle etd'Eu-
ripide.Trigueros avait commence nue
traduction de l'Économie rurale de
Columelle , qui devait accompagner
une édition du texte corrige'^, et
cclairci par des notes. 11 s'était
aussi livré à l'érudition , à l'his-
toire naturelle et à l'économie po-
litique. Quelques-unes de ses Dis'
sertations sur des antiquités sont
imprimées dans les Mémoires de l'a-
cadémie de Séville. Son Spccimen
Florce-Cannoncnsis , son Traité de
V Huile , lui valurent le titre de cor-
respondant du jardin royal de Ma-
drid. H a laissé des Discours sur
V Amélioration des terres , sur la
Végétation, smVIndustrie apicole
et sur le Perfectionnement de la
laine; il lut ce dernier à la société
économique de San - Lucar , qui le
reçut au nombre de ses associés ho-
noraires: une Fie de don Augustin
de Montianoj" Lujando ; des Rap-
ports écrits par ordre surpérieur ,
sur le mode de perfectionner une aca-
démie royale des sciences naturelles;
sur des établissements d'hôpitaux ;
sur les moyens de Reformer la Zit-
ferrtf«re espagnole, tant sous le rap-
port de la morale que du bon goût.
Des Lettres, dont quelques-unes sont
des dissertations sur divers points
de littérature j enlin plusieurs mor-
ceaux philosophiques , qui devaient
entrer dans un ouvrage périodique
nommé V Observateur. En général
les nombreux ouvrages de Trigueros
sont écrits avec précipitation et né-
gligence. A T.
TRILLER (Danikl Guillaume) ,
poète allemand ^né,le lo fév. 1695,
TRI 525
à Erfurt, était, en 1730, médecin
du prince de' Nassau - Saarlu'uck,
avec lequel il lit un voyagcen Suisse,
en France- et en Hollande. Eu 1740 ,
il était médecin du duc de Saxe
Weissenfels. Ce prince étant mort en
1743 , Triller obtint la première
chaire de professeur à l'université d(;
Witlenberg , avec le titre de conseil-
ler et de médecin de l'électeur de
Saxe. Il mourut, dans ces fonctions;,
le 22 mai 1782. Jusqu'à ses der-
niers moments il cultiva la poésie al-
lemande- et ses productions furent
très-recherchées : ou y trouvait un
style simple, pur et facile; mais il
ne soutint qu'avec peine sa première
réputation. 11 se jeta mal-adroite-
ment dans les disputes que Gottsched
eut avec les écrivains de la Suisse ;
il écrivit contre la Messiade de
Klopstock , pour tourner en dérision
les hexamètres de la poésie alleman-
de, prévention qui fut universelle-
ment repoussée. D'ailleurs Triller,
airxiant avec passion la philologie,
les antiquités et la médecine des an-
ciens , affectait l'érudition dans ses
poésies , en y mêlant trop souvent
ses recherches scientifiques. Voici
les principaux de ses ouvrages , qui
ont tous paru en allemand. 1. Jésus-
Christ souffrant , traduit de Hugo
Grotius , avec l'original latin en
regard, et des observations , Leip-
zig , 1723, in-S". ; nouvelle édition ,
1748. II. Considérations poétiques
sur différents objets pris dans V his-
toire naturelle et la morale , avec
des morceaux traduits du grec et
du latin , en cinq parties , Ham-
bourg, 1750 et 1755;, 3 vol. iu-80.
III. Nouvelles fables à la manière
d'Ésope , Ihmhonr^, i75o, iu-B".
Dans sa préface,rauleur ayant vive-
ment attaqué les éci vains de la Suisse ,
Ernesti , qui fut charge , comme ceu-
'>i6
TRT
seur, de revoir son travail ^ sup-
prima les feuilles qui contenaient
des expressions trop violentes. Ces
feuilles étant tombées entre les mains
des e'crivains suisses , il les firent pa-
raître dans \(t\M Collection , publiée
à Zurich par Bodiner et Breitinger.
La querelle devint très-vive , el les
deux écoles, celle de Gottsclied et
colle de Zurich, ne gardèrent plus de
mesure dans leurs attaques. I\". En-
lèi'einent du prince de Saxe , ou le
Charhoimier bien récompensé , en
quatre livres , avec gravures et ob-
servations historiques , Francfort ,
l'y 43, in-8"'. Dans sa préface, Tril-
1er prétend que son poème n'appar-
tient point à l'épopée, son person-
nage principal n'étant qu'un char-
bonnier, ce qui donna, au Jour-
nal savant de Gottiugue^ occasion
d'examiner la question suivante:
Faut - il chercher les caractères
distinctifs et essentiels du poème
épique dans l'importance de l'ac-
tion , ou faut-il les rapporter au
rang élevé dupersonnage principal}
Le supplément que Triller a mis à la
suite de son poème contient les deux
pièces suivantes en allemand: 1°.
Glagium Kaujjugense , ou le prince
de Saxe enlevé , en 14 >5, du châ-
teau d' Altenbourg , par Conrad de
Kaujfungen ,avec les circonstances
qui accompagnèrent cet enlève-
ment , etc. , par Jean Vulpius •
2°. Jour de la mort de la prin-
cesse Marguerite , électrice de
Saxe , avec quelques circonstan-
ces de sa vie , et en particulier
l'enlèvement des princes ses fils ,
par VV. Tentzel. V. IFurmsamen,
ou la semence de vers , poème
épique, premier chant , Franc-
fort, inOi , iii-H». D'après la préfa-
ce, ce premier chant devait rtre sui-
vi de vingt-neuf autres. L'auteur, dé-
TRt
courage probablement par les criti-
ques qu'il essuya , n'a point conti-
nué son ouvrage. YI L'inoculation
de la petite vérole , poème physi-
que et moral, Francfort, 17O6 ,
in-S". VIL Poésies d'Opitz , nou-
velle édition, publiée par Triller,
avec ses obseï vations , Francfort ,
1746, in-8'3. Kultner, dans ses Ca-
ractères des poètes allemands ,
dit de Triller : « Son expression
est toujours propre, claire, élégan-
te ', sous ce raj.'port , il n'a au-dessus
de lui aucun poète de l'école de Gott-
schedj et, sur les poètes qui vivaient
dans les temps de sa jeunesse, il
l'emporte peut-être par rétendue de
ses connaissances et par les lumières
de sa critique. Mais on ne trouve eu
lui ni cette force de génie, ni cette
fmesse , ni cette ardeur d'imagina-
tion^ qui sont les premièi'es qualités
du véritable poète. » G—- y.
TRLMMER ( Mistbiss Sara ) ,
Anglaise , a consacré une partie de
sa vie à l'instruction et au perfec-
tionnement moral de la jeunesse. Elle
a composé dans ce but plusieurs ou
vragesqui sont estimés: elle peut être
regardée comme la promotrice des
écoles gratuites ouvertes le diman-
che en faveur des jeunes tilles sans
fortune, et dans lesquelles on leur en-
seigne un état utile, en leur incul-
quant en mcme temps les princijicsdc
la morale et delà religion. INous
citerons entre ses écrits : L Intro-
duction à la connaissance de la
nature et à la lecture des Ecritu-
res saintes ,t\;n\ni\c en français. 11.
Abrégé de VJIi^toire sainte , com-
posé de leçons tirées de l'Aiwwn
Testament. 111. Abrégé du Nou-
veau Testament , leçons composées
principa lemenl d'après les Evangiles.
IV. Catéchisme des saintes Ecritu-
res, contenant tmc explication des
TRI
leçons ci-dessus , dans le style de la
conversation familière, i vol. V.
h' Histoire sainte , tirée des Ecri-
tures , avec des annotations et des
réflexions. \i.. Histoires fabuleuses,
destinées à enseigner le traitement
qu'on doit aux animaux. Ce livre
a cte traduit eu frauçais sur la a"^*".
édition par David de Saint-George
( ^ . ce nom ) , avec cette épigra-
phe tirée de La ÏMotte : Leçon com-
mence , exemple achève , Genève ,
1789, 2 vol. in-i2. YII. Ij Econo-
mie de la charité , in-12 , 17 8".
L'auteur y fait un appel aux riches
et bienfaisantes dames, enfiivcur des
e'coles du dimanche, et pour réta-
blissement d'écoles d'industrie , où
l'on apprendi'ait à des enfants de
cinq ans à liler le chanvre , à carder
et à liler la lame, ainsi que la cou-
ture , le tricot, etc. On trouve dans
cet opuscule deux dessins d'un
rouet horizontal , inventé par M.
Barton de Carlisle , où douze petites
filles peuvent liler à la fois : le livre
est dédié à la reine, qui , après avoir
admis l'estimable institutrice et ses
élèves h. travailler en sa présence ,
se déclara la protectrice des écoles
du dimanche. \ IlL Histoire d'An-
gleterre jusqu'à la paix de Pa-
ris, 1 volumes. IX. Histoire an-
cienne. X. Histoire romaine. Ces
trois ouvrages ont été réimprimés
en 1816 , avec des ligures en
bois. ÎMistriss Trimmer avait bor-
né ses prétentions à contribuer à
l'éducation des enfants des classes
inférieures de la société ; mais le
mérite de ses écrits en a étendu
l'usage aux classes plus élevées.
Elle entreprit la publication d'un ou-
vrage périodique qui parut d'abord
chaque mois, et ensuite par trimes-
tre , sous le titre du Guide de l'é-
ducation ( thr Guardian of edu-
TRI 527
cation) , et qui eut vingt-huit numé-
ros , formant cinq volumes. Cette
dame mourutdans les premiersjours
de janvier i8i5. Ou a publié, en
1816 , des Mémoires sur la vie et
les écrits de mistriss Trimmer, SLvec
des lettres, des méditations et des
prières nouvelles, choisies dans son
Journal , Londres , 2 volumes in-80.
L.
TRIÎMOND (Charles de) , prieur
de Cabrières, issu d'une famille ori-
ginaire de Provence, naquit à Nîmes
en iG'Jo. Un de ses oncles, chanoine
et conseiller-clerc au pi'ésidial de la
même ville, s'était fait connaître par
un recueil d'Opuscules , intitulé :
Leonis Trimundi , mediensis , ora-
tiones quœdam , epistolœ, epigram-
mata , juvenilia opéra , Lyon ,
1612 , in-i'.i. Le neveu acquit une si
grande réputation par ses remèdes
centre toutes sortes de maladies, que
de toutes parts on accourait pour
se faire traiter par lui. Louis XIV le
lit venir à Paris en i6b'o, pour la
duchesse de Foutanges , attaquée
d'une hémorragie qui avait résisté à
tous les ell'orts de la médecine. On
prétend que Trimond la guérit; du
moins toute la cour en fut persuadée
et cria merveille , ainsi qu'on peut le
voir par les lettres de madame de
Sévigué. Cependant la duchesse mou-
rut l'année suivante , de la maladie
dont on la disait délivrée. La con-
fiance du monarque pour le prieur
de Cabrières ne fut point altérée par
cet événement: il l'appela une se-
conde fois en iGSG , probablement
pour lui demander quelque recette
contre la listule ; ce fut du moins au
milieu de cette même année que le
roi en subit l'opération. Ou peut en
eoiichue que l'art de l'abbé de Ti'i-
moiid était resté impuissant dans
cette occasion. Son prmri])al spéci-
3'iS TRI
lîque c'tait contre les hernies. Le roi
Toulut en apprendre la composiliou j
mais il fallut, pour obtenir celte re'-
vëlatiou , qu'il promît de garder le
secret jusqu'à la mort de l'inventeur.
Le prince , Cdele à sa parole , prépa-
ra long-temps lui-même le breuvage
et l'emplâtre qui formait le remè-
de ; et afin qu'on ne sût pas quelles
drogues il y employait, il s'en faisait
apporter un certain nombre d'inutiles
en même temps que les nécessaires.
La distribution du remède se faisait
atout venant par le vaiet de cliam-
bre de service. Aussitôt après le
de'cès de Trimond , la formule eu
fut publiée sous le titre de Remède
du prieur de Cahrières. « C'était ,
» dit Sprengel , un composé d'esprit
» de sel marin , mêlé à du vin rou-
» ge. » On le prenait intérieurement,
et on en aidait l'action par l'usage
d'emplâtres astringents. Ou trouve ,
à ce sujet, quelques détails dans
VHistoire du Moxa de Valentin.
Diouis dit, dans sou Cours d'opéra-
tions de chirurgie démontrées au
jardin du roi, que « le prieur de Ca-
» brières , quoiqu'il fit mystère de
» tout , n'était ni charlatan ni inté-
» ressé , et que , plein de charité , il
» donnait souvent gratuitement ses
» remèdes. » Il mourut à Fontame-
bleau le 24 novembre 1 686. V. S. L.
TRINCANO (Didier-Grégoire),
ingénieur , né , le 26 décembre 1719,
à Vaux , bailliage de Besançon, était
fils d'un colporteur ( i ). Ayant trouve
les moyens d'étudier les mathémati-
ques, il y fit de rapides progrès _, et
obtint bientôt la place de professeur
adjoint à l'école d'artillerie de Be-
sançon. 11 servit , comme ingénieur,
(i) U i-!cv.i , <l;iii» lii «uilf, l;i pirlciilion do Hcs
rniJrc <l'u)ii- umim-mw cl riolil).- ruiiiillc du Mil»'
I1P7. ; main le P. nniiand { V. <:r nniii ) , «i «»vaii
en ijcm-alogic, up \.i lroiiv.iil i>a» foiult-r.
TRI
au siège de Fribourg ( 1 'j44)j f" Vvo-
vence, en Italie, et enfin au siège de
Berg-op-Zoom (i';47)- A la paix, il
revint prendre ses modestes fonctions
de professeur suppléant ; mais le
temps qu'il venait de passer à l'armée
n'avait point été perdu pour son ins-
truction. En 17547 il remporta le
prix des arts à l'académie de Besan-
çon, par un Mémoire sur cette ques-
tion : Quelle serait la manière la
plus économique de fabriquer du sel
en Franche ^ Comté ? Deux ans
après , le dey de Tunis ayant demandé
des ingénieurs français , Trincano
fut envoyé près de ce prince , et fit
fortifier la ville de Kairovan. A son
retour en France, il fut nommé pro-
fesseur de ma thématiques deschevau-
légers et des pages , et établit à Ver-
sailles une école qui a fourni des élè-
ves distingués , parmi lesquels on doit
citer le fils de Trincano lui-même et
M. Richer, habile constructeur d'ins-
truments de physique {F. Richer,
Biographie des hommes vivants , v,
195). Le chagrin que lui causa la
mort prématurée de ce fils chéri
empoisonna sa vieillesse. Il eut le
malheur d'être témoin des premiè-
res scènes de la révolution , et
mourut vers 1792. Il était associé
correspondant de l'académie d'An-
gers. Les seuls ouvrages que l'on con-
naisse de lui sont : 1. Discours sur
les fortifications, et de la nécessité
d'un maître de mathématiques pour
l'infanterie, Besançon, 1755, in-4".
de 60 pag. II. Éléments de fort fi-
calion, de l'attaque et de la défense
des places , etc. , Paris , 1 768 , in-8".;
2'=. éd. , 1 786 , 2 vol. in-8". , accom-
pagnés de 5 1 ])l. Cet ouvrage présente
l'analyse de neuf systèmes imaginés
par l'auteur , qui trouvait des raisons
poiu' les préférer à ceux de Cioliiuii
el de Vauh.uij mais les militaires n'en
TRI
ont pas juge de même. Peu de temps
après la publication de cet ouvrage ,
il en parut une critique très vive ,
sous ce titre : Lettre d'un ingéiiieur
tx un de ses amis , Amsterdam (Pa-
ris)^ 17^9. in- 12. Trincano répondit
aux objections de son censeur anony-
me , dans la préface de la seconde
édition. III. Traité complet d'a-
rithmétique, ib;d. , 17S1 , iu- 8". ;
i']87, même format. — Trincano
(Louis-Charles-Victoire), ûls du pré-
cédent, né à Besançon en x"]^^,
acheva ses premières études à Ver-
sailles. Très-jeune encore il publia ,
pour la défense de son insfituîeur :
Réponse aux observations de M.
Vahhé du Sapt sur le plnn d'étude
de M. Gaultier , Paris , 1768 ,
in- 1'2 de 21 pag. Bientôt après, il
fut adjoint à son père, avec promes-
se de lui succéder , et obtint ime pla-
ce dans les bureaux de la guerre.
Ayant profité de ses loisirs pour
étudier le droit, il se fit recevoir
avocat au parlement , et ne tarda
pas à se faire connaître au barreau.
Il venait de concourir pour une
chaii'e à la faculté, quand il fut atta-
qué de la petite-vérole , qui l'enleva,
le 5 octobre 178"», à trente- un ans.
Outre rOpuscHJc dont on a parié et
quelques Discours prononces au m >
sée, dont il était secrétaire, il est au-
teur de deux ouvrages, imprimés avec
ceux de son père , et qui prouvent
l'étendue et la variété de ses connais-
sances : Nouveau sjstèmc d'ordre
renforcé, dans les Eléments' {le
fortification, i, 26G; et Mémoi-
re sur les logarithmes et quan-
tités négatives , à la suite du Trai-
té d'arithmétique. Ou a l'Éloge
funèbre de Trincano, par Bic-
quilley, 178(3, in-8''. de 4o pag. Son
porlrait a été gravé par INl. Ponce.
W— s.
TRI 529
TRINCAVELLI (Victor), l'un
des médecins les plus distingués du
seizième siècle , était né, en 1 496 ^ i ) ,
à Venise, d'une famille honorable de
Padoue , où il commença ses études :
il se rendit ensuite à Bologne, et il
y fit de si grands progrès dans la
littérature grecque , que ses maîtres
eux-mêmes le consultaient sur le sens
des passages les plus difficiles. Au
bout de sept ans, il revint à Padoue
continuer ses études médicales ; et
en terminant ses cours, il reçut le
laurier doctoral. De retour à Venise,
il s'y fit bientôt connaître avanta2;eu-
sement comme praticien et comme
helléniste. Il ne tarda pas d'être
pourvu de !a chaire de philosophie,
que la démission de Sébast. Fosca-
rini laissait vacante ; et , malgré les
devoirs que lui imposait cette place,
j1 trouva , dans une sage distribution
de son temps, des loisirs pour se
perfectionner dans la médecine et
dans la philologie. C'est à cette épo-
que qu'il donna , sur des manuscrits
découvei'tj récemment , des éditions
d'une foule d'ouvrages grecs, qui n'é-
taient encore connus que par à.Gs
versions latines infidlles ou défec-
Ineusesl Le noble dévouement de Trin-
ravelU h l'égard des habitants de
l"î!c Murano, atteints d'une maladie
epidémique , accrut beaucoup sa ré-
putation comme médecin. Son re-
tour à Venise fut une sorte de triom-
plie. Admis, par, acclamation ,.au
collège de médecine de cette ville ,iil
fut, en i55i, choisi pour succéder
à J.-B. Alonti , dans la faculté de
Padoue. L'iniluence qu'exerça Trin-
cavelli sur cette école al prodigieuse.
(i) Vtr5i4i|', suna&l TlraboM-lii, ô.ul on ne
re<::uiiuait pasici J'euclituilp^ui'iUq^rf , V.</(>/vu J'/-
laUlleral. ilaliann , VII, 67.^; en i^-'n suivant la
nt>\i\e\\o Bin^rtiph. mc-hrule,- moi» c'est nue f.iiitt
IViMigmpliiquc.
34
53o
TRI
Il y changea l'enseignement médical^
en rappelant les élèves à rëtiidc des
mcdccnis grecs , et notamment d'Hip-
pucrate , dont personne avant lui
n'avait explique' les ouvrages en Ita-
lie. Sa vénération pour le père de la
ve'ritable médecine ne le rendit ce-
pendant point injuste à l'égard des
médecins arabes. En rejetant leurs
idées purement spéculatives , il sut
distinguer les principes que l'obser-
vation leur avait fait admettre , et
conserva de leur pratique tout ce qui
lui parut utile. Le traitement de
Trincavelli comme professeur, fixe'
d'abord à neuf cent cinquante florins,
fut porté dans la suite à onze cents ;
mais l'exercice de son art aurait été'
pour lui la source d'une fortune im-
mense, s'il eut eu moins de désintéres-
sement. Malgré son âge avancé, il fut
envoyé par le sénat dans la Garniole,
pour donner des soins au résident
delà république, qu'il eut le bon-
heur de guérir 5 mais, à son retour à
Venise , il tomba malade de fatigue,
et mourut, le 21 août i568 (2), à
l'âge de soixante - douze ans. Ses
obsèques furent célébrées avec une
grande pompe , aux frais de l'état.
Parmi les éditions princeps d'auteurs
grecs que l'on doit à ïrincavelli ^
nous citerons : les OEuvrcs de The-
mistius , i534 , pptit in-fol. — Les
Commentaires de Jean le grammai-
rien , sur Arislote, i535-3G , 4 vol.
in-fol. — \j Histoire de V expédition
d'Alexandre, par Arrien^ i535,
in-8''. — Le il/«/»/fi/ d'Épictète avec
le Commentaire d'Arrien, i535 ,
in - 8". Les Sentences de Stobée ,
1 53 5 , in-4". , et enlin les Poèmes
d'Hésiode, i53'j,in-4". Les OEu-
vres médicales de Trincavelli ,
(a) On lit d.iiis (|iiclf|iir» niilfurs , en i5(i3 ; m.ii»
ï'cil fucoTB uim faute d'itinircsnion.
TRI
dont chaque partie avait été pu-
bliée séparément , ont été recueil-
lies en 2 volumes in-folio, Lyon,
1 586 , 1 592 ; et Venise , 1 Sgg , pré-
cédées de la Vie de l'auteur , par
Maruccini. Outre des Commentaires
sur quelques livres d'Aviccnne , sur
les Prognostics d'Hippocrate, et sur
plusieurs opuscules de Galien, cette
collection renferme divers traités sur
les principales branches de l'art de
guérir, tels que de la Saignée à;ms les
maladies inflammatoires; une Prati-
que médicale, en deux livres; rnic Ma-
tière médicale, avec un traité de la
jîréparation desremèdes, etc. Les pro-
grès de la médecine rendent ces ou-
vrages à-peu-près inutiles; mais on a
du les lire long-temps avec fruit. On
doit encore à Trincavelli , sous le
titre de Consilia medica, un Recueil
de consultations des méd-ecins ses
contemporains , qui fait bien con-
naître la pratique du temps. L'édition
de Bàle, 1587 , in-fol., était la meil-
leure avant celle qu'a donnée récem-
ment M. Sprengel, précédée de la
vie de Trincavelli, qu'on a citée plus
haut. Il faut consulter , pour plus de
détails, les iScnffor. Veneziani du P.
Degli Agostini , 11 , Sag. W — s.
TRINCI ( CoNUAD DE ) , prince de
Foligno , fut élevé à la souveraineté,
le 22 décembre iS^y , après que son
frère Trincio de Trinci eut été as-
sassiné. Il devait à l'appui du parti
Gibelin la souveraineté de Foligno ,
qui était déjà dcinenrée un demi-
siècle dans sa famille. Tantôt traite
par les papes comme rebelle, tantôt
reconnu couiinc vicaire de l'Eglise ,
dans sa petite principauté , il con-
serva son indépendance au milieu
des guerres civiles (jiii d<;solaient l'I-
talie. Enfin, parles ordres d'Eugène
IV, le patriarche Vitelleschi assiégea
Foligno en 14^9» ^^ ayant été in-
TRI
trodiiit dans la ville par trahison ,
vers la fin de l'aunëc, il fit tiaucher
la tête à Conrad de ïrinci et à ses
deux fils, et réunit celte petite prin-
cipauté à l'état de l'Église. S. S — i.
TRIONFETTI (Jean-Baptiste),
botaniste , ne, à Bologne, en i656,
dut abandonner les sciences natu-
relles , pour obe'ir à la volonté' de
son père, qui le destinait au bar-
reau. 11 apprit le droit à Rome,
oîi il cultiva en secret ses ancien-
nes e'tudes. Plus occupé de bota-
nique que de jurisprudence , on le
ci-ut digne d'occuper la place de di-
recteur au jardin public de Rome,
en 1698. Il entreprit des voyages ,
herborisa en différentes provinces, et,
au bout de dix ans , parvint à ras-
sembler sur le Jauicule environ six
mille espèces tirées en grande partie
des états romains. Cette collection ,
qui doit paraître très -bornée de nos
jours, étaitalors une des plus considé-
rables de l'Italie. Elle avait , en outre ,
le mérite de recomposer la flore du
Latiiim. Trionfetti se préparait à eu
dresser le Catalogue ^ lorsqu'il em-
brassa la défense de son maître Sba-
raglia contre Malpighi. Cette que-
relle le jeta dans plusieurs erreurs ,
qu'on luivitsoutenir avec aussi peu de
sens que de modération. Malgré ce-
la , il peut être considéré comme
le fondateur du jardin botanique de
Rome. Il mourut dans cette ville ,
à la fin de novembre 1708. Ses
ouvrages sont : I. Observationes de
ortu ctvcgelatkmc planiarum , ciim
novarum stirpium Idstorid , Rome,
tH85, in-4°- , suivi d'im catalogue
de plantes alpines les plus rares.
Dans cet ouvrage, l'auteur semble
en vouloir à Bartholin ( V^. Bar-
TH0[,iN,III, 4^3); mais ses coups
portent plus haut : ils sont dirigés
contre Redi et Malpighi. II. Sj'llog.
Tlil
53 1
plantaruin horto romano addita-
ruin, il)id. , 1687 , in-4". III. Pro-
lusio ad puhlicas herbarum osten-
tiones , cm accesstrunt noi>arum
stirpium descriptiones , i])ideni. ,
1700, in-4''. IV. Findiciaruiii ve-
rilatis à castigationibus f/iiarum-
dam propositionum , qiiœ habcntur
in opusculo de Ortu et vegctatione
plantarum , etc., ibid., 170^, iu-
4"., i""®. partie et la seule publiée.
Voy. Fantuzzi , Scnttori Bolognesi,
VIII, 116. ÏRIONFETTl [LéLlus)^
frère aîné du précédent , et meilleur
botaniste que lui, a beaucoup écrit
sans avoir rien imprimé. Il fut, pen-
dant quarante ans, professeur de phi-
losophie et d'histoire naturelle à l'u-
niversité de Bologne, et le premier
président de l'institut des sciences ,
que le comte Marsigli venait de fon-
der dans la même ville. Il y mourut,
le 2 juillet 1722, à l'âge de soixante-
quinze ans. On trouvera chez le mê-
me Fantuzzi, vi 11, 1 18, le Catalogue
des ouvrages inédits de ce professeur.
Voyez aussi son Éloge, par Alexan-
dre Macchiavelli , dans le Giornale
de' letterati cTItalia, tome xxxv ,
art. 4. A — G — s.
T R I P ( Luc ), poète hollandais ,
né à Groningue , et membre distingué
de la magistrature de cette ville , y
mourut en 1783. Il a laissé un Re-
cueil de Méditations poétiques sur des
sujets religieux, sous le titre de Loi-
sirs utilement employés , Leyde ,
1774, in-S". Ce volume, peu consi-
dérable , a suffi pour lui assigner un
rang très-distingué parmi les poètes
de sa nation. Sa verve est riche et
féconde. On y regrette quelquefois
l'absence d'harmonie et l'emploi
d'exj)ressions un peu mystiques. M.
de Vries lui a rendu justice, dans
son Histoire de la poésie hollandai-
se, tome II, p. 246-a5'2. M — on.
34..
53a
TRI
TRIPPEL (Alexandre), sculp-
teur , no à Scliafl'house en i ']47 ,
mourut à Rome eu 1793. A neuf
aus , il fut envoyé chez un parent, à
Londres , pour apprendre la menui-
serie et la construction des instru-
ments de musique ; mais le gc'nie du
jeune artiste le dirigea vers l'art du
sculpteur. Il se perfectionna dans le
dessin , et suivit son frère à Copenha-
gue. Le professeur Wiedcvelt devint
son maître en sculpture. Après huit
ans de séjour en Danemark , il se ren-
dit à Berlin , où ses espérances furent
trompées. De i^etour h Copenhague ,
il fut couronué plusieurs fois à l'a-
cadémie. Après un séjour de trois
ans à Paris , où il se fit connaître par
le beau modèle de son groupe allégo-
rique sur la Suisse, il se rendit, en
inn-1^ à Rome, oi'j il travailla avec
beaucoup de succès , jusqu'à sa mort.
Une partie considérable de ses ou-
vrages se conserve en Pvussie. Il se
distingua autant par la noble simpli-
cité dans l'invention, que par la fines-
se, la netteté et la justesse d'exécution.
Son goût , perfectionné par l'étude
des antiques, se reconnaît dans tous
ses bas-reliefs , dans ses bustes et dans
ses groupes allégoriques. U — i.
TRLSSINÔ ( GiovAN-GioRGio ),
' poète italien , appelé en France Tris-
siii ou le Trissin, naquit à Viccnce
le <S juillet 1 47^ : le nom de son j)ère
et de ses a'ieux est quelquefois écrit
Tressino ou Dressino. Paul Béni a
romposc mie Histoire (i) de cette
famille : il la montre déjà illustre à
Vicencc , au douzième siècle. Le Tris-
sin n'avait que sept ans (2) lors-
qu'il pli dit son père , dont le pré-
Ci) ■[rnllnu, ,l.-li: vilaine .■ fiilli il/iiJii J. lia
fiimi^lia 'J'ri'Uiin , l'uilimp , iCj'i , in-/}". Mn/yu-
rliflli rir i iiiiiiai»s^iit pas < elln ••dilion, cl criiynit
(jue ce livre élait ri'»U' innnii.icril.
(a) Quoique! bii>i;iaplics (literil ncuranii.
TRI
nom e'tait Gaspard ; et il ne paraît
pas que sa mère , Cecilia Bevilaccjua ,
née à \ érone , ait prl- un grand soin
de son éducation littéraire. Il com-
mença tard ses études : ses parents
avaient craint que l'application ne
compromît la santé d'un iils unique;
c'est ce qu'on lit (3) dans une lettre
que Parrasio ( F. Parbuasius , Au-
lus-Janus , XXXIII , a3 ) lui adressa
plusieurs années après. Quelques-uns
même, et particulièrement J.-B.Im-
periali ( Mus. histor.., p. 43 ), ont
prétendu qu'à vingt-deux aus il n'a-
vait pas encore appris la grammaue
latine. Cette assertion a été contre-
dite : Tiraboschi ne la ti'ouve pas
rigoureusement réfutée. Quoi qu'il
en soit, Trissino eut pour premier
maître un prêtre de Yicence , nom-
mé François de Gragnuola. Il étudia
ensuite à Padoue, si nous eu crovous
Papadopoli ( F. XXXIÏ, 5i4-j i 5),
auteur d'une Histoire de l'université
de celte ville; mais ce fait aussi a
semblé doute;ix. 0;i s'accorde à dire
qu'il répara promptement le temps
perdu ^ que la littérature ancienne,
grecque et latine, lui devint bientôt
familière ; qu'il dévorait les livres,
et que Démétrius Clialcondyle ( F.
VII, G27; , dont il suivit les leçons à
I\Iilan, admirait la rapidité de ses
progrès (4). Si Lilio (iregorio Gi-
rakîi ( Foj. XVII, 438) élait en
même temps, comme on l'assuie ,
l'un des auditeurs de Chalcoudylc ,
les études du Trissin à Milan ne
sont à placer qu'en i5o7 : il avait
(3) /trccssisll senif ad sUidia lilleranim,ex iiidiil
gctiil imrcntiiin t/ni filio timehani unico in spein
mecessionit et inaxinlariim o/ium clarissima Jaini-
liœ su>ci}>to.
(4) Diï hnni ! Qiiiim rilo non modo lutinnm , srd
eliitm ^rcucain'^'ohisli liiii^uain , l'uiior hclltiu li-
brarum uuUm M. ('•■lo .'... Pnrdicanlein Dm,,-
..l;i,uil;,<
royutn t/itani
Irriiii ... ta/h- niidit ■ ■ •
odir l'ievi lanliim fiii'Jl-cisie. Parrasio, dan» I» lue-
■...•iHho.
TRI
alors vingt-sept ans j et il y a, dans
l'histoire de sa vie , quelques autres
faits dont les dates sont antérieu-
res à celle-là. Il lit, en eircl, à l'âge
de vingt-deux ans , c'est-à-dire en
i5oo ou i5oi , un premier voyage
h Rome , y passa deux années ; et ,
de l'etour à Yicence , il épousa Gio-
vanna Tiene , que Zeno et Maffci
appellent, par erreur^ GiovannaTris-
sina. L'epuque de ce mariage n'est
pas bien déterminée : plusieurs bio-
graphes indiquent l'année i5o4;
Niceron et Ginguené, iSoSj Maf-
fei , i5o2. ÎSous savons du moins
que Trissino eut de sa première
femme deux llls , dont l'un , nomme'
Francesco , périt fort jeune; nous par-
lerons bientôt de l'autre , que distin-
guait le prénom de Giulio : leur mère
ne vécut que jusqu'en i5io.L'amiée
suivante moui'ut DémétriusChalcon-
dyle, à qui Trissin lit, par reconnais-
sance, élever un monument avec luie
inscription qu'Argelati a transcrite,
et qui se lit encore dans une église de
Milan (5). Dès les premières années
du pontificat de Léon X, Trissmo
revint à Rome, oii son savoir, ses
talents et ses mœurs lui concilièrent
l'estime publique. Il avait étudié
non-seulement les belles-lettres , mais
aussi les sciences mathématiques et
physiques, la théorie de tous les
beaux-arts, et spécialement de l'ar-
chitecture. Déjà connu par quelques
essais poétiques, il devint célèbre, en
i5i4 ou i5i5, par sa tragédie de
Sophonisbc. On a dit, et Voltaire a
répété plusieurs fois , qu'elle fut re-
présentée en i5t4? à Vicence, sur
un magnifique théâtre , construit tout
(5)/*. Ifl. Dcmeliio Chalcandylœ nlheiiiensi . in
ttudiis liltcraruin grœcar. emincnlissimo , c/iii vixil
annos I.WVII, ineiit. V, ri ohiil n/iHo ivinxi J.
(ieorg. 'J'iitsinuf , Oa'/i. JlUus , Praccptori o/j-
ttino et sanciissimo , posuil.
TRI
533
exprès pour elle. Ce récit n'est pas
invraisemblable, quoiqu'on ait pré-
tendu quelquefois que cette pièce n'a-
vait été achevée qu'en i5i5. D'au-
tres disent que le pape Léon en fit
donner une représentation solen-
nelle : Voltaire s'est abstenu de rap-
porter ce fait, qui n'est aucunement
prouvé, selon ïiraboschiet Gingue-
né. Dans une lettre de Rucellai ( P^.
XXXIX, a5o-'i52 ) au Tiissin , da-
tée du 8 novembre 1 5 1 5 , il est dit
que peut-être la Sophoiiishe sera
jouée devant le pape, durant le sé-
jour qu'il doit faire à Florence : il
iaut noter pourtant que ces mots ne
se trouvent point dans l'une des co-
pies manuscrites de cette épître. Ce
qui est avéré , c'est que Trissino eut
le bonheur d'inspirer à Léon X une
haute idée de ses talents et de ses
limiièrcs. 11 fut chargé, par ce pon-
tife<, de plusieurs négociations im-
portantes : il remplissait une mission
de cette nature à Venise, depuis le
mois de septembre i5i() jusqu'au 5
janvier i 5i -y, comme on le v^oit par
des lettres de Bembo. Envoyé pareil-
lement auprès du roi de Danemark
Christian II , et de l'empereur Ma-
ximilien, avant i5i9, Trissino s'ac-
quitta si bien de ces fonctions , qu'il
sut mériter à-!a-fois les bonnes grâ-
ces du pontife qui les lui confiait, et
celles du chef de l'empire. Celui-ci
lui accorda le droit de mettre la Toi-
son d'or dans ses armoiries, et de
prendre le'surnom tlal Vello d'oro ;
c'est ainsi que sont signées deux let-
tres qu'il a écrites depuis au cardi-
nal Madrucci, évêque de Trente. Il
avait aussi reçu de Maximilien la
([ualitc de chevalier et de comte :
Charles-Quint, auprès duquel il a
rempli de semblables missions après
iTut), hii confirma ces litres et ces
privilèges. Mais a-t-il été inscrit
534 TRI
dans l'ordre des chevaliers de la Toi-
son d'or? On ne s'accorde pas sur
ce point. Manni l'aUlrme, dans le
tome XV ( p. iSt ^ de ses Observa-
tions sopra i Sigilli; mais Tira])os--
dû, et, avant lui, Apostolo Zeno ,
l'ont conteste : ils pensent que le sur-
nom Fello d'oro, et le titre de che-
valier étaient, pour le Trissin, indé-
pendants l'un de l'autre ; ils obser-
vent qu'il ne s'est jamais permis de
les réunir, et en concluent que la
permission de s'en décorer n'a point
entraîné son inscription dans cet or-
dre. Toutefois il avait joint à ses
armes les mots grecs tô Çr)Toû|:x£vov
âloirô'j ( qui cherche trouve ), em-
pruntés de V OEclipe-Roi de Sopho-
cle ( v. 1 1 o ). Léon X étant mort en
décembre x52i , Trissino revint à
Viccnce : en 1 5^3 , il y prit , dans
sa propre famille , une deuxième
épouse, Bianca Trissina , dont il eut
bientôt un fils , nommé Ciro , et une
il Ile. Profitant de ses loisirs polir se
livrer à ses goûts littéraires, il pu-
blia , en iSag, plusieurs écrits rela-
tifs à l'orthographe italienne, à la
grammaire , à la poétique. Cepen-
dant Clément VII , souverain pon-
tife depuis iSaS, réclama ses ser-
vices, et l'envoya, comme avait
fait Léon ^ auprès du gouvernement
de Venise , et à la cour de Charles-
Quint. Au couronnement de cet em-
pereur , à Bologne, en i53o , le
Trissin porta la queue de la robe du
[>ape. Après cette cérémonie , il se
hâta de regagner Vicence, d'où il
continua néanmoins de faire quel-
ques voyages à Iiomc. Il jouissait
d'une égale considération dans ces
deux villes , aussi bien qu'à Ve-
nise : partout on le comblait d'hon-
neurs.Quoiqu'il eût perdu, en iSaS,
h' j)lus intime de ses amis , Jean
Ruccllai , q\ii lui avait dédié le poè-
TRI , ^
me des Abeilles , et auquel il avait
lui-même consacré un de ses livres
de grammaire , il lui restait d'hono-
rables relations avec plusieurs hom-
mes de lettres , par exemple avec son
ancien condisciple Giraldi , et, selon
Crescimbeni,avec le Vénitien Girola-
ino Mohno (G). C'est vers l'an i535,
qu'il a commencé de contribuer au
développement des talents de l'archi-
tecte André Palladio , qui était né
en i5i8 : il fut sinon son maître,
du moins son protecteur , son ami et
quelquefois son guide; il le mena
plusieurs fois à Rome. On dit plus ;
on raconte qu'il lui enseigna les pre-
mières règles de l'architecture , qu'il
lui expliqua Vitruve , qu'il lui donna
le nom même de Palladio , et qu'il
lui fournit les dessins du palais de la
villa Cricoli ; mais ces faits _, et sur-
tout les deux derniers ont été cou^
testés ( F. Palladio , XXXII , 4'^9~
435 ). Cette maison de campagne de
Cricoli appartenait au Trissin (■]) :
de là est datée l'une des deux lettres ,
qu'il a écrites, en i538^ au duc de
Ferrare , Hercule II , et qui montrent
à quel point il avait gagné l'estime
et la confiance de ce prince. Depuis
long - temps il prospérait : les pertes
qu'il avait essuyées pendant huit ans
de guerre avant i5i3 , étaient am-
plement réparées par les bienfaits des
papes et des empereurs; il en convient
(0) Cirolamo Molino, noble Vriiilirn, raquit
«•n i5oo. n c'iait (ils de l'ietro Moliiio ri de Cliiarn
f'.aiicllo. Des sa jeunesse , il cultiva l'aiullié de
plusieurs hommes célèbres, tels que le Trissin et
IJeiiilm. II einplnyait une partie de sa fortune à se-
courir d'estimables lilteruteurs, qu'il voyait lut-
ter contre une extrême pénurie. Pour se mieux
livrer lui.raêuic j'i l'élude des lettres et des scien-
ces , il fuyait les emplois publics cpii seraient ve-
nus le cbîrcber. Ses poi'sie» italiennes lui avaient
ocquis, en \Ul\a , quelque renohuncc ; il mourut 5
Venise, le «J septinilire iSGçi. Ses vers ont été re-
cueillis en ir>73 , nn vol. ii'i 8"., imprime dnu»
cette même ville. J. M. Verdixolli .1 écrit une no-
tice sur s:i vie.
(i) On lit s\a l'ardiitravo: /Icndemiœ Tiifsinca:
TRI
dans une lettre à son ancien précep-
teur, François de Gragnuola ; mais la
fortune réservait (juelques chagrins à
sa vieillesse. D'abord il eut à soute-
nir un long et pénible procès conlre
des communes qui dépendaient de lui;
ensuite il lui fallut plaider avec son
propre fils, ce Giulio, né du premier
mariage, et qui était devenu arclu-
prêtrc de la cathédrale de Vicence.
Le tendre attachement du Trissin à
sa seconde femme , et sa prédilection
pour le fils , Ciro , qu'elle lui avait
donné, excitèrent la jalousie de Giu-
lio, qui, brouillé bientôt avec la belle-
mère , ne tarda point à l'être avec le
père même : il réclama l'héritage de
sa mère Giovanua Tiene, revendiqua
la plus grande partie des biens de la
famille , et jusqu'à la Villa Cricoli.
Irrité de ces prétentions, Trissino
résolut de s'éloigner du lils ingrat qui
les élevait ; il quitta Vicence pour se
retirer à l'Isola di Murano près de
Venise, et y travailler plus tran-
quillement au poème de Yltalia
liberatada Go»t;, qu'il avait entre-
pris depuis i525. Mais une autre
affliction lui survint : il perdit , en
i54o, sa deuxième épouse, Bianca
Trissina : ce malheur lui fit prendre
la résolution de retourner à Rome ,
où Ciro, son jeune fils , l'accompa-
gna. L'étude seule pouvant le conso-
ler , il reprit, dans cette ville, ses
travaux littéraires, et s'y livra aAcc
tant d'ardeur, qu'en iS/j^, il publia,
outre sa comédie des SiniilUmi ou
des Méncchmes ;, les premiers chants
de son grand poème ; les autres pa-
rurent l'année suivante. Cependant
l'archiprêtre Glullo poursuivait le
procès d'autant plus vivement , qu'il
se sentait , d'une part , menacé d'une
exhérédallon totale , et de l'autre ,
soutenu parles intrigues et le créditée
la plupart des membres de sa famille
TRI
53Î
maternelle. Le Trissin se vit obligé de
se transporter à Venise en i548; et
a cause de la goutte qui le tourmentait,
il ne put faire ce triste voyage qu'en li-
tière. Avant le jugement définitif , il
voulut aller à Vicence , et y trouva
Giulio usant de l'autorisation qu'on
lui avait donnée de faire saisir tous les
biens en litige. Il restait au père fort
peu d'espoir d'en recouvrer jamais
la possession ; car le fils ne gardait
plus de ménagements depuis qu'il sa-
vait qu'en effet le Trissin, annidant un
premier testament, en avait signé un
autre où il léguait tous ses biens à
Ciro et aux enfants de Ciro, après
lesquels, s'ils venaient à manquer, la
maison de Cricoli passerait à. la ré-
puljlique , et les autres propriétés se-
raient partagées entre les procura-
teurs de Saint-Marc. La cause fut ju--
gée enfin; et Trissino père , dépouillé
de la meilleure partie de ce qu'il
avait possédé. Pour la dernière fois,
il quitta Venise et Vicence , après
avoir composé huit vers latins (8) ,
où il se plaignait de la dureté de sou
fils et de l'iniquité de ses juges. Le
fond de raflalrc n'est point assez ex-
pliqué dans les monuments et dans
les livres , pour que nous sachions si
le second de ces reproches était fon-
dé ; le premier le serait en toute hy-
pothèse. Réfugié à Rome , en i54c),
le Trissin y mourut l'année suivante.
Succombant à son infortune , il ter-
mina sa carrière , au commencement
de décembre i 55o , âgé de soixante-
onze ans. On l'inhuma dans l'église
de S. Agala di Suburra , près d'An-
dré-Jean Liiscaris. Il existe une rela-
(8) i>n,i-ramu< Icrras , i.lio siih cnrdiiu- muiidi ,
(Jiiai!->.b mihi cripilui fraude patmiui doiiitn
Et fwel hanc fraudent renelûm iciilditlia dura
(Qiire nali in palrein comprobal imidias ,
Qiuc tialiim voluil rciifrcluin a-l.ile pnrentem
" yltque agnim nnlimtis pctlere limitibus,
CaradomiK.ualeau duUa.p.e ■.■al-le Penulcf;
.V.iHi mi.criannloi rri^nraJiro Ifitt.
53(i TRI
tlon fort ddtaîîlce de «a mort et de
ses obsèques , par Carlo Tieue , dout
la sœur avait épouse Ciro. Une ins-
cription en riionneur du poète se lit
dansTéglisede Saint-Laurent à Vicen-
ce ; elle y a ète' placée en 1 6 1 5 , par son
]ictit-lils Pompée Trissiuo : ses fonc-
tions diplomatirpies et ses qualités ho-
norifiques y sont retracées, beaucoup
plus que ses titres littéraires. 11 y est
dit qu'il a été décuré , pour lai et
pour ses descendants , aurei velleris
insignibus et comitis dignitate, et que
les plus illustres princes avaient as-
piré à l'honneur qu'il obtint de por-
ter la queue du manteau pontilical
au couronnement de Charles - Q'jint.
On ne sait par quelle étrange mé-
prise Vo'taire et, d'après lui, Gham-
lort et Chénier l'ont fait prélat, non-
ce , archevêque de Bénévenî. C'était
peut-être afin de lui trouver un rap-
port déplus avec le cardinal Bibbie-
iia ( Fof. Dovisi , XI , 6-26 , 627 ) ,
qui a composé en Italie la première
comédie dans le goût classique, com-
nie Trissino la première tragédie
régulière. Scipion Maffei a donné ,
«■n 1 "j'iQ , à Vérone, chez l'imprimeur
^^^llarsi, une édition des OEuvres de
Giovan- Giorgio Trissiuo, en deux
volumes, petit in-folio , dont le pre-
mier contient ses poésies ; le second ,
ses écrits en prose. Le tome i'=''.
comprend quatre parties, savoir, le
poème de Vltalia Uherata ; Sopho-
Jtisbe , tragédie ; i Siinillimi , comé-
die • et les lîime ou jnèccs diverses.
Nous nous arrêterons d'abord à celles-
ci , parce qu'on les peut considérer
comme de simples essais, dont la plu-
part ont été composés avaut tous les
.iutres ouvragcsdel'autcur, ainsi qu'il
le déclare lui-même eu les adrcssantau
(aiduial flidolli : Id maggior parte
J'itrono par me iiclla mia jiiinia gio-
i-iiivzza cuinjjoslc. Cintjuanle - neuf
JRI
Sonnets, treize Ballades, treize Can-
zoni ^ trois Madrigaux, deux Églo-
gues, deux Sirventes et un Dialogue eu
quatrains : telles sont ces diverses
poésies, toutes assez peu dignes d'exci-
ter notre curiosité , selon M. de Sis-
mondi. On ne pourraity remarquer en
effet que la liberté que le poète a prise
dans ses Odes ou Canzoni^?,o'\\ de faire
les strophes inégales , soit de mêler
des vers de sept syllabes à ceux de
onze. Certains rigoristes se sont ré-
criés contre ces licences, qui semble-
raient aujourd'hui fort pardonnables,
si elles étaient rachetées par l'origi-
nalité des idées , par la vérité des sen-
timents : mais des pièces froidement
galantes remplissent la plus grande
partie de ce recueil. Quelques autres,
adressées aux papes Clément YII et
Paul III , aux cardinaux Ridolfi et
Farnèse , etc. , sont un peu moins
fastidieuses, sans être beaucoup plus
lyriques. Nous désignerons, comme
les meilleures de toutes, celles qui sont
imitées des Odes d'Horace : Donec
gratiis eram tihi , etc., Exegi mo-
nwnentum, etc. , et qui ont été insé-
rées dans un recueil assez rare de
traductions italiennes de ce poète la-
tin : Odi diverse d'Orazio , Venise ,
i6o5 , iu-4". La première édition des
Rime du Trissin est de iS^g, à Vi-
cence , chez ïolomeo Janicolo , gr.
in-8'\ 11 y a dans l'édition de Maffei
quelques morceaux de plus et dix
pages de vers latins. Baillet dit que
Trissino faisait aussi des vers grecs ,
et qu'ils ont été conservés dans cer-
tains cabinets d'amateurs; mais on
n'en a rien publié. Quelques Sonnets
italiens qui avaient échappé à Maffei
ont été mis au jour depuis 1729.
Parmi ceux qu'il a recueillis, il en
est(pii se retrouvent dans les poésies
d'un ver.silicalciirdiu|iialorzièjiie siè-
cle , imprimées en i SSy; mais il y a là
TRI
probablement quelque erreur de co-
piste ou d'éditeur. Le Trissin se se-
rait-il attribué, en i5ii9, de si misé-
rables rimes , s'il n'avait eu le mal-
heur d'en être en etiét l'auteur ? C'est à
sa Sophonisbe qu'il a dû, eu i5i5,
l'éclat de sa réputation poétique. Ce-
pendant cette tragédie n'a été impri-
mée que neuf ans plus tard : la dédi-
cace à LéonX n'accompagnait qu'un
manuscrit. La plus ancienne édition
est de 1 524 ' à Rome , clicz Arrigbi ,
in-4°. Les suivantes sont de \ icence ,
in-4''. , i5'2Q; Rome, i54o , in- 12 ;
Venise, Giolito, in-12, i553, 1 062
et i585, etc. Le Teatro italiano ,
publié, en i"j'i3 , à Vérone ( 3 vol.
in-8°. ), s'ouvre par la Sophonisbe.
Mellin de Saint -Gelais (XXXIX,
5']'] , 578 ) l'a traduite en prose fran-
çaise, et les cLœurs en vers, Paris ,
Danfrie, iSog, in - 8". Une autre
version , dans notre langue , par
Claude Mermet (XXVllî, 881),
parut à Lyon , cliez Odet , in - 8". ,
en 1 584. IMontcbréticn , Montreux ,
Mairet , Pierre Corneille, La Grange-
Chancel et \ oltaire , qui ont succes-
sivement traité le sujet de Sophonis-
be , ont plus ou moins imité le poète
italien. La pièce de celui-ci avait été
fort louée par le Tasse , qui la jugeait
comparable aux chefs - d'œuvre des
anciens. Elle est encore plus célébrée
d.ins un Discours sur la tragédie, par
îs'iccûlù Rossi de Vicence. Il faut, se-
lon Se. Maflei , avoir le goût dépi-avc
pour n'y point admirer une compo-
sition régulière , des sentiments pa-
thétiques, des beautés du premier
ordre. Voltaire y reconnaît la prc-
mièr'^ tragédie raisonnable et pure-
ment écrite « que l'Europe ait vue
après tant de siècles de barbarie. »
Ginguené eu doimc mie analyse exac-
te; et s'il y mêle cpiclques observa-
tions critiques, s'il regrette que le
TRI
537
style n'ait pas toujours assez de no-
blesse et de gravité, il trouve que la
fable est heuieuscment conduite; que
les incidents naissent les uns des au-
tres : que les caractères, tous drama-
tiques, contrastent naturellement en-
tre eux ; que le chœur se montre tel
que le veut Horace; et que le dénoue-
ment, tout-à-fait digue d'être qualifié
tragique , réunit tout ce qui peut
émouvoir la pitié. C'est aussi , aux
yeux de M. de Sismondi, la prcmièic
tragédie régulière, depuis le renou-
vellement de l'art, ou plutôt c'est la
dernière des tragédies de l'antiquité,
tant eUe est calquée sur celles d'Eu-
ripide I et si l'on n'y retrouve point
tout le génie antique, si la noblesse
des personnages ne se soutient pas
constamment , du moins le poète
n'est pas toujours un simple imi-
tateur : il a des mouvements de
vraie sensibilité; il fait répandre des
larmes. Mais cette composition célè-
bre a rencontré, dans ces derniers
temps , des juges plus sévères, parmi
lesquels il convient de compter d'a-
bord Alficri, puisqu'il a mis sur la
scène italienne une Sophonisbe nou-
velle, qui d'ailleurs n'est pas , de son
propre aveu , un de ses chefs - d'œu-
vre. Andrès et M. Roscoe n'ont guère
vu que des défauts dans celle du Tris-
sin : l'action leur paraîtlanguissante ,
le dialogue prolixe , le style bas et
sans coloris. Nous ne saurions sous-
crire à une censure si peu restrein-
te. La pièce . malcré ses imper-
lections, est, a notre avis, le prmci-
pal titre de gloire du poète de \ i-
cence , et mérite d'être considérée
comme un monument des progrès de
l'art : elle a rouvert h la tragédie la
carrière classique, c'est-à-dire celle
du bon goût, ou, ce qui revient en-
core au même, cille de la raison et
de la nature. Elle fait époque aussi
538
TRI
dans rhistoifc particulière de la ver-
sificatiou italienne, en ce que les vers
ne sont pas rimes , excepte quelque-
fois dans les chœurs et en un fort pe-
tit nombre d'autres passages. Cette
liberté^ reprochée d'abord au poète,
est restée à ses successeurs dans le
genre dramatique. Ils lui doivent de
les avoir affranchis d'un joug sous le-
quel il s'est fait, en leur langue et
dans la nôtre, tant de mauvais vers.
Sur les théâtres d'Italie, les versi
sciolti ont e'te' généralement adop-
tes , à l'exception des chœurs et
des airs. Est-il bien vrai pourtant
que le Trissin ait donne le premier
exemple des vers libres? Palla Ru-
cellai lui en fait honneur (9) j et Cres-
cimbeni n'en paraît pas douter. Ce-
pendant Quadrio, après avoir dit
que telle est l'opinion commune, ajou-
te qu'elle est contredite par des au-
teurs qui attribuent cette invention
soit à Jacobo Nardi, soità Sannazar,
soit même à Jean Rucellai. A l'cgard
de ce dernier^ la lettre de son frère
Palla suffit^ ce semble, pour l'écar-
ter de cette concurrence. Les vers de
Sannazar sont rimes, et mêles seule-
ment de prose , non de vers libres. Il
s'en rencontre en effet de tels , au nom-
bre de viugl-trois, servant d'argument
à la comédie de V Amicizia , de Jac.
Nardi; mais cette pièce elle-même est
tout entière in tarza , et parfois in
ottava rima. Ainsi quand elle serait,
comme nous le croyons , antérieure à
la Sofonisha, et quand elle remonte-
rait aux dernières années du quin-
zième siècle , ce qu'Aposlolo Zeno
conteste à Fontanini , l'idée cTom-
ploycr les vcrsi sciulli dans tout le
(O) P. Buccllai lui ccril ( « J'ni Jhsle il piimo
n clic i/iiedo modo di scrifcre in veni malrnii , li-
» l'cii dalle lintc , itoririle in hue; il ijiial mndnfli
» poi lia miii frnlcllo.... nhrnrcinlo ni :tuiln. «Pal-
la Rnci'llai ('iail fri-ro <U> Jraii , doul ou n \e poi'iiio
df. Alxillc^ , ,.|c.
TRI
cours d'un poème n'en appartien-
drait pas moins à Trissino. II ne
manqua pas d'appliquer ce genre de
versilication à sa come'die des Siniil-
linii , qu'il mit au jour en 1547. En
imitant, comme Tout fait plusieurs au-
tres poètes, les Mènechmes de Piaule ,
il y introduisait des chœurs , à la ma-
nière d'Aristophane , se conformait
scrupuleusement aux règles antiques ,
et faisait toutefois dans les noms et
les mœurs les changements que re'cla-
maient les temps modernes : mais il
n'avait point emprunte la force co-
mique du poète latin j et cette come'-
die est restée , s'il faut l'avouer^
bien médiocre. Elle fut imprimée
avec une de'dicace au cardinal Far-
nèse, à Venise, in -8°. , en 1647 et
1 548 ; c'est une seule et même édi-
tion. On en cite une de Vicence, du
même format et de la même année.
Nous n'en connaissons pas d'autres ,
sinon dans les OEuvres complètes de
l'auteur. 11 publiait en même temps
son poème de r/ffl;Zm liherata daGot-
fi;savoir , en 1 547, les neuf premiers
chants , à Rome, chez Dorici, avec
une dédicace à Charles- Quint; eu
1 54B , les neuf livres suivants , puis
les neuf derniers à Venise , chez Gia-
uicolo : ce sont trois vol. in-8"., de-
venus rares. Au premier doit être
joint un plan du camp de Bclisaire;
au deuxième, un plan de Rome : l'un
et l'autre gravés en bois. Ce poème
n'a été réimprimé qu'en 1729 , épo-
que où il rc])arut, tant dans le recueil
des ouvrages de Trissino que dans
l'édition pailiculière , donnée par
Ann. Antonini ( V. 11 , '-igS ), Paris ,
Briasson , 3 vol. iii-8". Une autre a
été ])ub!iée à Livourne ( sous le nom
de Londres), en 1779, 3 vol. in-
19.. On a long-temps recherché les
exemjil aires non carloiniés de l'édi-
lioii originale. Lcsaulirs en dillorcnt
TRI
par le changement de trois vers , à
la page 127 du tome 11^ de deux
mots à la page '>/i8 , et par le retran-
chement de 3o vei's à la page i3i.
Fontanini , et après lui d'autiTS bi-
bliographes , ont pre'tendu que la
cour de Rome avait exige ces cor-
rections , parce qu'elle se trouvait
offensée de quelques traits satiriques
sur les papes du moyen âge 5 et M.
Roscoe a jugé à propos de publier
une copie de ces trente-trois vers du
seizième chant : mais nous croyons
devoir observer qu'ils sont dans l'é-
dition de Vérone , donnée, en 172g ,
avec approbation et privilège. D'ail-
leurs il y aurait eu , comme l'a re-
marque' Zeno, bien d'autres modi-
fications à faire à ce poème , si on
l'avait soumis re'ellement au genre de
censure que Fontanini et M Roscoe
supposent qu'il a subi. Le Trissin n'a
éprouve, de la part des pontifes éclai-
res qui régnaient de son temps , au-
cune disgrâce, aucun reproche, pour
avoir tracé librement , et aussi éner-
giquement qu'il le pouvait faire , le
tableau des abus et des scandales que
lui offrait l'histoire de leurs prédé-
cesseurs. Le malheur de son poème
est d'avoir peu fixé l'attention de
son siècle et de la postérité. II avait
mis plus de vingt ans à le composer ,
et croyait y avoir transporté tou-
tes les beautés des chefs-d'œuvre
poétiques de la Gi'èce et de Rome ,
dont il avait fait tout exprès, disait-
il , une étude particulière. Mais avant
iSgo , Vltalia lïberata était déjà
presque plongée dans l'oubli. Il y a ,
écrivait le ïasse , qui pourtant louait
ce poème j '1 y a hien peu de gens
qui en fassent mention , et encore
moins qui le lisent : « Mcntovato da
» pochi , letlo da pochissimi. » On
s'en est fort peu occupé dans tout le
cours du dix - septième siècle. Ra])iu
TRI
5ot)
s'est contenté d'y remarquer ime es-
pèce d'imitation de l'Iliade ^ mais ,
en 1708, Gravina y trouve d'heu-
reux emprunts , des inventions ingé-
nieuses , un style pur et sage ( casto
e frugale); en un mot un véritable
poème épique. Crescimbcni est moins
indulgent : il leproche au Trissin les
minutieux détails et les descriptions
ridicules ou môme ignobles dont il a
rempli son ouvrage (10). Cette criti-
que serait justifiée surtout par le
morceau du troisième chant que Vol-
taire a cité et traduit. Voltaire juge
néanmoins que le plan est sage et ré-
gulier, et il a]oute (lue l'oinrage a
réussi; ce qui nous paraît un peu dé-
menti par cet esjiace de cent quatre-
vingt-un ans durant lesquels il n'a pas
été une seule fois léimprimé. Lahar-
pe dit avec plus de justesse que la
nature avait refusé au chantre trop
faible de l'Italie délivrée le beau feu
qui animait ces anciens poètes dont
il se vantait de suivre les traces. Il
n'avait emprunté d'eux, suivant An-
drès , qu'une méthode exacte et ré-
gulière ; et ce n'était pas à son imagi-
nation froide et stérile qu'il était ré-
servé de reproduire l'antique épopée.
Ginguenc, après un examen détaillé
de toutes les parties de ce poème ,
conclut qu'il est ennuyeux , languis-
sant et illisible. On l'a déclaré depuis
l'un des plus mauvais qui aient jamais
paru en aucune langue ( Littéral, du
midi, tome 11, pag, ()()). C'est le
plus triste et le plus fastidieux qui
existe, au dire de M. Roscoe, qui en
trouve le style rampant et le plan vi-
cieux. Quelque rigoureux que soient
ces jugements, il est dilUcicile d'en
]iorter d'autres quand on s'est don-
(1 o'I Hcfcif.endn miniilissiiiiaiiieiilr[l'iilli' (tel ve^-
lirsi di Giustininno ) e la cumiria , e I il giiilihonr,
e Ircnlte, fie srni-pe , e il raut ilell' nri/im r il
elrii/'pn cnl t/nnle nsciuf,4' le inani , rt/r.
54o
TRI
né la peine de lire les vingt - sept
chants de l'Italie délivrée des Gollis.
J{l!e est aussi en vers non rimes • et
c'est pour cela peut-être qu'elle plai-
sait tant à Gravina , mortel ennemi
de la rime. Toutefois les t'er^i sciolti,
admis au théâtre , dans les poèmes
didactiques et en plusieurs autres
genres , ne l'ont point été dans l'épo-
pée : Vottava rima s'est maintenue
en possession de ces grandes compo-
sitions. De Thou assure que l'inven-
tion des vers libres n'a pas réussi au
Trissin: c'est trop dire, puisqu'ils
ont prospéré dans sa Sophonisbe ;
mais il se peut que l'emploi qu'il en
a fait dans Vltalia liherata ait con-
tribué au mauvais succès de cette
œuvre _, quoique à vrai dire elle ne
fut digne , à auc:m égard , d'être
mieux accueillie. Le projet de la re-
faire en vers rimes a été conçu, on ne
sait par quels oisifs, au commen-
cement du dernier siècle , à ce que
rapportent Crescimbeni et Quadiio.
Ils étaient vingt-sept , et devaient ri-
mer chacun un chant : ils ont eu la
sagesse ou le bonheur d'abandonner
cette entreprise. Entre les ouvrages
écrits par Trissino en prose italien-
ne , les premiers dans l'ordie chro-
nologique sont une Harangue au do-
ge de Venise André Gritti , impri-
mée à Rome, en i5o,/j , in - 4". 5 les
Portraits des plus belles femmes d'I-
talie, et une Epitrc sur la conduite
que doit tenir une veuve. Les Por-
traits , publiés aussi en i524 , in-4''.,
à Rome, y ont eu une seconde édi-
tion , du même format, en i53i.
L'auteur y fait mention de la jeune
Bianca Trissina de Vicencc, qui de-
vint sa seconde épouse, en iSaG,
quelque temps après la composi-
tion de ce livre. La veuve à la-
(juellc l'Ejtilrc est ailrrssée est IMar-
glierita Pia Sansevenna. Celte pièce ,
TRI
dont la première édition est en-
core de 1 52 4 , à Rome , in-4''. ■. a été
réunie aux deu'i articles précédent») ,
à la Soplwnishe et à une Canzone ,
dans un volume in - 8°., imprimé à
Venise, chez Penzio, en i53o, et
reproduit chez Bindoni , eu 1 54ç). En
se reportant de nouveau à i524 , on
trouve la première édition , donnée à
Rome , chez Arrighi , in - /^•\ , d'une
Epître à Clément VII, sur les lettres
qu'il convient d'ajouter à l'alphabet
italien. Il y a deux systèmes généraux
d'orthographe moderne : l'un tend à
conserver les traces de l'érvoiolocie ;
1» • ' 1 ' ^- '
1 autre, a représenter la prononcia-
tion. Les Italiens du seizième siècle
adoptaient ce second système j et
pour mieux contribuer à l'établir, le
Trissin proposait d'abord de distin-
guer Vè ouvert de l'e fermé, qui est
en effet une autre voix ou voyelle. Il
écrivait l'e fermé par l'e ordinaire ,
et le premier par l'epsilon grec ê. Il
employait ensuite l'oméga w pour Vô
grave ou long, et Vo simple pour le
bref ou l'aigu. Il voulait encore qu'on
distinguât les deux prononciations
ou valeurs de z par l'emploi du z
simple et du zêta Ç; celles de s par s
et f. Enfin il demandait qu'on ne con-
fondît plus les voyelles i et u avec les
consoimes j et ^K Cette dernière ré-
forme est la seule que les Italiens
aient admise; et c'est au Trissin qu'ils
la doivent. Eu vain, pour accréditer
les antres , il les fît exécuter dans
l'impression de sa Soplwnishe et de
ses divers ouvrages. Ces innovations
n'eurent pas d'imitateurs^ et furent
vivement attaquées par des littéra-
teurs alors renommés ; Firenzuola ,
Liburnio , Lodovico Martelli , Cl.
Tolomci : elles n'eurent guère (pi'un
seul apologiste, V inoeuf Orradini , de
Pérousc. La Lettre à Clément VII ,
où elles avaient été pioposées, eut une
TRI
sccoiilIc edilion , en 1 52Q , a. Vicence ,
cliez ïolomco Gianicolo , in - 4°- ?
faite, est -il dit, avec les caractères
inventés pai l'aiileiir. Cette note, qui
s'est appliquée à des e'ditions de t.es
autres livres , induirait en erreur , si
l'on en concluait qu'il a imagine ,
dessine de nouveaux caractères ty-
po<^raphiques : il ne s'agit que des
re'fornies orthographiques , dont il
voulait offi'ir l'exemple. En iSsq , il
fit imprimer, parle même Gianicolo,
les Duhhii ^rammaticali , in-folio ,
la Granimatichella , in - 4^. _, le
Castellano , iu-4". ; les quatre pre-
mières parties [dmzioni) d'une Poé-
tique , in-fol. ; et en ce même format
la traduction italienne du livre du
Dante ( Foy. X , 5-24 - 5'26 ) sur
l'éloquence ou la langue vulgaire.
Dans ses Doutes de Grammaire , il
soutient et développe sou système
d'orthographe, et s'applique à prou-
ver que i'aîphabet latin ne suiât pas
pour représenter toutes les voyelles
et toutes les consonnes que les Italiens
prononcent. La Grammaticlictta
ne se borne point à celle controverse :
elle présente des notions élémentaires
sur les noms , les verbes et les autres
espèces de mots , dont le langage se
compose. Le principal objet du Dia-
logue intitulé II Castellano est de
montrer que la langue d'Italie doit
s'a])peler italienne, et non pas (lo-
renline ou toscane , comme l'ont
voulu divers litlcVnteurs du moine
siècle. Le titre de Châtelain jim\)OiC li
cet opuscule , était une sorte d'hom-
mage à J. Rucellai , alors gouvei--
neur du château Saint-Ange ; et il
suit de là que c'est un livre écrit
avant i^m), même avant iî)25 ,
date de la mort de Rucellai , qui ,
d'une autre part , n'a gouverné ce
château qu'après i5'2i : tel est l'in-
tervalle dans lequel ce Dialogue a été
TRT 54 1
adressé à Cesare Trivulzio. En faisant
cet envoi , le Trissin prenait le nom
d'Arrigo Doria ; il ne se nomme lui-
même qu'en troisième personne dans
le cours du livre. 11 y en a une se-
conde édition, faite, en i583, chez
Maraareîli , à Ferrare , in-8". Après
avoir publié les quatre premières di-
visions de sa Poétique , ïrissiuo en
composa une cinquième et une sixiè-
me, qui n'ont pas vu le jour de son
vivant , mais seulement en iSfia ou
63 _, à Venise , chez Arrivabene j
in-4°. ; et à Vicence , eu 1 58o , mê-
me format. On a peu parlé de cet
ouvrage, qui est néanmoins le plus
étendu que l'auteur ait écrit en prose :
il y traite du style poétique , des ri-
mes et de la versification 5 de diA^ers
genres de petits poèmes , tels que les
sonnets , les ballades , les canzoni ,
les sirventcs , ptiis de la comédie et
de la tragédie, du poème didactique
et de l'épopée. Les vues générales
n'y sont pas très-élevées , ni très-
profondes • mais les détails ont de la
précision , et ce recueil d'observa-
tions et d'exemples ne se lit pas sans
intérêt ni sans fruit. Le Trissin a
rendu aussi un service aux lettres en
faisant connaître , jiar une traduc-
tion , un livre du Dante dont le
texte n'avait pas été encore imprimé.
On crut d'abord que Trissino était
le véritaljle auteur de l'ouvrage;
et ensuite on prétendit qu'il n'en
était pas même le traducteur , que
Dante l'avait écrit à-la fois en latin
et en italien. Cette question s'est
éclaircie,en l57'j,pa;-la publica-
tion du texte : la version resta au
Trissin , et fut réimprimée à Fer-
rare, en i583 , in-8'\ Mafïéi , en
l'insérant dans les OEuvres com-
plètes du traducteur, V,n lapprochée
du latin. On vient de voir qu'en
iD'.M), Trissino avait, en très-grande
54^
TRI
partie, "vidé son portefeuille : de là
jusijii'en i54o , il n'a publie aucune
production nouvelle j mais on connaît
quatre lettres écrites par lui dans
cet intervalle: la première est adres-
sée , en i53i , à François de Gra-
gnuola ; la seconde , datée de Cricoli,
et du 5 mars loS-j , est insérée dans
la Descrizione di tutta Vltalia de
Leandro Albert! : elle contient les
renseignements qu'Alberti lui avait
demandés sur la grotte ou carrière de
Costozza, au territoire vicentin. Elle
n'a point été recueillie par Malîei ,
non plus que deux Lettres, de 1 538,
au duc de Ferrare , Hercule II , qui
se conservent dans les archives , et
que Tiraboscliia fait connaître; elles
sont orthograpbiées selon le système
de l'auteur. Par l'une , il s'excuse
d'avoir manqué de se rendre à Fer-
rare; sa goutte et ses infirmités l'en
ont empêché : la deuxième nous ap-
prend que le duc l'avait consulté sur
le choix d'un préccj)teur à donner au
jeune prince son lils;Trissin répond en
indiquant Buonamici, Roraolo Ama-
seo , Battista Egnazio, Pierio Valé-
riane. ... et Bartolommeo Ricci , qui
fut en effet choisi. Ce que Trissino a
mis au jour en i54o est un opuscule
latin, intitulé : Grammalices intro-
ductionis liber primas ,\(iione, chez
Putelctto , in-iu, mince abrégé de
grammaire latine, rempli, aux trois
quarts , de déclinaisons et de conju-
gaisons. Dans le cours des dix années
suivantes , nous n'aurions d'autres
écrits en prose à indi(}ucr ici que les
dédicaces des Simillimi et de Vltalia
libcrata; les lettres écrites en i5.|8,
à l'occasion de ce dernier jioème , à
l'empereur Charles-Quint et au car-
duial Madru* ci , et deux Lettres la-
tines à Sadolet, insérées l>ag. ^58 et
ciôf) du tome iv (in-4". ) , du Catalo-
gue de Crevenna , à qui les Volpi en
TRI
avaient envoyé une copie : elles ne
sont point datées ; mais ou voit
qu'elles sont écrites après la perte
du procès , apparemment en i549.
Crevenna a pareillement publié (ibid.
pag. 254-2j8) six Sonnets du Tris-
sin , qui presque tous étaient restés
inédits j usqu'en 1775: mais le plus re-
marquable avait paru, depuis cent
ans, dans \a. Bihliotecavolante àe Gi-
nelli; c'est celui oii le poète se plaint
de son iils et de ses juges ( i r). Voilà
quels sont ses ouvrages connus : le
vicentin Michel Angelo Zorzi en dé-
signe plusieurs autres , manuscrits
ou imaginaires , qu'il intitule Ora-
zioni (on n'a publié que la harangue
à Gritti; leTrissin en a prononcé plu-
sieurs autres ) ; Dialo^lii diversi
( Madei ne donne qu'un seul dialo-
gue , savoir le Castellan , mais les
portraits sont aussi en forme d'en-
tretien ) ; la Retorica; la Corre-
zione délia, tragedia Rosmunda
( on sait qu'en effet Trissino avait
été prié de revoir cette tragédie
de son ami Ruccllai ) ; La base del
Cristiano ; il Frontespicio ed il
Capitello délia vita umana ; la
Colonna délia republica y Com-
mento délie cose d'Italia ; Rerum
vicentinai'um compendium , avec
cette note à la lin : Hœc scripsi post
depopulationem urbis Romœ (1527)
dàm legatus eram apud Remp. Ve-
nelam pro Clémente VU , P. M.
Zorzi a examiné ce dernier opuscule
et l'a trouvé trop déploiable pour
être attribué au Trissin. D'autres le
font auteur d'un traité italien d'ar-
chitecture , d'un traité latin du
libre arbitre , etc. En général ,
(11) II' ^■'iifiij'tior delta ingiusla l/^ira
/■' lia' ifiiiiliri fiiù corolti e JiUst
Ch'ah'lna l'JCnropa
Il ■.(iiigue mio iriidel mi fit lu gnerrii.
( hitlr. io mi parlo povero c vclttsto ,
Siropitialo, in/'enno f etc.
TRI
et si l'ou excepte Traj.Boccaliui, les
auteurs italiens ont parlé avec estime
du caractère , des talents et des ou-
vrages deTrisslno. Cependant Baillel
et Apostolo Zcno ont observé que les
académiciens florentins ont eu con-
tre lui quelques mouvements de ja-
lousie ou d'animosité : sa réputa-
tion , un peu exagérée peut - être
par Rucellai , par Giraldi , par
Varchi , les divers liommages qu'il
recevait de toutes parts, et le succès
e'clatant de sa Sophonishe , pouvaient
leur porter omhragej ils ne le voyaient
pas sans déplaisir ouvrir des carriè-
res nouvelles, proposer des innova-
tions grammaticales -, et s'efforcer
d'ôter à la langue le nom de leur pa-
trie, qui jusqu'alors avait eu le droit
de se croire la métropole de la litté-
rature italienne. Mais cette rivalité
même lui était honorable , et elle a
pu , de son temps , accroître sa célé-
brité, qui, à vrai dire , s'est depuis
soutenue par tradition , puitot que
parla lecture et l'admiration immé-
diate de ses poèmes. Si on ne peut
plus guère le compter au nombre
des hommes de génie , du moins il
conservera toujours un i-ang distingué
parmi ceux qui ont donné une heu-
reuse direction à la littérature mo-
derne. Nous avons , dans le cours de
cet article, nommé les écrivains qui,
en des livres d'histoire littéraire ,
ont publié des notices sur sa vie et
sur ses ouvrages : Crescimbeni,Qua-
drio, Fontanini et Ap. Zcno, Domen.
Mar. Mauni, Tiraboschi, . .ISiceron
(tome XXIX, p. 104-119), Voltai-
re , Ginguené , M. de 8ismondi , etc.
Nous indiquerons de plus Tomasini
( Illuitr. viror. Elogia , tome 11 ,
pag. 47 ) ; Ghilini ( Teatro d'uo-
mini Icttcrali , tome I, p. 108);
Mich. Ang, Zor/.i (p. 3(j8-448 du
tome m de la Raccolta d'opuscoli
TRI
Bifi
scientijici etc. ) ; Pier. Filip. Gas-
telli, auteur d'une vie du Trissin ,
imprimée, en i-jôS , à Venise; An-
giolgabricllo di S. Maria ( p. 249-
272 du tome m des Scrittori vi-
centini ). Les Notices placées en
1729 à la tête des OEuvres de ce
poète sont trop succinctes ; mais
on y trouve son portrait qui se ren-
contre aussi dans les éloges de To-
masini, dans le tome ler. de la
Galleria di Minersa , et qui a été
gravé d'après l'origiual peint par
Jean Belliui. — Les Annales civi-
les et liitérairesnous ont conservé la
mémoire ou les noms de quelques
autres Trissins, qui , selon toute ap-
parence , étaient de la même famille
que celui dont nous venons de par-
ler. I. En lOOQ, Léonard Tbissin,
habitant de Vicence , ayant em-
brassé contre Venise le parti de
l'empereur 3Iaximilieu , vint à Tré-
vise pour prendre possession de
cette place , au nom de ce prince.
11 arrivait sans troupes , et n'avait
point, à beaucoup près, sur l'esprit
des habitants, l'influence dont il s'é-
tait vanté auprès des ministres autri-
chiens. Le peuple s'ameuta , le chas-
sa et pil'a les maisons de ceux qu'il
avait séduits : on mit une garnison
dans la ville. Peu après, Léonard Tris-
sin commandaitpourlNIaximilien dans
Padoue , et n'avait à sa disposition
que huit cents hommes : il ne par-
venait à se faire des partisans qu'en
Acndant ou distribuant les biens qui
appartenaient, dans ce territoire, à
des patriciens de Venise. 3îais on
supportait ce joug avec impatience ,
et d'ailleurs la ville était mal gardée :
André Gritti ( F. XVIII, 5i5 )y
pénétra dans lanuit du 1 6 au i 7 juil-
let, et força la garnison île se ren-
dre. Léonard , fait prisonnier de
guerre , échappa au supplice par sa
544
TRI
qualité de commissaire impérial {V.
V Histoire de Fenise de M. Dax'ii,
liv. XX, n, io-i3). II. Louis Tris-
sm , de Viccnce , est auteur d'un
iii-8°. intitulé Problematum mcdi-
cinaliuni libri Q , ex Galeni sen-
tentid , publié à Bâle , eu i547, et
réimprimé en i 629 , à Padoue. Dès
l'âge de vingt ans , il était profes-
seur de philosopliie à Ferrare, et at-
tirait un grand nombre d'auditeurs;
il moux'ut , en i 543 , victime de son
inconduite : il avait à peine atteint
sa vingt-sixième année, Eloy dit que
c'était dommage , parce que son ju-
gement sain , son esprit pénétrant et
sou ardeur pour le travail auraient
contribué aux progrès de la médeci-
ne , à laquelle ii s'était consacré. HT.
Antonio-Maria Trissino, chevalier
■vicentiu, embrassa la vie monasti-
que chez les Camaldules de Monte-
Corona , et fit imprimer, en i->49i
sous le nom du Solitaire {del Solita-
rio ) , des Poésies sacrées et morales,
en langue italienne, un vol in-isi.
Elles ont eu une deuxième édition
avec des additions [Nuovi componi-
menti), à Vicence , en i G54 , i"-i 2-
IV. Alessandro Trissîno, né aussi à
Vicence , et parent du poète , selon
la conjecture de Ginguené, embrassa
le protestantisme : il n'est connu que
par une longue Lettre qu'il adressa,
le sio juillet 1 5^0, au comte Léo-
nard Tiene, pour l'exhorter à s'ins-
crire parmi les réformes ; elle a été
imprimée en i j-ja. V. Quadiio nom-
me un Fraucesco Tuissi>o entre les
poètes dont les vers ont été rassem-
bles à Bologne, en 1600, dans le
volume in-4"- qui porte le litre de
TcmpinalV illuslv. sign. Aldohran-
dini , cardinale , etc. VI. Le même
Quadrio fait mention de Monsignor
TnissmoTinssiNi jarchiprèfre d'Ar-
cignano , et l'im des poètes viccntins
TRI
dont les vei's ont été recueillis par
Taddeo Bartolini , sous le titre de la
Céleste mensa di dodici spirituali
vii>ande , etc. , Venezia , Guei-igli ,
I G I 5 , in-4''. VIT. Gasp. Trissino ,
natif encore de Vicence , et clerc ré-
gulier somasque, a traduit en vers
latius la Sophonisbe de Gian-Gior-
gio , et dédié cette version au pape
Urbain VIII ( i(i-23-iG44 ). On ne
l'a point imprimée ; il s'en conserve
deux manuscrits chez les Somasques
de Vicence. Le premier vers Lassai
dove poss'io voltar la lingua? est
traduit par Me miseram ! mœsta
quid tandem loquar ? mais à ce que
noui apprend Apostolo Zeno , une
autre main a écrit Qiio , misera,
li/igiiam inflectere possum meam ?
tiaductioa plus littérale. Dans la dé-
dicace à Urbain , ce pontife est re-
mercié du soin qu'il a pris , aussitôt
après son installation, d'honorer les
cendres de Jean- Georges Trissin,
enterré à Rome, à S. A gâta di Su-
burra. « Cineres.... insigiii honore
» ajfecisti , cum primùm ad summi
» pontificatûs fastigium es promc-
» tus. » D — N — u.
TRISTAN ( NuNO ) , voyageur
portugais , partit de Lisbonne en
i44o , peu après Gonzalez, qu'il trou-
va sur les côtes d'Afrique, et qui ,
pour couronner ses premiers succès,
lui conféra la dignité de chevalier ,
dans le lieu qui en prit le nom de
Puerto del Cavallero. Après avoir
quitté ce navigateur, qui retourna en
Portugal avec quelques prisonniers ,
Tristan s'avança jusqu'au Capo Bian-
co ou Cap Blanc; mais n'y ayant
trouvé persoiuic , quoiqu'il y décou-
vrit des traces d'hommes , il remit à
la voile pour le Portugal. La vue
de l'or apporté d'Afrique par An-
toine Gonzalez , et l'espérance d'une
aussi riche capture , engagèrent
nu
Tristan à faire un nouveau voyage.
En 144^7 i' s'avança sur la cote
d'Afrique, découvrit quelques îles,
et ramena des esclaves avec quel-
ques richesses. En i44^j '' ^'^ ""
autre vovagc, dans lequel il enleva
vingt esclaves. Ces succès engagèrent
le prince Henri à le presser de partir
de nouveau^ en i447- Cette fois il
s'avança jusqu'au Rio - Grande, à
soixante lieues au-delà du Cap Vert.
Ayant entrepris de remonter ce fleu-
ve, dans une chaloupe, avec quel-
ques - uns de ses gens , il fut at-
taque' par une multitude de nègres
armés de flèches empoisonnées. Pres-
que tout son monde périt dans cette
attaque ; et lui - même y fut Liesse à
mort. Quatre de ses compagnons ,
après avoir erré long-temps, rapporn
tèrent enfin en Portugal la nouvelle
de la mort de Tristan , dont le prince
fut vivement afflige. M — le.
TRISTAN (Louis), grand-pré-
vôt de Louis XI , fut le plus cruel
agent de celui de nos rois qui s'est
montrcle plus inexorable. Ncdaus les
premières années du quinzième siècle ,
il embrassa , dès sa plus tendre jeu-
nesse , la carrière des armes , et fit
avec quelque distinction , contre les
Anglais, les guerres de Charles VIL
Dunois le créa chevalier sur la
brèche de Frousac ^ où il était
monté à l'assaut avec quarante-neuf
gentilshommes , le 29 juin i45i.
Tristan fît ensuite la guerre sous
Louis XI , et il fut remarqué de ce
monarque , qui l'attacha bientôt à sa
])ersonne,et le nomma grand-prévôt
de son hôtel. Ce fut dans ce terrible
emjiloi que Tristan devint l'instru-
ment de toutes les persécutions et de
tous les sanguinaires caprices de son
souverain. Ce prince le nienait par-
tout à sa suite; il l'appelait son com-
père, et il l'admettait dans sa fami-
XLVI.
TRI
545
liarité la plus intime. D'mi mot ou '
d'un geste , il lui faisait exécuter les
ordres les plus cruels ( F, Louis xi ,
XXV,.i43 et suiv. ) , et souvent des
erreurs funestes ne se réparèrent
qu'en immolant de nouvelles victi-
mes. Le roi lui ayant un jour ordon-
né de mettre cà mort un ofllcierqiiilui
avait déplu , il se trompa en faisant
périr un malh>eureux prêtre que
Louis XI aimait beaucoup ; et lors-
que le monarque lui dit le lendemain
que l'homme dont il avait ordonné
la mort venait d'être rencontré ga-
lopant sur la route d'Arras: — « Je
puis vous assuiTr, lui répondit Tris-
tan , que s'il a été rencontré , ce ne
peut être que sur le chemin dcRouenj
car dès hier, jie l'ai fait jeter à la
rivière, dans un sac. » Ce genre de
supplice était celui que Tristan em-
ployait le plus souvent -, et lorsque
les exécuteurs de ses ordres san-
guinaires traversaient la foule , ils
criaient : Laisiez passer la jus-
lice du roi. Quelques historiens
ont dit qu'il fit périr ainsi plus de
quatre mille personnes. Cet hom-
me féroce mourud dans un âge avaii
ce , laissant à son iils , Pierre Tris-
tan-l'Ermite, de grands biens , entre
autres la principa uté de Mortagne en
Gascogne, qui passa dans la maison
de Matignon , et plus tard dans celle
de Du Plcssis-Riciielicu. M — d j.
TRISTAN ( Louis ) , peintre , né
à Tolède en i586 , fut élève de
Dominique Théotocopulos, surnom-
mé le Grec. Il sut , avec un discer-
nement bi;;n rare , dans un âge aussi
tendre , acquérir les ]«illantcs qua-
lités et ériter les défauts de son
maître, qui loin d'être jaloux de son
talent se plut à le cultiver et à Ini
confier les ouvrages qu'il ne pouvait
faire lui-même. Ayant été' chargé
dépeindre jiour les ffycronimites de
35
546 TRI
la Sesta ^ une Cène, que son maÎLic
avait rofiiscc , il rcs^o'cuta à la satis-
faclinii tic la comiaimaïUé : mais le
prix, lie doux cents ducats qu'il en
demandait ayant paru excessif, elle
fit des représentations au maître ,
appuyées particutièreinent sur la jeu-
nesse de l'artiste. Le Grec ayant exa-
miné le tableau , prit un bâton, et le
levant sur Tristan, il l'accabla de
reproches et l'appela le déshonneur
de la peinture: les piîres cherchèrent
à le calmer , en disant que Tristan
n'avait agi ainsi que faute de discer-
nement , et qu'ils s'en rapportaient à
sa décision. « En effet , répondit le
» Grec , cet enfant ne sait ce qu'il
» fait. Son tableau vaut cinq cents
» ducats : si vous les lui refusez , je
» garde l'ouvrage , el je le paierai de
» mon argent. « Les Moines lui payè-
loiit cette somme. Tristan n'avait que
trente ans lorsqu'il peignit les cé!c-
bres tableaux du grand antel d'Ye-
pes : en 1619 , il lit le portrait du
cardinal de Sandoval , archevêque do
Tolède, ainsi que plusieurs autres
excellents ouvrages, tant publics que
particuliers. Ses deux cliefs-d'œuvro
sont peut-être le Moïse frappant le
rocher . et Jésus au milieu des doc-
teurs de la loi , que l'on conserve à
Madrid. On cite encore la Trinité ^
qu'il peignit en ili-.iG , et dont les
ligures sont de grandeur naturelle,
routes ses productions se distinguent
par un dessin jiur et correct , par un
eoloiis frais et gracieux , par une
composition claire et pleine de vie,
enfin par toutes les qualités d'un
grand j)eintrc : mais ce qui doit
mettre le sceau à sa l'cjmtalion ,
c'est que Yélasfjuez le préféra pour
maître à tous les artistes ([ui do
son temps (lorissai<,iit en lùu'ope.
Tristan moiuut \ Tulèdf,' en i()^o.
TRI
TRISTAN (JrAN), sieiir de
Saint Ainmit et du Piij d^ Amour ,
savant el laltorieiix numismate , na-
quit à Paris vers la (in du seizième
siècle. Son père, auditeur à la cham-
bre des comptes (i), l'ayant laisse
maître d'une biilianle fortune , il re-
fusa d'entrer dans la carrière de la
magistrature , afin de se livrer plus
librement à son goût pour l'étude, el
forma bientôt une collection de mé-
dailles la plus nombreuse et la plus
belle qu'on eût vue jusqu'alors en
France. Pour se donner un rang dans
le monde , il avait acheté la cliargn
de gentilhomme ordinaire de la cham.-
bre du roi ; mais il ne paraissait à la
cour que lorsque son devoir l'y ap-
pelait, et employait tous ses loisirs
h l'étude des médailles. Ayant acquis
des connaissances très-étendues dans
la numismatique , il résolut de pu-
blier l'histoire des empereurs par les
médailles , et fit paraître, en i535 ,
la première partie de cet ouvrage ,
en promettant, s'il était accueilli ,
de donner la continuation. Ce volu-
me, qui finit à Commode, est orné
de seize planches de médailles très-
bien exécutées , et de deux gravures
représentant la fameuse agalhe de la
Sainte-Chapelle, qui fait partie , au-
jourd'hui , du cabinet du roi , et les
bas-reliefs du tombeau du consul Jo-
vin , à Reims {Foy. Jovm ,XX1I ,
78 ). L'édition ayant été promple-
ment épuisée , l'auteur , quoiqu'il eût
éprouvé des pertes considérables , en
iG3G et 1(537 , par suite de la guerre,
le fit réimprimer en \iM\5 , avec dos
corrections et des additions , et y
joignit deux autres volumes, ipii fi-
nissent à Valentinien.La vie de Tris-
(Hjcililiislaii .l;iil, Milvniil li.iillct , Irprlil-
tih .l'un v.iultnr «riinih- d'iiii l."iiiK du Hernivcisiv
,iiu.' n.iln.iii , ai.li.'iui'nl MoigiicJay. ^"g- 'l<:i
.<ii'<i/i/< . fil. iii-zj". , MI . :Uo.
TRI
tan de Saint-Amaut ne prdsente plus
qu'une suite do querelles sur diUereisf s
points d'c'nidilion, avec Gaspard Ge-
vart. Angeloui , le P. Sinnondet J,-J.
ChiUlet. Ti'op convaincu de sa supé-
riorité sur tous les antiquaires de son
temps, il ne pouvait pas supporter
la moindre objection, même de la
part de ses meilleurs amis. C'est ainsi
que le P. Sirmond , avec lequel il
était lie , s'e'tant écarté de son senti-
ment dans une dissertation sur une
înédaiile d'Annibalicn , Tristan , ou-
bliant les égards qu'il devait au sa-
vant jésuite, l'attaqua dans une Let-
tre pleine d'invectives. Le P. Sirmond
ne put s'empêclier de lui répondre
avec quelque vivacité ; mais son
irascible adversaire passa toutes les
Ijornes de la défense dans sa dou-
ble réponse , dont la dernière parut
peu de temps avant la mort de l'il-
lustre jésuite ( Voy. les Antiq. de
Baillet , édition in -4°., p. 3'28 ).
Tristan mourut en iCi56. On a de
lui : L Commentaires historiques ,
contenant l'histoire générale des
empereurs , impératrices , Césars et
tyrans de l'empire romain , etc. ,
Paris, 1644? 3 vol. in-fol. Il y a des
exemplaires avec la date de i65^.
Le premier volume renferme les deux
grandes planches dont on a parlé ;
mais les médailles , imprimées avec
le texte , en précèdent l'explication.
A la suite du premier volume , on
doit trouver une partie séparée de
vingt - trois feuillets. C'est viiie ré-
ponse très-vive de Tristan de Saint-
Amant à Gasp.Gevart [F. ce nom)^
lequel avait critiqué son explication
des médailles de Claude et de Ves-
pasien^ ayant au revers les mots :
Faci yïugustœ. Cet ouvrage est un
trésor d'érudition • aussi les amateurs
le rcclierchcnt-ils toujours avec em-
pressement. On y désirerait plus d'or-
dre et moins de digressions, quoi-
qu'elles oilrent toutes de l'intérêt.
Suivant Ducange , Tristan a commis
beaucoup d'erreurs; mais il instruit,
même quand il se trompe. II. Ad
Jacob. Sirrnondmn cjnstola , Paris
i()5o, in-8". \\\. Anlidotum sive
œqua et jiista defcnsio adversùs
querulam Jacob. Sir mon di resvon-
sionem , ibid.^ i65o , in-S". IV.
Anti-sophisticum sii^e defensio se-
cundaadversùs malignum etsophis-
ticum Jacob. Sirmondi Anti-Tris-
tajuan secimdum (2), ibid., i6ji
iu-8o.Ces trois pièces sont très-rares,
V. Lettres écrites de Rome , par
?.î. de La Motte Hermcnt sur le sujet
d'un libelle intitulé : // Bonino , etc. ,
ibid., i65o, in-40. C'est une réponse
à la critique qn'Angeloni ou plutôt
Bellori avait publiée des Commen-
taires historiques de Tristan , ou-
vrage dans lequel Angeloni se trouve
fort maltraité ( F. Angeloni , II ,
i65 ). Yl. Traité du Lys , symbole
divin de l'espérance : contenant la
juste défense de sa gloire , dignité
et prérogative ;, ibid., i656, in-4'^.
C'est une réfutation de l'ouvrage de
J.-J. Cliiftlet ( Foy. ce nom ) : De
iîisignibus remm Francorum. Le
portrait de Tristan est gravé , in-
fol., à la tête de ses Commentaires.
W— s.
TRISTAN-L'HERMITE (Fran-
çois ), poète dramaticpie , naquit, en
1601 _, au cliâteau de Souliers ou
Soliers, dans la Marche. Il se pré-
tendait issu de Tristan l'Ermite ,
grand-prévôt de Louis XI , et comp-
tait au nombre de ses ancêtres le fa-
meux Pierre l'Ermite, auteur de la
(•).) Les deux écrits que le P. .SiriuoiiilpuLliii dans
celle mémorable dispnle sont intitules : Aiil^'iis-
t^iiius; et Anti-Tristaiiiis scciindus. lU ont ete re-
cueillis dans le qu^lriciue v<>l. de se» Œuvres cem-
lilitct. y . SlKMOND.
3j..
5/18
nu
jiicinicjc croisade {Fqyez Pierre,
XXXIV , 4no ). Ayant cte conduit à
la cour, dans son enfance, il fut pla-
ce près du mar(juis de Verneuil , fils
naturel d'iloiui IV. A treize ans , il
eut le malheur de tuer on duel un
gardc-du-corps , et s'enfuit en Angle-
terre , pour se soustraue à la rigueur
des édits. Apres diverses aventures,
se trouvant sans ressource , il prit la
re'solution de passer en Espagne, pour
re'cîamer la protection de don Juan
de Velasf[ue/. , son parent. Comme il
traversait le Poitou , l'argent vint à
lui manquer, et il eut recours à là
bienveillance de Scévole de Sainte-
Marthe {F. ce nom), pour obtenir
les moyens de continuer son voj'age.
Scévole accueillit avec bonté' un jeu-
ne homme qui montrait des disposi-
tions pour les lettres , et le retint chez
lui quinze ou seize mois. Sur la re-
commandation de son protecteur ,
Trislan obtint eusuUe ia place de se-
crétaire du marquis de \ illars-Bîonî-
pezat, qu'il suivit^ en iG'io, à Bor-
deaux , au passage de la cour. 11 fut
reconnu par IM. d'Humicres , pre-
mier gentilhomme de la chambre ,
qui le fit rentrer en grâce. De retour
à Paris, il fut attaché, comme gen-
tilhomme, à Gaston, duc d'Orléans,
et employa ses loisirs à travailler pour
le théâtre. Sa tragédie de Mariam-
ne {i) , représentée en iGS^, eut un
succès jusqu'alors sans exemple. Elle
le dut en partie an jeu de Mondory,
célèbre acteur , (jui termina sa car-
rière dramaticpuî [lar le rôle d'Héro-
de; mais c'est a tort ([ue l'auteur du
Parnasse ififoriné (Guéret) dit que
iMondory ('^,) mourut des cHiorts qu'il
(i) Cette pièce , dont It succîs surpassa celui de
la lUétlii'deP.CMruviHc , et balança celui du Ciii ,
••si resli'C c«-nl ans au lliêàlri' ; suivant Ffinlenelle ,
CorA;illc en l<iuait le cini|ui^nie actf. A • T.
1») MoXnniiY. nei Orléans, VIT» la (in du dix-
M-[itiènie siirlc, fut un dcK |)1ii^ .grands coiiicditns
TRI
fit pour rendre lesfurcursdu roi juif,
au cinquième acte. La pièce de Tris-
tan se ressent de l'enfance de l'art ;
mais le sujetn'était pas heureux, puis-
que Voltaire lui-même n'a pu le ren-
dre intéressant {F. Voltaire). Ce-
pendant elle eut un assez grand nom-
bre de l'eprésentaîions ; et l'auteur ,
regardé ])ar ses contemporains com-
me le rival de Corneille, compta ses
triomphes par ses pièces , toutes ou-
bliées maintenant, si l'on en excepte
Mariainne. En i<j49, l'académie
française ouvrit ses poites à Tristan
(3).Aimé, recherché des grands et des
beaux-esjnits , il aurait pu mener une
vie agréable j mais son goût pour les
plaisirs et sa passion efirénée pour le
jeu le jetèrent souvent dans de grands
embarras. Le désordre habituel de
ses vêtements lui fit appbquer ce vers
de la première satire de Boileau :
de son temps. Il acquit une telle vépulation dans
le rôle d'IIerode , que le cardinal de Richelieu
voulut en juger par lui-même, et ne put s'em-
pêcher de verser des larmes. Mais l'abbé de Bois-
Robert qui était présent , s*étant ■^ anté de faire
mieux encore , déflama eo eflét avec tant de véhé-
mcuce, qu'il fit pleurer Mondory lui-même {f'oy-
BoIS-RoBKKT). Ce comédien fiit frappe d'apoplexie
eu jouant le rôle d'Hérode. Il ne mourut pas sur
la scène; mais, paralysé long-temps de la langue et
d'une partie du corps, il ne put y reparaître, et se re-
tira dans une maison qu'il avait près d'Orléans. Le
caj diual le Gtrevenir pour jouer dans Y Iveiiglc île
Stiirnte , Iragi-coniédie, à laquelle l'érainence avait
eu part. Mondory ne put achever que deux actes, et
retourna dans sa retraite, où il uionrut , vers i(î'|6.
riclie de huit à dix mille francs de renie, que lui
faisaient le ministre et quelques grand» seigneurs.
Il était l'orateur de sa troupe et composait les dis-
cours d'anuouces et le» coiuplinieuls d'ouverture
et de clôture , dont l'usage aboli par la révolution ,
avait au moins l'utilité de maintenir les acteurs
dans la dépendance du public et dans le respect
iiu'ils lui doivent. Mondory joignait au talent do
la parole l'art de faire des vers , comme ou peut
in juger par deux pièces qu'il adressa à Scudery
Il laissa de vifs regrets et de longs souvenirs que
liarou seul put ellacer. Le père Rapiu, l'abbé de
Marolles , Scudery , le grand Corneille lui ont
donné des éloges , et Tristan, dans sa préface de
la tragédie de l'enlhce , où il attribue le peu d<
succès de celte pièce à l'absence de Moudory ,
donne une jusl.- idée du talent de cet acteur qui
■ l'exprimait pas moins les sentiments de l'anie par
Je jeu de sa phTsiuoouiie que par sou geste cl sa
déclamation. " A— T.
(31 II renqilaça Colomhv i sou s\icce.s»eur fut Lu
TRI
l'ajsc l'i'té sans liMi;c et l'liiv>pr sans raatrlciiu.
Ccpciiclant il est certain que Boileau
n'avait point en vue Tristan. C'est à
tort qu'un n'a cesse de le représenter
languissant dans la misère , d'après
une cpitaphe insérée dans tous les re-
cueils , et que l'on prétend fausse-
ment qu'il avait composée pour lui-
même (4). Ou sait qu'il avait fait ac-
cepter un logement et sa table à Qui-
nault , son élève ;, et qu'il lui légua ;,
par son testament, une somme con-
sidérable ( F. QUINAULT, XXXVI,
420). Tristan mourutd'une maladie
de poitrine, dans l'hôtel de Guise, le
7 sept. i655 , et fut inhumé à Saint-
Jean - en - Grève. La nature l'a-
vait fait poète : mais son style est
déparé par la bizarrerie des idées et
la recherche des expressions. Les
pièces de Tristan sont au nombre de
huit : cinq tragédies : Mariamne ,
1637, in-4"- ; Penihée , 1689, in-
4*^.; la Mort de Sénèque , i645,
iu-4'^. ; la Mort de Crispe, i645, in-
4°.; Osman, i65G,in-r2; une tra-
gi-comédie : la Folie du sage ;, 1 645 ,
in-4°. ; nne pastorale : AmarilUs ou
la Célimène de Rotrou , accommodée
au théâtre , iG53 , in - 4". ; et enfui
une comédie: le Parasite , i054 , i»-
4°. ( •">). Mariamne eut au moins trois
éditions dans la nouveauté, puisque
la troisième est do iGSg. Elle a été
réimprimée en 1724, précédée d'une
(4) Voici celte pièce :
lil)loui de l'cclal Je la splcudem- raondame ,
Jo me flattai toujours d'mie espérance vaine ,
l'aisaut le chien touchant aupjès d'un giand sei-
gneur ,
'Je me vis toujours pauvre , et lâchai de paraître.
Je vécus dans la peine , attendant le bouhecir ,
lit mourus sur un coftrc en atlendant mou maille.
(5) Peut-être l'aul-il ajouter parmi 1rs tragédies
de Trislau : La C'/iule du l'Iiaclon , i(i.^i), in 4°-
imprimée sous le nom de Tristan l'Ilerinile de /'"-
zellr. Les rédacteurs du i'alalvgue de lu bibl. du
roil'atlrihuent à l'aulcui- de Mariamne ; mais l'.ir-
liiit, dans son Utiloirc ilu Théùlie Fntiirnii , con-
jectme, d'après nue uote mauuscrite trouviîo sur
un exemplaire de cette pièce , qu'elle est d'un Je
SCS Irères.
TRI 549
Vie de l'autem-. J.-B. Rousseau l'a
retouchée en 1731. Enfin elle fait
partie, ainsi que la Mort de Crispe
et Pcnthee , du tome second du
Théâtre fiançais , ou Recueil des
meilleures pièces de théâtre, Paris,
1787 ,12 vol. iii-i2;6).0nade Tris-
tan trois Recueils de vers : I. Les
Amours{']) , Paris, i638, in-4", IL
La Lyre , V Orphée et Mélanges poé-
tiques, ibid. , 1641 , in-4". III. Les
Fers héroïques, ibid.-, 1648, in-
4". On trouve un chois, de pièces de
Tristan dans les Muses illustres de
Colletct, Paris, i658, in - 12 ; dans
le tome 1 de la Biblioth. poétique de
Lefort de la Morinière , etdans le to-
me XX des Annales poétiques. Plu-
sieurs pièces de Tristan ont été tra-
duites en anglais par Stanley ( F.
ce nom ). Ses autres ouvrages sont:
i. Lettres mêlées, Paris, 1642,
in - 8^. II. Plaidoyers historiques ,
ou Discours de controverse , ibid. ,
1643 ou i65oj in-8''. On conjec-
(f>) Il existe h la Bibliothèque du nu nu manus-
crit de la tragédie de Mariamne , d'une fort belle
écriture sur vélin , et relié en maroquin , avec
compartiments , fleurs de Ivs , etc. Il est probable
que c'est l'exemplaire que Tristan présenta îi Gas-
ton , duc d'Orléans, à qui la pièce est dédiée.
C'est d'après ce manuscrit , (pie les éditeurs de la
Feiite Bibliothc</ue des théâtres ont donné , en
1-84 ) ^^^ ioTt bonne édition de "Mariamne avec
des variantes indiquées , soit dans le texte , soit en
notes, par des guillemets. On la trou\e , précédée
du portrait de Tristan , d'une notice sur sa vie, du
catalogue analytique de ses pièces de théâtre , et
de celui des tragédies de Hlaiiarnne , dans la pre-
mière annifë (devenue rare) de ce recueil , avec le
Veuceslai de Roirou , la SofiUonisbe de Mairct, el
le Scévole de Du Ryer. A — T.
(") Cet ouvrage fut d'abord publie sous le litre
suivant : J'iaintes d'AcanIc et autres ueiifies du A
Tristan , Paris , Itilaiue , iG34 , 164 pages in-4°. .
avec un l"ronlis|)ice gravé. L'auteur de cette note
ou po.ssède un lr«s-bel exemplaire. On remarque
cuuime une singularité qu'il ait été imprime cf a-
près l'approlialion d'un chanoine hollandais [ Lc-
grrus Van llonlsum . censeur), datée d'Anvers , le
10 jum iG3i. Ce qui n'est pas moius extraordi-
naire, c'est qu'il n'eu soil tait aucune meutmu
dans nos bibliographies les plus eslinu-es. .Vu reste,
ce l'ail prouve que Trislau était dej.> connu c.ujme
poète plusieurs années avant qu'il eût donne au pu-
M.c ..a tragédie de .V«ri«m«.-. M-- -'»
.55q TUl
Inrc, d'.ijircs l'averfisscinciit , que
Tristan n'en est que l'ëditcnr. III,
Le Page disgracié , où l'on voit
(le vifs caractères d'hommes de
toiïs tempcr.Uiicnts et de tontes
professions, ibid. , i643, in 8". j
ï(i65 ou i(J67 , 'X volumes in- \'l.
C'est la véritable histoire de la jeu-
nesse de l'auteur ; « et , dit l'ahLe'
d'Olivet, il n'a pas eu grand besoin
de recourir au mensonge pour lui
donner lout-à-f;iit l'air de roman
( Hist. de Tacad. franc.) (8). IV.
Les Heures de la Sai?ite Fierge ,
tant eu vers qu'eu prose, ib. , i653,
in-i2. Euiin on lui attribue la Carte
du royaume d'amour , insérée dans
le premier tome du Recueil de pièces
en prose , les plus agréables de ce
temps, Paris, 1658, in- 12, Outre
V Histoire de l'académie française,
on peut consulter, sur Tristan, le
Dict. de J!>Si\\c -,l' Histoire du Théâ-
tre Français, v, 196; le Parnasse
français, 247 , et la Bihl. de l'abbc
Goujet, XVI, 202. Son Portrait, gra-
vé par Daret, iu-4"., fait partie du
i?ec«(=z7 de Des Rochers, W — s
TRlSTAN-L'HERMITE ( Jean-
Baptiste ) , seigneur de Souliers ,
frère du précédent , cultiva aussi la
poésie; mais s'appliqua surtout à
riiisloire et à la science héraldique.
Il était chevalier de Saint-Michel et
gentilhomme ordinaire du roi j il
mourut vers 1670. Sa fille avait
épousé le comte Esprit de Modcne ,
historien de la Réi'olution de Na-
ples{F, l'art. ModÈne, XXIX, 197,
ou Jean-Raptiste est qualilié beau-
frère du comte de Modcne, dont il
était le beau-père). Au reste il ne jia-
raîf pas avoir porté le nom de Tris-
^K^ l'<lli..M.ii ji.iiLs ;.i)iiirli(l r|i.cTiiMaii linviiil-
'ail 11 un roiuaii en |i|iii>ii'iir.s volumes, iiilitiili.' ;
/a (Uiiiimciic , Iliilvirc (Ui iilnl,.- ; iiiuisi) u'm iit-
(.i:.i«l..r„( V..y. lliA.d V l.ml.).
TRÎ
tan, qui était celui de son frère, du
moins ne l'a-t-il pas dans les actes
qu'il a passés et qui sont dans les aiv
chives de la maison de Raimond-
Modène. On a de lui des compilations
généalogiques en assez grand nombre,
mais peu estimées , parce qu'ilne les
composait que pour flatter ceux, dont
il espérait des pensions et de l'ar-
gent. Guichenon , qui lui reproche
sa vénalité, ajoute : « On devrait ,
dans une république bien ordonnée ,
défendre d'écrire à des gens faits
comme cola. ( Voy. la BihL hist. de
la France, n° 4^791 )• Outre quel-
qjies pièces de vers disséminées dans
les Uccueils du temps , et une éd.
du Cabinet de Louis XI, Paris,
16(34, iu-i2, collection assez cu-
rieuse et qu'on retrouve à la suite
des Mémoires de Comiues, dans les
éditions publiées par D. Godefroy et
l'abbé Lengleî-Dufresuoy, on cite de
notre auteur : I. Eloges de tous les
premier sprésident s du parlement de
Paris, dejynis qu'il a été rendu séden-
taire jusqu'à présent , avec letus
généalogies, Paris, i645, in-fol.
F. Blanchard a eu part à cet ouvrage.
II, Généalogie de du Laurens , ori-
ginaire de Naples, Arles, i656, in-
4*^. lïl. La Ligurie française, oa
les Génois afTectionnés à la France ,
Paiis, i657,in-4°., très-rare. IV.
La Toscane française, ibid. , 1G57
et i6Gi,in-4". V. Les forces de
Lyon, contenant le pouvoir et la do-
mmation de cette ville, avec les ar-
mes de tous les chefs de sa milice,
capitaines , lieutenants et enseignes ,
Lyon, i()58,in fol. Guichenon nous
apprend que l'auteur colportait cet
ouvrage de maison en maison. Je
mourrais de faim , ajoute-t-il, avant
que de faire un si lâche métier {Bihl.
de la France, 4 o 1 08 ). V I . Les Pré-
siiL'nts nés des étals de LaiigncdoCy
TRI
OH chronologie des archevcqucs cl
primais de Narhonne , Arles, iCJSq,
in-4''. VU. Discours historique et
généalogique sur l'ancifuue el illus-
tre maison de Mancini , Paris , i G6 1 ,
iu-4*'. VIII. Les Corses français ^
contenant l'Histoire généalogique ,
Ole. , ibid , 1 6(3'i _, in- 1 2. IX. ÎVaples
française, ibid, i663 , in-4"- X.
Histoire généalogique de la maison
de Soutiré , ibid, iGG5,iu-4o. XI.
Histoire généalogique de la noblesse
de Touraine et pays circonvoisins ,
enrichie des armes de chaque fa-
mille et de quelques portraits, ibid.,
166"^ ou jGGg, iu-lbl. Le portrait
de ce compihiteur a été grave dans
divers formats, W — s.
TRITHÈME ou TRITHEIM
( Jean ), historien et ih.colugien, na-
quit, le 1'='". février i4^'2, dans Té-
lectorat de Trêves , h Tiittenheim j
et c'est de ce nom qu'on a formé ic
sien. Sou père est désigné par ceux,
de Joanncs de Monte , Jean Heiden-
berg ou Eidenberg , et qualifié tantôt
vigneron, tantôt chevaUer. Ou dit
aussi qu'Elisabeth de Longovico ou
de Longvvi, mère de Trithème, était
d'une noble famille. Ayant perdu son
cpou"x. douze à quinze mois après la
naissance de leur lils , elle resta sept
ans veuve , et prit ensuite un second
mari , dont elle eut plusieurs enfants :
ils moururent tous fort jeunes , ex-
cepté un seul, nommé Jacques. L'édu-
cation de Jean Trithème avait été
fort néghgce. A peine à quinze ans
avait- il commencé d'apprejidre à li-
re : mais il se sentait du goût pour
l'étude ; et ce penchant devint si vif,
qu'il résolut de s'y livrer, malgré la
défense de son beau-père. Les mena-
ces et les mauvais traitements ne
l'cirrayèrcnt plus jet s'il ne pouvait
étudier à son aise eu |)lein jour, il
allait passer une partie de la nuit
TRI
55 1
chez un voisin, qui lui euseiguail tant
bien que mal à lire , à écrire , à décli-
ner et conjuguer des mots latins. Il
vit bientôt que cette instruction ne le
conduirait pas fort loin, et prit le
parti de quitter la maison ma tenu lie,
mipatient de fi-c'qucntci- de meilleu-
res écoles. Ses talents se déve!o])pè-
reut à Trêves, puis eu quelques au-
tres villes , particulièrement à Ilei-
delbcrg. Lorsqu'il crut avoir acquis
un assez grand fonds de connaissan-
ces , l'idée lui vint de retourner à
Tritlcuheim. 11 se mit en route au
commencement de l'année 1482 : le
25 janvier, il arrivait à Spauhcim.
Les neiges qui tombèrent durant tou-
te cette journée le forcèrent de s'ar-
rêter au monastère de ce lieu , non
sans un secret pressentiment qu'il y
fixerait sa demeure. En effet , ajirès
y avoir séjomné une semaine, il dé-
clara qu'il renonçait au monde , quit-
ta l'habit séculier le 2 février , fut
admis au nombre des novices le 21
mars , et fit profession le 2 1 novem-
bre. II était encore le deruier des pro-
fès quand ses confrt'res l'élurent pour
a])bé, le g juillet 1482. Si l'on vou-
lait supposer , contre l'opinion de
Mercier de Saint -Léger (Mém. à la
suite du5«^. de VHist. de l'imprim
de Pr. Marchand), qu'alors l'année
commençait à Pâques eu Allemagne ,
il y aurait lieu de modifier les dates
que nous venons d'énoncer, et de
substituer à 1 4H2 et 83 , 1 483 cl
84. Mais dans cette hypothèse peu
plausible, l'élection de Jean Trithè-
me, âgé de vingt-deux ans et demi au
plus , semblerait encore bien précoce.
Pour en être moins étonné, il faut
songer d'une part , que , studieux
comme il était, et doué des plus heu-
reuses dispositions , il avait dû f lire
de grands progrès diu-ant les six ou
sept années précétlcnlcs ; de l'autre,
>52
TRI
qu'à la fin du quinzième siècle , les
monastères de l'ordre de saint Be-
noît ne se peuplaient que de sujets
fort médiocres , et ne possédaient
plus , à beaucoup près, autant d'hom-
. mes de mérite qu'ils en avaient compte
jadis et qu'ils en ont retrouve' depuis.
Aussi l'abbaye dont ïrithème pre-
nait possession était-elle dans un
état si déplorable , qu'eiTrayé des
obligations qu'il venait de contrac-
ter , il craignit de n'avoir point
assez d'expérience et d'autorité pour
les bien remplir. On avait négligé
même le soin du temporel. Les
bâtiments tombaient en ruine; les
biens étaient aliénés, ou engagés, ou
mal régis. D'énormes dettes, qu'il
fallait payer , rendaient celte admi-
nistration de plus en plus difficile.
Cependant le jeune abbé vint à bout
de remédier à tant de désordres : il
fît des réparations et des construc-
tions , opéra des remboursements ,
rétablit l'équilibre entre les recettes
et les dépenses. Son zèle s^excrçait
avec plus d'ardeur encore sur le ré-
gime intérieur et moral de sa com-
munauté. Il exigea des mœurs plus
régulières; et persuadé qu'aucune ré-
forme ne serait efficace au sein de l'i-
gnorance et de l'oisiveté , il s^efïbrça
de ranimer les études sacrées et pro-
fanes. Dans ses sermons à ses moines,
il leur recommande surtout de lire et
d'écrire : selon lui , le meilleur travail
manuel auquel ils puissent se livrer
est de transcrire des livres. Il vou-
drait les voir presque tous occupés de
cet exercice honorable ou des servi-
ces accessoires qu'il entraîne, com-
me de préj>ai'(a' le j>arclicmin , l'encre
et les plumes; de régler les pages ^ de
corriger les fautes^ d'enluminer les
litres et les capitales, et de relier les
tomes. Au moyeu de ces copies et des
acquisitions qu'il faisait, soit d'an-
TRI
ciens manuscrits , soit des livres qui
s'imprimaient depuis i45o, il par-
vint à former une riche colleclion. Il
n'avait trouvé dans ce couvent que
quarante-huit volumes , ou même que
quatorze, à ce qu'il dit quelque part :
il y en avait seize cent quarante-six
en i5o'^ , et bientôt après ^ deux mil-
le , en tout genre et en toutes langues,
spécialement on latin , en grec et en
hébreu. Ou venait voir par curiosité
cette bibliothèque nouvelle , qui pa-
raîtrait si chétive aujourd'hui. On
était d'ailleurs assez attiré à Span-
heim par le désir de connaître le sa-
vant abbé, dont la réputation s'était
rapidement étendue. Des seigneurs ,
des prélats _, des hommes de lettres ,
accouraient d'Italie , de France et de
toutes les parties de l'Allemagne ^
pour jouir de ses entretiens. Les prin-
ces qui ne pouvaient le visiter eux-
mêmes lui envoyaient , nous dit -il ,
des nonces et des orateurs , pour trai-
ter d'affaires littéraires. Quoiqu'on
rendît hommage à sa piété autant
qu'à sou savoir ; à la pureté de ses
doctrines théologiques autant qu'à
la variété de ses connaissances; quoi-
qu'il prescrivît sans cesse de puiser
la science de la religion à ses vérita-
bles sources, c'est-à-dire dans les
Livres saints plutôt que dans les écrits
des philosophes et les controverses
des docteurs scolastiques , il se vit
pourtant soupçonné d'erreurs graves,
accusé de nécromancie et de magie.
La renommée avait fait delui un sor-
cier qui évoquait les démons et les
morts , qui prédisait l'avenir , et usait
d'enchantements pour surprendre les
voleurs. On racontait , par exemple,
que l'empereur Maximilicn ne se con-
solant pas (le la mort de sa pi'cniière
épouse, Marie de Bourgogne, Tri-
tlième, qui se trouvait à la cour de
ce prince et qui prenait pitié de sa
TRI
douleur, avait otTert de ha faire ap-
paraître la défunte- qu'en effet, Ma-
ximilien et l'un de ses courtisans s'e-
tant renfermes avec l'abbé dans une
chambre écartée, Marie s'était mon-
trée à leurs yeux , parée de son
éclat accoutumé ; que pour être plus
sûr que c'était bien elle - même ,
son auguste époux avait cherché et
trouvé une verrue qu'il savait être
située à la nuque de la princes-
se j mais que ^ cédant bientôt à
l'effroi mortel dont le frappait ce
spectacle, il avait ordonné à Tri-
thème de finir à l'instant un si terri-
ble jeu, en lui défendant de jamais
renouveler de pareilles expériences.
Si ce conte avait besoin d'être réfuté,
il le serait assez par sa date; car Ma-
rie de Bourgogne est morte en 1482,
époque où Trithème n'avait que
vingt ans, et n'était encore ni abbé
ni connu dans le monde. En i5o5,
Philippe , comte palatin du Rhin , le
pria de venir à Heidelberg , où il vou-
lait conférer avec lui sur une affaire
monastique. Trithème s'y rendit, y
tomba malade , et y reçut la nouvelle
d'une révolte qui , en son absence ,
venait d'éclater contre lui , dans son
couvent de Spanheim. Pour être
mieux informé des détails et des sui-
tes de cette révolution claustrale , il
se l'ctira d'abord à Cologne, puis à
Spire ; mais il apprit que ses moines
persévéraient à s'affranchir de son
autorité, qu'ils ne voulaient plusd'im
abbé qui prétendait les obliger à
s'iustruire et à se comporter raison-
nablement. De son côté , il résolut de
ne jamais retourner auprès d'eux ,
quoiqu'il se sentît rappelé dans leur
monastère par la bibliothèque qu'il
y laissait et par le souvenir de
tout le bien qu'il y avait fait durant
vingt-deux années. On lui conféra
l'abbaye de Saint-Jacques à Wurtz-
TRI 553
bourg; il en prit possession le i5 oc-
tobre 1 5o6 , y passa les dix der-
nières années de sa vie , n'acceptant
aucune des places plus éminentes
qu'on s'empressait de lui otl'rir ail-
leurs , et y mourut le 26 décembre
i5i6 : nous écartons la date iSiQ
que donne G. J. Vossius, trompé
par Bellarmin. L'abbé Trithème fut
enterré dans ce couvent de Saint-
Jacques , où il avait paisiblement
poursuivi le cours de ses travaux lit-
téraires.— Neuf de ses Ouvrages ont
été réunis sous le titre d'Opéra his-
torica, par Marquard Freher (. V.
XVI , 19) , Francfort, i6oi , in-fol.
l.Chronologia mystica deseptemse-
cundeis sive iiitelligentiis orbes post
Deum movenlihus. Une ancienne
doctrine platonique ou cabalistique ,
renouvelée et modifiée au quinzième
siècle , plaçait dans chaque sphère
céleste une intelligence chargée de la
gouverner. Le livre où Trithème
veut rattacher des notions historiques
à ce système a paru en allemand , à
Nuremberg, en i5'22 j in-4'^- Dans
les éditions d'Augsbourg , i545, iu-
8». j de Cologne , in-S". , 1 56^ ; de
Strasbourg , in-4°- , 1600 , il est en
langue latine , ainsi que tous les arti-
cles qui vont suivre. II. Chronique
( fabuleuse ) des Francs , depuis
Marcûviir jusqu'à Pépin, mise au
jour à Mayence , en 1 5 1 5, et à Paris,
en i539 , in-fol. ; insérée , eu 1574»
au tome m de la collection des his-
toriens d'Allemagne de Schardius.
III. Originede lanation des Francs ,
d'après Hunebauld j autre tissu de
fables , selon les critiques moder-
nes , publié , avec le précédent , à
Mayence, à Paris, et dans le Recueil
de Schardius , et reproduit par Ludc-
vvig {Script. herbipol. Francf., 1 7 1 3).
Ce roman remonte à l'an i4o avant
J.-C.j et descend jusqu'au milieu du
554 fRÏ
huitième siècle de notre crc. IV.
Chroni(]iws des ducs de Bai>ièrc et
des comtes Palatins ,']us(\n en i ^~j^),
impiimc'c à Francfort, iii-4". , en
1 544 et '549, et traduite en alle-
mand par Phil. Ern.Voop;eliu , Franc-
fort, iGiG, iu-4''. V- Deluminari-
bus Germaniœ : il en a parades édi-
tions in "4". à Utrcclit, en l495 ;
à Mayence , eu i497' P^ri^i ^es Al-
lemands déclares illustres dans ce
catalogue , il en est dont aucun autre
livre ne fait mention. Les notices
jointes à tous ces noms sont fort suc-
cinctes , mais qiielfpiefois remarqua-
bles par leur singularité'. VI. De
scriptoribus ecclesiasticis, se'rie chro-
nologique de 963 articles sur un égal
nombre de pères de l'Église et de
tlie'ologiens , depuis le pape Clément
T*^"". jusqu'à l'auteur lui-même, qui
achevait ce travail en i494> et le
dédiait à l'ëvcque de Worins, Jean
de Dalberg. Le nom de chaque per-
sonnage amène un expose sommaire
des principaux traits de sa vie, et
l'indication de ses ouvrages. Mai-
gre' beaucoup d'omissions et d'er-
reurs, ce livre a e'te' fort utile à
ceux qui ont depuis mieux traite' la
même matière • on le consulte encore
aujourd'hui. Les premières éditions
sont de Bàlc , i494? in-fol.; de
Mayence, en la même année , iu-4". ;
de Paris, in-4°. , en 1497 " ^^^ ^"^'
vantes contiennent des additions et
des appendices j elles ont ctc' public'es
in-4". , à Paris , en 1 5 1 2 ; à Cologne,
i53i et i546j à BA!e , iSgl, ctc.
La dernière et la meilleure est celle
qui fait ])arlie de la bibliothè(|ue ec-
cle'siastique de J. Alb. Fabricius ,
Hambourg, 17 18, in-fol. (T. XIV,
Oo ). Aubert Le Mire ( XXïV , 55 ,
5(i ) a fait des sup|)lèineiils à res
notices, et les a ronlinuécs de \f\K)\
à 1 f)/| o. V 1 1 . Chr<mi(jiU(r llirsati^e :
TRI
cet ouvrage , dont le litre n'annonce
que la chronique d'un nioiiaslère ,
renferme un grand nombic de détails
importants qui appartiennent à l'his-
toire de l'Allemagne et de la France.
L'année 83o est l'époque oh s'ou-
vrent ces annales qui , dans l'édition
deBâle, î55g, in-fol., finissaient en
i3']o. Trithèmc les avait condiiites
jusqu'en i5i3 ; mais son manuscrit
ayant péri dans un incendie , on
croyait celle deuxième partie perdue
sans ressource , lorsque Mabillon
( F. XXVI , 2 ) en découvrit une
copie dans l'abbaye de Saint-Gall
qu'il visitait. Il exhorta les reli-
gieux de ce monastère à la publier 5
et l'ou vit , eu effet, sortir de leurs
propres presses, en 1690, 1 vol.
in-fol. , contenant cette chronique
tout entière. Elle a servi depuis aux
écrivains qui se sont occupés de
l'histoire du moyeu âge ; Voltaire
lui-même l'a citée dans l'Essai sur
les Mœurs des Nations : quant aux
mentions qu'il lui a plu de faire de
l'abbé Trithème en un autre ouvrage,
on sait qu'elles sont purement ima-
ginaires. Ou a de cet abbé une Vie
de Frédéric, comte palatin , dit le
Victorieux , imprimée in-4". , à Co-
logne, en 1G02 : mais ce n'est pas un
ouvrage de plus ; car elle est extraite
des Annales d'Hiisange. VllI. La
Chronique de VAhbaje de Span-
heim, depuis 1 124 jusqu'en i5ii ,
paraissait pour la première fois , eu
1601 , dans le Recueil des livres his-
toriques de l'auteur : elle n'est cu-
rieuse que par les détails qu'il y
donne sur sa propre vie. IX. On l'it
avec plus d'intérêt les deux livres de
ses Lctlres familières à des princes
d'Allemagne , à des prélats , à des
savants , au nombre desquels se
trouve son demi - frère Jacques , qui
était deveiMi docteur. Scsautre,s cor-
TRI
rcspoiidants sont Elisabeth deLoiii^-
vA , sa mère ; Joachim , ciectcur de
BrandelDourg • Fi ëdoric , électeur de
Saxe; le pape Jules II ; l'arclievcquc
de Cologne Hermaiin; Jac. Wiinp-
feliug ; Cour. Celtes ; Conr. Pciilia-
ger ; Charles Bonelles, dont nous
aurons occasion deieparler, etc. Tri-
thème avait écrit Lien plus de Let-
tres ; celles qui subsistent^ au nom-
bre de cent quarante , tiennent à
riiistoire civile , ecclésiastique ellit-
téraii'e de son temps : elles ont été
publiées à Ilaguenau, en i536, in-
4*^. Il y en a des extraits dans les
Lettres choisies de Rich. Simon, t.
IV . pag. i3i-i4o; et dans les Mis-
ccll. lipsiens. nova , t. ii , part, i ,
pag. log-iiS. — Vingt autres pro-
ductions dcTritlième ont été recueil-
lies , on 1 6o4 , sous le litre d' Opéra
spiiitualia , par les soins du jésuite
J. Busée ( F. VI , 367 ) , IMayeuce ,
in-fol,; et nous avons à distinguer ,
dans ce volume, deux articles encore
historiques. X. Chronique du mo-
nastère de Saint Jacques à Wurtz-
bourg , rédigée en iSog , et iusérée
par Ludewigdans un Recueil d'écrits
relatifs à celte ville , que nous avons
déjà cité. XI. Quatre livres sur les
hommes illustres de l'ordre de Saint
Benoît : la première édition est de
Cologne, in-4'^. , iS^S. Baillet dit
qu'il n'y a rien de moins exact que
ce qui a été écrit sur cet ordre par
Tri thème , dont on doit néanmoiiis
estimer la diligence , expressions
qui peuvent sembler singulières ,
]ors([ii'onsc souvient qu'au temps de
Baillet , les termes de diligence et
d' exactitude s'employaient comme
à-peu-juès synonymes. XII. Deux
livres de Sermons ou exhortations
aux moines sont digues aussi d'être
remarqués : ces discours , écrits en
latin, comme tout ce qui précède
TRI
Sf.K
et tout ce qiu suit . se recommandent
par la pureté do la morale , par la
naïveté du style , et par l'interot de
quelques délails : nous en avons l'ait
usage dans la première partie de cet
article. Trithème les avait compo-
sés, à l'âge de vingt-quatre ans , en
i4<'''0 : on a dit même que c'était la
date de l'édition qui eu l'ut publiée à
Strasbourg , chez Knoblauch , in-
ful. ; mais nous croyons, avecFr.G.
Freytag ( Anal. 1 o 1 1 - 1 0 1 3 ), qu'ils
n'ont été imprimés qu'en i5i6. L'er-
reur provient de ce que Knoblauch
a copié, à la fin du second livre,
la souscription du manuscrit auto-
graphe , laquelle porte en ellet la date
i4H6 comme celle de la rédaction
définitive. Il tant uotcrd'ailleurs que
le privilège accordé par l'empereur ,
pour cette impression , n'est que de
i5i4- Ces mêmes Exhortations cé-
nobiliques ont reparu à Anvers , in-
S'^. , en 15^4; à Florence, in-4*'- ,
en 1577J à Milan, 'ii-4°-> ^" ï^4'i-
On en rencontre des extraits dans
les Aménités littér. de Schelhoru ,
tom.iv,p. 28ti-294.XlII.n£vOixbç,
sit>e lugubris liber de statu et ruind
monastici ordinis ;ce tableau du dé-
plorable état des communautés mo-
nastiques avait été joint aux sermons
dans l'édition de Florence. XIV-
XXIX. Seize Traités ou Opuscules
ascétiques ou mystiques, dont nous
croyons huitile de transcrire ici les
titres , mais parmi lesquels sont com-
pris deux ouvrages sur les miracles
de la Vierge Marie ; l'un en deux li-
vres et l'autre en trois. — J. Busée,
après avoir réuni ces vingt pieux
écrits , s'aperçut qu'il en avait omis
six , et se hâta de les publier , dès
i6o5, à Mavence, en un volume in-
8"., qu'il intitula Paralipomènes, et
qui renfermait en même temps dos
Opuscules de Pierre de Blois etil'IIinc-
556
TRI
mar. Ce volume , qui a été réimpri-
me in-H". jàGologuC;, en 1624, ajoute
six articles aux OEuvres de l'abbe'
cleSj)aiilieira. XXX. Antipalus ma-
leficiorum , l'Adversaire des malé-
fices, en quatre livres , dont il y a une
édition de i555,àIngolstadt , in-4"- j
ce ([ui n'empêche pas Biisée , ou
son libraire , de les qualifier nunc
primùm editi, au frontispice du
Recueil de i6o5. XXXI. Curio-
sitas regia , réponses à huit ques-
tions théoloj^iques proposées par
l'empereur Maximiiien. Ce livre
avait été aussi déjà imprimé et mê-
me plusieurs fois , Oppenheim, 1 5 1 1
et i5i5, in 4^-; Spiie , iSi:*., in-
fol.- Cologne, i533et i534,in-8°.;
Francfort , 1 55o , in-S". ; Mayence ,
1601 , même format 5 Cologne, i6o3,
in- 12. XXXII. Deux livres sur les
Carmes illustres, ouvrage qui était
pareillement connu , au moins de-
puis iSgS, ]jar les éditions qu'un
cai'me en avait publiées à Florence,
in-4'^. , cent ans après celles que Pan-
zer indique sous les dates 149*2 et
1494 , in - 4"' 1 <^t mayençaises ,
l'une et l'autre. ICntre les réimpres-
sions postérieures à i6o4, nous ne
citerons que celle de iG43 , in-8°.,
à Cologne; c'est la meilleure d'un
ouvrage assez curieux. XXXIII.
Panégyrique de sainte Anne ,
production que l'on retrouve en-
core dans les Annales typographi-
ques de Panzer, comme imprimée
en 1494? iii-4"' ■> t^"'^ ^ Mayence
qu'à Lei()zig : mais il paraît que les
articles XXXlVctXXXV étaient en
cfict inédits avant iGo5 : l'un est un
oflicc en riioniieur de sainte Anne et
de saint Joacliim; l'autre un cata-
logue des livres grecs (|iie Trilhème
avait ])laccs dans la bibliothècpie de
son abbaye de S{)aiilieim. — Ce ne
sont poMit cncoie là toutes les ceu-
TRI
vres du laborieux abbé : il nous res-
te de lui trois autres pieux écrits,
des livres de physique occulte, et deux
productions plus fameuses j qui ont
contribué à le faire accuser de sor-
cellerie. XXXVI. Fie de Rahan-
Maur ( F. XXXVI , 465-468) , in-
sérée dans la collection des Bollan-
distes, au 4 février. XXXVII. Fie
de saint Maxime , évoque de Mayen-
ce , et non de saint Martin , arche-
vêque de Trêves , comme l'a supposé
Wharton : elle est dans les Acta
Sanctorum de Surins, au 18 novem-
bre. XXXVni. Eloge du bienheu-
heureux Rupert ( i ) , abbé de Tuy ,
à la tête des œuvres de ce théolo-
gien, éditions de 1 638 et de 1754.
XXXIX. Philosophia naluralis ,
de (Teo7rtfl7zf/« , Strasbourg , i5o9,
in-8'^. La géomancie est une divina-
tion qui se pi'atique en remarquant
ou en traçant sur la terre des points,
des lignes, des cercles ou d'autres
figures. XL. Traité de chimie ou
d'alchimie , réuni , en i SgS , à des
extraits de Ripley (2), in-8°. , com-
pris aussi dans le tome iv du Thea^
trum chemicum , et imprimé à part
en 161 1 ,in-8o. Is. Vossius en pos-
(i) Rmitrt, uë eu Allemagne, devint abbé de
Tuy en iii3 el y mourut eu ii35, considéré
comme un savant et pieux personnage. U a laissé
des écrits tliéologiques et historiques , des li^mucs
et d'autres -vei-s latins. Ses ouvrages ont ele impri-
més plusieurs fois , quoiqu'on y ait repris cer-
tains passages qui ont fourni aux ProlcslauLs de»
objections contre le dogme de la Iranssubslanlialion.
Les dernières éditions sont de l'arls , i(i38 , 2 vol.
in-lol ; de Venise , 1754, 4 ^"l- >n-fol. Foj. , sur
r;a;bé Rupert , Foppeus , liildioih. liclg. , l. Il ,
p. 1087 , 1088 i Vlhst. tiitéiaire de la Fraïue ,
t. XI , p. I\>-'X , etc.
(«) Georges Kiplcjr , alchim!s,tc anglais , chanoi-
ne de liridlinglon, vivait sous Ldouard IV, auquel
il u dédié, en 1477 , sou livre des Dou/.c Portes. H
était fort riche et laissait croire qu'il devait sou
opulence à sou art. U envo\ait , dil-on , bea«c(uip
.r..i .inx «hevaliei s <le KhJdes , pour les aider à se
drléndrc coulre les Turcs. I,e Ltiu r ,/iiu.lcciin /mr-
liiiuin. .1 elr inqirinic à l.eyde , en iSgj), in 8". , cl
l'on a recueilli , dans le mime format ,' .^ Cassel , en
i(i4i), tous les ouvrages de < hiinic de cet auteur.
Il est mort en i4<J.). A ..y Mauget , bloy. , etc.
TRI
scd;iit un manuscrit en langue alle-
mande jet l'on cite comme public eu
cet idiome, à Ingolsladt , i555, iu-
4". , un livre de Tritlièmc sur les
empoisonnements et maléfices : ce
u'est peut-être qu'une traduction de
l'article xxx ci-dessus. XLT. LaPo-
Ij' graphie, en 6 livres, est un plus
célèbre ouvrage, dont la première
édition , donnée , en 1 5 1 8 , à Op])cn-
heim, in- fol. , devient aujourd'hui
fort rare. Les auti'es sont de Franc-
fort , i55o, in-4". ; de Cologne,
1 564 et 1 5'] I ,in-8'\;dc Strasbourg,
in-8"., i6oo et i6i3, etc. Gabriel
de Collangc {F. IX , 25 1 ) eu fit une
version française , imprimée à Paris,
en 1 54 1 , iu-4''-, sous le titre dePo/r-
graphie et universelle escriture ca-
balistique, avec la clavicule, etc.-
et quoique ce volume se fût assez ré-
pandu , un Frison, nomme Domini-
que de Hottinga, eut l'audace de le
faire paraître sous son propre nom ,
en français et dans le même format,
avec une préface , où il déclarait que
ce travail lui avait coûté de pénibles
veilles : il ne disait pas un seul
mot du traducteur Collauge , ni de
l'auteur J. Tritbème. Celte publica-
tion , fameuse dans l'histoire des
plagiats, est de 1G20, à Erabden :
le catalogue de Crevenna en indique
un exemplaire , daté de i6'2i, à
Groningne. A l'égard de l'ouvrage
même , on doit observer d'abord que
Trithèmc n'applique point le nom de
Poljgraphie à des mélanges d'écrits
de dilicrents genres ou sur divers su-
jets : il veut enseigner à écrire un
même mot de plusieurs manières. Il
donne treize nouveaux alphabets ,
composés soit de lettres étrangères
les unes aux autres , soit de carac-
tères de convention ou de purs chif-
fres. L'auteur avait quelque con-
naissance des aucienucs notes de
TRI 557
Tyron , augmentées par Sénèquc
père , et depuis par saint Cyprien ,
à l'usage des chrétiens persécutés.
Il en existait fort peu de copies
au commencement du seizième siè-
cle : Trithème se fé/icite d'avoir
pu en acheter une , que des moi-
nes ignorants vendaient à vil prix j
et les auteurs du Nouveau Traité de
diplomatique ( îom. 2, pag. 19,6,
et tom. 3 ;, pag. i5o ) lui attribuent
l'honneur d'avoir le premier publié
et interprété quelques-unes des notes
tyroniennes. Les rédacteurs du Jour-
nal des savants reconnaissaient, en
1678 ( 24 janvier ) , qu'il avait fort
contribué aux progrès de l'art d'é-
crire en chiffres. XLII. Stegano-
graphia, hoc a^t , ars per occultam
scripturam animi s ni voluntatem
ahsentibus aperiendi, cerf a : prœ-
fixa est clavis. David Clément
{Bibl. cur. p. 94) fait mention de
deux volumes iri-8°. , très-rares, qui
ont paru en 1 55 1 à Lyon , et qui con-
tiennent , à la suite de certains traités
de H . Corn. Agrippa , de P. de Aba-
no , etc. , la Stéganographie de Tri-
thème; mais les éditions de ce livre
qu'on désigne ordinairement comme
les plus anciennes ne sont que du
dix-septieme siècle, Francfort , 1 606;
Darmstadt , i G.11 ; Cologne , chez
Egmond, i635, in-4°. Les termes
inouïs et bizarres dont cet ouvrage
est parsemé le firent prendre pour
un livre de>raagie ; Richard Simon
convient que l'auteur s'exprimait de
manière à faire croire qu'il y avait
de la diablerie dans son fait. Bouelles
{F. V , 288) , qui s'en était forme
cette idée lorsque Trithèmelui avait
communiqué ce Traité encore manus-
crit , se hâta de dénoncer une œu-
vre si dangereuse, et continua de
jeter de si hauts cns, que le com-
te palatin Frédéric II , surnomme
558
TRI
pourtant le Sajçe , livra aux flammes
l'autographe, ([lu se conservait dans
sa l)ii)Uotlic([iic. Cette prévention
s'accrédita dans le cours du sei-
zième siècle : on eu retrouve de for-
tes traces dans les écrits de Wier,
de Brow er , de Possevin , de Bodiu
même. Des lecteurs plus attentifs ju-
gèrent que l'auteur n'avait emprunté
des magiciens que leur langage : il
eut pour apologistes et pour inter-
prèles , d'aboi'd un abbé du monas-
tère de Sèon eu Bavière {SigismujuJi
abhatis , etc., Trithemius sui ipsius
vijidex, Ingolstadt, iGi(3 ,in-4'^. ) j
puis un duc deBrunsvvick-Luuebourg
( f^oy. VI , i4i ) ; ensuite Garamuel
(VU, 109-1 II), Gasp. Scliott(XL ,
23 1 -234 ) , Naudé ( XXX , 5q7 ) ,
Wolfg. Ern. Heidel, Morholf, Rich.
Simon , etc. Il avait au surplus dé-
clare lui-même avec une extrême in-
génuité qu'il n'aspirait ni à pénétrer
des mystères , ni à opérer des pro-
diges j qu'il ne se mêlait aucunement
de sorcellerie; que s'il avait lu néan-
moins des livres qui enseignaient cet
art des démons , c'était pour en con-
cevoir plus d'iiorrcur et pour se met-
tre plus en état de les réfuter. Aussi
ne comprendrons-nous pas au nom-
bre de ses productions un volume
in-8°. , publié, en 161 2 , comme tiré
de ses manucrits : Vcterum sopho-
riiin sigillaet imagines magicœ, etc. :
ce livre avait été imprimé dès i5o2,
comme l'une des parties du Spécu-
lum lapidum de Camille Léonardi ,
a IVsaro , in -4"- — Nous n'avons
pas non plus tenu compte de quel-
ques opuscules dont P.uixcr cite des
éditions et transcrit les titres, et que
les autres bibliographes ontomis^soit
qu'ils n'en eussent pas connaissance,
soit (ju'ils les aient lépulés pour
nuls : Traclaliis tlii'isus in scx ca-
pitula (le causis gucirarunij etc.;
TRI
De iKrd conversione vientis ad
Deuni y Oratio de dnodccini cxci-
diis ohseivaidiœ regidaris : ce sont
trois in-4". , sans date; Collalio de
repuhlicd Ecclesiœ et monachorum
ordinis S. Benedicli, 1 4f)3 , in-4". ;
De iinmacnlatd Concepliune Mariœ
epistola , Strasbourg, iu-4"., i49^
et i5o6; Oratio de curd pastorali ,
Mayence , in-4''. , i49^^j Oratio de
operaiione divini amoris,m-^°. ,
1497 -Ces pièces ne sont ' en général y
que des extraits de quelques-uns des
ouvrages ascétiques, mystiques, histo-
riques, ci-dessus indiqués. Mais quel-
que longue qu'ait été la liste que nous
venons d'offrir , il est indispensable
d'y ajouter comme XL!!!*-', et dernier
article le livre intitulé Nepiachus ,
dans lequel Trithème fait l'histoire
de son enfance , de ses études , de ses
travaux, et que J. G. Eccard a inséré
dans le tome second de sa collection
d'écrivainsdu moyeu âge. — .\tantde
livres de Trithème on atu'ait à join-
dre une trentaine de compositions
inédites , si l'on s'en rapportait au
catalogue qui en a été dressé et qui
se lit dans la Bibliothèque latine med.
et inf. œlatls de Fabricius ; mais ou-
tre les articles purement imaginaires,
il y eu a plusieurs qui se confondent
avec ceux qui ont été imprimés ; ils
n'en diOcrent que par les titres: quel-
ques-uns même avaient été, à l'iusu
de Fabricius, publiés sous les propres
titres qu'il leur donne. Il ne resterait
guère à distinguer dans cette liste
qu'une vie de sainte Irmine , fille du
roi Dagobcrt; des Questions sur le
Psautier et sur l'Evangile de saint
Jean; :\o livres , ou plutôt , comme
Mansi l'observe , 1 4 livres de Ques-
tions naturelles ; et un sJipplément
à la Siéganographie. Ces livres, .ui-
jourd'hiii perdus ou inconnus, a\aient
été réellement composés par Trilhè-
TRI
me : i! nous rapprend dans ceux qui
sii]).sibtenl. A vrai dire, cuire tous
ses ouvrages , on n'en cunipterait
pas plus de six qui aient conserve
quelque intérêt : ce sont, avant tout ,
ses Annales d'Hirsauge , puis ses No-
tices sur les auteurs ecclésiastiques ,
ensuite ses Lettres , et si l'on veut ses
Sermons ; enfin et scidement comme
livres curieux , sa Polygrapliie et sa
Stc'gnnographie. Quand \Miarton
prononce que peu d'écrivains l'ont
c'gale, et qu'aucun ne l'a surpassé ,
l'exagération de cet éloge est sensi-
ble. D'Artigny se contente de le placer
au rang des historiens estimés j et
quoique ce jugement soit plus raison-
nable, il y aurait encore lieu de le
modifier 5 car la chronologie de l'ab-
bé de Spanheim est souvent fautive,
et le cardinal Bona trouvait des
inexactitudes dans ses récits : Bayle
en a relevé une qui concerne Platina ,
dont Trithème prolonge raal-à-pro-
pos la détention jusqu'à la mort du
pape Paul II. Possevin lui reproche
de n'avoir point assez de respect
pour la cour de Rorae^ tandis que
Scioppius , au contraire, loue sa pié-
té , sa véracité, sa candeur, et lui
souhaiterait seulement une critique
plus judicieuse. Trithcme, ch elîct,
partage la crédulité , les préjugés , le
mauvais goût des auteurs allemands
de son siècle : il raconte les appari-
tions et les métamorphoses d'un es-
prit follet nommé Hudekin ; il tient
pour réels les enchantementsde Faust,
et il est le premier qui ait parlé un
peu au long de ce prétendu magicien;
il est enfin persuadé qu'on peut , à
force de science et de vertu , trans-
porter les corps à de longues distan-
ces. Kn liltératuic , sou goût est si
jx-néclaiié, qu'il est presque tenté
tle jnéféicr !e Mantciuan (Spagiuioli)
à Virgile. 11 était hii-môme peu ha-
Tfil 559
bile daiis l'art d'écrire , malgré tout
ce qu'il av.'iit d'instruction, d'imagi-
nation et de facilité. Comme ihéofo-
gien , il a été loué par Richard Si-
mon, pour avoir, bieii avant les Pro-
testants , recommandé l'étude immé-
diate de la Bible, et pour s'être
plaint des professeurs et orateurs qui
citaient les philosophes plus que les
apôtres , qui prêchaient Aristote plus
que Jésus -Christ. Ou a conservé le
portrait de Trithème ; et l'on puise
dans ses propres ouvrages , particu-
lièrement dans son Ncpiachus , des
renseignements sur sa vie , plus sûrs
que ceux qu'en donnent d'autres No-
tices. On peut néanmoins consulter la
Lettre de Bouelles à Germain de
Ganay , dans les Bovilli opuscula ,
Paris , 1610 , in-fol. ; le Finax mis
par Duraclusius à la tête des édi-
tions de la Polvgraphie, les préli-
minaires de l'édition donnée par J,
Busée des Opéra spiritualia , ceux
de la SteganograpJiia vindicata de
W. G. Heidel- les articles Trithème,
delà Biblioth. med. et inf. de Fabri-
cius , des j\Iémoires de Niceron ,
tome XXXVIII , pag. 212-233, etc.
D— N— U.
TRITTO (Jacques), composi-
teur, né à Allamura , dans le royaume
de Naples, en 1785, apprit la mu-
sique au conservatoire de la Pietà ,
sous la direction de Nie. Fago , sur-
nommé le Tarentino , et y fît de tels
progrès, qu'aprèsla mort de son maî-
tre, on le choisit pour le remplacer.
Partisan de l'ancien svstème mélo-
dramatique italien, il s'efforça de le
soutenir ]iar sa voix et par son
exemple. Il a laisse, sous le titre de
Scuola del contrappunto , ossia teo-
rica musicale , Milan, i8if>, in-^^.,
un tiailé dans lequel, après avoir
développé les principes de l'harnio-
iiic, il donne les règles gciicralcs
56o TRI
pour cliitrrer les difTcrents mouve-
ments de la basse. Tritto ne fut pas
heureux au the'àtre : cependant on
pourrait citer plusieurs de ses pièces
({u'on applaudit encore en Italie,
telles que la P^ergine del Sole ,
Apelle e Campaspe , parmi les ope-
ras sérieux , et la Sciiola degli
amanti , il Convitato di Pietra , i
due Gemelli, dont il a cnricln la
scène comique. Il a montre beau-
coup plus de talent dans les musi-
ques d'églises , parmi lesquelles on
admire un Credo à cinq voix , et une
grand'Messe à huit^ avec accompa-
gnement de deux orcbestres. Lors-
qu'aux anciens conservatoires de
Naples on voulut substituer un éta-
blissement imique^ sous le nom de
Collège royal de Musique, Tritto
lit partie du comité charge' de la di-
rection de cette nouvelle école. Par-
mi ses collègues e'taient FenaroU
et Paisiello , auxquels il siu-vècut ,
et M. Zingarelli _, qui lui a succède
dans la place de premier maître de
la chaml)re et de la chapelle du roi.
Il est mort à Naples ^le 17 sept. 1824,
à l'âge de 89 ans. A — g — s.
TRIVETH ou TREVETH (Ni-
colas ) y historien et philologue ,
ne vers 1208, fut élevé par les
Dominicains de Londres , et fit ,
sous leur direction , de rapides pro-
grès dans les lettres. Son goût
pour l'étude l'ayant décidé à embras-
ser la vie l'cligieuse , il fut envoyé,
par ses supérieurs, à l'académie d'Ox-
ford , où il fit ses cours de philoso-
Î)hie et de théologie , de la manière
a jilus brillante. Il se rendit ensuite
à Paris j après y avoir perfectionné
ses connaissances parla frc'qucntalion
des savants , il retourna j)rendrc le
bonnet de docteur à Ovford j et re-
vint enfin à Londres , où ses confrè-
res montrèrent d'autant j)lus de joie
TRI
de le revoir qu'ils l'avaient cru
perdu pour eux. Elu prieur de son
couvent, il partagea le reste de sa
vie entre l'étude et renseignement , et
mourut en io'xf\ , avec la réjiutation
d'un des hommes les plus instruits
et les plus laborieux de sou siècle. Il
nous reste de Triveth des ouvrages
de théologie , de philologie et d'his-
toire , qui prouvent l'étendue et la
variété de ses connaissances^ mais on
doit convenir avec Leland {Script.
Britann. , ch. 332) , que le style en
est barbare. Le P. Quelif en cite
trente-cinq , dont il indique les di-
verses copies que l'on connaissait de
son temps daus les bibliothèques de
France et d'Angleterre ( Scriptor.
ord. Prœdicat. , i, 56i-65). Les
pi'incipaux sont : I. Des Commen-
taires sur la Genèse , l'Exode, le
Lévitique , les Paralipomèues et les
Psaumes. II. U Exposition des vingt-
deux livres de la Cité de Dieu , de
saint Augustin. Thom. Walleys ou
Valois , autre dominicain anglais ,
conçut , après Triveth , le dessein
d'expliquer l'ouvrage de saint Au-
gustin , mais ne l'exécuta que sur les
dix premiers livres. Dans la suite, les
copistes complétèrent son travail avec
celui de Triveth ; et c'est ainsi que
ce Commentaire se trouve imprime
dans l'édition de la Cité de Dieu _,
Maïence, SchoelFer, i473, iu-fol. Il
en existe plusieurs autres éditions du
quinzième siècle, Bâle, '479 ; Tou-
louse, 1488, Venise, 1489 , et Fri-
bourg en Brisgaw , i494' ï^- U"
Commentaire sur le traité de Boéce,
de la consolation de la philosophie^
il est inédit. C'est à tort que quelques
critiques ont cru que l'ouvrage de
Triveth avait été publié sous le nom
de saint J'homas d'Aquin. Ce Com-
mentaire n'est )).'is digne, en edet, du
grand docteur dont il porte le nom ;
TRI
mais le P. Quetif a démontré ( loc.
cit. ) que Triveth n'eu est pas non
plus l'auteur. IV. Des Notes philo-
logiques sur les déclamations , les
opuscules et les tragédies de Sénè-
que ; sur Tite-Lice ( i ) , Juvénal et
les Métamorphoses d' Ovide. V. Des
Annales depuis l'origine du monde
jnsqu'à la naissance de J.-C* et
depuis la naissance du Sauveur jus-
qu'à la fin du treizième siècle. On ne
connaît aucun manuscrit de la se-
conde partie. VI. Un Catalogue des
rois Anglo-Saxons , pendant la du-
rée de l'Heptarcliie. Vil. Annales
ah anno ii36 ad ann. i3o7. C'est
une histoire fort intéressante des rois
d'Angleterre de la maison des Planta-
genets. Dom d'Achery l'a publiée sur
un manuscrit d'Eraer. Bigot , revu
par Adi". Valois, dans leSpicilegium,
tome VIII de l'édition in-^'*., et tome
III de l'édition in-fol. Ant. Hall, sa-
vant anglais , revit cette histoire sur
les manuscrits d'Oxford et de Lon-
dres , et la fit réimprimer séparé-
ment , Oxford , 1 7 1 'j , in - 8". Il faut
joindre à cette édition un second vo-
lume publié par Hall , ibid. , 1722 ,
in-8*^. , qui contient: Annalium Ni-
col. Triveticontinuatioadann. 1 336,
auct. anonym. y Adam. Murimu-
thensis Chronicon cum continuatio-
ne. Outre les auteurs déjà cités, on
peut consulter Fabricius^jSiZ'/, med.
et infini, latinitatis , etc. W — s.
TRÏVISANO. r. Trevisano.
TRIVISANO ( Bernard ). Foj.
Bernard le Trevisan.
TRIVISANO (Marc) , biogra-
phe , né au commencement du dix-
septième siècle , d'une ancienne fa-
mille vénitienne , fut un des élèves
(i) Un bi'Bti uiaiiusrritsur vélin de ce conuncn-
falrc sur Tilc-Ijivc, est cilé dans le Catal. do la
faibliotb. Mac-Cai'tliy , u». ^^T"-
TRI 56 1
les plus distingués de Paul Sarpi. Il
se rendit si célèbre par un trait ex-
traordinaire de générosité envers son
ami Nicolas Barbarigo , que Char-
les I*^»'. , roi d'Angleterre , chargea
son ambassadeur à Venise de "lui
envoyer les portraits des deux amis.
Marc y que depuis lors on sur-
nomma le Héros , servit avec dis-
tinction dans la guerre du Frioul , en
16 16, En quittant l'épéc , il se livra
à la composition de plusieurs ou-
vrages , dont la plupart n'ont point
été imprimés 11 mourut , à Venise,
vers 1674. On a de lui : I. Vita di
Francesco Erizzo , principe di Ve-
nezia j Venise, i65i, in - 4"*. II,
Le azioni eroiche di Lazaro Mo-
cenigo , ibid. , 1609, in-4''. III.
L'immortalità di G B. Rallerioo y
ibid. , 1671 , in-4''.IV. Pompe fu-
nehri celehrate a' suoi concitta-
dini morti nell' ultima guerra
controilTurco , ibid., 16-^3, in-4'*.
Sa Vie a été écrite par Pona. A-g-s.
TRIVISANO ( Bernard ) , ne-
veu du précédent , philosophe ,
né d'une ancienne famille , à Veni-
se^ en i652 , ne dut la conser-
vation de sa Aie qu'à la fermeté de
son père. Le chirurgien, ne sachant
plus comment vaincre les difficultés
d'un accouchement extraordinaire ,
proposait de sauver la mère aux
dépens de l'enfant. « Sauvez -les
» tous les deux, ou perdez- les en-
» semble , » répondit le sévère pa-
tricien ; et cette inflexibilité épargna
peut-être deux victimes. Placé sous
les yeux d'un onele paternel , le jemie
Bernard lit des progrès dans les lan-
gues ,la géographie, l'histoire, la phi-
losophie et la politique : il montrait
surtout du penchant pour les mathé-
nialiques, qu'a défaut de l>oiis livres
élémentaires , il apprit sur de vieux
cahiers de son a'ieul. Il ne fut pas
36
56-2 TRI
plus heureux, en philosophie : les sec-
tateurs d'Aristotc, aux prises avec
les platoniciens^ parlaient beaucoup
sans s'enteudre. I^es élèves , embar-
rasses par le jargon barbare de leurs
maîtres , en adoptaient aveuglement
les opinions • et c'est ainsi que l'er-
reur, se perpe'tuant par l'ignorance ,
étendait ses ténèbres. Loin de se con-
former aux usages établis, Trivisauo
voulut tout connaître par lui-même.
Il examina les différents systèmes,
et aprèsles avoir comparés ensemble,
il se décida pour celui qui lui parut
moins exigeant. Son éducation se per-
fectionna dans les voyages : il visita
l'Allemagne, la France, l'Angleterre.
Accueilli partout avec distinction , il
le fut particulièrement à la cour de
Louis XIV, qui avait des raisons
pour flatter l'orgueil national des
Vénitiens. A son retour eu Italie ,
Trivisano , qui se trouvait à la tête
d'une grande fortune , en employa
une partie à l'augmentation de sa
bibliothèque et de ses collections
de statues et de médailles. Ce musée,
formé en jiartie des débris de celui
des ducs de Mantoue , et dont paille
avec étonnement Montfaiicon {Diar.
ital. , pag. 69 ) , est devenu ensuite
la propriété de la famille Giusliniaiii
à Venise. Bernard fit un assez long
.séjour à Rome, où il avait accompa-
gné sou frère François, nouvellement
élevé à l'épiscopat. Rappelé dans sa
patrie, il fut nommé gouverneur (ca-
pitano) de Belluue , et peu après
magistrat de la qnarantia. Il allait
obtenir l'araba-ssade de Constanljno-
ple, lor.sque , par un édit , le sénat
écarta des hautes charges de la ré-
publique les familles qui avaient des
individus au .service du Saint-Siège.
'J livisano, compris dans cette exclu-
sion , .se livra entièrement à l'élude ; il
composa un grand nombre d'mivra-
TRÎ
ges, dont la plupart n'ont pas è'té im-
primés. Embrassant les objets les phis
variés , et quelquefois même les plus
disparates , il écrivit sur la politique,
sur la morale , sur la philosophie , sur
le droit, et il rédigea en même temps
la relation de ses voyages , des gram-
maires pour le grec et pour l'hébreu,
et jusqu'à des traités de chiromancie
et d'art cabalistique. Nommé pro-
fesseur public de philosophie , il
entreprit un grand travail pour en
faciliter l'étude à ses élèves. 11 allait
le livrer à l'impression , lorsqu'il
mourut, le 3i janvier 1720, dans
sa terre de Vogliano près de Cone-
gliano. Il prit part à la rédaction du
Giomale de lettcrati d'Italia , fon-
dé par Zeno , Vallisnieri etMaffei,
avec lesquels il fut très-lié. On a de
lui : 1. L'immort alita delV anima ,
Venise, 1699, in-4*'. IL Médita-
zioni filosofiche , ibid. , 1 704 , 'm-/f.
C'est le jnemier volume d'im ouvra-
ge qui devait en avoir huit : Foy.
Zeno , Lettera discorsii>a intomo
alla gra?id' opéra délie Medita-
zioni filosofiche , etc. , ibid. , 1 704 ,
in-8"., et les Actes de Leipzig,
1706, pag. 249. IIL Prœlectiones
fundamentales , Venise , 1 7 1 9 , in-
8'\, contenant dix-neuf leçons de phi-
losophie , et dont les huit premières
avaient paru , en I7 12, sous le titre
de Cursus philosophicus , in -8". Le
P. Bertolli en donna la même an-
née un extrait, suivi (Tnn Synopsis,
sur un nouveau .système de l'auteur.
IV. Dc'lla laguna di Fenezia, ibid.,
17 i5, in-4".; et 17 18, in-4". , édi-
tion corrigéeel augmentée. Ce n'estlà
que le prodrome d'un grand ouvrage
auquel il avait employé plusieurs
années de travail j il y rend compte
'de ses recherches sur l'ancien état
du bassin et du littoral vénitien : il en
dres.se le plan , et en montre les altc-
TRI
rations : mais ses calculs sont aussi
inexacts que les principes sur les-
quels il les établit. Domine' par Tidee
qu'il n'y a rien à craindre des riviè-
res qui se jetent dans VEstuario , il
présente les objets sous un faux as-
pect , n'ayant d'autre but que d'ac-
créditer son système (F. Zendrini).
V. Une Introduction à l'ouvrage
intitule : Rijlessioni sopra il huon
gusto intomo aile scienze ed aile
arti , di Lamindo Pritanio ( Mura-
tori), ibid., 1708 , in- 12. — Deux
lettres à Vallisnieri,sur un prétendu
phénomène ; dans le Giomale de'
letterali d'Ilalia, xxxii , 384- —
Et Deux dissertations anonymes ,
dans im Recueil pour la mort de sa
fille Elisabeth , ibid. , 1 -jo'i , in - 8°.
Voy. son Eloge par Lioni , dans le
Journal ci-dessus cité , xxxiv , i .
A — G — s.
TRIVULCE ( Jean -Jacques ) ,
Milanais , d'une famille ancienne et
illustre , était né , vers l'année 1 447 ?
d'Antoine Trivulzio , seigneur deCo-
dogno et de Pontcnura , et de Fran-
ceschina Visconti. Il fit ses premiè-
res armes sous François Sforza, duc
de Milan , qui l'envoya , à peine âgé
de dix-liuit ans , avec son fils Galeas
Marie , servir en France le roi Louis
XI. Dans la ligue du duc et du pape
contre les Vénitiens, en i483, il fut
un des lieutenants-généraux de l'ar-
mée alliée. Galeas Marie l'avait dé-
signé pour être un des conseillers de
régence de son fils Jean Galeas •
mais l'arabition de Louis-le-Maure ,
oncle et tuteur du jeune duc , l'ayant
éloigné des affaires, il reprit la car-
rière militaire et servit chez divers
princes étrangers. Il s'était engagé
avec Alfonse II , roi de Naples , en
i4o4' '^^ moment où Charles VIII
porta la guerre en Italie, et il accom-
pagna, dans la Romagnc, Ferdinantl
TRI
563
fils d' Alfonse , qui ne sut point ar-
rêter la marche des Français. Char-
gé ensuite de la défense de Capoue,
il rendit cette ville , après une si
courte résistance^ qu'on le soup-
çonna d'avoir trahi la maison d'A-
ragon. ^ En effet il entra bientôt
dans l'armée française ; et sui-
vant Charles VIII , à son retour ,
il combattit vaillamment pour ce
prince à la bataille du Taro. Avant
de repasser les Alpes , le roi lui con-
fia la défense d'Asti , qui apjiarte-
nait au duc d'Orléans, et lui laissa
cinq cents gendarmes pour garder
cette ville ; mais ces cavaliers fran-
çais , ne voulant point obéir à un
étranger , l'abandonnèrent presque
tous. Trivulce cependant réussit à
garder celte ville avec le secours des
Guelfes de Lorabardie , dont il s'ef-
força de réveiller l'ancienne animo-
silé. Lorsque le duc d'Orléans, de-
venu roi de France, se prépara à
la conquête du Milanais , le com-
mandement d'Asti devint plus im-
portant. Trivulce y conduisit , en
1 499 , une nouvelle armée, et il éten-
dit de là ses intrigues parmi les Lom-
bards. Aidé par les Guelfes , il con-
quit, en moins d'un mois, tout le du-
ché de Milan , et contraignit Louis
le Maure à s'enfuir eu Allemagne.
Louis XIî , pour récompense, lui
donna en fief la ville de Vigevano ,
et le nomma maréchal de France et
gouverneur du Milanez. Mais autant
l'esprit de parti de Trivulce avait
favorisé ses conquêtes , autant il de-
vint fatal à son administration, lors-
qu'il accabla ses ennemis de tout le
poids d'un gouvernemeiit despoti-
que, et de tout l'acharnement d'un
chef de factieux. Ces violences exci-
tèrent, en i5oo, la révolte du Mi-
lanez et le retour en Italie de Louis
le-Ma!ire. Triwdce cependant eut ic
564
TRI
bonheur d'arrctor toiit-à-conp celte
révolution , eu iais.int prisonniers
les deux Sforze d.Tus Novare. II se
distingua de nouveau dans la guerre
qu'excita en Italie la ligue de Cam-
bray, et conduisit l'avant-garde de
Louis XII à la bataille d'Agnadel.
La mort de Charles d'Amboise( lo
mars 1 5 1 1 ) lui fit déférer le com-
mandement général : Gaston de Foix
fit ses premières armes sous lui dans
cette campagne. Trivulce avait ma-
rié sa lîlle Françoise à Louis Pic, le
plus jeune des frères du comte de la
Mirandole. Il excita son gendre et
ensuite sa fdle à demander, au nom
de son petit-fds Galeotto , la posses-
sion de cette forteresse importante ,
qui lui fut livrée en effet. Avant la
lin de la même campagne, Gaston
de Foix fut nommé général de l'ar-
mée française, et Trivulce ne fut
plus que son lieutenant et son con-
seil; mais peut être est-il juste de lui
attrd)uer la plus grande part dans
les victoires du jeune héros. Ijamort
de Gaston rappela Trivulce au com-
mandement suprême. Il se croyait
sur le point de conquérir encore une
fois le duché de Milan , et de faire
prisonnier Maxirailien Sforze, com-
me il avait fait de son père , lorsque
l'arrivée imprévue d'une armée suisse
rompit ses mesures : il fut battu à
la Uioute , près de Novare , le 6 juin
1 5 1 3, et les Français attribuèrent sa
défaite a l'obstination aveelaquelle il
avaitétablisoncarapdaus un mauvais
emplacement. Cependant Trivulce fut
employé de nouveau en 1 5i 5, sur les
frontières d'Italie , par François l"'.
II ouvrit à ce monarque le ])assagc
des Al]>cs, et il le init^'i même, le ifji
août, de surprendre , à Villefianche,
Prosper Colonne, le gc-néial ennemi.
Plus tard, il eut une grande part à
la victoire de Marignan. A l.i (in de
TRI
la campagne , François I*^' . le char-
gea de conduiredes secours aux Vé-
nitiens; mais il ne put se rendre
maître de Brescia ^ dont il entre-
prit le siège avec eux. A son retour ,
ayant éprouvé quelques dégoûts
à la cour , où François l". ma-
nifesta des soupçons contre lui , et
ne voulut point entendre sa justi-
fication, il s'éloigna et ne fut plus
employé. II mourut à Châtres , ou
Arpajon, le 5 décembre i5i8. Il
avait demandé qu'on inscrivît cette
épitaphe sur son tombeau. « Hic
qiiiescit qui nimquàm quievit ».
Quoique dans l'habitude de sa vie il
fût très-avare, on le voyait, dans de
certaines occasions , surpasser les
plus riches monarques en magnifi-
cence et en prodigalité. Il avait
amassé une immense fortune par des
moyens quelquefois peu honorables.
Il avait épousé, en premières noces,
Marguerite, nièce du fameux Bar-
théleini Coleoni; il n'en eut point
d'enfants. Il épousa ensuite Béatrix
d'Avalos , sœur du marquis de Pes-
caire,et il en eut un fils, nommé
Jean-Nicolas, qui mourut avant lui.
Voy. Rosmiui, Istoria dcllavita e
délie Gesta di Gian-Giacopo Tri-
vulzio , sopramiominato il Grande,
IMilan, i8i5, -2 vol. in-4''. , fig.
— TuivuLCE (René), frère du pré-
cédent, s'attacha au parti o])poséaii
sien , et se déclara Gibelin au mo-
ment où son frère chercliait à renou-
veler le parti Guelfe. 11 demeura
fidèle à Louis-le-Maure, qui le char-
gea du commandement de ses ar-
mées. Luttant contre une fortune
toujours contraire, René montra au-
tant de bravoure f|ue de dévouement
à son maître. Ajuès la captivité de
Louis-le-Maure , il entra au service
des Véiiiliens, et il y denic'ua jus-
(pi'à sa mort. S. S — i.
TRI
TRIVULCE (Théodore) , fils de
Pierre et neveu de Jean-Jacques ,
entra au service de France pendant
la guerre de Naples , et fut un des
généraux qui sévirent contraints, en
1 5o4 , de livrer Gaële à Gonsalvc de
Cordoue. Il effaça le souvenir de ce
premier revers par sa brillante con-
duite à la bataille d'Agnadel , en
i5oQ, et à celle de Raveuue, en
l5i2. Après la mort de Barthëlemi
d'Alviano , il fut . du consentement
du roi de Finance, cbargé du com-
mandement général de l'armée véui-
lienne. II l'exerça plusieurs années
avec gloire j mais lorsque Milan fut
surpris , le 1 9 novembre i 5'J i , par
Prosper Colonne et le marquis de
Pescaire , Théodore Trividce , qui
était accouru désarmé pour apaiser
le tumulte , fut fait prisonnier , et ne
recouvra sa liberté qu'au prix de
vingt mille florins d'or. Les Vénitiens
ayant quitté l'alliance de la France
pour celle de l'empereur, Trivulce,
tout dévoué à la premièi-e puissance,
renonça au commandement de l'ar-
mée de la république, et entra au ser-
vice de François I*^''. Cbargé par
lui du gouvernement de Milan , en
i;")',i4, pendant le siège de Pavie ,
il évacua cette ville lorsque le roi
fut fait prisonnier. 11 obtint , en
I 52^ , le bâton de maréchal deFran-
c<^ et fut chargé du gouvernement
de Gênes ; mais il s'y laissa surpren-
dre par André Doria, auquel il fut
obligé de livrer cette ville et sa cita-
delle. Il devint ensuite gouverneur
de Lyon ; et c'est dans cette ville
qn'il mourut, en i53i , ne laissant
qu'une fille. S. — S — 1.
TRIVULC?: (Antoine), frère du
précédent , se déclara pour les Fran-
çais lorsqu'ils se rendirent maîtres
du Milanez, et fut fait cardinal en
i5oo , à la demande du roi, parle
TRI
565
pape Alexandi-e "VI. Il mourut eu
i5o8. — Trivlixe (Scaramutia) ,
neveu de Jean- Jacques, fut un excel-
lent jurisconsulte, puis conseiller-
d'état en France , sous Louis XII ,
et successivement évèque de Côme
et de Plaisance, et cardinal. Il mou-
rut le 9 août 1527. — Trivulge
( Augustin ), neveu de Théodore , fut
abbé de Fromont, en France , et ca-
méricr du pape Jules II , puis évéque
de Ba'ieux, de Toulon, de Novare et
archevêque deReggio. Après la prise
de Rome par les troupes de Charles-
Quint, il fut emmené en otage à Na-
ples, où d lit paraître une grande
fermeté. Il était ami deBembo et de
Sadolet , eî d avait composé une his-
toire des papes et des cardmauxj
mais il mourut à Rome, le 3o mars
1548, avant de l'avoir fait impri-
mer. — Triwlce (Antoine), neveu
de Jean-Jacques , fut référendaire
des deux signatures , puis évêque de
Toulon, et ensuite vice-légal d'Avi-
gnon. Il s'opposa avec force à l'en-
trée de^ hérétiques dans le Comtat ;
fut envoyé légat en France , où il
eut part à la conclusion du traité de
Catcau-Cambresis : puis, s'élant mis
en chemin pour l'etourner en Italie ,
il momut d'apoplexie , à une journée
de Paris, le 2(> juin i55g. — Tri-
vulge ( Jean - Jacques - Théodore ) ,
petit-neveu du précédent, après avoir
servi avec gloire dans les ai'mées de
Philippe III, embrassa l'état ecclé-
siastique , et fut fait cardinal en 1626.
Il devint ensuite vice- roi d'Aragon,
puis de Sicile et de Sardaigne, gou-
verneur-général du Milanez, et am-
bassadeur d'Espagne à Rome. Il
mourut à Milan, le 3 août i()3'j.
Son pelit-fîls étant mort sans posté-
rité , en 1678 , la famille Gallio prit
le nom de Trivulce , et c'est de
celte dernière famille que descendait
566
TRO
Aiexandie Trivulce, qui coininaii-
<la la garde nationale de Milan, après
l'invasion des Français, en 1796, et
t{ui , devenu bientôt après gênerai et
ministre de la guerre, mourut, le 3
mars i8o5 , à Paris, où il était venu
pour assister au couronnement de
Buonaparte. Voy. Litta^ i Tm-idzi
dans son ouvrage intitule : Délie
famiglie celehri d'Italia , Milan ,
181Ç) , in-fol. , fig. Z
TROC (Michel - Abraham ), ju-
risconsulte et littérateur, ne' à Var-
sovie et établi à Leipzig, pendant
y^ie partie du dix-huilième siècle, a
publié, dans cette dernière ville, un
recueil intitulé : Bibliotheca polojio-
poëlica , 1 vol. in-8«. , contenant des
poésies polonaises, dont la plupart
^ont des traductions du latin et du
français. On a aussi de lui un Dic-
tionnaire polonais , allemand et
français. Il a eu part à Y Inventaire
des Lois et Constitutions de Pologne,
commencé par Ladovius, et conti-
nué par Zaluski j l'édition , soignée
par Troc, a paru à Leipzig eu l'jSS.
Voy. Bibliotheca poëtarum polono-
rum de Zaluski , art. Troc. C-au.
TROGUE. Fojez Pompée.
TROILI ( Placide ) , historien ,
lie , vers l'année 1 687 , à Montaîbano,
embrassa la règle de Cîteaux., et pro-
nonça ses vœux dans un couvent
nommé le Sagittaire^ en Calabre.
Appelé à la tête de cette maison, il
dut se transportera Rome, pour sou-
tenir ses droits contre les prétentions
des religieux toscans , qui aspiraient
au privilège de les gouverner. Tandis
qu'on applaudissait au zèle de l'abbé,
on apprit avec surprise qu'il venait
de répandre un Mémoire entière-
ment opposé à ses publications anté-
rieures. Cette déloyauté, d'autant
])lus inexplicable (pi'aucun motif
connu ijc l'avait provoquée, aurait
TRO
eu les suites les plus funestes pour le
Sagittaire , si l'autorité temporelle
n'eût refusé d'enregistrer la bulle
qui plaçait cette communauté sous
une juridiction étrangère. En atten-
dant, Troïli, jugé par ses frères,
fut privé du titre d'abbé et expulsé
du couvent. En vain demanda-t-il
au Saint - Siège la révision de cet
arrêt. Ses réclamations ne furent
point entendues , et il Uii fallut im-
plorer , comme une grâce , la permis-
sion de se retirer dans une autre pro-
vince. Il choisit le monastère deReal-
valle, oii il termina sa vie dans l'é-
tude et la prière. Ayant formé le
projet d'écrire l'histoire du royau-
me de Naples^ il s'y prépara par
d'immenses lectures , en mettant à
contribution les anciens et les mo-
dernes, les nationaux et les étran-
gers, et en fouillant les vastes collec-
tions de Grœvius , de Gronovius , de
Burmanu, de Muratori. Ces maté-
tériaux, rassemblés sans ordre , fu-
rent employés sans discernement.
Des détails oiseux _, des digressions
inutiles , une foule de renseignements
n'ayant presque point de rapport
avec l'histoire napolitaine, et qui ne
s'y trouvent que parce qu'ils étaient
dans la tête de l'auteur , composent
le fond de cette compilation , dans
laquelle l'érudit se montre plus sou-
vent que l'historien. Cet ouvrage fut
attaqué par Zavarroni , Palmieri et
un anonyme (1). Tro'ili se défendit
contre les deux premiers : il dédai-
gna ou n'osa point réjiondre à l'autre.
Au sortir de cette querelle, il traça
le plan d'une histoire ecclésiastique ,
qu'il eut le tem])s de pousser jusqu'au
U)S"ii.', <|iii cile Ics.-crùs de /„viirr„ni .^1 .le
r.iliiiiiii i , ilcilaïf i(;in)rt'i- crliii de l'iuumviiii'. lin
voici If liliT : r.t-tlera ili un ainiro al Hcv. /'. /).
l'iiiriilo Truilo , so/jra fa Sun Staria, Nn|>Us, 175*,
TRO
sixième volume. 11 en légua le ma-
nuscrit au couvent de Realvalle , où
il mourut en avril 1757. Ses ouvra-
ges sont : I, Istoria générale del
reame di Napoli ; una colle
prime popolazioni , costumi, leggi,
polizia, uomini illustri e vionarchi.
Naples, 1748-54, 5 tomes en 11
volumes in-4°. Le dernier volume ,
outre les tables des matières , con-
tient seize tableaux chronologiques
des anciens peuples , des rois et des
vice -rois du royaume de Naples.
II. Dissertazione in dijesa di S.
Tommaso di^quino, ibid. , 1749 ,
in-4°. , contre une imputation de
Summonte {F. cenom,XLIV,2i6).
III. Risposta apologetica à Mgr.
Zavarroni , vescovo di Tricarico ,
ibid., i75o,in-4°. IV. Digressione
inlorno alla briga con Zavarroni e
Palmieri, dans le quatrième volu-
me, quatrième partie de l'histoire.
V. Dissertazione intomo aile due
pretese chiese Cattedrali nella città
di Napoli , ibid. , 1753 , m-/^^. {F.
Mazzochi , XXVIII , 32 ). VI.
Theologia positivo-scholastico-his-
lorica , '\h\à.. ^ i'j5\ , 2 vol. in-fol.
Cet ouvrage , dont il est resté huit
vol. inédits , est extrêmement rare.
VIL I pregiudizj che sopporta la
città di Napoli sopra i heneficj ec-
clesiastici , che si possedono da'
forestieri, ibid., in-S'». Voy,, So-
fia , Storici Napoletani, pag. 600.
A — G — s.
TROILIUS (Samuel), archevê-
que d'Upsal , ne, en 1706 , dans la
Dalc'carlic, où son père était pasteur,
iit ses études à (J psal , et publia, dans
cette ville, une Dissertation : De mag-
gnetismo morumnalurali, qui lui iit
obtenir le degré de maître -es -arts
dans la faculté de philosophie. Né
avec un grand talent pour la parole,
jl résolut de s'appliquer à la prédi-
TRO 567
cation, et d'entier dans la carrière
ecclésiastique. Ses succès y furent ra-
pides. Après avoir été pasteur d'une
paroisse de Stockholm , il devint
successivement grand -aumônier du
roi , évêque de Vesteras et arche-
vêque d'Upsal. Cette dernière digni-
té lui donna occasion de faire briller
son éloquence aux diètes , en qualité
d'orateur de son ordre. Ses connais-
sances étendues le firent admettre
dans l'académie des sciences de Stoc-
kholm. Il mounit en 1 764 , et fut en-
terré dans l'église cathédrale de Ves-
teras , où on lui érigea un monument.
Il a laissé des Mandements , des Orai-
sons funèbres et un grand nombre de
Sermons prononcés dans diverses
circonstances solennelles. Sou Eloge
fut lu à l'académie des sciences , par
C. -Fréd. Mennander, évèque d'A-
bo , et a été imprimé à Stockholm ,
en 1 765. Les enfants de l'archevêque
Troïlius avaient été anoblis avant
sa mort. C — au.
TROILIUS (Uno de ), archevêque
d'Upsal, fils du précédent , naquit à
Stockholm en 1746, fut destiné à
l'église , et fit ses études à Upsal , où
il soutint, en 1766 , une thèse, dont
le titre était : Spécimen philosophiœ
^ommcte.L'anuée suivante, eu pré-
sence du roi ei de la reine de Suède ,
il eu soutint une autre sur la question
de savoir : Si les hommes peuvent
être heureux sans les arts et les
sciences ; et enfin une troisième ;, eu
177O;, sous la présidence du savant
Ihre, son maître : De runarum in
Suecid anliquitate. Ayant mérité,
par ses succès , de voyager aux frais
de l'université , il visita l'Allemagne,
la France et l'Angleterre. A Paris , le
comtedcCreutz, ambassadeurdc Suè-
de , le mit eu rapport avec la plupart
des écrivains célèbres. U fit une vi-
site à Jean- Jacques Rousseau, qu'il
568
TRO
trouva cojDiaiitde la musique. Le phi-
losophe ne se dérangea pas pour le
jeune Suédois -, mais au nom de Lin-
né, que prononça Troïlius, il jeta sa
plume en s'ecriant: «Ahîque je serais
heureux si je pouvais voir ce grand
homme! » A Londres, le voyageur
trouva Solander , son compatriote ,
qui venait de faire le tour du monde
avec Cook, et passa des journées
agréables et instructives avec Banks,
qui lui proposa de l'accompagner
dans le voyage qu'il était sur le point
de faire, avec Solander^ en Islande.
Troïlius accepta cette proposition. 11
visita , avec ces célèbres naturalistes,
l'île de Staffa, puis l'Islande, d'où
ils revinrent à Edimbourg et à Lon-
dres. Eu 1773, il retourna, par la
Hollande, en Suède. Il était encore
sans fortune et sans place ; et quoique
Banks lui eût offert sa maison , Troï-
lius avait cru devoirproposer ses ser-
vices à sa patrie. Le roi le nomma d'a-
bord aumônier de régiment, et le char-
gea de traduire de l'anglais les Mé-
moires de Whitelock , ambassadeur
de Cromwel auprès de la reine Chris-
tine de Suède. Cette traduction fut im-
primée, en 1774 , aux frais du gou-
vernement. L'année suivante , le roi
le nomma son prédicateur ordinaire.
Son voyage en Islande avait fait
du bruit; et comme Banks ne pu-
blia jamais rien , on pressa ïroilius
de mettre au jour ses observations
sur cette île remarquable. En consé-
quence, il fit paraître , en 1777 , ses
Lettres sur un voyage en Islande ,
Upsal, in -8". Elles furent traduites
en plusieurs langues. Une traduction
française par Lindblom, secrétairedw
roi, fut imprimée à Paris, en 1 781 , in-
8". , avec cartes cl figures. Celle re-
lalion, pour laquelle Troïlius a pu
jMofllcr des observations de Banks,
de Solander el de l'astronome Lind,
TRO
qui tous l'avaient accompagné, a
beaucoup d'intérêt^ et renferme une
foule de renseignements exacts et cu-
rieux. La traduction française fut re-
vue par l'auteur, et on l'a enrichie des
notes des traducteurs anglais et alle-
mand. Nommé évêque de Linkœ-
ping , puis président du consistoire de
Stockholm , Troïlius eut occasion de
se distinguer à la diète du royaume ;
et il fut promu, en 1786, à l'arche-
vêché d'Upsal , la première dignité
ecclésiastique en Suède. Dans ce pos-
te éminent, il travailla sans relâche
au bien de l'Église suédoise et à l'a-
mélioration du clergé. La réforme de
la liturgie fut en partie sou ouvrage.
Aux diètes de 1789, 1792 et iFoo ,
il fut l'orateur du clergé. En sa qualité
device-chancelierdel'universitéd'Up-
sal,il eut beaucoup de part aux pro-
grès des études. Peu de temps avant sa
mort , i! envoya quelqu'un en Suisse,
pour bien connaître la méthode d'en-
seignement de Pestalozzi. Troïlius pu-
blia un Recueil de Mémoires relatifs à
l'histoire de l'Eglise et de la réfor-
me enSuède^ Upsal, 1790-95,5 vol.
in-8". Il était membre des académies
et des ordres royaux de Suède. Ce
prélat mourut le 27 juillet i8o3.
Son Éloge, par Adierberlh, est insère'
dans le tome ix des Mémoires de
Vacadémie des belles - lettres, de
Stockhobn. D — g.
TROLLE (Gustave), archeyê-
qne d'Upsal, né, en Suède, vers la
lin du quinzième siècle, était d'une
des familles les plus puissantes du
royaume; et son ])ère, Éric Trolle ,
avait prétoidu à la dignité d'admi-
nistrateur, aj)rès la mort de Swantz-
Sture; mais Suénon Sturc le jeune,
fils de Swantz , l'avait emporté , et
régnait avec gloire. Gustave Trolle
était alors à Rome. Sture, connais-
sa)it son ambition , et désirant le ga-
TRO
gner par un procédé généreux, le fit
nommer archevêque d'Upsal. Trollc
accepta la dignité, mais s'en servit
pour perdre l'administrateur. Arrivé
en Suède, il entra eu négociation avec
Christian II , roi de Danemark , et se
refusa à toutes les mesures de conci-
liation que Sture lui proposa. Les
états le déposèrent , et son château
fut raséj alors il appela le roi de
Danemark , et lança , de concert avec
le pontife de Rome , l'interdit de l'E-
glise contre l'administrateur et ses
partisans. Sture ayant été blessé mor-
tellement dans un combat contre
Christian, TroUe reprit les fonctions
d'archevêque à Upsal , et plaça , eu
i5io, la couronne de Suède sur la
tête du monarque danois , qui signala
.son avènement par le massacre de
Stockholm. Gustave Wasa entre
prit de venger les Suédois j l'ar-
chevêque voulut l'arrêter , mais il
fut battu et réduit à quitter le royau-
me. Il s'attacha à la fortune de Chris-
tian. Ce prince , détrôné en Suè-
de , en Danemark et en Norwége ,
se retira en Flandre , où Trolle le sui-
vit. Il l'accompagna ensuite dans
l'expédition qu'il fît en Norwége , et
qui le rendit prisonnier de Frédéric ,
son successeur en Danemark. Trolle
fut réduit quelque temps à l'inactionj
mais il reparut sur le théâtre de l'in-
trigue et des combats , lorsqu'après
la mort de Frédéric, il s'éleva , en
Danemark, un parti pour Christian.
Use flattait que le monarque détrôné
rentrerait dans ses états , et que Gus-
tave Wasa succomberait dans la lut-
te qui allait s'engager j mais il périt
dans un combat sanglant, près de la
ville de IMalmoé , en i535 ( V. Gus-
tave Wasa , Suénon Sture le jcu-
NE et Christian II ). C — au.
TROLLE (Geouge-IIerman de) ,
contre-amiral de Suède , né en 1680^
TRO 569
servit dans sa jeunesse en Angleterre
et en Hollande, et acquit une grande
expérience. Étant devenu capitaine
de haut bord , il combattit , pendant
la guerre de Charles Xll , contre les
Danois et les Russes : tombé comme
prisonnier entre les mains de ceux-ci,
il fut présenté à Pierre-le-Grand , qui
voulut le retenir à son service ; mais
il refusa , et après avoir essuyé une
longue et pénible captivité, il retour-
na en Suède. La compagnie des In-
des de Gothenbourg ayant été fondée
en i-jSa , Trolle prit le commande-
ment du premier navire que cette
compagnie expédia pour la Chine ,
et fut le premier Suédois qui fit ce
voyage; il ramena son vaisseau avec
une riche cargaison , malgré les op-
positions des Hollandais, qui le retin-
rent quelque temps à Batavia. Après
avoir commandé plusieurs expédi-
tions dans la Baltique pendant la
guerre de lyi^ , il fut nommé con-
tre-amiral , et reçut des lettres de
noblesse. Il mourut en 1 -^65 , lais-
sant un fils, mort depuis peu, et
qui fut amiral de Suède , sous le rè-
gne de Gustave III , qui l'employa
pour rétablir la flotte suédoise , de
concert avec Chapmard. C — au.
TROLLE (Herluf), amiral da-
nois , né le 16 janvier i5i6 , était
fils d'un amiral , et fut destiné à la
marine. Il faisait ses études à Copen-
hague , lorsque cette ville , dont le
comte d'Oldenbourg s'était emparé ,
fut assiégée par le roi Christian III.
Il devait être emmené, comme un des
otages , à Mekienbourg; mais , sur les
représentations de son oncle l'arche-
vêque, on le laissa à Copenhague ,
})our continuer ses études. Les trou-
bles du royaume étant apaisés , il
vint à la cour de Christian III , qui
lui donna constamment des marques
d'une haute confiance. Il se trouvait,
570 TRO
en 1 558 , à ïa suite de ce prince ,
lorsqu'il se rendit à Kallundborg ,
pour y visiter Christian II , qui y
était prisonnier. En 1 55g , au cou-
ronnement de Frédéric II , il fut créé
cbevalier. En i56i, il fut chargé
d'établir des mines dans plusieurs
domaines du roi : on découvrit des
veines d'argent j mais le produit
n'ayant pu couvrir la dépense ,
l'entreprise tomba. Nommé amiral ,
en i564 , il quitta le port de Copen-
hague , à la tète de vingt - cinq vais-
seaux de guerre j et fit sa jonction
avec la flotte de Lubeck. Ayant dé-
couvert la flotte suédoise sous les
ordres de l'amiral Baggé , il n'hésita
pas à l'attaquer, et se dirigea contre
le vaisseau amiral, qu'il prit à l'abor-
dage ; c'était le plus grand que l'on
eût vu dans les mers du Nord : il
sauta en l'air par l'imprudence d'un
matelot, et l'on n'eut quele temps de
sauver une partie des prisonniers, par-
mi lesquels se trouvait l'amiral. Eric
XIV, roi de Suède , mit en mer une
autre flotte sous les ordres de l'amiral
Horu , et l'on eu vint une seconde fois
aux mains , près de l'île d'yEland ,
oîi le roi de Suède s'était rendu lui-
même. Le combat dura deux jours ,
et les Suédois perdirent de nouveau
le vaisseau de l'amiral qui , avec
deux autres vaisseaux , se brisa con-
tre les rochers. Les flottes ayant été
séparées par le vent , les Suédois
s'emparèrent de trois vaisseaux da-
nois , qui s'étaient égarés. Avant
l'entrée de l'hiver , Trollé regagna
le port de Copenhague , d'où il sor-
tit le i-^^'. juin i565, j)our aller à la
recherche des Suédois : les ayant
rencontrés , il dirigea de nouveau
ses elTorls sur le vaisseau de l'ami-
ral , (ju'il chercha en vain à prendre
à l'abordage. Il avait euloun- deux
auties vaisseaux cnncniis , et il leur
TRO
criait de se rendre , lorsqu'il reçut
deux blessures au bras gauche et aux
reins. La douleur et le sang qu'il
perdait ne l'empêchèrent pas de
continuer à donner ses ordres , et il
ne voulut être pansé qu'après ses
ofliciers et ses soldats. Ce retard
rendit sa situation plus dangereuse..
On gagna les côtes du Danemark ,
et il mourut le 25 juin i565. Avant
de commencer sa dernière campa-
gne , un de ses amis l'engageait à ne
pas tant s'exposer : « Pourquoi som-
» mes -nous donc nobles , répondit-
» il ? Pourquoi portons-nous des dé-
» corations ? pourquoi avons -nous
» des biens , des châteaux ? » Trollé
s'était uni à une dame de son rang ;
comme il n'eurent point d'enfants ,
ils employèrent une grande partie de
leurs biens , qui étaient considéra-
bles , à fonder des écoles , des hôpi-
taux, et d'autres établissements de
bienfaisance G — y.
TROMBELLI ( Jean-Chrysos-
tome) ;, philologue, né, en 1 697 , près
de Nonantola , resta orphelin en bas
âge , et fut élevé sous la direction de
son oncle, notaire à Bologne. Il lit
ses humanités chez les Jésuites, aux-
quels il préféra les chanoines ré-
guliers de Saint - Sauveur , dont il
embrassa l'institut, eu 1713. En
sortant de ses études , il fut nommé
lecteur de philosophie à Candia-
no près de Padoue. Il n'y resta que
trois ans. Au bout de ce terme, ou
le rappela à Bologne , pour lui faire
occuper une chaire de théologie. La
sévérité de ces fonctions ne l'empê-
cha pas de revenir de temps en temps
vers la poésie , par laquelle il avait
débuté; mais il y renonça entière-
ment lorsiju'clu abbé, en 1737, il
n'aspira (pj'.i une réputation plus so-
lide. Élevé successivement aux chae-
ges les plus éiniucntes de l'ordre, il
TRO
eu devint le chef en i -jÔG. En par-
lant de son administration , on ne
doit point oublier le zèle qu'il mit à
l'augmentation delà bibliothèque du
couvent , pour laquelle il fit des ac-
quisitions importantes en livres, ma-
nuscrits, médailles anciennes et du
moyeu âge. Après avoir publié une
Collection d'Opuscules inédits des
Pères de l'Église, il composa un
grand ouvrage sur le culte des saints.
Ce dernier travail lui mérita l'appro-
bation de Benoît XIV , qui chargea
le cardinal Querini d'en témoigner
sa satisfaction à l'auteur; mais vers
le même temps , parut à Leipzig une
suite de Dissertations (i) , dans les-
quelles cet ouvrage était violemment
attaqué. Malgré la vivacité de son
caractère , Trombelli hésitait à ré-
pondre. Il n'aimait pas les disputes
littéraires ; et sans les instigations
de ses amis et les ordres du pape , il
n'aurait pas songé à se défendre.
Loin d'imiter son adversaire , qui
l'avait accablé de sarcasmes, il écri-
vit son apologie avec autant de mo-
dération que de doctrine. Riesling en
fut lui-même frappé, et il lui adressa
une lettre pour lui demander son
amitié et son portrait. En sortant de
cette querelle, Trombelli recueillit
des matériaux pour rédiger les Mé-
moires de sou abbaye , dont il place
la fondation avant l'année ii36. Il
frononça aussi plusieurs Discours à
institut de Bologne , dont il avait
été reçu membre. Le plus remarqua-
ble est celui dans lequel il expose les
prétentions de difïérents peuples à
l'invention de la boussole. Accablé
d'années , saus être encore épuisé par
le travail , il courut le plan d'un ou-
vrage immense sur les sacrements ,
(i) ,/<!«/;. [lii,l,if/>lii Kir^liiii^ii exrrrilationes an-
ù-troiubclUimu: , Ltijuig , 175« , iu-8".
TRO 571
et qu'il poussa jusqu'au treizième vo-
lume, sans pouvoir le terminer. 11
mourut le i[\ janvier 17B4. Ses
principaux ouvrages sont : I. Fa-
vole , Bologne, i^So , in 4"- IL
Le Favole di Fedro , Iradotte
in ver si volgari , Venise , 1735 ,
in-8*». , avec le texte et les tables de
l'édition ad usum Delphini , par Da-
net. Il en existe plusieurs réimpres-
sions. III. Le Favole di Avieno e
di Gahria, ibid., 1785, in-S". Les
premières sont traduites en vers ita-
liens , et les secondes en vers latins
et italiens. C'est la seule traduction
italienne dé ces deux fabulistes. Celle
qui avait été exécutée par Ange-Ma-
rie Ricci est restée inédite. Le livre
est dédié à la célèbre Laure Bassi ,
avec laquelle Trombelli fut très - lié.
IV. Le cento Favole di Facrno , c
una di Battista Mantovaiio , trad.
en vers italiens , ibid. , 1786 , in-S».
Argelati {Bihlioteca dé volgariz-
zatori ) , qui ne cite aucune traduc-
tion italienne de Faerne, n'a pas su
indiquer le recueil dans lequel avait
été imprimée la fable du Mantouan
( Foj. ce nom , XXVI, 53 1 ). A la
suite de ces traductions ; il y a quel-
ques vers latins de l'auteur. V. De
cullu sanctorum dissertationes de-
cem , quitus accessit appcndix de
cruce , Bologne , 1751 et suiv. , 0 v.
in-4°. VI. Priorum quatuor de cul-
tu sanctorum dissertationum vin-
diciœ , ibid. , 1751, in - 4 "• C'est
la réponse aux critiques de Riesling;
elle parut sous le nom de Philalethes
Âphohos. Voy. Zaccaria, Storia let-
teraria d'Italia , \\\ , 57. VII. Vc-
terum Patrum latinorum opuscnla,
nunquàm antehac édita , ib. , 1 7rn -
55, 7, part, en un vol. iu-/|". Voy. le mê-
me ouvrage , m , iG. WU.Mcmorie
istorichc ccncerncnti le due cauo-
nichc di sauta Maria di Beno e di
572 TRO
San Sahatore, ibid., 1752, iii-40.,
fi g. L'e[)0([iic (le la fondation de ces
abbayes paraît avoir c'te beaucoup
trop reculée. Au moins le P. Trom-
belli est eu contradiction avec Pen-
notti, auteur estime d'une Histoire
des chanoines réguliers, publiée en
latin, à Rome, en iQ'i\. La con-
grégation de Saint -Sauveur avait
eu deux autres historiens , Mazza-
grugno et J. - B. Segni. TX. Jrte
di coiioscere Veta de codici lati-
iiied italiani, ibid. , 1 756 et 1 778 ,
iu-4". , fig. L'auteur désavoua la ré-
impression qui parut sous le titre de
Diplomatica , Naples, 1780, in-S".
X. Mariœ sanciiss. vita ac gesta ,
cultiisquc un adhibitus , Bologne,
1 761 , 6 vol. in-80 XL Fita e culto
diS. Gioseppe ,\h\à., i7G7,in-8'>.
XIL Fila e culto de SS. Gioacchi-
no ed Anna, ibid., 1768, in - S'',
XIIL Tractatus de sacramentis
per polemicas et liturgicas disser-
liones distrihuti,\h'ià. , i 770 etsuiv.,
i3 vol. iu-4". L'auteur n'a parlé que
du baptême, de la confirmation, de
l'extrème-oncfion et du mariage. C'é-
tait la partie la plus difficile de l'ou-
vrage. Pour les autres sacrements, il
aurait trouvé de grands secours dans
les traités de Morin, d'Hallier etd'Ar-
nauld ( F. ces noms , II , 5oi ; XIX,
3475 XXX, 166). XIV. Deacûs
nauticœ inventore , dans les Actes
de l'institut de Bologne, tome a,
part. 3, pag. 333; traduit en Alle-
mand par Kiesling ( Foy. Collina
Abbonuio, IX, 2(i8). Trombelli a
aussi traduit le Traité de Bossuct sur
le passage d'Isaïe : Ecce concipiet ,
etc. , et sur le Psaume xxi , en rele-
vant plusieurs erreurs de Simon et de
Grolius. L'abbé IMiiigarelli et Guide
'^•T'ttti (irenl frapper une médaille
à l'elligic de Troud)elli, avec celle
inscription : Feutilis et yAïuus •
TRO
NAM DENÈ CULTUS AGER. Voycz
Garofilo Vincent, De vitdJ.-Chry-
sost. Trombelli commentarius , Bo-
logne, 1788, in -8".; et Fantuzzi,
Scrittori bolognesi , \ui , 12a.
TROMMIUS ( Abraham Vander
Trom , en latin ) , savant théologien,
naquit à Groningue. Jean Trom ,
son père, y remplissait une charge
municipale , et était un des anciens
de l'Église. Il fit ses études dans sa
ville natale , avec beaucoup de suc-
cès • et , suivant l'usage répandu géné-
ralement en Hollande, acheva sou
éducation par les voyages. Après
avoir visité l'Allemagne , il s'arrêta
quelque temps à Bâie , pour se per-
fectionner dans la connaissance de
l'hébreu , sous la direction de Jean
Buxtorf. Il parcourut ensuite la Fran-
ce et l'Agleterre , et à son retour en
Hollande , fut nommé pasteur du
village de Haren. Il ne quitta ce mo-
deste emploi qu'en 1671 , où il vint
exercer à Groningue les fonctions
du saint ministère, qu'il y remplit
pendant quarante-huit ans , avec un
zèle que l'âge ne put affaiblir. Peu de
temps avant sa mort, l'université de
Grouingue ayant été rétablie , les
professeurs de la faculté de théologie
s'empressèrent de lui conférer le titre
de docteur , comme une marque de
l'estime qu'ils faisaient de ses talents.
Trommais mourut , en 1719,;» qua-
tre-vingt-six ans. C'était un homme
de mœurs douces , et fort laborieux.
Il avait été marié quatre fois; mais
il survécut à tous ses enfants. On doit
à Trommius la continuation de la
Concordance flamande de la Bible ,
par Jean Marliuius de Dantzick, des
flemartptes critiques sur la version
des Psaumes eu vers flamands, par
Pierre Dalhemis; et un CtUt'chisme
abrégé , dans la même langue; mais
TRO
l'ouvrage aiicpiel il doit toute sa rc-
jiutalion est le suivaul : Concorâan
tiœ ^rœcœ. versionis , tuilgb diclœ
LX\ Interpretum, cujiis voces sccun
dum ordinem elcmentonmi ser-
in onis ^rœci digestœ recensentur ,
Amsterdam, 1718, 2 vol. in-fol. ; il
y a des exemplaires grand papier.
On trouve, à la fin du second volume,
un lexique grec et hébreu du P. de
Montfaucon , tire' de son édition des
He^plesd'Origène; la Concordance
des éditions de Rome et de Francfort,
de la version des lxx , par Lamb.
Bos , et enfin un lexique hébreu et
chaldaique. Trommius avait entre-
pris ce travail , qui lui coûta seize
ans de soins et d'application , dans
le but de remédier aux défauts de la
Concordance de Conrad Kirclier(/^^.
ce nom , XXII , 4^9 ) , dont le prin-
cipal est que les mots grecs y sont
rangés suivant l'ordre de l'alphabet
hébreu. Il dit, dans sa Préface, qu'il
s'est servi de l'édition de Wechel ,
Francfort , 1 597 , que son prédé-
cesseur aA'ait employée ( I ). On aurait
désiré qu'il donnât la préférence à
celle du Vatican , beaucoup plus es-
timée des savants. Malgré l'incontes-
table supériorité du travail de Trom-
mius sur celui de Kirclier , Jean
Gagnier , professeur d'Oxford , se
déclara pour l'ancienne concordance
( V. Gagnier , XVI, 2G3)j Trom-
mius lui répondit avec beaucoup de
douceur et de politesse par: Epistola
apologetica.... qud se modeste tue-
tur contra animadversioncs , etc. ,
Amsterdam, 1718 , in-4". de 12 p.
Lcclerc a rendu compte de cette polé-
mique dans le tome x de la Bihlioth.
(1) Cela nVsl pas absolument exact. Rirclicr s'é-
tait servi , comme il nous l'aiipreiKl lui-même dans
son AverUsfemenI , de l'odition de Bàle, i558, in-
S". , laite sur colle des Aide», dont l'édition de
Weclicl est eKalcuiL'iil une c^pic.
TRO, 573
ancienne et moderTie , où il apprécie
d'une manière équitable les travaux
de KircLcr et de Trommius. On trou
ve une Notice sur ce savant dans les
Mémoires de Paquot , pour seivir à
l'Histoire littéraire des Pars-Bas
1 , 5o5 , édition in-fol. W — s.
TROMP ( Martin , fils d'Harpert
ou d'Herbert) , célèbre marin hollan-
dais , né à la Brille en 1597, fit son
apprentissage de mer auprès de son
père, qui , au combat de Gibraltar,
sous l'amiral Heemskerk, comman-
dait une frégate , et qui , quelque
temps après , fut tué à son bord dans
une action contre un forban anglais,
à la côte de Guinée. « Camarades .
» ne vengerez-voiis pas la mort de
« mon père? w tel est le cri que ne
cessait de pousser Martin , alors âgé
de onze ans. Le bâtiment lui-même
ayant été pris , il tomba au pouvoir
du vainqueur, qui pendant deux ans
et demi l'employa comme mousse.
Rendu à sa patrie , il était lieutenant
à bord d'un vaisseau de li2;ne, en
1 622 , et reçut , deux ans après , du
prince Maurice, le commandement
d'une frégate. Eu 1629 , l'illustre
amiral Pit-Hein {F. Hein) ayant
passé à bord du bâtiment de Tromp,
réputé le meilleur voilier, il y fut tué
à côté de lui. Des dégoûts , occasion-
nés par des passe-droits , lui iirent ,
pendant quelque temps , abandonner
une carrière où il s'était déjà fait
connaître avec tant d'avantage ; mais,
en 1637, ou lui rendit de nouveau
justice : le stathouder Frédéric-Henri
le créa lieutenant-amiral, et lui con-
fia le commandement d'une escadi'c
de onze vaisseaux, avec laquelle il
battit les Espagnols, très-supérieurs
en nombre, leur prit deux bàîinuiits
et dispersa le ic>le. Celte victoire lui
valut une chauie d'or de la pari des
états, et l'ordre de Saint-Michel, de
574 TRO
la part du roi de France. Trorap
conlimia , dans le cours de cette raè-
mc campagne, à signaler sa va-
leur contre les Espagnols , mal-
gré la partialité' que l'Angleterre
manifestait en leur faveur. Ayant re-
çu de Hollande des renforts considé-
rables, et sa {lotte ayant e'té succes-
sivement portée à soixante-dix Lâti-
ments , il attaqua , le 2 1 octobre , les
Espagnols, devant les Dunes, et,
quelques efforts que ceux-ci fissent
pour éviter un engagement , il par-
vint à brûler le vaisseau de l'amiral
d'Oquendo , qui sauta en l'air avec
quinze cents hommes d'équipage ,
força un grand nombre de bâtiments
à se jeter à la côte, et s'empara de
treize galions richement chargés. Peu
de temps après cette victoire , la fa-
mille de Tromp s'accrut d'une fille ,
qui reçut au baptême les noms de
Anna-Maria- Fictoria- Martensis-
Harpensis - Trompensis- Dunensis.
Cet amiral rendit encore d'impor-
tants services à sa patrie, surtout dans
les campagnes de i64oet 1641 jraais
après i'avéncment de Cromwel au
protectorat d'Angleterre, l'Anglais
devint un adversaire plus digne de
la vaillance de Tromp. Ce fut lui qui
commença les hostilités avec l'ami-
ral Robert Blake, le 20 mai i652.
Tromp avait sous son coramaude-
meiit quarante-deux vaisseaux, et
Blake cinquante : l'engagement dura
quatre heures, et la luiit mit fin au
combat y où Tromp perdit deux,
vaisseaux. Il éprouva ensuite un
plus grand chagrin, ce fut de voir
Bluter et de \^'it prendre le com-
mandement des flottes hollandaises
et combattre les Anglais. Rappe-
lé au commandement , il eut une
nouvelle a lia ire avec Blake , sur
les côtes d'Angleterre, le 3 deVem-
Inv i<55'2 , prit deux vaisseaux.
TRO
et Tui troisième le lendemain. I/a-
vantagc resta complètement aux
Hollandais, Blake s'étant retiré vers
la Tamise ; mais ce combat ne fit
que préluder à \m autre bien plus
acharne. Pendant trois jours consé-
cutifs, c'est-à-dire du 28 février au
2 mars i653, Blake et Tromp se
mesurèrent de nouveau à la hauteur
de Portiand et de Bevesier : de part
et d'autre ou avait environ soixante-
dix vaisseaux ; mais ceux des Anglais
étaient de plus fort calibre. Ruiter et
l'élite des marins Bataves secon-
daient Tromp; il eut fortàseplaindre
des antres chefs. La flotte marchan-
de , qu'il escortait, ne laissa pas que
d'entiaver aussi ses opérations. L'en-
nemi se retira le troisième jour vers
les côtes d'Angleterre. Tromp fit en-
trer la presque totalité de son con-
voi. La perte des Hollandais fut de
neuf vaisseaux , celle des Anglais de
six ; mais , leurs équipages étant plus
forts, ils perdirent jilus de monde.
Les Hollandais sehâtèrentde l'éparer
leurs pertes , et le commandement
fut encore remis entre les mains de
Tromp , qui ne s'en chargea qu'a-
vec répugnance. H témoigna des
inquiétudes sous le rapport de la
quantité et delà qualité des bàtiments,^
et sous celui de l'équipement et des
équipages. Toutefois il se dévoua.
Un premier combat eut lieu à la hau-
teur de Nieuport, le 12 juin i653.
Richard Deane commandait la flotte
andaise, forte d'environ cent voiles.
Les Hollandais, étaient a -peu- près
égaux par le nombre, mais non par
la force des vaisseaux. Deane fut
tué au commencement du combat.
L'action dura de onze heures du ma-
tin à neuf heures du soir : elle re-
coiumença encore le lendemain à
la hauteur de Dunkerque. Ou se fit
be,iucoup de mal; sans que l'af-
TRO
laire fût décisive. 11 y cul une secon-
de bataille sur les côtes de la Hol-
lande, à la hauteur de Catwick, le 8
août. Ce jour demeura sans re'sultatj
enfin on recommença le lendemain.
Le vice-amiral de Wit avait eu le
temps de rejoindre la flotte hollan-
daise avec son escadre de vingt-sept
vaisseaux. Tromp comptait sous son
commandement cent-six voiles. L'a-
miral anglais Monk s'ëloignaj Tromp
le ])oursuivit toute la nuit. Le sur-
lendemain ii y eut uu nouvel engage-
ment. Les Hollandais traversèrent la
flotte anglaise; mais Tromp fut tue'
à son bord, ce qui n'empêcha pas
la continuation du combat. Ruiter et
Jean Evertszoon firent des prodiges
de valeur. La flotte aiiglaise fat tra-
versée jusqu'à quatre fois ; plusieurs
de ses bâtiments coulèrent , un sauta
en l'air : sa perte fut de huit vais-
seaux j celle des Hollandais de dix.
De part et d'autre on chanta victoi-
re; toutefois les Anglais avouèrent
qu'elle leur avait coûte' cher. Une
perte irréparable fut celle de Tromp.
Son corps reçut de pompeux hon-
neurs à Deift , et un monument v
fut e'ievc à sa mémoire. On peut voir
les médailles frappées en son hon-
neur, dans Y Histoire métallique des
Par^-^aj, par YanLoon. M — on.
TROMP ( Corneille ) , fils du
précédent , né à Rotterdam le 9
sept. 1629 , s'illustra dans la même
carrière. Son éducation ayant été
toute dirigée vers ce but, on le vit,
dès l'âge devingt-iui ans (iGSo), ca-
pitaine de haut-bord dans l'escadre
du commandeur Dcwildt, qui fut
chargé de réprimer l'empereur de
Maroc , et le réduisit à conclure
i\n traité dans les intérêts de la Hol-
lande. En i652, il se trouva à la
bataille que Van Galen livra aux An-
glais devant Porto-Longone, et il y
TRO 575
prit à l'abordage leur vaisseau le
Samson : il passa sur ce bâtiment, le
sien ayant été extrêmement maltraité
dans lecombat,etileut,peu de temps
après , le chagrin de se le voir enle-
ver par surprise, et au mépris du
droit des gens , dans la rade de Li-
vourne. Le i3 mars de l'année sui-
vante , il se mesura de nouveau avec
les Anglais devant Livcurne. Van
Galen avait sous son commandement
seize bâtiments et un brûlot. Les An-
glais étaient au nombre de quatorze
vaisseaux de ]ilus fort calibre , et de
deux brûlots. Tromp s'acharna par-
ticulièrement contre le Samson , qui
sauta au moment d'être pris à l'abor-
dage. La victoire resta aux Hollan-
dais ; mais ils la payèrent cher par
la mort de leur amiral Van Galen.
Tromp fut promu au grade de con-
tre-amiral. Les affaires du nord de
l'Europe ayant donné lieu , en i656,
à un grand déploiement de forces de
la part de la Hollande, Obdam,
Ruiter et Tromp y figurèrent avec
distinction ; mais \r voie des négo-
ciations aplanit les difficultés. Après
cette courte campagne ;, Tromp vécut
dans la retraite, et il ne reparut sur
le théâtre des événements , qu'en
1 66'i . Envoyé , à cette époque , dans
la Méditerranée pour escorter un
convoi marchand , il châtia rudement
les pirates algériens. Mais de plus
graves intérêts ne tardèrent pas à ré-
clamer son activité. Charles II ou-
bliait les obligations qu'il avait eues
aux Etats-Généraux pour remonter
sur le trône d'Angleterre, et l'on
avait de l'inquiétude pour un riche
retour attendu de l'Inde. Tromp fut
chargé d'en couvrir la rentrée.
Avant sous lui une escadre de vingt-
deux vaisseaux, il reconnut la flotte
marchande auprès de Faitliil , et ,
sans aucune rencontre hostile, il la
576 TRO
conduisit à sa destination. La guerre
avec l'Angleterre éclata en 1 665, Il
y eut, le i3 juillet, irae action entre
les flottes des deux puissances^ cha-
cune forte d'une centaine de vais-
seaux de ligne. Le duc d'York com-
mandait celle de l'Angleterre. Was-
senaer d'Obdam , avec le grade d'a-
miral-lieutenant, commandait celle
des États. L'action fut désastreuse
pour la Hollande. Tromp se signala
par sa bravoure. Son vaisseau V^-
viour, de quatre-vingt deux canons,
fut extrêmement maltraite. On se
préparait à de nouveaux efforts ;mais
on n'était pas d'accord sur le choix
du chef. On rendait justice au cou-
rage et à l'expérience de Tromp j
mais il était repoussé à cause de son
dévouement à la maison d'Orange. Il
fut cependant nommé, avec adjonc-
tion de trois plénipotentiaires des
États - Généraux , De Wit, Huygens
et Boreel , qui furent chargés de mo-
dérer ses pouvoirs. Déjà il était au
Texel , à bord de son vaisseau ,
quand la rentrée de Ruiter, f]^'u ar-
rivait de la côte de Guinée , vint
tout déranger. Cet amiral reçut aus-
sitôt le commandement de la flotte.
Tromp refusa de servir sous ses or-
dres ; mais il consentit à icster sur la
flotte en attendant son rappel. L'es-
cadre hollandaise essuya , cette an-
née, deux désastres imprévus: ce fut
une violente tempête, et une maladie
épidémique qui se déclara parmi les
équipages. Au commencement de
l'année suivante , Tromp obtint d'ê-
tre transféré de l'amirauté de la
Meuse à celle d'Amsterdam, et il
reçut le commandement du vaisseau
Hullandia , de quatre-vingt deux ca-
nons. Le i»^'" juin, la flotte hollan-
daise, forte de quatre -vingt cinq
vaisseaux, et commandée par Ruiter,
mil en mer, et se dirigea sur les
TRO
côtes d'Angleterre. Le 1 1 , elle eut
en vue la flotte anglaise, d'environ
quatre-vingts bâtiments , commandée
par Albemarle. L'engagement com-
mença vers une heure après-midi , et
dura, avec beaucoup d'acharnement,
des chances inégales et de courtes in-
terruptions, pendant quatre jours.
La perte fut considérable de part et
d'autre. Tromp, dans im moment
ti'ès-critique , fut dégagé par Ruiter ,
et lui dut son salut. L'issue du com-
bat fut des plus glorieuses pour les
armes hollandaises , ce qui n'empê-
cha pas les Anglais de chanter vic-
toire, et de faire de grandes réjouis-
sances , que leur propre historien ,
l'évêque Burnet, appelle une mo-
querie de Dieu et un mensonge à
la nation. (History of his own time,
tome I, pag. 229 ). On se battit de
nouveau le 4 et le 5 aoûtj mais
Tromp encourut , dans cette affaire,
de graves reproches. Loin de se-
conder Ruiter , comme il l'aurait
dû , il semble avoir joui du danger
où il le voyait , et cet amiral ne d it
son salut qu'à la plus savante et
la plus courageuse retraite. L'a-
vantage que remporta Tromp sur
le vice -amiral Smith fut loin de
couvrir ime faute aussi grave. Le
champ de bataille resta aux Anglais,
quoiqu'ils eussent perdu quatre vais-
seaux , ce qui était le double de la
perte des Hollandais. Ruiter se plai-
gnit amèrement de Tromp , qui ré-
crimina sans succès. Les États de
Hollande , sur la représentation du
grand pensionnaire de Witt , reti-
rèrent à Tromp sa commission de
lieutenant-amiral ; et il lui fut en-
joint de rester provisoirement à la
Haye, et défendu , de communiquer
avec la flotte. C'est alors que le
coîiile d'Estrades, ambassadeur de
l'^rance , lui lit des propositions
TRO
pour passer au service de cette puis-
sance ;maiselles ue letentèi-entpoint.
Cependant on ne lui tint pas long-
temps rigueur pour l'obligation de
résider à la Haye , et il lui fut per-
mis de se retirer dans une maison
de plaisance qu'il s'était constiiiite à
Gravesand. Cette maison offrait, dans
la bizarreriede son architecture, l'as-
pect d'un vaisseau de guerre , et elle
porte encore aujourd'hui ^ le nom de
Trompenhurg. Tromp était à la
Haye en 1672 , à l'époque du mas-
sacre des frères de Wit, et il est
accusé d'avoir assisté et même ap-
plaudi à cet horrible boucherie. La
canaille criait : « Vive Tromp ! à
bas les De Wit! » Au bout de sept
ans de repos il fut rétabli dans ses
fonctions (lô^S) par Guillaume III,
la république étant en guerre à-la-
fois avec l'Angleterre et la France.
Une réconciliation eut lieu , sous
d'imposants auspices , entre Ruiter et
Tromp : toutes les personnalités fu-
rent saciùlîées au besoin de la patrie.
Ruiter eut le commandement de la
flotte, forte de cincpiante-deux vais-
seaux de ligne et de cinquante autres
bâtiments , dont vingt-cinq bnilots.
La flotte des alliés était de cent
cinquante voiles , dont quatre-vingt-
dix vaisseaux de ligne. On se trouva
en présence de l'ennemi^ le 7 juin.
Le combat s'engagea vers une heure
après-midi. Tromp commandait l'a-
vant-garde ; il changea de bord jus-
qu'à trois fois. Dans un moment de
détresse , Ruiter vint à son secours et
le dégagea. La nuit mit fin au com-
bat. Dix vaisseaux ennemis avaient
e'té brûlés ou coulés à fond. Les Hol-
landais n'avaient perdu que quel-
ques brûlots, point de navire de
haut -bord; ils couchèrent sur le
champ de bataille. Le but des alliés,
qui était de faire une descente , fut
ÏRO 577
manqué. On se battit encore le 1 4 du
même mois. L'affaire fut moins gra-
ve; mais elle ne finit encore qu'avec le
jour. Les alliés se retirèrent le lende-
main. Dans les premiers jours de juil-
let, Ruiter alla vainement défier les
alliés , à la hauteur de Harvvich,- mais
le 21 août^ une nouvelle bataille s'en-
gagea sur les côtes de la Hollande
près du Helder. Tromp eut encore des
obligations d'assistance à Ruiter. Ce-
lui-ci se battit avec ua acharnement
extrême contre le prince Robert. Les
Anglais perdirent quelques bâtiments;
les Hollandais n'en perdirent aucun.
De part et d'autre , on était fort en-
dommagé; et l'ennemi se retira , le
lendemain , vers les côtes d'Angle-
terre. Les alliés avaient menacé la
Hollande d'une descente. Les États
projetèrent d'en faire une sur les cô-
tes de France ; et Tromp fut chargé
de l'expédition. Il sortit du Texel,le
17 mai 1 674. Les troupes étaientcom-
mandées parle comte de Horn, qui,
le 23 juin, fit un débarquement à
Belle-Isle;mais la forteresse ayant été'
jugée inattaquable , ou se remïjarqua.
Un nouveau débarquement eut lieu à
Noirmoutiers, le 3 juillet. On y leva
des contributions , etc. De là Tromp
alla chercher , à Cadix ^ un con-
voi marchand , avec lequel il rentra
au Texel. Le roi d'Angleterre ayant
témoigné, l'année suivante, un ex-
trême désir de voir Tromp , il
se rendit à Londres, ou sa pré-
sence fut une espèce de triomphe.
Le roi le nomma baron , et le com-
bla des distinctions les plus flatteu-
ses. En 1O76, les États ayant réso-
lu de prêter secours au Danemark
contre la Suède , Tromp fut envoyé
à Copenhague avec une flotte. Le roi
le décora de l'ordre de l'Éléphant,
Peu de jours ajirès son arrivée , la
flotte danoise dut au renfort qu'il
37
578 TRO
avait amcnc une victoire signalée.
Il rendit encore d'autres services
aux Danois , et retourna auprès
du prince d'Orange , qui e'tait dans
son camp à Saint-Omer. Il fut revêtu
du titre de lieutenant-amiral-géne'ral
des Provinces-Unies, dignité' devenue
vacante par la mort de Ruiter. En
1691, Guiilaume III lui confia le
commandement de la flotte destinée
à agir contre la France ; mais il mou-
rut a Amsterdam , le 29 mai. Son
corps fut transporte' à Delft , et so-
lennellement dépose dans le raausole'e
paternel , le G juin. Ses héritiers ( il
ne laissa point d'enfants) honorèrent
sa mémoire d'une médaille, que l'on
peut voir dans l'Histoire métallique
des Pays-Bas , par Van Loon, to-
me IV, pag. 43. Ce même ouvrage
en offre une autre, tome 11 , pag. 53o.
Sa vie a été publiée à la Haye, 1^94
in- 112. M — ON.
TRON ( Nicolas ), doge de Ve-
nise, succéda, eu 1471 , à Christo-
phe Moro. C'était un homme riche,
libéral et magnanime ; mais la brié-
A'eté de son règne , et les limites étroi-
tes de l'autorité ducale , ne lui per-
mirent de se distinguer par aucune
action remarquable. Il mourut le 28
juillet 1473. Nicolas" Marcello lui
succéda. S. S — i.
TRONCHAY ( George du ),
fds d'un conseiller au présidial du
IVIans , fort distingué dans les lettres,
naquit à Moranne près d'Angers , en
i54o, et devint lui-même très-sa-
vant dans la connaissance des mé-
dailles, et dans celle du grec et du
latin. Il faisait d'assez jolis vers pour
le temps, c\ l'on trouve plusieurs de
ses pièces dans le Me'naç^iana ; beau-
coup d'aulrci sont restées manuscri-
tes. iMéiiage dit que l'on faisailgraud
cas de sa Remontrance des plain-
tes du tiers-état du Maiiu: , de sa
TRO
Grammaire française , de son livre
des étjmologies , de celui des pro-
verbes ^ etc. Il mourut au Mans en
i582. — Son frère Louis du Tron-
CHAY, qui avait écrit une Histoire
des troubles religieux, restée manus-
crite , fut tué par des soldats , en
1 569 , comme partisan de la religion
réformée. — Tronchay ( Louise-
Agnès de Bellère du ) , naquit au
château du Tronchay près d'Angers
en 1639 , et fut douée de tous les
avantages extérieurs. Ses parents lui
ayant donné une brillante éducation,
la destinaient à un riche établissement;
mais elle montra , dès l'enfance , un
penchant décidé pour la vie religieu-
se , et demanda avec instance qu'il
lui fût permis de prendre le voile
dans un couvent. Sa mère , s'oppo-
sant à ce projet , l'envoya chez
une de ses parentes fort attachée
aux plaisirs du monde , espérant
qu'elle contracterait le même goût ,
ce qui arriva en effet. Mais Ml'*'.
du Tronchay rougit bientôt de ce
changement et revint à ses pre-
miers projets. Elle se rendit alors à
Charonne, où elle se fit recevoir dans
le couvent de l'Union chrétienne.
A peine y était - elle entrée , que
le souvenir de ses fautes troubla son
esprit au point que l'on fut obligé de
la renvoyer , et qu'après avoir erré
dans différents hospices elle fut en-
fermée à la Salpêtricre comme folle.
Revenue à elle, M^^''. du Tronchay
consacra tout son temps aux pauvres,
et se vit forcée bien souvent elle-
même de recourir à la charité pu-
blique. Elle mourut a Paris en 1C94.
Sa Vie a été écrite sous ce titre : Le
Triomphe de la pauvreté et des hu-
miliations , ou la f'^ie de M'-^'' du
Tronchay , appelée communément
Sœur Louise , Paris, i733, in- 12.
Cet ouvrage est rempli de visions ,
TRO
d'extases, et de tout le merreilleux,
que l'on trouve daus les écrits du
même genre. M — d j.
TRONCHET ( François-Denis )
naquit à Paris en l'j'^fJ.Son pcre ,
procureur au parlement, le destina
de bonne heure à la profession d'a-
vocat , où il apporta une volonté
forte, un esprit vigoureux, et une rai-
son supe'rieiire. Formé à l'école des
jurisconsultes les plus distingués, il
se produisit au barreau, mais n'y
fit qu'une courte apparition : sa voix,
dépourvue de timbre et voilée , sem-
blait l'éloigner des luttes de la plai-
doirie , et la solidité , la rectitude
de son jugement , sa vaste érudition ,
sa passion pour l'étude , l'appelaient
aux triomphes du cabinet. Doué
d'une pénétration qui portait la lu-
mière dans les questions les plus com-
pliqviées, il rejetait l'erreur à laquelle
il s'était laissé surprendre avec le
même empressement qu'il saisissait
la vérité ; il s'enfonçait avec une pa-
tience admirable dans les exposés
les plus inextricables , découvrait
avec rapidité les moyens qui recom-
mandaient une cause , et révolait aux
athlètes éloquents qui venaient inter-
roger son expérience toutes les res-
sources où pouvaient puiser leurs ta-
lents. Gerbier surtout aimait à se
fortifier daus ses entretiens , et à
préparer avec lui ces discussions
brillantes qu'il embellissait de tous
les prestiges de son art. Lorsque les
parlements furent dispersés par le
ministère Maupeou, Tronchetfci'ma
son cabinet , pour se consacrer tout
entier aux sciences et aux lettres.
Après le retour des cours souverai-
nes , il montra une indulgence écale
' I j • ■ • ^ '
a Ja moflestic qui avail accompagne
son sacrilicc, et n'épargna aucun ef-
fort pour rétablir l'iiarmonic entre
ocuxdc ses confrères qui avaient inii-
TRO 579
té son exemple et ceux qui s'en
étaient écartés. Bientôt la révolution
qu'avait éprouvée la magistrature
fut suivie d'événements d'une toute
autre importance. ïroncliet venait
de succéder à Gerbier dans la pre'-
sidence de l'ordre des avocats , lors-
que les états- généraux furent convo-
qués après une interruj)tion de près
de deux siècles. La capitale fit tom-
ber sur Tronchet l'honneur de la
représenter. Persuadé de la nécessite'
des réformes, mais ami de l'ordre
autant qu'étranger à une ardeur in-
considérée d'innover, il résista de
tout son pouvoir à l'ébranlement de
l'ancienne constitution; s'opposa so-
lennellement à ce que la chambre des
communes se formât en assemblée
nationale , et défendit avec persévé-
rance les ]U'opriétés qu'une pliilan-
tropie mal éclairée voulait impru-
demment attaquer; il conserva un
ascendant d'autant plus remarquable
qu'il combattait sans relâche le cri
des passions. Mirabeau l'appelait le
Nestor de V aristocratie , et v^oyant
un jour ses collègues fatigués de la
lecture d'un long discours de Tron-
chet , et peu disposés à l'écouter :
« Messieurs , leur dit-il , veuillez vous
» souvenir que M. Tronchet n'a pas
)> la poitrine aussi forte que la tête. »
Pendant !a session de l'assemblée
constituante , Tronchet fit partie du
comité de constitution , et fut honore
de la ])résidcncc. Ce fut par son or-
gane que la ville de Paris déclara
qu'elle renonçait à ses privilèges. Il
appuya la suppression des droits de
primogéniture et de masculinité, et
l'égalité dans les partages. Le 3o jan-
vier 1791 , il réclama contre l'inser-
tion de son nom dans la liste du club
monarchique. Comme il lit de fré-
quents ra])ports sur les matières féo-
dales , on le crut assez généra lemenr.
i8o
TRO
l'auteur des décrets qui les concer-
naient , quoiqu'il eut souvent mani-
feste un avis contraire. Il prit une
{grande part aux débats sur l'ordre
judiciaire , sur les jurés, sur la sou-
veraineté d'Avignon ; et si ses idées
ne furent pas toujours accueillies, on
rendit hommage à la sagesse de ses
vues et à l'étendue de ses connaissan-
ces. II apercevait les vices de la
constitution à laquelle il avait tra-
vaillé ; mais il sentait le danger de la
retoucher dans un moment de fer-
mentation. Il vota la révision de celte
loi fondamentale après plusieurs lé-
gislatures , et se hâta de redemander
à sa retraite de Palaiseau les jouis-
sances qu'elle lui avait procurées en
1770, dans le recueillement d'un tra-
vail varié. Mais après le renverse-
ment absolu de l'édifice monaixhi-
-que , il n'y eut bientôt plus en France
aucun asile assuré , et le choix que
Louis XVI fit de Tronchet pour le
défendre en présence des convention-
nels qui venaient de se constituer ses
juges ( Foj. Louis XVI et Male-
SHERBEs) vint ajouter aux dangers
de sa position. Tronchet vit certai-
nement toute l'étendue de ces dan-
gers , et nous devons dire qu'il s'y
dévoua sans la moindre hésitation ;
mais il est probable qu'il ne comprit
ni tout ce qu'une telle mission avait
de grand et d'important, ni tout ce
qu'aurait pu faire à sa place un ora-
teur éloquent et sensible , un publi-
ciste profoiid et courageux. C'était
en homme d'état, et par de grandes
considérations politiques, que Louis
XVI devait être défendu; Tronchet
ne pouvait le défendre qu'en avocat
et en jurisconsulte. Ce prince fut
néanmoiris cxlrèinement touche de
son zèle, cl il lui donna un témoigna-
ge durable de sa reconnaissance en
l'inscrivant dans soa testament. Après
TRO
la catastrophe , Tronchet retourna
dans sa retraite de Palaiseau, où
quelques mois plus tard le comité de
sureté-générale voulut le faire arrê-
ter; mais il sut se dérober aux re-
cherches jusqu'à la chute de Robes-
pierre. Après cet événement , il re-
couvra son repos ; mais voyant que
sa fortune était iiisufllsante pour les
besoins croissants de sa vieillesse , il
rouvrit son cabinet de consultation ,
et les familles s'empressèrent d'ex-
ploiter le trésor de sa sagesse et de
son expérience. Il avait pris soin de
recueillir ses consultations : elles ex-
cédaient le nombre de dix-huit cents.
Le département de Seine-et-Oise l'en-
leva à ces occupations pour le porter
au conseil des anciens. Il y siégea
pendant quatre ans , multiplia ses
travaux sur les lois relatives aux suc-
cessions , aux légitimes , aux renon-
ciations, au régime hypothécaire,
aux domaines congéables, fit un rap-
port sur les ascendants d'émigrés , et
un autre tendant à purger la procé-
dure par jurés du subterfuge de la
question intentionnelle. Après les évé-
nements du 1 8 brumaire ( novembre
1799 ) , la cour de cassation lui dé-
cerna le titre de sou premier prési-
dent. Chargé de la rédaction d'un
projet de Code civil , de concert avec
Bigot-Préameneu , Portalis et Malle-
ville , il fit prédominer une grande
partie de nos lois municipales sur les
institutions du droit romain. Les
procès-verbaux du conseil-d'ctat dé-
jiosent de la sagacité qu'il développa
dans les conicrences, et contiennent
les lumineuses observations dont il
enrichit cette longue et mémorable
discussion. Infatigable dans une vieil-
lesse avancée , il travaillait jusque
dans le bain. Il avait deviné l'instinct
and)i lieux du jeune guerrier qui avait
recueilli en France l'héritage de la
TRO
rcv.olutiou, et ne cachait pas son
eloigucnient pour ce favori de la for-
tune. Celui-ci n'aimait pas davantage
Tronchet ; mais il avait démêle' , il
admirait dans cet homme de bien
une qualité qu'il possédait lui-même
si éminemment, l'inflexibilité de ca-
ractère ; il réunit sou vœu à celui du
tribunat et du corps législatif, en
1801, pour porter au sénat l'hono-
rable vieillard , et le jjroclama ,
en lui donnant sou sulfrage _, le
premier jurisconsulte de France.
Doté de la riche sénatorerie d'A-
miens , Tronchet fit encore en-
tendre quelquefois , dans le premier
corps de l'état, les accents de sa mâle
raison. Une maladie que rien n'an-
nonçait l'emporta en peu de jours,
en 1 806. 11 fut le premier des séna-
teurs dont la dépouille fut transpor-
tée sous les voûtes du Panthéon; lui-
même avait accompagné quinze ans
auparavant à cette funèbre demeure,
en sa qualité de président de l'assem-
blée constituante , le corps du fameux
Mirabeau. M. François de Neuchâ-
teau , président du sénat , prononça
sou Oraison funèbre. M. de La Malle
célébra les vertus de son ancien cou-
frère, par un discours digne de l'un
et de l'autre; etM.deLavalléepublia
sur lui une Notice historique. Sous
des formes austères j usqu'à la rudesse,
Tronchet cachait un cœur sensible à
l'amitié. N'accordant rien à ces fri-
volités de la vie que l'on est convenu
d'apjieler des plaisirs , il donna tout
son temps aux sciences et aux lettres.
Il voulut connaître les mathémati-
ques , lorsque déjà il touchait au ter-
me de sa carrière , et il fit dans cette
science des progrès assez rapides. 11
a laissé en manuscrit une traduction
de l'Introduction de l'Histoire de
Charles -Quint, par Robcrtson, un
abrégé de l'Histoire d'Angleterre,
TRO
58 1
par Hume , un tableau de l'établisse-
ment du Mahométisme _, des traduc-
tions en vers de quelques fragmenis
de l'Arioste, de Milton, de Thom-
son , etc. ; enfin une tragédie de Ca-
ton d'Utique. F — t.
TRONGHIIS ( Théodore ) , théo-
logien protestant, naquit à Genève
en i582. Rémi Tronchiu, son pè-
re, officier au service d'Henri IV,
était issu d'une ancieime famille d'Ar-
les , alliée aux premières maisons de
Provence, dont une branche s'était
réfugiée à Genève , à l'époque de la
Saint -Barthélemi. Théodore Tron-
chiu se livra , de bonne heure, à la
culture des lettres , sous les auspices
de Théodore de Bèze , son parrain.
A l'âge de dix-huit ans , on l'envoya
étudier h. Hcidelberg , puis à Leyde.
Il s'y perfectionna dans la connais-
sance des langues orientales , et se
lia d'amitié avec Arminius , Scahger
et Heinsius , qui apprécièrent son
érudition et son éloquence. Il voyagea
eusuite en Angleterre et eu France ,
où il se lia avec plusieurs savants.
De retour à Genève, il y fut nommé
successivement professeur d'hébreu
et de théologie , et recteur de l'aca-
démie. Chargé par l'Eglise de cette
ville de repoudre au célèbre jésuite
Cotton, qui venait de puljlier sa Ge-
nève plagiaire , Tronchiu fit paraî-
tre sa réplique sous le titre de Cotton
plagiaire. 11 prit part au synode de
Dordrecht, eu 1618, comme député
de sa ville natale, et se fit remarquer
dans cette assemblée en soutenant les
principes qui firent condamner les
dogmes d'Armulius. En i633,le duc
de Rohan, ambassadeur de Fran-
ce chez les Grisous , le demanda
h. l'Église de Genève, pour résider
auprès de lui , et l'aider de ses con-
seils dans les guerres de religion. En
iG55, Tronchiu fut charge par l'É-
>82
TRO
glise calviniste , de conférer avec
le ihéolopiieu écossais Jean Dury ,
pour tacher de reunir les Luthé-
riens et les Reformés. Il composa
divers écrits sur ce sujet , et en-
tretint une correspondance fort éten-
due avec plusieurs princes pro-
testants , dont il s'était concilié la
Licnveillance. Tlic'odore Tronchin
parvint à une heureuse vieillesse , et
mourut cà Genève en i65'j. — Tron-
cniN ( N. Dubreuil ) , de la même
famille, né en i()4o , et mort en
Hollande en 1721 , rédigea long-
temps la gazette française d'Ams-
terdam, qui eut la plus grande célé-
brité, et jiublia divers ouvrages de
politique. Y oyezV Histoire littéraire
de Genève , par SeneLier , et la Bi-
bliothèque historique de Haller.
S — V — s.
TRONCHIN ( Théodore ) , un
des médecins les plus célèbres du
dix-huitième siècle , issu de la même
famille que les précédents , naquit
à Genève en 1709. Son père, l'un
des plus riches banquiers de cette
ville j ayant été ruiné par la chute
du système de Law {Voy. ce nom ),
Tronchin fut envoyé dès l'âge de
seize ans, en Angleterre , auprès
de lord Bolingbroke sou parent.
Mais cet homme d'état se trou-
vait alors en disgrâce : il ne put ren-
dre d'autre service au jeune Gene-
vois , que de diriger ses études , et
de lui prociuer l'amilié de plusieurs
savants. Tronchin suivit les cours
de l'université de Cambridge. La
lecture des ouvrages de Bocrhaave lui
inspira un si vif désir d'entendre
Boerhaave lui-même , qu'il passa
aussitôt en IJuIIaude , où il se li-
vra avec passion à l'étude de la
médecine sous les auspices de cet
homme illustre. Ayant su que sou
maître avait dit que les soins qu'il
TRO
donnait à sa chevelure devaient
lui faire perdre bien du temps ,
il cou])a à l'instant ses cheveux , et
parut le lendemain, dans cet état,
aux leçons de Boerhaave, frappé d'é-
tonnemcnî à la vue d'un ])areil sa-
crifice. Ses cours étant teiminés ,
Tronchin s'établit à Amsterdam , et
fut nommé président du collège de
médecine et inspecteur des hôpitaux.
Il é))Ousa une petitc-lille du grand-
pensionnaire Jean de Wit ( Foj.
ce nom ) et le stathouder lui ofirit la
place de son premier médecin; mais
ses compatriotes le réclamèrent. Il
revint à Genève, en 1750, et le
conseil-d'état lui donna le titre de
professeur honoraire de médecine.
Il ne se crut pas dispensé néan-
moins d'ouvrir un cours. Il s'y atta-
chait principalement à combattre les
préjugés dont la médecine était alors
infectée ^ et à inspirer aux élèves une
salutaire défiance des théories tradi-
tionnelles. Mais le grand service que
Tronchin rendit à l'humanité , et
que la découverte de la vaccine
ne doit pas faire oubher , fut la
pratique de l'inoculation. Après en
avoir donné le salutaire exemple
dans sa jiropre famille ( i ) , il ne
négligea rien pour la propager en
Fiance. Mettant une noble gloire à
ravir tant de victimes à une raort
prématurée : a rinoculation , disait-
il , ne fait que millésimcr l'espèce
humaine, tandis que la ])elile vérole
naturelle la décimait. « Les souve-
raius se disputèrent l'avantage de le
posséder dans leurs états. L'impéra-
trice Elisabeth lui ht des proposi-
tions pour l'attirer en Russie. 11 fut
appelé à Paris, en 1750, pour ino-
culer les enfants du duc d'Orléans ;
et eu i^Gii, le duc de Parme lui
(1 ) A . le» Mt'indircs elc lu ('.uudauiiiic sui l'iiiu-
citidi'wn.
TRO
confia les siens. Ce > prince vou-
lut le rcteuir auprès de lui , et le
fît aclmomc au rang des patri-
ciens. Mais Trouchin préféra le sc-
ieur de sa patrie aux offres les plus
Lrillantes. Fixé à Genève , ■ il s'y
voyait consulté par l'Europe entiè-
re. Cependant le duc d'Orléans , par
SCS instances réitérées , parvint à lui
faire accepter la place de sou pre-
mier médecin. Ses manières nobles
et gracieuses , son empressement à
soulager tous les maux , ajoutè-
rent un sentiment d'affection à la
haute estime que l'on ne pouvait
refuser à ses rares talents. L'ex-
trême variété de ses connaissan-
ces , et le charme de sa conversation
rehaussé par la physionomie la plus
heureuse, iirent rechercher le doc-
teur Trouchin , comme homme du
monde , par ceux qui n'en avaient
pas besoin comme médecm. Ilcompta
parmi ses amis les hommes les plus
illustres dans la philosophie et dans
les lettres , tels que Voltaire, J.-J.
Rousseau , Diderot, Thomas, etc.
Voltaire , qu'il avait beaucoup con-
tribué à lixer dans le voisinage de
Genève et (ju'il assista dans sa der-
nière maladie , a célébré ses talents
dans des vers qui feront passer son
nom à la postérité (a). Étrauger à tout
système, il s'efl'orçait constamment
de propager une hygiène simple et
naturelle. Les femmes et les enfants
étaient l'objet de ses soins particu-
liers : chez les unes, il traita la ma-
ladie alors à la mode ( les vapeurs ) ,
par le grand air , l'exercice cl l'oc-
cupation; il alfranchit les autres, au-
tant tjuc possible, des ligatures qui
déformaient leur taille et détruisaient
{iS M faudrait pouvoir oublier, pour riionririii
Hc Viillairc . f|ii'il a voulu i iiliciilisri Troi;chi.i
son ami , Haus \a Querrc de Oenivc ( P'cy. Vol
•iajreV
TRO 583
kur sauté. Il fit disparaître la mé-
thode absurde d'enfermer les mala-
des dans une atmosphère empestée ,
en les privant de toute communica-
tion avec l'air extérieur. Il perfec-
tionna les procèdes de l'inoculation ,
en substituant les vésicatoircs à l'in-
cision, toujours un peu douloureuse,
et surtout eifrayante pour les enfants.
Naturellement sensible et bienfaisant ,
il consacrait régulièrement deux
heures par jour à recevoir les pau-
vres. Pendant ces consultations , il
avait un sac d'argent près de lui ,
donnant à chaque malade de quoi se
procurer les médicaments qu^41 pres-
crivait. Un de ses amis lui recoiu-
maudaut un infirme hors d'état de
payer ses soins : <i J'aurais bien mau-
vaise idée de moi, dit-il, s'il fallait,
à mon âge. m'averlir de faire mon
devoir. » Ses libéralités étaient si
nombreuses que, malgré le produit
très-coDSidérablede l'exercice de sou
art, il ne laissa à ses enfants qu'une
fortune médiocre. Trouchin mourut
à Paris, le 3o uov. 1781 , dans sa
yS". année. Lorry , médecin dis-
tingué , qui assistait à ses derniers
moments , s'écria avecdouleur : a Ah !
si ce grand homme pouvait nous en-
tendre , il se guérirait lui-même ! »
Thomas a fait de Tronchin un tou-
chant éloge dans une Lettre à M'"".
Necker {\S janvier 1782); « il fai-
» sait, dit-il, le bien en silence, tou-
)) jours utile, toujours calme , aussi
» indilférent à radmiratioù qu'à l'en-
» vie, n'ayant pas plus le faste des
» paroles que celui des actions , ne
» confiant qu'à l'infortune le secret
» de ses vertus, et ne révélant au
» public son génie que par ses hien-
1) faits » (3). Tronchin était trop oc-
(î) Voyc7. aussi le Portrnil du duciciu 7'roiirh.:
■V*t i&iiuiu) , Jdiif s.i Corref/ipudancc , mui ï7fi''
584
TRO
cupé pour pouvoir laisser beaucoup
d'écrits. Outre des articles de méde-
cine, (\ai)S VEncfclopédie , et une
édition des OEuvres de Baillou( r.
ce nom ) avec une Préface , on n'a
de lui que deuxtlièses: Denjviphd;
De clytoride , Leyde , l '^ 36 , in-4°. }
et un petit traité : De colicd picto-
riim, Genève, 1757, in-8°. (4),
qui fut vivement critiqué par Bou-
vart ( F. ce nom , V , 4^9 ) ; et en-
fin des Observations sur la cure d'u-
ne oplitalmie, et sur des hernies épi-
ploïqiies internes, dans le tome v des
Mémoires de V académie de chirur-
gie. Senebier assui'e ( Hist. littér.
de Genèi>e ^ in, i4o ) ^1"^ Tron-
chin avait laissé , en manuscrit ,
un grand nombre d'ouvrages pré-
cieux sur presque toutes les parties
de l'art de guérir; mais on ignore
ce qu'ils sont devenus. On a fré-
quemment témoigné le désir d'avoir
le Recueil des consultations de cet
liabile praticien; mais on ne doit plus
espérer qu'il paraisse jamais. Le zèle
de Troncliin pour l'inoculation et sa
pratique éclairée sont ses titres à
l'estime publique. Il était membre
des ])rincipales académies de l'Eu-
iT)pe. Louis et Condorcet prononcè-
rent son Eloge , le premier à l'aca-
démie de chirurgie, et le seconda
Tacadémie des sciences. On trouve
ime Notice sur Tronchin dans le
Nécrolo^e des hommes célèbres de
France, xvii,257-Gg.Les jouruaiix.
et les mémoires contemporains (5)
M) ^f' l'vrc est intitule , dans quelques dic-
tionnaires : fJe colicâ Pictunum , ce qui voudrait
dire la colique de» Poitevins, au lieu de la colique
des peinlics.
fï) On peut voir dans \c^ Souvenirs de Filicle ,
]w*j- J>]"'»*, de Genlis , un e\einple très-rcuinrqua-
• !i- de l'iqii>areutc inaen»iliilitc- , où In passion d ob-
fiYvir avait pu ronduire Tronc liiu , le plus doux
<*i le plus sensible des bouimes ; celle anendole se
trouve re|i<-lec dan» une noie des IfJcmoires de
JVl""'. de (lenlis , Il , 7()-.
TRO
contiennent sur lui des détails et des
anecdotes qui n'ont pu trouver place
dans cet article. Son portrait a été
gravé d'après Liotard, in-4<>. , avec
une rare perfection. S-v-s et W-s.
TROJJCHIN ( Jean - Robert ) ,
jurisconsulte , parent du précédent ,
naquit à Genève en 1 7 1 1 . Il n'avait
que vingt-huit ans lorsque sa pro-
fonde connaissance du droit public le
fit choisir pour négociafeur d'un traité
entre le roi de Sardaigne et la répu-
blique de Genève. Nommé bientôt
après procureur-général, il se vit à la
tête de l'ordre judiciaire de son pays.
On y conserve , dans les archives ,
ses réquisitoires et ses conclusions en
matière criminelle^ comme des chefs-
d'œuvre de savoir, de raisonnement
et de style. Quelques-uns des Discours
qu'il prononça dans le grand conseil
sont imprimés et pourraient soute-
nir la comparaison avec ceux des ora-
teurs les plus célèbies. Il était généra-
lement regardé comme fort supérieur
à sa place. C'est ce que Yoltaire a
exprimé d'une manière un peu tri-
viale, en disant que le procureur-
général Tronchin à Genève lui sem-
blait le grand acteur Baron sur un
théâtre de la foire. Lord Mansfield ^
grand -juge d'Angleterre, disait plus
noblement: « Dans notre pays, Tron-
chin eût été chancelier. « Les arrêtés
du conseil-d'état au sujet de VEmile
cl du Contrat social de Rousseau,
et de la personne de ce célèbre écri-
vain, donnèrent lieu à des discussions
orageuses. Tronchin prit la défense
du gouvernement dans un ouvrage
intitulé : Lettres écrites de la cam-
pagne , qui ajouta à sa réputation.
Jean - Jacques y répondit par les
Lettres de la montagne , dont l'cJo-
quencc trop passionnée accrut l'e/rer-
vesccnce du peuple genevois, et fit
triompher la démocratie. Les mesures
TRO
qui fureut prises pour apaiser mo-
mentanément ces dissensions e'tant
peu conformes aux principes que pro-
fessait Tronchin , il renonça aux af-
faires publiques , et se retira à la
campagne. C'est là qu'il fit le plus
noble usage d'une fortune considéra-
ble, dotant plusieurs établissements
de charité', rechercliant le mérite
indigent, soutenant les jeunes gens
que l'insuffisance de leurs moyens au-
rait arrêtes dans la carrière vers la-
quelle ils se sentaient portés. Les
étrangers les plus distingués étaient
accueillis dans sa letraite • il était
en correspondance avec les hommes
les plus marquants de cette époque ,
tels que Montesquieu , lord Manslield,
Malesherbes , Voltaii'e et l'historien
Jean de Millier , qui avait été l'ins-
tituteur de ses enfants. Telle était la
vie honorable et douce que menait
Tronchin , lorsque les progrès de la
révolution française et l'approche de
Tarmée conventionnelle qui menaçait
Genève , api'ès avoir envahi la Sa-
voie , remplirent son ame de tris-
tesse , et le déterminèrent à se retirer
dans le pays de Vaud , où il termina
sou existence en 1793, à l'âge de
quatre-vingt-deux ans. S — \^ — s.
TRONCY( Benoît du), né après
le commencement du seizième siècle,
était , da temps de la Ligue, contrô-
leur du domaine du roi et secrétaire
de la ville de Lyon. Lors de la ré-
duction de cette ville à l'obéissance
d'Henri IV , il fut du nombre des
magistrats destitués de leurs fonc-
tions , disgrâce qu'il supporta très-
impatiemment ; car il fit beaucoup de
démarches pour obtenir une indem-
nité fondée principalement sur ce que
l'emploi dont on le privait était une
]ilace de finance, qu'il avait aclictée.
llsoutenaitd'aïUci.'rs que loin d'avoir
été opposé à la cause du roi il lui
TRO 585
avait rendu d'éminents services. S'il
en faut croire une des requêtes qu'il
présenta^ et dont nous avons vu l'o-
riginal autographe, du Troncy au-
rait connu, publié et déjoué les des-
seins d'Henri de Savoie , duc de Ne-
mours , qui , abandonnant le parti
des Guises, voulait faire tomber la
ville sous sa domination particulière;
il aurait été arrêté parce duc, qui
lui aurait mistrois fois le poignard sur
le cœur , pour lui faire avouer d'où il
tenait ces renseignements ; et, sur son
refus constant, il aurait été jeté dans
la prison de la ville, d'où le peuple
l'aurait tiré. Quoi qu'il en soit, toutes
les plaintes de du Troncy furent inu-
tiles ; et il mourut , vers 1600 , sans
avoir rien obtenu. 1\ avait publié, en
1 584 7 "'^^ traduction du Traité de
la Consolation , attribué à Ciccrou ,
et dont le texte avait été imprimé,
pour la première fois , l'année pré-
cédente. Cette traduction a pour ti-
tre : Excellant opvscvle de Marc
Tvlle Ciceron,par lequel il se con-
sole soj' mesme sur la mort de sa
fille TuUia : reniplj d'une infinité
de belles sentences , confirmées par
histoires et exemples de grands et
signalez personnages , tant grecs
que latins, n'a gueires trouué et
mis en lumière : traduit du latin en
français par Benoist du Troncj' ,
contrerolleur du domaine du rqy
et secrétaire de la ville de Ljon.
A Lyon , par Benoist Bigaud ,
M. D. Lxxxiin , avec privilège, in-8".
de 80 feuillets. Le volume est dédié
A 3/. (François) de Mandelot , sei-
gneur dudit lieu (de Mandelot) et
de Passy, gouverneur de Lyon à cet-
te époque. A la suite de la dédicace
se trovivent deux Sonnets à la louan-
ge du traducteur, l'un par P. Tami-
sier, l'autre par D.-P. G. Une note
margmalc, au verso du feuillet cj,
)86
TRO
prouve que du Troncy ne croyait pas
à rauthenticite du livre dont il don-
nait la traduction. « Si Ciceron, dit-
» il , estoit le vrai autheiir de ce trai-
» te', il contrariei'oit à soy raesme ,
» ayant tant et si excellemment loue'
» la vieillesse , en son livre De senec-
n tute. » Du Troncy paraît avoir
encore compose l'ouvrage facétieux
intitule : Fornwlaire fort récréatif de
tous contracts , doiiations , testa-
mens , codicilles et autres actes qui
sontjaicts et passés pardevaiit no-
taires et tesmoins. Faict par Bre-
din le Cocu , notaire 7'oyal et con-
treroolleur des basses marches au
royaume d'Utopie; accompagné ,
pour l'édification de deux bons
compagnons , d'un dialogue par lui
tiré des OEuvres du philosophe et
poète grec Simonides , de l'origine
et naturel fœminini generis, Lyon,
Rigaud, i594, i6o3 , 1610 et 1018,
petit in-i'2 ; re'imprirae' à Lyon , par
Jean Huguelau , 162-], mcme format.
Les e'ditions de 161 8 et 1627 ont
286 pages. Ce petit livre, dont quel-
ques endroits rappellent la manière
de Rabelais , ne porte point le nom
de du Troncy ; mais l'avis au lecteur
est signé Bonté ny croist : or , ces
mots se trouvent être l'anagramme
exacte de Benoist Troncy. M. Peri-
caiid aîné , de l'académie de Lyon ,
l'a remarqué le premier, dans une
Dissertation qui a élc insérée dans le
Journal de la librairie , du 10 août
1821, et dans le Dictionnaire des
anonymes et pseudonymes de Bar-
bier, 2'=. édition, n". G8i3. M. Pe-
ricaud ajoute (juelques autres raisons
qui tendent également à élal)lir l'i-
dentité du Irailuclcur de la Consola-
tion et de l'auleur du Formulaire.
Lafontaine a i)eul-êlre j)uisé dans le
second de ces ouvrages les sujets de
sa fable de la Gouda cl l'Arai-
TRO
gnée ( 1 ) , et de son conte intitulé le
Bdt (2). C. R.
TRONSON (Louis), supérieur-
général de la congrégation de Saint-
Sulpice , né à Paris, le 17 janvier
1622^ était lils d'mi secrétaire du
cabinet du roi , et eut Louis XIII
pour parrain. ïl semit,jeuneencore,
sous la conduite de i'abbé Olier, qui
venait de commencer le séminaire
de SaiutSulpice , et devint un de ses
plus zélés coopéra teurs. Il s'appli-
qua non-seulement à la tliéologie,
mais aussi à une étude aprofondie
de l'écriture et des monuments de la
tradition^ et c'est là qu'il puisa cette
facilité, cette onction avec lesquelles
il parlait et écrivait. Son abord ou-
vert , ses manières graves mais pré-
venantes, sa conversation instructi-
ve , tout contribuait à lui gagner les
cœurs de ses élèves. M. de Brelon-
villicrs , successeur d'Olicr , étant
mort en 1676, Tronson fat élu supé-
rieur de Saint-Sulpicc;il forma dans
le séminaire un grand nombre de su-
jets, dont plusieurs parvinrent aux
premières dignités dans l'église de
France. Fénélon fut un de ses élèves,
et il s'établit entre eux une intimité
fondée' ur l'estime. Pb^.sicurs cvcqucs
consultaient Tronson , et il dirigeait
des personnes d'un haut rang , entre
autres la duchesse de Guise , fille de
Gaston, duc d'Orléans j M"". (>ol-
(0 Livre m, fable 8. U poni .^^alernoi.l ;.vi..r
pris ce sii|el dans le Passetciiifis de Messire Fiait-
îois /.<■ i'im/c/i/e, ?.o éilition, Paris, i5(l3, p.iR
8} , ou feuille L, pas. 5 ( V. POCLCHUK, XXXV,
5'.0) ou dans les Coules et Discours d'Eiitiiipcl ,
lleuucs, iOo3, in-8o. , cliap. 5 (T. IlUFAII. ,
XU i4» )• <^es sources étaleut plus à la portée du'
i,on homme que le» fables latines de Nicolas Gel-bel
el"ulrcs, indi(pi('es par les comiueulaleurs.
h,) Ce coule existe aussi eu prose dans le
Moyen de /j.iivenir de Beroalde de Vervllle , iuipri-
mépour la (.remière fois vers le cuninieuccnienl
du div-seplii-mesiaie, cUap. lO, lit. Ï7iè.ïc, et en
%c.s dans une .satire du livre III de Jean Vau.pi.-
liu de r.a l'rcsnay''- ^".V- ^''* '^^'"''■" /"'''''V"" ■
(j.icn, ( '.halles .lliici' . il»i-.«, ii;-S".
TRO
beit , femme du ministre ; le duc
de Beauvilliers et d'autres seigneurs.
On le vit prendre part à un grand
nombre de bonnes œuvres et aux af-
faires les plus importantes de l'Egli-
se. Non -seulement il fut associé
à Eossuet et à M. de Noaillos ,
pour les conférences sur le quié-
tisme , mais ces conférences se tinrent
à Issy, dans la maison de campagne
du séminaire. Il est souvent parlé de
Tronson dans le récit de la querelle
du quietisme qui compose une partie
de {'Histoire de Féiiélon, par le
cardinal de Bausset ; et le vénérable
supérieur y paraît toujoui's avec le
caractère le plus bonorable. 11 éta-
blit sa congrégation dans les sémi-
naires de Bourges , d'Autun , de Tul-
les et d'Angers , et mourut à Paris
le 26 février 1700, regardé comme
un des ecclésiastiques les plus sages,
et les plus capables. Il refusa plu-
sieurs fois répisco])at. Entretenant
dans tous les diocèses une corres-
pondance à laquelle on était étonné
qu'il pût suHlre , il composa ce-
pendant : I. Les Examens parti-
culiers, à l'usage des séminaires ,
Lyon , 1690 , souvent réimprimés.
IL Forma cleri, ou Recueil sur les
mœurs des ecclésiastiques , d'abord
eu 3 vol. in-i'^, puis achevé après
la mort de l'auteur, et publié en
1 727 , in-4^'. Ou en a donne une nou-
velle édition eu 1824, 3 vol. in-
8°. On a aussi, dans ces derniers
temps, mis au jour quelques ouvra-
ges de Tronson , qui se conservaient
en manuscrit dans sa congrégation ;
savoir le Traité de V obéissance ,
1822, iu-i2j le Manuel des sémi-
naristes ou entretiens sur la maniè-
re de sanctifier ses principales ac-
tions , avec quchpics autres o])uscu-
les , 1823, 2 vol. in 12, et la /?<?-
traite ecclésiastitfue , suivie de mé-
TRO 5H7
ditations sur l'humilité . >823 , in-
12. Nous savons qu'on prépare une
Vie de Tronson , et nous croyons
que cet ouvrage serait non - seule-
ment édifiant par le récit de ses
vertus, mais encore intéressant par
les détails qu'il pourrait fournir sur
les affaires de TEglise de France à
cette époque. P — c — t.
TRONSON DU COUDRAY (Pm-
lippe-Charles - Jean -Bap-
tiste) , officier d'artillerie, naquit à
Reims, le 8 septembre 1788 , d'une
famille de commerce très - ancienne
dans cette ville. 11 comptait parmi
ses ancêtres Louis Tronson, seigneur
du Coudray, secrétaire du cabinet
du roi et intendant des finances , en
i658. Le jeune Tronson du Cou-
dray prit de très-bonne heure le parti
des armes ; entré dans le corps des
mineurs . il s'y distingua par des
talents supérieurs. Il avait surtout
fixé la confiance de M. Gribeauval ,
l'uu des meilleurs juges en cette
matière. L'amitié tendre et éclai-
rée de cet officier -général avait ac-
céléré l'avancement du jeune Tron-
son du Coudray, d'autant plus qu'aux
talents capables de justifier la faveur
celui-ci joignait cette adresse , ce
caractère insinuant et souple qui la
donnent. Dans les divisions qui , de
son temps, agitèrent le corps de l'ar-
tillerie, il avait joué un rôle et sou-
tenu avec courage le parti auquel il
avait cru devoir s'attacher. A l'é-
poque de la guerre d'Amérique , le
congrès , instruit de sa réputation ,
lui fit des offres séduisantes, qu'il
accepta. Airivé aux États-Unis , et
ayant obtenu le grade de général-
major d'artillerie dans l'armée de
fTashington , il semblait n'avoir plus
qu'à recueillir les honneurs et la
fortune ; du moins ne paraissait-il
avoir à redouter que les dangers at-
588
TRO
taches aa métier des armes : mais
il ue put éviter son malheureux sort,
et en passant sur un bac la rivière de
Schuy-lkill pour rejoindre l'armée^
un cheval ombrageux le précipita
dans le courant, où il se noya , le 1 1
septembre 1 777 , venant à peine d'at-
teindre sa trente-neuvième année. Les
ouvrages qu'il a laissés sont : I. Ob-
servations sur un ouvrage attribué
à Jeu M. De Falière y 1770. II.
Jj artillerie nouvelle , ou examen
des changements faits dans V ar-
tillerie française depuis 1 765, Ams-
terdam ^ 1772 , in-80. III. Mémoire
sur la meilleure méthode d'extraire
et de raffiner le salpêtre , Paris,
1774, in-8". IV. Mémoire sur les
forges catalanes comparées aux
forges à hauts fourneaux , 1770,
in-80. V. Mémoire sur la manière
dont on extrait en Corse le fer de
la mine d'Elbe, Paris, 1775, in-S».
VI. Nouvelles expériences et obser-
vations sur le fer , avec deux Let-
tres extraites du Journal de physi-
que et d'histoire iiaturelle de M.
l'abbé Rozier, Paris , 1775 , in-80.
VII. L'ordre profond et l'ordre
mince considérés par rapport aux
effets de l'artillerie, 177O, in-S".
VIII. Réponse à la critique de cet
ouvrage , Amsterdam , 1 776, in-8".
ÎX. Discussion nouvelle des chan-
gements faits dans l'artillerie ,
i770,iii-8". J — 15.
TRONSON DU COUDUAY
( GtllI.LAUME-ALEXAIVDRE ) , frcrC du
précédent , né à Reims le 18 novem-
bre 1750, le dernier de dix enfants,
fut destiné d'abord à l'état ecclésias-
tique. On lui lit faiic, dansée des-
sein , de bonnes éludes au collf'ge de
Rciiiis , puis il entra au s('miiiairc de
cette ville, et y obtint, dans son
cours de théologie , les mêmes succès
qui avaient signalé ses premières ^\.\\-
TRO
des. Son esprh avait acquis tme force
prématurée, et la détermination qu'il
ne tarda pas à prendre dut annoncer
à sa famille que sa conscience était
déjà celle d'un homme trop scrupu-
leux pour prendre avec Dieu et avec
le monde d'autres engagements que
ceux qu'il se sentait capable de rem-
plir. En sortant du séminaire, le jeu-
ne Tronson déclara qu'il ne se sen-
tait point appelé à l'état ecclésiasti-
que, et il embrassa la carrière du
commerce. Après avoir voyagé dans
le nord de l'Europe^ il revint à
Reims , où l'attendaient des tracasse-
ries bien faites pour décourager l'ar-
deur avec laquelle il s'était d'a])ord
livré à sa nouvelle profession. Le
procès que lui intenta un scieur Dela-
place, dans les affaires duquel il était
intéressé, développa tout-à-coup chez
lui les talents oratoires qu'il avait
reçus de la nature. Il plaida lui-mê-
me sa cause avec une énergie et une
éloquence peu communes; et le gain
de son procès détermina sa vocation
pour le barreau. Encouragé par les
suffrages de ses concitoyens , Tron-
son du Coudray vint à Paris , en
1778. La première cause qu'il fut
appelé à défendre fut celle du sieur
Gazeaux, accusé d'avoir, de coin-
plicité avec la comtesse de Solar,
suppiimé l'état d'un jeune sourd-
muet, présenté par son instituteur,
l'abbé de L'épée , comme l'unicpic re-
jeton de cette famille illustre. L'im-
portance de la cause en elle-même,
les intérêts puissants qui s'y ratta-
chaient, la bonne-foi et la conviction
manifestes du principal adversaire,
le respect (pi'iuspnait sa personne,
tous ces obstacles n'elTrayèrent pas
Trousou du (]()U(lray. liCs deux IVlé-
inoires qu'il publia en faveur de son
client |)euv('iit être regardés comme
les monunn;nts d'une logi(pie vive ot
TRO
pressante, d'un goût dont l'ancien
barreau n'offre pas de nombreux mo-
dèles, d'un style dont la simplicité
n'exclut jamais ni l'élcgance ni la
noblesse. La beauté d'un organe plein
et sonore, et la majesté de la décla-
mation fortifiaient encore chez Tron-
son du Coudray le pouvoir de l'élo-
quence; l'innocence du sieur Cazeaux
fut proclamée par ses juges. Ce pre-
mier succès fut le présage de ceux
qui attendaient Tronson dans le cours
de son honorable carrière. Eveillée
par un triomphe aussi éclatant, l'at-
tention publique se fixa sur lui , et la
confiance d'une nombreuse clientelle
vint bientôt récompenser ses etlbrts.
Outre ses fréquentes plaidoiries, la
publication d'un grand nombre de
Mémoires consolida en peu de temps
sa réputation. Les circonstances et
les hommes sont déjà bien loin de
nous • mais la lecture de ces Mémoi-
res offre toujours de l'attrait à qui-
conque sait apprécier la puissance
de la raison, les grâces du style et la
finesse de la plaisanterie. On n'a pas
oublié surtout celui qu'il composa
pour le barreau de Nogeut-le-Ro-
trou^ contre un savetier de cette
ville , qui prétendait se faire admet-
tre dans l'ordre des avocats. Le Mé-
moire pour la demoiselle Sainval ,
actrice de la Comédie française , con-
tre une autre actrice , la dame Ves-
tris, peut être considéré comme un
traité complet des devoirs que les
chi^s d'emploi ont à remplir envers
leurs doubles. Ce traité est revêtu
des formes les plus piquantes et les
plus ingénieuses : il n'a perdu aucun
des cléments du succès qu'il obtint
lors de sa publication. La révolution
trouva Tronson du Coudray parve-
nu au milieu d'une carrière que de
nouveaux succès rendaient chaque
jour plus briliautc. L'ancien régime
TRO 589
l'avait environné de considération,
il n'avait aucun intérêt à l'attaquer.
Aussi, bien que la nécessité de quel-
ques réformes ne pût échapper à la
rectitude de son esprit , on ne le vit
ni insulter au passé, ni accueillir
aveuglément les folles espérances de
l'avenir. Un Mémoire plein de cou-
rage contre le pillage de la manufac-
ture de Réveillon vint révéler au
public toute la pensée de Tronson
du Coudray sur les excès de la li-
berté naissante et déjà sanguinaire
comme la tyrannie. Lorsque les bri-
gands dont il avait deviné les projets
eurent réussi à ensevelir sous les dé-
bris du trône les lois, et jusqu'aux
moindres formes de l'ancienne mo-
narchie, Tronson n'abjura pas le
respect qu'il av'ait voué à la royauté^
et se rangea au nombre des plus fi-
dèles serviteurs du roi malheureux.
Target avait refusé de défendre
Louis X\T devant la Convention.
Le bruit s'était faussement répandu
que Tronchet lui-même refusait de
prêter son ministère à la plus juste
des causes. Tronson écrivit au prési-
dent de la Convention , pour sollici-
ter l'honneur de remplir un devoir
sacré. Un tel exemple pouvait deve-
nir dangereux; la lettre ne fut pas
même insérée dans les procès-ver-
baux de la Convention ; mais Tron-
son ne perdit pas courage ; il réitéra
l'ollie de défendre l'auguste accusé,
dans une nouvelle lettre qu'il adressa
à tous les journaux, sous la date du
16 décembre 1792. Cette lettre fut
publiée en ces termes, par le journal
du soir , que rédigeait alors M. Etien-
ne Feuillant. « Je crois devoir ren-
» dre publique l'oUre que je faisais
» le 1 4 de ce mois à la Convention
)) nationale de défendre Louis ^ oOrc
» que probablement on n'a pas jugé
» à propos de lui conimuniquer ,
Syo TRO
» ]),'ircc qu'elle devenait inutile dans
» les ciicoiistances. J'aurais rej^arde
)) comme inconvenant et iiidiscret de
» provenir le choix de Louis 5 mais
)) les feuilles du soir ayant annonce
» que le citoyen Target lui refusait
» ses conseils , et suppose que le ci-
» toyen Tronchet n'avait pas accep-
» té , il m'a paru affreux que l'ac-
» cuse du Temple fût délaissé par les
» hommes qui se consacrent par état
» à la défense des malheureux. Je
» sentais vivement qu'une cause de
» ce genre demandait de tous autres
» talents que des discussions judi-
» ciaires; mais j'ai cru qu'étant un
1) des anciens du barreau actuel ,
» c'était un devoir pour moi d'aller
» au-devant des périls que d'autres
)) semblaient redouter. J'ai donc
» écrit sur-le-champ au président de
)) la Convention, pour l'avertir que
» j 'offrais à Louis de le défendre à
» la barre. On ne me fera prolwble-
» ment pas l'injure de supposer
)> qu'une fausse gloire m'ait détermi-
M ué; j'étais au contraire à-peu-près
11 sûr , vu la brièveté du temps , de
» compromettre les intérêts de mon
» amour-propi-e. C'est donc tout sim-
» plement un devoir que je croyais
» remplir, et je veux que mes cou-
» citoyens en soient instruits. y> La
généreuse ambition de Tronson du
Coudray ne fut point satisfaite ; mais
de nobles compensations vinrent s'of-
frir à son courage. Les victimes sans
nombre qui furent traduites au tri-
bunal révolutionnaire trouvèrent
toujours en lui un défenseur prêt à
affronter la rage de leurs bourreaux.
Apres s'être souillée du régicide , la
révolution, dans les neuf premiers
mois de i'"9^, avait sacrifié avec
une égale fureur et les hommes dont
la naissance , la fortune ou la vertu
lui portaient ombrage, et ceux mê-
TRO
mes dont les crimes l'avaient le
plus puissamment servie. Altérée du
sang royal, elle arracha enfin de
la prison du Temple la reine de Fi-an-
ce , pour la traîner, dans les pre-
miers jours d'octobre, devant les
juges qui avaient l'eçu la mission
d'immoler tant de nobles innocents.
Tronson du Coudray fut , avec Chau-
veau - Lagarde, choisi d'office pour
défenseur de Marie- Antoinette. L'his-
toire , en racontant les détails'du pro-
cès où cette reine infortunée se mon-
tra toul-à-la-fois la digne fille de Ma-
rie-Thérèse et la digne épouse du pe-
tit-fds deLouis XlV( ^.Marie-An-
toinette), n'oubliera pas l'éloquen-
ce de Tronson du Coudray , surtout
le respect profond et le dévouement
sans bornes dont il fit preuve pour
son auguste cliente. Après la mort de
Marie - Antoinette , Tronson fut dé-
noncé et arrêté. Il allait être mis en
jugement , c'est-à-dire , traîné au sup-
pbce , lorsque la Convention, peut-
être par un reste de pudeur, décréta
son élargissement. Tronson dis])arut
du théâtre de tant d'horreurs. Il at-
tendit, dans la retraite, un meilleur
temps, jusqu'au jour où les électeurs
de Seine-et-Oise le portèrent au con-
seil des anciens, conjointement avec
Tronchet, Le Brun et Dumas. La
tribune publique ne le trouva pas
moins éloquent que le barreau; mais
aussi elle le trouva toujours fidèle à
cette modération , à cette probité po-
litique qui ne l'avaient jamais aban-
donné. « Tronson-Ducoudray , dit
» M. Ch. de Lacretclle (i), brillait
» surtout dans les répliques , et lors-
» qu'il n'avait pas le temps d'embellir
» ses discussions. J'ai parlé de son
» courasre et de son dévouement dans
{1) ffiiliiiir fli: Fn/Hrc pendaul le dix-huilu-nif
lièclo, loin. SIV , (lag- lî.
TRO
» le procès de la rrinc. Cotait par
» un elFort de caractère et par l'im-
» pulsion d'une arae honnête qu'il
» tenaitau parti modère ;car il avait
» un excès de chaleur et un éclat
» d'imap;ination qui eussent fait la
» fortune d'un tribun du peuple. »
L'opinion de la France se pro-
nonçait chaque jour avec une nou-
velle force contre le Directoire. ïron-
son n'hésita pas à se dcclarer ouver-
tement l'interprète des vœux, qu'où
formait de toutes parts. Malheureu-
sement ni lui ni ses amis dans les
deux conseils ne surent prévenir ,
en agissant avec vigueur, les atta-
ques de leurs ennemis. Le dix - huit
fructidor éclata sur la tète de Tron-
soii , de Barthélemi, Murinais , Pi-
clipgru et de tant d'antres hommes
honorables , comme le 9 thermidor
aurait éclaté sur la tête de Tallien ,
si l'instinct de son propre sa! ut n'a-
vait poussé l'homme du a sep-
tembre, à diriger d'avance sur Ro-
bespierre la foudre qui menaçait
de l'écraser lui - même. Tronson et
ses collègues furent arrêtes, enfermés
au Temple, puis traînés sur un cha-
riot et dans une cage de fer à Ro-
chefort , d'où ils furent embarqués
pourCaïenue. Nous renvoyonsles lec-
teurs aux Anecdotes secrètes sur le
1 8 fructidor, au Journal de Ramel et
aux Mémoires de M. de Laruc ,\)Oi\v
connaître jusqu'à quels excès fut por-
tée envers ces illustres victimes la
barbarie du Directoire. Le climat de
Caïenne parut encore trop salubre :
ils furent transportés à Synamari ,
oîi plusieurs d'entre eux devaient
trouver , dans une lente agonie , le
terme de leurs souifrances. Le ver-
tueux Murinais y succomba le pre-
mier ; Tronson voulut louer l'hom-
me juste à l'aspect de sa tombe ; il
composa l'éloge funèbre de son col-
TRO 691
lègue , et le prononça , avec la mê-
me solennité qu'il aurait déployée à
la tribune , devant ses comjjagnons
d'infortune et en présence des sol-
dats de la garnison et des nègres ac-
courus pour l'entendre. Il avait pris
pour texte ce verset du psalmiste :
Super Jlumina Bahrlonis illic sedi-
vms etjlevimus, cùni rt-cordarcmur
Sien. « Sa touchante éloquence, dit
» Ramel ^ son organe si plein d'har-
» monie, la vive peinture qu'il (itdes
» malheurs de la France , l'éclat dont
» il fit briller le courage, la loyauté,
•>■> la candeur et l'innocence du vieil-
» lard, nous firent verserdes larmes.
» Les soldats et les nègres furent d'à
» bord émus, puis tellement entraî-
» nés, que le fort retentit de leurs
» gémissements. » Tronson , déjà
malade avant de quitter la France,
ne ]iut résister long-temps aux maux
toujours croissants qui venaient l'ac-
cabler. Quelques-uns de ses compa-
gnons d'iufort'uie avaient suivi de
près Murinais ; d'autres se disposaient
à affronter les hasards d'une naviga-
tion périlleuse, pour aller chercher au \
rivage de Surinam l'hospitalité que
leur l'efusait leurpatrie. La veiilede sa
mort,Tronson disait àRamel,run d'en,
tre eux : « Mon cher Ramel , empor-
') tez-moisivouspouvez.» Prèsd'espi-
rer , il en fit appeler plusieurs. Voici
les dernières paroles qu'il leur adres-
sa : « Si vous revoyez mes amis, di-
» tes -leur que mon dernier soupir a
» été pour eux et pour mon paysj
» n'oubliez pas mes enfants (2). » En
(9.) Esmenartl (Poème Je la navigition , ch. (i).
parlant du lupnel des proscrits de Syaniari , après
la rliule du nirectoirc, rappel qu'il u'avait pas
été donne à Tronson de voir , adresse à son ombre
celle touchante apostrophe :
Adieu, tombeau sacre, lugubre luonuiuenl ,
Cendres de l'orateur dont le xMe eloi|ni'nl
Di fendit >ans espoir, mais avec tant de iliarmes ,
La grandeur dans les l'ers, la béante dans les larmes!
Ombre illustre, enrh.iîuée ?i ces bords pleins
d'efl'roi ,
592 TRO
effet ses enfants n'avaient pas cessé
d'être, dans son exil, l'objet de sa
tendre sollicitude. 11 y avait rédige ,
pour eux , des instructions qu'à son
lit de mort il remit à sou ami M.
Barbé -Marbois, qui lui ferma les
yeux. On a prétendu à tort que ces
instructions avaient été perdues. M.
de Marbois a rapporté en France et
remis à la famille de Tronson du
Coudray ce manuscrit si précieux
pour elle (3). C'est le code de
l'honnête homme et du bon ci-
toyen. Tronson du Coudray avait
laissé trois enfants. L'aîné , Alexan-
dre, a péri dans la campagne de
Russie. Un autre fils et une fille ont
survécu j et tous deux ont éprouvé
les effets de la munificence et de la
bonté royales. On annonce , comme
e'tant sous presse , un Recueil de ses
Plaidoyers et de ses Mémoires les
plus remarquables. Ce Recueil, dé-
dié à Sa Majesté, est publié par son
fils Emile Tronson du Coudray , ca-
pitaine d'infanterie^ et par son gen-
dre , M. INIichelin, conseiller réfé-
rendaire à la cour des comptes.
A. L— D.
TROOST (Corneille) , peintre
d'Amsterdam , né en 1697 , fut
élève d'Arnold Booneu. Après être
resté deux ans et demi dans l'école
de ce maître , et s'être rendu fami-
lière la peinture à l'huile , au pastel et
en détrempe, il se décida à n'en plus
avoir d'autre que la nature j et ses
premiers ouvrages annoncèrent un
talent si éminent, qu'ils excitèrent
l'envie de tous ses rivaux : ils se mi-
rent à le décrier j mais le public en
L'amilic drsoice , cii les qiiiUaiit sans toi ,
Sur ta luuibc du luuiiis courbe uu lidèlc ombrage,
etc. , etc.
(3) lien eiislc une édition «on» ce lllrc : /ns-
tnicliuns ridi^KCf pour srf cii/anls cl ses ronci-
toyens , en 171)8 , in-8". sau» (latc , mais postliu-
lue. A. Il— T.
TRO
jugea tout autiement , et Troost vit
ses productions recherchées par tous
les amateurs. Il se montra également
suj)ériciu-dans la peinture historique,
dans celle de genre et dans le por-
trait. L'ouvrage par lequel il fit con-
naître sa supériorité est un tableau
représentant les portraits en pied et
de grandeur naturelle des cinq ins-
pecteurs du collège des médecins. La
plupart des directeurs des diiférentes
corporations de la ville se firent pein-
dre par lui, et firent placer ces por-
traits dans les salles de leurs séances.
Il peignit aussi les directeurs de
l'hospice des orphelins, et ceux de
la confrérie des tonneliers. Il fit éga-
lement deux autres tableaux pour la
salle des chirurgiens. On regarde
comme son chef-d'œuvre celui dans
lequel il a représenté les principaux
chirurgiens d'Amsterdam, assis au-
tour d'une table sur laquelle est un
cadavre, tandis que le professeur, de-
bout et le scalpel en main , fait^ une
démonstrationd'anatomie.Toutesles
j^arlies de ce beau tableau méritent
des louanges ; il y règne une belle
harmonie , et le fond clair sur lequel
les figures se détachent domie une
grande valeur aux objets placés
sur le premier plan. On met aussi au
nombre de ses productions capitales
le portrait de Boerhaave , qui fut
placé dans la salle d'anatomie. Ses
petits tableaux étaient peut-être plus
recherchés encore. Ce sont des scè-
nes familières , tirées, eu grande
partie , des comédies les plus en
vogue de son temps , et qui l'on fait
surnommer le IFatteau hollandais.
La composition en est spirituelle et
gaie , quelquefois même un peu librej
mais la touche en est légère et facile,
lacoulcurdélicate et transparente. On
vante surtout un corj)S-de-gardc où
sont assemblés des officiers jla cham-
TRO
bre d'une accouchée hollandaise ;
une dame et un jeune seigucur faisant
delà musique; Job snrson fumier j la
fille ravie , ou le tuteur trompe' ; les
philosophes, ou la 1111e échappée ; le
bureau des paysans à Puytewec ; et
particuhèrcmeut une composition in-
génieuse tirée du Tartuffe de Molière,
Ses dessins, qiii sont nombreux, sont
également recherchés : ils sont ordi-
nairement au crayon, et retouchés
aA ec le pinceau. Troost se maria , et
eut cinq filles , dont l'une, nommée
Sara , peignit le portrait avec un
talent remarquable. II mourut d'une
attaque dégoutte, le 7 mars i^So.
Il a gravé eu manière noire les pièces
suivantes de sa composition: î. Buste
d'un vieillard à grande barbe et vu
de profil. II. tJne jeune fille qui
dessine à la loupe. III. Portrait de
Locatelli , peintre de Bergame. IV.
Portrait du poète Vlaming, avec deux
vues hollandaises. Les ouvrages de ce
peintre ont beaucoup exercé le burin
des graveurs ; et les estampes faites
d'après ses scènes familières sont re-
cherchées à cause de la gaîtc et de la
vérité qu'il a su faire régner dans ses
compositions. P — s.
TROSCHEL ( Jean ) , graveur au
burin , né à Nuremberg vers 1 592 ,
reçut de Pierre Isselburg celte ma-
nière large et cette beauté d'exécu-
tion qui distinguent son burin. Ses
progrès, sous ce maître habile , fu-
rent extrêmement rapides, et il se fit
une juste réputation par une Suite
de beaux paysages qu'il exécuta pen-
dant qu'il fréquentait cette école. Il
grava ensuite le Portrait de l'empe-
reur Ferdinand II, ainsi que la
belle estampe qui représente la Nou-
velle maison de justice de Nurem-
berg. Précédé par la renommée de
son talent, il se rendit à Rome, en
1O62, il y fut accueilli de la manic-
XLVI.
TRO 593
re la plus distinguée par Villamena ,
qui le prit chezlui,et lui confia l'exé-
cution de plusieurs ouvrages impor-
tants. Troschel l'emporta bientôt sur
tous ses concurrents par une facilité
étonnante et une grande finesse d'exé-
cution ; sou bunn était tout à-la-fois
ferme et moelleux , et ses ouvra^^es
décèlent le sentiment de la couleur.
Les plus remarquables sont : I. La
Conception de la Fierge , d'après
Bernard Castelh. II. Une très-gran-
de thèse , dédiée au cardinal-prince
Maurice de Savoie. III. U empereur
Julien, auquel on montre le cœur
d'un taureau, sur lequel se trouve
empreinte une croix surmontée d'u-
ne couronne, d'après Antoine dalle
Pomarance.I V. Le Portrait de Louis
XIF, que l'on regarde comme son
chef-d'œuvre. Cet artiste fut trouvé
mort, en 1(333, au bas de son escalier,
et fut enterré d'une manière hono-
rable dans l'église de Sainte-Marie du
Peuple , à Rome. Plusieurs de ses es-
tampes sont marquées de son chiffre,
formé des lettres H T entrelacées. —
Pierre Troschel ,fils du précédent et
son élève, naquit à Nuremberg vers
l'an 1620. Sans avoir la célébrité de
son père, il ne fut pas dénué de ta-
lent; il a gravé quelques pièces au
burin , marquées des lettres initiales
de son nom P. T., avec la date. P-s.
TROST (Martin), orientaliste, né,
en i588 , à Hoexter en Westphalie,
fut professeur de langue hébraïcjue
àKoethen . Eelmstadt, Rostock-et
enfin à Wittenbcrg , où il mourut le
8 avril i63t). Ou a de lui : 1. Novum,
Testamentum syriacè cuni versione
latind, item variantes lectiones ex
quinque imprcssis editionibus col-
leclœ , Koetlien, i(52i , in- 4"- H-
Kœdem variœ lectiones, dans le t. 6,
Bib. poly. Faltoni.Ml. Lexicon s;^-
riacitm ex induclione omnium exeni-
38
594 TRO
plariuni N. Testamenti sjriaci
adornatum , adjectd vocahulorum
signijicatione lat. et g'erm.,Koctheu,
i(j'i3, \n-f\*\\N . De mutationc punc-
toruin hebrœorum générait , Wit-
lenberg, i(j33, in-4". V. Gramina-
tica hebrœa generalis , oui accedit
ch(ildœo-sjriasmus , ibid. , secon-
de édition , \63'j , in-4". Eadem
recognita et locupletata , ibid. ,
i663, in-4°- — Trost ( Jean-Mar
tin ) , rae'decin , fds du précèdent ,
a publie : T. De dj-senterid, Runtkel,
I ti'j'j , in- 4°. II- De Ijthiasi , ibid.,
167S, in-4°. 111. De febre per se
nunquam lethiferd , Halle, 1714?
in-4''. Gr Y.
TROTTI (le clievalier Jean-
Baptiste ), peintre , ne à Crémone
en 1 555 , fut le disciple chcri de
Bernardino Campi, qui, du vivant
même de son élève, publia la Vie
fpi'en avait écrite le Lama. Campi
n'aima aucun de ses élèves avec au-
tant de tendresse. Il lui doima la main
de sa nièce , et l'institua , en mouiant,
héritier de son école. Trotti ayant
été appelé à Parme , pour y pein-
dre en concurrence avec Augustin
Carrache, et ayant mieux réussi à
la cour que son compétiteur, Augus-
lin disait que c'était un mauvais os
( mal osso) qu'on lui avait donné à
ronger. C'est de là que lui vient le
surnom de Malosso , qu'il adopta
sans diiricnlté; il l'a même placé an
lias de quelques-uns de ses tableaux,,
cl le transmit , presque coinnic un
héritage à son neveu. Ainsi il regar-
da comme un éloge ce (pii , dans la
bouche du Carrache, n'était que l'ex-
pression du blàmc. En cllcl, quel que
fût le taloit de Trolti , il n't-galait
son rival ni pai- la beauté du dessin
ni par le goûl sohdc de la pcinluie j
mais il avait des f|iialiléM piltorcs-
ques exIrèiiK'iiH'iit .vf'duis.inles , el (jui
TRO
pouvaient justifier la préfe'rence qu'il
obtenait chez beaucoup de personnes.
Il ne suivit la manii:re de Beiuiardino
que dans ses premières productions.
Plus tard , il lit une élude particu-
lière du Corrège; mais c'est au 'So-
jaro surtout qu'il s'efforça de ressem-
bler. Il imita , dans la plupart de ses
ouvrages, son style riant, aimable,
franc et brillant , la variété de ses
raccourcis et l'esprit qui anime le
mouvement de ses figures. Peut-être
en abusa-t-il jusqu'à un certain point,
en prodiguant le blanc et d'autres
couleurs éclatantes, sans les éteindre
autant qu'il l'aurait dû, par des de-
mi teintes. C'est ce qui fait que l'on
reproche à quelques - uns de ses ta-
bleaux de ressembler à de la peinture
sur porcelaine, de manquer de re-
lief, ou , comme Baldinucci le remar-
que, d'être parfois un peu durs. Ses
têtes sont d'une beauté ravissante ; el-
les s'arrondissent avec grâce , et leur
sourire est plein d'amabilité : mais,
dans le même tableau , il ne se gêne pas
pour en répéter presque exactement
les traits, la couleur et la pose. C'est
à la précipitation excessive avec la-
quelle il travaillait qu'il faut attri-
buer ce défaut; car lorsqu'il le veut,
il sait, non -seulement varier ses fi-
gures, mais ses comjiositions , com-
me le prouveut d'une manière bien
remarquable la Décollation de saint
Jean , à Saint-Dominique de Crémo-
ne, et les diilérentes Conception de
la Vierge qu'il fit pour les églises de
Saint-François et de Saint- Augustin
de Plaisance. Dans toutes , on voit
briller quelque idée nouvelle. 11 sa-
vait prendre également le style qu'il
voulait. Il peignit, dans l'église du
dôme de Crémone, un Christ en
croix , entouré de plusieurs saints ,
dans le meilleur goût vénitien. La
Saillie Marie Egyptienne repoiissée
TRO
du temple, que l'on voit dans l'e'gli-
sc de Saint-Pierre de la même ville ,
tient beaucoup du style de l'école ro-
maine; et une Piété, que l'on voit à
Saïut-Abondio, prouve qu'il n'a pas
dédaigné de paraître un Carrache.
Les talents qu'il déploya dans les pein-
tures à fresque lui méritèrent l'iion-
neur d'être fait chevalier. Les plus
célèbres sont celles qu'il a exécutées
dans le palais de Parme appelé le
Jardin. La coupole de Saint-Abondio
est également une vaste machine.
Dans cet ouvrage , il est vrai , Trotti
ne fit que suivre les dessins de Jules
Campi ; mais il y déploya une telle
puissance de pinceau, une si grande
vigueur de coloris , qiu'il égale l'inven-
tion , s'il ne la surpassepas. Toutefois
on ne ])eut disconvenir que Jules et
ses imitateurs ne savent point varier
leurs groupes d'anges avec l'art que
déployèrent depuis les Carraches. On
a tâché d'atténuer le reproche de
dureté fait à Trotti, en le faisant re-
tomber sur ses élèves ou ses collabo-
rateurs , dont les tableaux lui ont été
attribués à tort. Cela peut être vrai
pour quelques-uns; mais il en reste
de signés par Trotti , particulière-
ment à Plaisance, qui pèchent réel-
lemeut par ce défaut , ce qui l'empê-
che d'être mis au premier rang des ar-
tistes. Il forma un grand nombre d'élè-
ves,entreautreslesdeux frères Ermé-
negilde etManfredi deLodi, Etienne
Lambriet Christophe Augusta. J.-B.
Troltimourutaprès l'an 1602. — Eu-
clide Trotti ,ncveu et élèvedu précé-
dent, fut un de ses plus heureux imi-
tateurs. Il ne reste dans sa patrie que
deux tableaux qu'on puisse lui attri-
buer avec certitude ; ce sont deux su-
jets tirés de la rie de l'apôtre saint
Jacques , que l'on voit dans l'église
de Saiut-Sigismond. Ils avaient d'a-
bord clé ébauches par Jules Calvi ;
TRO
5()5
mais Euclide les termina , et y dé-
ploya une imitation du style de son
oncle qu'on ne peut trop louer. On
croit que le tableau de l'Ascension ,
à Saint-Antoine de Milan , est entiè-
rement de lui. C'est une très - belle
composition et d'un style plus grave
que ne le sont ordinairtmeut les pro-
ductions du vieux Malosso. Ce sont
les seules peintures qu'on lui attri-
bue; et il ne put guère, en effet , en
produire un plus grand nombre : car,
jeune encore , s'étant rendu coupable
du crime de haute trahison, il fiit
mis en prison , où il mourut , à ce
qu'on croit, du poison que lui firent
prendre ses parents , pour lui épar-
gner l'infamie d'un supplice. P — s.
TROTZ (Curetien-Henbi), doc-
teur en droit, né en 1701 à Col-
berg , fut professeur de droità Frane-
ker en Hollande, recteur de l'acadé-
mie, et professeur de droit hollandais
à Utrecht. Cette dernière nomination
fut d'autant plus flatteuse qu'il n'y
avait point de chaire vacante à l'uni-
versité , et que le magistrat lui fît un
traitement extraordinaire. II mourut
dans cette ville, en 1773. Trotz a
publié: I. De termino moto, Utrecht,
1780, in-4". C'est un traité de Tori-
gine àes bornes, selon le droit des
nations ; du respect religieux qu'elles
ont toujours montré pour la sainteté
des bornes ; du crime que commet
celui qui transpose les bornes de son
champ, etc. II. /. Gothofredi opé-
ra juridica minora , sive libelli ,
tractatus , etc. ,Leyde, i733,in-fol.
III. Ch. ïVœchtleri opuscula , avec
des observations critiques , ibid. ,
1733, in-8". ÏV. Hermanus Hugo
de prinid scrihendi origine et uni-
ver sd rei litterariœ antiquitate, etc. ,
Utrecht , 1 738 , in-B". V. Edm. Me
rilli , Tricassini , jurisconsulti , à
consiliis régis , in acadeniid metro-
38..
>gfj
TRO
polis Biturigum primicerii , in qua-
tuor libros , Institutionum imperia-
lium commentarii principales , etc.,
ibid., 1739, in-4". VI. Gui. Ma-
rani opéra omnia seu paratitla Di-
gestonan et vaiii traclaliis juris ci-
vilis , cum autoris vitd , ibid. ,
1741 7 in-fol. VII. De Ubertate sen-
tiendi dicendique jurisconsultispro-
prid , Franeker, 174I5 in-4''- VIII.
Thèses juris publiai ad leges fun-
damentales Fœderati Belgii , ibid. ,
1745 à 1747 , in - 4". IX. Jus
agrarium Fœderati Belgii , ibid. ,
1753, 2 vol. in-4°. X. Jus agra-
rium Bomanonim . ibid. , 1753 ,
in- 4"' Ces deux derniers ouvrages
sont mis au nombre des livres rares.
X I . De jure Fœderati Belgii puhlico,
Utreclit , 1 755 , in-4°. Il s'était pro-
posé de publier les OEuvres de Sym-
maque , avec des notes. Il paraît que
son travail est resté manuscrit. On
dit qu'il est l'auteur du Macldavel
républicain , qui parut , de son temps,
en hollandais j mais on n'en a point
la certitude. G — y.
TROUILLET (Jacques-Joseph),
historien, né le 19 février 17 16 à
Ornans, en Franche- Comté ;, em-
brassa l'état ecclésiastique , et fut
pourvu de la cure de sa ville natale.
L'académie de Besançon , nouvelle-
ment fondée, excitait dans la pro-
vince une honorable émulation. L'ab-
bé Trouillet se présenta pour dispu-
ter les prix qu'elle proposait au con-
cours j et quoiqu'il eût un adversaire
redoutable dans l'abbé Bcrgicr ( V.
ce nom), il sortit vainqueur de la
lice, presque aussi souvent qu'il y des-
cendit. Admis dans cette cumna"nie,
il y lut plusieurs Mémoires pleins
d'érudition , et le Vlan d'une His-
toire des saints de Franclu--Cnmte\
qu'il se proposait de publier. Le sa-
vant abbé liullcl ( F. «;c nom ), son
TRO
maître , et depuis son ami , l'institua
son héritier; mais il s'empressa de
faire l'abandon de tousses droits aux
parents pauvres de ce professeur. Il
remplaça Bergier , nommé chanoine
de Paris , dans la charge de princi-
pal du collège de Besançon; mais il
ne tarda pas de s'en démettre pour
retourner dans sa ville natale, où il
reprit les fonctions du saint minis-
tère , consacrant ses loisirs à l'étude
des lettres et de l'histoire. Ayant re-
fusé de prêter le serment exigé des
ecclésiastiques , il fut arrêté pendant
la régime de la terreur, et mis en ré-
clusion. Quelques amis timides en-
levèrent alors de son cabinet tous
ses manuscrits et les jetèrent au feu ,
dans la crainte que s'ils tombaient
dans les mains des révolutionnaires
on n'y trouvât des motifs pour tra-
duire l'auteur devant les tribunaux.
Devenu libre , il eut à regretter les
travaux de sa vie entière et sa bi-
bliothèque qu'un zèle aveugle n'a-
vait point épargnée. Il accepta l'asile
qu'un de ses confrères lui olfrait à
Lons-ie-Saunier , et il y mourut le 3
mai 1809. Outre l'ouvrage dont on
a parlé , on a de ce savant modeste
quatre Dissertations sur les sujets
suivants: I. Quel était V Hercule ap-
pelé Ogmius par les Gaulois, et
pourquoi la représentation de ce
Dieu était-elle accompagnée des
attributs que rapporte Lucien ? Le
Mémoire de Trouillet fut couronné
en 1 756, Bergier obtint l'accessit. II.
Quelles étaient les voies romaines
flansles pays des Séquanois ? Dom
Jourdain f / '. ce nom ) obtint le prix •
mais Trouillet eut l'accessit, 175G.
III. Est-ce à titre de conquête ou
d'hospitalité que les Bourguignons
Jurent admis dans les Gaules ?
couronné en 1758. IV. Quelles
ont été les villes principales du
TRO
comte de Bourgogne depuis le on-
zième siècle 7 Ce Mémoire de Trouil-
let partagea le prix, en 1759, avec
celui de dom Bertliod {F. ce uoiu).
Ces ouvrages sont conservés en ma-
nuscrit dans les Recueils de l'acadé-
mie de Besançon , ainsi que le sui-
vant : V. Notice des registres pa-
roissiaux du diocèse. Voy. son Elo-
ge par M. Grappin , dans les procès-
verbaux de cette compagnie , séan-
ce du 2 décembre 1809, W — s.
TROUVILLE (Jean-Baptiste-
Emmanuel-Hermand de), ingénieur
hjdraulicieu, naquit à Paris, en i ']^Q,
et fit ses études au collège des Gras-
sins , de la manière la plus brillante.
Passionné pour la physique, il la
cultiva dès sa jeunesse avec beaucoup
d'ardeur , et dépensa en expériences
des sommes considérables. L'aca-
démie des sciences ayant demandé ,
en 1787 , les moyens les plus écono-
miques de fournir de l'eau à une
grande ville , Trouville lui présenta
un Mémoire contenant la description
d'une machine à l'aide de laquelle il
se flattait d'élever les eaux de la
Seine en quantité suffisante pour four-
nir à tous les besoins des habitants
de Paris , et pour entretenir la plus
grande propreté dans les rues. L'a-
cadémie ne lui adjugea pas le prix
(l); mais elle reconnut dans son tra-
vail des vues utiles et ingénieuses.
L'état de sa fortune ne lui permettant
pas de faire en grand l'expérience
de ses inventions , il réclama , le 5
septembre 1790, de l'Assemblée
constituante , des secours , à l'effet ,
dit-il , de construire une machine qui
doit transporter les fleuves et les
mers sur les plus hautes montagnes.
Sa demande fut renvoyée à une com-
mission , et un décret du 3 février
(1) Ce |<rix fut (Icccriii; h M. Gouduuiii-Dcshais.
TRO
^97
1791 chargea le comité d'agri<-ul-
ture d'examiner sa machine , et d'en
faire dresser le devis. L'inventeur l'a-
vait nommée Pompe à feu , à froid et
à chaud, à cause delà possibilité de
la faire marcher par le moyen du
feu , sans en changer la constructioa
(2). En 1792 , Trouville présenta à
la municipalité de Paris un projet
d'inondation artificielle au moyen de
deux grands rései-voirs , servis cha-
cun par une nouvelle machine à va-
peur , capable d'élever à trente pieds
de hauteur trente-trois mille sept cent
quati-e-vingt-douze toises cubes d'eau
en quarante-huit heures , avec sept
cent vingt livres de charbon. Eu
1798 , il réclama l'exécution du dé-
cret dont on a parlé, et demanda que
le conseil des Cinq-Cents nommât ,
dans son sein , une commission char-
gée de vérifier un nouveau moyen
qu'il avait découvert pour porter les
eaux dans tous les quartiers de Paris
sans le secours d'aucune mécanique j
et de prendre connaissance de son
plan pour l'établissement d'un canal
du Havre à Paris , par le parc de
Versaifles , dont il n'évaluait la dé-
pense qu'à cinquante millions. L'an-
née suivante , il remit au ministre de
la marine un projet pour le curage
du port de Marseille. Le moyen qu'il
proposait , quoique ingénieux , fut
abandonné , parce qu'il en aurait
coûté douze mille francs pour un
premier essai. Trouville s'était as-
socié un collaborateur nommé Pois-
senet, qui dessinait pour lui. Ils pré-
sentèrent ensemble, en 1800 , à la
première classe de l'institut , un Mé-
moire sur une machine qu'ils appe-
laient Aero-jUmalc , qui était une
application des moyens employés
(il f)n Iruiivc la dcscri|itioii de ci-llc inachiuc
ànuiU Vulltlm u». i\Qdf liiSociclc d'iTiicinnn-
ffemeifl.
5.jS
TRO
depuis les temps antiqnes , dans
l'Inde et rAmorique, pour traverser
les fleuves au moyen de cordes
d'e'corce ou de chanvre tendues
d'une rive à l'autre , et qui sont re-
présentées maintenant par les ponts
suspendus construits en {ils ou en
barres métalliques. Le mécanisme
proposé par Trouville et Poisscnet
avait pour objet de procurer à ceux
qui traversent les fleuves, et qui
se trouvent placés dans une nacelle
suspendue aux cordes , faisant l'ofîi-
ce de pont, les moyens de faire mou-
voir celte nacelle tant dans le sens
horizontal, transversal au courant ,
que dans le sens vertical. Ces mes-
sieurs avaient m.inifesté de bien hau-
tes espérances sur l'ulilité de leur
mécanisme: il ne s'af!;issait pas seule-
ment de faire franchir des rivières ,
des torrents , des précipices à des
voyageurs, mais de pouvoir, dans
certauis cas de débâcles, sauver les
hommes, les animaux et mtrae les
clléts entraînés par les eaux, de fai-
re passer une armée avec son ba-
gage, et même son artillerie , d'un
plateau de montagne à Vautre ,
pour éviter des circuits, dont les lon-
gueurs peuvent être très -nuisibles
aux opérations militaires, etc. Des
expériences furent faites à Paris dans
le jardin de Tivoli, sur des cordes
susj)enducs à des points fixes , dont
la distance était d'un peu moins de
cent mètres; raisonnant, tant d'après
ces expériences que d'après des con-
sidéi ations beaucoup plus générales ,
J'aiifeur de cet article, rapporteur
d'une commission dont il était mem-
lue avec MM. Bossut et Lcgendre ,
conclut que la machine projïosée
ii'ofTiail qu'une utilité très-bornée
dans des circoustaiices fort rares, vl
ne ])ouvait pas d'ailleurs être eui-
ployc'c avec sûreté au passage des
TUO
grandes rivières. Cette conclusion
fut adoptée par la première classe
de l'institut. Trouville crut avoir
trouvé l'occasion de faire un essai
de ses découvertes , en se char-
geant du dessèchement de la Hol-
lande, et il proposa au gouvernement
batave de dessécher le lac de Har-
lem. Cette dernière démarche ne fut
pas moins inutile que les précédentes.
II avait dépensé , dans des vues d'u-
tilité publique , toute sa fortune et
celle de sa femme. Il mourut pauvre
et oublié , vers la fin d'août i8i3.
Ses Mémoires et ses machines sont
déposés au Conservatoire des arts et
métiers. On trouve une courte Notice
sur cet artiste dans le Moniteur du
ï6 septembre 1 81 3. F — ny.
TROYA d'ASSIGNY Louis),
prêtre appelant , du diocèse de Gre-
noble, vint à Paris, où il exerça
le ministère dans l'hôpital de la
Salpêtrière. On le soupçonna , avec
quelque fondement , de travailler
aux Nouvelles ecclésiastiques, quand
cette feuille commença de paraî-
tre. \\ fut arrête au mois d'octobre
17*28, et mis à la Bastille; mais
on lui rendit la liberté au mois de
mai suivant. Depuis, l'abbé Troya
resta caché dans Paris et s'occupa
de la composition de brochures sur
les disjiules du temps. Ces écrits, qui
parurent tous anonymes, sont : 1.
Dénonciation faite à tous les évo-
ques de France par le corps des
pasteurs ou autres ecclésiastiques
du second ordre , des Jésuites et de
leurs doctriiu'S , i7'27 , in - 4"- H-
Catéchisme historique et dogmati-
que sur les contestations qui divi-
sent VEi^lise,{{v: concert avec l'abbé
Founpu-vaux, ijx(^ ,\n-\'i.; succcs-
sivnncut augnicnlé et réimprimé,
li'i'dilion de i^rj est en 5 vol. in-
!•>.. TU. Viscours de S. Grégoire
TRU
de Nazianze contre Julien l'apos-
tat, 1735,111-12. IV. Discours de
S. Grégoire di^ Nazianze sur l'ex-
cellence du sacerdoce , 1747 ^ ^ ^•
in-i3. V. Fin du chrétien, o\\ Trai-
té dogmatique et moral sur le petit
nombre des élus , 3 parties , 1751 ,
3 vol. in-i^. C'est, dit feu Barbier,
une refonte , avec augmentation de
la Science du salut , ouvrage d'Oli-
vier Dehors des Doires,dit d'Amclin-
conrt. VI. La Vraie doctrine de
l'Eglise au sujet des abus qui se
sont introduits dans son sein, I75i^
2 vol. in- 12. C'est la même chose
que la Suite du Catéchisme histori-
que et dogmatique ; et l'ouvrage
parut sous ces deux titres. VII. Trai-
té dogmatique et moral de l'espé-
rance chrétienne , l'jSS et 1755, 3
vol. in-12. VllI. S. Augustin, con-
tre l'incrédulité , avec le plan de la
religion , 1 7 54 5 ^ "^'ol. in-i 2. Cet ou-
vrage est tire' de la Cité de Dieu de
saint Augustin. IX. Dissertation sur
le caractère essentiel à toute loi de
l'Eglise en matière de doctrine
( 1755), in- 12. Ou croit l'abbé
Troya auteur d'autres écrits sur les
mêmes matières. Il mourut en octo-
bre 1772. P — c — T.
TRUAUMONÏ (La). T. Rouan.
TRUBLET (Nicolas - Charles-
Joseph ) , tre'sorier de l'Eglise de
Nantes , archidiacre et chanoine de
la ville de Saint-Malo , sa patrie ,
naquit au mois de de'cembre i6()7.
En 1721 , après la mort de Clé-
ment XI , Trublet suivit à Ro-
me l'abbé de Tenciu, nommé cou-
claviste du cardinal de Bissy. Le
séjour de Tencin dans cette capi-
tale paraissant devoir se prolonger ,
Trublet obtint son aveu pour rctotir-
ncr à Paris. 11 s'était fait connaî-
tre de bonne heure dans la littéra-
ture. On sait avec quelle sévérité
TRU
59:
l'impression du Télémaque avait
été défendue , pendant les dernières
années de Louis XIV. L'activité de
la police n'empêchait pourtant pas
qu'il n'en circulât , même à Ver-
sailles, des éditions nombreuses^ édi-
tions infidèles , sans doute , puis-
qu'elles étaient faites en Hollande , sur
des brouillons dérobés à l'immortel
auteur de cet ouvrage : mais enfin la
prohibition était éludée. Le livre le
plus moral que nous ayious , entrait
chez nous en contrebande, quand la
majeure partie de l'Europe le lisait
et l'admirait. L'année 1715 alfrau-
chit nos presses , et Télémaque put
paraître. Ce fut à cette occasion que
Trublet écrivit, en 1 7 1 7 , dans le Mer-
cure , un article très-bien pensé , qui
mérita l'attention deFoiitenelle et de
La Motte. Singulièrement flatté du
suffrage de deux, hommes qui tenaient
le sceptre de la littérature, il s'éclaira
de leurs conseils et rechercha leur
estime et leur amitié: il en était di-
gne. De ce moment , il s'attacha ,
disons inieux^ il se voua tout entier
à ces deux écrivains ; il adopta tous
leurs systèmes littéraires , sans se
permettre un doute ; il entra daus
cette espècede conjuration qui se tra-
mait autour d'eux , contre la poésie
française , eu faveur de la prose ; et
comme on ne manque jamais d'ou-
trer une hérésie qu'on embrasse, il
alla plus loiu qu'eux ; car il osa dire
que des vers français , et même de
beaux vers ( il citait ceux de Vol-
taire ) , lus de suite , ne pouvaient
l!être sans ennui. Voltaire ne lui
pardonna jamais l'application à la
Henriade de ce vers de Boileau sur
la Pucellc :
Et je ue sais poiirciuoi je balUo en la lisant.
L'application était dure et incoiivenau-
te.Voltairo prit ou voulut prendre pour
6oo
TRU
iiiK? injure ce qui n'e'tait qu'un hom-
mage maladroit. Certes , le bon abbe
Tniblet n'avait pas eu l'intention de
l'ollenser : mais il n'avait pas assez
craint de lui déplaire • et c'en était
assez pour blesser un homme qui ,
supérieur à tant d'égards , n'était
pas au-dessus du plaisir de se venger.
Trublet , long - temps impuni , fut
enfin immolé dans \e Pauvre Diable,
un de ces redoutables badiuages qui
ne coûtaient rien à la verve satirique
de Voltaire , et qui défaisaient, sans
retour , une réputation plus solide-
ment établie que ne l'était celle de
Trublet. Le Pauvre Diable eut un
grand succès , et par malheur , il le
méritait. Avouons pourtant que l'au-
teur s'y permet tout, jusqu'à la plus
sale indécence. On plaignit presque
Fréron , si grossièrement insulté •
et le mépris pour les vers de Pom-
pignan parut injuste. Le portrait
de Gresset , si spirituellement tra-
cé , fit sourire et n'ota rien à sa gloi-
re. Trublet , que ses talents ne recom-
mandaient point assez pour échapper
au ridicule , n'en perdit rien. Ce
vers si plaisant ;
U compilait , compilait , compilait ,
est resté gravédans toutes les mémoi-
res et ])Our jamais attaché au nomdu
Compilateur. Trublet s'était mis sur
les rangs pour l'académie, dès 17 36,
époque de la publication d e ses Essais.
11 prévoyait, sans doute, qu'onlefe-
raitaltendre, etne se trompait guère.
Une sollicitation long-temps inutile ne
le découragea point. Il vit toute cette
compagnie se renouveler avant qu'il
y fût admis. D'oii venait tant d'obs-
tination à repousser un écrivain es-
t i iné de Montesquieu , de Ma uper tuis ,
du j)résiflent Ilénaiilt et de beaucoup
d'autres ? Il passait jiour lui des au-
teurs an Journal chrétien , quoiqu'il
TRU
n'en convînt point. Or ce journal
était en attitude hostile à l'égard
de plusieurs académiciens influents.
Aussi dès qu'une place était vacante,
s'agitaient-ils pour en écarter l'abbé
Trublet. Ils se relâchèrent un mo-
ment de cette vigilance en 1 76 1 ;
la porte de l'académie resta plus ou-
verte qu'ils ne le croyaient , et Tru-
blet s'y glissa. Ses ouvrages sont : I.
Essais de littérature et de morale ,
dont la première édition parut , en
1786, chez Briasson , un vol. in-12.
Ils ont été réimprimés plusieurs fois,
notamment en 4 vol. in-12 , et ont
ététraduits en des langues étrangères.
Des pensées détachées dont ce recueil
se compose, il en est peu qui soient
neuves ; mais la plupart sont rendues
avec agrément , et presque toutes
avec précision et clarté. « Cet ou-
vrage , de bon qu'il est , poui'rait
devenir excellent, sans y rien ajou-
ter^ et en se bornant à n'y faire que
des ratures. » C'est le jugement
qu'en porte d'Alembert. II. Panégy-
riques des saints , etc. , un vol. in- 1 2;
Briasson , lySS. Une seconde édition
parut en 1764;, 2 vol. Ces Discours^
purement écrits, mais froids , sont
précédés de réflexions, très-bonnes à
lire , sur l'éloquence, et particulière-
ment sur l'éloquence de la chaire.
III. Mémoires pour servir à V his-
toire de la vie et des ouvrages de M.
de La Motte et de M. de Fonte-
nelle , un vol. in-12, Amsterdam,
1761. Le projet de ne rien laisser
ignorer de ce qui regardait Fonte-
nellccntraîuaitnécessairemcntdcs dé-
tails minutieux. On ne sait trop pour-
quoi Palissot prétend faire un tort à
rabbéTrubk'ld'une amitié pourFon-
tciielle portée ius(|u'au dévouement:
il était permis d'aimer beaucoup
l<\)iilenille, et ce sentiiuent-là n'ol-
fcnsait pcrsoune. La seule ambition
TRU
qu'eût jamais eue Trublet, celle d'en-
trer à l'acadéinie française , était sa-
tisfaite. Il avait perdu tous ses amis.
Des vapeurs mélancoliques et des in-
firmités lui faisaient désirer une vie
tranquille. Retire, dès 1767 , à Saint-
Ma!o , dans le sein de sa famille , il
y vécut jusqu'en 1770, cher à tous
ceux qui savaient mettre un prix aux
qualités estimables , au mérite d'un
esprit solide , enfin aux charmes
d'une conversation toujours instruc-
tive et toujours amusante. Z.
TRUCHET ( Jean ), mécanicien,
né à Lyon en 1657 , était fils d'un
marchand connu par sa droiture
et sa probité. A Vàç^e de dix -sept
ans, il entra dans l'ordre des Car-
mes , et prit le nom de P. Sébastien.
La vue des machines inventées par
Servières ( f^. Grollier , XVIII ,
525 ) lui révéla son génie pour la
mécanique. Envoyé par ses supé-
rieurs à Paris , pour y faire ses cours
de philosophie et de théologie , il
n'étudia guère que la physique et la
géométrie ; et encore ne fut-ce que
dans leurs rapports avec sa scien-
ce favorite. Louis XIV avait reçu
de Charles II , roi d'Angleterre ,
deux montres à répétition , les pre-
mières qu'on ait vues en France. Ces
montres s'étaut dérangées , on les
remit à Martineau, l'horloger du roi ,
pour les raccommoder ; mais elles
étaient fermées par un secret qu'il
ne put deviner ^ et il eut le courage
de déclarer que si le P. SeTîasticn ne
parvenait pas à les ouvrir , il fallait
se résoudre à les renvoyer en Angle-
terre. Le jeuue religieux les ouvrit
assez facilement, et les racommoda ,
sans savoir qu'elles fussent au roi.
Quelques jours après , Colbert le lit
appeler. N'imaginant pas ce que le
ministre pouvait a von- à lui dire , il
se rendit tout tremblant à son au-
TRU
601
dience, et fut très-surpris d'en, rece-
voir, avec des éloges, le brevet d'une
pension de six cents livres, dont la
première année lui fut payée sui'-le-
champ. D'après les conseils de Col-
bert, le P. Sébastien étudia l'hydrau-
lique, et y fit de rapides progrès. II
eut une très-grande part à la condui-
te des eaux dans les jardins de Ver-
sailles ; et , comme le dit Fonteuelle ,
on doit lui tenir compte non -seule-
ment de ce qui fut exécuté siir ses
vues, mais encore de ce qui ne le fut
pas sur des vues fausses. Il imagnia
une machine pour transporter les
plus grands arbres sans les endom-
mager. C'est cette machine si simple
et si commode que les charpentiers
nomment un diable , à cause de sa
force , et dont ils font un si fréquent
usage. Les principales manufactures
du royaume lui furent l'cdevables
d'un grand nombre de modèles ou de
perfectionnements. Il construisit pour
le roi deux tableaux mécaniques qui
furent long - temps au nombre des
curiosités de Marly ( i ). L'un ,
que le roi nommait son petit opéra ,
changeait cinq fois de décorations à
vue j l'autre, plus grand et plus ingé-
nieux encore, repi'ésentait un paysage
où tout était animé. La réputation
du P. Sébastien s'était répandue dans
toute l'Europe. Le duc de Lorraine,
qui voulut l'avoir dans ses états, et
le czar Pierre-le-Grand , le comblè-
rent de marques d'estime. Un olli-
cier suédois , qu'un coup do canon
avait privé de ses deux mains , vint
le prier de lui en faire d'artiliciclles;
mais ses autres occupations ne lui
permirent pas d'achever cet éton-
nant ouvrage. Il ne se faisait en
France aucun grand canal sans qu'on
(i\ l'onloiirllc a décrit CCS deux tibliuui dam
iuii liloije du P. Tiuclicl.
6o2
TRU
prît son avis , et il eut seul la direc-
tion de celui d'Orléans. Admis com-
me honoraire à i'acade'mie des scien-
ces, en 1O99, il fut charge par ses
confrères d'examiner les machines
soumises au jugement de racade'mic.
Il en découvrait les défauts d'un coup-
d'œil, et indiquait aux inventeurs le
moyen de les perfectionner. Quoique
fort répandu dans le monde, le P.
Sébastien n'en remplissait pas moins
tous ses devoirs de religion avec une
scrupuleuse exactitude. Il passa ses
dernières années dans des infirmités
continuelles , et mourut le 5 février
172g, à l'âge de soixante-douze ans.
II eut part à la description de l'art
de l'iraprimerief/^. Jau&eon,XXI,
4 18 ). On a de lui , dans le recueil de
l'académie : I. Explication de la
machine qui a été faite pour exami-
ner l'accélération des boules qui rou-
lent sur un plan incliné, et la compa-
rer à celle de la chute des corps,
aun. 1699, p. a83. II. Mémoire
sur les combinaisons des carreaux
mi-partis, ann. 1704, p. 3G3. III.
Observations (^lG la hauteur du baro-
mètre, faites à Glermont et sur le
Mont-d'Or, comparées avec celles
de Maraldi, ann. 1705, p. 219. Le
Recueil des machines de l'académie
eu contient trois du P. Sébastien :
Machine pour diriger un tuyau de
lunette de cent pieds, i , p. qS. —
Description d'une voûte plate , ibid. ,
i63. — Machine pour transporter de
grands arbres, iv, 107. Foulcnelle
a fait l'éloge du P. Truchet; on a
son portrait, in-fol. , gravé par Tho-
massin, d'après Cheroii. W — s.
ÏRUCIISÈS ( Gi.iîUARo) , neveu
du cardinal d'Augsboiug , descen-
dait d'une noble et auciciiuc famille
de Sonabc. Ayant embrassé l'état
ecclésiastique , il fut nommé doyen
du chapitre de Strasbourg ; et cm
TRU
1577 il fut e'iu archevêque de Colo-
gne , sur la démission de Salcnlin ,
comte d'Iseubourg , qui , resté le
seul mâle de sa famille , abdiqua
pour se marier. En 1579, l'empe-
reur le désigna l'un de ses commis-
saires à la diète convoquée à Colo-
gne , pour aviser aux moyens de
pacifier les troubles des Pays-Bas.
Gebhard proposa d'appeler sur cette
assemblée les bénédictions du ciel ,
par une procession à laquelle furent
invités les religieux et religieuses du
voisinage. Il y vit la belle Agnès de
Mansfeld , chanoiuesse de Guerichen,
et conçut pour elle une passion si
violente et si subite qu'on la re-
garda comme un ert'et de la magie.
Les frères d'Agnès l'ayant menacé
de le tuer s'il ne réparait pas le
scandale qu'il avait donné, Geb-
hard épousa secrètement sa maîtresse
au mois de janvier i58"2. Voulant
conserver avec sa femme l'électoral
de Cologne , il fit ])rofession de la
réforme, qu'il tenta d'introduire dans
son diocèse ; mais le chapitre et les
magistrats de Cologne se réunirent
pour s'opposera son dessein ; et Geb-
hard , ne croyant plus devoir garder
aucun ménagement , conduisit son
épouse à Rosenthal , où il fil bénir
leur mariage par un ministre lutlié-
rien. L'empereur et le pape ayant
épuisé tous les moyens de douceur
pour le ramener, il fut excommunie
par le Saint-Siège, et le chapitre de
Cologne élut à sa place Ernest de Ba-
vière. Gebhard, alors , leva des trou-
pes pour se maintenir dans la posses-
sion de son archevêché ; mais il fut
chasséde lionn, et obligé de se réfugier
cnllollande, avec sa femme, en i584.
11 y ])rit du service , et fit la campa-
gne de i58G , sous les ordies du
• • • 1
comte de Lcicesler. Ayant lait de-
mander à la reine Elisabeth la per-
TRU
mission de passer en Angleterre, il
ne put l'obtenir ; cependant cette
j)riuccsse donna l'ordre à son am-
bassadeur à la Haye de lui compter
deux mille ëcus. l^a belle Agnès se
flattant de réussir à changer la reso-
lution de la reine , par le moyen du
comte d'Essex , se rendit alors à
Londres ; mais Elisabeth , instruite
que son favori avait otl'ert à Agnès
un appartement dans sa maison , la
iit rembarquer sur-Iecluunp , après
lui avoir fait donner mille' e'cns pour
les frais de son voyage ( V. la Fie
d'Elisabeth , par Grëg. Leti ). Geb-
bard parvint à rentrer dans Bonn
en 1 587 j il eu fut chassé de nou-
veau l'année suivante, et il perdit ,
en 1 589 , Rhinberg , la seule ville
qui lui restât dans l'électorat de Co-
logne. Il se vit a lois réduit à men-
dier , en Allemagne, des secours
qu'il ne put obtenir , et il y mourut
misérable , en iGoi. Un certain
Léon Waramund a publié un écrit
en latin , dans lequel il cherche à
prouver que Truchsès , par son ma-
riage, n'avait point perdu ses droits
à l'archevêché de Cologne j mais il
fut réfuté solidement par Gonçales
Pierre de Léon. F. Bayle , Répon-
ses aux questions d'un provincial ,
cil. Lix. Mich. d'Isselt a donné l'His-
toiredes guerresde Gcbhard et d'Er-
nest de Bavière ( F. Isselt , XXI ,
3Gi ). W— s.
TRUDAINE (Daniel-Charles) ,
conseiller-d'état , intendant-général
des finances ^ et membre de l'acadé-
mie à(^.^ sciences , naquit à Paris le 3
janvier 1703. Son père, magistrat
d'une proliité rigide , était prévôt
des marchands du temps des billets
de banque. Law ayant ])roposé une
opération sur les rentes dues par le
domaine à la ville de Paris, il crut
ne devoir pas s'y prêter : il fut dis-
TRU
()o3
gracié par le régent, qui, en îe dé-
plaçant , lui conserva son estime et
ses bontés , et lui dit : Nous vous
aidons uté de votre place parce que
vous êtes trop honnête homme. Le
fils , après avoir été successivement
conseiller au parlement, et intendant
d'Auvergne , devint directeur des
ponts et chaussées , place qui lui a
valu i'estime de la nation, par l'e'-
tendue de ses projets , la justice
qu'il mettait dans les détails , et l'é-
conomie avec laquelle il en dirigeait
tous les travaux II forma une école
d'ingénieurs d'où sont sortis tant
d'hommcshabiles qui ont commencé,
sous sa direction, la construction de
ces superbes routes qui rendent les
communications si faciles dans toute
l'étendue du royaume : les ponts
d'Orléans , de Moulins , de Tours ,
de Saumur , les projets et les pre-
miers fondements du pont de Neuilly,
sont les résultats du zèle particulier
qu'il avait mis à cet objet impor-
tant. Il fit servir sa place au conseil
du commerce, à favoriser l'industrie,
et à lui procurer une liberté trop res-
treinte jusqu'alors. Il avaitporté ses
vues sur toutes les parties de l'admi-
nistration , et s'était occupé de tous
les projets qui pouvaient contribuer
à la prospérité de l'état. Il mourut
le ig janvier 1769. Son lils l'in-
formant , dans sa dernière maladie ,
de l'intérêt universel qu^on prenait à
son état , et de la considération dont
il jouissait : Eh bien, mon ami,
lui dit-il , je te lègue tout cela.
T— D.
TRUDAINE DE MONTIGNY
( Jean-Charles-Philibert) , fils du
précédent, naquit en 1733 à Clei-
mont en Auvergne, où son porc était
intendant. Il reçut une éducation
vraiment distinguée ,ot montra ,dans
la suite de sa vie , dos connaissances
6o4
TRU
presque universelles. Trudaine père
étant devenu intendant-général des
finances, son fils lui fut adjoint,
en i']5'] , avec promesse de la sur-
vivance, et le remplaça en 176g.
11 administra , avec autant de zèle
que de lumières, les différentes par-
ties de son département ; mais son
caractère était moins ferme que celui
de son père. On l'accusait aussi d'ai-
mer la dissipation ; du reste , il ne
négligeait aucun de ses devoirs. L'ab-
bé Morellet a dit de lui dans ses Mé-
moires : « Voulant un peu plus qu'il
» ne pouvait, il n'en était pas moins
» un liomme estimable et bon, éclai-
» ré, juste et ami du bien. » Tru-
daine possédait la théorie de plusieurs
sciences , étrangères en apparence à
son administration , et qui sont très-
utiles en effet. Ce fut cet avantage qui
lui valut une place de membre hono-
raire à l'académie des sciences : il
refusa la place de contrôleur-général*
celle d'intendant des finances dont il
était revêtu ayant été supprimée avec
toutes les autres, en 1 7 7 7 , il fut rendu
à lui-même , à l'amitié et à la société
des savants et des gens de lettres. Il
ne regretta que le bien qu'il ne pou-
vait plus faire dans l'administra-
tion des manufactures , et dans le
département des ponts et chaus-
sées. L'éducation de ses deux fils et
des recherches qu'il projetait sur ia
physique et la chimie lui prépa-
raient d'autres jouissances : mais sa
santé , affaiblie par le travail , le fit
succomber , par une mort inat-
tendue , le 5 août de celte même an-
née 1777. Coudorcet a donné de
lui un Elo^c où il dit (ju'aiix vertus
(lu magistrat cl du citoyen , Trudaine
joignait les agrénienls de l'homme
du monde , et (|ue la facilité de sou
caracli-renercnlraîna jamais à don-
ner son conscnlcmcnl .1 une chose
TRU
injuste. Il était désintéressé et noble,
sans faste. A la mort de son père ,
comme il était appelé à lui succéder
dans le conseil des finances et dans
celui du commerce, il pria Louis XY
de lui permettre de ne pas recevoir
les appointements de sa place. « On
me demande si rarement de pareilles
grâces , dit le roi , que , pour la sin-
gularité du fait, je ne veux pas vous
refuser. » A l'âge de vingt-six ans ,
Trudaine avait composé une comé-
die en trois actes et en prose , hiti-
tulée : le Jaloux puni , dont Collé
fait le plus grand éloge dans sou
Journal, année 1764. Le tiibut qu'il
paya publiquement , comme acadé-
micien ^ à la mémoire de son père
Dan.-Ch. Trudaine (i), est le seul
morceau de lui que l'on connaisse im-
primé. Son portrait a été gravé par
Saint-Aubin , d'après Cochin. Deson
mariage avec M^^''. de Fourqueux, il
eut deux fils. L'aîné, qui était mari
d'une demoiselle de Courbeton , avait
peut-être moins de moyens et d'esprit
que le cadet ; mais son caractère
était aussi attachant. L'un et l'autre
avaient paru disposés à voir , avec
des illusions favorables, la révolution
française de I789, jusqu'au moment
où elle tarda si peu à être ensan-
glantée par une suite de crimes afl'reux.
Ils recevaient dans leur intimité le
fameux peintre David , qui lit pour
Trudaine auié son tableau de la
mort de Socrate. Protégé par les
deux frères , et n'ayant reçu chez eux
que des marques d'intérêt et de bien-
veillance , il s'est inoulré ingrat à
leui écard. Les deux Trudaine furent
incarcérés à Sa ml- Lazare en 1794'
lis s'aimaient Icndremenl , et lors-
(picleur jugcineulàmort fut proiion-
{i)yuy. l'Histoire de l'Jcadémic de sciences ,
TRU
ce par le tribunal rcvolutionnaire ,
le plus avance' eu âge demanda la
parole pour solliciter la grâce du
plus jeuue, disant que lui seul devait
périr, puisqu'il avait seul marque'
par la manifestation de ses princi-
pes monarcliiques , et par le rôle
politique qu'il avait joué. Ils furent
immolés ensemble le 8 thermidor ,
an II (1794)- — Tnidame de La Sa-
blière (1) (c'est par ce dernier nom
que l'on désignait le plus jeune des
deux) fut conseiller au pailement de
Paris ; c'est lui qui esquissa , sur un
des murs de sa prison , un arbre,
faible encore , avec cette devise :
Fructus matnra tuUssem. L-p-e.
TRUMBULLouTRUMBAL
(Guillaume), bomme d'état an-
glais _, naquit, en i636, à East-
Harapsted dans le comté de Berks ,
où son père était juge de pais. Son
grand-père avait rempli les fonctions
d'envoyé de Jacques I*^»". auprès de
l'archiduc Albert d'Autriche. Il fut
élevé dans la maison paternelle et k
l'école d'Oakingliam , puis à l'uni-
versité d'Oxford. Devenu bachelier
es lois , en lôSg , il voyagea en Fran-
ce et en Italie. En 166G , il retourna
au collège pour terminer ses études
de droit , et pratiqua , l'année sui-
vante , comme avocat à la cour du
vice-chancelier. Ce fut vers cette épo-
que qu'il se fit remarquer du chance-
lier Clarendon , et qu'il fut chargé
des affaires de la cour de la chancel-
lerie. Reçu docteur es lois , en 1667 ,
il suivit les cours de justice. Sa clien-
tellc fut très-nombreuse j et il obtint,
vers iG-j^ , la survivance de la place
de clerc du petit sceau {signet), oc-
cupée par sir Philippe Warwick, et
qui lui échut, en iG8oi, par la mort
(9) 0 iKiiM, a')iiiilo au sien riait, relui de sou
aiciili-, |i<lit.-(illedc Mme. «le La SahltJro , l'auiio
.\e Lafonlaiiie.
TRU 6o5
de ce dernier. Il accompagna, en i683,
lord Darmouth à Tanger, en qualité
de juge-avocat de la flotte ; de retour
en Angleterre, il fut choisi , en 1 685,
pour remplir les fonctions d'envoyé
extraordinaire auprès de la cour de
France. Il s'y trouvait à l'époque
de la révocation de l'édit de Nan-
tes , contre laquelle , disent les his-
toriens anglais, il crut devoir faire
des observations qu'on n'écouta pas.
Ses démarches en faveur des Protes-
tants ayant déplu , il fut rappelé en
1686, et nommé ambassadeur ex-
traordinaire auprès de la Porte Otho-
mane. La révolution de 1688 n'ap-
porta aucun changement à sa posi-
tion ; et il continua de rester à Cons-
tantinople jusqu'en 1691. En 1695 ,
il obtiut l'emploi de loid de la tréso-
rerie, devint membre du conseil pri-
vé, et enfin principal secrétaire -d'é-
tat. Il était aussi gouverneur de la
compagnie de Turquie. 11 avait long-
temps siégé à la chambre des com-
mîmes , comme représentant l'uni-
versité d'Oxford. Il résigna tous ses
emplois en 1697, et se retira à East-
Hampsted , où il mourut le i4 dé-
cembre 1716. TrumbuU était fort lié
avec Pope et avec Dryden. Ces deux
poètes célèbres attachaient le phis
grand prix à ses jugements. On croit
que ce tut lui qui douua à Pope l'idée
de traduire l'Iliade , et à Dryden
l'Enéide. Le premier a composé l'É-
pitaphe de Trurabull; et l'on a con-
servé, dans ses OEuvres, quelques
Lettres qu'il en avait reçues. D-z-s.
TRUSLER ( John ), écrivain an-
glais , né en 1735, exerça successi-
vement diverses professions, et des-
servit une cure aux environs de Lon-
dres. En 1771 , il conçut un projet
dont la réussite commença sa for-
tune : ce fut d'alu'éger les sermons
des théologiens les plus distingués,
Go6
TRY
et d'imprimer ces abrèges sons la
forme de manuscrits , de manière à
e'pargner aux ecclésiastiques non-
seulement le soin de composer leurs
discours , mais aussi la peine de les
transcrire. Cette entreprise fut en- ,
couragée , même par des dignitaires
de l'église anglicane ! Trusler, deve-
nu imprimeur et libraire , alimenta
son établissement des productions de
sa plume , dont plusieurs ont du
moins le mérite de l'utilité. Ayant
acquis quelque aisance , il se retira
dans une terre qu'il possédait au
comté de Middlesex , et mourut eu
1 8 1 5. On a de 1 ui ^ entre autres écrits :
Ï.JIogarth moralisé, in-8°. , l'^GG.
II. Chronologie , vue concise de
l'histoire, 1769, in-12; parmi de
nombreuses réimpressions , il y en a
une en 1 vol. in- 12 , suivis d'un
troisième vol. en i8o5. III. Agricul-
ture pratique , 1780, in-80. IV.
Abrégé des connaissances utiles ,
1784, in-12. V. Les Temps mo-
dernes , ou les Aventures de Ga-
briel Outcast , 1785 , 3 vol. in- 12.
VI. Vue sommaire des lois consti-
lulionnelles d'Angleterre, I788 ,
in-8". VII. Vie et Aventures de
fVilliam R amble , 1793, 3 vol.
in-i'i. VIII. L'art du Jardinage ,
in-S". IX. Essai sur la propriété
littéraire , 1 798 , in-8"^. X. Mémoi-
res sur sa vie, i^""". partie, i8o(3.
XI. Pensées philosophiques sur
l'homme , 181 o , 2 vol. in-i2. L.
TUYPHIODORE , grammairien
<^l poète grec. Tout ce que nous sa-
vons de lui , d'après Suidas , c'est
qu'il était Égyptien , et qu'il avait
«omposé plusieurs poèmes , dont ce
lexicographe nous a conservé les ti-
tres, (.c sont les Maralhoniqucs ,
Ilippt)daniie , la Destruction de
J'niic ,rl nue Odjssée lipogramma-
lique , c'est-à-dire ([lie , dans iliaruii
TRY
des vingt-quatre chants qui la com-
posent, une lettre de l'alphabet est
omise ; Valpha , par exemple , dans
le premier livre ; le bêta , dans le
second, et ainsi de suite, jusques et
y compris Voméga. Une idée aussi
bizarre , et dont Trypliiodore n'est
pas même l'inventeur , le place ua-
turellement à cette déplorable épo-
que de décadence et de mauvais goût
où, par de puériles combinaisons de
syllabes et le pénible artifice de la
disposition des mots , on s'efforçait de
suppléer au défaut d'idées et à l'ab-
sence totale du génie. Le temps, qui
a fait justice de ces ridicules inven-
tions , ne nous permet plus d'en ap-
précier le singulier mérite. Il ne
nous reste rien de l' Odjssée de Try-
phiodore, qui n'était, au surplus,
qu'une imitation de V Iliade de Nes-
tor de Larande, qui vivait au com-
mencement du troisième siècle. Il
paraîtrait donc assez vraisemblable
que Tryphiodore écrivait à la fin du
cinquième siècle , ou au commence-
ment du sixième , et qu'il fut par-
conséquent le contemporain de Co-
luthus ( Voyez ce nom , IX ,
334 ). La Destraction de Troie ,
lliov àO.wiTtç , est le seul des ou-
vrages de Tryphiodore qui soit par-
venu jusqu'à nous. Ce petit poème,
de six cent quatre-vingt-un vers , est
plutôt l'esquisse rapide que le ta-
bleau de cette grande catastrophe
si admirablement décrite ])ar Vir-
gile , au second livre de l'Enéide.
Elle oH're néanmoins quelques traits
qui nous semblent dignes d'être re-
marqués. Tel est , entre autres , l'en-
droit où, sous la figure d'une vieille
f roycnne , Vénus vient révéler à Hé-
lène le complot formé p.ir les Grecs ,
cl rav(rlir que son époux Méuélas
fait partie des guerriers que renferme
le ventre du fatal colosse. Hélène
TRY
court an lemplc de Minerve , où le
cheval de Lois vient d'être placé :
elle appelle les guerriers à voix basse ,
et leur parle de leurs femmes, A cette
voix , à ce tendre souvenir , leur cœur
s'émeut; et l'un d'eux est tout près
de répondi-e à l'appel : mais Ulysse
le prévient , et l'étrangle à l'instant.
Cet épisode ne manque point d'inté-
rêt ; mais voilà tout ce qu'il y a
dans le poème ; le reste est d'une sé-
cheresse purement analytique et que
ne rachète nullement le mérite du
style. Voilà pourquoi , sans doute ,
il a traversé tant de siècles , sans
trop appeler l'attention des savants
ou des gens de lettres. Il en est
même résulté de singulières mépri-
ses de la part de ses biographes.
Nous citerons entre autres le docteur
Lemprière , qui nous apprend ( arti-
cle Tnphiodore ) que cet écrivain
est auteur d'un poème en vingt-
quatre chants , sur la destruction
de Troie; il suffisait, pour voir le
contraire, de la simple inspection de
l'ouvrage , et pour se convaincre
qu'il n'est point écrit dans le système
bizarre dont l'auteur avait fait l'ap-
plication à son Odyssée. Nous avous
sous les yeux la treizième édition de
cette Biographie, classique en An-
gleterre , et devenue ailleurs le tj|ie
(le tontes celles que l'on met entre
les mains de la jeunesse. Elle est
incomplète, ou très - fautive dans
sa partie bibliographique, et omet
ou indique mal les éditions des écri-
vains dont elle parle. L'auteur ne
dit pas un mot de celles de Tryphio-
<lore, qui cependant en a eu plusieurs.
Son poème parut d'abord dans les
deux premières éditions de Cointus
de Smyrne , et dans les collections
de Henri Kstienue , de Lectius et de
Néandcr. Quelques savants des sei-
zième et dix-septième siècles le pu-
TRY 607
blièrent ensuite , à Paris , à Fr.mc-
fort, etc.; mais le texte, jusqu'alors
très -incorrect, ne commença à re-
cevoir (juelques améliorations que
dans l'édition d'Oxford , pubhéc en
174 ï •) in-8<». , par Jacques Merrick.
Elle fut suivie , en 1 765 , de celle de
Bandini , qui parut à Florence , et
pour laquelle l'éditeur eut à sa dis-
position deux manuscrits, dont il ne
tira presque aucun parti pour la cor-
rection du texte. Ce soin était ré-
servé à Thom. Northmore , qui
donna successivement deux éditions
de la Destruction de Troie ; la
première, à Cambridge, 1791 , et
la seconde, à Londres , 1804 , in-8".
La dernière , et la meilleure sous tous
les rapports , est celle de Leipzig ,
in-8'^. ; elle est accompagnée d'un sa-
vant Commentaire , ouvrage d'un
jeune littérateur de Berlin , M. Fr.
Aug. Wernicke , enlevé, à vingt-
trois ans , aux lettres qu'il cultivait
avec succès. On trouve une traduc-
tion française de Tryphiodore dans
les Nouveaux mélanges de poésies
grecques ,etc. ( par Scipiou Al lut ),
1779 , in-8". 5 il en existe aussi des
versions latines en prose et en vers ;
une traduction en vers anglais de
Merrick , et une en italien de Salvini.
A_D— R.
TRYPHON ou DIODOTE étaitné,
suivant Strabon ( xvi , 2 ) , à Cas-
siana , forteresse sur le territoire
d'Apamée. 11 embrassa le parti d'A-
lexandre Bala , et se signala dans la
guerre que cet usurpateur eut à sou-
tenir contre Demctrius Nicator. Après
la mort d'Alexandre , il fit recon-
naître Antiochus {V. II, u58 ), son
fils , roi de Syrie , et fut déclaré son
tuteur. Croyant devoir s'a-surer l'ap-
pui des Juifs contre les tentatives de
Demctrius pour remonter sur le trône
de ses pères, il fit confirmer Joua-
6o8
TRY
thas dans la charge de grand sacri-
ficateur , et nommer Simon , son
frère , gouverneur du pays qui s'e'-
lend depuis Tyr jusqu'aux confins de
l'Ethiopie. Mais Diodote (c'est le
nom qu'il portait alors) ayant forme'
le projet de s'emparer du troue de
Syrie, craignit que Jonathasje plus
fidèle allie du jeune Antiochus, ne fût
un obstacle à ses desseins , et cher-
cha , depuis , l'occasion de le sur-
prendre pour le faire mourir. S'c'tant
avance jusqu'à Belhsan, ou Scytho-
polis , avec un corps de troupes ,
Jonathas s'y rendit aussitôt, suivi
de quarante mille hommes d'élite.
Force' de dissimuler , Diodote le re-
çut avec de grands honneurs , et lui
ayant persuade' de conge'dier son ar-
mée , le conduisit à Ptole'maïde , et
l'y retint prisonnier. Mais les Juifs ,
ayant élu Simon à la place de Jona-
thas , avaient pris des mesures pour
garantir leur pays d'une invasion.
Diodote eut encore recours à la ruse :
il promit de rendre Jonathas , et
reçut , pour sa rançon , cent talents
et ses deux fils, qu'il devait garder en
otage. Au mépris de ses serments ,
le perfide Diodote entra dans la Ju-
dée, dont il ravagea les frontières :
mais la fermeté de Simon l'ayant
obligé de se retirer, il égorgea, dans
sa fuite, Jonathas avec ses deux fils
( F. JoîVATUAS et Simon ). Peu de
temps après il iit mourir sou royal
pupille , et répandit le bruit que ce
jeune prince s'était tué par accident.
On dit qu'il avait séduit les méde-
cins d'Antiochus , malade de la
pierre, et (]n')ls le fiicnt jicrir d;ins
l'opération. Les soldats, gagnés par
ses largesses , le déclarfreul roi de
Syrie. Il prit alors le nom de Try-
plion. Ne pouvant se maintenir sur
le trône qu'avec l'agrénient des llo-
TRY
mains , il chargea des députés d'of-
frir au sénat une statue de la Vic-
toire , en or , du poids de six mille
jiièces. Mais le sénat, feignant d'igno-
rer la mort d'Antiochus , reçut le
présent au nom de ce prince, qui fut
confirmé dans la possession du trône
de Syrie. Cependant ïryphon , ces-
sant de se contraindre , se livrait
sans pudeur à ses goûts dépravés. Il
devint odieux à ses sujets, et se vit
bientôt abandonné de ses alliés et
même d'une partie de ses soldats.
Antiochus ( Evergètes ou Sidètes ),
frère de Demetrius Nicator , profita
de cette disposition des esprits pour
reiîtrer dans la Syrie, dont il chassa
l'usurpateur. Tryphon se réfugia d'a-
bord à Dora , sur les bords de la
mer- mais Antiochus étant venu faire
le siège de cette place , il s'enfuit sur
un vaisseau et se retira dans Ortho-
riade , où il se vit bientôt assiégé. Il
parvint encore à s'échapper , et
ayant semé de l'argent sur la route ,
pour retarder les soldats qui le pour-
suivaient ( V. les Stratagèmes de
Frontin , ii , i3), il put gagner Apa-
mée. Antiochus l'atteignit enfin dans
cette ville, et le fit tuer, suivant Jo-
seph e ( Histoire des Juifs, xiii , l'i.).
Quelques auteurs disent que Tryphon
se donna lui-même la mort. On place
cet événement à l'an i54 avant lère
vulgaire. Tryphon avait occu])é le
trône de Syrie pendant trois ans.
On a des médailles de ce prince , en
petit bronze et en argent, et des mé-
daillons d'argent. Les médaillons
sont très-rares, et leur valeur est
considérable. ( V. la Description
des Médailles antiq. , par M. M ion-
net , v , 'y'.i ). Vaillant a recueilli,
dans son Seleucidarum iinpcriiim ,
beaucoup de détails sur Tryphon.
W— s.
FIN DU QXrAllANTi;-SlXli:Mt. VOLUMli.
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