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Full text of "Biographie universelle ancienne et moderne, ou, Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes : Ouvrage entièrement neuf"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/biographieuniam46mich 


*  £9 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 

ANCIENNE  ET   MODERNE. 


^V%%rfc\«VL-V^l.%%V%^/%'V  k%%M.«/%<V\%/V-V%  WV 


DE    L'IMPRIMERIE    D'ÉVERAT, 


RUE    DU    CADRAN,    K".    l(). 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE , 

ANCIENNE   ET    MODERNE, 


OU 


UISTOIUE,  PAR  ORDRE  ALPHABETIQUE,  DE  LA  VIE  PUBLIQUE  ET  PRIVEE  DE 
TOUS  LES  HOMMES  QUI  SE  SOKT  FAIT  REMARQUER  PAR  LEURS  ECRITS  , 
LEURS    ACTIONS,    LEURS    TALENTS,    LEURS    VERTUS    ET    LEURS    CRIMES. 

OUVRAGE     E  >•  T  I  k  n  E  M  E  >  T     NEUF, 

r.ÉUIGÉ  FAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES  ET  DE  SAVANTS. 


On  doit  des  égards  aux  vivants;  on  ue  doit  aux  mûris 
que  la  vérité,  y  VoLT. ,  pi cniiire  Lettre  sur  OEdipe.^ 


TOME  QUARANTE-SIXIÈME. 


A   PARIS, 

CHi:Z   L    G.  MICIIAUD,  LIBRAIUE-KOITEIIR, 

PliACE    DES    VICTOIRES  ,    N".    3. 


1826.  ^^^^^iiJ^ 

^     BlELfOTHeCA 


SIGNATURES    DES    AUTEURS 


DU  QUARANTE-SIXIÈME  VOLUME. 


MM. 


MM. 


A.  B— T. 

Becchot. 

L— c. 

3  -V.  Leclerc 

A-D— R. 

Amar  Durivieh. 

L ? E. 

HippOLTTK  DE  La  Portï: 

A— G— s. 

De  Angelis. 

M— n  j. 

MiCHAUD  jemic. 

A.  L— D. 

Adolphe  Lesourd. 

M— G— n. 

MiCER. 

A.  R_T. 

xAbel-Remusat. 

M— I. 

Thadée  de  ]\Iostowski. 

A— T. 

H.   AUDIFFRET. 

M LE. 

Mentelle. 

B— P. 

De  Beatjchamp. 

M N  —  D. 

MONNOD. 

B— T. 

BlOT. 

M — ON. 

Marron. 

B— D. 

Beaclieu. 

M-R-r. 

MOREAU    DE    MONTALIN. 

B— T. 

M"'».  De  Bollt. 

N-D-T. 

Naudet. 

c AU. 

Catteau-Callevi:  le. 

N-n. 

Naûche. 

C.B. 

Breghot  du  Lt;t. 

N-L. 

Noël. 

D— B— s. 

Dubois. 

P— C— T. 

Picot. 

D— G. 

Deppinc. 

P— I. 

Pav.oletti. 

D— G— s. 

Desgenettes. 

P-NV. 

De  Prony. 

D— N— r. 

Daunou. 

P— RT. 

Philbert. 

D— R— n. 

Ddrozoir. 

P— S. 

Périès. 

D_T. 

Ddrdent. 

R— L. 

De  Rossel. 

D— u. 

DUVAU 

S.D.S— Y 

.  Silvestre  de  Sac  y. 

D— X. 

Decroix. 

Si— D. 

Sicard. 

D— z— s. 

Dezos  de  hk  Roquette. 

S-L. 

ScHOELL. 

Kc-Dd 

EMÉr.ic-DAvm. 

S.  M— N. 

Saint-Martin. 

E~K— n. 

ECXARD. 

S_R. 

Stapfer. 

E-s. 

Eyriès. 

S.  S— I. 

SiMONDE-SiSMONDI  ■ 

F— A. 

Fortia-d'Urban 

St — T. 

Stassart. 

F— T. 

FoissET  aîné. 

S— V— s. 

De  Sevelinges. 

G — Rn. 

GuÉRAnn 

S— Y. 

De  Salabetrï. 

G-T. 

(iLET. 

T— D. 

Tabaraud. 

H— Q-N 

Hennequiw. 

1—1. 

USTÉRI. 

3— R. 

3ACon. 

Y—y  . 

VlLLEMAlK. 

3-N. 

30UrtDAlN. 

V.  S.  L. 

Vincens-Saint-Lai'REnt. 

Kt-H 

Klaproth. 

^^'—<x. 

Walckenaeh. 

I,. 

Lr.i'EiîvnE-CAucHY. 

\V_s. 

Wei.ss. 

L — n— E 

LAnOUDEI.IE. 

z 

Anonyme. 

BIOGRAPHIE 


UNIVERSELLE. 


JL  lARA  (  Petreics  ou  Pierre  )  , 
numaniste  et  médecin  hollandais  , 
naquit ,  le  i5  juillet  i5i4,àWor- 
çujn ,  en  Frise  ,  où  il  commença  ses 
Immanités  ,  et  se  rendit  ensuite  à 
Harlem,  oii  il  e'tudia  la  lo};ique,  les 
matbématiques  et  la  morale.  C'était 
un  de  ces  esprits  privilégiés  qui  se 
passent  de  maîtres,  et  qui  sont  ca- 
pables de  tout  puiser  dans  leur  pro- 
pre fondj  déjà  helléniste  et  latiniste 
consommé,  il  fabriquait  lui-mêjne 
ses  instruments  de  musique,  d'astro- 
nomie, de  géométrie ,  et  ne  demeura 
même  pas  étranger  à  l'art  de  la  pein- 
ture. S'étant  voué  toutefois  spéciale- 
ment à  la  médecine ,  il  alla  l'étudier 
à  Louvain,et  visita  ensuite  l'Allema- 
gne, la  France  et  l'Itaiie.  Créé  doc- 
teur -  médecin  dans  cette  dernière 
contrée  ,  il  vint  ,  au  bout  de  ses 
vpyages  ,  s'établir  à  Louvain  (  vers 
i553)  ,  et  y  enseigna  la  langue  grec- 
que. En  i56o,  une  académie  ayant 
e'tfi  fondée  à  Douai,  il  y  fut  appelé  à  la 
même  chaire  ;  mais  son  épouse,  Fri- 
sonne ,  se  déplaisant  dans  celte  ville, 
il  retourna  dans  sa  patrie ,  et 
fut  bourgmestre  à  Franeker.  En 
iSyS,  quand  on  rechercha  partout 
les  savants  les  plus  distingués  pour 
la   nouvelle  université  de    Lcyde  , 

XLVI. 


Tiara  y  fut  appelé  ,  pour  l'ensei- 
gnement du  grec  ;  et  il  eut  l'honneur 
d'être  le  premier  recteur  magîiifique 
de  celtegraude  école.  Mais  sa  province 
natale  le  rappela  encore  une  fois  dans 
son  sein.  Franeker  ayant  fondé  une 
académie  en  1 585, Tiara  en  fut  un  des 
sept  premiers  professeurs ,  toujours 
pour  l'enseignement  du  grec.  Il  y 
mourut  le  9  février  de  l'année  sui- 
vante ,  dans  la  soixante-treizième  de 
son  âge.  Vers  la  fin  de  sa  vie, 
ce  savant ,  s'étant  un  jour  pré- 
senté à  la  sainte  cène  ,  le  pasteur 
refusa  de  la  lui  administrer  sans 
une  déclaration  préalable  qui  cons- 
tatât son  orthodoxie,  vraisembla- 
blement douteuse  :  il  consentit  à  la 
faire  et  fut  admis.  On  a  de  lui  :  I, 
Une  traduction  latine  du  Sophiste 
de  Platon,  Louvain,  i533,  in-12. 
II.  Une  de  la  Médée  d'Euripide, 
Utrecht,  1543,  in-12.  III.  Une  des 
Sentences  de  Pythagore,dc  Tliéo- 
gnis  et  de  Phocylide  ,  Franeker , 
1 589,  in-12  IV.  Poëmation  de  no- 
bilitate  et  disciplina  militari  vete- 
rum  Frisiorum  ^  Franeker  ,  1  Sg^  , 
in-i  2.  C'est  un  appel  à  la  guerre  con- 
tre l 'Espagne ,  et  cette  production  fait 
également  honneur  au  talentdeTiara 
pour  la  poésie  latine ,  et  à  son  patrio- 


2         '    *     T!  TÏB 

tisrafi.La  date  de  la  publication  fait 
juger  qu'elle  fut  posthume.  Gniter 
l'a  recueillie  dans  ses  Deliciœpoéta- 
nitn  Belgicoruvi.  M.  Peerckamp, 
à  l'article  Tiara  de  ses  Fitœ  Belga- 
rum  qui  latina  carmina  scripserunt 
(Bruxelles  ,  i8'^2  ,  in-8o.)  ,  ]i,i  a  ac- 
cordé de  justes  éloges  ,  appuyés  de 
qiieîques  citations.  Voyez  aussi  le 
Parnassus  Latino-Belgicus  de  M. 
Hoeulft  (Amsterdam  et  Breda  ,  1 8 19, 
in- 8".  ).  V.  Un  autre  Poème  élégia- 
que  latin  De  Nobililate  ejiisque  ve- 
ris  insignibus  ,  qui  se  trouve  dans 
les  mêmes  Deliciœ  ,  à  la  suite  du 
précédent.  Tiara  avait  aussi  travaillé 
sur  les  Apliorismes  et  les  Prognostics 
d'Hippocrate,  sur  les  Hymnes  d'Ho- 
mèic,  sur  d'autres  dialogues  de  Pla- 
ton ;  mais  il  ne  paraît  pas  que  ces 
travaux  aient  vu  le  jour.  11  était  meil- 
leur homme  de  cabinet  que  profes- 
seur ;  et  portait  à  l'excès  ,  dans  ses 
leçons,  fa  défiance  de  lui-même. 

M ON. 

T16AI.D0  ou  TIBALDI.  Foy. 
Pellf.grini. 

TIBIÎON  (  Jlda  Aben  ) ,  savant 
rabbin  du  royaume  de  Grenade  ,  vi- 
rait à  la  fin  du  douzième  siècle.  Il  se 
fit  une  grande  réputation  parmi  ses 
co-religionuaires^  par  le  nombre  et  le 
mérite  de  ses  îraduclions  de  l'arabe 
en  heluTu.  Aben  Jacliias  ,  dans  son 
Scialceleth  ,  lui  donne  le  titre  de 
prince  des  traducteurs.  Les  princi- 
paux ouvrages  qu'il  a  traduits  sont  : 
1.  Cozari  on  Cozn',de  Juda  Levita, 
en  I  1^)7.  11.  Scpht-r  einurioth  [  Li- 
vre des  articles  de  foi  ).  La  traduc- 
tion par  le  rabbin  Saadias,  ache- 
vée en  I  I  7  I  ,  a  été  imprimée  à  Cons- 
tantinople,  en  1  ')<»?. ,  et  ailleurs.  IIL 
Chovàd  alhvavoth  (  Le  devoir  des 
cours  ).  C'est  un  li\re  de  morale 
très-cstimé  |)armi  les  .Juifs,  et  qiu 
fut  imprimé  pour  la  première  fois  à 


TIB 

Naples,  en  1490.  11  est  du  rabbin 
Bêchai  Ben  Joseph.  Aben  Tibbon  fit 
sa  traduction  en  1 161  ,  suivant  Azu- 
lai.  IV.  Tikkùn  midoth  (  Des  ver- 
tus ).  Cet  ouvrage  du  R.  Salomon 
Gavirol ,  traduit  en  1167,  suivant 
Azulai ,  parut  en  i562,  à  Trente. 
V.  Agiographa  ,  seu  Proi'erbia , 
J(.h  ,  Daniel ,  Esdras ^  Ruth ,  Can- 
ticinn  Canticorum ,  et  ordo  precum, 
ciitn  confessione ,  traduction  excel- 
lente. \'l.  Galeni  ars  parva ,  seu 
compendium  praxis  medicœ  cum 
commentario  Ali  ben  Retzuàn. 
VIL  La  Grammaire  de  Jonas  ben 
Ganah, traduite  en  1 186.  Juda  Aben 
Tibbon  a  laissé  une  lettre  pour  l'ins- 
truction de  son  fils  Samuel ,  intitulée 
Ighered  Muzàr.  Sur  tous  ces  arti- 
cles on  peut  consulter  le  Dictionnai- 
re historique  de  Rossi ,  et  le  Cata- 
logue des  manuscrits  hébraïques  de 
sa   bibliothèque.  L — b — e. 

TIBBON  (  Samtjel  Ben  Juda> 
Aben)  ,filsduprécc'dent,  marcha  sur 
les  traces  de  son  père,  et  mérita  égale- 
ment le  titre  de  prince  des  traduc- 
teurs. On  lui  doit  :  I.  Ikkam  am- 
maim  (  que  les  eaux  se  ramassent  ■. 
C'est  un  conmientaire  des  versets  9 
et  10  du  premier  chapitre  de  la  Ge- 
nèse ,  en  vingt-deux  livres  ,  ou  plu- 
tôt un  traité  de  physique  dans  le- 
quel l'auteur  s'attache  à  prouver 
comment  les  eaux  de  la  mer  ne  sor- 
tent pas  de  leur  lit.  Il  n'a  jamais  été 
publié,  quoi  (pi'en  di.se  l'auteur  du 
Catalogue  de  la  bibliothèque  d'Op- 
peidieimer.  IL  Un  Commentaire 
sur  le  livre  deVEcclésiaste,  inédit. 
III.  Dehbt  filosofim  (  sentences  des 
])hilosophes  ) ,  inédit.  IV.  More  ne- 
i'iirhini  (  le  docteur  des  faibles  ),  tra- 
duit dr  l'arabe  de  Maïmonide.(Voy. 
son  :\rù(\v\\ .E.rposilio7H)nimpere- 
grinnrum  lihri  More  Nevochim .  V  L 
Epistola  de  resnrrectione  morluo- 


TIB 

rum ,  traduite  de  Maïmonidc.  VII. 
Scemonè  perachini  (  huit  cl)apitres 
des  facultés  de  l'ame  ) ,  comme  le 
précédent.  VIII.  Pirke  avoth  (  cha- 
pitres des  pères  ) ,  comme  le  précé- 
dent. IX.  Rhuah  clien  (  esprit  de 
grâce).  Les  livres  de  Maimonideont 
jDeaucoup  servi  à  la  composition  de 
cet  ouvrage,  que  plusieurs  critiques 
ont  attribué  à  Juda  Aben  Tibbon; 
mais  que  J.  Bernard  de  Rossi  a  dé- 
montré èti'e  de  Samuel  AbenTibbon. 
X.  Ahiinasaris  AlphaTahii  Uhtr  de 
principiis  natiiralihus.  Voyez  la  bi- 
bliothèque Arabique  des  philoso- 
phes ,  par  Casiri.  XI.  Aiistotelis 
liber  de  meteoris ,  sen  de  signis  cœ- 
li.  Cette  traduction  a  été  faite  pour 
l'instruction  du  rabbin  Joseph  ben 
Israël.  XIÏ.  A^'errois  compeiidium 
libri  acroasis  ,  seu  j>ltj'sicœ  auscid- 
tationis  Aristotelis.  Bartolocci  et 
Wolf  ont  attribué  mal-à-propos  cette 
traduction  à  Samuel  Aben  Tibbon; 
elle  est  de  Mo'ise  Aben  ïibbon  ou 
Tibbonide.  Nous  renvoyons  nos  lec- 
teurs aux  ouvrages  que  nous  avons 
indiqués  dans  l'article  de  Juda  Aben 
Tibbon,  et  à  la  Bibliothèque  des 
rabbins  espagnols,  par  Rodriguez 
de  Castro,  qui  n'a  })oint  parlé  de 
Juda,  ou  qui  l'a  confondu  avec  Sa- 
muel et  avec  Moïse.       L — b — e. 

TIBBON  (  Moïse  Ben  Samuet. 
Aben  ),  autrement  appelé  Tibboni- 
de, lils  du  précédent,  vivait  aussi 
dans  le  royaimie  de  Grenade  vers 
l'an  ri']o;il  cultiva  les  mêmes  scien- 
ces que  son  père  et  son  aïeul ,  et  s'y 
lit  la  même  réputation.  Nous  avons 
de  lui  :  1.  Canticum  Canticorum 
cuiu  conime/Uario ,  manuscrit  rare 
et;  qui  n'a  jamais  été  imprimé. 
Voyez  le  Catalogue  des  ntamis- 
crits  de  la  bibliothèque  de  J.  I^ern. 
de  Rossi,  Cod.  Sqo.  II.  li.  Mosis 
Maïmonidis    liber     prœccptorum . 


TIB  3 

Tibbonide  a  enrichi  cette  traduc- 
tion d'une  savante  préface.  III.  iî. 
Mosis  Maïmonidis  liber  de  voca- 
bulis  logicis ,  seu  logicœ  compen- 
dium.  Cette  traduction  a  été  impri- 
mée plusieurs  fois  à  Venise  ,  et  une 
seule  fois  à  Crémone,  en  1 566.  Nous 
ne  pousserons  pas  plus  loin  le  cata- 
logue des  ouvrages  de  Maïmonide, 
traduits  enhébreu,par  Tibbonide;il 
semble  que  cette  famille  des  Td)bonse 
soit  réservé  la  gloire  de  les  faire  con- 
naître à  la  nation  juive  ,  dans  sa  pro- 
pre langue,  et  qu'elle  en  aitioçu  la  mis- 
sion du  célèbre  rabbin.  IV.  Hippo- 
cratis  Aphorisini.  La  traduction  des 
Aphorismes  d'Hi[)pocrate  est  accom- 
pagnée de  colle  du  oommentaiie  qu'en 
a  fait  Maïmonide.  V.  Averrois  com- 
pendinm  lihri  Aristotelis  de  sensu 
et  serisibili.W  faut  ici  replacer  la  tra- 
duction du  livre  d'Aristote  sur  les 
signes  célestes  ou  les  météores  ,  dont 
il  a  été  question  dans  l'article  précé- 
dent,  ii'\  XI.  VI.  l'abula  astrono- 
mica  Alfragani.  VII.  Achmet  Ben 
Abraham  Tzedàd  derachïm.  C'est 
un  ouvrage  de  médecine,  peu  con- 
nu, même  de  ceux  qui  en  ont  parlé, 
comme  le  fait  entendre  Rossi.  VIII. 
Euclidis  libri.  Tibbonide  a  traduit 
d'arabe  en  hébreu  presque  tous  les 
ouvrages  d'Averroès  ,  ceux  d'Aristo- 
te et  des  plus  célèbres  philosophes  et 
médeciiis  de  l'antiquité.    L — r — e. 

TIBERFl  (  Clatjpius  Nero  ),  em- 
pereur romain,  naquit  à  Rome,  le 
i6  novembre  de  l'an  34  avant  notre 
ère,  de  Tiberius  Nero,  grand  ponti- 
fe ,  et.  de  Livia  ,  fille  de  DrususClau- 
di.'tnus.  Tous  deux  descendaient  éga- 
lement de  l'illustre  famille  des  Ap- 
pius.  Dans  les  troubles  qui  suivirent 
la  mortde  César.  Tiberius  Nero.  long- 
tempsattaché  à  la  fortune  du  dicta- 
teur .  courut  de  grands  périls.  Réfu- 
giée dans  divers  lieux  dç  l'Italie, 
1.. 


4  TIB 

sa  femme  manqua  deux  fois  d'être 
(Ic'célëe  par  les  cris  de  son  fils  au  her- 
ccau.  Étant  passée  en  Grèce,  elle 
se  retira  quelque  temps  à  Lace'dé- 
mone;  et  Tibère,  enfant,  fut  con- 
fie à  la  foi  publique  des  descen- 
dants de  Léonidas.  Emmené',  de 
nuit,  hors  de  cette  ville,  il  faillit 
périr,  en  traversant  une  foret,  où 
le  feu  avait  pris ,  et  d'où  sa  mère 
n'e'chappa  que  les  vêtements  et  les 
cheveux  à  demi  brûles.  Cette  pé- 
rilleuse destinée  fut  bientôt  fixée  : 
Livie,  de  retour  à  Rome  ,  plut  aux 
regavds  du  triumvir  Octave,  déjà 
tout-puissant.  Elle  était  alors  encein- 
te; mais  cela  ne  fut  point  un  obsta- 
cle. Son  mari  la  fiança  hii-raème  au 
nouveau  maître  de  Rome.  Tibère  fut 
élevé  avec  soin  dans  la  famille  impé- 
riale. A  l!âgede  neuf  ans,  il  pronon- 
ça ,  du  haut  de  la  tribune,  rélop,e  de 
son  père ,  qui  venait  de  mourir.  Quel- 
que singulier  que  nous  paraisse  ce 
fait,  d'autres  exemples  le  rendent 
vraisemblable  ;  et  il  s'explique  par 
l'éducation  hâtive  que  recevaient  les 
jeunes  Romains  d'une  illustre  nais- 
sance. Les  vices  du  jeune  Tibè- 
re ne  furent  pas  moins  prématurés 
que  son  esprit.  Un  Grec  savant,  qui 
]ui  servait  de  précepteur  ,  avait  cou- 
tume de  dire  de  lui,  que  c'était  de  la 
boue  détrempée  avec  du  sang.  Sous 
ce  maître  habile  et  si  clairvoyant , 
Tibère  apprit  la  langue  grecque  , 
et  s'exerça  soigneusement  à  l'élo- 
quence latine.  Ses  essais  étaient 
marqués  par  une  imitation  du  vieux 
langage  ,  et  un  goût  d'expres- 
sions antiques  dont  Auguste  se  mo- 
quait. Ce  ])rince  lui  mondait  d'ail- 
leurs une  afïéction  paternelle,  soit 
par  faiblesse  pour  Livie,  soil  pour 
lelever  aux  yeux  du  peuple  tout  ce 
qui  était  alliéà  la  maison  des  (lésars. 
Dans  le  triomphe  célébré  pour  la  vic- 


TIB 

toire  d'Actium, Tibère  parut  à  cheval , 
à  côté  du  char  d'Auguste.  Il  présida 
aux  jeux  qui  suivirent  le  triomphe  ; 
et  dans  les  jeux  troyens  donnés  par 
Auguste,  il  commandait  les  plus  âgés 
des  jeunes  combattants.  Lorsqu'il 
eut  pris  la  robe  virile ,  il  donna  deux 
fois  des  spectacles  de  gladiateurs , 
toujours  avec  une  grande  magnifi- 
cence ,  et  par  la  libéralité  d'Auguste. 
Il  avait  épousé  Agrippine,  pelite-fille 
de  Pomponius  Atticus,  l'ami  de  Cicé- 
ron  ;  mais  quoiqu'il  l'aimât,  et  qu'il  en 
eût  un  fils ,  il  ]a  répudia  dans  la  suite 
pour  entrer  de  plus  près  dans  la  mai- 
son des  Césars  ,enépousant  Julie,  fille 
d'Auguste.  Tibère  était  dès-lors  un 
des  appuis  du  pouvoir  impérial.  Dès 
l'âge  de  dix-neuf  ans  ,  Auguste  l'a- 
vait nommé  questeur;  et  il  s'occupa 
de  l'intendance  des  vivres  avec  beau- 
coup d'habileté.  En  même  temps  , 
suivant  le  système  de  l'éducation  ro- 
maine ,  il  s'exerçait  à  plaider.  Il  dé- 
fendit, au  tribunal  de  l'empereur, 
dans  des  causes  diverses  ,  le  roi,  Ar- 
chélaiis ,  les  Tralliens  et  les  Thessa- 
liens;  il  porta  la  parole  ,dans  le  sé- 
nat ,  en  faveur  de  quelques  villes 
d'Asie  qui  avaient  été  affligées  par 
un  tremblement  de  terre;  enfin,  ce 
qui  paraît  un  augure  plus  remarqua- 
ble, il  remplit  le  rôle  d'accusateur, 
et  fit  condamner  pour  crime  de  lèse- 
majesté  ,  Fannius  Cepio  ^  prévenu 
d'avoir  conspiré  contre  l'empereur. 
11  aurait  voulu  dès-lors  communi- 
quer au  gouvernement  d'Auguste 
quelque  chose  de  soupçonneux  et  de 
tyraunique,  dont  la  froide  modération 
de  ce  prince  crut  n'avoir  pas  besoin. 
H  s'irritait  de  la  liberté  ae  quelques 
écrits  satiriques  qui  circulaient  impu- 
nément dans  Rome  contre  Auguste, 
ij'empereur  ,  en  réponse  aux  plaintes 
ami'rcs  (|uc  Tibère  faisait  de  cette  in- 
dulgence, lui  disait,  <lans  une  lettre 


TÎB 

citée  par  Suetoue  :  «  N'en  croyez  pas 
»  là  dessus ,  mon  cher  Tibère ,  l'em- 
»  portement  de  votre  âge  ;  et  ne  vous 
»  fâchez  pas  trop,  si  quelqu'un  dit  du 
»  mal  de  moi;  c'est  assezque  personne 
»  ne  puisse  m'en  faire.  «  Les  travaux 
militaires  devaient  se  mêler  à  cet  ap- 
prentissage de  la  vie  civile  et  séna- 
toriale. Tibère  y  était  disposé  par 
la  vigueur  de  son  tempérament  et 
son  activité.  Il  fit  d'abord,  comme 
tribun  militaire,  la  guerre  des  Can- 
tabres ,  rude  et  ancienne  école  de 
la  jeunesse  romaine.  Tibère  avait  le 
courage ,  mais  non  la  tempérance 
des  anciens  généraux.  Il  était  adonné 
aux  excès  du  vin  ;  et  les  soldats ,  pour 
s'en  moquer ,  parodiaient  son  nom 
par  celui  deBiberius-Mero.  Ensuite  , 
il  fut  envoyé  dans  l'Orient,  subju- 
gua l'Arménie ,  occupée  par  un  prin- 
ce que  l'on  appelait  usurpateur,  par- 
ce qu'il  était  l'ennemi  des  Romains;  et 
il  rendit  le  trône  à  Tigrane  ,  auquel  il 
mit  lui-même  le  diadème  sur  la  tête 
du  haut  de  son  tribunal.  Ce  fut 
à  lui  que  le  roi  des  Parthes  renvoya 
les  aigles  romaines  enlevées  sur  Cras- 
sus ,  hommage  à  la  puissance  romai- 
ne dont  Horace  a  fait  tant  de  bruit. 
Ensuite,  il  gouverna  pendant  un  an 
la  Gaule ,  nommée  Chet^elue.  Il  sou- 
mit les  Rhœtes  et  les  Vindéliciens , 
dans  les  Alpes,  et  fit  la  guerre  avec 
succès  dans  la  Germanie,  la  Panno- 
nie  et  la  Dalmatie.  Il  perdit  alors 
son  frère  Drusus ,  qu'Auguste  avait 
élevé  au  consulat  ,  et  qui  mourut 
dans  cette  guerre  :  il  ramena  son 
corps  à  Rome,  en  suivant  à  pied  le 
char  funèbre.  Il  retourna  combattre 
les  Germains  ,  les  vainquit;  et,  pour 
mieux  les  assujctir,  en  transporta 
quarante  mille  dans  les  Gaules,  au- 
delà  du  Rhin.  Il  entra  dans  Rome 
avec  les  honneurs  de  l'ovation,  mais 
revêtu  des  ornements  du  grand  trioni- 


TIB 


6 


phe  ,  privilège  jusque  là  sans  exem- 
ple. Il  fut  alors  créé  consul ,  et  déco- 
ré de  la  puissance  tribunitieune  pour 
cinq  ans.  Dans  cette  élévation,  il  se 
détermina  tout-à-coup  à  quitter  Rov 
me  et  les  affaires.  Ses  motifs,  mai 
connus  il  y  a  dix-huit  siècles ,  ne 
seront  guère  devinés  aujourd'hui. 
Etait-ce  répugnance  pour  sa  femme 
Julie ,  dont  les  débauches  devenaient 
la  fable  de  Rome,  et  qui,  fille  de 
l'empereur ,  ne  pouvait  être  aisément 
répudiée?  Était-ce  un  calcul  pour  se 
rendre  nécessaire  eu  s'éloignant  / 
Etait-ce  enfin  désespoir  d'arrivet  à 
l'empire,  en  voyant  les  deux  fils 
d'Agrippa  qu'Auguste  avait  adop- 
tés ,  gianà'r  et  occuper  la  se- 
conde place?  Quoi  qu'il  en  soit,  Ti- 
bère n'obtint  qu'avec  peine  la  per- 
mission de  se  retirer.  Auguste  se 
plaignit  dans  le  sénat  d'être  aban- 
donné. Tibère  partit ,  laissant  à  Ro- 
me sa  femme  et  son  fils.  Ayant  ap- 
pris ,  sur  la  route  ,  une  indisposition 
d'Auguste,  il  ralentit  son  voyage; 
mais  le  bruit  s'étant  répandu  qu'il 
tardait  à  dessein,  et  pour  une  grande 
espérance  ,  il  s'embarqua  brusque- 
ment, et  passa  dans  l'île  de  Rhodes, 
agréable  colonie  grecque,  renommée 
par  la  douceui-  et  la  salubrité  du 
climat.  Il  y  vécut  en  simple  particu- 
lier, habitant  à  la  ville  et  à  la  cam- 
pagne une  maison  modeste  ,  fréquen- 
tant les  écoles  des  sophistes  et  les 
gymnases  ,sans  gardes,  sans  licteurs. 
Il  n'avait  près  de  lui  qu'un  seul  ami 
du  rang  de  sénateur,  quelques  confi- 
dents obscurs,  associés  à  ses  déban- 
ches,  et  un  astrologue  qu'il  conswl- 
tait  sur  sa  destinée  i  f'^y.  Thha- 
-BYLLE  }.  Cependant  les  proconsuls 
et  les  lieutenants  de  l'empereur', 
qui  se  rendaient  eu  Asie,  ne  mâii>- 
quaiient  guère  de  le  visiter  au  pas- 
sage; car  la  cause  de  s;i   disgrâce 


6  TIB 

était  obscure ,  et  son  crédit  pou- 
vait renaître.  On  conçoit,  du  reste, 
quelle  devait  être  la  déférence  desha- 
bitants pour  un  Romain  de  si  grand 
nom.  Un  matin,  Tibère,  qui  sans 
'doute  s'enuuvait  de  son  loisir,  avait 
dit  qu'il  voulait  visiter  tous  les  ma- 
lades de  la  ville.  Le  mot  fut  mal  com- 
pris par  quelques  courtisans;  on  se 
hâta  de  transporter  tous  les  malades 
sous  une  galerie  publique  ,  et  de  les 
ranger  par  ordre.  Tibère  fut  embar- 
rassé de  ce  singulier  spectacle ,  qui 
n'attestait  que  le  servile  empresse- 
ment des  peuples  pour  !e  caprice 
présume  d'un  Romain.  11  fit  le  tour 
de  la  galerie  ,  s'excusant  auprès  de 
chaque  malade,  même  du  plus  pauvre 
et  du  plus  inconnu.  Il  gardait  habi- 
tuellement cette  feinte  douceur  dans 
son  commerce  avec  les  habitants  de 
l'île.  Une  fois  seulemenf  que,  dans  une 
école,deux  sophistes  se  trouvaient  aux 
prises,  l'un  d'eux  a  vaut  accusé  Tibère 
de  partialité  pour  son  adversaire, 
l'orgueil  du  Romain  et  du  prince  im- 
périal leparut  tout -à -coup,  et  le 
pauvre  sophiste  fut  jeté  en  prison. 
Tibère  appritdans  sa  retraite  la  con- 
damnation de  sa  femme  Julie  ,  et  le 
divorce  prononcé  d'ollice  par  l'em- 
pereur :  dans  la  joie  de  cette  nou- 
velle, il  allécta  cependant  d'écrire 
plusieurs  lettres  à  Auguste,  pour  l'a- 
doucir en  faveur  de  sa  lille;  et  il  le 
suj)plia  de  lui  laisser  tous  les  dons 
qu'elle  tenait  de  son  époux.  Lorsque 
le  temps  de  son  tribiuiat  fut  expiré, 
il  sollicita  son  retour  à  Rome,  ne  pou- 
vant ])lusrrain(lre  .  disait  il ,  ce  qu'il 
avait  voulu  surtout  ])révenir,  une 
appareure  de  rivalité  avec  le  lils 
de  l'empereur.  Auguste  ne  goû- 
ta pas  les  aiubigiut('s ,  et  répon- 
dit |).ir  un  icfiis.  Sa  retraite  devint 
un  exil,  dans  lequel  il  traînait  obscu- 
rément le  titre  de  lieutenant  de  l'cin- 


TIB 

pereur;  on  l'appelait  en  Italie  Vexilé 
de  Rhodes.  Il  vécut  dès-lors,  non-seu- 
lement en  homme  privé  ,  mais  en 
homme  suspect  et  menacé ,  se  reti- 
rant au  milieu  des  terres ,  cherchant 
la  solitude  .  et  évitant  les  hommages 
des  ofîlciers  romains  qui  passaient 
par  rîle  de  Rhodes.  Il  lit  un  vovage 
a  Samos ,  au-devant  de  Gains,  qui  se 
rendait  en  Orient  ;  mais  ce  jeune 
prince,  aigri  par  Lollius,  son  gou- 
verneur ,  ne  lui  montra  que  haine  et 
deliance.  On  l'accusa  d'avoir  voulu 
gagner  quelques  centurions.  Auguste 
l'avertit  lui-même  des  plaintes  et  des 
soupçons  qu'il  excitait;  et  Tibère  ne 
cessa  dès-lors  de  demander  un  sur- 
veillant de  sa  conduite  et  de  ses  dis- 
cours; ce  que  probablement  il  avait 
déjà  ,  sans  le  savoir.  En  même  temps, 
il  abandonna  l'exercice  des  armes  et  t 
du  cheval  ;  etquittant  l'habitromain , 
il  se  réduisit  au  manteau  et  aux  san- 
dales grecques,  comme  pour  se  ré- 
fugier dans  le  rôle  obscur  d'nn  so- 
phiste. Là  même ,  il  était,  ou  se 
crovait  menacé;  il  demanda  de  nou- 
veau sonra])pel  avec  d'instantes  priè- 
res, que  Livie  appuya  de  sa  tendresse 
et  de  son  pouvoir.  Auguste  se  laissa 
fléchir,  de  l'aveu  de  Gains, auquel  il 
destinait  l'empire  du  monde;  et  Ti- 
bère, après  huit  ans  d'éloignement, 
revint  à  Rome ,  pour  y  vivre  d'abord 
aussi  retiré  et  aussi  modeste  que  dans 
son  île.  11  conduisait  au  barreau  son 
lils  Driisus.  ]l  avait  quitté  le  quartier 
de  la  cour  et  la  maison  de  Pompée, 
et  il  habitait  aux  Esquilies  ,  dans  les 
i.irdins  de  Mécène.  Il  y  vivait  j)ai- 
sible  ,  et  ne  se  mêlant  d'aucune  aliàire 
j)ubli(pie.  Mais  la  mtu't  prématurée 
de  Gaïus  <>t  de  son  frire  Lucius  vint 
tout  changer.  Auguste,  qui  cherchait 
des  appuis  et  des  héritiers  de  scm 
pouvoir,  fut  oblige  de  reporter  les 
yeux    sur   Tibère.    Il    est   aiissitôl 


riB 

adopte  par   l'empereur  ,  en  même 
temps  qu'Agrippa ,  dernier  frère  de 
Caïus.  Il  est  de  nouveau  revêtu  de  la 
puissance  tribunitienue ,  et  mis  à  la 
tète  des  légions  de  Germanie.    Sou 
esprit  inquiet  et  actif  qui  avait  dévo- 
ré l'ennui  d'une  si  longue  inaction  , 
reparut  tout-à-coup  avec  une  nou- 
velle vigueur.  Il  revoyait  le  théâtre 
de  sa  gloire^  il  reprenait  le  chemin 
de   l'empire.   On   peut   croire  mê- 
me, sur  la  foi  du  flatteur  Velléius  , 
qu'il  fut  accueilli  par  les  transports 
et    les   acclamations   des    soldats    : 
«  Nous   te   revoyous ,  général ,   di- 
»  saient-ils  ,  nous  te  retrouvons  sain 
»  et  sauf-  puis  il  entendait  de  toutes 
»  parts  ces  mots  :  Moi  /général,  j'ai 
»  servi  avec  toi  dans  l'Arménie  ;  moi, 
»  dans  la  Rhétie  ;  moi,  j'ai  été  décoré 
;>  de  ta   main   dans  la   Viudélicie  ; 
»  moi,  dansiaPanuoniejmoidansla 
'  w  Germanie.  <>  Tibère  justifia  cet  en- 
thousiasme par  des  victoires  :  il  sou- 
mit plusieurs  peuples  de  la  Germa- 
nie, jusqu'au  Véser,  qu'il  traversa  j 
puis  il  laissa  sou  armée  en  quartiers 
d'hiver  aux  sources  de  la  Li[)pe,  et 
revint  auprès  d'Auguste  ,   jusqu'au 
printemps ,  et  à  la   campagne  nou- 
velle. Elle  fut  marquée  par  des  suc- 
cès ,    et    Tibère    revint    encore  à 
Rome  ,    surveiller    la   santé   d'Au- 
guste,  et  l'héritage  de  l'empire.    Il 
vainquit  les  Marcomans,  que   leur 
chef  Mjroboduus  avait    disciplinés 
presque   à  la   manière  romaine,    et 
dont  la  résistance  fut  aidée  par  les 
Pauuuuicns  et  les  Dalmales.  On  ne 
doit  lire  qu'avec  déliancc  les  récits 
de  Vclleius,  témoin  oculaire,  mais 
témoui   conoinpu  ^   ayant  à-la-fois 
l'engouement  d'un  ollicicr  pour  son 
général  ,  l'abjection  d'un  courtisan, 
et  l'emph.ise  d'un  rhéteur.  Toute- 
fois on  ne  peut  douter  (jue  Tibère  ne 
fût  un  général  habile.  Tacite, pt  §ué- 


TIB  7 

tone    conviennent  de  sa   réputation 
à  cet  égard.  Il  conduisit  avec  pru- 
dence et  vigueur  la  guerre  contre  les 
Pannoniens  et  les  Dalmates ,  et  sou- 
mit la  belliqueuse  province  d'IUyrie. 
Velléius  porte  jusqu'à  huit  cent  mille 
hommes  les  forces  des  peuplades  con- 
fédérées que  Tibère  eut  à  combattre. 
Cependant  cet  historien  ,  au  milieu 
de  ses  hyperboles ,  ne  rapporte  au- 
cune grande  bataille  gagnée  par  Ti- 
bère, ni  aucun  trait  mémorable  de 
sa  part.  Il  s'extasie  sur  sa  douceur  , 
sur  le  soin  qu'il  avait  des  olUciers 
malades ,  sur  la  bonté  avec  laquelle  il 
prêtait  sa   litière  ,    comme  je   l'ai 
éprouvé  moi-même,  (lit-il,   ain- 
si que  beaucoup  d'autres.   La  dé- 
faite   de   Varus,    qui  survint  à   la 
même  époque,    fit  encore   ressortir 
la  fortune  et  le  talent  du  fils  adoptif 
de  l'empereur.  Cette  nouvelle  arriva 
ciuq    jours    après    que    Tibère   eut 
terminé  la   guerre   de  Pannonie   et 
de  Dalmatie.  Il  serenditsur-le-champ 
près  d'Auguste,  diiTéra  son  triomphe, 
par  égard  pour  le  deuil  public  ,  et 
repartit  au  printemps  ,  pour  repous- 
ser les  Germains,  vainqueurs  de  Va- 
rus. Il  porta,  dans  cette  guerre,  un 
nouvel  ell'ort  de  vigilance  et  d'activi- 
té. Tout  était  délibéré  dans  un  con- 
seil et  réglé  d'avance,  la  disciphne 
sévèrement    observée  ,    la  mollesse 
proscrite.  Le  général  lui-même  sou- 
vent n'avait  pas  de  tente,  bivoua- 
quait sur  le  gazon,  et  était  prêt  à 
toute  heure  de  nuit.  Malgré  sa  pru- 
dence habituelle  ,  il  livrait  bataille , 
lorsque,  durant  sa  veille  nocturne  ,  il 
avait  vu  la  lumière  de  sa  lampe  bais- 
ser et  s'éteindre  d'elle-même.  Il  pa- 
raît qu'une  fois  son  armée  se  trouva 
surprise  dans  un  défilé,  par  un  chef 
pannonienj  mais  Tibère  séduisit  ce 
général,,  que,  dans  la  suite,  il  récom- 
pensa par  uu  établissement  et  des  ter- 


a 


TIB 


res  en  Italie.  Sorti  de  ce  péril ,  il 
acheva  de  soumettre  la  Germanie^  et 
revint  à  Rome  pour  triompher.  Au- 
guste présida  la  cérémonie,  et  reçut 
les  hommages  de  Tibère,  qui  descen- 
dit du  char ,  et  fléchit  les  genoux  de- 
vant lui,  avant  de  monter  au  Capi- 
tole.  Peu  de  temps  après ,  il  fut  déci- 
dé, par  une  loi,  que  Tibère  partage- 
rait avec  Auguste  le  gouvernement 
des  provinces  réservées  à  l'empereur, 
et  qu'il  célébrerait  la  cérémonie  du 
Cens.  Après  s'êtreacquittéde  ce  der- 
nier soin ,  il  partit  pour  faire  encore 
la  guerre  en  Illyrie.  Auguste,  mal- 
gré son  âge  et  le  déclin  de  sa  san- 
té, l'accompagna  jusqu'à  Bénévent, 
et  ensuite  reprit  la  route  de  Noie,  où  il 
fut  saisi  d'une  grande  défaillance. 
Tibère  averti  revint  à  la  hâte ,  trouva 
l'empereur  qui  respirait  encore,  et 
demeura  un  jour  enfermé  avec  lui. 
Selon  le  flatteur  Velléius ,  Augus- 
te ,  environné  des  empressements 
de  Tibère,  rassuré  désormais  sur 
l'avenir  j  et  même  un  moment  ranimé 
par  la  pl-ésence  et  l'entretien  de  ce 
fils  chéri ,  rendit  au  ciel  son  amc 
divine.  Suivant  Suétone ,  Auguste  , 
peu  satisfait  de  cette  dernière  conver- 
sation, laissa  échapper  ces  mots, 
lorsque  Tibère  fut  sorti  :  Malheu- 
reux le  peuple  romain ,  de  se  trou- 
ver sous  celle  pesante  mâchoire  ! 
Quoi  qu'il  en  soit  ,  tout  avait 
e'té  préparé;  toutes  les  issues  étaient 
gardées,  pour  que  le  peuple  apprît 
du  même  coup  la  mort  d'Auguste 
et  l'avènement  de  Tibère.  Le  der- 
nier fils  (l'Agrippa  ,  le  jeune  Agrippa 
Posthume,  déjà  relégué  loin  de  la 
cour  par  les  intrigues  de  Livic  , 
reçut  la  mort  flans  sa  prison,  par 
les  niaiuH  d'un  rcUlurio»,  contre  le- 
quel il  se  di'feudii  I6i1gtr»n(»s.  Ce 
menrlre  ,  dit  Tacite,  fiit  le.  pu-:- 
mit-r  crime  fhtuntn'rau  rèsrtr^  Lm-^- 


TlB 

que  le  tribim  militaire  vint  rendre 
compte  de  l'accomplissement  de  tet 
ordre,  Tibère  dit  qu'il  n'avait  rien 
ordonné  de  semblable ,  et  que  le  tri- 
bun rendrait  compte  au  sénat.  Mais 
cette  menace  hypocrite  tomba  d'elle- 
même  ,  et  fut  oubliée  dans  les  soins 
nombi-eux  qui  suivirent.  Tibère ,  par 
le  droit  de  la  puissance  tribunilienne, 
convoqua  le  sénat  ;  mais  à  peine  eut- 
il  commencé  de  parler  qu'il  s'arrêta, 
comme  accablé  de  sa  douleur ,  et  sou- 
haita de  perdre  la  parole,  et  même  la 
vie;  puis  il  donna  son  discours  à  lire  à 
son  (ils  Drusus;  ensuite  les  vestales  ap- 
portèrent le  testament  d' Au guste, dont 
un  affranchi  donna  lecture.  Dans  cet 
acte  solennel ,  Auguste  semblait  agir , 
comme  particulier,  et  non  comme 
prince  :  il  disposait  de  sa  fortune,  et 
non  de  l'empire;  mais  il  était  entendu 
par  la  servilité  commune ,  que  l'une 
de  ces  expressions  supposait  l'autre. 
Telles  étaient  les  premières  paroles 
du  testament  :  «  Puisque  la  fortune  en- 
nemie m'a  enlevé  Caïus  et  Lucius  ^ 
mes  fils,  que  Tibère  César  soit  mon 
héritier  pour  les  deux  tiers  de  ma 
succession.  »  Les  autres  dispositions 
ne  renfermaient  que  des  legs  et  des 
libéralités  pour  le  peuple  romain. 
Après  celte  lecture  commença  le 
singulier  débat  de  servitude  et  d'hy- 
pocrisie si  énergiquement  dépeint 
par  Tacite,  et  où  Tibère,  qui  pos- 
sédait la  réalitédu  pouvoir ,  le  palais , 
la  garde,  le  trésor,  se  fit  supplier 
d'accepter  l'empire.  Après  avoir  ré- 
sisté long-temps  aux  arguments  et 
aux  fausses  larmes  des  sénateurs ,  il 
céda  eulin,  comme  vaincu  par  la 
violence  ,  et  (inil  par  ces  mots  :  «  Au 
»  moins  que  je  puisse  arriver  à  un 
«temps,  où  vous  pigerez  équitable 
))  (raccorder  (pi('lr|iir  repos  à  ma 
»  vieillesse!  »  Celle  comédie  ('tonne- 
ra hi  oins  ,  si  l'on  songe  que  l'ctablis- 


T3B 

sèment  impérial  n'avait  encore  été' 
confirmé  par  aucmie  transmission; 
qu'Auguste  lui-même  avait  feint  de 
u'cn  jouir  que  pour  dix  ans.  Indé- 
pendamment de  sa  résistance  publi- 
que, Tibère,  même  dans  le  secret  du 
palais,  exprima  son  anxiété,  tantôt 
en  reprochant  à  ses  amis  de  ne  pas 
savoir  quel  monstre  c^ était  que  l'em- 
pire,  tantôt  en  avouant  avec  plus  de 
franchise  ,  quil  tenait  le  loup  par 
les  oreilles.  En  effet,  plusieurs  pro- 
vinces étaient  agitées.  En  Germa- 
nie ,  les  légions  mutinées  offraient 
l'empire  à  Germanicus,  qui  le  refu- 
sait avec  une  indignation  trop  ver- 
tueuse pour  être  comprise  par  Tibè- 
re. En  Illyrie  ,  la  sédition  se  bornait 
à  des  demandes  de  paie  et  de  con- 
gés; mais  elle  n'était  pas  moins  vio- 
lente. On  parlait  aussi  d'un  rassem- 
blement formé  par  un  esclave  du 
malheureux  Agrippa  ;  et  l'on  pou- 
vait craindre  des  complots  parmi  les 
grands  de  l'empire  :  tout  céda  bien- 
tôt. Germanicus  calma  les  légions, 
et  les  conduisit  à  de  nouvelles  victoi- 
res, au  nom  de  l'empereur.  Les  lé- 
gions d'Illyrie  s'apaisèrent  égale- 
ment par  la  présence  et  les  promes- 
ses de  Drusus.  Tibère  eut  un  pou- 
voir aussi  vaste  que  paisible  ;  il  parut 
d'aboixl  en  user  avec  modération.  Il 
refusa  les  honneurs  entassés  à  ses 
pieds  par  le  sénat.  Il  ne  voulut  ni 
prêtres ,  ni  temple  ,  ni  statue.  Il  ne 
permit  pas  de  jurer  par  ses  actes,  de 
donner  le  nom  de  Tibère  à  l'un  des 
mois  de  l'année.  Une  prit  que  rare- 
ment le  nom  d'Auguste,  et  refusa 
toujours  le  surnom  d'Imperator.  Il 
affectait  en  même  temps  une  grande 
déférence  pour  le  sénat ,  et  quelque- 
fois une  apparence  de  soumission 
qui  devait  faire  trembler  les  séna- 
teurs. Ainsi ,  dans  un  discours  au  sé- 
nat ,  il  proféra  ces  paroles  littérale- 


TIB  ,9 

meut  conservées.  «  Je  l'ai  dit,  pères 
»  conscripts  ;,  et  maintenant ,  et  dans 
1)  d'autres  occasions  ;  un  bon  et  utile 
»  prince  que  vous  avez  entouré  d'une 
»  puissance  si  grande  et  si  libre ,  doit 
»  être  le  serviteur  du  sénat  et  des 
»  citoyens  ,  et  souvent  de  chacun 
w  d'eux  en  particulier  :  je  ne  me  re- 
»  pens  pas  de  l'avoir  dit^  car  j'ai 
)>  trouvé,  et  je  trouve  encore  en  vous 
))  des  maîtres  bons  et  équitables.  » 
Quelques  autres  traits  particuliers 
semblaient  indiquer  de  la  modération 
des  égards  pour  le  peuple  romain. 
Tibère  avait  fait  transporter  dans  sa 
chambre  (i)  une  statue  précieuse, 
placée  devant  les  Thermes  d' Agrippa, 
et  qui  représentait  un  homme  se 
frottant,  au  sortir  du  bain.  Le  peuple 
romain  ,  si  peu  sensible  à  la  perte  de 
sa  liberté ,  réclama  contre  cette  fan- 
taisie du  prince  ;  et  de  grands  cris 
éclatèrent  au  théâtre ,  pour  redeman- 
der le  rétablissement  de  la  statue 
dans  un  lieu  public.  Tibère  la  fit 
replacer  ;  mais  il  supprima  les 
comices,  dont  Auguste  avait  conser- 
vé l'image,  et  qui  s'étaient  assemblées 
encore  pendant  toute  la  durée  de  son 
règne.  Cette  grande  révolution  ,  qui 
détruisait  la  dernière  forme  de  la  li- 
berté populaire,  est  appelée  dans  Vel- 
léius ,  par  un  de  ces  euphémismes 
communs  à  tous  les  temps  de  servi- 
tudes ,  l'organisation  des  comices 
{comitiorum  ordinatio).  Des  paro- 
les hautaines ,  des  traits  de  despotisme 
se  mêlaient  à  tous  les  actes  de  Tibère, 
et  annonçaient  la  dureté  farouche  de 


(i)  Pliirima  ex  oninibui  signa  J'ecit ,  ut  diximus  , 
J'acundis^iinn' artis  interijuœaistrin^enteni  se  ,  quem 
Marciis  --i^rippa  anté  thermas  suas  dicavit  ^  mire 
gralitm  Tiberio  principi  :  qui  non  quivil  lemperare 
sihi  in  eo ,  quanquam  imperiosus  sui  inter  initia 
principalils  ,  Iranslulilque  in  eubiculum  ,  alio  ibi 
stgnn  substituto  :  cum  quidem  tanta  poputi  romant 
rontninacia  juit  .  ut  magnis  iheatn  clamorihti% 
reponi  apoxyomenonflngttaverit,princepsquef  quart  - 
quant  adamaliim,  rrpo^uerit.  (Pliu.  Hiit.  nal.  ,  lill 
XXXIV.  ) 


10  TIB 

sou  règue  :  un  ancien  arai  lui  disait , 
dans  les  premiers  jours  de  son  éléva- 
tion: Vous  souvenez- vous,  César? 
et  il  allait  rappeler  quelques  souve- 
nirs de  leur  liaison.  «  Je  ne  me  sou- 
»  viens  pas  de  ce  que  j'ai  été,  » 
lui  répondit  Tibère.  Il  différait  à 
payer  les  lep;s  d'Auguste  au  peu- 
ple romain.  Un  homme,  rencontrant 
un  convoi  funèbre ,  dit  tout  haut  que 
le  défunt  devrait  bien  «e  charger  de 
prévenir  Auguste  de  cet  oubli.  Le 
plaisant  est  arrêté,  conduit  à  Tibère, 
qui  lui  fait  donner  aussitôt  sa  part 
du  legs  ,  et  ordonne  qu'il  soit  pendu, 
afin  d'aller  avertir  Auguste.  Insensi- 
blement il  luarquadavantage  son  pou- 
voir, se  montra  surveillant  sévère  de 
la  justice,  et  même  réformateur  des 
mœurs.  Il  venait  assister  aux  juge- 
ments des  tribunaux;  et,  s'il  croyait 
apercevoir  faveur  ou  corruption  dans 
les  juges,  il  les  réprimandiiit  :  mais 
ce  qu'il  faisait  ainsi  ])our  la  justice  ,  il 
pouvait  le  faire  au  profit  de  la  tyran- 
nie; et  il  ne  tarda  pas.  Il  avait  d'a- 
bord refusé  de  punir  les  libelles  ,  et 
écarté  lesaccusaliMis delèse-majestéj 
il  parutijientôtdisjioséàlesaccueillir. 
Ce  fut  surtout  après  la  mort  de  Ger- 
manicus  qu'il  laissa  voir  tous  ses  vi- 
ces. La  vertu  du  jeune  prince  le  con- 
tenait; et  il  avait  peur  de  sa  gloire. 

11  l'éloigna  d'abord  des  provinces 
voisines  de  l'Italie,  et  l'envoya  com- 
mander dans  l'Orient  :  mais  l'amour 
et  les  v«;ux  des  l'omains  suivaient 
partdut  (ieimanicus.  On  comparait 
son  affabilité,  sa  douceur,  à  la  dure- 
té de  Tibire.  On  espérait  en  lui  , 
comme  on  avait  autrefois  espéré 
dans  son  pire  Drusus.  La  haine  de 
Tibère  s'en  irritait  ;  (iernianicus 
nidiinit  m  Oii(  ni  ,  apris  une  coui- 
le  maladie.  SnctcUKr  n'ailinne  pas 
l'enipoisoiuK ment  de  (ici juanicusç 
el ,  dans  les  temps  modernes ,   V'nl- 


TIB 

taire  avec  ce  scepticisme  qui  de- 
vient quelquefois  trop  favorable  aux 
méchants  ,  a  rejeté  ,  comme  une  fa- 
ble les  soupçons  de  Tacite.  Mais  les 
fdaintes  de  Germanicus  mourant, 
es  accusations  répétéespar  sa  femme 
et  ses  amis  ,  le  mécontentement  de 
Tibère  qu'on  eût  montré  le  corj)s 
du  jeune  prince  ,  et  sa  cruauté 
sur  la  veuve  et  les  enfants  de  Ger- 
manicus :  voilà  des  motifs  de  soup- 
çonner un  premier  crime  attesté  par 
tant  d'autres  crimes.  La  conduite  de 
Tibère  pendant  le  procès  de  Pison 
n'est  pas  moins  remarquable  Kome 
et  l'empire  accusaient  le  gouverneur 
de  Syrie ,  et  demandaient  sa  mort.  Il 
fallait  une  satisfaction.  Ou  dirait 
que  Tibère  eût  voulu  d'abord  la 
détourner.  Un  accusateur  aposté 
se  présente  afin  de  substituer  une 
accusation  de  commande  aux  voix 
énergiques  des  amis  de  Germanicus. 
Ceux-ci  ne  voulurent  pas  se  désis- 
ter de  leur  pieuse  vengeance.  Le 
sénat  leur  fut  ouvert.  Tibère  ,  dans 
un  discours  ambigu ,  parut  laisser 
quelque  espérance  à  Pison  ,  pleura 
Germanicus  ,  et  blâma  le  zèle  trop 
ardent  de  ses  amis.  Lorsque  les  dé- 
bats s'animèrent,  et  que  Pison  ,  sans 
être  convaincu  sur  le  crime  d'em- 
poisonnement ,  fut  accablé  par  la 
véhémence  de  ses  adversaires  ,  le 
|)rince  parut  si  froid ,  si  impénétra- 
ble, que  Pison  sortit  du  sénat  sans 
espérance  :  ou  le  trouva  mort  dans 
la  nuit.  Selon  quelques  récits  du 
temps  ,  répétés  par  Tacite  ,  cette 
mort  eût  été  violente ,  et  prévint 
le  désespoir  de  Pison ,  qui  ,  dé- 
posilaire  des  ordres  seciets  de  l'em- 
|icreur  coiitic  Germanicus  ,  était 
résolu  de  les  produire  au  sénat. 
L'imagination  ,  (|ui  aime  le  dramati- 
cpie  dans  l'iiisldire  ,  se  ligure  l'ibè- 
re présidant  au  jugemculdcsoncom- 


TIB 

plice ,  redoutant  un  aveu ,  deruière 
défense  de  l'accusé  ,  le  retardant 
quelques  jours  par  de  fausses  pro- 
messes ,  et  s'assuraut  à  la  fin  le  si- 
lence par  un  meurtre  secret.  Cepen- 
dant les  dernières  paroles  écrites  par 
Pison,  et  apportées  dans  le  sénat, 
démentent  cette  conjecture.  Pison  se 
plaiut  de  succomber  à  la  conspira- 
tion de  ses  ennemis,  11  n'accuse  ni 
rinditTéiv'nce,ni  les  ordres  du  prince; 
il  lui  rappelle  seulement  une  ancienne 
amitié  qu'il  invoque  pour  ses  enfants. 
Mais  ou  sait  que  l'iionible  loi  des 
confiscations  pouvait  faire  redouter 
à  un  Romain  quelque  chose  après  la 
mort.  D'autres  victimes  de  la  tvrau- 
nie  des  Césars  semblaient  la  bémr 
dans  leur  testament  ou  dans  leurs 
derniers  adieux,  afin  de  sauver  par 
cette  flatterie  de  mourant  le  patri- 
moine de  leur  famille.  11  reste  donc 
vraisemblable  que  Pison  avait  été 
l'apient  de  Tibère  dans  mille  persé- 
cutions contre  Germanicus,  Plaiicine, 
son  épouse  ,  plus  particulièrement 
soupçonnée  de  l'empoisonnement  de 
Germanicus ,  fut  sauvée  à  la  deman- 
de du  prince.  Du  reste ,  après  la  mort 
de  Pison,  Tibère  eut  égard  à  ses 
dernières  prières  ;  il  fit  réduire  les 
amendes,  et  conserva  la  plus  (i;ran- 
de  jiartie  de  ses  biens  à  ses  enfants. 
Mais  en  même  temps  il  récompensa 
les  accusateurs  par  des  places  et  des 
honneurs.  Soit  que  Tibère  se  sen- 
tît délivré  par  la  mort  de  Germa- 
nicus, soit  que  son  orgueil  fût  ulcéré 
par  les  regrets  qui  la  suivirent ,  il  est 
certain  que  son  gouvernement,  jusque 
là  raclé  de  quelque  bien  ,  devint  de- 
puis cette  époque  cliacpie  jour  plus 
tyrannicpic  et  plus  cruel.  11  avait  dé 
j.i  pour  ])riiici|)al  miiiislie  Séjaii  , 
qui,  })ar  une  circonstance  remarqua- 
ble, s'attira  tant  de  liainc,  sans 
diminuer  celle  que  l'on  ])urlait  au 


TIB 


1 1 


prince.  Il  admettait  en  même  temps 
Dnisus  dans  le  gouvernement ,  l'as- 
sociait au  consulat,  et  ne  parais- 
sait pas  jaloux  de  son  pouvoir. 
Cette  même  année  ,  il  quitta  Ro- 
me ,  pour  habiter  la  Campanie. 
La  paix  de  l'empire  était  faible- 
ment troublée  par  quelques  guerres 
dans  l'Afrique  ou  dans  la  Tlirace  , 
et  quelques  révoltes  dans  les  Gaules. 
Tibère,  du  fond  de  sa  retraite,  don- 
nait des  ordres  ;  et  il  annonçait  au  sé- 
nat ces  troubles  passagers  lorsqu'ils 
étaient  apaisés  par  le  courage  des  gé- 
néraux romains.  Les  principaux  évé- 
nements de  ce  règne  sont  donc  l'avi- 
lissement du  sénat,  ses  iniques  sen- 
tences et  ses  lâches  délations ,  qui 
frappèrent  tant  de  victimes ,  depuis 
les  ennemis  de  Tibère  jusqu'à  ses  fa- 
voris. On  conçoit  avec  peine  quelques- 
unes  de  ces  barbaries  légales  dont  le 
sénat  se  montrait  l'exécuteur  docile 
avec  un  zèle  tantôt  blâmé ,  tantôt  loué 
par  Tibère.  Drusus  étant  tombé  ma- 
lade, un  chevalier  romain  ,  Lutorius 
Priscus ,  avait  préparé  des  vers  sur 
la  mort  du  jeune  prince.  Drusus  gué- 
rit; mais  le  poète,  ayant  In  son  ou- 
vrage dans  quelques  cercles  de  fem- 
mes ,  fut  dénoncé  pour  crime  de  lèse- 
majesté.  Le  sénat  le  jugea  digne  de 
mort  ;  et  il  fut  exécuté  dans  sa  pri- 
son. Tibère,  en  trouvant  la  peine  ri- 
goureuse ,  approuva  cependant  le  zè- 
le des  sénateurs  à  venger  les  injures 
du  prince;  mais,  comme  si  l'on  eût 
fait  tort  à  sa  clémence,  il  ordonna 
qu'à  l'avenir  les  arrêts  de  mort  ne 
seraient  exécutés  qu'après  un  délai 
de  dix  jours.  La  bassesse  du  sénat 
n'en  fut  pas  moins  ardente  à  multi- 
plier les  victimes,  sur  un  soupçon, 
sur  un  prétexte.  Le  progrès  de  la  ser- 
vitude était  continu.  Lin  général  vain- 
queur n'osait  pas  ,  sans  l'ordre  du 
prince  ,  accorder  la  couronne  civique 


12  ÏIB 

à  un  soldat.  Tous  les  gouverneurs  de 
provinces  tremblaient  devant  les  ac- 
cusations ,  que  l'on  rendait  mortelles, 
en  y  joignant  le  crime  de  lèse -ma- 
jesté. Les  premiers  citoyens  de  Ro- 
me ,  possesseurs  de  ces  immenses  ri- 
chesses, de  ces  palais,  de  ces  vastes 
domaines ,  de  ces  armées  d'esclaves , 
qu'ils  tenaient  de  leurs  aïeux,  vivaient 
dans  tous  les  excès  du  luxe.  Ils  en 
étaient   moins  suspects   au   prince. 
Ou  avait  proposé  ,  dans  le  sénat,  de 
nouvelles  lois  somptuaires.  Tibère  i!es 
désapprouva, dans  une  lettre;  et  l'on 
se  réduisit  à  prescrire  quelques  ré- 
formes  dans  les   plus  obscures   ta- 
vernes. L'empereur    conservait   au 
sénat    un   simulacre   de    pouvoir  , 
dans  les  choses  indifférentes.  Il  lui 
laissait  discuter  longuement  les  titres 
sur  lesquels  se  fondait  le  droit  d'asi- 
le réclamé  pour  les  temples  de  quel- 
ques villes  d'ionie.  Après  deux  ans 
de  séjour  dans  la  Campauie  ,  Tibère 
fut  rappelé  à  Rome  par  une  maladie 
d'Augusta ,  sa  mère.  Le  sénat  prodi- 
gua les  offrandes,  les  prières  publi- 
ques et  les  sacrifices.  Tibère ,  sans  af- 
fection pour  sa  mère,  respectait  en 
elle  cependant  la  veuve  d'Auguste,  et 
redoutait  la  vieillesse  encore  ambi- 
tieuse de  cette  femme  à  laquelle  il 
devait  l'empire.  Jaloux  de  le  perpé- 
tuer dans   sa    maison  ,    il  deman- 
da le  tribunal  pour  son  fils  ,  comme 
lui-même  l'avait  reçu  d'Auguste.  Le 
sénat  répondit  en  votant  des  arcs  de 
triomplie,  eldcs  actions  de  grâce  aux 
dieux. Tibère  parut  quelques  moments 
tempérer  la  rigueur  du  pouvoir.  Sur 
les  rôles  des  accusations  inscrites  de- 
vant le  sénat,  il  raya  le  nom  d'un  ci- 
toyen prévenu  d'avoir  fait  fondre  une 
image  du  prince,  pour  la  transformer 
«;n  une  vaisselle  d'usage.  Mais  le  sé- 
nat  trouvait  alors  en   soi  (juelques 
forcer  de  résistance  :  c'était  une  des 


TIB 

bassesses  ingénieuses  du  temps.  Un 
sénateur,  jurisconsulte  célèbre,  Asi- 
nius  Gapito ,  accusa  Tibère  d'abus  de 
pouvoir,  pour  avoir  ainsi  soustrait 
à  la  justice  du  sénat  un  homme  cou- 
pablede  lèse-majesté.  Dans  ce  despo- 
tisme si  grand  et  si  peu  contesté, Ti- 
bère se  laissait  lui  -  même  dominer 
par  Séjanj  et  cette  faiblesse  était  por- 
tée si  loin ,  que  le  grave  Tacite  n'y 
trouve  d'autre  explication  que  le  ca- 
price du  sort ,  et  la  colère  des  dieux 
contre  Rome.  Commandant  des  co- 
hortes prétoriennes,  ministre  princi- 
pal de  l'empereur ,  qui  le  nommait  en 
public  le  compagnon  de  ses  travaux, 
Séjan  voulut  arriver  à  l'empire.  Dru- 
sus  ,  fils  de  l'empereur ,  élevait  une 
barrière  à  son  ambition.  Séjan  sédui- 
sit la  femme  de  ce  jeune  prince ,  et 
le  fit  périr  par  le  poison.  Pendant  là 
courte  maladie  de  Drusus  et  dans  lès 
premiers  jours  de  sa  mort ,  Tibère  tie 
cessa  point  de  paraître  au  sénat.  Il 
réprima  les  larmes  réelles  ou  feintes 
des  sénateurs;  et,   ce  qui  fut  plus 
important ,  il  fit  présenter  au  sénat 
les  deux  fils  aînés  de  Germanicus , 
comme  les  héritiers  désignés  de  l'ein- 
pire.  Rien  n'était  plus  conforme  aiix 
vœux  des  Romains  ;  et  quand  Tibère 
prononça,  sur  la    place   publique, 
l'éloge  de  sou  fiis  Drusus  ,  une  joie 
secrète  se  cachait  sous  le  deuil  ap- 
parent du  peuple.  On  peut  croire  que 
le  vieux  prince   pénétra   sans  peine 
cette  hypocrisie  de  la  douleur  publi- 
que ,  et  qu'il  ne  tarda  pas  à  repren- 
dre ses  délianccs  et  ses  haines  con- 
tre la  maison  de  Germanicus.  Il  re- 
grettait peu  son  fils;  il  trouvaitraa'u- 
vais  qu'un  lui  rappelât  un  souvenir 
qu'il  avait  si  vite  oublié.  Les  envoyés 
d'Ilion  venant  un  peu  lard  le  haran- 
guer sur  cette  ]>orte ,  il  leur  répondit , 
(|u'il  l(;nr  f disait  aussi  son  coinpîi- 
meni  de  condoléance  sur  la  mort 


T4B 

d' Hector,  leur  illustre  concitoyen. 
Mais  Agrippine  l'oflensait  par  son 
orgueil  et  par  sa  vertu  j  et  le  sëuat 
lui-même,  par  son  imprévoyante  flat- 
terie, se  hâtait  trop  d'bunorcr  les 
jeunes  princes  que  lui  avait  recom- 
mandés Tibère.  Séjan,  dont  le  pre- 
mier crime  était  inutile  si  de  nou- 
veaux héritiers  remplaçaient  Drusus, 
dénonçait  à  Tibère  l'élévation  et  les 
espérances  des  jeunes  princes.  Dès- 
lors  les  anciens  amis  de  Gcrmani- 
cus  furent  la  proie  désignée  aux 
délateurs.  Ces  hommes  ,  protégés 
par  Tibère ,  devinrent  le  fléau  de 
l'empire.  Déchaînés  ,  par  des  ordres 
secrets,  contre  tous  ceux  qui  pou- 
vaient déplaire,  ils  semblaient,  dans 
leur  servile  impudence,  imiter  l'é- 
nergie et  réclamer  le  droit  de  ces  li- 
bres accusations ,  usitées  dans  la  ré- 
publique. Ainsi  Rome,  et  ce  fut  la 
science  d'Auguste  perfectionnée  par 
Tibère,  s'enfonçait  daps  l'esclavage 
par  l'abus  des  mêmes  choses  qui  ja- 
dis l'avaient  rendue  libre.  Le  tribunat 
était  devenu  l'inviolabilité  de  la  ty- 
rannie, les  accusations  publiques  l'ins- 
trument des  soupçons  et  de  la  servi- 
tude commune ,  le  sénat  le  greffe  de 
toutes  les  vengeances  de  l'empereur 
ou  de  ses  favoris.  Ainsi  périrent  plu- 
sieurs amis  illustres  de  Germanicus  ^ 
ainsi  l'on  vit  un  père  dénoncé  par 
son  fils  j  ainsi  Gremulius  Cordus ,  his- 
torien illustre,  accusé  d'avoir  loué, 
dans  ses  livres ,  les  grands  hommes 
de  la  république  ,  fut  forcé  de  se  don- 
ner la  mort.  Tibère, dissimulésur  tout 
le  reste,  protégeait  ouvertement  les 
délateurs.  11  ne  voulait  pas  permettre 
qu'on  leur  ôtât  leur  salaire,  dans  le 
cas  où  l'accusé  se  tuait  avant  le  ju- 
gement, pour  prévenir  la  confisca- 
tion de  ses  biens  j  et  il  les  fit  payer 
alors  de  l'argent  du  trésor.  Séjan , 
qui  dirigeait,  par  ses  clients,  toutes 


TIB 


]3 


les  accusations  de  lèse -majesté',  mit 
sa  faveur  à  l'épreuve ,  en  demandant 
à  Tibère  la  permission  d'épouser  la 
veuve  de  Drusus.  L'empereur  refusa  ; 
et ,  ce  qui  doit  surprendre ,  le  crédit 
de  Séjan  n'en  fut  point  affaibli.  Ti- 
bère viçiilissait  ;  et  sans  doute  il  lui 
paraissait  pénible  de  changer  sa  con- 
fiance et  l'ordre  qu'il  avait  établi  pour 
les  affaires  de  l'empire.  Le  ministre 
profit^de  cettedisposition.  Rome  fati- 
guait Tibère.  Il  ne  pouvait  supporter 
aucune  ombre  deliberté;  et  son  esprit 
amer  et  juste  ,  était  dégoûté  delaser- 
vitudejil  refusait  les  temples  qu'on 
voulait  lui  dédier.  Il  se  plaiguait  ,  en 
sortant  du  sénat ,  de  la  bassesse  des 
sénateurs.  D'autrefois  il  était  choqué 
des  vérités  qu'il  entendait ,  par  le 
zèle  des  accusateurs  à  reproduire 
tous  les  discours  olïensants  qu'ils  im- 
putAientà  leurs  victimes.  D'ailleurs  à 
Rome ,  il  était  lassé  des  prières  et 
du  crédit  de  sa  mère.  Il  était  impor- 
tuné par  la  hauteur  et  les  plaintes 
d' Agrippine  ;  et  pour  la  frapper, ainsi 
que  ses  enfants  ,  il  aimait  mieux  s'é- 
loigner. Ce  fut  ainsi ,  qu'il  quitta 
Rome ,  pour  se  rendre,  d'aboixldans 
la  Campanie,  sous  prétexte  de  dé- 
dier le  temple  de  Jupiter  à  Capoue, 
et  celui  d'Auguste  à  Noie.  Au  com- 
mencement de  ce  voyage ,  le  pouvoir 
de  Séjau  sur  son  maître  s'accrut  en- 
core par  un  incident  fortuit.  Tibère  dî- 
nait dans  une  grotte  sauvage,  dont 
une  partie  s'écroula  pendant  le  repas. 
Tout  le  monde  fuit.  Séjan ,  couvrant 
Tibère  de  son  corps ,  soutint  l'effort 
de  la  chute ,  et  fut  trouvé  dans  cette 
situation  par  les  soldats  qui  vinrent 
au  secours.  Plus  assuré  que  jamais 
de  la  fidélité  de  son  favori ,  Tibère 
ne  s'en  fia  qu'à  lui  du  soin  de  l'em^ 
pire.  En  partant  poux  la  Campanie, 
il  avait  défendu  par  un  cdit ,  qu'oji 
vînt  troubler  son  repos  j  mais  il  voulut 


i4  TIB 

unasile  plus  solitaire  ;  et  il  passa  dans 
l'îledcCaprce^oùil  lit  coustruire  dou- 
ze maisons  de  plaisance ,  dans  lesquel- 
les il  cachait  son  ennui ,  ses  vices  et  ses 
plaisirs  infâmes.  11  fut  un  moment 
rappelé  par  deux,  grands  désastres 
publics  ,  la  chute  de  l'amphithéâtre 
de  Fidènes,  où  périrent  plus  de  vingt 
mille  Romains  ,  et  l'incendie  d'un 
quartier  de  Rome.  Mais  après  avoir 
domié  quelques  ordres  et  quelques 
secours ,  il  rentra  dans  son  île ,  comme 
si  Gaprée  fût  devenue  la  capitale  du 
monde  romain.  11  avait  près  de  lui 
quelques  sénateurs  ,  l'astrologue 
Trasylle  qu'il  avait  éprouvé  pen- 
dant son  séjour  à  Rhodes  ;  et  quelques 
lettrés  ou  beaux  esprits  grecs.  Il  pro- 
tégeait particulièrement  cette  classe 
de  sophistes  dont  il  aimait  la  langue 
et  l'érudition  frivole.  On  a  conservé 
même  une  lettre  de  recommandation 
qu'il  donnait  à  l'un  de  ses  courti- 
sans grecs  qui  retournait  à  Mylilène 
dans  sa  patrie.  Les  termes  de  cette 
espèce  de  ilrraan  sont  assez  curieux. 
«  Si.quelqu'nn  ose  faire  tort  à  Pota- 
».  mon,. fils  de  Lesbonax;  qu'il  ait  à 
»  s^oir  auparavant  s'il  est  en  état  de 
«  me  faire  la  guerre.  »  Il  n'en  fut  pas 
moins  q~iielquefois  très-cruel  pour  ces 
pauvres  sophistes ,  qu'il  accablait 
habituellement  de  questions  pédantes- 
<j»ei  et  capricieuses  sur  la  mytholo- 
■^ie.  L'un  d'eux  s'informautprès  des 
esclaves  du  prince  quels  livres  il  li- 
sait le  soir ,  aliu  de  juger  par-là  des 
questions  du  lendemain  ,  Tibère  of- 
fensé l'exila  d'abord  et  le  lit  mourir. 
Il  s'était  toujours  occupé  de  minu- 
ties grammaticales  ,s'excujant  au  sé- 
nat d'avoir  employé  le  motdeii/oHo- 
polium  ,  et  proscrivant  d'autres  ter- 
mes tiré.s  du  grec ,  ])uur  ne  faire  usa- 
ge que  de  termes  bien  latins  ;  mais 
dans  sou  oisive  retraitovce  pédanli.s- 
nic  augmenta.  Tibère  parut  négliger 


même  les  affaires.    11  laissa  pendant 
plusieurs  années  des  places  vacantes, 
fies  provinces  sans  gouverneur.  Mais 
c'était  plutôt  par  défiance  que  par 
inertie  ;  car  en  même  temps  il  écri- 
vait assidûment  au  sénat,  accueillait 
toutes    les    délations  ,    et   désignait 
toutes  les  vicliraes.  Du  fond  de  ce  re- 
paire de  débauche  ,  la  tyrannie  pe- 
sait  sur  Rome  ;  et  de  Rome ,   sur 
l'univers.   Le  sénat    conlir.uait    ses 
bassesses ,  comme  sous  les  yeux  du 
prince.  Tout  ce  qui  restait   d'amis 
lidèles  à  la  mémoire  de  Germanicus 
était  poui'suivi  par  les  délateurs  ;  sa 
veuve  et  ses  fils  étaient  entourés  d'es- 
pions et  de  gardes.  Cependant  le  sénat 
dressait  des  autels  à  la  clémence  et  à 
l'amitié ,  et  les  entourait  des  images 
de  Tibère   et  de  Séjan.   En    même 
temps,  il  snp])liait  le   prince  et  son 
favori  de  revenir  à  Rome;  et  ce  vœu 
pouvait  être  sincère  ;  car  il  y  avait 
quelque  chose  de  plus  terrible  dans 
cette  puissance  qu'on  ne  voyait  ])as , 
et  qui  de  loin  ordonnait  de  mourir  : 
mais  Tibère  ne  voulut  pas  quitter 
son  asile,  même  pour  assister  aux 
derniers  moments  de  sa  mère.  Celte 
mort  parut  enlever  une  dernière  pro- 
tection aux  Romains.  Peu  de  temps 
après ,  Tibère  accusa  ,  dans  une  lettre 
au  sénat ,  Agrippme  et  son  fils.  Cepen- 
dant telle  était  la  puissance  du  nom 
de  Germanicus,  que  la  bassesse  des 
sénateurs  hésita.  Le  peuple  eu  foule, 
portant  les  images  d'Agrippine  et  de 
son  fils,  entourait  l'assemblée.  On 
accusait  Séjan;  on  suppliait  Tibère. 
Les  séances  du  sénat  étaient  sécrètes; 
mais   on   répandit  dans  le  public  , 
sons  le  nom  des  sénateurs  ,  des  dis- 
cours que   l'on  supposait  prononcés 
contre  Séjan.   Du  l'ond   de  son  île, 
Tibère   réprimanda    le    peuple    par 
un    éilit ,    et  se  plaignit   des   séna- 
teurs; mais  la  perte  de  la   famille 


TIB 

de  Germaniciis  parut  quelque  temps 
àiournc'e.  C'est  cà  cette  époque  de 
i'erapirc  de  Tibère ,  et  pendant  les 
premiers  temps  de  sa  retraite  à  Ca- 
pree,  que  se  place  le  plus  grand  évé- 
nement des  annale-  humaines,  le  mar- 
tyre du  divin  législateur.  Quelques 
écrivains  ecclésiastiques  ont  même 
avancé  que  Tibère  fut  attentif  aux 
miracles  qui  s'accomplissaient  dans 
Ja  Judée.  «  Tibère,  écrivait  Tertullien 
«  dans  le  second  siècle  ,  fit  rapport 
»  au  sénat  des  clioses  qu'il  avait  ap- 
»  prises  de  Palestine  sur  la  vérité  de 
»  ce  dieu  nouveau,  et  il  l'appuya  de 
»  son  suffrage.  Le  sénat,  n'ayant  pas 
»  éprouvé  le  fait  par  lui-même  ,  re- 
»  fusa.  Tibère  persista  dans  son  opi- 
»  nion ,  en  menaçant  du  supplice  les 
»  accusafeurs  des  Chrétiens.  »  Ce 
récit  olli-e ,  il  faut  l'avouer ,  plusieurs 
invraisemblances  ,  la  première  ,  que 
le  sénat  ait  refusé  quelque  chose  à  Ti- 
bère; mais  peut-ond'ailicurssupposer 
une  semblable  intervention  de  la  part 
de  cet  empereur,  et  peut-on  conce- 
voir une  religion  pure  et  sublime  re- 
commandée par  Tibère  ?  Tacite  et 
Suétone  ne  disent  rien  que  Ton  puisse 
ra|)porter  à  ce  fait  si  singulier  ,  si 
contraire  à  tous  les  préjugés  ror 
mains.  On  voit  même  dans  Tacite  et 
Suétone  que  Tibère  lit  exiler  quatre 
mille  Jtiifs  de  Rome,  et  réprima  les 
cultes  venus  d'Egypte  et  de  Judée. 
Or  tout  le  monde  sait ,  et  l'on  voit 
par  Tacite  ,  que  même  sous  les  rè- 
gnes suivants  ,  les  Romains  ,  dans 
leur  ignorant  et  féroce  mépris  pour  les 
nations  étrangères ,  ne  distinguaient 
pas  les  Chrétiens  des  Juifs  ,  et  les 
f  onfondaient  dans  une  commune  per- 
sécution. Il  est  donc  plutôt  à  présJi- 
mcr  que  si  Tibère  s'occupa  jamais 
du  christianisme,  ce  fut  en  frappant 
quelques-iuis  de  ses  sectateurs,  dans 
la  fouledc  ces  malheureux  Juifs  qu'il 


TIB  I  "i 

envoyait  mourir  en  Sardaigue  ('2). 
Un  reste  de  pudeur  l'empêchait  de 
proscrire  ouvertement  Agrippine  et 
ses  enfants.  Le  sénat  le  comprit ,  et 
déclara  d'abord  Agrippine  et  Néron 
coupables.  Agrippine  fut  reléguée 
dans  une  maison  de  campagne  près 
d'Hcrculanum  ,  sous  la  garde  d'un 
centurion  féroce  qui  la  frappait^  et 
lui  arracha  même  un  œil  par  ces  hoi'- 
ribles  outrages  :  ensuite  Tibère  la  fit 
couduiredansl'îledePandatairejCom- 
me  pour  avilir  cette  vertueuse  prin- 
cesse par  le  même  exil  que  Julie ,  dés- 
honorée par  tantdedébauches.  Le  jeu- 
ne Neron^  relégué  dans  l'île  de  Ponce, 
y  périt  de  faim  ou  se  donna  la  mort 
pour  échapper  aux.  tortures  étalées 
devant  lui.  Vclléius  enveloppe  ces 
horreurs  de  vagues  expressions,  a  De 
»  quelle  douleur,  dit -il,  ces  trois 
»  dernières  années  ont-elles  déchiré 
»  l'amo  de  l'enipcreur  !  Quel  tour- 
»  ment  secret  a  dévoré  son  cceur 
M  par,,  le  chagrin  ,  par  l'indigua- 
»  tion,  par  la  honte  que  lui  ont 
»  causée  sa  bru  et  sou  petit-û.Ls  I  » 
On  voit  que  le  lâche  flatteur  ue  sait 
comment  accuser  de  si  nol:}les.yicti- 
mes.  Drusus,]e  second  fils  de  Gexnia- 
nicus,  restait  prèsdeTibère.et.avaiti 
dit-on,  applaudi  par  am|);lion  à  la 
perte  de  sou  frère  ;  mais  il  fut  bien- 
tôt suspect,  déuoace  devant  le  sé- 
nat et  renfermé  dans  la  prison  du 
Capitole.  Il  paraît  qu'alors  ^e'jau  , 
à  son  tour,  fut  l'objet  des  soupçons 
de  Tibère.  A  travers  les  lacunes  de 
l'histoire,  il  est  ditllcile  de  juger  s'il 


(i)  ActUin  el  li^e  sarrif  ctgjfitiis  ,  jud<ficisaur 
/>'llliuH<  :  faclumpie  jinintm  ror'f'iliiim  l  iil  M:a- 
tiior  millialiberliiit  ^enr-rif,ed  fupei'xtitionc  ii^ffcln, 
</ui^  idorea  alas,  in  i-imtamSirdiii-nm  leher.iiM'-, 
roerrendif  illVr  Irtl'-rx rtfi'if  :  el.ritth  ^ro>'iVn(<'"i>  fWi 
in(erhsrir(,-ufle  Hamnuiif  ■  caieii>C£<ii-i:<:nt.lialifi.Mist 
lerlnm  tinlr  dicin  l'u-Caiiot  liliis  i'Vi<i!<!'  ^  tar. 
.4nn.  lih.  II, 'r.  81.  —  ExUmas  ta-)imt>nia>  . 
a-gjwdot  ,  jwlaicofijiie  riliii  rom/'i-'ciiil  ;  roarln 
qui  rrlit^ioHf  eu  trnehiinlur  .  ivli^in'ai  veOe'  fiint 
inttnimrvto  omni  roirthiirirr.  Snef,,  in  Tib. ,  C  ^f). 


i6 


TIB 


forma  réellement  une  conspiration; 
dans  ce  cas,  elle  eût  été  bien  lente; 
mais  son  immense  pouvoir  suffi- 
sait pour  le  rendre  coupable,  dès 
'^ue  Tibère  commencerait  à  se  dé- 
fier de  lui.  Le  vieux  prince  prépa- 
ra dé  longue  main  la  cloute  de  son 
favori.  Il  le  nomma  consul  avec  lui. 
Le  sénat  ne  vit  rien  de  mieux  que  de 
proroger  ce  consulat  pour  cinq  ans. 
■Mais  Tibère  écrivit  à  son  cher  collè- 
gue ,  qu'un  décret  semblable  étâk 
contraire  aux  anciennes  lois  ,  et  qu  il 
fallait  se  démettre  du  consulat.  Sejan 
obéit  ;  et  le  sénat  le  consola  par  des 
honneurs  presque  divins.  TiLère  se 
plaignit  pour  lui-même  de  ce  culte 
profane  qiie  l'on  prodiguait  à  des 
hommes. Il  essayait ,  pour  ainsi  dire, 
d'eliranler  le  crédit  de  Séjan,  puis  il 
le  raffermissait  par  des  éloges  pu- 
blics :  tantôt,  il  annonçait 'dans  ses 
lettres  au  sénat  qu'il  était  accablé 
de  vieillesse  et  près  de  mourir;  tan- 
tôt qu'il  allait  se  rendre  à  Rome.  11 
demandait  au  sénat  la  dignité  d'au- 
tureet  de  pontife  pour  le  jeune  Caïus, 
dernier  fils  de  Germanicus,  et  en 
même  temps  il  faisait  accorder  le 
même  honneur  à  Séjan  et  à  son  fils. 
Ddns  cette  sourde  guerre  qu'il  faisait 
à  son  favori ,  Tibère  s'appuyait  sur 
iin  nouveau  confident ,  Macron  ,  of- 
ficier du  prétoire ,  aussi  pervers  que 
Séjan,  et  plus  fidèle.  Quelles  furent 
les  tentatives  de  Séjan?  quelles  forces 
avait-il  réunies?  quel  coup  devait-il 
porter  ?  L'histoire  mutilée  nous  ap- 
prend peu  de  choses  à  cet  égard.  Ses 
projets  ou  ses  mécontentements  fu- 
rent dénonces  par  un  des  plus  vils 
agents  de  son  ancien  pouvoir  ,  Sa- 
trius  ,  celui  qui  avait  demandé  au  sé- 
nat le  sang  de  CremutiusCordus.  Cet 
homme  instruisit  de  tout  Antonia  , 
mère  de  Germanicus  ,  et  belle-sœur 
de  Tibère.  Antonia  fit  avertir  l'em- 


TIB 

pereur  par  rall'ranchi  Pajlas.  Le  vieux 
tvran ,  réfugié  derrière  les  rochers 
de  son  île,  prépara  tout  pour  la  perte 
de  Séjan.  Macron  se  rend  à  Uome, 
avec  une  letti-e  du  prince  au  sénat , 
•et  des  ordres  secrets  pour  l'un,  des 
consuls  et  pour  le  préfet  des  cohortes 
urbaines.  Il  convient  avec  eux  du 
rôle  qu'ils  vont  jouer.  Le  sénat  est 
convoqué ,  dans  le  temple  d'Apollon, 
pour  entendre  la  dépêche  de  l'empe- 
reur, qui  doit  annoncer,  dit-on,  la 
nomination  de  Séjan  au  tribunal , 
c'est-à-dire,  un  partage  de  l'inviola- 
bilité impériale  ,  et  presque  une  dési- 
gnation à  l'empire.  Séj  an  arrive  plein 
de  confiance  au  sénat.  Macron  lui 
répète  que  l'empereur  a  voulu  le  sur- 
prendre par  cette  faveur ,  et  ne  lui  a 
pas  écrit  à  lui-même  ,  afin  que  son 
élévation  lui  fût  aniwncée,  dans  le 
sénat,  et  de  la  bouche  des  consuls. 
Puis  il  se  retire ,  et  emmène  avec  lui 
les  cohortes  prétoriennes  ,  sous  pré- 
texte de  leur  distribuer  dans  leur 
camp  ,  hors  des  murs  de  Rome ,  une 
gratification  de  l'empereur.  Le  poste 
qu'elles  viennent  de  quitter  prèS'  le 
sénat  est  aussitôt  rempli  par  les  co- 
hortes urbaines  ,  et  Lacon  leur  gé- 
néral. La  séance  est  ouverte,  et 
chaque  sénateur  ,  en  passant  auprès 
de  Séjan,  se  hâte  de  le  féliciter,  sur 
les  nouveaux  honneurs  qu'il  va  rece- 
voir, et  de  faire  remarquer  sa  joie 
d'une  chose  si  juste.  Le  consul  dé- 
roule la  lettre  de  l'empereur,  et  en 
commence  la  lecture.  Tibère  s'éten- 
dait en  longs  détails  ,  en  vagues  di- 
gressions qui  n'arrivaient  pas  au  su- 
jet attendu  par  tout  le  monde  :  en- 
fin ,  le  nom  de  Séjan  se  présente, 
avec  un  blâme ,  léger  il  est  vrai. 
L'empereur  passait  à  autre  chose  j 
puis  il  revenait  à  Séjan ,  pour  le  blâ- 
mer encore  ;  puis  bientôt ,  il  lui  don- 
nait quelques  louanges ,  et  s'écartait 


TIB 

encore  Je  ce  su  j  et ,  pour  le  reprendre, 
et  le  laisser  avec  une  alternative 
lie  blâme  ou  d'approbation,  jusqu'au 
moment ,  où  ,  sur  la  fin  de  cette  lon- 
gue lettre ,  les  expressions  deviennent 
plus  amères  ,  les  reproches  continus. 
A  l'étounement  succède  un  sentiment 
nouveau.  Les  bancs  les  plus  rappro- 
ches de  Séjan  sont  bientôt  déserts.  Le 
consul  ,  qui  poursuivait  sa  lecture, 
arrive  enfin  aux  paroles  décisives, 
à  l'ordre  d'arrêter  Séjan  ,  comme 
un  conspirateur;  et,  se  hâtant  d'o- 
béir :  lève-toi, Séjan,  dit-il.  Frappé  de 
de  ce  coup  inattendu,  Séjan  demeu- 
rait immobile  ,  paraissant  ne  pas 
enteudi'c  l'ordre  réitéré  du  consul. 
Il  se  lève  enfin  au  milieu  des  inju- 
res et  des  cris  du  sénat  qui  rampait 
tout-à-l'heure  à  ses  pieds.  Il  est  saisi 
par  les  licteurs,  entraîné  hors  de  la 
salle,  et,  sous  la  garde  des  cohortes 
urbaines,  conduit  dans  la  prison.  Ti- 
bère qui  avait  calculé  à  dessein  la 
longueur  de  sa  lettre ,  pour  donner  à 
Macron  le  temps  d'éloigner  les  co- 
hortes prétoriennes  dévouées  à  Sé- 
jan ,  n'avait  pas  moins  soigneuse- 
ment médité  toutes  les  parties  de  son 
plan  :  si  Séjan  résistait,  si  quelques 
cohortes  se  déciaraientpour  lui ,  Ma- 
cron avait  l'ordre  de  tirer  de  prison 
le  jeune  Drusus,  pour  le  présenter 
aux  Romains.  Tibère  avait  fait  ap- 
procher de  son  île  la  flotte  de  Misè- 
ne,  afin  d'y  monter  au  moindre  pé- 
ril,  et  de  se  réfugier  en  Orient.  11 
avait  fait  disposer  sur  la  route  de 
nombreux  signaux  pour  être  averti 
de  l'événement  ;  et  lui-même  se  tenait 
en  observation  sur  la  tour  la  plus 
élevée  de  son  île.  Tant  de  précau- 
tions ne  furent  pas  nécessaires.  La 
joie  du  peuple  ,  à  la  disgrâce  de  Sé- 

I'au,  éclate  en  mille  transports.  On 
irise ,  on  renverse  ses  statues  :  l'idole 
est  détruite.  Le  sénat ,  réuni  denou- 

XLVI. 


TIB  ï7 

teau  dans  Je  temple  de  la  Concorde, 
condamne  Séjan  à  l'unanimité  j  et  le 
même  jour  il  meurt  étranglé  dans  sa 
prison.  Cette  justice  du  tyran  contre 
un  de  ses  ministres  ne  fut  que  le  com- 
mencement de  cruautés  nouvelles;  et 
Séjan  fut  fatal,  après  sa  mort,  comme 
pendant  sa  vie.  Les  enfants  de  Séjan 
furent  d'abord  condamnés  ;  on  n'é- 
pargna pas  même  sa  fille  à  peine 
sortie  de  l'enfance;  et, comme  la  loi 
défendait  le  supplice  d'une  vierge , 
elle  fut  violée  par  le  bourreau 
avant  d'être  mise  à  mort.  Cette  in- 
famie ,  renouvellée  pour  d'autres 
victimes,  était  commandée  par  Ti- 
bère. La  femme  de  Séjan ,  séparée 
de  lui  par  un  divorce,  n'ayant  pas 
survécu  au  supplice  de  ses  enfants  _, 
révéla  ,  dit-on ,  avant  de  mourir ,  un 
ancien  crime  de  son  mari ,  l'empoi- 
sonnement de  Drusus.  Tibère  se  vit 
à  l'aise  pour  punir  et  faire  couler  le 
sang.  On  n'entendit  plus  parler  que  de 
la  trahison  et  des  complices  de  Sé- 
jan ;  et,  sous  ce  prétexte,  une  foule 
de  victimes  furent  frappées.  La  bas- 
sesse devint  crime  d'état  :  on  était 
coupable  d'avoir  connu,  d'avoir  sa- 
lué le  favori.  Tibère  se  chargea  lui- 
même  d'une  partie  des  poursuites,  et 
fit  torturer  les  prévenus  sous  ses 
yeux.  Le  sénat ,  complice  tout  entier 
d'un  long  dévouement  à  Séjan ,  se 
justifiait  en  se  décimant  par  des  dé- 
lations et  des  supplices.  Tibère , 
comme  pour  surveiller  le  zèle  des 
bourreaux,  sortit  alors  de  Caprée  , 
s'avança  jusqu'à  Sorrente,  et  visita 
même  ses  jardins  aux  portes  de  la 
ville  :  mais  il  n'entra  pas  dans  Rome, 
et  bientôt  se  retira, commeun  banni, 
dans  les  rochers  de  son  île.  On  a  dit 
plus  d'une  fois  ,  pour  expliquer  la 
longue  patience  des  Romains,  que  la 
tyrannie  des  Césars  pesait  sur  le  sénat, 
que  leurs  cruautés  ,  quelque  grandes 

2 


i8 


11  li 


TIB 


qu'on  les  suppose,  tombaient  sur  un 
petit  nombre  d'hommes  rapproches 
du  pouvoir  par  leur  ambition  cl  leurs 
intrigues;  que  le   reste  dcj  citoyens 
reposait  en  pleine  sécurité;  et  qu'ain- 
si, ces  règnes  odieux  dans  l'histoire 
ont  pu  n'être  pas  mallieurcux  pour 
les  peuples.  Cetlo  cxpliraliou  est  mal 
fondée,  même  pour  ïibcre ,  le  plus 
habile,  et  partant  le  plus    modéré 
de  ces  despotes  qui  opprimèrent  les 
Romains  avec  une  ié'rocité  semblable 
à  la  démence.  Sa    t^-raimie  s'étea- 
dait  dans  toute  l'Italie  et  dans  les 
provinces  :  de  riches  citoyens  de  la 
Gaule,  de  l'Espagne  et  de  la  Grèce 
étaient  injustement  condamnés  ,  l'un 
parce  qu'il  avait  des  mines  d'or  que 
le   prince   confisquait  à  son  prolit , 
un  autre  ,  parce  qu'il  était  suspect, 
un    autre    parce    qu'il    déplaisait. 
Non- seulement  les  défiances,  mais 
les  infâmes  passions  de  Tibère  cher- 
chaient des  victimes  dans  tous  les 
rangs ,  et   pénétraient  dans  les  fa- 
milles. La  beauté, la  jeunesse  étaient 
enlevées  par  des  satellites  ,  pour  êti-e 
souillées  par  un  monstre  impur.  La 
résistance ,  ou  les  plaintes  des  pa- 
rents étaient    châtiées;  et,   suivant 
l'expression   de   Tacite  ,    on  exer- 
çait sur  les  Romains  ,  comme  sur 
des  captifs ,  le  rapt  ,  la  violence  et 
tous  les  caprices  du  plus  fort.  Du 
milieu  de  ses  infamies  inexprimables 
pour  une  plume  moderne,  Tibère  ne 
relâchait  pas  son  inquisition  politi- 
que; il  se  repaissait  de  cruautés  com- 
me de    débauches.   Un  monument 
authentique  semblerait  faire   croire 
qu'mic  sorte  de  délire  ,  uu  marasme 
de  dégoût  et    d'horreur  pour  soi- 
même  ,  se    mêlait  par    intervalle  à 
SCS  crimes  et  à  ses  vices.  Une  de  ses 
lettres  au  séjiat  commençait  par  ces 
mots  :   «  Que  vous  écrirai-jc,  pi'res 
»  couscripts  ?    ou  comment    vous 


»  ecrirai-)c  .•'  ou  que  ne  vous  ecri- 
»  rai-je  pas  en  ce  temps  ?  que  les 
»  dieux  et  les  déesses  me  tuent  plus 
»  cruellement  que  je  ne  me  sens  cha- 
»  que  jour  dépérir,  si  je  le  sais  I  » 
Mais  il  reprenait  bientôt  son  activité 
malfaisante,  attentif  à  recevoir  les 
délations  ,  dirigeant    le  sénat    par 
ses  lettres  ironiques  et  impérieuses  , 
suivant  de  loin  toutes  les  délibéra- 
tions de  l'assemblée  ,  blâmant  l'un  , 
excitant  l'autre ,  s'occupant  d'un  dé- 
tail relatif  aux   livres    sibyllins  ,  et 
d'une  sédition  pour  la  cherté  des  blés, 
s'offénsant  d'une  proposition  qui  pou- 
vait flatter  les  gardes  prétoriennes  , 
se  moquant  [d'une  flatterie  qu'on  lui 
adressait,  confisquant  les  biens  des 
condamnés ,  et  créant  une  espèce  de 
caisse  publique  pour  prêter  de  l'ar- 
gent aux  citoyens  obérés.  Au  milieu 
de  ces  soins  ,  il  poursuivait  les  com- 
plices deSéjan:  les  prisons  en  étaient 
remplies  ;  et,  Tibère ,  quelle  que  fût  la 
docilité  du  sénat,  lassé  de  taut  de 
procès ,  les  fit  tous  égorger.  «  Ce  fut, 
»  dit  Tacite,  une  immense  boucherie 
»  de  tout   sexe,  de  tout  âge,  gens 
»  illustres  ou  incoimus  :  ils  gisaient 
»  ça  et  là ,  par  cadavres  isolés ,  ou 
»  par  monceaux.  11  n'était  point  per- 
»  mis  aux  parents  ou  aux  amis  d'en 
»  approcher,    de    leur  donner  des 
»  lai'mes,  ou  même  de  les  regarder 
))  long-temps.  Des  gardes  apostés  à 
»  l'entour,  attentifs  à  la  douleur  de 
»  chacun,  veillaient  sur  ces   corps 
)>  putréfiés  ,  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent 
)>  traînés  dans  le    Tibre ,  où  tantôt 
))  flottant  sur  l'onde,  tantôt  rejetés 
»  au  rivage,  personne  n'osait  ni  les 
«  réduire  en  cendres,  ni  même  les  tou- 
»  cher.  Toute  communauté  de  senti- 
»  meuls  humains  était  interrompue 
»  ]),ir  la  terreur  ;  et ,  [)liis  la  cruauté 
»  s'acliarnait  ,   plus  la    cojiipassion 
«  était  interdite.  »  En  poursuivant 


avec  ces  atroces  fureurs  le  souvenir 
de  Scjan,  Tibère  n'en  fut  pas  moins 
cruel  pour  les  anciennes  victimes  de 
son  favori.  Le  jeune  Dnisus ,  prison- 
nier dès  long-temps ,  expose  à  mille 
outrages  ,  mourut  de  faim ,  en  dévo- 
rant la  bourre  de  son  matelas.  Tibè- 
re publia  lui-même  ces  allicux  dé- 
tails. Il  fit  lire  dans  le  sénat  le  regis- 
tre tenu  par  les  gardes  et  les  espions 
de  Drusus,  «  Rien,  dit  Tacite,  ne 
»  sembla  plus  atroce.  Que  l'aïeul  de 
»  Drusus  ait  pu  entendre .  ait  pu  lire 
1)  de  pareils  faits ,  qu'il  les  publiât 
»  lui-même  ;  on  le  concevait  à  peine  ; 
■a  mais  les  lettres  du  centurion  Ac- 
»  tius  et  de  l'affranchi  Didyme,  in- 
»  diquaient  par  leurs  noms  quels  es- 
n  claves ,  lorsque  Drusus  sortait  de  sa 
»  chambre,  l'avaient  frappé  ,  l'a- 
D  vaieut  fait  reculer  d'épouvante.  Le 
»  centurion  citait  de  plus  avec  or- 
»  gueil  ses  propres  paroles  pleines 
»  d'outrages ,  et  les  expressions  du 
»  mourant ,  qui  d'aboid ,  sous  une 
»  ajjparence  de  délire  ^  avait  laissé 
«  échapper  quelques  paroles  funes- 
»  tes  contre  Tibère ,  et  bientôt  dé- 
»  sespérant  de  la  vie ,  avait  pronou- 
»  fé  des  malédictions  longues  et  mé- 
»  ditées ,  souhaitant   que  celui    qui 
»  avait  couvert  de  sang  par  le  meur- 
»  Ire  de  sa  bni .  de  sou  neveu  ,  de  son 
»  petit-lils  sa  maison  toute  entière  , 
»  satisllt  par  sou  propre   supplice 
»  à  la  vengeance  de  ses  aïeux  et  de 
»  ses    descendants.     Les    sénateurs 
i>  troublaient,  en  murmurant ,  cette 
«lecture,   comme  par  indignation 
»  de  telsblaspliêmes;  mais  au  fond 
»  des'  amcs  pénétraient  la  crainte  et 
»  l'étonncmeut  que  cet  homme  au- 
»  Irefoi.s  rusé,    et  qui  couvrait  ses 
»  crimes  de  tc'nèbrcs ,  en  fût  venu  à 
M  cet  excès  d'impudence,  d'abattre, 
»  pour  ainsi  dire ,  lesmiu-ailles,  et  de 
»  montrer  son  petit-fils,  suus  le  fouet 


;]B 


»9 


«  d'un  centurion,  sous  les  coups  des 
»  esclaves,  implorant   en   vain  les 
»  plus    vils  aliments    pour    soutien 
»  d'une   vie   mourante.  «  La    mort 
d'Agrippine  suivit  celle  de  Dru-us  : 
cette  illustre  romaine  périt  de  faim 
dans    sa    prison.    Tibère ,  selon   le 
génie  des  plus  vils  tyrans  ,  outragea 
par  des  calomnies  la  mémoire  de  sa 
victime.  Il  accusa  d'impr.dicité  cette 
femme  renommée  par  ses  vertus  ,  et 
supposa  qu'elle  s'était  donné  la  mort 
par  douleur  de  la  perte  de  Gallus, 
consulaire    récemment     condamné. 
11   ajouta,  comme  une  chose  heu- 
reuse et   mémorable,  qu'elle   avait 
péri  à  pai'eil  jour  que  Séjau ,  deux 
années  après  lui;  et  il  se  vanta  qu'elle 
n'avait  été ,  ni  étranglée  ,  ni  exposée 
aux  gémonies.  Le  sénat  lui  en  rendit 
grâce  ,   et  décréta  que  tous  les  ans  . 
le  quinze  des  calendes  de  novembre , 
jour  de  cette  double  mort,  un  don 
serait  consacré  à  Jupiter.  Taudis  que 
Pome  et  le  sénat  étaient  plonges  dans 
cet  avilissement  de  servitude,  un  sou- 
verain étranger ,  Artaban  ,  roi  des 
Parthes  ,  écrivit  â   Til)ère  pour  hii 
reprocher  ses  infamies,  ses  meurtres^ 
ses  parricides  ,  sa  vieillesse  inutile  et 
souillée.  Tibère  n'avait  nulle  envie 
d'entreprendre  une  guerre  lointaine , 
contre  les  Parthes  ;  mais  il  fomenta 
des  troubles  dans  leur  em  pire.  I  !  attira 
jusqu'à  Rome  des  chefs  barbares  , 
qu'il  excita   contre  Artaban  ;    il  lui 
donna  pour  compétiteur  Phraate  ,du 
sang  des  Arsacides ,  et  depuis  long- 
temps otage  des  Romains.   Phraate 
étant  mort ,  il  suscita  l'ambition  d'un 
autre  chef  qui,  fort  d'un  grand  parti 
dans  la  nation,  et  seconde  par  les 
légions  de  Vitellius,  gouverneur  de  la 
Syrie,  parvint  à  chasser  Artaban  du 
trône,  et  le  repoussa  jusqu'aux  dé- 
serts de    l'Hyrcauie    (  For.    Ti ri- 
dates  ).  Ainsi  la  vengeance  de  Tibè- 
i.. 


9.0  TIB 

rc  atteignait  partout  ;  c[  du  fond  de 
son  île  ,  il  destituait  les  rois  barbares 
(fui  osaient  lui  dire  la  vc'rito',  dans  le 
silence  de  Rome.  A  Rome  on  acquérait 
le  même  droit,  eu  se  donnant  la  mort. 
Un  consulaire  ,   Fulcinius  Trio  ,  se 
tua  ,  laissant  un  testament  remj)li  de 
sarcasmes  et  d'insullcs  contre  Tibè- 
re :  celui-ci  le  fit  lire  dans  le  sénat , 
comme  pour  étaler  sa  propre  infa- 
mie. Les  supplices  ou   les  suicides 
des  accusés  se  multiplièrent,  à  me- 
sure que  le   prince    vieillissait.    Ce 
qui  peut  étonner,  c'est  que  le  déses- 
poir de  tant  d'hommes  qui  se  don- 
naient   la   mort   n'ait  ai-mé  le  bras 
d'aucun  d'eux,  contre  la  vie  de  Ti- 
bère. Il  avait  cependant  quitté  son 
île  inaccessible  ;  et  il  venait  jusqu'aux 
portes  de  Rome  ,  exciter  les  cruautés 
serviles  du  sénat.  La  dernière  année 
de  sa  vie  fut  marquée  par  un  désas- 
tre pubbc ,  et  par  les  ell'orts  qu'il  lit 
pour  le  réparer.  Le  feu  ayant  détruit 
un  quartier  de  Rome,  il  secourut  les 
citoyens  par  un  don  de  cent   mille 
sesterces.  Le  sénat  lui  vota  de  nou- 
veaux hoimeuis  ;  mais  déjà  ,  comme 
pour  expier  le  bien  qu'il  avait  fait , 
Tibère  demandait  de  nouveaux  sup- 
plices. On  peut  s'étonner  qu'au  mi- 
lieu de  tant  de  barbaries,  ses  soup- 
çons aient  épargné  Caius  ,  un  fils  de 
Germanicus,  élevé  près  de  lui,  et 
menaçant  de  lui  succéder.  Une  puis- 
sance plus  forte  que  la  volonté  du 
vieillard  protégea  (]a'ius  :  c'était  Ma- 
rron, qui  espéraitperi)étucrson  pou- 
voir sous  le  jeune  César,  auquel    il 
avait  livre'  sa  femme  Ennia.  Caïiis 
d'ailleurs,  par  sa  bassesse,  par  sa 
profonde  inclillérencesur  le  sort  cruel 
des  siens  ,  désarmait  Tibère;  el  lors- 
qu'cusnite  les  soupçons  du  prince  se 
ranimèrent ,  il  était  tard  pour  fraj)- 
per.  Tibère  avait  un  autre  li('riticr 
plus  j»rcs  de  lui ,   Gcmcllus,  (ils  de 


TIB 

Drnsns  ,  et  à  peine  sorti  de  l'enfan- 
ce. Un  jour  qu'il   le   tenait  dans  ses 
Juas,  il  sur[)rit  un  regard  féroce  que 
lui  lançait  Caius  :  «  Tu  le  tueras  ,  dit- 
»  il,  à  Caius,  et  un  autre  te  tuera.  » 
Malgré    cette  prévoyance  ,  rassuré 
par  l'astrologue  Thrasylle,  qui  lui 
promettait  à  lui-mcine  plusieurs  an- 
nées   de   vie  ,    Tibère  ajourna     la 
mort  de  Caius.  Peut-être  craignit-il 
ensuite    de    n'être    pas   obéi    :    du 
moins  ,    dans    ses   derniers    jours  , 
il   reprochait  à    Macron ,   par   une 
allusion  assez  intelligible,  d'aban- 
donner   le  soleil  couchant,  et  de 
se  tourner  vers  le  levant.  Sa  lan- 
gueuraugmentait;  il  s'cIForçaiten  vain 
de  la  cacher  par  la  fermeté  d'âme  et 
même  par  la  débauche.  Méprisant 
l'art  trompeur  des  médecins ,  s'il  fut 
cruel  et  soupçonneux ,  comme  Louis 
XT  ,    il   n'eut   pas   ce    pusillanime 
amour  de  la  vie  qui  faisait  ramper 
Louis  XI  devant    son  médecin.   Il 
avait   coutume  de   se    moquer    des 
hommes   qui,  passé  l'âge  de  trente 
ans,  avaientbcsoin  des  conseils  d'un 
autre  pour  connaître  les  choses  uti- 
les ou  contraires  à  leur  tempérament. 
Un  médecin  grec  nommé  Chariclès  , 
admis  près  de  lui ,  ne  découvrit ,  dit- 
on,  que  ])ar  adresse  le  danger  pro- 
chain  de   Tibèi'c.    Au   moment   oii 
il  prenait  congé  du  prince,   qui  sé- 
journait alors  près  de  Misène  dans 
une  maison  (le  campagne  qu'avait  pos- 
sédée Lucullus  ,  eu  serrant  sa  main 
])oiir  la  baispr,  il  lui  ta  ta  le  pouls. 
Tibère  le  devina  ,  et  peut-être  pour 
mieux  cacher  le  dépit  (|u'il  en  avait, 
il  retint  Chariclès  et  ])rolongea  le  re- 
pas. Rusuite,  selon  sa  coutume,  il.se 
tint  debout  dans  la  salle,  unlicteurà 
ses  cotés ,  recevant  le  salut  de  chaque 
ciuivive  «pi'il  appelait  par  son  nom. 
yVverli   cependant  par  sa  faiblesse, 
el  mécontent  d'apprendre  que  le  se- 


TIB 

nat  avait  renvoyé  quelques  accnsi»  , 
même  sans  les  entendre ,  il  voulait  re- 
tourner à  Caprée,  afin  d'être  plus  en 
surete'  pour  sévir  j  il  fut  retenu,  par  le 
mauvais  temps  et  par  la  violence  du 
mal,  dans  la  maison  de  LucuUus. 
IMacron  ,  averti  par  Chariclcs  ,  at- 
tendait révëucment,  et  avait  tout 
préparc  pour  fane  régner  Gaïus.  Le 
vieux  tyran  tomba  dans  une  défail- 
lance que  l'on  prit  pour  la  raortj 
déjà  Caïïis  sortait  eu  grand  appa- 
reil ,  pour  se  montrer  au  peuple  ;  tout- 
à-coup  Tibère  se  ranime ,  appelle  ses 
esclaves  ,  et  demande  quelque  nour- 
riture. La  terreur  saisit  toute  sa 
cour  :  Gains  précipité  de  son  es- 
pérance reste  immoljile  ,  n'atten- 
dant plus  que  sa  dernière  Leurc. 
Macron ,  sans  se  troubler ,  fait  étouf- 
fer le  vieil  empereur  sous  des  amas 
de  couvertures,  et  ordonne  que  tout 
le  monde  se  retire.  Selon  d'autres  ré- 
cits^ la  mort  de  Tibère  fut  natu- 
relle; et  il  expira  d'épuisement,  au 
moment  où  après  avoir  inutilement 
appelé  ses  esclaves ,  il  faisait  effort 
pour  se  lever.  Il  mourut  le  i(3  mars 
de  l'an  Sy  de  notre  ère,  dans  la 
soixante  -  dix  -  huitième  année  de 
son  âge.  A  Rome ,  cette  nouvelle 
excita  de  tels  transports  de  joie  , 
que  l'on  courait  eu  foule  ,  les  uns  di- 
sant qu'il  fallait  le  jeter  dans  le  Ti- 
bre, les  autres  suppliant  la  terre  et 
les  dieux  mânes  de  ne  donner  asile  à 
sou  ombre  que  parmi  ks  impies ,  les 
autres  demandant  le  croc  et  les  gé- 
monies pour  son  cadavre.  Toutefois 
ou  n'osa  pas  suspendre  l'esccution 
de  quelques  condanniés.  Leurs  gardes, 
j)our  ne  rien  faire  contre  l'ordre  éta- 
bli, les  étranglèrent  dans  la  prison; 
horrible  exactitude  des  bouiieaiix, 
qui,  dans  nos  temps  niodeines,  s'est 
reproduite  à  la  nioit  du  plus  vil  des 
tyrans  démagogues.  Le  corps  de  Ti- 


TIB  21 

Ix'ie  fut  appcftlé  à  Rome  par  des  sol- 
dats, et  brûlé  dans  des  funérailles 
publiques.  iSon  testament,  éerildeux 
ans  avant  sa  mort ,  se  trouva  eu  dou- 
ble copie  ,  l'une  de  sa  main  ,  et  Tau- 
tre  de  celle  d'un  alTranchi.  11  y  avait 
fait  aj)poser  le  sceau  même  de  ses 
derniers  esclaves.  Il  instituait  ses  pe- 
tits-fils Gains  et  Gemellus  ses  héii- 
liers  pour  moitié ,  eu  les  substituant 
l'un  à  l'autre.  Il  faisait  aussi  beaucoup 
de  legs,parliculièremeBt  aux  vestales, 
à  tous  les  soldats ,  au  peuple  romain , 
par  tête,  et  aux  magistrats  de  cha- 
que quartier.  Il  laissa  un  trésor  de 
plus  de  cinq  cent  millions  qui  furent 
promj)tement  dissipés  par  l'insen- 
sé Galigula.  Tibère  avaitrégiié vingt 
trois  ans.  Tacite  résume  ainsi  son  ca- 
ractère et  son  règne:  «Une  vie  et  une 
»  réputation  honorable,  tant  qu'il  fut 
»  homme  privé,  ou  qu'il  comman- 
M  da  sous  Auguste  j  du  secret ,  et  de 
»  la  ruse  pour  contrefaire  des  vertus 
»  tant  que  Germanicus  et  Drusus  vi- 
»  vaient  encore.  Mêlé  de  bien  et  de 
»  mal  jusqu'à  la  mort  de  sa  mère; 
»  détestable  par  sa  cruauté ,  mais  ca^ 
))  ché  dans  ses  débauches  ,  tant  qu'il 
»  aima  Séjau  ou  qu'il  en  eut  peur; 
»  enfin  il  se  précipita  tout  ensemble 
»  dans  les  crimes  et  dans  les  infamies, 
»  depuis  que ,  libre  de  honte  et  de 
1)  crainte,  il  n'agissait  plus  que  par 
»  son  propre  génie.  »  Tibère  avait 
écrit ,  sur  sa  vie  ,  des  Mémoires  fort 
abrégés, et  pleins  de  la  mêmehypo- 
crisie  que  ses  discours.  11  y  disait  que 
la  haine  de  Séjan  pour  les  fils  de  Ger- 
manicus avait  été  la  seule  cause  de 
la  perte  de  ce  favori.  Domitien  n'a- 
vait pas  d'autre  lecture  que  les  mé- 
moires et  les  actes  deTibère(l).V-^ 


(1)  tne  iMucdie  il.:  'J'iljrir.  |.Mi..>rii  i-vô,  iiii- 
piiiiice  en  17^7  »""s  K^  in'Uj  du  iircsidciil  Dupiiis  , 
liasse   iioia-  ctie  de  l'abbé  Pellcgiiii ,  ipii  a  Tail  un. 


22  TIB 

TIBÈKE-CONSTANTIN ,  empc- 
reurd'Oricnt,  naquit  en  ïhrace,  d'une 
l'ainillc  o])scure.    Maître   d'ecrilure 
dans  sa  jeunesse,  il  l'ut  ensuite  soldat  : 
doué    de  tous   les   avantag;es    extë- 
lieurs  et  de  l)cauco«p  de  vertus  et  de 
talents ,   il   parvint   rapidement   au 
grade  de   capitaine    des  gardes  de 
l'empereur  Justin  IL  Ce  prince  ,  se 
voyant  sans  enfauls ,  et  dans  un  état 
de  faiblesse  qui  ne  lui  permettait  pas 
de  résister  aux  prétentions  de  sa  fa- 
mille et  à  celles  des  courtisans  ,  vou- 
lut se  donner  un  successeur  que  la 
reconnaissance    seule  déterminât   à 
faire  son  bonheur  et  celui  de  l'em- 
pire. Ce  fut  par  les  conseils  de  sa 
femme  iiophie ,  qu'il  choisit  Tibère, 
son  capitaine  des  gardes.  La  céré- 
monie eut  lieu,    en  5-^4,  dans  le 
portique  du  palais,  en  présence  du 
patriarche    et    du    sénat.    Justin  , 
après  avoir   réuni    le  peu    de  for- 
ces qui  lui  restaient ,  remit  au  nou- 
vel empereur  les  marques  de  sa  di- 
gnité ,  et  lui  adressa    des    conseils 
si   évidemment   pleins  de  sagesse , 
que  l'opinion  publique  les  considéra 
comme  une  inspiration  divine  (  V . 
Justin  IT  ,   XXII,    175);  ilfmit 
son  discours    en   lui   disant  :  «   Je 
«  vivrai  si  vous  y  consentez  ;  si  vous 
»  l'ordonnez  ,  je  dois  mourir.  »  Ti- 
bère eut  pour  son   bienfaiteur  tous 
les  égards  qu'il  lui  devait;  et  Justin 
passa  les  quatre  dernières  années  de 
sa  vie  ,  dans  une  paisible  obscurité; 
mais  la  fierté  et  les  prétentions  de  sa 
veuve  Sophie   troublèrent  quelque- 
fois  les   projets   de  félicité  conçus 
par  son  successeur.  Après  sa  mort, 


moins  le»  i-ôles  des  rciiiiiK's,  cl  qui  reçut  cent  eciis 
pour  son  travaij.  Fallef  lit  jouer  el  iinpriiiier,  eu 
178».  Tibi-<r  H  .Vé/V»«<  (  /'.  l'AM-rX,  XIV, 
iS7-i38  ).  Marit-Jo»ci>li  Clieuier  a  fait  nu  7'/V-è;<-, 
tragédie  en  ciiii|  acUts  ,  qui  se  trouve  daus  ses  OEii- 
e/v  »  posthumes  :  In  Uiol-t  de  Pisoii  eu  e«t  le  di'iioMc- 
Hici.t.  A.   Il— T. 


TIB 

qui  arriva  en  5'j8  ,  Sophie  crut ,  c» 
épousant   celui  qu'elle  -  même  avait 
tant  contribué  à  faire  monter  sur  le 
trône  ,  pouvoir  conserver  son  rang 
et  son  crédit  ;  mais  si  l'ambition  de 
Tibère  avait  porté  ce  prince  à  flatter 
par  sa  dissimulation  les  désirs  d'une 
protectrice,  il  ne  lui  était  pas  pos- 
sible de   satisfaire    l'espoir   qu'elle 
avait  conçu  ,   ou  la  promesse  que 
peut-être  il  lui  avait  faite.   Le  peu- 
ple demandait  avec  impatience  une 
impératrice  ;  et  ce  fut  avec  une  ex- 
trême surprise  que  Sophie  vit  pro- 
clamer ,  en  celte  qualité ,  Anastasie  , 
l'épouse   secrète ,  mais  légitime ,  de 
Tibère.  Ce  prince  lit,  pour  calmer  sa 
mère  adoptive ,   tout  ce  qu'il  crut 
capable  d'apaiser  sa  douleur.  Elle  re- 
çut de  lui  de  grands  honneurs .  et  le 
titre  d'impératrice  avec  une  maison 
nombreuse  et  un  palais  magnifique  ; 
il  allait  même  la  consulter  dans  les 
occasions  importantes  :  mais   cette 
princesse. ambitieuse  et  hautaine  dé- 
daigna ce  vain  simulacre  de  souverai- 
neté ;  et  le  titre  respectueux  de  mère 
que  lui  donnait  un  étranger,  un  hom- 
me sorti  des  derniers  rangs  ,  irritait 
son  orgueil  au  lieu  de  l'adoucir.  Llle 
suscita  des   ennemis   à  Tibère  ,   et 
forma  avec  Justinien  ,  fils  de  Ger- 
manus  ,  qui  était  environné  de  quel- 
que popularité,  un  complot  pour  le 
détrôner.    Tibère,  qui  goûtait  dans 
une  retraite  champêtre    les  plaisirs 
de  la  solitude,  se  liàta  de  revenir  à 
Conslantinople,  où  sa  présence  et  sa 
fermeté  étouffèrent  bientôt  la  cons- 
piration. Toute  la  vengeance  de  cet 
excellent  prince  se  borna  à   priver 
l'impératrice  douairière  de  la  pom- 
pe et  des  honneurs  dont  elle  abu- 
sait, et  à  la    mettre  hors  d'état  de 
lui   niiiie.    Il   adressa  quelques  re- 
proches patcinels  à   Justinien  ;    et 
celte  modération  fil  croire  qu'il  sou- 


i; 


TïB 

geait  à  former  une  double  alliance 
avec  son  rival ,  afin  d'aH'cnnir  sou 
trône  ;  mais  poTir  cela  Tibère  comp- 
tait  encore   plus  sur  ses  vertus  et 
sur   les   ]3ienfaits    qu'il   voulait  re- 
pandi-e.   Il  ajouta  à  son  nom  odieux 
de  Tibère ,  celui  de  Constantin  y  de- 
venu populaire ,  et  il  prit  véritable- 
ment pour  modèles  les  Titus  et  les 
Antonins.  Après  avoir  ge'nii  si  long- 
temps des  vices  et  des  extravagan- 
ces de  tant  d'empereurs ,  les  peu- 
les  purent  à  la  fin  contempler  sur 
e  trône  un  prince  aussi  remarquable 
par  sa  douceur  et  son  humanité  que 
par  la  justice  et  la  fermeté  de  ses  dé- 
cisions. Airable    dans   son  palais  , 
religieux    au  pied    des   autels ,    et 
toujours  impartial  dans  ses  fonctions 
de  juge ,  il  soulagea  tous  ceux  dont 
les  affaires  domestiques  arvaient  été 
dérangées  par  les  malheurs  des  temps 
ou  par  la  dureté  des  financiers.   Il 
manda   aux   gouverneurs  des   pro- 
vinces qu'il  ne  voulait  pas  qu'on  vît 
de  pauvres  dans  son  empire;  remit 
une  année  entière  du  tribut ,  et  le 
diminua  considérablement  pour  l'a- 
venir.   Il  dédommagea  ,   en   même 
temps ,  les  provinces  frontières  des 
ravages  que  la  guerre  de  Perse  leur 
avait  causés,  et  il  mit  fin  à   celte 
guerre  par  les  victoires  de  ses  géné- 
raux. Mais  le  trait  le  plus  touchant  de 
ce  beau  règne  est  sans  doute  le  renvoi 
généreux  que  fit  Tibère  de  tous  les 
prisonniers  persans,  après  les  avoir 
rachetés  de  ses  soldats  et  de  ses  offi- 
ciers. Voyant  ce  souverain  toujours 
prêta  réparer,  par  des  bienfaits  im- 
prévus ,  toutes  les  infortunes  et  tous 
les  désastres  de  la  nature  et  de  la 
guerre ,  le  peuple  crut  qu'il  avait  dé- 
couvert un  trésor  inépuis.ihle  ;   mais 
le   véritable  trésor  de  Tibère  était 
l'économie  et  le  mépris  de  tontes  les 
dépenses  vaines  et  superflues.  Le  rc- 


Tir, 


23 


gue  de  cet  empereur  fut  trop  court: 
attaqué  d'une  maladie  grave  ,  il  eut 
à  peine  le  temps  de  se  donner  un  suc- 
cesseur parmi  les  plus  dignes  d'un 
tel  choix.  Comme  lui ,  son  héritier 
Maurice  fut  choisi  dans  la  foule  {V. 
Maurice).  Après  lui  avoir  accordé  la 
main  de  sa  fille  Augusta ,  il  lui  remit 
le  diadème  en  présence  du  patriar- 
che et  du  sénat  léunis  autour  de  son 
lit  de  mort  :  «  Je  ne  vous  demande 
»  pas  d'autre  mausolée  ,  lui  dit-il , 
»  que  celui  que  m'élèveront  vos  ver- 
»  tus.  Je  serai  assez  grand  dans  l'es- 
»  prit  des  Romains ,   si  je  leur  ai 
»  donné  un  prince  qui  les  gouveinc 
»  avec  sagesse....  »  Tibère  mourut 
le  i4  août  582,  après  un  règne  de 
huit  ans.  On  a  de  lui  des  médailles 
en  bronze  ,  en  argent  et  en  or.  M-d  j. 
TIBÈRE  -  ABSIMARE    (  Tibe- 
nius - AuGUSTUs)  1  empereur  d'O- 
rient, d'une  naissance  obscure,  par- 
vint ,   sous  le   régne  de  Léonce ,  à 
la  dignité  de  drungaire,  et  sut  don- 
ner aux  soldats  une  haute  idée  de  sa 
valeur  et  de  ses  talents.  L'armée  que 
commandait  le  patrice  Jean,  décou- 
ragée par  une  suite  de  revers,  crut 
Absiraare  propre  à  les  réjiarer,  et 
le  proclama  empereur   (698).   Le 
nouvel    Auguste    prit    le   nom    de 
Tibère  ,    marcha     sur  -  le  -  champ 
contre   les    Sarrasins ,   et  les  défit 
complètement.    Profitant    de    l'en- 
thousiasme des  soldats  ,  il  les  con- 
duisit à  Constantinoplc ,  dont  il  s'em- 
para malgré  la  résistance  de  Léonce, 
qu'il  fît  enfermer  dans  un  monastère, 
après  lui  avoir  fait  couper  le  nez.  Il 
confia  le  commandement  de  l'armée 
à  son  frère  Héraclius;  et  tandis  (jue 
celui-ci  continuait  de  remporter  des 
victoires  sur  les  Sarrasins ,  Tibère 
s'occupa  de  g.ignerl'airection  des  peu- 
ples, en  réformant  les  abus  les  plus 
monstrueux.    Quoique    adoré    dans 


a4 


nu 


Constantinople,  l'usurpateur  ue  pou- 
vait croire  son  autorité  suffisamment 
affermie  tant  que  Justinien  ,  lie'ritier 
le'gitime  de  l'empire,  serait  en  état 
de  réclamer  ses  droits.  Il  chargea  des 
sicaii'es  de  l'assassiner.  Justinien  , 
averti  du  danger  qu'il  courait,  prit 
la  fuite  ;  et  quelque  temps  après,  avec 
l'aide  des  Bulgares ,  remonta  sur  un 
trône  dont  sa  cruauté  l'avait  fait  des- 
cendre. Le  malheur  n'avait  point 
adouci  son  caractère  féroce.  Il  se  ven- 
gea de  Tibère  et  de  Léonce  en  barba- 
re. Après  avoir  rassasié  ses  yeux  du 
spectacle  de  leur  humiliation,  il  leur 
fit  trancher  la  tète,  en  707  {Fojez 
Léonce,  XXIV,  162).  On  a  des  mé- 
dailles de  Tibère  :  celles  d'or  sont 
moins  rares  que  celles  d'argent  et  de 
petit  bronze.  Voyez  le  Traité  de  RI. 
Mionnet ,  sur  le  degré  de  rareté  des 
médailles ^  p.  5 1 4 .  W — s. 

TIBÈRE  (Alexandre),  filsd'^- 
lexandre ,  alabarquc  d'Alexandrie  , 
le  plus  riche  et  le  plus  puissant  par- 
mi les  Juifs  établis  dans  cette  ville  , 
s'est  acquis  une  célébrité  funeste 
pendant  les  derniers  malheurs  qui  ac- 
cablèrent la  nation  juive.  Ayant 
abandonné  la  religion  de  ses  j)ères 
pour  embrasser  le  paganisme,  il  fut 
nommé  gouverneur  de  la  Judée ,  et 
s'acquitta  de  cet  emploi  avec  beau- 
coup de  zèle  pour  les  Romains.  Il 
fît  crucifier  Jacques  et  Simon,  fils 
de  ce  Judas  galiléen  qui  avait  porté 
les  Juifs  à  se  soulever  contre  les  maî- 
tres du  monde.  Son  père  étant  mort 
après  l'avoir  déclaré  son  successeur 
dans  la  dignité  d'alabarquc  ,  Tibère 
céda  le  gouvernement  de  la  Judée 
à  Cumanus  ,  cl  se  rendit  à  /Vlexaiidrie, 
vers  l'an  G3  de  J.-C,  ])eii  de  tem])S 
avant  l'affreux  désaslrc  (|ui  devait 
accabler  dans  celle  ville  la  lualhcu- 
reusc  nation  juive.  l>es  habilaiils 
s'élant^asscmblés  dan!>  l'aniphilliéil- 


TIB 

tre,  pour  délibérer  sur  une  députa- 
tion  qu'ils  devaient  envoyer  à  Néron, 
plusieurs  Juifs  entrèrent  dans  le  lieu 
de  leurs  séances;  on  se  jeta  sur  eux 
avec  fureur,  en  criant  que  c'étaient 
des  espions  dont  il  fallait  se  défaire  : 
ils  s'enfuirent  ;  et  l'on  ne  put  en  ar- 
rêter que  trois  que  l'on  traînait  par 
les   cheveux   pour   les  brûler    tout 
vifs  ,    lorsque    leurs     compatriotes 
qui ,   depuis  cinq  siècles  ,   s'étaient 
établis  en  grand  nombre  à  Alexan- 
drie, se  rassemblèrent  pour  arracher 
leurs  frères  à  la  mort.  Les  uns  je- 
taient des  pierres  sur  les  habitants 
grecs ,  les  auties  s'avançaient  avec 
des  torches  vers  l'amphithéâtre,  me- 
naçant d'y  mettre  le  feu  et  de  brûler 
ceux  qui  s'y  trouvaient  rassemblés  ;  ce 
qu'ils  auraient  fait,  si  Tibère  Alexan- 
dre ne  s'yfût  opposé.  Ayant  fait  venir 
près  de  lui  les  principaux  de  la  na- 
tion juive,  il  les  engagea  à  user  de 
leur  influence  pour  étouffer  ce  mou- 
vement et  pour  faire  rentrer  la  foule 
dans  le  devoir  ;  mais  les  chefs  de 
l'émeute  repoussèrent  tous  les  avis , 
se  moquant  hautement  du    gouver- 
neur qu'ils  appelaient  apostat  et  traî- 
tre à  sa  nation.  Tibère,  craignant  les 
suites  d'une  sédition  si  fortement  dé- 
clarée, lit  avancer  deux  légions  ro- 
maines  et   un  corps   de  cinq  mille 
soldats  lybiens  ,  qui,  par   malheur 
pour  les  mutins,  venaient  d'arriver  à 
Alexandrie.  Ayant  rangé  ses  troupes 
en  bataille  ,  il  leur    commanda  de 
marcher  sur  les  Juifs,  de  passer  par 
les    armes    ceux    qu'ils    rencontre- 
raient ,    de   ])iller  leurs  biens  ,    et 
de  mellrc  le  feu  à  leurs  habitations. 
Les  troupes  marchèrent  vers  le  Del- 
la^quarlicr  ocqipé  parles  Israélites, 
el  elles  y  «"nlrerent  après  avoir  essuyé 
do  grandes  pertes.  Les  Juifs  ayant 
élé  à  1,1  lin  mis  en  fuite  ,  le  soldat  les 
poursuivit  dans  leurs  maisons  cl  s'a- 


TIB 

bandonna  sans  aucun  frein  à  toutes 
ses  fureurs.  Ceux  que  le  feu  épargnait 
furent  brûles  dans  leurs  demeures.  Il 
n'y  eut  ni  respect  pour  les  vieillards, 
ni  compassion  pour  les  enfants  ;  on 
poursuivait  dans  les  campagnes  ceux 
qui  s'enfuyaient  de  la  ville ,  et  l'on 
égorgeait  tout  sans  distinction  d'âge  ni 
de  sexe.  Ce  malbeui'cus  quartier,  avec 
les  campagnes  environnantes  ,  cou- 
vert, en  peu  de  temps,  par  cinquan- 
te mille  morts,  fut  inondé  de  sang. 
Aucun  Israélite  n'eût  échappé,  si  le 
gouverneur  ,  se  souvenant  peut-être 
enfin  que  lui-même  était  né  juif, 
n'eût  ressenti  quelque  mouvement  de 
pitié.  Il  donna  ordre  d'arrêter  cette 
horrible  boucherie  ;  et  le  soldat  ro- 
main ,  accoutumé  à  une  sévère  dis- 
cipline, rentra  dans  ses  rangs  au 
premier  signal  du  gouverneur.  Il 
n'en  fut  pas  de  même  des  habitants 
acharnés  contre  les  Juifs  j  on  eut 
beaucoup  de  peine  à  les  retenir  et  à 
arracher  d'entre  leurs  mains  les 
corps  morts^  auxquels  ils  insultaient 
avec  une  joie  barbare.  Néron  s'étant 
donné  la  mort  (an  68) ,  Galba,  Othon 
et  Vitellius  se  disputant  l'empire, 
Vespasien,  qui  se  trouvait  à  Césarée 
en  Judée ,  fut  proclamé  empereur 
par  l'armée  de  Syrie  qu'il  comman- 
dait. Les  chefs  et  les  légions  le  pres- 
saient de  les  conduire  à  Home;  mais 
il  crut  devoir  d'abord  s'établir  à 
Alexandrie.  Voulant  prcVciur  ses 
<jompéliteurs,  il  se  hâta  d'adresser 
à  Tibère  une  lettre  dans  laquelle  , 
flattant  sa  vanité,  il  lui  disait:  a  l'ai'- 
»  mée  m'a  élevé  à  l'empire  avec  une 
»  si  noble  allèction,  avec  tant  d'ar- 
»  dcur ,  que  je  n'ai  pu  refuser;  j'ai 
»  jeté  les  yeux  sur  vous  comme  sur 
j)  celui  qui  peut  m'aidcr  le  ]>lus  clli- 
»  cacemeul  à  soutenir  le  jioids  d'un 
»  si  grand  fardeau.  »  Dès  que  Tibère 
eut  reçu  celle  lettre,  il  se  hâta  de 


TIB  '»5 

proclamer  Vespasien  ,  de  lui  faire 
prêter  serinent  par  les  deux  légions , 
par  les  habitants  ;  il  prépara  tout 
ce  qui  était  nécessaire  pour  sa  i-écep- 
tion  ;  et  l'on  accourut  de  toutes 
parts  à  Alexandrie  pour  v'oir  le 
nouveau  maître  du  monde.  Peu  de 
temps  après  ,  on  voit,  à  l'occasron 
d'une  nouvelle  émeute,  suscitée  par 
les  Juifs  d'Alexandrie ,  que  Lupus 
était  gouverneur  de  cette  ville.  Ti- 
bère Alexandre  avait  sans  doute  été 
appelé  à  d'autres  fonctions.  Les  em- 
pereurs romains  faisaient  grand  cas 
de  sa  fidélité  et  de  sa  bravoure  : 
comme  il  entendait  bien  le  métier  de 
la  guerre  ,  Titus  le  choisit  pour  son 
beutenant  dans  celle  qu'il  alla  faire 
contre  les  Juifs  de  Jérusalem  ;  et  il 
paraît  que  cette  terrible  expédition 
oii  il  seconda  de  tout  son  pouvoir 
les  Romains  contre  ses  compatriotes, 
fut  le  terme  de  sa  vie.      G — y. 

TIBON.  Foj.  TiBBON. 

TIBULLE  {Albivs  Tibullus). 
L'histoire  ne  jette  presque  point  de 
lumières  sur  la  vie  de  îibulle  :  clic 
le  nomme  parmi  les  poètes  les  plus 
distingués  du  beau  siècle  de  la  litté- 
rature latine  ;  et  les  modernes  ne  le 
connaissent  que  par  ses  Ouvra gesj 
mais  on  y  voit  moins  le  détail  des 
événements ,  que  l'expression  des 
mœurs  et  du  caractère.  A  tout 
prendre  ,  ce  portrait  moral  est  plus 
intéressant  que  le  récit  de  quelques 
anecdotes  ,  surtout  lorsqu'il  s'agit 
d'un  homme  de  lettres.  Tibulle  passa 
ses  jours  dans  le  calme  et  l'uniformité 
de  la  condition  privée  ,  dans  la  sim- 
plicité d'une  fortune  médiocre  et 
avec  des  goûts  encore  plus  modestes 
que  ses  moyens  ne  lui  jicrmcttaient 
de  les  avoii-.  Dans  une  telle  existence, 
il  n'y  a  d'actions  saillantes  que  les 
ouvrages ,  qui  n'étaient  point  un  tra- 
vail  pour  l'auteur,  mais   une  par- 


26  rm 

tie  de  ses  loisirs  et  de  ses  aimisc- 
ments.  Le  reste  ne  fournit  qii*unc 
stérile  matière  à  la  narration  histo- 
rique ;  et  plus  l'homme  a  joui  d'un 
sort  constamment  heureux  et  tran- 
quille ,  plus  les  particularite's  de 
sa  vie  échappent  à  la  renommée.  Ce- 
pendant la  cm'iosité,qui  s'attache  aux 
grands  noms  ,  a  engagé  les  commen- 
tateurs dans  des  recherches  laborieu- 
ses pour  éclaircir  quelques  points 
obscurs  ou  douteux  de  la  biographie 
de  ce  poète.  Incertitude  sur  la  date 
de  sa  naissance  et  l'époque  de  sa 
mort ,  soupçons  élevés  sur  l'authen- 
ticité d'un  passage  cité  comme  preu- 
ve, difficulté  de  concilier  quelques 
faits  avec  l'âge  présumé;  c'était  plus 
qu'il  n'en  fallait  pour  offrir  un  am- 
ple sujet  aux  conjectures  et  aux  dis- 
sertations :  nous  nous  arrêterons  aux 
résultats  les  plus  probables.  Des  vers 
insérés  dans  une  élégie  du  troisiè- 
me livre  ont  fait  penser  à  plu- 
sieurs savants  qu'il  était  né  l'an 
711  de  Rome,  et  qu'il  était  du 
même  âge  qu'Ovide.  Mais  les  criti- 
ques les  plus  habiles  ,  et  à  leur  tête 
Scaliger  et  Heyne  ,  rejettent  ce  té- 
moignage supposé  de  Tibulle  ,  et  y 
reconnaissent  une  interpolation  évi- 
dente. Tibulle  servit  dans  la  guerre 
des  Gaules  ,  sous  M.  Valerius  Mes- 
sala  Corvinus.  Un  auteur  anonyme 
dit  même  qu'il  y  mérita  des  récom- 
penses et  des  décorations  militaires, 
et  un  monument  lapidaire  atteste  que 
Messala  obtint  les  honneurs  du 
triomphe  sur  les  Aquitains  ,  en  72G. 
On  demande  comment  Tibulle  au- 
rait pu  se  signaler  par  sa  bravoure 
guerrière  ,  ou  même  se  trouver  sous 
les  drapeaux  dès  sa  (|ninzième  an- 
née, lorsque  les  jeunes  Romains  n'a- 
vaient pas  cucok;  déposé  à  cet  âge 
le  vêtement  de  l'a(lol(;s(-ence,  la  robe 
prétexte,  pour  prendre  la  rolx!  vi- 


TIB 

riic,  et  qu'ils  étaient  encore  sous  la 
garde  d'un  précepteur.  La  valeur 
n'attend  pas  le  nombre  des  années: 
mais  Tibulle  n'avait  pas  un  génie  si 
belliqueux  qu'il  dût  se  faire  remar- 
quer par  des  exploits  si  précoces.  11 
délestait  les  fureurs  des  combats, 
et  en  redoutait  les  périls.  Ses  plain- 
tes et  ses  alarmes,  au  moment  du  dé- 
part pour  une  expédition  ,  montrent 
que  le  devoir  et  la  nécessité  l'entraî- 
naient à  la  suite  de  son  général, plu- 
tôt que  l'instinct  du  courage  (  i ,  10, 
éd.  de  Heyne ,  1777  ). 

Qiiif  fuit  horrenilos  primus  quiprolulil  enses , 
Quant  Jcms  et  verejerreus  itlejuil .' 

Nitnc  ad  bclla  trahor,  et  jam  t/uis  forsitan  hoslis 
Hœsura  in  nostro  tela  geril  latere. 

Ce  n'est  pas  le  langage  d'un  homme 
appelé  par  une  vocation  extraordi- 
naire au  métier  des  armes,  et  brave 
soldat  à  quinze  ans.  On  s'est  donc 
généralement  accordé  à  ne  voir 
qu'une  intercalation  apocryphe  dans 
les  deux  vers  où  il  paraissait  donner 
lui-même  la  date  de  sa  naissance  : 

JVataleni  voit  ri  primnm  vidëre  parentes 
Ciiin  cecidit  jfato  consul  uterque  pari. 

Le  second  vers  de  ce  distique  se  re- 
trouve mot  pour  mot  dans  le  quatriè- 
me livre  des  Tristes  d'Ovide.  Ovide 
raurait-iIcopiésisimplement?N'est-iI 
pas  plus  probable  qu'un  copiste  mal- 
adroit aura  voulu  ,  comme  il  est  ar- 
rivé souvent  dans  la  transcription  des 
ouvrages ,  ou  enrichir  son  auteur ,  ou 
remplir  une  lacune?  Si  tme  telle  éga- 
lité d'âge  eût  existé  cutreTibulleetOvi- 
de,  ce  dernier,  qui  se  plaisait  à  saisir  et 
àconsignerdanssesvers  les  rapports 
singuliers  de  faits  et  d'idées  ,  n'au- 
rait ])as  négligé  celte  circonstance. 
Mais  il  ne  permet  pas  de  douter  ,  au 
contraire,  ([ne  Tibulle  ne  fût  ])lus 
avancé  (|ue  lui  presque  d'une  géné- 
ration. Voici  la  liste  des  poètes  cic- 


TIB 

giaques ,  telle  qu'il  la  donne  suivant 
l'ordre  des  temps  : 

Virgilium  'vidi  tanlùnt ,  nec  avam  Tibullo 

2'empus  amicUice  fata  deiléie  iiiea;. 
SucceisorfuU  hic  libi.  Galle;  Piopertius  illi  ; 

Qiiarlus  ab  bis  série  lemporis  ipsefui. 

(Trist.  IV  ,  10,  5l  ). 

TibuUe  a  donc   précède   Pro perce, 
comme  il  a  succédé  à  Gallus  ;  et  Pro- 
perce lui-même  était  entré  dans  la 
carrière  avant  Ovide,  qui  commença 
cependant  de  très-bonne  heure  à  se 
faire  connaître  par  ses  poésies.  ïi- 
bulle  était  donc  déjà  fameux  ,  quoi- 
que jeune  encore ,  quand  Ovide  n'é- 
tait  encore  qu'un  enfant.   Jusqu'où 
faudra-t  il  rétrograder  jiour  rencon- 
trer la  date  véritable  de  la  naissance 
de  Tibulle  ?  On  ne  peut  point  fixer 
de  terme  précis.  Sans  doute  on  n'ad- 
mettra pas  la  conjecture  d'Ayrman- 
nus,  qui,  eu  adoptant  le  distique  liti- 
gieux ,  substitue  dans  le  second  vers, 
cessit  à  cecidit ,  et  l'explique  ainsi: 
«lorsque  les  deux  consuls  furent  con- 
traints par  un  destin  pareil  de  sortir 
de  l'Italie;  »  c'est-à-dire, lorsquel'in- 
vasion  de  César ,  au  commencement 
de  la  guerre  contre  Pompée  ,  força 
les  consuls  de  fuir  de  l'Italie  avec  le 
sénat  ,  en  'jo5  :   mais  dans  le  cas 
oij  l'on  recevrait  la  correction  ^falo 
cessit  ne  signifierait  toujours   que 
mourir.  L'opinion  d'Ayrmannus  ne 
s'appuie  sur  aucun  fondement  solide. 
Enlin  ,  il  y  en  a  qui  rangent  Tibulle 
parmi  les  contemporains  d'Horace  , 
né  ,  comme  chacun  sait ,  en  688.  Il 
est  vraisemblable,  en  effet,  qu'Horace 
n'aurait  pas  eu  tant  de  déférence 
pour  le  jugementd'un  homme  qui  eût 
cté  à  une  grande  distance  d'âge  au- 
dessous  de   lui   :    Alhi  iioslrorum 
sermonum    candide  judcx.   Il  est 
plus   vraisemblable   encore   qu'Ho- 
race   n'aurait    pas    eu   à  consoler 
Tibulle  du   chagrin   d'être  sacrifié 


TIB 


a-? 


par  une  maîtresse  à  un  rival   plus 
jeune  que  lui  ,  et  cela   avant  l'an- 
née  733  ,    époque   de   la   publica- 
tion des  premiers  livres  des  Odes , 
si  Tibulle  n'avait  pas  approché  alors, 
comme  son   ami  ,  de   la  maturité. 
Mais  l'épitaphe  que  lui  composa  le 
poète  DomiliusMarsus  ,son  contem- 
porain ,  porte  que  Tibulle  survécut 
à  peine  à  Virgile,   mort  en    ^35  , 
et  qu'une   fin    prématurée    l'enleva 
aux  lettres  ,  juvenein.  Doit  -  on  en 
conclure  que  Tibulle  n'ait  pas  dé- 
passé  sa    vingt  -  quatrième  année  ? 
Ignore-t-on  toute  l'extension  dont  le 
mot  juvcnis    était  susceptible  dans 
le  langage  des  Romains  ?  qu'on  était 
dans  la  classe  àcs  juvcnes ,  des  hom- 
mes en  état  de  porter  les  armes,  jus- 
qu'à l'âge  de  quarante-cinq  ans.^   et 
que  cette  qualification  ^'appliquait 
même  à  des  gens  qui  prolongeaient 
leur  carrière  au-delà  de  ce  terme?  Si 
l'on  veut  que  Tibulle  soit  venu  au 
jour,  en  -yi  T  ,  il  est  impossible  de 
faire  concorder  naturellement  avec 
celte   date     celles   des  auti'cs  faits 
dont  les  années  sont  connues  avec 
certitude.  Si  l'on  suppose ,  au  con- 
traire ,  comme  toutes  les  apparences 
induisent  à  le  croire ,  qu'il  y  eut  peu 
d'intervalle  entre  sa  naissance  et  celle 
d'Horace,  tout  s'explique,  et  la  chro- 
nologie n'est  plus  en  contradiction 
avec  la  raison  (  i  ).  Il  y  avait  deux 


(i)  M.  Golbéry  a  publié  deux  tris-bonnc» 
Dissertations ,  Tune  eu  latin ,  l'autre  en  Fran- 
çais ,  dans  lesquelles  il  combat  tous  ces  raison- 
nements,  et  tient  pour  l'anthculicite  du  distique 

tialalein iileripte  pari;  il  prétend  même  qu  on 

ne  peut  faire  remonter  la  naissance  de  Tibulle  au- 
dessus  de  l'an  ^lo  ou^ii  ,  saus  tomber  dans  une 
erreur  grossière;  car  Tibulle  n'aurait  commence  h 
porter  les  armes  qu'à  l'âge  de  vingt-huit  ans.  Mais 
dans  un  temps  oit  le  service  itiilitairc  n'ctait  plus 
d'inic  nécessité  rigoureuse  pour  les  Romains  ,  est- 
il  si  étonnanl  que  Tibulle  ne  se  soit  décidé  à  suivra- 
les  camps  qu'à  vingt-huit  ans,  par  amitié  |>our  Mes- 
sala?  M.  G<>U)éry  ajoute  que  Tibulle  aurait  atteint 
sa  quarante-unième  année,  et  que  Marsus  i&'Aurait 
pas  pu  dire  qu'il  était  mort  jeune.  Mais,  sans  recou- 
rir à  la  rigueur  des  interprétations  légales  du  mot/ h- 


2«  TIB 

familles  Albia  dans  Rome ,  l'une  pa- 
tricienne et  l'autre  équestre.  C'est  à 
la  dernière  qu'AlbiusTibuUus  appar- 
tient. Si  l'on  ne  rabat  rien  du  témoi- 
gnage d'Horace,  la  nature  et  la  for- 
tune avaient  conspire  ensemble  pour 
lui  prodiguer  tous  les  avantages  qui 
peuvent  rendre  le  sort  d'un  homme 
digne  d'envie  :  la  beauté  de  la  iigure, 
la  force  de  la  santé  ,  l'abondance  des 
biens,  la  noblesse  de  l'ame,  les  ins- 
pirations du  talent  (Horace,  Ep.  i ,  4). 
Après  avoir  lu  les  vers  de  Tibulle  . 
on  croira  qu'il  ne  jouissait  pas  d'un 
tempérament  vigoureux  comme  ledit 
Horace.  H  fut  attaqué,  à  plusieurs  re- 
prises ,  de  maladies  qui  le  mirent  en 
péril  5  la  teinte  de  tristesse  qui  se 
incle  toujours  à  la  douceur  de  ses 
pensées  ,  ses  fréquentes  appréhen- 
sions d'un(^  mort  prochaine,  l'idée 
constante  que  la  femme  qu'il  aimait 
lui  fermerait  les  yeux  ,  toutes  les  ha- 
bitudes de  son  esprit  décèlent  eu  lui 
l'influence  d'une  complexion  déli- 
cate ,  et  la  brièveté  de  sa  vie  ne  con- 
firma que  trop  bien  ses  pressenti- 
ments. Quant  à  sa  richesse  ,  elle 
pouvait  paraître  considérable  encore 
au  sage  Horace  ,  qui  plaçait  le  sou- 
verain bien  dans  une  modeste  for- 
tune ,  et  regardait  la  médiocrité 
comme  l'unique  trésor,  aiiream  me- 
<Ztocn7rtf6'//i;  mais  si  l'enfance  de  Ti- 
bulle avait  été  environnée  des  espé- 
rances brillantes  d'une  grande  opu- 
lence, ce  qui  lui  resta  de  son  patri- 
moine était  peu  de  chose,  en  com- 
paraison de  ce  qu'il  aurait  dû  pos- 
séder : 

Vos  quomic  fcUci',  ijiminlnin  ,   nunr  pauj)oris  agii 
Custodes  ,fht  lis  iniiiura  l'eilrn  ,  Larrs. 

'Tune  l'Uiita  innunicnts  liistrahat  cœ^a  juvcnros, 
JVunc  a^tta  exi^ui  eU  ho^lia  magna  soU, 

vrnis  f  ne  jH-iit-on  |>as  dire  ijn'iin  i-rrivitin  a  iiim-  lin 
prPiriotlirrr  .'i  <|iiarniil<-  ans?  Iji  n':iiln|iliilil  ]>ns  lis 
conclusioni  d<,'  M.  (loll.riy,  on  !!<■  tloil  |>h»  iiiniiis 
rrndre  ju^l.icc  »  r.Tiitiil i..ii  cl  i  la  nngacilé  «lu'il 
déploie  dans  se»  diMcrtotiuii». 


TIB 

Est-ce  par  sa  propre  foute,  est-ce 
par  l'injusticcdcs  hommes,  qu'il  avait 
perdu  la  plus  grande  partie  de  l'iié- 
litagc  de  ses  pères  .^  Quelques  mo- 
dernes ,  sur  la  foi  d'un  vieux  sco- 
liaste  d'Horace  ,  n'ont  pas  hésité  à 
prononcer  que  Tibulle  avait  été  un 
dissipateur  ,  et  qu'il  ne  pouvait  ac- 
cuser que  lui-même  de  sa  ruine.  Mais 
il  n'a  pas  manqué  d'avocats  ardents 
à  le  défendre  j  et  tel  était  le  zèle 
véhément  de  leur  réclamation,  qu'elle 
ressemblait  moins  à  une  dissertation 
d'histoire  ancienne  qu'à  une  plai- 
doieriedans  un  procès  qui  toucherait 
l'honneur  d'un  vivant.  Sans  prendre 
autant  l'aU'aire  à  cœur ,  il  est  permis 
de  repousser  comme  injuste  et  fausse 
l'imputation  du  vieux  scoliaste.  Ti- 
bulle se  plaint  en  plusieurs  endroits 
d'une  cruelle  spoliation.  Aurait-il 
rappelé  si  souvent  ce  malheur',  si  c'eût 
été  l'elfet  des  rigueurs  de  ses  créan- 
ciers? On  voit  que  Tibulle,  dès  sa 
jeunesse,  fut  attaché  à  McssalaCor- 
vinus.  La  famille  équestre  des  Albius 
pouvait  être  liée  ,  par  des  rapports 
de  chenlellc  ,  à  l'illustre  et  puissante 
maison  de  Yalérius.  En  7 1 1  ,  Valé- 
rius  prit  parti  pour  Firulus  ,  et  fut 
proscrit  par  les  triumvirs.  Après  la 
mortdeBnrtus,  et  lorsque  la  division 
se  mitdans  le  triumvirat,  il  se  rangea 
du  parti  d'Antoine.  Tibulle  embrassa, 
sans  doute  ,  la  même  cause  que  son 
patron ,  et  subit  la  même  disgrâce. 
Octave  ne  se  contentait  pas  d'abattre 
ses  ennemis  ,  il  les  dépouillait  :  ses 
soldats  s'enij)arèrent,  par  le  droit  de 
la  force  et  le  privilège  de  la  con- 
quête ,  d'une  grande  ipiantilé  de  terres 
en  Italie  et  en  Sicile.  Pour  les  enii- 
cliir,  il  fallut  bien  ipie  beaiiooiip  de 
citoyens  fussent  a ppaiiviis.  Hien  n'é- 
tait si  roiniiiiiu,  en  ce  temps  ,  (pic  de 
voii  les  nioniiiuculs  de  celte  violence, 
soit  dans  les  forlmies  élevées  subite- 


TIB 

ment,  soll  daus  les  maisons  à  moitié 
ruinées.  L'orage  tomba  principalo 
lement  sur  la  classe  des  chevaliers  , 
peut-être  parce  qu'ils  avaient  c'ic  at- 
tache's  à  la  cause  de  la  république , 
si  l'on  peut  dire  qu'il  y  eût  alors 
quelquepatriotisme;  du  moins  avaient- 
ils  favonsc  le  parti  de  Pompée  et  de 
ses  successeurs  contre  les  Césars. 
Mais  le  véritable  motif  de  la  persécu- 
tion qu'ils  essuyèrent  fut  leur  opu- 
lence. Les  chevaliers  étaient  les  fer- 
miers-généraux de  la  république  ro- 
maine dans  les  provinces  ,  dans  les 
trois  quarts  du  monde  civilisé  ,  in- 
dustrieux et  commerçant.  Ils  avaient 
acqius  des  biens  immenses.  Leurs  pa- 
lais ,  leurs  maisons  de  campagne  , 
leurs  domaines  ,  ofl'raient  une  trop 
belle  proie  aux.  vainqueurs  ,  pour 
qu'ils  ne  fussent  pas  mis  en  tête  des 
listes  de  proscription.  C'est  proba- 
blement de  cette  manière  que  fut  ea- 
valii  le  patrimoine  de  Tibullej  et 
lorsque  Valerius  Messala  (It  sa  paix 
avec  Octave  César  ,  sa  protection 
ne  fut  pas  assez  ferme  ou  assez 
puissante  pour  faire  rémtégrer  le 
poète  dans  sa  propriété.  Ce  ne  se- 
rait pas  l'unique  exemple  d'une  tran- 
saction ,  par  laquelle  un  grand  ,  en 
se  réconciliant  avec  ses  ennemis 
vainqueurs  ,  eût  sacrifié  ou  négligé 
ses  clients  et  ses  amis.  Cependant 
il  serait  injuste  d'accuser  sans  preu- 
ve Messala  d'ingratitude  ;  car  il  y  a 
des  critiques  qui  j)enscnt  que  Ti- 
biille  ne  contracta  de  liaison  avec 
lui  que  plusieurs  années  après  ces 
événements  ,  en  '-•^S  ,  lorsque  Mes- 
sala fut  nommé  consul  avec  Oc- 
tave Ciésar.  C'est  du  moins  la  date  du 
panégyrique  inséré  dans  les  OEuvres 
de  Tibulle,  et  qu'on  suppose  fait  à 
l'occasion  de  ce  consulat.  Ses  antres 
poésies  contieunentdcs  preuves  moins 
équivoques    de    son   atlacliemcnt  à 


TIB 


29 


Messala  depuis  cette  époque.  Sana- 
don  aHirme  ,  sans  autre  fonde- 
ment que  sa  propre  hypothèse ,  que 
Tibulle  se  trouvait  avec  Messala 
sur  les  vaisseaux  d'Octave  ,  à  la  ba- 
taille d'Actium.  Mais  il  est  certain 
qu'il  l'accompagna  l'année  suivante 
dans  les  Gaules ,  et  qu'il  prit  partàla 
réduction  de  l'Aquitaine.  Après  cette 
expédition  ,  Messala  passa  en  Asie  : 
Tibulle  s'était  embarqué  avec  lui  ; 
une  maladie  arrêta  le  poète  à  Cor- 
cyre ,  et  le  força  de  se  séparer  de 
son  patron.  Il  craignit  de  mourir  en 
ce  lieu  ,  chez  des  étrangers  ,  loin  de 
sa  famille ,  sans  qu'une  main  chère 
l'assistât  à  ses  derniers  moments  ; 
enfin  sa  santé  se  rétablit  et  il  revint 
à  Rome  ,  oij  il  ne  cessa  point  de  cul- 
tiver l'amitié  de  Messala  et  de  ses 
Ids.  Plusieurs  de  ses  poèmes  attestent 
son  affection  constante  et  désintéres- 
sée pour  cette  famille.  Il  lui  consa- 
crait les  fruits  de  son  génie ,  la  re- 
commandait au  souvenir  et  à  l'estime 
de  la  postérité  par  ses  éloges  ;  et 
sans  doute  il  ne  lui  demandait  rien. 
Content  des  débris  qui  lui  restaient 
du  bien  de  ses  aieux  ,  il  ne  songeait 
plus  qu'à  mener  des  jours  tranquilles, 
au  sein  d'une  agréable  oisiveté ,  sans 
regret  du  passé ,  sans  ambition  pour 
l'avenir.  Toute  sa  passion  ,  tout  son 
soin  était  d'aimer  et  d'être  aimé  •  il 
partageait  son  loisir  entre  les  amuse- 
ments de  la  ville  et  les  jouissances  de 
la  campagne;  mais  si  l'on  en  juge 
par  ses  vers  ,  il  préféra  au  séjour 
bruyant  de  Rome  sa  solitude  pai- 
sible de  Pedum  ,  petite  contrée  de 
l'antique  Latium ,  entre  Preneste  et 
Tibur.  C'est  l.à  qu'il  se  plaisait  à  re- 
trouver, du  moins  dans  les  rêveries 
et  les  illusions  de  son  imagination 
exaltée,  la  simplicité,  rinnoccncc  , 
la  félicité  des  vieux  âges.  Sa  poésie 
serait  bien   trompeuse  si  ce    n'eût 


3p 


TIB 


pas  été  un  bonheur  pour  lui  de  se 
mêler  aux  exercices  et  aux.  jeux  de 
la  vie  rustique;  d'être  le  chef  des  la- 
boureurs et  des  bergers ,  dans  son 
petit  domaine  ;  d'être  quelcjuet'ois  la- 
boureur et  berger  lui-même  ,  soit 
qu'il  présidât  aux  fêtes  religieuses 
des  champs ,  soit  qu'il  encourageât 
les  travaux  de  la  ciiltuie  ,   ou  qu'il 
surveillât  ses  troupeaux  (  i ,  i  )  :  mais 
quelques  beautés  ,    quelques    riauls 
tableaux  que  la  nature  étalât  à  ses 
regards  ,    pour  qu'il  fût   heureux  , 
il  fallait  que  l'amour  enchantât  et  sa 
demeure  et  toute  sou  existence.  L'a- 
mour fut  la  grande  affaire  de  sa  vie. 
De   cette   source  lui  vinrent  et  ses 
plaisirs  les  plus  vifs ,  et  ses  plus  cui- 
sants chagrins  ,  et  ses  plus  délicieuses 
inspirations.    Eu  lisant  successive- 
ra£ut  les  noms  de  Délie ,  de  Némé- 
sis  ,  de  Néère  ,  dans  les  suscrijitions 
de  ses  Élégies  ,  si  l'on  se  rappelle  en 
mcme  temps  qu'Horace  essaya  de  le 
guérir  des  blessures  que  lui   avait 
faites  Glycère  ['i) ,  on  sera  disposé  à 
croire    qu'il  était  plus  tendre  que 
constant.  Mais  qu'on  lise  ses  plaintes 
assidues ,  et  qui  ont  un  si  grand  air 
de  siiicérité,  on  se  persuadera  qu'il  eut 
beaucoup  à  souffrir ,  et  qu'un  enga- 
gement nouveau  était  pour  lui  plutôt 
la  consolation  d'un  amant  délaissé 
que  le  caprice  d'un  cœur  volage.  Par- 
mi SCS  maîtresses  ,  il  en  est  deux  qu'il 
chérit  plus  long-temps  et  plus  pas- 
sionnément que  toutes  les  autres  ,  et 
qu'il  a  immortalisées  :  Délie,  à  qui  il 
offrit  son  premier  hommage;  Némé- 
sis,  qui  reçut  ses  dernières  caresses  et 
sou  dernier  soupir.  Ovide  les  a  pla- 
cées ainsi  toutes  deux  auprès  du  bû- 
cher de  Tibullc  ;  A  mor.  m  ,  g,  3 1 ,  53). 


,,l.|ii.\.:;r.rl  l)(:ii. 
,  drcm  noms  (limrci 


[■>)  I*llJ'iilMIvi«lvlilils|ii 
wjiit  «pir-  la  inôini'  lirninr 
etcjiu.-  ci-luiJeOlyci-re  ne  d<'Ai^i>:i>t  fncoir  qnc  De- 
lie  ou  Néini'si».  Ce»  liypolhisi-s  paralsnent  pin» 
»j)tfci<-tuiciiient90utcuuce  (juckicnrundccs  vu  raisuii. 


TIB 

Sic  Neuifftii  longnm ,  sic  Délia  nomen  hahilunt  ; 
Altéra  cura  recens ,  ullera  priinus  amor. 

Le  Doui  de  Némési.s  et  celui  de  Délie 
Survivront  ù  jamais  chez,  nos  derjiier>  neyeux. 

L'une  alluma  ses  premiers  feux. 
Et  dans  les  bras  de  l'autre  il  termina  sa  vie. 

Cumque  tiiis  sua  junxeruiil  Nemesifr/ue priorrjue 

Oscula;  nec  sotos  destiiuêre  rogos. 
Délia  discedens  :  Feliciwi ,  inqtiii ,  utnala 

Sum  libi;  virisli  dum  tnus  if^nis  eram.. 
CiiiJS'umesis:  Qiiid  aii?  lUtisint  mea  damna  dolori; 

Me  tenait  moriens  déficiente  manu, 

La  tendre  N'émésis  et  ta  première  amante. 
Autour  de  ton  lii'iehpr  ,  sur  ta  dépouille  ardente. 
Ont  p'irtc  leur  tribut  et  répandu  des  pleurs. 
Amante  plus  bcureusc,  au  moins,  disait  Délie, 
.le  n'ai  pas,  en  t'aimant,  vu  s'éteindre  ta  vie. 
Nemésis  répondait  :  Euviez  mes  douleurs. 
C'est  ma  main  qu'il  serrait  de  sa  main  défaillante. 

Rien  de  ce  qui  touche  un  homme  cé- 
lèbre ne  paraît  indifférent  à  la  curio- 
sité des  savants  ,  et  souvent  de  pe- 
tites choses  ont  été  l'objet  de  leurs 
longues    et  minutieuses  i-echerches. 
Ainsi  ils  ont  yoidu  savoir  si  les  noms 
de   Délie  ,  de  Néère  ,    de  Nemésis  , 
étaient  supposés  ou  véritables;  (juelle 
était  la  condition  de  ces  amantes  de 
Tibulle.   Ces   questions   ont  si   peu 
d'intérêt  en  elles-mêmes,  que   nous 
craindrions  d'abuser  de  la  patience 
du  lecteur  en  l'y  arrêtant  seulement 
quelques  instants,  si  elles  ne  nous  don- 
naient l'occasion  d'éclaircir  un  point 
d'histoire  et  de  philologie.  Nous  ne 
pensons  pas  qu'il  importe  à  la  gloi- 
re de  Tibulle   d'ennoblir   ses    maî- 
tresses ,     et    nous    ne  verrons    en 
elles  que  ce  qu'il  nous  a  montré  lui- 
même  ,    des   femmes    qui    faisaient 
profession  et  métier  de  vivre  dans  la 
galanterie  ;    cependant   il    paraît  y 
avoir  contradiction  entre  plusieurs 
passages  de  notre  poète  concernant 
-S'a  Délie.  11  se  plaint  d'un  époux  qui 
tantôt  la  retient  captive  ,   tantôt  ne 
la  surveille  pas  assez  ])Our  prévenir 
.ses  légèretés.  Nec  tnmcn  hmc  crcdct 
conjiix  tmis  (  i  ,    7,  ,    4  O  »   '''^   '" 
fallacis  conjux  incaule  piicllœ  (  i  , 
0 ,  1 5j  ;  et  il  avoue  qu'elle  n'est  pas 


TÏB 


TIB 


Ji 


d'un  clat  à  porter  la  robe  longue  et  tissus ,   ou  à  préparer  les  blanches 

le  bandeau  des  femmes  libres  :  toisons  pour  gagner  un  modique  sa- 

c.     j-      -  j       „.,^„„.;c  „n„  „;«,.  z,-a/o.  laii-e.  »  Ce  n'eût  pas  ete  à  une  femme 

Sit  modo  tasla  doce  ,  quamvis  non  inua  iigaio\  1      _ 

Jmpeiliat  crines  nec  stota  lor:ga  pedes.  e'tabllC    daUS    la    malSOtt   d  Un  CpOUX  , 

C I.  s>67  )•  qu'on  eût  fait  entrevoir  une  pareille 
Ces  expressions  sont  remarquables,  détresse  et  un  tel  abandon  dans  l'a- 
Ovide,  pour  justifier  auprès  d'Au-  venir.  N'est  il  pas  permis  de  penser 
gustele  dessein  de  son  Art  d'aimer,  que  le  docte  Heyne  s'est  trompe  en 
alléguait  qu'il  avait  écrit  ses  leçons  prenant  trop  à  la  lettre  le  mot  co/j/ur? 
pour  les  seules  courtisanes  ,  et  que  ,  Les  poètes  employaient  ce  terme  avec 
dès  le  début  de  son  livre,  il  éloignait  ses  dérivés  et  d'autres  semblables, 
de  son  école  les  femmes  de  condition  dans  un  sens  très  -  détourné ,  pour  ex- 
honnête:  primer  une  union  qui  n'avait  rien  de 

Alprocd  ah  scripla  solh  merclricibi.s  arle  chastC  ni  dc  légitime.  Tibullc    CU   of- 

Submovelmgcnuas  pagina  prima  nnm,.  fre  dcS    CXempleS    frCqUenlS.   S'il    30- 

(  Trlst.  11 ,  3o3  ).  T.T  „          j^              ■    ^           »l    J  •    I 

cuse  JNeere  rie  parjure^  s  il  déplore 

En  quels  termes  prononçait- il  cette  la  dureté  du  joug  de  l'amour,  il  sem- 


exclusion? 

Esleprocul,   vittce  tiniiei:,  imigne  piuloris  , 
Qitœque  tegis  niedios ,  instita  lotiga,  pedes. 
(  Art.  am.  ,  I  ,  3i  }. 

I>e  rapprochement  de  ce  passage 
avec  celui  de  Tibulle  sur  le  costu- 
me interdit  à  sa  maîtresse  ,  donne 
lieu  de  soupçonner  qu'elle  ne  dif- 
férait point ,  quant  à  la  condition , 
des  femmes  auxquelles  Ovide  avait 
dédié  le  recueil  de  ses  préceptes.  Com- 
ment aurait-elle  été  mariée?  Heyne 


ble  parler  des  rigueurs  et  de  la  rup- 
ture d'un  hymen  : 

Nec  gaitdet  raatn  niijtla  Neera  domo,^,, 
Nescis  qiiid  sit  amor ,  juvenis  ,  sijerrr  récusas 
Immitem  dominiun  conjngiumijut:  firuni. 
(m  ,  4,  Co,  73.  ) 

Il  serait  aisé  dc  multiplier  des  ci- 
talions  pareilles.  Mais  quel  empi- 
re ,  quel  droit  exerçait  donc  sur 
Délie  celui  que  Tibulle  aj^pelait  con- 
jux ,  et  qui  repoussait  les  amants 
de  cette  belle  et  la  tenait  sous  les  ver- 


concilie  ainsi  les  faits  qui  ne  semblent  i.qux?  Ne  peut-on  pas  voir  là  une  de 
pas  d'accord.  Délie  était  une  ailran-  ç^^  alliances  temporaires ,  un  dc  ces 
chie,  comme  le  fait  entendre  Ti-  demi-mariages ,  que  des  hommes  for- 
bulle;  elle  fut  d'abord  aimée  parlui,et  raient  avec  des  courtisanes  ,  etdont 
elle  prit  un  époux,  pendant  qu'il  était  igs  clauses  étaient  stipulées  dans  une 
absent.  Mais  si  l'on  suppose  que  son  ^gp^ce  de  contrat  ?  Cet  usage  est  re- 
sort eût  été  fixé  et  assuré  par  un  ma-  ^^.^^é  ^lans  plusieurs  scènes  de  Plaute 


nage,  comment  expliquer  ces  avis 
qu'il  lui  donne  : 

AltjHœJldaJ'itilnuUi,posl,  vicia   seiiectd  , 
Diicil  inops  Iremtda  stamina  lorlii  manu  , 

yirmnriue  conduciis  adnectit  licui  telfi  ^ 
'J'railaque  de   niieo  velicre  ducla  putal. 
(i>6,    77)- 

«  Celle  qui  no  fut  jamais  fidèle  , 
quand  la  vieillesse  flétrit  son  visa- 
ge^ est   contrainte   par  l'indigence 


(  Asinar.  i ,  2  j  iv ,  i  ).  On  inten- 
tait procès  pour  réclamer  les  dons 
qu'on  avait  faits  ,  si  l'on  avait  à  se 
plaindre  de  graves  injures.  Ovide  rap- 
porte une  anecdote  qui  sert  d'exem- 
ple à  ces  divorces  ridicules.  «Sied-il 
bien  que  deux  amants  deviennent  en- 
nemis ?  Vénus  réprouve  ces  débals. 
Souvent  on  accuse  une  coupable  ai- 
à  conduire  la  navette  d'une  main  mée;  cet  éclat  apprête  un  triomphe 
tremblante,  à  façonner  de  pénibles     à   l'amour.  J'assistais  un   jour   un 


33 


TIB 


ami  dans  une  afiaire  de  ce  genre.  Sa 
maîtresse  était  venue  an  tribunal 
dans  une  litière  ;  il  iVcniissait  de  cour- 
roux ,  et  prêt  à  déposer  l'acte  d'ac- 
cusation ,  il  s'cciiait  :  Qu'elle  pa- 
raisse; elle  se  montre  ,  il  reste  muet; 
l'écrit  tombe  de  ses  mains ,  et  il  lui 
rend  les  armes.  Il  vaut  miens,  ajoute 
Ovide,  n'en  pas  venir  à  ces  extrémi- 
tés. Séparez-vous  sans  reprendre 
vos  présents ,  si  vous  voulez  vous 
affranchir  :  »  (  Remed.  anioris). 
Nous  savons  à  présent  quelle  restric- 
tion il  faut  mettre  souvent  à  la  signi- 
fication des  molsconjux,  conju^iuni, 
principalement  chez  les  poètes  eroti- 
ques. Cette  discussion  nous  a  fait  per- 
dre de  vue  Tibulle  ;  mais  Délie  et  ses 
pareilles  ont  occupé  une  si  grande  part 
de  la  vie  de  notre  poète,  et  tenaient 
tantdeplacedans  la  société  romaine, 
qu'on  nous  pardonnera  cette  digres- 
sion. Tibulle  était  digne,  par  son  ta- 
lent, d'un  attachement  plus  noble  ;  il 
méritait ,  par  son  caractère ,  d'être  ai- 
mé avec  plus  de  dévoûraent  et  de  fidé- 
lité. Qu'il  était  bon  !  c'est  l'exclama- 
tion qui  s'échappe  involontairement 
de  la  bouche  du  lecteur  en  parcourant 
ses  Élégies.  La  douceur  et  la  sensibilité 
faisaient  le  fond  de  son  ame  ;  elles 
le  soumettaient  entièrement,  elles  le 
livraient  en  esclave  à  la  femme  qu'il 
adorait ,  et  il  se  complaisaitdans  cette 
servitude  :  «  Qu'elle  règne  ,  qu'elle 
dispose  de  tout;  j'aimerai  à  n'être 
compté  pour  rien  dans  ma  maison. 
Illa  re^at  cunctos  ,  ilU  sint  omnia 
curœ  ;  Me  juvet  in  iotd  me  nihil 
esse  domo  (  i ,  v  ).  »  Voilà  Tibulle  : 
c'est  ainsi  qu'il  aimait,  c'est  ainsi 
qu'il  tralii>;sait  le  faible  de  son  cœur. 
On  en  abusa  souvent;  on  ne  se  conten- 
tait pas  de  régner,  on  voulait  oppri- 
mer,  tyranniser  le  pauvre  esclave; 
on  le  désolait  par  des  caprices  cl  Acs 
k'gèrttés  impardonnables,  s'il  avait 


TIB 

en  la  force  de  ne  point  pardonner  ; 
et  domiait-il  la  moindre  inquiétude  , 
on  se  livrait  à  des  emportements  fu- 
rieux ;  on  le  battait ,  et  on  le  battait 
même  aux  yeux  de  tout  le  monde  j 
car  Délie  était  aussi  violente  ,  qu'il 
était  débonnaire.  Il  n'y  a  pas  de 
portrait  qui  puisse  mieux  représen* 
ter  la  physionomie  de  Tibulle ,  que 
cette  image  où  il  s'est  peint,  sans  le 
vouloir ,  avec  sa  Délie.  «  Qu'elle  me 
reste  fidèle ,  quoique  son  joug  soit 
dur,  et  que  je  ne  puisse  vanter  aucune 
femme  sans  qu'elle  m'arrache  les 
yeux  ,  qnoiqu'au  premier  soupçon 
jaloux  ,  elle  me  saisisse  par  les  che- 
veux ,  et  me  traîne  ainsi  dans  les 
rues ,  sans  que  je  l'aie  mérité  :  » 

Sil  modo  casta  doce  ,  quann'h 

Et  mihi  sini  diirœ  leges -,   laudare  nec  iiUam 

Potsiin  ego,  tjiiin  oculos  appelât  illa  meos. 
Et  si  rjuid peccasse puter,  ductergue  capillis  , 

Jmme?-iib  pivnas  proripiarque  vias. 

(1,6,6:). 

Quelle  naïveté  dans  ce  mot  imme- 
ritb  !  Il  ne  se  plaindrait  pas  du  trai- 
tement ,  s'il  était  coupable.  Mais 
coupable  ou  non,  il  le  supportera. 
Que  de  tendresse  et  de  bonhomie 
dans  cette  résignation  et  dans  les 
vers  qui  l'expriment  1  Cependant  l'a- 
mour ne  remplissait  pas  tellement 
son  ame  qu'il  y  étouffât  les  affec- 
tions de  la  nature  et  de  l'amitié.  Ho- 
race ,  Ponticus  ,  Macer  aimaient  sa 
personne  autant  qu'ils  estimaient  son 
talent;  et  il  fut  bon  frère  et  bon  fils, 
autant  q^ie  fidèle  ami.  Une  de  ses 
douleurs,  dans  la  maladie  qu'il  eut  à 
Corcyre,  était  de  ne  pas  recevoir  , 
s'il  y  succombait ,  les  derniers  em- 
brassementsde  sa  mère  et  de  sa  sœur. 
On  voit  qu'il  se  laissait  frapper  aisé- 
ment de  la  crainte  de  mourir.  Il  ar- 
rive rarement  ([u'une  si  grande  bon- 
lé  ne  soit  ]»as  accompagnée  de  fai- 
blesse de  caractère  et  d'esprit.  Il 
était  paresseux  et  timide  ;  une  vie 


TIB 

dpsoccupéc  ,  loin  du  tnmuUe  el  des 
périls,  était  rolijet'cle  ses  vœux;  il 
décrit  trop   vivement   son    liorreur 
des  alarmes  et  des   fatigues  de   la 
guerre  ,  pour  qu'il  n'ait  pas  été  pé- 
nétré de  ce  seotiment.  Il  u'était  pas 
non  plus  prémuni  par  la  raison  con- 
tre les  terreurs  supersti lieuses:  il  con- 
sultait les  magiciennes  ,  et  il  croyait 
au?:   enchantements  ,  bien  loin  d'en 
rire  comme  Horace ,  et  de   les  dé- 
d^igner  comme  Ovide.  Tibullc  avajt 
tout  ce  qui  fait  les  amcs  tendres  et 
aimables,  peu  do  ce  qui  fait  les  âmes 
fortes   et  intrépides.  Cependant  s'il 
manquait  d'énergie  et  de  fermeté,  il 
ne  manquait  ni  de  dignité,  ni  de  no- 
blesse. On  ne  lit  pas  une  seule  Cois  le 
nom  de  Mécène,  ni  celui  de  César 
dans  ses  vers  ,  pas  un  ^eu!  éloge  di- 
rect ou  indirect  donné  au  maître  de 
l'empire  ou  à  ses  favoris.  Ce  silence 
de  Tibulle  ,  au  milieu  du  fracas  de 
louanges  qui  rctcntissaicat  de  toutes 
pv-irls  ,  est  un  trait  bien  remarquable 
de  sa  vie.  On  n'a  pas  tous  ses  ou- 
vra ces  ,  il  est  vrai;   mais   ou  n'en 
regrette  pas  un  grand  nomore,  et  ce 
serait  un  hasard  bien  singulier  que 
le  temps  n'eût  détridt  que  ceux  qui 
auraient  contenu   l'hommage  de  la 
flatterie.  On  lui  pardonue  pins  aisé- 
ment de  s'être  prosterné  aux  genoux 
de  Délie  et  de  Némésis  ,  quand  on 
pense   qu'il  ne  rampa  jamais   aux 
pieds  d'Octave.  11  mouriit  la  mênje 
année,  ou  à-pcU'près  ,  que  Virgile  , 
35.  C'est  ce  qu'on  peut  conjecturer 
'après    l'épigramme  de   Domitius 
Marsus ,  leur  contemporain  : 

Te  quoifue  Virgilio  namitem  non  tequa ,  Tibulle, 
Mon  juve/jem  campos  itihit  ad  ELvsio'i^ 

Ne  foret  aut  elegit  molle!  r/ui  fterrt  amoref , 
Aut  cancrel^orti  regia  bella  pedr. 

L«5  Parqiips ,  cher  Tibulle ,  ont  donc  tranché  te» 

jour»; 
Jeune,  tu  suis  Virgile  sut  cliapip*  de  rtlj-sce. 
O  musc  des  bèr<^9 ,  à  muxe  des  amours  , 
PSr  çn  4p.>U>l9  trcpas  Tolrç  Jjrg  st\  briifv». 

XLVI. 


TÎB 


3a 


l 


Marmonlel ,  prciiant  le  fait  pour  la 
règle  ,  et  les ,  aifférciiccs  de  caractère 
des  poètes  pour  des  furmes  générales 
de  poésie  ,  a  divisé  l'clégie  en  trojs 
genres  :  le  passionné  ,  celui  de  Pro- 
pcrce  ;  le  gracieux ,  celui  d'Ovide  j 
îe  tendre  ,  celui  de  Tibulle.  S'il  faijt 
que  toutes  les  inspirations  de  l'élégie 
viennent  dii  cœur ,  les  chants  de  Ti- 
bulle en  sont  le  plus  parfait  modèle. 
I!  n'a  pointlimagination  ctinceldnte 
du  volage  adorateur  de  Corinne  ,  çi^^ 
l'érudition  jnytliologique  du  brûlant 
esclave  de  Cynl]iic.  Il  j.  a  peu  d'iD- 
ventioii,  peu  de  variété  dans  îe  foi^d, 
des  idées.  Les  émotions  amoureuses 
et  la  paix  du  séjour  champêtre  rem- 
plissent tous  ses  écrits.  S'il  se  fait 
l'image  de  la  félicité  sur  la  terre  ,  il 
la  trouve  dans  une  cljaumiève  auprès 
de  sa  Délie  ;  s'il  célèbre  une  fèlc ,  le^ 
bergers  renvironucjit ,  il  pflTrç  des  li- 
bations aux  divinités  des  troupeau.^: 
et  des  moissons.  Qu'il  exajte  la  gloire 
de  MÇssala  ,  le  cours  natqrel  de  s^ 
pensées  l'amène  des  champs  de  ba- 
taille aux  champs  qu'Osiris  i'écond^ 
par    l'agriculture.    Qu'il    vante     la 
grandeur  et  l'antiquité  divine  de  I^ 
i*ace  romaine ,  les  mortels  fortunes; 
qui  habitaient  ces  paisibles  solitudes 
avant  que  Rome  s'élevât    viennent 
s'olîrir  d'abord  à  sa  mémoire.  Par- 
tout aussi,  il  porte  ou  les  regrels,  ou 
l'espoir,  ou  la  dou'em- ,  ou  la  JQ.i^ 
que  lui  font  éprouver  sa  Dcliç  ,  s^ 
N.éère.  Ainsi  toujours  dap$  $ç.s^  vor* 
se   frproduisent  et  la  campagne  çt 
l'amour.  Cependant  on  ne  sent  poio^» 
en  le  lisant,  la  langueur  de  la  moMQ.- 
tonie.  H  nous  parle  sans  cesse  de  lui- 
même;  il   nous   entretient  d'objet? 
futiles  :  d'où  vient  ({u'il  émeut  et  qu'il 
attache?  c'est  que  son  amcrespiredans 
se5  écrits  plus  qu'il  ne  songe  à  faire 
briller  son  esprit  pt  son  talent.  H  se 
pçint  tout  entier  en  exprimant  ses 


34 


TIB 


souhaits,  ses  ciainlcs,  ses  jouissan- 
ces et  ses  peines.  On  ne  peut  s'empê- 
cher d'aimer  ce  caractère  si  ingénu  , 
si  tendre ,  si  bon.  L'homme  nous  de- 
vient cher  ,  et  nous  rend  le  poète  plus 
aimable  et  l'amant  plus  intéressant. 
Il  ne  s'agit  que  de  soins  légers  et  fri- 
voles 5  mais  le  sentiment  est  si  vif  et 
si  profond ,  l'expression  si  vraie  et 
si  touchante  î  et  puis  il  nous  occupe 
de  ses  souflrances  plus  souvent  que 
de  ses  plaisirs.  Les  soupirs  de  Tibulie 
retentissent  au  fond  de  notre  cœur. 
La  mélancolie  et  la  sensibilité  répan- 
dent leur  teinte  sur  toutes  ses  pen- 
sées 5  mais  sa  mélancolie  n'est  point 
ime  sombre  tristesse  j  chez  lui  la  sen- 
sibilité ne  dégénère  point  en  douce- 
reuse fadeur;  un  feu  intérieur ,  sans 
éclater  violemment^  anime  et  viviiie 
tous  ses  poèmes.  A  ses  idées  d'amour 
s'entremêlent  involontairement  les 
idées  de  la  vieillesse  et  de  la  mort  ; 
il  jouit  mieux  du  bonheur  dans  la 
solitude  ;  et ,  sur  son  visage  ,  le  sou- 
rire de  la  volupté  n'est  point  exempt 
de  larmes.  Le  génie  de  ïibulle  est 
contemplatif  et  rêveur;  et  l'on  de- 
vient rêveur  avec  lui  ;  on  se  laisse 
entraîner.  Un  beau  désordre  est,  dit- 
on  ,  le  sublime  de  l'ode ,  et  son  im- 
pétuosité vagabonde  est  un  de  ses 
privilèges  essentiels  et  distinctifs.  L'é- 
légie ,  du  moins  celle  de  TibuUe ,  se 
rapproche  en  cela  du  genre  lyrique.  Il 
ne  paraît  point  avoir  prémédité  un  su- 
jet; ses  sentiments  s'épanchent  spon- 
tanément; les  élans  de  son  cœur  exci- 
tent les  fantaisies  de  son  imagination 
Seusive;  il  n'a  point  de  plan  tracé 
'avance,  point  de  méthode  fixée  ;  sa 
marche  est  guidée  par  les  apparitions 
des  objets  que  les  contrastes  et  les 
analogies  fout  naître  à  l'imjjrovist»-. 
Il  peint  tout  ce  (jui  le  frappe  ;  mais 
une  même  inspiration  préside  à  toutes 
ses  idées  ,  elle  dessine ,  elle   colore 


TIB 

tous  ses  tableaux.  Les  écarts  ne  son( 
amenés  (pie  par  des  rencontres  heu- 
reuses. C'est  un  abandon  agréable  , 
et  non  une  divagation  confuse  ;  c'est 
la  variété  dans  l'uniformité.  ïibulle, 
comme  tous  les  écrivains  supérieurs, 
a  son  style  propre  et  caractérisé,  qui 
enchante  par  l'accord  parfait  de  la 
parole  avec  la  pensée.  Mais  peut-on 
le  définir  ?  Comment  expliquer  cette 
ingénieuse  candeur  qui  provient  de  la 
sincérité  et  de  la  douceur  de  son 
ame  ,  et  qui  tient  aussi  à  l'exquise 
pureté  de  sa  diction  correcte  sans 
travail ,  ornée  sans  recherche  de 
parure  ?  Comment  analyser  ces  né- 
gligences qui  sont  le  fini  de  la  grâ- 
ce ,  et  cette  mollesse  délicieuse  ,  qui 
n'est  point  de  la  faiblesse  ,  et  qui  a 
tant  d'attraits  ?  Ou  se  fait  souvent 
une  opinion  trop  exclusive  sur  le  talent 
d'un  auteur.  Le  partagede  Tibulie  est 
la  tendresse  :  on  ne  le  croit  pas  ca- 
pable de  véhémence  et  d'énergie  ;  et 
cependant  avec  quelle  chaleur  il  sait 
rendre  le  délire,  les  transports  de  la 
passion  qui  le  maîtrise  ; 

Jlliits  fst  noltis  lege  coîendus  amor. 
Quin  eliain  sedcs  juheal  si  vendere  avitas , 

Ile  siih  imperiiini  ,  sub  lilulitmque,   Lares. 
Quidfiuitl  /label  Circe  ^  quiilnitid  ]\Icdea  Vfiieni, 

QiiiJi/uid  et  herbaiam  l'hcssalu  terra  gerit. 
Si  modb  tue  plavirlo  vident  Neme^is  mea  vultu , 

Millj  lUias  herbas  tnisreat  illa  ,  biham. 

(  «»,  4,  5»)- 

On  trouvej-ait  aisément  plus  d'un 
autre  passage  semblable.  Jamais  écri- 
vain Ji'a  mieux  fait  sentir  que  la  poé- 
sie ne  consiste  pas  dans  le  luxe  des 
figures  ,  dans  l'éclat  des  lo'^utions 
pompeuses  ou  fleuries  ,  dans  les  ar- 
tifices d'un  mécanisme  sonore;  mais 
qu'elle  vit  dans  la  franche  et  native 
expression  à  laquelle  le  sentiment  a 
donné  l'ame  ,  la  force  et  le  mouve- 
ment, et  qui  enchaîne  l'esprit  du  lec- 
teur jjarl'ilhisioud'uue  magique  sym- 
pathie. Sans  doute,  et  Properce  e( 
Ovide  furent  poètes  au.ssi;  mais  pour 


TIB 

eux  l'amour  était  un  sujet  de  poésie  : 
pour  Tibulle  la  poésie  était  le  lan- 
gage de  l'amour  ,  un  langage   qu'il 
n'avait  point  appris  ,  point  étudié, 
un  langage  beau  comme  la  simplicité 
de  l'inspiration  naïve  d'un  génie  favo- 
risé du  ciel.  Ou  le  prendrait  pour  un 
poète  de  l'âge  d'or  ,  si ,  à  ses  tour- 
ments^ à  ses  chagrins,  on  ne  voyait 
qu'il  était  né  dans  un  autre  temps. 
On  goûte  le  charme  de  ses  vers  sans 
penser  au  mérite  de  la  versification  , 
comme  ou  est  ravi  d'un  concert  mé- 
lodieux sans  s'apercevoir  des  combi- 
naisons  de    l'art  musical.   Quoique 
les  Elégies  de  Tibulle  ne  composent 
pas  un  volume  considérable  ,  ou  ne 
lui  attribue  pas  toutes  celles  qu'on  a 
imprimées  sous  son  nom.  Des  quatre 
livres  dans  lesquels  elles  sont  dis- 
tribuées, les  deux  premiers  seulement 
lui  appartiennent  sans  contestation  : 
mais  les  savants  s'accordent  assez 
généralement  à   révoquer  en  doute 
l'authenticité  du  quatrième.  Le  pané- 
gyrique de  Messala  leur  a  paru  ,avec 
raison,  indigne  de  Tibulle,  par  la  sté- 
rilité des  idées  et  par  la  faiblesse  du 
style.  Les  quinze  pièces  qui  suivent 
le  Panégyrique  forment  uu  petit  ro- 
man moitié  épistolaire,  moitié  nar- 
ratif, dont  Sulpicie  etCerinthus  sont 
les  héros  :  on  y  voit  les  premières 
sollicitations  de  l'amour ,  ses  pro- 
grès ,  son  entraînement ,  son  triom- 
phe, la  fureur  de  la  passion,  qui  fait 
mépriser  le  soin  de  la  réputation  et 
de  la  décence ,  les  contrariétés  des 
circonstances,  les  jalousies,  les  plain- 
tes ,  les  menaces  ,  la  réconciliation. 
Plusieurs  de  ces  pièces  ne    portent 
pas  l'empreinte  du  caractère  de  Ti- 
bulle. Broukhusius  et  Heyne  ontjugé 
qu'elles   n'étaient  pas  sorties  de  sa 
plume.  Voipi  et  M.  Voss  sont  d'un 
avis  oppose.  Faut  -  il  croire  qu'un 
copiste  les  aura  jointes  aux  ouvrages 


TIB 


35 


de  Tibulle?  Mais  quel  qu'en  soit  l'au- 
teur, elles  ne  déparent  pas  le  Recueil. 
Jusqu'à   M.  Voss,  il  ne  s'était  point 
élevé  de  controverse  au  sujet  du  troi- 
sième livre;  mais  voici  que  cet  illus- 
tre critique,  appuyé  encore  par  d'au- 
tres savants ,  ses  compatriotes  ,  pré- 
tend l'ôter  à  Tibulle  ,  et  le  donner  à 
uu  auteur  dont  il  s'imagine  qu'il  a 
découvert  le  nom  dans  une  élégie  de 
ce  livre  même  :  Lj^damus  hic  situs 
est ,  etc. ,  comme  si  l'on  n'avait  pas 
d'exemples  de  poètes  qui  se  fussent 
appelés  d'un  nom  fictif  dans  leurs 
écrits.  Les  raisons  sur  lesquelles  il 
fonde    son    paradoxe    ne  semblent 
pas  exiger  une  réfutation  sérieuse  , 
(juoique  M.  Golbéry  ait  pris  la  peine 
de  les  discuter  et  d'y  opposer  des 
arguments  aussi  solides  que  lumineu- 
sement expliqués.  L'imprimerie  a  mul- 
tipliébeaucoup  les  éditions  de  Tibullej 
nous  nous  bornerons  à  en  signaler  quel 
ques  -  unes  des  plus   précieuses.  La 
plus  ancienne  est  de  l'an  i^'j-i.  Les 
Aides  en  donnèrent  deux  ^  l'une  en 
i5o2,  l'autre  eu  i5i5;   cette  der- 
nière servit  de  base  à  celle  de  Muret, 
i554,  et  à  celle  d'Achille   Statius, 
1 567.  Scaliger  fit  beaucoup  de  chan- 
gements trop  hardis  dans  le  texte  de 
celle  qu'il   publia,    iS'^n,   Celle  de 
Broukhusius,  i-joH  ,  est  renommée  à 
cause  des  leçons  qu'il  avait  puisées 
dans  de  nouveaux  manuscrits  ;  mais  il 
défère  trop  à  l'autorité  de  Scaliger. 
On  dislingue  encore  les  éditions  de 
Volpi,  1710;  Brindicy,  1749J  Bar- 
bou,  1754,  Baskerville,  1772,  La 
plus  estimée  et  la  plus  utile  est   la 
seconde  de  Heyne,  Leipzig,    1777. 
M.  Voss  donna  une  édition  nouvelle 
à  Heidelberg.    181 1.  Celle  que  M. 
Golbéry   vient  de  publier ,  dans  la 
collection  des  classiques  latins,  est 
très-recommandnble.  Les  traducteurs 
français  de  Tibullo  sont  :  en  prose  , 

0.. 


36 


lie 


l'abbé  lie  Marolles,  16185  Pezav. 
1^^,  (T.  Pk/ai,  XXXIII,  ,^63";; 
Lonf!;champs,i776(/^.LoNG<:nAMPS, 
XXIV  ,  664);  ^'î-  P.-i^toret,  1783  , 
in-S".  ;  Mirabeau  et  Lachabeaussiè- 
re,  1796  (  F.  MmABE\ti,  XXIX  , 
lia,  et  Lachabeavssikre  au  Sup- 
plément) ;  en  vers,  M.  Molle  vaut, 
i8o6,in-i2j  1808,  in-i2;  1810, 
iu-13;  1814,  iu-i^;  i8i6,iu-i8; 
1821 , in- 18;  M.  Caronde!et-PoteI!e,s, 
1807  ,  iii-80.  ;  M.  Badcion  St.  Gc- 
niez,  i8i4,  in-S".  Lachapelie  n'eu 
a  traduit  qu'une  partie  (  F.  Lacua- 
PELLE  ,  XXIII ,  49)-  Beaucoup  d'au- 
tres auteurs  n'ont  traduit  que  quel- 
ques morceaux,  j  savoir  Guys  ^  en 
1779  ^^"'  ^'^'y^'  XIX,  260  )  ,  La- 
fare,  Laharpe ,  Ricber,  Tilly,  Varon , 
>m.  Saint  Marcel  et  Cl.  Louis  Mat- 
thieu ,  etc. ,  etc.  TUnille  ou  les  Sa- 
turnales i'ormc  le  îroisicme  acte  des 
Fe'tes  grecques  et  romaines ,  ballet- 
opéra  de  Fuzelier,  joué  en  1728  et 
imprima;  la  même  année,  iu-4'^- 
L'acte  de  Tibulle  a  été  imprime  sé- 
parément,  1777,  in-H".    N — n— T. 

TICHO.  F.  Brahé. 

TICKELL  (  Thom/vs  ) ,  poète  an- 
glais, né,  en  1686,  à  Bridekirk , 
dans  la  province  de  Cumberland,  ter- 
mina ses  études  à  l'université  d'Ox- 
ford ,  et  fut  agréj^é  au  collège  de  la 
Reine.  Des  vers  élégants ,  qu'il  écrivit 
sur  l'opéra  de  Bosamondc ,  lui  pro- 
curèrent la  protection  d'Addison,  qui 
l'introduisit  dans  la  liante  société,  et 
lui  ouvrit  la  carrière  des  emplois. 
Lorsqu'en  1 7  1 3 ,  cet  illustre  écrivain 
donna  au  tliéàtrc  sa  tragédie  de  Ca- 
ton,  Tickell  entretint  la  bienveillance 
de  son  Mécène  par  un  nouvel  hom- 
mage poétique ,  qui  fut  distingué  dans 
la  foule  des  vers  inspirés  par  le  mê- 
me sujet.  A  l'époque  oi'i  se  poursui- 
vaient les  négocialions  ((ue  termina 
la  paix  d'Utrecht,  il  publia  un  poè- 


ÏÏC 

111c  iiiti!u!é  :  Perspeclù'e  de  la  paix 
(  the  Prospect  of  peace  ) ,  qui  fut  ad- 
miré par  les  whigs  eux-mêmes,  fort 
opposés  alors  aux.  mesures  pacifiques, 
et  qui  fut  l'objet  d'un  grand  élo- 
ge, inséré  dans  une  des  léuilles  du 
Spectateur  (n".  SsS).  Six  éditions 
de  ce  poème  furent  rapidement  enle- 
vées. L'auteur  salua  l'an'ivée  du  roi 
George  I^^^'.  par  un  nouveau  poème  , 
le  Foj.age  royal  (tlie  Royal  pro- 
gress  )  ;  et  lorsque  dans  la  suite  la  suc- 
cession de  la  couronne  d'Angleterre 
dans  la  maison  d'Hanovre  vint  à  être 
disputée,  il  prcta  encore  à  cette  fa 
mille  l'appui  de  sa  plume,  en  mettant 
au  jour  deux  satires  contre  le  parti 
jacobite  :  i".  Imitation  de  la  pro- 
phétie de  Nérée  ;  2°.  Epitre  d'une 
ladj ,  en  Angleterre ,  à  un  gentle- 
man ,  à  Avignon ,  a  où ,  dit  le  doc- 
teur Johnson  ,  le  mépris  est  exprimé 
sans  grossièreté ,  et  la  supériorité  sans 
insolence.  »  Cette  Epître  eut  cinq  édi- 
tions. L'événement  le  plus  connu  de 
la  vie  de  Tickell  fut  l'espèce  de  con- 
currence ou  il  panit  se  mettre  avec 
Pope,  en  publiant  la  traduction  en 
vers  du  premier  livre  de  l'Iliade, 
tandis  que  celui-ci  donnait  la  pre- 
mière partie  de  sa  traduction  du 
même  poème.  Addison,  comparant 
les  deux  traductions,  déclara  que  tou- 
tes deux  étaient  bonnes,  mais  que. 
colle  de  Tickell  était  la  meilleure  qui 
eût  jamais  été  faite.  La  vérité  est 
(pi'ellc  est  très-inférieure  à  la  version 
rivale.  Pope  crut  avoir  sujet  de  pen- 
ser que  cette  traduction  si  vantée  par 
Addison  était  d'Addison  lui-même  ; 
et  il  n'en  parle  jamais  autrement 
lorsqu'il  en  fait  mention  ,  dans  son 
Art  de  ramper  (  Art  of  sinking  ). 
Cette  opinion  a  été  abandonnée  de- 
puis ;  mais  la  persuasion  de  Pope 
paraît  avoir  été  la  cause  de  sa 
rupture  avec  Addison.  Th.  Tickell 


TÎC 

étail  alors  iulimeo\eut  lié  avec  ce 
dernier,  qui,  se  rendant  on  Irlan- 
de ,  comme  secrétaire  de  lord  Sun- 
derland,  l'emmena  avec  lui,  et  l'ini- 
tia aux  alfaircs  publiques.  L'auteur 
de  Caton,  élevé  ,  en  1 7  i  ■]  ,  au  poste 
de  secrétaire  d'état,  nomma  son  pro- 
tégé et  sonami  sous-secrétaire  5  et  con- 
servant jusqu'à  ses  derniers  moments 
son  atfecliou  pour  lui,  ce  fut  à  lui 
qu'il  confia  le  soin  de  publier  ses  OEu- 
vres,  recommandant  en  même  temps 
sa  fortune  à  Craggs,  son  successeur 
dans  l'administration.  Tickell  fut  dé- 
signé, en  \']?^'<t,  secrétaire  des  lords- 
juges  d'Irlande,  et  se  maintint  dans 
cet  honorable  emploi  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  à  Bath  ,  le  23  avril  i  n^o.  Le 
f^oj-age  royal  est  imprimé  dans  le 
Spectateur ,  où  se  trouvent  aussi  plu- 
sieurs morceaux  en  prose  du  même 
écrivain.  C'est  de  lui  que  sont  tous 
les  articles  relatifs  à  la  poésie  pasto- 
rale insérés  dans  le  Tuteur  {  thc 
Guardian),  à  l'exceptieu  d'un  seul , 
dont  Pope  est  auteur.  L'édition  qu'il 
a  donnée  des  OEuvres  d'Addison  est 
précédée  d'une  Notice  biographique, 
ainsi  que  d'une  touchante  LIcgie.  Le 
talent  qui  biille  dans  cette  dernière 
production  dénient  la  supposition 
que  les  beautés  de  ses  ])récédi'nls  ou- 
vrages étaient  dues  à  l'assistance  de 
son  illustre  ami.  On  cite  encore  de 
lui  la  ballade  de  Colhi  et  Lucr  com- 
me une  des  pièces  les  j>lus  agréables 
et  les  plus  pathétiques  de  ce  genre. 
Tickell  occupe ,  sur  le  Parnasse  an- 
glais ,  un  rang  élevé  parmi  les  poètes 
du  second  ordre.  11  sedistinguaitdans 
le  monde  par  de  nobles  procédés  et 
par  un  esprit  aimable  et  enjoué.  Po- 
pe, même  après  leur  refroidissement, 
ne  parlait  de  lui  que  dans  les  termes 
d'une  grande  estime .  ^-^  T  i  c  k  l  i.t. 
f  Richard),  de  la  même  famille,  fut 
•m  des  <iomiilissair»'S  de  l'jidfninistra- 


TIE 


3' 


tiou  du  timbre,  et  se  fit  connaître., 
vers  1778,  comme  écrivain  ingé- 
nieux, par  deux  poèmes  :  la  Guir- 
lande  de  l'élégance  (the  Wrealh  of 
l'ashiou  ; ,  011  VArt  de  la  poésie  sen- 
timentale ;  et  le  Projet ,  dédié  au 
doyen  Tucker  {Voj-,  ce  nom  )^  mais 
la  célébrité  s'attacha  surtout  à  un 
pamphlet  qti^il  donna  sous  le  titré 
à' Anticipation  dès  débats  de  la 
chambre  des  communes.  L'heureu- 
se gaîté  avec  laquelle  il  imitait  ici  la 
manière  des  principaux  orateurs  du 
])arlemeiit,  alors  assemblé,  paralysa 
d'avance  les  cil'orts  de  l'opposition. 
Un  a  du  même  quelques  autres  opus- 
cules, notamment  :  Arguments  re- 
battus (Conuuon-place  arguments) 
contre  l'administration ,  avec  les  ré- 
ponses qu'ils  comportent,  à  l'usage  du 
nouveau  parlement,  1780,  in  8".  Ces 
légères  productions,  rem:irquables 
par  uu  tour  d'esprit  original ,  et  un 
eenre  de  plaisanterie  inoit'ensive ,  ont 
etÈ  réimprimées  eu  looo.  L  auteur 
se  tua  en  tombant  d'une  fenêtre ,  à 
Hamptoncourt ,  le  7  nov.  1 793.  L. 
TIEDE  MANN  (Dietrich  ou 
TniERRi  )  ;  professeur  de  philoso- 
[>hie  et  de  langue  grecque  à  l'uni- 
versité de  Marbourg,.  naquit,  le  3 
avril  1745,  à  Bremer-Vœrde  dans 
le  duché  de  Brème.  Envoyé  à  Gœttin 
gue  pour  y  faire  sa  théologie ,  il  se  li- 
vra tout  entier  à  l'étude  de  la  philo- 
sophie ,  de  l'histoire  et  de  la  littéra- 
ture ancienne.  Ses  études  étant  fi- 
nies, il  suivit  en  Livonie  deux  nobles. 
Russes  ,  dont  l'éducation  lui  avait 
été  confiée  ,  revint  ensuite  à  Gçettiii-^ 
f,ue  ,  ôt,  sur  Ll  recôtîïmandation  dé 
iieyne,  fut  nommé  ,  en  1776,  pro- 
fesseur des  langues  anciennes  au, col- 
lège Carolin ,  a  Casscl.  En  1786.  Ir 
land^raTc  ajanl  transféré  ce  ool- 
!cge  à  Mc'tthovirg  ,  pour  y  faire 
partie    '{>•  liiniveisifé  .    'ric<leiiKiiùi 


38 


TIE 


en  fui  nomme  l'un  des  professeurs. 
Ses  cours  étant  très  -  suivis  ,  et  le 
nombre  de  ses  auditeurs  s'augmen- 
tant  chaque  jour  ,  il  étendit  le  cercle 
de  SCS  leçons,  et  enseigna  la  logique, 
la  me'tapliysique  ,  la  psychologie,  le 
droit  nature!  ,.  la  morale  ,  l'histoire 
de  la  philosophie  ,  celle  de  l'homme, 
etc.  Les  divers  systèmes  philosophi- 
ques et  leur  histoire  l'occupèrent 
avant  tout.  Ses  principes  avaient,  au 
début  de  sa  carrière  d'écrivain  phi- 
losophique ,  été  ceux  de  l'école  de 
Wolf,  modifiés  par  quelques-unes  des 
idées  de  Locke;  mais  il  s'attacha  en- 
suite à  la  méthode  expérimentale  et  à 
l'observation  des  phénomènes  du  sens 
intime.  L'anthropologie  et  l'histoire 
des  idées  spéculatives  en  métaphysi- 
que furent  l'objet  principal  de  ses  re- 
cherches et  des  nombreux  écrits  qui 
lui  ont ,  à  juste  titre ,  acquis  la 
réputation  de  l'un  des  hommes  les 
plus  savants  de  l'Allemagne.  "Voici 
la  listedes  plus  remarquables  :  L  Quœ 
fuerit  artium  magicarum  crigo  ; 
quomodo  illœ  ah  Asiœ  popitlis  ad 
Grœcos  atque  Bernanos  ,  et  ah  his 
ad  cœteras  gentes  sint  propagatœ  , 
qidbusque  raliombus  adducti  Jue- 
rint  il,  qui  ad  iiosira  usque  tempora 
easdem  vel  dcfenderint  vel  oppu- 
gnarint  ,  Marbourg  ,  1787,  in-4". 
II.  Dialogorum  Flatonis  argumen- 
ta ezposita  et  illustrata  ,  Deux- 
Ponts,  1786  ,  in-8".  Cet  ouvrage 
fut  composé  pour  l'édition  de  Pla- 
ton imprimée  à  Deux -Ponts.  IIL 
De  antiquis  (juibusdam  Musœi  Fre- 
dericiani  simulacris ,  Marbourg.  liCS 
Ouvrages  smvants  sont  écrit  en  alle- 
mand. IV.  Recherches  sur  r origine 
des  langues,  Riga,  i77*->. ,  in-8". 
V.  Système  de  la  Philosophie  stoï- 
cienne ,  Ticipzig ,  1770,3  vol.  in-8". 
VL  Recherches  sur  l'homme  ,  Leip- 
zig, 1778,3  vol.  in-8".  \U.Fre- 


TlIE 

miers  philosophes  grecs  ,  ou  Fie  et 
système  d'Orphée ,  de  Phérécyde , 
de  Thaïes  et  de  Pythagore  ,  Leip- 
zig, 1780,  in-8".  VIII.  Esprit  de 
la  Philosophie  spéculative ,  depuis 
Thaïes  jusqu'à  Berkeley  ,  Mar- 
bourg, 1787  -  1797,  6  vol.  in-8°. 
C'est  le  principal  de  ses  ouvrages 
et  son  plus  beau  titre  à  une  célébrité 
durable  (  Voy.  Socrate  ,  XLII  , 
536  ).  Son  plan  est  moins  vaste  que 
celui  deBruckeretde  Tennemann.  Il 
a  exclu  de  son  histoire  tout  ce  qui 
est  étranger  aux  questions  de  philo- 
sophie strictement  tbéorique.  Meil- 
leur philologue  que  Brucker ,  moins 
profond  que  Tennemann ,  il  a  mieux 
que  l'un  et  l'autre  étudié  les  systèmes 
qu'il  expose  dans  la  pensée  de  leurs 
auteurs;  dans  ses  jugements ,  il  a  su 
se  garantir  de  l'influence  de  ses  idées 
particulières.  11, se  place,  avec  une 
franche  abnégation  de  ses  propres 
sentiments,  dans  leurs  divers  points 
de  vue ,  et  développe  avec  sagacité 
les  conséquences  des  principes  fonda- 
mentaux adoptés  par  chacun  d'eux. 
Il  a  surtout  porté  une  lumière  nou- 
velle dans  l'histoire  de  la  philoso- 
phie spéculative  des  pères  de  l'église , 
et  des  scolastiques  du  moyen  âge. 
Son  exposé  de  l'ensemble  du  système 
de  saint  Augustin  est  remarquable 
par  la  clarté  ;  il  en  embrasse  toutes  les 
parties  et  en  montre  l'enchaînement, 
Des  citations  nombreuses  et  bien  choi- 
sies légitiment  .  sur  chaque  point 
de  doctrine  ,  les  applications  et  les 
assertions  de  Tiedemann.IX.  Avan- 
tages que  les  nations  modernes 
peuvent  tirer  de  leurs  recher- 
ches et  de  h'urs  connaissances  sur 
l'état  des  sciences  chez  les  anciens. 
Cet  ouvrage  fut  couronné  et  publié 
par  l'académie  dos  sciences  .î  Berlin, 
1798,  in  8".  X.  Système  d'Em- 
jiédocle  ,  Gœl  lingue  ,  1 781 .  XI-  Sur 


riE 

V'mcendie  de  la  bibliothèque  d'A- 
lexandriepar  les  Arabes ,  ibid.  XII. 
Origine  des  Ordalies  ou  Jugements 
de  Dieu  ,  Berlin,  1798.  Tiedemann 
a  dirige  pendant  deux  ans  la  Nou- 
velle Bibliothèque  philosophique  , 
qui  paraissait  de  son  temps  à  Berlin, 
et  il  a  fait ,  pour  V Encyclopédie  al- 
lemande,  publiée  à  Francfort,  tous 
les  articles  qui  appartiennent  à  l'His- 
toire de  la  philosophie.  Il  mourut  à 
Marbourg ,  le  ^lf^  mai  i8o3.  On  a 
trouve'  parmi  ses  manuscrits:  1°.  un 
Traité  de  morale  ,  sous  ce  titre  :  Lé- 
gislation générale  des  mœurs  ;  '2°. 
Manuel  de  Psychologie ,  qui  fut  pu- 
blié ?vec  la  Biographie  de  l'auteur , 
Leipzig,  i8o4,  iii-8°.  Il  avait  aussi 
fait  une  Traduction  du  F'ojage  de 
Denon  dans  la  Haute  et  Basse- 
Egypte  ,  enrichie  de  notes  impor- 
tantes. L'habitude  de  passer  d'un 
système  à  un  autre  et  de  s'identifier 
avec  les  vues  des  créateurs  lui  avait 
donné  de  la  défiance  pour  toute  phi- 
losophie dogmatique  ,  et  peut-cire 
du  penchant  pour  le  scepticisme. 
Toujours  est-il  qu'il  se  montra  émi- 
nemment éclectique  G — Y  et  S — R- 
TIEFFENTHALER  (  Le  P.  Jo- 
seph ),  célèbre  missionnaire,  né,  vers 
1 7 1 5 ,  à  Bolzano  dans  le  Tyrol ,  em- 
brassa jeune  la  règle  de  saint  Ignace. 
Résolu  de  se  dévouer  aux  fatigues  des 
missions,  il  partit,  en  1740,  pour 
l'Espagne ,  oîi  il  attendit  deux  ans 
l'occasion  de  passer  aux  Indes.  Le 
vaisseau  sur  lequel  il  s'embarqua  re- 
lâcha aux  îles  Philippines ,  d'où 
Tieffenthalcr  se  rendit,  en  1743, 
dans  l'empire  moghol.  Tout  entier 
à  ses  travaux  apostoliques ,  il  em- 
ploya ses  loisirs  à  étudier  la  lit- 
térature, les  mœurs  et  la  religion  des 
Hindous,  et  à  recueillir  des  objets 
d'histoire  naturelle.  Pendant  un  sé- 
jour de  trente  années,  il  eut  occasion 


TIE  3o 

de  parcourir  ])1 -.sieurs  districts  peu 
connus  de  cette  vaste  contrée,  sur- 
tout dans  le  territoire  des  Mahrattes 
et  les  cantons  situés  plus  au  nord.  Ses 
talents  ne  tardèrent  pas  à  le  faire  re- 
marquer par  les  Européens  qui  visi- 
taient cette  contrée.  Anquetil-Duper- 
ron  (  V.  ce  nom)  se  trouvant ,  en 
1 75g ,  à  Surate ,  écrivit  au  P.  TiefTen- 
thaler ,  pour  lui  demander  quelques 
détails  sur  les  troubles  de  la  cour  du 
Moghol ,  et  sur  les  antiquités  du  pays. 
Le  savant  missionnaire  reçut  sa  let- 
tre à  Narvac ,  et  s'empressa  de  lui  of- 
rir  la  communication  de  ses  recher- 
ches, se  bornant  à  demander  eu  retour 
quelques  ouvrages  de  science,  et  la 
longitude  de  Surate  (  V  oy.  le  Zend- 
Avesla ,  i,  33 1,  note).  On  voit,  par 
ce  détail,  que  le  P.  Tietfenthaler  s'oc- 
cupait déjà  delà  géographie  de  l'In- 
de j  et  en  effet  on  lui  doit  plusieurs 
observations  de  latitude.  En  1776, 
Anquetil-Duperron  reçut  de  ce  mis- 
sionnaire ,  avec  une  lettre  datée  d'A 
gra ,  sa  résidence  habituelle ,  ti*ois 
Cartes ,  dont  il  donna  la  Notice,  ac- 
compagnée de  ses  observations  ;  dans 
le  Journal  des  savants ,  du  mois  de 
décembre,  mèmeamiée.  m'informait, 
par  sa  lettre,  qu'il  venait  d'adresser 
à  l'un  des  professeurs  en  médecine 
de  Copenhague  les  ouvrages  sui- 
vants :  I.  Description  géographique 
de  rindostan.  II.  De  la  religion 
brahminique.  III.  Astronomie  et 
astrologie  indiennes  ,  et  Système 
du  monde  selon  les  gymnosophis- 
tes.  IV.  Des  idoles  des  Indiens  et 
de  leur  forme ,  et  des  plus  célèbres 
pèlerinages  de  l'Inde.  V.  Histoire 
naturelle  de  V Indostan ,  contenant 
la  description  des  animaux ,  des  oi- 
seaux et  des  plantes,  avec  des  ligu- 
res enluminées.  Jean  Beruoulli ,  de 
Bâle,  découvrit  bientôt  que  le  pos- 
sesseur de  ces  précieux  manuscrits 


4o 


TIE 


était  M.  Krutzenstein ,  prol'essour  à 
Copenhague ,  et  il  s'empressa  de  fai- 
re l'acquisition  de  la  partie  géogra- 
phique, qu'il  traduisit  du  latin  eu  al- 
lemand et  en  français^  sous  le  litre 
de  Description  géographique  de 
rindostan ,  Berlin  ,- 1  -jbo ,  et  Paris , 
1786,  in-4''.  Cet  'Ouvrage  curieux 
est  estime ,  surtout  à  raison  des  no- 
tions qu'il  présente  sur  ia  nation  des 
Seiks  ,  l'une  des  quatre  grandes  puis- 
sances actuelles  de  i'indoustan.  Ber- 
noulli  le  lit  suivre  des  Recherches 
historiques  et  geogra  p  h iques  sur  ! '1  n- 
de^  par  Anquetil-Duperron,  avec  la 
carte  du  cours  du  Gange  et  da  Go- 
gra,  et  la  carte  générale  de  l'Inde, 
par  Je  major  liennel  (  Voyez  ce 
nom,  Biographie  des  hommes  vi- 
vants,  V,  176  ).  L'ouvrage  ainsi 
complet  forme  cinq  part,  en  3  vol. 
in-4".  C'est  d'après  les  notes  et  les 
indications  du  P.  Tiellenthaier  qu'An- 
quetil-Duperron  a  tracé  la  Carte  du 
Gange  et  du  Gogra.  Ce  mission- 
naire n'ayant  pas  pu  visiter  la  source 
de  ce  dernier  fleuve  ,  s'en  était  rap- 
porté aux  naturels  du  pays  pour  toute 
la  partie  supérieure  de  son  cours 
et  il  en  est  résulté  des  erreurs  gra- 
ves. Mais  le  major  Rennel  les  a  cor- 
rigées d'après  de  nouveaux  rensei- 
gnements (  Voy.  sa  Description 
histor.  et  géograph.  de  Vindostan, 
tom.  I»-''.,  Averlissein.),  Tout  en  ren- 
dant justice  au  zèle  et  aux  travaux 
du  P.  Tiedéntlialer,  on  doit  convenir 
que  les  nouvelles  observations  des 
savants  anglais  ont  beaucoup  dimi- 
nué l'importance  de  son  ouvrage, 
qui  ne  doit  même  être  consulté  qu'a- 
vec précaution.  W-s. 

TILLCKE  (  Jkan  Gottltlb  ) , 
capitaine  du  génie  et  d'artillerie  dans 
l'armée  saxone,  né  \c  2  juillet  1731 , 
a  Tauteiibourg  en  Tlniringt'  ,  ser- 
vit d'abord  comme  simple   grcnti- 


TÏE 

dier  ,  et ,  après  avoir  pris  part  aux 
j)rincipanx  événeiûents  de  la  gtierre 
de  Sept-Ans  ^  fut  eiivoyf*,  comme  ca- 
pitaine d'état-major  de  l'artdlerie,  a 
Freyberg ,  où  il  mourut  le  (i  novem- 
bre 1787.  Cet  oJîicier  fut  lui-nlémc 
son  maître  et  son  instructeur.  Les 
plus  petits  mouvements ,  les  circons- 
tances les  plus  ordinaires,  et  surtout 
les  grandes  batailles  furent  pour  lui 
un  champ  fécond  d'observations.  Piien 
ne  lui  échappait  ni  dans  les  choses, 
ni  dans  les  jiersonncs.  11  a  publié  cii 
allemand  :  i.  Instructions  pour  lés 
officiers  du  génie,  Freyberg  ,  1769. 
On  aura  suliisamment  loué  cet  ou- 
vrage élémentaire  ,  quand  on  aura 
dit  que  le  grand  Frédéric  eu  faisait 
le  plus  grand  cas;  qu'en  peu  d'années, 
il  eut  cinq  éditions,  et  qu'il  a  été 
traduit  en  anglais,  par  Hrgvvill.  IL 
Qualités  et  devoirs  d'un  bon  soldat, 
Dresde  et  Leipzig,  1773,  in -8°. 
IIL  Prières  et  psaumes  pour  les 
militaires,  Dresde,  1779,  in-8°. 
IV.  Mémoires  pour  servir  à  l'art 
militaire  et  à  l'histoire  de  la  guerre 
de  1755  à  1763^  avec  plans  et 
cartes  ,  Freyberg,  1776,  seconde 
édition  ,  5  vol.  Dans  cet  ouvrage  in- 
téressant, mais  peu  connu  en  France, 
l'auteur  prend  pour  texte.  les  faits 
importants  de  la  guerre  de  Sept-Ans , 
dont  il  a  été  témoin;  racontant  ce 
qu'il  a  vu  et  observé,  il  applique  les 
principes  de  l'art  à  sou  récit ,  pour 
en  tirer  des  leçons  utiles  aux  jeiuies 
oli'iciers  du  génie  et  de  l'artillerie. 
Dans  le  premier  volume,  après  avoir 
exposé,  en  peu  de  mots,  les  premiers 
événements  militaires  de  cette  guerrfc, 
il  arrive  à  la  bataille  de  Maxen,dont 
il  donne  les  détails  avec  plans  et  car- 
tes. Le  résui  ta  t,  comme  on  sait ,  en  de- 
viritfunesfe au  général  Fink,qui,  quoi- 
que peu  'éi'O'igîKi  d\i  roi ,  fut  Ociitraint 
do  Mii'ttff  bas  Ica  oittifô,  atcé  tiu 


TIÊ 

corps  de  quinze  mille  hommes.  An 
récit  de  ce  qu'il  avait  vu  ,  l'auteur 
ajoute  les  rapports  que  publièrent 
olficiellemeut  sur  cette  journée  l'Au- 
triche et  la  Prusse.  Apres  cette  par- 
tie historique ,  il  examuie  comment 
on  peut  lei>er  le  plan  d'une  position 
que  l'on  ne  voit  que  de  profil.  Dans 
une  troisième  section  ,  il  traite  de  la 
manière  d'attaquer  et  de  défendre 
les  montagnes  et  les  hauteurs  qui  ne 
sont  point  fortifiées.  Dans  la  quatiic- 
ine  et  dernière  section ,  il  expose  ses 
Vues  sur  la  manière  dont  le  général 
Fink  aurait  pu  défendre  son  poste  , 
et  se  retirer  de  position  en  position , 

fiOur  ne  pas  être  réduit  à  capitu- 
er.  L'auteur  observe ,  avec  raison  , 
que  l'on  ne  doit  pas  toujours  juger 
un  général  d'après  l'événement  ;  ce- 
pendant il  cite  des  faits  qui  sont  à  la 
charge  de  Fink.  Le  second  volume 
commence  par  le  Journal  des  ar- 
mées russes  et  prussiennes ,  depuis 
le  I".  janvier  jusqu'au '^4  août  1 758, 
jour  où  se  donna  la  bataille  de  Zorn- 
dorf  L'auteur  joiut  au  récit  de  ce 
qu'il  a  vu  un  rapport  du  général  Pa- 
nin  à  la  cour  de  Saint-Pétersbourg. 
Dans  la  troisième  section,  il  donne 
■les  détails  du  siège  de  Colberg  ;  dans 
la  quatrième,  il  expose  le  mauvais 
résultat  de  cette  entreprise,  elles  fau- 
tes des  Paisses.  Le  troisième  volume 
offre  un  journal  de  la  campagne  de 
Silésie  ,  en  1761.  Dans  les  deux  der- 
nières sections  ,  prenant  pour  texte 
le  camp  retranché  que  le  roi  de 
Prusse  occupait  autour  de  Bunzel- 
veitz,  il  examine  les  dispositions  que 
!e  général  Laudon  avait  prises  pour 
l'attaquer ,  les  raisons  qui  firent 
échouer  l'entreprise,  etc. Cette  partie 
historique  se  termine  par  un  Traité 
élémentaire  sur  l'art  de  se  fortifier 
en  campagne,  dont  les  exemples  sont 
puisés  dans  le  camp  deBunzelwilz. 


TIE 


4» 


Le  même  sujet  est  continué  dans  le 
cinquième  A^olume  ;  les  applications 
sont  prises  dans  la  campagne  de 
Poméranie  ,  en  1761  ,  où  les  Prus- 
siens étaient  commandés  par  le  duc 
de  Wirtcmberg  ,  les  Paisses  ,  par  les 
généraux  Tottleben  et  Platen.  Eu 
1777,  on  publia  à  Freyberg ,  sous 
les  yeux  de  l'auteur ,  une  mauvaise 
traduction  française  du  premier  vo- 
lume de  ses  Mémoires.  II  est  proba- 
ble qu'elle  ne  réussit  point ,  et  qu'on 
en  resta  à  ce  volume  ;  l'ouvrage  en- 
tier mériterait  d'être  traduit  et  ex- 
pliqué par  un  officier  français.  M-d  j. 

TIEPOLO  (  Jacob  ) ,  doge  de  Ve- 
nise, fut  donné, en  1229  ,  pour  suc- 
cesseur à  Pierre  Riani,  avant  que  ce 
dernier  eût  expiré.  Il  alla  rendre  visite 
à  son  prédécesseur  mourant,  qui  le 
reçut  avec  mépris.  Tiepolo  prit  part, 
eu  i'24o,  à  la  guerre  des  Guelfes 
contre  Ferrare;  et  Salinguerra,  s'é- 
taut  confié  entre  ses  mains,  fut,  con- 
trôla foi  publique,  conduit  prisonnier 
à  Venise ,  où  il  mourut.  Jacob  Tie- 
polo ,  parvenu  à  un  âge  très-avancé, 
abdiqua  sa  dignité  en  1249.  fl  mou- 
rut le  9  juillet  de  la  même  année. 
Marin  Morosini  lui  succéda.  S.  S-i. 

TIEPOLO  (  Laurent  ),  doge  de 
Venise,  en  1268,  à  la  mort  de  Re- 
nier Zcno,  fut  le  premier  pour  la 
nomination  duquel  on  adopta  la  mé- 
thode bizarre  et  compliquée  du  tira- 
ge au  sort  et  d'élection,  qui  a  été 
pratiquée  ensuite  à  Venise  tant  que 
la  république  a  subsisté.  Il  mourut 
le  16  août  1275.  Jacob  Contarini 
lui  succéda.  S.  S — t. 

TIEPOLO  (Boémond)  fut  le 
chef  d'une  conspiration  formée  à  Ve- 
nise, en  i3io,  pour  empêcher  l'affer- 
missement de  l'aristocratie  établie 
peu  d'années  auparavant  par  la  clô- 
ture du  grand  conseil.  Tiepolo,  qtic 
l'illustration  de  sa  f,i mille  appelait 


4a 


TIE 


aux  premiers  emplois,  voyait  avec 
ialoiisie  l'aristocratie  nouvelle  rédui- 
re tous  ses  membres  au  même  uivcau , 
en  même  temps  qu'elle  opprimait  le 
peuple.  Il  réunit  tous  les  chefs  de  la 
plus  ancienne  noblesse  aux  citoyens 
et  à  la  bourgeoisie  ;  tous  avaient  éga- 
lement à  se  plaindre  du  changement 
sunenu  dans  les  anciens  principes 
de  la  constitution.  Les  conjurés,  après 
s'être  assuré  les  secours  des  Guelfes 
de  Lombardie ,  résolurent  de  s'em- 
parer de  force,  le  i6  juin ,  du  palais 
ducal  et  de  la  place  de  Saint-Marc  , 
de  tuer  le  doge  Pierre  Gradenigo^ 
élu  en  opposition  au  vœu  très-pro- 
noncé du  peuple,  en  faveur  de  Jac- 
ques Tiepolo  ,  frère  de  Boémond  ; 
de  dissoudre  le  grand  conseil ,  et  de 
le  remplacer  selon  l'ancien  usage  par 
une  élection  anuiielle  ;  mais  cette 
conspiration  fut  révélée  au  doge ,  la 
veille  du  jour  où  elle  devait  avoir 
son  exécution  :  il  se  prépara  au 
combat,  et  remporta  l'avantage  sur 
les  conjurés  qui  avaient  cru  le  sur- 
prendre. Ce  fut  à  cette  occasion 
que  s'établit  à  Venise  le  fameux 
conseil  des  dix.  Boémond  Tiepolo 
fut  obligé  de  sortir  de  la  ville  par 
capitulation  ,  et  il  mourut  dans  l'exil 
en  Dalrnatie.  Cette  conspiration  est 
le  sujet  d'un  poème  intitulé  Baja- 
monte  Tiepolo.  S.  S — i. 

TIEPOLO  (Jean-Baptisti:), 
peintre  célèbre  ,  appelé  communé- 
ment LE  TiEPOLtTTo ,  naquit  à  Ve- 
nise ,  en  i(')gi.  11  étudia  sous  Gré- 
goire Lazzarini ,  le  meilleur  peintre 
vénitien  de  son  temps.  Dès  l'âge  de 
seize  ans  ,  Tiepolo  donna  des  r.reuves 
d'un  talent  spirituel  et  facile  dans  di- 
vers sujets  de  son  invention  j  aussi 
de  fréquentes  commissions  lui  furent- 
elles  bientôt  adressées  de  tculcs  paris. 
Il  alla  travaillera  Milan,  et  dans 
d'autrci  villes  d'ilahc.  Nous  n'énu- 


TIE 

mérerons  pas  ici  les  ouvrages  ma- 
gnifiques dont  il  embellit  les  égli- 
ses ,  les  palais  et  autres  édiQces  pu- 
blics. Étant  enfin  passé  à  Madrid  , 
il  y  mourut  le  25  mars  1769. 
On  a  de  lui ,  en  estampes ,  diffé- 
rents caprices  qu'il  a  gravés  à  l'eau- 
forte  ,  in-fol.  Zanetti ,  dans  son  His- 
toire de  la  Peinture  vénitienne ,  et 
Alexandre  Longhi  ,  dans  ses  Vies 
des  Peintres  vénitiens  ,  ont  donné 
diverses  Notices  sur  cet  artiste,  ainsi 
que  sur  plusieurs  personnes  de  la 
même  famille  qui  se  sont  illustrées 
dans  l'ordre  civil ,  dans  les  arts  et 
dans  les  lettres.  Un  pinceau  heureux 
et  sûr,  une  prompte  exécution,  telles 
sont  les  qualités  qui  distinguent  J.-B. 
Tiepolo.  Plus  sa  manière  s'éloigne 
de  celle  de  son  maître  ,  et  plus  elle 
se  rapproche  de  celle  de  Paul  Véro- 
nèse.  L'abbé  Bettinelli  lui  a  dédié, 
en  1755  ,  un  Poème  sur  la  Peinture , 
dans  lequel  il  le  loue  d'avoir  fait  re- 
vivre les  chefs-d'œuvre  et  le  plus  bel 
âge  de  cet  art.  —  Tiepolo  (  Jean' 
Dominique  ),  fds  du  précédent,  sui- 
vit la  profession  de  son  père ,  et 
réussit  aussi  dans  la  gravure.  Ses  pro- 
ductions les  plus  remarquables  sont 
une  estampe  de  la  Fuite  en  Egypte  y 
qui  eut  beaucoup  de  succès ,  plusieurs 
morceaux  de  plafond  et  vingt-six 
têtes  de  caractère  dans  le  goût  de 
Benoît  Gastiglione.  Il  grava  encore 
plusieurs  tableaux  de  son  père.  — 
Tiepolo  (  Nicolas  )  ,  patricien  de 
Venise ,  poète  et  philosophe ,  fui 
intimement  lié  avec  l'Arioste  et  le 
]>embo  :  il  florissaitvcrs  1 59>5.  Ses  Ri- 
jne  ont  été  insérées  dans  le  Recueil  de 
Giolito,  imprimé  à  Venise,  en  i547' 
—  Tiepolo  {Jac(fues),  autre  pa- 
tricien, florit  au  milieu  du  seizième 
siècle  ,  et  se  distingua  dans  la  [loésie 
lyrique.  On  cite  particulièrement  de 
lui  les  Lj  s  d'or  ,  Ode  pindarique, 


TIF 

imprimée  ,  eu  i  SyS  ,  et  le  Chant  de 
JVéréê  ,  i\uï  fait  partie  des  pièces 
composées  ,  tant  en  italien  qu'en  la- 
tin ,  à  l'occasion  de  l'arrivée  k  Ve- 
nise d'Henri  III ,  roi  de  France  et 
de  Pologne  ,  et  dont  Dominique  Fer- 
rari a  publié  la  collection.    M-g-r. 

TIFERNAS(Grégoirf.)(i),  savant 
helléniste^  était  né,  vers  i4i5, 
d'une  famille  honorable  ,  à  Ciltà 
di  Castello ,  l'ancien  Tiphernum  , 
dans  l'état  de  l'Église.  Suivant  l'u- 
sage des  érudits  de  son  temps ,  il 
joignit  à  son  nom  celui  de  sa  ville 
natale ,  le  seul  sons  lequel  il  soit 
maintenant  connu.  11  fit  de  grands 
progrès  dans  les  langues  latine  et 
grecque ,  ainsi  que  dans  la  médecine  ; 
mais  il  n'exerça  que  bien  peu  cet  art, 
son  goût  le  portant  vers  la  culture 
des  lettres.  Après  avoir  enseigné  le 
grec  dans  sa  patrie,  à  Naples  et  à 
Milan ,  il  vint  à  Rome ,  où  il  fut  ac- 
cueilli par  le  pape  Nicolas  V.  Ce  fut 
sur  la  demande  de  ce  pontife  qu'il 
acheva  la  version  latine  de  Strabon, 
dont  Guarino  avait  traduit  les  dix 
premiers  livres (/^.  Strabon,  XLIV, 
i4  ).  Il  traduisit,  dans  le  même 
temps,  le  Traité  De  regno ,  de  Dion 
Chrysostôme  (  2  ).  Son  protecteur 
e'tant  mort  (  i455),  Grégoire  vint  à 
Paris;  et  il  obtint  du  recteur  l'auto- 
risation de  donner  des  leçons  de  lan- 
gue grecque.  On  en  a  conclu ,  mais  à 
tort,qu'il  avait  occupcune  chairedans 
l'université.  La  littérature  grecque 
était  alors  presque  inconnue  en  Fran- 
ce; et  Tifernas  ti-ouvait  à  peine  dans 
la  rétribution  de  ses  élèves  de  quoi 
subsister.  Dès  qu'il  sut  l'élection  de 
Pie  II  (jEneas  Sylvius  J  à  la  chaire 
de  saint  Pierre ,  il  s'em])ressa  d'a- 


(1)  A  la  t<'lo  de  ses  po»lrs  il  cs[  ui>ianie  l'iihliin 
Orr^nriii^  Tif'-Tiias, 

(n1  La  hililiolhôqup  Soinl-Mair  de  Vrnisc  piu- 
«*f(if  tiiic  *;o|)ic  (te  cMtc  vpriion. 


TIF  43 

dresser  à  ce  pontife ,  ami  des  lettres , 
une  Élégie  ,  dans  laquelle  il  lui  dé- 
peignait sa  triste  situation ,  et  le  sup- 
pliait de  favoriser  son  retour  en  Ita- 
lie. Use  rendit  en  effet ,  peu  de  temps 
après  ,  à  Venise ,  où  ses  talents  , 
mieux  appréciés ,  attirèrent  à  ses  le- 
çons un  grand  nombre  d'auditeurs. 
Ce  fut  en  cette  ville  qu'il  mourut  (3), 
à  l'âge  de  cinquante  ans ,  par  consé- 
quent vers  1 465  ou  i466.  On  pré- 
tend qu'il  fut  empoisonné  par  ses  en- 
vieux. Parmi  ses  élèves,  on  cite  Li- 
lius  Tifernas  ,  son  compatriote,  avec 
lecpiel  on  l'a  confondu  quelquefois 
(4);  George Merula,  Bapt.  Mantuan, 
Jov.  Pontano,  Barthél.  Calchi,  etc. 
PaulGiovioluiattribue ,  mais  sans  au- 
cune vraisemblance ,  la  version  latine 
à'Hérodien ,  que  Politien  a  publiée 
sous  son  propre  nom.  Suivant  Phi- 
lippe de  Bergame ,  Tifernas  avait  lais- 
sé ,  en  manuscrit,  des  Discours ,  des 
Lettres  et  un  gra  nd  nombre  de  Poésies . 
On  ne  connaît  de  lui  qu'un  Recueil 
de  vers  latins ,  imprimés  à  la  suite 
à'Ausone  ,  etc. ,  Venise ,  1472  ,  in- 
fol.  Ils  ont  été  publiés  depuis ,  avec 
des  pièces  de  différents  auteurs,  Ve- 
nise, 1498,  in-4".  (3);  Strasbourg  , 
1 5o8 ,  in  -  4", ,  et  Città  di  Castello  , 
sans  date,  mais  vers  i5i2,  même 
format.  On  trouve  quelques-unes  des 
pièces  de  Tifernas  dans  les  Deliciœ 
poetar.  italorum.  Joly  est  le  pre- 
mier qui  ait  donné  des  détails  satis- 
faisants sur  cet  écrivain,  dans  ses 
Remaraues  sur  le  Dict.  de  Bayle. 
W— s. 


:'.<)  Le  Dicl.  unh'eisel  à\\  cjuc  Tifnnas  mmirul  à 
Paris,  ni  i4"0,  empoisoiiii«  par  des  envieux  He  5» 
gloire.  Il  V  n  Ù  plus  d'erreurs  que  de  mol*. 

! !i\  T lliiit  Tifcrno'  .  qui  fil  un  .nssc?.  Inn  sejnnr 
i'\  Cn'nslanlinnple,  pour  5e  perferlinnner  dan.i  b 
l^mgue  grecque  .  esl  aulciu'  d''.iue  version  laline 
dr.sV»f »i»f<  de  Philon  ,  eonscjvée  à  la  hiMiothi-- 
que  du  Vatican. 

(.V)  -Maitlaire  cile  (  Anit.  Iifw^inph.,  1,  6ifJ  ;  ■ 
une  édition  de  Venise  ,  i4nfi',  in-4"-  ;  "»•*  ''*«"- 
Vrnee  eu  piirail  douteiiM', 


44 


TIG 


'  TIGELLIN  (SoFENWs  ) ,  mims- 
Ire  et  favori  de  Néron,  ne  doit  qu'à 
ses  crimes  la  place  qu'il  tient  dans 
l'histoire.  Il  était  d'une  naissance  obs- 
cure. Sa  jeunesse  ne  présente  qu'une 
suite  de  débauches.  Exilé,  l'an  89, 
par  Caligida,  pour  le  scandale  de 
son  commerce  avec  Agrippine ,  il  ne 
tarda  pas  d'obtenir  son  rappel  à  Ro- 
me. Sa  réputation  d'homme  dé- 
pravé fut  précisément  ce  qui  lui 
mérita  la  faveur  de  Néron  j  car  il 
n'était  doué  d'aucune  de  ces  qualités 
brillantes  qui  ne  i-achctcnt  pas,  mais 
qui  peuvent  faire  excuser  des  A'ices. 
En  flattant  le  goût  de  Néron  pour  les 
plaisH'S  grossiers ,  Tige!!in  gagna  sa 
confiance-  et  il  s'en  servit  pour  ache- 
ver de  le  corrompre.  Apiès  !a  mort 
de  Burrhus,  il  eut  le  commandement 
d'une  partie  des  gardes  prétoriennes. 
La  retraite  de  Sénèque  le  iaibsa  bien- 
tôt maître  de  diriger  le  jeune  César 
au  gré  de  ses  caprices.  11  le  rendit 
féroce  en  lui  montrant  des  ennemis 
dans  tous  les  gens  de  bien ,  et  en 
l'excitant  à  sacrifier  tous  ceux  qu'il 
pouvait  craindre.  La  mort  de  Sylla, 
relégué  à  Marseille  ,  et  celle  de 
Plautus.  en  Asie,  furent  la  suite  de 
SCS  affreux  conseils.  11  n'hésita  pas  à 
favoriser  le  penchant  de  Néron  pour 
Poppéej  et  il  porta  rniidace  jusqu'à 
vouloir  jeter  des  soupçons  sur  !a  ver- 
tu d'Octavie  f  F",  ce  nom  ).  Personne 
n'avait  encore  poussé  si  loin  tous  les 
raffinements  de  la  débauche.  Tacite 
n'a  tracé  qu'en  rougissant  les  hon- 
teux détails  d'une  fête  ,  ou  ])liit6t  d'u- 
ne orgie,  que  Tigellin  ollrit  à  Néron 
(  Ann.,  XV ,  37  ).  Ce  fut  dans  ses  jar- 
dins que  se  manifesta  d'abord  l'in- 
cendie qui  réduisit  en  cendres  une 
partie  de  Romcj  <;t  cette  circonstan- 
ce a  dû  sans  doute  influer  sur  l'opi- 
nion que  Néron  n'était  point  étrangei 
j  cet  effroyable  évciie incnl.  f)n  ignore 


TIG 

si  sa  vigilance  fit  échouer  la  conspi- 
ration de  Pisou  (  F.  ce  nom  )  ;  mais 
l'activité  qu'il  mit  a  çn  punu'  les  au- 
teurs lui  valut,  avec  les  ornement)» 
du  triomphe ,  deux  statues  ,  l'une 
dans  le  Forum  ,  l'autre  dans  l'encein- 
te du  palais  impérial.  La  mort  dé 
Néron,  qu'il  abandonna  lâchement 
dans  le  malheur,  lui  fit  perdre  la 
place  de  préfet  du  prétoire;  mais  il 
dut  la  vie  à  Vinius,  favori  de  Galba , 
dont  il  avait  su  se  ménager  adroite- 
ment la  protection.  Un  édit  du  nou- 
vel empereur  ayant  dissipé  toutes  ses 
craintes,  il  ofi'rit  aux  dieux  un  sacri- 
fice d'actions  de  grâces,  et  rassem- 
bla ,  le  soir ,  dans  un  festin ,  tous 
ceux  qui  ne  rougissaient  pas  de  con- 
server avec  lui  quelques  liaisons.  Vi- 
mus  y  vint  au  dessert,  accompagné 
de  sa  fille.  Tigellin  la  salua  par  une 
santé  d'un  million  de  sesterces  (i), 
et  lui  fit  présent  d'un  collier  d'un 
grand  prix,  qu'il  détacha  du  cou  d'u- 
ne de  ses  femmes.  L'âge  de  Galba  né 
pouvant  pas  pi-omettre  un  long  rè- 
gne, Tigellin,  pour  se  mettre  à  l'a- 
bri des  événements,  se  retira  dans 
une  camj)agne  près  de  Sinuesse,  et 
ajouta  la  précaution  d'avoir  des  ga- 
lères prêtes  à  le  recevoir  avec  ses  ri- 
chesses, si  la  nécessité  le  forçait  de 
fuir.  Vaine  prévoyance  I  Son  supplice 
retardé  n'en  était  dcsiréqu'avecplus 
d'impatience  par  tout  le  peuple.  En 
arrivant  au  trône,  Othon  lui  envoya 
l'ordre  de  mourir.  Tigellin  ,  n'ayant 
pu  s'échapper,  après  de  longues  hé- 
sitations, au  milieu  des  embrasse- 
ments  de  ses  femmes  ,  se  coupa  la 
gorge  avec  un  rasoir,  l'an  69.  W-"*. 
TIGNY  (  Marin  Grostète  de) 
doit  aux  travaux  de  sa  femme  l'hon- 
neur d'occuper  une  place  parmi  les 
naturalistes  du  xvin''.siècle.  NéàOr- 

^1)  135, (luu  IivJl■^  (le  ii(Jtii;  niuimair 


TiG 

leaiis,  le  3  sept,  i -36,  d'un  père  tré- 
sorier de  France, il  fit  ses  éludes  au 
collège  de  la  Flèche,  et  servit  pendant 
plusieurs  années  dans  une  des  compa- 
gnies rouges  de  la  maison  du  roi.  A  la 
mort  de  son  père ,  il  quitta  le  service, 
et  lui  succéda  dans  sa  charge.  Ses 
goûts  l'entraînèrent  vers  l'histoire  na- 
turelle. Il  s'occupa  d'abord  de  la  bo- 
taniquej  mais  il  l'abandonna  pour  se 
livrer  presque  exclusivement  à  l'en- 
tomologie ou  à  l'étude  des  insectes.  Il 
épousa  une  femme  qui  seconda  et 
partagea  ses  penchants  ,  et  ils  formè- 
rent ensemble  une  des  plus  belles  col- 
lections d'insectes  indigènes  qu'on 
eût  encore  vues  à  Paris.  Ce  fut  avec  le 
secours  de  cette  collection  et  des 
connaissances  que  son  mari  et  ciie 
avaient  acquises  en  la  formant  ,  que 
M'"'^.  de  Tigny  entreprit  d'écrire 
l'Histoire  naturelle  des  insectes  pour 
faire  suite  à  l'édition  de  Bufton,  abré- 
gée  par  Casfel.  M^*^.  do  Tigny  avait 
déjà  fait  preuve  de  persévérance  et 
d'aptitude  pour  les  travaux  littérai- 
res, en  composant  une  table  raison- 
née  des  trente  premiers  volumes  des 
Annales  de  chimie.  Elle  fut  guidée 
dans  la  composition  de  son  histoire 
naturelle  des  insectes  par  M.  Bron- 
gniart,  savant  professeur,  et  actuelle- 
ment raembi-ede  l'Institut  de  France. 
Celui-ci  composa  l'introduction  de 
cet  ouvrage  ,  qui  parut  en  dix  volu- 
mes in-i2  ,  1801  :  mais  M.  de  Ti- 
gny était  mort  dès  le  i'^''.  mai  1799. 
Cependant  l'Histoire  des  insectes  n'en 
fut  pas  moins  publiée  sous  son  nom  , 
parce  qu'on  jugea  ,  sans  doute,  que 
le  nom  d'une  femme  pouvait  nuire 
au  débit  d'un  livre  scientifique.  Ce 
livre  eut  du  succès  et  en  méritait.  Il 
n'avançait  pas  la  science  ,  mais  il-en 
jirésentait  les  éléments  et  les  généra- 
lités sous  une  forme  claire,  métho- 
dique et  agréable;  il  a  contribué  à  en 


TIG 


45 


répandre  le  goût,  et  il  distingue  hono- 
rablement le  nom  de  Tigny  parmi 
les  auteurs  utiles.  W — r. 

TIGRANE  ou  DIKRAN  I^.. ,  roi 
d'Arménie,  de  la  race  des  Haïga- 
niens,  succéda  ,ran  565  avant  J-C, 
à  son  père  Erovant  I^^"".  Doué  des 
qualiiés  les  plus  brillantes,  il  fit  con- 
naître, pour  la  première  fois,  le  nom 
des  Arméniens  aux  nations  étrangè- 
res. Contemporain  de  Cvrus,  qui  n'é- 
tait pas  encore  roi  de  Perse,  il  l'ac- 
cueillit à  sa  cour,  lui  fit  épouser  une 
de  ses  sœurs ,  et  se  lia  d'une  étroite 
amitié  avec  lui.  Lorsque  Cyrus'  se 
fut  révolté  centre  Ajtahag  (  Astya- 
ges) ,  celui-ci,  pour  ùter  à  son  petit- 
lils  son  plus  ferme  appui,  résolut 
de  se  défaire  de  Tigrane;  et  afin  de 
mieux  tromper  le  roi  d'Arménie,  il  lui 
demanda  sa  sœur  aînée  en  mariage. 
Devenu  l'époux  de  cette  princesse , 
le  roi  des  Mèdes,  qui  voulait  la  faire 
servir  d'instrument  à  ses  perfides 
desseins ,  feignit  pour  elle  un  amour 
extrême,  et  la  laissa  jouir  d'uneauto- 
rité  sans  bornes.  Puis  il  chercha  à  lui 
rendre  suspects  et  odieux  Tigrane  et 
la  reine  son  épouse ,  et  à  lui  persua- 
der qu'ils  avaient  le  projet  de  régner 
sur  la  Médie  .  et  d«  les  faire  périr  : 
il  (init  par  lui  déclarer  qu'ils  n'a- 
vaient d'autre  moyen  d'échapper  au 
sort  qui  les  menaçait  qu'en  donnant 
la  mort  à  leurs  ennemis.  La  reine  dis- 
simula l'horreurque  cette  proposition 
lui  inspirait.  Tigrane  ,  averti  secre'- 
temcntpar  elle ,  au  lieu  de  se  trouver 
à  une  entrevue  qu'Astyages  lui  avait 
demandée,  fit  des  préparatifs  de  guer- 
re; mais  il  ne  commença  les  hostilités 
qu'après  que  sa  sœur  se  fut  sauvée 
d'Ecbatane  ,  et  que  Cyrus  fut  arrivé 
avec  son  armée.  Les  deux  princes 
attaquèrent  alors  les  Mèdes ,  les  tail- 
lèrent en  pièces  et  s'emparèrent  d'Ec- 
batane. Astyages  leur  échappa  par 


46 


TIG 


la  fuite ,  et  reparut  bientôt  avec  de 
nouvelles  forces.  Ils  lui  livrèrent  ba- 
taille au  pied  des  monts  Hyrcaniens; 
et  Tigrane ,  dans  la  mêlée  ,  fendit  ^ 
d'un  conp  de  hache  ,  la  tête  de  son 
ennemi  (i).  Il  laissa  le  ti-ône  de  Mc- 
die  à  Cyrus  ,  et  se  contenta  des  tré- 
sors d' Astyages  et  de  dix  mille  prison- 
niers ,  parmi  lesquels  se  trouvaient 
les  femmes  et  les  enfants  de  ce  prince. 
Tigrane  les  établit  sur  les  bords  de 
l'Araxe ,   près  de   Naklijiwan  ,   où 
leur  postérité  fonda  une  principauté 
qui  a   subsisté    jusqu'au    milieu  du 
deuxième  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Il 
remaria  sa  sœur  ,  veuve  d' Astyages , 
à  un  prince  arménien,  fit  bâtir,  eu 
son  honneur ,  la  ville  de  Tigrano- 
certe  ou  Digranagerd  ,  sur  les  bords 
du  Tigre  (2) ,  et  y  joignit  la  souve- 
raineté des  pays   voisins.    Tigrane 
aida  Cyrus  dans  ses  guerres  contre 
Grésus ,  roi  de  Lydie ,  et  contre  Na- 
bonid  on  Baltliazar  ,  roi  de  Baby- 
loue.   Ils  partagèrent  ensemble  les 
dépouilles  des  vaincus  •  mais  ils  con- 
vinrent de  donner  le  royaume  d'As- 
syrie et  de  Babylone  à  l'un  des  fils 
d'Astvages.  Suivant  les  historiens  na- 
tionaux ,  Tigrane  possédait  la  Cap- 
padoce ,  la  Géorgie,  l'Albanie  et  le 
mont  Caucase  :  aussi  est-il  regardé 
comme  un  des  plus  grands  rois  de 
l'Arménie ,  à  laquelle  il  avait  rendu 
ses  premières  limites  et  son  ancienne 
puissance.  Il  mourut  l'an  5'-io  avavit 
J.-C. ,   après  un  règne  glorieux  de 


(i)  <.)uoiqui.  ce  rûcit,  tiré  de  Moisb  de  Kliorcn  , 
fl  coulirmii  par  plusieurs  passages  de  la  Cfii/jùiiie 
de  Xéiiophun ,  ditl'èrc  à  plusieurs  égards  de  co 
qu'oDt  écrit  les  auteurs  grecs  et  lalius  ,  on  lie  doit 
pas  le  rejeter  ;  rar  il  n'est  point  eu  contradic- 
tion avec  l'idée  ipie  l'on  se  forme  du  caraclèrc 
d'Astyages  ,  et  il  n'ollre  d'ailleurs  rien  de  moins 
Trai»cmï)lal>l<"  que  les  faits  rapportés  par  Hérodote 
et  par  <>lcsias. 

^î)  Celte  ville,  qui  paraît  i'irc  la  luëu»  ijue  lu 
célèbre  Amide  ,  nommée  encore  aujourd'bni  par  les 
■furrs  Kara-Amid  cl  Uiar-Bekir  ,  fut  foodee  ,  sui- 
vant (I  aiilreji ,  par  Tigrane  |II  ,  qui  ne  lit  ix-ul-iiie 
ipir  la  réparxr. 


TIG 

quarante-cinq  ans  ,  et  eut  pour  suc- 
cesseur son  lils  Vahakn,  que  sa  va- 
leur et  ses  exploits  ont  fait  mettre  au 
rang  des  dieux  et  regarder  comme 
l'Hercule  des  Arméniens.     A — t. 

TIGRAINE  11  (I)  ou  plutôt  AR- 
TAXÈS  ou  ARDASCHÈS ,  roi  d'Ar- 
ménie, de  la  race  des  Arsacides  (2), 
était  petit-ills  de  Vagharschag  (  F". 
ce  nom  )  ou  Valarsace ,  fondateur  de 
cette  dynastie  eu  Arménie ,  et  succé- 
da y  l'an  1 1 8  ou  11 4  avant  J.  -  G. ,  à 
son  père  Aisace  ou  Arschag  I'»".  Sa 
beauté  extraordinaire ,  sa  force  ,  son 
esprit  vif  et  pénétrant  l'avaient  ren- 
du ,  dès  son  enfance,  l'objet  de  la 
prédilection  de  son  aïeul ,  qui  avait 
conçu  de  lui  les  plus  grandes  espé- 
rances. Ambitieux  et  guerrier ,  Ar- 
dascliès  marcha  sur  les  traces  de  ses 
ancêtres  ,   continua    d'agrandir   ses 
états  aux  dépens  de  ses  voisins  ^  et  se 
crut  bientôt  assez  puissant  pour  oser 
attaquer  son  parent  Mithridate  II , 
roi  des  Parthes  {F.  ce  nom ,  XXïX , 
179,    180)5  mais  il  fut  vaincu  et 
obligé  de  donner  son  fils  pour  gage 
de  la  paix ,  qui  ne  lui  fut  accordée 
qu'à  de  dures  conditions.  Ce  revers 
n'abattitpointson  courage.  Jaloux  de 
la  prééminence  dont  les  rois  parthes 
s'enorgueillissaient,  il  rassembla  une 
armée  plus  nombreuse,  s'attribua  le 
titre  de  roi  des  rois;  et  ayant  défait 
Mithridate  ou  (suivant  d'autres)  Ar- 
taban  ,  il  le  força  de   se   contenter 
du  titre  de  roi  ,  lit  en  signe  de  su- 
zeraineté    battre     monnaie    à    son 
coin  sur  les  terres  de   son   voisin , 
et  y  fonda  un  palais.   Ayant  donné 
sa  fille   Ardaschacna  en  mariage  à 


(1)  C'est  ce  prince  qui ,  dans  l'article  de  Mithri- 
date VII,  roi  de  Pont  (XXIX,  i5()-J7),  est 
nomme   Tigrane  l"'. 

(»)  Siralion  s'est  trompé  en  le  faisant  desceudrc 
d'Artiixias  ,  gnuxM>rneur  ,  puis  sOUTCrnin  dcin  gran- 
de Arménie,  sous  Antioehus  III  ,  nu  de  Syrie  (  F. 


TIG 

Mithridatc  VII  (  ie  Grand  )  ,  roi 
de  Pont  ,  il  resserra  son  alliance 
avec  ce  prince  par  un  traite  en  vertu 
duquel  il  s'obligea  de  lui  abandonner 
la  souveraineté  de  tons  les  pays  dont 
il  ferait  la  conquête ,  ne  se  réservant 
que  les  prisonniers  et  le  butin.  Ardas- 
chcs  remit  en  effet  au  fils  de  Mithri- 
datc la  Cappadoce ,  que  la  fuite  d'A- 
riobarzane  avait  laissée  en  son  pou- 
voir sans  combat.  Le  roi  d'Arménie, 
s'étant  rendu  dans  l'Asie  Mineure,  à 
la  tête  de  son  armée,  pour  agir  de 
concert  avec  son  gendre  dans  une 
nouvelle  expédition  ,  fut  assassiné 
par  un  de  ses  généraux,  l'an  91  av. 
J.-C.  Ardaschès  ou  Tigranc  II  avait 
régné  environ  vingt -cinq  ans.  Les 
troubles  qui  suivirent  sa  mort  don- 
nèrent aux  rois  parthes  la  facilité  de 
reprendre  les  prérogatives  dont  il 
les  avait  dépouillés.  A — t.  et  W — s. 
TIGRANE  m  (1),  dit  le 
Grand ,  roi  d'Arménie ,  fils  du  pré- 
cédent ,  ne  put  s'asseoir  sur  le  tro- 
ue de  son  père  qu'en  cédant  aux 
Parthes  une  portion  de  ses  états  ; 
mais,  profitant  habilement  des  divi- 
sions des  princes  Arsacides ,  il  ne  tar- 
da pas  à  se  remettre  en  possession 
des  provinces  qu'ils  lui  avaient  arra- 
chées. Héritier  des  vertus  guerrières 
et  des  vues  politiques  de  son  père ,  il 
étendit  sa  domination  sur  tous  les  pays 
voisins  de  l'Ai'ménie,  et  porta  les 
armes  jusque  dans  l'intérieur  de  la 
Perse.  Les  troubles  qui  déchiraient 
la  Syrie  et  le  caractère  inquiet  de 
ces  peuples  lui  oil'rirent  l'occasion  de 
joindre  ce  royaume  à  ses  états.  An- 
tiochus-Eusèbe  et  Philippe ,  deux  des 
derniers  rois  Séleucides ,  chassés  par 

(1)  Il  n'est  <jue  le  Ile.  Je  ce  nom,  >i  son  p^re 
n'a  povt^^^  que  relui  d'Ardaschès ,  et  si  ,  rouime  Je 
dit  M.  Oirbied  ,  dans  ses  Rechercbei  sur  Vhisloite 
nncirnne  de  l'.-tni:,  Il  était  d'usage  que  les  rois 
d'Arménie,  par  respect,  ue  porlaswot  pas  1« 
«lêni»  nom  q<ie  leur  p^re.  A T. 


TIG 


47 


leurs  propres  sujets ,  traînèi'cnt  dans 
l'exil  une  vie  obscure  et  malheureuse. 
Tigrane  établit  un  vice-roi  en  Syrie, 
et  eut  la  générosité  de  laisser  à  la  rei- 
ne Séléne ,  veuve  de  plusieurs  rois  et 
épouse  d'Antiochus  -  Eusèbe  ,  quel- 
ques villes  de  la  Basse-Syrie  (  Voyez 
Gléopatre-Sklené  ).  Cette  princesse 
ayant  voulu,  quelques  années  après, 
rétablir  la  domination  des  Séleucides 
en  Syrie,  Tigrane  l'assiégea  dans 
Ptolémaïs,  la  fit  prisonnière,  et  or- 
donna sa  mort.  11  prit  alors  le  litre 
de  roi  des  rois.  Ayant  épousé  sa  niè- 
ce Cléopâtre  ,  fille  de  Mithridate- 
le-Grand,  roi  de  Pont ,  il  rétablit  son 
beau -père  dans  la  Cappadoce,  dont 
les  Romains  l'avaient  expulsé;  mais 
il  emmena  de  cette  province  trois 
cent  mille  captifs  ,  qu'il  employa  , 
non  pas  à  construire  Tigranocerte, 
qui  reconnaît  un  autre  fondateur  (  F. 
TiGBANE  I"-),  mais  à  l'agrandir  et 
à  lui  procurer  de  nouveaux  embellis- 
sements. Enflé  des  triomphes  qu'il 
avait  obtenus  sur  les  Romains  ,  Mi- 
thridatc avait  oublié  que  le  roi  d'Ar- 
ménie était  le  monarque  suprême  de 
l'Orient ,  et  il  s'arrogea  les  titres  les 
plus  pompeux  (Vof.  Mithridate, 
XXIX,  170).  Tigrane,  mécontent 
que  le  roi  de  Pont  parût  décliner  sa 
suzeraineté,  ne  l'aida  que  faiblement 
dans  la  nouvelle  guerre  qu'il  eut  bien- 
tôt à  soutenir  contre  les  Romains. 
Après  la  défaite  de  Mithridate,  il 
consentit  à  lui  donner  un  asile  dans 
ses  états;  mais  il  ne  l'admit  point 
en  sa  présence,  et  le  relégua  dans  une 
province  éloignée ,  où  il  le  fit  garder 
plutôt  comme  un  prisonnier  que  com- 
me un  monarque  allié  et  un  proche 
parent.  Lucullus  (  V.  ce  nom  )  ayant 
réclamé  Mithridate  ,  Tigrane  ,  indi- 
gné, congédia  l'ambassadeuravec  mé- 
pris ;  et,  oubliant  les  motifs  de  plain- 
te qu'il  avait  contre  son  beau -père  , 


48 


TIG 


il  ne  s'occupa  plus  que  de  ie  venger. 
Cependant  Lucullus,  maître  de  tous 
les  états  de  Mlthridate  ,  u'e'prouva 
presque  aucun  obstacle  à  s'emparer 
de  la  Syrie  et  de  la  Mésopotamie ,  et 
pe'nétra  bientôt  dans  l'Arménie.  Ti- 
Cranc ,  dont  les  forces  étaient  bien  su- 
périeurcs  à  celles  de  LucuUus,  atten- 
dait avec  impatience  le  moment  d'en 
venir  aux  mains  ;  mais  Mithridate  , 
qui  connaissait  les  ennemis  que  Ti- 
grane  allait  avoir  à  combattre,  ne 
cessait  dcre\liorter  à  ne  point  enga- 
ger une  action  p;e'nc'rale.  Lucullus,  eu 
se  portant  sur  Tigranoccrte ,  força  le 
roi  d'Arménie  à  quitter  ses  positions, 
pour  venir  au  secours  d'une  ville  qui 
renfermait  la  plus  grande  partie  de 
ses  ricliesses.  Averti  de  sa  marclie , 
Lucullus  détacha  seulement  dix  mille 
hommes ,  avec  lesquels  il  se  posta 
sur  son  passage.  Suivant  Pluîarque  , 
Tigrane,  en  voyant  cette  poignée  de 
soldats,  dit  :  «  Si  les  Romains  m'en- 
voient des  ambassadeurs  ,  ils  sont  en 
trop  grand  nombre  j  mais  s'ils  vien- 
nent pour  me  combattre,  ils  sont  trop 
peu  {F^ie  de  Lucullus).  »  L'événe- 
ment ne  tarda  pas  à  le  détromper. 
Les  Arméniens  ,  enfoncés  dès  le  pre- 
mier clioc ,  et  ne  pouvant  pas  se  ral- 
lier, à  cause  de  la  pesanteur  de  leurs 
armures ,  ne  firent  plus  aucune  résis- 
tance. Obligé  de  chercher  son  salut 
dans  la  fuite ,  Tigrane  rencontra  son 
fils,  et  lui  re«iit,  en  pleurant,  son 
bandeau  royal,  le  priant  de  s'éloi- 
gner par  un  autre  chemin.  Ce  ban- 
deau tomba  ,  quelques  instants  après, 
entre  les  mains  d'un  soldat  romain  , 
qui  s'empressa  de  le  porter  à  son  gé- 
néral. La  défaite  de  Tigrane  entraîna 
la  prise  de  Tigranoccrte;  mais  ce  fut 
la  trahison  qui  livra  celte  ville  im- 

f»Qrtante  à  Lucullus.  Mithridate,  in- 
orméde  l'état  d'abandon  dans  lequel 
se  trouvait  Tigrane  ,  vint  à  sa  ren- 


TIG 

contre,  et  releva  son  courage  ,  eu  lui 
faisant  entrevoir  la  possibilité  d'un 
avenir  plus  heureux.  De  nouvelles  le- 
vées d'hommes  mirent  bientôt  les 
deux  rois  à  la  tête  d'une  armée  moins 
nombreuse,  mais  mieux  aguerrie  que 
la  première  (2).  Ils  se  placèrent  au 
milieu  des  montagnes  du  Taurus,  dans 
des  positions  avantageuses.  Lucullus, 
n'ayant  pu  les  attirer  dans  la  plaine 
par  ses  provocations,  feignit  de  vou- 
loir entrer  dans  l'intérieur  de  l'Ar- 
ménie ,  pour  assiéger  Arîaxale ,  la 
capitale.  Tigrane  aussitôt  se  porta 
sur  les  bords  de  l'Arsanias ,  aiin  de 
s'opposer  à  son  passage.  S'il  fut  en- 
core défait  dans  cette  rencontre  ,  il 
disputa  du  moins  la  victoire.  Arta- 
xaîe  ,  que  Lucullus  se  flattait  d'em- 
porter à  la  première  attaque,  l'arrê- 
ta jusqu'à  la  fin  de  la  campagne  ;  et, 
forcé  de  lever  un  siège  dont  la  durée 
avait  lassé  la  patience  de  ses  soldats, 
il  alla  prendre  ses  quartiers  d'hiver 
dans  la  Mésopotamie.  Tigrane  enleva 
sur-le-champ  aux  Romains  tout  ce 
qu'ils  avaient  dans  l'Arménie ,  et  opé- 
ra sa  jonction  avec  Mithridate.  Les 
deux  princes  entrèrent  dans  la  Cap- 
padoce.  La  révolte  de  son  fils ,  Ti- 
grane le  jeune,  soutenu  par  Phraha- 
tes ,  roi  des  Parthes  ,  son  beau-père, 
obligea  le  roi  d'Arménie  à  suspendre 
le  cours  de  ses  conquêtes  ,  pour  s'oc- 
cuper de  rétablir  la  paix  dans  ses 
états.  Mithridate  ,  resté  seul  pour 
lutter  contre  Pompée,  que  le  sénat 
venait  d'envoyer  euAsie,  fut  contraint 
d'opérer  sa  retraite  •  mais  son  armée, 
ayant  été  cernée  par  les  Romains,  fut 
entièrement  détruite.  Co  malheureux 
prince ,  dans  son  désastre ,  eut  encore 


(51)  0  fut  alors  que  Tigrane,  ayant  «te  forc^  <ie 
rappeler  le  vice-roi  et  les  Iroiiix.'»  ijui  ro«inteaai«l>t 
sa  dnmiiiatiun  en  Syrie,  perdit  ce  royaume,  dont 
luic  partie  tomba  snns  opposition  au  pouvoir  d'Ao-> 
liocbu»  l'Asiatique  (  ^'.  ce  uonj)-  A — T. 


TIG 

recours  à  sou  gendre  ;  mais  Tigraiic 
lui  lit  signifier  l'ordre  de  sortir  de 
ses  états.  On  croit  qu'il  le  soupçon- 
nait d'avoir  favorise  secrètement  la 
révolte  de  son  fils.  11  songeait  aussi , 
sans  doute,  à  se  ménager  les  moyens 
de  traiter  avec  les  Romains  ,  puisqu'il 
ne  pouvait  se  flatter  de  leur  opposer 
une  longue  résistance.  Dès  que  Pom- 
pée fut  entré  dans  l'Arménie,  Tigra- 
ne  le  jeune  alla  le  trouver,  s'alliant 
ainsi   publiquement  à   l'ennemi   de 
son  père.  Le  vieux  roi  d'Arménie  , 
assiégé  dans  Artaxatc ,  oiVrit  de  ren- 
dre cette  ^^lle  à  des  conditions  qui  ne 
furent  point  acceptées.   S'abandon- 
nant  alors  à  la  générosité  de  Pompée, 
il  se  rendit,  sans  escorte,  au  camp 
des  Romains.  Conduit  devant  le  gé- 
néral ,  il  voulut  se  jeter  à  ses  pieds  j 
mais  Pompée  le  retint  dans  ses  bras  , 
et,  l'ayant  mené  dans  sa  tente,  lui 
lit  reprendre  les  insignes  de  la  royau- 
té ,    qu'il   avait    déjà   dépoudlées  , 
et  le  combla  de  témoignages  de  res- 
pect. Un  traité ,  qui  confirmait  à  Ti- 
grane  le  titre  de  roi  des  rois  lui  ren- 
dit l'Arménie  et  la  Mésopotamie,  à 
la  condition  de  payer ,  pour  les  frais 
de  la  guerre ,  six  mille  talents  (3). 
Cette  somme  devait  être  fournie  pres- 
que en  totalité  par  la  Godyène  et  la 
Sophène,  deux  provinces  que  Pom- 
pée avait  détachées  des  états  de  Ti- 
grane,  pour  en  former  une  espèce 
d'apanage  à  son  fils.  Tigrane  le  jeu- 
ne ayant  déclaré   qu'il    n'acceptait 
point  ces  conditions  ,  Pompée  indi- 
gné le  retint  prisonnier.  Un  autre  fils 
de  Tigrane  (4)  suscita  liientôt  à  son 
père  une  nouvelle  guerre  contre  Phra- 
batcs.  Le  roi  d'Arménie  remporta 


TIG  49 

d'abord  une  victoire  sur  les  Parthes  j 
jnais  ayant  ensuite  éprouvé  des  revers, 
i\  réclama  l'assistance  de  Pompée  , 
dont  la  médiation  rétablit ,  du  moins 
en  apparence ,  la  bonne  harmonie  en- 
tre les  deux  rois.  Reconnaissant  de  la 
manière  dont  les  Romains  l'avaient 
traité  ,  Tigrane  fut  leur  allié  le  plus 
lidèle.  Lorsque  son  grand  âge  ne  lui 
permit  plus  de  vaquer  aux  devoirs  de 
la  royauté ,  il  s'associa  son  ills  Arta- 
baze  (  F.  ce  nom ,  II ,  542  )  ou  Ar- 
tavasde  ,  qui  lui  succéda  ,  vers  l'an 
35  avant  J.-C.  Ainsi  Tigrane  le  jeu- 
ne ,  malgré  la  protection  du  roi  des 
Parthes,  n'a  jamais  occupe  le  troue 
d'Arménie.  On  a  des  médailles  et  des 
médaillons  de  Tigiaue-le-Graud ,  en 
argent  et  en  bronze.  W — s. 

TIGRATSE  ,  fils  d'Artabaze  ou 
Artavasde ,  fut  emmené  captif  avec 
son  père,  à  Alexandrie  par  Marc- 
Antoine.  Conduit  ensuite  à  Rome  ,  il 
paraissait  destiné  à  terminer  ses  jours 
dans  l'oubli ,  lorsque  les  Arméniens, 
mécontents  d'Ardachès  ou  Artaxias, 
leur  roi ,  demandèrent  qu'on  lui  subs- 
titucàt  Tigrane,  son  frère.  La  prière 
qu'ils  adressèrent  à  cet  égard  à  Au- 
guste ,  alors  dans  l'Orient,  ayant  été 
favorablement  accueillie  ,  Tibère  fut 
chargé  d'établir  Tigrane  sur  le  trône 
de  l'Arménie.  La  mort  d' Artaxias , 
tué  par  ses  proches  (  F.  Autaxias  , 


(3)  i8  millions  de  notre  moniiaip 
bistoriuns   noDiniciit 
de      / 
<^ui  répond 


(4)  Quelque 

!  Tigrane  Shitriiliiert  ;  c.  est   le  nom  d'i 
lie  de  cunnclable  ou  de 


..ri  cf  lils 
no  di|initc 
géuéralis- 


XLVI. 


II  ,  545  ) ,  vint  encore  lui  en  facili- 
ter l'accès.  Tigrane,  oubliant  bientôt 
la  reconnaissance  qu'il  devait  aux 
Romains,  s'unit  aux  Parthes  pour 
leur  faire  la  guerre.  Les  Romains 
s'avançaient  pour  le  châtier ,  quand 
il  mourut ,  vers  l'an  6  avant  J.-C- 
—  TiGRAiNE  IV,  fils  du  précédent  , 
fut  exclu  du  trône  par  les  Romains  , 
(pii  choisiient,  à  sa  place,  Artavasde , 
prince  du  sang  royal.  Avec  le  secours 
de  Phrahataccs  ,  roi  des  Parthes ,  il 
rentra  dans  l'Arménie  (  l'an  5  avant 

4 


5o  TIG 

J.-C.  ) ,  et  parvint  à  chasser  son 
compe'titeur.  Artavasde  e'tant  mort 
peu  de  temps  après  ,  Tigrane  envoya 
des  députés  à  Auguste  pour  lui  de- 
mander de  le  maintenir  sur  le  trône. 
Auguste  invita  Tigrane  à  se  rendre 
en  Syrie ,  près  de  Caïas  César  ,  char- 
ge de  pacilier  les  troubles  de  l'Orient. 
Comme  il  était  le  seul  auteur  de  ces 
troubles,  il  ne  jugea  pas  prudent  d'o- 
béir. Alors  Caïus  lui  donna  pour 
successeur  Ariobarzane,  prince  Mède. 
Comptant  sur  l'appui  du  roi  des 
Parthes  ,  Tigrane  ne  sortit  cepen- 
dant point  de  l'Arménie  ;  mais  il  fut 
tué  (  l'an  1  avant  J.-C.  )  ,  dans 
une  guerre  contre  certains  peuples 
barbares  ,  que  l'histoire  ne  nomme 
pas  (  F.  Caïus  César  ,  VI ,  485  ). 
Ariobarzane  étant  mort  dans  le  mê- 
me temps ,  ainsi  que  le  fds  d'Artavas- 
de  qui  lui  avait  succédé,  Érato ,  sœur 
et  veuve  de  Tigrane ,  tenta  de  se 
maintenir  sur  le  trône;maiselleen  fut 
déposssédée  et  chassée  de  l'Arménie 

(  /^.PhR AH ATACES  Ct  VoNONES). Tl- 

GRANE  V  était,  par  Alexandre,  son 
père  ,  petit-lils  d'Hérode ,  roi  de  Ju- 
dée ,  et  par  Glaphyra  ,  sa  mère  , 
d'Archelaiis,  roi  de  Cappadoce.  Ame- 
né, dans  son  enfance,  à  Rome,  il  y 
fut  élevé  dans  les  croyances  du  poly- 
théisme. Ainsi  le  reproche  qu'on  lui 
fait  d'avoir  abandonné  sa  religion 
ne  paraît  pas  fondé.  L'Arménie  était 
devenue  une  province  romaine,  gou- 
vernée par  des  rois  élus  par  les  em- 
pereurs. Après  la  mort  d'Artaxias 
III  ,  Tigrane  fut  choisi  ])our  lui  suc- 
céder •  mais  ayant  été  convaincu 
d'entretenir  des  intelligences  avec  les 
Parthes,  Tibère  le  fit  mettre  à  mort, 
vers  l'an  54  de  J-C.(Voy.  Annal,  àc 
Tacite,  vi,  4'>)'  —  Tigrane  "VI  , 
neveu  du  précédent,  avait  été  retenu 
long  temps  en  otage  à  Kome  ,  et  il  y 
avait  contracté  des  habitudes  servi- 


TIG 

les.  Corbulon  (  F.  ce  nom  )  ayant 
expulsé  Tiridate  de  l'Arménie ,  Né- 
ron en  détacha  plusieurs  provinces 
dont  il  agrandit  les  royaumes  voi- 
sins ,  et  donna  le  reste  à  Tigrane , 
auquel  Corbulon  laissa  quelques  trou- 
pes pour  se  maintenir  sur  le  trône. 
Mais  les  Arméniens,  aidés  des  Par- 
thes, chassèrent  Tigrane  _,  et  rappel- 
lèrent  Tiridate  {V.  Tibidate  l^r,  ) , 
l'an  6i  ou  6a.  —  Tigrane  VII 
ne  nous  est  connu  que  par  les  Tables 
chronologiques  des  rois  d'Arménie 
(  Voy.  Mémoires  sur  V Arménie,  par 
M.  Saint -Martin,  ii,  4i^)-  H  était 
de  la  seconde  branche  des  Arsacides 
d'Arménie,  et  il  succéda,  vers  l'an 
.  1 42  ,  à  Diran  I^r.  ^  son  frère.  Après 
avoir  occupé  le  trône  pendant  vingt 
ans ,  sans  s'illustrer  par  aucune  ac- 
tion remarquable ,  il  en  fut  expulsé 
par  Lucius  Verus  ,  qui  mit  en  sa 
place,  vers  l'an  161  ,  Sohème^  prin- 
ce d'une  autre  branche  de  la  race  des 
Arsacides.  Cependant  les  Tables  que 
nous  venons  de  citer ,  donnent  pour 
successeur  à  Tigrane  son  fds  Volo- 
gèse  ou  Vagarsch,  dont  elles  lixent 
l'avènement  au  trône  à  l'année  i  -yS. 
—  Tigrane  VIII  était  fds'd'Arsacc 
IV,  mort,  vers  l'an  l\o'6  (1),  insti- 
tuant héritiers  de  ses  états  Tigrane 
et  Arsace  ,  par  portions  inégales.  Ar- 
sace  ,  mécontent  de  son  lot ,  quatre 
fois  moindre  que  celui  de  son  frère  , 
eut  recours  à  l'empereur  Théodose 
pour  faire  casser  le  testament  de  son 
père.  Tigrane,  craignant  que  la  dé- 
cision ne  lui  fût  pas  favorable,  s'en- 
fuit à  la  cour  du  roi  de  Perse ,  au- 
quel il  céda  tous  ses  droits  sur 
l'Arménie;  Arsace  céda  les  siens   à 


(1)  l.rs  7»A/r.  </„v/„./,.;;,;/,,f,  drs  n.i,,  d'Armo- 
lilc,  (|ili  IH'  lijlil  :iii.iini'  iiic'iiliDii  de  ce  Tlurmic  , 
iihicinl  In  piMljif.!'  iIm  ■•«■\ aiiiiic  d'Ariiionif  «iitre  les 
Uniii.ilii»  cl  Ir5  l'.-is:iii»  j  à  l'niiiK'C  '.\^-\  mai»  ccUe 
dute  ne  s'accorde  i>os  nvec  le  reci»  de  IVi>c<nic. 


TIL 

Thëodose.  Alors  l'Arménie futdi  visée 
en  deux  provinces  ,  gouvernées ,  l'une 
par  les  Persans  ,  et  l'autre  par  les 
Romains  (  Fof.  Procope  de  œdijic. 
jiistinian. ,  m,  1 1.  W — s. 

TIL  (  Salomon  Van  ) ,  savant  et 
laborieux  théologien  ,  naquit  à  We- 
sop,  petite  ville  à  deux  lieues  d'Ams- 
terdam ,  le  26  décembre  1644.  Se 
destinant  au  ministère  sacré,  il  fit 
ses  preraièi'es  études  académiques  à 
Utrecbt  ;  mais  un  défaut  qu'il  avait 
dans  l'organe  lui  ayant  fait  désespé- 
rer de  réussir  dans  la  prédication  ,  il 
se  tourna  momentanément  du  coté  de 
la  médecine.  François  Burmann  l'en- 
gagea à  revenir  à  la  théologie;  et, 
docile  à  ce  conseil  ^  il  alla  continuer 
ses  études  à  Leyde.  Jean  Coccéius  y 
florissait  alors.  Van  Til  goûta  sa  doc- 
trine, signalée  par  la  manie  de  voir 
partout,  dans  l'ancienne  alliance ,  des 
allégories  et  des  types  ;  et  il  se  ran- 
gea sous  la  bannière  du  parti  dit  des 
Coccéiens ,  qui,  avec  celui  des  Foé- 
tiens ,  séparait  en  deux  branches  le 
clergé  de  l'Église  réformée.  Van  Til 
débuta  dans  la  carrière  pastorale  par 
occuper  deux  cures  rurales ,  et  fut 
ensuite  ,  vers  la  fin  de  i68.i,  nommé 
pasteur  à  Medemblik  ,  dans  la  Nord- 
Hollande  ,  et ,  peu  de  mois  après  ,  à 
Dordrecht.  Eu  égard  à  l'imperfec- 
tion de  son  organe,  il  évitait  d'em- 
ployer ,  dans  la  prédication ,  les  mots 
difficiles  à  prononcer;  et  ,  comme 
il  était  peu  sûr  de  sa  mémoire  , 
il  prit  l'habitude  de  prêcher  sur  un 
simple  canevas  ou  une  analyse.  Le 
magistrat  de  Dordrecht  manifesta 
le  contentement  qu'il  avait  de  son 
ministère  ,  en  lui  conférant  le  ti- 
tre de  professeur  d'histoire  et  d'her- 
méneutique sacrée.  Il  avait  refusé,  en 
i685  ,  l'église  d'Amsterdam;  mais  il 
accepta  ,  eu  1  ■702,  une  chaire  de  théo- 
logie à  l'université  de  Leyde;  et  il  la 


TIL  5i 

remplit  avec  distinction  pendant  dix 
ans ,  au  bout  desquels  il  se  vit  éprou- 
vé par  de  douloureuses  infirmités  , 
qui ,  le  3 1  octobre  i  7 1 3 ,  mirent  un 
terme  à  son  honorable  carrière.  Van 
Til  a  laissé,  tant  en  latin  qu'en  hol- 
landais, de  nombreux  ouvrages;  mais 
son  système  ,  aussi  bien  que  sa  mé- 
thode ,  étant  tombé  en  désuétude , 
nous  n'en  indiquerons  qu'une  partie. 
Paquot  eu  énnmère  jusqu'à  quarante- 
un  ,  sans  avoir  la  prétention  de  les  in- 
diquer tous.  Nous  nous  bornerons  aux 
suivants.  L  La  Poésie  et  la  musique 
des  anciens ,  mais  principalement 
des  Hébreux,  éclaircies  par  des  re- 
cherches curieuses  sur  l'antiquité , 
Dordrecht ,  1 692 ,  in- 1 1  ;  réimprimé 
plusieurs  fois,  et  traduit  de  l'original 
hollandais  en  allemand.  Ce  livre  tient 
assez  bien  ce  qu'annonce  le  titre.  II, 
Le  Parvis  des  gentils  ouvert  à  tous 
les  incrédules ,  pour  les  introduire 
dans  le  sanctuaire  de  la  loi  de  Dieu 
par  la  démonstration  de  la  divinité 
de  la  législation  mosaïque  (en  hol- 
landais), Dordrecht,  1694,  in -4°., 
et  mie  Suite ,  ibid.,  1696.  Il  eu  a  été 
fait  deux  éditions  postérieures ,  in-4°. 
III.  Histoire  de  l'élévation  et  de  la 
chute  du  premier  homme ,  dévelop- 
pée et  défendue ,  ou  Commentaire 
sur  les  huitpremiers  chapitres  de  la 
Genèse  (eu  hollandais),  Dordrecht, 
1698,  et  Leyde,  1724,  in -4".  IV. 
Phosphorus  propheticus ,  seu  Mosis 
et  Habakuki  lyalicinia ,  novo  ad  is- 
tius  Canticum  et  hujus  lihrum  prô- 
pheticum  commentario  illustrata  ; 
accedit  dissertatio  de  anno,  mense 
et  die  nati  Christi ,  Leyde,  1700, 
in-4"'  V.  Malachias  illustratus ;  ac- 
cedit dissertatio  de  situ  Paradisi 
terrestris ,  ibid.,  1701  ,  in-4°.  VI. 
Theologiœ  ulriusque  compendium  , 
cùm  naturalis,  tùm  revelatce  ,  ibid., 
1704,    in  -  4"-    VII.     Anlidolwn 


52 


TIL 


viperinis  morsibus  D.  J.  (Joncoiu  l) 
oppositum,  Ma.,  1707,  in  -  4"- 
JoDCOurt  s'était  im  peu  moqne  du 
coccéianismc.  Van  Til  s'attache  à 
le  venger  des  rejnoclies  de  cet  ad- 
versaire, qui  répliqua  ]iar  ime  let- 
tre ,  à  laquelle  Van  Til  opposa 
une  défense.  VIII.  Commentarius 
litteralis  de  tabernaculo  Mosis ,  seu 
in  capiia  -iS-So  Exodi,et  Zoologin 
sacra ,  seu  de  qundrupedihus  sacrœ 
Scripturœ  ,  Dordreclit  et  Amster- 
dam, 1714?  in-4".  IX.  Commenta- 
ria  analjtica  in  varias  libros  pro- 
pheticos;  —  Dissertationes  philolo- 
gico-theologicœ ,  et  Acta  apostolo- 
rum  ad  annales  rei^ocata  ,  Leyde  et 
la  Haye ,  i74i  ,  3  vol.  iu-4°.  Ce  sont 
quelques  publications  antérieures  réu- 
nies. X.  La  Paix  de  Salem  affer- 
mie en  charité ,  en  confiance  et  en 
vérité  (en  hollandais  ),  Dordrecht, 
1687  y  in -4'^.  E"  l'honneur  du  bon 
esprit  qui  caractérise  cette  produc- 
tion, nous  l'avons  réservée  pour  !a 
dernière.  L'auteur  y  avait  pour  objet 
depacifierles  controi'erses  du  temps, 
et  de  prouver  l'union  des  frères 
(c'est -à  -dire  ,  des  Goccéiens  et  des 
Voétiens),  dans  les  points  néces- 
saires, en  préparant  la  voie  pour 
le  reste.  M — on. 

TILENUS  (  Danikl  ) ,  ministre 
calviniste  ,  né  le  4  février  1 563  ,  à 
Goldbcrg  ,  en  Silésic  ,  fit  ses  études 
en  Allemague ,  et  se  rendit  aussitôt 
après  à  Sedan,  où  le  duc  de  Bouillon, 
qui  venait  de  fonder  un  collège  ,  le 
nomma  professeur  de  théologie.  Ti- 
lenus  se  montra  d'abord  partisan  de 
la  doctrine  d'Arminius  ;  mais  la  lec- 
ture des  écrits  de  Corvinus  lui  fit  en- 
suite adopter  celle  des  Kemontrauts. 
Il  eut  des  discussions  très-vives  avec 
le  ministre  Du  Moulin  ;  et  l'ini  et  l'an- 
tre s'accusèicnt  d'erreur  sur  le  mys- 
tère de  l'union  hyposlaticpie.  Cette 


TIL 

aflaire  ,  qui  fit  beaucoup  de  bruit  , 
obligea  Tileuus  de  quitter  iSedan  pour 
venir  à  Paris,  oii  il  eut  des  discus- 
sions avec  l'évèque  d'Evreux  ,  J. 
Davy  du  Perron  ,  qui  furent  im- 
primées sous  le  titre  de  Conférences 
sur  les  traditions  apostoliques  , 
Paris,  1597.  Défense  de  la  su^- 
sance  et  perfection  de  VEcriture- 
Sainte  contre  les  Cavillations  du 
sieur  du  Perron  ,\jA  Rochelle  ,  i5q8. 
Tileuus  se  rendit  ensuite  à  Oi'léans  , 
où  il  eut  encore  à  soutenir  des  dis- 
))Utes  théologiques  avec  G.  Cameron, 
professeur  de  Saumur.  Peu  de  temps 
après  ,  il  adressa  aux  Ecossais  un 
discours  dans  lequel  il  avança  que 
l'on  avait  fait  un  changement  trop 
considérable  dans  la  religion  des 
presbytériens.  Ce  discours  fut  pré- 
senté au  roi  d'Angleterre ,  qui  l'ap- 
prouva ,  le  fit  imprimer  et  écrivit 
à  l'auteur  de  venir  dans  son  royau- 
me, où  il  lui  fit  des  propositions  qui 
le  décidèrent  à  s'y  fixer  ;  mais  étant 
revenu  en  France  pour  y  arranger  ses 
affaires  ,  Tilenus  fut  accusé ,  pen- 
dant ce  temps,  à  Londres,  d'hérésie, 
et  l'ayant  appris ,  il  ne  pensa  plus  à 
y  retourner.  Il  publia  ,  en  1621 ,  un 
traité  de  la  Cause  et  de  l'Origine 
du  mal  moral ,  en  faveur  de  quel- 
ques-uns de  ses  amis  ,  qui  étaient 
scandalisés  de  ce  qu'il  n'assistait  jias 
aux  assemblées  des  Calvinistes  à 
Ciiarcnton.  Le  synode  d'Alais  ayant 
alors  approuvé  les  décisions  de  celui 
de  Dordrecht,  Tilenus  blàina  cette 
décision  ,  et  il  se  rapjn-oclia  des  Ar- 
miniens, que  la  cour  de  France  sem- 
blait protéger.  C'était  un  homme  de 
talent  ,  et  d'une  assez  grande  élo- 
quence pour  ce  temps  ;  mais  trop 
aident  à  disputer  ,  et  défeudant  avec 
nue  sorte  d'achar/ieiucnl  la  secte 
qu'il  .ivail  adoptée.  Il  mourut  à  Pa- 
ris le   1*^'.  août   iG33.  On  a  encore 


TIL 

de  liu  un  grand  nondji  e  d'écrits , 
cuire  autres  :  1.  Traité  de  la 
Cause  ou  de  V Origine  du  Péché  , 
où  sont  examinées  les  opinions  des 
philosophes  Païens ,  des  Juifs  ,  des 
autres  Hérétiques ,  des  Libertins , 
Lutlœr  ,  Calvin  ,  et  autres  qui 
ont  traité  cette  matière  ,  Paris , 
1 62 1 ,  in-S".  II.  Rcpouse  à  un  ouvra- 
ge qui  fit  grand  bruit  dans  le  temps, 
sous  le  titre  de  Discours  des  vraies 
raisons  pour  lesquelles  les  Réform  es 
de  France  peuvent  et  doivent  en 
bonne  conscience  résister  par  armes 
à  la  persécution  ouverte  qu'on  leur 
fait.  La  réponse  de  Tilenus  est  de 
i6i2.1II.  Observations  sur  le  Con- 
cile de  Laodicée.  On  trouve  dans  la 
Préface  de  ce  dernier  écrit  dillVrentes 
circonstances  sur  la  vie  de  l'auîcur. 
M— DJ. 

TILESIUS.  Foj.  Telesio. 

TILLADET  (  Jea>-Marie  de  La 
Marque  (i)  de),  littérateur ,  était 
né,  vers  i65o_,  au  château  de  Til- 
ladct  dans  l'Armagnac ,  d'une  noble 
et  ancienne  famille.  Après  avoir  fait 
ses  études  au  collège  d'Aucli  et  à 
l'académie  de  Toulouse  ;,  il  embrassa 
la  profession  des  armes  ,  et  fit  deux 
campagnes,  l'une  dans  l'arrière-ban, 
et  l'autre  à  la  tèle  d'une  compagnie 
de  cavalerie.  La  paix  de  Nimégue 
(  1678)  lui  permit  de  quitter  le  ser- 
vice. Son  père  et  sa  mère  étaient 
morts,  laissant  leurs  affaires  dans  le 
plus  grand  désordre  :  il  vendit  sa 
terre  pour  paver  ses  dettes,  et  plaça 
cequi  lui  restait  à  fonds  perdu.  Etant 
revenu  à  Paris ,  il  se  retira  dans  la  mai- 
son des  PP.  de  l'Oratoire,  prit  les  or- 
dres sacrés  et  professa  pendant  quin- 
ze ans  la  théologie  et  la  philosopbie. 
Sa  santé  l'ayant  force  de  renoncer  à 


TIL 


53 


^euse^gnemenl,  il  vint  demeurer  au 
séminaire  des  Bons-Eufauts  ,  où  il 
partagea  ses  loisirs  entre  la  prédica- 
tion et  la  culture  des  lettres.  Admis  à 
l'académie  des  inscriptions, en  i  ;Oi, 
il  y  fut  reçu  pensionnaire  en  fjoS.ll 
mourut  à  Versailles,  le  i5  juillet 
i'jïJ.  Tilladet  était  doué  des  qua- 
lités les  plus  estimables.  On  a  de 
lui  :  des  Dissertations  siu'  les  géants, 
sur  les  .-allocutions  des  empereurs 
romains  ,  marquées  sur  les  luédailles- 
sur  les  Endroits  de  Tacite  el  de 
Velleius  Paterculus  ,  où  ces  auteurs 
paraissent  opposés;  et  sur  le  Culte 
de  Jupiter  tonnant.  On  trouve  des 
extraits  de  ces  différentes  pièces  dans 
le  Recueil  de  l'académie,  tome^  à 
III.  IMais  de  Boze  en  cite  plusieurs 
autres,  qui  sont  restées  inédites.  C'est 
à  l'abbé  Tilladet  qu'on  doit  la  publi- 
cation du  Piecucil  intitulé  :  Disser- 
tations sur  diverses  matières  de  reli- 
gion et  de  philologie ,  contenant 
plusieurs  Lettres  écrites  par  des  per- 
sonnes savantes  de  ce  temps  ,  Paris , 
1712  ,  2  vol.  in- 12.  Cet  ouvrage  a 
été  réimprimé  à  la  Haye  ,  1 7 1 4  ou 
l-îio,  avec  quelques  changements 
dans  le  titre  (2;  ;  et  à  Florence  ,  en 
1738,  2  vol.  in- 12,  avec  des  remar- 
ques du  P.  Thomas -IMarie  Griselli, 
dominicain.  Fabricius  nous  apprend 
que  l'abbé  Tilladet  était  occupé 
d'une  traduction  française  des  Pa- 
negy  rici  veteres  (  T^oj.  la  Bibl.  la- 
tina).  Son  Eloge  par  de  Boze,  inséré 
dans  les  Mémoires  de  l'académie 
des  inscriptions,  m  ,  33i-34  ,  a  été 
reproduit  littéralement  par  le  P.  Ni- 
ceron  dans  ses  Mémoires  des  hom- 
mes illustres,  viii,  187-192,  et 
avec  quelques  additions  dans  le  Dic- 
tionnaire do  Chaufepic.       W — s. 


(1)  L^   mai: 
Cfllp  Ai-  Mai  ( 

Marca  ). 


I  lie   La  Marf|t»c   est  la  même   <jiic  (i.)  Vuseï talions  sur  tlij/c/enis  sujets,  composées 

,  Vnuc  di-» meilleures  du  ncaiii  (,''.        P"r  ^t.  Hiict  (/'.  ce  nom  ) ,  éf^que  d'Avranthes, 
/■<  par  f/Hclrfiirs  autres  savante ,  etc. 


54 


TIL 


TILLEMONT  (  Sebastien  Le 
Nain  de  ),  historien,  naquit  à  Pa- 
ris ,  le  3o  novembre  tôS-j.  Il  était 
fils  de  Jean  Le  Nain,  maître-des-re- 
quêtes,  et  de  Marie  Le  Ragois,  et 
l'rère  aîné  de  Pierre  Le  Nain  (  Foj. 
XXIV,  75  j ,  qui  fut  sous-prieur  de 
la  Trappe^  sous  l'abbé  de  Rancé.  Dès 
l'âge  de  neuf  ou  dix  ans,  Tillemont 
reçut ,  dans  les  petites  écoles  des  so- 
litaires de  Port-Royal ,  l'instruction 
la  plus  saine  peut-être  qui  jamais  ait 
été  donnée.  Lorsqu'il  eut  fait  assez 
de  progrès  pour  étudier  Tite-Live , 
il  prit  à  la  lecture  de  cet  auteur  un 
goût  qui  parut  déceler  sa  vocation 
au  genre  historique.  Ses  maîtres  lui 
firent  puiser  immédiatement  dans 
Quintilien,  dans  Cicéron  surtout,  les 
règles  de  l'art  de  parler  et  d'écrire. 
Nicole  lui  expliqua  ,  durant  deux 
mois ,  une  heure  par  jour ,  la  théorie 
de  l'art  de  penser  ;  mais  quoi  qu'en 
aient  dit  les  biographes ,  ce  ne  pou- 
vait être  en  faisant  usage  du  livre 
devenu  depuis  classique  sous  le  nom 
deLogiquede Port-Royal ,  car  ce  livre 
n'a  étémisau  jour  qu'en  1662, lors- 
que Tillemont  était  âgé  de  vingt-cinq 
ans  ;  et  comme  ou  va  bientôt  !e  voir , 
il  n'en  avait  pas  encore  dix-huit.  En 
elFct,  après  avoir  reçu  des  leçons  de 
philosophie ,  l'élève ,  entraîné  par  ses 
penchants,  reprit  l'étude  de  l'his- 
toire :  il  lut  Raronius;  et,  déjà  cu- 
rieux de  remonter  aux  sources  011 
cet  annaliste  avait  puisé,  il  accablait 
Nicole  de  (juestions  quelquefois  em- 
barrassantes ,  même  pour  un  maître 
dont  les  connaissances  étaient  fort 
étendues.  Il  étudia  ensuite  la  théolo- 
gie d'Estius  ;  et  quoique  parmi  les 
scolasliqucs  ,  cet  auteur  soit  l'un 
des  plus  savants  rides  pins  estima- 
bles, Tillemont  comprit  aussi  qu'il 
fallait  recourir  aux  sources  de  cette 
science,  c'esl-à-dirc,  aux  livres  sa- 


TIL 

crés,  aux  monuments  ecclésiastiques, 
aux  écrits  des  saints-pères.  En  con- 
séquence ,  il  se  traça  un  plan  de  re- 
cherches ;  et  dès  sa  dix-huitième  an- 
née, il  commença  de  recueillir  et 
de  mettre  en  ordre  des  extraits  qui 
devaient  être  les  premiers  maté- 
riaux de  ses  propres  ouvrages.  Il 
était  loin  de  former  le  projet  d'en 
publier  aucun  :  il  ne  travaillait  que 
pour  son  instruction  personnelle  5 
son  plan  s'agrandissait  néanmoins 
par  le  développement  de  ses  idées 
et  d'après  les  conseils  qu'il  rece- 
vait de  ses  excellents  guides.  En 
1660,  à  l'âge  de  vingt-trois  ans  ,  il 
n'avait  encore  choisi  aucune  profes- 
sion :  vers  ce  temps ,  Choart  de  Bu- 
zanval ,  évêque  de  Beauvais  ,  le  pres- 
sa d'embrasser  l'état  ecclésiastique , 
le  tonsura ,  le  retint  trois  ou  quatre 
ans  dans  son  séminaire.  Tillemont 
jiassa  les  cinq  ou  six  années  suivan- 
tes chez  Hermant ,  chanoine  de  cette 
même  ville,  ami  d'Arnauld,  et  fort 
versé  dans  l'histoire  des  premiers  siè- 
cles du  christianime  {Voj.  Godefroi 
Hermant,  XX,  260  ).  Il  suit  de  là 
que  Tillemont  devait  avoir  environ 
trente  ans ,  lorsque  ,  pour  échapper 
aux  sollicitations  de  Buzanval,  qui 
l'engageait  à  prendre  les  ordres ,  et 
qui  espérait  l'avoir  un  jour  pour 
coadjuteur  et  pour  successeur;,  il  re- 
vint de  Beauvais  à  Paris ,  où  il  re- 
joignit Pierre  Thomas  Du  Fossé  {F. 
Fosse  ,  XV ,  3 1 4-3 1 7  ) ,  jadis  son 
condiscipleàPort-Royal-des-Champs, 
et  avec  lequel  il  avait  aussi  déjà  de- 
meuré dans  la  capitale.  Ils  y  vécu- 
rent de  nouveau  ensemble  pendant 
près  de  deux  années,  après  lesquelles 
Tillemont  se  retira  dans  la  paroisse 
rurale  de  Saint-Lambert,  entre  Port- 
Royal  et  (ilievreuse.  Il  consentit  à 
recevoir  le  sous-diaconat,  en  Hiy'i, 
le  diaconat  en   \^']^ ,  la  juttrisc  eu 


TIL 

1676 ,  entraîne  par  les  exhortations 
d'Isaac  de  Saci  (  Fox-  ce  nom  , 
XXXIX  ,  455-458  ) ,  qui  était  ren- 
tre à  Port-Royal  en  1(175.  et  qui 
lui  voulait  léguer  la  direction  spiri- 
tuelle de  cette  maison.  Pour  se  rap- 
procher de  Saci ,  Tillemont  se  lit  bâ- 
tir un  logement  dans  la  cour  de  l'ab- 
baye; mais,  en  1679,  chassé  de  cette 
retraite  avec  tous  les  autres  habi- 
tants de  Port-Royal,  il  se  réfugia 
dans  le  petit  domaine  dont  il  portait 
le  nom,  à  Tillemont,  entre Montreuil 
et  Yincennes.  En  1681,  il  lit  un 
voyage  en  Hollande ,  où  il  visita  An- 
toine Arnauld  et  d'autres  réfugiés. 
Peu  s'en  fallut  qu'il  n'acceptât ,  en 
i68'.>, ,  la  cure  de  Saint-Lambert; 
mais  son  père ,  M.  Le  Nain ,  s'y  étant 
opposé,  il  revint  à  Tillemont.  Le 
reste  de  sa  vie  ne  présente  d'autres 
faità  que  ses  exercices  de  piété ,  ses 
étndes,  ses  travaux  et  ses  relations 
avec  quelques  amis  qui  venaient  le 
consulter  sur  leurs  propres  ouvrages. 
Il  ne  se  bornait  point  à  leur  donner 
des  conseils  :  il  leur  communiquait 
les  résultats  de  ses  longues  recher- 
ches, il  mettait  à  leur  disposition 
tout  ce  qu'il  avait  de  matériaux  et 
d'esquisses.  C'est  ainsi  qu'il  a  coopé- 
ré à  plusieurs  écrits  d'Hermant ,  de 
Du  Fossé,  d' Arnauld,  de  Goibaud- 
Dnbois,  de  Lambert,  de  Filleau,  de  La 
Cbaise.  Il  y  a  dans  les  Vies  de  saint 
Athanasc,  de  saint  Basile,  etc.,  par 
Godefroi  Hermant,  des  morceaux 
qui  se  letrouvent  en  entier  dans  les 
Mémoires  de  Tillemont  :  c'est  que 
celui-ci ,  en  publiant  ou  composant 
ses  propres  livres,  a  repris  le  bien 
dont  il  avait  cédé  l'usage.  La  mê- 
me observation  s'applique  aux  Vies 
de  Tertullicn  et  d'Origine  ,  publiées 
(  in-folio  )  par  Du  Fossé,  sous  le 
nom  du  sieur  de  La  Mothe.  Ou 
doit  aussi  revendiquer  pour  Tille- 


TIL 


55 


mont  les  Notes  qui  accompagnent 
la  Lettre  d' Arnauld  contre  le  récit 
qu'a  fait  Hégésippe  de  la  mort  de 
saint  Jacques  de  Jérusalem,  ainsi 
que  celles  qui  sont  jointes  aux  tra- 
ductions de  plusieurs  livres  de  saint 
Augustin,  par  Dubois  (F".  XII, 68). 
Il  a  pareillement  fourni  la  Vie  de 
saint  Cyprien  à  homhtvX  {F .  XXIV, 
648  ),  traducteur  de  ce  père  de  l'É- 
glise. Il  avaitpassé  deux  années  à  ras- 
sembler pour  de  Saci  les  matériaux 
d'une  Vie  de  saint  Louis  :  après  la 
mort  de  Saci ,  Filleau  de  La  Chaise 
(  F.  Filleau  ,  XIV,  536-537  )  se 
chargea  de  composer  cet  ouvrage; 
on  lui  remit  toutes  les  pièces,  toutes 
les  notes  recueillies  dans  les  manus- 
crits par  Tillemont  ;  et  ce  fut  cet  ex- 
cellent fonds  qui  donna  du  prix  à 
l'histoire  de  saint  Louis,  mise  au 
jour  en  1688.  Nous  pourrions  ajou- 
ter que  le  savant  et  modeste  solitaire 
dont  nous  retraçons  les  services  a 
été  fort  utile  encore  aux  éditeurs  de 
saint  Augustin ,  de  saint  Paulin,  de 
saint  Hilaire,  etc.  ;  mais  pour  ne  plus 
parler  que  des  livres  publiés  sous  son 
nom  ,  nous  dirons  d'abord  qu'en 
1690,  cinquante-troisième  année  de 
son  âge,  il  fît  paraître  le  premier  tome 
in-4°.  de  son  «  Histoire  des  empe- 
»  reurs  et  des  autres  princes  qui  ont 
»  régné  durant  les  sis  premiers  siè- 
»  oies  de  l'Église  ;  des  persécutions 
»  qu'ils  ont  faites  aux  Chrétiens  ;  de 
»  leurs  guerres  contre  les  Juifs  ;  des 
»  écrivains  profanes  et  des  person- 
»  nés  illustres  de  leurs  temps  ,  justi- 
»  fiée  par  les  citations  des  écrivains 
»  originaux  ,  avec  des  notes  pour 
)>  éclaircirles  principales  diiilcultés.» 
Le  tome  second  parut  en  1691  , 
le  troisième  en  i69i,  le  quatrième 
en  i<>97,  les  deux  autres  après  la 
mort  de  l'auteur  ,  l'un  en  1701  , 
et  le  dernier   en    1738.    L'édition 


56 


TIL 


m-12  ,  commencée  à  Bruxelles  , 
en  i'707  ,  est  moins  correcte  et 
moins  complète.  Cet  ouvrage  ne  for- 
mait originairement  qu'imseul  corps 
avec  celui  que  nous  allons  bientôt  in- 
diquer :  Tillemont  l'en  a  détache 
par  déférence  aux  conseils  de  ses 
amis  et  pour  pressentir  le  goût  du 

Î)ublie.  C'était  la  première  fois  qu'on 
lasardait  en  langue  française  une 
histoire  véritablement  critique,  pui- 
sée dans  les  sources,  composée  de 
récits  originaux  ,  et  dégagée  d'orne- 
ments étrangers.  Les  trois  premiers 
volumes  ayant  obtenu  les  suffrages 
des  savants,  l'auteur  mit  au  jour, 
en  1693,  le  tome  i  de  la  principale 
partie  de  son  travail,  c'est-à-dire  de 
ses  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire 
ecclésiastique  des  six  premiers  siè- 
cles ,  avec  un  abrégé  chronologique 
des  annales  même  profanes  de  cette 
période  et  des  notes  pour  éclaircir 
les  difficultés  des  faits  et  des  dates. 
Ce  tome  et  les  trois  suivants ,  impri- 
més en  1694,  95  et  96,  ne  corres- 
pondent qu'aux  trois  cents  premières 
années  de  l'Église.  Mais  Tillemont 
laissait  en  mourant  le  manuscrit  de 
douze  autres  volumes  qui  ont  été  suc- 
cessivement publiés  de  1 698  31712, 
et  qui  conduisent  l'histoire  jusqu'à 
l'an  5i3  seulement j  il  n'avait  pas 
eu  le  temps  de  rédiger  ce  qui  concer- 
ne les  quatre-vingt-sept  autres  an- 
nées du  sixième  siècle,  en  sorte  que 
les  16  tomes  iu-4".  de  l'ouvrage 
n'embrassent  pas  toute  la  matière 
qu'il  s'était  proposé  de  traiter.  11 
faut  noter  que  le  treizième  a  été  im- 
prime en  1702,  avant  le  8°.  et  les 
suivants,  parce  que  la  Vie  de  saint 
Augustin  ,  qui  est  contenue  dans  ce 
tome  VIII  ,  étail  le  véi  ilable  texte  de 
relie  (pii  venait  de  païaîlrc  en  latin 
dans  le  derntcr  voliune  <les  œuvres  de 
ce  saint  docteur ,  publiées  par  les  Jîé- 


TIL 

nédiclins.  Une  version  italienne  , 
mais  infidèle  et  mutilée,  de  ce  même 
tome  ,  a  paru  en  1729  :  il  a  été 
d'ailleurs  traduit  en  anglais,  ainsi 
que  tout  le  reste  de  l'ouvrage.  Les 
bibliographes  font  mention  de  l'édi- 
tion française  de  ces  Mémoires,  qui 
a  été  donnée  à  Bruxelles  ,  en  une  lon- 
gue suite  de  volumes  in-12;  mais  ils 
négligent  d'indiquer  unedeuxièmeédi- 
tiun  de  Paris  ,  publiée  chez  Bobustel , 
comme  la  première ,  et  qui  s'annonce 
comme  revue  et  augmentée  par  l'au- 
teur, ce  qui  ne  serait  vrai  qu'à  l'é- 
gard des  tomes  antérieurs  au  cinquiè- 
me. Ces  deux  éditions  sont  de  même 
format ,  et  l'on  rencontre  des  exem- 
plaires composés  de  l'une  et  de  l'au- 
tre :  dans  la  deuxième  ,  exécutée  de 
1700  à  1713,  l'auteur  est  nommé 
Le  Nain  de  Tillemont,  au  lieu  des 
initiales  D.  T.,  par  lesquelles  seules 
il  s'était  désigné  dans  les  premiers 
tomes  de  l'édition  originale.  L'ouvra- 
ge a  obtenu  beaucoup  d'é'oges  :  c'est 
le  plus  grand  et  le  plus  savant  ti'a- 
vail  qui  existe  sur  les  cinq  premiers 
siècles  de  l'Eglise  ;  et ,  sans  excepter 
celui  de  Pagi  sur  Baronius,  nous 
n'en  connaissons  aucun  où  cette  im- 
portante partie  de  la  science  ecclé- 
siastique ait  pris  autant  d'étendue, 
de  profondeur  et  d'exactitude.  Du- 
pin  toutefois  en  a  critiqué  le  plan  : 
il  aurait  mieux  aimé  que  Tillemont 
eût  composé  un  corps  d'annales  sui- 
vies j  mais  Tillemont  n'avait  aspiré 
qu'à  lecueillir  des  Mémoires  qui 
])ussent  servir  à  rédiger  une  histoire 
proprement  ditej  et  il  ne  faut  pas  se 
plaindre  qu'il  se  soit  voué  à  des  re- 
cherches bien  plus  instructives  et 
plus  laborieuses  (|ue  ne  l'eussent  été 
de  pures  compilations  pareilles  à 
(|uel{pies-unes  de  celles  de  l)uj)in. 
Dans  Fleiiry  ,  les  cinq  premiers  siè- 
cles du  christianisme  ne  remplissent 


TIL 

que    six.  voluraes  :  il  est   ake    de 
concevoir  que  la  même  matière  a  été 
traitée  et  discutée  Lien  jilus  à  fond 
par  Tillemont.  Ce  dernier  n'a  mis  au 
jour ,  de  son  vivant  et  sous  sou  nom, 
aucun  autre  livre  de  sa  composition 
que    les  quatre  premiers  tomes  de 
l'Histoire  des  empereurs,  et  les  qua- 
tre premiers  des  Mémoires  ;  mais  à 
la  fin  du  deuxième  volume  des  Mé- 
moires ,  il  a  imprimé  une  lettiT  as- 
sez étendue  au  P.  l.ami  de  l'Oratoi- 
re, sur  la  dernière  pàque  de  J.-G.  , 
et  sur  la  question  de  savoir  si  saint 
Jean-Baptiste  a  été  mis  deux  fois  en 
prison  (  F.  Bernard  Lami  ,XX11I, 
289  ).  Cette  lettre,  que  Bossuet  trou- 
vait troj)  modeste,  était  regardée  par 
Nicole  comme  un  modèle  à   suivre 
par  tous  les  hommes  de  bien  dans 
leurs  controverses.  Tillemont,  avant 
de  publier  dans  le  tome  i"^^''.  des  Mé- 
moires deux  notes  où  il  contredisait 
Lami ,  les  lui  avait  communiquées, 
Lami  répondit ,  et  Tillemont  répli- 
qua par  la    lettre  que  nous  venons 
d'indiquer.  L'oratorien  se  défendit 
encore  j  mais  Tillemont  craignit  de 
prolonger  cette  dispute.  Il  n'aurait 
pas  ,  s'il  eût  voulu  ,  raai'qué  d'occa- 
sions de  se  livrer  au  genre  polémi- 
que, suitont  lorsque  Fayditde  Riom 
{F.  Favdit,  XIY,  'iZ-i.  )  eut  publié, 
en  iOqS  ,  sous  le  nom  anagrammati- 
que  de  Datyfi  de  Rumi ,  une  critique 
fort  injurieuse  de  ses  Mémoires.  Til- 
lemont garda  le  silence  qui  lui  con- 
venait j  et  ses  amis ,  par  un  zèle  peut- 
être  excessif,    iircnt  supprimer   ces 
feuilles  satiriques  qui  devaient  êlrc 
suivies  de  plusierrs  autres  ,  de  quin- 
zaine en  quinzaine  :  le  mépris  jiublic 
en  faisait  assez  justice.  Quehpu's  au- 
ti'cs  écrits  de  notre  pieux   solitaire 
ont  vu  le  jour  après  sa  mort.  Telle 
çst  d'abord  une  Lettre  à  l'abbé  de  la 
Trappe  {F.  Rancé  ,  XXXVII,  70- 


TIL 


^7 


■^5(1)  ),  touchant  la  mort  d'Arnauld: 
c'est  une  apologie  écrite  en  1O94, 
et  qui  n'a  été  imprimée  qu'en  1  704, 
à  Paris ,  36  pages  in-i  2  ;  il  y  en  a  , 
dans  le  mûne  format  une  édition  de 
i-oS,  à  Cologne.   Kn  1711,  on   a 
joint  à  l'histoire  de  la  Vie  de  Tille- 
mont  des  Lettres  de  piété  compo- 
sées par  lui,  ainsi  que  des  réflexions 
sur  divers  sujets  de  morale.  Il  a  lais- 
sé ,  dit-on ,  le  manuscrit  d'un  ouvra- 
ge plus  considérable  sur  les  rois  de 
Sicile  de  la  maison  d'Anjou  ,  ouvra- 
ge encore  inédit ,  ainsi  que  celui  qui 
concerne  Guillaume  de  Saint-Amour, 
et  les  démêlés  de  ce  docteur  avec  les 
Jacobins  et  les  Cordelicrs,  depuis 
^'l^1  jusqu'en  1271.  Ces  deux  ou- 
vrages restèrent  entre  les  mains  de 
Troncliay,  secrétaire  de  l'auteur  :  le 
second  se  trouve  aujourd'hui  chez 
M.  Brial ,  et  servira  pour  rédiger 
l'article    de    Guillaume    de    Saint- 
Amour,  dans  le  terne  xix  de  l'His- 
toire littéraire  de  la  France.  La  san- 
té de  Tillemont  s'altéra  sensiblement 
vers  le  milieu  de  l'année    1697  :  il 
mourut  à  Paris  ,  le  10  janvier  1698. 
Conformément  à  ses  dernières  volon- 
tés ,  son  coips  fut  transporté  à  Port- 
Royal -des -Champs;  mais  il  fallut 
l'exhumer,  comme  plusieurs  autres, 
en  17 1 1,  et  on  le  transféra  dans  l'é- 
glise de  Saint-André-des-Arcs.  11  y  a 
i)ien  peu  d'hommes  dont  la  mémoire 
soit  plus  irréprochable,  dont  la  pie'té 
ait  été  plus  sincère,    les  intentions 
plus  droites,  et  le  savoir  plus  réel. 
Son  style  n'est  pas  fleuri;  mais  la 
prétendue  sécheresse  qu'on  a  cru  y 
remarquer  n'est  au  fond  qu'une  pré- 
cision sévère,  bien  préférable  à  l'em- 
phase et  à  de  vaines  parures.  Tron- 
cliay, qui  avait  vécu  avec  lui  depuis 


(i)noiis   cette- page  75  ,   fr'l.   i,  l'ij- 
les  intits  lie  Tillemont. 


i8 


TIL 


1690  ,  et  qui  est  mort  clianoine  de 
Laval ,  en  l'jS'i  ,  a  fait  paraître ,  en 
1706,  à  Naucy,  un  petit  volume  in- 
titule :  Idée  de  la  vie  et  de  l'esprit 
de  M.  Le  Nain  de  Tillemont-  et,  en 
1 7  1 1 ,  à  Cologne ,  une  Vie  un  peu 
plus  étendue,  de  cet  écrivain, sur  le- 
quel on  peut  consulter  aussi  le  tome 
II  des  Éloges  de  Perrault  ;  la  Biblio- 
thèque^ des  Aut.  Ecclés.de  Dupin ,  le 
Dictionnaire  de  Chaufepié ,  et  le  tome 
XV  de  Niceron.  —  Jean-Nicolas  du 
Trallage  ,  mort  en  i6g6,  a  pris  le 
nom  de  sieur  de  Tillemont ,  en  pu- 
bliant une  carte  de  France ,  à  Paris  , 
chez  Nolin,  en  1694.     D — n — u. 

TILLET  (Mathieu  ) ,  agronome, 
ué  à  Bordeaux,  vers  1720,  portait 
encore ,  en  1 766 ,  le  titre  de  directeur 
de  la  monnaie  de  Troyes ,  quoique 
depuis  neuf  ans  on  ne  battît  plus 
monnaie  en  cette  vdlc.  Il  s'occupa 
beaucoup  d'agriculture  j  et  les  soins 
qu'il  incitait  à  ses  expériences  lui 
procurèrent  d'iicureux  résultats.  Ad- 
mis à  l'académie  des  sciences,  en 
1758,  il  eut  part  aux  recherches 
utiles  de  Duham,cI-du-Monceau.  (  V. 
ce  nom.) Il  mourut  en  1791. On  a  de 
lui  :  I.  Dissertation  sur  la  ductilité 
des  métaux,  et  les  moyens  de  l'aug- 
menter, Bordeaux,  i75o,in-4°.  II. 
Essai  sur  la  cause  qui  corrompt  et 
noircit  les  grains  dans  les  épis , 
Bordeaux,  1755  ,  in-4''.  L'auteur 
publia  une  Suite ,  la  même  année. 
m.  Précis  des  expériences  faites 
à  Trianon,  sur  la  cause  qui  cor- 
rompt les  bleds  ,  t  7  GG ,  in-8".  ;  nou- 
velle édition  ,  1785,  in-4".  IV.  His- 
toire d'un  insecte  qui  dévore  les 
grains  dans  V yln^oumois ,  1763, 
in-r^.  V.  Essai  sur  le  rapport  des 
poids  étrangers  avec  le  marc  dv 
France^  '7^-*^7  in-4">;  bi  dans  la 
séance  publique  de  l'académie  des 
.sciences,  le9  avril.  VI.  Observations 


TIL 

faites  sur  les  côtes  de  Normandie , 
au  sujet  des  effets  pernicieux  qu'on 
prétend  ,  dans  le  pays  de  Caux,  être 
produits  par  la  fumée  du  varech , 
lorsqu'on  brûle  cette  plante  pour  la 
réduire  en  soude,  177 2, in-4".;  lues 
à  l'académie  des  sciences ,  en  1771. 
VIL  Expériences  sur  le  poids  du 
pain  au  sortir  du  four ,  1 78 1 ,  in-8<'. 
VIII.  Projet  d'un  tarif  propre  à  ser- 
vir de  règle  pour  établir  la  valeur 
du  pain ,  proportionnellement  à  cel- 
les du  bled  et  des  farines  ,  avec  des 
observations  sur  la  mouture  écono- 
mique, comme  base  essentielle  de  ce 
traité,  et  sur  les  avantages  du  com- 
merce des  farines  par  préférence  à 
celui  du  bled,  extrait  des  registres  de 
l'académie  des  sciences  ,  1784.  IX. 
(  avec  M.  Abeille)  Observations  de 
la  société  royale  d'agriculture  sur 
l'uniformité  des  poids  et  mesures , 
1 790  ,  in-80.  Z. 

TILLET  (  Louis  -  Guillaume 
Du),  né,  en  1729,  au  château  de 
Montra may ,  d'une  famille  distinguée 
dans  la  robe,  fut  destiné,  dès  l'en- 
fance, à  l'état  ecclésiastique.  Après 
avoir  été  prévôt  du  chapitre  de  Pro- 
vins ,  puis  grand-vicaire  de  Châlons, 
il  obtint l'évêché  d'Orange, en  i774' 
Sa  conscience  ne  lui  permettant  pas 
de  garder  deux  bénéfices  ,  il  n'hési- 
ta pas  à  se  démettre  d'un  riche 
prieuré.  Ce  digne  prélat  ne  cessa 
de  donner,  dans  son  diocèse,  l'excm- 
j)le  des  plus  touchantes  vertus  :  vi- 
vant avec  la  simplicité  des  apô- 
tres ,  il  distribuait  la  majeure  par- 
tie de  ses  revenus  en  aumônes  , 
dont  les  Protestants  et  les  Juifs  ne 
furent  jamais  exceptés.  Lcshabitants 
n'ont  j)oint  oublié  le  courage  héroï- 
(pie  avec  lequel  il  brava  ,  en  1784  , 
les  eaux  de  î'Ouvè/.c,  pour  secourir 
des  malheureux.  La  convocation  des 
états-géncranx,  dont  il  (il  partie,  fut 


TIL 

pour  ce  prélat  une  époque  de  gloire. 
Apres  avoir  fait  connaître  aux  fidè- 
les, par  une  lettre  pastorale,  la  mis- 
sion dont  il  s'était  chargé  et  les  sen- 
timents qui  l'animaient   dans  cette 
importante  circonstance ,  il  annonça 
qu'il  était  prêt  à  faire  tous  les  sacri- 
fices pour  couvrir  le  déficit  des  finan- 
ces ,  ajoutant  que  le  clergé  devait 
saisir  avec  empressement  cette  occa- 
sion de   secourir  l'état.    Il  publia  , 
dans  le  même  sens,  un  ouvrage  re- 
marquable intitulé  :  Sentiment  d'un 
évêque  sur  la  réforme  à  introduire 
dans  le  tempoporel  et  la  discipline 
du  clergé ,  in-i2.  Sa  conduite  ne 
démentit  point  les  opinions  qu'il  avait 
manifestées-  mais  ses  efforts  devin- 
rent inutiles.  Il  eut  le  regret,  en  reve- 
nant dans  son  diocèse,  qui  fut  bientôt 
supprimé  ,  de  prévoir  tous  les  orages 
auxquels  la  France  allait  être  expo- 
sée.  N'ayant  point  voulu  prêter  le 
serment  civique^  il  se  retira  d'Orange 
et  vécut  pour  ainsi  dire  ignoré  chez 
un  de  ses  parents  ,  au  château  de 
Blunay-Lezmetz- sur- Seine,  où   il 
mourut  le  22  décembre   1794-  Du 
fond  de  cette  retraite^  il  faisait  encore 
passer  des  secours  à  ses  diocésains  , 
et   particulièrement  à  ceux   de  ses 
prêtres  qui  se  trouvaient  dans  le  be- 
soin.  Du   Tillet ,  dont  l'éducation 
avait  été  très-soignée  ,  consacrait  ses 
moments  de  loisir  à  la  culture  des 
lettres  et  des  arts.  1/ Abrégé  chrono- 
logique de  V Histoire  sacrée  ,  qu'il 
avait  fait  imprimer  pour  les  écoles 
de  son  diocèse ,  donne  une  idée  avan- 
tageuse de  son  style 5  et  ses  sermons, 
qui  ra])pellent  souvent  l'onction  af- 
fectueuse de  Cheminais,  mériteraient 
d'être  recueillis  et  publiés.  Quehpies 
amatenrs  possèdent  de  ses  paysages 
])cints  à  l'huile  :  s'ils  n'ollient  pas  un 
dessin  très-correct ,  ils  annoncent  du 
moins  un  pinceau  distingué.  L'auteur 


TIL  59 

de  cet  article  ,  alors  sous-préfet  d'O- 
range ,  fit  élever  ,  eu  1 H09 ,  dans 
l'ancienne  église  cathédrale  ,  un  mo- 
nument funéraire ,  avec  l'inscription 
suivante  :  A  la  mémoire  de  Louis- 
Guillaume  Du  Tillet  ,  dernier  évê- 
que  d"  Orange  :  il  fut ,  pendant  vingt 
années  y  Vliomieur  de  Vépiscopat, 
et  le  père  des  pauvres  de  son  diocè- 

TILLET  (  Du  ).  Foj.  Dutillet 
etTiTON. 

TILLI  (Jean  TzerclaÈs,  comte 
de),  d'une  illustre  famille  de  Bruxel- 
les ,  et  dont  le  père ,  Martin  Tzer- 
claès,  était  sénéchal  héréditaire  du 
comté  de  Namur ,  porta  d'abord  l'ha- 
bit de  jésuite ,  qu'il  quitta  pour  pren- 
dre les  armes.  Après  avoir  signalé 
son  courage  en  Hongrie  contre  les 
Turcs  ,  il  eut  le  commandement  des 
troupes  de  Bavière,  sous  le  duc  Ma- 
ximilien.  Entré,  en  1620,  dans  la 
Haute  -  Autriche ,  il  contribua  puis- 
samment au  gain  de  la  bataille  de 
Weissemberg,  qui  fit  perdre  en  un 
jour  au  comte  palatin  Frédéric  les 
états  de  ses  aïeux  et  ceux  que  lui-mê- 
me avait  conquis.  Mansfeld,  un  des 
soutiens  de  la  maison  Palatine  et  des 
Protestants  contre  la  maison  impé- 
riale ,  proscrit  par  Ferdinand  ,  après 
la  défaite  de  Prague ,  avait  conservé 
sa  petite  armée,  malgré  la  puissawce 
autrichienne,  et  faisait  la  guerre  en 
partisan  habile.  Tilli  marche  contre 
lui ,  en  162  J  ,  reprend  Pilsen  et  Tha- 
bor ,  dont  il  s'était  emparé  deux  ans 
auparavant ,  et  le  force  à  la  retraite 
sur  le  Bas-Palatinat.  En  1622  ,  il  se 
porte  vers  Aschafl'enbourg ,  et  défait , 
auprès  de  cette  ville ,  le  prince  Chris- 
tiern  de  Brunswick,  surnommé,  à 
bon  droit,  l'ennemi  des  prêtres ,  puis- 
qu'il venait  de  piller  l'abbaye  de  Ful- 
de  vi  toutes  les  terres  ecclésiastiques 
de  cette  partie  de  l'Allemagne.  H  ne 


Go 


TIL 


leslail  plus  que  Mansfeld  qui  put  de- 
4«ndre  le  Palatiuat  ;  et  il  en  c'iait  ca- 
pable, à  la  tète  d'une  petite  armée 
qui,  avec  les  débris  de  celle  de  Hruns- 
wick,  allait  jusqu'à  dix  mille  hom- 
mes; mais  Frédéric,  dans  l'espoir 
d'obtenir  de  l'empereur  Ferdinand 
des  conditions  plus  favorables^  pres- 
sa lui-même  Brunswick  et  Mansfeld 
de  l'abandonner.  Ces  deux  cliefs  cr- 
iants passent  eu  Lorraine  et  en  Al- 
sace, et  cherchent  de  nouveaux  pays 
à  ravager  {V.  BRu^swICK  et  Mans- 
feld). Alors  Ferdinand,  pour  tout 
accommodement  avec  l'électeur  pa- 
latin, envoie  Tilli  victorieux  prendre 
Heidelberg,  Manheim  et  le  reste  du 
l'ays.  L'année  suivante  (  i  GaS  ) ,  Tilli 
presse  le  cercle  de  Basse-Saxe  de  l'ai- 
der. Brunswick  et  Mansfeld  avaient 
reparu  dans  l'Aiiemagiie.  Le  premier 
s'était  établi  d'abord  dans  la  Basse- 
Saxe  et  ensuite  dans  la  Westplialie. 
Tiili  campe,  avec  deux  raille  hom- 
mes, dans  la  Vétéravie  et  la  Hessc; 
il  prend  Hirsclifeld,  entre  dans  l'Eis- 
leld ,  et ,  malgré  la  disette  qui  se  ma- 
nifestait dans  son  armée,  remporte 
d'assez  grands  avantages.  Enfin,  ie 
•iG  juillet,  il  livre  baltaille  dans  le 
pays  de  Munster ,  près  de  l'Ems.  Les 
Protestants  sont  défaits;  et  les  Croa- 
tes en  font  un  si  horrible  massacre, 
<(ue  Tilli  lui-même  prend  pitié  d'eux 
et  fait  cesser  le  carnage.  Cependant 
Mansfeld  demeurait  incbranlabic  et 
invincible.  Tilli  fut  obligé  de  se  leli- 
icr;  mais  bientôt  Ferdinand  lève  nue 
nouvelle    urmcc   sous    Wallensîein , 
poiu-  occupcj-la  Franconieella  Soua- 
be.  'i'illi  se  iciid  alors  maître  des  pas- 
sages sur  le  VV('S(  i  ,  prend  lla-xter  , 
Ilamchi,  Munden,  el  lav.igc  les  états 
de  Brunswick.  Wallensîein  le  icjulnl 
bicntôl  ,  cl  tous  deux  obtieiuu  ni  du 
cercle  de  lîasse-Saxe  rpic  ses  troupes 
seront  licejiciccs  ,  qu'il  sesounielira 


TIL 

à  l'empereur,  et  que  Mansfeld  l'évû- 
cuera.  Kn  i  Gif),  Tilli  passe  du  Wéser 
en  Wesîphalie,  et  revient  ensuite  de 
Paderborn  en  Hesse  pour  s'opposeï' 
à  Brunswick  et  à  Maurice.  11  prend 
plusieurs  villes  sur  la    Fulde   et  la 
Weria  ,  entre  autres  Minden.  Cette 
p!a<;e  ayant  été  sommée  de  se  rendre, 
et  le  trompette,  porteur  de  la  som- 
mation ,  ayant  été  insulté,  la   ville 
fut  forcée;  soldats  ,  bourgeois  ,  fem- 
mes ,  enfants,  totit  fut  égorgé  :  sur 
deux  raille  cinq    cents   soldais  qui 
composaient  la  garnison  ,  <à  peme  y 
en  eut-il  vingt  d'épargnés.  Gottingue 
avait  été  pris  par  capitulation;  mais 
Ics-  Danois  forcèrent  bientôt  Tilli  à 
se  retirer.  Quelques  corps  de  Wal- 
lensîein étant  venus  à  son  secours  ,  il 
ne  tarda  pas  à  reprendre  l'offensive, 
Alors  eut  lieu  la  célèl)re  bataille  de 
Lutter  ,  près  de  Wolfenbutle!  ,  dans 
hupielle  Christiern  IV,  roi  de  Dane- 
mark ,  déclaré  chef  de  la    Ligue  , 
ramena    trois   fois    ses    troupes    au 
combat.  Enfin  les  Danois  furent  com- 
plètement battus  ;  et  cette  défaite  pa- 
rut laisser  le  Palatin  sans  ressource  ; 
car  Mansfeld  et  le  prince  de  Bruns- 
wick ,  ses  deux  principaux  soutiens , 
étaient  morts  peu  de  temps  aupara- 
vant. Le  pape  Urbain  VIII  écrivit 
à  Tilli  pour  lui  exprimerla  joie  que 
toute  l'Eglise  avait  d'une'  victoire  si 
avantageuse    aux    cathoHques.   Til- 
li., poursuivant   ses    succès,   s'em- 
pare de   Verden    et    de    toutes   les 
j)laces-fortcs  du  pays  de  Brunsw  ick  , 
Hrandebourg  ,  Raten  ,  Pincberg,  etc. 
(Cependant  les  troupes  danoises  cora- 
mellaienl  beaucoup  d'excès  dans  les 
élatsdu duc  de  Lunebourg.(]hrlslicrn, 
n'ayant  |>as  voulu  areepler,  ei>  i(>.i7, 
les   conditions    olUrtes   jiar  Tdb  et 
Wallensîein,  futchassé  par  ces  deux 
généraux,  chacun  de  leur  côté,  dans 
le  llolsteiii ,   puis  dans  le  Sclileswig 


TIL 

et  le  Jutland.  Tout  réussi ssa il  à  Fer- 
dinand ;  il  jouissait  de  l'autorilc  ali- 
solue ,  et  rien  n'interrompait  sou 
houheur.  Le  roi  de  Danemark  s'é- 
tait pourtan  t  relève  cpicLi  iies  instants, 
et  avait  pris,  en  i6'^8,  plusieurs 
villes  du  eomté  d'Oldenbourg.  Tilli 
y  vient  de  l'Ost  -  Frise  ^  mais  les 
pa)î«ans  e'tant  disposes  eu  faveur  du 
roi ,  les  succès  lurent  varie's.  En 
1G29  ,  ce  gênerai  ,  aussi  habile  di- 
plomate que  guerrier  valeureux^  fut 
envoyé  à  Lubeck  ,  en  qualité'  de  plé- 
nipotent'aire,  pour  la  conclusion  de 
la  pai\  avec  le  Danemark.  Dans  le 
même  temps,  d'épouvantables  excès 
ayant  ete  commis  par  l'armée  de 
Wallenstein  dans  le  Wccklenbourg  , 
l'électeur  de  Bavière,  qui  aurait  voulu 
la  commander,  exigea  de  Ferdinand 
la  déposition  de  ce  général  (  Foj. 
Wallenstein  ).  L'empereur  consen- 
tit à  cette  demande  j  mais  le  comman- 
dement de  l'armée  impériale  fut  dé- 
féré à  Tiili.  Cependant  l'éiecteur  de 
Saxe  se  repentait  d'avoir  aidé  à  ac- 
cabler le  Palatin,  et,  de  concert  avec 
les  autres  princes  protestants,  il  en- 
gagea secrètement  Gustave-Adolphe, 
roi  de  Suède,  à  venir  en  Allemagne , 
au  lieu  du  roi  de  Danemark  dont  le 
secours  avait  été  si  inutile.  Gustave 
arrive,  en  j63i  ,  et  se  porte,  avec 
seize  raille  hommes,  sur  le  Mecklen- 
bourg.  Tilli  marche  à  sa  rencontre 
et  prend  Feldsberg  d'assaut;  mais 
il  perd  plus  de  deux  mille  hommes 
à  l'attaque  de  New  -  Braudeijourg. 
Renonçant  alors  au  projet  de  chas- 
ser Gustave  de  la  Poméranie  ,  il 
laisse  tout  le  nord  de  la  Silésie  ex- 
posé ,  et  se  perte  sur  Magilebourg. 
Cependant  (îustave  menaçait  Frauc- 
fort-sur-l'CMcr  :  Tilli  veut  secourir 
cette  place;  mais  bientôt  il  apprend 
sa  l'cddilioii  et  revient  proiu|)leineut 
devant  Magdelx)urg.  il  resserre  cette 


TIL 


Gi 


place  do  jour  en  jour,  et  exige  !,aL 
soumission  avec  menaces  ;  elle  re- 
fuse. Vainement  le  duc  dcllolstein  et 
le  colonel  Wrangel  essaient  d'in- 
quiéter Tilli  :  il  négocie  encore,  mais 
toujours  sans  succès.  Enfin  i!  redou- 
ble d'clîbrts,  et  le  9  mai  Magdebourg 
est  emporté  d'assaut ,  et  réduit  en 
cendres;  les  habitants  périssent  par 
le  fer  et  les  flammes ,  et  leurs  corps 
sont  jetés  dans  l'Elbe  :  événement 
horrible  et  que  Schiller  a  peint  des 
])lus  vives  couleurs.  Tilli,  maître  de 
l'Elhe  ,  comptait  empêcher  le  roi  de 
Suède  de  pénétrer  plus  avant:  il  écrit 
à  la  Saxe  et  aux  états  protestants  , 
qu'ils  aient  à  se  soumettre  franche- 
ment à  l'empereur  et  à  licencier  leurs 
troupes.  Sur  le  refus  de  la  Saxe,  il 
entre  en  Thuriugc  ,et  y  répand  la  ter- 
reur. Bientôt  après,  il  pénètre  dans 
la  Hesse.  Gustave  approche,  jette  un 
pont  sur  l'Elîx^  à  Tangermiind,  et 
veut  attaquer  Magdebourg.  Mais  Til- 
li ,  qui  était  à  Mulhausen  ,  l'evient 
sur  Magdebourg,  et  se  porte  sur  la 
Saxe,  fai-^ant  sa  jonction  avec  le 
comte  Furstenstein ,  (jui  avait  quinze 
mille  hommes  :  il  entre  dans  Mois- 
biug,  et  prend  Leipzig  par  capitu- 
lation. Cependant  l'électeur  avait 
donné  à  Gustave  ses  propres  trou^^es 
à  commander.  Le  roi  de  Suède  s'a- 
vance à  Lei[)zig.  Tilli  marche  au- 
devant  de  lui  et  de  l'électeur  de  Saxe , 
à  une  lieue  de  la  ville.  Les  deux  ar- 
mées étaient ,  chacune  ,  d'environ 
trente  mille  combattants.  Les  trou- 
pes de  Saxe,  nouvellement  levées, 
ne  font  aucune  résistance,  et  l'élec- 
teur iui-mcmc  est  entraîné  dans  leur 
fuite.  La  discipline  suédoise  répara 
ce  malheur,  et  Tilli,  qui  jusqu'alors 
avait  été  cousidéré  comme  le  meilleur 
général  de  l'Europe,  vit  s'évanouir 
cette  réjintation  en  présence  de  Gus- 
tave-Adolphe. La  bataille  se  donna 


62 


TIL 


le  '2']  septembre.  Tilli ,  blessédc  trois 
coups  de  feu  et  de  plusieurs  coups 
de  pique  à  la  tête  et  au  bras  droit , 
fuyait  dans  la  Westpbalie,  avec  les 
débris  de  son  armée  ,  renforcée  des 
troupes  que  le  duc  de  Lorraine  lui 
amenait ,  et  il  ne  faisait  aucun  mou- 
vement pour  s'opposer  aux  progrès 
de  Gustave.  Ce  prince,  après  avoir 
poursuivi    les    Impériaux    dans    la 
Franconie ,  soumit  tout  le  pays ,  de- 
puis l'Elbe  jusqu'au  Rhin.  L'empe- 
reur Ferdinand  ,  décbu  tout-à-coup 
de  ce  haut  degré  de  grandeur  qui 
avait  paru  si  redoutable ,  eut  enfin 
recours  au  duc  de  Wallenstein,  qu'il 
avait  privé  du  généralat ,  et  lui  re- 
mit le  commandement  de  l'armée, 
ne  laissant  plus  à  Tilli  que  quelques 
troupes  pour  se  tenir  au   moins  sur 
la  défensive.  Cependant  le  roi  de  Suè- 
de  avait  repassé    le  Rhin  vers    la 
Franconie  ,    au   commencement   de 
i632;  Tilli  le  suit,  et  attaque  Nu- 
remberg ,  qui  lui  oppose  une  défense 
énergi([uej  mais   bientôt   il   lève  le 
blocus,  sans  motif  apparent,  en  di- 
sant seulement  qu'il  n'était  plus  heu- 
reux. I!  essaie  ensuite,  sans  succès, 
de  dégager  Hcilbrouu  ,  prend  la  cita- 
delle de  Wurtzbourg,  et  se  porte  avec 
vingt  mille  hommes  sur  Forckheim, 
dans  l'évèché  de  Bamberg,  qui  avait 
demandé  des  secours  à  la  Bavière, 
contre  Horn ,  chef  du  parti  protes- 
tant.  Gustave  ayant   ensuite  quitté 
les  bords  du  Rhin   pour  rentrer  en 
Allemagne,  Tilli  se  retire  à  son  tour 
sur  la  Bavière  ,  et  se  retranche  dans 
la  petite  ville  de  liain  sur  le  Lerli , 
où  il    était  maitre  d'un  boi-^.  Mais 
Gustave,    par  des  batteries  élevées 
sur  l'autre  rive,  domine  et  protège 
l'étahlisscmcnl  de  ponts  sur  le  T/Cch. 
Les  {bavarois  sont  écrasés  par  l'artil- 
lerie et  |)ar  les  arbres  que  couj)enl  les 
boulet»,  Gustave  enliu  force  le  pas- 


TIL 

sage  malgré  Tilli ,  qui  tombe  blesse 
mortellement  à  la  cuisse  droite.  Alt- 
ringer  prend  le  commandement  de 
l'armée  bavaroise  ,  et  ordonne  la 
retraite.  Tilli  fut  transporté  avec 
beaucoup  de  peinera  Ingolstadt,  où 
l'on  tira  quatre  esquilles  de  sa  cuisse. 
Peu  de  jours  après,  il  mourut,  le  3o 
avril  i632.  On  a  dit  qu'avant  d'ex- 
pirer il  exprimait  des  regrets  sur  le 
sac  de  Magdebourg  ,  dont  il  rejetait 
tout  le  blâme  sur  Pappenheim.  Jean 
de  Tilli  ne  fut  point  marié.  —  La 
postérité  de  la  famille  fut  continuée 
par  Jacques  de  Tilli  ,  son  frère  aî- 
né, qui  servit  les  empereurs  Rodol- 
phe et  Matthias,  et  qui  était  mort 
dès  1624.  Le  second  iils  de  celui-ci , 
Wcrner  TzebclaÈs  de  Tilli  ,  de- 
puis gouverneur  d'Ingolstadt  ,  fut 
institué  par  son  oncle  Jean  héritier 
de  tous  les  biens  qu'il  possédait  en 
Allemagne,  à  l'exception  de  soixante 
mille  écus,  légués  à  de  vieux  régi- 
ments qui  avaient  combattu  sous  lui. 
—  Jacques  eut  trois  petits-fils,  dont 
l'un  ,  Albert  de  Tilli  ,  fut  promu  à 
la  dignité  de  prince,  par  le  roi  d'Es- 
pagne. —  Le  second  ,  François  de 
TiLLi ,  fut  tué  au  siège  de  Bude,  en 
1684.  —  Le  troisième  ,  Claude  de 
TiLLi ,  est  le  dernier  de  cette  famille 
que  l'on  connaisse.  Il  s'avança ,  par 
de  lonc;s  services ,  aux  premiers  em- 
plois dans  l'armée  hol  landaise  j  fut 
gouverneur  de  Namur,puisde  Bois- 
Ic-Duc,  et  mourut  le  10  avril  i-jtiS. 

M— G— R. 

TILLI  ( Michel- Angk), botaniste, 
né,  en  i<)r)5  ,  à  CasteKiorentino ,  fit 
ses  études  à  l'université  de  Pise,  et 
en  1677,  alla  s'établira  Florence, 
cpic  Hedi  reuiplissail  de  sa  rciiom- 
uiée.  Admis  à  l'inlimité  de  ce  fameux 
naturaliste,  il  gagna  bientôt  son  es- 
time; et  c'est  à  sa  recommandation 
(|u'il  fut  nommé  médecin  des  galères 


TIL 

toscanes.  Dans  un  voyage  qu'il  fit 
aux.  îles  Baléares ,  il  en  reconnut  le 
sol  et  les  productions.  11  se  rendit 
ensuite  à  Constantinople ,  pour  soi- 
gner la  santé  du  gendre  du  grand- 
seigneur ,  qui  avait  fait  demander  un 
habile  professeur  à  Florence.  Tilli , 
qui  s'était  rendu  au  camp  des  otho- 
mans,  à  Belgrade,  fut  témoin  de  la 
déroute  de  leur  formidable  armée , 
sous  les  murs  de  Vienne  {V.  Sobies- 
Ri ,  XLIl  ,  5i5  ^.  11  en  suivit  le 
mouvement  jusqu'à  Andrinople  ,  et 
aux  approches  du  prnitemps ,  il  s'em- 
barqua pour  visiter  les  îles  de  la  mer 
Egée  et  les  rives  du  Bosphore.  De  re- 
tour à  Florence ,  il  prit  possession  de 
la  place  de  directeur  du  jardin  bota- 
nique de  Pise.  Il  allait  se  livrer  à  ces 
nouvelles  fonctions,  lorsque  le  bey 
de  Tunis ,  atteint  d'une  maladie  gra- 
ve ,  désira  être  traité  par  le  docteur 
qui  avait  laissé  une  si  belle  réputa- 
tion à  Constantinople.  Le  grand-duc 
Cosme  III,  resté  en  rapports  d'ami- 
tié avec  les  puissances  barbaresques , 
n'opposa  aucun  obstacle  au  départ 
de  Tilli ,  qui  après  avoir  rendu  la 
santé  au  bey,  en  obtint  la  permission 
d'herboriser  sur  un  terrain  incon- 
nu et  tout  couvert  des  ruines  de 
Cartilage.  Encouragé  par  l'excmpie 
de  Redi ,  il  avait  étendu  la  sphère  de 
ses  spéculations.  A  des  observations 
barométriques,  qui  n'ont  pas  été  pu- 
bliées, il  (it  succéder  une  suite  d'ex- 
périences à  l'aide  d'une  machine 
pneumatique,  fabriquée  sous  les  yeux 
de  Musschenbroek,  et  dont  l'électrice 
j>alatinc  venait  de  faire  présent  à  l'a- 
cadémie de  Pise.  Il  chercha  aussi  à 
déterminer  la  quantité  d'eau  qui  tom- 
be chacpie  année  sur  le  territoire 
de  celle  ville  :  cette  dernière  expé- 
rience lui  avait  été  suggérée  par  Der- 
ham,  au  nom  de  la  société  royale 
de    Londres,  dont  il   fut   proclamé 


TIL 


63 


membre.  Mais  le  but  principal  de 
Tilli  était  l'agrandissement  du  jardin 
public  de  Pise.  Il  entretenait  une  cor- 
respondance très  active  avec  les  plus 
illustres  botanistes  de  l'Europe,  et 
on  lui  permit  d'envoyer  un  de  ses 
élèves  pour  examiner  les  plantes  exo- 
tiques rassembléesà  grands  frais,  par 
le  célèbre  Commelin ,  dans  les  jar- 
dins d'Amsterdam.  Ce  lut  par  ses 
soins  assidus  et  par  son  zèle  éclairé 
que  Ton  vit  pour  la  première  fois 
(  1 7 1 5) ,  enitalic ,  fleurir  l'alocs  et  le 
calier  ,  que  le  savant  hollandais 
s'était  en  vain  eftorcé  de  faire  pi-os- 
pérer  dans  les  marais  de  sa  patrie. 
Non  content  d'avoir  enrichi  le  jar- 
din qui  lui  était  confié,  Tilli  se  pro- 
posa d'en  publier  le  Catalogue,  tra- 
vail remarquable  pour  l'époque  à  la- 
quelle il  appartient,  mais  qui  laisse 
à  désirer  une  plus  grande  précision 
dans  les  détails.  On  prétend  que  l'au- 
teur, accablé  de  la  perte  inattendue 
d'un  de  ses  frères,  n'avait  pas  eu  le 
temps  de  s'occuper  de  la  révision  de 
ses  manuscrits.  Ce  qui  doit  faire  ad- 
mettre une  telle  excuse,  c'est  que  les 
fautes  reprochées  à  cet  ouvrage  sont 
trop  cviilentes  pour  qu'on  puisse  les 
croire  volontaires.  En  partageant  son 
temps  entre  les  études  de  la  nature ,  la 
pratique  de  la  médecine  et  l'instruc- 
tion de  la  jeunesse  ,  Tilli  atteignit  un 
âge  très-avancé ,  et  mourut  octogénai- 
re ,  à  Pise  ,  le  1 3  mars  i  ']f^o.  On  n'a 
de  lui  que  l'ouvrage  dont  on  vient  de 
parler ,  et  qui  est  intitulé  :  Catalo- 
gus  plantarum  horti  Pisani ,  Flo- 
rence, 1723,  in-fol.,  orné  de  53 
planches.  I!  contient  la  description 
d'envnon  cinqmille  piaules  (  i  ).  Voy. 
V Eloge  de  Tilli,  par  Fabroni  j  Fitœ 
Italorum  ,  etc.,  iv  ,  17^;  et  Calvi, 


(i  1  Avaiil  lc<';itali>guc  de  Tilli ,  «m  ne  coniiaissiiil 
(]«(■  celui  (ic  iM'llucci,  ii.litulc  :  Index /ilnnldrum 
Itofli  Pisani,  Florence,  lOSa  ,  in-iO. 


04  TIL 

CommcnUmuni  insen>ilurum  his- 
toriœ  IHsani  vireti  holanici,  Pise  , 
!777,iii-4'\  A— G— s. 

TILLI.  Foy.  Tillv. 

TILLIOT  Jean-Benigne  Lucot- 
TE  seigneur  du  ),  curieux  philologue , 
ne,  à  Dijon,  en  1O68,  annonça  de 
bonne  heure  un  goût  très-vif  pour  les 
objets  d'arts  et  les  antiquités.  Il  em- 
ployait une  partie  de  ses  revenus  à 
l'acquisition  de  tableaux,  de  livres, 
de  médailles,  etc. ,  dont  il  forma  un 
cabinet  que  l'abbe  Papillon  cite  com- 
me l'un  des  ornements  de  la  capitale 
de  la  Bourgogne.  Entre  autres  mor- 
ceaux précieux ,  on  y  voyait  un  dip- 
tyque célèbre,  dont  Baudelot  d'Air- 
val  (1),  Moreau  de  Mautour  (2),  et 
le  P.  de  Montfaucon  (3)  ont  public 
l'exphcation  (4).  Du  ïilliot  était  en 
correspondance  avecles  savants  qu'on 
vient  de  nommer  :  il  comptait  au 
nombre  de  ses  amis  le  P  Oudin,  le 
président  Boidiier ,  ainsi  que  tous  les 
Bourguignons  qui  cultivaient  alors 
les  sciences  et  les  lettres.  Son  titre 
de  gentilhomme  ordinaire  du  duc  de 
Bcrry  Fobh'gcait  d'habiter  Paris  nne 
partie  de  l'année.  Apres  la  mort  de 
ce  prince,  il  revint  à  Dijon,  oîi  il 
termina  sa  vie,  en  i-^So.  Le  seul  ou- 
vrage qu'il  ait  public  est  le  suivant  : 
Mémoire  s  pour  sen>ir  à  Vhistoire  de 
la  fc'le  des J'ous  ,]jausaime^  I74'  ? 
ou  Genève,  174J  ,  in-4°. ;  ib.  ,1761 
ou  1 7  5'Ji ,  in-8>'.  (5).  Ccvolumc ,  orné 

(1)  Dans  son  ouvrage  de  VUtilHé  des  fojatjes. 

(-«)  Mriii.  de  l'acad.  des  iuscript. ,  V,  3<)0. 

(3)  Aiiliij.  cxpluj.  ,  Siippk'in.  III,  i3a. 

{/i)  MoiT^u  di-  IVIanlour  et  le  P.  de  Montfaucon, 
ijui  n'avaient  vn  <iii'iin  coté  de  ceDiplyque,  ledon- 
Iienl  fi  SlilicoD  (/''.  ce  nom  >;  mais  fa  liihiiotbèque 
de  Fie»anr*»n  pohHt'de  maintenant  la  seconde  l'ace, 
MIT  la({iieile  on  lit  le  nom  tWIrenhihditn,  f)ii  Irou- 
v«rra  la  description  du  diptytpie  de  Mrsaiicon  dans 
ïine  Lrllre  de  M.  Cosie  ,  mi'niliie  de  racadeniic  de 
celle  ville,  insérée  dan»  le  lHiigut.  encynlop. ,  et 
|>ul)iiéc«éparémenl ,  Pari»,  i8o3  ,  in-8".  de  34  l"'K- 
avec  une  ])lanclie. 

(5)  L'ouvrane  de  Du  TilMol  a  clé  réimprimé 
dans  le»  Cr.i-imtiiiiei  ifli^i'iiU' ,  idit.  île  Hollande  , 
lum.  vni 


TIL 

de  1 1  planches ,  est  divisé  en  deux 
parties  :  la  première  contient  des  re- 
cherches sur  la  fête  des  fous ,  qui  se 
célébrait  autrefois  en  France,  dans 
plusieurs  églises.  La  seconde  renfer- 
me des  détails  intéressants  sur  la  con- 
frérie de  la  Mère  folle  de  Dijon ,  ins- 
tituée vers  i38i ,  et  supprimée  par 
un  édit  du  roi  Louis  XIII.  Ou  trou- 
ve des  suppléments  à  cet  ouvrage 
dans  les  Mémoires  de  l'abbé  d'Ar- 
tigny  ,  IV  ,  U78;  vu  ,  67 ,  et  dans 
les  Mélanges  philologiques  de  Mi- 
cliault,  I  ,'-i34.DuTilliota  laissé  plu- 
sieurs ouvrages  manuscrits  :  il  em- 
ployait pour  les  transcrire  Jean  Pi- 
ron,  tr<!;s-habi!e  calhgraphe,  et  les 
ornait  de  peintures  et  de  dessins  de 
bons  maîtres  ,  ce  qui  leur  donnait 
une  valeur  considérable.  Ils  furent 
acquis,  du  moins  en  grande  partie  , 
par  Fevret  de  Fontette.  Les  princi- 
paux sont  :  Miscellanea  eruditœ  an- 
tiquitatis ,  notis  illustrata  ,  in-fol. , 
4  vol.  Fontette  a  donné  le  détail  des 
pièces  qui  composent  ce  précieux  re- 
cueil ,  dans  la  Bibl.  historiq.  de  la 
France,  n".  15579.  — Mémoires 
hisloriques  sur  les  événements  du 
règne  des  favorites  de  Louis  XIV, 
in-fol.,  n"^.  '}.[\'6<oQ.  — Mémoirespour 
servir  à  l'histoire  des  ducs  de  Bour- 
gogne de  la  première  et  de  la  secon- 
de i"ace  royale,  in-fol.  C'est,  dit 
Fontette,  l'un  des  plus  beaux  ma- 
nuscrits qu'il  soit  possible  de  voir , 
uo.  25436.  —  Mémoires  pour  servir 
h  l'histoire  du  duc  de  Guise  et  du 
maréchal  de  Biron ,  in-4°.,  manus- 
crit magnillipie,  n".  3î).3i4.  Indé- 
pendamment de  ces  dillérents  ouvra- 
ges ,  on  doit  à  Du  Tilliot  :  une  Dis- 
sertaiion  sur  les  bains  des  Bomains; 
—  Due  Dissertation  sur  Tauleur  du 
Boman  delà  Rose  ;  —  les  Vies  des 
poètes  latins,  depuis  Liv.  Andro- 
nicus    jusqu'à    Michel   Marulle ,   et 


TIL 

quelques  autres  écrits  moins  impor- 
tants dont  ou  trouvera  les  titres  dans 
la  Bibl.  de  Bourgogne ,  article  Lu- 
cotte.  W — s. 

Tl  LLOCH  'Alexaîndf.e),  écrivain 
anglais,  étaitnéà  Glasgow  ,en  1759. 
Après  qu'il  eutterraiuéses  études,  son 
attention  se  porta  sur  l'art  de  l'im- 
primerie, qu'il  espérait  perfection- 
ner. S'étant  adressé  à  Foulis  ,  impri- 
meur de  l'université  de  Glasgow,  il 
h'i  lit  part  du  projet  d'un  nouveau  maison  paternelle,  il  fut  envoyé  à 
procédé  qui  n'était  qu'une  véritable     l'université  de  Cambridge.  Élu ,  en 


TIL  65 

le  26  janvier  182J.  Son  collabora- 
teur a  donné,  dans  le  numéro  de  fé- 
vrier du  Philosophical  Magazine  , 
une  courte  Notice  sur  cet  homme  la- 
borieux. D — G. 

TILLOTSON  (Jean),  l'un  des 
meilleurs  prédicateurs  de  l'église  an- 
glicane ,  était  lils  d'un  manufactu- 
rier de  draps  ,  dans  le  Yorkshire  :  il 
naquit  en  oct.  i63o.  Après  avoir  re- 
çu   nne  éducation  soignée    dans  la 


stéiéotypie.   Foulis,  en  ayant   seuti 
l'imporlauce  ,    entra    pour    moitié 
dans  l'exécution.  Ils  prir(  nt  des  bre- 
vets d'invention  eu  Ecosse  et  en  An- 
gleterre ,  et  stéréotypèreiit  quelques 
volumes.  ïilloch  apprit  dans  la  suite 
qu'un   bijoutier    écossais  ,    nommé 
Ged  ,  avait  exécuté  quelque  chose  de 
semblable  ,  cinquante  ans    aupara- 
vant. On  ignore  si  ce  fut  cette  cir- 
constance qui  le  refroidit  pour  son  in- 
vention. Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'est 
qu'il  ne  s'en  occupa  plus,  et  qu'il  se 
rendit  à  Londres,  oii  il  acheta  une 
partie  de  la  propriété  du  journal  in- 
titulé The  Star,  et  coopéra  Irès-acti- 
vemcnt  à  sa  rédaction.  Voyant  que 
l'Angleterie  manquait  d'un  bon  ou- 
vrage périodique  peur  les  sciences 
malhcmaliqucs  et  physiques  ,  il  en 
fonda  un,  sous  le  titre  de  Philoso- 
phical Magazine ,  et  ne  négligea  rien 
pour  en  assurer  le  succès.  C,c  journal, 
auquel  s'est  réuni  celui  de  Kiciiolson, 
a  déjà  soixante  six  volumes.  11  a  été 
conliuué  par  Taylor,    que  Tilloch 
s'était  associé  dans  les  dernirres  an- 
nées.  Quoique  cette  entreprise  utile 
roccu|)àt  beaucoup  ,  son  esprit  actif 
se  portait  encore  sur  d'autres  objets. 
Il  tr.ivailla  au  perfectionnement  des 
machines  à  vapeur  ;  et ,  peu  de  se- 
maines avant  sa  mort ,  il  avait  pris 
un  brevet  à  cet  elfet.  Tilloch  mourut 


i65i  ,  membre  de   son  collège  ,  ce- 
lui de  Clare-Hall,  il  s'y  occupa  avec 
zèle   de   l'enseignement.   Son   père, 
zélé  puritain  ,  l'avait  élevé  dans  la 
religion  calviniste.  La  sociétédcCud- 
worth,  la  lecture   des  ouvrages  de 
Chilliugworth  ,    les    entretiens    de 
Wilkins,  principal  du  collège  de  la 
Trinité ,  dissipèrent  les  idées  de  sa  pre- 
mière éducation  ;  mais  il  ne  renonça 
publiquement  au    calvinisme    qu'en 
1661,  et  il  ramena  jilu.'ii'urs  non- 
conformistes  à  l'Église  anglicane.  De- 
venu aumônier  de  la  société  des  avo- 
cats de  Liucolns-lnn  à  Londres,  ses 
sermonsqui  se  ressemaient  du  jargon 
puritain,  et   dans   lesquels  il  laissa 
apercevoir  quelques  principes  d' Aria- 
uisme ,  n'eurent  pas  d'abord  beaucoup 
de    succès.     Le    premier     sermon 
qu'on  trouve  dans  ses  OEuvres  ,  prê- 
ché en  i663,  devant  le  lord  maire 
et  le  conseil  de  la  commune  ,  sur  la. 
sagesse  qu'il  y  a  à  être  religieux  , 
est  un  des  plus  beaux,  des  mieux  rai- 
sonnes qu'il  y  ait  peut-être  dans  au- 
cune  langue.    Nommé,    en    1(372, 
doyen  de  Canîorbcry,  la  conversion 
du  comtede  Shreswsburyqu'il  opéra, 
en  1G7O,  fut  peu  agréable  à  la  cour. 
Un  sermon ,  qui  ne  se   trouve  pas 
parmi  ses  ouvrages  ,  prêché  devant 
le  roi ,  le  2  avril  1 680  ,  fut  sévère- 
ment attaqué  par  quelques   théolo- 
5 


66 


TIL 


giens  ,  comme  dérogeant  aux.  princi- 
pes fondamentaux  de  l'Église  an- 
glicane. On  prétend  que  Cliarles  II 
s'e'tant  endormi ,  un  courtisan  lui  fit 
observer  que  le  sommeil  avait  em- 
pêcliësa  majesté  d'entendre  du  Hob- 
bes  tout  pur ,  et  que  le  roi  lui  ré- 
pondit :  «  dans  ce  cas  ,  qu'il  soit  im- 
primé »  ,  et  il  le  fut.  A  la  mort  de 
Charles  II  ,  Tillotson  fut  regardé 
comme  un  des  hommes  dont  le  nou- 
veau roi  était  le  plus  mécontent.  Il 
avait  soutenu  avec  beaucoup  de  cha- 
leur le  bill  tendant  à  exclure  du  trône 
le  duc  d'York  ,  et  refusé  de  si- 
gner l'adresse  que  le  clergé  de  Lon- 
dres présenta  au  roi  pour  le  remer- 
cier de  n'y  avoir  pas  donné  son 
consentement.  Après  la  révolution, 
lorsque  la  question  de  donner  la  cou- 
ronne au  prince  d'Orange  fut  débattue 
dans  le  parlement,  Tillotson  engagea 
la  princesse  Aune  à  retirer  sa  pro- 
testation contie  cette  mesure.  Il  fut 
bientôt  dislinguépar  Guillaume  etpar 
Marie  ,  qui ,  puur  tout  ce  qui  regar- 
dait la  religion  et  l'Église  ,  avaient 
en  lui  une  entière  confiance.  Il  en 
obtint  le  doyenné  de  Saint-Paul  de 
Londres,  et  une  prébende  dans  la 
même  église ,  et  fut  nommé,  en  1 689, 
secrétaire  du  cabinet  du  roi.  Comme 
il  venait  le  remercier  ,  ce  prince  lui 
offrit  l'archevêché  de  Cantorbéry, 
vacant  par  l'interdiction  de  Sancroft, 
qui  avait  refusé  le  serment  d'allé- 
geance à  (juillaume  et  à  Marie  :  il 
fit  dilficulté  de  l'accepter.  Pressé  de 
nouveau  par  le  roi,  il  céda  enfin 
en  iG()i  ,cndemandantseiilementque 
la  nomination  fritdiiïéréc  deqiielqucs 
mois  :  il  fut  nommé  en  même  temps 
membre  du  conseil  privé.  On  l'ac- 
cusa publiquement  de  sociniatiismc. 
Celte  accusation  était  fondée  sur 
quelques  i)assagcs  de  acs  sermons  , 
sur  ses  liaisons  intimes  avec  Locke,  et 


ÎIL 

sa  correspondance  avec  Jean  Leclcrc'. 
C'est  à  quoi  se  rapporte  le  passage 
où  il  dit  :  «  L'incomparable  Chilling- 
»  worlh  ,  la  gloire  des  nations  et 
»  de  son  siècle ,  a  été  accusé  de  so- 
»  cinianisme,  parce  qu'il  a  voulu  met- 
»  tre  de  l'accord  entre  sa  croyance 
«  et  sa  raison.  Faut-il  donc  être  an- 
»  tropophage  ou soupçonnéde n'avoir 
»  point  de  religion  ?  »  On  lui  remit 
un  jour  un  paquet,  dans  lequel  il  ne 
trouva  qu'un  masque  ,  qu'il  jeta  sur 
son  bureau  :  une  personne  qui  se  trou- 
vait chez  lui  témoima  de  l'indicrna- 

■    1  •  •  • 

tion  de  cette  indécente  plaisanterie. 

Tillotson,  mettant  la  main  sur  un 
tas  de  brocbures ,  répondit  sans  émo- 
tion :  «  Ceci  n'est  qu'une  censure  fort 
»  douce  ,  en  comparaison  de  celles 
»  que  vous  verriez  là  ^) .  En  effet  , 
après  sa  mort  on  trouva  un  gros  pa- 
quet de  papiers  ainsi  étiqueté  de  sa 
main  :  «  Libelles ,  je  prie  Dieu  de 
pardonner  à  vos  airteurs  comme  je 
leur  pardonne  ».  Tillotson  mourut  à 
Lambeth ,  le  22  novembre  .i6g4. 
Locke  en  exprimant  ses  regrets  , 
sur  cette  mort ,  dit  dans  une  de 
ses  lettres  :  «  J'ai  perdu  en  lui  un 
»  ami  que  j'aimais  à  consulter,  sa- 
»  cliantqu'il cherchait  la  vérité  avec 
»  candeur  et  intelligence  ».  Il  ne 
laissa  ni  fortune ,  ni  dettes.  Sa  veuve 
vendit  deux  mille  cinq  cents  guinées 
le  manuscrit  de  ses  Sermons  posthu- 
mes. La  meilleure  et  la  plus  complè- 
te édition  de  ses  OEuvres  est  celle 
que  le  docteur  Warburfon  a  publiée, 
eu  12  vol.  in-8".  Les  Anglirans  font 
grand  cas  de  sa  Règle  delà  foi, 
contre  les  athées.  Il  avait  aussi 
compose-  quelques  (railésde  contro- 
verse où  l'Eglise  catholique  est  at- 
taquée avec  beaucoup  de  violence  et 
d'injustice.  Ses  sermons  ont  été  fré- 
quemment iinpiimés  in-fol.  etiu-i(). 
La  dernière  édition  in-fol.  est  prc- 


TIL 

ccdce  d'une  notice  biographique  par 
le  docteur  Birch.  Tillotson  lui-même 
en  publia  un  volume  in-fol.,  et  fut 
éditeur  de  plusieurs  ouvrages  des 
docteurs  Wilkins  et  Barrovv.  On  ne 
peut  pas  juger  Tillotson  sur  les  tra- 
ductions françaises  de  ses  Sermons, 
qui  sont  très  -  imparfaites  (  V.  Bar- 
BEYRAC  ).  11  faut  distinguer  d'ail- 
leurs ,  dans  ses  discours ,  ceux  qui 
étaient  le  résultat  force'  des  cir- 
constances de  ceux  où  il  n'a  suivi 
que  les  impulsions  de  son  ame. 
C'est  là  qu'on  voit  l'orateur  consom- 
me' ,  qui  ne  cherche  pas  à  briller,  à 
capter  l'admiration  ;  mais  qui,  avec 
une  dialectique  claire  et  concluan- 
te ,  emploie  les  meilleurs  arguments 
pour  parvenir  à  son  but.  Lors- 
qu'il entra  dans  la  carrière  de  la 
prédication  ,  le  public  était  depuis 
long-temps  accoutume  au  jargon  pu- 
ritain ,  familier  et  vulgaire.  11  eût  été 
aussi  déplacéqu'infructueux,  alors,  de 
lui  parler  tout  à-coup  un  langage  élé- 
gant et  élevé.  Tillotson  devait  se  met- 
treau  niveau  de  ses  auditeui's ,  et  em- 
ployer encore  quelquefois  des  méta- 
phores et  des  comparaisons  que  son 
goût  réprouvait.  11  avait,  dit  Leclerc, 
une  piété  solide  et  constante  ,  les 
sentiments  rcbgicux  les  mieux  enten- 
dus(  i),la  pénétration  la  plus  profon- 
de,le  jugemcntle  plus  sûr,  de  la  clarté 
et  de  l'élégance  dans  le  style,  joints  à 
des  talents  pour  le  raisonnement,  su- 
périeur à  tout  autre  ,  sans  vanité  , 
sans  orgueil ,  sans  la  moindre  alTec- 
tation.  Ses  discours  sont  des  dis- 
sertations exactes  ,  capables  de  sou- 


(i)  LorsquVii  t58ï,  des  protestants,  cbasse's  de 
France  par  la  revocation  de  l'édit  de  Nantes,  vin- 
rent se  réfugier  en  Angleterre,  Tillotson  mit  beau- 
coup de  7.èle  ù  les  secourir  ;  et  comme  le  docteur 
Beveridge  ,  alors  prébendier  de  Cantorbéry  ,  s'op- 
posaità  ce  qu'on  fit  lecture  d'une  recommandation 
en  leur  faveur  ,  cela  lui  paraissant  contraire  aux 
formes  ,  Docteur  ,  lui  dit  le  prébendier  de  Saint- 
Paul  ,  la  charité  est  suyérieure  aux  formes.         L. 


TIL  67 

tenir  ,  à  la  lecture  ,  l'examen  le  plus 
rigoureux.  «  Tillotson  ,  dit  Burnet , 
»  avait  les  idées  nettes,  l'esprit  bril- 
»  lant,  le  style  plus  pur  qu'aucun 
»  de  nos  théologiens;  et,  à  une  sorte  de 
»  sagesse  ,  il  joignaittant de  candeur, 
»  qu'il  n'y  a  point  eu  d'homme  d'é- 
»  glise  plus  universellement  chéri  et 
»  estimé.  wDrydenavouaitavec  plai- 
sir ,  que  s'il  avait  quelque  talent 
pour  écrire  en  prose,  il  le  devait  à  la 
fréquente  lecture  des  OEuvres  de  Til- 
lotson. Addison  les  regardait  de 
même  comme  des  modèles  ,  et  une  au- 
torité pour  tous  les  écrivains  (2). 
Chaufepié,  dans  son  Dictionnaire,  a 
consacré  à  Tillotson  un  article  fort 
étendu.  T — d. 

TILLY  (  Le  comte  Alexandre 
de)  naquit  en  1734,  en  Norman- 
die, d'une  ancienne  famille  (i),  eni- 

(2)  Le  cardinal  Maury  ,  dans  sou  Essai  sur  l'élo- 
quencedc  lacUaue,  aporté  des  sermons  de  Tillotson 
un  jugement  Itien  difiérent.  Seloniui,  ou  n'y  trouve 
point  de  traits  sublimes;  les  détails  en  sont  arides, 
subtils  ,  et  souvent  ils  manquent  de  noblesse  ;  ce 
sont  des  divisions  et  des  subdivisions  sans  lin  ;  à 
chaque  page  on  aperçoi't  le  fanatisme  d*uQ  pro- 
testant qui  veut  plaire  a  la  populace  Cette  censure 
est  peut-être  esigérée  ;  mais  cependant,  à  ne  con- 
sidérer que  le  fonds  des  pensées  ,  et  non  la  ma- 
nitre  de  les, rendre  ,  plus  ou  moins  altérée  par  la 
traducliou  ,  les  morceaux  que  cite  ie  critique  , 
pour  motiver  son  opinion  ,  ne  donnent  pas  une 
îiaute  idée  de  la  dialectique  et  des  talents  oratoire» 
du  prédicateur  anglican.  Voici,  par  exemple  ,  les 
arguments  que  Tillolson  emploie  pour  prouver 
qu'il  faut  croire  les  mystères  de  la  religion  ,  quoi- 
qu'on ne  les  comprenne  pas  avec  évidence  :  On 
?iint!ge  ,  dit-il,  o/i  hoit  tous  les  jours  ,  bien  que 
personne  ,  à  mon  avis  ,  ne  puisse  démontrer  nue  son 
boulanger  ,  son  brasseur  ou  son  cuisinier  n'ait  pas 
mis  du  poison  dans  le  pain  ,  dans  la  bif-rrc  ou  dans 
la  liniide.  «  O  Louis  XIV  !  s'écrie,  à  ce  sujet ,  le 
»  cardinal  Maur/,  qu'aurais-tu  donc  pensé  si  les 
»  ministres  des  autels  t'avaient  parlé  ce  langage  au 
»  milieu  de  ta  coiu-  ?  Quelle  eût  été  ta  surprise  ,  si 
»  ton  oreille  accoutumée  aux  accents  majestueux  de 
11  Bossuel ,  au  ton  noble  et  véhément  de  Bourda- 
»  loue  .  à  l'iusinuante  mélodie  de  I\Iassillon  ,  eiit 
ï>  été  frappée  de  cetle  élocution  grossière  et  bar- 
»  bare  ?  »  Le  mauvais  gont  du  siècle  ,  l'imperfec- 
tion de  la  langue  ne  justifient  pas  les  défauts  d'un 
écrivain  :  s'il  n'a  pas  su  triompher  de  ces  obsta- 
cles ,  il  ne  peut-être  proposé  pour  modèle.        Z. 

(1)  Un  des  ancêtres  de  M.  De  TiUy  se  fit  remar- 
quer, dans  le  qualorxièmesiècle,  par  son  7.è]e  pouf 
1  agriculture  ,  et  surtout  par  ses  découvertes  .sur  le 
croisement  des  races ,  et  le  perfectionnement  des 
laines.  II  légua  à  l'abbave  d'Ardenne  les  brebis  et 
les  chèvres  qu'il  avait  fait  venir  d'Espagne. 

5.. 


GH 


TIL 


brassa ,  encore  jeune^  la  carrière 
des  armes,  et  se  montra  ^  dès  le  com- 
mencement ,  fort  opposé  à  la  reVo- 
lution.  En  1790  et  179 1  ,  il  donna, 
dans  les  Actes  des  apôtres  et  la 
Feuille  dujour ,  des  morceaux,  très- 
remarquables  par  l'énergie  du  style 
et  la  chaleur  des  opinions.  En  1792, 
il  fit  tous  ses  efforts  pour  la  défense 
de  Louis  XVI,  et  il  eut  le  courage 
d'écrire  à  ce  prince  ,  le  27  juillet  de 
cette  année ,  une  longue  Lettre  très- 
remarquable  par  les  avis  courageux 
qu'il  lui  donnait  et  les  prédictions 
effrayantes  ,  mais  trop  fondées ,  qu'il 
osait  lui  faire.  Cette  Lettre  a  été  pu- 
bliée en  1792  ,  à  Paris ,  par  l'auteur 
lui-même,  et  en  1794,  à  Berlin^ 
puis  dans  le  tome  onze  de  V Histoire 
de  la  révolution  de  Bertrand-Mole- 
ville.  On  ignore  si  cette  Epître ,  que 
l'auteur  envoya  dans  le  temps  à 
Louis  XVI,  en  fut  bien  accueillie; ce 
qu'il  y  a  de  sûr ,  c'est  que  ce  monar- 
que fut  loin  de  profiter  des  sages  et 
courageux  avis  que  M.  de  Tilly  lui 
avait  donnés.  Après  la  journée  du  10 
août  1792,  celui-ci  dut  quitter  la 
France.  Il  se  réfugia  d'abord  en 
Angleterre,  puis  à  Berlin,  et  revint 
à  Paris  à  l'époque  du  retour  des 
Bourbons,  en  1 8 1 4-  Obligé  de  s'éloi- 
gner encore  à  leur  second  départ ,  il 
resta  dans  la  Belgique,  et  se  donna 
la  mort  à  Bruxelles,  le  23  déc,  181  G. 
Dans  une  note  de  son  Discours  (  en 
vers  )  à  Chamfort ,  il  s'était  pro- 
noncé contre  le  suicide.  On  a  de  lui  : 

I.  OEuvres  mêlées  ,  178^,  in-B*^. 
de  iGo  pages;  Berlin,  i8o3,  in-8". 

II.  Lettre  à  M.  Philippe  d' Orléans ^ 
1  790  ,  in-S*'. ,  d'une  demi  -  feuille. 
Cette  brochure  est  ordinairement  à 
la  suite  d'une  autre  qui  a  pour  litre: 
A  moi  Philippe ,  un  mol  !  in-8".  , 
sans  date,  d'une  feuille  ;  faut-il  pour 
cela  l'attribuer  au  comte  de  Tilly  ?  il 


TIL 

est  permis  d'en  douter  quand  on  ré- 
fléchit qu'il  ne  craignait  pas  de  met- 
tre son  nom  à  tout  ce  qu'il  faisait. 
III.  Six  Romances  mises  en  musi- 
que par  Garât,  1792,  in-B".  ÏY.A 
M.  de  Condorcet ,  membrede  la  Con- 
vention nationale  ,  Londres  ,  5  no- 
vembre 1792.  V.  De  la  Révolution 
française  en  1794?  Londres,  1794^ 
in-8".,  réimprimé,  ainsi  que  la  Lettre 
à  Louis  XVI  ,  dans  les  OEuvres 
mêlées,  édition  de  Berlin.  C'est  au 
comte  de  Tilly  que  l'on  doit  ce  disti- 
que si  connu,  sur  Louis  XVI  : 

II  ne  sut  que  mourir,  aimer  et  pardonner  j 
S'il  avait  su  punir ,  il  aurait  su  régner, 

—  Le  comte  de  Tilly  ,  lieutenant- 
général  ,  n'était  pas  de  la  même  fa- 
mille, quoiqu'il  fût  né  en  Normandie. 
Il  entra  également ,  dès  sa  jeunesse _, 
dans  la  carrière  des  armes  ;  et,  s'étant 
montré  partisan  de  la  révolution,  il 
devint  colonel  de  cavalerie ,  en  1 792, 
puis  aide-de-camp  de  Dumouriez,  qui 
lui  confia  j  dans  le  mois  de  mars 
1793,  le  commandement  de  Ger- 
truydenberg.  Il  fit,  dans  cette  place, 
une  belle  défense,  obtint  une  capitu- 
lation honorable  ,  et  devint  bientôt 
après  général  en  chef  de  l'armée  des 
côtes  de  Cherbourg ,  où  il  l'emporta 
quelques  victoires  sur  les  Vendéens. 
Cependant  il  leur  rendit  personnelle- 
ment quelques  services ,  et  il  eu  a 
reçu  ,  plus  tard,  des  témoignages  in- 
contestables; mais  il  n'a  jamais  osé 
s'en  vanter  publiquement.  En  1794  , 
il  passa  romine  divisionnaire  à  l'ar- 
mée du  Nord  ,  puis  à  celle  de  Sam- 
bre  -  et  -  Meuse  ,  fut  gouverneur  de 
Bruxelles,  en  179G,  et  revint  à 
l'armée  de  l'Ouest,  qu'il  eut  enco- 
re une  fois  l'honneur  de  commander 
pendant  un  an.  Sous  le  gouvernement 
impérial ,  il  servit  à  la  tête  d'uncorps 
de  cavalerie  dans  les  campagnes 
d'Autriche,  de  Pousse  et  de  Pologne^ 


TÎM 

puis  eu  Espagne ,  où  il  se  distingua 
à  la  bataille  d'Ocaùa.  Le  roi  le 
nomma,  en  i8i4,gra"fl  officier  de 
la  Légion -d'Honneur.  Biionaparte 
l'ayant  charge,  pendant  les  cent  jours 
de  son  re'tablissement,  en  i8i5  ,  d'al- 
ler présider  le  collège  électoral  du 
Calvados,  Tilly  fut  nommé  par  ce 
département  député  à  la  chambre  des 
représentants.  Il  garda ,  dans  cette 
chambre  ,  un  silence  dont  plus  tard 
il  tirait  beaucoup  de  vanité.  Ce  géné- 
ral avait  montré  du  courage  sur  le 
champ  de  bataille  ;  mais  c'était  un 
homme  de  peu  d'instruction,  et  tout- 
à-fait  incapable  de  diriger  en  chef 
de  grandes  opérations.  Il  était ,  dans 
les  derniers  temps  de  sa  vie  ,  fort  lié 
avec  l'amiral  Allemand  ,  et  l'un  des 
chevaliei's  les  plus  zélés  de  l'ordre 
du  Saint-Sépulcre  {P^oj.  Allemand, 
au  Supplément).  Il  est  mort  à  Paris, 
le  10  janvier  1822.       M — d  j. 

TILPIN.  Fof.  TxjRPiN. 

TIMAGENES,  historien,  naquit 
à  Alexandrie.  Son  père  était  banquier 
du  roi  Ptolémée  -  Aulétès.  Ce  prince 
ayant  été  chassé  par  les  Alexandrins, 
Gabinius  fut  envoyé  pour  le  rétablir 
sur  le  trône.  Ce  général  prit  la  ville, 
l'an  699  de  Rome  ;  et  Timagènes  fut 
au  nombre  des  prisonniers.  Il  fut  ame- 
né à  Rome  et  vendu  à  Faustus ,  lils  de 
Sylla  ,  qui ,  quelque  temps  après  ,  lui 
rendit  la  liberté.  Sa  détresse  le  força 
d'exercer  d'abord  le  métier  de  cuisi- 
nier et  ensuite  celui  de  porteur  de  chai- 
se. Plus  tard  ,  il  ouvrit  une  école  de 
rhétorique.  Il  paraît  qu'il  acquit  peu 
de  gloire  dans  cette  profession ,  ou 
que  du  moins  ses  talents  pour  l'his- 
toire éclipsèrent  ceux  qu'il  montra 
pour  l'art  oratoire  j  car  aucun  écri- 
vain latin  ne  parlede  lui  comme  rhé- 
teur. Il  obtint  bientôt  l'amitié  de  plu- 
sieurs personnes  d'un  rang  élevé,  en- 
tre autres  de  l'illustre  Poilion  (  C. 


TIM 


('^ 


Asinius),  et  parvint  même  jusqu'à 
la  faveur  d'Auguste;  mais  son  pen- 
chant pour  la  raillerie  et  sou  carac- 
tère envieux  la  lui  enlevèrent.  Il  pro- 
digua tellement  les  sarcasmes  contre 
ce  prince, qu'après  plusieurs  avertis- 
sements, il  fut  chassé  du  palais.  Pour 
se  venger,  il  jeta  au  feu  l'Histoire  de 
cet  empereur,  qu'il  avait  composée, 
comme  s'il  eût  voulu,    dit  Sénèque, 
bannir  ce  prince  de  son  esprit,  pour 
avoir  été  banni  lui-même  du  palais. 
Timagènes  ,    recueilli  par   Poilion  , 
brûla  ses  autres  ouviages.  Auguste 
ne  s'offensa  point  de  l'asile  que  Poi- 
lion lui  avait  donné,  et  se  contenta 
de  dire  qu'il  nourrissait  une  bête  fé- 
roce. Poilion  offrit  de  le  renvoyer; 
mais  Auguste  répondit  qu'il  ne  lui 
conviendrait  pas  de  donner  un  ordre 
semblable ,  après  les  avoir  réconci- 
hés  quand  ils  étaient  brouillés.  Ti- 
magènes se  retira  à  Tusculum,  oîi 
Poilion  avait  une  maison  de  campa- 
gne. Il  quitta  ensuite  cette  retraite,  et 
alla  terminer  sa  vie  à  Dabanum  ,  ville 
de  l'Osrhoène ,  au  dire  de  Suidas  qui 
a  distingué  Timagènes  le  rhéteur  de 
l'historien  ;    mais   Bonamy  ,   dans 
un  Mémoire  qu'il  a  donné  sur  cet  écri- 
vain (Mém.de  l'acad.  des  inscript. , 
tome  xiiT ,  p.  4 1  )  7  ^  très-bien  prou- 
vé qu'ils  ne  forment  qu'une  seule  per- 
sonne.   Outre   l'Histoire  d'Auguste  , 
dont  il  a  déjà  été  fait  mention  ,  Ti- 
magènes avait  encore  publié  un  PeVi- 
ple  de  la  mer  entière,  en  cinq  livres; 
une  Histoire  des  Bois ,  c'est -à -dire _, 
d'Alexandre  et  de  ses  successeurs  , 
dont  Quinte  -  Curce  paraît  avoir  fait 
usage;  et  enfin  une  Histoire  des  Gau- 
les, à  laquelle  Aminien  Marcellin  a 
beaucoup    emprunté.  —  Suidas   fait 
mention  d'un  autre  TimagÈnes  ,  né  à 
Milet,  qui  fut  aussi  rhéteur  et  histo- 
rien. 11  écrivit  l'Histoire d'Hc'raolée, 
ville  de  Pont ,  et  des  hommes  célèbres 


70 


TIM 


qui  l'avaient  illustrée,  en  cinq  livres. 
On  avait  aussi  de  lui  un  recueil  de 
Lettres.  —  Quant  à  un  autre  Tima- 
gÈnes  que  Vossius  et  Valois  désignent 
par    le    titre   de    Syrien  ,    Bonamy 
pense ,  avec  raison ,  qu'il  n'est  pas 
différent  de  celui  d'Alexandrie ,  et 
que  sa  retraite  à  Dabanum  lui  a  fait 
donner  le  nom  de  Syrien  par  le  seul 
écrivain  qui  fasse  mention  de  lui , 
l'auteur  du  Traité  des  Fleuves,  faus- 
sement attribué  à  Plutarque.  Si — d. 
TIMANTHE,  né,  selon  l'opinion 
la  plus  probable  à  Cithne  ,  l'une  des 
Cyclades ,  vers  l'an  4oo  avant  J.-C. , 
est  regardé  comme   un  des  peintres 
les  plus  habiles  de  l'antiquité.  Il  en- 
tra en  lice  avec  Parrbasius,  Cololès 
et  autres  artistes  renommes  de  cette 
époque,  et  remporta  sur  eux  plu- 
sieurs prix  dans  différentes  villes  de 
la  Grèce.  Le  tableau  qui  lui  fit  le 
plus  d'honneur  fut  celui  du  Sacrifice 
d'Iphigéiiie ,  que  l'on  voyait  encore 
à  Rome  sous  Auguste.  La  jeune  prin- 
cesse y   était  représentée  avec  une 
noblesse  et  une  magnanimité  dignes 
de  son  rang;  mais  en  même  temps 
avec  cette  sensibilité,  cette  émotion 
touchaijte  que  les  apprêts  du  fatal 
sacrifice  devaient  lui  causer.  La  tris- 
tesse du  grand -prêtre  Calchas  était 
tempérée  par  la  gravité  de  son  mi- 
nistère. Une  profonde  affliction  pa- 
raissait accabler  Ménélas  .  oncle  d'I- 
phigénie;  Ajax  ,  Ulysse  et  les  autres 
spectateurs  étaient  dans  l'abattement. 
Mais  après  avoir  épuisé  toutes  les 
ressources  de  l'art  pour  donner  à 
chaipic  ])ersonnagc  le  caractère  pro- 
pre à  sa  situation,  Timaiithe  sentit 
que  le  pinceau  était  insiilUsant  pour 
exprimer  la  douleur  paternelle.  Par 
un  de  ces  traits  de  génie  qui  n'appar- 
ticnufiil  (pi'aux  grands   maîtres,   il 
jicignit  Agameninon  U;  visage  caché 
dans  sa  draperie,  laissant  à  l'imagi- 


TIM 

nation  le  soin  de  représenter  l'éfaf 
où  se  trouvait  ce  père  infortuné  près 
d'immoler  au  bien  public  l'objet  de 
ses  plus  tendres  affections.  Cette  idée, 
reproduite  plusieurs  fois  depuis,  a 
été  heureusement  employée  par  le 
Poussin ,  dans  son  tableau  de  Germa- 
nicus  ;  et  comme  les  arts  et  les  lettres 
sont  unis  par  le  même  anneau ,  Cicé- 
ron  et  Quintilien  ont  rappelé  l'exem- 
ple de  Timanthe  aux  orateurs  ,  pour 
leur  apprendre  qu'en  certaines  occa- 
sions une  belle  réticence  v^aut  mieux 
que  les  paroles  les  plus  énergiques. 
Un  trait  aussi  agréable  qu'ingénieux 
se  remarquait  dans  un  petit  tableau 
où  Timanthe  avait  leprésenté  un  Cj'- 
clope  endormi  ;  pour  faire  juger  de 
la  grandeur  du  personnage,  il  avait 
placé  auprès  de  lui  des  satyres  me- 
surant la  longueur  de  son  pouce  avec 
un  ihyrse.  Son  Palamède  tué  par 
surprise  avait  tant  d'expression , 
qu'il  causa  ,  dit-on,  une  vive  émo- 
tion à  Alexandre-le-Grand,  qui,  en 
voyant  ce  tableau  à  Éphèse ,  se  res- 
souvint d'Aristonicus ,  son  joueur  de 
lyre  ,  tué  dans  une  embuscade  par 
les  Massagètes.  Ajax  outré  de  colè- 
re contre  les  chefs  de  l'armée  grec- 
que ,  qui  avaient  adjugé  a  TJlrsse 
les  armes  d'Achille  ,  fut  le  sujet 
d'un  prix  disputé  dans  la  ville  de 
Samos ,  entre  Timanthe  et  Parrba- 
sius, et  remporté  par  le  premier. 
Parrbasius,  que  ses  talents  avaient 
rendu  si  orgueilleux,  ne  put  maî- 
triser les  mouvements  de  l'aniour- 
propie  humilié  :  "  Ce  n'est  pas, 
»  dit-il  ,  mon  sort  que  je  plains; 
))  mais  c'est  celui  d'Ajax,  puisque 
»  ce  héros  vient  de  succomber ,  pour 
»  la  seconde  fois  ,  devant  un  bomrae 
»  bien   inférieur  à  lui  (i).  »  Knhn , 


(i)  O»  pai'olm  <ln  Pnrrhii.siiis  ont  poiil-<"lre  ins- 
|iiir  .'i  H.K  lue  l'i^pigiiiiumc  (|ii'il  lit  sur  mu- l,vui;c- 
,Im'  .1.'  l'.n.lou 


TIM 

uu  tableau  de  Tiinanthe ,  représen- 
tant un  Héros ,  était  place'  dans  le 
temple  de  la  Paix ,  à  Rome  ,  et  s'y 
voyait  encore  du  temps  de  Vespasien 
et  de  Titus.  Cocquard,  avocat  au 
parlement  de  Dijon,  a  publié  dans 
le  Mercure  de  France ,  second  vo- 
lume de  l'anne'e  174O1  ""<î  Vie  de 
Timanthe ,  remplie  de  recherches 
curieuses  et  savantes.  Il  prétend  qu'il 
a  existé  un  autre  peintre  appelé  Ti- 
manthe ,  ne'  à  Sicyone,  qui  floris- 
sait  sous  Aratus,  et  que  plusieurs  au- 
teurs ont  confondu  avec  celci  qui 
fait  le  sujet  de  cet  article.  P — rt. 

TIMARCHIDÈS.  F.  PolyclÈs. 

TIMÉE  DE  l.OCRES,  philosophe 
pythagoricien,  ne  fut  sans  doute  pas 
un  des  disciples  immédiats  de  Pytha- 
gore,  comme  on  l'a  cru  long-temps- 
mais,  né  dans  la  Grande -Grèce, 
chez  les  Locriens  Epizéphyriens  ,  il 
a  pu  recueillir  avec  fidélité  les  tra- 
ditions encore  récentes  de  cette  éco- 
le mystérieuse  ,  qui  donna  aux  peu- 
ples d'austères  leçons  ,  de  grands 
exemples,  et  mcniede  sages  lois.  So- 
crate ,  dans  le  Dialogue  de  Platon  qui 
porte  le  nom  de  Timée ,  attribue  à 
cet  héritier  des  doctrines  jiythagori- 
ques  un  génie  capable  d'embrasser 
tout  le  cercle  des  connaissances  hu- 
maines ,  depuis  la  physique  la  plus 
élevée  ju?qu'a:ix  détails  les  plus  sim- 
ples de  la  morale;  il  nous  apprend 
que  Timée  jouissait  d'une  grande  con- 
sidération dans  sa  patrie,  où  il  avait 
rempli  les  premières  magistratures; 
etCritias  ,  autre  interlocuteur  du  dia- 
logue, ajoute  qu'il  passait  surtout 
pour  un  très-habile  astronome  («7^0- 
vowi/.ôjTa-oç  ).   Un  platonicien,   qui 


Q,,,-  j,-  [.LiIms  Ip  dr^lin  <ln  grand  Gcinianicu 
OikI  l'ut  II'  priv  de  ses  rares  verhis  ! 
Perseeule  par  le  criiel  Tibère, 
J'^nipuisuniié  par  le  Irailrc  Pisou  , 

Il  itc  lui  restait  plus,  pfnir  dernière  misère, 
One  d'cire  tliantepar  l'radoii. 


TIM  71 

fut  évêque  de  Prolémais ,  Synésius 
(  De  Dono  astroUib. ,  p.  807  ) ,  parle 
de  Timée  à-peu-près  dans  les  mêmes 
termes.  Suidas  cite  de  lui  trois  ouvra- 
ges :  un  Traité  de  Mathématiques , 
une  Vie  de  Pythagore ,  et  un  livre 
sur  la  Nature ,  qui  est  peut-être  ce- 
lui que  nous  avons  encore,  sous   ce 
titre  •  Ilîpt  •^•■jyÔLç,  v.ôn'jM  /.at  (pùmoç  , 
sur  l'Ame  du  monde  et  sur  la  Na- 
ture. Ce  manuel  philosophique,  di- 
visé ordinairement  en  six  chapitres  , 
et  qui  ressemble  à  l'extrait  d'un  plus 
grand  ouvrage ,  est  écrit  en  dialecte 
dorien.  C'est  une  analyse  un  peu  sè- 
che ,  mais  précise  et  méthodique,  du 
système  de  l'idéalisme.  Dieu ,  la  ma- 
tière, l'idée;  une  cosmogonie  embar- 
rassée quelquefois  par  la  théorie  des 
nombres  et  les  similitudes  géométri- 
ques; la  nature  présentée  dans  tous 
ses  phénomènes,  avec  une  rare  saga- 
cité ;  d<es  sentiments  généreux ,  des 
pensées  graves  ,  de  nobles  espérances, 
il  n'est  rien  ,  dans  cette  exposition  , 
qui  ne  puisse  appartenir  à  uu  disciple 
de  ce  Pvthagore,  surnommé  par  les 
anciens  lepère  delaphilosophienjer- 
veillcuse.  Platon,  dans  son  Timée  , 
a  développé  inagnillquement  les  opi- 
nions les  plus  religieuses  de  cet  illus- 
tre disciple,  que,  suivant  Cicéron  et 
saint  Jérôme,  il  avait  pu  voir  et  en- 
tendre dans  sou  voyage  en  Italie.  Il 
fait  parler  Tiniéelui-même ,  et  lui  fait 
exposer,  devant  Socrate,  ses  brillan- 
tes conjectures.  11  n'est  donc  point 
plagiaire,  comme  l'en  accusait  Ti- 
mon le  sillographe ,  dans  des  vers  que 
cite  Auhi  -Gelle ,  ni ,  1 7  ,  et  que  les 
nouvelles  leçons  fournies  parles  5co- 
Z/e5  platoniques  de  Ruhnekcn,  page 
500,  permettent  aujourd'hui  de  tra- 
duire avec  plus  de  certitude  :  «  Et 
toi  aussi ,  Platon  ,  tu  as  voulu  dog- 
matiser; tu  as  acheté  à  grand  prix  un 
jielit  livre  ,  et  tu  es  })arli  de  là  pwtr 


72  TIM 

faire  le  Time'e.  »  Chardon  de  la  Ro- 
chette  {Mélanges,  tome  ii ,  p.  467), 
d'après  Diogcne-Laërce  et  les  anciens 
éditeurs d'Aulu-Gelle, pense  qu'il  s'a- 
git ici  du  Traite  pythagorique  de  Phi- 
lolaiis,  acheté  fort  cher  à  Syracuse 
(Diogène-Laëice,  m,  g-  vin,  85); 
mais  pourquoi  ne  serait-ce  pas  une 
allusion  au  livre  de  Time'e  lui-même? 
Il  faut  avouer  cependant  que  si  nous 
avons  encore  l'ouvrage  original  de 
ce  pythagoricien  ,  l'imitateur    doit 
souvent  nous  paraître  en  contradic- 
tion avec  celui  dont  il  s'est  fait  l'in- 
terprète. Quelquefois  aussi  des  phra- 
ses entières  de  cet  ouvrage  se  relrou- 
veut  dans  celui  de  Platon  ;  et  maigre' 
l'aveu  du  larcin,   un  tel    hommage 
doit  surprendre  dans  un  écrivain  d'u- 
ne imagination  si  féconde.  C'est  là 
probablement  une  des  raisons  qui  ont 
fait  regarder  le  Traité  de  VAme  du 
mcndc  comme  apocryphe  par  L.  Le 
Roy,  traducteur  du  fimée,  fol.  i^  j 
par  Conriugius,  Propolit.,  c.  i5,p. 
io4;    par    Thomasius ,    Observât. 
Halens.,  tome  ix ,  6 ,  7  ;  par  Morhof, 
Foljhist.,  tome  11,  liv.  3,  part.  2, 
chap.  n,  pag.  32i,  etc.  Le  célèbre 
Meiuers  s'est  appliqué  surtout ,  à  plu- 
sieurs reprises ,  à  en  combattre  l'au- 
thenlicilé,  soutenue  par  Th.  Gale, 
par  Batteiix,  par  C.-G.  Bardili,  par 
Tiedemanu,  qui  depuis  s'est  rétracté 
(  Gcschichte  dtr  spacidaliven  Philo- 
sophie ,  liv.  I,  pag.  89)  ,  etc.  Plus 
récemment,  le  savant  historien  de  la 
philoso|)hic  ancienne,  G. -Th.  Ten- 
neiuana,  a  prétendu  encore  que  Pjo- 
clus ,  qui  nous  a  conservé  ce  mor- 
ceau en  le  joignant  à  son  grand  Com- 
mentaire sur  le   Tiinéc  ,  avait  pris 
pour  nu  ouvrage  original  un  simple 
abrégé  du  Dialogue  de  Platon.  Quoi- 
que Synésius  {loc.  cit.  )  partage  l'o- 
pinion de  Proclns,  il  n'est  pas  élon- 
iMnt  fpi'nn  ouvrage  de  ce  genre,  qui 


TIM 

ne  commence  à  être  cité  que  fort  tard^ 
soit  environné  de  beaucoup  d'incerti- 
tudes. Les  savants , aujourd'hui ,  sont 
toujours  prêts  à  s'armer  de  défiance 
et  de  scepticisme.  A  la  renaissance 
des  lettres ,  ils  ne  songeaient  qu'à  étu- 
dier avec  respect  ces  textes  nouveaux, 
à  les  commenter,  à  les  propager.  Le 
Traité  de  VAme  du  monde ,  publié 
sous  le  nom  de  Time'e  de  Locres  dans 
toutes  les  éditions  de  Platon  (  Foy. 
XX  ,  5o  ) ,  parut  en  latin  ,  dès  (4^^? 
traduit  par  George  Valla ,  Venise, 
chez  Ant.de  Strata;  \f\^^,  chezSim. 
Bevilacqua.  Le  grec  ne  fut  imprimé 
qu'en  1 5 1 3  ,  dans  le  Platon  des  Aide. 
Louis  Nogarola  donna  le  même  ou- 
vrage en  grec  et  eu  latin  ,  VcTiise , 
i555j  réimprimé  à  Paris,  la  même 
année,  en  grec  ;  et ,  l'an  1 56 J  ,  en  la- 
tin ,  par  Guill.  Morel.  Thomas  Gale 
fit  entrer  le  texte,  avec  la  version  de 
INogaroIa  et  le  Sommaire  et  les  Notes 
de  Jean  de  Serres,  dans  ses  Opuscu- 
la  mjthologica  ,  Cambridge,  167IJ 
Amsterdam,    1G88.  Stanley  l'a  tra- 
duit en  anglais,  dans  son  Histoire  de 
la  philosophie,  Londres,  i655.  H  y 
a  deux  traductions  françaises  accom- 
pagnées du  texte  :  l'une  du  marquis 
d'Argens  ,   avec  des   Dissertations 
sur  les  principales  questions  de  la 
viétaphjsique ,  de  la  physique  et  de 
la  morale  des  anciens ,  Herliu,  \  7685 
ouvrage  d'une  érudition  confuse  et 
téméraire,  comme  tous  ceux  de  ce 
laborieux  sophiste;  l'autre,  de  l'abbé 
Batteux  ,  Paris,   17G8,   traduction 
qui  avait  paru  déjà  en  partie  dans  le 
tome  XXXII  des  M émoires  de  l'aca- 
démie  des  inscriptions ,   mais   que 
l'auteur  revit  et  corrigea  pour  cette 
édition.  licite,  dans  les  notes  du  tex- 
te, les  variantes  de  deux  manuscrits 
(cotés   1  Si  5  et   i8l8)de  la  biblio- 
thèque du  Roi.  Ce  travail  laisse  peu 
de  chose  à  désirer  :  on  voudrait  scu- 


lement  que  le  traducteur,  moins  pré- 
venu ,  moins  dogmatique,  eût  été  plus 
capable  de  faire  un  parallèle  impar- 
tial entre  Tiraée  et  PJatou.  11  y  aurait 
peut-être  aussi ,  pour  établir  le  texte, 
quelques  nouveaux  secours  à  l'ecueil- 
lir  dans  les  diverses  bil)liotlièques  de 
l'Europe.  Don  Yriarte  (  Catalo^.^^. 
343  )  dit  qu'il  se  trouve  dans  celle  de 
Madrid  un  manuscrit  de  ce  Traité, 
avec  des  Scolies  inédites  ,  et  une  lon- 
gue Note  sur  les  ]\ ombres,  également 
inédite ,  à  la  fin  du  texte.  Ces  com- 
mentaires  ne   seraient  pas    inutiles 
pour  éclaircir  les  dilllcultés  qu'il  pré- 
sente encore  :  elles  tiennent  et  à  l'ex- 
trême concision  du  style,  et  à  l'obs- 
curité même  du  sujet.   L'ouvrage  , 
quoique  beaucoup  plus  simple  que  le 
Dialogue  de  Platon,  n'est  cependant 
point  élémentaire.  Proclus  a  dit  (m 
Tini.  )  que  le  livre  d'Ocellus  Lucanus 
{F.  ce  nom,  XXX.I,  4^4)  devait 
servir  d'introduction  à  celui  de  Ti- 
mée.  11  a  placé  lui-même  l'ouvrage 
du  philosophe  doLocres,  comme  ar- 
gument et  comme  préface,  à  la  tête 
du  Timée  de  Platon;  et  c'est  cette 
heureuse  idée  qui  a  fait  vivre  jusqu'à 
nous  le  Traité  de  V Aine  du  inonde. 
Les  savants    doivent  s'en   féliciter , 
quelle  que  soit   d'ailleurs    l'opinion 
qu'ils  adoptent  sur  l'authenticité  de 
cet  écrit.  Si  ce  n'est,   comme  l'ont 
pensé  l^e  Roy,  Meiners  et  Tenne- 
mann,  qu'un  extrait  du  Dialogue  de 
Platon ,  cette  analyse  a  toujours  beau- 
coup de  prix;  si  c'est  réellement  un 
ancien  manuel  des  doctrines  pytlia- 
goriques,  les  monuments  de  ce  genre 
sont  si  rares  qu'on  doit  s'applaudir 
surtout  de  pouvoir  liie  aùjourd'iuii  ce 
livre  qu'avait  lu  Platon ,  ce  livre  qu'il 
imite,  (|u'il  modifie,  dans  le  plus  su- 
blime de  ses  ouvrages ,  et  dont  le  pa- 
rallèle ne  saurait  nuire  à  sa  gloire , 
qui  no  craint  aucune  rivalité.   L-c. 


ri  M  73 

TIMÉE,  rhéteur  et  historien  grec, 
naquit  ,  vers  l'an  35o  avant  J.-C. , 
à  Tauromène ,  eu  Sicile  ,  ville  fon- 
dée par  son  père  Andromaque  ,  au 
temps  d'Agathocles  et  de  Plolémée- 
Philadclplie.  Il  écrivit  plusieurs  li- 
vres ,  entre  autres  une  Histoire  gé- 
nérale de  la  Sicile ,  une  Histoire  des 
guerres   de  Pyrrhus ,  et  un  grand 
nombre  d'ouvrages  sur  divers  sujets 
de  rhétorique  :  ces  productions  ne 
sont  point  parvenues  jusqu'à  nous. 
M.  Gœller  en  a  recueilli  divers  frag- 
ments   dans   un   ouvrage   intitulé  : 
De   situ  et  origine  Sjracusanan , 
Leipzig,    1818,    in  -  8°.    Cicéron 
a  fait  l'éloge  de  l'éloquence  de  Ti- 
mée, dans  le  deuxième  livre  de  l'O- 
rateur. Longin  n'en  a  pas  parlé  aussi 
avantageusement; il  l'accuse  de  trop 
de  penchant  à  la   critique.  Diodore 
de  Sicile  en  dit  autant,  et  il  ajoute 
que  ce  défaut  lui  fit  donner  avec  rai- 
son le  surnom  à'Epitimée,  c'est-à- 
dire  correcteur  {h.  y,  c  3  ).  Chasse' 
de  nie  par  Agathocles ,  et  ne  pouvant 
se  venger  de  ce  prhice  ,  tant  qu'il  fut 
sur  le  trône,  Timée  l'accabla  ,  après 
sa  mort,  de  toute  sorte  de  reproches, 
ajoutant  à  ses  vices  réels  un  grand 
nombre  de  vices  imaginaires,  rabais- 
sant toujours  ses  succès  ,  et  lui  impu- 
tant les  torts  de  sa  fortune.  Bien  qu'il 
soit  constant  ,  par  le  témoignage  de 
tous  les  anciens  ,  qu'Agathocles  ex- 
cella dans  la  science  et  la  prudence 
militaires,  et  que ,  dans  les  plus  grands 
dangers,  il  fit  preuve  d'une  singulière 
présence  d'esprit  et  d'une  hardiesse 
merveilleuse  ,  Timée  ne  cesse  ,  dans 
tout  le  cours  de  son  Histoire,  de  l'ap- 
Dcler  un  homme  lâche  et  sans  res- 
source. Diodore,  touteu  louant  l'exac- 
titude deTiméedans  les  choses  où  il 
ne  pouvait  satisfaire  sa  malignité,  le 
reprend  de  son  atTectation  à  rendre 
peu  de  justice  à  Agathocles  (  P'of. 


74  TIM 

ce  nom  ,  I  ,  284  ) ,  et  d'avoir 
sacrifie  à  sa  vengeance  personnelle 
l'amour  de  la  vérité,  premier  ob- 
jet que  doit  se  proposer  un  histo- 
rien. Il  fait  ressortir  les  coutradic- 
tions  de  cet  auteur  qui  ,  relevant , 
dans  toutes  ses  pages  ,  la  valeur  des 
Syracusains,  accuse  de  lâclielë  celui 
qui  les  a  soumis.  Strabon  l'appelle 
envieux ,  médisant ,  et  ces  accusa- 
tions ont  été  répétées  par  Polybe, 
Plutarque,  elc.  Il  est  rare  qu'à  côté 
de  son  nom  on  ne  voie  pas  quelque 
épilliète  injurieuse,  telle  que  wWZZe 
conmière ,  calomniateur  ^  d'un  au- 
tre côté,  Cicéron  le  cite  comme  un 
modèle  de  c*^  style  asiatique ,  qui 
commença  à  prévaloir  après  la  prise 
deRliodes.  On  ])rétend  même  que  ses 
ouvrages  se  faisaient  remarquer  jiar 
l'exactitude  des  détails  géogia])lii- 
ques ,  et  qu'il  fut  un  des  premiers  à 
faire  usage  de  la  chronologie  dans 
son  histoire  grecque;  malgré  tout  ce 
qu'on  a  dit  en  faveur  de  cette  inno- 
vation ,  il  faut  convenir  que  ïimée 
augmenta  les  difficultés  par  les 
moyens  mêmes  emjdoyés  pour  les 
vaincre.  En  adoptant,  à  l'exemple 
d'Hérodote,  le  système  des  Égyp- 
tiens ,  fondé  sur  le  principe  aussi 
faux  qu'hy])Othétique  d'une  période 
uniforme  (de  lirutc-lrois  ans  )  pour 
les  générations  et  les  règnes,  il  ne 
pouvait  qu'ajouter  à  l'incertitude  ré- 
pandue sur  1rs  traditions  des  temps 
primitifs  de  la  (irt'ce.  Chassé  de  la 
Sicile,  pour  des  menées  oligaiclii- 
qiies,  Timée  n'était  pas  moins  l'ad- 
mirateiirle  ])lus  ardentdcTimoIéon, 
qui  .  selon  Cicéron  (3),  doit  la  ])lus 
grande  partie  de  sa  gloire  au  bun- 
îieiir  d'avoir  eu  un  historien  comme 
Timée.  Si  en  exaltant  les  vertus  de 
l'ancien  libérateur  de  Syracuse,  »e- 

(:<)  /■>/</.  ad  jiimil.  ,  IV  ,    11,  seil.  •.■/|. 


ÏIM 

lui-ci  ne  s'était  ])roposé  d'autre  but 
que  de  susciter  des  ennemis  à  l'op- 
presseur de  sa  patrie,  il  ne  se  trom- 
pa pas  ;  car  Agathocles  au  faîte  de  la 
grandeur,  fut  empoisonné  dans  son 
palais  (  289  avant  J.-C.  )  ,  et  par 
ordre  de  son  propre  neveu.  Timée 
n'était  pas  moins  excessif  dans  ses 
éloges  que  dans  ses  invectives  , 
puisqu'au  rapport  de  Suidas  ,  il 
mit  Tiinoléon  au-dessus  des  dieux. 
Plutarque  l'a  condamné  sur  des  pué- 
rilités qui  se  rapportent  à  un  lieu 
commun  que  l'ancienne  histoire  cul- 
tivait beaucoup  ,  la  compilation 
des  bons  et  des  mauvais  présages. 
D'autres  lui  ont  reproché  l'origine 
fabuleuse  qu'il  a  donnée  à  des  villes 
de  Sicile.  Il  vécut  fort  tranquille  à 
Athènes,  lieu  de  son  exil  ,  où  il  ter- 
mina sa  carrière  à  l'âge  de  g6  ans  , 
si  l'on  en  croit  Lucien.  M — g — r. 
TIMÉE  le  Sophiste,  grammai- 
rien, dont  l'époque  est  incertaine,  a 
laissé  un  Dictionnaire  spécial  de  lo- 
cutions jdatoniques  (è/.  twv  toù  Ulx- 
Twvoç  lé'^EMv),  qu'il  accompagne  de 
courtes  explications.  Le  nom  du  Ro- 
main auquel  il  le  dédie  pendant  les 
saturnales,  Gentianus  ,  répand  fort 
peu  de  himière  sur  l'âge  de  l'auteur: 
il  faudrait  le  croire  postérieur  au 
philosophe  Porphyre,  si  l'article  où 
se  trouve  le  nom  de  Porphyre  (  OOx 
>9/.t(7Ta)  n'était  pas  évidemment  in- 
terpolé, comiiie  beaucoup  d'autres 
de  ce  Lexique,  oii  l'on  rencontre,  par 
cxem])le,  (pielcpies  expressions  d'Hé- 
rodote. 11  est  ridicule  d'iiuaginer  , 
comme  l'a  fait  IMeursiiis  ,  que  le  py- 
thagoricien Timée  de  Locres  soit 
l'auteur  de  cette  compilation.  Jonsiiis 
(  (le  Srriptor.  histor.  philos.,  1,6) 
l'attribue,  avec  aussi  peu  de  fonde- 
ment ,  à  'l'imée  de  Cy/.ique  ,  discijde 
de  Plalun.  On  .lurait  |)u  songer  en- 
coi<'   à    Timée   l'iiistorieu ,' puis(|iif: 


TIM 

Suidas  a  cite ,  comme  étant  de  cet 
illustre  e'crivain,  un  Recueil  d'Argu- 
ments de  rhétorique,  en  soixante-huit 
livres  (  2u).^oyy!  ônzopt/Mv  àooou.ôjv, 
jStÇ/j'a  Sri);  mais  il  est  probable  que 
Suidas  se  trompe ,  et  il  est  bien  plus 
sûr  de  donner  cet  ouvrage  même  au 
sophiste  qui  a  rédige  le  Lexique  sur 
Platon.  S'il  était  permis  de  conjec- 
turer sans  induction  suffisante ,  on 
pourrait  placer  ce  Timëe  entre  le 
second  et  le  quatrième  siècle  de  notre 
ère ,  époque  si  féconde  en  compila- 
teurs de  ce  genre  j  mais  comment  as- 
signer une  date  précise  à  un  gram- 
mairien obscur  ,  qui  s'est  contenté 
peut  -  être  de  recueillir  par  ordre 
alphabétique  les  gloses  marginales 
éparses  dans  les  manuscrits  de  Pla- 
ton ,  ou  d'abréger  les  Dictionnaires 
platoniques  d'Harpocration  et  de 
Boëthus,  perdus  aujourd'hui ,  mais 
autrefois  celèljres?  Plusieurs  des  No- 
tes qu'il  a  rassemblées  sont  repro- 
duites dans  le  Grand  Etymologique  , 
dans  Suidas,  dans  le  Lexique  de  Pho- 
tius.  Un  lexicographe  est  nécessaire- 
ment plagiaire  :  il  ne  peut  avoir  que  le 
mérite  du  choix.  Sous  ce  rapport ,  le 
Recueil  de  Timée  est  d'une  faible  va- 
leur, et  c'est  au  travail  de  son  éditeur 
qu'il  doit  presque  tout  son  prix.  Telle 
est  la  destinée  de  ces  vieux  glossaires  : 
leurs  citations  les  plus  insignifianlcs, 
leurs  inutilités,  leurs  erreurs  mêmes ^ 
font  naître  quelquefois  de  précieux 
rapprochements  ,  des  observations 
neuves  ,  qui  enrichissent  la  science, 
et  dont  s'enorgueillit  la  critique.  Un 
assemblage  de  phrases  tronquées,  de 
mots  pris  au  hasard,  tristes  débris  des 
trésors  de  l'antiqnité,  est  pour  les  Riili- 
neken,  les  Hemstcrhuys,  une  source  de 
découvertes.  Le  Lexique  de  Timée  , 
que  Photius  avait  lu  (for/.  iS  i ,  i54, 
i55  ),  ne  s'est  retrouvé,  avec  d'au- 
tres glossaires  ,  que  dans  un  manus- 


TIM  75 

crit  du  dixième  siècle ,  conservé 
autrefois  dans  la  bibliothèque  de 
Coislin  ,  qui  fut  depuis  celle  de  l'ab- 
baye Saint-Germaiu-des-Prés.  On  ne 
connaissait  l'ouvrage  que  par  l'ex- 
trait ,  souvent  fautif,  que  D.  Bern. 
de  Monlfaucon  en  aA'ait  donné  ,  en 
1 7 1 5  ,  dans  sa  Bibliotheca  Coisli- 
niana ,  pag.  477  y  lorsque  Jean  Cap- 
pcronnicr  en  fît  parvenir  une  copie 
au  savant  Dav.  Ruhneken  (  Foj.  ce 
nom  ,.XXX1X  ,  297) ,  qui  la  publia 
avec  d'excellentes  IS  otes  ,  dont  quel- 
ques-unes sont  d'Henisterhuys ,  Ley- 
de,  1754,  in -8".  J.-Frid.  Fischer 
réimprima  le  texte ,  en  abrégeant  les 
Notes,àlasuitedeMoERis  Vatticiste, 
Leipzig,  1755^  in-8'\  \'illoisoii, 
dans  son  Lonpis  ,  pag.  17g,  accu- 
sait Capperonnier  d'avoir  été  copiste 
négligent.  Ruhneken  profita  des  ob- 
servations du  savant  français  dans  la 
seconde  édit.  qu'il  publia  du  Lexique, 
Leyde,  1789,  in-80.,  avec  d'impor- 
îautes  augmentations.  11  est  à  re- 
gretter cependant  qu'il  ne  se  soit  pas 
procuré  une  seconde  collation  du  ma- 
nuscrit. L — c. 

TIMOCRÉON,  athlète  et  poète 
comique rhodicn, né vtrs l'an  47^^'^* 
J.-C.  ,  se  rendit  célèbre  tout-à-la-fois 
par  ses  comédies  et  par  sa  gourman- 
dise. Il  était  très-vorace  et  très-sati- 
rique. Dans  ses  pièces  de  théâtre , 
ainsi  que  dans  ses  chansons  ,  il  dé- 
chira sans  pitié  Théinistocle  et  Si- 
monide.  Élien  (  Hist.  Dii>.  ,  liv.  i , 
c.  27  )  le  cite  parmi  les  plus  grands 
mangeurs.  Athénée  (  Banquet  des 
Sept-Sages,  liv.  x,  ch.  9)  rapporte, 
à  son  sujet,  le  passage  suivant,  extrait 
d'une  des  Préfaces  deThrasimaque  le 
Macédonien  :  «  Timocréon,  étant  allé 
«  chez  le  roi  de  Perse  y  reçut  l'hos- 
»  pitalilé,  et  mangea  considérable- 
»  ment.  I^e  roi  lui  demanda  ce  qu'il 
))  allait  faire  après  cela.  Je  vais,  dit- 


f)  TIM 

■»  il  ,  broyer  uu  grand  nombre  de 
»  Perses.  Eu  effet  ,  il  en  vainquit 
»  plusieurs.  Le  lendemain ,  il  se  mit 
))  à  gesticuler. — Que  veut  donc  dire 
»  cette  agitation  de  tes  bras  ,  lui  de- 
»  manda-t-on?  C'est,  répondit-il, 
»  qu'il  me  reste  autant  de  coups  à 
»  donner.  »  Il  ne  nous  est  parvenu, 
de  ce  satirique,  que  quelques  frag- 
ments j  insérés  dans  le  Corpus  poe- 
tariim  grcecorum  ,  Genève,  1606 
et  i6i4,  2  vol.  in-fol.  Simonide  lui 
composa  une  épilaphe  ,  dont  voici  la 
traduction  :  «  Ci-gît  Timocréon  le 
»  Rhodien ,  qui  passa  sa  vie  à  raau- 
»  ger ,  à  boire  et  à  dire  du  mal  de 
»  tout  le  monde.  »         IM — g — r. 

TIMOLÉON  ,  né  à  Corinthe ,  vers 
l'an  4 10  av.  J.-C.  ,  avait  pour  père 
Timodème,  selon  Plutarque,  Timé- 
nède  ,  selon  Diodore  ,  et  pour  mère 
Démariste,  noble  couple  issu  des  pre- 
mières familles  de  la  république.  Dès 
son  jeune  âge  ,  il  annonça  des  vertus 
dont  la  perfection  lui  donnait  plus 
d'un  trait  de  ressemblance  avec 
Épamiuondas,  qu'il  avait  pris  pour 
modèle.  A  la  valeur  du  soldat,  il  joi- 
gnait une  prudence  consommée.  Son 
extrême  douceur  dans  les  relations 
privées  faisait  j)lace  à  une  fermeté 
inébranlable  quand  il  s'agissait  de 
défendre  les  intérêts  publics.  Il  n'a- 
vait qu'une  passion,  (et  cliezies  Grecs, 
cette  passion  était  la  première  vertu) , 
c'était  sa  haine  pour  la  tyrannie. 
Timophanes  ,  frère  aîné  de  Timo- 
léon ,  n'avait  ni  ses  principes  ,  ni  ses 
vertus  ;  mais  il  possédait  certaines 
qualités  biillantcs  ,  qui,  dans  les  dé- 
mocraties, séduisent  la  multitude.  Un 
courage  aveugle  et  présomj)tueux  lui 
avait  attiré  la  confiance  des  Corin- 
thiens ,  qui  l'élevèrciit  plusieurs  fois 
au  commandement  de  leur  armée. 
Comme  il  s'exj)osait  témérairement 
devant  l'ennemi,  il  lui  arriva  sou- 


TIM 

veut  de  compromettre  le  salut  de  ses 
troupes  :  Timoléon  était  toujours  là 
pour  réparer  les  fautes  de  son  frère  • 
et  dans  une  bataille  contre  les  Ar- 
giens  il  lui  sauva  la  vie.  Timopha- 
nes, abusant  de  ses  richesses  et  de  son 
crédit  ,  s'était  composé  une  cour 
d'hommes  corrompus  ,  qui  l'exhor- 
taient sans  cesse  à  s'emparer  de  l'au- 
torité ;  il  crut  en  avoir  le  droit  :  les 
Corinthiens  lui  eu  donnèrent  bientôt 
les  moyens,  en  lui  laissant  ,  pen- 
dant la  paix,  une  garde  de  quatre 
cents  hommes  ,  dont  il  fit  bien- 
tôt des  satellites.  Tandis  qu'il  s'atta- 
chait la  pojjulace  par  ses  largesses  , 
il  se  créait  des  partisans  parmi  les 
nobles  ,  en  promettant  de  les  ad- 
mettre au  partage  du  pouvoir.  Dès 
ce  moment ,  il  agit  en  maître ,  et  fit 
traîner  au  supplice  les  citoyens  qui 
lui  étaient  suspects.  Timoléon  avait 
jusqu'alors  veillé  avec  une  sollicitude 
discrète  sur  la  conduite  et  sur  les 
projets  de  son  frère.  Dans  l'espoir 
de  le  ramener  ,  il  tâchait  de  je- 
ter un  voi'e  sur  ses  fautes ,  et  de 
relever  l'éclat  de  quelques  actions 
honnêtes  qui  échappaient  par  hasard 
à  cet  ambitieux.  Indigné  enfin  de 
voir  la  tyrannie  s'établir  de  son  vi- 
vant et  du  sein  même  de  sa  famille,  il 
peint  vivement  à  Timophanes  l'hor- 
reur de  ses  attentats,  le  conjured'ab- 
diquerauplutôtun  pouvoir  odieux, et 
de  satisfaire  ])ar  cette  noble  démarche 
aux  mânes  des  victimes  immolées  à 
ses  coupable  projets.  Timophanes 
est  sourd  aux  conseils  d'un  frèi'e 
jusqu'alors  si  dévoué ,  mais  qui  bien- 
tôt va  n'être  plus  (pie  le  vengeur  de 
sa  patrie.  Quelques  jours  après,  Ti- 
moléon revient che/, le  tyran, accom- 
pagné de  deux  de  leurs  amis  com- 
muns, dontl'un  élait  Eschyle,  beau- 
frère  même  de  Timo|)hanes.  Ils  lui 
rcilèrenl  les  mêmes  [)ricrcs  :  ils  le 


TIM 

conjurent  an  nom  du  sanj; ,   de  l'a- 
miiie,  de  la  patrie.  Timophanes  leur 
répond    d'abord  par   une    dérision 
amère ,  puis   par    des  menaces    et 
des  fureurs.  On  était  convenu  que,  de 
sa   part,  un  refus  positif  d'abdiquer, 
serait  le  signal  de  sa  perle.  Les  deux 
amis,  fatigués  de  sa  résistance,  lui 
plongent  un  poignard  dans  le   sein, 
tandis  que  Timoléon ,  la  tête  cou- 
verte d'un  pan  de  son  manteau ,  fon- 
dait en  larmes,  dans  un  coiu  de  l'ap- 
partement On    ne  saurait  exprimer 
l'effet  que  produisit  dans  la  famille 
de  Timopliaues  ,  et  dans  Corintlie, . 
la  nouvelle  de  ce  fratricide ,   com- 
mandé par  un    faroucLe  patriotis- 
me. Démariste  perdit  l'usage  de  ses 
sens  ;  et  cette  malheureuse  mère  ne 
les  reprit  que  pour  maudire  le  seul 
fds  qui  lui  restait.  Timoléon  n'eut 
pas   même   l'espérance   de    la    flé- 
chir  un    jour    :    renfermée    dans 
son     appartement  ,    elle    protesta 
que  jamais  elle  ne  reverrait  le  meur- 
trier   de   Timophanes.    Parmi     les 
Corinthiens ,  les  uns  vantnient  l'ac- 
tion de    Timoléon    comme  le   der- 
nier effort  de  la  vertu  ,    les    autres 
la  détestaient  comme   le  plus  noir 
forfait.  Le  plus  grand  nombre,  en 
approuvant  la  mort  du  tyran,  ajou- 
tait   que   tous    les  citoyens   étaient 
en  droit  de  lui  arracher  la  vie ,  ex- 
cepté   son    frère.  On   intenta  con- 
tre  Timoléon    une    accusation    qui 
n'eut  pas  de  suite.  Dès  qu'il  s'aperçut 
que  son  action  était  condamnée  par 
presque    tous    ses    concitoyens  ,    il 
douta  de   son  innocence ,  et  résolut 
de  renoncer  à  la  vie.  Ses  amis  ,  à 
force  de  prières  et  de  soins  ,  l'enga- 
gèrent à  prendre  quelque  nourriture; 
mais  ne  purent  jamais  le  décider  à 
rester  à  Corinthe.  Long  -  temps  il 
erra  dans  des  lieux  solitaires,  occupé 
de  sa  douleur  ,  et^  sans  doute^  tour- 


TIM 


77 


mente  par  ses  remords.  Il  passa  quel- 
ques années  dans  cet  exil  volontaire, 
et  vingt  ans  loin  des  affaires  publi- 
ques. Mais  il  était  destiné  à  y  repa- 
raître plus  tard  avec  une  gloire  sans 
mélange  :  il  devait   rendre    nu  jour 
h   une   autre    république   la    liberté 
sans  avoir  un  nouveau  crime  à  se 
reprocher.  Les  Syracusains,  accablés 
pour  la  seconde  fois  sous  la  tyrannie 
de  Denys-le-Jeune  ,  réclamèrent,  l'an 
343  avant  J.-C. ,  les  secours^  des  Co- 
rinthiens ,  dont  ils  tiraient  leur  ori- 
gine. Ces  derniers  n'hésitèrent  pas  à 
lever  des  troupes;  mais  comme  ils 
balançaient  sur  le  choix  du  général  , 
une  voix  nomma  Timoléon ,  et  fut 
suivie    à    l'instant    d'une    acclama- 
tion universelle.  L'accusation  intentée 
contre  lui  n'était  encore    que  sus- 
pendue :  les  juges  en    remirent  la 
décision  à  sa  conduite  à  venir  :  «  Ti- 
»  moléon,  lui  dirent-ils,  selon  !a  ma- 
»  nière  dont  vous  agirez  en  Sicile  , 
»  nous  conclurons  que  vous  avez  fait 
»  mourir  un  frère  ou  un  tyran.  »  Les 
Syracusains  étaient  alors  sans  l'es- 
sources.  Icétas  ,  tyran  de  Léontium 
dont  ils  avaient  demandé  l'appui,  ne 
songeait  qu'à  les  asservir  :  il  venait 
de  se  liguer  avec  les  Carthaginois, 
(jui   furent  les  constants  rivaux  de 
la  puissance  svracusaine,  avant  de 
devenir  les  plus  dangereux  ennemis 
de  Rome.  Maître  de  Syracivse  ,  Icé- 
tas tenaitDenys-le- Jeune  assiégé  dans 
la  citadelle.   La  flotte   de  Carthage 
croisait  aux  environs,  pour  intercep- 
ter celle  de  Corinthe.  Timoléon  par- 
tit avec  dix  galères  et  un  petit  nom- 
bre de  soldats  :  malgré   la  supério* 
rite  du  nombre  des  ennemis  il  abor- 
de en   Italie  ,  et  se  rend  bientôt  à 
Tauromsenium   en  Sicile.   Un   pre- 
mier avantage  qu'il  obtient  près  d'A- 
dranum  ,    sur    les    troupes    d'Icé- 
tas  ,  change  tout-à-coup  la  dispo- 


îB 


TIM 


sition  des  esprits  et  la  face  des  af- 
faires :  la  re'volution  fut  si  prompte , 
que  cinquante  jours  après  son  arri- 
vée en  Sicile ,  Timoléou  vit  les  peu- 
ples de  cette  île  briguer  son  alliance  ; 
quelques-uns  des  tyrans  joindre  leurs 
forces  aux  siennes  ;  enfin  Denys  lui- 
même,  toujours  assie'gé  par  Icëtas,se 
rendre  à  discrétion  et  lui  remettre  la 
citadelle  de  Syracuse  ,  avec  ses  tre'- 
sors  et  ses  troupes.  Timolëon  traita 
avec  douceur  le  tyran  déchu,  et  le 
renvoya  sur  une  galère  à  Coi'inthe  , 
où  son  existence  obscure  donna,  pen- 
dant vingt  ans,  aux  Corinthiens  ,  un 
exemple  éclatant  des  jeux  de  la  for- 
tune. Mais  ïimoléon  n'était  pas  au 
terme  de  ses  travaux  :  Icétas ,  sou- 
tenu par  les  Carthaginois ,  était  tou- 
jours maître  de  Syracuse;  et  il  se 
mit  en  devoir  d'assiéger  la  garnison 
corinthienne,  qui  avait  remplacé  les 
troupes  de  Denys  dans  la  citadelle  j 
Timoléon,quiétaitàCatane  avec  sou 
armée ,  trouve  moyen  de  diviser  les 
forces  de  l'ennemi ,  qui  ne  peut  em- 
pêcher les  Corinthiens  de  la  citadelle 
de  se  rendre  maîtres  du  quartier  de 
Syracuse  appelé  Achradine.  Lui- 
même  marche  vers  cette  ville  avec 
toutes  ses  forces  ;  il  est  précédé  par 
des  émissaires  ,  qui  font  sentir  aux 
Siciliens  que  commande  Icétas  la 
honte  de  livrer  leur  patrie  aux  Car- 
thaginois. Le  général  de  Cartilage, 
Magon  ,  instruit  de  cetlc  tentative  , 
et  craignant  que  les  Siciliens,  ébran- 
lés par  ces  discours  ,  ne  s'unissent 
aux  Corinthiens ,  se  retire  avec  ses 
troupes.  Le  lendemain  ,  Timoléou 
fait  attaquer  Syracuse  de  trois  cô- 
tés ,  et  s'empare  de  celte  ville  ,  qui 
dès  ce  moment  recouvre  la  liber- 
té. Pour  lui  en  assurer  à  jamais  la 
jouissance  ,  il  invita  les  Syracusains 
à  détruire  la  citadelle,  (jiii,  servant 
de  place  d'armes  aux  tyrans  ,  avait 


TIM 

toujours  garanti  leur  puissance.  Les 
Syracusains  en  étaient  si  convaincus, 
qu'ils  surent  peut-être  plus  de  gré  à 
Timoléou  de  la  démolition  de  cette  ci- 
tadelle ,  que  de  leur  délivrance  même. 
Tous  ,  armés  de  pics  et  de  pioches  , 
se  mirent  à  l'ouvrage;  un  seul  jour 
vit  détruire  et  celte  menaçante  forte- 
resse que  le  Corinthien  Dion,  premier 
libérateur  de  Syracuse  ,  avait  épar- 
gnée à  cause  de  sa  magnificence  ;  elle 
palais  des  tyrans,  et  jusqu'à  leurs 
tombeaux.  Sur  les  débris  de  la  cita- 
delle, Timoléou  fit  établir  des  tribu- 
naux :  ainsi  le  repaire  de  la  tyrannie 
disparut  pour  faire  place  au  sanc- 
tuaire des  lois.  Mais  Syracuse  était 
presque  déserte  :  l'herbe  croissait 
dans  les  rues  à  une  telle  hauteur  , 
dit  Plutarque  .  que  les  chevaux  y 
paissaient  à  l'aise  ;  les  autres  villes 
de  Sicile ,  hoi'S  un  très-petit  nombre, 
n'étaient  plus  que  de  vastes  solitudes , 
toutes  remplies  de  cerfs  et  de  san- 
gliers. Tel  était  le  triste  résultat  de 
vingt  années  de  guerres  civiles  et  étran- 
gères. Le  fer  avait  moissonné  une 
partie  des  habitants  ;  les  autres ,  en 
grand  nombre  ,  s'étaient  dérobés  à 
l'oppression  par  la  fuite,  et  ils  vi- 
vaient dispersés  dans  la  Grèce,  dans 
les  îles  de  la  mer  Egée  et  sur  les  cotes 
de  l'Asie-Mineure.  Les  Corinthiens, 
à  la  prière  de  Timoléou  et  des  Syra- 
cusains, envoyèrent  partout  des  dé- 
putés pour  engager  ces  enfants  de  la 
Sicile  à  retourner  dans  leur  patrie. 
Dix  mille  se  rendirent  à  Corinthc  ; 
mais  comme  ils  n'étaient  j)as  assez 
nombreux  pour  repeupler  l'île,  les 
Corinthiens  firent  ])ublier  ,  aux  jeux 
solennels  de  la  Grèce,  qu'ils  recon- 
naissaient l'indépeiulancc  de  Syra- 
racuse  et  de  toute  la  Sicile.  A  ce  mot 
de  liberté ,  qui  retentit  aussi  dans  la 
Grande-Grèce,  soixante  mille  hom- 
mes   vinrent  à  Syracuse  ,   les   uns 


TIM 

pour  y  jouir  des  droits  de  citoyens , 
les  autres  pour  être  distribues  dans 
l'intérieur  de  l'île.  ïimole'on  leur 
partagea  gratuitement  les  terres 
vacantes;  mais  il  vendit  les  maisons. 
Les  anciens  propriétaires  qui  voulu- 
rent conserver  les  leurs  furent  obli- 
gés de  les  racheter.  Cette  infraction  à 
la  propriété ,  qu'on  ne  prétend  pas 
justi/ier,  eut  pour  motif  la  néces- 
sité de  se  procurer  des  fonds  pour 
les  premiers  besoins  du  peuple ,  et 
pour  les  dépenses  de  la  guerre.  Ti- 
moléon  fit  aussi  vendre  à  l'encan 
les  statues  des  tyrans,  qui  furent 
jugées  et  condamnées  à  la  pluralité 
des  voix ,  comme  des  criminels  qu'on 
aurait  cités  en  justice  :  il  n'y  eut  de 
conservées  que  les  statues  de  Gélon  , 
dont  le  nom ,  fameux  par  des  victoi- 
res sur  les  Carthaginois  ,  était  tou- 
iours  cher  aux  Syracusains.  Svra- 
cuse  commençait  a  sortir  de  ses  rui- 
nes ,  elle  était  libre  ;  mais  Timoléon, 
persuadé  que  sa  liberté  eût  reposé 
sur  des  bases  bien  peu  solides  si  la 
tyrannie  n'eût  été  bannie  du  reste 
de  la  Sicile,  marcha  contre  les  chefs 
audacieux  qui  opprimaient  encore 
quelques  cités.  Icétas  fut  forcé  de  re- 
noncer à  l'alliance  des  Carthaginois; 
ses  forteresses  furent  détruites  :  et  il 
se  vit  réduit  à  vivre  en  simple  parti- 
culier dans  Léontium,  sa  patrie.  Timo- 
léon obligea  ensuite  Leptiues  ,  tyran 
d'Apollonie  ,  de  se  rendre  à  discré- 
tion, et  l'envoya  à  Corinthe  rejoin- 
dre Denys-le- Jeune  :  car ,  dit  Plutar- 
quc ,  il  ne  trouvait  rien  de  plus  beau 
et  de  plus  honorable  que  de  faire 
voira  toute  la  Grèce  les  tyrans  de  la 
Sicile  réduits  à  cet  état  d'abaisse- 
ment. Timoléon  revint  ensuite  à  Sy- 
racuse :  le  gouvernement  de  cette 
république  avait  éprouvé  de  fréquen- 
tes révolutions;  sa  constitution  et  ses 
lois ,  ouvrage  de  Dioclcs ,  étaient  sans 


TIM 


70 


vigueur.  Timoléon  les  revit  avec  Ce- 
phalus  et  Denys,  deux  Corinthiens, 
qui  lui  servaient  de  conseillers.  Les 
lois  civiles  furent  conservées;  seule- 
ment ,  comme  elles  étaient  écrites  en 
vieux  langage ,  et  avec  une  précision 
qui  nuisait  à  leur  clarté,  elles  furent  ré- 
digées en  teriucsplusexplicites. Quant 
aux  lois  constitutionnelles,  elles  furent 
réformées  ,  de  manière  à  réprimer 
la  licence  du  peuple,  sans  nuire  à  la 
démocratie.  Les  Carthaginois,  alar- 
més de  la  prospérité  de  Syracuse  , 
débarquèrent  à  Lilybée,  sous  la  con- 
duite d'Asdrubal  et  d'Amilcar ,  au 
nombredesoixante-dixmillehommes. 
Timoléon  ,  avec  sept  mille  soldats  , 
ose  marcher  contre  eux.  Sur  quatre 
mille  mercenaires  qu'il  comptait  dans 
sa  petite  armée  ,  il  y  en  eut  mille  qui 
désertèrent,  en  disant  hautement  que 
leur  général  avait  ])erdu  le  sens ,  de 
vouloir ,  avec  une  poignée  d'hommes, 
affronter  une  armée  si  nombreuse. 
Timoléon,  loin  de  paraître  affligé  de 
cette  désertion,  se  félicite  de  ce  que 
les  lâches  se  soient  déclarés  avant  le 
combat.  Il  encourage  les  braves  qui 
lui  restent  ,  et  se  dirige  vers  les 
bords  du  Crimèse,  où  les  Carthaginois 
étaient  campés.  Comme  il  gravissait 
une  colline  du  haut  de  laquelle  il 
allait  découvrir  le  camp  ennemi ,  il 
rencontre  des  mulets  chargés  d'a- 
che,  plante  dont  les  Grecs  tressaient 
des  couronnes  pour  orner  les  tom- 
beaux. Les  soldats  ,  frappés  de 
cette  idée  sinistre  ,  regardent  cette 
rencontre  comme  un  mauvais  pré- 
sage ;  mais  Timoléon  leur  rappelle 
aussi  que  les  Corinthiens  étaientdans 
l'usage  de  couronner  d'ache  les  vain- 
queurs aux  jeux  isthmiques  :  «  Soyez 
«pleins  d'espérance,  s'écrie -t- il  , 
»  puisque  les  couronnes  de  la  vic- 
»  toire  viennent  s'offrir  à  vous  avant 
»  le  combat.  »  Ces  paroles  inspirent 


i^o 


TIM 


une  noble  confiance.  Parvenu  au  haut 
de  la  eoUine,  Timoleon  aperçoit  dix 
mille    hommes    d'inf'auterie  pesam- 
ment armée  ,  formant  l'elite  des  trou- 
pes de  Cartbage ,  qui  se  disposent  à 
passer  les  premiers  le  fleuve.  Il  pro- 
fite du  moment  où ,  selon  l'expression 
de  Pkitarque  ci  la  rivière  lui  livre  des 
•;)  ennemis  en  tel   nombre   qu'il  lui 
»  plaît  de  les  attaquer  ,  »  et  fond  sur 
eux   avant  qu'ils   aient  eu  le  temps 
de    se    former    sur    la    rive    qu'ils 
viennent  d'atteindre.  Lui-même  don- 
ne l'eKenipie  aux  ])Uis  résolus  :   se 
couvrant  de  son  bouclier,  il  cric  à 
son  infanterie  de  le  suivreet  de  bien  es- 
pérer;sa  vois, qui  parvient  jusqu'aux 
derniers  rangs,  paraît   aux   soldats 
non-seulement  plus  forte  que  de  cou- 
tume, mais  entièrement  surnaturelle. 
Leur  confiance  superstitieuse  a  déjà 
doublé  leurs  forces ,  quand  un  ora- 
ge, mêlé  d'éclairs  et  de  tonnerres, 
s'élève  du  haut  des  montagnes ,  que 
les  Grecs  ont  à  dos ,  et  pousse  des 
torrents     de    pluie    au    visage    des 
Carthaginois.    Ceux-ci,    couverts 
d'armes  pesantes  et  que  l'eau  pénè- 
tre de  toutes  parts  ,   ne  peuvent  se 
soutenir  sur  un  terrain  fangeux.  Dès 
ce  moment    les   Grecs    sont    vain- 
queurs :  trois  mille  Africains  d'élite 
périssent  par  le  fer  :  un  p'us  grand 
nomhrede  leurs  mercenaires  se  noient 
dans  le  Crimèse  ,  grossi  par  la  pluie 
et    encore  plus    par    la     multitude 
qui   le  passe  et   le  repasse   en  dé- 
sordre.   Les   Grecs    s'emparent    du 
camp  ennemi ,  et  y  font  un  butiu  im- 
mense :  il  s'y  trouva  une  si  grande 
quantité  d'or  et  d'argent ,  qu'on  ne 
se    donnait  pas  la  peine  de  ramas- 
ser le  fer  et  le  cuivre.  Le  nombre  des 
prisonniers,  mis  eu  commiui ,  s'éle- 
va à  plus  de  cinq  mille,  nombre  égal 
à    celui    des    vainqueurs.    Dans    la 
joie  de  cette  journée,    comparable 


TIM 

à  la  victoire  d'Himère,  remportée  par 
Gélon,  Timoleon  n'oublia  point  sa 
patiie  :  il  envoya  en  Grèce  les  plus 
belles  armes  prises  sur  les  Cartha- 
ginois ,    pour    décorer  les   temples 
de  Corinthe.  A  son  retour  à  Syra- 
cuse, il  bannit  les  mille  soldats  qui 
l'avaient  abandonné:  ces  lâches  pas- 
sèrent en  Italie,  et  furent  massacrés 
par  les   Bruttiens,   Timoleon    avait 
vaincu  les  tyrans  ;  mais  il  ne  les  avait 
pas  changes.   Icétas,  et   Mamercus 
oppresseur  de  Catane,  avaient  repris 
les  armes  ,  après   s'être   assures  de 
l'appui  des  Carthaginois.  Les  troupes 
que  Timoleon  envoya  contre  eux  fu- 
rent défaites;  mais  tout  changea  de 
face  lorsque  le  vainqueur  du  Crimèse 
marcha    contre    eux    en    personne. 
Après  avoir    défait  Icétas  près  de 
Calaurie  ,  il   l'assiégea   dans   Léon- 
tium  ,  et  le  fit  prisonnier  avec  toute 
sa  famille  et  ses  principaux  officiers. 
Icétas ,  et  son  fils  Eupolème  furent 
mis  à  mort  comme  tyrans  et  comme 
traîtres.  Celte  exécution  était,  sans 
doute,  commandée  par  l'intcrct  pu- 
blic :  on  pourrait  en  dire  autant  du 
supplice  d'Euthyme  ,  général  de  la 
cavalerie cV Icétas ,  qui  paya  de  sa  vie 
ses  railleries   contre  les  soldats  de 
Timoleon,  qu'il  allectait  de  nommer 
des  femmes  cormthieTines  ;  mais  ce 
qu'on  doit  reprocher  au  libérateur 
de  Syracuse,  c'est  d'avoir    traduit 
devant  le  peuple  et  fait  condamner 
à  mort  la  fVmme  et  les  filles  d'Icétas. 
Ce  n'était,  il  est  vrai  ,  qu'une  repré- 
saille  ,  car  ce  tyran  avait  fait  périr 
l'épouse  et  la  sœur  de  Dion  ;   mais 
jamais  un  crime  n'en  peut  justifier 
un  autre.  Timoleon  marcha  ensuite 
coiilie  le  tyran  de  Catane,  Mamercus, 
qui  l'attendit  de  jiied  ferme  au  bord 
d'une  ])etite  rivière  nommée  Abolus, 
par  Pliitanpie  ,  et   Alafius   ou  Ala- 
bon  dans   le    géographe    Ploléiuce. 


TIM 

Mamercus  fnt  défait;  et  les  Carthagi- 
nois ,  qui  avaient  combattu  pour  sa 
cause, renonçantà  son  alliance,deraau- 
dèient  la  paix  à  Timoléon  ,  qui  leur 
en  dicta  les  conditions.  Par  la  princi- 
pale, ils  s'engageaient  à  ne  plus  don- 
ner leur  appui  aux  tyrans.  Mamercus 
ne  trouva  plus  d'asile  que  chez  Hip- 
pon,  tyran  de  Messine.  Tinioiëon 
vint  assiéger  cette  ville  par  terre  et 
par  mer.  Hippou,  qui  voit  ses  con- 
citoyens soulevés  contre  lui  ,  tandis 
que  son  ennemi  le  presse ,  veut  fuir 
sur  une  galère.  Les  Messinois  se 
saisissent  de  sa  personne  ,  l'exposent 
sur  le  théâtre ,  où  ils  font  venir  ious  les 
enfants  des  écoles  ,  pour  leur  don- 
ner le  spectacle  de  la  punition 
d'un  tyran  :  puis  ils  le  battent  de 
verges  et  le  mettent  à  mort.  Bla- 
mercus  ,  menacé  lui-même  par  les 
Messinois  ,  se  rend  ,  à  condition 
qu'il  sera  jugé  par  les  Syracusains  , 
sans  que  Timoléon  se  porte  son 
accusateur.  Il  fut  donc  conduit  à 
Syracuse  et  mené  devant  le  peu- 
ple. Mamercus^  qui  se  piquait  d'ê- 
tre à-la-fois  poète  et  orateur ,  avait 
préparé  un  discours  pathétique;  mais 
jugeant ,  aux  murmures  qu'il  enten- 
dait de  toutes  parts ,  que  ses  phrases 
manquaient  leur  effet,  il  jette  son 
manteau  ,  se  précipite  contre  une  co- 
lonne du  théâtre,  et  se  blesse  à  la  tê- 
te :  il  espérait  ainsi  se  soustrai- 
re au  supplice  ;  mais  il  n'eut  pas 
cette  triste  consolation  :  on  le  ra- 
massa encore  vivant ,  et  il  subit  la 
mort  ignominieuse  réservée  aux  bri- 
gands. La  puissante  république  de 
Carlhage  forcée  de  demander  la  paix 
aux  Syracusains  :  les  op|)resseurs  de 
la  Sicile  successivement  détruits  :  les 
villes  rétablies  dans  leur  splendeur, 
les  campagnes  couvertes  de  mois- 
sons, un  commerce  florissant,  par- 
tout l'image  de  l'union  et  du  bon- 

XLVl. 


TIM 


8i 


heur ,  tels  furent  les  bienfaits  qu'en 
moins  de  quatre  années  Timoléon  ré- 
pandit sur  sa  patrie  adoptive.  Après 
de  si  glorieuses  actions  qui  lui  avaient 
acquis  un  pouvoir  sans  bornes  ,  il  se 
démit  lui-même  de  son  autorité,  que 
personne  ne  songeait  à  lui  contester , 
et  alla  vivre  dans  la  retraite.  C'est 
alors  que,  d'après  les  idées  républi- 
caines de  la  Grèce,  il  put  se  croire 
absous  du  meurtre  de  Timophanes. 
Les  Syracusains  l'avaient  forcéd'ac- 
cepter  une  des  plus  belles  maisons  de 
leur  ville,  et  aux  environs,  un  do- 
maine fertile  et  agréable.  Là  il  cou- 
lait des  jours  tranquilles  avec  sa 
femme  et  ses  enfants,  qu'il  avait  fait 
venir  deCorinthe.  Il  y  recevait  sans 
cesse  denouveaux  tributs  d'estime  et 
de  reconnaissance  de  la  part  des  peu- 
ples de  la  Sicile,  qui  le  regardaient 
comme  leur  second  fondateur.  Tous 
les  traités  ,  tous  les  partages  déterres , 
toutes  les  lois,  tous  les  règlements 
qui  se  faisaient  dans  l'ile  ,  étaient 
soumis  à  son  examen,  à  son  appro- 
bation; et  selon  l'expression  de  Plu- 
tarque  ,  il  n'y  avait  rien  de  bien  fait 
si  Timoléon  ne  s'en  était  mêlé.  Il 
avait  fait  respecter  et  chérir  l'auto- 
rité pendant  qu'il  en  était  revêtu  j 
lorsqu'il  s'en  fut  dépouillé ,  il  la  res- 
pecta dans  les  autres.  Un  jour  ,  en 
pleine  assemblée  .  deux  orateurs 
osèrent  l'accuser  de  malversation  : 
Il  arrêta  le  peuple  soulevé  contre  eux  : 
«  Je  n'ai  allronté  ,  dit-il ,  tant  de  tra- 
»  vaux  et  de  dangers  que  pour  met- 
»  tre  le  moindre  des  citoyens  en  état 
»  de  défendre  les  lois,  et  de  dire  li- 
»  brement  sa  pensée.  »  Il  perdit  la 
vue  dans  un  âge  assez  avancé.  Les 
Syracusains.  touchés  de  son  malheur, 
redoublèrent  d'attentions  à  sou  égard. 
Ils  lui  rendaient  de  fréquentes  visites, 
et  lui  amenaient  les  étrangers  qui  pas- 
saient par  leur  ville,  afin  qu'ils  vis- 


82  TIM 

sent  le  libérateur  et  le  bienfaiteur  de 
la  Sicile.  Aux  louanges  qu'on  lui  pro- 
diguait ,  Timole'on  opposait  cette  ré- 
ponse modeste  :  «  Les  dieuxvoulaient 
»  sauverlaSic!le;ielenr  reudsgrâces 
»  de  ni'avoir  choisi  pour  instrument 
»  de  leur  bonté.  »  Ce  langage  était 
smcère,  car  Timoléou  attribuait  si 
bien  tous  ses  succès  à  la  protection 
du  ciel ,  qu'il  dédia ,  dans  sa  maison , 
une  chapelle  à  la  Fortune  qui  prési- 
de aux  cas  fortuits.  Son  bonheur 
éclata  dans  une  circonstance  bien  re- 
marquable. Un  assassin  aposté  con- 
tre lui  avait  déjà  le  poignard  levé 
sans  que  Timoléou  aperçût  le  danger, 
lorsque  ce  scélérat  tomba  frappé  de 
mort  subite.  Bien  que  ce  grand  homme 
fût  devenu  aveugle,  les  Syracusains 
ne  pouvaient  se  passer  de  ses  avis  dans 
leurs  aiï'aires  importantes.  Des  dépu- 
tés venaient  l'inviter  à  se  rendre  à 
l'assemblée  générale.  Il  y  paraissait 
monté  sur  un  char.  Le  peuple  le  sa- 
luait par  ses  acclamations  :  la  délibé- 
ration s'ouvrait;  ïimoléon  donnait 
son  avis,  qui  entraînait  tous  les  suf- 
frages ,  et  il  rentrait  chez  lui  au  mi- 
lieu des  mêmes  transports  de  lespect 
et  d'amour.  Les  Syracusains  décrétè- 
rent que  le  jour  de  sa  naissance  serait 
regardé  comme  un  jour  de  fcte,  et 
qu'ils  demanderaient  un  général  aux 
Corinthiens  toutes  les  fois  qu'ils  au- 
raient une  guerre  étrangère  à  soute- 
nir. Il  fut  emporté  par  une  légère  ma- 
ladie, dans  un  àgetrès-avancé,  versla 
dernière  année  delà  cV .  olympiade, 
l'an  33-7  av.  J.-C.  La  douleur  de  tous 
les  habitants  de  la  Sicile  ne  trouva 
desoulagcniontfpie  dans  les  honneurs 
éclatants  accordés  à  sa  cendre.  Tous 
les  ans,  ils  coiitirnièrcnt  à  honorer  sa 
mémoire  |)ar  des  concours  de  musi- 
que, (les  courses  de  chevaux  et  des 
jeux  gvnniiqucs.  T^a  vie  de  cet  hom- 
me célèbre  ollrc  trois  époques  bien 


TIM 

distinctes.  La  farouche  vertu  qu'il 
déploya  dans  Corinthe  appartient  à 
un  ordre  politique  trop  éloigné  de 
nos  mœurs  et  de  nos  idées  pour  pou- 
voir être  convenablement  appréciée 
aujourd'hui;  mais  si  l'on  a  peine  à 
comprendre  le  sage  et  doux  Timo- 
léon  se  faisant ^  par  patriotisme,  le 
bourreau  de  son  frère,  on  ne  peut 
que  s'intéresser  aux  regrets  et  à  la 
retraite  de  vingt  ans  qui  remplissent 
la  seconde  époque  de  sa  vie.  Enfin 
on  doit  l'admiration  la  plus  entière 
à  Timoléou  libérateur  de  la  Sicile. 
C'est  là  qu'il  se  montre  à  nos  yeux 
comme  le  modèle  achevé  d'un  vrai 
républicain.  Nous  avons  sa  Vie  écrite 
par  Piutarque  et  par  Cornélius  Né- 
pos.  Diodore  de  Sicile  raconte  éga- 
lement ses  actions  avec  détail.  Timo- 
léou, loué  avec  une  imprudente  ef- 
fusion par  le  bon  Rollin ,  est  très- 
bien  apprécié  dans  deux  chapitres  du 
Fojage  du  jeune  Anacharsis,  dont 
on  reconnaîtra  plusieurs  traits  dans 
cet  article.  Timoléou  a  été  le  héros 
de  dilïérenles  tragédies.  Alfiéri ,  dans 
une  action  simple  et  tout-à-fait  con- 
forme à  la  tradition  historique ,  a  su 
intéresser  au  caractère  de  son  héros , 
sans  oser  conclure  sur  la  moralité  de 
l'acte  par  lequel  il  délivra  Corinthe 
de  la  tyrannie  de  Timophancs.  La- 
harpe  a  fait  représenter  ,  en  1764  , 
une  tragédie  de  Tinwléon,  dans  la- 
quelle il  semble  avoir  méconnu  !a  na- 
ture même  de  son  sujet ,  en  y  mêlant 
une  froide  intrigue  d'amour,  lùifin  , 
Chénier  donua  eu  1794»  ^"i  3^'- 
moléon.  S'éloiguant  des  combinai- 
sons d'AIfiéri  ainsi  que  de  l'exac- 
titude historique,  il  a  présenté  Ti- 
mophancs comme  un  tyran  faible  ot 
timide ,  et  Déinarisle  comme  une  fem- 
me plus  citoyenne  cpie  mère  ,  qui  par- 
tage les  sentiments  dénaturés  de  Ti- 
moléou. Celle  tragédie  ,  qui  n'a  pu 


I 


TIM 

réussir  qu'à  une  e'poque  où  toutes  les 
idées  de  morale  étaient  interverties  , 
semble  présenter  une  apologie  trop 
directe  du  fratricide  ;  et  tout  en 
rejetant  comme  une  calomnie  les 
Lruits  fâcheux  qui  ont  couru  sur  le 
compte  de  Che'nier,  à  l'occasion  de 
la  mort  de  son  frère,  on  convien- 
dra qu'il  y  avait  plus  que  de  l'impru- 
dence de  la  part  de  ce  poète  à  abor- 
der un  pareil  sujet.        D — r — b. 

TIMON  \t Misanthrope,  Ûh  d'É- 
che'cratide ,  était  de  Collytc,  bourg 
del'Attique,  qui  fut  aussi  la  jiatrie 
de  Platon.  Né  quelque  temps  avant 
la  guerre  du  Pcloponèse ,  il  est  possi- 
ble que  les  mailieurs  de  la  Grèce, 
les  vices,  les  crimes  dont  il  fut  té- 
moin pendant  cette  époque  funeste 
qui  annonça,  dans  Athènes,  la  déca- 
dence du  courage,  des  mœurs  et  des 
lois ,  aient  contribué  à  développer  en 
lui  ce  caractère  morose  ,  par  lequel 
il  mérita  le  surnom  qu'il  a  porté  le 
premier.  Il  disait ,  comme  le  Misan- 
thrope de  Molière  (  act.  i  ,  se.  i  )  : 
«  Je  hais  les  uns,  parce  qu'ils  sont 
méchants,  et  les  autres ,  parce  qu'ils 
ne  haïssent  pas  les  méchants.  »  On 
voit  surtout,  d'après  les  anciens  tex- 
tes, et  le  témoignage  indirect  que  lui 
rend  Platon  lui-même,  son  contem- 
porain (  Phédon ,  pag.  6'j,  édit.  de 
1602  ) ,  que  cette  hainepour  ses  sem- 
blables, dont  le  souvenir  est  aujour- 
d'hui inséparable  de  son  nom,  fut 
excitée  en  lui  par  la  fausseté  et  l'in- 
gratitude des  hommes.  Il  prodigua 
en  bienfaits,  en  services,  en  devoirs 
liospiialiers  ,  une  fortune  légitime- 
ment acquise  ;  et  quand  ses  ressour- 
ces épuisées  ne  sufÙrent  plus  aux  be- 
soins de  son  ame  généreuse ,  il  s'a- 
perçiit  qu'il  avait  perdu  à-Ia-fois  ses 
biens  et  ses  amis.  C'est  alors  qu'il 
accusa  tous  les  hommes  du  tort  de 
quelques-uns,  cessa  tout  commerce 


TIM 


83 


avec  l'humanité ,  et  alla  se  livrer , 
dans  une  solitude  profonde  ,  aux 
chagrins  et  aux  plaintes  de  sa  philo- 
sophie sauvage  ;  ou  ,  s'il  rentrait 
quelquefois  dans  Athènes ,  c'était 
pour  applaudir ,  par  une  cruelle  iro- 
nie, aux  erreurs  et  aux  folies  de  ses 
concitoyens.  Impitoyable  pour  tous, 
il  montrait  cependant  l'amitié  la  plus 
vive  au  jeune  Alcibiade,  qui  déjà 
laissait  entrevoir  quels  pourraient 
être  un  jour  les  fruits  de  son  audace 
et  de  sa  popularité.  Apémantus^  qui 
détestait  aussi  la  race  humaine,  mais 
sans  exception,  s'étonnait  de  cette 
préférence.  «  J'aime  ce  jeune  hom- 
me, lui  répondit  Timon,  parce  qu'il 
fera  beaucoup  de  mal  aux  Athé- 
niens, w  11  déclara  même  publique- 
ment les  motifs  de  cette  unique  ami- 
tié. Alcibiade  descendait  de  la  tribu- 
ne, après  avoir  fait  approuver  quel- 
que nouveau  décret  à  l'assemblée  , 
et  la  multitude  le  reconduisait  par 
honneur.  Timon,  loin  de  se  détour- 
ner et  de  l'éviter,  comme  il  évitait 
tout  le  monde ,  vint  au-devant  de  lui, 
et  lui  prenant  la  main  :  «  Courage, 
mon  lils,  s'écria-t-il,-  tu  fais  bien 
d'augmenter  ton  pouvoir  ;  car  tu  ne 
l'augmentes  que  pour  la  ruine  de 
tout  ce  peuple.  »  Quelques-uns  se  fâ- 
chèrent de  l'espérance  de  Timon  j 
d'autres  se  contentèrent  d'en  rire  ; 
d'autres  crurent  y  voir  tout  l'avenir 
d' Alcibiade  ,  et  ils  le  craignirent  en- 
core plus.  On  ajoute  que  Timon  étant 
parvenu,  sans  doute  par  l'agricultu- 
re,  à  se  créer  une  nouvelle  fortune , 
devmt  aussi  avare  et  aussi  dur  qu'il 
avait  été  d'abord  libéral  et  généreux  ; 
on  parle  même  d'une  tour,  située 
près  de  l'Académie,  au-dessous  du 
tombeau  de  Platon,  oii  le  misanthro- 
pe se  renfermait  seul  avec  ses  riches- 
ses ,  et  que ,  du  temps  de  Pausanias 
(  Altic. ,  c.  3o  ),  on  appelait  encore 
6.. 


84 


TIM 


la  Tour  de  Timon.  Celle  tradition 
s'accorde  peu  avec  le  génie  d'iin 
l)omnie  que  Pline  met  au  rang  des 
sages  {Hist.  nat.,  vii,  19),  et  à  qui 
Stobée  {Serm. ,  viii,  p.  icy)  attri- 
bue cette  maxime  :  0  La  cupidité  et 
l'avarice  sont  la  cause  de  tous  les 
maux  de  i'humanitc.  »  Biais  rien  ne 
doit  surprendre  dans  ce  caractère 
bizarre  ;  et  si ,  dans  la  folie  de  l'ava- 
x'ice,  on  ne  reconnaît  point  le  sage  , 
on  y  voit  assez  le  misantlirope.  L'a- 
varice et  la  misanthropie  semblent 
venir  toutes  deux  de  i'c'goïsme  qui 
veut  se  venger;  mais  se  venger  ainsi, 
c'est  se  punir  soi-même.  La  mort  de 
Timon  fut  digne  de  sa  vie.  Il  tomba 
un  jour  d'un  poirier  sauvage,  si  l'on 
en  croit  Suidas ,  ou  du  bord  d'une 
ravine,  si  l'on  adopte  le  texte  du 
scoliaste  d'Aristophane  (  Lysistrat. , 
V,  809  );  il  se  cassa  la  jambe,  et 
comme  son  aversion  pour  tous  les 
hommes  lui  lit  toujours  refuser  les 
secours  de  l'art,  la  gangrène  se  mit 
à  sa  plaie ,  et  il  mourut.  Mais  ce  n'est 
point  là  que  s'arrête  l'histoire  de  cet 
homme  singulier.  Plutarque,  qui  ai- 
me les  caractères  complets ,  nous  ap- 
pi-end  que  Timon  ne  négligea  rien 
pour  que  sa  misanthropie  lui  survé- 
cût. 11  transcrit  [Fie  d'Antoine ,  c. 
70  )  répita])he  qu'on  lisait  sur  le 
tombeau  de  Timon,  et  qui  était  re- 
gardée comme  son  ouvrage.  On  en  a 
fait,  depuis  longtemps,  une  imita- 
tion française  : 

Passant ,  laisse  nia  cenrlrr  on  paix  , 
Et,  sans  cliPrchcr  mon  nom,;ippirnds  que  je  te  hais  : 

M  suflit  (jue  tii  sois  un  tifinime. 
Tiens,ln  vois  ce  tombeau  qnimocnuvrranjonrd'hui, 
.le  ne  veu»  rif  n  de  toi  ;  ce  que  je  veux  de  lui , 

(/est  qu'il  se  brise  et  qu'il  t'nssomine. 

Ce  n'est  pas  tout  encore  :  la  nature 
elle-même  parut  enlrcr  d.ins  les  in- 
tentions du  malheureux  Timon  ,  en 
le  séparant,  ajuès  sa  moil,  de  cette 
terre  habitée  par   les  hommes.   On 


TIM 

avait  élevé  sou  tombeau  sur  le  bord 
de  la  mer  ,  non  loin  de  Haies, bourg 
de  l'Attique,  qu'on  peut  placer,  d'à- 
j)rcs  Suidas,  le  long  de  Ja  route  qui 
conduisait  du  Pirée  au  promontoire 
de  Sunium.  Le  rivage  s'étant  affaissé 
autour  du  monument,  les  flots  l'envi- 
ronnèrent de  toutes  parts ,  et  le  ren- 
dirent inaccessible. Callimaque ,  deux 
siècles  après  Timon,  lui  lit  une  au- 
tre épitaphe  : 

Mortel,  je  suis  Timon  ;  retourne  sur  tes  pas. 
Maudis-moi ,  si  tu  veuï  ,  mais  ne  m'approche  pas. 

Ces  deux  vers  ,  qu'on  retrouve  dans 
un  quatrain  attribué  à  Hégésippe 
(  Anlholog.  ,111,7,  '  ^  )  •>  expriment 
une  idée  familière  à  tous  les  anciens 
qui  ont  parlé  de  Timon.  Il  parait ,  en 
effet ,  que  cet  ennemi  des  hommes 
s'était  résigné  d'avance  à  les  avoir 
pour  ennemis ,  et  qu'il  consentait  à 
être  maudit  de  ceux  qu'il  avait  tant 
de  fois  poursuivis  de  ses  malédic- 
tions. Les  Athéniens  s'acquittèrent 
généreusement  envers  lui.  On  doit  s'é- 
tonner qu'un  peuple  si  ingénieux  et 
si  gai  n'ait  voulu  prendre  qu'au  sé- 
rieux cette  philosophie  atrabilaire  , 
qui  a  cependant  son  côté  plaisant. 
Les  poètes  comiques  Platon  et  Aris- 
tophane ne  représentaient  le  misan- 
thrope que  sous  des  traits  odieux  : 
«  C'est ,  disait  celui  -  ci ,  un  homme 
entouré  d'une  enceinte  d'épines  ,  un 
homme  intraitable,  un  homme  issu 
des  furies.  «  Il  ajoute,  il  est  vrai  , 
que  Timon  ne  détestait  pas  autant 
les  femmes  que  les  hommes;  et  c'est 
un  rapport  de  plus  entre  le  misan- 
thrope d'Athènes,  et  l'inflexible  cen- 
seur de  Rome,  ce  farouche  Calon  , 
qui  fut  le  Tiinun  de  son  siècle  :  mais 
nous  ne  voyons  jias  que  le  théâtre 
d'Athènes  ait  profité  ,  comme  celui 
de  Paris  ,  de  loul  ce  qu'il  y  a  de 
vraiment  comique  dans  le  caractère 
du  niisanllirope  amoureux.  Les  nom- 


TIM 

breuses  epigraunues  sur  Timoi!  que 
l'Anthologie  nous  a  transTuiscs  (  m  , 
7,  8-î6)  ne  renferment  ([ue  des 
plaintes,  des  imprécations,  des  ima- 
ges tristes  et  sombres.  Les  poètes 
auraient  pu  néanmoins  être  conduits 
à  des  idées  moins  graves  parle  sou- 
venir de  quelques  anecdotes  qui  nous 
restent  sur  le  fils  d'Échëcratide.  Une 
ou  deux  de  ces  boutades  prouveront 
que  sa  misantliropie  ,  sans  êlre  tout- 
à  fait  excusable ,  n'était  réellement 
pas  un  crime  contre  l'humanité  ,  et 
qu'il  fallait  en  rire  plutôt  que  s'en 
indigner.  Timon  ,  après  avoir  re- 
noncé pour  jamais  à  la  société  des 
hommes ,  avait  conservé  quelque  liai- 
son avec  Apéraantus,  misanthrope 
comme  lui.  Dans  un  repas  oij  ils 
célébraient  ensemble  le  second  jour 
des  Anlhestéries  (  yhii)  ■,  peut-être 
parce  qu'on  offrait  ce  jour-là  un  sacri- 
fice à  IVIercure  conducteur  des  morts 
(  Scoliast.  d'Aristoph.  ,  Acharn.  , 
V  ,  1075  ) ,  Apémautus  ,  charmé  du 
tête-à-tête ,  s'écria  :  «  0  Timon ,  l'a- 
gréable souper  I  »  —  «  Oui,  répondit 
Timon,  si  tu  n'en  étais  pas.  »  Une 
autre  fois  ,  le  peuple  d'Athènes  fut 
très  étonné  de  le  voir  monter  à  la 
tribune  ;  et  il  se  fit  un  profond  si- 
lence. «  Athéniens ,  dit  l'orateur ,  j 'ai 
un  petit  champ ,  et  dans  ce  champ 
im  figuier ,  où  déjà  plusieurs  citoyens 
se  sont  pendus.  Devant  bâtir  sur  ce 
terrain,  je  viens  vous  en  avertir, 
afin  que  s'il  en  est  encore  parmi  vous 
qui  veuillent  se  pendre  ,  ils  se  dépê- 
chent, avant  que  le  figuier  soit  abat- 
tu. »  Si  nous  avions  plus  de  détails 
sur  Timon,  peut-être  y  verrions-nous, 
comme  ici ,  le  misanthrope  tel  qu'il 
devait  être  dans  Athènes  :  vif,  em- 
porté ,  d'une  franchise  brus([ue  et 
originale  ,  mais  passionné  pour  le 
bien,  rêvant  une  perfection  idéa- 
le ,  et  ne  cbâiiant  les  hommes  que 


TIM 


85 


pour  les  instruire  et  les  corriger. 
Ces  plaisantes  saillies  d'humeur  cha- 
grine, ces  élans  de  vertueuse  indigna- 
tion ,  cette  fureur  contre  un  monde 
perfide  ,  ces  haines  vigoureuses  , 
mais  innocentes  ,  et  que  l'on  excuse 
volontiers  ,  parce  qu'elles  font  rire  , 
ont  inspiré,  sans  doute,  à  notre  grand 
poète  comique  l'idée  de  transporter 
dans  la  société  moderne  le  misanthro- 
pe de  l'antiquité  grecque  .  et  d'en 
faire  un  personnage  de  comédie.  11 
faut  pardonner  à  Timon  son  carac- 
tère un  peu  sauvage,  si  les  âpres 
vertus  de  V Alceste  de  Molière  ont 
dû  quelque  chose  à  celui  qui  fut  con- 
temporain d'Aristophane.  Dans  l'an- 
tiquité même, le  spectacle  de  cet  hom- 
me qui  s'éleva  seul  avec  courage  contre 
les  faiblesses  de  tous  les  autres  s'offrit 
quelquefois  comme  une  leçon ,  com  • 
me  un  reproche  ,à  l'esprit  des  ambi- 
tieux. Au  milieu  des  luttes  sanglantes 
qui  firent  succéder  à  la  république 
des  Scipions  le  long  règne  des  Césars, 
on  rencontre  avec  surprise^  dans 
l'histoire  des  révolutions  de  Rome, 
le  nom  du  misanthrope  d'Athènes. 
La  victoire  d'Actium  venait  de  don- 
ner l'empire  à  Octave.  Son  rival ,  qui 
tout-à-l'heure  était  maître  de  la  moi- 
tié du  monde  ^  entraîné  dans  la  fuite 
de  Cléopâtre,  et  abandonné  de  tous 
les  rois  de  l'Orient ,  voulut ,  comme 
Timon  ruiné,  chercher  une  consola- 
tion loin  de  la  société  des  hommes. 
L'île  d'Antirrhodos ,  en  face  du  port 
d'Alexandrie ,  fut  l'asile  solitaii-e  où 
Antoine  passa  quelque  temps  à  mau- 
dire l'ingratitude  de  ceux  qui  avaient 
trahi  sa  cause.  Sur  une  jetée  qu'il  y 
fit  construire ,  il  éleva  un  palais  qu'il 
nomma  son  Tiinoniiim.  Ce  rôle  ne 
convenait  pas  à  un  soldat  débauché; 
et  il  redemanda  bientôt  ses  plaisirs 
et  ses  fêres.  Timon ,  qui  ne  pouvait 
être  pour  Antoine  que  le  sujet  d'une 


86 


TIM 


mauvaise  parodie  ,  est  beaucoup 
mieux,  place  dans  les  œuvres  d'un  so- 
phiste ingénieux.  Le  Timon  de  Lu- 
cien ,  que  ïzetzès  analyse  en  quatorze 
vers  {Chiliad.  vii,  hist.  129),  et 
que  J.-L.  Lebeau  compare  au  PZMfi<5 
d'Aristophane  (  Mém.  de  Vacad. 
des  inscript. ,  tome  xxx ,  pag.  77  ) , 
est  un  dialogue  entre  Timon ,  qui , 
oblige'  de  travailler  à  la  terre  pour 
quatre  oboles  par  jour,  se  plaint  des 
hommes  et  des  dieux.  ;  Jupiter  et 
Mercure,  qui  chargent  Plutus  de  lui 
rendre  ses  richesses  ;  la  Pauvreté,  qui 
veut  rester  auprès  de  lui ,  mais  qui 
l'abandonoe  enfin  à  sa  nouvelle  for- 
tune. Enrichi  tout-à-coup  par  le  tré- 
sor qu'il  vient  de  trouver  sous  son 
lioyau,  Timon  voit  accourir  à  la  file 
tous  ses  anciens  flatteurs,  un  para- 
site, i.n  démagogue ,  un  prétendu  phi- 
losophe, etc.  11  les  chasse  tous,  et 
ne  veut  plus  faire  d'ingrats.  Le  per- 
sonnage de  Timon  prêtait  à  ces  jeux 
d'esprit ,  qui  amusaient  les  rhéteurs 
et  leurs  disciples.  Libanius  ,  dans  sa 
neuvième  Déclamation ,  le  fait  par- 
ler lui-même  :  il  lui  fait  dénoncer  aux 
Athéniens,  comme  un  crime  d'état, 
son  amitié. pour  Alcibiade ,  et  suppo- 
se qu'il  leur  demande  la  mort,  pour 
avoir  un  nouveau  droit  de  les  ha'ir. 
Chez  les  modernes ,  on  trouve  une 
imitation  du  Timon  de  Lucien,  dans 
le  Tinione  du  Bojardo  ,  Scandiano  , 
i5oo  ;  Venise,  i5o4  ,  i5i3  ,  i5i7  ; 
dans  Timon  d'Athènes,  ]5ar  Shaks- 

Seare,  qui  a  profité  aussi  des  détails 
e  Plutarque  (  Fies  d' Alcibiade  et 
d'Antoine  ) ,  et  dont  l'ouvrage  sin- 
gulier ,  sans  aucune  vérité  locale , 
mais  ])lein  d'ob.servatioiis  d'une  vé- 
rité'universelle!,  a  été  retouché  d'a- 
bord par  Tli.  Shadwell  ,  ensuite  par 
Cumberland.  Il  faut  y  joindre  Ti- 
mon ,  comédie  de  Jîrérourt  (  1O84)  ' 
celle  de  L.-F.  Dclislc  ,  intitulée   Ti- 


TIM 

mon  le  Misanthrope  (  1722  ),  re- 
produite en  anglais  sous  le  titre  de 
Timon  amoureux  ;  et  plus  récem- 
ment, un  drame  de  L.  -  S.  Mercier  , 
calqué  sur  la  pièce  de  Shakspeare, 
1794,  in -8°.  Quant  à  la  vie  même 
du  misanthrope,  outre  les  anciens 
que  nous  avons  cités  ,  on  peut  con- 
sulter Lilio  Giraldi  ,  De  poetarum 
hist.  Dialog.,  pag.  i3i  ,  édition  de 
169GJ  le  dix-huitième  Dialogue  de 
Fénélou ,  entre  Socrate,  Timon  et 
Alcibiade;  f?e  Timone  misanthropo , 
Dijsert.  de  Tliéophile  StoUe,  dans 
les  Miscellanea  Lipsiensia ,  m,  70- 
100  ;  les  Recherches  sur  Timon, 
par  l'abbé  du  Resnel ,  dans  les  Mé- 
moires de  Vacad.  des  inscript. ,  to- 
me XIV ,  p.  74 ,  de  l'ëd.  in  -  4".  ;  to- 
me XXI ,  pag.  1 22  ,  de  l'éd.  in  -  1 2  ; 
le  chapitre  78  du  Fojage  d'Ana- 
charsis.  L — c. 

TIMON, poète  etphilosophe  grec, 
fils  de  Timarque,  naquit  à  Phlionte, 
dans  le  Péloponèse  ,  vers  le  milieu 
du  troisième  siècle  avant  l'ère  vul- 
gaire. Devenu  orphelin  de  très-bonne 
heure,  il  dansa  d'abord  sur  le  théâ- 
tre; il  fréquenta  ensuite  ,  à  Mégarc, 
l'école  de  Slilpon ,  et  enfin  ,  à  Elis  , 
celle  de  Pyrrhon  le  sceptique,  auquel 
il  s'attacha ,  et  dont  il  devint  le  plus 
illustre  disciple.  Il  se  maria  dans  sa 
patrie,  et  enseigna,  dit-on,  la  mé- 
decine à  l'aîné  de  ses  fds ,  nommé 
Xauthus.  Comme  il  n'avait  qu'une 
fortune  modique  ,  à  peine  suflisante 
pour  les  besoins  de  sa  famille,  il  vint 
à  Chalcédoine,  dans  l'Asic-Mineure, 
enseigner  la  philosophie  et  l'art  ora- 
toire. Après  s'y  être  enrichi ,  il  alla 
visiter  l'Egypte,  célèbre  alors  parla 
])rotcclion  que  Ptolémée  Philadelphe 
accordait  aux  arts  et  aux  lettres.  Ce 
prince  le  ree^iit  très-bien ,  ce  qui  n'em- 
pêcha pas  Timon  de  faire  une  satire 
contre  le  Musée  d'Alcxandiic ,  fou- 


TIM 

dé,  ou  du  moins  agivindi ,  ])ar  Plo- 
léméc.  Delà  il  se  rendit  à  la  cour  du 
roi  de  Macédoine   Anli{:;onus ,  sur- 
nommé Gonatas  ,    qui    lui    montra 
aussi  de  la  bienveillance  et  de  l'es- 
time ;  et  il  finit  par  se  fixer  à  Athè- 
nes ,  où  il  mourut  presque  nonagé- 
naire. On  reconnaît  .    eu    général  , 
dans  le  peu  de  détails  qu'on  a  sur  lui, 
un  caractère  de  légèrelé  ironique  et 
de  gaîté  railleuse ,  qui  s'accorde  beau- 
coup mieux  avec  les  idées  du  scepti- 
cisme que  la  gravité  de  son  maître 
Pyrrhon,  Il  paraît  qu'il    aimait   à 
boire  ;  et  Atliéuée  nous  le  représente 
luttant  avec  l'académicien  La cyde ,  à 
qui  boira  le  plus  (  Athénée ,  x  ,  lo  ; 
Èlien,  Var.  hist.,  ii,  4'  )•  On  voit 
aussi ,  par  quelques  citations  de  ses 
poésies  ,  qu'il  se  connaissait  en  mets 
délicats.    Il  se  moquait  de  tous  les 
philosophes  ,  mais  surtout  d'Arcé- 
silas  ,  chef  de  la  seconde  académie. 
Le  voyant  un  jour  s'avancer,  accom- 
pagné  d'une    troupe  de   flatteurs  : 
«  Esclave ,  lui  dit-il ,  qr,e  viens-tu 
»  faire  chez  des  hommes  libres  ?  » 
Peut-être  ne  lui  pardonnait-il  pas  de 
transporter  insensiblement  dans    la 
doctrine  académique  la  plupart  des 
opinions  du  pyrrhonisme  ,  de  faire 
tourner  au  profit  du  doute  méthodi- 
que les  arguments  des  sceptiques  en 
faveur  du  doute  absolu  ,  et  de  pré- 
parer   ainsi  l'anéantissement  d'une 
secte,  qui  ne  tarda  pas,  en  effet,  à 
se  perdre  dans  celle  d'Arcésilas  et  de 
Carnéade.  Ses  plaisanteries  ,  bonnes 
ou  mauvaises,  torabaientquelquefois 
sur  lui-même.  Il  était  borgne  ,  et  il 
s'était  donné  le  surnom  de  Cjclope. 
Accoutumé  ,  par  ses  principes  phi- 
loso])liiques ,  à  ne  s'étonner  de  rien  , 
il  dit  un  jour  à  quelqu'un  qui  faisait 
de  tout  un  sujet  d'admiration  :  «Que 
»  n'admires-tu  donc  que  sur  trois  que 
»  nous  sommes  ici,  nous  n'avons  que 


TIM  %- 

»  quatic  yeux?  »  Celui  qui  se  trou- 
vait en  tiers  ,Dioscoride,  son  discipl-.,', 
était  borgne  comme  lui.  Ou  conjec- 
ture aisément  que  sa  critique  littéraire 
devait  être  impitoyable.  Aussi  n'é- 
])argna-t-il  pas  les  éditeurs  d'Homère, 
à  la  tête  dc:;qnels  était  alors  Zéno- 
dote.  Le  célèbre  Aratus  ,  l'auteurdes 
Phénomènes  ,  qui  lui-même  revit  et 
corrigea  une  édition  de  V  Od/y  ssëe  , 
l'ayant  eonsidté  sur  le  texte  le  plus 
correctdes  poésies  d'Homère  :  a  C'est, 
«  lui  répondit  ïimon ,    celui  qu'on 
»  n'a  pas   corrigé.  »    Il  paraît  que 
celle   sévérité  ne  venait  point  d'a- 
mour propre;   car  son  indillérence 
philosophique  s'étendait  jusque  sur 
ses  propres  ouvrages  ,  qu'il  laissait 
traîner  çà  et  là,demi-rongés.  Au  milieu 
d'une  lecture  qu'il  faisait  d'une  de  ses 
productions  avec  le  rhéteur  Zopyrus, 
il  s'aperçut  pour  la  première  fois,  vers 
la  moitié  du  livre  ,  qu'il  en  manquait 
une  grande  partie.   Il  n'est  pas  éton- 
nant qu'il  ne  nous  reste  aujourd'hui 
presque  rien  d'un  auteur  si  négligent. 
Il  avait  composé  de  nombreux  écrits 
philosophiques ,   parmi   lesquels  on 
distinguait  un  Traité  des  Sens ,  et 
celui  qu'il  avait  intitulé  Python ,  ou 
livres  adressés  à  Pjthon  :  il  y  racon- 
tait ses  longs  entretiens  avec  Pyrrhon, 
qu'il  avait  rencontré  sur  la  route  de 
Delphes.    Dans   le    Repas  funèbre 
d' Arcésilas  ,  il  paraissait  rétracter, 
par  de  justes  éloges,  les  sarcasmes 
dont   il  l'avait  accablé  pendant  sa 
vie.  Aristoclès  ,péripatéticien  du  se- 
cond siècle ,  avait  fait ,  dans  son  His- 
toire des  opinions  philosophiques  , 
l'analyse  et  la  réfutation  de  celles  de 
Timon  :  Eusèbe  en  a  conservé  quel- 
que chose  ,  Prépar.   ét'ang.  ,  xiv  , 
18.  Comme  poète  ,  Tiinou  jouissait 
chez  les  anciens  d'une    assez  haute 
estime.  On  lui  attribuait  trente  comé- 
dies, soixante  tragédies,  des  drames 


88 


TIM 


satiriques  ,  uu  poème  des  Indalrncs 
ou  Images,  envers  élëgiaqiies  ,  etc. 
Mais  les  plus  célèbres  de  ses  poèmes 
étaient  sans  contredit  les  Sillcs , 
qui  l'ont  fait  appeler  le  sillographe. 
C'étaient  trois  livres  de  railleries 
mordantes  ,  d'éloges  ironiqiics  ,  de 
parodies  contre  tous  les  philosophes, 
excepté  Pyrrlion  et  peut-être  Xéno- 
phane.  Socrate ,  Platon  ,  Épicure,  y 
étaient  les  plus  maltraités.  Au  second 
ot  au  troisième  livre ,  ïimon  sup- 
posait un  dialogue  entre  Xénopliane 
et  lui.  L'ouvrage  commençait  par  ce 
vers  ; 

Venei  ici,  venra,  importuns  raisonneurs.... 

On  voit  que  Quintilien  a  un  peu  trop 
écouté  la  vanité  nationale,  et  répété 
avec  trop  de  confiance  l'as-sertion 
d'Horace  {Sat. ,  i,  lo,  66),  lors- 
qu'il a  dit,  dans  son  dixième  livre  , 
chap.  I  :  Satira  tota  nostra  est. 
Sans  remonter  jusqu'au  Margitès 
d'Homère ,  on  s'étonne  qu'il  eût  ou- 
blié les  vers  ïambiques  d'Archiloque 
et  les  hexamètres  de  Timon ,  qui  se 
rapprochaient  davantage  encore  de  la 
satire  latine.  Les  Romains,  dans  leur 
littérature  toute  d'imitation ,  devaient 
trouver  difficilement  un  genre  oîi  les 
Grecs  ne  leur  eussent  pas  ieni  de  mo- 
dèles. II  est  bien  peu  croyable  que  la 
satire ,  avec  toutes  les  formes  qu'elle 
peut  prendre,  ne  fût  pas  déjà  née 
chez  cette  nation  légère  et  moqueuse; 
et  Quintilien,  lorsqu'il  la  revendi- 
quait pour  sa  patrie,  scndjlait  s'être 
douté  d'avance  que  la  postérité,  pri- 
vée de  tant  d'ouvrages  de  l'antiquité 
grecque,  ne  pourrait  lire  un  jour  les 
oatiresd'Arrliiloque,ni  cfllesd'Hip- 
ponax  ,  de  Simonide,  de  Callima(pie, 
ni  celles  deXiiuou.  Les  fragments  de 
ce  dernier  poi-tc,  recueillis  dans  Athé- 
née, Diogine-Laèrce,  Plutarquc,  Sex- 
tus  Empiricus,  Kusèbe,  etc. ,  ont  été 
rassemblés  par  Henri  Estienne ,  Poe- 


TJM 

sis  philosophica ,  Paris,  iS-jS,  in- 
'6'\;  par  J.  -  F.  Langheinrich ,  dans 
trois  Dissertations  publiées  à  Leipzig, 
en  i7'2o,  l'jix  et  x^'i'i  -.De  Timo- 
ne  Sillographo  ;  par  Brr.nck,  dans 
ses  Anaiccta ,  Strasbourg,  i'j76,.3 
vol.  in-8'\  ,  tome  ii ,  page  6n  ;  et  plus 
récemment  ,  par  F.  Paul ,  dans  un 
Traité  DeSillis  Gj'œcoriim  ,Ber]'m  , 
1821  ,  in-8".  Diogène-Laerce,  à  la 
suite  de  la  Vie  de  Pyrrhon,  a  donné 
celle  de  Timon  le  Sdlographe,  d'a- 
près Sotion  d'Alexandrie,  auteur  des 
Successions  des  philosophes  et  d'un 
Commentaire  sur  les  Silles ,  et  Apol- 
lonide  de  Nicée,  qui  dédia  à  Tibère 
un  Commentaire  sur  le  même  ouvra- 
ge. Il  nous  apprend  aussi  qu'ily  avait 
une  Vie  de  ce  poète  pyrrhonien ,  par 
Antigouc  de  Caryste ,  contemporain 
de  Timon.  L — c. 

TIMON  (  Samuel  )  ,  historien 
hongrois  ,  né  en  i6'y5  ,  dans  le  comté 
de  Trenscliin  ,  embrassa  la  règle  de 
saint  Ignace  ,  et  fut  destiné,  par  ses 
supérieurs,  à  la  carrière  de  l'ensei- 
gnement. Après  avoir  professé,  pen- 
dant quelques  années  ,  les  humanités 
et  la  philosophie  ,  il  résolut  de  se 
consacrer  aux  missions  ;  mais  la  dé- 
licatesse de  sa  santé  l'obligea  bientôt 
d'abandonner  la  chaire  évangélique, 
et  il  s'appbqua  dcs-lors  à  l'étude 
de  l'histoire  et  des  antiquités  de  la 
Hongrie.  Cet  écrivain  laborieux  mou- 
rut dans  la  maison  de  son  ordre  ,  à 
Cassovie  ,  le  7  avril  ia36.  On  a 
de  lui  :  I.  Celebriorum  ffimgariœ 
urbiuni  et  oppidorum  chorogra- 
phia,  Tiniau,  ijoi,  m-^".-  réim- 
primé avec  des  additions  du  P.  Ga- 
briel Szerdahelyi  ,  Vienne,  1718; 
Ca.ssovie ,  1732;  Tirnau  ,  1770, 
même  formai.  IT.  Imago  antiijuce 
et  novœ  Jliingariœ  ,  Cassovie,  1 734, 
in-8">. ,  deux  parties  5  réimprimée  à 
Vienne,  1754  ,  in-4''. ,  avec  un  sup- 


TIM 

plément  qui  avait  paru  séparément 
en  1735  ,  in-80.  III.  Epitome  rerum 
Hungaricarum  y  Cassovie  ,  1736, 
in-fol,  IV.  Purpura pannonica ,  Tyr- 
nau,  ni5.  Cette  histoire  des  cardi- 
naux hongrois  reparut  avec  des 
augmentations ,  à  Cassovie ,  en  1 745. 
Le  P.  Timon  laissa  en  manuscrit  une 
continuation  des  Annalts  regni  Hun- 
gariœ  d'Isthuanti ,  poussée  jusqu'à 
l'an  1662  ;  Kary  ^  Kaprinaï  et  les 
autres  historiens  modernes  de  la 
Hongrie  en  ont  fait  usage.    W — s. 

TIMONI  (Émanuel),  médecin 
grec,  membre  des  i;niversités  de  Pa- 
doue  et  d'Oxford ,  delà  société  roya- 
le de  Londres ,  avant  entrepris  d^é- 
tendre  et  d'accréditer  l'inoculation  , 
en  donna  une  description  détaillée  , 
dans  une  lettre  au  docteur  Wood- 
ward ,  écrite  de  Constantinople  ,  en 
décembre  1713,  où  il  fait  voir  qu'elle 
e'tait  pratiquée,  de  temps  immémo- 
rial ,  en  Circassie ,  en  Géorgie  et  dans 
les  pavs  voisins  de  la  mer  Caspienne. 
On  trouve  un  extrait  de  cette  Lettre 
dans  les  Transactions  philosophi- 
ques, n».  i33g  ,  dans  le  Voyage  de 
La  Motraye,  17 12.  Il  donna,  dans 
le  même  temps,  V Histoire  de  l'inocu- 
lation, imprimée  à  Constantinople,  et 
substitua  pour  la  première  fois  la  mé- 
thoded'moculer  parincision  aux  piqû- 
res que  les  inoculatrices  grecques  fai- 
saient en  diverses  parties  du  corps. 
Maitland,  qui  apporta  le  premier 
cette  méthode  en  Angleterre,  la  te- 
nait de  Timoni.  La  traduction  de  sa 
Lettre ,  par  M.  Hulin ,  fut  lue  au  con- 
seil de  régence;  elle  n'a  pointparu.Le 
fils  de  Timoni  a  été  premier  inter- 
pri'te  d'Angleterre  à  la  Porte.  On  a 
encore  de  lui  :  Tractatus  de  novd 
variolas  per  transniutationem  exci- 
tandi  methodo,  Lcyde,  1721,  in- 
8°.  Z. 

TIMOPHANES.  rqy.TiMOLÉox^. 


TIM  «9 

TMOTHÉE.  Foj.  Bryaxis. 

TIMOTHÉE  ,  général  athénien  , 
fils  de  Conon  ,  si  célèbre  pour  avoir 
relevé  les  murailles  d'Athènes  {Foj-. 
Conon  )  ,  devait  soutenir  la  haute 
renommée  de  son  père  aussi  digne- 
ment que  Cimon,  fils  de  Miltiade, 
avait  soutenu  la  gloire  du  sien.  Com- 
me la  mère  de  Timothée  était  une 
courtisane  née  en  Thrace,  Athènes 
aurait  perdu  les  services  de  ce  grand 
homme  de  guerre,  si  l'onyavait  suivi 
constamment  la  loi  de  Solon  ,  qui  ne 
reconnaissait  pour  îcitoyens  que  les 
enfants  d'une  citoyenne.  11  fut  le  dis- 
ciple et  l'ami  d'Isocrate ,  et  se  mon- 
tra ,  par  son  éloquence ,  digne 
d'un  pareil  maître  ,  à  la  fortune  du- 
quel il  contribua.  Lorsque  Conon , 
vainqueur  des  Lacédémouicns  à  Cni- 
de,  vint  délivrer  Athènes  ,  Timothée 
seconda  son  père  dans  cette  noble 
entreprise  (Sq^  avant  J.-C).  I/his- 
toire  le  perd  ensuite  de  vue  pendant 
dix-huit  ans ,  et  nous  laisse  ignorer 
par  quelles  actions  glorieuses  il  mé- 
rita d'être  mis  à  la  tête  des  forces 
navales  de  sa  patrie,  l'an  376  av. 
J.-C.  ,  au  moment  d'une  rupture 
qui  éclata  entre  Athènes  et  Sparte. 
Après  avoir  ravagé  les  côtes  de  la 
Laconie ,  Timothée  n'eut  qu'à  se  mon- 
trer, dit  Xénophon,  dans  la  mer 
d'Ionie,  et  aussitôt  il  prit  Corcyre , 
sans  asservir  ni  bannir  personne , 
sans  rien  changer  à  la  constitution 
ni  aux  lois ,  ce  qui  lui  mérita  l'af- 
fection des  peuples  et  des  princes  de 
l'Épire  et  de  l'Acarnanie ,  entre  au- 
tres d'Alcétas  ,  roi  des  Molosses,  qui 
devint  son  ami.  En  quelques  jours ^ 
plus  de  soixante-quinze  villes  se  ran- 
gèrent sous  la  domination  du  géné- 
ral athénien  ,  qui ,  selon  Diodore , 
avait  le  don  de  la  persuasion  quand  il 
s'agissait  de  traiter,  et  celui  de  la 
vigilance  et  de  la  promptitude  quand 


9û 


TIM 


il  fallait  agir.  Les  ennemis  de  Timo- 
thce,poiir  ne  pas  reconnaître  son 
mérite ,  raccusèrent  d'être  heureux  : 
ils  le  firent  représenter  endormi  sous 
une  tente  ,  tandis  que  la  Fortune, pla- 
nant an-dessus  de  sa  tète ,  rassemblait 
auprès  de  lui  des  villes  prises  dans  un 
filet.  Quand  Timothéc  vit  le  tableau , 
il  s'e'cria  :  Que  ne ferais-je  doncpas 
si  j'étais  éveillé\k  la  nouvelle  de  la 
prise  de  Corcyre ,  les  Lacedémoniens 
envoyèrent  contre  lui  une  flotte  qui 
fut  vaincue  près  de  Leucade.  Dès 
ce  moment  ,  les  Atliéniens  entiè- 
rement maîtres  de  la  mer ,  virent  leur 
supe'riorite'  reconnue  par  Lacédérao- 
ne ,  en  vertu  d'un  traite'  conclu  sous 
la  me'diation  du  roi  de  Perse  Arta- 
xercès  Mnèmon  (37")).  Ils  en  ressen- 
tirent une  si  grande  joie,  que ,  pour  la 
première  fois  ,  ils  érigèrent  un  temple 
à  la  déesse  de  la  Paix  ;  et  di-essèrent 
à  Timothée  une  statue  sur  la  place 
publique ,  à  coté  de  celle  de  Conon , 
son  père.  La  paix  ne  fut  pas  de  lon- 
gue durée  :  en  ramenant  sa  flotte  à 
Athènes  ,  Timothée ,  cédant  à  une 
imprudente  compassion  ,  rétablit 
daiisleur  île  les  bannis  de  Zacinthe, 
qui  avaient  servi  sur  sa  flotte ,  et 
qui  se  trouvaient  sans  asile.  Les 
habitants  de  Zacinthe  envoyèrent 
à  Lacédémone  ,  pour  se  plaindre 
de  cette  infraction  au  traité  :  aus- 
sitôt les  Lacedémoniens  équipent 
une  flotte  ,  qui  vient  attaquer  Corcy- 
re. Timothée  à  jieine  de  retour  à 
Athènes  ,  reçoit  ordre  de  partir  pour 
une  nouvelle  expédition.  Ne  trou- 
vant pas  dans  le  port  d'Athènes  les 
fovces  suflisanfos  ,  il  vogua  vers 
les  îles  et  vers  la  Thracc  ,  pour 
lever  des  subsides  sur  ces  j)ays  sujets 
d'Athènes,  et  pour  mettre  sa  flotte 
au  complet.  Les  Athciiicus,  estimant 
qu'il  aurait  mieux  fait  d'aller  rava- 
ger les  côtes  de  la  Laconic  ,  le  des- 


TIM 

tituèrent,  et  lui  donnèrent  pour  suc- 
cesseur Iphicrate  ,  qui  s'était  porté 
son  accusateur  avec  l'orateur  Callis- 
trate.  Le  peuple  était  si  animé  contre 
Timothée,  qu'Anlimaque,  son  tré- 
sorier, fut  condamné  à  mort,  et 
que  lui-même  n'obtint  sa  grâce, 
qu'à  la  sollicitation  de  ses  parents  , 
de  ses  amis  ,  et  surtout  d'Alcé- 
tas,  roi  des  Molosses,  et  de  Ja- 
son,  lyran  de  Phères  eu  Thessalie. 
Ce  prince,  dit  Cornébus  Népos,  qui 
ne  se  croyait  pas  en  sûreté  dans  sa 
patrie ,  sans  satellites  ,  vint  à  Athè- 
nes sans  aucune  escorle,  et  fit  tant 
de  cas  de  son  hôte,  qu'il  aima  mieux 
exposer  sa  propre  vie  que  de  ne  pas 
venir  à  son  aide  dans  cette  occasion. 
Le  même  auteur  ajoute  que  Timo- 
thée ,  iiietlant  les  droits  de  sa  patrie 
au-dessus  de  ceux  de  l'hospitalité , 
fit  dans  la  suite  la  guerre  à  Jasou , 
par  ordre  des  Athéuicus;  mais  ce 
fait  est  controuvé  :  Jason  mourut  as- 
sassiné trois  ans  après  (  l'an  S-jo  av. 
J.-C.  ) ,  sans  avoir  cessé  d'être  l'ami 
des  Athéniens.  La  carrière  mibtaire 
de  Timothée  était  loin  d'être  termi- 
née :  placé  encore  plusieurs  fois  à  la 
tête  des  armées ,  il  s'illustra  par  de 
nouveaux  exploits  ;  soumit  lesOlyn- 
ticns  et  les  Bysantiiis  ;  prit  Torone , 
Potidéc^  et  secourut  Cizyque.  Il  se 
rendit  aussi  maître  de  l'île  de  Samos , 
au  siège  de  laquelle  les  Athéniens , 
pendant  la  guerre  du  Péloponèse, 
avaient  eîi  pure  perte  dépensé  douze 
cents  talents;  et  celte  conquête  de 
Timothée  ne  coûta  rien  au  trésor 
public.  Dans  une  heureuse  expédition 
qu'il  lit  en  Asie-Mineure,  il  porta 
dans  le  trésor  public  douze  cents  ta- 
lents ])ns  sur  l'ennemi.  Ayant  con- 
duit une  aimée  au  secours  d'Ario- 
barzane,  gouverneur  ]>ersan  de  la 
Lydie,  il  aima  mieux  agrandir  le  do- 
maine de  ses  concitoyens,  que  d'ac- 


TIM 

ceptcr  les  sommes  d'argent  que  lui 
oll'rait  pour  lui  ce  satrape^  et  il  reçut, 
au  nom  d'Athènes,  les  places  d'Érich- 
tiou  et  de  Sestos.Daus  la  guerre  que  les 
Athéniens  eurent  à  soutenir  contre 
leurs  allies,  et  qui  pour  cette  raison 
lut  appelée  sociale,  Timothcese  vit 
entièrement  abandonné  par  la  fortu- 
neà  laquelleils'étail toujours  défendu 
de  devoir  ses  succès.  Il  avait  été  éle- 
vé au  commandement  des  forces  ma- 
ritimes avec  Iphicrate  et  Charès. 
(  an.  359  av.  J.-G.  ).  Depuis  long- 
temps il  s'était  reconcilié  avec  lepje- 
mier,  dont  le  iils  Mnesthée  avait 
épousé  la  fille  de  Timotliée.  La  tlot- 
le  que  commandait  Charès  échoua 
devant  Samos.  Ce  général  malhabile 
écrivit  à  Athènes,  qu'il  lui  aurait  été 
facile  de  prendre  cette  île  ,  s'il  n'a- 
vait pas  été  abandonné  de  Timothée 
et  d'iphicrate.  Le  peuple  léger  ,  pas- 
sionné,  soupçonneux,  et  naturelle- 
ment jaloux  des  hommes  puissants, 
rappela  ces  deux  chefs  pour  leur  fai- 
re leur  procès.  La  faction  de  Charès, 
qui  était  toute-puissante  à  Athènes, 
s'étant  déclarée  contre  Timothée  ,  il 
fut  condamné  à  une  amende  de  cent 
talents,  injuste  salaire  d'un  général 
qui  tant  de  fois  avait  enrichi  des  dé- 
pouilles enlevées  à  l'ennemi  le  trésor 
public  épuisé.  Hors  d'état  de  payer 
une  si  forte  somme,  il  se  relira  à 
Chalcis  ,  ensuite  à  Lesbos ,  deux  con- 
trées que  sa  valeur  avait  rendues  à 
la  république.  Le  choix  de  ces  re- 
traites prouve  suliisamment  la  dou- 
ceur de  son  administration,  et  com- 
bien il  avait  été  modéré  dans  la 
piosjiérité.  C'est  à  Lesbos  que  mou- 
rut Timothée.  Le  peuple  ne  larda 
pas  à  se  repentir  d'un  jugement 
si  sévère;  mais  n'avouant  son  tort 
qu'à  demi ,  il  réduisit  l'amende,  et 
exigea  de  Conon,  fUs  de  cet  illus- 
tre général  ,  dix  talents  pour  le  ré- 


TIM 


91 


tablissement  d'une  partie  des  murs 
de  la  ville.  Dans  cet  acte  même 
d'indulgence  on  vit  liu  nouvel  exem- 
ple de  l'injustice  populaire.  Ces  mu- 
railles ,  que  l'aieul  avait  rebâties  avec 
les  dépouilles  de  l'ennemi,  le  petit- 
lils  ,  à  la  honte  d'Athènes, les  répara 
forcément  de  son  propre  bien.  Par  sa 
condamnation,  Timothée  expia  le 
mépris  qu'il  avait  toujours  témoigné 
pour  Charès.  Un  jour  qu'on  procé- 
dait à  l'élection  des  généraux ,  quel- 
ques orateurs  mercenaires  ,  pour  ex- 
clure Iphicrate  et  Timothée,  faisaient 
valoir  Charès  :  «  Il  est  dans  la  vi- 
»  gueur  de  l'âge  ,  disaient -ils,  et 
»  d'une  force  à  supporter  les  plus 
^)  rudes  fatigues.  C'est  un  tel  homme 
»  qu'il  faut  à  l'armée.  —  Sans  dou- 
1)  te ,  reprit  Timothée  ,  pour  porter 
»  le  bagage.  »  Il  est  peu  de  grands 
hommes  de  l'antiquité  qui  aient  été 
plus  vantés  par  les  divers  auteurs 
que  Timothée.  Cicéron  ,  dans  le 
traité  des  Devoirs,  loue  la  supério- 
rité de  son  génie  et  l'étendue  de  ses 
connaissances.  Piutarque  ,  Elien  , 
Athénée  ,  citent  de  lui  plusieurs 
mots  aussi  piquants  que  judicieux. 
Pour  se  rendre  maître  des  ville.s, 
dit  Élien,  il  n'emplo3'ait  que  la  pa- 
role ,  et  persuadait  aux  habitants 
qu'il  leur  était  avantageux  de  se 
soumettre  aux  Athéniens.  A  la  gloire 
de  vaincre,  il  savait  joindre  relie 
de  se  faire  aimer  par  sa  douceur  et 
sa  modération.  Personne  ne  porta  à 
un  plushautdegréla  prudence,qui  est 
la  première  qualité  d'un  général.  Un 
jour  que  Charès  montrait  aux  Athé- 
niens les  blessures  qu'il  avait  re- 
çues en  combattant  à  leur  tête  , 
«  Et  moi ,  s'écria  TimotLée  ,  lors- 
»  qu'au  siège  de  Samos ,  un  trait  vint 
»  tondjer  auprès  de  moi ,  j'eus  honte 
»  de  m'ètre  ainsi  exjiosé  en  jeune 
»  homme ,  et  plus  qu'il  ne  convenait 


92  TIM 

»  au  chef  d'une  si  grande  aime'e.  » 
On  a  regardé,  avec  raison,  comme 
le  dernier  âge  des  grands  capitaines 
d'Athènes  le  temps  où  vécurent  Iphi- 
crate  ,  Chabrias  et  Timothée.  On 
trouve  parmi  les  Hai-angues  de  Dé- 
mosthèues  un  Plaidoyer  contre  Ti- 
mothée, dans  lequel  ce  général  est 
représenté  sous  des  traits  différents 
de  ceux  que  lui  prête  le  témoignage 
unanime  des  historiens.  Ce  plaidoyer 
a  paru  à  plusieurs  critiques  tellement 
inférieur  aux.  autres  Discours  de  Dé- 
mosthènes ,  qu'ils  ont  mis  en  doute 
qu'il  pût  être  de  ce  grand  orateur. 
Au  reste ,  les  imputations  qu'on  y 
trouve  contre  Timothée  paraisssent, 
les  unes  vagues,  les  autres  complète- 
ment ridicules.  Par  exemple,  on  lui 
fait  un  crime  de  s'être  réconcilié  avec 
Iphicrale  ,  après  s'être  engagé,  de- 
vant le  peuple ,  à  intenter  une  accu- 
sation contre  lui.  Ici  Timothée  doit 
au  contraire  être  loué  de  ce  noble  ou- 
bli des  injures.  On  voit  encore,  dans 
ce  Discours,  que  le  fils  de  Gonon  fit 
pour  les  intérêts  d'Athènes  plusieurs 
vovages  auprès  du  roi  de  Perse  ; 
mais  il  serait  assez  difficile  d'en  éta- 
blir la  suite  chronologique.  D-r-r. 
TIMOTHÉE  ,  poêle  et  musicien  , 
était  de  Milet ,  ville  de  Carie  ,  où  il 
naquit  dan!»la  quatre-vingt-troisième 
olympiade,  l'an  44^^  avant  J.-C.  Il 
cultiva  d«tbonne  heure  ses  dispo- 
sitions pour  les  arts  ,  et  eu  particu- 
lier pour  la  musique  ;  mais  lorsqu'il 
voulut  se  faire  entendre  pour  la  pre- 
mière fols ,  il  fut  interrompu  par  des 
murmures.  Cet  alfront,  au(|uel  il  était 
loin  de  s'attendre  ,  l'aurait  peut-être 
détourné  d'une  carrière  tju'il  devait 

[)arcourir  avec  tant  de  gloire ,  sans 
esencouragements  d'Euripide  , meil- 
leur juge  que  la  multitude  des  talents 
de  Timotliée.  Il  ne  tarda  pas  à  se 
concilier  les  sufl'ragcs  du  [aiblic  j)ar 


TIM 

de  nouveaux  efforts.  Ayant  remporté 
le  prix  sur  Phrynis  (  F.  ce  nom  , 
XXXI V,  243  ) ,  il  eut  la  faiblesse  de 
célébrer  lui-même  sa  victoire  ;  mais 
de  sanglantes  épigrammes  le  punirent 
de  sa  vanité.  Timothée  excellait  sur 
la  lyre  ou  cithare.  A  l'exemple  de 
Terpandre  (  F',  ce  nom  )  ,  il  enri- 
chit cet  instrument  de  quatre  cordes, 
suivant  Pausanias  (  m  ,  12  ) ,  ou  de 
deux  seulement ,  suivant  Suidas  (  i). 
Cette  innovation  déplut  aux  Lacédé- 
moniens,  qui  la  condamnèrent  par  un 
décret  que  Boëce  a  conservé  (  de 
Musicd ,  I  ,  ch.  I  )  (2).  Il  contient 
en  substaDce  ,  que  Timothée  de  Mi- 
let, étant  venu  dans  leur  ville,  avait 
marqué  faire  peu  de  cas  de  l'ancienne 
musique  et  de  l'ancienne  lyre  :  qu'il 
avait  multiplié  les  sons  de  celle-là  , 
et  les  cordes  de  celle-ci  :  qu'à  l'an- 
cienne manière  de  chanter  simple  et 
unie,  il  en  avait  substitué  une  plus 
composée ,  où  il  avait  introduit  le 
genre  chromatique  :  que  dans  son 
poème  de  Sémélé,  il  n'avait  point 
gardé  la  décence  convenable  :  que 
pour  prévenir  les  suites  de  pareilles 
innovations  ,  qui  ne  pouvaient  qu'être 
préjudiciables  aux  bonnes  mœurs  , 
les  rois  et  les  éphores  avaient  répri- 
mandé publiquement  Timothée  ,  et 
avaient  ordonné  que  sa  lyre  serait 
réduite  aux  sept  cordes  anciennes  , 
etc.  (  F.  les  Remarques  de  Burette 
sur  le  Dialogue  de  Plutarque  tou- 
chant la  musique  ,  xxvi  ).  Athénée 

(i  )  La  lyre  dr  Terpandre  n'avait  que  sept  cor- 
des; celle  de  Plirynis  en  cul  neuf,  et  oelle.de  Ti- 
mothée onxc.  C'est  1,\  sans  doute  ce  qui  l'ail  dire  n 
Suidas  (lue  ce  dernier  n'avait  ajoute  que  deux  cor- 
des. Mais  les  deux  de  Pliryni»  ayant  été  retran- 
chées par  un  décret  ,  Pausanias  a  pu  dire  aussi  que 
Timolhéc  avait  ajouté  quatre  cordes  !i  la  lyro  ,  puis- 
qu'il en  porta  réelleuieul  le  nomlire  de  sept  'i 
uuic. 

(ï)  Cv  décret  a  élé  nuhlié  séparément  par  Guill. 
Oleover  ,  évèquc  de  Cliester  ,  sous  ce  litre  :  Pfcri- 
liim.  /.ueedirmoniorum  conlra  Timalluxuin  Mila- 
iium  ,  r  rmld.  m(ï.  nxoiiirmibuf ,  ciun  commenta- 
rio,  Uxturd,  1777,  iD-8".  de  5i  pog.' 


TIM 

rapporte  qu'au  moment  où  l'exccu- 
teur  de  ce  décret  «e  mettait  en  devoir 
de  couper  les  nouvelles  cordes  ,  Ti- 
mothe'e  ayant  fait  remarquer  à  ses 
juges  que  sa  lyre  avait  le  même  nom- 
bre de  cordes  que  celle  d'une  petite 
statue  d'Apollon  ,  il  fut  renvoyé  ab- 
sous. Son  nouveau  système  de  musi- 
que trouva  de  nombreux  adver- 
saires dans  toute  la  Grèce.  Plutarque 
et  Atliénèe  out  recueilli  quelques-uns 
des  traits  lances  contre  lui  par  la 
plupart  des  poètes  comiques  ,  tels 
que  Phèrècrate  ,  Stratonique  ,  Ma- 
chon  ,  etc.  ;  mais  tous  leuis  ellbrts  ^ 
loin  de  nuire  à  sa  réputation,  servirent 
à  l'étendre.  Timothée,  après  avcir 
brillé  dans  les  principales  villes  de  la 
Grèce ,  vint  à  la  cour  d'Archelaiis  , 
roi  de  Macédoine.  jN'ayant  pas  été 
récompensé  de  ce  prince  aussi  géné- 
reusement qu'il  l'es'pérait  ,  il  lui  fit 
un  jour  l'application  d'un  vers  dont 
le  sens  est  :  —  Tu  prises  un  vil  métal 
sorti  de  la  terre.  Et  toi  ,  lui  dit  Ar- 
clielaiis,  tu  ledemandes  [Apophte^m. 
recueill.  par  Plutarq.  ).  Timothée 
mourut  en  Macédoine  ,  dans  un  âge 
très-avancé,  deux  ans  avant  la  nais- 
sance d'Alexandre-le-Grand.  11  avait 
composé  des  ouvrages  dans  presque 
tous  les  genres  de  poésie.  La  Notice 
qu'en  a  donnée  Suidas  a  été  com- 
plétée par  Burette.  On  cite  de  ce 
poète  des  Nomes  ou  cantiques  (3), 
des  Proèmes  ou  préludes  ,  dis-huit 
Dithyrambes  ,  vingt  -un  Hymnes  , 
huit  Diascèves  ou  descriptions  ,  un 
Panégyrique  ,  les  poèmes  de  Diane 
et  de  Sémélé ,  quatre  tragédies  :  les 
Perses  ou  Naiiplius  ,  Phinidas  , 
Lacrte  et  la  JViobé  :  il  ne  reste  que 
des  fragments  de  la  Diane,  des  Per- 


(.^)  Etienne  df  RyxHnce  prffleiïd  que  Timothée 
avait  composé  dix-liuil  livres  de  ISonies  pour  la 
Ivre,  en  hnil  mille  vers  ,  ei  mille  Prrlurles  pour  lu 
lliile: 


TIM  93 

SCS,  etc.,  recueillis  par  Grotiusdans 
les  Excerpta  ex  tragœdiis  et  comœ- 
diis  grœcis  ,  etc.  ,  Paris,  1626  , 
in-4''-  VoyAcs,  Bêcher ches  sur  la  P'ie 
de  Timothée,  par  Burette,  dans 
les  Mémoires  de  V académie  des 
inscriptions ,  x.  'V'V  — s. 

TIMOTHEE,  célèbre  musicien, 
était  de  Thèbes.  Burette  est  le  pre- 
mier qui  l'ait  distingué  du  précédent, 
dans  ses  Ptemarques  sur  le  dialogue 
de  Plutarque.  Il  fut  l'un  des  artistes 
invités  à  concourir  à  l'emLellissemcnt 
des  fêtes  qui  devaient  signaler  le  ma- 
riage d'Alesandre-le-Grand  j  et  le  hé- 
ros macédonien  voulut  l'attacher  à 
sa  personne.  Il  excellait  surtout  à 
jouerde  la  flûte;  et  l'on  rapporte  qu'a- 
vec cet  instrument  il  excitait  ou 
apaisait  à  son  gré  les  passions  de  son 
maître.  Dryden  a  célébré  les  subli- 
mes talents  de  Timothée  dans  son 
ode  fameuse ,  sur  le  pouvoir  de  l'har- 
monie (  Voy.  DiitDEN  ),  dont  nous 
avons  une  traduction  en  vers  fran- 
çais, par  Dorât,  et  une  autre  plus 
moderne  par  M.  Valmalette.  W — s. 

TIMOTHÉE  (Saint),  disciple  de 
saint  Paul ,  naquit  eu  Lycaonie,  pro- 
bablement à  Lystre ,  d'un  père  païen  • 
Eunice,  sa  mère,  juive  d'origine, 
avait  embrassé  la  religion  chrétienne 
ainsi  que  Loïde,  son  aïeule.  L'an  5i 
de  J.-C,  saint  Paul  étant  venu  de 
Jérusalem  en  Lycaonie  ,  les  Chré- 
tiens de  cette  province  rendant  un 
témoignage  avantageux  à  Timothée , 
l'apôtre  le  choisit  ,  quoique  jeune, 
pour  être  le  compagnon  de  ses  tra- 
vaux. Par  l'imposition  des  mains  il 
lui  confia  le  ministère  de  la  parole 
divinej  et  depuis  ce  temps  il  le  re- 
garda comme  son  frère  et  son  fils 
chéri.  Ayant  quitté  Lystre ,  il  jiar- 
courut  avec  lui  les  autres  provin- 
ces de  l'Asie.  L'an  5?. ,  ils  passè- 
rent en  Macédoine,  et  prêchèrent  l'é- 


94 


TIM 


vangile  à  Philippes,  à  Thessaloui- 
que  et  à  Bërée.  Laissant  ïimothee 
dans  cette  dernière  ville,  l'apôtre 
vint  chez  les  Athéniens^  d'où  il  don- 
na ordre  à  ïiraolbc'c  de  se  rendre 
auprès  de  lui  ;  mais  informé  qu'une 
persécution  violente  s'était  élevée 
contre  les  fidèles  de  Thessalonique, 
il  y  envoya  son  disciple  pour  les  con- 
soler et  les  fortilier.  Tiraotliée  revint 
trouver  saint  Paul ,  qui  était  alors  à 
Corintlie;  et  il  lui  rendit  compte  de 
sa  mission.  C'est  alors  que  l'apôtre 
écrivit  sa  première  lettre  aux  iidèles 
de  Thessalonique.  «  Apprenant,  leur 
»  dit-il,  que  vous  étiez  persécutés, 
»  et  ne  pouvant  aller  vous  troii- 
»  ver,  nous  vous  avons  envoyé  Ti- 
»  raothée  notre  frère,  le  ministre  de 
»  Dieu  dans  l'Evangile  de  J.-C. ,  le 
»  chargeant  de  vous  affermir  dans 
)>  la  foi,  et  de  vous  exhorter,  afin 
1)  qu'aucun  de  vous  ne  se  laissât 
»  ébranler  par  les  tribulations.  En 
»  revenant  nous  trouver,  Timothée 
»  nous  a  annonce  votre  foi  et  votre 
»  charité 5  il  nous  assure  que  vous 
»  desirez  nous  voir,  aussi  vivement 
»  que  nous  désirons  aller  vous  trou- 
»  ver,  ce  qui  nous  a  b:en  consolés 
»  dans  les  tribulations  que  nous  éprou- 
»  vous.  »  De  Corinthe,  saint  Paul 
se  rendit  à  Jérusalem .  et  il  revint 
passer  deux  années  à  Ephèse,  d'oîi 
il  envoya  ïimothee  et  un  autre  dis- 
ciple en  Macédoine,  afin  qu'ils  y 
recueillissent  des  aumônes  pour  sou- 
lager les  Chrétiens  de  Jérusalem.  Il 
chargea  ensuite  Timothée  d'aller  à 
Corinthe  pour  rappeler  les  fidèles  de 
cette  Église  à  la  doctrine  qu'il  leur 
avait  enseignée.  Dans  sa  première 
Épîtrc:  «  Je  vous  en  prie,dit-il,imi- 
»  tcz-moi , comme  moi-même  j'imite 
»  Jésus-Christ.  C'est  pour  cela  que 
I)  j'ai  envoyé  vers  voiis  Timothée, 
»  qui  est  rnon  fils  chéri  dans  le  Sci- 


TIM 

»  gneur  ,  et  mon  fidèle  disciple.  Il 
»  vous  fera  de  nouveau  connaître  ma 
»  doctrine,  qui  est  celle  que  j'ai  re- 
»  çue  de  Jésus-Christ ,  et  celle  que 
»  j'enseigne  dans  toutes  les  églises. 
»  Qnand  il  sera  arrivé,  recevez-le 
»  avec  bienveillance ,  afin  qu'd  soit 
»  parmi  vous  sans  aucvme  craintej 
»  car  il  travaille  à  l'œuvre  du  Sei- 
»  gneur  aussi  bien  que  moi.  Prenez 
»  bien  garde  que  personne  ne  le  mé- 
»  jjrise  à  cause  de  sa  jeunesse.  Quand 
»  il  anra  rempli  sa  mission  ,  rcn- 
»  voyez-le  en  paix,  afin  qu'il  re- 
»  vienne  heureusement  me  trouver. 
»  Les  frères  et  moi,  nous  l'atten- 
»  dons.  Il  Saint  Paul  attendit  en  Asie 
le  retour  de  Timothée,  qu'il  mena 
avec  lui  en  Macédoine  et  en  Achaïe. 
Timothée  laissa  l'apôtre  à  Philippes, 
et  le  rejoignit  à  Ti'oade.  Saint  Paul, 
étant  resté  deux  ans  en  prison  à  Cé- 
sarée ,  fut  envoyé  à  Rome.  Timothée 
y  était  avec  lui ,  puisqu'ils  sont  nom- 
més conjointement  à  la  tète  des  Épî- 
tres  que  l'apôtre  adressa  alors  aux 
Philippiens,  auxColossiens  et  à  Phi- 
lémon.  Vers  la  fin  de  sa  première 
captivité  à  Rome ,  l'apôtre,  écrivant 
aux  Hébreux  ,  dit  :  «  Vous  apjiren- 
»  drez  à  connaître  notre  frère  Timo- 
»  thée ,  qui  a  été  renvoyé  en  liberté. 
»  Il  pourra  arriver  avant  moij  alors 
»  je  vous  verrai  avec  lui.  »  Nous 
voyons  ,  par  un  autre  témoignage  de 
saint  Paul ,  que  Timothée  avait  con- 
fessé Jésus-Christ  devant  plusieurs 
témoins  ;  et  c'est  sans  doute  après 
cette  confession  qu'il  fut  mis  en  li- 
berté. L'an  64  7  saint  Paul  étant  re- 
tourné de  Rome  en  Orient,  laissa  Ti- 
mothée à  Ephèse,  pour  gouverner 
l'Eglise  de  cette  ville ,  d'où  il  pouvait 
administrer  les  églises  de  toute  l'A- 
sie. Se  trouvant  en  Macédoine ,  l'a- 
pôtre écrivit  sa  première  Epître  à  Ti- 
mothée, son  fils  chéri  dans  la  foi.  Lui 


TIM 

ayant  donné  des  instructions  pour  la 
conduite  qu'il  devait  tenir  envers  les 
fidèles  de  son  troupeau ,  selon  la  dif- 
férence des  âges  et  des  conditions ,  il 
lui  dit  :  «Voilà  ceque  vous  devez  en- 
»  seigner.  Que  personne  ne  méprise 
»  votre  jeunesse:  soyez  l'exemple  des 
»  fidèles  dans  vos  entretiens  ,  dans 
»  vos  rapports  avec  le  procliain, 
«  dans  la  charité,  la  foi  et  la  chas- 
«  teté.  Appliquez  vous  à  la  lecture  , 
»  à  l'exhortation  et  à  l'instruction. 
»  Ne  négligez  point  la  grâce  qui  est 
»  en  vous,  cette  grâce  qui  vous  a  été 
»  donnée  ,  suivant  une  révélation 
))  prophétique,  par  l'imposition  des 
»  mains.  Méditez  ces  choses  ,  soyez- 
«  en  toujours  occupé,  afin  que  votre 
»  avancement  soit  connu  de  tous. 
»  Veillez  sur  vous-même  et  sur  l'ins- 
»  truction  des  autres,  soyez  ferme 
»  et  constant  dans  vos  exercices.  En 
))  agissant  ainsi ,  a'Ous  vous  sauA^erez 
■»  avec  ceux  qui  vous  écoutent.  O 
»  mon  cher  Timothée,  gardez-bien 
»  le  dépôt  qui  vous  a  été  confié.  » 
Saint  Paul  étant  une  seconde  fois 
dans  les  fers  à  Rome  ,  et  prévoyant 
le  moment  où  bientôt  il  serait  immo- 
lé, écrivit  une  nouvelle  lettre  à  Ti- 
mothée, pour  l'engager  à  venir  le 
joindre.  Il  dit  en  commençant  :  «  Nuit 
»  et  jour  vous  êtes  présent  à  mon 
»  esprit  dans  mes  prières.  Je  me  sou- 
»  viens  de  vos  larmes.  Je  désire  vous 
»  voir,  afin  d'être  rempli  de  joie, 
»  me  représentant  cette  foi  sincère 
»  qui  est  en  vous ,  cette  foi  qui  a 
»  premièrement  animé  Loïde ,  votre 
»  a'ieule ,  et  Eunice,  votre  mère.  Je 
»  vous  en  avertis ,  ranimez  en  vous 
»  ce  feu,  cette  grâce  de  Dieu  que 
»  vous  avez  reçue  par  l'imposition 
»  des  mains.  Gardez,  par  l'esprit 
»  saint  qui  habite  en  vous,  le  dépôt 
»  de  doctrine  que  je  vous  ai  confié. 
»  Quant  à  moi,  je  suis  sur  le  point 


TIN 


95 


»  d'être  sacrifié,  et  le  temps  de  ma 
»  mort  approche.  Hâtez-vous  de  ve- 
»  nir  me  trouver.  Prenez  I\Iarc  avec 
»  vousj  il  pourra  m 'être  très-utile 
»  dans  le  ministère  de  l'Évangile. 
»  En  venant,  apportez- moi  le  man- 
»  teau  que  j'ai  laissé  à  Troade  ,  chez 
»  Car  pus  ,  ainsi  que  les  livres  et  sur- 
»  tout  les  papiers.  Je  vous  le  répète, 
»  hàtez-vous  de  venir  me  trouver 
»  avant  l'hiver.  »  Il  est  probable 
que  Timothée  se  rendit  à  Rome, 
pour  conférer  avec  son  maître ,  qui 
comme  on  sait  souffrit  le  martyre 
avec  saint  Pierre  ,  le  29  juin  de  l'an- 
née suivante,  c'est-à-dire,  l'an  66  (/^. 
Saint  Paul  ).  Delà  il  revint  à  Éphè- 
se,  dont  il  fut  le  premier  eVêque , 
ayant  gouverné  cette  église  avant 
l'arrivée  de  saint  Jean.  Selon  les  Ac- 
tes de  saint  Timothée  (  écrits  par 
Polycrate,  évèquc  d'Éphèse  ,  et  pu- 
bliés par  Pithou  )  (  1  ) ,  le  saint  évêque 
souffrit  le  martyre  sous  l'empire  de 
Nerva,  le  22  janvier  de  l'an  97.  En 
356,  sous  le  règne  de  Constance,  ses 
reliques  furent  solennellement  trans- 
férées à  Constantinople  ,  et  placées 
sous  l'autel  de  l'église  consacrée  en 
l'honneur  des  saints  apôtres.  G — y. 

TIMOUR.  r.  Tamerlan. 

TINCTOR  (  Jean  )  ^  célèbre  mu- 
sicien ,  sur  lequel  on  n'a  pu  recueillir 
que  des  renseignements  incomplets, 
était  de  Nivelle,  suivant  Sweert  et 
Foppens  (  Bibl.  Bdgica  ) ,  et  floris- 
sait  à  la  fin  du  quinzième  siècle.  Dans 
sa  jeunesse  il  cultiva  la  science  du 
droit,  jiuisque  les  deux  bibliothé- 
caires qu'on  vient  de  citer  lui  don- 
nent le  titre  de  jurisconsulte.  Ayant 
embrassé  depuis  l'état  ecclésiastique. 


(i)  Voyei  cPs  actes  en  grec  dans  Pholius  ,  CoJ. 
054.  n'a|ii-è,s  le  teaioignagc  (le  Lanibeccius  ,  on 
trouve  dans  les  manuscrils  precs  de  la  bililiollù- 
(juc  impériale  à  Vienne  une  Einlre  à  Timolliéc ^ 
>ur  la  mon  des  saints  apSlrrs ,  Pierre  et  Faiil. 


9C 


TIN 


il  visita  l'Italie  dans  le  but  de  perfec- 
tionner son  goût  pour  la  musique. 
Ses  talents  l'y  firent  bientôt  connaître 
d'une  manière  avantageuse  ;  et  Fer- 
dinand d'Aragon,  roi  de  Sicile ,  s'em- 
pressa de  l'admettre  au  nombre  de 
ses  musiciens.  C'est  à  ce  prince  que 
Tinctor  a  dëdie  ses  Traites  sur  la 
musique,  dont  on  conserve  le  recueil 
parmi  les  manuscrits  de  la  bibliothè- 
que Saii-Salvador  à  Bologne.  Il  pa- 
raît que  Tinctor  avait  étudie'  toutes 
les  parties  de  son  art ,  et  qu'il  n'était 
pas  moins  habile  dans  la  théorie  que 
dans  la  pratique.  On  distingue  parmi 
ses  ouvrages,  tous  écrits  en  latin,  un 
Traité  de  V  Origine  de  la  musique  ; 
mi  autre  de  VArt  du  contre-point  ; 
lin  de  la  valeur  des  notes,  etc.  Il  fut , 
avec  Gafforio  (  F.  ce  nom  ) ,  l'un  des 
fondateurs  de  l'école  napolitaine.  La 
Borde,  qui  n'a  point  connu  la  patrie 
de  ce  musicien  ,  lui  a  consacré  deux 
articles ,  l'un  sous  le  nom  de  Tintou 
ou  Tinctoris  ,  Essai  sur  la  musi- 
que ,  III ,  a38  ;  et  l'autre,  sous  celui 
de  Tinctor,  870.  W — s. 

TINDAL  (  Matthieu  ) ,  né  ,  en 
i656,  d'un  ministre  de  Beer-Ferri, 
dans  le  Devonshire ,  fut  envoyé ,  à 
l'âge  de  dix-sept  ans  ,  à  l'université 
d'Oxford ,  où  il  prit  des  grades  en 
droit.  Sa  conduite  déréglée  lui  attira 
une  réprimande  sévère  et  publique 
de  la  part  de  ses  maîtres  ;  mais  celte 
remontrance  n'opéra  pas  en  lui  le 
moindre  amendement.  Il  prit  alors 
le  parti  des  armes  dans  les  trou- 
})es  du  roi  Jacques  ,  et  après  avoir 
changé  de  profession  ,  il  changea 
de  religion  comme  de  parti  sui- 
vant les  circonstances  ,  et  toujours 
selon  ses  intérêts.  Tour  -  à  -  tour 
catholicpie  et  protestant  ,  il  ne 
croyait  rifn  dans  le  fond  de  l'ame. 
Partisan  de  Jaccjues  II  sur  le  trône  , 
et  .wn  détracleur  dans  la  disgrâce,  il 


TIN 

composa  contre  ce  prince  des  e'crits 
qui  lui  valurent,  du  nouveau  gouver- 
nement, une  pension  de  deux  cents 
livres  sterling,  dont ,  malgré  son  im- 
piété scandaleuse,  il  jouit  paisible- 
ment jusqu'à  sa  mort  ,  arrivée  à 
Oxford,  le  16  août  1783.  Tindal 
publia  à  Londres  ,  i6g4,  iii-4°v  "^ 
Essai  concernant  V obéissance  due 
aux  pouvoirs  suprêmes ,  et  le  devoir 
des  sujets  dans  toutes  les  révolu- 
tions,  avec  des  considérations  sur 
l'état  actuel  des  affaires.  Mais  cet 
ouvrage,  et  quelques  autres  avaient 
fait  peu  de  sensation  ,  lorsqu'il  mit 
au  jour  ,  en  1706,  les  Droits 
de  l'Eglise  chrétienne  ,  défendus 
contre  les  prêtres  romains  et  con- 
tre tous  les  autres  qui  préten- 
dent à  un  pouvoir  indépendant.  Il 
en  avait  pris  l'idée  dans  le  Lucii 
Antistii  Constantis  de  jure  eccle- 
siaslicorum ,  etc.,  attribué  à  Spi- 
nosa  ,  mais  qu'on  croit  être  de  Louis 
Meyer  ,  son  disciple.  Sous  le  spé- 
cieux prétexte  de  réduire  la  puis- 
sance ecclésiastique  à  de  justes  bor- 
nes, il  établit  des  principes  et  en  for- 
me un  système  qui  ruinent  également 
et  la  puissance  légitime  des  souve- 
rains dans  leurs  états,  et  la  juridic- 
tion des  évêifues  dans  l'Lglise.  C'était 
principalement  à  l'Eglise  anglicane 
que  Tindal  en  voulait.  Aussi  le  doc- 
teur Swift  l'accuse-t-il  d'avoir  puisé 
ses  principes  dans  la  doctrine  de 
l'Église  romaine.  Cet  ouvrage  fut 
vivement  réfuté  par  les  plus  savants 
théologiens  anglicans,  et  condamné 
par  les  tribunaux  à  être  brûlé.  L'au- 
teur, ])oursuivi  jiersonuelkment,  dis- 
parut pendant  (pielque  temps,  et  alla 
publier  la  seconde  partie  de  son  ou- 
vrage fil  Hollande  ,  sous  le  titre  de 
Traité  des  fausses  Eglises.  Tindal 
avait  prévu  le  scandale  que  son  livre 
devait  ])roduire,  et  il  en  avait  joui 


TIN 

pAi-  anticlpatioa.  Quelqu'un  le  trou- 
vant un  jour  la,  plume  à  la  main  , 
J'écris  ,  dit- il,  un  livre  qui  mettra 
le  dérivé  en  fureur.  Au  reste  ,   cet 
ouvrage  fut  accueilli  avec  faveur  par 
plusieurs    protestants   étrangers,  et 
Le  Clerc  en  fit  un  grand  éloge  dans 
sa    Bibliothèque   choisie.    Dans    le 
Christianisme  aussi  ancien  que  le 
momie,  publie  en  1 780  jin-/»". ,  Tin- 
dal  s'attacha  à  prouver  que  la  révéla- 
tion est  absolument  impossible  ;  que 
l'Évangile  n'est  que  la  confirmation 
de  la  loi  naturelle  ,  dont  il  ne  fait 
que  meltre  les  principes  dans  un  jour 
plus  lumineux^  en  dissipant  les  er- 
reurs par  lesquelles  la  dépravation  des 
siècles  précédents  l'avait  dégradée. 
Le  but  de  l'auteur  est  évidemment 
de  ruiner  de  fond  en  comble  toutes 
les  religions  positives,  et  de  détruire 
tous  les  mystères.  La  morale  n'y  est 
pas    plus    respectée   que  le  dogme. 
Forster  et  J.  Leland  écrivirent  con- 
tre cctouvrage,  et  Pope,  dans  sa  Dun- 
ciada,  traita  sévèrement  Tindal.  Ce 
livre  fit  grand  bruit.  Les  déistes  le 
produisirent  partout    comme   l'ou- 
vrage   le  plus  fort  qui  eût   encore 
paru    contre  le  christianisme.  Vol- 
taire vanta  l'auteur  comme  le  plus 
intrépide    défenseur  de    la    reli- 
gion naturelle.   Tindal    ne  faisait 
cependant  que  ressasser  les  arguties 
de  Collins.  Son  ouvrage  ,  dépouillé 
du  faste  d'une  fausse  érudition  par 
les  solides  réfutations  qu'en  {ireut  les 
savants  théologiens  de  l'Église  an- 
glicane, ne  parut  plus  c[u'une  mépri- 
sable répétition   de  lieux,  communs 
contre  le  clergé,  d'objections  cent  fois 
rebattues  contre  quelques  textes  dif- 
ficiles de  l'Écriture  sainte  ,   de  pa- 
ralogismes  dégoûtants  par  leur  en- 
nuyeuse prolixité  :  aussi  Swift  pense- 
t-il  que  l'auteur  ne  devait  toute  sa 
re'putation  qu'à  l'impiété  qui  règne 

XLVI. 


TIN  9^ 

dans  soflilivrei'  Ceia'en  idtait  iencoi'e 
là  que  la  première  partie  j  :1a  mo^tt 
de  Tindal   l'empêcha  de   mettre  la 
seconde  au  joui^  Gibson  ,  évè(|ue  de 
Londres,    s'opposa  à  cette  publica- 
tion.   On   peut  voir    de    plus    ain- 
])les  détails  sur    la    personne  et  les 
ouvrages  de   ce  fameux  inci'édule  , 
dans   ['Histoire   du    philosophisme 
anglais  ,-j)ar  l'auteur  de  cet  article. 
—  Nicolas     TiNDALv    neveu    du 
précédent^né  en  1687  ,  mort  le  27 
juin  1774,  âgé  de  quatre-vingt-sept 
ans  ,  a  donné  la  traduction  en  anglais 
àts  Antiquités  sacrées  et  profanes, 
de  D.  Caîmct ,  1 7  24  ;  et  de  V Histoi- 
re d' Angleterre  de  Kapin-Thoyras  , 
1726,6  V.  in-8''.,  1732,  i^SS',  2vol. 
m-fol. ,  ainsi  qu'une  continuation  de 
cette  histoire,  1744»   ^747  7  5  vol. 
in-S*^.  ,  deuxième  édition  ,  1 751.  Le 
tout  fut  réimprime  en  1757  ,  21  vol. 
in-8''.  Cet  ouvrage  eut  un  très-grand 
succès.  Tindal  publia  aussi  wna  tra- 
duction   de  ['Histoire  de  l'empire 
Oihoman^  par  le  prince  Cautemir  , 
in-fol.   I!  avait   été  élu,  en   1736 , 
membre  de  la  société  des  antiquaires. 
Son  oncle  l'avait ,   peu   de    temps 
avant  sa  mort  ,  désigné  son  unique 
héritier,  par  un  testament  en  bonne 
forme  •  mais  le  seul  testament  qu'on 
trouva   après    le  décès  ,    assignait 
2000  guinées,    et   le  manuscrit  du 
second    volume  du    Chrisliajiisme 
aussi  ancien  que  le  monde  ,  à  Eus- 
tache  Budgell.  Nicolas  Tindal,  per- 
suadé que  celui-ci  avait  forgé   cet 
acte  pour  s'emparer  de  la  phis  gran- 
de partie  de  la  succession  ,  l'attaqua 
comme  faussaire  dans  quelques  écrits 
imprimes  vers  1 733.  Budgell  (  f^.  ce 
nom  )   se  défendit   maladroitement 
dans  sa  feuille  périodique  ,  intitulée 
V yiheille  ;    et    cette    fiétrissure   est 
restée  attachée  à  sa  mémoire.' — Tin- 
dal (William)  ,  membre  de  la  socie'té 


gS  TIN 

des  antiqiiaires  ^  et  rliapclain  de  la 
tour  de  Londres,  esl  auteur  de  :  I. 
Histoire  et  antiquités  de  Vabbajc 
et  du  bourg  d' Evesham  ,  1794  ■>  i"- 
4".  II.  Excursions  d'un  jeune  hom- 
me {  Juvénile  excursions  )  dans  la 
littérature  et  la  critique,  1791  , 
in-r2.  m.  Les  malheurs  et  les 
avantages  du  génie  mis  e?i  con- 
traste ,  essai  poétique  en  trois  chants, 
en  vers  blancs,  \Vo^.  Il  se  tua  cette 
même  année  d'un  coup  de  pistolet , 
à  l'âge  de  cinquante  ans.        T — d. 

TINELLI  (TiBÈut),  peintre,  né, 
à  Venise,  en  i58(),  reçut  les  pre- 
mières leçons  de  son  art  du  cheva- 
lier Contarino  ,  élève  du  Titien  ,  et 
passa  ensuite  à  l'école  du  Bassan, 
qui  lui  enseigna  l'art  du  portrait. 
Voulant  s'élever  au  premier  rang  , 
il  s'appliqua  à  étudier  la  nature  , 
l'histoire  et  tout  ce  qui  y  a  rapport. 
Il  commença,  dans  un  couventde  reli- 
gieuses, à  représenter  plusieurs  sujets 
de  l'Évangile.  Les  ouvrages  de  cet 
artiste  ,  qui  se  trouvent  dans  les 
églises  de  Venise  ,  de  Vérone  et  de 
Padoue  ,  sont  d'une  touche  facile  , 
d'une  belle  couleur  et  d'un  dessin 
correct  ;  ses  portraits  ,  qui  sont  en 
grand  nombre ,  n'ont  pas  moins  de 
mérite  que  ses  tableaux  d'histoire. 
Un  de  ses  portraits  ayant  été  pié- 
senté  ,  en  it)33  ,  au  roi  Louis  XIII , 
ce  prince ,  qui  s'occupait  de  la  pein- 
ture au  pastel ,  désira  le  faire  venir 
auprès  de  sa  personne.  Tinelli  promit 
de  se  rendre  à  Paris,  et  dans  cet 
espoir,  Louis  XIII  le  (it  décorer  du 
cordon  de  Saint-Michel,  faveur  qu'on 
n'accoidail  qu'aux  jxrsonnes  distin- 
guées |)ar  leurs  places  ou  par  leursta- 
lents.  (le  l'ut  lediic  de C-réquy, ambas- 
sadeur de  France  près  de  la  répidjli- 
que  de  Venise,  qui  le  reçut  chevalier 
au  nom  du  roi.  IVIalgré  cette  distinc- 
tion et  d'autres  grâces  (|ni  lui  étaient 


TIN 

offertes  ,  Tinelli  ne  remplit  point  ses 
engagemcTits.  Sa  mère,  qui  craignait 
de  le  perdre  pour  toujours  ^  l'empê- 
cha de  venir  en  France  ,  et  d'y  jouir 
des  liienl'aits  du  roi.  Il  resta  à  Venise^ 
et  y  mourut  en  i638.  Z. 

TINGRY  (  Pierre  -  François  )  , 
professeur  de  chimie  et  d'histoire  na- 
turelle, né,  à  Soissons,  en  1743,  étu- 
dia la  chimie  à  Paris,  sous  le  célèbre 
Rouelle,  et  se  rendit  à  Genève,  en 
1770,  pourvu  de  nombreuses  con- 
naissances théoriques  et  pratiques,  et 
brûlant  du  désir  de  se  distinguer.  Il 
y  réussit  promptement  comme  phar- 
macien ,  comme  chimiste  et  minéra- 
logiste. Recherché  par  les  savants , 
entre  autres  par  de  Saussure  et 
Senebier,  il  forma  avec  eux  des 
relations  d'amitié  qui  ne  cessèrent 
qu'avec  leur  vie.  Le  charme  du  sé- 
jour de  Genève  l'ayant  déterminé  à 
s'y  fixer,  il  y  acquit  la  bourgeoisie  , 
en  1773  ;  et  dès  cette  époque,  il  se 
dévoua  tout  entier  au  service  de  sa 
])atrie  adoptive.  L'année  suivante  , 
il  publia  deux  écrits ,  l'un  intitu- 
lé :  Jlnalj'se  des  eaux  de  Mnrclaz, 
1774,  in -8°.;  l'autre  :  Prospectus 
pour  un  cours  de  chimie  théorique 
et  pratique  ,  in-4°.Tingry  fut  un  des 
quinze  amateurs  que  de  Saussure  re'n- 
nit  auprès  de  lui ,  en  177^' ,  dans  des 
coiiiVrences  qui  avaient  pour  objet 
ravanccmont  des  arts  que  l'on  culti- 
ve à  Genève.  Ce  fut  l'origine  de  la 
Société  des  arts ,  qui  depuis  lors  n'a 
cesse  de  rendre  à  cette  ville  des 
services  qui  ne  se  sont  j)as  bornés  à 
son  enceinte  ;  Tiugry  en  fut  nom- 
mé vice- président.  IJn  des  premiers 
soins  de  celle  société  ,  à  sa  naissance, 
fut  de  faire  donner  des  cours  gratuits 
de  chimie,  destinés  spécialement  aux 
artistes.  Tingry  en  fut  chargé,  et 
réussit ,  en  leur  faisant  connaître  la 
.science  ,  à  leur  en  inspirer  le  goût  et 


TIN 


TIN 


99 


à  leur  en  prouver  l'utilité'.  Il  publia  ,  était  son  activité ,  que  ces  travaux  di- 

dans  cette  vue ,  en  1777,  un  F r os-  vers  et  les  occupations  d'une  pharma- 

pectus  pour  un  cours  de  chimie  à  oie  fort  accréditée  ne  l'empêchaient 

l'usage  des  artistes ,  in -4".  Il  s'oc-  point  de  donner  des  cours  particu- 


cupa  ensuiîe  de  la  construction  des 
appareils  destinés  à  préserver  les  do- 
i'eurj  de  l'atteinte  des  vapeurs  mer- 
curielles.  Le  Mémoire,  sur  ce  sujet , 
qu'il  lut  à  la  Société  des  arts ,  fut  ré- 


licrs .  fort  suivis  ,  de  chimie  et  de  mi- 
néralogie, à  l'aide  d'une  riche  col- 
lection qu'il  avait  formée.  Le  sujet 
des  vernis  l'occupa  long-temps;  et  il 
puMia  le  résultat  de  ses  études,  dans 


compensé  par  une  médaille,  et  inséré  un  excellent  ouvrage  :  Traité  théo- 
dans les  [Mémoires  de  la  Société  et  rique  et  pratique  sur  l'art  défaire 
dans  le  Journal  de  Physique.  On  vit  et  d'appliquer  les  vernis  sur  les  dif- 
paraître  ensuite  trois  Mémoires  sur  férents  genres  de  peinture ,  les  cou- 
une  espèce  de  schistes  que  l'on  trou-  leurs  simples  et  composées  j,  Genève, 
fr'f  près  de  Salanches ,  et  qui  four-  i8o3,  -i  vol.  in -8".  Ce  savant  ter- 
nissent  le  sel  amer.  L'académie  de  mina  sa  carrière, âgé  desoixaute-dix- 
Turin  lui  décerna  une  médailie  d'or  huit  ans, le  i3fév.  i<S2i  , ayant con- 
pour  ces  Mémoires  ,  q)ii  indiquaient  serve  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  l'usagede 
à  la  Savoie  une  nouvelle  source  de  ses  facultés.  I!  a  mis  le  comble,  par  un 
commerce.  Il  a  donné,  sous  forme  acte  de  ses  dernières  volontés,  aux 
de  tableaux,  une  analyse  des  eaux  de  preuves  de  son  dévouement  à  la  scien- 
diflérentes  sources  des  environs  de  ce  et  à  sa  seconde  patrie,  en  attachant 
Genève;  une  Analyse  des  eaux  mi-  à  la  chaire  de  chimie  de  l'académie 


nérales  de  Drise  près  Carouge  ,  in- 
8°. ,  1 785  ;  et  ce  fut  son  ouvrage  sur 
les  ^K  chaudes  de  Saint  -  Gervais 
(  prèsSalanches  )  qui  commença  leur 
célébrité.  L'académie  de  Dijon  cou- 
ronna, en  1785,  son  Mémoire  ^wr 
les  remèdes  antiscorhutiques  qu'on 
peut  tirer  de  la  famille  des  cruci- 


de  Genève  la  jouissance  de  sa  maison 
de  campagne,  l'une  des  plus  agréa- 
bles entre  celles  qui  ornent  les  bords 
du  lac  Léman.  On  trouve  une  Notice 
sur  Tingry  dans  la  Bibhothèque  uni- 
verselle ,  tome  XVI ,  wSiences  et  Arts,  p. 
173  ,  et  XVII,  pag.  326.  M — n — d. 
T I N  S  E  A  U  (  Jean  -  Antoine  ) , 


J'eres.  Le  Journal  de  physique  et  pieux  et  savant  prélat ,  était  né,  le 

plusieurs  autres  recueils  scientiliqnes  20  avril  1O97  ,  ^'  Bcsançou ,  d'une 

contiennent  les  fruits  de  ses  rccher-  famille  patricienne,  qui  subsiste  en- 

ches.  Nous  indi({ lierons  entre  antres  :  core  honorablement.  Uoué  d'une  vas- 

Observativns  sur   la    variété    des  te  mémoire  et  d'une  ardeur  infatica- 


spaths ,  dans  les  Mémoires  de  la  so- 
ciété des  Curieux  de  la  nature  cl  dans 
le  Jour  mil  de  phjsiquej  Sur  la  com- 
position de  l'éther  { tome  xxxiii  )  ; 


ble  pour  l'étude,  il  lit,  sous  la  di- 
rection de  son  père,  magistrat  dis- 
tingué ,  de  rapides  progrès  dans  les 
lettres  et  les  sciences.  Ayant  résolu 


Sur  l'acide  phosphorique  (xxxv);  de  se  consacrer  à  l'état  ecclésiastique, 

Sur  la  consistance  que  les  huiles  ac-  après  avoir  achevé  ses  cours  de  théo- 

quièrent    a    la    lumière    (  xlvi    et  logie  et  de  droit  canonique,  il  entra 

XLV  II  )  ;  Sur  la  phosphorescence  des  au  séminaire  en  même  tcinj)s  que  l'ab- 

corps ,  et  particulièrement  des  eaux  bé  Tricalet  (  /  '.  ce  nom) ,  avec  lequel 

de  la  mer  (i,\vii);  Sur  la  nature  il  se  lia  d'une  étroite  amitié.  Ses  ta- 

du  Jluide  électrique  (ibid.).    Telle  lents  et  ses  vertus  lui  méritèrent  bicn- 

-^  7- 

B!3LfOTHfr 


luo  TIN 

tôt  toute  la  confiance  de  rarchevêque 
Aut.  Pierre  II  de  Grammorjt  (  i  ) .  qui 
6e  reposa  sur  lui  des  soins  de  l'admi- 
nistration du  diocèse  de  Besançon , 
alors  le  plus  vaste  du  royaume.  Joi- 
gnant à  des  connaissances  étendues 
et  variées  un  esprit  juste  et  pénétrant, 
et  l'art  si  dilhcile  de  connaître  les 
tommes,  il  pourvut  les  paroisses  de 
pasteurs  éclairés  et  vigilants ,  et  re- 
mit partout  en  vigueur  les  sages  ré- 
g'ements  tombés  en  désuétude.  Nom- 
mé, en  1745,  évêque  de  Eelley,  il 
s'occupa  de  faire  refleurir,  dans  son 
diocèse,  avec  les  bonnes  études^  l'an- 
cienne discipline,  et  tint ,  chaque  an- 
née ,  des  assemblées  synodales ,  dont 
il  publia  les  décisions  (2).  En  i-jSi  , 
il  fut  transféré  sur  le  siège  de  Ne- 
vers  ,  où  il  porta  le  même  zèle. 
Simple  dans  ses  goûts  comme  dans 
ses  mœurs, il  distribuaitaux  pauvres, 
chaque  année ,  la  plus  grande  partie 
de  ses  revenus,  et  s'imposait  des  pri- 
vations pour  se  procurer  les  moyens 
de  favoriser  les  jeunes  ecclésiastiques 
qui  montraient  des  dispositions 
pour  l'étude.  Sa  bibliothèque,  nom- 
bi'euse  et  choisie,  leur  était  ouverte 
en  tout  temps  ;  et  il  se  faisait  un  de- 
voir de  les  diriger  dans  leurs  lectu- 
res. L'évèque  de  Nevers  avait  été 
nommé  l'un  des  premiers  membres 
de  l'académie  de  Besançon  (  i']5-z). 
Il  mourut  à  Nevers ,  le  '2^  sep.  1  'jS'2. 
L'éloge  de  ce  prélat ,  par  M.  Berge- 
ret,  avocat -gcnéral  au  parlement, 
ne  se  trouve  point  dans  les  recueils 
de  l'académie  ;  mais  il  en  existe  des 
copies.  W — s. 

TINSEAU  D'AMONDANS(Char- 
les-Marie-ThébÈse-Léon)  ,de  la  mê- 


'i;  Afi*.  Pirrr**  Il  tir  Gr.iinnïniil  .  iiniiimô  archf- 
Trtjur  fir  IViaiH'^n  ,  |i'  Ho  j.invin  i;'' "> ,  iiioiiriit  Ir 
-  flpplrriiltro  17.I4. 

i\  StiiUila  *ynvdalin  tiiaT.rt'if  B^'Uirrnfn  rtlitit  fil 
/^romtdgutn    in  fynndit  fiiœmanii    iinnor.     ^-4** 
4-.  ^H  ft  ^g  ,  I.Ton  ,  17'ig,  in- 11 


TIN 

me  famille  que  le  précédent ,  naquit, 
à  Besançon,  le  19  avril  1749- Admis 
comme  élève  à  l'école  du  génie ,  à  l'a  ge 
de  vingt  ans,  il  ne  tarda  pasàsesigna- 
1er  par  son  application  à  l'étude  et 
par  la  rapidité  de  ses  progrès  dans 
les  mathématiques.  11  n'était  que  lieu- 
tenant quand  il  obtint  le  titre  de  cor- 
respondant de  l'académie  des  scien- 
ces (1773),  sur  la  présentation  de 
deux  Mémoires  insérés  depuis  dans 
le  tome  ix  du  Recueil  des  savants 
étrangers  (  i  )  ;  et  il  se  serait,  sans  au- 
cun doute,  placé  parmi  les  premiers 
mathématiciens  de  répoque,si  la  révo- 
lution n'eût  interrompu  ses  travaux. 
Il  prit  une  part  active  aux  délibé- 
rations de  la  chambre  de  la  noblesse 
franc-comtoise,  assemblée  à  Quin- 
gey  ,  en  1788,  et  fut  l'un  des  quatre 
députés  chargés  de  porter  à  Versail- 
les un  Mémoire  dont  il  était  le  prin- 
cipal rédacteur  (2) ,  et  qui  contenait 
des  représentations  très  -  énergiques 
sur  les  dangers  du  système  adopté 
par  le  ministère.  La  marche  dB^evé- 
nemenls  l'ayant  obligé  de  quitter  la 
France,  il  rejoignit,  en  1791  ,  le 
prince  de  Condé  ,  à  Worms  ;  et  il  y 
publia  ,  sous  le  litre  à'Essai  sur  les 
deux  déclarations  du  roi ,  une  pro- 
testation contre  toute  espèce  de  ré- 
forme :  «  Je  n'admettrai,  dit-il,  ja- 
»  mais,  sous  aucun  prétexte ,  le  moin- 
■»  dre  changement  à  la  constitution 
»  par  laquelle  la  monarchie  a  pros- 
«  péré  pendant  tant  de  siècles.  »  Il 
fit  la  campagne  de  1792  ,  à  l'armée 
des  princes,  en  qualité  de  capitaine 
du  génie.  L'année  suivante  ,  il  fut  en- 
voyé à  Toulon,  que  les  habitants  ve- 

(i)  .Koliilions  de  rjiieh/nrs  profdèines  relatifs  h  la 
théorie  de(  sur/aca  roiir/iei  ,  et  drt  courbes  à  dou- 
ffles  conrhitres j  avec  oi  pi.  ,  p.  5*)3  ;  —  sur  tfuelnues 
proprièléi  des  solides  renfermas  par  des  surfaces 
romumcrf  dr  ligncf  droites ,  nvec  une  pi.  .  p.  tîj.'î- 
,'1 V  iVlmiturla  cile  axer  é\osiF.  ce»  essai»  de  1  uiscau, 
dans  Sun  Utitoire  des  niathéntatifj.  ,  III ,  losi. 

'?)  Mémoire  nu  rui ,  in-S".  de  .'|7  (m. 


TIN 

liaient  de  livrer  aux  Anglais  ;  et  il 
concourut  de  tous  ses  moyens  à  re- 
tarder la  prise  de  cette  place  par  les 
républicains.  Après  avoir  séjourne 
quelque  temps  ou  Angleterre ,  il  visi- 
ta la  Haute  Italie  et  la  Suisse  ,  et  re- 
joignit l'armée  de  Condé,  Le  roi  de 
Prusse  ayant  reconnu  la  république 
par  le  traité  de  Bàle  (5  avril  «  795) , 
Tinseau ,  qui  n'avait  rien  néglige  pour 
rompre  les  négociations  entamées  par 
le  ministère  prussien  ,  proposa  ,  dans 
un  écrit  rendu  publie ,  de  déclarer 
déchus  de  tous  leurs  droits  les  prin- 
ces qui  traiteraient  à  l'avenir  avec  la 
France.  Les  relations  qu'il  avait  con- 
servées en  Fianclic-Comlé  lui  donnè- 
rent l'espoir  d'organiser,  dans  cette 
province,  une  insurrection  royaliste. 
Il  fit,  dans  ce  but,  un  A'oyage  à  Be- 
sançon; mais  ayant  été  découvert,  il 
se  liàta  de  regagner  la  Suisse.  Crai- 
gnant d'être  poursuivi  dans  sa  fuite, 
il  jeta  tous  les  papiers  qu'il  avait  sur 
lui.  On  y  trouva  la  liste  des  person- 
nes sur  la  coopération  desquelles  il 
avait  compté  pour  le  succès  de  son 
plan.  Elle  fut  envoyée  au  Directoire, 
qui  donna  l'ordre  d'arrêter  les  prin- 
cipaux chefs  royalistes.  Cette  alFaire 
n'eut  cependant  aucune  suite  fâcheu- 
se. Ayant  réjouit  l'armée  de  Condé, 
Tinseau  lit,  sous  les  ordres  de  ce 
prince,  les  campagnes  de  1796  et 
1797.  Il  reçut,  en  1796-,  des  mains 
du  roi  Louis  XYIII  la  croix  de  St.- 
Louis,  qu'il  avait  refusée  en  I790  , 
n'ayant  pas  cru  pouvoir  l'accepter 
d'un  ministre  constitutionnel;  et,  en 
1797  ,  il  fut  nommé m.ij or,  puis  lieu- 
tenant-colonel du  génie.  Après  le  li- 
cenciement de  l'armée  de  Condé,  Tin- 
seau se  rendit  en  Angleterre;  et  il  y 
publia  successivement  plusieurs  écrits, 
dans  l'iiitérct  de  la  cause  à  laquelle  il 
s'était  dévoué  tout  entier.  L'un  des 
plus  remarquables  est  celui  qu'il  fil 


pour  engager  le  cabinet  britannique 
à  mettre  les  princes  français  en  pos- 
session de  l'île  de  Saint  -  Domingue  , 
qui  serait  devenue  un  point  de  réunion 
pour  tous  les  Français  attachés  à 
l'antique  monarchie.  Ayant  réussi  à 
calmer  le  peuple  de  Londres  sur  les 
craintes  d'une  descente,  il  reçut  du 
gouvernement  anglais ,  avec  une  let- 
tre très  -  flatteuse  ,  un  présent  consi- 
dérable. Il  contribua  beaucoup  aussi 
à  rassurer  le  cabinet  de  Saint-James 
sur  les  suites  que  pouvait  avoir  la  pri- 
se de  jMalte  par  Buonaparte  (12 
juin  1798),  en  démontrant  la  pos- 
sibilité de  reprendre  cette  île  dans 
quinze  jours.  Une  nouvelle  coali- 
tion s'étant  formée  contre  la  répu- 
blique, il  se  rendit  en  Italie,  par 
l'ordre  des  princes  ;  fut  nommé,  par 
Souv^Trow  (  Voj.  ce  nom  ),  chef 
de  son  état-major  ;  et  après  la  batail- 
le de  Zurich ,  gagnée  par  Masséna 
(  F^oy.  ce  nom  ) ,  sauva  les  débris  de 
l'armée  russe.  A  son  retour  en  An- 
gleterre, il  fut  accueilli  par  le  comte 
d'Artois  (Charles  X),qui  le  nomma 
son  aide -de- camp  _,  et  le  chargea  de 
ditTérentes  missions  importantes  sur 
le  continent.  Il  était  à  Lisbonne  lors 
de  l'entrée  des  Français  en  Portugal; 
et  ce  fut  lui  qui  donna  au  roi  le  con- 
seil de  se  retirer  an  Brésil  avec  sa  fa- 
mille. Il  refusa  les  otlVes  du  gouver- 
nement anglais ,  qui  desirait  s'atta- 
cher un  oiiicier  d'un  si  rare  mérite. 
Buonaparte,  devenu  empereur,  lui 
fit  proposer  par  Monge  ,  son  ancien 
condisciple,  de  rentrer  en  France, 
lui  promettant  un  avancement  rapi- 
de ;  mais  rien  ne  put  ébranler  sa  fi- 
délité à  une  cause  que  tout  le  monde 
alors  regardait  comme  perdue.  Sans 
cesse  occupé  de  susciter  de  nou- 
veaux ennemis  à  Buonaparte  ,  il 
fournit  des  plans  à  toutes  les  coa- 
litions  qui   se   succédèrent  jusqu'en 


102  'UN 

i8i3.  Devenu  veuf  et  reste'  seul 
sur  une  terre  étrangère ,  il  trouva , 
dans  un  second  mariage,  les  con- 
solations dont  il  avait  besoin.  L'aifai- 
blissemeiit  de  ses  forces,  à  la  suite 
d'une  longue  et  douloureuse  maladie, 
ne  lui  permit  pas  de  suivre  le  roi  à  sa 
rentrée  en  France  ,  en  i8i4-  H  ne  re- 
vit la  terre  natale  qu'en  i8îG.  Pro- 
mu, depuis  plusieurs  années,  au  gra- 
de de  mare'chal-dc-camp  du  génie,  il 
sollicita  sa  retraite, et  Vint,  avec  sa 
nouvelle  famille,  habiter  Mcntpel- 
lier ,  où  il  est  mort,  le  '2  i  mars  1822. 
Parmi  les  nombreux  écrits  sortis  de 
sa  plume ,  on  citera  :  I.  Essai  sur  les 
deux  déclarations  du  roi ,  du  aS  juin 
1 789,  sur  les  modifications  à  y  faire 
pour  qu'elles  puissent  servir  de  base 
au  gouvernement  français,  et  sur  la 
nécessite  de  les  proposer  le  plus 
promptement  possible  aux  états -gé- 
néraux ,  Worms  (t  Coblenlz,  1791, 
in-8''.  Cet  ouvrage  fut  réimprimé,  en 
i'](y^-,  sous  ce  titre  :  Nom'eau  plan 
de  constitution ,  présenté ,  par  MM. 
les  gentilshommes  émigrés,  à  la  na- 
tion française ,  ou  Essai  sur  les  deux 
déclarations,  etc.  Tinscau  désavoua 
cette  réimpression ,  faite  sans  son 
aveu  ,  déclarant  qu'il  n'avait  jamais 
eu  de  mission  des  gentilshommes 
pour  parler  en  leur  nom.  II.  Les 
Suisses  peuvent-ils  et  doivent-ils  re- 
connaître la  république  française  ? 
1793,  iii-8".  m.  Précis  historique 
du  siège  de  Toulon^  T^ondres,  17947 
in  -  8".  IV.  Mémoire  sur  l'état  de 
l'armée  de  Condé  (  en  Allemagne  ) , 
179(5.  in  -  8".  V.  Lettres  à  milord 
Hawkesbury  sur  la  paix  d'Amiens  , 
insérées  i\,\\\i>Vyimnial  register,  sous 
le  nom  de  Wil.  Tobbett.  VI.  V Em- 
pire germanique  divisé  en  départe- 
ments ,  sous  la  jiréfecture  de  l'élec- 
teur de  lirandehourg  ,  IjOudrcs  , 
180';',,  in-8".  Vil.  Examen  de  Vélat 


TIN 

politique  et  militaire  où  la  paix  con- 
tinentale mettra  l'Europe,  j)ar  rap- 
port à  la  France ,  ibid. ,  1 8o3  ,  iu- 
8".  VIII.  apologie  des  émigrés 
français,  ibid. ,  i8o4 ,  iu  -  8"^.  IX. 
Essai  sur  les  relations  politiques  de 
la  Bussie  et  de  la  France,  ibid., 
i8o5 ,  in-8'\  X.  Parallèle  de  la  con- 
duite  des  gouvernements  britanni- 
que et  espagnol,  l'un  par  rapport  à 
l'autre,  depuis  le  renouvellement 
de  la  guerre  entre  la  France  et 
V Angleterre ,  ibid.,  i8o'j  ,  in  -  8°. 
Xï.  Statistique  de  la  France,  ibid., 
i8o5,in-8''.  W— s. 

TINTÉNIAC  (  Le  chevalier  de  ) , 
l'un  des  premiers  chefs  royalistes  de 
la  Bretagne,  dans  les  gueri'es  de  la 
révolution  ,  appartenait  à  une  fa- 
mille illustre  de  cette  provmce  ,  qui 
depuis  le  treizième  siècle  y  possédait 
de  grands  biens.  Il  entra  fort  jeune 
dans  !a  maiine  royale.  Brave  jusqu'à 
la  téraérilC;  et  mu  par  des  passions 
très-vives,  il  se  compromit  d'une 
manière  grave,  par  sa  légèreté,  dans 
une  ailaire  de  galanterie,  à  Brest  : 
on  l'en  punit  sévèrement ,  et  il  fut 
obligé  de  sortir  du  corps  de  la  mari- 
ne. Condamné  ainsi  à  l'oisiveté,  il 
jieixlit ,  pour  sou  avancement  ,  les 
plus  belles  années  de  sa  jeunesse.  Le 
malheur  mûrit  ses  idées ,  sans  calmer 
ses  sentiments  chevaleresques.  Dès 
l'origine  de  la  révolution ,  il  se  dé- 
clara contre  ses  principes ,  et  s'en- 
gagea dans  la  conspiration  de  la 
Houarie  {F.  ce  nom  ) ,  dont  il  devint 
l'aidc-dc-camp.  Il  fut  chargé  de  com- 
missions délicates  et  périlleuses  qu'il 
remplit  avec  intelligence  et  succès. 
Poursuivi  par  les  révolutionnaires 
a|  lès  la  mort  de  son  chef  et  après 
la  découverte  delà  conspiration,  il 
échappa  à  toutes  les  recherches,  et 
jiassa  en  Angleterre.  Là ,  de  coiic<rt 
avec  les  principaux  émigrés  bretons, 


TIN 

ihs'ellbrça  d'intéresser  Je  ijuait-tcre 
anglais  à  la  cause  des  royalistes  qui 
venaient  de  se  déclarer  avec  tant 
d'cfclat  dans  la  Vendée.  Pill  le 
choisit  pour  ouvrir  les  premières 
coramuuications  entre  le  cal)inet  de 
Londres  et  les  Vendéens;  d  s'agis- 
sait d'aller  s'aboucher  avec  leurs 
chefs,  au  centre  même  de  la  Vendée. 
Décide'  ta  braver  tous  les  dangers 
d'une  telle  mission,  Tintcniac  s'em- 
barque dans  le  mois  de  juillet  1793, 
et  se  fait  mettre  à  terre  pendant  la 
nuit,  aux  environs  de  Sajul-IMalo. 
Là,  sans  guide  ,  sans  passe-[)ort,  il 
traverse  seul  au  point  du  jour  la  pe- 
tite ville  de  Cliàleauneuf ,  répond  ct- 
loj  en  au  </««'  we  de  la  sentinelle  , 
passe  sans  être  arrêté,  et  se  trouve 
bientôt  dans  l'intérieur  des  terres. 
Gardé  deux  jours  dans  une  métairie, 
et  conduit  à  des  municipaux  roya- 
listes, ou  le  revêt  d'habits  de  paysan 
et  on  lui  donne  un  guide.  De  station 
en  station,  il  atteint  les  bords  ûc 
la  Loire,  après  avoir  fait  cinquan- 
te lieues  à  pied  eu  cmq  nuits,  évitant 
toujours  les  ])ostes  et  les  cantonne- 
ments des  républicains.  Le  fleuve 
était  gardé  par  des  chaloupes  canon- 
nières et  j)ar  des  batteries  placées  de 
distance  en  distance  ;  mais  à  l'aide 
de  matelots  riverains  dévoués  à  sa 
cause,  Tinténiac  passe  furtivement 
sur  la  rive  oiipose'e  ,  parvient  au 
camp  vendéen  d'Isigny  ,  et  enfin 
au  cliàteau  delà  Boidaye ,  près  de 
Cliatillon  ,  où  étaient  rassemblés  les 
chefs  royalistes.  Il  leur  montre  ses 
dépèches,  et  sur  l'étonnement  ([u'on 
lui  témoigne  de  ce  que  le  miiiislire  an- 
glais l'a  choisi  pour  un  tel  message, 
lui  dont  l'inexpérience  cl  la  jeunesse 
pouvaient  ne  pas  insjnrer  une  assez, 
grande  conliauce  ,  il  fait  observer 
d'abord  ([r.e  plusieurs  autres  gentils- 
hommes avaient  refusé  cette  péril- 


11  IN 


1€)3 


leuse  mission  ,  [tuisil  ajoute  avec  une 
noble  franchise  :  «  Messieurs  ,  outre 
»  les  motifs  d'intérêt  général  qui 
»  m'auraient  seuls  déterminé,  je  ne 
')  vous  cacherai  pas  que  j'ai  été  mu 
»  par  une  considération  particulière  • 
»  ayant  en,  vous  le  savez  ,  une  jeu- 
»  nesic  très-blamàblc ,  j'ai  voulu  la 
»  faire  oublier  ou  périr,  d  La  con- 
fiance s'établit,  et  on  le  chargea  des 
réponses  aux  pro^iositions  du  gou- 
Aernement  anglais  ,  et  de  lettres 
adressées  aux  princes  frauçai.s.  Il  as- 
sura que  son  retour  serait  prochain; 
et  tomme  il  maïupiait  d'argent,  on 
lui  fil  compter  cinquante  louis  ,  par 
rijiîendant-généiaj.  Travesti  de  nou- 
veau en  paysan  ,  et  conduit  par  dillc- 
rents  guides ,  il  réussit ,  à  travers  mille 
dangers,  k  regagner  l'Angleterre , oti 
il  rendit  compte  de  sa  mission.  Ce 
fut  sur  les  dépêches  dont  il  était  por- 
teur, et  d'après  son  rapport,  que 
l'on  prépara  la  première  exjiédition 
anglaise  en  faveur  des  royalistes ,  ex- 
pédition commandée  par  lord  Moira 
(  depuis  lord  Hastings  ) ,  mais  qui 
arriva  trop  tard  sur  les  cotes  du  dé- 
partement de  la  Manche.  Les  Ven- 
déens n'avaient  pu  prendre  Gran- 
ville,  et  leur  grande  armée  fut  dé- 
truite peu  de  temps  après  au  Mans 
et  à  Savenay.  Toutefois  Charette  et 
Stolfletvinrentàboutd'organiserdans 
l'intérieur  de  la  Vendée  de  nouveaux 
rassemblements.  Tinténiac  ,  au  mois 
d'août  1794.  li't  fiivoyé  près  de  ces 
deux  chefs.  Débarqué  sur  les  côtes 
de  Bretagne,  il  parvient  de  nouveau 
sur  les  bords  de  la  Loire,  traverse 
le  fleuve  à  la  nage ,  ayant  ses  dépê- 
ches sur  le  cou,  évite  ainsi  les  postes 
républicains,  et  aborde  sur  la  rive 
gauche  ,  au  moulin  Saint-Jean.  S'é- 
tanl  abouché  successivement  avec 
Stolllet  et  Cliaretle  ,  il  partit  avec 
leurs  tlépêches  ,  et  repassa  ei»  Brcla- 


io4  TIN 

gne.  Lky  il.<:onfera  avec  le  comte  de 
Puisaye,  quis'e.Torçait  d'y  organiser 
le  pai^ù  roy^ilisle;  et  rengagea  vive- 
ment à  passer  a  Londres.  Puisaye  , 
«ni  recoimnt  en  lui  un  courage  et  une 
aiscrct;on  a  toute  épreuve,  lui  donna, 
pour  se  l'atlacher;,  le  grade  de  chef 
de  division  parmi  les  Chouans,  Tin- 
téniac,qni  avait  promis  des  infor- 
ma lions  exactes  sur  les  royalistes  de 
la  Vendée  et  de  ia  Bretagne ,  tint  pa- 
role à  son  arrivée  à  Londres.  Dès- 
lors  il  devint  le  mobile  de  toutes  les 
communications  avec  les  royalistes. 
Au  commeacHnent  de  1795,  il  re- 
viqt  d«  Jersey  avec  plusieurs  gentils- 
homme«,  pour  concerter,  avec  le  chef 
breton  Boishardv,  un  débarquement 
d'armes,  de  mutiitions  et  de  cent  vo- 
lontaires nobles^  sur  le  rivage  du 
département  desCôtes-dii-Nord. Réu- 
ni à  Boishardy,  il  se  mit  à  la  tête 
d'une  colonîlede  douze  centsGhouans, 
eteutà'souîenii-'contre  les  troupes  ré- 
pulilicaines  julusieurs  combats,  où  il 
montri  la  plus  grande  valeur.  Les 
côtes  étaient  trop  bien  gardées,  et 
l'on  ne  put  cîTectuer  que  des  débar- 
quements partiels.  D'ailleurs  les 
royalistes  de  la  Vendée  et  de  la  Bre- 
tagne étaient  difjà  en  jiourparlers 
avecles  républicains.  Tinténiac refu- 
sa de  signer  le  traité  de  la  Mabilais, 
et  repassa. en  Angleterre.  Ce  traité 
n'était  qu'une  trêve,  et  Tinténiac  ne 
tarda  ])as  à  revenir  en  Bretagne,  oij 
il  précéda  Puisa ve ,  pour  annoncer  le 
débarquelnent  d'une  grande  expédi- 
tion. Le'26"juin  1795,  il  fit  lui- 
même,  sur  la  côte,  le  signal  convenu 
à  sir  John  Warren,  commodore  de 
l'escaclre  anglaise.  Le  débarquement 
s'elleetiia  sur  la  jdage  de  Carnac, 
près  de  OuibeioU.  Tinténiac  eut  le 
eommandementd'unc  ries  colonnes  de 
(îliouaiis  que  Puisaye  arma  et  orga- 
nisa dès  son  arrivée.  Après  divers 


TIN 

combats ,  et  lorsqu'il  eut  pris  le  hoin-^ 
de  Landevant ,  qu'il  ne  put  garder 
faute  d'être  soutenu,  il  fut  chargé 
d'opérer  une  diversion  derrière  l'ar- 
mée quevenait  de  réunir  le  général 
Hoche  {F.  Hoche,  d'Hervilly  et 
SoMBREuiL  ).  Le  G  juillet ,  ayant 
rassemblé  quatre  mille  Chouans ,  il 
s'embarqua  sur  des  chaloupes ,  et 
alla  descendre  vers  la  pointe  de 
Saint  -  Jacques  ,  près  de  Vannes. 
Son  but  était  d'opérer  sa  jonc- 
tion avec  d'autres  partis  d'insurgés 
dans  l'intérieur.  Ayant  culbuté  les 
corps  ennemis  qui  voulurent  s'oppo- 
ser à  sa  marche ,  il  gagna  1^  forêt 
de  Mollac  ^  avec  sa  troupe  appelée 
l'armée  ronge  à  cause  des  uniformes 
de  cette  couleur  qu'on  voyait  en  assez 
grand  nombre  parmi  les  Chouans. 
En  sortant  de  celte  forêt,  il  mar- 
cha sur  Josselin  ,  somma  inutile- 
ment la  garnison,  mit  le  feu  au  fau- 
bourg, et  se  dirigea  sur  la  forêt  de 
Lorges,  afin  de  pénétrer  dans  le  dé- 
partement des  C6tes-du-Nord.  Parve- 
nu près  du  château  de  Coëdogon  ,  il 
trouve  trois  cents  grenadiers  répu- 
blicains qui  se  mettent  en  devoir  d'ar- 
rêter son  avant-garde.  Tinténiac  oi'- 
donnc  la  charge,  et  disperse  les  ré- 
publicains. Alors,  s'abandonnant  à 
leur  poursuite,  il  arrive  seul  dans 
l'avenue  du  château  ,  veut  atteindre 
un  grenadier  et  le  somme  de  se  ren- 
dre; mais  au  moment  où  il  va  le 
saisir  ,  le  grenadier  se  retourne^ 
l'ajuste  à  bout  portant  et  le  ren- 
verse d'un  coup  mortel.  Aidé  en- 
suite par  d'autres  soldats  ,  il  partage 
ses  dépouilles.  Les  royalistes  accou- 
rent, mais  trop  tard,  au  secours  de 
leur  chef.:  ils  letrouventbaigné  dans 
sou  sang.  Toutes  les  circonstances  de 
celle  UKirl  glorieuse  rappclJ'rent  la 
fin  du  héros  de  la  Vendée,  Henri  de 
Larochejaquelin  ,  avec  lequel  Tinté- 


TIN 

niac  avait  d'ailleurs  tant  de  rapports 
de  zèle  et  de  valeur.  B — v. 

TINTIGNAC  (Arnaud  de).  F. 
Arnaud,  II ,  49o- 

TINTORET  (  Jacques  Robusti  , 
plus  connu  sous  le  nom  de  ) ,  pein- 
tre, naquit,  à  Venise,  eu  i5iji.  Ce 
nom  de  Tintoret  ,  sous  lequel  il  est 
généralement  connu  ,  lui  vint  de  son 
père,  qui  exerçait  à  Venise  le  métier 
de  teinturier.  Il  fut  élevé  du  Titien  j 
mais  ce  grand  peintre ,  malgré  son 
géiiie ,  ne  put  voir  sans  envie  les  ra- 
res dispositions  de  son  élève  ,  et  se 
hâta  de  le  renvoyer  de  son  école. 
Tout  autre  que  ]e  Tintoret  aurait  été 
découragé  d'un  événement  qui  sem- 
blait lui  fermer,  à  son  entrée,  la  car- 
rière desartsj  il  sentit,  au  contraire, 
redoubler  son  ardeur.  Il  ne  se  borna 
point  comme  ses  condisciples  à  n'être 
qu'un  simple  imitateur  du  Titien,  il 
osa  concevoir  le  projet  de  devenir 
le  chef  d'une  nouvelle  école,  qui  per- 
fectionnât celle  de  son  premier  maî- 
tre ,  et  qui  lui  donnât  les  qualités 
qui  lui  manquaient  :  vaste  projet , 
qui  ne  pouvait  naître  que  dans  une 
ame  aussi  brûlante  et  aussi  élevée 
que  certame  de  sa  propre  valeur. 
N'ayant  pour  demeui'e  qu'une  misé- 
rable chambre,  il  sut  l'ennoblir  par 
sespremièresétudes.  II  avait  écrit  sur 
la  muraille  cette  inscription  qui  fut 
sa  règle  :  le  dessin  de  Michel- 
Ange  et  le  coloris  du  Titien.  Il 
ne  cessait  de  copier  avec  une  as- 
siduité infatigable  les  tableaux,  de 
ce  dernier,  et  de  dessiner,  jour  et 
nuit,  les  plâtres  des  statues  que  le 
premier  avait  faites  pour  Florence. 
Il  y  ajouta  encore  l'étude  d'un  grand 
nojnbre  de  bas-reliefs  et  de  statues  an- 
tiques. Dauji  un  catalogue  d'antiquités 
cité  par  IMorcIli ,  et  qui  se  rapporte 
à  l'année  iG^5,  il  est  fait  mention 
d'un  buste  de  Vitellius,   qui  servit 


TIN  io5 

loug-ten.ps  aux  études  du  Tintoret . 
et  d'après  lequel  il  ne  cessait  de  des- 
siner.   II  avait  aussi  l'habitude  de 
dessiner  le  modèle  à  la  lampe  pour 
obtenir  des  ombres  plus  fortes ,  et  se 
foi'mer,  par  cette  méthode,  un  clair- 
obscur  plus  vigoureux.  C'était  pour 
parvenir  au  même  résultat,  qu'il  fai- 
sait des  maquettes  de  cire ,  qu'il  ha- 
billait avec  un  soin  extrême ,  et  qu'il 
plaçait  dans  de  petites  chambres  fai- 
tes de  planches  ou  de  carton ,  aux  fe- 
nêtres desquelles  il  adaptait  adroite- 
ment de  petites  lampes  afin  de  mieux 
connaître  I.i  distribution  des  orabi-es 
et  des  lumières.  D'autres  fois  il  sus- 
pendait les  mêmes  modèles  au  pla- 
fond avec  un  fil,  leur  donnait  tou- 
tes  sortes  de  positions  et  les  dessi- 
nait de  différents  points  de  vue  ,  afin 
d'acquérir  la  science  des  raccourcis  , 
dans  laquelle  sonécoleétaitbeaucoup 
moins  versée  encore  que  l'école  lom- 
barde.   Au   milieu   de   ces  travaux 
multipliés,    il  était  bien  loin  de  né- 
gliger l'étude  de  i'anatomie ,  qu'il  re- 
gardait comme   indispensable  pour 
connaître  le  mouvement  des  muscles 
et  la  charpente  du  corps  humain  :  il 
dessinait  le  plus  qu'il  pouvait  d'après 
le  nu  ,  il  faisait  p^-endre  au  modèle 
toutes  les  attitudes  possibles  et  cher- 
chait à  être  aussi  varié  que  la  nature 
elle-même.  C'est  ainsi  qu'il  se  dispo- 
sait à  introduire  parmi  ses  compatrio- 
tes la  véritable  manière  d'étudier  ,  qui 
consiste  à  dessi  ner  d'abord  d'à  près  les 
anciens,  qu'il  regardait  comme  les 
modèles  les  plus  parfaits,  et  à  copier 
ensuite  le  nu,  dont  ses  premières  étu- 
des lui  ])ermettaient  de  corriger  les 
défauts.  Il  suivit  cette  méthode  lors- 
qu'il peignit,  dans  l'église  de  la  Tri- 
nité ,  le  tableau  à.' Adam  et  d'Eve 
séduits  par  le  Serpent,  et  celui  de  la 
Mort  d'Ahel.  Il  dessina  ses  figures 
d'après  nature  et  au  carreau  5  mais 


\u6 


TIiN 


il  y   ajouta   une  certaine  grâce  de 
cuutoiir  ,  qu'il  avait  puisée  dans  les 
bas-reliefs  antiques.  Atanldequalites 
acquises,  il  joignait  un  geuie  que  Va- 
sari,  son  détracteur,  ne  pouvait  s'cm- 
pècher  d'admirer  et  qu'il  regardait 
comme  l&  plus  terrible  qu'on  eût  ja- 
mais vu  en  peinture  ;  une  imagination 
inépuisable  en  idées  neuves  ;  lui  feu 
pittoresque  ,  qui  lui  faisait  concevoir 
parfaitement  les  caractères  les  plus 
forts  des  passions,  et  qui  ne  l'aban- 
donnait point  qu'd  n'eût  exprime  sur 
la  toile  ce  qu'il   avait  dans    l'idée. 
Mais  à  quoi  servent  et  la  science  la 
plus  profonde  et  le  génie  le  plus  ra- 
re ,  si  l'artiste  en  néglige  ia  culture  ? 
Le  Tintoret  travailla   d'abord  avec 
ce   soin  et  cette  conscience   qu'exi- 
geait l'art  qu'il  cultivait  ;  c'est  alors 
qu'il   composa  ces  admirables    ta- 
bleaux,  où  l'œil  le  plus  prévenu  ne 
saurait  découvrir  un  défaut.  Il  faut 
surtout  mettre  au  premier   rang  de 
ces  chefs-d'œuvre  le  Miracle  de  saint 
Marc  ,  qui  a  fait,  pendant  plusieurs 
années ,  l'un  des  plus  beaux  ornements 
du  Musée  du  Louvre.  L'artiste  avait 
trente-six  ans  lorsqu'il  l'exécuta ,  et 
ce   tableau    a  toujours  été  regardé 
comme  une  des  merveilles  de  l'école 
véuitienne.  C'est  le  coloris  du  Titien 
avec   une  vigueur  de  clair  ~  obscur 
dont   on   voit  peu   d'exemples.   La 
comj)osition    en  est  sobre  ,  sage    et 
pleine  de  justesse;  les  formes  sont  du 
plus   beau  clioix;  les  draperies  étu- 
diées ,  variées,  naturelles  ,  exactes  ; 
tous  les  personnages  sont  pleins  do 
vie  ,   les  attitudes  d'une  vérité   qui 
ctoMiic;   mais  rien   n'égale   la    har- 
diesse du   dessin  ,    la    légèreté  toute 
aérienne  du  saint,  (pu    traverse   les 
cicux  pour  Miiir  au  secours  de  l'es- 
clave. {>e  talile.iu   se   trouvait  dans 
l'école  de   Saiiit-M.ir.'  à  Venise.   Le 
Tiutorcl  avàil  peint,  dans  le  même 


TIN 

édifice,  plusieurs  autres  compositions 
si  belles ,  que  Pierre  de  Cortone  di- 
sait, en  les  regardant  :  «  Si  je  de- 
»  meurais  à  Venise,  je  ne  laisserais 
»  point  passer  un  jour  de  fête  sans 
»  nourrir  mes  yeux  de  ia  vue  de  ces 
»  chefs-d'œuvre ,  et  surtout  sans  en 
»  admirer  le  dessin.  »  On  met  pres- 
qu'au  même  rang  le  Cntcifieme?it  de 
Jésus-Christ ,  (jue  l'on  voit  dans  l'é- 
cole de  Saiiit-Roch.  Je  me  bornerai 
à  citer   la    Cèue  ,    placée    actuelle- 
ment en    dehors    du   réfectoire  des 
porte- croix  ,  pour  lequel  elle  avait 
été  ])einie.  Ceux  qui  l'ont  vue  dans  sa 
])lace  primitive,  en  parlaient  comme 
d'un  miracle  de  l'art.  La  char])ente 
du  plafond  avait  été  si  bien  reprise 
dans    le  tableau .  et  la    perspective 
avait  été  entendue  avec  tant  d'adres- 
se, que  la  salle  paraissait  deux  fois 
plus  grande  qu'elle  ne  l'était  effecti- 
vement. L'artiste  lui-même  faisait 
tant  de  cas  de  ces  trois  ouvrages  , 
qu'il  y  mit  son  nom.  Cependant  il  ne 
faut  p/as  croire  que  ce  soient  les  seuls 
qui  méiileiil  d'être  vantés.  On  peut 
voir  dans  Zanetti  la  liste  de  tous  ceux 
que  le  Tintoret  a  exécutés    avec   le 
soin  le  plus  exquis ,  et  qui  sont  pu- 
bliquement exposés  à  Venise.  Mais  le 
soin  et  l'étude  accompagnent  rai-e- 
ment  la  manie  de  vouloir  faire  vite 
et  beaucoup.  Voilà  la  source  de  tant 
d'ouvrages  ,  sinon    ordinaires  ,    du 
moins  bien  inférieurs   à    ses    chefs- 
d'œuvre.  C'est  ce  qui  faisait  dire  à 
AninbalCarrachc,  que  dans  ])Iusieurs 
de  ses  ouvrages,  le  Tintoret  était  infé- 
rieur au  Tintoret;  et  Paul Véronèse, 
son  admirateur,  ne  pouvait  s'empê- 
cher de  regarder  comme  un  malheur 
qu'il  eût  fait  tort  aux  maîtres  en  pei- 
gnant de  toutes  les  manières,  ce  qui 
était,  pour  ainsi -dire  ,  dégrader  en- 
tièrement le  but  de  ce  bel  art.  Ces 
reproches  tombent  particulièrement 


TIN 

siir  un  trop  grand  nombre  de  ses 
producllous,  qui,  conçues  sans  étude , 
eséculccs  de  pratique  ,  et  tout  au  plus 
ébauchées,  ne  soutpas  exemptes  d'er- 
reurs de  dessin,  etpèclient  du  côté  du 
jugement.  On  y  voit  une  multitude 
de  ligures,  ou  superdncs,  ou  mal 
groupées;  ou  ,  ce  qui  lui  est  plus  or- 
dinaire .  dans  une  action  exagérée  , 
sans  spectateurs  qui  les  regardent 
tranquillement,  comme  c'est  la  cou- 
tume du  Titien  et  des  autres  habiles 
compositeurs.  li  ne  iauLpas  chercher 
dans  CCS  ligures  cette  dignité  sénato- 
riale dont  Reynolds  Taisait  nn  des 
mérites  du  Titien.  Le  Tiutorct  s'at- 
tacha bien  plus  an  brillant  qu'à  la 
noblesse  ;  et  c'est  des  gens  du  peuple 
de  son  pavs,  le  ])lus  vif  peut-être  de 
toute  l'Italie ,  qu'il  lira  la  plupart  de 
ses  modèles  de  tète  ,  et  les  attitudes 
de  ses  ligures;  il  ne  craignait  pas  de 
les  introduire  dans  les  compositions 
les  plus  importantes  :  dans  queiques- 
unes  de  ses  Cènes  ,  on  ^  oit  des  ajio- 
tres  qui  ressenihlent  absolument  à  ces 
gondoliers  du  canal  qui,  dans  l'exer- 
cice de  la  jame,  le  bras  en  i'airet  le 
cor|)S  incliné,  lèvent  tout-à-co'jp  la 
tète  avec  cet  air  farouche  qui  leiir 
e>t  naturel ,  soit  pour  regarder ,  soit 
pour  lâcher  un  bon  mot,  soit  pour 
disputer.  11  abandonna  aussi  la  ma- 
nière de  peindre  du  Titien ,  et  cessa 
de  se  servir  .  comme  lui  ,  de  toiles 
imprimées  en  blanc,  et  de  craie,  pour 
employer  des  tojles  obscures  ,  ce  qui 
est  cause  que  les  tableaux  (ju'il  a 
peints  à  \  enise  ,  ont  beaucoup  plus 
soulîèrt  que  les  autres.  Le  choix  des 
couleurs  ,  ainsi  q:ie  le  ton  géné- 
ral ,  n'est  pas  celui  du  Titien.  L'ou- 
tremer est  ia  teinte  qui  domine  ; 
et  lorsqu'il  le  mèk- au  clair-ouscur, 
c'est  autant  d'agrément  ((ii'il  ôte  à 
sa  jieinture.  On  aiierçoit  aussi  dans 
ses  chairs  une  teinte  vioiàtre  dont  il 


TIN 


107 


abuse  ,  et  particulièrement  dans  ses 
portraits.  Le  Titien  et  hii  ne  suivent 
])as  non  plus  le  même  principe  dans 
les  proportions  du  corps  humain.  Il 
n'aimait  pas  ,  si  l'on  peut  s'exprimer 
ainsi ,  la  pléuiLiide  du  Titien;  il  re- 
cherche davantage  la  légèreté;  mais 
le  svelte  dégénère  quelquefois    chez 
lui  en  maigreur.  Ce  qui,  dans  ses  ta- 
Ijieaux  ,  olïre  ordina'remciit  le  plus 
de  négligence  ,  ce  sont  les  dra})eries  ; 
il  est  rare  qu'il  en  ait  fait  dont    les 
plis  alongés  ne  ressemblent  pas  à  des 
tuyaux.  Quant  ta  ses  erreurs  de  juge- 
ment ,  il  est  inutile  de  s'y  étendre  ici; 
on  peut  voir  dans  Yasari  ce  que  cet 
auteur  en  a  dit,  surtout  à  l'occasion 
an  Jugement  universel ,  que  leTinfo- 
ret  a  peint  à  Sainte-Marie  deU'Or- 
to.  Viais  quelle  que  soitl'animositéde 
son  détracteur ,  il  ne  peut  s'emjiécher 
d'avouer  que,    dans  ses   autres   ta- 
bleaux ,  et  même  dans  ce  dernier,  si 
les  diverses   parties  en  eussent    été 
soignées  comme  l'ensemble  ,  ce  se- 
raientdesoavrages  miraculeux.  Dans 
ses   autres   ouvrages  oii  il  a  voulu 
pour  amsi  dire  improviser  ,  il  fait 
briller  une  liberté  de  pinceau  ,   une 
originalité  de  génie,  quin'appartien- 
nent  qu'à  un  maître  supérieur.   C'est 
surtout  .dans  1e    jeu  des  lumières  , 
dans  la  didiculté  des  raccouicis,  dans 
la  bizarrerie  même  de  l'invention , 
dans  le  relief,   dans  l'accord  ,  que 
ces  qualités  se  manifestent.  Dans  les 
tableaux  bien  conservés  ,  la  grâce  et 
l'harmonie  des  teintes  ne  sont  pas 
moins  remarquables.  IMais  c'est  sur- 
tout dans  l'art  de  donner  la  vie  à  ses 
figures  que  le  Tiutoret  l'emporte  sur 
tous  le-,  iuaîtres;el  c'est  un  proverbe 
commun  chez  les  artistes,  (jue  c'est 
chez  le  Tiutoret  qu'il  faut  étudier  le 
mouvement.    Pierre  de  Cortone  di- 
sait à  ce  sujet,  (pie  si  l'on  comparait 
toutes  les  peintures  (juc  l'on  a  gra- 


loH 


TIN 


vées  ,  on  ne  trouverait  aucun  peintre 
e?;al  au  Tinloret  en  fureur  pittores- 
que. Sa  longue  vie,  sa  facilite'  à  pein- 
dre ,  rendent  presque  impossible  le 
catalogue  de  ses  tableaux.  Il  ai- 
mait à  de'ployer  l'enthousiasme 
dont  il  était  anime'  dans  de  vastes 
coinpositions,  ou  du  moins  dans  des 
sujets  où  il  pouvait  introduire  un 
grand  nombre  de  personnages.  Par- 
mi les  premières  ,  une  des  plus  célè- 
bres, une  de  celles  aiixquelleslesCar- 
raclics  ne  purent  refuser  leur  admi- 
ration, est  celle  qu'il  exécuta  dans 
sa  vieillesse,  pour  la  salle  du  grand 
conseil ,  et  dans  laquelle  le  nombre 
des  figures  est  presque  incalculable. 
Ce  tableau  représente  le  Paradis  :  si 
les  groupes  étaient  mieux  distribués  , 
et  les  figures  moins  amoncelées,  Al- 
garotti  l'eiit  sans  doute  moins  criti- 
qué, en  le  citant  comme  un  exemple 
de  composition  mal  imaiginée.  Le  Tin- 
toret  donna  nne])rcuve  éclatante  de  sa 
facilité  lorsqu'il  fallut  exécuter  les 
peintures  de  l'écolcdeSaint-Rocli.  Les 
membres  de  cette  communautéavaient 
deinandédesdes.sinsà  Paul  Véronèse, 
à  Salviati ,  à  Frédéric  Zucciiero  et  au 
Tintoret ,  dans  l'intention  de  choisir 
les  meilleurs.  Mais  le  ïintorct  eut 
terminé  et  mis  son  tableau  en  place, 
avanlque  les  autres  eussent  seulement 
achevé  leurs  esquisses.  Ce  tableau  re- 
présentait V Apothéose  de  saint 
Rock.  Il  lui  mérita  le  surnom  de 
Furioso.  Le  doge  et  le  sénat  de  Ve- 
nise l'ayant  préféré  à  Salviati  et  au 
Titien  lui-même  ])our  peindre,  dans 
une  des  grandes  sallcsdu  palais,  la  nié- 
niorable  victoire remjiortc'c,  en  1 5-  i , 
par  les  Vémliens  sur  les  Turcs  dans 
le  golfe  de  Lépante.  malgré  la  vaste 
étendue  de  la  composition ,  et  la  mul- 
Jiliidedfs  (igiucs  qu'il  y  introduisit, 
li  ne  mit  cfijcudant  qu'une  année  à  le 
terminer.  Il  aimait  sou  art  avec  une 


telle  passion  ,   son  désintéressement 
était  si  grand,  qu'il  ne  demandait, 
pour  l'exécution  des  plus  vastes  ma- 
chines, que  le  remboursement  de  ses 
frais.'Onl'a  vu  aider  plusieurs  fois  le 
Schiàvone  et  d'autres  peintres  dans 
la  composition  de  leurs  ouvrages  pour 
le  seul   plaisir    de  peindre.    Quand 
Henri  m,  roi  de  Pologne  ,   passa  à 
Venise  pour  revenir  en  France,  Tin- 
toret se  mêla,  sur  le  Bucentaure,  par- 
mi les  écuyers  de  ce  prince ,  et  lit  son 
portrait  au  pastel.    Immédiatement 
après  il  le  peignit  à  l'huile  ,  et  le  roi 
lui  permit  de  le  terminer  d'après  lui. 
Le  fameux  Arétin,  lié  d'amitié  avec 
le  Titien  ,    se  permit  de  mal  parler 
du  Tintoret  en  plusieurs  occasions. 
Le  peintre  le  rencontra  un  jour,  et 
l'invita  à  venir  chez  lui  pour  qu'il  fît 
son  portrait.  L'Arétin  ayant  accepté, 
Tintoret  tira  de  dessous  son  habit  un 
pistolet  chargé  à  balle  ;  le  satirique 
plein  de  frayeur  lui  demanda  quel 
était  son  dessein.   Ce  n'est  rien  ,  dit 
le  peintre,  je  veux  seulement  pren- 
dre ta  mesure.   Il  le  mesura  en  effet, 
et  lui  dit ,  tu  as  deux  fois  et  demi 
la  longueur  de  mon  pistolet.  L'Aré- 
tin ne  put  s'empêcher  de  rirej  mais 
à  l'avenir  il  se  montra  ])lus  réservé 
dans  ses  propos.  Les  véritables  Tin- 
toret sont  rares  dans  les  galeries  d'I- 
talie; ils  sont  assez  communs  à  Ve- 
nise.   C'est  là  que  l'on  peut  vérifier 
l'exactitude  de  Ridolfi  sur  un  fait  qui , 
an  premier  aperçu,  semble  peu  croya- 
ble, c'est  que  le  Tintoretpeiguailquel- 
quefois  avec  le  fini  d'un  peintre  en 
miniature.  Il  existe, dans  la  noble  fa- 
mille de  Barbarigo  à  San-Polo  ,  une 
Suzanw  de  ce  genre  ,  où  l'artiste  a 
représenté  un  parcdélicieux  avec  des 
volières  d'oiseaux  rares  ,  des  la])ins 
et  autres  animaux  ,  et  dans  lequel 
ces  accessoires  et  les  figures  sont  étu- 
diées  et   finies  avec  l«  soin  le  plus 


TIN 

exquis.  Le  Musée  du  Louvre  possé- 
dait ,  en  1 8 1 4  ,  dix.-sept  tableaux  de 
ce  maître  ,.  parmi  lesquels  se  trou- 
vaient le  célèbre  tableau  du  Mira- 
cle de  saint  Marc ,  le  chef-d'œuvre 
de  son  auteur,  et  sainte  Agnès  res- 
suscitant le  fils  de  Se mpronius , pré- 
fet de  Rome.  Onze  de  ces  tableaux 
ont  été  repris  ,  on  i8i5  ,  par  l'Au- 
triche. Parmi  les  six  que  possède  en- 
core le  Musée,  ou  distingue  particu- 
lièrement trois  portraits  ,  dont  un  est 
celui  de  l'auteur  peint  par  lui-même, 
et  un  tableau  de  Suzanne  au  bain. 
Les  deux  autres  ,  dont  les  sujets  sont 
une  Cène  et  un  Christ  mort,  soutenu  et 
pleuré  par  les  auges  ,  ne  peuvent  être 
considérés  que  comme  desimpies  es- 
quisses. Ce  grand  artiste  mourut  à 
Venise,  en  i5g4,  âgé  de  quatre- 
vingt-  deux  ans.  —  Dominique  Ro- 
BUSTi  ,  lils  du  précédent,  et  son 
meilleur  élève  ,  naquit  à  Venise  , 
en  i565  j  mais  il  suivit  son  père 
comme  Ascagne  suivait  Euée,  non 
passibus  œquis.  Il  y  a  une  grande 
conformité  dans  les  airs  de  tète,  dans 
le  coloris  ,  dans  l'accord  général  j 
mais  la  différence  dans  le  génie  est 
immense  :  aussi  attribue-t-on  à  son 
père  tous  les  tableaux  qui  dénotent 
quelque  esprit,  ou  du  moins  soup- 
çonnet-on  qu'il  y  a  mis  la  main. 
Cependant  on  fait  mention  de  quel- 
ques vastes  machines  exécutées  par 
lui.  On  loue  particulièrement  celles 
qu'il  a  remplies  de  portraits ,  talent 
dans  lequel  le  Zanetto  le  regarde 
comme  égal  à  son  père.  On  voit  un 
tableau  de  cette  espèce  dans  l'école 
de  Saint-Marc,  où,  comme  dans  ses 
autres  compositions ,  les  figures  sont 
disposées  avec  plus  de  sagesse  que 
celles  de  Jacques,  finies  avec  plus  de 
patience ,  et  peintes  avec  une  méthode 
plus  solide  et  plus  durable.  Lorsqu'il 
parvint  à  la  vieillesse ,  il  tomba  dans 


TIN 


109 


le  maniéré  ,  qui  commençait  à  être 
en  vogue  à  cette  époque.  C'est  à  ces 
signes  que  l'on  peut  distinguer  ses 
productions  de  celles  de  son  père ,  et 
déjouer  la  mauvaise  foi  de  ces  bro- 
canteui'S  qui  n'ont  à  la  bouche  que 
le  nom  de  Jacques  ,  parce  que  ses 
tableaux  se  vendent  plus  cher.  Do- 
minique a  peint  en  outre  un  grand 
nombre  de  portraits  ,  une  assez 
grande  quantité  de  petits  tableaux 
de  mythologie  et  d'histoire  sacrée , 
où  il  a  mis  son  nom.  Dans  ce  nom- 
bre ,  on  fait  cas  de  son  tableau  de  la 
Madeleine  pénitente ,  que  l'on  voit 
au  Capitole,  et  dont  la  couleur  est 
digne  des  meilleurs  maîtres  de  l'éco- 
le vénitienne.  Cet  artiste,  qui  jouirait 
d'une  plus  grande  réputation  s'il 
eût  porté  un  autre  nom  ,  mou- 
rut à  Venise ,  en  1637,  à  l'âge  de 
soixante-douze  ans  ;  il  devint  para- 
lytique de  la  main  droite  ,  et  se  mit 
à  peindre  avec  succès  de  la  main 
gauche  —  Maria  Robusti  ,  fille  et 
élève  de  Jacques  Tintoret ,  connue 
sous  lenom  deJ/ar/eîfa  TI^T0RELLA, 
naquit,  à  Venise,  en  i56o.  Montrant 
la  même  aptitude  pour  la  musique 
que  pour  la  peinture,  elle  jouait  par- 
faitement de  plusieurs  instruments  ; 
mais  l'art  dans  lequel  son  père  excel- 
lait décida  de  sa  vocation.  Elle 
abandonna  toutes  ses  autres  études 
pour  se  livrer  uniquement  à  la  pein- 
ture. Sous  la  direction  de  son  père, 
elle  se  rendit  bientôt  habile  dans  la 
double  science  du  dessin  et  de  la  cou- 
leur ;  elle  étudia  assidûment  l'anti- 
que ,  et  se  forma  ainsi  un  excellent 
style  et  une  grande  adresse  de  main. 
Quoiqu'elle  eût  pu  se  distinguer  dans 
la  peinture  historique  ,  elle  sentit  que 
ce  genre  avait  quelque  chose  d'ctran- 
ge  pour  son  sexe ,  et  elle  se  borna  à 
peindre  le  portrait.  Elle  y  fit  de  tels 
progrès ,  que  de  son  temps  on  met- 


110  TIO 

tait  SCS  oiivrnges  presque  au  niveau 
de  ceux  du  Titien.  Ils  brillaient  par 
la  linesse  et  l'élégance  du  dessin ,  et 
par  la  force  et  le  naturel  du  colo- 
ris. Son  pinceau  était  libre,  sa  tou- 
che brillante  et  pleine  d'esprit ,  et  ses 
portraits  n'étaient  pas  moins  remar- 
quables par  la  beauté  de  l'exécution 
que  par  l'exactitude  de  la  ressem- 
blance. Toute  la  noblesse  fle\enise 
se  fit  peindre  par  elle.  L'empereur 
Maximilien  ,  le  roi  d'Espagne  Phi- 
lippe II,  l'archiduc  Ferdmand,  cher- 
chèrent par  les  oil'res  les  plus  avan- 
tageuses à  l'attirer  cà  leur  cour;  mais 
sa  tendresse  pour  son  père  lui  lit 
rejeter  toutes  ces  propositions.  Elle 
n'avait  (pie  trente  ans  lorsqu'elle  mou- 
rut, en  i5go.  Son  père  eut  le  mal- 
heur de  lui  sui-vivre.  P — s. 

TIODA  ,  architecte,  né  dans  le 
neuvième  siècle  ,  fut  chargé  par  le 
roi  des  Asturies,  Alphonse  le  Chaste, 
de  la  construction  de  plusieurs  édili- 
ces  remarquables ,  dont  ce  prince 
voulait  embellir  la  ville  d'Oviédo  * 
lorsqu'il  v  établit  sa  résidence.  Le 
jnemier  fut  la  basilique  de  Saint- 
Sauveur,  avec  deux  autres  égiises 
sur  les  côtés  ,  l'une  dédiée  à  la  Vier- 
ge, l'autre  à  Saint  Michel.  La  lia- 
silique  fut  démolie,  en  i38o,  et 
l'on  construisit  sur  son  emplace- 
ment la  cathédrale  qui  existe  au- 
iourd'hui;  lesdeux  autreséglises  sub- 
sistent encore,  (lelle  de  la  Vierge  a 
cent  ])ie(ls  de  largeur  ;  elle  est  divi- 
sée en  trois  nefs ,  de  six  arcades  cha- 
cune el  toutes  portées  sur  des  piédes- 
taux. La  |)iiiiripa!e  chapelle  et  les 
deux  chapelles  latérales  .  qui  ont  été 
terminées,  sont  bien  proportionnées 
et  ornées  de  marbres  niagmliques.  I,e 
reste  de  cet  édilice  n'a  jioint  été 
achevé,  et  le  toit  bas  et  écrasé  que 
l'on  avait  élevé  provisoirement  pour 
mettre  les  ouvriers  à  cDUvert  pen- 


TIO 

dant  les  travaux  est  celui  qui  existe 
encore  aujourd'hui.  La  basilique  de 
Saint-Michel  renferme  deux  églises, 
l'une  inférieure  et  l'autre  supérieure. 
La  première  est  construite  sur  une 
voûte  extrêmement  solide  ,  dont  l'ob- 
jet est  d'élever  davantage  la  seconde 
en  dessus  du  sol ,  et  de  la  préserver 
de  l'humidité.  On  monte  à  cette  égli- 
se supérieure ,  nommée  aujourd'hui 
Caméra  santa  ,  par  la  croisée  de  la 
cathédrale,  au  moyen  d'un  escalier 
de  vingt-deux  marches.  On  arrive 
d'abord  dans  une  salle  voûtée  ,  de 
vingt  pieds  ;  on  passe  de  là  ,  par  une 
porte  en  arcade  _,  dans  une  autre  salle 
moins  grande  ,  mais  également  voû- 
tée,d'où  l'on  descend  enfin,  par  douze 
marches ,  dans  une  église  ornée  d'un 
grand  nombre  de  travaux  précieux 
et  remplis  de  délicatesse,  longue 
de  vingt-cinq  pieds  ,  et  large  de  seize, 
et  dont  la  voûte  ,  quoique  portée 
sur  les  murs  ,  semble  soutenue  par 
six  colonnes  de  marbre  dillcrents  , 
sur  chacune  desquelles  sont  placés 
deux  des  douze  apôtres.  Le  ])avé  est 
une  mosaïque  en  pierres  de  dilléreu- 
tes  couleurs.  Tioda  construisit  aussi 
le  palais  du  roi ,  orné  de  peintures  , 
et  que  l'on  croit  être  celui  qu'habite 
actuellement  l'évêque  d'Oviedo.  Cet 
édifice  a  été  loué  par  le  roi  Alphon- 
se le  Grand,  dans  sa  chronicpie  ,  de 
la  manière  suivante  :  «  Cujus  opc.ris 
pulchritudo  plus  prœsenspotest  mi- 
rari  <.juam  erudito  scriba  laudari.  » 
Le  même  artiste  édifia  en  outre  l'é- 
glise de  Saint-Julien,  extra  muros  : 
grand  et  bel  ouvrage  ,  et  qui  tient 
plus  du  style  grec  modeine  que  du 
gotlii(|ue.  Sans  doute  ces  divers  édi- 
fices ne  méritent  pas  tous  les  éloges 
qu'ils  reçurent  de  leurs  contempo- 
rains ;  mais  a  réj)0(|iie  où  ils  furent 
construits  ,  ou  ne  connaissait  rien  de 
semblable.  Aucun  artiste  n'aurait  su 


TIP 

donner  alors  à  ses  édifices  autnnt  de 
solidité  ,  des  proportions  p;cncra1es 
anssi  régulières,  et  des  ornonientsd'ini 
aussi  bon  goût.  C'est  doue  avec  jus- 
tice que  Tioda  obtint  la  faveur  du 
roi  don  Alphonse  le  Chaste  et  de  son 
successeur  don  Ramiie  ,  qui  lui 
confia  la  conduite  de  deux  églises 
non  loin  d'Oviëdo.  La  plus  grande 
des  deux  ,  appelée  Santa  Maria ,  est 
toute  unie  au  dehors  et  au  dedans  ; 
mais  le  plan  en  est  bien  distribue,  les 
})roporlionsen  sont  exactes,  et  elle  est 
si  solidement  construite,  ([u'clle  s'est 
conservée  intacte  jusqu'à  nos  jours. 
L'autre,  sous  l'invocation  de  Saint 
Michel,  est  beaucoup  plus  petite  ;  elle 
n'a  que  quarante  pieds  de  long  sur 
vingt  de  large  ;  mais,  dans  sa  peti- 
tesse^ les  proportions  en  sont  si  bel- 
les ,  que  les  artistes  les  plus  fameux 
jiourraient  l'étudier  avec  fruit.  Le 
vaisseau,  lorsqu'on  est  dans  l'inté- 
rieur du  monument ,  cause  l'admira- 
tion par  sou  élévation  ,  par  la  beauté 
des  deux  escaliers  qui  servent  à  y  par- 
venir, par  la  commodité  et  la  ma- 
nière habile  dont  les  joins  se  corres- 
pondent. Toute  cette  construction  est 
gothique  ,  quoiqu'elle  ait  quelque 
chose  du  goût  romain.  On  y  remar- 
que douze  colonnes  de  marbre  par- 
faitement distribuées.  C'est  sur  ce 
modèle  que  Ion  a  élevé  un  grand 
nombre  des  églises  les  plus  remar- 
quables de  l'Espagne.  P — s. 

TIPHAJGÎ^K  DE  LA  RO(,HE 
(  C-harles-François  ),  né  à  Monte- 
bourg  ,  diocèse  de  Coutances  ,  en 
17^.9,  mort  ,  dans  sa  patrie  ,  le  vi 
août  177/;  ,  était  médecin  et  littéra- 
teur. (iC  n'est  qu'à  ce  dernier  titre 
qu'il  est  encore  connu.  Il  avait  ])ris 
ses  degrés  à  runiversilé  de  Caen.  On 
a  de  lui  :  L  \j  Amour  dévoilé  ou  le 
système  des  sjmpathistes ,  1751, 
in-i2,  ouvrage  moitié  par  chapitres, 


TIP  ,1, 

moitié  par  lettres,  où  l'auteur ,  après 
avoir  réfuté  Platon,  Aristote,  !)es- 
cartes  ,  donne  la  transpiration  pour 
cause  de  nos  alfections  ;  c'est-à-dire 
que  la  matière  tianspirante  de  l'un, 
selon  qu'elle  chatouille,  blesse  les  fi- 
bres de  l'autre,  ou  ne  produit  aucun 
ellèt ,  devient  la  cause  de  l'amitié,  de 
la  haine  ou  de  l'indiUérence.  IT. 
Âmilec  au  la  graine  d'hommes ^ 
17.04  ,  in-i2,  critique, sous  la  forme 
d'un  songe  ,  des  faiseurs  de  systèmes 
modernes,  et  satire  générale  de  plu- 
sieurs états.  IIL  Bigarrures j'iiiloso- 
phiques ,  1 7  Sp ,  'i  vol .  in- 1  y  ,  rej)ro- 
duitessans  avoir  été  réimprimées  sous 
le  titre  de  -.Les  discours  d'Ihrahijn, 
etc..  1779,  2  vol.  iu-ia.  C'est  un 
mélange  de  sérieux  et  de  badinage, 
composé  de  trois  articles  :  i'\  fai- 
sions d'Ibrahim;  9.".  Foj'age  aux 
Limbes  ;  3°.  Essai  sur  la  nature  de 
l'ame.  IV.  Giphantie ,  1760,  deux 
parties  in-8'\  Giphantie  est  le  nom 
d'une  lie  que  l'auteur  suppose  avoir 
été  donnée  à  des  génies,  un  jour  avant 
que  le  paradis  terrestre  échût  en  par- 
tage à  x\dam.  Ce  roman  ,  tout-à-la- 
fois  moral,  critiqi;e  et  satirique,  a  été 
traduit  en  anglais,  y  .Essai  sur  l'his- 
toire économique  des  mers  occiden- 
tales de  France ,  1  n(Jo,  in-8'*.  L'au- 
teur parle  d'aboj'd  des  produits  de 
la  mer  en  général  ^  et  de  leur  uti- 
lité; puis  il  traite  spéci-demrnt  de  ce 
qui  regarde  le  canal  delà  Manche, 
des  fonds  et  de  la  variété  des  côtes  , 
des  pêches,  de  l'origine  de  certains 
péages  sur  la  marée,  etc.;  la  derniè- 
re partie  de  son  livre  est  consacrée  à 
des  espèces  particulières  de  pêches, 
telles  que  celles  des  marsouins,  des 
huîtres,  etc., et  à  l'occasion  de  cha- 
cune d'elles  il  propose  des  amé- 
liorations. "V).  Obseri>ations  physi- 
ques sur  l'agriculture ,  les  plantes . 
les  minéraux^    ^']^^  ?   in-H^\  VU 


ll'J.  IIP 

L'empire  des  Zaziris  sur  les  hu- 
mains, ou  la  zazirocratie ,  Pékin 
(Paris),  1761,  in- 16  de  121  pag. 
Les  Zaziris  sont  des  sylpiics  ou  des 
génies  qui  influent  sur   chacun   de 
nous  à  tout  instant  et  dans  toutes  les 
circonstances.     La   zazirbcratie  est 
un  récbautlé  de  beaucoup  d'écrits  , 
entre  autres  du  Comte  de  Gabalis , 
de  l'abbé  de  Viliars.  VIIL  Sanfrein 
ou  mon  dernier  séjour  à  la  campa- 
gne,  1765,  In- 12,  reproduit  sous  le 
titre  de  :  La  girouette  ou  Sanfrein, 
1770,  in-i2.   Ce  petit  roman,  qui 
n'a  pas  '^oo  pages,  obtint  le  suffrage 
de  Frérou  ,  qui  (  Année  littéraire  , 
1 765 ,  tome  IV,  page  1 75  ) ,  dit  que 
l'auteur  aurait  dû  étendre  cette  ba- 
gatelle. On  a  attribué  à  Tipbaigne 
une  nouvelle  édition  du  Dictionnaire 
de    Furetière  ,  à  laquelle  il  a  fait 
quelques  additions  •  nais  la  dernière 
édition  du  Dict.  de  Furetière  (  V. 
FuRF.TiÈRE  ,  XVI,  188  )  a  paru  en 
1725,  c'est-à-dire  quatre  ans  avant 
la  naissance  de  Tiphaigne,  A.  B  — t. 
TIPHAINE  (Claude),  jésuite, 
né,  à  Paris,  en  i'^7  i  ,  entra  dans  la 
société,  en   iSqS,  y  prononça  ses 
quatre  vœux  quinze  ans  après ,  pro- 
fessa la  philosophie  et  la  théologie 
pendant  plusieurs  années ,  fut  succes- 
sivement  recteur    des   collèges     de 
Reims,   Pont-à-Mousson,   Metz,  La 
Flèche,  puis  chancelier  de  l'universi- 
té de  Pont-à -Mousson,  et  enfui  pro- 
vincial de  Champagne.  Ayant  quitté 
cette  dernière  charge,  il  ne  voulut 
plus  avoir  un  feu  particulier,  malgré 
les  offres  des  supérieurs  et  la  faibles- 
se de  sa  santé.  Il  avait,  dit-on,  sur 
la   grâce  des   sentiments  opposés  à 
ceux  de  sa  compagnie.  Il  mourut  à 
Sens  .  le  27  décembre  iGj  i .  On  a  de 
lui  :  J.  Avertissement  aux  héréti- 
ques de  Metz ,  sur  le  ministre  Paul 
Feiri,   Ponl-à-Monsson,   i6iH,in- 


TIP 

8".  (  Foy.  Ferki  ,  XIV,  435  ).  II. 
Declaratio  ac  dejensio  scholastica 
doctrinœ  sanclorum  patrum  de  hr- 
postasietpersond ,  Pont-à-Mousson , 
1634,  in-4'>.  III.  De  ordine ,  deque 
priori  et  posteriori  liber  ad  varias 
et  célèbres  theologiœ  ac  philosophiœ 
quôestiones  enodandas,  Reims,  i(J4o, 


in-4" 


A.  B— 1 


TIPHERNAS.  F.  Tifernas. 
TIPPOU  -  SULTHAN    BP^HA- 
DOUR,  dernier  nabab  de  Mjïssour 
(ou  ftlysore,  suivant  l'orthographe 
anglaise),  naquit  en  1749,  et  porta 
d'abord  le  nom  de  Feth-Aly  Kha>. 
Il  reçut  celui  de  Tippor-SAHEB,  soit 
à  la  circoncision,  soit  lorsqu'à  l'âge 
de  seize  ans  il  fut  nommé  dyvan  ou 
intendant  de  Bcdnor,  par  son  père 
Haïder-Aly  Khan  5  et  comme  il  don- 
na des  preuves  de  bravoure  et  de  ca- 
pacité en  plus  d'une  occasion,  sous 
le  règne  de  ce  prince  (  Foy.  Hyder- 
Aly),  son  nom  de  Tippou-  Saheb 
semble  avoir  prévalu  sur  ceux  de 
Tippou -Khan  et  Tippou -Sulthan  , 
qu'il  Y^i'it  en  montant  sur  le  trône,  le 
7  décembre  1782.  Il  se  trouvait  dans 
le  ïanjaour,  avec  un  corps  de  trou- 
pes, lorsque  Haider  mourut.  Les  An- 
glais ,  alors  en  guerre  avec  ce  dernier, 
profitèrent  de  celte  double  circons- 
tance. Le  brigadier  -  général   Mat- 
thews ,  qui  les  commandait ,  se  mit 
en  campagne  dès  la  lin  de  février 
1783,  et  s'empara  successivement 
d'Onor,  de  Condapour,  de  Manga- 
lor,  de  Bednor  et  d'Anampour  ,  où 
une  partie  de  la  famille  du  nouveau 
souverain  tomba  au  pouvoir  des  vain- 
queurs.Tippou  arrêta  bientôt  le  cours 
de  ces   succès.    A  la  tète  de  vingt- 
cinq  mille  hommes,  parmi  lesquels 
était  un  corjis  ilc  mille  Français,  il 
parut  devant  Bi'dnor ,  le  9  avril ,  et 
força  Matthcws  d'évacuer  la  place , 
par    suite  d'une    capitulation  ,    où 


TIP 

il  fut  stipulé  que  les  Anglais  retour- 
neraient à  Bombay,  par  Goa  ,  après 
qu'ils  auraient  rendu  Bednor,  Anara- 
pour  et  Colidroug ,  ainsi  que  l'ai- 
gent,  les  armes ,  et  les  magasins  ap- 
partenant à  leur  gouveraement.  Cette 
capitulation  fut  violée  de  part  et 
d'autre.  Les  Anglais  ayant  voulu 
soustraire  une  somme  considérable  , 
en  la  distribuant  aux  officiers  qui  de- 
vaient la  rendre  au  trésor  public ,  uu 
accident  fit  découvrir  leur  superche- 
rie. Alors  Tippou  retint  prisonniers 
le  général  anglais  et  sa  garnison ,  les 
fit  fouiller,  dépouiller,  charger  de 
chaînes,  et  les  accabla  de  mauvais 
traitements.  S'il  faut  en  croire  les  au- 
teurs anglais,  il  poussa  la  barba- 
rie jusqu'à  faire  empoisonner  IMat- 
thevis  et  plusieurs  de  ses  otlio!ers,et 
trancher  la  tète,  en  sa  présence,  au 
fière  de  ce  général ,  qui  fuyait  chargé 
d'or  et  de  bijoux.  Il  assiégea  ensuite 
Mangalor,  qu'il  ne  put  prendre,  quoi- 
qu'il eût  découvert  et  puni  la  tra- 
hison de  son  général  en  chef,  qui  se 
disposait  à  passer  du  côté  des  Anglais 
avec  une  partie  de  ses  troupes.  Le 
siège  durait  encore,  lorsque  Tippou 
reçut  la  nouvelle  delà  paix  de  Ver- 
sailles entre  la  France  et  l'Angleter- 
re. Il  suspendit  à  l'instant  les  hosti- 
lités, et  prêta  l'oreille  à  des  négocia- 
tions qui  se  terminèrent  par  un  traité 
signé  à  Mangalor,  le  1 1  mars  1784. 
Les  Anglais  rendirent  toutes  les  pla- 
ces qu'ils  avaient  conquises,  et  pro- 
mirent de  ne  point  aider  les  ennemis 
de  ce  prince.  Tippou  ,  de  son  côté  , 
restitua  aux  Anglais  leur  comptoir 
de  Calicut ,  que  Haider  leur  avait  en- 
levé; promit  d'évacuer  les  états  des 
radj.ihsdeTaujaouretdeTravancor, 
leurs  .'illu'S,  et  renonça  à  ses  prcten- 
fions  sur  le  Carnale.  Telle  fut  l'issuc 
de  la  première  guerre  que  Tippou  eut 
à  soutenir  contre  les  Anglais.  Les  lé- 


TIP 


ii3 


gers  avantages  qu'il  y  avait  obtenus 
le  remplirent  de  présomption .  et  en- 
tretinrent cette  haine  héréditaire  qu'il 
leur  avait  vouée,  et  qui  fut  la  pensée 
de  toute  sa  vie.  Heureux, Si  à  l'am- 
bition et  à  la  bravoure  qu'il  tenait  de 
son  père  ,  il  eût  joint  la  prudence,  la 
modération  et  les  talents  politiques 
qui  n'avaient  pas  moins  contribué 
que  les  armes  à  fonder  la  puissance 
de  ce  prince.  Haider  n'avait  pris  que 
le  titre  de  naïb  (  lieutenant  ) ,  et  mon- 
trait souvent  au  peuple  le  radjah  lé- 
gitime deMaissour,  au  nom  duquel 
il  promulguait  les  actes  de  la  souve- 
raineté. Tippou  se  délivra  de  cette 
entrave.  Il  laissa  le  radjah  et  sa  fa- 
mille dans  l'oubli  et  dans  la  misère. 
Il  prit  les  titres  de  sulthan  ,  de  vain- 
queur ,  et  s'arrogea  ceux  de  tous  les 
princes  de  la  presqu'île  de  l'Inde  , 
dont  il  prétendait  être  le  suzerain. 
Pi!:s  lard  même ,  à  l'époqiîe  où  la  ma- 
jesté royale  fut  violée  par  un  rebelle, 
dans  la  personne  du  souverain  tiîu- 
laircdel'Indoustan  [F.  Chah-Alem), 
il  ajouta  à  tous  ses  titres  celui  de  Pa- 
dischah  (empereur).  Pour  soutenir 
le  rang  auquel  il  s'était  placé,  il  sup- 
jiléa ,  par  le  faste,  à  la  véritable 
grandeur;  et  sa  cour  devint  une  des 
plus  brillantes  de  l'Orient.  Il  porta 
son  armée  jusqu'à  deux  cent  mille 
hommes;  mais  ces  dépenses  n'étant 
pas  en  proportion  avec  l'étendue  et 
la  richesse  de  ses  états,  il  vit  ses  re- 
venus diminuer  et  ses  ressources  s'é- 
puiser. Toujours  bercé  néanmoins dn 
vain  espoir  de  domhier  sur  l'Indous- 
tan  ou  d'en  expulser  du  moins  les 
Anglais ,  il  voulut  s'assurer  de  l'ap- 
pui et  des  secours  de  la  France.  Il  lit 
partir  a-la-r'ois  siv  ambassadeurs,  en 
178-.  Trois  prirent  leur  route  par  le 
golfe  Persique ,  Bassora  ,  Baglidad  , 
l'Asie  Mineure  et  Coiistantinopîe  .  et 
éprouvèrent  toutes  sortes  d'accidents 
8 


I  \i 


TIP 


et  de  contrarictcs  dans  ce  pénible 
et  périlleux  toyoge.  Celui  des  trois 
qui  survécut  à  ses  deux  collègues  n'o- 
sa ou  ne  put  continuer  sa  mission.  Il 
se  joignit  à  la  caravane  des  pèlerins 
de  la  Mekke ,  et  gagna  un  port  de  la 
mer  Rouge  ,  où  il  trouva  un  navne 
qui  le  ramena  dans  l'Inde.  Les  trois 
autres  ambassadeurs  s'embarquèrent 
à  Pondichery,  le  2'i  juillet  i  787  ,  et 
arrivèrent  à  Toulon  le  9  juin  de  l'an- 
née suivante.  Ils  furent ,  pour  la  Fran- 
ce, qu'ils  traversèrent,  un  objet  de 
curiosité,  et  alimentèrent,  pendant 
quelques  mois  ,  les  conversations  et 
les  journaux.  Us  obtnirent  une  au- 
dience publique  de  Louis  XVI ,  le  3 
août  T^cSS;  ruais  au  lieu  des  secours 
qu'ils  venaient  solliciter  on  n«  leur 
donna  que  des  spectacles  et  des  fêtes. 
Le  mauvais  état  des  finances,  la  crain- 
te de  troubles  intérieurs  ,  empêchè- 
rent le  roi  de  Fiance  de  réaliser  les  es- 
pérances tbi  na])ab  de  Maïssour.  Il  se 
borna  au  renouvellement  de  l'allian- 
ce avec  Tijipou  ,  alliance  qui  demeu- 
ra sans  ellets,  ces  deux  princes  ayant 
péri  peu  d'années  après,  l'un  poin- 
avoir  trop  aimé  la  paix,  l'autre  vic- 
time de  son  ambition  guerrière.  Les 
ambassadeurs  furent  de  retour  à  Se- 
riugapatnam  au  mois  de  mai  1789. 
Comme  ils  n'avaient  pas  réussi  dans 
la  dcm.iiide  (pii  était  l'objet  princi- 
pal de  leur  mission^  et  qu'ils  ne  ces- 
saient d'exalter  l'étendue,  la  popu- 
lation ,  la  richesse  du  rovaume  qu'ils 
venaient  de  parcourir-  Tippou  ,  (jui, 
zélé  musulman  ,  croyait  qu'aucun 
potentat  chrétien  n'égalaitsa]niissan- 
(•<■,  fut  blessé  dans  sa  vanité:  trompé 
d'ailleurs  dans  son  altenle  jiar  le  peu 
de  succi's  de  son  ambassade,  il  s'eiè 
j)rit  à  ses  agents  ,  et  en  fit  assassiner 
deux.  Il  saisit  bienlôt  uiieoccasicui  de 
recommencer  la  gueire.  Les  Hollau- 
«lais  pus.se'dau'iil  les  forts  de  Cocliiii  , 


TIP 

d'Akkotah  et  de  Granganor ,  dan»  le 
Malabar^  près  des  frontières  de  Maïs- 
sour. La  médiation  des  Français  les 
avait  rétalilis  dans  la  possession  de 
Cranganor ,  que  Haidcr-Aly  leur  avait 
enlevé.  ïippou  éleva  des  prétentions 
sur  ces  places,  situées  dans  les  états 
du  radjah  de  Cochin,  son  vassal,  et 
marcha  sur  Cranganor  avec  des  for- 
ces considérables ,  au  mois  de  juin 
1 789.  Les  Hollandais ,  pour  sauver 
leur  établissement  de  Cochin,  vendi- 
rentles  deux  autres  au  radjah  de  Tra- 
vancor.  Tippou  ne  voulut  pas  recon- 
naître une  vente  faite  sans  son  aveu; 
et ,  le  29  décendjre,  il  envahit  les 
frontières  de  Travancor.  Sur  les 
représentations  du  gouvernement  de 
Madras,  il  offrit  de  s'en  rapporter 
à  des  arbitres  impartiaux,  et  rcs 
la  dans  ses  lignes,  en  attendant  le 
résultat  des  négociations.  Il  y  fut  at- 
taqué, le  i'^''.  mars  1790 ,  par  le  rad- 
jah de  Travancor.  Les  Anglais  pri- 
rent part  h  cette  action,  comme  alliés 
du  radjah ,  et  ne  furent  pas  fâchés  de 
recommencer  la  guerre  contre  un 
prince  qu'ils  desiraient  humilier.  Dès 
la  première  campagne,  les  hostilités 
s'étendirent  au-delà  de  la  chaîne  des 
Ghàts.  Tippou  opéra  nue  diversion 
dans  le  Carnate,  et  sut  éviter  habile- 
ment toute  action  décisive  avec  l'en- 
nemi. La  seconde  campagne  s'ouvrit 
par  le  siège  de  Bangalor  ,  dont  la 
prise  fixa  le  théâtre  de  la  guerre 
sur  le  territoire  de  Maïssour.  Dcu\ 
armées  anglaises  ,  l'une  commandée 
par  lord  Cornwallis,  qui  avait  fait 
cette  conquête  ,  l'autre  venue  de 
Bombay ,  sous  les  ordres  du  géné- 
ral sir  John  Abercromliy  ,  qui  s'em- 
jiara  de  Caiianor  ,  pénétrèrent  , 
apiùs  une  suite  de  succès  ,  ])irs 
des  murs  de  vScringapaluam  ,  eu 
«791.  l'aies  se  disposaient  à  foiiuer 
le  siège  de  cette  capitale  ,  lorsipu!  les 


TIP 

filtiies ,  ie  débordement  des  rivières , 
a  disette  et  les  maladies ,  les  forcè- 
rent ,  au  mois  de  juin,  de  se  retirer. 
Ce  fut  vers  ce  temps-là  que  Tippou 
chargea  M.  Léger  ,  commissaire 
français  dans  l'Inde,  d'un  message 
particulier,  dont  l'objet  était  d'obte- 
nir de  Louis  XVI  un  corps  de  six 
mille  hommes.  Il  oifrait  de  payer 
le  voyage,  la  solde  et  l'entretien 
des  troupes  françaises  ,  se  faisant 
fort  de  détruire,  avec  leur  secours  , 
l'armée  et  les  établissements  des 
Anglais  dans  l'Inde  ,  et  d'en  assu- 
rer la  possession  à  la  France.  Cette 
proposition ,  présentée  secrètementà 
Louis  XVI  ,  par  !e  ministre  Ber- 
trand de  Molîeville  ,  fut  sans  ré- 
sultat ,  parce  que  ce  prince  se  repen- 
tait alors  d'avoir  favorisé  l'indépen- 
dance des  États-Unis  d'Amérique, 
et  qu'il  était  déjà  sans  autorité. 
Cornwallis  revint,  l'année  suivante, 
renforcé  par  les  troupes  du  Nizam  et 
par  les  Mahratles,  qui  s'étaient  coa- 
lisés avecles  Anglais  conti'eun inquiet 
et  ambitieux  voisin.  Cette  deniicre 
campagne  fut  fatale  au  sulthan.  La 
prise  de  Co'imbettour ,  qu'il  força  de 
se  rendre,  et  dont  il  viola  la  capitu- 
lation, ne  put  balancer  les  revers  qu'il 
éprouva.  Les  alliés  ayant  réduit  plu- 
sieurs places,  enti'c  autres  la  forte- 
resse de  Nundydroug  et  celle  de  Sa- 
vendroug,  ou  le  Rocher  de  la  mort, 
qui  passait  pour  imprenable,  arrivè- 
rent devant  Scringapatnam  ,  le  5  fé- 
vrier 1792.  Deux  jours  après,  Tip- 
pou ,  chassé  de  son  camp  retranché, 
fut  contraint  de  se  renfermer  dans  sa 
capitale ,  où  il  fut  vigoureusement  as- 
siégé jusqu'au  24.  Menacé  d'un  as- 
saut, il  accepta  les  conditions  qui  lui 
furent  proj)osées ,  et  le  traité  fut  si- 
gné le  i(S  mars.  Il  céda  aux  alliés  la 
moitié  de  ses  étals,  et  leur  paya  une 
somme  considérable  à  titre  d'indem- 


TIP  ii5 

nité.  Mais  la  clause  la  plus  dure  et  la 
plus  humibantc  fut  celle  qui  l'obli- 
gea de  donner,  pour  garanties  de 
l'exécution  du  traité  ,  deux  de  ses 
iiis  ,  Abd-el-Khalil  et  Moezz.-eddyn , 
enfants  de  huit  à  dix  ans.  Ainsi  se 
termina  lUie  guerre  qui  avait  coûté 
an  sulthan  soixante-sept  forts,  huit 
cents  pièces  d'artillerie  et  cinquante 
mille  hommes.  Depuis  cette  époque , 
sa  cour  cessa  d'être  le  séjour  des 
plaisirs.  Le  deuil  régna  dans  son  pa- 
lais ;  et  son  caractère  devint  plus 
irascible,  plus  dur,  plus  impérieux. 
Tippou  ne  parut  désormais  péné- 
tré que  d'un  seul  sentiment,  celui  de 
la  vengeance.  Il  ne  s'occupa  qu'à 
susciter  des  ennemis  aux  Anglais.  En- 
toui'éde  puissances  gagnées  par  eux, 
il  envoya  ,  en  1707^  ""e  araiiassade 
jusque  dans  le  nord  de  l'inrle,  au- 
près de  Zemau-Chah ,  roi  de  Kaboul . 
pour  l'engager  dans  une  alliance 
dont  le  but  devait  être  de  chasser 
les  Européens  de  l'indoustan,  d'y 
anéantir  la  religion  des  Brahmes ,  et 
de  rétablir  l'antique  splendeur  du 
trône  du  Dehly  ,  en  y  plaçant  un 
autre  prince  de  la  famdie  de  Ta- 
merlan,  et  en  l'affranchissant  du 
joug  honteux  des  infidèles.  Quoique 
le  roi  de  Kaboul  fût  ambitieux  et 
entreprenant ,  il  ne  goûta  point  ce 
projet,  soit  qu'il  prévît  trop  de  dif- 
licullésdans  son  exécution,  soit  qu'il 
craignît  de  n'être  que  faiblement  se- 
condé par  le  sulthan  de  Maïssour, 
qui ,  depuis  ses  derniei's  revers ,  ne 
pouvait  plus  être  compté  parmi  les 
puissances  pi-épondérantcs  de  l'Inde. 
Tippou,  ayant  encore  échoué  dans 
cette  négociation  ,  conçut  l'espoir 
d'être  soutenu  par  le  gouvernement 
républicain  qui  s'était  élevé  en  Fran- 
ce sur  les  ruines  de  la  monarchie, 
et  qu'un  intérêt  commun  devait  unir 
avec  lui  contre  l'Angleterre.  Les 
8.. 


ji6  TIP 

Français  avaient  toujours    été  ac- 
cueillis  à  la  cour  de  Maïssour.  La 
perte  de  Poudiclicry  y  en  attira  un 
plus  grand  nombre  ,  la  plupart  gens 
ruines  ou  aventuriers ,  sans  principes 
et  sans  e'ducation.  Tippou,  entretenu 
par  eux  dans  ses  cspcrauces  imagi- 
naires ,  s'avilit  en  les  admettant  dans 
sa  familiarité,  en  se  prêtant  à  leurs 
manies  démagogiques.  Ils  établirent 
à   Seringapatnani  un  club  de  jaco- 
bins ,   qui    tint  sa  première   séance 
le  5  mai  1797.  Ils  y  jurèrent  haine 
à  la  royauté ,  aux  tyrans  ,  exceplé  au 
citojen   Tippou-le-Victorieux,   Dix 
jours  après,  ils  arborèrent  solennel- 
lement le  drapeau  tricolore,   et  se 
rendirent  sur  la  place  d'armes  oii  ils 
plantèrent  l'arbre  delà  liberté,  au 
bruit  des  salves  d'artillerie  ,  et  enpré- 
sence  du  citoyen  prince.  Ce  fut  par 
les  conseils    d'un    nommé   Ripaud , 
capitaine  corsaire^  qui  s'était  établi 
le  président  de  cette  société  populai- 
re et   le   représentant  de  la  nation 
française  dans  l'Inde,  que  Tippou  se 
décida  à  envoyer  secrètement  deux 
ambassadeurs  à  riie-de-France,  pour 
y  proposer  une  alliance  avec  le  gou- 
vernement français,  et  demander  des 
troupes,  lis  y  arrivèrent  le   17  jan- 
vier 179B.  La  publicité  que  le  géné- 
ral    Malartic  ,    gouverneur    de   la 
culonie  ,  donna  à  cette  ambassade, 
devint  funeste  au  sulthan  ,  et  les  se- 
cours qu'il  lui  envoya  ,  insufîlisant.s 
pour  le  défendre,  servi lent  de  pré- 
texte aux  Anglais  pour  l'altaqner. 
Ces  secours consislaieiit  m  trois  com- 
mandants, deux  oiliciers  d'artillerie, 
six  oiliciers  de  marine,  quatre  cliar- 
penticrs  de  vaisseau,  vingt-six  offi- 
ciers ,    sergents    et   interprètes  ,    et 
soixante-deux  soldats  européens  ou 
mulâtres.    L'invasion    de    l'Egypte 
par  les  Français  ,  doux  lettres  adres- 
sées  par  le  général   Huonajjarle    au 


TIP 

sulllian  de  Maissour ,  et  interceptées 
par  les  Anglais;  et  plus  que  tout  ce- 
la ,  le  système  d'agrandissement  que 
ces  derniers  ne  cessaient  de  mettre 
en  pratique  dans  l'Inde  ,  décidèrent 
du  sort  de  Tippou.  Le  gouverneur- 
général  ,  marquis  de  Wellesley,  après 
s'être  assuré    de   la    neutralité  des 
Malirattes,etde  l'alliance  du  Nizam, 
fit  marcher  une  armée  nombreuse, 
sous  les  ordres  du  général  H;irris , 
tandis  que  les  troupes  de  Bombay^ 
commandées  par  le  général  Stuart, 
arrivaient  à  Cananor.  L'imprudent 
Tippou  ,   qui  avait   répondu   d'une 
manière  évasive   à  toutes   les  pro- 
positions   d'accommodement  ,    ou- 
vx'it  les  yeux   sur  les  dangers  dont 
ses  états  étaient  menacés  par  cette 
double   invasion.  Il  rassembla  tou- 
tes   ses  forces  ,   mit  des   garnisons 
dans  ses  places,  et  vint  camper  avec 
Go  mille  hommes  à  Periapatnam  , 
pour   s'opposer  au   général  Stuart, 
Battu  le  6  mars  1799,  à  Sidasir,  il 
laissa  à  Periapatnam  quelques  trou- 
pes ,  pour  disputer  cette  position  ,  et 
marcha   à   la   rencontre  du  général 
Harris  ,  qu'd  attaqua  avec  impétuo- 
sité, le  27  mars,  à  Malaveli,  à  huit 
lieues  de  Seriugapatnam.   Mais  au 
bout  d'une  heure  de  combat ,  son 
armée  fut  mise  dans  unedéroute  com- 
plète, et  il  ne  lui  resta  d'autre  parti 
à  prendic  que  de  se  renfermer  dans 
cette  dernière   place.    11  y  fut   in- 
vesti, le  4  'ivril.  Après  des  elï'orts 
inutiles  pour  re])0usser  les  attaques 
des  assiégeants  ,  Tippou   tenta    de 
renouer  les  négociations;  mais    les 
conditions  ([ue  le  général  Harris  lui 
imposa    lui    semblf'rent  si    dures  , 
qu'il  n'y  répondit  pas,  et  il  ne  son- 
gea plus   qu'à  vauicre  ou  à  s'ense- 
velir   sous    les    ruines    de    sa     ca- 
pitale.  Pendant   un    mois   que  du- 
ra le  siège,  il  montra  plutôt  le  cou- 


TIP 

rage  et  l'activité  d'un  soldat  que 
l'habilelé  d'uu  général.  Eniin ,  le  4 
mai,  la  brèche  étant  deveuiic  pnili- 
calile  ,  les  Anglais  traver.sèreiit  !a  ri- 
vière à  une  heiue  après  midi ,  cl  don- 
nèrent un  assaut  genéi-al.  On  se  bat- 
tit encore  dans  la  ville.  Les  Français 
rallièrent  plusieurs  fois  les  Maïssou- 
rieus.  Tippou  périt  dans  la  mêlée , 
atteint  de  plusieurs  blessures  ,  et  l'on 
trouva  sou  corps  sous  r.a  monceau 
de  cadavres.  11  était  âgé  de  cinquan- 
te ans ,  et  eu  avait  régné  seize  et  de- 
mi. Avec  lui  s'anéantit  la  puissance 
éphémère  que  Haïder-Aly  a-ait  fon- 
dée, et  qu'on  a  ridiculement  nommée 
empire  de  Maïssour  ou  Mjsore , 
puisque  sa  plus  grande  étendue  ne 
surpassa  jamais  de  beaucoup  la  moi- 
tié de  la  France.  Formé  par  les  ar- 
mes ,  par  l'usurpation ,  et  composé 
d'éléments  divers  ,  ce  prétendu  em- 
pire, qui  ne  subsista  que  trenie-hiiiî 
ans,  aurait  pu  durer  davantage,  et 
se  consolider  sous  un  prince  doué  de 
vertus  pacifiques  et  de  talents  admi- 
nistratifs, qualités  qui  manquaient 
absolument  au  dernier  nabab  de 
Maissour.  Il  en  a  été  de  la  personne 
et  du  caractère  de  Tippou  comme 
de  ses  états  :  on  n'en  a  parlé  qu'avec 
exagération ,  soit  en  ma! ,  soit  en 
bien.  Du  vivant  de  Haïder  ,  un  his- 
torien (Maîtredc  la  Tour)  avait  com- 
paré le  père  à  Philippe ,  roi  de  Ma- 
cédoine ,  et  le  fds  à  Alexandre  ; 
mais  si,  en  réalité,  Tippou  fut  un 
vaillant  guerrier  ,  il  ne  se  montra 
digne  du  trône  qu'avant  d'y  mon- 
ter. La  taille  même  de  cinu  pieds 
huit  pouces  qu'on  lui  a  supposée 
se  réduit  à  cinq  pieds  deux  pou- 
ces et  demi,  mesure  de  France.  H 
avait  le  cou  grus  et  court,  les  épau- 
les cari écs ,  le  coips  charnu  et  gras , 
le  nez  aquilin,  le  teint  très-basané, 
de  grands   yeux,  des   sourcils   ar- 


TIP  117 

qués ,  les  membres  petits ,  surtout 
les  pieds  et  les  mains.  Sa  physiono- 
mie était  à-Ia-fois  vive,  spirituelle, 
douce  et  majestueuse.  Simple  dans 
son  costume  ,  il  était  affable,  acces- 
sible ,  populaire  ,  et  n'avait  pas  cette 
morgue  taciturne  qu'a  liectent  les  prin- 
ces de  l'Orient.  Ac'if,  laborie.ix ,  il 
entrait  dans  les  plus  petits  détails  de 
l'administration,  Ldîéral  jusqu'à  la 
prodigalité,  fastueux  jusque  dans  ses 
disgrâces ,  lors  même  qu'il  eut  j)erdu 
la  moitié  de  ses  possessions,  il  refusa 
de  diminuer  son  état  mih  taire  ,  et  de 
réduire  ses  dépenses  eu  supprimant  les 
emplois  inutiles.  Tous  ces  hommes- 
là ,  disait-il,  sont  nourris  par  Dieu 
et  non  par  mo/.Scrujiuleux  observa- 
teur des  préceptes  du  Coran;,il  persista 
dans  la  prohibition  du  vin  et  des  li- 
queurs spiritueuses ,  malgré  le  préju- 
dice qu'en  éprouvaient  ses  revenus. 
Au  commeucement  de  son  règne, 
il  fit  rassembler  dans  Seringapat- 
nam  soixante  mille  Indiens  bapti- 
sés, et  les  obligea  d'abjurer  le  chris- 
tianisme :  il  n'y  en  eut  pas  un  seul 
qui  se  permît  la  moindi-e  objec- 
tion (i).  Mais  l'osgueil  de  Tippou 
ne  fut  qu'une  vanité'  jniérile  ,  sa 
fermeté  que  de  l'obstination  ,  et 
sou  ambition  fut  toujours  porte'e 
jusqu'au  délire.  Il  n'était  cependant 
pas  dépourvu  d'une  sorte  de  noblesse 
dans  les  sentiments  j  et  son  ame  ne 
se  laissa  point  abattre  par  les  revers. 
D'ailleurs,  inconstant,  capricieux, 
brusque ,  colère ,  ennemi  de  ia  a  éri- 
té,  de  toute  contrariété,  il  changea 
sans  cesse  de  ministres,  s'entoura  de 
favoris  sans  se  faire  des  amis,  et  eut 
souvent  recours  aux  moyens  tyramii- 
ques.  Avec  ces  qualités  et  ces  défauts  , 
Tippou  ne  fut  qu'un  prince  inédio- 


[\)  Lcltres  sur  Iclal  du  cliristiaui^Mne  dans  l'Iu- 
de,  pat-  l'abbrn.iboiR  (  Blhliolh.  iiiiwèiiel.  de  Arc 
182H,  XXIV,  LiU.,   i>.  307.  ) 


iiB 


TIP 


cre  j  et  s'il  se  montra  rciinemi  le  plus 
acharne  des  Anglais  ,  il  ne  fut  pas  le 
plus  dangereux.  Aussi  ne  clicrchèrent- 
ils  jamais  à  le  ménager  comme  ils  en 
usaient  envers  des  princes  indiens 
qui  leur  paraissaient  plus  redoutables 
(/^.  SiNDiAnMADADjO-Tlssemonti-è- 
reut  plus  généreux  après  sa  mort, et 
le  firent  eusevelirlionorablemeut  dans 
le  tombeau  de  son  pè;e.  Les  trésors 
et  les  états  de  Tij)pou  furent  parta- 
gés entre  les  Arglais  et  le  Nizam. 
Les  Malirates  obtinrent  rpielques  ter- 
ritoires ,  et  le  fds  du  dernier  radjah 
(le  Maïssourfut  rétabli  dans  une  par- 
tie du  domaine  de  ses  aïeux.  Quant 
aux  enfants  du  malheureux  nabab, 
on  les  conduisit  dans  la  citadelle 
de  Yellour,  où  le  gouvernement  bri- 
tannique pourvut  à  leur  entretien. 
Tippou  parlait  plusieurs  langues  eu- 
ropéennes; cependant  son  esprit  était 
peu  cultivé  (:\).  Au  temps  de  sa 
prospérité,  il  avait,  tous  les  soirs  , 
a  sa  cour  ,  une  comédie  mêlée  de 
chants  et  de  danses.  1 1  était  curieux  de 
beaux  chevaux ,  d'éléphants ,  de  ti- 
gres apprivoisés  et  dressés  pour 
la  chasse (3).  Superstitieux  commela 
])lupart  des  princes  musulmans  , 
il  consultait  ses  astrologues  dans 
toutes  ses  entreprises.  11  tenait  lui- 
raème  un   journal   exact    et  minu- 

(t.')  Lorsqu'il  cliassa  de  leur  palais  la  famille  des 
radjahs  de  Maissour,  il  trouvai  plusieurs  apparle- 
)neuU  remplis  de  livres,  monuments  bistoriques 
el  copies  d'inscriptions  formant  la  bililiollièque 
tju'avail  recueillie  le  radjali  TcLih-Dco-Radi,  mort 
en  tjn/f.  On  lui  dimanda  ce  qu'il  voulait  faire  de 
ces  tas  do  feuilles  de  jialuiier  el  di'  codotlom  ou  li- 
vres en  toile  de  colon  vcruissee.  .Vouvel  Omar  ,  il 
ordonna  de  les  porter  i  l'i'curie  royale  pour  ali- 
menter le  feu  destiné  ii  cuire  le  imiili  ou  |;rain  d« 
t^ea  cbc\aux  î  .'  Vue  neiile  chambre  de  ces  archives 
luteparijni-e,  sur  les  inslancis  d'un  bralimine ,  <pii 
dit  que  cet  appartement  conliiiait  les  divinités 
jiarliculiires  de  sa  famille,  ttuverl  enlin,  en  I7<tn, 
ce  dépôt  lillilalic  tomba  .'nlre  les  mai  us  d'un  of- 
licier  anglais.  Aoi/i'.  Aniitil.  iU<,  lurac.  de  février 
iHx', ,  XXI,  »38,c«lr.  de«)ournau%  de  Calcutta. 

(V)  Il  avait  adopté  le  tinre  pour  sou  «nblème  , 
rt  son  troue  ,  éclatant  de  pierreries  ,  avait  pour 
su|'purt  un  t>|<re  couvctl  d'"r. 


TIP 

tieux  de  tous  ks  détails  de  sa  vie ,  et 
jusqu'au  registre  de  ses  songes.  Ou  a 
trouvé  ce  reffislre  dans  sa  bibliothè- 
que,  qui  se  composait  d'environ  deux 
mille  volumes.  Cette  bibliothèque 
provenait  principalement  de  celle 
dont  son  père  s'était  rendu  maître  à 
Tchitor.  Elle  fut  envoyée  à  Londres , 
en  i8oo(4) ,  ainsi  que  son  cabinet  de 
médailles  et  sa  ménagerie  ,  et  mise , 
l'année  suivante ,  par  le  gouverne- 
ment anglais  ,  à  la  disposition  de  l'a- 
cadémie de  Calcutta.  Au  reste,  quoi- 
qu'il paraisse  certain  que  Tippou 
aimait  moins  la  Francequ'ilne  haïs- 
sait l'Angleterre ,  et  que,  sous  ce  rap- 
port mêmCj  il  semble  permis  de  le 
juger  avec  quelque  sévérité,  on  est 
forcé  toutefois  de  convenir  que  la 
catastrophe  qui  mit  lin  à  sa  vie  et  à 
sa  puissance  porta  un  coup  funeste 
au  comiuerce  des  Français,  en  leur 
fermant  le  seul  débouché  qui  leur 
restait  pour  introduire  leiirs  mar- 
chandises sur  le  continent  de  l'Inde. 
On  a  public  :  Les  Indiens  ou  Tippoo- 
Sàib ^  etc.  ,  avec  quelques  particula- 
rités sur  ce  prince  ,  ses  ambassa- 
deurs en  France,  etc.,  Paris  ,  i'^88  , 
in-S*^.  Piévolutions  de  l'Inde  pen- 
dant le  dix-huitième  siècle ,  ou  Mé- 
moire de  Tjpoo-Zaèb  ,  sultan  du 
3Iaïssour ,  écrits  par  lui-même,  et 
traduits  de  la  langue  indostane  , 
Paris,  1796,  'J.  vol.  in-8".  ,  i'jg7  , 
4  vol.  in-8^.  Cet  ouvrage  apocryphe 
n'estfpi'uueconipilatiuii  roniancsquc, 
dont  l'iuiteiir  (  Fantin  des  Odoards, 
qui  a  pris  la  qualité  d'éditeur),  n*a 
pas  su  mieux  imiter  le  style  oriental 
que  déguiser  sa  propre  ignorance. 
Ces  ])rétciidus  mémoires,  remaniés 
par  l'aiitour-éditeur,  sont  devenus 
un   mauvais    roman  sous  ce  titre  : 

(/|)  M.  Charles  Slewarl  en  a  publie  lo  catalonuo 
en  «iiKlais,  Cai.ibridije  ,  i»o3  ,  iii-4''-  ,  "vce  d«a 
uutict'S  et  cxtiatls. 


TIP 

Hejder  ,  Azcima  ,    T;}  fioo-Zacb  , 
liisloiie  orientale, tiadiiile  de  la  lan- 
gue lualabare,  iHo'i,  3  vol.  in-i2. 
M.   J.    Micliand   a   donne   VJJistoi- 
re  des  Progrès  et  de  lu  chute   de 
l'empire  deMysore ,  sous  les  règnes 
d'il  aider- Aly  et  de  Tippuo-Sàib  , 
avec  cartes ,  portrait  et  plans ,  Paris , 
1801  ,  2  vol.  in-H*^.,  livre  estima- 
ble et  devenu  rare.  On  trouve  plus 
de  détails   sur  Tippou  ,  et  surtout 
plus  d'invectives  contre  ce  mallieu- 
rcux   prnice  ,    dans    quelques    ou- 
vrages anglais  ,  tels  que  la  Relation 
de  la  guerre  avec  TippooSulthan , 
depuis  le  comme iicement  des  hosti- 
lités dans  les  ligues  de  Travaiwore, 
en  décembre  l'^^C)  ,jusqu  h  la  paix 
de  Seringapatnam  ,  en  février  1  'lÇ)'i., 
par  Roderick  Mackeuzie ,  Calcutta , 
1  --93  ,  •}.  vol.  in-8^.  ;  Histoire  de  la 
campagne  qui  termina  la  guerre 
avec  TippooSulthan  Behadour,  par 
le  major  Dirora  ,  Londres,  1^93,  gr. 
in-4". ,  fig.  ;  Histoire  des  opérations 
de  l'armée  commandée  par  le  géné- 
ral Georges  Harris ,  el  du  siège  de 
Seriiigapatnam ,  par  Alex.  Beatson, 
Londres  ,  1800  ,  gr.  in-4'^  ^  lig.  ;  Re- 
vue de  l'origine  ,  etc.^  de  la  guerre 
décisive  contre  TippooSulthan ,  avec 
des  notes,  etc. ,  par  James Salmond, 
cl  la  Traduction  des  principaux  pa- 
piers trouvés  dans   le  cabinet   de 
Tt/jy^oO;,  par  Wood,  Londres,  18005 
le  même  ouvrage  avec  des  Notes  et 
un   Appcndix,  parWood,    1800, 
gr.  in-i".  Lettres  choisies  de  Tip- 
pooSulthan à  div<;rs  fonctionnaires 
publics  ,  commandants  militaires  , 
gouverneurs ,  agents  diplomatiques 
el  commerciaux ,  etc. ,  mises  en  or- 
dre ,  et  traduites  en  anglais  ,  par 
VV.  Kirkpatrick.  avec  des  notes  et 
fac  similc  ,  Londres,  1811,  in-4". 
TippooSaib  (III  la  jirise  de  Seringa- 
pul(im  est  le  sujet  d'un  mélodrame 


TIQ  I  ïf> 

de  M.  Dubois,  joué  au  tlié.Uio  de  la 
Porte-Saint-Martin,  au  mois  d'août 
1804  ,  et  qui  donna  lieu  à  deux  pa- 
rodies représenlées  sur  deux  lliéàlres 
des  boulcA^ards,  l'une  intitulée  :  Petit- 
Pot  ;  l'autre  :  Ne  seringuezpas  tant. 
M.  Jouv  ,de  l'académie  française,  a 
fait  représenter  sur  \e  Théâtre  Fran- 
çais ,  en  181  u  ,  une  tragédie  de  Tip- 
pooSaëb  ,  iinprimée  la  même  année, 
el  précédée  d'une  Notice  et  du  por- 
trait de  ce  prince.  M.  Henri  de  Brc- 
vannes  a  donné  vers  le  même  teiups 
Tippoo-Saïb,  Xra^GÔie  en  trois  actes, 
181 3 ,  in-S'^. ,  non  représentée.  A-t. 
TIQUET    (  Marie  -  Angéliqul 
Carlikr  ,  dame  )  ,  ne  dut  sa   triste 
céleljrité  qu'à  ses  tentatives  réitérées 
pour  faire  assassiner  son  mari.  Elle 
naquit,  en  lô'y] ,  à  Metz;  son  père, 
riche  libraire  de  cette  ville,  lui  laissa, 
en  mourant ,  une  fortune  considéra- 
ble cà  partager  avec  son  frère.  Orphc 
line  à  l'âge  de  quinze  ans,  elle  resta 
sous   la  tutelle  d'une  tante,  qui  ne 
songea  qu'à  se  débarrasser  de  cette 
charge,  en  la  mariant  promptement. 
M'i^.  Carlier,  douée  d'une  rare  beau- 
lé,  de  beaucoup  d'esprit  et  y  joignant 
les  avantages  de  la  fortune  ,  pouvait 
choisir  un  époux   parmi  les  jeunes 
gens  les  plus  aimables.  J>L  Tiquet , 
conseiller  au  parlement  de   Paris  , 
déjà  sur  le  retour  de  l'âge  ,  sut  met- 
tre la  tante  dans  ses  intérêts  et  obtint 
la  préférence.  Il  était  moins  touche 
des  agréments  de  sa  femme  que  de 
la  dot  qu'elle  lui  apportait,   et  qui 
devait  l'aider  à    payer   ses  dettes. 
Cependant   les  premières  années  du 
mariage  furent  assez  paisibles.  Un 
fds  el  une  lllle  vinrent  resserrer  des 
nœuds  formés  par  l'inli'rêl  et  la  va- 
nité. Tant  que  ]M'"'^  Tiquet  ne   fut 
point  gênée  dans  son  goût  ])our   le 
luxe  et  la  représentaliou  ,  tout  alla 
bien;  mais  syn  mari  ayant  voulu  k 


lao  TIQ 

forcer  de  diminuer  ses  dépenses,  elle 
n'eut  plus  pour  luicpie  de  l'aversion. 
Sa  haine  redoubla  ({nand  il  eut 
pris  des  mesures  pour  faire  cesser 
l'intrigue  criminelle  qu'elle  entrete- 
nait avec  un  capitauie  des  gardes. 
Sur  ces  entrefaites ,  les  créanciers  de 
M.  Tiquet  ayant  exercé  contre  lui  des 
poursuites,  elle  crut  la  cix'constauce 
favorable  ]iour  demander  sa  sépara- 
lion;  mais  le  jugement,  en  lui  rendant 
l'administration  de  ses  biens,  la  for- 
ça de  rester  avec  un  mari  qui  lui  de- 
A'enait  chaque  jour  plus  odieux, Déses- 
pérant de  pouvoir  jamais  recouvrer 
sa  liberté,  ce  fut  alors  qu'elle  forma  le 
projet  de  s'en  débarrasser  en  le  fai- 
sant assassiner.'  Elle  gagna  ,  par  des 
présents ,  un  domestique  et  son  por- 
tier j  mais  ils  prirent  si  mal  leurs 
mesures  qu'ils  échouèrent.  Le  por- 
tier ,  soupçoimé  de  favoriser  les  in- 
trigues de  sa  maîtresse  ,  fut  renvoyé. 
Elle  eut  recours  alors  au  poison  • 
mais  le  valet  de  chambre  jeta  la 
tasse  qui  le  contenait,  et  demanda 
son  congé.  Elle  renoua  donc  avec 
son  ancien  portier,  qui  se  chargea  de 
tout.  M.  Tiquet,  rentrant  chez  lui, 
le  soir,  fut  assailli  par  trois  ou  qua- 
tre coupe-jarrets,  qui  tirèrent  sur  lui, 
à  bout  portant  ,  plusieurs  coups 
de  pistolet.  Se  sentant  blessé  ,  il  ne 
crut  pas  devoir  se  faire  transporter 
dans  son  appartement,  et  préféra  re- 
touiner  dans  la  maison  d'où  il  sor- 
tait. Sa  femme,  feignant  d'ignorer  ce 
(pii  venaitdese  passer,  se  rendit  sur- 
Ic  -  champ  auprès  de  lui  ;  mais  il 
ne  voulut  pas  la  recevoir.  Un  com- 
missaire de  police  étant  venu  près 
du  lit  du  blessé,  pour  l'interroger  si;r 
les  auteurs  de  l'attentat  ,  il  déclara 
qu'il  n'avait  pouil  d'ennemi  que  sa 
femme.  Les  amis  de  M"'^'.  Tiquet  la 
pressèrent  de  se  sauver  ;  mais  elle  ne 
le  voulut  pas,  disant  ipie  sa  fuite  la 


TIQ 

ferait  regarder  comme  coupable.  Elle 
attendit  donc,  sans  témoigner  au- 
cune inquiétude,  l'exempt  chargé  de 
la  conduire  en  prison.  Les  preuves 
ne  furent  pas  suiilsantes  pour  la  con- 
vaincre d'avoir  eu  part  à  la  dernière 
tentative  d'assassinat  sur  son  mari; 
mais  l'instruction  du  procès  démon- 
tra qu'elle  avait  cherché  plusieurs 
fois  à  le  faire  périr.  En  conséquence 
elle  fut  condamnée  à  mort  par  une 
sentence  du  Châlelet,  qui  fut  confir- 
mée par  le  parlement.  M.  Tiquet  , 
rétabli  de  ses  blessures ,  courut  à 
Versailles ,  avec  ses  enfants ,  pour  de- 
mander la  grâce  de  sa  femme  ;  mais 
il  pei'dit  tout  le  mérite  de  cette  dé- 
marche ,  en  se  faisant  adjuger  ses 
biens,  dont  la  confiscation  avait  été 
prononcée.Onne  put  obtenir  l'aveu  du 
crime  de  M""*'.  Tiquet  qu'en  ra|)plx- 
quant  à  la  question.  Placée  sur  la  mê- 
me charrette  que  son  portier,  qui  était 
condamné  à  être  pendu ,  elle  s'occupa 
de  le  consoler  et  de  l'encourager  : 
elle  le  vit  périr  sous  ses  yeux  sans 
montrer  la  moindre  faiblesse;  ensuite 
elle  donna  la  main  au  bourreau  pour 
monter  sur  l'échafaud,  baisa  le  bil- 
lot ,  releva  ses  cheveux  et  plaça  sa 
tête.  L'exécuteur  était  si  troublé,  que 
ce  ne  fut  qu'au  troisième  coup  qu'il 
la  sépara  du  corps.  Ainsi  périt,  à  l'âge 
de  (puirante -deux  ans,  le  i-y  juin 
lOgo,  une  des  plus  belles  femmes  de 
son  siècle.  Elle  avait  eu  pour  amie 
M'"'-.  d'Aulnoy  (  Foj\  ce  nom) ,  el 
d'autres  personnes  égalenicnt  aima- 
bles et  spirituelles,  («astaud,  alors 
avocat,  lit  V  Oraison  funèbre  de M'"^ . 
Tiquet  (  F,  Gastauu  ,  XVI,  544  )  ; 
el  le  P.  Chauchemer  en  publia  la  Cri- 
tique   (   f  (>J  .    CuAUCUliMliR,    VIII, 

2H9  ).  Ces  pièces  ,  imprimées  sépa- 
rément ,  ont  été  recueillies  eu  un 
vol.  in  8  '.  (layot  de  Pila  val  les  a  in- 
sérées dans  les  Causes  célèbres,  iv  , 


TIR 

43  ;  V,  485.  Cependaut  l'éditeur  des 
Mélanges  historiques  de  M.  de  Bois- 
Jourdain  (Paris,  1807, 3  vol.  iu-S».), 
croyant  V  Oraison  funèbre  de  M™*=. 
Tiqiiet  inédite,  l'a  insérée  dans  le 
tome  m  ,  Sog-  'i5  ,  précédée  d'une 
i\o<iCe  sur  cette  dame.       W — s. 

TIRABOSCHI  (JÉRÔaiE),  littéra- 
rateur  italien  ,  né  à  Bergame,  le  u8 
décembre  1731  ,  fit  ses  premières 
études  sous  l'abbé  Armati,  et  "a  l'âge 
de  onze  ans  ,  entra  au  collège  de 
Monza,  tenu  par  les  Jésuites.  Il  eu 
embrassa  l'institut,  et,  cliargé  de  l'ins- 
truction de  ses  camarades ,  il  pré- 
para une  réimpression  du  Diction- 
naire latin  et  italien  de  Maudo- 
sio ,  regardé  comme  uu  nouvel  ou- 
vrage par  les  nombreuses  correc- 
tions de  l'éditeur.  Ce  premier  suc- 
cès, et  la  protection  du  comte  de 
Firmian,  attachèrent  Tiraboschi  aux 
travaux  littéraires.  Eu  donnant  une 
meilleure  disposition  à  la  bibliothè- 
que de  Brera  ,  à  Milan  ,  ii  remarqua 
plusieurs  manuscrits  relatifs  à  l'his-  * 
toire  des  Humiliés.  Nés  au  sein  des 
guerres  qui  avaient  désolé  l' Ital  ie  pen- 
dant les  règnes  orageux  de  Henri  II  et 
de  Conrad  le  SaliqiLe  ,  ces  cénobites  , 
que  le  malheur  avait  jetés  dans  le 
cloître,  osèrent  attentera  la  vie  d'un 
archevêque  (/^. CHAHLEsBoRROMtE, 
V,  i()g).  Ce  crime  ne  resta  pas  impu- 
ni; et  le  pape  Pie  V,  par  uoe  bulle  du  7 
février  1371,  ordonna  la  suppression 
de  cet  ordre  ,  qui  comptait  plus  de 
cinq  siècles  d'existence.  Eu  i6'28, 
le  cardinal  Frédéric  Borromée  avait 
chargé  Puricelli  (  Foj.  ce  nom  , 
XXXVI  ,  327  )  d'écrire  l'his- 
toire des  Humiliés.  Le  travail  , 
qui  était  bien  avancé  ,  fut  sus- 
pendu par  la  mort  de  ce  savant  ; 
mais  on  eut  soin  d'envoyer  à  la  bi- 
bliothèque Ambrosicnne  les  papiers 
déjà  rassemblés  ,  et  ces  matériaux  , 


TIR 


»*| 


joints  à  ceux  du  P.  Hartzheim. 
(  Foj.  ce  nom  ,  XIX,  469  )  dé- 
posés dans  les  archives  de  Brera  , 
servirent  de  base  aux  jMémoires  de 
Tiraboschi.  Cet  ouvrage ,  qui  rem- 
phssait  une  lacune  dans  les  Anna- 
les de  l'Eglise ,  fut  bien  accueilli  par 
les  savants  ,  et  cité  avec  éloge  par 
les  journalistes  de  Leipzig  (  année 
17G6,  pag.  181  etuoi  ).  11  étendit 
beaucoup  la  réputation  de  l'auteur  ^ 
qui,  eu  1770  ,  reçut  l'invitation  de 
se  rendre  à  Modène  ,  pour  être  mis 
à  la  tête  de  la  bibliotlaèque  ducale , 
illustrée  par  les  travaux  de  Muratori, 
de  Zaccaria  et  de  Granehi.  Au  mi- 
lieu des  trésors  accumuléspar  la  mu- 
nificence des  princes  d'Esté,  le  nou- 
veau bibliothécaire  conçut  le  plan 
d'un  ouvrage  qu'on  aurait  cru  au-des- 
sus des  facultés  d'un  seul  homme.  L'I- 
talie ,  cet  ancien  berceau  delà  civili- 
sation ,  n'avait  pas  trouvé  un  écri- 
vain capable  de  réunir  dans  un  seul 
cadre  les  titres  épars  de  ses  richesses 
littéraires.  La  tâche  en  était  d'autant 
plus  dillicile,  qu'il  fallait  fermer  l'o- 
reille aux  prétentions  particrlièrcs 
de  chaque  état,  et  presque  de  chaque 
ville,  pour  ne  juger  les  auteurs  que 
d'après  leur  véritable  mérite.  11  fal- 
lait, eu  outre  ,étrv;  versé  dans  la  lit- 
térature ancienne ,  connaître  à  fond 
la  littérature  moderne ,  avoir  une 
idée  suiiisaute  des  sciences  et  des 
arts  ,  et  ne  pas  être  embarrassé  dans 
le  classement  de  tant  de  matériaux, 
pour  élever  un  édilice  an.ssi  riche 
dans  les  détails  qu'il  devait  être 
simple  et  régulier  dans  l'ensemble. 
Ce  grand  travail  fut  terminé  en 
moins  de  onze  ans  •  et  s'il  n'a  pu 
échapper  aux  critiques  de  quelques 
esprits  moroses  ,  il  a  trouvé  un  plus 
grand  nombre  de  partisans  et  d'ad- 
mirateurs. Trois  jésuites  espagnols  , 
Arteag:i,ScrranoelLam[)illas,s'atla- 


1-22  TIR 

chèrent  à  justifier  leur  pays  d'avoir 
en  tout  temps  contribue  à  corroni])re 
le  guîil  en  Italie.  Serraiio  écrivit  une 
dissertation  (i)  pour  prouver  que 
Martial ,  Lucain,  les  dcux.Senèquc. 
loin  d'avoir  terni  l'éclat  de  la  litté- 
rature latine,  n'avaient  fait  que  l'aug- 
menter. Arlcaga ,  qui  niaitl'influence 
des  Arabes  sur  la  poésie  moderne , 
.soutint  que  les  Espagnols  avaient  eu 
beaucoup  de  part  aux  progrès  de  la 
musique  italienne  dans  le  seizième 
siècle(2)  ;etLampillasse  chargea  de 
relever  des  avantages  encore  plus  ca- 
chés de  la  littérature  castillane  (3). 
Malgré  ces  attaques  ,  qui  ne  restèrent 
pas  toujours  dans  les  bornes  de  la 
modération  et  de  la  bienséance ,  l'ou- 
vrage de  ïiraboschi  triompha  de 
ses  ennemis;  et  l'académie  royale  de 
Madrid  elle-même  répondit  à  l'oflre 
d'un  exemplaire  dans  les  termes  les 
plus  flatteurs.  Cethommage  publicfut 
con/îrmé  par  les  réimpressions  exécu- 
tées du  vivant  même  de  l'auteur  ;  et  ce 
monument  élevé  par  ïiraboschi  à  la 
gloire  nationale  est  encore  ce  qu'il 
y  a  de  plus  complet  sur  l'histoire  de 
la  littérature  italienne.  Eu  prenant 
son  point  de  départ  des  Etrusques  , 
cet  habile  écrivain  suit  la  marche 
lente ,  mais  progressive,  des  lettres  et 
des  arts  sous  les  anciens;  il  marque 
leur  décadence  sous  les  barbares  ,  et 
les  clTorts  impuissants  de  Gassio- 
dorc  ,  Boëce  ,  Alcuin  et  Constantin 
l'Airicain  ])our  dissiper  les  ténèbres 
du  luoyfn  âge.  C'est  avec  le  même 
soin  qu'il  développe  les  causes  de  la 


TIR 

renaissance  des  lellres ,  dont  il  ac- 
compagne les  progrès  jusqu'à  la  fin 
du  dix-septièine  siècle.  Tiraboschi 
aurait  probablement  poussé  son  tra- 
vail jusqu'au  siècle  suivant  si  un  sen- 
timent de  reconnaissance  envers  la 
ville  qui  l'avait  adopté,  et  l'embar- 
ras que  l'on  éprouve  à  juger  ses  con- 
temporains, ou  plutôt  la  crainte  de 
leur  déplaire,  no  l'eusseutéloignéd'un 
sujet  général,  pour  le  jeter  dans  des  re- 
cherches relatives  à  l'histoire  poHti- 
que  et  littéraire  de  Modène.  Il  s'était 
pourtant  déclaré  contre  les  compila- 
teurs de  ces  mêmes  bibliothèques  , 
auxquelles  il  consacra  les  dernières 
et  les  plus  belles  années  de  sa  vie  (4). 
Ce  qui  doit  augmenter  nos  regrets , 
c'est  que  personne  jusqu'à  présent  ne 
s'est  cru  en  état  de  continuer  son  ou- 
vrage. On  assure  que  le  P.  Pozzetti  , 
successeur  de  Tiraboschi  dans  la 
place  de  bibliothécaire ,  avait  déjà 
ébauché  l'histoire  littéraire  du  dix- 
huitième  siècle  ,  en  Italie.  Reina  , 
qu'une  mort  prématurée  vient  d'en- 
lever (  lévrier  1826  )  aux  lettres  , 
avait  olFert  de  remplir  cette  lacune. 
M.  Ugoiii,  qui  exploite  le  même  su- 
jet (5)  ,  en  adoptant  le  plan  de  son 
compatriote  Coiuiani  (G) ,  s'est  en- 
tièrement écarté  de  la  route  tracée  par 
le  père  de  la  littérature  italienne. 
Tiraboschi,  décoié  des  titres  de  che- 
valier et  de  conseiller  du  duc  de  Mo- 
dène, mourut  dans  celte  ville  le  3 
juin  1  ']<){.  Ses  Ouvragessont  :  Ï.De 
Patrice  historid  ,  oralio  ,  Milan  , 
1759,  in "4".  11.  Fêtera  Jlumilia- 
torum  muiiumenta  annutationibus 


(il  \un,,  j„<l,r,„  II.  T;,,il.„!chi,  d^  Varliulc,  .Vc- 
ii'Ci! ,  l.uciitiu  et  iiliii  (ii^riilnr  rrliili:  //iy;,i/ii'>  , 
rftiflvlte  liuœ  ad  Cl.  y aniiclliy  l'errurc  ,  17;*', 
iu-8". 

^ï)  PcW  iiijlui-ma  ilff^li  Arab!  sifW  priffine  clellii 
fWffiu  inoiieniu  in  /iiirii//a ,  Koini',  171)1,  lii-S». 

(3)  .V«j;y,./  i,/,.:l„nrlu„  ,1,11,1  lelh;,ilu,,i  yfl„g,ii„>- 
la  ,  O^jiP»  ,  177H  ,  (i  vnl.iii-8".  ;  —  <•(  /{i^/juila  allé 
«t'C/iit!  Ut  Tiiabusclii,  ibicl. ,  1778,  111-12. 


(4)  «  Nous  avons  cli'j'i  tant  cl'aulriirs  de  c.italo- 
»  folies  utile  l>il>li>>Uii'i|uu.s  ,  (|ii'iui  inniveau  tnivaW 
Il  il;ili»  <•(.•  (jcill  !•  scliiil  ;i-|iiu-jirJs  inutile.  »  l'liji.lce 
,1c  rhisloirc  ,1c  la  llllcnilnic  icdwnnr. 

(1)  Pillii  Irlhiiilniii  iliiliana  ,  lullii  Hconila  me 
litil'lscciilo  Wlll,  llri-bL-ia  ,  1H20  ,  S  vul.  iii-ri. 

(G)  r  ><■<-../;  ,/.V/,i  l,ll,,nli,,,i  llnll,,,,,!  ,  'ofio  il  JIK 
nwr^iilienlo,  Urociu,  i8ii,  9  vol.  iu-B". 


TIR 

ac  disscrtationibus  prudromis  illus- 
tra ta ,  AJilan,  1766,  3  vol.  in-4'^. 
IIÏ.  De  Incolumitate  Mariœ  The- 
resiœ  Augustce ,  gratulalio ,  ibid. , 
ï  767 ,  in-b'^.;  et  Modcne,  1 78G,  iu-8''. 
IV.  Sloria  délia  letteratura  italia- 
na ,  ibid,  \']yz-'6'i^  i3  vol.  iu-4-^.  ; 
ibid.,  1787-93  ,  16  vol.  in-4°.;  Flo- 
rence, i8o5-i2,  20  vol.  in-8*'.,  etc. 
Cet  Ouvrage  a  été  abrège'  en  français 
par  Landi,  Berne,  1784,  5  vol.  in- 
8".  •  et  ce  résume  a  été  trad.  en  ita- 
lien par  G.  A.  iNl.  (le  père  Moscliini  ) 
Venise,  1801 ,  5  vol.  in-S'^.  L'abbé 
Zanuoni  en  a  donné  un  autre  abré- 
gé en  italien,  ibid.  ;  1800,  8  vol. 
in-8".  La  partie  relative  à  la  poé- 
sie italienne  a  été  publiée  séparé- 
ment par  M.  Matthias  ,  sous  le  titre 
suivant  :  Istoria  délia  poesia  ita- 
liana,  Londres,  i8o3  ,  3  vol.  in-12; 
et  tout  ce  qui  a  rapport  aux.  arts  a 
été  reproduit  par  Jagemann  ,  en  alle- 
mand, Leipzig,  1777,  y  vol.  in-S*^. 
V.  nta  di  Santa  Olimpia ,  dia- 
conessa  délia  chiesa  di  Coiistan- 
tinopoU  ,  ï*  arme ,  i775,iu4°-VI. 
Rijlessioni  sugli  scrittori  genea- 
logici ,  Padoue,  1779  ,  in-8".  (  F'. 

ClCC-iRELLl,   VIII,  52Q  ).    VII, 

FitadiFuh'io  Te^i/,  Modène,  1780, 
in-8'J.  YIII.  Biblioteca  modenese , 
5  vol.  in-4". ,  suivi  d'un  sixième  vo- 
lume intitulé  :  Notizie  di  pitlori  , 
scultori ,  incisori  ed  architetti  1110- 
denesi ,  con  wi  appendice  de'  pro- 
fessori  di  musica ,  ibid.,  1786, 
in-4'^.  (  Foy.  Franchini  ,  XV  , 
434  )•  IX.  Storia  deir  Augusta 
BadiadiS.Silvestro  di  Nonantola, 
aggiiinlovi  il  codice  diplornalico  del- 
ta mcdesima  ,  illuslrato  con  noie  , 
ibid. ,  1784,  'i.  vol.  iu-fol.  X.SuW 
iscrizione  sepolcrale  di  Manfredo 
Fio  vescovo  di  P'icenza  ,  ibid.  , 
1 785 ,  in-8".  W.Notizia  dclla  con- 
Jralernita  di  S.  Fielro  Martire  in 


TIR 


123 


Modena,  ibid.,  1789  ,  ki  8'^.  XII. 
Elogio  slorico  di  l'uimlmldo  de^ 
Conti  Azzoni  Ai'O'^aro  ,  Bassauo  , 
1791  ,  in-8f'.  XIII.  Memorie  sto- 
riciie  modenesi ,  col  codice  diplo- 
mati.co  illustrato  ,  Modène,  1793  , 
5  vol.  in-4".  Les  deux  derniers  vo- 
lumes furent  publiés ,  après  la  mort 
de  l'auteur,  par  le  professeur  Yen- 
turi.  XIV.  Memoria  sulle  cogni- 
zioni  che  si  avevano  délie  sorgenti 
del  JVilo ,  prima  del  viaggio  di 
Bruce ,  dans  le  tome  i«'.  de  l'acadé- 
mie de  Wantoue,  1795,  pag.  139. 
XV.  Dizionario  topografico  storico 
degli  stati  Estensi;  ouvrage  pos- 
thume ,  dont  le  i^r.  volume  a  paru  à 
Modène,  en  1824  ,  in-4^.  XVI.  Plu- 
sieurs morceaux  insérés  dans  le  Jour- 
nal de  Modèue ,  dont  il  était  un  des 
principaux  rédacteurs.  Il  fut  l'é- 
diteur d'uQ  ouvrage  de  Jean  Marie 
Barbieri,  iutitulé:  Z'eZr  origine  délia 
poesia  riniata  ,  INlodène  ,  1790  j 
in-4°.  ,  qu'il  a  enrichi  d'un  savant 
discours  préliminaire.  \oy. Bue  let- 
tere  riguardanti  alcune  più  im- 
portanti  notizie  délia  vita  e  délie 
opère  del  Tiraboschi ,  par  Ciocchi , 
ibid.,  1794  ,  in-8'^.  Frécis  histori- 
que sur  la  Fie  et  les  Ouvrages  du 

même ,  par  St.  L (Saint-Léger), 

dans  le  Magasin  enc/clop.  au  iv 
(  1795),  tom.  V,  pag.  477.  Élog,e 
du  même ,  en  latin ,  par  Fabroni , 
dans  le  Fitœ  Italor. ,  tom.  xvi ,  pag. 
24"-^  ■>  trad.  en  italien ,  par  Maggi. 
Un  second  Eloge  en  italien  ,  par 
Lombardi ,  Modèue  ,  1796  ,  in-8°., 
trad.  en  français,  par  Boulard,  Pai-is, 
1802,  in-8^.j  un  troisième  en  ita- 
lien ,  par  Pozzelti ,  en  tète  de  l'édi- 
tion de  V Histoire  littéraire  d'Italie , 
Florence  ,  i8u5  ;  un  quatrième,  ])ar 
Beltramelli  ,  Bergame  ,  181 2  ,  ni- 
8^.  j  une  Notice ,  j)ar  M.  Ugoni  , 
dans   son  ouvrage  intitulé  :  Dcllc^ 


124 


TIR 


letleratura italiana ,  etc.,  tom.  m, 
pa£^.  35o.  A — G— s. 

TIKAQUEAU  (André),  ne, 
à  Fontenai- le -Comte  ,  vers  l'an 
i4^o  ,  y  occupa  long -temps  la 
charge  de  sénéchal.  La  réputation 
que  lui  fit  son  Traité  De  legibus  cou- 
nubialibus ,  publié  en  i5i5  (  J^oy. 
Chasseneux  ,  VllI ,  269  ),  le  pre- 
mier et  le  meilleur  de  ses  ouvrages  , 
au  jugement  du  chancelierdel'Hospi- 
tal ,  lui  valut  l'honneur  d'être  choisi 
pour  occuper  une  charge  de  conseiller 
au  parlement  de  Bordeaux,  par  le 
vœu  unanime  de  cette  compagnie , 
sans  aucune  démarche  de  sa  part.  Il 
lui  en  témoigna  sa  reconnaissance , 
en  faisant  paraître,  sous  ses  auspices, 
son  Comrnenlaire ?,uv\ai  WiUnqiiam, 
i534,-  mais  on  croit  qu'il  n'accepta 
pas  la  place  qui  lui  avait  été  offerte  : 
car  il  était  encore  sénéchal  de  Fonte- 
nai lorsque  François  I'^^''.  le  fit,  en 
i54i  ,  conseiller  au  parlement  de  Pa- 
ris, où ,  par  une  distinction  sans  exem- 
ple ,  il  fut  admis  à  la  grand-chambre, 
sans  ])asser  aux  enquêtes.  Il  prouva 
coml)ien  il  était  sensible  à  cet  hon- 
neur, en  dédiant  à  ses  nouveaux  con- 
frères son  Traité  De  retractu  iitro- 
quc  municipali  et  coni>eTitionali , 
1543.  Tiraqueau  travailla  a  réfor- 
mer la  méthode  vicieuse  qiii  régnait 
au  palais;  il  administra  la  justice 
avec  intégrité.  François  1*='.  et  Henri 
II  l'honorèrent  de  leur  estime,  et 
l'employèrent  utilement  dans  plu- 
sieurs affaires  importantes.  Il  était 
lie  avec  tous  les  gens  de  lettres  qui  , 
dans  ce  temps  -  là,  faisaient  l'orne- 
ment de  la  C0I11-.  Son  vaste  savoir  le 
fit  appeler  le  f^arronAc  son  siècle. 
}5on  mari,  bon  père,  il  fut  lieiireux 
au  sein  de  sa  vertueuse  famille ,  (|iii 
répondit  parfaitemeiit  aux  soins  qu'il 
s'était  donnés  pour  la  former.  Il  eut 
vingt  cjifanls  selon  ks  uns,  et  trente 


TIR 

.selon  d'autres  ;  ce  qui  faisait  dire  à 
son  ami  Dorât,  qu'il  donnait  tous  les 
ans  à  l'état  un  enfant  et  un  livre 
(  V^.  Louis  Cousin  ,  X ,  i  u^  )  :  sur 
quoi  un  anonyme,  faisant  allusion  à 
ce  qu'il  ne  buvait  que  de  l'eau,  com- 
posa cette  Epigramme  : 

Tiraqueau  ,  fécond  à  produi^"e  , 
A  mis  au  monde  trente  Blsj 
Tiraqueau  ,  fécond  à  bien  dire  , 
A  fait  pareil  nombre  d'ecrils. 
S'il  n'eut  point  nuve'  dans  les  eaux 
Une  semence  si  i'écoude  , 
n  eut  enfin  rempli  Je  inonde 
De  livres  et  de  Tiraqueaui. 

Cependant  M.  du  Radier  réduit  le 
nombre  des  enfants  de  Tiraqueau  à 
quinze ,  d'après  un  calcul  qui  paraît 
assez  vraisemblable.  Lorsqu'il  était 
lieutenant-général  du  baillage  de  Fon- 
tenai ,  il  tira  le  fameux  Rabelais  de 
la  prison  où  le  détenaient  les  Corde- 
liers  de  cette  ville.  Rabelais  lui  en  té- 
moigne sa  reconnaissance  dans  le 
nouveau  Prologue  du  Pantagruel ,  où 
il  l'appelle  le  bun ,  le  sage ,  le  tant 
humain ,  tant  débonnaire  André 
Tiraqueau.  Ce  docte  magistrat  mou- 
rut eu  i558.  Ses  nombreux  ouvrages 
ont  été  publics  par  les  soins  de  son 
fils  Michel ,  5  vol.  in  -  fol. ,  Paris  , 
i5'^4-  Les  morceaux  les  plus  intéres- 
sants de  ce  vaste  recueil  sont  :  I. 
De  legibus  connubialibus  et  de  opè- 
re maritali ,  où  l'on  admire  une  con- 
naissance très -étendue  des  lois,  une 
érudition  prodigieuse  et  une  latinité 
assez  pure.  On  y  trouve  tout  ce  qu'il 
est  possible  de  dire  pour  ou  contre 
les  femmes.  Ménage  y  a  puisé,  sans 
en  avertir ,  son  Traité  des  Femmes 
philosophes.  II.  Commentaire  sur  la 
loi  Unquam  ,  moins  chargé  de  litté- 
rature que  le  précédent ,  naais  fort  uti- 
le aux  jurisconsultes.  111.  De  retrac- 
tu uiroque ,  etc. ,  où  il  épuise  la  ma- 
tière; mais  il  y  règne  trop  d'indéci- 
sion. I V.  Dcpœnislegum,  petit  traité 
orne  d'une  érudition  variée,  et  dans 


TIR 

lequel  on  aime  à  voir  les  moyens  qu'il 
fait  valoir  pour  adoucir  les  peines  lé- 
gales, surtout  par  rapport  aux  cri- 
mes produits  par  la  violence  de  l'a- 
mour ,  qu'il  regarde  comme  une  es- 
pèce de  délire.  V.  Dejudicioin  rébus 
exiguis,  qui  offredes  principes  sages, 
dont  l'application  servirait  à  termi- 
ner, sans  frais,  les  contestations  le'- 
gères.  VI.  De  nohilitate  et  jure  pri- 
mogenitorum.  C'est  le  plus  considë- 
ralile  des  ouvrages  de  Tiraqueau,  et 
le  dépôt  d'un  savoir  immense  et  d'u- 
ne littérature  sans  bornes,  dans  la- 
quelle la  jurisprudence  se  trouve  trop 
noyée.  L'auteur  ne  se  borne  pas  à  y 
traiter  de  la  noblesse;  il  a  su  y  ras- 
sembler tout  ce  qui  peut  se  dire  de 
plus  important  et  de  plus  curieux 
pour  ou  contre  chaque  profession  j 
magistrats  ,  médecins ,  chirurgiens  , 
etc.,  chacun  y  a  son  lot.  VIL  Des 
Commentaires  sur  Alexander  ah 
Alexandre ,  intitulés  Semestria  , 
parce  qu'ils  étaient  le  fruit  de  ses  loi- 
sirs. Il  y  indique ,  avec  beaucoup 
d'érudition  et  d'exactitude,  les  sour- 
ces où  l'auteur  original  avait  puisé , 
Lyon,  i586,  in-fol.  ;  et  avec  les  no- 
tes de  Colerus  et  de  Godefroy  ,  Ley- 
de,  1673,  in  -  fol. ,  2  vol.  On  voit 
dans  toutes  les  productions  de  Tira- 
queau un  jurisconsulte  profond,  tou- 
jours guidé  par  l'expérience  et  l'es- 
prit d'équité,  mais  donnant  plus  à 
l'autorité  qu'au  raisonnement,  sui- 
vant la  méthode  de  sou  siècle.  T-d. 
TIRIDATE ,  prince  du  sang  des 
Arsacides,  fut  élu  roi  des  Parthes, 
à  la  place  de  Phrahates  IV  (  F.  ce 
nom  ,  XXXIV,  234  ) ,  banni  par 
ses  sujets,  à  cause  de  sa  cruauté, 
Phrahates  étant  rentré  dans  ses  états , 
avec  une  armée  scythe ,  Tiridate 
se  réfugia  en  Syrie ,  près  d  Octave , 
qui  se  disposait  alors  à  passer  en 
Kgypte  .     pour    arluver   la  défaite 


TIR 


125 


d'Antoine.  Octave,  ne  voulant  point 
entrer  dans  les  querelles  des  princes 
Arsacides,  refusa  de  lui  donner  des 
secours ,  mais  il  lui  permit  de  rester 
dans  la  Syrie,  La  barbarie  de  Phra- 
hates l'ayant  fait  chasser  du  trône 
une  seconde  fois ,  Tiridate  ,  rappelé 
par  ses  créatures  ,  s'empara  des  tré- 
sors de  son  rival  ,  et  le  poursuivit  si 
vivement,  que  Phrahates  lit  égorger 
toutes  ses  femmes  ,  dans  la  crainte 
qu'elles  ne  tombassent  entre  les  mains 
du  vainqueur.  Phrahates  ayant  en- 
core recouvré  son  royaume,  avec 
l'aide  des  Scythes  ,  Tiridate  fut  obli- 
gé d'aller  de  nouveau  demander  un 
asile  aux  Romains,  Il  rejoignit  Au- 
guste en  Espagne  ,  et  lui  remit  com- 
me otage  le  plus  jeune  des  fils  de 
Phrahates,  qu'il  avait  enlevé.  Une 
médaille  publiée  par  Vaillant  [Arsa- 
cidar.  imperium  ,  172  ),  représente 
Auguste  recevant  cet  enfant  des  mains 
de  Tiridate.  Persistant  dans  la  poli- 
tique qu'il  avait  adoptée  k  l'égard  de 
l'Orient,  Auguste  ne  voulut  point  ai- 
der Tiridate  à  reconquérir  le  trône 
des  Parthes,  ni  le  livrer  à  ses  enne- 
mis. Ce  prince  passa  le  reste  de  sa 
vie  à  Rome ,  où  il  fut  traité  cons- 
tamment avec  une  grande  distinc- 
tion. W — s. 

TIRIDATE  ,  prince  Arsacide. 
On  sait  que  Tibère  ,  irrité  contre 
Artaban  III,  roi  des  Parthes,  parce 
qu'il  s'était  emparé  de  l'Arménie, 
regardée  alors  comme  une  province 
romaine,  lui  substitua  Phrahates  V 
{For.  ce  nom ,  XXXIV,  286  ).  Ce 
prince  étant  mort  de  fatigue,  il  lui 
donna  pour  successeur  Tiridate,  son 
neveu,  et  chargea  Vitellius,  alors 
préfet  de  Syrie,  de  le  mettre  en  pos- 
session de  ses  états.  La  présence  de 
Tiridate  excita,  dit  Tacite,  une  jcie 
universelle.  Les  Parthes  se  flattaient 
qu'un    prince   accoutumé,   dès  son 


ii6 


TIR 


enfance  ,  aux  mœurs  et  aux  arts  des 
Romains ,  régnerait  avec  plus  de  dou- 
ceur qu'Artaban,  ëleve  parmi  les 
Scythes  (  Annal. ,  vi ,  4i  ).  Toutes 
les  viîles,  à  son  approche,  s'empres- 
saient d'ouvrir  leurs  portes ,  et  la 
plupart  des  généraux  d'Artaban  ve- 
naient grossir  l'armée  de  son  rival , 
ou  lui  faisaient  donner  l'assnrance 
de  leur  lidélilc.  11  s'avança  sans  obs- 
tacle juscprà  Cîe'siphon  ,  et  y  fut 
couronne  soieunelleraent ,  aux  accla- 
mations d'un  peuple  immense.  Alors 
Vitellius ,  croyant  sa  mission  termi- 
ne'e,  s'en  retourna,  laissant  à  Tiri- 
date  quelques  légions  pour  achever 
de  soumettre  les  villes  qui  ne  s'étaient 
poiiit  encore  déclarées  en  sa  faveur. 
Au  lieu  de  profiter  de  ce  premier  mo- 
ment d'enthousiasme  pour  faire  re- 
connaître partout  son  autorité ,  Tui 
date  perdit  un  temps  précieux  au 
siège  d'un  château  ,  dans  lequel  Ar- 
taban  avait  enfermé,  avec  ses  fem- 
mes ,  tous  ses  trésors.  Les  Partlies  , 
qui  l'avaient  jugé  d'abord  d'une  ma- 
nière si  favorable,  en  s'habituant  à 
le  voir  ne  lui  trouvèrent  plus  que 
des  défauts.  Bientôt  Artaban,  rappe- 
lé par  les  mécontents ,  rentra  dans 
ses  états  à  la  tête  d'une  armée  qui  se 
grossit  de  tous  ses  anciens  partisans. 
Tiridatc,  effrayé,  prit  la  fuite,  sans 
combat  (  l'an  3()  de  J.-C.  )  La  lâ- 
cheté qu'il  avait  montrée  dans  cette 
occasion  lui  lit  perdre,  sans  retour, 
une  couronne  (jn'il  n'avait  pas  même 
tenté  de  défendre;  et  l'histoire  n'a 
pas  conservé  son  nom  parmi  ceux 
des  rois  P.irlhes.  La  tragédie  de 
Campistron  ,  intitulée  Tiridate  ,  a 
trait  à  Tliamar  et  non  au  prince 
Arsacide  (  f^o).  Campistron,  VI  , 
648  ).  '  W— s. 

THUDATE  I''.,  roi  d'Arménie, 
fit  la  eonqiièlc  de  ce  pays,  avec  le 
secours  de  sou  frère  Vologcse ,  roi 


TIR 

des  Parthes,  sur  Rliadamiste,  qui 
s'e'tait  emparé  du  trône  par  un  crime 
odieux  (  V.  Pharasmane  ,  XXXIV, 
7  ).  Dès  que  les  Parthes  se  furent  re- 
tirés, Rhadamiste  rentra  dans  ses 
états,  et  traita  les  Arméniens  en  re- 
belles. Un  soulèvement  général,  exci- 
té par  l'horreur  qu'inspirait  sa  cruau- 
té, l'obligea  bientôt  d'abandonner  sa 
capitale.  Poursuivi  vivement  dans  sa 
fuite,  Rhadamiste  poignarda  sa  fem- 
me Zénobie,  alors  enceinte,  et  la 
précipita  dans  l'Araxe  ,  de  peur 
qu'elle  ne  vînt  à  tomber  entre  le» 
mains  de  ses  ennemis.  Des  bergers 
sauvèrent  cette  princesse,  et  la  con- 
duisirent à  Tiridate ,  qui  la  reçut 
avec  les  égards  dus  à  son  rang  et  à 
ses  malhfciu-s.  La  guerre  entre  les 
deux  compétiteurs  fut  longue  :  elle 
finit  à  l'avantage  de  Tiridate;  mais 
les  Romains  ,  accoutumés  à  donner 
des  souverains  à  l'Arménie ,  ne  vou- 
lurent pas  y  laisser  un  roi  qui  ne 
tenait  pas  d'eux  sa  couronne.  Corbu- 
lon  ,  l'un  des  plus  grands  capitaines 
de  son  siècle,  reçut  l'ordre  d'atta- 
quer Tiridate,  et  de  l'expulser  de 
l'Arménie.  Ce  prince,  soutenu  par 
Vologèse,  se  défendit  long -temps 
avec  autant  d'habileté  que  de  coura- 
ge ;  mais,  Corbulon  s'étant  emparé  de 
toutes  les  places,  il  fut  obligédese  re- 
tirer dans  la  Médie.  Tigrane  VI  (  F. 
ce  nom  )  fut  alors  établi  sur  le  trône. 
Tiridale  ne  tarda  pas  à  venir  l'as- 
siéger dans  sa  capitale.  Les  Romains 
marchèrent  au  secours  d'un  roi 
leur  allié;  mais  Px-tus  qui  les  com- 
mandait, n'avait  ni  les  talents  ni  la 
prudence  de  Corbulon  ;  et  Tiridatc 
le  força  d'évacuer  l'Arménie.  Volo- 
gèse lit  alors  demander  pour  son  Irè- 
re ,  à  Néron ,  l'investiture  de  ce  royau- 
me. Cette  d('marche  fut  regardée 
comme  une  dérision  ;  et  Corbulon 
fut  chargé  de  continuer  la  guerre. 


TIR 

liCS  négociations  recommcnccrcnl 
bientôt ,  et  Tiiidate  consentit  enfin  à 
se  rendre  à  Rome ,  pour  y  recevoir 
des  mains  de  Néron  la  couronne 
d'Arménie.  Dion  et  Tacite  ont  re- 
cueilli les  détails  du  voyage  de  ce 
prince,  ^'éron  vint  à  sa  rencontre 
jusqu'à  Naples,  et  le  conduisit  en 
triomphe  à  Rome ,  où  il  fut  traité 
avec  une  magnificence  extraordinai- 
re. Tiridate  sut  gagner  les  bonnes 
grâces  de  l'empereur  en  flattant  ses 
goûts  capricieux ,  et  surtout  en  exal- 
tant son  adresse  à  diriger  un  char. 
Il  en  obtint  des  sommes  considéra- 
bles ,  qui  lui  servirent  à  réparer  ses 
orteresses  et  à  rebâtir  sa  capitale, 
détruite  par  Gorbulon,  et  dont  il 
changea  le  nom  ^ Artaxate  en 
celui  (le  Néronée.  Ce  prince  mou- 
rut vers  l'an  78  ,  après  avoir  oc- 
cupé le  trône  onze  ans.     W — s. 

TIRIDATE  II,  roi  d'Arménie, 
était  fils  de  Khosrou,  assassiné  par 
Anag  ,  prince  Arsacide,  l'an  "232 
[Fof.  Khosrou ,  XXII,  4oi  ).  Arde- 
chyr,  premier  roi  de  Perse  de  la  dy- 
nastiedes  Sarànvdes ,  s'étant  emparé 
de  l'Arménie,  Tiridate,  encore  en- 
fant, fut  conduit  à  Rome,  par  Ar- 
dava/.t  Mantagouni  (1) ,  et  y  reçut 
une  éducation  confoime  à  son  rang. 
Les  talents  qtie  ce  jeune  prince  mon- 
trait pour  la  guerre  lui  méritèrent 
l'estime  des  Romains  ,  et  il  finit  par 
obtenir  une  armée  pour  reconquérir 
le  trône  de  ses  pères.  Accueilli  parles 
princes  arméniens  ,  comme  leur  sou- 
verain légitime,  l'an  259  il  chassa 
sans  peine  de  ses  états  les  Persans  , 
qu'il  poursuivit  jusqu'au  centre  de 
leur  empire.  N'oubliant  point  les  ser- 
vices qu'il  avait  reçus  d'Ardavazt,  il 


TIR 


127 


le  créa  sharahied  (2) ,  et  se  reposa 
sur  lui  d'une  partie  des  soins  du  goi»-' 
vernement.  Pendant  \m  voyage  que 
Tiridate  avait  fait  à  Rome  ,  les  Per- 
sans    rentrèrent    dans    l'Arménie, 
et  se  rendirent  bientôt  maîtres  des 
principales    provinces.   Instruit   de 
ce  désastre,  il  se  hâta  de  revenir 
dans  son  royaume ,  et  avec  le  secours 
des  légions  de  Syrie  il  repoussa  les 
Persans  ,  sur  lesquels  il  remporta  une 
victoire  complète  :  le  fidèle  Ardavazt 
perdit  la  vie  dans  cette  mémorable 
journée.  Taudis  que  les  Romains  pé- 
nétraient dans  la  Perse,  par  la  fron- 
tière méridionale,   Tiridate  l'atta- 
qua du  côté  de  l'Atropatène ,  et  re- 
vint  chargé    de  riches    dépouilles. 
Touché  des  vertus  et  de  la  piété  de 
saint  Grégoire  {F.  ce  nom  ,  XVIII , 
4i2  ),  ce  prince  embrassa  le  chris- 
tianisme ,  qu'il  avait  long-temps  per- 
sécuté, et  reçut  le  baptême,  la  seiziè- 
me année  de  sou   règne,    avec  sa 
sœur  et  sa  femme,  des  mains  du  vé- 
néiab'e  patriarche.  Cet  exemple  fut 
suivi  par  les  grands  ;  mais  le  peuple 
ne  put  se  détacher  aussi  facilement 
de  ses  anciennes  croyances(3).Tirida- 
te  fît  venir  dans  ses  états  des  prêtres 
grecs  et  syriens  ,  établit  des  évèchés , 
et  fonda  dans  toutes   les  provinces 
des  églises  et  des  monastères.  Cepen- 
dant il  fallut  livrer  des  combats  san- 
glants dans  plusieurs  parties  du  royau- 
me ,  et  en  particulier  dans  le  pays  de 
Daron,  que  les  Arméniens  regardaient 
comme  une  terre  sacrée  ,  k  cause  de 
la  multitude  de  terai)les    et  d'idoles 
qu'on  y  voyait.  Tiridate  ,  auquel  ses 
])eup!es   décernèrent  le  surnom    de 
Grand ,  mourut  en  3 1 4 ,  après  un  rè- 


(0  M.  Salnl-Mnrliii  (■(■iiiccliirr  qu'  hdm'a-.l  fsl 
k-  luruic  <|IIP  r  hl,il'i,t,le< .  i|lir  Tirhiiriil*  l'olli.Ml 
;  iri  /  iilvr.)  api>trilc'  r<ii  (!<»  Ariuiiiileiii.. 


[■>.)  r.liargo  militaire  <ju'ou  peut  comparer  à  celle 
(le  connitaiiU. 

[})  Il  iiaiail  que  la  relii;inn  des  Arméniens, 
comme  celle  des  P;irllie.«  ,  était  alori.  mi  melanj;r 
•le  la  doctrine  de  'Aoroaslre  .  de  ridulàlrie  d<>s 
Grecs  et  de»  superslilioii»  de»  Scjthc».       A — T. 


120 


TIR 


gue  de  cinquante-six  ans .  Kliosrou  1 1 , 
son  fils ,  lui  succéda  (  Foy.  ce  nom , 
XXII ,  ^oZ ,  et  les  Méin.  sur  V Ar- 
ménie, par  M.  Saint-Martin).  W — s. 

TIRIIS  (  Jacques  ) ,  commenta- 
teur de  l'Ecriture  sainte  ,  était  né 
à  Anvers,  en  i58o.  Il  embrassa 
la  règle  de  saint  Ignace,  à  l'âge  de 
Yingt  ans ,  et  après  avoir  enseigné 
les  humanités  à  Loiivaiii ,  et  la  tliéo- 
logie  dans  la  maison  professe  d'An- 
Ters,  il  fut  employé  dans  la  Tnission 
de  Hollande ,  où  il  se  distingua  par 
son  zèle.  C'était  un  excellent  l'eligieus, 
joignant  à  une  piété  solide  beaucoup 
de  douceur  et  une  grande  érudition. 
Il  mourut,  dans  sa  ville  natale  ,1e  1 4 
juillet  i636.  On  a  de  lui  :  Com- 
vienlarii  in  Fétus  et  Novum  Testa- 
vientum ,  Anvers,  1 63a,  3  vol. in-fol. ; 
ibid.  ,  i()56,  2  vol.  in -fol.  Ces 
Commentaires  ont  été  insérés ,  par 
Jean  de  la  Haye  ,  dans  la  Biblia 
magna  et  dans  la  Biblia  maxima. 
Le  savant  auteur  a  fait  précéder  le 
premier  volume  d'un  abrégé  de  l'His- 
toire sacrée ,  depuis  la  création  du 
mondi"  jusqu'à  la  ruine  du  temple  de 
Jérusalem  par  Titus;  d'une  Table 
des  poids  et  mesures  des  anciens, 
comparés  avec  ceux  des  moder- 
nes ;  et  enfin  de  l'explication  des 
idiotismes  grecs  et  hébreux  qu'on 
trouve  le  plus  fréquemment  dans  les 
Kcritiues.  Suivant  Crenius  (  defuri- 
htislibrariis),  Tirin  n'a  fait  qu'abré- 
ger les  Commentaires  de  Conielins  à 
Lapide;  mais  cette  accusation  n'est 
j)as  fondée.  H  a  recueilli  ce  qu'il  a 
trouvé  de  meilleur  dans  les  auties 
interprètes  ,  et  en  a  composé  ini  ou- 
vrage fort  utile  ,  et  que  consultent 
toujours  avec  fruit  les  élèves  en  tlico- 
iogi<-.  W — s. 

TIBON  ^Tl-i.mls  TiBo),  allran- 
clii  de  Cicéron  ,  contribua  be.uiroup 
à  j  erfeclionncr  chez  les  Koniauis  la 


TIU 

tachjgraphie  ou  l'art  d'écrire  aussi 
vite  que  la  parole.  Cicéron,  l'ayant 
distingué  parmi  ses  esclaves,  se  char- 
gea de  cultiver  ses  dispositions,  le 
lit  son  secrétaire,  et  l'établit  ensuite 
sou  intendant  avec  l'autorité  la  plus 
étendue.  Tiron  ,  reconnaissant ,  se 
montra  constamment  un  serviteur  fi- 
dèle et  dévoué.  Il  avait  accompagné, 
son  maître  dans  le  gouvernement  de 
Cilicie:  en  revenant  il  tomba  malade  à 
Patras  ;  et  Cicéron  ,  que  ses  affaires 
rappelaient  à  Rome  ,  fut  obligé  de  le 
laisser  aux  soins  d'un  médecin.  Sans 
cette  circonstance  on  ne  connaîtrait 
pas  tout  rattachement  que  ce  grand 
homme  portait  à  Tiron  :  «  Quoi- 
»  qu'il  soit  très  -  important  pour 
»  mon  honneur,  lui  écrivait-il,  que 
))  je  me  rende  à  Rome,  il  me  semble 
»  que  j'ai  fait  une  faute  de  vous  quit- 
))  ter....  Je  vous  demande  en  grâce 
»  de  ne  pas  regarder  à  la  dépense 
))  pour  rétablir  votre  santé.  »  Dans 
une  autre  lettre,  il  lui  dit:  «  Vous 
T)  m'avez  rendu  des  services  sans 
»  nombre  ;  mais  vous  y  mettrez  le 
w  comble ,  si  vous  me  donnez  ,  com- 
•>•>  me  je  Tespère  ,  le  plaisir  de  vous 
»  revoir  en  bonne  santé....  Ne  vous 
»  occupez  que  de  votre  santé.  Je  ju- 
»  gérai  des  sentiments  que  vous  avez 
»  pour  moi  par  l'empressement  que 
»  vous  mettrez  à  vous  rétablir.  »  Des 
que  Tiron  fut  de  retour  à  Rome  , 
(Cicéron  l'allranchit,  comme  il  lui  en 
avait  répété  plusieurs  fois  la  pro- 
messe. Il  dut  aux  bienfaits  de  son 
maître  un  domaine  ;  et  Fou  peut  con- 
jecturer qu'il  ne  tarda  pas  de  se  re- 
tirer dans  cet  asile,  où  il  partagea 
le  reste  de  sa  vie  entre  les  travaux 
champêtres  et  les  douceurs  de  l'é- 
tude. Ou  sait  qu'il  avait  compose 
une  /7c  de  l'orateur  romain,  le  Re- 
cueil de  sr.s  bons  mots  {joci)  en 
trois  livres  .   e?  quelques  autres  ou- 


TIR 

vrages.  Un  passage  de  Cice'ron  don- 
ne lieu  de  croire  que  Tiron  s'e'tait 
exerce  dans  le  genre  tragique  (i). 
C'est  lui  qui  nous  a  conserve  les  Let- 
tres de  Cicéron  ;  le  seizième  livre  du 
Recueil  si  mal  intitule  par  les  copis- 
tes Ad  familiares  contient  celles 
qui  sont  relatives  à  cet  adVauchi.On 
attribue  à  Tiron  l'invention  de  la  mé- 
thode d'écrire  en  notes,  qui  porte 
son  nomj  mais  cet  art  était  connu 
des  Grecs  (  ^oy.  Xénophon  ) ,  qui  le 
transmirent  aux  Romains.  Suivant 
saint  Isidore ,  le  poète  Enuius  fut  le 
premier ,  à  Rome ,  qui  fit  usage  de 
cette  écfiture  abrégée.Tiron  augmen- 
ta le  nombre  des  signes  ou  notes,  les 
distribua  dans  un  meilleur  ordre ,  et 
imagina  de  recueillir  au  moyen  de 
la  tachf  graphie  les  improvisations 
des  orateurs.  Il  paraît  certain  que 
c'est  à  ses  soins  que  nous  devons  la 
Harangue  de  Caton  contre  César  , 
insérée  par  Salluste  dans  VHAstoire 
de  la  conjuration  de  Catilina  (  V. 
Caton  ,  VII,  4oB).  La  tachf  gra- 
phie ou  l'art  d'écrire  en  notes ,  per- 
fectionnée par  Sénèque  et  d'autres  , 
s'étendit  dans  tout  l'empire.  On  s'en 
est  servi  pour  les  actes  publics  ,  eu 
France,  jusqu'à  la  fin  du  neuvième 
siècle,  et  en  Allemagne,  jusqu'à  la 
fin  du  dixième.  C'est  de  là  que  les 
officiers  chargés  de  la  transcription 
des  actes  ont  reçu  le  nom  de  lac- 
taires ,  qu'ils  conservent  encore.  En 
cessant  de  faire  usage  des  notes  ti- 
roniennies,  on  en  oublia  la  signifi- 
cation. Aussi  les  actes  pour  lesquels 
on  s'est  servi  de  cette  écriture  abré- 
gée fout -ils  le  désespoir  des  érudits. 
Le  pape  Jules  II  avait  chargé  les 
plus  savants  hommes  de  son  temps 
d'en  rechercher  le  sens  ;  mais  ils  y 


TIR 


1^9 


renoncèrcnt  (  Voy.  Sadolet,  Epist. 
V,  8  ).  Juste  Lipse  avoue  qu'il  a  fait, 
dans  le  même  but ,  de  vains  efforts 
{Epist. ad.  Belgas ,  centur.  i,  27  ). 
Gruter  a  publié ,  dans  le  Corpus  ins- 
criptionum  ,  les  IVotesde  Tiron  et  de 
Sénèque  en  vingt-une  planches  avec 
des  explications  {F.  Gruter,  XVIII 
5(}Ç)  ).  Tritheim  en  avait  déjà  donné 
quelques-unes  dans  la  Poljgraphie 
et  dans  la  stéganographie  ;  et 
depuis  Gruter,  D.  M/ibillon  en  a 
donné  plusieurs  aljjhabets  dans  la 
planche  cinquante-six  de  sou  Traité 
de  diplomatique.  Mais  le  travail  le 
plus  étendu  ,  comme  le  plus  intéres- 
sant qu'on  ait  sur  cette  matière,  est 
VAlphahetum  Tironianum  de  D. 
Carpentier  (  F.  ce  nom,  VII,  i83  ), 
Cependant  D.  Tassin  le  trouve  in- 
complet et  presque  inutile  (2);  mais 
ce  jugement  est  dicté  par  l'humeur. 
Les  recherches  de  Carpentier  ont  con- 
duit Sam.  Taylor  à  la  découverte  du 
Nou\'eau  système  de  sténographie , 
suivi ,  depuis  quarante  ans  ,  en  An- 
gleterre et  en  France.  Outre  les  ou- 
vrages cités,  on  peut  consulter,  sur 
les  notes  tironiennes  ,  le  Nouveau 
traité  de  Diplomatique  de  DD. 
Tassin  et  Thuilier ,  m  ,  ch.  x  •  le 
Dictionnaire  diplomatique  de  B .  de 
Vaines,  au  mot  Notes;  et  enfin  V In- 
troduction de  Th.-Pier.  Bertin  au 
Système  universel  et  complet  de 
sténographie ,  an  iv,  in-8^^.  W — s. 
TIROU  (...),  né  en  Flandre,  a 
publié  le  premier  une  Histoire  de 
Lille  et  de  sa  châtellenie.  Elle  parut 
dans  cette  ville,  en  un  vol.  in-12, 
1780.  Le  style  en  est  simple  et  peu 
châtié  ;  mais  elle  est  curieuse  et  inté- 
ressante par  ses  détails  sur  les  éta- 
blissements de  tout  genre  qui  exis- 


(1)    An  /Mtrigi.i  alii^uid  Sofjltoclrum?   IcUrc  18, 
llv.  XVI. 


{%)  Vin.  ]a  Lettre  ic  \).  Tissiii,  sur  ccl  ouvr 
gc  ,  dans  le  Journal  îles  savanlf  ,  lySfi,  \t{.\. 


i3o         '  TIR 

taiciU  à  \À\k.  La  clestniction  ou  l.i 
mctaiiiorpllosc  totale  subie  par  ces 
e1a])li.s.semoT)'ts,  depuis  trente  ans,  Jie 
doit  Vien  ôter  <à  l'intérêt  de  cet  ou- 
vrage. L'auteur  débute  par  un  abro- 
ge' de  l'histoire  des  anciens  châ- 
telains de  Lille  ,  devenus  depuis 
comtes  de  Flandre.  On  lui  a  re- 
proche d'avoir  répète,  sans  exa- 
men ,  quelques  traditions  fabuleu- 
ses. "Voici  l'excuse  péremptoire  qu'il 
en  donne  :  «  La  ville  de  làlle 
))  étant  aujourd'hui  parvenue  au 
«  faîte  de  la  grandeur  où  elle  ait 
»  jamais  été  ,  il  est  juste  qu'elle  suive 
»  l'origine  des  grandes  choses ,  qui 
1)  ont  toujours  eu  pour  principe  la 
»  fable  ;  telle  que  Rome ,  qui  se  dit 
»  descendue  d'Enéo; Paris,  de  Pàris^ 
»  fils  de  Priam ,  Anvers ,  de  la  main 
»  d'ungéantjetéedansl'Escaut:  c'est 
))  ce  que  signifie  !e  mot  à'^^ntwer- 
»  pen  en  flamand.  »  On  peut  croire 
qu'un  écrivain  qui  se  tire  ainsi  d'af- 
faire a  pu  admettre  des  faits  suspects 
et  des' prodiges  avec  bonne-foi  et  sim- 
plicité ,  quelquefois  même  par  des 
motitS  louables.  Il  croit,  par  exem- 
ple ,  donner  une  grande  idée  de  sa 
piété  et  de  celle  des  Lillois,  en  racon- 
tant avec  ingénuité  (p.  i44)  "  ^I"'"- 
»  ne  famille  ayant  été  convaincue  de 
»  tenir  de  la  nouvelle  secte  ^  le  ma- 
»  gistrat  (i)  fit  brûler  vifs  le  mari, 
»  la  femme  et  deux  garçons,  dans  le 
»  carême  de  l'année  i555.  »  Puis  il 
ajoute:  a  Certain  tailleur  ayant,  pour 
»  je  ne  sais  quel  crime,  été  condam- 
»  né  à  perdre  la  tête,  le  a3  juin  1 56o, 
»  ayant  tenu ,  dans  la  prison ,  cer- 
»  tains  discours  sur  les  nouveautés 
»  de  religion,  qui  furent  rapportés 
»  au  magistrat ,  lequel  fit  dillérer 
»  l'exécution   pour  l'interroger  ,   et 


iiiiuit  ai 


illc-.<<lnl-lniull- 


(T)  Oi. 

le  corpn  niiiiiiri|inl ,  (|iii ,  iiid<-iicnd;imiiiciit  de»  aC- 
loir«!i  «dinliiinUalivr»,  avait  ;iiiMi  d(JJ  allribulion.i 
)iidicinim< 


ILS 

))  ayant  été  reconnu  hérétique,  il  fii!! 
»  brûlé  vif,  deux  jours  après.  v>  Ces 
particularités  et  d'autres  détails  font 
encore  rechercher  l'Histoire  de  Ti- 
rou,  malgré  ses  défectuosités.  Les 
exemplaires  en  étaient  devenus  rares 
dès  l'année  1764?  pendant  laquelle 
fut  publiée  une  autre  Histoire  de  Lil- 
le^ écrite  d'un  meilleur  style  et  avec 
plus  de  critique,  mais  qui  ne  va  que 
jusqu'à  l'année  i434  1  le  second  vo- 
lume n'ayant  jamais  paru.  Elle  est 
de  Le  Clerc  deMontlinot,  chanoine 
de  Saint-Pierre  de  Lille.     D — x. 

TISCHBEÎN  (Jean -Antoine), 
né  ,  le  28  août  i'^'?.o ,  à  Haioa  dans 
le  pays  de  Hesse  ,  était  le  quatrième 
fils  d'un  boulanger  ,  qui  en  eut  sept, 
tous  voués  à  la  culture  des  arts  ,  mais 
dont  les  plus  distingués  furent  celui 
qui  est  le  sujet  de  cet  article,  et  sou 
frère  qui  suit.  Après  avoir  reçu  ses 
premières  leçons  de  dessin  à  Franc- 
fort, où  il  ne  s'occupa  d'abord  que  de 
peinture  en  tapisserie ,  Jean-Antoine 
alla  étudier  à  Paris  et  à  Rome,  et 
après  avoir  fait  de  grands  progrès, 
il  vint  établir  une  école  de  dessin  à 
Hambourg,  où  il  mourut  le  a6  juillet 
1784.  Il  a  publié  en  allemand  :  Ins- 
truclinnspour  apprendre  lapeinture 
par  principes  ,  Hambourg,  1771  , 
in-8".  G — Y. 

TISCHBEIN  (  Jean  -  Henri  ) , 
peintre  du  landgrave  de  Hesse- 
('asscl  y  frère  puîné  du  précé- 
dent ,  et  fondateur  d'une  nouvelle 
école  en  Allemagne,  naquit  le  3  oc- 
tobre 172'^  ,  à  Haina  ,  dans  le  pays 
de  Hesse ,  où  son  père  était  boulanger 
de  riiùpital.  Placé  par  celui-ci  chez  un 
serrurier ,  il  n'avait  de  pensée  que 
pour  le  dessin  et  la  peinture.  A  l'àgc 
de  quatorze  ans  ,  on  le  confia  à  un 
mauvais  peintre  en  tapisserie,  qu'il 
eut  bient()l  surpassé.  T-e  comte  de 
Stadion  ayant  vu,  à  la  foircde  Franc- 


TIS 

fort  ,  un  tapis  que  Tiscbbcin  avait 
mis  en  vente  ,  fut  frappé  du  talent 
qui  s'y  montrait,  et  découvrant  dans 
cette  production  les  traces  d'un  génie 
qui  cherchait  à  se   développer  ,  il 
promit  à  l'auteur  de  le  faire  voyager 
en  France  et  en  Italie  ;  mais  il  lui 
conseilla  d'apprendre  auparavant  le 
dessin.   En  1^4^    Tischbein  se  ren- 
dit en  France  ,  et  il  passa  cinq  ans 
à  Paris  ,  à  l'école  de  Vanloo.   A  Ve- 
nise ,  où  il  ne  s'arrêta  que  huit  mois  , 
il  eut  pour  maître  Piazctta  ,  à  qui  il 
reconnaissait  devoir  plus  qu'à  tous 
les  autres.  Avant  visite  les. écoles  et 
les  antiquités  de  Florence  ,  de  Bolo- 
gne ,  de  Rome  ,  il  revint ,  en  i^Si  , 
en  Allemagne,  près  de  son  protec- 
teur ,  le  comte  de  Stadion.  Un  de  ses 
portraits    frappa    Guillaume  Vlîl  , 
landgrave  de   Hesse- Casscl,    et  ce 
prince  le  nomma  son  peintre.  De  son 
arrivée  à  Cassel   date  une  nouvelle 
époque  pour  l'art  en  Allemagne.  Jus- 
que-là on  n'avait  suivi  dans  la  pein- 
ture que  la  manière  obscure  de  Rem- 
brandt. Tiscbbein  engagea  ses  élèves 
à  étudier  la  nature  et   ce  mélange 
heureux  de  couleurs  qui  est  propre  à 
l'école  de  Venise.    Pendant  les  pre- 
mières années  de  son  séjour  à  Cassel , 
il    fut    particulièrement    occupé    à 
classer  et  enrichir  la  galerie  des  ta- 
bleaux du  landgrave^  dans  ses  mo- 
mentsde  loisir  ilfaisait  des  portraits; 
mais  son  goût  et  ses  talents  le  por- 
taient surtout  vers  la  peinture  des 
objets  mythologiques;  l'histoire  mo- 
derne   refroidissait    son   génie.    La 
guerre  de  Sept- Ans  ne  fit  point  tom- 
ber son  pinceau  ;  cependant  ce  fut 
seulement  après  la  paix  d'Huberts- 
bourg  (  I  ■]63)quc  commença  la  vérita- 
ble époque  de  ses  succès  et  de  sa  répu- 
tation. Ses  meilleurs  morceaux  d'his- 
toire mythologique  ont  été  achevés 
de    \-jC)'?.    à    1-S3.   En    1776,    une 


TIS  i3i 

académie  de  peinture  et  d'architec- 
ture ayant  été  fondée  à  Cassel ,  Tisch- 
bein en  fut  nommé  directeur,  puis  pro- 
fesseur de  peinture  au  collège  Caro- 
lin.    C'est  là  qu'il  devint  le  père  de 
tant  d'élèves  et  le  fondateur  d'une 
école  qui  s'est  répandue  jusqu'en  Ita- 
lie. Après  une  carrière  si  active  et 
si  honorable  ,   il  mourut  à  Cassel , 
le  22  août   1789.  Sou  imagination 
riante  et  poétique  n'était  satisfaite 
que  lorsqu'elle  s'arrêtait  sur  les  su- 
jets mythologiques  des  Grecs ,  et  sur 
les  fictions  de  leurs  poètes.  Il  avait 
trouvé  dans  Homère  le  sujet  de  ta- 
bleaux qu'il  plaça  selon  l'ordie  des 
pensées  qui  animaient  le  père  de  l'I- 
liade et  de  rOd3^ssée.  Ayant  traité  de 
même  le  séjour  de  Télémaqne  dans 
l'île  de  Calypso  ,  il  choisit  une  autre 
carrière  ;  ce  fit  l'histoire  d'Antoine 
et  de  Cléopâtre,  qu'il  ne  considérait 
que  comme  objet  de  mythologie  ,  en 
le  traitant  avec  la  liberté  qu'Horace 
accorde  aux  peintres  et  aux  poètes. 
C'est  sous  le  même  point  de  vue  que 
Tischbein  a  traité  l'Histoire  Sainte  et 
l'ancienne  Histoire  d'Allemagne  jus- 
qu'aux temps  des  troubadours.  Ja- 
mais il  n'imitait ,  il  aurait  cru  rabais- 
ser sou  art.   Dans  ses  portraits  de 
personnages  vivants  il  était  toi^jours 
entraîné  à  placer  quelque  chose  de 
poétique.  Quand  il  travaillait  un  su- 
jet de  la  f^able  ou  de  Thistoire, il  ex- 
primait avec  force  ce  qui  tient  aux 
allée  (ions  de  l'ame  ,  ce  qui  peut  re- 
muer l'homme^  et  c'est  en  cela  qu'il 
excellait.  Ses  compositions  annon- 
cent un  génie  créateur  et  qui  savait 
donner  de  l'ensemble  ,  de  l'unité  à 
ses  productions.  On  voit  par  le  nu 
de  ses  figures  qu'il  av.lit  étudié  les 
anciens  soigneusemeJit  ;  sa  draperie 
transparente  est  jetée  avec  goût.  Il 
connaissait  parfaitement  l'art  de  mé- 
langer la  lunuèrc  avec  les  ombres, 

9  • 


\3n 


TIS 


et  c'est  un  trait  caracte'ristique  de  sa 
composition.  Son  coloris,  qui  tient  aux 
écoles  française  et  vénitienne  ,  est 
quelquefois  trop  vif.  11  avait ,  dans 
son  abord,  ces  nobles  prévenances  , 
si  propres  à  attirer  les  jeunes  gens  , 
et  si  nécessaires  au  fondateur  d'une 
école.  Il  fut  toujours  très-religieux  , 
et  dans  ses  dernières  années  sa  piété 
allait  jusqu'à  l'intolérance.  Sa  con- 
versation était  vive  ,  intéressante;  il 
ne  parlait  que  de  son  art  ,  et  de  ce 
qui  peut  l'ennoblir.  G — y. 

TISCHBEIN  (Jean-Henri-Con- 
rad) ,  neveu  du  précédent,  naquit, 
le  28  uov.  174'-*  là  Haina  ,  étudia  à 
Cassel ,  sous  les  yeux  de  son  oncle,  et 
s'appliqua  particulièrement  au  pay- 
sage et  à  la  peinture  d'histoire  natu- 
relle. Après  avoir  voyagé  en  Hol- 
lande ,  il  fut  nommé  ,  en  i']'j5  ,  par 
le  landgrave  de  Hesse-  Cassel ,  ins- 
pecteur de  la  galerie  que  son  oncle 
avait  mise  en  ordre ,  et  qu'il  enri- 
cliissait  tous  les  jours  par  son  tra- 
vail. Le  neveu  ,  voulant  imiter  les 
tableaux  des  grands  maîtres,  com- 
mença à  graver  à  l'eau-forte  et  sur 
le  bois: ses  premières  épreuves  ayant 
été  vantées  ,  on  en  donna  la  liste 
dans  le  Mercure  allemand  ,  de  juil- 
let 1781  ,  eu  l'engageant  à  publier 
son  travail ,  ce  qu'il  a  fait  depuis 
par  l'ouvrage  suivant  :  Traité  élé- 
mentaire de  la  s^ravure  à  l'eau- 
furte  ,  ai>ec  quatre  -  i>ingt  -  quatre 
feuilles  de  gravures  ,  tirées  selon 
cette  méthode  ,  Cassel  ,  1790  ,  in- 
fol.  (  en  allemand).  Cet  artiste  mou- 
rut, a  Cassel  ,  le  22  déc.  1808.  G-y. 

TIvSCHBElN  (Jean-Henri-Guil- 
LAUMi;) ,  frère  du  précédent ,  né  le  i5 
fcv.  1751  ,  fut  élevé  ,  comme  lui,  à 
l'école  de  son  oncle  (Jean-Henri), 
dans  la  galerie  deC^assel  ,etdevMit  un 
des  premiers  peintres  d'histoire  de 
.son  tcm|)S.   Après  avoir  travaillé  à 


TIS 

Hambourg ,  en  Hollande,  à  Hanovre, 
il  vint,  en  1777  ,  à  Berlin,  pour  faire 
un  portrait  de  i'amilie,  demandé  par 
le  prince  Ferdinand  de  Prusse.  On 
fut  si  satisfait  de  son  travail,  que  la 
reine  et  toutes  les  personnes  de  la 
famille  royale  lui  demandèrent  leurs 
portraits.  Il  était, eu  1779,3  Rome, 
et  en  1787,  à  Naples  ,  où  il  se  fit 
connaître  de  toute  la  cour.  En  1790, 
il  fut  nommé  directeur  de  l'académie 
de  peinture.  Les  malheurs  de  la  guei-- 
re  ,  qui  tombèrent  sur  Naples  en 
I  799 ,  le  forcèrent  de  retourner  dans 
sa  patrie.  Il  a  publié  :  I.  Têtes  de 
différents  animaux  dessinés  d'après 
nature,  Naples,  1796,  in-fol.  Ce 
Recueil  d'études  pour  la  peinture 
d'histoire  naturelle  est  très-estime. 
II.  Education ,  aventures  et  fin  dé- 
plorable d'un  dne  ;  c'est  une  suite 
de  feuilles  que  l'auteur  appelait  ses 
Bamhochades.  L'auteur  a  traité  ce 
sujet  avec  gaîté  et  abandon;  il  l'a 
oriié  par  les  grâces  de  son  pin- 
ceau. III.  Collection  of  engravings 
from  antique  vases ,  piddished  bj- 
William  Tischbein ,  Naples,  1791  , 
4  vol.  infol.  Un  cinquième  volu- 
me qui  était  annoncé  n'a  point  pa- 
ru. On  a  publié  en  France  la  co- 
pie de  cette  grande  collection  , 
sous  le  titre  suivant  :  Recueil  de 
gravures  d'après  des  vases  anti- 
ques ,  la  plupart  de  travail  grec  , 
trouvés  dans  des  tombeaux ,  au 
royaume  des  Deux-Siciles  ,  princi- 
palement dans  les  environs  de  Na- 
ples.en  I  ^i^Çfet  x'-^^o, tir  es  du  cabinet 
du  Ch.  Hamilton,  avec  des  observa- 
tions sur  chacun  des  xmses  ,  publié 
d'après  H.  Gaill.  Tischbein,  Paris, 
i8o3-iHoG,  4  vol.  contenant  deux 
cent  quarante  gravures.  IV,  Les  ou- 
vragessuivaiils  outjiaru  en  allemand: 
Gravures  de  tableaux  grecs,  Wci- 
inar,    1797,    m -fol.   V.  Homère  , 


TIS 

dessiné  par  Tisckbem ,  d'après  des 
antiques  ,  expliquées  par  Heyne  , 
Gottingue,  1801  à  i8o4  ,  en  six  ca- 
hiers. Ce  bel  ouvrage  a  paru  en 
France,  sous  ce  titre:  Figures  d'Ho- 
mère ,  dessinées  d'après  V antique 
par  H.  Guillaume  Tischhein ,  di- 
recteur de  V académie  de  peinture 
et  de  sculpture  à  Napies  ,  député 
de  la  société  des  antiquités  J'arne- 
siennes ,  avec  les  explications  de 
Chr.  Gott.  Ilejne  ,  Metz  ,  1801, 
tome  I  ,  contenant  l'Iliade  eu  six 
feuilles;  tome  11,  1802,  contenant 
rOdyssëe  en  douze  feuilles.  YI.  Res- 
tes des  livres  de  la  Sibylle ,  ras- 
semblés devant  la  grotte  de  Cumes, 
en  dix-sept  plauclies.  G — y. 

TISCHBEIN  (Jean -Frédéric- 
Auguste),  frère  du  précèdent,  naquit 
à  Maestriclit,  le  9  mars  1700,  fit  ses 
premières  études  près  de  lui  ,  et 
se  rendit  à  Cassel  pour  se  perfection- 
ner à  l'école  de  son  oncle  (  Jean- 
Henri  ).  Par  la  protection  généreuse 
du  pi'ince  de  Waldeck,  il  se  vit  en 
état  d'aller,  pendant  sept  ans,  fréquen- 
ter les  écoles  de  France  et  d'Italie. 
Le  nom  de  sa  famille  étant  déjà 
connu  à  la  cour  de  Napies ,  la  reine 
se  ût  peindre  par  lui  et  le  chargea 
d'aller  à  Vienne  remettre  à  sa  mère, 
l'impératrice  Marie-Thérèse,  le  por- 
trait qu'il  avait  fait.  Revenu  près  de 
son  protecteur,  le  prince  de  Yaldeck, 
il  fut  nommé  peintre  de  sa  cour  , 
avec  le  titi-e  de  conseiller.  Il  passa 
plus  tard  en  Hollande.  Il  se  trouvait 
eu  >7()5  à  Dessau  ,  et  en  1800  il 
lut  nommé  professeur  et  directeur  de 
l'école;  des  beaux-arts  à  Leipzig.  Il 
mourut  à  Heidelberg  ,  le  ui  juin 
1812.  Ses  portraits  sont  très-recher- 
chés. G — Y. 

TISIAS,  orateur,  natif  de  Sicile, 
auquel  Aristote  et  Cicéron  attribuent 
^invention  de   l'éloquence ,    ou  du 


TIS  i33 

moins  le  mérite  de  l'avoir  réduite  en 
art  et  fixée  par  des  règles,  vivait  vers 
ran4o6av.  J.-C.  Nous  apprenons  de 
Pausanias  qu'il  accompagna  Geor- 
gias  Léontin ,  son  élèvT ,  dans  une 
ambassade  à  Athènes  ;  et  de  Denys 
d'Halicarnasse  ,  qu'il  eut  la  gloire  , 
dans  cette  ville,  d'être  le  précepteur 
d'Isocrate.  T — d. 

TISIUS.  Foy.  Thysius. 

TISSAPHERNES  ,  satrape  de 
Perse,  sous  le  règne  d'Artaxercès- 
Mnémon,  commandait  un  corps  de 
troupes  dans  l'armée  de  ce  prince  , 
à  la  bataille  de  Cuuaxa,  qui  décida 
du  sort  de  l'Empire,  et  eut  beaucoup 
de  part  à  cette  victoire.  Ce  fut  ensui- 
te par  lui  que  les  chefs  des  Grecs  , 
attirés  dans  uu  piège,  furent  livrés  à 
Artaxercès  et  mis  à  mort  (  Foy. 
Cléarque  ).  Ce  prince  le  récompen- 
sa de  ces  services  en  lui  donnant  la 
main  de  sa  (ille  et  le  gouvernement 
de  tout  le  pays  dont  Cyrus  avait  été 
gouverneur  {Foy.  Cyrus  ,  X  ,  4i5). 
Mais  cette  faveur  dura  peu  ;  Tissa- 
phernes  ayant  éprouvé  un  échec  en 
combattant  les  Lacédémoniens ,  et 
surtout  ayant  encouru  la  haine  de 
Parysatis ,  qui  ne  lui  pardonnait  pas 
la  mort  de  Cyrus,  fut  tué  par  ordre 
du  prince  qui  lui  devait  le  trône  et 
peut-être  la  vie,  à  Colosse  en  Phry- 
gie ,  oii  les  assassins  le  surprirent 
pendaut  son  sommeil.        M — d  j. 

TISSARD  (François),  natif 
d'Amboise,  fit  ses  études  à  Paris, 
suivit  les  écoles  de  droit  à  Orléans, 
et  s'étant  rendu  en  Italie ,  y  devint 
liabilc  dans  l'hébreu  et  dans  le  grec. 
De  retour  en  France ,  il  fut  nommé 
]n'ofesseur  à  l'université  ,  s'occupa 
beaucoup  d'y  établir  l'enseiguement 
du  grec;  et  comme  on  était  obli- 
gé de  tijcer  deVenise  les  livres  écrits 
dans  celte  langue  ,  ce  qui  les  rendait 
lrès-che;-s,  il  fit  imprimer  à  Paris, 


i34  TIS 

eu  I  So-j ,  in-4°. ,  ua  Recueil  qui  con- 
tenait les  Scntcnctis  des  sept  sages  , 
les  Vers  dorés  de  Pythagore,  le  Poè- 
me de  Phocylide  et  quelques  autres 
Opuscules ,  avec  un  Discours  latin 
de  sa  façon,  pour  exciter  cV  l'étude 
de  la  langue  grecque.  Ce  Recueil  fut 
suivi  de  plusieurs  e'ditions  grecques  , 
accompagnées  de  préfaces:  Tissard 
composa  aussi ,  et  dédia  au  jeune  duc 
de  Valois  ,  depuis  François  l*^''. ,  la 
première  grammaire licbraïque  qu'on 
ait  vue  en  France  ,  iSoS^  iu'-4'*.  Tis- 
sard e^t  le  premier  qui  ait  fait  im- 
primer ides  livres  grecs  et  hébreux  ; 
et  son  imprimeur  ,  Gilles  Gour- 
mont,  le  premier  qui  ait  employé 
à  Paris  des  caractères  de  ces  deux 
langues  (  Va/.  Gourmont  ).  li 
mourut  en.  i5o8.  — -Tissard 
(  Pierre  ),  prêtre  de  l'Oratoire  , 
né,  à  Paris,  en  1666,  mort  dans  la 
même  ville,  en  1740,  après  avoir 
professé  avec  distinction  les  humani- 
tés et  la  théologie,  publia  à  Troyes, 
conjointement  à'Vec  son  confrère 
Vniot,un  petit  Recueil  de  Fables 
choisies  de  La  Fontaine  ,  traduites 
en  vers  latins,  où  ils  ont  su 
mettre  toute  l'élégance  <jt  toutes  les 
grâces  dçnt  ces  pièces  inimitables 
étaient  susceptibles  en  ]:yassàut  dans 
une  langue  mortel  Ce  îtecueil  a  été 
réimjirimé  cri  17 38-  in-12,  à  Rouen, 
sous  le  nom  d'Anv<ii'*,  par  les  soins 
de  l'abbé  Saas,  Il  comprend  aussi 
d'autres  pièces  latines  de^  d'eux  au- 
teurs. On  a  encore  de  P.  Tissard  plu- 
.sieurs  écrits  anonymes  sur  les  contes- 
tations de  l'Église.'  "T — d. 

TISSERAIS  (jEAN)'/coi'delicr  de 
Paris,  se  distingua,  Sur  la  fihdu  sei- 
zième siècle  ,  par  ses  prédications. 
7\y.'int  converti  ini  grand  nombre  dé 
filles  de  mauvaise  vicyil  fontïa  p^ur 
elles,  en  i4o4»""t^  maisor^d'é'i-d'rtfjè) 
sousl'invocatioïidesainwMà'delcine.' 


TIS 

Plus  de  deux  cents  filles  péiiitenies 
s'y  retirèrent  ;  et  comme  les  revenus 
de  la  maison  devenaient  insuffisants, 
on  permit  à  quelques-unes  d'aller 
faire  des*quêtes,  à  l'exemple  des  or- 
dres mendiants.  Jean  Simon, évêque 
de  Paris,  leur  dressa  des  statuts,  et  les 
mit  sous  la  l'bgle  de  saint  Augustin. 
Le  duc  d'Orléans,  qui  régna  plus  tard 
sous  le  nom  de  Louis  XII .  leur  ayant 
donné  son  hôtel,  elles  furent  astreintes 
à  la  clôture ,  et  restèrent  dans  ce  lo- 
cal jusqu'en  iSya.  Alors  Catherine 
de  Mëdicis,  qui  voulait  construire 
un  hôtel  à  la  place  du  couvent  des 
fdles  pénitentes ,  les  transféra  l'iie 
Saint-Denis  ,dans  l'abbaye  de  Saint- 
Magloire,  oi^i  elles  demeurèrent  jus- 
qu'à l'époque  de  la  révolution.  Il  y 
avait  déjà  long-temps  qu'on  n'y  re- 
cevait plus  que  des  lilles  vertueuses; 
mais  d'autres  maisons  de  refuge,  telr 
les  que  leS  Madelonnettes  et  Sainte- 
Pélagie  ,  fondées  par  des  personnes 
animées  du  même  zèle  que  Tisse- 
ran,  étaient  ouvertes  aux  fdles  pé- 
nitentes. P— ^RT. 

TISSIER  (  Le  P.  Bertrand  ),  ber- 
nardin ,  embrassa  la  vie  leligieuse 
dans  la  congrégation  de  Cîteaux  j 
introduisit ,  en  1 664  ,  la  réforme 
dans  l'abbaye  deBonnefontaine,  dio- 
cèse de  Reims  ^  dont  il  était  priei;r, 
et  mourut  vers  1G70.  C'est  à  lui 
qu'on  doit  la  publication  du  Re- 
cueil intitulé  :  Bibliolheca  Palrum 
cistercensuim  (  1  )  ,  id  est  opéra 
abbalum  et  monachorum  ordmis  cis- 
tercie.nsis ,  (jui  sœculo  sancti  Ber- 
nardi  ,  aut  jniulb  jiost  ejus  ohitum 
jlorueruiit,  in  uintin  collecta  ,ctc., 
Honneloniaiue  ,  lOCio  -  (>() ,  in-fol.  , 
8  tom.  en  4  vol.  Ce  Recueil  est  très^ 
rare;  Andun  des  bibliographes  qui  le 

.i   I  i  ■  Ji  I  '  I -: — ■ '. — • 

.t(;i) ■Mrl'igKiiol;  ,  110111(10  par  ce   Ulru,  .ilci'djiiufr 
«■'élnil  iiiir  hislolri'  lillcruirc  do  In  congri'ijiaioii  dw 


TIS 

citent  n'arait  pu  le  voir   complet. 
Freilag  n'en  connaissait  que  les  deux 
premiers  tomes  (Voy.  Analecta  lit- 
teraria);  et  Lenglet-DuCrcsuoy  n'a- 
vait pas  pu  découvrir  les  tomes  m  , 
IV  et  V  dans  les  hibliotlièques   de 
Paris.  Nous  allons  le  décrire  d'après 
l'exemplaire  de  la  bibliothèque  du 
Roi ,  qui  est  complet.  Le  tome   /<='". 
(1660)  contient^  en  264  pag- ,  deux 
pièces  anonymes  sur  l'origine  et  les 
premiers  accroissements  de  la  congré- 
gation de  Cîteausj  le  second  (  ]66'Jt) 
a  3';7opag.,et  offre  des  Dialogues  sur 
les  miracles  de  Césaire  ,  moine  de 
i'abbaye  de  Val  Saint-Pierre  en  Heis- 
terbacli  ;  le  troisième  (  daté  de  1 660  ) 
a  2'j2  pag.  :  on  y  trouve  un  Traité 
de  Peregrinante  Cwitate  Dci ,  par 
Henri  Settimo  ,  cardinal  d'Albano  ; 
des  Lettres  du  même ,  des  Sermons  , 
etc.  ;  le  quatrième  (i66s)  contient , 
en  3 16   pag.  ,  les  OEuvres  du  B. 
Guillaume  de  Saint-Thicrri ,  moine  de 
Signi  :  Disputatio  anonyvii  dbbatis 
adversàs  Petrum  Ahaelardum ,  qud 
etiam  imposturœ  ejusdem  Abaëlardi 
adversùs  S.  Bernardum  confutan- 
iur  y  et  une  Disputatio  de  Jacques 
de  Thermes,  abbé  de  Charlieu  ;  le 
cinquième  (1662)  a   3go  pag.  ,  et 
renferme  les  ouvrages  de  Baudouin  , 
abbé  de  Fard^  puis  archevêque  de 
ruinterbnry    et  ceux  d'Aelrcd  Bie- 
VaUis  (  dioc.  d'York  )  ;  le  sixième 
(1664)  présente,  en  i33  pag.,  les 
OEuvres    d'Isaac ,    abbé  de   Stella 
(  dioc.  de  Poitiers  ) ,  et  celles  de  Ser- 
lon,  abbé  de  Savigni  :  une  Lettre  de 
Heribert  sur  les  Vaudois  ou  Albigeois 
duPérigordjCt  quelques  autres  opus- 
cules; le  septième  et  le  huitième  , 
datés  de  1669,  portent  sur  le  titre 
l'indication  de  Paris  ,  chez  L.  Ril- 
laine;  le  septième  a  Z'x\  pag.  :  on  y 
trouve   l'Hisloire  de   la   guerre   des 
Albigeois  ,  par  Pierre  de  Vaux-Ccr- 


TIS  î3» 

nay  ,  el  les  cinq  derniers  livres  de  la 
chronique  de   Helinand  (  Foy.    ce 
nom  ,   XX  j  5  )  ;   enfin  le  huitième 
(218  pag.)   contient  la  Chronique 
d'Oifo«de  Freisiugen,  avec  la  con- 
tinuation par  Radevic  ,  chanoine  de 
Freisingen.  Lenglet-Dufresnoy  {Mé- 
thode pour  l'histoire ,  X,  352,  éd. 
in-12)    regrette  que  le    P.  Tissicr 
n'ait  pas  enrichi  son  Recueil  dechar 
tes  et  d'auvjes  documents  ,  qui  l'au- 
raient rendu  plus  intéressant  encore 
pour  l'histoire.  Le  P.  Bertr.  Tissier 
promettait  une  édit.  des  OEui>res  i\.t 
Geoffroy  d'Auxerre  (  Voj.  ce  nom  , 
XVII ,  1 15  )  ,  et  une  nouvelle  édit. 
des  OEuvres  de  saint  Bernard ,  dé- 
gagée des  divers  écrits  qui  lui  sont 
faussement  attribués.  Casim.  Oudin 
a  publié  la  liste  des  ouvrages  qui  de- 
vaient  faire  partie  de  cet  édit.  de 
saint  Bernard  ,  dans  le  Comment . 
scriptor.  eccl.  ,  11  ,  1241.     W — s. 
TISSOT  (JEAN-MAURlcu)^,  ma- 
tliématicicu  ,  était  né  ,  dans  le  seiziè- 
me siècle  ,  à  Pontarlier.  Ajirès  avoir 
terminé  ses  études ,  il  embrassa  la 
profession  des  armes  ,  servit  eu  Ita- 
lie^ sous  les  ordres  du  duc  dé  Lon- 
guevillc,  et  fut  ensuite  attaché,  com- 
me ingénieur,  à  l'armée  du  roi  d'Es- 
pagne en  Flandre'.  Ses  laleiils  furent 
récompensés  par  luic  place  de  con- 
seillera la  chambre  des  comptes   à 
Dole  ,   et  celle  d'inspcclcar  des  arse- 
naux du  comté  de  Bourgogne.  Lors 
de  l'invasion  de  cette  province  par 
les  français^  en  i636,  le  conseiller 
Petrey  (  F.  ce  nom  ) ,  chargé  de  la 
défense  du  bailla gc  d'Aval  ,   se  fit 
accompagner  à  Gray    par  Tissot  , 
«  jHUsonnagc  ,  dit  -  il  dans  son  stylé 
naïf,  fort  bien  versé  es  fortifications, 
et  qui  par  ses  ouvrages   s'est  rendu 
rcccmmandablc  par  tous  lc5,^Payîi- 
Bas  1)  (  V.  IcUrc  de  Peîi-cy  ,  p.  :>.o  ). 
La   retraite    des  Fiatirais  pornïit  à 


[36 


TIS 


Tissot  de  revenir  prendre  ses  fonc- 
tions à  la  chambre  des  comptes.  Il 
en  fut  e'iu  second  président ,  et  mou- 
rut vers  i65o.  Il  avait  épouse'  la 
sœur  de  Pierre Vernier,  a  ucfuel  l'astro- 
nomie est  redevable  de  l'instrument 
qui  porte  son  nom  (  V.  Vernier  ). 
Aidé  par  Claude  Vernier^  son  beau- 
pèi'e ,  Tissot  dressa  la  Carte  du 
comté  de  Bourgogne,  en  quatre  feuil- 
les ,  1642  ,  reproduite  plusieurs  fois 
avec  des  corrections  ,  notamment  en 
i6n5  ,  après  la  réunion  définitive  de 
cette  province  à  la  France.  On  doit 
encore  à  Tissot:  I.  Mars  adversaire, 
traitant  des  attaques  et  assiége- 
ments, in-^'^.  de  3i  i  feuillets.  Catal. 
des  mss.  de  la  maison  professe  de 
Paris ,  n».  cviii.  II.  Comitatus 
Burgundiœ  chorographica  sjnomi- 
litty  in -fol.  Cet  ouvrage  est  divisé 
en  cinq  parties  :  les  deux  premières 
traitent  de  l'histoire  naturelle,  et  des 
souverains  du  comté  de  Bourgogne  ; 
la  troisième  contient  le  pouillé  des 
bénéfices  de  l'archevêché  de  Besan- 
çon ;  la  quatrième,  l'état  des  foires  j 
et  enfin  la  dernière ,  la  description 
de  la  province.  Le  style,  dit  un  cri- 
tique, en  est  assez  beau  et  assorti  à 
la  matièrej  mais  la  partie  histori- 
que est  déparée  par  un  grand  nom- 
bre d'auachronismes  (  F,  la  Bibl.  de 
la  France ,  iv,  p.  236,  n°.  a2i6). 
W— s. 
TISSOT  (Simon-André),  mé- 
decin, né,  à  Grancy  dans  le  pays 
de  Vaud  ,  le  '.20  mars  1728,  fit  ses 
premiires  éludes  à  (îenève  ,  et  se 
rendit  à  Montpellier,  pour  y  suivre 
les  cours  de  jnédetine.  11  y  prit  le 
grade  de  docteur  ,  en  1 749  »  et  vint 
se  fixer  à  Lausanne.  Le  succès  qu'il 
obtint  dans  le  traitement  de  la  petite 
vérole  eonducnte  ,  par  des  adoucis- 
sants et  des  rafraîchissants,  à  une 
époque  où  l'onjugcailindispcnsablcs 


TIS 

les  sudorifiques  etles  stimulants,  fixa 
sur  lui  l'attention.  Il  s'attacha  à  dé- 
montrer les  avantages  de  ce  mode 
de  traitement ,  dans  un  Ecrit  en  fa- 
veur àtV inoculation ,  qu'il  publia  en 
1700  ,  avec  un  Essai  sur  la  mue  de 
la  voix.  Peu  de  temps  après  ,  il 
donna  la  traduction  française  de  deux 
Dissertations  latines  de  Haller  ,  l'une 
sur  les  parties  sensibles  et  irritables 
des  animaux ,  l'autre  sur  le  mouve- 
ment du  sang  et  les  effets  de  la 
saignée,  Lausanne,  1757.  Eu 
1758  parut  sa  Dissertatio  de  fe- 
bribus  biliosis  seu  Historia  épidé- 
mies Lausannensis  ,  auno  1755. 
Cet  ouvrage  assura  à  sou  auteur 
un  rang  distingué  parmi  les  méde- 
cins observateurs.  Dans  une  Let- 
tre qu'il  écrivit  à  De  Haen ,  il 
chercha  à  répoudre  aux  objections 
que  ce  médecin  avait  faites  contre 
l'inoculation^  Vienne,  1759,  m-S". 
Cette  Lettre ,  à  laquelle  De  Haen  ré- 
pliqua ,  fit  éclore  une  foule  d'autres 
écrits  contre  ce  mode  d'insertion  de 
la  petite-vérole,  qui  fut  même  déféré, 
dans  un  pamphlet,  à  l'église  et  aux 
magistrats  (  par  De  Bury  ,  1756, 
in-ii  ).  Tissot  adressa  aussi  à  Zim- 
merraann  ,  avec  lequel  il  avait  con- 
tracté des  liaisons  d'amitié ,  une  Dis- 
sertation latine  sur  la  maladie  noi- 
re, le  squirrhe  des  viscères ,  la  mi- 
graine ,  l'inoculation,  l'irritabdité , 
Lausanne,  1760.  Il  reproduisit  son 
Histoire  des  fièvres  bilieuses ,  et  y 
ajouta  son  Tentamen  de  morbis  ex 
manuslupratione  orlis  ,  Louvain  , 
I7()0.  Ce  dernier  Ouvrage  panit  eu 
français  dans  le  même  temps  ,  sous 
le  titre  ài-V  Onanisme  ,  ou  Disser- 
tation sur  les  maladies  produites 
par  lu  maslurbalion  :  il  se  répandit 
avec  profusion  en  France  ,  et  y  méri- 
ta de  nombreuses  éditions.  L'année 
suivante  ,  Tissot  publia  Y  y/vis   au 


TIS 

peuple  sur  sa  santé,  Lausanne,  1761. 
C'était  la  première  fois  que  la  méde- 
cine avait  ëtc  traitée  en  langage  vul- 
gaire et  raisonnable.  Beaucoup  de 
personnes ,  mues  par  des  principes 
d'humanité  ,  crurent  cet  ouvrage  à 
leur  portée  ,  et  sullisant  pour  les 
guider  dans  leurs  soins  charitables 
envers  la  classe  peu  aisée  ,  ou  dans 
ceux  qu'on  peut  donner  lorsqu'on  est 
privé  de  médecin  ;  aussi  eut-il  un 
succès  prodigieux:  il  fut  traduit  plu- 
sieurs fois  en  allemand,  eu  italien, 
en  suédois,  et  en  sept  autres  lan- 
gues, et  il  s'en  est  fait  en  Europe  un 
nombre  infini  d'éditions.  La  répu- 
blique de  Genève  accorda  une  pen- 
sion à  l'auteur  ,  et  la  chambre  de 
santé  du  canton  de  Berne  lui  décerna 
une  médaille.  ïissot  continua  de 
publier  différents  écrits  ,  qui ,  sans 
avoir  le  même  succès  ,  lui  acqui- 
rent plus  de  droits  à  l'estime  des 
savants.  De  ce  nombre  sont  :  une 
Dissertation]atme  adressée  à  Haller 
sur  la  petite  vérole ,  l'apoplexie  et 
l'hjdropisie ^  Lausanne,  17(50,  in- 
12  •  —  la  Traduction  française  , 
avec  notes  ,  de  la  Dissertation  latine 
de  Bi'gucr  sur  l'amputationdes  mem- 
bres ,  Paris ,  1 764  ;  —  Lettres  à  Hii'- 
zcl  sur  quelques  critiques  deDelIacn, 
et  à  Zimmermaim  sur  l'épidémie  cou- 
rante, Lausanne,  17(35  ;  —  un  Dis- 
cours latin  De  valetudine  litteralo- 
rum  ,  Lausanne,  176G,  prononcé  à 
l'occasion  de  sa  nomination  à  la 
chaire  de  médecine  du  collège  de 
Lausanne  :  ce  Discours  fut  publié  en 
français  sous  le  titre  à'Avis  aux 
f;eiis  de  lettres  et  aux  personnes 
sédentaires  sur  leur  santé,  Paris  , 
17G8,  et  eut  un  succès  marqué  {i). 

(1)  TlsMjl  l'uHri'.s-mrcdiiteut  Je  ccllu  Iradiictioii 
publiée  l'i  sciii  insu  ,  cl  oii  son  ouvrage  so  li-ouvait 
ti-oiiqué  et  d(;fi(;iiré  par  un  grand  nombre  de  con- 
tre-sens ;  ilja  désavoua  «(uolqu'elle  efil  eleannon- 
<•<•«  comme  vevMc  [lur  lui  ,  et  il  crut  devoir,  pour 


TIS 


i3' 


Tant  de  productions  eu  peu  d'années, 
jointes  à  un  grand  zèle  dans  l'exer- 
cice de  sa  profession  ,  valurent  à  Tis- 
sot  beaucoup  de  célébrité.  La  société 
royale  de  Londres  ,  et  plusieurs 
autres  ,  l'admirent  au  nombre  de 
leurs  membres.  Le  roi  de  Pologne 
voulut,  en  176G,  le  nommer  son 
premier  médecin.  Sa  majesté  britan- 
nique lui  fit  oflrir  ,  en  1 767  ,1e  même 
titre  pour  l'électorat  d'Hanovre.  Tis- 
sot  refusa  cesdeux  placeshonorables , 
et  indiqua  pour  ci  lie  du  roi  d'Angle- 
terre le  célèbre  Zimmermann,  La 
magistrature  de  Lausanne  sentit  tout 
le  prix  d'un  savant  aussi  estimable  5 
elle  lui  conféra  le  droit  de  bourgeoi- 
sie, et  le  créa  membre  des  Deux  cents, 
parmi  lesquels  on  prenait  les  citoyens 
composant  les  tribunaux  et  les  ma- 
gistrats. Les  travaux  littéraires  de 
Tissot  ne  se  ralentirent  point.  Il  pu- 
blia le  Recueil  de  ses  ouvrages  latins 
et  français ,  Paris ,  1769,  et  années 
suivantes  ,  10  vol.  in- 12  ;  —  Epis- 
tolœ  medico-practicœ ,  Lausanne  , 
1770  ;  — Traité  de  l'épilepsie  ,  Pa- 
ris, 1770  :  c'est  le  troisième  volume 
du  Traité  des  nerfs  et  de  leurs  mala- 
dies ,  qui  ne  ])arut  en  entier  qu'en 
1 18  i ,  4  vol .  in- 1 1  ;  — Essai  sur  les 
maladies  des  gens  du  monde ,  Lyon, 
1770,  in  12,  ibid.  ,  1771,  troi- 
sième édition  fort  augmentée  ;  —  une 
édition  estimée  du  traité  De  sedihus 
et  causis  morhorum  de  Morgagui , 
Yverdnn,  i77().  Joscphll ,  passant, 
en  1780,  à  Lausanne,  et  désirant 
donner  un  nouveau  lustie  à  l'univer- 
sité de  Pavie,  offrit  à  Tissot  d'y 
aller  occuper  une  chaire.  L'espoii' 
de  se  rendre  utile  à  un  grand  système 
d'insiruclion  publique  ,  le  fit  céder 

son  honneur,  doiuier  lui-même  une  version  fran- 
rai.'.e  qu'il  corrigea  et  rel'ondil  enlitrement.  Ce 
nouvel  ouvrage  parut  sous  ce  litre  :  Vc  la  saute- 
d,  s  gcH.t  de  lettres ,  Lausanne  cl  Lyon  ,  176g  ,  in- 
1  a .  A— T. 


,38 


TIS 


aux  sollicitations  de  l'empereur ,  mais 
avec  la  conditiou  expresse  que  ce  ne 
serait  que  pour  trois  ans.  La  science 
du  professeur  qui  a  peu  exercé  la 
médecine  n'est  pas  la  même  que 
celle  du  praticien  qui  arrive  tardive- 
ment au  professorat.  Le  premier  se 
jette  dans  l'érudition  ,  et  intéresse  les 
élèves  par  le  récit  des  phases  que  la 
médecine  a  subies,  et  des  opinions 
qui  s'y  sont  succédées  :  le  second  s'at- 
tache plus  particulièrement  à  ce 
qu'elle  présente  de  positif ,  et  parle 
avec  plus  de  circonspection  du  fond 
même  de  la  science.  Le  premier  , 
plus  séduisant ,  obtient  souvent  un 
succès  d'école.  Le  second  n'est  par- 
fois apprécié  que  lorsqu'on  a  une 
instruction  avancée  ,  et  qu'on  n'est 
plus  à  même  de  l'entendre.  Tissot 
éprouva  dans  Pavie  ces  vicissitudes  : 
il  ne  justifia  pas  d'abord  l'attente 
qu'où  s'était  formée  de  ses  talents. 
Mais  une  épidémie  meurtrière  avec 
irritation  des  organes  gastriques  et 
biliaires  s'étant  manifestée  en  Lom- 
bardie  ,  on  recueillit  le  plus  grand 
fruit  des  traitements  qu'il  avait  in- 
diqués. Dès-lors  ses  cours  furent  plus 
goûtés  ;  les  élèves  célébrèrent  son 
triomphe  par  des  fêtes  5  une  inscrip- 
tion eu  son  honneur  ,  commençant 
par  ces  mots  :  Iinmorlali  prœcep- 
tori ,  fut  gravée  sur  le  marbre,  et 
placée  dans  le  portique  des  écoles.  Ces 
mêmes  élèves  iirent  éclater  les  regrets 
les  ])lus  vifs  lorsque  ïissot  voulut 
les  quitter.  Pie  VI  ,  dans  un  voyage 
de  ce  médecin  à  Rome  ,  témoigna  le 
désir  de  le  voir  ^  le  dispensa,  comme 
protestant,  du  cérémonial  rie  pré- 
sentation et  lui  lit  don  de  la  col- 
lection des  médailles  frappées  sous 
son  pontilicat.  Après  avoii' atteint  le 
terme  qu'il  s'était  prcsiiit  ]iour  son 
professoral  ,  Tissot  (|uitt;)  Pavie,  où 
il    eut    pour   successeur   le    célèbre 


TIS 

Franck.  Il  revint  à  Lausanne  ,  et  y 
vécut  encore  plusieurs  années  au  mi- 
lieu de  ses  compatriotes  qui  !e  ché- 
rissaient, et  d'une  grande  quantité 
d'étrangers  que  sa  réputation  y  atti- 
rait. Il  se  disposait  à  publier  l'Éloge 
de  Zimmermann  ,  et  une  nouvelle 
Edition  de  ses  propres  ouvrages  , 
lorsqu'il  fut  atteint  d'une  inflamma- 
tion de  poitrine  à  laquelle  il  suc- 
comba ,  le  i3  juin  1797.  On  a  don- 
né une  édition  de  ses  OEuvres  choi- 
sies ,  Paris,  1809,  8  vol.  in-80.  , 
avec  des  notes  du  professeur  Halléj 
mais  il  n'a  surveillé  la  publication 
que  des  trois  premiers  volumes.  N-a. 
TISSOT  (  Clément- Joseph  )  , 
parent  du  précédent,  naquit  à  Or- 
nans,  en  lySo;  il  fit  ses  études 
médicales  à  Besançon ,  et  y  fut  reçu 
docteur  en  1776.  Ses  premiers  tra- 
vaux furent  consacrés  à  répondre  à 
diverses  questions  de  l'académie  de 
chirurgie  ,  sur  l'hygiène  médico-chi- 
rurgicale. Il  lui  adressa,  en  1779, 
1781  et  1783,  trois  Mémoires  à  ce 
sujet  :  1°.  Du  régime  diététique 
dans  la  cure  des  maladies  ;  2°.  Des 
effets  du  sommeil  et  de  la  veille  ; 
3°.  De  l'injluence  des  passions  de 
l'dnie  dans  les  maladies.  Accueillis 
par  ce  corps  savant ,  ces  Mémoires 
furent  traduits  en  allemand,  et  im- 
primés à  Brunswick,  en  5799.  Tis- 
sot publia,  dans  le  même  temps ,  une 
Gymnastique  médicale ,  un  vol.  in- 
12,  Paris,  1-81  ;  et  il  fut  nommé  , 
en  17B5,  correspondant  de  la  société 
royale  de  médecine.  Ensuite  il  vint  à 
Paris;  et  Tronchin  ,  à  la  Recomman- 
dation de  son  parent,  en' fit  son  dis- 
ciple et  son  secrétaire  :  il  le  désigna  , 
en  1 787  ,  comme  médecin  adjoint  de 
la  maison  d'Oiléans.  Kn  1788,  Tis- 
sot fut  noiuni('(liiiurgien  Cil  chef  ad- 
joint au  camp  de  Saiiit-Om(;r  ,  com- 
mandé  y.n  le  prince  de  Coudé;  peu 


TIT 

de  mois  après,  inspecteur  division- 
naire de  l'Alsace  et  de  la  Frauclie- 
Comtë,  dont  il  remplit  les  fonctions 
jusqu'en  l 'jg'i;  puis  cliirur^icn  eu  chef 
à  r hôpital  militaire  de  Lyon  ,  jus- 
qu'après le  siège  de  cette  ville  -,  en- 
suite inspecteur  des  hôpilaux  mili- 
taires ,  des  eaux  minérales  d'Aix-la- 
Chapelle,  et  cnlin  chirurgien  en  chef 
de  divers  corps  d'armées.  Il  lit,  en 
cette  dernière  qualité^  les  campagnes 
d'Autriche ,  de  Prusse,  de  Pologne ,  et 
d'Italie.  En  r8o6  ,  il  fut  désigne  pour 
porter  du  secours  aux  prisonniers  au- 
trichiens cantonnés  dans  la  Souabe, 
qui  étaient  atteints  d'une  dyssen- 
terie  épidémique  désastreuse.  Pour 
prix  de  son  zèle,  l'archiduc  Charles 
lui  adressa  une  lettre  flatteuse ,  avec 
une  tabatière  ornée  d'un  médaillon 
entouré  de  diamants  et  faisant  allu- 
sion à  cette  épidémie,  ainsi  que  le  di- 
plôme de  membre  honoraire  de  l'a- 
cadémie de  médecine  et  de  chirur- 
gie de  Vienne.  Tissot  obtint  ensuite 
sa  retraite ,  et  vint  à  Paris ,  où  il 
reprit  l'exercice  de  sa  profession. 
Le  duc  d^Orléans  lui  conféra  le 
titre  de  son  médecin  consultant. 
Agrégé  à  la  société  de  médecine  pra- 
tique, il  en  était  vice-président  lors- 
qu'il mourut,  le  3o  juin  i8.i6.  Ou- 
tre les  ouvrages  que  nous  avons  men- 
tionnés ,  Tissot  a  publié  une  Notice 
nécrologique  sur  Loreiilz,  premier 
médecin  de  l'armée  de  Rhin-ct-Wo- 
selle  ;  des  Observations  sur  les  cau- 
ses des  épidémies  dans  les  liôpitaux 
militaires,  et  des  Becheiches  to- 
pographiques insérées  dans  le  quin- 
zième volume  des  Mémoires  de  mé- 
decine militaire  ,  en  déc.  iB^/j*  N-h. 
TITE  ,  disciple  de  saint  Paul  ,  ne 
lie  parents  idolâtres ,  se  convertit  à  la 
foi ,  probablement  à  la  parole  de  saint 
Paul,  qui  le  choisit  pour  son  inter- 
prète ordinaire  et  pour  le  coopc'ra- 


TIT 


i3g 


teur  de  ses  travaux.  L'an  5 1  de  J.-C, 
Tite  suivit  saint  Paul  à  Jérusalem  , 
et  il  assista  avec  lui  au  concile  que  les 
apôtres  y  tinrent  sur  les  observances 
légales.  En  56,  saint  Paul  envoya  son 
disciple  d'Éphcse  à  Corinthe,  pour 
remédier  à  quelques  abus,  et  mettre 
fin  à  quelques  divisions  entre  les  fidè- 
les. En  parlant  de  cette  mission  ,  dans 
la  seconde  Épître  auK  Corinthiens  , 
l'apôtre  dit  (  chap.  2  ,  7  ,  8  et  1 2  )  : 
«  Etant  arrivé  à  Troade,  pour  y  an- 
»  noucer  l'Évangile  de  Jésus-Christ, 
»  je  n'ai  pas  eu  de  repos  dans  mon 
»  esprit ,  parce  que  je  n'y  ai  point 
»  trouvé    Tite  ,    mon    frère  ■  ché- 
»  ri ,  et  je  suis  parti  pour  aller  en 
»  Macédoine.  Y  étant  arrivé,  Dieu, 
»  qui  se  plaît  à  consoler  les  humbles, 
»  nous  a  fait  trouver  dans  l'arris'ée 
»  de  Tite    un  sujet  de   consolation 
»  d'autant  plus  grand,  qu'il  m'a  rcn- 
»  du  compte  de  vos  pieux  désirs  ,  de 
»  vos  larmes  et  de  l'attachement  que 
»  vous  montrez  pour  moi.  J'en  ai  res- 
»  senti  une  joie  bien  vive.  J'ai  prié 
»  Tite  d'aller  vous  trouver  de  nou- 
»  veau  ,  pour  achever  ce  qu'il  a  com- 
»  mencé  parmi  vous,  et  pour  vous 
»  faire  participer  aux  grâces  alta- 
1)  chées  à  cette  bonne  œuvre.  Vous 
w  connaissez  Tite  :  vous  a-t-il  circon- 
»  venu  en  quelque  chose?  vous  a-t-il 
»  été  à  charge  ?  ne  raarche-t-il  point 
))  dans  le  même  esprit  que  moi  et  sur 
»  mes  traces  ?   »  Dans  son  premier 
Voyage  à  Corinthe  ,  Tite  avait  été 
reçu  avec  les  plus  vives  démonstra- 
tions de  respect.  Les  iidcles  s'étaient 
empressés  de  lui  procurer  loute  sorte 
de  secours  ;  mais  ,  en  vrai  disciple  du 
grand  apôtre,  il  n'avait  rien  reçu  , 
pas  même  ce  qui  pouvait  lui  être  né- 
cessaire dans  ses  besoins.  Ceux  qui 
s'étaient  écartés  de  leurs  devoirs  y 
étant  rentrés ,  il  alla  trouver  l'apôtre 
en  Macédoine,  pour  lui  rendre  compte 


i4o 


TIT 


de  sa  mission ,  et  solliciter ,  au  nom 
des  Coriuthieus,  la  grâce  de  l'inces- 
tueux, que  l'apôtre  avait  excommunie'. 
Il  fut  également  heureux  dans  la  se- 
conde mission,  qui  avait  pour  but  de 
recueillir  à  Corinthe  les  aumônes  des 
fidèles.  Saint  Paul,  étant  sorti  de  sa 
première  captivité  à  Rome,  alla  dans 
l'île  de  Crète,  pour  y  prêclier  l'E- 
A'anglle.  Les  besoins  de  l'Eglise  l'ap- 
pelant ailleurs  ,  il  ordonna  Tite  c'vè- 
que  de  cette  île,  afin  qu'il  achevât 
l'œuvre  si  heureusement  commencée; 
et  il  lui  adressa  une  Épître  où  il  ex- 
pose les  devoirs  du  ministère  sacré. 
L'apôtre,  ne  pouvant  se  passer  long- 
temps d'un  coopérateur  si  utile,  en- 
voya deux  disciples  pour  remplacer 
Tite  en  Crète ,  lui  mandant  de  venir 
le  trouver  à  Nicopolis  en  Epire.  C'est 
ce  qui  donna  occasion  à  une  nouvelle 
Epître  de  saint  Paul  à  sou  fils  cliéri. 
»  Je  vous  ai  laissé  en  Crète  ,  lui  dit- 
»  il ,  afin  que  vous  régliez  ce  qui  res- 
»  tait  à  faire,  et  que  vous  établissiez 
»  des  évoques ,  des  prêtres ,  selon  les 
»  iustriiclions  que  je  vous  avals  lais- 
»  sées.  Lorsque  je  vous  aurai  envoyé 
»  Artenias  ou  Tychique ,  ayez  soin 
»  de  venir  promptenieut  me  trouver 
»  à  Nicopolis ,  oij  j 'ai  résolu  de  passer 
»  l'hiver.  Envoyez  eu  avant  Zenasle 
»  jurisconsulte  et  Apollon  ,  et  ayez 
»  bien  soin  que  rien  ne  leur  manque 
»  en  voyageant.  »  Cette  lettre  fut 
écrite  en  l'an  G 4.  Tite  fut  ensuile 
envoyépar  l'apôtre  pour  prêcher  l'iv 
vaiigilc  en  Ualmatie.  De  là  il  retour- 
na en  Crète.  Ayant  sagement  gouver- 
né celte  église  et  répandu  la  lumière 
de  la  foi  dans  les  îles  voisines  ,  il 
mourut  dans  un  âge  avancé.  Ou  gar- 
dait son  corps  dans  la  cathédrale  de 
(ioitync,  qui  l'honorait  cumnic  son 
premier  arclievêrpie.  Celte  ville  ayant 
éle' détruite  par  les  Sarrasins ,  en  !S'.>,3, 
on  ne  trouva  plusdes  reliquesdesaint 


TIT 

Tite  que  son  chef,  qui  fut  porté  à 
Venise  et  déposé  dans  l'église  de 
Saint- Marc.  Voyez  les  Epîtres  de  S. 
PauljD.  Calmet,  t.  8;  lUyr.  sacra, 
t.  I,  et  Creta  sacra,  t.  i.jLambec, 
VIII,  '-il 3  et  suiv.  G — Y. 

TITE-LIVE  (  TiTvs-Livivs  ). 
Les  détails  de  la  vie  de  cet  historien 
sont  aussi  obscurs  que  ses  écrits  sont 
célèbres.  Il  naquit  à  Padoue  ,  d'une 
ancienne  famille,  sous  le  consulat  de 
Pison  et  de  Gabinius ,  l'an  de  Rome 
G()5.  Un  lils  et  une  fille  partagèrent 
ses  soins  et  sa  tendresse  (1).  C'est  au 
piemicr  qu'il  écrivit  une  lettre  sur 
les  études  de  la  jeunesse ,  dont  le  suf- 
frage de  Quintilien  doit  nous  faire 
regretter  la  perle.  Il  y  disait ,  au  su- 
jet des  auteurs  dont  il  faut  conseiller 
la  lecture  aux  jeunes  gens ,  qu'ils  doi- 
vent lire  Démosthène  et  Cicéron  y 
puis  ceux  qui  ressembleront  davan- 
tage cà  ces  deux  grands  orateui'S. 
Il  y  parlait  aussi  d'un  maître  de  rhé- 
tori(j.ue  qui  obligeait  ses  disciples,  à; 
retoucher  leurs  compositions  ,  jus- 
qu'à ce  qu'elles  devinssent  obscuresj 
et  quand  ils  les  rapportaient  dans 
cet  état  :  «  Voilà  qui  est  liieu  mieux 
1)  maintenant ,  disait-il  ;  je  n'y  en- 
»  tends  rien  moi-même.  »  Sa  fille 
épousa  un  rhétem" ,  nommé  Magius , 
qu'on  allait  entendre  déclamer  plus 
par  égard  pour  le  beau -père  que 
par  esliine  pour  le  talent  du  gendre. 
Tite-Llve  s'était  exercé  dans  plus 
d'un  genre  ;  il  avait  composé  des  ou- 
vrages philosophiques  et  des  dialo-v 
guesqui  a|)partciiaient  autant  à  l'his- 
toire (pi'à  la  jihilosophie ,  et  qu'il 
avait  dédiés  à  Auguste.  Mais  son 
grand  litre  à  riminorlalité,  est  VHis- 
luirc.  romaine  ,  contenue  en  ccutqua- 
raiitc  ou  cent  quarante-deux  livres, 
depuis  la  fondation  de  Rome  jusqu'à 

(^iVroiiiH.iiiii ,  aiilvur   de  sa  vie,  lui  donne  deux 
lil.«  K\  (jualic  lillrs. 


TIT 

l'an  de  Rome  743.  Quelques  passa- 
ges de  ce  grand  ouvrage  semblent  in- 
diquer qu'il  mit  à  le  composer  tout 
le  temps  qui  s'écoula  depuis  la  La- 
taille  d'Actium  jusqu'à  la  mort  de 
Drusus  ,  c'est-à-dire,  environ  vingt- 
un  ans.  Mais  il  en  produisait  en  pu- 
blic, de  temps  en  temps  ,  quelque 
partie  ,  et  l'on  croit  qu'il  les  lisait  à 
Auguste,  à  mesure  qu'il  les  compo- 
sait j  c'est  ce  qui  lui  valut  à  Rome 
nne  réputation  qui  s'étendit  jusqu'aux 
extrémités  de  l'empire.  On  rapporte 
à  ce  sujet  qu'un  Espagnol ,  après  la 
lecture  de  ses  écrits ,  vint  exprès  de 
Cadix  à  Rome,  pour  en  voir  l'auteur, 
et  s'en  retourna  aussitôt  après  l'avoir 
vu.  «  C'était  sans  doute,  dit  à  ce 
M  propos  saint  Jérôme ,  dans  une 
»  Lettre  à  Paulin ,  une  chose  bien  ex- 
•ù  traordinaire,  qu'r.n  étranger,  en- 
»  trant  dans  une  ville  telle  que  Rome, 
»  y  clierchàt  autre  chose  que  Rome 
w  même.  »  On  ne  sait  rien  de  plus 
de  ce  qui  regarde  personnellement 
Ïite-Live.  11  se  paitageait  entre  Ro- 
me et  Naples  ^  où  l'appelaient  la  beau- 
té du  climat  et  le  désir  de  se  livrer 
à  la  composition  de  son  grand  ou- 
vrage. Le  vainqueur  d'Actium  l'avait 
admis  dans  cette  intimité ,  où  les  en- 
tretiens de  Virgile,  d'Horace  et  de 
Varius,  le  délassaient  des  soins  de 
l'empire.  Cette  amitié  d'Auguste  n'al- 
téra point  l'impartialité  de  l'histo- 
rien ;  il  loua  Brutus,  Cassius ,  et  par- 
ticulièrement Pompée, au  point  qu'Au- 
guste l'appelait,  en  badinant ,  \e  Pom- 
péien. Ce  prince  lui  avait  confié  l'é- 
ducation du  jeune  Claude,  dejîuis 
empereur;  et  ce  fut  par  son  conseil 
que  son  élève  entreprit  d'écrire  l'his- 
toire ,  genre  de  composition  dans 
lequel  le  témoignage  des  anciens  nous 
apprend  qu'il  avait  réussi.  Après  la 
mort  d'Auguste,  Ïite-Live  retourna 
à  Padoue  où  il   mourut,  à  1  âge  de 


TIT  i4i 

soixante-seize  ans,  la  quatrième  an- 
née du  règne  de  Tibère  ,  l'an  de  Ro- 
me 770,  et  le  même  jour  qu'Ovide 
(2).  Les  Padouans  n'ont  cessé  d'ho- 
norer sa  mémoire.  Lorsqu'en  i4i3 
on  crut  avoir  retrouvé  son  tombeau, 
l'enthousiasme  fut  général  jet  depuis, 
eu  145 1,  ce  ne  fut  pas  sans  peine 
qu'ils  se  déterminèrent  à  faire  pre'- 
sent  de  son  bras  droit  à  Alphonse  V, 
roi  d'Aragon.  Antoine  de  Païenne 
avait  été  chargé  de  cette  négociation* 
le  prince  reçut  avec  honneur  ces  res- 
tes d'un  grand  homme,  mais  mourut 
avant  d'avoir  érigé  le  monument  où 
il  projetait  de  les  placer.  Ce  soin  fut, 
dans  la  suite,  rempli  par  Jovianus 
Pontanus.  On  voit,  dans  l'hôtel -de- 
ville  de  Padoue ,  le  mausolée  de  Tite- 
Live  ,  accompagné  d'inscriptions  et 
d'un  très-ancien  buste  de  marbre , 
qui  représente  cet  historien.  A  la 
droite  du  monument  est  l'immortali- 
té; à  la  gauche  est  Minerve.  Le  Ti- 
bre coule  sous  les  pieds  de  la  premiè- 
re ,  la  Brenta  sous  ceux  de  la  secon- 
de. Au  milieu  est  nne  louve  allaitant 
Rémus  et  Romulus.  Au-dessus  d'une 
autre  jôrle  du  même  hôtei-de-ville, 
est  une  autre  statue  en  pierre,  qui 
représente  Tite-Live  dans  l'attitude 
d'un  homme  qui  tient  un  livi-e  ou- 
A'ert,  et  porte  la  main  gauche  à  sa 
bouche  avec  cette  inscription  :  Par- 
i'iis  ignis  magnum  sœpè  suscitât  in- 
cenâium.  On  doute  si  Tite-Live  avait 
lui-même  partagé  son  histoire  en  dé- 
cades, c'est-à-dire,  de  dix  en  dix 
livres.  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  divi- 
sion paraît  assez  commode.  A  l'égard 
des  sommaires  qui  sont  à  la  tête  de 
chaque  livre,  les  savants  ne  croient 
pas  qu'on  puisse  les  attribuer  ni  à 
Tite-Live  ,   ni  à    Florus.  Quel  qu'en 


(7.)  Voyi''-  ,  <l-->»  Ip"  P<"  Mr.-  latine."  àc  Tlundi.rc 
(Ir  Wiic  ,  iiuf  flcgic  loiiilianle  sur  celte  Iri.sie  con- 
i'ormilv. 


l43 


TIT 


soit  l'auteur,  ils  ont  leur  utilité ,  puis- 
qii'ils  servent  à  nous  taire  connaître 
les  faits  rapportes  dans  ceux  qui  nous 
manquent.  Des  ceutquarantc  compo- 
sés par  Tite-Live  ,  il  ne  nous  en  est 
parvenu  que  trente-cinq  ,  dont  quel- 
ques-uns même  ne  sont  pas  entiers  ; 
encore  n'a-t-ou  pas  joui  à-la- fois  de 
tout  ce  trésor  littéraire.  On  doit,  sui- 
vant le  père  Niceron  ,  deux  livres  à 
Ulric  Hutten,  qui  les  déterra  et  les 
publia  en  i5i8.  Les  premières  édi- 
tions de  la  fin  du  quinzième  siècle  et 
du  commencement  diî  seizième  ne 
contiennent  que  la  première ,  la  troi- 
sième et  la  quatrième  décade.  Pétrar- 
que, encouragé  par  le  roi  Robert, 
n'épargna  rien  pour  retrouver  au 
moins  la  seconde;  mais  toutes  ses 
recberclies  furent  vaines.  Depuis,  la 
bibliotbèque  de  Mayence  fournit  une 
partie  du  livre  troisième ,  du  livre 
trentième ,  et  ce  qui  manquait  au  li- 
vre quarantième.  Simon  Grynéus  re- 
trouva ,  en  i53i,  les  cinq  derniers 
dans  l'abbaye  de  Saint-Gall  en  Suis- 
se, et  les  fit  imprimer  par  J.  Froben. 
Enfin,  le  P.  Horrion,  jésuite,  en 
parcourant  les  manuscrits  de  la  bi- 
bliothèque de  Bamberg ,  en  rencon- 
tra un  qui  contenait  plusieurs  livres 
de  Tite-Live  ,  entre  autres ,  la  pre- 
mière partie  du  troisième  ,  et  du  livre 
trentième,  qui  manquaient  encore, 
et  les  publia  deux  ans  après  à  Pader- 
born.  Voilà  tout  ce  qui  nous  reste  de 
ce  précieux  monument.  Ce  n'en  est 
pas  la  quatrième  partie.  Vainement 
le  monde  littéraire  s'est  flatté  de 
quelques  lueurs  d'espérance  de  recou- 
vrer le  reste.  Thomas  Erpénius  est 
lepremierqui  ait  assuré ([ue  les  Ara- 
bes possédaient,  dans  leur  langue, 
une  traduction  eomplètede Tite-Live, 
que  les  uns  plaçaient  à  Fez,  les  autres 
.à  la  Ciouletle  ,  d'antres  même  à  la 
bibliothèquedcrEseuiial.  l'irtroOfl- 


TIT 

la  Valle,  célèbre  voyageur,  assure 
qu'en  16 1  j,  la  bibliothèque  du  Sérail 
avait  un  Tite-Live  entier  •  il  ajoute 
que  le  grand-duc  de  Toscane  avait 
traité  pour  l'obtenir  ,  et  en  avait  fait 
vainement  offrir  vingt  mille  piastres  ; 
que  l'ambassadeur  de  France,  Achille 
deHarlai,  en  fit  proposer,  sous  main , 
dix  mille  écusà  celui  qui  avait  la  gar- 
de des  livres  ;  que  l'oflrefut  acceptée, 
mais  que  le  bibliothécaire  ne  put  ja- 
ma's  retrouver  l'ouvrage.  F.n  1682, 
au  rapport  de  Bonrdclot  dans  une 
note  sur  la  Bibliothèque  choisie  de 
Colomiès ,  des  Grecs  de  l'île  de  Cliio 
vinrent  traiter  avec  Colbert  d'un 
Tite-Live  entier  ,  dont  le  prix  fut , 
dit-on  ,  fixé  à  soixante  mille  francs  ; 
mais  ils  repartirent ,  et  l'on  n'enten- 
ditplus  parler  d'eux.  Chapelain,  dans  . 
une  lettre  à  Colomiès  ,  l'entretient 
aussi  de  manuscrits  donnés  par  l'ab- 
baye de  Fontevrault  à  l'apotliicaire 
du  couvent,  et  vendus  par  celui-ci  à 
un  mercier  de  Saumur  ,  qui  en  cou- 
vrit des  battoirs  ,  sur  quelques-uns 
desquels  un  acheteur  remarqua  des 
titres  latins  des  huitième  ,  dixième  et 
onzième  décades  ;  mais  cette  décou- 
verte n'eut  aucune  suite.  On  a  dit 
encore  que  Tite-Live  était  conservé 
dans  l'île  d'Iona ,  petite  île  d'Ecosse, 
comme  si  ce  précieux  trésor  avait 
pu  rester  enfoui  si  long- temps,  à 
cette  proximité  d'une  nation  aussi 
lettrée  que  l'est  surtout  la  natiou 
écossaise.  En  177^,  M.  Paul-Jac- 
ques Bruns,  que  M.  Kemiicolt  avait 
envoyé  à  ses  frais  en  Italie,  avec  la 
mission  de  visiter  les  manuscrits  la- 
tins ,  cl  M.  Giovenazzi ,  en  examinant 
avec  attention  un  manuscrit  du  Va- 
tican ,  timbré  '.î/j,  du  format  iu-8". , 
démêlèrent,  sous  le  texte  des  livres  de 
Tobie  ,  de  Job  etd'Esther  ,  une  plus 
ancienne  écriture  en  lettres  onciales. 
Qnel(|ucs  mois  rnniius  .  ciunuie  Scr- 


TIT 

torius  ,  Pompeius  ,  excitèrent  leur 
curiosité ,  et  les  mots  Titi  Livii 
qu'ils  aperçurent  au  liant  du  rec- 
to ,  ne  leur  permirent  plus  de  dou- 
ter de  l'importance  de  la  découverte. 
A  force  d'art ,  de  soins,  de  patience  et 
à  l'aide  d'une  bonne  loupe  ,  ils  par- 
vinrent à  retrouver  un  fragment  du 
livre  quatre-vingt-onzième,  que  le  pre- 
mier fit  paraître  à  Leipzig ,  eu  1 770. 
Ce  fi'agment  reparut  à  Rome  la  mê- 
me année ,  in-4'^. ,  et  à  Paris  ,  en 
17^3.  Le  papeClëment  XIV  nomma 
une  commission  poiu'  vérifier  l'au- 
thenticité de  ce  manuscrit;  et  le  car- 
dinal Zelada  exécuta  les  ordres  du 
pontife  avec  tout  le  zèle  d'un  savant. 
M.  Didot  l'aîné  réimprima  la  lettre 
de  M.  Bruns,  et  le  fragment,  avec 
une  traduction  de  ]\L  J.  T.  Hardouin, 
1794,  brochure  de  72  pag. ,  in-12. 
Ce  même  morceau  se  trouve  avec 
des  notes  à  la  lin  du  quatrième  tome 
du  Tacite  du  P.  Brotier ,  in-  la, 
dans  le  Tite-Live  de  Deux- Ponts  , 
in-8". ,  tome  xii ,  dans  celui  d'Er- 
nesti,  Leipzig,  1801  ,  in-12,  et  dans 
le  volume  qu'a  publié  M.  Niebuhr  à 
Rome,  en  1820,  petit  in-4*'.  ,  d'a- 
près un  examen  plus  aprofondi. 
D'Anville  a  inséré  dans  le  xli"^.  vol. 
des  Mémoires  de  l'académie  des  bel- 
les-lettres un  Mémoire  sur  le  nom 
des  peuples  et  des  villes  dont  il  est 
question  dans  ce  fragment.  Au  reste 
cette  découverte  a  été  la  dernière. 
Dans  les  manuscrits  d'Herculanum , 
on  n'a  encore  rien  pu  déchifi'rer  qui 
permette  quelque  espérance.  Jean 
Freinsliémius  a  tâché  de  consoler  le 
public  de  cette  perte ,  jusqu'à  présent 
irréparable  ,  par  des  Suppléments  , 
où  il  a  plus  réussi,  au  jugement  des 
connaisseurs ,  que  dans  ses  Supplé- 
ments de  Quinte-Curce  (  F,  Freins- 
hÉmius  ).  Deux  personnages  ont  peut- 
être  contribué,  par  des  motifs  bien 


TIT  143 

divers  ,  à  cette  lacune  irrémédiable. 
Suétone  nous  apprend  que  Caligula 
comprit  dans  la  même  haine  Homè- 
re ,  Virgile  et  Tite-Live ,  qu'il  appe- 
lait verbeux  ,  et  qu'il  entreprit  de 
bannir  de  toutes  les  bibliothèques 
leurs  écrits  et  leurs  images.  L'histo- 
rien eut  un  ennemi  non  moins  funes- 
te à  sa  gloire  dans  le  pape  Grégoi- 
re-le-Graud.  Ce  pontife,  dit-on,  lit 
brûler  tous  les  exemplaires  de  cette 
Histoire  qu'il  fut  possible  de  trouver, 
parce  que  les  prodiges  qu'elle  con- 
tient pouvaient  paraître  favorables  à 
la  cause  du  paganisme.  L'estime  des 
juges  éclairés  a  vengé  Tite-Live  de 
la  haine  stupidc  du  premier  et  du^^ zè- 
le peu  éclairé  du  second.  Quintilien 
(3) ,  qui  le  compare  à  Hérodote,  trou- 
ve son  goût  si  pur  et  si  parfait,  qu'il 
le  place  à  côté  de  Cicéron ,  en  indi- 
quant ces  deux  écrivains  comme  ceux 
qu'il  faut  mettre  de  préférence  entre 
les  mains  des  jeunes  gens.  «  Sa  nar- 
»  ration ,  dit  -  il ,  est  singulièrement 
»  agréable  et  de  la  clarté  la  plus  pu- 
»  re.  Ses  Harangues  sont  d'une  élo- 
»  quence  au-dessus  de  toute  expres- 
»  siou.  Tout  y  est  parfaitement  adap- 
»  té  aux  personnes  et  aux  circoustan- 
»  ces.  Il  excelle  surtout  à  exjirimer 
»  les  sentiments  doux  et  touchants  ; 
»  et  nul  historien  n'est  plus  pathéti- 
»  que.  »  Son  style,  quoique  varié  à 
l'infini,  se  soutieni  toujours  égale- 
ment :  simple  sans  bassesse ,  élégant 
et  orné  sans  afTectation ,  grand  et  su- 
blime sans  enflure,  étendu  ou  serré, 
plein  de  douceur  ou  de  force,  selon 
l'exigence  des  matières ,  mais  tou- 
jours clair  et  intelligible,  (i  Ces  élo- 
»  ges,  dit  La  Harpe  (4) ,  sont  justes 
»  dans  tous  leurs  points  ;  et  l'on 
»  peut  ajouter  que  le  génie  de  Tite- 


(3)  Tnslil.  oral. ,  I.  X  ,  cli.  7. 

(.'l)  Coiiif  lie  lillcral.,  I.  Ml,  i'''.  [kiiI  ,  pai;.  îÇiq. 


»i4 


TIT 


»  Livc ,  sans  jamais  laisser  voir  le 
»  travail  ni  l'etlort,  paraît  s'élever 
M  naturellement  jusqu'à  la  grandeur 
;)  romaine.  11  n'est  jamais  ni  au-cles- 
»  sous  ni  au-dessus  de  ce  qu'il  ra- 
^>  conte.  Ses  Harangues ,  que  les  an- 
»  ciens  admiraient ,  et  que  les  mo- 
»  dcrnes  lui  ont  reprocliëes,  sont  si 
»  belles  ,  que  le  censeur  le  plus  sévère 
»  regretterait  sans  doute  qu'elles 
)>  n'existassent  pas.  »  On  a  répondu 
à  ce  reproclie  d'une  manière  satis- 
faisante ;  et  La  Harpe  lui  -  même 
a  fort  bien  prouvé  (5)  que  ces  Ha- 
i-angues  n'élaientni  desliors-d'œuvre 
ni  des  infidélités.  On  sait  que  Pollion 
reprochait  à  Tite  Live  sa  patavinité. 
Les  savants  sont  partagés  sur  le  sens 
qu'il  faut  donner  à  ce  terme.  Piguo- 
rius  croit  que  ce  défaut  regardait  seu- 
lement l'orthographe  de  certains 
mots ,  où  Tite  -  Live ,  comme  Pa- 
douan ,  employait  une  lettre  pour 
l'autre,  écrivant  sihe  et  quase  pour 
sibi  et  quasi.  D'autres  pensent  que  ce 
reproche  s'appliquait  à  la  répétition 
de  plusieru'S  synonymes  dans  la  mê- 
me ])ériode  ;  redondance  de  style  qui 
déplaisait  à  Rome  ,  et  à  laquelle  on 
reconnaissait  les  provinciaux.  Roilin 
(6)  interprète  ce  mot  par  des  expres- 
sions ou  des  tours  qui  sentaient  la 
province.  C'est  l'opinion  de  Vossius 
(7).  ïomasini ,  auteur  d'une  Vie  de 
Tite -Live,  y  trouve  un  tout  autre 
sens,  mais  qui  paraît  un  peu  forcé. 
Les  Padouans  avaient,  dans  les  trou- 
bles civils,  emhrassé  la  cause  de  la 
république,  '\siniiis  Pollion  avait  sui- 
vi le  parti  d'Antoine,  cl  n'avait  pu 
contraindre  Padouc  à  lui  fournir  des 
armes  et  de  l'argent.  Soit  attachement 


((ï\  Hisl.  anc,  I.  XI  ,  piiRc  ■y.M ,  ô<l.  <1<-  M.  I.c- 
Irorine. 

(7)  De  lii<l.„.  Inliii.  ,1.1,  c.iii.  19  ,  i>aKr  ((>,  «.l. 
<)e  iliSi. 


TIT 

poursonancien  parti,  soit  envie  de  fai- 
re sa  cour  au  vainqueur ,  il  reprochait 
à  Tite-Live  son  affection  pour  les  ré- 
publicains ,  et  l'accusait  de  patavi- 
nité ,  dans  le  même  sens  qu'Auguste 
l'appelait  Pompéien.   Le  passage  de 
Quintilien  (8)  ,  plus  voihin  de  cette 
époque  ,  ne  permet  guère  d'adopter 
cette  conjecture  ,  et  son  autorité  pa- 
raît décisive  en  faveur  de  l'opinion 
qui  interprèle  ce  mot  par  une  pro- 
nonciation un  peu   provinciale.  On 
lui  reproche  avec  plus  de  raison  son 
amour  excessif  pour  la  république  : 
perjiétuel  admirateur  de  la  grandeur 
des  Romains  ,  non-seulement  il  exa- 
gère leurs  exploits ,  leurs  succès  et 
leurs  vertus  ;  mais  il  dissimule    ou 
diminue  les  vices  de  ses  concitoyens, 
et  les   fautes   où    ils  sont  tombés  j 
il  parle  de  Rome  naissante  comme 
de  la  capitale  d'un  grand  empire , 
fondée  pour  l'éternité  ,  et  dont  l'a- 
grandissement n'a  point  de  bornes. 
On   peut   cependant  répondre  avec 
la  fïarpe  (9),   que  :  «  Rome  n'eut 
))  jamais    plus  de    véritable    gran- 
»  deur  que  dans  ses  premiers  siècles, 
»  qui  furent  ceux  de  la  vertu  ,  du 
»  courage  et  du  patriotisme;...  et  ce 
»  grand   caractère  qui  annonçait  ce 
»  qu'il  devint  dans  la  suite  ,  c'est-à- 
»  dirc,ledominateurdes  nations,  de- 
»  vait  .se  retrouver  sous  la  plume  de 
»  Tite-Live.  On  l'accu.se,  continue  le 
»  même  critique,  de  faibles.sc  et  de 
»  superstition  ,  parce  qu'il  rapporte 
»  sérieusement  une  foule  de  prodiges. 
»  Je  ne  sais  s'il  faut  en  conclure  qu'il 
)>  les  croyait.   Le  plus  souvent  il  ne 
»  les  donne  que  pour  des  traditions 
»  reçues  ,  et  il  ne  pouvait  se  dispen- 
»  scr  d'en  parler.  Ces  prodiges  étaient 
»  une  partie  es.sentielle  de  l'hi.stoire, 
»  dans  un  empire  on  tout  était  pré- 

(8)  I.iv.  VIU,  r.  1". 

vÇ))  Court  dr  lillcr.  ,  tome  111 ,  i".  fart.,  p.  îoo. 


TIT 

»  sage  et  auspice ,  où  l'on  ne  faisait 
»  pas  une  démarche  importante 
»  sans  observer  l'heure  du  jour  et 
»  l'ëtat  du  ciel.  »  Se'nèque  le  père 
impute  à  Tite-Live  une  faiblesse  bien 
moins  excusable ,  celle  de  la  jalousie 
(  I  o).  Suivant  lui ,  cet  historien  accu- 
sait Salluste  de  dëûgurer  les  pensées 
des  Grecs  et  de  les  affaiblir  ,  et  il  en 
donnait  pour  preuve  une  maxime  de 
Thucydide,  que  Salluste  a  rendue  en 
latin  par  cette  phrase  :  Res  secundœ 
miré  sunt  vitiis  obtentui.  Cette  accu- 
sation, qui  paraît  démentie  par  le 
caractère  de  noblesse  et  d'élévation 
que  ses  contemporains  ont  reconnu 
à  Tite-Live,  a  d'ailleurs  pour  garant 
un  témoignage  peu  authentique.  Com- 
ment ,  en  etfet ,  l'accorder  avec  ce 
que  dit  le  même  Sénèque  dans  un  au- 
tre endroit  (il),  que  Tite-Live  ju- 
geait avec  équité  et  candeur  des  ou- 
vrages des  beaux-esprits?  Un  grief 
plus  important.a  été  objecté  au  rival 
de  Salluste.  On  l'a  taxé  d'ingratitude 
et  de  mauvaise  foi,  pour  n'avoir  pas 
nommé  Polybe  ,  ou  pour  l'avoir 
nommé  avec  une  indifférence  affectée, 
dans  des  passages  où  il  ne  faisait 
presqiieque  le  transcrire.  «  Mais,  ob- 
»  serve  judicieusement  Rollin  ,  ne 
»  peut-on  pas  croire  qu'en  d'autres 
»  endroits  de  son  histoire  ,  qui  ne 
»  sont  pas  parvenus  jusqu'à  nous,  il 
»  a  parlé  de  Polybe  avec  éloge  ;  qu'il 
»  lui  a  rendu  toute  la  justice  qui  lui 
r>  était  due  ,  qu'il  a  mêmeaverii,  par 
»  avance  ,  qu'il  se  faisait  une  gloire 
»  et  un  devoir  de  le  copier  mot  à 
»  mot  en  plusieurs  endroits?  »  Au  res- 
te ,  ces  légères  taches  n'ont  fait  au- 
cun tort  à  sa  gloire  ;  il  n'en  est  pas 
moins  resté  ,  avec  Salluste  et  Ta- 
cite,  le  modèle   des   historiens,  et 


(lo)  Lit.  IV,  Oontrovers,  ,  4- 
(il)  Suasor. ,  7,  6. 


TIT  i45 

peut-être,  comme  Gicéron  ,  le  dé- 
sespoir des  traducteurs. On  a  cru  pou- 
voir lui  appliquer  l'éloge  que  Sénè- 
que le  rlieteur  attribue  à  ce  grand 
homme, d'avoir  eu  le  génie  égal  à  la 
grandeur  de  l'empire  romain.  L'his- 
toire littéraire  nous  a  conservé 
de  glorieux  témoignages  de  cette 
estime  universelle  ,  que  n'ont  pu 
altérer  l'humeur  et  l'injustice  de 
quelques  critiques.  Au  moment  de  la 
renaissance  des  lettres  ,  on  voit  des 
savants  mettre  en  vente  leurs  terres 
pour  acheter  un  manuscrit  de  Tite- 
Live  (12);  et  le  suffrage  des  rois  cou- 
ronne l'enthousiasme  qui  les  porte  à 
ce  généreux  sacrifice.  Alphonse ,  roi 
d'Aragon ,  préfère  la  lecture  de  cette 
histoire  aux  accords  des  musiciens 
les  plus  renommés  de  son  temps  ,  et 
prétend  avoir  retrouvé  même  la  san- 
té du  corps  dans  un  ouvrage  où  il  ne 
clierchait  que  des  faits  militaires  et 
des  principes  de  politique.  A  la  même 
époque,  un  manuscrit  de  Tite-Live 
est  regardé  comme  un  des  présents 
les  plus  précieux  que  les  souverains 
puissent  faire  ou  recevoir.  Cosme  de 
Médicis,  pour  obtenir  une  heureuse 
issue  d'une  négociation  entamée  à  la 
cour  de  Naples ,  en  envoie  «ne  belle 
copie  à  ce  même  Alphonse  ,  et  le 
soupçon  de  poison  ,  si  accrédité  dans 
ces  temps-là  ,  n'empêche  pas  ce  prin- 
ce de  l'ouvrir  ,  de  la  feuilleter,  de  la 
lire,  malgré  l'opposition  de  ses  mé- 
decins alarmés. Un  pape,  célèbre  par 
ses  lumières  et  par  son  amour  des 
lettres  ,  fonde  une  chaire  pour  expli» 
quer  Tite-Live  dans  ce  même  Capi- 
tole  d'où  un  empereur  frénétique 
avait  voulu  le  bannir,  et  d'où  un  au- 
tre pape  avait  lancé  contre  lui  l'ana- 
tlième.  Enfin  le  suffrage  le  plus  glo- 
rieux peut-être  est  celui  de  Henri  IV, 

Ix-x)  Voy.  BnYU,»t\.  P»n<iimit«. 
10 


i46 


TIT 


qui ,  disait-il ,  eût  domie  une  de  ses 
provinces  pour  la  découverte  d'une 
Décade  de    l'historien  romain.  Un 
écrivain  de  ce  mérite  a  dû  souvent 
obtenir  les  honneurs  de  l'impression. 
Les  éditeurs  du  Tite-Live  de  Deux- 
Ponts    ont   partagé  en  six  âges  les 
différentes  éditions  rpii  se  sont  succé- 
dées depuis  I  469  jusqu'en  1738-46  , 
époque  de  l'édition  publiée  par  Dra- 
kenborch.    Cette  Notice  forme  ciu- 
quante-une  pages  ,  in-S'^. ,    de  petit 
texte  :  on  y  renvoie  le  lecteui.  Nous 
nous  conteulcrous  d'obseiver  que  la 
plus  rare  est  celle  de  Venise  ,  1 470  , 
et  que  les  meilleures  sont  les  suivan- 
tes :  I  °.  Elzévir ,  1 034  ,  3  vol.  in- 1 2, 
auxquels  on  joint  les  Notes  de  Gro- 
novius,  et  i(i65  ,  3  vol.  in-S».  ;  2°. 
Cum  notis  variorum ,  3  vol.  in-8°. , 
1679  ;  3".  celle  de  Doujat,  Adusum 
Delphini ,  ifi-jf)  et  1680  ,  6  vol.  in- 
4°-;  4°'  celle  de  Drakenborch,  7  vol. 
in-4°.,  1738-  1740,  dont  le  septiè- 
me contient  plusieurs  Dissertations 
sur  Tite-Live  ,  entre  autres  celle  de 
Morhoff  De  Patavinitale  ,  une  No- 
tice des    manuscrits ,  tant  de  ceux 
dont  l'éditeur  a  fait  usage,  que  de 
ceux  qu'il  n'a  pu  se  procurer,  et  une 
autre  des  éditions  qui  ont  précédé  la 
sienne  ;  5°.   de  Le  Clerc  ,  Amster- 
dam,   1710,    10  vol.  in-  I2J   6°. 
d'Hearn ,  Oxford,  1708,  6  vol.  iu- 
8".  ;  7°.  de  Crévier  ,    1735  ,  fi  vol. 
in-4°.,  enrichie  de  Notes  savantes, 
et  précédée  d'une  préface  écrite  dans 
un  latin  élégant  ;  8°.  de  Deux-Ponts  , 
17184,   i3  vol.  in-8".  ,  réimjirimée 
depuis,  qui  présente  le  texte  de  Dra- 
keuborch  ,  comparée  avec  la  secon- 
de de  Hàle ,  l'Aldine  de   Sigonius  , 
relies  de   Gruler,  de   Gronovius  et 
de  Crévier,    et  qui   réunit   tous  les 
iSnppléments  de  KreinslK  raiiis  ;  9". 
celle  d'Ernesti ,  5  vol.  in-8". ,  180 1  - 
i8o5  ,   dont   le    cinquième    est    un 


TIT 

Glossariian   Livianum  de  794  P^g- 
M.  Le  maire  vient  de  faire  paraître 
les  derniers  volumes  (  lu  et  i3)  de 
celle    qui    fait    partie    de    sa  bellç 
Collection  des  auteurs  latins.  Tite- 
Live  a  été   traduit  dans  toutes  les 
langues.  Les  versions  allemandes  les 
pîusrécenteSjindiquées  parles  éditeurs 
du  Tite-Live  de  Deux  -  Ponts ,  sent 
celles  dé  M.  J.-Fr.  Wagner,  4  part, 
gr.  iu-80. ,  1776-8-2,  et  de  M.  Cila- 
no  y  Hambourg ,  8  part.  gr.  in  -  8'. 
Les  Italiens  estiment  beaucoup  celle 
de  Nardi  ,  dont   la   première   édi- 
tion est  de  i544  -,   chez  les  Juntes  , 
et  la  dernière  réimpression  de  1800  , 
Milan  ,    10  vol.    in  -  8".  Les  An- 
glais en  ont  publié  une,  en  1744» 
avec  les  Suppléments.  Cet  ouvrage 
est  de  plusieurs  mains,  comme  on  le 
voit  par  la  souscription  de  l'Épître 
dédicatoire  à  l'amiral  Vernon.  Les 
traducteurs  professent ,  dans  leur  pré- 
face, ime  haute  estime  pour  Rollin  , 
et  la  prouvent  à  chaque  page,  par  la 
fidélité  avec  laquelle  ils  suivent  ses 
Histoires  ancienne  et  romaine  ,  par- 
tout où  il  se  Ijorne  à  traduire  Tite- 
Live.  Une  plus  récente  a  ])aru   sous 
le  nom  de  M.  George  Baker,  en  6 
volumes    in-8".  ,  Londres  ,    1.797. 
On    ne    peut    mettre    au   rang    des 
tiaductions  françaises  de  Tite-Live 
le   volume  que  Corbinelli  a   donné 
sous  ce  titre  :  les  Anciens  historiens 
latins  réduits  en  maximes,  i*"^.  vol. 
Tite-Live  ,  Paris,  i6'9(. ,  in-  12.  La 
plus  ancienne  version  complète  fut 
donnée    par    Pierre    Betcheure  ou 
Berchoire,  Paris,    r")i4-  i5,  3  v. 
in-fol.  Celle  de  Vigenère  a  été  impri- 
mée |)our  la  première  fois  en  i5o2, 
et   pour  la  deriiiÎMC,  en  1717-  En 
i6;'j3  ,    Pierre   Duryer    en    (il  pa- 
raître une  nouvelle,  avec  les  Supplé- 
ments de  Frcinshémius  ,  Paris,  2  v. 
in-fol.;  réimprimée,  la  même  année, 


TIT 

à  Lyon,  cm  4  vol.  in-i'i;eten  1700, 
à  Rotterdam,  8  vol.  in-  l'i.  Avant 
i8io,  la  dernière  traduction  com- 
plète de  cet  historien  était  celle  de 
M.  Guorin  ,  ancien  professeur  de  l'n- 
uiversite'^  elle  était  épuisée  lorsque 
M.  Cossou ,  professeur  de  la  même 
université,  entreprit  delà  rajeunir, 
et  la  fit  reparaître  en  1773,  10  vol. 
in  -  I  2.  Qiioicprelle  ne  fût  pas  sans 
mérite  ,  Dureau  de  La  Malle ,  encou- 
ragé par  le  succès  de  ses  traductions 
de  Tacite  et  de  Sallustc  ,  ne  désespé- 
ra pas  de  la  surjiasscr  ;  et  l'on  ne 
peut  nier  que  son  travail  ne  soit  bien 
supérieur  a  tout  ce  qui  avait  été  fait 
jusqu'alors.  Mallieureusement  la  mort 
le  frappa  lorsqu'il  n'était  pas  encore 
à  la  moitié  de  son  ouvrage. II  laissait, 
en  manuscrit,  la  première  décade, 
les  trois  premiers  livres  et  les  treize 
premiers  chapitres  de  la  troisième  et 
les  deux  premiers  livres  de  la  qua- 
trième. L'auteur  de  cet  article  mit  à 
fin  cette  périlleuse  entreprise  ;  et  la 
traduction  complète  parut  à  Paris , 
avec  le  texte  en  regard ,  1 8 1  o  à  1812, 
i5  vol.  in -8'».  Une  seconde  édition 
du  même  ouvrage  a  été  pul^liée  en 
1824,  17  vol.  in -8". ,  dont  les  deux 
derniers  contiennent  neuf  livres  des 
Suppléments  de  Freinshémius ,  qui 
^        conduisent  l'Histoire  jusqu'à  la  des- 
truction de  Carthage  et  jusqu'à  la 
mort  de  Viriathus.  Divers  auteurs 
ont  donné  au  public  des  fragments 
de  Tite-Live.  La  première  Décade  a 
été  traduite  par  l'abbé  Brimet,  Pa- 
ris ,  1742 ,  3  vol.  in-i2.  On  a  obser- 
ve' que  cette  traduction   olfrait  une 
grande  ressemblance  avec  celle  de 
Guériu.  Nous  indiquerons  successive- 
ment les  Discours  de  Tile-Livc  qui 
font  partie  des  Harangues  choisies 
des   historiens  latins,   par  Millot, 
1764,  2  vol.  in-i2;  ouvrage  souvent 
réimprimé,  et  reproduit  en   i8o5; 


Tlï 


147 


Narrations  choisies  de  Tite  -  Live , 
avec  des  réflexions,  Paris,  1808, 
2  vol.  in- 12  ;  Histoires  choisies  ti- 
rées de  Tite-Live ,  par  M.  P,...,  an- 
cien  professeur  ,   peut-être   l'abbé 
Paul ,  traducteur  de  Florus  et  de  Jus- 
tin, Paris,  1809,  2  vol.  in-  12;  le 
Portrait  de  Caton,  1.  xxxix^  n°». 
4o,  4 1 ,  Mercure  de  France ,  année 
1 77  1  ;  Histoire  de  la  famille  de  Hié- 
ron,  tirée  du  livre  xxiv  par  l'abbé 
Y^\Aut\ïeX{A pologues et  Colites  orien- 
taux, etc.)  ;  Discours  deQuintus  Ca- 
pitolinus auxRomains ,  extrait  du  3^. 
livre  de  Tite-Live ,  par  M.  de  Lalli- 
Tolendal,  Genève,  1  7(10,  brochure 
de  55  pages  in-8<>.  Ou  ])eut  consulter 
l'ouvrage    intitulé    :   Jac.   Philippi 
Tomasini  episcopi  jEnwniensis  Ti- 
tus LiviusPatavinus ,  i63o;in4''., 
i("»70,  petit  in-i2  ,   et  non   iu-40, , 
comme   le   dit   le  P.   Nicéron  ;  lia 
Mothe  Le  Vayer,  tome  11,  p.  807  , 
édit.  in-fol.,  de  i634;  la  Notice  des 
historiens  latins  ^  par  Rollin ,  Hist. 
anc.  ,  tome  xii  ;  la  Notice  littéraire 
de  Fabricius  ;  la   Compaiaison   de 
Thucydide  et  de  Tite-Live,  par  le  P. 
Rapin;  les  Mémoires  de  l'académie 
des  belles-lettres;  le  septième  volume 
de  Drakenborch  •  le  Cours  de  littéra- 
ture de  Laharpe;  Discours  de  Ma- 
chiavel   sur    la   première    Décade; 
Histoire  du  passage  des  Alpes  par 
Annibal ,Gcnhve,  iSiS^in-é". ,  par 
M.  Deluc  ,  fils  du  célèbre  naturaliste. 
Ce  dernier  ou\rage  a  été  réfuté  par 
M.  de  Fortia  d'Urban  ,  dans  sa  dis- 
sertation sur  le  passage  du  Rhône  et 
des   Alpes  ,    ])ar  Aimibal ,    Paris  , 
1821  ,  à  la  suite  de  laquelle  il  a  joint 
un  supplément   au  Tite-Live  inséré 
dans  la  collection  des  auteurs  classi- 
ques de  M.  Leraaire  ,  Paris  ,  i8.i3  , 
([ui  achève  d'éclaircir  ce  point  d'his- 
toire   assez   dilTicile.  M.  Letronne  , 
dans  un  article  du  Journal  des  sa- 


i48 


TIT 


vanls  _,  janvier  1819,  pag.  aci  ,  a 
aclievé  de  renverser  le  système  de 
M.  Deluc.  N— L. 

TITI  ou  TITO  (  Santi  di  )  ,  ar- 
chitecte et  peintre,  issu  d'une  famille 
noble  de  Borgo  San  -  Sepolcro  en 
Toscane  ,  naquit  dans  cette  ville  ,  en 
1 538.  Il  étudia  d'abord  le  dessin  sous 
Angelo  Brunzino;  s'étant  attaché  à 
l'école  de  Bandinello  ,  il  devint  un 
des  dessinateurs  les  pins  corrects  de 
l'Italie.  Il  travailla  à  la  chapelle  du 
palais  du  ducSahiati  à  Rome,  et  lit, 
à  Saint- Jean  des  Florentins,  la  table  de 
saint  Jérôme.  On  voit  beaucoup  de 
ses  pièces  au  Belvédère.  En  i566,  il 
retourna  à  Florence  qu'il  enrichit  de 
nouvelles  productions.  Les  plus  re- 
marquables sont  la  Résurrection  de 
Jésus -Christ  et  la  Cène  d'Eramaiis 
dans  l'église  de  Sainte  -  Croix.  Sa 
Résurrection  a  été  gravée  par  Cosimo 
MogalH  ,  et  insérée  dans  le  bréviaire 
qui  fut  imprimé  à  Florence  ,  in-4°. 
On  peut  voir  le  Recueil  des  pièces 
faites  par  Tito ,  dans  le  Riposo  de 
Borghini,  p.  5o6  à  (319.  Les  pein- 
tures de  Tito  sont  très  -  coriectes 
quant  au  dessin,  elles  sont  fortes  par 
l'expression  :  connaissant  parfaite- 
ment l'architecture  et  les  effets  de  la 
perspective ,  il  savait  donner  à  la 
scène  de  ses  tableaux  quelque  chose 
de  grand  et  de  majestueux.  Quant 
jiu  coloris  ,  il  n'est  pas  toujours 
^gal  ;  sous  ce  rapport ,  on  vante 
néanmoins  un  Baptême  de  Jésus- 
Christ,  de  grandeur  naturelle,  qui 
se  trouve  dans  le  palais  Corsini  à 
Florence.  G — Y. 

TITI  (Robkrt),  littérateur  ,  né 
en  iSh  ,  à  San-Se|iol(ro  en  Tosca- 
ne, fut  élevé  d'abord  à  Rologne  ,  en- 
suite .'1  Rome  cl  à  Pisc.  Attiré  dans 
cette  derniirc  ville  par  les  bienfaits 
de  Cosme  l'"".  ,  il  termina  ses  études 
sous  la   direction  des  plus   liabiles 


TIT 

maîtres ,   dans  un  collège   nouvelle- 
ment fondé  par  ce  prince.  En  '5^6^ 
il  prit  les  degrés  de  docteur,  et  il 
alla  s'établir  à    Florence  pour  fré- 
quenter le  barreau.  L'Italie  retentis- 
sait alors  des  louanges  de  l'Arioste 
et  du  Tasse  :  la  gloire  poélique  était 
la  seule  a  laquelle  on  aspirât,  et  les 
carrières  les  plus  utiles  étaient  aban- 
données pour  la  vaine  ambition  de 
monter  au  Parnasse.  Titi  se  mit  aussi 
à  composer  des  vers  qui  lui  acqui- 
rent une  certaine  réputation  j  mais 
ce  qui  contribua  surtout  à  l'étendre, 
ce  fut  une  querelle  très-vive  qu'il  eut 
avec  Joseph-JusleScaliger, qui  l'atta- 
qua avec  son  emportement  ordinaire. 
Le  savant  italien  ne  se  laissa  intimi- 
der ni   par  la  célébrité,  ni  par  la 
violence  de  son  adversaire  :  il  en  re- 
poussa les  invectives  avec  une  mo- 
dération  qui    lui   concilia    tous    les 
suffrages.  En   iSqG,   il  se  présenta 
inutilement  pour  remplacer  le  Bargée 
à  l'université  de  Fisc.  Il  répara  cet 
échec ,  en   tournant  ses  regards  du 
côté  de  Bologne,  où  il  ne  tarda  pas  à 
obtenir  une  place  de  professeur.  Vers 
les  dernières  années  de  sa  vie,  il  fut 
invité  par  le  grand-duc  Ferdinand  à 
aller  occuper  une  chaire  de  belles- 
lettres  à  l'université  de   Fisc,  et  il 
mourut  dans  cette  ville,  eu   i(io9- 
Ses  principaux  ouvrages  sont  :  I.  Car- 
viinum    liber  primas ,  dans   le  Re- 
cueil des  poésies  latines  de  son  com- 
patriote Pierre  Gherardi  ,  Florence  , 
157  I,  iu-8".  IL  Loconiin  contro- 
vcrsoriiiii  libri   decein  ,   in  qiiibus 
pluriini    vclerutn    scriptonan   loci 
conj'crunlur  ,  cxplicantiir  et  emen- 
(lantiir,  ibid.,   i5H3  ,  in -4"-  Sca- 
liger  ,    sous    le    nom   d'Yves    Vil- 
liomari  ,    y    répondit    par    un  011- 
vr.igc  intitulé  :  J/t  locos  contro\'(^rsos 
Tiliiariiinach'crsioinini  liber ,  Far;s, 
i58G,   in -8".  111.  Pro  suis  locis 


TIT 

controversis  assertio  adversus  Tvo- 
nem  quenidam  Filliotnarum ,  Flo- 
rence, iSSg,  in-4°-  C'est  mie  répli- 
que au  livre  précédent.  IV.  Nereas  ^ 
Carmen,  ibid. ,  iSSg,  in-4''.  C'est 
un  cpithalame  pour  célébrer  le  ma- 
riage de  Ferdinand  de  Médicis  avec 
Christine  de  Lorraine.  V.  M.  Aurelii 
Oljmpii  Nemesiani ,  et  T.  Cal- 
phurnii  Siculi  bucolica  ,  novis  coni- 
mentariis  exposita  ,  ilnd. ,  i  Sqo  , 
in-4'^.  VI.  Àd  Cœsaris  commen- 
tarios  de  Bello  Gallico  prœlectio- 
nes  quatuor,  ih\à.  ,  iSqo,  in -4"  , 
et  plusieurs  lettres  et  poésies  latines 
et  italiennes,  imprimées  dans  diiré- 
rents  recueils,,  F.  Ceffini,  Vita  di 
Roherto  Titi ,  dans  le  Giomale  de' 
letterati  d'Italia  ,  tome  xxxiii ,  p. 
177.  A — G — s. 

TITIEN  (  TiziANo  Vecelli  ,  ou 
LE  ) ,  le  plus  grand  peintre  de  l'école 
vénitienne ,  naquit  à  Pieve  de  Cado- 
re,  en  i477  (^)'  ^^^^^  s<^"s  la  férule 
d'un  instituteur  de  village ,  il  se  sen- 
tit entraîné  vers  les  arls ,  et  donna 
des  preuves  non  équivoques  de  son 
talent  pour  la  peinture.  Quelle  que  fût 
l'imperfection  de  ses  premiers  essais, 
on  eut  le  bon  esprit  de  ne  pas  le  con- 
trarier. Ses  parents  l'envoyèrent  à 
Venise,  oi!i  il  fréquenta  les  atcliersde 
Sébastien  Zuccato ,  assez  bon  ouvrier 
en  mosaïque,  mais  faible  dessinateur. 
Dégoûté  de  la  médiocrité  de  son 
maître ,  le  Titien  fut  attiré  par  la 
réputation  de  Gentil  Bellini  ,  qui  , 
mécontent  du  peu  d'empressement 
que  ce  jeune  élève  mettait  à  l'imiter, 
osa  lui  dire  qu'il  ne  serait  jamais 
qu'un  barbouille;ir.  Le  Titien  ne  se 
laissa  point  ébranler  par  la  sévérité  de 
cet  arrêt  :  il  s'éloigna  de  l'école  de 
Bellini,  avec  la  convictionden'y  avoir 

(i)  Vasari   s'«i»t  Ij-onip»  r»   )«  fai^cHt    iia'rtr»    'mi 


TIT 


>4o 


appris  que  ce  qu'il  fallait  éviter.  Il 
se  rapprocha  de  Giorgione,  dont  le 
dessin  lui  parut  plus  correct  ,  et  qui 
se  faisait  remarquer  par  l'éclat  de 
son  coloris.  Il  prolita  aussi  de  l'ai'ri- 
vée  de  quelques  peintres  flamands , 
dont  les  ouvrages  ,  pleins  de  vérité 
et  de  force,  donnèrent  une  sorte  d'in- 
décision à  son  style.  Ses  premiers 
tableaux  ont  presque  tous  ce  carac- 
tère vague,  que  l'on  pourrait  appeler 
les  tàtoimeraents  du  génie.  II  fallait 
pourtant  opter  entre  les  grands  mo- 
dèles qui  commençaient  à  paraître  en 
Italie.  L'esprit  humain  venait  de  rece- 
voir une  forte  impulsion  par  les  dis- 
putes théologiques  ,  le  triomplie  du 
platonisme,  les  découvertes  du  nou- 
veau monde  et  de  l'imprimerie.  Ni 
les  guerres  étrangères ,  ni  les  dissen- 
tions domestiques  n'avaient  pu  ar- 
rêter l'essor  des  Italiens  dans  les 
beaux  arts.  Donatello,  Léonard  de 
Vinci, le  Pérugin,  Bramante  ,  Man- 
tegna  ,  les  deux  Bellini ,  trouvaient 
des  protecteurs  à  Florence ,  à  Milan , 
à  Venise ,  à  Ferrare  ;  et  leurs  tra- 
vaux préparaient  déjà  le  grand  siè- 
cle de  Léon  X.  Tous  les  regards 
étaient  fixés  sur  ces  admirables  car- 
tons que  Léonard  et  Michel  -  Ange 
venaient  d'exposer  à  Florence,  lors- 
qu'une seconde  lice  s'ouvrit  à  Venise , 
où  les  bons  peintres  exerçaient  quel- 
quefoislc  métierde  décorateurs.  D'a- 
près cet  usage ,  les  savants  pinceaux 
de  Giorgione  et  du  Titien  furent  em- 
ployés (  i5o5  )  à  embellir  l'exté- 
rieur du  nouveau  Fondaco  de  Te- 
deschi ,  élevé  ,  comme  par  enchan- 
tement ,  sur  les  débris  fumants  de 
l'ancien.  Sortis  de  la  même  école  ,  et 
jouissant  tous  deux  d'une  réputation 
méritée  ,  Giorgione  avait  sur  sou  ri- 
val l'avantage  d'une  plus  longue  ex- 
périence dans  la  peinture  à  fresque  : 
aussi    ce  fut  à  lui  qu'échut  la   fa- 


î5o  TIT 

çade  principale  du  Fondaco  ,  tan- 
dis qu'on  reléguait  le  Titien  sur  l'un 
des  côtés  du  bâiiment.  Le  temps  n'a 

{)oint  respecté  leurs  ouvrages  ;  mais 
e  vœu  des  contemporains  fut  entiè- 
rement favorable  à  celui  sur  lequel  on 
comptait  le  moins,  ctle  Triomphe  de 
Judith  en  fut  un  pour  le  peintre  {'i). 
En  sortant  de  cette  épreuve  ,  le  Ti- 
tien s'occupa  de  la  composition  d'un 
tableau  pour  l'église  des  Frari ,  à 
Venise  (3).  Ses  figures,  plus  grandes 
que  nature,  choquèrent  l'œil  timide 
de  ces  spectateurs  habitués  aux  pe- 
tites dimensions  des  Bellini.  Cette 
première  impression  passée  ,  le 
public  revint  en  foule  admirer  ce 
chef-d'œuvre,  qui  plaçait  le  Titien 
au-dessus  de  tous  ses  rivaux.  Appelé 
successivement  à  Vicence  et  à  Pa- 
doue  ,  il  se  montra  partout  digne  de 
sa  renommée.  II  l'augmenta  encore 
en  achevant  (  i5ii  )  les  peintures 
que  Jean  Bellini  avait  entreprises  dans 
la  salle  du  grand-conseil  à  Venise. 
Un  de  ces  tableaux  ,  représentant 
l'empereur  Barberousse  aux  pieds  de 
son  orgueilleux  ennemi  Alexandre 
III ,  (4)  était  destiné  à  fixer  le  sou- 
venir de  cette  réconciliation  ^  à  la- 
quelle les  Vénitiens  avaient  eu  tant 
de  part.  Peu  satisfait  de  l'ébauche 
de  son  prédécesseur ,  le  Titien  re- 
commença l'ouvrage,  dont  il  accrut 
l'intérêt  en  mettant   en  scène   plu- 

(»)  Il  en  existe  une  ancienne  gravure  par  Me- 
tello. 

(3)  C'est  le  laMenu  de  Y  Assomption  qui  e^t 
maintenant  dans  les  salles  de  l'académie  des  bf  aux- 
arts,  à  Venise.  Il  vient  d'être  gravé  par  M.  Natale 
Schiavoni.  Dans  une  répcliliori  ,  qui  est  à  l'rgliso 
cathédrale  de  Vérone  ,  on  <roit  reconnaître  le 
portrait  du  fameux  architecte  Saamiclieli,  «uns  les 
traits  d'un  upolre. 

(4)  I.e  pendant  de  ce  lahleaii  représentait  Li  ba- 
taille de  ,S|)oret<? ,  livrée  par  le  même  empereur  , 
en  >i55.  Lllc  a. été  gravie  Jiar  Jules  Funtana.  Ce 
n'était  ni  la  bataille  de  Obiaradaddii  ,  r  onime  l'o 
«.TU  Vnnari .  ni  celle  de  Cndure,  comme  l'n  dit. 
Bidolfi.  L'autorité  de  ces  di  in  érrivains  a  entraîné 
dan»  l'errenr  M.  'l'iroj/i  ,  iini  ■  inipjiosé  (juc  le 
Titien  avait  pciiil  de.iix  Labiilli». 


TIT 

sieurs  des  personnages  les  plus  mar- 
quants de  son  temps.  Si  l'incendie 
de  1577  "'avait  pas  détruit  la  salle 
du  conseil,  on  aurait  la  satisfaction 
de  voir  les  portraits  de  Ferdinand  de 
Cordouc,  deBembo,  de  Sannazar  , 
de  l'Arioste  ,  de  Navagero  ,  de  Fra 
Giocondo  ,  groupés  ensemble  sur 
le  même  tableau.  Le  sénat  récom- 
pensa le  Titien  en  lui  accordant  la 
place  de  courtier  de  la  chambre  des 
Allemands  (  Sensale  del  Fondaco 
de  Tedeschi  )  ,  dénomination  bi- 
zarre par  laquelle  on  désignait  le  pre- 
mier peintre  de  la  république.  Parmi 
les  privilèges  de  cette  charge ,  le  plus 
honorable  était  de  peindre  chaque 
nouveau  doge  ,  pour  le  prix  conve- 
nu de  huit  écus.  La  réputation  du 
Titien  se  répandit  bientôt  dans  le 
reste  de  l'Italie.  Le  duc  de  Fer- 
rare  {Foy.  Alfonse  d'Esté, 
XIII ,  3'^3),  occupé  des  embellisse- 
ments de  son  palais  de  Castello , 
mettait  en  réquisition  tous  les  talents 
pour  rendre  cette  demeure  digne  de 
la  magnificence  d'un  grand  prince. 
Il  y  attira  le  Titien  ,  qui ,  chargé  de 
la  décoration  d'un  cabinet ,  peignit 
le  Triomphe  de  l'Amour  ,  et  ces  fa- 
meuses Bacchanales  (5),  qu'Augustin 
Carrache  proclama  les  premiers  ta- 
bleaux du  monde.  Ces  beaux  ou- 
vrages, enlevés  à  la  ville  de  Ferrare, 
lors  de  sa  réunion  aux  étals  de  l'É- 
glise (iGi';),  restèrent  quchpie  temps 
à  Kome,  avant  d'être  livrés  au  roi 
d'Espagne  par  le  cardinal  Ludo- 
visi  (()).  C'étaient  ces  mêmes  tableaux 
qui  avaient  servi  d'étude  au  Poussin, 
au  Barroche ,  au  Flamand  (  F.  Du- 
QUESNOY,  XII,  33'2  ),  à  l'Albane  ; 
que  Rubens  nedédaigna  pasde  copier, 


f/i)  ICIIes  furent  gravies  en  ifi3G  et  ifi'i" ,  par 
Podest'i  ,  médiocre  artiste  génois. 

(Il)  Il  n'en  resta  <pt'un  (Cul  ^  Romo  ,  dan»  la  go- 
l«ri«  l'amphili. 


TIT 

et  devant  lesquels  Mengs  ne  passait 
jamais  saus  tomber  en  extase.  On  ra- 
conte que  le  Domiuiquin ,  au  moment 
de  les  voir  partir  pour  l'Espagne ,  fon- 
dit en  larmes,  en  songeant  à  la  perte 
qu'allait  faire  l'Italie.  Pendant  son 
séjour  à  Ferrare ,  le  Titien  eut  occa- 
sion de  connaître  la  célèbre  Lucrèce 
Borgia  ,  dont  il  fit  le  portrait,  pour 
être  placé  à  côté  de  celui  de  son 
e'poux.  Il  travailla  aussi  pour  la  pre- 
mière édition  du  Roland ,  qu'il  enri- 
chit d'un  portrait  très  -  ressemblant 
de  l'auteur  [']).  On  prétend  que  l'A- 
rioste  consultait  souvent  le  peintre, 
et  que  celui-ci  puisait  à  son  tour  dans 
l'imagination  intarissable  du  poète. 
Pour  que  quelque  chose  de  sacré  vînt 
se  mêler  à  tant  de  sujets  profanes,  le 
Titien  peignit  le  Sauveur,  auquel  le 
pharisien  montrait  le  denier  de  César. 
Ce  tableau,  connu  sous  le  nom  du 
Christ  à  la  monnaie ,  forme  mainte- 
nant un  des  principaux  ornements  de 
la  galerie  de  Dresde  f  8) .  A  son  retour  à 
Yenise  (  1 5 1 5) ,  le  Titien  reçut  du  pa- 
pe l'invitation  de  se  rendre àllome. 
C'était  Bembo  qu'on  avait  chargé  de 
cette  négociation,  qui  ne  paraissaitde- 
voir  rencontrer  aucun  obstacle.  Les 
souvenirs  de  l'ancienne  reine  du  mon- 
de, la  renommée  de  Michel-Ange  et  de 
Raphaël  étaient  en  effet  des  moyens 
bien  puissants  sur  l'imagination  d'un 
artiste.  Le  Titien  allait  se  conûer  à 
l'hospitalité  de  Léon  X ,  lorsque  ses 
amis  vinrent  le  détourner  de  ce 
voyage.  Jaloux  de  pos'^éder  un  ci- 
toyen si  illustre ,  ils  lui  firent  per- 
dre l'occasion  la  plus  favorable 
pour  agrandir  son  talent.  Le  Titien 


(7)11  a  <'tc  gravé  par  Sauderat  et  Fiquct.  Un  antre 
porlrait  de  l'Ariostc,  de  grandeur  iiahirelle,  et  en 
habit  de  vcïonrs  noir  donl.lé  de  toiUTiires ,  e-it 
maintenant  à  la  galerie  de  M.  Viaiiuli  ,  à  Venise. 
(8^  11  eti  eiislo  aiKsi  de*  rp'p<'liîîons  à  l*r5rnrifil  el 
à  Florenr«.  Il  •  ete  grnvé  par  Bota  ,  Gall ,  ZuccKi , 
Ma»iir<i  ,  etc. 


HT  i5i 

n'aurait  pas  vu  sans  profit  les  chefs- 
d'œuvre  des  anciens;  il  se  serait  plu 
à  rendre  justice  au  mérite  de  ses  con- 
frères ;  et  l'on  n'aurait  peut-être  pas 
à  reprocher  une  trop  grande  rudesse 
de  formes  à  Michel- Ange,  une  cou- 
leur quelquefois  terne  à  Raphaël ,  et 
l'absence  du  beau  idéal  dans  plusieurs 
tableaux  du  Titien.  Il  y  aurait  eu 
échange  du  génie;  et  les  résultats  eu 
eussent  été  incalculables  pour  les 
arts.  François  I'"".  échoua  aussi  au- 
près du  Titien  ,  qui  préféra  tou- 
jours le  bonheur  domestique  aux 
promesses  les  plus  brillantes  de  la 
fortune.  Il  ne  s'éloignait  de  Venise 
que  pour  visiter  ses  parents  et  revoir 
les  lieux  témoins  de  son  enfance.  Ce 
fut  dans  une  de  ces  courses  qii'il  or- 
na d'arabesques  ce  boudoir  qu'un  de 
ses  descendants  (9)  montre  encore 
avec  orgueil  aux  étrangers.  Ou  doit 
rapporter  à  la  mêmeépoquerAunon- 
ciation  de  la  Vierge  (  i  o),  le  Saint  Sé- 
bastien (11),  le  Saint  Jean -Baptiste 
dans  le  désert  (  1 2),  et  un  beau  tableau 
dans  lequel  on  croit  reconnaître  le  por- 
trait de  cette  paysanne (i3jdestinéeà 
remplacer  Lucrèce  Borgia ,  et  à  re- 
nouveler la  souche  des  princes  d'Es- 
té. Mais  un  plus  bel  ouvrage  est  le 
Saint  Pierre  martyr  ,  dans  lequel  le 
peintre  s'est  élevé  au-dessus  de  lui- 
même.  Trois  figures  ,  toutes  remar- 


(q)  M.  Alexandre  Vecelli ,  de  Pieve  de  Cadore. 

(10)  Dans  l'église  de  Saint-Roch,  à  Venise.  Gra- 
vé par  t'.ort. 

(ix'\  Au  Quirinal.  Ce  tab'ean  fut  acheté  par  Clé- 
ment XIV.  Il  a  été  gravé  par  Leiebre^  L^  Por- 
denone  ,  en  le  vovant  pour  îa  première  fois  dans' 
l'église  de  .Sainl-NicoI..s  ,  s'écria  :  «  Ce  n'est  pas 
»  de  la  couleur  ,  mais  de  la  chair.  >> 

(lal  Dans  l'académie  de  peinture,  à  Venise.  Ce 
taLleau  a  été  gravé  par  plusieurs. 

(l3^  Au  Louvre.  Il  a  été  eravé  pnr  Toi-sler.  Un 
outre  portrait  pareil,  mais  mii-ut  ron.<eryé  .a  été 
acheté  dernièrement  par  lurd  Slc".irl  ,  à  \  eiiise. 
for.  «urro  dernier  tableau  une  brochure  intitulée  : 
litiazirnr  ,1,  iluc  quctin  </<  Tiziaiio  l'tcclli  (  par  le 
cuml*  Ciojnar*  },  V«ni»e,  ifliij,  io-^"- 


iSa 


TIT 


quables  par  !a  pureté  du  dessin  et  par 
la  force  de  l'expression,  se  détachent 
sur  lefond  d'une  forêt.  Le  Saint ,  en  vê- 
tements blancs,  et  aux  pieds  de  son 
bourreau ,  fait  de  vains  efforts  pour 
se  relever  :  mais  désormais  il  ne  res- 
te plus  d'espoir  ;  et  le  bras  de  l'as- 
sassin va  frapper  les  derniers  coups. 
Le  dangrr  est  imminent;  et  la  ter- 
reur de  la  mort  é'oigne  de  la  vic- 
time son  propre  compagnon  de  voya- 
ge. Deux  a^)ges  viennent  assister  à  son 
trépas ,  et  lui  apporter  les  palmes  du 
martyre.  Ce  tableau  a  toujours  été 
regardé  comme  l'ouvrage  capital  du 
ïitien.  Le  sénat  de  Venise  en  avait 
défendu  la  sortie  sous  peine  de  mort- 
et  il  a'a  fallu  rien  moins  que  l'épée 
d'un  conquérant  pour  violer  impuné- 
.nient  un  tel  arrêt  (i  4).  L'admiration 
des  Vénitiens  pour  ce  grand  peintre 
n'eut  plus  de  bornes.  Paris  Bordone 
et  Palme  le  vieux  briguèrent  la  faveur 
de  travailler  sous  ses  yeux.  L'Arétin , 
qui  narguait  les  rois,  devint  le  flat- 
teur du  Titien,  dont  la  belle  ame 
était  digne  d'un  meilleur  ami.  S'il 
est  vrai,  comme  on  l'assure,  qu'il 
en  recevait  souvent  des  avis,  il 
fant  l'admirer  doublement  de  ne  s'ê- 
tre point  laisse  pervertir  par  un  aussi 
mauvais  conseiller.  Il  nous  en  a  con- 
servé les  traits  (i5),  ainsi  que  de 
presque  tous  ceux  qui  fréquentaient 
sa  maison.  C'était  un  jeu  pour  lui 
que  de  donner  l'immortalité  à  ses 
amis.  Son  médecin  (K)),  son  confes- 
seur, qui  l'était  en  même  temps  de 


fi4)  Ccli.l.l<aii,  <.nIi-v,:ii|Vgl|,e  de  Sainl-Jran  H, 
Sïint-Paul ,  .-.si  rc  It^  uu  I.ouvrejusqii'à  l'anix^c  iHiS', 
iju'ilaéle  rrndii  au  Kuuveriiciueul  aulricbicn.  Gra- 
ve por  Lcfebre,  Rola,  Fuiitaiin,  ('o<hin,  I.aiirenr, 
«te.  y  or  l'iirni'ia  ilrl  i/unrlio  ili  Tiziann  rap/iif- 
j' niante  .V.  J'ieliu  mniliie  ,  lettiia.  Venise  i8«3 
iii-8". 

'i5^  I.e  |ilu>  lieaii  porlrait  de  l'/VrelIn  eut  à  la  ga- 
lerie de  Florence,  lia  ete  «lave  par  Hollar  cl  Jr,de. 

(  i(il  II  s'appelait  Parrua  :  fun  purtrait  cal  ^  la  ga- 
lerie iuipcriald  de  Viitiiii*. 


TIT 

l'Arétin,  exercèrent  tour-à-tour  son 
pinceau.  Il  se  dérobait  souvent  à  ces 
petits  soins  pour  traiter  des  sujets 
empruntés  à  l'histoire  ou  à  la  mytho- 
logie. C'était  Cornclie  s'évanouissant 
dans  les  bras  de  Pompée;  Lucrèce  ou- 
tragée par  Tarquin  (17),  et  s'arra- 
chantla  vie  pour  expier  une  faute  in- 
volontaire (18)  ;  Saint  Jean  Vytumô- 
nier{iQ)-  la  Femme  adultère,  les 
Pèlerins  d'Emmaiis  ,  faisant  par- 
tie de  la  collection  du  Louvre  (20). 
Vers  la  fin  de  iSsg,  le  Titien  se 
rendit  à  Bologne  ,  pour  peindre 
Charles -Quint.  Il  devait  cette  fa- 
veur à  l'Arétin ,  qui  l'avait  recom- 
mandéau  cardinal  HippolytedeMédi- 
cis.  S'il  est  permis  d'ajouter  foi  aux 
historienscontemporains,  jamais  res- 
semblance n'aurait  été  plus  frappan- 
te :  les  passants,  se  croyant  en  pré- 
sence de  leur  maître ,  rendaient  à  ce 
portrait  les  mêmes  hommages  qu'à 
l'original.  A  l'exemple  de  l'empereur, 
les  princes,  les  cardinaux,  les  dames 
les  plus  renommées  par  leur  beauté, 
les  hommes  les  plus  célèbres  parleur 
rang  et  leur  savoir,  chacun  voulut 
être  peint  par  un  aussi  grand  maître. 
Charles-Quint  posa  jusqu'à  trois  fois 
devant  lui ,  et  il  le  combla  d'honneurs 
et  de  richesses.  Non  content  de  lui 
avoir  accordé  des  pensions ,  il  lui 
envoya  plus  tard  la  croix  de  che- 
valier et  le  diplôme  de  comte  pa- 
latin. En  public,  à  la  promenade,  à 
cheval ,  il  lui  cédait  toujours  la  droi- 
te jet  lorsque  les  courtisans  osaient  lui 
en  faire  la  remarque  :  «  Je  puis  bien 
»  créer  un  duc ,  répondait-il  ;  mais 
»  où  trouverais-je  un  autre  Titien?  » 


(i-M>hilili 'lall    dan»    la   galerie  du    comte 

d'Arniidetl ,  en  Angleli'rre.  (irave  par  Cort. 

(iH)  Deiii  lal.leaux  sur  le  luèine  sujet  font  par- 
lie  de  la  Kalii'ie  Liu{ii'rialc  de  Vienne. 

fil))  Dans  l'église  do  Saint- Jcau  ,  pris  U  pont  île- 
Uiallii  ,  ù  Venise. 

(îii)  (iravc  par  Striàui. 


TIT 

Vous  méritez  d'être  servi  par  unem- 
j)ereur,à\i  unautrejour  le  maître  du 
moude  à  l'artiste  ,  dont  il  s'empres- 
sait de  ramasser  le  pinceau.   Paul 
III,  qui  s'était  fait  peindre  a  Bolo- 
gne, fut  loin  d'imiter  la  générosité 
de  Charles -Quint.  Il  ne  sut  récom- 
penser le  mérite  du  Titien  qu'eu  lui 
proposant    d'accepter  V  OJficio   del 
Piombo ,  du   vivant  même  de  Fia 
Sébastien  (  F.  ce  nom ,  XLI ,  4o5  ). 
Le  peintre  remercia  le  pontife  ;   et  il 
ne  voulut  prendre  avec  lui  d'autre 
engagement  que  d'aller  le  rejoindre 
à  Rome.  Il  se  passa  encore  quelque 
temps   avant  qu'il   pût    réaliser    ce 
projet.  Ce  ne  fut  qu'en  i545  qu'il 
se   mit   en  route  pour    la    capitale 
du   monde  chrétien.   Peu  de  temps 
avant  son  départ,  le  sénat  lui  donna 
une  marque  éclatante  de  son  esti- 
me, en  l'exceptant,  par  un  privi- 
lège unique,  d'un  nouvel  impôt  le- 
vé   indistinctement  sur   toutes    les 
classes    de    citoyens.    L'admiration 
publique  se  manifestait  partout   sur 
son  passage.  Le  duc  d'Urbin  alla  à 
sa  rencontre,  et  le  ramena  eu  triom- 
phe dans  son  château.  Il  le  fit  ensuite 
escorter  jusqu'à  Rome,  où  le  cardinal 
Farnèse  s'était  chargé  de  lui  préparer 
un  logement  dans  le  palais  de  Belvé- 
dère. Le  Titien  y  fut  reçu  par  Michel- 
Ange  ,  qu'd  avait  tant  désiré  connaî- 
tre, et  il  chercha  partout  Raphaël,  qui 
déjà  ne  vivait  plus  que  dans  ses  ouvra- 
ges. D'un  âge   beaucoup   trop   mûr 
pour  profiter  de  ce  qu'il  voyait ,  le 
Titien  ,  sans  orgueil  et  sans  jalousie , 
était,  plus  qu'aucun  autre,  disposé  à 
rendre  justice  à  ses  rivaux.  Son  sé- 
jour à  Rome  ne  dura  qu'une  année* 
mais  cette  année  ne  fut  point  perdue 
pour  les  arts.  II  y  travailla  pour  le  pape 
et  pour  les  Farnèse;  et  c'est  le  musée  de 
Tsaples  qui  a  hérité  du  beau  portrait 
de  Paul  III ,  et  de  cette  belle  Danaé , 


TIT 


[53 


qui  fut  commandée  par  le  duc  Octa- 
ve.   La   figure  principale  ,   étendue 
sur   un  lit   de  velours,  tourne  vo- 
luptueusement ses  regards  vers  le  ciel 
obscurci  par  un  épais  nuage.  La  pluie 
dor  tombe  sur  sou  sein,  tandis  que 
Cupidon  s'éloigne  satisfait  envoyant 
le  plus  graud  des  dieux  soumis  à  la 
puissance   de  son  arc.  Le  bras  de 
l'Amour  ,  qui  ressort  du  fond  du  ta- 
bleau par  la  force  des  ombres ,  est 
peut-être  le  raccourci  le  plus  hardi 
qu'on  ait  jamais  conçu.  Michel-Ange 
ne  se   montra    pas  satisfait    de  cet 
ouvrage  :  il  lui  reprocha  même  quel- 
ques défauts:  et  il  dit  un  j  our  à  Vasari  : 
«  Que!  dommage  qu'à  Venise  on  n'ap- 
»  prenne  pas  à  bieu  dessiner  I  Si  le 
»  Titien    était  secondé   par  l'art  , 
»  comme  il  a  été  favorisé  par  la  natu- 
»  re  ,  personne  au  monde  ne  ferait  si 
1)  vite  ni  mieux  que  lui,  »  Ce  juge- 
ment a  trouvé  des  apologistes  et  des 
contradicteurs.  Les  uns  en  ont  pro- 
fité    pour   déprécier    l'école     véni- 
tienne: les  autres  se  sont  crus  autori- 
sés à  élever  le  Titien  aux  dépens  de 
Michel-Ange.  On  se  battit  alors  pour 
ces  grands  peintres  à  peu-près  comme 
on  faisait  pour  le  Tasse  et  pour  l'A- 
lioste.  IMais  si  l'on  avait  réfléchi  au 
peu  d'analogie  qu'il  y  a  entre  leur 
style,  on  n'aurait  peut-être  pas  pris  la  ' 
peine  de  les  comparer.  ]Michel-Ange 
ne  songeait  qu'à  vaincre  les  diilicul- 
tés  ;  le  Titien  cherchait  à  les  éviter. 
L'un  n'étudiait  la  nature  que  pour 
l'outrer,  l'autre  se  coutentait  de  la 
bien  saisir  j  et  c'est  ainsi  que  ,  par 
des  routes    opposées  ,    ils    parvin- 
rent   au    même    but  ,    qui    est    de 
plaire  et  d'étonner.  Mais  leur  exem- 
ple  eut  une  fâcheuse  influence  sur 
l'art  en  Italie.  Les  imitateurs  de  Mi- 
chel-Ange ,  cherchant  le  merveilleux 
partout,  se  jetèrent  dans  l'exagéra- 
tion ;  et  les  élèves  du  Titien^  séduits 


154 


TIT 


par  une  certaine  simplicité'  apparen- 
te, tombèrent  dans  le  trivial.  Dans 
ce  rapprochement  force  entre  deux 
artistes  si  peu  ressemblants,  un  habi- 
le écrivain  a  trouve'  récemment  une 
occasion  d'exposer  ses  idées  sur  le 
beau  idéal.  Selon  M.  Majer  (9.1),  on 
pourrait  presque  se  passer  des  monu- 
ments anciens  etaspirer  à  la  gloire  de 
grand  peintre  ,  par  la  seule  imitation 
de  la  nature.  Si  de  tels  principes  n'é- 
taient point  absolus  ,  on  pourrait 
les  admettre.  Mais  soustraire  les 
arts  à  l'influence  du  génie  ,  con- 
damner les  études  sévères  de  Mi- 
chel-Ange et  de  Raphaël  ,  renon- 
cer à  ces  formes  divines  consacrées 
par  le  ciseau  de  Phidias  et  de  Praxi- 
tèle ,  nous  paraît  un  tel  paradoxe  , 
que  l'exemple  seul  du  Oorrége  ne 
suffit  pas  pour  l'établir.  jM.  Majer 
a  dû  en  sentir  l'absurdité  lui-même, 
lorsqu'en  acceptant  toutes  les  consé- 
quences de  sa  théorie  ,  il  a  été  obli- 
gé de  soutenir  que  les  figures  d'un 
bossu,  d'un  boiteux,  d'un  borgne, 
bien  que  défectueuses  en  e'.les-mèmes, 
pouvaient,  dans  certains  cas  ,  rius- 
cire  hellissime  (pag.  8).  Et  c'est  à 
l'appui  de  ces  maximes  éminemment 
romantiques  ,  qu'on  ose  invoquer 
l'autorité  de  Virgile  et  du  Tasse  ! 
En  sortant  de  Rome,  le  Titien  prit 
la  route  de  Florence  pour  y  admirer 
la  magnificence  des  Médicis.  Il  n'y 
inspira  aucun  enthousiasme,  et  bri- 
gua vainement  la  faveur  de  faire 
le  portrait  d'un  prince  que  l'his- 
toire représente  comme  un  zélé  pro- 
tecteur des  arts.  (  Fof.  Cosme  de 
MÉDICIS  ,  XXVIII  ,  7G  ).  Mécon- 
tent du  séjour  de  la  Toscane  ,  le  Ti- 
tien se  hâta  d'arriver  à  Venise,  où 
il  était  a|)|)el(,' par  le  vo-u  de  ses  amis 


:-,,)  DrW  i,,„i.,t,.,„c  ,nll„nr„.  ,IAI'  crAl  ■„■.,, 
Jellr  ttprre  th  'J  tmiann  ^  «  dtUa  viln  </i  Zutano  , 
V«iiii«  ,  1818,  in-8". 


TIT 

et  par  ses  affections  domestiques.  II 
aurait  pu  y  terminer  sa  vie  dans  le 
repos  que  son  grand  âge  devait 
lui  rendre  nécessaire;  mais,  par  un 
privilège  peu  commun  parmi  les 
hommes  de  génie,  le  Titien  touchait 
à  sa  soixante -dixième  année  sans 
avoir  presque  rien  perdu  de  la  vi- 
gueur de  sa  jeunesse.  Dominé  par 
l'amour  du  travail ,  il  s'y  livra  avec 
une  nouvelle  ardeur ,  et  ce  fut  de  la 
main  d'un  vieillard  que  l'on  vit  sortir 
tant  de  beaux  ouvrages.  Charles - 
Quint,  qui  semblait  ne  pouvoir  pi  us  se 
passer  de  lui,  l'avait  fait  venir  deux 
fois  à  Augsbourg  (  i54i3  et  i55o  )  , 
devenu  le  rendez-vous  de  ce  qu'il 
y  avait  alors  de  plus  illustre  en 
Europe.  Il  l'emmena  ensuite  à  Ins- 
priick,  où  ce  prince  passa  pour  sur- 
veiller de  plus  près  le  concile  de 
Trente.  Au  moment  d'échouer  dans 
son  vaste  projet  de  monarchie  uni- 
verselle, il  voulut  jouir  d'avance  de 
son  apothéose;  et  le  Titien  composa  un 
tableau,  où  la  Trinité,  escortée  d'une 
troupe  de  chérubins  ,  apparaît  dans 
les  airs  pour  recevoir  les  hommages 
de  la  Vierge  et  des  Saints.  Elle  ac- 
cueille en  même  temps  les  prières  des 
anges,  qui  lui  présentent  les  membres 
de  la  famille  impériale.  Des  rayons 
éblouissants,  lancés  du  trône  de  l'É- 
ternel, se  brisent  sur  les  nuages,  et  par 
des  reflets  variés  retombent  sur  les  fi- 
gures artistement  disposées  au  pre- 
mier plan.  La  beauté  des  formes, l'har- 
monie des  couleurs ,  et  les  torrents  de 
lumière  qui  jettent  un  si  vif  éclat 
sur  cette  admirable  composition, 
tout  concourt  à  plonger  l'ame  dans 
le  ravissement  et  dans  l'extase.  Ce  ta- 
bleau ,  ébauché  à  Inspruck,  ne  fut 
terminé  qu'en  1 55:") ,  ])oiir  cire  placé 
sous  les  yeux  de  Cliarles-Quint,  à 
Sainl-Just  [il).  Le  Titien  ne  laissait 
échapper  aucune   occasion  de  satis- 


TIT 

faire  l'avidité  et  l'ambition  de  l'Are'- 
tin.  Par  ses  discours  il  e'tait  parvenu 
à  lui  faire  envoyer  des  présents  et 
une  dot  pour  sa  fille  Aiistria.  Il  se 
flatta  même  de  lui  avoir  obtenu  le 
chapeau,  et  il  se  bâta  de  lui  en  faire 
partager  l'espérance.  L'Arétiu  le  re- 
mercia, eu  lui  donnant  le  titred'/iom- 
me  divin ,  qu'il  avait  d'abord  usurpé 
pour  lui-même.  A  son  retour  d'Alle- 
magne, le  Titien  fut  admis  au  sénat 
poury  rendre  compte  des  circonstan- 
ces de  son  voyage  :  distinction  bono- 
rablc,  qui  n'était  accordée  qu'aux  am- 
bassadeurs! On  le  pria  aussi  de  pren- 
dre part  aux  embellissements  de   la 
chambre  du  conseil;  mais  surchargé 
de  travail,  et  mettant  plus  d'importan- 
ce à  terminer  ce  qu'il  avait  entrepris, 
il  se  fit  remplacer  par  le  Tinlorct,  par 
Paul  Vérouèse  et  par  son  propre  fils 
Horace,  dont  il  avait  soigné  l'éduca- 
tion. C'est  ainsi  qu'il  répara  le  tort 
d'avoir  écarté  de  la  salle  de  la  bi- 
bliothèque le  Tintorel,  dont  il  n'avait 
rien  à  redouter.  Ne  songeant  désor- 
mais qu'à  mériter  la  faveur  du  nou- 
veau chef  delà  monarchie  espagnole , 
il  consacra   ses  dernières  années  à 
multiplier  les  jouissances  de  l'esprit 
sombre   et   inquiet  de  Philippe  II. 
Après    avoir    terminé   une    grande 
composition  allégorique  (^3)  pour 
Charles-Quint,  il   peignit  Diane  et 
Actéon,  Andromède  et  Persée,  Mé- 
déc  et  Jason,  Pan  et  Syriux,  Vénus 
et  Adonis  (-24),  qui  sont  plutôtdcspoc- 
mes  que  des  tableaux.  Nous  en  avons 
déjà  nommé  un  grand  nombre^  et 
cependant  nous  sommes  encore  loin 
de  les  avoir  fait  connaître  tous.  On 


TIT 


55 


(lï)  Apri's  la  mort  de  l'empereur  (i55S)  ,  ce  ta- 
bleau en  suivit  le  cercueil  \  l'Escurial ,  dout  il  ac- 
crut les  trésors.  Il  fut  gravé  par  Corl  ,  eu  j5t)6  , 
«ous  les  yeux  du  Titien  ,  à  Venise. 

(»3)  C'est  le  CarneuT  lahleau  de  la  Religion  ,  qui 
Mt  à  rEscurial.  Grave'  par  t'ontana. 

(»4)  Grav<  par  Julc«  Sauuto  ,  Rol«,  Sadcler,  etc. 


verra  parla  ,  s'il  est  possible  de  bien 
juger  le  Titien  ailleurs  qu'en  Espa- 
gne. C'est  un  grand  malheur  pour  les 
arts ,  que  les  plus  beaux  ouvrages  de 
ce  peintre  appartiennent  à  un  pays 
où  ils  sont,  pour  ainsi  dire,  ensevelis. 
Soit  réserve,   soit  insouciance,   les 
artistes  espagnols  n'ont  jamais  son- 
gé  à   les  graver  ;  et  il   ne  faudrait 
qu'un  incendie  de  l'Escurial  ,  pour 
nous   dérober  à    jamais    la    jouis- 
sance de  tant  de  chefs-d'œuvre.  Si 
l'on  devait  s'en  rapporter  aux  paro- 
les d'un  personnage  auguste,  ce  mal- 
heur serait  déjà  arrivé,  et  une  émeu- 
te populaire  aurait  dispersé  en  un 
jour  ,  ce  que  plusieurs  siècles  ne  sau- 
raient reproduire  (iô).  Mais  Char- 
les IV,  qui  en  a  répandu  le  bruit, 
était  si  peu  au  fait  de  ce  qui  con- 
cernait son  royaume,  que  l'on  doit 
conserver    encore    quelque   espoir. 
Ce  qui  j)araît  incontestable ,   c'est 
que  plusieurs  tableaux  du  Titien  pé- 
rirent dans  l'incendie  du  Pardo ,  en 
i6o8.  Ou  raconte  même  que  Philippe 
III  se  consola  de  la  perte  de  ce  pa- 
lais, en  apprenant  qu'on  avait  eu  le 
temps  de  sauver  une  ï'énus  du  Ti- 
tien. Ce  peintre  suspendit  ses  tra- 
vaux en  155^,   pour  aller  pleurer, 
loin  de  Venise,  la  peite  de  son  ami 
l'Arétin.  Il  s'arrêta  quelque  temps 
chez  Nicolas  Francipane  à  f  arcento , 
et  chez  Adrien  da  Ponte  à  Spilem- 
berg.    La    fille    de    ce   dernier   lui 
inspira  le  plus  tendre  intérêt,  et  il 
prenait  plaisir  à  suivre  les  progrès 
de  celte  jeune  personne,  losqu'une 
mort  ]irématurée  vint  la  moissonner 
au  printemps  de   son  âge.   Frappé 
de  ce  nouveau  malheur ,  il  prit  de 
l'attachement  pour  un  jeune  littéra- 
teur, dont  il  fit  son  ami  et  son  élève. 


(îS'l  L'auteur  de  cet  article  a  entendu  racont*» 
re  malheureux  événemeut  en  Italie  ,  (lar  Cliarl»»  IV 
lui-uènir. 


i56 


TIT 


(  Voy.  Verdizotti  ).  Il  apprit  bien- 
tôt (i  558)  la  mort  de  son  auguste 
bienfaiteur  Charles-Quint,  et  pour 
qu'aucune  de  ses  affections  ne  fût 
épargnée  ,  il  eut  à  déplorer  les  écarts 
de  son  propre  fils  Pompouius , 
qui  par  ses  débauches  déshonorait 
son  nom  et  son  caractère  sacerdo- 
tal (^6).  Dévoré  par  tant  de  cha- 
grins ,  le  bon  vieillard  éprouva  , 
pour  la  première  fois ,  le  besoin  de 
chercher  quelques  consolations  dans 
le  travail.  Son  imagination ,  fermée 
aux  sujets  profanes  ,  s'éleva  à  la  con- 
templation de  plus  grandes  souffi-an- 
ces  pour  tâcher  d'oublier  sa  dou- 
leur. Il  peignit  le  Martyre  de  saint 
Laurent  (27)  ,  la  Flagellation  de 
J.-C.  (28),  la  Madeleine  ,  dont  on 
connaît  plusieurs  répétitions  (2C)),  et 
surtout  cette  fameuse  cène .  fruit  de 
sept  années  d'études ,  et  qu'il  décla- 
rait lui-même  son  meilleur  ouvrage. 
Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  rien 
dire  de  ce  tableau ,  dont  il  n'existe 
qu'une  mauvaise  gravure,  soi'tie  de 
l'atelier  de  Bertelli,  et  qui  demeure 
inaperçu  dans  le  réfectoire  du  cou- 
vent de  Saint-Laurent,  à  l'Escurial. 
Ainsi  le  Titien  ,  qui  avait  débuté  par 
l'Assomption,  marquait  son  déclin 
par  la  Cène,  laissant  la  postérité  in- 
décise entre  ses  premiei's  essais  et  ses 
derniers  chefs-d'œuvre.  Luttant  avec 
avantage  contre  les  années ,  il  put  en- 
core, en  1 564 ,  se  charger  de  l'exécu- 
tion de  trois  grands  tableaux  pour 
l'Hôtel-de-Ville  de  Brescia  (3o) ,  et 

{■>.(>'  Le  l'ilicii  ft:.it  parvenu  à  lui  oljlciiir  une 
l>la  e  Ho  chanoine  à  Milan. 

(17)  (".c  tableau  est  reste  quelnue  temps  au  Lou- 
Tre  ;  il  lut  rendu  en  i8iïi,  fi  I  église  des  Crocie- 
cbicii  &  Venise  ;  grave  par  Cort  et  Sadeler. 

(78)  D»D»  l.t  galerie  du  roi  de  Portugal  ^  Lin- 
lioime, 

(jf))  Trois  h  Venise,  deux  à  Florence,  une  "r. 
rKKeurial.  Ce  Ijilileini  n  e'tr  K^i^vii  par  Cort ,  Roln  , 
l'urabarl  ,  Danker  ,  Illol ,  elr. 

(!îo)  O»  tableaux  ont  péri  dnn»  un  incendie,  f  tn 
n'a  r'insiTvé  que  la  gravure  cpie  Cort  fil  ,  en  i.*»"!, 
«lu  laiiU-au  rrpr''»*^i*a»it  la  Titrine  de  Vtilratti. 


TIT 

traiter  quelques  autres  sujets  pour  les 
églises  de  Venise  (3i).  On  dit  qu'un 
jour  rentrant  chez  lui,  et  voyant  qu'on 
lui  avait  rendu  un  de  ses  tableaux 
(l'Annonciation) ,  pour  y  faire  des  cor- 
rections, il  le  renvoya  en  écrivant  au 
bas  TitianusfecitfJ'ecit;  ne  craignant 
pas  de  s'en  déclarer  deux  fois  l'au- 
teur. Mais  il  touchait  enfin  à  cet  âge 
regardé  comme  le  dernier  terme  que 
l'homme  puisse  atteindre.  Cent  ans 
d'une  vietoujours active  et  si  féconde 
en  prodiges,  ne  lui  avaient  presque 
rien  ôtc  de  son  énergie.  Il  travaillait 
encore,  lorsqu'en  1576  une  maladie 
contagieuse  se  manifesta  dans  quel- 
ques quartiers  de  Venise.  Mercuriale  et 
Capodivacca ,  professeurs  distingués 
de  l'université  de  Padoue,  sont  ap- 
pelés pour  en  étudier  les  symptômes. 
Trompés  par  les  apparences  du  mal, 
ils  entraînent  tout  le  monde  dans 
Terreur  et  empêchent  de  prendre  des 
mesures  pour  arrêter  ce  fléau.  En  peu 
detempstoutelavillefut  en  jiroie  aux 
horreurs  de  la  peste,  et  le  Titien, 
qui  avait  eu  l'idée  de  se  réfugier  à 
Cadore,  périt  victime  de  sa  confian- 
ce. Lesénat,  dérogeant  à  un  règlement 
très-sévère  qui  ordonnait  la  destruc- 
tion des  cadavres  pestiférés,  permit 
que  les  restes  de  ce  grand  peintre  fus- 
sent déposés  dans  l'église  des  Frari. 
Horace  ,  son  fils  aîné  ,  frappé  de  la 
même  maladie ,  le  suivit  de  près  au 
tombeau  ,  et  dès  que  la  crainte  de  la 
contagion  fut  passée,  l'autre  fils, 
Pomponius,  accourutdeMilan ,pour 
vendre  et  gaspiller  l'héritage  pater- 
nel. Cet  enfantdénaturé,  insensible  à  la 
gloire  de  sou  père  ,  ne  s'occupa  nul- 
lement d'en  honorer  la  mémoire;  et 
ce  fut  une  main  étrangère  qui  grava  , 


(3i^  I.a  Transfiguration  du  Seigneur  et  l'Annon- 
ciation lie  la  Vierge,  pour  l'église  du  SalMl-.Sanvcur. 
Ce  dernier  («Ideau  a  été  gravé  par  Lcfehre  «t   par 


TIT 

pour  la  première  fois,  le  nom  du 
Titien  sur  une  pierre  sépulcrale. 
Quarante-cinq  ans  plus  tard,  le  jeune 
Palme  lui  éleva  un  buste  à  cote  de 
celui  de  son  aïeul,  Palme  le  vieux  , 
dans  l'église  de  Saint-Jean  et  Saint- 
Paul.  En  1794»  on  eut  l'idée  d'ouvrir 
une  souscription  pour  lui  dresser  un 
magnilique  sarcopbage.  Canova  en 
avait  déjà  présenté  le  projet ,  et 
sansles  malheurs  qui  fondirent  sur  la 
république,  il  aurait  consacré  la  mé- 
moiredu  cliefde  l'école  vénitienne  par 
un  ouvrage  dignede  l'un  et  de  l'autre. 
Le  Titien  n'a  été  étranger  à  aucun 
genre  :  son  talent  varié  les  embrassa 
tous  ,  et  il  brilla  tour-à-tour  dans  les 
sujets  sacrés  ,  profanes,  mythologi- 
ques et  champêtres.  Sévère  dans  le 
choix  des  figures,  il  ne  le  fut  pas 
moins  pour  les  détails -dans  ses  com- 
positions rien  n'est  inutile  ,  et  tout 
paraît  nécessaire  :  on  n'oserait  sup- 
primer les  moindres  accessoires  sans 
craindre  de  détruire  l'harmonie  de 
l'ensemble.  Peintre  inimitable  de  la 
nature ,  il  a  excellé  surtout  à  expri- 
mer les  nuances  les  plus  délicates  , 
les  sentyuents  les  phis  opposés.  C'est 
le  même  pinceau  qui  a  imprimé 
rhorreur  de  la  mort  sur  le  visage  de 
saint  Pierre  martyr ,  la  résignation 
sur  le  front  du  Sauveur  ,  la  pudeur 
dans  la  Vierge,  la  honte  dans  Calis- 
te,  (3'2)  l'innocence  dans  les  anges,  la 
volupté  dans  Vénus  ,  la  douleur  dans 
Marie  ,  l'ivresse  dans  les  bacchantes. 
11  ne  se  bornait  pas  à  bien  saisir  le 
caractère  d'une  passion;  il  la  nuan- 
çait de  plusieurs  manières  ,  en  mar- 
quant, pour  ainsi  dire,  les  degrés  de 
soulliance  de  chacun  des  principaux 
acteurs.  Dans  la  dé^josition  du  Christ 
au  tombeau  (33) ,  par  exemple  ,  tout 

l-la)  Gravé  par  t'.ort  et  Kessel. 
(33)  U  en  existe  cleiix  repelitinns  à  Venise  :  une  k 
l'acarlrcni*   des  iMMiiix-orts  ,    l'autre  i    la  galerie  de 


TIT  157 

le  monde  est  frappé  de  douleur;  mais 
l'on  voit  la  Vierge  souflrir  plus  que  la 
Madeleine  et  saint  Jean ,  qui  sont  à 
leur  tour  plus  accablés  que  Joseph  et 
Nicodème.  Nous  ne  sommes  plus  en 
état  de  juger  de  la  ressemblance  des 
portraits  peints  par  le  Titien  ;  mais 
qui  pourrait  en  douter  lorsqu'on 
aperçoit  la  gravité  espagnole  dans 
Charles-Quint;  l'esprit  chevaleres- 
que dans  François  P''.;  la  dissimula- 
tion dans  Philippe  II,,  l'impudence 
dans  l'Arétin,  l'habitude  de  la  médi- 
tationdansleBcmboi'C'estbeaucoup, 
sans  doute,  de  retracer  fidèlement  la 
physionomied'un  homme;  mais  c'est 
bien  un  autre  mérite  de  laisser  sur  ses 
traits  l'empreinte  ineffaçable  de  ses 
vertus  et  de  ses  vices.  A  toutes  ces 
qualités ,  plus  que  suffisantes  pour 
constituer  le  grand  peintre,  le  Titien 
réunit  celle  d  être  le  premier  colo- 
riste de  l'Italie.  C'est  en  vain  qu'on  a 
examiné,  q-i'onamcme  sacrifié  quel- 
ques-uns de  ses  tableaux  pour  sur- 
prendie  son  secret  :  il  demeure  ca- 
ché sous  l'éclat  des  couleurs;  et  l'œil 
le  plus  exercé  se  flatterait  en  vain  de 
suivre  les  traces  d'un  pinceau  dont 
on  ne  peut  pas  assez  admirer  les  pro- 
diges. Le  Titien  ,  par  son  exemple  , 
détacha  l'école  vénitienne  de  l'imi- 
tation servile  des  anciens.  Son  génie 
le  rapjirocha  de  la  nature  ,  dont  il 
suivit  les  insj)irations  sans  contrainte. 
(iCpendant  il  ne  méprisa  point  les 
chefs-d'œuvre  des  Grecs,  et  s'il  se  per- 
mit de  travestir  l'un  de  leurs  plus  beaux 
monuments  (34) ,  ce  fut  pour  tourner 
en  ridicule  ces  artistes  qui  ne  savent 
rien  faire sansreproduire ce  quia  déjà 
été    fait.    Personne  mieux    que  lui 


Manfrin.  Grave'   par  Pontius  ,  Rousselet ,  Rola  et 
Bonasone. 

(34)  Il  dessina  un  groupe  de  trois  singes  enlmlil- 
Ic's  de  serpents  ,  à-peu-près  romm*i  le  Laoroon, 
Cette  rariratnre  a  été  gravée  par  Nicolas  Holdrinu  , 
élèv*  du  Titien. 


i58 


TIT 


n'apprécia  le  mérite  de  Sansoviuo 
(  F.  ce  nom,  XL  ,  354  )  i  'ïont  le 
ciseau  rivalisait  avec  Michel-Ange  , 
et  ne  s'écartait  jamais  des  formes 
classiqncs.  Les  Ouvrages  de  Titien 
sont  dispersés  dans  les  principales 
galeries  de  l'Europe.  Nous  avons 
déjà  dit  que  les  plus  beaux  sont  en 
Espagne  :  le  Louvre  en  possède  plu- 
sieurs ,  savoir  :  L  Les  Portraits 
d'Alphonse  V^.  et  deLaure  Bianti 
sa  maîtresse  ,  graves  par  Forster. 
IL  Portrait  deFraiicoisX'^^. ,  gravé 
•pa.r  \)\nsie\\vs,  m.  Une  Etude  dupor- 
trait  du  cardinal  Hippoljle  de 
Médicis  ,  en  habit  de  guerrier ,  gra- 
vé par  Audouin.  IV.  Le  portrait 
d'un  Commandeur  de  Malte.  V. 
Le  portrait  d' Alphonse  d'Ai'alos , 
marquis  del  Vasto  ,  à  coté  de  sa 
maîtresse  ;  gravé  par  Natalis.  YT. 
Cinq  portraits  inconnus.  VII.  Le 
Christ  au  roseau ,  ou  le  Couron- 
nement d'épines  ;  gravé  par  Sca- 
ramuccia,  Lefèbre  ,  Lorichon  ,  Ri- 
tault ,  David  et  Perugino.  VIII. 
Le  Christ  porté  au  tombeau;  gra- 
vé par  plusieurs.  IX.  Les  Pèlerins 
d'Emmaiis ;  gravé  par  Masson  et 
Cliauvreaii.  X.  La  Fierge  ai'ec 
r Enfant  Jésus,  au  jnilieu  de  trois 
Saints.  XI.  Veux  Anges  adorant 
V Enfant  /e5H5,  couclié  sur  les  ge- 
noux de  la  Vierge.  XII.  La  Fiergc 
au  Lapin.  XIII.  Sainte  Agnes. 
XIV.  Saint  Jérôme  dans  le  désert^ 
gravé  par  plusieurs,  W.Jupiter  et 
Antiope ;  gravé  ])ar  Baron  et  par 
Corneille.  Le  Christ  entre  le  bour- 
reau et  un  soldat,  et  un  grand  ta- 
bleau représentant  la  première  ses- 
sion du  concile  de  Trente,  que  les 
anciens  inventaires  du  même  Musée 
attribuent  au  Titien,  ne  lui  appar- 
tiennent pas.  Le  portrait  original  de 
ce  peintre  ,  qui  était  une  proj)ri("lé 
inaliénable  de  la  famille  Vccelli  de 


TIT 

Cadore  ,  fut  soustrait  par  rinfidëlité 
d'un  tuteur,  et  vendu,  en  1728,  au 
grand-duc  de  Toscane  ^  pour  le  prix 
de  deux  cents  pistoles.  Il  est  mainte- 
nant dans  la  galerie  de  Florence.  La 
vie  de  Titien  a  été  écrite  par  Vasari, 
Vite  de'  pittori  ;  Ridolli  ,  Maravi- 
glie  deW  arte  ;  Liruti  ,  Notizie  de" 
letterati  del  Friuli.  V.  aussi  Doice  , 
Dialogo  délia  pittura;  Fita  del  Ti- 
ziano{  anonyme  )  ,  Venise  ,  1622^ 
iû-4".  ;  réimprimé  par  l'abbé  Accor- 
dini,  ibid. ,  i8o9,in-4°.;  Zando- 
nella ,  Elogio  di  Tiziano  ,  1802, 
in-8°.;  Cicognara,  le  même,  parmi 
les  discours  prononcés  à  l'académie 
des  beaux-arts  de  Venise;  Ticozzi, 
Vite  de'  Pittori  Vecelli ,  Milan  , 
1817  ,  in  8".  Cet  auteur  a  été  vi- 
vement attaqué  par  M.  Majer  , 
dans  un  ouvrage  que  nous  avons  dé- 
jà cité,  et  défendu  par  Carpani.  Le 
livre  de  ce  dernier  a  pour  titre  :  Le 
Majeriaiui  ,  ovvero  lettere  sul  bello 
idéale ,  Padoue ,  1 820  ,  et  1 824  ,  Jn- 
8"^.,  3"^<=.  édition.  M.  Majer  y  a  ré- 
pondu par  un  autre  ouvrage ,  intitulé  : 
Apologia  del  libro  dclV  Imitazione 
pittorica  ,  e  delV  eccellenza  delV 
opère  di  Tiziano  ,  Ferrare,  1820, 
in-8".  Le  même  M.  Majer  a  rassem- 
blé une  collection  importante  de  gra- 
vuresd'aprèsleTitien(35),et  dont  il 


(^i)  Le  cabinet  des  estampes  (ïu  roi  en  possède  uu 
recueil  assez,  complet  (environ  8:'>o)  ,  cjui  nousactw 
Ircs-ut  Ile  pour  la  rédaction  de  cet  article.  Ihionsres- 
teencore  adémenlir  l'opinion  de  ceux  tjui  ont  cru 
que  leTitien  sVtait  exerce  au  burin,  et  cjui  ont  mê- 
me cité  des  gravures  de  lui.T>n  lui  attribue  entre 
autres  :  I.  Le  Triomplie  du  la  loi  ,  qui  a  élc  gravé 
par  Andreaui.  tl.  ï.r  l'asiate  de  tu  mer  Roii^e  eu 
la  Subineraion  fie  l'Iiitraon  ,  endouxe  grandes  feuil- 
les ,  gr»vc  par  Dalle  Grèclic.  Il  est  également 
faux  f|uo  cet  illustre  peintre  ait  travaillé  pour 
Vesale  (  De  humani  corporis  fululâ  ,  llâle  ,  i548  , 
in-fol.  )  Vahhr  MmcWi  {^'nU-.i>■  M  ofirre  di  dise- 
fiini ,  iiellupiiin.i  mctit  del  Seiolii  A> /,  etc.,  Uas- 
sano  ,  iHoo.  in-8".  ,  note  \!^1  )  a  prouvé,  iivee 
raulorilc  de  Vasari  et  de  lialdinucci  ,  que  les 
planclies  de  cel  ouvrage  avaient  été  gravée»  d'a- 
prèa  les  dessins  de  Jean  Calcar  ,  peintre  llamaiid  et 
élève  du  Titien.  C'est  la  réimpression  de  ees  ligu- 
res <piu  l'on    trouve  quelrjueliiis   sous   1«    litre  de 


TIT 

pi'omet  de  publier  le  catalogue.  On 
connaît  deux  médailles  frappées  en 
l'honneur  du  Titien  ;  l'une  par  Va- 
rino,  et  l'autre  par  Cornclio.  A-g-s. 
TITIEN  (Horace,  etc.  ).  F.  Ve- 

CELLI. 

TITIUS      (   GOTTLIEB     ou     ThÉo- 

PHUE  Gérard),  jurisconsulte  ,  ne  à 
Nordhausen,  le  5  juin  1 66 1  ,  ilt  ses 
e'tudes  à   Leipzig  ,  sous  Alberli   et 
Thomasius.  Oblige  de  s'éloigner  de 
cette  ville  ,  attaquée  par  la  peste ,  il 
se  rendit  à  Rostock  ;  pendant  vingt 
ans,  n  s'ensevelit  dans  son  cabinet, 
occupé  à  faire  des  recherches  sur  la 
jurisprudence ,   et  à   en   publier  le 
résultat.    Thomasius  ,    son    ancien 
maître  ,  le  recommanda   au   comte 
de  Flemming  ,  ministre  de  l'électeur 
de  Saxe,  qui  le  fit  nommer,  en  1 709, 
professeur  en  droit  à  l'université  de 
Leipzig.  En  1710,1!  était  conseiller 
au    tribunal   d'appel    de    Dresde  , 
et  en    1 7 1 3 ,   assesseur  au  tribunal 
supérieur  de  Leipzig.  Il  s'était  fait 
des  ennemis  par  la  manière  dure  avec 
laquelle  il  traitait  ses   adversaires, 
ce  qui  nuisit  à  son  avancement.  On 
disait  qu'il  avait  des   connaissances 
théoriques  ,  mais  point  d'expérien- 
ce  dans    les    aflaires.    La   cour   de 
Dresde,  qui  ne  partageait  point  ces 
préventions,  l'employa  dans  des  mis- 
sions délicates  ;  entre  autres  ,  il  fut 
un   des  commissaires  nommés  ,   en 
1706,  pour  examiner  la  conduite  des 
ministres  de  l'électeur  qui ,  ayant  si- 
gné le  traité  d'Alt-Ranstadt ,  entre 
Charles   XII  et  Auguste  11 ,  furent 
accusés  d'avoir  outre-passé  leurs  pou- 
voirs. Les  travaux  que  la   cour  lui 
confia  et  ceux  que  demandaient  ses 
fonctions     publiques     altérèrent    sa 
santé;  il  revint,  au  commencement 


o\i  si  l'ou  vcul  de  cette 
est  uu  cvrlaiu  BuDaTcrri 


iilcur  df  tilti-i 
■pi'culatiou   de 

S"- 


rcur  BuluuaU. 


TIT  09 

d'avril  1714,  à  Leipzig,  où  il  mou- 
rut le  10  du  même   mois,  n'étant 
âgé   que  de  cinquante-trois  ans.   Il 
était   alors,  pour  la  quatrième  fois, 
recteur  de  l'université,  qui   lui  ren- 
dit les  derniers  honneurs  avec  gran- 
de  pompe.   Dans   la   solitude  où  il 
vécut   si  long  -  temps  ,   il  examina 
les   différentes   parties  de  la    juris- 
prudence ,  en  prenant  pour  guide  les 
principes   d'une  philosophie  droite 
et  simple.  Croyant  avoir  découvert 
ce  qui  manquait  à  la  science,  il  avait 
résolu  d'y  substituer  des  idées  plus 
claires  ,  et  une  méthode  précise.  Il  a 
peu  fait  pour  le  droit  criminel  j  ses 
études  le  portaient  vers  le  droit  pu- 
blic d'Allemagne,  dont  il  a  tracé  les 
limites  ,  et  l'ordre  dans  lequel  il  doit 
être  enseigné.  11  insistait  beaucoup  sur 
la  maladresse  avec  laquelle  ses  prédé- 
cesseurs avaient  suivi  les  Institutions 
de  Justinien ,  en  enseignantlc  droit  pu- 
blic. Ses  dissertations  sur  cblFcrents 
objets  de  jurisprudence  ont  été  re- 
cueillies par Hommel ,  Leipzig,  1 7  ig, 
in-4°.  Nous  en  citerons  quelques-unes, 
après  avoir  indiqué  ses  principaux  ou- 
vrages :  \. Spécimen  juris  puhlici  Ro- 
mciJio- Germaiiici ,  a  consuetd  or- 
dinis    materiarumque  confusione  , 
variisque  scriptoruni  prœjudiciis  , 
adœqiiatd  hrcvitate  restituti ,  Leip- 
zig, 1698,  in-i2.  Comme  il  avait, 
dans  sa  préface ,  vivement  attaqué  la 
méthode  de  Tribonien  ,    dont   Ph. 
Reinh.  Vitriarius  se  servait  en  expli- 
quant le  droit  public  d'Allemagne  , 
Vitriarius    fils   publia  :  Findiciœ  à 
P.  R.  Vitriario  conlra  G.  G.  Titium 
scriptœ  ,  Leyde  ,     1698,   in-  12. 
Titius  y  répondit  et  fit  même  réim- 
primer, avec  ses  observations  ,  les 
Findiciœ  de  son  adversaire.  La  se- 
conde édition  du  Spécimen  juris  pu- 
hlici parut  à  Leipzig,  lyoS,  in-8°., 
avec  de  grands  changements,  et  après 


i6o 


TIT 


la  mort  de  l'auteur,  on  en  publia  une 
troisième  e'dition  à  Leipzig,  1717. 
Dans  cet  ouvrage,  Titiusa  surpassé  ses 
pre'de'cesseurs,  surtout  par  la  méthode 
exacte  qu'il  a  suivie.  Comme  Cocce- 
jius  avait  pris  l'histoire  de  l'empire 
Germanique  pour  guide  en  parlant 
du  droit  public  d'Allemagne,  Titius, 
au  contraire,  s'est  attaché  à  la  phi- 
losophie ,  et  on  lui  reproche  d'avoir 
négligé  l'Histoire  de  l'empire.  Sur 
cela  on  doit  consulter  Moser,^i&Z/o- 
theca  juris  puhlici  ,  p.  11  ,  p.  484 
à4g3jetPutter,  Littérature  du  droit 
public  en  Allemagne  ,  tome  i ,  pag. 
3oo.  II.  Droit  féodal  germanique, 
considéré  d'après  sa  nature  et  d'a- 
près la  constitution  de  l'empire , 
avec  un  supplément  expliquant  cer- 
taines formules  employées  dans  les 
affaires  féodales  (  allemand  ) ,  Leip- 
zig ,  1699,  in- 12  ,  et  quatrième  édi- 
tion ,  1780,  in-8'\  Senkenberg, 
qui  avait  droit,  plus  qu'aucun  autre 
savant  ,  de  juger  notre  auteur  ,  dit 
de  ce  dernier  écrit  :  «  Il  est,  comme 
les  autres  ouvrages  qu'il  a  publiés  , 
travaillé  avec  soin  •  l'auteur  est  indé- 
pendant de  tout  préjugé;  il  a  ras- 
semblé les  faits  eu  grand  nombre,  il 
les  juge  sagement;  mais  il  n'a  pas 
assez  consulté  l'histoire  et  les  usages 
de  l'Allemagne.  II  a  une  manière  de 
présenter  les  faits  qui  est  à  lui  :  en 
les  examinant,  il  montre  un  juje- 
ment  sain,  droit  ;  d  dit  ce  que  les 
autres  ont  iguoré,  et  il  a  une  ma- 
nière qu'ils  n'ont  point  connue.  »  111. 
Ars  cogitandi  ,  sive  scientia  cogi- 
tationum  cngitantium ,  cogitationi- 
hus  necessariis  instructa  ,  et  a  pe- 
regrinis  Uherata  ,  Leipzig  ,  1702; 
seconde  édition,  i7.>.3.Daiiscetécrit, 
Titius  a  suivi  son  maître  Tliomasius. 
IV.  Ohsen'atiom'S  in  Sam.  L.  B. 
d/;  Pufcndurf  libros  11  .  de  officio 
hominis  et  civis  ,   Leipzig,    1708  , 


TIT 

in-i2.  Cet  ouvrage  a  eu  ,  jusqu'en 
1 769  ,  sept  éditions.  V.  Essai  sur  le 
droit  canonique  d' Allemagne,  pour 
les  états  protestants  (  allemand  ) , 
Leipzig,  1701  ,  et  jusqu'en  1741  , 
réimprimé  quatre  fois.  Les  traits  qu'il 
y  a  lancés  contre  les  ministres  de  sa 
religion  furent,  à  ce  que  l'on  assure, 
l'obstacle  qui  arrêta  ,  pendant  tant 
d'années  ,  sou  avancement.  VI.  Ob- 
servationum  ratiocinantium  incom~ 
pendium  jurisLauterbachianum  cen- 
turiœ  quindecim  ,  quibus  loca  obs- 
curiora  de  duhia  explanantur  ,  ac 
vêtus  juris  Romani  habitas  et  usus 
ex  genuinis  principiis  ,  contra  vul- 
garia  prœjudicia  ,  per  singulos  ti~ 
tulos  ostenditur ,  Leipzig,  1708, 
in-B".;  il  a  été  réimprimé  plusieurs 
fois.  VII.  Ad  S.  R.  Jauchium  unius 
illius  casûs  assertorem  ac  mndicem 
optimum,  Leipzig,  1704?  in-B". 
Cet  ouvrage  polémique  est  rare  et 
recherché.  VIII.  De  habita  territo- 
riorum  germanicorum  et  indè  ve- 
niente  totius  reipuhlicœ  formd  , 
Leipzig,  i7o4'  Moser  ,  dans  sa  Bi- 
bliotheca  juris  publici,  p.  11,  pag. 
496,  pense  que  Titius  n'a  pas  assez 
consulté  les  usages  de  l'Allemagne,  et 
qu'il  a  trop  élevé  la  supériorité  terri- 
toriale. IX.  De  dominio  inrebus  oc- 
cupalis  ultra possessionem  durante, 
Leipzig,  1 704.  Titius  attaque  les  prin- 
cipes que  Bynkershoek,  jurisconsidte 
hollandais  ,  avait  exposés  sur  le  Do- 
maine de  la  mer.  X.  De  successione 
in  Germaniœ  territorio  ,  Leipzig  , 
1 7 07 .  XI .  Seuerini de  Monzambano 
de  statu  imperii  Romano-  Gerinanici 
liber  unus  ,  Leipzig,  170B,  in-B"*. 
XII.  De  jure  nohilitatis  lutheranœ 
ad  immediata  Germaniœ  capitula 
et  c«A»07?t6"rtf«5,  Leipzig,  1709.  XIII. 
Juris  privât i  Romano-  Germani ci  , 
ex  omnibus  suis  parlibus ,  put  à  jure 
civili,  ecclcsiastico  et  feudali ,  liac- 


TIÏ 

tenus  separari  solitis ,  secunduin 
geniiina  jurisprudentiœ  natiiralh 
J'undamenta  composid ,  a  tricis  et 
obsoleto  jure  purgati ,  ex  necessa- 
rio  suppleti  ,  ac  ordine  natiirali 
planoipie ,  adjectis  etiam  siimma- 
riis  capitum  ,  slatui  Reipuhlicœ 
Gcrmanicœ  attempe.rati ,  libri  \ii , 
fiuibiis  jurisprudentia  privata  Ger- 
manica  itsui  schoiarinn  et  vitœ 
civdis  proprius  aplatur ,  Leipzig, 
i'-o9  et  I7'i4,  iii-4"-  <'«  titré  mon- 
tre assez  le  plan  que  l'auteur  déve- 
loppe plus  au  long  dans  sa  préface, 
et  qu'il  a  suivi  dans  l'ouvrage.  XIV. 
DcUbertale juridicd ,  Leipzig,  17  i  o, 
in-4'^.  XV.  De  servitude  faciendi , 
Leipzig  ,  17  10.  XVL  De  iitilitate 
juris  naturalis  iii  jure  cwili ,  Leip- 
zig, 1 7 1 1 .  XVIL  De  poljgamia , 
inceslu  et  divortio ,  jure  naturali 
prvhibitis  ,  Leipzig,  1712.  XVIIL 
De  contractibus  patris  et  Uherorum 
in  potestate  ejus  existentlum,  Leip- 

zis,  iTi 3.  Les  Dissertations  de  Ti- 

.^^     '        .  .     .     ■  , 

tuis  ayant  ete  réunies  en    1729  ,  les 

Acta  Eruditoraia  de  Leipzig  ,  dont 
il  avait  été  un  des  rédacteui-s , 
disent ,  en  annonçant  cette  coilec- 
tiou  :  «  Titius  n'ayant  rien  fait  paraî- 
tre qui  ne  porte  l'empreinte  de  son 
génie,  et  qui  ne  répande  de  vives 
lumières  sur  la  connaissance  des  lois 
et  sur  l'étude  delà  jurisprudence  ,  il 
importait  à  l'honneur  et  a  l'avantage 
des  lettres  que  l'on  réunît  les  disser- 
tations d'un  jurisconsulte  si  célèbre; 
qu'on  les  conservât  comme  ou  garde- 
rait avec  soin  des  vérités  couvertes  de 
feuilles  d'or  et  de  pierres  ])récicuses, 
ou  comme  on  cherclierait  à  les  re- 
trouver si  on  les  avait  perdues.  — 
TiTius  i  Jean-Daniel)  ,  professeur  de 
mathématiques  et  de  physique  à  l'uni- 
versité de  Wittemberg  ,  naquit  le  2 
janvier  1729,  à  Conitz  ,  dans  la 
Prusse  occidentale.  Ayant  étudié  à 

XLVI. 


TIT 


161 


Dantzig  et  à  Leipzig ,  il  fut ,  en  1 706, 
nommé  à  la  cliaire  qu'il  a  remplie 
pendant  quarante  ans.  Il  mourut  à 
Wittemberg  le  16  décembre  1797. 
Cette  ville  ayant  étéassiégée  en  1766, 
et  presque  entièrement  réduite  en  cen- 
dres ,  Tjtius  y  perdit  le  fruit  de  ses 
travaux,  entre  autres  ses  manuscrits 
qu'il  allait  donner  à  l'imprimeur.  Jl 
regretta  particulièrement  son  Syste- 
ma  naturœ  secunduin  niethodum 
Kleiidi  breviter  delineatuni.  Avant 
et  après  cette  époque  malheureuse, 
il  a  publié  des  ouvrages  dont  nous 
allons  indiquer  les  plus  remarqua- 
bles. I.  Honow  ,  sur  l  histoire  na- 
turelle et  l'économie  (ail.  ),  Leip- 
zig,   1753   à  1755,3  vol.  in-S". 

II.  Magasin  pour  l'histoire  natu- 
relle ,  les  arts  et  les  sciences  (  ail.  ), 
Leipzig,  1753  et  1754  ,4  ^'ol.  in-S'*. 

III.  Nouveaux  développements  sur 
les  connaissances  et  le  bonheur  de 
l'homme  (  ail.  ),  Leipzig,  1753  et 
1754  ,  4  vol.  in-80.  IV.  M.  Chris- 
tophori  Honovii  opuscula ,  cum  no- 
tis ,  Halle,  1761,  in -4°.  V.  PA^- 
sicœ  experimentalis  élément  a,  Leip- 
zig ,  1 782  ,  in-S*^.  VI.  Leçons  élé- 
mentaires sur  l'histoire  naturelle 
(ail.);  Leipzig,  deuxième  édition, 
1791  ,  in-8".  VII.  Principes  sur  la 
manière  de  conduire  sagement  l'é- 
conomie domestique  {  ail.  )  ,  Leip- 
zig, 1780,  iii-8-J.  Titius  a  traduit 
plusieurs  ouvrages  en  allemand  ,  en- 
tre autres  :  les  Considérations  de 
Bonnet  sur  la  nature  ;  i\  a  rédigé 
pendantvingt-neuf  ans  le  journal  qui 
paraît  à  Wittemberg  sur  l'Histoire 
naturelle  et  l'industrie.         G — Y. 

TITON  DU  TILLET  (Evrard), 
célèbre  par  son  zèle  pour  la  gloire 
des  lettres,  naquit,  à  Paris,  le  16 
janvier  1(377.  Il  était  iiis  de  Maxi- 
milien  Tilon  ,  directeur-général  des 
manufactures    et    magasins   royaux 


i62  TIT 

d'armes  établis  en  France  en  1666. 
Après  avoir  achevé  ses  premières 
études  avec  succès  ,  il  fréquenta  l'é- 
cole de  droit ,  et  voulut  se  faire  re- 
cevoir avocat  au  parlement;  mais 
son  père  le  destinait  à  l'état  mili- 
taire ,  et  il  quitta  la  robe  pour  l'é- 
pc'e.  A  quinze  ans  ,  il  avait  obtenu  le 
brevet  d'une  compagnie  d'infanterie , 
et  peu  de  temps  après  ,  il  fut  fait  ca- 
pitaine de  dragons.  Après  la  paix  de 
Riswick  (  1 697  ) ,  ayant  été  compris 
dans  la  réforme  ,  il  acheta  la  charge 
de  raaître-d'hôtel  de  la  duchesse  rie 
Bourgogne  (  Marie-Adélaïde  de  Sa- 
voie), depuis  dauphine.  La  mort 
prématurée  de  cette  princesse  (  1 7 1  '2) 
le  laissa  sans  emploi.  Il  profita  de 
ses  loisirs  pour  visiter  l'Italie  ,  et 
dans  ce  voyage,  il  perfectionna  son 
goût  naturel  pour  les  arts  ,  par  l'exa- 
men des  chefs-d'œuvre  de  la  peinture 
et  de  la  sculpture.  A  son  retour  ,  il 
fut  fait  commissaire  provincial  des 
guerres ,  place  qu'il  exerça  long-temps 
avec  une  rare  générosité.  Passionné 
pour  les  lettres  ,  il  avait  conçu  ,  dès 
1708,  l'idée  de  consacrer  un  monu- 
ment durable  à  la  gloire  de  Louis 
XIV ,  et  des  grands  hommes  qui  ont 
illustré  sou  règne.  Il  chargea  de 
l'exécuter  ,  en  petit ,  Louis  Garnier , 
élève  du  fameux  Girardon  ,  qui  em- 
plova  dix  ans  à  ce  travail.  Ce  mo- 
nument, si  connu  sous  le  nom  de  Par- 
nasse français  ,  excita  la  curiosité 
des  artistes  et  des  gens  de  lettres ,  et 
mérita  leurs  éloges  (i).  Titon  du  Til- 

())  f)ii  lui  reprorl;a  ccpeiidiiiit   d'avoir   accutlc 
trop    facilciiicnl  les   honneurs  du  ra|)ollicose  à  des 
lillcraleurc    oli^curs.    Celle   evccssive    indulgence 
lui  allira,  de  lu  jiart  de  Voll.iire,  !'<  |.:ai -.ninje  -iii-  , 
\anlp  : 

Rcpêrhei-vnuii,  Monsieur  Ti'     > 

Knrirliif.seï.  vnlre  llélicnn; 

JMa(  e7.-v  «nr  un  piideslal 

Sainl  liidier,  UatirliH  el  Nadn1  ; 

(In'.in  voie  arnii'^  il'nii  même  areliel  j 

.Sanil-Oiiliri,  N».l.iUt  I),i.,.  I.el  , 

Il   ii.iivirl»  ilil  iiiruie  laiiriei- 

n.intliel.  Nad.il  el  S.<iull>i<lier. 


TIT 

let  le  fit  peindre  et  graver;  et  il  eut 
l'honneur  d'en  présenter  le  tableau 
et  la  gravure  au  roi ,  la  veille  de  sa 
fête  (t  7^3)  :  encouragé  par  le  succès 
de  son  entreprise ,  il  se  flatta  de  par- 
venir à  faire  exécuter  ce  monument 
en  grand  dans  un  jardin  ou  sur  une 
place  publique.  C'était  une  dépense 
de  deux  millions.  Pour  la  couvrir,  il 
imagina  de  demander  au  contrôleur 
des  finances  un  bon  de  fermier-géné- 
ral^ s'engageant  à  consacrer  sa  part 
dans  les  bénéfices  à  l'exécution  de  ce 
plan  magnifique.  N'ayant  pas  réussi 
dans  cette  démarche,  il  publia  la 
description  de  son  Parnasse ,  et  en 
distribua  les  exemplaires  aux  per- 
sonnes qui ,  par  leur  foi'tune  ou  leur 
position,  se  trouvaient  le  plus  en  état 
de  le  seconder.  Quoiqu'à  peine  au- 
dessus  d'une  modeste  aisance ,  il  fit 
frapper  à  ses  frais  une  suite  de  mé- 
dailles représentant  Louis  XIV  ,  et 
les  principaux  poètes  ou  musiciens 
de  son  règne  (a).  On  loua  sa  généro- 
sité ,  son  zèle  ;  mais  personne  ne  pa- 
rut tenté  de  l'aider  ,  ni  de  l'imiter. 
Sans  cesse  occupé  des  moyens  d'a- 
jouter à  l'éclat  de  la  France,  il  pro- 
posa d'instituer  àcsjeux  Lodoïclens, 
à  l'exemple  des, jeux  olympiques  , 
dans  lesquels  on  aurait  vu  la  repré- 
sentation des  sièges  et  des  batailles 
les  plus  glorieuses  pour  nos  armes. 
Titon  du  Tillet  habitait  une  maison 
agréable  dans  le  faubourg  Saint- 
Antoine,  où  il  recevait  avec  empres- 
sement tous  ceux  qui  partageaient  son 
goût  pour  les  lettres.  File  était  ou- 
verte aux  jeuucs  écrivains  nés  avec 
plus  de  talents  que  de  fortune  ;  et 
plusieurs  Itii  durent  des  encourage- 


(ï)  ('elle  Mille  se  compose  de  frcnlc-quntre  mé- 
daille» ,  doiil  virigl-  liuil  r'présenlent  les  poètes,  et 
M\  \>-f.  lllll^ieiells  les  plus  dislingues  du  siJ-cle  itn 
louis  XIV.  (ielle.  du  cc  priucn  a  deux  pieds  de 
liaiil  sur  un  et  demi  de  Inrge.  /Inii.  Udci .  ,  i-G3  * 
loin.   i".  ïlii). 


TIT 

mcnts  et  des  secours  ,  dont  sa  discrë- 
liou  doublait  le  prix.  Sa  bienfaisance 
se   manifesta    surtout  à  l'égard  du 
neveu  du  grand  Corneille  :  il  employa 
son   crédit  pour  soulager  sou  indi- 
gence ,  et  recommanda  puissamment 
sa  fille  à  Voltaire  {F.  ce  nom).  Son 
zèle  pour  les  lettres  avait  étendu  sa 
réputation    jusque    dans    les    pays 
étrangers.  La  plupart  des  académies 
de  l'Europe  s'empressèrent  de  l'ins- 
crire parmi  leurs  membres  ;  celles  de 
Paris  ne  lui  ^firent  pas  le  même  hon- 
neur ',  mais  elles  l'invitèrent  à  leurs 
assemblées  publiques ,  où  il  avait  un 
fauteuil.  Ce  giand  citoyen  mourut  le 
uO  décembre  irQx  ,  âgé  de  près  de 
quatre-vingt  sis.  ans.  Dans  cette  lon- 
gue vie ,  il  n'avait  jamais  été  malade, 
et  il  ne  connut  aucune  des  infirmités 
de  la  vieillesse.  Le  modèle  du  Par- 
nasse français  ,   légué  au   roi,  par 
celui  qui  en  avait  conçu  l'idée  et  diri- 
gé l'exécution,  est  aujourd'hui  dans 
une  des  salles  de  la  Bibliolhèqueroya- 
le.  La  Description  de  ce  monument, 
publiée  par  Titon  du  ïillet,  en  1726^ 
in-i  2 ,  fut  réimprimée ,  en  1  "jS'i  ,  in- 
fol.,  avec  fig. Cette  édition  est  augraen- 
téed' une  Notice  chronologique  sur  les 
poètes  et  les  musiciens  aiixquels  on  y 
a  donné  des  places ,  et  de  remarques 
sur  la  poésie  et  sur  la  miisique.  11  fuit 
y  joindre  deux  Suppléments,   l'un 
qui  conduit  la  Notice  dont  on  vient 
de  parler  jusqu'à  174^  ,  <?t  l'autre 
en  1755  ;  pour  compléter  cet   Ou- 
vrage ,  on  doit  y  réunir  la  Nouvelle 
description  du  Parnasse ,  i7<3o  ,  in- 
fol.  ,    lig. ,  suivie  d'un  Recueil  de 
pièces  françaises  et  latines ,  en  vers 
et  en  prose,  relatives  à  ce  monument 
(3).  On  a  encore  deTiton  du  Tillet  : 
Essais  sur  les  honneurs  et  sur  les 

I  (3U)li  troii\<>ra  la   tl(sriii>lioii    délailli^e    de    ce 

voliiinc  ilaiis   l;i  i.u''/,.,(/..    I,i,l,;i./.  ,lv    la    liane-, 


TIT  iGS 

mvminients  accordés  aux  illustres 
savants  pendant  la  suite  des  siè- 
cles ,  où  l'on  donne  une  légère  idée 
de  l'origine  et  du  progrès  des  scien- 
ces et  des  beaux  arts  ,  Paris  ,  1734  , 
in-i2.  Il  y  a  des  recherches  dans  cet 
Ouvrage  j  mais  le  style  n'en  est  pas 
agréable.  On  peut  consulter  ,  pour 
plus  de  détails  ,  l'éloge  de  Tilon  ilu 
Tillet ,  dans  l'année  littéraire  de 
Fréron  ,  1763,  i.  ^65;  un  au- 
tre Eioge  dans  le  Mercure  ,  mai , 
1764,  et  une  Notice  par  M.  Duboul- 
lay  ,  dans  le  Précis  des  travaux  de 
l'académie  de  Rouen ,  m,  256.  Son 
portrait  a  été  gravé  in-fol.  et  in  S". 
Parmi  les  vers  composés  pour  mettre 
au  bas ,  on  dislingue  les  suivants  ; 

Du  Titon  de  ralitîqililé 
A  celui  de  nos  jours  ,  voici  la  diflerence  ; 
L  uu  reçut  et  perdit  sou  iuiuiortalité  . 

L'autre  en  jouit  et  la  dispense. 

W— S. 
TITSÎNGH  (  TsAAC  ) ,  voyageur 
hollandais ,  était  né ,  à  Amsterdam , 
vers  1740.  11  passa  de  bonne  heure 
aux  Indes  Orientales,  entra  dans  l'ad- 
ministration de  la  compagnie,  et,  par 
son  zèle  et  son  assiduité ,  parvint  à 
l'emploi  de  conseiller.  Grâce  à  son 
tempérament  vigoureux  et  à  son 
humeur  égale  et  enjouée,  il  brava, 
pendant  dix-sept  ans  les  effets  désas- 
treux du  climat  de  Batavia,  si  fu- 
neste aux  Européens;  il  y  vit  deux 
fois  se  renouveler  en  totalité,  par  la 
mort  de  ses  membres  ,  le  corj^s  dont 
il  faisait  partie.  En  177B,  il  fut  en- 
voyé au  Japon  comme  chef  du  com- 
merce. La  guerre  qui^de  l'Océan  At- 
lantique étendit  ses  ravages  jusqu'aux 
extrémités  les  plus  orientales  de  l'A- 
sie, empêcha  la  compagnie  des  In- 
des d'expédier,  comme  à  l'ordinaire, 
je  grand  navire  qui  de  Batavia  va 
chaque  année  à  Nangasaki.  Ainsi 
Titsiiigh  resta  bien  ]ilus  long-temps 
que  ses  prédécesseurs  dans  la  petite 

11.. 


iG/t 


TIT 


île  de  Desima,  où  les  Hollandais  sont 
à-peu-près  prisonniers.  Il  alla  plu- 
sieurs fois  ,  comme  ambassadeur  de 
la  compagnie,  à  Ye'do,  saluer  le  Djo- 
goun  ou  empereur  séculier  du  Japon  j 
et  ,  par  ses  manières  prévenantes  , 
réussit  à  se  faire  des  amis  chez,  une  na- 
tion remplie  de  défiance  pour  les  Eu- 
ropéens, mais  moins  éloignée  qu'on 
ne  le  croit  communément  de  leur  em- 
prunter des  usages  qui  ne  pourraient 
que  lui  être  avantageux.  C'est  un 
fait  dont  Titsingli  eut  lieu  de  se 
convaincre  en  plusieurs  occasions. 
Parmi  les  personnes  avec  lesquelles 
il  forma  une  liaison  intime ,  il  sulfit 
de  citer  un  prince  ,  beau-père  de 
l'empereur,  qui  régna  de  1780  à 
1780.  Titsingh,  même  après  qu'il 
eut  quitté  le  Japon ,  entretint  avec 
ce  personnage  éminent  et  avec  d'au- 
tres Japonais  de  distinction  une  cor- 
respondance réglée  ,  qui  lui  fournit 
des  renseignements  précieux  sur  un 
pays  si  peu  connu.  Mais  tel  est  l'es- 
prit soupçonneux  du  gouvernement , 
que,  malgré  railéction  toute  particu- 
lière que  l'on  témoignait  à  Titsingli , 
durant  son  séjour  à  Yédo  ,  en 
l'jSi,  il  ne  put  obtenir  la  permission 
d'aller ,  à  ses  frais,  visiter  le  temple 
de  Nilo,  qui  est  à  trois  journées  de 
chemin  de  la  capitale,  oià  est  la  sé- 
pulture du  chef  de  la  dynastie  actuel- 
lement régnante,  et  dont  il  avait  en- 
tendu vanter  la  magnificence.  Ou  lui 
objecta  qu'il  n'existait  point  d'exem- 
ple d'une  pareille  faveur.  Au  mois  de 
novembre  1784,  Titsingh  |)artit  du 
Japon,  d'où  il  lapporta  une  quantité 
d'objets  curieux ,  et  où  li  avait  habi- 
lement piolite' d'une  circonstance  lieu- 
rcuse,  en  stipulant  avec  le  gouverne- 
ment une  augmentation  considérable 
sur  les  marchandises  hollandaises 
pour  un  terme  de  quuize  ans.  Peu  de 
temps  après  ,  il  fut  nommé  gouver- 


TIT 

neur  de  Chinchoura,  comptoir  du 
Bengale ,  sur  les  rives  du  Gange ,  à 
une  lieue  au-dessus  de  Chandernagor. 
Titsingh  revint  à  Batavia.  Il  y  exer- 
çait ses  fonctions  de  conseiller  'du 
gouvernement,  loisqu'il  fut  appelé 
de  nouveau  à  représenter  sa  nation  , 
comme  ambassadeur ,  auprès  d'un 
monarque  de  l'Asie  Orientale.  Van 
Braam,  chef  de  la  compagnie  hollan- 
daise à  Canton ,  desirait  depuis  long- 
temps d'aller  à  Peking ,  comme  en- 
voyé du  stadthouder.  Ses  premières 
lettres  ,  adressées ,  à  cet  eilét ,  à  Ba- 
tavia ,  n'ayant  pas  pjoduit  le  résul- 
tat qu'il  en  attendait,  il  en  écrivit  de 
plus  pressantes-  et,  pour  en  assurer 
le  succès,  il  annonça  que  les  repré- 
sentants des  diverses  nations  établies 
à  la  Chine  devaient  envoyer  compli- 
menter l'empereur  sur  la  soixantième 
année  de  son  règne.  A  la  même  épo- 
que ,  les  mandarins  de  Canton  ,  crai- 
gnant que  les  plaintes  faites  par  lord 
Macartney  n'excitassent  l'attention 
de  leur  souverain  ,  cherchaient  de 
leur  côté  le  moyen  de  produire  à  sa 
cour  un  Européen  qui  présentât  leur 
conduite  sous  un  jour  favorable,  en 
remerciant  le  prince  des  faveurs  re'- 
pandues  sur  le  commerce  des  étran- 
gers. Van  Braam  espérait  bien  être 
choisi  pour  chef  de  l'ambassade^  mais 
il  fut  trompé  dans  son  attente,  ainsi 
que  dans  l'espoir  d'engager  les  autres 
nations  européennes  à  suivre  son 
exemple.  Toutes  refusèrent,  il  se  vit 
réduit  à  n'ctre  que  le  second.  Le  gou- 
veineinent  de  Batavia  nomma  Tit- 
singh ambassadeur.  Il  ne  pouvait 
mieux  choisir;  car  où  trouver  un  au- 
tre Européen  accoutumé,  comme  lui, 
aux  usages  et  aux  mœurs  des  Asiati- 
ques, et  habitué  à  traiter  avec  eux? 
Après  être  convenu  avec  les  manda- 
rins de  (^-uilon  de  tout  ce  qui  concer- 
nait le  cérémonial,  il  partit  de  cette 


TIT 

ville  le  -il  uovembre  i794-  Indëpeu- 
dammentde  son  adjoint  Van  Braam, 
il  avait  avec  lui  quatre  autres  Hol- 
landais et  deux  Français,  MM.  Agie 
et  de  Guignes.  Ce  dernier  l'accom- 
pagnait comme  un  de  ses  secrétaires. 
Les  Chinois  eux-mêmes  avaient  de- 
mandé, par  l'entremise  des  mission- 
naires^ que  deux  personnes,  parmi 
les  étrangers  résidant  à  Canton  et  en- 
tendant le  latin  et  un  ])eii  le  chinois  , 
fissent  partie  de  l'ambassade. Ellear- 
riva  le  ()  janvier  1 79'j  à  Peking,  après 
un  voyage  très-fatigant ,  t'ait  presque 
toujours  par  terre.  L'ambassadeur, 
familiarisé  avec  le  céréuionial  des 
cours  de  l'Asie  Orientale  ,  n'avait  fait 
aucune  dilbcullé,  étant  à  Canton, 
d'exécuter  le  saint  nommé  keoii-leou 
(  Foj.  Macartney,  XXVI,  'i3;.  Il 
eut,  ainsi  que  son  collègue,  l'occa- 
sion de  le  répéter  très-souveut  durant 
son  séjour  à  la  cour.  Les  Européens 
d'un  rang  inférieur  en  étaient  quittes 
pour  un  simple  salut.  Le  12,  Titsingh 
remit  ses  lettres  de  créance.  Il  obtint 
ensuite  d'autres  audiences,  fut  invité 
à  des  fêtes  et  à  des  divertissements 
de  la  cour;  enfin  il  fut  admis  dans 
les  jardins  d'Yucn-min-yucn.  Il  ne 
put  pas  toujours  profiter  des  mar- 
ques d'intérêt  dont  on  le  comblait  ; 
car  une  indisposition  produite  par  la 
coutume  incommode  pour  un  Euro- 
péen, d'être  sur  pied  avant  le  jour, 
pour  aller  au  palais  du  prince,  l'o- 
bligea plusieurs  fois  de  rester  chez 
lui.  Van  Braam  jouissait  alors  ,  avec 
son  fils,  du  pénible  honncurqu'il  avait 
tant  convoité.  Le  '^8  fév.  .  Titsingh 
vit  pour  la  dernière  fois  l'empereur  , 
qui  lui  recommanda  de  raconter  à 
ses  compatriotes  la  maniire  distin- 
guée dont  il  avait  été  traité.  Le  len- 
demain ,  il  reçut  les  présents  de  ce 
monarque,  et  sortit  de  la  capitale  le  1 5 
mars.  Ce  fut  la  veille  seulcraentqu'un 


TIT  i65 

des  missionnaires  français  put  l'a- 
border. Titsingh  voulait,  dès  le  com- 
mencement ,  converser  avec  eux  ,  et 
était  déterminé  à  se  plaindre  du  refus 
qu'on  lui  faisait  éprouver;  mais  il  en 
fut  détourné.  Le  retour  à  Canton  se 
fit  en  partie  par  eau.  L'ambassa- 
deur fut,  eu  plusieurs  endroits,  réga- 
lé au  nom  de  l'empereur  ,  et  en  géné- 
ral mieux  traité  qu'en  allant  à  Pe- 
king. Cependant  lorsqu'il  descendit  à 
terre,  à  Canton  ,  le  gouverneur  de  la 
ville  ni  aucun  chinois  ne  se  présenta 
pour  le  recevoir.  Le  11  mai,  l'am- 
bassade fut  terminée.  Un  édil  relatif 
à  celte  mission  et  l'exemption  de 
droits  pour  le  navire  qui  avait  ame- 
né l'ambassadeur  parurent  aux  Chi- 
nois plus  que  suHisants  pour  dédom- 
mager les  Hollandais  de  leurs  dépen- 
ses. Titsingh  ,  à  son  départ  de  Can- 
ton, fut  accompagné  jusqu'à  Macao 
par  trois  officiers,  parce  que  si  les 
Chinois  traitent  lestement  les  étran- 
gers qu'ils  reçoiA'ent,  néanmoins  ils 
veillent  à  ce  qu'il  ne  leur  arrive  au- 
cun accident.  Après  un  séjour  de 
trente-trois  ans  en  Asie,  Tiîsingh  re- 
vit l'Europe.  Il  y  était  avantageuse- 
ment connu  de  plusieurs  savants,  et 
coi'respondait  avec  eux,  entre  autres 
avec  sir  W.  Marsden ,  à  qui  nous  de- 
vons un  ouvrage  si  important  sur  Su- 
matra. Possesseur  d'une  fortune  con- 
sidérable, Titsingb  la  fit  partager  à 
sa  famille.  11  s'occupait  de  mettre  en 
ordre  les  matériaux  nombreux  qu'il 
avait  apportés  du  Japon  ,  et  voulait 
publier  le  résultat  de  ses  recherches, 
a-la-fois  en  Hollande,  dans  sa  langue 
maternelle,  et  à  Paris,  en  français. 
11  venait  fréquemment  dans  cette  ca- 
pitale, et  avait  même  iini  par  y  fixer 
à -peu -près  son  séjour,  lorsqu'une 
maladie  aiguë  l'emporta,  en  février 
l'61'x.  Tous  ceux  qui  l'ont  connu  sa- 
vent que   ses  manières  franches    et 


î66  TIT 

loyales  et  son  caractère  aimable  lui 
gagnaient  l'affection  et  l'estime.  Sa 
conduite  ge'uëreusc  en  Chine  et  ail- 
leurs lui  valut  une  considération  qui, 
dans  ce  pays,  ne  s'accorde  pas  faci- 
lement aux  étrangers.  On  a  publie' , 
d'après  ses  manuscrits:  i°.  Cérémo- 
nies usitées  au  Japon  pour  les  ma- 
riages et  les  funérailles  ,  suivies  de 
détails  sur  la  poudre  Dosia;  et  de 
la  préface  d'un  livre  de  Confoutzée 
sur  la  piété  filiale  ,  traduit  du  japo- 
nais ,  par  feu  M.  Titsingli,  Paris, 
îSig,  2  vol.  in-S".,  dontun^obloug, 
renferme  soixante  -  seize  planches  , 
d'après  des  gravures  et  des  dessins 
japonais.  Ces  Mémoires  ,  extrême- 
jneuts  curieux,  sont  précédés  d'une 
introduction  très-intéressante  ,  dans 
laquelle  l'auteur  fait  voir  que  plu- 
sieurs Japonais  de  la  première  dis- 
tinction reconnaissent  que  leur  pays 
ne  pourrait  que  gagner  à  la  fréquen- 
tation des  peuples  étrangers.  Les  prê- 
tres, par  leurs  ai'tifices,  ont  jusqu'à 
'  ])résent  fait  échouer  tous  les  projets 
«l'amélioration  ;  a".  Mémoires  et 
titiecdotes  de  la  dynastie  régnante 
des  Djoguuns  ,  souverains  du  Ja- 
pon ,  avec  la  description  des  fêtes  et 
cérémonies  observées  aux  différen- 
tes époques  de  l'année  à  la  cour 
de  ces  princes ,  et  un  appendice 
contenant  des  détails  sur  la  poésie 
des  Japonais  ,  leur  manière  de  di- 
viser l'année,  etc.,  Paris,  1820, 
in-8''. ,  fig.  M.  Abel  Remusat ,  à  qui 
l'on  doit  cette  publication,  l'a  enri- 
«;l)ic  de  notes  et  d'éclaircissements  , 
et  il  a  corrigé  l'orlhograjibe  des  noms 
propres,  qui  élaunl  suivant  la  pro- 
nonciation hollandaise  ,  précaution 
que  l'on  n'avait  ])as  eue  poiu'  le  li- 
vre piécédrnl.  lie  .savant  éditeur 
fait  connaître  toute  l'iniporlance  des 
travaux  de  Tilsingli  ,  qu'il  regarde 
cunurie   un  observateur  judicieux  , 


TIT 

et  attentif  et  qui  ,  par  les  moyens 
qui  étaient  a  sa  disposition  ,  avait 
pu  se  procurer  sur  le  Japon  les 
notions  les  plus  exactes  et  les  plus 
aprofondies  qu'il  soit  possible  à 
un  étranger  d'obtenir.  Ou  trouve 
dans  la  Préface  du  livre  une  no- 
tice détaillée  de  tout  ce  que  Titsingh 
avait  rapporté  du  Japon.  Une  partie 
fut  dispersée  après  sa  mortj  et  i!  cir- 
cula, àcetégard,  des  bruits  peu  hono- 
rables pour  quelques  savants.  Ensui- 
te on  est  parvenu  à  recueillir  la  totalité 
des  dessins  .  peintures  et  manuscrits 
tant  japonais  que  hollandais ,  fran- 
çais et  anglais.  La  bibliothèque  du 
Roi  est  redevable  à  Titsingh  de  VEn- 
cycJopédie  japonaise ,  collection  rare 
et  importante.  Le  Voyage  au  Ben- 
gale^ de  Charpentier  Cossigny,  con- 
tient une  Notice  sur  le  Japon,  que 
cet  auteur  a  rédigée  de  mémoire , 
d'après  plusieurs  conversations  qu'il 
avait  eues  avec  Titsingh  à  Chinchou- 
ra.  On  y  remarque  quelques  inexac- 
titudes. Ou  lit  dans  le  tome  xxiv  des 
Annales  des  voyages  des  descrip- 
tions de  la  Terre  leso  ,  traduites 
du  japonais  par  M.  Titsingh;  et  une 
Notice  sur  sa  collection.  La  relation 
de  son  ambassade  à  Peking  a  paru 
sous  ce  titre  :  P^oyage  de  l'ambas- 
sade de  la  compagnie  des  Indes 
Orientales  hollandaises  vers  l'em- 
pereur de  la  Chine ,  en  1 794  et  \ 
i^gS  ;  tirée  du  journal  de  f^an 
Braam ,  et  publiée  j^ar  Moreau  de 
Saint- Méry  ,  Philadelphie,  1790- 
1797  ,  in-4".  ,  réimprimée  à  Paris  , 
in-4°.  et  in-S*».  Le  livre  de  Van 
Braam  est  écrit  avec  beaucoup  d'em- 
phase ,  et  contient  ])eu  de  choses 
neuves.  On  en  trouve  davantage,  et 
surtout  un  récit  plus  sincère  des 
aveiituies<le l'ambassade,  tlaiis  l'oii- 
vragr  de  M.de  ("iiiignes,  f'nyuges  à 
Peking,  Manille  et  Vile  de  France,. 


TIT 

Paris ,  1808,  3  vol.  m-8<'.  Cet  auteur 
pense  que  puisque  les  Hollandais 
avaient  un  homme  tel  que  Titsingh 
il  était  inutile  de  lui  associer  un  se- 
cond ,  qi^i,  avec  de  l'esprit  et  de  l'a- 
mabilitc,  n'avait  nullement  le  carac- 
tère ferme  et  propre  à  la  place  qu'il 
occupait.  E — s. 

TITUS  SaBINUS  VESPASIA- 
NUS  (Furius) ,  empereur  romain, 
uc  le  3o  décembre  de  l'an  de  Rome 
794  (  4o  de  J.  -  C.  ) ,  était  l'aîné  des 
lils  de  Vespasien  ,  qui  fut  empereur 
avant  lui  (/^.  Yesp^sien)  ,  et  de  Fla- 
via,  Domitilla.  11  fut  élevé  à  la  cour 
de  Néron  ,  avec  Britannicus ,  dont  il 
partageait  les  études  et  les  jeux.  Il 
mangeait  à  la  table  du  jeune  prince  j 
et  comme,  dans  leur  familiarité  en- 
fantine, tous  deux  huvaieut  dans  la 
même  coupe ,  Titus ,  en  goûtant  du 
breuvage  empoisonne  que  Néron  des- 
tinait à  son  frère,  ])ensa  suivre  au 
tombeau  l'infortuné  Britannicus.  En 
mémoire  de  cet  événement ,  le  fils  de 
Yespasien ,  devenu  empereur ,  érigea 
à  sou  ami,  dans  le  palais  impérial, 
deux  statues  équestres  ,  l'une  d'or  et 
l'autre  d'ivoire.  Destiné  à  être  pro- 
clamé un  jour  V amour  et  les  délices 
du  genre  humain,  Titus  se  lit  chérir 
dès  sa  plus  tendre  enfance,  par  l'a- 
ménité de  son  caractère,  parla  viva- 
cité de  son  esprit ,  et  entiu  par  ces 
grâces  extérieures  qui  donnent  un 
nouveau  prix  aux  qualités  de  l'ame 
(i)-  Ces  heureux  dons  se  développè- 
rent rapidement  chez  Titus.  Sa  force 
prodigieuse,  son  adresse  admirable  à 
tous  les  exei'cices  gymnasliqucs  et  mi- 
litaires ,  sa  mémoire  prompte ,  sou 
aptitude  aux  arts  et  aux  sciences  ^  le 
faisaient  admirer  comme  le  plus  aC' 
compll  de  tous  les  jeunes  Romains. 


(1)  Gralior  cl  pitlchi-o  veniens  in  corpore  virliiS, 
(.  Virgil. ,  /Eneid.  ) 


TIT  1G7 

Un  deviïi  âvait  promis  l'empiie  à 
Titus  encore  enfant  :  les  brillantes 
qualités  de  sa  jeunesse   semblaient 
déjà  l'en   rendre  digne.  Egalement 
versé  dans  les  deux  langues ,  il  com- 
posait des  vers  et  improvisait  des 
discours  engrecct  en  latin.  Il  n'était 
pas  étranger  à  la  musique  ,  et  chan- 
tait, en  s'accompaguant  sur  la  harpe, 
avec  autant  d'agrément  que  de  mé- 
thode. Il  s'était  accoutumé  à  écrire 
aussi  vite  que  la  parole,   au  moyen 
d'abréviations  (/^^.Tiron  ci-dessus); 
et  s'amusant  quelquefois  avec  ses  se- 
crétaires à  contrefaire  toutes  les  si- 
gnatures qu'on  lui  présentait,  il  disait 
avec  gaîté  :  «  qu'il  n'aurait  tenu  qu'à 
»  lui  d'être  le  plus  habile  faussaire 
»  de  l'empire.  »  Avec  tant  de  moyens 
de  séduction,  il  était  diiïicile  qu'il 
n'en  abusàtpas;  aussi  s'abandonna-t-il 
avec  emportement  à  tous  les  plaisirs 
d'une  cour  dissolue  {1)  :  mais  Vespa- 
sien ,  qui ,  sous  Claude  et  sous  Néron , 
fut  un  des  meilleurs  officiers  des  ar- 
mées impériales^  arracha  son  fils  à 
cette  funeste  oisiveté,  pour  le  former 
au  métier  dos  armes.  Titus  était  des- 
tiné à  parcourir  tous  les  grades  mi- 
litaires; et  ce  fut  en  obéissant  qu'il 
apprit  à  commander.  Tribun  légion- 
naire en  Germanie  et  dans  la  Grande- 
Bretagne  ,  il  se  distingua  par  sa  va- 
leur héroïque ,  et  se  fit  chérir  des 
étrangers  par  sa  douceur  et  sa  modé- 
ration. Aussi ,  quand  le  père  de  Titiis 
fut  devenu  empereur,  la  reconnais- 
sance des  Bretons  et  des  Germains  se 
signala  par  un  grand  nombre  de  sta- 
tues et  d'inscriptions  en  l'honneur  de 
ce  jeune  prince.  Après  ses  premières 
campagnes ,  Titus  se  livra  aux  alTai- 
res  civiles  avec  plus  de  talent  que 


(pî)  Sa  jeunesse  ,  nourrie  ?i  la  cour  de  Ne'ron  , 
S'csarait ,  clicr  Paulin,  par  l'excmiile  nbuse'e, 
Et  suivait  du  plaisir  la  roule  Uop  aisée. 

(  Racine,  Bérénice.  ) 


i68  TIT 

d'assiduité  ;  car,  auseiudeRome,  sa 
grande  a(Rure  était  le  plaisir.  C'est 
dans  ce  temps  qu'il  épousa  Arricidia 
Tcrtulla  ,  lîlle  d'un  simple  chevalier 
romain,  mais  qui  avait  été  préfet  du 
prétoire.  Devenu  veuf,  Titus  s'unit, 
en  secondes  noces,  à  Marcia  Funiilla, 
femme  d'une  naissance  illustre,  dont 
il  eut  une  iille,  et  qu'il  répudia  par  la 
suite.  Au  sortir  de  la  questure,  il  sui- 
vit, en  Judée,  Vespasien,  son  père,  que 
Néron  avait   chargé  de  réduire  les 
Juifs  révoltés  (an  de  Rome  8^0  ,  de 
J.  -  C.  G7  ).  Titus  avait  alors  vingt- 
six  ans  ;  et  sur  ce  théâtre  brillant  d'u- 
ne guerre  longue  et  dilïicile,  il  devait 
déployer  tout  le  zèle  d'un  fidèle  lieu- 
tenant, toute  la  valeur,  toute  l'habi- 
leté d'un  grand  capitaine.  II  rendit 
les  plus  grands  services  à  son  père, 
et  ouxnt  la  campagne  en  lui  amenant 
d'Alexandrie  deux  légions.  A  Jota- 
pat  ,  où  s'élait  renfermé  l'historien 
Josèphe,  gouveineur  de  la  Galilée, 
il  monta  le  premier  à  l'assaut  qui  ter- 
mina le  Siège,  après  quarante  -sept 
jours  d'elïorts  inutiles.  Il  avait  mé- 
rité le  prix  de  la  bravoure  j  il  s'ho- 
nora par  sa  bonté,  en  recommandant 
Josèphe  à  la  clémence  de  Vespasien, 
qui  le  reliait  avec  honneur  auprès  de 
sa  personne.  Tout ,  dans  l'armée  de 
ce  vieux  général ,  semblait  ne  respi- 
rer que  ])our  la  gloire  de  son  aima- 
ble et  valeureux  lils.  Titus  Trajan  , 
père  de  l'empereur  de  ce  noîn  ,  était 
sur  le  point  de  prendre  JalTa,  dont 
il  avait  déjà  forcé  la  ])rcmière  en- 
ceinte; mais,  par  une  attention  déli- 
cate, voulant  lais'^er  au  lils  de  son  gé- 
néral riionueur  de  celle  conquête,  il 
fit  avertir  Vespasien,  qui  lui  envoya 
Titus  avec  un  renfort;  et  le  jeune 
guerrier  eut  bientôt  enlevé  la  secon- 
de enceinte  à  la  pointe  de  rcj)cc.  Le 
siège  de  Tarichée,  place  très -forte, 
située  sur  le  lac  de  Tibériadc ,  lui  of- 


TIT 

frit  une  occasion  plus  sérieuse  de  si- 
gnaler sa  valeur  et  son  habileté.  Deux 
ti'oupes  considérables,  l'une  campée 
dans  la  plaine ,  l'autre   servant  de 
garnison,  défendaient  cette  ville  mal- 
gré ses  habitants.  Titus,  après  avoir 
dispersé  la  première,  à  la  suite  d'une 
attaque  très-vive,  donna  sur-le-champ 
l'assaut ,  mit  hors  do  combat  la  nom- 
breuse garnison  ;  puis ,  maître  de  la 
ville,  fit  main-basse  sur  tous  les  sol- 
dats ,  et  prit  sous  s»  protection  les  ci- 
toyens. Il  entra  ensuite  d'assaut  dans 
Gimale.  De  là  il  vint  investir  Giscale , 
défendue    par  un  fameux    partisan 
nommé  Jean  :   déjà  la  place  était 
hors  d'état  de    résister   plus  long- 
temps, et  Titus  n'avait  qu'à  ordon 
ner  l'escalade   pour  s'en  emparer  ; 
mais  il  desirait  épargner  l'effusion  du 
sang,  et,  s'approchant  des  murs,  il 
oO'rit  aux  habitants  toute  sûreté  s'ils 
voulaient  ouvrir  leurs  portes.  Jean 
j^arut  accepter  cette  offre  avec  re- 
connaissance ,  et  demanda  seulement 
un  jour  de  délai  motivé  sur  la  solen- 
nité du  sabbat.  Titus  était  si  loin  de 
soupçonner  aucun  artifice,  qu'il  éloi- 
gne son  camp  de  la  ville,  ])Our  ins- 
pirer aux  assiégés  la  confiance  qu'il 
leur  accorde  à  eux-mêmes  ;  le  perfide 
Jean  de  Giscale  profile  de  la    nuit 
pour  s'évader  avec  son  armée,  et  un 
grand  nombre  de  femmes  et  d'enfants. 
Le  lendemain  Titus  est  reçu  dans  la 
place  avec  enthousiasme  par  le  peu- 
])le  ;  irrité  de  la  fourberie  de  Jean  , 
il  envoie  à  sa  poursuite  un  corps  de 
cavalerie  qui  ne  put  l'alteindre,  mais 
(jui  fit  maïu-basse  sur  la  troupe  de 
femmes  et  d'enfants  ,  dont  ce  traître 
s'était  faitsuivre.  A])r('SCPS  exploits, 
le  filsdc  Vospasieii  alla  avecsesdeux 
légious  preudreses  quartiers  d'hiver  à 
Césarée,  auprès  de  son  [lère.  Diu'ant 
cette  glorieuse  cain|)agne  i!  vit,  pour 
la  première  fois,  Bérénice ,  princesse 


TIT 

juive,  qui  portait  le  titre  de  reine 
sans  avoir  de  loyaume  :  il  fut  épris 
de  ses  cliarmes  ;  et  bien  cpie  Bérénice 
aspirât  à  obtenir  le  même  ascendant 
snr  lui  que  Cle'opâtre  avait  exerce  snr 
Marc-Antoine,  il  ne  parait  p.^s  que 
celte  passion  ait  jamais  porte  ïitiis 
à  nefi;!iç;er  ses  afl'aircs  (  i  ).  Cependant 
un  soulèvement  dans  Rome  avait  ter- 
mine' la  vie  do  Néron  :  les  lec:;ions 
avaient  [)roclamë  Galba  empereur  : 
le  peuple  romain  l'avait  reconnu. 
Vespasien,  qui  ne  formait  encore  au- 
cun vœu  pour  l'empire  ,  envoya  son 
lîls  aine  êtfrir  ses  hommages  au  nou- 
veau maître  du  monde.  Titus,  de  son 
cote',  ne  donnait  à  son  départ,  dit  Ta- 
cite, d'autres  motifs  que  celui  d'aller 
faire  sa  cour  au  prince  ,  et  solliciter  !es 
honneurs  auxtjuels  son  âge  lui  per- 
mettait de  prétendre  (  il  avait  alors 
vingt-sept  ans  )  :  mais  le  public , 
prompt  à  former  des  conjectures  , 
avait  répandu  le  bruit  que  Galba  , 
vieux  et  sans  enfants  ,  le  mandait 
pour  l'adopter.  Les  qualités  même 
de  Titus ,  digne  de  la  plus  haute  for- 
tune, un  heureux  accord  de  grâce  et 
de  majesté,  les  succès  de  Vespasien, 
quelques  prédictions ,  des  événements 
tout  simples,  mais  que  la  crédulité 
transformait  en  présages  ,  tout  con- 
courait à  forlilier  ces  bruits.  En  ar- 
rivant à  Corinlhe,  Titus  apprit  la 
mortdeGalba,  etaprcsde  mûres  ré- 
flexions ,  il  revint  sur  ses  pas.  Il  était 
convaincu  que  s'il  persistait  à  aller  h 
Rome,  on  ne  lui  saurait  aucun  gré 
d'un  voyage  entrepris  pour  un  autre; 
et  qu'il  ne  serait  qu'un  otage  pour 
Vitellius  ou  pour  Olhon.  Son  retour, 
il  est  vrai ,  ne  pouvait  manquer  de 
choquer  le  vainqueur;  mais  son  père, 
en  se  déclarant  avec  ses  légions  pour 


(i)  Xed  geiciiilii  nhiis  nnUiim  ex  en  ini/iciliiiien- 
iHin  (Tacil.  ,  Iliil.  ,  IT,  ï.  ) 


TIT 


i6ç) 


un  parti ,  avant  que  la  victoire  fût 
décidée,  devait  lui  obtenir  sa  grâce. 
Enfin  ,  si  Vespasien  aspirait  à  l'em- 
pire ,  peu  importait  d'ollenser  quand 
on  songeait  à  combattre.  Tels  furent, 
selon  Tacite,  les  graves  motifs  qui 
ramenèrent  Titus  en  Orient  ,  et  non 
pas,  comme  quelques-uns  le  préten- 
daient ,  son  ardente  passion  pour 
Bérénice.  Dans  sa  route,  il  relâcha  à 
riledeChvprc,et  consulta  l'oracle  de 
Vénus,  à  Paphos  :  le  prêtre  lui  dé- 
voila les  hautes  destinées  de  sa  fa- 
mille ;  et  plein  d'une  nouvelle  con- 
fiance ,  Titus  rejoignit  heureusement 
son  père  en  Syrie  ;  c'était  au  moment 
où  les  provinces  et  les  légions  ,  pour 
ainsi  dire  en  suspens  ,  ne  savaient  à 
quel  empereur  vouer  leur  fidélité. 
Son  retour  opéra  une  révolution  :  on 
avait  prêté  serment  à  Othon  :  des  que 
Titus  parut,  ce  serment  fut  oublié,  et 
tout  conspira  pour  élever  Vespasien 
à  l'empire.  Un  chef  illustre  parta- 
geait avec  ce  dernier  le  commande- 
ment des  forces  de  l'Orient  :  c'était 
Mucianus,  gouverneur  de  Syrie;  mais 
la  proximité  de  leurs  provinces  les 
avait  rendus  ennemis  l'un  de  l'autre. 
Titus  les  réconcilia  ,  et  fut  ensuite, 
selon  Tacite,  le  lien  principal  de  leur 
concorde.  La  nature  et  l'art ,  ajoute 
cet  historien  ,  avaient  donné  au  fils 
de  Vespasien  un  charme  qui  séduisait 
jusqu'à  Mucianus  lui-même.  Les  tri- 
buns ,  les  centurions  et  les  moindres 
soldats  aimaient  en  lui  ,  chacun  sui- 
vant son  caractère,  les  vertus  réelles 
ou  les  vices  aimables  de  cet  incom- 
parable jeune  homme ,  et  tous  ne 
respiraient  que  pour  lui.  Déjà  Ves- 
pasien avait  formé  le  siège  de  Jéru- 
salem ,  qui,  seule  de  toutes  les  villes 
delà  Judée,  n'était  pas  encore  rentrée 
dans  le  devoir.  11  suspendit  cette  en- 
treprise pour  aller  en  figypte  se  faire 
proclamer  empereur.  Quand  il   fut 


170 


TIT 


lemps  pour  lui  d'aller  se  faire  recon- 
naître à  Rome,  il  chargea  Titus  de 
reprendre  le  sie'ge  de  Jérusalem. 
11  importait  à  Vespasien  de  ne  pas 
laisser  incomplète  la  conquête  de  la 
Judée  ,  et  il  lui  était  utile ,  dans  un 
commencement  de  règne  ,  d'avoir 
son  fds  à  la  tcte  d'une  grande  ar- 
mée. Avant  de  prendre  congé  de 
son  père  ,  Titus  ,  conciliant  les 
devoirs  de  lîls  et  de  frère  ,  sut  adou- 
cir les  peines  cuisantes  que  cau- 
sait à  Vespasien  la  couduite  coupable 
de  Domiticn  5  mais  en  même  temps  , 
il  sut  calmer  son  ressentiment  pater- 
nel envers  ce  fils  indigne.  Il  partit 
alors  pour  Jérusalem  :  trois  légions, 
composées  des  vieux  soldats  de  Ves- 
pasien, l'attendaient  non  loin  de  celte 
ville  :  ilycnjoiguittrois  autres, dont 
iDie  tirée  de  Syrie  ,  et  deux  venues 
d'Egypte  à  sa  suite.  Il  avait  en  outre 
vingt  cohortes  alliées,  huit  divisions 
de  cavalerie,  un  corjiS  considérable 
d'Arabes  et  les  auxiliaires  d'Antio- 
chus  roi  de  Coinagène;  Agrippa  et 
iSohème,  souverains  de  deux  contrées 
de  la  Palestine,  Tavaieut  joint  avec 
<pielques  forces.  En  un  mot,  les  ar- 
mées ,  les  provinces  et  les  rois  se 
disputaient  le  bonheur  de  le  servir  j 
lui-même  mettait  son  ambition  à  pa- 
raître supérieur  à  la  fortune  :  il  fixait 
tous  les  regards  par  l'éclat  de  sa  va- 
leur et  de  sa  beauté  :  il  attirait  tous 
les  cœurs  par  l'allabililé  et  la  grâce; 
et  souvent  dans  les  travaux,  dans 
les  marches,  il  se  mêlait  aux  simples 
soldais,  sans  rien  jierdre  de  la  digni- 
té d'un  général.  Tel  est  le  portrait 
que  Tacite  a  tracé  de  ce  jeune  prince. 
Dès  qu'il  fut  entré  sur  le  territoire 
ennemi,  Titus  ,  qui  jirévovait  la  ré- 
sistance acharnée  des  Juiî's,  marcha 
dans  h;  plus  grand  ordre  et  avec  pré- 
tanlion,  fais-inl  reconnaître  tous  les 
lieux  ,  cl  se  lenanl  toujoiirj  prêt  à 


TIT 

combattre  ;  puis  il  vint  camper  avec 
toutes  ses  forces  à  quelques  stades  de 
Jérusalem.  La  nature  et  l'art  avaient 
fait  de  cette  ville  une  des  plus  fortes 
places  de  l'univers  :  le  nombre  de 
ses  habitants  était  prodigieux  ;  d'ail- 
leurs ,  à  ra])proche  de  la  pâque,  un 
peuple  innombrable  y  était  accouru 
de  toutes  parts  pour  célébrer  cette 
solennité.  Cette  foule ,  à  la  vérité  , 
était  bien  plus  propre  à  affamer  la 
place  qu'à  la  défendre;  mais  le  fa- 
natisme national  et  religieux  des  Juifs 
devait  les  rendre  insensibles  à  la  fami- 
nccomme  à  tous  les  autres  fléaux  d'un 
siège.  Leurs  forces  eussent  été  bien 
ph'.s  redoutables  sans  leur  désunion  ; 
mais  le  commandement  avait  été  par- 
tagé entre  trois  chefs  ^  dont  chacun 
était  obéi  dans  une  partie  de  la  ville 
et  détesté  comme  un  ennemi  dans  les 
deux  autres.  C'étaient  Eléazar  ,  fils 
de  Simoji,  Jean  de  Giscale,  et  Simon 
fils  de  Gioras.  Les  troupes  aux  or- 
dres de  ces  factieux  eus.angl  an  talent 
chaque  jour  Jérusalem  ,  et  la  plus 
grande  partie  du  peuple,  opprime' 
])ar  ces  diverses  tyrannies  ,  appelait 
l'ennemi  de  tous  ses  vœux;  mais  per- 
sonne n'osait  exprimer  hautement 
cette  pensée  :  la  mort  eut  été  le  prix 
de  celte  manifestation  imprudente. 
L'un  de  ces  chefs  oppresseurs  de  Jé- 
rusalem devait,  à  la  fin  du  siège, 
interdire  jusqu'aux  entretiens  particu- 
liers à  ses  malheureux  habitants.  Tel 
était  l'état  de  cette  capitale,  quand 
Titus  parut  à  la  vue  de  ses  miu's,  au 
mois  de  mars  de  l'an  70  de  notre  ère. 
Avant  d'établir  son  camp,  il  s'avança 
avec  six  cents  chevaux  d'élite  pour 
reconnaître  les  fortifications  et  les 
dispositions  des  ennemis,  espérant 
que  sa  ])résencc  exciterait  dans  la 
ville  quelque  mouvement  qui  le  dis- 
penserait de  tirer  l'e'pée.  Il  fut  bien- 
tôt désabusé  :  les  défenseurs  de  la 


TIT 

place  sorlircnt  avec  impëuiosito  ,  et 
enveloppèrent  l'escorte  du  prince  cpû 
ne  se  tira  de  ce  danger,  que  par  des 
prodiges  de  bravoure.  Dès  le  lende- 
main les  troupes  des  trois  chefs,  re'u- 
nies  un  moment  par  le  danger  com- 
'  niun  ,  firent  une  nouvelle  sortie  sur 
la  dixième  légion  ,  qui  travaillait  k 
ses  rctrancluments  :  elle  allait  être 
dispersée,  si  le  prince  lui-même  ne 
lut  venu  la  dégager  ,  à  la  tête  d'iuie 
Iroupe  choisie.  Après  cet  avantage  , 
il  s'éloigna  ,  et  la  dixième  légion  re- 
piit  SCS  travaux. Les  Juil's  reviennent 
à  la  charge,  la  légion  est  de  nouveau 
en  péril  ;  mais  Titus  accourt  pour  la 
sauver  une  seconde  fois.  Cependant 
à  la  faveur  des  divisions  qui  ne  tar- 
dèrent pas  à  renaître  parmi  les  as- 
siégés ,  il  parvint  à  entourer  la  par- 
tie septentrionale  de  la  ville  de  ses 
ouvrages  de  siège.  Jean  de  Giscale' 
s'empara  du  temple  qu'occupait  le 
parti  d'Eléazar  ;  tailla  en  pièces  la 
plus  grande  partie  des  soldats  de  ce 
dernier ,  et  le  réduisit  à  êti-e  son  subor- 
donné. Ainsi  Jérusalem  n'eut  pi  us  que 
deux  chefs  :  Jean ,  qui  était  maître  du 
temple  5  et  Simon  qui  commandait  le 
reste  de  la  ville.  Tout  acharnés  qu'ils 
étaient  à  se  détruire  réciproquement, 
les  Juifs  n'en  étaient  pas  moins  ani- 
més contre  les  Romains.  Dans  une 
sortie  générale  et  inattendue,  ils  pé- 
nétrèrent jusqu'aux  ouvrages  des  as- 
siégeants :  déjà  ils  commençaient  à 
V  mettre  le  feu,  lors(p!e  Titus  sur- 
vient à  la  tête  de  la  cavalerie  : 
sa  présence  ranime  les  Romains  et 
double  leurs  forces  j  les  Jnifs  sont 
repoussés ,  mais  non  sans  avoir  long- 
temps disputé  la  victoire.  Suétone  ra- 
conte que  ,  dans  cette  occasion ,  douze 
traits  lancés  par  le  fils  de  Vespa- 
sien  renvcisiicnt  autant  d'ennemis. 
Enlinaprèsquin/,ejoursd'eirorls,ilsc 
rendit  maître  de  la  premicic  des  trois 


TIT  17Î 

enceintes  qui  défendaient  Jérusalem. 
Le  second  mur  ne  l'arrêta  pas  aussi 
long-temps  :  dès  le  cinquième  jour 
il  avait  fait  une  brèche,  et  pouvait, 
eu  l'élargissant  et  en  faisant  avancer 
toutes  ses  forces  ,  prendre  sur-le- 
champ  d'assaut  cette  partie  de  la 
ville;  mais  les  ménagements  que  lui 
inspirait  sa  bonté  retardèrent  sa 
victoire.  Il  voulait  conserver  cette 
fameuse  cité,  il  voulait  sauver  ses 
habitants,  et,  faisant  cesser  le  carna- 
ge ,  il  se  contenta  de  garder  la  brè- 
cheavec  millelégionnaires  et  la  trou- 
pe d'élite  fpu  lui  servait  toujours 
d'escorte.  Le  peuple,  touché  de  ce 
procédé,  était  disposé  à  se  rendre; 
mais  les  satellites  des  tyrans,  prenant 
la  modération  chi  prince  pour  de  la 
faiblesse^  imposent  silence  à  leurs  con- 
citoyens etaîtaquent  avec  toutes  leurs 
forces  cette  poignée  de  Romains  qui 
occupent  la  brèche.  Titus  lui-même 
fut  enveloppé,  et  il  lui  fallut  toute  sa 
bravoure  pour  s'assurer  une  retraite 
honorable.  Il  ne  laissa  pas  aux  Juifs 
le  temps  de  réparer  la  brèche  ,  et 
après  quatre  jours  de  combat ,  il  put 
se  loger,  avec  sécurité,  dans  la  se- 
conde enceinte.  Le  siège  était  com- 
mencé depuis  vingt- quatre  jours  : 
Jérusalem  était  à  moitié  conquise  j 
mais  ni  le  temple  ,  ni  la  tour  Anto- 
nia  ,  ni  la  citadelle  de  Sion  n'étaient 
encore  en  son  pouvoir. Espérant  por- 
ter enfin  les  Juifs  à  se  rendre,  il  lit, 
sous  leurs  yeux,  au  milieu  de  la  basse- 
ville,  la  revue  de  toute  son  armée, 
avec  l'appareilaccoutumé.Ce  specta- 
cle imposant  ébianla  les  factieux;  mais 
après  une  résistance  aussi  obstinée, 
ils  ne  pouvaient  croire  au  pardon  de 
Titus  ,  et  refusèrent  de  se  rendre.  Ils 
ne  lassèrent  pourtant  point  encore  sa 
clémence  :  quatre  jours  après,  lors- 
qu'il eut  dressé  toutes  ses  macliincs 
contre  la  ville-haute  et  contre  la  tour 


172  TIT 

Aiitoiiia  ,  avant  de  donner  le  signal 
de  nouveaux  combats  ,  il  chargea 
1  historien  Joscphe  d'ex.horter  ses 
compatriotes  à  céder  à  la  nécessité. 
On  peut  voir,  dans  l'article  de  cet 
illustre  juif  (  F.  JosÈphe  (  Flavius  ) , 
XXII,  33),  combien  cette  ouvertu- 
re pacilique  fut  inutile  et  même  péril- 
leuse j;our  lui.  Cependant  la  famine 
e'tait  dans  Jérusalem  :  un  grand  nom- 
bre d'habitants  s'échappaient  par 
dessus  les  murs.  Titus  accueillait  avec 
humanité  ceux  qui  se  présentaient  en 
sup[)liants,  et  leur  permettait  d'aller 
plus  loin  chercher  leur  subsistance. 
Voyant  que  tant  de  ménagements  ne 
pouvaient  toucher  les  assiégés,  il  se 
décida  à  sévir.  Il  faisait  crucifier  les 
malheureux  qu'on  prenait  chaque 
nuit  5  et  il  y  en  eut  jusqu'à  cinq 
cents.  La  place  et  le  bois  manquèrent 
à  ces  supplices.  Les  factieux  tirèrent 
parti  de  cette  rigueur  cruelle  ,  pour 
faire  accroire  au  peuple  que  ces  in- 
fortunés étaient  des  suppliants  et  non 
pas  des  ])risonniers  ;  et  cette  ruse 
emj)êcha  la  désertion.  Titus,  informé 
de  l'erreur  dans  laquelle  on  entrete- 
nait le  peuple,  renvoya  dans  la  ville 
quelques  prisonniers  pour  désabu- 
ser leurs  concitoyens,  après  avoir 
eu  la  barbare  précaution  de  leur 
faire  couper  les  mains.  Mais  les 
supplices,  la  douceur,  les  défaites, 
rien  ne  peut  ébranler  les  Juifs  :  dans 
leur  audace  désespérée,  ils  se  font 
jour  jusqu'aux  ouvrages  des  Ro- 
mains, et  les  détruisent  par  la  sappe 
et  par  la  mine  :  il  fallut  même  (|ue 
Titus  eu  personne  vînt  à  la  défense 
de  son  camp,  qu'ils  allaient  eiujior- 
ter.  Pour  prévenir  de  semblables  ten- 
tatives ,  il  (it  construire  en  trois  jours 
une  luur.'iillc  de  ciiK|  mille  pas  de 
circuit,  flanquée  de  trois  forts  :  nuit 
et  jour  il  surveillait  ces  iuiiueiises 
travaux  ,  auxquels  tous  les  Romains, 


TIT 

tous  les  auxiliaires  s'appliquèrent 
avec  ardeur.  Tacite  rend  raison  de 
cette  étonnante  activité  de  la  part  du 
prince  et  de  ceux  qu'il  commandait. 
Ceux-ci  ne  voulaient  pas  attendre  de 
la  famine  la  reddition  de  la  place,  et 
ils  voulaient  des  périls,  les  uns  par 
bravoure ,  les  autres  par  amour  du 
s.ing  et  du  pillage.  Pour  Titus,  il  ne 
voyait  que  Rome,  et  la  puissance  et 
les  plaisirs  qui  l'y  attendaient  :  tout 
le  temps  que  résisterait  Jérusalem 
lui  semblait  pris  sur  son  bonheur. 
Cependant  les  défenseurs  de  la  place 
avaient  été  insensibles  à  la  famine 
tant  que  ce  fléau  n'atteignit  que  le 
peuple.  Dès  qu'il  se  propagea  jus- 
que dans  leurs  quartiers  ,  ils  se 
créèrent  d'horribles  ressources ,  en 
égorgeant  les  habitants  ,  pour  leur 
arratlier  leur  nourriture  ;  le  moment 
vint  où  tout  fut  épuisé,  même  dans 
le  temple  dont  les  gardiens  n'avaient 
jusqu'alors  manqué  de  rien  ,  en  dé- 
tournant pour  leur  usage  les  vic- 
times destinées  aux  sacrifices  ;  en- 
fin,  l'on  vit  dans  la  ville  une  mère 
manger  son  propre  fils.  Titus ,  qui 
tant  de  fois  avait  gémi  sur  les  souf- 
frances des  assiégés  ,  ne  ];eut  tenir 
contre  une  pareille  horreur  :  il  re- 
double d'ellorts  pour  mettre  fin  à  son 
entreprise,  moins  par  le  désir  de 
A'aincrc  cpie  ])0ur  faire  cesser  tant  de 
maux.  11  était  déjà  maître  de  la  par- 
tie du  t<'m])le  appelée  cour  des  Gen- 
tils :  il  fait  agir  le  bélier,  la  sappe  ;  il 
ordonne  l'assaut  pour  forcer  les  der- 
nières enceintes  :  rien  ne  lu:  réussit  ; 
la  solidité  des  coiislruclions  ré.>>iste 
à  tout  l'etl'urt  des  machines.  11  fait 
alors  mettre  le  feu  aux  portes  :  l'in- 
centlie  ,  qui  se  jirolonge  pendant  un 
jour  et  une  nuit,  aurait  gagn(i  tout  le 
lem|ile,si  'i'itiis  lui-même  u'eùl  or- 
d()i)U(!  de  rcleiiidre  afin  d'épargner 
du  moins  le  suint  des  saints,  com- 


TIT 

me  un  monument  magnifique,  dont 
la  conservation  devait   contribuer  à 
l'ornement  de  l'empire.   Le    lende- 
main ,  nouvelle  sortie  des  Juifs ,  qui, 
combattant  avec  le  courage  du  déses- 
poir, ne  sont  repousses  qu'avec  pei- 
ne par  le  prince  en  personne.   Dès 
qu'il  fut  rentré  dans  la  tour  Anto- 
nia,  résolu  de  donner  le  lendemain  un 
assaut    général  ,    les  assiégés    vien- 
nent attaquer  avec  une  nouvelle  fu- 
reur les  Romains,  occupés  à  éteindre 
le  feu  des  galeries  extérieures.  Dans 
le  trouble  et  la  confusion  produits 
par  tant  de  mouvements  divers  ,  un 
légionnaire,  sans  l'ordre  d'aucun  of- 
ficier ,  et  poussé,  dit  Josèphe ,  com- 
me par  une  inspiration  divine,  jette 
une  pièce  de  bois  enlJ animée  dans 
une  des  salles  qui  entourent  le  sanc- 
tuaire. Le  feu  gagne  de  tous  cotés; 
les  Juifs,  ne  songeant  plus  qu'à  périr, 
se  précipitent   sans   ménagement    à 
travers  les  flammes  et  les  épées  des 
Romains ,    qui   les   repoussent  ,    et 
attisent   l'incendie.    Titus  ,    qui   le 
matin   avait  fait  décider  dans   son 
conseil  la  conservation  du  sanctuai- 
re ,  accourt  avec  empressement  pour 
arrêter  les  progrès  de   la    flamme; 
mais  j  comme  l'observe  Crévicr  :  «  Il 
»  en   avait   été    autrement  ordonné 
»  dans  un  conseil  supérieur,  et  toute 
»  la  bonne  volonté  de  ïite  ne  put 
»  sauver  ce  que  Dieu  avait  condam- 
»  né  à  périr.  »  En  vain  il   ordonne 
aux  soldats  d'éteindre  le  feu ,  il  n'est 
pas  obéi ,  les  légions  mêmes  venues 
avec  lui  en  favorisent  les  ravages  et 
massacrent  tout  ce  qu'elles  rencon- 
trent. Ainsi  fut  brûlé  le  second  tem- 
ple de  Jérusalem,  le  lo  août  de  l'an 
70  de  J.-C. ,  anniversaire  du  jour  où 
le  premier  temple  avait  été  brûlé  par 
Nabuzardan ,  général  deNabuchodo- 
nosor  IJ  ,  roi  de  Babylone ,  l'an  585 
avant    notre  ère.  Cette  journée  ,  si 


TIT  173 

malheureuse  pour  tout  un  peuple,  fut 
marquée  par  la  naissance  de  Julia , 
fille  de  Titus.  Maîtresse  de  l'emplace- 
ment du  temple,  l'armée  romaine  y 
rassemble  ses  enseignes  ,  et  proclame 
son  général  imperalor.  Plusieurs  des 
prêtres  Juifs   viennent  se  rendre  à 
discrétion  ,  et  implorent  la  clémence 
du  vainqueur.  Titus,  qui  leur  attri- 
bue la  résistance  obstinée  de  leurs 
concitoyens,  et  qui  redoute  encore 
leur  fanatisme^  répond  que  le  temps 
de  ia  clémence  est  passé,  qu'il  aurait 
pu  pardonner  aux  lévites  en  considé- 
ration du  temple,  mais  que,  cet  édifi- 
ce n'existant  plus,  ils  devaient  périr  : 
ce  qui  fut  exécuté.  La  conquête  de 
Jérusalem  n'était  pas  encore  termi- 
née :  une  partie  des  assiégés  s'étaient 
réfugiés  dans  la    ville -haute.   Titus 
leur  oll'ritla  vie  sauve,  s'ils  voulaient 
livrer  la  forteresse  et  mettre  bas  les 
armes.  Les  Juifs  s'y  refusèrent,  sous 
prétexte  d'être   liés  par  le  serment 
qu'ils  avaient  fait  de  ne  jamais  se 
rendre  :  ils  demandaient  la  permis- 
sion de  se  retirer  où  ils   voudraient 
avec  leurs  familles.  Outré  de  cetteau- 
dace  hypocrite,  Titus  déclara  qu'il  ne 
recevrait  plus  aucun  transfuge,et  qu'il 
ne  ferait  grâce  à  personne.  Aussitôt 
il  fit  détruire  la  partie  de  la  ville 
qu'il  occupait  depuis  plusieurs  mois, 
et  construisit  de  nouvelles  machines 
pour  réduire  celle  qui  tenait  encore. 
Infidèle  à  ses  propres  menaces,  il  ne 
cessait  de  recevoir  à  merci  les  mal- 
heureux qui  échappaient  à  la  vigilan- 
ce des  farouches  soldats  qui  les  op- 
primaient, sous  prétexte  de  les  dé- 
fendre. On  pouvait  croire  qu'après 
avoir   poussé  si  loin  l'opiniâtreté  ^ 
les  Juifs  sauraient  mourir  avec  cou- 
rage :  il  en  fut  autrement.  Dès  qu'a- 
près la  confection  des  travaux  d'at- 
taque ,  les  béliers  des  Romains  com- 
mencèrent à  ébranler  les  murailles , 


174 


TIT 


ces  hommes,  jusqu'alors  si  aiidacieus, 
allèrent  se  cacher  dans  des  souter- 
rains. Les  Romains  entrèrent  sans 
éprouver  de  résistance  dans  la  ville 
haute ,  passèrent  au  iil  de  l'épée  tout 
ce  qui  se  rencontra  sur  leur  passage, 
et  mirent  le  feu  aux  maisons.  Ce  der- 
nier incendie ,  qui  eut  lieu  le  8  sep- 
tembre ,  consomma  la  ruine  de  Jéru- 
salem, Titus  n'épargna  que  les  trois 
fameuses  tours  bâties,  par  Hérode, 
avec  tant  de  solidité ,  qu'elles  étaient 
à  l'abri  de  toutes  les  machines  de 
guerre  ,  et  que  leurs  défenseurs  ne 
pouvaient  avoir  d'autre  ennemi  à  re- 
douter que  la  faim.  Il  les  laissa  sub- 
sister ,  comme  un  moiuimcnt  de  la 
protection  que  le  ciel  avait  accordée 
à  ses  armes,  et  dit  à  cette  occasion  y 
si  l'on  en  croit  Josèphe  :  «  C'est  sous 
»  la  conduite  de  Dieu  que  nous  avons 
»  fait  la  guerre  :  c'est  Dieu  qui  a 
»  chassé  les  Juifs  de  ces  forteresses  , 
»  contre  lesquelles  les  forces  humai- 
»  nés ,  ni  les  machines  de  guerre  ne 
»  pouvaient  rien.  «Titusétaitsi  péné- 
tré de  ce  sentiment,  qui  ferait  sup- 
poser chez  ce  prince  la  crovance  d'un 
Dieu  unique ,  que  lorsque  dans  la  suite 
les  nations  alliées  de  lempirc  lui  en- 
voyèrent des  couronnes  en  l'Iionneur 
de  sa  victoire,  il  déclara  qu'il  ne  les 
méritait  pas.  «  Ce  n'est  [las  moi  qui 
»  ai  vaincu,  disait-il;  je  n'ai  fait  que 
»  prêter  mes  mains  à  la  vengeance 
»  divine.  »  On  aime  à  voir  ([u'après 
sa  victoire,  Titus,  oubliant  eu  partie 
les  menaces  échappées  à  un  courroux 
trop  naturel,  el  qu'autorisait  d'ail- 
leurs la  poiili(pie,  apporta  quelque 
adoucissement  au  sort  d'une  partie 
des  captifs.  Ceux  qui  furent  recon- 
nus complices  des  tyrans  furent  li- 
vrés à  la  moit.  Parmi  les  plus  beaux  et 
les  mieux  faits  d'c  iitrc  les  jciiuics  lié- 
lircux  ,  sept  cents  furent  réservés  , 
avec  Simon  cl  Jean  ilc  Giscalo^pour 


TIT 

orner  le  triomphe  du  vainqueur  :  le 
reste  des  prisonniers  fut  transporté  en 
Egypte,  pour  y  être  employé  aux  tra- 
vaux publics^les  autres  furent  envoyés 
dans  les  diverses  provinces  pour  ser- 
vir à  l'amusement  du  peuple  dans 
des  combats  inhumains.  Ainsi  l'au- 
torisait chez  les  anciens  le  droit  cruel 
de  la  guerre  _,  et  telle  était  la  barbarie 
des  mœurs,  que  des  vainqueurs  du  ca- 
ractère même  de  Titus  ne  trouvaient 
rien  de  choquant  dans  cet  usage  (2). 
Josèphe  porte  à  onze  cent  mille  le 
nombre  des  Juifs  qui  périrent  au 
siège  de  Jérusalem ,  outre  deux  cents 
mille  qui,  dans  le  reste  de  la  Judée, 
avaient  succombé  sous  le  fer  des  Ro- 
mains, depuis  le  commencement  de 
la  guerre.  Titus ,  avant  de  retourner 
en  Italie ,  laissa  la  dixième  légion 
a^ec  d'autres  troupes  pour  ache- 
ver la  réduction  de  quelques  pla- 
ces de  la  Judée.  Il  pourvut  à  la  dé- 
fense de  la  frontière  orientale  de 
l'Asie-Mineure,  en  envoyant  la  dou- 
zième légion  prendre  ses  quartiers 
d'hiver  dans  la  province  de  Melytè- 
ne.  Il  employa  l'hiver  à  visiter  les 
villes  de  Judée  et  de  Syi'ie;  et  par- 
tout il  donna  des  fêtes  aux  dépens 
des  malheureux  captifs  hébreux  qu'on 
exposait  aux  bêtes  ou  qu'on  forçait 
de  combattre  les  uns  contre  les  Au- 
tres. Toutefois,  dans  sa  justice  impar- 
tiale, il  protégea  les  Juifs  d'Antio- 
che  contre  les  Syriens ,  avec  lesquels 
ils  habitaient  cette  grande  ville.  11 
jiorta  ses  pas  jusqu'à  Zeugma  ,  la 
flernière  des  places  de  S3'rie  à  l'o- 
rient, et  qui  est  située  sur  l'Iiuphra- 
te.  Là  il  reçut  les  ambassadeurs  de 
Vologèse,  roi  des  Parlhcs  ,  qui  ve- 


(ï)  Vollulrr  JlL  que  Tilus  lit  vriidi'r  Ic5  .fiiifs  a 
mi'iiic  prix  c|m' si-  vciidnii-nt  li's  oorhinis  ,  el  il  r< 
jirlo  doux  i'oiH  thaïs  ,suii  Dictiniitiairc  pliiUisoplii 
i|iir,nvi'e  uni'  j,uikf  triullc,  ccUv  «m'eilols  ton 
Iruuvfu, 


i  TIT 

jiaif'ut  au  nom  tle  leur  maître  le  féli- 
citer de  sa  victoire.  De  là  revenant 
cîi  Judée ,  il  voulut  revoir  la  place 
où  avait  e'te'  Jérusalem.  L'aspect  de 
ce  sol  désert  et  dévaste  lui  arracha 
des  larmes,  et  il  témoigna  toute  son 
indignation  contre  les  séditieux  qui , 
par  leur  aveugle  opiniâtreté,  l'avaient 
force'  de  détruire  une  si  magnilique 
cité.  Ceux  qui  raccompagnaient  s'oc- 
cupèrent d'un  autre  soin  :  ils  recueil- 
lirent une  quantité  conside'rabled'or, 
d'argent  et  d'elïèîs  précieux  cacliés 
sous  les  décombres.  Comme  il  se  dis- 
posait à  quitter  enfin  la  Judée,  ses 
troupes  ,  dont  il  était  l'idole  ,  em- 
ployèrent à-la-fois  les  prières  et  les 
menaces  pour  l'engager  à  demeurer 
avec  eux  ou  à  les  emmener  toutes 
avec  lui  eu  Occident.  Titus  ne  se  prê- 
ta point  à  ce  vœu  j  et  les  deux  lé- 
gions qui  lui  tenaient  ce  langage  fu- 
rent renvoyées  par  lui  en  Mœsie  et  eu 
Pannonie,  provinces  d'où  elles  avaient 
été  tirées.  Ces  démonstrations  indis- 
crètes de  la  part  des  soldats  firent 
soupçonner  Titus  de  vouloir  se  révol- 
ter conti'e  Vespasieu,  sou  père,  et 
fonder  un  nouvel  empire  en  Orient. 
«  Sa  puissance  devenait  redoutable  , 
»  dit  l'historien  Gibbon  ;  et  comme 
»  les  passions  de  la  jeunesse  je- 
»  taient  un  voile  sur  ses  vertus  , 
»  on  se  défiait  de  ses  projets.  » 
Arrivé  eu  Egypte,  il  sembla  au- 
toriser les  soupçons ,  en  se  mon- 
trant ceint  du  diadème  comme  les 
anciens  rois  du  pays,  à  la  fêle  du 
bœuf  Apis  ;  mais  les  pensées  d'une 
ambition  coupable  étaient  loin  de  son 
cœur.  Pressé  de  se  rendre  auprès  de 
son  père,  il  ne  s'arrêta  qu'à  Argos 
pour  y  consulter  le  célèbre  Apollo- 
nius. La  réponse  de  ce  p}iiloso|)lie 
fut  courte  et  j)récise.  «  Après  avoir 
»  vaincu  les  ennemis  ,  il  ne  le  reste 
»  plus  qu'à  surpasser  loa  père  en 


TIT  175 

»  vertu ,  et  à  écouter  les  leçons  delà 
»  philosophie.»  Delà  Titus  s'embar- 
qua pour  Rhège  :  arrivé  à  Pouzzoles, 
il  se  jeta  sur  un  vaisseau  marchand, 
et  vint  en  toute  hâte  surprendre  Ves- 
pasieu à  Rome.  Ses  premiers  mots  ^ 
en  se  jetant  dans  les  bras  paternels  , 
furent  ceux-ci  :  «  Me  voici,  mon  père, 
me  voici ,  »  comme  pour  lui  faire 
sentir  combien  il  avait  été  sensible 
aux  imputations  injustes  répandues 
sur  son  compte;  mais  loin  de  se  li- 
vrer à  d'indignes  soupçons  ,  le  sage 
empereur  partagea  la  joie  universelle 
que  le  retour  de  son  fils  causa  dans 
Rome  et  dans  toute  l'Italie.  Le  sénat 
décerna  un  doul)le  triomphe  à  Ves- 
pasien  et  à  Titus.  Ce  fut  pour  la  pre- 
mière fois ,  depuis  la  fondation  de 
Rome ,  que  l'on  vit  réunis  dans  la 
même  pompe  triomphale  le  père  et 
le  fils.  Simon  et  Jean  de  Giscale  mar- 
chaient à  la  suite  du  char ,  suivis  de 
sept  cents  captifs.  Le  premier  fut 
battu  de  verges  et  mis  à  mort,  com- 
me le  principal  auteur  de  la  guerre  : 
l'autre  fut  condamné  à  une  prison 
perpétuelle.  La  table  des  pains  de 
proposition  ,  le  chandelier  d'cr  à 
sept  branches ,  le  livre  de  la  loi ,  mo- 
numents vénérables  de  la  religion  des 
Hébreux  ,  furent  étalés  aux  yeux  du 
peuple  romain.  L'arc  de  triomphe 
érigé  en  mémoire  de  ce  grand  événe- 
ment subsiste  encore  à  Rome  ,  et  l'on 
y  voit  en  relief  l'image  de  ces  or- 
nements religieux.  Des  médailles  à 
l'efïigie  de  Titus  et  de  Vespasien  re- 
présentent, sur  lem-s  revers,  une  fem- 
me assise  au  pied  d'un  palmier,  cou- 
verte d'un  long  manteau  ,  la  tète 
penchée  et  appuyéesur  sa  main  avec 
cette  légende  :  la  Judc'c  conquise. 
Dion  Cassius  remarque  que  ni  Ves- 
pasien ,  ni  Titus  ne  voulurent  pren- 
dre le  surnom  de  Judaïque.  Dès  ce 
moment  Titus  partagea  le  pouvoir 


i']6 


TIT 


suprême  avec  son  père,  et  agit  com- 
me administrateur  de  l'empire  , 
tuiorcm  imperii  agere  (  Suéton.  ) 
Tous  deux  exercèreul  conjointement 
la  censure,  le  tribunat  et  sepl  consu- 
lats. Cliargë  de  la  direction  de  tontes 
les  aO'aires  ,  il  dictait  les  lettres 
au  nom  de  son  père,  rédigeait  les 
e'dits,  et  lisait  les  discours  de  l'em- 
pereur au  sénat,  à  la  place  du  ques- 
teur. Il  était  même  investi  de  la  char- 
ge de  préfet  du  prétoire,  qui  jusqu'a- 
lors n'avait  été  remplie  que  par  des 
chevaliers  romains.  Titus  n'abusa 
point,  conlre  un  père  si  confiant,  de 
cet  excès  de  pouvoir.  Pénétré  de  re- 
connaissance, il  se  conduisit  toujours, 
à  l'égard  de  Vespasien,  comme  le  mi- 
nistre le  plus  respectueux,  et  !e  plus 
fidèle.  Ce  n'est  pas  qu'à  cette  époque 
de  sa  vie  il  ait  d'ailleurs  été  à  l'abri 
de  tout  reproche.  Au  rapport  de  Sué- 
tone, il  montra  ,  dans  l'exercice  de 
ses  fonctions  comme  préfet,  de  la 
violence  et  même  de  la  cruauté.  11 
apostait  au  théâtre  et  dans  le  camp 
des  agents  salariés ,  qui  demandaient, 
comme  s'ils  eussent  parlé  au  nom  de 
tous ,  la  moit  de  ceux  qui  étaient  sus- 
pects au  prince,  et  il  les  faisait  pé- 
rir. De  ce  nombre  fut  Aulus  (lécina, 
homme  consulaire,  que  Titus  avait 
invité  à  souper,  et  qu'il  lit  égorger 
au  sortir  de  la  salle  du  festin.  Le 
danger,  il  est  vrai  était  pressant. 
Le  prince  avait  découvert  le  plan 
d'une  conjuration  que  (iécina  avait 
tramée  dans  le  camp;  et  une  pièce 
écrite  de  la  main  de  cet  homme  ne 
laissait  aucun  doute  sur  sa  culpabi- 
lité :  mais  la  manière  perfide  dont 
on  s'était  défait  de  ce  conspira- 
teur souleva  l'opinion ,  et  excita  con- 
tre Titus  tant  de  iiaine,  que  jamais 
prince  ne  parvint  à  l'emjjire  avec  une 
plus  mauvaise  i(;|)iilalion.  Autant 
avant  son  retour  de  l'Orient  il  était 


TIT 

désiré  de  tout  le  monde,  autant  alor'^ 
on  redoutait  de  l'avoir  un  jour  pour 
maître.  Non  -seulement  on  le  taxait 
de  cruauté,  mais  encore  d'avarice  et 
de  débauche.  11  tirait  de  l'argent  de 
ceux  dont  les  allaires  se  portaient  de- 
vant l'empereur  ,  et  vendait  les  sen-» 
tcnces  de  son  père.  On  le  voyait  pro- 
longer jusqu'au  milieu  de  la  nuit  des 
repas  qu'il  faisait  avec  les  hommes 
les  plus  dissolus.  11  était  sans  cesse 
entouré  d'eunuques  et  de  gitons.  En- 
fin ce  qui  indisposait  le  plus  les  Ro- 
mains c'était  sa  passion  ellrénéepour 
la  reine  Bérénice,  qui  s'était  rendue  à 
RomeavccsonfrèreAgrippa.Ilavait, 
dit -on,  promis  de  l'épouser  :  elle- 
même  agissait  déjà  publiquement 
comme  si  elle  eût  été  sa  femme.  Ce 
qui  redoublait  les  alarmes  c'est  que 
Titus  venait  de  répudier,  à  cause  de 
cette  reine,  son  épouse  Marcia  Fur- 
nilla  ,  dont  il  avait  une  fille,  Julia 
Sabina.  En  un  mot,  on  pensait  et  ou 
disait  publiquement  qu'il  serait  un  se- 
cond Néron.  Vespasien  mourut  au 
mois  de  juin  de  l'an  'jq  de  J.-C.  •  et 
Titus  ,  devenu  empereur  ,  parut  un 
tout  autre  homme.  Il  est  du  très-pe- 
lit  nombre  de  princes  que  la  puis- 
sance souveraine  a  rendus  meilleurs 
(i).  Aux  festins  licencieux  succédè- 
rent pour  lui  des  repas  animés  par 
une  gaîté  décente,  il  éloigna  de  sa 
personne  les  débauchés,  les  histrions 
qui  servaient  à  ses  infâmes  plaisirs  , 
et  choisit  désormais  si  j  udicieusement 
ses  amis ,  tpie  ceux  qu'il  honora  de 
ce  tilrc  rendirent  sous  son  règne,  et 
même  sous  ses  successeurs  ,  les  servi- 
ces les  plus  importants  à  l'empire.  Il 
renvoya  aussitôt  de  Rome  la  reine 
Bérénice  (  f^oj.  ce  nom  ,  IV ,  i4  '  )? 
malgré  lui  et  malgré  elle  :  iiivitus  in- 
vilam  (Suétone).  C'est  ainsi  qu'il  an- 

(i)  Suo  i/iiitm  patris  intficrio  iiiodcslioi{Tucilv). 


TIT 

nonça  sou  règne  aux  Romains  ,  et 
qu'il  leur  lit  voir  que  ,  maître  de  ses 
passions  ,  il  ne  prétendait  prendre 
pour  règle  de  sa  conduite  que  les  lois 
de  l'ètal  et  les  convenances  publiques 
(2).  Un  décret  de  Tibère  avait  règle 
que  les  concessions  et  les  libéralités 
de  l'empereur  défunt  seraient  regar- 
dées comme  non  avenues  ,  si  chacu- 
ne de  ces  grâces  n'était  condrmée  par 
un  édit  spécial  de  son  successeur.  Ti- 
tus confirma  en  masse  et  par  un  seul 
décret  tous  les  actesdela  muniijcence 
impériale  qui  avaient  été  promulgués 
j  usqu'à  son  avènement.  1 1  ne  lit  jamais 
le  moindre  tort  à  un  citoven ,  respec- 
ta les  propriétés  ,  et  refasa  même  les 
dons  qu'il  était  d'usage  d'offrir  à  l'em- 
pereur. Aucun  prince  ne  l'égala  en 
générosité.  11  avait  pour  principe  de 
ne  renvoyer  personne  sans  lui  donner 
quelque  espérance  ;  et  comme  un  de 
ses  serviteurs  osait  lui  représenter 
qu'il  promettait  plus  qu'il  ne  pouvait 
tenir ,  il  répondit  «  qu'un  sujet  ne  de- 
>>  vait  point  sortir  mécontent  de  la 
»  présence  de  son  prince.  »  Se  rap- 
pelant une  fois ,  pendant  qu'il  soupait, 
qu'il  n'avait  accordé  aucune  grâce 
dans  le  coiu's  de  la  journée,  il  pro- 
nonça ce  mot  si  connu  :  «  0  mes 
»  amis,  j'ai  perdu  un  jour  (3)!    » 

■>.)  0  triiiiiiplic  (11'  la  rai.-oa  sur  l'amour  le  plus 
vifmérilait,  comme  Ta  dît  Crevier ,  d'être  ccleîirr 
par  le  v' un  tendre  de.  no.i  portes  ;  mais  daus  la  Tra- 
gédie ac  liérénice ,  Racine  s'élève  quelquefois  à  la 
hauteur  de  Tacite  :  témoin  ces  vers  où  il  explique 
le  prejuRe  national  des  Romaius ,  coutre  les  reines 
étrangères  : 

Titus  .  ouTre  les  veut  : 

Quel  air  rcspires-lu  ?  N'es-tu  pas  dans  ces  lieux 
Où  la  liaiuc  des  rois  avec  le  lait  sucée, 
Par  crainte  ou  par  amour  ne  peut  être  efiacée? 
Rome  ju^ea  ta  riiue  en  condamnant  ses  rois. 
N'as-tu  pas  en  naissant  entendu  cette  voix? 
lit  n'as-tu  pas  encore  oui  la  renommée 
T'anuoucer  ton  devoir  jusque  dans  ton  armée? 

(3)  lioileau,  d..ns  la  preniii-re  de  ses  Epîtres , 
adressée  à  Louis  XIV,  a  peint  le  caractère  de  Ti- 
tus dans  les  \crs  suivants,  que  le  monarque  trou- 
va si  :idmiral)l(S  qu'il  se  l.-s  fit  relire  trois  lois  : 

Tel  fut  cet  erapemir  ïous  q<ii  R.une  adorée 
Vu  renaître  les  jours  de  Saturne  et  de  Kliée, 


TIT  17-; 

Son  respect  pour  les  lois  allait  jus- 
qu'au scrupule.  11  était  convaincu  que 
la  puissance  absolue  dont  il  était  re- 
vêtu restreignait  sa  liberté ,  et  que 
plus  il  pouvait,  moins  il  devait  se 
permettre.  C'est  ce  qu'il  répondit  à 
un  courtisan  étonné  de  ce  que  Titus 
empereur  lui  refusait  une  grâce  que 
le  lils  de  Vespasien  avait  sollicitée 
pour  lui  auprès  de  son  père  :  «  Il  v 
»  a  bien  de  la  diilerence,  répondit-il^ 
»  entre  solliciler  un  autre  et  juger 
»  soi-même,  entre  appuyer  une  de- 
»  mande  ou  avoir  à  l'accorder.  »  En 
prenant  possession  du  grand  pontifi- 
cat ,  le  nouvel  empereur  avait  déclaré 
qu'il  regardait  comme  le  premier  de- 
voir de  cette  dignité  celui  de  conser- 
ver ses  mains  pures,  et  de  ne  jamais 
les  souiller  du  sang  d'aucun  citoyen. 
Titus  se  ressouviut  toujours  de  cet 
engagement;  et  pendant  son  règne, 
qui  malheureusement  fut  si  court ,  il 
n'ordonna  la  mort  de  personne  (4). 
Deux  jeunes  patriciens  conspirèrent 
contre  lui,  pour  s'élever  eux-mêmes 
à  l'empire  j  leur  crime  était  avéré  : 
ils  méritaient  la  mort;  le  sénat  les  v 
avait  condamnés.  Titus  se  contenta 
de  les  faire  appeler;  puis,  leur  par- 
lant moins  en  juge  qu'eu  père,  il  les 
exhorta  à  renoncer  à  leur  dessein,  en 
leur  disant  que  l'empire  était  un 
don  du  destin ^  qu'au  reste,  s'ils  de- 
siraient quelque  autre  chose,  il  était 
prêt  à  le  leur  accorder.  La  mère  de  l'un 
de  ces  conspirateui's  était  absente  de 
Rome.  Titus,  par  une  attention  déli- 
cate, dépêcha  un  courrier  à  celte  da- 
me, pour  calmer  ses  inquiétudes  ma- 

Qui  rendit  de  son  joug  l'univers  amoureux  , 
Qu'on  n'alla  jamais  voir  sans  revenir  lieurenx. 
Qui  soupirait  le  soir  si  sa  main  fortunée 
N'avait  par  ses  hieulaits  sisnalo  la  journée.' 
Le  cours  ne  fut  pas  long  d'nn  empire  si  donx. 

(4)  .\u.sone  a  exprimé  celle  pensée  dans  c*s  d*(*x 
vers  ; 

l'ttlîic  imperio  ^  Jelix  hrevitnte  regeridi  . 
iC  vpers  civifiç  sartj'itinif  y  orbh  mni»r. 


178  TIT 

tcrnclles,  et  l'assurer  que  la  vie  de 
son  lUs  ne  courait  aucun  risque.  Non 
content  de  ])ardonner  y  il  pria  les 
deux,  patriciens  à  souper  le  soir  mê- 
me. Le  lendemain  ,  assistant  aux  com- 
])ats  du  cirque,  il  les  fit  asseoir  au- 
près de  lui  devant  tout  le  peuple;  et 
lors{[ue  ,  selon  l'usage,  avant  que  les 
gladiateurs  entrassent  en  scène,  on 
lui  présenta  les  èpées  pour  qu'il  les 
clioisît,  Titus  défera  l'honneur  de  ce 
choix ,  et  remit  ces  armes  meurtriè- 
res à  CCS  hommes  qui,  la  veille  en- 
core, avaient  voulu  attenter  à  ses 
jours  (5).  Domitien,  aussi  mauvais 
fi'ère  qu'il  avait  été  mauvais  fils,  ne 
cessait  de  tendre  des  embûches  à  Ti- 
tus, clierchant  jircsque  ouvertement 
à  faire  soulever  les  légions  et  à  s'échap- 
per de  la  cour.  Titus  ne  put  se  résou- 
dre à  le  faire  mourir,  ni  même  à  le 
priver  de  sa  libertéetde  ses  honneurs. 
Il  le  fit  sou  collègue  dans  le  consu- 
lat ;  il  le  proclama  son  associé , 
son  successeur  à  l'empire.  Souvent  il 
le  conjurait,  les  larmes  aux  yeux, 
de  ne  point  chercher  à  hâter  par 
le  crime  le  moment  d'obtenir  une 
])lace  qui  lui  était  assurée  dans  l'or- 
dre de  la  nature;  enfin  il  le  sup- 
pliait de  vivre  avec  lui  comme  mi 
îïère  ,  comme  un  ami.  Domitien 
pouvait-d  être  sensible  à  ces  bien- 
faits, à  CCS  avances;'  11  était  andji- 
tieux  et  lâche;  il  était  jaloux  de  son 
frère;  et  d'ailleurs,  comme  sous  le 
rajiport  du  cœur,  il  jugeait  Titus 
semblable  à  lui,  loin  d'être  touché 
par  ses  vertus,  il  n'y  voyait  que  de 
l'hypocrisie.  L'administration  équi- 
table de  Vesj)asien  n'avait  jias  enco- 
re eiitit-remeiit  banni  de  la  cour  les 
délateurs  ,  qu'on  avait  vus  si  puis- 


{S)  Mrlashisi-  -.1  r.'l<:|,r<' <!'  I..';.n  In.M  <h,ns  n<.r 
TraK.;di.'  ljrii|i.c  inllliil.r  :  h.  Clémrn.r  ,/,•  77/-/.  , 
fl  il'iiil  la  iiiiiniqiii-  i-<.l  lin  clu-l' d'ivovrr  de  Mo 
7.acl  (/'.  VlitKUtKiV.  «1  MoZA.H'1'  ). 


TIT 

sauts  sous  les  règnes  des  derniers  Cé- 
sars. Titus  ne  se  montra  rigoureux 
qu'envers  ces  misérables  suppôts  de 
la  tyrannie.  Il  les  fit  fustiger  dans  la 
place  publique;  et  après  les  avoir 
donnés  en  spectacle  au  peuple  ,  dans 
le  cirque,  il  fit  vendre  les  uns  com- 
me esclaves ,  et  déporter  les  autres 
dans  des  îles  presque  inhabitables. 
Non  content  de  châtier  les  délateurs, 
il  Aouîut  éteindre  la  délation  ;  et  en- 
tre autres  règlements  qu'il  fit  à  ce  su- 
jet,  il  statua  qu'à  l'avenir  on  ne  pour- 
rait se  prévaloir  de  plusieurs  lois 
pour  attaquer  un  citoyen  sur  le  mê- 
me fait.  Titus  abolit  entièrement 
l'usage  des  accusations  de  lèse-ma- 
jesté ,  qui  avaient  été  sous  la  tyran- 
nie une  arme  si  terrible  contre  les 
honnêtes  gens.  Yoici  de  quelle  ma- 
nière il  s'expliquait  à  ce  sujet  :  «  Si 
»  ces  prétendus  crimes  de  lèse- 
»  majesté  ,  qui  consistent  en  discours 
»  outrageants  ,  sont  commis  ta  mou 
»  égard,  ils  ne  peuvent  m'alteindre, 
»  car  je  ne  fais  rien  de  condamnable^ 
»  et  il  faut  mépriser  les  discours  qui 
»  n'ont  d'autre  appui  que  le  men- 
»  songe  et  la  calomnie.  Si  ces  crimes 
)>  se  commettent  envers  les  einpe- 
»  reurs  mes  prédécesseurs  ,  c'est  à 
»  eux  à  venger  leurs  injures,  puis- 
»  qu'on  les  a  ])lacés  parmi  les  Dieux.  » 
Puisant  d'immenses  ressources  dans 
son  économie  et  dans  la  simplicité 
de  sa  manière  de  vivre  ,  il  put , 
comme  Vespasien,  donner  ses  soins 
à  la  réparation  des  anciens  monu- 
ments et  à  la  construction  de  nou- 
A'caux  édifices.  Après  l'aclièvemcnt 
du  fameux  amphithéâtre  du  Colise'e, 
commencé  par  son  ])èrc,  il  fit  termi- 
ner avec  une  incroyable  célérité  les 
])aiiis  qui  furent  construits  auprès. 
Kicii  (le  ])!us  m.iguili(|U(' ([ue  les  fêtes. 
(|u'il(louuaj)ouila(Jéilicacedecetaui- 
phillié.ilre.  l^jlesdurèrcut  cent  jours. 


TIT 

Il  y  cul  représentation  d'mi  combat 
uaval ,  combats  de  gladiateurs;  puis 
cinq  mille  bètes  féroces  de  toute  es- 
pèce furent  ollertcs  en  spectacle  dans 
un  seul  jour.  Titus  se  plaisait  à  rele- 
ver les  Romains  à  leurs  propres  yeux, 
par  l'extrême  déférence  qu'il  témoi- 
gnait au  peuple.  Pour  les  combalsde 
gladiateurs  ,  il  lui  laissait  décider 
du  nombre  et  du  clioix  des  cham- 
pions. Il  permettait  même  aux  ple'- 
beieus  de  se  trouver  aux  bains  pu- 
blics en  même  temps  que  lui.  Suétone 
observe  néanmoins  qu'en  se  popula- 
risant ainsi,  il  savait  toujours  con- 
server la  majesté  du  rang  suprême. 
Cependant  les  armes  de  l'empire 
prospéraient  dans  la  Grande-Breta- 
gne et  dans  l'Ecosse,  sous  la  conduite 
d'Agricola  (  V,  Agricola  (  Cnœus 
Julius  )  ,  I  ,  3oç));  et  les  exploits  de 
ce  grand  général  valurent  à  Titus  le 
surnom  à'impcrator  pour  la  seizième 
fois  depuis  sou  entrée  dans  la  carrière 
militaire.  Le  ciel  ne  permit  pas  que 
le  bonheur  du  monde  romain  fût  saus 
mélange  sous  le  meilleur  des  princes. 
Trois  grands  désastres  marquèrent 
son  règne  :  une  terrible  éruption  du 
Vésuve  engloutit  plusieurs  des  cités 
delaCampanie  (  /^.  Pline  V Ancien, 
XXXV  ,  67  ) ,  et  les  cendres  dont  ce 
volcan  avait  couvert  le  pays ,  se  mê- 
lant avec  l'air  qu'on  respirait,  cau- 
sèrent ,  dit-on ,  une  peste  si  violente 
que,  pendant  un  temps  considérable, 
il  mourut  à  Rome  dix  mille  person- 
nes chaque  jour.  Titus,  dans  cette 
occasion ,  se  conduisit  en  prince  et 
en  père  (6).  Il  n'épargna  rien  pour 
adoucir  les  maux  que  la  Campanie 
avait  soulferts  :  lui-même  se  trans- 
porta dans  cette  province  désolée. 
Pendant  ce  voyage,  un  incendie  exer- 


(())  Non  modii /irinrif/if  tnlli,  iludiueiu,  *.</  el  jta- 
rentis  {  S»($(<>'>c  ) . 


TIT  .,9 

ça,  dans  Rome,  ses  ravages  durant 
trois  jours  et  trois  nuits,  et  consuma 
entre  autres  édifices  publics,  le  Pan- 
théon, la  bibliothèque  d'Auguste  ,  le 
théâtre  de  Pompée  et  le  Capilole,  qui 
venait  à  peine  d'être  reconstruit.  Ti- 
tus, dont  l'inépuisab'e  sollicitude  était 
égale  à  d'aussi  grands  maux,  fit  affi- 
cher que  toutes  les  pertes  occasion- 
nées par  l'incendie  seraient  à  sa 
charge.  Il  consacra  à  la  réparation 
des  temples  et  des  édi lices  ])ublics 
tous  les  objets  d'ornements  qu'il  put 
faire  enlever  de  ses  maisons  impé- 
riales. Pour  mettre  plus  d'activité' 
dans  les  tiavaux,  il  en  confia  la  di- 
rection à  des  chevaliers  romairis.  Les 
villes  de  l'einpirc  ,  des  monarques 
alliés ,  et  même  de  riches  particuliers 
voulurent  s'associer  aux  énormes  dé- 
penses que  Titus  s'était  imposées 
pour  réparer  sa  capitale  ;  mais  il  re- 
fusa tous  les  dons  ,  et  il  suffit  à  tous 
les  sacrilices.  Tant  de  vertus  devaient 
à  peine  avoir  le  temps  de  se  montrer 
sur  le  trône.  Comme  il  assistait  à  une 
solennité  publique ,  Titus ,  en  proie  à 
desombres  vapeurs,  à  de  sinistres 
pressentiments  ,  versa  devaut  tout  le 
peuple  deslarmcs  involontaires.  Quel- 
ques jours  après  il  partit  pour  le  pays 
des  Sabius  ,  qui  avait  été  le  berceau 
de  sa  famille.  En  se  mettant  en  route, 
il  était  tourmenté  par  deux  présages 
que  la  superstition  des  ])aïens  ne  per- 
mettait pas  de  mépriser.  Une  victi- 
me qu'il  était  près  d'immoler  en  sa- 
criiice  avait  brisé  ses  liens  ,  et  le 
tonneri'C  s'était  fait  entendre  dans  un 
temps  serein.  Bientôt  il  est  surpris 
par  la  lièvre:  il  veut  cependant  con- 
tinuer son  voyage  et  monte  dans  sa 
litière.  Le  mal  redouble  avec  des 
symptômes  qui  lui  annoncent  que  sa 
fin  est  prochaine.  Alors,  écartant  les 
rideaux  de  sa  litière,  il  lève  vers  le 
ciel  ses  regards  mourants ,  et  se  plaint 
12.. 


îSo  TÏT 

araèremetit  de  mourir  si  jeiiue  sans 
l'avoir  mérite  ,  ajoutant  que  ,  dans 
tout  le  cours  de  sa  vie,  il  n'a  à  se  re- 
pentir que  d'une  seule  action.  Les 
dernières  paroles  de  Titus  devinrent 
le  texte  de  Lien  des  conjectures. 
Quelques-uns  supposèrent  qu'il  vou- 
lait parler  d'un  commerce  adultère 
avec  Domiîia  sa  helle-sœur  ;  mais 
Suétone  réfute  ce  soupçon  par  le  té- 
moignage de  cette  princesse  elle- 
même  ,  qui  nia  constamment  le  fait , 
et  qui  ,  s'il  eût  été  vrai,  aurait  été 
femme  à  s'en  faire  honneur  comme 
elle  se  vantait  de  toutes  ses  autres 
infamies.  D'autres  conjecturaient  , 
si  l'on  en  croit  Dion  Cassius  ,  que 
Titus  se  repentait  de  n'avoir  pas  fait 
mouiir  Domitien  •  mais  ,  suivant  la 
judicieuse  remarque  de  Tiilemont  , 
Néron  lui-même  ne  se  serait  pas  re- 
proché comme  un  crime  le  pardon 
accordé  à  un  frère.  DionCassius  rap- 
porte encore  que  la  rumeur  publi- 
que accusait  Domitien  d'avoir  em- 
poisonnéson  frère  :mais  il  ne  l'affir- 
rae  point;  puis  il  ajoute  que  d'autres 
assuraient  que  Titus  fut  en  eilet  at- 
teinld'une maladie  grave,  mais  dont 
la  guéiison  n'était  pas  désespérée, et 
que  sa  mort  fut  avancée  par  Domi- 
tien, qui  lit  mettre  le  moribond  dans 
une  cu\e  pleine  de  neige.  Suétone , 
ordinairement  curieux,  de  recueillir 
les  anecdotes de ce  genre, raconte  seu- 
lement, que  voyant  Titus  à  l'extré- 
mité ,  Domitien  ordonna  qu'on  l'a- 
bandonnât comme  s'il  eût  été  déjà 
mort.  Ainsi  le  prince  ([iii  mérita  d'ê- 
tre \noc]:imc  les  délices  du  ^enrc  hu- 
main n'eut  pas  même  un  esclave 
pour  lui  fermer  les  yeux.  Aiirelius 
Vu:lor  et  Zuu.irns  sont  les  seuls  au- 
teurs qui  alliriuent  rempoisouuemeiil 
de  Titus.  I/opinion  contraire  a  pour 
die  le  nombre  et  le  poids  des  suffra- 
p's  :  rar    iri   Kutrope  et  i'nid  Orose 


TIT 

sont  d'accord  avec  Suétone  et  avec 
Plutarque ,  écrivains  contemporains. 
Ce  dernier  auteur  ,  dans  son  Traité 
des  règles  et  préceptes  de  santé ^ 
dit  avoir  appris  des  médecins  de 
Titus ,  que  sa  mort  avait  eu  pour 
cause  l'imprudence  qu'il  commit  , 
étant  légèrement  indisposé  ,  de  se 
mettre  au  bain  dont  il  avait  toujours 
fciit  un  trop  fréquent  usage.  Quoi  qu'il 
en  soit ,  avant  que  ce  prince  eût  rendu 
le  dernier  soupir,  Domitien  parcou- 
rait Rome  et  le  camp  pour  se  faire 
proclamer  empereur.  Titus  termina 
sa  trop  courte  carrière  le  1 3  septem- 
bre de  l'an  8i  de  J.-C,  au  village 
de  Béate,  dans  la  même  maison  oîi 
Vespasien  était  mort  :  il  était  dans 
la  quarante-unième  année  de  son  âge, 
et  avait  régné  deux  ans  deux  mois 
et  vingt  jours.  Chacun  dans  Rome  le 
regretta  comme  le  père  le  plus  chéri: 
le  sénat  s'assembla  ,  sans  convoca- 
tion ,  pour  prodiguer  à  ce  prince  , 
dit  Suétone ,  plus  de  louanges  et  de 
témoignages  d'une  tendre  affection 
que  cette  compagnie  ne  l'avait  jamais 
fait  quand  il  venait  présider  à  ses 
délibérations.  Le  caractère  connu  de 
Domitien  ajoutait  à  l'amertume  de 
ces  regrets  si  légitimes:  ce  frère  do 
Titus  fut,  dans  tout  l'empire,  le  seul 
homme  (pii  ne  partagea  point  le 
deuil  universel.  Toutefois  il  ne  put  se 
dispenser  de  décerner  au  défunt  les 
vains  honneurs  de  l'apothéosej  mais, 
pendant  tout  son  règne ^  il  ne  cessa 
d'outrager  sa  mémoire  par  des  rail- 
leries a  mères,  et  même  par  des  édiîs 
qui  contrôlaient  ses  actes.  Tous  les 
historiens  oui  loué,  sans  resliiction  , 
Titus  sur  le  trône;  et  les  écarts  qu'on 
luia  reprochés  n'apj)arliennent  ])oiut 
à  son  règne. D'ailleiu's  ces  excèsd'unc 
jeunesse  fougueuse,  suivis  d'un  chan- 
gementsi  prompt  et  si  entier,  loin  de 
déshonorer  Titus  ,  ajoutent  à  son  mé- 


TIT 

rite,  eu  ce  qu'ils  prou\eiil,  par  sou 
exemple,  quel  empire  une  volonté 
forte  peut  donuer  à  l'homme  sur 
lui-même.  Quelques  écrivains,  en- 
tre autres  Zonaras  et  Dion  Cas- 
sius ,  ont  insinué  que  sa  mort  préma- 
turée avait  mis  sa  gloire  en  sûreté,  et 
qu'il  fut  heureux  de  n'avoir  pas  assez 
vécu  pour  démentir  les  heureux  dé- 
buts de  son  gouvernement; mais  celle 
conjecture  aiiligeanle,  et  qu'aucun  fait 
n'autorise,  a  toujours  été  repoussée 
par  les  esprits  droits.  Une  seule  chose 
manque  à  la  gloire  de  Titus,  c'est 
que  nous  ayions  perdu  le  tableau  de 
son  règne  fait  par  Tacite  ,  dont  cet 
empereur  augmenta  la  fortune  com- 
mencée par  Vespasien  (•]).  ]Malgré 
cette  perte  irréparable  ,  Titus  nous 
est  assez  connu j  et,  pour  l'honneur 
de  l'humanité  ,  il  sei'a  toujours  cité 
comme  le  meilleur  et  le  plus  aimable 
des  princes.  C'est  ce  que  Voltaire  a 
exprimé  dans  une  de  ses  Epîtres  au 
roi  de  Prusse  : 

Jcrusaleui  concpilse  el  ses  murs  abattus 
N'ont  poînL  éternisé  le  gi-aud  uoia  de  Titus  : 
Il  fut  aimé,  voilà  sa  grandeur  véritahle. 

On  possède  plusieuis  médailles  de 
Titus;  on  voit  même  au  Musée  roval 
son  buste  et  sa  statue.  La  inanjèie 
dont  les  cheveux  sont  disposés  a 
donné  son  nom  à  une  coiffure  mo- 
derne. Il  existe  également  des  mé- 
dailles qui  représentent  Julia ,  fille 
de  Titus,  avec  le  titie  d'Jugustaqne 
lui  avait  donné  son  père.  Cette  prin- 
cesse épousa  Flavius  Sabinus  ,  lils 
du  frère  de  Vespasien.  Domilien ,  son 
oncle,  la  déshonoi'a  par  un  amour 
incestueux  ,  du  vivant  même  de  son 
père.  Il  fit  mourir  son  mari ,  l'épousa 
étant  empereur,  et  la  fit  périr  par 
un  breuvage  empoisonné,    qui,   en 


(7)  Oi^nitatem  nostt'tim  a  /^effhi^imo  inchnntam  j 
k  J'iio  nuclnm. 


TOA 


iS« 


même  temps  lit  avorter  le  fruit  de 
l'inceste  qu'elle  portait  dans  son 
sein.  D — R — R. 

TITUS  (Sjlas).  Foy.  RIarignt 
(  Carpentier  ni:). 

TIXIER  DE  RAVISI.  Foy.  Ra- 
visius. 

TOALDO  (  Joseph  )  ,  professeur 
de  l'université  de  Padoue,  naquit  en 
1719a  Piauezze ,  petit  hameau  près 
de  Vicence.  Envoyé  au  séminaire  de 
Padoue,  pour  y  apprendre  les  belles- 
lettres  tt  la  théologie, il  se  livra  aux 
sciences  dont  il  tit  son  occupation 
favorite.  Nommé  archiprêtre  d'un 
A'illage  voisin,  il  ne  cessa  de  doimer 
à  l'étude  le  temps  qu'il  pouvait  déro- 
ber à  ses  devoiis.  Un  sentiment  de 
reconnaissance  envers  son  maître 
lui  dicta  nue  notice  Irès-détaillée  sur 
la  vie  de  l'abbé  Conli(j^.  ce  nom,  IX, 
5i'y  ),  pour  être  placée  en  tête  de 
ses  ouvrages.  Il  avait  déjà  composé 
une  préface  et  des  notes  pour  une 
réimpx'essiondes  OEuvres  de  Galilée, 
pour  laquelle  il  lui  avait  fallu  lutter 
contre  trois  censeurs  qui  exigeaient 
la  suppression  des  fameux  dialogues 
sur  le  système  du  monde.  Appelé,  en 
1 762  ,  à  occuper  une  chaire  de  géo- 
graphie ]>hysique  et  astronomique  à 
Padoue ,  Toaido  obtint  la  permission 
de  i'onder  un  observatoire,  il  profila 
d'une  ancienne  tour  qui  avait  ser- 
vi aux  Eccelins ,  pour  y  placer  sas 
instruments  ,  et  pour  y  continuer  les 
observations  de  son  prédécesseur 
(  Foy.  PoLENi ,  XXXV  ,  i;3  ). 
Dans  unEssai  météorologique,  il  éta- 
blit des  principes  pour  calculer  avec 
probabilité  les  accidents  futurs  de 
ralmos|)hère.  Il  rendit  un  compte 
plus  satisfaisant  de  sa  théorie,  en  ré- 
pondant à  une  question  de  l'acadé- 
mie de  Montpellier;  sur  l'application 
de  la  météorologie  à  l'agriculture. 
Sou  I\Iémoire  fut  couronné ,  et  il  al- 


i82  TÔA 

lira  l'attcnlioii  des  savants  sur  cette- 
partie  peu  cultivée  de  la  physique, 
ïoaldo  travaillait  de  son  côte  à 
confirmer  son  système  par  tous  les 
moyens  que  pouvaient  lui  fournir  son 
instruction  et  son  expérience.  A3'ant 
remarqué  qu'au  bout  de  dix  -  huit 
ans,  les  pliénomènes  météorologi- 
ques recommencent  et  se  succèdent 
à  peu  près  dans  le  même  ordre  _,  il 
dressa  les  tables  de  trois  de  ces  pé- 
riodes ,  auxquelles  il  donna  le  nom 
de  Saros,  et  que  les  astronomes  ap- 
pelèrent aussi  (yrcZei  Toaldini.  Il  ré- 
digeait en  même  temps  un  journal 
desthié  à  l'épandre  ses  découvertes. 
Embrassant  dans  ses  observat'ons 
tout  ce  qui  pouvait  lui  servu'  à  déter- 
miner l'influence  des  astres,  il  pu- 
blia une  Dissertation  sur  la  chaleur 
de  la  lune  et  sur  la  force  d'attraction 
que  cette  planète  exerce  sur  la  terre. 
Sa  théorie  fut  attaquée  par  le  P.  Fri- 
si ,  auquel  Toaldo  répondit  par  un 
Mémoire.  Partisan  zélé  des  décou- 
vertes utiles,  ce  professeur  fit  sentir 
les  avantages  des  conducteurs  élec- 
triques ,  et  il  arma  l'observatoire  de 
Padoue  du  premier  paratonnerre 
qu'on  ait  élevé  dans  les  états  véni- 
tiens. Plein  de  zèle  pour  les  progrès 
des  sciences ,  ou  le  voyait  publier 
tous  les  ans  quelrpie  nouvel  ouvrage. 
Sa  méthode  pour  déterminer  les  lon- 
p;itudes'  ses  tables  de  vitahté;  son 
discours  sur  les  hivers  extraordi- 
naires; ses  traités  d'astronomie,  de 
trigonométrie  et  de  gnomonique  ,  fu- 
rent surtout  remarqués.  Il  embras- 
sa la  défense  de  Leibnitz  contre 
Deluc  ,  relativement  à  la  descente  du 
mercure  dans  le  baromètre.  Les  jour- 
naux italiens  ,  les  actes  de  la  Société 
Palatine  ,  ceux  des  ar.idémies  de  Pa- 
ris ,  de  Berlin  et  de  fjotulres  conlien- 
iieiU  |i4usrenrs  Dissertations  de  To.il- 
Aa ,  (iontljalandeentrelniait  souvent 


TOA 

l'académie  des  sciences.  Frappé  d'un 
coup  d'apoplexie,  qu'on  crut  l'efliet 
de  quelques  chagiins  domestiques  ,  ce 
savant  mourut  à  Padonc  le  1 1  décem- 
bre 1798.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  I.  Tri'^onometria  piana  e 
sferica  ,  colle  tavole  trigonornetri- 
c^e,  Padoue,  17P9,  in-4"- ?  réim- 
prim.,ibid.,  1772,  1794,  in-4*'. 
II.  Saggio  meteorologico  sullave- 
ra  injlucnza  degli  astri ,  ib. ,  1770, 
in-4". ,  réimp.  ibid. ,  1 78 1  et  1 797  , 
in-4°.  ,trad.  en  français,  par  Daquin, 
Chambéri,  1784,  in-4'^.  ;  et  en  alle- 
mand par  Feldban  ,  Berlin,  1785  , 
in  -  8°.  III.  Novœ  tahidœ  baro- 
metri  œstusque  maris ,  Padoue  , 
T771,  in -4°.  IV.  Délia  maniera 
di  difendere  gli  edifizi  dal  fulmi- 
ne /Xcnise,  1772,  iu-4'*.  V.  Com- 
pendio  délia  sj'era  e  di  geografia  , 
ib. ,  1773,  iu~H".  Nuova  apologia 
de'  condiiltori  metallici ,  ib. ,  1 774  j 
m-4".  ,  trad.  en  français  par  Bar- 
bier de  Tiuan,  Strasbourg  1779, 
in-8''.  VI.  La  meteorologia  ap- 
plicata  air  agricoltura ,  ibid.  , 
1775,  in-4°.  ,  trad.  en  français,  en 
allemand  et  en  espagnol.  VII.  Sag- 
gio  di  stndj  veneti  nelf  astrono- 
mia  e  nella  marina  ,  ibid.,  1782, 
in-80.  VIII.  De  methcdo  longitudi- 
nwn  ,  ex  ohservato  transitu  lance 
per  meridianum  Padoue,  1784  , 
in -4°.  IX.  Trattato  di  gnomoni- 
ca ,  Venise  ,  1789,  in-4'*-  X. 
Schediasmala  asironomica  ,  Pa- 
doup,  1791,  in-4<'.  XI.  Discor- 
so sopra  i  haromctri ,  che  conlie- 
jie  la  difesa  di  Leibnitz  ,  dans  le 
5"'«.  vol.  du    journal  de    Modène. 

XII.  De  œstii  reciproco  fnaris 
Adriatici ,  dans  les  transactions  phi- 
losophiques de  Londres,  an.  1779- 

XIII.  De  l'impulsion  de  la  lune 
sur  le  barouiclre  ,  dans  les  actes  de 
l'aïadéuiie    de    Berlin  ,  an.    V779.' 


TOB 

XIV.  Le  saros  météorologique 
et  essai  d'un  nouveau  cycle  pour  le 
retour  des  saisons  ,  dans  le  iournal 
de  Rozier,  an.  178-2.  XV.  Delpas- 
sa^gio  d'Annihale  perla  Toscana, 
dans  le  3"«=.  vol.  des  essais  de  l'aca- 
démie de  Padoue.  XVI.  Compléta 
raccolta  d'opuscoli ,  osservazioni  e 
notizie  diifcrse ,  elc.  :  Venise,  i8o'2  , 
4  vol.  in-8'^.  {P^o}'.  ¥3ihvom,n- 
tœ  Italoruni,  xvn  ,  291  ;  Ferrari , 
f^itœ  inronim  illustr.  seminarii  Pa- 
tavini ,  Padoue  ,  i8i5  ,  in-8'\  ,  pag. 
386;  et  une  ISotice  par  Salomon  , 
dans  le  Magasiu  encyclopédique  , 
troisième  année,  1798,  tom.  vi, 
pag.  4t'9).  A — G — s. 

TOBIE  {bon  maître)  était 
de  la  tribu  et  de  la  ville  de  Neph- 
tali  ou  Tliesbe  ,  dans  la  haute 
Galilée.  Dès  le  temps  qu'il  était 
fort  jeune  et  qu'il  habitait  sa  ville 
natale,  il  ne  lit  rien  paraître  dans 
toutes  ses  actions  qui  tînt  de  l'en- 
iance.  Il  fuyait  la  compagnie  de 
tous  ses  compatriotes,  qui  allaient 
adorer  les  veaux  d'or  que  Jéroboam , 
roi  d'Israël ,  avait  fait  élever  ,  et  se 
rendait  seul  à  Jérusalem ,  où  il  ado- 
rait l'Éternel  dans  son  temple, et  lai 
offrait  les  prémices  et  les  dîmes  de 
tous  ses  biens  ;  il  distribuait  exacte- 
ment aux  prosélytes  et  aux  étrangers 
la  part  qui  leur  revenait  dans  sa  ré- 
colte ,  et  il  observait  en  tout  fidèle- 
ment les  ordonnances  de  la  loi  du 
Seigneur.  Parvenu  à  l'âge  viril ,  il 
épousa  une  femme  de  sa  tribu ,  nom- 
mée Anne,  dont  il  eut  un  fils  qu'il 
appela  Tobie  ,  et  qu'il  éleva  dans  ses 
prmcipes.  Emmené  captif  à  Ninive , 
avec  sa  femme,  son  fils  et  toute  sa 
tribu  ,  du  temps  de  Salmanasar ,  roi 
des  Assyriens ,  il  n'abandonna  point 
la  voie  de  la  vérité.  Au  milieu  du 
torrent  (jui  entraînait  la  plupart  des 
Israélites  vers  les  impuretés  des  gen- 


TOB  i83 

tils  ,  il  fut  inébranlable  dans  la  reli- 
gion desespères  et  dans  l'accomplis- 
sement de  îa  loi  de  jMoïse.  Salmana- 
sar le  fit  son  pourvoyeur,  et  lui  don- 
na pouvoir  d'aller  partout  où  il  vou- 
drait, et  d'agir  comme  il  l'entendrait. 
Tobie  ne  se  servit  de  cette  liberté  que 
peur  visiter  ses  frères  et  leur  distri- 
buer les  secours  et  les   consolations 
dont  ils  avaient  besoin.  Aprèsla  mort 
de  Salmanasar,  Sennachérib,son  fils, 
montra  pour  les  enfants  d'Israël  une 
haine  qui  s'accrut  encore  par  la  plaie 
dont  Dieu  frappa  ce  prince  en   Ju- 
dée ,  à    cause  de    ses    blasphèmes. 
Tobie  trouva  dans  la  persécution  à 
laquelle  ses   frères  étaient  en  luitte 
une  nouvelle  occasion  de  manifester 
sa  charité  :  il  nourrissait  ceux  qui 
avaient  faim ,  revêtait  ceux  qui  étaient 
nuds,   et  avait  grand   soin   d'ens**- 
velir  ceux  qui  étaient  morts  ou  qui 
avaient  été  tués.  Le  roi,  prévenu  de 
cette   conduite ,  ordonna  qu'on  dé- 
pouillât Tobie  de  ses  biens,  et  qu'on 
le  mît  à  mort.  Le  saint  patriarche  se 
déroba  à  la  fureur  du  roi ,  et  n'eut 
pas  de  peine  à  trouver  un  asile  dans 
la  maison  de  ceux  qu'il  avait  obli- 
gés ,  parce  que  le  nombre  en  était 
considérable.  Après  la  mort  de  Sen- 
nachérib,  il   fut  réintégré,   par  les 
bons  ofiices  d'un  de  ses  parents,  dans 
tout  ce  qu'on  lui  avait  enlevé ,  et  re- 
commença ses  bonnes  œuvres  avec 
autantde  zèle  qu'auparavant.  Unjour 
qu'il  avait  invité  plusieurs  de  ses  amis 
et  de  ses  proches  ,  pour  célébrer  une 
fête,  on  vint  l'avertir  ,  pendant  qu'il 
était  à  table ,  que  le  corps  d'un  des 
enfants  d'Israël ,  qui  venait  d'être  tué, 
était  étendu  sur  la   place  publique. 
Tobie  se  leva  sur-le-champ ,  laissa 
les  convives,  et  alla  chercher  le  ca- 
davre pour  l'ensevelir  quand  le  so- 
leil serait  couché.  Lorsqu'il  eut  rem- 
pli ce  devoir  sacré,  il  se  remit  à  tar' 


iS4 


TOB 


Lie  ,  gémissant  dans  le  fond  de  son 
cœur.  Ses  amis  ne  purent  s'empê- 
cher de  le  blâmer  de  ce  qu'il  s'expo- 
sait de  nouveau  aux  danp;ers  dont  il 
e'tait  à  peine  délivré'  mais  Tobie  dé- 
clara qu'il  aimait  mieux  plaire  à 
Dieu  qu'au  roi.  Comme  il  continuait 
ses  courses  pour  le  soulagement  des 
malheureux  ou  pour  l'ensevelisse- 
ment des  morts ,  sa  grande  fatigue  le 
contraignit,  un  jour  delà  Pentecôte, 
à  se  coucher  au  pied  d'une  muraille 
pour  prendre  du  repos.  Pendant  qu'il 
dormait,  de  la  fiente  d'hirondelle 
tomba  sur  ses  yeux,  et  le  rendit 
aveugle  :  il  avait  alors  cinquante-six 
ans.  Dieu  permit  que  cette  épreuve 
lui  arrivât ,  aiin  que  sa  patience  ser- 
vît d'exemple  à  la  postérité  comme 
celle  du  saint  homme  Job.  Imitateur 
de  cet  antique  patriarche,  Tobie ;, 
sans  murmurer  contre  Dieu  de  ce 
qu'il  l'avait  alïligé  par  cet  aveugle- 
ment, demeura  ferme  dans  la  sou- 
mission la  plus  parfaite  à  sa  volonté 
supr^-me.  Ses  amis  et  ses  proches  in- 
sultèrent à  sa  conduite,  et  se  raillè- 
rent de  ses  aumônes  •  mais  il  n'en  fut 
point  ému.  Nous  sommes  les  enfants 
des  saints ,  leur  disait-il,  et  nous  at- 
tendons cette  'vie  que  Dieu  doit 
donner  à  ceux  qui  ne  violent  j amais 
la  fidélité  qu'ils  lui  ont  Jurée.  Sa 
femme  elle-même  mêlait  quelquefois 
à  leurs  insultes  des  reproches  san- 
glants. ToLie  élevait  alors  son  ame 
a  Dieu  ,  et  lui  disait  avec  confiance  : 
«  Seigneur ,  vous  êtes  juste  ;  tous  vos 
»  jugements  sont  remplis  d'équité; 
»  toutes  vos  voies  ne  sont  que  misé- 
»  ricurde ,  vérité  et  justice.  Seigneur, 
»  souvenez-vous  maintenant  de  moi; 
»  ne  tirez  point  vengeance  de  mes 
»  péchés  j  ne  rajipelez  point  en  votre 
»  mémoire  iiies  otlcnses  ,  ni  celles  dt; 
»  mes  ])roclies  ;  car  nous  n'avons 
»  point  ol)éi  k  vos  commandcnienLs  : 


ÎOB 

»  c'est  pourquoi  vous  nous  avez  aban- 
»  donnés  au  pillage,  à  la  captivité 
»  et  à  la  mort  •  et  vous  nous  avez 
»  rendus  la  fable  et  le  jouet  de  toutes 
»  les  nations  ])armi  lesquelles  vous 
»  nous  avez  dispersés.  Alainfenant , 
»  Seigneur,  traitez- moi  selon  votre 
»  volonté,  et  commandez  que  mon 
»  ame  soit  reçue  en  paix  ,  parce  qu'il 
»  m'est  plus  avantageux  de  mourir 
»  que  de  vivre  plus  long-temps.  »  Le 
saint  homme,  croyant  quele  Seigneur 
avait  exaucé  sa  prière  ,  et  qu'il  tou- 
chait aux  portes  de  la  mort,  lit  ap- 
peler sou  fils ,   lui  donna   ces    ten- 
dres et  sages  avis  qui  remplissent  tout 
entier  le  chapitre  ivdu  Livre  qui  por- 
te son  nom;  et  il  ajouta  :  «  Je  vous 
»  avertis  aussi  que  j'ai  prêté  dix  ta- 
»  lents  d'argent  à  Gabéhis  ,  qui  de- 
»  meure  dans  la  ville  de  Kagès,  et  que 
»  j'ai  sa  promesse  entre  mes  mains  : 
»  allez  donc  le  trouver,  et  retirez  de 
)>  lui  cette  somme.  »  Le  fils  de  To- 
bie témoigna  quelque  crainte  sur  les 
duTicultés  qu'il  éprouverait  dans  son 
voyage  et  dans  le  recouvrement  des 
dix  talents  d'argent.  Le  bon  vieil- 
lard s'attacha  à  le  rassurer,  et  lui 
conseilla  de  s'associer  un  homme  de 
bien  qui    jjiit  raccomj)agner  et  lui 
servir  de  guide  dans  le  ])ays  des  Mè- 
des ,  jusqu'à    la  ville  de  Rages.  Le 
jeune  Tobie  sortit  à  l'instant  même, 
et  rencontra   l'ange  Kaphaël ,  que  le 
Seigneur  avait  envoyé  sous  la  ligure 
d'un  homme  de  la  ])lus  grande  beau- 
té, et  paré  de  tous  les  charmes  de  la 
jeunesse  ;  il  avait  l'air  d'un  voyageur 
qui  se  dispose  à  partir.   Après  un 
court  entretien  que  le  jeune   Tobie 
rendit   à  son   père ,   le  vieillard  lit 
prier  l'ange  Raphaël  d'entrer  dans 
sa  maison.  Le  messager  céleste  en- 
tra ,  salua  Tobie,  et  lui  dit,  en   ré- 
|»ondant  à    ses   questions,   qu'il    se 
nommait    A/.arias.   Il   fut  convenu 


ion 

qu'il  mènerait  le  jeune  Tobie  cliez 
Gabélus,  en  la  ville  de  Rag;ès,  et 
qu'après  lui  avoir  fait  toucher  la 
somme  due  ,  il  le  ramènerait  auprès 
de  ses  vieux  parents.  Les  apprêts  du 
vovage  furent  bientôt  faits.  Le  jeune 
Tobie  se  mit  en  route,  sous  la  con- 
duite de  l'ange  ,  accompagné  des 
vœux  et  des  bénédictions  de  son  pè- 
re ,  qui  eut  bien  de  la  peine  à  se  sé- 
parer de  sou  (ils ,  et  bien  plus  encore 
à  calmer  la  douleur  d'une  tendre  mè- 
re, qui  aurait  volontiers  consenti  au 
sacrifice  des  dix  talents  ,  pour  n'être 
pas  privée  de  la  présence  de  celui 
qui  lui  était  une  assez  grande  ri- 
chesse ,  et  qu'elle  regardait  avec 
raison  comme  le  bciton  de  sa  vieil- 
lesse et  la  lumière  de  ses  feux. 
L'Écriture  raconte  que  le  jeune  To- 
bie ^  suivi  du  chien  de  la  maison , 
s'arrêta  la  première  nuit  sur  les  bords 
du  Tigre ,  et  qu'étant  allé  laver  ses 
pieds  dans  ce  fleuve ,  il  en  sortit  un 
grand  poisson ,  qui  était  près  de  le 
dévorer.  La  fraveur  s'empara  de  lui; 
mais  Fange  se  liàta  de  le  rassurer^  et 
lui  ordonna  de  tirer  le  poisson  hors 
de  l'eau  ,  d'en  vider  les  entrailles ,  et 
de  prendre  le  cœur  ,  le  fiel  et  le 
foie ,  pour  des  remèdes  qui  lui  se- 
raient indiqués.  La  chose  fut  ainsi 
exécutée.  Les  vovagcurs  firent  eu  mê- 
me temps  rôtir  une  partie  de  la  chair 
du  poisson^  et  salèrent  l'autre  pour 
leur  servir  de  nourriture  jusqu'à 
leur  arrivée  à  Rages.  Ils  n'étaient  pas 
éloignés  d'Ecbatanc  quand  l'ange 
conseilla  à  son  compagnon  de  vova- 
ge d'aller  loger  chez  Raguel ,  qui  était 
de  sa  tribu  et  de  sa  parenté,  et  de  de- 
mander en  mariage  Sara,  fille  uni- 
que de  cet  Israélite  ;  comme  le  jeune 
Tobie  montrait  de  la  répugnance  , 
parce  que  Sara  avait  déjà  eu  sept 
maris  que  le  démon  Asmodéc  avait 
étrarijlés  la  première  nuit  de  leurs 


Tor> 


i8i 


noces,  et  qu'il  craignait  de  partager 
leur  sort ,  l'ange  lui  donna  les  moyens 
de  l'éviter,  par  des  conseils  qui  res- 
pirent la  plus  haute  sagesse,  et  par 
un  expédient  qui  ne  pouvait  obtenir 
son  efi'ct  que  de  la  puissance  diAine: 
c'était  de  mettre  dans  le  Jeu  une 
partie  du  cœur  et  du  foie  du  pois- 
son, pour  chasser  le  démon.  Ils  al- 
lèrent donc  chez  Raguel ,  qui  les  i*eçut 
avec  joie,  et  qui  témoigna  au  jeune 
Tobie  la  plus  tendre  amitié,  dès  qu'il 
l'eut  reconnu  pour  son  parent.  Le 
mariage  fut  célébré  le  soir  même  de 
leur  arrivée.  Les  jeunes  époux  passè- 
rent les  trois  ]iremières  nuits  dans  la 
continence  et  dans  la  prière,  ainsi  que 
l'ange  le  leur  avait  prescrit. Ontrouve, 
dans  le  chapitre  viii  du  Livre  de  To- 
bie, les  expressions  dont  ils  se  servi- 
rent pour  implorer  les  miséricordes 
du  Tout  -  Puissant,  et  en  obtenir  la 
conservation  de  leur  vie.  Ou  y  trouve 
également  le  Cantique  de  Raguel ,  en 
actions  de  grâces  des  bontés  du  Sei- 
gneur. Au  milieu  des  fêtes  qui  accom- 
pagnèrent le  mariage ,  l'auge  Raphaël 
partit  pour  R.igès,  avec  quatre  ser- 
viteurs et  deux  chameaux,  pour  re- 
cevoir l'argent  que  devait  Gabélus,  et 
lui  rendre  son  obligation.  Il  revint 
auprès  de  Tobie  avec  GaLelus,  qm 
combla  ce  jeune  Israélite  de  toutes 
sortes  de  bénédictions.  Le  saint  vieil- 
lard, affligé  du  retard  de  son  fils,  et 
ne  pouvant  en  savoir  la  cause,  re'- 
pandait  en  secret  ses  larmes  devant 
le  Seigneur;  mais  sa  femme,  moins 
résignée  que  lui ,  exhalait  sa  douleur 
en  plaintes  lamentables,  et  s'en  pre- 
nait à  tout  de  Tabsence  de  sou  fils. 
Cependant  Raguel  avait  enfin  consen- 
ti à  laisser  partir  son  gendre  et  sa 
fille  ,  après  leur  avoir  donné  la  moi- 
tié de  ce  qu'il  possédait  en  serviteurs 
et  servantes,  en  troupeaux  ,  en  cha- 
m,eaux  ,  en  vaches  cl  en  une  grande 


i86 


TOB 


quantité  cV argent.  Les  jeunes  e'poiix 
étaient  arrive's  le  onzième  jour  à  Cha- 
ran,  sur  le  clieminde  Ninive,  quand 
Tobie  et  Raphaël  se  séparèrent  de  la 
troupe,  pour  marcher  phis  vite,  dans 
le  dessein  de  dissiper  les  inquiétudes 
des  deux  vieillards.  Anne,  qui  allait 
tous  les  jours  s'asseoir  près  du  che- 
min ,  sur  le  haut  d'une  montagne , 
pour  attendre  son  fils,  ne  l'eut  pas 
plutôt  aperçu  qu'elle  courut  en  por- 
ter la  nouvelle  à  son  mari.  Le  chien, 
qui  avait  suivi  les  voyageurs ,  vint , 
après  elle  ,  confirmer  la  nouvelle  ,  et 
témoignant  sa  joie  par  le  mouve- 
ment de  sa  queue  et  par  ses  cares- 
ses. L'heureux  vieillard  ,  oubliant 
qu'il  était  aveugle ,  se  fit  mener 
au  -  devant  de  sou  fils  ,  et  l'em- 
brassa ,  dans  les  transports  de  la  sa- 
tisfaction la  plus  vive.  Le  jeune  To- 
bie, par  le  conseil  do  l'ange, prit  du 
fiel  du  poisson,  en  frotta  les  yeux  de 
son  père;  au  bout  d'une  demi-heure , 
il  en  tomba  une  espèce  de  pellicule, 
et  Tobie  recouvra  la  vue  après  en 
avoir  été  privé  pendant  quatre  ans. 
Qui  peut  exprimer  le  contentement  du 
vieillard  et  sa  reconnaissance  envers 
Dieu  ?  Sept  jours  après ,  Sara  arriva 
avec  tout  sou  monde;  et  ce  ne  fut 
plus  que  fêtes  et  banquets  dans  la 
maison  de  Tobie.  Cependant  il  était 
juste  que  Raphaël,  que  l'on  prenait 
toujours  pour  un  homme,  reçût  la 
récompense  de  tous  les  seivices  qu'il 
avait  rendus  à  Tobie  et  à  son  fils  :  ils 
le  firent  venir  ;  ils  lui  ofirirent  la  moi- 
tié de  tout  ce  qui  avait  été  apporté 
d'EcbataJie;  mais  l'ange,  découvrant 
ce  qu'il  était  devant  le  tronc  de  l'É- 
ternel et  la  mission  qu'il  en  avait  re- 
çue, leur  adressa  des  conseils,  ctdis- 
jiarul  à  leurs  yeux.  Le  père  et  le  fils 
se  prosterntuent  le  visage  contre  ter- 
re. Le  saint  vieillard  rlianta,  dans  la 
profonde  (-moliou  de  son  auie,  un  su- 


TOB 

blime  cantique ,  en  vingt-trois  versets, 
que  l'on  peut  voir  dans  le  livre  de 
Tobie,  chap.  xii.  Tobie  vécut  encore 
quarante-deux  ans ,  et  vit  les  enfants 
de  ses  petits-fils.  Il  mourut  à  Ninive, 
à  l'âge  de  cent  deux  ans,  laissant  à 
son  iils  des  leçons  excellentes  et 
l'exemple  de  ses  vertus.  Celui-ci  de- 
meura à  Ninive  tant  que  sa  mère  vé- 
cut; mais  après  sa  mort,  il  en  sortit, 
suivant  les  avis  de  son  père ,  et  se  re- 
tira à  Ecbatane,  auprès  de  Raguel  , 
dont  il  recueillit  la  riche  succession  ; 
et  il  y  mourut,  âgé  de  quatre-vingt- 
dix-neuf  ans ,  entouré  des  regrets  de 
sa  nombreuse  postérité ,  qui  persévé- 
ra long-temps  dans  l'observation  de 
la  loi  du  Seigneur ,  dont  il  avait  don- 
né l'exemple.  Nous  avons  tâché  de 
conserver  à  cette  histoire  toute  la  naï- 
veté qu'elle  a  dans  les  livres  sacrés. 
Si  elle  présente  quelques  di/llcultés  , 
nous  ne  sommes  pas  chargés  de  les 
résoudre  :  c'est  l'atiaire  des  commen- 
tateurs. Voyez  domCalmet,  la  Bible 
de  Vence ,  etc.  En  quelle  langue  ie  li- 
vi'e  de  Tobie  a-t-il  été  écrit?  !e  célè- 
bre Jahn  ppnse  qu'il  l'a  été  eu  grec  : 
Introduct.  in  Libros  sacros  ,  page 
453.  En  quel  temps  a-t-il  été  écrit? 
le  même  philologue  ne  le  fait  pas  re- 
monter plus  haut  que  200  ou  i5o 
ans  avant  J.-G.  Quel  en  est  l'auteur? 
on  conjecture  que  c'est  Tobie  le 
fils  ;  mais  on  n'en  a  pas  de  preuve 
certaine.  Quelques  critiques  ont  pré- 
tendu que  le  Livre  de  Tobie  renfer- 
me plutôt  une  allégorie  qu'une  his- 
toire; mais  ce  sentiment  a  peu  de 
partisans  ,  et  ne  ])araît  pas  aussi  siir 
que  l'autiT.  Voyez ,  sur  tout  cela  ,  le 
livre  de  Jahn ,  que  nous  venons  de 
citer ,  et  les  ouvrages  philologiques 
de  J.  Bernard  de  Rossi.  Saint  .lérù- 
me  a  tradi-iit  m  latin  ,  sur  le  cli.'.Idaï- 
qne,  le  Livre  de  Tobie;  et  l'i-'/glise  a 
adopté  sa  traduction ,  comme  la  plus 


TOB 

claire  et  la  plus  dégagée  de  circons 
tances  étrangères.  Les  Juifs  ne  recon- 
naissent pas  ce  livre  pour  canonique^ 
mais  ils  le  lisent  avec  respect ,  com- 
me contenant  une  histoire  vénérable 
et  pleine  de  sentiments  touchants  et 
d'une  excellente  morale  (i).    L-b-e. 

TOBIESEN.  F.  Duby. 

TOBIN  (John),  auteur  dramati- 
que anglais,  naquit  à  Salisbury,  en 
I  nno.  Lorsque  la  guerre  d'Amérique 
vint  à  éclater,  son  père,  jugeant  sa 
pre'sence  nécessaire  à  l'île  de  Ne  vis , 
où  il  avait  des  plantations ,  partit 
avec  sa  femme ,  laissant  en  Angleter- 
re trois  de  ses  iils ,  sous  la  protection 
de  leur  grand-père  maternel,  John, 
placé  à  l'école  de  Southampton,  sur- 
passa bientôt  ses  condisciples  ,  et  ma- 
nifesta de  bonne  heure  un  goût  très- 
vif  pour  le  spectacle.  La  récompense 
destinée  ,  dans  cette  école,  à  ceux  qui 
produiraient  les  meilleures  coraposi- 
tionslatines,  était  d'assister auxrepré- 
?entations  que  donnait ,  tous  les  ans , 
dans  cette  ville,  une  troupe  de  comé- 
diens j  et  Tobin  obtenait  toujours  le 
prix.  Après  les  heures  d'étude,  il  se 
dérobait ,  pour  aller  méditer  en  si- 
lence, à  la  vie  active  et  aux  plaisirs 
du  jeune  âge.  La  pèche  était  presque 
son  unique  délassement.  Recherchant 


(i)  Tehie  ,  poème  en  qnnire  citants  et  en  prose 
par  M.  Leclerc  ,  parut  en  1-73  ,  iu-19..  La  To- 
hiade  ou  Tobie  secouru  jtar  Vnnç^e  ,  poènip  en  dix 
chants,  178G  ,  in-19.  ,  est  de  l'aUbé  Leroy,  curé 
de  Marville.  Florian  a  fait  aussi  uu  petit  poème 
en  vers  ,  sous  le  titre  de  Tohie.  L'académie  de 
Niort  proposa,  en  i8oç(  ,  pour  sujet  du  prix  qu'elle 
devait  décerner  l'antiee  suivante  ,  un  poème  sur 
Tobie;  dix-sept  pièces  furent  envoyées  au  con- 
cours; aucune  n'obtint  le  prix;  deux  mentions 
honorables  furent  accordées  à  MM.  C.harriu  et 
Lecluse.  L'ouvrage  de  M.  Charrin  a  été  imprimé 
avec  d'autres  pièces  ,  1810,  in-n.  Une  tragédie 
en  un  acte  fut  imprimée  ,  en  inn4  ,  parmi  les 
OEuvres  de  Mesdames  Des  Roches  (  V oy.  DES 
Roches  ,  XI  ,  î3(>)  :  cette  pièce  est  aussi  attribuée 
à  Ch.  J.  de  Gurrrens  ou  Guerrans  ,  né  en  i543  , 
et  mort  eu  iSSS.  Une  autre  tragédie  de  Tobie  a 
pour  auteur  Gal)riel  liretou-de  In-l'ond  ;  cnfia 
Jacques  Ouyï'-He-liOnviers  donna  une  tra;>édie  de 
'l'ohie  eu  cini|  ai  te»  et  vu  v.rs  ,  imprimée  en 
i(i«6  ,  in-io!.  A.  It  -T. 


TOB  187 

les  lieux  les  moins  fréquentés ,  il  com- 
posait, sa  ligne  à  la  main,  des  chan- 
sons ,  dont  son  frère  aîné  était  seul 
confident.  La  guerre  avec  l'Améri- 
que ayant  cessé,  leur  père,  de  re- 
tour dans  sa  patrie,  ouvrit  à  Bris- 
tol une  maison  de  commerce;  et 
comme  il  avait  lui-même  de  l'ins- 
truction, il  applaudit  à  l'ardeur  que 
ses  fils  montraient  pour  les  études 
littéraires,  ne  regardant  d'ailleurs  la 
poésie  que  comme  une  innocente  ré- 
création. John  Tobin  fut  mis,  à  dix- 
sept  ans,  chez  un  avoué,  àLincoln's- 
Inn  ;  et ,  grâce  à  une  rare  facilité,  il 
se  distingua  bientôt  entre  les  autres 
elercs  ,  par  son  exactitude  et  par 
sa  célérité  dans  un  tra\^ail  qui  cepen- 
dant ne  lui  inspirait  que  du  dégoût. 
Doué  de  cette  précieuse  faculté 
d'abstraction ,  qui  permet  à  la  pen- 
sée de  s'exercer  au  milieu  du  bruit 
et  des  distractions  ,  tandis  que  sa 
main  était  occupée  à  expédier  des  rô- 
les, sou  esprit  se  livrait  tout  entier 
aux  objets  de  sa  prédilection.  Son 
penchant  pour  le  théâtre  était  deve- 
nu irrésistible;  et  il  savoura  le  plaisir 
de  la  composition.  Avant  l'année 
1794,  il  avait  terminé,  entre  autres 
ouvrages ,  plusieurs  opéras  et  une  tra- 
gédie, qui  furent  rejetés  par  les  co- 
médiens. Le  jeune  poète  ayant  échoué 
dans  le  genre  tragique,  s'essaya  dans 
la  comédie;  et  pendant  une  indisposi- 
tion qui  le  retint  quelque  temps  dans  sa 
chambre,  il  composa  la  pièce  intitu- 
lée :1a  Table  de  pharaon  (the  Faro 
Table).  Le  célèbre  Shéridan ,  au  ju- 
gement de  qui  elle  fut  soumise,  trou- 
va qu'elle  ressemblait  trop  à  sa  pro- 
pre comédie ,  V Ecole  du  scandale , 
et  craignit  d'ailleurs  qu'on  n'y  vît  la 
satire  d'une  noble  dame  ,  connue 
pour  tenir  chez  elle  une  table  de  ])!ia- 
raon.  \j  Entrepreneur  (  the  Uiider- 
taker) ,  que  produisit  ensuite  Tobin, 


iS8 


TOK 


n'eut  pas  plus  d'accès  au   lliéàlic, 
mais  fut  admiré  des  lecteurs.  Le  Nor- 
mand, drame  romantique,  en  cinq 
actes,  intitule  depuis  le  Coui>re-feu 
(  tlie  Curfew) ,  dont  le  sujet  est  pris 
dans  les  temps  féodaux ,  fut  également 
refusé  des   comédiens.    L'auteur  ne 
perdit  point  encore  courage.  A  l'épo- 
que où  les  drames  de  Kolzcbue  et  le 
Fizarre  de  Sliéridan  avaient  ia  plus 
grande  vogue  en  Angleterre ,  il  écrivit 
son  drame  des  Indiens ,  dont  le  héros 
est  le  général  Bov\  les ,  fameux  par 
des  aventures  extraordinaires;  mais 
il  était  dans  ia  destinée  de  J.  Tobin 
de  voir  successivement  repousser  tou- 
tes ses  tentatives  dramatiques.  Le  Pé- 
cheur,  drame  lyrique ,  et  V École  des 
auteurs  (  1 800  )  ne  furent  pas  plus 
heureux.  Une  petite  pièce  qu'il  avait 
composée  autrefois  fut  la  seule  que 
l'on  représenta;  et  ce  fut  au  profit 
d'un  comédien  :  elle  eut  du  succès  ; 
toutefois  l'auteur  la  retira,  craignant 
de    se  nuire  en  se  faisant  connaître 
par  unesimple  farce,  à  sondéhutdans 
une  carrière  qu'il  se  promettait  de 
parcourir  plus  gloiieusement.  Tobin 
soumettait  toutes  les  productions  qui 
.sortaient  de  sa  ])Iume  à  la  critique  de 
jeunes  gens  instruits ,  qui  se  réunis- 
saient  dans   l'appartement    occupé 
par  lui  et   son  frère.  On  y  éleva  un 
jour  cette  question  :  «  Pourrait- on 
espérer  que  l'ancienne  comédie  an- 
glaise, renouvelée  aujourd'hui,  telle 
qu'elle  était  au  temps  de  Shakspea- 
i-e  et  de  Flelclier,  fût  goûtée  du  pu- 
blic.^ »  Tobin  n'énonça  point  son  opi- 
nion ;  mais  il  se  mit  au  travail,  et 
appoila  ,   quelque   temps   après  ,   le 
manuscrit  de  la  Lune  de  miel  (  the 
Honey-moon),  la  [)lus  célèbre  de  ses 
comédies.  Malgréles  observations  qui 
bnent  faites    sur   l'ixlravagancc  du 
sujet,  sur  l'invraiseinhlaure  des  iu- 
ridcnls,  cl  .suid'autrcs imperfections 


lOR 

que  l'auteur  n'avait  pas  cherche  h 
éviter,  elle  fut  présentée  aux  comé- 
diens. Refusée  à  Covent-Garden,  les 
directeurs  deDrury-Lane  se  réser- 
vèrent d'exprimer  jilus  tard  leur  sen- 
timent; mais  déjà  Tobin  n'était  plus 
en  état  de  l'attendre.  Sa  constitution 
avait  été  minée  par  une  vie  sédentai- 
re et  une  application  sans  relâche. 
Pendant  dix  années,  il  s'était  refusé 
presque  tout  exercice ,  toute  récréa- 
tion; à  peine  s'accordait- ii  le  som- 
meil. La  nature  ne  supporte  pas  de 
telles  privations.  Lebesoin  de  respi- 
rer l'air  de  la  campagne  conduisit  le 
malheureuxTobinau|)rès  d'un  parent, 
dans  le  Cornwall.  Là,  ayant  une  ri- 
che bdjliothèque  à  sa  disposition  ,  il 
conçut  le  projet  de  donner  une  nou- 
velle édition  de  Shakespeare,  et  plein 
de  cette  nouvelle  idée,  ii  parut  avoir 
onblié  les  travaux  où  il  avait  consu- 
mé sa  vie.  Ce  fut  cependant  alors  que 
sa  dernière  comédie  fut  reçue  à  Dru- 
ry-Lane.  Son  frère,  eu  lui  transmet- 
tant cette  nouvelle,  l'invitait  à  com- 
poser sans  délai  un  Prologue  et  un 
Epilogue  pour  la  représentation  pro- 
chaine; mais  ce  qui,  peu  de  temps 
auparavant,  n'eût  été  pour  lui  qu'un 
jeu,  était  maintenant  au-dessus  de 
.ses  forces.  La  consomption  l'emjjor- 
tait  rapidement.  On  lui  conseilla  d'es- 
sayer l'ellct  d'un  voyage  en  Améri- 
que, Il  se  rendait  à  Bristol,  lorsqu'il 
mourut  dans  le  vaisseau,  à  peu  de 
distance  de  Cork,  le  8  déc.   1804, 
n'ayant     encore    que     trente  -  cinq 
ans.  C'est  ainsi  que  finit  John  Tobin, 
sans  avoir  joui  de  la  renommée  que 
méritaient  ses  talents,  et  qui  retentit 
sur  son  tombeau  à  peine  fermé.  On  ne 
peut  lui  accorder  le  mérite  de  l'inven- 
tion et  de  l'originalité  :  mais  il  s'ap- 
j)ropriail  les  idées  des  autres  avec  un 
r.ire  bonheur;  et  eu  saisissant  avec 
habileté  l'esprit  des  anciens  auteurs 


TOB 

dr.imatiqiiesdesa  nation,  il  a  su  échap- 
per au  reproche  d'ailectatiou  et  de 
manière.  On  estime  particulièrement, 
dans  ses  productions ,  le  mérite  du 
style  et  l'art  du  dialogue.  La  Lune 
de  miel,  donnée  à  Drury-  Laue,  le 
3i  janvier  i8o5 ,  a  été  applaudie  de- 
puis sur  tous  les  thétàtres  de  l'Angle- 
terre et  en  Amérique.  La  pièce  est  en 
vers  blancs,  mêles  de  prose.  Le  plan 
est  calqué  sur  ceux  de  Shakspeare 
et  de  Fletclier;  mais  l'imitation  con- 
serve un  air  d'originalité.  L'auteur 
anéc;li<ïéàdessein  toutes  les  unités  de 
lieu  ,  de  temps ,  d  action  (  i  ).  Le  Cou- 
vre-feu fut  représenté  avec  succès, 
vers  1 806 ,  et  imprimé  en  1 807.  \jE- 
cole  des  auteurs  fut  très- applaudie 
en  1 808.  La  Table  de  pharaon  ou  le 
Tuteur  (  ihe  Guardian  )  parut  en  no- 
vembre 1816.  sur  le  théâtre  de  Dru- 
ry-Lane,  et  fut  imprimée  la  même 
année.  Miss  Benger  a  publié  des  Mé- 
viob'es  sur  John  Tobin,  Londres  , 
1820,  in -8*^.  Ils  sont  suivis  d'un 
choix  de  ses  écrits  inédits,  entre 
autres:  les  Indiens,  en  cinq  actes 
et  en  vers  ;  un  fragment  d'une  tragé- 
die ;  le  Pécheur,  opéra  en  trois  actes. 
—  Son  frère  ,  James  Tobin  ,  mort 
en  i8i5  ,  cultiva  la  poésie  avec 
succès,  dans  sa  jeunesse.  Plus  tard  il 
s'occupa  d'un  ouvrage  sur  la  politi- 
que coloniale.  Partisan  zélé  de  l'é- 
mancipalion  des  noirs ,  il  voulait  pré- 
parer ces  malheureux  à  jouir  un  jour 
de  la  liberté.  Il  reçut  ,  pour  celte  gé- 
néreuse intention ,  un  témoignage  pu- 
blic d'estime  du  duc  de  Gloucestcr , 
dans  une  réunion  de  l'Institution  afri- 
caine, en  181 3.  On  a  de  James  To- 
bin   des    Observations   sur  l'Essai 


(i)  MM.  Scribe,  Mclcsvilic  et  C;irmouche,  ont 
domiéavrc  Mircrs,  .'i  Paris,  en  mars  189.6,  sur  le 
théâtre  dcMad-iuie,  La  Lune  de  miel ,  comédie- 
Taudevillc  en  dvn\  actes,  licite  pii-ce  a  cti-  iin- 
priinép  «niR^fî ,   in-R". ,  et  a  en  deux  rtlition». 


TOC  ,89 

de  Ramsaj  ,  relatif  au  traitement 
et  à  la  conversion  des  esclaves  afri- 
cains  dans  les   colonies  à  sucre 
1785,  1787  et  1788,  in-80.         l! 

TOB  LE  R  (Jean)  naquit,  en 
17312,  à  Sainte- Marguerite,  village 
du  Rliintal,  oii  son  père  étaitpasteur; 
fit  ses  études  au  gymnase  de  Zu- 
rich ,  où  il  occupa ,  depuis  1 734 ,  dif- 
férents emplois  ecclésiastiques  ,  et 
devint  prédicateur  et  chanoine.  Élè- 
ve et  ami  des  Bieitiuger ,  des  Bod- 
mer  et  des  Gcsuer^  ii  eut  part  aux 
travaux  et  aux  succès  de  ces  réfor- 
mateurs des  lettres  et  du  goût  en  Al- 
lemagne et  en  Suisse.  Dans  sa  jeunes- 
se, il  avait  essayé  de  traduire  Homè- 
re,  et  il  avait  donné  une  très -bon- 
ne traduction  allemande  des  Saisons 
de  Thomson,  Zurich,  in-8*^.,  i-5-. 
Les  écrits  ascétiques,  ainsi  que  les 
poésies  religieuses  qu'il  a  publiées 
plus  tard,  kii  ont  acquis  une  grande 
renommée.  Devenu  le  chef  d'une 
famille  nombreuse  ,  vertueux,  reli- 
gieux et  le  meilleur  des  hommes ,  il  ne 
cessa  de  suivre  les  progrès  des  scien- 
ces, et  de  nourrir  dans  sou  ame  cé- 
leste l'espérance  d'un  meilleur  avenir 
pour  sa  patrie,  désolée  par  tant  de 
bouleversements  politiques.  11  mou- 
rut h  Zurich,  en  1 808.  U — i. 

TOCHON  D'ANNECY  (  Joseph- 
François  : ,  antiquaire,  né,  le  4  nov. 
i77'i,au  château  de  i\Iez,  près  d'An- 
necy, en  Savoie  ,  appartenait  à  une 
famille  ancienne,  honorée  par  les 
charges  qu'elle  avait  occupées  dans 
la  magistrature.  Il  iit  ses  études  à 
Turin,  où  il  fut  reçu  docteur  en  droit. 
Il  était  de  retour  dans  sa  patrie,  en 
1792,  quand  la  révolution  françaisey 
étendit  ses  ravages.  La  Savoie,  réu- 
nie à  la  France  par  un  décret  de  la 
Convention  ,  fut  soumise  aux  nouvel- 
les lois  françaises.  Son  père  fut  obli- 
gé d'émigrer  ,  et  lui-même,  atteint 


1^0 


TOC 


parla  réquisition,  fut  contraint  d'en- 
trer dans  l'ctat  militaire.  Ou  l'envoya 
à  l'armcedes  Alpes ,  où  bientôt  il  ob- 
tint l'estime  de  ses  chefs  ,  qui  l'atîa- 
cbèrent  à  l'état -major.    Les    évé- 
nements au  milieu  desquels  il  se  trou- 
va lui  fournirent  plusieurs  occasions 
desedistinç^ucr,  notamment  à  Toulon, 
en  1 7g5  ,  où  il  sauva,  au  péril  de  sa 
vie,  plusieurs  victimes  poursuivies 
par  les  révolutionnaires.  Il  était  par- 
venu au  grade  de  capitaine ,  quand  il 
lui  fut  permis  de  quitter  la  carrière 
militaire,  en   1797.  Ce  cliangement 
le  rendit   à    des   occupations   et  à 
des  études  qu'il  n'avait  jamais  ces- 
sé d'afléctionner  ,  et  auxquelles ,  dès- 
lors,  il  se  livia  avec  une  nouvelle  ar- 
deur. L'histoire  et  la  littérature  an- 
ciennes  l'attachèrent  plus  particu- 
lièrement; mais  bientôt  une  circons- 
tance imprévue  vint  lui  donner  nne 
direction  plus  spéciale.  Il  était,  eu 
1798,  aux  bains  d'Aix  en  Savoie, 
quand  on  lui  montra  des  médailles 
antiques  récemment  découvertes  dans 
le  pays  :  elles  fixèrent  son  attention  ; 
et  dejiuis  ce  moment  la  numismati- 
que devint  l'objet  constant  de  ses 
études.  11  entreprit  alors  le  voyage 
d'Italie,  pour  se  familiariser  avec 
les  monuments  de  l'antiquité.  11  visi- 
ta et  étudia  les  belles  collections  si 
nombreuses  en  ce  pays  ,  et  il  y  acquit 
un  grand  nombre  d'objets  précieux, 
de  bronzes  ,  de  vases  grecs  dits  étrus- 
ques ,  qui  formJ-rent  la  base  d'une  col- 
lection devenue  bientôt  une  des  plus 
)ichesde  la  capitale.  11  consentit,  en 
I  Hi  7  à  la  céder  au  gouvernement ,  et 
elle  forme  encore  un  des  beaux  oriie- 
mentsdu  Musée  royal.  Les  troublesde 
ri  ta  lie  le  forcèrent  de  revenir  enFran- 
cc,  en  1800,  et  il  lixa  alois  son  sé- 
jour à  Paris,  l'anui  les  objets  pré- 
cieux qu'il  avait  icriieillis  dans  son 
voyage,  ou  doit  remarquer  une  belle 


TOC 

et  nombreuse  collection  de  médaillés 
grecques  et  romaines,  qu'il  ne  cessait 
d'accroître  tous  les  jours.  Sa  prédi- 
lection pour  ce  genre  de  monuments 
et  les  études  profondes  qu'il  entre- 
prit pour  les  expliquer  lui  donnè- 
rent des  connaissances  pratiques  qui 
le  placèrent  au  premier  rang  parmi 
les  numismates  j  et  avant  qu'il  eut  fait 
connaître  au  monde  savant  aucun  ré- 
sultat de  ses  études ,  son  nom  était 
déjà  invoqué  comme  une  autorité  en 
ces  matières.  En  1 8 1 5  ,  il  publia  mie 
Dissertation    sur   l'époque    de    la 
mort  d'Antioclius   Sidatès,  roi  de 
Sjrie ,  in-4".  Cet  ouvrage  ])eu  éten- 
du, mais  très-important,  suiHt  pour 
montrer  les  vastes  connaissances  de 
son  auteur,  sa  sagacité  et  la  justesse 
de  son  coup-d'ttii.  Il  iutéiesse  éga- 
lement   l'histoire    des     successeurs 
d'Alexandre  et  la  critique  d'un  de 
nos  livres  sacrés ,  celui  des  Macha- 
bées  :  on  y  combat  une  opinion  ad- 
mise par  Eckliel ,  et  sanctionnée  par 
l'autorité  dcVisconti.    Les  preuves 
réunies  dans  ce  travail  ,  parurent  si 
fortes  et  si  convaincantes  que  Vis- 
conti  lui-même  s'empressa  d'en  ad- 
mettre les  conclusions.  Une  Notice 
sur  UJie  médaille  de  Philippe-Ma- 
rie Fisconti ,  duc  de  Milan,  iu-4".  ; 
et  une  Dissertation  sur  Vinscription 
grecque  d'un  vase  trouvé  à  Taran- 
te ,  et  sur  les  pierres  antiques  qui 
servaient  de  cachet  aux  médecins 
oculistes,  in-4''.  parurent  en  i8i(). 
Bientôt  après  ,    Tôchon  publia   un 
autre  Mémoire  sur  lui  point  diilicile  de 
la  science  numismatique  ,  c'est-à-dire 
sur  les  médailles  ini|)érialesd'un  per- 
sonnage nommé  Marinus,  resté  incon- 
nu à  l'histoire.  On  avait  penséque  les 
médailles  grecciues  de  ce  personnage , 
illustré  ])ar  les  honneurs  de  l'apo- 
ihc'ose ,  avaient  (;té  frappées  pour  un 
individu  aussi  obscurdcuaissancc  que 


TOC 

(le  rang ,  décore  de  la  poiirpre  ini- 
])énale'dans  nue  ciueute  militaire  ,  et 
raassaci'é  bientôt  après  par  ses  com- 
plices ,  daus  un  pays  oii  l'on  ne  par- 
lait pas  grec.  L'auteur  a  prouvé 
dans  ce  ?.lémoire  que  ce  n'était  pas 
sur  les  rives  du  Danube,  mais  sur  les 
frontières  de  l'Arabie,  qu'avait  vécu 
le  mystérieux  Marinus ,  objet  de  tant 
de  discussions.  Ses  médailles  présen- 
tent la  ])lus  parfaite  similitude  avec 
les  monnaies  grecques  de  l'empereur 
Philippe  et  des  princes  de  sa  famil- 
le; elles  ont  été  frappées  daus  la  mê- 
me ville,  qui  est  Pliiiippopolis  d'A- 
rabie, patrie  de  ce  souverain,  éle- 
vée par  lui  au  rang  de  colonie  romai- 
ne. Les  médailles  de  Marinus,  décoré 
du  titre  de  dieu ,  ne  sont  donc  ainsi 
qu'un  témoignage  de  la  piété  fdiale 
de  Philippe  ,  qui  à  l'exemple  de  plu- 
sieurs autres  empereurs,  avait  vou- 
lu faire  participer  sou  père  à  son  il- 
lustration persumielle.  Ce  travail , 
dout  les  résultats  furent  adoptés  par 
tons  les  savants,  parut,  en  iSi-j,  sous 
le  titre  de  Mémoire  sur  les  médail- 
les de  Marinus,  frappées  à  Fhilip- 
popolis ,  in-4°.  11  est  terminé  par  une 
Notice  intéressante  sur  une  médaille, 
encore  unique,  de  l'usurpateur  Jota- 
])ianus.  C'est  vers  cette  époque,  au 
mois  de  décembre  1 8  lO  ,  que  l'au- 
teur fut  élu  membre  de  l'académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres,  à  la 
place  vacante  par  la  mort  de  Giuguc- 
né.  L'année  précédente,  il  avait  été 
nommé  membre  de  la  Chambre  des 
députes ,  parledépartementdu  Mont- 
Blanc  ,  mais  il  y  siégea  peu  de  temps, 
ce  pays  ayant  cessé  de  faire  ])artie 
de  la  France.  Les  travaux  intéres- 
sants et  solides  ,  qui  jusqu'alors 
avaient  occupé lenouvel académicien, 
n'étaient  que  les  précurseurs  d'ou- 
vrages ])lus  considérables,  et  depuis 
long- temps  les  objets  constants  de 


TOC  iri- 

ses études.  Nous  voulons  parler 
des  Reclicrches  sur  les  médailles 
des  nomes  ou  préfectures  de  VE^y- 
te.  Les  monuments  de  cette  espèce  , 
quoique  assez  nombreux  sous  le  rap- 
port de  la  variété  des  types  et  des 
modèles,  sont  au  total  assez  rares  : 
peu  de  cabinets  et  même  de  collec- 
tions rovales  en  contiennent  mi  cer- 
tain nombre.  Le  cabinet  du  Roi ,  à 
Paris  ,  n'en  renferme  qu'une  petite 
quantité.  Tochon  est  jiarvenu  à  en 
réunir  une  collection  qui  l'emporte 
sur  toutes  les  autres  pour  le  nombre 
et  le  choix  des  pièces.  Il  se  procura 
eu  outre  des  empreintes  et  des  des- 
sins de  toutes  les  médailles  du  mê- 
me genre  qui  existent  à  Rome  , 
Florence,  Naples  ,  Turin,  Milan, 
\enise,  Berhn,  Londres  et  Copen- 
hague; etj  sûr  désormais  de  pos- 
séder tons  les  matériaux  nécessai- 
res ,  il  s'occupa  sans  relâche  de  la 
composition  de  son  ouvrage.  Il  eu 
avait  communiqué  des  portions  con- 
sidérables ài'lustitut,  en  1818;  mais^ 
jaloux  de  lui  donner  im  plus  haut 
degré  de  perfection,  il  ne  se  hâtait 
pas  d'en  entreprendre  la  publication. 
Malheureusement,  ses  travaux  fu- 
rent ]>lus  d'une  fuis  ralentis  ou  in- 
terrompus ])ar  une  maladie  grave, 
dont  il  avait  éprouvé  les  premières 
atteintes,  en  i8i3,  après  une  chute 
qu'il  lit  pendant  un  voyage  en  Nor- 
mandie ,  où  sa  voiture  se  brisa.  \\ 
languit  durant  plusieurs  années ,  et 
enfin  il  succomba,  le  ao  août  1820. 
Ses  excellentes  qualités  ,  sa  lovauté, 
sa  douceur ,  l'avaient  rendu  cher  à 
ses  amis,  (t  sa  mort  leur  a  causé  de 
profonds  regrets.  Son  ouvrage  sur 
les  médailles  des  nomes  ou  juéfectu- 
res  de  l'Egypte  était  encore  inédit, 
lorsqu'il  cessa  de  A'ivre  ;  mais  la  it»- 
daction  en  était  tout-à-fait  achevée  : 
il  a  été  publié  en  i8i'2,  à   l'impri- 


102 


TOD 


merie  royale  ,  eu  ua  volume  in^"- 
Il  contient  un  grand  nombre  de  plan- 
ches destinées  à  représenter  les  types 
de  toutes  les  médailles  des  nomes  de 
l'Egypte.  Ce  savant  numismate  s'é- 
tait encore  occupé  de  plusieurs  au- 
tres ouvrages ,  dont  on  doit  infini- 
ment regretter  la  perte.  Parmi  eux  on 
distingue  un  travail  complet  sur  les 
Médailles  gauloises  ,  qui  aurait  été 
très-considérable  •  une  Bibliographie 
numismatique;  un  recueil  des  médail- 
les inédites  de  son  cabinet ,  avec  des 
descriptions  el  de  courtes  explica- 
tions. La  plupart  des  gravures  qui 
devaient  accompagner  cet  ouvrage 
étaient  terminées  ,  et  un  grand  nom- 
bre d'exemplaires  en  ont  été  répan- 
dus parmi  les  numismates,  qui  ontpu 
proliter  aiusi  des  observalious  de  ce 
savant  et  des  richesses  de  son  cabi- 
net. II  a  composé,  pour  la  Biogra- 
phie universelle,  divers  articles, 
parmi  lesquels  on  distingue  ceux  de 
Denys  de  Syracuse,  Dion,  Dioclé- 
tien,  Frœlich,  Gélon,  Hiéron,  etc. 
S.  M— N. 
TODE  (Henri-Julien  ) ,  natura- 
liste, né,  le  3o  mai  1733,  à  Zollens- 
pieker  daus  le  duché  de  Holstein, 
remplit  dillcrentes  fonctions  ,  com- 
me ministie  ])rolcstant,  dans  le  du- 
ché de  Mekieubourg,  et  mourut,  le 
3o  décembre  1797,  à  Schwerin,  où 
il  était  suriulendant.  On  trouve  plus 
de  piété  que  de  poésie  dans  ses  Can- 
tiques cliréliens  ,  Hambourg  et  Lu- 
nebourg,  177  i ,  iu-8".  Cependant  on 
en  a  admis  ((uelques-uns  dans  les  li- 
vres de  chaut  destinés  aux  ollices  pu- 
blics. Comme  naturaliste,  ïodes'est 
fait  connaître  pai-  des  Dissertations 
qui  ont  paru  dans  les  Mémoires  delà 
société  d'histoire  naturelle  de  Berlin 
et  par  ses  Fiingi  Meklenburgenses 
setccti ,  Luncbourg,  1790  et  1791  , 
n  vol.  in-4".  ,  avec  clix-se})t  jdau- 


TOD 

ches.  Dans  la  Préface^  l'auteur  ra- 
conte qu'en  177B  ,  encouragé  par 
un  de  ses  protecteurs,  il  commença  à 
cultiver  les  champignons ,  que  jusque- 
là  il  n'avait  observés  que  dans  leur 
état  sauvage.  Après  avoir ,  pendant 
douze  ans,  travaillé,  avec  un  soin 
infatigable,  à  cette  branche  de  l'his- 
toire naturelle,  il  publia,  en  1790, 
le  résultat  de  ses  observations,  Con- 
sidérantles  champignons,  selon  le  sys- 
tème de  Linné ,  d'après  leiu-s  dille- 
renccs  sexuelles,  il  place  en  tcte  de 
sou  premier  volume  un  tableau  dont 
le  teste  est  Semina jimgorum.  Ses  di- 
visionssont:  i°.Seminamida  ,  cons- 
picua.  2°.  Tecta  anie  lempusjruc- 
tescenliœ.  En  développant  et  en  ana- 
lysant ces  deux  phénomènes  princi- 
paux ,  il  trouve  occasion  de  classer 
les  champignons  selon  la  diirérence 
des  genres  et  des  espèces.       G — y. 

TODE  (  Jean-Clément)  ,  méde- 
cin du  roi  de  Danemark  ,  et  profes- 
seur de  médecine  à  l'universilé  de 
Copeidiague,  naquit,  le'i4  juin  1 706, 
à  Zollenstocker  près  de  Hambourg  , 
d'une  familleoriginairede  Danemark. 
Après  avoir  fait  ses  études  à  Ham- 
bourg, à  l'âge  de  vingt-un  ans,  il 
vint  .à  Copenhague,  où  des  talents 
précoces  attirèrent  sur  lui  l'atten- 
tion du  roi.  A(in  de  perfection- 
ner ses  connaissances  eu  chirurgie, 
il  voyagea  pendant  trois  ans,  en 
Hollande  et  en  Angleterre  ,  où 
il  eut  occasion  d'assister  aux  leçons 
de  maîtres  renommés.  Etant  de  retour 
à  Copeidiague,  il  ouvrit  ,  en  1769, 
un  cours  gratuit  de  médecine  ,  et  en 
177a,  il  fut  nommé  professeur  à 
l'université  ,  où  il  a  formé  d'excel- 
lents élèves.  La  ])hipart  des  médecins 
eu  Daneniaïk. ,  en  Norvège  et  dans 
le  duché  <le  Holstein  ,  parlent  avec 
reconuaissau(-e  des  soins  qu'il  doiniait 
à   leur   iusli  urlion.   Il  prit  utio  part 


TOD 

très-active  à  la  fondaliuu  de  la  soi^ 
ciëto  médicale  de  Copeiibatjuc,  et  à 
celle  d'autres  établissements  d'utilité 
publique.  Étant  parvenu  à  un  âge  très- 
avancé,  il  ne  quitta  ses  fonctions  de 
professeur  que  quelques  moisavant  sa 
mort,  qui  arriva  le  1 6  mars  i8o5. 
On  trouve  sou  nom  ,  comme  rédac- 
teur ou  collaborateur  ,  à  la  tète  de 
cent  vingt  -  sept  dillérentes  produc- 
tions littéraires,  dont  soixante-dix  ont 


TOD  19I 

in-8'^.  La  Feuille  Ih'bilomadaire  mé- 
dicale, qu'en  1778  il  commença  à 
publier  en  langue  danoise,  eut  un 
succès  qu'aucun  autre  journal  pério- 
dique n'a  obtenu  en  Danemark  :  c'é- 
tait un  genre  nouveau  pour  ces  con- 
trées septentrionales.  On  y  trouvait 
une  satire  ingénieuse,  animée  ,  em- 
bellie par  la  vivacité  des  pensées, 
par  la  tournure  piquante  des  expres- 
sions et  par  les  charmes  d'une  dé- 


cente plaisanterie.  Todé  a  aussi  pu- 
blié ,    en  langue    danoise  :   T.  Be'- 


paru  eu  danois  ,  trente -trois  en  aile 

raand,  vingt-deux  en  latin  et  deux  en 

français.  Soixante-dix  sont  relatives    flexions  impartiales  sur  la  tj'pogra 

à  la  médecine;  les  autres  appartien-     phie  en  Danemark  ,  Copenhaaie 


nent  à  la  pbilosopliie  ou  à  la   litté- 
rature; cmq  sont  des  journaux,  et 
six  des  dissertations  polémiques.  La 
plupart  de  ces  productions  attestent 
la  tournure  vive  ,  gaie  ,  saillante  de 
son  esprit,  l'indépendance  et  la  fran- 
chise de  ses  opinions  ;    partout  ou 
trouve  des  connaissances  profondes^ 
soumises  à  la   direction   d'un  sens 
droit  et  d'une  raison  exquise.  Dans 
les  universités  d'Allemagne,  il  s'est 
fait  particulièrement  connaître  par 
les  ouvrages  suivants  :  I.  Bibliothè- 
que médico- chirurgicale ,  Copen- 
hague, 1774-87,  10  vol.  in-8'.  IL 
Conversations    sur    la    médecine , 
ibid. ,    1785-178.'),  4  ^'ob   in-8°. 
III.  Annales  médicales ,  ibid.  1 787- 
1792,  i3  n*^'*.  in-80.  IV.  Formu- 
laires   d'ordonnances    médicales  , 
ibid.,    i79'i-i798,    5    vol.   in-8<*. 
Y.    Journal    de  médecine  ,    179^- 
i8o4  ,  5  vol.  in-8°.  \I.  Instruction 
sur  la  matière  médicale,   1797,  'i- 
vol.  in  8".   VIL  Science  médicale 
en  général ,  ibid.  ,    1798,    -i  vol. 
in-8".  YllI.  De  la  goiiorrliée ,  Co- 
penhague, 1774^  in-8".  IX.  Delà 
manière  de  guérir  la  gonorrhée  , 
Copenhague,  1790,  in-8''.  X.  JVou- 
f  elle  grammaire  da?ioise  pour  les  al- 
lemands (  ail. ) ,  (]opcn!iaguo,  1  798, 


in-8o.IL  OEnvres  en  prose,  Copen- 
hague ,    1793,   8  vol.  in-80.  III, 
Fables   originales   et   contes  pour 
la  jeunesse  des   deux  sexes  ,  Co- 
penhague ,    1793,    in -8°.  Les  fa- 
bles de  ce  Recueil  sont  bien  ,  comme 
l'assure  l'auteur  ,  originales ,  se  rap- 
portant exclusivement  aux  mœurs  et 
aux  habitudes  de  !a  nation  danoise. 
Il  a  composé  pour  le  théâtre  danois  : 
I.  Les  Officiers  de  marine,  comédie 
en  cinq  actes,  Copenhague,  178'^, 
in-8°.  II,  Le  Démon  des  mariages, 
comédie  en  cinq  actes,  Copenhague, 
1 783,  in-8°.  Ces  deux  pièces  ont  eu  du 
succès;  celles  qu'il  a  publiées  depuis 
étaient  d'un  faible  intérêt.  Joignant 
à  une  activité  extraordinaire  un  pen- 
chant trop  porté  aux  attaques  incon- 
sidérées de  la  satire,  Todé  s'est  sou- 
vent jeté  dans  des  polémiques  im- 
prudentes, etqu'il  n'a  soutenues  qu'ai 
vec  beauconp  de  peine  soit  en   Da- 
nemark ,  soit  en  Allemagne.  Ses  dé-^ 
bats  avec  Baldinger,   professeur   À 
Marbourg,  furent   très-vifs  et  très- 
animés.  Vof.    \°.  Le  Dictionnaire 
des  grands  hommes  de  Danemark, 
par  Woi'm ,   vol.  n  ,  49^   (  fn  da- 
nois );   "2".     Tableau    moderne   de 
Copenhague,    i8o6,u"s,  40^    47» 
(dan.)  G— Y.      ' 


194  TOD 

TODERINI  (  Jean  -  Baptiste  ) , 
littérateur  ,  né ,  à  Venise  ,  en  1 728  , 
entra  chez  les  Jésuites ,  et  professa  la 
philosophie  à  Vérone  et  à  Forli.  Il 
connut  le  marquis  Maffei^  qui  lui 
inspira  le  goût  des  études  archéo- 
logiques. Il  s'était  amusé  à  rassem- 
bler une  collection  de  médailles  des 
rois  Goths ,  et  il  en  avait  entrepris 
une  autre  sur  les  Jésuites.  Après 
la  suppression  de  son  ordre ,  il  s'at- 
tacha au  baïle  Garzoni ,  qu'il  suivit, 
en  1781  ,  dans  son  ambassade  à 
Constantinople.  Son  séjour  dans  cette 
ville,  qui  se  prolongea  jusqu'à  l'année 
1786,  lui  suggéra  l'idée  d'étudier  la 
littérature  des  Turcs ,  dont  il  con- 
naissait très-imparfaitement  la  lan- 
gue. Il  se  lit  une  bibliothèque  de 
livres  et  de  manuscrits  arabes  ,  ra- 
massa des  instruments  astronomi- 
ques _,  nautiques  et  géométriques  , 
sortis  des  ateliers  musulmans,  et  se 
chargea  d'apprendre  à  l'Europe  que 
les  Turcs  possèdent  des  imprimeries , 
des  bibliothèques  ,  des  académies, 
et  qu'ils  ne  sont  rien  moins  qu'étran- 
gers à  la  belle  littérature.  Il  est  cu- 
rieux de  l'entendre  parler  de  ses  rap- 
ports avec  les  gens  de  lettres  de  ce 
pays.  «  Je  cultivais  ,  dit-il ,  l'amitié 
»  de  quelques  savants  Othoinans,  et 
»  surtout  du  viuderis  de  la  Validé , 
»  afin  d'assurer  mes  recherches  ,  et 
w  d'éclairer  mes  doutes.  S'il  arrivait 
»  que  ces  savants  ne  fussent  pas  d'ac- 
»  cord  entre  eux,  je  m'adressais  au 
»  mufti,  qui  tranchait  la  question  par 
»  wnfctfa ,  ou  jugement  définitif.  On 
»  trouve,  à  la  porte  de  son  palais  , 
»  des  écrivains  chargés  de  recevoir 
))  les  demandes.  Au  bout  de  quelques 
»  jours,  on  se  présente  de  nouveau  , 
»  et  pour  une  faible  somme  d'argent , 
»  on  a  la  décision  ou  le  fotfa  ,  signé 
»  de  la  main  du  mufti.  Si  la  question 
))  blesse  ouvertement  la  loi,  on  vous 


TOD 

»  la  renddesuite,eD  vous  disant  qu'il 
»  n'y  a  pas  de  réponse.  »  Avec  ces 
secours,  dont  on  doit  apprécier  la  so- 
lidité, Toderini  fut  en  état  de  compo- 
ser son  ouvrage,  qui  étonna  par  la 
nouveauté  du  sujet  (i).  A  peine  fut-il 
annoncé,  qu'on  s'empressa  de  le  lire 
et  de  le  traduii-e  en  plusieurs  langues. 
Le  cardinal  Borgia,  chez  lequell'ab- 
bé  Toderini  s'était  fait  annoncer  com- 
me l'auteur  de  la  liltérature  de: 
Turcs  ,  lui  demanda  un  jour  s'il  en 
avaittrouvé  la  langue  difficile? — «Je 
»  n'ai  pas  eu  le  temps  de  l'appren- 
»  dre  ,  lui  répondit  naïvement  Tode- 
»  rini.  —  Bravo  !  hravissimo  !  re- 
»  prit  en  riant  son  émineuce  ,  je  ne 
»  puis  que  vous  admirer  :  vous  avez 
»  parlé  de  ce  que  vous  n'entendez 
»  point.  »  Toderini  mourut  à  Venise, 
le  4  juillet  1799.  Ses  ouvrages  sont: 
I.  Dissertazione  sopra  un  legno fos- 
sile ; —  sulV  induramento  di  molti 
hachi  du  seta  ;  —  suW  Aurora  bo- 
réale ^  Modène ,  1770 ,  in-4°.  II.  Fi- 
losojia  Frankliniana  dellepuntepre- 
seivatrici  dal fulmine ,\h\à.^  ^77'? 
in-4°.  m.  La  Costantiniana  appa- 
rizione  délia  Croce ,  contra  al  pro- 
testante G.  Alberto  Fabricio ,  Ve- 
nise, 1773  ,  in-4°.  IV.  Orazione  in 
morte  di  Alvise  IV  Mocenigo ,  do- 
ge di  Venezia  ,  ibid.,  1778  ,  in-4". 
V.  L'onest'  uomo ,  saggi  di  morale 
filosofia  ,  ibid.  ,  1780  ,  1785,  in- 
8".  Vi.  Della  letteratura  turches- 
ca ,  ibid. ,  1  787  ,  3  vol.  in-8". ,  tra- 
duit en  français  par  Cournand  ,  Pa- 
ris, 1789  ,  3  vol.  in-8".  ;  et  en  alle- 
mand, par  Ilansleutner  ,  Konigs- 
berg  ,  1790  ,  m  -  80.  VII.  Nuo- 
ve  osservazioni  sopra  il  camaleon- 
tc  di  Smirne  ;  —  sidl' andamento 


(il    11    nvalt  rti-    tli  i-i  tr.iiti'  pnr  J.-B.  Donado  ; 

mtii»  pcrMiiiiii:  ne  songeail  plu»  i  «on   ouvrane  iii- 

lltulr:     Drllci  Ulleralum    eit'    Tiirchi  ,    Venise, 
16B8,  in- 11. 


TOF 

de  ijuadrupedi  ;  —  sopra  due  an- 
tichissimi  Alcorani  ed  alcune  mo- 
nete  enfiche  ,  Padoue,  i8io,in-8». 
A — G — s. 
ÏOFINO  DE  SAN -MIGUEL 
(Don  VictNTE)  ,  astronome  espa- 
gnol ,  était  originaire  de  Galice, 
mais  ne'  à  Carthagène  ou  au  Mexi- 
que ,  en  \1'\0.  Il  entra  de  bonne 
heure  dans  la  marine,  et  se  livra 
avec  tant  d'application  et  de  succès 
à  l'étude  des  hautes  sciences  ,  que  le 
gouvernement,ponr  utiliser  plus  avan- 
tageusement ses  connaissances  ,  le 
nomma,  sur  la  proposition  de  dou 
Jorge  Juan,  en  1770,  professeur 
de  l'académie  des  gai'des  -  mannes  , 
dans  l'île  de  Léon.  La  guerre  de  l'in- 
dépendance de  l'Amérique  ayant  con- 
vaincu Charles  III  de  la  nécessite' 
d'augmenter  sa  marine  et  d'encoura- 
;ger  les  progrès  de  la  navigation  ,  il 
chargea,  en  1^83  ,  Tofiùo  et  d'au- 
tres savants,  à  son  choix. ,  de  parcou- 
rir les  côtes  d'Espagne,  ainsi  que 
les  îles  reconnues  par  les  vaisseaux 
dans  les  voyagesd'Amérique; d'en  le- 
ver les  cartes  et  de  les  publier  avec  le 
résultat  de  leurs  observations,  qui  de- 
vaient servir  à  expliquer  ces  cartes. 
Tofino  travailla  constamment  à  pro- 
pager l'étude  de  l'astronomie  eu  Es- 
pagne. Depuis  1773^  il  lit  jonrnelle- 
mcnt  pendant  seiz.e  années  des  ob- 
servations astronomiques  à  l'obser- 
vatoire de  Cadix,  qui  ne  furent  in- 
terrompues que  par  les  devoirs  que 
lui  imposaitson  gradcdecaj)itainede 
vaisseau.  Les  savants  français  Borda, 
Pingre,  Fleurieu  et  Verdun,  étant 
allés  visiter  cet  établissement  par 
ordre  de  leur  gouvernement  ,  don- 
nèient  des  éloges  à  l'état  florissant 
de  l'observatoire  ,  et  à  l'intelligence 
avec  h'Kpielle  Toliho  et  dou  Jos. 
Varela  ,  son  élève  et  sou  ami  ,[F.  ce 
nom) ,  faisaient  leurs  observations  {F. 


TOF  igt) 

Lalande  ,  Introduction  à  sou  Trai- 
té d'u4stronomie).  Toliùo  était  de- 
venu successivement  directeur  des 
compagnies  des  gardes-royales  de 
la  marine,  en  1786,  brigadier 
des  armées  navales  d'Espagne ,  mem- 
bre de  l'académie  d'histoire  de  Ma- 
drid ,  et  coirespondant  des  acadé- 
mies des  sciences  de  Paris  et  de  Pal- 
ma  ,  lorsqu'il  muuiut  a  lMadiid,en 
i8o6(  1  ).  On  a  de  lui  :  I.  Cumptndio 
de  la  Geometria  elenientalj-  Tri- 
gonometria  rcctilina ,  en  la  isia  de 
Léon,  1771  ,  in-40.  Ce  Traité  do 
géométrie,  destine  aux  élèves  de  la 
marine ,  et  dont  il  a  paru  plusieurs 
éditions,  est  suivi  d'une  Table  des 
Sinus  et  des  Tangentes  :  c'est  un  ou- 
vrage estimé  pour  sa"  mélliode  et  sa 
clarté. II.  Observaciones astronomi- 
cas  hechas  en  Cadiz  en  el  observa- 
torio  real  de  la  compania  de  caval- 
ières guardas- marinas  ,  Madrid  , 
177G  et  1777.  2  vol.  in-4''-,  elles 
sont  exactes  ,  intéressantes  et  nom- 
breuses. III.  Atlas  des  Côtes  d'Es- 
pagne,  1786,  in-  fol.  max.  IV. 
Dénotera  de  las  costas  de  Es- 
pana  en  el  Mediterraneo  ,  y  su 
correspondenle  de  Ajrica ,  para 
intelligencia  y  uso  de  las  cartas  en 
fericas ,  Madrid  ,  1 787 ,  in-4  '. ,  ib. , 
1795  ,  in-4''.  L'auteur  a  mis  en  tête 
de  cet  Ouvrage  une  Introduction  qui 
renferme  l'Histoire  de  la  Géométrie 
et  des  progrès  immenses  que  les 
modernes  ont  faits  dans  cette  scien- 
ce. Il  avoue  modestement  avoir 
suivi ,  dans  toutes  ses  opérations  as- 
tronomiques, les  méthodes  adoptées 
par  les  astronomes  français,  Picard 
et  La  Hire  ,  en  combinant  ,  autant 
que  possible ,  les  opérations  terrestres 
avec  les   opérations   maritimes.  V. 


(1)  Suivaut  Lalande  (Wi'si.  ahiégée  île  l'aslro 
mie,  p.  ^63  ).    Tolino  mourut  à  Cadix  eu  i^gj 


i3.. 


196 


TOG 


Derroiero  de  las  costas  de.  Espana 
en  el  Oceano  atlantico  j  las  islas 
Açoras  ,  Madrid,  1790.  Ce  rou- 
tier est  le  complément  de  l'ouvrage 
précc'dent  ,  et  tous  deux  servent  à 
expliquer  les  cartes  de  l'Atlas.  C'est 
avec  raison  qu'un  journal  français, 
çn  donnant  des  e'ioges  à  cotte  der- 
nière production  de  Tofino ,  l'oppose 
comme  un  argument  sans  re'plique  à 
ceux,  qui  demandent  ce  que  V Espagne 
a  fait  pour  les  sciences  depuis  deux 
siècles  ,  depuis  mille  ans  ?  L'abbe 
Cavanilles  ,  dans  ses  Observations 
sur  l'article  Espagne  Ae  la  Nouvelle 
Encyclopédie,  avait  déjà  refuté  cette 
question ,  où  Masson  de  Morvilliers  a 
fait  preuve  d'autant  d'ignorance  que 
de  présomption.  Les  noms  de  Jorge 
Juan,  â'Ulloa  ,  de  Tofino  et  de 
Varela ,  dont  l'Espa  gne  s'honore,  té- 
moignent qu'elle  n'est  point  restée  en 
arrière  pour  les  sciences  mathémati- 
ques dansle  dix-huitième  siècle.  A-t. 

T  0  G  R  A  I     (  MoUAYYAD  -FDDYN 

Abou-IsmailHocein  al-),  fiis  d'Ali, 
natif  d'Ispahan,  se  rendit  très-célè- 
bre par  son  talent  pour  écrire  en 
prose  et  en  vers ,  d'où  vient  qu'on 
Ini  donne  quelquefois  le  titre  de 
Fakhr-Elcattah ,  c'est-à-dire,  l'hon- 
neur des  hommes  de  plume.  Il  fut 
vezir  de  Mas'ond  ,  fils  de  Moham- 
med ,  Se'djoukidc  ,  sulthan  de  Mos- 
sul.  Ce  sultan  étant  en  guerre  avec 
son  frère  Mahmoud,  ils  se  livrèrent ^ 
en  l'an  5 1 4  ou  5 1 5  de  l'hégire  (  1 1 20 
on  1131  de  J.-C.  ),  une  grande  ba- 
taille pris  de  Hamadan,  dans  la- 
quelle la  victoire  demeura  à  Mah- 
moud. (  f'oy.  Mahmoud,  XXVI, 
174,  ctMAs'ouD,  XXVn,383}. 
Togr.i'i  ,  qu'on  appelait  comiau- 
nénioiit  .^lostad  ,  c'est-à-dire ,  le 
maître  ou  le  docteur  ,  tomba  un  des 
premiers  au  jiouvoir  du  vainqueur  , 
et  le  ve/ir  dcMahmouil  .'^e  hâta  de  le 


TOG 

faire  mettre  à  mort ,  sous  le  faux 
prétexte  qu'il  professait  la  doctrine 
des  Molaheds  ou  Ismaéliens  ;   mais 
dans  le  vrai ,  parce  qu'il  redoutait 
son  talent.  Tograï  avait  alors,  en- 
viron   soixante    ans.     Ce   qu'il  y  a 
de  certain  ,  c'est  qu'il  en  avait  plus 
de  cinquante- sept  ;,    comme  le   té- 
moignent des  vers  qu'il  fit  à  cet  âge, 
à  l'occasion  de  la  naissance  d'un  fils, 
et  où  il  s'exprimait  ainsi  :  «  Cet  en- 
»  faut,  qui  m'est  né  dans  mes  vieux 
»  jours,  a  charmé  mes  regards,  et 
»  en  même  temps  m'a   inspiré  de 
»  graves  réflexions  ;  car  cinquante- 
»  sept  ans  laissent  des  traces  même 
»  sur  la  face  de  la  pierre  la  plus  du- 
»  re,  »  Tograï  avait  servi  précédem- 
ment Melik-Chah,  autre  sulthan  seld- 
joukide,filsd'Alp-Arslan,etMoham- 
med,fils  deMelik-Chah  (/^.  cesnoms). 
On  a  fait  un  recueil  des  Poésies  de 
Tograï  ,  parmi  lesquelles  le  poème 
le  plus  célèbre  est  celui  qu'on  nom- 
me Lamijja  al-adjem  ,  qu'il  com^ 
posaàBaghdad,  en  l'an  5o5.  Cepoè- 
me  est  nommé  Lamiyya  parce  que 
tous  les  vers  se  terminent  par  la  let- 
tre lain  ou  L  •  et  on  aionte al-a dj em , 
c'est-à-dire  ,  des  Persans  ,  pour  le 
distinguer  d'un  ancien  poème  nom- 
mé Lamiyya   des  Arabes ,  qui  a 
pour  auteur  Schanfari ,   ou  mieux 
Schanfara  {F.  Chanfauy  ).  Ce  poè- 
me de  Tograï  a  été  traduit  en  latin  , 
par  Edouard  Pococke,  et  publié  avec 
cette  version  latine,  à  Oxford,  en 
iGGi,  par  Samuel  Leclerc,  qui  y  a 
joint  un  traité  de  la  Prosodie  arabe. 
Golius  l'avait  aussi  traduit  en  latin  , 
et  sa  traduction  a  été  imprimée  avec 
le  texte  arabe,  à  Utrccht,  en  1707, 
par  les  soins  de  iM.  Malhias  Ancher- 
5on  ,  devenu  peu  après  professeur  de 
philosophie  en  l'université  de  Co- 
penhague. Les  exemplaires  de  cette 
édition  sont  très -rares ,  l'édition  prcs= 


fine  enlit're  avant  pcri  en  mer  dans 
le  trajet  de  la  Hollande  à  Copenha- 
gue. Une  nouvelle  édition  du  texte  et 
delà  traduction  de  Golius ,  accompa- 
gnée de  gloses  arabes  et  de  beaucoup 
de  notes,  et  due  à  M.  Henri  Vander- 
Sloot ,  a  paru  à  Franeker ,  en  i  ■jôq. 
Il  y  a  eu  plusieurs  autres  éditions  de 
ce  poème  de  Tograï  , ,  et  il  en  existe 
des  traductions  en  français  (  J^.  P. 
Vattier  )  ,  en  allemand  et  en  an- 
glais :  ou  en  trouve  l'indication 
exacte  dans  la  Dihliotheca  arabica 
de  Schnurrer.Nous  devons  seulement 
ajouter  que  le  poème  de  Scliaufara 
et  celui  de  Tograï  ont  encore  été  pu- 
bliés ensemble ,  sans  traduction  et 
sans  aucune  note  ,  à  Gasan  ,  en  1814. 
Le  surnom  de  Tograï,  sous  lequel 
notre  poète  est  connu ,  signifie  un 
employé  de  chancellerie  chargé  de 
tracer  en  gros  caractères ,  sur  les  di- 
plômes ,  l'espèce  de  chifl're  ou  para- 
phe qu'on  appelle  d'un  mot  persan 
togra,  et  qui  doit  contenir  les  noms 
et  les  titres  dusouverain,  enlacés  d'une 
manière  toute  particulière.  On  le  sur- 
nommait aussi  mounschi,  ce  qui  dési- 
gne une  personne  employée  à  rédiger 
les  lettres  écrites  au  nom  du  prince. 
Abou'Iféda  dit  que  Tograï  descendait 
d'un  des  plus  célèbres  compagnons 
de  Mahomet ,  nomnaé  Aboulas-wad 
et  surnommé  Doïoli  ou  Douoli.  On 
dit  encore  qu'il  était  adonné  à  l'al- 
chimie, et  il  y  a  de  lui  un  traité 
abrégé  sur  la  pierre  philosophale.  Ce 
traité  est  intitulé  Irschad  elaoïdad  , 
la  Direction  des  enfants;  et  d'Hexbe- 
lot ,  trompé  par  ce  titre ,  l'a  pris 
pour  un  livre  sur  l'éducation  des  en- 
fants. S.  DE  S — Y. 

TOTGT  (Nicolas  du)  ou  DEL 
TECHO  (  I  ) ,  jésuite  ,  né  à  Lille  ,  en 


(i)  C'est  son  nïiin  en  cspti(;n(il  sous    lequel  il  est 
«it«  coHSlamuioat  p.ir  Im   bisturteiis   du   Parafa;. 


TOI  197 

iGii,  embrassa  lu  règle  de  saint 
Ignace  en  i63o ,  et,  après  avoir  pro- 
fessé quelque  temps  les  humanités 
dans  la  Flandre  ,  obtint  de  ses  supé- 
rieurs la  permission  de  se  consacrer 
aux  missions  lointaines.  Il  s'cmbay- 
barqua  pour  le  Pai'aguay ,  en  1649, 
signala  son  zèle  apostolique  dans 
cette  province,  dont  il  devint  supé- 
rieur, et  mourut  vers  1G80.  Ou  a  du 
P.  Del  Techo  l'Histoire  des  établisse- 
ments de  la  société  dans  cette  partie 
de  l'Amérique,  sous  ce  titre  :  Histo- 
ria  proi'inciœ  Paraguariœ  soc.  Je- 
su,  Liège,  1673,  iu-fol.  Cet  ouvra- 
ge estimable  a  été  traduit  en  anglais, 
et  inséré  dans  la  Collection  des  voya- 
ges de  Churchill ,  vi ,  3  -  1 1 6.  Le  P. 
Charlevoix  s'en  est  servi  pour  la  ré- 
daction de  son  Histoire  du  Para- 
guay. W — s. 

TOINARD  ou  THOYNARD  (i) 
(  JNicoLAS  )  ,  seigneur  de  \  illau- 
Blin,  naquit  à  Orléans  ,  le  5  mars 
162g, de  l'une  des  plus  anciennes  fa- 
milles de  cette  ville ,  où  son  père  était 
président  et  lieutenant- général  du 
baillage  et  présidial.  Il  s'appliqua^ 
dès  sa  jeunesse,  à  l'étude  des  langues 
anciennes  et  à  celle  des  médailles, 
où  il  fit  de  grands  progrès.  Con- 
sulté par  les  plus  savants  antiquaires, 
il  se  montra  toujours  empressé  de 
faire  part  de  ses  lumières  et  de  sa 
fortune  à  ceux  qui  cultivaient  la  mê- 
me science.  Il  mourut,  à  Paris,  le  5 
janvier  1706.  On  a  de  lui  :  I.  Deux 
Dissertations  latines  ,  dont  l'une  sur 
des  médailles  de  Galba  ,  de  Caracal- 
la  et  de  Trajan,  1689,  in-4°.,  et 
l'autre  sur  l'empereur  Commode , 
îGqo,  même  format.  II.  Des  Notes 


(1)  On  Tuit  par  les  lettres  onlograptips  <1e  ce  9a- 
Vdiit  <{u'il  sigii'iît  de  ces  deux  manières;  mais  i» 
prcmiire  est  celle  cju'il  adopla  sur  le  ironlispice 
des  livres  qu'il  fit  imprimer  (  Fahre ,  Calalog.  des 
lu  tes  lie  la  biHiolh.  d'Orlians,  pag.  XVl ,  BOt.  ) 


igS  TOI 

sur  le  traité  de  Lactance  :  De  morti- 
bus persecutonim ,  i6go,  in- 12.  III. 
Discussion  des  Remarques  du  père 
Bouhours  sur  la  langue  française, 
pour  défendre  ou  pour  condamner 
la  version  du  Nouveau-Testament, 
connue  sous  le  titre  de  Traduction  de 
Mons.  Toinard  publia  cette  Discus- 
sion ,  sous  le  pseudonyme  à'un  abbé 
albigeois.  Cependant  il  s'en  déclara 
publiquement  l'auteur,  et  il  deman- 
da même  la  punition  du  P.  Rivière, 
jésuite,  qui  avait  osé  l'attaquer  dans 
un  autre  ouvrage  j  mais  par  le  con- 
seil de  ses  amis  ,  il  laissa  tomber  cette 
affaire,  et  supprima  lui-même  de  son 
livre  les  passages  que  Rivière  avait 
attaqués.  IV.  Cahiers  de  correc- 
tions ,  Bruxelles  (  Paris) ,  1 70'i  ,  in- 
12.  C'est  une  critique  de  la  traduc- 
tion du  Nouveau-Testament  de  Ri- 
chard Simon.  Toinard  eut  beaucoup 
de  part  à  l'ouvrage  du  cardinal  No- 
ris  ,  sur  les  époques  syromacédonien- 
nes.  11  avait  laissé  une  grande  quan- 
tité de  manuscrits  qui  ont  été  disper- 
sés dans  différentes  bibliothèques.  Il 
faisait  imprimer,  à  l'époque  de  sa 
mort ,  une  Concorde  grecque  des  qua- 
tre évangélistes,  et  il  laissa  des  fonds 
pour  en  achever  l'édition,  qui  parut 
en  1707,  in-fol.  M-d  j. 

TOIRAS  (  Jean  du  Caylar  de 
Saint-Bonnet,  maréchal  de  ),  na- 
quit à  Saint-Jean  de  Gardonnenque 
dans  les  Cevennes,le  i'^'".  mars  1 585, 
D'abord  page  du  prince  de  Condé , 
il  devint  lieutenant  de  la  vénerie  et 
capitaine  de  !a  volière  du  roi.  Com- 
me le  ronuétalilc  de  Luynes,  il  dut  sa 
faveur  auprès  de  Louis  XIII  à  son 
liabileté  dans  l'art  de  prendre  les  oi- 
seaux, et  jusqu'à  l'âge  de  trente-cinq 
ans  ,  il  sembla  n'avoir  pas  d'autre 
vocation;  mais  à  celle  époque,  s'c- 
vcillèrcnt  tout-à-coiip  en  lui ,  la  pas- 
sion de  la  guerre  et  l'amour  de  la 


TOI 

gloire.  Deux  actions  principales  oat 
suffi  pour  donner  un  grand  lustre  à 
son  nom  ,  et  pour  l'élever  à  la  plus 
éminente  des  dignités  militaires.  Ca- 
pitaine aux  gardes  ,  il  avait  d'abord 
servi  avec  distinction  aux  sièges  de 
Saint-Jeau-d'Angely ,  de  Montauban 
et  de  Montpellier.  Devenu  maréchal- 
de-camp  ,  il  eut  la  plus  grande  part , 
avec  Saint-Luc  et  La  Rochefoucault, 
à  l'expulsion  du  duc  de  Soubise  de 
l'île  de  Ré ,  dont  ce  chef  dos  pro- 
testants s'était  emparé.  Mais  la  dé- 
fense de  cette  même  île,  en  1621, 
contre  les  Anglais ,  commandés  par 
le  duc  de  Buckingham ,  et  celle  de 
Casai,  en  i63o,  contre  les  forces 
réunies  de  l'Autriche  et  de  l'Espa- 
gne ,  sous  les  ordres  de  Spinola ,  le 
])lus  grand  capitaine  de  ce  siècle,  je- 
tèrent un  éclat  qui  fit  oublier  ses  pré- 
cédents exploits.  Enfermé  à  Saint- 
Martin  de  Ré,  avec  une  faible  gar- 
nison, dans  une  citadelle  non  encore 
achevée  j  mal  armée  ,  mal  approvi- 
sionnée, dépourvue  d'eau  douce,  in- 
vestie par  mer ,  et  presque  sans  es- 
poir de  secours  ,  il  y  résista  pendant 
cinq  mois  aux  efforts  redoublés  de 
l'ennemi ,  et  ne  se  laissa  décourager 
ni  par  la  faiblesse  de  ses  moyens,  ni 
par  le  long  abandon  où  on  le  laissa  , 
ni  par  la  mutinerie  de  ses  propres 
soldats  livrés  à  toutes  les  horreurs 
de  la  famine,  ni  par  le  chagrin  de 
la  mort  d'un  de  ses  frères  ,  tué  sous 
ses  yeux,  et  c'était  le  second  qu'il 
perdait  dans  celte  île.  La  levée  du 
siège  et  l'embarquement  précipité 
des  Anglais  ,  à  l'arrivée  d'un  secours 
auquel  Toiras  les  avait  mis  horsd'é- 
tat  de  tenir  lêtc ,  tels  furent  les  consé- 
quences glorieuses  de  son  courage, 
de  la  fermeté  de  son  caractère  et  de 
son  habileté.  A  Casai ,  attaque  par 
des  forces  bien  plus  imposantes,  et 
par  un   adversaire  bien   autrement 


TOI 

redoutable  que  Buckingliam  ,  aux. 
mêmes  obstacles  qu'il  avait  eu  à  sur- 
monter dans  l'île  de Re'  Se  joignirent 
le  défaut  d'argent ,  la  malveillance 
des  habitants  ,  la  trahison  ^  la  défec- 
tion des  troupes  italiennes  que  le  duc 
de  Mantoiie  entretenait  dans  la  place , 
et  une  maladie  grave  dont  Toiras 
fut  atteint.  Il  subvint  à  l'épuisement 
des  caisses  par  le  sacrifice  de  sa  vais- 
selle et  par  son  crédit;  il  se  rendit 
personnellement  responsable  de  la 
monnaie  obsidionale  qu'il  fut  forcé 
de  créer  ,  et  il  la  retira  en  ellét  après 
le  siège ,  avec  une  extrême  fidélité. 
Sa  vigilance  et  sa  sévérité  rendneut 
vaines  les  trames  ourdies  contre  luij 
et  la  bravoure  des  soldats  français  , 
animés  par  l'exemple  de  leur  chef, 
déconcerta  toutes  les  entreprises  de 
l'ennemi.  Indépendamment  des  nom- 
breuxcombats  qui  furent  livrés  sur  les 
remparts  mêmes  de  la  place,  Toiras 
fit  plus  de  soixante  sorties ,  presque 
toutes  heureuses ,  pendant  la  durée 
du  siège  ,  qui  fut  de  près  de  six  mois. 
Dans  l'admiration  de  tant  de  cons- 
tance et  d'intrépidité  :  a  Qu'on  me 
»  donne,  disait  Spinola,  cinquante 
«  mille  hommes  aussi  vaillants  et 
»  aussi  bien  disciplinés  ,  et  je  ferai  la 
»  conquête  de  l'Europe  entière.  » 
Une  trêve  et  ensuite  la  paix  mirent 
fin  à  de  si  héroïques  travaux.  Le  bâ- 
ton de  maréchal  de  France  en  fut  la 
récompense  pour  Toiras.  Il  eut,  peu 
de  temps  après ,  à  la  place  du  maré- 
chal de  La  Force ,  le  commandement 
en  chef  de  l'armée  française  au-delà 
des  Alpes,  et  le  titre  d'ambassadeur 
extraordinaire  ,  conjointement  avec 
Servien  ,  pour  les  négociations  de  la 
paix  entre  le  duc  de  Savoie  et  le  duc  de 
JVIautouc.  Il  signa,  en  celte  qualité, les 
trois  traités  de  Chcrasco  ,  qui  mirent 
fin  à  la  guerre  en  Italie,  et  celui  par 
lequel  Pignerol  fut  cédé  à  la  France. 


TOI  199 

Il  avait  aussi  été  chargé  de  confédé- 
rer  toutes  les  républiques  et  tous  les 
princes  d'Italie ,  pour  rendre  cette 
contrée  tout-à-fait  indépendante  des 
auti-es  puissances  j  mais  il  ne  réussit 
qu'à  liguer  le  duc  de  Savoie  avec 
Venise.  Tandis  qu'il  augmentait  ain 
si  au  dehors  la  considération  de  la 
France  et  sa  propre  renommée ,  il 
tomba  dans  la  disgrâce  du  cardinal 
de  Richelieu.  Soit  que  l'indépendan- 
ce de  son  caractère  n'eût  pas  fléchi 
sous  la  toute-puissance  du  premier 
ministre ,  soit  qu'il  l'eût  peu  ména- 
gé dans  quelqu'un  de  ces  emporte- 
ments auxquels  il  était  très-sujet,  il 
est  certain  que  le  cardinal  nourris- 
sait dès  long-temps  contre  lui  une 
secrète  malveillance.  On  en  avait  re- 
gardé comme  un  symptôme  le  mau- 
vais accueil  fait  par  le  garde-des- 
sceaux  Marillac  à  Toiras,  après  sou 
héroïque  défense  de  l'île  de  Ré.  De- 
puis, Richelieu  avait  voulu  s'oppo- 
ser à  ce  qu'on  le  fît  maréchal  de 
France  :  forcé  de  céder  à  l'enthou- 
siasme qu'avaient  excité  à  la  cour  et 
dans  le  public  les  services  de  Toi- 
ras au  siège  de  Casai ,  il  avait  con- 
servé un  secret  dépit  de  cette  espèce 
de  violence  ;  peut-être  aussi  ne  voyait- 
il  pas  saus  jalousie  et  sans  crainte  la 
gloire  dont  s'était  couvert  le  maré- 
chal ,  et  l'importance  qu'elle  lui  don- 
nait dans  l'état  et  chez  l'étranger. 
Peu  de  temps  après,  la  part  que 
deux  frères  de  Toiras  prirent  à  la 
révolte  de  Gaston  et  de  Montmoren- 
cv  devint  un  nouveau  motif  de  res- 
sentiment contre  le  maréchal ,  bien 
que  celui-ci ,  sollicité  d'entrer  dans  ces 
mouvements,  les  eût  dénoncés  au  mi- 
nistre. Quoiqu'il  en  soit,  le  cardinal 
cacha  ses  mauvaises  dispositions,  et 
pour  faire  rentrer  Toiras  en  France 
sans  qu'il  pût  en  soupçonner  le  mo- 
tif, il  le  fit  nommer  chevalier  de 


2<Jo 


TOÎ 


l'ordre  du  Saint-Esprit ,  et  l'invita  à 
venir  recevoir  le   cordon  ;  mais  le 
maréclial  ne  donna  pas  dans  le  piè- 
ge, et  s'obstina  à  rester  en  Italie. 
Quand  Richelieu  vit  qu'il  ne  pouvait 
pas  atteindre  sa  personne,  il  leva  le 
masque  ,  et  se  déclara  ouvertement 
son  ennemi.  Il  le  priva  de  ses  gou- 
vernements ,  de  SCS  traitements ,  de 
ses  pensions  ,  el  le  réduisit ,  en  quel- 
que sorte ,  à  la  misère.  Des  puissan- 
ces étrangères  se  disputèrent  aussitôt 
la  possession  de  cet  illustre  proscrit, 
et  cherchèrent  à    l'attacher   à  leur 
service  :  mais  il  repoussa  toutes  ces 
offres;  et  ces  refus  l'élevèrcnt  encore 
dans  l'estime  de  l'Europe.  Il  en  reçut 
de  fréquents  et  de  glorieux  témoi- 
gnages dans   les    principales  villes 
d'Italie ,  qu'il    visita   pendant  son 
exil.  La  guerre  s'élant  rallumée ,  et 
le  duc  de  Savoie  ayant  uni  ses  inté- 
rêts à  ceux  de  la  France  ,  il  choisit 
Toiras  pour  son  lieutenant-général , 
et  Louis  XIII  autorisa  le  maréchal 
à  servir  son  allié  en  cette  qualité. 
Etant  entré  dans  le  Milanais,  à  la 
Icte  de  l'armée  qu'il  commandait,  et 
})résidant  lui-même   à   l'attaque  de 
Fontanelle,  il  fut  atteint,  en  visitant 
la  brèche,  d'un  coup  de  feu  ,  qui  l'é- 
tendit  sans   vie,  le    1 4  juin   i636. 
«  Les  soldats  ,   dit   son   historien  , 
»  trempaient  leurs  mouchoirs  dans 
»  le  sang  de  sa  plaie,  disant  que  tant 
»  qu'ils  le  ])orteraient  sur  eux,  ils 
»  vaincraient  leurs  ennemis  à  la  gucr- 
))  re.  »  Toiras  ne    savait  point  se 
contenir  devant  une  injustice  ou  une 
insulte.  Un  jour  qu'il  sollicitait  du 
garde-des-sceaux  Marillac  quelques 
rcconi|)enses  j)our  les  gens  quiavaient 
servi  sous  lui,  ce  miuislie,  qui  con- 
naissait les  sentinienls  de   Richelieu 
à  l'égard  du  maréchal  ,  rejeta  avec 
dédain    ses   sollicitations   :    «   Vous 
»  parlrit  Jjit-n  haut^  lui  dit-il^  cinq 


»  cents   gentilshommes  en   auraiehf 
»  fait  autant  que  vous  ,  s'ils  avaient 
»  été  à  votic  place,  —  La  France 
))  serait  bien  malheureuse,  repartit 
»  Toiras.  si  elle  n'avait  pas  plus  de 
»  cinq   cents   hommes  capables  de 
»  servir  aussi  bien  que  moi;  mais  il 
»  y  a  plus  de  quatre  mille  français 
»  en  état  de  tenir  les  sceaux  aussi 
»  bien  que  vous  ;  s'ensuit-il  de  là  que 
)>  vous  ne  deviez  pas  récompenser 
»  ceux  dont  vous  connaissez  le  méri- 
»  te?  »  Un  ofticier  lui  ayant  deman- 
dé la  permission  d'aller  voir  son  pè- 
re ,  qui  était  à  l'extrémité,  dans  le 
moment  où  l'on  allait  livrer  bataille; 
il  la  lui  accorda  ,  en  disant  gaîment  : 
«  Tes  père  et  mère  honoreras  ,  afin 
»  que  tu  vives  longuement.  »  L'his- 
tone  du  maréchal  de  Toiras  a  été 
écrite  par   Michel  Baudier ,  gentil- 
homme de  la  maison  du  roi,  et  sou 
historiographe,  Paris,  ir)44i  in-fol. 
et  in- 12.  V.  S.  L. 

TOKTAMISCH-AGLEN,  khan 
ou  empereur  du  Kaptchak,  était  issu 
à  la  cinquième  génération  de  Tous- 
chy  ou  Djoudjy  ,  ûh  aîné  de  Djen- 
ghyz-khan.  Son  mérite  et  son  cou- 
rage ayant  donné  de  l'inquiétude  à 
Ourousch-khan  ,  souverain  de  cet 
empire ,  à  la  cour  duquel  il  vivait , 
ce  monarque  ne  vit  ])his  en  lui  qu'uù 
rival  dangereux,  et  voulut  le  poi- 
gnarder. Toktamisch  ,  échappé  à  I.x 
mort  par  la  fuite,  entreprit  de  ravir 
le  trône  à  Ourousch  ;  mais  il  fut 
vaincu,  l'an  -^-j-y  de  l'hég.  (  iS-jS  àc 
J.-C.  ) ,  et  obligé  de  se  sauver  à  Sa- 
markand, où  Tamerlan  lui  fit  une 
brillante  réception  ,  le  combla  de 
]U'cscnts.  et  lui  donna  les  pays  de  Sa- 
i)ran  ,  d'Otrar  ,  de  Saganak  ,  de  Se- 
rai et  plusieurs  autres  districts  de 
l'empire  du  Kaptchak.  Toktamisch 
fut  hicnlôl  attaqué  ynr  Coulhloug- 
Rouga,  fils  d'Ourouscli-khan;  clpcr- 


TOK 

dit  une  seconde  ]>ataille  qui  coula  îa 
vie   au   vaiuqueui-.    Forcé  d'aban- 
donner le  Kiiptchak  ,  il  se  disposait 
à  y  rentrer  avec  les  secours  que  lui 
fournit  Tamerlan  ,  lorsqu'il  essuya 
une  troisième  défaite  près  de  Sabran , 
dans  un  combat  que  lui  livra  Tokta- 
kaya  ,   autre  fils  d'Ourouscb-khan. 
ïoktamisch  n'évita  les  fers  on  la  mort 
qu'en  se  cachant  trois  jours  dans  des 
roseaux  ,  et  en  traversant  le  Djiliouu 
à  la  nage.  Seul,  nu  et  blessé,   il  fut 
rencontré  dans  un  bois  par  un  émir 
de  la  tribu  de  Tamerlan  ,  qui  le  ra- 
mena à  Bokhara.    Ourousch  l'ayant 
vainement   réclamé  ,    vint  camper 
dans  la  plaine  d'Otrar;  mais  la    ri- 
gueur du  froid  réduisit  les  hostilités 
à  des  actions  peu  décisives.   Dans  la 
campagne  suivante  ,  Toktamiscb  ,  à 
]a  tète  de  l'avant-garde  de  l'armée  de 
Tamerlan  ,  surprit  une  ville  frontière 
du  Kaptcliak.  11  y  fut  battu  par  Ti- 
mour-Melik,  qui  ,  après  la  mort  de 
son  père  Ourouscb-khan  ,  et  de  son 
frère  Tokta-kaya  ,  s'était  emparé  du 
Kaptcbak.  Ces  circonstances  déter- 
minèrent Tamerlan  à  faire  de  plus 
grands  efforts  en  faveur  de  Tokta- 
miscb ,  qui  se  rendit  maîti'e  de  Saga- 
tiak  ,  et  y  fut  installé  khan  avec  les 
cérémonies   accoutumées  ,    eu   -j-jS 
(   1876  ),  11  battit  Timour-Melik  , 
qui  était  devenu  méprisable  par  ses 
débauches  et  son  incapacité  ,  et  con- 
quit Serai  et  le  Kaptcbak  entier  ,  à 
l'exception  des  provinces  du  nord 
où  un  général  mongol  se   maintint 
quelques  années  avec  le  titre  de  ré- 
gent ,   par  le   secours   de  quelques 
princes  russes  et  de  Jagellon ,  duc  de 
Lithuaiiie.  Vainqueur  de  ce  compé- 
titeur, Toktamisch  pénétra  en  Rus- 
sie ,  l'an  i38a,  et,  profitant  de  l'a- 
narchie  où   l'autorité  méprisée  du 
grand -duc  Démétrius  avait  plongé 
SCS  états  ^  il  prit  et  brûla  Moscou  ^ 


TOK 


201 


quoique  les  liabitanls  fussent  venu.» 
en  procession ,  avec  les  reliques  et  les 
croix  ,    implorer  sa    clémence.    Il 
traita  de  la  même  manière  Vladimir- 
Svienogorcd ,  Moja'isk , Perejeslavie, 
et  dans  sa  retraite,  il  incendia  aussi 
Kolumna  ,  et  ravagea  la  principauté 
do  Rezan.  Bien  qu'il  eût  usé  de  perû- 
diepour  faire  mourir  le  goiiverneurde 
Moscou  ,  il  fut  plus  généreux  envers 
le  grand-duc  ,  et  hù  renvoya  ses  deux 
lils.    Mais    ces   incux'sions   dans   les 
contrées  septentrionales  ,  peuplées  de 
Chrétiens  ,  ne  satisfaisant  point  l'am- 
bitieux et  avide  Toktamisch  ,  il  for- 
ma une  enti-eprise  imprudente  qui 
fut  la  cause  de  ses  longs  malheurs. 
L'an  i8n  (  1 38i)) ,  il  envoya  une  nom- 
breuse armée,  qui, avantfranchiledé- 
troitde  Derbend,  entra  en  Perse,  prit 
et  saccagea  Tauris , dévasta  l'Adzer- 
baïdjan,  et  exerça d'horiibles  cruau- 
tés  sur  les  IMusulmans.   Tel  fut  le 
raolif  de  sa  rupture  avec  Tamerlan  , 
dont  ses  plus  sages  émirs  lui  conseil- 
lèrent vainement  de  ménager  l'ami- 
tié ,  sinon  par  reconnaissance ,    du 
moins  par  politique  et  par  intérêt  (/''^. 
Tamerlan  ).  Aveuglé  par  la  pros- 
périté ,  maître  d'un  vaste  empire  , 
Toktamisch  oublia  les  bienfaits  du 
conquérant  ,  pour  ne  voir  en  lui  que 
l'usurpateur  de  l'empire  de  Djaga- 
taï  :  il  se  déclara  le  vengeur  de  la  fa- 
mille de  Djenghiz-khan,  et  ayant 
rassemblé  une  armée  que  les  poètes 
orientaux   comparent   aux    feuilles 
des  arbres  et  aux  gouttes  de  pluie  , 
il  commença  les  hostilités,  en  789 
(  iSSg).    11  obtint  d'abord  quelques 
succès  sur  les  généraux  de  Tamerlan; 
mais  la  fortune  lui  fut  toujours  con- 
traire ,  quand  il  osa  se  mesurer  avec 
ce  conquérant.  L'an   798  (  iSgi  )  * 
nne  partie  des  troupes    de  Tokta- 
misch étaient  occupées ,  sous  les  or*' 
dres  de  son  i\U,  à  subjuguer  le  pays 


20  2  TOK 

de  Viatka  an  nord  de  Kasan  ,  lors- 
que Tamerlan  fit  sa  première  inva- 
sion dans  le  Kaptcliak.  Il  tenta  d'ar- 
rêter sa  marche  en  lui  envoyant  des 
présents  ,  avec  une  lettre  remplie  de 
protestations  de  respect ,  de  soumis- 
sion et  de  reconnaissance:  toutefois, 
informe'  que  ce  monarque,  maigre'  sa 
réponse  pacifique  s'av.'uiçait  dans 
le  Kaptcliak  ,  il  le  laissa  pénétrer 
jusqu'au  delà  du  laïck  ,  persuade 
que  sou  armée  ])ériiait  de  fatigue  et 
de  misère  ,  ou  qu'épuisée  et  aifaiblie, 
elle  serait  aisément  exterminée.  Dans 
cette  confiance,  il  attendit  Tamerlan 
avec  des  forces  supérieures  ,  entre  le 
laïck  et  le  Volga  j  mais  il  fut  totale- 
ment défait.  Sa  fuite  et  la  retraite 
du  vainqueur  mirent  une  partie  du 
Kaptcliak  au  pouvoir  de  Timour- 
Coutloug,  prince  du  sang  desKlians. 
Toktamisch  ,  qui  avait  triomphé  de 
ce  compétiteur  ,  se  laissa  entraîner 
par  de  funestes  conseils  :  il  ré- 
pondit avec  fierté  aux  ouvertures 
amicales  de  Tamerlan  ,  et  s'exposa 
encore  aux  terribles  effets  de  sa 
colère.  Vaincu  de  nouveau ,  en  791 
(  iSqS),  entre  le  Terck  et  le  Vol- 
ga •  et  poursuivi  dans  sa  fuite  à 
travers  les  provinces  au  nord  de  ce 
dernier  fleuve,  il  vil  son  em])ire  dé- 
vasté ,  et  ses  sujets  égorgés  ou  traî- 
nés en  esclavage.  Ledépart  de  Tamer- 
lan ne  rendit  pas  meilleure  la  position 
de  Toklamisch.  Timour-Coutloug 
chassa  du  trône  le  khan  que  le  con- 
quérant y  avait  placé  ,  et  lorça  Tok- 
taïuiscli  lui-même  de  se  réfugier  au- 
près de  Vithoud  ,  grand-duc  de  Li- 
lliuanie.  Vitlioud  ,d;ins  le  dessein  de 
rendre  à  ce.  jirincc  l'empire  du  Kapt- 
chak  ,  marcha  contre  le:;  Mongols  , 
à  la  tête  d'une  nombreuse  année  de 
Polonais  cld'Allemaiids  j  mais  il  fut 
liallii  par  les  généraux  de  Timour- 
Coutloug  ,  qui   lavagèrenl   toute  la 


TOL 

Lithuanie  ,  en  1 4oo.  Toktamiscli , 
déçu  dans  ses  espérances  ,  mena  de- 
puis une  vie  errante  et  aventureuse. 
Il  eut  recours  encore  une  fois  à  Ta- 
merlan ,  envers  lequel  il  s'était  mon- 
tré si  ingrat;  et  ce  monarque,  voyant 
l'état  d'a)iarchie  qui  déchirait  le 
Kaptcliak  ,  songeait  à  replacer  sur  le 
trône  son  ancien  protégé  .  lorsque  la 
mort  anéantit  ses  projets.  Tokta- 
misch lui-même,  qui  s'était  réfugié 
en  Sibérie  ,  y  fut  tué  par  Djanibeig  , 
prince  de  sa  famille  ,  l'an  i4o6.  Il 
laissa  des  fils  qui  régnèrent  un  mo- 
ment au  milieu  des  troubles  :  mais 
l'empire  du  Kaptcliak  ne  tarda  pas 
à  être  démembré,  et  de  ses  débris 
se  formèrent  les  royaumes  d'Astra- 
khan ,  de  Kasan  et  de  Crimée  (  F. 
Menghely-Gheraï  ).  A — T. 

TOL aND  (Jean) naquit, le  3onov. 
1670,  à  Redcastle,  près  de  London- 
derry  en  Irlande  ,  de  parents  catho- 
liques. Étant  allé  faire  ses  études  à 
Glascow,  puis  à  Edimbourg ,  il  y  em- 
brassa le  presbytérianisme.  Ce  chan- 
gement lui  procura  en  Angleterre ,  où 
il  rcsîa  trois  ans,  des  protecteurs  qui 
l'envoyèrent  perfectionner  son  édu- 
cation littéraire  à  Leyde ,  sous  les 
savants  ]uofesseurs  Spanheim  et  Tri- 
gland.  Revenu  a  Londres  ,  il  se  mit 
à  dogmatiser  avec  beaucoup  de 
chaleur,  dans  les  cafés,  les  taver- 
nes et  les  clubs.  Ayant  obtenu 
l'entrée  de  la  bibliothèque  bod- 
h'ieniic  à  Oxford,  il  y  recueillit  des 
matériaux  pour  plusieurs  ouvrages 
qu'il  se  jiropos.iitde  com])Oser;  et  ce 
iutliiqii'd  commença  le  trop  fameux 
livre  publié  à  Londres,  en  1696, 
sous  ce  litre  :  Le  christianisme  sans 
mystèics.  Partant  de  ce  jirinripc 
des  Soriniens  ,  qu'il  n'y  a  rien , 
dans  l'Evangile,  qui  soit  au- dessus 
de  la  raison,  il  cherche  à  détruire 
tous  les  mystères  de  la  religion  chré- 


TOL 

tienne;  et  il  accable  le  clergé  des 
plus  atroces  invectives.  Forcé,  pour 
se  soustraire  à  l'orage  qu'excita  ce 
livre ,  de  se  sauver  de  Londres  ,  il 
crut  trouver   un  refuge   à  Dublin  ; 
mais  il  recommença  ses  déclamations 
scandaleuses  dans  tous  les  lieux  pu- 
blics ,  au   point  qu'on   craignait  de 
passer  pour  avoir  quelque  relation 
avec  lui.  Le  parlement,  excité  parla 
clameur  publique,  condamna  son  li- 
vre ,  et  ordonna  des  poursuites  con- 
tre sa  personne.  La  crainte  de  se  voir 
appliquer    la    loi    De   comhurendo 
hœretico ,  l'obligea  de  repasser  en 
Angleterre  ;  les  esprits  n'étaient  pas 
moins   indisposés  contre  lui  à  Lon- 
dres qu'à  Dublin  ;  dénoncé  à  la  con- 
vocation du  clergé  ,  il  profita  adroi- 
tement   d'un    conflit    de  juridiction 
élevé  entre   les  deux   chambres  de 
cette  assemblée  pour  soustraire  son 
livre  à  une  condamnation  inévitable, 
au  moyen  d'une  rétractation  simu- 
lée  de   quelques-unes   des  proposi- 
tions les  plusrépréhensibles.  Le  par- 
lement ,  moins  indulgent ,  condamna 
l'ouvrage  à  être  brûlé,  sans  rien  pro- 
noncer contre  l'auteur.  Leibnitza  fait 
de  très-bonnes   remarques  contre  ce 
livre.  A  peine  l'orage  était-il  calmé, 
que  Toland  en  excita  un  autre  par 
sa  Fie  de  M  Ut  on ,  publiée  en  1698, 
et  par  la  défense  de  cette  Vie,  don- 
née ,  l'année  suivante  ,   sous  le  titre 
à!Ainfntor.  Cet  ouvrage,  rempli  de 
citations  fausses,  mutilées  ,  alléguées 
à  contre-sens^  était  dirigé  contre  l'au- 
thenticité des    livres    du   Nouveau- 
Testament.  En  17 08, Toland  publia 
à  la  Haye  un   ouvrage  dans  le  même 
sens  ,  sous  ce  titre  :  yideisidemon  , 
sive  Titus  Lii>ias  à  superstilione  vin- 
dicalus.  Il  n'y  reconnaît  d'autre  Dieu 
que  la  machine  du  monde,  mue  mé- 
caniquement et  aveuglément  par  el 
le-mème ,  sans  le  secours  d'aucune 


TOL  2o3 

cause  agissante.   Le  savant  Huet  y 
était  très-maltraité.  Ce  prélat  lépon- 
dit  par  une  Lettre  qui  fut  imprimée 
sous  le  nom  de  Morin  de  l'académie 
des  belles-lettres.  Elle  est  la  cinquiè- 
me des  Dissertations  de  l'abbé  de 
Tilladet.  Huet  revint   sur  ce  sujet, 
dans  les  Mémoires  sur  sa  propre  vie. 
Toland  publia  encore  à  la  Haye^  en 
1 7 1  o  ,    ses   Origines  judaïcœ  ,    wx 
Moïse  et  Spinosa  sont  représentés 
comme  ayant  eu  à-peu-prcs  la  même 
idée  de  la  divinité  ,  et  toute  la  j'évéla- 
tion  judaïque  comme  une  production 
humaine,  dont  l'authenticité  est  très- 
incertaine.  Sansevero  (  V.  ce  nom)  en 
donna  une  réfutation.  On  retrouve  le 
même  système  dans  \ç.Nazarenus,  ou 
le  Christianisme  judaïque  ,  païen  et 
mahométan ,  qui  parut  en  1718.  Il 
n'y  reconnaît  Jésus-Christ  que  com- 
me un  homme ,  à  qui  cependant  il 
veut  bien  donner  la  qualité  du  plus 
grand  des  prophètes.  Le   Telrad^y- 
m«5,  ouïes  Quatre  jumeaux  {\']-2o)y 
est  un  recueil    de  quatre   Disserta- 
tions qui  fourmillent  d'impiétés  et  de 
contradictions. Les  grandes  vérités  qui 
servent  de  fondement  à  la  morale  et 
à  la  théologie  naturelle  ne  furent  pas 
plus  respectées  par  Toland  que  celles 
qui  forment  la  base  de  la  révélation. 
C'est  ce  qu'on  voit  par  ses  Lettres 
philosophiques  à  Serena   {  1704  ), 
nom  sous  lequel  il  désignait  la  reine 
de  Prusse  ,  cà  laquelle  on  croit  cepen- 
dant qu'elles  ne  fuient  jamais  en- 
voyées. Ces  Leitres  sont  au  nombre 
de  six.  Il  s'applique  à  y  prouver  que 
les  dogmes  de  l'immortalité  de  l'a- 
me  et  d'un  état  futur  ne  sont  que  des 
opinions  égyptiennes;  que  l'origine 
du  culte  religieux  vient  de  la  politi- 
que des  législateurs  ;  que  le  mouve- 
vement  est  aussi  essentiel  à  la  matiè- 
re que  l'étendue  et  la  solidité.  Il  a  été 
fort cincnt  réfuté  ,  sur  ce  point,   par 


ào4 


TOL 


Clarkectpar  Gordon.  Toland  donna 
un  plus  ample  développement  à  son 
principe ,  dans  le  Pantheisticon ,  si- 
ve  formula  celebrandœ  sodalitatis 
socraticœ  (  17'io).  Le  Pantheisticon 
n'est  autre  chose  que  l'univers  divi- 
nisé ;  c'est  le  spinosisme  ,  auquel  il 
ajouta  quelques  idées  qui  lui  appar- 
tiennent en  propre ,  et  qui  n'en  sont 
pas  meilleures.  Il  entreprend  d'y  ex- 
pliquer tous  les  phénomènes  de  la 
nature,  ceux  même  de  la  pensée,  au 
moyen  d'un  pur  mécanisme.  Il  y  re- 
vient sur  la  double  doctrine  secrète 
et  publique  ,  qui  avait  fait  la  matière 
de  la  seconde  Dissertation  de  son  Te- 
tradfmus ,  prétendant  qu'elle  a  été 
dans  tous  les  temps  et  chez  tous  les 
peuples;  que  Jésus- Christ  et  les  apô- 
tres ont  eu  aussi  leur  double  doc- 
trine ,  une  doctrine  secrète  pour 
les  initiés  ,  et  une  publique  pour 
le  vulgaire.  Il  donne  une  liturgie  de 
sa  prétendue  association  socratique; 
formée  de  plusieurs  passages  d'Ho- 
race et  de  Juvénal.  Ce  n'est,  d'un 
bout  à  l'autre,  qu'une  plate  dérision 
de  toutes  les  lituigies ,  et  en  particu- 
lier de  celle  de  l'Église  anglicane; 
qu'un  tissu  de  blasphèmes  et  d'extra- 
vagances. C'est  celui  de  tous  ses  ou- 
vrages qui  a  le  plus  contribué  à  ren- 
dre la  mémoire  de  Toland  odieuse. 
Il  n'en  avait  fait  tirer  qu'un  petit 
nombre  d'exemplaiies ,  aiin  que  la 
l'areté  en  augmentât  le  prix.  Il  le 
colportait  lui-même  mystérieuse- 
ment, pour  pi(jiicr  la  curiosité;  et 
comme  on  le  savait  dans  le  besoin  , 
on  payait  son  livre  une  guinée  , 
par  pure  commisération ,  et  sans 
avoir  envie  de  le  lire.  Le  dépérisse- 
ment de  sa  santé  l'engagea  à  quit- 
ter Londres  ])our  aller  demeurer  à 
Putney.  Sa  mauvaise  réputation  n'a- 
Vait  pas  encore  détaché  de  lui  tout  le 
moudcj  et  ce  ftit  alors  que  lord  Mo- 


TOL 

icswortîi ,  qui  connaissait  sa  pauvre- 
té, lui  écrivit  en  termes  obligeants  > 
l'assurant  qu'il  ne  manquerait  de  rien 
tant  que  celui  qui  écrivait  cette  lettre 
serait  vivant.  Toland  mourut  le  1 1 
mai  1722,  à  l'âge  de  cinquante-trois 
ans.  Pendant  sa  maladie,  il  montra, 
dit-on,  beaucoup  de  patience  et  de 
résignation  ;  et  peu  de  moments  avant 
d'expirer,  quelqu'un  lui  ayant  de- 
mandé s'il  avait  besoin  de  quelque 
chose  :  Je  n'ai  besoin,  répondit -il, 
que  de  la  mort.  En  rendant  le  der- 
nier soupir ,  il  prit  congé  des  assis- 
tants par  ces  paroles  :  Je  vais  mou- 
rir. Dans  les  intervalles  un  peu  tran- 
quilles que  lui  laissa  sa  maladie  ,  il 
avait  écrit  une  violente  diatribe  con- 
tre son  médecin,  dont  il  croyait  avoir 
à  se  plaindre.  Quelques  jours  avant 
sa  mort,  il  avait  composé  son  épita- 
phe,  dans  laquelle  il  se  traitait  assez 
favorablement.  En  voici  les  princi- 
paux traits  : 

Onitiiiim  liltcrarum  excullor 
El  liiigua?-umplus  decem  scient, 

k^eritatis  pfopiignalor, 

Lihcrtatia  asserior , 
NuUius  aulem  seclator  aut  clieni, 

Nec  minis ,  nec  nialis  irijlexns  , 
Quin  ,  r/iiam  eiegil  i>iam  peragercl , 

Utili  lioneiluni  anUjerens. 

Spiritus  cuni  atherco  paire 
A  r/uo  prndiU  olim  ,  conjungitur. 
Ivie  verh  in  aternuin  eit  resurrectiirus ^ 
Et  ideiiijliliirui  Tolandus  numquam. 
Ctttera  ex  scriplis  pete. 

Outre  les  écrits  dont  on  a  parlé  dans 
cet  article,  il  en  avait  composé  quel- 
ques autres  sur  la  politique,  et  avait 
doiuié  une  édition  des  OEuvres  de 
Ilarrington;  il  publia  aussi  le  dis- 
cours de  Schiuner(  l^oj^.  ce  nom  )  à 
HenriVI  il .  Les  écrits  auxqueisson  c'pi- 
laphe  nous  renvoie  n'oH'rcnt  pas  une 
idée  très-avantageuse  de  sa  personne. 
Collins  ,  l'un  de  ses  Mécènes,  le  re- 
gardait comme  un  homme  sans  pro- 
bité. Swift  luî  voyait  en  lui  qu'un  mi- 
sérable sophislc.  Voici  le  portrait 
qu'on  m  [inuvc  Adiuslc Frcc-Holdcn 


TOL 

«  Ses  disgrâces  doivent  être  atlri- 
»  buc'es  à  sa  vanité.  11  afTectait  d'è- 
»  tre  singulier  en  tout,  alin  de  s'at- 
»  tirer  l'attention  publique.  11  reje- 
»  tait  nn  sentiment,  parce  qu'un  au- 
î)  teur  célèbre  l'avait  embrasse.  Avec 
»  une  teinture  légère  de  toutes  les  lan- 
»  giics ,  il  n'en  savait  bien  aucune. 
»  Son  style  est  bas  ,  confus ,  dèsa- 
»  gréabie.  Il  se  plaisait  à  mettre  des 
»  titres  bizarres  à  ses  ouvrages.  A  l'i- 
»  mitation  des  anciens  philosophes, 
»  il  avait  la  manie  de  parler  de  lui- 
»  même  avec  une  extrême  complai- 
1)  sance,  et  d'irriter  ses  adversaires. 
»  Il  était  grossier,  décisif,  et  mettait 
»  toujours  dans  son  tort  de  mauvais 
»  procédés.  La  plus  grande  ijjjure 
»  qu'onpûtfaireà  quelqu'un  c'étaitde 
»  lui  reprocherd'avoir  des  opinions 
»  semblables  à  celles  de  Toland.  Ja- 
»  mais  personne  n'a  autant  écrit  que 
»  lui  contre  la  religion,  et  ne  lui  a 
»  moins  nui.  C'est  encore  un  problè- 
»  me  de  savoir  si  les  gens  de  bien  ont 
»  eu   plus  de  compassion  pour  cet 
»  homme  cpie  les  incrédules  eux-mè- 
«  mes  n'en  ont  eu  de  mépris.  »  Il  ne 
se  jeta  dans  l'athéisme  que  par  esprit 
de  contradiction ,  sans  en  avoir  ja- 
mais été  intérieurement  convaincu. 
L'année  même  qu'il  publia  son  Pan- 
theisticon ,  il   écrivit  à  l'évêque  de 
Londres,  pour  repousser  le  repro- 
che d'irréligion.   Toute  sa  conduite 
fut  un   tissu  de  mauvaise  foi  et  de 
contradictions.  On  publia  ses  OEu- 
vres  posthumes  en    ly-iG  ,   'i  vol. 
in-8".  ;  seconde  édition,  1747  >  ^vec 
une  Notice  sur  la  vie  et  les  écrits  de 
l'auteur  ,  par  des  Maiseaux.  On  y 
trouve  l'Histoire  des  druides  anglais; 
im  Mémoiie  sur  Jordano  Bruno  ,  et 
son  Livre  sur  les  mondes  innombra- 
bles; enfin  :  la  mort  ilc  Fcgulus  ncst 
qu'une  fiction  ;   la  Médecivc  sans 
médecin , etc.  /'.  Moshcim  ^ De vila\ 


TOL 


20.» 


fatis  et  scriptis  Tolandi ,  dan.»?  sa 
findiciœajitiq.  Christ,  discipl.  T-d 
TOLÈDE    (D.  PÈDREDE),  sur- 
nommé le  Grand,  vice-roi  de  Naples , 
était  né,  en  i  ,\'^\  ,  à  Alva  de  Tormets 
ville  de  Castille ,  qui  donnait  à  sou 
père ,  D.  Frédéric ,  le  titre  de  duc 
d'Albe.  Placé  comme  page  au  service 
de  Ferdinand-le-Catholique ,  il  gagna 
l'amitié  de  ce  monarque,  qui  lui  fit 
épouser  l'héritière  du  marquisat  de 
Villcfranche  :  il  servit  avec  distinc- 
tion dans  la  guerre  de  Navarre  con- 
tre Jean  d'Albret  ;  mais  il  mérita  la 
confiance  de  Charles-Quint  surtout , 
par  le  zèle  avec  lequel  il  embrassa 
son  parti  pendant  les  guerres  contre 
les  Flamands.  L'empereur,  attaqué 
en  Servie  par  Soliman  ,  et  sachant 
qu'une  flotte  turque  devait,  dans  le 
même  temps,  envahir  le  royaume  de 
Naples ,  y  envoya  don  Pedro  comme 
vice -roi ,  pour  défendre  ce  royau- 
me contre  les  Musulmans.  II  fit  son 
entrée  à  Naples    le   4  sept.    iSSa. 
Son  gouvernement  fait  époque  par 
la  vigueur  et  la  sagesse  avec  laquelle 
il  reforma  les  tribunaux ,  les   lois  , 
et    corrigea   les     abus.   H  traitait , 
il  est  vrai ,  les  délinquants  avec  une 
excessive  sévérité;    mais  l'on   était 
tellement  accoutumé  a  l'impunité  de 
tous  les  crimes ,  que  la  sévérité  im- 
partiale de  la  justice  parut  au  peu- 
ple un  bienfait  suprême.  Tolède   se 
signa-la   encore   par   ses  soins  pour 
l'ordre  ,   la  propreté   et  l'élégance 
de  la  ville.  La  plus  grande  rue  de 
Naples  ,  qu'iJ  fit  paver  et   aligner, 
s'appelle  encore  rue  de  Tolède.  En 
i54o,  il  chassa  du  royaume  tous  les 
Juifs ,  qui  s'y  étaient  rendus  odieux 
par  l'usure  ;  d'ailleurs    les   peuple;? 
ont  rarement  accordé  leur  compas- 
sionà  cette  nation  persécutée.Dans  le 
même  temps  les  prédications  du  P, 
Bernardin  Ocrhino  et  de    D-    'ui'H 


io6 


TOL 


Valdès  commencèrent  à  répandre  la 
réforme  dans  Naples. Tolède,  anime 
du  zèle  le  plus  ardent  contre  toute 
hérésie ,  s'efforça  de  mettre  obstacle 
à   toute  culture  littéraire,  persuadé 
que  le  progrès  des  lumières  devait 
miirc  à  la  foi.  Il  Ht  supprimer  toutes 
les  académies  instituées  à  Naples  ,  et 
en    i546,  il  entreprit,  d'après   les 
ordres  de  Cliarles-Quint ,  d'y  établir 
les  tribunaux  de  l'inquisition  sur  le 
modèle  de   ceux  d'Espagne.  Il   s'y 
prépara  cependant  avec  beaucoup  de 
ménagement,  et  en   trompant  sans 
cesse  !e  peuple  par  de  vaiues  pro- 
messes ;  car  les  Napolitains,  malgré 
leur  fanatisme  et  leur  superstition  , 
avaient   l'aversion   la   plus   décidée 
pour  l'mquisition.  Enfin  un  édit  de 
Tolède  ,  du   ii   mai  i547,  en  met- 
tant à  découvert  ses  projets  ,  excita 
mi  soulèvement  universel ,  le  peuple 
prit  les  armes  et  s'unit  à  la  noblesse 
par  un   serment   qu'on   nomma    de 
Sainte  Union;  de  fréquents  combats 
entre  les  Espagnols  et  ies  Napolitains 
se  renouvelèrent   pendant   plusieurs 
mois.  Ces  derniers  ,  voulant  éviter  la 
tache  de  rébellion  ,  et  Tolède  man- 
quant de  forces,  il  n'y  eut  point  d'ac- 
tion décisive;  et  les  troubles  linirentle 
lu  août  i5',7,  lorsque  les  ordres  de 
Cliaries-Quint,  qui  supprimait  l'in- 
quisition et  pardonnait   à  la  ville  , 
furent  communi(jués  au  peuple.  To- 
lède ,  obéi  et  craint,  mais  détesté  des 
Napolitains,  mourut  à  Florence,  le 
12  février   i  >53.  Il  y  avait  conduit 
une  armée  es])aguole  pour  faire  le 
siège  de  Sienne.  îl  laissa  trois  Ids  et 
quatre  (illcs  ,  dont  la  sccoiule,  Eléo- 
nore,  avait  épousé  Cosme  de    IMé- 
dicis,alorsduc  de  Florence.  L'un  des 
fils.  Ferdinand,  fut  le  fameux  duc 
d'Albe  (  f^oy.  ce  nom  ).        S.  S — i. 
TOLÈDE  (don  PiiDiu:  dk),  ''»"- 
uclabic  de  Caslillc,  était  de  la  même 


TOL 

famille  que   le   précédent.  Il  suivit 
d'abord  la   carrière  des  armes  ;  et 
ayant  été  nommé  général  des  galères 
de  Naples  ,  il  se  signala  contre  les 
Turcs  ,  et  fit ,  en  1 095 ,  une  descente 
sur  les  côtes  de  la  IMorée ,  d'où  il  rap- 
porta un  immense  butin.   Il  devint 
l'un  des  favoris  et  des  confidents  les 
plus  intimes  de  Philippe  III ,  qui  le 
revêtit  de  la  dignité  de  connétable  de 
Castillc.  L'honneur  qu'il  avait  d'être 
parent  de  la  reine  Marie  de  Médicis 
fit  jeter  les  yeux  sur  lui  pour  l'am- 
bassade de  France,  a  II  avait  ,  dit 
»  Péréiixe  (  Histoire  de  Henri  -  le- 
»  Grand  ) ,  une  morgue  fière  et  gra- 
»  ve,  et  était  haut  et  magnifique  en 
»  paroles ,    quand    il    s'agissait    de 
»  l'honneur  et  de  la  gloire  de  sa  na- 
»  tion  et  de  la  puissance  de  son  roi  5 
»  mais  hors  de  là  ,  fort  civil  et  cour- 
»  tois,  soumis  et  respectueux  où  il  le 
»  fallait  être  ,  galant,  adroit  et  spiri- 
»  tuel.  »  Le  but  de  sa  mission  était 
de  proposer  à  Henri  IV  le  mariage  du 
dauphin  avec  une  infante,  pourvu 
qu'il  sedétachàt  de  l'alliance  des  Pro- 
vinces -  Unies.  D.  Pèdre  se  rendit  à 
Fontainebleau  .  où  la  cour  se  trouvait 
alors ,  et  fut  admis  devant  le  roi ,  le 
-^  juillet  1608.  A  cette  première  au- 
dience, il  portait  son  chapelet  à  la 
main  {Pcrèfixe).  Lorsqu'il  eut  ex- 
posé le  sujet  de  son  ambassade ,  le  roi 
lui  répondit  «  que  ses  enfants  étaient 
»  d'assez  bonne  maison  pour  trouver 
»  parti;   qu'il  ne  desirait  point  des 
»  amitiés  contraintes    et  condition- 
»  nées  5  qu'il  ne  pouvait  abandonner 
))  ses  a  mis,  et  que  ceux  qui  n'en  vou- 
»  draient    pas  être   se  repentiraient 
«  d'avoir  été  ses  ennemis.  »  D.  Pè- 
dre ,  dans  sa  réponse,  après  avoir 
exalté   la    puissance   de  l'Espagne, 
ayant  osé  se  servir  de  termes  mena- 
çants, Henri   IV  lui  dit  que  «  si  le 
»  roi  d'Espagne  conliiniail  ses  altcu- 


TOL 

»  tats,  il  porterait  le  feu  jusque  dans 
»  l'Escurial,  et  que  s'il  montait  une 
»  fois  à  cheval,  on  le  verrait  bientôt 
»  à  Madrid.  — Le  roi  François  I<^''.  y 
»  fut  bien  ,  répondit  courageusement 
»  l'Espagnol.  —  C'est  pour  cela,  re- 
»  prit  Henri,  que  j'y  veux  aller  ven- 
»  ger  son  injure,  celles  de  la  France 
»  et  les  miennes;  »  puis  ,  adoucissant 
le  ton  de  sa  voix ,  «  Monsieur  l'am- 
»  bassadeur ,  lui  dit-il,  vous  êtes  Es- 
»  pagnol ,  moi  je  suis  Gascon  :  ne 
»  nous  e'cliauirons  point.  »  Le  roi, 
ayant  fait  voir  à  D.  Pèdre  les  heaute's 
du  château ,  lui  demanda  ce  qu'il  en 
pensait  :  «  Que  personne ,  répondit 
D.  Pèdre,  n'y  est  plus  mal  logé  que 
Dieu.  —  C'est  que  nous  autres  Fran- 
çais, dit  Henri  IV,  nous  le  logeons 
dans  nos  cœurs ,  au  lieu  que  les  Es- 
pagnols le  placent  entre  quatre  mu- 
railles. »  Peu  de  jours  après  ,  la  cour 
revint  à  Paris  •  et,  dès  le  lendemain  , 
D.  Pèdre  eut  une  nouvelle  audience  : 
«  Je  crains,  lui  dit  Henri  IV,  qu'on 
ne  vous  reçoive  pas  si  bien  que  vous  le 
me'ritez.  —  Sire,  répondit  D.  Pèdre, 
j'ai  été  si  bien  reçu  que  je  suis  fâché 
de  voir  plusieurs  brouillcries ,  les- 
quelles peuvent  être  cause  de  me  faire 
revenir  avec  une  armée. — Venez-y, 
l'cprit  Henri  IV  ,  quand  il  plaira  à 
votre  maître;  vous  ne  laisserez  d'y 
être  Ijien  venu,  pour  ce  qui  vous 
tcuche  ;  mais  quant  au  reste,  votre 
maître  en  personne  et  toutes  ses  for- 
ces se  trouveront  bien  empêchés 
dès  la  frontière,  que  peut-être  je  ne 
lui  donnerai  pas  le  plaisir  de  voir.  » 
Henri  IV  ,  ayant  su  qu'on  avait  dit 
au  roi  d'Espagne  qu'il  était  presque 
perclus  de  la  goutte,  fit  inviter  D. 
Pèdre  de  venir  le  trouver  au  Louvre, 
et  tout  en  parlant  d'aiïaires  ,  le  força 
de  se  promener  dans  la  galerie  pen- 
dant cinq  heures.  Voyant  qu'il  était 
réduit,  il  lui  permit  eniin  de  se  reti- 


ÏOL  'lo'j 

rer.  «  D.  Pèdre,  dit-il  alors,  pourra 
»  rapporter  en  Espagne  que  je  n'ai 
»  point  tant  la  goutte  que  si  les  Espa- 
»  gnols  veulent  la  guerre  je  ne  sois 
»  plutôt  à  cheval  qu'ils  n'auront  le 
»  pied  à  l'étricr.  »  L'ambassadeur , 
voyant  qu'il  ne  pouvait  réussir  dans 
sa  négociation,  repartit  de  Paris,  le 
22  juillet,  si  l'on  en  croit  L'Estode 
{Journal  de  Henri  IF ,  tome  ni, 
477  '  ^^^'^'  ^^  Lenglet  -  Dufresnoy  )• 
mais  le  même  auteur  dit  qu'il  ne  quit- 
ta Paris  qu'au  mois  de  février  i6og, 
«  où ,  ajoutc-t-il ,  il  avait  fait  un  trop 
long  séjour  pour  les  bons  Français  , 
qui  le  souhaitaient  depuis  long-temps 
dans  son  pays  »  [Méin.pour  sen>ir  à 
l'histoire  de  France ,  éd.  de  Gode- 
froy,  11,  205).  Outre  les  ouvrages 
cités  dans  le  cours  de  cet  article,  on 
peut  consulter  ,  pour  plus  de  détails, 
sur  l'ambassade  de  D.  Pèdre,  V His- 
toire de  Henri  IV ,  par  de  Bury, 
iv,  i3i  et  suiv.  W — s. 

TOLÈDE  (Don  François  de), 
de  la  maison  d'Oropesa,  fut  nommé 
A'^ice-roi  du  Péiou  ,  et  fit  son  entrée  à 
Lima  en  i566.  Il  renouvela  aus- 
sitôt la  persécution  contre  les  princes 
du  sang  des  Incas.  Les  ayant  fait  re- 
chercher et  poursuivre  dans  leur  re- 
traite de  Vilcapuinpa  ,  il  attira  ,  en 
1571,  dans  sa  capitale,  par  de  faus- 
ses et  perlides  promesses  ,  le  jeune 
incaTiipac  Amaru  ,  îils  de  iNIanco  II , 
le  lit  ensuite  arrêter  et  condamner  à 
perdre  la  tête  sur  un  échafaud.  Les 
Espagnols  eux-mêmes  demandèrent 
sa  grâce  ,  exhortant  François  de 
Tolède  à  ne  point  souiller  son  ad- 
ministration par  le  meurtre  d'un 
prince  infortuné  ,  privé  de  son  hé- 
ritage ,  et  qui  méritait  plutôt  sa  com- 
passion que  sa  colère.  Le  vice-roi  fut 
inexorable  et  ordonna  le  supplice 
d' Amaru.  De  retour  en  Espagne  , 
en  i58i  ,  comblé  de  prospérités  cl 


2o8 


TOL 


tle  ricli esses  ,  François  de  Tolède  se 
présente  à  la  cour  de  Philippe  II  j  ce 
prince  lui  lance  un  coup-d'œil  fou- 
droyant :  «  Retirez-vous  ,  lui  dit-il  , 
1)  je  ne  vous  avais  pas  envoyé'  au 
»  Pe'roii  pour  tuer  les  rois  ,  mais 
5)  pour  les  servir.  »  Attéré  par  ce 
reproche  du  monarque ,  et  accuse  de 
malversation  ,  François  de  Tolède 
fut  dépouillé  de  ses  biens  et  jeté  dans 
une  prison ,  où  il  mourut  accablé  de 
chagrins  et  de  remords,       B — p. 

TOLET  (  François  ) ,  cardinal , 
né, à  Cordoue^en  1 532, d'une  basse 
extraction ,  fit  ses  études  dans  l'uni- 
versité de  Salamanque.  Dominique 
Soto,  un  de  ses  maîtres,  l'appelait 
un  prodige  d'esprit.  A  l'âge  de  quin- 
ze ans^  il  s'était  déjà  fait  une  si 
grande  réputation  ,  qu'il  fut  nommé 
à  ime  chaire  de  philosophie.  Il  entra 
ensuite  dans  la  compagnie  de  Jésus. 
Ses  supérieurs  l'envoyèrent  à  Rome, 
où  il  professa  la  philosophie  et  la 
théologie  avec  beaucouj)  d'éclat. 
Nommé  prédicateur  de  Pie  V,  il 
exerça  les  mêmes  fondions  sous  les 
pontificatsde  Grégoire XI II, de  Six- 
te V  et  d'Urbain  YII.  En  1^79, 
Grégoire  XIII  le  députa  à  l'univer- 
sité de  Louvain  ,  pour  y  faire  rece- 
voir sa  bulle  contre  Ba'ius  ,  commis- 
sion dont  To!et  s'acquitta  à  la  satis- 
faction commune  des  parties  intéres- 
sées. Vers  i58^,  le  même  pon- 
tife lui  adressa  un  bref  Irès-hono- 
rable,  ])ar  lequel  il  le  faisait  juge 
et  censeur  de  ses  projires  ouvrages.  1 1 
posséda  l'estime  et  la  confiance  de 
Grégoire  XI  V,  d'Innocent  IX  et  de 
Glénicnt  VIII  ,  <{ui  lui  donnèrent 
l'emploi  de  leur  tliéologien  ordinai- 
re, et  qui  lui  confièrent  des  missions 
ijtnportantrs.  Il  accompagna  le  cai- 
(Ainal  Jean -François  (lomincndon 
ilaiis  sa  légation  d' MIeniagno  ,  on  il 
i'atris.sail  de  former  avec  remncreur 


TOL 

Maxlmilicn  et  Sigisraond  Auguste , 
roi  de  Pologne ,  une  ligue  contre  le« 
Turcs.  Tolet  fit  voir  qu'il  était  aussi 
habile  négociateur  que  profond  théor 
logien,  et  qu'il  avait  à  cœur  les  in- 
térêts de  l'Europe  civilisée,  contre 
les  ennemis  de  la  religion  chrétienne 
et  des  sciences.  En  1  SgS  ,  le  pape 
Clément  VIII  récompensa  son  méf 
rite  et  les  services  qu'il  avait  rendus 
au  Saint-Siège,  en  lui  accordant  la 
dignité  de  cardinal.  C'est  le  premier 
jésuite  qui  ait  été  décoré  de  la  pour- 
pre j  et  l'historien  de  Thou  remar- 
que que  ce  fut  contre  le  vœu  de  la 
société.  En  i595,le  cardinal  Tolet 
contribua  puissamment  à  l'absoluT 
tion  d'Henri  IV  ,  en  levant  toutes 
les  diificultés  que  les  intrigues  de 
l'Espagne  faisaient  naître  dans  l'es- 
prit du  souverain  pontife.  Plus  ami 
de  la  justice  et  de  la  vérité  que  par- 
tisan des  vues  ambitieuses  de  Phi- 
lippe II  ,  quoique  né  sous  sa  domi- 
nation ,  il  travailla  constamment  à 
réconcilier  avec  le  Saint-Siège  un 
monarque  qui  pouvait  lui  être  si  uti- 
le. Du  Perron  ,  l'un  des  envoyés 
d'Henri  IV  à  Rome,  après  avoir 
fait  à  ce  prince  le  plus  grand  éloge 
de  la  conduite  du  cardinal  Tolet, 
ajoutait  dans  sa  lettre  :  «  Votre  ma* 
jesté  n'ont  su  espérer  tant  de  preuves, 
pour  ne  point  dire  tant  de  chefs- 
d'œuvre  et  de  miracles  du  plus  alfec- 
tionné  et  courageux  de  tous  ses  ser- 
viteurs.» Clément  VlIIdisaitun  jour 
à  Tolet  (pi'i!  avait  eu  inie  révélation 
quil'''mpêchaitd'ab>oudre  Henri  lYj 
Siiiiil  Père,  lui  répondit  le  cardinal, 
ce  scrupule  vient  du  diable;  cat> 
s'il  vi  nait  de  JJieu  ,  il  vous  se-: 
mit  venu  avant  la  résolution  prise 
de  donner  cette  absolution.  Il  ré-' 
plicpia  aussi  au  duc  de  Sesse,  arahM^ 
.sadriir  d'Espagne  ,  qui  lui  disait  : 
Si  vous  tliez  uifs.';!  bon  Espagnol. 


TOL 

(fue  bon  théologien ,  vous  n'opine- 
riez pas  à  l'absolution  d'Henri. — 
Et  vous,  si  vous  étiez  aussi  bon 
théologien  qu'habile  ambassadeur , 
vous  seriez  de  mon  avis.  Il  est  vrai 
que  plusieurs  personnes ,  au  rapport 
de  l'historien  de  Thou  ,  avaient  at- 
tribue à  des  raisons  purement  politi- 
ques le  zèle  de  Tolet  pour  l'absolu- 
tion du  roi.  Elles  prétendaient  qu'eu 
servant  ce  prince  ,  il  n'avait  eu   en 
vue  que  le  rappel  des   Jésuites   en 
France.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
que  le  duc  de  Nevers ,  qui  fut  envoyé', 
après  Pisani ,  pour  solliciter  l'abso- 
lution, n'eut  pas  lieu  d'être  content 
du  cardinal.  Ce  fut  lui  qui  se  char- 
gea de  dire  au  duc  qu'il  ne  serait 
point  admis  comme  ambassadeur , 
mais  comme  simple  particulier;  que 
le  pape  ne  prolongerait  pas  le  terme 
de  dix  joui-s  qu'on  lui  avait  donne' 
pour  sortir  de  Rome ,  et  que  la  répon- 
se qu'il  demandait  par  écrit  ne  lui 
serait  point  accordée.  11  lui  dit  aussi 
qu'il  n« convenait  pas  que  les  évêques 
français,  qu'il  avait  amenés  avec  lui, 
allassent  à  l'audience  de  sa  sainteté 
sans  avoir  vu  auparavant  le  cardi- 
nal inquisiteur  ;  que  le  pape  n'était 
point  obligé  de  remettre  dans  le  bon 
chemin  ceux  qui  s'en  étaient  écartés  • 
qu'il  fallait  s'adresser  d'abord  à  ses 
disciples...  Comme  le  duc  lui  faisait 
les  réponses  les  plus  solides ,  et  lui 
témoignait  la  plus  vive  douleur  sur 
le  mauvais  succès  de  son  ambassa- 
de ,  ce  cardinal  ne  lui  dit  rien;  mais 
il  fil  un  sourire  moqueur,  très-insul- 
tant pour  le  duc.  (  Lettres  des  car- 
dinaux du  Perron  et  d' Ossat ,  His- 
toire du  président  de  Thou  ).  Quoi 
qu'il  en  soit  de  la  sincérité  de  Tolet , 
Clément  VIll  le  choisit,  la  même 
année,  pour  la  légation  de  France, 
qui  était  extrêmement  difficile  ;  mais, 
de  crainte  que  ce  cardinal  ne  parût 

XLVI. 


TOL  209 

suspect  au  roi  d'Espagne,  le  pape 
changea  de  sentiment.  Tolet  mourut 
à  Rome,  dans  le  mois  de  juiu  iSqG. 
Suivant  l'Étoile, la  faction  espagnole 
fut  soupçonnée  d'avoir  abrégé  ses 
jours   par  le  poison;   mais  ou  sait 
avec  quelle  facilité  cet  écrivain  ac- 
cueillait les  bruits  populaires.  Henri 
IV  donna  des  marques  publiques  de 
regret  et  d'affliction ,  en  apprenant 
la  mort  de  cet  illustre  cardinal;  et 
il  lui  fit  faire  des   services  solennels 
à  Paris  et  à  Rouen.  Nous  avons  de 
Tolet  de  savants  commentaires  sur 
l'Ecriture  sainte  ,  et  des  ouvrages  de 
théologie  qui  ont  été  estimés  autre- 
fois. I.  Commentarii  et  annotatio- 
nés  inEvangelium  Joannis ,  Rome^ 
i588,   Lyon,   161 4 >  in-folio.   IL 
Commentarii   et    annotationes    in 
Lucam  ,T<iOine,  1600,  in-fol.  Bos- 
suet  cite  ce  commentaire  avec  hon- 
neur dans  sa  première  instruction  sur 
la  version  du  Nouveau-Testament, 
imprimée  à  Trévoux,  no^.  xviii  et 
XXI.  m.  Commentarii  in  Epist.  ad 
Romanos ,   Rome,    1602.   in-4'*. 
Lyon,  i6o3,  in-fol.  IV.   Commen- 
tarius  in  Arisiotelem.  V.  Summa 
conscientice  seu  instructio  sacerdo- 
tum ,  ac  de  septem  peccatis  mor~ 
talibus ,  Rome,  161 8; Paris,  1619; 
Lyon,  i63o  ,  in- 4°. ,  traduite  en  plu- 
sieurs langues, notamment  en  français, 
sous  le  titre  à' Instruction  des  prê- 
tres,ti  souvent  réimprimée,  comme 
tous  les  ouvrages  de  Tolet.  Bossuet 
eu  a  recommandé  la  lecture.  Cepen- 
dant on  a  reproché  au  docte  cardi- 
nal d'y  enseigner,  ainsi  que  dans 
ses  Commentaires,  quelques  maximes 
de  morale  relâchée  sur  la  probabilité^ 
les  équivoques  et  les  matières  bénë- 
flciales,  et  d'y  soutenir  les  opinions 
ultramontaines  sur  le  temporel  des 
rois.  Il  dit  que  les  sujets  d'un  prince 
excommunié  sont  déliés  de  leur  ser- 

«4 


2IO  TOL 

ment  de  fidëlitë.  Ces  principes,  dnns 
lesquels  les  personnes  équitables  re- 
connaîtront l'influence  des  temps  et 
des  lieux  ,  ont  fait  donner  à  Tolel , 
par  certains  écrivains  ,  les  ëpitliètes 
de  prohabilistc  ,  de  fauteur  de  la 
simonie  ,  du  parjure ,  du  régicide  , 
etc.  Voyez  les  Extraits  des  Asser- 
tions,Paris,  1763,  in^".  —  ToLET 
(  Jean  )  ,  religieux  anglais  de  l'or- 
dx'c  de  Cîtaux ,  vivait  dans  le  trei- 
sième  siècle.  Innocent  IF,  qui  l'a- 
vait employé  à  la  réforme  du  clcr- 
"é  d'Angleterre,  le  créa  cardinal  en 
1 244  ,  et  Urbain  IV  le  fit  évêque 
de  Porto  eu  i'i6i.  C'était  un  homme 
habile  pour  son  siècle.  On  a  de  lui 
des  Élégies ,  des  Satires,  des  Haran- 
gues ,  quelques  écrits  théologiques , 
philosophiques  ,  et  histori([ues.  Il 
mourut  en   i274'  L — i; — e. 

TOLLET (Elisabeth),  Anglaise , 
fdie  d'un  commissaire  de  la  mari- 
ne sous  le  règne  de  Guillaume  et 
Marie,  naquit  en  i694>  et  reçut  une 
éducation  soignée.  Elle  cultiva  les 
sciences  et  les  beaux  arts ,  et  ne  se 
distingua  pas  moins  par  ses  vertus 
que  par  son  esprit.  L'illustre  Newton, 
qui  l'honora  de  son  amitié,  encoura- 
gea ses  premiers  essais  ,  remarqua- 
bles par  une  teinte  de  philosophie  et 
par  une  ])rol'ondeur  de  pensée  qui 
frap|)e  toujours  davantage  chez  les 
personnes  de  son  sexe.  Malgré  un  pa- 
reil suffrage ,  Elisabeth  ne  voulut  pas 
courir  la  chance  des  jiigenieuts  du 
]Uiblic5  et  ce  ne  fut  qu'un  an  après  sa 
mort,  arrivée  le  i'^'.  fév.  1754  .  que 
parut  un  volume  de  ses  Poèmes ,  dont 
un  choix  a  été  inséré  dans  la  Col- 
lection de  ISichols.  On  y  trouve  des 
beaul(:s  de  sentiment  et  de  style,  (hiel- 
qucs-uns  de  ces  Poèmes  sont  en  lalin. 
—  (icorge  ToLi.KT,  son  neveu ,  mort 
le  -il  oct,  1779,  est  auteur  de  Notes 
estimées  sur  bhakspeaic.  L. 


TOL 

TOLLIUS  (Corneille)(  1  ),  philo- 
ioiogue,  naquit,  vers  1620,  àUtrecht. 
Son  père  était  lié  de  l'amitié  la  plus 
intime  avec  Ger.  Jean  Vossius ,  qui 
se  chargea  de  surveiller  l'éducation 
des  enfants  de  son  ami ,  lequel ,  ne 
pouvant  pas  leur  laisser  de  fortune  , 
desirait  leur  procurer  au  moins  les 
avantages  d'une  instruction  solide. 
Corneille  acheva  ses  éludes  classi- 
ques à  l'académie  d'Amsterdam  ,  et 
sut  mériter  l'afTection  de  Vossius,  qui 
l'employa  comme  secrétaire.  On  lui 
a  reproché ,  dans  la  suite ,  d'avoir 
gardé  des  copies  des  notes  qu'il  était 
chargé  de  transcrire;  mais  cette  ac- 
cusation n'a  pas  été  prouvée.  Nom- 
mé professeur  extraordinaire  à  l'aca- 
démie d'Hardervsyck  ,  il  obtint  ,  en 
1648,  la  chaire  d'éloquence  et  de 
langue  grecque  ,  et  prononça  ,  l'an- 
née suivante,  l'éloge  funèbre  de  Vos- 
sius ,  son  bienfaiteur.  Il  sut  capti- 
ver la  confiance  des  curateurs  de 
l'académie  ,  et  exerça  la  plus  grande 
influence  sur  le  chuix  des  profes- 
seurs. On  ignore  l'époqiic  de  sa 
mort  ;  mais  on  sait  qu'il  n'a  pas 
prolongé  sa  carrière  au  -  delà  de 
i(iGi.  Outre  V  Oraison  funèbre  de 
Vossius  et  celle  de  J.  André  Sch- 
initz  ,  on  a  de  lui  des  éditions  : 
I.  de  l'ouvrage  de  J.  P.  Vahriano 
(  V.  ce  nom)  De inj'elicitate  litlera- 
forum,  Amsterdam,  i(i47  ,  in-iu('i); 

(1)  Adkien  ToM, ,  el  non  pas  .liulii,  cornuie 
qiii-liin<:s  liiiiLiiaphi-s  le  iiomipiint,  ilail  de  !a  mr- 
irii;  l'aiiiillfl.  Il  professait  la  iiiérlfcinc  i\  Leyda  ,  oîi 
Il  iiiiiiu'iit  d'une  l'iiideniie  en  i(i:i:î  ;  un  lui  doit  nne 
idilion  esllniée  dn  Cominrnttilre  de  CFalicu  sur 
lIi|il)ocriile,  delà  traduction  latine  de  Fors,  Leydc, 
i(i;f.i,  in-iA  ,  et  de»  noies  sur  le  l'aifail  jnnillirr 
(le  Hoodt-  (  ''.  ee  nom  ,  V  ,  l'j^  )  ,  dont  il  prépa- 
rait une  édition,  i|ui  fnl  pnliliee  après  sa  mort. 

(ï)  Coupe' no  connaissail  pas  cette  jolie  édition 
sortie  Agi  presses  des  ICIievirs  ;  mais  il  est  Inmijé 
dans  \nie  (;rave  erreur,  en  supposant  que  Corn. 
lollins  riait  à  l.eipziRen  170-.  «  Menrken,  dil-il , 
.{iii  ninipriinail  alors  la  lieau  Traité  de  Valri-ia- 
MiiH  /■'<•  iiif'rliril<ilc  llllenilciiiiit  ,  lui  denianilii  s'il 
ne  pounàit  lui  fonmir  qnel(|ues  uiUlitions  à  rel 
onviai;!';  el  il  lui  donna  la  nouienclaliire  onriensc 
dool  ie   val.  parler.   „  Soi,.  l,Uh„ir^<  ,    \VI  ,  ,'.«. 


TOL 

avec  un  supplément  qui  contient  des 
notices  sur  quelques  littérateurs  ita- 
liens et  frauvais.  Il  avait  tiré  les  der- 
nières des  Eloges  de  Sainte-îMartlie 
(  F.  ce  nom  },  sans  indiquer  la  sour- 
ce où  il  avait  puisé.  Aussi  Heumann 
l'a-t-il   accusé  de  plagiat  (  F.   Bi- 
blioth.  histor.  liltérar.  de  Struve  , 
1 5 j  I  ).  Coupe  a  traduit  en  Irançais 
par  extraits  kSuppîém.  de  Tollius, 
daus  les  Soirées  littéraires,  XVI  , 
56  -  94-     II.      De    l'Opuscule    de 
Palépbate  :  De  incredibilibus  ,  ibid. , 
i(i4ç) ,  in-ii  ;  avec  des  Notes  et  une 
version  latine  ,  conservée  daus  les 
éditions  postérieures.  111.  De  Vffis- 
toire  de  Jean  Ciunamus ,  avec  une 
version  latine,  ibid.  .   i65'i.  ,  in-4". 
C  r.  ^.l^^AMVS,  VIII,    .)70}.    Il 
promettait  des  éditions  de  Valèrt 
Maxime  ,  et  du  Traite  de  Coruutus 
ou  Phuruutus  ,  De  naturd  deorum. 
—  Tox-Lius  (  Alexandre  ) ,  frère  ca- 
det du  précédent,  fit,  comme  lui,  ses 
études  à  Amsterdam  ,  et  devint  cor- 
recteur   de   l'imprimerie    de    Jean 
Blaeuw  (  F.  ce  nom  ,  IV  ,  55o  ).  Il 
prit  soin  de  la  première  édition  des 
OEuvres  de  Ger.  J.  Vossius,  i64i  , 
3  vol.  in-4°*  Après  la  mort  de   ce 
savant,   il  écrivit  à  Isaac  Vossius , 
alors  eu  Suède  ,  de  le  choisir  pour 
secrétaire  ;    mais   Isaac    refusa   ses 
services.  Alexandre  fut  attaché,  com- 
me professeur  ,  à  l'académie  d'Har- 
derwyck,  où  l'on  cioit   qu'il  rem- 
plaça son  frère,  et   mourut,   dans 
cette  ville  ,   en   i6^5.   On  lui   doit 
l'édition    à^Appien  ,   Amsterdam  , 
if)-o  ,   s»  vol.  in-8''. ,  qui  fait  partie 
de  la  collection  Farionim.     W-s. 

TOLLIUS  (Jacques),  philolo- 
gue et  alchimiste,  frère  des  précé- 
dents ,  était  né ,  vers  i63o ,  à  Utrccht 
ou  dans  le  voisinage  de  cette  ville. 
A  près  avoir  fait  ses  premièies  études  à 
Dcvcutcr ,  il  fut  envoyé, par  son  pè- 


TOL 


21  ï 


re ,  à  Ger.  J.   Vossius  ;  mais  il  re- 
connut fort  mal  les  soins  de  ce  sa- 
vant, si,  comme  on  l'en  accuse,  il 
abusa  de  la  permission  qu'il  avait 
d'entrer  dans  son  cabinet,  pour  s'em- 
parer d'une  partie  de  sou  travail  sur 
les  auteurs  anciens.   Vossius   étant 
mort,  Tollius  revint  à  Utreclit  termi- 
ner ses  cours.  Informé  cju'Heinsius 
était  chargé  par  la  reine  Christine  de 
visiter  l'Italie ,  il  témoigna  le  plus 
vif  désir  de  l'accompagner  comme 
secrétaire.    Les  démarches  qu'il  fit 
n'ayant  point  eu  le  succès  qu'il  espé- 
rait, i!  entra  en  qualité  decommis  dans 
la  maison  de  J.  Blaeuw  ,    libraire 
d'Amsterdam  ;  son  intelligence  et  sa 
tidelitéluiméritèrent  l'affection  deson 
maître,  qui  lui  fournit  les  movensde 
perfectionner  ses  connaissances,  Tol- 
luis,  de  son  coté,  s'attacha  sincère- 
ment à  Blaeuw  ;  mais  û  ne  put  résis- 
ter à  la  proposition  que  bu  fit  Hein- 
sius,  de  le  prendre  pour  secrétaire. 
Il  partit  au  mois  d'octobre    1662, 
pour  aller  rejoindre  son  nouveau  pa- 
tron à  Stockholm.   Heiusius  s'étant 
aperçu  qu'il  gardait  des   copies  de 
ses  notes,  le  renvoya  bientôt  (1}  ;  il 
revinten  Hollande,  et,  quelque  temps 
après,  obtint,  par  le  crédit  de  ses 
amis,   le   rectorat  du  gvmnase    de 
Gouda,  Dans  les  loisirs  que  lui  lais- 
sait cette  place  ,  il  étudia  la  médeci- 
ne ,  et  il  se  fit  recevoir  docteur,  en 
166;).  Quelques  intrigues,  dans  les- 
quelles il  se  trouva  mêlé ,  lui  firent 
perdre  ,  en  i6-3,  la  place  de  recteur, 
et  il  vint  habiter  Noordwyk.,  où  il 
donna  des   leçons  particulières,  et 
exerça  l'art  de  guérir.  Trouvant  à' 
peine  dans   ses   talents   les  moyens 
(le  subsister,  il  tenta  de  rentrer  dans 


(i)  U  fiaraît  fjiie  Tollius  ne  se  borna  pas  h  Irans- 
rrire  les  notes  d'Heinsius  ;  re!ni-ci  lui  repruche 
uiia  giiii'itira  ,  dans  sa  lettre  à  Isaac  Vcssiui.  Vov. 
la   V,7/.ig»  rpisloliir.  de    Ittirniann  ,  III,  liyo. 


2L2  TOL 

la  carrière  de  renseiguemfnt ,  et  ob- 
tint enfin,  en  lO-jc) ,  la  chaire  d'hu- 
manitës  à  l'académie  de  Duysburg. 
Passionné,  depuis  quelque  temps, 
nour  la  rcclierclicde  la  pierre  pliilc- 
sophale ,  il  avait  fait  diverses  expé- 
riences sur  les  métaux  ,  et  découvert 
le  secret  de  donner  au  cuivre  la  cou- 
leur de  l'or.  En  1G87,  ''  ^^'^  chargé, 
par  l'électeur  de  BrandeLourg ,  de 
visiter  les  mines  d'Allemagne  et  d'I- 
talie. Ce  voyage  lui  fournit  l'occa- 
sion de  faire  de  nouveaux  essais ,  et 
de  recueillir  une  foule  d'observations 
curieuses  sur  le  règne  minéral.  Ayant 
prolongé  son  séjour  en  Italie  au-delà 
du  terme  qui  lui  avait  été  fixé,  on  le 
soupçonna  d'avoir  abandonné  la  Ré- 
forme. Ses  talents  et  les  recomman- 
dations dont  il  était  porteur  l'avaient 
fait  accueillir  par  le  cardinal  Barbc- 
rini ,  qui  le  logea  dans  son  palais.  11 
quitta  Pxome  ,  en  1690,  sans  prendre 
congé  du  cardinal ,  et  se  hâta  de  re- 
venir à  Berlin.  Ayant  trouvé  l'élec- 
teur prévenu  contre  lui,  il  jugea  pru- 
dent de  regagner  la  Hollande.  Forcé 
de  se  procurer  des  ressources,  il  ou- 
vrit une  école  à  Utrecht  j  mais  com- 
me il  avait  négligé  d'en  demander 
l'autorisation  elle  fut  fermée  irrévo- 
cablement. Les  amis  qui  lui  res- 
taient encore  l'abandonnèrent  ;  et 
ToUius  ,  avec  le  secret  de  faire  de 
l'or,  mourut  dans  la  misère,  le  2'.>. 
juin  1G9G.  On  lui  doit,  comme  phi- 
lologue ,  une  édition  d'^nsone  , 
Amsteidam,  iOGf)ou  iG^i  ,  in-8". 
(';■.),  qui  fait  partie  de  la  collection 
Fariorum  ;  et  une  excellente  édition 
de  Lori^in ,  Utrecht,  iGg'j  ,  in-4". , 
avec  une  version  latine  et  des  noies, 
et  la  tradu(  tion  française  de  Boileau 
{F.  ce  nom  ).  Il  a  donné  des  traduc- 


{1']  Tollnm  a  Hitfré  dana  rrlt^  l'dlllon  In  ttrlnlinn 
d'un  voyage  (jii'il    nvnil  fiil  n  Gratz  m    if)Gn, 


TOL 

lions  latines  de  l'ouvrage  de  Bacchi- 
ni  :  De  sistris,  Utrecht,  i6g6,  in- 
^°., insérée  àausleThesaiir.antiquit. 
rcmanar.  de  Grœvius  ,  tome  vi  j  et 
de  la  Borna  vêtus  de  Fam.  Nardini, 
dans  le  tome  iv  du  même  recueil.  Il 
promettait  des  éditions ,  enrichies  de 
notes,  de  Lucien,  deSalluste,  de 
Florus ,  de  Phèdre  et  de  l'opuscule 
d'Artéraidore,  Des  Songes.  Ses  au- 
tres ouvrages  sont  :  I.  Gustus  ad 
Lo?iginwn,  cuin  observatis  in  Ora- 
tionem  Ciceronis  pro  Archid,  Ley- 
de,  1667,  iii-^".  II.  Fortuita,  in 
quitus  ,  prœter  critica  nonnulla , 
totafahularis  historia  grœca ,  pkœ- 
nicia ,  cpgyptiaca  ad  chemiam  per- 
tinere  asseritur,  Amsterdam,  1 686, 
in-80.  de  5^5  pag.  Son  but ,  dans 
cet  ouvrage ,  est  de  prouver  que  tou- 
tes les  fables  de  l'antiquité  ne  sont 
que  des  allégories  alchimiques;  c'est 
ce  qu'a  vouhi  faire  depuis  D.  Pernc- 
ly  (  F.  ce  nom ,  XXXllI  ;  Sgo  ) , 
dans  son  ouvrage  intitulé  -.Fables 
égyptiennes  et  grecques ,  déi>oilées 
et  réduites  au  même  principe.  III. 
Manuductio  ad  cœlum  chemicum , 
ibid.,  1688,  111-8".  de  16  pag.  Tol- 
lius  y  rend  compte  de  la  méthode 
qu'il  a  suivie  pour  parvenir  à  la  dé- 
couverte sublime  de  la  pierre  philo- 
sophale.  Il  assure  que  dans  trois  ou 
quatre  jours  ,  et  avec  une  dépense  de 
trois  ou  quatre  florins,  on  vient  à 
bout  de  faire  de  l'or.  Mais  il  avertit 
que  les  jours  dont  il  parle  sont  des 
jours  piiilosophiques ,  et  qu'on  se 
tromperait  en  les  mesurant  par  la 
durée  de  vingt-quatre  heures.  IV. 
Sapienlia  insanicns  ,  sii>e  promissa 
chimica ,  ibid. ,  iGSî),  111-8".  de  04 
pag.  C'est  l'exjjlication  de  l'opuscule 
du  prétendu  Basile  Valentin  :  Cur- 
sus triiunphalis  anlimonii.  Les  noms 
de  Hasile  Falcnlin  signifient,  sui- 
vant Tollins  ,  régule  puissant;  c'est- 


TOL 

à-dire,  le  mercure.  Voy.  l'aualyse 
de  cet  ouvrage,   dans  la  Bibliolh. 
universelle  de  Leclerc,  xui ,  204- 
14.   V.  Insignia   itinerarii    italici, 
quibus  continentur  antiquitates  sa- 
crée,  Utreclit,  1696,  iii-4'^.  C'est  uu 
recueil  de  pièces  anciennes  que  Tol- 
lius  avait  rapportées  de  son  voyage 
en  Italie.  Ce  volume  devait  être  suivi 
de  deux  autres ,  contenant  les  Opus- 
cules de  chirurgie ,  que  les  Grecs 
nous  ont  laissés ,  et  les  Fragments 
des  poètes  grecs  relatifs  a  la  chimie. 
VI.  EpistoLe   ilinerariœ ,  observa- 
tionibus  et  ftguris  adomatœ ,  curd 
et  studio    Henr.    Chr.    Jlenninii , 
Amsterd.,    l'joo  ou    \']\!\^  in-4'-'. 
C'est  le  seul  ouvrage  de  Tollius  qui 
soit  recliercliè.  Ces   letti'es   renfer- 
ment beaucoup   de  détails    intéres- 
sants ,  particulièrement  la  cinquième , 
qui  est  la  relation  de  son  voyage  en 
Hongrie.  \II.  Comparaisons  de  Pin- 
dare  et  d'Horace  ,  de  Tbéocrite  et 
de  Virgile,  etc.,  dans  les  Disserta- 
tiones   selectœ  criticœ   de  poetis , 
gr.  et  lat.  ^  publ.  par  J.  Berkelius  , 
Leyde ,    17041    in-8'^.   Hennin  pro- 
mettait   une    Vie    détaillée    de   J. 
Tollius;  mais  elle  n'a  point  paru. 
Outre  le   Trajectum   eruditum    de 
Burmann  ,  on  peut  consulter  les  art. 
Tollius  y  dans  le  Dict.  de  Chaufepié, 
où  l'on    trouvera  quelques  Lettres 
inédites  de  Jacques  tt  de  Corneille. 
W— s. 
TOLLIUS  (^Hermann),  philologue 
hollandais,  né,  à  Breda,  le  28  février 
I  ']/^'î  ,  fit  de  bonnes  études  de  litté- 
rature ancienne  et  de  jurisprudence, 
à  l'université  de  Leyde ,  et  y  fut  pro- 
jnu  docteur  en  droit,  en  l'-GS.  Henis- 
terhuis  et  Ruhukcnius  l'ayant  décidé 
à  suivre  la  carrière  où  ils  brillaient 
eux-mêmes  au  premier  rang,  Tollius 
fut  appelé  ,  en  1 767 ,  à  une  chaire 
d'histoire ,  d'éloquence  et  de  grec ,  à 


TOL  2i3 

l'académie  de  Hardervvick,  et  il  en 
prit  possession  par  un  discours  qui 
eut  le  plus  grand  succès ,  et  où  il  éta- 
blissait  :   Etiamnum   superesse    in 
grœcis  litteris  ex  quo  graviores  dis- 
ciplinée decus  ac  prœsidium  capere 
possint.  Par  un  exemple  alors  trop 
rare  parmi  les  érudits  hollandais,  il 
donnait  volontairement  des  cours  de 
langue   et    de  littérature   nationale. 
Profondément  afiecté,  en   1776,  de 
la  perte  d'une  épouse  qu'il  adorait , 
il  imagina  de  se  distraire  de  son  cha- 
grin en  voyageant  ;  et,  après  en  avoir 
obtenu  l'autorisation  ,  il  vint  à  Paris, 
où  il  se  livra  à  la  recherche  des  ma- 
nuscrits de  la  bibliothèque  du  roi  et 
à  la  fréquentation  des  savants.  Il  était 
occupé  de  recueillir  des  matériaux 
pour  l'édition  qu'il  projetait  dès-lors 
duLexique  d'Apollonius,  lorsqu'il  re- 
çutavisdesa  vocationàl'illustreAthé- 
née  d'Amsterdam,  pour  y  remplir  la 
place  que  venait  de  laisser  vacante 
Pierre  Burraaimj  et  l'ayant  acceptée,  il 
prononça ,  à  son  installation  ,  un  dis- 
cours :  De  Gerardo  Johanne  Fos- 
sio  ,perJecto  grammatico.  En  1 784  , 
le  stathouder  Guillaume  V  jeta  les 
yeux   sur    Tollius    pour  l'éducation 
de  ses  enfants-  mais   ces  nouvelles 
fonctions  le  firent  envelopper  dans 
toutes  les    disgrâces  qui   ne    tardè- 
rent pas  à  foudre  sur  la  maison  d'O- 
range. 11  les  partagea  avec  uu  dé- 
vouement parfait;  et  la  famille  sta- 
thoudérienue  l'honora  de  toute  sa  con- 
fiance. 11  en  reçut  la  preuve  dans  di- 
verses administrations  ,   gestions  et 
missions  dont  il  fut  successivement 
chargé,  et  dout  l'une  le  retint  en  Po- 
logne pendant  plusieurs  années.  Re- 
venu dans  sa  patrie,  Tollius  fut  nom- 
mé, en  1809,  professeur  de  statisti- 
que et  de  dipuomatie  a  Leyde.  Sa  ha- 
rangue inaugurale  traitait  De  fine 
stalistiçes ,  quœ  vocalur,  hodicrnœ' 


'4 


TOL 


Au  Lout  de  quelque  temps,  il  échan- 
gea cotte  chaire  contre  celle  de 
littérature  grecque  et  latine  ,  qu'il 
avait  anciennement  occupée.  11  mou- 
rut à  Leyde,  en  iS'xi  ;  et  jamais 
])erte  ne  fut  signalée  par  de  plus 
honorables  regrets.  Le  roi  des  Pays- 
Bas  l'avait  créé  chevalier  de  l'or- 
dre du  Lion -Belgique.  Il  était  mem- 
bre de  l'institut  royal  de  Hollande 
et  de  plusieurs  académies.  Dans 
le  temps  de  sa  proscription  ,  il 
avait  refusé  de  l'emploi  en  Angle- 
terre, en  Allemagne  et  ailleurs.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  L  Apol- 
lonii  Lexicon  Homericum  ';  grœcè  , 
cum  notis  Filloisonii  et  H.  Tollii , 
Leyde,  1788,  in  -  8".  Les  observa- 
tions de  ïollius  réunissent  le  mérite 
à  la  brièveté.  11  a  abrégé  celles ,  im 
peu  dilluses,  de  Villoison.  II.  Diffé- 
rents écrits  polémiques  sur  les  affai- 
res du  temps.  La  plupart  ont  été  pu- 
bliés ;inonymes.  On  distingue  dans  le 
nombre  un  Mémoire  sur  les  malheurs 
de  la  Hollande  et  le  remède  à  v  ap- 
porter ,  publié  sous  la  rubrique  d'An- 
Vers  ,  I  -96  j  en  hollandais  et  en  fran- 
çais; et  une  Réfutation  remarquable 
du  Mémoire  à  consulter  des  juriscon- 
sultes Bavius  Voorda  et  Jean  Valc- 
ken.ter,  dans  l'ad'aire  du  sfatliouder 
Guillaume  V,  même  année.  Tll.  Un 
Recieil  d'écrits  politiques  ou  Mémoi- 
res concernant  la  république  desPro- 
vir-'cs-Unies  ,  3  vol.  in- 8".,  i8i4- 
1816.  11  a  enrichi  d'une  bonne  Bio- 
graphie les  Opuscula  academica  de 
son  ami  Nicolas  Paradys  ,  professeui- 
en  médecine  à  Leyde ,  1 8 1 3.  M — oy. 

TOLOMAS    (CHARLES-PltKRE 

Xavier),  jésuite,  né,  en  i-JôG,  à 
Avignon,  se  consacra  de  bonne 
heure  à  la  carrière  de  l'enseigne- 
ment. Knvovf ,  par  ses  supéricius,  à 
Lyon  ,  il  Y  professa  les  hellrs-leltres 
au  collège  delà  Trinilc-,  et  fut  admis 


TOL 

à  l'académie ,  dont  il  devint  l'un  des 
membres  les  plus  assidus.  Ayant ,  en 
1755,  attaqué  les  encyclopédistes, 
dans  une  harangue  latine,  d'Alem- 
bert  écrivit  à  l'académie  de  Lyon 
pour  lui  demander  l'exclusion  du  P. 
Tolomas  :  elle  refusa  de  servir  la 
vengeance  du  philosophe  ;  mais  les 
amis  de  d'Alembert  ayant  déclaré 
qu'ils  se  retireraient  (i),  le  P.  To- 
lomas donna  sa  démission.  11  suc- 
céda ,  dans  la  place  de  bibliothé- 
caire, au  P.  Jouve,  quePernetti  cite, 
avec  éloge,  dans  les  Lyonnais  dignes 
de  mémoire ,  et  mourut  en  1 7G3.  On 
a  de  lui  :  \.  Dissertation  sur  l'hyène, 
1755,  in-12.  Le  but  de  l'auteur  est 
de  prouver  que  l'animal  féroce  qui, 
l'année  précédente,  avait  jeté  l'épou- 
vante dans  les  campagnes  voisines 
n'était  point  une  hyène  ,  mais  un 
loup  de  la  grande  espèce.  Delan- 
dine  trouve  ce  Mémoire  savant  et 
curieux.  II.  Dissertation  sur  le  ca- 
fé,  1757,  in- i'2.  Il  en  conseille 
l'usage  aux  personnes  studieuses.  III. 
Discours  sur  la  philosophie  d'Epic- 
tète  (2),  1760,  in-8".  C'est  une  ré- 
ponse aux  attaques  dirigées  contre  ce 
philosophe  par  J.  -B.  Rousseau  (3). 
Ce  sont  les  seuls  ouvrages  imprimés 
du  P.  Tolomas;  mais  on  conserve  de 
lui ,  parmi  les  manuscrits  de  la  biblio- 
thèque de  Lyon ,  un  assez  grand  nom- 
bre de  Mémoires  et  de  Dissertations, 
entre  !es(|uels  nous  citerons  :  De  l'ar- 
chitecture des  Egyptiens.  Il  leur 
attribue  l'invention  de  la  belle  archi- 
tecliirc ,  dont  on  fait   honneur  aux 


f>U;'.l..;tlir  l.s  nMlnl.r.  .  I.s  l.luMllsliuKiir.s  ,1. 
riuiideiiili!  .!<■  I,\.i.i,  Alleon  Dular,  ('..hUoii,  Moi. 
lu.-lu,  VahW  Andia  ,  etc.  V..y.  le  CauU.  <l.-s  m,,- 
niiyriils,  III,  Hnii.  I,ii  r<irTes|><iiicliiiicc  de  Mnllion 
de  Lacoui*  avec  Montiiclu,  conservée  en  niaiiu>ciil 
clieA  M.  Ili>iicliurlat ,  Juuiie  du  grands  détails  .sur 
ii>ule  cette  u  lia  ire. 

{■f.\  Et  iiun  pas   A'I''picuie,  ooinme  le  disBiil  Iuik 
le,  l'jirùonnu),.-,. 
^3)  OiU  «  l'abbe  Courlin  ,  Il ,  i- 


V 


TOL 

Grecs.  Ceux-ci ,  dit-il ,  se  sont  con- 
tentes lie  dounei'  de  nouveaux  noms 
aux  ordres  dont  les  Égyptiens  avaient 
détermine  les  proportions. — De  l'art 
de  fortifier  la  mémoire.  C'est  uu 
nouvel  examen  de  la  méthode  pro- 
por.ée  par  Quintilieu. —  Deux  Dis- 
sertations sur  la  mélographie  ou 
déclamation  ornée  des  anciens. — Re- 
cherches sur  les  feux  de  joie  des 
anciens  ,  et  sur  l'invention  de  la 
poudre  à  canon.  Le  P.  Tolomas  con- 
jecture que  l'usage  de  la  poudre  est 
plus  reculé  qu'on  ne  le  croit  ordinaire- 
ment (4)(^-  SCIIWARTZ  ^XLljS'yOj. 

—  De  la  Superstition  des  nombres  , 
ou  dissertation  sur  les  années  ciimac- 
tériques.  —  Sur  la  sympathie  et 
V antipathie.  Voyez  pour  plus  de  dé- 
tails les  Manuscrits  de  la  hihlioth. 
de  Lyon ,  par  Delandine.    W — s. 

TOLOlVIEI  (  Jean -Baptiste  )  , 
cardinal ,  était  né  le  3  décembre 
i653  ,  k  Florence  ,  d'une  famille 
patricienne ,  originaire  de  Sienne  , 
mais  établie  à  Pistoic.  Après  avoir 
commencé  ses  études  ,  sous  les  Jé- 
suites ,  à  Florence  ,  il  les  continua 
successivement  à  Pise  et  à  Rome ,  où 
il  acheva  son  cours  de  philosophie 
au  collège  Clémentin.  Il  revint  en- 
suite à  Pise  étudier  le  droit  et  la  théo- 
logie, et  retourna  ,  bientôt  après,  à 
Rome  ,  où  il  embrassa  la  règle  de 
Saint  Ignace.  Les  succès  qu'il  obtint 
dans  l'enseignement  étendirent  sa  ré- 
putation dans  toute  l'Italie.  Le  pape 
Clément  XI  l'employa  dans  toutes 
les  affaires  importantes  j  et,  pour  le 

(4)  Sinviuit  les  autriirs  ar;il>f-T  ,  dî's  i'aniiee  1 1  "»<», 
les  Maures  d'Afrique  assièges  dans  .\icbla  en  An- 
dalousie, parles  Ironies  de  Cas! i lie  et  de  Grenade, 
Hrent  usage  de  canons  ,  Tira  de  1ni.jno  ron  f'uè- 
^o  (coups  de  tonnerre  avec  du  feu)  ce  qui  ne  penh 
se  rapporter  (ju'à  l'arlillcric  moderne  et  non  point 
au  feu  gri'geois  des  ancieuii  ,  qui  brûlait  sans  faire 
explosion.  (  y .  Conde  ,  ///(/.  de  la  dominaiion  de 
los  Aïoies  en  ICi/inna,  tome  III  ,  et  V ylrl  de  vé- 
rifier les  dalts,  troisième  partie,  tom.  m,  p.  '8.  ) 
A— T.     ' 


TOL 


2\5 


récompenser  des  services  qu'il  avait 
rendus  à  l'Église ,  le  créa  cardinal , 
en  I  -^  I  i..  Le  P.  Tolomei  se  défendit 
d'accepter  cette  dignité  ;  cédant  en- 
fin aux  ordres  de  ses  supérieurs  ,  on 
lui  permit  du  luoins  de  ne  rien  chan- 
ger aux  habitudes  qu'il  avait  con- 
tractées depuis  quarante  ans.  Ainsi 
le  nouveau  piélat  continua  de  man- 
ger à  la  table  commune  avec  ses  cou- 
frères  ,  et  conserva  son  modeste  ap- 
partement au  collège  germanique  , 
dont  il  était  alors  recteur.  Dans  les 
dernières  années  de  sa  vie,  il  lut  ac- 
cablé d'infirmités,  et  mourut  le  i8 
janvier  17.^0,  laissant  la  réputation 
d'un  théologien  profond  et  d'un  ha- 
bile critique.  Le  P.  Tolomei  possé- 
dait toutes  les  langues  de  l'Europe , 
et  avait  des  connaissances  fort  éten- 
dues dans  toutes  les  sciences.  Il  n'a 
cependant  publié  qu'un  cours  de  phi- 
losophie sous  ce  titre  :  Philosophia 
mentis  et  sensuum ,  Rome,  if>9^  , 
in-fol.  Un  supplément  aux  Contro- 
verses de  Bellarmin  ,  dont  il  s'occu- 
pait depuis  vingt-ans  ,  est  demeuré 
inédit.  —  Nicolas  Tolomei  ,  de  la 
même  famille ,  né,  à  Sienne ,  en  1 699, 
entra  dans  l'ordre  des  Jésuites ,  se 
lit  remarquer  par  son  talent  pour 
la  prédication  à  Rome  et  à  Florence  ; 
il  mourut ,  dans  cette  dernière  ville, 
peu  de  temps  après  la  suppression  de 
son  Ordre ,  en  1774-  Son  ouvrage 
intitulé  :  Pocation  de  Saint  Louis 
de  Gonzague ,  jésuite  ,  est  devenu 
classique  ,  et  a  obtenu  plus  de  trente 
éditions  du  vivant  de  l'auteur.  W-s. 
TOLOMMEI  (Claude),  httéra- 
teur  ,  naquit  d'une  ancienne  famille, 
à  Sienne,  en  il\()'i.  Destiné  au  bar- 
reau, il  étudia  le  droit,  et  prit  les 
degrés  de  docteur.  On  ignore  les  mo- 
tifs qui  le  portèrent  à  y  renoncer  ; 
mais  on  sait  qu'il  voulut  être  ensuite 
publiquement  dépouille  de  son  laurier 


ai6 


TOL 


doctoral.  En  i5 1 6 ,  il  se  rendit  à  Ro- 
me où  il  se  rapprocha  du  parti  papal, 
qui  méditait  la  perte  de  Sienne.  On 
croit  que  Tolommei  fut  de  l'expédi- 
tion dirigée  conti'e  cette  république , 
en  i526.  Banni  de  sa  patrie,  il  s'at- 
tacha de  plus  en  plus  à  la  cause  de 
Rome ,  et  entra  au  service  d'Hippolyte 
de  Médicis,  qu'il  suivit  à  Bologne. 
En  i532  ,  il  se  rendit  à  "Vienne  pour 
régler  les  intérêts  de  ce  cardinal.  Pri- 
vé (i535)  de  c<;t  appui,  il  accepta 
les  offres  de  Pierre  -  Louis  Farnèse 
(  Fej.cenom,  XIV,   169),  qui, 
par  ses  débauches ,  était  devenu  un 
objet  de  mépris  pour  tout  le  monde. 
Tolommei ,  qui  ne  voyait  en  lui  que 
le  fils  du  pape ,  s'estima  très-heureux 
d'appartenir  à  un  tel  maître.  II  em- 
ploya tous  les  moyens  pour  en  gagner 
la  faveur  ;  et  il  en  obtint  une  place  de 
magistrat,  dès  que  Paul  III  eut  posé 
sur  la  tète  de  cet   homme   dissolu 
la  couronne  de  Parme.   Effrayé  par 
le  meurtre  de  son  prolecteur,  Tolom- 
mei alla  chercher  un  abri  à  Padoue , 
où  il  donna  un  cours  de  morale ,  d'a- 
près les  principes  d'Aristote  (  F.  Fi- 
GMUcci  ,  XIV,  5io).  Il  y  apprit 
bientôt  (1549)  sa  nomination  à  l'é- 
vêché   de  Corsola  (1).  et  non  pas 
de  Toulon  ,   comme  l'a  cru  Ugur- 
gieri    (2).    Ses   compatriotes  ,    ou- 
bliant ses  torts  envers  eux,  le  mi- 
rent au   nombre  des  seize  citoyens 
charg('S  de  réformer  les  lois  de  leur 
pays.  Tolommei  ne  fut  pas  moins  sen- 
sible à  cotte  marque  d'estime  qu'il 
l'avait  été  en  recevant  l'avis  de  son 
rappel  (  i54G).  Il  prit  part  aux  tra- 
vaux de  cette  assemblée,  présidée 
par  le  cardinal  IVlignanelli  ;  et  il  y  ap- 
priya  l'opinion  de  ceux  qui  croyaient 
devoir  s  en  tenir  à  la  protection  d'u- 

{.)  r.lil..  ;in   rjp  rAdrii.ll.|un,    i.»r  I.'.  c6l«    do 
l'IIlvri»-. 

(ï)  Puiii/it  Saimi ,  »••  jmrt. ,  pag.  573. 


TOL 

ne  puissance  étrangère.  Envoyé  au- 
près de  Henri  II ,  pour  resserrer  lesi 
nœuds  entre  Sienne  et  la  France ,  il 
luifit  un  Discours  au  nom  de  ses  com- 
patriotes ,  et  resta  auprès  de  ce  mo- 
narque jusqu'à  la  fin  de  1 554-  En  re- 
venant de  cette  mission ,  il  mourut ,  à 
Rome,   le    u3   mars  i555.  Rempli 
de  zèle  pour  les  progrès  des  lettres , 
il  fonda  les  académies  de  la  Vertu  et 
de  lo  Sdegno ,  destinées  à  propager 
les  bonnes   études.    La    première  , 
parmi  quelques    pratiques  ridicules 
(/^o^.  Annibal  Caro,  VIT  ,  172), 
prit  à  tache  d'éclaircir  le  texte  de 
Vitruve.  On  peut  lire,  dans  les  ou- 
vrages de  Tolommei,  une  Lettre  (3) 
où    il   trace    la   méthode  à   suivre 
dans  ce  travail ,  et  dont  on  pour- 
rait encore  profiter  de  nos   jours. 
Ce  sont  peut-être  les  seules  pages  rai- 
sonnables  qu'il  ait  écrites.  Engagé 
dans  une  dispute  avec  le  Trissin  ,  il 
lui  reprocha  l'inutilité  des  nouveaux 
signes  dont  ce  littérateur  voulut  en- 
richir l'alphabet  itahen  {F.  Trissin). 
Il  l'accusa  môme  ,  avec  autant  d'in- 
justice que  d'aigreur,  de  s'être  ap- 
proprié les  tra.vaux  de  l'académie  des 
Intronati  (4)  de  Sienne ,  qui,  d'après 
lui ,  avaient  été  les  premiers  à  discu- 
ter ce  point.  Embrassant  avec  ardeur 
les  questions  les  plus  futiles ,  il  com- 
posa uu  lourd  Dialogue  pour  exami- 
ner quel  nom  Ton  donnerait  à  une  lan- 
gue qu'on  parlait  depuis  tant  de  siè- 
cles. On  en  avait  j)roposé  })lusieur&., 
chacun  desquels  trouvait  des  apo- 


(Vl  I.eltrfc  ,  llv.  m  ,  png.  ll.'|. 

(/[)  M  (liiil  paiallrt-  peu  proliiiMc  que  Tolommpi  , 
vivant  i\  Koinc  <]i'|iuis  i5i(>,  et  Ireiupiiul  da"»  tous 
les  complots  de  Ck-inetit  VU  ctiutrc  la  liberté  de 
Sienne  ,  ail  pu  concourir  ii  In  fondation  dos  /«• 
Ininali ,  en  iSiS  ;  mais  ou  le  trouve  inirrit  sur  le» 
premiers  rcgintres  de  celte  ncademic  (  f^.  <i'l?l' > 
Oiaiiit  saii.sc  ,  1  ,  «/l  )  ,  oii  il  avait  pris  le  non» 
de  Sollilr.  Pans  le  inème  vol.  ,  paR.  ^HS  et  suiv.  . 
on  donne  rindirniiun  d«  plujiïur»  ouvrage»  iu«- 
dit»  d«  Toluiiimai, 


TQL 

logisles.   Le  ïrissin  et  Muzio  au- 
raient voulu   qu'elle  s'appelât  ita- 
lienne;  Varclii   et  BemLo,  Jloren- 
tine;  GelseCittadini,  Bulgarini,  Bar- 
gagli ,  siennoise;  d'autres ,  vulgaire, 
taudis  que  Tolommei  s'efforçait  de 
lui  obtenir  le  titre  de  toscane.  Ces 
débats  furent  aussi  longs  qu'animés  ; 
et  ils  n'eurent  d'autre  résultat  que  de 
laisser  chacun  libre  dans  son  choix.. 
On  ne  fut  pas  plus  heureux  dans  les 
changements  qu'on  se  flatta  d'intro- 
duire dans  les  règles  de  la  poésie  ita- 
lienne. Désespérant  de  s'élever  à  la 
perfection  des  grands  modèles ,  on 
essaya  de  tous  cotés  d'inventer  de 
nouveaux,  mètres,   pour  échapper, 
disait-on,   à  la   monotonie   et  à  l'i- 
mitation. On  fit  des  vers  de  dou- 
ze, de  quatorze,  de  seize  et  jusqu'à 
dix-huit  syllabes.  Au  milieu  de  tant 
d'essais    malheureux ,    parurent  les 
hexamètres  et  les  pentamètres  de  To- 
lommei ,  qui  prétendit  soumettre  la 
poésie  italienne  aux  principes  de  la 
versification  latine.  Il  eut  d'abord 
quelques  imitateurs  ;  mais  l'oreille  , 
le  seul  bon   juge  de  tout  ce  qui  a 
rapport  à   l'harmonie  ,    fit  bientôt 
justice    de    cette   innovation  ,   qui  , 
dans  le  siècle  précédent ,  avait  déjà 
e'choué  entre  les  mains  de  Léon-Bap- 
tiste Alberti.  Nous  ne  croyons  pas  que 
parées  travaux,  Tolommei  doiveêtre 
déclaré  ,  comme Tiraboschi  l'a  fait, 
l'un  des  écrivains  les  plus  heneme- 
ritiàç  la  langue  italienne.  Ses  ouvra- 
ges sont  :  \.  Délie   lettere  nuova- 
mente  aogîunte  (à  l'alphabet  ita- 
lien )    :  libre   di  Adriano    Franci 
intitolato  il  Polito.  Rome  (i524) , 
in- 4°.  C'est  une  réfutation  de  l'ou- 
vrage du  Trissin ,  sur  le  même  su- 
jet.   Tolommei  s'est  caché   sous  le 
nom  de  Franci.  II.    Orazione    (  à 
Clément  VII)   délia  pace  ,    ibid. , 
i534,   {0-4**.   III.  Fersi  e  regole 


TOL  217 

délia  niiova  poesia  toscana ,  ibid. , 
iSSg,  in-4".  avec  le  portrait  de  To- 
lommei. 1\ .  Lettere  libri  sette  ,  Ve- 
nise, 1547  ,  in-4°.;  traduit  en  fran- 
çais par  Vidal ,  Paris,  iSns,  in-8". 
Les    académiciens    de    la    Crusca 
citent  la  réimpression  de  i55g,  in- 
8°. ,  moins  complète   que  l'édition 
originale.  V.  Due  Orazioni  in  lin- 
gua  toscana  :  accusa  e  difesa  con- 
tra  Léon  segretario  ,    di  segreti 
svelati ,  Parme,   i548,  in -4".  C'est 
nu  exercice  de  rhéteur  sur  un  crime 
imaginaire.  VI.    Orazione   recitata 
adEnrico  II  a  Cojnpiègne  ,  il  me  se 
di  décembre ,  1 55 2,  Lyon,  i553, 
in-S*^.,  suivi  de  quelques  Sonnets  en 
l'honneur  de  madame  Marguerite  de 
Francertrad.enfrançais, Paris,  i553, 
in-4°.  VII.  //  Ces  a  no  ^  dialugo  net 
quale  si  disputa  del  nome ,  col  qua- 
le  si  dee  ragionei>olmente  chiama- 
re  la  lin  gua  vol  gare  ,  Venise ,  i555  , 
in-4*'.  Cesano  est  le  ifimd'un  com- 
patriote de  l'auteur,  qui  fut  aumô- 
nier de  Catherine  de  Médicis.  L'abbé 
MorelH  a  rendu  compte,  dans  un  jour- 
nal italien  intitulé  :  il  Poligrafo  (Mi- 
lan,  181-2,  n°s.  19  et  20),  d'un  pe- 
tit ouvrage  inconnu  à  tous  les  biblio- 
graphes ,  et  dans  lequel  Tolommei 
établit  un  dialogue  entre  le  Politien 
et  Jason  del  Maino.  Il  est  intitulé  :  De 
corruptis  %>erbis  juris  civilis.  Voy. 
Poleni ,  Exercitationes  Vitruvianœ  , 
pag.  5o  ,  et  Tiraboschi,  quia  doimc 
le  plus  de  détails  sur  cet  auteur. 
A— G — s. 
TOLOSANI  (Antoine),  général 
de  l'ordre  de  Saint- Antoine  de  Vien- 
ne, né  en  1 555,  à  Toulouse,  d'une 
maison  illustre,  originaire  de  Savoie  , 
prit,  en  1596,  l'habit  des  chanoines 
réguliers,  dont  il  devait  être  le  ré- 
formateur, dans  l'abbaye  chef  d'or- 
dre en  Daiiphiné,  et  fut  élu  abbé  dès 
l'année  suivante.  Il  traça  aussitôt  le 


ai8  TOL 

plan  de  réforme,  qui  produisit  les  pins 
heureux  résultats.  Toîosaui  joignait  à 
uue  grande  piété  une  profonde  érudi- 
tion. Il  fut  un  des  plus  habiles  prédi- 
cateurs de  son  temps.  Ses  [piahtés  et 
ses  talents  hii  acquirent  hi  conliance 
et  l'estime  des  habitants  de  la  pro- 
vince du  Dauphinc,  où  il  fut  le  il  eau 
des  Calvinistes,  le  restaurateur  des 
boimes  mœurs  et  le  destiuctcur  des 
vices,  surtout  de  l'usure  ,  qui  y  était 
portée  aux  derniers  excès.  Il  compo- 
sa, contre  les  Calvinistes,  divers  ou- 
vrages :  I.  Démonstration  que  ce 
que  l'Eglise  enseigïiede  la  présence 
réelle  7i'est  que  la  parole  de  Dieu , 
etc. ,  le  tout  distribué  en  dix-huit 
Dialogues  dédiés  au  roi ,  Lyon  , 
i(io8.  II.  ^j' Adresse  du  salut  éter- 
nel ,  et  antidote  de  la  corruption 
qui  règne  dans  ce  siècle ,  et  fait 
perdre  continuellement  des  pauvres 
âmes,  dédié  à  ia  reine ,  Lyon,  i6 1 u, 
m  -8°.  III.  Prétextes  de  la  religion 
prétendue  réformée  ,  desquels  elle 
s'est  servie  pour  subtilement  et  com- 
me insensiblement  faire  glisser  ses 
pernicieuses  erreurs  dans  les  cœurs 
de  ceux  qui  n'ont  scu  s'en  aperce- 
voir, et  du  vrai  et  inj'aillible  moyen 
pour  bien  entendre  la  parole  de 
Dieu,  quelle  déprave  et  corrompt 
tant  et  plus ,  Lyon,  i6i4,  i»  -  f'-*- 
Tolosani  mourut  en  odeur  de  sainte- 
té ,  le  12  juillet  16 1 5.  Jean  de  Loyac 
a  écrit  sa  Vie  ,  qui  a  été  imprimée  à 
Paris,  en  iG4'>,  in-8".,  sous  le  ti- 
lic  du  Bon  prélat.  Z. 

TOLSTADIUS  (Éric),  ministre 
d'une  paroisse  de  Stockholm,  né  en 
\i'y]i  ,  mort  en  l'J^î),  fut  un  des  pre- 
miers qui  pcriccliounèrcnt  en  Suède 
l'éloquence  de  la  chaire.  Ses  sermons 
.iltiiaient  (ui  grand  nombre  d'audi- 
teurs, et  furent  Irès-goûtés  à  la  cour. 
Accuse  par  ses  confrères  de  donner 
dans  les  erreurs  des  piétistes,  et  d'é- 


TOL 

tre  partisan  du  fameux  Dippelius , 
qui  s'était  rendu  en  Suède,  il  fut  tra- 
duit devant  les  tribunaux;  mais  il  se 
défendit  avec  courage,  et  fut  protégé 
par  l'opinion  publique,  qui  avait  tou- 
jours été  en  sa  faveur.  La  réputation 
de  son  éloquence  se  répandit  même 
dans  l'étranger  ,  comme  on  le  voit 
par  les  dixième  et  treizième  jjarties 
de  l'ouvrage  allemand  intitulé:  Geist- 
liche  Fama ,  Renommée  ecclésiasti- 
que. Les  Sermons  de  Tolstadius  ont 
été  imprimés  au  nombre  de  onze ,  et 
sont  encore  très -répandus  en  Suède. 
On  en  voit  la  Notice  dans  Stricker , 
homilet.  Bibh,  p.  i4o.     C — ^au. 

TOLSTOY  (  Le  comte  Pierre  ) , 
issu  d'iHie  ancienne  famille  alleman- 
de qui  vint  s'établir  en  Russie,  dans 
le  quatorzième  ziècle,  naquit  vers  le 
milieu  du  dix-septième,  et  occupa, 
sous  trois  règnes ,  divers  emplois  à 
la  cour  de  Moscow.  Il  était  capitai- 
ne dans  le  régiment  de  Préohajens- 
ki ,  lorsque  Pierre-le-Grand  l'envoya 
à  Constantinople ,  en  1702,  comme 
ambassadeur.  Les  négociations  qu'il 
dirigea  dans  cette  ville  assurèrent  la 
paix  entre  les  deux  puissances;  et  le 
czar  lui  en  témoigna  sa  satisfaction , 
en  1 7  I  o ,  par  le  don  de  plusieurs  ter- 
res et  le  titre  de  conseiller-privé  ; 
mais  l'ambassadeur  russe  n'obtint 
pas  le  même  succès  lorsqu'il  se  plai- 
gnit de  l'asile  que  la  Porte  avait  don- 
né à  Charles  XII ,  après  la  bataille  de 
PuUawa  :  le  sulthan  AchmetlII,  au 
lieu  de  faire  droità  cette  réclamation, 
])ublia  inie  déclaration  de  guerre  con- 
tre la  Russie,  et,  selon  l'usage,  Ht 
conduire  aux  Sept-Tours  lecomtede 
Toisloy.  Tout  ce  que  possédait  cet 
ambassadeur  fut  livré  au  pillage  de 
la  populace  de  Constantinople  ;  et  il 
resta  jirisonnicr  pendant  deux  ans. 
Rendu  à  la  liberté,  dans  le  mois  de 
iiovemlnc  171/j  ,  il  retourna  à  Mos- 


TOL 

cow  ,  et  fui  amplement  dédommagé 
par  les  bienfaits  de  son  soiiveram , 
qui  lui  lit  encore  don  de  phisieurs 
terres  ,  et  le  créa  sénateur.  Eu  1 7  i(>, 
il  accompap;na  ce  prince  dans  son 
voyage  de  Hollande,  et  fut  cbargé 
de  quelques  négociations  avec  le  roi 
d'Angleterre.  11  suivit  ensuite  Pier- 
re P' .  eu  France  ;  et  ce  fut  de  Paris 
que  ce  monarque  l'envoya  à  Yicnue  , 
avec  uue  lettre  menaçante  pour  Char- 
les VI,  qui  avait  donné  asile  au  lils 
du  czar.  L'empereur,  qui  voulait  évi- 
ter la  guerre  ,  livia  le  malheureux 
Czarévitch;  Tolstov  alla  le  chercher 
à  INaples,  et  le  lameua  prisonniev  à 
Moscow  {Voy.  Alexis,  I,  047)'  Le 
czar  fut  tellement  satisfait  du  zèle 
que  Tolstoj  avait  mis  à  exécuter  ses 
ordres  dans  cette  occasion ,  qu'il  le 
nomma  président  du  collège  de  com- 
merce ,  conseiller  privé,  et  le  décora 
du  cordon  de  Saint-André.  Eu  1 7  1 9, 
il  l'envoya  à  Berlin  ,  pour  uue  négo- 
ciation moins  fâcheuse^  et  dans  la 
campagne  de  Perse  ,  en  1722,  il  se 
lit  accompagner  de  ce  zélé  serviteur , 
qu'il  créa  comte  de  l'empire  le  7 
mai  1723,  et  dont  il  ne  se  sépara 
qu'à  sa  mort.  Sous  le  règne  de  Ca- 
therine pc,^  Tobloy  jouit  de  la  mê- 
me faveur;  et  cette  princesse  le  fit 
siéger  dans  son  conseil  privé;  mais 
lorsqu'elle  eut  fermé  les  yeux,  il  dut 
craindre  que  le  jeune  empereur  Pierre 
II  ne  voulût  un  jour  se  venger  sur  lui 
des  malheurs  de  sou  père ,  et  bientôt 
il  fut  en  ellét  accusé  ,  dans  un  mani- 
feste ,  d'avoir  cherché  à  l'éloigner  du 
trône ,  et  de  s'être  opposéà  son  union 
avec  la  lilk  de  Mcntschikoff.  Cette 
dernière  accusation  était  surtout  bien 
grave  aux  yeux  du  père ,  devenu  l'ar- 
bitre des  destinées  delà  Russie  [f^oy. 
ME^TSCHlKOI  F,XXVilI ,  S^f)).  Le 
comte  Tolstuy  fut  dépouillé  de  ses 
titres,   de  ses   Inens ,   et  renferme 


TOM  xiÇ) 

avec  son  fils ,  le  comte  Jean,  dans  le 
couvent  de  Soloretskoï,  où  il  mourut, 
en  1728 ,  avant  la  chute  de  son  enne- 
mi. Son  fils  ,  cpii  ne  voulut  pas  quit- 
ter cette  prison,  y  mourut  aussi  peu 
de  temps  après.  M — d  j, 

TOMACELLI    (Pierre).   Foy. 

BONIFACE  IX,  V  ,   1  l5. 

TOMASELLI  (Joseph),  natu- 
raliste, né,  en  1733,  à  Soave  près 
de  Vérone  ,  embrassa  l'état  ecclésias- 
tique, s'éloignaut  de  la  société,  qu'une 
surdité  précoce  lui  rendait  peu  agréa- 
ble. Accueillant  les  douîesde  son  com- 
patriote Lorgna  sur  une  prétendue 
découverte  de  Requeno  (  F.  ce  nom , 
XXXYII ,  38i  ),  i!  publia  un  ou- 
vrage contre  la  nouvelle  manière  de 
peindre  à  l'encaustique  ,  et  s'exposa 
aux  reproclîes  de  Tiraboschi ,  qui 
l'accusait  d'avoir  défiguré  un  pas- 
sage de  Pline.  Lorsque  les  Vénitiens 
cherchaient  à  établir  des  nitrières 
artificielles  pour  se  mettre  à  l'abri 
des  vexations  du  fisc,  Tomaselli  fit 
païaître  trois  Dialogues  sur  la  fabri- 
cation du  uitre. Engagé  dans  ces  Ira- 
vaux  ,  il  sentit  la  nécessité  de  se  for- 
tifier dans  l'étude  de  la  chimie ,  dont 
il  fit ,  par  la  suite ,  son  occupation  fa- 
vorite. Partisan  des  nouvelles  théo- 
ries ,  il  ne  craignit  pas  de  se  mesurer 
avec  le  P.  Piui ,  qui  jouissait  d'une 
grande  réputation  comme  chimiste  , 
et  il  défendit  la  nomenclature  de  La- 
voisier  contre  les  attaques  de  ce  cri- 
tique. Il  cultivait  aussi  l'histoire  na- 
turelle ,  et  appelait  souvent  l'attention 
des  académies  sur  des  inventions 
relatives  à  l'industrie  et  à  l'agricul- 
ture. En  1795  ,  il  fut  élu  membre 
de  la  société  agricole  de  Vérone  , 
qui  a  couronné  plusieurs  de  ses  ou- 
vrages. Tomaselli,  qui  jusqu'alors 
avait  négligé  son  style,  se  crut  obli- 
ge d'écrire  en  académicien;  et  lors- 
qu'on  le  chargea    de  continuer  Xn'* 


aao  TOM 

observations  météorologiques  de  Ca- 
gnoli ,  il  lit  une  étude  aprofondie  des 
auteurs  classiques,  pour  rédiger  ses 
notes  avec  élégance.  En  général  ses  ou- 
vrages annoncent  plus  de  patriotisme 
que  desavoir ,  et  la  réputation  du  sa- 
vant y  reste  toujours  au-dessous  des 
efforts  du  citoyen.  Il  est  mort  à  Vé- 
rone, le  2  décembre  i8i8.Ses  prin- 
cipaux écrits  sont  :  I.  Cero^rafia  , 
Vérone  ,  1785  ,  in-8^.  II.  Dialoghi 
sopra  l'arte  di  fare  il  nitro  ,  suivi 
d'iui  Mémoire  sur  la  conservation 
des  vers  à  soie,ibid.  ,  1792,  in-S". 
III.  Risposta  alV  osservazioni  dcl 
P.  Pini  sulla  nuova  teoria  e  no- 
menclatitra  chimica ,  ibid.  ,  1793  , 
in  -  8°.  IV.  Analisi  de  vegetabili  , 
per  arrivarc  alla  conoscenza  de 
generi  e  délie  specie ,  ibid.,  1794, 
'1  vol.  in-80.  C'est  un  extrait  de  la 
Flore  française  de  M.  Lamarck.To- 
maselli  a  publié  aussi  des  manuels 
de  botanique  ,  de  minéralogie  et  de 
zoologie.  V.  Teorie  generali  di 
agricoUura ,  ibid,  ,  1796  ,  in-8''.  , 
ouvrage  couronné.  VI.  Mezzi  di  ri- 
mettere  la  specie  hovina ,  ibid.  , 
1798  ,  in-8'J.  ,  couronné.  Voy.  Del 
Bene^  ElogiodelV  abbate  Tomaselli, 
ibid.  ,  i8'i5,  in-80.         A — G — s. 

ÏOMASINI  (  Jacques-Philip- 
pe ),  né,  à  Pa  doue,  en  1597,  mourut, 
en  1654,  à  Città-Nuova  ,  en  Istrie, 
dont  il  était  c'vèque.  Les  lettres  fu- 
rent son  occupation  habituelle,  et  en 
qiicl(|ue  sorte  la  cause  de  son  éléva^ 
tion  aux  dignités  ecclésiastiques.  Il 
eut  le  courage  de  lutter  contre  le 
mauvais  goût  de  son  temps,  et  d'op- 
poser sans  cesse  Pétrarque  à  Marini. 
Ce  lut  le  motif  principal  de  la  publi- 
cation qu'il  fit,  en  i65o,  du  Petrar 
cha  rcdii'ivus ,  Laurd  comité,  Pa- 
doue  ,  in-4°. ,  fig. ,  où  il  a  rassemblé 
tout  ce  qu'il  avait  ])u  trouver  de 
ce  poète   célèbre  (  fny.   Novi-s  et 


TOM 

PÉtarque  ).  Il  présenta  cet  ou'- 
vrage  à  Urbain  VIII  ,  qui  le  récom- 
pensa par  l'évècbé  de  Città-Nuova. 
Déjà ,  en  i63o  ,  il  avait  publié  en  la- 
tin les  Eloges  des  hommes  illustres 
de  Padoue ,  i  vol.  in-4'*. ,  qui  furent 
réimprimés,  en  i634 ,  2  vol.  Cet 
ouvrage  est  estimé.  Si  l'on  en  croit 
Reinesius,  dans  l'une  de  sesEpîtres, 
un  Danois  nommé  JeanRhode,  qui 
avait  vécu  long-temps  à  Padoue ,  où  il 
s'appliquait  aux  sciences,  en  serait 
le  véritable  auteur,  et  Tomasini  se 
le  serait  attribué  pour  se  frayer  uu 
chemin  au  cardinalat.  Reinesius  sem- 
blp  même  insinuer  que  ïomasini  fit 
doimer  un  canonicat  à  Rhode ,  en 
reconnaissance  d'un  tel  présent.  Rien 
assurément  n'est  moins  prouvé  que 
cette  inculpation  ;  mais ,  le  fait  fùt-il 
vrai ,  on  ne  sait  lequel  serait  le  plus 
blâmable  ,  ou  de  Tomasini  ,  pour 
s'être  attribué  l'ouvrage  d'autrui  aux 
dépens  de  sa  conscience  et  de  sa  répu- 
tation ;  ou  bien  de  Rhode  ,  pour 
s'être  vanté  d'avoir  rendu  ce  service 
à  Tomasini ,  au  risque  de  se  perdre 
d'honneur  par  une  semblable  divul- 
gation. D'Ablancourt  en  usa  bien 
mieux  envers  le  cordelier  Dubosc,  à 
qui  il  abandonna  un  bon  livre  de  sa 
composition  ;  car  il  lui  garda  le  se- 
cret, ce  qui  est  d'un  très-honnête 
homme;  et  il  n'y  eut  que  le  Cor- 
delier qui ,  par  un  autre  trait  d'hon- 
nêteté, le  découvrit  au  public,  et  en 
rendit  la  gloire  à  D'Ablancourt. 
Quoi  (pi'il  en  soit  de  l'assertion  de 
Reinesius  ,  nous  avons  encore  de 
Tomasini  :  I.  Lfne  bonne  édition 
des  Epitres  de  Cassandre  fidèle  , 
avec  sa  Vie.  II.  Les  Annales  des 
chanoinesdc  Saint-Ciecrgcs  inAlgd, 
congrégation  de  prêtres  séculiers , 
dont  il  avait  été  membre  :  cet  ouvra- 
ge est  écrit  en  latin  ,  ainsi  que  les  sui- 
vants. III.     fgri  Patavini  itnaip- 


TOM 

tiones,  1696,  in-4°.;  ouvrage  aug- 
menté par  Jacques  Saloraoui  (F.  ce 
nom  ),  IV.  Historia  gjtnnasii  Pa- 
tavini,  i654,  in-4°-  V.  Tractatus 
de  tesseris  hospitalitatis  ,  Udine  , 
i647,in-4°.,  iig.  YI.  FitaMarci 
Antcnii  Peregrini,  Padoue,  i636, 
10-4".  On  peut  consulter  encore  sur 
sa  personne  et  ses  ouvrages  V Histo- 
ria çymnasii  Patavini,  de  Papa- 
dopoli ,  t.  II ,  p.  1 34  ;  le  P.  Niceron , 
Méni.  ,  t.  XXIX  y  la  Bihlioteca  del 
Cinelli ,  etc.  M  —  g — r. 

TOMBOIT.  F.  Hemricourt. 

TOMITANO  (  Bernardin  ) ,  mé- 
decin ,  né',  à  Padoue  ,  en  1 5o6  ,  fit 
ses  études  à  l'université  de  cette  ville, 
et  en  fut  nommé  professeur  ,  en 
lôSg.  Il  appartenait  aussi  à  l'aca- 
démie des  Infiammati  ,  où  il  ne 
resta  pas  étranger  aux  débats  qui 
éclatèrent  à  l'occasion  de  la  Canace 
(  Foj.  Speroni  ,  XLIII  ,  290  ). 
Écarté  d'une  nouvelle  chaire  à  la- 
quelle il  avait  aspiré,  il  donna  sa  dé 
mission  et  alla  s'établir  à  Venise.  Sa 
renommée  comme  littérateur ,  et  ses 
succès  comme  médecin  ,  lui  acquirent 
une  nombreuse  clientelle.  En  cette 
dernière  qualité ,  il  avait  été  proposé 
par  son  ami  Speroni  au  ducd'Urbin. 
Ayant  perdu  l'espoir  de  servir  ce 
printe,  il  s'attacha  au  célèbre  Ba- 
glioni  (  Foj.  ce  nom  ,  III,  214  )  , 
qu'il  suivit  en  Chypre  ;  et  peu  s'en 
fallut  qu'il  ne  fût  enve!op])é  dans  lo 
massacre  de  la  garnison  de  Fama- 
gouste,  en  i5'yi.  Accablé  de  cha- 
grin par  la  fin  tragique  de  son  pro- 
tecteur, il  revint  à  Venise,  où  il 
mourut, en  iS'yG. Ses  ouvrages  sont: 
I.  Quattro  lihri  dclla  lingua  tosca- 
na  ,  ove  si  prova  la  filosofia  esscr 
neccssaria  al  pcrfett'  oratore  e  poê- 
la ,  Patloue,  i.O^o,  in-S".  C'est  la 
troisième  édition  d'un  ouvrage  im- 
primé pour  la  picinicre  fois  à  Ve- 


TOM  221 

nise,  en  \5^'>  ,  sous  le  titre  de  Ra- 
gionamenti.  Il  se  compose  eu  grande 
partie  des  discours  tenus,  en  i542  , 
à  l'académie  des  Infiammati ,  sous 
la  présidence  de  Speroni.  II.  Espo- 
sizione  letterale  del  testa  di  Matteo 
evangelista  ^  Venise,  i547,  in-4''. 
\\\.  Discorso  intorno  alV eloquenza, 
ed  air  artijizio  délie  prediche  e  del 
predicare  diCornelio  Musso ,  clans  le 
Recueil  des  sermons  de  cet  évêque , 
ibid.,  i554,  in-4°.  C'est  un  frag- 
ment d'un  ouvrage  plus  étendu  sur 
les  grands  orateurs  italiens,  et  que 
Tomitano  n'a  point  achevé.  Il  fait 
beaucoup  de  cas  des  talents  de  Musso  , 
et  en  appelle  au  témoignage  des  car- 
dinaux Contarini  et  Bembo  ,  qui ,  en 
entendant  ce  prédicateur  ,  disaient  : 
(i  Ce  n'est  ni  un  philosophe,  ni  un 
»  orateur  :  c'est  un  ange  qui  s'entre- 
»  tient  avec  les  hommes.  »  Ce  qu'il 
y  a  de  vrai  dans  ce  jugement  c'est 
la  première  partie  :  le  reste  ne  sert 
qu'à  nous  mettre  en  garde  contre  les 
éloges  des  contemporains.  Telle  était 
l'admiration  de  Tomilano  pour  cet 
évêque  ,  qu'il  lui  fit  frapper  une 
médaille  avec  un  cygne  ,  autour  du- 
quel on  lisait  :  DiriNUM  sibi  canit 
ET  ORBi  (  Voyez  Museo  Mazzuc- 
chelliano,  tom.  i ,  pi.  lxxviii,  num. 
4).  IV.  Orazione  recitata ,  in  nome 
dello  studio  Padovano ,  nella  crea- 
zione  del  principe  M.  A.  Trivisano, 
ibid. ,  i554,  in-4".  V.  Consiglio  so- 
pra  la  peste  di  Fenezia  ,  del  1 556, 
Padoue  ,  1 556 ,  in-8».  VI.  Corjdon, 
siée  de  Fenetorum  laudibus  ,  églo- 
gue,  Venise,  i556,in-4'^.  VII.  Clo- 
nicus ,  sive  de  cardinalis  Poli  lau- 
dibus ,  ibid.,  i556,  in -4°.  VIII. 
Contradictinnum  solutiones  inAris- 
tolelis  et  A^>errois  dicta ,  etc.,  ibid., 
i569. ,  in-4".  IX.  De  morbo  gallico, 
lihri  duo  ,  dans  le  Recueil  intitulé  : 
De  morbo  gallico ,  quœ  extant  cm- 


222 


TOM 


nia  (  Foy.  Luvigini,  XXV,  463), 
ibid.,  i566,  in -fol.  X.  Thetjs , 
ibid. ,  1 5747  in-4"'  l'-s'^oguc  pour  cé- 
lébrer l'arrivée  de  Henri  III,  roi  de 
France,  à  Venise.  XI.  Lcttera  à  M. 
Francesco  Longo ,  nel  i55o,  ibid,, 
l'y 98,  in-8°.  On  doit  !a  connaissance 
de  celle  pièce  à  iMorelii ,  qui  releva 
(  Catalogo  de'  codici  italiani  délia 
libreria  Naniana  ,  pag.  l'i'i  )  un 
plagiat  de  Sansovino  (  F.  ce  nom  , 
XL,  357).  Cet  ouvrage  est  pre'cedé 
d'une  Lettre  de  Coletti,  contenant 
quelques  nouveaux  renseignements 
sur  l'auteur.  XIL  Fita  e  fatti  di 
Astorre  Baglioni ,  libri  viii.  Cette 
biographie,  dont  il  existe  plusieurs 
copies  à  Pérouse,  mériterait  d'être 
publiée.  Voy.  OyuscoU  di  More.lU  , 
tome  m  ,  pag.  235.      A — g — s. 

TOMKLl^S  (  Jean-Mernawchieh)  , 
savant  l)onc,'rois ,  né  à  Sebenico ,  issu 
d'une  famille  servienue  qui  avait 
émigré  en  Dalraatie,  embrassa  l'or- 
dre des  Barnabites  à  Rome ,  où  il  se  lit 
connaître  et  considérer  par  les  cardi- 
naux Raronius,  Pazmany ,  Barberini 
et  Sacheti.  Etant  retourné  en  1  longrie, 
il  fut  nommé  évcque  de  Bosnie,  en 
103 1,  visiteur  de  soa  ordre,  cen- 
seur des  livres  religieux  ,  et  prolono- 
taire  apostolique.  Ce  prélat  mourut 
à  Rome  .  en  1639.  On  a  publié  sous 
son  nom  ;  L  Fita  Pétri  Berislai 
Fesprimiensis  ej)iscopi  ,  Venise  , 
i6'2o  ,  in-8".  Le  véritable  auteur  de 
cet  oiivragecst  Ant.  Verauzio,  neveu 
de  l'évùpieBerislas.  IL  Rcgiœ  sanc- 
titalis  lllyrica/iœjœaoïditas,  Rome, 
i03o,  iii-4".  [^c  cardinal  Barberini, 
ayant  In  le  manuscrit  ,  voulut  que 
l'édition  se  fit  à  .'es  frais.  111.  Unica 
gentis  Àureliœ  ,  Faleriœ  ,  Sahmi- 
tanœ ,  Dalvintiiiœ,nohilitas,  liome, 
ifiaK,  in-'i".  ,  dédié  an  canbiial  Sa- 
cheti. L'anicur  y  a  recueilli  des  dé- 
tails (rcs-iiil(Tessant.s  sur  l'état  de  la 


TOM 

religion  chrétienne  en  Dalmatie  pen- 
dant les  premiers  siècles  de  l'Eglise. 
IV.  Indicia  iietustatis  et  nobilitatis 
J'amiliœ  Marciœ  ,vidgo  Maniaviticp 
nissensis  ,  Romœ  ^  i63'2  ,  ex  pnla- 
tio  cardinalis  Pazmany ,  trpis  va- 
ticanis ,  in-4°.  L'auteur  cherche  à 
démontrer  que  sa  famille  descendait 
des  anciens  rois  de  Servie  et  de  Bos- 
nie .  et  à  l'appui  de  ses  titres  généa- 
logiques ,  il  rapporte  six  ■diplômes 
donnés  par  ces  princes  dans  le  qua- 
torzième et  le  quinzième  siècle.  V. 
Dialogi  de  Illjrico  et  rébus  Dal- 
maticis  ,  Rome  ,  i634.  VI.  Pro  sa- 
cris  ecclesiarum  omamentis  et  do- 
nariis  contra  eorum  detractores  , 
Rome,    i635,  in-8".  G — y. 

TOMMASI  (  Joseph-Marie),  car- 
dinal ,  célèbre  par  son  érudition,  par 
ses  ouvrages  et  par  ses  vertus  ,  était 
fîlsde  JulesTommasi,ducdePalmaet 
princedeLarapedosa.  l!na([uit  à  Ali- 
cate en  Sicile,  le  i •* septem'jre  1649, 
et  fut  élevé  dans  la  piété.  Toute  sa 
famille  vivait  dans  les  pratiques  de  la 
religion  et  des  bonnes  œuvres.  Un  on- 
eîc  et  trois  sœurs  du  jeune  Toramasi 
étaient  déjà  entrés  dans  le  cloître. 
Joseph  -  Marie  obtint,  à  force  d'ins- 
tances, de  suivre  la  même  voca- 
tion; et,  après  s'être  désisté  de  ses 
droits  en  faveur  d'un  frère  cadet ,  il 
fut  admis  chez  les  Théatins  de  Pa- 
lerme ,  et  prononça  ses  vœux  le  25 
mars  1666.  Sa  ferveur,  son  amour 
pour  la  prière,  ses  austérités,  et  son 
zèle  pour  toutes  les  pratiques  de  la 
vie  religieuse,  ne  l'enipèchaienl  pas 
de  se  livrer  à  l'étude.  La  théologie, 
les  Inngiies  savantes  ,  les  antiquite's 
ccch'si.isliqiies  et  la  liturgie  l'occupè- 
rent tour-à-four.  Il  apprit  l'hébreu  , 
le  chahléen  ,  rélhiopien  ,  l'arabe  ,  le 
syria(|iie  ,  et  prit  les  leçons  d'un  sa- 
vant juif  de  ce  temps -là,  iNîo"ise  de 
Cavi,  i\\\\  se  (il  ensuite  chrétien.  Ses 


TOM 

recherclies  dans  les  bibliothèques  et 
dans  les  couvents  de  Rome  le  condui- 
sirent à  des  découvertes  importantes 
sur  toutes  les  parties  de  l'ancienne 
liturgie;  et  c'est  sur  ce  sujet  que  rou- 
lent plusieurs  de  ses  ouvrages.  Mal- 
gré son  amour  pour  la  retraite  et  son 
application  à  l'étude,  il  remplit  dil- 
fcrents  emplois  dans  son  ordre ,  et 
fut  attaché  par  les  papes  à  diverses 
congrégations.  Clément  XI  faisait 
une  estime  toute  particulière  du  père 
ïoramasi ,  et  avait  voulu  avoir  son 
avis,  lorsqu'il  fut  élu  pape,  pour  sa- 
voir s'il  devait  accepter  une  si  haute 
dignité.  Il  le  nomma  cardinal  le  i8 
mai  I  n  1 2;  et  le  modeste  religieux  lui 
ayant  écrit  pour  lui  exposer  ses  rai- 
sons de  refus ,  le  pape  le  contraignit 
d'accepter.  Le  nouveau  cardinal  con- 
serva ,  autant  qu'il  put ,  les  habitu- 
des et  la  simplicité  de  son  couvent. 
Sa  maison  ,  sa  table ,  ses  équipa- 
ges ,  tout  chez  lui  annonçait  sou  hor- 
reur pour  le  luxe.  En  même  temps 
ses  revenus  étaient  employés  en  bon- 
nes œuvres.  Non  coûtent' de  distribuer 
de  l'argent  aux  pauvres  de  Rome,  il 
envoyait  des  secours  au  loin.  11  fit 
passer  cinq  cents  cens  aux  Cathob- 
([•aes  suisses  ,  qui  soutenaient  alors  la 
guerre  contre  les  cantons  prolestants. 
Il  avait  soin  de  faire  distribuer  des 
aumônes  dans  tous  les  lieux  où  il  avait 
des  bénéfices  ou  du  bien ,  entre  antres 
à  Carpenlras,  où  il  jouissait  d'une 
pension  de  mille  écus  sur  la  mense 
épiscopale.  A  Rome ,  il  décorait  les 
églises,  spécialement  celle  de  Saint- 
Mai  lin-tlu-Mont ,  qui  était  son  titre 
de  cardinal;  et  il  se  plaisait  à  y  faire 
le  catéchisme  aux  enfants.  C'est  au 
milieu  de  ces  soins  pieux  (pie  la  mort 
frappa  le  cardin.d  Tomniasi,  le  i*»". 
janvier  1713.  Par  son  testament,  il 
laissa  a.i  collège  de  la  Propagande 
tout  ce  qu'il  possédait.  Nous  ne  poii- 


TOM 


3-?.3 


vous  citer  ici  tous  les  ouvrages  de  ce 
savant.  On  en  trouve  la  liste  au  tome 
viii  de  l'édition  de  ses  OEuvres,  par 
Vezzosi ,  et  dans  une  Vie  du  cardinal, 
qui  parut  à  Rome,  en  i8o3.  Nous 
nous  bornerons  a  nommer  les  plus 
importants  :  I.  Codices  sacramento- 
rum  Tiongentis  anni^,  vcUistiores  , 
Rome  ,  1680  ,  in  -  4".  H.  Deux  édi- 
tions du  Psautier,  l'une  en  i(383  , 
l'autre  en  iOq'j.  Celle-ci  est  accom- 
pagnée d'une  courte  Exposition  litté- 
rale. 111.  AntiquL  libri  missarum  , 
169G,  in-4".  IV.  Inslitutiones  theo- 
logicœ  ajitiquorum  Fatruin ,  3  vol. 
in-t)>'.,  1709,  17 10  et  17  12.  On  a  en- 
core du  savant  cardinal  des  Dissei'ta- 
tions  sur  des  points  de  critique,  sur 
des  usages  liturgiques,  sur  des  ques- 
tions d'antiquité,  et  quelques  livres 
de  piété  en  italien,  comme  :  Maniè- 
re de  ^lorijier  Dieu  et  défaire  orai- 
son; Exercice  quotidien  pour  la  fa- 
mille ;  Courte  instruction  sur  la  ma- 
nière d'assister  utilement  à  la  messe. 
On  a  quelquefois  cité  du  cardinal 
une  consultation  sous  ie  titre  deBre- 
viculas  contrôler siœ  ,  relativement  à 
la  signature  du  Formulaire  d'A- 
lexandre Vil  dans  les  Pays-Bas.  Cet 
écrit  fut  produit  lors  des  procédures 
pour  la  béatification  du  cardinal  : 
mais  la  cungrégatiou  des  rites,  pré- 
sidée par  Benoît  XIV,  décida-,  le 
20  septembre  1755  ,  qu'il  n'était 
pas  constant  que  cet  écrit  fut  de 
Tommasi,  et  qucd'aiileurs  il  ne  con- 
tenait rien  qui  put  mettre  obstacle  à 
la  continuation  des  procédures.  Tous 
les  ouvrages  de  Tommasi  ont  été  réu- 
nis dans  une  édition  commencée  à 
Rome,  en  1747  ,  ]>ar  le  P.  Vezzosi  , 
aussi  tliéatin,  et  qui  se  compose  de 
onze  vol.in-4".  Au  tome  viii,  publié 
en  I70i),  est  jointe  une  Notice  lulé- 
ressantc  sur  la  vie  et  les  écrils  du 
cardinal.  La  Vie  du  même  a  encore 


Îf24 


TOM 


ete  écrite  par  le  P.  Boiroraco  clc  Pa- 
doue;  par  le  savant  Fontanini ,  de- 
puis archevêque  d'Ancyre  ;  par  Do- 
minique Bernini,  et  enfla  par  nn  tbe'a- 
tin    qui  n'a  pas  fait    connaître  son 
nom.  Cette  dernière  Vie  a  paru  à  Ro- 
me, en  i8o3,  in-4''-;  elle  est  ornëe 
d'un  portrait  du  cardinal  ;,  et  termi- 
née par  un  récit  de  quelques  miracles 
attiibue's  à  son  intercession,  et  par 
l'exposé  des  procédures  pour  sa  béa- 
tification. Ces  procédures  commen- 
cèrent immédiatement  après  la  mort 
du  cardinal.  Ou  entendit  un  grand 
nombre  de  témoins  ,  qui  déposèrent 
les  faits  les  plus  honorables  pour  sa 
mémoire.    Après    des    informations 
réitérées,  un  décret  du  i'^''.  janvier 
l'-jdi  déclara  con-^tant  que  le  cardi- 
nal avait  pratiqué  les  vertus  à  un  de- 
gré héroïque.  Un  autre  décret  du  .iS 
mars  i8o3  approuva  deux  miracles 
opérés  par  les  prières  du  pieux  per- 
sonnage. Enfin  Pie  YII ,  par  un  dé- 
cret du  5  juin  de  la  même  année,  a 
décidé ,  conformément  à  l'avis  una- 
nime de  tous  les  membres  de  la  con- 
srésation  des  rites,  que  l'on  pouvait 
procéder  à  la  béatification  du  cardi- 
nal. D'autres  personnes  de  cette  mê- 
me famille  se  sont  illustrées  par  leur 
piété.  On  publia  ,  eu  1 738 ,  la  Vie  du 
duc  Jules  de  Palma ,  père  du  cardi- 
nal, et,  en  i-jGi  ,  celle  de  sou  oncle, 
Charles  Tommasi,  frère  aîné  de  Ju- 
les, qui  avait  cédé  ses  droits  à  son 
cadet,  ])our  entrer  chez  les  Théatins, 
et  qui  y  vécut  dans  les  pratiques  de 
la  perfection  religieuse.  A  la  lin  de  la 
Vie  du  duc  Jules ,  se  trouve  celle  de 
don  Ferdinand  Tommasi,  frère  puî- 
né du  cardinal.  Ces  deux  Vies  sont 
du  P.  Biaise  de  la  Purification  ,  car- 
me déchaussé.  Le  cardinal  avait  qua- 
tre sœurs,  qui  toutes  se  firent  reli- 
gieuses.   La   seconde    d'entre   elles , 
nommée  dans  le  monde  Isabelle  ,  et 


TOM 

dans  le  cloître  Marie  Crucifixe ,  a  été 
qualifiée  de  vénérable  ;  et  un  décret 
de  Pie  VI  porte  qu'il  est  constant 
qu'elle  a  pratiqué  les  vertus  dans  un 
degré  héroïque.  Sa  Vie  a  été  écrite 
par  Turano ,  et  publiée  à  Girgenti , 
en  1704.  Elle  renferme  un  abrégé  de 
la  Vie  de  Rosalie  Traîna  ,  duchesse 
de  Palma  ,  sa  mère ,  qui ,  du  consen- 
tement de  son  mari ,  se  retira  dans  un 
monastère,  auprès  de  ses  filles,  et 
qui  y  vécut  trente  ans  dans  les  exer- 
cices de  la  piété.  Ainsi  toute  cette  fa- 
mille semblait  destinée  à  offrir  de 
grands   exemples  de  ferveur   et  de 
détachement  du  monde.    P — c — t. 
TOMMASI   (  Jean  de  ) ,  dernier 
grand-maître  titulaire  de  l'ordre  de 
Saint- Jean  de  Jérusalem,  naquit,  à 
Crotone  dans  le  royaume  de  Naples, 
le  6  octobre  1731,  et  fut  envoyé  à 
Malte ^  dès  l'âge  de  douze  ans,  pour 
être  page  d'honneur  du  grand-maî- 
tre Emanuel  de  Pinto.   Ce  service 
terminé,  il  commença  ses  caravanes 
sur  mer,  se  fit  remarquer  parmi  les 
meilleurs  marins  de  l'ordre,  et  par- 
vint jusqu'à  la  charge  éminente  de 
coramandanten  chef  de  la  marinede 
Malte, qu'il  remplit  longtemps  avec 
autant  de  zcle  que  de  talent.  S'étant 
démis  de  ces  fonctions,  il  obtint  la 
grand-croix,  entra  dans   le  grand- 
conseil,   et  remplit    successivement 
les  emplois    les   plus    considérables 
dans  l'administration.  Après  la  mort 
du  bailli  de  Mazzei ,  en   1784,  le 
grand -duc  de  Toscane,  Léopold,  le 
nomma  son  ministre  auprès  du  grand- 
maître.  Lorque  la  trahison  et  la  lâ- 
cheté eurent  mis  au  pouvoir  des  Fran- 
çais l'île  de  Malte,  et  transmis  le  ti- 
tre de  grand-maître  à  l'empereur  de 
Russie  (  rojez  IIompescu  et  Paul 
1".  );  et  que  l'une  ayant  été  conqui- 
se par  les  Anglais,  l'autre  eut  été  ab- 
diqué par  l'empereur  Alexandre,  un 


TOM 

accord  eut  lieu  entre  les  grandes  puis- 
sances qui  s'intéressaient  à  l'ordre 
de  Malte ,  et  l'Angleterre  y  adhéra 
en  1802  :  la  nomination  du  grand- 
luaître  fut  alors  déférée  pour  cette 
fois  au  Saint-Siège,  sur  la  présenta- 
tion des  prieurés  de  l'ordre.  En  con- 
séquence de  cet  arrangement,  le  pa- 
pe nomma ,  au  mois  de   septembre 

1802,  le  bailli  de  Ruspoli,  prince 
romain,  né  en  1734,  qui  avait  été 
quatre  ans  général  des  galères  de 
l'ordre.  Ruspoli ,  qui  se  trouvait  alors 
en  Ecosse,  ayant  refusé  la  dignité 
qui  lui  était  offerte  ,  Pie  VII ,  dans 
un  second  consistoire ,  nomma  le 
bailli   de  Tomraasi,  le   19   février 

1803,  sur  la  recommandation  du 
roi  de  Naples  et  de  l'empereur  de 
Russie.  Le  nouveau  grand-maître  en- 
voya aussitôt  le  commandeur  deBus- 
3v,  comme  son  fondé  de  pouvoir  et 
son  lieutenant,  a.  Malte,  pour  récla- 
mer l'évacuation  de  l'île  par  les  An- 
glais, conformément  à  l'article  10 
du  traité  d'Amiens  ,  et  la  cession  du 
palais  du  gouvernement  au  fort  La 
Valette.  Le  ministre  britannique, 
Alex.  J.  Bail ,  répondit,  le  2  mars, 
que  le  retard  de  quelques  puissances 
à  reconnaître  l'indépendance  de  Mal- 
te autorisait  l'Angleterre  à  garder 
cette  île  eu  dépôt  ;  que  le  palais  du 
gouvernement  étant  occupé  par  les 
chefs  Anglais,  civils  et  militaires, 
on  offrait  provisoirement  au  grand- 
maître  celui  de  la  Boschetta  ;  mais 
que,  comme  il  n'y  avait  phis^ie  meu- 
bles ,  le  prince  ferait  bien  de  ne  pas 
venir  à  Malte,  et  de  résider  pi-ovi- 
soircment  en  Sicile.  Tel  fut  le  résul- 
tat de  cette  négociation  inutile.  Tom- 
masi  n'eut  d'auti'C  parti  à  prendre 
que  de  suivre  le  conseil  qu'on  lui 
donnait.  11  convoqua  une  assemblée 
générale  de  tous  les  chevaliers,  dans 
j'cglj'^c  prieurale  de  l'ordre  ,  à  Mes- 

XLVI. 


TOM  225 

sine  ,  le  27  juin.  On  y  lut  la  bulle 
pontificale  de  son  élection ,  et  lors- 
qu'il eut  prêté,  à  genoux ,  le  serment 
accoutumé,  et  reçu  le  baiser  de  tous 
les  chevaliers,  il  prononça  un  dis- 
cours où  il  les  exhortait  à  la  con- 
corde, si  nécessaire  pour  rendre  à 
l'ordre  son  existence  et  ses  anciens 
statuts.  Plus  tard  il  fut  question  de 
transférer  la  cour  du  grand-maître  à 
Corfou  •  mais  il  établit  sa  résidence 
à  Catane  en  Sicile.  Ce  fut  là  que 
tous  les  chevaliers  qui  étaient  x'estc's 
à  Malte  se  rendirent ,  à  h-i  fin  de  no- 
vembre ,  avec  la  chancellerie  et  les 
archives  de  l'ordre.  Le  couvent  des 
Augnstins  fut  mis  à  leur  disposition  , 
et  le  grand-maître  Tommasi  habita 
un  palais  voisin.  Il  y  mourut,  le  i3 
juin  i8o5,  après  avoir  désigne  pour 
son  lieutenant  le  bailli  de  Guevara  , 
qui  fut  confirmé  par  le  pape  et  par 
le  sacré  conseil  de  l'ordre  dans  les 
fonctions  de  lieutenant  du  magistè- 
re,  qu'il  exerça  jusqu'à  sa  mort,  ar- 
rivée le  i5  avril  181 4.  On  lui  donna 
un  successeur;  mais  l'ordre  de  Mal- 
te ,  dépouillé  de  ses  biens  dans  la 
plupart  des  états  de  l'Europe ,  et  di- 
visé par  les  factions  qui  se  sont  for- 
mées entre  les  divers  chevaliers ,  ne 
paraît  pas  destiné  à  recouvrer  son 
ancienne  puissance,  A — t. 

TOMORÉE  (frère  Paul  ) ,  arche- 
vêque de  Colocza ,  et  généralissime 
de  l'armée  de  Hongrie  sous  le  jeune 
roi  Louis  II ,  était  de  l'ordre  des  frè- 
res mineurs.  Avant  de  prendre  l'habit 
monastique  il  avait  porté  les  armes  , 
et  s'était  marié  deux  fois  :  sa  pre- 
mière femme  était  morte  le  jour 
même  de  la  célébration  de  son  ma- 
riage ;  la  seconde  était  une  veuve  qui 
mourut  presque  aussitôt  après  leur 
union.  Tomorée,  frappé  de  ce  cou- 
cours  de  circonstances  malheureuses, 
le  prit  pour  un  avis  que  lui  donnait 
i5 


226  TON 

le  ciel  (le  se  revêtir  de  l'iiabit  reli- 
gieux ,  et  il  le  gjjrda  depuis  ce  mo- 
ment ,  même  à  la  tète  des  armées. 
Le  jeune  roi  Louis  II  avait  tant 
de  confiance  dans  ses  talents,  ses 
conseils  et  son  courage  ,  qu'il  lui  don- 
na le  gouvernement  des  pays  et  des 
places  tories  situés  entre  la  Saxe  ,  la 
Drave  et  le  Danube.  Frère  Paul  a^  ait 
de  la  valeur,  mais  l'opiniâtreté  et 
l'ardeur  lui  tenaient  lieu  de  l'habile- 
té et  delà  prudenccqui  lui  manquaient. 
Il  sut  par  sa  vigilance  avertir  le  jeune 
roi  de  ses  dangers  ,  et  de  l'approclie 
de  Soliman  :  mais  il  eut  ensuite 
la  folie  de  l'engager  à  l'attaquer 
plutôt  que  de  l'attendre  dans  ses  po- 
sitions avantageuses.  Le  roi  Louis 
et  son  conseil  voulaient  qu'on  ne 
combattît  que  lorsque  les  secours  qui 
étaient  en  marche  seraient  arrivés  : 
frère  Paul  empêcha  le  prince  et  l'ar- 
mée de  se  retirer  ,  et  lit  résoudre  la 
funeste  bataillcde  Mohaczqui  décida 
les  malheurs  de  la  Hongrie  (  Voy. 
SoLTMAN  I<^^.  ).  Ce  moine  se  mon- 
tra aussi  brave  soldat  que  mau- 
vais général  :  il  fut  tué  des  premiers 
en  combattant  avec  intrépidité  ;  les 
vainqueurs  lui  coupèrent  la  tête  ,  et 
l'exposèrent  comme  un  trophée  à  la 
vue  de  leur  armée  ,  le  29  août 
iS'iô,  jour  de  la  victoire  de  Mo- 
hacz.  S — Y. 

TOMRUT.  Voy.  Toumert. 

TONDU  dit  Lei;nm( Pierre-Hen- 
ri-Marie ) ,  ministre  de  la  républi- 
que française,  naquit  à  Noyon,  en 
i-^Si,  dans  une  telle  obscurité  que 
personne  aujourd'hui  ne  se  rap- 
pelle y  avoir  connu  sa  famille.  Il  fut 
élevé  aux  frais  du  chapitre  de  cette 
ville,  et  placé  au  collège  de  Louis- 
le-Grand  ,  à  Paris,  où  il  acheva  ses 
études.  On  l'admit  ensuite  à  l'Obser- 
vatoire, au  noinbr(!  des  (lèves  dont 
le  roi  payait  la  pension.  U  embrassa 


TON 

l'état  ecclésiastique  ,  et  fut  connu 
dans  le  monde  sous  le  nom  de  V Ab- 
bé Tondu  -j  mais  trouvant  ce  nom 
ignoble  _,  il  le  changea  en  celui  de 
Lebrun.  11  s'ennuya  bientôt  de  por- 
ter la  soutane,  et  s'engagea  comme 
soldat  dans  un  régiment  d'infanterie, 
où  il  resta  à  peine  deux  ans.  Il  dé- 
serta et  se  réfugia  dans  le  pays  de 
Liège,  où  il  se  fit  ouvrier  imprimeur, 
puis  journaliste,  et  joua  une  espèce 
de  rôle  dans  la  révolution  qui  obli- 
gea le  prince  évêque  à  sortir  de  ses 
états ,  en  i  -jSy.  Forcé  bientôt  de  s'en 
éloigner  lui-même  par  la  répression 
des  troubles ,  Tondu  vint  s'établir 
dans  la  petite  ville  d'Hervé,  au  pays 
de  Limljourg,  où  il  se  fit  encore 
prédicateur  de  révolutions  dans  une 
gazette  intitulée  le  Journal  général 
de  l'Europe  ;  blâmant  néanmoins 
avec  beaucoup  de  violence  celle  qui 
se  faisait  alors  dans  la  Belgique,  par 
l'influence  du  clergé  (  F.  Vander- 
NOOT  ).  Ses  déclamations  politiques 
furent  remarquées  par  les  meneurs 
de  la  révolution  française ,  qui  était 
à  cette  époque  (i '^90)  dans  toute  son 
ellervescence  ;  ils  crurent  avoir  aper- 
çu dans  ce  journaliste  de  profondes 
connaissances  en  diplomatie  ,  et  ils 
l'engagèrent  à  venir  à  Paris ,  où  Du- 
mouricz,  devenu  ministre  des  affai- 
res étrangères  ,  lui  donna  un  emploi 
dans  ses  bureaux.  Lebrun  parut  alors 
plusieurs  fois  à  la  barre  de  l'assem- 
blée législative,  avec  des  députations 
de  patriotes  liégeois ,  et  il  ne  man- 
qua aucune  occasion  de  signaler  son 
patriotisme.  Lié  avec  tous  les  me- 
neurs du  parti  qui  renversa  le  trône 
au  10  août  I  -j(y>. ,  il  fut  aussitôt  après 
cette  calastiophe  nommé  ministre 
des  relations  extérieures ,  et  fit  divers 
rHp]iorfs  à  l'assemblée  ,  sur  la  situa- 
tion politique  de  l'Europe,  entre 
autres  le  25  septembre  i79"-ij  où  il 


TON 

annonça  mystérieusement  une  négo- 
ciation importante  ,  et  qui  intéres- 
sait l'existence  de  la   république. 
Cette  négociation ,  qui  ne  fut  point 
livrée  au  public ,  était  proLablement 
celle  qui  venait  d'être  entamée  avec 
le  roi  de  Prusse  (  r.  Dumouriez  au 
Supplément  ).  Le    i  *"'.  octobre  sui- 
vant, Lebrun  donna  encore  quelques 
détails   sur  les  ouvertures  de  paix 
faites  par  le  duc  de  Bruns^vick;   et 
cesdc'tails,  où  l'on  ne  trouve  pas  tout 
le   secret  de  l'inexplicable   retraite 
des  Prussiens ,  sont  néanmoins  très- 
précieux  pour  l'histoire.  Le  'i-i  du 
même  mois,  le  nouveau  ministre  fit 
encore  un  rapport   curieux  sur    le 
refus    de  la    Porte    Ottomane    de 
recevoir    comme    ambassadeur   M. 
de  Sémonville.  Dans  les  séances  du 
19   et   du3i  décembre,  il  fit  part 
des   dispositions    hostiles   de   l'An- 
gleterre, et  déclara,  au  milieu  des 
applaudissements     de   la    Conven- 
tion nationale,  qu'il  avait  menacé  le 
ministère  britannique  d'en  appeler  à 
la  nation  anglaise.  Enfin  il  commu- 
niqua  les   déclarations  de   la    cour 
d'Espagne ,  en  faveur  de  Louis  XVI  ^ 
et  après  la  mort  de  ce  prince ,  il  an- 
nonça l'expulsion  de  l'ambassadeur 
Chauvelin,  par  ordre  du  roi  d'An- 
gleterre. Lebrun  fut  ainsi  l'organe  ou 
le  directeur  des  plus  importantes  af- 
faires de  la  dij)!onialie  de  cette  épo- 
que; el  l'on  doit  dire  que  ses  rap- 
ports   ou    ses  discours  ,  si    on    les 
compare?,  ceux  des  autres  orateurs, 
ne  sont  pas  trop  empreints  du  délire 
et  de  l'exaltation  du  temps.  Il  paraît 
même  certain  que  ,  de  concert  avec 
son  protecteur  Dumouriez  ,  il  avait 
formé  un  plan  pour   sauver    Louis 
XVI.    Du  reste  ,  comme  beaucoup 
d'hommes  du  même  genre ,  Lebrun 
avait  sans  doute  pensé  qu'après  la 
ruine  de  l'édifice  monarchique,  il  se* 


TON  11^ 

rait  possible  de  rétabhr  l'ordre  et  le 
calmeavecleshommes  et  les  éléments 
qui  avaient  servi  à  le  renverser j  mais 
il  fut  bientôt  cruellement  détrompé. 
Robespierre  et  d'autres  Monta- 
gnards le  dénoncèrent  plusieurs  fois 
à  la  tribune  de  la  Convention  ;  et,  ce 
qui  caractérise  bien  la  folie  du  temps, 
ils  accusèrent  celui  qu'eux  -  mê- 
mes avaient  nommé  leur  ministre 
des  afl'aires  étiangéres ,  d'être  un 
homme  d'état.  Lebrun  fit  d'inutiles 
etfurts  pour  résister  à  ces  attaques. 
Enveloppé  dans  la  proscription  du 
parti  de  la  Gironde,  après  le  3i 
mai,  il  fut  décrété  d'accusation,  le 
25  septembre ,  et  mis  en  arrestation. 
Ayant  eu  le  bonheur  de  s'évader,  il 
fut  repris  bientôt  après,  et  traduit 
au  tribunal  révobitionnaire  ,  qui  le 
condamna  à  mort,  les-]  décembre 
1793.  W^^.  Roland,  qui  a  fait  des 
portraits  assez  flattés  de  la  plupart 
des  chefs  de  la  Gironde  ,  a  tracé  avec 
beaucouj)  d^e  sévérité ,  et  peut-être 
un  peu  de  jalousie  pour  son  mari, 
celui  de  Lebrun-Tondu.  «  Il  passait, 
»  dit-elle,  pour  un  esprit  sage,  parce 
»  qu'il  n'avait  d'elan  d'aucune  espè- 
»  ce,  et  pour  un  habile  homme, 
»  parce  qu'il  était  un  assez  bon  com- 
»  misj  mais  il  n'avait  ni  activité,  ni 
»  esprit,  ni  caractère.  »      M — d  \. 

TONDUZZI  (Julf.s-Cesar),  his- 
torien ,  né ,  en  161 -y  ,  à  Faenza  ,  fit 
ses  études  à  l'université  de  Padoue  , 
et  se  voua  à  l'état  ecclésiastique. 
Il  entreprit  d'écrire  l'Iiistoire  de 
son  pays ,  au  moment  où  son  com- 
patriote Cavina  était  occupé  à  ras- 
sembler des  matériaux  pour  le  même 
sujet  (i).  Cette  identité  de  but  , 
loin  de  tourner  eu  rivalité  litté- 
raire, rappiocha  ces  deux  écrivainsj 


lia    anliijui: 


âge  de  ce  Hcrni< 
'""'    '■'-g'"    '"'' 


st  intitule  :  Favcn- 
I ,    Faeiiia  ,    1670  , 


328 


TON 


et  à  la  mort  de  Tonduzzi  ,  arrivée 
Je  27  septembre  1673  ,  ce  fut  son 
confrère  qui  se  cbargea  de  la  con- 
tinuation de  l'ouvrage.  On  a  de  lui  : 
I.  Faventinœ  historiœ  hreviarinm  , 
Faenza  ,  1670,  in-8«.  A  la  lin 
du  voliime  est  une  réponse  de  l'au- 
teur à  quelques  observations  de  Ser- 
torius  Orsato.  II.  Istorie  di  Faenza, 
ibid. ,  1675,  in-fol.^  ouvrage  pos- 
thume ,  publié  par  Jérôme  Minacci. 
Tonduzzi,  qui  y  avait  employé  vingt 
années  de  recherches  ,  n'était  ar- 
rivé qu'à  la  fin  du  quatorzièmesiècle. 
Cavina  continua  ce  travail  jusqu'à 
l'année  1600,  et  y  ajouta  des  tables  de 
matières  ,  un  tableau  des  évêques  , 
des  maires  etdequelques  autres  auto- 
rités de  Faenza  ;,  avec  une  Notice  sur 
l'auteur.  Haym  et  Lenglet-Dufresnoy 
se  sont  trompés  en  ci'oyant  que  cet 
ouvrage  avait  été  imprimé  à  Ferrare 
(  F.  Rlittarelli ,  de  Litteraturd  Fa- 
ventinorum ,  et  Marangoni ,  Tesoro 
de  parrochi,  tome  11,  liv.  3,  chap. 
m  ).  A— G— s. 

TONE(Théobalu-Wot,f),  fon- 
dateur de  l'assooiatic  n  des  Irlandais 
unis  ,  naquit,  à  Dublin  ,  le  20  juin 
1 763 ,  fit  ses  études  à  l'université  de 
cette  ville ,  et  son  cours  de  droit  à 
Londres.  Destiné  au  barreau  ,  il  l'a- 
bandonna bientôt  pour  se  livrer  à  la 
politique,  et  fut  entraîué  dans  cette 
périlleuse  carrière  par  l'indignation 
qu'excita  en  lui  la  triste  position  de 
sa  patrie,  l'un  des  pays  les  plus  fa- 
vorablement situés,  et  cependant  l'un 
des  plus  malheureux  par  l'oppres- 
sion oii  y  gémissent  les  Catholiques. 
Quoiqu'il  professât  !a  religion  an- 
glicane, Tonc  n'en  montra  pas  moins 
un  Ircs-vif  intércl  au  sort  dc-v  Ca- 
tholiques ses  compatriotes,  et  il 
publia  ,  en  1790,  luie  Ijrochnrc  vé- 
hémente rontre  les  abus  de  l' admi- 
nistration anglaise.  Col  écrit  le  fit  ad- 


TON 

mettre  dans  la  société  des  Whigs  de 
Bedford,  et  im  second  ouvrage  du 
même  genre  le  fit  nommer  secrétaire 
du  comité  central  de  l'opposition. 
Dès-lors,  attaché  pour  toujours  à  la 
cause  de  la  liberté  irlandaise ,  il  ré- 
digea les  pétitions,  les  défenses  des 
Catholiques ,  et  fut  chargé,  en  1 793, 
de  demander  au  roi  d'Angleterre  l'a- 
bolition des  lois  pénales  sous  lesquel- 
les ils  gémissaient.  Il  fonda  ensuite  la 
société  des  Irlandais  unis  (  F.  Tan- 
dy ) ,  que  le  gouvernement  anglais  vit 
avec  tant  de  peine.  Tone  fut  appelé 
dans  le  parlement ,  oîi  le  chancelier 
le  traita  de  serpent  nourri  dans  le 
sein  de  l'état.  Menacé  dans  sa  liber- 
té, il  se  retira  en  Amérique,  puis  en 
France  ,  où  il  se  concerta  avec  le  gé- 
néral Hoche  sur  les  expéditions  de  la 
baie  de  Eantry  et  du  Texel  (  F.  Ho- 
che). Nommé  adjudant -général,  il 
servit  dans  diiïé'rentes  armées  fran- 
çaises, et  eulin  dans  l'expédition  du 
général  Hardi,  en  1798.  Le  vaisseau 
sur  lequel  il  se  trouvait  ayant  été  pris 
par  les  Anglais,  il  fut  conduit  à  Du- 
blin ,  et  traduit  devant  une  cour  mar- 
tiale qui  le  condamna  à  être  pendu. 
Ayant  vainement  demandé  à  être  fu- 
sillé ^  il  se  tua  lui-même  dans  sa  pri- 
son. —  Son  fils  a  obtenu ,  en  1 8 1  o , 
une  mention  honorable  au  concours 
proposé  par  l'Institut,  sur  cette  ques- 
tion :  Etat  cii'il  et  politique  de  l'I- 
talie sous  la  domination  des  Goths. 
M— D  j. 

TONELLI  (Jacques).  Foj.Di- 
MAS  DE  La  Choix. 

TONG  (Ezkail),  fils  d'un  mi- 
nistre dellolby,  où  il  naquit  en  1621. 
Comme  il  était  de  la  secte  des  puri- 
tains ,  il  sortit  d'Oxford,  où  il  faisait 
ses  éludes,  lorsque  l'armée  parle- 
mentaire vint  mettre  le  siège  de- 
vant cette  ville,  et  il  alla  établir  une 
école  à  la   campagne.  Ayant  éj)ousc 


TON 

la  fille  du  docteur  Plucklcy  ,  ce  doc- 
teur lui  résigna  sa  cure  dans  la  pro- 
vince de   Kent  ,    qu'il   fut    ensuite 
obligé  de  quitter   à  cause  des  fac- 
tions dans  lesquelles   étaient  parta- 
gés ses  paroissiens  :  il  devint  profes- 
seur de    grammaire  au   collège  de 
Durham.  Après  la  dissolution  de  ce 
collège,  il  se  retira  à  Islington  dans  le 
voisinage  deLoudres ,  où  il  établit  une 
école  de  grec  et  de  latin.  Le  colonel 
Harley  lui  procura  la  place  de  chape- 
lain de  la  garnison  anglaise  de  Diiii- 
kerqiie.  Après  la  reddition  de  cette 
ville,  il  fut  nommé  curé  de  Sainte- 
Marie  de  Stayning ,  à  Londres.  Ré- 
duit à  une  extrême  détresse  par  l'in- 
cendie de  sou  église  _,  il  accepta  la 
place  de  chapelain  de  la  garnison  de 
Tanger ,  d'où  il  revint  daus  sou  bé- 
néfice lorsque  l'église   eut    été   re- 
bâtie.  Cet  homme,  d'uu  caractère 
inquiet  et  fanatique  ^  s'associa  avec 
le  fougeiis.  Oates ,  pour  la  dénoncia- 
tion du  prétendu  complot  des  catho- 
liques contre  Charles  II.  Ce  fat  dans 
la  maison  de  cet  infâme  calomnia- 
teur qu'il  mourut,  le  i8  novembre 
1680.  Tong  était  habile  dans  le  grec 
et  le  latin.  Il  avait  du  talent  pour  la 
poésie,  et  il  obtint  des  succès  dans 
la  profession  d'instituteur  •   il  con- 
naissait   parfaitement    la    chrono- 
logie ,  l'histoire   naturelle ,   et   s'é- 
tait même  occupé    d'alchimie.   On 
a  de  lui  :  I.  abrégé  de  la  gram- 
maire. II.  Trois  Dissertations  dans 
les  Transactions  philosophiques ,  sur 
la  sève  des  arbres,   et  particulière- 
ment sur  celle  des  noyers.  III.  Plu- 
sieurs pamphlets  contre  les  Jésuites. 
IV.  Le  Royal  martyre.  V.  'L'Etoile 
du  Nord,  contenant  des  prophéties 
sur  la  monarchie  anglaise.  VI.  Tra- 
duction d'un   ouvrage  français ,  sur 
les  persécutions  exercées  contre  les 
Protestants.  VII.  Traduction  de  quel- 


TON  2'2ÇJ 

ques  Traités  de  Drelincourt.  Il  fut 
aussi  l'éditeur  d'une  Chronique 
composée  par  Simson.  Il  a  laissé 
en  manuscrit  un  Traité  d'alchi- 
mie et  plusieurs  Traités  de  théo- 
logie. T — D. 
TONNELIER  (le).  ^0^.  Chas- 

TELET,  VIII,  263. 

TONSI  (Jean),  biographe,  né, 
en  1 528  ,  d'un  ancienne  famille  mi- 
lanaise ,  entra  dans  l'ordre  des  Hu- 
miliés,  administré  alors  par  un  de 
ses  parents  ,  avec  lequel  on  l'a  sou- 
vent confondu  (1).  En  i55g,  il  le 
remplaça  dans  la  dignité  d'abbé  de 
Bréra,  et,  peu  après,  il  alla  gouver- 
ner le  monastère  de  Saint  Abondius , 
à  Crémone.  Il  était  dans  cette  viUe , 
lorsquel'on  complotait  à  Milan  contre 
la  vie  de  rarchevèque  (  V.  Charles 
Borromee,  V,  197).  Un  certain  Li- 
gnana  se  présenta  un   jour  devant 
l'abbé,  et  il  eut  la  témérité  de  lui  de- 
mander quarante  pistoles  pour  faci- 
liter l'évasion  de  Farina  ,  qui  devait 
commettre  ce  crime.  Tonsi  effraya 
cet  émissaire ,  en  le  menaçant  de  dé- 
voiler son  projet  :  mais,  n'osant  pas 
être  le  délateur  de  ses  propres  con- 
frères ,  il  garda  le  silence  ;  et  cet  acte 
de  faiblesse  l'enveloppa  dans  la  per- 
sécution à  laquelle  restèrent  exposés 
les  auteurs   de   cet   attentat.  Arrêté 
avec  sis  des  complices ,  il  fut  d'a- 
bord relégué  dans  la  chartreuse  de 
Garignan  ,  et  il  obtint  ensuite  la  per- 
mission de    se  retirer   en  Toscane. 
Ses   manières  et  son  instruction  lui 
gagnèrent   l'estime  de   François  de 
Médicis  ,     qui    le    nomma     grand- 
prieur  de  Saint-Étienne ,  et  i-ecteur 
de  l'université  de  Pise.   Tonsi  resta 
dans  cette  ville  jusqu'à  l'année  i586, 
époque  de  sou  rappel  à  IMilau  ,  où  il 

(1)  Celui-ci  s'appelait  Jean-Bovlisle ,   et  il  jïtnit 
abbé  du  monastère  de  Bre'ra  ,  à  Milan  ,  eu  i55a. 


23o  TON 

mourut  le  3  novemLre  lOoi.  Ses 
ouvrages  sont  :  I.  DLceptationes 
calvinicœ ,  traduit  de  l'italien  de  Pa- 
nigarola  ,  IMilan  ,  i5g4,  in-4*'-  H- 
De  vitd  Emmaniielis  F hiliberli  Al- 
lobrogum  duels ,  libri  duo  ,  Turin  , 
iSgô,  iu-fol.;  trad.  en  italien  ,  par 
l'auteur  lui-même, Milan,  1602,  in- 
4°.  Toiîsi  (2)av;ùtC(jnnu  ie  duc  Éma- 
uuel  Philibert,  lors  de  son  voyage 
à  Turin ,  pour  y  remplir  une  mission, 
au  nom  du  gouverneur  de  Milan.  Il 
voulut  honorer  la  mémoire  de  ce 
prince  ;  et  ce  dévouement  lui  valut 
mie  pension  de  cinq  cents  écus  par 
an  ,  de  la  part  de  Cliarles-Kmanuel, 
qui  lui  avait  déjà  accordé  le  titre  de 
conseiller.  111.  ï^ita  d' Alfonso  d\4- 
valos ,  marchese  del  Vasto,  uicdit. 
{Voj.  Argelati,  Script.  MedioL,  n, 
1499  î  ^t  Tiraboschi  ,  Fêtera 
Humiliât,  monumenta  ,   i ,  3o4  et 

417'!.  A G— s. 

TONSTaLL  (  CuTHBERT  )  savant 
prélat  anglais,  était  né  vers  1476  , 
à  Tacford  dans  le  Mertfordshire  y 
d'une  famille  illustre.  La  nature  l'a- 
vait doué  des  plus  heureuses  disposi- 
tions pour  les  sciences  ,  et  il  les  cul- 
tiva par  l'étude  de  la  théologie ,  de 
la  jurisprudence  ,  de  la  philosophie, 
et  des  mathématiques.  On  conjecture 
qu'il  vint  à  Paris  suivre  les  cours 
de  l'université  que  le  mérite  de  ses 
professeurs  rendait  depuis  long- temps 
célèbre.  Quoi  qu'il  en  soit ,  Tonstall 
reçut  le  doctorat  à  l'académie  d'Ox- 
ford ,  et  ne  dédaigua  pas  d'y  rem- 
plir qii(Ii|ue  temps  une  chaire.  Ses 
talents  le  (ir(!iit  appeler  au  conseil  du 
roi  Henri  Vlll  ,  qui  l'emjjloya  dans 
diverses  all'aires  importantes  ,  et  le 


Tin>l.. 

A'" 


l.i     la|,,..l- 
011  v(Tilnl)K- 


(,.)     r.,.>lnml,i.    Zrm 
Icnl  ï'ow  ,  :iii  lien  de    7 

nom.  Celle  crmir  a  i'Ip  rrpeirc  |i;<r  le  Piiliun 
nairr  historique  i]c  BasMinu-,  <|tii  n'o  fait  ({lie  eu- 
picr  Tiraboirl'i  |iarli>iit  o»  il  l'a  |>ii. 


TON 

récompensa  de  ses  services,  en  iS'^'iy 
par  l'évèchéde  Londres,  et,  en  )  53o, 
par  celui  de  Durham  ,  le  plus  riche 
du  royaume  ,  et  auquel  était  annexée 
la  dignité  de  Palatin.  C'était  le  prix 
de  la  complaisance  que  Tonstall  avait 
eue  d'écrire  en  faveur  de  la  dissolu- 
tion du  mariage  de  Henri  avec  Ca- 
therine d'Aragon.  L'évèque  de  Dur- 
ham était  attaché  sincèrement  à  la 
foi  catholique  •  mais  il  n'avait  pas  le 
courage  de  son  ami  Thomas  More 
(  F.  ce  nom  ) ,  et  on  le  vit  approuver, 
du  moins  par  son  silence,  des  mesures 
qu'il  détestait  au  fond  du  cœur,  et 
qui  iiuuent  par  consommer  le  schis- 
me de  l'Angleterre.  La  mort  de 
Henri  YIll  fut  le  terme  des  prospé- 
ritésde  Tonstal.  Ce  prince  l'avaitdé- 
signé  l'un  des  régents  du  royaume 
pendant  !a  minorité  d'Edouard;  mais 
ie  duc  de  Northumberland  le  fît 
déposer  et  supprima  l'évêché  de 
Durham  ,  pour  s'attribuer  la  digni- 
té de  Palatin.  Cette  disgrâce  ren- 
dit à  Tonstall  le  sentiment  de  ses 
devoirs  :  il  désavoua  publiquement 
sa  faiblesse ,  et  montra  le  plus  grand 
repentir  de  sa  conduite.  Enfermé  par 
ordre  d'Elisabeth ,  il  termina  sa  vie 
dans  une  prison,  en  iSSg.  On  a  de 
lui  :  I.  In  laudem  matrimonii , 
oralio  habita  insponsalibus  Mariœ , 
Henrici  Vlll  filiœ  ,  et  Francisci  , 
l'egis  Franc orum  primogeniti ,  Bàle, 
i5i()  .  in-4'^-  IL  De  arte  suppu- 
tandi libri (piatuor ,  Londres,  i5^2, 
in-4".  (i).  Ou  en  conserve  un  exem- 
plaire sur  peau  vélin,  dans  la  bi- 
bliothèque de  Corpus  Chrisli ,  à  Ox- 
ford (  F.  le  Decani.  de  M.  Dibdin, 
M  ,  3G8  )  ,  Paris  ,  Rob.  Esfienne  , 
i5i9,  i535,  i538,  in-4"-  C'est  un 


(l)  MoiilM.la  .M  .ile  iiii.'iilil.  de  Paris,  l,ïo«  , 
iu-4".  ;  mais  illi-  ue  d"il  son  cxinlcucr  n»'à  iiue 
faille  t.vpoKra|)liiqiic,  i5»8  pour  |538.  V.iy.  l'//i)7, 
ilei  mal'ié>riatiijiir< ,  1  ,  573. 


TON 

Traite  d'aritbmétiquc  très -remar- 
quable pour  le  temps.  Tonstall ,  dit 
dans  la  Préface  ,  qu'il  le  compo- 
sa pour  faciliter  l'examen  des  comp- 
tes des  trésoriers  de  la  couron- 
ne. III.  Compendium  et  synopsis 
in  dccem  libros  Ethicorum  Aris- 
totelis,  Paris,  i554,  in-8°.  IV.  De 
veritate  corporis  et  sajiguiîiis  Jesu 
Christi  in  eucharistid  ,  ibid.,  1 554, 
in-4*'.  V.  Opus  contra  blasphema- 
tores  Pei prœdestinationis  ,  Anvers, 
i555,in-4'^.  (2).  W — s. 

TONTI  ,  banquier  italien,  qui  se 
fixa  en  France, imagnia  les  emprunts 
en  rentes  viagères,  appelés,  de  son 
nom.  Tontines.  La  différence  de  ce 
moded'empnuit  avec  les  autres  con- 
siste en  ce  que  les  extinctions  tournent 
au  prolit  des  prêteurs  survivants. 
Le  ministère  établit ,  pour  la  pre- 
mière fois,  une  Tontine  ,  en  i653  ; 
et  le  trésor  se  trou  va  surchargé  d'une 
dette  annuelle  d'un  million  vingt-cinq 
mille  livres.  On  eut  encore  recours 
au   même  moyen   en    i08p ,   1696 

(2)  Suivant  Aikiii,  dans  sa  biographie  geiierale, 
TojistalloH  Tunslall  naquit  à  liatcUford  ,  dans  l'an- 
cien Richmondshiro,  vers  j47h.  U  eludia  à  Ox- 
ford, puisa  Cambridge,  et  prit  le  doctorat  eu 
droit  à  Padone.  II  possédait  déjà  plusieurs  bénéfi- 
ces ecclesiastitptes,  lorsqu'il  i'ut  uoniiue,  en  i5i6, 
archiviste  ou  maître  des  rôles.  Il  fut,  à  diverses 
époques,  euvové  comme  ambassadeur  aupri-s  de 
l'empereur  C.harles-Quiut.  Le  sceau-privé  lui  fut 
étudié  en  i5->3  :  en  lôay  il  arcompagna  le  cardinal 
VVoIsey  en  France  ,  à  titre  de  conseiller  d'ambas- 
sade ,  et  lut,  en  lôat) .  l'un  des  ambassadeurs 
de  l'Angleterre,  au  traité  de  Cambra).  Son  7.è!e 
pour  l'église  romaine  se  deplova  eu  diverses  occa- 
sions,  nolaumient  en  pres-aiit  Érasme  ,  l'un  de 
ses  intimes  amis  ,  d'écrire  contre^jUther.  Plusieurs 
des  lettres  qu'il  écrivit  à  liudee  et  à  Ëra-me  ont 
été  imprimées  dans  lerecueil  desEpitresde  ceder- 
«ier.  Persécuté  et  dépouillé  sous  le  règne  d'E- 
douard VI  ,  il  ne  songea  point  à  s'en  venger  lors- 
qu'il eut  recou\  ré  sou  évèclié  ,  apri-s  l'avéuemcnt 
de  Marie,  et  duraul  ce  règne  sanglant ,  personne, 
dit-on  ,  ne  fut  allaclié  au  fatal  poteau  dans  son 
diocèse.  Uit  prédicaul  avant  été  arrèlé  en  sa  pré- 
iîeuce  ,  sou  chancelier  insistait  pour  qu'il  lut  ri- 
poureus«|nent  iiiterrogé.  ï.'évèque  de  Durham  mo- 
déra son  xi'le  en  <lisaiit  :  «  Jusqu'ici  nous  avons  sti 
conserver  l'eslime  de  ceux  tpii  imuis  entourent  ;  ne 
faites  pas  ,  je  vous  pri**,  rejaillir  sur  ma  tête  ]o 
*ang  de  cet  homme.  »  Sous  le  règne  d'Iilisabcth  , 
ayanl  persisté  à  refuser  de  prêter  le  serment  de 
suprématie  ,   il  fut  de  nouveau  dépossédé.        L. 


TON 


23l 


et  170g.  De  tous  les  expédients  de 
linances ,  dit  Forbonnais  ,  c'est  peut- 
être  le  plus  onéreux  pour  l'état ,  puis- 
qu'il faut  presque  un  siècle  pour 
éteindre  une  Tontine ,  dont  les  inté- 
rêts sont  cependant  d'ordinaire  à  un 
très-fort  denier  (  Yoy.  Recherches 
et  Cojisidérations  sur  les  finances 
de  la  France  ).  La  science  des  fi- 
nances a  fait  de  tels  progrès  ,  qu'on 
peut  croire  qu'un  pareil  moyen  ne 
sera  plus  employé.  W-s. 

TO  N  T I  i  Le  chevalier  ) ,   fils  du 
précédent, avant  embrassé  la  profes- 
sion des  armes,    servit,    liuit    ans, 
sur  terre  et  sur  mer  ,  et  se  conduisit 
partout  avec  honneur.  Dans  une  af- 
faire  en  Sicile  ,  il  eut  la  main  empor- 
tée d'un  éclat  de  grenade;  mais  il  la 
fit  remplacer  par  une  main  de  fer, 
dont  il  se  servait  fort  adroitement. 
Étant  revenu  a  Paris    solliciter    de 
l'emploi,   La  Salle,   sur  la  recora 
mandation  du  prince  de  Conti,  l'as- 
socia à  l'expédition  qu'il  était  sur  le 
point  d'entreprendre ,  et  dont  le  ré- 
sultat fut  la  découverte  du  Mississi- 
pi  (  F.  La  Salle,  XL,  181  ).  En 
partant  pour  i"oconnaître  si ,  comme 
il  le  soupçonnait,  le  fleuve  qui  donne 
son  nom  à  cette  contrée   avait  son 
embouchure  dans  le  golfe  du  Mexi- 
que, La  Salle  laissa  trente  hommes 
à  Tonli ,  pour  la  garde  du  fort  Nia- 
gara .  qu'il  venait  d'établir  entre  les 
lacs  Érié  et  Ontario.  Tonti  s'occupa 
d'aboi'd  fl'assurer  la  subsistance  de 
sa  garnison,  et  ensuite,  avec  un  dé- 
tachement ,  s'avança  dans  la  rivière 
des  Illinois.  Il  ne  négligea  rien  pour 
gagner  l'amitié  des  chefs  de  cette  na- 
tion, et  réussit  à  les  mettre  dans  les 
intérêts  de  la  colonie  naissante.  Mal- 
heureusement il  ne  put  aider  ses  nou- 
veaux alliés  dans  la  guerre  qu'ils  eu- 
rent bientôt  à  soutenir  contre  les  îro- 
quois,  excités  par  les  Anglais,   qui 


232 


TON 


voyaient  avec  cuvie  la  France  éten- 
dre ses  établissements  dans  un  pays 
dont  ils  convoitaient  le  commerce 
exclusif.  Les  pertes  que  les  Illinois 
éprouvèrent  dans  cette  guerre  les 
refroidirent  beaucoup  à  l'égard  des 
Français.  En  1680,  ïonti  fut  char- 
ge', par  La  Salle,  de  construire  un 
fort  sur  la  rivière  des  Illinois,  dans 
une  position  avantageuse.  Informe' 
que  le  fort  de  Crève -Cœur  était  me- 
nacé par  les  Iroquois,  il  s'y  rendit 
aussitôt  ;  mais,  j  ugeant  impossible  de 
le  défendre ,  il  prit  le  parti  de  l'aban- 
donner, et  ramena  la  garnison,  ré- 
duite à  cinq  hommes  par  les  déser- 
tions et  par  les  maladies.  Il  acheva  , 
l'année  suivante,  le  nouveau  fort  au- 
<]uel  il  donna  le  nom  de  Saint-Louis. 
Etonné  de  ne  pas  recevoir  de  nou- 
velles de  La  Salle,  dont  il  ignorait  la 
iin  tragique  ,  il  descendit  le  Mississi- 
pi  jusqu'à  son  embouchure,  et  re- 
auonta  ce  fleuA^e  avec  le  chagiin  de 
n'avoir  pu  découvrir  le  sort  de  son 
•nmi.  Resté  presque  seul,  par  la  mort 
de  La  Salle  et  de  la  plupart  de  ses 
compagnons, il  se  fixa  dans  le  pays  des 
Illinois ,  desquels  il  s'était  fait  aimer, 
et  y  vécut  plusieiu-s  années  du  pro- 
duit de  sa  chasse  et  de  la  vente  des 
pelleteries.  C'est  de  son  nom  que  les 
cantons  qu'il  avait  habités  sur  les 
Lords  du  Mississipi  furent  appelés 
Petits  et  grands  T onlicas. M  ihci- 
yille  ,  nommé  commandant  de  la 
Louisiane,  y  trouva  Tonti,  en  1700; 
mais  on  ignore  la  suite  de  ses  aven- 
tures ainsi  que  l'époque  de  sa  mort. 
On  a  sous  le  nom  de  Tonti  :  Les  der- 
nières découvertes  de  La  Salle 
dans  V Amérique  septentrionale  , 
Paris,  1O97,  iii-iii.  Il  déclara  à  d'I- 
brrville,  ainsi  qu'au  P.  Maie.st,  mis- 
sionnaire (Voy.  Lettres  édifiantes , 
VI  ,  3'.i'i  ,  éd.  de  Querbeul  ) ,  qu'il 
li'avait  aucune  part  à  cet  ouvrage, 


TON 

plein  d'inexactitudes, .et  dans  lequel 
les  productions  de  la  Louisiane  et 
les  ressources  qu'elle  oll're  au  com- 
merce étaient  ridiculement  exagé- 
rées. Cependant  on  l'a  réimprimésous 
le  titre  de  Relation  de  là  Louisiane 
et  du  Mississipi ,  dans  le  Recueil  des 
voyages  au  Nord,  v,  87-195.  On 
peut  consulter  sur  Tonti  VHistoire 
de  la  Nouvelle-France  j  par  le  P. 
Charlevoix,  m  et  iv,  éd.  in-iî,  et 
VHistoire  générale  des  voyages  , 
par  Prévost,  tome  lvi,  in- 12.  W-s. 
TONTOLI  (Gabriel),  historien, 
né,  vers  l'année  1 6 1 0,  à  Maufredonia 
dans  la  Pouille ,  étudia  la  jurisprur 
dence  à  l'université  de  Naples,  qu'il 
habitait  encore  lors  de  la  révolution 
de  I  (347  (■  V.  Masaniello  ,  XXVII  j 
342  ).  A  sou  retour  en  province  ,  il 
vit  éclater  une  autre  guerre  entré 
deux  chapitres  ,  à  l'occasion  de  la 
double  élection  d'un  vicaire  :  chargé 
d'aller  soutenir  à  Rome  la  nomina- 
tion de  son  frère,  Tontoli,  qui  s'était 
bien  acquitté  de  cette  mission  ,  se 
voua  pour  toujours  à  l'état  ecclésias- 
tique. Il  prit  les  ordres ,  fut  sacré  évé- 
que  de  Ruvo  ,  et  mourut  peu  après 
dans  son  diocèse  ,  en  i6G5.  Témoin 
des  désordres  qui  avaient  accompa- 
gné la  révolution  de  Masaniello  ,  il 
voulut  raconter  ce  qu'il  avait  vu,  sans 
avoir  la  prétention  de  composer  une 
histoire  :  «  J'ai  fondu  mes  notes  , 
»  dit -il,  dans  un  style  naturel  et 
1)  fantastique  :  je  vous  donne  ce  li- 
»  vie  comme  un  mélange  d'histori- 
»  que  ,  de  narratif,  de  poétique  ,  de 
»  déclainaloirc  et  de  familier....  J'ai 
»  cru  qu'une  j'évolul  ion  opérée  parmi 
))  homme  du  peuple  ne  devait  être 
»  écrite  que  ])ar  une  plume  vulgai- 
»  re.  »  Cet  aveu  nous  disjicnse  de 
loul  autre  jugement.  L'auteur  avait 
eu  d'abord  l'idée  de  rédiger  les  Mé- 
moires du  duc  d'Avcos^  et  sou  ou- 


TOO 

vrage  devait  être  intitule  : //p-m- 
cipe  pietoso.  Mais  choque  des  actes 
de  rigueur  exerces  par  ce  vice-roi , 
il  fit  choix  d'un  nouveau  titre  ,  et 
dëdia  sou  travail  à  don  Juan  d'Au- 
triche. N'osant  braver  personne  ,  il 
loue  indistinctement  tout  le  monde. 
Les  Espagnols  et  les  Napolitains  ,  la 
noblesse  et  le  peuple ,  les  gouver- 
nants et  les  gouvernés ,  chacun  re- 
çoit tour-à-tùur  ses  éloges.  Ne  sa- 
chant plus  comment    concilier   ses 
protestations  sur  l'attachement  des 
Napolitains  au  roi  d'Espagne  avec 
leur  tentative  d'en  briser  le  joug  ,  il 
finit  par  appeler  cet  événement  une 
sédilion  fidèle ,  dont  il  ne  fallait  pas 
trop  sefàcherjcar  aprèstout:  licet ali- 
quando  insanire.  Ses  ouvrages  sont  : 
i.    Il  Masaniello    owero   discorsi 
narratii'i  sopra  la  sollevazione  di 
Napoli ,  Naples,  i648  ,  in-4°.  M. 
le  marquis  de  Fortia  vient  de  donner 
un  Catalogue  raisonné  des  ouvrages 
relatifs  à  la  révolution  de  Masaniello, 
dans  le  premier  volume  des  Mémoi- 
res de  Modène  ,  réimprimés  à   ses 
frais,  Paiis,  1826,  2  vol.  in-8^. 
Nous  regardons  ce  travail  comme  le 
plus  complet  qui  ait   paru  jusqu'à 
ce  jour  :  il  comprend  les  titres  de 
cinquante-huit  ouvrages  en  italien,  en 
français,  en  anglais  ,  en  espagnol  et 
en  allemand.  II.  Memoriœ  diversce 
metj  opolitanœ  ecclesiœ  Sfpontince , 
ex  apostoUcis  in  F'aticano   monii- 
mciiLis,  et  aliiindè  deductœ ,  Rome^ 
1654,  in-4°.  III.  Collectio  jiirium 
ecclesiœ  Garganicœ  contra  Sypon- 
tinam  ,  ibid. ,   i(355  ,  in-4''.   P^of. 
Sarnelli,  Cronologia  de'  vescovi  ed 
arcivescovi  Sipontini;  ctSoria,  Sto- 
tici  Napolelani.  A — g — s. 

TOOKE  (Le  révérend  William}, 

littérateur  anglais  ,  né,  en  i  ^44  (  '  /  7 

1  ,    ■        . 

(1)  Tl  roiiiplall   p;irmi  sp»  «iicètrc»  Opnrgp   Too- 
Ve,  qui  ,    a[iios   avoir  |>ris   une  part  Irî'S-BCtive  à 


TOO  233 

fit  ses  études  dans  une  école  d'Isling- 
ton ,  où  il  eut  pour  condisciple  J. 
Nichols,  avec  lequel  il  fut  ensuite  at- 
taché à  l'imprimeriedu  savantBow- 
yer.  Il  reçut  les  ordres  sacrés  ,   se 
maria  ,  vers  1771,  et  occupa  la  place 
de   ministre  de  l'Eglise  anglaise   à 
Cronstadt ,  dans  une  île  du  golfe  de 
Finlande,  soumise  à  la  Russie.  Ayant 
été  appelé,  en  1774»  à  l'emploi  de 
chapelain  de  la  factorerie  anglaise  de 
Pétersbourg ,  sou  mérite  le  mit  eu 
rapport  avec  les  personnes  les  plus 
distinguées   par  leur  esprit  ou  par 
leur  rang  :  les  Orloff  ,  les  Galitzin  , 
le  prince   Potemkin  ,    la   princesse 
DashkofF,  le  comte  Boutourlin  ,  les 
Euler,  pèreet  fils  ,  Pall3s,Krafft,  Pla- 
ton, archevêque  de  Moscou  ,  et  Eu- 
gène, archevêque  de  Kerson  ,  tra- 
ducteur de  Virgile  en  grec.  Dans  un 
voyage  en  Prusse,  il  eut  de  fréquents 
entretiens  avec  Kant.  Ce  fut  h.  la  sol- 
licitation de  son  ami  Etienne  Falco- 
net,  qui  desirait  mettre  les  Anglais  eu 
état  de  juger   de  ses  idées  dans  la 
théorie  des  beaux-arts  ,  que  Tooke 
traduisit  dans  sa   langue    plusieurs 
morceaux  sur  la  sculpture  écrits  par 
ce  statuaire  et  par  Diderot.  Il  envoya 
cette  traduction  en  Angleterre ,  où 
Nichols  l'imprima  ,  en  1777  ,  in-4°» 
Pendant  un  séjour  de  dix- huit  an- 
nées à  Pétersbourg ,  il  composa  plu- 
sieurs ouvrages  importants,  relatifs  à 
la  Russie.  La  société  royale  de  Lon- 
dres l'avait  admis  au  nombre  de  ses 


rexprdition  dirigée  contre  Cadix,  en  i(325  ,  vint 
passer  le  reste  de  ses  jours  au  manoir  de  Pope  dans  le 
Hertfordshire,  où  il  composa  plusieurs  ouvrages 
en  prose  et.  en. vers,  entre  autres  les  Danahies  , 
poème  ;  et  une  /■Jégic  (  ihe  Ea(;Ie  Trusser's  Elegy  ) 
en  l'honneur  du  prince  Rupert.  —  Andrew  Tooke, 
autre  aïeul  de  William  ,  fui  professeur  de  géo- 
métrie au  collège  Gresliain  ,  premier  maître  do  I  c- 
cole  de  la  Cliarlreuse ,  et  mourut  en  1731.  On  a  <lr 
lui  :  Sriir^fiiis  grierœ  linf-ute,  1711;  une  Iraductioii 
(in  Pnnlhénn  de  l'iimey  ,  t77.'>,  10"  édition  ,  «wi- 
vlc  (le  plusieurs  autres  ;  la  traduction  anglaise _dc« 
Pei'nirs  df  l'Iiominc  de  PufcudolT,  J7ilJ,  et  d'»u.- 
trcs  écrits. 


234 


TOO 


membres,  en  1782.  Quelques  années 
après,  l'académie  impériale  desscien- 
ces  et  la  société  économique  de 
Pétersbourg  lui  ouvrirent  également 
leurs  portes.  Londres  le  revit ,  en 
1 79'2  ,  possesseur  d'une  fortune  in- 
dépendante que  venait  de  lui  laisser 
«n  de  ses  alliés.  Riclie  en  revenu  et  en 
loisir ,  il  coutinua  de  cultiver  la  lit- 
térature, et  d'ordonner  les  matériaux 
qu'il  avaitrccueillis  chez  l'étranger  11 
mourut,  à  Londres,  le  17  nov.  1820, 
On  a  de  lui  :  L  Les  Jmours  d' Othniel 
etAchsah,  roman,  1767,3V.  in-12. 
IL  La  Russie  ,  ou  tableau  histori- 
que de  tentes  les  nations  qui  compo- 
sent cet  empire ,  1780,  4  vol.  in-8". 
ll\. Fariétés lillëraires,  1 795, 1  vol. 
in- 8".  L'accueil  qui  fut  l'ait  à  cette 
collection  engagea  Tookc  à  publier, 
quelques  années  a])rès  :  IV.  Extraits 
de  journaux  étrangers  ,  et  manus- 
crits originaux  imprimés  pour  la 
première  fois  ,  1798,  2  vol.  iu-S". 
On  distingue  dans  ces  deux  recueils 
qualredissertations  sur  l'histoire  an- 
cienne des  peuples  du  Nord,  jjar  le 
professeur  Slilaetzcr;  plusieurs  mor- 
ceaux de  IMeiners  et  de  Wielandjdes 
Mémoires  sur  l'abbé  (jaliani  ,etc.  V. 
Fie  de  Catherine  II,  impératrice 
de  Russie,  1797,  3  vol.  in- 8".  VL 
Tableau  de  l'empire  russe,  sous  le 
règne  de  Catherine  II ,  jusqu'à  la 
fin  du  dix  -  huitième  siècle  ,  1 799  , 
3  vol.  !n-8".  VIL  Histoire  de  la 
Russie  ,  depuis  la  fondation  de  cet 
t^mjiire  jitsfjii'à  ravénemevt  de  Ca- 
therine II ,  1800,  2  vol.  in-8".  VllI. 
Tableau  de  P étershourg  ,\rAdmt  de 
Stonh  ,  1800,  iri-8".  IX.  Sermons 
tradnils  de  l'alleniaud  de  Zolliko- 
fei-  :  Sur  la  diy^nilé  de  l'homme  , 
i8o3.  7.  vol.  iii-fol.  Sur  les  maux 
nui  sont  dans  le  monde  ,  i8o3,  in- 
n".  Sur  l'éducation  ,  i8o(3,  2  vol. 
111-8".  Sur  les  f êtes  et  les  solennités 


TOP 

de  l'Eglise,  1807  ,  2  vol.  in-80.  Sur 
les  erreurs  et  les  vices  dominants  , 
1812,  2  vol.  in-8''.  X.  Exercices  de 
dévotion  et  prières  ,Xr garnis  du  mê- 
me, 181 4,  in-8*'.  Zollikofer  était 
ministre  de  la  congrégation  réfor- 
mée de  Leipzig.  Ses  ouvrages  sont 
très-estimés.  William  Tooke  fut,  en 
1814,  l'éditeur  du  Dictionnaire  de 
biographie  générale  ,  i5  vol.  in-80. 
Son  ami  Nichols  a  iuséré  dans  ses 
Anecdotes  littéraires {X.  ix,p.  i59) 
plusieurs  Lettres  qu'il  en  reçut  de 
Russie.  On  y  lit,  entre  autres  parti- 
cularités intéressantes ,  la  relation  du 
dîner  que  l'impératrice  donnait  an- 
nuellement aux  ministres  de  la  reli- 
gion de  toutes  les  dénominations , 
qui  se  trouvaient  dans  la  ville  impé- 
riale ;  dîner  somptueux  qu'elle  se 
plaisait  à  ajipcler  le  dîner  de  la  tolé- 
rance. On  comptait  à  cette  réunion 
jusqu'à  seize  communions  diflérentes, 
représentées  ]iar  leurs  ministres  en 
habit  ecclésiastique.  La  conversation 
géuérale  se  faisait  en  langue  latine. 
Lorsque  le  repas  était  fini,  le  métro- 
politain avait  coutume  de  prononcer 
rà  haute  voix  ces  paro'es  :  Gloire  à 
Dieu  dans  les  deux  !  paix  sur  la 
terre  !  hienveillance  envers  les  hu- 
mains I  \  une  grande  connaissance 
des  langues  et  des  littératures  grec- 
que et  latine  ,  Tooke  joignait  une 
connaissance  parfaite  du  français  : 
il  |)rêcha  souvent  dans  cette  langue  à 
Pétersbourg  devant  les  protestants  de 
cette  nation,  lorsque  ceux-ci  man- 
quaient de  pasteur.  Apres  son  retour 
à  Londres  ,  il  prcclia  également 
avec  succès  eu  faveur  de  l'école  cl 
de  la  maison  de  travail  des  protes- 
ta n  (s  franc. lis.  L. 

TOOKl'".  For.  lIoHivK. 

rOPALOSMAN  ou  OSMA?^  le 
Boiteux,  grand -v('zir  de  Mahmoud 
!'='■.  ,  entra ,  dans  son  enfance  ,  an 


TOP 

collège  des  Itch-Goglans.  Son  ama- 
bilité, sa  douceur,  sou  intelligen- 
ce ,  son  adresse,  le  firent  distinguer 
dans  toutes  les  études  et  les  exer- 
cices de  corps  en  usage  chez  les 
Otliomans.  En  1699,  il  fut  char- 
gé de  porter  au  Caire  un  ordre  du 
sulthan.  Pour  ne  pas  tomber  au  pou- 
voir des  Arabes  qui  parcouraient  la 
Natolie ,  il  s'embarqua  à  Séide ,  et 
son  bâtiment  fut  attaqué  en  route  par 
un  corsaire  de  Ma'iorque  ;  il  reçut 
dans  le  combat  plusieurs  blessu- 
res ,  entre  autres  un  coup  de  feu 
à  la  cuisse ,  qui  lui  (it  donner  le  nom 
de  Topai.  La  saïque  fut  conduite  à 
Malte  ,  où  un  Marseillais  nommé 
Arnaud  ,  employé  en  chef  dans  la 
marine  de  l'ordre ,  vint  visiter  la 
prise,  et  ne  vit  pas  sans  intérêt  le 
jeune  Turc  blessé.  «  Tu  devrais  me 
»  racheter ,  lui  dit  Osman  avec  con- 
»  fiance,  tu  ne  t'en  repentiras  jias.  « 
—  Arnaud  lui  répondit  qu'il  n'était 
pas  assez  riche  pour  risquer  de  per- 
dre la  somme  qu'on  exigerait  pour 
sa  rançon.  —  «  Tu  as  raison,  reprit 
Osman  ,  je  n'ai  d'autre  sûreté  à  te 
donner  que  ma  parole  :  es -tu  assez 
généreux  pour  y  croire  ?i>  L'hon- 
nête Français  ,  touché  de  la  noble 
confiance  du  jeune  captif,  le  racheta 
du  corsaire  ])our  six  cents  sequins. 
Osman  lui  ayant  donné  le  choix  d'at- 
tendre seulement  pour  être  payé 
de  sa  rançon  qu'il  eût  pu  écrire  à 
Constantinopic,  ou  de  le  laisser  aller, 
sur  sa  parole,  achever  sa  commis- 
sion ,  le  Marseillais  se  montra  aussi 
délicat  que  le  jeune  Turc  était  con- 
fiant :  le  navire  même  d'Arnaud  fut 
mis  à  sa  disposition  :  arrivé  au 
Caire  ,  Osman  récompensa  généreu- 
sement le  capitaine  et  envoya  mille 
sequins  à  son  libérateur.  Il  suivit  la 
carrière  des  honneurs  qu'il  méritait 
si  bien  de  remplir.  Dans  la  guerre 


rop 


235 


de  Morée,  de  171 5,  il  se  distingua 
assez  pour  exciter  la  jalousie  et  mê- 
me la  haine  du  grand-vézir.  Son  mé- 
rite lui  tint  îieu  de  sauve-garde ,  et , 
en  i-jia  ,  il  fut  élevé  à  la  dignité  de 
jiacha  et  de  serasker  dans  la  IMorée. 
Jusque-là  il  n'avait  pas  cessé  d'en- 
tretenir un  comjnerce  de  lettres  avec 
Arnaud:  il  fit,  à  cette  époque,  venir 
auprès  de  lui  le  fils  de  ce  généreux 
Français,  et  aida  de  toute  sa  protec- 
tion à  sa  forti.»ae.  Le  noble  Osman  ne 
tarda  pas  cà  cire  nommé  boiglerLeig 
de  la  Romélie.  Enfin ,  en  i  ^3 1  ,  il  ob- 
tint les  sceaux  de  l'empire.  Arnaud 
vint  à  Constanlinople,  et  présenta  à 
sou  ami  Osman  des  orangers ,  des 
fruits ,  des  fleurs ,  et  douze  esclaves 
turcs  qu'il  avait  rachetés.  Le  grand- 
vézir  se  leva  ,  contre  l'usage  des  Mu- 
sulmans, a  Ce  Français,  dit -il  aux 
»  grandsqui  l'entouraient  .a  été  mon 
»  maître;  snns  me  connaître,  et  peu 
»  riche,  il  a  risqué  une  somme  con- 
»  sidérable  pour  lue  tirer  de  l'escla- 
»  vage.  J'étais  couvert  de  blessures  : 
»  il  m'a  soTgné  comme  son  enfant;  il 
»  m'a  laissé  aller  sur  ma  parole,  et 
»  m'a  confié  son  propre  v^aisseau 
»  pour  me  conduire  où  je  voudrais^ 
»  ]e  lui  dois  ma  liberté,  ma  vie  et 
»  ma  fortune.  Il  vient  encore  de  fai- 
w  re  tomber  les  fers  de  douze  de  nos 
n  frères,  qu'il  ramène  avec  lui.  »  To- 
pal-Osman  combla  Arnaud  d'amitiés 
et  de  soins,  et  lui  accorda  la  liberté 
de  fairecntrei'à  Saloniquedeux  char- 
gements de  bled  sans  payer  de  droits. 
Ce  grand-vczir  était  aussi  sage  et  ha- 
bile que  noble  et  vertueux.  11  fit  la 
paix  avec  la  Perse,  et  en  obtint,  pat 
le  traité  de  Cazbin ,  e n  i  no  i  ,1a  ces- 
sion de  la  Géorgie  (  J^.  Thaumasp 
II).  Il  entretint  l'abondance  dans  la 
capitale  ,  protégea  le  commerce  ,  et 
se  montra  toujours  l'ami  des  Chré- 
tiens, surtout  des  Français.  Ce  fut  lui 


a36 


TOP 


qui  le  premier  fit  adopter  l'essai  des 
e'volutions  militaires  européeiiucs,  dé- 
jà proposées  par  le  ranieiix  comte  de 
Bomieval  (  F.  Achmeï-Pacha  ).  Ces 
innovations  ,  qui  choquaient  les  pre'- 
juge's  nationaux,  furent  le  prétexte 
dont  le  kislar-aga  et  la  sulthane  validé 
se  servirent  pour  nuire  à  Topal-Os- 
man  dans  l'esprit  de  Mahmoud.  Cet 
illustre  grand -vézir  fut   déposé  en 
i'jSs;  mais  en  lui  retirant  les  sceaux, 
le  sulthan  fut  trop  juste  pour  le  pu- 
nir. 11  l'envoya  remplacer  son  suc- 
cesseur au  vezirat  dans  le  comman- 
dement des  frontières  asiatiques ,  du 
côté   de  la  Perse.  Thahmas-Kouli- 
Khan  venait  de  détrôner  Chah-ïhah- 
masp ,  et  régnait  sous  le  nom  d'un 
enfant  au  berceau.  La  paix  de  la  Perse 
avec  la  Russie  était  conclue  j  et^  au 
mépris  du  traité  de  Cazbin ,  les  ar- 
mées du  régent  tenaient  déjà  Bagh- 
dad  bloqué  depuis  huit  mois.  To- 
pai-Osman  accourut  avec  cent  cin- 
quante raille  hommes  pour  délivrer 
cette  place.  11  eut  la  gloire  de  com- 
battre Tliahmas-Kouli-Khan  (  Voj\ 
Nadir-Chah,  XXX,    5:^9),  le  19 
juillet  1733,  sur  les  bords  du  Tygre, 
à  douze  lieues  de  Baghdad,  après  l'a- 
voir trompé  par  une  lettre  supposée 
qu'il  fit  tomber  entre  ses  mains ,  et 
dans  laquelle  il  informait  le  pacha  de 
Baghdad  des  motifs  qui  retardaient 
sa  marche  j  de  mettre  son  armée  eu 
déroute  ,  et  de  le  voir  fuir  ,  laissant 
environ   trente  mille  morts   sur  le 
champ  de  bataille.  Le  défaut  de  vi- 
vres l'empêcha  de  suivre  plus  loin  ses 
.succès.  Cependant  ,    trouvant   dans 
son  génie  les  ressources  que  la  jalou- 
sie de  ses  ennemis  ,  et  surtout  du 
grand -vezir  Ali -Pacha,   lui   refii- 
•saieiil,  de  peur  <|u'il  n'ac((uît  trop  de 
gloire  (  I  ),  Topai  -Osman  ,  le  •>.'>.  oc- 

'.ri<i|..i1-«)vni..n  ,  ii.ri.  .v..!,!   p..-  |.  5  i  ii.!..,  (s  .  l 
4*1  uiunitiuiis  iju'ilsollicituit  ,  t>:iil  <U'nMiici<'  <]ii'('ii 


TOP 

tobrc  de  la  même  année,  battit  en- 
core le  régent  de  la  Perse,  près  de 
Kerkouk.  Quelques  jours  après,  il  y 
eut  à  Leilau,  à  six  lieues  de  cette  vil- 
le ,  une  troisième  affaire  dont  chacun 
s'attribua  le  succès.  Topai  -  Osman , 
se  fiant  sur  ses  avantages,  avait  re- 
fusé la  paix*  et  quoiqu'il  n'eût  que 
des  troupes  qu'il  avait  été  obligé  de 
disséminer,  il  osa  de  nouveau  at- 
taquer le  général  persan ,  avec  des 
forces  très-inférieures.  11  fut  vaincu 
et  tué  dans  le  combat  (2).  Telle  fut  la 
fin  malheureuse  de  l'illustre  Topal- 
Osman ,  dont  la  perte  ne  fut  bien  sen- 
tie qu'après  sa  mort,  aussi  inutile- 
ment que  justement  reprochée  à  ses 
envieux.  Peu  de  grands  -  vézirs  ont 
réuni  plus  de  talents  à  plus  de  vertus. 
Son  noble  caractère  inspire  autant 
d'intérêt  que  d'admiration  :  il  fait 
honneur  à  l'humanité.  S — y. 

TOPIIAM  (  Edouard  )  était  le 
fils  d'un  juge  de  la  cour  de  la  préro- 
gative à  York ,  lequel  fut  en  butte  aux 
traits  satiriques  de  Sterne.  Après 
avoir  étudié  successivement  à  Eton 
et  à  Cambridge,  il  entra  dans  les 
gardes-du-corps  du  roi  d'Angleterre, 
oii  il  devint  major.  Quelques  pro- 
ductions littéraires  ,  du  genre  drama- 
tique ,  telles  que  des  prologues  et  des 
épilogues ,  le  firent  connaître  avanta- 
geusement. C'était  ce  qu'on  appelle 
un  homme  à  la  mode.  Uni  à  mistriss 


cimsiflrralion  dp  5a  vieillo.tsp  et  de  sps  infirmitis  , 
il  lui  i'ùl  prrmis  dcreinetlro  le  commandcmcnl  d« 
l'armée  à  Ahmed,  (laclia  de  IJaglidad.  Le  grand- 
5pij;neur  arcticiltaiit  sa  demande  l'avail  nommé  pa- 
ilia  de  Rimlayeli,  cl  beigleibeig  d'Aualolic;  mais 
les  circoMsIaiices  je  reluirent  à  siin  poste,  el  l'ciii- 
pri  Ile  rciil  de  recevoir  les  ordres  de  sa  nouvelle  des- 
luialiun.  A— T. 

(v.)  Ce  fui  le  lendemain  du  romhat  de  Leilan  , 
veis  la  lin  d'oclohre  1733,  f]ue  fui  livrée»  Akder- 
liriid  la  diTuière  Ij^.laiHo.  Topal-Osmau,  porte  dans 
nue  liliire  el  iniraini-  ))ar  les  fuyards,  lut  lue  par 
de»  suidais  piTsans.  Ils  porlèrenl" sa  ti^lc  nu  vnin- 
iiueiir  ,  <pii  ,  renilaiil  liouiniaKC  oui  lalenls  du  luul- 
lieureux  srraslier  .  (il  ensevelir  lionoruMcnicnt  sel 
restes  (  /■.  NADII(-(;ii/VII  ).  A-^Ti 


TOP 

Wells  ,  comédienne  autrefois  ce'Iè- 
bre  ,  il  eut  d'elle  trois  fîUcs  avec 
lesquelles  il  se  retira  dans  sa  terre 
du  comte  d'York.  Il  mourut,  à  Don- 
caster  ^  le  '^6  avril  1820.  Topliam 
était  propriétaire  du  journal  intitulé 
le  Monde  (  tlie  World  ).0n  a  de  lui , 
entre  autres  écrits  :  I.  Lettres  écri- 
tes d'Edimbourg  ,  contenant  des 
observations  sur  la  nation  écos- 
saise,  1776,  in-S^.  II.  adresse  à 
Edm.  Burke,sur  sa  Lettre  aux  shé- 
rijfs  de  Bristol,  1777^  in^''.  III.  La 
Fie  de  John  Elwes ,  1 790 ,  iu-8*^.  j 
nouvelle  édition  ,  i8o5.  Cette  Notice, 
imprimée  d'abord  dans  le  Monde , 
fut  lue  avec  avidité.  Celui  qui  en  est 
le  sujet  était  d'un  caractère  très- sin- 
gulier ,  réunissant  une  avarice  sor- 
dide à  un  sentiment  exquis  de  l'hon- 
neur et  à  des  vertus  digues  d'un 
stoïcien.  Elwes  était  membre  de 
la  chambre  des  communes.  On  a 
peine  à  croire  tout  ce  qu'on  lit 
dans  sa  Yie ,  quoique  l'auteur  assure 
ne  rien  avancer  qu'il  n'ait  été  à  por- 
tée de  connaître.  L. 

TOPINO- LEBRUN  (  François- 
Jean-Baptiste  ) ,  peintre  d'histoire , 
naquit,  à  Marseille,  en  17G9,  et  se 
destina  de  bonne  heure  à  la  pein- 
ture. Envoyé  à  Rome ,  comme  élève , 
au  commencement  de  la  révolution,  il 
connut  David,  et  le  zèle  des  beaux- 
arts  autant  que  la  conformité  des  opi- 
nions politiques  établirent  entre  eus. 
une  liaison  intime.  Topino  reçut  de 
David  la  promesse  que  celui-ci  le  re- 
cevrait au  nombre  de  ses  élèves.  En 
ellct,  TopinO;,  revenu  à  Paris,  se  per- 
fectionna pendant  plusieurs  années 
dans  les  ateliers  du  premier  maître 
de  l'école  française,  et  il  y  lit  de 
grands  progrès.  Mais,  passionné  com- 
me la  plupart  des  artistes  ^  pour  les 
iilécs  de  révolution  et  de  républitiue, 
^  l'exemple  de  son  maître,  il  se  livra 


TOP  .137 

à  tous  les  excès  de  ce  temps-là.  Nom- 
mé, en  juillet  1793,  juré  au  tribu- 
nal révolutionnaire,  ce  jeune  artiste, 
qui  était  d'ailleurs  bon,  serviable  et 
ami  fidèle ,  se  laissa  entraîner  par 
l'exaltation  de  ses  idées  à  voter  un 
grand  nombre  de  condamnations  ini- 
ques. Ami  particulier  d'Antonelle  , 
qui ,  d'abord  lié  avec  les  députés  de 
la  Gironde,  devint  ensuite  leur  bour- 
reau ,  Topino  ne  vit  que  par  ses  yeux 
dans  ce  grand  procès  entre  deux  fac- 
tions emiemiesj  et,  républicain  lui- 
même,  il  dévoua  au  supplice  les  fon- 
dateurs delà  république.  Après  avoir 
envoyé  les  Girondins  à  l'échafaud  , 
il  ne  manquait  à  Topino-Lebrun  que 
d'y  envoyer  ses  propres  amis;  et  il 
fut  du  nombre  des  jurés  qui  pronon- 
cèrent sur  le  sort  de  Danton  et  de 
Camille-Desmoulins.  D'abord  il  ré- 
sista aux  ordres  des  décemvirs  qui 
régnaient  au  Comité  de  salut  public 
et  dominaient  la  Convention  ;  mais 
bientôt ,  égaré  par  de  faux  raisonne- 
ments, épouvanté  par  des  menaces, 
il  donna  un  vote  qui  le  livra  depuis 
à  de  cruels  remords.  Tout  prouve 
néanmoins  qu'il  n'était  point  avide 
de  sang  ;  car  il  refusa  la  place  de 
président  de  la  commission  populai- 
re d'Orange,  qui  devait  le  faire  couler 
en  si  grande  abondance.  Plusieurs 
fois  même,  dans  ses  redoutables  fonc- 
tions de  juré  rés'olutionnaire,  il  se 
prononça  en  faveur  des  victimes.  Ou 
cite  entre  autres  le  fait  suivant  :  dix- 
sept  accusés  de  la  ville  de  Tonnerre, 
poursuivis  par  le  parti  de  la  Monta- 
gne, comparurent  devant  le  tribu- 
nal. Topino  eut  le  courage  de  se  dé- 
clarer publiquement  en  leur  faveur  , 
et  il  donna  sa  voix  pour  leur  abso- 
lution,  qui  fut  prononcée.  Plus  tard 
il  reçut,  pour  ce  fait,  un  témoignage 
public  de  l'estime  de  M.  Cliauveau- 
Lagarde  ,  ([ui  avait  défendu  ces  mal- 


9.38 


TOP 


heureux,  voues  à  la  mort.  «Dans  les 
»  relations,  dit -il,  que  mon  état 
M  de  dclenseur  me  donna  quelque- 
«  fois  avec  Topino  -  Lebrun ,  il  me 
■>)  parut ,  par  ses  discours  ,  plutôt  un 
»  ami  exalté  de  la  révolution  ,  qu'un 
»  ennemi  de  l'humanité.  Il  annonçait 
»  même  dans  ces  temps  ailreux  avoir 
»  le  goût  des  arts  et  quelques  idées 
»  libérales,  et  plusieurs  fois,  je  l'ai 
»  entendu  se  plaindre  violemment  de 
»  la  tyrannie  de  Robespierre,  qu'il 
»  regardait  comme  un  homme  de 
»  sang.  »  En  eO'et,  les  decemvirs,  ne 
croyant  plus  pouvoir  compter  sur 
ses  services ,  l'écartèrent  d'abord ,  et 
prirent  ensuite  un  arrêté,  signe  de 
presque  tous  les  membres  du  Comité 
de  salut  public ,  ])our  le  traduire  lui- 
même  devant  l'allreux  tribunal ,  au- 
quel ils  venaient  de  donner  une  nou- 
velle organisation.  Topino  ne  fut 
sauvé  que  par  l'événement  du  9  ther- 
midor. Lorsqu'après  cetterévolution, 
le  sanglant  tribunal  eut  été  renou- 
velé ,  Topino  y  exerça  encore  pen- 
dant quelques  mois  l'emploi  de  juré, 
et  le  quitta  de  nouveau  dès  que  la 
justice  eut  repris  son  cours  ordmai- 
naire.  A  celte  seconde  époque,  on 
lui  reprocha  d'avoir  concouru  à  fai- 
re absoudre  ,  sur  la  question  inten- 
tionnelle, les  membres  de  l'épouvan- 
table comité  révolutionnaire  de  Nan- 
tes ,  complices  et  émules  de  Carrier. 
Comme  tous  les  agents  du  régune  de 
la  terreur,  Topino  se  déclara  pour 
la  Convention  nationale,  à  la  jour- 
née du  i3  vendémiaire  ,  et,  l'année 
suivante  (1796),  il  fut  compris 
dans  les  mandats  décernés  contre  les 
complices  de  Hab(euf.  Plus  tard  il 
suivit ,  en  qualité  de  secrétaire,  lias- 
sal,  qui  se  lendait  en  Suisse,  chargé 
d'imc  mission  secrète  du  directoire. 
Tout  en  s'occiipanl  de  son  art,  un 
goût  naturel   le    ramenait    toujours 


TOP 

vers  les  intrigues  politiques.  Lorsque 
Ja  conspiration  de  Grenelle  éclata,  la 
police  crut  qu'il  était  venu  faire  un 
voyage  furtif  à  Paris  ,  et  elle  le  dési- 
gna même  comme  l'un  des  agents 
présents  à  l'attaque  du  camp  de 
Grenelle.  Mais  il  prouva  le  contraire. 
«  J'étais  en  Suisse,  dit-il,  occupé  à 
»  peindre  la  cascade  de  SchafTouse, 
»  lors  de  cette  malheureuse  aii'airej 
»  on  voulut  m'y  impliquer  à  Paris  , 
»  et  la  police  lit  dresser  un  procès- 
»  verbal,  pour  attester  ma  pré'^eiice 
»  dans  cette  capitale.  Il  me  fut  fjcile 
»  de  prouver  l'alibi  j  car  le  jour  mê- 
»  me  qu'on  fusillait,  dans  la  plaine  de 
»  Grenelle,  mes  prétendus  compli- 
■»  ces,  je  me  trouvais  à  Bà'e,  oii  je 
»  dînais  chez  notre  ambassadeur, 
»  M.  Bartliélemv.  »  Revenu  en  Fran- 
ce ,  en  1797,  Topino-Lebrun  reprit 
la  palette  et  le  pinceau ,  et  produi- 
sit le  tableau  de  la  mort  de  Càius 
Gracchus ,  qui  fut  couronné  au  sa- 
lon ,  et  qui  valut  à  son  auteur  une  ré- 
compense du  gouvernement.  Ce  ta- 
bleau ,  dont  le  directoire  exécutif  lit 
présent  à  la  ville  de  Marseille,  an- 
nonçait pour  le  genre  de  l'histoire  un 
talent  auquel  rendirent  justice  tous 
les  connaisseurs.  Dirigé  par  son  exal- 
tation politique,  Topino  figura,  en 
1799,  parmi  lesjacobinsdu  Manège; 
et  après  l'installation  du  gouverne- 
ment consulaire ,  il  continua  d'être  re- 
gardé comme  un  des  moteurs  secrets 
du  parti  Jacobin.  Il  avait  entrepris  de 
peindre  dans  une  très-grande  dimen- 
sion le  siège  de  Lacedémone  ,  par 
Pyrrhus,  lorsqu'il  fut  imjiliqué  dans 
la  conspiration  de  Demerville,  Ce'- 
racchi  et  Aréna ,  accusés  d'avoir 
voulu  tuer  le  premier  consul  Buoua- 
parte ,  à  l'Opéra  ,  le  i  o  octobre  1 800. 
Il  est  certain  que  l'usurpation  mili- 
taire du  18  brumaire  (9  nov.  1  799) 
avait  exalté  au  plus  haut  degré  les 


ÏOP 

idées  républicaines  de  Topino-Jje- 
brun,et  que,  lie  depuis  plusieurs  an- 
nées avec  le  sculpteur  Ceracclii ,  il 
avait  conçu  la  même  haine  que  cet 
artiste  romain  avait  pour  le  premier 
consul  Buouaparte.  Topino  par- 
vint d'abord  à  se  soustraire  aux. 
agents  de  la  police  ;  mais  ,  au  bout 
d'un  mois,  il  fut  arrête'  chez  une 
femme  nommée  Brisset ,  qui  lui  avait 
donne  un  asile.  Toutes  les  charges 
contre  lui  se  réduisaient  à  une  décla- 
ration de  Ceracchi ,  qui  avait  dit  que 
c'était  de  Topino  qu'il  tenait  nu  poi- 
gnard destiné  à  tuer  le  premier  con- 
sul. Quoique  Ceracchi  eût  révoqué 
celte  déclaration  en  présence  des  ju- 
ges ,  et  quelque  noble  et  concluante 
que  fut  la  défense  de  Topino  ,  sa  con- 
damnation à  mort,  ainsi  que  celle  de 
ses  co-accusés,  fut  prononcée  le  g 
janvier  1801.  Il  fut  conduit  au  sup- 
plice le  3o  du  même  mois ,  et  le  cou- 
rage qu'il  avait  montré  dans  les  dé- 
bats ne  l'abandonna  pas  jusqu'au 
dernier  moment.  B — p. 

TOPLADY  (  Auguste  Monta- 
GUE  )  ,  théologien  anglican  ,  naquit , 
en  1740  ,  à  Farnham  en  Surrey. 
Peu  de  temps  après  sa  naissance , 
son  père  ,  qui  avait  le  grade  de  ca- 
pitaine dans  l'armée  anglaise  ,  fut 
tué  au  siège  de  Carthagène.  Au- 
guste étudia  successivement  à  l'éco- 
le de  Westminster  et  à  l'université 
de  Dublin.  Ayant  reçu  les  oidrcs  ,  en 
1 762  ,  il  obtint  la  cure  de  Bi-ead 
Hembury  en  Devunshire ,  où  il  dé-: 
ploya  ses  talents  eu  défendant,  dans 
ses  sermons  et  dans  ses  écrits ,  l'ex- 
cellence du  calvinisme  de  l'église  an- 
glaise. Ce  fut  le  seul  bcnélice  qu'il 
posséda,  et  il  s'y  honora  par  un  dé- 
sintéressement qui  bornait  extrême- 
ment son  revenu,  préférant  rester  pau- 
vre, mais  en  paix  avec  ses  parois- 
siens ,  plutôt  que  de  vivre  dans  l'abon 


TOP  jSo 

dance ,  chargé  de  l'animosité  publi- 
que.Topladymourutle  1 1  août  1778- 
Lc  plus  estimé  de  ses  ouvrages  est: 
Preuve    historique   du   cahnnisme 
doctrinal  de  l'Eglise  d'Angleterre, 
1774  ,  '-i  vol.  in-8'.  Ce  livre  est  re- 
gardé comme  un  des  plus  forts  écrits 
en  faveur  de  celte  doctrine  j  aussi , 
dans  une  controverse  élevée  depnis 
sur  ce  sujet,  les  défenseurs  du  calvi- 
nisme anglican  n'ont  fait  que  répé- 
ter les  arguments   de  l'auteur  sans 
pouvoir  les  présenter  dans  un  meil- 
leur jour  :  cet  ouvrage  fut  réimpri- 
mé en  181 6.  Parmi  ses  autres  écrits^ 
nous  citerons  un  recueil  (TZ/yinTies  , 
177O,  et   sa    Confession   dernière 
(Dying  avowal  ),  'in  juillet   1778. 
Lorsqu'on  imprima  ,  après  sa  moz't , 
une  édition  complète  de  ses  oeuvres, 
en  six  volumes  in-8°.,  suivis  d'un  vo- 
lume de  pièces  posthumes ,  ceux  qui, 
ne  l'ayant  connu  que  par  la  lectui'e 
de  ses  ouvrages  ,  étaient  disposés  à 
lui  attribuer  du  fanatisme,  de  l'into- 
lérance et  une  excessive   austérité, 
furent  surpris  de  voir  que  ce  calvi- 
niste, eu  apparence  si   rigide,  loin 
d'avoir   de   l'éloignement    pour   le 
monde  et  ses  plaisirs ,  avait  consacré 
quelques-uns  de  ses  loisirs  à  justifier 
le  jeu  de  cai-tes,  les  spectacles  et  les 
autres  amusements  publics.  On  lui  a 
reproché  quelque  aigreur  dans  la  con- 
troverse,  notamment  à  l'égard   du 
méthodiste  Wesley ,  qu'il  combattit 
par  le  raisonnement  et  par  le  ridi- 
cule. Toplady  fut,  quelques  années, 
éditeur    du    Magasin   évangélique 
(  The  Gospel  Magazine).  L. 

TOPPI  (  Nicolas  ),  historien ,  né, 
vers  i6o3,  d'une  famille  noble  de 
Chieti  ,  étudia  la  jurisj)rudence  à 
l'université  de  Naples,  oii  il  prit  ses 
degrés  de  doctciu-.  Engagé  dans  la 
reclierche  des  écrits  nécessaires  à  sa 
profession  d'avocat ,  il  revenait  sou- 


ù\o  TOP 

vent  dans  les  archives  qu'il  fouillait 
aussi  en  philologue.  Les  connaissan- 
ces qu'il  y  acquit  lui  valurent,  en 
i65i ,  la  place  d'archiviste,  dont  il 
fut  dépossédé  quelques  années  après, 
et  qu'on   lui    rendit  de  nouveau  en 
1660.  Profitant  de  la   facilité  qu'il 
avait  de  consulter  des  titres  originaux, 
il  composa  un  grand  ouvrage  sur  les 
tribunaux  et  les  magistrats  napoli- 
tains. Si  l'on  en  croit  Meola  (i),  il 
n'aurait  fait  que  mettre  son  nom  à 
un  travail  inédit  de  Chioccai-elli  {F. 
cenom,  YIII ,  ^oZ);  mais  le  plagiat 
rst  uue  accusation  trop  grave  pour 
ne  l'appuyer  que   sur    des    conjec- 
tures. C'est  bien  assez  que  de   re- 
])rocher  à  Toppi  d'avoir  rédigé  une 
nomenclature     aride    d'écrivains  , 
qui   n'a    d'autre    mérite    que    d'ê- 
tre le  premier  essai  d'histoire  litté- 
laire    napolitaine.   Cependant  l'au- 
teur refusa  les  secours  de  Magliabec- 
chi,  qui  s'était  donné  la  peine  d'en 
relever  quelques  fautes.  Cette  opiniâ- 
treté détermina  Nicodcmi  à  publier 
.ses  Jdditions  à  la  bibliothèque  de 
Toppi,  ISaples,  iG83 ,  in-fol.  Mais  les 
lacunes  étaient  si  considérables,  qu'au 
lieu  de  faire  un  supplément  il  aurait 
fallu  recommencer  l'ouvrage.  Toppi 
mourut,  à  Naples ,  en  1 68 1 .  On  a  de 
lui  :  I.  De  origine  omnium  trihuna- 
lium  nunc  in  Castro  Capuanofidc- 
lissimœ  civitatis  Neapolis  exislen- 
tium  ,  deque  eorum   viris  illustri- 
hus ,  Napîes,  i655,   1666,  3  vol. 
iu-4".  II.  Funturc pietose  :  censura 
contro  Girolamo  iSicolino  di  Chic- 
ti ,  Rome  (Naples),    16.57,   in-4". 
Critique  dirigée  contre  cet  historien, 
qui  lui  ré|)ondit  par  un  autre  ouvra- 
ji;e ,    intitulé:  Sferzate  amarose  al 
signor  Toppi  ;  et  dont  le  manuscrit 
est  resté    dans   la    bibliothèque    de 

,r'  lluilllutvmai  Cliiucciiietti  vU(i ,  l'iK-  ^■">- 


TOR 

S.  Angelo  di  Nido ,  de  Naples.  III, 
Compendio  de'  benefici  regj  che  si 
trovano  occupati  nelle  provincie  del 
regnoy  Naples,  1666,  in-4°.  IV. 
Notamento  délie  fatiche  e  diligen- 
ze  Jatte  nelV  archivio  délia  regia. 
Caméra  ,  etc.,  ibid. ,  lô^S,  in-4°. 
V.  Biblioteca  napolitana ,  ed  ap- 
parato  agli  uomini  illustri  in  lette- 
re  di  NapoU  e  del  régna ,  ibid. , 
iG^S  ,  in-fol.  Il  avait  entrepris  un 
travail  sur  l'histoire  générale  et  par- 
ticulière de  toutes  les  villes  du  royau- 
me de  Naples.  C'était  une  espèce  de 
dictionnaire  géographique  et  histo- 
rique, en  dix  volumes,  à-peu-près 
comme  celui  qui  a  été  ensuite  publié 
par  Giustiniani.  Cet  ouvrage ,  qui 
lui  avait  coûté  quinze  années  de  tra- 
vail, n'a  jamais  été  imprimé,  et  l'on 
ignore  même  ce  qu'il  est  devenu. 
Voy.  Soria  ,  Storici  napoletani  j 
pag  59.  A — G — s. 

TORCHE  (  L'abbé  de  (i))  .litté- 
rateur médiocre^  né^  vers  i635,  à 
Béziers  ,  oîi  son  père  remplissait  la 
charge  de  lieutenant  ou  sénéchal ,  fit 
ses  études  au  collège  de  cette  ville  , 
sous  les  Jésuites.  Ses  talents  précoces 
lui  vahirent  l'amitié  de  ses  maîtres, 
dontil  prit  l'habit  à  l'âgedeseizeans. 
Pour  se  délasser  des  fatigues  de  l'en- 
seignement ,  il  lisait  des  ouvrages 
frivoles  et  cultivait  la  poésie.  Il  ap- 
prit aussi  l'italien  et  se  familiarisa 
bientôt  avec  les  chefs  -  d'œuvre  de 
cette  langue.  Son  penchant  pour  les 
plaisirs,  déjà  très-vif,  s'accrut  en- ^ 
core  j)ar  le  genre  de  lectures  dont  il 
nourrissait  son  imagination.  Une  in- 
tiiguc  qui  fut  découverte  l'obligea 
derjuittcr  les  Jésuites  j  et  il  vint  à 
Paris  éludicr  la  théologie  en  Sor- 
boiuic.  Il  ne  tarda  pas  d'abandou- 


(l^Sn 


it  'l'onlit,  s»0( 


TOR 

lier  les  bancs  pour  se  livrer  aux  dis- 
sipations do  son  ;lp;e;  cl  la  modique 
pension  qu'il  recevait  de  sa  famille 
ne  lui  sulHsant  plus,  il  dut   songer 
à  se  faire  une  ressource  de  sa  plume. 
Le  genre  des  Nouvelles  venait  d'être 
mis  à  la  mode  par  le  dégoût  qu'ins- 
piraient les  éternels  romans  de  Ca^- 
sanclre  elà'y^rlamèrie.   Il   pril  des 
arrangements  avec  le  libraire  Barbin 
pour  en  fournir  sa  boi!ti(}ue.   Loge 
dans  un  grenier ,  il  travaillait    une 
partie  de  la  nuit  et  passait  le  jour 
dans  le  monde.  La  maison  qu'd  fré- 
quentait le  plus  assidûment  était  celle 
d'une  daine   de  Ferliugliam  que   le 
desordre  de  sesailaires  avait  conduite 
à    tenir  une  académie  de  jeu.  Elle 
avait  deux  filles  fort  aimables  :  l'une 
d'elles  plut  à  l'abbé  de  Torche;  mais 
sçs  vœux  ayant   été   rebutés  ,  il  se 
persuada  que  la  mère  seule  en  était 
cause.  Ponr  s'en  venger,  il  la  peignit 
des  coideurs  les  plus  odieuses  ,  sous 
le  nom  de  Linguamfer  (.>) ,  dans  l'é- 
pisode   d'une    nouvelle  intituiéc  le 
Chien  de  Boulogne.  La  dame  ou- 
tragée devina  le  coupable  et  voulut 
châtier  son  insolence  ;  mais  ses  deux 
fils  d'un  premier  lit ,  qu'elle  chargea 
de  ce  soln^  se  trompèrent,  et  failli- 
rent faire  expirer  sous  le  bâton  un 
malheureux  abbé  qui  n'avait  jamais 
composé  de  Nouvelles ,  en  lui  criant  : 
Il  te  souviendra  du  chien  de  Boulo- 
gne. De  Torche  ,  informé  de  ce  qui 
venait  de  se  passer  ,  ne  se  croyant 
plus  en  sûreté ,  se  hâta  de  quitter 
Paris  ,  pour  revenir  à  Béziers.  11  se 
rendit  ensuite  chez    un  de  ses    pa- 
rents à  Montpellier ,   et  mourut   en 
cette  ville,  vers   iCi75  ,  à    l'âge  de 
quarante  ans.  Les  Nouvelles  et  les 


TOR  241 

Romans  de  cet  abbé,  })!d)liés  sons  le 
voilede  l'anonyme ,  sont  tombés  dans 
l'oidili.  Il  écrivait  en  prose  avec  l'ai- 
sance d'un  homme  du  monde  qui  tra- 
vaille  en   se  jouant.   Ses  vers   sont 
faciles ,  mais  négligés.  Cependant  on 
y  trouve  des  morceaux  tournés  d'une 
manière  agréable.  On  a  de  lui  :  1.  Le 
Berger  fidèle  ,  traduit  de  l'italien  en 
vers  français ,   Paris  ,   16G4  ,  in  -  12 
(3)  ;  l'éimprimé  au  moins   huit  fois 
(  V.  GuARiNi  ).  Les  éditiiuis  les  plus 
recherchées  sont  celles  de  Cologne, 
P.   Marteau   (  Amstcrd. .  EIzévirs  ) , 
1671,   in-12;  ibid.  ,    i<^77  ,  même 
format,  flg.  La  seconde  ne  contient 
pas  le  texte  italien.  Dans  l'avertisse- 
ment ,  de  Torche  donne   cette  tra- 
duction comme  le  fruit  de  quelques 
heures   de   loisir.  Il    avoue  qu'il   a 
long-temps  hésité  à  traduire  le  mo- 
nologue d'Amaryllis  (  act.  111,  4)  •> 
désespérant  d'égaler  la  version  dont 
le  pubhc.  jouissait  depuis   quelques 
années.  On  l'attribuait  alors  à  M'"^'. 
de  La  Suzc  j  mais  on  sait  qu'elle  est 
de  l'abbé  Régnier  Desniarais  (  V.  la 
Bihl,  frauc.  de  Goujet,  vin,73). 
II.  IJAminte  du  Tasse,  traduite  de 
l'italien  en  vers  français,  Paris,  166G, 
107(3,  iu-i2;laHaye,  1679  et  1681, 
in-ii.  Cette  édition  fait  partie  de  la 
collection  des  EIzévirs  français.  III. 
La  Fhilis  de  Scire ,  pastorale  de  Bo- 
narelli  ,    traduite  en  vers  français  , 
Paris,  16G7,  in- 12,  le  premier  acte 
seulement;  ibid.,  lOfX),  in- 12;  seule 
édition  complète.  IV.  Le  Démêlé  de 
l'esprit  et  du  cœur,  Paris,   1667  , 
iu-i2  de  77  pag.  ;  bagatcHc  écrite  eu 
prose  et  en  vers  :  elle  a  été  réimpri- 
mée avec  le  Combat  du  cœur  et  de 
l'esprit ,  et  le  démêlé  et  Uaccomo- 
denwnl  de  l'esprit  et  du  Ctvur,  ibid., 


(»)  Aua))r»iiunr  de  Ferlin^hnm.  C.cUi-  il.iiiu' ,  iiii' 
IVmicié,  ('tait  <riiiio  (iiiiiille  de  llcaiici' ,  dont  clic 
rrsia  In  s<'iile  licrilurt  do  la  hninclic  comme  sous  le 
iium  du  La  Porte. 

XLVI. 


(3)  Cette  <'di(iui1  iiicuiaiue  à  Ginijet  cl  à  Mercix'r 
de  Saint-Lc'ger,  est  citée  par  M.  lîarbier,  OUt. 
des  onuiiyines ,  u°.  1G77.. 

iG 


242  TOR 

1 668 ,  iu  1 2  ;  dans  les  Recueils  de 
Mnie.  de  La  Suze  (  Voj.  ce  nom , 
XLIV ,  24s  )  ;  et  enfin  on  la  ictioiive 
dans  le  Conservateur ,  juin  i-ySS. 
V.  Le  Chien  de  Boulogne,  ou  l'A- 
mant fidèle,  Paris,  1668,  in-12  ; 
Cologne,  i(36g,  1679,  même  for- 
mat. On  en  trouve  un  extrait  assez 
étendu  dans  la  bibliothèque  des  Ro- 
mans ,  septembre  1787  ,  Î02;  mais 
il  n'y  est  fait  aucune  mention  du  por- 
trait satirique  de  M'"*^^.  de  Ferling- 
hain.  VL  La  Cassette  des  bijoux  , 
ou  Recueil  de  Lettres  en  prose  et  en 
vers,  Paris  ,  iGOç) ,  in-  12.  VIL  La 
Toilette  galante  de  l'Amour,  ibid. , 
16^0,  in- 1  •!  ;  c'est  une  suite  de  l'ou- 
vrage précédent.  On  peut  consulter, 
pour  plus  de  détails,  l'article  fort 
curieux  publié  snr  l'abbé  de  Torche, 
par  Mercier  de  Saint-Léger ,  dans  le 
Magasin  encyclopédique  ,  troisième 
année  ,  vi ,  i83-g8.  W — s. 

TORCY.  V.  CoLBERT,  IX  ,  227  , 

et  PoMPONE,   XXXV,  328. 

TORCY  (François  de),  prèfre 
de  l'Église  constitutionelle,  était  de 
la  congrégation  des  prêtres  de  la 
doctrine  cluéticnae,  oudoctrinaiics, 
et  se  trouvait  au  moment  de  la  l'évo- 
lution recteur  du  collège  de  Saint- 
Omer.  11  se  montra  favorable  aux 
décrets  de  l'Assemblée  constituan- 
te sur  le  clergé  ,  et  se  lit  connaî- 
tre par  des  Eclaircissements  sur 
la  constitution  civile  du  clergé  de 
France  ,  1791  ,  5o  pag.  in-8".  Cet 
écrit  ,  dont  il  y  eut  la  même  an- 
née ,  une  seconde  édition  ,  était  fon- 
de sur  les  princi|)es  des  appelants 
relativement  à  l'autorité  de  l'Eglise. 
L'auteur  développa  les  mêmes  prin- 
cipes dans  deux  sermons  qu'il  prê- 
clia  en  janvier  1792,  et  qui  fu- 
rent imprimés  sous  ce  titre  :  VE- 
gUse  galliram:  vengée  de  toute  ac- 
cusation de  schisme  y   et  préjugés 


ÏOR 

légitimes  de  schisme  contre  ceux 
qui  l'en  accusent ,  Saint  -  Orner ,  03 
pag.  in-8''.  ;  et  peu  après  ,  il  donna 
encore  sur  le  même  sujet  :  Principes 
de  l'unité  catholique  appliqués  aux 
circonstances  présentes ,  enferme 
de  catéchisme  ,  1792,  i38  pages 
in  8".  On  cite  encore  du  même  théo- 
logien, les  Vrais  principes  sur  le 
mariage  ,  ou  Lettre  à  un  curé ,  en 
réponse  à  difjérentes  questions  con- 
cernant les  naissances  ,  mariages 
et  décès ,  et  la  loi  du  divorce , 
1793  ;  nous  n'avons  point  vu  cet 
écrit.  Les  excès  de  la  révolution  ne 
ïamenèrent  point  ïorcy  à  une  au- 
tre manière  de  penser ,  et  il  con- 
tinua ,  même  après  la  terreur,  à  res- 
ter attaché  à  l'ËgUse  constitutionnel- 
le. Ou  le  voit  alors  employé  dans  le 
diocèse  de  Reims,  soit  comme  grand- 
vicaire  de  Diot ,  évêque  constitutio- 
nel  delà  Marne,  soit  comme  curé 
de  Vitry.  Il  assista,  comme  député 
du  clergé  du  diocèse  ,  au  concile  de 
1 797 ,  et  il  rédigea  un  Tableau  du  con- 
cile national ,  présenté  au  clergé  et 
aux  fidèles  de  son  département  j  cet 
opuscule ,  de  34  pages  ,  contient 
peu  de  faits  j  c'est  un  ])anégyriquc 
continuel  du  concile  ,  cntre-mêlé  de 
déclamations  contre  le  pape  et  les 
évcques  légitimes.  Il  fut  inséré  dans 
le  journal  des  constitutionels  ,  dit 
les  Annales  de  la  religion,  tome 
VI ,  pag.  5o2.  Le  même  journal  con- 
tient ,  tome  VIII  ,  deux  autVes  écrits 
de  Toicy j  l'un  est  une  Consulta- 
lion  sur  cette  question  :  Des  institu- 
trices chrétiennes  peuvent -elles  as- 
sister et  conduire  leurs  élèves  aux 
fêtes  nationales  et  décadaires  .*  Ce 
Mémoire  est  signé  par  le  citoyen 
TorcY,  prêtre  de  Fitry-sur-Marne; 
il  est  de  28  pagrs  iu-8". ,  et  conclut 
«pu;  les  institutrices  peuvent  mener 
leurs  élèves  aux    fêtes   décadaires. 


TOR 

1,'cnvie  de  plaire  au  parti  dominant 
explique  ,  mais  ne  justilie  pas  des 
décisions  rclàchee^-d^s  maximes  har- 
dies et  des  sophisraes  évidents  ,  qu'il 
serait  aisé  de  signaler  dans  ce  ftle- 
moire.  L'autre  écrit,  du  même  temps, 
est  un  Traité  de  l'accord  des  insti- 
tutions républicaines  avec  les  règles 
de  l'Église  ,  de  \f\f\  pages  in -8°.  ; 
ce  Traité  est  dans  le  même  esprit 
que  le  Mémoire ,  et  fait  beaucoup  de 
concessions  aux  dépens  des  intérêts 
de  la  religion  etdes  règles  de  l'Eglise. 
L'auteur  s'y  montre  instruit ,  mais 
subtil  et  paradoxal  ,  et  surtout  fort 
épris   des   institutions   répulilicaines 
qui    existaient   alors.    Le   parti  du 
clergé  constitutionnel  traînaillait  dans 
ce  temps-là  à  se  soutenir  au  milieu 
d'un  discrédit  naissant;  il  tenait  des 
assemblées  ,  organisait  des  presby- 
tères ,  nommait  des  évcques.  En  avril 
1801 ,   on  tint  nn  sjnode  ta  ReiTus. 
Ce  synode  était  présidé  par  Diot  j 
Torcy  eu  fut  promoteur  et  en  donna 
une  relation  dans  les  Jnnales  de  la 
religion,  tome  xiii,  page  79.  Il  as- 
sista   également  au   concile    natio- 
nal de  1801  ,  et  y  fut  admis  comme 
procureur  fondé  de  l'évêque  Diot , 
absent.  On  l'y  nomma  vice-promo- 
teur, et  il  prit  plusieurs  fois  la  parole, 
notamment  dans  la  discussion  sur  le 
droit  des  prêtres  de  délibérer  dans 
le  concile.  Celte  discussion  fut  fort 
vive ,  et  le  discours  de  Torcy  fut  sou- 
vent interrompu  par  des  murmures. 
L'orateur  se  déclara  pleinement  pour 
les  droits  du  second  ordi'e  ,  invoqua 
l'autorité  des  écrivains  de   l'école  de 
Port-Royal,  et  parla  fort  longuement 
du  concile  de  Trente  ,  où  ,  dit-il ,  les 
droits   des  éi>èques  n'ont  pas   été 
moins  violés  que  ceux  des  prêtres. 
Ce  langage  déplut  même  dans  une 
telle  assemblée,  et  l'on  jugea  que  le 
système  de  Torcy  favorisait  trop  le 


TOR 


0.43 


prcsbytéranisrae.  Après  le  concordat 
qui  suivit  de  près  le  concile  de  1 80 1 , 
ou  a  lieu  de  croire  qu'il  ne  fut 
pas  employé.  Dans  le  Supplément 
au  Dictionnaire  historique  de  Fel- 
ler,  Paris,  i8'io ,  4  voL  in-S». ,  il  est 
dit  que  de  Torcy  mourut  eu  1  -96  , 
peu  avancé  eu  âge  ;  c'est  une  erreur, 
puisqu'il  assista  au  concile  de  1801. 

P— C— T. 

TORDENSKIOLD  (Pilri-.e),  vi- 
ce-amiral danois,  né,  le  28  octobre 
1691,  à  Drontlieim  en  Norwége^,  de 
Jean  Wessel ,  habitant  obscur  de  cet- 
te ville,  porta  le  nuiii  de  son  père  jus- 
qu'à l'époque  où ,  pour  récompense 
de  son  courage  et  de  ses  exploits,  le 
roi  lui  donna  le  iioiii  sous  lequel  il 
est  connu  dans  l'iiistuire.  Placé  d'a- 
bord chez  un  barbier  ,  il  s'enfuit  se- 
crètement à  la  suite  du  roi^  eu  i  -jo^ , 
et  vint  à  Copenhague,  où  onlc  fit  en- 
trer à  l'école  de  navigation.  Après 
avoir  fait ,  comme  simple  matelot , 
ti'ois  A'oyages  dans  les  Indes,  on  ré- 
compensa son  dévouement  et  son  in- 
fatigable activité ,  en  l'élevant  au  rang 
de  cadet  de  la  marine  royale.  Lors- 
qu'on eut  reçu ,  fu  1 709 ,  la  nouvelle 
de  la  bataille  de  Pultawa,  le  roi  de  Da- 
nemark, de  concert  avec  Auguste ,  roi 
de  Pologne ,  déclara  la  guerre  à  la  Suè- 
de. ^^'essel  continuant  à  sedistincuer 
en  toute  occasion  ,  on  lui  confia ,  en 
1 7 1 T  ,  un  bâtiment  corsaire  ,  avec 
ordre  d'inquiéter  les  cotes  de  la  Suè- 
de. Nommé  lieutenant,  il  prit,  au 
mois  de  mai  1712,  le  commande- 
ment d'une  frégate.  On  le  rencontrait 
partout  où  il  y  avait  des  dangers  à 
courir  et  de  la  gloire  à  acquérir.  Lé 
26  juillet  1714?  passant,  sous  cou- 
leur hollandaise^  près  d'uue  grosse 
frégate  suédoise,  qui  avait  arboré  les 
couleurs  d'Angleterre ,  et  ayant  reçu 
ordre  d'amener,  quoique  bien  infé- 
rieur, il  répondit  par  une  bordée,  et 
iG.. 


■44 


TOR 


le  combat  s'euj^agci  avec  fureur.  Le 
lendemain  ,  vers  deux.  Iieures  de  l'a- 
piès  -  midi ,  il  apprit  qu'il  n'avait 
plus  rpie  quatre  coups  à  tirer ,  et  s'c- 
loi^ii.» ,  furieux  de  ne  pouvoir  recueil- 
lir !e.s  fruits  de  sa  persévérance;  car, 
d'.![)rès  ce  qu'il  avait  remarque,  la 
hei^ale  ennemie,  malî^re  sa  supeïio- 
i  ite,  ne  pouvait  plus  tenir  long-temps. 
Ayant  envoyé  un  trompette  au  capi- 
taine emiemi ,  il  Jui  fit  dire  :  «  J'étais 
près  de  tenter  l'abordage,  afin  de 
pouvoir  me  mesurer  de  plus  près 
avec  un  brave  comme  vous;  mais  la 
mer  est  si  liante  que  je  ne  puis  y  pen- 
ser. Je  n'ai  plus  que  quatre  coups  à 
tirer  ;  prêtez  -  moi  de  la  poudre  ,  et 
nous  recommencerons.  Si  vous  refu- 
sez ma  demande ,  promettez-moi  sur 
votre  parole  que  vous  vous  retrou- 
verez ici,  et  j'irai  clierclier  des  mii- 
uitions.  »  Le  capitaine  répondit  : 
«  Je  n'ai  de  poudre  que  ce  qu'il  me 
faut;  j'invite  le  brave  Wessel  avenir 
à  mon  bord;  nous  voulons  boire  à  sa 
santé.  1)  On  s'approcha ,  on  but  à  la 
santé  de  Wessel,  qui  y  répondit,  et 
s'écria  en  partant  :  «  Saluez  vos 
bonnes  amies  à  Gotlien])Ourg  ;  —  et 
vous,  répliqua  le  Suédois,  saluez  de 
ma  ])art  les  vôlres  >'i  (iopenliague.  » 
Ces  deinières  circonstances  ayant  été 
rapportées  au  roi ,  il  fit  donner  ordre 
à  Wessel  de  rentrer  à  Copenhague  , 
pour  paraître  devant  un  conseil  de 
guerre.  L'équi[)age  fut  entendu  ;  ctlc 
résultat  fut  favorable  à  l'accusé,  qui , 
le  7.8  déc.  suivant,  fut  nommé  capi- 
taine de  vaisseau.  Avant  de  retourner 
à  la  Hotte,  il  présenta  au  roi  un  mé- 
moire, dans  lequtl  il  s'engageait  à 
balajcr  les  mers  du  Nojd,  si  l'on 
voulait  joindre  quatre  autres  frégates 
à  la  sienne.  Le  roi,  paraissant  goûter 
le  projet,  te  soumit  à  l'amirauté, 
qui  jépondit  :  «  Vous  avez  condjié 
de  grâces  ce  jeune  ollicier,  qui  n'a 


TOR 

que  vingt-trois  ans  ;  pour  le  nommer, 
en  i'i\'x  ^  capitaine -lieutenant,  vous 
lui  avezdonué  la  préférence  sur  vingt- 
sept  premiers-lieutenants  et  sur  vingt- 
quatre  seconds -lieutenants  :  pour  le 
faire  capitaine,  on  a  fait  reculer  neuf 
autres  capitaines-lieutenants  plus  âgés 
que  lui.  Que  veut-il  encore?  le  com- 
mandement en  chef?  »  Wessel  retour- 
na à  la  flotte  avec  sa  frég"ate,pourcom- 
mencer  la  campagne  de  lyiS,  qui 
fut  si  glorieuse  pour  lui.  Le  iI^avïAj 
les  deux  flottes  se  trouvèrent  eu  pré- 
sence ;  il  reçut  ordre  de  l'amiral 
Gabcl  d'aller  en  avant,  et  lorsque 
la  nuit  eut  séparé  les  combattants,  de 
se  placer  en  observation  entre  les 
deux,  flottes.  Au  point  du  jour,  il  an- 
nonça que  quatre  vaisseaux  de  ligne 
suédois  et  deux  frégates,  désespérant 
de  pouvoir  échapper,  avaient  donné 
contre  la  côte.  Remarquant  que  l'a- 
miral ennemi ,  comte  Wachtmeister, 
s'apprêtait  à  brûler  sa  flotte,  Wessel 
lui  lit  signifier  qvie  s'il  ne  renon- 
çait à  ce  projet  sur-le-champ  ,  toute 
sa  troupe  serait  passée  au  fil  de 
l'épée.  L'amiral  jeta  son  épéc  daus 
la  mer  ,  et  vint  avec  le  capitai- 
ne de  son  vaisseau  se  rendre  entre  les 
mains  de  Wessel ,  qui,  ayant  mis  à 
flotetdégagé  la  frégate  suédoise  VAi- 
gle-Blanchc ,  reçut  ordre  de  se  ren- 
dre à  Copenhague  avec  cette  prise 
précieuse  ,  tandis  que  l'amiral  danois 
faisait  dégager  les  autres  vaisseaux. 
Le  I  ->.  mai ,  il  enlia  dans  le  port ,  aux 
acclamations  d'une  fouh;  innombra- 
ble, accourue  de  la  capitale;  et  le  8 
juin  ,  il  leva  l'ancre  j)our  rejoindre 
la  Hotte  ,  à  bord  de  la  frégate  suédoi- 
se ,  dont  le  roi  lui  donna  le  comman- 
dement, en  récompense  de  la  [»art 
glorieuse  (pi'il  avait  prise  à  la  vic- 
toire. Le  "]  août,  les  deuv  Hottes 
étant  en  présence,  et  le  ea|)ilaiiie 
d'un  vaisseau  de  ligne  suédois  ayant 


TOR 

onoyc  à  Ici rc  iiii  hâtiincnt  pour  faire 
l'an ,  Wcsscl ,  par  une  ni.uunivrodoiit 
l'audace  déconcerta  son  adversaire, 
s'empara  du  bâtiment,  et  l'enleva 
presque  sous  le  canon  du  vaisseau 
ennemi, qui  pon\  ailfacilement  l'ocra- 
ser.  Le  jour  suivant,  la  ])ataiile s'en- 
gagea sons  les  yeux  de  Charles  XII , 
qui  s'était  place  sur  une  liauteur, 
dans  l'île  deRiigen,  pour  être  témoin 
de  l'action,  danslaquellcil  pcrditdeux 
vaisseaux  et  un  vice-amiral.  La  nuit 
ayant  mis  fin  au  combat,  Wessel^ 
envoyé  en  avant,  jiour  observer, 
se  glissa  au  milieu  d'un  convoi ,  et 
re'iissit  à  en  enlever  un  bâtimeut  ri- 
chement charge,  presque  sous  le  ca- 
non de  l'escorte,  qui  était  comjiosëe 
d'un  vaisseau  de  ligne,  d'une  frégate 
et  d'une  galiote.  Dans  une  de  ses 
courses,  il  attaqua  avec  trop  d'ar- 
deur un  vaisseau  de  ligne  et  nue 
fre'gate  ennemis;  les  ayant  mis  en 
fuite ,  mais  ayant  essuyé  une  grande 
perte  en  hommes  et  dans  son  bâti- 
ment ,  son  amiral  blâma  son  au- 
dace ,  d'autant  plus  rejire'licnsible 
que  SCS  instructions  portaient  qu'il 
n'attaquerait  qu'à  force  égale.  Wosscl 
ayant  e'tc  envoyé  à  Copenhague  pour 
rc[)arcr  ses  pertes  ,  son  e'quipoge  te'- 
raoigna  hautement  son  mo'coutente- 
nient  ;  plusieurs  refusèrent  de  travail- 
ler, se  plaignant  qu'il  les  sacrifiait 
à  son  ardeur  pour  la  gloire.  Il 
c'touira  cette  e'meute,  et  ayant  rejoint 
la  flotte  ,  qui  couvrait  le  sic'ge  de 
Stralsund  ,  il  reçut  ordre  de  l'amiral 
de  rallier  trois  autres  frégates  à  la 
sienne,  et  de  bloquer  Jellen.  Wesscl 
arriva  le  3  dccenil)re  à  son  poste , 
qui  était  delà  plus  haute  importance. 
Stralsund  était  aux  abois  ;  Cliarl .s 
XII,  qui  y  était  enfermé,  dcvaitten- 
ter  les  moyens  de  s'échaj)per;  il  y 
réussit  par  un  bonheur  extraordj 
nairc,  ce  qui  ne  serait  point  arrivé  , 


TOR 


245 


si  le  mauvais  temps ,  les  glaces  ,  n'a- 
vaient arrêté  les  trois  frégates  qui  de- 
vaient joindre  Wesscl.  Celui-ci  lit 
plusieurs  captures  d'un  grand  prixj 
mais  la  plus  précieuse  lui  écliappa  , 
Charles  XII;  ce  juiuce  arriva  à 
Ystedt.,  le  1  3  décembre  ,  jour  où 
Stralsund  se  rendit.  Le  roi  de  Da- 
nemark fit  sou  entrée  dans  cet- 
te capitale  de  la  Poméranie  ;  Wes- 
scl ,  qui  ,  d'après  un  ordre  exprès 
du  roi ,  allait  le  trouver  ,  voulut  of- 
frir du  tabac  à  quelques  ofliciers  su- 
périeurs qu'il  avait  pris  à  son  bord. 
La  frégate  ayant  fait  un  mouvement, 
il  laissa  échapper  de  ses  mains  une 
boîte  de  grand  prix  montée  eu  dia- 
mants, et  qu'il  tenait  de  la  main  du 
roi.  Il  jeta  un  cri,  se  précipita  aus- 
sitôt dans  la  mer,  et  porta  l'effroi 
dans  le  cœur  de  ses  amis.  C'était  au 
milieu  de  décembre ,  pendant  un  hi- 
ver rigoureux  ;  les  mers  du  Nord 
étaient  prises  ou  chariaient  des  gla- 
çons. Wessel  reparut  bientôt  sans 
avoir  pu  atteindre  ce  qu'il  venait  de 
perdre.  A  son  arrivée  à  Stralsund  , 
le  roi  le  consola  en  lui  disant  :  «  Je 
»  vous  annoblis  ,  je  vous  nomme 
»  Tordenskiold  (i)  ,  et  je  vous 
»  donne  des  armes  qui  répondent 
»  à  ce  nom  honorable  cpic  vous 
»  avez  si  bien  mérité.  Vous  êtes 
»  la  Foudre  qui  écrase  les  Sué- 
n  dois  ,  et  le  Bouclier  qui  couvre  la 
»  marine  de  mou  royaume.  »  Il  re- 
tourna à  Copeiil'.ague  avec  le  roi  qui, 
l'ayant  nommé  sou  adjudant-généraU 
lui  confia  l'insjjection  de  ses  flottes. 
Ces  fonctions  étaient  d'autant  plus 
importantes  qu'au  mois  de  janvier  la 
mer  du  nord  était  prise  ,  et  que 
Charles  XI ï  avait  formé  le  projet 
de  faire  passer  sur  la  glace  un  corps 
d'armée  pour  atlaquer  la  Norwège. 

Uic-Uouclur. 


24C 


TOR 


Le  de'gcl  étant  survenu ,  l'expcdiuou 
n'eut  point  lieu.  Au  commencement 
de  juin,  Tordenskiold,  qui  était  venu 
à  Copenhague  rendre  compte  au  roi, 
lui  proposa  une  attaque  sur  l'escadre 
suédoise  qui  était  à  l'ancre  dans  le 
port  de  Dyuekiln.  Ce  jour-là  même 
le  roi  approuva  l'expédition  ,  et  lui 
confia  une  escadre  pour  l'exécuter. 
Sur  sa  roule  il  s'empara  de  trois 
bâtiments  suédois,  et  le  7  judlet, 
étant  arrivé  à  l'entrée  du  port  de 
Dynekiln  ,  il  attaqua  avec  tant  de 
vivacité  ,  que  les  Suédois  déconcer- 
tés firent  écliouer  leur  escadre,  et 
commencèrent  à  mettre  le  feu  aux 
Lâtiinents.  Dans  leur  eflVoi  ,  ils  se 
jetèrent  sur  le  rivage,  d'où,  aunora- 
J)re  de  cinq  mille  hommes,  ils  fai- 
saient feu  sur  ïordenskiold,  qui  n'a- 
vait que  qnatrc  frégates  et  trois  au- 
tres bâtiments.  Pendant  qu'il  repon- 
dait au  feu  des  Suédois  ,  ses  équ'pa- 
c;es  étaient  occupés  à  mettre  leurs 
bâtiments  à  flot.  Ce  travail  fut  ter- 
miné dans  la  nuit ,  et  il  sortit  du 
port,  emmenant  l'escadre  suédoise 
composée  d'une  frégate,  d'onze  ga- 
lères ,  de  vingt-un  bâtiments  de 
transport ,  chargés  de  munitions  de 
gnerre  et  de  bouche.  Charles  XII 
était  devant  Friedrichshall  ,  atten- 
dant son  escadre  de  Dynekiln  ,  à 
laquelle  devait  se  joindre  la  flotte 
de  Gothenbom-g  ;  à  leur  arrivée  il  se 
proposait  d'assiéger  la  place  par 
mer  et  par  tene.  Apprenant  l'écliec 
qu'il  venait  d'essuyer ,  il  leva  le 
siège  ,  et  Tordenskiold ,  qui  était 
sorti  du  port  avec  son  riche  butin  , 
fit  voile  avec  trois  frégates  pour  l'in- 
quiéter dans  sa  retraite.  A  son  arrivée 
à  Copeuliague  ,  le  roi  le  nomma 
commanrleur  ,  et  lui  donna  le  cor- 
don-bleu avec  une  mcfdaille  qui  ne 
fut  accordée  qu'à  trois  anriraux  pen- 
dant le  conrs  delà  guerre j  il  l'eu- 


TOR 

voya  en  Norwége  pour  presser  les 
préparatifs  d'ifne  descente  en  Suède , 
qui  avait  été  concertée  avec  le  czar 
Pierre-le-Grand;  mais  elle  n'eut  pas 
lieu  ,  parce  que  ce  prince  se  refroidit 
et  forma  d'autres  jnojets.  Tordens- 
kiold ,  après  avoir  fait  plusieurs 
prises  d'une  grande  valeur,  revint  à 
Copenhague,  et  le  roi  le  nomma  chef 
des  armements  qui  se  faisaient  pour 
les  flottes  du  Nord.  Sur  la  fin  de 
1  7 1  n  ,  ayant  reçu  ordre  d'attaquer 
Strocmstadt  ,  il  fut  poussé  par  la 
tempête  contre  les  côtes  ,  où  son  es- 
cadre échoua.  Charles  XII,  appre- 
nant que  dans  ce  naufrage  il  avait 
perdu  ses  équipages  et  toutes  ses 
épargnes ,  lui  fit  dire  que ,  par  con- 
sidération pour  sa  bravoure  ,  il 
avait  ordonné  qu'on  rendît  tout 
ce  qui  lui  appartenait  :  ce.  prince 
mourut  ,  et  cette  restitution  ne  fut 
point  exécutée.  Le  roi  de  Dane- 
mark indemnisa  Tordenskiold  ,  en 
lui  donnant  un  bâtiment  que  l'on 
avait  enlevé  aux  Suédois  ,  et  sur 
lequel  se  trouvaient  les  équipages 
du  comte  Tessin.  Charles  XH 
ayant  été  tué  le  1 1  décembre  1718, 
Tordenskiold  se  hâta  d'aller  porter 
cette  nouvelle  au  roi ,  qui  le  nomma 
vice-amiral.  Au  commencement  de 
l'année  1719,  s'étant  habillé  en  pê- 
cheur, il  avait  visité  la  viile  de  IMars- 
trand  (';>,),  la  citadelle  Carlstein,  qui 
domine  la  ville ,  et  remarqué  avec 
soin  les  lieux  par  lesquels  on  pouvait 
attaquer.  11  conduisit  à  son  ordinaire 
cette  entreprise  avec  tant  d'audace 
et  de  bonheur,  ([ue ,  le  iZ  juillet, 
il  força  l'entiée  du  poi't ,  et  s'em- 
para de  la  llolille  (pii  y  était  à  l'an- 
cre, et  de  cinq  batteries.  Par  ce  coup 
de  main  il  se  trouva  maître  de  dix- 


(91)  Marslriiiid  ,  |i<-lile  ilc  ou  loilifr  (lu  ('.»!<■ 
^Bt  ,  av<M-  une  villi;  dti  nirliir  lioui .  qui  ,  liÂlic  suv 
In  rnic  cirionlair,  n  un  ()c>it  vnsfc  ,  proiuiid  ,  »ùr, 
et  duiit  l'«ii(ri'C  cil  Irin-clUiiciU. 


TOR 

sept  bâtiments  de  tlillercntes  gran- 
deurs ,  et  de  quatre  cent  soixante- 
dix-neiif  canons.  Il  prit  poste  dans 
la  ville  de  Marstrand ,  lit  ëvac\ier 
les  magasins,  et  jeta  des  bombes  sur 
la  citadelle,  qui  capitula  le  2G,  après 
un  siège  de  trois  jours.  La  capitula- 
tion n'accordait  au  commandant  que 
cinq  heures  pour  sortir  de  la  citadel- 
le j  ce  délai  étant  expiré,  Tordens- 
kiold  impatient ,  se  fit  ouvrir  une 
petite  porte  par  où  il  ne  pouvait 
t'aii'e  passer  que  deux  hommes  de 
front  ,  entra  l'épr'e  à  la  main ,  et 
paraissant  tout-à-coup  devant  la  de- 
meure du  commandant ,  lui  deman- 
da ,  d'un  ton  de  voix  élevé ,  pourquoi 
il  ne  tenait  point  sa  parole.  Le  com- 
mandant ell'rayé,  au  lieu  de  faire 
fermer  cette  petite  porte ,  de  s'empa- 
rer de  Tordenskiold  et  de  sou  déta- 
chement, sortit  de  la  citadelle  et  la 
livra  à  l'ennemi.  Le  lendemain,  le 
drapeau  danois  flottait  sur  toute  l'île. 
Le  roi  fît  frapper  deux  médailles 
pour  éterniser  cette  glorieuse  con- 

Îuête.  Celle  que  le  vainqueur  reçut 
e  la  main  de  son  prince  pesait 
soixante-quatre  ducats  en  or  ;  on  y 
lisait  l'insci'iption  suivante  ;  «  Qui- 
»  conque  porte  ce  signe  doit  attester 
»  avec  force  que  Marstrand  s'est  ren- 
»  du  pour  la  gloire  de  Dieu  et  celle 
))  du  roi.  »  Après  la  conquête  de 
Marstrand,  Tordenskiold,  suivant  les 
ordres  du  roi ,  se  rendit  à  Copenha- 
gue ,  où  il  fut  nommé  membre  de 
l'amirauté.  Il  fut  un  des  quatre  géné- 
raux qui ,  en  récompense  de  leurs 
services  ,  eurent  la  permission  de 
porter  le  portrait  du  prince ,  qu'ils 
tenaient  de  sa  main.  Le  roi  donna , 
en  sa  présence  ,  le  nom  de  Mars- 
trand, à  un  vaisseau  de  ligne  qu'il 
venait  de  faire  lancer  à  la  mer.  Le 
comte  de  Carleret  ,  ambassadeur 
d'Angleterre  à  JSlockholm  ,    étant 


Tcm 


24- 


venu  à  Copenhague  ,  Tordenskiold  , 
qui  était  trîs-lié  avec  lui,  obtint  du 
roi  la  permîsion  flatteuse  de  placer 
du  canon  devant  l'hôtel  qu'il  habi- 
tait, et  de  faire  tirer  dos  salves  à 
l'occasion  d'une  fctc  qu'il  donna  à 
ce  ministre.  Le  aS  juillet  1720,1a, 
paix  fut  signée  à   Friederichsbourg. 
Par  i:ne  des  clauses  du  traité ,  la  Suè- 
de paya  au  Danemark  six  cent  mille 
thalers ,  et  on  lui  rendit  Marstrand 
et  Riigen.  Tordenskiold  ,  qui  sem- 
blait   avoir   lassé    la    fortune  par 
une  élévation  si  subite ,  tourmenta  le 
roi  pour   obtenir  la   permission  de 
voyager.    «  Je  pourrais  vous  com- 
»  mander ,  dit  le  prince  ,  de  rester 
»  près  de  ma  personne;  je  me  con- 
»  tente  de  vous  dire  que  je  verrai 
»  avec  la  plus  grande  peuie  que  vous 
»  vous  éloigniez  de  moi.  »  Il  partit 
néanmoins,  ayant  pour  ainsi  dire  ar- 
raché la  permission  au  roi.  Use  pro- 
posait d'aller  à  Hambourg ,  Hano- 
vre, Berlin,  Dresde,  et  de  faire  là  de 
nouveaux  projets  de  voyages.  Etant 
à  Augustenbourg,  il  raconta  au  duc 
un  songe  qui  l'avait  effrayé  la  nuit 
précédente.  Le  prince,  qui  voyait  qu'il 
en  était  fortement  frappé,  profita  de 
cette  impression  pour  l'engager  à  re- 
tourner à  Copenhague.  Il  y  parais- 
sait décidé;  mais  le  lendemain,  étant 
à  une  partie  de  chasse  avec  le  prin- 
ce, son  cheval  tomba  du  haut  d'un 
pont  ,   et  resta  sur  la  place   sans 
que  Tordenskiold  souffrît  de  cette 
chute  violente  ;  il  crut  que  le  mal- 
heur qui  lui  avait  été  annoncé  en 
songe  était  arrivé ,  que  tout  était 
consommé,  et  il  partit  pour  conti- 
nuer son  voyage.  Pendant  les  cinq 
semaines  qu'il  passa  à  Hambourg, 
il  ne  pouvait  sortir  de  son  hôtel  sans 
rencontrer   une  foule  iimonibrable  , 
avide  de  voir  un  homme  qui, à  peine 
âgé  de   trente  ans  ,   s'était  acquis 


248 


TOR 


«ne  si  haute  rdjnitation.  Il  avait  pris 
à  sa  suite  !e  fils  d'nnriclie  négociant 
de  C()])ciihaj;iie.  Ce  jeune  liomme 
freqwriita  une  seule  fois  une  société 
de  joueurs,  qui ,  lui  ayant  gap,ue  ce 
qu'il  av.iit ,  lui  firent  signer  un  billet 
de  viiigl-:six  naille  thalers  sur  !a  cais- 
se de  son  père.  P.irmi  ces  joueurs  se 
trouv.iit  un  colonel  Stahl,  (jui  avait 
ele  au  service  de  Suède.  Tordens- 
kiold  ap|)rit  avec  indignation  les  dé- 
tails de  cet  cveneinent,  et  sacliant 
que  le  roi  d'Angleterre  se  disposait  à 
retourner  dans  son  royaume,  il  se 
liàta  de  partir  pour  Hanovre,  afin 
de  s'y  trouver  avant  le  départ  de  ce 
prince.  Le  roi,  l'ayant  accueilli  avec 
les  marques  de  la  ])liis  hante  distinc- 
tion, voulut  l'avoir  à  sa  table  pen- 
dant les  trois  jours  qui  précédèrent 
son  départ;  il  paraissait  rechercher 
avec  cnij)ressenient  Tordenskiold  et 
goûter  le  jc'cit  de  ses  exploits.  Le  18 
nov. ,  après  le  départ  du  roi,  l'a- 
miral se  trouvant  à  table  chez  le  gé- 
néral 15elau,  apprit  que  le  colonel 
Stalil  était  au  nombre  des  conviés. 
Pendant  ((ue  l'on  jouait,  il  dit, en  re- 
gardant cet  oibcier,  que  le  roi  d'An- 
gleterre avait  agi  bien  sagement  en 
faisant  arrêterdes  hommes  (jui  avaient 
trom]>cau  jeu:  «Userait  l)ien  à  de.si- 
rer,  ajouta-t-d,  en  élevant  la  voix, 
<jue  l'on  prît  partout  de  paieilles 
mesuies  contre  cette  race  d'hommes 
si  vils,  à  quelque  rang  qu'ils  puis- 
sent apjiartenir.  Il  yen  a  à  [lam- 
boiirg;  il  est  surprenant  (pu-  le  ma- 
gistrat ne  les  fas.se  j)as  arrêter  pour 
les  faire  trans|)orter  hors  de  son  ter- 
ritOMc,  après  leur  a  voir  chargé  le  dos 
d'une  ceulaiiiede  <oups  de  bâton.  » 
Ayant  raj)|ielé  (|uel()iics  circonstan- 
ces <pii  ne  jxjiivaient  avoir  rappoi  t 
(jii'au  colonel,  celui-ci  demanda 
une  explication  ,  ri  peu  satisfait  de 
ce  (|ue  (lit    !' unir  il  .   il  s'"ei  ia   tout 


TOR 

haut,  qu'il  n'y  avait  qu'un  lâche  ma- 
telot qui  put  se  conduire  ainsi,  Tor- 
den.skiold  furieux,  s'élance  la  canne 
à  la  main,  poursuit  Stahl  jusque  dans 
la  cour,  et  comme  celui-ci  tirait  l'é-- 
pée,  il  la  lui  arracha  et  la  brisa  sur 
sa  tète.  Un  rendez-vous  fut  aussitôt 
proposé  et  accepté  à  quelques  lieues 
de  Hanovre.  En  considérant  toutes 
les  circonstances  de  cette  malheureu- 
se ali'aire,  on  est  tenté  de  croire  qu'il 
y  cul  guet-à-pens.  Le  20  novembre, 
à  cinq  heures  du  matin,  Tordens- 
kiold partit  dans  une  chaise  de  poste, 
avec  son  \alel-de-chambi'e,  n'ayant 
d'autre  arme  qu'une  épée  de  gala. 
Un  colonel  hanovrien  qui  s'était 
offert  pour  second,  et  qui  tint  en 
cette  lencontre  une  conduite  bien 
singulière,  l'accompagnait  à  cheval. 
11  avait  même  fait  croire  ta  l'amiral 
que  Stahl  ne  viendrait  point  ,  qu'il 
était  retourné  h  Hambourg.  Cepen- 
dant celui  -  ci  se  trouva  au  ren- 
dez-vous ,  ])ien  armé.  Le  valct-de- 
chandjre  de  Tordenskiold  voulait 
donner  son  éjiée  à  son  maîlie ,  il 
la  refusa.  Stahl  eut  bientôt  écarté 
la  faible  lame  de  l'amiral ,  qui ,  au 
second  coup  tomba  à  la  renver.se.  On 
retint  le  va l(;t-dc-ch ambre  jusqu'à  ce 
que  les  a.ssistants,  qui  étaient  bien 
montés,  se  fussent  évadés.  Tordens- 
kiold ex])ira  entre  les  bras  de  son 
serviteur  ,  en  recommandant  son  ame 
à  Dieu.  Il  était  Agé  de  trente  ans  et 
vingt-trois  jours.  Ainsi  j)érit  un  des 
])reniiers  marins  (pi'ait  eus  le  Dane- 
mark. Le  bruit  de  sa  mort  se  répan- 
dit eu  INoivve'ge  et  en  Danemark, avec 
la  rapidité'  de  l'éclair  ;  tous  ,  grands 
et  petits,  dé|>loraieut  la  j)erte  de  ce 
brave  Sdiis  peur  cl  sans  reproche  ^ 
•(pii,  aprJs  avoir  cherché  dans  les 
combats  une  mort  glorien.se,  venait 
de  périr  par  la  main  d'un  lâche 
joMcur.    Le    roi   le  legielta    sincère- 


TOR 

ment  :  considérant  Tordenskiold 
comme  l'ouA^rngc  de  ses  mains,  ce 
I  prince  admirait  sa  vivacité  à  con- 
cevoir un  plan  ,sonintre'pidite'  quand 
il  fallait  agir.  Dans  une  attaque,  Tor- 
denskiold saisissait  du  premier  coup- 
d'œil  le  ve'ritablepoint ,  et  il  prévoyait 
toutes  les  circonstances  qui  pouvaient 
survenir.  Aucun  marin  n'osait  lut- 
ter avec  lui;  tout  cédait  à  ^on  agilité 
dans  les  exercices ,  et  à  une  force  de 
corps  plus  qu'humaine.  Quand  il 
commandait ,  sa  voix  de  Stentor  por- 
tait au  loin  ses  ordres ,  maigre  le 
lu'uit  des  armes  et  le  feu  des  batte- 
ries. Un  jeune  Danois  publia  en  3 
vol.  in-4*'.,  1747  »  '"^  biographie  de 
quelques  hommes  illustres,  où  l'on 
trouve  la  Vie  de  Tordenskiold  très- 
de'taillee.  Le  même  ouvrage  a  paru 
en  allemand,  Copenhague,  17^3,  3 
vol.  in-8".  Voyez  aussi  Biisching  , 
Notices  sur  l'état  des  sciences  en 
Danemark.  G — y. 

TOr.DKSILLAS.  r^.  Herrera. 

TORELLl  ou  TORELLO  (  Gtji- 
Do- Salingvebra  I*^"".),  guerrier, 
ainsi  surnomme  par  contraction  de 
Saliens  -  in- guerra ,  à  cause  de  sa 
valeur  ,  fut  seigneur  de  Eeriarc  , 
en  II 18.  11  était  fils  de  Frédéric 
Torello  ou  le  petit  Taureau ,  et  de 
Matliildo  d'Ermengardf-  des  ducs 
de  la  Romague.  Pielro  Torelli  à'Er- 
mengarde ,  son  friic  a  nié ,  était  déjà 
gouverneur  de  Fcrrare,  pour  la  fa- 
meuse conilcssc  Mathilde  ,  depuis 
1092.  Il  parait  que  Guido  I*-'.  lui 
succéda  :  séduit  par  l'exemjjlc  des 
gouverneurs  de  ce  tcmps-Ià  ,  il  se  lit 
élire  j)ar  les  Ferrarois,  et  s'empara 
du  pouvoir  souverain,  dont  il  usa  , 
du  reste,  assez  bien  ,  pui.siju'il  favo- 
risa le  commerce  ,  étendit  la  ville  ,  la 
fortifia  ,  et  bàlit  l'église  de  Tous-lcs 
Saints^  où  il  fut  enterré.  Mnratori  , 
dans  sa    Dissertation    dti   Principi 


TOR  24  () 

e  liranni  d'Italia  ,  le  distingue  soi- 
gneusement de  Salingucrra  II  ,  son 
petit-fils. — Torrelli  II,  fils  du  précé- 
dent ,  lui  succéda  dans  la  seigneurie 
de  Fcrrare  ,  en  i  i5o ,  et  fit  le  traité 
de  celte  ville  avec  l'cmpeur  Henri  VI. 
11  était  chef  du  parti  Gibelin;  Guillau- 
me des  Adelards,  chef  du  parti  Guel- 
phe,  imagina,  pour  réunir  les  deux 
factions,  de  fiancer  Marchésella ,  sa 
nièce  ,  seule  héritière  de  tous  les 
biens  de  sa  famille ,  à  Arrii'erio,  fils 
aîné  de  Torelli  II  (  F.  Adelabu,  I , 
'.>.l3  );  m;iis  le  rapt  odieux  de  cette 
jeune  princesse  futla  causedes  haines 
qui  éclati'rent  entre  les  Torelli  et 
les  marquis  d'Esté  ,  et  qui  firent 
verser  tant  de  sang  pendant  un  siè- 
cle .  dans  le  Ferrarois  ,  le  Padouan 
et  la  marche  de  Trévise.  Torelli  II 
mourut  en  1 197  ,  laissant  deux  fils, 
Piétro  d'Ermengarde  et  Salingucrra 
II  (  F.  Salinguerra  ,  XL ,  1G4,  et 
Este  (  Azzo  VI  ) ,  XIII  ,  365  ).— 
GiACOMo  ,  petit-fils  de  Torelli  ,  et 
fils  de  Salinguerra  II  ,  rappelé  par 
les  Ferrarois,  ne  put  en  profiter  par 
son  incapacité ,  et  se  retira  à  la  cour 
d'Ezzeiin  II ,  son  beau-père ,  qui  se 
chargea  de  le  venger.  —  Salin- 
guerra III ,  fils  de  ce  môme  Giaco- 
mo,  marié  à  Jeamie,  fille  du  fameux 
Albert  Pallavicini  ,  fut  un  homme 
d'esprit  et  de  courage:  créé, en  i3ol, 
chef  de  la  ligue  des  villes  de  Bolo- 
gne ,  Forli  et  Imola  ,  il  fit  plusieurs 
campagnes  honoral)les.  Rajipelé  par 
les  Ferrarois ,  il  fut  proclamé  cinquiè- 
me seigneur  de  Fcrrare,  en  i3o8; 
mais  les  eiï'orts des  marquis  d'Esté  ne 
lui  permirent  pas  de  s'y  maintenir. 
Salingucrra  11!  perdit  Ferrarre  ,  en 
i3io.  Les  Torelli  l'avaient  possédée 
cent  vingt  ans  avant  les  marquis 
d'Esté,  ceux-ci  la  leur  avaient  dispu- 
tée pendant  soixante-dix  ans,  et  ils 
l'ont  conservée  trois  siècles.       Z. 


a5o 


TOR 


TORELLI  (  GuiDo  II  ) ,  descen- 
dant de  Salinf^uerra  III,  était  fils  de 
Marsilio  Torelli  et  d'Hélène  d'Arco. 
11  lit  ses  premières  armes  sous  son 
père  et  sous  le  général  Carmagnole 
{F.  ce  nom,  Vil,  2G2) ,  mérita  l'es- 
time du  duc  de  Miîan,  Jean-Alarie 
Visconti ,  qui  lui  fit  épouser  Orsina  , 
une  de  ses  parentes  ,  (  F.  l'art,  ci- 
après)  ,  et  l'investit,  eu  i4o6  ,  des 
fiefsde  Guastalla  etdeMontécliiarugu- 
16.Guido,enservantsouslesdrapeaux 
d'OttondeTerziet  du  marquis  d'Esté, 
avait  développé  de  grands  *alents 
militaires  :  le  duc  Plulippe  -  Marie  , 
qui  avait  succédé  à  Jean-Marie  ,  au 
duché  de  Milan  ,  fit  tous  ses  efforts 
pour  le  rappeler  à  son  service.  Gui- 
do  Y  rentra  en  il^'io  ,  et  lui  resta 
toujours  fidèle.  Dès  la  fin  de  cette 
année,  il  fit  la  guerre  au  marcpiis 
d'Esté,  lui  enleva  plusieurs  places, 
et  s'empara  de  Parme.  II  soumit 
Gênes  au  commencement  de  \l\'i7.  ; 
en  fut  nommé  commandant  pour 
le  duc  de  Milan,  et  prépara  l'expé- 
dition que  ce  jnince  envoya  au  se- 
cours de  Jeanne  II  Duiazzo,  reiue  de 
Naples,  et  de  Louis  III  d'Anjou.  Sa 
flotte,  composée  de  treize  bâtiments 
de  guerre  et  de  vingt  galères  ,  mit  à 
la  voile  en  novembre  i4'-i3  ,  et  vint 
mouiller  devant  Gaëte.  Il  força  le 
port,  se  rendit  maître  de  la  ville, 
vint  bloquer  Naplcs,  qu'il  avait  or- 
donné à  François  Sforce  d'assiéger 
par  terre,  et  obligea  cette  capitale 
d'ouvrir  ses  portes,  le  12  avril  \^if\. 
Jeanne  1 1  récompensa  son  libérateur , 
en  lui  donnant,  dans  une  fête  publi- 
que ,  un  bouclier  d'or,  où  les  armes 
de  Guido  Torelli  se  trouvaient  écar- 
telées  avec  les  .siennes  (  le  lion  de  Du- 
ras ).  Elle  y  joignit  l'investiture  de 
plusieurs  fiefs,  el  le  litre  de  baron 
de  la  Pouille  et  du  (',apr)ii.in.  Guido, 
à  son  retour  à  Milan  ,  défendit  Fian- 


lOR 

çois  Slbrce ,  son  ami ,  des  accusa- 
tions porlées  contre  lui  auprès  du 
duc,  lui  regagna  l'afléction  de  ce 
prince,  et  fut  ainsi  l'origine  de  la 
fortune  prodigieuse  de  cette  maison. 
Guido   eut  de  constants  succès  de 

I  420  à  1 4^8.  En  1  43  1 ,  il  fut  op- 
posé au  général  Carmagnole,  son  an- 
cien maître,  et  le  battit  le  'ii  mai , 
dans  le  Cremonais,  conjointement 
avec  François  Sforce  et  Picinino. 
En  1432,  il  fut  commandant  dans 
la  Valteliue  ,  la  Valcamonique  ,  le 
Bressan  et  le  Bergamasque,  avec  les 
pouvoirs  les  plus  étendus.  Philippe- 
Marie  érigea  ,  en  1 4*^8,  en  sa  faveur, 
Guastalla  et  Montécbiarugulô  eu 
comté  héréditaire ,  et  y  ajouta  le  don 
de  ses  armes  (  la  Bisse  de  Mi- 
lan ).  II  lui  donna  en  1 43 1 ,  les 
fiefs  de  Casei  Cornale  et  Settimo, 
érigés  en  marquisat^  enfin ,  il  le  créa , 
le  i''^.  mai  i/)4i7  patrice  des  villes 
de  Milan,  Parme  et  Pavie.  Guido 
mourut  à  Milan  ,  le  8  juillet  i  449- 

II  avait  construit  les  fortifications  de 
Guastalla ,  et  bâti  sur  la  Lenza  la 
forteresse  de  Montechiavigulb ,  dont 
les  ruines  subsistent  encore.       Z. 

TORELLI  (  Obsina  ) ,  femme  du 
précédent ,  était  fille  d'Antonio  Vis- 
conti, etdeDéjanire  Valpcrga,  et  joi- 
gnait à  tous  les  avantages  de  la  nais- 
sance  une  extrême  beauté  et  un  grand 
caractère.  Depuis  1422,  Guido  II 
lui  laissa  la  régence  de  Guastalla , 
pendant  ses  fréquentes  absences,  et 
elle  s'y  conduisit  toujours  avec  sa- 
gesse et  prudence.  En  i  426 ,  pendant 
que  Guy  était  à  Gênes,  et  qu'on  as- 
siégeait B rescia  ,  les  bords  du  Pô  se 
trouvant  dégarnis  de  troupes,  le  gé- 
néral Carmagnole  envoya  jusques 
à  Casai  -  Maggiorc  une  division 
vcnilienne  qui  enleva  cette  place , 
ainsi  que  Brcsello ,  el  vint  assié- 
ger  Guastalla  ,     qui    ne    se   trou.- 


TOR 

vait  alors  défendue  que  par   quel- 
ques troupes  ëti'angcres.  Orsina  ra- 
masse tout  ce  qu'elle  peut  réunir  de 
soldats,  court  prendre  des  troupes  à 
Parme,   et   les   mène  el.'e-mcme    à 
l'ennemi,   portant  la   cuirasse  et  le 
casque.   Les  \  e'niliens    croient  que 
c'est  Guido  Torelli  qui  tombe  sur 
eux  j   ils    abandonnent   leur    camp 
et    un  grand   nombre    de    prison- 
niers.   Philippe    de    Bergame  rap- 
porte  qu'on    vit   cette  femme  cou- 
rageuse conduire  elle-même  les  ren- 
forts aux  points  les  plus  périlleux, 
3ue  plusieurs  des  ennemis  périrent 
e  sa  propre  main,  et  que  ses  armes 
étaient  couvertes  de  sang  au  sortir 
du  combat.  Tout  le  duclic  de  Milan 
alluma  des  feux,  et  lit  des  rejouis- 
sances à  la  nouvelle  de  cette  victoire; 
et  les  habitants  de  Guastalla  firent 
peindre  celte  glorieuse  action  sur  les 
murs  de  l'église  de  Saint -Bartliéle- 
mi,  où  cette   fresque  existe  encore. 
Orsina  mourut  quelques  années  après, 
laissant  deux  fils.  —  Sa  petite-fille , 
Donella  Sanvitali ,  s'étant  également 
trouvée,  pendant  l'absence  de  son 
mari  ,  assiégée   à   Sala  ,  en  sept. 
I  483 ,   par  Amurath    Torelli ,   son 
cousin  ,  soutint  un  assaut ,  se  défen- 
dit long-temps  sur  la  brèclie,  empê- 
cha la  prise   du   château ,  et  d'un 
coup  d'arquebuse  tua  elle-même  le 
malheureux  Amurath.  —  Plusieurs 
femmes  du  mêmenom  se  sontrenducs 
célèbres  en  Italie,  par  leurs  comiais- 
sances  et  leurs  talents  littéraires.  Z. 
TORELLI   (Lelig),  en  latin, 
Tavrei.lus  ,   célèbre   éditeur  des 
Pcmdectes  florentines,  ï\'M[w\t  à  Fa- 
no  ,  le  uS  octobre  1 489, d'mie  famille 
patricienne,   établie  dans  cette  ville 
depuis  le  commencement  du  quator- 
zième siècle.  Ses  parents  le  confiè- 
rent ,  de  bonne  heure ,  à  Jacq.  Cos- 
tanzi,  son   oncle  maternel  ,  savant 


TOR 


a5f 


2)rofesseur  à  l'académie  de  Ferrare  ;■ 
et  sous    la  direction  de   cet  habile 
maître,  il  lit  de  rapides  progrès  dans 
les  langues  grecque  et  latine.  Apris 
avoir  terminé  ses  éludes  classiques  , 
il  alla  suivre  les  lc(;ous  de  droit  à  la 
faculté  de  Pérouse,  et  il  y  reçut,  à 
vingt-deux  ans ,  le  grade  de  bache- 
lier.  Sa  naissance  et  ses  talents  lui 
ouvrirent    la    carrière   des    emplois 
publics.  Nommé  podestat   de  Fos- 
sombroue  ,  il  devint  bientôt  le  chef 
de  la    magistrature   de   Fano  ,     et 
eu  i5'20  j  il  fut  député  par  son  corps 
au  pape  Léon  X.  Scanderbeg  Com- 
nène  avait  obtenu  du  Saint-Siège  la 
seigneurie  de  Fano ,  comme  un  dé- 
dommagement des  états  qu'il  avait 
perdus  par  sa  réunion  à  l'Fglise  ca- 
tholique. Ce  prince  se  rendit  odieux 
à  ses  nouveaux  sujets  par  l'abus  de 
son  autorité.  Secondé  par  les  jeunes 
patriciens,  Lelio  le  chassa  de  cette 
ville.  Cette  action  courageuse  fut  re- 
présentée   comme   un   attentat  aux 
droits  du  Saint  -  Siège  :   mais  Lelio 
n'eut  pas  de  peine  à  se  justifier-  et  le 
pape  Clément  YIII  voulut  lui  don- 
ner un  témoignage  de  confiauce  ,  en 
le  nommant  gouverneur  de  Béné- 
vent.  La  sagesse  de  ses  mesures  pré- 
serva cette  ville  de  la  peste  et  de  la 
famine  qui  désolaient  une  partie  de 
l'Italie.  N'ayant  pu  réussir  à  calmer 
les  habitants  de  Fano  ,  révoltés  con- 
tre Pandolfe  Malatesti  (  F.  XXVI , 
332  ) ,  i\  prit  le  parti  de  se  retirer  à 
Florence  ,  où  le  grand-duc  Cosme  de 
Médicis  l'accueillit  avec   empresse- 
ment. Nommé  l'un  des  cinq  audi- 
teurs de  la  Rote  (  1 53 1  ) ,  il  se  signala 
par  son  impartiahtc  et  par  l'étendue 
de  ses  connaissances.  Il  fut  ensuite 
élu  podestat  de  Florence  ;  et  le  grand- 
duc  le  fit  enfin  son  chancelier  et  son 
premier  secrétaire,  eu  i54(>.  Malgré 
les  devoirs  attachés  aux  dillërcules 


'2.52 


TOR 


charges  dont  il  avait  été  successive- 
ment revêtu  ,  Lelio  ne  cessa  jamais 
de  cultiver  les  lettres  et  les  sciences. 
Charge  par  Cosme  de  publier  une 
édition  des  PaiidfCtfs ,  sur  le  pre'- 
cieux  manuscrit  conserve  dans  les 
archives  de  Florence,  il  consacra  dix 
ans  à  ce  travail ,  auquel  il  associa 
François ,  l'aînc  de  ses  (ils  (  i  ).  Cette 
magnifique  édition  fut  terminée  en 
1 553.  Lelio ,  depuis  plusieurs  années, 
était  membre  de  l'académie  florenli- 
nej  il  en  fut  élu  l'un  des  chefs  {consola) 
en  1557.  Les  services  importants 
qu'il  avait  rendus  à  sa  patrie  adop- 
tive  lui  méritèrent,  en  iS'-G,  son 
admission  an  sénat,  et  l'inscription 
de  son  nom  sur  le  livre  de  la  nobles- 
se florentine;  mais  il  ne  jouit  pas 
long-temps  de  ce  douille  honneirr , 
puisqu'il  mourut  le  •i'j  mars  de  la 
même  année,  à  l'âge  de  quatre-vingt- 
sejjt  ans.  Il  avait  eu  la  douleur  de  se 
voir  ])récc'der  au  lomlieau  par  neuf 
enfants  qu'il  avait  eus  de  son  maria- 
ge avec  Lia  Marcoliiii.  Le  grand-duc 
luilitfaire  do  liiagniliques funérailles. 
Philippe  Sasselti  prononça  son  orai- 
son funèbre  :  elle  a  été  recueillie  par 
Salvino-Salvini , dans  les Fasti  conso- 
lari  delV  acadcvi.  fiorentina.  Une 
médaille  fut  frappée  en  son  hon- 
neur ('i),  et  son  portrait  fut  placé 
parmi  ceux  des  illustres  Florentins. 
Lelio  joignait  à  beaiicouj)  d'esprit  et 
d'érudition  les  talents  d'un  homme 
d'(!lat ,  et  toutes  les  vertus  d'un  ci- 
toyen. La  plu])arl  des  écrivains  con- 
temporainsloueiit  à  l 'envi  sa  piété, 
sou  dc'sinléresseiueul  et  sa  probité. 


(  1 1  I  Vniirrii»  T'irrlli  JDiniiil ,  oiniilnc  sun  pire ,  A 
i'rliulc  fjri'lrllnl.  r<  llr  Avk  loi»;  il  l'ut  cnliMil  •]« 
l'iiraili-mii-  (I.Mirilliir  ,  iMi  uVii,  t'I  liioiiinl  m  i;")-,. 
I.fli<.    lui  u.di.  I.i  kI.hii'  <!.•  .1.  ,l»v  îV.lil.  <l.»  /•«/,- 

.l-rl.y  .,»  t;,i,.,>l  llll.     CoMur    .1.     'U..1.,  i^,   ri    cVM     lu 

ITiisfHi  niMir   ln(|iii'll<'    iwi    lui    .lUiiljin'    i|iiHi|tii'r»is 
<:>lt<!  édition. 

(  >)  Jblln  c«l  lijjiii'ci  il.^ii:<  II'  ISl.iMiiiin  MumtihA- 
lianiim  ,  I ,  |i|.  81 . 


TOR 

On  lui  dort  'les  règlements  de  l'aca- 
démie de  Florence  et  les  statuts  de 
l'ordre  de  Saint-Éticnne.  Orateur  et 
poète,  on  a  de  lui  des  vers  latins  (3) 
cl  italiens  (4) ,  et  quelques  Discours 
(5);  mais  il  est  plus  connu  comme 
jurisconsulte,  quoiqu'il  n'ait  laissé 
que  trois  opuscules  de  droit  :  ^d 
Gallum  et  legem  Felleam;  ad  Cato- 
nem  et  Paulum  enarratiuncidœ ;  De 
militiis  ex  casa.  Les  deux  ]nemiers 
sont  adressés  à  François  TorcUi  , 
son  fils,  dont  on  a  déjà  parlé  ;  et  le 
troisième  au  savant  Ant.  Augustin  , 
archevêque  de  Tarragone,  son  ami. 
Ce  prélat  les  fit  imprimer  à  la  suite 
de  son  recueil  de  corrections  {Emen- 
daliones  )  (  V.  k.  Augustin  ,  III , 
64  )  ',  et  ils  ont  passé  de  là  dans  le 
Tractatus  iractatuum ,  tom.  xii 
{V.  ZiLETTi) ,  et  dans  le  Thésaurus 
juris  d'Éverard  Otto,  iv,  i6o3- 
1642.  Mais  le  principal  titre  de  Le- 
lio à  la  reconnaissance  de  la  posté- 
rité, c'est  son  édition  des  Pandec- 
tes,  intitulée  :  Digestorum  seu  Pan- 
dectarum  libri  l,  ex  Pandectis  Flo- 
rentinis  reprœseniati  ,  Florence , 
Torrenlino ,  i553,  in-fol. ,  3  vol. 
C'est  un  chef-d'œuvre  d'impressionct 
decorrection.  Le  manuscrit  sur  lequel 
cette  édition  a  été  faite  futdécouvert, 
en  I  il^,  à  la  prise  d'Amalfi.  Trans- 
porté d'abord  à  Sienne ,  il  fut  appor- 
té dans  le  quinzième  siècle  à  Floren- 
ce, où  il  est  conservé  dans  le  palais 
des  Médicis  ,  comme  un  des  monu- 
ments les  plus  précieux  que  possède 
cette  ville.  Il  est  écrit  sur  parche- 


(31  On  iir  Iroiivr  ilc  lui  <|n'iiiip  seule"  pii  i  c  diin> 
\ph  i'iinitiiiti  illiisiiiiiiii  /welanim  llntoniin  ,  IX, 
»il  ;  o'chi  iiiic  r|>ii<rniame  en  <|iialri!  v<m>  sur  Ih 
luoi  I  (1.-  U:i<la(;;uM-  ,  i-oi  des  Cilis. 

{\\  Siilvliin-Salviiii  II  riMucilli  qiicliiurs  vit.'.  l> 
t,u.s  el  iinh.rlls  ilr  l.elio  ,  lU<>  le  s  F»./,  ,..,..<'/»;, 

(.',lOu  lile  <lr  L.ilio,  IVIo^r,  ru  Inliii,  .lu  (lu. 
.Mc«»ii.li.>  il.'  M.aiBiN,  .(ti'il  |>imio..rii  m  ii>Mi .  .1 
li:  |)aniK>i  l'juiM'u  iliilieu,  Ju  toiiiti  Un",  ru"'!-»'»'"" 
il'.uu'  iililiayr  à  rioroiice. 


TOR 

min ,  d'un  caractère  assez  fort  et  trc-s- 
lisible.  On  a  mis  cnlrc  cliarfuc  feuil- 
let une  bande  de  salin  pour  empê- 
cher toute  altération  pouvant  résul- 
ter du  flottement.  Le  nojnbre  des 
ouvrages  publies  en  Allemajiçne  et  en 
Italie,  pour  ou  contre  l'authenticité 
du  manuscrit  de  Florence ,  est  si  con- 
sidérable ,  que  Camus  n'a  pas  pu  les 
indicpiQr  dans  sa  Bibliothètjuc  de 
droit.  Le  moine  motif  nous  oblif;e  do 
renvoyer  les  curieux,  à  Nettclb'adt  : 
Inilia  historùu  Ultcrariie  juruîicœ 
unwersalis  ;  à  la  Bihllotheca  rea- 
lis  de  Lipcnius  ,  au  mot  Jus  cà'ilc  ; 
et  eufni  aux  Fasti  cuusolari ,  déjà 
cités.  On  doit  consulter,  sur  Turclli, 
les  Osscrvazioni  istorichc ,  de  Dom. 
Mar.  ftlanni ,  Sopra  i  Sigilli  anlichi 
de'  secoli  hûssi ,  tom.  ix  et  xxi ,  et 
surtout  la  FïedcTorelli,  qu'il  a  pu- 
bliée, Florence ,  l'j'jo,  iii-4"'  W-s. 
ÏOHELLI  (PoMPoNjo),  littéra- 
teur, ne  en  ijSq,  descendait  des 
comtes  de  Guastaila  ,  et  fut  envoyé, 
pour  ses  études ,  à  l'unlversitc  de 
Padoue.  Lorsqu'il  les  eut  achevées  , 
il  fit  un  voyage  en  France  j  et  à 
son  retour  dans  sa  patrie,  il  devint 
e'perdumenl  amoureux  d'une  jeune 
paysanne,  pour  laipioUe  il  compo- 
sa ses  premiers  vers,  Gucri  do  cel- 
te passion,  il  épousa  la  nièce  du 
pape  Pie  V ,  et  fut  membre  de  l'a- 
cadémie des  Innomiiiati  de  Parme, 
sous  le  nom  de  Perduto.  Son  rang 
et  ses  talents  le  rapprochèrent  du  duc 
Octave  Farnèsc ,  qui ,  en  1 584 1  1'*^"- 
voya  en  Espagne,  pour  réclamer  la 
restitution  de  la  citadelle  de  Pl.iisan- 
ce.  Torclli  alla  d'a])oid  en  Flandre 
prendre  les  iuslructions  d'Alexandre 
Farnèsc,  quM  trouva  occupe  du  siè- 
ge d'Anvers;  puis  à  Uarcolone  ,  pour 
traiter  avec  Pliilip[ic  11.  L'heureux 
résultat  de  celle  mission  diUlcile  fui 
une  source  de  faveurs  pour  ce  diplo- 


roR 


253 


ma  te,  oui,  après  a  voir  surveillé  l'édu- 
cation de  l'héritier  de  l'élat.  mourut 
à  Parme,  le  r2 avril  i6o8.  Truis  ans 
après  sa  morf.,  ses  enfants  se  trouvè- 
rent envelopjiés  dans  les  plus  grands 
malheurs.  Accusés  faussement  d'a- 
voir trompé  dans  un  complot  contre  le 
duc  régiuait  (  r.  Uanuce  FarnÈse  , 
XIV,  17J  ),  l'aîné  eut  la  tète  tran- 
chée ,  et  quatre  autres  furent  bannis 
de  P.inne.  Une  branche  de  cette  fa- 
mille se  réfugia  alors  à  Keggio,  et 
une  aulrc  vint  s'établir  en  France,  où 
il  eu  reste  un  dernier  rejeton.  Les  ou- 
vrages de  ïorelh  sont: L  Rime  amo- 
ro56',  Parme,  15^5,  iu-4".  IL  Trat- 
tato  del  debilo  del  cavaliero  ,  ibid., 
1596,  in- 4".  11  composa  cet  ouvr^i- 
ge  pour  l'inslruclion  tl'un  enfant  na- 
turel qu'il  avait  eu  de  sa  première 
maîtresse.  111.  Curini/iani  libri  sex , 
ibid.,  i()oo,  in-4".  IV.  //  Taneredi, 
trag. ,  ibid. ,  1 597  ,  in-40.  V,  LaMe- 
/■o/y<%trag,,ibid.,  i589,in-4''.VI.//a 
Galalea  ,  trag.,  ibid. ,  iCioS  ,  in-4". 
V  il.  La  Vittoria,  trag. ,  ibid.,  iGo3, 
in-4<^.VllI./ZPo/jVic»ro,  trag.,  ibid., 
iOo5  ,  .ia-4".  Ces  tragédies  sont 
calquées  sur  le  tlicàtre  grec.  Tira- 
boschi  en  vante  le  style  et  le  planj 
mais  ou  sait  quel  cas  ou  doit  faire 
des  tragédies  Ualiennes  antérieures  à 
celle  de  Malfei.  De  ce  que  cet  auteur 
a  inséré  laMéiope  de  sou  rival  dans 
un  Recueil  de  pièces  choisies ,  ou 
conclut  qu'il  l'estimait.  JNe  pourrait- 
on  pas  plutôt  croire  qu'il  ne  le  redou- 
tait pas  ?  Plusieurs  ouvrages  de  To- 
lelli  sont  restés  inédits  dans  les  ar- 
chives des  comlos  Torelli  de  Reggio 
et  dans  la  bibliotlièqucducale  de  Par- 
me. A — G — s. 

TORELLI  (Jacques),  archilec- 
te- machiniste  ,  né  ,  en  1608  ,  à 
Fauo  ,  de  la  même  faniille  (jue  le 
chancelier  Lelio  (jui  piecode,  était 
fils  d'Anloiue   Torclli ,    patricc   de 


Î254 


TOR 


cette  ville  ,  et  commandeur  de  l'or 
dre  de  Saint  Etienne  de  ïoscaue.  Une 
ca'ut  point,  au-dessous  de  sa  naissance 
et  d'nne  fortune  considérable  ,  de  pro- 
fesser les  arts  libéraux.  Aimant  avec 
passion  les  spectacles  ,  et  très-verse 
dans   Ici    mécanique ,    il  étonna  tout 
le  monde  à  Venise,  lorsque,  pour  la 
première  fois ,  il  chanç:;ea  en  un  ins- 
tant, les  décorations  du  théâtre  de 
SS.  Jean  et  Paul  ,    au    moyen   de 
contrepoids  et  de  cabestans.  Des  en- 
vieusrattcndireutunsoirancoind'une 
rue,  pour  l'assassiner  :  il  en  fut  quitte 
pour  la  perte  de  quelques  doigts  j  ce 
qui  ne  l'empêcha  pas  de  coutmuer 
ses  travaux.  La  réputation  toujours 
croissante  de  cet  artiste  vint  jusqu'à 
Louis  XIV  ,  qui  lui  lit  proposer  de 
passer  en  France.  Torelli  ne  se  refu- 
sa pas  aux  désirs  de  ce  monarque;  et 
honoré  du  titre  d'architecte  et  de  ma- 
chiniste du  roi ,  il  exerça  son  talent 
au  théâtre   du   Petit -Bourbon    Ce 
fut  en  grande  partie  au  talent  de  cet 
étranger ,  que  Corneille  dut  le  succès 
de  son   Andromède ,  en   i65o.   La 
nouveauté  et  la  hardiesse  des  essais  de 
ïorelli  causèrent  un  tel  étonneineut , 
que  le  public  lui  donna  le  nom  de 
Grand  Sorcier.  Il  nous  est  resté  quel- 
ques Recueils  de  ses  plus  belles  in- 
ventions (  F.  Jules  Strozzi  ,  XLIV, 
G4).  1-11  liiQ'i.,  il  revint  en  Italie, 
amenant  avec    lui  une    demoiselle 
Suez  qu'il  avait  époustn;  en  Fiance. 
Revenu  à  Fano,  il  y  lit  construire 
le  théâtre  de  la  Fortune  ,  qui  fut  éle- 
vé d'apiès  ses  dessins  ,  et  dont  il  fit 
présenta  la  ville. C'est  la  même  salle 
qui  a  servi  de  modèle  à  un  théâtre 
bâti  à  Vienne  par  l'empereur  Léo- 
pold.  Torelli  mourut  à  l'ano  ,  le  i*^"". 
oct.  iGnS,  léguant  aux  PP.  de  l'O- 
ratoire une  rente  pour  lui  faire,  tous 
les  ans  ,  un  service  solennel.  Il  en  com- 
posa lui-même  la  musique  cl  les  pa- 


TOR 

rôles ,  et  donna  le  plan  de  son  cata- 
falque. A — G — s. 

ÏORELLI  (Louis),  biographe, 
né  à  Rologne  ,  en  1609,  et  conduit 
dans  le  cloître  par  des  chagrins  do- 
mestiques, apprit  ia  théologie,  dans 
un  couvent  de  Saint-Jacques^  et  par- 
courut la  double  carrière  de  l'ensei- 
gnement et  de  la  prédication.  Appelé 
successivement  dans  les  principales 
villes  de  l'Italie ,  élevé  par  ses  confrè- 
res aux  dignités  les  plus  cminentes ,  il 
sut ,  au  milieu  de  ses  occupations  et  de 
ses  travaux  évangéliques ,  trouver  le 
temps  de  composer  un  ouvrage  im- 
mense sur  l'histoire  de  son  ordre. 
Epujsé  de  fatigues,  sans  jamais  cher- 
cher le  repos,  il  continua  ses  recher- 
ches, même  dans  l'état  de  cécité  où  il 
fut  plongépendant  lesdernières  années 
de  sa  vie,  et  mourut  à  Bologne,  le  i4 
janv.  iG83.  Ses  ouvrages  sont  :  I.  Ris- 
tretto  délie  vite  degli  uominie  dél- 
ie donne  illustri  delV  ordine  Agosti- 
niano ,  divisa  in  sei  centurie ,  Bolo- 
gne, 1647  ,  in-  4".  IL  La  Fita  di 
S.  Liborio ,  vescoi>o  Cenoniatense  ^ 
ibid. ,  in-i'i.  III.  Secoli  Agostiniani 
ovvero  Storia  générale  delf  ordine 
di  sant'  Agostino ,  vesco\'o  d'Ippo- 
na  ;  dii'iso  iji  xiif  secoli ,  ibid. ,  1  OSg- 
85  ;  3  vol.   in-fol.  Le  dernier  volu- 
me est  posthume.  IV.  La  Fita  di 
Fra   Alfonso   d'Osorio,   ira  A.  de 
l'espagnol   du    P.   Marquez,  ibid., 
i65i.  Voy.  Fantuzzi,  Scrittoribo- 
lognesi,  \ui ,  108.  A — g — s. 

TORELLI  (  JosKPH  ),  littérateur , 
était  fils  d'un  négociant  de  Véro- 
ne, où  il  nacjuit ,  en  1 721.  fi  étudia 
d'abord  chez  les  frères  Ballerini, 
comme  s'il  avait  dû  embrasser  l'état 
ecclésiastique  ;  mais  envoyé  à  l'uni- 
versité de  Padoue,  il  y  fit  son  cours 
de  droit,  et  s'exerça  dans  les  langues 
savantes.  Décoré  du  bonnet  de  doc- 
teur,  il  revint  dans  sa  patrie,   où, 


TOU 

plonge  dans  l'étude ,  et  content  de 
l'estime  de  ses  compatriotes,  il  ne 
voulut  accepter  aucune  charge  pu- 
blique. Par  une  hizancric  inexplica- 
ble dans  un  esprit  éclairé,  le  même 
homme  qui  avait  refuse  les  places  de 
professeur  à  l'univcrsilé  de  Padoue  , 
(le  secrétaire  de  l'académie  de  Man- 
tor.e ,  de  gouverneur  de  Milan  -,  et 
d'iuspecteur-p;cnéral  des  études  au 
collège  militaire  de  Vérone ,  se  char- 
gea de  solliciter  ,  au  nom  de  quel- 
ques sociétaires  d'un  cercle  institué 
à  Vérone ,  eu  1 7 1  o ,  l'intervention 
du  sénat  vénitien  pour  obliger  les  jeu- 
nes dames  à  n'y  paraître  qu'en  ver- 
tugadin  et  en  fontanges.  Ses  Con- 
naissances plus  vanées  que  profon- 
des le  mettaient  en  rapport  avec  des 
savants,  des  littérateurs  et  des  artis- 
tes. Il  traduisait  Plante  ,  jugeait  le 
Dante,  expliquait  les  antiquités  de 
Vérone  ,  cultivait  les  mathémati- 
ques, achetait  des  tableaux  ,  clas- 
saitdes  médailles.  Il  avait  aussi  ras- 
semblé les  matériaux  pour  la  vie  de 
Malici,  qu'il  n'a  point  publiée,  et 
ime  collection  de  livres  précieux, 
dont  hérita  le  chapitre  de  Vérone, 
11  entreprit  un  grand  travail  sur 
Archimède,  dont  l'édition  posthume 
parut  à  Oxford,  en  179'i.  lia  épuré 
le  texte  de  la  première,  exécutée  à 
Bàle  en  1544?  et,  mécontent  des 
versions  latines  de  Jean  de  Crémone 
et  de  Frédéric  Commandino ,  il  en 
a  donné  ime  nouvelle  traduction, 
qu'il  a  enrichie  des  commentaires 
d'Eutocius  ,  de  plusieurs  de  ses 
observations ,  et  d'une  Notice  sur 
Archimède.  Celte  édition  ,  la  plus 
complète  que  l'on  possède  de  cet  an- 
cien géomètre^  fait  suite  à  l'Euclidc 
de  Gregory,  et  à  l'Apollonius  de 
Halley.  Torelli  mourut  à  Vérone,  le 
18  août  1781.  iSes  ouvrages  sont  : 
I.  Somnium  Jacohi  Pindeviontii , 


TOK 


255 


Padoue  ,  «743  ,  in-8°.  C'est  un  dis- 
cours académique  sur  la  prééminence 
des  lettres  ou  des  armes.  II .  Animad- 
s'crsiones  in  hebraïciiia  Exodi  li- 
brum  et  in  grœcaniLxx  interpreta- 
tionein,  Vérone,  1744?  in-8<>.0n  lui 
répondit  par  l'ouvrage  suivant  :  Ris- 
posta  dcl  P.  Carnieli  ad  una  lette- 
ra ,  in  ciii  gli  viene  doniandato  il 
siio  sentimento  sopra  un'  opéra  nuo- 
vaîuente  uscita  in  Ferona ,  Padoue, 
1744?  111-8°.  III.  De  principe  gitlce 
incommodo ,  ejusqae  remedio ,  Co- 
logne (  Vérone  ),  1744  '  "1-12.  Dia- 
logue satirique  contre  les  casnistes. 
IV.  Tradiizioni  poetiche  ,  o  sia 
tentativi  per  hen  tradiirre  in  verso, 
Vérone,  1746,  in-8°.  V.  De  rota 
suh  aquis  circumacta,  ibid. ,  1747, 
in-8'^.  Projet  d'une  nouvelle  machi- 
ne hydraulique ,  exposé  dans  une  let- 
tre à  Poleni.  VI.  l'radiiziojie  de^ 
dite  primi  libri  delV  Enéide ,  iljid. , 
1749,  in-8'^.  VII.  Lettera  al  Mar- 
chese  Maffei ,  sopra  wi  antica  is- 
crizione  greca ,  ibid. ,  1700  ,  in^". 
VIII.  Scala  de'  meriti  a  capo 
d'anno,  trdttato  geometrico,  ibid., 
1751,  in-8°.  L'auteur  essaie  de  re- 
présenter par  ime  courbe  la  progres- 
sion des  intérêts  d'un  capital  quel- 
conque. IX.  De  nihilo  geometrico , 
libri  II ,  ibid. ,  1 758 ,  in-8°.  X.  Geo- 
metrica ,  ibid.,  176g,  in-S'».  Ces 
deux  ouvrages  ont  pour  but  d'éta- 
blir la  supériorité  de  la  géométrie 
des  anciens  sur  le  calcul  inlinitési- 
mal  des  modernes.  XI.  Lettera  sid- 
la  denominazione  del  corrente  an- 
no ,  ibid.,  1760,  in-8°.  XII.  Lutte- 
ra intorno  a  due  passi  del  Purgato- 
rio  di  Dante ,  ibid.,  1760,  in-8''. 
XIII.  Il  Pseudolo,  conimedia  di 
Planta ,  con  alcuni  idilli  di  Teocri- 
to  e  di  Masco,  Firenze  ,  1763,  in- 
8°.  XIV.  Imio  a  Maria  Fergine  , 
Vérone    17G6,  in-8".  XV.  Xt'ffem 


25G  TOK 

amiladi  Fain^-Reit ,  etc.,  ihiil.  , 
i-jG-y  ,  in-H*>.  XVI.  De  prohalnli 
vita  morumque  régula  ,  Cologne 
(Vérone),  17747  in -!'->-•  XVII. 
Demoiistratio  anticjui  theorcmatis 
de  motuiim  commixlione  ,  Vérone, 
1774,  in-8".  XVIII.  Elegia,  so- 
pra  un  cimitero  catnpestre ,  tra- 
duit de  l'anglais  de  Gray,  ibid. , 
177G;  in-8".  XIX.  Poemetio  di 
Catullo  iiitorno  aile  nozze  di  Teti 
e  di  Peleo  ,  trad.  du  latin  ,  ibid. , 
1781 ,  in  -  8'^'.  XX.  Lettera  sopra 
Dante  contra  Foltaire ,  ibid.,  1 7  H  i , 
in-S'^.  XX  î.  Lettera  alf  autore 
délie  Firgiliane  (  Bettinelli  ),  di  P. 
Paladinozzu  di  Montegritti  {  To- 
relli),  ibid.;,  1787  ,  in-8«.  XXII. 
Elementonim  prospectùuv  libri  11 , 
ibid. ,  1 788 ,  in-4°.  Ouvrage  ]iosthu- 
lue,  publie  par  J.B.Bertoliui.XXlII. 
Archimeclis  quœ  supersunt  oiniiia 
cuni  Eutocil  Ascalonilœ  commen- 
tariis ,  cum  nova  versione  latina , 
etc. ,  Oxford ,  1 792 ,  in-fol.  XXIV. 
Poésie  ,  con  alcune  prose  latine , 
Vérone,  1795,  iu-8'^.  Voy.  une 
Notice  latine  sur  la  vie  et  les  écrits 
de  Torelli,  par  Sibiliato,  placée  eu 
tète  de  l'édition  d'Arcliimcdc  :  Pin- 
(}iem.oiû& ,  Elogio  di  Torelli,  dans 
les  Menwrie  délia  società  italiarui , 
tome  II,  part.  -2  ;  et  Ugoni,  Lette- 
ratura  italiana  del  xviii  seculo, 
lom.  m,  pag.  5.  A — g — s. 

TORliN  (  Olaus  ) ,  voyageur  sué- 
dois, était  ne  dans  la  province  de 
Vestrogotliie,  ]irèsde  (iotlicnbourg. 
Animé diidcsir  de  v:sitei'  les  contréis 
lointaines,  il  pensa  (ju'il  lcs])arcoiu- 
rait  avec  plus  de  Iruil  eu  se  préj)a- 
rant  à  ses  voyages  par  l'étude  de 
l'histoire  naluicllc.  Il  suivit  assidû- 
ment les  leijOiisde  liUUié  ,à  Up.sal ,  et 
(it  une  première  navigation  a  Cailix. 
Il  s'cjul)an|ua  ensuite,  comme  au- 
mônier, sur  un  vaisseau  de  la  corn 


TOU 

pagnie  des  Indes  Orientales,  et  par- 
tit le  j*^'',  avril   i-jSo.  Dans  la  tra- 
versée ,  on  loucha  aux  Comniores , 
et  l'on  mouilla  sur  la  rade  de  Surate. 
Le  i^'".  mars  1751  ,  ou  lit  voile  pour 
Mangalor  ,  Ma  hé,  Quéda  ,  dans  la 
presqu'île  de    Malacca.   Enfin  le    7 
juillet    suivant   on   ai'riva   dans    la 
rivière    de   Canton.    Le   4    janvier 
I  'j!J'X ,  le  vaisseau  partit  de  la  Chinej 
et  le    26   mai  ,    il    rentra   dans  le 
])ort  de  Gothenbourg.  Torén  ne  sur- 
vécut pas  long  -temps  à  cette  longue 
navigation,  (pii  avait  altéré  sa  santé 
natuiellemcnt  délicate.  Il  mourut  à 
Na;singe  près  Strœirastad,le  17  août 
1753.    Depuis  son  retour,  il  avait 
successivement  envoyé  ses  observa- 
tions à  Linné,  dans  les  lettres  qu'il 
lui  écrivait.  Elles  ont  été  insérées  à  la 
suite  du  Voyage  d'Osbcck,  sous  ce 
titic  :  Fojage  des  Indes  Orientales 
à  Surate,  à  la  Chine  ,  etc.  Cet  ou- 
vi'age  a  été  traduit  eu  français  par 
Dominique  Blackford,  IMilau,  1771, 
m-i'2,.  Cette  version  ne  rend  pas   du 
tout  l'agrément  de  l'original.  Torén 
donne  des  détails  intéressants  sur  les 
divers  pays  qu'il  a  vus.  Il  écrit  avec 
facilité  ,   et  racoute  d'une  manière 
agréable.  Durant  son  voyage ,  il  avait 
recueilli  beaucoup  de  plantes  rares  , 
dont  il  enrichit  les  herbiers  de  son 
illustre  maître.  Celui-ci  a  nommé  To- 
renia  un  genre  de  la  famille  des  scro- 
phulaires,  quireuferme  deux  plantes 
vivacesde  l'Inde,  que  Torén  avait  le 
premier  fait  connaître.         E — s. 

TOHl'Éi-:,  (  TUORMODE  )  ouTOll- 

FAS()]N  ,  historiographe  de  Dane- 
mark ,  naquit  ,  en  1640  ,  à  En- 
goe  ,  petite  île  sur  la  côte  méridionale 
d'Islande.  Nommé,  eu  i(J()o,  par 
Erédéric  i  1 1 ,  intcrjirèLe  pour  les  auti- 
(piilés  islandaises,  il  fut  chargé  de  re- 
cueillir Cii  Islande  les  manuscrits  qu'il 
pourrait   découvrir.     L'cvêque     de 


TOR 

Skalholdelui  fut  tics-utile  dans  cette 
luissiuu;  en  i663 ,  il  revint  à  Copen- 
hague ,  apportant  une  collection  de 
manuscrits  extrêmement  précieuse. 
Nomme,  eu  i68a  ,  historiographe 
de  Norwége,  il  continua ,  avec  un 
nouveau  zèle ,  à  travailler  à  l'histoi- 
re de  ce  royaume.  Sou  dévouement 
à  l'histoire  des  antiquités  des  deux 
royaumes  et  les  connaissances  pro- 
fondes qu'il  avait  acquises^  lui  ga- 
gnèrent l'estime  cl  la  protection 
de  ses  princes.  Frédéric  IV ,  visi- 
tant la  ÎSorwège,  en  1704  ,  vint  dans 
la  petite  île  de  Carmen,  pour  voir 
Torfée,  qui  y  demeui'ait,  et  lui  fit 
l'honneurdepasserlanuitchezlui.  Il 
avait  poussé  ses  recherches  jusqu'à 
l'union  de  Calmar  ,  lorsqu'en  1706, 
une  maladie  qui  avait  aiîaibli  ses 
facultés  intellectuelles,  le  força  de 
confier  ses  manuscrits  au  professeur 
Reitzer.  Il  mourut  en  1719,  à  80 
ans.  La  viedece  savant  est  tout  entiè- 
re dans  les  ouvrages  qu'il  a  publiés  :  I. 
Coinmentatio  historien  de  rébus  ges- 
tis  Fœreyensiiim  seu  Farœnsiura 
Tliormodi  Torfœi,  sacrce  regiœ  ma- 
jestatis  Daniœ  et  Non'egiœ  ,  rerum 
nojvegicarinn  historiographi ,  Co- 
penhague, 1 695 ,  iu-B'^.Ce  Commentai- 
re historique  sur  les  îles  Fc'roé ,  dédié 
au  comte  de  Gyldeulocw,  fils  naturel 
de  Frédéric  III ,  est  tiré  du  manus- 
crit islandais  ,  Flatejar  nnnall ,  ou 
Flateyenses  annales ,  monument 
précieux  de  l'aniiquité  septentrionale, 
que  l'auteur  avait  pris  pour  guide  dans 
ses  recherches.  Selon  lui ,  les  îles  Fc'- 
roé sont  au  nombre  de  vingt  -  une, 
dont  dix-sept  habitées.  Il  pense  que 
les  ]uemières  émigrations  dans  ces 
îles  ont  eu  lieu  sous  le  règne  de  Ha- 
rald  à  Belle-Chevelure,  roi  de  ISor- 
wége. Le  com  le  Sigmond,  nommé  leur 
gouverneur  pour  Olaiis  ,  roi  de  Nor- 
vvége,chcrc])a,  au  commencement  du 
\L\  1. 


TOR 


35' 


xi^.  siècle,  à  y  introduire  la  religion 
chrétienne.  II  Séries  dynastarum 
et  regum  Danice  à]  primo  corutn  , 
Skioldo  Odiniflio ,  ad  Gormiini 
Grandœvum  ,  Haraldi  Cœrulidcn- 
tis  patreni ,  amio  i664;,  jussu  ré- 
gis Friderici  \\\ ,  seciindum  mo- 
niimentorum  islandicoruni  harmo- 
nium deducta  et  concimiata  :  mmc 
recognita  ,  viultùm  aucta  et  Fride- 
rici IV  auspiciis  in  publicam  lu- 
cem  emissa  ,  Copenhague,  1702, 
in-4°.  L'auteur  dit  dans  sa  préface: 
«  Le  roi  Frédéric  III  me  chargea  , 
»  il  y  a  près  de  quarante  ans,  de 
»  traduire  en  langue  danoise  lesma- 
»  nuscrits  qu'il  avait  fait  venir  de 
»  l'Islande  ma  patrie.  Mon  travail 
»  lui  plut.  En  conversant  avec  un  de 
»  ses  courtisans  sur  nos  antiquités , 
»  je  dis  que ,  d'après  nos  traditions 
»  islandaises,  le  premier  prince  de 
M  Danemark  était  Skiold  et  non  Da- 
»  nus ,  comme  on  l'avait  cru  jus- 
»  que-là.  Le  roi  repoussa  d'abord 
»  mon  sentiment;  mais  voulant  que 
))  ce  point  denotre  histoire  fût  éclair- 
»  ci ,  il  me  donna  ordre  de  recueil- 
ce  lir  et  de  mettre  en  latin,  d'après 
»  nos  manuscrits  islandais ,  la  suite 
»  des  princes  et  rois  de  Danemark 
»  sur  lesquels  ilj  avait  controver- 
»  se.  Je  lui  présentai  plus  tard  mon 
M  travail,  pour  lequel  il  me  témoi- 
»  gna  sa  satisfaction  ;  et  mon  manus- 
»  crit  fut  traduit  en  langue  danoise. 
»  Christian  V  m'ayant  chargé,  il  y 
»  a  quinze  ans ,  d'écrire  l'histoire  de 
»  Norwége,  j'eus  occasion  d'exami- 
»  ner  avec  plus  de  soin  nos  monu- 
»  ments  islandais,  et  de  donner  plus 
»  d'étendue  à  la  suite  des  princes 
»  de  Danemark ,  que  je  fais  paraî- 
»  tre.  »  Dans  la  Préface,  qui  est 
adressée  à  Frédéric  ,  l'auteur  parle 
avec  la  plus  vive  reconnaissance 
des  bienfaits   dont  il  a  été   comblé 


258 


TOR 


par  ses  rois.  Ayant  donné  la  liste 
de  cent  ([uatre-vingt-sc  pt  manuscrits 
islandais  ,  dont  il  s'était  servi  dans 
son  travail,  il  les  analyse  ,  indiquant 
ceux,  qui  appartiennent  aux  temps 
mythologiques,  aux  fables, à  la  poé- 
sie ,  en  lin  ceux  qu'on  doit  considérer 
comme  jnonuments  authentiques  {F. 
Lyschander  ).  Cette  première  partie 
de  l'ouvrage  est  classique  pour  ceux 
qui  veulent  étudier  la  langue  et  la 
littérature  des  anciens  Islandais,  leur 
Edda  et  leur  Sagas.  Dans  la  seconde, 
l'auteur  donne  la  suite  des  anciens 
princes  et  rois  de  Danemark.  Selon 
lui,  vers  l'an  70  avant  J.-C.  ,  Odin 
vint  de  l'Asie ;,  à  la  tète  d'une  nom- 
breuse colonie.  Ayant  soumis  la  Rus- 
sie ,  la  Suède ,  le  Danemark  et  la  Nor- 
wége ,  il  donna  à  Skiold ,  un  de  ses 
fds,  le  Danemark  à  gouverner.  Ainsi 
Danus  qui ,  avant  la  découverte  des 
monuments  islandais,  passait  pour 
être  le  premier  prince  de  Danemark, 
n'en  est  plus  à  présent  que  le  neu- 
vième. III.  Historia  Hrolfi  Krakii 
inler  jjotentissimos  in  ethnicismo 
Da  niœ  reges  cdeberrimi,  ah  avo  cjiis 
HalfdanoIIcl  pâtre  Helgio,  hiijus- 
què  fratre  Ilroare  ,  sccundùia  mom 
nuinentorum  islandicoriun  manu- 
ductionem  dediicta  ,  cumquc  aliis 
historicis,  impjimis  Saxont  Gram- 
matico,  diiigenter  collata,  Copen- 
hague, 1705,  in-B°.  C'est  la  vie 
d'un  ancien  roi, que  Torfée  avait  pro- 
mis de  donner.  IV.  Historia  Finlun- 
diœ  anliquœ  seu  partis  Amcricœ 
sc.ptentrionalis  ,  uhi  nominis  ratio 
rtccnsclur,  situs  terrœ  ex  dierum 
britmaliuni  spalio  expendilur  ,  soli 
ferlilitas  et  incolarum  barbaries  , 
père grinor uni  leinporarius  incola- 
tus  et  gesta,  vicinarum  terraruin 
nomina  et  faciès  antiipiitatibiis  is- 
landicis  in  luceni  producta  expo- 
nunfur,  Goponliague,  1705,   ni-8". 


ÏOR 

Dans  la  préface,  l'auteur  raconte  à 
quelle  occasion  il  avait  pi-éparé  et 
publié  cette  description  historique 
de  la  Vinlande  ou  Amérique  septen- 
trionale. Le  roi  Frédéric  IV,  visitant, 
comme  nous  l'avons  dit  ,  en  1704, 
la  Norwége,  passa  chez  Torfée  le  5 
et  le  6  de  juillet.  On  parla  des  rela- 
tions commerciales  qu'il  serait  pos- 
sible d'établir  avec  le  Groenland  et 
le  détroit  de  Davis.  ïorfée  employa 
la  nuit  à  recueillir  les  notions  qu'il 
avait  puisées  dans  ses  manuscrits  is- 
landais. Le  roi,  lui  en  ayant  témoigné 
sa  satisfaction,  l'engagea  à  donner, 
à  ce  sujet, plus  de  développement,  ce 
qu'il  a  exécuté  dans  sa  description  his' 
torique  des  contrées  qui  forment  l'ex- 
trémité de  l'Amérique  septentrionale, 
et  auxquelles  il  donne  le  nom  dJ an- 
cienne Finlande.  D'après  les  monu- 
ments islandais,  et  surtout  d'après 
les  Annales  de  Flatejar,  qui  sont  à 
la  bibliothèque  royale  de  Copenha- 
gue ,  des  Islandais  avaient,  en  qBd  , 
découvert  le  Groenland  et  la  partie 
opposée  de  l'Amérique  septaitrio- 
nale.  Depuis  cette  époque  jusque 
vers  ia  fin  du  treizième  siècle,  qua- 
tre autres  expéditions  partirent  de 
l'Islande  pour  visiter  le  Groenland  et 
la  Yinlaiide.  V.  Gronlandia  anti- 
qua ,  seu  veleris  Gnmlandiœ  des- 
criptiu  ,  ubi  cœli  marisque  natura  , 
terrœ  locoruni  et  villarum  situs, 
aninialium  terrestriwn,  aqualilium 
varia  gênera ,  gentis  origo  et  in- 
crementa ,  status politicus  et  école- 
siasticus  ,  gesta  memorabilia  et  vi- 
cissitudines,  ex  antiquis  niemoriis  , 
prœcipuè  islandicis  ,  qud  fieri  po- 
tuit  industrid  collecta  exponuntur , 
Copenhague,  170G,  in -8".  Nous 
avons  dit  à  quelle  occasion  fut  pu- 
bliée cette  description  historique  du 
Groenland,  l'allé  est ,  ainsi  que  la  des- 
cription de   l'Amérique  .septentrio- 


TOR 

nale  ,  remplie  de  détails  curieux  sur 
ces  contrées  boréales.  L'auteur  y  a 
joint  six  cartes  du  Groenland  et  des 
contrées  adjaceutes.La  première  a  été 
tracée  en  1606,  par  GudbrandTor- 
laque,  prélat  instruit,  qui  fut  pendant 
cinquante-six  ans  évèque  de  Holen 
dans  l'Islande  septentrionale.  La  se- 
conde avait  été  faite,  en  i  J70,  par 
Sigurde  Stephanius ,  qui  ,  dans  le 
seizième  siècle,  fut  recteur  de  l'école 
de  Skalholde  en  Islande.  La  troi- 
sième a  été  tracée  par  un  Islandais , 
qui ,  en  i63G,  (it  partie  d'une  expé- 
dition envoyée  dans  le  Groenland  par 
le  roi  de  Danemark,  La  quatrième, 
tracée,  en  i(J68,  par  Théodore 
Tliorlaqae,indiquc  spécialement  deux 
anses  ;  l'une  ,  où  aborda,  en  1606  , 
l'expédition  envoyée  par  le  roi  Chris- 
tian IV;  l'autre,  où  prit  terre,  en  1 636, 
le  Lion  rouge  ,  qui ,  envoyé  par  le 
roi  de  Danemark,  revint  ayant  à 
bord, outre  les  dépouilles  de  Ixileine, 
d'autres  poissons  et  animaux  terres- 
tres y  des  morceaux  précieux  enlevés 
aux  mines  d'arp;ent  qui  se  trouvent 
dans  le  Groenland.  La  cinquième 
carte  a  été  tracée  par  Torfée  lui- 
même  ,  d'après  les  monuments  qu'il 
avait  découverts  en  Islande  et  dans 
la  bibliothèque  royale.  VI.  Trifo- 
liuin  historicum  seu  disserlatio  his- 
torico-chronologico-critica  de  tribus 
poteiitissimis  Daniœ  regibus  ,  Gor- 
mo  Grandœvo ,  Haraldo  Cœruliden- 
te,  et  Sveno  Furcatœ  Barbœ,  ijisup- 
plementum  seriei  regum  Daniœ  , 
Copenhague,  1 707, iu-4".  Celte  his- 
toire des  rois  Gorm'is,  Harald  et 
Suénon ,  est  une  continuation  de  la 
suite  des  princes  et  rois  de  Dane- 
7U«rA.  Vif.  Hisioria  reruninorve- 
gicarum  in  qud  ,  privter  Non'egiœ 
descriptionem  ,  priinordia  gentis  , 
inslituta  ,  mores  ,  incrcnienta ,  et 
inprimis  heroum  ac  regum ,   tain 


ÏOR  259 

ante  quàm  post  monarchiam  insti- 
tulam  ,  successiones ,  eorumque 
domi  juxtà  ac  j'oris  gesta  ,  cumque 
vicinis  gentibus  commercia ,  genea- 
logia ,  chronologia ,  et  qucecunique 
ad  regni  nor\>egici  illustrationem 
spectajit,  singula  ex  archivis  regiis , 
et  oplimis ,  quœ  haberi  potuerunt  , 
menibranis  aliisque  fide  dignissi- 
mis  authoribus ,  eruta,  luci  publi- 
cœ  evponunlur  ,  cujii  prulegome- 
niset  indicibus ,  Copenhague ,  1 7  1 1, 
4  vol.  in-iol.  C'est  d'après  ce  grand 
ouvrage,  publié  par  les  soins  du 
professeur  Reitzer,  que  l'on  peut  ju- 
ger Torfée  et  apprécier  l'étendue  de 
ses  connaissances.  Dans  la  Préface, 
qui  est  adressée  à  Frédéric  IV,  l'au- 
teur dit  qu'il  a  rassemblé  les  maté- 
riaux pour  l'histoire  de  la  Norwége 
jusqu'au  commencement  du  dix-hui- 
tième siècle.  Dans  le  premier  vol  unie, 
après  avoir  fait  ses  divisions,  il  don- 
ne une  description  de  la  Norwége  et 
de  ses  habitants  pendant  les  premiers 
siècles  de  l'ère  chrétienne.  Le  second 
volume  commence  au  règne  de  Ha- 
rald à  Belle-Chevelure^  et  finit  à  celui 
d'Olaiis  Trygwin.  Dans  le  troisième 
et  le  quatrième  volume ,  l'auteur  con- 
tinue l'histoire  de  Norwége  ,  depuis 
la  fin  du  dixième  siècle  jusqu'à  l'an 
i388.  VIII.  Orcades  seu  rerum 
orcadensium  historia,  Copenhague , 
'.715,  in-fol.  C'est  un  tableau  de 
la  géographie  et  de  l'histoire  des 
îles  Orcades  ,  avec  les  diplômes 
qui  y  ont  rapport.  Torfée  a  laissé 
un  grand  uombx'e  de  manuscrits  que 
l'on  peut  consulter  à  la  bibiiotiic- 
que  royale  de  Copenhague.  La  plu- 
part a|)partiennent  au  travail  qu'il 
fit  pour  Frédéric  111  sur  l'histoi- 
re et  la  littérature  islandaises.  C'est 
d'après  ces  manuscrits  que  Suhra  a 
publié  :  TorJ'œana  ,  si^'e  Tormodi 
TorJ'œi  notœ  posteriores  in  seriem 
17.. 


a6o 


TOR 


regum  Daniœ ,  Copenhague  ,  1 797  , 
m-(\^.  [V.  SuHM\Beseuius  en  a  aussi 
fait  usage  dans  l'édiUon  de  VEdda 
Islandorum,  publiée  eu  i665.  G-y. 
TORIBIO  ou  TURIBE  (Saint), 
archevêque  de  Lima ,  né  le  6  novem- 
bre ï538^  d'une  famille  illustre  en 
Espagne  ,  fut  apprécié  de  bonne  heu- 
re par  Philippe II, qui,  après  l'avoir 
éprouvé  dans  des  places  importan- 
tes ,  le  nomma  président  ou  premier 
magistrat  de  Grenade.  11  avait  rempli 
cette  charge  pendant  cinq  ans ,  avec 
autant  d'intégrité  que  de  prudence , 
lorsque  l'archevêché  de  Lima  vint  à 
vaquer.  L'état  déplorable  de  la  reli- 
gion dans  le  Pérou  demandait  un 
pasteur  qui  fut  animé  du  même  es- 
prit que  les  premiers  apôtres  5  on 
crut  l'avoir  trouvé  dans  ïuribe  ,  re- 
gardé comme  seul  capable  d'arrêter 
les  débordements  et  les  scandales  par 
lesquels  les  Espagnols  empêchaient  la 
conversion  des  Péruviens  infidèles. 
Turibc  refusa  d'abord  ,^  se  fundant 
sur  les  canons  de  l'Eglise ,  qui 
défendent  aux  laïques  de  recevoir 
l'épiscopat.  Mais  le  roi  persista  j 
et  ïuribe,  ayant  pris  successivement 
tous  les  ordres  sacrés ,  arriva  à  Lima, 
en  i58i,  âgé  de  quarante-trois  ans. 
Son  diocèse  avait ,  le  long  des  cotes , 
cent  trente  lieues  d'étendue ,  compre- 
nant une  multitude  de  villes  ,  de  vil- 
lages et  de  hameaux  dispersés  sur  les 
montagnes  des  Andes.  Le  saint  ar- 
olievêque  fut  attendri  jusqu'aux  lar- 
mes lorsqu'il  connut  l'état  où  ce 
diocèse  élaitrédiiit.  LesEspaguolsqui 
avaient  fiil  la  conquête  du  pays ,  s'é- 
taient c(mduits  envers  les  habitants 
fomnie  des  tyrans  féroces^  avares  et 
inhumains.  Les  missionnaires  avaient 
réuni  leurs  eU'urts  ])our  s'opposer  à 
\m  tel  scandale.  IN'élanl  ])as  écou- 
tés ,  ils  s'étaient  adressés  a  la  cour 
d'Espagne  ,     l'illuslre     I5artliclcuii 


TOR 

de  Las  -  Casas  avait  fait  quatre 
voyages  à  Madrid ,  pour  plaider  la 
cause  touchante  des  Indiens,  et  il 
avait  obtenu  d'amples  rescrits  :  il 
avait  été  nommé  protecteur  général 
des  Indiens.  Ferdinand  et  Charles- 
Quint  avaient  déclaré  les  Indiens  li- 
bres ,  avec  défense  de  les  maltraiter  ; 
mais  il  faut  autre  chose  que  des  or- 
donnances ,  quand  on  veut  contenir 
les  hommes  qui  ont  pour  eux  les  ar- 
mes et  la  force.  Las-Casas,  désespé- 
rant de  ne  pouvoir  faire  le  bien,  était 
revenu  ,  en  i55i ,  eu  Espagne,  et  il 
était  allé  s'enfermer  dans  un  couvent 
de  Valladolid.  Turibe,  instruit  de 
tout  ce  que  l'on  avait  inutilement 
tenté ,  ne  perdit  pas  courage,  et  com- 
mença par  visiter  son  vaste  diocèse. 
Il  est  im'possible  de  se  former  une 
idée  des  fatigues  et  des  dangers  qu'il 
eut  à  essuyer.  11  gravissait  les  mon- 
tagnes escarpées  ,  couvertes  de  glace 
ou  de  neige,  au  milieu  des  bêtes  fé- 
roces ,  pour  porter  des  consolations 
et  des  secours  dans  les  cabanes  des 
parivres  Indiens.  Il  fit  ainsi  trois  vi- 
sites de  tout  son  diocèse,  et  y  em- 
ploya dix-sept  ans.  II  recueillit  le 
fruit  de  ses  travaux,  en  convertis- 
sant une  multitude  d'inlldèles.  Quand 
il  arrivait  dans  une  paroisse,  son 
premier  soin  était  d'aller  à  l'église 
se  prosterner  au  pied  des  autels.  1 1  pas- 
sait quelquefois  deux  ou  trois  jours 
dans  un  même  endroit,  occupé  à  ins- 
truire les  pauvres,  quoiqu'il  y  man- 
quât souvent  des  choses  les  plus  né- 
cessaires à  la  vie.  Afin  de  se  mettic 
en  état  de  mieux  rem])lir  les  devoiis 
de  la  prédication,  il  avait  appris, 
dans  un  âge  assez  avancé,  les  dilli - 
lents  idiomes  péruviens.  ISe  pouvant 
être  partout  ,  il  établit  des  pasteurs 
qu'il  chargea  de  donner  l'instruction 
et  les  secours  des  sacrements  à  ceux 
•pii  habilaienl  les  rochers  les  plus 


TOR 

inaccessibles.  Il  rcgia  qu'à  l'avenir 
on  tiendrait  tous  les  deux  ans  des  sy- 
nodes diocésains,  et  des  synodes  pro- 
vinciaux tous  les  sept  ans.  Il  fonda 
des  se'minaires ,  des  églises ,  des  éta- 
blissements pour  les  pauvres  et  les 
malades.  Lorsqu'il  était  à  Lima ,  il 
visitait  tous  les  jours  les  hôpitaux, 
consolant  les  malades  avec  boulé,  et 
leur  administrant  lui-même  les  sa- 
crements. La  peste  ayant  attaqué  une 
partie  de  sou  diocèse  ,  il  renouvela, 
dans  le  Nouveau-lMonde,  les  exemples 
touchants    que  saint    Charles  Bor- 
romée  avait  donnes   à  l'ancien.  Il 
assistait  aux  processions  :  fondant  en 
larmes,  et  les  yeux  fixés  sur  un  cru- 
cifix, il  s'offrait   à  Dieu  pour  son 
troupeau.  Le  ciel  se  laissa  fléchir,  et 
la  peste  cessa  ses  ravages.  Ce  saint 
homme  se  trouvait  à  Santa,  à  cent 
dix  lieues  de  Lima,  occupé  à  faire 
la  visite  de  son  diocèse,  lorsqu'il 
tomba  malade.  Prévoyant  sa  Gn  pro- 
chaine, il  donna  à  ses  serviteurs  ce 
qui  lui  restait  à  son  usage ,  et    ses 
biens   aux  pauvres  II  mourut  le  23 
mars   1606.  L'année   suivante,  on 
transporta  son  corps  à  Lima,  et  on 
le    trouva  sans  aucune  marque   de 
corruption.  Toribio  fut  béatifié  en 
16-9,  par  Innocent  XI,   et  Benoît 
XIII  le  canonisa  en  l'jaG.      G — Y. 
^   TORNÉ  (  Pierre- Anastase  )  , 
évêque  constitutionnel ,  né  à  Tarbcs 
le  2  X  janvier  1 727  ,  était  entré  d'a- 
bord dans  la  congrégation  des  Doc- 
trinaires ,  et  professa  la  philosophie 
à  Toulon  ;  mais  il  quitta  ensuite  la 
congrégation  et  se  livra  au  ministère 
de  la  chaire.  Un  discours  qu'il  avait 
composé  pour  un  concours  à  l'acadé- 
mie de  Pau  oJ)tint  le  prix  en  17')4- 
31  publia ,  en  i'j5']  ,  des  Leçons  élé- 
mentaires de  calcul  et  de  géomé- 
trie, in-8'\  11  prêcha  à  la   cour  de 
iStanislas ,  qui  lui  donna  le  titre  de 


TOR 


2G1 


son  aumùnicr,  et  lui   procura  une 
place  d'associé  à  l'académie  de  Nan- 
cy. Le  carême  que  Torné  prêcha  à 
la  cour  de  Versailles,  en  1764  ,  le 
fit  encore  plus  connaître.  L'évêque 
d'Orléans ,  M.  de  Jarente  ,  alors  mi- 
nistre de  la  feuille  ,  lui  donna  un  ca- 
nouicat  de  sa   cathédrale  ,  et   le  fit 
nommer  au  prieuré  de  Saint  Paul-' 
de-Bagnères-de-Bigorre.  Ses   ser- 
mons furent  imprimés  à  Paris,  ea 
1765  ,  3  vol.  iu-12^  ils  sont  dédiés 
à  l'évêque  d'Orléans.  On  ne  les  jugea 
point  alors  sans  méritej  et  peut-être 
Sabatier  de  Castres  en  parle-t-il  avec 
trop  de  sévérité  dans  ses  Trois  siè- 
cles littéraires  }  mais    aujourd'hui 
nous  ne  pouvons  lire  ces  mêmes  dis- 
cours sans  nous  rappeler  la  conduite 
postérieure  de  Torné.  On  cite  encore 
de  Torné  une  Oraison  funèbre  de 
Louis  XV ,   imprimée  à  Tarbes  , 
en    1775,  iu-4°-   L'âge,  le  carac- 
tère et  les  travaux   de  Torné  sem- 
blaient également  devoir  le  prémunir 
contre  les  illusions  qui   séduisirent 
tant  de  têtes  en  1 789  ;  on  le  vit  donc 
avec  étonuement  se   lancer  dans  la 
carrière  de  la  révolution.  Il  fut  nom- 
mé évêque  du  département  du  Cher 
et  métropolitain  du  centre,  et  sacré 
en  cette  qualité  le  26  avril  1791- 
Son  département  le  nomma  député  à 
l'assemblée  législative.  Ses  premières 
motions  n'annoncèrent  pomt  d  abord, 
d'exaltation;  le   17  nov.    1791,  il 
combattit  le  projet  de  priver  de  leurs 
pensions  les  prêtres  non-assermeutés, 
et  il  parla  en  leur  faveur;  le  29  du 
même  mois,  il  s'opposa  à  la  veute 
des  églises  occupées  par  les  mêmes 
ecclésiastiques;  mais  ensuite  la  peur 
ou  le  délire  le  jeta   dans  les  rangs 
des  jacobins.  Il  provoqua,  le  6  avril 
1792,  la  suppression   du  costume 
ecclésiastique,  et  dès  le  lendemain 
il  vint  recevoir  les  applaudissements 


2(i2 


TOR 


de  l'assemblée  pour  avoir  secoue'  tout 
ce  qui  pouvait  rappeler  sou  état.  Il 
vola  pour  la  suppression  des  congrc- 
s;ations  religieuses  ,  dénonça  les  ma- 
nœuvres de  la  cour  pour  asservir  le 
peuple,  et  fit  supprimer  les  préfets 
apostoliques  des  colonies.  Toutefois 
la  véliémencc  de  ses  opinions  ne  le 
lit  point  élire  pour  la  Convention. 
Le  12  août  1793,  il  maria  dans  sa 
cathédrale  un  prêtre,  le  sieur  Joly, 
avec  une  religieuse  ,  et  il  prononça , 
dans  cette  occasion  ,  un  discours 
pleindes  plus  ridicules  déclamations; 
cel  évêque  et  son  conseil  avaient  an- 
noncé qu'ils  accueilleraient  et  place- 
raient avantageusement  les  prêtres 
mariés  qui  seraient  inquiétés  aii'icuis. 
Au  mois  de  novembre  suivant,  Tor- 
iié  fut  un  des  plus  empressés  à  abju- 
rer son  état  ;  il  écrivit  à  la  Conven- 
tion qu'il  avait  été  jusque-là  un  four- 
be et  un  imposteur,  se  maria  depuis  , 
et  se  traîna  dans  les  derniers  eS'Cès 
de  l'abjection.  Ses  confrères  convien- 
nent qu'il  éjwuvanta.  V Eglise  par 
une  des  plus  horribles  apostasies 
qu'on  ait  vues  ;  on  parle  surtout 
d'un  discours  qu'il  prononça  au  club 
de  ïarbcs  ,  le  8  germinal  an  11  {An- 
nales de  la  religion,  tome  ni,  page 
4<>3).  «  Oui,  nous  l'avouons,  dit 
l'auteur  de  ce  journal  des  constitu- 
tionnels ,  ce  satyre  elFronté  a  versé 
sur  répiscopatl'infamiede  ses  mœurs 
et  les  blasphèmes  de  sou  impiété; 
après  avoir  répandu  la  corruption 
dans  le  troupeau,  il  a^  s'élant  une 
fois  démasqué,  poussé  les  principes 
de  persécution  ])lus  loin  que  n'ont 
fait  les  plus  audacieux  agents  de  la 
tyrannie.  »  Voyex  aussi  les  Annales 
catholiques  ,  tome  ni  ,  page  368. 
Torné  vivait  à  Tarbes  dans  le  mé- 
pris ,  lorsqu'on  le  trouva  mort  subi- 
tement dans  son  lit,  le  lu  janvier 
'797'  '*  '''ë*-'  '^^  soixante-dix  ans. 


iOR 

Barbier,  dans  son  Dictionnaire  des 
anonymes  ,  l'indique  comme  l'au- 
teur du  recueil  intitulé  :  Esprit  des 
cahiers  présentés  aux  Etats-Géné- 
raux,  augmenté  de  vues  nouvelles, 
par  L.  T. ,  1 789  ,  2  vol.  in-S"*  ; 
mais  Barbier  ne  paraît  pas  sûr  de 
cette  attribution  ,  et  nous  ne  savons 
sur  quoi  il  la  fondait.       P — c — t. 

TORNIEL  ouplutôtTORNlELLI 
(  Augustin  )  (  i  ) ,  savant  annaliste  , 
était  né, le  10  juin  i543,  à  Barengo 
dans  le  Novarèse^  d'une  famille  pa- 
tricienne. Son  père ,  habile  médecin , 
désirant  lui  voir  embrasser  la  même 
profession  ,  l'envoya  faire  ses  cours 
à  Pavie.  En  les  terminant ,  il  reçut  le 
laurier  doctoral  avec  distinction  ; 
mais  son  goût  pour  la  retraite  le  dé- 
termina bientôt  à  sacrifier  tous  les 
avaiitages  qu'il  pouvait  espérer  dans 
le  monde,  au  besoin  de  suivre  son 
penchant.  En  i56g  ,  il  entra  dans  la 
congrégation  des  Barnabites  à  Mi- 
lan ,  et,  après  quelques  mois  d'épreu- 
ves ,  y  prit  rhabit  des  mains  du  B. 
Alex.  Sauli  (  F.  ce  nom ,  XL ,  45 1 )• 
Ses  talents  le  firent  élever  prompte- 
ment  aux  premières  dignités  de  la 
congrégation.  Il  en  fut  élu  général 
en  1579,  et  plus  tard  il  fut  encore 
revêtu  deux  fois  de  cette  dignité.  Il 
refusa  l'évcché  de  Mantoue  et  celui 
de  Casai,  préférant  à  tous  les  hon- 
neurs la  vie  paisible  du  cloître.  L'é- 
tude des  lettres  et  de  l'histoire  occu- 
pait tous  les  moments  que  lui  lais- 
saient ses  devoirs. Il  mourutà  Milan, 
en  169.2,  le  10  juin  ,  jour  anni- 
versaire de  sa  naissance,  à  l'âge  de 
soixante  dix-neuf  ans.  Parmi  les  nom- 
breux amis  que  lui  fit  son  mérite, 
on  doit  citer  Vincent  de  Gonza- 
guc,  duc  de  .Mantoue,  S.Charles 

(1)  II  avait  reçu  au  liaplc'iiif  le  nom  di-  C. régoire , 
mais  il  io  iliaiigen  cuiilic  te\ui  d'.liigiislih  ,  Iwn- 
i|ii'il  l'inhrasMi  la  vif  religieuse. 


TOR 

Borromce  et  le  cardinal  Baronius. 
On  a  de  lui  :  Jnnales  sacri  et  pro- 
fani  ah  orbe  condito  ad  eiimdem 
Christipassione  redemptum ,  Milan , 
1610;   Francfort,    161 1  ;    Anvers, 
i6.io,  'î  vol.  in-fol.  Cette  édition  a 
long-temps  été  regardée  comme  la 
meilleure;   mais   on  doit  donner  la 
préférence  à  celle  de  Lucques  ,  1757  , 
4  vol.  in-fol. ,  enricliie  des  notes  et 
des  additions  du  P.  Mansi  (  Foy.  ce 
nom  V  Cet  ouvrage  est  le  premier 
dans  lequel  les  diilicultés  que  pré- 
sentent les  livres  saints  se  trouvent 
éclaircies    d'une  manière    convena- 
ble. On  peut  le  considérer  ,  dit  Du- 
pin  ,  comme  un  excellent  commen- 
taire des  livres  historiques  de  1'  \n- 
cien-Testamcnt.  Il  est  écrit  d'un  style 
simple  et  naturel,  avec  beaucoup  de 
netteté  et  de  méthode.  (  Foj.  la  Bi- 
bliothèque  des    auteurs  ecclésias- 
tiques ).  C'est  une  introduction  aux 
Annales  de  Baronius;  et  Tornielli  , 
dit-on  ,    avait  le  dessein,  de   donner 
l'Histoire  de  l'Église  ;  mais  il  y  re- 
nonça pour  ne  pas  se  trouver  en  con- 
currence avec    son  ami,  Sponde  a 
donné  V Abrégé    des   Annales    de 
Tornielli ,  précédé  delà  Vie  de  l'au- 
teur :  on  peut   encore  consulter  les 
Mémoires  de Niceron ,  tom.  xi ,  1 34- 
38  ;  la  Bibl.  script.  Mediol.  d'Ar- 
gcllafi,n,p.  II,  2179.       W — s. 
T0R^'ÏELLI   (  Ji^r6me-Fran- 
çoïs  ),  prédicateur ,  né ,  en  lOpS  ,  à 
Cameri ,  d'une  ancienne  famille  de 
Novare,  entra  chez  les  Jésuites  ,  qui 
le  destinèrent  à  renseignement.  Con- 
tent de  ses  fonctions  de  professeur  , 
il  les  aurait  peut-être  conservées  ,  si 
les  eucourageuients  de  ses  confrères 
ue  l'avaient  détermuié  à   suivre   la 
carrière  de  la  prédication.  Il  débuta 
à  Venise,  où  il  enleva  tous  les  sulFi'a- 
ges.  11  reparut  à  IMilan  ,  à  Bologne, 
à  Rome  ,  à  Florence ,  sans  jamais 


TOR 


263 


démentir  sa  réputation.  Fêté  et  ap- 
plaudi  partout ,  on  le  regarda  com- 
me le  plus  fort  soutien  de  l'éloquence 
sacrée  ,  que  la  mort  de  Segncri  avait 
laissée  dans  un  état  d'abandon.  Ce- 
pendant les   Sermons   du   P.    Tor- 
nielli  manquent   d'élévation   et    de 
sénie  :  son  style  a  de  l'éclat ,    mais 
il  est  sans  vigueur  :  ses  périodes  sont 
arrondies  ,  mais  elles  renferment  ra- 
rement des  pensées  profondes  :  c'est 
du  clinquant  qui  éblouit,  et  dont  l'ef- 
fet est  aus>i  passager  que  la  renommée 
qu'il  procure.  Après  avoir  jugé  l'o- 
rateur ,  il  reste  peu  à  faire  pour  mon- 
trer le  poète.  Les  peuples  ,  et  les  Ita- 
liens   surtout  ,    ont   une  disposition 
naturelle  pour  le  chant.  Le  berger 
des     Alpes  ,    le    paysan     piéinon- 
tais  ,    le    cultivateur    lombard  ,    le 
gondolier  vénitien  ,  apprennent  tous 
également  les  plus  beaux  morceaux 
de  leurs  poètes  classiques,   afin  de 
dissiper   par    leurs    chansons    l'en- 
nui du  travail.  Tornielli  ,  choqué  de 
la   licence  de  quelques-unes  de   ces 
poésies  ,  eut  l'idée  de  mettre  de  nou- 
velles  paroles  sur  les  airs  les  plus 
connus  ,  se  flattant   par   ce  moyen 
d'habituer  le  peuple  à  ne  chanter  que 
des   hymnes   sacrés.  Loin  d'en   sa- 
voir gré  à  l'auteur  ,  on  lui  reprocha 
d'avoir  profané  les  mystères  de  la 
religion  ;  et  ce  fut  en  vain  qu'un  au- 
tre jésuite  prit  à  tâche  de  défendre 
son    confrère.   On   persista  dans  la 
première  accusation  ,  et  l'on  se  féli- 
cita que  Tornielli  eût  échoué  dans 
son  entreprise.  Ce  prédicateur  venait 
de   terminer  un  carême  à  Bologne  , 
lorsqu'il  mourut  d'un   vomissement 
sanguin,   le  G  avril  i^Sa.  Modeste 
sans  etl'ort ,  il  avait  refusé  le  double 
hommage  que  les  académiciens  de  la 
Crusca  s'étaient  proposé  de  lui  ren- 
dre, en  le  jnoclamant  leur  collègue, 
et  en  se  chargeant  de  la  publication 


264  TOR 

de  SCS  ouvrages.  On  croit  Torniclli 
aiUeur  d'un  poème  burlesque,  intitule' 
Jes  Businate.  Si  cet  ouvrage  est  de 
lui  ,  il  ne  peut  l'avoir  composé  que 
dans  sa  jeunesse.  Ennemi  du  théâtre, 
quoique  poète,  il  fit  un  discours  pour 
dissuader  ses  compatriotes  de  bâtir 
ime  salle  de  spectacle.  On  a  de  lui  : 
\.Sette  canzonette  in  aria  marine' 
Tesca,  sopra  le  sette  principali  feste 
di  Nostra  Signora ,  iMilan,  i-jSB  , 
in-8''.  ;  etModène,  i8i8,  iu-i6  ^ 
avec  une  préface,  dans  laquelle  l'au- 
teur rend  compte  de  son  but  ,  et  des 
mètres  qu'il  a  choisis. Le  P.  Sanchez 
de  Luna,  jésuite  napolitain  ,  répon- 
dit aux  critiques  dirigées  contre  le 
P.  Tornielli,  par  un  ouvrage  anonyme 
intitulé  :  Risposta  alla  censura  fatta 
^dle  canzonette  viarineresche  per  le 
fcstività  di  Maria  Santissima ,  Cos- 
mopoli (Naples),  in -8°.  II.  Pre- 
diche  quaresimali ,  Milan,  1753, 
in-4".  ;  et  Bassano  ,  1820,  in-4°.  , 
ouvrage  posthume,  avec  une  préfa- 
ce du  P.  Noghera.  111.  Panegirici 
e  discorsi  sacri  y  Milan ,  1 767  ,  in- 
8".;  et  Bassano,  1822,  in-80.  Voy. 
]jOya  ,  Elogio  di  Tornielli ,  dans 
les  Piemontesi  illustri  ,  tome  m  , 
1^3  *^     j  o  »  A      c      n 

TORQUATUS.  Foy.  Manlius. 

TORQUEMADA  ou  TUKRE- 
CREM ATA  (  Jean  de  ) ,  cardinal ,  du 
titre  de  Saint-Sixte  ,  fut  l'un  des  plus 
célèbres  théologiensdu  quinzième  siè- 
cle. C'est  par  une  grave  erreur  qu'où 
]'a  confondu  avec  le  fondateur  de 
rinr|uisitioneu  Es])agne  {F.  l'article 
suivaut).Né,en  i388,  à  Valladolid, 
d'une  des  plus  illustres  familles  de 
Castillc  ,  il  ])rit ,  à  quinze  ans ,  l'ha- 
bit de  saint  Doininicpie  ,  et  parlage.i 
dès-lors  son  temps  entre  la  prati([(ie 
de  ses  devoirs  et  l'étude  des  lettres 
sacrées.  Les  talents  qu'il  annonça  dès 
sou    début    lui    méritèrent   bientôt 


TOR 

l'estime  de  ses  confrères.  Le  P. 
Louis  de  Valladolid  le  choisit,  en 
1417  ,  pour  l'accompagner  au  con- 
cile de  Constance.  Après  la  clôture  de 
cette  assemblée ,  il  fut  envoyé  par 
ses  supérieurs  à  Paris ,  011  il  fut  reçu 
docteur  en  théologie,  en  \  1^0.3 ,  et 
professa  même  quelque  temps  ,  si 
l'on  en  croit  Dupin  (  Bibl.  des  Aut. 
ecclés.  )  ,  avec  un  aj^plaudissement 
universel.  De  retour  en  Espagne,  il 
fut  élu  prieur  de  la  maison  de  son 
ordre  à  Valladolid ,  et  ensuite  à  To- 
lède ,  et  montra  dans  cet  emploi 
beaucoup  de  capacité.  Sur  sa  répu- 
tation ,  le  pape  Eugène  IV  lit  venir 
à  Rome  Torquemada ,  le  revêtit ,  en 
i43i  ,  de  la  dignité  de  maître  du 
sacré  palais ,  et  le  nomma  son  théo- 
logien au  concile  de  Bàle.  Il  s'y  dis- 
tingua par  son  éloquence ,  par  son 
érudition  et  par  une  infatigable  acti- 
vité ,  non  moins  que  par  son  zèle 
pour  les  intérêts  du  Saint-Siège.  Il 
lit  condamner  les  erreurs  de  Wiclef 
et  de  Jean  Huss,  qui  conservaient  en- 
core de  nombreux  partisans  ;  il  dé- 
fendit l'institut  de  Sainte  Brigitte 
(  V,  4o4  )  ?  q"'J'  avait  éîé  chargé 
d'examiner  ,  et  les  révélations  de 
cette  sainte ,  dans  lesquelles  il  ne  trou- 
vait rien  qui  ne  pût  venir  de  Dieu; 
et  soutint  avec  succès  les  dogmes  at- 
taqués par  les  hérétiques  ,  notam- 
ment celui  de  l'immaculée  conce])lion. 
IN 'aj'ant  pu  calmer  les  ennemis  d'Eu- 
gène, il  quitta  Bàle  en  1437  ;  mais 
il  ne  larda  pas  à  retotnuer  en  Alle- 
magne, pour  engager  les  princes  et 
les  évêques  à  se  réunir  au  nouveau 
concile  indiqué  par  le  pape  à  Fer- 
rare,  et  transféré  depuis  à  Florence. 
Il  ne  put  assister  lui  même  qu'aux 
dernières  sessions  de  cette  assemblée; 
il  travailla  cependant  avec  beaucoup 
d'ardeur  à  terminer  le  schisme  des 
Grecs,  et  renit  du  Jiapc,  à  celle  oc- 


TOR 

Casion ,  le  titre  tic  Défenseur  de  la 
foi  (  Ughelli  Italia  sacra  ,  i  col. , 
i8o  ).  Dcpiité  par  Eugène  vers 
Charles  VU  ,  pour  l'engager  à  faire 
la  paix  avec  les  Anglais  ,  il  fut  nom- 
mé cardinal  pendant  sa  légation  eu 
France.  11  se  rendit  a  l'asscmMée 
de  Bourges  ,  et  contribua  fortement, 
par  son  éloquence,  à  la  maintenir 
dans  la  communion  d'Eugène  IV, 
que  le  concile  de  Bàle  venait  de  dé- 
poser. De  retour  en  Italie  ,  il  eut,  à 
Sienne,  une  discussion  très-vive  avec 
le  savant  Tostat  (  F.  ce  nom  ), 
et  lit  condamner  quelques  proposi- 
tions de  son  antagoniste.  La  mort 
d'Eugènenediminua  rien  de  la  consi- 
dération dcntTorqnemada  jouissaità 
la  cour  de  Rome.  11  fut  nommé  ,  par 
Calixte  m  ,  évoque  de  Palestrine,  et 
transféré  par  Pie  II  sur  le  siège  de 
iSabine.  L'étude  n'aA^ait  jamais  cessé 
d'occuper  ou  de  cliarmer  ses  loisirs^ 
il  employait  les  revenus  de  ses  béné- 
lices  à  fonder  de  pieux  établisse- 
ment et  à  protéger  la  culture  des 
lettres.  Les  liommes  les  plus  savants 
dont  s'bonorait  alors  l'Italie  étaient 
au  nombre  de  ses  amis  ;  il  suffira  de 
citer  Bessarion,  Campani,  Nicol.  Pei'- 
roto,  Flav.  Biondo,  etc.  Cet  illustre 
prélat  mourut  le  a6  septembre  1 4G8,  à 
quatre-vingts  ans,  dans  le  couvent  de 
\cii  Minerve^  et  fut  inhumé  dans  la 
chapelle  de  l'Annonciation  ,  qu'jl 
avait  reconstruite  et  décorée  avec  ma- 
gnilicence ,  sous  une  tombe  de  marbre 
orn('e d'une épitaphe.  Nicol. Antonio 
(  Bibl.  hispan.  )  et  le  P.  Quctif 
(  Script,  ord.  Prœdicator. ,  i ,  83q- 
45  )  ont  donné  les  titres  détaillés  de 
ses  ouvrages,  dont  vingt-sept  sont 
imprimés,  ctquatorze  manuscrits  (i). 


(i)  I,c  p.  Mans!  a  jinUlic,  dans  le  Supplènietit  à 
îa  rollt'clton  de^  conritrs ,  un  des  rnivragrs  fjiic  le 
P.  OuelifcomptP  parmi  les  monuscrits  ;  c'csl  /fe- 
l'etilioiws  quœiUwi  sitper  finhusdem  pro/iosiltonihiis 


TOR  a65 

On  se  contentera  d'indiquer  :  I.  Me- 
ditationes  Jo.  de  Turrecremata 
positœ  et  depiclœ  de  ij)sius  man- 
dato  in  ecclesiœ  amhilu  sanc- 
tœ  Marice  de  Minervà  ,  Rome  , 
Ulrich  Ilau,  1467,  petit  in-fol.  de 
34  feuillets.  Cette  première  édition 
est  un  des  livres  les  plus  rares  que 
l'on  connaisse  ;  elle  est  ornée  de  34 
gravures  en  bois.  De  Murr  en  a  donné 
la  description  avec  le  calque  de 
la  première  estampe  dans  les  Mémo- 
rahil.  Bihl.  Norimh. ,  i ,  '263  ;  elle 
a  été  reproduite  à  Rome  ,  en  147^, 
parle  même  imprimeur ,  et  à  Foii- 
gno ,  en  i479i  P^i"  Jean  Numeister 
(2)  ;  on  recherche  encore  l'édition 
d'Albi_,  i48i  7  in-4". ,  parce  qu'elle 
passe  pour  le  premier  livi'c  imprimé 
dans  cette  ville.  Il  en  existe  plusieurs 
autres  éditions  du  quinzième  siècle  j 
mais  elles  ont  peu  de  A^aleur.  II.  ^a;- 
positio  hrevis  et  iitilis  super  toto 
psalterio  ,  Rome  ,  Ulricb  Han  ou 
Gall  ,  1470,  grand  in -4"-,  pre- 
mière édition  ,  rare  et  recherchée 
des  curieux  ;  Augsbourg  ,  J.  Schuss- 
1er,  1472  ,  in-fol.;  Maïence,  Schoyf- 
fer,  14745  in-fol.  Cet  ouvrage  a  été 
réimprimé  plusieurs  autres  fois  dans 
le  quinzième  et  même  dans  le  seizième 
siècle.  XW^Tractaius  deaqudhene- 
dictd,  Rome ,  Guldinbeck ,  1 47^,  gi". 
in-4".  ,  première  édition  très -rare. 
IV.  Qucestiones  spiritiialis  convivii 
delicias  prœferenies  super  Evange- 
liis  tàm  de  tempore  quàm  de  sanc- 
tis ,  Rome,  1477»  in-fol. ,  Nurem- 
berg, 147B;  in-fol.  On  cite  encore 
de  cet  ouvrage  une  édition  sansdatc, 
et  qui  porte  toutes  les  marques  d'une 

ylugKsIIni  de  Roinn ;  luais,  suivaiil  le  P.  I.aiic,  cri 
cipusciile  avait  déj.'i  paru,  en  i475,  •'  '»  «"'•<■  <J" 
Iraclatns  de  n</ud  bcnediclà.  Voy.  Spécimen  tj- 
p"gf\  rontaii, ,  a'jsy. 

(7.)  On  Irouve  dr  grands  di'lails  sur  retle  rare 
r'dit. ,  ainsi  que  les  calques  de  plusieurs  estampes  , 
dans  la  IJild.  Spencer,  IV,  n".  7,9». 


i66 


TOR 


haute  antîquité  (  F.  le  Dict.  de  La 
Serna } .  V .  Covi mentarii  in  decretinn 
Graliainpart.  v  ,  Lyou  ,  iSiq,  in- 
fo!., vi  tomes,  première  édition,  rare, 
publiée  par  Boërius  (  Voy.  Bohier  ) , 
Venise,  iS-jS,  l\  vol.  in-fol.  Les 
continuateurs  du  Dict.  de  Moreri  , 
édition  de  1759  ,  citent  une  édition 
publiée  par  Fontanini,  Rome  ,  i7'25, 
comme  la  première  de  cet  ouvrage  • 
mais  on  voit  rpie  c'est  au  plus  la 
troisième.  Le  P.  Touron  a  donné  une 
Fie  de  Torqucmada  ,  dans  V Histoi- 
re des  Hommes  illustres  de  l'Or- 
dre de  Saint-Dominique.  W — s. 
TORQUEMADA  (  Thomas  de  ), 
premier  inquisiteur-généra!  de  l'Es- 
pagne ,  était  de  la  même  famille  que 
le  précédent,  avec  leijuel  on  l'a  sou- 
vent confondu.  Il  naquit  à  Vallado- 
lid,  vers  l'an  i4''0,  et  entra  dans 
l'ordre  de  Saint-Dominique  ou  des 
Frères-Prêcheurs.  Depuis  deux  cents 
ans,  cet  ordre,  suivant  l'esprit  de 
son  fondateur  rt  le  but  de  sou  insti- 
tution ,  prêchait  contre  les  héré- 
tiques {  Foy.  Dominique  ,  XI, 
5i4).  et  jetait  ainsi  les  fondements 
de  l'inquisition  ,  qui  dès-lors  établie 
en  France,  en  Italie  et  en  Lombar- 
die  ,  ne  le  fut  cependant  en  Espagne, 
qu'eu  1^33  ,  dans  la  ville  de  Lérida. 
Quelques  aruiées  auparavant  (  1*2 1 9), 
saint  Dominique  avait  institué  le  tiers 
ordre  de  la  Pénitence ,  dit  aussi 
Milice  du  Christ;  el,  en  iv/xx  ,  un 
ordre  de  chevalerie  s'était  établi  sous 
le  même  nom  de  Milice  du  Christ, 
quoique  dillérent  du  premier,  (les 
deux  ordres  se  confondirent  bientôt, 
et  leurs  membres  furent  :iy^v\v?<  fami- 
liers du  Saint- Office  de  l'Inquisi- 
tion. Protégée,  favorisée  jiar  les  pa- 
pes, riiK|nisition  s'introduisit  bien- 
tôt à  Barcelone,  dans  la  (îastille,  la 
Navarre,  à  Valence;  el  |)arlout  les 
Dumiiiicains  ,  autorisés  par  des  bnl- 


TOR 

les  pontificales ,  acquirent  les  privi- 
lèges d'êtx'C  les  seuls  inquisiteurs,  les 
seuls  délégués  du  Saint-Siège,  pour 
agir  contre  les  hérétiques ,  et  de  ne 
pouvoir  être  excommuniés  que  par 
le  pape.  Mais  comme  ces  inquisiteurs 
particuliers  ,  indépendants  les  uns 
des  autres,  ne  recevaient  d'un  chef 
éloigné  que  des  commissions  tempo- 
raires ,  et  des  instructions  unique- 
ment adaptées  aux  circonstances  et 
aux  localités;,  il  en  résultait  de  lon- 
gues et  fréquentes  vacances  dans  ces 
tribunaux  isolés ,  des  mesures  incohé- 
rentes et  contradictoires  dans  l'exer- 
cice de  leurs  fonctions.  Lorsque,  par 
le  mariage  d'Isabelle  et  de  Ferdi- 
nand le  Catholique  ,  leurs  conquêtes 
sur  les  Maures,  et  la  réunion  des 
états  de  Castille  et  d'Aragon  eurent 
posé  les  bases  de  la  monarchie  espa- 
gnole, les  papes  songèrent  à  y  éta- 
blir l'inquisition  sous  une  forme  plus 
stable  et  plus  régulière.  Mais  la  ré- 
pugnance d'Isabelle  à  recevoir  la 
bul'e  de  Sixte  IV,  en  date  du  i^r. 
novembre  i477  ■<  ^n  retarda  l'exé- 
cution. Ce  ne  fut  que  le  17  septem- 
bie  1480,  que  le  pape  nomma  les 
deux  premiers  inquisiteurs  de  la  mo- 
derne inquisition.  Ferdinand  les  fit 
installer  à  Séville,  à  la  fin  de  dé- 
cembre. Leurs  jugements  furent  si 
])rompts  et  si  rigoureux ,  qu'au  4 
novembre  de  l'année  suivante,  ils 
avaient  déjà  fait  ])érirdaus  les  flam- 
mes deux  cent  quatre-vingt-dix-huit 
nouveaux  Chrétiens  suspectés  d'hc- 
résie ,  de  judaïsme  ou  de  mahomé- 
tisme.  Sixte  IV  se  ])laignit  de  cette 
sévérité  au  roi  catholique,  par  sa 
lettre  du  ■;>.()  janvier  1482;  et  ce  fut 
probablement  pour  modérer  le  zèle 
des  inquisiteurs  que,  par  soubref  du 
1 1  février,  il  leur  donna  des  adjoints 
pris  aussi  parmi  les  Dominicains. 
Thom as  de  Toi(iueuiada  fut  compris 


TOR 

dans  cette  nomination.  11  acquit  bien- 
tôt la  plus  grande  prépondérance  sur 
ses  collègues;  et,  comme  il  ne  paraît 
pas  qu'il  .'^e  soit  conformé  au  systè- 
me de  modération  que  la  cour  de 
Rome  semblait  vouloir  adopter ,  on 
peut  croire  que  ses  intrignes  et  son 
ambition  ne  contribuèrent  pas  moins 
que  ses  talents  à  sa  soudaine  éléva- 
tion. Un  second  bref  du  pape,  du  2 
août  i483,  l'établit  inqiusiteur-ge- 
néral  du  royaume  de  Castille  ;  et 
soumit  à  son  autorité  tous  les  autres 
inquisiteurs.  Par  un  troisième  bref, 
du  "j  octobi'e  i4B3  ,  il  fut  nomme  in- 
quisiteur-général d'Aragon.  Ce  fut 
alors  que  l'inquisition  devint  un  tri- 
bunal permanent.  Torquemada  justi- 
fia pleinement  le  choix  du  Saint- 
Siège,  par  son  zè'e  à  propager  les 
maximes  dominatrices  de  la  co:ir  de 
Rome,  à  multiplier  les  confiscations 
dont  le  roi  Ferdmand  était  avide,  et 
à  établir  par  les  supplices  le  système 
de  terreur  sur  lequel  l'inquisition  de- 
vait fonder  sa  puissance.il  créa  d'a- 
bord quatre  tribunaux  subalternes  à 
Séville,  Cordoue,  Jaëu  etVilla-Réal 
(i),  et  permit  aux  Dominicains  de 
commencer  l'exercice  de  leurs  fonc- 
tions en  divers  diocèses  du  royaume 
de  Castille  :  mais  il  trouva  en  eux 
peu  de  subordination,  parce  qu'ils 
étaient,  comme  lui,  commission- 
nés  par  le  pape.  Persuadé  que  l'u- 
nité et  la  centralisation  étaient  né- 
cessaires à  ses  vues,  il  se  choisit 
pour  assesseurs  et  conseillers  deux 
jurisconsultes  ,  et  les  chargea  de 
rédiger  la  constitution  du  nouvel 
empire  dont  il  fut  le  véritable  fon- 
dateur. Ce  Code  de  l'inquisition 
fut  promulgué,  sous  le  titre  mo- 
deste d'/«ifr«ca'o/i5 ,  dans  une  junte 


(0  Auj"urdliui  <:ii.(la(l-Real.  Cv  dernier  fut  du 
|iui»  Irauslire  à  ToUdc. 


TOR  267 

tenue  à  Séville,  le  -ig  octobre  i484^ 
et  composée  des  quatr*^  inquisiteurs 
particuliers,  des  deux  assesseurs,  et 
des  membres  d'un  conseil  royal  de 
l'inquisition  ,  que  Ferdinand  venait 
de  créer ,  et  dont  Torquemada  était 
président  de  droit  et  à  vie.  Ces  Ins- 
tructions ,  composées  de  vingt-huit 
articles,  auxquels  il  en  ajouta  onze, 
en  I  490 ,  puis  quinze  en  1  498  ,  et 
qui  furent  encore  augmentées  par  ses 
successeurs  ,  laissaient  les  accusés 
sans  défense,  et  les  livraient  à  l'ar- 
bitraire, aux  préventions,  aux  pas- 
sions de  leurs  juges  :  aussi  ce  ne 
fut  pas  sans  surmonter  de  grands 
obstacles  que  ce  moine  parvint  à 
aifermir  son  odieux  pouvoir.  Pierre 
Arbues  d'Epila  ,  l'un  des  dçus 
inquisiteurs  qu'il  avait  établis  à  Sa- 
ragoce  ,  en  1484,  fut  assassiné 
l'année  suivante  ,  par  les  habitants^ 
qui  avaient  réclamé  en  vain  contre 
l'inquisition.  A  Terruel ,  à  Valence, 
à  Lérida  ,  et  surtout  à  Barcelone , 
les  inquisiteurs  éprouvèrent  une  aussi 
vive  résistance.  Des  émeutes  écla- 
tèrent de  toutes  parts,  et  ne  purent 
être  apaisées  que  lorsque  deux  bulles 
du  pape  Innocent  VIII  eurent  af- 
fermi l'autorité  de  Torquemada ,  en 
le  confirmant  danslachargedc grand- 
jnquisiteur  d'Espagne,  en  donnant 
plus  d'étendue  à  sa  juridiction,  et 
en  désignant  les  villes  et  les  provinces 
qui  devaient  en  dépendre.  L'inquisi- 
tion s'ciablit  alors  en  Estremadure  , 
à  Valladolid,  Calahorra,  Murcie, 
Cuença  et  Valence.  Barcelone  fut 
forcée  de  se  soumettre,  en  1487  ,  et 
IMaïorque  en  1 490.  Pour  investir 
Torquemada  d'une  plus  grande  con- 
sidération, on  lui  conféra  le  titre  de 
Confesseur  des  souverains ,  quoi- 
qu'il n'en  remplît  pas  les  fonctions. 
Dès-lors  son  autorité  n'eut  plus  de 
bornes:  il  obtint  une  ordonnance  du 


268 


TOR 


conseil  de  la  Suprcme ,  qui  enjoi- 
gnait de  ne  payer  les  bons  royaux 
qu'après   l'acquit  des  dépenses   du 
tribunal  ;  et  maigre'  les  privilèges  ac- 
corde's  par  des  bulles  pontificales  aux 
puissants  personnages  contre  la  juri- 
diction des  inquisiteurs  ,  il  fit  péni- 
tencier don  Jacques  de  Navarre ,  ne- 
veu du  roi  Ferdinand ,  pour  avoir 
donne'  asile  à  des  accuses  fugitifs ,  et 
força  lecapitaine-ge'nc'ral  de  Valence 
de  s'humilier  devant  son  tribunal , 
pour  avoir  rendu  la  liberté  à  un  hom- 
me arrête'  par  le  Saint -Office.  En- 
lin  c'est  à  Torquemada  qu'il  faut  at- 
tribuer le  bannissement  des  Juifs  non 
baptisés,  qui,   au   nombre  de   huit 
cent  mille ,  furent  contraints  de  sor- 
tir de    l'Espagne,    en  i49'2  5   sous 
peine  de  mort.  Son  zcle  ne  se  signala 
pas  moins  contre  les  livres.  En  1 49O7 
il  fit  brûler  plusieurs  bibles  hébraï- 
ques, et  plus  tard,  il  détruisit  dans 
Tui  auio-da-fé ,  à  Saragoce,  plus  de 
six  mille  volumes ,  dont  le  plus  grand 
nombre  méritaient  d'être  conservés. 
La  haine  qu'il   avait   généralement 
inspirée  était  si  forte ,  que,  craignant 
pour  sa  vie  ,  il  obtint  de  Ferdinand 
et  d'Isabelle  le  droit  de  se  faire  es- 
corter dans  ses  voyages  par  qua- 
rante familiers  de  l'inquisition  ,  à 
cheval,  et  par  deux  cents  à  pied.  Il 
avait  toujours  sur  sa  table  une  dé- 
fense  de  licorne,  sorte  de  talisman 
auquel  on  attribuait  alors  le  pouvoir 
de  découvrir  et  de  neutraliser   les 
poisons.  Ses  vexations  et  ses  cruau- 
tés excitèrent  tant  de  plaintes  ,  qu'il 
fut  obligé  d'envoyer  à  Rome  un  de 
ses  assesseurs  pour  le  défendre  con- 
tre ses  accusateurs.  Les  choses  en  vin- 
rent au  point  qu'Alexandre  VI  lui-mê- 
me ,  ce  pape  sc.'indaleux,vouIulledc- 
ponillerde  son  office  ,et  se  ronlcnla, 
])0ur  nién  iger  la    cour    d'lvs[)a').iic  , 
d'expédier,  le  u3  juin  1 4(}/| ,  un  bref 


TOR 

par  lequel  il  lui  donna  quatre  collè- 
gues ,  en  raison  de  son  grand  âge  et 
de  ses  inlirmités  5  et  comme  le  bien 
de  la  religion  n'était  pas  le  seul  mo- 
bile des  inquisiteurs ,  il  fallut  que  ce 
pontife,  par  ses  brefs  des  18  février 
et  29  mars  1 49^ ,  leur  défendît  de 
disposer  à  leur  gré  des  revenus  du 
Saint-Office,  et  chargeât  Ximenès,  ar- 
chevêque de  Tolède  de  faire  resti- 
tuer au  trésor  royal  les  sommes  dont 
ils  s'étaient  emparés.  Torquemada 
mourut  le  t6  septembre  1498.  Pen- 
dant  les  seize  années  que  dura   son 
ministère ,  il  fit  brûler  huit   mille 
huit  cents  victimes,  en  réalité,  six 
mille  cinq  cents  en  effigie,  et  il  en 
condamna  quatre-vingt-dix  mille  à 
l'infamie,  à  la  prison  perpétuelle,  à 
la  confiscation  ou  à  l'exclusion  des 
emplois  (2).  On  peut  dire  avec  vé- 
rité que  c'est  à  lui  seul  que  l'Espagne 
doit  l'inquisition  et  tous  les  malheurs 
qui  en  ont  été  la  suite;  car  dans  tous 
les  pays ,  tels  que  la  France  et  l'Ita- 
lie^ où  elle  n'a  pas  été  organisée  sur 
les  mêmes  bases ,  elle  s'est  éteinte  ou 
aiïaiblie  depuis  long-temps,     A — t. 
TORRE  (  Pagano  de  La  ),  sei- 
gneur de  Valsanina ,  au  pied  des  Al- 
pes Milanaises,  secourut,  en  laS^, 
les  Milanais ,  après  leur  déroute  à 
Corte-Nova  ;  il  soigna  leurs  blessés , 
recueillit  les  fugitifs,  et  ramena  leur 
armée  à  Milan.  Il  acquit,  par  cette 
conduite  généreuse  un  grand  crédit 
auprès  du  peuple  et  du  parti  guelfe: 
aussi  les  Milanais ,  dans  les  dissen- 
sions qui  déchirèrent  leur  république 
on  1 242 ,  choisirent-ils  Pagano  de  La 
Torre  pour   chef  de  l'état.    Il   con- 
serva ce  rang,  et  l'influence  qui  y 

(01)  r.i'in  qui  onl  e'ievi';  plus  liniil  li>  iiiiinbrc  rfr-s 
^  il  limes  rl<'  Tiirciiifimacla,  oui  suivi  Ir  calcul  dc.niic^ 
|.iir  l,li>r.ii|p,  clnns  le  lnincr  r  clr  snn  flisinirrrie 
l'iiuiiiiMlwii  ,  c-l  ils  li'onl  |ias  rc-miil  i|ill-  C]m-  Cl-tttU- 
Iciir  l'a  réilnil  lui-mcmc  dans  jou  touiC  IV. 


TOR 

était  attachée  ,  jusqu'à  sa  mort,  sur- 
venue en  125G.  Noble  lui-même,  et 
d'une  naissance  très-illustre,  il  fut 
constanimont  l'adversaire  des  nobles  j 
mérita  i'atJection  du  peuple  mila- 
nais,  par  sa  modération  autant  que 
par  ses  talents ,  et  fonda  sur  l'a- 
mour de  ses  concitoyens  la  grandeur 
de  sa  famille.  S.  S — i. 

ÏORRE  (  Martino  de  L a  ) ,  neveu 
du  pre'ce'dent ,  lui  succéda  ,  en  1 256, 
dans  le  titre  de  podestat  de  la  cré- 
denze.  Il  avait  tous  les  talents  d'un 
chef  de  parti,  et  plus  de  vertus  que 
la  plupart  des  usurpateurs.  Parvenu 
au  faîte  de  la  puissance,  après  avoir 
sauvé  Milan  des  mains  du  féroce  Ec- 
celiu  deRomano,  que  la  noblesse  avait 
voulu  y  introduire ,  il  arracha  au  sup- 
plice ses  ennemis,  que  les  tribunaux 
avaient  condamnés  comme  conspira- 
teurs, déclarant  que  lui,  qui  n'avait 
point  de  fils,  qui  n'avait  jamais  su 
donner  la  vie  à  un  homme  ,  ne 
roterait  jamais  à  personne.  Mar- 
tino de  La  Torre  fut  nommé ,  en 
1  '.i5c) ,  seigneur  de  Lodi,  par  le  peu- 
ple de  cette  ville;  et  en  i263,  il  ob- 
tint aussi  la  seigneurie  de  Novare  , 
tandis  qu'un  rival  dangereux  de  sa 
famille,  Othon  Viscouti,  était  pour- 
vu de  l'arclievêché  de  Milan,  que 
Martino  avait  destiné  à  son  neveu 
Kaimond.  Cette  élection  engagea  ,  en 
1  -263 ,  Martino  de  La  Torre  dans  uue 
guerre,  contre  l'archevêque  et  la  no- 
blesse ,  dont  il  ne  vit  que  le  commen- 
cement. 11  tomba  malade,  et  mourut 
à  Lodi  ,  au  mois  de  sept,  même 
année  ,  après  avoir  demandé  au  peu- 
ple de  INIilan  de  lui  donner  son  frère 
Philippe  pour  successeur.    S.  S — i. 

TOlllΠ (Philippe  de  La),  ne 
survécut  à  son  frère  que  deux  ans  ; 
mais  jiendaut  cet  espace  de  temps 
il  all'erniit  l'autorité  de  sa  maison  , 
et   retendit  sur  les  villes  de  Corne  , 


TOR  269 

Verceil  et  Bergame ,  qui  se  soumirent 
volontairemeut  à  lui.  Il  congédia 
le  marquis  Palaviciuo  ,  qui ,  en  se 
mettant  à  la  solde  des  Milanais  , 
avait  voulu  empiéter  sur  leur  liberté. 
Il  se  rattacha  au  parti  guelfe ,  dont 
son  prédécesseur  avait  paru  s'éloi- 
gner. Il  promit  son  assistance  à  l'ar- 
mée française  qui  marchait  contre 
Manfred  ,  pour  conquérir  le  royau- 
me de  Naples  ;  mais  comme  il  se  pré- 
parait à  la  joindre  (août  i265),  il 
fut  saisi  d'une  maladie  dont  il  mou- 
rut eu  peu  de  jours.         S.  S — I. 

TORRE  (Napoléon  ue  La),  ne- 
veu du  précédent  _,  lui  succéda  dans 
la  seigneurie  de  Milan ,  au  mois 
d'août  12G5.  Il  exécuta  les  conven- 
tions conclues  par  Philippe  avec  la 
maison  d'Anjou  ,  et  tandis  qu'il  favo- 
risait le  passage  de  l'armée  de  Char- 
les au  travers  de  la  Lombardie, 
il  reçut  lui-même  une  garnison  pro- 
vençale dans  Milan.  La  ville  de 
Brescia  se  soumit  à  lui ,  en  1  '266  • 
mais  celle  de  Verceil  ayant  été  sur- 
prise par  les  Gibelins ,  son  frère 
Pagauino  ,  qui  y  commandait,  fut 
massacré.  Le  général  des  Proven- 
«;aux  à  Milan  vengea  cette  mort 
sur  cinquante  -  deux  Gibelins  mila- 
nais ,  qu'il  tira  des  prisons  pour 
les  faire  égorger.  Le  sang  répan- 
du ajipela  de  nouvelles  vengeances 
et  des  scènes  plus  féroces  encore. 
Napoléon  lui-même  s'écria  en  l'ap- 
prenant :  Le  sang  de  tant  d'inno- 
cents retombera  un  jour  sur  mesen- 
J'antsl  Cependant  ce  seigneur  vovait 
avec  douleur  la  cour  pontificale,  alliée 
de  son  ennemi  Othon  Visconti ,  tenir 
Milan  sous  l'interdit  ;  en  vain  il  lit 
représenter  à  Clément  IV  ,  qu'Othon 
et  les  nobles  ses  partisans  étaient 
Gibelins  et  ennemis  de  l'Eglise  j 
en  vain  Charles  d'Anjou  intercéda 
pour  lui ,  le  pape  insista  pour  que 


'i']ù 


roR 


les  Milanais  acceptassent  l'ai-chevê- 
que  qu'il  leur  avait  donné  ,  et  relâ- 
chassent les  revenus  ecclésiastiques 
qu'ils  avaient  séquestrés.  Napoléon 
se  soumit  enfin,  en  l'iGS;  mais  dès 
qu'il  apprit  la  mort  du  pape,  suiA^e- 
nue  à  cette  époque  même,  il  cbassa 
de  la  ville  les  olilcicrs  de  l'archevê- 
que ,  qu'il  venait  d'y  recevoir  ,  et  sé- 
questra de  nouveau  ses  Liens.  L'année 
suivante  ,  ayant  été  insulté  à  Lodi , 
par  la  famille  paissante  des  Vesta- 
rini ,  il  en  tira  la  vengeance  la  plus 
atroce  :  il  prit   la    ville    d'assaut , 
fit    mourir    les  Vestarini  dans    les 
supplices  ,    et    Làtit  à  Lodi   deux 
forteresses  pour  priver  les  citoyens 
des  derniers  restes  de  leur  liberté. 
Cependant  le  jouj;  de  Napoléon  de  La 
Torre  s'appesantissait  sur  les  peuples 
qui,dans  l'origine, s'étaient  volontai- 
rement donnés  à  lui  ;  il  punissait  ses 
ennemis  par  des  supplices  cruels;  il 
les  enfermait  dans  des  cages  de  fer, 
et  il   croyait  affermir   son   autorité 
par  la  terreur  :  il  ne  réussit  qu'à  l'é- 
ÏDranlcr  davantage.  Come,   qui  était 
demeuré  dix  ans  sous  sa  domination, 
se  révolta  en  i'i']i  }  et  Napoléon, 
pour   recouvrer  ses  ofliciers  qui  y 
avaient  été    arrêtés  ,   fut  oblige  de 
rendre  la  liberté  aux  Comasqucs  qu'il 
retenait  dans  ses  prisons.  En  1273, 
le  paj)e  Grégoire  X  éleva  son  frère 
Raymond  au  patriarcat  d'Aquiléej 
l'année   suivante,  Napoléon  fut  re- 
connu comme  vicaire  impérial  à  Mi- 
lan ,   par   Rodolphe   de   Hapsburg  , 
empereur  élu  ;  mais  Olhou  Visconti, 
rassemblant  autour  de  lui  les  vassaux 
du  siège  épiscopal,  les  nobles  ,  les 
Gibelins  et  tous  les  mécontents,  for- 
ma enfin  une  aimée   supérieure  en 
forces  comme  eu  courage  à  celle  de 
Napoléon.    11   suri)rit  ce    dernier  à 
Desio,le'2i  janviei-    i'-^-']']  ;    après 
la  bataille  la  plus  sanglante  ,  il  mit 


TOR 

en  déroute  son  armée  ,  et  le  fit 
prisonnier  lui-même  ,  avec  un  de  ses 
fils  et  plusieurs  de  ses  parents.  L'au- 
tre fils,  Gaston  de  La  Torre,  qui  ne 
s'était  pas  trouvé  au  combat ,  voulut 
maintenir  Milan  dans  l'obéissance; 
mais  il  en  fut  chassé ,  ainsi  que  de 
Lodi,  et,  après  avoir  erré  quelque 
temps  en  Italie,  il  se  réfugia  auprès 
de  Raymond  ,  patriarche  d'Aquilée  , 
son  oncle.  Napoléon  de  La  Torre , 
renfermé  parles  Comasques  dans  une 
cage  de  fer  ,  à  Monte  Baradello ,  y 
finit  ses  jours,  au  commencement  de 
septembre  1278,  après  dix  -  neuf 
mois  et  demi  de  souffrances.  Deux 
de  ses  parents  moururent  dans 
les  mêmes  prisons  ;  trois  autres  furent 
relâchés  en  i  i84-  Guidode  La  Torre, 
qui  fut  ensuite  seigneurde  Milan,  s'é- 
tait échappé  de  ces  prisons  avant 
cette  époque.  S.  S — i. 

TORRE  (  GuiDo  DE  La  )  ,  fils  de 
François  et  neveu  deNapoléon,  avait 
été  fait  prisonnier  avec  lui  dans  la 
batailledcDesio,  le 21  janvier  1277, 
et  conduit  par  les  Comasques  sur  le 
mont  Baradello  ,  oîi  il  avait  été  en- 
fermé avec  son  oncle  dans  une  cage 
de  fer.  Après  la  mort  de  celui-ci,  les 
Comasques  refusaient  toujours  de 
rendre  la  liberté  à  leurs  autres  pri- 
sonniers. Quelques  amis  de  Guide 
réussirent  enfin  à  corrompre  ses  gar- 
des, et  à  le  faire écha])per  vers  la  fin 
de  l'année  1278.  Ses  compagnons 
d'infortune  ne  fiuent  relâchés  (ju'en 
i'.).84.  (iuido,  avec  Icsecours  du  pa- 
triarche d'A(|uiIc'e,  son  oncle,  com- 
mença une  guerre  de  partisan  dans  la 
Lombardie,  en  réunissant  autour  de 
lui  les  Guelfes  ruinés  parle  triomphe 
du  parti  contraire,  les  exilés  de  Mi- 
l.inel  tous  les  mécontents.  Il  n'aurait 
point  réussi  cependant  à  recouvrer  la 
seigneurie  de  ses  pères  sans  l'aide 
d'Albert  Scolto  ,  seigneur  de  Plai 


TOR 

sance.  Ce  prince  ,  qui  voulait  se 
venger  de  Mathieu  Visconti  ,  vint 
l'attaquer  dans  le  Lodesan ,  en  mê- 
me temps  qu'il  excitait  à  Milan  une 
sédition  contre  lui.  Les  insurges 
rappelèrent,  le  1 3  juin  i3o>.,  Gui- 
do  de  La  Torre  à  Milan,  d'où  Ma- 
thieu Visconti  venait  de  sortir.  Il  y 
rentra  commesimpleparticulieraprès 
vingt-cinq  ans  d'exil  :  mais  cette  ville, 
si  ioijg-temps  accoutumée  à  obeii" ,  le 
regarda  bientôt  comme  son  souve- 
rain. En  i3o6  ,  la  ville  de  Plaisance 
lui  déféra  aussi  la  seigneurie  ,  et  le 
ly  septembre  l3o7,  le  pouvoir  su- 
prême lui  fut  expressément  accorde' 
])ar  un  décret.  Gaston  ,  son  parent , 
fut  promu  ,  en  t3o8,  au  siège  arcliié- 
piscopal  de  Milan ,  et  la  maison  de 
La  Torre  paraissait  de  nouveau  af- 
fermie dans  la  souveraineté.  Mais  dès 
l'année  suivante,  Albert  Scotto  ,  que 
Guido  avait  dépouillé  de  sa  seigneu- 
rie avec  une  extrême  ingratitude  ,  lui 
i-eprit  Plaisance.  En  même  temps  le 
seigneur  de  Milan  ,  jaloux  du  crédit 
de  l'archevêque  ,  le  fit  arrêter  le  i*^'". 
oct.  i3o9,  et  enfermer  avec  ses  trois 
frères  dans  la  tour  d'Angliiari ,  rom- 
pant ainsi  l'union  de  sa  famille  ,  et 
se  créant  des  ennemis  parmi  ses  plus 
anciens  partisans.  Les  Milanais,  qui 
l'avaient  rétabli  avec  joie  sur  le 
trône ,  ne  le  considéraient  plus  qu'a- 
vec horreur  ;  il  avait  encouru  l'ex- 
communication en  arrêtant  l'arche- 
vêque •  et  lorsque  Henri  VU  entra  en 
Italie;  cet  empereur  entendit  de  tou- 
tes parts  des  plaintes  contre  le  sei- 
gneur de  Milan.  Guido  de  La  Torre 
n'osa  point  lui  fermer  les  portes  d'iuie 
ville  où  il  prétendait  être  vicaire  im- 
périal ,  il  l'y  reçut  le  23  décembre 
i3io  ,  et  avec  Henri  entrèrent  tous 
les  ennemis  de  Guido  ,  et  tous 
les  exilés.  Comme  il  ne  prenait 
d'autre  titre  que  celui   de  Vicaire 


TOR  271 

impérial ,  son  autorité  était  suspen- 
due par  la  présence  de  l'empereur. 
Dans  les  conseils,  Guido  se  retrouvant 
en  présence  de  son  ancien  rival, Mat- 
thieu Visconti ,  ne  pouvait  dissimu- 
ler sa  jalousie  et  son  irritation.  Il 
chercha  enfin  ,  le  12  février  i3i  i  , 
à  soulever  les  Guelfes ,  pour  chasser 
de  la  ville  Henri  Vil  et  tous  ses  enne- 
mis j  mais  cette  entreprise  n'ayant 
l^as  réussi ,  il  fut  obligé  de  s'enfuir, 
et  se  retira  à  Crémone  ,  où  il  mou- 
rut en  i5i2.  Sa  famille  ne  put  ja- 
mais recouvrer  la  souveraineté  de 
Milan,  qui  retourna  aux  Visconti. 
S.  S— I. 
TORRE  (  Marc-Antoine  Mam- 
MUCCA  DELLA  ),  d'unc  famille  noblc 
de  Capod'Istria ,  fut  appelé,  en 
i65o  ,  par  l'ambassadeur  de  l'empe- 
reur d'Allemagne  Ferdinand  m  près 
la  Pv^rte  Othomane,  à  remplir  con- 
curremment avec  Panajottiles  fonc- 
tions de  drogman  de  la  légation  im- 
périale. L'ambassadeur  de  qui  il 
reçut  cette  nomination  était  le  ba- 
ron de  Schwartzenhorn.  11  remplit 
les  mêmes  fonctions,  pendant  trente- 
trois  ans  sans  interruption,  auprès 
de  huit  ministres  impériaux  qui  se 
succédèrent  à  la  Porte,  sous  les  di- 
vers titres  d'ambassadeur  ordinai- 
re ,  d'internonce  ou  de  résident  , 
et  pli: sieurs  fois  il  risqua  sa  vie  |)ar 
suite  du  zèle  avec  lequel  il  s'acquitta 
des  missions  qui  lui  furent  conliées  : 
une  fois  même  il  allait  être  pendu  ^ 
pour  avoir  favorisé  une  correspon- 
dance secrète  entre  un  internonce  et 
un  résident  que  les  Turcs  avaient  sé- 
parés l'un  de  l'autre  et  gardaient  à 
vue  ;  et  déjà  on  le  traînait  au  lieu  de 
l'exécution  ,  quand  il  fut  rencontre 
parle  defterdar  ou  ministre  des  fi- 
nances, qui  était  son  ami,  et  qui  l'ar- 
racha des  mains  de  ceux  qui  le  con- 
duisaient au  supplice.   Un  des  plus 


272  TOR 

p;rands  services  qu'il  rendit  à  la  cour 
(l'Autriche  fut  d'épier  et  de  contre- 
carrer toutes  les  de'inarclies  que  fai- 
saient auprès  de  la  Sublime  Porte  les 
insurge's  de  la  Hongrie  ,  à  la  tèïe  des- 
([uels  était  Tékely,  et  dont  la  France 
secondait  les  intrigues.  Il  parvint  à 
démasquer  un  jésuite  français,  le  P. 
]]ënin ,  qui  se  tenait  caclié  parmi  la 
suite  des  députés  de   l'insurrection 
hongroise ,  et  qui  était  l'ame  de  cette 
députation ,  et  à  le  mystifier  com- 
plètement,  en  se   présentant  à  lui 
sous  le  caractère  d'un  prince  grec , 
et  sous  le  faux  nom  du  Bigzadèh 
Dimitraser.   Le   succès  qu'il   obtint 
dans  cette  circonstance  lui  valut  la 
haine  de  la  société  à  laquelle  appar- 
tenait le  P.  Bénin 5  et  quoiqu'il  mé- 
ritât bien  dans  la  suite  de  cette  même 
société,  en  rachetant  un  autre  jésui- 
te ,  le  P.  Lango ,  qui  avait  été  enlevé 
par  des  partisans  ennemis ,  on  croit 
que  le  ressentiment  de  la  compagnie 
nuisit  à  son  avancement ,  et  contri- 
bua à  le  priver  long-temps  des  ré- 
compenses auxquelles  il  avait  droit. 
La  guerre  entre  la  Turquie  et  l'Em- 
pire ayant  éclaté  en   i683,  Mam- 
mucca ,  obligé  de  suivre  le  grand-vé- 
/.ir,  fut  traîné  jusque  sous  les  murs 
de  Vienne,  et  sou  costume  turc  fail- 
lit lui  coûter  la  vie,  le  jour  même 
de  la  levée  du  siège.  Arraché  par  le 
prince  Jérôme   Lubomirski    <à   des 
Polonais  qui  se  disposaient  à  le  sa- 
brer ,  le  prenant  pour  un  turc ,  il  ne 
sauva  que  sa  vie  :  tous  ses  bagages 
fiucnt  pillés.  Maminucca  n'osa  j)oiiit 
retourner  en  Turquie  ,  jusqu'à  l'en- 
tier n-lablissenuiil  de  la  ])aix  entre 
l'Kmpiie  et  la  Porte  par  le  traité 
de  (lailovvilz  •  et  il  fut  ainsi ,  durant 
quinze  ans,   sé])aré  de  sa  faïuillo, 
qu'il  avait  laissi-e  à  Ciouslaiilinoplo. 
l'ctidaiit  ce  temps,  il  lut  enij)loyé  à 
\  iciinc  à  lire  et  à  traduire  les  cor- 


TOR 

respondances  turques  interceptées  et 
autres ,  au  nombre  d'environ  seize 
mille  pièces,  et  à  composer  divers 
Mémoires  qui  prouvent  la  profonde 
connaissance  qu'il  avait  des  affaires 
de  la  Turquie.  Il  était  déjà  fort  âgé, 
lorsque  les  services  qu'il  avait  ren- 
dus furent   enfin  récompensés ,   en 
1701,  par  les  titres  de  comte  du 
Saint-Empire,  et  de   conseiller  au- 
liquc    effectif.    Il    survécut    peu    à 
ces    marques    de  la  reconnaissance 
de  son  souverain.  Mammucca  a  con- 
tribué à  enrichir  la  bibliothèque  im- 
périale   de  Vienne  ,  à   laquelle,  sur 
la   demande    du   docte    Lambecius 
et  du  célèbre  orientaliste  Mesguien 
de  Méninsky,  il  a  procuré  plusieurs 
manuscrits  orientaux  tle grand  prix. 
S.  D.   S — Y. 
TORRE  (  Philippe  del  ) ,  archéo- 
logue ,  né ,  en  lôS-j  ,  d'une  famille 
noble  de  Cividal  de  Frioul ,  apprit  le 
droit  à  l'université  de  Padoue,  et  fut 
reçu  docteur  en  1G77. 11  allait  débu- 
ter au  barreau ,  lorsque  ses  parents 
l'engagèrent  à  succéder  à  son  oncle, 
qui  jouissait  d'un  riche  bénéfice.  Le 
jeune  avocat  consentit  à  devenir  cha- 
noine, et  il  se  tourna  vers  l'étude  des 
antiquités  ,  dont  le  goût  lui  avait  été 
inspiré  par  son  maître  Ferrari  (  K. 
ce  nom ,  XIV ,  4'  o)*  Ayant  un  jour 
entendu  parler  des    trésors   caches 
dans  les  archives  de  son  chapitre  ,  il 
lui  prit  fantaisie  de  les  fouiller:  mais, 
peu  versé  dans  la  paléographie  ,ct  dé- 
sespérant de  trou  ver  des  moyens  d'ins- 
truction dans  une  ville  de  province ,  il 
résolut  de  passer  à  Rome,  en  1G87. 
Ils'y  (itbicntùt  un  nom,  par  ses  con- 
naissances   historiques.    Admis  aux 
réunions  du  collège  de  la  Pro/iagan- 
(le,  il  y  |>ronouça  un  discours  pour 
réfuter  (|uclf|ucs  assertions  du  cardi- 
nal liarouiiis  sur  l'Église  d'Aquilee. 
Cette  dissertation  fiia  sur  ce  jcuue 


TOR      ' 

ecclésiastique   l'attention  du    cardi- 
nal Inipeiiali  ,    qui  l'emmena    avec 
lui  à  Bologne,  en  qualité  d'auditeur. 
Ces  fonctions  contrarièrent  les  études 
de   Torre  ;   mais   elles  le  placèrent 
dans  une  carrière  qui  devait  le  con- 
duire aux  honneurs.  Après  six  aime'es 
d'absence,  il   rev^int  à  Rome,  elil  y 
donna  l'explication  de  deux  marbres 
sortis  des  fouilles  du  port  d'Anîium. 
Le  premier  était  une  inscription  en 
l'honneur  d'un  certain  Marcus  Aqui- 
lius ,  dont  le  nom  et  le  caractère  pu- 
blic étaient  également  inconnus.  Le 
second,  qui  représentait  un  sacrilice 
de  Mithra  ,   fournit  à  l'auteur  l'oc- 
casion d'cclaircir  divers  points  rela- 
tifs à  la  religion  des  anciens  Persans. 
Il  remarqu;; ,  par  exemple ,  que  chez 
eux  la  fête  de  Mithra  était  célébrée 
au    jour    consacré    par    les    Chré- 
tiens à  la  naissance  de  Jésus-Christ. 
On  sait  quelles  fausses  conséquences 
Dupuis  a  ensuite  tirées  de   ce  rap- 
prochement. L'ouvrage  de  Torre  con- 
tenait  aussi    des  notes   sur  le  dieu 
Bélénus  ,  et  quelques  autres  recher- 
ches sur  l'ancienne  Aquilée.  11  était 
terminé  par  une  Dissertation  sur  les 
Frères  ruraux  (Fratres  arvales) ,  ins- 
tituée ])ar  Romains,  pour  obtenir  du 
ciel  des  récoltes  aliondantcs  (  F.  Ma- 
niNi,  XXVII,  i08).  Cette  publica- 
tion étendit  la  réputation  de  ïorre. 
Le  pajfc  Innocent  Xlï  se  dispo.saiLà 
l'en  récompenser,  lorsqu'il  mourut, 
laissant  à  son  sncces.scur  le  soin  do 
s'acquitter  de  ce  devoir.  Le  cardinal 
Albani ,  en  mentant  sur  le  trône  pon- 
tilical  (  F.  CliÏment  XI ,  tora.  IX, 
'29),  ordonna  la  révision  des  épactes 
pour  la  correction  des  Labiés  ]ias- 
calcs.    Il    nomma    une    commission 
chargée  de  faire  de  nouvelles  obser- 
vations sur  le  mouvement  des  astres, 
eld'examiner  les  disjiositious  du  con- 
cile de  Nicée  et  de  Grégoire  XllI, 

XLVl. 


TOR  unS 

sur  la    réformatiou   du    calendrier. 
Cette   congrégation  ,   composée  de 
douze  membres,  parmi  lesquels  fi- 
gurait Torre  ,  était  présidée  par  le 
cardinal  Noris,  qui  avait  fait  choix 
de  Bianchiui  et  deMaraldi  pour  tra- 
cer une  méridienne  à  Sainte  -  Marie 
des  Auges.  Tout  faisait  présager  un 
heureux  résultat,  lorsque  les  guerres 
pour  la  succession  d'Esp;!giie  et  les 
troubles  excités  en  France  par  la  bul- 
le    Unigenitus    appelèrent    ailleurs 
l'attention  de  la  cour  de  Rome.  On 
proposa  alors  à  Torre  d'accepter  la 
place  de  légat  auprès  de  l'empereur 
de  la  Chine.  L'idée  de   visiter  des 
régions   lointaines  le    séduisit  d'a- 
bord; mais,    découragé  par  la  lon- 
gueur du  voyage  et  par  la  failolesse 
de    sa    constitution  ,    il    fut    assez 
heureux    pour    échapjier ,    par    un 
refus,    aux   dangers   de  cette  mis- 
sion (  Foj^.   le  cardinal  Charles  de 
Tournon).  Ou  l'en  dédommagea  par 
l'évêché  d'Adria,  auquel  il  fut  élevé 
le  6  février  i  705.  Ses  nouveaux  de- 
voirs, qu'il  remplissait  avec  un  zèle 
exemplaire  ,    ne  l'empêchèrent  pas 
de  se   livrer  à  l'étude.  Il  expliqua 
une  inscription  trouvée  près  de  Lyon, 
en  1703  ,  et  qui  lui  avait  été  commu- 
niquée par  le  P.  Charmier ,  jésuite. 
Elle  était  d'aute-int  plus  intéressante, 
qu'elle  faisait  remonter  de  quinze  ans 
la  chronologie  connue  des  Tauroho- 
Ies(i)y  et    qu'elle  dévoilait  en  mê- 
me temps  le^i  noms  de  deux  consuls  , 
jusqu'alors  ignorés.  A  cette  disserta- 
tion en  succéda  une  auiie  sur  un  mé- 
daillon grec  d'Anuia  Faiistina( /^.  ce 
nom,  XIV,  uoS  ),    conservé  dans 


(1)  c'est  le  nom  qu'on  donuait  ù  uue  sorte  <le 
sacrilice  en  riioiiiuur  de  ('.vbèle.  Le  2:  uir./rluiiH. 
de  Lyon  avait  ele  céiclire  sous  l'empiienjr  Aolo- 
iiin  le  Pieux  ,  l'an  de  Rouie  Qio  ,  i(io  ùe  J.-C; 
taudis  qu'on  n'eu  couuaissait  pas  d'auteriei;i>  .\ 
i)<.S,  1-5  de  J  -C.  /''ni.  nue  Uissci talion  de  Vau 
Dalc,  sur  les  'J'auroooles  \  et  Colouia  ,  liitloita 
litt.   de  Lyou  ,  I  ,  iga. 

i8 


à  H  4 


TOR 


]e  musoe  de  Tiepolo  ,  à  Venise.  Ou 
clispiifait  de') à  sur  une  date  du  règne 
d'He'liogabale ,  lorsqu'une  lellre  de 
Torre,  publiée  à  son  insu  par  les 
journalistes  d'Italie  (2} ,  rendit  les 
débats  plus  aninic's.  Si,  d'après  un 
passage  de  Dion  (  livre  lxxix  ), 
cet  empereur  ne  régna  que  trois  ans 
neuf  mois  et  quatre  jours  ,  comment 
serait-il  parvenu  à  la  cinquième  puis- 
sance tribuniticnnc ,  que  quelques  me'- 
dailles  lui  attribuent?  Torre  supposa 
d'aboi'd  que  la  première  de  ces  ma- 
gistratures avait  été  datée  par  anti- 
cipation j  ce  qui  n'était  pas  sans 
exemple  ,  puisque  César  ,  Auguste  et 
Justin  le  Jeune  en  avaient  agi  à-peu- 
près  de  même.  Mais  ,  presse'  par  les 
arguments  de  ses  adversaires,  il  ima- 
gina qu'He'liogabale,  proclamé  em- 
pereur le  16  mars  218,  et  devant 
entrer  dans  la  cinquième  puissance 
tribunitienne  le  16  mars  222^  avait 
fait  frapper  d'avance  les  médailles 
que  l'on  devait  jeter  au  peuple  le  jour 
du  congiariiim  :  s'il  avait  été  tué  six 
jours  plus  tôt ,  les  pièces  n'en  exis- 
taient pas  moins  ;  ce  qui  expliquait 
comment  il  se  fait  que  l'on  en 
trouve  avec  l'indication  d'un  évé- 
nement qui  n'eut  pas  lieu.  Mais 
tout  en  accordant  cette  prévoyan- 
ce, est-il  probable  qu'après  la  moil 
d'Héliogabale,  on  ait  osé  mettre  en 
circulation  des  espèces  à  son  edigie? 
L'abbé  Vignoli ,  en  ])roduisant  un 
monument  svnchronique,  connu  sous 
le  nom  de  chaire  de  saint  Hippolr- 
</«',(létermina  l'époque  de  l'élévation 
au  li'ône  d'Alexandre  Sévère-  et  pai- 
celte  donnée  liistoriquc,  il  fixa  la 
mort  (le  son  prédécessctu'  Héliogabale 
au  t()  mai  '2').2.  D'un  autre  coîé,  le 
P.  Virgiiinis  Valsecclii  soutenait  que 

(a)  Oioniale  Je'  L  lltiuli  d'ItaUa  (  i-io  } ,  toui. 
V,  paj.   t6<K 


TOR 

cet  empereur,  voulant  passer  pour  le 
fils  de  Caracalla  ,  et  faire  regarder 
les  quatorze  mois  du  règnede  Macrin 
comme  un  temps  d'usurpation,  avait 
commencé  à  dater  son  empire  du 
jour  de  la  mort  de  Caracalla^  ce  qui 
])lacerait  la  sienne  au  1  i  juillet  'l'i'i. 
Comme  on  avait  révoqué  en  doute  la 
double  élection  de  Justin,  Torre  écri- 
vi  t  un  second  Mémoire  afin  de  j  ustifier 
celle  assertion ,  dont  il  s'était  servi 
pour  rendre  croyable  la  cinquième 
puissance  tribunitienne  d'Héliogaba- 
Je.  La  question  fut  loin  d'être  déci- 
dée j  et  de  nouvelles  publications  de 
la  part  de  Vignoli  et  de  Valsecchi  la 
lendireut  encore  plus  diiticile  à  rc- 
so'idre.  Ce  qui  doit  étonner  dans 
Mgr.  del  Torre ,  c'est  la  variété' 
de  ses  connaissances  positives.  En 
sortant  de  cette  discussion  ,  dans  la- 
quelle il  avait  tâché  d'éclaircir  un 
des  points  les  plus  difficiles  de  la 
chronologie  ancienne  ,  il  examina  un 
phénomène  d'optique ,  donna  une 
description  détaillée  d'un  enfant  et 
d'un  poulet  monstrueux  ,  se  réunit  à 
son  ami  Vallisnieri  pour  combattre 
le  système  de  Bois-Regard  (/^.An- 
dry  ,  Il ,  1 53  )  sur  la  génération  des 
vers  dans  le  corps  humain ,  et  écrivit 
une  lettre  au  marquis  Poleni ,  à  l'oc- 
casion de  l'éclipsé  du  3  mai  l'jiS, 
Celte  dernière  dissertation  ,  dans  la- 
quelle l'évcque  d'Adria  abordait  une 
«piestion  cpii  avait  embarrassé  les  aca- 
démiciens de  Paris ,  en  1 70G ,  tendait  à 
expliquer  pourquoi  le  disque  solaire, 
couvert  pour  "', a  par  la  lune,  con- 
servait encore  un  éclat  plus  fort  que  sa 
douzième  partie  ne  devait  en  répan- 
dre. Torre  mourut,  le  25 fév.  17  17,» 
Rovigo,  (  liel'-licu  de  son  diocèse.  On 
a  de  lui  :  1.  Moniimcnla  vetcris  An- 
tii ,  Rome,  1700  et  1714,  in  -  4**- , 
fig.  ]r,i  seconde  édition  est  plus  com- 
plète que  la  première  ;  insérée  par 


TOK 

Burmann  dans  le  loinc  vin  de  sou 
Thésaurus  rerum  ilalicarum.  II. 
Clero  et  populo  Adrieusi  ,epistola  , 
ibid.,  1702,  iii-fol.  III.  Tauroho- 
lium  antiquum  Lugduni  anno  1704 
repertum  ,  cuin  explicatioiic ,  insère 
par  Salleiigre  dans  le  tome  11  du 
Thésaurus  novus  anliquitaium  ro- 
manarum  ,  et  par  Leclerc  ,  d;)ns  sa 
Biblioth.  choisie ,  xvii,  1 67- 1 85. 1 V. 
De  annis  imperii  M.  Aurelii  Anto- 
iiini  Eliogabali  et  de  initio  impe- 
rii ac  duobus  consulatibus  Juslini 
Junioris ,  Padoue,  1713,  in -4".,  et 
Venise,  1741  ,  avec  ia  V^ie  de  l'au- 
teur par  Foutaniui.  V.  Lettera  in- 
torno  alla  gênera zione  de'  vermi , 
dans  l'ouvrage  de  Vallisnieri ,  intitu- 
le :  Nuove  osservazioni  ed  esperien- 
ze  intomo  ail'  oi'aja ,  etc. ,  ibid.  , 
17 13,  in-4'*.  VI.  De  quddani  teld, 
(jute  non  comburitur ,  dans  le  Dia- 
rium  italicum  de  Montfaucon ,  page 
45o.  C'est  une  dissertation  sur  une 
toile  d'amiante  trouvée  dans  un  tom- 
beau, à  Rome.  Voyez  sa  Vie  ,  écri- 
te en  latin  par  Facciolati^,  Padoue, 
1 729  ,  in-S*^.  ;  insérée,  par  Fabroni , 
dans  le  tome  vu  des  Fitœ  Italorum; 
la  même ,  en  italien,  par  Lioni ,  dans 
le  tome  xxxiii  du  Giornale  de'  lei- 
teraii  d'Italia.  A — g — s. 

TORRE  (  Jean-Marie  Della  )  , 
physicien ,  élève  du  collège  Clémen- 
tin  et  Nazaréen  ds  Rome  ,  naquit 
dans  cette  ville  ,  en  1 7 13 ,  d'une  fa- 
mille originaire  de  Gênes.  En  1732^ 
il  prit  l'habit  des  Somasques  à  Ve- 
nise ,  et  se  livra  tout  entier  à  l'étude 
de  la  physique.  Appelé  par  le  car- 
dinal Spinelli  ,  pour  remplir  une 
chaire  au  séminaire  archiépiscopal 
dcNaples,  il  attira  sur  lui  l'attention 
de  Charles  III ,  qui  lui  confia  ia  di- 
rection de  sa  bibliothèque,  de  l'im- 
primerie royale  et  du  musée  d'anti- 
quités  dont  il  venait    d'hériter  de 


TOR 


'jrS 


la  maison  de  Famèse.  Ces  occupa- 
tions, si  ])eu  conformes  aux  goûts  du 
P.  Della  Torrc,  faillirent  dénaturer 
son  talent  :  mais  s'obstinant  à  ne  vou- 
loir être  qu'un  naturaliste,  ce  savant 
détourna  les  yeux  des  statues  et  des 
tableaux,  pour  les  fixer  sur  les  mys- 
tères du  monde  microscopique.  Il  fit 
venir  du  Flint-Glass  d'Angleterre  ^ 
polit  lui-même  des  verres  d'optique, 
et  au  moyen  de  quelques  boules  de 
cristal ,  dont  il  se  proclama  l'inven- 
teur, il  obtint  des  agrandissements 
beaucoup  plus  considéiables  qu'a- 
vec les  instruments  ordinaires.  On 
essaya  de  lui  contester  la  priorité 
de  cette  découverte  ,  en  soutenant 
qu'avant  lui ,  Leuwenhoeck  (  Voy. 
c-e  nom,  XXIV^,  3G2)  s'était  déjà 
servi  de  ces  mêmes  boules.  Mais  Ba- 
ker (  Voj.  ce  nom  ,  III ,  253  )  avait 
déclaré  (  i  )  que  parmi  vingt-six  mi- 
croscopes légués  par  ce  physicien  à 
la  société  royale  de  Londres ,  il  n'en 
avait  aperçu  aucun  qui  eût  la  forme 
sphérique.  Non  content  du  rôle  d'ob- 
servateur, le  P.  Della  Torre,  con- 
çut le  projet  de  bàtir  des  systè- 
mes. Il  prétendit  que  le  sang  se  com- 
pose d'éléments  _,  non  pas  globuleux 
comme  l'avait  cru  Leuwenhoeck; 
mais  annulaires,  c'est-à  dire  de  cer- 
cles un  peu  alongés  ,  vides  par  le 
miheu,  roulant  sans  cesse,  s'assem- 
blant  et  se  détachant  tour-à-toui", 
sans  jamais  perdre  leur  forme  pri- 
mitive. Cette  observation ,  confirmée 
par  JNeedham  et  Prokaska,  trouva 
des  contradicteurs  qui  soutinrent  que 
cette  configuration  annulaire  des  mo- 
lécules du  sang  n'était  réellement  que 
l'effet  d'une  illusion  optique,  causée 
par  la  projection  irrégulière  de  la 
lumière.  Le  P.  Della  Torre,  sans 


(1)  Voy.  soD  HJirrofrofie  ii  la  fiorlé^  île  loul  Ir 
monde,  trad.  en  françiiis ,  Paris,  1754,  iu-S".  , 
iliap.  Il  ,  noie. 


18.. 


'276  TOR 

être  arrêté  par  ces  remarques  ,  con- 
tinua ses  jeclierches  sur  le  cliyle  , 
le  lie! ,  les  libres,  les  muscles,  le  cer- 
veau ,  etc.  Les  nerfs  ne  lui  parurent 
qu'une  agglomération  de  lilamenls 
opaques ,  extrêmement  minces  et 
joints  ensemble  par  des  globules  dia- 
phanes. Il  affirma  que  le  cerveau 
était  composé  de  petites  boules,  au- 
tres que  les  globules  de  Malpighi ,  et 
qui ,  par  leur  mouvement  en  ligne 
droite  ou  oblique  ,  expliquaient  d'u- 
ne manière  satisfaisante ,  les  opéra- 
tions de  l'esprit  et  de  la  mémoire. 
Ainsi ,  d'après  le  P.  Délia  Terre,  le 
délire  n'était  que  l'effet  du  mouve- 
ment vertigineux  de  ces  petites  bou- 
les ;  etc.  Observateur  infatigable  des 
pliénomènes  volcaniques,  ce  religieux 
disserta  sur  la  structuie ,  les  com 
munications ,  les  ramifications  et  les 
élaborations  du  Vésuve.  11  voulut 
aussi  en  prédire  les  éruptions  ,  et  il 
descendit  plusieurs  fois  dans  les  flancs 
de  cette  montagne  pour  en  explorer 
les  cavités  avec  un  courage  jusqu'a- 
lors sans  exemple.  Tant  de  zèle  pour 
l'avancemeiitdes  sciences  fut  récom- 
pensé par  l'estime  des  savants  et  par 
les  suli'ragcs  fies  principales  acadé- 
mies de  l'Europe, qui hii envoyèrent 
le  diplôme  de  membre  corresjion- 
daiit.  Le  P.  Délia  ïorre  appartenait 
à  la  société  royale  de  Londres,  aux 
académies  de  Paris  ,  de  Berlin,  de 
Sienne,  de  Naplcs,  etc.  Il  mourut 
dans  cette  capitale  le  7  mars  1782. 
Ses  ouvrages  sont  :  I.  Scicnza  dclla 
naliira  générale  e particolare ,  Na- 
ples,  1749, et  Venise,  x'jbo  ,'i  vol. 
in-4''. ,  IJg.  Il  en  existe  une  autre 
réimpression  (Maples^  1774,3vol. 
in-4". ,  fig.  ) ,  corrigée  et  augmentée 
par  l'auteur.  11.  Nanazione  dcl 
lorrcnte  di  juoco  uscito  clul  monte 
Fesm'io  nel  1 7  5 1  ,  ibid .  ,  1751  , 
111-4''.  î^^-  ^^liiit^ioni  ariimcliclie  , 


TOR 

ibid.  ,  175^;  et  Padoue,  1768,  in- 
8°.  IV.  Instituliones  phjsicœ  ^^A- 
ples,  1753,  in-S".  V.  Descrizione 
di  due  eruzioni  del  Vesuvio  { juil- 
let et  décembre  ,  1754  )  ,  ibid.  , 
1754  ,  in-4".  VI.  Storia  efenomeni 
del  Vesuvio  ,  col  catalogo  degli 
scrittori  Vesui>iani ^  ibid.,  17 55, 
in-4°. ,  fig.  Ce  n'est  pas  la  première 
histoire  du  Vésuve  j  mais  on  la  re- 
garde comme  le  premier  ouvrage 
scientifique  sur  ce  volcan.  La  liste 
des  écrivains  vésuviens  est  assez 
complète,  et  elle  aurait  été  beau- 
coup plus  intéressante ,  si  l'auteur 
avait  osé  se  prononcer  sur  le  mérite 
de  chacun  de  leurs  ouvrages  (2). 
VII.  Snpplemento  alla  storia  del 
f^esuvio  fino  ail'  anno  ,  1759  , 
ibidem,  '759,  in-4".  C'est  la  se- 
conde partie  du  numéro  précédent. 
Tout  l'ouvrage  a  été  traduit  en  fran- 
çais par  l'abbé  Péton,  Paris,  1760, 
in-8".  VIII.  Supplemento  alla  sto- 
ria del  Kesuvio  ,  ove  si  descrive 
Vincendio  del  1760,  Naples,  1761^ 
in  "4°.  C'est  un  second  appendice 
au  numéro  vi.  IX.  Nuove  osserva- 
zioni  intorno  alla  storia  naturale, 
ibid. ,  1763,  in-4".  X.  Incendio  del 
P^eswio  ,  accaduto  ncl  1766,  ib. , 
17O6,  in  4"-  XL  Elementa  phj'- 
sices  gêner alis  etparticularis  ,  ib. , 
1767  ,  9  vol.  in-8'*. ,  avec  beaucoup 
de  (ig.  A  la  physique  proprement 
dite,  l'autour  a  joint  des  essais  sur 
la  chimie,  la  minéralogie,  l'histoire 
naturelle  ,  et  sur  toutes  les  sciences 
qui  dépendent  de  la  physique.  XIÏ. 
Incendio  del  Fesuvio ,  accaduto  il 
ig  oifoftre  1  7G7  ,  ibid. ,  17G7  ,  in- 
4".  XI 11.  Storia  e  f'enomeni  del 
resu{>i<>  esposti  fino  al  17* '7  ,  ibid. , 
17G8,  in-4".  ^^y •  flistoire  et phe- 


{■>)  i..'i'.  vh,- 

,nn..„v«K.-lMhl„l.- 
Napl.".,  1780,  iii-8" 


mii'iix  i'i'n>|>liri'ltr  t;i(  lie  ilalis 
//  l'roilroiiio  /  (■>iiri'i("ii,t'tc., 


TOR 

nomènes  du  Vésuve,  exposés  dès 
l'origine  jusqu'en  1770,  ib.,  1770, 
in-8°.,  avec  un  Catalogue  plus  com- 
plet des  auteurs  qui  ont  écrit  sur  le 
Vésuve.   XV.   Nuove  osservazioni 
microscopiche ,  ibid. ,  T776  ,  in-4*'-, 
fig.  XVI.  Incendia   trentesimo  del 
Fesuvio  accaduto  il  8  Jgosto  1779, 
ib. ,  1779,  in-80.  trad.  eu  allemand, 
Altembourg  (léna),   i;83,    in-S». 
L'auteur    considère  cette    éruption 
comme  la  trentième  dont  l'histoire 
fasse  mention  ,  depuis  celle  qui  cou- 
vrit  les  villes  d'Herculanum  ,    de 
Pompeia  et  de  Stabia  ;,  l'année  79 
de  l'ère  chrétienne  l.  Bianchi  (  le 
P.  Ant.  )  Orazione  funèbre ,  del  P. 
Délia  Taire  ,  ibidf.  ,   1782,  in-4'\ 
A — G — s. 
TOME  (  Bernard  df.  la  ),  né  , 
à  Naples ,  en  1 736  ,  fut  professeur  de 
philosophie  au  séminaire  de  Naples, 
directeur  de  l'académie  apologétique 
de  la  religion  catholique ,  puis ,    en 
1791  ,   évêque  de   Marsico-Nuovo , 
d'où  il  fut  bientôt  transféré  sur  le 
siège  de  Lettere  et  Gragnano.  Il  mé- 
rita la  confiance  de  Pie  VI ,  qui .  en 
partant  de  Rome  ,  le  nomma  son  lé- 
gat apostolique  dans  le  royaume  de 
Naples.    Lors  de  l'invasion   de   ce 
pays  par  les  Français,  en  1799  ,  La 
Torre    prêcha   l'obéissauce  ;   mais , 
ayant  manifesté  quelques  idées  dé- 
mocratiques dans  une  lettre   pasto- 
rale, il  fut  arrêté  et  banni  après  le 
rétablissement  de  l'ancien  gouverne- 
ment. Il  se  relira  en  France  ;  et  quoi- 
que le  traité  de  Florence  de  1800  lui 
eût  permis  de  retouruer  dans  sa  pa- 
trie ,  il  se  rendit  à  Rome  et  y  demeura 
jusqu'en  1806.  A  cette  époque  une 
nouvelle  invasion  plaça  sur  le  trône 
de  Naples  Joseph  Buonaparte,  qui, 
après  avou'  exilé  le    cardinal  Rullb 
(Louis),  archevcqvie  de  la  capitale. 
nomma  La  Torie  pom-  administrer 


TOR  377 

ce  diocèse.  Plus  tard,  celui-ci  devint 
aumônier  des  enfants  de  Murât,  qui 
avait  remplacé  Joseph  Buonaparte. 
La  Torre  remplit  ces  diverses  fonc- 
tions jusqu'au  retour  de  Ferdinand 
IV, en  1 8 1 5.  Alors  il  se  retira  danssoii 
diocèse  de  Lettere  et  Gragnano  ,  qui 
fut  réuni  en  1 8 18  à  celui  de  Castella- 
mare.  Il  mourut  à  Portici ,  le  28  mai 
1820.  On  a  de  lui  en  italien  :  I.  Cti- 
ractères  des  incrédules ,  1779.  II- 
Le  rétablissement  du  christianisme , 
poème,  imprimé  en  1806. III.  Véri- 
té de  la  religion  chrétienne  ,  ou- 
vrage posthume.  P — Rt. 

TORRRMUZZA  (Gabriel  Lan- 
ciLLotTO  Castello,  pHucc  DE  ) ,  mi- 
mismate.né,  à  Palerme ,  le  2t  janvier 
1727  ,  fît  ses  humanités  chez,  les 
Théatins ,  et  termina  son  éducation 
sous  les  yeux  d'un  instituteur.  Il  al- 
lait se  livrer  à  l'étude  de  la  physique 
lorsque  la  vue  des  ruines  A\4lesa 
(Herbita) ,  ancienne  colonie  romaine, 
renversée  par  un  tremblement  de 
terre  ,  en  828,  vint  changer  ses  pro- 
jets. Un  laboureur  ,  en  travaillant 
à  son  champ  ,  découvrit,  en  174^, 
environ  deux  cents  médailles  en  bron- 
ze ,  qu'il  s'empressa  de  lui  appor- 
1er.  Torremuzza  n'y  attacha  d'abord 
aucun  prix  ;  mais  à  peine  eut -il  lu 
quelques  noms  d'empereurs  ,  qu'il 
sentit  naître  l'envie  de  déchiflVer  le 
reste.  C'est  un  point  deressemblanro 
très-remarquable  qu'il  eut  avec  Vail- 
lant(^.  ce  nom).  (Quelque  eminesse- 
ment  qu'il  mit  à  se  procurer  des  ou- 
vrages denumismatique ,  il  ne  trouva 
qu'un  abbé  qui  pût  lui  prêter  les  Mé- 
moires historiques  de  Catania  (  V. 
Carrera,  VII;,  211  )  ;  et  c'est 
avec  ce  livre  qu'il  commença  son  ap- 
prentissage. A  son  retour  à  Palerme  , 
il  rechercha  l'amilié  de  Schiavo  et 
de  Blasi  :  il  apprit  le  grec ,  étudia  les 
auteurs  cla=;>;iques  ,  et ,  par  un  travail 


78 


TOR 


aussiassidu  qu'opiniâtre,  il  fiitbientot 
en  e'tat  de  coraposci"  quelques  disser- 
tations. De  tous  ces  essais  ,  leplus  im- 
portant est  l'Histoire  de  la  ville  d'A- 
lesa,  qu'il  représenta  libre  sous  les  pre- 
miers Romains,  saccage'e  par  Verres, 
organisée  muuicipalement  par  Au- 
guste. 11  fixa  la  division  et  les  limi- 
tes de  cette  ancienne  colonie  ,  en 
:*joutant  une  série  presque  complète 
de  ses  médailles.  L'auteur  s'est  peut- 
être  jugé  trop  sévèrement  ,  lors- 
qu'en  passant  en  revue  ses  premiers 
écrits ,  il  les  regarde  comme  les  ou- 
^rages  d'un  débutant ,  qui  dit  tout  ce 
qu'il  sait ,  et  qui  saisit  la  moindre 
occasion  pour  faire  parade  de  son 
érudition.  Mais  ce  qu'il  avait ent||k 
pris  par  goût ,  il  dut  bientôt  le  faire 
par  devoir.  Le  sénat  de  Palerme, 
ayant  eu  l'idée  barbare  de  mutiler 
plusieurs  monuments ,  pour  en  clas- 
ser séparément  les  inscriptions,  char- 
gea le  prince  de  Torremuzza  d'en 
dresser  le  Catalogue.  Ce  savant,  tout 
en  regrettant  la  dégradation  de  ces 
morceaux  de  sculpture,  se  rendit  aux 
vœnxdu  magistrat,  et  publia  un  Re- 
cueil d'inscriptions  palermitaines, 
préférable  à  celui  de  Gauthier  (i). 
Cet  essai  fut  bien  accueilli  ,•  mais  on 
aurait  désiré  que  l'auteur  eût  étendu 
ses  recherches  aux  autres  villes  de 
la  Sicile.  Torremuzza  sentit  lui- 
même  le  manque  d'intérêt  de  son 
ouvrage  ,  et  il  se  mit  h  rassem- 
bler des  monuments  antérieurs  à 
l'invasion  des  Arabes  ,  pour  mon- 
trer par  des  titres  incontestables ,  le 
haut  degré  de  prosj)érité  et  de  civili- 
sation (pie  cette  île  avait  atteint  dans 
une  cpociue  aussi  reculée.  Cette  entre- 
prise, trop  vaste  pour  un  seul  indi- 
vidu, lui  parut  digne  de  fixer  l'at- 


{■)  .ViriVio-  «tijurrnliui>i<iiir  i,iti,/,inim  ,  al  fil 
tiuiiim  anli>/iiw  Inbiilit  <ii'r  iinrrl/iliiiiirt  ,  (',■<•! 
tiiiullherii,    Jdg'iitani  ,  Mcuain»  ,  i(i»4  ,  in-4". 


TOR 

tention  d'une  académie^  et  il  se  flatta 
de  réveiller  le  zèle  de  ses  compatiio- 
tcs,  en  leur  communiquant  ses  idées 
sur  le  plan  général  de  ce  travail  : 
mais  cet  appel  ne  fut  point  entendu; 
et  Torremuzza,  n'ayant  pu  tout  em- 
brasser, se  borna  aux  seules  médail- 
les et  inscriptions.  Dès  le  commence- 
ment du  seizième  siècle,  Paruta  avait 
fait  graver  les  types  de  plusieurs 
monnaies  siciliennes  :  son  ouvrage, 
rédigé  sans  ordre  et  sans  discerne- 
ment, ne  remplitpoint  l'attente  des  sa- 
vants; etAgostini  (F",  ce  nom,  I,3o5), 
Majer,  Havercamp ,  travaillèrentsuc- 
cessivement  sur  ce  premier  jet,  sans 
pouvoir  l'améliorer.  Pierre  Burmann 
le  jeune  mit  beaucoup  de  soin  à  éclair- 
cir  cette  partie  de  la  numismatique 
ancienne  [F.  d'OnviLLE,  XXXII , 
184I)  :  niais  tant  d'efforts  laissaient 
encore  un  grand  vide  à  combler  ;  et 
Torremuzza  fut  assez  conragcnxpour 
se  charger  de  cette  tâche.  Loin  de  se 
traîner  sur  les  traces  des  autres ,  il 
signala  les  défauts  d'Havercamp  ,  le 
plus  habile  de  ses  prédécesseurs ,  et  il 
composa  un  ouvrage  entièrement 
nenf ,  pour  lequel  il  sollicita  l'appui 
du  gouvernement.  C'était  le  moment 
le  plus  favorable  pour  les  entreprises 
littéraires.  On  venait  de  sujiprimer 
lasociétédes  Jésuites,  qui  avait  exer- 
cé le  monopole  de  l'enseignement  ;  et 
chaque  jnince  se  croyait  obligé  à 
montrer  du  zèle  ponr  ce  qu'il  avait 
jusqu'alors  négligé.  Le  livre  fut 
donc  imprimé  aux  frais  de  l'état,  en 
1 781  ;  et  dès-lors  le  prince  de  Tor- 
remuzza prit  une  place  craincnte 
jiarmi  les  archéologues.  Le  roi  de 
Waples  ne  pouA'^ait  mieux  en  récom- 
penser le  mérite  qu'en  le  char- 
geant de  la  conservation  des  mo- 
iMunents  de  la  Sicile.  Dans  ces 
fondions ,  Torremuzza  cul  pour  col- 
lègue le  prince  de  liiscari,  son  com- 


TOR 

patriote,  soil  ami ,  et  qui  partageait 
avec  lai  le  goût  le  plus  vif  pour  les 
antiquités.  C'était  pour  la  première 
fois  qu'on  songeait  à  l'enlretieu  de 
tant  de  cliefs-d'œuvre;  et  il  est  per- 
mis de  dire  que  si  le  temple  de  Se 
geste ,  ceux  d' Agrigente ,  les  restes  de 
Sélinunte  ,  le  Lacouium  et  l'Hypogée 
de  Palerrae ,  existent  encore ,  c'est 
aux  soins  éclairés  de  ces  deux 
antiquaires  qu'on  le  doit.  Le  prince 
de  Torremuzza  n'était  pas  de  ces  es- 
prits rouilles  qui,  fiers  de  leur  érudi- 
tion se  croient  dégradés,  en  vivant 
avec  leurs  contemporains.  Tout  eu 
«'occupant  des  anciens,  il  n'oubliait 
pas  les  devoirs  de  citoyen. Élu  mem- 
bre d'un  conseil-général  d'instruc- 
tion publique,  il  multiplia  ea  Si- 
cile les  chaùes  de  belles  -  lettres  , 
de  philosophie  ,  de  jurisprudence 
et  des  sciences  naturelles,  que  les 
Jésuites  avaient  sacrifiées  aux  étu- 
des théologiques.  Il  encouragea  les 
talents^  assura  le  sort  des  profes- 
seurs, parmi  lesquels  il  aurait  désiré 
voir  Spallanzani ,  Toaldo ,  Landriani 
et  Fontaua.  Après  avoir  organisé  les 
universités  de  Palerme,  de  Syracuse, 
de  Trapani  ,  de  Caltagirone  et  de 
Piazza ,  il  jeta,  dans  la  capitale,  les 
fondements  d'un  observatoire  ,  d'un 
jardin  botanique  ,  d'un  cabinet  de 
physique ,  etc.  ;  et  il  se  priva  de  ses 
livres  pour  fonder  une  nouvelle  bi- 
bliothèque. Ces  soins  nuisirent  à  ses 
travaux  pendant  les  dernières  années 
de  sa  vie;  mais  ils  étaient  au  moins 
dignes  d'un  homme  de  lettres.  En 
est-il  de  même  de  tant  d'autres  dé- 
tails dont  on  le  surchargea  ,  pour 
rendre  un  hommage  public  à  ses  ta- 
lents? Nous  ne  parlons  pas  de  ses 
f)laces  de  sénateur  et  de  directeur  de 
a  monnaie.  Sa  naissance  lui  donnait 
droit  à  la  première  ;  et  ses  connais- 
sances s'alliaient  fort  bien  avec  la  se- 


TOR  0.79 

coude:  mais  devait-on  faire  chois  d'un 
numismate  pour  administrer  un  mont- 
de-piété  ,  un  hôpital ,  un  hospice  ?.... 
Le  prince  da  Torremuzza  mourut  à 
Palerme,  le  o'j  février  1790.  {'i).  11 
appartenait  à  la  société  des  antiquai- 
res de  Londres ,  à  l'académie  des  ins- 
criptions et  belles-lettres  de  Paris  et 
a  plusieurs  corps  savants  d'Italie. 
Ses  ouvrages  sont  :  I.  Dissertazione 
sopra  una  statua  di  marino ,  sco- 
verla  nelle  rovine  di  Alésa  ,  Paler- 
me, 1749,  iu-8''.  Cette  statue,  de 
grandeur  naturelle  ,  représente  un 
personnage  togat,  que  l'on  croit  être 
le  préteur  Claudius  Pulcher.  II.  Let- 
tera  su  gli  avanzi  di  Solunto  (ancien- 
ne ville  à  dix  milles  de  Palerme  ) , 
dans  le  tome  i ,  part.  5,  des  Memo- 
rie  per  la  storia  Ittteraria  délia 
Sicilia ,  ]Mi^.  17.  III.  Osseri'uzioni 
critiche  sopra  un  libro  stampato  in 
Catania ,  Rome  (  Palerme  ) ,  1 749  , 
in  -4".,  anonyme.  C'est  une  critique 
dirigée  contre  Hyacinthe  Paterne , 
auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Ar- 
denza  e  tenacità  delV  impegno  di 
Palermo  nel  contendere  a  Catania 
la  gloria  di  ai>er  dato  alla  luce  sant' 
A  gâta  ,  Catane  ,  1747  ?  in-folio. 
Cette  controverse  sur  la  patrie  de 
saiuteAgathe  ,  qui  mourut  sousl'em- 
pereurDèce,  avait  éclaté  entre  les 
habitants  de  Palerrae  et  de  Catane  , 
dès  le  conimcnccment  du  dix-septiè- 
me siècle.  Les  deux  villes  s'en  étaient 
rapportées  à  la  décision  d'Urbain 
YIII ,  qui  éluda  la  question  ,  et  ne 
voulut  point  prononcer  son  arrêt. 
I V.  Lettera  in  cui  si  difende  il  le- 
gittimo  cardinalato  di  JViccolb  Te- 
deschi  ,  Palerme  ,  1756  ,  in-4''.  Cet 
archevêque  ,  surnommé  Vahhé  Pa- 
lermitain  ,  fut  décoré  de  la  pourpre 


(7.1   C'est  par  erreur  <jii«  Fabroui  en  a  recule  1* 
mort  de  deux  ans. 


28o 


TOR 


romaine  par  l'anli-jiape  Félix,  pen- 
dant le  concile  de  Baie,  Quelques 
historiens  ecclésiastiques  ont  pré- 
tendu qu'il  avait  persisté  dans  le 
schisme, même  après  la  soumission  de 
l 'anti-pape.  Torremiizza  prouve  que 
Tedeschi  était  mort  avant  que  Ni- 
colas V  eût  pris  le  timon  de  l'Église. 
V.  Nota  de  cardinali  di  Santa 
Chiesa  di  nazione  Sicdiana  ,  dans 
le  tome  n  des  Memorie  per  la  storia 
letteraria  di  Sicilia  ,  pag.  211.  VI. 
Storia  di  Alésa,  antica  città  di 
Sicilia  ,  di  Selinunte  Drogonteo 
(  c'est  le  nom  académique  de  Tor- 
remuzza  )  ,  ibid. ,  lySS,  in-4'^, 
/^q^.  les  Actes  de  Leipzig ,  1753, 
pag.  427  ;  le  Journal  des  savants  , 
1755  ,  pag.  444  1  Etc.  VIL  Le  an- 
tiche  iscrizioni  di  Palerino  ,  rac- 
colte  e  spiegate ,  ibid. ,  l'^G.i ,  in-fol. 
Ces  inscriptions  sont  au  nombre  de 
cent  quinze.  Il  y  en  a  d'étrusques  , 
de  grecques  ,  de  latines  et  d'arabes. 
VIII.  Idea  d'un  tesoro  che  cojiten- 
ga  una  générale  raccolta  di  tutie  le 
antichità  (  siciliane)  ;  dans  le  tome 
vin  des  Opuscoli  degli  autori  Sici- 
liani ,  p.  181.  IX.  yiUa  Sicilia  nu- 
niismatica  di  Panda,  puhblicata  da 
Avercampio,  correzioni  ed  aggiun- 
te ,  ibid,  tome  xi  à  xv.  X.  Siciliœ 
populorum  et  urbium  regurntjue  (juo- 
fjuc  et  tjrannorum  numisniata  c/uœ 
extant  in  proprio  auctnris  cimelio , 
Palorme,  17G7  ,  in-B".  C'est  la  des- 
cription de  son  cabinet  ,  liclie  d'en- 
viron douze  cents  médailles  sicilien- 
nes. 11  l'augmenta  par  la  suite,  et, 
après  sa  mort,  le  P.  de  Blasi  en  pu- 
blia un  Catalogue  plus  complet^  sous 
ce  titre  :  Cutalogus  veleruni  et  re- 
cenlioriim  numinorum ,  qui  in  Gahr. 
LanceUoltii  ,  etc. ,  gazophilaceo 
scrvanUir ,  ib.  ,  1793,  in -8".  XI. 
Siciliœ  cl  vbjacentium  insularuni 
l'rtrruin   inscri^itionum   nova    ad- 


TOR 

lectio  ,  ibid.  ,  1 76g ,  in-fol.  Les 
inscriptions  sont  distribuées  en  vingt 
classes,  d'après  le  système  de  S\ne- 
tius  ,  suivi  par  Juste  Lipse,  Gru- 
ter  ,  lleinesius  ,  Muratori.  Réim- 
primé avec  corrections  et  additions, 
ibid.  ,  1784,  in-fol.,  hg.  Voy. 
Journal  des  savants,  1 785 ,  p.  669. 
XII.  Siciliœ  populorum  et  urbium, 
regumque  quoque  et  tjrannorum 
vetercs  nummi  Saracenorum  epo- 
cham  antécédentes ,  ibid.  ,  1781  , 
in-fol.  ,  avec  cent  sept  planches  ,  et 
deux  stippléments  de  pièces  inédi- 
tes,  ibid,  ,  1789  et  1791  ,  iu  -  fol. 
Xllî.  Relazione  délie  catacombe 
di  Palcrmo,  dans  le  tome  xi  de  l'^ra- 
tologia  romana.  L'auteur  lit  insé- 
rer dans  le  même  journal  deux  autres 
Lettres,  l'une  sur  les  aérostats  lancés 
par  le  prince  de  Pieti-apcrsia  ,  tome 
X  ;  et  l'autre  sur  la  prétendue  décou- 
verte du  code  arabe  Martiuien  ,  tom, 
XII  (  F.  Vella  ),  XIV.  Notizia 
deir  ongine,fondazione  ed  istituto 
délia  compagnia  de'  Blanchi  délia 
città  di  Palermo ,  Palerme,  1766  , 
in-4°. ,  anonyme.  Cette  institution  , 
dont  l'objet  principal  est  d'assister 
les  criminels  condamnés  à  l'échafaud, 
fut  fondée,  en  i54i  ,  par  le  vice-roi 
Ferdinand  Gonzague,  prince  de  Mol- 
fetla.  XV.  Notizia  preliminare  délia 
fondazione  del  générale albcrgo  de' 
poveri .  ibid.,  177'-»-,  in -4"-  XVI. 
Memorie  délie  zecche  del  regno  di 
Sicilia  ,  e  délie  monete  in  esse  in 
varj  tempi  coniale  ,  ibid.,  177^  , 
in-4".  L'auteur  profita  des  recher- 
ches faites  par  F.  iSchiavo  pour 
répondre  à  une  question  du  comte 
Carli.  r.  Carelli  :  Elogio  del  Prin- 
cipe di  Torremuzza  ,  ibid.,  1794  -, 
in-/|".  Fabroni  en  a  donné  im  ex- 
trait en  latin  dans  le  seizième  volume 
des  Fitœ  ftalorum,  p.  181.  M,  Ca- 
relli avait  jïuisé  lui-même  dans  les 


TOR 

Mémoires  autographes  ,  publies  en- 
suite par  l'abbé  d'Angelo ,  sous  ce 
titre  :  Memorie  délia  vita  lettera- 
ria  del  principe  di  Torremuzza  , 
scritte  da  lui  stesso ,  ibid. ,  1 8o4  , 
in-4°.  Il  reste  encore  quelques  frag- 
ments historiques ,  et  une  espèce  de 
journal  que  l'auteur  s'était  proposé 
de  rédiger  depuis  1072,  époque  à 
laquelle  la  ville  de  Palcrme  tomba 
sous  la  domination  des  Normands. 
Il  en  existe  des  exemplaires  dans  la 
bibliothèque  royale,  çtdaus  celle  du 
sénat  de  cette  ville.         A — g — s. 

TORRENTINO  (Laure^it  ) ,  im- 
primeur ,  né  vers  le  commencement 
du  seizième  siècle ,  était  probable- 
ment de  Zwol ,  patrie  d'Herman 
Torrentinus,  que  l'on  croit  son  pa- 
rent. Il  fut  attiré  à  Florence  ,  par  le 
duc  Cosme,  qui  desirait  répandre 
dans  le  public  les  trésors  littéraires 
rassemblés  par  ses  ancêtres  dans  la 
bibliothèque  des  ]\Iédicis.  Les  pres- 
ses de  ce  typographe  ,  qui  étaient 
établies  dans  une  rue  appelée  il  Gar- 
bo ,  nefurenfeu  activité  qu'en  i547- 
Negri  et  Haym  se  sont  trompés  en 
indiquant  des  éditions  antérieures  à 
cette  époque.  Torrentino  ,  auquel 
le  duc  avait  accordé  l'exemption 
des  gabelles  ,  une  gratification  de 
cinq  cents  écus,ct  le  privilège  de 
vendre  exclusivement  pendant  dou- 
ze ans  chacun  des  ouvrages  qu'il 
aurait  imprimés^  faillit  être  flétri 
par  la  main  du  bourreau.  Arrêté 
dans  la  nuit  du  sH  déc.  i556,  avec 
deux  poignards  sur  lui ,  il  fut  con- 
damné à  trois  coups  de  corde  et  à 
ime  amende  de  vingt  florins  d'or  : 
on  lui  fit  grâce  de  l'estrapade  ;  mais 
l'année  suivante,  il  éprouva  de  nou- 
velles poursuites  à  cause  d'une  édi- 
tion clandestine  des  commentaires 
deSleidan  ,  nouvellement  traduits  en 
italien.  11  eut  l)Csoin  de  toute  la  pro- 


TOR 


aSi 


tection  des  Médicis,  pour  échapper 
à  la  rigueur  des  lois.  En  attendant , 
son  nom  s'était  répandu  dans  toute 
l'Italie  :  éclipsant  la  réputation  des 
Giunti,  et  de  Busdrago,  célèbres  ty- 
pographes de  Florence  et  de  Luc- 
qucs  ,  Torrentino  fut  invité  parEma- 
nuel  -Philibert  de  Savoie  à  venir  fon- 
der une  imprimerie  en  Piémont.  Ce 
prince  en  avait  adressé  la  demande 
au  duc  Cosme ,  qui  ne  i-efusa  pas  son 
consentement.  Torrentino  avait  don- 
né toutes  les  dispositions  pour  trans- 
porter une  partie  de  son  établisse- 
ment à  Mondovi,  où  il  s'était  fait 
précéder  par  son  fils  Léonard,  lors- 
qu'il mourut,  en  i563.  La  série 
complète  des  ouvrages  sortis  des 
presses  de  Torrentino  se  compose 
de  '^44  articles ,  dont  on  ne  connaît 
que  deux  sans  date ,  et  trois  avec  la 
rubrique  de  Pescia ,  oi\  il  s'était  ren- 
du en  t5j4  ^t  i555.  En  général,  ses 
éditions  sont  plutôt  belles  que  cor- 
rectes ,  quoiqu'elles  aient  été  surveil- 
lées par  Arnold  Harleim  ,  savant 
hollandais  ,  et  par  Louis  Domenichi;, 
l'un  des  littérateurs  italiens  les  plus 
distingués  de  son  temps.  Les  fils  de 
ce  typographe  continuèrent  à  impri- 
mer jusqu'à  l'année  i  S-jo  ^  en  société 
avec  Charles  Pettinari  et  Bernard 
Fabroni.  Parmi  les  publications  les 
plus  importantes  de  Torrentino  ,  on 
doit  citer  les  œuvres  de  saint  Clément 
d'Alexandrie,  Florence,  i55i  ,  3' 
vol.  in-fol. ,  revus  par  Gentian  Her- 
vet  ;  la  première  édition  des  Pandec- 
tes  Florentines,  ibid. ,  1 553  ,  iu-fol. , 
donnée  par  Torelli,  et  celle  de  l'his- 
toire de  Guichardin,  ibid.,  i56i  , 
in-fol.  Fof.  IMoreni,  Amuili  délia 
tipografia  Fiorentina  di  Lorenzo 
Torrentino  ,¥lorence  ,  1811,  réim- 
primé ,  ibid. ,  1819,  in-80.  et  Gras- 
si ,  Memoria  siilla  tipografia  Mon- 
regalese ,  dans  les  Fcglie  dei  pas- 


■IS'l 


TOR 


tori  délia  Dora,  Turin,  1801,  iu- 
8».  A— G— s. 

TORRENTINUS  (Hlrman), 
vulgairement  Van  Beeck  ,  gram- 
mairieu  ,  né  ,  vers  le  milieu  du 
q^uinzième  siècle,  à  Zwol  dans  l'Over- 
yssel,  après  avoir  achevé  ses  études 
à  Deventcr ,  résolut  de  se  consa- 
crer à  renseignement,  et  entra  dans 
la  congrégation  des  Clercs  de  la  vie 
commune  (i) ,  qui  possédaient  alors 
plusieurs  écoles  dans  les  Pays-Bas.  Il 
professait,  eu  1490,  la  rhétorique  au 
collège  de  Groningue,  et  l'on  sait  qu'il 
conserva  cet  emploi  pendant  plu- 
sieurs années.  L'obligation  de  venir 
au  secours  de  sa  mère  ,  restée  veuve 
et  sans  fortune ,  le  força  de  retourner 
à  Zwol,  où  il  continua  de  se  livrer  à 
l'enseignement  avec  beaucoup  de  zè- 
le ,  même  après  avoir  perdu  la  vue. 
On  place  la  mort  deTorrentinus  vers 
i52o.  Outre  des  Scoliessur  lesÉvan- 
giles  et  les  Épîtresde  l'année  ,  et  des 
Notes  sur  les  Hymnes  et  les  Proses  de 
rEglise,réimprHaijps  un  grand  nom- 
bre de  fois  ,  il  a  publié  quelques  ouvra- 
ges de  grammaire,  supérieurs  à  ceux 
dont  on  se  servait  alors  dans  les  écoles, 
et  qui  durent  avoir  une  utile  influence 
sur  les  progrès  des  lettres  dans  les 
Pays-Bas.  Il  suffira  d'en  donner  ici 
les  titres,  en  renvoyant,  pour  les  dé- 
tails, aux  auteurs  cités  à  la  fin  de 
l'article  :  I.  De  generibus  nominum, 
de  heterocUtis  ,  de  patron^  niicis  et 
de  nominum  significationibus  ojnis- 
cidum  perutile ,De\eutcT  ,  sans  date, 
in-4".ll.  Commcntarius  in  Buco- 
lica  ac  Georgica  Virgilii,  ibid.  , 
1)02,  iu-4".  (-c  Commentaire  a  eu 
plusieurs  éditions.  III,   Alexandri 


(i)  Ou  Iruiivcia  drs  Jrlails  inNTi.''.<aiit«  sur  cHIc 
coniçrf-gatinii .  d.iiil  le»  rliilillssi'ni.nl.s  ruri-iil  snj.- 
(•rimris  ail  ««.'ir.iiMiii'  siitlr,  dan«  \'Orifii>i<i  île  l'itii- 
primerir ,  jiar  l.aliiliinrl  ,  II,  i-n.  C'rsl  aiu  fir- 
rn  lit?  la  vie  fomtniini»  f|ii'r<l  duc  riiitrndiiitinn 
de    l'art   l}|>ogriiplii<{ii>.-   *   Kruicllrt ,    en  l47<>- 


TOR 

Doctrinale  cum  Commentariis ,  ibid. 
1 5o3  ,  in-4°-  Torrentiuus  se  contenta 
de  corriger  la  grammaire  d'Alexan- 
dre de  Villcdieu ,  n'osant  pas  pro- 
poser de  la  bannir  des  écoles.  Les 
ennemis  de  toute  amélioration  lui  fi- 
rent un  crime  d'avoir  essayé  de  ren- 
dre claires  et  faciles  des  règles  aupa- 
ravant inintelligibles  j  et  il  ne  put 
conjurer  l'orage  qu'en  justifiant  sa 
témérité  dans  nue  Apologie  adressée 
à  son  frère  Jean  Torrentiuus  ,  cha- 
noine régulier  (2). IV.  Orafione.ç/rtmj- 
liares  et  elegantissimce  ex  omnibus 
P.  Ovidii  libris  formatée ,  Cologne  , 
i5io,  in-4".  V.  Elucidarius  carmi- 
num  et  historiarum  vel  vocabula- 
rius  poeticus  ,  continens  histçrias  , 
provincias,  urbes,  insulas ,  fluvios  et 
montes  illustres  ,  etc. ,  Haguenau  , 
i5îo  ,  in-  4"- ,  souvent  réimprimé  : 
cet  opuscule  est  le  premier  essai 
que  l'on  connaisse  d'un  dictionnaire 
historique ,  contenantaussi  la  mytho- 
logie et  la  géographie  ancienne.  Aug- 
menté successivement  par  IW)b.  Es- 
tienne  ,  Charles  Estienne  et  Frédéric 
Morel ,  il  a  été  traduit  ou  plutôt  imité 
dans  plusieurs  langues  ,  notamment 
en  français  ,  par  de  Juigné  Broissi- 
nièro  et  Paul  Boyer  ,  dont  les  Dic- 
tionnaires ont  servi  de  base  à  celui 
de  Moréri,  comme  il  l'a  reconnu  dans 
la  préface  de  sa  première  édition. 
Ainsi  ,  malgré  l'imperfection  de  son 
travail  ,  on  ne  peut ,  sans  injustice, 
refuser  à  TorrentiuMS  l'honneur  d'a- 
voir donné  l'idée  et  le  modèk  des 
dictionnaires  historiques  ,  dont  cha- 
que jour  fait  sentir  l'utilité.  Voyez  le 
Dictionn.  de  Pros]).  IMarchaud  ,  11 , 
•i83-9i,  et  Vii(\no\.  y  M ém.  pour  ser- 
vir à  l'hist.  lit  ter.  des  Paj  s  -  Bas  , 
1,  499-5oi  ,  édit.  iu-fol.  \V — s. 

(»)  Tc.noiitilMl»  lir  (lit  |i;is  le  sriil  riMi|..il.l«- ;  il 
n'a  roiNtlirnhi  (|iicla  prrmijToiiailie  tlii  Pi'ciriiial  : 
lin  rirlaiii  Kriiipn  ,  Tlirstnlieii^it  ,  diinl  un  nu 
«.niinail  qiir  lf>  nain  ,  a  roinmeiit^  la  ><-cundi^ 


TOR 

TORRENTIUS  ou  VANDER 
BEKEIN  (LiÉviiN  ),  prélat  belge, 
humaniste  et  poète  latiu,  naquit  à 
Gaud  le  8  mars  iSsS.  Après  avoir 
fait  sa  pliilosopliie  à  Louvain ,  il  y 
étudia  le  droit  et  reçut  le  grade  de 
licencie.  Pendant  ses  études  dans 
cette  ville,  il  coucouriit  lionorabie- 
jueut  à  la  défendre  contre  un  fameux 
partisan  nommé  MarlinVan  Rossura, 
qui  fît  une  tentative  inutile  pour  s'en 
rendre  maître.  Torrcntius  A^oyagea 
ensuite  en  Italie  et  prit  à  Bologne  le 
bonnet  de  docteur.  11  fit  un  séjour  de 
plusieurs  années  cà  Rome  et  s'y  con- 
cilia les  bonnes  grâces  des  Lommes 
les  plus  distingués  ,  tels  que  les 
cardmaus  Sirlet  et  Borromée  ,  Paul 
Mauuce  ,  Fulvius  Ursinus  ,  Faèrno  , 
etc.  De  retour  dans  les  Pays-Bas,  il 
s'attacha  à  George  d'Autriche,  évè- 
que  de  Liège,  qui  le  pourvut  d'iui 
bon  bénélice.  L'expérience  des  af- 
faires ,  qu'il  avait  acquis»  à  Roaie , 
lui  procura  de  nouvelles  missions  et 
de  nouveaux  emplois.  En  iS^ô,  le  roi 
Philippe  II  le  nomma  évêque  d'An- 
vers; mais  la  situation  des  Pays- 
Bas  retarda  la  ^^'ise  de  possession , 
qui  n'eut  lieu  qu'en  ijSy.  11  venait 
d'échouer  dans  une  négociation  qu'il 
avait  entamée  à  Cologne,  pour  faire 
réformer  la  pacification  conclue  dans 
cette  ville  en  i584.iièg#ciation  dont 
il  existe  un  compte  rendu,  publié 
par  lui.  Ni  les  soins  de  son  diocèse, 
ni  ses  occupatio^isau  conseil-d'état, 
dont  il  avait  été  nommé  membre  ,  ne 
purent  éteindre  sa  passion  pour  les 
belles-lettres^  et  il  y  trouvait  son 
délassement  favori.  Vers  1094,  il 
fut  créé  archevêque  de  Malines  ; 
mais  il  n'avait  pas  encore  reçu  ses 
bulles  de  la  cour  de  Rome,  quand  la 
mort  le  surprit  à  Bruxelles,  le  26 
avril  1095.  Il  fut  enterré  dans  le 
chœur  de  la  cathédrale  d'Anvers,  où 


TOR  283 

l'on  voit  son  mausolée. Torrentius  fon- 
da, par  sou  testament,  le  collège  des 
Jésuites  de  Louvain  ;  sa  bibliothèque, 
qui  faisait  partie  de  la  donation,  était 
estimée  3o,ooo  florins.  I!  avait  aussi 
formé  on  Italie  une  précieuse  collec- 
tion d'antiquités.  Gérard  Braudt , 
dans  son /lisloire  delà  re formation 
des  Pa^s-Bas,  en  rapportant  à  l'an- 
née lôgS  la  mort  de  Torrentius, 
lui  rend  le  témoignage  de  ne  pas 
avoir  approuvé  les  violences  en  ma- 
tière de  religion ,  et  d'avoir  traité  les 
protestants  de  son  diocèse  avec  beau- 
coup d«  douceur  ;  mais  Pierre  Bur- 
mann  ,dans  sa  Sjllo^e  epistolarum , 
1. 1,  48o,pensequcBrandt  s'en  cstrap- 
porté là-dessus  trop  légèrement;!  l'his- 
torien de  Thou  ,  et  il  5e  fonde  ,  non 
sans  quelque  apparence  de  raison , 
sur  une  pièce  de  vers  latins  qui ,  en 
edèt,  dépare  le  recueil  des  Po'émata 
de  notre  prélat.  Elle  est  intitidée  :  In 
laudem  Baltasaris  Gerardi ,  j'ortis- 
simi  tj'raunicidœ.  C'est  une  espèce 
d'apothéose  du  fanatique  assassin 
de  Guillaume  de  Nassau ,  premier 
stadhouder  des  Provinces  -  Unies. 
Burmann  en  veut  encore  à  Torrentius 
de  ses  menées  pour  ramener  Juste 
Lipse  dans  le  gii'on  de  l'église  catho- 
lique ,  et  pour  l'enlever  à  l'université 
de  Lejde  {Voj.  Lipse). On  a  de  lui  : 
1.  Foëmata ,  Anvers  \5rc}et  i594, 
in- 12.  Bien  que  ces  poésies  por- 
tent le  titre  de  sacra,  toutes  ne 
traitent  i>as  de  sujete  religieux  ;  il 
s'y  trouve  même  une  suite  de  huit 
odes  du  genre  erotique ,  ou  plutôt  de 
celui  d'une  pièce  précédente ,  intitu- 
lée Bacchanalia  :  elles  sont  sous  la 
rubrique  de  Lyda  sh'e  adolescentia  ; 
mais  elles  n'olfrenlrien  de  licencieux, 
et  Paquot  les  a  trop  sévèrement  ju- 
gées sous  ce  rapport.  Nous  regrettons 
de  ne  pas  trouver  daij^  ce  recueil  une 
élégie  latine  sur  la  levée  du  siège  de 


2B^  TOR 

Louvaiu  et  la  fuite  de  Martin  Van 
Rossum  (  voir  plus  haut  )  ,  que  , 
d'après  Paquot ,  Torrentius  avait  pu- 
bliée, mais  anonyme,  à  Anvers  ,  en 
1542,  quand  il  n'était  âgé  par  con- 
séquent que  de  dix-sept  ans.  Dans  la 
latinité  moderne,  les  poésies  de  Tor- 
rentius occupent  un  rang  distingué , 
et  elles  se  ressentent  peut-être  du 
long  séj  our  qu'il  avait  fa  it  en  Italie.  Il 
le  donne  à  entendre  lui-même  dans 
la  Dédicace  de  ses  poésies  au  pape 
Pie  V.  Paquot  l'a  jugé  sans  goût;  et 
xe  poète  a  été  bien  mieux  apprécié 
par  Peerlkamp  ^  dans  ses  Fitce 
Belgarum  qui  latina  carmina  scrip- 
serunt ,  p.  iSa-iSy  ,  et  par  M. 
Hoenfft ,  dans  son  Parnassus  latino- 
belgiciis ,  p.  4i  et  4^.  II.  Une  édi- 
tion de  Suétone ,  accompagnée  d'un 
bon  Commentaire,  Anvers,  iS-^S  et 
1 592 ,  et  dans  les  Fariorum  de  Hol- 
lande. III.  Une  édition  d'Horace, 
également  accompagnée  d'un  Com- 
mentaire ,  Anvers  ^  1602  ,  in-4°.  Ce 
Commentaire  est  un  des  plus  estimés , 
mais  il  n'a  paru  que  posthume.  L'au- 
teur ,  dit  M.  Vanderbourg ,  «  a  fait 
»  usage  de  quelques  bous  manus- 
»  crits,  que  la  mort  l'a  empêché  de 
»  décrire  •  moins  hardi  dans  ses 
»  conjectures  que  Cruquius,  il  en  a 
»  offert  quelquefois  de  très-plausi- 
»  blés  ,  que  d'autres  ont  développées 
»  sans  le  citer.  Dacier  a  puisé  dans 
»  ses  commentaires  la  plus  grande 
»  partie  de  son  érudition  ,  et  n'eu  a 
»  pas  toujours  averti.  »  Torren- 
tius n'avait  pas  trouvé  le  temps  de 
commenter  ï'y^rt  poétique  :  on  y  a 
suppléé  par  imCommentaire  de  Pierre 
Nannius.  (3n  a  imprimé,  avec  l'Ho- 
race de  Torrentius, sou  Commenta- 
riolus  ad  legeni  Juliam  et  Papiam 
de  matriinoniis  ordinandis ,  qui 
prouve  qu'il  était  encore  savant  ju- 
risconsulte. IV.  To^^•ellliIl^  a  publié 


TOR 

les  OKuvres  posthumes  de  Jean 
Goropius  Becanus  ,  Anvers ,  1 58o  , 
in-fol.j  et  il  y  a  mis  une  préface  où 
il  défend  cet  écrivain  contre  Joseph- 
Juste  Scaliger,  qui  n'en  était  pas 
moins  infiniment  supérieur  à  l'étymo- 
logiste  belge.  V.  On  trouve  plusieurs 
lettres  de  Torrentius  dans  la  Sylloge 
epistolarum  de  P.  Burraann,  t.  i ,  p. 
474-489.  VI.  On  attribue  aussi  à 
Torrentius  une  traduction  latine  de 
quelques  Homélies  de  St.  Jean-Chry- 
sostôme.  M — on. 

TORRENTIUS  (Jean),  peintre, 
né ,  à  Amsterdam ,  en  1 589  ,  dé- 
ploya ,  dans  ses  tableaux  en  petit, 
une  finesse ,  un  ton  de  couleur  et 
une  grâce  qui  auraient  obtenu  l'ap- 
probation des  connaisseurs,  s'il  n'a- 
vait pas  lui-même  détruit  tout  le 
mérite  de  ses  ouvrages  par  l'obscé- 
nité de  ses  compositions.  Il  surpassa, 
dans  les  sujets  qu'il  se  plaisait  à  trai- 
ter,même  cequel'on  connaîtde  Pétro- 
ne et  de  l'Arétin.  Lorsqu'il  commen- 
ça à  se  livrer  à  la  peinture ,  il  peignait 
de  préférence  des  sujets  de  nature 
morte  ,  tels  que  des  tables  chargées 
de  livres  ouverts  et  fermés,  des  verres 
pleins  de  fleurs ,  des  plumes,  des  mon 
très,  etc.  Il  représenta  ensuite  des 
conversations ,  qui  furent  admirées 
pour  la  couleur  et  le  charme  du  pin- 
ceau. Tant  qu'il  se  contenta  de  pein- 
dre de  cette  manière ,  il  trouva,  dans 
le  succès  de  ses  ouvrages,  la  fortune 
et  la  considération  j  mais  malheureu- 
sement il  crut  devoir  abandonner  cel- 
te carrière  pour  peindre  des  sujets 
obscènes.  Sa  conduite  et  ses  mœurs 
répondaient  à  la  luxure  de  ses  com- 
jiositions.  Il  jtrèchait  la  communauté 
des  femmes,  et  présida  aux  assem- 
blées d'une  secte  d'Adamites  dont 
les  principes  de  morale  religieuse 
éveillèrent  l'attention  des  niagistrats. 
Aveili  (|u'on  cherchait  le  clief  des  as- 


TOR 

semblées  que  tenait  cette  secte  ,  il 
crut  qu'il  se  préserverait  du  cliàli- 
ment  en  niant  tout.  Il  fut  arrêté  et 
condamné  par  les  magistrats  de  la 
ville  de  Harlem  à  subir  la  question. 
I!  cul  la  force  de  résister  aux  tour- 
ments. On  ne  put  arraclier  de  sa  bou- 
che le  moindre  aveu  j  mais  s'il  ne  fut 
pas  convaincu  d'être  le  chef  de  cette 
secte,  les  tableaux  dans  lesquels  il 
avait  représenté  les  orgies  abomina- 
bles auxquelles  elle  se  livrait  paru- 
rent mériter  un  châtiment  sévère  ;  et 
il  fut  condamné  à  vingt  ans  de  pri- 
son. Plusieurs  personnages  distingués, 
entre  autres  l'ambassadeur  d'An- 
gleten-e  ,  employèrent  leur  crédit 
pour  obtenir  sa  liberté.  On  lui  per- 
mit de  passer  en  Angleterre,  où  ses 
ouvrages  eurent  un  succès  qui  ne 
put  préserver  l'artiste  du  mépris 
que  ses  mœurs  déréglées  lui  at- 
tirèrent. Il  revmt  alors  à  Amster- 
dam ;  mais  le  souvenir  de  sa  mau- 
vaise conduite  subsistait  toujours.  Il 
fut  o])ligé  de  se  tenir  caché  jusqu'à 
sa  mort,  qui  arriva  en  i64o.  Loi'S- 
qu'il  eut  cessé  de  vivre ,  le  gouverne- 
nemcnt  ordonna  la  recherche  de  tous 
ses  ouvrages ,  et  fit  brûler ,  par  la 
main  du  bourreau ,  tous  ceux  que 
l'on  put  découvrir.  P — s. 

TORPvÈS  (Louis  de)  ,  arches  èque 
de  Mont-Uéal ,  né,  à  îMalaga ,  le  G  no- 
vembre i533  ,  futapneléà  Rome ,  pn 
i55o  ,  par  Louis  de  ïorrès  ,  arche- 
vêque de  Salerne  ,  son  oncle,  qui  lui 
résigna  le  protonotariat  apostohque, 
et  un  riche  bénéfice.  L'année  .sui- 
A'antc,  il  fut  nommé  président  de  la 
cliambre  ajioslolique.  Pie  V  faisait 
un  si  grand  cas  de  ses  talents  et  de 
sa  prudence  dans  les  alfaires  ,  qu'en 
i.ïno,  il  l'envoya  comme  légal  extra- 
ordinaire en  Espagne  ,  p.our  engager 
Philippe  II  à  se  liguer  avec  les  Vé- 
nitiens contre  les  Turcs  ,  et  à  don- 


TOR 


285 


ner  des  secours  aux  Catholiques  en 
Angleterre.  Torrès  revint   à   Rome 
après    avoir   complètement    réussi 
dans  sa  mission.  Depuis  ce  moment 
Philippe  correspondit   avec   lui,  et 
lui  recommanda  les  affaires  impor- 
tantes qu'il  avait  à  traiter  avec  la 
cour  de   Rome.  En    15-72,    le  duc 
d'Albe  ,  qui  se  trouA^ait  en  Flandre  , 
ayant  un  besoin  pressant  d'argent , 
et  personne  ne  voulant  lui  ouviùr  sa 
bourse,  Torrès  offrit  à  l'ambassadeur 
d'Espagne  quarante  mille  scudis.  En 
i5']5,  Philippe  le  proposa  pour  l'ar- 
chevêché de  Mont-Rc'al  ,  et  dans  un 
bref  que  Grégoire  XIII  lui  accorda 
l'année  suivante  .  le  pape  rappelle 
les  services  que  Torrès  avait  rendus 
à  la  chrétienté  ,    en  négociant   nue 
ligue  entre  le  roi  d'Espagne  et  la  ré- 
publique de  Venise ,  par  où  il  avait 
puissamment  concouru  à  la  victoire 
que  les  Chrétiens  remportèrent  sur 
les  Turcs,  le  7  octobre  iS'ji  {Voj. 
Selim  II  ).  Torrès  fut  envoyé  deux 
fois  à  Malte  par  le  pape   Grégoire 
XIII,  qui  lui  confia  plusieurs  autres 
missions  importantes.  Il   mourut  à 
Rome  le  3i   dcc.    i584.  —  Torrès 
(  Louis  de  ) ,  neveu    du  précédent  , 
né,  à  Rome,  le  u^  oct.    i552  ,   fut 
nommé  référendaii^e  de  l'une  et  l'au- 
tre   signature.    Successeur    de    son 
oncle,   dans  l'archevêclié  de  Mont- 
Réal,  il  fiit  proclamé  cardinal,   en 
i5o6  j  par  Paul  V.  Il  mourut  ,  en 
1609  à  Rome  ,  après  avoir  fondé  le 
séminaire  de  Mont-Rc'al,  et  lui  avoir 
fait  don  de  sa  riche  bibliothèque,  qui 
fut  pillée  par  des  pirates  dans  le  tra- 
jet. Il  avait  été  chargé  par  son  on- 
cle de  recueillir  dans  les  archives 
d'Italie  et   de    Sicile    les   diplômes 
et  documents  relatifs   à    l'église  de 
Mont-Réal.  Etant  archevêque,  il  pu- 
blia son  travail,  sous  le  nomdeLel'o, 
son  secrétaire  ,  dans  un  ouvrage  sa- 


286 


TOR 


vant  ,  qui  a  pour  titre  :  Historia 
délia  chiesa  cli  Monreah ,  scritta 
da  Gio.  Luigi  Lello  ,  Rome,  i5g6  , 
111-4".  ,  tlivise  en  4  parties.  Dans  la 
première  ,  l'auteur  décrit  l'église  ca- 
thédrale de  Mont-Re'al ,  où  l'on  con- 
serve précieusement  les  entrailles 
de  saint  Louis,  roi  de  France.  Il 
raconte  ensuite  que  la  cliàssc  en 
marbre  où  sont  renfermées  ces  reli- 
ques avait  cte  faite  de  manière  à 
pouvoir  contenir  tout  le  corps  ,  le- 
quel y  avait  été  place  en  Afrique  ; 
que  les  princes  de  France  ayant  célé- 
bré les  obsèques  du  roi  ,  dans  l'é- 
glise cathédrale  de  Mont -Real, 
avaient  tiré  le  corps  de  la  châsse , 
laquelle  était  restée  dans  cette  église, 
avec  les  entrailles  et  deux  doigts  du 
saint  roi;  que  le  25  août  i^-jH  , 
trois  cent  huit  ans  après  la  mort  du 
roi,  la  châsse  ,  qui  auparavant  était 
suspendue  dans  l'église  contre  la 
porte  de  la  sacristie,  avait  été  solen- 
nellement transférée  derrière  le  grand 
autel,  où  on  lui  avait  préparé  un  riche 
monument  en  marbre  ,  avec  cette 
inscription  :  Hic  sunt  tumulaia 
viscera  et  corpus  Ludovici  régis 
Francice ,  qui  obiit  apud  Tuni- 
sium  anno  domiiiicce  incarnationis 
1210,  mense  augusto ,  i3  indictio- 
nis.  Dans  la  seconde  partie  de  l'ou- 
vrage, il  donne  la  vie  des  archevê- 
ques de  Mont-Réal,sesprédécesseurs, 
ctdanslatroisièmeles  documents  qui 
ont  rapport  à  l'églisccathédralc,  età 
la  juridiction  de  l'archevêque.  Dans 
la  quatrième,  il  a  réimprimé  le  petit 
ouvrage  suivant,  dont  il  avait  dé- 
couvert le  manuscrit  en  Sicile ,  et 
qu'il  avaitdéj.i  fait  paraîtreà  Rome, 
en  iSHj  :  De.  rcœdificaliotu;  tnonas- 
terii  saiicli  Marllni  de  Scalis  , 
Paulionnl  urdinis  Suncti  Bencdicli 
cl  diceccsis  Mimlis  rcgalis ,  libellas 
anle    duccnlos   aunos  à  pio  auc- 


TOR 

tore  coiucriptus.  Ce  prélat  fut  en 
correspondance  avec  les  hommes  les 
plus  distingués  de  son  temps  ,  enti-e 
autres  avec  les  cardinaux  Baronius 
et  Borromée,  avec  le  Tasse,  etc. 
G— V. 
TORRÈS  (  Louis  da  Motta  Feo, 
etc.),  amiral  portugais^  né  à  Lis- 
bonne en  176g,  d'une  ancienne 
famille,  fit  ses  études  à  l'académie 
royale  des  Gardes  marines  ,  et  fut 
employé,  dès  l'année  1786,  comme 
lieutenant  de  vaisseau.  Il  fit  partie 
de  la  flotte  qui  se  rendit  à  Naples  en 
1792,  sous  lesordi'es  du  contre-ami- 
ral Brito,  et  qui  se  réunit  à  la  flotte an- 
glaisedel'amiralHowe,  pour  croiser 
sur  les  côtes  de  France.  Rentré  dans 
le  port  de  Lisbonne  ,  après  dix-huit 
mois  de  navigation.  Terres  fut  nom- 
mé capitaine  de  vaisseau  ,  et  reçut  la 
mission  de  porter  un  présent  du  roi 
de  Portugal  à  l'empereur  de  Maroc. 
Devenu  chef  de  division  ,  il  eut ,  en 
^n()1  et  1798,  le  commandement 
des  batteries  flottantes  destinées  à 
défendre  l'entrée  du  Tage  ;  et  dans 
le  mois  de  septembre  1799,  il  partit 
pour  le  Brésd  ,  chargé  d'y  conduire 
un  convoi  considérable.  La  paix 
ayant  été  faite,  il  fut  nommé  gou- 
verneur de  la  partie  du  Nord  du 
Brésil ,  et  il  remplit  cet  emploi  pen- 
dant trois  ans.  11  revint  en  Portu- 
gal en  1 8o5 ,  et  fut  envoyé  _,  à  la  tête 
d'une  escadre,  devant  Alger  ))0ur  y 
traiter  de  la  paix ,  et  racheter  les 
captifs  ;  mais  il  ne  put  rien  terminer, 
et  croisa  sur  les  côtes  d'Afrique  ,  où 
il  s'empara  de  plusieurs  corsaires 
d'Alger  et  de  Tunis.  Il  ne  dépendit 
pas  de  lui  de  suivre  la  famille  royale 
au  Brésil,  en  1807;  et  lorsque  sa 
])alrie  fut  attaquée  ])ar  les  Français  , 
en  1808,  il  lit  ])reuve  du  plus  grand 
dévouement  en  donnant ,  pour  les  be- 
soins de  l'étal,  une  forte  somme  d'ar- 


TOR 

gent  ^  et  en  combattant  à  la  lêle  de 
trois  légions  qui  furent  oiganise'es 
pour  la  défense  de  la  capitale.  Ap- 
pelé au  Brésil,  eu  1811  ,  il  y  fut 
créé  yice-amiral  ,  puis  envoyé  dans 
le  royaume  d'Angola  avec  le  titre 
de  capitaine -général.  Il  arriva  dans 
celte  colonie  en  1816,  et,  pendant 
quatre  ans  qu'il  y  commanda  ,  il  s'y 
Kt  chérir  par  sa  bienfaisance  et  l'ha- 
bileté de  son  administration.  Revenu 
à  Lisbonne  avec  son  souverain  ,  en 
1 82 1 ,  il  fut  employé  dans  les  conseils 
de  l'amirauté  jusqu'à  la  révolution 
des  certes  ,  en  j8'1'2  j  cet  événement 
lui  causa  un  tel  chagrin  qu'il  y  suc- 
comba le  27  mai  delà  même  année.  Z. 
TORRICELLI  (EvANGELiSTi),na- 
quitle  iDoct.  1608. Ona écrit, maisil 
n'est  pas  certain  ,  que  ce  fut  à  Wodi- 
gliana,  château  dejaRomagne(i)  ;ce 
qu'il  y  a  de  bien  assuré  ,  c'est  qu'il  a 
toujours  pris  le  titre  de  citoyen  de 
Faenza,  et  qu'il  fut  élevé  dans  cette 
ville  par  un  oncle ,  de  l'ordre  des  Ca- 
maldules  ,  qui  le  fit  étudier  chez  les 
Jésuites.  11  y  apprit  les  mathémati- 
ques^ et  montra  de  bonne  heure  un 
goût  décidé  pour  cette  science ,  qu'il 
cultiva  toute  sa  vie  avec  tant  de  suc- 
cès. Son  oncle  ,  pensant  qu'un  génie 
qui  s'aimonçait  si  heureusement 
trouverait  à  Rome  plus  de  facilités 
j)our  se  développer  et  s'exercer , 
s'empressa  de  l'y  envoyer.  Il  s'y  lia 
bientôt  intimement  avec  Castelli,  le 
disciple  chéii  de  Galilée.  Castelli , 
tout  occupé  alors  de  ses  travaux  sur 
la  théorie  des  eaux  courantes,  les 
communiqua  au  jeune  géomètre  ;  il 
reconnut  bientôt  combien  ses  con- 
seils lui  seraient  utiles^  et  ne  fit  dès- 


(i)  Bonaventiiri  fait  naître  Torrlcrlli  à  I\Tuc!iglia- 
na;  mais  celle  opinion  a  été  comliattur  par  Laslii, 
qui    rapporte    c|uelqiies  documents   pour  prouver 

auc   ce   péimiitre  était   lié   à  Pinncaldoli  ,  dans  1« 
iucèie  d'Iuio'a. 


TOR  -^S-j 

lors  rien  d'important  sans  y  avoir 
recours  et  sans  témoigner  ,  dans  ses 
publications ,  sa  reconnaissance  ])our 
ce  qu'il  lui  devait.  Ce  commerce 
scieritifique  établit  entre  eux  une  ami- 
tié véritable  et  constante.  Torricelli, 
après  avoir  appris  de  son  arni  ce 
qu'avait  fait  Galilée  relativement 
aux  lois  du  mouvement,  composa 
son  premier  ouvrage  :  Sur  la  chute 
accélérée  des  corps,  et  La  courbe 
décrite  par  les  projectiles.  Ce  traité 
enrichit  de  résultats  fort  utiles  la 
science  de  la  balistique.  Le  P.  Nice- 
ron ,  qui  était  alors  à  Rome,  l'ayant 
mis  en  relation  avec  Roberval ,  Fer- 
mat,  Mersenne  et  d'autres  géomè- 
tres français  très-distingués,  il  s'oc- 
cupa comme  eux  de  la  solution  de 
plusieurs  problèmes  difficiles  sur 
l'aire  et  le  centre  de  gravité  de  la 
cycloïde.  Les  plus  habiles  y  avaient 
échoué;  Torricelli  les  résolut,  et  en- 
voya en  France  sa  solution,  avec  la 
démonstration ,  ainsi  qu'il  l'assure 
dans  les  manuscrits  qui  existent  de 
lui  à  Florence.  Il  y  paraît  même  dis- 
posé à  imprimer  sa  correspondance, 
si  Roberval  continue  à  lui  disputer 
la  priorité  de  sa  découverte.  Ce  der- 
nier ,  grand  géomètre  sans  doute , 
mais  homme  très-passionné  ,  mit 
beaucoup  d'aigreur  dans  celte  con- 
troverse; il  alla  jusqu'à  accuser  Tor- 
ricelli de  plagiat.  Pascal,  son  ami, 
et  qui  dans  cette  alîàire  ne  voyait 
que  par  ses  yeux ,  ne  paraît  ])as  tout- 
à-fait  exempt  de  partialité  dans  son 
Histoire  de  la  roulette  (  c'était  le 
nom  qu'il  donnait  à  la  courbe  nom- 
mée depuis  cycloïde  ).  On  fit  grand 
bruit  d'une  prétendue  lettre  de  ré- 
tractation de  Torricelli;  mais  il  dit 
seulement  dans  cette  lettre ,  qu'il  s'in- 
quiélait  peu  qu'on  le  crût  ou  non; 
qu'il  lui  suffisait  de  pouvoir  assurer 
qu'il  n'avait  reçu  sa  solution  de  per- 


2B8 


TOR 


sonne ,  et  qu'il  se  contentait  du  té- 
moignage de  sa  conscience  ;  qu'il 
abandonnerait  cette  découverte  à  qui 
la  voudrait,  pourvu  qu'on  ne  ju éten- 
dît pas  la  lui  arracher  par  violence. 
Une  découverte  bien  autrement  im- 
portante, et  qui  par  son  immense 
utilité  immortalisera  le  nom  de  Tor- 
ricelli ,  c'est  celle  du  Baromètre.  On 
ne  savait  pas  quelle  était  la  force  qui 
faisait  monter  l'eau  dans  le  corps 
des  pompes  et  qui  l'y  soutenait ,  et 
dans  l'hypothèse  du  plein ,  on  pré- 
tendait que  la  nature,  ne  pouvant 
souffrir  le  vide  qui  se  serait  trouvé 
entre  le  piston  et  l'eau ,  était  for- 
cée de  le  suivre  dans  son  ascension; 
mais  un  fait  particulier  fit  reconnaî- 
tre la  limite  de  cette  force  :  les  fon- 
tainiers  du  graud-diic  ayant  eu  be- 
soin de  pompes  de  quarante  ou  cin- 
quante pieds,  lorsqu'on  les  mit  en 
jeu,  on  ne  put  jamais  faire  arriver 
l'eau  à  leur  extrémité.  Galilée,  s'é- 
tant  assuré  de  la  hauteur  à  laquelle 
elle  s'arrêtiiit,  ia  trouva  d'environ 
trente-deux  pieds  j  et  ce  philosophe, 
qui  avait  reconnu  et  démontré  la  pe- 
santeur de  l'air,  put  aisément  penser 
que  c'était  le  poids  de  la  colonne  at- 
mosj)hériqi!e  qui  faisait  équilibre  aux 
trente -deux  ))ieds  d'eau  restés  en 
suspension  dans  le  corps  des  pom- 
pes. Cependant  on  ne  pouvait  guère 
espérer  de  celte  idée  des  résultats 
bien  utiles  ,  lorsque  plus  tard  Torri- 
celli  s'en  empara  et  la  fécoiicla  mer- 
veilleusement. Voulant  répéter  l'e.K- 
périencc  d'une  manière  plus  cojunio- 
de,  il  im.igina  de  substituer  à  l'eau 
un  fluide  qu.ilorzc  fois  plus  j)esaiit, 
le  mercure,  jugeant  très-bien  qu'une 
colonne  qualor/.e  fois  plus  couite  fe- 
jait  anisi  cquililue  à  celte  force  qui 
soutenait  trente  deux  ])ieds  d'eau. 
Ayant  donc  rempli  de  mrrcun!  un 
tube  de  verre  de  trois  pieds,  fermé 


TOR 

hermétiquement  à  son  extrémité,  il 
le  boucha  avec  son  doigt,  et  l'ayant 
retourné  et  ])longé  dans  une  cuvette 
remplie  de  mercure  ,  il  retira  son 
doigt;  alors  le  mercure  du  tube  y 
descendit  jusqu'à  la  hauteur  d'envi- 
ron vingt-huit  pouces  au-dessus  du 
niveau  de  celui  de  la  cuvette,  com- 
me le  physicien  s'y  était  attendu.  Si 
Galilée  ,  si  Torriceili ,  ont  reconnu, 
ainsi  qu'on  l'a  dit,  la  cause  de  ce  phé- 
nomène, il  était  réservé  à  Pascal  de 
la  mettre  en  évidence.  Ce  fut  lui  qui 
imagina  de  l'aire  porter  le  baromè- 
tre à  difiérentes  hauteurs  clans  l'at- 
mosphère ,  et  qui  établit  ainsi ,  d'une 
manière  incontestable,  que  la  pression 
atmosphérique  était  bien  la  cause  de 
la  suspension  du  mercure,  puisqu'il 
s'abaissait  dans  le  tube,  à  mesure 
que  cette  pression  diminuait.  C'est 
cette  belle  expérience  qui  se  répète 
toutes  les  fois  qu'on  mesure  des  hau- 
teurs par  le  moyen  du  baromètre. 
C'est  encore  par  elle  que  les  observa- 
tions multipliées  et  suivies  du  baro- 
mètre sur  divers  points  d'une  con- 
trée ,  et  la  connaissance  de  sa  hau- 
teur moyenne ,  qui  en  est  la  suite  , 
peuvent  donner  leurs  différences  de 
niveau.  L'invention  du  baromètre, 
cette  idée  si  simple ,  mais  si  ingé- 
nieuse ,  est  un  des  jilus  grands  so*-vi- 
ces  rendus  k  la  physique  et  à  la  chi- 
mie :  avec  de  tels  instruments,  deve- 
nus comparables  par  les  progrès  de 
nos  sciences  et  de  nos  arts  ,  les  expé- 
riences peuvent  se  répéter  en  les  ra- 
menant aux  mêmes  circonstances;  le 
calcul  peut  leur  être  appliqué,  cl  les 
lois  des  phénomènes  naturels  j)euvciit 
en  être  dc'duifes  avec  quelque  certi- 
tude. Cet  instrument,  qui  donne  avec 
tant  de  précision,  dans  tons  les  mo- 
ments ,  la  mesure  exacte  delà  pres- 
sion atmosphéri(|iie,  est  dcNcnu  aussi 
nécessaire  et  aussi  indispensable  que 


TOR     - 

le  thermomètre ,  aux  sciences  expc- 
rimeniales.  Commenl  Galilée ,  après 
sa  remarque  sur  les  pompes  de  Flo- 
rence,  n'a-t-il  pas  imagine  l'expé- 
rience flcTorricelli?  Comment  Tor- 
ricciii  n'a-t-il  pas  imaginé  les  expé- 
riences conlirmativos  de  Pascal?  I! 
semblerait,  an  premier  conp-d'œil , 
que  tout  le  monde  aurait  pu  faire  ces 
lapprochemeuîs  si   simples j   mais, 
comme  l'a  fort  bien  dit  un  homme 
célèbre  de  nos  jours,  c'est  dans  de 
semblables  rapprochements  que  con- 
sistent  les  découvertes.    La    véné- 
ration de  Torricelli  pour  Galilée  ,  et 
son  extrême  modestie,  lui  firent  pres- 
que regretter  que  l'idée  si  simple  de 
sa  découverte  ne  fut  pas  venue  à  ce 
grand  homme   comme    une    consé- 
quence toute  naturelle  de  la  remar- 
que qu'il  avait  faite  sur  la  suspen- 
sion de  l'eau  dans  les  pompes.  On 
était  loin   d'avoir    perfectionné  les 
moyens  de  faire  le  vide ,  et  Torri- 
celli venait  de  produire  le  vide  le 
plus  parfait  dans  l'espace  de  quelques 
pouces  abandonnés  par  le   mercure 
à  l'extrémité  de  son  tube  ;  ce  vide  a 
conservé  son  nom  ,  et  la  physique  en 
a  su  tirer  un  grand  jiarti  pour  ses 
expériences  les  plus  délicates,  com- 
me la   mesure  exacte  de  la  tension 
des  vapeurs.  ïorricelli  eut  la  pensée 
de  s'en  servir  pour  faire  quelques  ex- 
périences sur  le  son  et  sur  la  vie  des 
animaux;  mais  ses  essais  ne  furent 
point  heureux ,  et  quelques  insectes 
(pi'il  voulut  faire  arriver  dans  le  vide 
de  son  tube,  furent  étoullés,  comme 
cela   devait   être ,    par   la    pression 
énorme  dufluide  pesant  qu'ils  avaient 
à  traverser.  Castclli,  obligé  dequitter 
Rome,  pour  les  ad'aires  deson  ordre, 
et  de  se  séparer  de  son  ami,  ])ropo- 
sa  à  Galilée  de  l'appeler  auprès  de 
hii.  Galilée,  désireux  de  le  comiaîlie 
plus  particulièrement ,  s'empressa  de 

XLVl. 


TOR 


289 


l'inviter  a  venir  à  Florence  ,  en  lui  of- 
frant  sa  maison,  et  tout  ce  qui  pour- 
i-ait  lalui  rendre  agréable.  Torricelli, 
qui  avait  formé  à  Rome  des  liaisons 
de  science  et  d'amitié,  et  qui  atten- 
dait quelques  faveurs  du  pape ,  hésita 
d'abord  ,  et  sa  réponse  ne  fut  ni  une 
acceptation  ni  un  refus;  mais  il  ne 
tarda  pas  à  se  décider  et  à  s'arra- 
cher à  toutes  ses  alfections  pour  se 
rendre  auprès  de  l'illustre  vieillard; 
il  eu  fut  bien  dédommagé  par  l'ac- 
cueil tout  paternel  qu'il  reçut.  11  con- 
tribua de  son  côté  à  adoucir,  ])ar  ses 
soins  et  par  l'intérêt  de  sa  conversa- 
tion, les  derm'ers  jours  de  ce  grand 
homme  aveugle,  et  accabléd'intirmi- 
tés.  Il  le  perdit  au  boutdc  trois  mois  , 
et  sembla  n'être  an ivé  pris  de  lui , 
ainsi  que  Viviani ,  que  pour  lui  fer- 
mer les  yeux.  Plein  de  sa  douleur,  il 
ne  voulait  plus  continuer  d'habiter 
une  Ville  qui  ne  pouvait  que  la  lui 
rappeler;  mais  le  grand-duc  l'invita 
si  honorablement  à  professer  les  ma- 
thématiques dans  son  académie,  en 
le  nommant   son  mathématicien   et 
le    faisant  ainsi  succéder  à    Galilée 
parle  titre  et  les  attributions  de  cette 
place  .  qu'il  se  rendit  à  des  distinc- 
tions si  tiatteuses.  Torricelli,  comme 
son  maître  Galilée ,  était  aussi  habile 
à  exécuter  les  instruments  qu'à  les 
imaginer,  et  l'on  montre  encore,  dans 
le  palais  des  Médicis,  des  objectifs 
d'assez  grande  dimension  ,  travaillés 
par  lui,  et  qui  portent  son  nom.  On 
lui  attribue  aussi  l'invention  des  pe- 
tits microscopes  simples  .  d'un  très- 
court  foyer  ,  qu'on  fabrique  avec  de 
petits  fragments  de  verre  iondus  à  la 
lampe,  et  réduits  ainsi  eu  petites 
sphères  fort  transparentes ,  mais  d'un 
usage  assez   diiiicile.  Les    ouvrages 
de  Torricelli,  sous  le  rapport  dn  sty- 
le ,  sont  remarquables  par  la  conci- 
sion, la   cl.ult' ,  l'elégMHce  cl  le  bon 


V)o 


TOR 


goûl,  mc'rile  qui  ])araîl  avoir  elé  rv 
Jui  de  l'école  de  (jalilcc.  Ainsi  que  lui, 
ses  élèves  Torricelli  cL  Viviani  turent 
membres  de  l'acade'mic  délia  Criis- 
ca.  Torricelli  est  mort,  comme  Pas- 
cal ,  à  trente-neuf  ans.  Cavalier!  s'était 
cliarp,?'  du  soin  de  metîre  en  ordre  et 
de  publier  ses  manuscrits  ;  mais  il  ne 
lui  survécut  qu'un  mois.  Le  grand- 
duc  en  chargea  cnsuiie  Viviani.  qui 
y  mit  beaucoup  de  lenteur  et  d'in- 
souciance ;  il  s'en  occupa  enfin,  mais 
ne  les  publia  pas.  On  les  c;  nser^e 
dans  le  palais  îMe'dicis,  où  Fabroni  , 
son  biographe,  a  pu  les  voir  et  en 
faire  une  courte  analyse.  On  a  de 
lui  :  I.  Ses  OEuvres  géométriques , 
en  latin,  Florence  ,  1644  ,  in-4".  11. 
Dans  ie  tome  iv  du  Recueil  des  écrits 
sur  le  mouvement  des  eaux,  2^.  pdit. , 
Florence,  i-^GH  in-4".,  ^^^  Trai>ail 
sur  le  cours  de  la  Chiana.  111. 
Dans  le  tome  m  des  Mémoires  de 
l'académie  des  sciences  de  Paris  , 
p.  l'JQ,  parmi  les  OEuvres  de  Ro- 
berval,la  Lettre  qu'il  lui  écrivit  sur 
le  centre  de  gravité  de  la  parabole, 
sur  la  rycloide,  etc.  R — t. 

TORRIGI ANO  ,  médecin  de  Flo- 
rence ,  est  |)eut-être  l'écrivain  dont 
le  nom  a  subi  le  plus  de  métamor- 
phoses. Les  uns  le  nomment  Turria- 
no ,  Tursiann ,  Taurisanus,  ou  Tur- 
mantt^;  d'autres,  Crucianus  ,  Crri- 
sianus  ou  Cruscianus  ,  et  même 
Cursianus  ;  cl  d'autres  enfin  Dnisia- 
nus.  On  n'a  sur  sa  vie  et  ses  ouvra- 
ges que  des  renseignements  incom- 
plets. Il  était  né  vers  l'A-jo,  d'u- 
ne l'amil'e  illuslie,;!  vSaii-Sepolcro , 
sur  le  territoire  de  Florence.  On 
croit  (ju'il  fut  l'élève  de  Taddeo ,  {V. 
ci-après  ,  pag.  '}.(.p  .  note  y,  )  son 
compatiiote.  qui  jirofes>a  loug-tenips 
la  niédcciiic  à  Hnlogne. Suivant  Villa- 
ni  (  File  d'ill.  fîorcnl. ,  /|9)  ,  Torii- 
giano  vint    à  l^iris,  où  il    oliliut  , 


TOR 

à  la  faculté  de  médecine,  une  chai- 
re qu'il  remplit  d'une  manière  l«*il- 
lante.  INlais  ou  ne  trouve  pas  son 
nom  parmi  ceux  des  professeurs  de 
l'université  de  Pans.  Il  renonçaà  l'en- 
seignement sur  la  \\n  de  sa  vie  ,  pour 
étudier  la  théologie  ,  et  entra  dans 
l'ordredcs  Chartreux.  On  conjecture 
qu'il  mourut  à  Bologne,  vers  i35o, 
à  l'âge  de  quatre-vingts  ans.  11  est 
auteur  d'un  commentaire  sur  Vyirs 
parva  de  Galieu  ,  auquel  il  don- 
na le  îiîre  fastueux  de  plus  quàm 
comtnentum  ,  ce  qui  lui  valut  celui 
de  plus  quàm  commentator.  Cet  ou- 
vrage imprimé  ,  pour  la  première  fois, 
à  Bologne,  en  i4^9  •>  iri-fol.  ,  est  in- 
titulé :  Crusiani,  viOTiaci  Cartusien- 
sis  ,  plus  quàm  cointuentum  in  li- 
hrum  Galeni  qui  Michroteclini  in- 
tilulatur.  Le  succès  dut  en  être  assez 
grand  ,  puisqu'il  s'en  fit  de  nou- 
velles éditions  à  Venise  ,  en  i5o4, 
iS^j-j  et  iSj'j,  infol.  On  en  a  ex- 
trait des  préceptes  sur  l'usage  et  les 
efléts  du  bain  ,  ]iour  les  insérer  dans 
un  recueil  De  Balneis  ,  publié  par 
les  Giunti,  Venise,  i553.  Indépen- 
damment de  l'ouvrage  de  Villani . 
déjà  cité,  on  peut  consulter  sur  Tor- 
rigiano  VIstor.  de scrittor.  Fioren- 
tini ,  par  Negri ,  525  ,  mais  surtout 
Tirabuschi ,  v,  9.52 ,  355.  W— s 
TORRIGIO  C  F.hançois-Marie  ) , 
ériidit,  né,  à  Rome,  vers  l'année 
i;')8(), vécut  sous  le  pontilîcal  d'Ur- 
bain Vil  1.  Nommé  chanoinede  Saint- 
Nicolas  ,  il  mit  à  profit  ses  loisirs 
pour  composer  un  grand  nombre 
d'ouvrages.  Allacci  (  Apes  Urba- 
nœ  )  en  mentionne  dix-neuf  ;  nous 
])ourrions  grossir  sa  liste  de  plusieurs 
autres  articles  tout  aussi  iusigniliants, 
que  ceux,  qu'il  .1  cités.  Ce  sont  eu  gé- 
néral des  IMcmoires  sur  la  fondation 
des  églises,  le  martyre  des  Saints, 
le  culte  des  images,  etc.  Ses  publi- 


TOR 

cations  s'arrêtent  à  l'aniiec   1649  , 
qui  fut  probablement  la  dernière  de 
sa  vie.  Ses  principaux  écrits  sont  : 
1.  Nolœ  ad  velustissimam  Ursi  To- 
gati  ludi  vilce  vitrece  iia'cutoris  àis- 
criptionem ,  Rome,    i(33o  ,    iu-4". 
C'est    rex])licatiou    d'un    marbre  , 
fouillé  à    Rome,  en  iSt)!  ,  el  dans 
lequel  il   est   question  d'un  certain 
Ursiis  To5:;alus,  supposé  l'inventeur 
d'une  boule  de  verre  (  jnla  vitren  ) , 
avec  'laquelle  ii   joua  ,    la   piemière 
fois, dans  les  thermes  de  Trajau.  II. 
Fita  dcl  cardinal  Ruherio  de'  No- 
hili ,  ibid. ,  xQ'i'x  .  iu-4".  ;  réim])ri- 
mée  et  augmentée  par   Barlolocci , 
ibid.,    16-^5,  in^'^-  C'est  la  Notice 
d'un  jeune  îiomme  ciéé  cardinal  à 
treize  ans,  et  mort  à  dix-neuf.  11  était 
le  petit-neveu   du    pape  Jules  llî. 
111.  Le  sacre  grotte  vaticane ,  cioè 
narrazione  délie  cose  yià  nolahili 
che  sono  sotto  il  pai>imento  di  San 
Pietro ,'\h\à. ,  itiSg,  in-8".  L'au- 
teur a  profité  des  travaux  de  Jac- 
ques Grimaldi  et  d'Alfarano.  L'abbé 
Dionigi    a   donné    un    recueil    plus 
pomplet  de  ces  mêmes  monuments, 
dans  un  ouvrage  intitulé  :  Sacrarum 
Valicanœ  hasilicœ  cryptarum  mo- 
nw/uerefa,  ibid.,  1773,  in-fol. ,  (Ig. 
IV.    De  eminenliss.    Cardinalibus 
scriploribiis ,  ibid. ,  1641  ,  in-4°. 
A — G — s. 
TORRITA  (Fra  Jacques DEGi.i  Al- 
TiMANM  ,  de)  ,  ouvrier  en  mosaïque , 
naquit,  vers  l'année  iuo5,  à  Torrita, 
petire  ville  de  la  Toscane,  près  de 
Sienne.  On  ignore  le  nom  de  son  maî- 
tre; mais  Yasari  etBaldinucci  se  sont 
trompés  lorsqu'ils  l'ont  cru  l'élève 
d'André  Ta (i,  qui,  né  eu  laiS,  ne 
pouvait  pas  avoir  dirigé  l'apprcntis- 
saged'un  artiste  jouistSant  d'une  gran- 
de célébrité  en  I2a5.  Ce  qui  nous  pa- 
raît plus  probable,  c'est  (pie  Torrita, 
engagé  dans  l'ordre  de  Saint-Fraa- 


TOR  291 

y  ois ,  alla  se  former  à  Rome  sur  d'an- 
ciens modèles,  bien  supérieurs  à  tout 
ce  qui  sortait  de  l'école  de  Venise.  A 
sou  retour  en  Toscane,  il  fut  appelé, 
en  r.42j,  pour  orner  la  tribune  de 
Sainî-Jean  ,  à  Florence.  Les  admi- 
aistraleurs  de  l'église  ,   frappés  de 
la  beauté  de  ces  mosaïques  ,    y  fi- 
jeut  écrire   que  Fra  Jacques  était 
le    plus    habile     ouvrier     de     son 
temps  :  prœ  cunctis  prohatus.  On 
cite   d'autres    ouvrages,    dans    les- 
quels on  croit  reconnaître  le  style  de 
Torrita  :  mais  on  ne  pourrait  pas 
l'allirmer  positivement;  et  ce  n'est 
qu'au   bout  de  soixante  ans   qu'on 
voit  reparpître  le  nom  de  cet  artiste, 
qui  s'était  de  nouveau  rendu  à  Rome, 
en  l'i'jp.  L'absence  du  pape  (  Foy. 
Innocent  IV  ,  XXI,  280 ) ,  et  les 
troubles  excités  par  les  décisions  du 
concile  de  Lyon,  tenaient  cette  ville 
dans  le  plus  grand  désordre.  Parmi 
les  dix  pontifes  qui ,  en  un  peu  plus  de 
trente  ans  ,  s'étaient  succédés  sur  le 
trône,  Nicolas  III  seulement  avait 
songé  à  bâtir  une  chapelle  pour  y 
déposer  son  tombeau.  Il  est  possible 
qu'en  des  temps  aussi  malheureux 
pour  les  arts,  Torrita  ait  manqué 
d'occasions    pour  déployer  ses  ta- 
lents; ce  qui  expliquerait  en  partie 
celte  lacune   considéiable  entre  ses 
premiers  et  ses  derniers  ouvrages. 
Ce  ne  fut  que  sous  le  pontificat  de  Ni- 
colas IV,  en  i'.i88,  qu'il  travailla 
dans  la  tribune  de  Saint- Jean  de  La- 
tran,  et  en  1  si()4  ,  dans  le  chœur  de 
Sainte -Marie -Majeure,  où  il  n'eut 
pas  le  temps  de  feruiiiier  une  grande 
mos<iïquc.  Llle  représente  le  Sauveur 
environné  de  saints,  parmi  lesquels 
on  remaripie  les  jiorlraits  du  pape  et 
du  cardinal  Colonna  (  Fof.  Jacques 
CoLONNA  ,  IX  ,  3  16).  Torrita  y  pla- 
ça aussi  le  sien,  s'étant  déjà  repré- 
senté sous  la  figure  de  saint  Paul, 
19.. 


1f)'i 


TOR 


•lans  1.1  ii7().si»i(|uo  de  Saint  -  Jean  de 
Latian.  Le  P.  délia  ^  aile  [Leitere 
Sanesi ,  i ,  288  )  s'est  trompe  en  at- 
tribuant à  cet  artiste  une  peinture  de 
la  salle  du  conseil  à  Sienne.  Ce  ta- 
bleau a  été  exécuté  par  maître  Mino 
de  Simone ,  en  1 3 1 5 ,  vingt  ans  apri-s 
la  mort  de  Torrita.  Deux  autres  his- 
toriens siennois ,  Ugurgieri  et  Gigli , 
ont  prétendu  que  ce  cordelier  avait 
sculpté  le  tombeau  de  Boniface  VIII, 
élevé  dans  cette  partie  de  l'ancienne 
])asiiif[iic  vaticane  qui  lut  démolie 
en  i6o5.Ma!Ssi  Torrita  y  travail- 
la ,  ce  ne  peut  cire  qu'en  qualité  d'ou- 
vi'ier  en  mosaïque,  et  en  1294,  im- 
médiatement après  l'élection  de  ce 
pape  j  car  l'année  suivante ,  qui  a  dû 
être  celle  de  sa  mort,  il  était  déjà 
remplacé  à  Sainte-  Marie- Majeure 
par  G.iddo  Gaddi.  Vasari,  qui  a 
consacré  un  long  article  à  Tafî,  fait 
à  peine  meirtion  de  Torrita,  qui  va- 
lait infiniment  mieux.  Ce  qui  reste 
de  lui  à  Rome  et  à  Florence  sufiit 
pour  le  l'aire  considérer  comme  le 
premier  ouvrier  en  mosaïque  de  son 
temps  ;  et  c'est  avec  raison  qu'on  le 
désigne  comme  le  restaurateur  de  cet 
art  en  Italie.  Voy.  Notizie  istorico- 
crilicJic  di  Fra  Giacomo  Torrita, 
par  l'abbé  Louis  de  Angelis,  Sienne, 
i8ui,in-8o.  A — G — s, 

TOr>RUBIA(  JosF-Pu  ) ,  Listorio- 
gra])lie  des  Franciscains ,  naquit  vers 
la  !in  du  dix-septième  siècle,  à  Gre- 
nade en  Espagne  ,  oii  il  entra  dans 
l'ondi-e  de  Saint-Pierre  d'Alcnntara. 
Avant  étéenvoyédans  les  îles  i^liilij)- 
pines,  comme' missionaire  et  secré- 
taire dii  P.  Pognéras,  commissaire- 
général  du  Mexi(|ue,  les  ordres  reli- 
gieux que  ce  commissaire  devait  i-é- 
former  se  soulevèient  contre  lui,  et 
Torrubia,  jeiéen  piisou,  ne  fut  déli- 
vre' qu'après  une  caMtiviféde  quatre 
moiN,|iar  le  syndic-général  dos  Fraii- 


Tor, 

ciscains  ,  qui   le  renvoya   à  Cadiîf, 
S'étantrendu  à  Piomeetayantétérele- 
védesva^ux  qu'il  avait  faits  dans  l'or- 
dre de   Saint  -  Pierre  d'Alcanlara  , 
Torrubia  embrassa  celui  des  Fran- 
ciscains ,  où  il])arvint  aux  premières 
dignités.  Dans  ses  vovages  en  Asie, 
en   Amérique  ,   qisand  ses  fonctions 
le  lui  permettaient ,  il  s'appliquait  à 
l'Listoire  naturelle  ;  il  lit  surtout  nn 
recueil   de  fossiles  très  -  rares     En 
1732  ,  il  était  gardien  d'un  couvent 
dans  les  îles  Philippines.  Après  aA  oir 
jiarcouru  toutes  les  provinces  de  l'A- 
mérique méridionale^  et  après  avoir 
fait  un  assez  long  séjour  à  Canton 
en  Chine  ,  il  revint,  en  i^Sojdans 
sa  patrie  ,  d'oîi  il  fit  trois  vovages  à 
Rome.   Il  mourut,  en   1768,  dans 
le   monastère  d'Aracœli.    Connais- 
sant plusieurs  langues  américaines, 
asiatiques  et  européennes  ,   il  s'était 
formé  uiie  riche  bibliothèque  ,  et  son 
érudition  lui  avait  acquis  un  grand 
nom  à  Rome ,  aussi  bien  qu'en  Espa- 
gne.  Les   ])ersonnes   du    plus  !;aut 
rang  venaient  ie  visiter  dans  sa  cel- 
lule, et  Benoît  XIV  ,  par  égard  pour 
son  âge  et  pour  ses  hautes  qualités, 
le  faisait  asseoir  en  sa  présence.  I!  a 
public  en  espagnol  :  I.  Ce'rémoniel 
romain  des   religieux  deschaussés 
de  Saint- François  ,   dans  In  pro- 
vince de  Saint- Grégoire  desP.'nlip- 
pines ,  Manille,    17'iS  ,  in-8'\   IL 
Dissertation  historico-politico-géo- 
graphique  des  îles  Philippines  ;  pro- 
pagation du  culte  mahométan  en 
icelles,  etc. ,  Madrid  ,  1 73(j  ,  in-4°. , 
et  1753,  in-S".  IIL  Traité  critique, 
Madrid,  1708  .  in  8'.  Cet  écrit,  di- 
rigé contre  un  religieux  de  son  ordre, 
traite  de  dillérentes  matières  qui  ont 
rap])ort  à  celui  de  Saint -François. 
IV.   Oraison  funèbre  du  vénérable 
frère   Louis ,  religieux  deschaussé 
de  Saint -Franeoif  dans   la  vieille 


roR 

■>  Caslille  ,  Madrid,  1707  ,  iii  8°. 
V.  ^^naljse  historico-  critique  de 
Saint  -  Gilles  ,  1738  ,  in-4". ,  VI. 
Dissertation  kisiorico  -  critico  -  apo- 
logétique sur  la  pairie  de  Saint- 
Martin  de  l'Ascension  de  Loynaz  , 
Madrid,  1742,  in-4".  VIL  Des- 
cription poétique  de  la  plante  Gia 
qui  se  trouve  dans  les  campagnes 
de  la  Havane  ,  l'J^g  y  in-4°.  VIII. 
Dialogues  de  morale  ,  Lcon,  i65i, 
iu-4°.  IX.  Chanson  contre  les 
Jrancs-niacons  y  Madrid  ,  175*^  , 
iii-S".  X.  îtiiroduclion  à  l'histoire 
naturelle  de  l'Espagne ,  RIadrid  , 
1754,  t.  !'■'•.,  iu-i'oL;  cuaHciiiaud, 
avec  14  gravures  , Balle  ,  .1773  ,  iii- 
4".  L'auleur  a  rcimprime,  à  Rome, en 
italien ,  la  Gigantologia  espanala  , 
qui  a[)partieiît  à  cette  première  par- 
tie. La  seconde  ^  qui  est  restée  ma- 
nuscrite ,  a  pour  titre  :  Traité  des 
Insectes.  XI,  Chronique  de  l'Ordre 
séraphique ,  Rome,  1700,  in-fol. 
XII.  Sur  le  livre  de  V  Oraison  par 
saint  Pierre  d' Alcanlara ,  Macjrid , 
1769.  Les  ouvrages  ou  vers  de  Tor- 
rubia  se  trouvaient,  en  '775,  à 
Madrid  ,dansjaLibiiotlicqi^ede  J,- J, 
Lopez  Sedano.  G— y. 

\  ÏORSELLINO  ou  ÏURSELLIN 
(  Horace  )  ,  liistoricu  ,  ne,  à  Ro- 
me ,  en  1 J45  ,  embrassa  la  rc-gîe 
de  saiut  Ignace  ,  se  hvra  de  bonne 
heure  à  renseignement,  etpiofessa 
vnigt  ans  les  bciles-Jettres  au  collège 
Romain.  Ses  supérieurs  lui  confiè- 
rent ensuite  la  directiuji  du  sémi- 
naire que  l'institut  possédait  à  Rome  ; 
<ît  il  contribua  beaucoup  à  former  ces 
liabiies  maîtres  dont  les  talents  ont 
répandu  tant  d'c'clat  sur  la  société. 
Il  remplit  enfin  les  fonctions  de  rec- 
teur à  Florence  et  à  Lorelte ,  et  revint 
à  Rome,  où  il  mourut,  le  Gavril  i5ç)f), 
a  l'âge  de  cinquanic-quatre  ans.  Ou- 
tre une  traduction  latine  des  Lettres 


TOR 


UQ.5 


de  sauit  François  Xavier  (  Foj.  ce 
nom),  V Oraison  funèbre  du  jiapc 
Grégoire  Xlll ,  la  Préface  qu'on 
trouve  à  la  tèlc  du  recueil  des  Ha- 
rangues du  P.  PerjnnJano  ,  Rome  , 
1 587  ,  in-B*^.,  et  ({ueiques  Opuscules 
en  vers,  qui  n'olCrent  aucun  intérêt 
(  I  ) ,  on  a  de  lui  :  I .  ])e  vild  S.  Fran- 
cisci  Xaverii  libri  6 ,  Rome ,  i  jqG  , 
in  -  4°.,  première  édition  complète. 
Cet  ouvrage  a  été  traduit  en  français, 
en  italien  et  en  espagnol,  il.  Laure- 
tanœ  historiée  libri  ^) ,  ibid.,  1697  ? 
in-4".;  réimprimé  dans  divers  for- 
mats ,  et  traduit  en  ti  aurais  et  eu  ita- 
lien. Une  tradition  fort  ancienne  at- 
teste, Comme  un  sait,  que  la  maison 
de  la  Sainte  Vierge  j'ut  trans})ortce 
par  les  anges  à  Lorctte.  (]'«.'St  la  vé- 
rité de  ce  miracle  que  l'auteur  entre- 
prend de  prouver.  III.  De  particulis 
latinœ  oralionis ,  ibid.,  iSqS,  iu^ 
l'i;  traité  souvent  reimprimé  ,  mais 
dont  on  ne  se  sert  plus  dans  les 
collèges.  .Tacques  Thomasius,  Jean- 
Conrad  Scîiwarîz  et  Clir.-Aug.  Heu- 
maiin  l'ont  enrichi  de  remarques  et 
d'additions  importantes.  L'édition 
de  Thomasius  fait  partie  du  Recueil 
de  Rich.  Ketel  :  De  eleganliori  la- 
tinitate  comparandd  scriptores  se- 
lecti ,  Amsterdam,  1 7 1 3 ,  in-4".  Ceiic 
de  Sclnvartz  est  de  Leipzig  ,  1 7 1 9  , 
in-8".  Les  notes  de  Heumann  sur  cet- 
te dernière  édition,  se  trouvent  dans 
son  Pœcile  sive  epistolœ  niiscélla- 
neœ ,  tome  ii  ,  177-86.  Raillel  ac- 
cusa Torsellino  d'avoir  dérobé  cet 
ouvrage  à  Scaurus  ;  mais  il  con- 
fondait cet  ancien  grammairien  avec 
Ant.  Schorus  d'Anvers,  mort  à  Lau- 
sanne ,  en  i55'2  ,  sans  avoir  pu- 
blié le  7Vai7e  qu'il  promettait  sur 
les   particules  de  la  langue   laline. 

(.1  ftii  .:ii  li-on vira  les  litres  aa.is  le  lh.i.,W 
Alorcil.rd.  <\r  i-:,ç^.,nxT,„irllivn  un  nrl  i.k  r.  H  I- 
i;>;    siLi-  les  Slciuuues   ilii  1'.  Uuiliii    yj  .  ce  iinm  ). 


^94 


TOR 


La    Monnôie  à   juslifié    facilement 
ïorseliino    de   cette   ridicule  accn- 
sation   de  plagiat,    dans  ses  Notes 
sur  les  Jugements  des  savants ,  ii , 
53-],  Gcl.  in  -  4"-  IV.  Nomenclator 
vocum  latinarum ,  in-<S".  V.  Epito- 
me  historiarum  à  mundo  condito 
^d  ann.   i5()8,  Rome,  in-  la.  Cet 
abrégé  de  l'histoire  luiiverse'Ie  est 
écrit  avec  élégance  ;  mais  il  est  trop 
peu  détaillé  :  cependant  il  obtint  un 
succès    que    Tiraboscbi    lui  -  même 
trouve  inexpliiable  11  a  été  conti- 
nué par  le  P.  Cli.  Carail'a,  Cologne , 
1649,   in  -  8".  ;  et  jusqu'à    l'année 
i(}58,  par  le  P.  Phil.  Brict  {F.  ce 
nom,  Y,  597  ).  Les  deux  meilleures 
éditions  sont  celles  d'Ulrocht,  1708, 
17(0  ,   in -8".    Cet    ouvrage  a  été 
traduit   en    italien  ;    et  il    en  existe 
trois  traductions  françaises.  La  seule 
qui  mérite  d'être  citée  est  celle  que 
l'on  doit  à  l'abbé  Lagncan,  Paris, 
1706;  Amsterdam,   170B,   3  vol. 
in-i2;  réimprimée  à  Paris,  1757,  4 
vol.  in-i"2.  \J  Histoire  universelle  An 
P.  Torscllino  serait  oubliée  complè- 
tement aujourd'lnii  si  le  parlement 
ne  l'eût  pas  condamnée  au  feu  par  un 
arrêt  du  3  septembre  17'ii  ,  comme 
renfermant  des  maximespernicieuscs. 
Celle  circonstance  peut  la  faire  re- 
chercher encore  de  quelques  curieux. 
W— s. 
TORSELLO.  Foy.  Sanuto. 
TORSTKNSON  (  Lkcnard.  comte 
de),   feld  -  maréchal   de  Suède,    et 
l'un  dcsplus  grands  capitaiiies  du  dix- 
seplième  siècle,  naquit    en    1^9*"), 
à     Korsleua    ,    chàleau     de    sa    fo- 
mille  ,    l'une    des    plus    distinguées 
de  la  Siic'le.  Nommé  ])age  de  Gus- 
tave-Adolphe, en  1618,  il  accompa- 
gna ce  ])ritice  en  Ijivonie,  et  assista 
au  siège  de  Riga.  Gustave  fut  frappé 
de  son  intelligence,  de  son  courage, 
et  lui  donna  un  avancement  rapide. 


TOR 

]|  était  colonel  d'artillerie ,  lorsque  le 
roi  entreprit  la  guerre  d'Allemagne  , 
en  i63o;  et  dès  le  commencement 
delà  première  campagne,  il  se  signala 
])ar  la  prise  de  plusieurs  villes.  A  la 
bataille  de  Leipzig,  il  contribua  beau- 
coup au  succès  des  Suédois  ,  en  diri- 
geant avec  habileté  le  feu  de  l'artille- 
rie; il  vendit  le  même  service,  en  1 63 1 , 
au  passage  duLeck,  où  un  lioiiletat- 
atteiguit  le  généra!  Tilly.Torslenson 
ne   se  distiiigua  pas    moins  dans  le 
combat  de  Nuremberg  ;  mais   il  y 
fut  fait  prisonnier  et  conduit  à  higol- 
stadt ,  où  il  resta  prèsd'un  an.  Ayant 
été  échangé  après  la  bataille  de  Lut- 
7.en,  i!  eut  le  commandement  d'un 
corps  de  troupes  avec  lequel  \\  prit  la 
ville  de  Landsberg.  Il  passa  ensuite 
en  Suède,  sur  l'escadre  qui  transporta 
dans  ce  pays  le  corps  de  Gustave- 
Ado!  plie.  La  régence  lui  donna  ,  en 
1654,   le    <itre  de  grand-maître   de 
l'artillerie,  et  il  retourna  peu  après  en 
Allemagne  ,  où  il  combattit  sous  Bà- 
nîcr.  A  la  bataille  de  Witstock,  il 
commanda  l'avant-garde.  Etant  de 
nouveau  retourné  en   Suède  ,   il   fut 
nommé  sénateur  ;  et  après  la  mort 
de    Banier,   il  obtint  le  commande- 
mort,  de  l'armée  suédoise  en   Alle- 
magne.   Cette   armée  s'était   désor- 
ganisée ;  les  colonels  s'étaient  décla- 
rés indépendants  ,  et  les  soldats  dé- 
sertaient pour  s'engager   chez  l'en- 
nemi. Torstcnson  arrive  et  rétablit 
l'ordre  par  sa  prudence  et  sa  ferme- 
té. Il  s'avança  bientôt  contre  les  Au- 
tricliiens,  les  délit,  en  i64'i,  dans 
la    plaine   de   Breitenfeldt ,    et    pé- 
nétra en   Bohème  et  en  Moravie.  Il 
avait  établi  son  camp  dans  ce  dernier 
pays,  lorsque  la  régence  de  Suède , 
décidée  à  faire  la  guerre  au  Dane- 
mark ,  lui  envoya  l'ordre  de  niarcbcr 
siu-  le  Holstein.  11  fit   celte  expcdi- 
lion     avec    rapidité  ,    cl    s'empara 


TOR 

non  -  soiileiuent  du  llolstein  ,  mais 
du  Sleswig  t't  du  Julland,  dans  l'es- 
pace de  quelques  mois.  Il  se  tourna 
ensuite  contre  Ga'.las  ,  qui  l'avait 
suivi  dans  le  dessein  de  l'eut'erraer,  le 
foi  ça  à  ia  retraite  et  détruisit  la  plus 
grande  partie  de  son  armée.  Une  nou- 
velle  armée  autricliiennc  s'ctant  ras- 
semblée, en  1 6  1 5  près  de  Jankovitz , 
Torstenson  l'attaqua  et  remporta  line 
victoire  décisive  j  il  lit  |(lus  de  qua- 
tre uiille  prisonniers,  parmi  lesquels 
étaient  le  feld  maréchal  }Iatz,fe!dt  et 
cinq  généraux,  'vîais  sa  santé  était  af- 
faiblie par  les  iniirmités  que  lui  avait 
laissées  sa  captivité  à  Ingolstadt. 
Il  fut  obligé  de  demander  sa  re- 
traite ,  qui  lui  fut  accordée  en  164^- 
Christine  lui  écrivit  une  lettre  de 
rernercîment  ,  lui  contera  le  titre 
de  comte,  et  lui  donna  des  terres 
cousidi-rables.  Quoique  .'.es  forces  fus- 
sent épuisées,  il  se  chargea  encore, 
à  la  demande  de  la  reine,  du  gouver- 
uenieut  général  de  la  Vestrogothie 
et  de  plusieurs  provinces  voisines. 
En  i65o  ,  il  se  rendit  à  Stockholm  , 
pour  assister  au  couronnement  de 
Christine;  et  cette  princesse  ayant 
témoigné  peu  après  l'intention  d'ab- 
diquer .  il  parvint  ,  de  concert  avec 
le  chevalier  Oxenstiern  ,  à  la  détour- 
ner, pour  le  moment,  de  ce  dessem, 
qu'elle  exécuta  cependant  quelques 
années  plus  tard.  Torstenson  mourut 
ajirès  de  longues  sonflrances,  le  -j 
avril  i6")4,  et  fut  enterre  dans  l'é- 
glise des  Chevaliers  à  Stockholm ,  non 
loin  du  tombeau  de  Gustave- Adol- 
phe. Une  inscription  1  appelle  ses 
vicloires.  On  grava  ,  à  l'occasion 
de  celle  de  Leipzig  ,  une  médaille, 
ayant  jiour  inscription:  On  croit , 
Leipzig; ,  que  tu  connais  mainte- 
nant le  couraf^c  de  Torstenson. 
Ce  fameux,  général  forma  à  l'ait 
de  la  guerre  Cliarles  -  Gustave ,  ou 


TOR  295 

Charles  X,  qui  combattit  souvent 
à  côte  de  lui ,  et  qui  eut  toujours  la 
plus  grande  venevatiou  pour  sa  mé- 
moire. Gustave  m,  ayant  fondé  l'a- 
cadémie suédoise,  (it  proposer  pour 
un  des  premiers  prix  d'éloquence 
VElo}!^e  de  Torstenson;  ce  prince 
concourut  lui-mime  ,  et  remporta 
le  prix.  Le  Discouis  ,  imprimé  dans 
les  Mémoires  de  l'académie,  a  été 
réimprimé  clans  les  OEuvres  de 
Gustave  ,  quoiqu'il  n'eût  pas  d'abord 
paru  sous  le  nom  du  roi.  La  \  ie  de 
Torstenson  a  été  écrite  eu  suédois  , 
par  Charles-ReinholdBercl».  C — au. 
TORTELLIUS  (  Joannes  Are- 
Tisvs  ),  grammairien  du  quinzième 
siècle,  a  joui,  jiendant  sa  vie,  de 
quelque  célébrité.  Il  était  né  à  Arez- 
zo ,  vers  l'an  i4oo,  dans  la  famille 
des  Tortelli ,  non  dans  celle  des  Mar- 
supiui ,  à  laquelle  appartenait  Char- 
les Arétin  (1).  A  la  vérité,  Volater- 
ran  (  Mafi'ei  de  Volterra)  rapproche 
les  deux  Arétins,  Jean  et  Charles, 
pour  les  qualiiier  tous  deux  nobilia 
illius  temporis  ingénia;  mais  c'est 
ma!-à  propos  que  G.- J.  Vossius,  en 
citant  c& texte,  y  ajoute  les  syllabes 

[i)  C-barles  Arétin,  on  dWrozzo  ,  lié,  daus  cetle 
vïUp  de  Toscane  ,  \ers  i^lçjo,  et  -liU  de  Gre^orio 
>Iarsin>iiii  ,  qtiî  a  2;<jnverné  Gènes  an  nom  du  roi 
de  France,  Charles  VI  ,  devint,  en  i44'  >  secré- 
laire  apo.stoliqnp  ,  el  en  i4'l4  scriélaire  ou  cb.uire- 
lier  de  la  république  de  Florence.  Il  succe'dail, 
dans  ce  dernier  eraploi ,  à  Lt'onard  Arétin  (  Voy. 
llRI'NI  ,  TI,  17.0).  .Auparavant  il  ivait  été,  du- 
rant plusieurs  années,  professeur  d'éloquence  chex 
les  Flon-utins  ,  et  sVlalt  brouille  avec  Pbllclj)he  , 
qui  exerçait  avant  lui  ci'lte  même  fonction.  Char- 
les d'Ai"e7.xo  uionrul  en  i/|53  ,  ayant  acquis  uue 
renoniuiée  lirlllanle  :  les  écrivains  de  son  siècle 
l'ont  fort  loué.  On  le  dit  auteur  de  plusieurs  li- 
vres en  langue  latine,  lettres,  harangues  et  por>ips. 
Vnssins  l'a  même  compté,  mais  par  erreur,  à  ce 
qu'il  semble,  an  miiubre  des  historiens.  De  tuulc-s 
les  productions  de  Cliarles,  ou  ne  connail  l.ien  que 
sa  Iradiictioii  en  vers  latins  de  la  Balrachoinyo- 
niacliie  d'Itomi-re,  imprimée  à  Parme,  en  i4o:i , 
in-4".  ;  le  surplus  est  resté  manuscrit.  La  <■  niedie 
(Phdodoiiosl  que  lui  attribue  Albert  d'iivb  ,  est 
de  I.con-Bapli.ste  Alberli.  Voy.  sur  Chaiies  Aré- 
tin le  Dicl.  de  Dayle  ,  les /Jii<er(.  lussiuii  d'Ap. 
Zeno,  1. 1  ,  p.  ng-iS;  ;  Nicron  ,  l.  XXV  ,  p.  »f)?|- 
îp8  ;  Tiraboschi ,  XV  ,  ,'i  ,  I.  m  ,  c.  V,  n"  5o  ;  et 
surtout  Maz7urhelli,  SciUl.  il'Jtal.,  t.  1  ,  part.  I, 
•j.  looo-iooG,  iii-fol. 


'i(,6 


lOR 


frutres.  Philelphe  écrit  seulement 
duc  Jean  était  !e  nccessariiisàc  Char- 
les; et  ce  mot ,  que  Bayle  a  traduit 
par  celui  de  parent,  peut  n'exprimer, 
comme  l'observe  Apostolo  Ze'no , 
qu'une  amitié  intime.  11  faut  s'en  te- 
nir au  fénioigna2;e  de  Jean  Tortelli 
lui-même,  qui  n'appelle  Charles  que 
son  compatriote,  conterraneus  ;  ce 
n'est  point  ainsi  qu'on  désigne  un 
frère.  Il  était  parent  et  ami  du  béné- 
dictin Jérôme  Aiioii,  qni ,  dans  une 
lettre  que  possédait  Zcno  avec  d'au- 
tres écrits  dî!  même  religieux ,  dit  que 
Tortelli  a  étudié  la  théologie  à  Bo- 
logne, sous  un  professeur  de  l'ordre 
de  saint  Benoît ,  et  qu'il  a  fait  un 
voyage  en  Grèce.  Nous  apprenons  , 
par  les  propres  paroles  de  Tortelli, 
qu'il  a  vu  à  Coustantinople  un  très- 
beaii  manuscrit  de  Dioscoride  ;  et 
l'on  ajoutera  qu'il  en  a  rapporté  un 
Thucydide,  si  l'on  tient  pour  avéré 
ce  qu'en  dit  Jac.  Camérarius  ,  dans 
l'édition  de  cet  historien  publie'e  à 
Bàle  en  1040.  De  retour  dans  sa 
Tille  natale  d'Arezzo ,  Jean  y  avait 
obtenu  la  dignité  d'archiprêire  de  la 
cathédrale ,  lorsqu'il  se  rendit  à  Ro- 
me, muni  de  lettres  de  recomman- 
dation qu'Alioti  lui  avait  données 
pour  divers  personnages,  et  sjiécia- 
lement  pour  Torquemada.  II  devint 
sous-diacre  de  l'itglise  romaine ,  sous 
Eugène  IV,  dont  le  pontificat  s'ou- 
vre en  143 1  ;  et  dans  la  suite  camé- 
rier  d'honneur ,  conseiller,  secrétai- 
re de  Nicolas  V  .  qui  a  gouverné  l'E- 
glise depuis  1447  i"squ'cn  1455.  Ce 
pajie  lui  avait  confié  le  soin  de  sa  bi- 
bliothiqiic,  (|ui  a  été  le  pren)ierfond. 
de  relie  du  Vatican.  I/a  mort  de  Ni- 
rolas  fut  un  malheur  pour  l'orlelli  : 
h  cette  occasion  ,  Grégoire  Ti[)lier- 
iins  (  Fojcz  XVni ,  434  ,  435  ^  lui 
.uircssa  une  élégie  latine.  Bien  d'au- 
tres  littérateurs  lui    avaient    ofix-i  t 


TOR 

leurs  hommages.  Grammairien, l'hé- 
leur,  philosopheetthéologien,  1!  avaij 
la  réputation  ou  le  crédit  d'un  savant 
du  premier  ordre.  Les  lioinmes  du 
monde  et  les  gens  d'église  estimaient 
surtout  la  douceur  de  son  caraclcre^ 
raménitcdcses  mœurs, le  ton  poli  et 
biem^eiliant  de  ses  entretiens.  11  n'é- 
tait pas  querelleur,  hargneux  ,  sati- 
rique ,  comme  la  plujiart  des  lettrés 
de  son  siècle.  On  croit  pourtant  que 
ses  contemporains  ne  l'ont  tant  loué 
que  parce  qu'ils  le  voyaient  en  faveur 
à  la  cour  pontificale.  Quelques -v.ns 
ont  rétractéles  éloges  qu'ils  lui  avaient 
prodigués.  Philelphe,  par  exemple, 
après  s'être  rangé  parmi  ses  admua- 
teurs ,  a  fini  par  le  traiter  d'ignorant. 
«  C'est ,  dit  -  il ,  un  grammairien  si 
mal-à-propos  vanté,  qu'en  voulant 
se  montrer  habile  en  grec  et  en  latin, 
i!  fait  voir  seulement  qu'il  ne  sait  ni 
l'une  ni  l'autre  de  ces  langues.  »  Mais 
Pliilelphe  ne  s'exprime  ainsi  qu'en 
1473,  sept  ans  après  la  mort  de  Tor- 
telli ,  qui  avait  cessé  de  vivre  en  1 466. 
Cette  date  est  celle  d'un  acte  qui  con- 
fère l'abbave  de  Saint-Janvier  de  Ca- 
poîone au  diocèse  d'Arezzo,  laquelle  , 
esl-i!dit,vcnaitdc  vaquer  par  sondé- 
cès ,  per  ohilum  D.  Joannis  Tortelli 
Aretini  siibdiaconi  domini  papœ.  II 
n'est  tant  soit  peu  connu  que  par  ses 
livres  de  grammaire.  On  lui  a  cepen- 
dant attribué  (|uelques  autres  écrits, 
entre  les(picls  nous  indiquerons  d'a- 
boi d  ui;e  HistoirCidc  la  médecine  et  des 
m('decins.  Apostolo  Zéno  ,  qui  l'a  lue 
manuscrite  ,  en  cite  les  premiers 
mots  :  Càm  his  diehiis  Homerum  le- 
gerem  (ces  jours-  ci ,  en  lisant  Ho- 
mère, etc.),  et  l'un  des  derniers  ar- 
ticles ,  celui  qni  concerne  le  fameux 
Taddco  degli  Alderotti  {'i).  Jaccpies 
de  H(  rgame  et  Trilhcmc  disent  que 

(»)  L'un  (It's  médecins  les  plus  ccU-bres  en  l(a- 
lic  iiu  treizième  siècle  fut  Taddco,  fils  d'Aldcrolto. 


TOR 

Torleili  a  traduit  en  latiu  l'iiistoiieii 
grec  Appien  ;  mais  Fabriciiis  assure 
que  cette  version  n'a  jamais  été  im- 
primée ;  et  Zéno  n'en  a  rencontré  au- 
cun manuscrit.  On  a  plus  de  motifs  de 
Je  croire  auteur  d'une  \  ie  de  saint 
Zcnobius ,  évèquede  Florence  au  qua- 
trième siècle,  qui  est  insérée  dans  le 
recueil  de  Surius  ,  au  5  mai.  En  ellet , 
le  rédactetir  est  désigné  par  le  nom 
de  Jean  ,  archiprélre  d'Arezzo  ;  et  il 
a  y  dit-il,  assisté  à  la  translation  des 
reliques  du  saint  prélat,  qui  s'est  fai- 
te en  1439.  D'ailleurs  Tortelli  est  ex- 
pressément nommé  en  des  notes  ma- 
uu-crites .  citées  par  Zéno ,  et  relati- 
ves à  cetle  légende.  Toutefois  les  Bol- 
landistesue  Font  pas  trancrite:  ils  en 
ont  extrait  seulement  la  relation  delà 
translation  des  reliques.  Mais  ils  ont 
employé  et  n'ont  point  hésité  à  don- 
ner pour  un  ou\  rage  de  Turtelli  une 
Vie  de  saint  Athanase,  qui  avait  été 
déjà  imprimée,  tant  en  i52o,àParis, 
chez  Jean  Le  Petit ,  avec  quelques 
Opuscules  de  ce  saint  docteur,  qu'en 
iSjj  ,  à  Mayence,  dans  Vllagiolo- 
gium  de  Vicelius.  Paul  Jove  dit  que  ce 
n'est  qu'unepuretraductiond'un  livre 
grec,etVossiusprète]emêmelangage 
à  Volaterran ,  qui  dit  simplement  qiie 

Sa  vie,  un  peu  falm'euse  ,  a  élé  écrite  par  Fillppo 
ViUani.  Taddeo  con.iueDca,  vers  i^Go  ,  à  profes- 
ser la  mederine  ^  Bologne,  tt  composa  d?s  coiu- 
menlaires  sur  Hippocrate  et  sur  Galien  :  T/im'- 
dai  expositionrs  in  nplicriimoi  Ifyppocialii  ;  f-  e- 
netiii  ,  Junt.  1627 ,  jn-/ô/.  In  O'aleni  arfem  par- 
vam  ;  Xeiipol.,  i529. ,  in-tol.  Son  traita  d'HvsiJ'ue 
est  reste  manuscrit. dans  la  Kihliollirqiie  du  Vati- 
can. II  avait  aussi  traduit  en  italien  la  Morale  d'A- 
nslotP,  ainsi  qu'on  le  rolt  par  un  passage  du 
Dante  (Cunviv.  p.  (JS  ^ ,  où  celte  version  est  cri- 
tiquée. flnusuUé  de  toutes  pai  Is  comme  un  oracle, 
ce  médecin  acquit  d'immenses  richesses  ;  il  se  fai- 
sait payer  fort  clier  .«es  réponses,  ses  visites  et  ses 
soins.  On  .^ssure.  et  Torleili  est  l'uo  de  ceux  <jui 
donnent  ces  de  Jails  ,  qu'appelé'  auprès  du  pape  Ho- 
norius  IV  ,  qui  eiait  loml.r  malade,  railùeo  ui-  de- 
manda pas  n-.oins  de  rout  durais  par  jour  ,  et  que 
cette  cure  lui  valut  dix  mille  ducats  ,  ce  iiui  nous 
seDible,  conuue  à  Tiraboscbi.fort  exaserc.  Il  nu)U- 
rnt  en  laq';,  plus  qu'octogénaire,  et  fut  eulerre' ."1 
Sologne;  il  éUit  né  a  Florence.  (  Vov.  MaDget,  Bi- 
bibliolheca  lUeUicor.  ,  t.  IV,  p.  35»  :"Tirab.  t.  IV 
I.  II,  c.  tu,  n"*.   10  ,  II,  lï  et  i3.  ' 


TOR 


'-^97 


Tortellius  a  écrit. cojiscripsit,  un  trai- 
té de  l'orthographe  et  une  vie  de 
saint  Athanase.  C'est,  en  réalité,  un 
ti.ssu  d'extraits  d'F.usèbc,  de  Socra- 
te  .  de  Sozomine,  de  Théodoret  et 
du  ?Jétaphi'aste:  Tortelli  s'était  char- 
ge de  ce  traA'aii  à  !a  demande  d'Eugè- 
ne IV.  Ln  version  qu'il  a  rédigée  de 
l'Homélie  de  saint  Chrysostôme  sur 
le  psaume  Miser tre  se  conserve  ,  en 
manuscrit ,  à  la  bibliothèque  Lau- 
rentiane.  Peut-être  même  a-t-il  com- 
posé aussi  une  vie  de  ce  père  de  l'é- 
glise, et  de  plus  celle  de  saint  Gré- 
goire de  Nazianze.  Montfaucon  les 
a  trouvées  réunies,  l'une  et  l'autre  , 
à  celle  de  saint  Athanase,  dans  un 
manuscrit  des  chanoines  réguliers  de 
Fiesole  ;  c'est  du  reste  l'unique  men- 
tion qui  en  ait  clé  faite.  On  manque 
encore  plus  de  renseignements  sur  tes 
deux  livres  de  Dialectique  et  sur  les 
Lettres  diverses,  que  Trithème  attri- 
bue à  Torleili .  outre  d'autres  pro- 
d'actions  qu'il  n'indique  point ,  et 
qu'il  comprend  sous  la  formule  et 
alia.hes  livresde  grammaire  de  Jean 
Arétin ,  ont  été  diversement  désignés  : 
Depotestate  litterarum ,  De  ortho- 
graphia,  Lexicon  ,  Commentario- 
rum  grammaticoriim  libri  duo;  et 
quelques  bibliographes  en  ont  fait 
autant  d'ouvrages  distincts.  La  Mon- 
noie  et  Zeno  ont  dissipé  cette  erreur: 
ils  ont  monlré  que  ce  qui  est  appelé 
lexique  par  ?.îagius  ,  orthographe 
par  Yolalerran  ,  valeur  des  lettres  et 
des  mots  ]iar  Paul  Jove ,  commen- 
taires p,ir  Gesncr  ,  n'est  qu'une  seu- 
le et  même  coii;pilation,  divisée  en 
deux  parties  ;  la  première  contenant 
un  traité  dos  lettres  de  l'alphabet , 
de  leur  nombre  ,  de  leurs  figures  ,  de 
leur  prononciation  ,  etc.  ;  et  la  deu- 
xième, un  catalogue  alphabétique  de 
mots  latins.  11  y  en  a  deux  éditions 
de  i47i;  în-folio^  l'une  de  Rome, 


298  TOR 

l'autre  de  Venise.  Dans  la  dédicace 
de  celle  de  Rome,  l'éditeur,  Adam 
de  Montalte ,  s'exprime  eu  ces  ter- 
mes :  Existiniavi  ut  ojms....  exci- 
tarem  in  lucem;  et  l'on  conclut  de 
là  que  c'est  la  première  édition.  La 
bibliothèque  de  Sainte  Geneviève  en 
possède  un  bel  exemplaire.  Les  sui- 
vantes sont  de  Trèvise,  i^']'],  Vi- 
cence,  «479  et  1780;  Venise,  i4^i, 
84 ,  87 ,  8;S ,  9'.>, ,  93  ,  9 ji ,  9G,  1 5  j  I , 
i5o4  ,  toutes  in-folio.  Les  dernières 
renferment  des  corrections  ou  notes 
critiques  de  Georges  Vaila.  Laurent 
Valle  a  donne  aussi  beaucoup  d'at- 
tention à  cet  ouvrage  :  il  avait  mê- 
me conçu  une  si  haute  idée  de  la 
science  grammaticale  de  Tortelli , 
qu'il  soumettait  ses  j)ropres  écrits  à 
sa  censure,  et  qu'il  lui  a  dédié  ses 
six  livres  d'Élégances  de  !a  langue 
latine.  Des  bibliographes  ont  énoncé 
ce  dernier  fait  d'une  manière  fort 
inexacte;  ils  ont  dit  :  «  ïortcllius 
»  Valioeamicissinms.  ad  quem  Eîeg. 
»  linguse  lai.  sexhbrosperscripsit  ;  » 
ce  qui  semble  dire,  comme  l'a  re- 
marqué Bayle ,  que  Tortellius  est 
l'auteur  de  ce  traité.  Le  sien  .  quoi- 
que si  souvent  réimprimé ,  de  1 47  1  à 

I  ■'")o4 ,  a  l)ien  moins  de  videur ,  et  ne 
peut  servir  aujourd'hui  qu'à  nous  re- 
tracer l'état  de  ce  genre  d'études  au 
milieu  du  quinzième  siècle  (11  y  ades 
articles  sur  Tortellius ,  dans  le  Z?ic- 
</o/;««/re de  Bayle,  dans  les  Disser- 
ta zioni  vos  siane  d'Apostolo  Zcno(  t. 
' ,  ]).  1 4^-1 51  ) ,  dans  les  Mémoires 
de  Niceron,  t.  xxv,  p.  .>,()^-3oi  ). 

D— N— u. 

TOPvTI  (  François  ) ,  médecin  , né, 

à  Modène,   en    iG.-)8,    et   mort   en 

17'i  I  ,  eut  de  s(ui  vivant,  et  après  sa 

mort, une  grandect  piste  r'''|)ut;<lioii. 

II  quitta  l'élude  de  l.i  jin  i^pi  udcnce 
pour  celle  de  la  nu^drcint'  ,  et  reçut 
le  litre  de  do«-teur  dans  l'université 


TOR 

de  Bologne  ,  en  T678.  A  peine  âgé 
de  vingt-trois  ans  ,  Torti  obtint  à 
iModène  une  chaire  de  médecine. 
Ramazzini  (  Voy.  ce  nom  )  fut  en 
même  temps  nommé  professeur  ^ 
et  tous  deux,  après  avoir  bien  vé- 
cu ensemble  ,  se  brouillèrent ,  et 
n'en  illustrèrent  pas  moins  l'école 
naissante  à  laquelle  ils  se  trouvaient 
attachés.  Le  duc  François  choisit 
pour  SOS  médecins  ordinaires  Ramaz- 
zmi  et  Torti,  dans  In  société  desquels 
son  esprit  orne  trouvait  beaucoup 
d'agrément.  A  la  mort  de  ce  prince  , 
en  1694  ,  son  successeur  conserva  à 
Torti  le  m'une  emploi  près  de  sa 
personne  ,  et  fonda  ,  à  sa  sollicita- 
tion ,  un  amphithéâtre  pourvu  de 
tous  les  moyens  nécessaires  pour  l'é- 
tude et  l'enseignement  de  l'anatomie. 
Torti  publia  en  1709  son  ouvrage 
sur  les  fièvres  pernicieuses  ,  qui  l'a 
mis  au  rang  des  grands  praticiens.  Il 
n'eu  eut  pas  moins,  le  reste  de  sa  vie, 
a  défendre  celte  production  contre  les 
attaques  de  plusieiu's  médecins  qu'il 
réduisit  au  silence.  Torti  avait  des 
talents  de  plus  d'un  genre  :  il  com- 
posa dans  sa  jeunesse  des  Oratorio 
qui  eurent  Ijeaucoup  de  8viccès.  11 
faisait  des  vers  ,  et  maniait  habile- 
ment la  critique.  Des  infirmités  pré- 
maturées le  forcèrent  d'abandonner 
l'enseignement  et  de  cesser  de  voir 
des  malades.  Cependant  il  était  con- 
sulté de  toutes  parts.  Sa  vieillesse 
fut  signalée  par  ses  libéralités  envers 
le>.  indigents .  et  il  fonda  une  chaire 
de  médecine.  Torti  mourut  en  mars 
1 74 1  •  J.  Jaltici  et  G.  Araldi  ,ses  élè- 
ves, lui  (iront  ériger  un  sup-'-rbe  tom- 
beau ,  et  F.  Ferraii,  son  successeur 
dans  la  rhairc  de  médecine  pratique, 
réiHii  à  îî.  Sassarini  .  lit  placer  son 
buste  on  marbre  dans  l'amphithéâtre 
lie  ModJ-nc.  IVfinatori  a  écrit  la  \  ie 
de  Torti.  Ou  a  de  lui  :  /.  Thvraïu'U- 


TOR 

tice  specialis  ad  fehres  quasdam 
perniciosas  ,   iiiopiiialo  ac  repente 
lethales  ,   und  vero   chind-chind 
pecidiari mcUiodo  miTÙstraid ,  Mo- 
dène,  incg  ,  in-8°.  ;  iliid. ,  l'jr'.et 
1700  ,in-4".  ;  Venise,  i-jSsiot  i-j/p  , 
in-4".  ;  Leipzig,  \']5(S ,  in  4"-  ;  1-'""' 
vain, I --81,  2vol.iii-8'J. .  édition  clans 
laquelle  se  trouve  la  réponse  à   Ba- 
inazziui.  Cet  ouvrage  est  le  meilleur 
de  tons  ceux  qui  sont  sortis  de    la 
plume  de  Torti.  II.  Eesponsiones  ia- 
tro-apolos,elica'   ad  criticam   dis- 
sertationcm  de  ahiisii  chinœ-chinœ 
Mutinensihus  medicis  perperam  ob- 
jecta à  Bçrnardino  Raniazzivo,  IMo- 
dène ,  17  i5.  ]\\.  Miiiinensiiiin  me- 
(Ucoritm  metliodus  anlipjicdcavin- 
dicata  ,  nve  ad  nonnuHorum  scrip- 
tioncs  eidem  methodo  succensentcs 
notœ   Furantis  Ferrarii ,  Modène, 
1819    Torti  a  concouru  à  la  rédac- 
tion  des   Eplie'mérides  et  aux    Ira- 
vaux  de  Ramazzini  sur  le  baromètre. 
On  trouve  aussi ,  dans  les  OEuvres  de 
J.  J.  Ursius,  une  Lettre  deTorti  écrite 
en  latin  sous  le  nom  de  L.  A.  Cotta. 
C'est  une  apoloç^ie  du  Tasse  ,  dirigée 
contre  le  P.  Bouhours.     D — g — s. 
TORTOLETTl  (  Bautuei.emi  ) , 
poète,  né,  à  Vérone,    vers   l'année 
i5(3a  ,  étudia  la  théologie,  prit  les 
ordres  et  vécut  à  Rome  sous  le  punti- 
iicat  d'Urbain  VIII.  Il    fut   très  lié 
avec  Allacci  ,  qui  nous  a  donné   un 
assez  long  Catalogue  deses  ouvrages. 
Il  appartenait  à  l'académie  des  Hu- 
moristes ,  dans  laquelle  il  prononça 
jusqu'à  huit  discours  pour  défendre 
le  grand  Pompée  contre  les  accusa- 
tions d'Alexandre  Guarini.  11  entra 
en  lice  avec  Villani  ,  auteur  estimé 
<le  deux  Satires  latines  sur  les  nucurs 
de  Kome  {F.  Nicolas  Villam).  Loin 
de  l'emporter  sur  son  compétiteur, 
il  en  releva  encore  le  mérite  par  la 
faiblesse    de     l'attaque.    Torlolclti 


TOR 


299 


composa  aussi  des  Mémoires  sur  la 
révolution  excitée  par  ie  duc  d'Os- 
suna  (  T'^oy.  ce  nom,  XXX  ,  9,12  ). 
dette   relation,   à   laquelle    il   avait 
donné  le  titre  de  Moins  Ossunianus 
Neapoïilaniis ,   parut,  à  son  insu  , 
à  Venise:  il  en  fut  tellement  irrité, 
(|u'il  ne  voulut  pas  communiquer  au 
libraire  des  notes   importantes  qu'il 
avait  rassemblées  pour  une  nouvelle 
édition.  11  mourut  à  Rome  peu  après 
l'année  1647  ,  dans  un  âge  très-avan- 
ce. Ses  principaux  ouvrages  sont  :  I. 
Ossuniana  conjuratio  ,  qud  Fetrus 
Ossunce  regnnm  neapolilanum  sibi 
dcsponderal  (  V^enise  )  ,  i()23  ,  in- 
4". ,  anonyme.  II.  Ghiditta  viltovio- 
irt,po('me  liéro'ique.  Rome  ,  i6i8, 
in  4°  7  'ig-  lll-   JuditJia  vindex  et 
vindicata  ,  ibid. ,  i().).8,  in-4''- C'est 
aussi  un  poème  en  cinq  clianls,  et  en 
examètres  latms,  sur  !e  même  sujet 
quele  précédent.  11  est  suivid'un  long 
commentaire  en  prose,  qui  n'est  qu€ 
l'apologie  de  l'ouvrage.  IV.  Ad  sa- 
tjram  Du  Festram Fivem  ,  An- 
tisatyra  tyberina;  et  Actio  ajndoge- 
tica  adversàs  satjrani   Du  ,  etc.  , 
Francfort,  i63o,in-8'^'.  La  seconde  de 
ces  pièces  n'estqu'un  discours  en  pro- 
se, contenant  à  peu  près  les  mêmes 
idéesque  l'auteur  avait  déjà  exprimées 
dans  la  Contre-satire.    V.  Acade- 
mia  Pompeïana  seii  defensio  Magni 
Pompei,   in  adniinistratione   belli 
civilis  ,   Rome,    i(i3ç)  ,    in-8".  VI. 
Laiirus  Gallica  ,  ad  J.  cardinalem 
Mazarinuni ,  Paris  ,  i()4']  ,  in  4°'  H 
a    doimé   aussi    quelques  pièces   aw 
tlieatre.  A — «i — s. 

TORY  '  Geoffroy  ) ,  en  latin  To- 
rinus  ,  libraire  et  graveur,  était  né, 
vers  1480,  à  Bourges,  de  parents 
pauvres  et  obscurs  (i).  H  apprit  ce- 

jOC'rsl  liM-ni.'inr  .|iil  nous  ;,|,pi-.ii.l  .|.ill<-st 
ne  He-  (>ctils  cl  limiil.lr.'i  parciil.s ,  cl  p.iin  ri-s  <?e 
l)irii^  radii(|u<-5,   Clompjlrury,  y    ■>.  ,    rd.    in-l'ul. 


3oo 


TOR 


pendant  les  éléments  des  lans^iics  an 
ciennes  et  acheva  ses  études  à  Paris, 
au  collège  du  Piessis.  On  sait  qu'il 
cultiva, des  sa  jeunesse,  l'art  dndes- 
sin  ,  et  qu'ayant  eu  l'occasion  de  vi- 
siter l'Italie ,  il  s'arrêta  quelque  tem  ps 
à  Rome,  où  il  suivit  les  leçons  du 
collège  de  la  Sapience,  et  se  perfec- 
tionna dans  le  dessin  par  la  copie  de 
l'antique  r-i).  De  retour  à  Paris,  il 
entra,  comme  relent,  au  colie>e  de 
hourgognej  et  en  lôot)  devint  1  un 
des  correcteurs  de  l'imprimerie  de 
Henri Esîienue.  C'est  à  lui  qu'on  doit 
la  révision  du  Psalterium  quintu- 
ple x  {  Foj-.  Febvre  d'Estaples  ); 
de  la  Gosmogruphie  d'iEiieas  Sy\- 
vius  (Pie  ]T):  du  Recueil  d'iiistoires 
d'JriJiiiis  deVilcrbe(  i5i  i  ,iii-4"/; 
et  de  Vlûnéraire  d'Anîoniu  (  1 5 12  , 
in- 16  ).  Il  orna  cette  édifiun  àeVlïi- 
néraire,  dont  on  connaît  des  exem- 
plaires sur  vélin,  d'une  Piéface  et 
d'une  Epitre  à  Phiiib.  Babous  ,  sou 
compatriote  et  son  protecteur,  ild- 
mis,  en  i5i'.>.  ,  dans  la  corporation 
lies  libraires  de  Paris  (  F.  le  Cat. 
de  Loitiii ,  1 ,  1 7) ,  il  s'appliqua  bien- 
tôt à  perfectionner  les  caractères  de 
Jossc  Badins  ,  et  il  forma  Garamond , 
l'un  des  plus  célèbres  graveurs  eu 
ce  genre  (  P'.  ce  nom ,  XV 1 ,  4-^4  ). 
Dès  1  JiG  ,  il  obtintun  privilège  pour 
l'impression  iVHcures  à  l'usage  de 
Rome  cl  de  Paris,  décorées  de  lettres 
ileuries,  d'estampes  et  d'arabesques 
de  son  invention,  (pi'il  exécutait  lui- 
ïucme  avec  beaucoup  de  goût.  Une 
fouîcd'auleuis,  parmi  lesquels  il  suf- 
fit do  ciîer  La  Caille  (  I/isl.  de  l'im- 
prim. ,  (,H)  et  ]VIailtaire(  Annal,  ty- 
po^r.,  M,  55o),  assurent  que  Tory 
était  iuiprinieiir  à  l'ariseu  t/îcif).  Ils 
se  soutlromjiés,  au  luoins  sur  la  da- 
te, puisqu'eu    i53o,  comme  on   le 

it)  y .  CtiuiHiitlvur)  ,  lui.  m  cl   X.XXVIII. 


lOR 

verra  ci-dessous,  Tory  se  servait  en- 
core des  presses  deColines  pour  l'im- 
pression de  ses  propres  ouvjages. 
Papillon  (  Traité  de  la  gravure  en 
bois  ^  1  ,  194  )  ,  cite  un  ancien  livre 
in-8°,  orné  d'estampes,  à  la  lin  du- 
quel ou  lit  :  Parisiis  ,ex  officind  Go- 
toj'redi  Toriniregii  imprcssoris,  an- 
no  salutis  i53i.  8i  l'on  pouvait 
s'en  rapporter  à  l'exactitude  de  Pa- 
pillon ,  iln'y  aurait  plus  de  doute  que 
Tory  n'ait  réellement  été  imprimeur 
et  même  du  roi;  mais  comme  il  ne 
donne  point  l'intitulé  de  cet  ancien 
volume  in- 8". ,  wn  ne  peut  pas  véri- 
fier s'il  en  a  copié  Jidèlement  la 
souscription.  Aucun  autre  auteur 
n'a  cité  d'ouvrage  sorti  des  presses 
de  Tory.  Lottin  (  ibid.  )  ne  l'a  point 
classé  parmi  les  imprimeurs  de  Pa- 
ris au  seizième  siècle. On  en  doit  con- 
clure qu'il  n'a  jamais  été  que  librai- 
re,  comme  il  se  qualifie  à  la  fin  de 
tous  les  ouvrages  que  nous  avons  vus 
de  lui  jusqu'ici.  Son  enseigne  était 
un  vase  antique  ,  percé  d'un  foret  et 
placé  sur  un  livre  clos  à  trwis  cbaî- 
nes  et  cadenas  (3),  avec  les  mots 
non  plus  ,  auxquels  il  donne  le  sens 
de  rien  de  trop.  La  brisure  de  ce 
vase  l'a  fait  surnommer  ])ar  les  ama- 
teurs d'estampes  le  Maître  au  poL 
c«we.  Cependant  il  n'est  ])as  certain 
qu'il  ail  gravé  lui-même.  La  plupart 
des  estampes  dont  ses  livres  sont  or- 
nés portent  la  double  croix  ou  croix 
deLorraine,  marque  de  Pierre  Woe- 
iiot  ,  graveur  lorrram  (  F.  Woe- 
RioT%  Suivant  Papillon (t7>  i  ,  ^09), 
Tory  mourut  en  1 530.  La  Mouiutyc 
doutait  qu'il  eût  vécu  jusque-là.  Ce- 
pendant Lottin  ])lace  sa  mort  en 
i55o;  et  il  n'est  pas  étonnant  qu'il 
ait  poussé  sa  carrière  jusqu'à  cette 
époque,  puisqu'il  ne  devait  être  âgé 

(3)  U  (loniir  l'iiplicnlion  lie  sa  uiunmc  il  di'  .-,i 
tltVJM',    iOi<l.,(<i\.  XJ.lli. 


ÏOR 

qr.c  d'environ  soixante-dix  ans.  Ca- 
liieiinot,  son  compatriote  ,  lui  a 
composé  «ne  ëpitaphe  très-lionora- 
blc  que  La  Caille  (  ibid.  )  et  Maittaire 
(il,  jj-)  ont  rapportée.  C'était  nn 
])on  Jiomqie ,  inslruitpour  son  temps , 
fort  désireux  de  voir  Ja  langue  fran- 
çaise se  maintenir  dans  sa  pureté, 
par  conséquent  grand  ennemi  des 
forgeurs  de  mots  nouveaux.  Il  comp- 
tait parmi  ses  protecteurs  ou  ses  amis 
.Tean  Grollier  [  F.  cenom,  XVIII , 
522) ,  qui  l'employait  à  décorer  sa 
bibliothèque  (4)  7  ^^  h-e^r^  René  Mas- 
sé, de  Vendôme  ,  chroniqueur  du  roi, 
lequel  lui  communiqua  grand  uom- 
bi'e  de  vieux  auteurs  français  (5). 
Tory  a  traduit  en  français  ,  mais 
d'après  des  versions  latines,  quoi- 
qu'il sût  le  grec  :  les  HisrogljpJws 
d'Orus  Apollo(6)  ;  la  Table  de  l'an- 
cien philosophe  Cebès ,  avec  trente 
Dialogues  moraux  de  Lucien,  Pa- 
ris, 1029,  deux  part.  in-l6j  les 
Politiques  on  civiles  institutions 
pour  bien  régler  la  chose  publique, 
])ar  Plutarque,  Paris,  i53o,iu-8'^.; 
Lyon,  i534  ,  in-i6j  la  ^Touche 
de  Lucien  et  la  Manière  de  parler  et 
de  se  taire ,  in-8".  (  Cat.  de  la  Bibl. 
du  roi,  z,  19 18).  Il  a  traduit  du  la- 
tin le  Sommaire  des  chroniques  de 
J.-B.  Egnazio  (  F.  ce  nom  ) ,  Paris  , 
i52o,  in-8>^.  Enfin  o\i  a  de  lui:  Epi- 
taphia  sevtem  de  aliquot  passioni- 
bus ,  Paris,  Sira.  de  Colines,  i53o, 
in-B".  La  Monnoye  lui  rej)roche  d'a- 
voir employé,  dans  cet  ouvrage,  des 


(41  «  (^c  fut  le  siniveuir  de  quelque  lettre  anti- 
que qTie  j'avais  ,  di!-il,  naguires  falcle  pour  la  luai- 
.son  de  Tiioiisi'iguenr  le  trésorier  des  guerres  , 
maître  Jéban  Oroslier  ,  qui  me  donna  l'idée  de 
coinpo.'ier  imm  Champjlcurr;  ii  i)  le  cominenra  le 
jour  de  la  fête  aux  rovs  que  l'on  coranluit  i5a3 
ihid.  ,   fol.  I.  "  ' 

(5)11  donne  la  liste  des  auteiirs  que  lui  avait 
prêles  frère  Massé  ,  ifciV/.  ,  fol.  m  et  IV. 

((i)  Il  parle  de  celte  translaliou  (  iliid. ,  fol.  ^3) , 
ilnnl  il  lit  nn  présent  à  un  sien  seinnenr  et  hnn 
.jtiii  ;  ruai»  on  i^^iiore  si  elle  a  rie  imprimée. 


TOR  3oi 

mots  inconnus  dans  la  bonne  latinité 
{Menagiana  iv ,  84  )  ;  mais  on  ne 
peut  pas  présumer  qu'un  homme  si 
jaloux   de   la   pureté  de    la   langue 
française  se  soit  relâché  de  ses  prin- 
cipes en  latin;  et  i!  paraît  que  son 
but  a  été  de  se  moquer  du  néologis- 
me de  V anteuv  du  Songe  de  Poliphile 
(P^.¥r.  Colonna,IX.5h)\  en  fei- 
gnant de  leprendre  pour  modèle. Mais 
de  tous  les  ouvragesdeïory  ,]eplus 
remarquable  est  le  suivant  :  Champ- 
Jlenry ,  auquel  est  contenu  l'art  et 
science  de   la  due  proportion   des 
lettres   attiques ,  qu'on  dit  autre- 
ment antiques,    et    vulgairement 
lettres    romaines ,   proportionnées 
selon  le  corps  et  visage  humain, 
Paris,  1329,  petit  iurfol.,  fig. ,  réim- 
primé sous  le  titre  de  l'^rt  et  science 
de  la  vraie  proportion  des  lettres 
attiques,   etc. ,  Paris,  i54q,  in-80. 
Ces  deux  éditions  sont  également  ra- 
resj  mais  la  première  e.st  la  plus  re- 
cherchée des  amateurs.  Cet  ouvrage 
est  divisé  en  trois  parties.  Dans  la 
première ,  après  avoir  fait  l'histoire 
de  son  livre  et  l'apologie  de  la  lan- 
gue française ,  l'auteur  traite  de  l'in- 
vention des  lettres.  Dans  la  seconde, 
il  parle  de  l'alphabet  latin,  du  nom- 
bre et  de  la  forme  des  lettres  dont  il 
se  compose ,  et  de  leur  proportion 
avec  le  corps  humain.  Il  établit  que 
toutes  les  lettres  latines  dérivent  du 
nom  de  la  déesse  lo  ;  ce  qu'il  jirouve 
en  montrant  qu'elles  sont  toutes  for- 
mées d'une  ligne  droite  et  d'un  cer- 
cle ,  c'est-à-diie ,  d'un  i  et  d'un    0, 
En  les  divisant  en  dix  lignes,  ce  qui 
est  la  due  et  z^raie  proportion  des 
lettres,  il  trouve  des  rapports  entre 
ces  lignes  et  les  noms  d'Apollon  et 
des  neuf  mu.ses  ;  preuve  que  les  let- 
tres sont  la  clef  des  arts  et  des  scien- 
ces (  F.  le  Manuel  typogr.  de  Four- 
nier,  averli.ssemeiit  ,xii  I.I.e  troisiè- 


TOS 


TOS 


me  livre  traite  tle  la  prononciation     sontemps,  et  sont  presque  tous  oubliés 
de  chaque  lettre;  et  ce  n'est  pas  le     de  nos  jours.  Toscanella  ne  fut  pas  le 
moins  curieux. L'ouvrage  est  terminé     moins  infatigable  de  tous  cesfollicu- 
par  un  petit  traite  des  langues  lié-     laires  qui  inondèrent  l'Italie  pendant 
braique ,  grecqueet  latine ,  avec  leurs     le  seizième  siècle ,  et  qui ,  à  force  de 
alphabets.  Enlln  il  a  fait  procéder  de     s'cntre-louer ,  finissaient  par  se  faire 
quelques  explications  on/x'  planches     une  réputation.  La  !i4e  de  ses  ou- 
représentant  les  alphabets  des  lettres     vrages   se   compose   à-peu- près  de 
cadeaux   ou   quadreaux  (anciennes     quarante  articles;  et  pour  la  quanti- 
capitales  )  des  lettres  de  forme,  bâ-     té,  il  n'y  a  que  Ruscelli^DoIce  etDo- 
tardes,tourneiues;  un  alphabetprc-     menichi  qui  puissent   entrer  en  con- 
tendu   des  langues  persienne  ,   ara-     currence  avec  lui.  L'Arétin  (/.e«cre, 
bique,  africaine,    turque  et  tarta-     liv.  vu  ,  p.  249)  l'appelle  Za /«mière 
rieune,  en  une  seule  planche  ;ralpha-     et  l'honneur  dt  Castel  Balclo ,  pe- 
bet  chalda'iquc  ;  l'alphabet  goffe,  au-     tite  ville  entre  Vérone  et  Padoue,  où 
tremcnt  impériil  oubullalique  ,  par-     Toscanella  remplissait  modestement 
ce  qu'il  était  à  l'usage  des  chancelle-     les  fonctions  de  précepteur.  Il   alla 
riesdeRomeetd'Allemagne;  l'alpha-     ensuite  s'établir   à  Venise,  et  il  y 
bet  fantastique  ;  l'utopique    tiré  de     épousa  une  dameqiii  lui  apporta  cent 
l'Utopie  de  Thom.  More  (  T'oy.ce     c?i/c«f.s- en  dot.  C'était  beaucoup  pour 
nom  )  ;  l'alphabet  des  lettres  fleuries,     quelqu'un  qui  avait  été  oblige  d'em- 
et  enfin  des  modèles  de  chiflres  ou     prunter  à  sa  servante  de  quoi  payer  un 
lettres  entrelacées.  Cette  analyse  ra-     mémoire  d'imprimeur.  Il  mourut  en 
pide  doit  suillre   pour  dunner  une     laissant  à  ses  exécuteurs  testamentai- 
idée  de  l'ouvrage  et  justilier  l'em-     res  ,  Recanati  et  Celio  Magno,  le  soin 
pressement  que  les  curieux  mettent  à     d'acquitter  celle  dette.  IN  on  content 
se  le  procurer.  Outre  les  auteurs  ci-     de  tout  ce  qu'il  avait  publié  de  son 
tés  dans  le  courant  de  l'article,  on     vivant  ,  il    recommanda    qu'immé- 
peut  consulter,  sur  Toi  y  .  les  ^n'^/jo-     diatement  après    sa    mort    on   mît 
thèqiies  de  Lacroix-du-Maine  et  de     sous  presse  une  Histoire  universelle  , 
Duverdier.  W — s.  divisée  en  plusieurs  livi  es  ,  et  qu'il 

TOSCANE  (Ducs  de\  T^oy.  Bo-     destinait  au  grand -duc  de  Toscane. 
MFACE,  MÉDïCis  et  LÉoPOLD.  11  Ic'gua  à  sa  servante  la  moitié  des 

TOSCANELIi.A.  (  Horace),  litté-     bi-nélices  de  celte  publication    pos- 
rateur,  ainsi  appelé  du  nom  d'une     thume;  mais  n'étant  pas  habitué  à 
petite  ville  siUu'e  entre  la  Toscane  et     gagner  avec  les  libraires,  il  ne  comp- 
les  étals  de  l'Église  ,  naquit  vers  le     tait  que  sur  le  produit  de  la  dédicace, 
comnieucement  du  seizième  siècle.  Il     Ce  testament  porte  la  date  de  iTi-jç); 
apliarlenait  à  une  famille  distinguée;      ou  ignore  celle  de  la  mort  de  Tosca- 
et  l'on  ne   sail  pas  ce  qui  put  le  dé-     nella.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
cidcr  ,i  vivre  loin  de  sou  pays,  dans     1.  Ucllorica  ad  Erennio  di  Cicero- 
un  étal  bien  voisin  de  1' indigence,     ne  ,ridotta  inalhcri  ,\a)i^c ,  i56\. 
C'est  peul-ètre  à  ces  eireoiisîaiices  et     in  -  f\".  11.  Prontuario  di  voci  vol- 
à  sa  qualilé  de  pédagogue  qu'on  doit     f^ari c latine,  ibid.,  i5()5,in-4"-  HE 
Ifi  grand  nombie  i\r  traductions  et     Nuove  Icoric  de'  pianeti ,  U:n\.  du 
d'ouvrages  élémentaires  (pi'il  a  corn-     latin  d»-  Peurbach,  ibid.  ,  i'ï()()  ,  iu- 
posés.  llscuicntbcaucoupdevogucdc     8".j  ouvrage  inconnu  à  Paitoni  cl  à 


TOS 

Argelnli.  IV.  Istituzioni  nratorie 
di  Qiiintiliauo  ,  Irad.dii  latin  ,ibit1. , 
15(16,  in -4°-  V.  Traltato  in  ma- 
teria  di  scHveresloria ,  ibicl. ,  1 5(17, 
in- 8".  VI.  Nomi  antichi  c  inoderni 
ddle  provincic  ,  città,  etc.,  dcW 
Europa  ,  ytfrica  eâ  Jmtrica ,  ib. , 
15(3-,  in-8».  VI!.  Gioje  istoriche 
aggii'.nte  alla  prima  parle  dtlle 
Vite  di  Plutarco  ,  ibitl.,  i568,  in- 
40.  VIII.  jÇeZZecse  dd  Furioso,  con 
gli  argomenti  ed  allégorie  de'  can- 

ti,  ib.,  1  574  ,  iii-4"-  '  'iS-  ^X-  J''^^'- 
citazioni  rettoriche  di  Quintiliano  , 
trad.  du  latin,  ibid. ,  i:'iH(3  ,  iii-/j<^. 
Voy.  Fontanini  :  Eloquenza  italia- 

7ia  ,   I,  87.  A G S. 

TOSCANELLI  Paul  del  Pozzo). 
ou  Faul  le  Physiden  ,  astronome  , 
ne, à  Florence, en  1897  .  assistait  nn 
jonr  à  un  souper  d'amis  ,  oîi  il  en- 
tendit HrnneJlesclii  (  Pof.  ce  nom  , 
VI,  110  disserter  savamment  s'.ir 
la  géométrie.  Séduit  par  ses  disconrs, 
il  le  pria  (!e  le  recevoir  au  nombre 
de  ses  disciples,  et  dès-lors  il  se  livra 
avec  ardeur  à  l'étude  des  mathé- 
matiques. Il  en  lit  bientôt  raj)pli- 
cation  à  l'astronomie  :  il  cultivait 
en  même  temps  les  langues  savan- 
tes ;  et  tant  de  connaissances  dans 
lin  jeune  homme  de  trente  ans  ,  lui 
valurent,  en  1 4t>.8  ,  l'honneur  d'être 
choisi  parmi  les  conservateurs  de 
la  bibliothèque  que  Nicolas  Niccoli 
(  Foy.  ce  nom  ,  XXX ,  'io8  ;  pla- 
çait sous  la  tutelle  des  plus  il- 
lustres citoyens  de  Florence.  La  lec- 
ture des  Voy;iges de  Marco  Polo  av^it 
exalté  l'imagination  de  Toscanelli, 
qui  comparait  les  récits  de  ce  voya- 
geur avec  les  renseignements  qu'il 
se  procurait  en  questionnant  les  nar- 
chands  riunois  et  tartares  qui  af- 
fluaient dans  la  Toscane,dcvenue  l'en- 
trepôt du  commerce  desitalicns  avec 
l'Orient.  Il  eut,  entre  antres  ,  un  eii- 


TOS  Zoi 

trelien  avec  Nicolas  de  Conli  (  F.  ce 
nom  ,  IX  ,  514),  qui,  après  nue  ab- 
sence de  vingt  -  cinq  ans  ,  revenait 
des  Indes,  pour  imjilorer  du  pape 
Eugène  iV  le  pardon  de  son  aposta- 
sie. Rêvant  sans  cesse  à  son  projet 
favori  d'une  communication  facile 
entre  l'Europe  et  l'Asie,  Toscanelli 
conçut  le  plan  d'une  navigation  oc- 
cidentale. Des  obstacles  sans  nombre 
s'opposaient  à  l'exécution  d'une  ])a- 
reille  entreprise.  Les  marins  n'o- 
saient pas  encore  se  conder  à  l'Océan, 
malgré  l'invention  de  la  boussole  et 
l'usage  de  l'astrolabe.  Les  pilotes 
les  pins  expérimentés  côtoyaient  ti- 
midement les  rivages  de  l'Atlan- 
tique ,  dont  ils  mesuraient  avec 
frayeur  l'étendue  ;  ils  se  bornaient 
à  observer  les  phases  de  la  lune  pour 
calculer  les  marées  ,  ou  à  prendre 
chaque  jour  la  hauteur  du  sofeil  ,  et 
à  se  diriger  sur  les  Ourses  pendant  la 
nuit.  Rien  n'était  encore  préparé  pour 
conduire  les  vaisseaux  sur  des  mers 
inconnues  ,  lorsque  Colomb  entra  en 
correspondance  avec  Toscanelli  pout 
la  découvertedu  Nouveau-Monrle  (  i  ). 
Un  chanoine  de  Lisbonne ,  nommé 
Ferdinand  Martinez  ,  à  son  retour 
d'un  voyage  en  Italie,  parla  au  roi 
(  F.  Alphonse  V ,  tome  1  ,  p.  GSa  ) 
du  mérite  et  des  projets  de  Tosca- 
nelli. Ses  paroles  iirent  une  forte 
impression  sur  l'esprit  du  monarque, 
qui  le  chargea  de  consulter  l'astro- 
nome florentin  sur  les  découvertes 
des   Portugais ,   et  sur   la  nouvelle 


(  i^  Dans  la  leUre  que  ToscaiieHi  envoi^-a  à  Cn- 
loiiil',  el(iui  porte  la  dulc  du  9.5)11111  \!\'jt\,\\(i\i  qu'il 
a  (ilileiiu  beaucoup  de  reuseîjJîMemeuts  de  l'amiias 
sudcur  du  grand  kaii  qui  s'était  rendu  auprès  du 
pape  Eugène  IV  ,  pour  lui  faire  couiiaitre  l'at- 
Jiichemenl  aue  les  princes  et  les  liabilanls  de 
son  pavs  avaient  pour  les  catholiques,  'roseau**!!* 
ajoute  que  cet  amliassadeur,  avec  lequel  il  rau.'.:i 
fort  long-temps  ,  lui  donna  dis  détails  sur  la  ina- 
Rnificeiice  de  son  souvei-ain  ,  sur  les  grands  ileure* 
qui  arrosaient  sou  empire  ,  sur  les  villes  ,  el<;. 


3o4 


TOS 


route  proposée  pour  arriver  aux  In- 
des. Toscauelli,  dont  les  idées  étaient 
déjà  arrêtées  sur  ce  point,  accom- 
pagna  sa  réponse  d'une  carte  bydro- 
grapliique,   sur  laquelle  était  mar- 
quée   une  ligne  depuis  Lisbonne  à 
l'extrémité  occidentale  de  l'Europe  , 
jusqu'à  Quisai  (Hau  cheou),  sur  les 
conlins  opposés  de  l'Asie.  Cette  ligne, 
subdivisée. en  vingt-six  espaces,  de 
deux,  cent  cinquante  milles  chacun  , 
portait  la  distance  totale  entre   ces 
deux  villes  à  65oo  milles  ;  ce  qui  , 
selon  Toscanelli ,  faisait  à-peu-près 
le  tiers   de  la   sphère  ,  c'est-à-dire 
120°.  Si  ce  calcul  avait  été  exact, 
Jes  avantages  de  la  navigation  occi- 
dentale sur  l'ancienne  route  eussent 
été  incontestables.  Mais  Toscanelli , 
remplide  la  lecture  deMarco  Polo  (a), 
avait  adopté  les  rêves  de  ce  voya- 
geur sur  le  prolongement  excessif  de 
l'Asie  vers  l'Orient  ;  et  eu  établis- 
sant   son  système  d'après  une  don- 
née   aussi   fausse ,  il    ne   comptait 
que  120°.  là  où  il  y  en  avait  280. 
D'ailleurs  il  ne  tenait  aucun  compte 
du  continent  américain,   dont  il  ne 
soupçonnait  nullement  l'existence , 
et  qui  aurait   opposé  une    barrière 
insurmontable  à  ce  voyage  direct  de 
l'Evirope   au    Cathaj.  Cette  erreur 
faillit  devenir  fatale  à  Colomb ,  au- 
quel Toscanelliavaitcommuniquéson 
plan  par  une  lettre  du  23  juin  i474  •> 
et  qui    n'était   qu'un   duplicata  de 
celle  qu'il  avait  envoyée  à  Martinez. 
Si ,    en   appareillant  des    Canaries , 
ce  grand  navigateur  lit  tous  ses  ef- 


ÏOS 

forts  pour  se  rapprocher  du  tropique 
du    Caucer,    c'est   qu'on   lui  avait 
recommandé  de  s'éloigner  du  pôlej 
et  il  aurait  probablement  continué  à 
voguer  en  pleine  mer  au  sud  ,  si  les 
murmures  de  l'équipage  ,  et  tous  les 
indices  d'une  terre  voisine  ,  ne  l'eus- 
sent arrêté  sur  cette  route  périlleuse 
jjour  le  mettre  dans  le  chemin  de  la 
découverte.  Il  était  tellement  imbu 
des  idées  de  Toscanelli,  que  lorsqu'il 
descendit  sur  l'île  Giovanna  (Cuba), 
il  crut  avoir  abordé  à  la  province 
du   Cathay  (3).    Ainsi   au  lieu   de 
supposer,  comme  quelques  auteurs 
l'ont   fait^  que  les  conseils   de  cet 
astronome   avaient    contribué  à    la 
découverte  de  l'Amérique,   il   seia 
plus  juste  de  dire  qu'ils  n'y  influèrent 
qu'indirectement.    Mais,  tout  eu  lui 
contestant  ce  mérite ,  on  est  obligé 
de  reconnaître  les   services   qu'il    a 
rendus   à    l'astronomie  :  c'est  à  lui 
qu'on  doitla  construction  du  gnomon 
solsticial^  posé,   en    i468  ,    sur  le 
dôme  élevé  par  Brunelleschi  sur  la 
métropolitaine  de  Florence  (4)-  tos- 
canelli fit  usage  de  cette  méridieiuie 
pour   déterminer   les   points  solsli- 
ciaux  ,  les  variations  de  l'écliptique  , 
et  surtout  pour  corriger  les  Tables 
u4lphonsines  {  V.   Alpho.nse  X  ,  1  , 
618),  employées  jadispar  les  astro- 
nomes ,  malgré  leur  inexactitude  à  re- 
présenter les  mouvements  solaires,  et 
la  quantité  de  l'année  tropique.  Tos- 
canelli ,  en  commerce  avec  le  ciel , 
fut  exempt  des  préjugés  de  l'astrolo- 


[■>>  M.dcNavarrtlc,cl;iiis 
volume  à*--  sa  Coiicctivn  de 


if  liulc  du  doilxiî:inL' 
'wXflgc*  *•/  (léconver^ 
tes  des  h'.spti^noh  depuis  lu  fin  du  t/uinziéme 
iièrl'-  ,  fju#î  Vaulcur  de  colle  ohscrvalion  tra- 
duit en  ce  moment  ,  prétend  mie  Hlarinna  a  con- 
fondu Todcanelli  avec  Marro-Polo  ,  quoique  ce 
deruier  fût  né  à  Venise  et  efil  vécu  deux  «iècles 
auparavant.  CeUe  erreur  de  Tliinloiien  espagnol  a 
.'II'  réfiitei'  par  \vs  aunolaleuru  vatenciniit  de  Afa- 
I  laua  ,  loui,  H  ,  pa-.   •.i\\  \\—7.—i. 


(3)  Voy.  une  Lettre  au  trésorier  du  roi  d'Espn- 
gne  ,  dan»  la  fie  de  Culonih ,  par  M.  Bossi ,  Blf- 
lan,  1818,  in-g".  ,  pag.   187. 

(41  '"e  gnomon  ,  dont  on  s'clait  srrvi  pour  In 
dernière  fois  en  i5io,  fut  rétalili  par  les  soins  de 
Ximénès  et  de  La  C.ondaniine.  Del  ÎVliglioro  (  ^'1- 
lenir  illuslrnlii  ,  pag.  33  )  s'est  trompe  en  allri- 
huant  celte  invention  )i  Ignare  Uauti.  C'est  Daiv- 
li  lui-uii'nu'  qui  en  déclare  aiilenr  'foscanelli.  /  t». 
sn  tradiielion  ilalienne  du  Tiuiili'-  lir  frTipecliie 
,n:u.lidr,  Kloreiue,  il;»,  in-/,". ,  png.  «,',. 


TOS 

gie  judiciaire.  Il  répondait  à  ceux  qui 
lui  en  parlaient,  qu'il  en  trouvait  une 
preuve  contraire  en  lui-même  ;  car 
il  avait  atteint  un  grand  âge  ,  eu  dé- 
pit des  constellations  qui  figuraient 
dans  son  horoscope ,  et  dont  au- 
cune n'était  favorable  à  la  vieil- 
lesse. Malgré  sa  longévité,  il  n'eut 
pas  la  satisfaction  d'apprendre  les 
grandes  découvertes  de  Christoplie 
Colomb.  II  mourut  à  Florence  ,  le 
i5  mai  1482.  /^^q>*.  Ximénès  ,  Del 
vecchio  e  juiovo  gnomone  fiorenti- 
no ,  Florence,  1757,  in-4°.,  pag. 
LXXIII.  A — G — s. 

TOSCANO    (  jEA>-MATTmEU  )  , 

littérateur  ,  né,  à  Mi'an,  vers  la  fin 
du  quinzième  siècle  ,  cultiva  la  poé- 
sie ,  et  emplova  une  partie  de  son 
temps  à  rassembler  les   pièces  des 
poètes  italiens  qui  avaient  écrit  en 
latin.  Il  composa  des  Odes  bibliques 
et  traduisit  les  Psaumes  de  David , 
d'après  le  texte  hébreu.  Ce  dernier 
ouvrage  fut  publié  par  Dorât  (  f^. 
DoRAT  ,  XI ,  D'y  G  )  ,    son  ami , 
dont  il  se  vantait  d'être  l'élève.  Il 
l'avait  connu  à  la  cour  de  Catherine 
de  Médicis  ,  dont  il  fut  particulière- 
ment protégé.  To.scano  est  aussi  l'au- 
teur d'un  Recueil  d'épigrammes  et 
de  discours  eu  l'honneur  des  écrivains 
qui  parurent  en  Italie  depuis  la  re- 
naissance des  lettres.  11  mourut  en 
France,  peu  après  l'année  1376.  Ses 
ouvrages  sont  :  I.  Octo  Cantica  sa- 
cra, e  sacris  Bibliis,  lutino  carminé 
expres^a  ,  Paris  ,  1 575  .  in  -8^.  II. 
Psalnii  Davidis ,  ex  hehraicd  veri- 
tate.  latinis  versibiis  <M/>r('55/^ibid., 
iD-j^),    in-S".  III.    Car  mina  illus- 
trium  poetarum  italornm  ,  ibid.  , 
iS-jG,  2  vol.  in-16.  Il  avait  préparé 
un  troisième  volume,  qui  devait  con- 
tenir le  Recueil  complet  des  vers  de 
Marulli  '^^V .  Tarca(;>ota  ,  XLIV, 
:viÇ),  note).    IV.   Peplus   Italiœ , 
\i.vi. 


TOS 


3o5 


in  cjuo  illustriviri....  tùm  carminé ^ 
tàm  solutd  oratione  recensentur , 
ibid.,  iD^S  ,  in-80.,  réimprimé,  en 
1780,  par  J.  Albert  Fabricius.  dans 
le  Conspeclus  thesaiiri  litlcrarii  in 
Italid/m-8".  Foy.  Argelati.  Biblio- 
theca  scriptonim  mediol. ,  tome  11, 
partie  i^e.,  p.  1607.  Il  ne  faut  pas 
confondre  cet  auteur  avec  un  autre 
Matthieu  Toscano  _,  romain  ,  qui 
après  avoir  publié  un  recueil  inti- 
tulé :  Anlliologia  epigrammatuni , 
niinc  primum  édita  ,  Bordeaux. , 
1620,  in-8''.  ,  mourut  à  Condom  en 
\Ç>i.!\.  A — G — s. 

TOSCHI   (Dominique),   et  non 
Tusco ,  comme  il  a  été  impropre- 
ment appelé  par  quelques    biogra- 
phes ,    cardinal  ,  naquit  le   1 1  juin 
i535  ,  à  Castellarano  dans  le  dio- 
cèse de  Reggio ,  et  fut  élevé  dans 
cette  ville,  sous  les  yeux  d'un  oncle 
paternel.  Fils  d'un  pauvre  notaire  de 
village  ,  il  devint  l'artisan  de  sa  pro- 
pre fortune.  Il   étudia  la  jurispru- 
dence à  Rome  ,  oîi ,  tout  eu  éclairant 
son  esprit,  il  était  obligé  de  pour- 
voir à  son  existence.  Ce  ne  fut  qu'à 
force  de  zèle  et  de  persévérance  qu'il 
obtint  une  place  d'auditeur ,  en  iDQ-i. 
Trois  ans  plus  tard ,  il  occupait  le 
siège  épiscopal  de  Tivoli  ,  d'où  il 
revint  à  Rome  en  (pialité  de  gouver- 
neur de  la  ville.  En  i5g9,  le  pape 
Clément  VIII  le  décora  de  la  pour- 
pre romaine  ;  et  peu  s'en  fallut  qu'en 
i(3o5  ,  le  iils  d'un  notaire  de  Castel- 
larano ne  fut  proclamé  le  successeur 
de  Léon  XI.  Les  membres  du  conclave 
allaient  lui  donner   leurs  suffrages, 
lorsque  le  cardinal  Baronius,  jaloux 
d'un  tel  choix,  fit  tous  ses  eli'orts 
pour  l'empêcher  :   il  reprochait   au 
candidat  d'avoir  conservé  des  ma- 
nières   simples  ,    qui  décelaient   la 
bassesse  de  son  origine.  Ces  obser- 
vations suivirent  pour  faire  échouer 
se 


3o6 


TOS 


l'élection  de  Tosclii.  Tomasiiii  rap- 
porte que  ce  cardinal ,  ctaiil  dcchu  de 
la  papauté',  n'en  témoigna  aucun  res- 
sentiment: un  coup  si  terrible  à  l'am- 
bition ordinaire  des  hommes  ne 
l'empèclia  point  de  mettre  la  der- 
nière maiu  à  ses  livres  de  droit 
civil  et  de  droit  canonique  ;  il  les  lit 
imprimer  et  les  dédia  même  au  pape 
Paul  V  ,  qui  lui  avait  enlevé  la  tiare. 
Rendu  à  sa  retraite  et  à  ses  travaux, 
il  se  fit  le  protecteur  et  le  soutien  des 
jeunes  gens  studieux  ,  principaîe- 
raent  de  ceux  dont  le  défaut  d'aisnn- 
ce  pouvait  nuire  à  leur  avancement: 
il  les  excitait  par  son  exemple,  et  leur 
rappelait  par  quels  degrés  ilctaitmon 
te',  de  l'état  le  plus  humble,  au  faîte 
des  grandeurs.  Parvenu  à  l'àgedequa- 
tre-vingt-cinqans  ,ilsellatta  de  vivre 
encore  assez  pour  bâtir  un  palais  sur 
Monte  -  Citorio  ;  mais  il  mouiut  en 
iQ'xo ,  ranue'emcmeoi!i  il  venait  d'en 
poser  la  première  pierre.  Ses  ouvra- 
ges sont  :  I.  Practicœ  Conclusiones 
juris  ,  Rome,  iGo5-8,  8  vol.  in-fol. 
C'est  un  grand  répertoire,  où,  par 
ordre  alphabétique  ,  sont  rangées  et 
discutées  les  questions  les  phis  im- 
portantes du  droit  canonique  et  civil. 
Il  a  été  réimprimé  à  Francfort,  i  G l 'i ; 
à  Venise  ,  1G17  ;  à  Cologne  et  à  An- 
vers ,  1G20  ;  <'i  Lyon,  t()3/|  et  iGGi. 
î.c  manuscrit  original  en  a  été  con- 
servé dans  la  bibliothèque  des  dues 
de  Modène.  On  peut  y  joindre  un 
supplénaent  donné  j>ar  Charles  Tos- 
clii, neveu  de  l'auteur,  sous  ce  ti- 
titre  :  Additioncs  ampUssimœ  ad 
coûtera  octo  volamina  Cunclusio- 
vnm  practicarum  ,  Lyon,  iG-jo  , 
in-fol.  II.  Tracta  lus  de  jura  sia- 
tuum  in  impcrii»  Bomano  ,  Franc- 
fort, iG'^,0,  in-4".  m.  llifohii^i- 
carum  (jumstiomim  ,  ac  traclalùi- 
tiiim  omnium.  .  .  .  séries  ,lllologne  , 
i<)G3.  111-/1".  1)oniinii(iie  'l'osrlii  a 


TOS 

hisse  en  outre  des  mémoires  manus- 
crits ,  qui  ont  été  trouvés  chez  les 
mineurs  observants  de  Reggio  ,  et 
publiés, par  NicoloTaecoli  ,da!!S  les 
Mémoires  his  iori(pLCS  de  cette  ville, 
III  ,'271  ,  Carpi ,  I  -;(')().  Foj.  Tira- 
boschi  ,  et  la  Bihlio  teca  modenese , 
qui  contient  un  grand  nombre  de  no- 
tices sur  la  famille  de  ce  cardinal. 

M  — G— R. 

TOSELLT  (Florian),  biographe, 
né ,  en  1  Ggg  ,  ta  Bologne  ,  prit  l'ha- 
bit des  capucins  à  Césène  ,  et  se  fit 
appeler  Bernard  ,  dès  qu'il  eut  pro- 
noncé ses  vœux,  eu  1718.  Il  fut 
successivement  lecteur  de  théologie 
à  Ravenne  et  k  Ijologne  :  ses  eonfrè- 
res  rélevèrent  aux  plus  hautes  digni- 
tés de  l'ordre  ;  et  après  avoir  rem- 
pli ditlérentes  missions  à  Malte ,  à 
Rome  et  à  Milan,  il  mourut  à  Bolo- 
gne, le  If)  février  17G8.  Ses  ouvra- 
ges sont  :  I.  Manuaîe  confessario- 
rwn  ordinis  Capuccinonim,  Venise  , 
i737,in-i6.  II.  Orazione  panegi- 
rica  in  Iode  di  S.  Ansovino ,  vcs- 
covo  di  Camerino ,  Camerino,  1738, 
in  -  4°-  \\^ .  InstiLutio  iheologica  , 
juxta  omnia  dogmata ,  scholastico 
nen'o  instructa  ,  Venise,  17 '{G, 
4  vol.  in-4°.  C'est  un  cours  de  théo- 
logie, d'api'ès  le  système  de  Scot. 
IV.  Bibliotheca  scriptorum  ordinis 
minoruni  sancii  Francisci  Capucci' 
nornni ,  etc.,  ibid.  ,  1747,  in-fol. 
C'est  une  réimpression  de  l'ouvrage 
du  P.  Denis  de  Cènes  (  foj^  ce  nom, 
XI,  81),  avec  lui  grand  nombre 
d'additions.  L'ordre  des  capucins 
avait  fourni  ,  jusqu'en  174^  ,  mille 
quatre-vingt-deux  écrivains.  V. 
Lellcra  al  Marcsciallo  Keilh  so- 
pra  il  vano  limor  délia  morte  (  ji.11 
Fr('<léric  11  )  rifutata,  Bologne, 
i7()()  ,  iii  -  8".  Foyez  Fanlu//.i  , 
Scrittori  lologncsi ,  ix ,  i  o  i . 

A — G — s. 


TOS 

TOSETTI  (Urbain),  plùJoso- 
phe,  né  à  Florence,  et  cleve  chez 
les  Jésuites  ,  embrassa  l'institut  des 
piariste^,  et  vécut  à  Rome,  sous  les 
pontificats  de  Benoît  XIV  et  de  Clé- 
ment Xllt.  Il  y  professait  la  philo- 
sophie ,  lorsque  les  allaires  de  la  so- 
ciété eu  Portugal  le  jetèrent  dans  la 
polémique  :  peu  reconnaissant  envers 
ses  anciens  maîtres  ,  il  grossit  le 
nombre  de  leurs  ennemis ,  et  les  at- 
taqua violemment  dans  ses  écrits.  Il 
venait  de  recevoir  la  nomination  de 
recteur  au  collège  de  Parme,  lors- 
qu'il mourut  à  Rome ,  le  9  mars 
1768.  Son  principal  ouvrage  est 
intitulé  :  De  societate  mentis  et 
corporis  ,  dissertatio  ps^cologico- 
phjsica,  Rome  ,  1704  ,  in-4°.  L'au- 
teur soutient  qu'il  faut  accorder  à  l'a- 
me  quelque  étendue  :  «  Parce  qu'exer- 
çant une  action  quelconque  sur  le 
corps  ,  elle  doit  nécessairement  se 
trouver  présente  dans  cette  partie  du 
cerveau  où  aboutissent  les  nerfs. 
Quelque  imperceptible  que  soit  ce 
point,  c'est  toujours  un  espace  phy- 
sique, qui  suppose  de  l'étendue  dans 
l'ame.  »  Cet  argument  n'était  pas 
nouveavi:  il  fut  combattu  dans  l'ou- 
vrage de  Bacchetti,  intitulé  :  In  lociiin 
quemdani  disputationis  de  societa- 
te mentis  et  corporis ,  aiùmadver- 
siones  ,  ibid. ,  1755,  in-8°.    A-g-s. 

'POSTAT  (  Alphonse  )  ,  célèbre 
théologien  espagnol,  et  l'esprit  le 
plus  vaste  de  son  siècle,  naquit  au 
commencement  de  l'année  i4oo,  à 
Madrigalejo ,  petit  bourg  de  l'Es- 
tramadure. Envoyé  par  ses  parents  à 
Salamanque ,  il  y  termina  ses  études 
de  la  manière  la  plus  brillante,  et 
reçut  le  doctorat  à  vingt-deux  ans  : 
il  avait,  à  cet  âge  ,  déjà  parcouru  le 
cercle  des  connaissances  humaines. 
Savant  dans  les  langues ,  et  particu- 
lièrement dans  le  grec  et  l'hébreu,  il 


TOS 


3o' 


possédait  à  fond  la  théologie,  la  phi- 
losophie, le  droit  civil  et  canoni- 
que ,  et  s'était  rendu  très-habile  dans 
les  mathématiques  ,  la  géographie  et 
l'histoire.  Il  fut  pourvu  d'une  chaire 
de  théologie,  qu'il  remplit  avec  éclat; 
et,  malgré  sa  grande  jeunesse,  fut  dé- 
puté au  cor.cile  de  Bâie ,  où  il  se  si- 
gnala par  son  érudition  et  par  son 
éloquence.  Après  la  clôture  de  cette 
assemblée,  il  se  rendit  en  Italie.  Étant 
à  Sienne,  il  y  soutint,  en  présence 
du  pape  Eugène  IV,  vingt-  une  pro- 
positions thcologiques,dont  quelques- 
iijies  n'eurent  pas  l'approbation  du 
pontife.  Le  cardinal  Jean  de  Torqua- 
mada  fut  chargé  de  réfuter  les  deux 
suivantes  :  Quoiqu'il  n'y  ait  aucun  pé- 
ché qui  ne  se  puisse  remettre  ,  Dieu 
toutefois  ne  remet  ni  la  peine,  ni  la 
coulpe  ,  et  aucun  prêtre  n'en  peut  ali- 
soudre.  —  Jésus-Christ  a  souileri  la 
mort  le  trois  d'avril ,  et  non  pas  le 
vingt-cinq  mars  ,  comme  on  le  croit 
communément.  Tostat  lui  répliqua 
par  l'oavrago  intitulé  :  Défense  des 
trois  conclusions  ;  mais  quoiqu'il  eut 
déclaré  qu'il  se  soumettait  au  juge- 
ment du  pape  et  de  l'Église ,  on  trou- 
va qu'il  y  montrait  peu  de  déférence 
pour  l'autorité  du  souverain  pontife 
(  P^oj.  les  Annal,  de  Sponde  ,  ann._ 
1443  )•  Il  ne  tarda  pas  à  retourner 
en  Espagne  ;  et,  peu  de  temps  après, 
il  fut  fait  évêque  d'Avila,  membre 
du  conseil  royal  de  Castille ,  et  grand 
référendaire.  Ce  prélat  mourut  le  3 
sept.  1454?  à  l'âge  de  cinquante-cinq 
ans  (  I  ) ,  et  fut  inhumé  dans  le  chœur 
de  sa  cathédrale,  avec  une  épitaphe 
qui  commence  par  ce  vei-s  : 

IJic  stupor  est  miindi  qui  scihile  disctUit  omne. 


(i"l  \,a  p]up:\rt  dps  Rufpurs  osp.ignols  prtlcndoiit 
c]nr  To.slat  n'avait  que  cpiaranlc  ans  quand  il  innu- 
rut  ;  mais  cVst  iin<*i'rrcur  i*vidt;nloqu'ils  ont  accre- 
dilee  pour  douuer  une  plus  liaiile  icliip  d«  la  ficoii- 
ditc.di'iùsi  prodigieuse  de  leur  couipniriotc.  Voy. 
In  liihl.  de  Cliacon, 

20.. 


3o8 


TOS 


Tostat  était  doué  d'une  mémoirepro- 
digie»se,'d'un  esprit  vit"  et  pénétrant, 
et  d'une  ardeur  infatigable.  On  ne 
peut  s'étonner  assez  que,  dans  une  vie 
si  courte ,  et  au  milieu  de  distrac- 
tions continuelles  ,  il  ait  trouvé  le 
loisir  de  composer  autant  d'ouvrages 
que  le  savant  le  plus  laborieux  et  le 
plus  fécond.  Le  nombre  de  ses  écrits 
est  si  grand ,  que  ses  compatriotes 
ont  calculé  qu'il  avait  employé  cinq 
feuilles  par  jour  ,  l'un  portant  l'au- 
tre (2).  Ses  Commentaires  sur  les 
livres  historiques  de  la  Bible  et  sur 
l'Évangile  de  saint  Mathieu,  furent 
publiés,  pour  la  première  fois,  à  Ve- 
nise, en  i5o7  ;  par  les  soins  du  car- 
dinal Xiraénès.  Ils  ont  été  réimpri- 
més dans  cette  ville  et  à  Cologne, 
L'édition  la  plus  estimée  est  celle'  de 
Venise,  iSgG,  in-fol.,  i3  vol.,  dont 
le  dernier  contient  VIndex  ou  table 
générale  des  matières.  Les  Commen- 
taires de  Tostat  sont  si  diffus  ,  dit 
Rich.  Simon,  que  l'on  pourrait  aisé- 
ment en  retrancher  une  bonne  partie, 
sans  qu'ils  fussent  pour  cela  moins 
exacts  :  mais  il  est  beureux  dans  ses 
digressions  jet  la  lecture  peut  en  être 
utile,  parce  qu'il  est  savant  et  exercé 
dans  le  style  de  la  Bible  (  Hist.  critiq. 
du  Fieux  Testament,  m,  i49  )• 
Suivant  Mosheim,  ces  Commentaires 
mystiques  et  allégoriques  ne  sont  re- 
marquables que  par  le  poids  des  vo- 
lumes {Hist.  ecclésiastiq. ,  m ,  4o3). 
A  la  suite  des  Commentaires  de  Tos- 
tat on  a  réuni  les  Opuscules  suivants  : 
la  Défense  des  trois  Conclusions  j  cin([ 
Paradoxes  :  l'un  sur  le  nom  de  vase 
que  l'on  donne  à  la  sainte  Vierge  j  et 
les  qiialre  autres  sur  les  titres  de 
lion ,  d'agneau ,  de  serpent  et  d'aigle 


fî)  Si  srri/il'i  dicbtii  r/iitlnii  vint  fon/ciaiilur, 
deiinhenilinius  ùnj^ulu  diehui  nuinriiie  chaituctai 
vliciu  teripùloitr.  Bibl.  d«  Ch«i!Oii ,  «rt.  Al). 
ToUat. 


TOT 

qui  conviennent  à  Jésus-Christ;  un 
Traité  de  la  Trinité;  un  de  l'état  des 
âmes  après  la  mort  ;  un  de  la  meil- 
leure manière  de  gouverner  les  peu- 
ples; un  sur  ces  paroles  d'Isaïe  :  En 
virgo  concipiet ,  et  enfin  un  contre 
les  prêtres  concubinaires.  Parmi  les 
autres  ouvrages  de  Tostat ,  on  cite 
un  Commentaire ,  en  espagnol  ,  sur 
la  Chronique  d'Eusèbe,  imprimé, 
suivant  quelques  biographes  ,  à  Sa- 
lamanque,  i5o6,  in-fo!.,  5  vol.  «  Je 
ne  connais  pas,  dit  Lenglet-Dufres- 
noy ,  de  livre  plus  rare;  et  je  ne  sais 
même  pas  s'il  en  existe  un  seul  exem- 
plaire en  France  »  (  Méthode  pour 
étudier  l'histoire). —  Quatorze  ques- 
tions,  en  espagnol ,  sur  l'histoire  sa- 
crée et  la  mythologie  païenne  ,  An- 
vers, i55i.  On  conserve  un  grand 
nombre  d'ouvrages  manuscrits  de 
Tostat  à  la  bibliothèque  deSalaman- 
que.  Les  curieux  en  trouveront  les 
titres  dans  la  Bibliotheca  d'Alph. 
Chacon,  dans  celle  de  ]Nicol.  Anto- 
nio, et  enfin  dans  la  Bihl.  des  auteurs 
ecclésiastiques  de  Dupiu.  W — s. 
TOTILA ,  roi  des  Ostrogoths ,  sur- 
nommé Baduella ,  était  duc  de  Frioul 
en  541  ,  pendant  les  règnes  d'Hildi- 
bald  et  d'Éraric.  La  monarchie  des 
Ostrogoths,  ébranlée  par  les  victoires 
de  Bélisaire,  ne  comprenait  plus,  à 
cette  époque ,  que  les  provinces  si- 
tuées entre  le  Pô  et  les  Alpes.  Des 
divisions  funestes  avaient  éclaté  entre 
les  chefs  de  celte  nation  ;  et  Totila , 
neveu  de  l'avant-dernier  roi  Hildi- 
bald ,  craignant  d'être  à  son  tour 
victime  des  assassins  de  son  oncle, 
était  déjà  entré  en  négociation  avec 
les  Grecs  ;  mais  avant  que  le  traité 
fût  conclu  ,  à  la  fin  de  l'aimée  54 1  , 
les  Goths  massacrèrent  Eraric  ,  et 
proclamèrent  Totila  à  sa  place.  Ce 
jeune  prince  ,  dont  la  prudence  éga- 
lait la  valeur,  dut  cependant  ses  pre- 


TOT 

miers  succès  à  l'ineptie  et  aux  divi- 
sions des  généraux  grecs  qui  lui  étaient 
opposes ,  bien  plus  qu'au  courage  de 
ses  troupes.  Les  Golbs  étaient  telle- 
ment abattus  par  leurs  précédentes 
défaites ,  qu'ils  abandonnaient,  à  l'ap- 
procbe  de  l'ennemi ,  les  vil  les  les  plus 
fortes.  Ce  fut  au  basard  seul  que  To- 
tila  dut ,  en  5^1 ,  la  conservation  de 
Vérone  j  et  ce  succès ,  peu  glorieux , 
lui  ayant  donné  le  moyen  de  rassem- 
bler une  armée  de  cinq  mille  Goths  , 
il  alla  cbercber  les  Grecs  qui  s'étaient 
retirés  près  de  Faenza ,  avec  une  ar- 
mée non  moins  forte  j   il  les  attira 
dans  une  embuscade ,  et  les  battit , 
après  quoi,  il  entra  en  Toscane,  où 
il  fut  entouré  par  des  forces  supé- 
rieures; mais  une  terreur  panique, 
qui   saisit  ses   ennemis  ,  le  délivra 
de   leur  armée.  Les  prisonniers  que 
lit  Totila  dans  cette   occasion  étant 
presque  tous  des  soldats  mercenai- 
res  et  sans  patrie,  il  les  détermi- 
na   aisément  à  se  ranger  sous   ses 
étendards.  Alors,  avec   une   armée 
plus  respectable ,  il  s'avança  dans  le 
midi  de  l'Italie,  quoique  aucune  ville 
ne  voulût  lui  ouvrir  ses  portes.  Il  prit 
Bénévent,  dont  il  rasa  les  murailles, 
et  ensuite  Curaes ,  où  les  femmes  de 
plusieurs  sénateurs  romains  s'étaient 
retirées.  Il  les  renvoya  généreusement 
à  leurs  maris,  sans  qu'on  leur  fit  au- 
cun outrage.  Naples,  qu'il  avait  long- 
temps assiégée  ,   et    que  les   Grecs 
avaient  A'ainement  tenté  de  ravitail- 
ler, se  rendit  à  Totila,  en  543,  et 
le  généreux  vainqueur  soigna  lui-mê- 
me ,  avec  une  rare  liumanité,  le  régi- 
me de  ses  ennemis ,  afin  qu'eu  jia^sant 
tout-à-coup  d'une  extrême  discite  à 
une  extrême  abondance,  ils  no  fussent 
pas  victimes  de  leur  voracité.  Totila, 
en  étendant  chaque  jour  son  gouver- 
nement sur  dos  provinces  nouvelles  , 
faisaitbénir  sa  justice, tandis qucl'Ita- 


TOT  3  09 

lieentièreaccusait  les  Grecs  d'avarice, 
de  débauche  et  de  cruauté.  Totila^ 
qui  ne  voulait  point  affaiblir  son 
armée  en  en  détachant  des  garnisons, 
et  qui  rasait  partout  les  murs  des 
villes ,  pour  n'être  pas  exposé  à  les 
reprendre  une  seconde  fois  ,  avait 
besoin  de  compter  sur  l'affection  des 
habitants.  En  54'>  ,  Justiuien  sentit 
la  nécessité  de  rappeler  Bélisaire  de 
la  guerre  de  Perse,  pour  l'opposer 
à  Totila  ;  mais  il  lui  donna  si  peu 
de  soldats  et  d'argent,  que  ce  grand 
général  ne  put  empêcher  le  roi  goth 
de  prendre  Spolèle,  Assise,  Pérouse, 
Plaisance  et  enfin  Rome  elle-même , 
presque  sous  les  yeux  de  Bélisaire  , 
qui  était  alors  à  Porto.  La  capitale 
de  l'empire  ,  avant  d'être  livrée  aux 
Goths,  avait  éprouvé  les  dernières 
extrémités  de  la  faim  et  de  la  mi- 
sère; la  veuve  de  Boèce,  Rusticiana  , 
après  avoir  distribué  son  immense 
fortune  aux  pauvres  ,  s'était  trou- 
vée réduite  elle-même  à  mendier 
son  pain.  Quoique  cette  dame  illus- 
tre eût  fait  renverser  dans  tous 
les  quartiers  de  la  ville  les  statues 
deThéodoric,  par  une  vengeance 
tardive  du  supplice  de  son  mari  et 
de  son  père,  Totila  ordonna  qu'elle 
fût  traitée  avec  respect.  Le  l'oi  goth^ 
voulant  ensuite  marcher  dans  la  Lu- 
canie,  lit  abattre  les  murailles  de 
Rome,  afin  de  n'être  pas  obligé  d'y 
laisser  une  garnison.  On  assure  qu'il 
voulait  aussi  raser  les  plus  somptueux 
édifices  de  cette  ville  ,  de  crainte  que 
les  Grecs  ne  s'y  fortifiassent  ensuite 
contre  lui  ;  mais  Bélisaire  lui  écrivit 
pour  le  conjurer  de  respecter  ces 
montmients  d'une  gloire  passée  ,  et 
Totila  préféra  le  culte  des  souvenirs 
à  son  propre  intérêt.  Quarante  jours 
après  le  départ  du  roi  goth  et  de  son 
armée,  en  547  ,  Bélisaire  rentra  dans 
Rome  5  qu'il  trouva  déserte,  et  il  s'y 


3iu 


TOT 


fortifia  de  manière  à  pouvoir  bientôt 
y  soutenir  un  nouveau  siège.  Cepen- 
dant de  petits  combats  se  répétaient 
chaque  jour  d'une  extrémité  à  l'autre 
de  l'Italie  j  et  telle  était  la  désolation 
de  celte  contrée,  que  des  corps  de 
deux  ou  trois  cents  hommes  ,  Grecs 
ou  Ostrogoths,  étaient  réputés  former 
une  armée.  En  548,  Êélisaire  fut 
rappelé  par  Justinien  pour  être  char- 
gé de  la  guerre  de  Perse  ;  et  l'année 
suivante,  Totila  reprit  Rome,  qu'il 
résolut  cette  fois  de  ne  point  aban- 
donner. Ne  pouvant  obtenir  la  paix 
de  Justinien  j  toujours  insensible  aux 
désastres  de  ses  sujets ,  il  attaqua  la 
Sicile,  qu'il  dévasta  en  grande  partie, 
et  il  réduisit  les  Grecs  à  n'avoir  plus 
en  Italie  que  quelques  partis  errants, 
et  quelques  forteresses  éloignées,  saus 
liaison  les  unes  avec  les  autres.  Enfin 
.Tustinien  envoya  Narsès  en  Illyrie  , 
on  55 1;  et  ce  général,  après  y  avoir 
rassemblé  une  armée  plus  considéra- 
ble qu'aucune  de  celles  qui  jusqu'alors 
avaient  soutenu  le  parti  impérial , 
entra  en  Italie  ,  en  suivant  les  rives 
de  l'Adriatique,  et  vint  chercher  To- 
tila dans  l'Apennin  entre  Matelua  et 
Gubbio  ,  dans  un  lieu  nommé  Ta- 
gina  ,  où  les  Goths  furent  défaits  en 
552 ,  après  la  bataille  la  plus  san- 
glante. Totila,  blessé  mortellement, 
cx])ira  peu  de  jours  après.  Teja,  un 
de  ses  généraux ,  recueillit  les  restes 
de  son  année ,  et  porta  encore  une 
année  le  titre  de  roi  des  Osti'ogoths  ; 
<e|)endant  ce  fut  la  mort  de  Totila  qui 
entiaîna  la  ruine  d'une  monarchie 
qu'il  était  seul  en  état  de  défendre 
encore.  S.  S — i. 

'i'OTT  (  CrATinr,  Akeson  ) ,  gé- 
néral suédois  dans  le  seizième  siècle  , 
remporta  ,  en  i5']3  ,  sous  le  règne 
de  Jean  m  ,  sur  les  Russes,  mit;  vi('- 
toirolsignaléc  près  de  JiOde  ,  en  Li- 
voiiie  :  avec   six  cents  cavdia'rs  cl 


TOT 

cent  fantassins,  il  battit  seize  mille 
Moscowiles  ,  leur  enleva  une  im- 
mense quantité  de  bagages  ,  les  dra- 
peaux ,  les  canons ,  et  un  grand  nom- 
bre de  très-beaux  chevaux  ,  dont  il 
se  servit  pour  faire  une  entrée  triom- 
pliante  à  Revel.  Quelques  années 
après,  il  eut,  sur  la  frontière,  luie  en- 
trevue avec  les  ambassadeurs  du  czar, 
pour  conclure  une  trêve,  et  en  même 
temps  il  fut  nommé  gouverneur ,  et 
sénéchal  de  toute  la  Finlande.  Ac- 
cusé ,  en  iSqo,  d'avoir  eu  pai't  à  un 
complot ,  qui  avait  pour  but  de  chau- 
ger  la  succession  en  Suède ,  il  obtint 
sa  grâce  à  la  demande  du  roi  de  Po- 
logne Sigismond  ,  fds  de  Jean  III, 
qui  régnait  en  Suède.  Claude  Tott 
mourut  en  i5g6.Voy.Ztf  Chronique 
de  Jean  III  ,  par  Girs  ,  en  suédois . 
—  Tott  (  Claude  ,  comte  de  ) ,  sé- 
nateur de  Suède  ,  naquit ,  en  i6i6, 
et  descendait  par  les  femmes  du  roi 
Éric  XIV.  Après  avoir  rempli  plu- 
sieurs charges  importantes  ,  il  fut 
nommé,  en  1672,  ambassadeur  en 
France,  et  en  cette  qualité,  il  ouvrit, 
l'année  suiA^ante,  un  congrès  à  Colo- 
gne, pour  la  pacilicatiou  générale; 
mais  il  mourut, en  16^4  »  à  Paris. Le 
comte  de  Tott ,  fut  en  grande  faveur 
auprès  de  Christine;  et  l'on  rapporte 
que  cette  priucesse  voulut  l'élever  au 
trône  de  Suède ,  parce  qu'elle  était  mé- 
contente de  Charles-Gustave ,  qu'elle 
avait  fait  désigner  po:ir  son  succes- 
seur ,  en  iG4o.  Elle  avait  le  dessein 
de  donner  auparavant  au  comte  le 
titre  de  duc,  et  pour  cacher  son  but, 
elle  oITrit  le  même  titre  au  chance- 
lier Oxenstiern  et  au  grand  sénéchal 
I5rahé,  qui  le  lel'usèreut.  La  reine 
abdiqua  peu  après,  et  Charles-Gus- 
lavc  lui  succéda.  La  famille  de  Tott, 
une  des  plus  anciennes  de  Suède, 
s'éteignit  avec  lui.  V.  Arclicnhol/.,- 
Mémoires  de  Christirw.        C-AU. 


TOT 

TOTT  (  François,  baiou  dk  ), 
ne,  le  l'-j  iioût  1733,  à  Chauiigiiy 
\nxs  la  Fei'te-soiis-Joiiaiie,  était  issu 
el'iiue  f'amiJIe  de  geulilbhommes  hon- 
grois ,  officiers  dans  la  maison  du 
prince  Ragotzky.  Sou  ])cre  était  resté 
atlaclié  à  la  foifiiue  de  ce  prince,  en 
qualité  de  page,  jusqu'en  1720,  où 
il  passa  en  France,  avec  le  maréchal 
de  Bcrchiny.  Celui-ci  ayant  obtenu 
lie  faire  entrer  au  service  de  France 
un  régiment  de  hussards  ,  le  père  du 
baron  de  Tott  fut  eraplové  à  la  for- 
mation de  ce  corps.  S'ét;nit  rendu 
pour  cet  objet  à  Rodosto,  il  en  revint 
avec  une  levée  de  Hongrois ,  et  fut 
successivement  aide-major  et  licute- 
iiaut-coloucl  de  ce  régiment ,  et  enfin 
brigadier  des  armées  du  roi.  Dans  le 
cours  de  son  service  militaire ,  le  ba- 
ron de  Tott  père  avait  été  employé 
utilement  par  l'ambassadeur  de  Fran- 
ce à  la  Porte ,  M.  de  Villeneuve ,  tant 
auprès  de  l'armée  du  général  Mun- 
nich  ,  que  sur  d'autres  points ,  en 
1733  ,  et  depuis  la  fin  de  1736 
jusqu'en  juillet  5737.  Le  comte 
Desalleurs  ,  successeur  de  M.  de 
Villeneuve  ,  lui  avait  aussi  donné 
une  mission  auprès  du  khan  des  Tar- 
lares  ;  et  endii  d'autres  négocia- 
tions particulières  lui  avaient  été 
confiées  en  1738,  1739  et  1740- 
L'habileté  avec  laquelle  il  avait  con- 
duit ces  affaires ,  la  grande  connais- 
sance qu'il  avait  de  la  manière  de 
traiter  avec  les  Turcs  et  les  Tarla- 
res ,  son  extrême  facilité  à  parler  les 
langues  turque  et  polonaise,  firent 
jeter  les  yeu\  sur  lui ,  eu  avril  1 755  , 
pour  accompagner  le  chevalier  de 
Vcrgcunes  à  Constantinople.  Étant 
allé  ,  en  se])t.  1757,  à  Rodosto,  vi- 
siter ses  anciens  compagnons  d'infor- 
lunc  ,  qui  s'y  étaient  reiin's  avec  l\a- 
gol/Jvy,  et  lui  avaient  survécu,  il  y 
fui  atteint  par  une  fièvre  qui  l'enleva 


TOT  3ii 

eu  peu  de  jours.  'J'ott  fils,  qui  avait 
accompagué  son  père  en  Turquie,  et 
qui  dès  sou  arrivée  s'était  mis  eu  me- 
sure deconuaîlre  la  langue ,  les  mœurs 
et  les  prmcipalcs  institutions  du  pays , 
demeura  à  Constantiuo])le.  Le  che- 
valier de  Vergennes  lui  fit  obtenir 
quatre  mille  francs  sur  le  traitement 
que  laissait  son  père,  et  l'employa 
dans  sou  ambassade,  sans  qu'il  perdît 
son  grade  de  capitaijie  dans  le  régi- 
ment de  Bcrchiny,  où  il  servait  de- 
puis les  campagnes  de  Bohème.  Il 
j)assa  ainsi  les  années  1757  à  1763 
à  Constantinople ,  et  se  rendit  en 
France ,  par  congé  ,  au  mois  d'a- 
vril de  cette  dernière  année.  Eu 
1766,  le  baron  de  Tott  ayant  pré- 
senté au  duc  de  Choiseul  ses  vues 
sur  un  traité  de  commerce  avec  le 
khan  des  Tartares,  et  sur  les  moyens 
d'ouvrir  à  notre  pavillon  l'entrée  de 
la  mer  Noire,  ce  ministre  profita  de 
la  circonstance  de  la  maladie  du  cou 
sul  en  Crimée ,  Fornetti ,  pour  le 
faire  remplacer  par  Tott.  Il  était 
question  de  lui  conférer  le  titre  de  mi- 
nistre, dans  l'intention  de  fiattcr  le 
khan  par  cette  distinction  •  mais  de 
peur  de  blesser  la  Porte  ,  on  donnant 
un  caractère  pohtique  qu'elle  ne  re- 
connaîtrait pas ,  on  renonça  à  cette 
idée.  Tott  dirigea  sa  route  par  la  Po- 
logne, et  apprit,  chemin  faisant ,  la 
mort  du  khan  Arslan-Guéraï,  ce  qui 
pouvait  apporter  d'autant  phis  de  dif- 
ficulté à  l'accomplissement  de  sa  mis- 
sion ,  queMakhsoud-Guéraï ,  sou  suc- 
cesseur ,  ne  paraissait  pas  vouloir 
suivre  la  même  politique.  Tott  partit 
de  Varsovie,  le  i5  septembre  1767, 
et  arriva  le  1  7  octobre  à  Baklilchésé- 
raï,  résidence  du  khan.  Il  ne  tarda 
])as  à  fournir  de  nouvelles  preuves 
de  sou  zèle  et  de  son  habileté,  tant 
par  l'inlérct  qu'il  sul  donner  à  ses 
observations  sur  les  affaires  de  Pulo- 


3l2 


TOT 


gne  et  de  la  Porte ,  que  par  l'influen- 
ce qu'il  obtint  sur  le  klian.  On  sait 
le  parti  qu'il  tira  de  l'afl'aire  des 
Noga'is  et  des  troupes  russes  qui 
poursuivirent  quelques  Polonais  à 
Ealta,  petite  ville  tartare,  et  com- 
ment il  s'en  servit  pour  réveiller  la 
Porte  de  sa  léthargie.  Les  consé- 
quences en  furent  telles ,  qu'elles  ame- 
nèrent entre  la  Turquie  et  la  Russie 
une  rupture  ,  que  le  duc  de  Clioiseul 
appelait  do  tous  ses  vœux.  Totî ,  ne 
trouvant  pas  d'ailleurs  dans  Makh- 
soud-Guéraï  toute  la  condescendance 
qu'il  pouvait  désirer,  ne  fut  proba- 
blement pas  étranger  à  la  déposition 
de  ce  kban  et  au  rétablissement  de 
Grvm-Guéraï  •  mais  ce  prince  mou- 
rut^ en  1769,  et  son  fils  Dewlet- 
Guéraï  lui  succéda  (  i  ).  Ce  nouveau 
kban  lit  défendre  au  baron  de  Tott 
de  retourner  en  Crimée ,  sous  prétex- 
te qu'un  infidèle  ne  pouvait  demeu- 
rer dans  son  armée.  Mais  le  véritable 
motif  était  que  Tott  avait  été  fort  en 
crédit  auprès  de  l'ancien  kban,  en- 
nemi juré  du  grand-vézir;  et  ce  pre- 
mier ministre  profita  de  la  circons- 
tance de  la  mort  de  Crym-Guéraï  , 
pour  faire  renvoyer  le  baron  de  la 
cour  du  successeur.  De  retour  à 
Constantinople,Totî  dressa  une  carte 
du  thcàtrc  de  la  guerre,  qui  fut  pré- 
sentée au  graud-seigneur.  Celui-ci  en 
montra  beaucoup  de  satisfaction  et , 
d'après  les  observations  de  cet  ofb- 
cier  ,  il  ordonna  la  marche  du  pa- 
cha de  Bendcr  en  Ukraine.  Tott  fit 
ensuite  pour  sa  hautesse  luie  carte  de 
Russie  :  bientôt  apris,  les  vues  qu'il 
développa  pour  la  réforme  des  pon- 

ii)  Dpwloi-Ciii'rni  clait  neveu  v.l  11011  1.11s  (ils  il« 
Crviii-Oui  lai  ,  sniviinl  le  n'cit  mi"iiie  fie  Toll  : 
moi»  «M  •■•l  ixTini»  eli-  n'en  i.i|>|>iirler  Ji  l'incxarlc 
«■I  «èi.lie  Notice  d't  Khans  dr  Crimie ,  donrirr  |inr 
l,*nKlpii,  «lin»  le  tome  III  «lu  A^ovrtyc  de  Hrn(;nlr 
Il  Siiinll'clriil'ourg  ,  jinr  Fiir«ter ,  il  y  eul.  quiitir 
fcliaun  «lire  Ci  yiii  «-t  Oewiel  À — T. 


TOT 

Ions  et  de  l'artillerie  turque  engagè- 
rent la  Porte  à  le  charger  de  cette 
opération.  Ce  fut  sa  principale  occu- 
pation pendant  toute  la  durée  de  la 
guerre  avec  la  Russie.  Lorsque  la 
flotte  russe ,  commaiylée  par  Orioff , 
vint,  en  1770, menacer  Coiistantiuo- 
])le,  on  confia  au  baron  de  Tott  le 
soin  de  défendre  les  Dardanelles.  Il 
proposa  d'établir  sur  la  côte  d'Euro- 
pe six  batteries  garnies  de  cinquante 
pièces  de  canons,  et  cinq  sur  la  côte 
d'Asie.  I!  conseilla  en  outre  de  fixer 
des  vaisseaux  dans  des  postes  dési- 
gnés pour  servir  de  batteries  flottan- 
tes qui  tirassent  sur  le  front  de  l'en- 
nemi ,  pendant  que  les  batteries  de 
terre  l'attaqueraient  en  flanc.  Ces 
plans  furent  approuvés  et  quoiqueim- 
parfailement  exécutés  ils  arrêtèrent 
la  flotte  d'Orloff.  Au  commencement 
de  1 77  ï ,  Toit,  prévoyant  que  les  ef- 
forts des  Russes  se  porteraient  du 
côté  d'Oczakow  et  de  la  Crimée ,  in- 
diqua les  moyens  de  mettre  à  cou- 
vert toute  cette  partie  des  frontières 
othomanes.  Il  ne  négligeait  pas  tou- 
tefois la  réforme  de  l'artillerie,  tant 
sous  le  rapport  du  personnel  que  sous 
celui  du  matériel.  Pour  cette  même 
campagne  de  1 77 1 ,  il  avait  déjà  fait 
fondre  cent  cinquante  pièces  de  ca- 
nons ,  et  il  était  parvenu,  pour  son 
coup  d'essai,  à  faire  tirer  à  des  canon- 
niers  turcs  trois  coups  par  minute  , 
céléritéqui  paraissait  miraculeuse  au 
peuple  aussi  bien  qu'aux  ministres 
othomans,  et  au  grand  seigneur  lui- 
même,  qui  ftit  témoin  de  ces  expé- 
riences. Tott  forma  également  les 
canouniers  turcs  au  jet  des  bombes. 
L'année  177'^.  fut  employée  à  ces  di- 
vers travaux  et  à  l'établissement 
d'une  nouvelle  fonderie.  Au  mois  de 
septembre  de  celle  année,  le  reis-ef- 
fendi  et  d'autres  olViciers  de  la  Porte 
se  firent  accompagner  par  Tott  pour 


TOT 

examiner  deux  châteaux  en  mauvais 
état  à  l'embouchure  de  la  mer  Noi- 
re ,  et  reconnaître  le  point  où  il 
convenait  d'en  établir  d'autres  ;  et  le 
1 6 février  i'jn3,ce  ministre  en  posa 
la  première  pierre.  Durant  les  années 
1773  ,  1774?  ^11^}  Totî  se  livra 
à  la  construction  de  ces  châteaux 
et  à  la  réorganisation  de  l'artillerie 
turque.  Il  fit  aussi  établir  une  ma- 
chine à  mater  et  donna  des  dessins 
pour  la  construction  des  vaisseaux. 
Aucune  partie  de  l'établissement  mi- 
litaire et  maritime  de  cette  puissance 
ne  lui  échappait;  et  souvent  il  lit 
connaître  aux  Turcs  les  désordres 
de  leur  administration.  Il  avait  ac- 
quis leur  estime  et  leur  confiance; 
il  parlait  leur  langue  ,  connaissait 
leur  caractère  et  les  traitait  avec 
douceur  et  dignité.  Aussi ,  à  diverses 
reprises  ,  la  Porte  lui  témoigna  une 
grande  considération.  Ce  fut  à  la  re- 
commandation expresse  de  cette  puis- 
sance ,  que  le  roi  lui  accorda,  en  juil- 
let 1773  ,  le  grade  de  brigadier  des 
armées.  A  cette  occasion  le  kaïm- 
mékam  se  rendit  à  l'école  d'artillerie 
et  le  revêtit  d'uue  pelisse  d'hermine. 
Malgré  ces  témoignages  et  les  servi- 
ces immenses  qu'il  rendait  à  la  Por- 
te ,  il  éprouva  des  dégoûts  et  des  dé- 
sagréments qui  tiennent  au  caractère 
de  ce  peuple  et  à  son  incurable  aver- 
sion pour  les  arts  de  l'Europe  et 
pour  tout  perfectionnement  ou  amé- 
lioration. Le  travail  des  châteaux 
neufs  sur  la  mer  Noire  n'allait  qu'im- 
parfaitement, et  il  en  était  de  même 
des  autres  opérations  :  il  n'y  put 
tenir.  Ayant  demandé  d'être  em- 
ployé ailleurs,  il  obtint  l'autorisation 
de  revenir  en  France.  La  Porte  re- 
çut sans  intérêt  l'annonce  de  son 
départ  ,  et  lui  accorda  néanmoins 
des  distinctions  honorables.  En  pre- 
nant congé  du  grand-vézir  ,  ce  mi- 


TOT 


3i3 


nistre  le  fit  revêtir  d'une  pelisse  de 
Samour.  Peu  de  mois  après  le  retour 
du  baron  en  France  ,  vers  la  fin  de 
juin  177G,  le  ministère  de  la  mari- 
ne songea  à  tirer  parti  de  ses  talents, 
en  lui  confiant  l'inspection  générale 
des  consulats  dans  les  Échelles  du 
levant ,  en  ï^gypte  et  en  Barbarie. 
L'objet  de  cette  mission  était  de  si- 
gnaler les  abus  existants  dans  les  éta- 
blissements consulaires  j  et  de  re- 
cueillir des  renseignements  utiles  sur 
le  commerce  et  sur  les  productions 
des  contrées  où  ils  étaient  placés. 
D'après  le  désir  du  célèbre  BufTon , 
il  fut  accompagné  dans  ce  voyage 
par  le  naturaliste  Sonnini ,  qui  vou- 
lait commencer,  sur  ce  point,  ses  re- 
cherches en  histoire  naturelle.  Par- 
tis de  Toulon ,  au  commencement  de 
1777,  ils  visitèrent  successivement 
la  Canée  ,  Alep  ,  Alexandrie ,  le  Cai- 
re, Larnaca,  Smyrne,  Salonique, 
l'Archipel ,  Tunis  ,  etc.  Enfin,  après 
di?L-sept  mois  d'inspection,  Tott  re- 
vint à  Paris.  Cette  mission  termina 
ses  services  diplomatiques.  Ayant 
obtenu  deux  pensions  des  ministères 
de  la  marine  et  des  afTaires  étrangè- 
res ,  il  s'occupa  de  mettre  en  ordre 
ses  observations  et  le  résumé  de 
ses  travaux ,  tant  en  Crimée  qu'à 
Constantinople ,  et  il  les  publia  sous 
le  titre  de  Mémoires  sur  les  Turcs 
et  les  Tartares  ,  (2)  Amsterdam 
(Paris)  ,  1784,  4  '^'oJ-  in-8«.  L'an- 
née suivante  ,  il  en  donna  une  secon- 


(21  Quoique  CCS  Mémoires  sentent  le  cbarlala- 
iiisme  qui  formait  un  des  traits  distinctifs  du 
caractère  de  l'auteur,  et  que  sa  négligence  à 
rapporter  les  dates  des  cve'nemeuts  généraux  ou 
pr.rticulîers  qu'il  raconte  ,  y  jettent  beaucoup  de 
confusion,  on  peut  dire  qu'ils  méritaient  le  succès 
qu'ils  obtinrent  ;  c'est  le  premier  livre  eu  eflfel 
qui ,  dans  les  temps  modernes  ,  ail  commencé  à 
faire  connaîlre  eu  France  la  politique ,  l'histoire 
de  l'empire  othoman  ,  les  moeurs  et  les  préjugés 
de  ses  liabilauts.  Les  relations  de  Savary  ,  de 
Volncy,  de  Sonnini  ,  de  Clienier  ,  d'Olivier  ,  etc., 
n'ont  paru  qu'après.  A-T. 


3 . 4  TOT 

de  cdilion,  a  vol.  in-4^  (3).  Cet  ou- 
vrage fut  traduit  deux  fois  en  alle- 
mand à  ElLing  et  à  Nuremberg , 
i'^85,  '2  vol.in-S",  5  deux  fois  en 
anglais,  1785,  2  vol.  iii-S*^.  ;  une 
fois  en  danois ,  par  IMorten  Hallan- 
ger,  Copenhague,  1785,  '2  vol.  iu- 
8°.  ;  une  fois  eu  suédois  ,  Upsal ,  in- 
S°.  y  1800;  une  fois  en  hollandais  , 
par  Yshr-Van-Hammelsveld ,  Ams- 
terdam ,  1 789  ,  grand  in-S'^.Les  tra- 
ducteurs allemands  y  ont  ajoute  les 
observations  de  Peyssonel.  Tott 
ayant  ctc  compris  ,  en  1781,  dans 
la  promotion  des  mare'chaux-de- 
camp  ,fut  nomme,  en  1 786  ou  1 787, 
commandant  de  la  ville  de  Douai  : 
il  l'était  encore  au  commencement 
de  la  re'volution;  mais ,  en  1 790  ,  les 
quatre  régiments  qui  formaient  la 
garnison  ayant  projeté  de  faire  une 
petite  fédération ,  Tott ,  pour  déj  ouer 
ce  projet,  ordonna  de  battre  la  géné- 
rale à  l'heure  même  où  il  devait 
s'accomplir.  Les  soldats  devinant 
son  motif  accusèi'ent  leur  comman- 
dant d'être  un  aristocrate,  et  jurè- 
rent sa  perte  :  ils  se  rendirent  néan- 
moins dans  leurs  quartiers  pour  pas- 
ser sa  revue  •  mais  à  peine  sortait- il 
d'un  quartier ,  que  mettant  habits  bas, 
ils  s'armaient  de  pierres  et  le  pour- 
suivaient. 11  trouva  moyen  de  leur 
échapper.  La  nuit  étant  arrivée  dans 
ces  entrefaites  ,  la  ])lus  violente  ru- 
meur régnait  dans  la  place  ])arcou- 
rue  dans  tous  les  sens  ,  par  ces  for- 
cenés qui  menaçaicnldc  le  laiitcnicr, 
et  molliraient  les  cordes  dont  ils  s'é- 
taient munis  dans  ce  dessein.  IjCS  of- 
ficiers du  régiment  d'artillerie  de  la 
Fère  alli'jent  trouver  le  baron  de 
Tott  pour  lui  oll'rir  de  ramener  au 


(3)  La  ^ccon.lirJilioi,  ,  >l  ;..>Kiiii'i.lr.'  .1' /.', 

,y;r>/iie  «  la  riiln/iu  ilc  l'ijyutiitl  (  y .  Vv.\  ssiiM:i, , 
%XX1U  ,    5àU  ).     Ci'Uc    /(^l'njt:    est    de    UiiUiii. 
A.  I1--T. 


TOT 

milieu  d'eux  et  de  protéger  sa  re- 
tiaiie.  Kil'eclivement  quelques-uns, 
])rolitant  du  moment  où  les  soldats 
ivres  étaient  la  plupart  endormis, 
raccompagnèrent  le  pistolet  au  poing 
et  le  firent  sortir  de  la  ville.  ïott 
partit  pour  Paris  et  de  là  pour 
la  Suisse  où  il  resta  un  an.  11  se 
rendit  ensuite  à  Vienne  où  il  fut 
obligé  de  solliciter  des  lettres  de  grâ- 
ce comme  fils  d'un  des  partisans  de 
Ragot/.ky  :  il  les  obtint  et  trouva  un 
asile  dans  les  terres  qu'un  ancien 
ami  de  sa  famille,  le  comte  Théodore 
Bathianv  ,  possédait  en  Hongrie.  Il 
mourut  à  Tatzmansdorf,  dans  le  cou- 
rant de  1793.  Tott  ne  laissa  que  des 
filles;  l'une  d'elles  a  épouséM.de  La 
Rochefoucauld^  duc  d'Estissac.  (4). 

G RD. 

TOTTLEBEN  (  Gottlob  Henri  , 
comte  de)  a  mérité,  par  quelques  ex- 
ploits militaires  ,  une  place  dans  l'his- 
toire ;mais  s'est  encore  fait  connaî- 
tre davantage  par  le  dérèglement  de 
ses  mœurs ,  l'elîronterie  de  son  ca- 
ractère et  la  singularité  de  ses  aven- 
tures. Né,  eu  Saxe,  vers  1710  ,  il 
annonça  de  bonne  heure  ce  qu'il  se- 
rait un  jour  ,  en  recherchant,  avant 
toute  autre  lecture  ,  la  Vie  de  Car- 
touche et  la  Pratique  des  Filous. 
Ayant  été  placé  comme  page  à  la 
cour  de  Dresde ,  il  plut  au  roi  Au- 
guste llf ,  parle  récit  de  ses  tours 
d'adresse  et  de  friponnerie.  Ce 
prince  étant  un  jour  à  table  ,  vêtu 
d'un  riche  habit  de  velours  qu'il 
portait  pour  la  première  fois  ,  le 
jeune  ])age  répandit  à  dessein    sur 


(/|)  Un  frire  Jii  liainii  de  Toit  fut  arrête  ,  le  i3 
j.iMvicriaii3  ,  sur  lepiiraiiet  du  l'nnt-Neul',»  Pari.s  , 
|>:ir  des  elîvci  de    l'iiiiiversité  de  jiirispnidrni-e  , 

nii  leiil  <iii,  girisM'  pur  la  misère  el  le  Iicmmii,  il 

;.ll.<il  M'  i.irripil.r  iliMs  h  Seine.  Ils  nimeiù'ie») 
ee  vieillord  .'■  m>m  diiniieile,  liAlel  de  Londres,  rue 
i:roi\  .l.-s  l'elils-(Ji.iini>s  i  iiii.ls  Ions  le»  seeoiirs 
i|ii'on  lui  |ii'odli;ii  I  ne  |uircnl  le  sauver.  Il  inou- 
lul  le  i()iln  nièine  uiois.  A— T 


Tar 

lui  un  verre  de  vin.  Aiigusle ,  qui  ne 
vit  en  cela  qu'un  peu  de  mal-adresse, 
se  conleuta  de  faire  une  légère  répri- 
mande au  page,  qui,  sans  s'excuser, 
répondit  qu'un  lialnt  désormais  iu- 
dicue  d'un  roi  pouvait  faire  le  Lon- 
heur  d'un  pauvre  page; et  1  habit  hn 
fut  donne.  Quelque  temps  après,  Tott- 
leljen  fut  nomme  gentilhomme  de 
ia  chambre  ,et  il  s'insinua  dans  l'in- 
timité d'une  princesse  de  la  cour.  Le 
roi, à  qui  cette  liaison  déplut,  voulut 
qu'il  se  mariât,  et  il  lui  donna  pour 
épouse  la  comtesse  de  Siewertz  ,  eu 
le  nommant  conseiller  du  premier 
tribunal  de  justice.  En  1740  ,  il 
l'éleva  à  la  dignité  de  comte  de  l'em- 
pire. Des  lors  Tottleben,  n'étant  re- 
tenu par  aucune  des  considérations 
qui  dirigent  l'homme  d'honneur , 
s'abandonna  au  jeu  et  à  la  débauche. 
La  comtesse  ayant  voulu ,  par  quel- 
ques moyens  de  prudence,  l'empêcher 
de  dissiper  sa  fortune,  il  l'accabla 
de  mauvais  traitements  et  d'injures, 
qui  furent  bientôt  connus  de  la  ville  et 
de  la  cour.Un  j  our  il  poussa  le  cynisme 
jusqu'à  forcer,  le  pistolet  à  la  main  , 
sa  malheureuse  épouse  d'être  témoin 
de  ses  infamies  avec  deux  misérables 
créatures  qu'il  avait  fait  venir  chez 
lui.Dansunecauseimportante,il  ven- 
ditsa  voix  à  un  homme  puissant,  pour 
quatre  cents  ducats.  Le  roi,  qui  en  fut 
informé,  lui  ôta  sa  place,  et  le  bannit 
de  ses  états.  D'autres  prévarications 
ayant  été  découvertes,  on  institua  une 
commission  d'enquêtes,  et  il  fut  obli- 
gé de  se  réfugier  dans  le  duché  de 
Saxe  -  Wcissenfels  ,  puis  à  Ratis- 
boime,  où  il  fit  à  Charles  VII  l'of- 
fre de  le\  er  un  régiment  à  ses  frais. 
Sa  proposition  n'ayant  pas  été  ac- 
cueillie, il  partit  pour  la  Haye,  où  il  en 
fitunesemblable,  qui  fut  mieux  reçue. 
Le  sta.dhouder  l'ayant  nommé  colo- 
nel du  régiment  (pi'il  devait  crccr , 


TOT 


3i5 


Tottlebrn,  qui  s'était  réservé  la  nomi- 
nation des  oHlciers ,  trafiqua  hon- 
teusement de  ces  emplois  ,  vendant 
plusieurs  fois  le  même,  et  se  fai- 
sant payer  d'avance,  ce  qui  lui  attira 
desalfronts  humiliants.  Le  stadliou- 
der  étant  venu  passer  la  revue  du  ré- 
giment, fut  indigné  du  mauvais  état 
dans  lequel  il  le  trouva  ,  et  fit  au  colo- 
nel ,  à  la  tête  du  corps  ,  les  rcprociies 
qu'il  méritait.  Le  régiment  fut  licen- 
cié ,  et  le  comte  mis  à  la  pension  de 
retraite.  Se  voyant  encore  une  fois 
abandonné  par  la  fortune ,  Tottleben 
eut  recours  aiix  moyens  les  plus 
vils.  Il  séduisit  et  enleva  de  la  ma- 
nière la  plus  lâche  une  jeune  fille  de 
quinze  ansj  dissipa  en  peu  de  temps 
sa  fortune ,  et  fut  chassé  de  Ber- 
lin, où  il  s'était  réfugié.  Après  d'au- 
tres avantures  ,  non  moins  houleu- 
ses, il  alla  à  Pétersbourg  ,  au  com- 
mencement de  Ja  guerre  de  Sept- 
Ans ,  et  ayant  été  présenté  à  l'impé- 
ratrice Elisabeth  ,  il  fut  autorisé  à 
lever  un  corps  franc  de  douze  mille 
hommes  ,  dont  il  eut  le  commande- 
ment. Placé  sous  les  ordres  du  géné- 
ral Fermor ,  il  enti'a  en  campagne,  en 
1 757,  pénétra  dans  la  Prusse,  etle3o 
août  se  trouva  à  la  bataille  de  Gros- 
Jagersdorf ,  où  les  Prussiens  furent 
battus.  Après  la  retraite  imprévue 
d'Apraxin ,  il  fut  envoyé  par  le  gé- 
néral Fermor  h  Pétersbourg  ,  pour 
exposer  à  l'impératrice  les  griefs  de 
l'armée  contre  le  général  en  chef. 
L'impératrice  ,  satisfaite  des  rap- 
ports que  lui  fit  Tottleben  ,  le  nom- 
ma lieutenant-général  ,  et  porta  son 
corps  franc  à  quinze  mille  hommes. 
Il  se  distingua  à  la  tête  de  cette 
troupe  ,  et  fut  blessé  à  la  bataille  de 
Zorndorf ,  après  laquelle  on  le  déta- 
cha pour  entrer  dans  la  Poméranie 
prussienne,  il  devint  le  Iléau  de 
cette  ])rovince ,  qu'il  traita  à  la  ma- 


3i6 


TOT 


uière  des  brigands,  livrant  au  pil- 
lage et  au  feu  les  villages  qui  n'ac- 
quittaient pas  assez  promplemcnt  les 
contributions  qu'il  e'tablissait.  Une 
jeune  personne  à  peine  nubile  ayant 
re'sisté  à  sa  fureur ,  il  l'abandonna  à 
ses  Cosaques  ,  et  deux  jeunes  gens 
qui  accoururent  aux  cris  de  leur 
sœur  furent  massacres  sous  ses  yeux. 
Le  coup  de  main  qu'il  exécuta  dans 
ce  temps-là  sur  Berlin  ,  lui  donna 
quelque  célébrité'.  Vingt-deux  mille 
Russes  et  quatorze  mille  Autrichiens 
marchaient  sur  cette  capitale.  Tottle- 
ben,  voulant  les  prévenir,  se  mit  à  la 
tête  de  six  mille  hommes  de  son 
corps  franc  ,  et  arriva  inopinément 
devant  la  ville,  qu'il  bombarda  et 
força  bientôt  de  capituler.  La  garni- 
son se  rendit  prisonnière  ,  et  les  ha- 
bitants payèrent  deux  cent  mille  écus, 
s'engageant  en  outre  à  en  verser  quin- 
ze cent  mille  dans  la  caisse  militaire. 
Le  3  octobre  i-jôo  ,  il  fit  son  entrée 
dans  Berlin  ;  et  malgré  la  capitu- 
lation ,  il  la  traita  aussi  inhumaine- 
ment que  la  Poméranie.  Mais  ayant 
appris  que  Frédéric  marchait  au  se- 
cours de  sa  capitale ,  il  se  hâta  d'en 
sortir  ;  et  s'étant  dirigé  du  coté  de 
Bellegarde,  il  y  fut  battu  ,  et  se  jeta 
surKolin,  qu'il  ])rit  par  capitulation 
après  en  avoir  brûlé  les  faubourgs. 
Il  commit  encore  dans  cette  ville,  et 
dans  les  environs,  des  excès  si  criants, 
que,  sur  les  représentations  des  habi- 
tants, le  général  Buturlin  lui  envoya 
l'ordre  d'évacuer  le  pays.  Quelque^ 
mois  plus  tard,TolllelK'n  et  trois  de 
ses  olliciers  furent  arrêtés ,  et  conduits 
sous  bonne  escorte  à  Pélcrsbouig.  On 
avait  iiilercopt(?  une  correspondance 
coujiablc  qu'il  entretenait  avec  le  roi 
de  Prusse  ,  et  que  le  général  Laudon 
fit  parvenir  ,  par  Vienne,  à  Pélers- 
bourg.  La  courdel\ussie  réclama  les 
sommes  queTotllebcn  avaitenvoyées 


TOT 

aux  banques  de  Hambourg  et  de 
Dantzig  :  c'était  le  prix  de  ses  pillages, 
le  sang  des  provinces  qu'il  avait  ra- 
vagées. La  iille  qu'il  avait  eue  de  sa 
jeune  hollandaise,  apprenant  ce  mal- 
heur ,  se  rendit  avec  quelques  au- 
tres parents  à  Pétersbourg ,  et  se  jeta 
aux  pieds  d'Elisabeth  ,  qui  promit 
d'adoucir  la  sentence ,  si  le  conseil 
de  guerre,  chargé  d'instruire,  le  con- 
damnait à  mort.  L'alfaire  ne  fut  ter- 
minée que  le  1 1  avril  i-jôS.  Tottle- 
ben,  condamné  à  mort,  ne  fut  que  dé- 
gradé et  banni  de  la  Russie.  En  i  -769, 
l'impératrice  Catherine  le  reprit  de 
nouveau  à  son  service  j  et  il  fut  en- 
voyé en  Géorgie  pour  soutenir  le 
prince  Héraclius.  Il  se  rendit  redou- 
table aux  Turcs  par  la  hardiesse  de 
ses  entreprises ,  et  il  réussit  à  sou- 
mettre !a  Circassie.  Revenu ,  en  1 7  7 1 , 
à  Pétersbourg  ,  il  reçut  de  l'impéra- 
trice l'ordre  de  Saint-Alexandre 
Newski.  En  1772,  il  commanda  en 
Lithuanie  ,  et  il  termina  ,  en  1773  , 
à  Varsovie,  une  carrière  souillée  par 
des  actions  si  lâches  et  si  odieuses  , 
que  quelques  exploits  militaires  ne 
peuvent  les  eifacer  aux  yeux  de  la 
postérité.  G — y. 

TOTZE  (  EoBALD  ) ,  professeur  de 
droit  ]iublic  et  d'histoire  à  l'univer- 
sité de  Butzow  ,  conseiller  du  duc 
deMecklenbourg-Schwerin ,  etmem- 
bre  de  l'académie  royale  d'histoire 
à  Gottingen  ,  naquit,  en  171 5,  à 
Stolpc  en  Poméranie.  lia  ]iublié  :  L 
Histoire  générale  des  Provinces- 
Unies  des  Pa^s-Bas,  traduite  du  hol- 
landais ,  Tici])zig  ,  I75()  à  17O7  ,  8 
vol.  iu/i".  IL  Ifistoire  des  Pro- 
vinces-Unies,  ou  Nouvelle  Histoire 
du  Monde  ,  Jlalle,  1770,  17  vol. 
in -4"'  ÎH.  Histoire  abrégée  des 
Provinces-Unies  ,lhi\\c,  177-'),  in- 
8°.  IV.  Jntroduclion  à  la  Statisti- 
que en  f^éne'ral,  et  en  particulier  à 


TOU 

celle  des  états  européens  ,  Butzow 
et  Wijimar  ,  1779,  2  vol.  in-S*^.  , 
quatrième  édition ,  revue  par  V.  A. 
Heinze;  Schwerinet  Wismar,  1790 
à  1799,  '2.  vol.  in-8°.  Ce  dernier  ou- 
vrage est  regarde'  comme  le  chef- 
d'œuvre  de  Totze.  On  y  admire  sur- 
tout l'art  des  transitions.  Il  passe  de 
l'histoire  d'une  contrée  à  celle  du 
pays  voisin  avec  une  facilité  si  sim- 
ple, si  naturelle  ,  qu'on  s'aperçoit  à 
peine  de  la  transition.  V.  Histoi- 
re du  moyen  âge,  depuis  L'émi- 
gration générale  des  peuples  jus- 
qu'à la  réformation ,  Leipzig,  1790, 
i'-'.  vol. ,  in  8".  L'auteur  étant  mort 
à  Butzow,  le  27  mars  17 89,  ce  i*''". 
A^ol.  fut  public  par  Voigt ,  qui  joi- 
gnit des  notes  intéressantes  au  tra- 
vail deïotze.  Le  second  volume ,  qui 
devait  aller  jusqu'aux  temps  de  la 
réformation  ,  n'a  point  paru.  Voigt 
publia,  en  1791  ,  quelques  autres 
écrits  de  Totze  sur  l'histoire  et  la 
statistique.  G — v. 

TOUCHE  (  La)  ,  grammairien, 
né,  dans  le  dix-septième  siècle,  d'une 
famille  protestante ,  sortit  de  France, 
après  la  révocation  de  l'édit  de  Nan- 
tes, et  se  retira  en  Angleterre ,  où  il 
obtint  la  bienveillance  du  duc  de 
Glocester.  Ce  fut  par  ordre  de  ce 
prince  qu'il  composa  :  VArt  de  bien 
parler  français  ,  qui  comprend  tout 
ce  qui  regarde  la  Grammaire  ,  et  les 
manières  de  parler  douteuses  ,  Ams- 
terdam ,  1G96,  in- 12.  Il  dédia  cet 
ouvrage  au  jeune  duc  ,  par  une  Epî  • 
tre  dans  laquelle  il  cherche  à  lui  per- 
suader qu'il  lui  est  indispensable  d'ap- 
prendre le  français  :  mais  les  raisons 
qu'il  en  donne  prouvent  qu'il  n'a- 
vait conservé  aucunattachement  pour 
sa  patrie  :  «  La  France ,  dit-il ,  est 
»  devenue  si  redoutable  par  terre  et 
»  par  mer  ,  depuis  trente  ans  ,  qu'd 
»  est  de  la  gloire  et  de  l'intérêt  de 


TOU 


317 


»  l'Angleterre  ,  d'affaiblir  cette  puis- 
»  santé  monarchie ,  et  de  ne  souffrir 
»  jamais  qu'elle  s'étende  au-delà  de 
n  ses  justes  bornes.  »  Il  lui  montre 
ensuite  que  la  connaissance  delà  lan- 
gue lui  sera  très-utile  pour  l'espion- 
nage ,  pour  les  proclamations  ou  les 
écrits  qu'il  sèmera  en  Finance  :  «  mais , 
»  ajoute-t-il ,  il  est  vrai ,  selon  tou- 
»  tes  les  apparences  ,  que  le  héros 
»  sous  qui  nous  vivons  (  Guillaume 
»  III  )  aura  abaissé  la  France  avant 
»  que  vous  soyez  parvenu  au  trône.  » 
Cette  sinistre  prédiction  ne  se  réalisa 
point.  La  Touche  donna  une  seconde 
édition  de  sa  Grammaire  ,  Amster- 
dam, 17  10,  2vol.  in-12;  la  qua- 
trième, ibid.  ,  1730,  2  vol.,  est 
augmentée  d'un  discours  prélimi- 
naire ,  et  d'un  avei'tissement.  L'au- 
teur mourut  peu  de  temps  après.  Son 
ouvrage  fut  encore  réimprimé  en 
1737  (Amsterdam) ,  et  dans  le  Dic- 
tionnaire universel  ,  on  en  cite  une 
édition  de  17G0.  La  Touche  traite, 
dans  le  premier  volume,  de  t^ut  ce 
qui  regarde  la  grammatication  ;  il 
donne,  dans  le  second,  un  choix  des 
observations  des  meilleurs  auteurs 
sur  les  façons  de  parler  douteuses. 
La  partie  qui  concerne  la  prosodie 
de  la  langue  française,  n'avait  pas 
encoi'c  été  traitée  avec  tant  de  soin 
ni  d'exactitude  ;  et  Goujet  ,  en 
avouant  que  la  Grammaire  de  La 
Touche  n'est  pas  exempte  de  défauts, 
dit  que  c'était  la  meilleure  qui  eût 
encore  paru  (  Voy.  Bibl.  franc.  , 
tom.  i*^"".  ).  Suivant  Desessarts  (  Siè- 
cles littéraires)  ,  cette  Grammaire 
continue  d'être  estimée  dans  les  pays 
étrangers;  mais  celle  de  Levizac  doit 
l'avoir  remplacée  dans  les  écoles 
d'Angleterre  et  d'Allemagne  (  Voy. 
Levizac  ).  W— s. 

TOUCHE -TUÉ  VILLE  (  Louis- 
René-MadelÈmf.  Levassob  ue  La  ) , 


i8 


TOU 


vice-amir.tl ,  naquit  à  Roclicforl ,  en 
i']45  ,  d'une  famille  distinguée, 
et  qni  avait  déjà  doiine  plusienrs  of- 
ficiers à  la  marine.  On  dirigea  ,  de 
bonne  heure ,  ses  goûts  A'^crs  cette 
carrière;  et  il  avait  à  peine  ti-eizc 
ans ,  qu'il  fut  fait  garde  de  la  ma- 
rine ,  et  embarqué  sur  le  vaisseau  le 
Dragon ,  qui  faisait  partie  de  l'ar- 
mée navale  aux  ordres  du  maréclial 
de  Conflans.  Il  participa,  sur  ce  bâ- 
timent, au  combat  de  Belle-Islc.  La 
Touche  venait  d'être  nommé  ensei- 
gne de  vaisseau,  en  1768,  lorsqu'il 
se  trouva  compris  dans  une  réforme 
et  admis  à  la  retraite.  L'oisiveté  ne 
convenait  guère  à  son  âge  ni  à  son 
caractère  actif  et  entreprenant.  Con- 
trarié dans  ses  goûts  ,  il  les  dirigea 
vers  une  autre  carrière,  et  il  entra 
dans  les  Mousquetaires.  Le  général 
Dennery,  qiii  venait  d'être  nommé 
gouverneur  delà  Martinique,  se  l'at- 
tacha comme  aide-de-  camp  ,  et  lui 
lit  obtenir  un  brevet  de  capitaine  de 
cavalerie.  En  1771 ,  La  Touche  pas- 
sa ,  en  cette  qualité  ,  au  régiment  de 
La  Rochefoucauld,  dragons,  et  (it  le 
service  d'aide-de-camp  auprès  du  gé- 
néral Vallière ,  qui  commandait  aux 
îles  du  Vent.  Les  circonstances  seules 
l'avaient  fait  ofllcicr  de  cavalerie  ; 
son  inclination  le  rappela  vers  la 
marine,  et  il  fut  réintégré  en  i77'2  , 
comme  capitainede brûlot.  La  guerre 
s'étant  rallumée  en  177*'^,  il  fut  nom- 
mé au  coimn.indementdu  Rossignol, 
avec  le  grade  de  lieutenant  de  vais- 
.seaii.  Chargé  de  croiser  dans  le  gol- 
fe de  Gascogne  ,  pour  intercepter  le 
commerce  anglais  ,  il  s'empara  de 
deux  corsaires  et  tie  ])lusieurs  bâti- 
ments marchands.  La  Touche  com- 
mandait V //crniione  lors(pi'au  mois 
de  juin  i7<So,  il  soutint  un  combat 
de  deux  heures  et  demie  conlre  la 
fiégatc  anglaise  Vlsis  ,  en  ])résencc 


TOU 

de  deux  autres  frégates  de  la  même 
nation.  Il  eut ,  dans  cette  action  , 
trente-sept  hommes  tués  et  cinquante- 
trois  blessés  ;  lui-même  fut  atteint 
d'une  balle  qui  lui  traversa  le  bras 
gauche.  En  récomjiense  de  la  bra- 
voure qu'il  avait  montrée  ,  le  roi  le 
nomma  chevalier  de  Saint-Louis,  et 
capitaine  de  Aaisseau.  De  retour 
à  Brest,  il  fut  chargé  d'une  mission 
pour  les  États-Unis  :  le  marquis  de 
Lafayette,  qui  s'y  rendait  avec  plu- 
sieurs ofiiciers,  s'embarqua  sur  VHer- 
inione.  Arrivé  à  la  Nouvelle- Angle- 
terre ,  \es  généraux  Terney  et  de  Bar- 
ras ,  confièrent  à  La  Touche  la  di- 
rection des  travaux  à  faire  pour  éle- 
ver des  batteries  à  Uhode-Island,  et 
il  prouva  ,  dans  cette  circonstance  , 
qu'il  réunissait  les  talents  de  l'ingé- 
nieur à  ceux  de  l'homme  de  mer.  Au 
mois  de  juillet  1781  ,  VHermione  , 
de  concert  avec  V  Astrée  ,  que  com- 
mandait l'infortuné  La  Pérouse,  sou- 
tint ,  sur  les  côtes  d'Acadie,  un  com- 
bat de  plusieurs  heures  contre  quatre 
frégates  et  deux  corvettes  anglai- 
ses :  la  frégate  commandante  enne- 
mie et  l'une  des  corvettes  furent 
forcées  d'amener  ,  et  les  autres 
bâtiments  furent  très  -  maltraités. 
L'année  suivante ,  on  mit  sous  les 
ordres  de  La  Touche  les  frégates 
V Aigle  et  la  Gloire ,  et  il  fut  chargé 
de  porter  aux  Etats-Unis  trois  rail- 
lions en  or.  Un  grand  nombre  d'ofli- 
cicrs  qui  se  rendaient  à  cette  destina- 
tion étaient  embarqués  sur  ces  fré- 
gates. A  l'entrée  de  la  Chesapeak  , 
elles  rencontrèrent  le  vaisseau  an- 
glais V Hector  de  soixante-ijuatorzc. 
J^e  combat  dura  ju'ès  d'une  heure;  et 
le  vaisseau  ,  tout  désempare  fut 
forcé  de  s'éloigner  :  l'importance  de 
la  mission  du  capitaine  La  Touche 
ne  lui  ]>eiinetlailpasdelc  poursuivre; 
mais  on  apprit  (ju'i!  avait  coulé  bas 


TOU 

quelques  jours  après.  Les  passagers 
et  le  trésor  que  La  Touclic  aAait  à 
bord  ayant  été  débarqués  ,  il  était 
occupé  de  réparer  ses  avaries  ,  lors- 
que le  Commodore  Elphiuston  vint, 
avec  toute  sou  escadre,  le  surprendre 
au  mouillage.  V Aigle  seul  était  en 
état  d'appareiller  ;  et  cependant  La 
Touche  ne  balance  pointa  soutenir  le 
combat  qui  lui  est  présenté;  mais  en 
appareillant, la  mal-adresse  du  pilote 
le  lit  échouer  sur  un  banc.  Dans  cette 
position  ,  il  répondit  le  mieux  qu'il 
])ut  au  feu  de  l'escadre  anglaise  ; 
il  se  vit  bientôt  forcé  d'amener  , 
et  fut  conduit  en  Angleterre ,  où  il 
resta  jusqu'à  la  paix.  Rendu  à  la  Fran- 
ce, eu  1783,  La  Touche  fut  nommé 
directeur  du  port  de  Rochefortj  et 
chargé  de  dresser  une  carte  de  l'île 
d'Olerou  (  elle  est  insérée  au  premier 
volume  de  V Hydros,ra])hie françai- 
se). L'année  suivante ,  il  fut  appelé  à 
Paris  par  le  muustre  de  la  marine  ;  et 
il  concourut  à  la  rédaction  de  l'or- 
domiancc  de  i-^SG.  En  1787  ,  le  duc 
d'Orléans  le  nomma  chancelier  de  sa 
maison.  Élu,  par  la  noblesse  du  bail- 
lage  de  Montargis,  aux.  États  -géné- 
raux (  1 789  ) ,  La  Touche  fut  un  des 
premiers  à  se  réunir  aux  communes. 
Il  fit  ensuite  partie  de  l'x^ssembléc 
constituante  jusqu'au  mois  d'octobre 
1791  ,  époque  de  sa  dissolution.  La 
guerre  ayant  été  déclarée  en  1792, 
La  Touche,  qui  venait  d'être  élevé 
au  grade  de  contre-amiral,  porta  son 
])avillon  sur  \e  Languedoc.  A  la  tête 
d'une  division  de  quatre  vaisseaux, 
\\  parut  devant  Naples,  qu'il  mena- 
ça d'un  bombardement ,  s'il  n'obte- 
liait  réparation  d'une  insulte  faite  à 
la  nation  française  ,  danslapcrsoune 
deson  ■iinbassadcurà  Conslantinople, 
Semonvi  Ile.  Ayant  obtenu  satisfaction 
il  se  réunit  à  l'escadre  commandée 
parle  contre-amiral Truguet ,  et  par- 


TOU  3 19 

ticipa  aux  opérations  dirigées  contre 
Oneille,  Cagliari  et  Nice.  Enveloppé 
dans  la  mesure  générale  prise ,  en 
1793,  à  l'égard  des  ofilciers  nobles, 
il  fut  destitué,  détenu  à  la  Force,  et 
ne  dut  son  salut  qu'à  la  révolution 
du  9  thermidor  (  27  juillet  i79i  ).  Il 
ne  jugea  pas  à  propos  alors  de  re- 
prendre du  service  j  et  ce  ne  fut  qu'en 
1799  qu'ayant  été  rétabli  sur  les  lis- 
tes de  la  marine ,  il  alla  prendre  le 
coraraandemciit  d'une  division  ,  à 
Brest.  La  Touche  commandait  les 
bâtiments  de  la  flotille  réunis  à  Bou- 
logne, lorsqu'au  mois  d'août  1801  , 
Nelson  vint  les  attaquer.  Les  dispo- 
sitions de  l'amiral  français  firent 
échouer  celte  tentative  [F.  Nelson). 
Une  seconde  attaque  eut  lieu  deux 
jours  après  j  mais  La  Touche,  qui  la 
prévoyait^  avait  mis  le  temps  à  pro- 
fit j  et  quoique  mieux  combinée 
que  la  première ,  elle  eut  le  mê- 
me résultat.  Nelson  fut  obligé  de 
se  retirer,  ayant,  de  son  aven,  per- 
du plus  de  deux  cents  hommes.  Ap- 
pelé, en  1801,  au  commandement 
de  l'escadre  de  Rocbefort,  La  Touche 
appareilla  ,  au  mois  de  décembre , 
avec  six  vaisseaux ,  six  frégates  et 
deux  corvettes,  portant  trois  mille 
hommes  destinés  à  agir  contre  Saint- 
Domingue.  Il  entra  de  vive  force  , 
avec  son  escadre ,  dans  la  rade 
du  Port  -  au  -  Prince  ,  soumit  les 
forts  j  deliarqua  ses  troupes,  et  par- 
vint, par  ses  belles  manœuvres,  à 
préserver  cette  ville  des  ravages  de 
l'incendie.  En  récompruse,  il  fut 
nommé  vice-amiral;  mais  les  fa- 
tigues qu'il  avait  éprouvées  dans  ce 
commandement  difiicile  avant  altéré 
sa  santé,  il  se  vit  forcé  de  revenir  en 
France.  Quelques  mois  de  séjour  à 
Paris  sudirent  pour  opérer  sou  réta- 
blissement, et  il  reçut  ordre  d'aller  à 
Toulon  ,  pour  y  prendre  le  comuian- 


320  TOU 

dément  de  l'armëe  navale.  Cet  ami- 
ral aurait  eu  besoin  d'un  plus  long 
repos-  mais  son  zèle  ne  lui  permit 
pas  de  balancer.  A  peine  fut-il  arrive' 
que  les  symptômes  de  la  maladie  qui 
avait  nécessite'  son  retour  en  Europe 
prirent  un  caractère  plus  grave.  Dès 
les  premiers  moments  de  son  indis- 
position, pressé  par  ses  officiers  de 
se  faire  transporter  à  terre ,  pour  y 
être  plus  à  portée  des  secours  de  l'art , 
il  s'y  refusa ,  en  disant  :  Un  ami- 
ral est  trop  heureux  lorsqu'il  peut 
mourir  sous  le  pavillon  de  son  vais- 
seau. La  Touclie  eut  en  eiiet  cette 
consolation 5  il  succomba,  le  19  août 
1804^  à  bord  du  vaisseau  le  Bucen- 
taure.  H — q — n. 

TOUCHE  (  GuiMOND  DE  La). 
Voy.  GumoND. 

TOUCHET  (Marie),   fdle  d'un 
apolliicaire  d'Orléans,  née  en  !  549  ' 
est  l'uuique  maîtresse  à  laquelle  il 
paraît  que  Charles  IX  se  soit  atta- 
ché. On  ignore  l'époque  précise  où 
commencèrent    les    amoux's    de    ce 
prince  avec  la  belle  Touchetj  seule- 
ment on  sait  que  cette  liaison  est  an- 
térieure au  mariage  du  roi,  qui  eut  lieu 
en  iS-jo,  et  que  M'*''.  Touchet ,  en 
voyant  le  portrait  d'Elisabeth  d'Au- 
triche .  que  ce  prince  allait  épouser , 
dit  :  U  Allemande  n-  me  fait  pas 
;7t'«r.  Eneflet ,  la  passion  de  C'iarles 
IX  dura  jusqu'à  sa  mort  ;  et,  dans 
l'indiilérence   générale   oii  tomba  ce 
monarque  pour  le  trône  qu'il  quittait, 
et  pour  tout  ce  qui  l'environnait ,  il 
ne   perdit  point  la   mémoire  de  sa 
maîtresse.  N'osant  parler  d'elle  à  sa 
mère  ,  il  la  recommanda  à  un  de  ses 
favoris.  La    mort  du    roi  porta  un 
coup  funeste  à    la   fortune  de  Marie 
Touchet  ;    maîtresse  ,    depuis    |)lu- 
sicurs  aimées  ,  d'un  prince  aussi  géné- 
reux que  Cli.irles  IX, elle  pouvait  ctre 
ricliej  niais  il  ne  paraît  pr)iiii(pi'elle 


TOU 

eût,  comme  la  favorite  qui  l'avait  pré- 
cédée ,  ni  terres  ni  grands  établisse- 
ments. Elle  épousa ,  à  la  fin  de  l'an- 
née i5'y8,  François  de  Balsacd'En- 
traigues  ,  gouverneur  d'Orléans  ,  et 
chevalier  des  ordres  du  roi.  Ce  ma- 
riage lui  donna  à  la  cour  une  exis- 
tencebrillante,  qu'elle  soutint  par  une 
conduite  sage  et  même  sévère.  Mère 
de   deux  filles  d'une  beauté  remar- 
quable, elle  les  surveilla  avec  une  vi- 
gilance extrême  ;  mais  le  succès  ne 
répondit  pas  à  ses  bonnes  intentions  , 
puisque  l'aînée  ,  la  célèbre  marquise 
deVerneuiljfutmaîtressed'HeurilV, 
et  que  l'autre  vécut  dix  ans  avec  le 
maréchal  deBassompierre,  et  en  eut 
un  fils ,  sans  pouvoir  le  décider  à  l'é- 
pouser. On  peut  voir  ,  dans  les  Mé- 
moires de  Sully ,  combien  M™*^  .d'En- 
traigues  opposa  d'obstacles  à  la  pas- 
sion d'Henri  IV.  Après  la  mort  du 
roi,  qui  diminua  beaucoup  à  la  cour  le 
crédit  de  la  maison d'Entraigues,  Ma- 
rie Touchet  termina  sa  vie  dans  la 
retraite  ;  elle  s'y  livrait  à  des  lectures 
solides  et  dignes  de  son  esprit,  que  Le 
Laboureur  appelle  mco/n/J«r«&Ze.  On 
appi  end,parun  sonnet  queluiadressa 
Berthaud  ,  évèque  de  Séez,  que  les 
OEuvrcs  de  Plutarque  étaient  l'objet 
favori  de  ses  études.  Marie  Touchet 
eut  de  Ch^-rles  IX  deux  fils  :  l'un 
mourut  enfant  ;  et  l'autre  Charles  , 
bâtard  de  Valois ,  reçut  le  titre  de 
duc   d'AngouIême  ,  et  l'ut    père  du 
dernier  duc  de  ce  nom  (  Fof.  An- 
goulÈme  ,   II,i73-i';4)-  Mézerai 
a  prétendu  que  Marie  Touchet  avait 
été  mariée  du  vivant  du  roi  ;  mais  il 
se  trompe  ,    puisque  Jacqueline  de 
Rohan  ,    prouiicre    femme   de    Fr. 
de  Balsac  d'Entraigues  ,  ne  mourut 
qu'au  mois  de  janvier  i)'j8  ,  quatre 
ans  après  la  morldu  roi.  Un  courtisan 
avaitt.iitaiiisi  l'anagramme  de  Marie 
Touchet  :  Je  charme  tout.       B — t. 


TOU 

TOU  -  FOU  ,  surnomme  Tseu- 
mci,  l'un  des  plus  cclibrcs  poêles  de 
la  Chine,  n.iquit,  vers  Je  commence- 
ment du  liuilièmc  siècle  ,  à  Si.mg- 
yang  dans  la  province  de  lioii- 
kouang,  et  non  pas  à  Kiifg  -  tcheoii 
dans  le  Clien-si ,  comme  l'a  dit  le  P. 
Amiot.  Ses  ancêtres  s'étaient  depuis 
long-temps  dislingues  par  leur  talents 
et  par  les  hantes  cliarges  qu'ils  avaient 
occupe'es;elTou-chin-yan ,  son  aïeul , 
avait  compose  des  Poésies ,  dont  il 
nous  est  reste  dix.  livres.  Ton-  fou  , 
des  sa  jeunesse,  annonça  d'heiuTuses 
dispositions  ;  et  toutefois  il  n'obtint 
pas  de  succès  dans  ces  concours  lit- 
téraires qui  ouvrent,  à  la  Chine,  !a 
route  des  emplois  et  de  la  fortune. 
Son  esprit  récalcitrant  et  tant  soit 
peu  inconstant  ne  put  se  plier  à  cette 
règle  inllesible  que  les  institutions 
imposent  à  tous  les  lettres  sans  ex- 
ception. Il  renonça  donc  aux  grades 
et  à  tous  les  avantages  qu'il  eût  pu 
en  espérer  pour  son  avancement  ;  et 
son  goût  l'entraînant  vers  la  poésie  , 
il  devint  poète.  Ses  vers  ne  tardèrent 
pas  à  le  faire  connaître;  et  dans  l'es- 
pace qui  s'écoula  entre  '^jf\'i  et  755, 
il  donna  trois  de  ces  poèmes  descrip- 
tifs qu'on  nomme  en  chinoi'syis».  Le 
succès  de  ces  ouvrages  lui  valut  les 
faveurs  du  souverain,  qui  voulut  lui 
donner  des  fonctions  à  sa  cour ,  ou 
lui  confier  l'administration  d'une  pro- 
vince. Ton -fou  se  refusa  à  ces  bien- 
faits, et  n'accepta  qu'un  titre,  hono- 
rable à  la  vérité,  mais  tout-à-fait  inu- 
tile à  sa  fortune.  A  la  fin ,  lasse  de 
l'état  de  gêne  qui  le  poursuivait  dans 
son  infructueuse  élévatiun,  il  adressa 
à  rem])ereur  une  pièce  de  vers,  où  il 
peignait  sa  détresse  avec  cette  liberté 
que  la  poésie  autorise  et  semble  en- 
noblir. Sa  requête  fut  favorablement 
accueillie ,  et  lui  valut  une  pension 
dont  il  ne  jouit  pas  long-temps,  par- 

XI.VI. 


TOU 


Ssi 


ce  que,  cette  année  même,  l'empe- 
reur fut  contraint  d'abandonner  sa 
capitale  à  un  rebelle.  Tou-foii ,  fugi- 
tif de  son  côté,  tomba  entre  les  mams 
d'un  chef  des  révoltés  ;  niais  sa  qua- 
lité de  poète  et  ic  dédain  qu'elle  ins- 
pira aux  oificiers  qui  l'avaient  pris,  le 
servirent  mieux  que  leur  estime  n'au- 
rait pu  faire.  Il  trouva  moyen  de  s'é- 
chapper, et  se  réfugia,  en  75'^,  à 
Foung-thsiang  dans  le  Cl;en-si.  C'est 
de  cette  ville  qu'il  s'adressa  au  nou- 
vel empereur  (Sou-Tsoung).  Il  n'eu 
fut  pas  moins  bien  traité  qu'il  ne  l'a- 
vait été  du  ]iréclécesseur  de  ce  prince; 
mais  ayant  voulu  user  des  préroga- 
tives de  la  charge  qu'on  lui  avait 
donnée,  et  défeudre  avec  hardiesse 
\\n  magistrat  qui  avait  encouru  la  dis- 
grâce du  prince,  il  se  vit  lui-mùne 
éloigné  de  la  cour ,  et  relégué,  en  qua- 
lité de  sous-préfet,  à  Thsin.  Comme 
il  vit  peu  d'apparence  à  pouvoir  s'ac- 
quitter des  devoirs  de  cette  place,  il 
s'en  démit  immédiateracnl,  et  se  ré- 
fugia à  Tclîing-tou  dans  la  province 
de  Sse-tchhoiiau,  où  il  vécut  dans  un 
tel  déniiejnent,  qu'il  fut  réduit  à  ra- 
masser lui-même  les  broussailles  dont 
il  avait  besoin  pour  se  chauller  et 
])réparer  ses  aliments.  Après  plu- 
sieurs années  d'une  vie  agiîée  et  mi- 
sérable, il  fit,  en  761  ,  la  connais- 
sance d'un  commandant  mditairc  du 
Sse-tchhouan ,  nommé  Yan-won,  qui 
représenta  à  l'empereur  l'état  pré- 
caire où  se  trouvait  Tou-fou,  errant 
de  bourgade  en  bourgade,  dans  la 
province  qu'il  administrait.  Sur  la 
demande  de  cet  olilcier  ,  l'empereur 
accorda  à  Tou-fou  ce  qui  était  le  plus 
à  sa  convenance  ,  un  titre  qui  l'atta- 
chait au  ministère  des  ouvrages  pu- 
blics ,  et  fournissait  à  ses  besoins  , 
sans  lui  imposer  de  fonctions;  mais 
le  protecteur  de  Tou-fou  étant  venu 
à  mourir ,  et  de  grands  troubles  aj'ant 
21 


/>22 


TOU 


éclate  dans  la  province  qu'il  liabitait, 
le  poète  reprit  sa  vie  errante,  et  passa 
successivement  à  Sin  ,  à  Tching-tou  et 
à  Klioiie'i.Vers'y(iS,il  eut  envie  d'aller 
visiter  les  restes  d'un  odilicc  antique 
dont  on  attribuait  la  construction  au 
célèbre  Yu  :  s'él.int  hasarde  seul  dans 
uncbarquc  sur  un  ileii  vedebordc,  il  fui 
surpris  par  les  grandes  eaux ,  et  force 
de    chercher   tuie  retraite  dans   un 
temple  abandonne.    11  demeura  dix 
jours   entiers  dans  ce  refuge  ,    sans 
qu'il  fût  possible  d'aller  !e  secourir, 
ou  lui  porter  des  pi'ovisions.  A  la  lin 
pourtant  ,  le  magistrat  du  lieu  lit 
faire  un  radeau  qu'il  monta  lui-même, 
et  re'ussit   à   tirer   Ton-fou   de  sou 
asile  j  mais  les  soins  de  ce  magistrat 
devinrent  plus  funestes  an  poète,  que 
ne  l'avait  été  l'abandon  où  on  l'avait 
laisse  languir,   car  son  estomac  af- 
faibli par  une  si  longue  abstinence  ne 
put  supporter  les  aliments  qui  lui  fu- 
rent oiicrts.  ïou-fou  mangea  beau- 
coup ,   but  davantage  ,    et    mourut 
d'indigestion  pendant  la  nuit.  Ilavait 
compose  un  grand  nombre  de  poë- 
siei? ,  qui  ont  été  recueilles  avec  som  , 
et  données  au  public  peu  de  temps 
après  sa  mort.  Elles  font  encore  au- 
jourd'hui les  délices  de  gens  de  let- 
tres ,  qui  se  plaisent  à  les  citer  et  à 
les  imiter.  On  les  trouve  dans  les  sa- 
lons,  dans  les  bibliothèques,  dans 
les  cuisines  mêmes;  on  les  reproduit 
en  forme  d'inscriptions,  sur  les  pa- 
ravents, les  éventails  et  les  bàlons 
d'encre.  Tou-fou  et  Li-llia'i-pc  ,  son 
ri\  a!  et  son  contemporain  peuvent  pas- 
ser ])our  les  véritables  réformateurs 
de  la  poésie  cliinoise,  j^uisqu'ils  ont 
contiii)iié,  plus  que  tous  les  autres,  a 
lui   donner  les  rigles  (pi'ello  observe 
niieoje  aujourd'luii.   Lcius  Ol'.uvrcs 
sont  leunies  dans  une  collection  dont 
la    bibliothèque  du   roi   ])0ssède  un 
exemplaire,  et  que  Fourmout,  dans 


TOU 

son  Catalogue  (  N.  clti  )^a  pris  pour 
un  commentaire  sur  ieChi-king  ,  on 
Livre  des  Vers.  A  la  tête  de  ce  Re- 
cueil se  trouve  une  notice  sur  la  Vie 
et  les  écrits  de  Tou-fou  :  on  s'en  est 
servi  pour  composer  celle-ci ,  et  rec- 
tii'ier  en  plusieurs  points  celle  que  le 
P.  Amiot  a  consaci'ée  an  même  person- 
nage, dans  ses  Portraits  des  célè- 
bres   Chinois   (Wém.  des   I\ïission- 
naires,  tome  v,  p.  3H6  ).  iVTa-îouan- 
lin,  dans  la  bibliothèque  historique 
(L.  ccxxxii ,  p.  3  et  suivantes),  fait 
connaître  plusieurs  éditions  des  Oeu- 
vres   poétiques    de  Tou-fou  ,    qu'il 
nomme  toujours  Tou-koung-pou , 
c'est-à-dire  Ton,  du  ministère  des 
ouvrages  publics.  La  dillérence  qu'on 
observe  dans  l'étendue  de  ces  édi- 
tions ,  et  dans  le  nombre  des  Libres 
dont  elles  se  composent ,   provient 
des  notes  et  des  commentaires  que 
divers  auteurs  ont  pris  soin  d'y  ajou- 
ter. L'édition  qui  fut  mise  en  ordre  , 
en   io39,  et  imprimée  vers  io5g, 
contient  quatorze  cent   cinq  pièces, 
avec  un  index  pour  les  classer  chro- 
nologiquement.  Peu  d'amiées  après 
(vers   io65  ) ,  on  y  a  joint  un  sup- 
plément contenant  les  morceaux  que 
Tou-fou  avait  composés  pendant  ses 
courses  dans  la   ])rovince   de  Sse- 
tchhouan.La  renommée  de  Tou-fou 
est  du  nombre  de  celles  qui  ne  peu- 
vent giH  rc-  s'étendre  hors  du   cerrlc 
où  elles  sont  nées.  La  poésie  à  la  Chine, 
comme  chez  plusieurs  autres  nations 
de  l'orient ,  se  rcconnnande  par  un 
genre  de  beautés  intraduisibles,  par 
des  allusions,  des  nu-la [ihores  et  des 
emblèmes  qu'un    commentaire   peut 
seul  rendre  inlelligibles.  Peut-être,  si 
l'on  voulait   inellre  eu    français  les 
pièces  descriptives  rie  Tou-fou  ou  de 
Ja-llia'i-pe.ain-ait-onmours  de  succès 
encore  ([ue  n'en  ont  oblenii  ceux  tpii 
ont  traduit  les  poètes  les  plus  célèbres 


TOU 

de  l'Asie ,  ceux  que  l'on  goûte  le  plus 
sous  leur  forme  originale.   A.  R — t. 
TOULAIN    (  Françots-Adrien  ) , 
ne'  à  Toulouse,  en  i^Gi  ,  s'établit  à 
Paris  ,   en    1787,  comme   libmiro- 
marcbandde  musique, et  se  jela  avec 
ardeur-  dans  la  résolution.   Nommé 
membre  de  la  commune  du  i  o  août , 
il  arriva  au  Temple  ,  imbu  de  pré- 
ventions atroces    contre    la   famille 
royale  ,  et  s'y  montra  i'un  des  com- 
missaiies  les  plus  exagérés.  Mais  il 
ne  put  voir  les  vertus  de  Louis  XVI, 
.sans  en   être  vivement  touché.   De 
concert  avec  Cléry  et  Turgy  ,  il  em- 
ploya secrètement  tous  ses  mcypus 
pour    adoucir   la    captnité    de   ce 
prince  et  de  sa  famille.  Ce   fut  lui 
qui,  après  le  21    janvier,   conçut 
le    hardi    projet    de    faire    évader 
Louis  XVII   et  les  princesses.    La 
reine,  à  laquelle  il  le  soumit,  vor!  ut 
avant  tout  que  ce  projet  fût  examiné 
par  le  chevalier  de  Jarjaves,  h  qui 
le  feu  roi  avait  souvent  confié  des 
missions  secrètes.  Elle  lui  remit  pour 
cet  olbcier- général  un  billet  portant  : 
«  Vous  pouvez  prendre  confiance  en 
»  riiomme  qui  vous  parlera  de  ma 
»  part.  Ses  senlimeuts  me  sont  con- 
»  nus;  depuis  cinq  mois  ilin'a  pas 
»  varié.  »  A  la  faveur  d'un  dcgiiise- 
ment ,  le  chevalier  de  Jariayes  fut 
introduit  au  Temple,  par  ToiiIan;il 
conféra  avec  la  reine ,   et  reconnut 
que  si  l'on  pouvait  gagner  un  second 
commissaire ,  il  y  avait  probabilité 
de  succès.  Lepitre  avait  su  inspirer 
beaucoup  de  confiance  à  la  reine  : 
on  s'ouvrit  donc  à  lui.  Des  billets  de 
celte  princesse  ont  révélé  récemment 
qu'une  forte  somme  offerte  d'après 
ses  ordres  et  avancée  par  le  chevalier 
de  Jarjaves  détermina  le  municipal 
à  s'engager  dans  l'entreprise.  Aussi 
de'sinléressé  qu'il  se  montrait  dévoué, 
Toulan  ne  voulut  rien  accepter  de  la 


TOU 


323 


reine   qu'une   tabatière   d'or ,    dont 
elle  faisait  quelquefois  usage.  Toutes 
les  mesu'-es  furent  prises ,  et  comme 
la  surveillance  des  commissaires  était 
bien  moins  active  depuis  la  mort  de 
Louis  XVI  ,   le  succès,  au  dire  de 
Lepitre  lui-même  ,  paraissait  assuré. 
Mais  ses  iriésolutions  et  ses  frayeurs 
firent    différer    d'un    jour  à   l'autre 
l'exécution   du    projet.    Ce    fut  en 
vain  que  la  reine  daignant  lui  don-  • 
ncr,  ainsi  qu'à  Toulan,  une  mèche 
de  ses  cheveux  et  de  ceux  de  ses  en- 
fants, y  joignit  cette  devise  :  Poco 
nma  ch' il  morir  terne ,  «  c'est  aimer 
peu  que  cra  ndre  de  mourir;  »  tan- 
dis qnc  Toulan  écrivait  sur  celle  qu'il 
avait  reçue  :  «  Tiitto  pcrloro ,  tout 
pour  eux  ;  «  rien  ne  put  vaincre  la 
pusillanimité  de  Lepitre.   Enfin  les 
débats  qui  s'élevèrent  dans  la  Con- 
vention sur  les  mesures  à  prendre 
contre  les    Bourbons   ayant    rendu 
aux  municipaux  toute  leur  sévérité, 
l'évasion  de  toute  la  famille   royale 
devint  impossible.  Alors  pour  sauver 
la  reine  dont  les  jours  étaient  princi- 
palement menacés,  un  nouveau  pro- 
jet auquel  Lepitre  ne  fut  point  initié 
fut  proposé  à  cette  princesse  et  adop- 
té par  elle.  Toulan  se  chargeait  de 
la  conduire  dans  un  lieu  où  se  serait 
trouvé  le  chevalier  de  .larjayes  :  la 
réussite  était  assurée;  mais  la  veille 
du  jour  fixé  ]>onr  le  départ ,  cette  di- 
gne mère  répondit  aux  instances  de 
cet  oUlcier  par  un  billet  où  se  lisent 
ces    paroles    admirables    :    «    Nous 
»  avons  fait    un   beau    rcve,   voilà 
»  tout....   Mais  l'intérêt  de  mon  fils 
»  est  le  seul  qui  me  truide  ,  el  nuelcnie 
»  nonhei'iquc  ]  eusse  éprouve  a  être 
»  hors  d'ici,  je  ne  puis  conseiitir  à 
»  me  séparer  de  lui....  Je  ne  pour- 
»  raisjouirderiensansraesenfants.  » 
Ainsi  s'évanouit  encore  l'espérance 
de  sauver  Maric-Autoinelte.  CcpcH- 
21.. 


324  TOU 

dant  les  projets  d'évasion  n'avaient 
pu  être  concertés  sans  ëvciilcr  l'at- 
tention de  Tison,  l'un  des  geôliers 
de  la  Tour.  Quoiqu'il  n'eût  rien  pé- 
nétré ,  il  dénonça  Toulan  et  Lepiire 
au  conseil  de  la  commune  y  «  pour 
avoir  des  intelligences  avec  la  reine 
et  Madame  Elisabeth  ;  »  et  ces  com- 
missaires ne  furent  plus  chargés  de 
la  surveillance  du  Temple.  Peua})rrs 
im  mandat  d'arrêt  fut  lancé  contre 
Toulan,  qui  avait  eu  l'indiscrétion 
de  montrer  à  quelques  amis  la  boîte 
d'or  dont  on  a  parlé.  Ces  mêmes  amis 
qui  s'étaient  chargés  de  mellre  le 
mandat  à  exécution,  l'ayant  arrclé 
dans  la  rue,  le  ment'reut  chez  Ini 
pour  y  apposer  le  scellé  avant  de  le 
conduire  en  prison.  Pendant  qu'ils 
dressent  leurs  procès-verbaux,  Tou- 
lan s'évade  par  un  escalier  dérolj^^-'. 
Quoique  obligé  de  se  tenir  caciié  ,  il 
continua  de  rendie  des  services  à  la 
famille  royale,  par  l'entremise  de 
Turgy.  Enfin ,  des  avis  le  forcèrent 
à  s'éloigner  de  Paris.  Il  se  rendit  à 
Toulouse;  mais  appienant  qu'jJ  y 
était  signalé  au  comité  révolution- 
)iaire  ,  il  échangea  son  passeport 
contre  celui  de  Bosalio  Mcrtre; 
noms  qu'il  transforma  aiBémcnt  m 
ceux  de  Buch  Alimertre  ,  v\  qu'il 
inscrivit  sur  une  baïaque  d'écrivain  , 
dans  laquelle  i!  s'établit  à  Bordeaux, 
sur  le  quai  de  Royan.  11  y  vivait 
ignoré  depuis  six  mois ,  lors(pie  sa 
femme,  qu'il  avait  rappelée  anj;iès 
de  lui_,  fit  connaître  cette  retrai- 
te ,  en  demandant ,  sous  son  vérita- 
ble nom ,  un  passeport  pour  cette 
ville.  A  peine  y  fut-elle  arrivée  que 
des  ordres  du  comité  de  sûreté  gé- 
nérale firent  arrêter  Toulan  :  il 
iul  envoyé  à  Paris,  et  traduit  au  tri- 
bunal révolutiomiaire.  Il  piTii  sur 
rccliafaud  ,!ej<)iuui  i'^()/|.l',n  iHi/i. 
iMadamf.  ,  duchesse   d'Augoulênie  , 


TOU 

accorda  tnic  pension  à  sa  veuve.  Poirr 
connaître  les  plans  et  les  moyens 
des  deux  jH'ojets  d'évasion,  il  faut 
consulter  :  i".  Quelques  sotivenirs 
ou  Notes  fidèles  sur  mon  service  au 
Temple ,  parLe])itre,  in-S^. ,  Paris, 
i8i4;  et  seconde  édition,  iSi-j.  1!' 
a  supjirimé  dans  celle-ci  les  cinq  yei^ 
qui_,  dans  la  première,  peigneiit  ses 
incertitudes  et  son  elfroi  ;  'i'^.  3fé^ 
moires  historiques  sur  Louis XFI1\ 
in  8". ,  S*^.  édition.  Tout  ce  qu'on  y 
raconte  sur  les  ])i'()jets  d'évasion  a 
été  puisé  dans  un  rapport  inédit  , 
adressé  aux  princes  frères  de  Louis 
XVI  parle  chevalier  de  Jarjaycs,.' 
et  qu'il  a  communiqué  à  l'auteur  dé 
cet  article;  3°.  Précis  des  tentatives 
qui  ont  été  faites  pour  arraclu-r  la 
reine  à  hi  captivité  du  Temple , 
avec  plusieurs  fac-similé  des  billets 
de  IMarie-Anlbmelte,  in-8».  Ce  Pré- 
cis y  publié  depuis  la  mort  de  Jal"- 
jayes.  n'est  point  de  lui,  et  l'écris 
vaimi'apprend  rien  de  nouveau  sur 
ces  tentatives;  mais  Ihs'  biflets  d*c 
cette  prjncessc  confirment  les  faits 
déjà  publiés  et  en  révèlV-ht  d'autre^, 
égalemeuî  honorables  pour  Jarjave,^ 
et  pour 'i'oîtlaii;'  E— r— n.    ' 

TOUTTCHE'N  ,  diplomate  et  a.n 
minislralein-  Mandchou  ,  vit  le  jour, 
en  1  ()()'-  ,  daiis  le  canton  de  Yckbé, 
situé  an  nord  de  la  province  de  I.iao- 
toung.  Sa  famille  ,  nommée  Avnii 
(ihioro  ^  quoique  ]ieu  fortiniée,  fut 
))ourtant  une  des  j)lus  i'espcclabirs 
du  pays.  A  l'époque  oai  la  tribu  d'é,^ 
Mandchous  comuicnça  ."ï  d(n'enii- 
puissante  et  étendit  ses  conquètt^S 
sur  les  peu])Ia(les  voisines,  le  bi- 
sa'ieill  de  Toulichen  se  sonmif  à  ellh^ 
comme  d'autres  chefs  de  cis  e(Ui- 
Irées.  Dans  sa  jeunesse,  Toulichen 
était  d'une  eomplcxinn  déli(*a(e,  qui 
ne  lui  permit  ])as  de  suivre  les  élu- 
dfs  avec  la  même  assiduité  tpie  ses 


TOU 

coiupagiions.  Sa  tail)lestie  i'empècha 
Ue  se  livrer ,  comme  les  autres  jeunes 
m;indclious  ,  à  l'exercice  des  armes 
et  à  celui  de  la  chasse.  11  choisit  , 
j)Our  celte  raisou  ,  la  carrière  admi- 
uistrative,  qui  parut  plus  cuuveua- 
hle  à  ses  forces  pliysiijues.  Apres 
avoir  subi  plusieurs  examens,  il  tut 
employé  dans  la  cour  des  traduc- 
teurs de  l'empereur ,  où  i\  servit  avec 
tant  de  zèle,  qu'un  an  après  on  lui 
donna  la  charge  de  rédacteur  des 
pièces  oiiicielles.  Dix  ans  plus  tard  , 
l'empereur  Khang  hi  l'envoya  ,  à  l'oc- 
casion d'une  disette  admise  ,  dans 
les  provinces  de  Chan-si  et  de  Chen- 
il ,  pour  distribuer  des  grains  aux 
|>auvres])aysans.  Ayant  termine  cette 
mission,  il  reçut  l'ordre  de  se  rendre 
dans  plusieurs  districts  méridionaux, 
aOnd'y  inspecter  les  cours  des  rivières 
et  les  canaux  ,  ot  d'y  faire  en  mê- 
me temps  fabriquer  des  cuirasses 
pour  l'arinëe.  L'empereur ,  content 
de  ses  services ,  le  créa  aiiiban ,  ou 
grand  de  l'empire  ,  et  lui  ccnlèra 
d'autres  titres;  il  le  chargea  aussi  de 
se  rendre  à  la  grande  muraille  pour 
y  faire  percevoir  les  imj)ôts.  A  son 
retour  à  Pekiug,Toulichenful nommé 
directeur  des  haras  impériaux ,  qui 
se  trouvent  en  dehors  de  la  grande 
muraille.  Il  paraît  qu'd  hs  adminis- 
.tra  mal;  car  il  tomba  eu  disgrâce, 
et  perdit  ses  places  et  ses  titres.  En 
véritable  philosophe,  il  se  retira  dans 
mi  village,  oùvivaient  encore  son  père 
et  sa  mèie.  Il  s'y  occupa  d'agricu!- 
lure  ,  et  voulait  y  finir  ses  jours  , 
quand  un  ordre  de  la  cour  le  ra])pcla 
dans  le  cercle  des  affaires.  Les  Tor- 
goots ,  une  des  quati-e  branches  de  la 
nation  des  Oeloetsou  Kalmuks,  éta- 
blis auparavant  dans  l'empire  des 
Dy.oûngais  ,  s'étaient  avancés ,  vers  le 
milieu  du  même  siècle i,  jusqu'aux 
bords  du   laïk.  Leur  khan  Ayouka 


TOU 


3»S 


Tardzi  monta  sur  le  trône  eu  1G7U, 
obtint  des  princes  russes  l'autorisa- 
tion tlese  fixer  dans  les  Pepper,  qui  sé- 
parent le  Don  et  le  Volga.  Son  neveu 
Arabdjoiiv  vint  avec  sa  mère,  en 
1703  ,  oilrirses  hommages  au  grand- 
Lama.  Pendant  leur  séjour  au  Tibet, 
une  guerre  s'éleva  entre  Ayouka  et 
Tsevaiig  arabdan  ,  souverain  des 
Oeloets.  Le  jeune  prince,  n'osant  tra- 
verser les  états  de  rennemi  de  son 
oncle  ,  vint  à  la  cour  de  l'empereur 
delà  Chine  ,  qui  le  reçut  fort  bien, 
et  lui  donna  des  terres  en  Mongolie. 
Quelques  années  après  (en  1 7  1 2  j , 
Arabdjour  voulant  rejoindre  sa  fa- 
mille ,  Ixhang  hi  envoya  Toulichen , 
comme  ambassadeur  à  la  cour  d'A- 
youka  khan,  pour  préparer  et  an- 
noncer le  retour  du  prince  kalmukj 
mais  vraisemblablement  pour  inviter 
le  khan  des  Torgoôts  à  retourner 
dans  l'ancienne  ])atrie  de  sa  horde. 
Parti  de  Peking  au  commence- 
ment de  l'été  de  1 7  i  2  ,  il  tra- 
versa la  Mongolie  me'riibonale  ,  le 
désert  de  Gobi  et  le  pays  des  Khal- 
kha  ,  et  arriva  ,  après  soixante-trois 
jours,  à  Seleiighiusk,  alors  première 
"ville  russe  vers  la  frontière  chinoise. 
Les  autorités  russes  le  reçurent  avec 
honneur  ,  et  le  firent  partir  pour 
Irkoutsk,  oii  il  fut  o])iigé  d'attendre 
la  permission  du  prince  Gagarin  , 
gouverneur  de  la  Sibérie ,  pour  pou- 
voir continuer  sou  voyage.  Il  y 
resta  jusqu'au  printemps  suivant, 
et  s'embarqua  sur  l'Angara  pour  al- 
ler à  Icniseisk.  De  là  il  se  rendit  paa* 
le  /"ofoA  { I  )de  Makovski ,  pour  s'em- 
barquer sur  le  Kiet ,  qu'il  descendit 
jusqu'à  Narym  ,  oii  il  se  jette  dans 
l'Obi.  Il  remonta  ce  fleuve  jusqu'àTo- 
bolsk  ;  le  prince  Gagarin  fit  à  toute 
l'ambassade   une    honorable  récep- 

(i)  î'oloh,  espace  enlie  deux  rivière»  unvigablos 


3^6 


TOU 


tion.  Daus  le  journal  de  son  voyaj^e , 
Toulichcn  a  donne  un  précis  de  la 
plupart  des   conversations  qu'il  eut 
avec  ce  prince;  ou  y  démêle  le  secret 
mécontentement  de  Gagarin  et  son 
aversion  pour  le  Czar  Pierre  I*^^'".  : 
cette  aversion  présageait  déjà  la  ré- 
volte qu'il  méditait  et  qui  le  conduisit 
à  l'écliafaud.   De   ïobolsk  ,    l'am- 
bassade se  rendit ,  partie  par  terre  , 
partie  sur  les  rivières  ,  à  Kazau  ,  a 
Simbirek  et  à  Saratov  ,  où  la    nar- 
ration chinoise  ])lace  la  frontière  qui 
divise  la  Russie  et  les  Torgoôts.Tou- 
lichen  avait  étédis-hi/ii  mois  en  route 
depuis  Peking  jusqu'à  cet  endroit.  Des 
honneurs  plus   grands  l'attendaient 
encore  au    campement   d'Ayouka  , 
placé   à    Manon    Tokhai  ,     canton 
situé    à    ime    sinuosité    du     Volga. 
Il  y  resta  quinze  jours  ,  sans  avoir 
entièrement  réussi  dans  sa  négocia- 
tion. Cependant  Ayouka   avait  reçu 
avec  respect  la  patente  par  laquelle 
l'empcrciir  Khang  hi  lui  donnait  l'in- 
vestiture comme  khan  des  Torgoôts. 
Il  se  reconnut ,  par  cet  acte  de  sou- 
mission ,  vassal  de  la  Chine  ;  et  c'est 
pour  cette  raison  que  les  Torgoôts 
ont   figuré   depuis  sur  la   liste   des 
peuples  trlljulaires,  jusqu'à  ce  qu'ils 
soient  venus,  en   1-171,  se   r.aiger 
tout-à-fait  sous  les  lois  de  cet  empire. 
Toulichcn  retourna  à  Peking,  à-peu- 
près  par  le  même  chemin  qu'il  était 
étaitvcnu.Il  arriva  flanscetîecapitale 
versla  fin  de  juin  17  i5.  L'empereur, 
satisfiiit  de  la  manière  dont  il  avait 
rem  pli  sa  coiuinissiuii, le  nomma  sous- 
secrétaiieil('laguerrc,etl)ientôt  après 
premier  secrétaire  du  même  minis- 
tère. Il  était  investi  de  celte  charge  , 
quand  il  piihlia  ,  en  1723,  la  rela- 
tion de  sou  voyage  clie/.lcs  Torgoôts, 
qui  parut  eu  même  temps  en  cliinuis 
et  en  raandcliou.  Elle  porte  en  chi- 
nois le  \\ivc  I  yu  luu,   cl  en  mand- 


TOU 

chou,   Laktchkaha    dchetchen  de 
takoûrakha  edchekhe  bitkhe.  C'est 
un  ouvrage  qui    fait  honneur  à  la 
sagacité  et  à  l'exactitude  de  son  au- 
teur ,  et  qu'on  doit  admirer  d'autant 
plus,  qu'il  a  vovagé  dans  un  pays 
dont  il  ignorait  totalement  la  langue. 
Nous    eu    possédons    deux    traduc- 
tions :  la  première  ,    en  russe  ,  faite 
par  M.  Lcontiev  sur  le  texte    man- 
dchou,  parut,  à  Saint-Pétersbourg, 
sous  ce  \\lvc  :  P oui tchestevic  kitais- 
kago  poslanika  k' kalmjktskomou 
Ajoukè  khanou ,  1782,  in-8".  La 
seconde ,  en  anglais ,  faite  sur  le  chi- 
nois  par  G.  Th.    Staunton ,   porte 
ce  titre  :  Narrative  of  the  chinese 
cinbassr  to  the  khan  of  the  Tour- 
goulli  Tartars ,  London  ,  1821  ,  in- 
8'J.  Un  entrait  que  le  P.  Gaubil  avait 
fait  de  ce  voyage  avait  déjà  paru  en 
I7'i(),  dans  les  Observations  mathé- 
matiques du  P.  Souciet,  vol.  I  ,  pag. 
148-1 75.  80US  le  règne  de  Khang  hi, 
en  1(389 ,  la  Chine  avait  conclu  avec 
la  Russie  un  traité  de  paix  ,  par  le- 
quel les  limites  des  deux  empires  se 
trouvaient  en  partie  iixées.  Ce  traité 
permettait  aux  marchands  russes  d'en- 
trer en  Mongolie  ])Our  y  îi-v^llquer ,  et 
d'envoyer  même  des  caravanes  à  Pe- 
king. Cependant  la  conduite  des  Rus- 
ses avait  trop  souvent  excité  le  mé- 
conleiitement  du  gouvernement  chi- 
nois, et  Khang  hi  linitpar  renvoyer, 
en  1722,  tous  ceux  de  cette  nation 
(pii  se  trouvaient  à  Ourga  ,  campe- 
ment du  khoutoukhtou  mongol.  Son 
successeur,    Young   Icliing  ,    insista 
sur  la  fixaiion  délinitivc  des   fron- 
tières entre  les  deuK  empires  ;  et  le 
cabinet  de  Saint  Pétersbourg  se  vit 
forcé  d'accéder  à   sa  demande  ,   en 
envoyant,  en  1720,  un  ambassadeur 
])lénipotentiaire  à  Pékin.  Le  congrès 
j)our  la  lixation  des  limites  s'assem- 
bla r.innée  suivante  auprès  de  la  ri- 


TOU 

vicre  Boso,qiii  se  jette  dans  la  Se- 
lenga.  ïoulichen  en  lut  un  des  prin- 
cipaux membres  du  coté  des  Chinois. 
Il  était  alors  vice-président  du  minis- 
tère de  la  guerre.  Le  traité  qui  régla 
les  frontières  depuis  la  mer  orientale 
jusqu'à  l'endroit  où  le  leniscï  entre 
en  Sibérie  fut  conclu  le  2 1  octobre 
in'.i'j  ,  et  ratifié  le  i4  )>^i''i  i7'^8. 
C  est  encore  aujourd'hui  la  base  des 
relations  qui  existent  depuis  un  siècle 
entre  les  deux  empires.  Nous  igno- 
rons la  date  de  la  mort  de  Touhchen, 
qui,  à  cette  époque j  était  âgé  de 
soixante  ans.  Kl — n. 

ÏOULMIN  (Joshua),  ministre 
anabaptiste,  né  à  Londres,  résida 
long-temps  à  Taunton  ,  dans  le  comté 
de  Sommerset ,  où  il  exerçait  la  pro- 
fession de  libraire.  Lorsque  son  ami 
le  docteur  Priestley  partit  pour 
l'Amérique^  il  vint  s'établir  à  Bir- 
mingham ,  comme  ministre  d'une 
congrégation  socinienne.  Après  s'être 
long-temps  distingué  par  son  zèfc 
à  soutenir  les  principes  dcPiiestley, 
il  mourut  à  Birmingham  ,  en  août 
i8i5  ,  à  soixante-treize  ans.  On  a  de 
lui,  entre  autres  écrits  :  I.  Sermons 
adressés  à  la  jeunesse  ,  avec  une 
traduction  d'Isocrate  ,  in-B*^".  , 
,1'7'yO  ;  seconde  édition. in- 12, 1789. 
IL  Mémoires  sur  la  Fie  et  les  écrits 
de  Fauste  Socin  ,  in-8",  1777.  IIL 
Dissertations  sur  les  preuves  du 
Christianisme  ,  in 'S'^.  ,  1783.  IV. 
Essai  sur  le  Baptême,  m-Q'^.  ,  1  786. 
V.  Histoire  de  lu  ville  de  Taunlon  , 
in-4".  ,  1791.  VI.  Histoire  des  Pu- 
ritains ,  par  Neal ,  nouvelle  édition 
avec  la  Vie  de  l'auteur  et  des  obser- 
vations, 5  vol.  in-B"^.,  1784-1787. 
L'éditeur  a  détaché  du  texte  et  mis 
en  notes  quelques  documents  qui  in- 
terrompaientle  coursde  la  narration; 
dans  les  notes  qu'il  a  ajoutées,  il  s'est 
attaché  à  répandre  de  nouvelles  lu- 


TOU  3-27 

mières  sur  le  sujet ,  ainsi  qu'à  justi- 
lier  l'historien  contre  les  critiques 
desévcqiies  iMadox,  Warburlon  et  le 
docteur  Grey.  VII.  Ulnjusiice  de 
classer  les  unitaires  parmi  les  déis- 
tes et  les  infidèles,  in-1'2,  <797- 
Vlll.  Trihui  bicgr'aphique àla  mé- 
moire du  docteur  Priestley ,  in- 
S**.  ,  1804.  IX.  Adresses  aux 
jeunes  gens ,  in-ï'2  ,  1804.  X.  Mé- 
moires du  reV  Sam.  Bourne ,  in-8"*., 
1809.  XI.  Sermons  sur  des  sujets 
de  dévotion  ,  in-8°.  ,  1810.  Xil. 
Quatre  discours  sur  le  baptême, 
in- ri,  181  I.  XIII.  Tableau  histo- 
rique de  Vétat  des  Protestants  non- 
cunformistes  en  Angleterre  ,  iu-S"., 
1 8 1 4-  1  oulmin  a  concouru  au  Theo- 
logical  repository  ,  au  Mémorial 
du  Non-conformiste  ,  au  Monthly 
magazine  ,  et  à  d'autres  écrits  pé- 
liodiques.  On  trouve  dans  tous  ses 
ouvrages  un  style  animé,  simple  et 
naturel.  L. 

TOULON  GEON  (  Francois- 
Emanuel,  vicomte  (  i  )  de)  ,  historien 
et  littérateur ,  naquit,  en  1748,  au 
château  de  Champlitte,  d'une  des 
plus  anciennes  familles  de  la  Franche- 
Comté  (2).  Destiné,  comme  cadet,  à 
l'état  ecclésiastique,  il  fut  envoyé,  de 

(i)  On  l'a  confondu  souvent  a\  ec  le  marquis  de 
Touloutjeon  ,  son  frère  aine.  Celui-ci  elait  maré- 
chai-di'  camp  avant  la  révolution  ,  et  il  fut  élu  dé- 
ptilc  de-  la  noblesse  de  Franclie-t'omté ,  aux  étals- 
genéiauK  de  i-Sf) ,  où  il  se  montra  fort  oppose'  aux 
opiniuus  de  sou  frèi-e.  Après  avoir  sigué  toutes  les 
protestations  de  la  minorité  contre  les  opérations  de 
l'assemlilée  nationale,  il  sortit  de  France  avant  la 
fin  delà  session,  rejoignit  l'armée  di-s  princes, 
fit  avec  elle  la  cam|>agne  de  l'O'- ,  d  se  retira 
à  Frilxmrp;,  d'où  il  écrivit  à  Louis  W'I  et  à  ses 
frères  des  lettres  qui  tombèrent  dans  les  mains 
des  révolutionnaires,  et  le  firent  décréter  d'accu- 
sali.in  par  la  Convention  nationale,  sur  le  rapport 
de  Rewliell.  Le  marquis  de  Toulongeon  entra  en- 
suite au  service  d'Autriche ,  où  il  devint  lieule- 
nant-[;énéral.  Il  mourut  à  Vienne,  dans  les  premiè- 
res années  de  ce  siècle.  Ce  général  avait  épouse  une 
demoiselle  d'Aubigné  ,  dernier  rejeton  de  la  famille 
de  ce  nom  ,  qui  mourut,  en  i8o5  ,  dans  une  retraite 
où  elle  vivait  près  de  Fontainebleau  ,  après  avoir 
subi  une  longue  déteulion  pendant  la  révolution. 

(  >,)  Un  Toulongeon  éuit  maréclial  de  l'.ourtogne 
.-ous  Phillppe-le-Bou. 


3i8 


TOU 


bonne  heure,  à  Paris,  au  sdminaire 
de  Saint -Sulpice,  pour  y  l'aire  ses 
études  ;  mais  la  répuç^nance  inviaci- 
hle  qu'il  montrait  pour  la  llie'ologie 
■décida  ses  parents  à  lui  permettre 
d'embrasser  la  profession  des  armes; 
et  il  ne  tarda  pas  d'obtenir  une  com- 
pagnie de  cavalerie.  Il  consacra  ses 
loisirs  à  la  culture  des  lettres  et  des 
artSj  qu'il  avait  aimes  des  l'enfance; 
et  quoique  bien  jeune  encore  ,  il  re- 
chercha la  société  des  personnes  qui 
pouvaient  l'aider  de  leur  expérience 
et  de  leurs  conseils.  Ayant  embrassé 
avec  toute  l'ardeur  de  la  jeunesse  les 
principes  du  parti  philosophique  qui 
dirigeait  alors  l'opinion ,  il  fit ,  en 
177O,  une  visite  à  Voltaire,  dont  il  re- 
çut un  accueil  plein  de  bienveillance, 
et  qui  lui  témoigna  le  regret  de  ne 
pouvoir  l'ai'rêtcr  quelque  temps  dans 
-ha  solitude  de  Ferney  :  «  Je  n'ai  fait, 
w  écrivit-il  aumarquisdeTi'essan(3), 
»  qu'entrevoir  M.  de  Toulongeon,  Il 
))  m'a  donné  la  plus  grande  envie  de 
»  jouir  de  sa  charmante  société;  mais 
»  mon  âge  et  mes  maux  ne  me  l'ont 

«  pas  permis M.  de  Toulongeon 

»  m'a  paru  in.'iniment  aimable  et 
■»  bien  digne  de  votre  amitié.  Il  a  les 
»  grâces, la  politesse,  les  talents  que 
M  je  vous  ai  connus.  »  Parmi  les  jeu- 
nes OiTiciersavec  lesquels  Toulongeon 
s'était  lié,  celui  qu'il  aimait  le  plus 
<'lait  Giiibcrt ,  célèlue  depuis  par  son 
Traité  de  tactique.  La  conformitédes 
goûts  et  du  caractère  les  avaient  ren- 
dus inséparables.  11  ])uisa  dans  les  cn- 
tietiens  et  dans  les  ouvrages  de  son 
ami  une  connaissance  approfondie  de 
l'ait  (le  la  guerre,  et  y  joignit  celle 
de  riiisloire  et  du  droit  public.  Pas- 
sionné pour  les  sciences,  il  suivit  leurs 
])rogrès  avec  ardeur  ;  et  il  trouvait 
onrore  le  loisir  de  <  iillivei'  en  secret 

.<;  f  ■■„,,■, \,-  V„  i.Mx-  ;,    l,r,  ;,„  ,  ,1,.  ,  ,  „.,v.riilji.- 
'77'''  ^'"j'  '"  '  un  c-9|>uu  JaiKi;  ;i'iiir,ili'. 


TOU 

les  arts.  Dessinateur  habile ,  il  pei- 
gnait ou  gravait  à  l'eau  -  forte  et  au 
burin  de  petites  compositions  pleines 
de  grâce  et  d'intelligence.  Ce  n'étaient 
pas  ,  sans  doute  ,  les  ouvrages  d'un 
maître,  mais  c'étaient  mieux  que  les 
délassements  d'un  simple  amateur. 
Comme  colonel  de  chasseurs  à  che- 
val (4) ,  il  eut  le  plaisir  de  voir  son 
régiment  cité  pour  sa  belle  tenue  et 
pour  sa  disciphne  ;  et  il  aurait  obtenu, 
sans  doute  ,  un  avancement  rapide 
s'il  n'eût  pas  renoncé  au  service  au 
moment  où  la  guerre  commença  (5). 
Lors  des  états  provinciaux  assemblés 
à  Quingey  eu  1^88  ,  il  se  réunit  à 
la  minorité  de  la  noblesse  pour  sup- 
plier le  roi  d'établir  l'égale  réparti- 
tion de  l'impôt ,  et  de  supprimer 
d'autres  abus  signalés  dans  les  ca- 
hiers de  doléance.  Il  publia  ,  à  la 
même  époque,  sous  le  litre  de  Prin- 
cipes naturels  et  constitutifs  des 
assemblées  nationales,  une  brochure 
qui  lui  valut  une  grande  popularité^ 
et  ([ui  le  fit  nommer  député  ,  par  la 
noblesse  de  sa  province,  aux  états-gé- 
néraux, avec  Bureaux  dePusy(^.  ce 
nom,  VI,  9.()'i\  Ils  furent,  l'un  et  l'au- 
tre, du  petit  nombre  des  députés  de  la 
noblesse  ({ui  se  séparèrent  de  leur  or- 
drepour  se  réunir  à  celui  du  tiers-état: 
il  indiqua  ensuite  les  motifs  du  peu 
de  coniiaiicc  que  l'assemblée  devait 
avoir  dans  le  parlement  de  Besançon; 
et  lorsqu'il  fut  question  de  présenter 
au  roi  le  plan  de  contributions  propo- 
sé par  Necker  et  adopté  par  l'assem- 
blée, un  député  de  Gascogne  ,  nom- 
mé Broustaret,  ayant  demandé  (jue 
le  monarque  fût  préalablement  invité 
à  sanctionner  la  partie  de  la  consti- 


il    puilait   l<; 


.  Ita- 


lie 


(r»)  ('.'i!,!  |mr  ••iTiMir  i|ii'ciiia  dil  qiia  le  vicoiuli' 
4li'  TiiuliinHi.m  i  liiit  riiarnilial-(l«  -tuliii)  ù  l't'liuijuv 
il«  1,1  iivululioli.  Il  u'tliiil  «liiu  colujicl. 


TOU 

ttilion  déjà  décrétée ,  le  vicomle  de 
Touloiigeoii  apjmya  vivement  cette 
proposition.  11  se  montra  ensuite  très- 
^laiid  partisan  du  ministre  Necker; 
et  se  tint  dans  la  ligne  du  parti  ré- 
volutionnaire qu'on  appelait  modéré. 
Il  fut  un  des  membres  de  la  reunion 
qui  se  formait  chez  le  duc  (le  La  Ro- 
chefoucauld (F",  ce  nom,  XX  XYIII , 
3io),et  se  plaignit  amèrement,  dans 
l'Assemblée  ,  de  l'inscription  de  son 
nom  sur  la  liste  du  club  monarchique 
(  F".  Malouet  ).  Dans  la  séance  du 
1 2 avril  1 790  ,  il  demanda  l'ordie  du 
•jour  sur  la  proposition  de  déclarer 
dominante  la  religion  catholique.  Il 
se  livra  ensuite  à  quelques  travaux 
utiles  dans  cette  Assemblée  ,  dont  il 
fut  plusieurs  fois  nommé  secrétaire  • 
il  prit  beaucoup  de  part  cà  la  nou- 
velle organisation  de  l'armée,  à  celle 
des  ponts-et-chaussées  et  de  l'instruc- 
tion publique.  Apres  la  session ,  il  ne 
vouhit  accepter  aucun  emploi  ,  et  se 
retira  dans  le  INivernais  ,  où  il  pos- 
sédait une  terre  (Sozay)  ,  seul  reste 
de  son  patrimoine  ,  et  dont  les  reve- 
nus étaient  diminués  d'un  tiers  par  la 
suppression  des  redevances  féodales. 
•Partageant  son  temps  entre  l'étude 
et   la  pratique   de   l'agriculture ,    il 
•n'eut  pas  le  sort  de  la  plupart  de  ses 
imprévoyants  collègues ,  immolés  sur 
les  ruines  qu'ils  avaient  si  impru- 
demment accumulées.  Plus  heureux, 
il  échappa  aux  échafauds  et  même 
aux  prisons  de  la  terreur.  Nommé 
député  du  département  delà  Nièvre  , 
eu  iSo'i  et  en  1809  ,  au  corps  légis- 
latif,  il  n'accepta  qu'à  regret  cette 
faveur    du    nouveau    maître    de  la 
France  ,  qui  le  nomma  ensuite  com- 
mandant de  la  Légion -d'Honneur. 
L'ex[)érienfc  avait  désabusé  Toulon- 
geon  des  rrves  de  la  politique  ,  et  il 
se  proposait  de  consacrer  le  reste  de 
sa  vie  à  des  travaux  littéraires.  Gou- 


TOU 


3a9 


nu  par  (ji'.elquos  Mémoires,  il  avait 
rem{)!acé  Dclcyre  ,  en  i';97  ,  à  IMns- 
tilut,daus  la  classe  des  sciences  mo- 
rales   6).    il   en   fréquenta   dès-lors 
assidûment  les  séances,  et  y  lut  une 
foule  de  morceaux  sur  les  objets  or- 
dinaires de  ses  méditations.  11  venait 
de  terminer  la  traduction  des  Com- 
mentaires de  César  ,  quand  il  mou- 
rut ])resque  subitement ,  le   23  dé- 
cembre  18 «2,  à  l'âge  de  soixante- 
quatre  ans.  Ses  restes  furent  iidiumés 
au    cimetière  IMonlmartre  ,    où  ses 
enfants  lui  ont  fait  élever  un  modeste 
monument  décoré  d'une  épitaphe  (  7). 
MM.  Quatrcmère  de  Quincy  et  Du- 
pont de  Nemours  prononcèrent   sur 
sa  tombe  deux  discours  qui  ont  été 
imprimée.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  I.  Frincipes  naturels  et  cons- 
titutifs des  assemblées  nationales  , 
(Besançon)  ,  1788,  in-8'\  W.Èlo^e 
véridique  de  Guibert ,  par  un  ami, 
Paris,  1790^  in-8».  ;  nouvelle  édi- 
tion revue  et  corrigée ,  à  la  tête  du 
Voyage  en  Allemagne  de  Guibert 
(  V.  ce  nom  ).  111.  Manuel  révolu- 
tionnaire  ou  Pensées    morales  sur 
l'état  politique  des  peuples  en  révo- 
lution, ibid.,  1796,  in- 18  de  i37p.; 
ibid.  ,  1802,  in-8^. ,  traduit  en  alle- 
mand. C'est,  dit  M.  Dacier,  l'ou- 
vrage d'un  homme  d'esjirit  et  d'un 
penseur.  On  y  désirerait  plus  d'ordre 
et  de  méthode  ;  mais  on  y  trouve  un 
grand  nombre  d'observations  neuves 
et  des  réflexions  ingénieuses  et  pi- 
quantes. IV .  V Esprit  public  (  1 797) , 
in-8'\  C'est  une  espèce  de  journal  en- 
trepris dans  le  but  de  calmer   les 
partis  qui  divisaient  alors  la  France, 
en  les  engageant  à  de  mutuelles  con- 
cessions. Il  n'en  parut  que  six   nu- 

{(>)  OUo  clas.sc  l'ut  Mi|)|)riim-e  ,  en  i8o3  ,  lurs  do 
la  iforgaiiisalioii  dv  riustitut,  et  ses  uiembifs  re- 
partis dans  les  nouvelles  classes. 

(7)  On  la  trouve  dans  la  Aolicc  de  M.  Graii|»m, 
citée  ù  la  fui  de  l'arliile. 


33o 


TOU 


méros.  V.  Histoire  de  France  ,  de- 
puis la  révolution  de  1780,  écrite 
d'après  les  Mémoires  et  m.inucrits 
couteniporaius  ,  recueillis  dans  les 
dépots  civils  et  militaires  ,  Paris  , 
1 801-1 810,  4  vol.  iii-4''.;,  ou  8  vol. 
in-S*^. ,  avec  cartes  et  plans.  Cet  ou- 
vrage ,  quou  lit  peu  ,  est  cependant 
reroinmandable  par  des  détails  mi- 
litaires assez  exacts.  VI.  Manuel  du 
muséum  français  ,  avec  une  des- 
crijJtion  analytique  et  raisonnée  de 
chaque  tableau,  indiqué  au  trait  ])ar 
mie  gravure  à  l'eau-forte  ,  tous  clas- 
sés par  écoles  et  par  œuvre  des 
grands  maît-es  ,  Paris,  1802-1808  , 
in-8°.  ,  neuf  livraisons  :  elles  con- 
tiennent l'œuvre  du  Poussin  ;  du  Do- 
miniquin  ;  de  Rubens  ;  de  Raphaël  ; 
de  Lebrun;  de  Van-Ostade  ,  Gérard 
Dow  et  Van-Dick  ;  de  Vernet  ;  du 
Titien  j  et  enfin  de  Paul  Veronèse. 
Ou  yjoint  une  dixième  livraison,  con- 
tenant la  Galerie  de  Saint-Bruno,  par 
Lesueur,  décrite  et  analysée  par  M. 
L.  R.  F.  Vil,  jÇ/oge  historique  de 
Camus  (  f^'oy.  ce  nom  ).  Vil!.  Re- 
cherches historiques  et  philosophi- 
ques sur  l'amour  et  le  plaisir  ,  Pa- 
ris ,  1807  ,  in-8*'.  ;  sous  ce  titre  , 
Toulongeon  a  publié  nn  poème  en 
trois  chants,  qui  ne  se  recommande 
ni  par  la  régularité  du  plan  ,  ni  par 
la  sagesse  de  la  composition;  mais 
on  y  remarque  des  détails  ])iqiiants  , 
et  des  tableaiixagréablcment  dessillés. 
IX.  Les  Commentaires  de  César  , 
traduits  en  français ,  Paris  ,  i8i3  , 
'i  vol.  m-\-x  ;  réimprimés  en  i8>.5. 
Cette  version  joint  le  mérite  de  l'é- 
légance à  celui  de  la  lidélité.  Le 
Recueil  des  i\Iérnoires  de  l'Inslitut 
n'en  contient  que  deux,  de  Toulon  - 
gcon  ;  l'un  :  De  V influence  du  ré- 
gime diéléliipie  d'une  ruitinn  sur 
son  étal  politique  ,  m  ,  lo'A;  l'au- 
tre ,  J)c  l'usui^e  du  numéraire  dans 


TOU 

un  grand  état ,  iv ,  420  )  ils  oflrent 
des  A^des  ingénieuses  ,  mais  dilîlciles 
à  réaliser.  Il  en  a  publié  deux:  autres 
sépaiément  :  De  l'Esprit  public ,  in- 
8".  de  22  pag. — Sur  le  danger  pour  . 
la  salubrité  publique  d'établir  des 
usines  sur  les  petites  rivières ,  in-8''. 
de  i(3  pag.  Parmi  les  autres  ouvra- 
ges qu'il  a  communiqués  à  l'Institut , 
on  cite  des  Mémoires  sur  la  civilisa- 
tion des  peuples  ;  sur  le  destin  chez 
les  anciens  (8)  ;  sur  l'analyse  des  sen- 
sations et  des  idées;  sur  la  mémoire; 
sur  l'esprit;  sur  la  manière  d'amener 
la  liberté  individuelle  dans  un  gou- 
vernement représentatif;  des  notes 
sur  Homère  ;  la  traduction  en  vers  du 
troisième  chant  de  l'Iliade  ,  et  celle 
de  la  quatrième  satire  de  Perse;  la 
préface  de  l'Atlas  militaire  des  cam- 
pagnes de  la  révolution  ;  des  recher- 
ches sur  la  fondation  et  l'élablisse- 
ment  de  colou.'?s  nouvelles  ;  coup- 
d'œil  sur  les  différentes  manières  d'é- 
crire l'histoire  et  surtout  l'histoire 
contemporaine  :  il  insiste  sur  la  né- 
cessité des  détails  qui  peuvent  seuls 
découvrir  ou  faire  deviner  l'origine 
et  les  causes  des  événements  et  pein- 
dre avec  vérité  les  caractères.  Il  a 
laissé  beaucoup  de  manuscrits  dont 
quelques-uns  sont  l'ouvrage  de  sa 
jeunesse,  tels  qu'un  Voyage  à  Berlin, 
un  Traité  des  Comètes,  et  un  Mémoire 
sur  les  acTostals.  Voy.  son  Eloge  , 
par  M.  Uacicr  ,  dans  le  tome  v  des 
Nouveaux  Mémoires  de  l'académie 
des  inscriptions  ;  et  une  Notice  his- 
torique sur  sa  vie  et  ses  ouvrages  , 
par  iM.  Grappin  ,  dans  le  Recueil  de 
î'acadéiuic  de  Besançon,  anu.  181  3. 
Le  portrait  de  Toulougeona  été  gra- 
vé dansdivcrs  formats.        W — s. 


(SlO    (1 
la  (lis.  „.ssi., 

M.  n.n,..., 

a^..i.'l.l  l.'s 

i>c:niirs  1 

LIIVI-ll    cl'i 
niodllil  1 
I,.'    />.<//, 
(  1)>,,...„I 

'.•x.<-llni 
r.  .  et    r. 
1  cl..  N.iii 

Il  Mti.iol 

11'  de 
.li.'en 

TOU 

TOULOUBRE  (  Louis  Ven- 
tre, scigiieiir  de  La  ),  juiiscon- 
sulte  et  littérateur  provençal,  na- 
quit à  Aix  en  1706  ,  d'une  famille 
altacliee  à  la  map;istrature.  Des- 
tine' au  barreau  dès  sa  jeunesse  , 
il  cultiva  d'abord  la  poe'sie  avec  le 
plus  grand  succès,  et  remporta  plu- 
sieurs pnx.  académiques.  Quelqucs- 
imes  de  ses  pièces  furent  iui])nniècs 
dans  dill'e'rents  recueils.  En  i  -ySa  ,  le 
roi  le  nomma  à  la  chaire  de  ])ro- 
fesseur  du  droit  français,  en  l'u- 
niversitc  d' Aix ,  et  en  1734,  il  fut 
pourvu  d'un  oUice  de  substitut  du 
procureur-ge'ne'ralau  jiarlcraent.  Par- 
tage entre  l'élude  des  lois  et  la  litté- 
rature, il  sut  se  distmguer  en  même 
temps  dans  les  deux  carrières  ;  mais 
préférant  ses  devoirs  à  ses  goûts  de 
prédilection,  il  abandonna  insensi- 
blement le  temple  des  muses  pour 
celui  de  Thémis.  En  1788,  il  com- 
posa une  Ode  sur  l'imagination  ,  qui 
fut  couronnée  par  l'académie  des 
jeux  floraux,  et  annoncée  avec  élo- 
ge par  tous  les  journaux.  Il  publia 
encore  un  poème  sur  le  Sacrifice 
d' Abraham  ;  mais  ce  furent  là  les 
derniei's  sons  de  sa  lyre,  et  il  se  livra 
depuis  entièrement  au  barreau.  On 
a  de  lui  :  L  Les  OEuvres  de  Scipion 
Du  Périer ,  lyGo  ,  3  vol..  in -4". , 
avec  des  observations  très  -  judi- 
cieuses sur  l'état  actuel  de  la  Ju- 
risprudence. IL  Recueil  des  actes 
de  notoriété  donnés  par  les  avoc.»ts 
et  procuieurs-générausau  parlement 
de  Provence,  in-8". ,  i-SG,  177'-^. 
Ces  actes  sont,  en  quelque  sorte,  le 
recueil  d'un  droit  particulier  à  la 
Provence.  La  plujiart  étaient  rédi- 
gés avec  une  concision  qui  les  ren- 
dait obscurs  et  susceptibles  de  faus- 
ses inicrprélations.  La  'i'ouloubre, 
par  des  remarques,  des  exemples  , 
des  décisions   et   des  maximes  ,  a 


TOU 


33 1 


fort  bien  éclairci  ces  jugements  par- 
ticuliers. IIL  Jurisprudence  féoda- 
le suivie  en  Provence ,  17S6,  in- 
80.  •  réimprimé  en  1765  sous  ce  ti- 
tre :  Jurisprudence  féodale  obser- 
vée en  Provence  et  en  Languedoc , 
'1  vol.  in-S*^.;  ouvrage  estimable,  que 
l'on  consultait  tous  les  jours  avant  la 
révolution.  La  Toliloubre  s'était  oc- 
cupé d'un  Commentaire  sur  les  sta- 
tuts de  Provence;  mais  des  considé- 
rations particulières  l'empcclièrent 
d'y  mettre  la  dernière  main.  On  trou- 
va ,  parmi  ses  manuscrits  ,  le  com- 
mencement d'un  ouvrage  sur  le  Droit 
maritime.  Tous  ses  écrits  ,  cités 
comme  des  autorités  respectables  eu 
Provence  ,  annoncent  l'homme  stu- 
dieux et  le  jurisconsulte  profond. 
Au  retour  d'un  voyage  d'Italie  ,  il 
mourut  à  Aix,  le  3  septembre  1767  , 
laissant  plusieurs  enfants  qui  ont 
marché  avec  distinction  sur  les  tra- 
ces de  leur  père.  A — t. 

TOULOU.se  (Louis-Alexandre 
DE  Bourbon  ,  comte  de  ) ,  troisième 
fils  légitimé  de  Louis  XIV  et  de 
]\jme_  3e  Montespan  ,  naquit ,  à  Ver- 
sailles ,  le  6  juin  1678.  Ce  prince 
était  à  peine  âgé  decinq  ans,  lorsqu'il 
fut  créé  amiral  de  France.  En  1G90, 
il  accompagna  le  roi  aux  sièges  de 
Mons  et  de  Namur,  et  y  donna  de 
si  grandes  preuves  de  courage,  que 
son  père  se  crut  dans  la  nécessité  de 
lui  défendre  de  s'exposer  aussi  incon- 
sidérément (  I  ).  Lors  de  la  guerre 
de  la  succession  d'Espagne  (  170U), 
le  comte  de  Toulouse  ,  commandant 
pour  la  première  fois  une  escadre , 


(  1)  Vovaut  le  cheviil  d'uu  ofticier  qui  se  trouvait 
au  siège  près  de  lui  eniporle  par  un  boulnl  ,  le 
comte  de  Toulouse  ,  qui  n'avait  que  douze 
ans,  se  retourna  l'roidemeut  ,  coiunianda  (|u'oii 
donnât  un  autre  clieval  à  l'olFicier ,  et  s'erna  ; 
«  (Juoi .'  lui  coup  de  eunan,iiVs(-te  <pie  cela  .'  »  Le 
nu'^uie  i"tir  il  moula  , Ma  Iraucliec  ,'i  la  lèle  de  sou 
réjiimeni-  L'anncc  suivante  ,  il  fui  blesse  au  siège 
<lc  ^anulr. 


322 


TOU 


sortitde  Toulon ,  avec  six  vaisseaux , 
€t  se  porta  successivement  à  Messine 
et  à  Païenne,  (It  reconnaître  dans 
ces  deux  villes  l'autorité  de  Philip- 
pe V,  et  sut,  ]iar  d'habiles  disposi- 
tions, les  mettre  à  l'abri  de  toute  at- 
taque. La  campagne  de  170!  lui 
cibit  nne  nouvelle  occasion  de  se 
distinguer.  L'arclïiduc  Charles,  re- 
connu roi  d'Espagne  jtar  l'empe- 
reur son  père  et  par  les  alliés,  s'était 
rendu  en  Angleterre ,  pour  s'y  em- 
l)arifuer  sur  l'escadre  de  l'amiral 
Pvooke  ,  qui  devait  le  conduire  à  Lis- 
bonne. Louis  XIV,  informé  de  ce  des- 
sein ,  chargea  le  comte  de  Toulouse 
de  s'opposer  à  son  exécution.  Deux 
escadres  furent  armées  simultané- 
ment, et  le  prince  prit  le  comman- 
dement de  celle  de  Brest.  Sorti  de 
ce  port .  le  G  mai ,  avec  vingt-trois 
vais-eaux  de  ligne,  il  se  dirigea  sur 
Toulon,  dans  l'intention  de  se  réu- 
nir à  l'amiral  Duquesne.  Parvenu 
jusqu'à  la  hauteur  de  Lisbonne,  sans 
avoir  rencontré  l'escadre  anglaise, 
il  s'arrêta  un  moment  à  l'embouchu- 
re du  Tage,  où  il  apprit  que  l'amiral 
Jîooke  était  sorti  de  Lisbonne,  quel- 
ques jours  auparavant,  avec  soixan- 
te voiles ,  ayant  à  bord  trois  mille 
liommesde  troupes  commandées  par 
le  prince  de  Darmstadt,  et  qu'il  se 
dirigeait  sur  Barcelone.  Arrivé  à  Ca- 
dix le  25 ,  il  se  hâta  de  débarquer 
les  troupes  et  les  munitions  qu'il  de- 
vait y  laisser  ,  et  se  disposa  à  sortir 
du  détroit.  Ce  projet  n'était  pas 
.sans  danger,  en  raison  de  la  supé- 
riorité de  l'armée  anglaise  ;  mais 
c'était  le  seul  moyen  d'opérer  sa 
jonction  avec  l'escadre  de  Toulon, 
(  t  de  déjouer  les  projets  de  l'en- 
nemi sur  Barcelone:  le  comte  de 
Toulouse  n'iie'sita  point.  Arrivé  à 
Ja  hauteur  d'Alicanlc,  il  rencontra 
Jcs  dix-neuf  vaisseaux   commandés 


TOU 

par  Duquesne.  Cet  amiral  lui  rendit 
compte  ([ue  l'armée  anglaise  était 
forte  de  soixante-dix  bâtiments  de 
guerre,  dont  quarante -cinq  vais- 
seaux. Le  7  juin  ,  étant  à  deux  lieues 
de  Minorqiie,  on  eut  connaissance 
de  l'eimemi.  Quoique  l'armée  fran- 
çaise fût  de  beaucoup  inférieure  à 
celle  des  alliés,  le  comte  de  Toulouse 
se  mit  en  mesure  de  soutenir  le  com- 
bat s'il  lui  était  ])résenté.  Toutefois, 
ayant  le  vent  sur  l'ennemi ,  il  en  pro- 
fita pour  se  rapprocher  des  côtes  de 
France.  L'amiral  Rooke  le  suivit 
jusqu'au  10;  mais  une  saute  de  vent 
ayant  occasionné  la  séj)aratiou  des 
deux  armées  pendant  la  nuit ,  et  les 
Anglais  n'étant  plus  en  vue  ,  le  com- 
te de  Toulouse  saisit  cette  circons- 
tance pour  rentrer  à  Toulon.  Il  y  ap- 
prit que  les  alliés  ,  sur  la  nouvelle  de 
son  apparition  dans  la  Méditerra- 
née ,  s'étaient  hâtés  de  quitter  Bar- 
celone pour  se  mettre  a  sa  poursui- 
te ;  et  ce  fut  ainsi  que  l'entreprise 
hardie  de  ce  prince  de  traverser  le 
détroit ,  pour  ainsi  dire  à  la  vue 
d'une  armée  eimemie  supérieure  en 
nombre,  lit  échouer  les  projets  for- 
més sur  la  Catalogne,  seul  but  de 
l'expédition.  Mais  ce  n'était  point 
assez  pour  le  comte  de  Toulouse  ;  il 
voulait  se  mesurer  avec  l'amiral 
Rooke.  Toutes  ses  dispositions  étant 
faites ,  il  sortit  de  Toulon ,  à  la  tét€ 
de  quarante-neuf  vaisseaux  de  bgue, 
et  de  vingt-(fuatre  galères.  Le  maré- 
chal d'Estrées  commandait  en  second 
sous  lui.  Le  marquis  de  Yillette  était 
à  l'avant-garde,  et  le  marquis  de 
Langeron  formait  l'arrière -garde. 
L'armée  se  dirigea  d'abord  sur  Bar- 
celone; et  sur  l'avis  que  le  comte  de 
'i'ouloiise  y  reçut  que  la  flotte  des  al 
liés  élait  rentrée  dans  la  Méditerra- 
née ,  il  força  de  voiles  pour  sortir  du 
détroit,  et  se  porter  à  sa  rencontre. 


TOU 

Le  24  ^oùt  1704,  à  la  pointe  du 
jour,  on  .1  perçut  rarmc'c  eiuicmic  , 
composée  de  soixante  -  cinq  vais- 
seaux, de  plusieurs  galioles  ,  et  di- 
visée en  trois  escadres.  L'amiral 
Sliowel  était  à  l'avant-garde,  i'a- 
miral  Rookc  au  centre,  et  l'arrière- 
garde  était  commandée  par  l'amiral 
hollandais  Calembourg.  Les  deux 
armées  se  trouvaient  alors  à  eu- 
A'iron  onze  lieues  nord  et  sud  de 
IMalaga.  A  dix  lieures  du  matin  ,  di- 
verses manœuvres  les  ayant  amenées 
à  la  portée  du  canon,  le  feu  com- 
mença de  pai't  et  d'autre,  avec  une 
vigueur  égale  sur  toute  la  ligne.  Le 
comte  de  Toulouse ,  attaqué  par  l'a- 
miral Rooke  et  par  deux  autres 
vaisseaux  ,  leur  opposa  une  telle  ré- 
sistance ,  qu'après  les  avoir  très-mal- 
trailés,  il  les  força  de  l'abandonner. 
L'avant-garde  et  l'arrière- garc|e  se 
comportèrent  aussi  vailLiraœent-  et 
les  alliés,  malgré  leur  sujicriorité, 
furent  battus  sur  tous  les  points.  Le 
combat  dura  jusqu'à  la  nuit  et  fut 
tellement  meurtrier  que  l 'ennemi 
éprouva  une  ])erte  de  trois  mille 
hommes.  Le  vaisseau  de  l'amiral  Ca- 
lembourg ,  ainsi  qu'un  autre  vaisseau 
hollandais,  furent  coulés  dansM'ac- 
t!on,  ou  n'en  put  sauver  que  l'ami- 
ral et  neuf  hommes.  L'armée  fran- 
çaise eut  quinze  cents  hommes  hors 
de  combat.  Le  vaisseau  du  comte  de 
Toulouse  se  battit  long-temps  contre 
celui  de  l'amiral  Rooke,  et  le  démâ- 
ta. Le  prince  reçut  lui-même  une 
blessin-e  à  la  temjie,  et  eut  quatre  de 
ses  pages  tués  à  peu  de  distance  de 
lui.  Les  deux  armées  après  s'être  ob- 
-servées  pendant  plusieurs  jours,  se 
séparèrent  enfin  ('.>,).  Celle  des  alliés 


(•>.^  Saint-Simon  rlU-  lianssrs  Mrmnirps  If  foi 
hal  de  MalaRa  ,  luais ,  |)cii  \t3vé  dans  ers  niaticio 
.1  ronroiiil  K-s  J  il<-<  cl  I.-  fiiU.  Il  (Ivr  Ir  c..m\>M 
■x-^   M'pUuiliip  ,  tandis  qu'il  cit  ninslunt  c(ii'il  n 


TOU 


33; 


se  dirigea  sur  Gibraltar,  et  les  Fran- 
çais entrèrent  à  Malaga.  Philippe  V, 
lorsqu'il  apprit  le  beau  combat  du 
comte  de  Toulouse,  lui  écrivit,  de 
sa  main,  une  letue  de  félicitation,  et 
lui  envoya  l'ordre  de  la  Toison,  en- 
richi de  diamants  pour  une  valeur 
de  plus  de  cent  mille  écus.  La  paix 
vint  rcndje  ce  prince  à  la  cour.  Le 
comte  de  Toulouse, dont  les  vertus 
ont  trouvé  grâce  devant  l'ennemi 
le  plus  acharné  des  enfants  légiti- 
més de  Louis  XIV,  était  ,  Vhon- 
neur ,  la  vertu  ^  la  droiture ,  l'équi- 
té même ,  selon  le  duc  de  Saint-Si- 
mon ,  qui  rend  une  égale  justice 
à  ses  vertus  guerrières.  «  On  ne  sau- 
»  rait,  dit-il,  en  racontant  la  bataille 
»  de  Malaga^  voir  une  valeur  plus 


lieu  |p  9.4  aoùL  «  Les  deux  (loties  ,  dit-il ,  étaient  , 
pinn-  le  noinlire  de  vaisseaux,  à-iieu-piès  égales.  » 
t)ii  a  vn  ,  an  ronliaire,  qne  raiiiiee  alliée  était 
fmte  de  siiixante-ciuj]  vaisseanx  ,  et  qne  celle  cki 
comte  do  Tonlunsc  n'elalt  que  de  qnaraute-neul. 
Même  ignorance  sur  la  perte  des  alliés  ,  qu'il  lait 
monter  à  six  mdie  hommes,  au  lieu  de  trois  mille. 
Mais  il  est  \ni  |)oint  snr  letjuel  nous  devons  parti- 
culièrement  insister,  et  qui  fait  l'objet  principal  de 
cette  note.  Saint-Simon  rapporte  ipie  le  iendeoiain 
du  combat,  it  forée  de  vent  et  de  manouvres  (  ce 
sont  ses  expressions  ) ,  l'armée  française  parvifit  à 
ri  |oliidre  l'amiral  Kookc  de  fort  près.  «  J^e  com- 
-n  le  de  Toulouse,  dit-il  ,  voulait  l'attaquer  de  non- 
>.  veau;  le  mari  rljal  de  Cœuvres  (comte  d'L.s- 
»  Irres  1  assembla  le  conseil;  Ions  e'iaient  d'avis 
)>  d'attaqijej-. ,  lorsque  d'O  ,  le  mentor  de  la  flotte, 
).  et  coolrp  l'avis  duquel  le  roi  avait  trJs-pie.isé- 
i»  ment  défendu  au  comte  de  faire  aticune  r-liose  , 
»  s'y  opposa  avec  mi  air  dédaigneux  el  une  froide  , 
»  uiuolle  el  suilisanle  opiniâlrclé.  L'oracle  pronon- 
3>  ce ,  chacun  retoiu'na  à  son  bord,  et  le  coiitle  , 
)i  d.ms  sa  chambre,  outré  de  la  plus  vive  douleur. 
»  U  acquit ,  .Vpin^c  Saiut-Simon  ,  un  grand  bon- 
»  nenr  eu  luut  genre  daus  celle  campagne,  et  son 
)i  plat  gouv<ruenr,en  perdit  peu,  parce  qu'il  n'en 
»  avait  guère  .'•  perdre.  »  IVcms  ne  cnercbons 
pas  à  aprolimdir  les  motifs  de  la  haine  de  Saint- 
.Simon  cimtvc  \o ^oiif'-rn'iir  du  comte  de  Tou- 
louse, alors  âge  de  vingt-six  ,nns  ;  mais  ucmi 
nous  contenterons  d'observer  qu'aucun  des  nom- 
breux historiens  du  combat  de  Malaga  h'a  fait 
mention  de  cette  circoustaucc  ,  et  nous  ajmi- 
terous  que  le  comte  de  'Tonlonsc  ,  dont  l'armée 
était  si  inférieiU-e-cn  (brtes  h  celle  des  alliés  ,  mal- 
gré l'avantage  qu'il  avait  remporté  sur  elle,  n'élait 
gu^1•e  en  mesure  de  recommencer  le  comliat  le 
letidrm.iin  ,  et  qne  s'il  eût  pu  mi  cru  devoir  le 
liMie  ,  ui~Uu,-ui4e  coiale  <rUht4W4's  «fui  oom«)A4v- 
dall  en  second  sous  lui  ,  n'cusseni  déféré  à  l'avl- 
d'un  homme  qui,  n'élanl  pas  marin  ,  ne  pouvait 
prononcer  sm-    r,-»vaulage  ou  rincouvcuienl   d'un 


334 


TOU 


»  tranquille  que  celle  qu'il  fit  paraî- 
»  tre  pendant  toute  l'action,  ni  plus 
»  de  vivacité  à  tout  voir  et  de  juge- 
»  ment  à  commander  à  propos.  Il 
»  avait  su  gagner  les  cœurs  par  ses 
»  manières  douces  et  aflables,par 
»  sa  justice  et  sa  libéralité,  etc.  »  Il 
aimait  l'ctude^,  à  laquelle  il  consa- 
crait souvent  une  partiedes  nuits(3); 
mais  il  mettait  une  extrême  l'éserve 
à  cacher  son  savoir.  Doué  d'un  sens 
droit  plutôt  que  d'un  esprit  brillant, 
il  avait  em^ie  de  bien  faire ,  mais 
par  les  bonnes  voies;  tout  appliqué 
d'ailleurs  à  savoir  sa  marine  de 
guerre  et  de  commerce,  et  V enten- 
dait très-bien.  Quoique  son  abord 
fût  assez  froid,  la  beauté  de  sa  phy- 
sionomie, noble  image  de  la  bonté 
de  son  ame,  lui  gagnait  tous  les 
cœurs.  Il  n'était  pas  moins  aime 
qu'estimé  à  la  cour  :  aussi  était-il  eu 
butte  à  la  ialousie  du  duc  du  Maine, 
son  frère  aîné.  Le  comte  de  Toulouse 
ne  pouvait  soutlrir  les  prétentions 
exagérées  de  sa  belle-sœur,  la  du- 
chesse du  Marne  ,  qui  fit  le  mal- 
heur de  son  mari,  en  le  poussant 
dans  des  intrigues  qui  empoisonnc- 
rent  sa  vie.  Le  comte  de  Toulouse 
demeura  toujours  étranger  à  ces  me- 
nées ,  qui  ne  tendaient  à  rien  moins 
qu'à  troubler  la  France  en  inter- 
vertissant les  droits  légitimes  des 
princes  du  sang  royal.  Il  en  fut 
récompensé  par  l'estime  de  tous  les 
bons  Français;  et  après  la  mort  de 
Louis  XIV,  le  duc  d'Orléans,  ré- 
gent, qui  sévit  avec  raison  contre  le 
duc  Cl  la  duchesse  du  Maine,  mon- 
tra toujours  uncbienveillance  sincère 
au  comte  de  Toulouse;  il  lui  é|);ir- 
gua  toute  inorlilication  jiersonnelle  , 


(1)  Cetlr  lialiiliidc  pi'ima  lui  dPTdiir  ruiie^lr  :  li; 
feu  prit  niix  ridriutx  Hfî  ndii  lit  ,  «'ninmn  it  .t'rtnit 
ciiUurmi  uu  iiiilicit  U'iiiiv  Iccluic  iiiuloiigi.'i'. 


TOU 

et  l'excepta  de  la  mesure  par  laquelle 
les  ])rinces  légitimés  furent  dépouil- 
lés de  tous  les  honneurs  et  préroga- 
tives de  prince.  Le  comte  de  Tou- 
louse  ne  chercha   pas   comme  son 
frère  à  s'allier  à  une  princesse  du 
sang.   Il  épousa  secrètement,   le  22 
février    17 '-3,  Marie- Victoire-So- 
phie de  ^oailles  ,  qui  avait  été  ma- 
riée en  ])remières  noces  au  marquis 
de  Gondrin  ,    menin    du  dauphin  , 
et  brigadier  des  armées  du  roi ,    et 
dont  elle  avait  eu  trois   fils.  A  l'âge 
de  vingt-quatre  ans ,  la  marquise  de 
Gondrin  était,    par  sa  beauté,  ses 
grâces  et  son  esprit,  un  des  orne- 
ments de  la  cour.  Le  comte  de  Tou- 
lousen'avait  pu  demeurer  insensibleà 
tant  de  mérite.  Leur  mariage  fut  dé- 
claré public  avec  la  permission  du  roi, 
le  4  sept,  de  la  même  année.  Jamais 
union  ne  fut  mieux  assortie,  jamais 
époux  n'offrirent  une  réunion  plus 
parfaite.  La  marquise  de  (îondrin  , 
en  devenant  comtesse  de  Toulouse, 
se  montra  digne  du  haut  rang  dont 
on  avait  laissé  les  prérogatives  à  son 
époux.  Elle  s'associa  à  ses  modestes 
vertus.  Comme  lui,  elle  demeura  ton- 
jours  étrangère  à  toute  cabale.  Aux 
scandales  delà  régence  venaitde suc- 
céder l'administration  paisible  et  ré- 
gulière du  cardinal  de  Fleurv.  La  cour 
de  Sceaux  ,  présidée  par  la  duches- 
se du  Maine;  et  la  cour  de  Rambouil- 
let, tenue  par  la  comtesse  de  Tciulou- 
se,  léunissaient  alors  la  plus  haute  so- 
ciété de   la  France.    Le  bel-esprit, 
avec  quelques  prétentions  ,  régnait  à 
Sceaux  ,  depuis  que  l'intrigue  en  était 
bannie.  Due  gaîté  piquante  et  de  l'es- 
prit sans  aHèctation  ,  animaient  la  so- 
ciété de  Kambouiliet.  C'était  celle-ci 
que  préférait  Louis  XV,  jeune  enco- 
re. «  Le  bel  esprit  le  mettait  au  siip- 
»  plicc  :  son  préce])teur  l'avait  ac- 
»  coutume  à  une  vénération  exchisi- 


TOU 

»  ve  pour  le  bon  sens  (4).  »  f^-e  mo- 
narque montrait  pour  la  comtesse 
de  Toulouse  une  amitié  qui  n'c'tait 
pas  sans  quelques  nuances  de  ga- 
lanterie, et  qui  pourtant  ne  fut  ja- 
mais calomniée.  Elle  s'entendait  avec 
le  cardinal  de  Fleury  pour  donner  à 
Louis  XV  le  goût  des  plaisirs  qui 
ne  causassent  ni  troubles  ni  remords. 
On  la  vit  rarement  quitter  Rambouil- 
let ,  dont  la  ponulation  ne  vivait  pres- 
que que  de  ses  bienfaits.  Par  ses  soins, 
cetteville,  quinese  composait  encore 
que  d'une  rue  etd'unee'glise,  s'agran- 
dit et  devint  florissante.  La  comtesse 
de  Toulouse ,  déjà  heureuse  mère  par 
la  brillante  fortune  du  duc  d'Antin  , 
l'aîné  des  trois  fils  qu'elle  avait  eus 
de  son  premier  mariage,  eut  encore 
le  bonheur  do  voir  revivre  toutes  les 
vertus  de  son  père  dans  le  duc  de 
Penthièvre,  unique  fruit  de  son  se- 
cond hvmeu.  Rempli  d'une  aJlèction 
chaque  jour  plus  vive  pour  ce  couple 
respectable,  Louis  XV  destinait  au 
comte  de  Toulouse  la  place  de  pre- 
mier ministre  après  la  mort  du  vieux 
cardinal  de  Fleury,  qui  lui-même  de- 
sirait l'avoir  pour  successeur;  mais 
ce  prince  fut  enlevé  par  une  maladie 
cruelle,  dans  la  cinquante-neuvième 
année  de  son  âge  (  i*^''.  déc.  i"]^"]  ). 
Taillé  pour  la  seconde  fois  de  la 
pierre ,  il  supporta  ses  soufiVances 
pendant  vingt-deux  heures  avec  une 
fermeté  héroïque  ,  et  mourut  en  don- 
nant k  sou  fils  ,  le  duc  de  Penthièvre, 
des  instructions  qui  fructifièrent  si 
heureusement.  La  comtesse  de  Tou- 
louse fut  inconsolable  :  son  époux 
en  mourant  l'avait  recommandée  au 
roi,  qui  continua,  pendant  deuxans, 
d'aller  à  Rambouillet;  mais  la  socié- 
té de  cette  vertueuse  princesse  finit 
par  avoir  moins  de  charmes  pour  le 

(4)Lai.ri:tL'llc,  TubUau  Uu  18'.  iuv/<-. 


TOU 


33: 


monarque ,  quand  il  se  fut  laissé  do- 
miner par  des  plaisirs  corrupteurs. 
La  comtesse  de  Toulouse  passa  le 
reste  de  ses  jours  à  Rambouillet: 
l'étude,  la  bienfaisance  et  les  devoirs 
d'une  religion  éclairée,  occupaient 
tous  les  loisirs  de  cette  douce  retrai- 
te. Elle  mourut  en  i'-(iG,  à  l'ace  de 
soixante- dix- huit  ans.  Lorsqu'elle 
n'était  encore  que  marquise  de  Gon- 
drin ,  Voltaire  lui  adressa  ,  en  ly  iç), 
une  Ëi)ître  au  sujet  du  péril  qu'elle 
avait  couru  en  traversant  la  Loire. 
D — R — R  et  H — Q — N. 
TOULOUSE -LAUTRP:C  (Le 
comte  de),  né,  au  commencement 
du  dix-huitième  siècle ,  d'une  an- 
cienne famille  du  Languedoc,  entra  , 
dès  sa  jeunesse  ,  dans  la  carrière  des 
armes  ,  fit ,  comme  oflicicr  de  cava- 
lerie, la  guerre  de  Sept- Ans,  et  de- 
vint colonel  du  régiment  de  Coudé  , 
dragons.  Il  était  maréchal-de-camp, 
lorsqu'il  fut  nommé  député  de  la 
sénéchaussée  de  Castres  aux  étals- 
généraux  de  1789.  Il  se  montra,  dès 
le  commencement ,  très -opposé  aux 
innovations  révolutionnaires  ,  et  s'é- 
loigna de  l'assemblée  dans  les  pre- 
miers mois  de  1790  ,  avec  le  projet 
d'aller  prendre  les  eaux.  S'étant  ar- 
rêté quelque  temps  dans  un  château 
des  environs  de  Toulouse ,  il  y  fut 
détenu  par  ordre  de  la  municipalité 
de  cetteville,  sur  la  dénonciation  de 
deux  individus  qui  l'accusèrent  d'a- 
voir essayé  de  les  enrôler  dans  une 
troupe  destinée  à  opérer  la  contre- 
révolution  ,  et  surtout  à  empêcher 
la  fédération  de  gardes  nationales 
qui  devait  avoir  lieu  à  Toulouse.  La 
municipalité,  respectant ,  dit-elle,  la 
qualité  de  député  de  M.  de  Lautrcc, 
en  référa  a  l'Assemblée  nationale,  où 
de  graves  discussions  eurent  lieu  à 
cette  occasion.  Il  fut  défendu  d'une 
■  manière  fort  touchante  par  M.  d'Am- 


33(> 


TOU 


bly ,  son  aiicicn  ami ,  et,  ce  qui  est 
plus  étonnant ,  par  Robespierre  lui- 
même,  qui  voulait  alors  faire  préva- 
loir l'inviolabilité  des  députés.  Ap- 
pelé ensuite  à  l'Assemblée  ,  M.  de 
Toulouse  se  défendit  lui-même  ,  et  il 
fut  acquitte  au  milieu  d'applaudisse- 
ments unanimes.  Plus  tard  ,  il  parla 
en  faveur  du  maréchal  de  Castries  ,  et 
il  eut  une  vive  altercation  avec  Mi- 
rabeau ;  enfin,  il  se  montra,  dans  tou- 
tesles  circonstances,  l'un  des  plus  zélés 
délénseurs  de  la  monarchie ,  et  sigua 
toutes  les  protestations  de  la  minorité. 
Après  la  session,  il  se  réfugia  en  Es- 
pagne, et  fut  dénoncé,  en  1792,  com- 
me entretenant  une  corres]iondance 
avec  les  royalistes  des  départements 
méridionaux.  En  1794'  i'  passa  en 
Pvussie  avec  sa  famille,  et  fut  nommé 
lieutenant- général  au  service  de  cette 
puissance.  S'étant  rendu  à  Berlin  , 
dans  l'année  suivante  ,  il  y  fut  pour- 
suivi par  des  particuliers  qui  l'accu- 
sèrent de  leur  avoir  ve;idu  de  faux 
assignats ,  et  le  firent  arrêter.  Il  mou- 
rut en  prison  ,  et  l'on  répandit  qu'U 
s'était  suicidé  ;  mais  cette  assertion 
est  dénuée  de  toute  v'raisemblance  à 
l'égard  d'un  vieillard  plein  d'hon- 
neur ,  et  qui  avait  servi  pendant 
soixante  ans  de  la  manière  la  plus 
distinguée.  M — d  j. 

TOUMAN-B  AY II  (  i  ),  (  Al-I\Îï  lik 
Al-Aschraf)  ,  dernier  sulthan  de  la 
seconde  dynastie  des  IMamlouks  , 
était  né  en  Circassie  :  il  était  neveu 
du  sultlianK-iiisouli  A!-Gauri,qiiiré- 
leva  et  le  lit  monter  par  tous  les  em- 
plois ,  jusqu'au  poste  iin])orlant  de 
dc^x'aclar  ou  secrétaire- d'étal.  Ce 
prince,  en  partant  pour  la  Syrie  ,  où 


'i)'roiJMANn\v  I".  (  Âl-lUelik  nl-A<lrl  Srif- 
f/idlTi  ^ ,  jimli'rrMx'iir  <lr  Knrisoiih  lit  AI-CV»iiri  , 
avïil  liU*  ilëpoM'  m  raiiiadliiin  >)oli  (  avi  il  iSoi  )  , 
apri»  Iroiii  rania  ilc  rî'Knc ,  H  luis  !i  mort  qiir-liiue 
Ittiilin  apri».  A— T. 


TOU 

il  allait  s'opposer  à  la  marche  du 
sullhau  olhoman  Sc'lim  1^'.  ,  confia 
le  gonveriiement  de  l'Egypte  à  Toii- 
man-Bay.  Après  la  mortdeKamsouh- 
Al-Gauri,  qui  fut  tué  en  i5i6,  à  la 
bataille  de Mardj-Dabek,  gagnée  par 
Séliml'^'. ,  les  IMamlouks  échappés  à 
la  déroute,  et  ceux  qui  étaient  restés 
en  Egvpte,  élurent  unanimement  Tou- 
man-Bay  pour  sulthan,  le  i'^''.  cha- 
wal  gi'2  (3o  oct.  i5f6) ,  et  lui  don- 
nèrent le  titre  de  Melik-al-Aschraf 
(le  roi  illustre).  Aussitôt  qu'il  eut 
été  installé  en  présence  de  l'armée, 
il  sortit  du  Caire,  alla  établir  son 
camp  hors  du  faubourg  P»eidanieli , 
et  V  fit  élever  une  redoute  formida- 
ble, hérissée  de  canons  du  plus  gros- 
calibre.  Ce  fut  là  qu'il  attendit  Sélim, 
qui ,  après  avoir  conquis  Halep  et 
Damas,  avait  franchi  le  désert  qui  sé- 
pare la  Syrie  de  l'Egypte.  Ce  fut  là 
aussi  que  se  livra,  le  VI 'i  janvier  1317, 
la  sanglante  bataille  qui  décida  le 
sort  de  la  monarchie  d'^s  Mamlouks. 
Touman  -  Bay  était  à  la  tête  de  qua- 
rante mille  soldats  ,  tous  résolus  , 
comme  lui ,  à  vaincre  ou  à  périr  : 
mais  l'émir  Kauberdy  Al-Gaza!y, 
l'un  des  doux  traîtres  qui  avaient  fa- 
cilité la  victoire  des  Othomans  ,  et 
qui,  pour  achever  son  ouvrage,  était 
revenu  en  Egypte  ,  où  il  cachait  sa 
défection  sous  un  zèle  apparent,  aver- 
tit Sélim  de  ne  pas  attaquer  Reida- 
nielj ,  où  les  troupes  othoraaues  de- 
vaient être  écrasées.  Sélim  profite  de 
cet  avis ,  dirige  tous  ses  eftorts  du 
côté  de  la  montagne  Mokattam  , 
loiunerarniéc  égyptienne,  et  en  fait 
un  horrible  carnage.  Après  des  pro- 
diges devaleur ,  l'intrépide  Touman- 
Bay,  forcé  de  céder  au  nombre, 
donna  en  frémissant  le  signal  de  la 
retraite  (|u'il  protégea  avec  autani  de 
bonheur  (|ue  de  succès.  Il  se  jeta 
.  dans  la  ville  du  Caire  ,  dont  il  chan- 


TOU 

gea  chaque  rue  en  retranchement  et 
chaque  maison  en  forteresse.  Au  bout 
de  trois  jours  et  de  trois  nuits  de 
combats  continus  ,  Touman-Bay 
passa  le  Nil ,  dans  l'intention  de  ga- 
gner la  liaute-Égyntc,  relïige  ordi- 
naire des  Mamlouks  A'^aincus.  Mais 
poursuivi  par  les  Janissaires ,  il  se 
retrancha  dans  Dji/eh,  où  il  tint 
ferme  encore  pendant  un  mois  ,  avec 
une  poignée  de  soldats  :  il  fut  vaincu 
ime  troisième  fois ,  et  forcé  de  fuir 
déguisé.  Trahi  par  un  cheikh  au- 
quel il  s'était  confié  ,  on  le  décou- 
vrit dans  un  marais  où  il  était  caché 
au  milieu  des  joncs.  Sélim  ,  devant 
qui  Toumau-B.iy  fut  amené,  parut 
touché  de  son  infortune  et  du  grand 
caractère  qu'il  avait  montré.  11  son- 
geait à  lui  confier  le  gouvernement 
du  pays  dont  il  avait  été  le  souve- 
rain ,  lorsque  la  calomui^  vint  accu- 
ser le  malheureux  prince  de  n'at- 
tendre que  le  départ  du  vainqueur 
pour  le  trahir  etremonter  sur  le  trône. 
(2)  Sélim  céda  à  ces  impressions  hon- 
teuses, et,  démentant  sa  générosité,  il 
fit  pendre  le  brave  et  malheureux 
Touman-Bay  ,  dans  la  ville  même  du 
Caire  ,  à  la  porte  de  Zuveilé,  le  1'''. 
rabi  l'^'.QaS  (  u3  avril  iSi^  ).  L'E- 
gypte devint  alors  une  province  de 
l'empire  othoman.  S — y. 

TOUMKRT,  TOUMROUTet  vul- 
gairement TOMRUT  (  Mohammed 
AL  Mahdy  BEN  Abdallah  BEN  ),  cé- 
lèbre imposteur  et  fondateur ,  en  Afri- 
que ,  do  la  secte  et  de  la  dynastie  des 
al-Mowahedoun,  plus  comrauné- 


{■>)  Suivant  les  liislorleiis  lurcs  ,  Tuimaii-liay,  ga- 
gné par  l».H  assurances  que  lui  lit  doiini-r  Séliin  , 
de  res|)ecter  ses  jours,  ae  le  combler  d'Iiouueiu'.s 
et  de  lui  ronlier  le  gouvernement  de  l'Egvple  ,  se 
rendit  voluntairenienl.  Mais  le  traître  kair-Beig,  à 
qui ,  pour  prix  de  sa  perOdic  (  f  oy.  Kah'.-BeiG  )  , 
St'Iim  avait  promis  ce  gouvernement,  craignant 
d'en  être  prive  et  de  se  voir  puni  de  sa  délovauté 
par  Touman-Bay  ,  sacrifia  ce  prince  infortuné  à  ses 
■•■''■—■'■■    -*    "    -~  «iircté,  en  fclievaul  de  le  perdre 


aupriis  de  Sclini, 


A— T. 


XLVI. 


TOU  337 

ment  x\omm6?>  A l-Moha des ,  préten- 
dait descendre ,  à  la  quinzième  géné- 
ration, du  khalife  flaçau  ,  fils  d'Aly 
et  petit-fils  de  Mahomet;  mais  on  lui 
contesta  toujours  cette  illustre  origi- 
ne. Ce  qui  paraît  plus  certain,  c'est 
qu'il  était  de  la  tribu  de  Haraga  , 
branche  de  celle  deMoussamédah  ,  et 
qu'il  natpiit  vers  l'an  4''^o  de  l'hégire 
(  1 087  de  J.-C.  ).  Avide  de  gloire  et 
d'instruction ,  il  s'expatria  de  bonne 
heure  ,  pour  aller  à  Baghdad  étudier 
la  théologie  et  la  philosophie  sous 
le  célèbre  Ghazaly.  Ce  docteur,  frap- 
pé des  dispositions  et  du  génie  de 
Mohammed,  lui  prédit  sa  fortune 
future.  L'an  5 10  (iii6),il  re- 
vint en  Mauritanie  ,  prêchant  dans 
tous  les  villages  où  il  passait ,  et  il 
s'arrêta  dans  un  bourg  près  de  Tre- 
mecen  ^  où  il  fit  connaissance  avec 
le  jeune  Abd'el-Moumen.  A  peine  ces 
deux  novateurs  se  furent-ils  fréquen- 
tés qu'ils  se  jurèrent  une  amitié  qui 
dura  jusqu'à  la  mort  du  premier.  Ce 
fut  alors qu'IbnTouraert,  s'annonçant 
pour  le  véritable  Mahdy  ou  douzième 
imàm ,  qui  doit  paraître  à  la  fin  du 
monde  (T.  Mahdy,  XXVI,  i56), 
commença  à  débiter  ses  principes  sur 
l'unité  de  Dieu;  d'où  vient  que  les 
princes  de  la  dynastie  qu'il  fonda 
et  ses  sectateurs  furent  appelés  Al- 
MowaJiedoun  ou  unitaires,  par  op- 
position aux  nations  idolâtres  ,  et  mê- 
me aux  Chrétiens,  auxquels  ils  i-e- 
prochaient  le  dogme  de  la  trinité. 
Pour  en  imposer  à  la  multitude,  il 
prend  un  extérieur  farouche ,  se  cou- 
vre de  haillons,  brise  les  instruments 
de  musique  dans  les  jilaccs  publiques, 
renverse  le  vin  ,  défendu  par  le  Co- 
ran, et  excite  les  peuples  à  se  soule- 
ver contre  les  Al-Moravides  (  Morâ- 
bétoûn),  dont  la  dynastie  dominait 
alors  sur  la  Mauritanie  et  sur  une 
grande  partie  del'lvspagne.  lui  5i4 

29. 


338 


T(3U 


(  1  lO.o) ,  sous  le  règne  d'Aly,  il  se 
transporla  de  Fez  à  Maroc, où  il  prê- 
cha publiquement  dans  nue  mos- 
quée sa  doctrine  séditieuse.  Aly  ,  ins- 
truit de  ses  menées,  le  fit  venir  en  sa 
présence;  mais  le  prétendu  Mahdy , 
sans  être  ébloui  delà  majesté  du  dia- 
dème ,  se  mit  à  reprendre  l'empereur 
de  ses  défauts  ,  et  à  lui  exposer  si 
éloquemment  sa  doctrine  ,  qu'Aly , 
eTaranlé ,  fit  assembler  les  docteurs  de 
Maroc  pour  la  juger.  Mohammed 
avait  beaucoup  d'instruction  et  plus 
encore  de  finesse;  en  sorte  qu'éludant 
les  questions  des  théologiens ,  il  leur 
en  proposa  de  si  captieuses  qu'ils  ne 
purent  y  répondre.  Indignés  d'être 
vaincus  ,  ils  eurent  le  crédit  de  faire 
chasser  Ibn  Toumert  de  Maroc.  Loin 
d'être  découi-agé  par  ce  revers ,  il  fit 
construire  une  tente  hors  de  la  ville; 
et  là  il  continua  ses  prédications  et 
ses  déclamations  contre  les  vices  du 
prince.  Une  telle  audace  le  lit  con- 
damner à  mort  par  Aly  :  mais ,  averti 
à  temps ,  il  s'échappa  et  se  réfugia 
à  Tynamàl ,  accompagné  d'Abd'el- 
Moumeu  et  de  neuf  autres  amis  fidè- 
les ou  disciples.  Il  resta  piès  d'un  an 
à  Tynamâl.  Jugeant  alors  le  nombre 
de  ses  disciples  assez  considérable, 
il  déclara  hautement  et  sa  prétendue 
mission,  et  ses  prétentions.  Le  i5 
de  ramadhân  5i5  (  nov.  1121  ), 
ses  dix  disciples  lui  prêtèrent  serment 
comme  roi;  et  le  lendemain,  suivi  d'un 
cortège  nombreux,  il  alla  à  la  mosquée 
deïvuamàl ,  où  il  fit,  en  son  nom,  la 
khotlibaii  (,  prière  ) ,  et  s'annonça 
pour  le  Mahdy  ,  ou  douzième  imàm. 
Tout  le  peuple  de  la  ville,  et  les  tri- 
bus d'alentour  le  reconnurent  ])our 
tel ,  el  lui  prêtèrent  serment.  Cepen- 
dant Aly,  ellravé  des  progrès  de  cette 
secte,  avait  levé  une  armée  et  s'avan- 
çait, sûr  delà  victoire.  Malidy,  aussi 
actif  qu'éloquent,  parvient  à  rassem- 


TOU 

blcr  une  armée  de  dix  mille  prosé- 
lytes ,  dont  il  donne  le  commande- 
ment à  Mohammed -ben -Beschir  ;  , 
et  les  troupes  d'Aly  sont  mises  en 
fuite.  Depuis  l'an  oiG  jusqu'en  Sig 
(  1 1 22  à  1 1 23  ) ,  Mahdy  ne  cessa  de 
combattre  les  Lamthounis  et  autres 
tribus ,  contre  lesquelles  il  remporta 
plusieurs  victoires.  La  défaite  des 
Al-Moravides  avait  porté  uo  coup 
sensible  à  cette  dynastie,  et  fourni 
à  Mahdy  des  chevaux  pour  monter 
sa  cavalerie.  Aidé  de  ces  secours,  il 
lève  une  nouvelle  armée  ,  et  va  éta- 
blir son  camp  sur  une  montagne  près 
de  Maroc  ,  d'où  il  harcela  ,  pendant 
trois  années  consécutives,  les  troupes 
ennemies.  Enfin,  lassé  de  cette  posi- 
tion, il  descend  dans  la  plaine,  et  sui- 
vant le  cours  du  Nâlis,  soumet  toutes 
les  tribus  des  pays  et  des  montagnes 
qui  le  bordent,  et  pousse  ses  con- 
quêtes jusque  dans  le  Moussamédah  , 
qu'il  réduit.  Nous  ne  suivrons  point 
Mahdy  dans  ses  conquêtes  d' A  ghmat, 
d'Haroudjah ,  etd'uiie  partie  du  mont 
Atlas.  Il  suflit  dédire  que  ses  guerres 
furent  signalées  par  des  succès  écla- 
tants ,  et  que  la  secte  des  Al-Moha- 
des  s'étendit  bien  avant  dans  l'Afri- 
que. Mahdy  ,  de  retour  à  Tynamâl , 
et  fatigué  de  ses  expéditions  ,  donna 
le  commandement  de  ses  troupes 
à  Ahd'el-Moumen  ,  qu'il  décora  du 
titre  d'imâm  ou  grand-prêtre.  Abd'- 
el-Muumcn  ,  revêtu  de  cette  dignité, 
se  mit  à  la  tête  des  troupes ,  et  défit , 
en  5'2.\ ,  les  restes  des  Al-Moravides. 
Mahdy,  charmé  de  cet  exploit ,  sor- 
tit de  Tyuamal ,  pour  aller  à  la  ren- 
contre de  son  fidèle  ami;  à  sou  re- 
tour, il  fut  attaqué  d'une  violente 
maladie.  Alors,  sentant  sa  lin  appro- 
cher, il  donna  à  Abd'el  Mouuien  des 
conseils  suggérés  par  sa  longue  ex- 
périence, et  qui  j)ouvaieiit  alVermir 
.sa  dynastie.  11  lui  reconimainla  prin- 


TOU 

cipalement  de  cacher  sa  mort  aux 
Al-Mohades  ,  afin  d'éviter  les  guer- 
res que  cette  nouvelle  pourrait  sus- 
citer. Peu -à -peu  la  maladie  s'ag- 
grava ,  et  Mabdy  mourut ,  dans  la 
neuvième  année  de  son  règne,  le  i3, 
23  ou  '25  ramadlian  524  (  août 
liSo  ).  Une  éloquence  vive  et  per- 
suasive, beaucoup  de  dissimulation, 
nn  courage  et  une  audace  à  toute 
épreuve,  l'art  de  se  faire  aimer  de 
ses  ofliciers  et  de  ses  soldats ,  et  sur- 
tout le  talent  de  séduire  et  de  trom- 
per les  hommes  ,  tels  sont  les  traits 
caracte'ristiques  de  cet  imposteur.  Il 
joignait  à  ses  avantages  une  taille, 
ime  figure  et  une  voix  imposantes. 
Les  historiens  nationaux,  quiontvan- 
tc  sa  justice,  sa  sagesse,  sa  doctrine 
et  son  habileté,  conviennent  qu'il 
était  perfide  et  cruel ,  et  qu'il  n'épar- 
gnait pas  morne  les  savants  et  les 
pieux  personnages  lorsque  son  inté- 
rêt l'exigeait.  jNe  pouvant  enseigner 
l'islamisme  aux  Moussamèdes,  tribu 
ignorante  et  grossière  ,  il  s'avisa  de 
donner  d'abord  à  chaque  individu 
le  nom  d'un  mot  du  premier  chapi- 
tre du  Coran.  Puis  il  leur  dit  que 
Dieu  n'exaucerait  pas  leurs  prières , 
jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  appris  tous 
ces  mots  rémiis.  Il  leur  inculqua  de 
la  même  manière  les  autres  chapi- 
tres. Comme  Mahdy  avait  besoin 
d'emplover  les  prestiges  afin  d'affer- 
mir sa  puissance  ,  il  fit  enterrer  a  i- 
vants,  après  ime  bataille,  quehjues- 
uns  de  ses  sectateurs ,  eh  ayant  soin 
deleurlaisscrde  l'air, au  moyen  d'un 
tuyau,  et  après  leur  avoir  prescrit  la 
réponse  qu'ils  devaient  faire  lorsqu'on 
les  interrogerait,  et  leur  avoir  promis 
de  brillantes  récompenses,  s'ils  exé- 
cutaient fidèlement  ses  ordres.  11  con- 
duisit alors  sur  le  champ  de  bataille, 
les  chefs  et  les  notables  des  tribus 
qu'il  voulait  s'attacher,  et  leur  dit 


TOU  339 

d'interroger  les  cadavres  de  leurs 
frères  ,  sur  la  vérité  de  ses  promes- 
ses ;  ceux  qui  étaient  cachés  ,  répon- 
dirent aussitôt  :  Notre  sjvihole  de 
l'unité  de  Dieu ,  et  la  guerre  que 
nous  avons  faite  aux  Lanithounis  , 
nous  ont  valu,  dans  le  Ciel,  une 
doublerécompense :  combattez  donc 
vaillamment  les  ennemis  de  votre 
maître  ,  et  comptez  sur  la  réalité 
de  ses  promesses.  Après  que  ces 
oracles  eurent  joué  leur  rôle,  il  les 
étouffa  en  faisant  boucher  les  tuvaux^ 
afin  de  prévenir  leur  indiscrétion.  Ce 
fut  par  de  pareils  moyens  que  Mo- 
hammed ben  Toumert  réussit  à  fa- 
natiser les  Moussamèdes  ,  ses  com- 
patriotes ,  à  leur  persuader  qu'ils 
étaient  destinés  à  maintenir  la  Sun- 
nah  (  le  recueil  des  traditions  ora- 
les de  Mahomet  ),  et  à  exterminer 
les  infidèles  Al-Moravides  ,  que  le 
prophète  avait  réprouvés.  La  dynas- 
tie fondée  par  ce  prétendu  Mahdy 
soumit  une  grande  partie  de  l'Afri- 
que et  de  l'Espagne,  régna  depuis 
l'an  5i5  de  l'hégire (i  121  de  J.-C), 
jusqu'en  66-^  (126g),  et  fournit  qua- 
torze princes  (  F'oj^  Abdel-IMou- 
MEN ,  qui  en  fut  le  premier  souverain 
héréditaire, MANSorR,XXYI  ,225, 

MeHEMED   EL    NASSER    Ct  YoUSOUF  ). 

A — T  et  J — N. 
TOUP  (  Jean  )  (  i  )  ,  l'un  des  plus 
célèbres  philologues  du  dix-huitième 
siècle,  était  né  à  Saint-Yves,  dans  le 
comté  de  Cornouailles , en déc.  i  -;  1 3. 
Après  avoirterminé  ses  études  au  col- 
lège d'Exeter,  à  Oxford,  il  fréquen- 
ta les  cours  de  l'université  de  Carn-' 
bridge ,  et  y  prit  le  degré  de  inaître- 
ès-arts.  Ayant  embrassé  l'élatecclé- 


(i)  Dau.,  iFS  «liriiifi-s  écrits  iuiprinios,  jl  se 
douua  le  iireiioin  de  Jean;  mais  il  avail  «le  ba|i(isP 
sous  celui  de  Jcnnlliaii  ,  el  on  le  voi!  »insi  écrit- 
de  sa  main,  dans. sa  jeuucsse  ,^s.ur,des  livres  qui 
lui  avaient  appavlenu.  ;;,  /,  _ ,,-, ,  . 

22.. 


34o 


TOU 


siastique ,  il  fut  pourvu  d'une  cure 
dans  le  Cornouailles  ,  et  consacra 
dès-lors  ses  loisirs  à  la  philologie.  Il 
se  livra  d'abord  avec  une  ardeur  in- 
fatigable à  l'examen  des  anciens  lexi- 
cogra plies  grecs.  Les  corrections 
qu'il  publia  sur  Suidas  ,  en  l'^ôo  ,  le 
firent  connaître  avantageusement  des 
savants.  1  nforme  qu'il  préparait  une 
édition  de  Longin,  Ruhnckcn  s'em- 
pressa de  lui  comnuiniqucr  son  travail 
sur  ce  rhéteur.  Toup  reconnut  assez 
mal  un  procède  si  délicat  (  For. 
RuHiNEKEN,  XXXIX,  '-^99)  5  mais 
Ruhnoken  fut  assez  génci'eiix  pour 
l'excuser,  et  ne  cessa  pas  de  lui  don- 
ner des  marques  de  l'affection  la 
plus  tendre  {:>-.).  Le  reste  de  la  vie  de 
Toup  se  passa  dans  des  travaux  qiù 
tous  ajoutci-ent  à  sa  réputation.  Il 
mourut  le  19  janvier  i-jSS.  Il  n'a- 
vait jamais  été  marié,  et  cette  vie 
solitaire ,  qui  l'éloignait  de  la  socié- 
té, avait  pu  contribuer  à  le  rendre 
peu  modéré  dans  ses  discussions  lit- 
téraires. Malgré  l'àpreté  du  ton  qu'il 
prenait  comme  critique,  etqui  lui  at- 
tira de  la  part dcReiske  les  qualilica- 
tions  d'hoino  truculentus  et  malc- 
dicus,  Toup  était  d'une  extrême 
douceur  de  caractère,  et  sa  bien- 
veillance s'étendait  jusque  sur  les 
animaux.  Il  défendait  aux  enfants 
de  sa  paroisse  d'aller  chercher  des 
nids  ou  de  mettre  les  oiseaux  en 
cage,  et  il  laissait  sou  bétail  mou- 
rir de  vieillesse  plutôt  que  de  l'en- 
voyer à  la  boucherie.  On  a  de  lui  : 
1.  Emcndaliom-s  in  Suidant  ,  in 
quihus  jdurinia  vctenmi  Grœco- 
ruin  loca  ,  cùin  explicantur ,  tùm 
emaculant u r,  ]A)m]ies,  17(^0,  04, 
60,  n^t .  iri-8'. ,  4  vol.,  réimprimés 
sous  ce  titre  :  Opuscula  ad  Suidam 


{i)  Riihiickdi ,  cil  d'apiMiyoïit  Hc  l'aiitoi  iu!  île 
T'Mip  ,  lo  iiuiiiinc  iimiriniiiiiK.  y.  av»  OEuvies  , 
vdiliou  de  Lcydc,  18x3  ,  !>■  03/|. 


TOU 

cum  appendiculd  notanim  et  emen- 
^fl</o7i«m,  Leipzig,  1781,  in-S". , 
Rie.  Porson  a  donné  une  belle  édi- 
tion des  Remarques  de  Toup  ,  Ox- 
ford, 1790,  4  vol.  grand  in-B^.j 
rare.  II.  Glossœ  selectœ  ineditœ  , 
epistola  de  Sjracusiis  ,  dans  l'cdit. 
de  Théocrite,  par  Waiton ,  Oxford, 
1770  ,  grand  in-4'*.  (3).  Chardon 
de  La  Rochette  regrettait  que  Porson 
n'eût  pas  joint  aux  Remarques  de 
Toup  sur  Suidas  son  beau  Traite' 
sur  les  Syracusains.  III.  Curœ  pos- 
teriores  ,  sive  appendicnla  notarum 
atque  emendationuin  in  Theocritum 
Oxonii  jmhlicatum ,  Londres  ,1772, 
grand  iu-4".  ,  de  45  pag. ,  non  com- 
pris V Index  d'une  feuille.  Cet  Opus- 
cule doit  se  réunir  au  Théocrite  de 
Warton.  IV.  Une  éditionde  Longin, 
Oxford,  1778,  grand  in-4". ,  avec 
la  Dissertation  et  les  Notes  excellen- 
tes de  Ruhneken.  Elle  a  été  repro- 
duite in-8o.,en  1778,  1789  et  1806. 
Toup  s'était  aussi  occupé  d'une  édi- 
tion de  Polybe;  mais  il  paraît  que 
son  travail  sur  cet  historien  n'a  pas 
e'té  conserve.  W — s. 

TOUR  (Pierre-François  de  La), 
d'Arerez,  sixième  supérieur- général 
de  la  congrégation  de  l'Oratoire,  na- 
quit h  Paris  ,  le  -i  1  avril  i653  ,  d'IIen- 
l'i  de  La  Tour,  premier  écuyer  de 
M'"'',  de  Moulpensier  et  gouverneur 
du  château  de  Trouquii  en  Norman- 
die. Après  ses  cours  de  philosophie 
et  de  tliéologie  à  l'université  de  Caen, 
il  entra  ,  en  1O7U  ,  dans  la  congréga- 
tion de  l'Oratoire,  y  professa  les  bel- 
les-lettres dans  plusieurs  collèges,  et 
devint  directeur,  ])uis  sn|)érieur  du 


(:<)  Tnup  fiil  hcnucoiip  de  pari  à  celte  édition  , 
<t  il  iivîiil  oiilliitioliiK'  le  lexlc  sur  quill/e  lliamis- 
erils:  mais  des  persoimaliles  et  des  eipiessiou» 
liaritie.s  (pi'il  s'rlail  permise»  eoiilrc  divers  navanls, 
III  .ni'ipnlrjiH'nl  dans  les  noies  8iir  la  c|U»tnri,ii'iiic 
Idylle,  exeili  renl  de  vives  rccUiUttlious  et  iiccesti- 
tèreiil  des  carluns. 


TOU 

séminaire  de  Saint  -  Magloire ,  alors 
célèbre  par  le  nombre  et  la  qualité 
des  élèves.  Le  soin  qu'cxi{:;eaieiit  ses 
emplois  ne  l'empêcha  pas  de  se  livrer 
ail  ministère  de  la  chaire ,  dans  le- 
quel il  se  lit  une  brillante  réputation. 
Les  talents  qu'il  développa  dans  le 
gouvernement  de  son  séminaire  lui 
méritèrent  la  confiance  des  évêques  , 
dont  plusieurs  avaient  été  formés  sous 
sa  direction.  Le  cardinal  de  Noailles , 
Le  Tellier  et  Bussuet  l'honorèrent 
d'une  estime  particulière;  et  ils  éprou- 
vèrent en  difiérentes  occasions  la  sa- 
gesse de  ses  conseils  et  son  rare  dis- 
cernement. Ce  fut  par  l'influence  de 
ces  trois  prélats  qu'il  fut  élu ,  en  1 696, 
supérieur-général  de  sa  congrégation, 
sur  la  démission  du  père  de  Sainte- 
Marthe,  qui  l'avait  lui-même  désigné 
pour  son  successeur ,  poste  auquel  d 
était  déjà  appelé  par  le  vœu  unanime 
de  ses  confrères.  Leur  attente  ne  fut 
point  trompée;  et  ils  n'eurent  qu'à  se 
louer  de  la  prudence  avec  laquelle  il 
tint  le  gouvernail  du  vaisseau  qui  lui 
était  confié ,  au  milieu  des  orages  qui 
l'assaillirent  dans  les  temps  les  plus 
difficiles.  Louis  XIV  le  citait  comme 
un  des  hommes  les  plus  sages  de  son 
royaume;  et  ce  prince  ferma  cons- 
tamment l'oreille  aux  insinuations 
que  les  ennemis  de  l'Oratoire  em- 
ployèrent pour  changer  l'idée  avan- 
tageuse qu'il  en  avait  conçue.  S'il  est 
janséniste ,  disait  le  monarque  à  ceux 
qui  le  lui  dénonçaient,  il  faut  qu  il 
soit  bien  adroit,  puisqu'on  ne  peut 
citer  aucun  fait  ni  aucun  propos  ca- 
jiablede  le  compromettre.  Le  nonce, 
depuis  cardinal  Gualteri,  ne  pouvait 
se  lasser  de  s'entretenir  avec  lui.  Les 
grands  de  la  cour,  les  premiers  ma- 
gistrats ,  et  surtout  le  chancelier  d'A- 
guesseau,  avaient  souvent  recours  à 
ses  lumières,  dans  les  affaires  les  plus 
importantes.  Sa  piété  et  son  talent 


TOU 


3/n 


pour  la  direction  des  âmes  lui  avaient 
acquis  la  conri.ince  des  personnages 
les  plus  distingués.  Ce  fut  à  ses  pieds 
que  la  célèbre  marquise  de  Montes- 
pan  vint  déplorer  les  égarements  de 
sa  vie  profane.  Les  deux  princes  de 
Coudé  et  de  Conti ,  peu  satisfaits  de 
leurs  confesseurs  d'étiquette ,  s'adres- 
sèrent à  lui ,  dans  leur  dernière  ma- 
ladie ,  et  voulurent  mourir  entre  ses 
bras.  Le  P.  de  La  Tour  prévit,  au 
premier  abord ,  les  troubles  (jui  de- 
vaient résulter  de  la  bulle  Unigeni- 
tus.  Il  proposa  des  mesures  énergi- 
ques pour  les  prévenir;  mais  elles  ne 
furent  point  adoptées.  Lorsqu'il  vit 
ensuite  qu'une  opposition  trop  soute- 
une  entraînerait  un  schisme  désas- 
treux, il  proposa  des  expUcations,  et 
détermina  le  cardinal  de  Noailles, 
dont  il  possédait  la  confiance,  à  s'y 
prêter.  C'est  ce  qui  produisit  l'ac- 
commodement de  1 720 ,  auquel  il  eut 
une  très  -  grande  part.  Après  avoir 
gouverné  sa  congrégation  pendant 
trente-huit  ans ,  avec  une  prudence 
admirable,  le  P.  de  La  Tour  mourut 
d'une  attaque  d'apoplexie,  le  i3  fé- 
vrier 1733.  C'était  un  homme  émi- 
nemment pacifique,  conciliant  et  sans 
ambition.  Il  avait  refusé  l'évêchéd'É- 
vreux,  sous  Louis  XIV  ,  et  l'admi- 
nistration de  l'archevêché  de  Rouen  , 
sous  la  régence.  Le  P.  de  La  Tour 
joignait  à  la  connaissance  de  la  litté- 
rature une  étude  profonde  des  Saints 
Pères,  et  particulièrement  de  tout  ce 
qui  a  rapport  à  la  discipline  ecclé- 
siastique. 11  en  avait  donné  des  preu- 
ves ,  dans  ses  conférences  sur  cette 
matière,  pendant  qu'il  était  au  sémi- 
naire de  Saint -Magloire,  où  elles  at- 
tirèrentun  grand  nombre  d'auditeurs. 
Elles  comjjosaientun  volume  manus- 
crit, in-fol.,  qui  existait  dans  la  bi- 
bliotlièque  de  Saint -Honoré.  On  ne 
sait  ce  que  sont  devenus  ses  Sermons,. 


34u  TOU 

({lii  eiireut  un  grand  succès  dans  le 
temps.  On  n'a  d'imprimé  de  lui  que 
onze  Lettres  circulaires  pour  la  con- 
vocation des  assejnble'es  triennales  de 
sa  congrégation.  Le  style  en  est  élé- 
gant, et  porte  l'empreinte  de  la 
piélé  qui  animait  toutes  ses  actions. 
Les  auteurs  du  Gallia christianaXm 
ont  consacré  un  Éloge  ,  à  la  suite 
de  l'Histoire  de  l'Église  de  Paris. 
T— D. 
TOUR  (Bertrand  de  La),  pré- 
dicateur et  fécond  écrivain,  naquit 
vers  1700,  à  Toulouse,  d'une  fa- 
mille ancienne  et  distinguée  de  cette 
ville.  S'étant  engagé  dans  l'état  ec- 
clésiastique ,  il  lit  sa  licence  avec 
distinction,  fut  reçu  docteur  de  Sor- 
bonne,  et  se  consacra  d'abord  aux 
missions  étrangères.  Il  était,  en  17 '29, 
doven  du  chapitre  de  Québec,  et  con- 
seiller-clerc au  conseil  supérieur  de 
cette  ville-  mais  il  ne  tarda  pas  de 
repasser  en  France ,  où  il  soutint  la 
réputation  qu'il  s'était  acquise  com- 
me prédicateur.  Après  avoir  remj)li 
les  fonctions  d'oflicial  dans  le  diocè- 
se de  Tours ,  il  fut  pourvu  de  la  cure 
de  Saint- Jacques  à  Montaubau^  et 
devint  bientôt  l'un  des  ornements  de 
l'académie  de  cette  ville.  Il  y  fonda 
des  prix  de  littérature  et  d'agri- 
culture ,  et  accrut  de  cent  francs 
le  prix  fondé  par  l'évêque  (i) ,  pour 
un  discours  sur  un  point  de  morale , 
tiré  des  Livres  saints.  Sa  causticité  le 
faisait  craindre ,  dit-on ,  même  de  ses 
supérieurs;  mais  il  y  joignait  un  l)on 
cœur.  Il  cmployaitla  plus  grande  j)ar- 
tie  de  ses  revenus  au  soulagement  des 


(1)  M.  de  Veilharaon  ,  ancien  évi'qiic  de  Mon- 
taiiLan ,  fonda  un  prix  de  "x^u  liv.  ijuiir  un  dis- 
tour» de  Morale,  et  l'ul>be  de  La  Tour  V  ajouta 
lunlÎT.  Voy.  Delandine  ,  Couroiin*  i  aratléniiifttex, 
II,  »0.  Quoique  La  Tou^  ne  fùl  Jk-peu-pi  i.^  que 
pour  un  tier»  dnn*  la  valeur  du  piix  ,  la  inéilaillc 
portail  :  /T.r  inunifi,  rnliil  tl.miint  dr  la  Tour  ,\i-- 
(^eiide  iiou-seuleuiefit  fa^tueu^e  ,  luai»  faiiAKe  ,  jiuii- 
quc   Vcrlliamun  restait  le  véritable  fondateur. 


TOU 

pauvres,  dont  il  se  regardait  comme 
lepère.Cedigneecclésiastiquemourut 
le  ig  janv.  1780,  doyen  du  chapitre 
de  Montauban.  Son  testament  con- 
tenait différents  legs  pieux  et  celui 
d'une  somme  dont  le  revenu  devait 
être  employé  à  doter,  chaque  année, 
deux  filles  pauvres  de  sa  paroisse. 
La  Tour  joignait  à  des  connaissances 
très-étendues  une  extrême  facilité  à 
écrire  ;  mais  il  faut  avouer  qu'il  en 
abusait.  La  table  générale  de  ses  ou- 
vrages, imprimée  à  Montauban,  attes- 
te sa  fécondité.  On  connaît  de  lui  :  I. 
T^ie  de  M.  de  Caulet ,  curé  de  Mi- 
re val  ,  1744^  1762,  in- 12.  11.  5er- 
moiis  et  Panégyriques  ,  Tulle  , 
1749-50,  3  vol.  in -8''.  Dans  le 
premier  volume  ,  on  trouve  nue  Dis- 
sertation sur  la  chasteté  de  la  lan- 
gue française;  et  dans  le  troisième, 
un  Discours  sur  l'alliance  des  scien- 
ces avec  la  religion.  Ces  deux  mor- 
ceaux avaient  été  lus  par  l'auteur  à 
l'académie  de  Montauban.  Rien  de 
plus  médiocre  que  les  Sermons  de 
l'abbé  de  La  Tour ,  trop  loués  alors 
dans  les  Mémoires  de  Trévoux , 
mais  oubliés  depuis  long  -  temps. 
Plus  tard,  l'auteur  publia  25  vol. 
de  Sermons  et  Discours  pour  la 
chaire.  III.  Discourssurle  sacrifice 
(Montauban,  1761  ;,  in- 12  de  200 
oag.  IV.  Mémoires  sur  la  vie  de 
M.  de  Laval  ^  é^éque  de  Québec  y 
1762  (il  n'en  a  paru  que  le  premier 
vol.  ).  V.  Mémoires  du  père  Timo- 
thée,  1774;»  in-i'*-  VI.  P^ie  et  Let^ 
très  de  M""',  d' E tcheverry ,  in-  12. 
VI.  ^polo^ie  de  Clément  XIF^  in- 
12.  VIII.  Fie  de  frère  Irenée ,  des 
écoles  chrétiennes  ;  Eloge  de  M. 
de  Cham])ll()ur;  yllréç^é  de  la  vie 
de  M.del)Oindoise,  Avignon,  1774» 
iu-i2.  IX.  liéflexions  morales  ,  po- 
litiques ,  historiques  et  littéraires 
sur  le  théâtre,  iu-12,  d'abord  en 


lOU 

*]    vol.   puis   eteudues   jusquà    uo. 
t.'i'est  le  recueil  des  brochures  qu'il 
avait   publiées  contre   la  coiuc'die  , 
et   mtrae    contre  les  comédiens.  11 
a  rassemblé  tout  ce  qu'on  a  dit  sur 
cette  matière  ;  mais  les  digressions 
fréquentes  qu'il  se  permet  l'enlraî- 
ueut  loin    de  son   sujet.    11   paraît 
que  Desprez   de   Boissy    n'a    point 
couuu  les  brochures  de   l'abbé  de 
La   Tour,    puisqu'il  n'en    fait  au- 
cune mention  dans  le  Catalogue  qu'il 
a  donné  des  ouvrages  pour  ou  con- 
tre le  théâtre ,  à  la  suite  de  ses  Let- 
tres sur  les  spectacles  {  V.  Boissy, 
V  ,  33  ).  Enfin   La  Tour  composa 
encore  quatre  volumes  in- 1 'i.  de  Ré- 
flexions  et   Entretiens  sur   l'état 
religieux  ;    dix   Mémoires    in-4". , 
sur  des  matières  canoniques ,  et  dix- 
huit  autres  sur  le  nouveau  Bréviai- 
re de  Montauban.  Ceux-ci ,  qui  pa- 
rurent vers   177 2,   sont  une  criti- 
que sévère  et  minutieuse ,  du  Bré- 
viaire publié  par  M.  de  Breteuil. 
P — c — T  et  W — s. 
TOUR  (Maurice  Quentin  de 
La)j    peintre  de  portraits,    né,   à 
Saint-Quentin ,  en  1704,  s'est  fait  une 
grande  réputation  comme  peintre  en 
pastel.  11  travaillait  avec  beaucoup 
de  lenteur ,  parce  que,  jaloux  de  ren- 
dre la  nature  avec  fidélité  et  préci- 
sion ,  il  n'était  jamais  satisfait  de  la 
perfection  de  son  ouvrage.  Cependant 
.ses  portraits  semblent  peints  avec  fa- 
cilité. 11  les  terminait  par  des  tou- 
ches larges  et  savantes ,   qui   don- 
naient de  la  vigueur  au  pastel  mê- 
me.   On    les    distinguait    par   leui 
expression  vraie  et  sentie  ;  et  comme 
c'était  surtout  la  physionomie  et  le 
caractère  de  ses  modèles  que  La  Tour 
s'elTorçait  de  rendre ,  il  savait  leur 
donner  la  ressemblance ,  qui  est  le 
premier  mérite  des  ouvrages  de  ce 
genre.  Il  avait  encore  plus  d'origina- 


rou 


343 


lité  d'esprit  que  de  talent  Louis  XV, 
voulant  être  peint  par  cet  artiste, 
l'appela   à  Ycrsailles.   Le  roi  avait 
choisi  pour  le  lieu  de  la  séance  un 
donjon  où  la  lumière  éclatait  de  tou- 
tes parts.  «  Ah  I  s'écria  La  Tour , 
que  veut -on  que  je  fas>e  dans  cette 
lanterne,  quand  il  ne  faut  pour  pein- 
dre qu'un  seul  passage  à  la  lumière? 
—  Je  l'ai  choisi  exprès  à  l'écart,  ré 
pondit  Louis  X\ ,  pour  n'être  pas 
détourné.  —  Je  ne  savais  pas,  sire, 
répliqua  l'artiste,  qu'un  roi  de  Fran- 
ce ne  fût  pas  maître  chez  lui.  »  La 
Tour  connaissait  mal  l'art  des  cour- 
tisans. Mandé  pour  faire  le  portrait 
de  M""*^.  de  Pompadour ,  il  répondit 
brusquement  :  «  Dites  à  IMadame  que 
je  ne  vais  pas  peindre  en  ville.  »  Un 
de  ses  amis  lui  fit  observer  que  le 
procédé  n'était  pas  très-honnête.  Il 
promit  de  serendi'e  à  la  cour  au  jour 
fixé;  mais  à  condition  que  la  séance 
ne  serait  interrompue  par  personne. 
Arrivé  chez  la  favorite,  il  réitère  ses 
conventions ,  et  demande  la  Uberté 
de  se  mettre  à  son  aise  :  elle  lui  est 
accordée.  Tout-à-coup  il  détache  les 
boucles  de  ses  escarpins ,  se?  jarre- 
tières ,  son  col ,  ôte  sa    perruque , 
l'accroche  à  une  girandole,  tire  de 
sa  poche  un  petit  bonnet  de  taffetas , 
et  le  met  sur  sa  tète.  Dans  ce  désha- 
billé pittoresque ,  le  peintre  se  met  à 
l'ouvrage  ;  mais  à  peine  a-t-il  com- 
mencé le  j)ortrait ,  que  Louis  XY  en- 
tre dans  l'appartement.  LaTourdit. 
en  étant  son  bonnet  :  «  Vous  aviez 
promis ,  Madame ,  que  votre  porte 
serait  fermée.  »  Le  roi  rit  du  repro- 
che et  du  costume  de  l'artiste  ,  et  l'en- 
gagea à  continuer  :  a  11  n'est  pas  pos- 
sible d'obéir  à  Votre  Majesté,  répli- 
qua le  peintre;  je  reviendrai  lorsque 
Madame  sera  seule.  »  Aussitôt  il  se 
lève,  emporte  sa  perruque,  ses  jar- 
retières ,  et  va  s'habiller  dans  une  au- 


344 


TOU 


tre  jnèce  ,  en  répétant  plusieurs  fois  : 
«  Je  n'aime  point  à  être  interrompu.» 
La  favorite  céda  au  caprice  de  son 
peintre;  et  le  portrait  fut  achevé.  Elle 
est  peinte  grande  comme  nature;  un 
volume  de  l'Encyclopédie  est  auprès 
d'elle,  sur  un  fauteuil.  C'est  sur  le 
Portrait  de  Restant ,  peintre  du  roi, 
que  La  Tour  fut  reçu  membre  de  l'a- 
cadémie ,  en  1746.  Ce  beau  portrait 
a  été  gravé  par  Moitte,  pour  sa  ré- 
ception à  l'académie.  Parmi  les  au- 
tres ouvrages  do  La  Tour ,  on  cite  les 
Portraits    de    Louis  ,    dauphin   de 
France ,  gravé  par  Daullé;  de  Char- 
les ,  prince  de  Galles ,  gravé  par  Au- 
bert  ;  de  René  Fremin ,  sculpteur 
du  roi ,  gravé  par  Surrugues  fds, 
pour  sa  réception  à  l'académie;  du 
Maréchal  de  Lowendal ,  gravé  par 
Wille  ;   son   Portrait ,    gravé    par 
G.-F.  Schmidt,  \'}k'i.-  Il  s'y  est  re- 
présenté en  Démocrite,  le  petit  bon- 
net de  taU'etas  sur  la  tête.  Le  Musée 
du  Louvre  possède  deux  Portraits  de 
La   Tour  :  celui  du  Maréchal  de 
Saxe  et  celui  de  J.-B.-S.  Chardin, 
pemtre  de  ])ortraits.  Sur  la  fui  de  sa 
vie,  l'esprit  de  cet  artiste  s'affaiblit; 
et,  sous  le  prétexte  que ,  dans  un  por- 
trait, tout  doit  être  sacrifié  aux  têtes, 
il  gâta  la  ])lupart  de  ceux  qu'il  avait 
faits,  en  voulant  les  retoucher.  Par 
suite  de  ce  principe  il   changea  le 
vêtement  brillant  de  soie  qu'il  avait 
d'abord  dumié  à  Restout ,  en  un  sim- 
ple  habit  de    couleur  brune.   C'est 
avant  ce  changement  que  le  portrait 
de  Restout  a  été  gravé  par  Moitte. 
L'es])rit  de  Latour  s'étant  enfin  to- 
talement aliéné,  on  le  r.imena  dans 
sa  ville  natale,  où  il  mourut,  le  17 
février  1^88 ,  âgé  de  plus  de  quatre- 
vingt-quatre  ans.  Il  devait  sa  fortune 
à  la  peinture:  il  consacra  dix  mille 
francs  pour  fonder ,  à  l'académie  ,  un 
prixannuel  de  cin(|  cents  francs,  ap- 


TOU 

plicable  alternativement  au  meilleur 
tableau   de   perspective  linéaire   et 
aérienne.  11  fonda   un   prix  de  pa- 
l'cille  somme   pour  être  distribué, 
tous  les  ans,  d'après  le  jugement  de 
l'académie  d'Amiens,  à  la  jilus  belle 
action  ou  à  la  découverte  la  plus 
utile  dans  les   arts.  Enfin  la  ville  de 
Saint-Quentin  lui  doit  la   fondation 
d'une  école  gratuite  de  dessin.  (  V. 
Leblanc,  XXIII,  483  ).       D— T. 
TOUR  (Denis-François  Gastel- 
LiER  DE  La),  généalogiste,  né,  le3o 
mars  1709,  à  Montpellier,   d'une 
famille  honorable  ,  consacra   sa  vie 
à   l'étude  de  l'art  héraldique  et  de 
l'histoire,    principalement  du   Lan- 
guedoc.  N'ayant   d'autre  ressouixe 
que  le  produit  de  sa  plume,  il  refusa 
plusieurs  fois  des  sommes  considéra- 
bles qui  lui  furent  offertes  pour  l'en- 
gager à  recevoir  des  titres  suspects. 
Il  supportait  les  privations  avec  une 
indifférence  dont  un  philosophe  au- 
rait pu  se  faire  honneur.  Mais  une 
riche  succession  l'ayant  fait  passer 
tout  d'un  coup  d'un  état  voisin  de  la 
misère  à  l'opulence  ,  il  fut  tellement 
fra  ppé  de  cette  révolution  inattendue , 
qu'il  tomba  malade  et  mouriil ,  quel- 
ques jours  après,  le  2.'")  janvier  1781  , 
à  l'âge  de  soixante-dix  ans.  La  Tour 
a  eu  part  à  l'ouvrage  de  Dubuisson  : 
Armoriai  des  principales  maisons 
et  familles   du   royaume ,   Paris  , 
1757  ,  1  vol.  in- 12.  On  a  de  lui  :  I. 
Dictionnaire  étymologique  des  ter- 
mes d'architecture  ,    i7'J3,  in- 12. 
IL  Description  de  la  ville  de  Mont- 
pellier, i7('4;  iii-4"-  III-  -armoriai 
des  étals   de   Languedoc ,    x'^Qq  y 
in-4*'.  de  24O  pag.  ;  il  est  très- bien 
exécuté.  IV.  Dictionnaire  héraldi- 
que, contenant  tout  ce  qui  a  rap- 
port à  la  science  du  hlason  ,  1774  > 
in-<S".  V.  //hrégé  de  la  généalogie 
de  la   maison   de   Chdteauneuf  de 


TOU 

Randon,  1760  ,  in-4°. — De  la  mai- 
sou  de Faj  {\)  ,  \ 762  ,  iu-4".  —  De 
Faragne  de  Gardoitch,  1 769 ,  in-4*'. 
-T-  Et  de  Preissac  d'EscUgnac  , 
1770,  iu-4''.  Ces  quatre  généalogies 
devaient  faire  partie  de  son  NgU- 
liaire  historique  de  Languedoc,  qui 
était  sous  presse^  en  177  i  (  Fqf.  Ja 
JiibL  de  la  France,  u".  40689)  ,  et 
annoncé  comme  formant  3  vol.  in- 
4".  M.  Barbier  dit  que  La  Tour  a 
laissé,  eu  mourant,  une  Description 
géographique  et  historique  du  Lan- 
guedoc,  qui  devait  avoir  plusieurs 
volumes.  (  F.  VExavie?ides Diction- 
naires historiques ,  1,  370).  W-s. 
TOUR  (  Jeaîv-Baptiste  Bonaf- 
Fos  DE  La),  jésuite,  était  né,  le  l'i 
avril  17  12  j  à  Montréal ,  diocèse  de 
Garcassone.  Sou  père  le  destinait 
à  la  carrière  des  armes  ;  mais,  resté 
libre  de  choisir  un  état,  il  résolut 
de  se  consacrer  au  saint  ministère  ; 
et  après  avoir  pris  ses  grades  en 
théologie ,  il  embrassa  la  règle  des 
Jésuites.  Dès  qu'd  eut  terminé  son 
noviciat ,  H  fut  chargé  de  professer 
la  rhétorique  à  Castres,  et  ensuite  à 
Toulouse  ;  et  il  eut  l'avantage  de 
compter  plusieurs  élèves  qui  se  sont 
distingués  depuis  dans  la  magistra- 
ture et  dans  les  lettres.  Nommé  préfet 
des  études,  sa  santé  délicate  l'obligea 
de  quitter  cette  charge  ;  mais ,  ne 
voulant  pas  rester  oisif,  il  accepta 
celle  de  supérieur  du  grand  sémi- 
naire. A  la  suppression  de  la  Société, 
le  P.  La  Tour  desservit  d'abord  une 
cure  dans  le  diocèse  d'Avignon;  mais 
il  ne  tarda  pas  à  la  résigner  pour  se 
livrer  à  l'emploi  pénible  des  mis- 
sions. Il  parcourut  les  provinces  mé- 
ridionales de  la  France,  et  s'y  fit  la 
réputalion  d'un  grand  prédicateur. 


(i)  Et  non  pas  For,  cuiiime  ou  lit,  Jaus  l'arli- 
cl*  La  Tour  de  B..il>iur. 


TOU  345 

Epuisé  de  fatigues  ,  il  revint  dans  sa 
ville  natale ,  où  il  mourut  le  1 1  mars 
1777.  Le  P.  La  Tour  est  auteur  du 
Recueil  intitulé  :  Cantiques  ou  opus- 
cules lyriques  sur  divers  sujets  de 
piété ,  souvent  imprimé  in- 19.  et  in- 
8°.  Barbier  en  cite  deux  éditions 
(  Dict.  des  anonymes ,  «".  1  qSo  ) , 
Toulouse  ,  1755,  in-i2,  sans  la  mu- 
sique, et  I7O8,  in-S".,  avec  la  mu- 
sique. II  parut  un  Supplément  des 
Cantiques,  Paris,  1769.  Ce  livre, 
dit  un  critique ,  dont  nous  emprun- 
tons les  expressions,  peut  être  cité 
sans  houle  à  coté  des  OEuvres  sa- 
crées de  Louis  Racine  et  de  Pompi- 
gnan.  Voy.  la  Notice  de  M.  Auguste 
de  La  Bouissc  sur  la  vie  et  les  ou- 
vrages du  P.  La  Tour ,  dans  le 
Magas.  encjclopédiq. ,  aun.  i8o4  y 
tome  VI.  Nous  y  ajouterons  que  le 
P.  La  Tcur  paraît  auteur  de  la  Fie 
de  Daumont  ,  I745  ,  in-12.  Ce 
Daumont  était  un  jeune  écolier  du 
collège  de  Toulouse,  dont  la  vie  et 
la  mort  furent  très- édifiantes.  — 
Tour  (  Simon  de  La  )  ,  jésuite  , 
qu'on  a  confondu  quelquefois  avec 
le  précédent  jetait  né,  le  28  novembre 
1697,  ^  Bordeaux.  Venu  de  bonne 
heure  à  Paris  ,  il  y  termina  son  cours 
de  théologie  ,  fut  chargé  d'aller  pro- 
fesser la  philosophie  à  Tours,  et 
s'en  acquitta  d'une  manière  si  dis- 
tinguée ,  qu'après  la  mort  du  P.  Du- 
ccrceau  il  fut  désigné  pour  le  rem- 
placer comme  instituteur  du  prince 
de  Conti.  Cette  éducation  terminée  , 
il  devint  principal  du  collège  de 
Louis-le-Grand.  Ce  fut  à  cette  épo- 
que ,  que  Voltaire  écrivit  au  P.  de  La 
Tour  une  Lettre  fameuse  par  les  éloges 
qu'il  y  doïine  aux  Jésuites  ,  ses  an- 
ciens maîtres,  attaqués  de  toutes  parts 
(  Foy.  Poule  }.  Le  P.  de  La  Tour  , 
ayant  été  nommé  procureur-général 
des  missions  étrangères  ,  il  ne  put 


346 


TOU 


échapper  à  l'exil  prononce  par  le 
parlement  de  Paris  coulre  les  in  cm - 
bres  les  plus  influents  de  la  société. 
Il  vint  alors  chercher  un  asile  à  Be- 
sançon, et  y  mourut  en  1766.  Il  avait 
été  l'un  des  rédacteurs  des  Mémoires 
de  Trévoux.  On  trouve  une  Notice 
sur  le  P.  de  La  Tour  dans  le  Né- 
crologe des  hommes  célèbres  de 
France,  pour  17O7.  W — s. 

TOUR  (  Charles- Jean-Baptiste 
DES  Galois  de  La),  vicomte  de 
Glené ,  seigneur  de  Chezelles  ,  etc. , 
naquit  à  Paris,  le  11  mars  17 15, 
de  J.-B.  des  Galois  ,  seigneur  de  La 
Tour,  en  Forez.  Son  père,  après 
avoir  administré  les  intendances  de 
Poitou  et  de  Bretagne  ,  passa  à  celle 
de  Provence,  en  1734.  Le  fils  qui 
fait  le  sujet  de  cet  article  fut  reçu 
conseiller  au  parlement  d'Aix  ,  en 
1735.  Il  devint  maître  des  requêtes 
en  1738,  président  au  grand-conseil 
en  1740,  intendant  de  Provence  eu 
1744  j  après  son  père  ,  auquel  il  suc- 
céda encore  dans  la  charge  de  pre- 
mier président  du  parlement  d'Aix  , 
que  celui -ci  avait  occupée  douze 
ans  ,  et  qu'il  laissa  vacante  par  sa 
mort ,  en  1747-  A  ces  doubles  fonc- 
tions que  le  vicomte  de  La  Tour  rem- 
plit jusqu'à  la  révolution,  il  joignit 
celles  d'inspecteur  du  commerce  du 
Levant ,  et  de  président  du  conseil 
d'Afrique  :  il  fut  aussi  chargé  des 
détails  de  l'administration  militaire, 
pendant  la  guerre  d'Italie.  En  1 77 1, 
il  partagea  avec  sa  compagnie  le  ren- 
voi et  l'exil  des  parlements.  Ce  fut 
chez  lui  (jue  Monsieur  (  depuis  Louis 
XVIIl  ),  choisit  sa  demeure  à  l'épo- 
que de  son  voyage  de  Provence.  Dans 
le  cours  d'une  longue  carrière,  en  ac- 
cumulant des  places  qui ,  par  Icurna- 
turc,  semblaient  être  incompalibles, 
l^a  Tour  sut  |)ar  ses  jirincipcs,  .«,C5 
manières  affectueuses  et  une  adminis- 


TOU 

tration  ferme  et  éclairée,  maintenir 
l 'autorité  du  roi  ,  et  se  concilier  la 
bienveillance  publique.  A  l'époque 
du  siège  de  Mahon  ,  les  troupes  des- 
tinées à  cette  expédition  manquant 
des  fonds  nécessaires  à  leur  embar- 
quement, il  trouva  dans  sou  zèle  les 
moyens  d'y  subvenir  :  plusieurs  mil- 
lions furent  avancés  sur  sa  seule 
signature  par  les  premières  maisons 
de  commerce  de  Marseille.  Les  Pro- 
vençaux ,  les  amis  des  arts  et  les 
archéologues  ,  déplorent  encore  la 
perte  de  trois  belles  tours  antiques , 
ouvrage  des  Romains  ,  qui  étaient 
incorporées  au  vieux  palais  d'Aix, 
et  dont  l'intendant  La  Tour  autorisa 
trop  facilement  la  démolition ,  en 
178G,  lorsqu'on  creusa  les  fonde- 
ments du  nouveau  palais  qui  n'a  ja- 
mais été  achevé  (i). Mais  si,  comme 
intendant,  il  ne  fut  pas  toujours  en 
son  pouvoir  de  concilier  les  vœux  et 
les  intérêts  de  ses  administrés  avec  les 
obligations  de  sa  charge  ,  du  moins, 
comme  chef  du  parlement ,  il  mérita 
l'estime  universelle  par  ses  lumières 
et  sou  intégrité.  Exempt  de  morgue, 
il  joignait  à  beaucoup  de  bonhom- 
mie,  à  un  caractère  obligeant  et  gai, 
des  talents  peu  communs.  Il  parlait 
en  public  avec  autant  de  décence  que 
de  facilité,  et  ses  harangues,  aux 
rentrées  du  parlement ,  étaient  rem- 
plies d'éloquence  et  de  raison.  Nom- 
mé député  à  l'assemblée  des  nota- 
bles ,  en  1787  ,  il  y  fut  mal  vu  par 
la  magistrature ,  (pii  le  regardait 
comme  un  llnancier  ,  comme  un 
homme  dévoué  à  la  cour ,  et  cepen- 


(i)  La  priiicipale  de  ces  Inurs,  suivant  Peiresc  el 
Saiiil-Viiicciis  le  père  (  yoy.  vus  noms  J  ,  paiail 
avoir  l'Io  iiii  tuiiibcaii.  Ou  j  (roiiv.i  trois  urnes  , 
dont  uni'  CH  [Mir|)hyro  contmiail  uuc  huile  d'or  cl 
d<-s  lu.dnilles  de  Trajau  et  d'OEIius  Vrru».  (  V.  le 
iMciiiiùii-  lie  Saint- Viuccns  ,  sur  reUe  tour  ,  lu  in 
noveiidue  1786  ,  dans  la  séance  publique  de  I'hik- 
deraie  des  insii  i|>li»ns  et  liellcs-tettres  ,  cl  la  )(ra- 
Ture  «lui  rnceuiii|iague  ). 


TOU 

daut  ce  fut  à  son  retour  que  rassem- 
blée des  communes  de  Pioveuce ,  eu 
1788,  lui  de'oerna  une  médaille, 
avec  cette  inscription  bien  remar- 
quable pour  !e  temps  :  Le  tiers-état 
de  Provence  à  Charles  -  Jean-Bap- 
tiste des  Galois  de  La  Tour  ,  inten- 
dant du  pars  ,  son  ami  depuis  plus 
de  quarante  années.  La  ville  de 
Marseille  lui  est  en  particulier  rede- 
vable de  plusieurs  embellissements  , 
et  de  quelques  établissements  utiles. 
Après  la  suppression  des  parlements, 
et  la  dissolution  totale  de  la  magis- 
trature, La  Tour  fut  obligé  de  quitter 
la  Provence.  Retiré  en  Bourgogne  , 
dans  sa  teri'C  de  Saint-Aubin-sur- 
Loire,  il  y  trouva  ,  au  milieu  de  ses 
anciens  vassaux ,  un  asile  sûr  pendant 
les  premiers  orages  de  la  révolution. 
Cependant  il  fut  arrêté  ,  en  1 798  , 
conduit  à  Paris  ,  et  renfermé  au 
Luxembourg  ,  d'où  il  ne  sortit  qu'a- 
près le  9  tliermidor.  Il  mourut  dans 
cette  capitale,  le  24  janvier  1802  ,  à 
l'âge  de  quatre-viugt-sept  ans.  Il 
avait  épousé,  eu  1748  ,  Marie-Ma- 
deleine d'Aligre,  iilledu  second  pré- 
sident du  parlement  de  Paris ,  et  il 
la  perdit,  en  1780.  Il  en  eut  deux  fils. 
—  L'aîné,  Etienne-Jean-Baptiste, 
après  avoir  été  conseiller  au  parle- 
ment ,  embrassa  l'état  ecclésiastique , 
et  fut  pourvu,  en  1788  ,  de  l'évê- 
ché  de  Moulins  ,  créé  pour  lui , 
mais  dont  les  circonstances  politi- 
ques l'empêchèrent  de  prendre  pos- 
session. Nommé  ,  en  1817  ,  à  l'ar- 
chevêché de  Bourges  ,  et  sacré  le 
26  sept.  1819  ,  il  mourut  dans  cette 
ville,  le  20  mars  1820 ,  à  l'âge  de 
soixante-dix  ans.  A — t. 

TOUR  (Baillet,  comte  dk  La), 
général  autriclnen  ,  né  au  château  de 
La  Tour  dans  la  province  du  Luxem- 
bourg, vers  le  milieu  du  dix-huitième 
siècle ,  d'nne  ancienne  et  noble  ia- 


TOU  347 

mille ,  d'origine  française  ,  prit  de 
bonne  heure  le  parti  des  armes ,  fit 
ses  premières  campagnes  dans  la 
guerre  de  la  succession  de  Bavière  , 
en  1778,  contre  les  Turcs  ,  sous 
Lascy  et  Laudon  ;  fut  nommé  colonel 
du  régiment  des  dragons  de  sou  nom , 
l'un  des  plus  beaux  de  l'armée  autri- 
chieune  ,  puis  général  -  major.  C'est 
en  cette  qualité  qu'il  fut  employé,  en 
1789,  par  Joseph  II,  contre  les  ha- 
bitants des  Pays  -  Bas  révoltés.  Ce 
qu'il  devait  à  ses  compatriotes  ne 
l'empêcha  pas  d'exécuter  avec  fidé- 
lité les  ordres  de  son  souverain  :  il 
se  rendit  maître  de  Charlcroi,  et  par 
sa  fermeté  et  sa  valeur  contribua 
beaucoup  au  rétablissement  de  l'or- 
dre dans  ces  contrées.  Mais  la  révo- 
lution de  France  vint  bientôt  y  cau- 
ser d'autres  troubles^  et  le  général  de 
La  Tour  y  fut  encore  employé.  Il 
commandait  à  Tournay  lors  de  la  ba- 
taille de  Jemmappes  ,  en  nov.  1792  ; 
et  après  y  avoir  soutenu  pendant  plu- 
sieurs jours  les  efibrts  de  la  gauche 
des  Français  ,  il  se  retira  sur  le  Rhin, 
rentra  dans  la  Belgique  au  printemps 
de  l'année  suivante  ,  avec  le  prince  de 
Cobours ,  et  contribua  aux  succès  de 
cette  campagne  ,  notamment  a  la 
bataille  de  Nerwinde  et  à  l'attaque 
du  camp  de  Famars.  Nommé  feld- 
raarécual-lieutenant  ,  il  commandait 
l'aile  gauche  de  l'armée  autrichienne 
devant  MaL;beuge  ;  et  son  corps  fut 
le  seul  qui  obtiut  des  succès  à  la 
bataille  de  Watiguies  (  16  octobre 
1 793  ).  Dans  les  premiers  mois  de 
l'année  suivante  ,  il  se  fit  encore  re- 
marquer par  divers  exploits  près  de 
Landrecics  et  sur  la  Sambre  ;  mais 
lorsque  les  armées  de  la  coaUtion 
abandonnèrent  les  Pays-Bas,  en  1794» 
le  comte  de  La  Tour  fut  chargé  de  cou- 
vrir leurs  mouvements  rétrogrades, 
d'abord  derrière  la  Meuse,  et  ensuite 


348 


TOU 


derrière  le  Rhin.  Il  résista  long-temps 
sur  les  hauteurs  de  Lie'ge;  se  retira 
en  bon  ordre  et  ne  put  être  entame' 
lorsqu'il  fut  attaqué  par  sa  gauche 
sur  rOurthe,  le  i8  septembre  1794^ 
et  à  Duren  le  2  -octobre  suivant.  11 
fit  encore  !a  campagne  de  1795  ,  en 
Franconie  ,  où  il  conduisit  l'arrière- 
garde  devant  des  forces  très-supé- 
rieures; mais  qui  ne  purent  Taccabler, 
Nomme  feld-zeug-meister  ou  général 
d'artillerie  ,  en  1796  ,  il  fut  chargé, 
sous  l'archiduc  Charles,  sur  le  Haut- 
Rhin,  du  corps  d'armée  que  le  dépra't 
de  Wurmser  pour  l'Italie  avec  l'é- 
lite des  troupes ,  ainsi  que  la  défec- 
tion des  Saxons  et  des  Bavarois,  qui 
venaient  de  faire  une  paix  séparée 
avec  la  république  française,  avaient 
fort  affaibli.  La  Tour  ne  put  empê- 
cher le  passage  d«  fleuve  par  l'armée 
de  Moreau  ,  et  se  retira  derrière  le 
Lech  ,  a])rès  avoir  éprouvé  divers 
e'checsàFriedbergetàLaugcn-Bruck. 
Les  armées  autrichiennes  se  trouvant 
alors  dans  une  position  concentrique 
au  milieu  de  l'Allemagne,  l'archiduc 
Charles  ,  leur  généralissime ,  en  pro- 
fita habilement  pour  attaquer  succes- 
sivement les  Français  qui  avaient 
commis  la  faute  de  séparer  leurs  ef- 
forts. Le  général  Jourdan  fut  d'abord 
repoussé  et  forcé  d'abandonner  la 
Franconie;  et  toutes  les  forces  impé- 
riales s'étant  ensuite  dirigées  vers 
Moreau  ,  ce  général  fut  obligé  d'o- 
pérer une  retraite  qui  lui  lit  le  ])lus 
grand  honneur  ,  et  dans  laquelle  La 
Tour,  qui  était  chargé  de  le  poursui- 
vre, fut  loin  de  proliler  des  avanta- 
ges ([ue  lui  donnaient  la  supériorité  du 
nombre  et  surtout  celle  de  sa  cavale- 
rie. 11  éprouva  même  ,  le  •).  octobre  , 
à  Hiberach  \\\\  (Vliec  ini])ortant  (  V. 
MouKAU  ,  XXX  ,  iH()  ;,  L'année 
suivante  (  1797  ),  La  Tour  comman- 
dait encore  le  corjis  d'année  f[ui  fut 


TOU 

chargé  de  disputer  à  Moreau  le  pas- 
sage du  Rhin  ;  il  n'y  réussit  pas 
mieux ,  et  il  avait  commencé  sa  re- 
traite sur  la  Bavière ,  lorsque  les 
préliminaires  de  Léoben  mirent  fin 
aux  hostilités.  Il  fut  alors  nommé 
gouverneur  de  la  iStyrie ,  puis  de  la 
Haute-Autriche.  En  1806,  il  prési- 
dait le  conseil  aulique  de  guerre  , 
lorsqu'il  mourut  presque  subitement 
à  Vienne.  —  Son  fils  ,  qui  servait 
sous  SOS  ordres  en  1795  ,  fut  tué,  le 
27  août,  à  l'attaque  d'une  redoute 
près  de  Manheim.  —  Son  frère,  le 
comte  Baillet  ,  fit ,  comme  lai ,  les 
campagnes  de  la  révolution  contre 
les  Français  ,  parvint  au  grade  de 
feld- maréchal -lieutenant  ,  et  ayant 
quitté  le  service  d'Autriche ,  fut  fait 
lieutenant-général  au  service  de  Fran- 
ce, par  Napoléon ,  puis  mis  à  la  retrai- 
te après  lachutede  celui-ci.  M — d  j. 
TOUR  ET  TAXIS  (  DE  La  ) , 
nom  d'une  ancienne  maison  priucic- 
re  d'Allemagne  ,  originaire  de  Lom- 
bardie.  Ou  prétend  qu'il  lui  vient  de 
saint  Ambroise,  évêque  de  Milan  _, 
qui  le  donna  au  premier  de  cette 
famille  ,  <à  qui  il  avait  confié,  dans 
une  émeute  populaire  ,  le  poste  de  la 
Tour,  appelée  de  la  Porte-Neuve , 
oîi  il  se  défendit  avec  un  grand  cou- 
rage. Un  de  ses  descendants  s'appela 
Taciiis  ;  et  c'est  de  cet  aieul  que 
plus  tard  (  i3i3  )  Laniorald  prit  le 
nom  de  Taxis.  Son  arrière-petit-lils, 
Ros,er  /"''. ,  comte  de  Thurn ,  Tassis 
et  Valsassina,  se  rendit  en  Allemagne, 
y  fut  reçu  chevalier,  eu  ij^Jo  ,  par 
l'empereur  Frédéric  II ,  et  immorta- 
lisa son  nom  par  l'invention  des 
])Ostes,  qu'il  organisa  d'abord  dans 
le  Tyrol.  —  Son  fils  ,  François,  qui 
fit  établir,  en  i5i()  ,  un  service  de 
postes  entre  iiruxcUes  cl  Vienne  ,  fut 
nommé  maître  des  postes  général  , 
par  l'empereur  Maximilieu  I^''.  Ses 


TOU 

descendants  ajoutèrent  encore  de  nou- 
veaux perfectionnements  à  cette  utile 
invention,  qui  s'étendit  bientôt  à  tou- 
tes les  contrées.  —  Léonard  -  de- 
Taxis  ,  qui  s'était  distingué ,  en  1 54^ , 
par  l'établissement  d'un  service  de 
poste  à  franc -étrier  entre  les  Pays- 
Bas  et  l'Italie^  à  travers  la  Souabe 
et  le  Tyrol  ,  et  par  d'autres  amélio- 
rations du  même  genre,  fut  élevé, 
par  l'empereur  BodolphcII,  au  rang 
de  baron  et  à  celui  de  maître  de 
poste  général  de  l'empire  d'Allema- 
gne. —  Son  fils  ,  IjAmorald  -  de- 
Taxis  ,  obtint,  en  iGi5,  la  dignité 
de  comte  de  l'empire,  et  reçut  en  iief 
de  l'empereur  Matthias ,  pour  lui  et 
ses  descendants,  le  privdége  des  pos- 
tes de  l'empire ,  qui  fut  étendu ,  en 
1621  ,  par  l'empereur  Ferdinand  II , 
à  la  branche  féminine.  —  EugÈne- 
Alexandre  fut  élevé,  en  1681  ,  par 
le  roi  d'Espagne  Charles  II ,  à  la  di- 
gnité de  prince  ,  et  en  1686  ,  par 
l'empereur  Léopold  l^"". ,  à  celle  de 
prince  de  l'empire,  jusqu'à  ce  que  la 
charge  de  maître  de  poste  général 
ayant  été  établie  en  fief  princier  ,  re- 
levant immédiatement  du  trône  im- 
périal ,  le  prince  Alexandre  -  Ferdi- 
nand en  fut  investi  par  l'empereur, 
et  nommé,  en  l'jSi,  membre  du 
collège  des  princes  de  l'empire  à  la 
diète  de  Ratisbonnc.  Cette  maison, 
qui  possédait  d'ailleurs  encore  la  di- 
gnité de  maréchal  du  Hainaut,  s'était 
donc  élevée  si  haut  par  l'introduction 
des  postes.Plusieurs  princes  et  états  re- 
fusèrent de  regarder  les  postes  comme 
une  régale  impériale,  et,  par  exemple, 
Brunswick ,  Brandebouig ,  la  Saxe, la 
Hesse,  établirent  dans  leurs  territoi- 
res un  service  de  postes  indépendant 
de  celui  de  l'empire,  et  appartenant 
à  la  maison  Taxis  :  celle-ci  se  main- 
tint pourtant  dans  la  plupart  des  au- 
tres états ,  en  Souabe ,  eu  Francouie, 


TOU 


349 


en  Bavière,  etc.,  jusqu'au  moment 
de  la  révolution  française  ,  dont 
elle  devait  aussi  subir  les  consé- 
quences. Par  la  création  de  la  con- 
fédération du  Rhin,  la  maison  de 
Taxis  perdit  sa  souveraineté.  Elles 
est  à  présent  avec  ses  16  milles 
carrés  et  quarante  mille  habitants 
vassale  du  Wurtemberg  et  de  la  Ba- 
vière :  ces  deux  états  lui  ont  conféré 
la  dignité  de  maître  de  itoste  général 
héréditaire,  avec  la  permission  d'ex- 
ploiter les  postes  dans  leurs  territoi- 
res respectifs  à  son  profit ,  contre  une 
rente  à  payer  à  l'état.  La  Bavière  a 
ensuite  privé  de  nouveau  la  maison 
de  Taxis  du  service  des  postes,  en  la 
dédommageant  par  une  rente  perjié- 
tuelle  de  cinquante  mille  florins,  éta- 
blie sur  des  domaines.  La  maison  de 
Taxis  a  réorganisé,  depuis  181 5, 
le  service  des  postes  dans  plusieurs 
autres  parties  de  l'Allemagne,  nom- 
mément dans  les  villes  anséa tiques. 
Z. 

TOUR  D'AUVERGNE,  (de  La) 
Voy.  Bouillon  et  Turenne. 

TOUR  D'AU  VERGNE-CORRET 
(Théophile  Malo  de  LA  ),  né  le  a5 
déc.  1743  ,àCarhai\  ,dansla  Basse- 
Bretagne  ,  d'une  ancienne  et  illustre 
famille,  la  même  que  celle  de  Turenne, 
fit  ses  éludes  au  collège  de  Quimper, 
oi!i  il  se  disthigua  par  son  applica- 
tion ,  et  ses  ])rogrès  dans  les  langues 
anciennes.  En  1767,  il  entra  dans 
les  mousquetaires  ,  et  quelques  mois 
après  il  reçut  un  bievct  de  sous- 
lieutenant  dans  le  régiment  d'An- 
goumois.  Sa  douceur  et  son  attache- 
ment à  ses  devoirs  lui  méritèrent' 
bientôt  l'estime  de  ses  chefs  et  l'a- 
inilié  de  ses  camarades.  Il  employa 
ses  loisirs  à  s'instruire  dans  toutes 
les  parties  de  l'art  de  la  guerre.  Po- 
lybc  et  Vegèce,  Folard  et  Monfe- 
cuccnli  formaient  sa  lecture  habi- 


35o  TOU  » 

tuelle;  mais  les  commentaires  de 
César  avaient  un  attrait  de  plus  pour 
le  jeune  officier,  parce  qu'il  y  trou- 
vait des  de'tails  précieux  sur  les 
Gaulois ,  dont  il  méditait  d'écrire 
■un  jour  l'histoire.  Fatigué  de  sa 
longue  inaction  ,  il  sollicita  un  con- 
gé pour  aller  défendre  contre  les 
Anglais  l'indépendance  de  l'Améri- 
que. Il  ne  put  pas  l'obtenir  ;  mais  on 
lui  accorda  la  permission  de  rejoin- 
dre ,  comme  volontaire ,  l'armée  es- 
pagnole ,  commandée  par  le  duc  de 
Grillon  (  F.  ce  nom,  X,  269).  Il 
signala  sa  valeur  au  siège  de  Mahon 
par  de  nombreux  exploits.  Un  jour, 
après  un  combat  très-meurtrier  ^  il 
retourna  seul  sur  les  glacis  de  la 
place ,  enlever  ,  au  milieu  d'une  grêle 
de  balles  ,  un  de  ses  camarades 
blessé,  et  le  rapporta  sur  ses  épaules 
jusqu'aux  avant-postes.  Le  duc  de 
Grillon  ,  n'ayant  pu  lui  faire  accepter 
le  commandement  des  volontaires  , 
le  choisit  pour  son  aide-de-camp.  Il 
reçut  du  roi  d'Espagne  ,  Charles  III, 
la  décoration  de  son  ordre  ,  mais  il 
refusa  la  pension  de  3, 000  fr.  que 
ce  princelui  lit  offrir  en  même  temps. 
Après  la  paix  de  l'jHS  ,  il  rejoignit 
ses  drapeaux  ,  et  reprit ,  avec  une 
nouvelle  ardeur  son  dessein  d'éclair- 
cir  les  antiquités  gauloises.  Aidé  par 
Le  Brigant  (  F.  ce  nom ,  V  ,  SgH  )  , 
il  lit  une  étude  plus  approfondie  de 
la  langue  des  Celtes  ,  que  ce  savant 
avait  retrouvée  dans  l'idiome  popu- 
laire de  quelques  cantons  delà  Basse- 
Bix-tagne  ,  et  reconnut  les  emprunts 
fails  a  celte  langue  primitive  par  les 
Romains  ,  et  surtout  par  les  (irecs. 
Il  se  disposait  à  jiublicr  le  résultat 
de  ses  recherches,  lorsque  la  révolu- 
tion ,  en  soulevant  toute  l'Iùu-ope 
contre  la  France  ,  vint  l'enlever  à 
ses  paisibles  travaux,  et  lui  fournir 
de  nouvelles  occasions  de  signaler 


TOU 

son  courage.  Ayant ,  par  nne  mo- 
destie bien  rare,  refusé  toute  offre 
d'avancement ,  il  était  encore  alors 
simple  capitaine  de  grenadiers.  Il  fit^ 
en  cette  qualité ,  la  campagne  de 
i79':i,  à  l'armée  des  Alpes,  sous 
Montesquiou  (  F.  ce  nom ,  XXIX , 
024),  et  revint  avec  son  régi- 
ment vers  les  Pyrénées  _,  qui  de- 
vaient être  le  principal  théâtre  de 
ses  exploits.  Appelé  par  les  géné- 
raux dans  un  conseil  de  guerre ,  il 
donna  son  avis  sur  le  plan  d'atta- 
que ,  et  se  chargea  ensuite  de  l'exé- 
cuter. Il  tourne  avec  sa  compagnie 
la  vallée  d'Aran  par  des  chemins 
que  la  neige  et  les  glaces  rendaient 
impraticables,  en  chasse  les  Espa- 
gnols ,  s'empare  d'une  maison  cré- 
nelée ,  traverse  la  Bidassoa  ,  et  en- 
levé à  la  baïonnette  toutes  les  re- 
doutes qui  en  défendaient  le  passage. 
Son  manteau  plié  sur  le  bras  ganclie, 
il  fondait  le  premier  sur  l'ennemi  , 
l'épée  à  la  main ,  et  le  mettait  eu 
fuite  (i).  Humain,  généreux  même 
avec  les  vaincus  ,  il  était  le  père  de 
ses  soldats  ,  s'imposant  des  priva- 
tions pour  adoucir  leurs  besoins  , 
mangeant  avec  eux  et  couchant  sous 
la  même  tente.  Dans  les  marches  ,  il 
allait  toujours  à  pied,  tenant  son 
cheval  par  la  bride  ;  et  si  quelqu'un 
de  ses  grenadiers  lui  paraissait  fati- 
gué: «  Camarade, lui  disait-il ,  monte 
à  cheval  ;  je  suis  las  dele conduire;  » 
et  il  fallait  obéir.  Affligé  des  maux 
qui  pesaient  sur  la  France,  il  n'ai- 
mait pas  en  entendre  raconter  les 
détails.  Il  ne  voulait  pas  que  les  sol- 
dats s'occupassent  de  ])olitique  : 
«  Nous  savons,  leur  disait-il,  que  l'en- 
nemi est  là  ;  voilà  '.out  ce  que  nous 


(1)  Toujoiirs  placr  cl^iin  les  |)iisilic)n5  pi'rilliuM»  , 
il  lie  reçut  pas  une  seule  blessure.  Les  Mild»l> 
Hisnieut  ;  Nolif  tiwtlainc  a  le  don  iL-  cliiiiiiicr  Irt 
iidUf. 


TOU 

devons  savoir.  »  Il  refusa  le  titre  de 
général  j  mais  comme  le  plus  ancien 
capitaine  de  l'ai-mée  il  accepta  le 
commandement  des  grenadiers  qui 
devaient  former  l'avant-garde.  Il  ne 
laissa  que  rarement  au  corps  d'ar- 
mée le  temps  de  joindre  l'ennemi  : 
dans  tontes  les  rencontres  il  délit 
les  Espagnols,  toujours  plus  nom- 
breux ,  et  conduisit  sa  colonne  vic- 
torieuse (2)  jusqu'à  Saint  -  Sébas- 
tien. Quoiqu'il  n'eût  d'autre  artil- 
lerie qu'une  pièce  de  huit,  il  se 
présente  devant  cette  forteresse  im- 
portante ,  et  le  commandant  espa- 
gnol intimidé  se  hâte  de  capituler. 
La  paix  avec  l'Espagne  lui  ayant 
permis  de  demander  un  congé  ,  il 
voulut  en  profiter  pour  venir  au  mi- 
lieu de  sa  famille ,  rétablir  sa  sauté 
délabrée.  S'étaut  embarqué  à  Bor- 
deaux (  5  juin  1793  )  sur  un  trans- 
port,  le  bâtiment  fut  enlevé  par  un 
corsaire  anglais,  à  la  vue  du  port  de 
Brest,  La  Tour  d'Auvergne,  condné 
dans  leCornwal! ,  revint  à  ses  études 
favorites,  dont  à  peine  la  guerre 
avait  pu  le  distraire;  car  il  portait 
toujours  avec  lui  quelques  livres.  En 
comparant  les  mœui's  et  la  langue 
des  Gallois  avec  les  mœurs  et  la  lan- 
gue des  Bretons  ,  il  se  coutirma  dans 
l'idée  que  ces  deux  peuples  ont  la 
même  origine.  A  sa  rentrée  en  France, 
il  apprit  qu'il  venait  d'être  mis  à  la 
réforme.  11  ne  se  plaignit  point  d'une 
injuste  mesure  qui  le  privait  d'un 
grade  acquis  par  quarante  années 
de  service.  Heureux  de  poiivoir 
désormais  se  livrer  tout  entier  à  l'é- 
tude ,  il  s'établit  dans  une  ferme  à 
Passy,  afin  d'être  plus  à  portée  de 
recevoir  les  secours  qui  lui  étaient 
nécessaires  pour  terminer  son  grand 


TOU  35 1 

travail.  Toute  sa  fortune  consistait 
dans  huit  cents  livres  de  rente.  «  C'est 
beaucoup,  disait -il ,  pour  un  grena- 
dier sous  les  armes  :  c'est  assez  pour 
un  homme  qui  ne  s'est  pas  fait  de 
besoins,  dans  la  retraite.  »  H  écrivait 
alors  à  l'un  de  ses  plus  intimes  amis  : 
«  Du  pain ,  du  lait,  la  liberté  et  un 
;)  cœur  qui  ne  puisse  jamais  s'ouvrir 
»  à  l'ambilion  ,  voilà  l'objet  de  tous 
»  mes  désirs  (3).  »  11  avait  aban- 
donné sa  pension  à  une  pauvre  fa- 
mille ,  et  il  trouvait  encore  dans  son 
superflu  de  quoi  soulager  quelques 
indigents  de  son  voisinage  ^  mais  le 
discrédit  des  assignats  le  réduisit 
bientôt  à  la  nécessité  de  demander 
des  secours  pour  lui-même.  11  s'a- 
dressa au  ministre  de  la  guerre  ,  qui 
donna  l'ordre  de  lui  compter  quatre 
cents  écus.  Il  ne  prit  que  cent  vingt 
francs,en  disant:  «  Si  j'ai  de  nouveaux 
besoins  ,  je  reviendrai.  »  Le  duc  de 
Bouillon ,  son  proche  parent ,  à  qui 
il  avait  fait  rendre  ses  biens  ,  voulut 
le  forcer  d'accepter  la  t(  rre  de  Beau- 
moiit-sur  Eurc^  qui  valait  dix  mille 
francs  de  rentes.  A  toutes  ses  ins- 
tances La  Tour-d'Auvergne  répon- 
dit :  Je  vous  remercie.  Informé  que 
le  dernier  lils  de  son  ami  Le  Brigant 
allait  être  enlevé  par  la  conscription, 
il  demanda  comme  une  faveur  d'être 
admis  à  le  remplacer  comme  soldat. 
11  rejoignit  l'armée  en  Suisse,  com- 
battit à  Zurich  {F.  Massena),  et, 
après  la  victoire  ,  sauva  la  vie  à  des 
soldats  russes  qui,  cernés,  refusaient 
de  se  rendre.  A  la  lin  de  la  campagne 
il  revint  à  Paris,  rapportant  des  mé- 
dailles et  des  inscriptions  qu'il  avait 
déterrées  dans  les  ruines  de  l'antique 
Windonissa  (  W  indish  ).  Après  la  ré- 
volution du  18  brumaire  ,  il  fut  élu 


(2)  Selon  l'usage,  le»  snlJaU  «ppelaient  cplte  ré- 
serve la  colonne  infeiiiaU. 


(3)  Voy.  niirltjiief  dèlaih  sur  J.a  "l'oiit  d' Auvrf- 
nc ^  par  ÎM.    Kecoz  ,  iSô  .  iii-î^**. 


352 


TOU 


par  le  sc'nat  membre  du  Corps  le'- 
gislatif.  Il  i-efusa  d'y  sie'ger,  disant: 
»  Je  ne  sais  pas  faire  les  lois ,  je  ne 
»  sais  que  les  défendre  :  mon  poste 
»  est  aux  armées.  »  Le  premier  con- 
sul lui  décerna  ,  sur  le  rapport  de 
Carnot,  alors  ministre  de  la  guerre  , 
un  sabre  d'honneur  ,  avec  le  titre  de 
premier  grenadier  de  France.  Il 
accepta  le  sabre  ;  mais  il  se  défendit 
de  recevoir  un  titre  qui  pouvait  bles- 
ser la  délicatesse  de  ses  camarades  : 
»  J'attendais,  dit-il ,  de  mes  services 
»  un  salaire  plus  conforme  à  mes 
»  goûts  ,  et  plus  digne  d'un  homme 
»  de  guerre.  On  devait  ou  les  oublier, 
»  ou  ne  se  les  rappeler  qu'après  ma 
»  mort.  »  Il  fut  obligé  de  se  sou- 
mettre. La  gueire  allait  recommen- 
cer en  Allemagne  ;  il  fit  ses  disposi- 
tions pour  rejoindre  l'armée  ;  rédi- 
gea son  testament ,  distribua  ses  meu- 
bles entre  ses  amis,  et  légua  ses  livres 
avec  ses  manuscrits  à  M.  Johanneau 
(  F.  ce  nom  dans  la  Biograph.  des 
vivants,  III,  47^)-  A  son  arrivée 
au  quartier-général,  il  choisit  son 
rang  dans  les  grenadiers  de  la  l^Q'^. 
demi-brigade.  Six  jours  après ,  il  fut 
tué  d'un  coup  de  lance  ,  en  avant 
d'Uber-Hauzen ,  le  a-]  juin  1800.  Il 
fut  enseveli  sur  le  cham|>  de  bataille  , 
dans  des  branches  de  lauriers  et  de 
chêne.  L'ordre  du  jour  par  lequel  le 
général  Dessoles  instruisit  l'armée  de 
la  perte  qu'elle  venait  de  faire  est 
un  modèle  en  ce  genre  (4).  On  ne 
peut  le  lire  sans  attendrissement.  Le 
cœur  de  La  Tour-d' Auvergne  fut  en- 
fermé dans  une  boîte  d'argent,  re- 
couveile  de  velours  noir  ,  et  coudé 
à  la  compagnie  qu'il  avait  adoptée. 
Son  nom  resta  sur  le  contrôle,  et  dans 


(/(■II. -si  MiiprlMM'  (Ini.s  l.*i(..iu.aiix  chiUnips, 
daiii.  I.I.  Miimuic^  ,lcl'u,uul.  rrlli,/uc,  loin.  I".  ; 
clan»  II»  liotri.  \  I»  suit.'  ili-  VJ-Jn^c  ,U  l.u  Tulir 
W  Auvci'^ne  y  par  M.  JVIangourit  ,  flf. 


TOU 

tous  les  appels ,  le  plus  brave  grena- 
dier répondait  :   viort  au    champ 
d'honneur.  L'épée  qu'il  avait  reçue 
pour  prix  de  sa  valeur  fut  placée  à 
l'église  des  in^^alides,  dite  alors  le 
temple  de  Mars  ,   et  un  arrêté  des 
consuls  décida  qu'un  monument  lui 
serait  élevé  dans  la  ville  de  Brest  ; 
mais  cet  ordre  n'a  point  l'eçu  d'exé- 
cution. La  Tour-d'Auvergne  possé- 
dait toutes  les  langues  de  l'Europe  , 
et  d'ailleurs  était  très-versé  dans  les 
dilTérentes  branches  de  l'histoire  an- 
cienne. L'académie  espagnole  d'his- 
toire l'avait  admis  au  nombre  de  ses 
membres.  L'ouvrage  qui  nous  reste 
de  lui  a  eu  trois  éditions  :  la  pre- 
mière est  intitulée  :  Nouvelles  Re- 
cherches sur  la  langue  ,  l'origine 
et  les  antiquités  des  Bretons  ,  pour 
servir  à   l'histoire  de  ce  peuple , 
Baïonne,  1792,  in-S».  Elle  est  très- 
rare,  l'auteur, mécontent  de  son  tra- 
vail j   en  ayant  supprimé  tous   les 
exemplaires  qui  lui  restaient.  Elle 
contient,  de  pins  que  les  suivantes,  un 
Précis  historique    sur   la  ville    de 
Keraës ,  en  franc.  Carhaix  ,  dont  il 
attribue  la  fondation  au  général  ro- 
main Aëtius  (  F.  ce  nom  ,  I ,  aS-j  ). 
vers  l'an  436  (5).  Cette  Notice  avait 
déjà  paru  àAn?,\(i  Dictionnaire  de  la 
Bretagne  ,  par  Ogé  ;  mais  elle  est 
corrigée  et  augmentée  de  réflexions 
sur  les  moyens  d'accroître  le  com- 
merce et  la  prospérité  de  cette  ville. 
La  seconde  édition  est  de  1795  ,  in- 
8"'.  ;  et  la  troisième  de  Hambourg  , 
1801  ,  même  format  :  elle  est  ornée 
d'un  portrait  de  l'auteur  ,  d'après 
son  buste  parCorbct,  statuaire  bre- 
ton ;  et  on  y  a  joint  son  Eloge ,  par 
M.  Mangoiu-it.  La  troisième  est  inti- 
tulée :  Origines  gauloises  ,  celles  des 
plus  anciens  peuples  de  V Europe  . 


(5)  Kc-u 


I  biclou  sigiiilic  ville  J'Aclius. 


TOU 

pidsées  dans  leur  vraie  source  ,  ou 
Recherches  sur  la  Langue ,  l'origine 
et  les  antiquités  des  Bretons  ,  etc. 
Le  dessein  de  l'auteur  est  de  prouver 
que  les  Gaulois  ont  ëte'  connus  sous 
le  nom  de  Celtes ,  de  Scythes  et  de 
Gelto-Scytlies;  que  leur  langue  s'est 
conservée  dans  la  Bretagne  armori- 
quej  qu'on  en  retrouve  des  traces 
dans  les  langues  des  divers  peuples 
de  l'Europe  et  de  l'Asie ,  au  milieu 
desquels  les  Celtes  ou  Gaulois  for- 
mèrent des  établissements  ;  enlin  que 
c'est  aux.  Celtes  ou  Gaulois  que  les 
Grecs  et  les  Romains  ont  emprunte 
leur  culte,  et  la  plupart  de  leurs  usa- 
ges. La  seconde  partie  coulient  un 
glossaire  polyglotte,  ou  tableau  com- 
paratif delà  descendance  des  langues 
des  Celtes  ou  Bretons.  On  dit  que  La 
Tour-d'Auvergne  a  laissé  manuscrit 
un  Dictionnaire  breton ,  gallois  et 
français  ;  et  un  Dictionnaire  poly- 
glotte fort  ample ,  dans  lequel  il  com- 
pare le  breton  avec  les  autres  lan- 
gues anciennes  et  modernes.  Outre 
V Eloge  de  La  T our-d' Auvergne , 
par  M.  Mangourit ,  imprimé  séparé- 
ment, Paris  ,  1801  ,  in-Ho.  ^  o^  p^ut 
consulter,  pour  plus  de  détails  :  No- 
tice sur  La  Tour-d' Auvergne ,  par 
J.-B.  Roux,  Paris,  in-8°.,  et  Quel- 
ques détails  sur  La  Tour- d'Auver- 
gne ,  par  M.  Lecoz. ,  Besançon ,  1 81 5 , 
in-8".  ;  le  Népos  français ,  par  Cliâ- 
teauneuf,  etc.  W — s. 

TOUR-DU -PIN  -GOUVERNE! 
(  René  de  La  ) ,  né ,  eu  1 543  ,  à  Gou- 
vernet,  près  de  la  petite  ville  du  Buis 
en  Dauphinc,  d'une  branche  cadette 
de  la  maison  dont  étaient  les'derniers 
dauphins  de  Viennois,  et  que  l'on 
voit  portée  sur  l'état  de  la  noblesse 
qui  prêta  serment  au  roi  de  France, 
en  1343,  lors  de  la  cession  du  Dau- 
phinc  à  Philippe  de  Valois  (  Foj. 

HUMBERT    II,    XXI,    4^)7   fut   clcvé 
XLVI. 


TOU 


353 


dans  la  religion  calviniste,  et  devint 
le  compagnon  d'armes  de  Lesdiguiè- 
res  et  de  Dupuy-Monbrun.  N'ayant 
pu  empêcher  la  iln  malheureuse  de 
celui-ri,  il  fut,  après  sa  mort,  un 
des  chefs  du  parti  protestant  dans 
le  Daupbiné  ,  et  résista ,  dans  ces 
contrées  ,  aux  attaques  de  la  Ligue  et 
du  duc  de  Savoie.  En  i5H6,  il 
tua  dans  un  combat  singulier,  le 
chevalier  de  Loriol  .prit  son  cheval, 
qui  était  le  plus  beau  de  l'armée 
ennemie  ,  et  l'envoya  en  présent 
au  roi  de  Navarre.  Dans  les  années 
suivantes,  il  s'empara  de  plusieurs 
forteresses  ,  et  se  distingua  par  de 
nombreux  exploits,  surtout  le  i5  dé- 
cembre iSgi  ,  au  passage  du  Ver- 
don  ,  où  il  tua  de  sa  main  le  comte 
de  Vincheguerre  _,  officier  de  l'armée 
du  duc  de  Savoie.  Nommé  maréchal- 
de-camp  ,  dans  la  même  année ,  il  eut 
avec  Henri  IV  une  correspondance 
très  -  honorable ,  et  ce  prince,  qui 
l'avait  fait  chambellan  n'étant  que 
roi  de  Navarre,  le  nomma,  lors- 
qu'il fut  monté  sur  le  trône  de 
France  ,  conseiller  en  ses  conseils 
d'état  et  privé  ,  commandant  du  Bas- 
Dauphiné  et  gouverneur  de  Die,  de 
Mcvouillon,  Montélimart  ,etc.  Enfin 
Louis  XïII  hii  accorda  ,  en  161 1  , 
une  pension  de  dix  mille  francs, 
somme  alors  considérable,  et  dont 
Gouvernet  de  la  Tour-du-Pin  jouit 
jusqu'à  sa  mort,  en  161 9.  Sa  terre 
deLacharce  avait  été  érigée  en  mar- 
quisat au  mois  de  mai  précédent. 
Brantôme,  de  Thou  et  Videl  par- 
lent avec  éloge  de  ce  guerrier , 
dont  la  devise  était  courage  et  loyau- 
té. Ayant  eu  le  malheur  de  tuer  en 
duel  du  Pouet,  un  de  ses  amis,  il 
acheta  le  terrain  sur  lequel  avait  eu 
lieu  ce  combat  funeste;  et,  quoique 
protestant ,  il  en  fit  don  aux  Capucins, 
chargeant  ces  religieux  de  célébrer, 

23 


354  TOU 

tous  les  ans,  l'obiluairc  de  dnPoncl. 
Pour  reparer,  autant  qu'il  était  en  lui, 
im  tort  qu'il  ])ieura  toute  sa  vie,  il 
voulut  être  le  tuteur  du  (ils  de  du 
Pouet;  et  il  le  maria  avec  une  de  ses 
filles.  C'est  de  lui  et  de  Jacques  , 
son  frère,  que  sont  descendues  tou- 
tes les  brandies  de  La  Tour-du- 
Pin  q;ii  CMstent  encore.  —  Hector 
de  La  Tour-du-Pin-Montaucan  , 
son  (ils  puîné ,  f:it  le  clicf  des  Protes- 
tants du  Llauphinc ,  au  commence- 
ment du  dix.-scptième  siècle,  se  sou- 
mit à  Lesdiguières ,  en  1 626 ,  cl  remit 
les  places  de  Me'vouillon  et  de  Soyans, 
où  il  avait  fait  une  vigoureuse  défen- 
se. Louis  XIII  le  fit  maréchal  -  de- 
camj) ,  et  lui  donna  cent  mille  livres, 
aveclegouvernementdelVIontélimart, 
qui  resta  dans  sa  famille  iusqu'à  la 
révolution  de  1789.  —  Un  fils  de 
Gonvernet,  appelé  comme  lui  René, 
et  député  de  la  noblesse  de  Langue- 
<loc  aux  étals-généraux  de  i()i4, 
fut  tue  dans  la  guerre  de  Piémont  , 
en  1616.  M — D  j. 

TOUil-DU-PIN  -  MONTAUB  AN 
(René,  marquis  DE  La),  lieutenant- 
général  ,  était  le  (ils  aîné  d'ilector  et 
naquit  en  Dauphuié  vers  \Cy2.o.  Ele- 
vé dans  la  religion  jirolesiante ,  il 
embrassa  ,  au  sortir  de  l'eniance,  la 
religion  calliolique  ,  et  fut  présenté 
a  la  cour  de  Louis  XIII ,  où  il  eut 
beaucoiq)  de  succès,  par  tous  ses 
avantages  e^^lérieufs  et  par  une  ra- 
re habileté  dans  les  exercices  du 
corps.  Le  cardinal  de  Richelieu  le 
remarqua  et  lui  (It  donner  une  com- 
pagnie de  cavalerie,  à  la  tête  de  la- 
qucflle  le  jeune  de  Monlauban  coin- 
baltit  en  (lalalognc  en  iG4i.  H  lit 
ensuite  jilusicurs  campagnes  en  Ita- 
lie et  en  Allemagne  ;  et  s'«'!ant  démis 
de  sa  compagnie,  en  lOSo,  il  leva 
un  régiment  de  cavalerie  de  son 
niim  (  IVFunlauban  ) ,  «pt'il  commamia 


TOU 

en  Espagne  avec  une  distinclion 
telle  que  le  roi  lui  confia  le  com- 
mandement de  l'armée  qui  était  en 
Catalogne  sous  les  ordres  du  prince 
de  Conti.  En  iG()4..  il  fnt  envoyé, 
avec  le  comte  de  Coligni,  au  secours 
de  l'empereur,  qui ,  pressé  par  les 
Turcs  ,  avait  demandé  des  secours  à 
la  France;  et  il  combattit,  ainsi  que 
ses  frères  Louis  et  Alexandre,  au 
passage  du  Raab,  et  à  Saint-(io- 
dard  ,  de  telle  manière  que  Cho- 
rier  en  parle  ainsi  :  «  Notre  nation 
»  n'a  pas  de  plus  braves  hommes  ni 
»  de  plus  vaillants  ;  la  Hongrie  a  vu 
))  jusqu'où  allait  leur  courage  ,  et  les 
»  Turcs  en  ont  fait  l'épreuve.  »  Rap- 
j)elé  en  France ,  l'année  suivante ,  le 
marquis  de  LaTour-du-Pin-Montau- 
ban  rétablit  son  régiment,  qui  avait 
été  licencié,  et  fut  nommé  brigadier. 
11  servit  en  Flandre  en  celte  qualité , 
et  concourut,  en  1668,  à  la  con- 
qucle  de  la  Franche-Comté ,  sous  le 
prince  de  Condé,  puis  <à  celle  de  la 
Hollande,  en  1G72.  Sa  conduite 
dans  ces  dernières  campagnes  le  fit 
nommer  gouverneur  de  Znlphen  et 
deNimègiie,  puis  maréchal-de-carap 
(1G7/1).  Il  assista  en  cette  qualité  au 
combat  de  Seuef,  où  il  fut  blessé.  On 
le  chargea  ensuite  de  conduire  à  Tu- 
renne  vingt  escadrons  et  huit  batail 
Ions,  avec  lesquels  il  combattit  à 
Mulhausen.Onvoit,  dans  la  relation 
de  cette  affaire,  que  le  maréchal 
rendit  hommage  à  la  valeur  de  La- 
Tour-du-Pin, en  cette  occasion  :  «M. 
»  de  IVIontauban  ,  dit-il,  voyant  que 
»  l'ennemi  venait  à  lui,  avant  que 
»  les  autres  trou|)es  eussent  passé, 
»  chargea  au  milieu  de  ses  esca- 
))  dions,  cl  le  mit  tout  en  confusion. 
»  C'est  une  rc.-olulion  à  hupielle  on 
»  doit  tout  \v  succès  du  coud).!!.  » 
Malgré  sa  valeur,  IMonl.iulian  fut 
(ail  prisonnier  dans  celte  balaillej 


TOU 

mais  il  obtint  son  ëchan{!;e  aussitôt 
après ,  et  fit  encore ,  sous  Turcnne ,  la 
belle  campagne  de  1675.   Après  la 
mort  de  ce  grand  homme  ,   il   con- 
tribua   à  la    victoire  d'Aitenlieim  , 
que    remporta  le  maréchal  de  Lor- 
g€S.  Nommé    lieutenant  -  général   , 
en  1677  ,  Montauban  fut  envoyé  en 
Sicile  sous  le  maréchal  de  Vivonne  , 
et  y    obtint   plusieurs    avantages  ; 
lut  gouverneur  de  Messine,  et  passa 
à  l'armée  de  Roussillon,  où  il  con- 
tribua à  la  prise  de  Puy-Cerda ,  dont 
il  fut  nommé  gouverneur  même  avant 
la  reddition  de   la  place.  Le  roi  ré- 
compensa  alors  ses    longs  services 
en  lui  conféraut  la  lieulenance  gé- 
nérale au  gouvernement  de  Franche- 
Comté.  11  mourut  à  Besançon,  leiQ 
juillet  1687.  M — D  j. 

TOUR-DU-PIN  -  MONTAUBAN 
(  Louis -Pierre  de  La),  neveu  du 
préce'dent ,  fut  d'abord  chanoine  de 
Lyon,  puis  vicaire-général  d'Apt, 
et  enfin  ëvèque  de  Toulon  (1712), 
où  il  se  montra  le  digne  émule  de 
Belsunce  ,  dans  la  peste  qui  désola 
la  Provence  ,  en    1720  {F.  Bel- 
sunce, IV,   iSy  ).   Ce  prélat  mou- 
rut en   1737.  —  TouR-Du-PiN    de 
La  Charge  (  Jacq.-François-Rene'de 
La  ) ,  célèbre  prédicateur,  né  à  Ypres, 
le  i4  novembre  1720  ,  de  la  même 
famille ,  fut  d'abord  abbé  d'Ambour- 
nai  ,   puis   grand-vicaire   de  Riez  , 
ensuite  chanoine  de   Tournay  ,    et 
s'élant  fait  remarquer  par  son  élo- 
quence ,  fut  chargé  de  prononcer  le 
panégyrique  de   saint  Louis  devant 
l'académie  française,  en  176 1  ,  et  de 
prêcher  l'Avent  en  présence  de  la 
cour  ,  en  1 755.  Son  débit  était  noble 
et  persuasif;  mais  il  l'outrait  quel- 
quefois. Ses  Sermons  sont  l'ouvrage 
d'une  imagination  brillante.  11  les  a 
publiés  lui-même,  en  G  vol.  in-ia. 
Ce  prédicateur  mourut   à  l'abbaye 


TOU 


355 


de  Saint-Victor  de  Paris,  lie  26  juin 
i7(i'>.  M— D  j. 

TOUR-DU-PIN  GOUVERNET 
(  Jean-Frédéric   de    La  ) ,    comte 
de  Paulin  ,   ministre  de  la  guerre , 
naquit,   à    Grenoble,  le   'rx   mars 
1727,  et  débuta,  en    1741?  dans 
la  carrière  des  armes  en  Westpha- 
lie,  puis  en  Bohème.  11  combattit 
ensuite  sur  le  Rhin,  comme  lieutenant 
de  cavalerie;  obtint  une  compagnie, 
et   passa  en  Flandre,   où  il  fit  les 
campagnes  de  1 746  à  1 748  ,  sous  le 
maréchal  de  Saxe.  En  1749,  il  fut 
nommé  colonel  au  corps  des  grena- 
diers de  France  ,  et  lit ,  en  cette  qua- 
lité,  la  guerre  de  Sept-Ans.  Il  fut 
ensuite   colonel    des    régiments    de 
Guyenne  ,  de  Poitou  et  de  Piémont , 
puis  maréchal-de-camp,  lieutenant- 
général  ,  et  enfin  commandant  des 
provinces  de  Poitou  ,  Aunis  et  Sain- 
tonge,  emploi  qu'il  conserva  jusqu'à 
la  révolution.  La  noblesse  de  Saintes 
l'ayant  nommé,  en  178g  ,  un  de  ses 
députés  aux  états-généraux,  il  s'y 
montra  ,  dès  le  commencement,  par- 
tisan des  idées  nouvelles,  et  se  réunit, 
avec  la  minorité  de  son  ordre ,  à  l'As- 
semblée des  communes.  Cette  condui- 
te ,  si  étonnante  de  la  part  d'un  ancien 
oiïicier-général  comblé  des  bienfaits 
du   roi ,  mais  connu  par  ime  rare 
probité,  n'empêcha  pas  Louis  XVI 
de  le  nommer  ministre  de  la  guerre, 
dans  le  mois  d'août  de  la  même  an- 
née. Le  nouveau  ministre  écrivit  aus- 
sitôt à  l'Assemblée  pour  lui    faire 
connaître  sa  nomination,  et  protester 
de  son  zèle  pour  les  décrets.  Il  pré- 
senta ensuite  un  plan  pour  l'organi- 
sation de  l'armée;  mais  ce  plan,  quoi- 
que tout-à-fait  nouveau,  était  encore 
bien  loin  de  remplir  les  Aiiesdu  parti 
révolutionnaire  :  il  ne  fut  point  adop- 
té; et  M.  de  La  Tour- du- Pin,  voyant 
bientôt  éclater  de  toutes  parts  la  ré- 

7.3.. 


356 


TOU 


volteet  la  sédition  des  Uoiipcs,  com- 
mença à  s'apercevoir  de  son  erreur. 
11  s'en  plaignit  souvent  à  l'Assemble'e, 
et  n'obtint  d'autre  résultat  que  d'af- 
faiblir le  crédit  que  son  patriotisme 
lui  avait  d'abord  obtenu.  A  l'époque 
de  l'insurrection  de  Nanci,  il  parvint 
cependant  à  faire  adopter  des  mesu- 
res répressives.  Mais  les  révolution- 
naires connurent  bientôt  leur  mé- 
prise j  et  ils  se  répandirent  en  in- 
vectives et  eu  accusations  de  totis  les 
genres  contre  le  ministre  qui  les  y 
avait  entraînés.  Celui-ci  offrit  sa  dé- 
mission au  roi ,  qui,  après  l'avoir  refu- 
sée ,  fut  enfin  obligé  de  l'accepter  en 
novembre  1790.  M.  de  La  Tour-du- 
Pin  vécut  jusqu'au  mois  de  mai  i  -gB 
dans  la  retraite  à  Auteuil  ,  où  il  fut 
arrêté  ;  puis  mis  en  liberté,  et  arrêté 
de  nouveau  le  3i  août  suivaiit,  pour 
être  appelé  en  témoignage  dans  le 
procès  de  la  reine  Marie-Antoinette. 
Cette  circonstance  devait  le  perdre; 
il  s'y  attendait,  sans  doute;  mais  elle 
devait  honorer  à  jamais  son  nom. 
Confronté,  devant  les  juges  sangui- 
naires, avec  l'auguste  accusée,  le 
comtede  LaTour-du-Pin  salua  respcc- 
seinent  l'épouse  de  son  roi ,  et  il  ré- 
pondit aux  interpellations  du  prési- 
dent avec  une  franchise  et  un  coura- 
ge qui  ne  pouvaient  manquer  de  le 
conduire  lui-même  à  l'échafaud.  Ce 
fut  le  -iH  avril  1  nç)4  ,  qu'on  le  tradui- 
sit devant  le  sanglant  tribunal  ;  et  il 
fut  condamné  et  exécuté  le  même 
jour.  —  Leirarquis  de  La  Totib-du- 

Pm      GoUVtBMiT    DE     LA     ChARCE  , 

(  l'iiilippe  A.  G.  Victor-Charles  ), 
qui  était  aussi  lieutenant  -  général  , 
avait  fait  les  mêmes  campagnes  en 
Flandre  et  en  Allemagne,  et  il  s'était 
particulièrement  distiiigui-  à  la  ba- 
taille de  Lawl'eldt ,  à  la  (ête  du  régi- 
ment de  La  Tour-du-Pin.  Il  avait  été 
nommé  commandant  et  licntenant- 


TOU 

général  de  Bourgogne ,  en  i  ^65 ,  et 
membre  des  assemblées  des  notables, 
en  1787  et  1788,  bureau  du  prince 
de  Condé.  Arrêté  en  même  temps  que 
le  ministre  de  la  guerre,  son  cousin  , 
et  traduit  le  même  jour  au  tribunal 
révolutionnaire ,  il  périt  sur  le  même 
échafaud.  Il  avait  été  aussi  confronté 
avec  la  reine  dans  le  procès  de  cette 
princesse  qu'il  connaissait  à  peine, et 
s'était  borné  à  de  simples  dénéga- 
tions. M — D  j. 

TOUR-DU-PIN  (  Philis  de  La  ). 
Foj.  La  Charge. 

TOURAN-CHAH  I".,  vmgt- 
deiixième  roi  d'Hormuz  ,  succéda  , 
l'an  1846  ,  à  son  père  Cothb- 
cddyn  I<=r.  Son  cousin  Schady  lui 
ayant  enlevé,  par  trahison,  l'île  de 
Keisch  ,  i!  marcha  en  pei  sonne  pouF 
lui  faire  la  guerre.  A  peine  eut-il  dé- 
barqué ,  que  Schady ,  abandonné  par 
la  plus  grande  partie  de  ses  troupes , 
se  sauva  dans  l'île  de  Keischme, 
d'où  il  eut  beaucoup  de  peine  à  ga- 
gner les  îles  Bahr-aïn,qui  lui  apparte- 
naient :  il  y  mourut  bientôt  après , 
laissant  \m  lils  que  Touran-Chah  ne 
dépouilla  point  de  l'héritage  pater- 
nel. Mais  Schambah, frère  de  Schady, 
revint  de  Chyraz  ,  où  il  vivait  retiré 
par  suite.de  ses  guerres  contre  son 
frère ,  se  mit  en  possession  des  îles 
Bahr-a'iu  ,et  fit  périr  son  neveu  ainsi 
que  plusieurs  partisans  de  son  frère. 
Il  se  rendit  si  odieux  par  ses  cruau- 
tés ,  qu'il  fut  assassiné.  Le  chef  de  la 
conspiration  ayant  voulu  se  faire  roi 
deCahr -ain,  l'opposition  qu'il  éprou- 
va de  la  part  de  quelques  seigneurs 
olfril  à  Toiiian-Cliali  une  occasion 
favorable  de  recouvrer  ces  îles.  II  y 
aborda  et  fit  mettre  à  mort  l'usurpa- 
teur qui  osait  lui  en  demander  le  gou- 
vernement, comme  une  récom|)ense 
du  service  ([u'il  prétendait  lui  avoir 
rendu, en  le  débarrassant  d'un  prince 


TOU 

rebelle.  Le  loi  d'Hormiiz ,  après 
avoir  rétabli  la  trauquillite  à  Bahr- 
aïn  ,  s'embarqua  pour  El-Katif  ,(l'où 
il  alla  visiter  une  partie  de  ses  états 
de  terre -ferme  en  Arabie.  De  re- 
tour dans  sa  capitale ,  il  y  passa  le 
reste  de  sa  vie  en  repos ,  et  mourut , 
après  un  règne  de  trente  -  deux 
ans,  eu  1377.  Touran  Chah  a  écrit 
eu  persan  une  histoire  fort  e'tcndue, 
en  vers  et  en  prose,  des  rois  d'Hor- 
muzses  prédécesseurs.  Cette  histoire, 
dont  Jean  de  Rarros  ne  paraît  pas 
avoir  eu  connaissance  ,  puisqii'il 
n'en  a  point  fait  usage  dans  son 
Asie  portugaise  semble  aussi  n'être 
connue  en  Eucope  que  par  l'extrait 
qu'eu  a  donné  Pierre  Texeira,  {P^. 
ce  nom  )  ^  extrait  que  les  auteurs 
anglais  de  la  grande  Histoire  uni- 
verselle ont  encore  abrégé.  A — t. 
TOURAN-CHAH  II  f Fakhr-Ed- 
DYN  )  vingt  -  sixième  roi  d'Hormuz  , 
chassa  du  trône  ,  en  i436  ,  son 
frère  Seif-eddyn  IIï ,  qui  en  avait 
privé  son  père  Cothb-eddyn  II.  Il 
fut  confirmé  dans  sa  souveraineté 
par  Chah-Rokh  ,  son  suzerain  ,  fils 
de  Tamerlan.  Abd'el-Rezzak, ambas- 
sadeur et  historien  de  Chah-Rokh  , 
parle,  dans  sa  relation,  de  Toiirau- 
Chah ,  auquel  il  ne  donne  que  le 
titre  de  fVali  (  souverain  indépen- 
dant )  et  à! émir  (prince).  Au  re- 
tour de  son  ambassade  dans  l'Inde , 
il  repassa  par  Hormuz  et  eut  avec 
Touran  -  Chah  quelques  dillicultés 
qui  furent  jugées  par  Chah-Rokh. 
Le  roi  d'Hormuz  mourut  vers  l'an 
i/|G6,  après  avoir  régné  eu  paix 
trente  ans  ,  suivant  Jean  de  Bar- 
res. Texeira  ne  dit  rien  de  Tou- 
ran-Chah  II,  dont  il  ne  fait  qu'un 
même  prince  avec  Touran-Chah  !<='", 
ometraut  ainsi  les  trois  règnes  qui 
.se  trouvcnlentre  ces  deux  rois  d'Hor- 
muz,ce  quiforinc,  dans  sa  chronolo- 


TOU 


357 


gie,une  lacune  d'environ  quatre-vingt- 
dix  ans.  Touran-Chah  II  laissa  qua- 
tre fils  qui  se  disputèrent  le  trône 
les  armes  à  la  main,  et, qui  eu  affai- 
blissant, eu  desorganisant  le  royau- 
me d'Hormuz,  en  préparèrent  la  con- 
quête aux  Poi'tugais  {Voy.  Albu- 
QUERQVE  et  Seif-EddynIV).  a — T. 
TOURAN  -  CHAH  III  ,  trente- 
deuxième  roi,  fut  mis  sur  le  trône, 
vers  l'an  i5i3,  par  Reïs  Nour- 
eddyn,  qui  ayant  fait  périr  Seif- 
eddyn  IV ,  frère  et  prédécesseur  de 
ce  prince,  ne  laissa  au  nouveau  sou- 
verain que  les  prérogatives  extérieu- 
res et  honorifiques  du  rang  suprê- 
me. Mais  cet  ambitieux  se  voyant 
avancé  en  âge  ,  et  voulant  cou- 
server  l'autorité  dans  sa  famille, 
la  confia  à  son  neveu  Reïs  Ahmed  et 
ne  se  réserva  que  l'adniiuistration 
des  revenus  del'état.  Le  jeuneminis- 
tre  acheva  d'asservir  le  faible  roi  et 
l'entoura  tellement  d'espions ,  que 
Touran-Chah  n'osait  dire  un  mot , 
de  peur  d'être  sacrifié  à  la  vengean- 
ce de  son  tyran.  Cependant  Alfonse 
d'Albuquerque,  voulant  assurer  le 
succès  de  l'entreprise  qu'il  avait 
commencée  sur  Hormuz  ,  y  envoya 
son  neveu  Pierre  d'Albuquerque ,  en 
1 5 1 4  ,  pour  exiger,  du  nouveau  roi , 
le  tribut,  la  confirmation  du  traité 
et  la  restitution  de  la  citadelle  bâtie 
par  les  Portugais.  Le  roi,  ou  plutôt 
son  ministre .  paya  une  partie  du 
tribut ,  prit  des  termes  pour  le  reste , 
promit  de  ratifier  le  traité ,  mais 
refusa  de  rendre  la  citadelle.  Pierre 
dissimula  ,  et  pour  ôter  même  à  Tou- 
ran-Chah tout  soupçon  des  prépara- 
tifs de  guerre  qui  se  faisaient  contre 
lui,  il  lui  donna  vingt  navires  horiuu- 
zieus  qu'il  avait  repris  sur  les  Per- 
sans. Au  printemps  de  l'année  i5i5, 
AU'onse  d'Albuquerque  parut  devant 
Hormuz  avec   une  flotte  de   vingt- 


35b 


TOU 


•ept  voiles  et  quelques  bâtiments  in- 
diens qui  portaient  quinze  cents  por- 
tugais et  sept  cents  naturels  du  pays. 
Il  ramenait  un  ambassadeur  que  Tou- 
ran-Chah  avait  em-oye'  en  Portugal 
pour  demander,  i».  à  êtrp  exempté 
de  tout  tribut ,  à  cause  de  la  dimi- 
nution de  ses   revenus  depuis    que 
les  Portugais  éloignaient  de  ses  ports 
Î0U6  les  navires  marchands  •  2°.  qu'il 
fût  permis  à  ses  sujets  de  naviguer 
dans  l'Inde ,  et  aux  Indiens  de  venir 
à  Hormuz;  3°.  que  tous  les  prison- 
niers horniuzicns  fussent  relâches. Le 
roi  Emmanuel  avait  promis  de  dimi- 
nuer  le  tribut  de  moitié  si  le  roi 
d'Hormuz  laissait  bâtir  une  citadelle 
dans  sa  capitale;  de  rendre  la  uaviga- 
lion  libre  pour  les  Horrauziens  et  les 
étrangers^  à  condition  qu'ils  ne  por- 
teraient  aucune    marchandise  pro- 
Libée,  ni  aucun  individu  des  nations 
en  guerre  avec  les  Portugais.  Il  avait 
ordonné  de  mettre  en  liberté  tous  les 
prisonniers  d'Hormuz;  mais  il  avait 
rejeté  les  autres  demandes  de  Tou- 
ran-Chah.  Pressé  par  Albuquerque,  le 
prince  musulman  s'en  remit  à  la  géné- 
rosité de  ce  vice-roi ,  qu'il  pria  de  le 
traiter  en   père.  Un  traité  fut  signé 
par  Nour-eddyn  et  par  Albuquerque 
au  nom    de  leurs    souverains.  Un 
étendard  ,auxarmes de  Portugal,  fut 
placé  au  sommet  du  palais,  en  signe 
d'ailianc-e  ou  plutôt  de  servitude  vo- 
lontaire ,  et  Ton  commença  de  bâtir 
la  citadelle  sur  les  fondements  élevés 
sept  ans  auparavant.  Ïouran-Chali 
DP  craignit  pas  alors  de  se  plaindre 
de  Rr'is-Ahmod  à  Albuquerque.  Ce 
minisire  retardait  les  travaux  de  la 
citadelle,  contrariait  les  Portugais, 
€t,  pour  les  brouiller  avec  les  Persans 
et    avec   fton  maître,  il  avait  force 
celui-ci  à  rrcovdir  le  tadj    (  on  roii- 
rwine),  que  <^'.lial)  Isinacl  lui  avait 
envoyé,  et  lu  doctrine  d'Aly,  que  ce 


TOU 

monar({ue  venait  d'établir  en  Perse. 
Ahmed  et  Albuquerque  s'observaient 
et  cherchaient  à  se  défaire  l'un  de 
l'autre.  Le  second  fut  plus  heureux  ou 
plus  adroit;  il  lit  assassiner  le  minis- 
tre en  présence  de  Touran-Chah.  Les 
frères  d'Ahmed,  sousprétcxte  de  ven- 
ger sa  mort,  excitèrent  une  sédition  ; 
mais  le  roi  s'étant  montré  au  peuple 
sur  un  balcon,  avec  Albuquerque, 
les  mutins  se  dissi])èrent;  les  chefs  , 
assiégés  dans  le  palais  où  ils  étaient 
barricadés,  furent  forcés  de  deman- 
der quartier  et  bannis  à  perpétuité 
des  états  d'Hormuz,  sous  peine  de 
mort,  ainsi  que  toute  leur   famille. 
Tourau-Ghah  se  croyait  libre,  parce 
qu'Albiiquerque,  lui  témoignant  beau- 
coup d'égards,  semblait  ne  se  mê- 
ler en  rien  des  artaires  du  gouverne- 
ment; mais  l'habile  Portugais  ne  né- 
gligeait aucune  mesure  pour  empê- 
cher Hormuz  de  secouer  le  joug.  Sur 
le  bruit  répandu, peut-être  à  dessein, 
par  lui  ou  ])ar  les  Musulmans ,  de 
l'arrivée  d'une  flotte  égyptienne,  il 
feignit  d'avoir  besoin  de  son  artille- 
rie pour  aller  au  devant  de  l'enne- 
mi ,  et  fit  placer  dans  la  citadelle 
toute  celle  qui  était  dans  le  palais  et 
dans  la  ville.  Quinze  rois  ou  princes 
du  sang ,  privés  de  la  vue ,  étaient 
renfermés  dans  un  palais  avec  leurs 
femmes  et  leurs  enfants.  Sous  pré- 
texte de  prévenir  les  troubles  aux- 
quels ils  pouvaient  donner  lieu,  il  se 
les  fit  livrer  et  les  envoya  sous  bonne 
escorte  à  Goa  ,  ne  laissant  à  Hormuz 
que  les  deux  fils  de  Seif-eddyn  IV. 
Loin  de  s'olfenser  de  ces  mesures , 
Touran-Chah  vit  partir  Albuquer- 
que avec  regrets  .  et  pleura  sa  mort. 
Les  successeurs  de  ce  grand  homme 
gâtèrent  sou  ouvrage.  Les  ministres 
d'Hormuz  furent  dépouillés  de  la  di- 
rection et  du  maniement  des  finances^ 
mais  en  perdant  la  partie  la  plus  im- 


TOU 

portante  de  leurs  attributions ,  ils  re- 
prirent leur  ascendant  sur  le  roi. 
Afin  d'airiiblir  les  Portugais,  ils  dé- 
terminèrent ,  en  1 5ti  i  ,  le  vice-roi 
Lopede  Siqueira,  à  réduire  le  prince 
de  Lalisa  ,  qui  s'était  révolté.  Le 
succès  couronna  celte  expédition, 
à  laquelle  prirent  part  les  troupes 
d'Hormuz,  sans  s'exposer  :  le  re- 
belle fut  vaincu  et  tué  ;  El  Katif 
et  les  îles  Bahr  -  aïn  furent  sou- 
mises, et  Mir-Ascliraf,  ministre  et 
général  des  Hormuziens ,  en  eut  le 
gouvernement.  Après  le  départ  de 
Siqueira  ,  il  revint  à  Hormuz,  et  per- 
suada au  roi  des'aiïranchir  de  la  ty- 
rannie des  Portugais.  Une  cons]>ira- 
tion  se  trama  ;  des  ordres  fuient  en- 
voyés aux  gouverneursdeKalliat  etde 
Maskat,  pour  que,  dans  un  même 
jour  et  à  la  même  heure,  tous  les  Por- 
tugais fussent  égorgés  :  le  premier 
obéit  ;  le  second  refusa.  Dans  la 
capitale,  les  conjurés  massacrèrent 
une  soixantaine  de  PortuMis  :  mais 
ils  ne  purent  s'emparer  de  la  ci- 
tadelle. Les  assiégés  firent  un  feu 
si  terrible,  qu'ils  incendièrent  le  pa- 
lais et'Ia  ville.  Tourau-Cbali  et  toute 
sa  cour  se  retirèrent  dans  l'île  de 
Keiscbme ,  d'oii  ce  prince ,  manquant 
de  tout ,  envoya  demander  la  paix  et 
faire  ses  excuses  au  gouverneur  por- 
tugais. Mais  Aschraf ,  craignant  de  re- 
cevoir le  cbàtiment  de  sa  perfidie , 
assassina  le  roi ,  en  1 522 ,  et  mil  sur 
le  trône  son  neveu ,  Maliuioud  ou 
Mohammed  Padischah  ,  fils  de  Seif- 
eddyn.  Les  aventures  de  Touran- 
Chah,  improprement  nomme  Tor , 
par  Malici  et  d'autres  auteurs 
et  celles  de  son  frère  Seif-eddyn, 
forment  le  fond  du  roman  de  ]M'°c. 
de  Gomez,  intitulé  Anecdotes  per- 
sanes. Les  successeurs  de  ce  prince, 
pendant  un  siècle  ,  ne  furent  (pie  des 
mannequins  couronnés  ,  esclaves  de 


TOU  35o 

la  puissance  portugaise,  jusqu'au  der- 
nier ,  Mohammed  Chah  ,  qui  fut 
conduit  prisonnier  à  Ispahiin,  après 
la  conquête  d'fîormuz,  par  les  Per- 
sans .  en  1622  (/^".  Abbas  I*"'  "i.  A-t. 
TOURAN-ŒAIL  r.  Meuk  el 

MOADHATVI,  XXVllI  ,   219  et  224. 

TOURAN-DOK  HT  ou  plusexaete- 
ment  POURAN  -  DOKHT  ,  renie  de 
Perse,  de  la  dynastie  des  Sassanides, 
était  ia  (Jlle  aînée  de  Khosrou-Per- 
\\\z  et  la  sœurdeKobad-Schirouieh. 
Après  la  mort  de  ce  dernier  F.  Si- 
ROEs)  el  de  son  lils  Ardeschir  ,  elle 
fut  l'ame  des  conspirations  dirigées 
contre  l'usurpateul-  Schahryar  ou 
Schahrbarz.  Trois  frères  intrépides  , 
persuadés  par  ses  discours  ou  gagnés 
par  ses  promesses,  assassinèrent  le 
tyran  à  la  porte  de  son  palais,  au 
moment  où  il  allait  monter  à  cheval. 
Comme  il  ne  restait  d'autres  descen- 
dants mâles  de  la  famille  royale  que 
deux  ou  trois  princes  dont  on  igno- 
rait la  résidence  et  même  l'existence, 
Touran  -  Doklil  fui  reconnue  reine, 
l'an  629  ouG3i.  Douée  d'un  grand 
discernement ,  d'un  esprit  niàle  et 
d'un  zèle  éclairé  pour  le  bonheur  de 
ses  sujets  ,  cette  princesse  choisit 
pour  premier  ministre  et  pour  géné- 
ral de  ses  armées  Feroukh  -  Zad  , 
l'aîné  des  trois  frères  qui  avaient  im- 
molé l'usui-pateur.  Secondée  par  ses 
talents,  elle  s'ajipliqua  à  faire  fleurir 
la  justice,  à  rétablir  la  tranquillité  au 
dedans ,  et  à  maintenir  la  paix  au  de- 
hors. Elle  fit  ])érir  tous  ceux  qui 
avaient  trempé  dans  le  massacre  des 
princes  ses  frères.  Pour  faire  rentrer 
dans  le  devoir  les  gens  de  guerre ,  de- 
venus insolents  dès-lors  qu'ils  avaient 
mis  un  de  leurs  chefs  sur  le  trùne  ,  elle 
se  délit  de  ceux  qui  commandaient  sur 
les  frontières  de  l'empire  grec  ,  et  ((ni 
tous  étaient  partisans  de  l'usurpaleur. 
Depuis  que  le  désordre  s'était  intro- 


36o 


TOU 


duit  dans  l'état,  les  grands  oppri- 
maient le  peuple.  La  reine  employa 
d'abord  les  voies  de  la  douceur  pour 
les  ramener  à  des  sentiments  plus  hu- 
mains. N'ayant  pu  y  parvenir ,  elle 
fit  arrêter  et  condamner  à  mort  plu- 
sieurs de  ces  petits  tyrans.  Cette  con- 
duite ferme  et  vigoureuse  lui  mérita 
les  bénédictions  du  peuple  et  intimi- 
da les  nobles  :  mais,  pour  le  malheur 
de  la  Perse ,  une  mort  imprévue  en- 
leva Touran-Dokht ,  après  un  règne 
de  seize,  ou  suivant  d'autres  ,  de  sept 
mois.  On  soupçonna  ,  non  sans  fon- 
ment  ,    quelques    seigneurs    de  l'a- 
voir empoisonnée,  pendant  que  son 
ministre  se  trouvait  sur  les  frontiè- 
res. Avec  elle  s'évanouirent  les  espé- 
rances et  les  derniers  beaux,  jours  de 
la  Perse.  Quelques  auteurs  lui  don- 
nent pour  successeur  un  de  ses  pa- 
rents ,  sur  le  nom  duquel  ils  ne  sont 
pas  d'accord.  Ce  prince  inepte,  ou- 
vrage de  la  faction  des  nobles  ,  dé- 
plut au  peuple,  et  disparut  au  bout 
d'un  mois.  Il  fut  remplacé  par  la  prin- 
cesse Azourrai-Dokht ,  qui ,  plus  belle 
que  sa  sœur_,  dont  elle  ne  possédait 
pas  le  génie  et  les  talents,  mais  non 
moins  ficre  que  belle,  punit  de  mort 
l'imprudent  amour  de  Fcrakh  -  Hor- 
raouz ,    gouverneur    du    Khoraçan, 
dont  le  fils  fut  le  vengeur ,  en  faisant 
périr  Azourmi-Dokht  (  F.   Rous- 
T£M,    XXXIX,    171  ).  On  donna 
])our  successeur  à  cette  reine  son  frè- 
re Ferakh-Zad ,  dont  on  avait  décou- 
vert la  retraite,  et  qui,  victime  des 
révolutions,  fut  bientôt  rem])lacépar 
le  malheureux  lezdrdjcrd  111.  {F. ce 
nom).  Les auteursqiii  rapportent  des 
détails  de  guerre  entre  les  Arabes  et  les 
Persans ,  sous  les  règnes  de  Touran- 
Dokht  et  de  sa  stpur ,  ont  commis  des 
anachronisines;  car  ces  dfux  reines 
moururent  avant  iMalioniel ,  jiarron- 
^équent  avant  le  klialifat   d'Abou- 


TOU 

bekr,  époque  des  premières  hostilités 
entre  les  deux  nations  (  Foy.  Abou- 

BEKR  et  KhALEd). ToURAN-DoKHT, 

femme  du  khalife  Al-Mamouu ,  était 
fille  de  Haçan  Ibn-Sahl,  gouverneur 
de  l'Irak  etnièce  du  vezir  Fadhl  Ibn- 
Sahl.  Son  père  étala  une  magnificen- 
ce extraordinaire  et  inouie  jusqu'a- 
lors ,  pour  célébrer ,  l'an  de  l'hég.  , 
"210  (825  dç  J.-C.  )  ,  ses  noces  avec 
le  khalife.  Cette  princesse  paraît 
avoir  été  aussi  bonne  que  belle  ,  sa- 
vante et  spirituelle  ,  et  on  lui  fait 
honneur  de  plusieurs  traits  de  clé- 
mence de  son  époux.  Elle  mourut , 
l'an  27  I  (  884  )  à  l'âge  de  84  ans  , 
ayant  survécu  53  ans  à  ce  monarque 
{F.  Mamoun,  XXVI,  433).  A— T. 

TOURETTE(La).  r.ToURRETTE. 

TOURN EFORT  (  Joseph  Pitton 
DE  ),  naquit,  à  Aix  en  Provence,  le  5 
juin  :656.  Le  nom  de  Tournefort 
était  celui  d'une  terre  possédée  par 
sa  famille.  Il  fit  ses  études  au  col- 
lège des  Jésuites,  dans  sa  ville  na- 
tale. On  ne  peut  douter  du  soin  qu'il 
mit  à  s'instruire  dans  les  lansucs 
anciennes.  Les  connaissances  qu'il 
y  acquit  servirent  de  base  à  cette 
érudition  dont  nous  trouvons  tant 
de  traces  dans  ses  ouvrages ,  et 
surtout  dans  son  Fojage  du  Le- 
vant. Mais  la  passion  de  la  bota- 
nique domina  bientôt  chez  lui  tou- 
tes les  autres.  Dès  son  enfance  , 
elle  s'était  manifestée  :  il  était  né  bo- 
taniste ,  comme  on  naît  poète.  Il  se 
livra  donc  avec  ardeur  à  la  recher- 
ches des  plantes.  11  parcourait  les 
campagnes  enxironnautes  ,  et  quel- 
quefois ses  herborisations  lui  faisaient 
manquer  la  classe.  Aussi  apprit-il,  en 
peu  do  temps,  à  ronnaîfre  tontes  les 
])lanlesdc  cctic  partie  de  la  Provence. 
Il  termina  ses  études  par  son  cours 
de  |)liilosopliie;  mais  son  esprit  droit 
et  positif  ne  pouvait  s'accommoder 


TOU 

d'un  enseignement  aussi  vague  que 
celui  qui  régnait  alors.  Son  père,  qui 
le  destinait  à  l'état  ecclésiastique,  dé- 
sira qu'il  étudiât  la  théologie  ,  et  il 
le  lit  entrer  dans  un  séminaire.  Fils 
soumis,  le  jeune Tournefortend^rassa 
cette  carrière;  mais  sa  tendresse  liliale 
ne  put  le  faire  triompher  de  ses  goûts. 
Il  joignit  même  à  ses  études  habi- 
tuelles celle  de  la  physique,  de  la 
chimie  et  de  la  médecine.  La  mort 
de  son  père,  arrivée  en   1^77,   lui 
rendit  sa  liberté.  L'année  suivante , 
il  parcourut  les  montagnes  du  Dau- 
phiné  et  de  la  Savoie,  d'où  il  rap- 
porta un  grand  nombre  de  plantes  : 
ce  fut  le  commencement  de  son  her- 
bier. En  iC)79,  il  se  rendit  à  Mont- 
pellier, dans  le  dessein  de  s'y  livrer 
plus  spécialement  à  l'anatomie  et  à 
la  médecine.  Il  y  passa  deux  ans  , 
occupé  de  ces  sciences  et  de  la  re- 
cherche des  végétaux  du  pays  ,  et  il 
s'y  lia  avec  Magnol ,  qui  lui  eut  par 
la  suite  de  grandes  obligations.  Le 
midi  de  la  France  ne  sullisait  plus  à 
Tournefort.  En  1681 ,  il  visita  la  Ca- 
talogne, puis  les  Pyrénées,  où  il  her- 
borisa depuis  le  printemps  jusqu'à  la 
lin  de  l'année. Pendant  ce  temps,  son 
ardeur  pour  la  science  et  la  force  de 
sa  constitution  furent  mises  à  de  très- 
rudes  épreuves.  Réduit  au  ])lus  strict 
nécessaire ,  il  fut  néanmoins  dépouillé 
plusieurs  fois  par  les  miquelets,  et  il 
ne  réussit  à  sauver  son  argent  qu'en 
le  cacliant  dans  le  pain  noir  et  dur 
dont  il  faisait  sa  subsistance  ,  et  qui 
n'excitait  que  le  dédain  de  ces  bri- 
gands. Il  courut  un  danger  plus  grand 
encore.  Une  cabane  dans  laf(uelle  il 
couchait  s'écroula ,   et  il   resta   en- 
seveli sous  les  décombres,  d'où  il  ne 
fut  tiré  qu'au  bout  de  deux  îieures. 
Le  spectacle  des  richesses   dont    il 
était  entouré,  le  dédommageait  de 
^•cs  contrariétés  ,  et  il  rapporta  une 


TOU  30 1 

abondante  moisson  de  plantes.  Sa 
réputation  était  parvenue  à   Paris. 
Fagon ,    dont  les   lumiî  ics   et  l'in- 
tluence  furent  si  favorables  aux  pro- 
grès des  sciences  ,  réussit  à  l'attirer 
dans  cette  ville  ,  en  i683  ,  et  se  dé- 
mit, en  sa  faveur,  de  la  place  de 
professeur  de  botanique  au  jardin  du 
Roi ,  que  ses  autres  occupations  ne 
lui  permettaient  plus  de  remplir.  Ce 
jardin  prit,  parles  soins  de  Tourne- 
fort  ,  un  accroissement  considérable, 
et  ses  cours  et  ses  herborisations  dans 
les  environs  de  Paris  attirèrent  une 
prodigieuse  quantité  d'étudiants, fran- 
çais et  étrangers.  Le  nouveau  pro- 
fesseur n'en  conserva  pas  moins  la 
facdité  de  continuer  ses  voyages.  En 
1688,  il  retourna  en  Espagne  ,  vi- 
sita le  Poitugal ,  et  alla  jusqu'en  An- 
dalousie ,  où  il  observa  quelques  pal- 
miers. Il  trouva  dans  ces  dillérentes 
contrées    une  assez  grande    quanti- 
té de  plantes  inconnues  eu  France  , 
dont  il  enrichit  le  jardin  du   Roi. 
Il   voyagea  également  eu  Angleter- 
re et  en  Hollande,  où  il  gagna  l'es- 
time et  l'amitié  des    savants,    ller- 
maun ,  professeur  de   Botanique    à 
Leyde ,  frappé  de  son  mérite  ,  et  dé- 
sirant l'avoir  pour  successeur  ,  lui 
proposa  sa  chaire,  à  laquelle  le  gou- 
vernement attachait  un  traitement  de 
4,000  liy.  La  Hollande  était  alors  en 
guerre  avec  la  France.  Quelque  ho- 
norable et  avantageuse  que  fût  cette 
proposition  ,    Tournefort    ne    crut 
pas   devoir  l'accepter.    La    France 
lui    devait    des    dédommagements. 
Eu    1691  ,  l'abbé    Bignon,    prési- 
dent  de   l'académie   des    sciences  , 
le  fit  agréer  au  roi  ,  comme  membre 
de   cette   société.  Toiunefort  jouis- 
sait déjà  d'une  grande  réputation, 
lorsqu'il  iit  paraître  son  premier  ou- 
vrage intitulé  :  Éléments  de  botani- 
que, ou  méthode  pour  connaître  la 


36-1 


TOU 


plantes ,  3  vol.  iii-S". ,  Paris ,  1 694. 
Depii  is  pins  d'un  siècle,  la  botanique  se 
débattait,  pour  ainsi  dire,  sous  le  poids 
des  systèmes,  qui  se  succédaient  sans 
aucun  avantage  durable  pour  la 
science.  La  plus  grande  partie  des 
auteurs  se  contentaient  de  ranger  les 
plantes  empiriquement ,  d'après  des 
caractères  extérieurs,  et  sans  fonder 
leur  classification  sur  aucune  idée  gé- 
nérale qui  embrassât  l'ensemble  des 
végétaux.  La  botanique  n'était  pour 
eux  que  la  science  qui  apprend  à  con- 
naître les  plantes.Tournefort  lui-même 
ne  sut  pas  s'élever  au-dessus  de  cette 
idée.  Parmi  ceux  qui  ne  considérè- 
rent la  botanique  que  sous  ces  rap- 
ports superficiels,  figurent  en  pre- 
mière ligne  Dodoens^  l'Ecluse  ,  Lo- 
bel  et  les  Bauliin.  Tous,  il  est  vrai, 
ont  rendu  plus  ou  moins  de  services 
parle  grand  nombre  de  plantes  qu'ils 
ont  fait  connaître,  et  en  particulier 
Lobel  par  ses  figures  ,  l'Ecluse  par 
ses  descriptions,  et  G.  Bauhm  par 
son  Pinax.  Mais ,  il  faut  en  convenir , 
les  sciences  ne  vivent  pas  seulement 
de  faits.  Commencées  par  eux,  elles 
doivent  être  complétées  par  les  mé- 
thodes, ou  plutôt  les  méthodes  seu- 
les font  les  sciences.  Aussi,  malgré 
les  travaux  des  célèbres  botanistes 
que  nous  venons  de  nommer,  on 
peut  dire  que  la  botani(|ue,  à  la  (in 
du  dix-septième  siècle  ,  n'existait  pas 
encore;  et  cependant  on  possédait 
déjà  des  matériaux  d'un  ordre  im- 
portant. A  coté  de  ces  botanistes  em- 
piriques ,  nous  en  trouvons  quelques- 
uns  qui  avaient  entrevu  les  vrais 
principes.  Nous  devons  à  Gessncr  la 
première  idée  des  genres,  qui,  selon 
lui,  devaient  être  établis  sur  la  fleur 
et  le  fruit.  Mais  Césalpin  fit  un  pas 
immense.  Son  ouvrage  J)c  Plant  is  , 
publié  en  ifiSS,  offrit  le  premier 
exemple  d'une  méthode   régulière  : 


TOU 

elle  était  fondée  principalement  sur 
la  considération  du  fruit.  Ses  déve- 
loppements annoncent  une  connais/- 
sance  des  plantes  beaucoup  plus  ])ro- 
fonde  que  celle  qui  a  régné  pendant 
un  siècle  entier  après  lui,  et  ses  prin- 
cipes étaient  tellement  supérieurs  à 
son  époque,  quenous  voyons  G.  Bau- 
liin lui-même  avouer  qu'il  ne  les 
comprend  pas.  Fabius  Coiumna  seul 
paraît  avoir  senti  leur  importance. 
Il  dit,  dans  son  E/.opa7f.ç ,  que  c'est 
sur  la  graine  qu'il  faut  établir  les 
genres.  Nous  trouA'ons  également 
di\ns  Vlsai^ogephjtoscopica  de  Jun- 
gius  (iGG'i)  des  détails  sur  les  fleurs 
et  les  fruits ,  qui  annoncent  de  gran- 
des vues  dans  cet  auteur.  Tel  était 
l'aspect  de  la  botanique  vers  la  lin 
du  dix-septième  siècle.  Morisou , 
marchant  sur  les  traces  de  Césalpin  , 
mais  sans  le  citer,  fit  sentir  égale- 
ment l'importance  du  fruit,  et  il  eu 
fit  une  heureuse  application  à  la  fa- 
mille des  OmhelUfères.  Il  insiste 
aussi  sur  la  nécessité  des  affinités  na- 
turelles. Mais  sa  première  division 
n'est  fondée  qu'en  partie  sur  des  ca- 
ractères de  premier  ordre.  La  mé- 
thode de  Hermann  parut  en  i6yo, 
dans  sa  Flore  de  Lejde.  Tout  aussi 
défectueuse  ,  sous  quelques  rapports , 
que  celle  de  Morison ,  sans  avoir 
d'ailleurs  ses  avantages,  elle  ne  put 
soutenir  la  concurrence  avec  celles 
de  ses  contemporains.  On  nedoit  pas 
méconnaître  les  nombreux  services 
rendus  par  Ray  à  la  botanique. 
Mais  sa  méthode  manquait  de  ba- 
se unique.  Inférieure  à  plusieurs  au- 
tres ,  elle  tendait  à  faire  rétrogra- 
der la  science.  Rivin ,  un  des  plus 
grands  botanistes  qui  aient  existé ,  et 
celui  de  cette  époque  qui  jiourrait 
être  avec  le  plus  d'avantage  opposé 
à  ToiuTicfort  ,  publia  ,  en  iô()o- 
i(k)  )  ,    son   Introduclio  ^eneralis 


TOU 

ad   rem  herhariam  (  F.  Riviit  ). 
Ses  grandes  divisions    sont  fondées 
sur  la  fieur  ,  et  les  sous-divisions  sur 
le  fruit;  mais  dans  les  essais  qu'il  en 
donna  ,  il  employa  d'une  manière  si 
vague  ses  caractères  de  second  ordre, 
que  l'usage  de  sa  méthode  ne  pouvait 
être  commode  pour  l'étude.   D'ail- 
leurs^ les  aJlinités  naturelles  s'y  trou- 
vent souvent  contrariées.  Nous  ajou- 
terons toutefois  que,  le  premier.  Ri- 
vin  eut   le  mérite   de  faire   dispa- 
raître la  distinction  entre  les  arbres 
et  les  herbes.  Les  méthodes  de  ces 
quatre  auteurs  étaient  donc  plus  ou 
moins  défectueuses  ,    et    péchaient 
surtout  par  le  défaut  de  caractères 
précis  dans  l'établissement  des  gen- 
res.  ]1  y  aurait  de  l'injustice  à  ou- 
blier Magnol,  qui  fut  moins  connu 
peut-être ,  surtout  en  pays  étranger , 
mais  dont  la  méthode,  fondée  sur  le 
calice  ,  ainsi  que  les  principes  ,  an- 
noncent de  la  sagacité.  Les  choses 
étaient  dans  cet  état   lorsque  Tour- 
nefort  publia  ses  Eléments  de  la 
Botanique.  Ses  principes  relatifs  à  la 
physiologie  végétale  sont  peu  déve- 
loppés ,  et  paraissent  les  mêmes  que 
ceux  des  physiologistes  qui  l'avaient 
précédé.  Il  ne  sera  donc  ici  question 
que  de  ses  principes  de  classilication. 
Après  avoir  examiné  fort  en  détail 
les  diirérenles  parties  des  plantes  ,  il 
les  place  ,  selon  leur  importance  re- 
lative ,  dans  l'ordre  suivant  :  fleurs  , 
fruits  ,  feuilles,  racines,  tiges  ,  sa- 
veur, et  enfin  le  port.  Il  s'occupe 
ensuite  de  la  formation  des  classes  , 
des  genres  et  des  espèces.  La  pre- 
mière division  doit  être  la  plus  sim- 
ple :   ce  sont  les  classes  ,   qui  sont 
comme  des  faisceaux  de  genres.  Elles 
sont  fondées  sur  un  seul  caractère , 
qui  est  le  premier ,  le  plus  apparent , 
le  plus  facile  à  distmgucr ,  la  fleur 
(  c  est  ainsi  qu'il  nomme  toujours  la 


TOU  363 

corolle  )  ;  et  il  préfère  la  structure 
des  pétales  à  leur  nombre  ,'({uiest 
souvent  incertain ,  et  qui  ,  d'un   au- 
tre côté,  s'accorde  souvent  avec  la 
structure  ,   comme  dans   les  Cruci- 
fères. Les  genres  sont  de  deux  or- 
dres. Ceux  du  premier  sont  établis 
sur  les  deux  principaux   caractères 
de  la  plante,   h  fleur  et  ]e  fruit  , 
comme  dans    la  Mandragore  ,  \a 
Belladone  ,  la  Bose  ,  Y  Aconit ,  le 
Pavot,  etc.  Mais  ces  deux  carac- 
tères ne  lui  paraissant  pas  toujours 
suffisants  ,  parce  qu'il  ne  connaissait 
pas  les  détails  de  ces  deux  organes  , 
il  admet  des  caractères  de  moindre 
importance  ,  par  exemple  ,  la  dispo- 
sition des  fleurs  dans  le  Chamœdrys 
et  le  Polium  ,  les  tubercules  dans 
le  Bulbocastanum  ,  la  position  et  le 
nombre  des    feuilles  dans  quelques 
Rosacées  et  Légumineuses  ,  etc.  ;  ce 
qui  constitue  ses  genres  du  second 
ordre.   Nous   devons    ajouter   qu'il 
n'en  fait  usage  que  rarement.  Il  éta- 
blit   aussi    en  principe    qu'il    vaut 
mieux  créer  de  nouveaux  genres  que 
de  conserver  dans  un  genre  ancien 
des  espèces  anomales.  Enfin  il  pense 
qu'on  ne  doit  admettre  pour  les  gen- 
res que  des  noms  sans  signification. 
Telles  sont  les  principales  idées  de  sa 
théorie  des  genres.  Les  Espèces  , 
dont  la  détermination  est  le  but  de  la 
botanique  descriptive  ,   peuvent  être 
établies  sur  toutes  les  parties  acces- 
soires.  Mais  leurs  noms  ou  phrases 
doivent  être  aussi  courts  que  possi- 
ble, et  non  tels  que  ceux  de  Morison , 
qu'on  ne  peut  réciter  d'une  haleine. 
De  là,  à  l'établissement  si  simple  et  si 
naturel  des  noms  spécifiques  ,  il  n'y 
avait  qu'un  pas.  Ils  existaient  même 
déjà  ,  comme  on  peut  le  voir  dans 
les  auteurs  précédents.  Mais  ce  n'é- 
tait ,  pour  ainsi  dire ,  qu'accidentel- 
lement ;  et  ils  n'étaient  pas  consacres 


364 


TOU 


par  la  théorie.  Ces  principes  posés  , 
Tournefort  établit  vingt-deux  classes 
sur  la  considération  de  la  fleur.  Obéis- 
saut  au  préjugé  du  temps ,  il  partage 
les  plantes  en  herbes  et  en  arbres. 
Les  quinze  premières  classes  sont 
fondées  sur  les  difîérences  dans  la 
structure  de  la  fleur  j  la  seizième,  sur 
l'absence  de  cet  organe  ;  la  dix- 
septième,  sur  l'absence  de  fleurs  et  de 
fruits  ;  enfin ,  les  cinq  dernières  com- 
prennent les  arbres  et  arbrisseaux, 
rangés  également  selon  la  structure 
de  la  fleur.  Le  premier  volume  con- 
tient la  préface  et  la  classification  ; 
les  deux  autres  se  composent  de 
quatre  cent  cinquante-un  dessins  faits 
par  Aubriet.  Cette  méthode  fut  atta- 
quée par  plusieurs  personnes.  Ray  , 
dans  le  postscriptum  de  sa  réplique 
à  Rivin  {Responsoria  ),  et  dans  sa  dis- 
sertation De  variis  plantaruni  me- 
thodis ,  lui  adressa  plusieurs  repro- 
ches. Tournefort,  dans  ses  observa- 
tions placées  après  les  espèces,  avait 
eu  le  torl  de  blâmer  trop  souvent , 
et  avec  quelque  sécheresse  ,  l'emploi 
fait  par  Ray  de  caractères  accessoi- 
res dans  l'établissement  de  ses  genres. 
Ray  se  trouvait  placé  avec  avantage 
pour  attaquer  à  son  tour  les  genres 
de  second  ordre  de  son  critique. 
Nous  ferons  observer  toutefois ,  que 
Tournefort  censure  Morison  presque 
aussi  souvent  que  Ray,  et  qu'il  donne 
à  celui-ci,  dans  sa  préface,  de 
très-grands  éloges.  Le  botaniste  fran- 
çais répondit  à  Ray,  dans  une  lettre 
adressée  à  Sheraid  ,  sous  ce  titre  : 
De  optimd  melhodo  insllluendd 
in  rem  herbariani  ,  in-8".  de  ■i.'j 
pag.  ,  \Cn)'^  ,  qui  n'est  qu'une  lépéli- 
tion  ,  avec  quelques  nouveaux  déve- 
loppements cl  e.vinpics  ,  des  prin- 
cipes des  Eléments.  Au  reste  ,  celle 
discussion  n'avait  clé  aceoni|)agnée 
d'aiiriine  aigreur.  L'amour  de  la  vé- 


TOU 

rite  et  le  sentiment  des  convenances 
la  terminèrent  d'une  manière  hono- 
rable pour  les  deux  grands  hommes. 
Les  observations  critiques  sur  Ray  , 
Morissou ,  etc.  ,  ne  parurent  point 
dans  les  Institutiones  ,  et  Ray  , 
dans  son  Melhodus plantaruni  emen- 
data  et  aucta  (i-^SS),  combina 
la  méthode  de  Tournefort  avec  celle 
de  Rivin  ,  en  fondant  ses  prin- 
cipales divisions  sur  la  fleur.  Ce- 
pendant il  rompait  alors  les  rap- 
ports naturels  encore  plus  que  Tour- 
nefort ;  et  il  était  forcé  d'admet- 
tre des  plantes  anomales.  Collet  pré- 
senta les  Eléments  comme  une  tra- 
duction et  un  abrégé  de  V Histoire 
des  plantes  àe.  Ray.  Chomel,  ou  plu- 
tôt ,  sous  ce  nom,  Tournefort  lui-mê- 
me, lui  répondit  en  exposant  en  re- 
gard les  deux  Méthodes ,  dont  la  plus 
légère  inspection  montrait  la  diffé- 
rence ;  et  il  fit  voir ,  par  un  grand 
nombre  d'exemples ,  combien  celle 
de  Tournefort  était  supérieure  à  celle 
de  l'auteur  anglais,  dans  l'établisse- 
ment des  genres.  Il  nous  est  impos- 
sible de  discuter  ici  en  détail  le  mérite 
de  la  méthode  de  Tournefort.  Elle 
offre  plusieurs  vices  essentiels.  Le 
plus  choquant  est  le  maintien  de  l'an- 
cienne distinction  des  herbes  et  des 
arbres  et  arbrisseaux ,  réprouvée  par 
Rivin,  et  sans  aucun  autre  motif  que 
la  disproportion  de  la  taille  ,  comme 
si  beaucoup  d'herbes  ,  la  Férule ,  les 
Angéliques ,  les  Hélianthus ,  etc.  , 
n'étaient  pas  plus  élevées  qu'un  grand 
nombre  d'arbrisseaux.  D'ailleurs  il 
fut  obligé  d'admettre  dans  plusieurs 
de  ses  classes  le  mélange  qu'il 
jiruscrivail.  Il  était  donc  en  contra- 
diotiiiii  avec  lui  -  même,  en  j)la- 
eaul  parmi  ses  herbes  les  genres  keL- 
mia ,  ludiolropitiiim ,  bipwnia,adha- 
toda  ,  sahia  ,  ^ranadilla  ,  helian- 
tlwnum  ,  capparis  ,  etc.  Les  formes 


TOU 

de  la  corolle  sont  aussi  un  caractère 
trop  peu  précis.  Elles  se  fondent  sou- 
vent les  unes  dans  les  autres;  d'où  il 
rësalte  que  quelques-unes  de  ses  pre- 
micresdivisions  ne  sont  pas  assez  tran- 
clie'es.  Mais  ,  quelque  sévère  que 
doive  être  la  critique,  elle  reconnaîtra 
que  cette  méthode  contrariait  moins 
les  affinités  naturelles ,  et  qu'elle  était 
plus  commode  dans  la  pratique  que 
toutes  celles  qui  l'avaient  précédée. 
La  plus  grande  partie  des  genres  de 
Tournefort  fut  conservée  par  Linné. 
Quelques  -  uns  furent  changés  avec 
raison. D'autres, qui  l'avaient  été  sans 
motif  suffisant,  ont  été  rétablis  de- 
puis. Il  en  a  été  de  même  de  plusieurs 
noms  auxquels  Lmué  eu  avait  subs- 
titué de  nouveaux ,  contribuant  ainsi 
à  encombrer  inutilement  une  nomen- 
clature dont  la  création  était  un  des 
plus  grands  services  rendus  par  lui  à 
Ja  science.  Tournefort ,  au  leste ,  ne 
parle  lui-même  de  sa  ÎVIétliode  qu'a- 
vec une  grande  modestie.  Il  est  loin  de 
la  regarder  comme  parfaite ,  et  il  pa- 
raît nela  donner  que  comme  l'applica- 
tion et  le  développement  des  idées  de 
Gessner,  Césalpin  etColumna.  «  Je 
"  suis  même  persuadé  ,  dit-il,  que  si 
»  les  premiers  auteurs  de  cette  mé- 
»  thode  étaient  descendus  dans  le 
»  grand  détail  des  genres  dont  on 
»  traite  dans  cet  ouvrage ,  ils  auraient 
5)  apporté  à-peu-près  les  mêmes  teu\- 
')  pcraments  dont  on  a  tàclié  de  se 
»  servir.  »  Les  dessins  d'Aubriet,  qui 
composent  les  second  et  troisième 
volumes,  méritent  une  mention  par- 
ticulière. Ils  sont  faits  avec  soin, 
et  comprennent  beaucoup  d'analy- 
ses fort  supérieures  à  tout  ce  qui 
avait  été  fait  jusqu'alors.  Tourne- 
fort n'ayant  pas  toujours  eu  soin 
d'en  donner  une  explication  très-dé- 
taillée ,  quelques  auteurs  ,  entre  au- 
tres Linné  et  Haller ,  aCTectèrent  de 


TOU 


365 


supposer  qu'Aubriet  était  meilleur 
botaniste  que  lui;  mais  il  est  plus  que 
probable,  au  contraire,  que  ce  pein- 
tre habile  lui  dut  de  très-utiles  rensei- 
gnements et  une  bonne  direction. 
D'ailleurs  la  plus  simple  lecture  des 
principes  de  Tournefort ,  dans  ses  dif- 
férents écrits  botaniques,  suffit  pour 
faire  apprécier  un  aussi  singulier  ju- 
gement. Nous  croyons  devoir  rendre 
compte  de  quelques  autres  idées  iso- 
lées de  Tournefort,  afin  de  faire  con- 
naître complètement  ses  principes.  Il 
regardait,  avec  d'autres  naturalistes, 
comme  très  -  probable  ,  l'existence 
de  graines ,  même  dans  les  plantes  où 
il  n'en  avait  pas  encore  été  découvert, 
dans  les  mousses ,  les  plantes  mari- 
nes ,  etc.  Il  pense  que,  quand  il  man- 
que une  des  deux  enveloppes  du  fiuit, 
celle  qui  existe  doit  porter  le  nom  de 
calice.  Il  établit  la  dillérence  entre  le 
calice  monophjlle  et  le  calice  poly- 
phjrlle.  Le  premier  persiste,  parce 
qii'il  est  formé  par  le  prolongement 
des  fibres  et  nervures  du  pédoncule  ; 
le  second  tombe,  parce  qu'il  n'est 
qu'articulé  avec  l'extrémité  du  pé- 
doncule. D'un  autre  côté ,  quoiqu'il 
eût  fait  lui-même  des  observations 
sur  les  palmiers  mâles  et  femelles  en 
Andalousie,  il  nie  rà-peu-près formel- 
lement l'existence  du  sexe  des  plan- 
tes ,  regardée  comme  probable  par  Cé- 
salpin ,  admise  par  Millington,  Grew 
etKay,  qu'aucun  d'eux,  au  reste,  ne 
prit  en  considération;  et  il  ne  regar- 
de les  étamines  que  comme  des  vais- 
seaux excrétoires.  Tout  ce  qui  pré- 
cède doit  suffii-e  pour  donner  une  idée 
de  l'influence  que  Tournefort  exerça 
sur  la  botanique.  Chacun  des  célèbres 
auteurs  que  nous  avons  cités  eut  son 
genre  de  mérite.  Tournefort  eut  la 
gloire  d'entrer  plus  avant  qu'eux 
dans  les  vrais  principes  ;  et  la  des- 
cription méthodique  des  parties  de  la 


366 


TOU 


fleur  et  du  fruit,  ainsi  que  rétablisse- 
ment rationel  et  systématique  des  gen- 
res ,  lui  assurent  l'honneur  d'avoir  été 
\e premier  restaurateur  de  la  science. 
Toiirnefort  fut  reçu  ,  en  1 6g8  ,  doc- 
teur en  médecine  de  la  faculté  de 
Paris.  Il  pulj'ia  ,  la  même  année,  son 
Histoire  des  plantes  cjui  naissent 
aux  environs  de  Paris  ,  avec  leur 
usage  dans  la  médecine  ,  i  vol. 
in- 12,  précédé  d'une  préface  ,  dans 
laquelle  l'auteur  explique  plusieurs 
procédés  pharmaceutiques.  L'ouvra- 
ge est  partagé  en  six  herborisations  : 
Autour  de  la  porte  de  la  Confé- 
rence,  etc.,  Dans  le  bois  de  Boulo- 
fçne,  etc.  Les  plantes  sont  rangées 
par  ordre  alphabétique  :  leurs  noms 
sont  accompagnés  de  la  synonymie 
des  auteurs  précédents ,  et  de  l'ex- 
posé des  A'ertus  médicinales.  On  n'y 
trouve  point  de  descriptions,  mais  de 
fréquentes  discussions  sur  les  carac- 
tères assignés  aux  plantes  par  les  dif- 
férents botanistes,  seul,  mais  vérita- 
ble avantage  de  cette  composition  , 
qui  ,  comme  on  voit ,  ne  devait  pas 
être  d'uu  usage  commode  pour  les 
commençants.  Bernard  de  Jussieu  en 
publia  une  seconde  édition,  enrichie 
de  Notes  ,  en  -2  vol.  iu-i2,  l'juS  , 
qui  contient  quelques  plaptes  nou- 
velles ,  circonstance  qui  distingue 
égaSeniPut  la  traduction  anglaise  de 
.1.  Martin  ,  2  vol.  in-8'^.  ,  173  i.  Le 
succès  qu'avaient  obtenu  lesiE/é-mcvif  5 
engagea  Tourncfort  à  en  publier,  en 
faveur  des  étrangers,  une  traduction 
latine  ,  qui  parut  sous  le  titre  de  : 
Institutiones  Rei  herhariœ,  3  vol.  iu- 
4".  ,  1700.  La  ])rcface  contient  :  1". 
sous  le  titre  AUsagoge  in  Rem  Iierba- 
riani  ,  une  histoire  assez  étendue  et 
fort  curieuse  de  la  botanique,  et  l'aj)- 
pré<:ialion  du  mérite  des  botanistes 
i«'s  plus  mar(|uanls  ;  1^.  l'exjjose  des 
principes  de  i'auleur  ,   ipii  ne  sont 


TOU 

guère  que  ceux  des  Éléments ^(;\mie 
nous  avons  examinés  plus  haut.  Le 
reste  du  premier  volume  contient, 
comme  dans  les  Éléments,  l'exposi 
tion  des  classes  ;  et  les  deux  autres  , 
les  planches  ,  au  nombre  de  quatre 
cent  soixante-seize,  c'est-à-dire  vingt- 
cinq  de  plus  que  la  première  édition. 
11  en  parut ,  par  les  soins  d'Ant.  de 
Jussieu,  une  nouA^elIe  édition  (  Lyon, 
1719,  3  vol.  in-4°.)5  comprenant 
également  le  Corollaire.  On  y  trou- 
ve un  abrégédelaviedeTournefort, 
la  liste  de  ses  ouvrages  ,  un  éloge  de 
sa  méthode,  et  des  détails  sur  la  vie 
et  les  écrits  de  quelques  botanistes 
dont  ïournefort  n'avait  pas  parlé 
dans  son  Isagoge.  Ce  fut  à  l'époque 
de  cette  importante  publication,  que, 
sur  la  proposition  de  l'académie  des 
sciences,  par  l'organe  de  Pontchar- 
train  ,  Louis  XIV  chargea  Tourne- 
fort  de  voyager  dans  le  Levant.  L'a- 
cadémie désigna  pour  l'accompagner 
Aubriet  ,  peintre  très  -  distingué  , 
dont  nous  avons  déjà  pai'lé,  et  Gun- 
delsheimer,  médecin  allemand  fort 
instruit ,  et  dont  Tourncfort  lui-mê- 
me vante  les  connaissances  en  bota- 
nique. Il  fut  décidé  qu'à  son  retour, 
toutes  ses  dépenses  lui  seraient  rem- 
boursées parle  trésor  ;  qu'il  recevrait 
d'avance  trois  mille  liv.;  que  ses  pen- 
sions seraient  régulièrement  payées 
pendant  son  absence*  enfin  que  son 
voyage  lui  donnerait  d'autatit  plus 
de  droit  à  une  augmentation  de  trai- 
tement et  à  des  gratifications.  Tour- 
ncfort partit  de  Paris  ,  le  5  mars 
1700  ,  pour  aller  s'embai-quer  à 
Marseille.  Le  premier  fruit  de  ce 
voyage  fut  l'envoi  à  Paris  des  dcs- 
crij)tionsct  dessins  de  quelques  plan- 
tes et  poissons  de  IVovence,  peu  con- 
nus. Notre  voyageur  visita  l'île  de 
Candie,  l'Archipel,  Constantijiople  , 
les  côtes  méridionales  de  la  mer  Noire, 


TOU 

l'Annënic  turque  et  persane  ,  la  Géor- 
gie, le  moût  Ararat  «t  revint  par  l'A- 
sie-Miueiire  qu'il  traversa  en  visitant 
Tocat ,  Angora  ,  Pruse  ,  Smyrue 
et  Éplièse.  De  tous  les  lieux  où 
il  fit  quelque  séjour,  il  envoya  en 
France  des  descriptions  et  dessins  de 
plantes ,  d'objets  des  autres  règnes 
et  d'antiquités.  Ils  étaient  soumis  au 
roi,  qui  paraissait  prendre  plaisir  à 
les  examiner.  ïournefort  devait  éga- 
lement visiter  la  Syrie  et  l'Egypte  ; 
mais  la  peste,  qui  ravageait  ces  deux 
pays  ,  l'en  empêcha.  Le  i3  avril 
ino'2,  il  s'embarqua  à  Smyrne  et 
rentra,  le  3  juin  ,  dans  le  portde  Mar- 
seille. Sa  relation,  sous  le  titre  de 
Fqyai^e  du  Levant ,  fut  imprimée  au 
Louvre,  en  deux  volumes  iu-4°.  ;  le 
second  ne  parut  qu'après  sa  mort  , 
eu  1717.  La  même  année  ,  une  se- 
conde édition,  en  3  vol.  in -8".,  fut 
imprmiée  à  Lyon  ,  et  une  troisième 
partit  en  1718,  à  Amsterdam,  en 
'X  vqI.  in-4".  Ce  Voyage  qu'on  lit 
avec  intérêt,  même  après  les  rela- 
tions de  Spon',  Wheler  ,  Taver- 
nier,  etc.,  contient,  entre  autres, 
beaucoup  dt  détails  sur  l'îiede  (Can- 
die, sur  Constantinople  et  l'Armé- 
nie, et  sur  l'archéoiOgie,  qui  leur 
avaient  écliap])é.  Mais  il  a  sur- 
tout un  grand  juix  sous  le  rapport 
de  la  botanique  ,  i'auleur  ayant 
recueilli  treize  cent  cinquante- six 
piaules  nouvelles  ,  la  plus  consi- 
dérable moisson  qu^cussent  encore 
fournie  ces  contrées,  et  dont  quel- 
ques -  imcs  leur  étaient  coranumes 
avec  l'Europe.  Elles  furent  publiées 
dans  un  Corollaire  destiné  à  faire 
suite  aux  Institutions;  accompagnées 
de  quelques  dessins  faits  par  Aubriet, 
comme  ceux  du  reste  de  l'ouvrage. 
M.  Desfontaines  a  fait  paraître,  en 
i8n8,  vni  Choix  de  plantes  du  Co- 
rollaire des  Instituts  y  I  vol.  in-4"., 


TOU  367 

avec  soixante- dix  planches  gravées 
sur  les  dessins  d'Aubriet ,  les  seuls 
que  ce  peintre  eût  exécutés.  Le  ton 
de  la  narration  est  fort  simple,  et 
grave  ou  enjoué,  selon  que  le  sujet 
l'exige  :  en  un  mot,  ce  Voyage  est 
un  des  monuments  scientitiques  les 
plus  remarquables  de  cetteépoque(  i  ). 
Tournefort ,  après  son  retour ,  fut 
nommé  professeur  de  médecine  au 
collège  de  France.  C'est  ainsi  que  le 
cercle  de  son  influence  tendait  tou- 
jours à  s'agrandir.  Ses  nombreu- 
ses collections  y  contribuèrent  aus- 
si beaucoup:  elles  se  composaient 
non  -  seulement  d'un  herbier  très- 
considérable  ,  mais  encore  d'objets 
des  autres  r-ègnes ,  qu'il  avait  rap- 
portés de  ses  voyages  ,  ou  qui  lui 
étaient  adressés  de  tous  côtés  ^  et  qui 
attiraient  chez  lui  un  grand  nombre 
de  curieux  de  toutes  les  classes  de  la 
société.  Comblé  des  faveurs  de  son 
gouvernement,  admiré  de  ses  com- 
patriotes ,  considéré  dans  toute  l'Eu- 
rope, Tournefort  pouvait  jouir  long- 
temps encore  de  son  illustration,  et 
faire  faire  de  nouveaux  progrès  à  la 
science.  Atteint  dans  la  rue,  com- 
me Morisou  ,  par  une  voiture  ,  il 
languit  pendant  cinq  ou  six  mois , 
et  mourut,  des  suites  de  ce  coup  ,  le 
'i8  novembre  1708,  dans  sa  cin- 
quante-troisième amiée  (2).  Après  sa 


(i)  La  relation  de  Tournefort  est  écrite  en  furme 
de  Irtlres  adrc?ii.sées  au  ministre  Ponli  hartrain  ,  ce 
qui  lui  ùte  la  sécberesse  monotone  d'un  journal 
Plus  variée,  et  plus  intéressante  que  celles  de 
Spon  ,  de  Wheler,  etc.  ,  qui  ne  parlent  que  d'ins- 
criptions et  de  monumeuls  atitiqnes,  elle  est  bien 
supérieure,  sous  le  rapport  de  l'iustruction  ,  aux 
relations  superlioielles  ou  exagérées  de  Tavernier  , 
de  Paul  Lucas  ,  etc.  ,  qui  ne  voyageaient  que  yar 
curiosité  ou  dans  des  vues  mercantiles.  Tournefort 
ne  montre  pas  moins  d'érudition  sur  l'Liisloii'e  du 
moyen  âge  que  sur  celle  des  temps  anciens.  Le* 
détails  (|u'il  donne  sur  la  Géorgie  sont  d'autant 
plus  curieux,  que  ce  pavs  n'était  alors  connu  que 
par 'es  récils  exacts  mais  déjà  surannés  de  Dclla 
V«lle  et  de  Cljaudiu.  A— T. 

{i)  Tournefort  .  par  son  testament  ,  légua  au 
r..i  soncal.lnet  d'iiistoirc  nalunllo  et  de  curiosités, 
et  à  l'abljc  Biguou  ses  livres  de  Botanique.      A-T, 


368 


TOU 


mort,  Bernier  fit  paraître  sou  Traité 
de  la  matière  médicale  _,  et  V His- 
toire et  l'usage  des  viédicaments  et 
leur  analyse  chimique,  Paris,  1717, 
'1  vol.  in-i'2  ,  dans  lequel  les  plantes 
sont  rangées  selon  leurs  A'ertus  ;  il  est 
accompagné  d'une  grande  quantité 
de  recettes.  Les  Mémoires  de  l'aca- 
démie des  sciences  contiennent  plu- 
sieurs Dissertations  de  Tournefort,  de- 
puis l'an  iG9'2  jusqu'en  1707. Celles 
des  années  1705  -  1706  olFrent  quel- 
ques genres  nouveaux  de  plantes  avec 
des  analyses.  On  trouve,  dans  ses  Mé- 
moires sur  les  plantes  marines,  sur 
les  usages  des  vaisseaux  et  des  muscles 
de  certaines  plantes  ^  sur  les  maladies 
des  végétaux.,  etc.,  des  observations 
curieuses  pour  l'époque ,  etqui  ont  au 
moins  un  intérêt  historique.  Haller 
nous  apprend  qu'un  grand  nombre 
de  manuscrits  de  cet  auteur  passèrent, 
après  sa  mort  ,  entre  les  mains  de 
Réneaulme  ,  qui  promit  de  les  pu- 
blier. Ils  contenaient  ,  entre  autres, 
mie  nouvelle  édition  de  VHistoire 
des  plantes  des  environs  de  Paris  ; 
lui  Catalogue  des  plantes  qu'il  avait 
recueillies  en  France,  surtout  en  Pro- 
vence et  dans  les  Pyrénées ,  et  le  Por- 
tugal, avec  l'indication  des  localités; 
des  discussions  sur  les  descriptions 
des  auteurs  j  des  observations  histo- 
riques ou  descriptions  des  plantes. 
Des  trésors  de  science  étaient  proba- 
blement renfermés  dans  ces  Recueils, 
dont  rien  ne  paraît  avoir  clé  sauvé. 
L'Éloge  de  Tournefort  fut  prononcé 
par  Fontenelle  ,  à  l'académie  des 
sciences  ,  en  1708  ,  et  se  trouve 
en  tête  du  Voyage  du  Levant.  On 
trouve  aussi ,  dans  l'édition  de  1 7  1 8 
du  môme  ouvrage  ,  micLetlre  de  M. 
Lautliier  à  M.  Begon ,  contenant 
un  abrégé  de  la  Vie  de  Tournefort. 
Plumier  avait  consacre  à  cet  illustre 
botaniste  le  genre  Piltonia,  de  la 


TOU 

famille  des  Borraginéesj  Linné  crut 
devoir  changer  ce  nom  en  celui  de 
Toumefortia.  D — u. 

TOURNÉLY  (  Honore  ) ,  docteur 
et  professeur  de  Sorbonne ,  né,  à  An- 
tibes ,  le  28  août  i658 ,  vint  de  bon- 
ne heure  à  Paris ,  où  il  fut  élevé  par 
les  soins  d'un  oncle ,  l'abbé  Mouton, 
qui  était  attaché  au  clergé  de  Saint- 
Germain-rAuxerrois.  Les  heureuses 
dispositions  du  jeune  Tournély  lui 
procurèrent  des  succès  brillants  dans 
ses  études  ;  il  fut  reçu  de  la  maison 
et  société  de  Sorbonne,  et  prit  le 
bonnet  de  docteur  eu  1G8G.  Deux 
ans  après  il  obtint  une  chaire  de 
théologie  à  Douai.  On  l'a  regarde' 
comme  ayant  eu  la  principale  part  à 
la  mystificatiop  de  quelques  Jansé- 
nistes, connue  sous  le  nom  de  Four- 
berie de  Douai ,  et  racontée  dans  tous 
les  écrits  du  temps,  entre  autres, 
dans  les  Mémoires  chronologiques 
et  dogmatiques  du  père  d'Avrigny, 
sous  l'année  i.6go  :  nous  avouerons 
nettement  que  le  rôle  que  joua  l'ab- 
bé Tournély  dans  éette  affaire  fait 
plus  d'honneur  à  son  esprit  qu'à  sa 
candeur.  Aussi  se  trouva-t-il  en  buJte 
à  toute  sorte  de  sarcasmes  de  la  part 
de  ceux  qu'il  avait  joués.  En  1692, 
on  le  rappela  dans  la  capitale,  et 
ou  lui  confia  une  chaire  de  théolo- 
gie en  Sorbonne.  Il  la  remplit  avec 
succès  pendant  vingt -quatre  ans. 
Cette  place  l'obligea  de  renoncer  à 
nu  canonicat  qu'il  avait  obtenu  à 
Tournay,  ville  alors  réunie  à  la  Fran- 
ce j  pour  l'en  dédommager,  on  le 
pourvut  d'un  canonicat  de  la  Sainte- 
Chaj)elle,  à  Paris,  puis  de  l'abbaye 
de  Plein-Pied  ,  diocèse  de  Bourges. 
L'abbé  Touinély  quitta  sa  chaire  en 
17  i(),  lois  des  troid)les  qui  éclatè- 
rent dans  la  faculté  de  théologie  j 
mais  il  ne  cessa  de  réclamer  contre 
l'esprit  de  licence  et  d'insubordin.»- 


TOU 

tion,  et  l'on  croit  même  qu'il  defen^^l'l 
les  droits  de  l'Église  par  quelques 
écrits  qui  parurent  anonymes  on  sons 
des  noms  empruntes.  Le  temps  dosa 
retraite  fut  principalement  employé 
à  revoir  les  traites  qu'il  avait  dictes 
fil  Sorbonne  ;  ces  traites  parurent  de 
i-j^o  à  i-jSo  :  ce  sont  cens,  de  la 
Grâce,  des  Attributs  de  Dieu  ,  de  la 
Trinité,  dç  l'incarnatiou,  dd'i'lglise 
et  des  Sacrements,  tant  en  général 
qu'en  parliculier.  L'impression  du 
traité  du  3Iariage  était  presque  ache- 
vée au  moment  de  la  mort  de  l'auteur. 
Cette  tliéulogie  est  regardée  comme  un 
des  ouvrages  les  plus  complets  de  ce 
(^enre.  Tournély  fut  un  des  doctenvs 
qui  travaillèrent  avec  !e  plus  de  zèie 
à  ramener  le  jjon  ordre  dans  la  facul- 
té de  théologie  de  Paiis.  Nommé  à 
cet  effet  membre  d'une  commission, 
eu  l 'jig ,  il  rédigea  un  Mémoire  pour 
faire  revivre  les  délibérations  prises 
eu  17  i4;  'fiais  il  ne  vit  point  la  con- 
clusion de  cette  air;iire.  Une  attaque 
d'apojilexie  le  conduisit  au  tombeau, 
le  26  décembre  i7'i<j.  Ses  adversai- 
res mêmes  ont  rendu  justice  à  ses  ta- 
lents: érudit,  laborieux,  propre  aux 
affaires,  il  était  regardé  comme  un 
des  docteurs  les  pbis  liabiles  de  son 
temps.  On  a  deux  abrégés  de  sa  tliéo- 
logie  :  l'un  plus  étendu,  par  iMontai- 
gne,  docteur  de  Sorbonne  et  prêtre 
de  Saint-Sulpice ,  mort  le  3  avril 
Î7G7  ;  l'autre  plus  court,  par  le  la- 
zariste Collet.  Les  Jansénistes  préten- 
daient que  Tournély,  ainsi  que  Tour- 
nemine,  rédigeait  les  ouvrages  de 
M.  Languet ,  évèque  de  Soissous  ; 
mais  ce  bruit  ne  repose  sur  aucun 
Tbndement  solide  ;  et  le  prélat,  depuis 
la  mort  de  l'un  et  de  l'autre,  (il  paraî- 
tre un  plus  grand  nombre  d'écrits" 
qu'auparavant.  P — c — t. 

TOURNEMINE  (Le  P.  RenÉ- 
.rosEPii  ) ,  célèbre  jésuite , était  né^  le 

XLVI. 


TOU  3Go 

sf)  avril  16G1  ,  à  Rennes,  d'une  an- 
cienne et  illustre  maison  de  Brctar 
giie.  Ayant  aclievé  ses  études  avec 
succès,  il  embrassa  la  rîgle  de  saint 
Ignace,  à  l'âge  de  dix-neuf  ans  ,  et 
professa  successivement  les  humani- 
tés, la  philosophie  et  la  théologie, 
de  la  manière  la  plus  brillante.  Doué 
d'une  imagination  vive  (1)  ^  d'un  es- 
prit pénétiantet  d'une  mémoire  heu- 
reuse, il  acquit,  dans  rcxcrcice  des 
diverses  fonctions  dont  il  était  char- 
gé, des  connaissances  très-variées. 
Histoire  ancienne  et  moderne  ,  chro- 
nologie, géographie,  numismatique, 
morale,  littérature,  etc.,  toutes  les 
matières  étaient  de  sou  ressort.  11 
fut  apjielé ,  sur  la  fln  de  i  70 1 ,  à  Pa- 
ris ,  pour  prendre  la  direction  du 
journal  connu  sous  le  titre  de  I\!é- 
moircs  de  Trévoux  (2) ,  parce  qu'il 
s'est  imprimé  long-temps  dans  cette 
ville  ;  et  il  l'enrichit  d'une  foule  d'a- 
nalyses et  de  dissertations  curieuses , 
qui  !e  firent  bientôt  connaître  dans 
toute  l'Europe.  Remplissant  les  de- 
voirs d'un  critique  avec  une  impar- 
tialité bien  rare,  il  ne  se  croyait 
point  obligé  de  dissimu'cr  les  torts 
ou  les  erreurs  ,  même  de  ses  confrè- 
res j  et  il  rendit  une  justice  complète 
aux  écrivains  dont  il  ne  partageait 
ni  les  principes  ni  les  opinions.  C'est 
ainsi  qu'on  le  vit  combattre  les  idées 
systématiques  des  PP.  Hardouin  et 
Pai}el  (  ^.  ces  noms  ) ,  et  p^yer  un 
jusitje  trijbut  d'admiration  aux  talents 


(1)  Elle  l'eutrainalt  peiit-ùlrc  trop  loin.  Suivaut 
VuUaiiP,  il  ctall  cuiinu  chez  les  Jesulles,  par  ces 
dcui  petits  Ttrs  : 

C'est  notre  père  ^oqrncmi^p 
(^ui  croit  tout  ce  qu'il  imagine. 

(9.)  ('e  Journal ,  commence'  en  1701,  par  les  PP. 
Calj'uu  et  lluuilie  ,  l'ut  cuiiliiui.  ■,  upxiiâja  iupprt'.s- 
.^inii  de  la  société  ,  ius(|ii'eu  1767  ;  il  se  compose  ilc 
7(i,î  vol.  ,  petit  iu-iî.  Ou  le  trouve  dliiicilement 
complet ,  parce  que  les  dernières  années  sont  rares. 
Vov.  la  J\otice  des  joiirinnix  ,  par  M.  Bruuct ,  à  la 
suite  (lu  Manuel  du  Wnaiie;  et  le  Dict.  îles  ylnoni  - 
nte<  j  par  IVI.  Barbier,  nf*.  117.'!.^. 


370 


rou 


supérieurs  de  Voltaire.  Apres  avoir 
lu  Mérope ,  il  n'hésita  pas  à  déclarer 
que  cette  pièce  lui  paraissait  égaler 
tous  les  clîefs-d'œuvre  de  l'antiquité 
(3)  _,  tandis  que  des  écrivains  tels  que 
Piron  (4)  s'elforçaient  d'en  contes- 
ter le  succès  j  et  il  ne  cessa  jamais 
de  tcmoigiier  pour  l'auteur  les  plus 
grands  égards ,  nicine  lorsqu'il  était 
forcé  de  le  critiquer.  Le  P.  Tourne- 
mine  ne  s'est  écarté  qu'une  seule  fois 
de  cet  esprit  de  justice  et  de  modé- 
ration qui  le  caractérise  particulière- 
ment :  c'est  dans  sa  défense  du  grand 
Corneille,  contre  l'un  des  commen- 
tateurs de  Boileau  (  Brossette  ).  Il  est 
évident  que  l'éloge  de  Coriieilie  n'est 
ici  qu'un  prétexte,  et  que  son  but  est 
d'infirmer  les  jugements  du  législa- 
teur du  Parnasse,  dont  il  se  rappe- 
lait sans  doute  ,  bien  qu'il  n'en  parle 
pas,  les  épigrammes  contre  le  jour- 
nal de  Trévoux.  Mais  cette  tentative 
lui  a  mal  réussi;  et  en  reproduisant, 
dans   les    OEui>res  diverses  de   P. 
Corneille  (Paris,  1738  ,in-i  2)  l'art, 
du  P.  Tournemine,  l'abbé  Granet  lui 
a    rendu   un  fort  mauvais   service. 
Malgré  ses  occupations  déjà  si  nom- 
breuses, le  P.  Tournemine  entrete- 
nait une  correspondance  active  avec 
les  savants  les  plus  drstingués  de  la 
France  et  des  pays  étrangers  ;  il  était 
le  protecteur  de  tous  ceux  qui  mon- 
traient des  dispo.sitions  pour  les  let- 
tres ,  et  il  se  faisait  un  devoir  de 
donner  des  conseils  aux  jeunes  écri- 
vains,  dont  les   succès    devenaient 
les  siens  propres.  Cependant  ses  con- 
frères regrettaient  de  lui  voir  dissi- 
per un  temps  pn;cieux,  sans  exécu- 
ter auciu)  des  ouvrages  qu'il  ne  ces- 

(3)  V.,y.  I»  L<ttr<-  du  p.  Tourne-mine  un  V.  Ilru- 
moy,  ini|>riin<e  îi  U  lrl<-  <le  la  t^:i^L•die  île  Mciitpr. 

(/J)  (;}iacun  connail  l'in'|usle  «pigraramcde  l'iron 
4|ui  coinmencje  jiar  ce  vcm  : 

P«»  I'Rrlei|iiin  Miinpe  in^e. 


TOI) 

sait  de  promettre.  Ils  c?saycrent  de 
le  fixer ,  en  lui  confiant  la  garde  des 
livres  de  la  maison  professe ,  et  après 
Ja  mort  du  P.  Bonanni  (  1725),  il 
fut  chargé  de  continuer  l'Histoire 
littéraire  de  la  société ,  depuis  l'é- 
poque où  l'a  laissée  Southwel  (  /^. 
ce  nom).  Il  s'empressa  de  demander 
des  Mémoires  dans  chaque  province; 
il  fit  même  compulser  les  archives 
de  Rome;  mais,  toujours  entraîné  loin 
de  son  objet  par  des  distractions  con- 
tinuelles, il  ne  put  remplir  ses  enga- 
gements. Dans  les  dernières  années 
de  sa  vie,  il  joignit  à   ses  occupa- 
tions ordinaires  des  conférences  pour 
les  jeunes  religieux  et  la  direction.  II 
mourut  à  Paris,  le  iG  mai  1789,  à 
l'âge  de  soixante-dix-neuf  ans,  vive- 
ment regretté  de  ses  confrères  (5)  et 
de  ses  nombreux  amis.  On  trouvera 
la  liste  détaillée  de  ses  ouvrages  dans 
les  Mémoires  de  Niceron  ,  tom.  xlii  , 
et  dans  le  Dictionnaire  de  Chaufe- 
pié.  Ce  sont,  pour  la  plupart,  des 
DissertatioTis  insérées  dans  les  Mé- 
moires de  Trévoux  j  depuis  le  mois 
d'avril  170*^  jusqu'au  mois  de  jan- 
vier 1736.  Le  recueil  en  serait  fort 
intéressant,  et  aurait  été  bien  reçu 
du  public  :  les  principales  sont  :  Dis- 
sertation sur  le  système  des  dynas- 
ties d'Egypte,  par  le  chevalier  Mars- 
ham,  avril  1702  (  Voy.  Marsham, 
XXVII,  25H  ).  —  Sur  l'origine  de 
divers  peuples  d'Afrique,  à  l'occa- 
sion d'un  passage  de  Sallustc,  juin 
l'^oi.  —  Projet  d'un  ouvrage  sur 
l'origine  des  fables,  novembre,  dé- 
cembre 1 70U ,  février  1 703. — Con- 


(5)  Suivant  (|iiclque.s  Mognipbcs,_  il  était  plus 
coiuni\ini(alil  avec  les  étranger»  qu'avec  se»  con- 
frère». Trop  prévenu  en  faveur  de  son  savoir,  et 
encore  plus  de  sa  naissance  ,  il  se  plaignait  quelque- 
foi»  ipi  on  le  confondit  avec  un  simple  raligieii». 
IV'avanl  trouvé  aucune  preuve  de  relie  nlUgalion 
dan»  le»  l'crivaini  conlenqiorains  ,  on  n'a  pas  cru 
devoir  In  répéter  »iir  )«  lémoiKnnge  du  Dictionnaivt 
iinirerftl. 


TOU 

jecturc  sur  l'origine  de  la  ditFérence 
tla  texte  hébreu ,  de  l'éditioK  sama- 
ritaine ,  et  de  la  version  des  Septante 
dans  la  manière  de  compter  les  an- 
nées des  patriarches,  mars  et  août 
i']o3  •  l'auteur  retoucha  depuis  cette 
pièce  ,  et  donna  de  nouveaux  déve- 
loppements à  son  système,  dans  son 
édit.  de  Menochius.  —  Histoire  des 
étrennes ,  janvier  1704;  c'est  un 
supplément  à  ce  qu'en  ont  écrit  Lipe- 
nius  et  Spon  {F.  Lipenius,  XXIV, 
544  )•  —  Des  Dissertations  sur  des 
médailles  de  Faustine  l'ancienne ,  de 
Gratien ,  de  Galien  , d'Adrien,  etc.  , 
traduites  la  plu])art  en  latin ,  et  insé- 
rées dans  les  Electa  rei  numariœ. 
—  Éclaircissements  sur  la  prophétie 
de  Jacob  :  Non  auferetur  sceptrum 
de  Jiidd ,  mars  1 7 o5  ^février  1 7  2 1 ; 
c'est,  de  l'avis  de  plusieurs  critiques , 
ce  que  l'on  a  écrit  de  plus  solide  sur 
ce  sujet.  —  Explication  d'une  Cor- 
naline du  cabinet  du  roi ,  qu'on  ap- 
pelle le  cachet  de  Michel-Ange,  fé- 
vrier 17  10.  On  trouvera  des  détails 
sur  ce  chef-d'œuvre  dans  le  Traité 
des  pierres  gravées  de  Mariette  et 
dans  la  Bibl.  glyptographique  de 
Murr.  —  Réflexions  sur  la  disserta 
tion  de  Leibnitz  touchant  l'origine 
des  F ^auçs^is,  janvier  17  16.  Le  P. 
Tournemine  prétend  que  les  Français 
sont  une  colonie  de  Gaulois.  Dom 
"Vaissette  (  F.  ce  nom  )  a  combattu 
ce  sentiment.  —  Lettre  sur  l'imma- 
térialité de  l'ame  et  les  sources  de 
l'incrédulité,  octobre  lySS.  C'est 
une  réponse  à  Voltaire,  qui  l'avait 
prié  de  l'aider  à  rcsoudi-e  ses  doutes. 
Il  estpresquc  inutilcd'ajoulcr  que  le 
philosophe  ne  fut  pas  content  des 
raisonnements  du  P.  Tournemine 
(  Voy.  OEiwres  de  Foliaire,  tom. 
XLix  ,  éd.  de  Kell  ).  On  doit  encore 
à  Tournemine  :  les  Tables  chrono- 
logiques, dans  l'édition  delà  Bible 


TOU  .         371 

publiée  par  J.-B.  Duhamel,  1706, 
iu-fol;  des  Bejlexions  sur  l'athéis- 
me ,  imprimées  avec  le  Traité  de 
l'existence  de  Dieu,  par  Fénélon  • 
une  excellente  édit.  des  Commentai- 
res de  Menochius  sur  VÉcriture 
sainte,  Paris ,  171g,  '2  vol.  iu-fol. , 
enrichie  de  douze  dissertations  très- 
savantes;  une  édit.  de  V Histoire  des 
Juifs,  de  Prideaux,  Paris,  i-jiô, 
avec  des  éclaircissements  sur  la  rui- 
ne de  Ninive  et  la  durée  de  l'empire 
Assyrien  ;  et  une  Dissertation  sur  les 
livres  de  l'Ancien  Testament  que 
les  Protestants  n'admettent  pas  com- 
me canoniques  ;  un  Panég^^rique  de 
saint  Louis ,  prononcé  devant  l'aca- 
démie française,  en  1783  ,  imprimé 
in-4°.  etin-i2,etc.  Outre  les  auteurs 
cités,  on  peut  consulter  pour  plus  de 
détails  :  Lettre  sur  la  mort  du  P. 
Tournemine,  parle  P.  Belingan , 
dans  les  Observations  sur  les  écrits 
modernes  ,  tom.  xviii;  son  Éloge  , 
dans  les  Mémoires  de  Trévoux , 
septembre  i73c).  W — s. 

TOURNE  RIE  (Etienne  Le 
RoyerdeLa),  né,  à  Maiitilli  près 
de  Domfroiit,  le  20  janvier  1730, 
mourut  à  Domfront,  le  27  décembre 
18 12.  Issu  d'mie  famille  qui  avait 
donné  le  jour  à  plusieurs  hommes  de 
robe,  La  Tournene  se  sentit,  très- 
jeune  encore,  entraîné  vers  !a  juris- 
prudence, à  laquelle  it  consacra  une 
grande  partie  de  sa  vie ,  soit  comme 
avocat,  soit  comme  juge,  soit  com- 
me auteur.  Reçu  avocat  au  parlement 
de  Rouen,  eu  1754,  il  suivit  ])eu- 
dant  quelque  temps  cette  profession, 
dont  il  n'interrompit  l'exercice  que 
pour  retourner,  vers  1766,  dans  son 
pays  natal ,  où  il  fut  pourvu  des  char- 
ges d'avocat  et  de  procureur  du  roi 
et  de  Monsieur  ,  au  bailliage  de 
Domfront.  Pendant  la  révolution  , 
dont  il  adopta  les  principes,  il  fut 


Snl 


TOU 


nomme  successivement  commissaire 
près  le  tribunal  du  district  de  Doin- 
î'ront,  juge  au  liihunal  do  deparfc- 
menl  à  Alcnçou,  puis  juge  au  fri- 
Inuial  de  la  pronièrc  do cesvillos. De 
cesqiiarautc-cinq  années  passées  dans 
les  fonctions  de  la  magistrature  , 
La  Tournorie  employa  tout  le  temps 
dont  il  put  disposera  des  reclierches 
sur  le  droit  normand.  Piusieurî  ou- 
vrages utiles,  souvent  consultes  et  ci- 
tes .  fiii'ont  le  fruit  de  ses  travaux , 
tels  que  :  I.  Traité  des  fief  s ,  à  ru- 
sage  de  la  province  de  Normandie, 
Hotien,  1753,  in-12;  nouv.  édition, 
augmentée  d'im  Traité  des  droits 
honorijiques ,  Rouen  ,  1773,  in- 1 1  ■ 
3'^.  édit.,  17B4.  II-  Nouveau  Com- 
meniaire  portatif  de  là  CoiUiiine  dé 
Normandie,  Rouen,  1771  ,2  Vol. 
hi-l'i;  '.>S-.  éd. ,  1 773  ;  3<^.  éd. ,  Rouen, 
1784.  111.  Manuel  du  jeune  répu- 
blicain ,  iii  -  J<^  ,  ])Iusieurs  fois  réim- 
primé. IV.  Histoire  de  D om front , 
Vire,  Adam,  1806,  un  vol.  iu-  12. 
Indépendamment  de  ces  ouvrages , 
dont  les  deux  premiers  méritent  le 
succès  qu'ils  obtinrent ,  La  Tôurhe- 
rie  allait  livrer  à  l'impression,  quand 
la  révolution  l'en  empêcha,  une  Bi- 
bliothèque du  droit  normand.  Conte- 
nant les  matières  civiles,  bénéficia-- 
les  ,  criminelles  et  de  police;  tra- 
vail .considérable  ,  qui  l'avait  oc- 
cupé pondant  vingt  ans  ,  et  qu'il 
avait,  en  1787,  dédié  à  l'assemlilée 
])rovinciale  de  la  gt'néralilé  d'Alen- 
çon ,  dont  il  était  membre.  D'autres 
productions  manuscrites  du  même 
autourn'ont  pas  vu  le  jour,  telles  qu'u- 
ne Suite  du  Compère  Mathieu,  que 
l'on  doit  peu  regretter,  et  une  His- 
toire do  la  Cliouanerie  aux  environs 
de  Domfront,  etc.  I) — n — s. 

TOURNES  (m.  ).  T.  DF.TOunNr.s. 

TOURIN  I':T  (.rr:AN),.ivocat  au  par- 
lement de  Paris,  étai  t  né, da ns  cette  vil- 


TOU 

le,  dans  la  dernière  moitié  du  xvi*". 
siècle.  11  avait  le  titrcd'avocat  au  con- 
seil piivé  et  était  attaché  au  clergé, 
dont  il  fut  ponsiiinnaire.  Ses  occupa- 
tibns  et  ses  compilations  ncrempêchè- 
rent  pas  de  cullivor  la  poésie  latine. 
Ou  a  de  lui  :  I.  Oraison  funèbre  de 
Pomponne  de  BelUèvre,  i  O07 ,  in-S". 
IL  Traduction  du  traité  de  Chopin  r 
De  Domanio  Franciœ  ,  lOi  o  ,  in- 
folio.  III.  Traité  de  la  police  ecclé- 
siastirpie  ,  traduit  du  latin  ,  de  René 
Chopin,  161 7,  in-4°.  ,  réimprimé 
dans  la  traduclîml  des  Oi'lwvres  de 
Cliopin  (  F.  ce  nom',  VIII ,  44^  )• 
IV.  Deux  livtès  des  droits  des  re- 
ligieux et  monastères ,  tt^duit  du 
latin  de  R.  Chopin  ,  1619,  in-4".  V. 
Notice  des  bénéfces  de  Fraiice 
étant  à  la  nomination  et  collation 
du  roi ,  et  des  diocèses  de  l'église 
uniperselle ,  1621 ,  in -8".  L'aulétit" 
l'avait  déjà  fait  imprimer  quatre  ans 
aujiaravaut,  à  la  suite  de  sa  traduc- 
tion du  Traité  de  la  police  ecclé- 
siastique. L'édition  de  iGèi  fut 
donnée  sur  la  demande  de  qutîlqnes 
évêqueS.VI.  DiscoTti's  finièbre  sur 
la  mort  de  M.  le  chancelier  Bru- 
lart ,  i6'i/4  ,  in-80.  VIT.  Fie  de  Hen- 
ri IF,  trad.  du  latin  de  G.  Sossi', 
1(3247  îtiT^o.  VIÎI.  Bi\>ium  jti'rîs 
pontificii ,  5iVe  tractatus  duo  :  prior 
Corasii ,  juris  pontificii  thcoriain  , 
posterior  Àdr.  Jacquelot ,  compen- 
diosain  heneficiorum  praxiin  conti- 
jiens  :  recogniti  à  J.  Tournet ,  Pa  - 
)is ,  I (h. 7 , in-8".  1 X .  Observations, 
dans  l'édition  de  la  Coutume  de  Pa- 
ris ,  avec  les  notes  de  Dumoulin, 
1627,  in-i2.  X.  Tractatus  de  ah- 
solutione  ad  cautvlam ,  1619,  in- 
8".^  réimprimé  à  la  suite  de  Fr. 
Florenlis  opéra  juridica ,  1^-79,  2 
vol.  in-4".  XL  J.  Tournet  advora- 
ti  Parisicnsis  Gallio ,  1629,  in-4"- 
C'est  uiu;  description  en  vers  hcudé- 


TOU 

casyllabes  de  la  maison  de  campa- 
gne des  aiclievèques  ilc  Rouen  à 
Gaillou.  XII.  Arrêts  notables  des 
conseils  élu  roi  et  des  cours  souve- 
raines ,  donnés  en  matières  bénéfi- 
ciales  et  causes  ecclésiastiques , 
i63i  ,  '1  vol.  in-folio.  XllI.  Com- 
mentaire sur  la  coutume  d'Anjou , 
traduit  du  latin  de  Rcne'  Chopin  , 
i635 ,  in-folio  ,  formant  aussi  le  i^'". 
volume  de  la  traduction  des  OEu- 
vres  de  Chopin.  A.  B — t. 

TOURÎsEUR  (Pierre  Le)  ,  lit 
tc'rateur,  ne,  on  lySG,  à  Yalognes, 
lit    ses   humanités    à   Coutances    et 
obtint  une   bourse    au   collège    des 
Grassins  ,  oii  il  termina   ses   études 
d'une  manière  brillante.  Entraîne' par 
sou  goût  dans  la  carrière  des  lettres, 
il  y  débuta  par  quelques  Discours 
académiques, et  remporta  deux,  prix, 
l'un  à  Montaubau ,  et  l'autre  à  Be- 
sançon. 11  enricliit  ensuite  notre  lit- 
térature d'une  traduction  du  poème 
des  Nuits  (  F.  Young  ).  Diderot  et 
Laliar]>e  furent  les  premiers  à  rendre 
au  traducteur  la  justice  qui  lui  était 
due  ;  et  leurs  sulïrages  ue  coniribuc- 
rcnt  pas  peu  au    succès  de  vogue 
qu'obtint  cette  version.  Grimm  s'é- 
tait permis  d'en  parler  avec  beau- 
coup de  légèreté  ;   mais  Diderot   le 
reprit  vcrtemait  :  «  Dites  ,  sur  ma 
»  parole,  lui  écrivait-il  ,   que  cette 
»  traduction ,  pleine  d'harmonie  et 
»  de  la  plus  grande  richesse   d'ex- 
»  pressions  ,  une  des  plus  ddliciles  à 
»  faire  en  toute  langue ,  est  une  des 
»  mieux  faites  dans  la  nôtre.  L'édi- 
»  tion   en   a   été  épuisée  en   quatre 
»  mois ,  et  l'on  travaille  à  la  seconde; 
»  dites  encore  cela  ,  car  cela  est  vrai. 
»  Ajoutez  qu'elle  a  été  lue  par  nos 
»  petits-maîtres  et  nos  pelites-maî- 
»  tresses,  et  que  ce  n'est  pas  sans  un 
»  luérile  rarecpi'on  fait  lire  des  jéré- 
D.miadcs    à   un    peuple  frivole    ef 


lOU 


37; 


»  gai  (i)-  »   Le  succès  croissant  des 
Nuits   d'Young  décida  Le  Tourneur 
à  se  vouer  au  genre  utile,  mais  secon- 
daire, de  la  traduction.  Il  publia  suc- 
cessivement les  Méditations  d'Hervey 
et  V Histoire  de  Richard  ijavage  {F. 
ce  nom  ) ,  et  il  s'associa  ensuite  avec 
Cathuelan  et  Rutlidge  ,  jjour  donner 
une  traduction  complète  du  Théâtre 
de  Shakespeare.  Le  premier  volume 
parut ,  précédé  d'un  Discours  ,  dans 
lequel  Voltaire  crut  voir  le  dessein 
de   rabaisser  nos   plus  grands  poè- 
tes tragiques  pour  exalter  le  génie  de 
l'Eschyle  anglais.  Dans  son  indigna 
tion  ,  il  écrivit  à  d'Alembert  :  «  Ceci 
devient  sérieux.  Le  Tourneur  seul  a 
fait  toute  la  préface  ,  dans  laquelle  il 
nous   insulte  avec  toute  l'insolence 
d'un  pédant  qui   régente  des   éco- 
liers. ...  I!  faudrait  mettre  au  pilori 
du  Parnasse  un  faquin  qui  nous  don- 
ne ,  d'un  ton  de  maître ,  des  gilles 
anglais  pour  mettre  à  la  place  des 
Corneille  et  des  Racine,  et  qui  nous 
traite  comme  tout  le  monde  doit  le 
traiter  (  10  aug.  1776  ).  »  On  a  fait 
un  crime  à  Voltaire  du  cette  bou- 
tade (2)  ;  mais  l'opinion  qu'il  expri- 
mait était ,  à  cette  époque ,  celle  de 
tous  les  littérateurs  français  (3).  La- 
barpe  ,  en  adressant  à  sou  auguste 
correspondant  une  autre  Lettre  de 
Voltaire ,  Ijeaucoup  plus  vive ,  la  fait 
précéder  de  cette  xéllexion  :  «  C'est 
la  colère  du  génie  ;  et  jamais  l'iudi- 
guatiou  poétique  ue  fut  à-la-fois  m 
plus  véhémente  ,  ni  plus  plaisante  » 
(  Correspond.  Russe  ,  i  ,  4o5  ).  Pa- 
lissot  aussi  croyait  à  l'existence  d'unt* 


■(1)  Voy.^a  Correspond,  ie-&rimtn-,'\mo-j-^~o , 
a",  partie,  I,  56.Ï.  \     \  •. 

{■?.)  Vov.  les  Troif  tivcfei  (?e  Va  'lll/éràfitrc ,  )H<r 
SahaUiiei-,  ai  t.  l,i:  ToURNEtlH  ;  Jts  .«éWf .  lillé 
ral/es  de  la  l-'rari ce,  par  Ve^fjismls,  cfc. 

(3)  «  Cetlf  lia<lu^(ii>v  ,  JiL  Liiliai-jie  ,  a  rlr  faite 
d.m>  l'uilanlitiij  de  laljaisséi-  i€s  plus  sraiiijis  rfidiua- 
li<|M,,  r.juçais.»  Cone^winl.,  1,  34<'- 


374  TOU 

couspiration  conlreles  chefs-d'œuvre 
de  notre  scène  ,  en  faveur  de  la  ma- 
nière anglaise  et  allemande,  et  il  en 
signale  Le  Tourneur  comme  le  prin- 
cipal agent  '^4)-  Loin  de  lui  nui- 
re ,  la  colère  de  Yoltaire  servit  au 
succès  de  la  traduction  de  Sliakes- 
pearc.  Cependant  on  doit  louer  Le 
Tourneur  de  la  modération  qu'il 
montra  dans  cette  circonstance  ,  et 
de  n'avoir  point  repoussé  les  injures 
par  les  injures  (5).  Doue  d'une  ar- 
deur infatig.'iL'e  pour  le  travail ,  il 
encouiagouiî  les  jeunes  gens  qui  an- 
nonçaient des  dispositions  ,  et  il  en 
associa  plusieurs  a  la  traduction  de 
rilistoire  universelle  des  Anglais  (  V. 
PsALMAiN.AZAR  ) ,  dout  il  uc  fut  guèrc 
que  le  reviseur.  Il  dut  à  son  mérite 
la  place  de  secrétaire  ordinaire  de 
iMoNsiEUR  (  Louis  XVni  )  •  et  il  fut 
nomme  censeur  royal.  11  mourut  à 
Paris  ,  le  ^4  janvier  i  788  ,  à  l'âge 
de  cinquante-deux  ans ,  vivement  re- 
gretté des  gens  de  lettres.  «  Sa  vie  , 
»  dit  sou  biographe  anonyme  ,  fut 
»  un  cours  de  vertus  privées  et  de 
»  philosophie  pratique.  Laborieux  , 
»  patient ,  renfermé  dans  son  cabinet, 
»  il  fut  étranger  aux  rivalités  litté- 
»  raires  et  aux  agitations  de  la  ca- 
»  pitale.  Il  avait,  dans  la  société,  la 
»  candeur  et  la  timidité  d'un  enfant. 
»  Sa  conversation  était  douce  cora- 
»  me  ses  mœurs.  Il  connut  tous  les 
»  sentiments  honnêtes,  et  ne  mécon- 
»  nut  que  ceux  qui  rendent  la  vie 
))  malheureuse  ,te!s  que  le  désir  de  la 
»  renommée  et  le  tourment  de  l'en- 
»  vie.  »  On  a  de  lui  :  I.  Discours 
moraux ,  couronnes  dans  les  acadé- 


(4)  Mémoire)  sur  la  lilléralurr  ^  «r(.  Mekcikh. 

(5)  Laharpc  «e  plniiil  d'avuir  cle  traité  d'une 
utQuifTf?  furt  itijiiricusp  par  Le  Tonniciir  ,  uniqiip- 
iniMil  parce  cju'il  ii'ilall  pan  <le  mm  avis  mir  .Slio- 
krxpeare  ;  iiiali  on  n'ii  pav  pu  dilcoiivrir  Tartic 'e 
d'iit  l.aharpe  »r  filaint.  Voy.  Ol'.m-rcs  de  Lalioqie, 
«U.  ue  1811  ,  toai.  XIV  ,  pug.    n. 


TOU 

raies  de  Montaubau  et  de  Besançon  , 
en  1 766  et  1 767  ,  avec  un  Eloge  du 
Charles  F ,  roi  de  France  ,  Paris  , 
17G8 ,  iu-S'».  IL  La  Jeune  fille  sé- 
duite et  le  courtisan  ermite,  contes, 
traduits  de  l'anglais  ,  ibid.  ,  1769  , 
iu-8°.  IIL  Les  Nuits  et  œuvres  di- 
verses d'Young  ,  ibid.  ,  1769  -  70 , 
4  vol.  in-8°.  et  va- ii.\,cs  Nuits  ont 
été  réimprimées  souvent  dans  de  petits 
formats.  Le  traducteur  fiançais  a 
changé  toute  la  distribution  de  ce 
poème  ,  et  supprimé  les  passages  les 
plus  choquants.  Le  Discours  préli- 
minaire est  écrit  avec  noblesse  ,  et 
s  iliirait  pour  prouver  que  Le  Tour- 
neur aurait  pu  ne  pas  se  borner  au 
rôle  modeste  de  traducteur.  IV.  Mé- 
ditations sur  les  tombeaux ,  par 
Hervey,  ibid.,  1770,  in-8°.,  souvent 
réimprim.  in-1'2  (/^.Hervey).  V. 
Histoire  de  Richard  Savage  ;  sui- 
vie de  la  vie  de  Thomson ,  tra- 
duite de  Sam.  Johnson  ,  ibidem , 
1771 ,  in-i2.  VI.  Théâtre  de  Sha- 
kespeare ,  ibid. ,  1 7  76  et  ann .  suiv. , 
20  vol.  in-8*^.  ;  il  y  a  des  exemplai- 
res format  in-4°.  Cette  version  a  été 
reproduite,  revue  et  corrigée  par  M. 
Guizot,  1824,  i3vol.in-8".VII.  O5- 
sian  ,Jils  de  Fingal ,  poésies  gal- 
liques ,  traduit  sur  l'anglais  de  Mac- 
pherson  ,  ibid. ,  1777,2  vol.  in-8'». 
(  F.  OssiAN  et  Macpherson  ).  «  Cette 
traduction,  dit  Laharpe,  est  beau- 
coup meilleure  que  celle  de  Shakes- 
peare ,  et  fera  moins  de  bruit,  parce 
que  ce  n'est  pas  une  allaire  départi  » 
{Corresp.  Russe,  11,  ^i.  ).  VI II. 
Fue  de  l'évidence  de  la  religion 
chrétienne  ,  considérée  en  elle-mê- 
me, traduit  de  l'anglais  de  Jennings, 
ibid.  ,  1777  ,  in -8".  IX.  Clarisse 
Harlowc,  fraduitde  l'anglais  de  Hi- 
cliardson  ,  Paris  ou  Genève,  1784- 
87  ,  10  vol.  in-8".  ,  lig.  Cette  ver- 
sion ,  la  seule  coiuplcte  ,  a  été  réim- 


TOU 

primcfe  plusieujs  fois  iii-12  et  in-S". 
(  f^qy.  Richardson).  X.  Choix  d'é- 
légies de  VAriostey  traduit  de  l'ita- 
lien, 1785,  iu-S».  XI-  Foyage  de 
Spannann  au  cap  de  Bonne-Espé- 
rance ,  traduit  de  l'allemand,  ibid., 
1787  ,  5  vol.  in-S".  XII.  Vie  de 
Frédéric  ,  baron  de  Trenck  ,  Metz 
ou  Paris,  1788,  3  vol.  in-12.  Celte 
version  est  plus  complète  que  celle 
du  biiron  de  Bock  ;  mais  on  préfère 
la  nouvelle  traduction  faite  sous  les 
yeux  de  Trenck  (  Voj.  ce  nom  ). 
XIIÎ.  Mémoires  intéressants  d'une 
Lady ,  ibid.,  1788  ,  1  vol.  in- 12. 
XIV.  Les  Jardins  anglais  ,  ou  va- 
riétés tant  originales  que  traduites , 
ibid.  ,  1788,  1  vol.  in-8°.  Cet  ou- 
vrage est  précédé  d'une  Notice  sur 
Le  Tourneur  ,  et  orné  de  son  por- 
trait. XV.  'Lt  Nord  du  globe  ou  Ta- 
bleau de  la  nature  dans  les  contrées 
septentrionales  ,  traduit  de  l'an- 
glais de  Pennant  ,  ibid.  ,  1789  ,  'i 
vol.  in-80.  On  attribue  à  Le  Tour- 
neur le  texte  de  V Histoire  d'An- 
gleterre eu  figures ,  par  David  , 
1784,   2    vol.  in-4''.        W — s. 

TOURNEUR  (  Charles  -  Louis- 
François  -  Honore  Le  ).  Foj.  Le- 

TOVRNEUR. 

TOURNEUX  (Nicolas  Le).  F. 
Letourneux. 

TOURNIER  (  Jacques-Joseph  ) , 
mécanicien, né,  le  i^'".  mai  1690,  à 
Saint-Claude ,  avait  reçu  de  la  natu- 
re des  dispositions  singulières  pour 
les  arts.  Destiné  par  ses  parents  à 
l'état  ecclésiastique ,  en  faisant  ses 
cours  de  théologie,  il  apprit  ,  sans 
maître,  la  sculpture,  la  peinture,  la 
gravure,  l'horlogerie  et  l'optique. 
La  lecture  des  ouvrages  du  P.  Rey- 
ueau  (  F.  ce  nom  )  lui  donna  la 
première  notion  du  mouvement  des 
astres  ;  et  bientôt,  il  se  persuada 
qu'il  n'était  pas  impossible  de  conci- 


TOU 


S7-> 


lier  les  systèmes  de  Copernic  et  de 
Tycuo-Biahé.  Dans  ce  but ,  il  cons- 
truisit nue  sphère ,  au  centre  de  la- 
quelle la  terre  tournait  sur  son  axe, 
tandis  que  le  soleil  opérait  sa  icvclu- 
tion  annuelle  dans  le  zodiaque.  Quel- 
ques membres  de  l'académie  des 
sciences ,  ayant  entendu  parler  de 
cette  machine,  furent  curieux  d'en 
connaître  l'auteur.  L'abbé  Tournier, 
cédant  à  leurs  instances  ,  fit  le  voya- 
ge de  Paris  ;  mais  il  ne  put  y  soute- 
nir sa  réputation.  La  difllculté  qu'il 
avait  à  s'exprimer ,  et  le  peu  d'élé- 
gance de  ses  manières,  empêchèrent 
qu'on  ne  rendît  justice  à  ses  talent* 
réels.  De  retour  dans  sa  ville  natale, 
il  entreprit  d'expliquer  son  système 
astronomique,  et  gr^va  dix -neuf 
planches,  qui  devaient  accompagner 
son  ouvrage  j  mais  il  ne  l'a  point 
terminé.  Son  exemple  et  ses  leçons 
eurent  une  utile  influence  sur  les  pro- 
grès de  l'art  du  tour ,  lequel ,  com- 
me on  sait ,  est  une  des  principales 
ressources  des  habitants  de  Saint- 
Claude  (l).  Il  mourut ,  en  cette  ville, 
le  1 1  novembre  1 768.  Ce  fut  l'abbé 
Tournier  qui  dressa  la  Carte  du 
diocèse  de  Saint-Claude ,  lors  de  l'é- 
rection de  l'évêché,  en  1742.  On  a 
vu  loug-lemps  des  planisphères  de 
son  invention,  dans  le  cabinet  de 
physique  de  MM.  de  Saint-Sulpice 
(  Lalande,  Bibliogr.  aslronomiq. , 
^2^  ).  Au  jugement  de  M.  Janvier 
{F.  ce  nom,  Biograph.  des  hommes 
vivants;  111,459),  Tournier  aurait 
fait  honneur  à  sa  patrie,  s'il  eût  pu 
vaincre  sa  timidité  liaturtlle  ,  et  pren- 
dre les  habitudes  de  Paris.  Un  autre 
de  ses  compatriotes,  le  P.  Rom.  Jo- 
ly  lui  a  consacré  une   courte  Notice 


(l'I  Yo\.  lu  Soticc  liislcn.pic  ^'tr  Sahit-Cl.sud,: , 
par  ^^.  trrrtin  ,  5uiis-pretVt  At  l'arromlissiau»'''» , 
iii-8-\ 


376  TOU 

dans  ses  Lettres  suj-  la  Franche- 
Comté ,  p.  94'  W — s. 

TOURNÔN  (  François  de  ) ,  iils 
de  Jacques ,  comte  de  Tournoit,  et  de 
Jeanne  de Po!i|;nac,  naquit,  en  1489? 
à  Touinon  en  Vivarais.  Sa  famille, 
dont  le  cileractuel  siège  à  la  cliambre 
des  Pairs  ,  était  dès-lors  une  des  plus 
considérab?es  du  Languedoc.  11  se  des- 
tina de  bonne  heure  à  l'état  eccle'sias- 
tique  ,  et  prit  l'habit  de  chanoine 
de  Saint-Augustin ,  à  l'àgf"  de  douze 
ans,  dans  l'abbaye  de  Saint-Anloi- 
ue  en  Dauphiné.  Ses  talents  et-  sa 
naissance  le  portèrent  rapidement 
aux  honneurs  ecclésiastiques  :  après 
avoir  été  pourvu  de  l'abbaye  de  la 
Chaise-Dieu ,  il  fut  nommé  archevê- 
que d'Embrun  à  peine  âgé  de  vingt- 
huit  ans.  Tandis  qu'il  remplissait 
avec  le  succès  le  plus  complet  les  fonc- 
tions de  l'épiscopatj  la  France  pen- 
chait vers  sa  décadence.  François  l'^'". 
régnait,  et  déjà  il  avait  commencé 
avec  Charles-Qnint  cette  lutte  qui  de- 
A^ait  encore  faire  verser  tant  de  sang. 
Le  connétable  de  Bourbon  était  venu 
chercher  dans  le  camp  impérial  uu 
asile  contre  les  persécutions  de  Loui- 
se de  Savoie  :  la  victoire  de  Pavie  et 
Ja  captivité  du  roi  ne  l'avaient  qUè 
trop  vengé.  La  régente,  dans  ces 
graA-es  cii'constances,  réunit  à  LyOn 
les  liommcs  les  plus  éminents  du 
j'oyauïne  :  l'archevêque  d'Embrun 
fut  du  nombre.  La  délivrance  du 
roi  était  l'afiairc  la  plus  urgente  : 
la  reine  mère  en  confia  la  négocia- 
tion bu  pi'élat.  11  se  rendit  en  Es- 
])agne  avec  Jean  tle  Sclvc  et  plu- 
^ieu^s  autres  ])crsonnagesdistingués. 
Après  fie  longs  déliais,  Tournon  si- 
g'nA  ,  le  i/J  janvier  iGlif),  commO 
rliel'  de  l'auibassade,  le  traité  de  Ma- 
«Irid,  et  accompagna  le  roi  à  son 
lelour  en  France.  iVTais  ce  tiaité  ,  si 
durement  imposé  par  la   victoire  à 


TOU 

l'imnatience  de  François  l-^''.,  con- 
tenait des  clauses  contl'e  lesquelles  la 
France  se  souleva.  Tournon  eut  la 
principale  part  aux  négociations  qui 
en  changèrent  quelques  dispositions , 
et  qui  amenèrent  la  paix  de  Cambrai. 
Renvoyé  en  Espagne  avec  le  maré- 
chal de  Montmorenci,  pour  y  de- 
mander la  maind'Éléonore ,  il  rame- 
na cette  princesse ,  et  fit,  à  Captieux , 
petit  bourg  de  Guyenne  ,  la  cérémo- 
nie de  son  mariage  avec  François  l*^"". 
L'archevêclié  de  Bourges,  l'abbaye 
de  Saint-Germaiu-des-Prés ,  et  enlin 
le  chapeau  de  cardinal  furent  la  ré- 
compense de  ses  services.  Depuis  ce 
moment,  Touriion  jouit  de  toute  la 
confiance  du  roi.  La  guerre  avait 
cessé  ;  mais  ime  fermentation  plus 
funeste  encore  régnait  dans  toute 
l'Europe.  Des  dogmes  notiveaux 
avaient  été  prêches ,  et  avec  eux  la 
liberté  d'investigation  et  de  jugement 
dans  les  matières  jusqu'alors  soumi- 
ses à  la  foi.  L'Allemagne  avait  adop- 
té la  réforme  née  dans  son  sem;  la 
France  se  partageait  entre  l'ancienne 
et  la  nouvelle  croyance,  et  l'Anglc- 
teri'e,  sous  le  joug  de  fer  des  Tudor, 
attendait  la  sienne  d'Henri  VllI. 
Les  passions  de  ce  prince  firent  ce 
choix  pour  elle.  11  sollicitait  à  Rome 
son  divorce  avec  la  sœur  deCharles- 
Q;iiuî.  Le  pape  i-efusait  de  satisfaire 
à  ce  caprice ,  et  Henri  menaçait  d'a- 
dopter la  religion  qui  se  montrait 
plus  favorable  à  sou  amour  pour 
Anne  de  Boulcn.  Le  cardinal  de 
Tournon  fut  envoyé  à  Rome  ,  pour 
sus[)cndie  les  foudres  dont  le  pape 
menaçait  Henri;  ensuite  il  coiniit  à 
Londres,  pour  arrêter  l'impatient  mo- 
nar(]ue;  unis  le  pape,  cédant  à  liu- 
fluence  de  Ch.irUs-Quint,  n'atteridit 
pas  le  résultat  de  cette  négociation  :  il 
fulmina  rexConiiiMuiication  ;  etl'An- 
g'elerre  cessa  de  rccùnnaîliesonaulo- 


TOU 

l'ité.  Tournon,  pins  lieiireutdatis  ses 
autres  ncç^ociatians ,  dëtacli.i  les  prin- 
ces d'Italie  de  l'alliance  de  l'ompc- 
renr.  Le  mariae;ede  Catherine  de  Mé- 
dicis  avec  le  duc  d'Orie'ans,  deuxième 
lils  du  roi ,  fut  le  prix  de  la  complai- 
sance de  Clément  VllI  et  du  domina- 
teur de  Florence.  A  peine  la  France 
s'était  ainsi  entourée  d'alliances, que 
les  hostilités  recommencèrent.  Char- 
les-Quint envahit  la  Provence.  Fran- 
çois l*""".  chargea  le  maréchal  Anne  de 
i\ïontmorenci  de  l'epousser  l'ennemi  ; 
et  nommant  le  cardinal  de  Tournon 
son  lieutenant-général,  avec  les  pou- 
voirs les  plus  étendus,  il  le  chargea 
de  diriger  de  Lyon  ,  comme  un  autre 
lui-même,  tontes  les  opérations  de 
la  guerre.  Tournon  avait,  comme 
négociateur,  donné  des  preuves  de 
la  plus  haute  capacité;  placé  dans 
une  situation  nouvelle,  il  montra  tout 
ce  que  jieuvent  un  grand  caractère  et 
un  esprit  étendu.  L'ennemi  fut  re- 
poussé de  la  Provence  ,  le  Piémont 
lut  envahi ,  et  l'Italie  échappa  pres- 
que enlièieau  joug  de  Charles-Quint. 
Tournon  put  s'attribuer  en  grande 
partie  ces  succès;  car  ce  fut  lui  qui 
pourvut  aux  besoins  de  l'armée,  qui 
par  sa  sagesse  en  contint  les  bandes 
indisci])liuées ,  et  qui,  à  défaut  des 
fonds  de  l'état ,  versa  souvent  dans 
la  caisse  militaire  ses  propres  reve- 
nus et  les  sommes  qu'il  empruntait 
en  son  nom  des  marchands  de  Lyon. 
Il  paraît  qu'à  cette  époque,  le  cré- 
dit du  trésor  n'était  pas  bien  établi  ; 
car  le  roi  le  remercia  très-alfectueu- 
scment,  le  wx  janvier  1 53n  ,  d'avoir 
trouvé  (le  l'argent  à  trois  pour  cent 
par  mois.  Lorsque  le  besoin  de  la 
paix  se  lit  sentir,  ce  fut  sur  le  cardi- 
nal de  Tournon  que  François  1'^''. 
jeta  les  yeux  pour  le  représenter,  en 
l538,  aux  conférences  de  INice  ,  cn- 
frc  Paul  HT  et  l'empereur;  ce  fut  ce 


TOU  377 

ministre  qui  y  signa  une  paix  de  dix 
ans.  Le  oonnclahle  de  Montmorenci 
avait  ])artagé  long-temps  avec  le  car- 
dinal de  Tournon  la  couliance  du 
roi  ;  mais  la  disgrâce  de  cet  illustre 
guenier  laissa  Tournon  l'unique  ar- 
bitre de  l'état.  La  poursuite  de  l'hé- 
résie devint  pendant  la  paix  le  prin- 
cipal but  des  ellbrts  du  ministre.  De 
toutes  parts  la  réforme  pénétrait  eu 
France,  et  son  esprit  s'était  glissé 
jusque  dans  la  famille  royale.  Tour- 
non, convaincu  que  la  diliérence  des 
croyances  l'eligieuses  dans  les  mem- 
bres d'un  même  état  était  de  tous 
les  maux  le  plus  redoutable  ,  résolut 
d'extirper  la  religion  nouvelle  et  en- 
core mal  enracinée.  Pour  y  parvenir, 
non  content  de  combattre  avec  rai- 
son la  tendance  que  François  l*""., 
dominé  par  sa  sœur  la  reine  de  Na- 
varre, paraissait  avoir  pour  les  nou- 
veautés, il  établit  une  chambre  ar- 
dente ;  et  emporté  par  un  zèle  exces- 
sif, il  ordonna,  ou  du  moins  il  tolé- 
ra des  cruautés  horribles  contre  les 
Calvinistes  et  contre  les  Vaudois. 
Heureusement  il  ne  fit  pas  de  sou 
pouvoir  cet  unique  et  malheureux 
usage,  et  l'accroissement  de  la  bi- 
bliothèque du  roi  ,  la  fondation  de 
l'imprimerie  royale,  celle  des  collè- 
ges d'Auch  et  de  Tournon  ,  enfm  les 
bienfaits  répandus  sur  les  savants, 
jn-ouvent  qu'il  comjn-enait  tout  ce 
que  les  lettres  peuvent  ajouter  à  la 
grandeur  d'un  état.  Il  eut  pour  pen- 
sionnaires les  savants  les  plus  illus- 
tres, Muret ,  Lambin  ,  Vincent  Lau- 
ro  ,  depuis  cardinal ,  etc.  La  mort 
de  François  Io^  /  en  1647  ,  mit  fin 
au  pouvoir  sans  bornes  qu'exerçait 
depuis  dix  ans  le  cardinal  de  Tour- 
non. 'Pendant  vingt-quatre  ans  de 
ministère,  malgré  les  guerres  les  ]>his 
coûteuses,  cet  ^habile  boramc  d'état 
.'*ut  amasser ,  et  laissa  dans  les  cof- 


3jH  TOU 

fres  du  roi,  quatre  millions  de  la 
monnaie  de  cette  époque.  Henri  II 
monta  sur  le  trône ,  et  avec  lui  les 
])riuces  de  la  maison  de  Lorraine. 
Le  cardinal  de  Tournon  se  retira 
aussitôt  des  afl'aires  ;  mais  soit  pour 
l'éloigner  du  royaume  ,  soit  parce 
que  ses  talents  e'taient  nécessaires  ,  il 
fut  envoyé  à  Rome,  où  ,  après  avoir 
coopéré  à  l'exaltation  de  Jules  III , 
il  négocia  un  traité  avec  ce  pontife, 
et  souleva  contre  l'empereur  plu- 
sieurs princes  d'Italie,  qu'il  avait 
réunis  à  Cli loggia.  Objet  de  la  ja- 
lousie des  Guises  ,  il  fut  laissé  liuit 
ans  en  Italie ,  eu  qualité  d'ambassa- 
deur ,  et  y  soutint  sa  réputation  de 
négociateur  très-habile.  A  cette  épo- 
que ,  sa  médaille  fut  frappée  à  Venise. 
Le  roi  cependant ,  satisfait  de  ses  ser- 
vices, lui  avait  donné  l'archevêché  de 
Lyon ,  et  le  pape  l'avait  nommé  évo- 
que de  Sabine.  Lorsque  le  cardinal 
de  Tournon  revint  en  France,  en 
i555,  il  trouva  l'état  aux  mains  de 
la  duchesse  de  Valentitiois  •  et  sa 
fierté  ne  pouvant  plier  devant  cette 
idole ,  il  se  retira  dans  son  diocèse 
de  Lyon,  ville  dont  il  était  à-la-fois 
l'archevêque  et  le  gouverneur.  Là 
son  zèle  le  porta  de  nouveau  à  des 
actes  d'une  excessive  rigueur  contre 
les  Calvinistes.  Les  princes  Lorrains 
voulaient  rallumer  la  guerre  contre  le 
fils  de  Charles-Quint.  Le  cardinal  de 
Touf-nou  fut  contraint  de  retourner 
à  Rome ,  avec  la  mission  d'entiaîncr 
Paul  IV;  mais  loin  de  se  prêter  aux 
vues  ambitieuses  des  Guises  et  à  celles 
des  Caradà,  neveux  du  pape,  non 
moins  avides  de  troubles  que  les  prin- 
ces Lorrains,  il  fittous  ses  cd'orts  pour 
maintenir  la  paix.  Le  mauvais  génie 
de  la  France  l'emporta  cependant, 
et  une  guerre  que  marqua  la  bataille 
de  Saint-(junitin  mit  l'état  au  bord 
d«  l'abîme.  IjC  cardinal  de  Tournon 


TOU 

resta  en  Italie,  chargé  des  affaires 
de  France;  et  au  conclave  qui  suivit 
la  mort  de  Paul  IV,  il  balança  le 
choix  des  cardinaux.  Pie  IV,  qui 
l'emporta  sur  lui ,  le  nomma  évoque 
d'Ostie ,  doyen  du  sacré  collège  ,  et 
lui  accorda  toute  sa  confiance.  Ce- 
pendant Henri  II  était  mort^  et  le 
cardinal  de  Tournon  fut  rappelé  à 
la  cour.  11  la  trouva  livrée  aux  fac- 
tions ,  et  la  France  en  proie  aux  plus 
aO'reux  malheurs.  Eil'rayé  des  ])ro- 
grès  du  calvinisme  ,  le  cardinal 
crut  y  mettre  obstacle  en  donnant 
aux  Jésuites  le  collège  qu'il  avait 
fondé  à  Tournon  ,  et  en  faisant  rece- 
voir en  France  cet  ordre  déjà  célè- 
bre. Il  rendit  à  son  pays  un  service 
moins  contesté  en  détournant  le  fai- 
ble François  II  du  dessein  que  lui 
avaient  inspiré  les  Guises  et  le  maré- 
chal de  Saint-André  de  faire  assas- 
siner le  père  d'Henri  IV.  L'avéne- 
ment  de  Charles  IX  au  trône  ren- 
dit au  cardinal  de  Tournon  une 
grande  partie  de  son  crédit  :  il  l'em- 
ploya encore  contre  les  Protestants; 
son  zèle  et  son  habileté  se  firent 
remarquer  aux  états  d'Orléans,  en 
1 5Go ,  et  au  colloque  de  Poissy,  qu'il 
présida  l'année  suivante.  Ce  fut  le 
dernier  acte  important  de  sa  vie  po- 
litique ;  il  mourut,  le  2 1  avril  1 56'2 ,  à 
Saint-Germain-cn-Laye,  après  avoir, 
dans  le  cours  d'une  vie  de  soixante- 
treize  années,  pris,  pendant  trente- 
neuf  ans  et  sous  quatre  rois,  la  part 
la  plus  active  aux  ad'aircs  de  cette 
éjioquc,  si  féconde  en  grands  événe- 
ments. II  fournit  un  exeuij)Ic  unique 
de  faveur  et  de  crédit  dans  des  temj)s 
si  dllficilcs.  Sa  famille  ne  recueillit 
aucun  des  biens  qu'il  avait  amassés  : 
il  les  employa  tous  en  fondations 
j)icuses.  dont  la  plus  considérable 
est  le  collège  de  Tournon,  dans  l'é- 
glise dutpiel  il  fut  enterré.  De  Thou 


I 


ÏOU 

dit  de  lui  :  «  Homme  d'une  rare  pru- 
»  dence  et  d'un  mérite  extraordinai- 
»  re  ;  d'une  habileté  pour  les  ali'aires, 
»  et   d'un   amour  pour  sa   patrie, 
»  presque  au-dessus  de  ce  qu'on  en 
»  peut  penser.  François  P'.  l'avait 
»  mis  à  la  tète  des  atlaires.  Après  la 
»  mort  de  ce  prince,  l'envie  le  fit 
»  chasser  delà  cour  ;  mais  il  fut  tou- 
1)  jours  estimé,  considéré  et  respecte' 
»  de  tous  ,  même  de  ses  envieux.  Ou 
»  le  vit  toujours  opposé  aux  Protes- 
»  tants  ,  persuadé  qu'on  ne  pouvait 
»  rien  changer  en  matière  de   reli- 
))  gion  sans  troubler  la  paix  et  la 
»  tranquillité  de  l'état.  »  «  C'était , 
»  dit  Vardias ,  un  ministre  laborieux  ; 
»  capable  selon  le  temps;  qui  avait 
»  l'esprit  pénétrant  et  le  jugement 
»  net ,  et  qui  se  piquait  d'aller  au  so- 
»  lide.  »  «  On  ne  sache  pas,  dit  Da- 
»  niel ,  que  Tournon  ait  jamais  pris 
»  le  mauvais   parti  dans  une  atFai- 
»  re.  »  Sans  compter  les  Eloges  ou 
Oraisons  funèbres  de  ce  prélat ,  on  a 
sa  Vie  ,  en  latin,  par  P.  Bouvière  et 
par  L.  Doni  d'Attichi  ;  en  français  , 
par  le  P.  Ch.  Fleiiry  (  Paris,  1779, 
m- 12  ),  et  par  d'Auvigny  [Hommes 
illustres  de  France,  11,  i4i  )•  F--i. 
TOURNON  (  Charles  -  Thomas 
Maillard  de),  cardinal,  issu  d'une 
ancienne  et  illustre  maison  originaire 
de  Rumilli  en  Savoie,  naquit,  à  Tu- 
rin ,  le  2 1  décembre  1 668  (  1  ).  Après 
avoir  achevé  ses  études  à  Rome  ,  au 
collège  de  la   Propagande ,   il  em- 
brassa l'état  ecclésiastique ,  et  ne  tar- 
da pas  à  se  distinguer  par  ses  lumières 
et  par  son  dévouement  au  Saint-Siège. 
Le  pape  Clément  XI  le  revêtit  de  la 


(i)  Sou  pire,  Vicljr-Ainpdee  de  Maillard  ,  com- 
te de  Tournon  el  marquis  d'Albi ,  ministre  d'elat, 
chevalier  del'Annonciade  ,  gouverneur  du  château 
et  comté  de  Nice  ,  mourut  eu  i^oi.  Oa  voit  parce» 
titres,  combien  c'est  faussement  que  Voltaire  ii 
présenté  le  cardiual  comme  une  espèce  d'a7enlu- 
rier  ,  prêtre  savoyard  nommé  MaiUard  ,  qui  iivMt 
prii  le  nom  de  TournuD. 


TOU 


37a 


dignité  de  patriarche  ,  et  le  nomma  , 
le  5   décembie    1701  ,  son   vicaire 
apostolique  aux  Indes  et  à  la  Chine. 
Suivant  les  uns  ,  le  patriarche  était 
chargé  seulement  de  prendre  connais- 
sance des  rites  don  t  lesJésuites  avaient 
cru  pouvoir  permettre  la  pratique  aux 
nouveaux  convertis  (  Voy.  Ricci); 
mais  d'autres  assurent  qu'il  avait  re- 
çu le  pouvoir  d'interdire  aux  nou- 
veaux    chrétiens    tous     les    usages 
qu'il  jugerait  contraires  à  la  pureté 
de  la  foi  catholique.  Le  patriarche  se 
rendit  aussitôt   en  Espagne  ,    où   il 
devait  attendre  un  bâtiment  français 
chargé  de  le  transporter  dans  les  In- 
des. La  guerre  n'ayant  pas  permis  à 
ce  bâtiment  d'approcher  de  Cadix, 
le  prélat  gagna  l'île  de  Ténériffe,  où 
le  vaisseau  du    roi  le   Maurepas  le 
prit  à  son  bord  ,  le  3  mai  1705  ;  il 
débarqui  le  6  novembre   suivante 
Pondichéri.  Les  Jésuites  allèrent  à  sa 
rencontre  jusque  sur  le  rivage  ,  et  le 
ramenèrent  processionelleracut  dans 
la  ville.  Le  patriarche  n'eut  qu'à  se 
louer  de  leur  politesse  et  de  la   ma- 
nière noble   et   généreuse    dont   ils 
pourvurent  à  tous  ses  besoins.  Forcé 
de  prolonger  son  séjour  dans  les  In- 
des ,  il  en  profita  pour  examiner  les 
rites  pratiqués  par  les  chrétiens  ma- 
labares;  et  convaincu  qu'il  était  dan- 
gereux de  tolérer  plus  long  -  temps 
ces  restes  de  la  superstition ,  il  les 
proscrivit  par  un  décret  qu'il  rendit 
public  ,  le  1 1  juillet  1704.  C'était  le 
jour  même  de  son  départ  pour  Ma- 
nille ,  d'où  i\  continua  sa  route  jus- 
qu'à la  Chine.  11  arriva  dans  cet  em- 
pire au  commencement   de  l'année 
1705.  Soi  premier  soin  fut  de  réunir 
à  Canton  l^s  chefs  des  missions,  aux- 
quels il  annonça  que  le  but  de  son 
voyage  étnit  d'épurer  le  culte  catho- 
lique à  la  Chine;  et  malgré  leurs  ob- 
servations ïur  les  dangers  d'adopter 


38o  TOU 

lëgcremeut  une  pareille  mcsiiic ,   il 
leur   enjoignit  de  faire  disparaître 
des  églises  les  signes  et  eiiiLlèmes  re- 
latifs au  culte  du  ciel  et  des  ancêtres. 
Le  patriarche  n'obtint  que  par  le 
crédit  des  Jésuites  la  permission  de 
se  rendre  à  Peking  ,  oîi  ds  lui  pi-ocu- 
rèrcnt  une  entrée  qui  surpassait,  par 
la  pompe  et  la  magniliceuce  ,  celle 
de  tous  les  ambassadeurs.  Admis  à 
l'audience  de  l'empereur  Kliang  -  hi 
(  Voy.  Maigrot  ),  le  légat  lui  parla 
du  projet  d'établir  à  la  Chine  un  su- 
périeur-général  des   missions,    qui 
deviendrait  l'intermédiaire  entre  le 
Saint-Siège  et  le  gouvernement  chi- 
nois. Cette  idée  déplut  à  l'empereur, 
qui  cessa  bientôt  de  montrer  les  mê- 
mes égards,  la  même  déférence  au 
i'égat  ,  qu'd  jugea  minutieux  et  tra- 
cassier.  Le  patriarche  accusa  les  Jé- 
siiites    de  ce    changement  j   ceux-ci 
l'attribuèrent  à  l'ignorance  qu'il  mon- 
trait des  nsages  de  la  Chine,  et  à  son 
peu   d'égard  pour  les  volontés   de 
l'empereur.  Quoi  qu'il  eu  soit,  le  pa- 
triarche reçut,  le  3  août  i^oO,  l'or- 
dre de  sortir  de  Peking.  Il  ne  quitta 
oette  ville  que  le  '28,  ayant  été  re- 
tenu par  des  allaires  qu'il  jugeait  de 
son  devoir  de   terminer  avant  son 
départ  ;  m.iis  la  négligci.ce  involon- 
taire qu'il  avait  mise  dans  l'exécu- 
tion d'un  ordre  émané  de  l'empereur 
acheva  d'indisposer  ce   ]irhice.   Le 
légat  prit  la  route  de  Nankiug  ,  où 
il  s'arrêta    pour  faire  ses  dernières 
dispositions  avant  son  retour  en  Eu- 
J'ojje.  C'est  de  cette  ville  qu'est  daté 
le  fameux  mandement   qu'il   publia 
ie  a8  janvier    1707  ,   par  lequel    il 
interdit  aux  nouveaux   chrétiens  'la 
prali(}ue  des  aiieicnues  cérémonies  , 
et  enjoint  aux  missionnaires   de  se 
conformer  à  celte  iiistrm^tion  ,  sous 
\^'s    pcirus    <aiioiii<|iies.    Tiette    pièce 
irrita  te Uemout  l'empereur,  qu'il  don- 


TOU 

na  l'ordre  d'arrêter  le  patriarche  et 
de  le  conduire  à  Macao,  où  il  fut  re- 
mis à  la  garde  des  Portugais ,  qui  le 
traitèrent  d'une  manière  d'autant  pi  us 
rigoureuse,  qu'il  les  avait  desservis 
près  de  l'empereur.  Malgré  les  récla- 
mations des  jésuites  ,  le  pape  approu- 
va la  conduite  de  sou  légat  ;  et,  en  ré- 
compense du  zèle  qu'il  avait  montré, 
le  créa  cardinal.  11  renit  dans  sa  pri- 
son les  insignes  de  sa  nouvelle  dignité, 
dont  il  ne  devait  jouir  que   peu  de 
temps.  Sa  santé,  naturellement  dé- 
licate, ne  put  résister  aux  rigueurs 
de  ses  gardiens  ,  et  il  expira  ,  dans 
de  grands  sentiments  de  piété  ,  le  H 
juin  i  -y  I  o  ,  à  i'àge  de  quarante-deux 
ans.  L'éloge  du  cardinal  deïournon 
fut  prononcé  par  le  souverain  pon- 
tife, en   1711  ,  dans  une  assemblée 
du  sacre'  collège.  L'ordre  de  rajjpor- 
ter  son  corps  à  Rome    fut  exécuté 
par  le  légat  Mezzabarba  (  Voy,  ce 
nom  ,  XXVIll,  5i4);  et  il  fut  in- 
humé, le  27  septembre  1720,  dans 
l'église  du  collège  de  la  Propagande. 
La  légation  du  cardinal  de  Tournon 
a  fait  naître  unefoule  d'écrits,  parmi 
lesquels  on  se  contentera  d'en  citer 
deux  :  Esarne  e  difesa  del  décrète 
da  M.  di   Tiiurnon  sopra  le  cose 
delV  imperio  délia  China ,  Rome , 
1 7  '28,  in-4".  C'est  une  apologie  com- 
plète. —  Mémoires  du  P.  Thomas  , 
vice-provineial  des  Jésuites  en  (.liine , 
sur  la  mission  du  cardinal  de  Tour- 
non,  dans  le  Recueil  des  Leilresédi- 
Jiaîites ,  édit.  du  P.  Qiierbeuf ,  xxvi , 
2()6-354.   L'auteur  ,  comme  on  le 
pense  bieti  ,  cherche  à  justifier  ses 
confrères ,   et  rejet/le  tout  le  blàmc 
sur  le  légat,  dont  les  Mémoires  au- 
thenlicpies  furent  enfin  publiés  ,  en 
'7^*'^?  jiar  les  soins  du  cardinal  Pas- 
siohci ,  ,sous  ce  titre  :  Menwrie  sto- 
riche  délia  leç;azione  e  morte  del 
cardinale  di    Tournon  esfjosli  coti 


TOU 

inoimmcnii  rari  ed  autcvtici  ,  non 
pià  datiin  lace  ,  Rome,  8  vol.  in- 
8".  On  y  trouve  plus  d'exactitude 
que  dans  les  Anecdotes  sur  l'état 
de  la  religion  dans  la  Chine ,  Paris , 
i-jSS  ,  'j  vol.  in-  12.  Le  nom  chi- 
nois de  ce  prélat  e'fait  To-loo.  Il  avait 
e'ié ,  à  Rome ,  un  des  ])i  craicrs  mem- 
bres de  l'académie  des  Arcadicns, 
sous  le  nom  d'Erasmiis  Idalius  ;  et 
(^rcscinibeui  y  prononça  son  Oraison 
funèjn'c  (V.  Vite  degli  Aixadi  illns- 
tri  ,  3 ,  I  ,  et  JVotizie  istor.  des^li 
Arcadi  morti ,  •!  ,  loo  ).  Sa  Vie  a 
été  écrite  en  italien  par  l'abbé  Fafi- 
iiclli  ^2);  mais  on  ne  ?ait  si  ce  tra- 
vail a  été  publié.  W — s. 

TOURON  (le  P.  Antoine),  bio- 
graphe et  controvcrsisle  ,né,dans  le 
(|j(/»  èse  de  Castres,  en  iG88,  prit 
jeune  l'habit  de  saint  Dominique,  et 
se  dévoua  d'abord  l\  l'enseignement 
des  noAnces.  Ayant  été  remplacé  dans 
les  fonctions  de  professeur  de  théo- 
logie, il  profila  de  ses  loisirs  pour 
étudier  l'histoire  de  son  ordre ,  et  à 
l'âge  de  ciurpiante  ans,  publia  la  Fie 
de  saint  Thomas  dAquin ,  ouvra- 
ge estimable  par  l'étendue  et  l'exac- 
titude des  recherches.  Encouragé  ])ar 
les  sulfragesdu  public,  il  donna  bien- 
tôt la  Fie  de  saint  Dominique ,  et 
enfin  V Histoire  des  hommes  illustres 
(pii  sont  sortis  de  cet  ordre  célèbre. 
Il  oti'rit  la  dédicace  de  cette  Histoire 
au  pape  Benoît  XIV ,  qui  témoigna 
sa  satisfaction  à  l'auteur  par  un  bref 
conçu  dans  les  termes  les  plus  flat- 
teurs. Les  attaques  dirigées  contre  la 
religion  excitèrent  ensuite  son  xèie  ; 
et  il  consacra  sa  plume  à  la  défendre 
contre  les  efl'orls  des  incrédules.  Il 
mourut  à  Paris,  le  'x  sept.  1775, 
à  l'âge  de  quatre-vingt-cinq  ans, 
ayant  conservé ,  jusqu'au  terme  de 

(»)  J0UI11.  lie  l'eiiiim,  Aéc.  17H,  p.  384- 


TOU 


38 1 


sa  longue  carrière,  une  santé  vigou- 
reuse et  toutes  l(s  facultés  de  son  es- 
])iil.  C'était  un  écrivain  laborieux  et 
rempli  d'érudition;  mais  son  style, 
clair  et  facile,  pèche  par  la  dilHision 
et  par  i'abseiice  de  tout  ornement. 
Ses  ouvrages  sont  :  I.  Fie  de  saint 
Thomas  d'Aquin,  avec  \m  exposé 
de  sa  doctrine  et  de  ses  ouvrages, 
Paris,  1737  ,  in-/|  '.  II.  Fie  de  saint 
Dominique  de  Guzman,  f(jndateur 
de  l'ordre  des  Frires-Prècheurs,  avec 
l'Histoire  abrégéedc  ses  premiers  dis- 
ciples ,  ibid. ,  I  739  ,  in-4".  III.  His- 
toire des  hommes  illustres  de  Tor- 
dre de  saint  Dominique ,  ibid. ,i  743- 
4;),  G  vol.  in-4".  Cet  ouvrage  forme, 
avec  le  précédent ,  une  bistoire  com- 
plète de  l'ordre ,  depuis  sa  foridation 
jusqu'en  174^-  L'auteiu'  a  joint  an 
sixième  volume  une  traduction  lati- 
ne, avec  le  texte  en  regard,  du  Dis- 
cours du  pape  Benoît  XIV  sur  ia 
mort  précieuse  de  Pierre  martyr  (  le 
P.  Sauz  ,  évcque  de  Manricastre  ) , 
l'une  des  phis  illustres  victimes  de  la 
persécution  suscitée  à  la  Chine  contre 
les  Chrétiens,  eu  1747'  I'  existe  dos 
traductions  de  cet  ouvrage  en  espa- 
gnol et  en  italien.  IV.  De  la  Prcm- 
dence ,  tmté  historique,  dogmati- 
que et  moral ,  avec  un  Discours  pré- 
liminaire contre  l'irréligion  et  l'in- 
crédulité ,  ibid. ,  1 752  ,  in-  ]  2.  V.  La 
Main  de  Dieu  sur  les  incrédules  , 
ou  Histoire  abrégée  des  Israélites  , 
souvent  inlidèles  et  autant  de  fois  pu- 
nis ,  ibid,,  i;56,  2  vol.  in- 12.. VI. 
Parallèle  de  l'incrédule  et  du  vrai 
fidèle ,  ihià. ,  17.58,  in-12.  VII.La 
Fie  et  V esprit  de  saint  Charles  Bor- 
romée ,  ibid.,  I7()i  ,  3  vol.  in-12. 
VIÎI.  flistoire  générale  de  V Amé- 
rique,  depuis  sa  découverte,  ibid., 
176S-70,  i4  ^ol.  in-12.  (^est,  com- 
me l'auteur  le  dit  lui-même,  V His- 
toire  ecclésiastique   du    Nouveau- 


3o2 


TOU 


Monde.  On  y  trouve  cependant  des 
détails  sur  les  productions  du  pays 
et  sur  l'oriç^ine  et  les  mœurs  des  ha- 
bitants ,  d'après  les  auteurs  espa- 
gnols. W— s. 

TOURRETL  (  Jacqles  db  ) ,  litté- 
rateur français ,  naquit,  à  Toulouse  , 
le  iSnoverabre  i656.  Son  père  était 
jnocurcnr-genéral  au  parlement  de 
cette  ville;  et  sa  mère,  Marguerite 
F ieubet ,  était  sœur  du  premier  pre- 
.sideut  de  la  même  cour.  Le  jeune 
Tourrcil  montra  de  bonne  Leure  du 
goût  pour  les  lettres ,  et  spécialement 
pour  l'art  oratoire:  il  composait  des 
déclamations ,  des  diatribes  contre  ses 
camarades,  quelquefois  aussi  contre 
ses  maîtres.  Entraîné  cependant  par 
l'ardeur  bouillante  de  son  caractère, 
il  eut  envie  d'entrer  dans  la  carrière 
des  armes  :  pour  l'en  détourner,  on 
lui  remontra  que  les  grands  person- 
nages de  l'ancienne  Rome    avaient 
brillé  au  barreau  avant    de  s'illus- 
trer dans  les  combats;  il  n'en  fallut, 
dit-on,  pas  davantage  pour  le  dé- 
terminer à  poursuivre  le  cours  de  ses 
études.  Seulement  il  prit  le  titre  de 
chevalier  de  Tourreil,  et  vint  à  Pa- 
ris, avec  l'espoir  d'y  perfectionner 
les  talents   qu'il   croyait    posséder. 
Quoiqu'il  se  fût  ainsi  voué  à  la  scien- 
ce du  droit ,  et  destiné  à   la   haute 
éloquence ,  il  cultivait  aussi  la  poé- 
sie :  à  dis.-huit  ans,  il  décrivit  en 
vers  latins  la  maison  que  son  cousin 
Fieubet,  conseiller-d'élat ,  occupait 
sur  le  quai  des  Augustins.  En    1G81 
et  83  ,  il  concourut  pour  les  prix  d'é- 
loquence que   l'académie    française 
avait  proposés,  l'un  sur  ces  paroles: 
Ave  ,  gralia  plcna  ,  Dominus  te- 
cum;  l'autre  sur  ce  texte  :  Eccc  hea- 
tam  me  cUcenl  nmncs  ^cncrnlioneSi 
et  il  eut  le  bonheur  de   cueillir  les 
deux  palmes.  Encourage  par  de  si 
glorieux  succès,  il  se  mit  à  traduire 


TOU 

Démosthène  ,  et  publia  ,  en  1691  (  * 
Paris  ,  iu-B".  ) ,  une  version  française 
de  la  première  Philippique,  des  trois 
Olyntliienues,  et  de  la  Harangue  sur 
la  paix.  Les  juges  les  plus  éclairés 
trouvèrent  qu'il  avait  paraphrasé^ 
et  plus  énervé  qu'embelli  l'orateur 
grec.  «  Le  bourreau!  s'écriaitRacine, 
il  fera  tant  qu'il  donnera  de  l'esprit 
à  Démosthène.  »  D'Olivet  rapporte 
luie  conversation  où  Boilcau  disait  : 
«  Tourreil  n'est  pas  un  sot ,  à  beau- 
coup près  ;  et  cependant  quel  mons- 
tre que  sou  Démosthène  î  je  dis  mons- 
tre ,  parce  qu'en  etiét  c'est  un  mons- 
tre   qu'un     homme    démesurément 
grand  etbouili.  »  Toutefois  cette  tra- 
duction et  les  deux  discours  précé- 
demment couronnés  avaient  valu  au 
chevalier   de   Tourreil   les    bonnes 
grâces  du  contrôleur-général   Pont- 
chartrain  ,  qui,  dès  iCigi  ,  !e  lit  en- 
trer à  l'académie  des  médailles  ou 
inscriptions;  et,  en  1692,  à  l'acadé- 
mie française.  Le  tableau  des  pro- 
ductions de  cet  écrivain  se  continue 
par  son  discours  de  réception  ,   et 
par  celui  qu'il  prononça ,  au  mois 
d'octobre  de  la  même  année  ,  en  ré- 
pondant aux  députés  de  l'académie 
de   Nîmes,   qui   venaient  remercier 
les  académiciens  de  Paris  de  l'asso- 
ciation ou   affiliation  qu'ils  avaient 
daigné  lui  accorder.  Tourreil  eut  en- 
coi'e  à  prendre  la  parole  au  nom  de     4 
l'académie  française ,  en  1694  ^  non- 
seulement  lorsqu'elle  reçut  dans  son 
sein  l'abbé  Charles  Boileau;  mais,  ce 
qui  est  bien  plus  mémorable ,  lors- 
qu'elle présenta  au  roi ,  aux  princes, 
aux  ministres,   la  première  édition 
de  son  Dictionnaire.  Ce  jour-là  ,  le 
direclcur  Tourreil  prononça  vingt- 
huit  ,  ou  même ,  selon  Massicu,  tren- 
tc-deux    compliments ,  à  Fontaine- 
bleau ;    et   malgré  les  applaudisse- 
ments qu'ils  avaient  tous  obtenus,  il 


TOU 

n'en  voulut  pas  donner  de  copies  ; 
on  n'en  retrouve  qu'un  seul  dans  ses 
OEuvres  ,  celui  qui  s'adressait  à  Louis 
XIV.  Le  recueil  de  ses  écrits  renfer- 
me de  plus  une  Préface  ou  dédicace 
particulière  qu'il  avait  composée 
pour  être  mise  en  tête  de  ce  diction- 
naire; et  qu'il  fit  imprimer  en  l'an- 
née même  169  4,  à  la  suite  de  ses 
Essais  de  jurisprudence  (  à  Paris  , 
in- 12  ).  Les  questions  traitées  ou 
proposées  dans  ces  Essais  sont,  dit 
de  Boze  ,  a  susceptibles  d'agréments 
que  n'oH're  pas  la  lecture  du  Code  et 
du  Digeste  »  :  il  y  en  a  pourtant  une 
fort  sérieuse  ,  savoir  si  la  torture  est 
une  bonne  voie  pour  découvrir  les 
coupables.  D'autres  sont  conçues  en 
ces  termes  :  Si  l'on  a  sagcmeat^fait 
en  abolissant  la  loi  qui  tenait  les  fem- 
mes en  tutelle  durant  toute  leur  vie  j 
si  un  homme  qui  ne  volerait  que  pour 
donner  commettrait  véritablement 
un  vol;  si  un  juge  peut  ordonner  une 
demi-peine  pour  le  crime  dont  il  n'a 
qu'une  demi-preuve,  etc.  Toutes,  y 
compris  celledela  torture, sont  réso- 
lues selonlc  sentiment  des  j  ur  iscousul- 
tes  réputés  graves  ,  et  les  plus  accré- 
dités avant  1694;  chaque  problème 
estle  sujet  d'une  lettre  que  l'auteur  a 
l'intention  de  rendre  divertissante  :  il 
donne  à  un  exploit  le  nom  de  com- 
pliment timbré:  à  un  salaire,  celui 
de  reconnaissance  monnoyée,  etc.  Il 
était  dilïlcile  de  traiter  d'une  maniè- 
re plus  frivole  et  à-la-fois  plus  fasti- 
dieuse des  matières  natinellcment 
austères ,  qui  n'admettent  d'autre  or- 
nement que  la  clarté  des  idées ,  la 
vérité  des  faits  ,  la  justesse  des  con- 
séquences et  l'élégante  précision  du 
langage.  Ce  livre  n'ayant  pas  fait 
fortune,  quoiqu'il  fût  de  fort  mau- 
vais goût,  Tourreil  dit  adieu  à  la  ju- 
risprudence, et  reprit  son  métier  de 
traducteur.  Il  eut  le  bon  esprit  de 


TOU 


383 


sentir  que  sa  version  de  Démosthèue 
était  ti'op  brillante  et  trop  ambitieu- 
se; il  la  relit,  en  ajoutant  aux  cinq;^ 
harangues  qu'il  avait  déjà  traduites 
trois  autres  Philippiques  et  les  dis- 
cours sur  la  Chersonèse  et  sur  la  let- 
tre de  Philippe.  Elles  parurent  en 
1701  ,  à  Paris,  in-4''. ,  avec  des  re- 
marques et  une  préface,  sur  laquelle 
nous  reviendrons ,  et  furent,  en  1 706, 
réimprimées  à  Amsterdam  ,  in- 12. 
Cette  fois  il  s'était  prescrit  des  lois 
un  peu  plus  sévères  :  on  trouva  ce- 
pendant qu'il  se  donnait  encore  trop 
de  liberté,  qu'il  retranchait,  qu'il 
ajoutait,  et  qu'au  surplus  il  n'avait 
pas  plus  d'énergie  quand  il  voulait 
être  lidèle  que  de  grâce  quand  il  se 
dispensait  d'exactitude.  On  peut  lui 
savoir  gré  d'avoir  eu  le  couiage  de 
recommencer  une  troisième  fois  ce 
travail  :  il  y  consacra  les  quinze  der- 
nières années  de  sa  vie,  durant  les- 
quelles néanmoins  il  composa  quel- 
ques autres  écrits.  De  Boze  le  dési- 
gne comme  un  des  membres  de  l'aca- 
démie des  inscriptions  qui  ont  le 
plus  contribué  1  l'édition,  publiée  en 
l'jo'i  ,  de  l'Histoire  du  règne  de 
Louis  XIV  par  .'es  médailles.  Pour 
l'en  récompenser,  on  augmenta  sa 
pension:  et  peu  après,  il  obtint  le 
titre  de  pensionnaire  vétéran  ,  qu'il 
avait  sollicité  afin  d'être  moins  dis- 
trait de  sa  traduction  de  Démostbè- 
ne.  Il  ne  reparaît  dans  les  Aimales  de 
l'académie  française  qu'en  1708, 
lorsque  la  place  vacante  par  le  décès 
de  Charles  PeiTault  était  demandée 
par  l'abbé  de  Chaulieu.  Tourreil ,  qui 
remplissait  alors  les  fonctions  de  di- 
recteur, manœuvra  ,  sans  qu'on  sa- 
che trop  pour  quelle  raison  ,  contre 
l'Anacrcon  du  Temple  (  P^qy.  Chau- 
lieu ,  VIII  ,  9.95  )  ;  et  pour  être  ])lus 
sûr  de  lui  enlever  les  suffrages ,  il  dé- 
clara que  le  président  de  Ijamoignon 


384  TOU 

se  mettait  sur  les  rangs  :  ec  magis- 
trat fut  c'iii,  cl  n'accepta  poiiit  cet 
excès  d'honneur.  11  aimait  pourtant 
la  tittëratuieetccuxqui  la  cultivaient, 
mais  non  pas  au  point  de  s'emparer 
de  leins  places  et  de  leur  patrimoine. 
Sur  son  refus  ,  on  nomma  le  cardi- 
nal de  Rolian,  à  la  réception  duquel 
ïourreil  jMOuonça  un  dernier  dis- 
covirs,  le  3i  janvier  1704.  En  reuT 
dant  compte  de  ce  discours  ,  dans  le 
Journal  de  Tre'voas:,  les  Jésuites  ac- 
coidaiciit  à  M.  le  directeur  de  l'aca- 
démie beaucoup  d'emphase ,  et  l'art 
dégrossir  les  objets  par  des  expres- 
sions ma'^nifiques.  11  se  fâcha  de 
cet  éloge  ;  et  l'on  croit  que,  pour  s'en 
venger  ,  il  prêta  sa  plume  aux  ecclé- 
siastiques des  missions  étrangères  , 
qui  avaient  en  ce  temps  des  démêlés 
avec  la  société  de  Jésus  ,  et  qui  pu- 
bliaient contre  elle  des  Mémoires  sur 
les  allaires  de  la  Chine.  On  lui  attri- 
bue particulièrement  la  préface  assez 
piquante  et  la  traduction  des  Ré- 
iles-ions  sur  les  cultes  et  les  supersti- 
tions chinoises  ,  imprimées  eu  hol- 
lande.ïourreil  avait  un  ]jeu  de  rudesse 
dans  le  caractère;  ses  saillies  étaient 
brusques,  ses  réparties  vives  et  quel- 
quefois ollcnsanles;  et  il  se  corrigeait 
d'autant  moins  de  celte  ,àpretc  qu'il 
la  prenail  pour  de  !a  véliemencc  :  il 
voulait  conserver  ie  droit  de  louer  et 
jie blâmer  avec  fiancliise  ,  et  ])ardon- 
nait  cependant  les  torts  dont  on  s'a- 
vouait coupable.  On  assure  qu'il 
faisait  profession  de  préférer  les 
<pialités  du  cœur  et  de  l'esprit  à 
l'éclat  de  la  naissance  et  des  di- 
gnités :  s'd  soutient  que  Démosthè- 
ne  n'était  j)as  (ils  d'uu  forgeron  : 
u  Ce  n'est  point ,  dit-il ,  ])ar  un  culê- 
»  lenieut  ridicule  pour  mon  auteur, 
»  moi  qii  ne  lui  demande  d'autres  li- 
»  tics  de  noblesse  que  ses  ouvrages, 
»  et  qui  ne  comiais  de  véritahh;  rotu- 


TOU 

»  re  que  celle  des  actions.  »  Tofit 
occupé  de  ce  grand  orateur  ,  il  n'a- 
vait point  encore  achevé  de  retou- 
cher la  traduction  de  douze  haran- 
gues ,  lorsqu'il  mourut  à  Paris ,  le  i  i 
octobre  1715,  à  peine  âgé  de  cin- 
quante-neuf ans.  11  avait,  <lans  l'aca- 
démie française ,  succédé  à  Michel 
Le  Clerc  :  il  y  fut  remplacé  par  Jean- 
Roland  Malet  (i),  gentilhomme  or- 
dinaire delà  chambre  du  roi.  Tour- 
reil ,  par  son  testament,  chargeait 
l'abbé  Massieu  ( F.  XVll,  4oH-4 1  o  ), 
son  confrère,  de  publier  la  troisième 
édition  de  la  version  française  de 
Déraostliène;  Massieu  fit  plus,  il  don- 
na une  édition  complète  des  OEuvres 
de  ïourreil  (  Paris  ,  \^'}.\,i  vol.  in- 
4". ,  4  vol.  in-i  2  ).  A  l'exception  des 
écrits  sur  les  missions  en  (^hine  ,  ce 
recueil  contient  toutes  les  produc- 
tions dont  nous  avons  fait  mention 
danscet  a  rticîc,etde  plus  l'inscription 
latine  rédigée  par  ïourreil  pom-  la 
statue  équestre  de  Louis-le-Grand ,  à 
la  place  Vendôme.  Douze  Harangues 
traduites  du  grec  en  français  y  sont 
comprises,  savoir,  les  dix  que  nous 
avons  déjà  indiquées,  et  celle  d'Es- 
chine  contre  Ctésiplion,  avec  celle  de 
Démosthènc  pour  la  couronne.  En  li- 
sant ce*  versions ,  on  plaint  Tpur- 
reil  d'avoir  consumé  la  plus  grande 
])artiedc  sa  vie  s\u-  un  travail  auquel 
A  n'était  aucunement  appelé  par  le 
caractère  de  son  .esprit ,  ni  prépare 
par  le  genre  de  ses  premières  études  j 


rtail  1 
l.lc,  < 
M-n\  I 


il    <in 
mis  ^ 


(In  ne  sait  ]ias  m  qnollp  année  ni  en  quel  lieu 
le  J.  Kol.  niAet.  Une  ode ,  cxtrèmeiiicul  fm- 
■Diiipnnee  |>9r  l'.icndiiuic  IVaiieaise  ,  était  son 
ilre  |)onr  aspirer  i  y  entrer;  et  il  n'a  laissé 
ic  autre  prujuiliou  Mais  \»  coutrôlcnr-jiCné- 
)isni.iiels  (  l'tn.  ce  nom,  XI,  ■>v6  ), 
i  Ton  olli'iiit  le.  fauteuil  de  Tourreil  ,  re- 
il  :  Il  J'ai  dans  mes  bureaux  no  |>ii-niler  coiu 

qni  rela  convient  m. eux.  (Vlait^  Malel,  €|Mi 
ian<|iiillement  aradeniieieu  jusqu'en  \-'M'> ,  <i 
nom  al  le  m  avril  de  celte  annre  ,  en  laissant 
de  l'.ulune,  (|in)ique  ayant  ele  em|ilcijc  (len- 

Limle  sa  vie  dans  les  linances. 


totj 

Mâssieu  lui-même  est  oblige  d'avouer 
qu'auparavant ,  Maucroix ,  que  nous 
ne  lisons  plus,  avait  e'té  un  traduc- 
teur plus  élégant  de  l'orateur  grec , 
et  s'était  montré  meilleur  grammai- 
rien ,    plus  habile    écrivain.   Mais 
Tourreil  a  joint  à  sa  version  des  re- 
marques souvent  instructives,  et  des 
préfaces  dont  l'une  est,  à  notre  avis, 
sou  plus  estimable ouvrago(2).  Nous 
voulons  parler  de  celle  qui  offre  im 
abrégé  de  toute  l'histoire  des  Grecs  , 
d'abord  depuis  leur  origine  jusqu'à 
la  prise  de  Troie ,  puis  entre  cette 
catastrophe  et  la  bataille  de  Mara- 
thon; ensuite  durant  les  cent  soixan- 
te-sept années  qui  séparent  la  victoire 
de  Miltiade ,  de  la  mort  d'Alexandre. 
C'était  le  tableau  le  plus  animé  qu'on 
eût  encore  tracé,  dans  une  langue 
moderne ,  de  ces  traditions  antiques 
et  de  ces  révolutions  mémorables  :  il 
autoriserait   à  penser  que  Tourreil 
eût  beaucoup  mieux  fait  de  se  consa- 
cier  à  l'histoire.  L'éloge  de  cet  aca- 
démicien ,  par  de Boze ,  a  été  repro- 
duit en  partie  dans  le  tome  xxvii  des 
Mémoires  de  Niceron   :  on  peut  y 
joindre  quelques  articles  de  l'histoire 
de  l'académie  française,  par  d'O- 
livet  5  et   les  observations  de  Gou- 
jet ,  pages    210-218  du  tome  se- 
cond de   sa  Bibliothèque  française. 
—  Amable  de   Tourreil  ,  Irère  de 
l'académicien  dont  nous  venons  de 
parler,   est    indiqué  comme   le  vé- 
ritable auteur  du  livre  intitulé  :  Vln- 
fiocence  opprimée  par  la   calom- 
7iie  ;  ou  Histoire  de  la  congrégation 
des  filles  de  l'enfance  de  Jésus , 
168!^,  2  part.  ini2.  Toutefois  cet 
ouvrage  a  été  aussi  attribué  à  Ant. 
Arnauld,  et  à  Quesuel ,  qui  l'a  peut- 


(7.)  (".ctic  jireface  de  Tourreil  a  été  traduite  en 
ilaliru  uar  Osarolli  (  Voy.  ce  nom  ,  VII,  58i  )  , 
uni  l'a  insi-rc'e  en  tcte  de  sa  traduction  de  Démos- 


TOU 


385 


être  seulement  con-igé ,  avant  de  le 
faire  imprimer.  Quoique  le  titre  por- 
te :  A  Toulouse,  chez  Lanoue,  l'édi- 
tion sortait  d'une  presse  hollandaise. 
Amabicde  Tourreil  mourut  à  Rome, 
en  I  ■]  1 9  ;  il  venait  d'ctre  détenu  dans 
les  prisons  de  l'inquisition ,  et  l'avait 
été  auparavant,  durant  quatre  an- 
nées,  au   château   Saint-Auge. 

D — N — u. 
TOURRETTE  (  Mjrc-Antoine- 
Lbtfis  Claret  de  La  ),  naturaliste  , 
naquit  à  Lyon,  en  1 729,  d'un  père  qui 
était  président  du  tribunal  et  prévôt 
des  marchands.  Après  avoir  com- 
mencé SCS  études  chez  les   Jésuites , 
le  jeune  La  Tourrette  alla  les  finir 
au  collège  d'Harcourt  à  Paris.  De  re- 
tour dans  son  l^ays ,   il  y  remplit, 
pendant  vingt  ans ,   une  charge  de 
magistrature ,  et  la  quitta   pour   se 
livrer  tout  entier  à  son  goût  pour 
l'histoire  naturelle.  Il  parut  d'abord 
fixer  ses  études  sur  la  zoologie  et  la 
minéralogiej  la  botanique  vint  ensuite 
l'occuper  plus  particulièrement.  Dès 
1  7(33  ,  il  s'était  formé  une  collection 
Irès-considérabîe  d'insectes ,   et  une 
suite  très  -  nombreuse  d'échantillons 
des  mines  du  Lyonnais  ,  du  Dauphi- 
né  et  de  l'Auvergne  ;  il  y  réunit  un 
herbier  très-riche.  En  1766,  il  éta- 
blit .  au-dessus  de  la  petite  ville  de 
l'Arbresle ,  dans  un  vaste  parc  ,  une 
j)épinièrfi  où  il  recueillit  tous  les  arbres 
et  arbustes  étrangers  qui  purent  s'y 
acclimater  ;  et  dans  le  même  temps  , 
il  avait  à   Lyon   un  jardin  où  l'on 
voyait  plus  de  trois  mille  espèces  de 
plantes  rares.  Il  voyagea   pendant 
plusieurs  années  eu  Italie  ,  eu  Sicile; 
puis  avec  Jean- Jacques  Rousseau  , 
son  ami ,  à  la  Grande-Chartreuse  , 
dont   ils  firent  l'herborisation.   La 
Tourrette  entretenait  une  conespon- 
dance  suivie   avec  Linné,  Ilalier  , 
Adanson ,  Jussieu  et  les  plus  célèbres 
a5 


380 


TOU 


iialiir.ili.-^tcsdi:  .'OU  temps. Dau3  l'yu- 
loiiiiiç  Je  i'j()3,  les  fatigues  et  les 
inqiiietiKlcs  que  !e  siège  de  Lyon  rcu-- 
dit  communes  à  tous  les  liabitaiits 
lui  causèrent  une  përipneumonie  qu'il 
ne'gtigea  et  dont  il  mourut,  à  l'iîge  de 
soixante -quatre  ans.  Ses  principaux 
écrits  ,  outre  les  Eloges  de  ses  con- 
frères à  l'académie  de  Lyon  ,  sont  : 
I.  Déinonstralions  élémentaires  de 
botanique ,  i70{j  ,  'i  vol.  iii-8\  Cet 
ouvrage,  fciit  en  commua  avec  I^)» 
zier,  ami  de  l'auteur  ,  pour  l'usage 
des  élèves  de  i'ecolc  vétérinaire  ,  a 
eu  phisieurs  éditions.  C'est  à  tort 
qu''on  l'a  quelquefois  aîtrunic  à  l'ab- 
bé Rozier  tout  seul  (  Foy.  P\.ozier  ). 
il.  Vojage  au  Mont-Pila  ,  1770, 
in-S".  Dans  la  première  partie  ,  La 
Tourrette  a  donne  ime  description 
des  niontagnes  et  déterminé  leur  situa- 
tion ;  la  seconde  est  consacrée  tout 
entière  à  la  botanique  ,  et  l'on  y 
trouve  beaucoup  de  plantes  rares. 
III.  Chloris  Lugikwensis  ,  .178^), 
in-8''.  Ce  petit  ouvrage  eltoima  les 
bbfaiîistesjpar  le  graml  nombre  des 
espèces  qu'il  renferme,  siutout  daiis 
la  cryptoganiie.  IV.  Conjectures  sur 
Vorigine  (les  Belemnites.  Elles  >ont 
insérées  dans  le  Dictionnaire  des  fos- 
siles de  Bertrand.  V.  Mémoires  sur 
les  monstres  végétaux;  imprimé 
dans  le  Journal  économique  du  mois 
de  juillet  17G1.  VI.  Mémoire  sur 
Vhelmenlhocorlon  ,  ou  mousse  de 
Corse  ,  inséré  dans  le  Journal  do 
physique.  Bruysct ,  confrère  de  La 
Tourrette  à  l'académie  do  Lyon  ,  a 
lu  ,  dans  une  séance  de  celte  compa- 
gnie ,  une  Notice  sur  ce  naturaliste. 

z. 

tÔURTECHOT-GRA>T.ER.  F. 

Oranger. 

TOUUT^LLLE  (Étifnnf.),  mé- 
decin, naquit,  à  Besançon,  le  27  fé- 
vrier 1756.  Apres  avoir  achevé  ses 


études  classiques  avec  autant  de  r.i- 
pi,dilé  que  de  succès  ,.  il  suivit  les 
çQurs  de  la'  faculté  de  iiif'décuie. 
D'uijC  ardeur  infatigable.  Il  ne  quit- 
tait l'iiopital  que  pour  aller  à  l'am- 
phithéâtre  d'analomie  ,  et  passait 
une  partie  des  nuits  à  rédiger  ses 
observations.  Cependant  un  senti- 
ment Ircs-vif  vint  tout-à-coup  l'ar- 
rêter dans  ses  études.  Epris  d'une 
ipunc  personne  comme  lui  sans  for- 
tune ,  d  résolut  de  l'épouser.  Lés 
obstacles  que  sou  père  mit  à  son 
projet  achevèrent  de  l'exalter  ,  et 
ne  prenant  conseil  que  de  sa  douleur, 
il  s'enferma  dans  un  cloître.  Il  y  re- 
trouva bientôt ,  avec  la  paix  inté- 
rieure ,  le  goût  de  l'étude ,  et  y  traça 
le  plan  d'une  Histoire  plidosophique 
de  la  médecine.  Guéri  de  son  erreur, 
il  sortit  du  couvent  pour  aller  écou- 
ter les  leçons  des,  habiles  professeurs 
de  Montpellier  et  de  Paris  ,  et  revint 
au  bout  de  quatre  ans  dans  sa  pA- 
trie ,  riche  d'une  fouie  de  connais- 
sances. Dans  \es  loisirs  que  lui  lais- 
sait!.';! pratique  de  son  art,  il  s'occu- 
pa de  quelques  questions  d'économie 
rurale  proposées  par  les  académies  , 
et  la  même  année  (  1784)  remporta 
deux  prix  ,  l'un  à  Besançon  (i),  et 
l'autre  à  Grenoble.  En  1788,  il  ob- 
tint au  concours  une  des  chaires  de 
médecine  de  l'université  de  Besan- 
çon (2).  Ses  talents  répandirent  un 
nouvel  éclat  sur  cette  école.  Parmi  les 
thèses  qu'il  y  fit  soutenir  par  ses  élè- 
Acs  ,  ou  remarqua  surtout  les  ti'ois 
suivantes:  1".  De  naturce  regnis  , 
dans  laquelle  il  montre  l'inexactitude 
de  la  division  des  (rois  règnes  ,  quoi- 

(1)  I.o  suicl  [imposé  ji-nr  l'or.nl.  de  Bosanroii 
rliiil  ;  hiJ'i/iirr  les  moyens  d'amelimrr  l'rspJro  <li.* 
moulons  m  l'iaiu  lip-Comlc,  Jio\ir  prociiicr  des 
laines  plus  (iiies  iiux  iiiiinufacttires. 

{il)  Il  V  rcinplaealt  M.  F.angc,  et  non  pas,  com- 
me le  dit  M.  Urio'l  ,  Allinlin  ,  mort  m  178»  (  ^".v. 
ATIIAI.IN  1. 


TOU 

qu'admise  par  les  pins  grands  natu- 
ralistes ;  '-i".   celle  des  Èmix  miné- 
rales,  où  il  a  présente  l'analyse  la 
plus  complète  des  sources  thermales 
si  multipliées  sur  les  revers  dci  Vosges 
et  du  Jura  (3)  ;  et  enfin  3°.  celle  de 
X Influence  du  moral  sur  le  physique , 
sujet  développé  depuis  par  Cabanis 
(  roj^.  ce  nom  ).  A   la   suppression 
des  universités,  Tourtelle  l'ut  attaché, 
comme  médecin  principal,  à  l'armée 
du  Rhin;  en  1794,  d  passa,  comme 
professeur,  à  l'école  spéciale  de  Stras- 
bourg ;  et  pendant  quatre  ans  on  le 
vit  faire  ,  avec  le  plus  brillant  suc- 
cès ,  des  cours  d'hygiène  ,  de  ma- 
tière médicale  et  de  chimie.   Dans 
le  même  temps, il  s'occupaitde l'édu- 
cation deson  iils,  et  il  donnait  des  le- 
çons particulières  de  pathologie ,  dont 
le   produit    l'aidait    à    soutenir    sa 
famille.  Malgré  tant  d'occupations  , 
il  trouvait  encore  le  loisir  de  rédiger 
les  ouvrages  auxquels  d  a  dû  ,  plus 
tard ,  une  réputation  qu'il   n'a  fait 
qu'entrevoir  ,   et    dont  il  n'a    pas 
joui.  L'excès  du  travail  et  plus  en- 
core les  moyens  qu'il  employait  pour 
combattre  le  sommeil  et  ranimer  ses 
forces  épuisées  ,  détruisirent  rapide- 
ment sa  santé.  Se  flattant  que  l'air 
natal  pourrait  contribuer  à  la  réta- 
blir ,   il  abandonna  sa  chaire   pour 
venir  occuper  à  Besançon  la  place 
de  médecin  en  chef  de  l'hôpital  mi- 
litaire; mais  pressé  démettre  la  der- 
nière main  à  ses  ouvrages,  il  ne  put 
ni  ralentir  son  travad  ,  ni  clianger 
son  régime  pernicieux  ,etmonrutde 
phthisie,lc  10  mai  1801,  à  l'âge  de 
quarante-six  ans.  Tourtelle  joignait 
à  de  vastes  connaissances  beaucoup 
d'esprit  et  im  talent  rare  pour  ren- 
seignement.    Onire    des    thèses    et 


TOU  387 

des  observations  (  4  )  >  f""  «"^  de 
cet  l;abile  professeur  :  I.  Eléments 
d'hygiène  ou  de  Vinjluence  des 
choses  physiques  et  morales  sur 
l'hojnme  ,  et  des  moyens  de  conser- 
ver la  santé,  Strasbourg,  1797, 
Ci  vol.  in-  8°.  ;  ibid. ,  1802  ,  Paris  , 
181 5  ;  ces  deux  éditions  sont  précé- 
dées d'une  Notice  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  l'auteur,  par  M.  Briot , 
l'un  de  ses  élèves  ;  Paris  ,   1822  , 

2  vol.  in  -  8".;  cette  édition  a  été 
revue  ,  augmentée  et  enrichie  de 
Notes  ,  par  M.  Bricheteau.  L'ou- 
A"rage  de  Tourtelle ,  honoré  des 
suffrages  de  lîallé  (  Voy.  ce  nom 
au  Supplément  )  ,  qui  s'était  long- 
temps occupé  du  mcme  sujet  ,  eut, 
dès  sa  publication  ,  un  succès  re- 
marquable. Il  a  été  traduit  en  es- 
pagnol ,  sur  la  première  édition,  par 
D.  Louis -Marie  Mcxia  ,  Madrid, 
1801  ,  2  vol.  in-8".  Suivant  Spren- 
gel ,  l'auteur  montre  de  l'esprit  ,  des 
connaissances  souvent  très-délicates; 
mais  en  général  peu  de  critique  (  V. 
V Histoire  de  la  médecine,  \i,  433  ). 
II.  Eléments  de  médecine  théori- 
que et  pratique  ,  Strasbourg,  1799  , 

3  vol.  in-80.  ;  Paris  ,  i8i5  ,  3  vol. 
in-8°.  Dans  cet  ouvrage  ,  dit  encore 
Sprengel ,  l'auteur  insiste  sur  la  né- 
cessité de  reconnaître  l'observation 
comme  le  fondement  unique  de  la 
médecine.  Cependant  ses  idées  man- 
quent de  précision  ;  et  il  cite  paitout 
les  observations  d'Hippocrate  ,  mê- 
me dans  les  cas  où  elles  ne  sauraient 
rien  décider  :  quant  k  sa  classilica- 
tion  des  maladies  ,  elle  n'est  eu  au- 
cune manière  recoramandable  (il)id., 
VI ,  497  )•  \\\- Éléments  de  matière 
médicale  ,  Paris  ,  1802,  in -8'^.  M. 
Briot  est  l'éditeur  de   cet  ouvrage. 


(3)CcUe  llii.sr,  dit  M.  Kii.il  ,  est  un  <los  beaux 
muiiuincnts  t|iio  l'auliur  ail  «Irvrs  îk  .'•a  gloire.  Voy. 
Avlice  histcrii/.  ,  [i.  \VU. 


Cl)  On  se  mnlciileia  d'iruliçiiier  :  Ohnvnliom 
fur  un  c-nfaiil  rlinl  Ir  cuciir  elail  placé  hcn  ric  la 
poilrinc.  '.lotiin.  de  médecine,  novemhie  1784. 

35.. 


388 


TOU 


IV.  Histoire  philosophique  de  la 
médecine  ,  depuis  son  oiigiiie  jus- 
qu'au milieu  du  di\-liiiitièmc  siècle  , 
ibid. ,  i8o4,  'i-  vol.  in-8°.  L'auteur 
a  divise  l'Histoire  de  la  médecine  eu 
quatre  âges  :  le  premier  cou  tient  les 
médecins  grecs  et  latins  ;  le  second, 
les  médecins  arabes  et  leurs  secta  - 
leurs;  le  troisième  ,  les  médecins  qui 
ont  brillé  depuis  l'époque  de  la  re- 
naissance des  sciences  jusqu'à  Para- 
celse  ;  et  enfin  le  quatrième  ,  les  mé- 
decins qui  se  sont  le  plus  distmgués 
dans  le  dix-septième  siècle  ,  jusqu'à 
Baglivi  ,  Rivière  et  Midler  ,  etc. 
N'ayant  point  eu  l'intention  de  don- 
ner les  \ies  des  grands  médecins  ,  il 
s'attache  seulement  à  présenter,  dans 
un  ordre  metliodique,  les  découvei  tes 
qui  les  ont  fait  comiaître ,  et  les  sys- 
tèmes qui  se  sont  succédés.  L'ouvrage 
est  écrit  avec  beaucoup  d'élégance 
et  de  simplicité.  Parmi  les  nombreux 
manuscrits  de  Tourtelle  ,  on  cite  une 
traduction  des  ouvrages  de  Sar- 
cune  ,  et  celle  de  queK[ues  Traités 
(le  Sjdenham  ,  des  Eléments  de 
physiologie  et  de  chimie ,  une  Topo- 
graphie médicale  de  Besancon  , 
etc. — TouRTiiLLE  (  Marie-François  ) , 
fils  du  précéileut ,  né ,  le  9  sept. 
5  ']85  ,  à  Besançon ,  mort  professeur 
suppléant  à  l'école  de  médecine  de 
Strasbourg  ,  le  22  mars  i8i3,est 
auteur  d'un  Traité  d'hjgiène  pu- 
hlitjiie ,  Strasbourg,  181 2,  2  vol. 
in  -  80.  W— s. 

ÏOURVILLE  (  Anne-Hilaiuon 
DE  CoTLMiN  ,  comte  DE  ),  né,  à 
Tourvillc  ,  en  \6/^'i  ,  était  le  troisiè- 
me fils  de  César  de  Colentin,  sei- 
gneur de  Toiuville,  premier  gentil- 
homme de  la  diainlircde  l;0uis  XII  l, 
et  j)remier  iliambellan  du  (irand 
Coudé.  Destint:  de  bonne  heure  à 
l'ctat  militaire  ,  il  fut  reçu  chevalier 
de   Malte  à  l'àgc  de  quatorze  ans. 


TOU 

Aussitôt  qu'on  le  jugea  en  étal  de 
servir  sur  les  galères  de  la  religion 
le  duc  de  La  Rochefoucauld, son  pa- 
ient du  côté  de  sa  mère ,  lui  donna 
des  lettres  de  recommandation  pour 
le  chevalicrd'Hocquincourt,  qui  com- 
mandait une  frégate  à  Marseille,  en 
le  priant  de  l'embarquer  avec  lui. 
«  Que  ferons-nous ,  écrivait  le  cheva- 
»  lier  au  duc  de  La  Rochefoucauld, 
»  sur  des  vaisseaux  armés  en  cour- 
»  se ,  d'un  Adonis  plus  propre  à  ser- 
M  vir  les  dames  de  la  cour  qu'à  sup- 
1)  porter  les  fatigues  de  la  mer?  » 
Un  teint  blanc  ,  des  cheveux  blonds, 
des  yeux  bleus,  des  couleurs  vives  , 
des  traits  fins  et  délicats,  voilà  ce  qu'é- 
tait ,en  effet,  à  dix-huit  ans,  l'ensem- 
biede  la  physionomie  du  chevalier  de 
Tourville.  Tel  était  cet  Adonis,  des- 
tiné à  devenir  un  grand  capitaine. 
Quelques  jours  après  sa  sortie  du 
port ,  le  chevalier  d'Hocquincourt 
rencontra  deux  frégates  algérien- 
nes ,  qui  ,  fières  de  leur  supériori- 
té, attaquèrent  sa  frégate,  et  sautè- 
rent à  l'abordage  ;  le  combat  devint 
furieux  :  les  assaillants,  animés  par 
l'ardeur  d'une  si  belle  proie ,  faisaient 
un  carnage  all'rcux  des  Français  j  le 
chevalier  de  Tourville,  à  la  tète  des 
plus  braves  de  l'équipage,  portaitpar- 
toutses  coups,  et  bientôt  les  corsaires 
étonnés  de  tant  de  valeur  ,  abandon- 
nèrent la  frégate ,  après  avoir  perdu 
un  grand  nombre  des  leurs.  Trois 
blessures  reçues  dans  ce  combat ,  éta- 
blirent sa  réputation  de  bravoure ,  et 
fi  renl  cesser  les  railleries  que  sescama 
radess'étaienl  permises  sur  son  airef- 
féminé.lNous  ne  le  suivrons  pointdans 
ses  ex])éditious(l('la Méditerranée, au 
golfe  Adriatique,  et  dans  l'Archijie!; 
il  nous  sulfira  de  dire  (pie, pendant  les 
six  années  que  durèrent  ses  carava- 
nes, il  participa  à  plusieurs  combats 
contre  les  Turcs  cl  les  Algériens ,  cl 


TOU 

que  dans  tous  il  donna  des  preuves 
de  la  plus  grande  valeur.  Ses  courses 
l'ayant  conduit  à  Venise,  en  i()(i6, 
le  doge  ,  reconnaissant  des  servi- 
ces qii'd  avait  rendus  à  la  republi- 
que, en  purgeant  l'Archipel  des  cor- 
saires dont  il  était  infesté,  lui  remit 
un  brevet  dans  lequel  il  était  quali- 
lié  de  Protecteur  du  commerce  ma- 
ritime,  et  A' invincible.  Ce  brevet 
était  accompagné  d'une  médaille  et 
d'une  chaîne  d'or  d'un  grand  pris. 
L'année  suivante,  Tourville  rentra 
en  France.  Le  bruit  de  ses  exploits 
était  venu  jusqu'à  la  cour.  On  se  sou- 
venait encore  de  la  lettre  du  cheva- 
lier d'Hocquinconrt  ;  et  les  dames 
surtout  étaient  curieuses  de  voir  cet 
Adonis,  qui  se  battait  comme  un 
Hercule.  Le  chevalier  de  Tourville 
arriva  à  Versailles ,  au  printemps 
de  166"]  5  le  roi  l'accueillit  avec  la 
plus  grande  distinction  ,  le  félicita 
sur  sa  belle  conduite ,  et  le  nom- 
ma capitaine  de  vaisseau  ,  quoiqu'il 
ne  fût  âgé  que  de  vingt-quatre  ans, 
et  qu'il  n'eiit  encore  aucun  grade  dans 
la  marine.  Lorsqu'en  1669,  Louis 
XIV  résolut  d'envoyer  une  armée 
au  secours  de  Candie,  assiégée  par 
les  Turcs  ,  il  désigna  lui  -  même 
Tourville  pour  être  employé  dans 
cette  expédition  ,  que  comman- 
dait le  duc  de  Beaufort.  Candie  suc- 
comba ,  malgré  la  valeur  des  Fran- 
çais; et  Tourville  donna  ,  dans  cette 
circonstance,  de  nouvelles  preuves  de 
son  courage.  Dans  la  guerre  de  16-71, 
où  les  Hollandais  luttèrent  si  coura- 
geusement contre  les  forces  navales 
combinées  de  France  et  d'Angleter- 
re, Tourville  commandait  un  des 
vaisseaux  de  l'escadre  du  comte  d'Es- 
trées,  et  il  se  distingua  d'une  maniè- 
re si  brillante  au  combat  de  Soulth- 
Bay  (juin  iCi^'.i  ),  que  le  comte 
d'Eslrées,  écrivant  au  roi  pourl'iu- 


TOU  38o 

former  du  g.iui  de  cette  bataille, 
cita  le  chevalier  de  Tourville  avec 
les  plus  grands  éloges.  L'année  sui- 
vante lui  offrit  une  nouvelle  occa- 
sion de  se  signaler  dans  le  combat 
que  livra  le  comte  d'Estrées  à  l'ami- 
ral Ruyler  :  il  soutint ,  pendant  plus 
d'une  heure,  le  feu  de  plusieurs  vais- 
seaux hollandais, et  parvint  même  à 
en  couler  un.  En  lô-jS  ,  il  comman- 
dait un  des  vaisseaux  de  l'escadre 
du  chevalier  de  Valbelie ,  envoyée  au 
secours  des  Messinois  révoltés  contre 
l'Espagne.  Resté  en  Sicile  avec  son 
vaisseau  ,  il  fit  partie  de  l'armée  aux 
ordres  de  Duqnesne,  et  contribua  au 
gain  de  la  bataille  d'Agousta  (  21 
avrd  1676),  dans  laquelle  Ruyter 
fut  tué.  Le  roi,  pour  le  récompenser 
de  ses  services ,  l'éleva  au  grade  de 
chef-d'escadre.  Au  mois  de  mai  de 
l'année  suivante,  ayant  rallié  le  pa- 
villon du  marquis  de  Vivonne ,  et 
faisant  route  pour  rentrer  à  Toulon , 
on  découvrit ,  près  de  Palerme ,  l'es- 
cadre des  alliés.  Tourville,  qui  com- 
mandait l'avant-garde,  eut  ordre  de 
les  attaquer,  et  il  le  fit  avec  tant 
d'ardeur  ,  qu'en  moins  de  deux  heu- 
res il  détruisit  trois  de  leurs  vais- 
seaux, brûla  dans  le  port  le  vice-ami- 
ral de  l'armée  espagnole,  le  contre- 
amiral  de  Hollande,  ainsi  que  sept 
autres  bâtiments.  La  paix,  qui  fut  si- 
gnée à  Nimègue,  en  iG'jS,  aurait  dû 
permettre  au  chevalier  de  Tourville 
de  prendre  quelque  repos  j  mais,  im- 
patient d'ajouter  encore  à  la  gloire 
qu'il  s'était  acquise  ,  il  fit  contre  les 
Algériens  et  les  Tripolitains,  de  con- 
cert avec  Duquesne ,  diverses  ex- 
péditions ,  qui  toutes  furent  cou- 
ronnées du  succès.  En  1682,  il  fut 
nommé  lieutenant-général  des  armées 
navales.  Duquesne,  ayant  reçu  l'ordre 
d'armer  une  escadre  destinée  à  aller 
détruire  les  Tripolitains,  appela  au- 


OQO 


TOU 


près  de  lui  Toiuvillcj  dout  il  était 
devenu ,  pour  ainsi  dire ,  inséparable. 
Sortis  de  Toulon  au  mois  d'août 
168.2  ,  ils  entrèrent  dans  la  Méditer- 
ranée ,  et  dètriiisireut  tous  les  cor- 
saires de  Tripoli  qu'ils  rencontrè- 
rent. Ils  se  rendirent  ensuite  devant 
l'île  de  Cliio ,  où  ils  savaient  qu'un 
grand  nombre  de  bâtiments  étaient 
mouilles,  et  en  peu  d'heures  le  fort , 
la  ville,  et  les  bâtiments  qui  s'y  trou- 
vaient lurent  détruits  ou  brûlés.  Le 
cbâtiment  que  venaient  d'éprouver 
les  Tripolitaius  n'avait  point  intimi- 
dé les  Algériens ,  et  leurs  corsaires 
inquiétaient  sans  cesse  le  commerce 
français.  Duquesne  fut  chargé  d'aller 
bombarder  leur  ville.  Tourville  s'em- 
bai'qua  encore  avec  lui.  Ils  sortirent 
de  Toulon  au  mois  de  juin  ib83, 
dans  le  même  temps  qu'une  autie  es- 
cadre appareillait  de  Brest,  pour  la 
même  destination.  Réunies  au  nom- 
bre de  onze  vaisseaux,  quinze  galè- 
res ,  plusieurs  brûlots  et  galioles  à 
bombes ,  les  deux  escadres  se  préseu- 
tèi-eut  devant  Alger,  au  mois  d'août. 
Tourville,  qui  commandait  l'avant- 
garde,  commença  le  bombardement 
aussitôt  qu'il  fut  mouillé.  Une  gran- 
de partie  de  la  ville  fut  détruite , 
ainsi  que  plusieurs  vaisseaux  qui  se 
trouvaient  dans  le  poit.  Un  second 
bombardement  eut  lieu  l'année  sui- 
vante ;  mais  celte  fois ,  les  pertes  des 
Algériens  furent  si  considérables , 
qu'ils  sévirent  contraints  d'implorer 
la  paix.  Tourville  la  leur  accorda , 
au  nom  du  roi,  et  il  eu  signa  le  trai- 
té avec  le  divan.  La  même  année  vit 
l'abaissement  de  la  république  de 
Gênes.  Une  armée  navale,  forte  de 
quatorze  vaisseaux  de  guerre,  de 
vingt  galères  et  de  dix  galioles  à 
bombes,  sous  le  commandement  de 
Duquesne  ,  se  présenta  devant  le 
port,  au  mois  de  mai  1G84.  Un  y 


TOU 

jeta  plus  de  dix  mille  bombes,  qui 
détruisirent  presque  tous  les  édilices, 
entre  autres  le  palais  du  doge.  Les 
Génois  constci'nés  demandèrent  la 
paix  :  elle  leur  fut  accordée,  à  la 
prière  d'Innocent  XI;  mais  à  la  con- 
dition que  le  doge  et  quatre  des 
principaux  sénateurs  se  rendraient 
à  Versailles^  pour  v  implorer  la  clé- 
mence de  Louis  XIV.  Tourville  con- 
tribua puissamment  au  succès  de 
cette  expédition.  Pendant  ce  temps 
les  Algériens ,  toujours  incorrigibles  , 
avaient  recommencé  leurs  jiirateries 
sur  le  commerce  français.  Tourville 
eut  ordre  de  les  aller  châtier  encore 
une  fois.  Quelques  jours  après  sa  sor- 
tie du  port  de  Toulon  ,  il  rencontra 
près  de  Ceuta  une  division  de  cor- 
saii'es ,  qu'il  n'hésita  point  à  atta- 
quer; il  coula  à  fond  leur  amiral, 
dispersa  les  autres  ,  et  se  rendit 
sur  les  côtes  de  Sardaigne  ,  où  il 
s'empara  d'une  grande  quantité  de 
bâtiments  algériens,  délivra  les  es- 
claves chrétiens  qu'ils  avaient  à 
bord,  et  rentra  à  Toulon,  après 
une  campagne  de  six  mois  ,  qu'il 
avait  employés  de  la  manière  la 
plus  heureuse.  Au  commencement 
de  1G88,  Louis  XIV  ayant  déclaré 
la  guerre  à  la  Hollande,  qui  avait 
favorisé  le  prince  d'Orange  dans  son 
invasion  d'Angleterre,  on  arma  ,  à 
Brest  une  escadre  de  cinq  vaisseaux_, 
dont  le  commandement  fut  confié  à 
Tourville,  avec  mission  d'aller  croi- 
ser dans  la  Manche  et  de  rallier  en- 
suite l'arnH'e  navale  aux  ordres  du 
maréchal  d'Esfrécs.  Dès  les  premiers 
jours  de  sa  croisière,  il  rencontra 
deux  bâtiments  de  îa  comjiaguie  des 
Indes  hollandaise,  qu'il  attaqua.  Ces 
vaisseaux  firent  une  résistance  vi- 
goureuse ;  mais  forcés  de  céder  au 
nombre,  ils  se  rendirent.  Ils  venaient 
d'Alexandrelte,  et  avaient  à    bord 


TOU 

une  cargaison  d'aiviroii  six  millious. 
Toiiiville ,  après  les  avoir  ainariucs  , 
les  expédia  pour  la  France,  sons  l'es- 
corte de  deux  vaisseaux,  et  avec  les 
trois  qui  lui  restaient  lit  voile  pour 
rejoindre  le  comte  d'Estre'es.  Che- 
min faisant ,  il  rencontra  deux  vais- 
seaux espagnols ,  qu'il  força  ,  après 
un  combat  de  trois  heures ,  de  saluer 
son  pavillon. La  Franceétait  toujours 
en  guerre  avec  la  régence  d'Alger,  et 
le  comte  d'Estre'es  était  A'enu  mouil- 
ler devant  ce  port.  Tourville  l'ayant 
rejoint  avec  les  vaisseaux  sous  ses 
ordres  ,  on  commença  à  lancer 
des  bombes  sur  la  ville  (  i*^' .  août 
i(38B),  et  l'on  continua  jusqu'au 
16  j  cinq  bâtiments  furent  coulés, 
et  la  ville  fut  entièrement  ruinée. 
Après  celle  expédition  ,  le  maré- 
chal cl'Estrées  ramena  son  armée 
à  Toulon.  En  1(^89,  Tourville  fut 
nommé  vice- amiral  des  mers  du 
Levant.  A  celte  éjwque  ,  sa  famille  le 
pressait  de  se  marier,  le  roi  lui-racrae 
lui  proposa  une  demoiselle  de  grande 
qualité,  mais  qui  n'était  pas  riche. 
Tourville  représenta  qu'étant  sans 
fortune  ,  et  ne  voulant  pas  abuser  de 
la  générosité  de  Sa  Majesté,  il  ne  pou- 
vait faire  ce  mariage.  Le  roi  ne  put 
s'empêcher  d'admirer  un  refus  si  no- 
ble et  si  désintéressé.  A  quelque  temps 
de  là ,  il  épousa  la  Aeuve  du  marquis 
de  La  Popelinière  ,  et  prit  le  titre  de 
comte.  Le  roi ,  en  signant  son  con- 
trat de  mariage  lui  dit:  «  Je  souhaite 
»  que  vous  ayez  des  enfants  d'unmé- 
>>  rite  aussi  distingué  que  le  votre,  et 
»  qui  soient  aussi  utiles  à  l'état  que 
))  vous.  »  Le  roi  d'Angleterre ,  Jac- 
«|ues  II ,  précipité  du  trône  ,  s'é- 
tait réfugié  en  France.  Louis  XIV 
lui  avait  procuré  les  moyens  de 
passer  eu  Irlande  :  il  fallait  lui 
porter  des  secours  et  surtout  des 
munitions.    Une    escadre  de    vincf 


TOU 


39  ' 


vaisseaux  fut  armée  à  Toulon  ,  sous 
le  commandement  de  Tour\  illc ,  et 
une  autre  de  soixante-deux  vaisseaux 
fut  préparée  à  Brest,  sous  les  ordres 
du  comte  de  Châtcau-Reguault.  Ces 
deux  escadres  devant  se  réunir  dans 
l'Océan,  Tourville  appareilla  de  Tou- 
lon au  mois  de  juin  1689,  doubla 
heureusement  le  détroit  de  Gibral- 
tar, et  opéra  sa  jonction  avec  l'av- 
mée  de  Brest.  Quelques  jours  après  , 
à  la  hauteur  de  Ouessant  ,  on  eut 
connaissance  de  l'armée  ennemie  , 
composée  de  soixante-  dix  vaisseaux, 
tant  anglais  que  hollandais.  L'armée 
française  étant  beaucoup  plus  forte  , 
les  alliés  n'osèrent  jioint  l'attaquer. 
L'expédition  ayant  atteint  son  but  , 
qui  était  de  porter  des  secours  et  des 
munitions  en  Irlande  ,  rentra  dans 
le  port  de  Brest.  L'année  suivante  , 
Tourville  fut  nommé  au  commande- 
ment d'une  nouvelle  armée,  forte  de 
soixante-six  vaisseaux,  qui  devait  sor 
tir  de  Toulon  pour  se  réunir  à  une 
escadre  de  six  vaisseaux  commandée 
piar  le  comte  de  Château  -  Regnault. 
La  jonction  s'opéra  au  mois  de  juin 
1690  •  et  le  10  juillet,  à  la  pointe  du 
jour  ,  étant  par  le  travers  de  l'ilc  de 
Wight,  on  se  trouva  en  présence  de 
l'armée  ennemie,  forte  de  i\-i  bâti- 
ments. Le  combat  dura  depuis  neuf 
heures  du  matin  jusqu'à  cinq  heurcsdu 
soir.  Les  Anglais  ne  soutinrent  le  feu 
que  pendant  trois  heures^  les  Hollan- 
dais, sur  qui  les  efforts  de  l'armée 
française  avaient  été  dirigés  ,  souffri- 
rent considérablement:  la  plus  grande 
partie  de  leur  escadre  fut  démâtée,  et 
ils  perdirent  un  grand  nombre  d'hom- 
mes. Le  résultat  de  cette  action  fut, 
pour  l'armée  alliée,  une  perte  dequinze 
vaisseaux ,  dont  dix  furent  pris  et 
cinq  brûlés.  L'armée  française  eut 
quatre  cents  hommes  tués  et  cinq 
cents  blessés;  mais  elle  ne  perdit  pas 


392  TOU 

un  seul  bâtiment.  Tourville^  voulant 
poursuivre  ses  succès,  détacha  neuf 
vaisseaux  de  son  arme'e ,  et ,  de  con- 
cert avec  le   comte  d'Estre'es  ,   se 
dirigea  sur  la  baie  de  Tinginoutli  ^ 
où  il  avait  appris   que  douze  vais- 
seaux   et    un    convoi    considérable 
étaient  mouillés.   Les  Anglais ,   pris 
à  l'improviste,   ne  purent  opposer 
qu'une   faible  résistance.  Les  mar- 
chandises furent  transportées  à  bord 
de  l'escadrej  et  les  vaisseaux,  ainsi 
que  le  convoi ,  furent  tous  détruits 
ou  brûlés.  Jacques  II  avait  été  con- 
traint de    quitter  l'Irlande  ,   et   de 
venir  en  France  :  mais  il  lui  restait 
encore  des  sujets  fidèles  en   Angle- 
terre;  et  les   intelligences  qu'il  en- 
tretenait avec  eux  lui  firent  conce- 
voir les  plus  fortes   espérances   de 
remonter  sur  son  trône.  Le  roi  de 
France  entra  dans  ce  projet,  et  ré- 
solut de  faire  un  effort  digne  de  sa 
puissance  ,    pour  le   rétablissement 
d'un  prince  son  parent  et  son  ami. 
Une  année  nombreuse  se  rassembla 
sur  les  côtes  de  la  Manche  :  trois 
cents  bâtiments   de  transport  ,   des 
munitions  de  toute  espèce  y  furent 
réunis  ;  et  le  commandement  de  cette 
armée   fut  confié  au  maréchal    de 
Bellefonds  ,   sous   le   roi  Jacques  , 
qui    s'était    rendu    à    la    Hougue. 
D'un  autre  côté ,  on  arma  deux  es- 
cadres :  l'une  à  Brest,  so:is  le  com- 
mandement de  Tourville  ,  et  l'autre 
à  Toulon,  sous  celui  du  comte  d'Es- 
tre'es. Ces  deux  escadres  devaient  se 
réunir  dans  la  Manche  ,  pour  lavori- 
ser  la  descente  de  l'armée  en  Angle- 
terrc._  Le  comte  d'Estrées  appareilla 
de  Toulon,  au  mois  de  mai.  Le  i8, 
étant  sur  le  point  de  passer  le  détroit 
de  Gibraltar,  une  lernpcte,  qui  s'éle- 
va subitement,  jeta  deux  de  ses  bâ- 
timents à  la  rôle,  pri's  de  Ceuta.  Les 
autres  furent  dispersés;  et  ce  ne  fut 


TOU 

qu'après  des  contrariétés  et  des  re- 
tards de  toute  espèce  qu'il  rejoignit 
le  port  de  Brest,  à  la  fin  de  juillet. 
Les     vents    conti-aires   retinrent   le 
comte   de  Tourville  dans   la  rade 
de  Brest  jusqu'au  i2  mai.  L'armée 
anglaise,  pour  laquelle  ils  étaient  plus 
favorables  ,    avait  appareillé  dans 
les  premiers  jours  de  ce  mois.  Elle 
était  parvenue  à  opérer  sa  jonction 
avec  les  Hollandais ,  et  ils  se  trou- 
vaient   réunis   dans  la   Manche  au 
nombre  de  quatre  -  vingt-huit  vais- 
seaux.  Le  roi  ,  dès   qu'il    avait  eu 
connaissance   de   la  sortie  des  An- 
glais,  avait    adressé  au  comte  de 
Tourville  des  instructions  qui  lui  en- 
joignaient d'appareiller  immédiate- 
ment, d'aller  les  chercher,  et  de  les 
comhaltre   forts    ou  faibles.    Une 
lettre  écrite  de  sa  main  au  comte 
corroborait  encore  cet  ordre.   Mais 
Louis  XIV  n'avait  point  en  même 
temps  commandé  aux  éléments ,  et 
l'on  a  vu  que  pendant  que  l'armée 
française  était  retenue  dans  le  port , 
les   alliés    opéraient  leur   jonction. 
Toui'ville ,  sorti  enfin  de  Brest  ,  fut 
rejoint  à  la  mer  par  cinq  vaisseaux  , 
aux  ordres  du  marquis  de  Villette, 
et  le  1"^  mai  \\  arriva  à  la  hauteur 
de  la  Hougue ,  avec  quarante-quatre 
vaisseaux.  De  nouveaux  ordres  l'y 
attendaient  ;   on  l'informait  de    la 
réunion  des  armées  alliées  ,  et  il  lui 
était  prescrit  de   ne  pas   combattre 
avant  d'avoir    été   rejoint  par   les 
vingt  -  trois  vaisseaux  que  devaient 
lui  amener  le  comte  d'Estrées,   le 
marquis  de  La   Porte  et    le   comte 
de  Ciiâleau-Rcgnault.  Dix  embarca- 
tions furent  expédiées  pour  porter 
cet  ordre  ;    mais     aucune    ne    put 
parvenir  jusqu'au  comte  de  Tour- 
ville.  Le  '-iQ  mai,  à  quatre  heures  du 
ujatin,  on  découvrit  l'armée  alliée. 
Une  brume  épaisse  empêcha  d'abon!, 


TOU 

d*en  reconnaître  le'  nombre;  mais 
lorsqu'elle  fut  dissipée ,  on  ne  fut  pas 
peu  surpris  de  compter  quatre-vingt- 
huit  voiles.  Les  ordres  précis  qu'a- 
vait reçus  Tourville,  et  la  proximité 
de  l'ennemi,  ne  lui  permcttaicntpas 
de  tenter  sa  retraite  à  la  vue  d'une 
armée  si  supérieure  à  la  sienne. 
Après  avoir  assemblé  un  conseil ,  où 
il  fit  voir  les  ordres  positifs  qu'il 
avait  reçus  de  combattre,  il  renvoya 
chacun  à  sonçoste ,  et  arriva  ,  vent  ar- 
rière, sur  l'armée  ennemie.  11  était  au 
corps  de  bataille,  sur  le  Soleil-Royal, 
de  cent  six  canons  ;  le  marquis  d'Am- 
freville  commandait  l'avant-garde , 
et  M.  de  Gabarret  l'arrière-garde. 
Du  côté  des  ennemis ,  l'amiral  Russel 
(  F.  ce  nom  )  commandait  le  corps 
de  bataille;  l'avant-garde,  composée 
de  Hollandais,  avait  à  sa  tête  le  vi- 
ce-amiral AUemonde;  et  l'arrière- 
garde  était  sous  les  oidres  du  cheva- 
lier Ashby.  L'armée  alliée  mit  en 
panne  pour  attendre  les  Français,  qui 
s'en  approchèrent  jusqu'à  la  portée 
du  pistolet.  A  dis  heures  du  matin  , 
un  coup  de  canon,  parti  d'un  vais- 
seau hollandais,  devint  le  signal  d'uu 
combat  jusqu'alors  sans  exemple.  A 
l'instant  le  feu  devint  général  des 
deux  côtés  ;  mais  les  efforts  de  l'ar- 
mée alliée  se  dirigèrent  principale- 
ment sur  le  corps  de  bataille  des 
Français.  Tourville,  en  homme  su- 
périeur ,  ne  se  laissa  point  intimider 
par  le  nombre  :  il  combina  de  telle 
manière  ses  dispositions ,  que  cha- 
cun de  ses  vaisseaux  eut  à  soutenir 
le  choc  de  deux  ,  et  quelquefois  mê- 
me celui  de  trois  adversaires.  Quant 
à  lui,  il  répondit  si  bien  au  feu  de 
l'Amiral  l^ussel ,  et  de  ses  deux  ma- 
telots, tous  trois  vaisseaux  de  cent  ca- 
nons, qu'il  les  lit  plier  deux  fois.  Les 
deux  autres  divisions  combattaient 
aussi  avec  avantage;  mais  leur  princi- 


TOU  3()3 

pale  occupation  fut  de  conserver  le 

vent,  manœuvre  essentielle,  et  qui  sau- 
va l'armée.  Les  chances  furent  moins 
heureuses  à  l'arrière-garde.  Elle  était 
éloignée  du  centre  lorsque  Tourville 
fit  le  signal  de  former  la  ligne  de  ba- 
taille; cependant  ses  deux  premières 
divisions  se  trouvèrent  en  ligne  quand 
le  feu  commença  ;  mais  la  troisième 
ne  put  jamais  parvenir  à  prendre  son 
poste,  en  sorte  qu'il  se  trouva  un 
grand  intervalle  entre  l'arrière-garde 
et  le  corps  de  bataille.  Vingt-cinq 
vaisseaux  anglais  en  profitèrent  pour 
mettre  Tourville  entre  deux  feux.  Le 
vent ,  de  favorable  qu'il  avait  été  à 
l'armée  française  ,  au  commence- 
ment du  combat  ,  lui  était  devenu 
contraire.  L'amiral,  qui  avaitmouillé^ 
pour  résister  au  vent  et  au  courant , 
soutenait  toujours  le  combat  avec  la 
même  vigueur  ;  il  avait  vu  couler  un 
vaisseau  des  alliés  sous  son  feu  ,  un 
autre  avait  sauté  en  l'air  ;  et  ni 
leur  nombre ,  ni  le  vent  qui  les  fa- 
vorisait ne  leur  avaient  donné  au- 
cun avantage.  Mais  lorsque  les  An- 
glais l'eurent  enveloppé ,  ils  s'a- 
charnèrent avec  une  telle  fureur  sur 
lui  et  sur  le  marquis  de  Villette  , 
qu'enfin  ils  les  désemparèrent  en- 
tièrement. Plusieurs  vaisseaux  ar- 
rivèrent à  leur  secours  ,  et  s'ef- 
forcèrent de  diminuer  le  péril  en 
le  partageant.  Alors  la  chaleur  du 
combat  fut  à  son  comble  ,  on  faisait 
des  efforts  de  courage  du  côté  des 
Français ,  et  plusieurs  capitaines  don- 
nèrent ,  en  cette  circonstance ,  des 
preuves  d'une  valeur  héroïque.  Le 
feu  continuait  de  part  et  d'autre 
avec  acharnement,  lorsqu'une  brume 
épaisse  vint  suspendre  l'action.  Dès 
q  ue  colle  brume  fut  dissipée,  le  combat 
recommença  avec  jilus  de  ftuciu-  en- 
core ,  à  la  clarté  de  la  lune;  les  al- 
liés s'attachèrent  de  nouveau  à  Tour- 


394  TOU 

ville  et  à  YillettC;,  elles  mirent  tous 
deux  dans  un  péril  imminent.  Dans 
le  nombre  des  vaisseaux  anp;lais  qui 
avaient  douhlé  le  corps  de  bataille, 
trois  se  trouvaient  au  vent  de  Toui'- 
ville ,  ayant  derrière  eux  cincj  brû- 
lots, lis  les  dirigèrent  successive- 
ment sur  son  vaisseau  et  sur  celui  du 
marquis  de  Villelte,  au  milieu  d'une 
canonnade  épouvantable  ;  mais  ils 
eurent  l'un  et  l'autre  le  bonheur  de 
s'en  garantir.  Enlin,  les  Anglais, 
las  de  la  résistance  opiniâtre  qu'ils 
éprouvaient,  prirent  le  parti  de  re- 
joindre le  gros  de  leur  armée,  et 
osèrent  passer  à  travers  les  interval- 
les des  vaisseaux  français  :  mais 
cette  témérité  leur  coûta  cher  ;  car 
dès  qu'ils  présentèrent  le  côté,  ils 
furejit  criblés  de  coups ,  et  on  leur 
rendit  avec  usure  le  mal  qu'ils  avaient 
fait.  Cette  dernière  acton  termina  le 
combat  :  il  était  alors  dix  heures  du 
soir.  La  perte  en  hommes  fut  à-peu- 
près  égale  de  part  et  d'autre  ,  et  les 
vaisseaux  des  alliés  furent  aussi  mal- 
traités que  ceux  des  Français  ;  car 
outre  les  deux  qu'ils  perdirent  dans  le 
combat ,  deux  autres  coulèrent  en  se 
rendant  en  Angleterre.  Il  ne  restait 
plus  à  Tourville  que  de  pouvoir  faire 
une  heureuse  retraite^pour  égaler  son 
bonheur  à  la  gloire  qu'il  venait  d'ac- 
quérir par  son  héroïque;  défense  ; 
mais  il  se  trouvait  trop  éloigné  des 
ports  où  il  eût  pu  relâcher  ,  et  les 
suites  d'un  combat  si  glorieux  furent 
on  ne  peut  ])as  plus  désastreuses.  A 
une  heure  du  matin  ^  il  fit  signal 
d'appareiller  et  mit  à  la  voile  ;  mais 
le  brouillard  ajoutant  à  l'obscurité 
de  la  nuit ,  les  signaux  ne  furent  pas 
distingués  ,  cl  huit  vaisseaux  seule- 
ment suivirent  sa  niaiiduvre.  A  sept 
heures,  lrenle-cin((  avaient  rallié; 
des  neuf  autres  ,  six  s'étaient  dirigés 
sur  la  Uougiie  ,  el  trois  sur  le  port 


lOLT 

de  Brest.  Vers  huit  heures  ,  Tour- 
ville  se  trouvait  à  une  lieue  au  veut 
de  rarinée  ennemie  ,  et  cette  avance 
lui  aurait  suffi  pour  se  dérober  à  sa 
poursuite  ,  si  le  Soleil-Royal ,  qu'il 
montait  ,  et  qui  était  totalement 
désemparé  ,  n'eût  retardé  la  mar- 
che. Il  fut  donc  obligé  de  mouil- 
ler par  le  travers  de  Cherbourg. 
A  onze  heures  du  soir,  il  leva  l'ancre 
et  se  dirigea  sur  le  raz  Blanchard  (  i  ). 
pour  profiter  des  vents  et  des  cou- 
rants ,  et  par  ce  moyen  devancer 
l'armée  ennemie.  Le  lendemain^  à 
cinq  heures  du  matin ,  il  s'en  trou- 
vait à  environ  quatre  lieues  :  vingt- 
deux  vaisseaux  passèrent  heureuse- 
ment le  raz,  et  lui-même  n'en  était 
plus  qu'à  une  portée  de  canon ,  lors- 
que, la  marée  qui  descendait  venant 
à  manquer,  il  fut  contraint  de  mouil- 
ler. Malheureusement  ,  ses  ancres 
chassèrent,  il  dériva,  et  se  trouva 
bientôt  sous  le  vent  de  l'armée  en- 
nemie. Alors ,  il  prit  le  parti  de  faire 
entrer  à  Cherbourg  le  Soleil-Royal , 
V Admirable  et  le  Triomphant ,  qui 
étaient  les  plus  avariés,  et  avec  les 
dix  qui  lui  restaient ,  il  mit  le  cap 
sur  la  Hougue.  L'armée  alliée  s'était 
])artagée  en  trois  corps ,  le  premier  , 
de  quarante  vaisseaux,  s'attacha  à 
la  poursuite  du  comte  de  Tourville  ; 
le  second,  de  dix-sept,  se  tint  en 
observation  vis-à-vis  Cherbourg;  le 
troisième  donna  la  chasse  aux  vais- 
seaux qui  se  dirigeaient  sur  Saint- 
Malo:  mais  ceux-ci,  ayant  beaucoup 
d'avance  sur  l'ennemi,  parvinrent  à 
se  mettre  en  sûreté.  Ceux  qui  blo- 
quaient Cherbourg  tentèrent  en  vain 
de  s'emparer  des  trois  vaisseaux  qui 


Ml  l.c-lav  IIIuii.ImkI  .-1  un  .miihI  fnriiH-  |..i.  !.• 
mil-  <lu  f.dliMiliM  ,  (U'iniis  1.-  «:i|>  la  lliMiKiii- jn.vqu'.i 
ri.iiiifin  illc,  cl  pur  lis  îl«»  .l'Oiigny  cl  de  Ouirue 
■■•y  :  il  11  rnvinin  oiiu|  lieiirit  de  lung  ,  mil-  lUie  et 
di'niic  <li'  liii(;i';  les  «(iiivaiil»  y  m'iil  ron«rr]iirni- 
Mii'Ml  Iris  v  icili  iiis  .  Il    II  Iniid  v  l'kl  Iri's-miitivnif. 


TOU 

voulaient  y  outrer  j  mais  Us  les  for- 
«•èrent  à  s'écliouer  et  à  s,'iucendier. 
Les  quarante  vaisseaux  qui  formaient 
le  premier  corps  de  bataille  ennemi 
ari'ivèrent  à  la  hauteur  de  la  Hougue 

Sresqueen  même  temps  que  le  comte 
e  Tourville,  et  ils  l'y  bloquèieut, 
ainsi  que  deux  autres  vaisseaux  qui 
l'avaient  rallie  dans  sa  route.  Com- 
me il  n'y  avait  point  alors  de  forts 
ni  de  batteries  pour  protéger  ces 
vaisseaux  ,  et  que  la  position  dans 
laquelle  ils  se  trouvaient  ne  pou- 
vait être  long -temps  tcnable  ,  il 
fut  résolu  qu'on  y  mettrait  le  feu  , 
après  les  avoir  dégrce's  et  desarmés. 
Aussitôt  ou  les  lit  échouer,  et  l'on 
commença  à  en  retirer  les  canons  et 
les  agrès  ;  mais  on  manquait  d'embar- 
cations propres  à  celle  opération  ,  et 
elle  ne  put  être  que  lente  et  diiilcile.  On 
y  travaillait  cependant  avec  ardeiu* , 
lorsque  l'ennemi  mit  à  la  mer  deux 
cents  clialoupes  armées  ,  qui  for- 
cèrent les  travailleurs  à  se  retirer, 
et  brûlèrent  les  douze  vaisseaux 
échoués.  Tels  furent  les  résultats 
d'une  action  dont  le  commencement 
avait  été  si  heureux,  et  qui,  malgré 
son  issue ,  n'en  est  pas  moins  glo- 
rieuse pour  la  marine  française.  La 
réputation  du  comte  de  Tourville, 
loin  de  soulfrir  d'un  échec  dont  la 
cause  ne  pouvait  être  attribuée  qu'aux 
éléments ,  acquit  au  contraire  un  nou- 
veau lustre.  L'amiral  Russel  lui  écri- 
vit pour  le  féliciter  sur  l'extrême  bra- 
voure qu'il  avait  montrée  en  l'atta- 
quant avec  des  forces  aussi  inférieu- 
res ,  et  en  soutenant  si  vaillamment 
im  combat  aussi  inégal.  Le  duc  de 
Vendôme,  appréciateur  éclairé  de 
la  valeur ,  écrivit  au  comte  de  Tour- 
ville  que  «  bien  des  généraux ,  en 
»  remportant  la  victoire,  n'avaient 
»  point  acquis  autant  de  l'éputation 
»  que  lui  en  la  perdant.  »   Le  roi 


TOU  395 

lui  rendit  la  même  justice.  Quand  il 
apprit  la. perte  de  ses  vaisseaux,  il 
demanda  :  Toiuville  est-il  sauvé? 
car  pour  des  vaisseaux ,  on  en  peut 
trouver;  mais  on  ne  trouverait  pas 
aisément  un  officier  comme  lui.  Il 
se  souvint  toujours  que  Tourville 
n'avait  donné  cette  bataille  que  par 
obéissance  à  ses  ordres  •  car  étant 
nu  jour  à  son  balcon,  à  Versailles, 
et  le  voyant  passer,  il  dit  au  maré- 
chal de  Villeroi  :  F'oilà  un  homme 
qui  ni  a  obéi  à  la  Hougue.  Tour- 
ville  fut  fait  maréchal  de  France,  le 
27  mars  1698  •  et  à  cette  occasion 
le  roi  lui  dit  :  M.  le  comte ,  vous 
vous  êtes  rendu  digne  du  bâton  de 
maréchal  de  France  ,  par  votre 
mérite  et  vos  belles  actions.  »  On 
conçoit  aisément  que  le  nouveau  ma- 
réchal brûlât  du  désir  de  prendre  sa 
revanche  du  désastre  de  la  Hongue  j 
il  en  trouva  l'occasion  la  même  an- 
née :  le  roi  lui  confia  le  comman- 
dement de  soixante  -  onze  vais- 
seaux destinés  à  intercepter  nn  con- 
voi de  bâtiments  anglais  et  hollan- 
dais chargés  pour  Cadix,  l'Italie  et 
Smyrne.  Partie  de  Brest  le  26  mai 
1693  ,  l'armée  arri^^a  le  4  juin  à 
la  lianteur  du  cap  Saint-Vincent,  et 
alla  mouiller  dans  la  baie  de  La- 
gos ,  pour  attendre  le  passage  du 
convoi.  Le  27  ,  au  soir ,  les  chasseurs 
signalèrent  la  flotte  ennemie  ,  escor- 
tée par  vingt-sept  vaisseaux  de  ligne. 
Le  maréchal  fit  aussitôt  le  signal 
d'appareiller  et  de  chasser  •  mais 
l'avant-garde  ne  put  s'emparer  que 
de  deux  bâtiments  hollandais.  La 
nuit  fut  emplovée  à  manœuvrier  pour 
gagner  le  vent,  et  mettre  le  convoi 
entre  la  terre  et  l'armée.  En  clTet, 
le  28  au  matin,  la  llotle  ennemie  se 
trouva  cernée  entièrement.  Alors  le 
feu  commença  ,  et  on  peu  d'heures  , 
vingt-sept  bâtiments  ,  tant  de  guerre 


396 


TOU 


que  de  commerce,  furent  pris ,  et  qua- 
rante-cinq brûlés.  On  se  mit  ensuite 
à  la  poursuite  de  ceux  qui  étaient  par- 
venus à  s'échapper  :  cniq  vaisseaux 
anglais  et  neuf  iDâtiraents  marchands 
furent  encore  brûlés  ou  coulés.  Les 
alliés  perdirent  plus  de  quatre-vingts 
bâtiments  dans  cette  expédition  ,  et 
l'on  estima  leur  perte  à  plus  de  tren- 
te-six millions.  Tourville  se  présenta , 
le  19  juillet  suivant,  devant  Malaga, 
y  brûla  deux  vaisseaux  anglais ,  et 
trois  corsaires  ,  quoiqu'ils  fussent 
protégés  par  les  forts  ,  et  rentra 
triomphant  à  Toulon.  Depuis  cette 
époque,  jusqu'à  la  paix  de  Ryswick, 
en  1697  ,  il  fit  encore  quelques  expé- 
ditions pour  protéger  les  côtes  de 
Provence  et  les  purger  des  nombreux 
corsaires  qui  les  infestaient;  mais,  sa 
santé  se  trouvant  affaiblie  par  suite 
des  fatigues  qu'il  avait  éprouvées  ,  il 
se  vit  forcé  d'abandonner  entière- 
ment le  service  de  la  mer  et  revint  à 
Paris,  où  il  mourut,  le  28  mai  1701. 
Louis  XIV  témoigna  beaucoup  de 
regrets  de  la  mort  du  maréchal  de 
Tourville,  et  en  effet  la  marine  fai- 
sait en  lui  une  perte  irréparable  (i). 
L'abbé   Margon  a  publié,   sous  le 


(i)  Tourville  ne  s'esl  pas  moins  illusLie  p.ir  une 
valeur  éclataiilc  <{ue  par  l'étendue  de  sou  ge'uie.  Il 
a  pris  une  très-gi'ande  part  à  l'organisatiou  dos 
classes,  institution  à  laquelle  la  marine  militaire 
et  celle  du  coinuierce  ont  dû  une  ])epinicre  de  uia- 
rins  exerces;  où  l'une  a  trouve  ks  inslrnments 
de  sa  gloire  el  l'autre  de  ses  richesses.  Tourville 
est  le  premier  amiral  qui  ail  eu  l'idce  de  réunir 
en  corps  de  doctrine  les  manoeuvres  de  la  lacti- 
que liavale.  C'est  d'après  ses  ordres  que  le  père 
Lhoslc  a  compose  sou  Traite  de  tactiqu*'  navale, 
Cereligicux  avait  ete' pendant  long-temps  emharqu.î 
en  qualité  d'aumônier  sur  les  vaisseaux  commaa- 
clés  par  les  niarécliaux  d'Eslrccs  et  de  Tourville  ,  cl 
il  n'a  fait  que  rédiger  ,  sons  les  yeux  de  ce  der- 
nier, le»  idées  de  i  es  deux  grands  homnu^s.  Les 
.iruif'cs  navales  françaises  ne  se  sont  servies  pendant 
plus  de  soixante  ans  que  des  signaux  composés 
)wr  Tourville,  el  dont  .et  amiral  avait  fait  nsa- 
t;e  dan»  se»  campagne»  glorieuses.  (Vesl  à  dater  de 
la  guerrir  de  17:11!  que  l'on  a  commence  à  ope- 
>er  de»  changeuM'uts  "1  son  sysllnie  de  signaux. 
Mais  depuis,  M.  du  Pavillon  a  pus,' les  hases  du 
système  actuel  ,  l)ien  pin»  conipl.l  <pie  l'ani  ien  -1 
MUiin»  .sujet  aux  erreurs  (  f .  l'AVlI.LON  ).     H-1.. 


TOU 

nom  de  Tourville,  des  Mémoires, 
3  vol.  in-i  2^  174^  6t  17*58,  qui  ne 
sont  qu'tni  roman  informe  et  sans 
vraisemblance.  —  Loi'.is  Hilarion  , 
comte  de  Tourville  ,  fils  unique  du 
maréchal,  et  colonel  d'infanterie,  fut 
tué  au  combat  de  Denain  ,  en  1712, 
à  l'âge  de  vingt  ans.       H — Q — n. 

TOUSSAIN  (Jacques),  en  latin 
Tussanus  ,  savant  helléniste ,  né ,  à 
Troyes,  vers  la  fin  du  quinzième  siè- 
cle, vint  de  bonne  heure  à  Pans  ,  et 
fit  de  rapides  progrès  dans  la  langue 
grecque,  sous  la  direction  de  Guill. 
Budé  (  V.  ce  nom),  qui  voulut  bien 
se  charger  de  lui  donner  des  leçons. 
Son  application  au  travail  était  ex- 
traordinaire. Parmi  les  Lettres  de 
Budé ,  on  en  trouve  quelques  -  unes 
adressées  à  Tonssain  ;  et  dans  tou- 
tes ,  en  le  louant  de  ses  progrès ,  il  l'en- 
gage à  modérer  son  ardeur  pour  l'é- 
tude. Il  se  rendit  fort  habile,  non- 
seulement  dans  les  lettres  grecques  et 
latines,  mais  dans  la  philosophie  et 
la  jurisprudence.  Maittaire  conjectu- 
re (  Ann.  typogr. ,  11 ,  78  )  que  Tous*- 
saiu  fut  quelque  temps  correcteur 
dans  l'imprimerie  de  Badins  et  pré- 
cepteur de  ses  enfants.  Ses  talents  lui 
procurèrent  enfin  une  chaire  de  grec 
au  collège  royal  de  France.  Ce  fut  au 
plus  tard  en  i532,  si  sa  nomination 
est  de  la  même  époque  que  celle  de 
Vatable  à  la  chaire  d'hébreu.  Ses 
contemporains  louent  à  l'envi  la  mé- 
thode qu'il  avait  adoptée  et  ses  suc- 
cès dans  l'enseignement.  11  s'appli- 
quait à  faire  sentir  la  force  de  chaque 
terme,  la  vraie  signification  de  cha- 
que mol ,  employant  un  latin  choisi , 
vraiment  ciccrunien ,  mais  toujotus 
clair  el  à  la  portée  de  ses  auditeurs. 
(^)u.iii(l  il  e\pli(|nait  un  auteiu' ,  c'était 
à-la-fois  en  maître suj)érieur à  sa  ma- 
tière et  en  grammairien  habile  (|ui 
ne  néglige  ni  le  tour,  ni  l'arrange- 


TOU 

ment  du  clisconrs ,  ni  la  syntase,  ni 
même  l'ëtymologie.  Il  siilllri  de  citer, 
parmi  ses  élèves ,  Frc'd.  Morel ,  Tur- 
uèbc  et  Henri  Estienne,  jJOiir  donner 
une  idée  des  services  qu'il  rendit  à  la 
littérature  grecque.  Ce  savant  mo- 
deste et  laborieux  mourut  en  i547, 
le  mcme  jour  que  "Valable,  comme  si^ 
dit  de  ïliou  (  livre  m  )  ,  il  n'avait 
pu  se  séparer  un  moment  de  celui 
qu'il  avait  eu  toute  sa  vie  pour  col- 
lègue et  pour  èmide.  Une  pièce  de 
vers  dont  il  n'était  peut-être  pas  l'au- 
teur reiioidit  l'ali'ection  que  lui  per- 
lait Érasme,  qui  ne  cessa  pas  d'ail- 
leurs de  rendre  justice  à  ses  talents. 
Tout  ce  que  la  France  possédait  de 
savants  rechercha  son  amitié,  et  dé- 
plora sa  perte  prématurée.  Toussain 
eut  part  à  la  traduction  latine  de  la 
Grammaire  de  Théod.  Gaza.  Outre 
quelques  pièces  de  Fers ,  on  lui  doit 
la  publication  des  Lettres  de  Bu- 
dé,  avec  des  Notes,  Paris,  Badius, 
i526  ,  in -4*^.  j  Bàle,  Cratandre, 
1628,  in -4°.;  une  édition  des 
Epigrammes  de  Jean  Lascaris  , 
iSsi-j,  in -8".,  ornée  d'une  belle 
préface;  des  3^otes  sur  la  Sphère 
de  Prochis.  Enfin  il  laissait  un  Dic- 
tionnaire grec  et  latin ,  enrichi  d'un 
grand  nombre  de  notes.  Fréd.  Morel 
se  chargea  de  sa  publication;  et  il 
parut  en  i552,  in-fol.  Outre  V Eloge 
de  ïoussain  par  Turnèbe,  son  élève 
et  son  successeur  ,  on  peut  consulter 
le  Mémoire  de  l'abbé  Goujet  sur  le 
collège  royal,  i ,  4oj-i(),  éd.  in-ia. 
' — ToussAiN  (Daniel),  théologien 
protestant ,  né  ,  à  Montbelliard  ,  en 
1 541 ,  fit  ses  études  à  Tubingue  et  à 
Paris,  et  professa  la  langue  hébraï- 
que à  Orléans.  Forcé  de  sortir  de 
France  par  suite  des  guerres  de  reli- 
gion, il  entra  au  service  de  l'électeur 
palatin ,  et  mourut ,  à  Heidelberg ,  en 
1602.  On  a  de  lui  beaucoup  d'ou- 


TOU  397 

vrages  de  controverse ,  entre  autres  : 
I.  Instruction  sur  la  véritable  ma- 
nière d'éprouver  les  esprits ,  Neù- 
stadt,  1579,  in-8".  II.  \fAncie71ne 
doctrine  de  la  personne  et  du  nii- 
nistère  de  Jésus  -  Christ ,  Neustadt, 
i585,  in-4".  —  Paul  Toussain,  fils 
du  précédent ,  qui  fut  conseiller  ec- 
clésiastique de  l'électeur  palatin  et 
député  au  synode  de  Dordrecht ,  a 
publié _,  en  latin ,  une  Notice  sur  la  vie 
et  les  travaux  de  son  père,  Heidel- 
berg ,  i6o3  ,  in -4".  On  a  encore  de 
lui  plusieurs  ouvrages  de  controverse 
théologique  ,  oubliés  comme  ceux  de 
Daniel,  W — s. 

TOUSSAINT  DE  SAINT  -  LUC 
(le  Père),  carme  réformé  des  Bil- 
lettes  de  Brelagne ,  mort  en  1694? 
est  auteur  de  :  I.  Fie  de  Jacques  Co- 
chois  ,  dit  Jasmin,  ou  le  bon  laquais^ 
Paris,  1675  ,  76,  8(5,  1789 ,  in-12. 
Elle  a  été  critiquée  dans  V  Auteur  la- 
quais,  Avignon,  1750,  in -72,  et 
traduite  en  italien,  Rome,  1(387, 
in  -  12.  II.  Mémoires  sur  l'état 
du  clergé  et  de  la  noblesse  de 
Bretagne,  Paiis,  1691,  in  -  8°. , 
trois  parties  en  2  vol.  Pour  être  sûr 
d'avoir  les  exemplaires  complets  de 
cet  ouvrage  rare  et  recherché  ,  il 
faut  vérifier  si  les  blasons  des  famil- 
les s'y  trouvent,  parce  qu'ils  ont  été 
gravés  en  taille-douce  sur  des  feuilles 
séparées  :  ils  manquent  à  beaucoup 
d'exemplaires.  III.  Histoire  de  Co- 
nan  de  Meriadec ,  Paris  ,  1664  ,  in- 
8°.  IV.  Mémoire  de  V institution^ 
progrès  et  privilèges  de  N.-D.  du 
Mont-Carmel  et  de  Saint- Lazare , 
Paris,  i666,in-i2. V.  Mémoireset 
extraits  des  titres  sur  le  même  ordre, 
depuis  I  \oo  jusqu'en  \QnZ  ,  Paris, 
1681  ,  in -8°.  VI.  Mémoires  et  Re- 
cueils des  bulles ,  édits ,  etc.,  sur  le 
même  ordre,  Paris,  1693,  iu-S». 
T— D. 


398  TOU 

TOUSSAINT  (  François  -  Vin- 
cent), littérateur,  né,  vers  i-yiS,  à 
Palis  ,  suivit  d'abord  la  carrière  du 
barreau,  qu'il  ne  tarda  pas  d'aban- 
donuer  pour  celle  des  lettres.  Il  avait 
publié ,  dans  sa  piemière  jeunesse  , 
des  Hymnes  latines  à  la  louange  du 
diacre  Paris;  mais  le  ridicule  des  cOn- 
vuisicns  l'avait  promptement  désa- 
busé. Cependant  il  conserva  toute  sa 
vie  une  teinte  assez  forte  de  jansénis- 
me. Le  hasard  l'ayant  rapproche  de 
quelques-uns  des  chefs  tlu  parti  phi- 
losophique, qui  commençait  à  s'é/e- 
vcr ,  il  adopta  leurs  principes ,  et  con- 
tribua ,  avec  Diderot  et  Eidous  ,  à  la 
traduction  du  Dictionnaire  de  mé- 
decine ,  par  James  (  T  oj.  ce  nom  , 
XXI .  591  )  ;  et  il  se  chargea  de  ré- 
diger la  partie  de  la  jurisprudence 
pour  V Encjclop édie .  Ces  travaux 
n'auraient  pu  le  tirer  de  l'obscurité; 
mais ,  en  1 748  ,  il  publia  le  livre  des 
Mœars ,  dont  le  succès  surpassa  son 
attente.  Cet  ouvrage ,  dit  Laharpe,  est 
le  premier  où  l'on  se  soit  proposé  un 
plan  de  morale  naturelle ,  indépen- 
dant de  toute  croyance  leligieuse  et 
de  tout  culte  extérieur.  La  nouveau- 
té des  idées  dut  contribuer  à  la  vogue 
de  ce  livre;  cependant  on  doit  con- 
venir qu'il  est  écrit  d'une  manière 
agréable  et  quelquefois  piquante.  Les 
magistrats  fermèrent  Icng- temps  les 
yeux  sur  le  danger  qu'il  pouvait  y 
avoir  délaisser  circuler  un  pareil  ou- 
vrage ;  mais  l'auteur  s'étant  avisé  de 
publier,  sous  le  titre  à' Eclaircisse- 
ments ,  la  justification  des  points  de 
sa  doctrine  les  plus  répréhensibles  , 
le  livre  et  son  ajiologie  furent  con- 
damnés au  feu  (i).  L'anonyme  que 


ile.i  mœiirf  ni-  fui  condaiiinr  i|iii'  l«i'!i  ilr  hi  |>iilili 
lion  dm  /CrlahritirniriilK ,  i-n  ,-('>■>.  1,'aiii'l  eli-  c 
damnation  i^t  dti  fi  niai  1^4^  •  C*riniin  riait  iiiir 
itiMniil  d.'  rrlli-  «Ironnulani  r.  Voi.i  rv  f|ii'il  <■( 
vail  ,  m  1- "i!<  ■  Il  l.'iiiiviaRr  dr>  Hliriiri ,  dil-il ,  se 


TOU 

l'auteur  avait  garde  le  mettait  à  l'a- 
bri des  poursuites  ;  mais  il  jugea  pru- 
dent de  se  retirer  à  Bruxeres  ,  où  il 
fut  charge  de  la  rédaction  d'une  Ga- 
zette française  ,qm  s'y  publiait  sous 
l'influence  du  cabinet  autrichien. 
Toussaint  ne  pouvait  en  conséquence 
se  dispenser  de  prodiguer  les  injures 
au  roi  de  Prusse  ,  alors  en  guerre 
aA^ec  l'Autriche.  Il  l'avait  baptisé  le 
Brigand  du  Nord,  épithète  par  la- 
quelle il  le  désigna  jusqu'à  la  paix 
(  Soui'eDij's  de  Berlin  ,  v ,  iG6  ).  Fré- 
déric ne  l'ignorait  pas.  Cependant  il 
n'en  eut  pas  moins  le  désir  d'atta- 
cher à  son  école  militaire  Toussaint , 
dont  le  livre  lui  avait  plu ,  et  qui  d'ail- 
leurs lui  était  fortement  recomman- 
dé. Il  lui  lit  offrir  la  chaire  de  logique 
et  de  rhétorique.  Toussaint,  l'ayant 
acceptée ,  se  rendit  à  Berlin ,  en  1 764, 
et  y  fut  acCTieilli  par  le  roi  d'une  ma- 
nière flatteuse;  mais  les  familiarités 
qu'il  se  permit  avec  ce  prince  et  ses 
indiscrétions  lui  firent  promptement 
perdre  sa  faveur.  Tous  ses  torts  ve- 
naient de  sa  vanité;  car  il  était  d'un 
caractère  doux  ,  obligeant  et  ])leiu  de 
bonhomie.  Il  ne  se  montra  rien 
moins  que  supérieur  dans  l'exercice 
de  sa  place.  Huinihé  par  ses  rivaux, 
le  refus  du  prince  Hemi  de  l'admet- 
tre dans  la  loge  maçonnique  dont  il 
était  le  chef  acheva  de  le  désespé- 
rer. Il  tomba  dans  une  maladie  de 
langueur  ,  à  laquelle  il  succomba  , 
après  ime  année  de  souflranres,  en 
^'J'j'i,  à  l'''»?;c  de  cinquante-sept  ans. 
La  veille  de  sa  mort,  il  invita  Thié- 
bault  son  collègue,  à  passer  ,  le  len- 
demain ,  à  dix  heures  du  matin ,  chez 
lui ,  pour  y  être  témoin  d'une  céré- 
monie religieuse  qui  y  aurait  lieu. 
Avant  de  recevoir  le   viatique    des 

I.I.- devoir  ^a  Kiandr  f,  I.I.rltr  an  I.oi.lin.r  d'avoir 
«•tri  bliili-  (d  laccré.  C'i'sl  un  recueil  de  lien»  coin- 
niiiiis  nii'on  trouve  partout.  »  Correypomt . ,  ij  t^i. 


TOU 

inaias  du  cure,  Toussaint ,  en  prc- 
seiicc  de  sa  femme  el  de  ses  cillants 
qui  étaient  à  genoux  ,  ainsi  qucTliié- 
bault,  demanda  pardon  à  Dieu  du 
scandale  qu'il  avait  pu  donner  par 
sa  conduite  et  par  ses  écrits,  décla- 
rant que  si,  dans  ses  ouvrages   ou 
dans  ses  discours,  il  s'était  montrépcu 
chrétien  ,  ce  n'avait  jamais  été  par 
conviction, maispar  vanité ,  ou  pour 
plaire  à  quelques  personnes  (  Yoy. 
Souvenirs  de  Berlin,  v,    77-81  ). 
Toussaint  n'avait  pas  les  dehors  fa- 
voraLles.  Palissot  le  représente  com- 
me un  homme  d'une  extrême  simpli- 
cité ,  n'ayant  nul  agrément  dans  la 
conversation,  et  paraissant  toujours 
îilougé   dans  une  espèce  de  létliar- 
<rie.  Il  a  fourni  les  ai't'.cles  de  Jiiris- 
prudence  aux  deux  premiers  volu- 
mes de  V Encyclopédie.  Griram,  en 
1754 ,  lui  céda  la  direction  du  Jour- 
nal étranger  j  l'ayant  abandonné  dès 
le  premier  volume  (Voy.  la  Corres- 
pondance de  Grimm,  i,  i6g),  en 
175G  ,   il  continua   le  Journal -de 
Gauthier  d'Agoty  (  F.  ce  nom,  XVI, 
Goi  ),  dont  il  publia  trois  volumes 
in-4''. ,  contenant  dix-huiî  numéros  , 
sous  le  titre  à!  Observations  pério- 
diques sur  la  physique  ,   l'histoire 
naturelle  et  les  arts.  Ce  Journal  est, 
comme  on  sait ,  l'origine  de  celui  de 
l'abbé  Rozier  (  Voy.  ce  nom).  Enfin 
Toussaint  fnt  l'un  des  rédacteurs  du 
journal  littéraire,   publié  par  les 
professeurs   français   à  Berlin  ,  de 
1772  à  177G,  in  -  12  ,  27  vol.  Ses 
autres  ouvrages  sont  :  I.  Les  Mœurs 
(Paris  ) ,  1748?  iu- 12.  11  existe  des 
exemplaires  de  cette  édition ,  format 
in-4".  ,   qui  sont  assez  recherchés  ; 
iioiiv.  éd.,  revue  et  corrigée,  Ber- 
lin, 1767  ,  in- 12;  ib. ,  1771  ;  trad. 
en  allemand,  Rrcslau  ,  lytia,  in-8". 
Laharpc,  en  rendant  justice  au  mé- 
rite réel  de  cet  ouvrage,  en  a  réfuté 


TOU 


^99 


les  sophismes  et  les  paradoxes  dans 
sou  Cours  de  littérature ,  philoso- 
phie du  dix-huitième  siècle,  ch.  i^'. 
liC  Livre  des  Mœurs  avait  été  réfuté 
long-temps  auparavant ,  avec  succès, 
par  Prémontval ,  dans  un  écrit  inti- 
tulé :  Panagiana  (  /'.  Prémontval, 
XXXVI,  4^  ) .  par  allusion  au  nom 
Ae Fanage  qu'avait  pris  l'auteur,  et 
qui  est  la  traduction  grecque  de  Tous- 
saint. II.  Essai  sur  le  rachat  des 
rentes,  trad.  de  l'anglais,'  Londres 
(Paris),  1751,  in- 12.  III.  Histoire 
des  passions ,  ou  Aventures  du  che- 
valier  Shroop  ,  trad.  de  l'anglais  ,  la 
Haye,  lySi,  2  vol.  in -8".  IV.  La 
Fie  du  Petit  Pompée  ,  trad.  de  Fv. 
Coventry,  1752,  2  vol.  in  -  12.  V. 
La  Traduction  du  tome  m  de  l'His- 
toire du  monde  ,  sacrée  et  profane, 
par  Shuckford,    1732,  in-  12.  VI. 
Histoire  et  aventures  de  sir  Wil- 
liam Pickle  ,  traduit  de  l'anglais  de 
SmoUett,  Amsterdam  (Paris) ,  1 753, 
4  vol.  in-12;  Paris,  an  vu  (  i8oo), 
6  vol.  pet.  in- 12.  VII.  Recueil  d'ac- 
tes et  de  pièces  concernant  le  com- 
merce des  divers  pays  de  rEuro|)e, 
trad.  de  l'anglais,  1734,  iu-T2,  Cet- 
te traduction  se  trouve  dans  le  troi- 
sième volume  du  Recueil  pulilié  par 
Manvillon ,  sous  le  titre  de  Discours 
politiques  de  D.  Hume  ,  Amsterd. , 
17G1  ,  5  vol.  in-  r2.  VIII.  Eclair- 
cissements sur  le  livre  des  Mœurs , 
1762  ,  in-  12  ,  traduit  en  allemand, 
Breslau  ,  i  ';63  ,  in-8".  IX.  Extraits 
des  OEuvres  de  Gellert ,  trad.  de 
l'allemand,  Berlin  ,  1 768 ,  2  vol.  in- 
12.  Palissot  a  publié  une  iVofice  sur 
cet  écrivain ,  dans  le  Nécrologe  des 
hommes  célèbres  de  France ,  année 
1773.  On  trouve  son  Éloge  dans  les 
Mémoires  de  l'académie  de  Berlin  , 
année  1775.  W — s. 

TOUSSAINT  -LOUVERTURE, 
l'un  des  hommes  les  plus  extraordi- 


I 


4oô 


TOU 


naires  d'un  temps  où  tant  d'hommes 
extraordinaires  ont  paru,  était  noir, 
d'origine  africaine,  et  naquit  à  Sainl- 
Domingue,  en  1743,  d'un  père  et 
d'une  mère  esclaves  ,  sur  riiabitation 
du  comte  de  Noè,  appelée  Breda  ,  et 
située  à  une  lieue  de  la  ville  du  Gap 
(i).  Les  premières  années  de  Tous- 
saint, connu  d'abord  sous  le  nom  de 
Toussaint-Breda ,  s'écoulèrent  dans 
les  travaux  les  plus  durs  ;  il  garda 
les  bestiaux  sur  l'habitation  qui  l'a- 
vait vu  naître.  Mais  la  précoce  acti- 
vité de  son  esprit  l'airranchitbientôt 
de  l'état  de  profonde  ignorance  au- 
quel il  semblait  condamné;  par  les 
soins  d'un  noir  nommé  Pierre-Bap- 
tiste ,  il  reçut  les  premiers  éléments 
d'une  instruction  très-commune^  mais 
dont  il  sut  merveilleusement  profiter. 
Dès  qu'il  sut  lire  et  signer  son  nom  , 
il  sortit  de  l'emploi  de  pâtre;  M. 
Bayon  de  Libertat,  procureur  de 
l'habitation,  en  fit  son  cocher.  La 
conduite  de  Toussaint  lui  mérita  la 
confiance  de  son  nouveau  maître^  au 
point  qu'il  l'institua  surveillant  des 
autres  noirs.  Toussaint ,  dans  son 
nouvel  emploi,  montra  de  la  probi- 
té, de  la  modération  et  des  senti- 
ments religieux.  Telle  fut  la  position 
oîi  le  trouva  la  révolution.  11  ne  prit 
aucune  part  aux  premières  insurrec- 
tions, et  l'on  n'eut  point  à  lui  repro- 
cher d'avoir  trempé  ses  mains  dans 
le  massacre  des  blancs,  au  mois 
d'août  1791.  Malgré  les  liaisonsqu'il 
avait  eues  avec  Biassou  et  Jean-Fran- 
çois ,  alors  chefs  des  noirs  insurgés  , 


(0  IVinl.i.il  la  I.Milc-puissaT.ep  de  Tocissainl  ,  ..u 
lui  (il  une  gciiiiilDgic,  ou  [.eul-rlic  cm  doiina-l-il 
l'idée  lui-mi-mc.  Il  tn  rCTullcrait  t|u'il  ilesceudait 
de  Gaou-C.iiiriou  ,  roi  noir  de  la  Iriliu  africaine  des 
Arrudos  ;  «jnc  son  pi'rc,  sprund  (ils  de  ce  roi ,  au- 
rait été  fait  |>ri»onuier  ù  la  .iciilc  d'une  giu-rre  ,  ven- 
du ensuite  «elon  la  eoutiiine  liarharc  de»  Atiicain», 
et  conduit  \  .SHiiit-lliimiiiKue;   <|ur  là  il  devint  es- 


clave du  CKiutc  de   Nu 


u'il  ( 


il  tinq 


.niants  mâle»  et  Inii»  fdleii ,  et  que  l'aine  de»  ciricj 
enfant!  iii5les  émit  Tnutiaint. 


TOU 

il  lui  échappa  plusieurs  fois  des  im- 
précations contre  les  auteurs  des  de'- 
sastres  de  la  colonie.  Toussaint  ne 
concourut  à  la  révolte  que  lors- 
qu'elle lui  sembla  prendre  un  carac- 
tère politique.  Qui  le  croirait?  Ce  fut 
d'abord  aux  cris  de  vive  le  roi  et 
l'ancien  régime!  que  se  soulevèrent 
les  noirs;  ils  attaquèrent  les  blancs 
qui  avaient  embrassé  la  révolution  , 
et  en  mcme  temps  ils  prirent  pour 
devise  :  Vaincre  ou  mourir  pour 
la  liberté.  Les  deux  partis  se  fai- 
saient une  guerre  à  mort.  Tous- 
saint s'était  rendu  au  camp  du  chef 
noir  Biassou,  qui  l'admit  dans  son 
intime  confiance,  et  l'employa  dans 
plusieurs  expéditions.  11  acquit  par- 
mi les  noirs  une  grande  popularité, 
au  moyen  de  quelques  remèdes  par- 
ticuliers recueillis  par  son  esprit  ob- 
servateur ;  il  se  fit  même  donner  dans 
les  bandes  de  Jean-François  le  titre 
de  Médecin  des  armées  du  roi, 
qu'il  échangea  bientôt  pour  un  grade 
mihtaire.  Jean-François,  jaloux  de 
l'ascendant  que  Toussaint  avait  ob- 
tenu ,  le  fit  arrêter  et  emprisonner 
à  Vallière,  en  1793;  mais  il  fut 
délivré  par  Biassou.  Cependant,  ce 
Biassou  s'étant  rendu  odieux  par  sa 
féi'ocité  ,  Jean-François,  qui  aspirait 
au  commandement  général  des  noirs, 
s'en  défit  ,  favorisé  ,  dit-on  ,  par 
Toussaint,  avec  qui  il  s'était  récon- 
cilié, et  à  qui  l'on  fît  depuis  le  repro- 
che d'avoir  abandonné  et  même  tra- 
hi son  ancien  chef.  Quoi  qu'il  en  soit, 
il  suivit  les  drapeaux  de  Jean-Fran- 
çois, et  d'aide-de-camp  il  devint  le 
colonel  espagnol  Toussaint  ,  après 
que  Jean-François  eut  passé  avec 
ses  noirs  dans  les  rangs  espagnols , 
OUI-  combattre  le  parti  de  la  répu- 
liqiie  liançaise.  Toussaint  porta 
donc  les  armes  contre  la  république 
et  au  nom  do  roi,  pendant  toute  la 


l 


TOU 

campagne  de  i7î)3.  La  Vendée 
seule  peut  être  comparée  à  cette 
guerre  cruelle  que  firent  les  noirs 
aux  républicains  de  Saint-Domin- 
gue y  pendant  près  de  deux  ans. 
Les  commissaires  Polverel  et  Son- 
tlionax,  ayant  proclamé  la  liberté 
des  noirs,  essayèrent,  avec  cet  appât, 
de  les  ramener  à  eux,  et  firent  offrir 
à  Jean-François  et  à  Toussaint  paix, 
liberté  et  protection.  Mais  ces  pre- 
mières ouvei'tures  n'eurent  aucun  suc- 
cès. Toussaint,  croyant  devoir  moti- 
ver particulièrementsonrefus ,  c'ciivit 
aux  commissaires  :  «Nous  ne  pouvons 
»  nous  conformer  à  la  volonté  de  la 
»  nation,  vu  cpie  depuis  que  le  monde 
»  règne,  nous  n'avons  exécuté  que 
»  celle  d'un  roi.  Nous  avons  perdu 
))  celui  de  France;  mais  nous  som- 
»  mes  chéris  de  celui  d'Espagne ,  qui 
»  nous  témoigne  des  récompenses , 
»  et  ne  cesse  de  nous  secourir.  Com- 
»  me  cela ,  nous  ne  pouvons  vous  re- 
"  connaître,  commissaires,  quelors- 
»  que  vous  aurez  trôné  lui  roi.  » 
Celle  lettre  avait  été  rédigée  par  le 
curé  de  Laxabon ,  prêtre  espagnol , 
alors  confesseur  de  Toussaint.  Deux 
mois  auparavant ,  ce  chef  des  noirs 
avait  adressé  une  proclamation  dans 
le  même  sens.  Lui  et  Jean-François 
n'agissaient  alors  que  par  les  ordres 
de  don  Joacbim  Garcia  ,  président 
de  l'audience  royale  à  Santo-Domiu- 
go ,  qui  venait  d'établir  Toussaint 
avec  ses  troupes  noires  au  poste  de 
la  INIarmelade,  sous  le  commande- 
ment du  marquis  d'Hermona  ,  géné- 
ral espagnol.  Ce  fut  là  qu'on  eut  con- 
naissance du  décret  de  la  Conven- 
tion, du  4  février  1794^  q>i'  confir- 
mait et  proclamait  la  liberté  géné- 
rale de  tous  les  esclaves,  en  décla- 
rantSainl-Domingiic  partie  intégran- 
te de  la  France.  Toussaint  savait  à 
peine  lirej  mais  il  c-lait  capable  de 

XLVT. 


TOU  4oi 

méditer  :  il  jugea  tout  l'avantage 
qu'il  pourrait  tirer  d"un  pareil  dé- 
cret ,  si .  abandonnant  le  parti  où  le 
hasard  l'avait  placé  ,  il  passait  dans 
le  parti  de  la  France,  qui  était  deve- 
nu celui  de  rail'rancliissement  des 
noirs.  Il  se  voyait  d'ailleurs  avec 
peine  dans  un  rang  subalterne,  sans 
espoir  d'égalerjamais  Jean-François, 
à  qui  l'Espagne  venait  de  conférer  la 
grandesse  et  le  rang  de  lieutenant- gé- 
néral. Animé  par  la  j  alousie  et  l'ambi- 
tion, Toussaint,  avec  qui  Laveaux 
entretenait  des  rapports  secrets,  fait 
offrir  à  ce  général  de  lui  livrer  les 
postes  et  les  troupes  qu'il  commande 
si  l'on  veut  le  maintenir  dans  son 
grade  de  colonel  ;  on  lui  promet  de 
le  reconnaître  pour  général  de  briga- 
de. Alors  il  n'hésilCplus.  Cependant 
la  confiance  qu'il  inspirait  aux  Ks- 
pagnols  était  sans  bornes;  il  les  avait 
tellement  séduits  par  ses  dehors  reli- 
gieux ,  que  le  marquis  d'Hermona , 
son  général ,  s'écriait  en  le  voyant 
communier:  «  Non,  Dieu  ne  sau- 
w  lait  visiter  une  ame  plus  pure.  » 
Peu  de  jours  après,  Toussaint  en- 
tend la  messe,  reçoit  les  sacrements 
avec  recueillement,  et  part  de  la  Mar- 
melade ,  avec  un  gros  de  noirs  à  ses 
ordres  ;  il  fait  d'abord  main-basse 
sur  les  Espagnols  qui  se  trouvent  à 
sa  portée,  marche  sur  le  ventre  de 
tous  les  postes  qui  refusent  de  se 
rallier  à  lui,  et  se  rend,  par  Plai- 
sance et  le  Gros-Morne ,  aux  or- 
dres de  Laveaux.  Cette  défection 
entraîne  la  reddition  immédiate  de 
la  Marmelade  ,  de  Plaisance  ,  du 
Gros-Morne  ^  d'Hcnneri ,  du  Don- 
don  ,  de  l'Acul  et  du  Limbe  ;  elle 
jette  la  confusion  et  l'effroi  parmi 
les  Espagnols,  et  change  tout-à-coup 
la  face  des  affaires.  Devenu  général 
de  brigade  français,  Toussaint  jtrit 
facilement  sur  les  siens  l'ascendanl 
26 


l\Ol 


TOU 


c[ue  donne  un  caractère  ferme  et  dé- 
cide. Pourtant  lieu  en  lui  n'était  en- 
traînant, ni  la  valeur  ni  le  courage 
moral  ;  il  n'avait  aucun  avantage  ex- 
térieur; il  e'tait  vieux,  il  avait  vécu 
cinquante  ans  dans  l'esclavage;  il 
n'e'tait  rien  moins  qu'éloquent  :  sa 
diction  était  embarrassée  ;  et  néan- 
moins cet  liomme  sut  tout-à-coup  s'é- 
lever en  maître,'  parce  qu'il  jugea 
que  les  noirs  voulaient  un  chef,  et 
le  voulaient  de  leur  couleur.  Faisant 
allusion  aux.  succès  de  la  défection 
de  Toussaint,  reste  maître  de  plu- 
sieurs camps  retrancliés^  le  commis- 
saire Polvercî  avait  dit  :  «  Comment! 
»  mais  cet  liomme  fait  oin'erture 
»  partout!  »  Dès-lors  la  voix  publi- 
que lui  confirma  le  surnom  de  Lcii- 
i'crture  ;  lui-même  s'empressa  de 
l'ajouter  à  son  nom,  comme  pour 
annoncera  la  colonie,  et  surtout  aux 
siens ,  qu'il  allait  ouvrir  la  porte 
d'un  meilleur  avenir.  11  vint  avec  ses 
troupes  au  port  de  Paix ,  et  y  fit  ser- 
meht  à  la  république  française ,  en 
présence  de  Laveaux ,  qui  ,  par  le 
rappel  dePolvcrel  et  Sonthonax,  te- 
nait seul  le  gouvernement  de  Saint- 
Domingue.  Ce  général,  instruit  par 
les  événements ,  se  montrait  peu  dis- 
posé à  donner  sa  conliavice  à  Tous- 
saint,  qui,  surveillé  dans  toute  sa 
conduite,  et  réduit  à  l'maclion,  sem- 
blait avoir  atteint  le  terme  de  sa  car- 
rière politique.  Mais  un  événement 
inattendu  vint  le  replacer  tout-à- 
coup  sur  la  scène,  et  ouvrir  à  son 
ambition  une  nouvelle  carrière.  Au 
mois  de  mars  1795,  une  sédition  fo- 
meiitéc  et  protégée  par  trois  chefs 
mulâtres  éclate  dans  laviliedu  Cap, 
contre  le  général  Laveaux,  qui  est 
ariôlc  et  constitué  j)risoinrcr.  A 
celte  nouvelle,  Toussainl-Louverlii- 
rc,  soutenu  ])ar  les  amis  de  la  Fran- 
ce, arme  ses  noirs,  it  marche  sur  la 


TOU 

ville  du  Cap,  pour  délivrer  le  géné- 
ral français.  Il  est  bientôt  à  la  tête 
de  dix  mille  hommes,  et  l'appareil 
menaçant  d'un  siège  force  les  habi- 
tants à  lui  ouvrir  les  portes  de  la  ville. 
Toussaint  y  entre  en  vainqueur  ;  son 
premier  soin  est  de  délivrer  le  géné- 
ral Laveaux  et  de  le  réintégrer 
solennellement  dans  ses  fonctions. 
Dans  l'ivresse  de  sa  reconnaissance, 
le  gouverneur  le  proclame  le  vengeur 
des  autorités  constituées ,  et  le  sau- 
veur des  blancs.  «  C'était ,  disait-il 
»  dans  sa  pi'oclaniation,  ce  noir,  ce 
»  Spartacus  prédit  par  iUynal,dcnt 
»  la  destinée  était  de  venger  les  cu- 

»  trages  faits  à  toute  sa  race w 

Il  ajoutait  que  désormais  il  ne  ferait 
rien  que  de  concert  avec  lui  et  par 
ses  conseils.  En  elïèt ,  il  le  crée  à-la- 
fois  général  de  division  et  lieutenant 
au  gouvernement  de  Saint-Domingue; 
en  un  mot,  il  le  constitue, en  quelque 
sorte,  l'arbitre  de  la  colonie.  Les 
services  que  Toussaint  rendit  à  la 
France  furent  immenses  ;  ce  fut  jiar 
lui  que  Laveaux  parvint  à  plier  les 
noirs  à  l'ordre  et  au  régime  militaire. 
La  paix  entre  la  France  et  l'Espagne 
ayant  mis  lin  aux  eflbrts  de  Jean- 
François  ,  ce  chef  s'embarqua  avec 
ses  principaux  oiiJcicrs  ])our  aller 
jouir,  dans  la  Péninsule,  des  faveurs 
de  la  cour  de  Madrid.  Toussaint- 
Louverture  resta  seul  à  Saint-Domin- 
gue pour  flatter  l'orgueil  et  les  espé- 
rances de  sa  couleur.  Le  général 
Laveaux  sentit  tout  le  prix  de  son 
crédit  ,  qui  lui  facilita  l'occupation 
entière  du  Nord  de  l'île  ,  à  l'excc])- 
tion  du  mole  Saint-Nicolas  qui  res- 
tait aux  Angl.iis.  II  les  fit  harceler 
parTouss;iint,qui  nritposteaux  Ver- 
rettes ,  à  la  Petite-Uivière  et  sur  l'Es- 
ther.  (l'est  là  qu'il  fiillit  s'emparer 
du  major  anglais  sir  Thomas  l^is- 
baïuie.    Il  lui  avait  fait  dire  (jiie  : 


TOU 

«  Dégoûte  de  servir  la  r^iiubliqiie  cl 
»  dt'siVaiit  passer  sons  les  drapeaux 
»  de  l'Angleterre  ,  il  élait  prêt  à  lui 
»  livrer  les  Gonan  es  ,  les  Verrettcs 
»  et  les  antres  places  sous  ses  or- 
»  dres  ,  s'il  voulait  lui  accorder  r.ii 
«  renilcz-voiis  au  pouttle  l'Estlicr.  » 
Sir  Thomas  se  met  aussiiot  en  mar- 
che ;  mais  sur  l'avis  qu'il  cède  avec 
trop  de  coriliance  aux  propositions 
d'un  homme  vieilli  dans  la  dissimu- 
lation ,  il  rétrograde  et  envoie  à  sa 
place  M.  Gauthier,  oliicier  émigré, 
commandant  en  second  à  Saint-Marc. 
Cet  officier,  escorte  par  des  hommes 
de  couleur  revêtus  de  l'uniforme  an- 
glais ,  commence  sa  négociation  par 
des  ollres  pécuniaires.  Toussainl-Lou- 
verture  paraît  s'en  indigner  ^  et  tra- 
duit devant  une  commission  militai- 
re les  victimes  de  sa  perfidie ,  et  les 
fait  passer  par  les  armes ,  en  vertu 
d'un  jugement  qui  portait  littérale- 
ment le  grief  d'avoir  voulu  corrom- 
pre le  vertueux  général  Toussaint- 
Louverture.  11  s'approche  ensuite  de 
Saint-Marc  ,  à  la  tête  de  ses  légions 
noires  ,  et  partout  il  est  obéi.  Telle 
était  déjà  son  influence,  qu'en  chan- 
geant ,  par  sa  seule  volonté,  les  ha- 
bitudes licencieuses  des  noirs,  il  sa- 
vait faire  comprendre  à  ce  qui  res- 
tait de  propriétaires  qu'il  y  allait 
de  leur  intérêt  de  s'attacher  à  lui , 
puisque  lui  seul  pouvait  rétablir  le 
joug  des  anciennes  cultures.  L'arri- 
vée de  nouveaux  agonis  envoyés  par 
le  Directoire  exécutif  pour  procla- 
mer la  constitution  de  l'an  m,  alîcr- 
mit  encore  le  crédit  de  Toussaint , 
en  prêtant ,  en  quelque  sorte ,  de  nou- 
velles armes  à  son  ambition.  L'ancien 
commissaire  Sonthonax  était  à  la  tête 
de  la  nouvelle  commission  ;  il  avait 
ordre  de  faire  éprouver  à  Toussaint- 
Lon  ver  turc  toute  la  bienveillance  du 
gouvernement  français  ,  et  de  recon- 


ÎOU 


4o3 


naître,  par  de  nouvelles  faveurs  ,  les 
services  que  ce  nègre  avait  rendus  à 
la  république  dans  la  personne  du 
général  La\  eaux.  Fidèle  à  ses  ins- 
tructions, Sonthonax  l'encourage  à 
denouveanx  services,  et  lui  expose  la 
nécessité  de  chasser  promptement  les 
Anglais.  Investi  de  la  confiance  des 
agents  du  gouvernement,  Toussaint, 
déployant  un  grand  zèle  et  des  ta- 
lents militaires  qu'on  ne  lui  soupçon- 
nait pas  ,  débouche  ai^ec  ses  troupes 
noires  des  sources  de  l'Artlbonite , 
parvient  à  reconquérir  le  Mirbalais  , 
et  les  grands  bois  qui  étaient  restés 
sous  la  domination  anglaise,  et  de- 
vient dans  l'ouest  le  plus  ferme  appui 
des  armes  de  la  république.  Déjà 
son  ambition  n'avait  plus  de  bornes, 
surtout  dcjniis  que  le  commissaire 
Sonthonax ,  espérant  plus  de  sou- 
mission dans  uu  chef  noir  ,  lui  avait 
fait  entendie  qu'il  le  destinait  au 
commandement  en  chef.  Quand  il  s'é- 
tait vu  associé,  comme  lieutenant, 
au  gouverneur  de  Saint-Domingue, 
Toussaint  s'était  écrié  :  Après  bon 
Dieu ,  c'est  Lai>eaux ;  mais  dès  que , 
par  la  confirmation  de  son  grade 
de  général  de  division  ,  il  se  vit 
loucher  de  si  près  au  rang  de  son 
bienfaiteur,  sa  secrète  pensée  fut  de 
le  remplacer ,  et  tout  annonce  quC 
ce  fut  par  son  influence  que  La- 
veaux,  nommé  au  corps  législa- 
tif, se  vit  dans  la  nécessité  de  quit- 
ter la  colonie.  Alors  Toussaint  fut 
proclamé  général  en  chef  des  armées 
de  Saint-Domingue  (  avrd  179(5  ). 
Le  bruit  de  ses  exploits  retentit 
en  Europe  ;  et  l'on  célébra  les  vic- 
toires du  général  noir  à  la  tribu- 
ne du  Conseil  des  Anciens  ;  on  !e 
peignit  comme  le  sauveur  de  la  colo- 
nie, comme  le  partisan  le  plus  zélé  de 
la  France.  Tout  paraissait  concourir 
alors   à  maintenir  l'harmonie  entre 


/fo4 


TOU 


les  commissaires  tin  gouvernement  et 
le  nouveau  ge'nc'ral  en  chef".  La  colo- 
nie coninu'iiçait  à  res]iiicr  ;  la  ville 
du  Caj)  et  les  habitations  du  nord  se 
relevaient  avec  rapidité.  Toussaint 
donnait  les  plus  belles  espérances  ;  et 
ce  fut  à  cettee'poque  qu'on  l'entendit 
dire:  «  Jen'ai  pasenviedepasserpour 
»  un  nègre  de  la  côte;  et  je  saurai, 
»  aussi  bien  cpieles  autres,  tirer  parti 
»  des  ressources  territoriales  ;  la  li- 
»  bertë  des  noirs  ne  peut  se  consoli- 
)>  der  que  par  la  prospérité'  de  l'a- 
»  griciilture.  »  Le  quartier  de  la 
Grandc-Pvivière^  où  il  avait  ses  pro- 
priétés ,  voulut  prendre  son  nom  ,  et 
il  y  eut  un  canton  et  une  municipa- 
lité' de  Toussaint-Louverture,  Mais 
il  restait  encore  au  commissaire  du 
Directoire  une  ombre  de  pouvoir; 
Toussaint  résolut  de  s'en  débarras- 
rer  :  il  se  rend  au  Cap  dans  le  cou- 
rant d'août  1  --96 ,  à  la  tèle  d'un 
gros  corps  de  cavalerie ,  et  va  des- 
cendre cLcz  tjontlionax,  qui  le  reçoit 
avec  beaucoup  d'égards.  Le  premier 
jour  s'ccoule  dans  des  témoignages 
d'estime  etdeconliance  mutuelles.  Le 
lendemain  ,  Toussaint  fait  battre  la 
générale  ,  passe  eu  revue  la  garnison, 
et  se  retire  dans  son  gouvernement, 
où  il  inviteà  un  repas  les  chefs  C!"  ils  et 
militaires  de  la  ville.  Là,  s'assuranl 
les  suHragcs  du  plus  grand  nombre , 
il  projiosc  sans  détour  l'embarque- 
ment du  commissaire;  et  il  fait  ar- 
rêter les  u/ïicicrs  qui  s'y  opposent. 
Dans  une  entrevue  avec  Sontlionax, 
il  lui  démontre  qu'il  ne  ]ieut  ])lus  res- 
ter dans  la  colonie  sans  y  causer  des 
Irouijlcs.  Tout  eu  le  comblant  de  té- 
moignages de  respcctet  dcdcféicncc, 
il  le  contrauit  de  mettre  à  la  voile, 
avec  ses  jirincipaux  adliérenls ,  ne 
a'etenant  ])ics  de  lui  que  le  mulâtre 
Raymoni!,  l'un  des  commissaires,  qui 
Jui  était   dévoué,   et  au(|U(.l  ,   ])nnr 


TOU 

conserver  quelques  apparences  ,  il 
confie  l'admiiiistralion  de  la  colonie. 
Mais,  craignant  bientôt  que  ce  coup 
d'éclat  ne  lui  devienne  funeste  au- 
près du  gouvernement  de  France  ,  il 
se  hâte ,  pour  rassurer  le  Directoire , 
d'envoyer  aux  écoles  de  Paris  deux 
de  ses  enfants  ,  qu'il  fait  accom- 
pagner par  le  chef  de  brigade  Vin- 
cent, cliargé  spécialement  de  la  com- 
mission délicate  de  faire  comprendre 
au  Directoire  l'impossibilité  où  serait 
restée  la  colonie  de  se  relever  sous 
l'admmistration  inquiète  et  turbu- 
lente du  commissaire  Sontlionax. 
Dans  la  lettre  qu'il  écrivit  à  cette  oc- 
casion ,  il  ne  manqua  pas  de  faire  con- 
sidérer «  combien  sa  confiance  dans 
»  le  Directoire  deyait  être  grande , 
»  pour  lui  livrer  ainsi  ses  enfants  ,  à 
■>■>  une  époque  où  les  plaintes  qu'on  al- 
»  lait  jiorter  contre  lui  pouvaient  met- 
»  tre  en  doute  la  sincérité  de  ses  sen- 
»  timents.  Aujourd'hui, ajoutait-il , il 
»  n'y  a  plus  de  motif  à  des  agitations 
»  intérieures.  Je  garantis,  sous  ma 
n  responsabilité  personnelle,  la  sou- 
»  mission  à  l'ordre  et  le  dévouement 
»  à  la  France  de  mes  frères  noirs. 
»  Vous  pouvez  compter  prochaine- 
»  ment,  citoyens  directeurs,  surd'heu- 
»  reux  résultats  ;  et  vous  verrez  bicn- 
»  tôt  si  j'engage  en  vain  ma  respon- 
»  ponsabilité  et  vos  espérances.  »  La 
conduite  de  Toussaint  fut  louée  pu- 
bliquement à  Paris.  On  le  regarda  de 
nouveau  comme  le  sauveur  de  Saint- 
Domingue;  et  le  Directoire  lui-même 
lui  fit  présent  d'un  babil  richement 
brodé,  et  d'une  supeibeannure.  Pen- 
dant ce  temps,  Toussaint  amenait  le 
commissaire  Ivr.ymouda  liùabandon- 
nerle  pouvoircivil  de  la  colonie, sous 
juétexle  (ju'il  nepouvait  plus  tenir  les 
rênes  d'une  administration  devenue 
trop  orageuse;  et,  se  servant  de  la 
même  1  use  qu'à  l'égard  de  Laveaux, 


TOU 

il  eut  soin  de  le  faire  nommer  de- 
pute  au  corps  législatif.  Cependant  le 
Directoire  pourvut  enfin  «u  rempla- 
cement de  ses  commissaires;  et  son 
choix  tomba  sur  le  général  Hédou- 
ville,  connu  par  sa  modération,  et 
qui  fut  chargé  de  la  mission  difficile 
d'aller  observer  et  contenir  l'ambi- 
tion de  Toussaint  -  Louverture.  Ins- 
truit rapidement  de  cette  nomination, 
Toussaint  sentit  qu'il  avait  besoin 
plus  que  jamais  du  lustre  des  armes, 
soit  pour  se  maintenir^  soit  pour  ef- 
facer la  prépondérance  militaire  du 
général  Rigaud  ,  qui,  soutenu  par  le 
parti  des  mulâtres ,  commandait  dans 
le  sud.  A  la  tête  d'une  nombreuse  ar- 
mée de  noirs ,  il  se  montre  décidé  à 
chasser  les  Anglais  de  Saint  -Marc, 
du  Port-au-Prince,  de  Jérémie  et  du 
Mole ,  dont  ils  étaient  encore  en  pos- 
session. A  peine  est-il  en  mouvement 
que  le  général  anglais  Mait'and  lui 
envoie  des  parlementaires ,  porteurs 
de  paroles  flatteuses.  Ne  pouvant 
plus  se  maintenir  dans  l'île ,  il  offre 
à  Toussaint  d'évacuer  les  places  ,  à 
des  conditions  qui  convenaient  eu 
même  temps  à  la  politique  anglaise  et 
à  l'ambition  du  chef  des  noirs.  Ainsi 
la  guerre  entre  Toussaint  et  les  An- 
glais ne  fut  plus  qu'un  échange  de 
propositions  et  de  bons  procédés. 
Dans  ces  entrefaites ,  arrive  le  géné- 
ral Hédouville.  Il  fait  la  première  faute 
de  débarquer  à  Santo-Domingo  ,  ca- 
pitale de  la  partie  espagnole,  mesure 
qui  décèle  sa  défiance.  Toutefois  il  est 
reçu  au  Cap  avec  des  démonstrations 
de  respect  par  les  adhérents  de  Tous- 
saint, qui ,  resté  à  la  tète  de  son  ar- 
mée, continue  de  négocier  avec  le  gé- 
néral anglais  Maitland.  Informé  de 
lout  ce  (|ui  se  passe  à  l'état -major 
d'Héduuvillc,  il  apprend  que  des  of- 
ficiers de  ce  même  état -major  s'ex- 
priment très  -  défavorablement  à  son 


TOU 


4o5 


égard,  et  qu'ils  ne  demandent  que 
quatre  braves  pour  aller  ,  disent-ils , 
arrêter,  dans  son  camp,  le  magot 
coiffé  de  linge  (2).  Toussaint,  qui 
n'avait  témoignéaucun  empressement 
de  venir  au  Cap  ,  voulant  alors  mon- 
trer qu'il  est  sans  crainte,  s'y  rend 
presque  seul ,  et  fait  entendre  à  Hé- 
douville ,  dans  une  entrevue ,  que 
s'il  ne  paraît  pas  plus  soumis  c'est 
qu'il  se  sent  déjà  fort.  Il  retourne  au 
camp  de  l'Ouest ,  et  y  reprend  ses  né- 
gociations pour  l'évacuation  des  pla- 
ces occupées  parles  Anglais.  En  vain 
le  général  Hédouville  se  réserve  de 
donner  sa  sanction  au  traité,  en  qua- 
lité d'agent  direct  de  la  république. 
Les  colons  et  les  émigrés  ,  sûrs  de  la 
protection  de  Toussaint ,  déchirent 
les  proclamations  des  commissaires, 
font  rompre  les  préliminaires,  et  dé- 
clarent qu'ils  ne  veulent  recoiuiaître 
que  Toussaint.  En  effet,  la  capitula- 
tion en  vertu  de  laquelle  le  Port-au- 
Prince,  Saint -Marc,  Jérémie  et  le 
Môle  sont  remis  à  celui-ci  par  le  gé- 
néral Maitland,  est  consentie  et  con- 
clue sans  la  pai-ticipation  d'Hédou- 
ville.  Le  général  noir  se  rend  aussitôt 
au  IMôle-Saint-Nicolas ,  pour  y  faire 
son  entrée  avec  pompe.  Au  Port-au- 
Prince,  il  avait  refusé  les  houneilrs 
suprêmes  qu'amis  et  ennemis  s'é- 
taient empressés  de  lui  offrir.  Au  Mô- 
le ,  il  se  montre  dans  tout  l'éclat  de 
sa  puissance.  A  son  arrivée ,  les 
troupes  anglaises  bordant  la  haie , 
le  curé  vient  processionuellement  le 
recevoir  sous  le  dais ,  et  portant  à 
sa  rencontre  le  Saint  -  Sacrement. 
L^ne  tente  magnifique  fut  dressée 
sur  la  place  d'armes  ,  où  le  général 
Maitland  lui  donna  un  repas  somp- 
tueux, à  la  suite  duquel  il  lui  fit  pré- 


>i  Intiss,\int  pnrlaïf  Umioiirs  uu  inailras  autcnir 
«n  (■■le. 


4oG 


TOU 


scait ,  au  nom  du  roi  d'Angleterre^  de 
l'argenterie  qui  ornait  la  table.  Tous- 
saint, passant  ensuite  eu  revue  les 
troupes  anglaises  ,  les  vit  défiler  de- 
vant lui,  et  reçut,  après  la  revue,  en 
présent  et  au  nom  du  roi  d'Angleter- 
re ,  deux  coulcvriues  en  bronze.  En- 
chante' des  Anglais  ,  il  ne  cessait  de 
répéter  que  la  république  ne  lui  avait 

Jamais  rendu  autant  d'honneurs  que 
p  roi  d'Angleterre.  Le  général  Para- 
phile  de  La  Croix  assure  qu'il  a  vu, 
dans  les  archives  du  gouvernement 
au  Port-au-Prince  ,  les  propositions 
secrètes  qui  expliquent  ces  démons- 
trations de  la  part  des  Anglais.  El- 
les tendaient  à  faire  déclarer  Tous- 
saint-Louverture  roi  d'Haïti,  avec 
])jomesse  de  le  faire  reconnaître 
])ar  l'Angleterre,  s'il  consentait  à 
signer,  en  faveur  de  cette  puissan- 
ce, un  traité  de  commerce  exclusif, 
protégé,  dans  les  ports  etsur  les  côtes, 
}!ar  une  escadie  de  frégates  britanni- 
<pies.  Le  bon  sens  du  général  noir  lui 
lit  juger  qu'il  n'était  pas  temps  en- 
core ;  et  il  éluda  une  réponse.  Mais 
dès-lors ,  et  surtout  depuis  l'occupa- 
pation  des  places  de  l'ouest,  il  pro- 
clama, de  son  chef,  des  amnisties 
générales,  rétablit  les  anciens  pro- 
J)iiétaii'es  sur  leurs  plantations,  for- 
çant les  cultivateurs  épars  et  les  nè- 
gres eux-mêmes  de  se  livrer  à  la  cul- 
ture. Ce  fut  un  spectaclebien  imprévu 
pour  les  créoles  de  voir  cet  homme 
les  remettre,  par  sa  pleine  puissance, 
en  possession  de  leurs  propriétés  et  de 
leurs  esclaves.  A  sa  voix ,  on  vit  tous 
ces  Africains,  le  corps  nu ,  avec  une 
giberne ,  un  sabre  et  im  fusil ,  repren- 
dre le  hoyau,  remuer  la  terre,  et 
donner  l'exemple  de  la  ])lus  sévère 
discipline,  (^e  fut  le  plus  beau  triom- 
j)he  de  Touss.iml  -  jjouverlure.  Le 
général  Ih'douvilio  icsla  sans  crc'dit. 
Lfl'i  que  Toussaint  eut  la  certitude 


TOU 

de  prévaloir  sur  lui  dans  ro])inion , 
il  épia  le  moment  de  renvoyer  en 
Europe  l'agent  du  Directoire  j  et  celte 
occasion  ne  tarda  point  à  se  présen- 
ter. Le  généra!  Hedouville  fit  une  pro- 
clamation et  un  règlement  sur  la  cul- 
ture, qui  semblait  décider  les  ques- 
tions les  plus  graves  sur  l'état  civil 
et  politique  des  noirs  et  des  blancs. 
Toussaint  en  fit  une  en  sens  contraire^ 
portant  une  amnistie  générale ,  et 
déclarant  qu'il  n'y  avait  point  d'émi- 
grés parmi  les  habitants, de  l'île; 
que  tous  les  propriétaires  étaient  in- 
vités à  y  rentrer;  qu'ils  y  jouiraient 
de  toute  protection;  qu'à  la  vérité 
les  noirs  étaient  libres ,  mais  qu'ils 
devaient  continuer, pendant  cinq  ans, 
leurs  travaux  chez  leurs  anciens  maî- 
tres, à  condition  de  jouir  du  quart 
du  produit.  Eu  même  temjjs ,  ses 
émissaires,  qui  déjà  signalaient  par- 
tout Hedouville  comme  un  ennemi 
secret  des  noirs ,  nourrissant  le  pro- 
jet de  les  replacer  dans  l'esclavage  , 
exaspéraient  contre  lui  les  hommes 
des  deux  couleurs  ;  et  un  soulèvement, 
fomenté  par  les  noirs  ,  se  manifesta 
près  du  Cap.  Tout-à-coup  Toussaint- 
Louverture  paraît  au  milieu  des  in- 
surgés ,  et  les  pousse  sur  la  ville.  Ar- 
rivé de  nuit  au  fort  Belair  ,  il  y  fait 
tirer  le  canon  d'alarme.  On  s'elFraie 
an  Cap  ;  et  l'agent  français  n'ayant 
point  assez  de  troupes  pour  résister 
prend  le  parti  de  s'embarquer  ,  suivi 
de  douze  à  quinze  cents  personnes  de 
toutes  couleurs,  attachées  à  son  par- 
ti, et  emmenant  les  trois  frégates  et 
les  navires  qui  sont  en  rade.  Les 
noirs,  si  exaltés  la  veille,  rentrent 
aussitôt  dans  l'ordre;  un  Te  Dcum 
est  chanté  ,  et  c'est  à  qui  bénira 
Toiissaiiit-TiOUverJure,  regardé  com- 
me le  lihérateur  de  la  colonie.  Dans 
ses  Ict'res  au  Direcloiic,  il  s'cU'orça 
de  jtislilicr  sa  conduite,  et  de  faire 


TOU 

lomLcr  le  L'àme  des  derniers  trou- 
bles sur  Hédouvillc.  Cet  évenemeut 
eut  pour  résultat  la  lutte  sanglante 
des  noirs  et  des  liommes  de  couleur. 
Ceux-ci,  alarmes  de  voir  passer  tout 
le  commandement  dans  les  raugsdes 
africains  pnrs,  se  f^ruupèrent  autour 
du  gênerai  Rigaud ,  chef"  mulâtre , 
jaloux  et  rival  de  Toussaint.  De  part 
et    d'autre,   les    prc'paratifs  furent 
aussi  prompts  que  la  haine  était  vi- 
ve.   On    s'accusait    réciproquement 
de  trahison,  d'être  vendu  aux  An- 
glais ,  et  de  vouloir  re'tahlu-  l'esclava- 
ge. Des  deux  côte's  on  se  recrutait  au 
nom  de  la   France ,  dont  les  deux 
partis  portaient  également  les  cou- 
leurs. Les  blancs,  selon  l'assiette  de 
leurs  propriétés  ,  servaient  les  noirs 
ou  les  mulâtres.  Rigaud  débuta,  dans 
cette  cruelle  guerre,  par  la  surprise 
de  I^éogane ,  où  des  personnes  de  tout 
rang  et  de  toute  couleur  furent  im- 
pitoyablement massacrées.  A  cette 
nouvelle,  Toussaint  concentre  sur  le 
Port-au-Prince  ce  qu'il  a  de  troupes 
dans  l'ouest ,  et  ordonne  à  tous  les 
hommes  de  couleur  de  se  réunir  à 
l'église.  Là  ,  il  monte  en  chaire,  leur 
annonce  son  départ ,  leur  prédit  ses 
succès  ,  la  chute  de  Rigaud  et  la  i-ui- 
ne  de  leur  couleur.  «  Je  vois,  ajoute- 
»  t-il,  au  fond  de  vos  âmes;  vous 
»  étiez  prêts  à  vous  soulever  contre 
»  moi  ;  mais  bien  que  toutes  les  trou- 
»  pes  aillent  incessamment  quitter  la 
»  partie  de  l'ouest,  j'y  laisse  mon 
»  œil  et  mon  bras  :  mon  œil,  qui  sau- 
0  ra  vous  surveiller;  mon  bras  ,  qui 
»  saura  vous  atteindre.  «  Cependant 
ceux  du  sud  qu'oxaltc  la  présence  de 
Pkigaud,  obtiennent   des   succès.   A 
Jérémie,  au  Grand  et  au  Petit  Goavc, 
Jcs  partisans  de  Toussaint  ])ayaienl 
de  leur  vie  leur  dévouement  au  géné- 
ral noir.  Déjà  les  hommes  de  cou- 
leur du  uord  marchaient  tête  levée 


TOU  407 

dans  leur  entreprise,  croyant  Tous- 
saint renfermé  dans  le  Purl-au-Prin- 
ce  ,  quand  tout  à-coup  ce  chef  infati- 
gable abat  les  têtes  de  ceux  qui  l'ont 
trahi,  se  porte  avec  la  rapidité  de 
l'éclair  vers  le  nord  ,  force  de  nuit  le 
passage  gardé  du  pont  de  l'Esther  , 
tond  sur  les  hommes  de  couleur,  qu'il 
surprend ,  délivre  les  blancs  prison- 
niers dans  les  quartiers  des  Gonaïves 
et  du  Gros-!\îorue ,  et  -^AÙent  soumet- 
tre leiMôle  Saint-Nicolas,  après  avoir 
échappé  à  mille  dangers.  Le  sort  des 
hommes  de  couleur  du  nord  devient 
afTreux;  il  s'attendaient  à  être  tous 
immolés  ,    quand   Toussaint  arrive 
inopinément  au    Cap,   convoque   à 
l'église  toutes  les  autorités ,  fait  j-ren- 
dre  les  armes  à  la  garnison  noire ,  et 
au  jour  marqué,  déclare  en  chaire 
que  :  «  Les  hommes  de  couleur  ont  été 
»  assez  punis  ;  qu'ils  doivent  être  par- 
»  donnés  par  tout  le  monde ,  comme 
»  ils  le  sont  par  lui-même  ;  qu'ils  peu- 
»  vent  rentrer  dans  leurs  domiciles  , 
»)  qu'ils  seront  protégés  et  traités  cora- 
»  me  des  frères.   »  L'enthousiasme 
s'accrut  par  l'étonnement  et  l'admi- 
ration. Toussaint  jouit  du  triomphe 
qu'il  s'était  ménagé ,  et  les  bénédic- 
tions l'accompagnèrent  au  sortir  de 
l'église.  Mais   celte  scène  politique 
dont  il  attendait  un  grand   résidtat 
n'eut  aucune  influence  sur  les  mulâ- 
tres qui  avaient  lès  armes  à  la  main, 
les  haines  de  couleur  étant  plus  vi- 
ves dans  l'autre  hémisphère  que  les 
haines  d'opinion.  Les  circonstances 
de  cette  lutte  féroce  font  frissonner. 
Toussaint,   après  avoir  perdu  plu- 
sieurs milliers  de  ses  soldats  noirs , 
fut  enfin  triom.phant.  Son  adversaire 
Rigaud  se  vit  successivement  enlever 
toutes  ses  places   et  repousser  jus- 
qu'aux Caves.  Mais  là  le   génie  de 
Toussaint  fut  mis  en  défaut.  On  tou- 
chait à  la  fin  de  l'aïuiée  1 709,  époque 


4o8 


TOU 


où  le  gouvernement  de  France  venait 
de  tomber  dans  les  mains  du  général 
Buonaparte.  Ce  nouveau  maître  de 
la  France  se  hâta  d'envoyer  à  Tous- 
saint une   dcputation  composée  du 
commissaire  Raymond,  du  gëne'ral 
Micliel  et  du  clief  de  brigade  Vincent, 
agent  de  Toussaint  à  Paris.  A  leur 
débarquement,  les  deux  commissaires 
Vincent  et  Michel  furent  arrêtés ,  tant 
l'irritation  des  noirs  était  extrême  à 
cette   époque.  Toussaint   ayant  or- 
donné leur  élargissement ,  la  députa- 
tion  vint  le  joindre  au  Cap^  où  elle 
lui  fit  connaître  que  le  nouveau  gou- 
vernementleraaintenait dans  l'emploi 
de  général  en  chef.  Cette  confirmation 
flatta  peu  le  chef  noir,  qui^,  s'aban- 
donnant  à  sa  déliance  naturelle,  se 
jîlaignit  de  ce  que  le  premier  consul 
ne  lui  avait  pas  écrit  lui-même.  II 
éluda   de  faire  imprimer  sa  procla- 
mation, et  de  mettre ,  comme  elle  le 
prescrivait,  sur  les  drapeaux  delà 
force  armée  :  «  Braves  noirs ,  souve- 
»  nez-vous  que  le  peuple  français  seul 
»  reconnaît  votre  liberté  et  l'égalité 
»  de  vos  droits!  »  Cette  proclama- 
tion était  loin  d'ailleurs  de  tranquil- 
liser les  noirs,  puisqu'elle  remettait 
aux  actes  d'une  nouvelle  législature 
la  rédaction  des  lois  destinées  à  ré- 
gir  les   colonies.    Toussaint    partit 
pour  le  sud,  afin  d'aller  faire  con- 
naître lui-même  à  son  armée  sa  con- 
firmation  au   grade  de    général   en 
chef;  et  dans  la  vue  aussi  d'amener 
le  général  Pvigaud  à  se  soumettre,  il 
lui  dépêcha  le  chef  de  brigade  Vin- 
cent, qui   fut  près  de  perdre  la  vie 
dans  celte  mission  délicate.  Higaud, 
voyant  que  son  parti  l'abandonnait, 
dans  l'espoir  de  la  paix  ,  s'embarqua 
et  vint  se  réfugier  en  France,  avec 
plusieurs  de  ses  chefs.  Ainsi  finit  la 
le'sistaure  nieurtrière  du  sud.  Daiis  le 
nord  et  dans  l'ouest ,  la  culture  rc- 


TOU 

conwnença  ,  et  Toussaint  en  fit  un 
des  premiers  objets  de  ses  soins.  Ins- 
truit que  le  gérant  de  l'habitation 
Breda  ,  où  il  avait  été  jadis  esclave, 
végétait  aux  États-Unis,  il  lui  fit 
écrire  de  revenir  à  Saint-Domingue , 
se  mettre  à  la  tête  des  intérêts  de 
leurs  anciens  bons  maîtres.  Le  gé- 
rant s'empresse  d'accourir  ;  il  débar- 
que au  Port-au-Prince,  et  il  est  invité 
le  soir  même  au  cercle  du  géné- 
ral en  chef.  A  peine  l'aperçoit- il 
qu'il  veut  se  jeter  dans  ses  bras  j  mais 
Toussaint,  faisant  deux  pas  en  ar- 
rière ,  lui  dit  d'une  voix  solennelle: 
«  Doucement,  Monsieur  le  gérant, 
»  il  y  a  aujourd'hui  plus  de  distance 
»  de  moi  à  vous  qu'il  n'y  en  avait 
»  autrefois  de  vous  à  moi.  Rentrez 
»  sur  l'habitation  Breda  ;  soyez  jus- 
»  te  et  inflexible-  faites  bien  travail- 
))  1er  les  noirs,  afin  d'ajouter  p*r  la 
»  prospérité  de  vos  petits  intérêts  à 
»  la  prospérité  générale  de  l'admi- 
»  nistratiou  du  premier  des  noirs  , 
»  du  général  en  chef  de  Saint-Do- 
»  mingue.  »  Comme  tous  les  hom- 
mes extraordinaires,  il atîectait d'en- 
velopper son  élévation  de  circons- 
tances mystérieuses.  Un  capucin  lui 
avait  appris  à  lire  dans  sa  jeunesse; 
il  n'en  convenait  pas ,  et  prétendait 
qu'il  avait  cinquante  -  quatre  ans 
lorsqu'en  peu  de  mois  il  apprit  à  li- 
re et  à  écrire.  «  La  révolution  de 
»  Saint-Domingue, ajoutait-il ,  allait 
»  son  train  ;  je  vis  que  les  blancs  ne 
»  pourraient  pas  durer,  parce  qu'ils 
1)  étaient  divisés  et  écrasés  par  le 
»  nombre  ;  je  m'applaudis  d'être 
»  noir.  Il  fallait  commencer  ma  car- 
»  ricre;  je  passai  dans  la  ))arlie  es- 
»  pagnole  ,  où  l'on  avait  donné  asile 
))  et  protection  aux  premières  trou- 
»  pes  de  ma  couleur  ;  mais  celte  pro- 
»  teclion  n'aboulissant  à  rien,  une 
»  voix  secrète  ine  dit,  au  moment 


TOU 

w  où  la  puissante  république  françai- 
»  se  proclamait  la  liberté'  générale 
»  des  noirs  :  puisque  les  noirs  sont 
»  libres  ,  ils  ont  besoin  d'un  chef ,  et 
»  c'est  moi  qui  dois   être  ce  chef 
»  prédit  par  l'abbé  Raynal.  Je  re- 
»  vins   avec  ce  sentiment  et   avec 
»  transport  au  service  de  France  ;  la 
»  Fraucc  et  la  voix  de  Dieu  ne  m'ont 
»  pas  trompé.  »  Toussaint  alTectait 
tous  les  dehors  du  pouvoir  absolu  ; 
il  s'enviromiait  d'une    garde  nom- 
breuse et  brillante;  enfin  il  étalait  la 
magnificence   d'un  prince ,  mais  il 
gardait  une    grande  frugalité,  une 
simplicité  remarquable  dans  ses  ma- 
nières et  dans  ses  mœurs.  Ce  fut  alors 
qu'il  voulut  se  faire  donner  la  partie 
espagnole  de  Saint-Domingue,  acqui- 
se par  letraitéde Baie.  Le  gouverneur 
espagnol  ayant  demandé  des  délais , 
Toussaint  lit  avancer  dis.  mille  noirs 
pour  s'emparer  de  Santo-Doniingo. 
Surpris   et  déconcertés ,  les  Espa- 
gnols ,  après  une  faible  résistance ,  ou- 
vrirent les  portes  de  la  ville.  Confor- 
mément aux   usages  espagnols ,   on 
invita  le  général  noir ,  au  nom  de  la 
Très-Sainte-Trinité  ^  à  prêter  le  ser- 
ment de  gouverner  avec  sagesse  la 
place  et  la  portion  de  l'île  dont  il 
allait  prendre  possession;  il  s'y  re- 
fusa.  «  Je  ne  puis  faire ,  dit-il  ,  ce 
»  que  vous  me  demandez;  mais  je 
»  jure,   devant  Dieu  qui  m'entend, 
»  que  je  mets  le  passé  dans  l'oubli , 
»  et  que  mes  veilles    et    mes  soins 
»  n'auront  d'autre  but  que  de  rendre 
»  heureux  et  content  le  peuple  espa- 
»  gnol  devenu  français.  »  A  ces  mots 
le  gouverneur  lui  rendit  les  clefs  de 
la  ville,  où  Toussaint  fit  son  entrée 
publique  à  la  findejanvier  1801. II 
se  rendit  d'.iboid  à  la  cathédrale  où 
un  Te  Deum  fut  chanté  en  action 
de  grâces.  N'ay.inlpliis  que  dos  hom- 
mages à  recevoir  ^  il  prit  plaisir  à 


TOU  409 

jouir  de  ses  triomphes,  parcourant 
les   villes  de  la   partie   espagnole , 
au  bruit  du  canon   et  au   son   des 
cloches,   s'étudiant  a  flatter  les  es- 
pérances et  le  crédit  du  clergé  ,  qui 
partout  s'empressait  de  le  recevoir 
processionnellement  sous  le  dais.  En- 
fin peu  de  jours  après  la  prise  de 
possession,  il  fut  tout  aussi  maître 
des  Espagnols  qu'il  l'était  des  noirs  ; 
et  cet  événement  ajouta  beaucoup 
à  l'enthousiasme  pour  sa  personne. 
On  ne  voyait  de  salut  pour  la  colo- 
nie que  dans  la  permanence  de  son 
système.  Toussaint  lui-même  disait 
qu'il  était  le  Buonaparte  de  Saint- 
Domingue  ,    et  que    la    colonie   ne 
pouvait  plus  exister  sans  lui.  Ayant 
réuni  une  assemblée  centrale  ,  com- 
posée de  ses  plus  chauds  partisans  , 
il  se  fit  pi'ésenter  un  projet  de  cons- 
titution coloniale  qui ,  en  lui  remet- 
tant tous  les  pouvoirs  ,  le  nomma 
gouverneur  et  président  à  vie ,  avec 
le  droit  d'élire  son  successeur  ,  et  de 
nommer  à  tous  les  emplois.  En  vain 
quelques-uns   de  ses    conseillers  lui 
représentèrent  que  ce  projet  de  cons- 
titution   était    un   manifeste  contre 
la    France  ;    il   le   lit   publier  avec 
beaucoup    d'appareil  ;    et   singeant 
tout  ce  qui  se  passait  en   France  , 
dans  le  même  temps,  il  fit  ,   dans 
l'ordre  civil  et  militaire  ,  de  nom- 
breuses promotions.  Du  reste  ,  tout 
prospérait     sous     son    administra- 
tion ;  le  commerce  de  toutes  les  na- 
tions fréquentait  Saint  -  Domingue  , 
sous  pavillon  américain.  Des  règle- 
ments fiscaux,  fort  bien  entendus, 
en  tiraient  des  ressources  considéra- 
bles. Le  siège  du  gouvernement  était 
tantôt  au  Cap  ,  tantôt  au  Port-au- 
Prince,  suivant  la  présence  de  Tous- 
saint, dont  les  palais,  dans  ces  deux 
villes  ,  furent  somptueusement  meu- 
blés et  desservis.  Tout-à-coup,  tandis 


'4 10 


TOU 


qu'il  ëlait  an  Port  -  au  -  Prince  ,  les 
noirs  du  nord ,  qui  prëféraicnl  la  li- 
cence au  travail,  voulurent  reprendre 
leurs  habitudes.  Plusieurs  ateliers 
dans  la  plaine  du  Lijnbë  se  soulevè- 
rent ,  et  cette  reVolle  inattendue  , 
venant  jusqu'aux  portes  du  Gap  , 
coûta  la  vie  à  trois  cents  blancs  égor- 
ges dans  les  liabitations.  Toussaint 
accourt  et  fait  tout  rentrer  dans  l'or- 
dre. Son  pi'opre  neveu  ,  le  général 
Moyse  ,  lui  ayant  ële'  signalé  comme 
l'instigateur  de  ce  mouvement ,  il  le 
livre  à  une  commission,  militaire  et 
le  fait  fusiller.  Toussaint  fait  aussi 
punir  de  mort  treize  des  principaux 
chefs  de  la  révolte.  Réunissant ,  sur 
les  places  d'armes  du  Cnp,  du  fort 
Dauphin  et  du  Limbe,  la  population 
et  les  troupes  noires  qui  y  tenaient 
garnison  ,  sur  la  raine  ,  sur  des  ré- 
ponses équivoques,  il  ordonnait  in- 
dividuellement à  des  noirs  d'aller  se 
faire  fusiller.  Les  victimes  qu'il  dési- 
gnait ,  joignant  les  mains ,  baissant 
la  tête ,  sans  murmurer,  s'inclinaient 
humblement,  et  allaient  recevoir  la 
mort.  Par  le  sacrifice  d'un  de  ses 
proches  ,  ce  noir,  devenu  l'arbitre 
de  Saint-Domingue,  voulut  aussi 
rassurer  les  blancs  et  prouver  k  la 
France  son  inflexibilité.  Mais  Buo- 
uaparle  ne  répondait  point  à  ses  let- 
tres, et  c'était  en  vain  qu'il  les  avait 
intitulées  :  Le  premier  des  noirs  au 
premier  des  hluncs.  Par  sa  première, 
du  1  '1  février  1 8o  i ,  il  annonçait  l'en- 
tière pacification  de  la  colonie ,  cl  de- 
mandait que  l'on  approuvât  les  pro- 
motions qu'il  avait  iailesj  dans  la  se- 
conde, il  rendait  compte  de  sa  con- 
duite envers  l'agent  du  gouvernement 
Rdurae,  qu'il  avait  obligé  de  cesser 
ses  fondions;  enfin  par  la  troisième, 
il  avait  anncuieé  tpie  l'assemblée 
tenlrale  s'était  donné  une  consti- 
tniioo ,  et  que,  pour  satisfaire  au.\. 


TOU 

rœux  des  habitants  ,  il  allait  la  faire 
exécuter  provisoirement  jusqu'à  ce 
qu'elle  eût  été  approuvée  par  la  mé- 
tropole. Le  nouveau  consul  garda 
sur  tout  cela  un  dédaigneux  silence  j 
et  lorsque  Toussaint  eut  connaissance 
de  la  signature  des  préliminaires  de 
paix  entre  la  France  et  l'Angleterre  ; 
quand  il  apprit  que  l'esclavage  serait 
maintenu  à  la  Martinique  et  à  Cayen- 
ne,  et  que  le  gouvernement  français 
se  disposait  à  tout  soumettre  à  sa  vo- 
lonté à  Sanit-Domingue  ,  il  ne  dissi- 
mula plus  ses  inquiétudes  sur  des 
nouvelles  qui  causèrent  la  plus  vive 
agitation  dans  la  colonie.  Affectant 
de  tranquilliser  les  esprits  ,  il  publia, 
le  i8  décembre  i8oi  ,  une  procla- 
mation, où,  n'exprimant  d'abord  que 
des  sentiments  de  soumission  et 
d'obéissance  ,  il  fit  un  appel  aux  sol- 
dats; ainsi  l'on  ne  douta  plus  qu'il 
ne  fût  décidé  à  se  défendre.  De 
son  coté ,  Buouaparte  était  résolu 
de  châtier  cette  espèce  d'antagoniste, 
cet  homme  qui  avait  l'audace  de  se 
comparer  à  lui.  Une  escadre  formi- 
dable ,  composée  de  cinquante-quatre 
bâtiments  de  guerre,  mit  à  la  voile, 
vers  la  fin  de  décembre ,  sous  les  or- 
dres du  général  Leclerc ,  beau  -  frère 
du  premier  consul.  Les  dillerentes 
divisions  navales  étant  venues  se  ral- 
lier au  cap  Samana  ,  en  vue  de  l'île, 
Toussaint  vint  reconnaître  lui-même 
l'escadre.  N'en  ayant  jamais  vud'aus- 
si  imposante,  il  éprouva  un  premier 
moment  de  découragement.  «  Il  faut 
»  périr ,  dit-il  à  ses  olficiers  ;  la  Fraa- 
»  ce  entière  vient  à  Sauit-Domingue  : 
»  on  l'a  trompée;  elle  y  vient  pour 
»  se  venger  et  asservir  les  noirs.  » 
Cette  première  impression  jeta  de 
l'irrésolution  dans  ses  démarches  :  d 
temporisa  ;  ses  troupes  ne  furent  jias 
réunies,  cl  ses  généraux  ne  reçurent 
pas  assez  projuplemeut  i'jnslruclioJU 


TOU 

àc  lever  l'c'lcndard  de  la  gtieire.  Il 
avait  pourtant  plus  de  vingt  mille 
hommes  de  troupes  régulières,  tau- 
disque  cette  immense  expédition  n'a- 
A-ait  à  hord  que  dix  mille  cinq  cents 
combattants;  mais  c'était  l'élite  de 
ces  vieilles  légions  qui  avaient  fran- 
chi victorieusement  le  Rhin  ,  le  Nil , 
les  Alpes  ;  et  d'autres  troupes  allaient 
les  suivre.  C'était  beaucoup  que  d'o- 
ser les  combattre.  Franchissant  la 
partie  espagnole  ,  pour  aller  se  met- 
tre à  la  tète  des  événements  y  Tous- 
saint-Louverlure  arriva  secrètement 
au  Cap  dans  le  moment  où  le  par- 
lementaire du  capitaine -général  Le- 
clerc  y  abordait,  avec  les  proclama- 
tioQs  du  premier  consul.  11  se  tint  à 
l'écart,  dans  une  pièce  voisine,  tan- 
disque  son  général  Cliristophe  admit 
l'aide-de-carap  Lebrun  en  sa  présen- 
ce. «  Non  Monsieur,  lui  dit  Chris- 
»  tophe ,  je  ne  puis  entendre  à  aucune 
V  proposition  sans  les  ordres  du  gou- 
»  verneur-général  Toussaint-Louvcr- 
»  ture.  »  Il  ajouta  qu'd  ne  reconnais- 
sait que  lui  pour  chef  suprême;  et 
que  si  l'on  persistait  à  vouloir  entrer 
au  Cap ,  la  terre  brûlerait  avant  que 
l'escadre  mouillât  clans  la  rade. 
Eu  elfet ,  l'incendie  du  Cap  signala 
le  débarquement  du  capitaine-géné- 
ral liCclerc ,  qui  fut  reçu  à  coups  de 
cauon.  A  mesure  que  les  troupes  s'a- 
vançaient, Toussaint  et  Christophe 
se  repliaient  dans  les  mornes.  Tous- 
saint vit  l'incendie  du  Cap  des  hau- 
teurs du  Grand-Boucan.  Il  partit  de 
Mornay  pour  les  Gonaïves  ,  passant 
par  Ennery  ,  où  étaient  sa  femme  et 
une  partie  de  sa  famille.  Cependant  ia 
colonie  était  attaquée  et  euA'ahie  sur 
d'autres  points  de  la  cote.  La  défec- 
tion totale  do  la  division  noire  de 
l'est,  aux  ordres  du  général  Cler- 
vcaux,  et  la  défaite  de  Celle  de  l'ouest, 
aux  ordres  deDessaliues  ,  réduisaient 


TOU 


4.f 


à  trois  demi^brigadcs  les  moyens  dé- 
fensifs  de  Toussaint -Louvcrture;  et 
pourtant,  avec  ce  faible  noyau,  aidé 
de  sa  garde  et  des  cultivateurs  du 
nord  ,  il  osa  s'avouer  le  chef  de  l'in- 
surrection dont  jusque  -  là  il  n'a^ 
vait  été  que  le  moteur  secret.  Ses 
deux  fds  avaient  été  embarqués  sur 
l'escadre  avec  leur  précepteur.  Ce 
fut  par  eux  que  le  capitaine-  général 
envoya  la  letti-e  que  le  premier  con- 
sul avait  écrite  à  leur  père;  mais 
on  ne  put  les  faire  partir  pour  l'in- 
térieur de  l'île  que  le  -j  février  i8oti , 
trois  jours  après  l'explosion  de  la 
révolte.  Ils  ne  joignirent  leur  père, 
à  l'habitation  d'Ennery ,  que  dans  la 
nuit  du  8  au  9  février.  Toussaint  les 
embrassa  avec  tendresse.  M.  Coas- 
non  ,  leur  précepteur  ,  lui  ayant  pré- 
senté ,  dans  une  boîte  d'or  ,  la  lettre 
du  premier  consul ,  il  la  lut,  la  re- 
lut plusieurs  fois  ,  et  parut  en  être 
satisfait.  Cette  lettre  et  la  proclama- 
tion aux  habitants  de  Saint-Domin- 
gue étaient  des  chefs  d'œuvre  de  ré- 
daction politique  ,  en  ce  qu'elles  al- 
liaient habilement  les  promesses  et  les 
menaces.  Buoua])arte  assurait  Tous- 
saint de  son  estime,  louait  sa  con- 
duite antérieure  et  les  services  qu'il 
avait  rendus.  «  Si  le  pavillon  fran- 
»  çais,  disait- il ,  flotte  sur  Saint-Do- 
»  mingue,  c'est  à  vous  et  à  vos  bra- 
»  ves  noirs  qu'on  le  doit.  Appelé 
»  par  vos  talents  et  la  force  des  cir- 
»  constances  au  premier  commande- 
»  ment,  a^ous  avez  détruit  la  guerre 
y>  civile ,  remis  en  honneur  la  religioiî 
»  et  le  culte  de  Dieu,  de  qui  tout 
»  émane.  La  constitution  que  vous 
»  avez  faite  renferme  beaucoup  de 
»  bonnes  choses ,  et  en  contient  qui 
»  sont  contraires  à  la  dignité  et  à  la 
»  souveraineté  du  peuple  iVanrais.  » 
Il  le  rassurait  ensuite  sur  la  liberté 
des  noirs,  et  finissiiit  par  le  rendre 


4l2 


TOU 


responsable  de  la  re'sistance  qu'il  op- 
poserait à  ses  armes.  Ces  insinua- 
tions n'eurent  pas  l'effet  désire.  Tous- 
saint repondit  à  l'exhortation  de  se 
rendre  près  du  capitaine  -  gene'ral , 
pour  être  son  premier  lieutenant  : 
«  Ce  n'est  plus  praticable ,  la  guerre 
»  est  commencée  :  la  rage  de  com- 
»  battre  possède  tout  le  monde.  Mes 
»  chefs  militaires  sont  au  moment  de 
1)  tout  brûler  et  de  tout  saccager.  Si 
»  cependant  le  général  Leclerc  veut 
»  suspendre  ses  attaques,  j'en  ferai 
»  autant  de  mon  côté.  »  11  quitta  ses 
enfants ,  en  promettant  de  faire  bien- 
tôt parvenir  sa  réponse  au  général 
Leclerc.  D'autres  soins  l'occupaient. 
Ce  fut  dans  ce  temps-là  qu'il  fit  en- 
sevelir ses  trésors  dans  les  mornes 
du  Chaos.  On  croit  que  les  valeurs 
dont  il  fit  disparaître  les  traces  s'é- 
levaient à  trente-deux  millions  defr., 
et  qu'il  fit  fusiller  ceux  qu'il  avait 
charges  de  cette  opération,  afin  de 
rester  maître  de  son  secret.  Peu  de 
jours  après ,  il  envoya  un  de  ses 
agents  à  Ennery ,  avec  ordre  de  ra- 
mener ses  enfants  au  capitaine-gé- 
néral. Dans  sa  réponse  au  chef  de 
l'expédition  française ,  il  lui  repro- 
cha «  d'être  venu  le  remplacer  à 
))  coups  de  canon  ;  de  ne  lui  avoir  f;iit 
))  remettre  la  lettre  du  premier  con- 
»  sul  que  trois  mois  après  sa  datej 
»  d'avoir  ,  par  des  actes  hostiles , 
»  mis  en  doute  les  services  et  les 
i>  droits  de  sa  couleur.  Il  déclarait 
»  que  ces  droits  lui  im])Osaient  des 
«devoirs  au-dessus  de  la  nature  j 
»  qu'il  était  prêt  à  faire  à  sa  couleur 
»  le  sacrifice  de  ses  enfants  ,  qu'il  les 
»  renvoyait,  pour  qu'on  ne  le  crût 
»  pas  lié  par  leur  ])i'é,soii(c.  11  linis- 
»  sait  p.ir  dire  que,  ])liis  défiaiil  (pie 
»  jamais,  il  lui  lallaildu  Icnips  pour 
»  se  décider.  »  Leclerc  s'empressa  de 
lui  renvoyer  ses  enfants,  en  ollianl 


TOU 

pour  ultimatum  un  armistice  de 
quatre  jours;  mais  il  ajoutait  que, 
passé  ce  délai,  il  le  déclarerait  ennemi 
du  peuple  françaisethorslaloi. Tous- 
saint ,  irrité  ,  dit  à  ses  entants  ,  qu'il 
les  laissait  libres  de  choisir  entre  la 
France  et  leur  père.  Leurs  caresses  ne 
purent  rémouvoir;infiexible,il  ne  ces- 
sait de  leur  répondre  :  «  Mes  enfants, 
»  prenez  votre  parti;  quel  qu'il  soit, 
»  je  vous  chérirai  toujours.  »  L'un, 
Isaac ,  se  détacha  de  ses  bras ,  et 
passa  dans  le  camp  français;  Placi- 
de, le  second,  déclara  qu'il  ne  con- 
naissait plus  la  FraP'2  ,  et  il  prit  les 
armes  pour  combattre  à  côté  de  sou 
père.  Le  capitaine  général,  par  sa 
proclamation  du  i'j  février,  mit 
hors  la  loi  Toussaint-Louverture  et 
Christophe.  Bientôt  le  chef  des  noirs 
éprouva  divers  échecs.  Occupant 
alors  les  plateaux  de  la  Ravine  avec 
trois  mille  hommes,  il  s'y  retrancha 
dans  une  attitude  formidable.  Mais 
attaqué  avec  vigueur  par  le  général 
Rochambeau,  il  fut  forcé  dans  ses 
retranchements,  et  se  jeta  en  désor- 
dre sur  la  Petite-Rivière,  abandon- 
nant huit  cents  des  siens  sur  le  champ 
de  bataille.  La  défection  inattendue 
d'un  de  ses  généraux,  nommé  Mau- 
repas  ,  qui  se  soumit  avec  ses  trou- 
pes,  ruina  encore  davantage  les  af- 
faires de  Toussaint.  II  n'en  continua 
pas  moins  à  donner  des  instructions 
très-énergiques  à  ses  généraux.  Le  ca- 
pitaine-général résolut  de  le  poursui- 
vre jusque  dans  son  deriuer  retran- 
chement au  milieu  des  Mornes  du 
Chaos  ,  groupe  de  montagnes  sur  la 
rive  droite  de  l'^Vrtibonite.  Tous 
leurs  débouchés  sont  susceptibles 
dedéieuse;  l'entrée  princi|)ale  de  ces 
mornes  ('lait  coiiveite  par  la  fameuse 
redoulela  Crête-à-Picrrot.  Là  Chris- 
toplic  et  Dcssaliiies  joignirent  Tous- 
saint ;  et  les  débris  de  la  puissance 


TOU 

noire  se  concentrèrent  clans  ce  der- 
nier asile.  Une  première  attaque  com- 
binée fut  infiuotucusc.  D'après  le  sys- 
tème de  défense  prescrit  aux  noirs 
par  leur  chef,  les  bourççs  et  les  cam- 
pagnes étaient  incendies  aux  appro- 
ches   dos    colonnes   françaises.    La 
guerre  devenait  atroce.  On   fit   au 
pied  des  Chaos    un  vaste   carnage 
de  blancs.  Selon  un  ofllcier  transfu- 
ge de  la  garde  à  cheval  de  Toussaint, 
là   Crète- à  -  Pierrot    était   devenue 
le   principal    dépôt   de    ses    muni- 
tions, la  place  d'armes  de  ses  der- 
niers eiTorts ,  et  si  l'on  parvenait  à 
s'en  rendre   maître  il  ne   resterait 
plus  à  lui  et  aux  siens  d'autre  res- 
source que  de  se  faire  Marrons.  Une 
seconde  attaque  de  la  Crèle-à-Pierrot, 
faite  par  plusieurs  divisions  et  par 
Leclerc  en  personne,  n'eut  pas  plus 
de  succès  que  la  première  :  les  noirs 
y  firent  des  prodiges.  Il  fallut  eu  ve- 
nir à  un  blocus,  après  avoir  perdu 
plus  de  quinze  cents  hommes  inutile- 
ment. Toussaint ,  devenu  plus  auda- 
cieux, ordonne  une  attaque  des  lignes 
fi'auçalses  ,  et  eu  même  temps  il  fait 
évacuer   la  Crête -à-Pierrot  par  la 
garnison ,  q'ai  n'y  laisse  que  ses  bles- 
ses, et  vient  assaillir  la  division  Dcs- 
fonrneaux  ,  postée  à  Plaisance.  Là  il 
trouve  dans  les  rangs  des  ennemis 
les  soldats  noirs  que  Maurepas  avait 
cntraînc's  dans  sa  défection.   Tous- 
saint s'approche  d'eux  ,  et  s'écrie  : 
«  Tuerez-vous  votre  général ,  votre 
»  père  et  vos  fières ?  »  Tout  le  régi- 
ment  se  jette  à  genoux  ;  mais   les 
bataillons  français  surviennent ,   et 
Toussaint  court  de  grands  dangers. 
Repoussé  dans  ses  attatpics,  il  alla 
se  poster  au  Dondon  et  à  la  Marme- 
lade^ afin  de  couper  les  communica- 
tions de  l'armée  française.  Pour  aug- 
menter l'acharnement  de  ses  bandes, 
il  faisait  accoiuir  de  tous  côtes  les 


TOU 


4i3 


cultivateurs  sous  les  armes ,  en  re'- 
pandant  le  bruit  de  la  défaite  totale 
de  l'armée  d'invasion  devant  la  Crè- 
te-à-Pierrot.  Mais  quatre  mille  hom- 
mes de  nouvo'lles  troupes  ayant  été 
débarqués,  tous  ses  eO'orts échouèrent 
devant  la  discipline  et  l'intrépidilé 
des  soldats  français ,  et  tous  les  ras- 
semblements du  nord  furent  disper- 
sés. I-a  soumission  de  Christophe  et 
de  Dessalines  amena  des  propositions 
de  la   part  de  Toussaint.  Ce  chef, 
abandonné  des   siens ,  et  pressé  de 
tous  côtés  ,   ht  venir  devant  lui   le 
chef  de  brigade  Sabès,  et  un  lieute- 
nant de  vaisseau  envoyés   A  parle- 
mentaires à  l'arrivée  de  l'expédition, 
et  qui ,  traînés  de  morne  en  morne , 
avaient  été  vingt  fols  sur  le  point  de 
recevoir  la  mort.  Le  chef  de  brigade 
Sabès  ayant  eu  le  courage  de  dire  à 
Toussaint  que  la  guerre  n'avait  écla- 
té que  parce  qu'il  méconnaissait  l'au- 
torité de  la  métropole,  Toussaint  lui 
jeta  un  regard  d'ctonnement,  dédai- 
gna de  lui  répondre ,  et  s'adressant 
au  lieutenant  de  vaisseau   :  «  Vous 
)>  êtes  im  ofllcier  de  marine ,  Mon- 
»  sieur,  lui  dit-il;  eh  bien!  si  vous 
»  commandiez  un  vaisseau  de  l'état, 
»  et  que,  sans  vous  eu  donner  avis, 
»  un  antre  ofllcier  vînt  vous  rempla- 
»  ccr  en  sautant  à   l'abordage ,  avec 
»  un  équipage  duuble  du  vôtre,  pour- 
»  riez- vous  être  blâmé  de  chercher  à 
»  vous  défendre?  Telle  est  ma  sitna- 
»  tion.  »  Après  ce  court  entretien , 
il  renvoya  les  parlementaires  au  ca- 
pitaine-général ,  avec  une  lettre ,  dans 
laquelle  il  laissait  entrevoir  qu'il  était 
encore  possible  d'entrer  en  négocia- 
tion. Il  présentait  la  continuation  de 
la    guerre   comme  étant  désormais 
sans  objet  et  sans  but,  et  terminait 
sa  lettre  en   déclarant   qu'il   serait 
toujours  assez  fort  pour  brûler  ,  ra- 
vager le  pays ,  et  vendre  chèrement 


4i4  TOU 

une  vie  (fui  avait  été  quelquefois  uti- 
les à  la  uière-patrie.  En  eliet,  les  noirs, 
pour  être  vaincus,  n'étaient  point  sub- 
jugues; et,  retranchés  dans  les  mor- 
nes au  sein  de  la  colonie ,  ils  ne  ces- 
saient pas  d'être  redoutables.  Le  ca- 
pitaine-général accueillit  les  proposi- 
tions de  Toussaint  avec  d'autant 
plus  d'empressement  que  l'armée 
française  avait  déjà  perdu  cinq  mille 
hommes;  qu'elle  en  avait  dans  les 
hôpitaux  un  pareil  liombre^  et  que 
sur  vingt-trois  mille  hommes  arrivés 
successivement  ,  il  restait  à  peine 
douze  mille  combattants.  L'arrêté 
qui  mettait  Toussaint  -  Louverîure 
hors  i:i  loi  fut  rapporté.  Ce  chef 
Vint  hardiment,  quelques  jours  après, 
saluer  le  capitaine-général.  Sa  pré- 
sence mit  tout  en  mouvement  au  Cap, 
cil  il  fut  salué  par!'artii!eriedes  forts 
et  des  vaisseaux.  Les  habitants  de  la 
ville,  comme  ceux  du  pays  qu'il  ve- 
nait de  parcourir,  lui  prodiguèrent 
les  denionstrations  extérieures  du 
plus  profond  respect.  Toussaint  était 
suivi  de  trois  à  quatre  cents  guides  à 
c!ieval,qui,  pendant  son  entrevue 
avec  le  généra!  Leclerc,  restèrent 
constamment  en  bataille,  le  sabre 
nud  ,  sur  la  place  et  dans  la  cour  du 
gouvernement.  Leclerc  lui  demanda 
où  il  aurait  pris  des  armes  pour  con- 
tinuer à  se  battre?  «  J'aurais  pris 
»  les  vôtres,»  hii  répondit  Tous- 
saint. Le  capitaine -général,  après 
.T voir  reçu  son  serment  de  lidélité, 
l'autorisa  à  se  retirer  sur  ses  pro])rié- 
tés.  Toussaint  alla  résider  dans  son 
habitationdeSaneey,  près  des  Gonaï- 
vcs.  Cette  soumission  mit  le  caj)ilai- 
iie-général  en  possession  de  la  colo- 
nie et  de  l'armée  coloniale  ;  mais 
Toussaint  conservait,  sur  toute  cette 
.irmée,  le  cicdit  de  son  ancien  {)ou- 
vuir.  Son  iiifluence  morale  était  im- 
mense :  elle  se  lit  bien  plus   sentir 


TOU 

quand  l'invasion  de  la  maladie  pcsti- 
Icutiellc  ,  connue  sous  le  nom  defiè- 
\>re  jaune,  vint  moissonner  l',armée 
française.  On  regardait  la  soumission 
de  Toussaint,  dans  toute  l'île,  com- 
me une  suspension  d'armes  jusqu'au 
mois  d'août ,  époque  prévue  de- 
puis long -temps,  comme  devant 
être  celle  de  l'anéantissement  de  tou- 
te armée  européenne.  De  son  côté, 
le  capitaine-général  ne  nommait  cette 
paix  que  le  pardon  de  Toussaint. 
Deux  de  ses  lettres  adressées  à  Fon- 
taine, son  aide-de-camp  et  son  .T^ent 
secret  resté  an  Gap,  ayant  été  in- 
terceptées, laissèrent  entrevoir  ses 
l)rojets.  Le  capitaine  -  général  prit 
alors  secrètement  la  résolution  de 
le  faire  arrêter  et  déporter  en 
France.  La  méfiance  de  Toussaint 
rendait  son  arrestation  diflicile.  On 
y  parvint  cependant  par  des  moyens 
adroits.  On  surchargea  de  troupes 
le  canton  d'Ennery  ;  les  habitants 
s'en  plaignirent;  Toussaiut-Louver- 
ture  se  fit  l'écho  de  leurs  plaintes.  Le 
général  Brunet ,  à  qui  s'était  adressé 
Toussaint,  lui  répond  que,  n'ayant 
pas  une  connaissance  assez  précise 
des  localités  ,  il  a  besoin  des  lumiè- 
res de  l'ancien  gouverneur  de  Saint- 
Domingue,  pour  déterminer  l'assiette 
deces  nouveaux  cantonnements.  Flat- 
té de  cetle  manpie  apparente  de  dé- 
férence, Toussaint  néglige  d'utiles  et 
justes  avertissements;  il  donne  tête 
baissée  dans  le  piège.  «  Voyez  ces 
»  ])!ancs,  s'écrie  t-i!  ,  en  recevant  la 
»  lettre  du  généra!  Ihunet;  ils  ne 
»  doutent  de  rien  ;  ils  savent  tout ,  et 
»  pourtant  ils  sont  obligés  de  venir 
•>  consulter  le  vieux  Toussaint.  »  11 
jnévienl legénéral  Hrunetqu'il  sereu- 
dra  escorté  de  vingt  hommes  pour 
conférer  avec  lui ,  à  l'habitation  (Geor- 
ges ,  à  moitié  chemin  des  Gonaives , 
le  lo  juin.  Ce  général  se  rend  an  lieu 


TOU 

de  la  conférence ,  avec  un  pareil 
nombre  d'iiouimes.  Après  les  pre- 
miers compliments  ,  les  généraux 
s'enferment ,  sous  pre'texte  de  tra- 
vailler; les  soldats  se  mêlent.  Tciit- 
à-coup,  à  un  signal  convenu,  on 
saute  sur  les  noirs  ;,  on  les  désarme. 
En  même  temps,  le  chef  d'escadron 
Ferrari  paraît  devant  Toussaint ,  et 
lui  dit  :  «  le  capiîaine-gene'ral  m'a 
«  donne'  l'ordre  de  vous  arrêter  j  vos 
))  gaixles  sont  enchaînes;  nos  trou- 
»  pes  sont  partout  ;  vous  êtes  mort 
»  si  vous  faites  résistance  ;  donnez- 
«raoi  voire  e'pëe.  »  Toussaint,  plus 
coiifus  qu'irrité ,  remit  ses  armes  sans 
se  plaindre.  On  le  conduisit  aux  Go- 
naives,  où  il  fut  emLarcpié  sur  la 
frégate  la  Créole  ,  qui  fit  voile  pour 
le  C  ip.  Là  il  fut  déposé  à  bord  du 
vaisseau  de  ligne  le  Héros,  où  il 
trouva  son  troisième  (lis.  S'adressant 
au  commandant  de  ce  vaisseau,  il 
lui  dit  cesparoles  mémorables  :  «  En 
»  me  renversant ,  on  n'a  abattu  à 
»  Saint-Domingue  que  le  tronc  de 
»  l'arbre  de  la  liberté  des  noirs  ;  il 
»  repoussera  par  les  racines  ,  p:irre 
»  qu'elles  sont  profondes  et  noin- 
»  breuses.  »  Le  vaisseau  le  Héros\iut 
mouiller,  après  vingt-ciiiq  jours  de 
navigation ,  dans  la  rade  de  Érest.  On 
fit  débarquer  Toussaint  à  Landernau, 
d'où,  escorté  par  un  détacliement  de 
dragons,  il  fut  transféré  à  Paris, 
et  d'abord  enfermé  au  Temple,  liuo- 
naparte  connaissait  si  peu  le  carac- 
ti're  de  Toussaint  qu'à  son  arrivée 
il  envoya  près  de  lui  à  plusieurs  re- 
prises son  aide-de-camp  Calfarelli, 
pour  tîcher  d'obtenir  des  notions  sur 
les  trésors  qu'il  avait  cachés  à  Saint- 
Domingue.  «  J'ai  bien  perdu  autre 
»  chose  que  des  trésors,  »  furent  les 
se. lies  paroles  qu'on  put  iuîarracher. 
TiC  premier  consul  donna  alors  l'or- 
dre de  le  conduire  au   château  de 


TCO  4i5 

Joux   près  de  Besançon ,    où  il  fut 
mis  au  secret.  11  n'avait  que  Mars- 
Plaisir,   son  domestique,   pour  lui 
donner  des  soins;  on  lui  arracha  ce 
iidèle serviteur.  Après  dixmois  d'une 
captivité  très- sévère,  il  expira  le  ij 
avril  i8o3.  On  crut  généralement  que 
sa  lin  avait  été  hâtée  par  le  poison, 
sans  que  néanmoins   on  ait  jamais 
appuyé  ce  fait  par  des  preuves.  D'ail- 
leurs Toussaint-Lùviverture  était  âgé 
de  soixante  ans,  accoutumé  au  cli- 
mat des  Antilles  et  à  une  vie  singu- 
lièrement active;  et  il  se  trouva  tout- 
à-coup    1  enfermé  et  livré  à  toute  la 
rigueur  d'un  hiver  des  Alpes.  Dé- 
nué de  tout,  et  sans  espoir  de  ja- 
mais recouvrer  la  liberté,  il  expira, 
crispé  par  le  froid,  rongé  par  ses  re- 
grets ,  et  selon  ses  bourreaux,  d'une 
apoplexie  séreuse.  La  dévotion  de  cet 
homme  célèbre  ne  fut  évidemment 
qu'un  masque  politique.  Piéfléclii  et 
concentré,  il  parlait  peu,  mais  disait 
lieaucoup.  Il  se  complaisait  à  créer 
des  sentences  et  à  faire  des  apologues. 
Parlant  mal  le  français,  il  aAait  sou- 
vent recours  au  langage  créole  pour 
rendre  ses  idéeSi  Réduit  dans  ses  let- 
tres à  employer  le  style  d'autrui ,  le 
fond  des  pensées  lui  appartenait  en 
propre.  Pour  rien  au  monde  il  n'eilt 
signé  une  lettre  dont  il  n'aurait  point 
conçu   ou  pesé   chaque   expression. 
Personne  n'avait  la  moindre  influen- 
ce  sur    sou  caractère.    Dans    plu- 
sieurs de  ses  proclamations  ,  il  parla 
de  la  morale,  et  surtout  de  la  reli- 
gion. Sous  le  titre  modeste  de  règle- 
ments,  il  publia  des  lois  très-sévères 
pour  la  répression  du  vice ,  de  la  ré- 
volte, et  pour  contenir  les  étrai  gors 
cl  les  gens  sans  aveu.  Non-seulement 
i!  avait   rappelé  les  émigrés  avant 
que    Buonaparîc  lui   en    eût  donné 
l'exemple  ;  mais  encore  il  avait  dé- 
claré que  la  religion  catholique  était 


/n6 


TOU 


la  religion  del'ëtat.  Sans  rendie  plus 
légères  les  chaînes  des  cultivateurs 
noirs,  il  les  plaça  sous  le  joug  de 
leurs  anciens  compagnons  d'escla- 
vage ,  devenus  propriétaires.  Dans 
l'exercice  de  ce  pouvoir  absolu  , 
Toussaint  montra  de  la  sagacité,  de 
la  suite  et  des  connaissances  positi- 
ves. Sacliant  ce  que  jieuvent  des  de- 
hors pompeux,  sur  la  jjlupart  des 
hommes,  il  faisait  régner  à  sa  cour 
un  ordre  constant  et  même  une  éti- 
quette rigoureuse.  La  gravité  de  son 
maintien ,  son  regard  obscivateur  , 
tenaient  les  noirs  dans  la  crainte  et 
le  respect  ,  et  en  imposaient  aux 
blancs  eux-mêmes.  Au  milieu  des  cer- 
cles brillants  de  sa  cour,  il  aiiéctait 
une  simplicité  parfaite,  et  ne  portait 
habituellement  que  le  petit  uniforme 
d'oflicier- général.  Nous  avons  dit 
combien  sa  garde  était  magnifique  : 
tout  ce  qni  l'entourait  vivait  dans  la 
profusion  et  la  splendeur;  lui  seul 
poussait  souvent  la  sobriété  jusqu'à 
l'abslincuce.  C'est  ainsi  qu'il  entrete- 
nait la  vigueur  de  sa  santé;  car  chez 
lui  l'énergie  de  l'ame  était  secondée 
par  un  corps  de  iér.  Sans  cesse  il 
faisait  des  excursions  dans  les  dilïé- 
rciites  parties  de  l'île  ,  ayant  soin  de 
se  diiiger  sur  les  points  où  il  n'était 
pas  attendu.  Souvent  il  faisait  à  che- 
val, sans  s'anêter,  jusqu'à  cinquan- 
te lieues ,  laissant  derrière  lui  tout 
son  monde,  à  l'exception  dcse.i  deux 
tronijiottes  aussi  bien  montés  que  lui. 
Malgré  tant  de  fatigues  ,  il  ne  dor- 
mait que  deux  heures;  il  semblait 
que  l'ambition,  source  de  toutes  ses 
actions*,  fût  aussi  le  soutien  de  son 
existence.  La  dissimulation,  qualité 
coninnine  chez  les  Africains  ,  était 
la  base  de  son  caractère.  Personne 
ne  connaissait  ni  ses  desseins  ni  ses 
démarches;  lorsqu'on  le  rroyail  au 
Porl-au-Prilice,  il  était  aux  Caycs, 


ÏOU 

au  Cap  ou  à  Saint-Marc.  Ce  système 
lui  sauva  la  vie  dans  une  circonstance 
où  des  hommes  de  couleur,  qui  se  te- 
naient en  embuscade,  tirèrent  sur  sa 
voiture  et  blessèrent  mortellement  un 
domestique  noir  qui  s'y  trouvait , 
taudis  que  lui-même  courait  à  cheval 
sur  une  route  dilférente.  La  discipli- 
ne  la  plus  sévère  régnait  dans  son 
armée  :  ses  soldats  le  regardaient 
comme  un  être  d'une  nature  supé- 
rieure, et  ses  généraux  tremblaient 
à  son  aspect.  Enfin,  sa  conduite  po- 
litique fut  telleque,  dans  une  sphère 
plus  étendue ,  Napoléon  parut  l'avoir 
pris  pour  modèle.  On  ne  s'étonnera 
donc  pas  qu'il  ait  été  regretté  par  les 
blancs  et  par  les  noirs.  Après  sa 
mort ,  sa  famille ,  qu'on  avait  aussi 
embarquée  pour  la  France,  fut  trans- 
férée de  Baïonne  à  Agen,  où  l'un  de 
ses  llls  mourut  d'une  maladie  de  lan- 
gueur (3).  Sa  femme  mourut  en  mai 
1816,  dans  les  bras  de  ses  lils  Pla- 
cide et  Isaac.  M.  Du  Ijroca  a  donné 
un  Essai  sur  la  vie  de  Toussaint- 
Louverture;  et  M.  Cousin -d'Avalon 
en  a  fait  l'objet  d'une  de  ses  com- 
pilations ,  Paris  ,  i8o3,  un  volume 
in-i2.  B — p. 

TOUSTAIN  (Dora  Chari.ks- 
François  ) ,  bénédictin  de  la  congré- 
gation de  Saint-Maur  ,  naquit  au 
Repas  ,  diocèse  de  Séez  ,  le  i5  octo- 
bre 1700  ,  d'une  ancienne  famille  du 
pays  de  Caux.  Il  avait  comniencé  ses 
études  dans  la  maison  patciiielle;  il 
alla  les  achever  au  collège  do  l'ab- 
baye de  Juniièges.  II  se  destina 
a  la  vie  monastique,  et  le  20  juillet 
1718,  lit  profession  dans  cette  ab- 
baye. Après  ses  cours  de  philosophie 


(3)  I.rs  <liiix  iiiMns,  avant  lenlc  de  s'rvador.  Cu- 
rent cinh.u  iiuis  |i(iur  llellr-lsle  ri  rciifrniM's  dniis  la 
c-ilodrilc  ,  01.  l'anliiir  dp  lelte  iioli-  les  a  vmh  .11 
dcmiibre  iSoii.  La  rertauralioii  leur  rendit  la  It- 
l)erlé,  A — T. 


TOU 

et  de  ihdologie ,  il  fut  envoyé  au 
monastère    de    Bonne  -  INouvellc   à 
Rouen,  poiii"  y  apprendre    les  lan- 
gues lie'braïque  et  grecque.  Toustain 
voulut  aussi  avoir  des  notions  sur 
les  autres  langues  orientales  ;  et  tout 
en  les  acquérant ,  il  cultiva  l'italien , 
l'anglais ,  l'allemand  et  le  hollandais. 
Ordonné  prêtre  en  1729,  il  ne  dit  ja- 
mais la  messe  sans  éprouver  un  grand 
tremblement  :  on  raconte  même  que 
ses  actions  de  grâce  ,  après  celte  cé- 
rémonie y  étaient  accompagnées  de 
larmes  abondantes.  Il  fut ,  avec  D. 
Tassin  (  V.    ce  nom  ,  XLV  ,  37  ) , 
chargé  de  l'édition  des  OEuvres  de 
Théodore   Studite   (  Voy.  ce  nom , 
XLV  ,  294  ).  Mais  il  a  aussi  com- 
posé seul  des  ouvrages  dont  plusieurs 
sontrestés manuscrits. Cefut  en  lySo, 
qu'il  alla  s'établir  à  Piouen  dans  l'ab- 
baye de  Saint-Ouen.  En  1747  -,  le 
général  de  son  ordre  l'appela  dans 
le  couvent  de   Saint  -  Germain-des- 
Prés  ,   et  peu  après  dans  celui  des 
Blancs-Manteaux.  L'excès  du  travail, 
l'austérité  du  régime  qu'il  suivait ,  al- 
térèrent sa  santé  j  ce  ne  fut  cepen- 
dant qu'en  1754  qu'il  consentit  à  se 
rendre  à  Saint-Denis  pour  y  prendre 
le  lait  ;  il  y  mourut  le  i<^r,  juillet  de 
la  même  année.  On  trouve  la  liste  de 
ses  ouvrages,  soitimpi-imés,  soit  ma- 
nuscrits ,  dans  V Histoire  littéraire 
de  la  congrégation  de  Saint-Maur, 
Le  plus   important   est ,  sans  con- 
tredit ,  le  Nouveau  traité  de  diplo- 
matique en  six  volumes  in-4". ,  dont 
le  second  ne  vit  le  jour  qu'après  la 
mort  de   Toustain.   Il  coopéra   au 
FacUim  contre  Saas  (  f^oy.  ce  nom, 
XXXIX  ,  4o6  ,  note) ,  dans  la  que- 
relle entre  le  chapitre  métropolitain 
de  Rouen  et  les  bénédictins  de  l'ab- 
baye de  Saint-Ouen.  Ses  autres  ou- 
vrages imprimés  sont  :  1.  Remon- 
irances  adressées    aux  révérends 


TOU  417 

Pères  supérieurs  de  la  congréga- 
tion de  Saint-Maur,  assemblés  pour 
la  tenue  du  chapitre -général  de 
1733  ,  in-4''.  II.  La  Férité  persé- 
cutée par  l'erreur ,  ou  Recueil  de 
divers  ouvrages  des  saints  Pères  sur 
les  grandes  persécutions  des  huit 
premiers  siècles  de  l'Eglise  ,  pour 
prémunir  les  fidèles  contre  la  sé- 
duction et  \a  violence  des  nova- 
teurs ,  La  Haye  ,  I733 ,  1  vol.  in- 
12.  m.  De  l'autorité  des  miracles 
dans  l'Eglise ,  in-4".  Le  docteur  de 
Sorboune,  à  qui  on  avait  remis  le 
manuscrit,  retoucha  l'ouvrage  avant 
de  le  publier.  A.  B — t. 

TOUSTAIN  (  Gaspard-François 
de),  chevalier  -  seigneur  de  Riche- 
bourg  ,  né,  à  Richebourg  ,  le  l'i  fé- 
vrier 17  16,  de  la  même  famille  que 
le  précédent,  embrassa  l'état  mili- 
taire ,  fut  successsivement  gardc-du- 
corps  ,  mousquetaire  ,  lieutenant  des 
maréchaux .  Il  avait  fait  les  guerres  de 
1735  ;  1741  ,  1756,  et  reçu  deux 
blessures  à  la  bataille  de  Dettingen  , 
en  1743.  il  avait  obtenu  ;,  en  1791  , 
mie  pension  de  retraite  ,  qu'il  perdit 
en  1792.  Emprisonné  sous  le  règne 
de  la  terreur,  il  fut  rendu  à  la  liberté, 
après  le  9  thermidor ,  et  mourut  le 
3  avril  1799.  Il  avait  remporté,  en 
1 766 ,  le  prix  à  l'académie  de  Rouen 
par  une  Dissertation  sur  l'origine  de 
l'échiquier  de  Nomiandie.  Deux  ans 
après ,  il  olfrit  à  la  même  compagnie 
comme  suite  de  la  Dissertation , 
une  Estampe  allégorique  de  Véchi~ 
quier  de  Normandie  devenu  séden- 
taire. La  Dissertation  et  V Estampe 
sont  restées  en  manuscrit ,  ainsi  que 
d'autres  opuscules  du  mcm-c  ar.tcur  : 
3Iéi  noires  sur  la  Pue  elle  d' Orléans; 
Dissertation  sur  les  grands -sé- 
néchaux de  Normandie  ;  Recher- 
ches généalogiques  et  historiques 
sur  la  noblesse  de  Normandie.  — 


4i8  TOU 

TousTAiN-DuMANoiR,  dc  la  même 
famille,  jeune  homme  fort  distiugue' 
par  ses  talents  et  tous  les  avantages 
extérieurs,  fut  condamne  à  mort  et 
fusille  dans  la  plaine  de  Grenelle  ,  le 
23  janvier  1800  ,  et  mourut  avec  un 
grand  courage.  Ce  fut  une  des  der- 
nières victimes  des  lois  contre  les 
émigrés.  A.  B — t 

TOUTOUSCH  (  I  )  (Tadj-fd-Dau- 
lah)  ,  fondateur  d'une  brandie  dc  la 
dynastie  des  Seldjoukides  en  Syrie, 
était  frère  du  sulthan  de  Perse  Me- 
lik-Cliah  ^••'.,  qui  l'envoya ,  l'an 469 
de  l'hégire  (  1076  de  J.-C),  pour 
achever  la  conquête  de  la  Syrie ,  com- 
mencée par  son  général  Atzizqui ,  dé- 
fait par  les  troupes  égyptiennes ,  pas- 
sait pour  avoir  été  tué  dans  le  com- 
bat. Atziz,  qui  était  revenu  à  Damas, 
informé  de  l'arrivée  de  Toutousch  , 
éloigna  ,  à  force  d'argent ,  un  prince 
qui  venait  lui  enlever  la  gloire  de  son 
expédition.  Toutousch  alla  faire  des 
courses  de  divers  côtés,  sans  pouvoir 
se  former  un  établissement.  Il  assié- 
geait Halep,  en  471  (  1078),  lors- 
qu' Atziz  ,  investi  dans  Damas  par  les 
Égyptiens ,  réclama  son  secours.  Tou- 
tousch accourut  aussitôt  ;  mais  après 
avoir  forcé  les  Égyptiens  à  décam- 
per ,  il  fit  périr  Atziz  ,  qui  était  venu 
au  -  devant  de  son  libérateur  ,  et  il 
s'empara  de  Damas.  Il  reçut  bientôt 
les  soumissions  de  Baalbek,  qui  ap- 
partenait au  khalife  d'Egypte ,  et 
soutint,  dans  Damas,  un  siège  que 
les  troupes  dc  ce  dernier  furent  obli- 
gées de  lever  en  47  ^  (  io85;.  Trois 
ans  après,  il  se  rendit  maître  du 


(t)  Dans  la  Iradiiclion  latiue  d'Elmakin  par  Kr- 
ncniii»,  ce  prince  est  iioiiinie  par  erreur,  A  (>«.<  , 
ainsi  que  son  Mtc  doni  il  sera  parlé  à  la  fuo  de  cet 
orlicle;  Pocnrk  le  nnninie  'J'atetcli ,  dans  sa  Ira- 
dnclion  d'Aliuiil-furadj ,  el  R.i>ke  'Jnimsch  ,  da,.» 
ses  Annules  d'Alinul  Kéila.  Ce  nom  est  aussi  écrit 
ailleurs  'f'aln  el  'J'atmtich.  Ces  (liUérenceu  pro- 
viennent de  la  position  des  points  diacréliques 
diiiu  les  divers  iuanuscrit«. 


TOU 

château  d'Halep  _,  et  attaqua  la  ville  j 
mais  l'émir  ayant  imploré  la  pro- 
tection du  sulthan  Melik-Chah  ,  Tou- 
tousch se  retira  à  l'approche  dc 
son  frère  ,  avec  lequel  il  fit  bien- 
tôt la  paix.  Cependant  les  Égyp- 
tiens étant  revenus  en  Syrie  avec  des 
forces  plus  considérables,  lui  enlevè- 
rent Tyr,  Séide,  Saint- Jean  d'Acre, 
011  il  avait  des  trésors  immenses  ,  et 
Baalbek.  Toutousch  fut  réduit  à  son 
tour  à  recourir  à  des  auxiliaires.  Se- 
couru par  Acsancar  Cacem  -  eddau- 
lah ,  émir  d'Halep ,  et  par  celui  de 
Roha,  il  reprit  Baalbek;  mais  ayant 
assiégé  Tripoli,  que  possédait  le  ca- 
dhi  Ibn-Ammar,  vassal  dc  Meîik- 
Chah ,  il  se  brouilla  avec  ses  alliés  , 
qui  lui  reprochaient  l'injustice  de 
cette  guerre;  et  comme  il  afl'ectait 
des  airs  de  hauteur ,  ils  l'abandon- 
nèrent, et  le  forcèrent,  par  cette  dé- 
fection, de  retourner  à  Damas.  Il  se 
plaignit  au  sulthan  de  la  conduite 
d' Acsancar;  mais  ce  monarque  n'eut 
aucun  égard  aux  plaintes  d'un  frère 
dont  l'ambition  ne  respectait  rien. 
La  mort  de  Melik-Chah ,  en  485 
(log-î),  et  les  troubles  qui  eurent 
lieu  pour  sa  succession ,  ranimèrent 
les  espérances  de  Toutousch.  Dès 
l'année  suivante,  il  fit  prononcer  la 
khothbah  ,  en  son  nom ,  à  Damas ,  et 
envoya  demander  au  khalife  dcBagh- 
dad  de  le  proclamer  sulthan.  Le  kha- 
life fit  une  réponse  évasive  ;  mais  les 
émirs  dc  Syrie  s'étant  déclarés  pour 
Toutousch  ,  il  entra  dans  la  Mésoi)o- 
tamie,  prit  Nisbin,  vaincpiit  l'émir 
de  Moussoul ,  qu'il  fit  mettre  à  mort; 
s'empara  de  sa  capitale  ,  et  détermi- 
na ,  ])ar  ses  succès  ,  '.'irrésohition  du 
khalife.  INlaître  dc  tout  le  Diarbekr 
et  de  l'Ad/.erbaidjan  ,  il  avait  pénétré 
jusqu'à  Hoi  et  Hamadan  ,  lorsque  la 
délectiond' Acsancar, qui  pass.i  dans 
le  parti  du  sulthan  Barkiaruk,  obli- 


I 


TOU 

gea  Toutouscli  de  retourner  en  Syrie, 
où  les  Égyptiens  avaient  fait  une  in- 
vasion. Il  leva  de  nouvelles  troupes^ 
pour  re'sister  à  son  neveu  Barkiarok. 
L'an  487  (  1 094) ,  il  vainquit,  à  quel- 
ques lieues  d'Halep,  l'armée  de  ce 
prince,  fit  mourir  Acsancar,  qi'.i  était 
resté  prisonnier;  épargna  Korbouga, 
général  de  Barkiarok;  s'empara  d'Ha- 
lep ,  et  fit  rentrer  sous  sa  domiua- 
tion  la  Mésopotamie  et  les  autres 
provinces  jusqu'à  Hamadan,  Après 
d'autres  avantages,  il  marchait  sur 
Rcï ,  lorsque  son  neveu  lui  livra  ba- 
taille près  de  cette  ville,  et  le  défit 
complètement,  en  safar  488  (février 
1095).  Toutouscli  fut  tué  sur  le 
cliainp  de  bataille  ;  et  sa  puissance  s'a- 
néanlil  en  quelque  sorte  avec  lui  ;  car 
il  n'en  resta  que  la  Syrie,  pas  même 
entière,  qui  fut  partagée  entre  deux 
de  ses  fds ,  (  Fqy  Redhwan  )  , 
après  lesquels  les  états  d'Halep  et 
de  Damas  passèrent  à  de  nouvelles 
dynasties  ( /^oj>'.  Tho  ghtekin). 
—  Toutou  s  en,  ou  plutôt  Ta- 
KASCH,  ou  Tanasch  (2),  frère  du 
précédent ,  avec  lequel  la  ressem- 
blance de  nom  l'a  fait  confondre  par 
divers  auteurs ,  tels  que  Hadjy  Klial- 
fali  et  De  Guignes ,  se  révolta  ,  dans 
le  Kboraçan^  contre  le  sultbaa  Me- 
lik-Cbab ,  son  frère,  qui  le  vainquit, 
l'assiégea  dans  Terraed ,  l'an  476 
(1089),  et  lui  pardonna.  Ayant  pris 
la  ville  de  Mérou  ,  il  y  avait  donné 
le  scandale  déboire  publiquement  du 
vin,  dans  la  grande  mosquée,  pendant 
le  jeûne  de  Ramadlian.  Après  la 
mort  de  Melik-Ghali ,  il  refusa  de  re- 


(2)  Comme  il  est  presque  sans  exemple,  chez  les 
Musulmans  et  cliox  les  Tm-ks,  que  deux  frùres 
ronlemporalns  et  vivants  aient  porté  le  même  nom, 
il  est  probable  qu'il  y  avait  quelque  difTcrenco 
dans  celui  des  deux  princes  dont  il  s'agit  dans  cet 
nrliclc  ,  ou  que  le  second  était,  non  pas  le  i'rîre 
vlu  premier,  mais  son  oncle ,  et  peut-être  son  par- 
rain. 


TOU  4,9 

connaître  Barkiarok  pour  son  suc- 
cesseur ,  et  prit  le  titre  de  sulthau  ; 
mais  il  fut  vaincu ,  l'an  486  (  1 098), 
par  ce  prince ,  qui  le  fit  noyer  avec 

son  fils.  A T. 

TOUTTÉE  (  Dom  Antoine-Au- 
gustin), religieux -bénédictin  de  la 
congrégation  de  Saint-Maur,  né,  à 
Riom  en  Auvergne,  le  i3  décembre 
iG'j']  ,  d'un  père  très-distingué  dans 
l'ordre  des  avocats ,  fit  ses  premières 
études  au  collège  de  sa  ville  natale  , 
tenu  par  les  Oratoriens  ,  et  entra 
à  l'abbaye  de  Vendôme,  oii  il  fit 
profession  le  29  octobre  i6g8.Il  ré- 
péta son  cours  de  théologie  ,  et  fut 
ordonné  prèlx-e ,  en  1702.  Après 
avoir  professé  pendant  deux  ans  la 
philosophie  à  Vendôme  ,  il  remplit 
la  chaire  de  théologie,  pendant  qua- 
tre ans ,  à  Saint-Benoît-sur-Loii'e. 
En  1 7  08 ,  il  fut  appelé  à  Saint-Denis 
pour  y  enseigner  la  même  science. 
Devenu  très-habi!e  dans  la  langue 
grecque  ,  nourri  de  la  lecture  des 
Pères ,  juste  appréciateur  de  la  sco- 
lastique  et  des  questions  frivoles 
qu'elle  agite ,  il  s'acquitta  dignement 
de  ses  pénibles  fonctions.  La  réputa- 
tion dont  il  jouissait  entretenait  l'es- 
poir de  voir  sortir  de  sa  plume  des 
ouvrages  nombreux  et  solides  ;  mais 
il  aima  mieux  employer  son  savoir  à 
se  fortifier  dans  la  vertu,  qu'à  illustrer 
son  nom  dans  le  monde.  Après  six 
ans  de  séjour  à  Saint-Germain-des- 
Prés ,  il  y  mourut  le  25  décembre 
1718.  Kous  avons  de  lui  :  L  Pro- 
gramme, dans  lequel  dom  Antoine- 
Augustin  Touttée  annonce  une  nou- 
velle édition  des  OEui'res  de  saint 
Cyrille  de  Jérusalem  ,  Paris,  1715. 
L'auteur  débute  par  l'éloge  des  Ca- 
téchèses du  saint  prélat  ;  il  porte  en- 
suite son  jugement  sur  les  éditions 
et  les  traductions  de  cet  ouvrage  ;  et 
il  finit  par  annoncer  une  meilleure 


420 


TOW 


édition  du  texte  ,  accompagne  d'une 
Version  latine  plus  conforme  àl'ori- 
ginal,  de  Notes  et  de  Dissertations. 
II.  Sa?icti  Cyrilli  arcliiepiscopi  Hie- 
rosolfinitani  opéra  quœ exstant  om- 
nia  et  ejus  nomine  circurnferuntur 
admanuscriptos  codices^necnon  ad 
superiores  editiojies  castigata  ,  dis- 
sertationihus  et  notis  illustrata  , 
cum  novd  interpretalione  et  copio- 
sis  indicibus ,  Paris,  1720,  in- 
fol.  Cette  édition  de  saint  Cyrille 
de  Jérusalem  ,  qui  ne  parut  qu'a- 
près la  mort  de  dom  Touttee  ,  est 
très  -  soignée.  Cependant  les  re'dac- 
teurs  du  journal  de  Trévoux  atta- 
quèrent vivement  plusieurs  asser- 
tions de  l'éditeur,  dans  le  courant 
de  1721.  Dom  Prudent  Maran  ,  qui 
avait  surveillé  l'impression^  défendit 
son  confrère  par  des  Dissertations 
sur  les  Semi-Jriens. .  .  publiées  en 
l'-o.'i ,  in-r2.  Depuis,  le  P.  Orsi  , 
dominicain,  a  également  attaqué  une 
des  assertions  de  dom  Touttée,  qu'il 
réfute  comme  sentant  l'hérésie.  Au 
reste ,  ce  bénédictin  alliait  une  gran- 
de simplicité  de  mœurs  à  un  génie 
au-dessus  du  commun  ,  beaucoup  de 
piété  à  une  érudition  distinguée,  et 
une  morale  sévère  à  des  manières  ai- 
sées. C'est  le  jugement  qu'en  porte 
dom  Maran  ,  .à  la  lin  de  la  Piéface 
qu'il  a  composée  pour  l'édition  de 
saint  Cyrille.  \j — n — e. 

TOWERS  (Joseph  ) ,  écrivain  an- 
glais ,  nacjuit ,  en  1737,  à  Londres 
dans  le  faubourg  de  South  wark  où 
son  père  était  bouquiniste.  La  facili- 
té qu'il  eut  ainsi  de;  s'instruire  par 
la  lecture  dérida  sans  doute  la  car- 
rièie  qu'il  parcourut  avec  quelque 
distinction.  A  l'âge  de  douze  ans,  il 
fui  placé  cliczun  papetier,  pour  faire 
les  commissions  ,  et  fut  mis  ensuite 
«n  apprentissage  diez  mi  iin])rimeur. 
Déjà  nniiii  d'un  fonds  d'instruclion 


TOW 

assez  variée ,  il  continua  à  l'augmen- 
ter dans  ses  moments  de  loisir ,  et 
apprit  alors  le  grec  et  le  latin.  Ses 
lumières  précoces  et  ses  réflexions  le 
conduisirent  à  faire  abjuration  de  la 
doctrine  de  Calvin  ;  et  ce  fut  pour 
exposer  les  motifs  de  cette  démarche 
qu'il  composa  son  premier  écrit ,  in- 
titulé :  Examen  des  véritables  doc- 
trines du  christianisme ,  I7(i3.  II 
exerçait  alors  son  état  à  Shcrbornej 
il  vint  l'amiée  suivante  résider  dans 
la  capitale ,  où  il  publia  un  pamphlet 
sur  les  libelles  ,  dans  un  moment  où 
Wilkes  et  son  parti  avaient  domié  à 
ce  sujet  un  intérêt  nouveau.  L'impri- 
meur auquel  Tov\'ers  était  attaché, 
ayant  conçu  le  projet  de  publier ,  par 
livraisons  périodiques  ,  une  suite  de 
Notices  biographiques  sur  les  hom- 
mes distingués  de  l'Angleteri'e ,  le 
chargea  de  cette  compilation  ,  dont 
le  premier  volume  (  in-B".  )  parut  en 
1 766 ,  sous  le  titre  de  Biographie 
britannique.  Les  six  volumes  sui- 
vants sont  également  de  lui  ;  mais  les 
trois  derniers  sont  d'une  autre  main. 
Cet  ouvrage,  qui  ne  porte]>as  le  nom  de 
Towers,  est  assez  estimé.  L'auteur  es- 
saya ensuite  de  faire  le  commerce  de 
la  librairie;  mais  il  n'y  réussit  point. 
En  1 774  ,  il  fut  ordonné  prédicateur 
parmi  les  non-conformistes ,  et  peu 
detemjis  après  fut  élu  pasteur  d'une 
congrégation.  Il  échangea  celte  fonc- 
tion, en  1 77H,  contre  celle  de  prédica- 
teur du  matin  ,  à  Newiugton-Green  , 
où  le  docteur  Priée  prêchait  l'après- 
midi.  Peu  d'événements  politiques  de 
([uel((ue  importance  se  passaient  sans 
lui  inspirer  une  brocJiurc  où  il  se  pro- 
nonçait forleiuoul  contre  les  mesures 
et  les  soutiens  du  ministère.  Malheu- 
reusement il  ne  sut  pas  se  dégager 
de  j'iniluence  de  l'esprit  de  parti  j 
et  c'est  un  reproche  qu'il  a  encou- 
ru    particulièrement    comme    coo- 


TOW 

jicratour  du  docteur  Kippis  à  la 
nouvelle  édition  de  la  Biographia 
hrilannica  { in-fol.  )  :  on  l'accuse  de 
n'avoir  pas ,  dans  les  articles  sortis 
de  sa  plume  ,  rendu  justice  au  clergé 
anglican  ,  dont  il  s'était  séparé.  Plu- 
sieurs opuscules  publiés  par  lui  ayant 
paru  mériter  de  survivre  aux  cir- 
constances qui  les  avaient  fait  naî- 
tre ,  il  les  réunit  et  les  livra  de  nou- 
veau à  l'impression,  en  i  "^gô ,  3  vol. 
in-8'J.  On  y  remarque  les  écrits  sui- 
vants :  Justification  des  opinions 
politiques  de  Locke ,  en  réponse  au 
docteur  Tuckerj  Observ.  sur  l'His- 
toire d'Angleterre ,  àe  Hujne',  Oh- 
serv.  sur  les  droits  et  les  dci^oirs 
des  jurés  ;  Essai  sur  la  vie  ,  le  ca- 
ractère et  les  écrits  de  Sam.  John- 
son. On  a  imprimé,  sous  le  nom  de 
Towers  ,  des  Mémoires  sur  la  vie  de 
Frédéric  II ,  roi  de  Prusse ,  i  '-88 ,  2 
vol.  in-8'\  Cependant  la  Biograpliie 
de  Chalmers  ne  fait  pas  mention  de 
cet  ouvrage  ,  dont  l'auteur  a  essuyé 
le  reproche  de  n'avoir  pas  toujours 
puisé  à  des  sources  pures.  Towers 
mourut  le  20  mal  1799.  — Toavers 
(  Johnson  ) ,  maître  de  l'école  gram- 
maticale de  Tunbridge ,  mort  le  5 
janvier  1772,  a  donné  une  traduc- 
tion anglaise  des  Commentaires  de 
César ,  fSS.  L. 

TOWNLEY  (Charles),  anti- 
quaire anglais  ,  né, d'une  famille  opu- 
lente, en  1737  ,  fut  envoyé  en  Fran- 
ce de  très-bonne  heure  pour  y  rece- 
voir sa  première  éducation.  Il  y  fut 
quelque  temps  sous  la  direction  du  cé- 
lèbre physicien  Tuberville  Needham. 
Ses  études  furent  brillantes  ;  son  at- 
tention se  tourna  pariiculièrement 
vers  la  connaissance  àv.  l'état  des 
beaux-arts  chez  les  anciens;  et  après 
unassezlougséjouràRomCjilputctre 
considéré  comme  un  des  premiers 
connaisseurs  de  l'Europe.  Il  visita  les 


TOW 


421 


parties  les  plus  reculées  de  la  grande 
Grèce  et  de  la  Sicile,  où  son  premier 
objet  était  constamment  de  visiter 
les  monuments  des  anciens.  Ce  fut 
surtout  à  la  sculpture  qu'il  s'atta- 
cliaj  et  sa  fortune  lui  permettant 
de  satisfaire  son  penchant,  il  ac- 
quit une  multitude  de  morceaux 
d'un  travail  exquis  ou  curieux.  Il 
acheta  successivement ,  pour  les  re- 
cevoir ,  deux  maisons  dans  Lon- 
dres, la  dernière  située  dans  Park- 
Street ,  à  Westminster ,  qu'il  décora 
avec  beaucoup  d'élégance ,  et  où  il 
mourut  le  3  janvier  i8o5.  Les  con- 
servateurs du  muséum  britannique 
obtinrent  du  parlement  une  somme 
de  vingt  raille  francs  pour  acheter, 
de  la  famille,  les  marbres  de  Town- 
lej.  Ce  n'était  peut-être  pas  la  moi- 
tié de  ce  que  ces  marbres  avaient 
coûté  originairement  ;  mais  c'était 
beaucoup ,  dit  un  écrivain  anglais , 
au  milieu  d'une  guerre  dispendieise, 
et  sous  l'administration  d'un  homme 
dont  le  grand  génie  condescendit  ra- 
rement à  protéger  les  beaux-arts. 
C'est,  au  jugement  de  M.  Whita- 
ker ,  la  collection  la  mieux  choisie  de 
sculpture  grecque  et  romaine  qui 
ait  jamais  été  transportée  en  Angle- 
terre. Celle  du  comte  d'Arundel, 
beaucoup  plus  nombreuse  ,  paraît , 
d'après  ce  qui  en  subsiste  encore , 
avoir  été  composée  de  sujets  d'un 
mérite  très-inférieur.  Dans  le  mu- 
séum de  ïownley  ,  qui  fait  aujour- 
d'hui partie  du  musée  britanique  ,  il 
n'y  a  pas  une  statue ,  un  buste  ,  un 
bas-relief,  qui  ne  s'élève  fort  au-deS' 
sus  de  la  médiocrité.  Toutes  les  piè- 
ces dont  il  se  compose  méritent 
d'èlre  comptées  parmi  les  meilleures 
du  second  et  du  troisième  ordre.  On 
distingue,  dans  cette  nombreuse  suite, 
une  Tcte  d'Homère  ,  une  Apothéose 
de  Marc-Aurèle,  un   jeune  Vc'niS; 


4'i2 


TOW 


des  Astragalizontes ,  un  Groupe  de 
petite  dimension  mais  d'un  me'rite 
très-remarquable,  une  Isis  ,  un  Bac- 
chus  féminin,  une  Muse  couronnée 
de  lierre ,  et  un  petit  bronze  d'Her- 
cule Alastor ,  trouve'  à  Biblos  en  Sy- 
rie. Le  Muséum  Townley  était  aussi 
fort  riche  en  pierres  gravées  ,  en 
monuments  funéraires,  et  surtout  en 
une  suite  de  médailles  impériales  ro- 
maines en  cuivre  ,  qui  ne  le  cédait 
pour  le  nom-bre  et  pour  l'état  de  con- 
servation qu'à  celle  de  Louis  XVL 
Townley  fut  un  zélé  partisan  du 
système  mythologique  de  d'Ancar- 
ville  ,  qui  puisa  dans  Park  -  Street 
la  plus  grande  partie  de  son  cu- 
rieux ouvrage  ,  et  tira  de  cette 
collection  plusieurs  de  ses  mcilleu-» 
res  explications.  Il  a  beaucoup 
écrit  •  mais  n'a  presque  rien  livré  à 
l'impression.  On  ne  cite  de  lui  qu'une 
Dissertation  sur  im  casque  (  The  Rib- 
chester  lielmet)  ,  dans  les  Vetusta 
vwnumenta  dt  la  société  des  anti- 
quaires. Cette  réserve  s'explique 
jiar  la  difficulté  qu'il  trouvait  à 
s'exprimer  en  anglais,  après  avoir 
vécu  long-temps  hors  de  son  paj^s  : 
aussi,  lorsqu'il  parlait,  employait-il 
fréquemment  des  mots  français  et 
italiens ,  pour  se  tirer  d'embarras. 
Les  dépenses  que  lui  coûtait  sa  pas- 
sion pour  les  monuments  des  arts 
ne  l'empêchaient  pas  de  répondre 
souvent  à  la  voix  de  l'humanité 
soufliante.  Dans  une  année  de  de- 
tresse  ,  il  distribua  aux  pauvres  des 
environs  une  somme  équivalant  au 
quart  de  son  revenu.  Son  buste  en 
marbre  ,  exéc  nié  par  M.  Nollekens  , 
orne  luie  des  salles  du  musée  britan- 
nique. —  Townm:y  (  James  ) ,  ne,  à 
Londres ,  en  1715,  termina  ,  à  l'uni- 
versité d'Oxford,  .'-es  éludes,  com- 
mencées à  l'école  des  marchands- 
tailleurs,  où  il   devint  par  la   suite 


TOW 

instituteur  eu  chef.  Quoique  admis 
dans  les  ordres ,  et  chargé  de  plu- 
sieurs fonctions  ecclésiastiques  _,  il 
fut  intimement  lié  avec  le  célèbre 
acteur  Garrick ,  et  non-seulement  pa- 
tagca  sou  goût  pour  le  théâtre ,  mais 
composa  lui-même  quelques  pièces  , 
notamment  High  Life-Below  stairs 
(  le  Beau  monde  hors  du  salon, 
175g),  pièce  qui  a  toujours  joui 
d'un  grand  succès.  Ses  sermons  , 
dont  plusieurs  ont  été  imprimés ,  ne 
furent  pas  moins  goûtés  que  ses  co- 
médies. Ami  du  peintre  morabste 
Hogarth  .  il  a  eu  quelque  part  à  son 
Analyse  de  la  beauté.  Un  grand 
nombre  d'élèves  sortis  de  son  école 
se  oont  distingués  dans  les  carrières 
delà  théologie,  de  la  jurisprudence 
et  de  la  médecine.  Il  mourut  le  i5 
juillet  1778.  Z. 

TOWTSON  (Guillaume)  ,  voya- 
geur anglais,  dont  on  connaît  les 
voyages  sur  les  côtes  de  Guinée.  Dans 
le  premier  ,  fait  en  1 555 ,  on  ne  trou- 
ve que  quelques  indications  sur  les 
lieux  où  il  put  traiter  avec  les  nè- 
gres, et  sur  ceux  où  il  fut  attaqué 
par  les  Portugais.  Cette  nation,  ja- 
louse à  l'excès  de  son  commerce 
d'Afrique,  ne  voyait  qu'avec  inquié- 
tude les  entreprises  des  Anglais. 
D'ailleurs  il  n'arriva  rien  que  de  fort 
ordinaire  àTovvtsou,qui  recueillitde 
grands  profits  de  son  entreprise. 
L'année  suivante  le  revit  sur  les  cô- 
tes d'Afrique,  et  ses  profits  n'y  fu- 
rent pas  moindres.  Il  s'y  lia  d'ami- 
tié et  d'intérêt  avec  quelques  capitai- 
nes français,  et  ils  se  défendirent  con- 
joiulcnieut  des  attaques  des  Portu- 
gais,qui  prétendaient  toujoursêtrclcs 
seuls  ."1  commercer  sur  cette  côte.  On 
ne  trouve  d'ailleurs,  dans  ce  second 
voyage,  aucun  événemenl([ui  mérite 
d'êlre  recueilli.  En  1558, il  eu  entre- 
prit un  troisième.  Son  historien, qui 


TOZ 

craint,  à  bon  droit,  qu'où  ne  le  taxe 
d'une  ambition  insatiable,  insinue 
qu'il  est  probable  que  Towtson  n'é- 
tait que  l'agent  d'une  compagnie.  Ce 
qui  met  quelque  différence  entre  ce 
voyage  et  le  prëce'dent ,  c'est  la  mé- 
sintelligence entre  les  Anglais  et  les 
Français.  Towtson  revint  fort  mal- 
traité •  ses  vaisseaux  étaient  sans 
voiles  ,  presque  sans  mâts  et  sans 
équipages,  (i)  M — le. 

TOZE(Éobald).  r.ToTZE. 
TOZZETTI.  V.  Targioni. 
'X.Q'LTX  (  Luc  ) ,  médecin ,  né ,  en 
i638,  à  Frignano,  près  d'Aversa, 
apprit  les  belles  lettres  chez  les  jé- 
suites ,  et  la  médecine  à  l'université 
de  Naples.  Quelques  observations 
publiées  sur  la  comète  de  1664  lui  ac- 
quirent la  réputation  de  savant.  Vers 
cette  époque  (166G),  un  jeune  bom- 
me  de  beaucoup  de  talent  (  i  )  ,  mais 
qu'on  a  cru  mal-à-propos  l'inventeur 
du  thermomètre  ,  était  venu  du  fond 
d'mie  province  pour  porter  les  pre- 
miers coups  à  l'autorité  de  Galien. 
Il  avait  trouvé  des  amis  et  des  pro- 
tecteurs 5  mais  il  ne  put  pas  captiver 
Tozzi ,  qui  se  mit  à  la  tête  d'une 
académie  ,  nommée  des  Discor- 
danti ,  pour  balancer  l'indueuce  des 
//iP'esf /§•««(/,  à  laquelle  étaient  affiliés 
Th .  Cornelio,  Léonard  de Capua,  Por- 


(i)  Ou  a  lieu  de  s'étonner  de  l'expression  dont 
se  sert  l'abbé  Prévost  [  Hist.  des  l'Oya^es^  iu-12, 
t.  11,  p.  376'  ).  «  Towlson  suspendit,  dit-il,  à  son 
)>  mnl  uu  -vieux  bonnet  ,  avec  lequel  il  se  conduisit 
>i  à  l'ile  de  Wigbt.  >>  Mais  comme  en  terme  de  ma- 
rine honuettcs  sipniGe  ces  élargissnres  que  l'un  met 
<juelqueiois  aux  voiles,  je  suis  très -persuadé  que 
ce  fut  une  de  ces  boiinetles  qu'employa  Towtson  , 
u'ayanl  plus  de  voile  entière, 

(1)  Sebastien  Bartoli ,  né,  vers  l'année  iG!î,ï  .  à 
Monlella,  dans  la  Principauté  ultérieure ,  et  mort 
h  Naples,  eu  it);(i.  Uans  uu  ouvrage  posthume, 
publié  par  un  de  ses  élèves  (  7'lieriHut<igia  Arago- 
nia  ,  Naples  ,  1679  ,  in-8".  )  ,  il  avait  donné  la  des- 
cription d'un  instrument  pour  mesurer  les  degrés 
de  chaleur  dis  eaux  thermales.  On  a  prétendu  pour 
cela  qu'il  fallait  le  regarder  comme  1  inventeur  du 
tliermomètre.  Mais  Galilée  y  avait  déjik  songé  ,  en 
i5()7;  et  Urebbel  s'en  était  servi,  en  itjai  {^f-'oycz 
GALILÉE,  XYI,  321  ;  etDREDBEI,,  XII,  17). 


TOZ 


423 


zio,Borrelli;  et  en  même  temps  pour 
s'opposer  aux.  progrès  des  Secreti  , 
société    nouvellement    fondée    par 
J.-B.  Délia  Porta,  dans  le  but  de  pro- 
pager les   découvertes  utiles.  Cette 
rivalité  réveilla  l'attention  de  la  cour 
de  Rome,  qui,  alarmée  parle  titre 
mystérieux  de  l'académie  de  Porta 
{F.  ce  nom  ,  XXXV  ,  44^)^  <^'^  or- 
donna la  suppression.  En  attendant, 
Tozzi ,  agrégé  à  la  faculté  de  méde- 
cine, fut  nommé  supplé'^nt  de  Tho- 
mas Cornelio  ,  et  bientôt  professeur 
à  l'université  de    Naples.    Désigné 
pour  succéder  à  Malpighi   (  F.  ce 
nom  ,  XXVI ,  4o8  )  p  il  '^e  rendit ,  en 
1695  ,  à  Rome,  oii  il  réunit  aux  fonc- 
tions d'archiatre  pontifical ,    celles 
de  professeur  de  médecine  à  la  Sa- 
pience.  A  la  mort  d'Innocent  XII , 
il  fut  appelé  en  Espagne  en  qualité' 
de  premier  médecin  de  la   cour.  Il 
allait  franchir  les   Alpes,   lorsqu'il 
apprit  à  Milan  la  mort  de  Charles 
II.  Désapointé  par  cette  nouvelle  , 
il  revint  sur  ses  pas ,  et  fermant  l'o- 
reille aiix  propositions  de  Clément 
XI ,  qui  aurait  voulu  le  retenirauprès 
de  lui ,  il  se  hâta  d'arriver  à  Naples, 
où  leduc  de  jMedina-Celi ,  vice-roi  es- 
pagnol ,  le  prit  à  son  service  ^  et  le 
nomma  /?rof o-médccin  du  royaume. 
Tozzi  mourut  à  Naples  le  1 1  mars 
ï  ■]  1 7 .  Ses  ouvrages  sont  :  I .  Recondi- 
ta  naturœ  opéra  jam  détecta  ,  uhi 
circà  cometam  (  du  mois  de  déc. 
\QQl^)  disseritur ,  Naples,    i665, 
in-i2.  Ce  livre  n'est  pas  mentionné 
dans  la  Biblios,raphie  astronomique 
de  Lalande.  Gimma  s'est  trompé  en 
parlant  d'une  comète  de  iQ^/^.W. 
Medicina  theoretica ,  Lyon  et  Avi- 
gnon ,  1681-87  ,  in-8°-  L'auteur  n'é- 
tablit aucun  système  -,  il  se  borne  à 
exposer  les  opinions  des  anciens  et 
des  modernes  ,   sur  les  maladies  et 
sur  les  diflérents  remèdes.  HT.  In 


4-24 


TRA 


Hippocratis  aphorismos ,  commen- 
taria  ,  Naples  ,  1698,  1  vol.  in-4". 
IV.  Horarum  œquinoctialium  et 
antiquarum  expositio  ,  ibid. ,  1706^ 
in-4".  Dans  ce  Mémoire ,  Tozzi  cher- 
che à  deviner  ce  que  Galien  a  pré- 
tendu dire  par  ses  heures  ëquinoclia- 
iiales  ou  égales.  Foy.  les  Mémoires 
de  TréYoux.Y . Comment,  m  librum 
artis  medicinalis  Galeni  ,  etc. ,  Pa- 
doue  ,1711,  in-4".  VI.  Thèses phj- 
sicœ  ,  ex  sacris  lilteris  depromptœ. 
Tozzi  n'est,  pas  le  premier  qui  se  soit 
e-forcé  de  trouver  un  système  de  phy- 
sique dans  la  Bihie.  Il  existe  un  re- 
cueil complet  de  sesOEuvres,  Venise , 
1721 ,  5  vol.  in-4''.  ^oj".  Gimma 
(  Elogi  accademici ,  ï  ,  179  ) ,  qui 
en  a  écrit  l'éloge  du  vivant  de  l'au- 
teur. A — G — s. 

TRABEAS  (  QuiNTiTs  ) ,  poète 
comique  de  l'ancienne  Rome  ,  flo- 
rissait  dans  le  cinquième  siècle  de  la 
république ,  du  temps  de  Régulas.  Ses 
ouvrages  furent  long-temps  fort  ré- 
pandus^ et  Cicéron  en  a  cité  divei's 
fragments ,  entre  autres  de  la  pièce 
fpii  avait  pour  titre  :  Ergastulum  , 
mentionnée  par  Nonnius  Marcellus. 
Ce  sont  les  seuls  qui  nous  soient  par- 
venus. Maitlaire  les  a  insérés  dans 
son  Corpus  poëtarum.  C'est  sous  le 
nom  de  ce  poète  que  Muret  tendit 
plaisamment  un  piégc  à  la  crédulité 
de  Scaliger  {Fcy.  Muret,  XXX, 
44 1).  Z. 

TRACHALUS  (  Galerius  ) ,  ora- 
teur romain ,  qui  fjorissait  sous  le  rè- 
gne des  premiers  empereurs,  fut  dési- 
gné consul  par  Néron, avec  Silius  Ita- 
licus,  pour  l'an  OH;  mais  la  nouvelle 
de  la  révolte  de  Galba  dérida  Néron 
à  se  subroger  seul  à  leur  place.  Les 
talents  de  Ti'achahis  lui  mérilèrenl 
la  {'.'ivcur  d'()tlion,et  il  passait  pour 
l'anlcur  des  discours  que  ce  prince 
prononçait  an  sénat.  On  croyait  du 


TRA 

moms ,  dit  Tacite ,  y  reconnaître  le 
nombre   et   l'harmonie    qui  distin- 
guaient les  compositions  de  cet  ora- 
teur (  Hist.  I  ,  90  ).   Quoiqu'il   eût 
employé,  le    crédit   qu'il  avait  sur 
Othon  à  se  faire  des  partisans,  il  eut 
besoin   de  toute   la    protection  de 
Galeria  ,  femme  de  Vitellius  ,  pour 
échapper  aux.  proscriptions  qui  si- 
gnalèrent   l'avéhcment    du    nouvel 
empereur  (  ibid.  11 ,  60  ).  On  ignore 
les  autres  circonstances  de  la  vie  de 
Trachôlus.  Quintilien,  qui  l'avait  vu 
dans  tout  l'éclat  de  son  talent ,  le 
trouvait  sublime  et  pourtant  clair. 
«  En  l'entendant,  dit-il ,  on  n'imagi- 
nait pas  qu'il  fût  possible  de  dire 
mieux.  11  est  vrai  qu'il  avait  un  or- 
gane que  je  n'ai  rencontré  dans  au- 
cun autre  orateur,  un   deliit  qu'on 
aurait  apj^laudi  sur  le  théâtre  ,  une 
grâce  parfaite,  et  enfin  tous  les  avan- 
tages extérieurs  j  à  un  rare  degré.  » 
(  Institut,  orat.  x  ,  i  ).  La  beauté  de 
son  organe  est  constatée  par  le  pro- 
verbe Trachalo  zwcalior.  Nous  de- 
vons à  Quintilien  un  mot  de  Tra- 
chalus   qui  prouve    de   la   vivacité 
dans  la  répartie.  Un  jour  Suillius  lui 
disait  :  «  Si  cela  est,  tu  vas  en  exil  ; 
— mais,  repliqua-t-il,  si  cela  n'est  pas, 
j'en  suis  revenu  {ibid.  vi  ^  3  ).  »  II 
cite  a'.issi,  comme  modèle  de  l'apos- 
trophe, un  passage  de  son  ])laidoyer 
contre    Spathalé   (  ibid.   viii  ,   5  ). 
Bernardi  a  laissé  des  Recherches  sur 
Trachcilus  ,    qui    font  partie    du 
Nouveau  recueil  des  Mémoires  de 
l'académie  des  inscriptions,  tom.  vu. 
W— s. 
TRACY  (Le  P.  Bernard  Des- 
TUTT  T>v.  ) ,  écrivain  ascétique  ,  était 
né,  le  si;')  août  ly'io,  au  château  de 
Parai-lo-Fresi  près  Moulins  ,    d'une 
famille  noble,  qui  a  produit  plusieurs 
hoinnics  de  mérite  (  F.  Desiutt  , 
Siograph.  des  homm.  vivants  ,  11 , 


TRA 

394).  Le  goût  de  la  i-etraite  et  une 
santé  délicate  lui  firent  sacrifier  tous 
les  avantages  qu'il  pouvait  se  pro- 
mettre dans  le  monde  ;  et  à  seize  ans, 
il  embrassa  la  vie  religieuse  dans  la 
congrégation  des  Théatius.  La  pra- 
tique de  ses  devoirs  et  l'étude  ,  eu 
partageant  tous  ses  instants,  lui  ren- 
dirent plus  supportables  ses  infirmi- 
tés habituelles.  Il  refusa  tous  les  em- 
plois qui  lui  furent  ofi'erts ,  excepté 
celui  de  maître  des  novices ,  pour  n'ê- 
tre point  détourné  de  ses  occupations 
littéraires.  Le  P.  Tracy  mourut  à 
Paris  ,  le  i4  août  1786,  à  l'âge  de 
soixante-six  ans.  Outre  un  Panégyri- 
que de  la  V.  mère  de  Chantai  (F.  ce 
nom  ) ,  prononcé ,  lors  de  sa  béatifi- 
cation ,  à  Moulins^  en  17 53,  on  a 
de  cet  écrivain  :  L  Conférences  ou 
exhortations  à  l'usage  des  maisons 
religieuses,  Paris  ^  ^765  ,  in-12  j 
seconde  édition,  lySS.  IL  Confé- 
rences ou  exhortations  sur  les  de- 
voirs des  ecclésiastiques,  ib.^  1768, 
in-T  2  ;  dans  la  préface  de  cet  ouvra- 
ge, ainsi  que  dans  celle  du  pi'écédent, 
l'auteur  passe  en  revue  et  apprécie 
avec  une  sage  impartialité  tous  les 
écrits  du  même  genre  publiés  jus- 
qu'alors en  français.  III.  Traité  des 
devoirs  de  la  vie  chrétienne ,  ibid. , 
1770,  2  vol.  in-i2.  IV.  Fie  de 
saint  Gaétan  de  Thienne  ,  fonda- 
teur des  Théatins  ;  suivie  de  notices 
sur  les  BB.  JeanMarinon,  saint  An- 
dré Avelin  et  Paul  Burali  d'Arezzo, 
cardinal,  de  la  même  congrégation, 
ibid.,  1774?  iii-i2.  L'auteur  a  réuni 
dans  cet  ouvrage  ses  recherches  sur 
l'origine  et  la  règle  des  Théatins^  et 
sur  leur  établissement  en  France,  où 
ils  ne  possédaient  qu'une  seule  mai- 
son à  Paris ,  fondée  eu  1647  ■>  P^'^  '^ 
cardinal  Mazarin.  V.  Nouvelle  re- 
traite à  l'usage  de  toutes  les  com- 
munautés religieuses,  iliid.,  1782  , 


TRA  425 

in- 12,  VL  Fie  de  saint  Bruno  ^ 
fondateur  des  Chartreux  ,  avec  di- 
verses remarques  sur  le  même  ordre^ 
ibid.,  1785  ,  in-i2.  On  y  trouve  des 
détails  sur  le  culte  rendu  à  saint 
Bruno,  ses  reliques,  ses  ouvrages  et 
leurs  différentes  éditions;  une  Disser- 
tation assez  étendue  sur  la  fameuse 
apparition  d'un  docteur  à  saint  Bruno 
{For.  ce  nom),  quR  le  P.  Tracy 
regarde,  avec  les  Bollandistes  et  les 
meilleurs  critiques,  comme  fabuleusej 
des  Notices  sur  les  généraux  des 
Chartreux  ,  sur  les  saints  et  les  pré- 
lats que  cet  ordre  a  fournis  à  l'É- 
glise •  des  remarques  sur  les  change- 
ments apportés  à  la  règle  primitive  j 
l'état  des  maisons  possédées  alors  par 
les  Chartreux  en  France,  etc.  ;  eu  un 
mot ,  cet  ouvrage  ,  plein  de  recher- 
ches curieuses  et  intéressantes,  peut 
tenir  heu  d'une  histoire  de  cet  ordre, 
célèbre  par  les  austérités  et  par  le 
gi"aud  nombre  de  sujets  distingués 
qui  en  sont  sortis.  W — s. 

TRADENIN  (  Przibicon  de  ) 
commença  ,  en  1374,  par  ordre  de 
Charles  IV,  à  écrire  l'histoire  du 
royaume  de  Bohême.  Cet  empereur 
avait  d'abord  chargé  de  ce  travail 
Jean  de  Marignola ,  un  de  ses  cha- 
pelains. Mais  la  première  Clironique, 
que  Dobner  a  publiée  (  i  ) ,  ayant 
avec  raison  déplu  au  prince  et  aux 
Bohémiens  ,  Charles  chargea  Tra- 
denin  d'en  faii'e  une  seconde  ;  il 
lui  fit  donner  entrée  dans  les  bi- 
bliothèques des  monastères  ,  des 
chapitres,  et  dans  les  archives  du 
royaume.  Ayant  réuni  plus  tard  la 
Marche  de  Brandebourg  à  ses  états ,  il 
communiqua  encore  à  Tradenin  une 
chronique  ,  qui  présentait ,  dans 
le  plus   grand  détail  ,    la   géuéalo- 


(i)  Moniinifnla  hitlorira  Buliemia;  Prague,  1768 
t.  II,  |>.  ()8. 


4^6 


TRA 


gie  des  princes  de  Brandebourg, 
leurs  alliances ,  leurs  guerres ,  leurs 
traites  de  paix,  l'histoire  des  c'vê- 
che's,  des  chapitres  et  des  ordres 
religieux  (2).  Eu  confiant  à  Tradenin 
oes  sources  précieuses,  l'empereur 
l'engagea  à  examnier  attentivement 
les  faits,  et  à  n'admettre  dans  son 
ouvrage  aucun  des  récits  hasardés 
et  fabuleux  quidéliguraient  les  chro- 
niques publiées  jusqu'alors.  Trade- 
nin a  fidMemeut  rempli  sa  mission 
dans  la  Chronique  dite  de  Pidkava. 
L'auteur  ne  poussa  son  travail  que 
jusqu'à  l'année  i33o,lamort  l'avant 
empêché  de  donner  la  dernière  par- 
tiedu  règne  de  Jean  et  celui  de  Charles 
IV.  Les  comtes  de  Waldstein  ont 
dans  leurs  archives  un  ancien  ma- 
ïmscrit  contenant  cette  Chronique  la- 
tine ,  avec  la  traduction  en  vieux 
bohémien  ,  et  une  continuation  que 
trois  auteurs  différents  ont  ajou- 
tée en  bohémien  jusqu'en  1470  (3). 
Les  chevaliers  ïeutoniques  de  Pra- 
gue possèdent  un  manuscrit  encore 
plus  ancien  j  c'est  la  Chronique  ori- 
ginale en  latin  ,  que  Dobncr  a  pu- 
bliée (4).  G— Y. 

TRADESCANT  (Jean),  natura- 
liste ,  né  en  Hollande  ,  voyagea  dans 
lilusicnrs  pays  de  l'Europe,  et  vint 
s'établir  en  Angleterre,  oii  il  fut  jar- 
dinier chez  le  comte  de  Salisbury , 
grand  trésorier ,  et  le  lord  Woo- 
ton  ;  ensuite  il  s'embarqua  sur  une 
escadre  envoyée^  contre  Alger  en 
i^i^o.  Il  recueillit  des  plantes  aux 
Balc'arcs  et  dans  d'autres  îles  de 
la  Méditerranée,  et  en  cm-ichit  l'An- 
gleterre. A  son  retour^  il  établit  un 


(>ni(|ii<> ,  qui  n'a  point  clé  impi-iinûc 
clic  driiis  l.»  I.il>liolli;<|,if.s  de  I)ia„- 


(a)  Cclli-  c'Iironiipir  ,  qui  n'a 
tst  rc!il(lccniii'vi-lic  driiis  I™  bililiuiiii-qu 
.l.-l,.,i.rg  on  ,\,-  \.,  I!„l„„,..;  ,.„  n'.M  r.,,,,,;,;,  ,,,„.  ,;<•  <|ue 
■Jiad.'nin  I.  in.vi(:  d..i.s  \.,  CIii..im.|»o  d,-  l'ulkav.i. 

(■S;  Muniimcntuhnlnrica  Bohntiiir  ,  I.  IV,  |i.  12^|. 

(\)  ll)i<l.,  t.  III,  p.  7î. 


TRA 

jardin  à  Lambcth  ,   et  obtint ,   en 
1629,  le  brevet  de  jardinier  du  roi. 
Il  fut  le  premier  qui  forma  une  col- 
lection d'histoire  naturelle;  on  ignore 
l'année  de  sa  mort  :  mais  elle  ari'iva 
avant  i656 ,  il  paraît  qu'il  était  très- 
âgé.  —  Jean  Tradescant  ,  son  fils , 
voyagea  en  Virginie,   d'oii  il  rap- 
porta entre  autres  plantes  celle  qui 
porte  son  nom.  Il  continua  la  collec- 
tion commencée  par  son  père  ;  elle 
était  connue  alors  sous  le  nom  iï Ar- 
che de  Tradescant ,  attirait  beau- 
coup de  curieux ,  et  était  fréquentée 
par  de  grands  personnages  qui  contri- 
buèrent à  l'augmenter.   Tradescant 
légua  son  Muséum  à  Élie  Ashmole 
(  r.ïl ,  575  ) ,  et  mourut  en  1662. 
On  a  de  lui  ,  en  anglais  :  Muséum 
Tradescantianmn ,  ou  recueil  de  ra- 
retés consen>ées  à  South-Lambeth , 
près  de  Londres  ,  Londres,  i656, 
in-S*^.  C'est  la  description  de  sa  col- 
lection qui ,    indépendamment    des 
objets    d'histoire   naturelle  ,   com- 
])renait  des  armes  ,  des   monnaies  ^ 
des  médailles,  des  costumes,  etc.; 
elle    est   suivie   du    catalogue  ,    en 
anglais  et  en  latin ,  des   plantes  de 
son    jardin  ,   et  de  la  liste  de  ses 
bienfaiteurs,  en  tète  desquels  figin-ent 
le  roi  et  la  reine.  S.  G.  Wetson  a 
donné,  en  1749  ,  dans  le  tome  xlvi 
des  Transactions  philosophiques  ,  la 
description  de  ce  qui  existait  encore 
alors  ,   du  jardin   des   Tradescant. 
Leurs  portraits   se  trouvent  en  tête 
du  Muséum.  Le  Tradescantia ,  ou 
Éphémère  désigne  un  genre  de  plan- 
tes de  la  famille  des  commelinées  , 
cl  de  riu'xaudric  monogynie;  il  com- 
prend  nu   grand  nombre  d'espèces 
toutes  r\oti(pies  ,  la    plupart   origi- 
naires d'Amérique,  (|nelqu(S-unesdes 
Indes -Orientales.  D'autres    plantes 
sont  aussi   distinguées  ]>ar   le  nom 
spécKique  i\c  Tradescant.       E — s. 


TRA 

TRADONICO  (  Pierre  )  fut  élu 
doge  de  Venise,  dans  une  sédi- 
tion du  peuple  dirigée  contre  Jean 
Participatio  ,  son  prédécesseur  ,  en 
837.  Son  fils,  qui  s'appelait  aussi 
Jean  ,  lui  fut  donné  pour  collè- 
gue peu  de  temps  après.  ïradonico 
était  originaire  de  Pola  eu  ïstrie  ;  il 
habitait  alors  à  Rialto.  Son  fils  Jean 
mourut  le  premier ,  à  une  épocpie 
inconnue. CommeTradonico  célébrait 
la  fête  de  saint  Zacbarie,  dans  le 
couvent  de  ce  nom ,  des  nobles,  con- 
jurés contre  lui ,  le  tuèrent  eu  864. 
Ils  furent  ensuite  punis  par  Urso 
Participatio ,  que  le  peuple  lui  donna 
pour  successeur.  S.  S — i. 

TRAETTA  (Thomas),  l'un  des 
plus  célèbres  élèves  de  Durante ,  na- 
quit ,  en  1727  ,  à  Bitonlo  ,  dans  le 
royaume  de  INaples.  Al'âgede  vingt- 
trois  ans ,  il  débuta  par  Farnace  , 
qui  eut  un  grand  succès  sur  les  théâ- 
tres de  Naples.  'VEzio  ne  fut  pas 
moins  bien  accueilli  à  Rome  ;  et  ces 
deux  triomphes  suffirent  pour  établir 
la  réputation  du  maître.  Après  avoir 
figuré  sur  les  principaux  théâtres 
d'Italie  ,  il  entra  au  service  de  la 
cour  de  Parme ,  pour  laquelle  il  com- 
posa plusieurs  opéras. On  remarqua, 
entre  autres,  celui  à'Ippolito  edA- 
ricia ,  donné  en  1709,  et  qui  valut 
à  l'auteur  une  pension  du  roi  d'Es- 
pagne ,  et  un  engagement  pour  le 
théâtre  impérial  de  Vienne.  On  lui 
proposa  deux  sujets,  dont  l'un  {Ar- 
mide)  ,  déjà  traité  par  Jommelli , 
devait  reparaître  avec  tant  d'éclat 
sous  la  plume  de  Gluck  ;  et  l'autre 
(  Iphigénie  ),  après  avoir  abrégé  la 
vie  de  Jommelli  ,  était  destiné  à 
brouiller  ensemble  Gluck  et  Pic- 
cini.  Traclta  ne  recula  pas  devant 
cette  épreuve;  et  ces  deux  opéras 
sont  au  nombre  de  ses  plus  beaux 
ouvrages.  A  la  mort  de  l'infant  don 


TRA  4^7 

Philippe,  en  1763  ,  il  obtint  la  place 
de  maître  au  conservatoire  de  l'O^pe- 
daletto ,  à  Venise.  11  se  rendit  en- 
suite à  l'invitation  de  l'impératrice 
Catherine,  qui  le  retint  sept  ans  à 
Pétersbourg.  Il  y  remplaça  Galuppi 
(  en  1768),  qu'il  ne  fit  point  re- 
gretter ,  et  qu'il  surpassa  même  dans 
quelques-unes  de  ses  pièces.  Attiré  à 
Londres  par  les  offres  de  puissants 
protecteurs  ,  il  ne  put  pas  s'y  fixer  à 
cause  de  la  faiblesse  de  sa  santé.  Il  es- 
pérait la  rétablir  au  sein  de  sa  famille, 
et  sous  le  beau  ciel  de  Naples ,  lors- 
qu'il mourut  à  Venise  ,  le  6^  avril 
1 7  79  (  I  ).  Musicien  profond  et  rêveur, 
Traetta  excelle  surtout  dans  les  effets 
sombres  et  pittoresques  de  l'harmo- 
nie. Ses  meilleurs  ouvrages  sont  au- 
tant de  monuments  de  correction  et 
de  génie.  Ginguené  (Encyclopédie 
méthodique  ,  musique,  art.  Crier) 
raconte  que,  dans  la  Sophonisbe  de 
Traetta ,  cette  reine  se  jette  entre  son 
époux  et  son  amant  pour  les  empê- 
cher de  se  battre  :  «  Cruels  ,  leur  dit- 
))  elle  ,  que  faites-vous  ?  Si  vous  êtes 
»  avides  de  sang ,  voilà  mon  sein...  » 
Et  comme  ils  s'obstinent  à  sortir, 
elle  s'écrie  :  Où  allez-vous  ?  Jh  ! 
non.  Sur  cet  Jh  !  l'air  devait  être 
interrompu  par  un  très-grand  ciîort 
de  voix.  Le  compositeur  ,  ne  sachant 
comment  en  marquer  le  degré ,  mit 
au-dessus  de  la  note  sol  ,  et  entre 
deux  parenthèses  [un  urlo  francese) 
un  hurlement  français.  Les  princir 
paux  opéras  de  Traetta  sont  :  I. 
Ezio  ,  à  Naples,  1750.  IL  Ippolito 
ed  Aricia,  à  Parme,  1757.  III. 
Ifigenia  ,  à  Venise  ,  1 769.  IV.  Ar- 
viida  ,  ibid.  ,  1760.  V.  V Isola 
disahitata,  à  Pétersbourg  ,  1769. 
VI.    VOlimpiade  ,    ibid.,    1770. 

(i)  Nous  fiïons  cette  Jatr  H'ai.rf-s  Moschini ,  qui , 
dans  son  ouvingc  <«i  la  lillcnUiirc  vinitieiuii- ,  111  , 
•Jo8  ,  nouiuic  la  me  ot'i  ce  compositeur  est  mort. 


4^8 


TRA 


VII.  La  Didone,ïhià.,  17 12.  VIII. 
Gennonda ,  à  Londres,  1776.  IX. 
La  Disfatta  di  Dario  ,  à  Naples  , 
1778.  A — G — s. 

TRAGUS.  Voy.  Bock. 

T  R  A  J  A  N  (MjRcus-  Ulpius- 
Trajanius-Cbixitus  ),  empereur 
romain,  surnommé  Optimiis  (très- 
bon  ) ,  naquit  à  Italica ,  près  de  Sé- 
ville  en  Espagne,  le  18  septembre 
de  l'an  52  de  J.-G.  Sa  famille,  ori- 
ginaire de  la  même  ville  ,  e'tait  très- 
ancienne,  mais  sans  illustration.  Ti- 
tus Trajanus,  père  de  Trajan,  fut  le 
premier  de  cette  maison  qui  pan'inî 
aux  honneurs.  Il  fit  avec  distinction 
la  guerre  contre  les  Juifs  ,  sons  Ves- 
pasien  et  Titus.  (  F.  Titus  ).  Le  pre- 
mier de  ces  princes  le  mit  au  rang  des 
patriciens,  l'ëleva  au  consulat,  et 
lui  décerna  les  ornements  du  triom- 
phe. Le  jeune  Trajan,  qui  accompa- 
gna son  père  sur  TEuphrate  et  sur 
le  Rhin ,  ne  tarda  pas  à  se  faire  un 
nom  par  sa  bravoure  et  sou  habile- 
té. Il  formait  son  génie  à  la  science 
de  l'ollicicr,  en  même  temps  qu'il 
endurcissait  son  corps  à  toutes  les 
fatigues  du  soldat.  Populaire ,  affa- 
ble, mais  toujours  avec  dignité,  il  sa- 
vait se  faire  aimer  de  ses  inférieurs  , 
estimer  et  chérir  de  ses  égaux.  Une 
telle  conduite  lui  rendit  facile  la  car- 
rière des  honneurs  ,  et  il  devint  con- 
sul ordinaire  sous  Domitien,  l'an  91 
de  notre  ère.  Après  son  consulat ,  il 
se  retira  en  Espagne.  Ce  fut  de  cette 
province  que  cet  empereur  le  manda 
pour  le  mettre  à  la  tète  des  légions 
de  la  Basse-Germanie.  Dans  ce  pos- 
te important,  il  déploya  des  talents 
et  des  vertns  militaires  qui  engagè- 
rent rempfreurNer\  a  à  l'adopter. Le 
nouveau  César,  qni  fut  nommé  Ner- 
va  Trajanus,  avait  . dois  (juaranle- 
dfiux  ans  :  il  était  doué  de  ces  avan- 
tages   extérieurs  qui  sont  si    utiles 


TRA 

aux  hommes  appelés  à  coramaDder, 
Sa  taille  élevée  ajoutait  à  la  ma- 
jesté de  son  visage,  et  bien  qu'il 
fût  d'une  santé  robuste  et  dans  toute 
la  vigueur  de  l'âge ,  ses  cheveux 
blancs  lui  donnaient  quelque  chose 
de  vénérable.  Personne  dans  l'empire 
ne  fut  surpris  d'un  pareil  choix  de 
la  part  du  sage  Nerva,  si  ce  n'est 
Trajan  lui-même,  qui  se  trouva  fils 
adoptif  de  l'empereur  et  associe'  à 
la  puissance  souveraine  avant  d'y 
avoir  jamais  songé.  Il  était  à  Colo- 
gne quand  il  reçut,  avec  les  insi- 
gnes du  consulat ,  cette  nouvelle  inat- 
tendue. Son  nom  seul  apaisa  les  sédi- 
tions qui  depuis  quelques  mois  trou- 
blaient Rome ,  et  qui  avaient  rendu 
son  adoption  si  nécessaire.  Son  éner- 
gie acheva  l'ouvrage.  Pour  venger 
la  dignité  impériale  outragée  dans  la 
personne  de  Nerva  ,  il  manda  près 
de  lui  les  instigateurs  de  la  révolte  : 
ils  n'osèrent  désobéir  à  Trajan  éloi- 
gné, eux  qui  bravaient  chaque  jour 
Nerva  présent  ;  et  le  nouveau  César^ 
plus  sévère  pour  la  cause  de  son  père 
adoptif  qu'il  ne  le  fut  jamais  dans  sa 
propre  cause,  n'hésita  pas  de  con- 
damner ces  séditieux  à  la  mort  ou  à 
l'exil.  Nerva  mourut  trois  mois  après 
(  an  98  de  J.  -  G.  ).  Trajan ,  recon- 
nu empereur  par  le  sénat,  par  le 
peuple  et  par  les  armées ,  ne  se  pres- 
sa ])as  de  venir  à  Rome  :  les  aflaires 
de  la  Germanie  lui  imposaient  la  né- 
cessité de  rester  dans  le  voisinage  du 
Rhin  et  du  Danube.  Son  premier  soin 
fut  de  faire  mettre  Nerva  au  rang 
des  dieux.  En  même  temps,  il  écri- 
vit au  sénat,  pour  prendre  l'engage- 
ment de  n'ùlcr  la  vie  ni  l'honneur  à 
aucun  homme  de  bien.  «L'histoire  ne 
nous  a])prend  point  par  quels  ex- 
ploits fut  marquée  cette  année,  que 
Trajan  passa  tout  entière  dans  les 
contrées  germaniques.  On  sait  seule- 


TRA 

tticnt  qu'il  contint  les  barbares ,  qui 
n'osèrent  profiter  de  ce  que  le  Danu- 
be e'tait  entièrement  fermé  par  les 
glaces  ,  pour  entreprendre  sur  les 
frontières  de  l'empire  les  incursions 
auxquelles  les  avait  accoutumes  la 
lâcheté  de  Domitien.  Trajan  reprima 
également  l'ardeur  des  soldats  ro- 
mains, qui  voulaient,  parreprésailles , 
entrer  sur  les  terres  des  ennemis.  Un 
objet  bien  important  l'occupait  alors 
tout  entier  :  c'était  le  rétablissement 
de  la  discipline  dans  les  armées  de 
l'empire.  Domitien  avait  détruit  tou- 
te émulation  parmi  les  olliciers  et  les 
généraux. ,  par  une  sombre  jalousie 
qui  le  rendait  l'ennemi  de  tous  ceux 
qui  se  distinguaient.  Ils  évitaient  la 
gloire,  qui  passait  pour  un  crime  aux 
yeux  du  despote  ombrageux.  Tra- 
jan, avant  d'être  empereur,  avait 
trop  bien  fait  ses  preuves  comme  gé- 
néral d'armée,  pour  s'inquiéter  du 
mérite  et  de  la  renommée  de  ses  capi- 
taines: il  leur  laissait  les  occasions 
de  se  signaler  ;  et  voulait  que  , 
malgré  sa  présence  à  l'armée,  ils 
jouissent  de  toutes  les  prérogati- 
ves et  de  toute  l'autorité  attachées 
à  leur  grade.  La  seconde  année  de 
son  règne^  il  partit  enfin  pour  Rome, 
avec  un  cortège  nombreux ,  mais  ceux 
qui  le  composaient  montrèreut,  en 
traversant  les  provinces  de  l'empire, 
une  discipline  et  une  modération  en- 
vers les  habitants  ,  qui  formaient  un 
honorablccontrasteavecles  excès  tout 
récents  qui  avaient  signale  le  passage 
de  Domitien  sur  la  même  route.  Ja- 
loux de  montrer  la  différence  entre 
les  sommes  dépensées  pour  l'un  et 
pour  l'autre  voyage,  ïrajan  en  fit 
afficher  l'état  dans  les  rues  de  Rome  : 
en  cela  il  avait  moins  eu  vue ,  selon 
Pline  le  Jeune,  sa  propre  gloire  que 
l'utilité  publique.  11  est  bon,  ajoute 
cet  oi'ateur ,  que   le  prince  s'accou- 


TRA 


4-^9 


tume  à  compter  avec  l'empire  et  à 
publier  les  dépenses  qu'il  aura  faites  : 
c'est  le  moyen  de  l'empccher  d'en  fai- 
re qu'il  ait  honte  de  rendre  publiques. 
De  tels  actes  engagèrent  le  sénat  à  dé- 
cerner à  Trajan  le  titre  de  Père  de  la 
■patrie  ;  il  hésita  avant  d'accepter  si 
tôt  celte  qualification,  qu'il  regardait 
moins  comme  im  honneur  que  comme 
un  engagement  de  la  mériter.  Ce  fut 
à  pied  ,  et  seulement  escorté  de  quel- 
ques compagnies  de  soldats  qui  gar- 
daient un  silence  modeste,  qu'il  fit 
sou  entrée  dans  Rome.  Quoi  qu'il  eu 
fût  sorti  simple  particulier ,  on  eût 
dit ,  à  voir  la  modestie  de  son  exté- 
rieur, qu'aucun  changement  ne  fût 
arrivé  à  sa  fortune.  11  permettait  à 
chacun  de  l'approcher ,  saluait  ses 
anciennes  connaissances,  et  prenait 
plaisir  à  en  être  reconnu.  Il  se  mon- 
tra toujours  aussi  accessible,  aussi 
ennemi  du  faste  et  d'une  vaine  repré- 
sentation. Nerva  avait  fait  mettre  sur 
le  frontispice  du  palais  impérial  cette 
insciiption  :  Palais  public.  Trajan 
accomplit  dans  toute  son  étendue 
l'espèce  d'obbgation  qu'imposait  cet- 
te annonce  :  nulle  place  publique  , 
nul  temple  ,  dit  son  panégyriste  , 
n'était  d'un  plus  facile  accès  que 
la  maison  de  ce  prince  :  il  semblait 
qu'elle  fût  la  demeure  de  tous  les  ci- 
toyens. On  n'y  trouvait  aucune  porte 
fermée  ,■  on  n'y  éprouvait  nul  rebut 
de  ia  part  des  gardes.  Tout  y  était 
modeste  et  paisible,  comme  dans 
une  demeure  privée.  Trajan  faisait 
accueil  à  tous  ;  il  écoutait  tout  le 
monde,  comme  s'il  n'eût  eu  d'autre 
affaire  que  celle  dont  ou  l'entre- 
tenait. Il  se  prétait  même  aux  con- 
versations familières  de  ceux  qui  sans 
le  connaître  venaient  le  trouver  seu- 
lement par  affection.  Les  grands  de 
l'empire  avaient  pleine  liberté  de  lui 
faire  leur  cour,  pleine  liberté  de  s'en 


43o 


TRA 


dispenser.  Cet  excellent  prince  sa- 
vait goûter  les  douceurs  de  la  so- 
cie'té  j  il    avait  toujours  à   sa   ta- 
ble quelques  citoyens  distingués  par 
leur  mérite  et  par  leur  vertu.  La  li- 
berté ,   l'enjouement   et   même   cet 
abandon  qui  ne  peut  naître  que  de 
l'égalité ,  régnaient  dans  ces  entre- 
tiens ,  où  l'empereur  et  ses  convives 
trouvaient  un  véritable  délassement. 
Il  avait  des  amis,  parce  que  lui-mê- 
me remplissait  tous  les   devoirs  de 
l'amitié  (  i  ).  Il  visitait  fréquemment 
ceux  qu'il  honorait  de  ce  titre  :  s'ils 
célel^raient  cbez  eux  quelque  tête  de 
famille,  il  venait  se  ranger  parmi  les 
convives  :  il  prenait  souvent  place 
dans    leur    voiture.   11    répondit  à 
quelqu'un  qui  blâmait  cette  familia- 
rité comme  indigne   de   la  majesté 
impériale  :  «  Tels  j'ai  souhaité  que 
»  les  empereurs  fussent  à  mon  égard 
»  quand  j'étais  simple  particulier, 
»  tel,  empereur,  je  veux  être  à  l'é- 
»  gard  des  particuliers.  «    Sa  con- 
fiance en  ses  amis  était  entière.  On 
voulait  lui  rendre  suspect  Liciuius 
Sura,  qui  avait  contribué  à  le  faire 
adopter  par   Ncrva.  Sur-le-champ 
Trajan  va  chez  cet  illustre  sénateur^ 
en  entrant  dans  la  maison ,  il  renvoie 
ses  gardes,  se  fait  raser  et  panser  les 
yeux  par  les  serviteurs  mêmes  deSu- 
ra ,  et  ne  se  retire  qu'après  avoir  pris 
le  bain  et  soupe  avec  lui.  Le  lendemain 
il  ditaux  accusateurs  :  «  Si  Sura  avait 
»  cudesseinde  me  tuer, il  l'aurait  fait 
5)  hier.  »  Parmi  ceux  auxquels  Trajan 
accorda  son  amitié, l'iiistoirccompte 
^encore  Sossius  Sénécion ,  à  qui  Plu- 
"tarque  a  adressé  plusieurs  de  ses  trai- 
tés de  morale;  Pline  le  Jeune,  qui  s'est 
immortalisé  par  l'éloge  de  son  au- 
guste ami  ;  Cornélius  Pahna ,  qui  sub- 
jugua r.4rabJe  Pélréc  sous  ce  règne  j 

(i)  Hahei  unicol  r/uia  amicus  iftsc  es.  (  l'iiti.  , 


TRA 

enfin  Celsus ,  illustre  sénateur  ;  les 
deux  derniers  éprouvèrent  la  haine 
d'Adrien ,  qui  les  fit  périr  comme 
auteurs  d'une  conspiration  qui  ne  fut 
pas  prouvée  ;  mais  ils   avaient  été 
admis  dans  le  secret  des  pensées  de 
Trajan;  ils  connaissaient  mieux  que 
personne  les   circonstances  équivo- 
ques de  la  px'étendue  adoption  d'A- 
di'ien  :  c'était  là  leur  véritable  cri- 
me.   Sura    mourut  avant  Trajan  , 
qui  honora  la  mémoire  de  son  ami 
par  de  magnifiques  funérailles,  et 
par  la  construction  de  thermes  qu'il 
appela  Bains  de  Sura.  La  même  sim- 
plicité ,  la  même  franchise  qui  prési- 
dait aux  relations  privées  de  cet  em- 
pereur,  on  la  retrouvait  dans  ses  di- 
vertissements. 11  aimait  la  chasse  et 
s'y  livrait  sans  mollesse,  lançant  lui- 
même  la  bête  et  la  poursuivant  à 
travers  monts  et  vallées  :  se  prome- 
nait-il sur  mer ,  il  s'associait  à  la 
manœuvre  et  se  plaisait  à  manier  la 
rame ,  surtout  lorsqu'il  s'agissait  de 
vaincre  la  violence  des  vents  et  des 
flots.  L'exemple  des  vex'tns  de  Trajan 
influa  sur  sa  famille  :  la  vertu  de  sa 
sœur  Marcia  est  demeurée  sans  tache  j 
et  si  l'aveugle  affection  que  Plotine, 
son  épouse,  portait  à  Adrien  a  pu 
être  attaquée  dans   ses  motifs  ,   du 
moins  cette  impératrice  respecta  tou- 
jours assez  la  décence  pour  que  ces 
attaques    ne    reposent  que  sur   des 
conjectures  ;  soigneuse  de  la  gloire  de 
son  époux,  elle  l'avertissait  des  abus 
de  l'administration;  et  celle  qui  devait 
jouer  le  rôle  de  Taiiaquil  k  l'égard 
d'un  autre  Servius  Tullius  en  la  per- 
sonne de  ce  même  Adrien,  jiaraîtavoir 
possédé  la  force  de  caractère  et  les 
qualités  de  l'esprit  qui  distinguaient 
l'épouse  de  Tarquin  l'Ancien  {f  oy\ 
Pi.oTiNE,  XXXV,  85,  cl  Tarquin, 
Lucius  T an luiiiiii s  Prisais  ^  XLIV, 
55 1  ,  note  i  ).  L'économie  ,  la  fru- 


TRA 

galité  régnaient  dans  la  maison  de 
Trajan  et  de  Plotiuc  ,  sans  nuire  à  la 
dignité  impériale.  Les  bons  exemples 
du  prince  inlhièrent  sur  les  mœurs 
publiques  :  dans  la  seule  vue  de 
lui  plaire,  le  peuple,  malgré  sa  pas- 
sion pour  le  jeu  des  pantomimes,  lui 
demanda  la  suppressiou  de  ce  sj)ec- 
tacle  ;  et  cette  mesure  s'étendit  jus- 
qu'aux provinces.  Malhev.reuscment 
plus  tard,  cédant  à  son  infâme  pas- 
sion pour  le  mime  Pylade  ,  Trajan 
rétablit  ces  jeux;  car,  il  faut  le  re- 
connaître ,  avec  toute  la  simplicité 
d'un  yieux  Romain  dans  sou  ameu- 
blement ,  dans  ses  repas ,  dans  son 
extérieur,  ce  pi'ince  n'était  rien  moins 
que  réc;'é  dans  ses  moeurs  :  il  se  li- 
vrait habituellement  à  l'ivrognerie  et 
à  tous  les  caprices  de  la  luxure.  A 
Rome,  comme  dans  ses  voyages,  il 
était  entouré  d'une  troupe  de  jeunes 
enfants  dévoués  à  ses  passions ,  et 
q.u'il  appelait  son  petit  gymnase  pœ- 
dagogiîtm  (2).  Toutefois  il  est  juste 
d'ajouter  que  chez  Trajan  les  faibles- 
ses de  l'homme  n'influèrent  jamais 
sur  sa  conduite  comme  empereur:  bien 
que  ses  excès  de  table  n'allassent  ja- 
mais jusqu'à  lui  faire  perdre  entière- 
dre  la  raison,  il  eut  la  sagesse  de  dé- 
fendre l'exécution  des  ordres  qu'il 
pouvait  donner  après  de  longs  repas. 
Il  est  temps  de  suivre  Trajan  dans 
ses  rapports  avec  les  peuples  dont  il 
était  appelé  à  faire  le  bonheur,  ^on 
premier  soijii ,  à  son  retour  à  Rome, 
fut  de  répandre  les  largesses  ordi- 
naires ;  mais  il  sut  se  donner  un  mé- 
rite particulier  dans  ces  libéralités 
d'usage ,  par  la  manière  dont  il  les 
distribua.  Plus  empressé  de  satisfaire 


(7.)  Julien  ,  qui  ,  dans  Us  Ccfars  ,  représente 
fort  au  naturel  les  sentiments  et  le  caractèi'e  de 
Trajan  ,  iail  une  picjuante  allusion  aux  goûts  iu- 
lâines  de  cet  empereur  ,  en  disant  qu'à  l'instant 
où  il  parut  devant  les  dieux  assembles  ,  un  cria  à 
Jupiter  de  veiller  de  prc)  sur  sou  Ooiiyuède. 


TRA 


43 1 


les  citoyens  que  les  soldats ,  il  fit  en 
entier  la  gratification  destinée  au 
soulagement  du  peuple,  ayantd'avoir 
complété  celle  qu'il  accordait  aux 
troupes.  Il  ne  voulut  pas  que  l'absen- 
ce fût,  comme  par  le  passé,  im  titre 
d'exclusion;  et  il  étendit  ces  gratifi- 
cations dans  toute  l'Italie,  jusque 
sur  les  enfants ,  et  pour  tout  le  temps 
de  leur  éducation.  Les  ])rovinces  et 
les\  illes  furent  dispensées  des  contri- 
butions prétendues  volontaires  qui  se 
percevaient  à  chaque  nouveau  règne. 
Les  empereurs  avaient  toujours  don- 
né la  plus  grande  attention  à  l'ap- 
provisionnement de  Rome  :  de  là  dé- 
pendait leur  sûreté;  mais  trop  sou- 
vent ,  pour  y  réussir ,  ils  avaient  eu 
recours  à  des  moyens  odieux,  tels  que 
des  enlèvements  de  blé  chez  les  cul- 
tivateurs. Trajan  parvint  au  même 
but  par  les  voies  de  la  justice  et  de 
la  douceur;  en  respectaut  les  pro- 
priétés et  en  accordant  une  entière  li- 
berté à  la  circulation  des  grains.  On  en 
apportait  de  toutes  parts  ,  parce  que 
le  fisc  les  payait  avec  fidélité.  Trajan 
assura,  par  des  établissements  fixes, 
la  durée  de  l'abondance  ;  et  Rome 
fut  non-seulement  pourvue  pour  ses 
besoins,  mais  encore  en  état  de  sub- 
venir à  ceux  des  provinces  frappées 
de  disette  :  c'est  ainsi  que  la  seconde 
année  du  règne  de  ce  prince  celte  capi- 
tale put  rendre  à  l'Egypte,  réduite  à  la 
famine  par  l'insuflisancedela  crue  du 
Nil,  le  service  qu'elle  en  tirait  tous 
les  ans.  Toutes  les  branches  de  l'ad- 
ministration furent  l'objet  de  la  sol- 
licitude de  ce  prince  ,  dont  l'in- 
croyable activité  rappelait  celle 
de  César.  Rome  ayant  été  désolée 
à-la-fois  par  un  débordement  du 
Tibre ,  et  par  de  Vc^stes  incendies ,  il 
sut  réparer  tous  ces  maux.  Pour  pré- 
venir la  chute  des  maisons  dans  les 
secousses  des  trcmblcmcutsde  terre , 


43'2 


TRA 


et  pour  diminuer  les  frais  de  re'para- 
tioiis ,  il  défendit  qu'on  leur  donnât 
plus  de  soixante  pieds  de  profondeur. 
Les  délateurs  avaient  régné  sousDomi- 
îien  5  ils  avaient  été  impunis  sousNer- 
Ta.  Inexorable  envers  les  méchants^ 
Trajan  purgea  Rome  de  cette  race 
malfaisante;  il  les  relégua  sur  des 
rocliers  stériles  ;  et  la  plupart  péri- 
rent dans  la  traversée.  Des  peines 
sévères  furent  prononcées  par  lui 
contre  ceux  qui  avaient  accusé  injus- 
tement un  de  leurs  concitoyens.  Les 
di'oits  du  fisc  donnaient  souvent  lieu 
à  d'injustes  accusations  :  les  déla- 
teurs affectaient  de  faii'e  valoir  ces 
droits  et  de  les  étendre,  pour  satis- 
faire leur  cupidité  et  enrichir  le  tré- 
sor ans.  dépens  des  accusés,  que 
des  juges ,  complaisants  du  pouvoir, 
condamnaient  presque  touj  ours.  Tra- 
jan, sans  abolir  les  redevances  et 
les  di'oits  légitimes  attribués  à  l'admi- 
nistration publique ,  réprimait  avec 
énergie  le  faux  zèle  des  accusateurs 
et  des  magistrats  pour  les  intérêts  du 
prince.  Les  tribunaux  apprirent  à 
condamner  les  agents  du  lise ,  et ,  se- 
lon l'expression  de  Pline,  l'empereur 
lit  voir  que  la  cause  du  fisc  n'est  ja- 
mais mauvaise  que  sous  un  bon  prin- 
ce. Trajan  avait  coutume  de  dire  que 
le  fisc  est  dans  l'état  ce  qu'est  dans 
le  corps  humain  la  rate ,  qui  ne  peut 
croître  qu'aux  dépens  de  la  substan- 
ce des  autres  membres.  Il  réduisit 
l'imposition  du  vingtième  sur  les 
successions  collatérales,  établie  par 
Auguste  ,  et  qu'avait  déjà  modérée 
Ncrva.  Malgré  cette  diminution  con- 
sidérable des  revenus  impériaux ,  et 
les  libéralités  continuelles  qu'il  répan- 
dait sur  toutes  les  classesde citoyens, 
Trajan  était  ricUederéconomic  et  de 
l'ordre  qu'il  faisait  réguer  dans  la 
maison  inn)ériale.  Loin  d'clre  jaloux 
du  mérite,  il  l'encourageait  à  se  pro- 


TRA 

duirc  :  ennemi  de  la  flatterie,  il  ai- 
mait dans  les  citoyens  la  fermeté  et 
l'élévation  d'arac  ;  empereur,  il  fa- 
vorisait en  quelque  sorte  les  vertus 
républicaines.  Loin  de  craindre  les 
hommes  indépendants ,  il  leur  don- 
nait de  préférence  les  dignités ,  les  sa- 
cerdoces, les  gouvernements.  Il  pen- 
sait avec  raison,  qu'il  y  aune  grande 
difféi'ence  entre  le  despotisme  et  la 
puissance  souveraine.  Incapable  de 
soupçons  ,  sa  vertu  lui  répondait  de 
la  fidélité  de  ceux  qui  devaient  lui 
obéir.  Il  fit  preuve  de  cette  noble 
confiance  ,  lorsqu'en  remettant  à  Su- 
buranus  l'épée  de  préfet  du  prétoire, 
il  lui  dit  :  «  Je  vous  confie  cette  épée, 
5)  pour  l'employer  à  me  défendre  si 
»  je  gouverne  bien  :  pour  la  tourner 
1)  contre  moi  si  je  gouverne  mal.  » 
Aux  vœux  que  l'on  faisait  publique- 
ment chaque  année  pour  la  conserva- 
tion et  la  prospérité  du  prince ,  lui- 
même  ajouta  cette  clause  :  a  Suppo- 
»  se  qu'il  gouverne  bien,  et  pour  l'a- 
»  vantage  de  tous,  les  affaires  de  la 
»  république.»  Loin  d'envahir  le  do- 
maine des  particuliers ,  comme  l'a- 
vaient fait  plusieurs  de  ses  prédéces- 
seurs, ce  prince  fit  subir  une  judi- 
cieuse diminution  au  domaine  impé- 
rial ;  il  mit  en  vente  ou  donna  cette 
multitude  de  palais ,  de  maisons  de 
plaisance  ,  de  jardins  superbes  ,  que 
les  jiremicrs Césars  avaient  acquispar 
d'odieuses  confiscations.  A  cette  oc- 
casion ,  Pline  lui  adresse  cet  éloge  : 
«  César  voit  quelque  chose  qui  n'est 
»  point  à  lui ,  et  enfin  l'état  se  trou- 
»  vc  plus  grand  que  le  domaine  du 
»  prince.  »  Peu  curieux  de  bâtir  pour 
hii-niêmc,  il  ne  se  montrait  magni- 
fique que  dans  les  ouvrages  publics. 
Des  portiques ,  des  temples  élevés  ou 
nclicvés  par  ses  ordres  ,  le  cirque 
agrandi,  la  colonne  Trajanc,  sur  la- 
quelle sont  gravés  ses  exj)loits,  et 


TUA 

qui  brave  encore  aujourd'hui  l'injure 
des  siècles,   comme  le  nom  de  Tra- 
jau  brave    l'oubli  auquel   le   temps 
condamne  le  vulgaire  des  rois  ;  ces 
embellissements  de  Rome  ne  lui  firent 
pas  négliger  les  provinces.  Il  y  éta- 
blit diverses  colonies  importantes  , 
soit  comme  positions  militaires,  soit 
comme    entrepôts    de    commerce  ; 
il  fit  construire  un   grand    chemin 
dans  toute  la  longueur  de  l'empire  , 
depuis  la  partie  orientale  du  Pont- 
Euxin  jusque  dans  les  Gaules.    Un 
grand  nombre  d'autres  routes  inte'- 
rieures  et  de  voies  militaires  ,  dont 
on  retrouve  les  traces  dans  diverses 
contrées  ,    attestent   sa    prevoyanie 
sollicitude  pour  toutes  les  localités  de 
sa  vaste  domination.  Le  géographe 
Banville  a  signalé,  entre  autres  mo- 
numents de  ce  genre,  les  vestiges  d'un 
chemin  militaire  construit  par  Tra- 
jan  ,  lors  de  sa  première  expédition 
dans  la  Dacie  ,  depuis  le  Danube  jus- 
qu'auprès de  Bender.  11  fit  creuser  à 
Centiimcellessnr  la  mer  Tyrrhénienue 
un  port  auquel  il  donna  son  nom  ,  et 
qui  devint  l3ientôt  un  des  plus  com- 
merçants de  l'Italie  occidentale   (3). 
Le  port  d'Ancone  sur  le  golfe  Adria- 
tique fut  aussi  creuse  par  ses  soins 
et  aux  frais  de  son  trésor  particulier. 
Le  monument  que  lui  érigèrent  le  sé- 
nat et  le  peuple  romain  ,  en  recon- 
naissance de  ce  bienfait,  subsiste  en- 
core. En  Espagne,  le  superbe  pont 
d'Alcantara  sur  le  Tage ,   parfaite- 
ment   conservé  ,   atteste  sa   sollici- 
tude pour  le    pays    qui  l'avait  vu 
naître.  Dans  sa  seconde  expédition 
eu  Dacie  ,  il  jeta  sur  le  Danube  un 
ponl  dont  le  temps  a  encore  respecté 
quelques  piles.   Il  serait  impossible 
d'énumérer  toutes  les  forteresses  qu'il 
fit  constriure  ou  réparer  sur  lesfron- 

(  3)  Ce  port  s'appelle  :iiii<iiird'lmi  Civita-Vecthia. 
XLVl. 


IRA 


^33 


tières,  tous  les  camps  qu'il  fit  forti- 
fier et  qui  par  la  suite  devinrent  des 
colonies  romaines.  La  reconnaissance 
de  l'univers  se  manifesta  envers   ce 
bon  prince  par  le  titre  à'  Optimus  , 
qui  lui  fut  donné,  non  par  un  décret 
explicite,  mais  par  la  voix  du  peuple 
qui  le  bénissait.  On  ne  lui  décerna 
point  les  honneurs  divins  qu'avaient 
reclamés  de  leur  vivant  plusieurs  des 
monstres  qui  l'aA^aient  précédé  sur  le 
trône  impérial.  Les  statues  qu'on  lui 
éleva  furent  en  petit  nombre^  et  du 
même  métal  que  celles  des  citoyens 
auxqtieîs  ou  en  avait  érigé  sous   la 
république.  Il  paraît  toutefois   que 
plus  tard  ,  après  ses  triomphes  mi- 
litaires ,    il   souffrit  que   la   recon- 
naissance des  Romains  fût  moins  ré- 
servée.  En  tous  lieux  alors  on  lui 
dressa   des   trophées ,   des  arcs   de 
triomphe  :  et  le  grave  Ammien  Mar- 
celliu  n'a  pas  dédaigné  de  conserver, 
dans  son  Histoire  ,  le  souvenir  de  la 
plaisante   comparaison  que  l'on  fit 
entre  le  nom  de  Trajan  et  la  parié- 
taire, herbe  qui  s'attache  à  toutes  les 
murailles.  Il  serait  peut  -  être  juste 
d'attribuer  cette  multiplicité  de  tro- 
phées ,  moins  à  la  vanité  du   héros 
qu'à  l'enthousiasme  que  durent  ins- 
pirer les  triomphesdu  premier  empe- 
reur qui  ,  depuis  César  ,  eût  fait  véri- 
tablement la  guerre  en  personne  .Rien 
en  général  ne  ressemble  plus  à  la  flat- 
terie des  courtisans  que  l'enthousias- 
me des  nations;  et,  pour  ne  parler  que 
de  Trajan,  rien  n'est  moins  suspect  de 
flatterie  que  les  éloges  et  les  monu- 
ments  qui  furent  prodigués  de  son 
vivant  à  un  prince  dont  ,  après  sa 
mort,  le  panégyrique  devait  se  re- 
nouveler à  l'avéneracnt  de    chaque 
nouvel  empereur,  à  qui,  au  milieu  des 
acclamations  d'usage,  on  souhaitait 
de  surpasser,  s'il  était  possible  ,  Au- 
guste eu  Iwnheur  et  Trajan  en  vertus 
28 


434 


TRi 


(4).  Ahï  qualités  tin  souverain  ,  aws. 
vues  de  l'Jioraine  df  génie  ,  ce  prince 
joi^n.iil  la  iraiicliisc  du  soldat.  La 
loyauté  formait  le  caractère distinclif 
de  sa  politique.  Seseiï'orts  pour  resti- 
tuer aux  Romains  une  constitution  ré- 
puLlicaine  ,  autant  que  lecomjiortait 
la  magistrature  suprême  dout  il  était 
revêtu  ;  pour  leur  donner  des  élec- 
tions libres  et  des  magistrats  indé- 
pendants, n'étaient  pas.  de  sa  part, 
de  vains  semblants  et  d'équivoques 
hommages  rendus  à  une  ombre  de 
liberté.  C'était  la  haute  conception 
d'un  prince  qui  eût  mieux,  aime  se 
voir  l'émule  de  Scipion  que  le 
successeur  de  César.  Aussi  combien 
étnicnt  simples  et  vrais  les  éloges  que 
lui  adressaient  ses  contemporains  ! 
Pline,  qui  prononça  le  Panégvriqiîe 
de  Trajan,  a  mérité  d'être  regardé 
par  la  postérité  comme  l'historien 
du  prince  qu'il  lui  fut  donné  de  louer 
en  sa  présence.  Les  sénateurs  ne  se 
croyaient  pas  obligés,  lorsqu'ils  trai- 
taient des  matières  absolument  étran-  . 
gères  à  la  personne  de  Trajan ,  de  lui 
olFrir,  hors  de  propos,  leur  encens 
bannal ,  comme  cela  se  pratiquait 
sous  les  mauvais  princes,  dont  l'adu- 
lation seule  pouvait  a])privoiser  la 
fureur.  «Ils  le  louaient,  dit  Crévier, 
»  quand  l'occasion  l'exigeait,  par  ef- 
»  fusion  de  cœur  ,  naïvement ,  uui- 
»  ment,  sans  emphase,  sans  exagé- 
»  ration.  La  sincérité  de  leurs  éicges 
»  les  dispensait  du  faste  dont  la  flat- 
))  terie  a  besoin  pour  couvrir  ses 
»  mensonges.  »  Ce  fut  particulière- 
ment à  l'occasion  de  sou  troisième 
consulat  (  an  loo  de  J.-G.  )  qu'il 
inéiila  ces  éloges  et  acclamations 
siiuù;res.  11  ne  se  dispensa  d'au- 
«;une  des  formalités  imposées  aux 
candidats.    Il    se  rendit,    sans   cor- 

l/j)    F,lici,>r  Mu-^uOo ,    m.l,.„    'i;.,,<inv{    linlr.i- 

l'p  .  \  III ,  5  ;. 


TRA 

tége,  au  milieu  du  champ  de  Mars; 
cl,  confondu  dans  l'assembic'e ,  il  at- 
tendit sou  élection  comme  h  s  autres 
aspirants.  Dès  qu'il  fut  nommé ,  il 
alla  se  présenter  au  consul  qui  pré- 
sidait les  comices^  et  debout,  devant 
ce  magistrat  assis ,  il  prêta  le  serment 
qu'on  exigeait  des  particuliers.  Eu 
prenant  possession  de  sa  charge ,  il 
monta  à  la  tribune  aux  harangues  , 
et  jura  l'observation  des  lois.  A  l'ex- 
piration de  raiinée  consulaire  ,  il  re- 
parut à  cette  tribune,  dédaignée  de- 
puis si  long-temps  par  ses  prédéces- 
seurs, et  protesta  qu'il  n'avait  rien  fait 
contre  les  lois.  Bien  qu'il  fût  dans  la 
matuinté  de  l'âge,  ce  prince,  nourri 
au  milieu  des  camps ,  ne  put  vaincre 
sa  passion  pour  la  gloire  militaire  , 
qui,  tant  que  le  genre  humain  conti- 
nuera de  répandre  plus  d'éclat  sur 
SCS  destructeurs  que  sur  ses  bienfai- 
teurs, sera  toujours  le  défaut  des  ca- 
ractères élevés.  Les  louanges  d'A- 
lexandre, transmises  par  une  succes- 
sion de  poètes  et  d'historiens_,  avaient 
allumé  dans  l'aine  de  ce  vertueux 
empereur  une  émulation  dangereuse. 
Auguste ,  en  prenant  les  rênes  de 
l'empire ,  avait  résolu  de  se  borner 
aux  couquclcs  faites  par  la  républi- 
que, sans  en  entreprendre  de  nouvel- 
les. Il  était  convaincu  qu'au  point 
culminant  de  grandeur  où  elle  était 
parvenue,  Rome  avait  désormais,  en 
risquant  le  sort  des  combats ,  beau- 
coup moins  à  espénr  (pi'à  craindre; 
que  dans  la  poursuite  de  guerres  loin- 
taines, l'entreprise  devenait  de  jour 
en  jour  plus  dililcile,  le  succès  plus 
douteux,  la  possession  moins  sûre 
et  moins  avantageuse.  Eulin,  lors 
de  la  faïueuse  ambassade  des  Par- 
thcs  ,  l'expérience  prouva  à  Au- 
guste que  la  modération  nouvelle 
inlroduile  dans  les  conseils  de  Ro- 
me, loin  de  nuire  à  sa  considération 


IRA. 

çxte'ncTire  rt  d'exciter  contre  clic 
les  barbares,  faisait  au  contraire  ob- 
tenir d'eux,  sans  peine,  les  conces- 
sions exigées  par  la  snrcte  ou  la  di- 
gnité de  l'empire.  «  Heureusement 
«  pour  le  genre  humain,  observe  (lib- 
»  bon ,  le  svslème  conçu  par  la  raode- 
»)  ration  d'Auguste  se  trouva  convenir 
»  aux  vices  et  à  la  lâcheté  de  ses  suc- 
»  cesseurs.  »  Constamment  ils  restè- 
rent attaclie's  à  ses  maximes  pacifi- 
ffues,lorsqueTraian,delamêmemain 
dont  il  essayait  de  rétablir  les  vieil- 
les institutions  de  Rome,  voulut  re- 
mettre en  vigueur  l'ambitieux  projet, 
toujours  suivi  sous  les  consuls  de  la 
re'publiqne,  de  subjuguer  tout  l'uni- 
vers. Après  im  long  intervalle ,  les 
le'gions  virent  enfin  paraître  à  leur 
tête  un  empereur  digne  de  les  com- 
mander. Trajan  se  signala  d'abord 
contre  les  Daces ,  nation  belliqueuse , 
qui  habitait  au-delà  du  Danube  ,  et 
qui,  sous  le  règne  du làcheDomitien, 
avait  insulté  à  la  majesté  de  Rome  {V. 
DoMiTiEN ,  XI ,  53 1  ).  De'eébale ,  roi 
de  cette  nation ,  n'était  pas  un  riva!  in- 
digne de  Trajan  (  f^oy.  Décébale^ 
X  ,  629  ).  On  n'a  sur  cette  guerre 
importante  d'autres  mémoires  que 
des  fragments  incomplets  de  Dion 
Cassius.  L'empereur  ouvrit  la  cam- 
pagne (  l'an  loi  ou  102  de  J.-G.  ) 
par  une  victoire  éclatante  ,  qui  dé- 
truisit l'armée  ennemie, mais  qui  fut 
chèrement  payée  par  les  Romains. 
Le  nombre  des  blessés  fut  tel  que  les 
bandages  vmrent  à  manquer;  Trajan 
y  suppléa  en  sacrifiant  sa  garde -ro- 
be. Jjui-mcme  présidait  aux  soins 
qui  furent  donnés  à  ses  soldats.  Il  fit 
de  pompeuses  obsèques  aux  nom- 
breux guerriers  qu'il  avait  perdus , 
et  voulut  que,  tous  les  ans,  leur  mé- 
moire fût  honorée  par  un  sacrifice 
solennel.  Ces  soins  paternels  ne  lui 
firent  pas  négliger  de  poursuivi'e  sa 


IRA  435 

victoire.  Divisant  son  armée  en  trois 
corps ,  dont  il  commandait  l'un  en 
personne,  il  poussa  Décébale  de  re- 
traite en  retraite  ,  força  plusieurs 
châteaux  sitTiés  sur  de  hautes  mon- 
tagnes, et  pénétra  jusque  devant  Zar- 
miségélhusa  ,  capitale  des  Daces  , 
dont  on  ne  voit  plus  aujourd'hui  que 
les  ruines  dans  nu  bourg  de  Tiansyl- 
vanie,  appelé  Varhel.  Décébale  se 
soumit  alors.  On  peut  voir  ,  dans 
l'article  déjà  cité  de  ce  prince,  à 
quelles  conditions  il  racheta  son 
royaume ,  et  quelle  déférence  remar- 
quable Trajan  victorieux  ne  dédaigna 
pas  de  marquer  au  sénat,  en  lui  aban- 
donnant la  ratification  du  traité.  De 
retour  à  Rome,  l'an  io3  ,  ce  prin- 
ce triompha  ,  et  prit  le  surnom 
de  Dacique.  Les  deux  années  de 
paix  qui  suivirent  furent  employées 
par  lui  à  d'utiles  réformes  dans  l'ad- 
ministration publique.  Les  élections 
des  magistrats  par  le  sénat  se  fai- 
saient de  vive  voix.  Chaque  candi- 
dat, appelé  par  son  nom  ,  exposait 
ses  titres.  Ceux  des  sénateurs  qui  le 
protégeaient  faisaient  sou  éloge,  et  le 
recommandaient  aux  suffrages.  Le 
candidat  avait  même  la  faculté  d'al- 
léguer des  motifs  d'exclusion  contre 
ses  concurrents.  Sous  les  premiers 
empereurs ,  cette  forme  d'élection 
s'accomplissait  avec  décence  j  mais 
insensiblement  les  assemblées  du  sé- 
nat, convoquées  pour  cet  objet,  rap- 
pelèrent toute  la  licence  des  comices 
populaires.  Les  candidats  et  leurs  pa- 
trons invectivaient  leurs  adversaires. 
Il  en  résulta  des  scènes  si  scandaleu- 
ses ,  que  les  consuls  et  le  sén&t  se  réu- 
nirent pour  supplier  Trajan  de  i-e- 
médierà  cet  abus.  Ce  prince  ordonna 
que  l'on  procédât  aux  élections  par 
la  voie  du  scrutin  secret.  Il  répiima, 
par  des  édits  ,  la  brigue  et  la  vénalité 
des  suffrages.  Il  statua  aussi  que  nul 
a8.. 


436  TRA 

ne  pourrait  aspirer  aux  charges  cu- 
riiles  s'il  n'avait  au  moins  le  tiers  de 
sa  fortune  placée  en  biens  -  fonds  en 
Italie.  Cependant  De'cchaîe  ayant 
rompu  la  paix,  la  guerre  recommen- 
ça l'an  io5,  et  fut  terminée  l'année 
suivante ,  par  la  mort  volontaire  de 
ce  prince  et  par  la  re'duction  de  la 
Dacie  eu  province  romaine.  Le  peu 
de  détails  que  les  auteurs  anciens 
nous  ont  transmis  sur  cette  expé- 
dition se  trouvent  dans  l'article 
Décëbalc  (  X,  63o  ).  La  colonne 
Trajane  ,  destine'e  à  perpétuer  la 
gloire  de  la  guerre  dacique  ,  of- 
fre, dans  ses  bas-reliefs,  la  repré- 
sentation de  procédés  stratégiques , 
dont  l'examen  attentif  a  dédommagé 
les  érudits,  entre  autres  Ciacconius 
et  Fabrctti ,  des  documents  qu'ils 
clierchaient  en  vain  dans  les  auteurs. 
Parmi  ces  détails ,  on  peut  citer  une 
attaque  de  tranchée  par  les  Daces  et 
l'image  d'une  baliste  en  batterie,  qui 
ont  exercé  la  sagacité  du  chevalier 
Folard ,  dans  son  Traité  de  l'at- 
taque et  de  la  défense  des  pla- 
ces. Si  l'on  en  croit  Priscien  ,  Tra- 
jan  écrivit  lui-même  l'histoire  de 
ses  deux  guerres  contre  les  Daces. 
Pour  assurer  sa  conquête  et  pour  y 
répandre  les  bienfaits  de  la  civilisa- 
tion ,  ce  ])rince  établit  plusieurs  co- 
lonies, soit  dans  le  cœur  de  la  Dacie, 
comme  Ulpia  ïrajana,  sur  l'em- 
])!acement  de  Zarmiségéthusa ,  soit 
«lans  les  provinces  voisines  (la  Mœ- 
sie  et  la  Thracc) ,  comme  Nicopolis, 
Marcianopolis  et  Plotinopolis.  Pen- 
dant qu'il  étendait  les  limites  de  l'em- 
pire audclà  du  Danube,  Cornélius 
Palma ,  l'un  de  ses  lieu  tenants,. subju- 
gua l'Arabie  Pétrée  ,  (ju'il  léduisil  eu 
province  romaine  (l'an  107  de  J.-C.). 
(i'clait  comme  le  prélude  des  vic- 
toires que  Trajau  devait  rem])orlcr 
en  Orient.  A[nTS  huit  ans  de  p.ii\  , 


TRA 

qui  furent  marqués  par  la  refonte 
générale  des  monnaies  de  l'empire  et 
par  la  construction  d'une  immense 
chaussée  qui  traverse  encore  au- 
jourd'hui les  marais  Pontins ,  ce 
prince,  à  l'exemple  d'Alexandre  le 
Grand  ,  entreprit  une  expédition 
contre  les  peuples  de  l'Asie  ;  mais 
il  soupirait  en  songeant  que  son  âge 
avancé  ne  lui  laissait  pas  l'espérance 
d'égaler  la  gloire  du  fils  de  Philippe. 
Le  roi  des  Parthes ,  Chosroès ,  en 
disposant  du  trône  vacant  d'Armé- 
nie ,  lui  fournit  le  prétexte  qu'il  de- 
sirait pour  rompre  la  paix.  Trajan 
revendiqua  les  droits  de  l'empire 
romain  à  donner  l'investiture  de  cette 
couronne:  à  ses  plaintes,  le  roides  Par- 
thes opposa  une  réponse  dont  la  fierté 
laissa  le  champ  libre  à  l'ambition  de 
l'empereur.  Il  partità  la  tête  de  ses  lé- 
gions (i  1 4  de  J.-C).  Chosroès^  dont 
le  royaume  était  aiFaibli  par  des  dis- 
sentions Intestines ,  reconnut  bientôt 
son  imprudence.  Il  envoya  une  am- 
bassade à  Trajan,  pour  lui  mnnder 
qu'il  avait  déposé  le  roi  d'Arménie  , 
qu'il  desirait  lui  substituer  Partha- 
masiris,  son  propre  frère,  et  qu'il 
priait  l'empereur  d'accorder  l'investi- 
ture à  celui-ci.  Ces  offres  parurent  tar- 
dives à  Trajan ,  qui  se  trouvait  alors 
à  Athènes.  Il  continua  sa  route,  et 
entra  dans  l'Arménie,  où  tout  plia 
sous  ses  armes.  Les  petits  princes 
voisins  s'empressèrent  de  lui  en- 
voyer des  présents,  et  de  le  recon- 
naître pour  maître.  Parthamasiris , 
qui  avait  d'abord  tenté  une  résistan- 
ce inutile ,  éci  ivil  à  l'empereur  une 
lettre  de  soumission;  mais  comme  il 
s'était  intitulé  roi  d'Arménie,  il  ne 
reçut  pas  de  réponse;  lUie  seconde 
lettre,  dans  lacpicllc  il  ne  prit  point 
ce  titre  ,  lui  fil  obtenir  une  confé- 
rence, non  avec  M.  Junius,  gouver- 
neur d(!  la  Cappadoce,  mais  avec  le 


IRA 

fi!»  de  cet  oflkier.  Celte  entrfvue 
n'aboutit  à  rien,  et  n'empêcha  pas 
Trajan  de  continuer  son  expe'ditiou. 
Alors,  le  prince  parthe,  se  fiant  à 
la  générosité  de  l'empereur,  se  ren- 
dit dans  le  camp  romain,  où  il  se  vit 
l'objet  des  acclamations  irrévéron- 
tieuses  des  soldats,  Trajan  même  , 
après  lui  avoir  accordé  dans  sa  tente 
une  audience  qui  fut  sans  résultat,  le 
lit  arrêter  et  ramener  à  son  tribunal, 
comme  il  se  retirait  confus  de  cette 
réception.  Parthamasiris,  retrouvant 
cnlin  toute  la  fierté  de  sa  race:  «  Je 
»  n'ai  été,  dit-il,  ni  vaincu  ni  fait 
»  prisonnier.  Je  suis  venu  ici  volon- 
»  tairement,  dans  l'espoir  d'y  être 
»  accueilli  avec  les  égards  dus  à  mon 
»  rang ,  et  de  recevoir  de  Trajan  la 
»  couronne  d'Arménie ,  comme  Ti- 
))  ridate  la  reçut  de  Néron.  »  L'em- 
])ereur  répondit  qu'il  ne  céderait 
l'Arménie  à  personne;  qu'elle  serait 
gouvernée  par  un  magistrat  romain  : 
qu'au  reste ,  Parthamasiris  était  li- 
bre de  se  retirer.  Ce  prince  ne  se  le 
fit  pas  répéter  :  les  Par  thés  qui  l'a- 
vaient accompagné  eurent  la  permis- 
sion de  le  suivre  ;  mais  les  Armé- 
niens furent  retenus  prisonniers  com- 
me sujets  de  l'empire  ,  ce  qui  n'était 
ni  généreux  ni  équitable.  Parthama- 
siris chfïcha  des  ressources  dans 
son  désespoir.  Après  avoir  combattu 
avec  des  forces  inégales  ,  il  périt  les 
armes  à  la  main,  et  laissa  les  Ro- 
mains paisibles  possesseurs  de  l'Ar- 
liiénic.  Si  Trajan  n'eût  voulu  que 
soutenir  la  gloire  de  l'empire  ,  son 
but  était  atteint;  mais  il  voulait 
conquérir  le  royaume  des  Parthes.  Il 
entra  dans  la  Mésopotamie.  Le  roi 
d'Edcssc,  Abgare,  souverain  assez 
riche,  mais  pou  puissant,  placé  en- 
tre les  Humains  el  Les  Parthes,  avait, 
n  l'exemple  de  ses  prédécosseins, 
gardé  jus<ju'alors  une  neutralité  équi- 


TRA  437 

voquc;  car  il  était  facile  de  s'aper- 
cevoir qu'il  penchait  pour  les  Par- 
thes. A  la  vue  d'une  armée  romaine, 
il  ne  songea  plus  qu'à  obtenir  grâce 
pour  ses  tergiversations.  La  beauté 
d'Arbandès ,  son  fds ,  fut  pour 
Abgare  une  puissante  recommanda- 
tion auprès  de  Trajan,  dont  le  res- 
sentiment politique  céda  aux  attraits 
et  aux  infâmes  complaisances  de  ce 
jeune  homme.  Il  fut  alors  permis  au 
père  de  se  présenter  devant  l'empe- 
reur ,  qui  accepta  ,  dans  le  palais 
d'Édesse  ,  un  somptueux  repas  , 
dans  lequel  Arbandès  exécuta  une  de 
ces  danses  lascives  dont  l'usage  est 
encore  répandu  en  Orient.  Balué, 
Singares  et  INisibe,  villes  célèbres 
de  la  Mésopotamie,  tombèrent  suc- 
cessivement au  pouvoir  des  Ro- 
mains; mais  ce  ne  fut  pas  sans  de 
fréquents  combats,  dans  lesquels  le 
roi  des  Parthes  n'eut  jamais  l'a- 
vantage. Cette  suite  de  succès  fut  en- 
tièrement due  aux  talents  personnels 
de  Trajan.  Il  était  présent  aux  moin- 
dies  rencontres,  nul  danger  ne  l'ar- 
rêtait ,  il  se  montrait  également  habile 
dans  l'art  d'attaquer  les  places  et  de 
combattre  en  rase  campagne.  Il  sa- 
vait surtout  maintenir  une  admira- 
ble discipline  parmi  les  troupes  , 
dans  ces  contrées  dont  les  produc- 
tions délicieuses  et  le  climat  ardent 
pouvaient  les  porter  au  relâchement 
et  même  à  la  licence.  Ou  le  voyait 
marcher  toujours  à  pied  à  la  tête  de 
l'armée,  pourvoyant  à  tous  les  be- 
soins du  soldat,  pour  lui  rendre  l'o- 
béissance et  l'ordre  plus  faciles;  chan- 
geant souvent  de  direction,  pour  dé- 
conceiter  l'ennemi ,  et  répandant  à 
dessein  de  faux  bruits ,  pour  dérober 
aux  autres  la  connaissance  de  ses 
desseins.  11  se  déguisait  quelquefois  , 
et  faisait  le  personnage  d'espion  dans 
sa  propre   année,  oe  qu'il  voulait 


438 


IRA 


bien  que  l'on  n'ignorât  pas.  Par  là  il 
tenait  le  soldat  attentif  à  ses  devoirs , 
et  toujours  en  garde  contre  les  sur- 
prises. Fallait-il  traverser  une  rivici'e 
à  g!ië,  Trajanla  passait  à  pied  com- 
lue  le  dernier  des  fantassins  :  il  ne 
s'exemptait  d'aucune  des  fatigues  nii- 
lilairesj  aussi  n'enlendait-on  pas  le 
niuindi'e  murmure  parmi  ses  trou- 
pes ,  quelque  hardies  et  quelque  pé- 
nibles que  fussent  ses  entreprises. 
Tant  d'actions  brillantes,  dont  la  re- 
nommée, en  arrivant  à  Rome,  acqué- 
rait par  l'éloignement  un  caractère 
merveilleux,  excitèrent  l'enthousias- 
me du  peuple  et  du  sénat  :  des  sacri- 
fices solennels  d'actions  de  grâces 
furent  ordonnés,  et  les  surnoms  glo- 
rieux à'Arméjiique  et  de  Parthi- 
Cjue  furent  ajoutés  à  tcus  les  titres  de 
Trajan.C'est  encore  à  cette  année  1 1^ 
(5),  que  l'on  rapporte  une  expédition 
de  ce  prince  dans  l'Arabie  Pétrée, 
dontles  habitants  s'étaient  soulevés  , 
et  qu'il  força  de  recevoir  un  gouver- 
neur romain.  Tant  de  prospérités 
auraient  pu  lui  faire  oublier  qu'il 
était  homme;  mais  l'hiver  qu'il  pas- 
sa à  Antioche  fut  marqué  par  un 
tremblement  de  terre  qui  renversa 
cette  capitale  et  presque  toutes  les 
villes  de  la  Syrie  ;  l'empereur  lui- 
même  n'évita  la  mort  qu'eu  se  sau- 
vant par  une  fenêtre ,  et  se  retira 
dans  le  cirque  ,  oii  il  fut  conli'aint  de 
camper  pendant  plusieurs  jours  sous 
la  tente.  Les  chronologistes  éprou- 
vent de  l'embarras  à  placer  uue 
expédition  de  Trajan  contre  quel- 
ques pciqiles  barbares  qui  habitaient 
au  nord  de  l'Arménie.  11  est  au  moins 
certain  (pi'elle  précéda  ou  suivit  ini- 


fS)  Pliisic.iri  :..il.Mir.s,  IrK  <|nr  Tlll.-n.c.iil  ,  Cv6- 
viiT,  LiiUKtiil  Jicliiii.l  ,  tiii'lli'iil  aux  iiniK'cs  inj  cl, 
11.8  lii  prcijiiÎTC!  c»|>i<Iiliim  ilc  'rraiuii  en  Oriciil  ; 
Midis  il.H  »u  troin|>eiitf  iiu  in^cniciil.  di*  I.l>ll^lll■ruc , 
il-  Muratnrl,  (le,  i.nl.u.s  ,lf  I'  hi  U,  -t.i^nftcr  lc< 
fi'ilrt,  cl  Je  pliisieiir»  iiMi'lil»  iilli-jiiuiid!> ,  l'cls  cjuc 
itcliitl.6,  Cuujad  Mauiial,  Ilcurcu,  clc. 


TPvA 

médiatemcnt  le  tremblement  de  terre 
qui  désola  l'Orient.  Quoi  qu'il  en 
soit ,  ce  prince  porta  ses  aigles  vic- 
torieuses entre  le  Pont-Euxin  et  la 
mer  Caspienne ,  donna  un  roi  aux  Al-, 
baniens  ,  et  força  les  princes  de  l'ibé- 
rie  et  de  la  Colchide  à  se  soumettre. 
Lucius  Q  lietus ,  habile  lieutenant  , 
qui  l'avait  déjà  glorieusement  secon- 
dé dans  la  g:ierre  contre  les  Daces 
et  dans  la  dernière  campagne  en  Mé- 
sopotamie, vainquit,  sous  les  ordres 
de  Trajan,  les  IMardes,  peuple  belli- 
queux et  féroce,  habitant  au  nord  de 
la  Médie,  et  qui  quatre  siècles  aupa- 
ravant avait  éprouvé  les  armes  d'A- 
lexandre. Ce  fut  l'an  1 1 5  que  l'émule 
sexagénaire  du  jeune  héros  de  Pella 
fit  une  seconde  campagne  contre  les 
Partiies.  Au  moment  de  son  départ, 
cédant  aux  sollicitations  de  ses  amis, 
il  interrogea  l'oracle  d'Héliopolis  en 
Phénicie  ,  qui  avait  alors  beaucoup 
de  vogue;  mais  avant  d'accorder  sa 
coniiancc  au  dieu ,  il  voulut  le  mettre 
à  l'épreuve,  et  donna  aux  prêtres  un 
pa])ier  blanc  cacheté,  eu  lui  deman- 
dant sa  réj)onse  sur  le  contenu.  Les 
prêtres  surent  décacheter  le  papier 
sans  qu'il  y  parût,  et  lui  en  firent 
passer  im  semblable  pour  réponse. 
Alors  il  crut  à  l'oracle,  et  le  consul- 
ta sérieusement  sur  le  succès  de  la 
guerre.  On  lui  répondit  par-un  de  ces 
symboles  susceptibles  de  toute  in- 
terprétation :  c'était  une  baguette  de 
sarment,  brisée  en  mille  morceaux. 
Trajan  mourut  à  la  suite  de  cette  ex- 
pédition, sans  avoir  revu  Rome,  et 
la  baguette,  ainsi  rompue,  fut  regar  - 
dée  comme  le  ])iésage  sinistre  de  son 
corps  rc'duit  en  cendres.  S'il  fût  re 
venu  vainqueur,  les  sarments  brisés 
eussent  aussi  facilement  pu  se  pren- 
dre poui-  le  symbole  heureux  de  cette 
foule  d*cmiemis(|iravaitdom|)lés  ses 
armes.    Trajan   dirigea   sa   marche 


TRA 

vers  l'Adiabcnc,  partie  septailrioiia- 
le  de  la  Syrie,  au  delà  du  Tigre; 
mais  il  se  trouva  arrête  par  ce  lleii- 
ve  ,  dont  les  Parthes  étaient  résolus 
de  défendre  le  passage.  L'embarras 
était  de  jeter  un  pont,  la  eontrée  ri- 
veraine étant  dénuée  de  bois  de  cous- 
trueîion.  ïi'ajau  ^  qui  avait  su  se 
ménager  dans  la  ville  de  ISisibe , 
conquise  l'année  précédente  ,  une 
place  d'armes  et  un  point  d'appui 
pour  les  derrières  de  sou  armée,  fit 
construire  dans  les  forêts  qui  entou- 
raient cette  cité,  un  grand  nombre 
de  pontons  :  on  les  transporta  sur 
des  chariots  jusqu'au  bord  du  fleu- 
ve ;,  et  quand  on  les  eut  lancés  à  l'eau , 
les  barbares  ,  surpris  autant  qu'ef- 
frayés de  cette  multitude  de  navi- 
res,  prirent  la  fuite  ;  et  le  passage 
s'eilectua  sans  obstacle  ,  vis-à-vis 
des  montagnes  des  Carduqnes,  Tra- 
jau  soumit  sans  peine  l'Adiabène  et 
toute  l'Assyrie.  Quelle  joie  pour 
lui  d'entrer  en  triomphe  dans  les 
villes  d'Arbèle  et  de  Gaugamèle^ 
si  fameuses  par  la  victoire  d'Alexan- 
dre !  Revenant  sur  ses  pas ,  il  repassa 
le  Tigre ,  et  descendit  vers  le  pays 
de  Babylone ,  sans  éprouver  de  résis- 
tance. Les  Parthes,  alfaibîis  par  de 
sanglantes  divisions  intestines,parais- 
saieut  avoir  perdu  jusqu'au  souve- 
nir de  leur  valeur  devant  un  si  re- 
doutable ennemi  j  et  Trajau  semblait 
plutôt  voyager  que  combattre.  Il  vi- 
sita avec  intérêt  Babylone  ,  qui  n'é- 
tait plus  que  l'ombre  d'clle-mcme; 
et  vit  la  source  de  bitume  qui  avait 
servi  à  la  construction  de  ses  mer- 
veilleux édifices.  Pour  achever  d'ac- 
cabler les  Parthes,  il  ne  lui  restait 
plus  qu'à  con({uérir  Ctésiphon ,  leur 
capitale:  mais  il  lui  fallait  passer 
ime  seconde  fois  le  Tigre:  et  ])our 
transporter  plus  facilement  les  maté- 
riaux nécessaires  à  la  couslruclion 


TRA  43y 

d'un  nouveau  pont  ,  il  songeait  à 
jirolonger  jusqu'à  ce  fleuve  le  Naar- 
malcha  ,  ancieu  canal  dérivé  de 
l'Euphrate  ,  par  les  rois  de  Ba- 
bylone ;  mais  il  renonça  à  cette 
entreprise ,  dès  qu'il  eut  reconnu  que 
le  niveau  de  ce  dernier  fleuve  s'éle- 
vait beaucoup  au-dessus  du  niveau 
du  Tigre.  Il  n'eut  qu'à  paraître  de- 
vant Ctésiphon  jiour  s'en  rendic 
maître.  Suzé ,  ancienne  métropole 
des  Perses  ,  lui  ouvrit  ses  portes  : 
c'est  probablement  dans  l'une  ou 
l'autre  de  ces  capitales  que  la  fille 
du  roi  Chosroès,  et  le  fameux  trône 
d'or  sur  lequel  le  grand  roi  recevait 
l'hommage  de  ses  sujets,  tombèreul 
au  pouvoir  deTrajan.  <i  Chaque  jour, 
»  dit  Gibbon ,  le  sénat  étonné  enten 
»  dait  parler  de  noms  jusqu'alors  in- 
))  connus, etde  nouveaux  peuples  qui 
»  reconnaissaient  la  puissance  deRo- 
»  me.  »  C'est  ce  qui  explique  pour- 
quoi ,  eu  lui  confirmant  le  titre  de 
Farthiqiie  ,ce  corps  lui  décerna  au- 
tant de  triomphes  qu'il  en  voudrait. 
Montesquieu  parle  avec  une  admira- 
tion raisoKuée  de  cette  expédition  de 
Trajan.  «  Il  exécuta,  dit-il ,  le  pro- 
»  jet  de  César,  et  fit  avec  succès  la 
»  guerre  aux  Parthes.  Tout  autre 
»  aurait  succombé  dans  une  entre- 
»  prise  où  les  dangers  étaient  tou- 
»  jours  présents  et  les  ressources 
»  éloignées,  où  il  fallait  absolument 
»  vaincre,  et  où  il  n'était  pas  sûr  de  ne 
»  pas  périr  après  avoir  vaincu.  »  La 
])rudence  eût  ensuite  demandé  qu'au 
lieu  de  courir  à  d'autres  entreprises 
aventureuses  et  lointaines  ,  Trajan 
se  fût  occupé  d'allérmir  des  conquê- 
tes moins  tliiïlciles  à  faire  qu'à  con- 
server :  mais  comme  depuis  le  com- 
mencement de  la  campagne^ les  Par- 
thes n'avaient  cessé  de  fuir  devau  t 
lui,  sans  doute  il  se  faisait  illusion 
sur  leur  valeur  morale,  et  attribuait 


44» 


TRA 


à  la  faiblesse  et  au  découragement 
ce  qui  était  chez  eux  le  résultat  d'un 
système  de  défense  qui  leur  roussit 
toujours;  car,  selon  l'expression  du 
même  auteur  :  «  ce  qu'aucune  na- 
»  tion  n'avait  encore  fait,  d'éviter  le 
»  joug  des  Romains^  celle  des  Par- 
»  tlies  le  fit ,  non  pas  comme  inviuci- 
»  ble,  mais  comme  inaccessible.  » 
Séduit  par  l 'idée  de  surpasser  Alexan- 
dre ,  Trajan  descendit  le  Tigre ,  pour 
soumettre  Mcséné ,  île  formée  par  les 
deux  bras  de  ce  fleuve  à  son  embou- 
chure dans  le  golfe  Persique.  Atham- 
bilus  ,  roi  de  ce  pays  ,  n'osa  pas  mê- 
me se  défondre.  Tandis  que  la  sou- 
mission si  prompte  de  tant  de  peu- 
ples était  pour  l'ambitieux  empereur 
un  encouragement  à  ne  pas  borner 
ses  conquêtes  ,  les  fléaux  de  la  nature 
vinrent  encore  une  fois  lui  rappeler 
que  toute  puissance  humaine  a  des 
bornes  :  des  pluies  accompagnées 
d'orages  firent  déborder  le  Tigre; 
et  plus  de  la  moitié  de  son  armée  ^é- 
rit  dans  les  eaux.  Ce  désastre  ne  ra- 
lentit poiutl'ardeur  de  Trajan.  Après 
avoir  parcouru  ,  dans  toute  sa  lon- 
gueur, le  golfe  Persique,  il  s'avança 
jusqu'au  Grand  Océan.  Là  ,  à  la  vue 
de  vaisseaux  marchands  qui  cin- 
glaient vers  les  Indes ,  il  s'écria  ,  en 
songeant  à  Alexandre  :  «  Si  j'étais 
»  plus  jeune,  assurément,  je  porte- 
»  rais  la  guerre  chez  les  Indiens.  » 
11  se  rabattit  sur  l'Arabie  Heureuse, 
dont  sa  flotte  ravageait  les  cotes.  Il 
entra  en  conquérant  dans  l'antique 
cité  arabique ,  fameuse  encore  au- 
jourd'hui sous  le  nom  d'Aden,  et  se 
consola  de  n'avoir  pas  pénétré  jus- 
qu'aux Indes,  en  songeant  (pi'il  venait 
de  porter  ses  armes  dans  une  contrée 
oij  le  héros  macc-donien  n'était  ja- 
mais entré.  Après  s'êln;  promené 
sur  l'Océan  en  voyageur  curieux, 
Trajan  remmila  leTigie,  et, se  diri- 


TRA 

géant  vas  l'Euplirate  ,il  revit  Baby- 
loiie,  où  il  olfrit  des  sacrifices  aux 
mânes  d'Alexandre  ,  dans  la  maison 
même  où  ce  prince  avait  terminé  ses 
jours.  Ce  fut  un  bonheur  pour  Tra- 
jan ,  et  surtout  pour  l'empire,  qu'il 
ne  se  fût  pas  engagé  dans  les  pays 
encore  plus  lointains  que  convoitait 
sou  ambition.  Tandis  qu'il  charmait 
son  orgueil  par  ces  voyages  d'une  fas- 
tueuse inutilité,  et  que  les  Romains  lui 
élevaient  un  arc  de  triomphe  qui  a 
suivécu  même  à  l'existence  de  leur 
empire,  les  conquêtes  de  Trajan  lui 
étaient  enlevées ,  et  des  troubles  inté- 
rieurs agitaicntles  provinces  d'Orient. 
Les  Parthes  avaient  chassé  ou  taillé 
en  pièces  les  garnisons  romaines ,  et 
il  lui  fallut  recommencer  la  guerre 
tout  de  nouveau.  Maxime ,  un  de  ses 
lieutenants ,  dont  il  avait  tiré  de 
grands  services  dans  la  guerre  da- 
cique,  se  laissa  vaincre  par  les  Par- 
thes. LuciusQuietus,  plus  heureux  ou 
plus  habile,  reprit  INisibe,  Édesse, 
tandis  que  d'autres  généraux  rame- 
naient à  l'obéissance  la  ville  de  Sé- 
leucie.  La  domination  romaine  était 
à-peu-près  rétablie  dans  ces  contrées  ; 
mais  les  soulèvements  qu'il  avait  eus 
à  réprimer  (irent  sentir  à  Trajan  la 
nécessité  de  borner  ses  vastes  ]irojets. 
Renonçant  à  l'idée  gigantesque  de 
réduire  le  royaume  des  Parthes  eu 
province  romaine,  il  se  contenta  de 
lui  imposer  un  roi.  Ayant  réuni  à 
Ctésij)hoii  les  principaux  de  la  na- 
tion, il  déposa  solenuollcment  Chos- 
roès,  fugitif,  et  nomma  à  sa  place 
Parthamaspatès,  prince  arménien  du 
sang  des  Arsacides  (  1 17  de  J.-G.  ). 
lldonna  aussi  un  roi  aux  Albaniens, 
peuple  qui  habitait  sur  les  bords  de 
la    mer  Caspienne,  et  soumit  à  deif. 

jiouverneurs   romains   les  provinces 

•  •     •    1  •  'Il 

voisines.  Ainsi  désormais  les  l)oriies 

(le    l'empire    s'étendirent    au  -  delà 


IRA 

du  Tigre  ,  où  jusqn'alors  les  ar- 
mes de  Rome  n'avaient  pas  pe'ne'tre  • 
ce  qui  donnait  à  l'empire  une  leu- 
t^ueur  d'environ  deux  mille  lieues 
d'Occident  en  Orient.  Tandis  que 
Trajau  distribuait  des  royaumes  ^ 
sou  armée ,  qu'il  commandait  en  per- 
sonne, fut  repoussée  par  la  garnison 
d'Atra ,  forteresse  située  entre  le  Ti- 
gre et  Nisibe  ,  selon  Ammien  Mar- 
cellin  ;  dans  l'Arabie  Pétrée ,  selon 
Dion  Cassins.  L'empereur  fait  de 
vains  efforts  pour  rallier  les  fuyards: 
il  manque  de  perdre  la  vie,  et  le 
trait  qui  lui  était  destiné  renverse 
mort  un  cavalier  qui  combattait  à  ses 
côtés.  Contraint  de  lever  le  siège,  il 
se  retire  sur  les  terres  de  l'empire  en 
Syrie.  Depuis  le  tremblement  de 
terre  d'AutiocLe,  les  Juifs  ,  dont 
l'iûnombrable  population  remplis- 
sait l'Afrique  et  l'Orient,  se  soulevè- 
rent spontanément  avec  un  fanatis- 
me féroce.  La  rébellion  commença 
dans  Cyrène,  puis  elle  se  propagea 
dans  Alexandrie  ,  par  toute  l'Egypte 
et  dans  l'île  de  Chypre.  Non  contents 
de  massacrer  les  Grecs  et  les  Ro- 
mains, ils  inventaient  pour  eux  les 
supplices  les  plus  atroces  ,  jusqu'à 
.scier  les  hommes  dans  toute  la 
longueur  du  corps.  Ils  dévoraient 
les  membres  palpitants  de  leurs 
victimes  :  ils  se  frottaient  les  mains 
et  le  visage  avec  leur  sang.  Plus 
de  quatre  cent  mille  individus  de 
tout  âge  et  de  tout  sexe  périrent 
sous  leurs  coups.  Espéiaut,  à  force 
de  massacres  ,  recouvrer  leur  exis- 
tence politique,  qu'ils  avaient  perdue 
depuis  le  règne  de  Vcspasien,  ils  s'é- 
taient donné  un  roi  nommé  Lucua. 
Cette  allreuse  révolte ,  qui  éclata 
l'an  1 15  de  J.C. ,  n'était  pas  encore 
complètement  réprimée  l'an  117, 
que  Trajan  cessa  de  vivre.  11  se  dis- 
posait même  à  se  ren  Jre  en  personne 


IRA  441 

en  Mésopotamie,  où  Luctns Quietus 
avait  exterminé  un  grand  nombre  de 
ces  rebelles ,  à  la  suite  d'une  bataille 
sanglante, lorsque  ce  prince  fut  atta- 
qué d'une  maladie  de  langueur,  qui  le 
fit  résoudre  à  retourner  à  Rome;  mais 
il  ne  devait  jamais  i-evoir  cette  capita- 
le. En  quittant  la  Syrie  ,  il  laissa  le 
commandement  de  son  armée  à 
Adrien,  qui  n'avait  point  assez  de  ta- 
lent militaire  pour  maintenir  l'ouvra- 
ge de  l'empereur.  Les Parthes  rappe- 
lèrent Cliosroès,  qui  s'était  réfugie 
dans  les  piovinces  de  l'Asie  supé- 
rieure ;  et  Parthamaspatès  se  vit  for- 
cé d'abandonner  le  trône  sur  lequel 
l'avait  fait  asseoir  la  main  vigoureu- 
se de  Trajan.  L'Arménie  et  la  Méso- 
potamie retournèrent  à  leurs  anciens 
maîtres,  avant  même  que  ce  prince 
eût  cessé  de  vivre.  Tel  fut  le  résultat 
de  tant  de  travaux ,  de  tant  de  sa- 
crifices, et  de  sang  répandu.  La 
maladie  de  Trajan ,  qui  di:ra  trois 
mois,  donna  le  temps  à  Adrien  de 
préparer  ,  de  concert  avec  i'impéra- 
ratrice  Ploline ,  les  intrigues  qui  lui 
assurèrent  la  succession  impériale.  Il 
était  cousin-germain  de  Trajan  ,  qui 
avait  été  sou  tuteur ,  mais  qui  ne 
l'avait  jamais  aimé,  et  qui,  malgré 
les  efforts  de  Ploline,  n'avait  jamais 
consenti  à  l'adopter.  Cependant  il  l'a- 
vait comblé  d'honneurs  comme  son 
parent:  il  lui  avait  donne  ,  en  récom- 
pense de  ses  services  dans  la  guerre 
dacique ,  le  diamant  que  lui-même 
avait  reçu  de  ]Nerva  j  Adrien  afiécla 
de  regarder  ce  présent  comme  un  ga- 
ge d'adoption.  En  un  mot ,  le  protégé 
dePlotnie  s'était  vu  élever  à  un  degré 
de  puissance  au-dessus  duquel  il  n'y 
avait  plus  que  l'empire.  Trajan  , 
moins  par  incaj)acité  que  par  pares- 
se, si  nous  en  croyons  .Julien  {De 
Cœsaribus) ,  ne  composait  pas  lui- 
même  ses  discours.  Sura,  de  la  plu- 


44^ 


TRA 


lue  duquel  il  se  servait ,  étant  venu  à 
mourir ,  il  se  reposa  du  mcme  soin 
sur  Adrien.  L'histoire  ne  nous  laisse 
pas  ignorer  à  quelles  bassesses  ce  der- 
nier eut  recours  pour  se  faire  sup- 
porter de  l'empereur  et  de  ses  plus 
intimes  familiers.  Trajau  aimait  le 
vin  :  Adrien  se  lit  une  loi  de  lui  tenir 
tèîe  à  table  ;  il  se  prêtait  à  ses  infâ- 
mes caresses  ;  il  s'abaissait  même  à 
de  serviles  complaisances  pour  les 
jeunes  gens  qui  plaisaient  à  l'emjie- 
reur  :  mais  toutes  ces  condescendan- 
ces eussent  été  en  pure  perte ,  sans 
les  intrigues  de  Plotine ,  q  li  sut  se 
rendre  maîtresse  des  derniers  mo- 
ments de  son  époux, et  qui  supposa, 
en  faveur  d'Adrien,  une  adoption 
que  jusqu'à  la  fm  Trajan  avait 
jiersisté  à  refuser.  Ce  prince  avait  des 
vues  bien  différentes.  Se  regardant 
plutôt  comme  le  généralissime  de  la 
république  que  comme  monarque ,  il 
songeait  à  laisser  au  sénat  le  soin  de 
choisir  un  empereur  parmi  plusieurs 
sujets.  Il  est  certain  d'ailleurs  qu'il 
eût  préféré  à  Adrien  plusieurs  per- 
sonnages illustres ,  tels  que  Servien  , 
beau-frère  de  ce  même  Adrien ,  Lu- 
cius  Quiétus,  dont  les  talents  militai- 
res l'avaient  si  bien  servi ,  et  Neratms 
Priscus  ,  fameux  jurisconsulte,  à  qui 
même  il  dit  un  jour  :  «  Si  les  destins 
»  disposent  de  moi,  je  vous  recom- 
»  mande  les  provinces.  »  Qr.and  on 
compare  avec  la  brillante  carrière 
fournie  par  ïrajan  le  sombre  tableau 
que  présentent  les  derniers  moments 
de  sa  vie,  on  ne  peut  qu'être  frappé 
du  contraste.  Sa  maladie  consistait  en 
une  paralysie  à  laquelle  s'élaient  join- 
tes la  dyssenteric  ,  et  l'Iiydropisie 
suite  ordinaire  des  excès  du  vin.  Ces 
maux  trop  réels  étaient  aggravés 
par  l'idée  de  poison,  dont  il  s'était 
lrap|)é  ,  bien  que  sans  fondciuciit. 
11  voyait  ses  con([uêtcs  ,  fruit  de  tant 


TRA 

de  travaux  ,  s'échapper,  en  quehpu; 
sorte,  avec  sa  vie  •  et  pour  comble 
d'angoisses,  il  lisait  dans  les  regards 
dePlotine  l'unpatience  de  couronner 
un  successeur  qu'd  méprisait.  Il  mou- 
rut le  1 1  août  1 1  -j  de  J.-C. ,  dans  la 
soixante  -  quatrième  année  de  son 
âge  ,  et  la  vingtième  de  son  règne. 
La  ville  de  Sélinunte  en  Cihcie  ,  où 
il  rendit  les  deiniers  soupirs ,  prit  le 
nom  de  Trajanopolis.  Ses  cendres  , 
renfermées  dans  une  urne  d'or  ,  fu- 
rent portées  à  Rome  :  elles  y  entrè- 
rent en  pompe  sur  un  char  triom- 
phal ,  et  furent  déposées  sous  la 
colonne  Trajane.  Après  avoir  mérite 
que  les  pompes  du  triomphe  se  mê- 
lassent pour  lui  aux  pompes  de  la 
mort  ,  ce  fut  encore  une  distinction 
pour  ce  prince  d'avoir  sa  sépulture 
dans  la  ville,  où  jamais  personne  , 
avant  lui,  n'avait  été  inhumé.  Adrien, 
qui  se  montra  si  mal  intentionné  pour 
la  gloire  de  Trajan  ,  ne  lui  refusa 
point  l'apothéose.  Montesquieu  a  fait 
un  pompeux  éloge  de  ce  prince  a  le 
»  pins  accompli,  dit-il,  dont  l'his- 
»  toirc  ail  jamais  parlé  :  ce  fut  un 
»  bonheur  d'être  né  sous  son  règne  : 
»  il  n'y  en  a  point  de  si  heureux  ,  ni 
»  de  si  glorieux  pour  le  peuple  Ro- 
»  main.  Grand  homme  d'état, grand 
»  capitaine  ;  ayant  un  cœur  bon  qui 
»  le  portait  au  bien;  un  espritéclairé 
»  qui  lui  montrait  le  meilleur  ;  une 
»  ame  noble  ,  grande  ,  belle,  avec 
»  toutes  les  vertus  ,  n'étant  extrême 
»  dans  aucune;  enlin  ,  l'homme  le 
»  plus  ])ropre  à  honorer  la  nature 
»  liinuaine,  et  représenterla  divine.» 
Montes(|uieu  semble  avoir  oublié  ici 
et  les  vices  personnels  de  riiomme  , 
et  sa  folle  j)assion  pour  les  conquêtes. 
Trajan  mérite  aussi  des  rej)roches 
commeaul<'urdela  troisième  perséni- 
lioiiioiilre!('sCI»iélien.s:lesdcu\  plus 
illustres  martyrs  sous  sou  règne  fu- 


TE  A 

rent  saint  Ignace,  ëvêque  d'Antioclie 
(  Foj-.  Ignace),  XXI ,  i85),  dont 
Trajan  fut  lui-même  le  juge  ,  et  qu'il 
envoya  de  Syrie  à  Rome,  pour  être 
dévoré  par  des  lions;  et  saint  Siméon 
de  Jérusalem ,  cousin  germain  de 
Jésas-Clirist ,  qui  avait  trouvé  grâce 
devant  Domitien.  Il  faut  dire  toute- 
fois que  Trajan  ne  publia  point 
d'édit  général  contre  les  sectateurs 
de  la  religion  nouvelle.  Il  est  certain 
aussi  qu'à  la  fin  de  son  règne  il 
conçut  des  sentiments  plus  judicieux 
et  plus  humains  à  leur  égard  (6;.  Sa 
correspondance  avec  Pline  le  Jeune 
en  fait  foi  (  T'^oj'.  Pli^e  le  Jeune  , 
XXXV,  77  ).  Consulté  par  cet  il- 
lustre personnage  ,  qu'il  avait  nom- 
mé gouverneur  de  BitLyuie  ,  sur  la 
conduite  à  suivre  à  l'égard  des  Chré- 
tiens ,  aux  vertus  desquels  Pline  ren- 
dait un  hommage  impartial ,  Trajan 
fit  une  réponse  qui  renferme  tous  les 
égards  pour  la  justice  et  pour  l'Iiu- 
manité  qui  pouvaient  se  concilier 
avec  les  notions  erronées  que  suivait 
ce  prince  en  matière  de  police  reli- 
gieuse. Il  reconnaît  combien  il  est 
dilllcilede  se  former  un  plan  général 
dans  celte  matière;  mais  il  établit 
deux  règlements  utiles  ,  qui  depuis 
furent  souvent  l'appui  et  la  consoia- 
tiondes  Chrétiens  opprimés. Quoiqu'il 
ordonne  de  punir  tout  homme  accusé 
et  convaincu  d'être  Chrétien,  par  une 
sorte  de  contradiction  dont  on  au- 
rait tort  de  lui  faire  un  crime,  puis- 
qu'elle était  dictée  par  son  humani- 
té, il  défend  de  faire  aucune  perqui- 
sition contre  ceux  que  l'on  pourrait 
soupçonner  de  ce  crime.  Il  rejette  les 
délations  anonymes;  «  car  cela,  dil-il, 
»  est  d'un  pernicieux  exemple,  et 
u  très-eloigué  de  nos  maximes  (7).  » 

(6)  Rcsciiplii  illico  Icnioiihus  leiii/ier.ii'il  edirliun . 

{  Pauliis  Orosilu  ,  liv,  VU  ,  ch.   n.  ) 

{7)LcllresdvPliiiccldL'  Irajan  ,  1.  \,  IcU.  7  cl  ijS. 


TRA 


440 


Trajan ,  quoique  peu  lettré  lui-même, 
mérite  les  éloges  de  la  postrrité 
comme  protecteur  des  lettres;  il  en- 
richit Rome  d'une  bibliothèque ,  et 
combla  d'honneurs  plusieurs  écri- 
vains illustres,  entre  autres  Phitar- 
que,  qui  selon  quelques  auteurs  fut 
son  précepteur,  et  Pline  le  Jeune  qui 
fut  son  ami.  Son  règne,  si  glorieux  à 
tant  d'autres  titres ,  est  encore  célèbre 
comme  époque  littéraire  ;  c'est  sous 
ce  prince  que  fleurirent  Tacite ,  Quin- 
te-Curce,  Suétone,  Florus ,  Quiuti- 
lien ,  Juvénal ,  Frontin  ;  eniin  Juvcn- 
tius  Ce!sus,Priscus  Javolenus  et  Ne- 
ratius  Priscus,  tous  truisfameux  juris- 
consultes. Trajan  est  le  seul  empereur 
romain  sur  lequel  l'antiquité  ne  nous 
ait  transmis  aucunenotice  particuliè- 
re ,  car  les  Césars  de  Suétone  finissent 
à  Nerva  inclusivement  ,et  l'Histoire 
Auguste  ne  commence  qu'au  règne 
d'Adrien.  IVous  n'avons  sur  lui  que 
les  extraits  de  DionCassius,  parXi- 
phiîin,avec  les  abrégés  d'hutrope, 
d'Aurelius  Victor  et  de  Paul  Orose.  Il 
paraît  que  Tacite  avait  écrit  le  règne 
de  Trajan,  qu'il  loue  avec  prédilec- 
tion dans  la  vie  d'Agricola  et  dans  le 
premier  livre  de  ses  Histoires  ,^8^.  Le 
panégyrique  de  Pline  doit  être  consi- 
déré comme  une  source  particulière 
pour  l'histoire  de  ce  prince;  mais 
on  trouve  des  renseignements  encore 
plus  propres  à  nous  faire  apprécier 
l'esprit  de  son  gouvernement  dans  sa 
corres])ondance  avec  ce  même  Pline  le 
Jeune.  On  ne  peut  lire  ses  Lettres,  trop 
peu  nombreuses  ,  sans  concevoir  la 
plus  haute  admiration  pour  l'homme 
d'état  couronné.  Les  écrivains  ecclé- 
siastiques   ont    beaucoup   parlé    de 

(ft'i  «  Ouc  si  le  ciel  m'accorde  de  liaig:;  innis  , 
»  dit  Taci'e.  j'ai  réservé  («un-  ma  vieillesse  l's  r»;- 
»  gncs  de  >'erva  et  de  Tiai:.n  ,  sujet  plus  riche  rt 
»  moins  dangereux  pour  Tliislorieii .  gràcis  a  ces 
n  temps  d'une  rare  félicité,  oii  l'on  peiil  penser 
»  comme  on  vent ,  cl  pailcr  tomme  ou  peuM..  • 
(  Hiit.  ,  liv.  I,  ch.  I.) 


444 


TRA 


Trajan.  Les  uns  l'ont  juge  avec  pas- 
sion ,  d'autres  ont  rapporte  sur  son 
compte  des  fables  absurdes.  Jean 
Damascène  raconte  que  saint  Gré- 
goire le  Grand,,  pape,  ayant  vu  une 
statue  de  Trajan  qui  descendait  de 
cheval  au  milieu  de  ses  expéditions 
militaires,  pour  rendre  justice  à  une 
femme,  demanda  à  Dieu  de  retirer 
des  enfers  l'ame  d'un  prince  si  équi- 
table ,  grâce  qu'il  obtint  à  condition 
de  ne  plus  en  demander  de  pareille. 
Grotiusfait  deïrajan  la  bête  de  l'A- 
pocalypse. Voltaire  parle  de  cet  em- 
pereur avec  une  juste  admiration; 
mais  lorsqu'il  dit  :  «  Je  donnerai 
»  encore  moins  le  nom  de  persécu- 
»  teur  aux  Trajan,  aux  Antouins; 
»  je  croirais  prononcer  un  blasphè- 
»  me  ;  »  il  fournit  une  preuve  trop 
manifeste  de  son  indulgence  partiale 
jiour  les  cnnnemis  du  christianis- 
me. Le  règne  de  Trajan  par  Le  Nain 
de  Tiliemont  et  par  Cre'vier  sont 
deux  compilations  fort  utiles  à  con- 
sulter :  Crevier  juge  ce  prince  avec 
une  im])artialitc  judicieuse.  Gibbon, 
ru  quelques  pages  écrites  de  verve  , 
mais  où  tout  est  vrai ,  donne  une 
grande  idée  de  Trajan.  Parmi  les 
ouvrages  nombreux  des  savants  alle- 
mands qui  se  sont  occupés  de  ce 
règne  on  peut  citer  Ritter  :  Tra 
janus  iii  luccm  rcproductus  ,  Am- 
bcrg ,  inG8;  Rcs  Trajani  impe- 
ratoris  ad  Danuhiiim  gestcv  ,  par 
GonradMaunert ,  Nuremberg  ,  i  -jgS; 
cufiu  Commc.ntalio  de  expedilivni- 
hiis  Trajani  adDanuhium,  par  Jcan- 
Gliristophe  Engel ,  Vienne  ,  1794- 
Il  a  été  publié  en  France  une  /lis- 
toire  des  deux  règnes  de  Nerva  et 
de  Trajan,  par  de  Barett,  Paris, 
1791.  (^e  n'est  qu'une  compilation. 
On  possède  plusieurs  médailles;!  l'cl- 
ligic  de  cet  empereur  et  de  l*loline 
son  épouse.  La  plus  célèbre  est  celle 


TRA 

qui  fut  frappée  à  l'occasion  de  plu- 
sieurs royaumes  donnés  par  lui,  avec 
cette  légende  :  Régna  assignata.  Le 
Triomphe  de  Trajan ,  opéra  par 
Esméuaid  (  /^.  ce  nom  )  ,  a  été  re- 
présenté avec  beaucoup  d'éclat ,  en 
1807.  D — R — R. 

TRAKHANIOT  (George),  diplo- 
mate russe,  dans  le  quinzième  siècle, 
suivit  Thomas  Paléologue  à  Rome 
lorsque  Mahomet  II  eut  soumis  ie 
Péloponcse,  et  accompagna,  en  1472, 
la  princesse  Sophie,  fille  de  Thomas, 
lorsqu'elle  se  rendit  à  Moscou  pour 
y  épouser  Iv^^an  III.  Honoré  d  cla 
confiance  du  grand-duc  ,  il  reçut  de 
ce  prince  plusieui's  missions  impor- 
tantes. Depuis  l'invasion  des  Tar- 
tares  ,  la  Russie  ayant  perdu  son  in- 
dépendance ,  les  souverains  de  l'Eu- 
rope avaient  interrompu  leurs  rela- 
tions avec  le  grand-duché.  Iwan  , 
ayant  brisé  les  liens  qui  assujétis- 
saient  la  Russie  à  la  grande  horde, 
l'empereur  Frédéric  et  son  (Ils  Maxi- 
milieu  envoyèrent,  en  i488,  Nico- 
las Poppel  à  Moscou ,  pour  y  faire 
différentes  propositions.  Le  grand- 
duc  chargea  Trakhaniot  d'y  répon- 
dre, et  tout  fut  réglé  à  la  satisfaction 
des  deux  souverains.  Ce  diplomate  fut 
ensuite  envoyé  en  Allemagne  pour  y 
engager  au  service  de  Russie  des  mi 
neurs,  des  architectes,  des  médecins 
et  d'autres  artistes  ;  ayant  reçu  pour 
frais  de  voyage  quatre-vingts  mar- 
tres zibelines  et  trois  mille  écureuils, 
il  se  rcndità  Francrurt,où  il  fut  pié- 
seuté  à  Maximilien  .  (pi'il  harangua 
en  italien;  il  lui  donna  ,  de  la  part 
de  son  maître,  (juarante  zibelines, 
une  pelisse  d'hermine  et  une  autre 
d'écureuil,  et  bit  cond)lé  de  poli- 
tesses. L'empereur  descendit  de  son 
trône  ,  alla  au-devant  de  lui,  et  le  (il 
asseoir  à  ses  côtés.  Le  iG  juillet 
1/190  il  revint;'»  Moscou  ,  emmenant 


ÏRA 

avec  lui  un  ambassadeur  de  Maxi- 
milien.  Matliias  Corvin  c'iant  mort 
dans  ces  circonstances ,  Maxirailicn  , 
qui  voulait  faire  valoir  ses  droits  à 
la  coui'onne  de  Hongrie ,  mit  une 
grande  importance  à  ses  relations 
avec  la  cour  de  Moscou,  et  il  conclut 
avec  elle  un  traité  d'alliance  offen- 
sive et  défensive,  qui  fut  le  premier 
entre  les  deux  puissances.  Iwan , 
l'ayant  signé,  fit  serment  de  l'obser- 
ver, en  baisant  la  sainte  croix  ; 
Trakbaniot  partit  pour  le  faire  jurer 
à  Maximiiien  de  la  même  manière  ; 
et ,  ce  qui  est  assez  bizarre ,  il  fut 
chargé  de  demandera  ce  prince,  pour 
la  maison  du  grand- duc  ,  un  méde- 
cin qui  sût  guérir  toutes  sortes  de 
maladies,  et  qui  ne  laissât  point 
mourir  ses  malades  (  i  j.  Après  avoir 
passé  trois  mois  à  Nuremberg  ,  il 
revint  à  Moscou  avec  un  ambassa- 
deur de  l'empereur,  et  rapporta  le 
traité  d'alliance  confirmé  et  juré 
par  ce  prince.  L'année  suivante  , 
il  fut  envoyé  de  nouveau  près  de 
Maximiiien  ,  avec  l'ordre  de  s'infor- 
mer seulement  de  sa  sauté  ,  sans  le 
saluer  ,  l'ambassadeur  d'Autriche  , 
dans  l'audience  qui  lui  avait  été  ac- 
cordée ,  s'étant  borné  à  demander , 
de  la  part  de  Maximiiien  ,  comment 
se  portaient  le  grand-duc  et  la  grande- 
duchesse  ,  sans  les  complimenter.  Il 
devait  aussi  s'informer  s'il  ne  trou- 
verait point  une  princesse  royale  qui 
fiit  digne  de  devenir  l'épouse  du  prin- 
ce Wassili.  Pendant  ce  voyage,  il  fit 
à  Iwan  des  rapports  curieux  sur  les 
affaires  politiques  et  commerciales  de 


(i)  I/liishilrc  ne  dit  iminl  si  l'on  trouva  J'iiom- 
iiic  qu'l«aii  (Icuiandait.  I,a  manière  dont  on  Irai- 
lait  alors  Ips  médecins  en  Russie  D*était  pas  enc'oii- 
rageantc.  Uans  la  même  année  i49o  ,  '"'  médecin 
venu  <tc  Venise,  qui  avait  eu  le  inaliicnr  de  laisser 
muurir  le  tils  aînéd'lwan,  l'ut  exécuté  puMiipic- 
nicnt  par  ordre  du  pî-re.  Un  autre  médecin  aile  ■ 
luand  n'ay.'.nt  pu  yiuTir  un  prince  tarlare  Hit  li- 
vré aux  parents  du  tléfunt ,  (|<ii  l'éjEurgireiit. 


TRA  445 

l'Europe.  En  j>assant  par  LulxHîk  ,  il 
engagea  au  service  du  grand-duc  un 
imprimeur  appelé  Barlhclemi^  lequel, 
dans  ce  premier  àgc  de  l'art  typogra- 
phique ,  s'était  acquis  une  grande 
réputation.  Maximiiien,  ayant  fait 
la  paix  avec  Wladislas ,  roi  de  Hon- 
grie ,  et  n'étant  occupé  que  de  la 
guerre  contre  la  France  ,  mit  alors 
beaucoup  moins  d'importance  à  ses 
relations  avec  la  Russie.  Trakbaniot 
revint  à  Moscou  au  mois  de  juillet 
1493,  et  depuis  cette  époque  ,  il  ne 
fut  plus  charge  de  communiquer  avec 
l'Autriche.  11  fut  eu  grande  faveur 
près  de  Wassili  III,  qui  lui  donna 
encore  des  missions  diplomatiques 
en  Italie  ;  il  fut  admis  dans  son 
conseil ,  et  nommé  grand-dignitai- 
re de  l'empire.  Trakhaniot  est  le  pre- 
mier qui  ait  fait  venir  en  Russie  des 
hommes  habiles  dans  l'art  d'exploi- 
ter les  mines  j  et  ce  fut  par  eux  que 
l'on  découvrit  alors, aux  environs  de 
Petchora  ,  une  mine  de  cuivre  qui 
occupait  un  espace  de  dix  verstcs. 
Ce  grand  homme  d'état  mourut  dans 
les  premières  années  du  seizième 
siècle.  G — Y 

TRALLES  (Balthasar-Louis)  , 
médecin  du  roi  de  Pologne,  naquit,  à 
Breslau,  le  i*^'.  mars  l'j 08.  Après 
avoir  fait  ses  études  médicales  à  Leip- 
zig et  à  Halle ,  ii  vint  exercer  dans  sa 
ville  natale,  oii  il  s'acquit  une  telle  ré- 
putation ,  que  plusieurs  souverains 
lui  firent  des  propositions ,  qu'il  re- 
jeta ,  voulant  vivre  indépendant.  En 
i-^Hq,  il  publia  sa  correspondance 
cl  les  cnti'ctiens  qu'il  avait  eus  avec 
Frcdéric-!e-Grand ,  avec  INIarie-Thé- 
rèse  et  avec  la  duchesse  de  Saxe-Go- 
tha. 11  mourut,  à  Breslau,  le  7  février 
'797'  ayant  atteint  sa  quatre-vingt- 
neuvième  année.  Ses  écrits  lui  raéri- 
lèrcnt  riiouneiir  d'être  admis  à  l'a- 
cadémie impériale  de  Vienne  et  h  la 


44<5 


TRA 


société  royale  de  Berlin.  Il  observait 
avec  justesse;  tout  ce  qu'il  a  écrit 
porte  l'empreinte  d'un  sens  exquis 
et  d'une  raison  droite.  De  son  temps , 
quelques  médecins  voulaient  guérir 
toutes  les  maladies  avec  le  camphre, 
d'autres  avec  les  vésicatoircsouavec 
l'opium;  Tralles  s'éleva  fortement 
contre  ce  charlatanisme.  Voici  quel- 
ques-uns des  ouvrages  qu'il  a  publiés  : 
I.  Précautions  que  doit  prendre  une 
bonne  mère  pour  la  santé  de  son  en- 
fant nouveau-né  {iiWemaiuà),  Bres- 
lau  ,  17  5o  ,  in -8".  II.  Historia  cho- 
lerce  atrocissimœ ,  Breslau  et  Leip- 
zig ,  1753  ,  in-8'\  III.  Sur  les  bains 
de  Carlsbad  en  Bohème ,  et  leur  e/- 
/iCflc/fe  (allemand) ,  Breslau,  1756; 
seconde  édition,  1757,  in -8".  IV. 
Ifsus  opii  saluhris  et  noxius  in  mor- 
borum  medeld,  solidis  et  certisprin- 
cipiis  superstructus ,  Breslau,  1 7 57, 
in-4''.;  réimprimé  sept  fois  jusqu'en 
l'^S'i..  V.  rexatissimuni  nostrd 
œtate  de  insitione  variolarum  vel 
admittendd  vel  repudiandd  argu- 
mentum,  Breslau,  1765,  in -8^.; 
réimprimé  à  Naples ,  1 780 ,  in  -  8°. 
VI.  De  animœ  existentis  imma- 
terialitate  et  immortalitate  cogi- 
tata,  Breslau,  1774?  i»-8".  ;  en  al- 
lemand ,  Breslau  ,  1776  ,  in-8^.  IMa- 
rie-Thérèse^  pour  témoigner  la  sa- 
tisfaction que  la  lecture  de  cet  ou- 
vrage, dirigé  contre  le  matérialis- 
me de  La  Mcttric,  lui  avait  procurée, 
envoya  à  l'auteur  une  tabatière  eu 
or.  VII.  De  usu  vesicantium  infe- 
bribus  aculis ,  ac  speciatim  in  sa- 
nandd  pleurilidc  accuratiàs  dclcr- 
minando ,  htcs\:in  ,  177G;  seconde 
édition,  1778.  \\\\.  Sur  la  langue 
et  la  littéral  lire  allenumde  (alle- 
mand ),  Berlin,  1781,  in-8''.  IX. 
Ihus  vesicantium  saluhris  et  noxius 
in  morhorum  medeld  ,  J?reslau  , 
1782  et  8J,  in-4'^  (i— y. 


TRA 

TRANCHANT  DE  LA  VERNE. 

Vor.  Verne. 

TRANQUILLE  (  le  père  ) ,  de 
Bayeux,  capucin.  Son  opposition  à 
la  bulle  Unigenitus  lui  attira  des 
persécutions  dans  son  ordre ,  qui 
l'obligèrent  de  le  quitter  en  172.5. 
Deux  ans  après  ,  il  se  réfugia  en 
Hollande  ,  et  fixa  son  séjour  à 
Utrecht.  Il  y  vivait  encore  en  1770 
sous  le  nom  d' Osmont  Du  Sellier. 
On  a  de  lui:  I.  Eclaircissement  de 
plusieurs  difficultés  sur  les  conciles 
généraux.  II.  Instruction  théolo- 
gique en  forme  de  catéchisme  sur 
les  promesses  faites  à  l'Eglise  , 
Utrecht,  1733.  Cet  ouvrage  fut  com- 
posé sous  la  direction  de  l'abbé  Le- 
gros.  \\\.  Justification  des  discours 
et  de  V histoire  de  M.  l'ahhéFleury. 
Le  premier  tome  parut  en  1736  ,  et 
le  second  en  Hollande  sous  le  titre  de 
Nancy _,  1738.  H  y  a,  dans  ce  der- 
nier volume,  pages  287  et  288,  une 
note  sur  Vuiiité  de  l'Eglise  que 
l'auteur  désavoua  plus  tard.  IV.  Plu- 
sieurs manuscrits.  T — d. 

TRANSTAMARE.  Voy.  Henri, 
XX,  170. 

TRAPEZUNTIUS.    F.  George 

DE  TrÉp.IZONDE,  XVII,   l53. 

TRAPP  (  JosEPU  ) ,  poète  anglais  , 
né  à  Cherington ,  dans  le  comté 
de  Gloucester  ,  en  1679  ,  remplit 
did'ércntes  fonctions  ecclésiastiques 
dans  l'Église  anglicane,  fut  profes- 
seur à  l'iHiiversité  d'Oxford,  cultiva 
en  même  temps  les  belles -lettres  et 
surtout  la  poésie,  et  mourut  en  1747- 
Ou  a  de  lui  :  1.  Xhramule  ou  VA- 
rnour  et  l'Empire  (anglais)  ,  tra- 
gédie représentée  en  1704.  \\.  Prœ- 
lectioncs  poeticœ.  Ce  sont  les  le- 
çons qu'il  donnait  en  latin  ;  elles 
ont  été  aussi  |)ubliécs  en  anglais , 
174'-'-.  111.  Caractère  du  parti  ac- 
tuel  des    TVhigs   (anglais),   Lon- 


TRA 

Jrcs,  171 1.  IV.  Virgile,  traduit  en 
vers  libres.  L'auteur  jnvleiiri  avoir 
iTudu  la  pensée  du  poète  laliu  plus 
fidèlement  que  Dryden;  mais  sa  tra- 
duction est  faible  et  prosaïque.  V. 
Anacréon  et  le  Paradis  perdu  de 
Milton  ,  traduits  eu  latin.  Il  a  com- 
pose ,  sur  dilîërents  sujets,  de  petits 
poèmes  latins,  dont  quelques-uns  ont 
été  insérés  àaïïs\es Miisœ anglicanœ. 
Parmi  ses  pièces  en  vers  anj^lais  ,  on 
remarque  celle  qu'il  écrivit  sur  les 
Quatre  fins  dernières  de  l'homme , 
dont  ildonna  un  exemplaire  à  cha- 
que paroissien  de  l'éj^lise  à  laquelle 
il  était  alors  attaché.  Depuis  l'j-2.5  , 
Trapp  a  publié  ses  Sej'mons  et  la 
Défense  de  V Eglise  anglicane  con- 
tre l'Eglise  romaine.  —  Trapp 
(  Joseph  )  ,  lils  du  précédent ,  a  jni- 
Llié  :  I.  Fie  de  Linné ,  avec  la  liste 
de  ses  ouvrages  et  la  Vie  de  son 
fils  ,  traduit  de  l'allemand  en  an- 
glais ,  Londres,  1794»  iu-4".  LL 
Voyage  à  Madagascar  et  dans  les 
Indes  orientales  ,  avec  les  Mé- 
moires sur  le  commerce  en  Chine  , 
par  Bjunel  ,  traduits  en  anglais  , 
Londres,  i';93,in-8°.       G — y. 

TRASIBULE.  V.  Thrasybule. 

TRATTNER  (  Jean  -  Thomas  , 
baron  de),  imprimeur  célèbre  par 
son  activité,  par  l'étendue  de  ses  en- 
treprises et  par  les  services  qu'il  ren- 
dit aux  arts  et  aux  sciences  ,  naquit , 
en  1 7  I  o  ,  à  Johrmannsdorf  près  de 
Guns  en  Hongrie,  de  parents  très-pau- 
vres ,  qu'il  perdit  même  dès  son 
enfance.  Après  deux  années  d'ap- 
prentissage, il  fut  reçu,  en  lyS"], 
dans  les  ateliers  de  Glielen  ,  alors  im- 
primeiu-  de  la  cour  de  Vienne.  Sa 
probité  et  son  intelligence  lui  procu- 
rèrent des  amis,  par  le  secours  des- 
quels il  acheta,  en  1748,  une  impri- 
merie peu  considérable  et  tellement 
lombée  qu'elle  n'avait  plus  que  sou 


TRA 


447 


nom;  mais  Ijientot  il  l'eut  relevée  et 
agrandie  avec  un  tel  succès,  qu'aii 
bout  de  qnchpies  années  on  v  voyait 
trente-quatre  presses  ,  et  qu'elle  avait 
cinq  espèces  de  succursales ,  à  Agram, 
à  Pest ,  à  Inspruck  ,  à  Lintz  et  à 
Trieste.  Trattner  y  ajouta  successi- 
vement huit  librairies  et  dix-huit  dé- 
pôts de  livres,  non-seulement  dans  les 
états  héréditaires  d'Autriche,  mais 
aussi  dans  les  villes  étrangères,  com- 
me à  Varsovie  et  à  Francfort-sur-le- 
Mein.  Il  éleva ,  dans  la  Josephstadt , 
à  Vienne,  un  immense  bâtiment  pour 
y  réunir  toutes  les  branches  de  i 'im- 
primerie et  de  la  librairie.  Il  établit 
deux  grandes  papeteries.  Enfin  il  a  j  ou- 
ta  aux  embellissements  de  la  capitale 
de  l'Autriche,  en  élevant,  sur  It  Gra- 
hen  ou  Fossé ,  un  des  plus  beaux  bâ- 
timents que  possède  cette  ville.  Par 
sesellbrts  et  par  ses  voyages  dans  les 
pays  étrangers ,  il  donna  à  l'imprime- 
rie et  à  la  librairie, tantàViemie  que 
dans  les  pays  héréditaires,  une  im- 
pulsion qui  a  été  très  -  favorable  au 
développement  intellectuel  de  la  na- 
tion autricliienne.  Marie -Thérèse  le 
mit  à  la  tête  de  l'imprimerie  de  la 
cour.  François  L''.  le  nomma  cheva- 
lier de  l'empire,  et  Léopold  II  le  fit 
baron  du  royaume  de  Hongrie.  Il 
mourut, à  Vienne, le  3 1  juillet  1798, 
quelque  temps  après  avoir  célébré  sa 
cinquantième  année  de  réception  , 
comme  maitre-imprimeur.  On  lui  a 
reproché  les  nombreuses  contrefa- 
çons qu'il  se  permettait  sans  scrupu- 
le, qui  lui  firent  une  grande  fortune, 
et  que  ie  gouvernement  autrichien  to- 
lérait, malgré  les  réclamations  qu'on 
lui  adressait  de  toutes  les  parties  de 
l'Allemagne.  G — y. 

TRAUCAT  (François),  mal-à- 
propos  af)pelé  Brocard,  dans  les  IMé- 
moires  de  Bàville  ,  naquit ,  dans  la 
première  moitié  du  seizième  siècle  , 


448 


TRA 


à  Nîmes ,  où  il  fut  simple  jardinier. 
Les  manufactures  de  soieries  établies 
en  France  sous  le  règne  de  Louis  XI 
n'employèrent  long  -  temps  que  des 
matières  étrangères.  Le  mûrier  n'e'- 
tait  encore  qu'un  objet  de  curiosité', 
dans  les  jardins  de  quelques  ama- 
teurs opulents.  On  attribue  générale- 
ment à  Olivier  de  vSerres  l'important 
service  d'en  avoir  le  premier  propa- 
gé la  culture.  Cependant  Traucat  l'a- 
vait devancé.  A  l'époque  oii  le  célè- 
bre asïronomc  du  Pradel  publiait  le 
livre  de  son  Mesnage  des  champs  in- 
titulé :  la  Cueillette  de  la  soie  par 
la  nourrilure  des  vers  (jui  la  font , 
et  recevait  d'Henri  IV  l'ordre  de 
planter  vingt  mille  mûriers  aux  Tuile- 
ries ,  et  d'eu  fournir  aux  généralités 
de  Lyon,  de  Tours  ,  d'Orléans  et  de 
Paris  ,  les  pépinières  du  jardinier  de 
Nîmes  ,  mises  en  rapport  dès  l564  , 
avaient  déjà  enrichi  le  Languedoc  et 
la  Provence  de  plus  de  quatre  mil- 
lions de  ces  arbres  ;  bienfait  qui  s'est 
accru ,  perpétué ,  et  qui  est  devenu 
l'une  des  principales  sources  de  la 
prospérité  de  ces  provinces ,  tandis 
qu'il  ne  reste  plus  de  traces  des  ef- 
forts d'Olivier  de  Séries  pour  y  faire 
participer  les  contrées  au-delà  de  la 
Loiie. Traucat  développa  les  moyens 
de  donner  à  la  culture  de  cet  arbre  la 
plus  grande  extension  ,  en  calcula 
tous  les  avantages,  dans  un  Discours 
abrégé  sur  les  vertus  et  propriétés 
des  mûriers,  etc. ,  dédié  au  roi,  Pa- 
ris, ifJoO.  Son  zèle,  ainsi  que  l'at- 
teste Bà  ville  ,  avait  alors  été  déjà  ré- 
compensé par  une  pension  et  par 
l'autorisation  l\o planter  des  mûriers 
dans  tous  les  endi'oits  du  royaume 
où  il  le  jugerait  à  propos.  îl  avait 
.iiissi  obtenu,  en  i()oi  ,  la  permis- 
sion de  fouiller,  à  ses  frais,  sous  les 
ruines  d'un  mouunu'iit  romain  (la 
Tounuagne) ,  i^our  chercher  un  Irc- 


TRA 

sor  qu'on  y  snpposait  enfoui.  Le  tiers 
lui  en  était  accorde  :  le  roi  s'était  ré- 
servé le  surplus.  Le  bon  jardinier, 
moins  sage  et  moins  heureux  dans 
cette  spéculation  que  dans  celle  qui, 
jusqu'à  ce  moment,  avait  fait  l'objet 
de  ses  soins,  consuma  en  de  vai- 
nes recherches  la  fortune  qu'il  avait 
amassée  par  un  plus  utile  travail.  On 
trouve  sur  lui  une  Notice  dans  les 
Mémoires  delà  société  royale  d'agri- 
culture, pour  iSi'j.         V.  S.  L. 

TRAUN     (    OtHON  -  FEr.DINAND  , 

comte  DE  ),  feld-maréchal  au  servi- 
ce d'Autriche ,  né  le  1']  août  1^)77, 
était  fils  unique  du  comte  d'Eschel- 
berg  ,  chef  d'une  des  plus  anciennes 
familles  de  la  Bavière.  Après  avoir 
achevé  ses  études  à  Halle ,  il  entra 
au  service  d'Autriche.  Pendant  la 
guerre  de  la  succession  d'Espagne , 
il  se  distingua  d'une  manière  si  bril- 
lante ,  qu'en  1704  ,  à  l'àgc  de  vingt- 
sept  ans ,  il  était  colonel  et  général- 
adjudant.  11  fut  d'abord  envoyé  en 
Espagne ,  et  de  là  il  vint  en  Lombar- 
die,  puis  en  Sicile,  à  la  tète  de  son 
régiment ,  qui  avait  porté  le  nom  du 
comte  d'Eck.  L'empereur  le  nomma , 
en  1723,  général -major;  gouver- 
neur de  Messine ,  en  1727;  puis  com- 
mandaut-géuéral  des  troupes  de  l'Au- 
triche en  Sicile.  Ne  pouvant  tenir  la 
campagne  en  présence  d'un  ennemi 
qui  lui  était  de  beaucoup  supérieur 
en  forces  ,  il  passa  le  détroit ,  et  se 
jeta  dans  Capoue,  où  il  se  défendit 
de  la  manière  la  plus  distinguée. 
Dans  une  seule  sortie ,  il  fit  perdre 
à  renncmi  cinq  cents  hommes  :  mais 
n'ayant  aucun  espoir  de  secours , 
après  un  .siège  de  deux  mois,  il  se  re- 
tira à  la  tête  de  trois  mille  hommes. 
La  cour  de  Vienne  le  nomma  ,  en 
1735,  général  d'artillerie  ;  et ,  en 
1730,  gouverneur  de  Milan.  En 
17 'lO,  il  défendit  avec  siiccès  son 


TRA 

j^oiiverneraent ,  de  concert  avec  le  roi 
de  Sardaigne ,  contre  des  forces  su- 
périeures, et  le  8  février  \']^^ ,  il 
gagna  la  iDataille  de  Gampo-Santo  , 
sur  les  bords  du  Tanaro.  Mais  cette 
victoire  ne  satisfit  point  la  cour  de 
Vienne  ,  qui  trouva  que  sou  général 
n'en  avait  pas  assez  fait.  Cependant, 
selon  Frédéric  II ,  c'était  le  premier 
des  généraux  autrichiens.  Il  éprouva 
une  sorte  de  disgrâce  ;  et  après  avoir 
remis  son  commandement  au  général 
de  Lobkowitz  ,  il  alla  servir  sous  le 
prince  de  Lorraine ,  en  Allejnagne  , 
où  ses  avis  furent  extrêmement 
utiles.  Le  roi  de  Prusse  lui  attri- 
bue même  la  plus  grande  parlie 
delà  gloire  qu'obtint  dans  cette  cam- 
pagne l'armée  autrichienne.  «  Ce 
»  qu'il  y  eut  de  plus  fâcheux,  dit 
»  Frédéric,  c'est  que  le  maréchal  de 
»  Traun  commandait,  en  ellét ,  la 
»  grande  armée  qui  portait  le  nom 
»  du  prince  de  Lorraine.  Tout  l'a- 
»  vanlage  de  cette  campagne  fut  pour 
»  les  Autrichiens  ;  M.  de  Traun  y 
»  joua  le  rôle  de  Sertorius ,  et  le  roi 
»  de  Prusse  celui  de  Pompée.  La  con- 
»  duite  de  M.  de  Traun  est  un  mo- 
»  dèle  de  perfection.  Par  l'effet  de 
»  sa  savante  tactique ,  le  roi  se  vit 
»  contraint  d'évacuer  la  Bohême, 
»  dont  il  avait  d'abord  enlevé  la  ca- 
»)  pitale  à  une  garnison  de  quinze 
»  mille  hommes.  »  Frédéric  achève 
ce  noble  aveu,  en  disant  «  qu'il  re- 
»)  garde  cette  campagne  comme  son 
»  école  dans  l'art  de  la  guerre,  et 
»  M.  de  Traun  comme  son  précep- 
»  teur.  »  En  1746,  Ti-aun  se  rendit 
à  Vienne ,  où  il  fut  reçu  de  la  maniè- 
re la  j)Ius  flatteuse.  L'année  suivante 
il  fut  nommé  gouverneur  de  la  Tran- 
silvanie,  et  le  t8  février  1748,  il 
mourut  à  Hermanstadt.     M — d  j. 

T  R  A  U  T  S  0 N   (  j£  AN  -  Joseph  , 
comte  de),  cardinal  cl  archevêque 


TRA  449 

de  Vienne ,  naquit ,  le  27  juillet  1 704, 
de  Léopold  Donat ,  prince  de  Traut- 
son.  Destiné  à  l'état  ecclésiastique,  il 
fut  envoyé  a  Rome  et  à  Sienne,  pour 
y  faire  ses  études.  A  sou  retour ,  il 
fut  nommé  chanoine  à  Saltzboiirg  ,  à 
Passau  ,  à  Breslau  ,  et  abbé  commcn- 
da taire  de  deux  maisons  religieuses. 
Le  7  septembre  1700,  l'impératrice 
Marie-Thérèse  le  nomma  coadjuteur 
de  l'archevêque  de  Vienne  ;  et  le  pa- 
pe, en  confirmant  ce  choix,  lui  don- 
na le  titre  d'archevêque  de  Carthage. 
Le  cardinal  Kollonitsch,  archevêque 
de  Vienne ,  étant  mort  le  l 'i  avril 
1701 ,  son  coadjuteur  lui  succéda  de 
droit.  Dès  ce  moment ,  Trautson , 
nommé  conseiller  intime  de  l'impé- 
ratrice, devint  le  prélat  le  plus  puis- 
sant à  la  cour.  Le  i^r.  janvier  1752, 
il  adressa  aux  ecclésiastiques  de  son 
diocèse  une  lettre  pastorale,  qui  pro- 
duisit en  Allemagne,  et  surtout  par- 
mi les  Protestants,  une  vive  sensa- 
tion.  Préludant  aux  innovations  qui 
devinrent  si  fatales  au  règne  de  Jo- 
seph II ,  il  se  plaignait  de  l'ignoran- 
ce dans  laquelle  le  clergé  entretenait 
les  fidèles ,  au  lieu  de  leur  expliquer 
les  vérités  fondamentales  de  la  reli- 
gion. «  Vous  ne  leur  parlez ,  disait-il , 
que  des  indulgences  ,  que  de  pré- 
tendus miracles  ,  que  de  pèlerina- 
ges ,  que  d'images  opérant  des 
guérisons  miraculeuses,  que  de  con- 
fréries, etc.  »  Cet  écrit  déplut  beau- 
coup au  clergé  et  à  la  plupart  des 
fidèles  j  mais  le  mécontentement 
presque  général  ne  lit  qu'augmenter 
l'intliicnce  du  prélat.  Il  fut  chargé 
par  Marie  -  Thérèse  de  réformer  l'u- 
niversité de  Vienne ,  et  de  lui  pro- 
poser un  plan  pour  y  porfectiouner 
l'enseignement.  En  1752  ,  cette  jiiiu- 
cesse  le  nomma  protecteur  de  l'uni- 
versité, en  lui  conliaut  la  surinten- 
dance des  études  dans  sou  diocèse , 


4'îo 


TRA 


avec  pouvoir  de  prendre  les  mesures 
et  de  publier  les  règlements  qu'il  ju- 
gerait convenables.  Jusque-là  les  Jé- 
suites avaient  occupe  toutes  les  places 
à  l'université  :  Trautson  voulut  qu'ils 
les  partageassent  avec  les  autres 
ordres  religieux.  Il  s'entendit  avec 
Frédéric  -  Cliarles,  evèque  de  Bam- 
berg  et  de  Wurtzbotirg ,  pour  de'- 
terminer  la  cour  de  Rome  à  dimi- 
nuer le  nombre  des  jours  de  fêtes. 
D'après  l'avis  de  ces  deux  prélats , 
l'impératrice  écrivit,  en  lySS,  au 
pape  Benoît  XIV ,  pour  lui  repre'- 
senter  que  le  grand  nondîre  des  jours 
fériés  ne  faisait  que  favoriser  l'oisi- 
veté. Le  pontife  se  rendit  à  cette  de- 
mande, par  luie  bulle  du  i^'".  sep- 
tembre 1753^  et  le  4  février  1754, 
l'arclievctjue  de  Vienne  adressa  aux 
fidèles  de  son  diocèse  une  longue  let- 
tre pastorale  sur  les  fctes  supprimées 
et  sur  la  manière  de  célébrer  celles 
qui  étaient  conservées.  Le  comte  de 
Khcvcnhuilcr  avait  gardé  la  di- 
rection du  cullt^ghini  Thcresia- 
nuin ,  fondé  par  Marie-Thérèse  pour 
l'éducation  des  nobles  destinés  au 
métier  des  armes.  11  fut  obligé  de  ré- 
signer ces  fouctions  en  faveur  de  l'ar- 
chevcque  de  Vienne,  qui  douna  aus- 
sitôt à  cet  établissement  de  nouvelles 
formes  et  de  nouveaux  règlements, 
l-jilin  Trautson  parvint  au  comble 
des  honneurs.  L'impératrice  deman- 
da pour  lui  le  chapeau  de  cardinal; 
et  il  lui  fut  accordé  le  5  avril  n56. 
Ij'empereur  lui  remit  la  barette,  dans 
l'église  de  la  cour,  avec  une  pompe 
extraordinaire;  mais  il  jouit  peu  de 
temps  de  celte  haute  faveur.  Le  19 
décembre  de  la  même  année ,  il  fut 
frappé  d'apoplexie,  et  mourut  le  10 
mars  I  7^7.  Cl — Y. 

TRAVASA  ( C A,iKTAN  -  Marik ) , 
liislorieii ,  néà  Bassano,  en  lO^.jH  ,prit 
riiahit  des   l'héatiiis  .i  Vcnse  ,    eu 


TRA 

1717,  étudia  successivement  à  Bolo- 
gne ,  à  Florence  ,  à  Rome,  et  a  pris 
avoir  professé  la  philoso})hiedanslcs 
écoles  de  son  ordre  à  Venise,  il  s'a- 
donna à  la  prédication.  Il  s'était  for- 
mé une  bibliothèque  considérable,  ou 
il  allait  s'enfermer  des  qu'il  pouvait 
se  dérober  aux  travaux  de  son  aposto- 
lat. Ayant  conçu  le  plan  d'un  ouvra- 
ge sur  les  h érésia rqu.es,  il  publia,  en 
1746,  la  Vie  d'Arius  ,  dont  les  opi- 
nions avaient  troublé  l'Eglise  au  com- 
mencement du  quatrième  siècle.  Le 
succès  de  cet  essai  l'encouragea  à  con- 
tinuer ses  recherches;  et  il  ne  lui  fallut 
pas  moins  de  dix  ans  pour  livrer  au 
public  cinq  volumes  contenant  la  Vie 
des  hérésiarques  des  trois  premiers 
siècles  de  l'ère  chrétienne.  La  Vie  de 
Manès ,  qui  termine  le  dernier  tome  , 
est  précédée  de  quatre  Dissertations  : 
la  première  sur  la  secte  des  Adami- 
tes  et  sur  l'instoire  du  manichéisme 
de  Beausobre;  la  seconde  sur  l'auto- 
rité des  Actes  de  saint  Archelaiis,  et 
les  deux  dernières  sur  Scythien  et 
Térébinlhe ,  les  deux  précurseurs  de 
Manès.  L'auteur  se  jette  dans  des 
digressions  qui  embarrassent  sou- 
A'cnt  le  récit  des  faits  principaux.  Il 
prodigue  les  citations  et  les  autorités; 
ce  qui  annonce  chez  lui  plus  d'érudi- 
tion que  de  jugement.  Travasa  mou- 
rut presque  aveugle,  à  Venise,  le  1 5 
janvier  1774-  Sf's  ouvrages  sont  :  T. 
Panegirico  sacro  dctto  nclla  hasili- 
ca  ducale  di  Veiiezia ,  Venise,  1727, 
in  -  8".  IL  Sloria  critica  dcUa  vita 
d'yîrio ,  primo  cresiarca  del  ir°. 
secolo ,  ibid.,  \-J^(\,\n  8".  III.  5/o- 
ria  critica  dellc  vite  degli  eresiar- 
chi  de'  treprimi  secoli ,  ib. ,  1752- 
62,  5  vol.  in -8".,  avec  portraits. 
IV.  Preparazianc  alla  morte,  per 
ogni  pcrsoiia  dt'l  chiostro  ,  ibid. , 
lyGoi ,  in -8".  V.  htruzioni  c  rcgolc 
per  taccrc  c  per  parlnre  corne  con- 


IRA. 

inensiinmateria  di  religione,  Lbid., 
i'-jO^^  m-8°.  yi.  Quaresimale,  ib., 
i'j66,  in-4*'.  Cet  ouvrage,  dédie  aux 
syndics  de  Bassauo  ,  \alut  à  l'auteur 
uue  médaille  d'or  à  son  effigie,  por- 
tant sur  le  revers  les  armes  de  la  vil- 
le, avec  cette  inscription  :  Civi  sx;o_, 
civitasBassam.  vil  Pajiegirici  e 
ragionamenti  sacri,  iLid.,  1767  _, 
in-4°.  Une  partie  de  ce  recueil  avait 
paru  ,  en  1758,  sous  le  titre  de  Ra- 
gionamenti sacri  ^  in  8^.  Les  Pané- 
gyriques sont  au  nombre  de  quinze. 
YIIL  Inni  sacri  dcl  breviario  roma- 
no  viinutamente  spiegati ,  ibid.  , 
1769,  3  vol.  in-S^".  Ce  fut  par  ses 
soins  qu'on  donna  à  Rome  la  pre- 
mière édition  complète  des  œuvres 
du  cardinal  Tommasi  (  V.  ce  nom  ) , 
dont  il  a  écrit  la  vie.  Il  a  été  aussi 
l'éditeur  des  deux,  ouvrages  suivants  : 
I  ''.  Nuova  Raccoîta  di  varie  e  scelle 
orazioni,  ibid.,  1754-647  6  volum. 
in-4*'.  j  2°.  Décadi  di  panegirici  de' 
Chierici  regolari,  Venise  et  Floren- 
ce, 3  vol.  iu-S*^.  Deux  de  ses  ouvra- 
ges sont  restes  inédits.  Voy.  Vezzosi^ 
Scrittori  tealini ^  11 ,  244?  et  \erci^ 
Scrittori  Bassanesi ,  dans  la  Nuova 
raccoîta  calogeriana ^  tome  xxx. 

TRAVERS  (  Nicolas  ) ,  prêtre 
appelant ,  né  à  Nantes  eu  1 686  ,  y 
lit  ses  études  ,  et  fut  d'abord  vicaire 
de  Saint-Saturnin  ,  l'une  des  parois- 
ses de  cette  ville.  Il  pubUa  ,  eu  1734, 
inic  Consultation  sur  la  juridiction 
et  l'approbation  nécessaires  pour 
confesser,  en  sept  questions.  Sou  but 
était  de  prouver  que  tout  prêtre  non- 
approuvé  d'aucun  évoque  pouvait 
absoudre  validcment  et  souvent  lici- 
tement ;  il  écartait  le  décret  du  con- 
cile de  Trente ,  en  disant  que  ce  dé- 
cret n'avait  été  rendu  que  pour  le 
temps  du  concile ,  et  que  d'ailleurs 
les  curés  n'avaient  point  été  cnten- 


TRA  45 1 

dus  ni  appelés.  Cet  ouvrage  fut  cen- 
suré par  la  faculté  de  théologie  de 
Paris,  le  i5  septembre  1785  ,  et  par 
quelques  évcques,  et  réfuté  par  le 
père  Bernard  d'Arras ,  dans  son  li- 
vre de  V  Ordre  de  l'Eglise  ou  la 
primauté  et  la  subordination  ecclé- 
siastique ,  Paris ,  1735. Travers  sou- 
tint ses  sentiments  dans  l'écrit  inti- 
tulé :  la  Consultation  défendue  par 
l'auteur  contre  le  mandement  de 
M.  Langue t ,  le  livre  du  père  Ber- 
nard et  la  censure  de  quatre-vingt- 
six  docteurs ,  1 7  36 ,  in-40.  Depuis,  il 
refondit  cet  ouvrage  qui  parut  sous 
le  titre  de  Pouvoirs  légitimes  du 
premier  et  du  deuxième  ordre  dans 
l'administration  des  sacrements  et 
le  gouvernement  de  l'église,  ^'^44» 
iu-4°. ,  de  -^44  pages  ,  avec  un  grand 
nombre  de  notes.  Ce  livre  durement 
écrit  n'était  pas  meilleur  sous  le  rap- 
port littéraire  que  sous  le  rapport 
tliéologique  ,  et  l'auteur  mêlait  à  ses 
erreurs  des  choses  aigres  et  offen- 
santes pour  l'épiscopat.  L'assemblée 
du  clergé  de  1745  fit  connaître,  par 
un  rapport  pubbc ,  son  sentiment  sut 
cet  ouvrage,  que  la  faculté  de  théo- 
logie de  Nantes  censura  expressé- 
ment, le  19  avril  1746.  Cette  cen- 
sure ,  qui  est  imprimée,  renferme 
onze  articles  et  applique  des  notes 
spéciales  à  99  propositions.  C'est 
contre  cet  ouvrage  que  l'abbé  Corgne 
publia  sa  Défense  des  droits  des 
évéques,  1763,  'î  vol.  in-4''. ,  pour 
laquelle  le  clergé  lui  accorda  une 
gratification.  Travers  fut  exilé  dans 
le  couvent  des  cordeliers  de  Savenay , 
d'où  ou  lui  permit  de  sortir  _,  en 
1 748  ,  mais  avec  défense  de  rien  fai- 
re imprimer  sur  les  affaires  de  l'é' 
glise.  Il  mourut  le  i5  octobre 
1750.  Outre  les  ouvrages  déjà  cités, 
on  a  de  lui  :  Explication  historique 
et  littérale  de  trois  inscriptions  ro- 

29- 


^32 


TRA 


mairies  que  Von  voit  à  Rennes  et  à 
Saint-Meloir  en  Bretagne^  dans  le 
tome  V ,  publie  eu  1 7'-i8 ,  des  Mémoi- 
res de  Desmoiets  ).  IL  Histoire 
abrégée  des  évéques  de  Nantes, 
daus  le  tome  vu  des  mêmes  Mé- 
moires )■  C'est  uu  extrait  du  grand 
travail  de  l'auteur ,  qui  est  reste  ma- 
nuscrit. III.  Vie  de  Litoin  ,  curé  de 
Saint-Saturnin,  de  Nantes ,  1729, 
in- 12.  IV.  Catalogue  des  princes 
et  comtes  ,  seigneurs  de  Nantes  , 
depuis  les  Romains  jusqu'en  1 75o  , 
Nantes,  i75o,iu-i2.V.  Codex  eccle- 
siœ  nannetensis  ,  acta  ecclesiœ  nan- 
jietensis ,  spicilegium  nannetense , 
sjnodeum  luinnetense.  VI.  Dis- 
sertation sur  les  monnaies  de  Bre- 
tagne ,  in-S*^. ,  anonyme  et  sans  date. 
Travers  a  laisse  plusieurs  manuscrits 
qui  ont  passé  dans  la  bibliothèque 
publique  de  Nantes  :  1°.  Un  Traité 
des  conciles  de  la  métropole  de 
Tours  ,  eu  2  vol.  in-fol.  2°.  Utw His- 
toire des  évéques  de  Nantes ,  du 
comté  et  de  la  ville ,  oit  les  faits  les 
plus  singuliers  de  Vhistoire  de  l'é- 
glise ,  de  la  ville  et  du  comté  de 
Nantes  sont  rapportés  ,  manuscrit, 
in-4°.  ,  de  820  pages.  Ou  ne  sait  si 
jamais  on  publiera  cet  ouvrage  dans 
lequel  Guimar  a  i)ris  ,  dit-on  .  tout 
ce  que  contiennent  de  bon  ses  an- 
nales. 3°.  Un  Traité  sur  les  con- 
trats de  constitution,  etc.      P-c-x. 

TRAVERSARI.  F.  Amcroise  le 
Camaldule. 

TRAVERSARI  (Charles-Marie), 
religieux,  né  à  Lugo,  dans  le  Ferra- 
)ois,  (il  ses  études  à  Faenza,  et  en- 
tra dans  l'ordre  des  Servîtes.  Il  pro- 
fessa la  théologie  à  IMantoue,  et  fut 
un  des  adversaires  de  M.  de  Hon- 
llieim  ;  son  c-crit  est  sous  fc  titre  : 
Ennodii  Favciitini.  de  romani pon- 
tijicii  primalu  ,  adversùs  Justinum 
Fcbronium  ,    l/ieologico-  hisloricn- 


TRA 

critic.a  dissertatio , Faenza,  1 77 1 ,  în- 
4'^  Travcrsari  adopta  le  sentiment  du 
père  Nannaroni  ,  dominicain  de  Na- 
ples  ,  qui  prétendait  qu'il  faut  com- 
munier les  (idèles  ,  non  avec  des  hos- 
ties réservées ,  mais  avec  des  hosties 
consacrées  à  la  messe  même.  L'ou- 
vrage de  Nannaroni  avait  paru  eu 
1770  ,  à  Naples  ,  sous  le  titre  de  Ca- 
téchisme en  forme  de  dialogue  sur 
la  communion  du  saint  sacrifice  , 
1  vol.  in-8°.  •  ce  catéchisme  fut  atta- 
qué, et  l'auteur  en  publia  des  apolo- 
gies ;  un  décret  de  l'index ,  du  1 8 
août  1775,  condamna  ces  différents 
écrits.  Toutefois  Traversari  donna  à 
Pavie  ,  en  1779,  une  Dissertation 
théologico-polémique  sur  la  commu- 
nion du  sacrifice  non-sanglant  de 
la  loi  nouvelle;  cette  dissertation 
était  eu  latin  ,  et  fut  suivie  d'mie 
Instruction  sur  le  sacrifice  de  la 
messe ,  eu  italien,  Pavie,  1780.  Ces 
deux  écrits  furent  mis  à  l'index ,  par 
décret  du  3  décembre  1781.  L'auteur 
réclama  par  une  requête  que  la  du- 
chesse douairière  Gonzaguede  Guas- 
talla ,  dont  il  était  confesseur ,  recom- 
manda au  cardinal  Rezzonico.  Pie  VI 
adi'essa  sur  ce  sujet  à  la  duchesse 
un  bref,  du  27  mai  1783  ,  oii  il  re- 
prochait au  Servite  d'avoir  adopté 
le  sentiment  de  Nannaroni ,  malgré 
les  décrets  du  18  août  1775  et  du  y.2 
avril  1776.  Traversari  envoya  uu 
deuxième  Mémoire ,  et  lit  paraître 
uue  Justification  de  sa  doctrine ^ 
qui  se  trouve  parmi  les  Opuscules 
sur  la  religion  que  l'évêque  Ricci 
publiait  k  Pistoie  ,  tome  xii,  1786. 
h' Instruction  deTraversari  fut  réim- 
primée à  Gênes ,  eu  1798,  avec  un 
discours  préliminaire  de  l'éditeur, 
et  des  exercices  de  piété;  cette  édi- 
tion a  été  mise  à  l'index  des  livres 
prohibés  ,  par  décret  du  2v>.  mars 
18 19.  P — c — T. 


TRE 

TREBATIUS  (  Caius),  sunioni- 
mé  Testa  ,  savant  jurisconsulte  ro- 
main ,  viva  t  du  temps  de  Cicéron ,  à 
la  recommandation  duquel  il  obtmt 
la  bienveillance  de  Jules  César,  qu'il 
alla  joindre  dans  les  Gaules.  Treba- 
tius  était  de  la  secte  d'Kpicure.  Ce 
fut  sans  doute  moins  à  ses  talents 
militaires  qu'à  la  conformité  de  ses 
opinions  philosophiques  avec  celles 
de  César  qu'il  dut  l'amitié  de  ce  gé- 
néreux protecteur.  Après  l'avoir  nom- 
me tribun  dans  les  légions ,  il  lui  ac- 
corda la  faveur  de  toucher  les  émo- 
luments de  cette  jdace ,  sans  en  rem- 
plir les  pénibles  fonctions.  Durant  la 
guerre  civile ,  ïrebatius  demeura 
constamment  attaché  au  parti  de  Cé- 
sar et  fit  de  vains  elForts  poiu-  dé- 
tourner Cicéron  de  celui  de  Pompée. 
Après  la  chute  de  la  répid^lique,  il 
continua  de  jouir  de  la  réputation  de 
grand  jurisconsulte.  Auguste,  qui  le 
considérait  beaucoup ,  le  consultait 
souvent.  Ce  prince ,  que  l'on  pres- 
sait d'admettre  les  Codicilles  dans 
la  législation  ,  n'en  adopta  l'usa- 
ge qu'après  avoir  pris  l'avis  et 
entendu  les  raisons  de  Trebatius. 
Ce  jurisconsulte  avait  eu  pour  maî- 
tre dans  la  science  du  droit  Ma- 
ximus  Cornélius;  et  lui-même  paraît 
avoir  été  celui  de  Labeo  (^F.  ce  nom, 
XXIII,  19).  Il  joignait  au  savoir 
et  à  l'éloquence  une  mémoire  prodi- 
gieuse. Suivant  Cicéron,  personne  ne 
fut  ni  plus  probe  ni  plus  prudent. 
Macrobe  et  Aulu-ljelle  lui  attribuent 
divers  Traités  sur  les  Rdisiions ,  qui 
ne  sont  pas  parvenus  jusqu'à  nous  : 
il  publia  plusieurs  ouvrages  sur  le 
droit  civil.  Les  Pandcctes  de  Justi- 
nien  contiennent  eu  elfet  un  grand 
nombre  de  décisions  de  Trebatius. 
Horace  lui  adressa  une  de  ses  Sati- 
res ,  qui  est  la  première  du  second 
livre.  M — r — u. 


TRE  453 

TRÉ13ATTI  (Paul-Ponge), 
sculpteur  florentin  ,  a  passé  en  Fran- 
ce la  plus  grande  partie  de  sa  vie. 
Ce  maître  est  un  de  ceux  à  qui  des 
traditions  vraies  ou  fausses  ont  fait 
la  plus  brillante  réputation,  et  sur  le 
compte  desquels  il  a  été  avancé  le 
plus  d'assertions  contradictoires.  Ou 
l'a  fait  arriver  en  France  en  i5oo 
et  en  i56o;  il  a  été  élève  de  Michel- 
Ange ,  né  en  i474i  et  de  Jean  de 
Bologne,  né  en  1524;  il  a  exécuté 
le  tombeau  élevé  par  Louis  XII  à  sa 
famille ,  lequel  fut  terminé  en  1 5o4 , 
et  une  partie  des  sculptures  du  châ- 
teau des  Tuileries,  dont  Catherine 
de  Médicis  ne  jeta  les  fondements 
qu'en  i564.  Tantôt,  il  ne  vivait  plus 
en  i556,  tantôt  il  est  mort  en  \5Qi. 
Mais  ce  qui  est  plus  grave ,  ce  sont 
les  erreurs  commises  au  sujet  du 
mausolée  de  Louis  XII  :  suivant 
quelques  écrivains  ,  on  doit  à  Tré- 
batti  les  sculptures  de  ce  monument, 
et  Jean-Juste  en  a  composé  seule- 
ment l'architecture;  suivant  d'au- 
tres ,  l'artiste  florentin  n'a  exécuté 
qu'une  partie  des  sculptures;  suivant 
d'autres  enfin ,  l'architecture  et  la 
sculpture  lui  appartiennent;  asser- 
tions que  nous  croyons  toutes  en- 
tièrement fausses.  Ce  qui  nous  paraît 
certain,  c'est  que  l'opinion  qui  sup- 
])ose  Trébatti,  Paul-Ponce  ou  maître 
Ponce  (  car  on  l'a  désigné  de  ces  dif- 
férentes manières  ) ,  auteur  du  monu- 
ment élevé,  par  Louis  XII,  au  duc 
d'Orléans  et  à  Valentinc  de  Milan , 
n'est  fondée  sur  aucune  preuve  ,  et 
doit  être  mise  à  l'écart.  Il  en  est  de 
même  de  celle  qui  en  fait  le  sculpteur 
ordinaire  du  cardinal  d'Ainboise. 
Ces  assertions  AMgues  sont  démenties 
par  des  faits  indubitables.  Tréballi, 
naquit  à  Florence,  on  dans  les  envi- 
rons de  cette  ville  ;  il  vint  à  Paris, 
fut  employé  à  Fontainebleau  à  exé- 


454  TRE 

enter  (les  figures  de  stuc  ,  en  ronde 
bosse ,  et  développa  dans  cet  ouvra- 
ge beaucoup  de  taleut.  C'est  là  ce 
que  nous  dit  Vasari  :  Nel  medcsimo 
luogo  (Fontainebleau)  ha  lavorato 
ancora  moite  figure  di  stitcco  ,  pur 
tonde ,  uno  scidtore  simdinente  de' 
nostj'ipaesi,  cJdamato  Ponzio,  clie 
si  èportato  henissimo.  [f^ita  di  Pri- 
maticcio  ).  La  ])remière  e'dition  des 
Vies  de  Vasari  ayant  paru  en  i55o, 
il  n'est  pas  étonnant  que  cet  historien 
n'ait  ])arlë  d'aucun  ouvrage  poste'- 
rieiir  aux  stucs  de  Fontainebleau  ; 
mais  il  n'est  pas  presumablc  qu'il 
eût  ignoré  ou  ne'glige'  des  travaux 
aussi  importants  que  le  tombeau  de 
la  famille  d'Orléans ,  les  sculptures 
du  château  de  Gaillon ,  exécutées 
pour  le  cardinal  d'Amboise ,  et  le 
mausolée  de  Louis  XII.  Félibien  con- 
firme indirectement  le  témoignage  de 
Vasari ,  en  disant  que  ce  fut  le  Pri- 
matice  qui  fit  les  premiers  ouvrages 
de  stuc  (  de  Fontainebleau  ) ,  et  qu'il 
y  employa  Damiano  del  Barbieri,  et 
lin  sculpteurfloreniin ,  nommé  Pon- 
ce (Entret, ,  tom.  ii ,  pag.  i88  ,  éd. 
in-12  ).  Même  silence  de  la  part  de 
cet  écrivain  sur  tout  ouvrage  de 
Ponce  antérieur  à  ceux-là.  Or,  le 
Rosso  y  chargé  en  chef  des  travaux 
de  Fontainebleau  ,  n'arriva  en  Fran- 
ce qu'en  i53o,  et  Primatice  qu'en 
1 53 1 .  Ces  deux  maîtres  amenèrent 
d'Italie^  avec  eux,  plusieurs  jeunes 
artistes  qu'ils  einploycrent  à  des  jiein- 
liires  et  à  des  sculptures,  d'après 
leurs  dessins  ,  et  auxquels  ne  tardè- 
rent pas  de  se  joindre  plusieurs  jeu- 
nes Français.  L'a  go  de  ces  Italiens 
nous  est  à-peu-près  connu ,  ])uisque 
l'on  comptait  parmi  cuxLucca  Pen- 
ni  ,  frère  du  Faltore  ,  et  Joanve- 
Datlista  da  Bagnacovallo ,  de  (jni 
les  époques  sont  cerlaiues.  De  ces  di- 
vers ra])jiror!)emcnls  ,  nous  croyons 


TRE 

pouvoir  conclure  que  Trébatti ,  col- 
laborateur '  de  ces  jeunes  Italiens,- 
était  du  même  âge,  qu'il  était  né  par 
conséquent  vers  les  années  i5oo  ou 
i5o5,  et  môme  qu'il  arriva  d'Italie 
avec  le  Rosso  ou  le  Primatice.  Les 
faits  qui  vont  suivre  conlirmeront 
cette  opinion.  Trébatti  se  fit  connaî- 
tre à  Paris,  en  i035,  par  le  tom- 
beau du  prince  Alberto  Pio  da  Car- 
pi  ,  savoisien  de  naissance ,  officier 
au  service  de  François  1^''.  Il  y  re- 
présenta ce  ]nince  de  grandeur  na- 
turelle, en  ronde  bosse  et  eu  bronze, 
couvert  de  son  armure ,  la  tète  et  les 
bras  nus,  à  demi  couché,  les  jambes 
croisées  ,  appuyé  sur  le  coude ,  tenant 
un  livre  ouvert,  comme  en  état  de 
médiîation.  Ce  monument  fut  placé 
dans  l'église  des  Cordeliers;  il  échap- 
pa à  l'niccndie  de  i58o  ,  qui  anéan- 
tit tant  d'autres  sculptui'es  ;on  l'a  vu 
long-terajis  au  Musée  des  monuments 
français;  il  est  maintenant  déposé 
au  Musée  des  sculptures  modernes  , 
dit  Musée  d'Angouléme.  Corrozet 
et  Dubreul  rapportent  l'épitaphe  , 
qui  renferme  la  date  de  ijSf).  Ni 
l'un  ni  l'autre  de  ces  écrivains  ne 
nomme  l'artiste.  Sauvai  a  suppléé  à 
leur  silence ,  et  a  indiqué  Trébatti 
(  Antiq.  de  Paris,  tom.  ii ,  pag. 
344  )•  Celte  figure  se  fait  remar(juer 
par  la  franchise  de  l'attitude,  et  par 
la  vérité  de  la  tête,  qu'on  voit  bien 
être  un  ])orîrait  ;  le  travail  des  bras 
est  un  ]îeu  lourd,  quoirpie  l'artiste 
ait  voulu  y  manifester  de  la  vigueur, 
et  l'exécution  en  général  n'est  peut- 
être  pas  assez  soignée.  Les  grandes 
cntrejnises  de  Fontainebleau  ne  fu- 
rent point  interrompues  par  la  mort 
de  François  P'i'.  J^a  décoration  de 
la  grande  galerie  s'acheva  sous  Hen- 
ri II  ,  et  tout  porte  à  croire  que 
Trébatti  continua  d'être  employé 
à   rexéculion   des   figures   de  stuc, 


TRE 

comme  il  l'avait  e'te  aux.  ouvrages 
pre'cedenls.  Les  travaux,   de  sculp- 
ture du  Louvre  ,   commencés   sous 
Henri  II ,  l'appelèrent  à  Paris.  Jean 
Goujon  fut  ctarge  seul  de  la  totalité' 
de  ces  décorations  :  c'est  Sauvai  qui 
nous  apprend  ce  fait  (  tom.  ii ,  pag. 
29  ),  et  l'on  sait  que  cet  écrivain  a 
puisé   directement   ses   instructions 
aux  arcliivc-s  delà  cour  des  comptes. 
Il  répète  plusieurs  fois  la  même  as- 
sertion (  tom.  m,  pag.  i5  ).  Il  dit 
notamment ,  eu  parlant  des  demi-re- 
liefs de  l'attique ,  que  Goujon  les  a 
sculptés  et  dessinés  (  t.  11 ,  p.  26  ). 
Engagé  dans  une  si  vaste  entreprise  , 
Goujon  dut  s'associer  des  collabora- 
teurs ;  aussi  Brice  nous  dit-il  qu'il  y 
a  dans  l'attique  quelque  cJiose  de 
Paul-Ponce ,  sculpteur  renommé , 
qui  a  beaucoup  travaillé  à  Fontai- 
nebleau (  t.  I ,  p.  5i  ).  Mais  croire, 
comme  l'ont  voulu  de  très -habiles 
critiques ,  que  la  totalité  des  scidptu- 
res  de  l'attique  soit  de  Ponce,  c'est 
ce  qui  nous  est  impossible.  Tout  le 
monde  voit  qu'il  s'agit  ici  de  la  par- 
tie de  l'édilice  dite  le  Fieux  Louvre, 
où    se  trouve  l'ancienne   salle   des 
Cent-Suisscs  ,  décorée  jiar  la  tribune 
de  Jean  Goujon,  et  qui  fait  aujour- 
d'hui partie  du  Musée  des  Antiques. 
Les  sculptures  du  pavillon  central  , 
de  bas  en  haut ,  sont  toutes  de  Sar- 
razin  et  de  ses  collaborateurs,  Gué- 
rin  ,  Van-Opstal,  Le  Clair  et  Bis- 
telle.   Celles  des  trois  frontons  de 
l'attique  dans  la  partie  du  nord  sont,, 
les  premières  de  J-Q.  Moitte ,  les 
secondes  de  Rolland,  les  troisièmes 
d.e  Chaudet.  La  décoration  de  l'inté- 
rieur de  ce  bâtiment  occu])a   aussi 
Trébatti.  Il  exécuta,   conjointement 
avec  Rolland  Maillard,  Biard  le 
grand  père ,  les  Hardoin  cl  Fran- 
cisque ,  les  sculptures  en  bois  qui  or- 
naient les   lambris ,  les  portes ,  les 


TRE 


455 


embrasures  des  fenétit^,  et  irolam- 
ment  le  ])lalond  de  la  chambre  de 
parade  (  Sauvai ,  t.  n,  p.  35  ).  Ces 
raagnillques  ornements ,  chefs-d'œu- 
vre de  goût  et  d'exécution  ,  furent 
vraisemblablement  sculptés  d'après 
des  dessins  de  P/er7V  Lescot,  ait  l'ab- 
bé de  Glagiiy,  architecte  et  directeur- 
général  de  l'édilice.  Un  autre  ouvra- 
ge du  même  geure  ne  dut  pas  faire 
moins  d'honneur  à  Trébatti  :  ce  fut 
la  décoration  de  la  chambre  particu- 
lière du  roi.  Ici ,  tout  était  son  pro- 
pre travail ,  à  moins  qu'il  ne  se  fût 
donné  lui-même  des  collaborateurs 
(  id. ,  t.  m  ,  p.  16  et  19).  Les  dessins 
étaient  de  hii  ou  de  l'aljbédeClagny. 
Cette  chambre ,  occupée  d'abord  par 
Henri  II,  et  devenue  un  obj et  de  véné- 
l'ation  à  cause  de  la  présence  d'Henri 
IV,  subsistait  encore  en  son  entier,  en 
1807,  aussi  bien  conservée  que  le 
jour  011  ce  malheuxeux  roi  en  sortit 
pour  la   dernière   fois.   Seulement, 
dans  un  temps  postérieur  ,  il  y  avait 
été  ajouté  des  peintures  dont  le  style 
troublait  un  peu  l'harmonie  de  l'en- 
semble. Elle  était  dirigée  au  midi , 
sur  le  jardin,  dit  postérieurement  de 
Vlnfaiîte.  Le  fond  était  entièrement 
occupé  par  une  alcôve  élevée  de  quel- 
ques pouces  au-dessus  du  niveau  de 
la  chambre.  Un  balustre  en  bois  do- 
ré, des  sculptures  également  en  bois 
doré ,  qui  représentaient  des  rideaux 
soulevés  par  deux  Renommées ,  for-» 
maient  la  séparation.  Cette  alcôve,  où 
reposait  le  Grand  Henri ,  était  sim- 
plement  tapissée  d!unc  tenture  de 
cuir  vert.  A  côté  de  la  chambre  se 
trouvait  un  petit  cabinet  de  travail, 
oriente  de  la  même  manière,  et  dé- 
coré sans  doute  par  la  même  main. 
L'élégance  et  la  simplicité  de  la  dé- 
coration de  ce  dernier  appartement 
frappaient  autant  les  es|)rils  que  le 
souvenir  du  bon  roi  imprimait  de 


4.56 


TRE 


respect.  Les  murs  et  le  plafond 
e'taient  entièrement  revêtus  d'un  lam- 
bris en  bois  de  noyer.  Sur  l'épaisseur 
du  bois  étaient  sculptes  en  bas-relief, 
plus  ou  moins  élevés ,  des  casques  , 
des  épées  ,  des  boucliers  et  d'autres 
trophées  d'armes  du  meilleur  style. 
Des  festons  enroulés  entouraient  deux 
j];laces  de  Venise  (  à  biseaux  ) ,  qui 
faisaient  face  l'une  à  l'autre.  Les  re- 
liefs seuls  étaient  dorés  mat  ;  tous  les 
fonds  conservaient  leur  couleur  natu- 
relle ,  un  peu  brunie  par  le  temps  ; 
on  eût  dit  d'un  revêtissement  de 
bronze ,  relevé  d'or.  Toutes  ces  piè- 
ces se  démontaient  ,  pour  pouvoir 
être  nettoyées.  Tel  avait  été  le  pro- 
duit du  bon  goût  de  Trébatli ,  et 
de  rhabileté  de  sa  main  (i).  Dans  le 
même  temps  ,  Primatice  dirigeait  la 
construction  du  petit  château  de 
Meudon,  appelé  la  Grotte,  et  Trc- 
batti  fut  chargé  d'une  partie  des  dé- 
corations. Cet  édifice,  commcîicé  en 
1552  ,  offrit  tout  ce  que  les' arts  pou- 
vaient produire,  à  cette  belle  époque, 
de  plus  élégant  et  de  plus  accom- 
pli. Le  cardinal  de  Lorraine,  qui  le 
fit  construire,  le  dédia  aux  Muses 
d'Henri  II.  Depuis  long-temps  il  a 
e'te'  totalement  détruit.  Deux  monu- 
ments qui  suivirent  de  près  ces  der- 
niers paraissent  avoir  illustré  de 
plus  en  plus  Trébatti.  Le  premier  est 
le  tombeau  de  Charles  de  Maigné  ou 
de  Magny,  capitaine  des  gardes  de 
la  porte,  mort  en  l55G,  et  inhumé 
nn\  Célestins.  L'artiste  plaça  au-des- 
sus du  sarcophage  une  statue  de  ce 


(l)  Lorsque  les  nouvelles  dispositions  de  l'iiitp- 
rieiir  du  I, ouvre  oui  litc  ordoiiiiéu»  ,  les  arcbi- 
tccles  rhftr;;**»  dn  ce  Iravail  oui  coiiSHrvé  lorttes 
les  lioisi'rics  ,  Xnui  de  ha  «Iiiiiiilirc  de  j>ar<ide ,  que 
de  U  petite  (')iarnbre.  f.eur  iirojel  clail  d'en  re- 
vêtir de»  salles  pnrticiilii-res  ,  ii  l'elPet  <me  de  tels 
ehefs-d'rcuvre  ue  fussent  n:ui  perdus.  On  espirc 
que  ee  projef  pourra  se  réaliser,  ('es  deux  arelii- 
teeles  ,  qui  ont  l.-Mit  de  foi»  ,  et  sous  tant  de  rap- 
port» ,  »i  l,ien  nierilé  de  l'art  ,  sont  MM.  l'ticicr 
et  Fonlahie. 


TRE 

seigneur ,  en  pierre ,  grande  comme 
nature.  11  le  représenta  assis ,  som- 
meillant, la  tête  nue,  et  le  corps  re- 
vêtu de  sou  armure.  Beurrier  ,  dans 
sonHistoirede  l'éghse  des  Célestins, 
n'a  pas  nommé  l'auteur;  c'eût  été 
contraire  à  son  habitude;  il  n'en  nom- 
me jamais  aucun.  Comme  beaucoup 
d'écrivains  français  de  son  époque, 
il  dédaignait  un  pareil  soin.  Sauvai 
nous  désigne  Paul -Ponce  (  tom.  ii , 
pag.  343  ).  Germain  Brice,  Piga- 
niol,D'Argenville,  Lépicié,  ont  sui- 
vi et  confirmé  son  témoignage.  Le 
second  monument  dont  nous  voulons 
parler  est  le  tombeau  d'André  Blou- 
de1  de  Roquancourt,  moi-t  en  l558. 
Ce  monument  est  en  bronze.  La  fi- 
gure de  Blondel  est  couchée,  la  tête 
soulevée  sur  le  bras  gauche  ,  lequel 
est  ajipuyé  sur  un  oreiller.  Ce  tom- 
beau fut  d'abord  placé  dans  l'ancien- 
ne église  des  Filles  Repenties,  en- 
suite transporté  dans  celle  de  Saint- 
Magloire.  La  figure  a  été  recueillie 
plus  tard,  comme  la  précédente, 
dans  le  Musée  des  monuments  fran- 
çais ,  et  toutes  deux  ornent  aujour- 
d'hui le  Musée  d'Angoulême.  C'est 
encore  Sauvai  qui  nous  dit  qu'elle  est 
l'ouvrage  de  Ponce  (  t.  i ,  p.  582  ). 
Ces  deux  morceaux  ont  été  généra- 
lement regardés  jusqu'à  présent  com- 
me lui  appartenant.  Une  opinion  ré- 
cente les  attribue  tous  deux  à  Ponce 
Jacquio.  Nous  n'entendons  ni  adop- 
ter,  ni  contredire  ,  ni  même  discuter 
ce  jugement.  Seulement  nous  regret- 
tons que  le  savant  qui  l'a  public 
n'ait  pas  fait  (•onnaître  ses  autorités. 
A  la  mort  de  François  H,  son  cœur, 
renfermé  dans  une  urne  de  bronze, 
fut  posé  sur  une  colonne  de  marbre 
blanc  ,  d'oitlre  composite ,  de  neuf 
pieds  et  demi  de  haut.  Du  dessus  du 
chapiteau  ,  et  autour  de  l'urne,  s'c*- 
levaient  des  flammes  en  bronze  dore. 


TRE 

par  allusion  à  la  devise  qu'avait  pri- 
se ce  roi ,  Lumen  redis.  La  colonne 
était  censée  représenter  celle  qui  con- 
duisait les  Israélites  dans  le  désert. 
Elle  était  élevée  sur  un  piédestal 
triangulaire ,  de  marbre  rouge ,  et 
sur  les  saillies  duquel  furent  placés 
trois  génies  nus,  en  marbre  blanc, 
de  deux,  pieds  de  liauteur  environ  , 
pleurant  et  tenant  des  flambeaux  ren- 
versés. Une  des  inscriptions  porte 
que  ce  monument  fut  érigé  en  i56'>. 
Il  subsiste  en  entier ,  et  se  trouve  au- 
jourd'hui consacré  dans  l'église  de 
Saint-Denis.  Les  trois  enfants ,  dit 
Sauvai,  sont  de  maître  Ponce  (  t. 
I  ,  pag.  4^1  ).  Un  écrivain  dont 
nous  apprécions  toute  l'autorité  en 
matière  de  goût,  dans  ce  qui  concer- 
ne les  arts,  M.  Al.  Le  Noir,  les  croit 
plutôt  de  Germain  Pilon  (  Musée 
franc. ,  n».  \o\  ,  pag.  228  )  ;  mais 
il  nous  paraît  diflîcile  de  rejeter  le 
témoignage  de  Sauvai.  Legrand 
d'Aussy  suppose  que  Ponce  mourut 
en  iSô'i  {Mém.  de  l'instit. ,  sciences 
morales ,  tom.  11 ,  p.  6 1 7  ).  Apparem- 
ment il  ne  connaissait  point  d'ouvra- 
ge de  ce  maître  postérieur  au  mo- 
nument de  François  II  :  c'est  une  er- 
reur de  ce  savant.  Catherine  de  Mé- 
dicis  ne  lui  témoigna  pas  moins  d'es- 
time que  n'avait  fait  Henri  II.  Elle 
l'employa  dans  les  décorations  du 
château  des  Tuileries  ,  dont  elle  jeta 
les  fondements  au  mois  de  mai  de 
l'an  i564.  TA\\à\?,({\\eJean  Bullant 
élevait  la  façade  du  couchant,  et  que 
Philibert  De  Lorme  construisait  la 
façade  orientale ,  et  ordonnait  les  dis- 
positions intérieures,  Trébatti  sculp- 
tait les  ornements  ,  et  particulière- 
ment les  ligures  des  frontons ,  qui  en- 
richissent ce  coté  de  l'est,  bâti  par 
De  Lorme.  Au-dessus  de  la  porte  du 
manège,  construit  sur  l'emplacement 
occupé  aujourd'hui  par  la  rue   de 


TRE  457 

Rivoli ,  il  plaça  la  figure  d'un  cheval , 
en  pierre ,  grande  comme  nature. 
Mais  un  ouvrage  plus  iiuportant  dut 
l'honorer  encore  davantage.  Au  mi- 
lieu des  jardins  devait  être  élevée 
une  fontaine  colossale;  c'est  lui  qui 
futcliargé  de  l'exécuter.  Surun  grand 
piédestal  à  quatre  faces  devait  ap- 
paremment être  établie  une  vasque, 
d'où  se  seraient  élancées  des  gerbes 
d'eau.  Il  sculpta  le  piédestal ,  d'un 
seul  bloc  de  marbre,  et  sur  les  qua- 
tre faces  il  représenta  en  bas-relief 
des  figures,  plus  grandes  que  nature, 
de  deux  fleuves  et  de  deux  na'iades  , 
groupées  avec  des  vases  et  des  con- 
ques marines.  Il  paraît  qu'il  tom- 
ba ici  dans  quelque  exagération.  Ces 
figures  sont  d'un  grand  goût ,  dit 
notre  historien  ,  mais  maniérées 
(  Sauvai ,  tom.  11 ,  pag.  60  ).  Ce  mo- 
nument ne  fut  pas  terminé ,  soit  par 
la  mort  de  l'auteur,  soit  par  toute 
autre  cause.  Le  marbie  demeura  pen- 
dant long-temps  gisant  dans  les  jar- 
dins, et  il  reçut  enfin  une  autre  des- 
tination. Ce  travail  ne  pouvait  guère 
avoir  été  commencé  avant  les  années 
i5G6  ou  i56n.  Une  entreprise  en- 
core plus  considérable  occupait  fi  lors 
Trébatti.  Catherine  de  Médicis  fai- 
sait construire,  auprès  de  l'église  de 
Saint-Denis ,  la  rotonde  ajipelée  la 
Chapelle  ou  le  tombeau  des  T^alois. 
Indépeiidamment  du  mausolée  qu'elle 
élevait,  au  centre  de  cet  édifice,  à 
Henri  II ,  son  mari  ,  à  ses  enfants  , 
et  à  elle-rarme  quoique  vivante  ,  il 
paraît  qu'elle  avait  le  projet  de  con- 
sacrer ,  dans  les  six  chapelles  ména- 
gées sur  le  pourtour ,  soit  des  monu- 
ments particuliers  en  l'honneur  de 
divers  princes  de  la  branche  de  Va- 
lois, soit  des  représentations  pieuses 
du  genre  de  celles  qu'on  appelait  des 
Mystères.  C'est  en  exécution  de  ce 
projet  qu'on  plaça,  de  son  vivant  ou 


458  TRE 

après  elle,  dans  la  chapelle  siluce 
derrière  le  mausolée,  à  la  partie 
orientale  de  l'e'difice,  la  statue  de 
Henri  II  et  la  sienne  propre,  cou- 
chc'cs  et  vêtues  des  habits  de  cour 
(  Felib. ,  Hist.  de  Saint-Denis ,  p, 
566;  Mus.  des  mon.fr.,  n<>.  io3  ). 
Ces  sortes  de  statues  ou  de  représen- 
tations c'taient  ce  qu'on  nommait 
alors ,  comme  dans  les  siècles  précé- 
dents ,  des  propriétaires  ou  des  per- 
sonnes. On  sait  qu'en  outre  ^  le  roi 
et  la  reine  étaient  rejîrésentés  nus, 
en  état  de  mort ,  au-dessus  du  sarco- 
pliapjc;  et  une  seconde  fois  ,  vivants  et 
à  genoux  devant  des  prie-dieu,  sur  la 
voûte  du  monument.  Vraisemblablc- 
}nent  on  devait  placer  dans  une  des 
chapelles  le  mystère  de  la  Résurrec- 
tion :  Germain  Pilon  avait  sculpté  à 
cet  cflét  trois  figures  de  marbre ,  re- 
présentant Jésus-Christ  qui  ressusci- 
tait, et  deux  soldats,  IVous  devons 
supposer  qu'on  voulait  placer  dans 
une  autre  chapelle  ime  Mère  de  pi- 
tié; car  Trcbatti  sculpta  un  Christ 
mort,  en  marbre  ,  grand  comme 
nature.  11  ne  ])araît  pas  qu'il  ait 
jamais  exécuté  la  figure  de  la  Vier- 
ge, qui  devait  se  grouper  avec  celle- 
là  :  ces  travaux  furent  interrompus , 
ensuite  abandonnés ,  et  les  statues  de- 
meurèrent à  Paris ,  dans  des  déjiôts , 
où  elles  se  trouvaient  encore  sous  le 
règne  de  Louis  XIII.  Dans  le  ma- 
gasin de  marbres  du  roi ,  chez  M. 
Leramhcrt ,  dit  Sauvai  ,  on  voit 
cinq  fleures  de  marbre ,  de  Pilon  : 
un  Clirisl  ressuscitant,  deux  Soldats 
fjui  gardent  le  sépulchre ,  etc.  — 
Il  y  a  aussi  un  Christ  mort^  qui  est 
la  plus  belle  pièce  que  Ponce  ait  ja- 
mais faite.  —  Toutes  ces  figures , 
ajoute-l-il,  devaient  entrer  dans  le 
sépulchre  des  Falois ,  mais  la  dis- 
position n'en  est  pas  sue  (  t.  m  ,  j). 
idy  17  ).  Ces  fiiiis  nous  placent  au 


TRE 

moins  aux  années  1 56H  ou  lo^o, 
puisqu'à  cette  époqiic  la  consirnction 
de  la  chapelle  n'était  pas  teiminée 
lis  conduisent  donc  à  une  conséquen 
ce  toute  naturelle,  et  que  nous  avons 
annoncée  en  commençant ,  c'est  que 
Ponce ,  encore  vivant  à  cette  derniè 
l'e  époque,  ne  peut  avoir  sculpté,  ni 
le  tomjjcau  de  la  famille  d'Orléans  , 
terminé  en  1  5o4  ,  ni  celui  de  Louis 
Xfl ,  soit  en  totalité,  soit  en  partie, 
puisque  ce  dernier  monument  porte 
la-date  de  i5i5.  Ainsitombela  fausse 
îraditioii  qui  donne  à  un  sculjîteur 
italien  deux  chefs-d'œuvre  delà  sculp- 
ture française  du  commencement  du 
seizième  siècle.  Mais  nous  ne  devons 
pas  nous  en  tenir  à  cette  preuve  dé- 
tournée ,  pour  montrer  que  le  tom- 
])eau  de  Louis  XII  n'apparti<nt 
point  à  Trcbatti.  11  existe  à  ce  sujet 
un  témoignage  direct  et  sans  répli- 
que :  c'est  celui  de  Jean  Brèche  , 
jurisconsulte,  natif  et  habitant  de 
Tours  ,  qui  vivait  au  commencement 
et  au  milieu  du  seizième  siècle.  Dans 
son  traité  sur  le  titre  du  Digeste  in- 
titulé De  usu  et  significatione  ver- 
borum  ,  cet  écrivain ,  à  l'occasion 
du  mot  monimentum ,  nous  dit  que 
le  magnifique  tombeau  ou  le  moiui- 
ment  de  marbre  élevé  à  Louis  XI 1 
dansréglisedeSaint-Deuisaétésculp- 
té  à  Tours  parle  statuaire  Jean  Jus- 
te. Videas  monimentum  marmo- 
reum ,  lAidovico  XII  dicatum  ,  mi- 
ra et  eleganti  artificio  factum  in 
prœclarissimd  civilate  nostrd  Tu- 
ronensi ,  à  Joanne  Justo ,  statuario 
eleganlissiino  (  jing.  4  10  ).  hc  per- 
mis d'imprimer  de  l'ouvrage  de 
Brèche,  donne! à  Fontainebleau,  por- 
te la  date  du  8  janvier  i  55'.î.  Ainsi , 
vingt-(|ualre  ans  s'étaient  à  peine 
écoulés  depuis  (pie  Juste  avait  termi- 
né sou  ouvrage  ,  et  Trébatli  vivait 
enc(u-e  lors(fuc  J.  Hreche  rn)q)elail 


TRE 

un  fait  qui  devait  être  alors  de  noto- 
riété publique.  La  preuve  qui  résulte 
de  ce  témoic;na£;e  est  donc  complète 
et  absolue.  D.  Félibien  {Histoire  de 
Saint-Denis) ,  à  qui  nous  devons  l'in- 
dication du  passage  de  l^reclie  ,  sup- 
pose que  les  deux  artistes  Trébatti  et 
Juste  ont  travaillé  à  ce  monument.  Jl 
se  fonde  sur  ce  que  Sauvai  dit  qu'il  a 
été  sculpte  à  Paris,  dans  l'hôtel  Saint- 
Paul.  Mais  on  sent  bien  que  Jean  Juste 
ayant  à  faire   transporter  de  Tours 
à  Paris  un  fardeau  si  considérable , 
ne  termina  point  avant  le  transport 
les  parties  les  plus  délicates ,  et  qu'il 
dut  venir  les  achever  à  Paris  et  à 
Saint-Denis  même.  Nous  croyons  en 
outre  connaître  le  fait  d'où  a  pu  dé- 
river   l'erreur  que  nous   avons   dû 
combattre.  Dans  le  dépôt  de  Lcram- 
bert,  dont  nous  venons  de  parler ,  se 
trouvait,  au  temps  de  Sauvai,  avec 
le  Christ ,  une  autre  statue  de  Tré- 
batti ,  en  marbre  ,  représentant  Anne 
de    Bretap;ne  nue  et  en  état  de  mort. 
Ce  fait   s'explique  de    lui  -  même  j 
car  on  n'avait  pas  sans  doute  dé- 
jiouillé  le  tombeau  de  Louis  XII , 
dans  rép;lise  de  Saint-Denis ,  de  la 
statue  d'Anne  de  Bretagne ,  pour  la 
jeter  dans  le  dépôt  de  Lerambert:  il 
est   donc  évident  que  cette   statue, 
sculptée  par  Trébatti  n'étaii  pas  celle 
du  tombeau.  Apparemment  Catheri- 
ne de  Médicis  avait  conçu  la  pensée 
d'élever  un  monument  quelconque  à 
Louis  XII ,  prince  de  la  maison  de 
Valois,  dans  une  des  chapelles  de  sa 
rotonde.  C'est  cette  statue  d'Anne  de 
Bretagne  qu'on  aura  confondue  avec 
celle  qui  repose  sur  le  sarcophage. 
On  cile  d'autres  ouvrages  de  Trébat- 
ti ,  ou  qui  lui  ont  été  attribués  avec 
plus  ou  moins  de  vraisemblance  :  I. 
Un  bas-relief  en  marbre  où  est  repré- 
senté saint    George    combattant    le 
Dragon.  Ce  bas-relief,  qui  se  voyait 


TRE  45g 

précédemment  au  Musée  des  monu- 
ments français ,   est  déposé  aujour- 
d'iuù  au  Musée  d'Angoulcme;  mais 
il  a  été  apporté  du  château  de  Gail- 
lon  ;  et  cette  considération  doit  em- 
pêcherde  l'accorder  à  Trébatti.  Sau- 
vai d'ailleurs  dit,  à  ce  sujet,  que  de 
son  temps  on  regardait  avec  plaisir 
dans  la   rue  Saint-Denis  une  basse- 
taille  de  Ponce ,  représentant  le  com- 
bat de  saint  George  contre  le  Dra- 
gon (  1 ,  1 3 1  )  ;  ce  qui  prouve  que  l'on 
a  confondu  des   ouvrages  de  deux 
maîtres.  II.  Un  bas-relief  où  se  voyait 
sainte  Anne,  montrant  à  lire  à  la 
Sainte-Vierge  (  Sauvai ,  ihid.  ).  ÎII. 
Un  buste,  en  bronze,  d'Olivier  Lefè- 
vre,  seigneur  d'Ormesson ,  exposé  au 
Musée  d'Angoulème  (  n".  4^  )•   Ce 
magistrat  y   est  représenté   âgé  au 
moins  d'une  quarantaine  d'années  j 
or,  il  naquit  en  iSsS;  son  buste  a 
dû  parconséquent  être  exécuté  vers 
l'année  i565.  IV.  Un  bas-relief  qu'on 
voyait  autrefois  au-dessus  de  la  porte 
de  i'Hôtel-de-ville  de  Paris  ,  auprès 
de  la  statue  d'Henri  IV.  Il  n'est  plus 
question  aujourd'hui  de  la  fausse  opi- 
nion qui  attribuait  à  ce  maître  la 
statue  de  l'amiral  Chabot.  Tout  le 
monde  convient  que  cette  belle  figure 
est  de  Jean  Cousin.  Quant  au  carac- 
tère ou  au  style  qui  peut  distinguer 
Trébatti ,  les  auteurs  qui  ont  parlé 
de  lui ,  sous  le  règne  de  Louis  XIII . 
disent  qu'z'Z  est  fier  en  sa  manière, 
et  que  ses  figures  sont  même  un  peu 
tropfikres.  De  nos  jours  on  a  dou- 
té si  les  génies  de  la  colonne  de  Fran- 
çois Il ,  d'un  style  gracieux  et  élé- 
gant, sont  de  Germain  Pdon  ou  de 
lui.  Ces  opinions  ditiérentes  nous  sem- 
blent prouver  ce  que  nous  croyons 
en  effet ,  que  cet  artiste  varia  sa  ma- 
nière, soit  pour  s'arranger  avec  les 
maîtres  qui  dirigeaient  les  travaux 
où  il  était  employé ,  soit  jjour  se  prc- 


46o 


TRE 


ter  au  goût  dominant.  Formé  d'abord 
sur  les  ouvrages  de  Michel-Ange ,  ce 
que  paraît  annoncer  la  statue  du 
prince  de  Carpi ,  il  montra  dans  celle 
de  Charles  de  Magny  (  si  elle  est  de 
lui  )  un  naturel,  une  bonhomie,  qui 
rapellent  un  peu  le  quinzième  siècle.  A 
Fontainebleau,  il  imita  Primatice,  et 
dans  la  chapelle  des  Valois ,  il  se  rap- 
procha de  Germain  Pilon.  En  tout, 
c'est  un  maître  de  beaucoup  de  ta- 
lent ,  et  un  étranger  que  la  France 
doit  honorer  puisqu'il  lui  a  consacre' 
une  grande  partie  de  sa  vie.  Deux 
faits  principaiix  ressortiront  néan- 
moins de  cette  Notice  .-l'un,  que  Tré- 
hatti  n'est  nullement  l'auteur  du 
Mausolée  de  Louis  XII,  et  que  ce 
monument  appartient  en  entier  à  la 
France;  l'autre,  que  ce  maître  n'a 
exerce'  aucune  influence  sur  notre 
école,  cl  qu'il  a  suivi  le  mouvement 
imprime  aux  esprits  plutôt  qu'il  ne 
l'a  communiqué.  Ec — Dd. 

TREBELLIEN  (  Caius-An- 
Nius)^  célèbre  pirate  ,se  (it  déclarer 
empereur  dans  l'Isaurie,  sous  le  rè- 
gne de  Gallien,  en  l'an  264,  et  don- 
na d'abord  à  sa  puissance  une  assez 
grande  étendue  :  mais  Gallien  ayant 
envoyé  contre  lui  son  général  Causi- 
solée,  frère  deTliéodote,  à  la  tète 
d'ime  armée  ,  et  Trebellien  s'étant 
laissé  attirer  hors  des  montagnes  et 
des  détroits  de  l'Isaurie,  il  perdit  une 
bataille  sanglante ,  et  y  fut  tué,  un  an 
aj)rès  son  usur])alion.  Voy.  les  Tren- 
te-Tyrans de  Tiebellius-Pollio. — 
TRKiui.r.iEN  (Riifus),  préleur  sous 
Tibère ,  ayant  été  accusé  du  crime  de 
lèse-majesté,  se  tua  lui-même.  Z. 
Ti{EnELUUS.  F.  PoLMON. 
ÏRÉDI AKOVSKY  (  Vassili-Ki- 
iiir,oviTCH  ),  poète  russe,  né,  en 
1703,  d'une  famille  uobje ,  reçut 
une  éducation  soignée ,  et  voulant, 
à  l'exemple  de  Pierre  I''''.  ,  s'instrui- 


TRE 

re  par  des  voyages  ,  se  rendit,  fort 
jeune ,  en  Hollande,  en  Angleterre  et 
eu  France.  Arrivé  à  Paris  ,  en  i  725, 
dans  le  temps  où  Rollin  y  professait 
avec  tant  d'éclat ,  il  reçut  des  leçons 
de  ce  grand  maître ,   et  se  fit  rece- 
voir à  l'imiversité.  Après  avoir  ainsi 
étudié  ,  pendant  cinq  ans  ,  les  lettres 
françaises  ,    il    retourna    à    Péters- 
bourg,  où  il  fut  secrétaire  de  l'aca- 
démie ,  et  professeur  de  rhétorique. 
Alors  il  se  livra  tout  entier   à   des 
travaux  littéraires  jusqu'à  sa  mort, 
qui  eut  lieu  en  i  769.  Il  avait  été 
nommé,  quelques  années  auparavant, 
conseiller  de  cour.  On  ne  peut  douter 
que  lesécrits deTrédiakovsky  n'aient 
été  d'une  grande  utilité  à  la  Russie, 
et  que,  publiés  à  une  époque  où  la  lit- 
térature était  à-peu-près  nulle  dans 
ce  pays,  ils  n'aient  beaucoup  contri- 
bué à  ses  progrès.  Il  est  également 
sur  qu'il  a  transporté  dans  sa  lan- 
gue ,  par  des  traductions  estimées  , 
beaucoup  de  richesses  littéraires  des 
autres  peu])les ,  quijusqu'alorsétaient 
ton t-à -fait  ignorées  en  Russie.  Le  mé- 
rite de  ses   poésies  a   été  contesté , 
surtout  par  l'auteur  de  la   Vie  du 
prince  Ganlémir  ,  qui  prétend  qu'a- 
vant cet  auteur  :  «  Le  seul  Busse  qui 
»  se  fût  hasardé  à  versifier  n'avait 
»  fait  que  des  chansons,   quelques 
»  odes  à   la    louange  de  la  cour,  et 
»  des  épigrammcs  où  il  n'avait  que 
»  médiocrement  réussi,  w    Le  même 
historien   ajoute  que  le  prince  Can- 
témir  a  laissé  manuscrites  des  re- 
marques  critiques    sur  la  Prosodie 
donnée  par  Trédiakovsky.  Cette  Pro- 
sodie avait  été  publiée  par  ce  der- 
nier, en  1735,  à  Pétersbourg,  sous 
le  titre  de   Méthode  pour  apprendre 
à  faire  des  vers  russes ,  et  sous  ce- 
lui de  Dialof^ues  entre  deiuv  amis  , 
ly/JH.    Les    compositions    poétique.', 
de  Trédiakovsky  ,  qui  ont  été  inipri- 


l 


TRE 

ine'cs,  sont  des  Odes  sur  la  prise  de 
Dantzig,  sur  la  mort  de  Pierre-le- 
(Irand,  sur  le  couronnemeut  d'Eli- 
sabeth, sur  la  reconnaissance  de  l'au- 
teur envers  celte  princesse,  sur  les 
c'iarmes  du  printemps,  etc.  Il  en  a 
laisse  beaucoup  d'inédites,  entre  au- 
tres une  tragédie  intitulée  Déidamie. 
Ses  traductions  en  vers  russes  sont 
les  Psaumes  de  David  ,  quelques  Fa- 
Lies  d'Ésope  ,  Tele'maque  et  l'Art 
poétique  de  Boileau.  Ce  dernier  ou- 
vrage surtout  eut  beaucoup  de  suc- 
cès, Tre'diakovsky  a  traduit  en  pro- 
se :  I.  Les  Mémoires  de  Saint-Re- 
mi  sur  l'artillerie  ,  i  vol.  in-i  ii , 
l 'jS'.i.  II.  Histoire  généalogique 
des  Tatares ,  2  vol.  in-i  2  ,  17(39. 
111.  \J Histoire  ancienne  et  l'histoi- 
re romaine  de  Rollin ,  u6  vol.  iii- 
1  2.  W .h' Histoire  des  empereurs, 
4  vol,  iu-i  2.  M — D  j. 

TREIBER  (Jean-Philippe),  pro- 
fesseur en  droit  à  l'université  d'Er- 
furt ,  ne  ,  à  Arndstadt ,  le  26  février 
1  (iy  5 ,  commença  d'une  manière  biil- 
lante  sa  carrière  dans  l'enseignement, 
à  l'université'  d'Iëna ,  où  ses  leçons 
sur  les  différentes  parties  de  la  juris- 
prudence étaient  très  -  suivies  j  mais 
comme  il  s'expliquait  avec  trop  deli- 
beité  sur  ce  qui  tient  à  la  religion,  il 
fut  réprimandé  par  le  sénat  acadé- 
mique et  mis  aux  arrêts.  Malgré  cette 
punition,  il  publia,  peu  après,  en 
allemand  ,  une  feuille  périodique  in- 
titulée :  Manière  de  confondre ,  par 
la  seule  raison ,  la  raison  qui  veut 
aller  trop  loin  dans  les  choses  de  la 
foi,  léna  ,  1704.  Treiber  avait  an- 
noncé qu'il  proposerait,  dans  chaque 
numéro  de  cette  feuille  ,  une  des  gran- 
des questions  que  l'impiété  oppose 
aux  vérités  fondamentales  de  la  reli- 
gion. Les  cinq  premiers  numéros  pro- 
duisirent ,  parmi  les  ministres  protes- 
tants, une  vive  et  fâcheuse  sensation. 


TRE  4Gi 

Ils  prétendaient  que  l'auteur  exposait 
avec  force  la  diiliculté,  et  qu'il  n'y 
répondait  que  faiblement  ,  afin  de 
donner  à  entendre  qu'elle  était  inso- 
luble. En  conséquence ,  le  consistoire 
de  Gotha  obtint  du  duc  que  Treiber 
serait  emprisonné  pendant  six  mois; 
ce  qui  fut  exécuté.  Avant  d'ob- 
tenir sa  liberté,  il  fut  obligé  de  pro- 
mettre, par  écrit,  qu'il  ne  publierait 
plus  rien  sans  la  permission  du  con- 
sistoire. Mécontent  de  ces  tracasse- 
ries ,  Treiber  se  rendit  à  Erfurt ,  où 
il  se  (it  instruire  ])ar  le  P.  Prudence, 
jésuite;  et  en  1706,  ayant  abjuré,  il 
embrassa  la  religion  catholique.  Ce 
changement  eut,  à  ce  qu'il  paraît, 
une  influence  heureuse  sur  son  esprit, 
ses  travaux  ,  sa  tranquillité  et  son 
bonheur.  Ayant  reconnu  qu'il  n'était 
pas  suflisarament  instruit  dans  les 
matières  religieuses  pour  les  traiter 
dans  ses  écrits,  il  s'attacha  au  droit 
romain  comparé  avec  la  jurispru- 
dence d'Allemagne  ,  et  il  publia ,  sur 
ce  sujet ,  qu'il  possédait  à  fond  ,  des 
ouvrages  utiles  et  savants.  Peu  après 
sa  conversion ,  il  fut  nommé  profes- 
seur de  droit  romain  à  l'université 
d'Erfurt  j  et  la  ville ,  qui  eut  souvent 
recours  à  ses  lumières  ,  le  choisit 
pour  un  de  ses  magistats.  En  1712, 
il  publia  l'Analyse  de  ses  ouvrages. 
Les  plus  remarquables  sont  :  1.  Séries 
dichotomica  titulorum  in  Institutio- 
nihus  imperialihus  conspicuonim  , 
docentiwn  œquè  ac  discentium  usui 
inservire  apta ,  nec  non  nexus  dicho- 
tomicus  doctrinarum  in  examine  ju- 
ris  feudalis  Stryckiano  contenta- 
rum  ,  Erfurt ,  1 707  ,  in-fol,  II,  Cons- 
pectus  dichotomicus  juris  feudalis 
atque  puhlici  romano-  germanici  ; 
tanquam  prodromus  edendœ  uhe- 
rioris  dictorwn  jnriuin  explanatio- 
nis ,  geiudnœ  discipliriarum  practica- 
rum  methodo  ,  per  promissam  con- 


IS-i 


TRE 


nexionem  accomodatus ,  iii  usum 
collegionnn  desupcr  instituendo- 
rum ,  Eriurt,  1717,  iu-fol.  III.  Ge- 
nuina  perspicidtas  Inslitutionuin 
Justiniani ,  mediantc  cjiid  earum- 
deiii  textus  tùmparaplirasticè ,  ciim 
analjtlcè ,  eiini  in  viodum  dlustra- 
tur,  ut  casus  inibi  ohvenieiites ,  prœ- 
sertivi  in  materid  contractuum , 
delictorum  et  actionwn ,  teutonicè 
proponantur ,  posteaque  tàm  ex  ju- 
re veteri ,  quàm  secundàni  usum 
fori  hodiernum ,  nervosè  decidan- 
tur ,  nec  minus  for niulœ  actionum 
in  textu  recensitarum  stylo  germa- 
nico  inforis  usitato  conformes  com- 
muincentur ;,  Eifiirt,  i7'i5,  in  -  4°. 
Treiber  mourut  à  Erfurt  le  9  août 
1727.  G — Y. 

TREILHARD  (Jean-Baptiste), 
né  à  B rive  dans  le  Bas -Limousin, 
d'un  père  qui  était  avocat  dans  cette 
petite  ville  ,  vint  exercer  la  même 
profession  au  parlement  de  Paris ,  et 
s'y  fit  connaître  par  des  talents  assez 
distingués.  Ses  plaidoieries  pour  sa 
ville  natale  contre  la  maison  de  Noail- 
les,  et  plusieurs  Factum  qu'il  publia 
lors  des  contestations  qui  s'élevèrent 
entre  les  diverses  branches  de  la  fa- 
mille Montesquiou ,  commencèrent 
sa  réputation  :  elle  s'agrandit  succes- 
sivement et  lui  procura  la  plus  riche 
clientelle.  Lors  de  l'institution  du  par- 
lement Maupeou  (  1 770)^,  il  s'éloigua 
du  barreau,  et  n'y  reparut  qu'au  re- 
tour des  anciens  magistrats.  C'est 
alors  qu'il  fut  investi  d'une  grande 
confiance  :  la  maison  de  Condé  l'ap- 
pela dans  son  conseil;  la  ferme  et  la 
régie  générales  le  choisirent  pour  leur 
avocat.  Il  fut  même  nommé  inspec- 
teur des  domaines  ;  enfin  Treilhard 
avaitdéjà  réuni  tous  les  élénientsdela 
fortune,  lorsque  la  révolution  éclata 
et  le  choisit  pour  un  de  ses  favoris. 
Elu  dc'piilc  au\élals-g('nérauxpai  la 


TRE 

ville  de  Paris ,  il  panit  d'abord  vou- 
loir se  ranger  dans  le  parti  véritable- 
ment royaliste  ,  comme  son  collègue 
ïhouret  (  F.  ce  nom  ),  et  il  est  à 
croire  que  si ,  comme  lui ,  il  changea 
de  système,  ce  fut  par  les  mêmes 
considérations  :  mais  l'avocat  limou- 
sin ,  plus  heureux  et  plus  adi'oit  que 
l'avocat  normand,  sut  se  glisser  à 
travers  les  dangers  avec  une  admi- 
rable dextérité,  échapper  aux  terri- 
bles catastrophes  qui  frappèrent  suc- 
cessivement tous  les  partis ,  et  arri- 
ver au  faîte  des  grandeurs ,  lorsque 
le  malheureux  Thoureî  ne  parvint 
qu'à  l'échafaud.  Un  ami  de  collège 
de  ïreilhard,  qui  l'avait  suivi  dans 
le  monde ,  disait  :  «  Je  n'ai  eu  que 
»  trois  amis  j  le  premier  a  été  pendu , 
»  le  second  est  aux  galères;  mais 
»  Treilhard,  le  troisième,  se  sauve- 
»  ra,  malgré  son  écorce  épaisse:  il  a 
»  des  ressources  dans  l'esprit  qui  le 
»  sauveraient  de  l'enfer.  »  Treilhard 
débuta,  dans  l'assemblée  du  tiers-' 
état^  par  quelques  avis  modérés  sur 
la  réunion  des  ordres,  auxquels  on 
fît  peu  d'attention  :  il  voulut  que  le 
corps  législateur  ne  fût  composé  que 
d'une  seule  chambre,  système  pour 
lequel  votèrent  l'extrême  droite  et 
l'extrême  gauche  de  l'assemblée.  Le 
parti  intermédiaire  opinait  pour 
deux  chambres  ,  telles  à -peu- près 
qu'elles  ont  été  instituées  par  la 
Charte  de  Louis  XVIIL  En  faisant 
attention  à  ce  qui  s'est  passé  de- 
puis dans  nos  assemblées  représen- 
tatives ,  cette  particularité  mérite 
d'être  remarquée.  Quelques  histo- 
riens, et  le  Moniteur  lui-même  ou 
])lutôt  rinlroduclion  (  0  de  ce  jour- 

(1)  Ll-  juiiiniil  lo  Muiiitrur  ne  [liuiit  que  (l.iii.> 
les  |>reiiiliis  juur»  du  mois  de  iiuvcniliri-  17H1)  , 
Ior.si|iio  l'iisscriililrc  vint  tnnir  se»  scancos  »  l'iiris  , 
cl  r'iil  à  Vnwailles  que  )n  question  du  vcio  lut  dis- 
rnlie  <l  ducid.r.  Cv  <|u'on  «[ipellr  l'Iuli  .«Inclinii 
lui  iiupi  inie  huin-lenqn  ain'ès  ,  sur  des  notes  et 
di".  r<M,'.c;i;nfnieuU  qu'cui  (irul  siunieuiiinr  i\'\- 
hcx.ieliludc. 


TRE 

liai,  que  prennent  pour  guide  la  plu- 
part des  écrivains  (jiii  parlent  de  la 
révolution,  ont  publie' (pic,  lorsqu'd 
fut  question  des  droits  à  reserver  au 
roi  dans  la  constitution  nouvelle , 
ïreilhard  vota  pour  le  veto  suspen- 
sif: c'est  une  erreur.  Le  rédacteur 
de  cet  article  était  présent  a.  toute  la 
discussion  qui  eut  lieu  sur  cette  ma- 
tière, et  il  peut  certifier  que  Treil- 
hard  prononça  un  discours  assez  long 
et  très-bien  raisonné ,  en  faveur  du 
veto  absolu.  Mirabeau  s'était  déjà 
prononcé  pour  cette  opinion,  en  dé- 
clarant que ,  quand  bien  même  le  roi 
se  contenterait  du  veto  suspensif, 
comme  ce  malheureux  prince  l'avait 
résolu  d'api'ès  le  conseil  de  Necker , 
il  ne  faudrait  pas  mpins,  dans  l'inté- 
rêt de  la  monarchie ,  lui  accorder  le 
veto  absolu.  Il  paraîtrait  que  ce  fut 
alors  que,  voyant  la  monarchie  per- 
due ,  Treilhard  prit  une  route  dilïë- 
rente.  Les  attaques  les  plus  violentes 
qui  depuis  les  mots  fameux  écrasons 
l'infâme  n'ont  cessé  d'être  dirigées 
contre  les  ecclésiastiques  de  toutes 
les  classes ,  étaient  alors  dans  toute 
leur  force  :  un  comité  fut  établi  pour 
dissoudre  le  premier  ordre  de  la  mo- 
narchie ;  Treilhard  eu  fut  membre , 
et  fit,  contre  le  clergé,  une  multitude 
de  rapports  et  de  propositions  ex- 
trêmement violentes.  On  sent  bien  que 
nous  ne  pouvons  le  suivre  dans  un 
pareil  travail.  Nous  ne  rapporterons, 
à  cet  égard,  qu'une  seule  particula- 
rité. L'abbé  de  Moiitesquiou  avait 
obtenu  que  les  religieux  qui  vou- 
draient continuer  à  vivre  dans  leurs 
cloîtres  en  auraient  la  faculté.  Treil- 
hard voulut  fpi'ils  y  fussent  privés  de 
la  jouissance  des  jardins,  ou  que  la 
valeur  des  fruits  fût  déduite  de  leurs 
modiques  pensions.  Cet  avocat  fut 
encore  un  des  dé])ulés  constituants 
qui  insisteront  le  plus  pour  que  les 


TRE 


463 


actes  de  naissance ,  de  mariage  et  de 
décès  fussent  exclusivement  reçus 
par  les  autorités  municipales  ,  et  que 
les  cérémonies  religieuses  ne  fussent 
que  facultatives.  Le  2  juillet  1791  , 
il  sollicita  pour  Voltaire  les  honneurs 
du  Panthéon ,  qui  furent  décernés 
avec  la  plus  grande  solennité.  Vou- 
lant donner  plus  de  poids  à  sa  mo- 
tion, il  rappela  que,  dès  l'année  1  -^64, 
le  philosophe  de  YQvney  M'ait  prédit 
la  réi>olutioji  qui  dans  ce  moment 
régénérait  la  France.  Treilhard  fut 
porté  à  la  présidence^  à  cette  épo- 
que ;  et ,  le  3  septembre ,  il  fit  partie 
de  la  députation  qui  présenta  la  nou- 
velle constitution  à  Louis  XVL  Lors- 
que le  monarque  harangua  l'assem- 
blée, en  lui  annonçant  son  accepta- 
tion ,  Treilhard,  emporté  par  un  en- 
thousiasme qui  ne  lui  était  pas  très- 
naturel,  s'écria  :  ^h!  voilà  un  dis- 
cours qui  est  digne  d^Henri  IV. 
Pendant  la  session  de  l'assemblée  lé- 
gislative ,  il  fut  président  du  tribunal 
criminel  de  Paris  ,  près  duquel  Ro- 
bespierre était  accusateur  public. 
Sous  un  tel  accusateur,  cette  cour 
n'était  que  la  sauvegarde  des  bri- 
gands :  le  crime  n'avait  rien  à  redou- 
ter. Le  président  y  fut,  pour  ainsi  dire 
inaperçu  :  il  se  contenta  de  laisser 
faire,  sans  agir  personnellement;  et 
l'on  appela  cela  de  la  prudence.  Il  est 
certain  que  Robespierie,  avec  qui  il 
communiquait  chaque  jour,  n'eut 
jamais  avec  lui  aucune  altercation, 
et  ne  le  désigna  point  parmi  ses  victi- 
mes. Après  la  révolution  du  10  août, 
Treilhard  fut  député  à  la  Convention 
])ar  le  département  de  Seine-et-Oise. 
Dans  le  procès  du  roi ,  il  vota  contre 
l'appel  au  peuple ,  pour  la  mort  et 
jiour  le  sursis.  Ce  premier  vote  le  sé- 
])ara  des  Girondins,  lui  mérita  la  fa- 
veur de  Robespierre,  et  il  devint  son 
agent  contre  le   parti   proscrit.  Au 


464 


TRE 


mois  de  juin  1793,  il  fut  envoyé  à 
Bordeaux,  avec   son  collègue   Ma- 
thieu ,  poui-  dissoudre  le  parti  qui 
s'était  formé  en  faveur  des  victimes 
de  la  révolution  du  3  i  mai  :  il  n'eut 
point  de  succès  ,  et  fut  même  arrêté  j 
mais  presque  aussitôt  remis  en  liber- 
té ,  puis  rappelé  pour  faire  place  à 
des  missiomiaires  plus  énergiques  [  F. 
Tallien  ).   Avant  la  détection  de 
Duniouriez,  il  avait  aussi  été  envoyé 
en  Belgique ,  où  il  avait  fait  peu  de 
sensation ,  s'occupant  plus  de  sa  sû- 
reté personnelle  que  des  conquêtes  de 
la  propagande.  A  son  retour ,  le  6 
avril ,  il  fut  nommé  membre  de  l'o- 
dieux   comité  de  salut  public   :  on 
ne  sait  quelle  fut  sa  conduite  dans 
l'intérieur  de  cette  caverne.  Cepen- 
dant il  fut  assez  modéré  ,  pendant 
le  temps   appelé  de  la  terreur ,  et 
n'est  point  cité  parmi  cette  bande  de 
tyrans  qui  épouvantèrent  l'Europe; 
il  garda  le  silence  pendant  les  six 
premiers  mois  de  1794?  si  féconds 
en  événements  funestes ,  et  ne  reparut 
qu'après  le  9  thermidor  (  l'j  juillet 
1794).   A   cette  époque,  il  fut  de 
nouveau  nommé  membre  du  comité 
de  salut  public ,  et  se  chargea  de  la 
plupart    des    rapports   que   Barère 
faisait  auparavant.  Il  y   fut  moins 
charlatan  et  moins  ridicule  ;   mais 
les  temps   étaient  bien  changés.  La 
presse,  surtout  dans  les  journaux, 
faisait  trembler  les  révolutionnaires. 
Ce  fut  Treilhard  qui   fit  échanger 
Madame  Royale  ,  alors  délenue  au 
Temple,  contre  les  députés  prison- 
niers en  Autriche.  Après  la  dissolu- 
tion de  la  Convention ,  il  devint  mem- 
bre du  conseil  des  Cinq-Cents ,  où  il 
fut  un  des  plus  déterminés  champions 
du  parti  révolutionnaire.  Sur  la  lin 
de  décembre  179') ,  il  présida  le  con- 
seil, et  le '21  janvier  171)0,  pronon- 
ça sur  le  supplice  de  Louis    XVI 


ÏRE 

un  discours  très -emphatique.  A  la 
même  époque ,  il  fit  décréter  la  pei- 
ne de  mort  contre  les  provocateurs 
à  la  royauté  ;  défendit  la  loi  du  3 
brumaire  ,  qui  excluait  des  fonctions, 
publiques  les  parents  d'émigrés,  et 
fit  annuler  la  nomination  de  Jean- 
Jacques  {1)  Aymé.  La  carrière  légis- 
lative de  Treilhard  se  termina  en 

1797.  Les  élections  de  cette  année 
ayant  toutes  été  faites  par  les  roya- 
listes, il  fut  envoyé  à  Lille,  pour 
suivre ,  avec  lord  Malmesbury ,  des 
conférences  pour  la  pais  avec  l'An- 
gleterre. Au  mois  d'octobre  il  fut  dé- 
signé pour  l'ambassade  de  Naples  , 
puis  envoyé  à  Rastadt.  Il  y  resta  peu , 
et  évita  la  catastrophe  qui  frappa 
Roberjot  ,  Bonuier  et  Jean  Debry 
( /^.   RoBEBJOT  ).  Au  mois  de  mai 

1 798 ,  il  fut  porté  au  Directoire ,  puis 
chassé  de  cet  emploi  éminent  au  mois 
de  juin  1799  (  3o  prairial  an  vu  ), 
par  le  conseil  des  Cinq-Cents  ,  où 
dominait  le  parti  des  Jacobins.  Mer- 
lin, devenu  directeur,  par  la  révo- 
lution du  18  fruclidor  ,  et  La  Réveil- 
lère  (  P^.  ce  nom  au  Supplément  ) , 
qui  était  membre  de  cette  autorité 
depuis  son  établissement ,  partagè- 
rent sa  disgrâce  (3).  Treilhard  prit 
assez  gaîment  sa  mésaventure ,  et 
en  rit  lui-même  avec  le  public  ,  an- 
nonçant à  ses  successeurs  une  pa- 
reille destinée.  En  efl'et,  trois  mois 
plus  tard,  Buonaparte,  revenu  d'E- 
gypte, chassa  du  palais  directorial 
ceux  qui  en  avaient  chassé  Treilhard. 
Celui-ci  se  prononça  pour  le  nouveau 


w  «■• 


,,i,r  Cl 
(le  Job. 


uiir  (|u'oii  a  duliuû  h  cv  clejiiite  ie 


P''" 

^3)  On  lit  <!•■  tuiit  eu  l-rancc  ,  iiieiiir  uu  luilu'ii 
des  plu»  acrulihinlfs  iiiiuiiiineh.  (.nrt  de  l'exiiul 
«ion  des  trois  directeur»,  ou  ulliclia  dans  les  rues 
de  Paris  une  caricature  qui  rcprcseiilail  l'rei- 
lliard  <•(  Merlin  porlanl  sur  un  brancard  leur  col- 
li'gnc  La  K<'\eillère,  bossu  et  oniUelait  ,  ayant 
sur  sa  poitrine  un  );rus  suc  d'urgent ,  avec  cette 
inscription  :  ^oiis  ciii//vrti>iif  le  nin^ol. 


TRE 

gouvernement ,  qui  le  licmnia  succes- 
sivement vice-pre'sideut  et  président 
du  tribunal  d'appel  de  Haris,  puis 
conseiller-d'état.  Eu  i8o4,  il  prési- 
da le  collège  électoral  de  la  Corièze , 
qui  était  son  département,  et  fut  nom- 
mé, eu  18^6,  grand -oflieier  de  la 
Lc'gion-d'bonneur.  Eu  sa  qualité  de 
conseiller -d'état,  il  prit  Leaucoup 
de  part  à  la  rédaction  du  Code  ci- 
vil, et  aux,  diverses  lois  ,  règlements 
et  sénatus  -  consultes  qui  parurent 
a  cette  époque  j  et  l'on  doit  con- 
venir que ,  dans  tous  ces  travaux. ,  il 
montra  Leaucoup  de  connaissances 
et  de  sagacité.  On  a  dit  trop  de  bien 
et  trop  de  mal  de  ce  jurisconsulte  : 
c'était  au  fond  un  bonuète  liomme 
que  la  peur  entraîna  dans  l'abîme 
révolutionnaire.  Il  voulut  un  moment 
être  juste  et  sage-  mais  il  n'en  eut 
pas  le  courage.  Sous  un  gouverne» 
ment  habile  et  ferme ,  il  eût  fourni 
lionorablement  sa  carrière  d'avocat: 
il  y  eût  été  moins  opulent  peut-être , 
mais  sûrement  plus  estimé  et  plus 
heureux.  Il  mourut  à  Paris,  le  i<=''. 
décembre  181  o.  B — u. 

TRELLON  (Claude  de),  pcète 
(  ou  rimeur  )  et  militaire  au  seizième 
siècle  ,  a  été  tiré  d'un  long  oubli  par 
Tabbé  Goujet  (  Bill,  franc. ,  xiii , 
B^S-Sqd),  qui  croit  que  Trellon 
commença  à  servir  fort  jeune  sous  La 
Valette ,  dans  le  Piémont ,  en  Lan- 
guedoc et  dans  la  Guyenne; qu'il  ser- 
vit pareillement  sous  ÎVIM.  de  Ne- 
mours ,  de  Guise  et  de  Joyeuse  ,  et 
qu'il  était  attaché  au  dernier  lorsque 
celui-ci  fut  tué  en  lôS-j  (  F',  Joyeu- 
se ,  XX  ,  80-81  ).  Goujet  croit 
encore  que  Trellon  était  d'Angou- 
léme  j  mais  il  ne  peut  donner  la  date 
de  sa  mort.  En  revanche,  il  paile 
avec  détail  de  ses  ouATages  qui  ont  eu 
huit  à  dix  éditions  ;  la  jiremière  in- 
titulée  :  Le  premier  Uyre  de    la 

XLVI. 


ÏRE 


465 


Jlamme  d'amour  ^  avec  l'Histoire 
de  Padre  Miracle  ,  et  de  l'Amant 

fcrtuné ,  en  prose ,  plus  diverses 
poésies  ,  est  de  Paris  ,  Laugelier  , 
iSgi  ,  in-8''.  ;  une  réimpression  de 
Lyon  ,  1592,  in- 8°.  fut,  comme  l'é- 
dition de  iSqi  ,  donnée  à  l'iusu  de 
l'auteur,  qui  désavoua  plus  tard  l'His- 
toire de  Padre  Miracle.  U  paraît 
que  Trellon  fut  aussi  étranger  à  l'é- 
dition pidjliée  sous  le  titre  d' OEm'res 
poétiques ,  Lyon ,  1 594  ,  in- 1 2  ;  du 
moins  ce  n'est  pas  lui  qui  parle  dans 
l'Epître  dédicatoire  au  duc  de  Guise. 
Le  Catalogue  de  La  Vallière  ,  seconde 
partie,  n°.  i3o42,  cite  une  édition 
de  iSgS  ,  in-12.  Une  autre  édition  , 
sous  le  titre  de  la  Muse  gueirièje  , 
est  de  1097  ,  in-12.  Enfin  l'auteur, 
mécontent  de  voir  paraître  sous 
son  nom  des  ouvrages  qu'U  n'avait 
point  faits,  ou  qu'il  ne  voulait  pas 
avouer  ,  donna  le  Cavalier  parfait  , 
du  sieur  de  Trellon  ,  où  sont  com 
prises  toutes  ses  OEuvres ,  Lyon , 
1537  j  in-12  j  l'édition  de  i6o5, 
in-12  ,  présente  quelques  différences. 
Le  Catalogue  Méon,  i8o3  ,  in-80.  , 
no.  1662  et  i663  ,  mentionne  une 
édition  de  la  Muse  guerrière ,  1 6o4, 
in-12,  et  une  du  Cavalier  parfait  , 
Lyon,  161 4,  2  vol.  in-12.  Trellon 
avait  été  ligueur,  et  l'on  vit  paraître, 
sous  son  nom ,  le  Ligueur  repenti  ; 
mais  il  renia  cette  pièce  en  disant  : 

Car  je  fus  bien  ligueur ,  mais  non  pas  repenti. 

Sur  ces  mots  Goujet  n'hésite  pas 
à  regarder  le  Ligueur  repenti  , 
comme  d'un  autre  auteur.  Toute- 
fois on  ne  doit  pas  oublier  que  les 
serments  ,  les  désaveux ,  et  les  éloges 
des  poètes  ne  sont  pas  des  articles  de 
foi.  A.  B  — T. 

TREMBECKI  (  Michel),  cham- 
bellan du  roi  de  Pologne  Stanislas- 
Auguste  ,  fut  un  des  meilleurs  ,  peut- 
3o 


465 


TRE 


être  le  premier  des  poètes  de  sa  na- 
tion :  grandeur  et  originalité'  dans  les 
ide'es,  richesse  d'images,  pompe  et 
harmonie  d'expressions  y  il  a  tout  ce 
qui  constitue  le  talent  le  plus  distin- 
gué :  on  pourrait  cependant  hii  re- 
procher quelques  inégalités.  I!  est  à 
désirer  qu'une  main  habile  rassemble 
et  publie  ses  ouvrages,  dont  la  ma- 
jeure partie  est  inédite  ,  et  dont  ce 
qui  a  paru  à  diverses    époques    est 
resté  épars.  On  connaît  de  lui  une 
belle  traduction  en  vers  du  quatrième 
livre  de  l'Enéide;  celle  de  l'Enfant 
prodigue  de  Voltaire;  de  petits  Poè- 
mes ,  des  Odes ,  des  Epîtres  et  des 
Fables.  Il  a  dû  laisser  dans  ses  pa- 
piers une  grande  histoire  de  Pologne, 
en  latin  et  en  polonais  ,  dont  il  s'est 
long  -  temps   occupé.    Pour  donner 
une  idée  de  la  vigueur  de  ses  con- 
ceptions ,  nous  présenterons  la  tra- 
duction littérale  d'une  de  ses  belles 
strophes  où  la  pensée  est  revêtue  de 
tout  le  charme  et  de  tout  le  coloris 
de  la  poésie  :  «  Ainsi ,  lorsque  dans 
»  la  jeunesse  du  temps  ,  la  mère  des 
»  choses  répandait  d'immenses  lar- 
»  gesses  sur  les  êtres  animés  ,  elle 
»  distribua  aux  autres  la  force  et  les 
»  armes  :  l'homme  ,  doué  d'un  peu 
»  de   lumière  ,   resta  nu    au  milieu 
))  d'eux.  On  crut  qu»  notre   forme 
»  ])érirait  la  première.  Le  lion  l'ef- 
»  frayait  de  sa  dent  ,  l'éléphant  de 
»  sa  trompe ,  le  taureau  de  ses  cor- 
»  nés, ...  L'animal  faible,  mais  qui 
»  reçut  la  raison  en  partage,  mangea 
»  le  bœuf,  monta  l'éléphant   et  se 
»  revêtit  de  la   peau  du  lion.  » 
M— I. 
TREMBLAY.  Foy.  Fuain  et 
Josi  rn. 

TUEMBLAYE  (chevalier  DE  La)  , 
né  ,  dans  l'An]  ou,  on  \ ']?»■) ,  n'est  plus 
coniuiquepar  les  vers <|ne lui  adressa 
Voltaire,  et  par  la  mention  qui  est 


TRE 

faite  de  lui  en  quelques  endroits 
de  sa  correspondance.  La  Trem- 
blaye,  qui  était  allé  visiter,  en  1-^64  , 
Ferney  et  son  patriarche  ,  en  rece- 
vait, de  temps  à  autre,  des  lettres 
qui  lui  tournaient  la  tête  de  vanité 
(  Lettre  de  d'Alembert ,  du  3  janvier 
1704).  Voltaire  même  lui  donna  ses 
OEiwres  en  i'y'70.  Tout  cela  n'a  pas 
tiré  La  Tremblaye  de  l'obscuri- 
té ;  on  sait  seulement  qu'il  est 
mort  en  ^807.  On  a  de  lui  :  L 
Des  Poe5je5,  dans  divers  Recueils. 
IL  Sur  quelques  contrées  de  l'Eu- 
rope,  1788,  2  vol.  in-8°.,  en  pro- 
se ,  mêlée  de  vers.  III.  OEui>res 
posthumes  y  ï8o8,  1  vol.  in- 12.  Le 
tome  premier  contient  Amable  et 
Jeannette  ,  poème  en  quatre  chants, 
des  contes ,  dix-huit  fables ,  etc.  ;  le 
tome  second  se  compose  de  Lettres 
sur  l'histoire  de  France ,  et  de  Let- 
tres sur  l'histoire  d^  Angleterre.  L'é- 
diteur n'a  donné  aucune  notice  sur 
son  auteur  ,  dont  mêrûe  il  écrit  le 
nom  :  Latramhlaje.      A.  B — T. 

TREMBLEY  (Abraham),  célè- 
bre naturahste,  naquit  en  1700  ,  à 
Genève  ,  de  parents  jouissant  de  l'es- 
time publique,  mais  peu  favorisés  de 
la  fortune.  Il  fit  d'excellentes  études 
au  collège  de  sa  ville  natale  ,  et  se 
distingua  par  ses  dispositions  pour 
les  mathématiques.  En  terminant  ses 
cours,  il  soutint  une  thèse,  très-ap- 
plaudie,  sur  les  principes  du  calcul  de 
l'inljni  ,  qui  n'avaient  point  encore 
clé  présentés  dans  tout  leur  jour.  Son 
père  le  ]iressail  de  se  préparer  au 
saintministèrcpar  l'élude  de  la  théo- 
logie; mais  ne  se  sentant  aucune  vo- 
cation pour  l'état  ecclésiastique  ,  il 
résolut  de  voyager  pour  perfection- 
cer  ses  connai,' sauces  et  trouver  un 
emploi.  Accueilli  ])ar  le  comte  de 
Benlinck  ,  résident  anglaisa  la  Haye, 
il  se  chargea  de  l'éducation  de  ses 


TRE 

enfants.  Il  employait  ses  loisirs  à 
cultiver  l'histoire  naturelle  ,  dont  les 
ouvrages  de  JÀeaumur  lui  avaient  ins- 
piré le  goût.  Pendant  l'été  de  1740  , 
se  trouvant  à  la  campagne  avec  ses 
élèves  ,  il  aperçut,  pour  la  première 
fois  ,  le  polype  à  bras  ,  dans  le  fossé 
du  château.  Cet  animal  avait  été  vu 
par  Leuwenhoeck,  et  dessiné  par 
Jussieu  ;  mais  c'est  à  Trembley  qu'il 
était  réservé  de  faire  connaître  ses 
mœurs ,  ses  habitudes  et  sa  singulière 
organisation.  Dans  ce  but,  il  consa- 
cra près  de  quatre  ans  à  des  obseï-- 
vations  qui  démontrèrent  jusqu'à  l'é- 
vidence que  le  Polype ,  confondu 
jusqu'alors  avec  les  herbes  maréca- 
geuses ,  était  réellement  doué  de  l'ani- 
malité. Par  une  suite  d'expériences 
ingénieiises,et  qui  prouvent  non  moins 
de  sagacité  que  de  patience  ,  il  par- 
vint à  s'assurer  des  moyens  que  le 
Polype  emploie  pour  sa  nutrition.  Il 
le  vit  étendre  ses  bras  comme  autant 
de  fdets,  saisir  des  insectes  et  même 
de  petits  poissons,  les  introduire  dans 
l'ouverture  qui  lui  sert  de  bouche  , 
et  les  rejeter  après  s'en  être  approprié 
la  substance.  Il  reconnut  aussi  la  pro- 
priété si  surprenante  qu'a  cet  animal 
de  se  reproduire  de  boutures  comme 
une  plante ,  et  de  se  multiplier  à  l'in- 
fini sous  l'instrument  qui  le  divise  , 
de  manière  que  chaque  tronçon  de- 
vient un  Polype  parfait.  Réaumur  , 
auquel  il  faisait  part  de  ses  admira- 
bles découvertes  ,  s'empressa  de  les 
annoncer (  V.  Réaumur,  XXXVIT, 
202  ) ,  ainsi  que  Bonnet.  Encouragé 
par  les  sulîrages  de  ces  deux  grands 
naturalistes  ,  Trembley  consentit  en- 
fin à  mettre  au  jour  le  rés;dtat  de  ses 
observations  ;  mais  il  ne  se  dissimu- 
lait pas  que  le  lecteur  le  plus  intelli- 
gent aurait  peine  à  deviner  ses  expé- 
riences, sans  le  secours  des  planches. 
Il  eut  le  bonheur  de  trouver  im  des- 


TRE  467 

sinateur  tel  qu'il  pouvait  le  désirer 
dans  Lyonnet  (  V.  ce  nom ,  XXV, 
532),  qui,  s'étant  rais  ,  en  moins 
d'un  mois  ,  au  fait  des  procédés  de 
la  gravure ,  exécuta  lui-même  les 
huit  dernières  p'anclies.  L'ouvrage 
de  Trembley  parut  en  1 744,  à  Leyde, 
inVfO. ,  sous  ce  titre  :  Mémoires  pour 
servir  à  l'histoire  d'un  genre  de  Po- 
lypes d'eau  douce ,  à  bras  en  forme 
de  cornes ,  avec  treize  planches.  II 
fut  réimprimé  la  même  année  ,  à 
Paris  ,  2  vol.  petit  in-8''.  ,  lig.,  et  il 
a  été  traduit  en  allemand  \)av  Goze , 
Quedlinbourg,  1 79 1 ,  grand  in-S».  Le 
premipi-  Mémoire  contient  la  descrip- 
tion détaillée  du  Polype  -,  le  second 
traite  des  moyens  qu'il  emploie  pour 
se  nourrir,  ainsi  que  des  phénomènes 
de  sa  nutrition  et  de  sa  digestion  ;  le 
troisième ,  de  sa  génération  ;  et  enfin 
le  quatrième  offre  la  suite  des  expé- 
riences faites  par  Trembley  sur  cet 
animal,  dont  la  découverte  lui  assure 
une  réputation  durable.  Trembley  sui- 
vit son  protecteur  à  Londres,  où  la 
société  royale  s'empressa  de  l'ad- 
mettre dans  son  sein. Dans  le  voyage 
qu'il  fit  ensuite  à  Paris  ,  il  reçut  de 
Réaumur,  de  Jussieu  et  des  autres 
naturalistes  l'accueil  qu'il  méritait; 
et  l'académie  des  sciences  le  nom- 
ma son  correspondant.  Le  duc  de 
Richmond  se  l'étant  attaché  comme 
gouverneur  ,  il  parcourut ,  avec  son 
élève, l'Allemagne  et  l'Italie,  portant 
partout  l'esprit  d'observation  qui  le 
caractérisait,  et  se  conciliant  l'affec- 
tion de  tous  les  savants  par  sa  dou- 
ceur ,  sa  modestie  et  son  obligeance. 
De  retour  à  Genève,  en  17Ô7  ,  il  ne 
tarda  pas  de  se  marier  ,  et  il  eut  le 
bonheur  de  trouver ,  dans  la  compa- 
gne qu'il  s'était  choisie  ,  une  femme 
digne  de  lui.  Il  devint  membre  du 
grand  conseil ,  et  fit  partie  de  la 
commission  chargée    de  l'approvi- 


/i68 


trp: 


sionucment  :  cctle  charge  lui  fournit 
les  moyens  d"cliiclici-  les  insectes  qui 
détruisent  les  Jjleds  ;  et  il  parvint  a 
pre'venir,  en  partie,  les  dégâts  qu'ils 
occasionnent.  Les  soins  qu'il  devait  à 
sa  famille^  et  l'étude  de  l'histoire 
naturelle  partageaient  tous  ses  loi- 
sirs. Citoyen  plein  de  zèle  ,  il  ne 
négligea  rien  pour  faire  cesser  les 
troubles  qui  désolaient  sa  patrie  ;  et 
ce  fut  un  chagrin  très-vif  pour  lui  de 
ne  pouvoir  y  réussir.  Trembîey  mou- 
rut le  12  mai  1784?  emportant  les 
regrets  et  l'estime  de  tous  les  partis. 
Outre  son  ouvrage  sur  les  Polypes  , 
auquel  il  doit  toute  sa  célébrité ,  et 
des  Mémoires  dans  les.  Transact. 
phllvsophiq . ,  sur  des  questions  d'iiis- 
ioirc  naturelle  ,  ou  a  de  ce  savant  : 
I.  Instructions  d'un  père  à  ses  en- 
fants sur  la  nature  et  la  religion  , 
Genève,  177.5  ,  2  vol.  in  8"^.  II.  Ins- 
tructions d\in  père  à  ses  enfants 
sur  la  religion  naturelle  et  révélée, 
iijid. ,  1779  ,  3  vol.  in-B**.  III.  Ins- 
tructions d'ujt  père  à  ses  enfants 
sur  le  principe  de  la  religion  et  du 
bonheur,  ibid.  ,  \')Q'i,  in-8''.  Ces 
trois  ouvrages  sont  utiles  aux  jeunes 
gens.  Sencbier  a  publié  l'Eloge  de 
Trcmblcy  dans  Vl/ist.  littéraire  de 
Genève  ,u\,  1 7^-92.  On  a  :  Mémoi- 
re historique  sur  la  vie  et  les  écrits 
d'y/hrahani  Tremhley  ,  Neufchàlel, 
1787  ,  in-tS-^.  W — s. 

TREMELLIUS  (  Émanuhl  )  , 
né  de  parents  juifs  ,  à  Ferrare,  vers 
l'année  i  5 1 0  ,  embrassa  la  religion 
catholique,  d'après  les  insinuations 
du  car(linal  Polus  et  de  Marc-An- 
toine Flaminius.  Les  discours  et 
rexem|)l(^  de  Vennigli  (  V.  Pierhe 
Mautvu  ,  XXVII  ,  530  )  en  /irent 
par  la  suite  \\n  j)artisan  de  la  réfor- 
me, ce  qui  prouvait  en  lui  l'a'nsencc 
de  tout  sentiment  religieux.  (>  der- 
nier ciiangemeut  l'obligea  de  quitter 


TRE 

l'Italie ,  où  les  protestants  étaicrt 
exposés  à  la  rigueur  de  l'inquisition. 
Il  s'attaclia  aux  pas  de  son  maître 
Vcrmigli  ,  qu'il  suivit  à  Strasbourg 
et  en  Angleterre.  Après  la  mort  d'E- 
douard \I,  en  i553,  il  revint  en  * 
Allemagne  et  professa  publiquement 
à  Hornbach  et  à  Heidelberg.  Une 
femme  qu'il  avait  épousée  en  France 
lui  lit  prendre  la  résolution  de  se  re- 
tirer à  Metz.  Il  y  vécut  quelque 
temps,  avant  d'accepter  une  chaire 
d'hébreu  à  Sedan ,  où  il  mourut  en 
i58o.  On  prétend  qu'il  était  retour- 
né à  la  religion  de  ses  pères.  Nous 
avons  de  lui  :  I.  Targum  in  duode- 
cim prophetas  minores ,  Heidelberg , 
1567  ,  in-8°.  Cette  version  latine 
du  Targum  n'est  point  à  dédaigner; 
on  la  retrouve  dans  la  plupart  des 
éditions  de  la  Bible  de  Tremellius. 
II.  Novum  Testamentum  ex  Sj- 
riacolatinum,  1579  et  1621 ,  in-4". 
LcsquatreEpîtres  canoniques  et  l'A- 
pocalypse n'y  sont  pas.  Génébi-ard  et 
quelques  autres  critiques  ont  préleri- 
du  que  Tremellius  s'était  approprié 
le  travail  de  Lefcvre  de  la  Boderic; 
mais  François  Junius  (  l'ancien  )  a 
démoulré(i)  que  cela  nepouvait  ])as 
être,  puisque  la  Version  de  Tremel- 
lius avait  été  imprimée  au  moins 
trois  ans  avant  celle  de  la  Boderie, 
qui  ne  parut  qu'en  1 583.  Les  doc- 
teurs de  Louvain  et  de  Douai  l'ont 
adoptée  en  la  corrigeant,  lll.  Bihlia 
sacra,  idest,  i».  Lihri  quiwpie 
Moschis  lalini  recens  ex  hehrwo 
facti ,  hrevihusque  scholiis  illustra- 
li ,  Francfort,  i575  in-fol.;  2°.  Li- 
bri  historici,  etc.  ,  ibid. ,  1  .^^G  ;  3". 
Libri  jHH'lici ,  etc.  ,  ibid.,  1579; 
4".  Lihri  prophctici  y  ibid.,  1^79; 
5".    Libri  apocrjphi...  cum   noiis 

{,)  >t,„;n    ll.rol.itii.n,     ill-1'..l     ,  I.  U  ,  y     l-rjS  d, 


[ 


TRE 

brevibus  Francisci  Junii,  ibid.  , 
1579.  Cette  premirre  édition  de  la 
l>il)Ie  de  Tiemellius  ,  comme  l'on 
A  oit,  ne  renfermait  point  encore  le 
Nouveau  Testament  ;  il  se  trouva 
dans  celles  qui  la  suivirent  de  i58i 
à  1703.  Après  la  mortdeTremellius, 
sou  collaborateur,  François  Junius 
ou  Du  Jon  ,  ilt  tellement  de  correc- 
tions et  de  cliangements  à  la  Bible  , 
que  les  dernières  éditions  ne  l'esscm- 
blent  pas  du  tout  aux  premières.  De- 
puis Junius  ,  plusieurs  ])rotestants  se 
so!!t  encore  permis  de  la  retoucher, 
sans  la  rendre  meilleure.  Drusius 
fut  un  des  premiers  h.  la  condam- 
ner. Constantin  L'empereur  décla- 
ra qu'il  était  oLligé  de  s'en  éloi- 
gner ,  parce  que  Tremellius  et  Ju- 
nius avaient  une  certaine  manière  de 
traduire  qui  les  jetait  souvent  dans 
l'erreur.  C'est  aussi  le  sentiment  de 
Richard  Simon,  qui  ajoute  :  u  T.a 
diction  de  Tremellius  est  aircctce  et 
remplie  de  défauts  ;  il  met  presque 
toujours  des  pronoms  relatifs  oli  il 
n'y  en  a  point  dans  l'hébreu.  On 
voit  aussi  dans  cette  Version  cer- 
tains mots  ajoutés  pour  exprimer  le 
sens  plus  fortement  ;  ce  qui  est  quel- 
quefois sujet  à  l'illusion.  Il  y  en  a 
d'autres  qui  sont  traduits  d'uiic  fa- 
çon singulière  ,  et  qui  n'est  pas  cojn- 
mure...  Les  auteurs  de  cette  Version 
se  sont  trop  émancipés  en  beaucoup 
d'endroits.  »  Histoire  critique  du 
Vieux  Testament ,  pag.  52-.  Foj\ 
Teissier,  Eloges  des  hommes  sa- 
vants ,  in  ,  178,  et  Gerdes  ,  Spé- 
cimen Italiœ  reformatœ ,  pag.  34 1 . 
A — G — s  et  L — B — E. 
TREÎNIOILLE  ou  TRBIOUILLE 
(Louis  II  du  nom,  sire  de  La  ), 
vicomte  de  Thouars  ,  prince  dcTal- 
mont,  né  en  14O0,  était  le  fils  de 
Louis  de  La  Tremoillc  et  de  Mar- 
guerite d'Aml-wise-  il  contribua ,  plus 


TRE  469 

qu'aucun  autre,  au  lustre  de  sa  fa- 
mille ,  l'une  des  plus  aucieimes  du 
royaume,  et  rpii  tire  son  nom  de  la 
terre  de  la  Tremoille  en  Poitou.  Dès 
l'âge  de  vingt-sept  ans,  ses  talents 
lui  méritèrent  le  commandement  des 
troupes  que  Charles  VIÏI  envoya 
contre  le  duc  de  Bretagne  :  à  la  tête 
de  cette  armée ,  La  Tremoille  ga- 
gna,  en  1488,  la  bataille  de  Saint- 
Aubin-du-Cormier ,  où  il  fit  prison- 
niers le  duc  d'Orléans  ,  depuis  Louis 
XII ,  et  le  prince  d'Orange.  Les  suc- 
cès qui  suivirent  cette  glorieuse  jour- 
née amenèrent  le  traité  de  Sablé , 
par  lequel  le  duc  François  II  se  vit 
contraint  de  rendre  hommage  de  ses 
étcits  au  roi.  La  Tremoille  repassa 
dans  cette  province  eu  1491 ,  et  hâ- 
ta^ par  le  siège  de  Rennes ,  le  maria- 
ge de  la  duchesse  Anne  avec  Char- 
les VIII ,  qui  réunit  la  Bretagne  à  la 
France.  Les  guerres  d'Italie  ou- 
vrirent un  nouveau  champ  à  ses  ta- 
lents. On  le  vit ,  eu  1 495 ,  faire  trans- 
porter ,  avec  des  peines  incroyables, 
l'artillerie  française  à  travers  l'Apen- 
nin, excitant  les  travailleurs  de  la 
voix  et  du  geste ,  et  portant  lui-mê- 
me deux  boulets  de  canon.  Lorsqu'il 
vint  saluer  le  roi  après  le  succès  de 
cette  pénible  corvée ,  ce  prince  fut 
quelque  temps  sans  le  reconnaître , 
tant  il  avait  le  visafie  noirci  et  brûlé. 
La  victoire  de  Fornoue,  oîx  il  com- 
mandait le  corps  de  bataille  ,  lui  va- 
lut la  lieiitenaiicc-généraîe  du  Poitou , 
de  l'Angoumois  ,  de  l'Aunis ,  de  l'An- 
jou et  des  Marches  de  Bretagne.  A 
i'avénement  de  Louis  XII  au  trône  , 
quelques  courtisans  voulurent  exci- 
ter ce  prince  contre  La  Tremoil- 
le ,  qui ,  après  l'avoir  fiiit  prisonnier 
à  la  bataille  de  Saint-Aubin ,  semblait 
avoir  cherché  à  le  mortifier,  en  fai- 
sant exécuter  sous  ses  yeux  plu- 
sieurs  officiers  pris  les  armes  à  Li 


47  o 


TRE 


main  contre  le  roi  ;  le  monarque  fit 
cette  mémorable  réponse  :  Un  roi 
de  France  ne  ven^e  point  les  que- 
relles d'un  duc  d' Orléans,  Si  La 
Tremouille  a  bien  sen^i  son  maître 
contre  moi,  il  me  sentira  de  même 
contre  ceux  qui  seraient  tentés  de 
troubler  Vétat.  (  F.  Luuis  XII  ). 
Deux  ans  après  ,  Louis  lui  confia  le 
commandement  de  l'armée  d'Italie. 
La  Tremoille  conquit  la  Lombar- 
die,  obligea  les  Vénitiens  de  lui  li- 
vrer le  duc  Louis  Sforce  de  Milan  et 
son  frère.  Au  retour ,  il  eut  pour  ré- 
compense le  gouvernement  de  Bour- 
gogne ,  et  fut  fait  amiral  de  Guienne , 
puis  de  Bretagne.  Chargé,  en  i5o3  , 
de  faire  la  concpiête  du  royaume  de 
Naples  ,  cette  expédition  manqua , 
parce  qu'on  l'obligea  de  perdre  un 
temps  précieux  aux  environs  de  Ro- 
me ,  pour  favoriser  l'ambition  du 
cardinal  d'Amboise,  qui  aspirait  à 
la  papauté.  Lorsqu'il  fallut  agir,  une 
maladie  le  ramena  en  France.  La 
Tremoille  donna  de  nouvelles  preu- 
ves de  valeur  à  la  journée  d'Agna- 
del,  en  i5og,  sous  les  yeux  de  son 
maître  :  il  se  laissa  surprendre,  et 
fut  battu  en  i5i3,  par  les  Suisses, 
à  Novare;  mais  il  sut  bien  rétablir 
sa  gloire  la  même  année  ,  par  ses  sa- 
ges dispositions  pour  défendre,  sans 
troupes  ,  la  Bourgogne  contre  les 
A'ainqueurs ,  et  par  l'adresse  avec  la- 
quelle il  leur  fit  évacuer  cette  pro- 
vince, au  moment  où  elle  ne  parais- 
sait pas  pouvoir  écliapper  à  leur  in- 
vasion. Deux  ans  plus  tard,  il  com- 
battit contre  les  Suisses  à  la  bataille 
de  Marignan ,  avec  l'intrépidité  d'un 
guerrier  qui  voulait  réparer  l'af- 
front de  Novare.  Il  y  perdit  son  fils , 
le  jirince  de  Talmont,  qui  donnait 
les  plus  belles  espérances.  Pendanlles 
années  iSaîft  i.'i'JtlJldéfenditjavec 
ptyj  de  troupes,  la  Pioirdie  contre  les 


TRE 

armées  combinées  de  l'empire  et  A.c 

l'Angleterre ,  sans  se  laisser  enta- 
mer. Enfin,  il  termina  glorieusement 
sa  carrière,  en  \5i5,  à  la  bataille 
de  Pavie ,  livrée  contre  son  avis  ,  et 
dans  laquelle  iî  fut  percé  d'une  balle 
au  cœur ,  en  donnant  les  plus  grandes 
preuves  de  valeur.  Ce  grand  homme 
servit  honorablement  sous  quatre 
rois  :  Louis  XI ,  Charles  VIII ,  Louis 
XII,  François  F'"".  Il  fut  tantôt  puis- 
sant à  la  cour ,  tantôt  disgracié;  mais 
toujours  respecté  dans  l'une  et  l'au- 
tre fortune.  Il  avait  quarante  mille 
livres  de  revenu  de  son  patrimoine; 
il  les  laissa  à  son  petit-fils  ,  sans  les 
avoir  accrus  ni  diminués.  Onl'honora 
du  beau  nom  de  Chevalier  sans  re- 
proche, et  il  méritait  ce  glorieux  ti- 
tre. Il  prit  pour  devise  une  roue, 
avec  ces  mots ,  sans  sortir  de  l'or- 
nière :  jamais  effectivement  il  ne 
gauchit  dans  le  chemin  de  l'honneur. 
Également  habile  dans  le  cabinet  et 
à  la  tète  des  armées ,  il  s'acquitta  de 
plusieurs  négociations ,  auprès  d'An- 
ne de  Bretagne,  de  Maximilien,  roi 
des  Romains ,  du  pape  Alexandre  VI 
et  des  Suisses.  Il  fut  encore  chargé 
de  négocier  l'affaire  du  concordat 
avec  le  parlement,  Jean  Bouchet  a 
écrit  sa  vie.  Il  avait  épousé ,  en  1 485 , 
Gabrielle  de  Bourbon,  fille  de  Louis 
de  Bourbon  I'^'". ,  comte  de  Mont- 
pensier  ,  princesse  aussi  distinguée 
par  son  esprit  et  sa  vertu  que  par 
sa  haute  naissance  ,  et  qui  nous  a 
laissé  plusieurs  ouvrages  de  piété. 
{Foy.  Talmont,  XLIV,  44?  )•  — 
François  de  La  Trkmoille,  petit- 
fils  de  Louis  II  ,  épousa,  en  i52i  , 
Anne  de  Laval  ,  fille  de  Charlotte 
d'Aragon ,  princesse  de  Tarentc ,  qui 
apporta  dans  la  maison  de  La  Tre- 
moille ses  prétentions  sur  la  cou- 
roime  de  N.iples,  que  ses  descendants 
oiLt  fait  valoir  aux  congrès  de  Muns- 


TRE 

1er ,  de  Nimëgue  et  de  Riswick  ,  et 
qui  leur  fait  accorder  le  titre  d'altesse 
dans  les  pays  etran<;ers.  Fouclier 
avait  compose  une  Histoire  de  cette 
maison,  qui  n'a  pas  vu  le  jour  (  /^. 
FOUCHER,  XV,332  ).         T— D. 

TREMOILLE  (Henri-Charles, 
duc  DE  La  ) ,  prince  de  Tarente , 
était  fils  de  Henri  duc  de  La  Tre- 
moille,  et  de  Marie  de  la  Tour-d'Au- 
vergne, et  naquit  à  Thouars,  le  l'j 
defcembre  1620.  Son  père  étant  ren- 
tré dans  le  sein  de  l'Église  par  une 
abjuration  solennelle,  le  fit  instruire 
des  vérités  de  la  religion^  mais  sa 
mère ,  protestante  zélée ,  ne  négligea 
rien  pour  préparer  son  retour  au 
culte  de  ses  ancêtres.  11  fut  presque 
continuellement  malade  dans  son 
enfance  ;  sa  santé  s'étant  fortifiée 
A  l'âge  de  sept  ans,  il  fut  placé  ctez 
les  Jésuites ,  au  coUége  de  Poitiers  ; 
€t  avec  le  secours  d'un  précepteur 
attentif,  il  apprit  bientôt  les  éléments 
de  la  langue  latine ,  le  dessm  et  les 
mathématiques.  Dès  qu'il  eut  termi- 
né ses  exercices ,  il  résolut  d'aller  en 
Hollande  faire  ses  premières  armes  , 
sous  le  prince  d'Orange  (  Frédéric- 
Louis  ),  son  grand  oncle.  Certain  que 
sa  mère  ne  consentirait  point  à  son 
départ ,  il  s'enfuit  avec  son  valet-de- 
cbambre,  et  arrivé  à  Dieppe,  se  jeta 
dans  le  premier  vaisseau  dont  le  ca- 

{)itaine  voulut  bien  le  recevoir.  Ce 
)âtiment  avait  sa  destination  pour 
l'Angleterre,  et  La  Trcmoille  y  resta 
deux,  mois  malade  ,  avant  de  pouvoir 
passer  en  Hollande.  H  y  fut  accueilli 
de  la  manière  la  plus  alléctueuse 
par  le  prince  d'Orange ,  qui  lui  pro- 
mit de  le  regarder  comme  son  pro- 
j)re  (ils.  Peu  de  temps  après,  il  fut 
désigné  pour  accompagner  le  prince 
(iuillaurae  en  Angleterre,  et  assister 
à  son  mariage  avec  la  fille  aînée  du 
malheureux  Charles  I"'.  N'étant  pas 


TRE 


47  ï 


prêt  au  départ  du  vaisseau  sur  lequel 
il  devait  s'embarquer  ,  il  prit  im  ba- 
teau pour  le  rejoindi-e ,  et  ne  l'attei- 
gnit qu'après  avoir  couru  plusieurs 
fois  le  risque  d'être  submergé.  A 
Londres ,  il  eut  une  vive  querelle  avec 
le  comte  Henri  de  Nassau,  et  il  l'au- 
rait terminée  sur-Ie-cliamp  par  un 
duel,  si  l'on  ne  fût  venu  les  séparer. 
A  sou  retour  en  Hollande ,  le  prince 
d'Orange,  instruit  de  ce  qui  s'était 
passé,  lui  donna  l'ordre  de  se  i-endre 
à  Nimcgue,  et  envoya  son  adversaire 
à  Graves  ,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  trouvé 
le  moyen  de  les  réconcilier.  Le  duc 
de  La  Trcmoille  ayant  fait  la  cam- 
pagne de  i6)0  ,  comme  volontaire, 
obtint  un  régiment  de  cavalerie ,  et 
acquit  bientôt  la  réputation  d'un 
excellent  oïlicier.  H  avait  cobçu  l'a- 
mour le  plus  vif  pour  la  princesse 
d'Orange,  qui  partageait  ses  senti- 
ments ;  et  comme  il  était  rentré 
dans  la  religion  réformée  ,  il  ne 
prévoyait  aucuu  obstacle  à  leur 
union.  Cette  princesse  fut  pour- 
tant mariée  au  {Ils  de  l'électeur  de 
Brandebourg.  Le  chagrin  qu'il  en 
éprouva ,  et  la  moi't  du  prince  d'O- 
range (164'^  ,  le  décidèrent  à  quitter 
la  Hollande  ,  pour  revenir  dans  sa 
famille.  Peu  de  temps  après,  sa  mère 
lui  lit  épouser  la  princesse  Amélie, 
fille  du  landgrave  de  Hesse-Cassel. 
Avec  l'agrément  du  roi ,  il  leva  deux 
régiments  ,  l'un  d'infanterie  et  l'au- 
tre de  cavalerie  ,  et  se  montra  dé- 
voué aux  intérêts  de  la  cour;  mais 
irrité  de  n'avoir  pu  tii'er  du  cardinal 
Rlazarin  que  de  belles  paroles  et 
des  promesses  sans  effet ,  il  entra 
dans  la  ligue  des  princes  contre  le 
premier  ministre ,  et  prit  l'engage- 
ment de  faire  déclarer  en  leur  fa- 
veur les  villes  de  la  Saintongc  et  du 
Poitou  ,  dans  lesquelles  il  avait  des 
intelligences.  La  Tremuille  .se  signala 


47'^  TRE 

dans  les  giicnos  de  la  Fronde  :  au 
combat  du  faubourg  Saint -Antoine, 
il  eut  un  cheval  tue  sous  lui  d'un 
coup  de  canon  j  l'armée  des  princes 
ayant  été  forcée  de  se  replier,  il  en- 
leva plusieurs  villes  de  Champagne 
aux  troupes  du  roij  mais  il  ne  put 
pas  les  conserver  :  manquant  d'ar- 
gent, et  le  prince  de  Condé  ne  pou- 
vant lui  en  donner ,  il  fit  un  voyage 
en  Hollande,  et  en  rapporta  quel- 
([ues  sommes  qui  lui  suffirent  pour 
apaiser  ses  créanciers.  Il  rejoignit 
l'armée  des  princes,  en  Picardie,  et 
fut  chargé  de  diriger  le  siège  de  Ro- 
croy.  Après  la  prise  de  celte  place 
(i053),  voyant  l'armée  s'aiTaiblir 
de  jour  en  jour  par  la  mauvaise  dis- 
position des  Espagnols  ,  il  obtint 
du  prince  de  Condé  la  permission 
de  se  retirer  en  Hollande.  Fatigué 
bientôt  d'une  vie  oisive ,  il  sollici- 
ta l'autorisation  de  rentrer  en  Fran- 
ce ,  et  revint  à  Paris ,  sur  la  fin 
de  l'année  i655.  L'accueil  qu'il  re- 
çut de  la  reine-mère  et  du  roi  lui 
causa  beaucoup  de  surprise  et  de 
jilaisir  •  mais  il  n'eu  restait  pas 
moins  attaché  parla  reconnaissance 
au  prince  de  Condé ,  et  il  ne  voulut 
jamais  consentir  à  rien  faire  contre 
ses  intérêts.  Ma zarin,  furieux  de  sa 
résistance  à  ses  vues,  le  fit  arrêter  à 
Compiègnc  ,  où  il  s'était  rendu  pour 
avoir  une  explication  avec  le  minis- 
tre ,  et  il  fut  conduit  à  la  citadelle 
d'Amiens,  où  il  resta  phisicurs  mois 
au  secret.  H  n'obtint  sa  liberté  qu'à 
la  condition  do  sortir  du  royau- 
me j  mais  cet  ordre  fut  révoqué,  et 
il  lui  fui  permis  de  se  retiier  dans 
ses  tares  vu  Poitou.  Les  troubles  qui 
éclatèrent  dans  celte  j)rovince  ayant 
(hinné  des  iinjuiéluiles  à  la  cour  sur 
la  présence  du  duc  de  La  ïremoillc 
au  milieu  des  méconU  nls  ^^  il  reçut 
l'ordj-«  de  $e  rcudrc  à  AuxcriK; ,  puis 


TRE 

à  Laval,  où  il  resta  jusqu'à  la  paix 
des  Pyrénées.  Des  affaires  l'ayant 
appelé  en  Allemagne  ,  en  1 663  ,  il 
voulut  passer  par  la  Hollande,  pour 
y  revoir  ses  anciens  amis  ;  mais  les 
états  profitèrent  de  cette  circonstan- 
ce pour  lui  faire  accepter  le  titre  de 
général,  et  l'employèrent  utilement 
dans  la  guerre  qu'ils  eurent  bientôt  à 
soutenir  contre  l'évêque  de  Munster, 
n  fit  un  voyage  en  France,  en  1 668, 
pour  présider  les  états  de  la  province 
de  Bretagne ,  et  dans  cette  circonstan- 
ce ,  il  se  conduisit  de  manière  à  mé- 
riter l'approbation  du  roi.  Ayant 
fait  agréer,  peu  de  temps  après,  sa 
démission  aux  Hollandais  ,  il  revint 
en  France  ,  avec  la  résolution  de  se 
réconcilier  avec  l'Église  romaine.  11 
fit  son  abjuration  entre  les  mains  de 
l'évcque  d'Angers  ,  au  mois  d'octo- 
bre 1670.  Le  duc  de  La  Tremoille 
mourut  le  1 4  sept.  i67C>, ,  et  fut  inhu- 
mé dans  le  tombeau  de  sa  famille  à 
Thouars.  H  avait  laissé,  pour  l'ins- 
truction de  sou  fils  aîné ,  des  Mémoi- 
res,  que  Griffet  a  publiés ,  Liège , 
1 767  ,  in-  î  0..  Ou  y  trouve  des  détails 
intéressants  sur  la  guerre  delà  Fron-. 
de.  Le  porti'ait  du  duc  de  La  ïre- 
moille  est  gravé  dans  divers  formats. 
—  Tremoille  (  Charles- Armand - 
René  de  La  ),  mort  en  ij^i  ,  est 
auteur  des  paroles  et  de  la  musique 
d'un  opéra  intitulé  les  Quatre  jxir- 
ties  du  monde ,  et  de  diverses  chan- 
sons imprimées  dans  les  recueils  du 
temps.  W — s. 

TREMOILLE  (  Cuaulotte  de 
La  ).  Voyez  Condé. 

TREMOILLE  (  A.  Ph.  ).  Foy. 
Tai-mont. 

TRENCHARD  (Jean  Y,  écrivain 
politique  anglais,  fils  d'un  secrétai- 
re-d'étal  de  (iuillanme  111  ,  na(jiiil 
en  iG(k).  Sa  famille  désirant  lui  faire 
suivre  la  carrière  des  lois,  il  les  élu. 


TRE 

(lia  d'abord  avec  succès;  raais  son 
goût  pour  la  polémique, et  la  place  de 
comuiissaire    des    biens   confisques 
l'ëloiguèrent  tout-à-fait  du  barreau. 
La  mort  d'un  de  ses  oncles  l'ayant 
rendu  possesseur  d'un  héritage  con- 
sidérable ,  il  se  maria ,  et  résolut  de 
se    livrer   entièrement   aux   discus- 
sions  politiques.  11  débuta  par    un 
pamphlet   qui   parut  en    i6()8  ,    et 
qu'il    avait  composé   conjointement 
avec  M.  Moyle ,  sous  le  titre  de  :  ar- 
gument pour  montrer  qu'une  arme'e 
permanente  est  en  opposition  avec 
un  gouueniement  libre,  et  absolu- 
ment destructive  de  la  constitution 
de  la  monarchie  anglaise  ;  et  la  mê- 
me  année  :  Histoire  succincle  des 
arm  ées  permanentes  en  Angleterre. 
Les  opinions  émises  dans  ces  deux 
pamphlets  trouvèrent  des  contradic- 
teurs, qui  y  répondirent  par  d'autres 
pamphlet.;.    Au  mois  de  novembre 
I  ;2o,  il  publia  ,  sous  le  nom  de  Ca- 
ton  ,   avec   Thomas   Gordon  ,  d'a- 
bord dans  le  London  Journal ,  et  en- 
suite dans  le  British  Journal ,   une 
série  de  Lettres  sur  différents  sujets 
relatifs  aux  alfaires  publiques.  Ces 
lettres  se  succédèrent   pendant  près 
de  trois  ans.  Elles  furent  birn  ac- 
cueillies, surtout  par  les  adversaires 
du  gouveiLement  et  de  l'Église  an- 
glicane.  Trenchard    attaquait  vive- 
ment la  religion  établie,  dans  quel- 
ques-unes de  ces  Lettres  ,  qu'il  avait 
signées  du    nom  de  Diogènc.    Jean 
Jackson  s'eiï'orça  de  les  léfuter  .  dans 
sa  Défense  de  la  liberté  de  l'hom- 
me. Le  docteur  Clarke  critiqua  éga- 
lement les  principes  de  Trenchard; 
Gordon  réunit  ses  écrits  aux  siens , 
et    les   lit   paraître   eu   quatre   vo- 
lumes in-  12,  sous  le  titre  de  Let- 
tres de  Calon ,  ou  Essais  sur  la  U- 
hert  écivile  et  religieuse  et  sur  d'au- 
tres sujets  importants.  La  quatri"  - 


TRE 


i7^ 


me  édition  porte  la  date  de  1737. 
On  croyait ,  dans  le  temps,  que  lord 
Molesworth  était  l'un  des  principaux 
auteurs  de  ces  Lettres  ;  mais  Gor- 
don assure,  dans  la  dédicace  qu'il 
adresse  à  Jean  Miloer ,  que  ce  sei- 
gneur n'y  a  pas  inséré  une  seule  ligne; 
et  il  ajoute  que  «  ce  n'est  point  un 
ouvrage  de  parti;  qu'il  n'a  été  com- 
posé ni  dans  des  vues  d'intérêt  ou 
d'ambition ,  ni  pour  servir  les  des- 
seins d'aucune   faction  ,  mais  uni- 
quement pour  attaquer  le  mensonge 
et  la  fausseté  partout  où  on  les  rencuii- 
trerait ,  en  soutenant  1rs  principes  d'u- 
ne sage  liberté.  »   Trenchard  était 
membre  du  parlement  pour  Taunton 
dans  le  comté  de  Sommersel.  Il  mou- 
i-ut ,  le  17  déc.    17^3,  d'un  ulcère 
dans  l'aine.  Outre  les  ouvrages  déjà 
cités,  on  lui   doit   encore  un  pam- 
phlet intitulé  le  f^Fhig  indépendant , 
dirigé  contre  la  hiérarchie  de  l'E 
clise  audicane ,  et  deux  ou  trois  mor- 
ceaux  inédits,  qui  aevaicnt  être  in- 
sérés  dans  les   Lettres    de  Caton. 
Antoine  Collyns,  dans  le  Catalogue 
manuscrit  de  sa  bibliothèque,  lui  at- 
tribue les  écrits  suivants  :  I.  Histoire 
naturelle  de  la  superstition ,  1709. 
Selon  M.  Tabaraud,  ce  livre,  tra- 
duit   en  français,    par   d'Holbach, 
Londres,    1767  ,  in-i'.i ,   est  rempli 
de  sophisraes  et  de  déclamations  con- 
tre la  religion.   H.  Considérations 
sur  les  dettes  publiques  ,  1 709.  IIL 
Comparaison  des  proportions  de  la 
banque  et  de  la  compagnie  de  la 
mer  du  Sud ,  1719.  IV.  Lettre  de 
reiiiercînient ,  etc.,  17  19.  V.  ,Pen- 
sées  sur  le  bill  de  la  pairie  (  Pecra- 
ge-bill  ),   1719.  VL  BéJlexioiiS  sur 
l'ancien  whig  ,  17 19.  Gordon  a  fait 
l'éloge  des  vertus   et  des  talents  de 
Trenchard;  mais  comme  ils  étaient 
amis  et  collaborateurs, il  f.)ul  se  dé- 
lier de  ce  jugcineul.  D — i — s. 


474 


TRE 


ÏRENCK  (  François  ,  baron  dï;  ) , 
coramandant  des  Pandoiirs  au  seryi- 
ce  d'Autriche ,  naquit ,  à  Reggio  en 
Calabre,  le  i<=r,  janvier  171  i,  et 
fut  conduit  à  l'âge  de  six  ans  en  Sla- 
vonie ,  par  son  père,  qui  y  possé- 
dait de  riches  domaines.  De  là  il  fut 
ramené  en  Italie  ,  oîi,  dans  un  âge  si 
tendre  ,  il  assista  à  la  bataille  de  Me- 
lazzio.  Son  père  ,  nomme  gouvei'ueiir 
de  Brodi  sur  les  frontières  de  la 
iSlavonie,  le  plaça  à  Vienne,  dans 
un  collège,  où, par  son  caractère  in- 
domptable ,  il  se  fit  haïr  de  ses  maî- 
tres et  de  ses  condisciples.  Nomme _, 
à  l'âge  de  seize  ans,  olficier  dans  le 
régiment  de  Palfy,  il  y  eut  plusieurs 
duels.  Comme  son  père  refusait  de 
fournir  à  ses  folles  dépenses  ,  le 
jeune  Trenck  demanda  de  l'argent 
à  un  fermier  ,  et  irrité  de  son  re- 
fus ,  il  lui  fendit  la  tète  d'un  coup 
de  sabre.  Cette  affaire  n'ayant  été 
assoupie  qu'avec  peine,  eu  17 38, 
il  entra  ,  comme  capitaine  ,  dans  un 
régiment  de  hussards ,  que  la  Rus- 
sie formait  sur  les  frontières  de  la 
Hongrie.  A  la  tcte  de  trois  cents  hom- 
mes, levés  à  ses  frais  ,  il  alla  joindre 
l'aimée  russe,  qui  se  disposait  à  pas- 
ser le  Bug,  et  gagna  la  confiance  du 
maréchal  de  Munnich  ,  qui  la  com- 
mandait. La  nature  avait  prodigué 
à  Trenck  tous  les  dons  extérieurs. 
Sa  taille  était  de  six  pieds  trois  pou- 
ces ;  et  dans  cette  stature  gigantesque, 
il  était  bien  proportionné,  d'une  fi- 
gure agréable ,  et  d'une  telle  force 
que,  d'un  coup  de  sabre,  ilabattaitle 
bœuf  le  plus  puissant.  En  combattant 
il  coupait  la  tête  d'un  homme  à  la 
manière  turque,  comme  si  c'eût  été', 
disent  ses  historiens  ,  ime  tête  de  pa- 
vot. Connaissant  la  théorie  de  l'art 
militaire,  il  était  bon  ingénieur,  et 
voyait  au  premier  coup-d'oeil  tous 
les  avantagea»  dn   terrain.  11  parlait 


TRE 

la  plupart  des  langues  vivantes,  était 
bon  musicien ,  enfin  comblé  de  tous 
les  dons  naturels;  mais,  livré  à  toute 
la  violence  de  ses  passions  ,  il  ne 
gardait  aucune  mesure.  Dans  les 
deux  campagnes  qu'il  fit  avec  l'ar- 
mée russe  ,  il  se  distingua  d'une  ma- 
nière brillante  :  haidi ,  entreprenant , 
il  était  toujours  heureux;  et  au  nom 
seul  de  Trenck,  l'ennemi  prenait  la 
fuite.  Mais  il  ne  pouvait  se  plier  sous 
le  joug  de  la  discipline.  Un  jour, 
croyant  avoir  un  instant  favorable , 
il  propose  à  son  colonel  de  faire  mar- 
cher son  régiment  contre  les  Turcs; 
et  sur  le  refus  de  celui-ci,  il  entre  en 
fureur ,  et  crie  à  ses  soldats  :  «  Que 
w  les  braves ,  s'il  y  en  a ,  me  suivent.  » 
Deux  cents  hommes  s'étant  réunis 
autour  de  lui ,  il  tombe  sur  les  Turcs , 
et  revient  après  en  avoir  fait  un  car- 
nage allreux,  emmenant  un  grand 
nombre  de  prisonniers.  Ivre  de  ce 
succès^  il  va  droit  à  son  colonel ,  et  le 
fi'appeà  coups  de  fouet.  On  l'arrête  : 
l'issue  du  procès  n'était  point  dou- 
teuse; il  fut  condamné  à  passer  par 
les  armes.  Le  jour  où  devait  se  faire 
l'exécution,  le  général  Mimnich,  qui 
affectionnait  Trenck ,  vint ,  peut 
être  à  dessein ,  près  de  la  tente  où  il 
était  renfermé.  «  Permettez,  géné- 
»  rai,  s'écrie-t-il ,  que  je  monte  à 
»  cheval ,  et  que  me  jetant  sur  l'en- 
»  nemi  je  cherche  une  mort  glo- 
n  rieuse ,  utile  à  vos  armes.  »  Le  gé- 
néral paraissant  indécis  ,  Trenck 
ajouta  :  «  Voyez,  on  se  bat  sous  nos 
»  yeux;  side  mon  sabre  j'abats  trois 
u  têtes  ,  et  que  je  vous  les  rapporte , 
»  me  pardonnercz-vous  }  »  —  Oui. 
Il  se  jette  sur  son  cheval ,  revient 
avec  les  têtes  de  quatre  Turcs  ,  atta- 
chce»s  à  l'arçon  de  sa  selle.  Le  géncv 
ral  l'embrassa,  et  le  nomma  major 
dans  le  régiment  d'Orlow  ,  dragons. 
Trenck  se  distingua  de  la  m  mière  la 


TRt: 

plus  brillante  au  passage  du  Bug  ,  du 
Dniester  et  du    l'ruth.  Mais  peu  de 
temps  avant  la  lin  de  la  campagne, 
il  s'attira  un  nouveau  malheur.  Vou- 
lant donner  sur  les  Turcs  qui  liarce- 
laientle  régiment,  et  le  colonel  ayant 
refuse  d'attaquer,  Trenck  lui  appli- 
qua un  soufflet.  Il  fut  condamné  à 
mort,  mais,  par  l'intervention  de  Mu- 
nich ,  la  peine  capitale  fut  commuéej 
il  dut  être  conduit  en  Sibérie.  11  ap- 
pela  de  cette   seconde  sentence;  et 
Ja  cour  de   Pétersbourg  le  condam- 
na  à   six  mois   de   travaux,  forcés 
dans  la   forteresse   de    Kiow.    Il   y 
passa  le  temps   prescrit  parmi  les 
malfaiteurs  et  les  scélérats,  et  revint 
dans  SCS  terres,  en  Slavonie.  Ne  pou- 
vant vivre  en  repos  ,  il  conçut  le  pro- 
jet de  détruire  les  bandits  qui  s'étaient 
organisés   sur  les    frontières   de   la 
Slavonie  et  de  la  Turquie.  La  ter- 
reur qu'ils  répandaient  dans  le  pays 
était  telle,  que  les  propriétaires  leur 
payaient  des  contributions.  Ils  par- 
couraient librement  le  pays ,  armés , 
se  reconnaissant  à  certaines  marques, 
et  avaient  jusque-là  mis  en  fuite  les 
troupes  réglées  que  la  cour  de  Viea- 
ne  avait  envoyées  contre  eux.  \ou- 
lant  les   attaquer  ,  Trenck   choisit 
parmi  ses  vassaux  les  hommes  les 
plus  robustes  ,  les  plus  déterminés; 
il  les   organisa   en    compagnies  de 
Pamlours.  A  leur  tête ,  il  tomba  sur 
les  bandits,   les  chassa  comme  des 
bêtes  fauves  à  travers  les  forêts  qui 
leur  servaient  de  repaires,  et  les  trai- 
ta  avec  tant  de    cruauté,  qu'ils  se 
'  réfugièrent  par  troupes  sur  le  terri- 
toire turc.  En    1  -740  ,  les  Hongrois 
ayant  pris   les  armes  pour    sauver 
leur  reine  (  Marie-Thérèse  ) ,  Trenck 
offrit  de  lever  à  ses  frais  un  régiment 
de  Pandours ,  ce  qui  fut  facilement 
accordé.  Il  forma  parmi  ses  vassaux 
un  corps  d'environ  cinq  cents  hom- 


TRE 


47- 


mes ,  et ,  avant  de  se  rendre  à  Vien- 
ne ,  il  se  jeta  de  nouveau  sur  les  ban- 
dits ,  qui,  se  voyant  resserrés  entre  la 
Sawe  et  la  Sarsawa  ,  capitulèrent  ; 
trois  cents  d'entre  eux  entrèrent  dans 
son  régiment.  La  plupart  étaient  des 
soldats  déterminés:  Trenck  seul  était 
capable  de  les  soumettre  à  une  cer- 
taine subordination.  Un  jour ,  comme 
il  les  exerçait ,  une  compagnie  fil  fea 
sur  lui;  son  cheval  tomba.  11  court 
furieux  sur  cette  compagnie,  compte 
un  ,  deux  ,  trois ,  et  coupe  la  tête  au 
quatrième.  Il  allait  continuer ,  lors- 
qu'un chef  des  bandits  sort  des  rangs , 
tire  son  sabre,  en  criant  :  «  J'ai  tiré 
»  sur  toi,  défends-toi.  »  Ils  s'atta- 
quent ,  et  Trenck  le  taille  en  pièces. 
Devenu  plus  furieux,  il  allait  pour- 
suivre l'exécution  ,  en  décimant  cha- 
que quatrième  homme.    La   révolte 
étant  devenue  générale  ,  il  se  pi'éci- 
pita  au  milieu  d'eux ,  taillant  à  droi- 
te et  à  gauche.   L'excès  de  sa  rage 
les  épouvanta  ;  ils  tombèrent  à  ge- 
noux, promirent   obéissance,  et  ils 
tinrent  parole.  Au  mois  de  mai  1741» 
Trenck  était  arrivé ,  avec  son  régi- 
ment ,  à  l'armée  autrichienne ,  cam- 
pée dans  les  environs  de  Neiss.  La  ca- 
pitale de  la  monarchie  était  mena- 
cée par  les  Français  et  les  Bavarois; 
il  accourut  sur  les  bords  du  Danu- 
be ,  et  gagna  la  confiance  du  prince 
Charles  de  Lorraine  et  du  général 
Kewenhûller.  Ayant  ouvert  le  pas- 
sage à  l'armée .  il  poursuivit  l'enne- 
mi jusqu'en  Bavière,  oîi  il  mit  tout 
à  feu  et  à  sang.  Avec  une  poignée 
d'hommes ,  il  s'était  emparé  de  trois 
passages  qui  étaient  la  clef  de  la  Sty- 
rie.  Le  20  janvier  1 742 ,  il  prit  Dec- 
kendorf  d'assaut;  et  le  26  du  moi.s 
suivant,   Reichenhall   eut  le   même 
sort.  Ayant  aussi  prisChara  d'assaut, 
il  fit  mettre  le  feu  à  la  ville.  Les  ha- 
bitants   furent  brûlés    o«    égorgés. 


47^3  TRE      ■ 

Les  femmes  et  les  enfants ,  qui  cher- 
chaient à  se  sauver ,  étaient  conduits 
sur  le  pont,  d'oii  on  les  jetait  dans 
l'eau,  après  les  avoir  pilles.  Partout 
où  Trenck  passait ,  il  n'avait  égard 
nia  la  faiblesse  des  personnes,  ni  à 
Ja  sainteté  des  lieux.  On  prétend  qu'il 
obligeait  ses  Pandours  à  lui  ce'dcr  à 
bas  prix,  les  objets  volés,  et  qu'il  les 
envoyait  dans  ses  terres  en  Slavonie 
par  des  bateaux  expédiés  sur  le  Da- 
nube. Ayant  su  que  ,  dans  une 
\il!e  qu'il  venait  de  prendre,  un  ha- 
bitant avait  caché  un  tonneau  de 
vingt  mille  florins ,  il  visite  la  maison , 
et  dans  sa  précipitation,  il  met  le  feu 
à  quelques  livres  de  poudre,  dont 
l'exjîlosion  le  renversa  par  terre  , 
tt  lui  brûla  le  corps  et  le  visage.  De- 
puis ce  moment,  sa  ligure  noire,  et 
couverte  de  cicatrices,  lui  doimait 
un  air  encore  plus  féroce.  Laiidon  , 
qui  alors  était  capitaine  dans  le  mê- 
me jéginient,  se  trouvait  à  la  porte 
de  la  maison  au  moment  où  cet  ac- 
cident ariiva  à  son  colonel.  Trciick, 
l'ayant  soupçonné  d'en  avoir  profité 
pour  enlever  le  trésor ,  ne  cessa  de 
le  persécuter.  Appelé  à  Vienne  pour 
rendre  compte  de  sa  conduite,  il  fut 
arrêté  et  mis  en  liberté  au  bout  d'un 
mois.  ïl  ])orta  le  nombre  de  ses  Pan- 
dours à  quatre  mille,  avec  lesquels 
on  forma,  en  1743,  un  régiment 
d'infanterie  hongroise  ;  i!  y  ajouta 
six  cents  housards  et  cent-ciuquante 
chasseurs,  qu'il  équij)a  à  ses  frais.  A 
la  fin  de  c<;ltc  première  camjiagiie, 
il  avait  fait  quatre  mille  prisonniers, 
et  s'était  enijjaré  de  vingt-cinq  ca- 
nons et  de  dix  drapeaux.  Au  mois 
d'août  174.1,  l'aripée  autrichienne 
marcha  vers  le  Rliin.  Le  f\  septom- 
l)rc,  d'après  l'ordre  du])rince  Char- 
les, Trenck  attaqua  ,  cl  prit  ime  île 
du  lUiin ,  vis-à-vis  le  fort  Mortier ,  et 
s'y   établit.    En  1743,  il    p.issa    le 


TllE 

Rliin  à  la  nage  avec  soixante-dix 
Pandours  ,  prit  d'assaut  un  fort 
qui  teuait  à  Philipsbourg  ,  tua  de  sa 
main  l'oflicier  français  qui  y  com- 
mandait ,ety  laissa  garnisonj  ayant 
traversé  aussi  heureusement  un  se- 
cond bras  du  lUiin,  il  surprit  deux 
régiments  de  cavaleiie  bavaroise. 
L'armée  autrichienne  passa  le  Rhin; 
et  Trenck  se  répandit  dans  l'Alsace, 
pour  mettre  la  province  à  contribu- 
tion. Au  mois  de  septembre  i744i 
l'armée  prussienne  étant  entrée  en 
Bohême,  le  prince  Charles  fut  forcé 
de  repasser  le  Rhin.  Trenck,  qui 
était  à  l'arrière-garde ,  fut  constam- 
ment aux  mains  avec  le  chevalier  de 
Belle-Isle,  qu'il  surprit  plus  d'une  fois. 
En  marchant  vers  la  Bohême,  il  re- 
prit Neubourg,  Suitzbacli,  Tabor, 
Budweïs  et  Frauenberg ;  ce  qui  le 
mit  de  plus  en  plus  eu  faveur  auprès 
du  prince  Charles.  Il  se  distnigua  à 
la  prise  de  Kossel;  mais  la  bataille 
de  Sorr  ou  Soraw  (  t4  sept.  1745  ) 
lui  deviut  funeste  :  chargé  d'attaquer 
Frédéric  II  par  ses  derrières ,  il  s'ar- 
rêta à  pilier  son  camp,  et  eut  pour 
sa  part  la  tente  et  la  vaisselle  du  roi, 
qui  s'en  dédommagea  en  battant  com- 
plètement le  prince  Charles.  De  là 
les  ennemi;  de  Trenck  cherchèrent  à 
le  rendre  suspect.  On  l'accusa  d'a- 
voir relâché  le  roi  de  Prusse,  qu'il 
avait  fait  prisonnier  dans  son  lit, 
d'avoir  reçu  un  million  de  ducats, 
tandis  qu'il  pouvait  dc-cidcr  le  sort 
de  la  bataille  en  ])oursuivaul  son  at- 
taque ,  et  l'on  conclut  ipie  c'étaità  son 
avidité  qu'on  devait  attribuer  la  mal- 
heureuse issue  de  la  journée  et  laper 
te  de  tant  de  braves.  En  arrivant  à 
Viennc,-il  y  trouva  vingt-trois  de  ses 
ofdciers,  ([ui  étaientdcvcnus ses  accu- 
sateurs. Le  conseil  de  guerre  nommé 
])0ur  examiner  sa  conduite  écarta  la 
plujiaft  des  accus,!!  ions;  il  le  condam- 


TRE 

na  cependant  à  pay<-r  cent  vinç;!  mille 
iîoriiis  aux  olUriors  qu'il  avait  arbi- 
trairement chasses  du  régiment.  Au 
lieu  de  se  soumettre  à  cette  sentence, 
il  s'en  alla  en  Slavonie  ;  mais  à  son 
retour  à  Vienne,  IMarie-Tlieièse  lia 
ordonna   de   garder  les   arrêts.  Au 
mépris  de  ces  ordres,  il  aiiecta  d'al- 
ler au  théâtre  ,  oii  il  savait  que  l'im- 
pe'ralrice  devait  se  trouver.  Voyant 
dans  une  loge  un  de  ses  accusateurs  , 
il  le  prend  au  collet  et  le  jette  dans 
le  parterre.  L'impératrice  indignée 
le  lit  arrêter  ;  et  ses  biens  furent  sé- 
questres.   Cité   devant  un   nouveau 
conseil  de  guerre,  le  pré-ident  lui 
reprocha  la  bataille  de  Soraw ,  per- 
due par  sa  faute.  Trenck  se  justifia 
en  montrant  un  témoignage  écrit  de 
la  main  du  prince  Charles.  Le  prési- 
dent s'étant   exprimé  sur  le  prince 
avec   mépris  ,     ïrenck    le   saisit  , 
comme    un  tigre  enlève  un  cfmt, 
disent   ses  Mémoires ,   et  si  la  gar- 
de n'était  accourue,  il  l'aurait  jeté 
d'un  quatrième  étage.  Depuis  ce  mo- 
ment ,  il  ne  parut  plus  qu'enchaîné. 
On  lui  reprocha  les  cruautés  commi- 
ses à  Gham.  Il  chercha  à  les  justifier, 
en  faisant    voir    que  les   habitants 
avaient  coupé  les  mahis  à  six  Pan- 
dours  faits  prisonniers.  On  l'accusait 
d'avoir  pillé  les  églises  ,   enlevé  les 
vases  sacrés  et  commis  plus  de  mille 
sacrilèges.  Il  païaît  que  sur  tous  ces 
points  sa  justilication  était  faible.  La 
baronne   de    Lestock,   qu'il   devait 
épouser  au  moment  même  où  il  fut 
arrêté,  répandait  l'or  pour  le  déli- 
vrer. Selon  les  I\Iémoires  de  Trenck, 
<'llc  gagna  l'orUcicr  qui  le  gardait  à 
l'arsenal  de  Vienne  ;  le  prisonnier  lit 
le  moit,   on  le  plaça  dans  un  cer- 
fueil ,  et  on  le  conduisit  au  cimetiè- 
l'c  ;  l'oillcicr  ayant  ouvert  le  cercueil , 
donna  son  manteau  à   Trenck,   qui 
s'enfuit  en  Hollande  avec  la  haron- 


TRE  477 

ne.  il  y  fut  découvert,  arrêté  cl  re- 
conduit à  Vienne,  où  l'on  instruisit 
mie  nouvelle  procédure.  Condamné 
à  être  renfermé  dans  une  forteresse 
juscpi'à  sa  mort,  on  le  conduisit  à  la 
citadelle  de  Bruim,  où,  s'étant  lui- 
même  empoisonné,  à  ce  que  l'on  as- 
sure, il  mourut  le  4  octobre  i^^O-. 
n'étant  âgé  que  de  trente-huit  ans.  11 
avait  amassé ,  par  ses  pillages,  une 
fortune  de  deux  millions  de  ilorins 
qu'il  légua  en  mourant  à  son  cousin 
Frédéric  Trenck  fdont  l'article  suit)  ; 
mais,  par  l'elfet  de  procès  assez  in- 
justes ,  elle  fut  presque  entièrement 
anéantie.  La  vie  de  ce  guerrier  a  été 
écrite  par  Frédéric  Trenck  ,  son 
cousin^  f^oy.  aussi  :  Mémoires  de 
François  baron  de  Trenck ,  com- 
mandant des  Pandours  ,  cousin  d<f 
Frédéric  baron  de  Trenck  ,  of- 
ficier du  roi  de  Prusse ,  écrits 
par  lui  en  italien,  traduits  en  fran- 
çais ,  Paris,  1788,  1  vol.    ia-i'i. 

G— Y. 

TRENCK  (  Frédéric  ,  baron  pe  ), 
cousin  du  ]n-écédent ,  né  à  Kœnigs- 
berg,  le  16  février  1726,  d'une  fa- 
mille dont  l'illustration  remontait  h 
la  conquête  de  la  Prusse  par  les 
chevaliers  Teutoniques ,  devait  à  la 
nature  et  à  l'éducation  tous  les  avan- 
tages qui  font  les  hommes  supérieurs  ; 
mais  une  fatale  circonstance,  en  l'ar- 
rêtant dès  le  début  de  la  carrière  mi- 
litaire et  politique ,  le  réduisit  pour 
le  reste  de  ses  jours  au  rôle  d'aven- 
turier. Il  était  doué  d'une'belle  ligu- 
re, d'une  taille  très-élevée  (  5  pieds 
9  pouces  ) ,  de  la  force  d'un  Hercule; 
ces  dons  heureux  se  développèrent 
chez  lui  avant  l'âge  ,  et  il  les  conser- 
va jusque  dans  la  vieillesse.  A  treize- 
ans  ,  il  possédait  les  langues  et  l'his- 
toire anciennes  ,  et  se  vit  en  éfat  de 
passer  aux  hautes  études  dans  l'iun- 
versilc  de  Koniirsberg.  H  ne  s'v  lit 


47S 


TRE 


pas  moins  lemarqiier  par  sou  apti- 
tude pour  les  sciences  que  par  son 
adresse  à  tous  les  exercices.  Il  eut 
deux  duels  à  cette  époque ,  l'uu  à 
quatorze  ans,  l'autre  à  seize,  et  il 
blessa  ses  adversaires^  dont  l'un  était 
officier.  A  dix-sept  ans,  il  soutint 
publiquement  ses  thèses  de  philoso- 
pliie ,  et  fut  présenté  au  roi  Frëdëric- 
II ,  comme  l'élève  le  plus  remarqua- 
ble de  l'université.  Le  comte  de  Lot- 
tum,  général-adjudant  de  ce  monar- 
que ,  frappé  des  dispositions  précoces 
de  Trenck,  son  jeune  parent,  le  con- 
duisit à  Potsdam  ,  où  le  roi  l'engagea 
à  quitter  ses  études  pour  embrasser 
la  carrièredesarmes.Frédéricjdès  la 
première  audience  ,  le  chargea  de 
répondre  en  trois  langues  à  diverses 
dépèches.  Satisfait  de  cette  épreu- 
ve, )1  admit  Trenck  comme  cadet 
dans  ses  gardes-du-corps  :  au  bout 
de  trois  semaines ,  il  l'éleva  au  grade 
de  cornette,  puis,  au  mois  d'août 
1743  ,  il  le  choisit  pour  montrer  la 
nouvelle  manœuvre  à  la  cavalerie 
silésiennc.  Enfin  toutes  les  distinc- 
tions réservées  aux  favoris  échu- 
rent à  l'heureux  Trenck.  Le  roi , 
qui  le  traitait  moins  en  souverain 
qu'en  père  et  en  ami,  le  présen- 
ta à  la  savante  société  qu'il  s'était 
plu  à  former  à  Eerlin.  Voltaire  , 
Maupertuis  ,  Jordan  ,  La  Mettrie  , 
Pollnitz,  devinrent  les  amis  d'un 
jeune  homme  de  dix-huit  ans,  qui 
était  à-la-fo»s  courtisan ,  militaire 
et  savant.  Alors  arriva  l'aventure  qui 
causa  tous  les  malheurs  de  Trenck. 
Dans  l'hiver  de  1743,  la  cour  de 
Suède  résolut  de  demander  pour  le 
prince  royal ,  héritier  de  la  couron- 
ne, une  des  deux  sœurs  du  roi  Frédé- 
ric qui  restaient  encore  à  marier  : 
on  n'était  pas  bien  fixé  sur  le  choix. 
On  redoutait  le  caractère  vif  ct'impé- 
rieux  de  la  princesse  Ulriquc ,  qui 


TRE 

était  l'aînée;  et  l'on  penchait  pour 
la  princesse  Amélie,  la  plus  jeune. 
Dans  cet  état  de  choses,  l'ambassa- 
deur suédois  s'annonça  d'abord  à  la 
cour  de  Berlin  comme  simple  voya- 
geur :  il  avait  ordre  de  ne  faire  con- 
naître sa  mission  que  lorsqu'après 
avoir  étudié  le  caractère  des  deux 
princesses,  il  aurait  pu  se  détermi- 
ner en  faveur  de  l'une  d'elles.  La 
princesse  Amélie  n'ignora  pas  cepen- 
dant qu'elle  était  l'objet  principal 
de  ce  voyage.  Zélée  calviniste  ,  elle 
s'eflraya  de  l'idée  d'être  contrainte 
de  se  faire  luthérienne  pour  devenir 
reine  de  Suède;  elle  fit  part  de  ses 
scrupules  à  sa  sœur  Ulrique  ,  qui 
lui  conseilla,  pour  éviter  le  maria- 
ge qu'elle  craignait,  d'alî'ecter,  ea 
présence  de  l'ambassadeur  suédois, 
un  air  de  hauteur  et  dedédain.  Amé- 
lie, qui  jusqu'alors  avait  été  un  mo- 
dèle de  politesse  ,  de  douceur  et  de 
bonté,  suivit  ce  plan  avec  un  succès 
qui  surpassa  son  attente.  L'ambas- 
sadeur y  fut  complètement  trompé, 
et  se  persuadant  qu'elle  était  haute, 
impérieuse ,  fantasque  ,  il  lui  préféra 
la  princesse  Ulrique  ,  qui  de  son  côté 
avait  assez  bien  joué  son  rôle  pour 
paraître  aussi  réservée  et  aussi  affa- 
ble qu'elle  l'était  peu  réellement.  Du- 
pe ainsi  des  conseils  artificieux  de  sa 
sœur,  Amélie  en  la  voyant  devenir 
reine  de  Suède  se  trouva  dans  une 
disposition  d'esprit  telle  que,  selon 
l'expression  des  Soui'enirs  de  Thié- 
bault,  elle  avait  soif  de  vengeance  et 
de  consolation.  Dans  les  fêles  qui 
eurent  lieu  à  l'occasion  du  mariage 
d'Ulriquc,  elle  vit  ou  du  moins  elle 
remar(pia  pour  la  première  fois 
Trenrk,  qui ,  comme  officier  de  gar- 
de, faisait  la  police  du  bal.  Tandis 
qu'ii  passait  d'une  salle  à  l'autre,  on 
lui  enleva  les  franges  d'or  de  son 
écharpe  ;  ce  petit  accident  fit  quel- 


TRE 

que  sensation;  et  le  jeune  odlicier  de- 
vint l'objet  de  tous  les  regards.  «  Ou 
»  ue  put  que  remarquer  eu  lui ,  dit 
»  un  témoin  oculaire,  une  taille  forte 
»  et  plus  qu'ordinaire,  un  air  mar- 
»  tial ,  vif  et  spirituel ,  et  le  tout  sous 
»  les  plus  belles  couleurs  de  la  jeu- 
»  nesse  et  de  la  saute.  »  Trenck , 
après  avoir  essuyé'  quelques  douces 
railleries  du  monarque,  en  fut  bien- 
tôt console ,  lorsqu'après  le  banquet , 
la  priucesse  Amélie  passa  près  de 
lui ,  et  lui  dit  à  l'oreille  :  «  Venez 
»  chez  moi  à  telle  heure ,  je  vous 
»  rendrai  votre  écharpe.  »  Trenck 
fut  exact  au  reudez-vous  ;  et  cotte 
première  visite  fut  suivie  d'une  inti- 
nité  d'autres.  «  Dans  l'espace  de  peu 
»  de  jours,  dit-il  dans  ses  Mémoires^ 
»  je  fus  le  plus  heureux  mortel  de 
»  Berlin.,..  J'étais  estimé;  mon  roi 
»  me  témoignait  ses  bontés  dans  tou- 
»  tes  les  occasions  :  mon  amie  me 
»  donnait  beaucoup  plus  d'argent 
»  que  je  n'en  avais  besoin  ;  et  bientôt 
»  mon  équipage  fut  le  plus  somp- 
»  tueux  et  le  plus  brillant  de  tout  le 
»  corps,  a  Une  telle  dépense  fut  re- 
marquée ;  et  comme  Trenck  avait  à 
peine  mille  écus  de  rente ,  on  lit 
bien  des  conjectures;  néanmoins  le 
secret  de  son  intrigue  avec  la  prm- 
cesse  demeura  caché  pour  tout  le 
monde.  La  guerre  vint  l'arracher  à 
son  amante.  Durant  la  campagne  de 
1  744»  i'  fit  l'oillce  de  lieutenant  au- 
près du  roi ,  qui  l'employa  à  recon- 
naître les  lieux,  à  établir  les  campe- 
ments ,  et  le  chargea  du  soin  de  four- 
nir de  fourrage  le  quartier-général. 
Son  activité,  sa  bravoux-C;,  son  intel- 
ligence, ne  se  démentirent  jamais,  et 
chaque  jour  il  semblait  devenir  plus 
cher  à  Frédéric.  A  la  suite  d'une  ex- 
pédition dans  laquelle  Trenck  avait 
fait  vingt-deux  prisonniers  ,  le  roi 
l'admit  à   sa   table,   le  présenta   à 


TRE  479 

l'ambassadeur  d'Angleterre  ,  lord 
Hintfort,  en  disant  :  c'est  le  ma- 
tador de  ma  jeunesse  prussienne  , 
puis  il  lui  attacha  au  cou  l'ordre  du 
Mérite.  La  guerre  finit  trop  tôt  pour 
la  durée  d'une  prospérité  si  gran- 
de. Trenck  ,  revenu  à  Berlin  avec 
le  roi,  fut  reçu  avec  transport  par  la 
princesse  Amélie.  Ilfutmoinscircons- 
pect  que  l'année  précédente ,  peut- 
être  aussi  plus  observé.  Frédéric  fut 
instruit  de  ses  assiduités  auprès  de  sa 
sœur  ,  et  il  ne  put  en  méconnaître  le 
motif;  mais  l'honneur  du  sang  royal 
lui  faisait  une  loi  de  ue  pas  paraître 
si  bien  informé.  Il  ne  lui  restait  donc 
qu'un  moyen  convenable  de  faire 
comprendre  à  Trenck  qu'il  fallait 
changer  de  conduite  :  c'était  de  le 
maltraiter  j  jusqu'à  ce  que  celui-ci 
devinât  ce  qu'on  ne  voulait  pas  lui 
dire,  Mais  avant  de  prendre  ce  parti, 
Frédéric  montra  envers  l'audacieux 
qui  lui  mauquait  si  essentiellement 
unebonté  vraiment  paternelle.  Un  di- 
manche, à  la  parade,  il  dit  à  Trenck, 
en  passant  auprès  de  lui  :  «  Monsieur, 
»  le  tonnerre  et  la  tempête  s'amas- 
»  sent;  prenez-garde  à  vous.  »  L'im- 
prudent fut  sourd  à  cet  avis  ,  et  une 
nouvelle  visite  à  la  princesse  fut  pn- 
nie  de  trois  semaines  d'arrêts.  Le 
prétexte  qui  fut  allégué  pour  cette 
rigueur  était  une  faute  de  discipli- 
ne, qui  s'expiait  ordinairement  par 
trois  ou  quatre  jours  de  détention. 
Trenck  était  encore  aux  arrêts ,  lors- 
qu'on lui  apporta  l'ordre  d'aller  à 
Dresde ,  porter  des  dépèches.  A  son 
retour,  il  se  présenta  au  roi,  qui  ne 
lui  dit  que  ces  mots  :  a  Où  étiez-vous 
»  avant  d'aller  à  Dresde?  —  Sire, 
»  aux  arrêts.  —  Hé  bien  ,  retournez- 
»  y.  »  Trenck  y  resta  euvii'on  quatre 
mois  ,  jusqu'à  l'ouverture  de  la  cam- 
pagne de  1745.  Il  suivit  le  roi,  et 
combattit  à  ses  côtés,  à  la  journée 


48o 


TRE 


de  Strigau ,  où  il  reçut  une  blessure 
el cul (Icus. chevauxtues sous  lui. Fid- 
dcric  parut  alors  lui  rendre  son  esti- 
me et  sa  confiance.  A  la  journée  de 
Sorr  il  servit  d'adjudant  au  roi ,  et  il 
ne  fut  pas  e'tranger  au  succès  de  cette 
mémorable  journée  ;  mais  de  graves 
imprudences  vinrent  encore  effacer 
ces  nouveaux  services.  Dès  la  cam- 
pagne précédente,  il  était  entré  en 
correspondance  avec  le  fameux  Fran- 
çois Trcnck,  sou  cousin,  qui  com- 
mandait le  corps  des  Pandours  au 
service  de  l'AutricLe  (  Voy.  l'article 
précédent  ) ,  et  qui  l'avait  iustitué 
son  légataire  universel,  en  lyl^- 
Bien  que  de  pareilles  relations  entre 
deux  parents  n'eussent  ricu  que  de 
fort  naturel,  les  ennemis  de  Trcnck 
surent  en  tirer  parti  poura/^hever  dele 
perdre  dans  l'esjirit  du  roi.  Quelques 
jours  après  la  bataille  de  Sorr  ,  il 
avait  reçu  une  lettre  fort  innocente  de 
sou  cousin  :  Frédéric  en  fut  instruit  j 
etXrenck,  dès  le  jour  qui  suivit  la 
réception  de  cette  fatale  missive, fut 
enfermé  dans  la  forteresse  de  Glatz. 
ï/intention  du  monarque  était  de  ne 
l'y  retenir  que  pendant  une  année. 
Par  malheur,  le  prisonnier  ignorait 
les  dispositions  favorables  de  Frédé- 
ric. Croyant  qu'il  était  condamné  à 
rester  eu  prison  toute  sa  vie ,  il  ne 
se  (It  pas  scrupule  de  chercher  à  s'é- 
chapper. La  princesse  Amélie,  avec 
laquelle  il  correspondait,  par  lemoyen 
(l'un  ollicier ,  ne  le  laissait  pas  man- 
quer d'argent;  et  il  mit  dans  ses 
intérêts  une  partie  de  ses  gardiens. 
Cependant  trois  tentatives  qu'il  lit 
pour  s'évader  ne  réussirent  point; 
ce  ne  fut  (lu'après  onze  mois  de 
séjour  à  Gl.itz ,  qu'il  parvint  à  s'é- 
chapper ,  avec  le  secours  d'un 
liculenaiit  de  la  garnison,  nommé 
S(iiu!ll.  Tniis  dcuv  sautèrent  un  soir 
dans  les  fosM-s  par  lui  endroit  peu 


TRE 

élevé  du  parapet:  Schœll  eut  le  pied 
foulé;  Trenck,  qui  ne  reçut  qu'iuie 
légère  contusion,  chargea  son  ami  sur 
ses  q)aulcs ,  et  le  porta  ainsi  jus- 
que sur  les  bords  de  la  Neisse,  qu'il 
ti'aversa  à  la  nage,  malgré  les  gla- 
çons, le  24  décembre  174^-  Après 
deux  jours  de  souffrances  et  de  dan- 
gers inouis  ,  tous  deux  se  trou- 
vèrent hors  du  territoire  prussien. 
Trenck,  au  moment  de  sou  évasion 
n'avait  pas  eu  le  temps  de  prendre 
l'argent  qu'il  avait  caché  dans  sa 
prison.  11  faut  lire  dans  ses  Mémoi 
res  le  récit  de  toutes  les  privations 
qu'ils  essuyèrent,  depuis Brannau  en 
Bohême  jusqu'à  Elbing  en  Pologne. 
Trcnck  arrivé  presque  nu  dans  cette 
dernière  ville,  le  17  mars  1746, 
apiès  avoir  fait  plus  de  trois  cents 
lieues  à  pied  ,  y  retrouva  un  de 
ses  anciens  instituteurs  ,  qui  l'ac- 
cueillit comme  un  fds.  Sa  mère,  qui 
vint  le  voir  à  Elbing ,  lui  donna  une 
somme  considérable  ,  en  lui  conseil- 
lant d'aller  chercher  fortune  à  Vien- 
ne. Une  lettre  de  change  de  quatre 
cents  ducats ,  qu'il  reçut  de  la  prin- 
cesse Amélie,  vint  ajouter  à  ses  res- 
sources ,  il  partagea  son  trésor  avec 
son  ami  Schœll  ,  qu'il  avait  laissé 
malade  à  Tliorn.  Tous  deux  prirent 
le  chemin  de  V  ienne ,  oii  ils  se  sé- 
jiarèreut  ;  Trenck  trouva  dans  cette 
capitale  son  cousin  François  Trenck, 
détenu  à  l'arsenal  ,  et  implique 
dans  un  procès  criminel.  L'accueil 
distingué  qu'il  reçut  de  l'empereur 
d'Allemagne  et  du  prince  Charles  de 
Lorraine  lui  inspira  la  confiance  de 
solliciter  pour  son  parent  ;  mais  il 
ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  que  ce 
dernier  ne  le  payait  que  d'ingratitu- 
de. François  Trenck  eut  la  bassesse 
de  révéler  ,  à  la  cour  de  Yieuuc,  un 
projet  d'évasion  k\\w  lui  avait  |)ro- 
posé  l'r<;d('ric.  Il  lui  suscita  même 


TRE 

lin  duel ,  dans  lequel  celui-ci  mit  suc- 
ccssivemciithors  de  combat  trois  of- 
ficiers ,  dont  l'un  avait  rern ,  de 
Trcnck  le  Pandour  ,  la  promesse 
de  mille  ducats  s'il  rcussissait  à  en- 
voyer sou  parent  dans  Vautre  mon- 
de. A  pi  es  cette  aventure,  Frédéric 
Trenck  quitta  Vienne  (  août  !  74G  ) , 
et  partit  pour  la  Hollande,  résolu 
d'aller  aux  Indes.  Son  séjour  dans 
la  capitale  de  l'Autriche  l'avait  ni- 
tièrcment  perdu  dans  l'esprit  deFrc'- 
dëric  II ,  qui  le  soupçonna,  mais  à 
tort ,  d'avoir  livré  au  cabinet  autri- 
cliicn  les  plans  des  forteresses  prus- 
siennes. Arrivé  à  Nurember;; ,  il  y 
veiicontra  un  parent  de  sa  mère  ,  le 
{général  Licven  qui  commandait  un 
corps  de  troupes  russes  ,  et  qui  l'en- 
gat^ea  au  service  de  Russie  en  qualité 
de  capitaine  dans  les  dragons  deTo- 
bolsk.  La  paix  s'étant  faite  pres- 
que aussi  lût,  ïrenck  fut  envoyé,  par 
la  Vistule,  avec  cent  quarante  con- 
valescentSj  àDantzic.k,d'Jù  il  devait 
s'embarquer  à  Riga.  A  Dantzick ,  il 
pensa  être  enlevé  par  un  corps  de 
recruteurs  prussiens,  et  ne  leur  échap- 
pa qu'à  force  d'audace  et  de  sang- 
froid.  Dans  la  traversée  jusqu'à  Ri- 
ga y  une  tempcîe  allait  forcer  l'équi- 
page à  relâcher  à  Pillaw,  petit  port 
occupé  par  une  garnison  prussienne, 
et  Trenck  y  serait  inévitablement 
demeuré  prisonnier- mais, il  contrai- 
gnit,le  pistoletà  la  main  ,1e  timonier 
à  tenir  la  mer  malgré  la  tourmente. 
Arrivé  à  Moscow  ,  où  se  tenait 
la  cour  de  l'impératrice  Elisabeth  , 
il  fut  bientôt  distingué  par  les 
|uemiers  personnages  de  l'état, 
r/ambassadeur  d'Angleterre  ,  lord 
llintford,  le  même  qui  avait  été  té- 
moin, en  1 744  '  de  la  faveur  dont 
Frédéric  II  l'avait  honoré,  se  char- 
gea d'être  son  patron  ,  et  lui  avança 
l'argent  nécessaire  pour  se  produire 

XLVI. 


TRE  48 I 

d'une  manière  brillante.  Trenck 
ayant  composé  un  poème,  à  l'occa- 
sion de  l'anniversaire  du  couronne- 
ment de  l'impératrice,  lui  fut  présen- 
té: Elisabeth  le  recommanda  elle- 
même  à  son  cliancclicr,  et  lui  (it 
présent  d'une  c'pée  cnric'iic  de  dia- 
mants. Dès-lors  il  jouit  de  la  plus 
haute  faveur  à  la  cour;  et  |)0iirqu"il 
ne  manquât  rien  à  son  bonheur  ,  il 
inspira  une  vive  passion  à  une  prin- 
cesse russe  ,  plus  jeune  et  plus  jolie 
qu'Amélie  de  Prusse,  et  qui  ne  se 
montra  pas  moins  généreuse;  mais, 
au  bout  de  quatre  mois  une  mort  su- 
bile  lui  enleva  cette  aimable  créa- 
ture. Elle  avait  laissé  à  Trenck 
tous  ses  bijoux  et  tout  son  argent, 
dont  la  valeur  moulait  à  --oo  000 
ducats.  La  femme  du  chancelier  de 
Russie,  jusqu'alors  sans  reproche, 
se  laiss  sé(biire  )>ar  cet  iieurcux 
aventurier  ;  leur  union  intime  ne  mit 
aucune  borne  au  crédit  de  Trenck. 
Une  noire  intrigue  ,  suscitée  contre 
lui  parle  comte  de  Golt/,,  envoyé  de 
Prusse,  fut  déjouée  par  le  zèle  de 
son  amie;  le  diplomate  démasqué 
mourut  de  chagrin  peu  de  temps 
après  ;  et  l'impératrice ,  pour  dédom- 
mager Trenck  du  chagrin  passager 
qu'on  lui  avait  causé  ,  lui  cn^oya 
un  présent  de  deux  mille  roubles. 
Thiébault  ,  dans  ses  Souvenirs  , 
l'accuse  d'avoir  eu  la  coupable 
indiscrétion  de  faire  circuler  le  por- 
trait de  la  princesse  Amélie  de  Prusse , 
entre  les  mains  de  tous  les  convives, 
à  un  grand  dîner  chez  le  chancelier  (h- 
Russie.  La  mort  de  François  Trenck, 
arrivée  le  4  octobre  1749  1  rappela  à 
Vienne  Frédéric  que  le  défunt  avait 
fait  son  héritier  universel ,  à  comb- 
tion  qu'il  ne  servirait  pas  d'autre 
puissance  que  l'Autriche  ;  mais  avant 
de  se  vendre  dans  ce  pays,  Trenck 
voulut  visiter  les  états  chi  nord.  A 


48'2  TRE 

Stockholm  ,il  fui  reçu  à  bras  ouverts 
par  la  reine  de  Suède ,  sœur  de  la  jirin- 
cesse  Amélie.  De  Copenhague ,  il 
s'embarqua  pour  la  Hollande;  mais 
assailli  par  des  tempêtes  ,  il  tut  jetc' 
la  premiire  fois  sur  la  côte  de  Suède, 
à  Gothenbourg  ,  oi!i  d  employa  une 
grande  partie  de  son  argent  à  se- 
courir les  habitants  ;  la  secon- 
de fois  ,  son  vaisseau  fut  poussé 
par  la  tourmente  jusque  dans  le  port 
de  Bahus  en  Norwege.  D'Amster- 
dam, où  il  séjourna  peu  de  temps, 
Trenck  se  rendit  à  Vienne,  en  lyfju, 
où,  pour  ètrehabileà  recueillir  la  suc- 
cession de  son  cousin  qui  se  trouvait 
suus  le  séquestre  ,  il  se  vit  obligé 
d'abjurer  le  luthéranisme.  Indiffé- 
rent à  toute  religion,  il  obtint  un 
certificat  constatant  qu'il  s'était 
converti  au  calholicisnie.  L'hérita- 
ge qu'il  poursuivait  était  grevé  de 
soixanfc-trois  procès.  A  force  d'or, 
de  persévérance  et  d'activité,  il  les 
termina  en  trois  ans;  mais  le  pro- 
cès principal,  pendant  à  la  chambre 
de  Hongrie  ,  n'était  pas  jugé.  Par  les 
inti'igues  de  ses  ennemis,  i\  leperelit,  et 
il  fut  décidé  que  les  biens  que  Trenck 
le  Pandour  avait  possédés  en  Escla- 
vonie  n'appartenaient  pas  en  nature  à 
son  légataire  ,  et  qu'il  ne  fallait  lui 
payer  qu'une  certaine  somme  re- 
présentant le  prix  d'achat.  Ces  dis- 
cussions cessèrent  en  JySS,  et  des 
immenses  richesses  de  Trenck ,  il 
ne  reçut  que  soixanle-trois  mille  flo- 
rins. Déj)ité  de  toutes  les  chicanes 
qu'on  lui  suscitait  ,  il  alla  faire  un 
voyage  à  Venise ,  à  Rome  et  à  Floren- 
ce. A  son  retour  a  Vienne,  il  fut, 
par  un  mal  eulcndu  de  la  police, ar- 
rêté pendautneul  jours  comme faux- 
monuoyeur;  et  le  gouvernement  lit 
insérer  dans  la  gazette  de  Vienne 
une  sorte  de  réparation  publique  en 
sa  faveur.  On  le  nomma  alors  eapi- 


TRE 

taine  dans  le  régiment  des  cuirassiers 
de  Cordua.  Il  s'empressa  d'aller  re- 
joindre son  régiment  en  Hongrie,  et 
contribua  puissamment  à  le  discipli- 
ner. La  mère  de  Trenck  étant  morte 
en  1 7  58 ,  il  se  rendit  à  Dantzick  pour 
régler  avec  ses  frères  et  sœurs  les  af- 
faires de  la  succession.  Il  ne  pré- 
voyait pas  que  la  vengeance  de  Fré- 
déric l'attendait  en  cette  ville.  L'un 
des  ennemis  de  Trenck  avait  écrit  à 
ce  prince  que  cet  officier  ne  faisait 
le  voyage  de  Dantzick  qu'avec  le 
projet  téméraire  de  surprendre  le  roi 
au  moment  où  il  partirait  pour  le 
camp  qu'il  assemblait  en  Prusse  ;,  et 
d'attenter  à  sa  vie.  Trenck ,  après 
avoir  réglé  ses  intérêts  de  faradle, 
allait  s'embarquer  sur  un  vaisseau 
suédois ,  lorsqu'il  fut  enlevé,  au  mi- 
lieu de  la  nuit ,  par  trente  hussards 
prussiens  et  conduit  à  Berlin.  Dans  ce 
trajet  il  fut  traité  avec  tant  d'égards 
et  gardé  avec  une  telle  négligence , 
que ,  s'imaginant  que  Frédéric  n'en 
voulait  plus  à  sa  liberté,  il  ne  profita 
point  d'uneoccasion  qui  lui  fut  offerte 
de  s'évader.  A  son  arrivée  à  Berlin, 
il  ne  tarda  pas  à  revenir  de  son  illu- 
sion :  il  fut  étroitement  gardé,  sévè- 
rement interrogé,  dépouillé  de  tout 
son  argent,  et  des  bijoux  qu'il  por- 
tait sur  lui ,  entre  autzes  du  portrait 
de  la  princesse  Amélie  ,  puis  en- 
fin conduit  à  la  forteresse  de  iVJag- 
debourg.  Frédéric  ,  en  envoyant 
Trenck  dans  cette  prison  d'état  , 
avait  ordonné  que  l'on  prît  toutes 
les  mesures  nécessaires  pour  qu'il  ne 
pût  s'échapper.  Ce  prince  n'avait  pas 
oublie  avec  quelle  adresse  cet  ofïicier 
s'était  évadé  du  fort  de  Glatz  :  il 
était  convaincu  qu'avec  un  captif  si 
indusliieux  ,  si  plein  d'audace  ,  il 
fallait  prendre  plus  de  précautions 
qu'avec  tout  autre  :  c'est  ce  qu'il  re- 
conimanda  ,  sous  peine  d'un   chàti- 


ÏRE 

ment  exemplaire,  à  tous  les  officiers 
de   la  garnison  de  Magdebourgj  et 
comme  la  plupart  avaient  été  témoins 
jaloux  de  la  faveur  dont  avait  joui 
Trenck  à  la  cour  et  à   l'armée  quel- 
ques années  auparavant ,  ils  ajoutè- 
rent aux.  précautions  que  leur  suggé- 
rait leur  devoir  ces  raffinements  de 
barbarie  qui  étonnent  l'esprit  et  ré- 
voltent le  cœur ,  mais  qu'il  faut  peut- 
être  attribuer  à  eux  seuls  et  non  pas 
au  roi,  qui  les  ignorait.  Le  cachot  où 
fut  enfermé  Trenck  n'était  pas  à  qua- 
tre-vingts pieds  sous  terre  ,  comme 
le  prétend  l'auteur  des  Souvenirs  de 
vingt  ans;  mais  il  était  pratiquédans 
une  casemate  ,  et  recevait  assez  de 
jour  ,  bien  que  le  prisonnier  ne  pût 
voir  ni  ciel,  ni  terre  ,  ce  sont  ses 
propres  expressions.  On  ne  lui  mit 
pas  d'abord  de  fers.  Ayant  toujours 
été  grand  mangeur  ,  il  souiTrait  lior- 
riblement  de  la  faim.  Sa  nourriture 
consistait,  toutes  les  vingt-quatre  heu- 
res ,  en  ime  livre  et  demie  de  pain  , 
dont  à  peine  la  moitié  était  mangea- 
ble ,  et  il  lui  en  aurait  fallu  six  livres 
pour  satisfaire  son  appétit.  Quelque 
étroitement  gardé  qu'il  fût,  il  trouva 
moyen  d'entrer  en   communication 
avec  plusieurs  des  grenadiers  qui  fai- 
saient sentinelle   auprès  de  sa  pri- 
son. Tandis  qu'à  force  de  patience  et 
d'industrie, il  creusait, au-dessous  de 
son  cachot,  un  conduit  souterrain  par 
lequel  il  espérait  pénétrer  dans  une 
casemate  voisine ,  dont  la  porte  était 
toujours  ouverte  ,  ces  généreux  sol- 
dais ,  par  l'entremise    d'une  juive  , 
sollicitaient  auprès  de  la  famille  de 
Trenck  et  auprès  de  l'ambassadeur 
d'Autriche  à  Berlin  les  moyens   de 
faciliter  son  évasion.    Le  secret  de 
ces  communications  extérieures  fut 
révélé  à    Frédéric ,  qui   lit  pendre 
les  soldats ,  et  construire  une  nou- 
velle  prison  pour   Trenck.   Toute- 


TRE 


48^ 


fois   personne  n'avait  découvert  les 
travaux  intérieurs  du  prisonnier  pour 
sortir  de  son  ancien  cachot  :  il  ne 
perdit  pas  courage,  et  malgré  d'in- 
concevables difficultés,  le  trou  était 
sur  le  point  d'être  achevé ,  lorsqu'on 
vint  chercher  Trenck  pour  le  con- 
duire dans  son  nouveau  cachot,  où 
il  fut  chargé  de  chaînes  et  d'énormes 
anneaux  aux  pieds ,  aux  mains  et  par 
le  milieu  du  corps.  Ce  ne  fut  qu'en 
i-jSG^  qu'on  y  ajouta  un  carcan  :  le 
tout  formait  un  poids  de  soixante-huit 
livres.  La  largeur  de  la  prison  était 
de  huit  pieds  sur  dix  de  longueur  : 
le  jour  y  pénétrait  à  peine  :  sur  la 
muraille  était  écrit  le  nom  de  Trenck 
en  lettres  rouges  ;  sous  ses  pieds  était 
la  tombe  dans  laquelle  il  devait  être 
enterré  :  on  y  avait  également  tracé 
son  nom  avec  une  tête  de  mort.  Il  ne 
])ouvait  faire  d'autre  mouvement  que 
de  sauter  sur  la  place  oia  il  était  at- 
taché ,  ou  bien  de  secouer  la  partie 
supérieure  de  son  corps  pour  se  ré- 
chauffer. Lorsqu'avec  le  temps  il  se 
fut  accoutumé  au  poids  de  ses  chaînes 
qui  lui  blessaient  douloureusement  les 
os  des  jambes,  il  put  se  mouvoir  dans 
un  espace  de  quatre  pieds.  La  pri- 
son ayant  été  bâtie  de  plâtre  et  de 
chaux  dans  l'espace  d'onze  jours  , 
l'infortuné  fut  environ  six  mois  con- 
tinuellement dans  l'eau  qui  dégouttait 
de  la  voûte,  précisément  à  l'endroit 
où  il  était  obligé  de  s'asseoir:  cepen- 
dant sa  santé  n'en  fut  point  altérée. 
Toutes  les  fois  qu'on  Amenait  faire  la 
visite ,  on  était  obligé  de  laisser  pen- 
dant quelques  m  mutes  les  portes  ou- 
vertes, pour  que  la  A'apeur  dumurn'é- 
teignît  pas  les  lumières.  Au  fond  de 
ce  séjour  affreux  ,  il  eut  un  moment 
de    plaisir   indicible  ,    lorsqu'après 
avoir    enduré  pendant  onze  niuis  la 
faim  la  plus  cruelle,  il  se  vit  libre  de 
satisfaire   son    appétit.  Tl  faut   lire, 
3i.. 


484 


TUE 


dans  les  Mémoires  écrits  par  Trenek 
Jui-iuème  ,  ic  de'tail  des  nombreuses 
tentatives  qu'il  lit  pour  s'évader  :  si 
elles  n'eurent  aucun  succès^  il  réus- 
sit du  moins  ,  à  se  débarrasser  de 
ses  chaînes  ,  qu'il  reprenait  chaque 
jour  au  moment  oii  l'on  entrait 
dans  sa  prison.  Ses  gardiens  portè- 
rent la  cruauté  jusqu'à  l'empêcher 
de  dormir.  Il  vint  un  ordre  de  le 
faiiîe  éveiller  tous  les  quarts  d'heu- 
re par  les  sentinelles.  Cette  consigne 
atroce  s'exécuta  durant  quatre  ans. 
Pendant  sa  longue  captivité',  Trcnck 
se  perfectionna  dans  les  sciences  : 
il  composa,  soit  Cn  allemand,  soit 
en  français,  des  Complaintes  et 
des  Satires ,  qui  se  trouvent  la  plu- 
j)art, insérées  dans  le  recueil  de  ses 
OEuvres  ,  imprime  en  Allemagne. 
D'autres  fois  il  s'amu.^ait  à  graver 
sur  des  gobelets  d'étain,  soit  des  des- 
sins ,  soit  des  vers.  Il  lit  tant  de 
progrès  dans  cet  art,  bien  qu'il  n'eût 
qu'un  mauvais  clou  pour  lui  servir 
de  poinçon ,  que  l'un  de  ces  gobe- 
lets, représentant  une  vigne  avec  une 
inscription  en  vers  ,  qui  rappelait 
l'histoire  deNaboth,  ayant  e'téapj)or- 
te'  à  Vienne ,  produisit  ime  telle  im- 
pression sur  l'esprit  de  Marie-Thé- 
rèse, qu'elle  ordonna  à  son  ministre 
à  Berlin  de  s'occuper  de  la  délivran- 
ce de  Trenek  (  i  )•  11  était  encore  par- 
vciai  à  apprivoiser  unesouris  qui  était 
pour  lui ,  dans  sa  prison  ,  ce  qu'une 
araignée  avait  été  pour  Pélisson  , 
dans unesiluation semblable,  lorsque 

^i)  «  F^'Hisloire  de;  me»  Robelels  est  vraimciil 
»  îiur))rcnanli>,  dil-il  dan»  sn  f^  ie.  Il  «tait  défendu, 
»  sous  peine  de  la  vie,  de  ine  parler  cl  de  me 
»  douiier  ni  cnrie  ni  plnnie  ,  et  cependant  je  sur- 
»  pris  inaeusilileinenl  I»  nei  mission  d'écrire  sur 
n  IVlain  ce  cpie  je  vimlai»  l.iire  connaîircau  innnde. 
»P(ircj  siralagémc  cl  ce»  mauvais  vers  ,  je  parui. 
xnux  veux  de  ceux  fpii  ne  me  cnnnaissnient  pn» 
»•  un  malhenreiii  ii|iprimé,  mais  intéressant.  Mes 
.1  f(<dielel»  me  valurent  île  i'csliuie  el  des  nmis;  et 
>>  je  d'iis  en  grande  pnilie  ma  lil)ert<'  à  celle  inven 
)■  tn-n,  „ 


TRE 

ce  petit  animal  lui  fut  enlevé  par 
l'ordre  du  major  de  sa  prison.  Ce- 
pendant la  princesse  Amélie  ne  per- 
dait pas  de  vue  son  malheureux 
amant;  elle  lui  faisait  passer  des  som- 
mes considérables  par  le  moyen  des- 
quelles Trenek  avait  séduit  la  plupart 
des  officiers  de  la  garnison.  Tout 
était  disposé  pour  une  évasion  lors- 
que, par  une  inconcevable  fanfaron- 
nade ,  il  annonça  que  le  lendemain 
on  le  verrait,  à  telle  heure,  sur  les 
glacis  de  la  ville.  Trompé  par  les 
paroles  insidieuses  du  major  de  la  pla- 
ce, il  alla  j  usqu'à  donner  connaissance 
des  moyens  qu'il  devait  employer  ; 
mais  au  lieu  de  la  liberté  cpi'on  lui 
avait  promise  pour  cette  confiante 
révélation  ,  il  se  vit  chargé  de  nou- 
velles chaînes,  et  gardé  de  plus  près 
qu'il  ne  l'avait  jamais  été.  Frédéric 
se  lassa  enfin  de  persécuter  si  long- 
temps un  innocent.  La  porte  de  la  pri- 
son de  Trenek  lui  fut  ouverte  ,  le  24 
déc.  1 7G3  ,  après  neuf  ans  et  cinq 
mois  de  détention,  qui,  ajoutés  aux 
dix -sept  mois  qu'il  avait  passés  à 
Glatz,  formaient  onze  ans  de  capti- 
vité. «  La  délivrance  de  Trenek,  dit 
»  Thiébault,  est  certainement  ce  qu'il 
»  y  a  de  plus  curieux  dans  son  liis- 
»  toire  ;  c'est  aussi  ce  qu'il  y  a  de 
»  moins  connu;  car  lui-même  n'en 
»  parle  qu'on  termes  vagues,  qui  ne 
))  nous  apprcuueiil  rien.  »  Il  est  cer- 
tain (juo  la  princesse  Amélie,  et  même 
la  reine  de  Prusse,  ne  dédaignèrent 
])as  d'agir  en  sa  faveur ,  soit  auprès 
de  Frédéric,  soit  auprès  de  la  cour 
de  Vienne.  Des  sommes  énormes  fu- 
rent (loiuiées  pour  acheter  la  bien- 
veillance de  cerlains  ministres  autri- 
chiens. La  malheureuse  Ajnélie,  plus 
accabléedes  maux  de  son  amant  (|u'il 
ne  l'était  lui  -  même  ,  avait  passé  Içs 
onze  dernières  années  dans  le  deuil  et 
dans  les  larmes.  «  (l'est  à  cet  état  dé- 


TRE 

»  cliirant,  dit  Thicbauh,  qu'il  faul 
î)  attriliiicr  toutes  les  inlirmiles  pre- 
»  coccs  cl  cxliaonlinaiics  dont  elle 
))  fut  assaillie.  Elle  perdit ,  eu  peu 
»  d'aijue'cs  ,   tous  ses  attraits  ;  elle 
»  perdit  la  voix  :  ses  beaux  yeux  se 
»  contuuruèrcut;  et  peu  s'en  fallut 
»  qu'elle  ne  devînt  aveugle.  Elle  ne 
»  conserva  jîlus  en  rien  l'usage  de 
M  ses  bras  et  de  ses  mains....  La  fai- 
«  blesse  de  ses  jambes  était  extrême. 
»  Jamais  le  chagrin  et  le  désespoir 
»  ne  produisirent  de  plus  funestes  ef- 
»  fets  chez  ceux  qu'ils  ne  font  pas 
»  mourir;  et  l'on  peut  légitimement 
»  présumer  ([ue  si  elle  n'en  est  jnis 
»  morte,  c'est  qu'elle  a  toujours  con- 
»  serve  le  désir  et  quelque  espérance 
»  de  pouvoir  être  utile  à  celui  pour 
»  qui  elle  soullrait,  comme  lui-mè- 
»  me  de  son  côte  soullrait  pour  elle.» 
Treuck  était  libre  •  mais  il  devait 
encore  éprouver  bien  des  traverses. 
De    nouveaux   fers    l'attendaient    à 
Vienne,  où,  ])endant  six  semaines,  il 
fut  retenu  prisonnier  dans  les  caser- 
nes impénales.  Des  intrigants ,  inté- 
ressés à  ne  pas  rendre  comjitc  de  la 
gestion    de  l'héritage    de  François 
Trenck,  avaient  persuadé  à  Marie- 
Thérèse  (jue  Frédéric,  son  héritier  , 
était  à  demi -fou  ,  et  que ,  dans  des  ac- 
cès conluiiiels  de  rage,   il  exhalait 
son    lessentinu'iit   contre   le   roi  de 
Prusse  par  des  menaces  épouvauta- 
])les.  Celte  odieuse  menée  fut  lieureu- 
seiiient  déjouée.  L'empereur  Fran- 
roisl^'.  voulut  s'assurer  par  lui-même 
de  la  situation  d'es])rit  dans  laquelle  se 
trouvait  rinlorluné  captif  :  la  liberté 
de  Trenck  suivit  cette  entrevue;  et 
le  lendemain  il  fut  admis  à  faire  sa 
cour  à   Marie-Thérèse.  Il    pouvait 
s'attendre  à    de    riches   dcdomma- 
geraents    a])rès    tant    de    soulfran  • 
ccsj  mais  tout  se  borna  au  grade  de 
major,   qui  lui  fut  donné;  et  ce  ne 


TRE 


4H5 


fut  pas  sans  peine  qu'il  nul  arracher 
aux  curateurs  iniidèlcs  de  la  foilune 
de  François  Trenck  quelques  débiis 
de  cette  immense  succession  :  il  se 
rendit  à  Aix-la-Chapelle  ,  et  se  bxa 
dans  celte  ville  ,  où  il  épousa  ,   en 
i'j65  ,  la  lille  du  bourguemesti'c.  La 
littérature ,  la  ])oliti(pie  et  le  com- 
merce de  vins  de  Hongrie  ,    parta- 
geaient les  loisirs  de  cet  homme  si  at- 
tif.  11  était  même  en  correspondance 
suivie  avec  le  nouvel  empereur  ,  Jo- 
seph II ,  qui ,  méditant  de  grandes  ré- 
formes dans  ses  états  ,  goûtait  assez 
les  projets  systémali(pies  et  hardis  de 
Trenck.    Chaque  année  ,  ce  dernier 
ajoutait  à  ses  œuvres  diverses  ,  par- 
mi lesquelles  son  Héros  macédonien 
produisit  une  grande  sensation.    Il 
rédigeait  aussi  le  recueil  licbdoina- 
daire  inlilnlé  :  {'^-/mi  des  Hommes  , 
et  il  entreprit,  en  in'j'.i,uncGazctleà 
Aix-la-Chapelle.  Professant  les  prin- 
cipes delà  liberté  avec  une  exagéra- 
tion pardonnable  sans  doute  dans  un 
homme  qui  avait  été  si  long-temps 
privé  de  la  sienne  ,  il  se  lit  de  cruels 
eimemis  ,  surtout  parmi  le  clergé  ca- 
tholique d'Aix-la-Chapelle;  mais  le 
succès  de  sa  Gazelle  allait  toujours 
croissant.  L'impératrice  Marie-Thé- 
rèse en  lit  défendre  l'expédition  dans 
tous  les  bureaux  de  poste;  cl  Trenck 
fut  assez  sage  pour  supprimer  tout- 
à-fait  son  journal,    ))iutôt   que   de 
manquer  à  une   souveraine  à  ([ui    il 
devait  quelque   reconnaissance.     Il 
écrivit  ,  pour    se    dédommager  , 
comme  il  le  dit  dans  ses  Mémoiics  , 
\\\\  petit  Traité  sur  le  partage  de  la 
Pologne.  Alors,depuis  i-yn/j  jusqu'en 
\Yn  ■)  ^'  P'ii'couiut  en  voyageur  cu- 
rieux   toutes   les    provinces    de    la 
France  et  de  l'Angleterre.  EuFrauce, 
il  se  lia  avec  le  célèbre  Franklin  et 
avec  le  ministre  de  la  guerre  Saint- 
Germain.  Tous  deux  lui  firent  les 


486 


TRE 


propositions  les  plus   avantageuses 
pour  l'engager  à  passer  en  Amérique  j 
mais  son  atïection  pour  sa  femme  et 
pour  ses  enfants  le  retint  en  Europe. 
Son  commerce  devins  prospe'rait;  de'- 
jà  il  en  avait  recueilli  un  bénëlice  de 
4o,ooo  florins ,  lorsqu'une  escroque- 
rie concertée  entre  des  négociants  et 
des  magistrats  de  Londres  lui  enleva 
jusqu'à  ses  capitaux  ,  et  l'obligea  de 
renoncer  à  ce  négoce.  De  retour  en  Al- 
lemagne ,  il  fut  chargé  de  plusieui'S 
missions  politiques  trcs-conlidentiel- 
les.  A  Vienne  ,  il  reçut  de  nouveaux 
bienfaits  de  Marie-Thérèse ,  qui  fit  à 
la  baronne  deTrenck  une  pension  de 
quatre  cents  florins ,  outre  celle  qu'on 
payait  à  son  mari. Cette  princesse  char- 
gea celui-ci  de  traduire  du  français  en 
allemand  les  OEuvres  spirituelles  de 
l'abbé  Baudran  ;  mais  il  avoue  lui- 
même  ,  dans  sa  Vie ,  que ,  s'affran- 
chissant  des  entraves  d'un  traducteur, 
il  composa,  pour  ainsi  dire,  un  nouvel 
ouvrage;  en  sorte  qu'il  fit  parler  sou 
auteur  en  fort  mauvais  catholique.  La 
mort  de  Marie-Thérèse,  arrivée  au 
moment  de  la  publication  du  3^.  vo- 
lume, détruisit  pour  Tronck  les  espé- 
rances de  fortune  que  lui  avaient  fait 
concevoir  les  bontés  de  cette  souve- 
raine.  Une  Oraison  funèbre  et  une 
Ode  qu'il  composa  à  cette  occasion 
eurent  un  grand  succès;  mais  la  ba- 
ronne   de   Trenck   n'en    perdit  pas 
moins  la  pension  que  lui  avait  accor- 
dée la  feue  impéraliice.  Trenck  se 
retira  alors  en  sonciiàteau  de  Zvver- 
back  en  Hongrie,  où  pciidanl  six  ans 
il  se  livra  sans  succès  à  des  exploita- 
lions  agricoles.   «  Las  de  dépendre 
»  pour  sa  subsistance  ou  d'une  giêle 
»  ou   du   bon   plaisir   de   ses   cura- 
»  leurs,  »  comme  il  le  dit  lui-même, 
il  cliercba  dans  sa  plume  de  nouvel- 
les ressonrcc» ,  et  s'occupa  de  pu- 
blier ,  j),ir  souscription  ,  ses  poésies. 


TRE 

ses  divers  ouvrages  et  l'histoire  de 
sa  vie.  Cette  entreprise  lui  rapporta 
prodigieusement.  Enfin,  après  qua- 
rante-deux ans  d'exil,  il  lui  fut  per- 
mis de  revoir  sa  patrie  (  •78']  )  :  il 
fut   reçu    avec    bonté  par  le   suc- 
cesseur du   grand   Frédéric  ;   et   il 
revit  la  princesse ,  dont  la    faveur 
avait   fait   le   malheur    de   sa   vie. 
«  Hélas  !   s'écrie    un    auteur   con- 
»  temporain,  qui  pourrait  peindre 
»  cette  entrevue?   Elle  fut  de  plu- 
»  sieurs  heures,  et  tout  ce  temps  fut 
»  consacré  aux  larmes!  Un  homme 
»  blanchi  par  l'âge,  tout  voûté  par 
»  les  soixante  livres  de  fer  dont  il 
»  avait  été  chargé  durant  dix  années 
»  consécutives  ,   défiguré  en  partie 
»  parle  chagrin;  était-ce  là  l'homme 
»  superbe   dont    on   avait  toujours 
»  conservé  une  si  fidèle  image!  Mais 
»  d'un  autre  côté ,  dans  cette  dame 
«  également  vieillie,  et  par  les  mê- 
))  mes  causes  à-peu-près ,  sous  cette 
»  tête  chauve  qui  avait  peine  à  se 
»  soutenir,  sur  ce  visage  défiguré  et 
»  terreux;,...  dans  ces  bras  déchar- 
»  nés  et  sans  ressorts ,  dans  ces  mains 
»  contrefaites;....  comment  retrou- 
»  ver  celle  qu'on  avait  tant  aimée?  » 
Mais  leurs  cœurs  n'étaient  pas  chan- 
gés :  la  princesse,  après  avoir  écouté 
dans  tous  ses  détails   l'histoire  de 
Trenck  ,  l'assura  de  sa  protection 
pour  ses  enfants.  Peu  de  jours  après 
cette  entrevue,  Amélie  n'était  plus; 
elle  mourut  au  mois  de  mars   1  787, 
comme    si    après   avoir    revu    son 
amant    elle    n'avait    plus   rien    en 
à   faire  en    ce  monde    (2).   Trenck 
lui  donna  des  larmes  sincères.  Dans 
un  voyage  qu'il  (it  à  Konigsberg,  il 
retrouva  sa  famille,  mais  non  pas 
SCS  biens  ,  qui  avaient  presque  entière- 


(\\  Aime-Aini'lie  de  Prusse,  nl)licsse  «le   Qnod- 

linKliiiiii'K  ,  cinil  nrr  le  c)  iiiiveiiiliri'  i^-j.i. 


I 


TRE 

ment  disparu  entre  les  mains  de  ceux, 
qui  les  avaient  gères  durant  un  sé- 
questre de  quarante -deux  ans.  Alors 
parurent  en  allemand  ses  Mémoires, 
qui  furent  traduits  dans  toutes  les 
langues.  Deux  traductions  françaises 
furent     publiées  presque  en  même 
temps ,  l'une  du  baron  de  Bock ,  Metz, 
1787  ,  2  vol.  in-12  ;  l'autre  par  Le 
Tourneur,  Paris,  1788,  3  vol.  Le 
nouveau  traducteur  rétablit  plusieurs 
passages  supprimés  par  son  devan- 
cier. Le  nom   de   Trcnck  fut  alors 
dans  toutes  les   bouches.    Son  por- 
trait se  voyait  partout.    Le  fameux 
Curtius   fit   voir   au   Palais  -  Royal 
l'image  en   cire  du    prisonnier    de 
Magdebourg ,  avec  le  costume  et  les 
chaînes  qu'il  portaitdansson  cachot. 
Arnoult   (  /^q>'.    ce    nom    au   Sup- 
plément) ,  un  d°s  auteurs  les   plus 
féconds  des  boulevards,  fit  représen- 
ter   dans  cette  même  année  1788, 
sur  le  théâtre  d'Audinot  (Ambigu- 
Comique  ) ,  le  Baron  de  Trenck  ou 
le  Prisonnier  prussien,  en  un  acte.  La 
révolution ,  qui  éclata  successivement 
eu   Belgique  et  en  France ,  trouva 
Trenck  tout  disposé  à  en  approuver 
les  principes.  Diverses  brochures  po- 
litiques qu'il  lit  paraître;!  cette  épo- 
que  lui  attirèrent  des  disgrâces  de 
la  part  de  la  cour  impériale,  au  ser- 
vice de  laquelle  il  était  toujours  at- 
taché. On  lui  avait  accordé  une  pen- 
sion de  deux  mille  florins ,  à  condition 
qu'il   n'éciirait  plus.  Des  réilexujus 
sur  la  révolution  française  ,  pidjlic'es 
par   lui  à  Bade  ,  au  mois  de  sept. 
I  791 ,  le  firent  accuser  d'avoir  man- 
qué à  sa  ])arole.  Conduit  prisonnier 
à  Vienne,  il  resta  di\  sept  jours  aux 
arrêts.  Au  bout  de  ce  terme  ,  l'empe- 
reur François  lui  rendit  la  liberté- 
mais   il   fut  privé   de    sa    pension. 
Quant  à  l'épouse  de  Trenck  ,  elle  de- 
nienra  à  Vienne;  elle  gouvernement 


TRE  487 

impérial,  ne  prétendant  pas  qu'elle 
fût  victime  de  l'esprit  inquiet  de  son 
époux,  la  laissa  jouir  d'une  pension 
de  quinze  cents  florins.  Trenck  re- 
vint en  France  à  la  Cm  de  cette  année 
I  791  :  il  se  flattait  que  le  parti  domi- 
nant l'accueillerait   avec  empresse- 
ment ,  mais  il  fut  trompé  dans  son 
attente;  et  il  vécut  à  Paris  dans  un 
état  voisin  de  la  misère.   Sa  vieil- 
lesse ,    son  délaissement,    ses   mal- 
heurs ,  ne  puient  lui  faire    trouver 
grâce  auprès  des  monstres  qui  diri- 
geaient le  parti  de  la  Montagne.   Ils 
suj)posèrent  qu'il  était  un  émissai- 
re secret  du  roi  de  Prusse,  et  l'en- 
fermèrent  à    Saint- Lazare.    On   ne 
pouvait  alléguer  contre  lui  aucune 
accusation  sérieuse  ;  mais  il  fut  ac- 
cusé d'avoir  pris  part  à  la  conspira- 
tion des  prisons,  et  fut  conduit  à  la 
guillotine .  le  7  thermidor  an  11  (  î5 
juillet  1794  )i  le  même  jour  que  les 
poètes  Roucher  et  André  Chénier.  Il 
ne  montra  pas  moins  de  constance 
que  ses  compagnons  d'infortune.  En 
allant  au  supplice,  il  disait  à  la  foule 
des   curieux  :  «  Eh  bien  !  eh  b;en  I 
de  quoi  vous  émerveillez-vous?  Ceci 
n'est    qu'une    comédie  à    la  Robes- 
pierre.  «   Ainsi  périt    victime    des 
iureurs  populaires  celui  qui    avait 
si  long  -  temps   subi    la     vengeance 
d'un    monarque    et    l'injustice  des 
cours.  De  tous  les  écrits  de  Trenck, 
l'histoire  de   sa   vie  mérite  surtout 
d'i'trc  lue.  Au  milieu  de  déclama- 
tions prolixes  contre  les  courlisans, 
les  juges  et  les  prêtres,  on  v  trouve 
des  anecdotes  curieuses ,  une  noble 
franchise   de   pensée  ;    et  ,    ce    qui 
honore    surtout   l'auteur  ,    il    excu- 
se toujours  le  monarque,  qui  ,   de 
son  ami ,  devint  son  persécuteur  im- 
])lacal)ic.   On  jieut  encore  lire  avec 
intérêt  V Examen  politique  et  crili- 
(fue  de  Vliistoirc  secrète  de  la  cour 


488 


TRE 


deBcrliiiy  dans  lequel  Trenck  x'eleva 
toutes  les  ealoiuuics  que  MiiaLcaii 
s'était  jieimises  coulrc  ies  soiivciains 
du  Nord.  Laharpe^  daus  sa  cones- 
j)oijd;!iice,  tout  en  Llàmant  Ticiick 
d'olîïir  trop  souvent  des  coups  de 
hdtoii  au  comte  de  IMirabeau  ,  vautc 
le  style  de  celte  rcTutatioU;,  tju'il  pré- 
fère à  celui  de  l'auteur  français, 

D— R— R. 

TRENCK  (  MAURicE-FLAVius,ba- 
ron  de),  journaliste,  de  la  même  fa- 
mille que  les  précédents  ,  naquit  à 
Dresde  ,  où  son  père  résidait  comme 
envoyé  de  Pologne.  Ayant  été  éievé 
au  collège  de  Marie-Tliérèse  à  Vienne, 
li  fit,  comme  officier  du  génie  et  avec 
la  permission  de  la  cour,  un  voya- 
ge en  Espagne,  pour  diriger  les  tra- 
vaux des  foi-tili  cations  de  Carllia  gène. 
Ayant  quitté  le  service  de  l'Autriche, 
et  voyagé  pendant  cinq  ans,  il  se 
lîxa  à  Neuwied  sur  le  Rîiin  ,  oi!i  il 
établit  ,  en  l'jBS^  un  journal  poli- 
tique allemand  qui ,  sous  le  titie  de 
Dialogues  des  morts,  eut  un  succès 
jirodigieux.  Dès  la  seconde  année,  on 
vn  débita  trois  mdle  exemplaires ,  et 
la  révolution  ayant  éclaté  en  France, 
les  souscriptions  s'augmentèrentàun 
tel  ])oint  que  la  recette  d'une  seule 
année  allait  jusqu'à  soixante  -  dix 
mille  florins.  Les  maîtres  de  ])ostcs 
.se  virent  obligés  de  faire  construire 
des  Aoitures  particulières  pour  trans- 
porter les  Dialopies  des  morts.  Cette 
faveur  extraordinaire  fit  naître  l'i- 
dée de  plusieurs  contrefaçons  :  il  en 
parut  deux  en  Autriche,  et  l'on  y 
publiait  même  les  Dialoç^ucs  tra- 
duits en  latin.  ïrcnck  s'exprima 
avec  beaucoup  de  force  contre  l'au- 
dace des  contrcfactcius  ;  mais  il 
TA:  put  les  empêcher.  Obligé,  par 
les  événements,  de  quitter  Neuwied, 
il  r-illa  s'établir  à  Francfort^  où  il 
couljuua ,   pendant   quelque    temps 


TRE 

encore  ,   ses  Dialogues.    Il   moujuÉ 
dans   cette  ville  ,  le   21.    septembre 
,  iBio.  G~v. 

ÏRENEUIL  (  JosKini  )  naquit,  à 
Cahors.leay  juin  I7G3.  A  près  avoir 
terminé  avec  succès  ses  humanités 
dans  sa  ville  natale,  il  vint  faire-son 
droit  et  j)rendie  ses  grades  à  Toulou- 
se. Une  distribution  desprixque  l'a- 
cadémie des  Jeux  floraux  propose 
annuellement  à  l'émulation  des  jeunes 
poètes  lui  révéla  tout-à-coup  le  se- 
cret de  son  talent  ;  et  trois  couron- 
nes successivement  remportées  prou- 
vèrent bientôt  qu'il  ne  s'était  pas  mé- 
pris sur  sa  vocation.  Sans  attacher  à 
ces  premiers  essais  plus  d'importan- 
ce qu'ils  n'en  méritent  d'ordinaire, 
on  put  remarquer ,  dans  le  poème 
sur  VEschwage  des  nègres ,  cette 
chaleur  de  sentiment ,  celte  énergie 
d'expression  qui  sont  i^estées  le  carac- 
tère distinctif  de  ses  ouvrages.  Ap- 
pelé, bientôt  après,  à  diriger  l'édu- 
cation de  l'héritier  d'un  grand  nom 
(  M.  de  Castellane) ,  Treneull  se  dé- 
voua aux  persécutions  qui  ne  tardè- 
rent pas  à  frapper  la  famille  de  son 
élève,  dont  il  partagea  constamment 
les  fuites ,  l'exil  et  la  captivité.  Heu- 
reusement échappé  à  tous  ces  dan- 
gers ,  il  se  chargea  d'une  autre  édu- 
cation ,  dans  une  famille  non  moins 
distinguée,  celle  de  Beaumont,  où  sa 
conduite  et  ses  principes  ont  laissé 
des  souvenirs  et  des  regrets  égale- 
ment honorables.  On  conçoit  l'im- 
pression que  durent  faire  sur  son  ima- 
ghiation  ardente  et  sensible  les  crimes 
et  Icsmalheursde  la  révolution.  Il  ré- 
solut dès-lors  de  consacrer  ce  qu'il 
avait  de  talent  à  flétrir  les  bourreaux, 
et  à  célébrer  dignement  les  victimes; 
mais  ce  fut  huig-temjvs  dans  le  secret 
du  silence  et  de  l'amitié.  Le  moment 
de  la  ])ubliciié  n'était  jias  encore  ar- 
rivé. Une  circonstance  imprévue  le 


TRE      ^ 

ilt  uaîtrc  j  et  Trcncuil  se  hâta  d'en 
profiter  pour  ouvrir  son  portefeuille 
au\  amis  des  beaux  vers  et  des  Ijous 
scutimoiîts.  Uu  décret  impcrialvenait 
d'ordonner  { 20  février  180O)  l'érec- 
tion de  trois  autels  expiatoires,  dans 
l'église  de  Saint  -  Denis  ,  en  répara- 
tion du  régicide  commis  envers  les 
cendres  de  soixante-six  rois.  Le  poè- 
te rpii  avait  signalé  le  crime,  et  de- 
vancé en  quelque  sorte  la  réparation, 
saisit  une  circonstance  aussi  inespé- 
rée ,  et  publia  les  Tombeaux  de 
Saint-Denis ,  composés  depuis  long- 
temps sur  le  lliéâtre  même  du  sacii- 
lége.  Les  autels  ne  s'élevèrent  point 
alors;  mais  le  poème  fut  reçu  avec 
reconnaissance,  et  fixa  sur  l'auteur  , 
encore  inconnu  ,  les  regards  du 
public  et  l'attention  du  gouverne- 
ment. Murât ,  dont  Trencuil  avait  été 
le  condisciple ,  sollicita  et  obtint  pour 
lui  une  place  de  conservateur  à  la  bi- 
bliothèque de  TArsenal.  De  nombreu- 
ses éditions  des  Tombeaux  confirmè- 
rent bientôt  le  jugement  que  l'on  en 
avait  d'abord  porté  ,  et  méritèrent  au 
poète  l'une  de  ces  couroimcs  décen- 
nales que  181  o  devaitdistribueravec 
tant  de  pompe  et  de  solcimité  :  mais 
celte  fête  triomphale  fut  ajournée; 
et  le  nouveau  maître  de  la  Fran- 
ce s'épargna  l'embarras  de  couron- 
ner des  chants  consacrés  à  des  temps 
qu'il  voulait  faire  oublier.  Des  évé- 
nements d'un  autre  genre  occupaient 
alors  l'attention  de  l'Europe  :  le  ma- 
riage de  Buonaparte  avec  une  archi- 
duchesse d'Autriche ,  et  la  naissance 
de  leur  fils.  La  réputation  de  Tre- 
ncuil _,  sa  récente  victoire  dans  la  lut- 
te décennale  ,  et  la  place  surtout  qu'il 
tenait  du  gouvernement,  ne  lui  per- 
mettaient pas  de  garder  le  silence  , 
dans  ces  graves  circonstances.  Il  le 
rompit  ;  mais  on  n'a  point  oublié 
les  leçons  courageuses  par  Icsqucl- 


TRE  489 

les  le  ]io6tc  sut  tempérer  des  éloges 
commandés  par  le  sujet ,  et  tou- 
jours renfermés  dans  les  bornes  d'une 
juste  mesure.  Avouons -le  toutefois  : 
on  s'aperçoit  aisément ,  à  la  lecture 
de  ces  pièces  (  i),  de  la  position  for- 
cée où  se  trouvait  l'écrivain.  Ce  n'est 
plus  cette  abondance  de  sentiments  , 
cette  vigueur  de  pinceau  que  l'on 
avait  reconnues  dans  les  Tombeaux 
de  Saint-Denis ,  et  que  l'on  retrouva 
ensuite  dans  l' Orjfheline  du  Temple, 
le  Martjre  de  Louis  XFI ,  et  la 
Captivité  de  Pie  VI ,  quand  la  res- 
tauration lui  permit  de  les  pidjlier. 
Quoique  souvent  réimprimés ,  ces  dif- 
férents poèmes  ne  pouvaient  se  pro- 
mettre qu'une  existence  éphémère  , 
tant  qu'ils  resteraient  épars  et  iso- 
lés. Treneuil  s'occupa  du  som  de  les 
réunir  ;  et  ce  recueil  ,  nouveau  dans 
notre  langue,  parut  en  181 7, un  vol. 
in  -  8°. ,  précédé  d'un  Discours  sur 
l'élégie  héroïque,  qui  est  lui-même 
un  très-bel  ouvrage.  L'auteur  pré- 
parait une  seconde  édition ,  lors- 
qu'une longue  et  cruelle  maladie 
l'enleva  aux  lettres  et  à  l'amitié,  le 
7  mars  1818  {1).  Conservateur  ,  de- 
puis plusieurs  années,  de  la  bibho- 
thèque  de  l'Arsenal ,  il  avait  été  pla- 
cé, en  i8i4,pai' le  choix  de  S.  A.  R. 
Monsieur  (aujourd'hui  Charles  X), 
h.  la  tête  de  cet  établissement.  Des 
qualités  estimables  relevaient,  dans 
Treneuil ,  les  talents  de  l'écrivain.  Oji 
lui  reprochait ,  il  est  vrai ,  un  désir 
effréné  de  gloire  ,  une  insatiable  avi- 


(1)  Lu  t'cle  iitipli'iilc  (pour  le  uiai  iagc  tic  l'cm- 
prrciir  ) ,  iinprimce  dans  Ir  Recueil  iutitule'  : 
J.' Hymen  et  la  nal-suiice.  — Ode  sur  la  naissance 
ilu  roi  fie  Rome  ,  iSji  ,  in-4"- 

(2)  ("e  qu'il  n'eut  point  le  (eiups  «le  faire,  tiu 
.nui  s'en  esl  cliarné  ;  et  celle  nouvelle  cjilion  pa- 
rut en  i85t/|,  Paris,  Firniln  Didnl  ,  un  vol.  in-S«'. 
Ellu.csl  oi-uée  iln  pmlrail  de  l'auteur ,  prérédec 
d'une  AcdVe, etaugmeulée  de  plusieurs  pièces  iué- 
diles  ,  parmi  .lesquelles  on  distingue  l'/î.vWni'Wjic- 
lies  ni-givs ,  V  Ji//!l IV  sur  lu  mode,  vi\c  Chaiilfune- 
liiT  fur  tu  mon  tic  Josius. 


490 


TRE 


(litëcl'elogcs(3);  mais  il  est  juste  (l'ob- 
server qu'il  était  poète  dans  toute  la 
force  du  mot ,  et  né  sous  un  ciel  ou 
les  idées  prennent  naturellement  plus 
d'exaltation  que  partout  ailleurs.  Il 
a  donné  à  la  Biographie  unii^erselle 
les  ai'ticles  Beaumont  (  Christophe 
de),  archevêque  de  Paris;  celui  du 
baron  des  Adrets,  etc.       A.  D — r. 
TRE  NT  A  (Philippi:),  né,  en 
i-^Si  ,  d'une  famille  noble  d'Ascoli 
dans  les  états  du  pape ,  embrassa  l'é- 
tat ecclésiastique,  et  étudia  la  juris- 
prudence, selon  Tusagedcs  prêtres 
romains  qui  aspirent  à  des  charges 
adramistratives.    11    obtmt   en    ellét 
!a    place   d'auditeur  à   Lucques ,   à 
Macerata  ;  et  il  suivit,  dans  la  même 
qualité,  le  cardinal  Buoncompagni  à 
Bologne.  Loi'squc  ce  prélat  fut  élevé 
à  la  dignité  de  secrétaire-d'état,  Tren- 
ta  fut  nommé ,  en  1785,  évêque  de 
Foligno  ;  et  il  mourut  dans  cette  ville, 
en  mars  1795.  On  a  de  lui  un  Recueil 
de  six  tragédies ,  qui  parurent  d'a- 
bord à  Fuligno,  en  \"ji'] ,  i»-4'^.,  et 
dont   il  existe  uxic  réimpression  de 
Luc({ues  ,  17(36,  in -4".;  leurs  titres 
sont  :  Giulio  Sahino;  —  Teone  ;  — 
Orestc  ;  —  Annihnlc  ;  —  P  idacilio; 
—  Gionala.  \,'' Auge  ,  tragédie  ,  qui 
remporta  le  second  j)rix  au  concours 
dramatique  de  Parme,  en  1774  ■>  est 
unprimé  à   part  ,  Parme  ,    Bodoni  , 
i774i  in-4".  Le  premier  prix  lut  dé- 
cerna à  Pcrabo  ,  pour  sa  tragédie  in- 
titulée falsei,  ossia  VEroe  scozze- 


(3^  Un  jour  que  l'on  comp»»Ril,  pour  la  Gazelle 
(le  h'rnnre  ,  un  arlinlc  sur  une  de  ses  priées  , 
Trciieuil  se  rendit  à  l'imiirlmerip  ,  s'annonça  comme 
ihiirne  (le  revoir  Iss  épreuves  de  l'article  ,  en  ol>- 
linl  ainsi  eoinmunicalion  ;  cl  trouvant  trop  faibles 
lesélopes  i|ii'iin  lui  doiniail  ,  ajouta  tous  ceux  <|u'il 
rroyiiit  iiienler.On  raconte  nièni  !  qu'il  v  eul  de  sa 
part  récidive  plus  d'une  lois  (/  .  aussi  Ï'etitaiN  , 

KXXIII,    '>n\-^,m  \.    On    iKouve    ni otice   sur 

Treneuil  dans  In  (Jiniiziiiiic  lillcrilir  du  i5  mars 
1818.  I,a  liste  de  «es  écrits  est  dans  la  /!i/.fi„^,n,,l,ir 
ilr  In  f'rritur,  m,  /niininl  ilf  la  llliriiilie .  t\u  U,  niai 
iKiH;  et  c'est  par  erreur  qu'un  v  dit  'l'renenil 
oiorl  .n  ,8,-.  •      A.    n— 1. 


TRE 

se,  ibid. ,  1774?  in-4*'-  H.  Limon , 
sive  urhanarum   quœsiionum.    libri 
très,  Rome,  1782,  in-4''.  C'est  un 
recueil  de  Dissertations  sur  différents 
sujets  d'antiquité.  L'auteur  l'appelle 
Limon  (  jardin  orné  de  fleurs  )  ,  à 
l'exemple  deCicéron  ,  qui  avait  don- 
né le  même  titre  à  un  recueil  de  poé- 
sies ,  qui  ne  nou^  est  point  parvenu. 
A — G — s. 
TRENTO  (  JÉRÔME  ) ,  prédica- 
teur, né  ,  en  i7'-i8,  d'une  famille  no- 
ble de  Padoue,  prit  l'habit  des  Jé- 
suites à  Bologne  ,  où  il  prononça  ses 
vœux,  en  1746.  Marchant  sur  les 
traces  de  Segneri ,  qu'il  s'était  pro- 
posé  pour  modèle ,    il  préféra    les 
humbles   travaux  des  missions  aux 
succès  éclatants  des  panégyristes.  Il 
mourut,  en  terminant  un  carême  dans 
l'église  de  Saint-Léon  à  Venise,  le 
19  avril  1784.  Le  P.  Andrcs  (  Ori- 
gine ,  pi'o^ressi  e  s  lato  attuale  d'o- 
gni  letteratura  ) ,  cite  ce  prédica- 
teur comme  un  des  meilleurs  modè- 
les de  l'éloquence  sacrée  en  Italie.  Il 
le  met  sur  la  même  ligue  que  Segneri 
et  Venini.  Sans  disputer  sur  ce  rap- 
prochement ,  nous  ferons  remarquer 
que  le  style  de  Trento  est  inégal  ;  que 
ses  tournures  sont  vicieuses ,  ses  phra- 
ses vulgaires  ;  qu'il  n'évite  pas  assez 
la  répétition  des   mêmes   mots;   et 
qn'enlin  ses  tableaux,   d'un  coloris 
faux  et  d'un  dessin  force,  font  trop 
sentir  l'art  et  la  contrainte.  Ses  ou- 
vrages posthumes  publiés  par  le  P. 
Ptolémée  ÎMarsigli  sont  :  1.    Predi- 
che  quarcsinuili ,  Venise,  1785,  in- 
4".;  ibid. ,  1798  et  1816,  in-4  ".  II. 
Panegirici  e  discorsi  morali,  ibid. , 
1786,  i[i'4".;  et  ibid. ,  1818,  in-4". 
f'oY.  Boscaccio,  Elogin  di  Trento, 
ibid.,  1784,  in-S".         A — r. — s. 

TP.ENTSClllN  (Matthieu  m;) 
commandait  ,  comme  ])alatin  du 
royaume ,   les   troupes    hongroises, 


TRE 

au  nom  de  Wladislas  III  ,  à  la  ba- 
taille de  Stillfried  (  a6  août  1278  )  ^ 
où  le  loi  Ottocare  perdit  la  couronne 
et  la  vie.  11  iît  ensuite  tous  ses  ef- 
forts pour  arracher  Wladislas  à  la 
vie  honteuse  qu'il  menait ,  entoure 
de  femmes  débauchées.  Apres  la  mort 
de  ce  prince  et  celle  d'André  111  {V. 
ces   deux   noms  )  ,    apprenant   que 
Charles  Pobert  (  Vof.  Charobert  ) , 
accompagné  par  un  Ic'gat  du  pape  , 
était  entré  en  Hongrie  pour  se  faire 
sacrer   roi ,   Trenlschin   réunit    les 
magnats  les  plus  puissants ,  et  leur 
Iît   jurer    qu'ils   ne   recounaîtraient 
point  Charles  ,  et  qu'ils  enverraient 
à  Prague,  vers  le  roi  Wenceslas,  pour 
offrir  la    couronne    de    Hongrie   au 
jeune  prince  Wenceslas  ,  alors  âgé 
de  douze  ans  (  i3oi  ).  Pendant  que 
les  magnats  emmenaient  à  Bude  leur 
jeune  roi ,  et  qu'ils  repoussaient  à  la 
fois  le  légat  et  Charles  Robert,  la  cour 
de  Rome  ayant  reconuu    celui  -  ci 
(  i3o8),    Trentschiu ,    de   concert 
avec  Wladislas  de  Dobrogos,  fît  ré- 
pandre dans  tout   le   royaume  une 
circulaire  par  laquelle  il  protestait 
contre  l'intiuence  que  les  papes  vou- 
laient s'arroger  sur  la  Hongrie.  Le 
légat  excommunia  Trentschin,  qui, 
en  appelant  à  son  épée,  leva  des 
troupes  ,  fit  armer  ses  places  fortes 
qu'il   tenait  comme    fiefs  royaux  , 
vint    assiéger    Gran  ,    résidence   de 
l'archevêque  -  primat  du  royaume  , 
le  força  de  signer  une  capitulation, 
et  mit  le  siège  devant  Kascliau.  Le 
roi    Charles  Robert   étant  accouru 
pour  délivrer  la  place  ,  on  en  vint 
aux  mains  le  i  5  juin  i3i a.  Le  com- 
bat fut  sanglant  et  le  succès  incer- 
tain.   Cependant    Trentschin   s'em- 
para du   pouvoir   souverain ,  et   ht 
battre  monnaie  en  son  nom.  Proll- 
tanî  du  mécontentement  de  la  nation 
bohémienne,    il   Se  jeta,  m  i3i5, 


IRE 


49  ï 


sur  la  Moravie,  qu'il  dévasta.  Le  roi 
Jean  arriva  ,  à  marches  foi'cées ,  au 
secours  de  cette  province  ,  el  Trents- 
chin se   retira  ;  mais  il  forma  en- 
suite une  ligue  contre  Charles  Robert 
qui  se  livrait  à  la  débauche  et  se  dis- 
posait à  abandonner  la  Hongrie,  oii 
il  désespérait  de  se  soutenir.  Le  haut 
cieigé   mécontent   se  rassembla  en 
1 3  j  8  ^  et  invita  ce  prince ,  sous  peine 
d'excommunication  ,  à  convoquer  la 
dicte  pour  se  concerter  sur  les  mesu- 
res ta  prendre  contre  Trentschin.  Un 
bref  du  pape ,  conçu  dans  le  même 
sen? ,   arriva  simultanément  ;  et  le 
roi  fut  contraint  d'ordonner  la  con- 
vocation. On  s'attendait  à  une  diète 
orageuse  ;  mais  on  apprit  la  mort  ino- 
pinée de  Trentschin.  Ses  partisans, 
n'ayant  plus  de  chef,  se  soumirent; 
le  roi  s'empara  de  ses  biens ,  et  de- 
puis ce  moment  son  trône  fut  affermi. 
G— Y. 
TRESSAN  (Pierre  de  La  Vér- 
one de), missionnaire,  né,  eu  1618, 
au  château  de  ce  nom  dans  le  Lan- 
guedoc ,  d'une  ancienne  et  noble  fa- 
mille ,  qui  a  produit  un  grand  nom- 
bre de  généraux  et  donne  plusieurs 
prélats  à  l'Église  ,  fut  élevé  dans  les 
principes  de  la  religion  réformée  j 
mais    étant  venu  perfectionner   son 
éducation  à  Paris ,  il  se  convertit  à 
la  foi  catholique,  d'après  l'exemple 
et  les  conseils  d'un  oncle  avec  lequel 
il  demeurait  ,  et   résolut  en  même 
temps  de  prendre  les  ordres  sacres. 
Sa  naissance  lui  permettait  de  pré- 
tendre   aux    premières   dignités   de 
l'Église;  mais  renonçant  volontaire- 
ment à  toutes  les  grandeurs  du  mon- 
de, il  revint  en    Languedoc,  et  se 
plaça  sous  la  conduite  du  pieux  évê- 
que  d'Aletli  ,  Nicol.  Pavillon  (  Foy. 
ce  nom,  XXXIll  ,    iBo  ).  Il  avait 
formé  le  projet  de  s'enfermer  dans 
un   cloître   et   d'y   terminer  sa   vie 


49^ 


TRE 


dans  les  cxcicices  austères  de  la  ))e'- 
nitence  ;  mais  l'cvêquc  d'Aleth ,  ju- 
geant que  SCS  talents  pourraient  être 
Irès-utilcs  à  la  religion  ,  combattit 
son  dessein,  et  l'envoya  dans  la  Pa- 
lestine visiter  les  lieux  saints.  A  sou 
retour  ,  il  entra  dans  les  missions  di; 
Languedoc  ,  et  goûta  le  plaisir  de 
voir  son  zèle  recompense  parle  plus 
grand  succès.  Son  talent  pour  la 
chaire  et  ses  vertus  étendirent  sa 
réputation  dans  toutes  les  provinces 
méridionales  de  la  France.  La  prin- 
cesse de  Conti ,  gouvernante  du  Lan- 
guedoc ,  le  choisit  pour  son  direc- 
tecteur  ,  et  il  devint  bientôt  celui  des 
dames  les  plus  distinguées,  parmi  les- 
quelles on  ne  peut  se  dis])enser  de 
citer  la  maréchale  de  Schomberg  et 
M"i6.  de  (îrignan.  La  maréchale 
de  Schomberg  s'ap])iaudissait  chaque 
jour  de  lui  avoir  donné  sa  confiance. 
«  Il  n'y  a  point  d'homme  au  monde 
qu'elle  aime  davantage  ,  écrit  JVI"^'=. 
de  Sévigné  à  sa  (ille  :  c'est  son  père, 
c'est  son  premier  et  fidèle  ami  ;  elle 
en  dit  des  biens  infinis  ;  ce  chapitre 
ne  finit  point  quand  une  fois  elle  l'a 
commencé.  Elle  comprend  fort  bien 
qu'il  vous  aime  et  qu'il  vous  cher- 
che ;,  il  a  le  goût  exquis  :  elle  trouve 
fort  juste  quevousvousaccommodicz 
de  sa  facilité  et  de  la  douceur  de  son 
t'S])rit  j  elle  pense  qu'il  doit  vous  con- 
vertir de  ])!eiue  autorité,  parce  que 
vous  êtes  ])ersuacléc  qu(!  l'état  où  il 
vous  souhaite  est  bon.  Si  elle  en  eût 
autant  cru  de  celui  où  il  veut  la  met- 
tre ,  c'eût  été  une  allairc  faite  (  Let- 
tre du  u(i  aoiit  lO^fi).  »  M'"^'.  de 
wSévigné  rcvi(;ul  plusieurs  fois,  dans 
sa  corresj>()iKlancc  ,  à  l'abbé  de  La 
Vergue  :  «  Vous  me  le  iléjiojgney,  Irès- 
bu'u  ,  écrit-elle  a  sa  iillcj  je  n)euis 
d'envie  de  le  voir  j  il  n'y  a  j)ersonnc 
doiil  j'aie  enl(!ndu  de  si  bonnes  louan- 
ge» (  I  I   scjilcmbn-  l'i'jO  ).  »  Ayant 


TRE 

rcsign<?  tous  ses  bénéfices  ,  il  faisait 
seul  les  frais  des  missions,  auxquelles 
il  consacrait  la  plus  grande  partie 
de  ses  revenus ,  ne  se  réservant  que 
le  strict  nécessaire.  Ses  vertus  ne 
purent  le  mettre  à  l'abri  des  persé- 
cutions ;  il  fut  exilé  du  Languedoc  ; 
pour  avoir  pris  part  à  la  Théulogis 
morale  (  F.  Fr.  Genest  );  mais  cet 
ordre  ne  tarda  pas  d'être  révoqué.  1! 
se  trouvait  au  château  de  Terrargues, 
lors([u'il  reçut  une  lettre  qui  l'enga- 
geait à  faire  le  voyage  de  Paris,  pour 
quelque  dessein  qu'on  ne  voulait  con- 
fier qu'tà  lui.  Il  se  mit  en  chemin 
sur-le-cliamp  ;  mais  ayant  voulu  tra- 
verser dans  sa  litière  le  Gardon  , 
grossi  pal-  les  j)luies  _,  il  s'y  noya  ,  le 
5  avril  j(J84.  Son  corps  ,  retrouvé 
cinq  jou')S  après  ,  fut  inhumé  dans 
la  chapelle  du  château  de  Terrargues, 
sous  une  tombe  décorée  d'une  épila- 
phe,  qu'on  trouvera  dans  le  Diction. 
de  Moréri ,  édition  de  n^^9,  au  mot 
Vcrpie.  On  lui  doit  :  Exavien  gé- 
néral de  Ions  les  états  et  conditions , 
et  des  péchés  qu'on  peut  y  com- 
mettre,  Paris,  1670,  3  vol.  in-i2. 
C'est  un  recueil  de  passages  extraits 
des  saintes  Écritures  ,  des  conciles  , 
des  ouvi'ages  des  Pères,  et  des  ordon- 
nances de  nos  rois.  Le  pieux  auteur  l'a 
pul)lié  sous  le  nom  de  Saint -Ger- 
main. G'éîail  celui  d'un  prieuié  du 
diocèse  de  Meiide,  qu'il  avait  lésigue 
depuis  long-tem|)s  à  l'évêque,  pour 
l'enlrclieu  de  son  séminaire.  On  sait 
(ju'il  avait  rédigé  la  relation  de  sou 
voyage  dans  la  Palestine  ;  et  quelqties 
personnes  lui  allribuenl  celle  (jui  pa- 
rut, quatre  ans  après  sa  iiiorl,  Paris, 
in-iu  ,  sous  ce  titre  :  Helalioa  nou- 
velle d'un  voyage  de  la  Tcne- 
Siiintc  ,  ou  descri/Uiun  de  l'étal 
présent  des  lieux  où  se  sont  passées 
les  principales  actions  de  la  vie  de 
Jésus-Christ.  Cependaiil  l'abbé  Gou- 


TRE 

jet  et  tranlrcs  critiques  juj^ent  cet 
ouvrage  tout  à  fait  imligne  de  Tres- 
sa n.  W — s. 

ÏRESSAN  (  Louis-Elisabeth  de 
LA  Vergne  ,  comte  de  ) ,  si  connu 
par  les  extraits  qu'il  a  donnes  de 
nos  anciens  romans  de  clicv.dcrie, 
naquit, le  5  octobre  ï'-o5  ,au  Mans, 
dans  le  palais  de  son  grand- oncle, 
évêque  de  cette  ville.  Elève  des  col- 
lèges de  la  Flèche  et  de  Louis-le- 
Grand ,  il  n'avait  que  treize  ans  quand 
il  fut  admis  à  l'honneur  de  partager 
les  études  et  les  amusements  de 
Louis  XV^  encore  enfant.  Donc'  de 
tous  les  avantages  extérieurs,  il  y 
joignait  le  désir  et  le  don  de  plaire, 
une  imagination  vive ,  de  l'esprit  et 
un  goût  égal  pour  les  sciences  ,  les 
arts  et  les  lettres.  Ses  dispositions  ne 
pouvaient  manquer  d'être  remar- 
quées par  les  littérateurs  qui  for- 
maient alors  la  société  du  Palais- 
Royal.  C'étaient  Fontenelle ,  Voltai- 
re, IMontesquieu ,  Massillou,  Mon- 
crif,  Gentil- Bernard  ,  etc.  Le  jeu- 
ne Tressan  ,  qui  px'éférait  leur  con- 
versation aux  amusements  de  son 
âge,  leur  communiqua  ses  jiremiers 
essais ,  et  en  reçut  des  conseils  et  des 
encouragements.  Il  laissait  voir  dès- 
lors  son  penchant  pour  la  poésie  et 
pour  les  romans;  mais  obligé,  pour 
répondre  aux  vues  qu'on  avait  sur 
lui ,  de  s'appliquer  aux  sciences  qui 
conviennent  à  l'homme  de  guerre,  il 
y  lit  de  rapides  progrès.  Admis  d'a- 
Lord  dans  le  régiment  du  roi,  eu 
I  '^23 ,  il  passa  dans  celui  du  régent , 
avec  le  brevet  de  mcstre-de-canip. 
Son  esprit,  ses  grâces  naturelles  et 
son  enjouement  le  rendirent  bientôt 
l'ame  de  toutes  les  fêles  d'une  cour 
jeune  et  brillante  ;  et  il  se  vit  rcclier- 
ché  par  les  sociétés  les  plus  aimables , 
auxquelles  sa  présence  donnait  un 
nou\'cl  agrément.  L'archev^'cpic  de 


TRE  493 

Rouen  sentit  la  nécessite  d'arracher 
son  ucveu  à  celte  vie  si  pleine  de 
dissipation  ,  et  résolut  de  le  faire 
voyager.  Il  partit  avec  M.  de  Bissy, 
ambassadeur  à  Parme,  emportant 
des  lettres  de  recommandation  pour 
toutes  les  cours  d'Italie.  Accueilli  par- 
tout de  la  manière  la  plus  gracieuse^ 
il  vit  ce  que  les  principales  villes 
d'Italie  renferment  de  plus  intéres- 
sant, 11  découvrit  à  Rome,  dans  la  bi- 
bhothèquedn  Vatican,  une  collection 
unique  de  nos  romans  de  chevalerie, 
écrits  en  langue  romane  ou  proven- 
çale ;  et  la  lecture  qu'il  eu  fit  acheva 
de  lui  donner  pour  ce  genre  d'ouvra- 
ges un  goût  qu'il  conserva  le  reste  de 
sa  vie.  La  mort  de  sa  mère  ,  suivie, 
quelques  mois  après ,  de  celle  de  son 
oncle  jl'archevupie  de  Rouen,  l'obli- 
gea de  revenir  à  Paris,  où  il  arriva 
malade,  du  chagrin  que  lui  avait 
causé  cette  double  perte.  Il  était  à 
peine  convalescent  quand  on  déclara 
la  guerre  à  l'empereur ,  qui  voulait 
s'opposer  à  la  nouvelle  élection  de 
Stanislas  au  troue  de  Pologne  (  i  -^33  ). 
Il  partit  aussitôt  avec  le  duc  de 
Noailles,  qui  le  choisit  pour  son  aide- 
de-camp  ,  et  se  trouva  au  siège  de 
Kehl.  Il  se  distingua  ,  l'année  sui- 
vante, à  l'attaque  des  lignes  d'Eslin- 
gen ,  et  fut  blessé  dans  ia  tranchée 
devant  Philisbourg.  A  la  paix ,  il  fut 
nommé  brigatber  et  enseigne  de  la 
compagnie  écossaise  des  gardes  du- 
corps.  La  guerre  s'élant  rallumée^ 
en  1741,  Tressan  fut  employé  à  l'ai-- 
mée  de  Flandres.  Il  oblint,  en  1744» 
le  grade  de  maréchal-de-camp ,  et 
servit,  en  celte  qualité,  aux  sièges  de 
Menin,  d'Ipres  et  de  Furnes.  Dans 
la  campagne  suivante,  il  (it,  sous 
les  ordres  de  Louis  XV,  le  sic'gc  de 
Tournai,  et  remplit  à  la  bataille  de 
Fontenoi  les  fonctions  de  son  aide- 
de-camp.  Ayant  obtcimla  permission 


494  TRE 

Je  se  mettre  à  la  tête  de  sa  brigade 
pour  attaquer  la  fameuse  colonne  an- 
glaise ,  il  reçut,  deux  blessures ,  l'une 
au  bras  ,  l'autre  à  la  cuisse ,  et  repa- 
rut devant  le  roi  après  la  victoire. 
«  Vous  m'avez  bien  servi ,  lui  dit 
»  ce  prince  ,  que  ferai-je  pour  vous.-* 
»  — Sire  ,  repondit-il,  je  supplie  vo- 
»  tre  majesté'  de  m'accorder  de 
»  servir  toute  ma  vie  ,  en  ligne,  sui- 
»  vant  mon  grade.  —  Je  vous  re- 
»  connais  bien  là ,  dit  le  roi ,  je  vous 
»  le  promets,  o  II  fut  l'un  des  offi- 
ciers généraux  désignés  pour  com- 
mander l'armée  que  la  France  en- 
voyait au  secours  du  prétendant  {V. 
Stuart  )  ;  mais  l'expédition  ne  put 
avoir  lieu ,  et  il  resta  chargé  du  com- 
mandement de  l'armée  des  côtes  de 
la  Manche.  Dans  ses  loisirs  ,  il  rédi- 
gea un  Traité  sur  l'électricUé,  ou- 
vrage connu  dès  i-j^Q^qui  lui  mé- 
rita son  admission  à  l'académie  des 
sciences  et  à  la  société  royale  de 
Londres,  et  qui  lui  assure,  d'une  ma- 
nière incontestable,  l'honneur  d'a- 
voir expliqué  le  premier  les  princi- 
paux phénomènes  de  cet  agent  puis- 
sant de  la  nature.  En  i  "JJO  ,  Tressan 
fut  nommé  gouveincur  du  Toulois  et 
de  la  Lorraine  française;  et  peu  de 
temps  après  ,  il  fut  appelé  par  le  roi 
Stanislas  à  la  cour  de  Ijunéville,  avec 
le  titre  de  grand-maréchal.  11  n'em- 
ploya son  crédit  sur  ce  prince  que 
pour  seconder  ses  vues  paternelles 
(  F'.  Stanislas  ).  Nanci  lui  dut  l'éta- 
blissement d'une  académie  ,  dont  il 
fut  le  premier  directeur;  et  il  ne  cessa 
jamais  de  prendre  une  part  frès-acti- 
ve  aux  travaux  de  cette  société,  qui 
a  contribué  beaucouj)  à  maintenir  et 
accroître  le  goût  des  lettres  et  des 
arts  dans  la  I.orraine.  Au  milieu  de 
tant  d'occupations,  Tressan  trouvait 
encore  le  loisir  d'entretenir  une  cor- 
res[)(ind,U)(e  suivie  avec  les  iioinmes 


TBE 

distingués  qu'il  avait  connus  dans  sa 
jeunesse ,  et  cultivait  aussi  la  poésie. 
Cachant,  sous  les  apparences  de  la 
douceur,  une  causticité  très-mordan- 
te, il  se  vengea,  par  des  épigrammes, 
de  quelques  courtisans  qu'il  croyait 
opposés  à  son  avancement ,  et  se  per- 
mit même  des  couplets  ,  dans  lesquels 
les  dames  le  plus  en  faveur  n'étaient 
point  épargnées.  Cette  imprudence 
refroidit  Louis  XV  à  son  ég;ird.  Fré- 
déric, instruit  de  la  disgrâce  de 
Tressan,  lui  lit  olliir  le  même  grade 
en  Prusse  que  cflui  qu'il  avait  en 
France  :  «  Je  suis  Français ,  lui  ré- 
»  pondit-il,  je  me  dois  au  roi  mon 
»  maître  et  à  ma  patrie;  vous  ne 
»  m'honoreriez  plus  de  votre  estime 
»  si  je  cessais  de  leur  être  fidèle.  » 
L'amitié  de  Stanislas  lui  restait; 
mais  ii  se  vit  menacé  de  la  perdre. 
11  fut  dénoncé  par  le  P.  de  Menoux 
(  f^.  ce  nom  ) ,  pour  avoir  affiché  , 
dans  un  discours  à  l'académie  de 
Nanci,  des  sentiments  trop  philoso- 
phiques :  «  Il  faut ,  lui  dit  le  roi,  ou 
»  vous  justilier  ou  vous  rétracter; 
»  —  S'il  le  faut,  répondit-il  ,  il  ne 
»  m'en  coûtera  pas  d'imiter  Féné- 
»  Ion  (i  ).  ))  Il  adressa  son  manuscrit 
à  la  Sorbonne,  pour  avoir  son  juge- 
ment sur  la  doctrine  de  l'ouvrage, 
et  on  le  lui  renvoya  ,  revêtu  de 
l'approbation  la  plus  authentique. 
Dans  une  comédie  intitulée  le  Cer- 
cle,  ou  les  Originaux ,  que  Palissot 
fit  représenter  à  Nanci  le  jour  de 
l'inauguration  de  la  statue  de  Louis 
XV,  les  pliilosoplies,  et  J.-J.  Rous- 
seau surtout  ,  étaient  tournés  en  ri- 
dicule. D'Alembert,  irrité,  demanda 
que  l'auteur  de  cette  pièce  fut  raye 


(i)  Suivant  Coiidorcet ,  Tressan  rrpondll  i\  Sta- 
nislns  :  «  Ji;  conviens  cic  mon  tort;  iniii»  jf  siipplir 
»  Su  Mnicsie  de  se  rappeler  «lu'i  la  procession  de 
»  la  liijjne  il  y  avait  trois  uiille  moines  et  pas  un 
11  pliilosophe    y 


TRE 

du  tableau  des  académiciens  de  Nan- 
oi;  mais  Rousseau  pria  ïressan  de 
n'en  rien  faire.  Tressau  ,  voulant  mé- 
nager à-la-fois  les  philosophes  et  Pa- 
lissot,  ne  montra  ni  franchise  ni  di- 
gnité dans  cette  alïaire  (i),  qui  se 
termina  comme  liousseau  l'avait  de- 
mandé {F.  Palissot  et  J.-J.  Rous- 
seau ).  A  la  mort  de  !M.  de  Bombel- 
les,  il  lui  succéda  dans  la  place  de 
gouverneur  de  Bitche.  Ayant  peu  de 
fortune,,  la  représentation  à  laq;ielle 
il  était  oblige  le  mettait  dans  l'im- 
possibilité de  faire  des  économies  j  et 
le  duc  de  Choiseul  ayant  retranché 
le  traitement  qu'il  touchait  comme 
lieuîcnant-général  eu  activité,  Tres- 
sau revint  avec  sa  famille  à  Luné- 
ville  ,  qu'il  ne  quitta  qu'après  la 
mort  de  l'excellent  piluce  dont  l'af- 
fection le  consolait  des  tracasseries 
de  ses  ennemis  et  des  privations 
qu'il  était  forcé  de  s'imposer  pour 
l'éducation  de  ses  enfants.  Il  vint 
habiter  une  petite  terre  qu'il  avait 
acquise  à  Nogent-l'Artaut  en  Cham- 
pagne. Dès  que  l'éducation  de  ses 
enfants  fut  terminée  ,  cédant  aux 
instances  de  ses  amis,  il  vint  s'éta- 
blir à  Paris.  Son  âge  avancé  et  de 
fréquentes  attaques  de  goutte  ne  lui 
permettant  pas  de  jouir  ,  comme  il 
se  l'était  promis  ,  des  avantages  qne 
Paris  offre  aux  personnes  qui  culti- 
vent les  lettres  ,  il  transporta  sa  de- 
meure à  Fx'anconville  ,  dans  la  vallée 
de  IVlontmorenci.  C'est  à  cette  épo- 
que qu'il  composa,  pour  la  Biblio- 
thèque des  Romans  (  F.  Paulmy  ) , 
les  extraits  de  nos  anciens  romans 
de  chevalerie  qui  contribuèrent  si 
puissamment  au  succès  de  ce  recueil, 
et  dans  lesquels  on  trouve  toute  la 
fraîcheur  ,  toute  la  gaîté  d'une  ima- 


(a)  Voveï  les  Mémoiro  de  Palissot  (  art.  Tres- 
san  ")  et  la  fie  de  J.-J.  Rousseau,  par  M.  Musset- 
Pnlhay  ,  II  ,  3i()- 


TRE 


49^"» 


gination  jeune  et  riante.  Il  publia  , 
dans  le  nu-me  temps ,  une  traduction 
de  l'admirable  poème  de  l'Arioste  , 
le  Roland  furieux  :  elle  ne  lui  avait 
coiité  que  trois  mois  de  travail ,  et 
elle  se  ressent  de  cette  précipitation 
(3);  mais  on  la  lit  avec  plaisir ,  parce 
que  le  style  en  est  facile  et  naturel. 
Depuis  long-temps  il  desirait  d'être 
admis  à  l'académie  française;  il  y 
fut  reçu  ,  en  l'jSi ,  à  la  place  va- 
cante par  la  mort  de  l'abbé  de  Con- 
dillac;  et  il  ne  cacha  pas  tout  le  plai- 
sir que  lui  faisait  sa  nomination. 
Il  reprit  alors  une  maison  à  Paris, 
pour  être  plus  à  portée  d'assistei 
aux  séances  de  l'académie  ,  dont  il 
devint  l'un  des  membres  les  plus  as- 
sidus. Malgré  son  âge  et  ses  infirmi- 
tés ,  il  continuait  de  fréquenter  les 
sociétés ,  et  il  yportait  les  mêmes  grâ- 
ces, la  même  amabilité  que  dans  les 
belles  années  de  sa  jeunesse.  En  reve- 
nant,  après  souper,  du  château  de 
Saint-Lcu  (4),  sa  voiture  fut  versée; 
et  il  mourut  des  suites  de  cette  chute, 
le  3i  octobre  l'}83,  à  soixante-dix- 
huit  ans.  Tressau,  suivant  Palissot , 
manquait  absolument  de  caractère. 
Son  esprit  caustique,  qu'il  s'eft'urçait 
de  déguiser  sous  une  apparence  dou- 
cereuse ,  l'avait  fait  comparer,  par 
Boutllers  ,  ta  une  guêpe  qui  se  noie 
dans  du  miel.  11  était  membre  d'un 
grand  nombre  d'académies.  Il  eut 
pour  successeur  à  l'académie  fran- 
çaise le  savant  et  malheureux  Bailly 


;^3)  Vi)v.  les  Obseivaiions  sur  la  traduction  de 
îluîand  Furieux  de  Tressan  (  par  Maj^é  de  Ma- 
rollcs  ;,  dvius  V-E.yprit  des  journaux  y  i"Sn,etim- 
priuieos  se[>aTeiueiit ,  même  année,  in-12  de  68  p. 
Celle  traduction  a  été  corrigée  avec  soin  par 
M.  Pannelier  ,    dans  l'édition  de  j89.3. 

;4^  Tous  les  biographes  de  Tressan  s'accordent  a 
dire  qu'il  était  ail»-  l'aire  sa  cour  à  la  duchesse 
d'Orléans;  mais  M"''.  deGenlis,  dans  une  noie  Je 
ses  Mémoires  (lll.  Si;"!,  nous  apprend  n»e  son 
but ,  en  se  rendant  à  Saint-Leu ,  était  de  lui  porter 
de  charmanti  couplet;  qu'il  avait  composés  pour 
sa  fêle. 


4o6  TRE 

{F.  ce  nom).  Les  OEm>res  choisies 
de  ïressan  ont  clc  publiccs  par  (i;w- 
nier,  Paris,  1787-91  ,  12  vol.  in- 
8'».,  fig.  Les  trois  premiers  volumes 
contiennent  la  traduction  libre  à' A- 
madis  de  Gaule  (  Voyez  Lovei- 
RA  ) ,  et  nn  conrt  extrait  du  Roland 
de  Boyardo  (  Voyez  ce  nom  )  ; 
les  tomes  iv-vi^  la  tnicluctiou  de 
Pwland  furieux  ;  le  tome  vu  ,  Tris- 
tan  de  Leonois ,  Arliis  de  Breta- 
gne, Flores  et  Blanchejleur ,  Cleo- 
mades  et  Claremonde  ;  nn  extrait 
beaucoup  trop  court  du  Bonuin  de 
la  Rose  (  F.  Guill.  de  Loris  et  J.  de 
Meung  ),  et  Pierre  de  Provence;  le 
tome  VIII,  la  Fleur  des  batailles, 
Huon  de  Bordeaux  et  Guérin  de 
Mo7itglave;  le  tome  ix,  Doji  Ursi- 
no  le  Navarrin ,  le  Petit  Jehan  de 
Saintré  (  F.  La  Sale  ) ,  et  Gérard 
de  Nevers  ;  le  tome  x,  Régner  Lod- 
hrog  et  Zélie  ou  V Ingénue ,  roman 
compose  d'après  une  pièce  de  théâ- 
tre de  M'nc.  de  Genlis.  Les  deux  der- 
niers volumes  contiennent  ses  OEu- 
vres  posthumes,  précédées  d'une  Vie 

de  Tressan ,  par  M.  l'ablie'  V , 

d'un  extrait  de  son  Éloge  ,  lu ,  par 
Ilailiet  de  Couronne,  à  l'académie  de 
Rouen,  et  de  son  Éloge,  lu,  à  l'aca- 
démie des  sciences,  ]iar  Condorcet. 
Ce  sont  des  Vers  de  société,  des  Let- 
tres ;  un  ouvrage  compose  par  ïres- 
san pour  ses  enfants  ,  intitule  :  Ré- 
flexions sommaires  sur  l'esprit;  des 
Discours  prononces  à  l'académie  de 
Nanci;  un  Éloge  de  Maupertuis ,  etc. 
Cette  collection  a  clc  réimprimée  plu- 
sieurs fois.T/éditionla  ])lus  récente, 
comme  la  plus  belle,  est  celle  de  Paris, 
1823,10  V.  in  8".,lig.Tiesmatièicsy 
sont  distribuées  dans  un  meilleur  or- 
dre ;  et  elle  est  précédée  d'une  Notice 
sur  Tressan  cl  ses  ouvrages  ,  ])ar  M. 
Camj)enoii  ;  clic  est  augmentée  de 
y  Eloge  de   Fnntenelle ,  le  dernier 


TRE 

ouvrage  de  l'auteur  ;  de  quclrpies  pic- 
ces  inédites  et  du  roman  de  Robert 
le  Brave ,  par  l'abbé  de  Tressan  {F. 
ci-dessous);  mais  o;i  ne  trouve  dans 
aucune  édition  des  OEuvres  de  Tres- 
san ni  les  couplets  auxquels  on  at- 
tribue sa  disgrâce  ,  ni  ses  Epigram- 
mes ,  ni  les  vers  qu'il  composa,  dans 
sa  vieillesse ,  à  Francoiiville ,  et  dont 
quelques-uns  ont  été  publiés  par 
Grimm  et  par  Laliarpc ,  dans  leurs 
correspondances  (5).  h  Histoire  de 
Tristan  de  Leonois ,  celle  du  Petit 
Jehan  de  Saintré  et  Gérard  de  iVc'- 

UerS  {P. Cl.  AMF.^GESetGviiVLl.ETTK)^ 

ont  été  imprimées  par  Didot,  1780- 
81 ,  3  vol. ,  in  -  18.  11  existe  de  cette 
charmante  édition  quelques  exem- 
plaires sur  peau  de  vélin.  De  tous  les 
romans  jiuldiés  par  Tressan,  Don 
Ursino  le  Nai'arrin  est  le  seul  (jui 
soit  entièrement  d'imagination.  L'ou 
vrage  qu'il  avait  composé  de])uis 
1749  ne  fut  publié  qu'après  sa  mort^ 
sous  ce  titre  :  Essai  sur  lejluide  élec 
trique  considéré  comme  agent  uni- 
versel,  Paris,  1783  ou  1780,  o.  \. 
in-8'^.  L'abbé  de  Tressan  en  fut  l'é- 
diteur, et  le  fît  précéder  d'une  Préfa- 
ce écrite  avec  sagesse  et  avec  goût. 
On  peut  consulter ,  pour  plus  de  dé- 
tails, les  diverses  Notices  citées  dans 
le  cours  de  l'article.  W — s. 

TRESSAN  ( LA  Vergnk,  ab- 
bé DE  ) ,  fds  puîné  du  précédent,  était 
né  dans  le  Roulonnais,  en  17  49,  et 
fut  élevé  sous  les  yeux  de  son  père  , 
dont  la  tendresse  ne  voulut  se  rej)o- 
ser  sur  personne  du  soin  de  diriger 
l'éducalion  de   ses  enfants.  S'élaii! 


(r.)  Tnns  I,:,  c.lllciiis,!,-  Tl-.'S«ii  01,1  ,..,.1,  l..l.• 
/,r•«f.•,l.,l.<•  cin  7.,,  •)aMvi<-l-  178:»,  .1  qui  onlic.l 
ciiirlinic»  d('l;iils  sur  1rs  iliriiirrcs  aniirrs  Ae  l.c 
Sii«c(  /  oy.  •■0  lu.M.  ,  X\IV  ,  »(ii-n(iî  1,  ;n-lrnr 
.1.!  Gll-liliis.  C.oUo  l.cllir  se  Iruuvo  i>  la  suilc  d<-  la 
lie  il,'  [.cSu^r,  «lise  c-ii  l('lc  tic  Vctlili-iK  il"  /''«- 
bhi  hoiiitix  ,  Uiion  ,  (^«isso  ,  1707,  <■•  iiillrurs. 

A.  li  -  T. 


TRE 

destine  de  bonne  teure  à  l'état  ecclé- 
siastique ,  il  fut  pourvu  de  plusieurs 
bénélicos,  et  devint  grand-vicaire  de 
l'archevêque  de  Rouen.  La  rc'voUitiou 
l'ayant  obligé  de  chercher  un  asile 
dans  les  pays  étrangers ,  il  parcourut 
l'Italie,  l'Allemagne  et  la  Russie,  où 
il  reçut  du  grand-duc ,  depuis  Paul 
I«i". ,  un  accueil  plein  de  bienveillan- 
ce.  Aprôs    avoir   séjourné   quelque 
temps  à  Pétersbourg  ,  il  vint  en  An- 
gleterre avec  l'intention  de  s'y  lixer. 
La  culture  des  lettres  adoucit  pour  lui 
les  peines  de  l'exil.  Lié,  depuis  son 
enfance,  avec  l'abbé  Delille  ,  par  la 
plus  tendre  amitié ,  il  fut  l'éditeur  de 
sa  traduction  du  Passage  du  Saint- 
Gothard,  ]>okme  de  M^".  la  duches- 
se de  Devonshire ,  et  l'enrichit  d'une 
ÎNolice  historique  sur  cette  dame,  que 
l'on  a  conservée  dans  le  recueil  des 
OEuvres  de  Delille.  Il  publia ,  dans 
le  même  temps,  Robert  le  Brave  , 
roman  chevaleresque ,  dont  il  avait 
obtenu  la  permission  d'offrir  la  dé- 
dicace à  l'empereur  de  Russie;  mais 
quoiqu'il  en  fût  réellement  l'auteur  , 
il  le  donna  comme  un  ouvi'age  pos- 
thume de  son  père.  Rentré  eu  France, 
après  le  1 8  brumaire ,  il  s'étabbt  dans 
une  maison  de  campagne  près  Paris  , 
où  il  partagea  sou  temps  entre  l^é- 
tudc  et  lessoins  qu'ildonnait  à  l'éduca- 
tiond'uu  troupeau  de  mérinos.  Il  mou- 
rut, au  mois  de  juillet  1809  ,  à  l'âge 
de  soixante  ans.  Outre  le  roman  du 
Chevalier  Robert ,  réimprimé  à  Pa- 
ris, eu  1800,  in-8°  et  in-18;  à  Lon- 
dres, 1801  ,  in-8^.,  et  eniin  dans  le 
huitième  volume  de  la  ccllection  des 
OEuvres  de  son  père,  éd.  de  iB'jS  , 
on  doit  à  l'abbé  de  Tressan  :  1.  La 
Mj'thologie  comparée  avec  l'histoi- 
re,  Londres,  1776,  in-S".;  trad.  en 
allemand,  avec  des  notes,  par  H.-D. 
Koler,  Francfort,  1800,  in-B*^.  j  et 
réimprimée  plusieurs  fois  à  Paris ,  2 

XLVI. 


IRE  4<^7' 

vol.  iii-i'i.  L'édition  de  1826  est  in- 
diqucecomme  la  huitième.  C'estun  ou- 
vrage élémentaire  et  adopté  pour  les 
écoles,  par  le  conseil  de  l'université; 
mais  il  ne  dispense  pas  de  recourir  à 
r Explication  historique  desjables , 
]3ar  Banier  (  Foy.  ce  nom,  lil, 
3 13  ),  dont  il  n'est  guère  que  l'abré- 
gé. II.  Une  traduction  française  des 
Sermons  deHug.  Blair,  Paris,  1807, 
5  vol.  in-8°.  FJle  est  très  estimée  ,  et 
on  là  regarde  comme  le  premier  titre 
littéraire  de  labbé  de  Tressan.  Il  se 
proposait  de  pubher  un  Mémoire 
sur  les  cartes  à  Jouer,  apportées, 
suivant  lui ,  par  un  ^éullien,  de  la 
Chine  en  Europe  (  Voyez  V analyse 
des  recherches  sur  les  cartes ,  par 
M.  Peignot,  274)-  On  trouve  une 
courte  Notice  sur  l'abbé  de  Tressan 
dans  le  Magasin  encyclopédique  ^ 
1809,  iv^  178.  W — s. 

TRESSEOL.  Foy.  Roubaud, 
XXXIX,  85. 

TRÉTER (Thomas"),  savant  polo- 
nais ,  se  lit  connaître  du  cardinal  Ho- 
sius,  évèquedeWarmie,  qui,  l'ayant 
emmené  à  Rome ,  l'employa  dans 
les  afî'aires  les  plus  impoiiantes.  Ce 
prélat  étant  mort ,  la  reine  Anne  Ja- 
gellon  nomma  Tréter  chargé  d'af- 
faires près  du  Saiuî-Siége  ;  les  rois 
Bathoryet  Sigismondlll  le  continuè- 
rent dans  les  mêmes  fonctions,  qu'il 
remplit  de  manière  à  gagner  la  bien- 
veillance de  Grégoire  XIII  et  de 
Clément  YII.  Celui-ci  étant  encore 
cardinal  et  devant  aller  en  Pologne 
comme  légat  apostolique  ,  pria  Ti'é- 
ter  de  l'instruire  sur  les  choses  et  les 
personnes,  et  fut  très-reconnaissant 
des  renseignements  qu'il  en  reçut. 
Grégoire  XIII  l'avait  nommé  à  deux, 
canonicats  et  comblé  d'autres  fa- 
veurs. Le  cardinal  Bathory,  évêque 
de  Warmie,  neveu  du  roi  Etienne, 
retournant  en  Pologne,  prit  avec  lui 
3?. 


498 


TRE 


Tietcr ,  à  qui  il  .ivait  donne  un  ca- 
nonicat  clans  sa  cajtj^ediale.  A  Rome, 
ïrcter  fut  regrette  par  les  voyageurs 
polonais ,  qu'il  recevait  avec  une  bon- 
té touchante.  Ou  a  de  lui  :  I.  Quinti 
Horatii  poemata  cum  annotationi- 
hiiset  indice,  Anvers ;,  Ghr.Plautin , 
15-^6,  iu-S*^.  W.  Romanorum  im- 
peratonim  effigies  cum  elogiis , 
Rome,  i583  ,  iu-8o.  III.  Staji. 
Hosii  cardinalis ,  majoris  pœniten- 
tiarii  etepiscopi  fFanniensis ,  vita; 
—  Oratio  habita  in  exequiis  ejus- 
deiii  cardinalis  Hosii;  —  De  obi- 
tii  ejusdem  cardinalis  Ode  lu- 
gubris ,  Rome,  1587  ,  iu-8'^.  IV. 
Epistola  ad  Stephanum  I.  regeni , 
ibid.  Y.  Nie.  Christ.  Radziwilj , 
ducis  et  Marschalli  Lithuaniœ , 
perigriiiatio  in  Palœstinam  annis 
1 583  et  1 584  ,  cib  eodem  duce  qua- 
tuor epistolis  polonicis  ad  aniicum 
descripta  latine  reddita ,  Brauns- 
berg  ,  1601,  Anvers  161 4.,  in- 
fo]. VI.  Fitce  episcoporum  Posna- 
nitensium  ,  per  Joh.  Dhigoscum 
oliui  conscriptœ  ,  cum  supplemento, 
Braunsbeig,  i6o4,  in-4°.  VU.  Vitœ 
episcoporum  fFarmiensium  ex  an- 
nalibus  Heilsbergensibus  collectée  , 
Cracovie,   i685,  in-fol.  G — y. 

TREUER  (  GoTTLiEB  Samuel  ), 
professeur  de  droit  public  à  l'uui- 
vcrsile  de  Gottingue ,  né,  près  de 
Francfort-sur-l'Oder  ,  le  ^4  décem- 
bre iG83^  fut,  en  1707,  nommé 
professeur  d'éloquence  et  d'histoire 
i>  l'académie  de  Wolfenbuttel,  et 
en  1714?  '»  lielmstadt ,  d'où  il  passa 
à  l'université  do  Gottingue.  Il  mou- 
rut dans  cette  ville,  en  174^,  lais- 
sant un  grand  nombre  d'écrits,  dont 
les  ]ilus  remarquables  sont  :  I.  ^po- 
logia  pro  Johanne  Basilide  II  tj- 
rannidis  vulgb  Jalsixpie  insimulato, 
Vienne,  171 1,  in-'i".  11.  Observa- 
tions sur  le  droit  absolu  que  les 


TRE 

princes  s' arrogent  (  allemand),  Leip- 
zig et  Wolfenbuttel,  171g,  in- 80. 
IIJ.  PuJ'endorf  de  officio  hominiset 
civis  ,  cum  annolationibus ,  Leip- 
zig, I  7  I  7  ,  I  7'-i6  et  1735  ,  in-80. 
IV.  De  licentid  peregrinandi  legi- 
hus  circumscribendd  ,  Wolfenbut- 
tel,  1720,  in- 4".  V.  Origine  des 
cercles  de  Vempire  germanique  et 
circonstances  dans  lesquelles  ils 
ont  été  établis  (  allemand  ) ,  Helms- 
tadt ,  1722,  in-4°.  VI .  Dei>oirsquun 
professeur  de  théologie  est  tenu  de 
remplir  en  Allemagne ,  d'après  les, 
lois  de  l'empire  (  allemand  ),  Leip- 
zig et  Wolfenbuttel  ,  1721,  in-4°. 
VU.  Annales  academiœ  Juliœ , 
quinze  semestres  de  1720  a  1728. 
y\\\.Historia  globi  crucigeri,  sjm- 
holi  majestatis ,  et  disquisitio  globi 
duplicati  in  numniis  bracteatis , 
seculo  XII  et  xiii ,  Brunswick,  1  728, 
in-8".,  avec  planches.  IX.  Anasta- 
sis  veteris  Germani  Germanœque 
J'émince  ,  Helmstadt,  1728,  1729, 
in-4'*.  X.  Même  origine  des  deux 
maisons  de  Russie  et  de  Bruns- 
wick (  allemand  ),  iu-fol.  XI.  Mons- 
trum  arbitrarii  juris  territorialis , 
legibus  imperii  è  Germanid  projli- 
gatum  ,  Francfort  et  Leipzig  ,  1 739, 
in-4°.  XII.  Pcedia  juris  Jéudalis 
universalis  ,  Francfort,  1753,  in-8'\ 
Pour  les  autres  ouvrages  de  Tieuer, 
voyez  Putter ,  dans  sa  Littérature 
du  droit  public  d'yillemagne.  (i-v. 
TREUTLER  {  Jérôme  ) ,  fils  d'un 
tailleur  de  Schneiduitz  eu  Silésie,  né 
le  i4  fév.  1 505,  est  au  nombre  des 
pluscélèbresjuriscousultes  du  xvi™*^. 
siècle.  Après  avoir  étudié  la  philoso- 
phie et  le  droit  à  Strasbourg  ,  il  ob- 
tint, en  i588,  au  collège  de  Mar- 
bourg,  unemploide  professeur  qui  ne 
l'empêcha  pas  de  continuer  ses  étu- 
des juridiques;  il  j)rit  le  grade  de 
docteur  en  droit ,  et  après  wii  couri 


TRE 

séjour  à  Herboni  ,  où  it  exerça   les 
fonctions  de  professeur  au  gymnase 
académique,   il   obtint,  en   l5gi  , 
une  cliaire  de  professeur  de  rhétori- 
que à  l'université  de  Marbourg  ,  où 
il  enseigna   aussi  le  droit  civil.  En 
1694,  il  fut  nommé  syndic  du  ma- 
gistrat de  Bautzen ,  et  en  1  SgS,  l'em- 
pereur llodolphe  II  le  fit  procura- 
teur de  la  chambre  de  la   Haute- 
Lusace.  Ce  souverain  l'anoblit  sous 
le  nom  de  Treuller  de  Kroschortz. 
Il  mourut  le  14  février  iGcj. Parmi 
ses  ouvrages  ,  le  plus  célèbre  est  : 
Selectarum  disputationum  ad  jus 
civile  Justinianeum  volumina   11  , 
Marpurg  ,  \^{YX,  2  vol.  in-4''. ,  sou- 
vent réimprimé,  et  que  plusieurs  ju- 
risconsultes ont  commenté.      S — l. 
TREUVÉ  (Simon-Michel),  cha- 
noine de  Meaux,né,  le 8  août  i65i  , 
à  Noyon  en  Bourgogne ,  entra  d'a- 
bord dans  la  congrégation  des  doctri- 
naires, d'où  il  sortit  en  i6y3.  Après 
avoir  été  ordonné  prêtre  à  Châlons- 
sur-Marue,  il  fut  aumônier  du  comte 
deGuitaut,  et  de  M'"''.  deLesdiguiè- 
rcs  ,  puis  vicaire  de  Saint  André-des- 
Arts  ,  à  Paris ,  chanoine  et  théologal 
de  Meaux.  11  occupa  cette  dernière 
place  pendant  plus  de  vingt  ans,  et 
travailla ,  sous  Bossuet,  au  bréviaire 
de  Meaux.  Enfin ,  des  infirmités  l'en- 
gagèrent à  se  retirer  à  Paris  ,  où  il 
mourut  le  22  février  i'j3o.  ïreuvé 
s'était  appliqué  à  l'étude  de  l'Ecritu- 
re Sainte,  et  se  fit  connaître  par  des 
ouvrages  dont  quelques-uns  ont  eu  de 
la  vogue,  entre  autres  les  Instructions 
snrles  dispositions  qu  on  doit  appor- 
ter aux  sacrements  de  Pénitence  et 
d' Eucharistie ^  i670,in-i2,  dédiées 
à  la  duchesse  de  Longueville ,  et  sou- 
vent réimprimées;  et  le  Directeur 
spirituel  pour  ceux   qui  n'en   ont 
point ,  m-  12  ,  dont  il  s'est  fait  aussi 
beriucoup  d'éditions,  l^e  Pictionnai- 


TRE  499 

re  des  livres  Jansénistes  signale  ces 
ouvrages  comme  remplis  d'erreurs. 
Treuvé  est  encore  autour  d'un  Traité 
du  Devoir  des  Pasteurs  ;  du  Dis- 
cours de  Piété,  1696  et  iGg-j  ,  2 
vol.  in-i2  ;  d'une  Dissertation  sur 
V Excommunication ,  î  726  ,  in-4''. , 
et  in- 12  ;  de  deux  Retraites  de  dix 
jours  ,  ayant  chacune  sa  méditation  j 
de  Prières  tirées  de  V Ecriture ,  et 
d'une  Histoire  de  Duhamel ,  docteur 
de  Sorbonne.  Il  mit  en  ordre  les  cas 
de  conscience  de  Lamet  et  Froma- 
geau  ,  publiés  en  1732  ,  2  vol.  in-4°. 
Treuvé  était  un  ecclésiastique  exem- 
plaire et  un  écrivain  laborieux  ; 
mais  ses  ouvrages  se  ressentent  des 
opinions  qu'il  avait  adoptées  sur  les 
contestations  de  son  temps.     P-c-x. 

TRÉVILLE.   For.  Touche. 

TREVISANI  (  François  ) ,  pein- 
tre, né,  à  Capo  dTstria  ,  en  i656  , 
d'Antoine  Trevisani ,  architecte,  fut 
élève  du  Zanchi  ,  qui  florissait  à 
Venise.  Il  est  connu  aussi  sous  le 
surnom  de  Trevisani  le  Romain  , 
pour  le  distinguer  de  son  frère  An- 
giolo ,  qui  ne  quitta  jamais  Venise. 
Son  père  lui  avait  donné  les  premiers 
éléments  du  dessin  j  ses  progrès  fu- 
rent rapides  ,  et  on  le  mit  sous  la 
direction  d'un  certain  peintre  fla- 
mand ,  qui  avait  un  talent  particulier 
pour  peindre  de  petits  sujets  qui  re- 
présentaient ordinairement  des  En- 
chantements ,  des  Sabats  et  autres 
objets  du  même  genre.  Séduit  par  la 
manière  de  ce  maître  ,  il  s'appliqua 
avec  tant  de  persévérance  à  l'imiter, 
qu'avant  l'âge  d'onze  ans  accomplis  il 
exécuta  un  tableau  de  son  invention, 
qui  fut  regardé  comme  un  prodige. 
C'est  alors  que  son  père  l'envoya  à 
Venise  pour  y  étudier\sous  le  Zanchi. 
Pendant  son  séjour  dans  cette  ville  , 
il  se  livra  avec  ardeur  à  tous  les  exer- 
cices du  corps  qui  entraient,  à  cette 

32.. 


5oo  ÏKK 

époque,  dans  l'éducation  de  la  no- 
blesse, et  obtint  les  plus  grands  suc- 
cès. Il  n'était  pas  moins  habile  à 
jouer  la  comédie  et  à  improviser  ses 
rôles  :  son  esprit ,  sa  beauté  firent 
tant  d'effet  sur  une  jeune  demoiselle 
de  Venise,  qu'elle  consentit  à  quitter 
la  maison  paterneile  pour  suivre  son 
amant.  Tous  deux,  se  réfugièrent  à 
Rome  ,  où  Trevisani  fut  accueilli 
par  le  neveu  du  pape  Alexandre 
VII  ,  le  cardinal  Flavio  Chigi  , 
qui  lui  (it  confier  des  travaux  im- 
portants ,  notamment  le  beau  ta- 
bleau de  Saint  Erasme  ,  desliné 
à  la  principale  église  de  son  évé- 
ché  de  Porto.  Le  duc  de  Modène 
le  chargea  de  faire  la  copie  des 
plus  beaux  ouvrages  du  Corr^ge 
et  de  Paul  Véronèsc.  C'est  alors  que 
le  cardinal  ,  son  protecteur  ,  lui  (it 
obtenir  la  dignité  de  chevalier.  La 
vue  des  chefs-d'œuvre  qui  le  frap- 
paient de  toutes  parts  à  Rome  lui 
lit  changer  totalement  sa  manière 
primitive;  il  s'en  forma  une  analogue 
au  goût  qui  régnait  à  cette  époque  j 
mais  un  talent  réellement  admirable, 
que  personne  ne  posséda  jamais  au 
même  degré  que  lui ,  c'éiait  de  con- 
trefaire toutes  les  manières,  et  de 
paraître  à  son  gré  et  toujours  heu- 
reusement soit  de  l'école  du  Cignani, 
soit  de  celle  du  Guidc.On  voit  à  Forli, 
dans  la  galerie  des  seigneurs  Albic- 
cini,  une  quantité  de  tableaux  peints 
par  lui  dansdilïércnts  styles,  et  dont 
le  plus  remarquable  est  un  Crucifie- 
menl  de  pctiîc  dimension,  que  l'ar- 
tiste lui  même  regardait  comme  son 
chef-d'œuvre ,  et  dont  il  oHrit  une 
somme  considéiable  pour  le  ravoir. 
Toutes  les  figures  y  sont  peintes  avec 
le  fini  le  ])!us  [)récieux,  et  le  piiiceau 
le  plus  spirituel,  (i'est  à  lioine  que 
Trevisani  a  laissé  un  grand  nombre 
<ic  ies  produclion.s  j  elles  se  distin- 


TRE 


1 


guent  par  un  beau  choix,  un  pin- 
ceau fin ,  un  ton  général  plein  de 
feu.  Son  Saint  Joseph  mourant  , 
dans  l'église  du  collège  royal,  est 
un  ouvrage  célèbre.  On  fait  un 
grand  cas  d'un  tableau  qu'il  a  peint 
dans  le  palais  Spada ,  pour  servir  de 
pendant  à  un  tableau  du  Guide,  et  qui 
soutient  dignement  le  parallèle.  Clé- 
ment XI  l'honora  de  son  estime ,  et 
lui  confia  l'exécution  non -seulement 
d'un  des  Prophètes  du  palais  de  Saint- 
Jean-de-Latran  ,  mais  d'une  partie 
de  la  coupole  du  dôme  d'Urbin.  Il 
représenta,  dans  les  pendentifs  ,  les 
(Quatre  parties  du  inonde ,  peinture 
admirable  et  vraiment  rare  par  le 
coloris,  l'imagination  et  la  l.ieauté  du 
dessin.  Quelques  autres  tableaux  qu'il 
a  eKe'culés ,  soit  à  Bologne  ,  soit  à 
Camerino,  soit  à  Pérouse  ou  à  Forli , 
sont  plus  ou  moins  soignés  ,  ])lus  ou 
moins  travadlés;  mais  tous  présen- 
tent de  très-belles  parties.  La  répu- 
tation que  lui  avaient  méritée  tant  de 
beaux  ouvrages  parvint  en  Russie 
jusqu'aux  oreilles  de  Pierre-le-Grand, 
qui  lui  demanda  plusieurs  tableaux. 
Trevisani  s'empressa  de  répondre  à 
une  demande  aussi  honorable  ;  et 
le  monarque,  satisfait  de  son  tra- 
vail ,  l'en  récompensa  magnifique- 
ment. Le  Musée  du  Louvre  possède 
deux  tableaux  de  ce  maître  :  I.  La, 
Fitrge  couvrant  d'une  draperie 
l'Enfant- Jésus  qui  dort;  saint  Jean 
lui  baise  la  main  ,  et  tous  les  anges 
charment  son  sommeil  par  leurs 
(liants.  IL  Jésus ,  assis  sur  une  ta- 
ble ,  montre  à  sa  mère  une  grena- 
dille  ,  symbole  mystérieux  de  la 
Passion)  la  Vierge^  qui  le  soutient, 
lui  fait  voir  une  tige  de  lis, emblème 
de  sa  pureté  inaltérable.  Trevisani 
moiuiit  à  Rome, en  17/16.  —  Angiolo 
Trkvisani  ,  frère  du  précédent,  na- 
quit, comme  lui,  à  Capo  d'hlria,  et 


TRE 

fut  élève  du  Zanchi.  Il  ne  quitta  point 
Venise,  comme  son  frère  ,  et  se  fît 
distinguer  parmi  les  meilleurs  artis- 
tes de  l'école.  Les  tableaux  de  son 
invention,  que  l'on  voit  dans  la  Char- 
treuse et  dans  plusieurs  autres  églises 
de  Venise,  méritent  d'clre  loués  ; 
mais  c'est  principalement  dans  le 
portrait  qu'il  se  met  hors  de  rang. 
Ce  genre  ne  lui  a  pas  donné  un  style 
saillant  ;  néanmoins  il  est  tou]  ours  na- 
turel et  d'un  bon  choix;  son  pinceau 
est  soigneux  et  recherché,  surtout 
dansl'artdu  clair-obscur.     P^s. 

TREVISANO  (Paul),  voyageur, 
né  à  Venise,  vers  i45'2,  d'une  an- 
cienne famille  ,  parcourut  la  Syrie, 
l'Egypte ,  l'Arabie  ,  la  Palestine  et 
l'Ethiopie  ,  et  lit  un  assez  long  séjour 
eu  Chypre,  oîi  il  épousa  ,  en  1484, 
une  riche  veuve.  Son  habileté  dans 
les  ai'f'aires  le  fit  choisir  par  le  grand- 
maître  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem ,  ptour  négocier  un  traité 
de  paix  avec  le  Soudan  d'Egypte.  Il 
fut  ensuite  provéditeur  de  la  répu- 
blique de  Venise  _,  à  Sale  dans  le 
Eressan,  où  il  était  encore  en  i5o5. 
11  avait  écrit,  pendant  son  séjour  en 
Chypre  :  De  Nili  origine  et  incre- 
inento  :  item  de  JEthiopiim  regione 
et  moribus  liber  singularis  ,  compo- 
silus  per  me  Paulum  Trevisanum , 
nohilein  venetuiii ,  in  insidd  Cr- 
pri,  anno  reparatœ  salutis  m.cccc. 
i.xxxiii.  L'abbé  Morelli ,  qui  a  re- 
cueilli tous  les  détails  relatifs  à  Tre- 
visano ,  regrette  que  ce  manuscrit  , 
dont  il  n'existait  peut-être  qu'une 
copie,  se  soit  égaré.  Trevisano  était 
connu  pour  avoir  porté  dans  ses 
voyages  cet  esprit  d'observation 
qui  les  rend  utiles.  E — s. 

TREVISANO  (  Marc- ÀNTomE  ) , 
fut  élu  doge  de  Venise,  le  4  juin  t  553 , 
pour  succéder  à  François  Donato.On 
vantait  sa  piété  et  sa  sagesse;  mais 


TRE 


5oi 


il   eut  peu  d'occasions   d'en   donnei 
des  preuves  pendant  son  gouverne- 
ment, étant  mort  le  3i  mai  suivant. 
Sous    son    règne ,    quoique    l'Italie 
fût  embrasée    par   la    guerre   entre 
Charîes-Quint  et  Henri  II ,   Venise  , 
fidèle  à  sa  politique ,  conserva  et  fit 
respecter  sa  neutralité.  Il  eut  pour 
successeur  François  Venieri.   S.  S-i, 
TREVISIO  l  André  ),   médecin 
célèbre  vers  la  fin  du  seizième  siècle, 
était  seigneur  de  Slonghelio  :  il  na- 
quit à  Occimiano  en  Montferrat,  ou  , 
selon  quelques-uns ,  à  Fontanello  dans 
le  Novarais.  Pendant  qu'il  exerçait 
la  médecine  à  Ga'larate  ,  commune 
du  duché  de  Milan  ,  des  fièvres  épi- 
démiques  y  régnèreut ,    en    i5B7    et 
I  588.  Trevisio  en  rechercha  les  cau- 
ses et  la   nature  ,   et   ayant    atteint 
heureusement  son  but  par  une  suite 
non  interrompiie  d'observations  ,  il 
publia  :  De  causis ,  natiird  ,  mori- 
bus  et   curatione  pestilcntium  fe- 
brium  vidgb  dictarum  cum   signis 
«Ve  petechiis  ,    Milan,    i5H8,   in- 
4".   Sa    réputation  devint    si    bril- 
lante que  la  plupart  des  poètes  con- 
temporains célébrèrent  son  mérite, 
et  lui  dédièrent  leurs  ouvrages.  Il  fut 
nommé  premier  médecin  et  gentil- 
homme de  la  chambre  de  l'infante 
Isabelle-Claire-Eugénie  et  de  i'archi- 
duc  Albert,  son  époux,dans  le  temps 
où  ces  prnices  gouvernaient  les  Pays- 
Bas.  Après  la  mort  de  l'archiduc,  en 
1(^21  ,  Trevisio  ,  voulant  donner  tm 
témoignage  ])ublic  de  reconnaissance 
envers  le  prince  défunt ,  qui  l'avait 
comblé  de  bienfaits  ,  publia  sa  Vie 
sous  ce  titre  :  Phœnix  principiun  , 
sive  ^Iberti  pii  morientis  vita.  De 
retour  en  Italie,  il  s'établit  à  Pavie  , 
où  il  assista  ,  avec  Louis  Setfala , 
aux  découvertes  de  Gaspard  Alseliio, 
qui,   dans    son    ouvrage  /)e/rtc/e«5 
venis ,  c.  ix,  s'exprime  ainsi  :  Jn. 


aq'i 


TRK 


dr.cas  Trcvisius .  serenissinia.'  Infaii- 
tis  Archiater ,  iwminis  J'anid  et 
doctrines  ahundantid  nulli  clarissl- 
jnoruiti  mcdicorum  secundus.  En 
!Gi4.,  ïrevisio  fonda,  dans  le  cou- 
vent des  Augustins  de  Casai,  uu  col- 
lège, où  se[)t  pauvres  étudiants  du 
Montferrat  devaient  être  entretenus 
et  instruits  dans  les  lettres  et  les 
.sciences,  par  les  religieux  ;  et  il  leur 
légua  un  revenu  de  sept  cent  soixante- 
dix  ëcus  :  mais  ,  en  1619,  les  PP.  A  u- 
gustins  cédèrent  ce  collège  aux  PP. 
de  la  congrégation  Somasque.  Cette 
fondation  existe  encore  au  lycée  de 
Casai.  P — I. 

ÏREW  (Abdias),  matliémati- 
<;ien ,  ué  à  Ansbach  le  29  juillet 
i59'j  .  fut  professeur  de  physi- 
q^ue  à  l'université  d'Alldorf ,  011  il 
érigea  ,  en  iGSy  ,  un  observatoi- 
rCj  le  premier  que  l'on  ait  vu  dans 
ces  contrées.  Il  éloigna  des  études 
de  l'astronomie  tout  ce  qui  tenait  à 
l'astrologie.  Les  Protestants  n'ayant 
])oidt  voulu  admettre  le  calendrier 
grégonen ,  il  corrigea  celui  qu'ils 
s'obstinaient  à  garder.  Il  a  fait,  dans 
la  théorie  de  la  musique  ,  des  décou- 
vertes heureuses.  Trew  mourut,  à 
Altdorf  ,  le  12  mars  1G69.  Il  avait 
])ublié  :  I.  Compendium  forlificato- 
rum  ,  avec  figures  ,  Nuremberg  , 
1G41  ,  in- 12.  II.  Sur  l'aiyeutage 
(  allemand),  Nuremberg,  i64i  , 
seconde  édition,  1GG8,  iu-S".  III. 
Dircctoriuin  mathematicuin  ,  qiio 
tola  matliesis  et  umnes  cjus  partes, 
nominatini  arithmetica,  geometria, 
astrunomiu ,  geographia  ,  optica  , 
liarmonia,  mechanica  ,  mclhodicè 
disci  possunt  ,  Nuremberg,  iG'i'y  , 
in-4°-  7  avec  figures.  IV.  Summa 
geometriœ  prnclicœ  ,  addiiis  anno- 
talionibus  et  addUiunibus  arithme- 
ticis  ,  trigonometricis  ,  graphicis  , 
Nurrmbcig,  iG63,  in  S'',    avec  fig. 


TRE 

V.    Théorie  du  calendrier  (allem.) 
Lunebourg,  166G,  in-4°.     G — y. 

TREW  (  Christophe  Jacques)  , 
médecin  et  botaniste  célèbre ,  était 
petit-fils  du  précédent ,  et  naquit,  le 
•26  avril  1 695  ,  à  Lauf  en  Franco- 
nie.  Il  publia  â  Altdorf ,  où  il  avait 
fait  ses  études  ,  ses  deux  premiers 
ouvrages  intitulés  ,  l'un  :  De  sudo- 
rihus  jioctiinds  ,  1714  5  in-4°.  ,  et 
l'autre  :  De  Chjloso  fœtu  in  utero , 
1 7 1 5 ,  in-4°. ,  réimprimé  par  Haller 
dans  le  V^.  tome  de  ses  Dissertationes 
anatovùcœ  selectœ.  Eu  17 17  ,  après 
avoir  parcouru  la  Suisse  et  une  par- 
tie de  l'Allemagne  ,  Trew  vint  à 
Paris ,  où  il  passa  treize  mois ,  visi- 
tant les  hôpitaux^  les  bibliothèques, 
les  cabinets  d'histoire  naturelle,  les 
établissements  d'anatomie,  de  bota- 
nique et  de  chimie.  Les  jeunes  Alle- 
mands qui  faisaient  leurs  études  à 
Paris  le  choisirent  pour  leur  méde- 
cin ,  et  avec  deux  d'entre  eux ,  il  vi- 
sita la  Hollande ,  Hambourg  etDant- 
zick.  Il  revint  à  Nuremberg,  en  1 720, 
avec  les  richesses  qu'il  avait  acquises 
dans  ses  voyages ,  et  fut  heureux  dans 
sa  pratique  :  des  cures  fréquentes , 
diliiciles,  répandirent  sa  réputation 
dans  toute  la  Franconie.  En  1780, 
il  fit  partie  de  la  société  Norique,  que 
quelques  savants  avaient  formée  à 
Altdorf ,  sous  ce  titre  :  Commer- 
cium  Noricum  litterario  -  phjsico- 
technico  medicuin  ,  et  lui  ayant 
communiqué  des  Mémoires  intéres- 
sants il  en  fut  le  directeur  depuis 
1734,  jusqu'en  1745.  En  1727  ,  il 
avait  été  reçu  membre  de  l'acadé- 
mie de  Nuremberg  ,  qui  le  choisit 
pour  son  directeur  en  174G.  Les 
académies  des  sciences  de  Ijondres  , 
de  lierlin  et  de  Florence  le  nommè- 
rent aussi  membre  honoraire.  11 
mourut  le  18  juillet  17G9,  le  jour 
uirmr  ou  il  devait  se  rendre  à  Erlan- 


TRE 

gCii  ,  d'après  mie  invitation  |nos- 
sante  que  le  margrave  d'Anspach  Itii 
avait  adressée.  Sa  bibliothèque  et 
son  cabinet  d'histoire  naturelle ,  de 
botanique  ,  d'anatomie ,  de  gravures 
et  de  peinture  étaient  des  plus  riches 
que  jamais  particulier  ait  possèdes. 
Un  an  avant  sa  mort ,  il  avait ,  par 
testament,  fait  àl'iiniversitèd'AItdorf 
un  don  digne  de  la  munificence  d'uh 
prince  ,  consistant  en  manuscrits , 
livres  rares  ,  dissertations ,  gra- 
vures ,  tableaux ,  machines  et  ins- 
truments de  chirurgie  et  de  phy- 
sique ;  enfin  en  productions  des 
trois  règnes  de  la  nature  :  sa  biblio- 
thèque avait  plus  de  trente -quatre 
mille  volumes ,  sans  compter  les  Dis- 
sei'tations  ,  dont  le  nombre  allait  i 
seize  mille  cinq  cent  quatre-vingt- 
seize,  relie'es  en  trois  cent  quarante- 
six  voUimes.  On  y  trouvait ,  entre 
autres,  toutes  les  éditions  de  Virgile 
qui  avaient  paru  jusqu'alors.  Les  li- 
vres doubles  furent  envoyés  à  l'uni- 
versité d'Erlangen.  La  veuve  de  Trew 
ajouta  à  ce  legs  un  capital  de  six 
mille  florins,  pour  être  emjiloyé  d'a- 
près le  plan  qu'il  avait  donné.  Les 
libéralités  des  deux  époux  avaient 
pour  principe  les  motifs  les  plus  no- 
bles. Ils  se  souvenaient  avec  recon- 
naissiince  que  leur  grand-père,  Ab- 
dias  Trew  ,  dépouillé  de  tout ,  pen- 
dant la  guerre  de  Trente-Ans  ,  avait 
été  reçu  avec  bienveillance  par  la 
ville  de  Nuremberg  ,  qui,  ayant  d'a- 
îjord  pourvu  à  ses  ])remicrs  besoins  , 
l'avait  nommé  professeur  à  l'univer- 
sité d'Altdorf.  Pendant  qu'il  faisait 
venir  de  toutes  parts  des  objets  rares 
pour  enrichir  sa  bibliothèque  et  son 
cabinet  ,  Trew  exécutait  des  entre- 
prises qui  répondaient  à  son  immense 
fortune  et  à  son  amour  pour  les 
sciences  et  les  arts.  Il  était  l'ame  de 
la  société  iVoriquc  ,   de  l'académie 


TRE  5o3 

d'histoire  naturelle,  et  qnoiqu'd  prît 
une  part  active  à  leurs  travaux  ,  il 
publiait  de  bons  ouvrages  sur  l'ana- 
tomie  ,  la  médecine  et  la  botanique. 
Voici  les  principaux  A.  De  Dijf'eren- 
liis  quibusdam  interhominem  natum 
et  hominemnascendum ,  Nuremljerg, 
1 786,  in-4*'. ,  avec  des  planchesqui  re- 
présentent la  structure  du  fœtus  dans 
les  développements  successifs  de  ses 
formes.  W.Epistola  adAlh.  Ilaïle- 
riivi  de  vasis  liiiguœ  salivaUbus  at- 
qiie sajiguiferis .  III.  Tabulée  osteolo- 
gicœ  ,  seu  omnium  corporis  humani 
perfecti  ossium  imagines  ad  duc- 
tum  naturœ  reprœsentatœ  ,  avec 
la  version  allemande  en  regard  et 
quarante  planches  enluminées  ,  Nu- 
remberg ,  1767,  grand  in-fol.  IV. 
Anevrysmalis  spurii  post  vence  ba- 
silicce  sectioncm  orti  historia  et 
curatio ,  Nuremberg  ,  1 769  ,  in-4*'. , 
avec  planches  ;  réimprimé  à  Stras- 
bourg, 1785.V.  Traité  élémentaire 
de  V -4natomie  ,  autant  que  cette 
science  peut  être  nécessaire  aux 
peintres  (allemand  ) ,  Nuremberg  , 
17G7  ,  in-fol.  VI.  Planlarum 
Hetruriœ  rariorum  catalogus  ,  Nu- 
remberg, i7'^5.  VU.  Description 
de  VAloës  américaine  en  jleurs 
(  allemand  )  ,  1727.  VIII.  f'^asa 
nutritia  J'oliorum  arboreorum ,  ou 
Mémoire  historique  sur  l'anato- 
mie  des  plantes  ,  sur  leurs  veines 
et  sur  les  vases  nutritifs  des  feuil- 
les (  allemand  ) ,  Nuremberg ,  1 7 4^ , 
in-fol. ,  avec  planches  enluminées. 
IX.  Plantœ  selectce  nominibus  pro- 
priis  notisque  illustratœ  ,  in  œs  in- 
cisce  et  vivis  coloribus  reprœsen- 
tatœ,  Nurembci'g  .  1750  à  1760. 
Cette  magnifique  Flore  devait  jiaraî- 
tre  par  décades;  les  scpt])reinicres 
seulement  ont  été  publiées.  Les  con- 
naisseurs admirent  la  beauté  des 
soixante-douze  planches.  X.  Jlortus 


5om 


TRE 


nitidissirniis  omnem  per  annum  su- 
perhlens  Jloribus  ,  seu  amœnissi- 
viœjlonim  imagines ,  quas  jnagnis 
sumptihus  collegit  Chr.  Jac.  Tre-w, 
M urcmberg ,  1760  à  i-yôS,  in-fol. 
Il  a  paru  six  décades  de  ce  beau  tra- 
vail relatif  aux  fleurs  des  jardins.  11 
est  orne  de  planches.  XI.  PZrtnfœ  ra- 
riores  quas  ipse  in  horto  dumestico 
coliiit,  secundùni  notas  suas  exami- 
vai'it  et  hreviter  explicavit,  Nurem- 
berg, 1763,  in-fol.  ,  avec  planches. 
Xll.  Herbariuni  Blackwellianuin 
auctum ,  ex  anglico  idiomate  in 
latimim  conversum  ,  Nuremberg  , 
17J0  à  1760,  5  vol.  iu-fol. ,  avec 
planches.  Cette  e'dition  de  l'Her- 
bier de  Blackwell  (  Voy.  Blacr- 
WELL  ,  (  Alexandre  )  IV  ,  546  )  , 
est  d'autant  plus  estimée  ,  que  Trew 
y  a  ajouté  la  description  d'un  grand 
nombre  de  plantes.  XIII.  Libre- 
mm  botanicorum  catalogns,  Nu- 
remberg, 17.533  1707  ,  3  vol.  in- 
fol.  XIV.  Cedrorum  Libani  histo- 
ria  earumquc  character  botanicus  , 
cim  illo  laricis  ,  abietis  ,  pinique 
comparatus.Accedit  disquisitio,  an 
hœc  arbor  sit  illa  ipsa  in  S.  Cod. 
prœ  omnibus  célébrât  a  et  vel  Aères, 
vel  Berosch  dicta  ,  Nuremberg  , 
1757  à  1767  ,  in-4°.,  avec  plan- 
ciies.  XV.  Apologia  et  Mantissa 
cbservationis  de  cedro  Libani ,  Nu- 
remberg ,  1 767  ,  iu-4°-  XVI.  Icônes 
poslhumœ  Gesnerianœ y  Nuremberg, 
174B.  Cette  publication  fut  faite  avec 
les  plaiiches  en  bois  que  Trew  avait 
achetées  après  la  mort  de  Gesner  , 
et  par  le  moyen  desquelles  il  lit  con- 
naître les  formes  de  deux  cent  seize 
plantes  dillérentes  {V.  Gf-sneu  (Con- 
rad )  XVII,  24^.  ).  Peu  de  temps 
ayant  sa  moit  ,  et  ajjrcs  avoir  fait 
.ron  testament,  Trew  pid)lia  le  Cata- 
logue de  sa  bibliotlièque  :  Catalogns 
bihliolliccœ  jncdica; ,  philosophica'  et 


TBI 

miscellaneœ  decursu  quinquaginta 
annorum  in  privatum  et  publicum 
usum  collectœ  et  acad.  Norico-Al- 
torjinœ  post  suafata  ultima  traden- 
dœ,  Nuremberg  ,  1769,  in-S».  G-Y. 
TRIAL  (Antoine),  acteur  français 
de  la  comédie  italienne,  naquit  en 
1786,  et  fut  d'abord  enfant  de  chœur 
à  la  métropole  d'Avignon ,  sa  patrie. 
Ayant  ensuite  joué  la  comédie  pen- 
dant quelques  années  en  province ,  il 
fut  appelé  par  son  frère  (i)  à  Paris, 
en  1764  :  il  y  débuta  au  tliéâtie 
Italien  ,  le  4  juillet  ,  par  le  rôle  de 
Bas  tien  dans  le  Sorcier,  ensuite  par 
ceux  de  Colin  dans  le  Maréchal ,  de 
JVouradin  dans  le  Cadi  dupé ,  etc. 
Une  figure  agréable,  une  taille  avan- 
tageuse ,  une  parfaite  connaissance 
de  la  musique,  beaucoup  de  finesse 
et  d'intelligence  dans  le  jeu  lui  obtin- 
rent tous  les  suffrages.  Mais  sa  voix 
un  peu  nazillarde,  et  son  accent  pro- 
vençal, qu'il  ne  put  jamais  déguiser, 
le  déterminèrent  à  quitter  l'emploi 
des  Colins ,  qui  lui  offrait  d'ailleurs 
dans  Clairval  un  émule  trop  redouta- 
ble. Il  joua  les  comiques,  les  pay- 
sans ,  les  niais  ,  les  valets  poltrons  , 
etc.,  et  acquit  une  réputaiion  dans 
cet  emploi  qu'il  a  créé  et  auquel  son 
nom  est  resté.  Dans  le  nombre  inlini 
des  rôles  que  Trial  a  mis  au  théâ- 
tre ,  nous  nous  bornerons  à  citer  :  le 
Grand  cousin  dans  le  Déserteur  , 
Aly  dans  Zémire  et  Azor  ;  Crispin 
dans  la  Mélomanic  ,  André  dans 
V Epreuve  villageoise,  Thomas  dans 
Alexis  et  Justine  ,  le  Nègre  dans 
V Amitié  h  Véprem'e ,  Antoine  dans 
\e  Comte  d'Albert ,  et  Fabio  dans 
Camille.  Quoique  l'on  fiit  en  droit 


(i)  Jcaii-Cliuule  Trial,  né  à  Avignon  on  I7[|4, 
niininit  Hiibilcim-iil  Je  113  juin  1771  ,  Jl  P»r>»  ,  "îi  il 
rtnil  ,  av<!0  liiiliiii  ,  l'un  tins  rlirerleur»  d<:  rt>p>-. 
la.  «tn  a  (U:  lui  la  iiiiiMf|in-  de  JV/rir,  relie  rlr 
l'hionn  ,  de  11  Chu r/icit <e  4''-''P>'il,  d'JCso/te  a  Cx 


TRI 

de  lui  reproclier  un  peu  d'uuifor- 
mité  dans  sa  manière  de  jouer,  il 
avait  obtenu  l'estime  et  la  faveur  du 
public  ,  qui  ne  manquait  jamais  de 
l'applaudir.  Ce  fut,  sans  doute,  le 
désir  de  plaire  au  parterre  ,  qui  le 
jeta  dans  le  système  de  la  révolution 
et  lui  en  fit  adopter  les  principes  les 
plus  exagérés.  Son  exemple  prouve 
qu'on  peut  être  honnête  homme  et 
se  laisser  entraîner  à  des  excès  dé- 
plorables. Il  fut ,  en  1793  ,  membre 
du  comité  révolutionnaire  de  la  sec- 
tion Lepelletier  ;  il  était  encore  char- 
gé des  actes  civils  de  son  arrondisse- 
ment, lorsque  le  g  thermidor  eut 
amené  un  nouvel  ordre  de  choses. 
Trial  éprouva  sur  la  scène  l'humilia- 
tion la  plus  sensible.  On  lui  deman- 
da compte  des  infortunés  qu'on 
l'accusait  d'avoir  envoyés  à  l'écha- 
faud  (2).  On  le  força  de  se  mettre  à 
genoux  et  de  chanter  le  Réveil  du 
■peuple  au  milieu  des  huées  et  du 
bruit  des  sifflets  qui  couvraient  sa 
voix.  Emu  de  cette  avanie,  Trial  osa 
se  présenter  le  lendemain  pour  rem- 
plir ses  fonctions  municipales  ;  mais 
il  essuya  de  nouvelles  mortifications, 
et  fut  rejeté  comme  indigne  de  pro- 
noncer l'union  conjugale.  Il  ne  put 
résister  à  celte  double  secousse:  ren- 
tré chez  lui  ,  il  n'en  soinit  plus  ,  et 
la  honte  ,  les  remords  ,  ou  ,  suivant 
d'autres,  le  poison  qu'il  prit  lui-mê- 
ine  ,  terminèrent  ses  jours,  le  5  fé- 
vrier 1793  ,  à  cinquante-neuf  ans. 


ihere  .iXq  plufioiirs  Cnntales.  e!c.  C'était  un  bon 
iiiusitleu  ,  un  Imliile  vlolunlste  pour  fon  temps. 

>.)  M'oe  de  .Sainle-AinarantLe.ilont  la  fille  avait 
vpou.se  le  Gis  Sarliiie,  tenait  une  espèce  de  maison 
de  jeu  et  recevait  à  diner.  Trial  ,  Salnl-Jiist  et 
Koliesi-ierre  étalentqnclqurrnisau  numlire  J<'s  con- 
vives. Un  jour,  dans  renlraineincnt  de  la  conver- 
sation ,  Robespierre  laissa  échapper  quelques  pa- 
roles annonçant  ses  pru'iels.  Triai,  sortant  avec 
lui  ,  lui  Til  remarquer  qu'il  s'était  compromis  par 
•  on  indiscrétion.  (;Vn  fut  asser  pour  que  la  perle 
de   tous  les   convive»  lût   risolnc     (  /  nv.  UoBES- 

ritniiK   .  À.  B— T. 


TRI  5o5 

—  Trial  (  Marie  -  Jeanne  Milon  , 
épouse  ,  en  secondes  noces ,  d'An- 
toine), naquit  à  Paris  le  i'"'".  août 
1746,  débuta  sur  le  théâtre  Italien  , 
le  i5  janvier  1766,  sous  le  nom  de 
Félicité  IMandcville  ,  par  les  rôles  de 
Laurette  dans  le  Peintre  amoureux, 
et  de  Perrette  dans  les  Deux  Chas- 
seurs. M""^.  Trial  est  la  première 
qui  y  douée  d'un  organe  très- favora- 
ble ,  ait  montré  sur  ce  théâtre  et 
dans  notre  mtisique  un  chaut  si  fa- 
cile qu'elle  semblait  se  jouer  des 
difficultés;  talent  poussédepuis  bean- 
coup  phis  loin  par  les  cantatrices 
formées  à  la  méthode  italienne. C'est 
pour  elle  qu'ont  été  faits  les  rôles  de 
la  Rosière  ,  de  la  Relie  .Arsène ,  de 
Lucette  dans  la  Fausse  Magie  ,  de 
Leonore  dans  Vjlmant  jaloux ,  et 
plusieurs  autres  qui  exigent  plus  de 
talent  pour  le  chant  que  pour  le  jeu. 
Sa  mauvaise  santé  l'obligea  de  quit- 
ter le  théâtre  en  t  786  ;  et  cependant 
elle  a  survécu  trente-deux  ans  à  sa 
retraite,  car  elle  n'est  morte  que  le 
1 3  février  1 8 1 8.  Elle  partagea  les  op- 
nions  révolutionnaires  de  son  mari , 
et  l'on  croit  même  que  c'est  à  elle 
qu'il  dut  son  exaltation.  —  Trial 
(  Armand-Eraanuel  ) ,  fils  unique  des 
précédents,  naquit  à  Paris  en  177", 
reçut  une  éducation  soignée,  et  mon- 
tra, de  bonne  heure,  des  dispositions 
pour  la  musique  ;  il  composa  celle 
de  trois  opéras-comiques  qui  furent 
joués  sur  le  théâtre  Favart  :  Julien 
et  Colette  ou  la  Milice ,  paroles  de 
Parisau  ,  1788;  Adélaïde  et  Mir- 
val  ,  avec  Patrat,  1791  ;  les  Z^eH.f 
Petits  aveugles  ,  poème  de  Noël  , 
1792,  qui  eut  quelque  succès;  et 
deux  pièces  de  circonstance  ,  dont 
les  paroles  étaient  de  Joignv:  Cécile 
et  Julien  ou  le  Siège  de  Lille  ,  en 
1 793  ;  et  les  Causes  et  les  ejfets  . 
en    1794-  Celle-ci  tomba  ,    quoique 


5o6 


TRI 


bien  en  liannonie  avec  l'esprit  du 
temps  ',  l'autre  réussit  à  cause  de 
quelques  jolis  airs,  et  surtout  de  trois 
couplets  qui ,  chantés  d'une  manière 
originale  et  piquante  par  Elleviou  , 
contribuèrent  à  établir  la  réputation 
naissante  de  cet  acteur.  ïrial ,  après 
la  mort  de  son  père,  épousa  Jeanne 
Rigoney  jVIéou  ,  actrice  du  théâtre 
Favart.  Sage  et  rangé  pendant  sa 
jeunesse  ,  il  changea  de  conduite 
depuis  son  mariage,  et  vécut  mal 
avec  sa  femme,  qui,  engagée  dans  une 
troupe  de  comédiens  pour  les  colo- 
nies ,  alla  mourir  à  la  Guadeloupe.  11 
mourut  lui-même  des  suites  de  ses 
débauches  ,  le  9  sept  i8o3.  A — t. 
TRIBOLO  (NicoLÔ,  dit  le)  ,  scul- 
pteur ,  naquit  à  Florence  eu  1 5oo. 
Son  père ,  nommé  Raphaël  de'  Peri- 
coli ,  exerçait  le  métier  de  menuisier, 
qu'il  voulait  faire  apprendre  à  son 
lils.  La  vivacité  et  la  turbulence  du 
jeune  Nicolô  lui  firent  donner  par 
ses  camarades  le  surnom  de  Tribolo, 
qui  lui  resta  j  mais  Baldinucci  s'est 
trompé  quand  il  ajoute  que  sa  témé- 
rité .V  s'exposer  à  tous  les  périls  en 
montant  sur  les  échafaudages  ,  les 
toits ,  lui  fit  donner  aussi  celui  de 
NicoVo  de  PericoU  ,  puisque  ce 
dernier  nom.  était  celui  de  son  père  , 
qui ,  sachant  que  le  dessin  était  né- 
cessaire pour  réussir  dans  son  état, 
le  plaça  chez  un  habile  menuisier  , 
nu  miné  Nanni  Unghero  ;  celui-ci  ac- 
cabla son  apprenti  de  tant  de  tra- 
vail ,  que  sa  santé  s'en  altéra.  Le 
Tribolo  avait  fait  coimaissance,  chez 
Nanni,  avec  le  Sausovino ,  qui,  char- 
mé de  ses  dispositions,  le  prit  avec 
lui  pour  les  cultiver.  Sous  ce  nou- 
veau maître,  il  s'occupa  sans  re- 
lâche à  modeler  et  à  dessiner  ,  et  le 
S'insoviuo  lui  conlia  l)ient(jt  quelques 
travaux  dont  il  se  lira  ave('  honneur. 
Assez  habile  désormais  pour  Iravail- 


TRl 

lor  de  lui-même  ,  il  fut  appelé  à  Bo- 
logne, et  il  fit,  pour  la  façade  de  l'é- 
glise de  Sainte  Pétrone ,  deux  statues 
en  marbre  de  Sybillcs  ,  qui  eurent  le 
plus  grand  succès.  La  peste  qui ,  à 
cette  époque  (iSsS),  ravagea  Bolo- 
gne ,  le  força  à  revenir  à  Florence , 
mais  il  se  hâta  de  retourner  dans  la 
première  ville  dès  que  le  fléau  eut 
cessé.  MesserBartolommeo  Barbazzi, 
son  protecteur ,  le  chargea  de  faire 
un  tombeau  pour  sa  famdie  et  pour 
lui-même.  L'artiste  se  rendit  à  Carra- 
re,  pour  y  cboisir  les  marbres  et  ébau- 
cher les  statues  ,  a(in  que  le  transport 
en  fût  moins  difficile. Tandis  qu'il  s'oc- 
cupait de  ce  grand  travail,  Messer 
Bartolommeo  mourut,  et  sa  douleur 
eu  fut  si  grande  qu'il  quitta  soudain 
Carrare  pour  retourner  à  Florence. 
En  passant  par  Pise  ,  il  lit  pour 
Anastase  de  Pietra  Santa  ,  sculpteur 
habile  et  son  ami  intime  ,  une"'sta- 
tue  en  marbre  ,  d'un  des  deux,  anges 
destinés  à  être  placés  au  haut  de  cha- 
cune des  colonnes  du  tabernacle  du 
Saint- Sacrement  dans  l'église  du 
Dôme  ;  ouvrage  admirable  ,  pour  la 
légèreté ,  la  grâce  et  la  hardiesse. 
Jean-Baptiste  délia  Palla  ,  que  Fran- 
çois P^.  avait  chargé  d'acquérir 
pour  lui  les  plus  beaux  ouvrages  an- 
tiques et  modernes  ,  fit  exécuter  au 
Tribolo  une  statue  de  la  Nature  , 
destinée  à  supporter  la  vas(jue  d'une 
fontaine  :  cet  ouvrage  ])lut  tant  au 
roi  (fu'il  le  fit  placer  dans  le  chà-» 
teau  de  Fontainebleau.  En  tSug  ,  le 
pape  Clément  VU  étant  venu  assié- 
ger Florence  ,  eut  besoin,  pour  con- 
duire les  travaux  du  siège,  d'un  plan 
de  la  ville  et  des  environs.  Le  Tri- 
bolo ,  par  une  trahison  qui  doit  le 
dc'shonorer  à  jamais  ,  oubliant  ce 
qu'il  devait  à  sa  patrie  ,  s'occupa  , 
j)endant  plusieurs  nuits ,  à  lever  le 
piau  de  la  ville,  cl  le  fil  parvenir  au 


TRI 

pape  dan«  des  ballots  de  laiut'S  ,  (|iie 
l'on  expédiait  à  Pérouse  ;  et  c'est  en 
consultant  ce  plan  que  Clément  \  II 
parvint  à  s'cnipai-er  de  Florence.  Le 
pape,  après  sa  conquête,  n'oublia 
pas  celui  qui  l'avait  facilitée  ,  et  lui 
confia  le  soin  de  terminer  une  partie 
des  travaux  de  N.-D.  de  Lorette  , 
que  la  mort  d'André  Contucci  avait 
laissés  imparfaits.  Il  y  exécuta ,  eu 
concui'rence  avec  les  plus  habiles  ar- 
tistes ,  la  plupart  des  sculptures  qui 
restaient  à  faii'e;  et  son  bas-relief  re- 
présentant le  mariaj^e  de  la  Vierge 
elfaça  tous  les  ouvrages  de  ses  concur- 
reus.  Il  avait  encore  fait  les  modèles 
en  cire  des  figures  des  prophètes  qui 
devaient  orner  les  niclies  de  cette 
église ,  quand  le  pape  lui  ordonna  de 
revenir  à  Florence  pour  y  terminer  , 
sous  la  direction  de  Michel-Ange , 
les  figures  qui  manquaient  à  la  cha- 
pelle de  Saint-Laurent ,  et  dans  la  bi- 
bliothèque Laurenziana.  Michel-Ange 
lui  confia  l'exécution  des  deux  statues 
destinées  à  l'ornement  du  mausolée 
de  Julien  de  Médicis  •  l'une  représen- 
tant la  Terre  couronnée  de  cyprès , 
pleurant  la  perte  qu'elle  vient  de 
faire  ,  et  l'autre  :  le  Ciel  qui  ,  les 
bras  élevés  ^  témoigne  sa  joie  de 
recevoir  l'ame  de  Julien.  Une  fiè- 
vre obstmée  empêcha  long  -  temps 
l'artiste  de  s'occuper  de  cet  impor- 
tant travail.  Eniin  ,  surmontant  son 
mal ,  il  avait  terminé  le  modèle  de 
la  statue  de  la  Terre ,  et  commen- 
çait à  eTîaucher  le  marbre  ,  quand 
la  mort  du  pape  arrêta  ses  travaux. 
Vasari ,  qui  était  lié  avec  lui ,  le  re- 
commanda vivement  au  grand-duc 
Alexandre.  11  fut  chargé  de  sculpter 
les  armes  de  Médicis  sur  l'une  des 
faces  de  la  citadelle  que  ce  prince 
faisait  élever.  Les  deux  figures  de 
Victoires  qui  soutiennent  ces  armes, 
sont  un  chef-d'œuvre  digne  des  an- 


TRI  5o7 

ciens.  Lorsque  Charles  Quint ,  après 
son  expédition  de  Tunis,  vint  à  Flo- 
rence ,  Le  Tribolo  exécuta  ,  sous  la 
direction  de  Vasari,  la  plupart  des 
sculptures,  cf  particulièrement  quatre 
ligrires  colossales  destinées  aux  fêtes 
données  à  ce  prince,  amsi  qu'une  gran- 
de partie  des  décorations  élevées  pnur 
la  réception  de  l'archiduchesse  d'Au- 
triche et  le  mariage  de  cette  prin- 
cesse avec  le  grau'd-duc  Alexandre. 
La  mort  de  ce  prince,  assassiné  par 
Pierre -François  de  Médicis  ,  sem- 
blait devoir  clianger  toute  la  fortune 
de  Tribulo  ;  et  il  se  préparait  à  suivre 
Vasari  à  Rome,  pour  v  obtenir  des 
travaux , lorsque  le  grand-duc  Cosme 
I'-'' . ,  auquel  il  avait  été  vivement  re- 
commandé ,  le  chargea  de  la  direc- 
tion des  fontaines  devant  porter 
les  eaux  de  la  Castellina  ,  jusqu'à  sou 
château  de  Castello  et  de  Fexéculion 
des  armes  destinées  à  être  placées 
sur  l'une  des  faces  de  la  forteresse 
élevée  sur  la  colline  deSaiut-Miniato. 
Les  groupes  de  marbre  ,  les  orne- 
ments ,  dont  il  décora  la  fontaine  de 
Casteilo  ,  étoiiuèrent  tous  les  yeux  , 
par  lem-  richesse ,  leur  variété  et 
leur  perfection.  On  admira  surtout 
une  figure  ds  njmphe  qui.  en  pres- 
sant ses  cheveux  ,  eu  fait  sortir  de 
l'eau.  11  avait  le  projet  d'embellir  ces 
jardins  de  monuments  qui  en  au- 
raient fait  un  lieu  unique  dans  le 
monde  ;  mais  divers  travaux  dont  le 

duc  le  charîrea ,  entre  autres  le  pont 

■  ■•11 

sur  la  Mugnone  ,  qui  va  rejoindre  Ja 

grande  roule  de  Bologne,  ne  lui  per- 
mirent pas  de  donner  suite  à  ces 
projets.  Le  grand-duc  lui  avait  confié 
l'exécution  du  mausolée  qu'il  voulait 
élever  à  la  mémoire  de  son  père  ,  et 
le  Tribulo  était  déjà  allé  à  Carrare 
pour  en  choisir  les  marbres  ;  mais 
Bandinelli  fit  tant  par  ses  intrigues 
qu'il   lui   enleva  cet  ouvrage.   Lors 


ioR 


TRI 


ik'S  i'ctes  cëlébîëes  à  Florence  jiour 
Je  maiiage  d'ÉIéonore  de  IMëdicis 
avec  !e  vice-roi  de  Naples ,  ce  fut 
Tribolo  qui  donna  !es  [)lans  de  {'arc 
de  trioniplie  et  de  la  plupart  des 
décorations  ;  et  ce  fut  aussi  lui  qui 
eu  lit  presque  toutes  les  sculptu- 
res, ])armi  lesquelles  on  remarquait 
une  statue  e'questre  de  Jean  de  Me'di- 
cis  ,  père  du  grand-duc.  Sans  rival  à 
cette  époque  dans  la  sculpture ,  il  se 
crut  également  habile  comme  ingé- 
nieur, et  voulut  diriger  le  cours  des 
eaux  du  territoire  de  Florence;  mais 
loin  d'y  réussir,  il  ne  fit  que  me'- 
contenter  tous  les  propriétaires  : 
un  grand  nombre  d'inondations  eu- 
rent lieu  par  suite  de  ses  travaux. 
Les  plaintes  qui  retentirent  de  tous 
côtes  firent  sur  lui  une  si  forte 
impression,  qu'il  en  tomba  malade^ 
et  mourut  le  -j  sept.  i55o.  Avec 
lui  s'évanoiiirent  les  projets  d'cra- 
bellisseracnts  de  Castello  et  du  palais 
Pitti ,  que  le  giand-duc  Cosme  venait 
d'acheter,  et  dont  il  voulait  lui  con- 
fier les  travaux.  P — s. 

ÏRIBONIEN  (Tribouniangs), 
jurisconsulte  grec,  ne,  à  Side  eu  Pam- 
philie,  vers  le  commencement  du 
sixième  siècle ,  fils  d'un  obscur  Ma- 
cédonien, parvint,  sous  Justinienlei'., 
aux  plus  hautes  dignités.  Il  passait 
pour  l'homme  le  plus  savant  et  le 
plus  spirituel  de  ce  temps-là.  Son 
urbanité,  sa  douceur,  les  grâces  de 
son  élocution  ,  l'étendue  et  la  variété 
de  ses  connaissances,  le  faisaient  ai- 
mer et  admirer  de  tout  le  monde 
{Prncop.  in  [l(4lo  pers.).  A]»rès  avoir 
cultivé  les  lettres  et  la  philosophie  , 
il  se  livra  exclusivement  à  la  ]inis- 
prndcncc.  Cette  science,  dont  les  élé- 
ments étaient  encore  épars  et  cnm- 
Tne  ensevelis  dans  les  innombrables 
écrits  des  anciens  juiisconsultes  de 
Rome,  offrait  alors  l'image  du  chaos. 


TRI 

Tribonien  l'eu  fit  sortir;  et  l'on  peut 
dire  qu'il  créa  ,  pour  son  siècle  du 
moins ,  la  science  que  les  moder- 
nes ont  depuis  portée  à  un  si  haut 
degré  de  perfection.  Parmi  ceux 
qui  osaient  alors  aborder  les  sources 
du  droit  romain,  on  comptait  à  pei- 
ne quelques  érudits  ou  quelques  étran- 
gers qui  aspiraient  à  s'élever.  Tribo- 
nien fut  du  nombre  de  ces  derniers. 
Souple  ,  insinuant  et  persuasif,  l'art 
avec  lequel  il  savait  ajjprêter  la 
louange  ne  contribua  pas  peu  ta  son 
élévation.  Mais  c'est  surtout  aux  ta- 
lents qu'il  déploya  comme  juriscon^ 
suite  qu'il  doit  sa  célébrité.  Il  suivit 
la  carrière  du  barreau  ,  plaida  quel- 
que temps  devant  les  hautes  cours 
de  Constantinople  ,  appelées  préfec- 
tures Judiciaires ,  et  fut  ensuite  ad- 
mis, comme  rapporteur,  au  conseil  du 
prince.  Justinien  ,  qui  se  connaissait 
en  hommes  {F.  BÉi.isaire  et  Nar- 
sÈs  ),  discerna  bientôt  le  génie  de 
Tribonien.  Occupé  de  grands  projets, 
cet  empereur  sentait  le  besoin  de 
s'adjoindre  pour  la  direction  des  af- 
faires de  l'empire  un  administrateur 
suprême.  Tribonien  kii  parut  réunir 
les  qualités  qu'exigeait  ce  poste 
élevé.  Il  le  nomma  donc  successive- 
ment questeur  ,  maître  des  ciliées , 
préfet  du  prétoire  et  consul.  Ce  fut 
sous  ces  dilïérents  titres  qu'à  l'exem- 
ple de  plusieuis  autres  empereurs  , 
Justinien  fit  d'un  jurisconsulte  son 
])remier  niiuistre  (  i  ).  Tribonien  avait 
déjà  donné  les  plus  grandes  preuves 
d'habileté  dans  l'exercice  de  ces  di- 
verses fonctions  ,  lorsqu'une  entre- 
prise ,  la  pins  importante  de  celles 
qiii  ont  illustré  le  règne  de  Justinien, 
lui  fournit  l'occasion  de  se  distin- 
guer à-la-fois  comme  jurisconsulte  et 


(i)  Tri.  fniPiit  li.iis  r.iii>.'nT  iuriscoiisiilln.  >a- 
oir  Pi-(;.l7.i-,  .1)11»  Tr;ii.iii  ;  Pn|>lnii>ii  .  Jiilis  \i'ê  Art- 
niiii",  £l  L'lj)icii,  joiM  A!«jjmlr«  Sc\iTC. 


TRI 

comme  législateur.  Ce  prince  avait 
conçu  l'idée  aussi  lienreuse  que  har- 
die de  refondre  l'ancienne  législation, 
dont  il  voulait  faire  la  base  de  la 
sienne.  Lui-même  avait  tracé  le  plan; 
Tribouien  fui  chargé  de  l'exécuter. 
Pour  une  pareille  opération  ,  il  fal- 
lait un  homme  également  versé  dans 
les  sciences  législatives,  judiciaires  , 
administratives  et  politiques.  Tribo- 
nien  les  possédait  toutes  ;  il  avait  de 
plus  l'expérience  des  choses  et  des 
nommes,  science  pratique  que  les 
autres  ne  peuvent  suppléer.  Toute- 
fois, comme  il  n'eût  pu  sufllre  seul 
à  un  travail  qui  se  compliquait  de 
tant  de  détails ,  Justinicn  lui  jiermit 
tle  s'adjoindre  des  collaborateurs 
dont  il  lui  laissa  le  choix.  Tribouien 
les  prit  parmi  les  notabilités  des  éco- 
les ,  de  la  magistrature  et  du  barreau. 
Ces  collaborateurs  ,  dont  il  devait 
diriger  les  rechei'ches  et  les  travaux , 
furentThéophile  ,  Dorothée ,  les  deux 
Constantin ,  Cratinus  ,  Etienne,  Men- 
nas ,  Prosdocius-Fulthomius,  Timo- 
thée  ,  Thalalée  ,  Léonide  ,  Leontius, 
Platon,  Jacques  et  Jean.  Leurs  attri- 
butions avaient  été  réglées  d'avance 
par  une  constitution  ou  ordonnance 
impériale.  Quoiqu'ils  y  figurent  com- 
me collègues  de  Tribouien,  ils  lui 
étaient  cependant  essentiellement  su- 
bordonnés. On  ne  sait  précisément 
quelle  fut  la  tâche  qu'en  sa  qualité 
dedirecteur  il  assigna  à  chacun  d'eux. 
Quant  à  la  sienne,  elle  ne  convenait 
qu'à  lui  seul  et  consistait  principa- 
lement à  élaborer,  classer  et  dispo- 
ser dans  un  cadre  nouveau  les  maté- 
riaux que  ses  collègues  devaient  lui 
fournir.  Ce  travail  était  immense.  A 
la  difiiculté  de  coordonner  tant  d'é- 
léments divers  ,  se  joignait  encore  la 
défectuosité  du  plan.  Quand  on  con- 
sidère de  quel  amas  énorme  de  lois  , 
du  commentaires  et  de  traités  a  été 


TRI  îmg 

extrait  le  Corpus  juris  Jusliniancum , 
on  a  peine  à  croire  que  ce  grand 
œuvre,  commencé  en  53o,  ait  été 
achevé  quatre  ans  après  (  534  )• 
Cette  compilation ,  la  plus  A'aste  qui 
existe  en  ce  genre,  ne  se  composait 
d'abord  que  de  trois  recueils  dis- 
tincts, savoir,  les  Listitutes  ,  le  Code 
et  le  Digeste.  Les  Novelles  ou  consti- 
tutions postérieures  qui  fout  partie 
du  corps  de  droit  de  Justiuien  ,  n'y 
furent  réunies  qu'après  la  mort  de  cet 
empereur.  Les  Institutes  sont  des 
éléments  de  droit  que  rédigèrent,  sous 
la  direction  de  Tribonien  ,  deux  cé- 
lèbres professeurs  ,  Théophile  (  F. 
ce  nom  ,  XLV  ,  333  )  et  Doro- 
thée. Le  Code  de  la  seconde  édi- 
tion ,  c'est  -  à  -  dire  revisé ,  et  qu'on 
a  appelé  Codex  repeliiœ  prœlectio- 
nis,  pour  le  distinguer  de  celui  que 
l'on  venait  d'abrog  r ,  est  une  collec- 
tion de  constitutions  impériales  ex- 
traites des  différents  codes ,  consti- 
tutions que  Tribonien  avait  dispo- 
sées dans  un  nouvel  ordre  (  /^.  l'art. 
JusTiisiEN  ,  et  ci-après  ).  Le  Digeste, 
aussi  surnommé  Fandectes ,  ouvra- 
ge prodigieux  sous  le  rapport  de  la 
multiplicité  et  de  la  variété  des  ob- 
jets qu'il  embrasse ,  est  le  plus  étendu 
comme  le  plus  important  de  ces  re- 
cueils. Il  renferme  la  substance  des 
écrits  des  anciens  jurisconsultes  de 
Rome.  C'est  un  véritable  monument 
élevé  à  la  belle  et  antique  jurispru- 
dence. Le  Digeste  est  aussi ,  de  toutes 
les  parties  de  la  législation  de  Justi- 
nien,  celle  à  la  rédaction  de  laquelle 
Tribonien  jiaraît  avoir  pris  le  plus 
de  part.  Suivant  le  plan  que  l'empe- 
reur lui  avait  ijnposé,  ce  juriscon- 
sulte divisa  le  Digeste  d'abord  en 
cinquante  livres ,  et  chaque  livre  en 
un  certain  nombre  de  titres.  11  par- 
tagea ensuite  ces  cinquante  livres  eu 
sept  parties;  seconde  division  qu'où 


5io  TRI 

lui  avait  prescrite  pour  l'ordre  des 
matières  ,  probablement  d'après  celle 
que  pre'seiitait  le  fameux  édit  per- 
pétuel composé  sous  le  règne  d'A- 
drien. La  première  de  ces  parties, 
intitulée  Prota ,  renferme  les  doc- 
trines générales.  La  seconde ,  De 
judiciis ,  les  actions  réelles  iii  rem 
actiones.  La  troisième ,  De  rébus 
crecUtis  ,  tous  les  contrats  ,  sauf 
les  stipulations.  La  quatrième,  Li- 
hri  singuleires  ,  contient  le  maria- 
ge et  la  tutelle.  La  cinquième  partie , 
intitulée  aussi  Libri  smgulares ,  était 
remplie  par  les  testaments  et  les  legs. 
La  sixième  et  la  septième,  sans  por- 
ter l'indication  d'aucime  matière 
précise,  contenaient  les  autres  dériva- 
lions  du  droit  civil,  c'est  à-dire  les 
matii  res  de  droit  public  ,  administra- 
tif et  pénal.  Tribonien ,  fidèle  au  sys- 
tème de  la  première  division  ,  plaça, 
sous  chaque  livre  et  sous  chaque  ti- 
tre, les  fragments  extraits  des  écrits 
des  anciens  jurisconsultes  ,  c'est-à- 
dire  tous  ceux  qui  se  trouvaient  re- 
latifs à  la  matière  que  le  titre  énon- 
çait. Ce  sont  ces  articles  ainsi  rédi- 
gés qu'on  appelle  Lois  romaines. 
Presque  toutes  conçues  dans  des  for- 
mes argumentatives  ,  elles  n'étaient 
pas  originairement  des  lois  propre- 
ment dites  ;  elles  ne  portent  ce  nom 
<jjic  parce  que  Justinien  leur  a  donné 
le  caractère  de  loi.  Enfin,  chacune 
d'ellesestaccompagnéc  d'une  inscrip- 
tion indicative  du  nom  du  juriscon- 
sulte dans  les  ouvrages  duquel  elle  a 
été  prise.  On  s'attendrait  en  vain  à 
trouver  une  exactitude  rigoureuse 
dans  ces  extraits  que  firent  Tribo- 
nien et  ses  collègues.  Plusieurs  causes 
et  même  plusieurs  raisons  s'y  oppo- 
saient. Il  fallait  en  ellct  faire  ronror- 
der  le  droit  ancien  avec  relui  de  .Fiis- 
tinien  ,  c'est-a-flire  ini  droit  depuis 
long-temps   toinl>é  en  désuétude,  et 


TRI 

même  fort  dilTërent  de  cehii  qu'on 
observait  dans  les  écoles.  De  là  les 
mutilations  et  les  altérations  que  le 
rédacteur  des  Pandectes  se  trouvait 
forcé  de  faire  subir  à  la  pensée  ainsi 
qu'aux  expressions  des  anciens  juris- 
consultes. Les  modernes  ,  qui  les  lui 
ont  si  amèrement  reprochées  ,  au- 
raient dû  au  moins  avoir  égard 
à  l'espèce  de  gêne  où  le  tenait  un 
plan  bizarre  et  systématique ,  et  sur- 
tout faire  la  part  des  coiïcessions  que 
réclamaient  les  hommes,  les  mœurs 
et  les  temps.  Quelques  érudits  l'ont 
accusé  ,  mais  sans  preuves  ,  d'a- 
voir lui  -  même  détruit  les  sources 
où  il  avait  puisé  ;  et  enfin  ,  si 
l'on  en  croit  Hotman^  Tribonien 
aurait  ,  pour  ainsi  dire  ,  empoison- 
né tout  ce  qu'il  a  touché  du  droit 
ancien.  L'opinion  évidemment  exa- 
gérée de  ce  critique  est  suffisam- 
ment réfutée  par  ce  passage  de  Cujas , 
le  meilleur  juge  en  cette  matière. 
«  Nourri  de  la  substance  qu'il  sut  si 
»  habilement  tirer  des  écrits  des  an- 
»  ciens  jurisconsultes,  Tribonien, 
»  grand  jurisconsulte  lui-même,  et, 
»  comme  un  autre  Papinien  ,  aimant 
»  et  cultivant  le  droit  avec  ardeur , 
»  fut ,  eu  grande  partie ,  le  rédacteur 
»  et  même  l'auteur  des  savantes  cous- 
»  titutions  de  Justinien  :  c'est  donc 
»  avec  une  sorte  de  joie  que  je  ne 
»  vois  point  sous  le  règne  de  cet  em- 
»  pereur  d'homme  supérieur  à  ce 
»  même  Tribonien ,  sans  les  soins  et 
»  les  travaux  duquel  les  trésors  de 
»  l'antique  jurisprudence  eussent  été 
»  à  jamais  perdus  pour  nous.  »  Tou- 
tefois le  même  Cujas  ne  loue  pas  en 
tout  point  le  rédacteur  des  Pandec- 
tes j  il  relève  ses  négligences  et  son 
inciu'ie;  blâme  sa  précq>itation  ,  et 
atliibue  aux  changements  qu'il  fai- 
sait en  certains  endroits  sans  les  faiie 
ailleurs   les   antinoniu's    (mi   contra- 


TRI 

dictions  qui  clc(ic;urcrit  son  ouvrage. 
C'est  en  etl'et  par  là  que  Tribonien  a 
prépare  d'interminables  tortures  aux. 
commentateurs  du  texte  qu'il  rédi- 
gea. Un  reproche  plus  grave ,  et  au- 
quel il  est  aussi  plus  difficile  de  le 
soustraire  ,  du  moins  sous  le  rapport 
de  sa  complicité,  c'est  celui  d'avoir 
fait  un  tralic  de  la  justice  et  des  lois. 
Ce  reproche  ,  bien  qu'il  s'adresse 
plutôt  au  prince  qu'à  son  ministre  , 
n'est  pas  dépourvu  de  fondement. 
On  a  la  preuve  que  plus  d'une  loi  fut 
achetée  à  prix  d'argent  sous  le  iTgne 
de  Justinieu.  De  là  cette  rétroactivi- 
té dont  sont  entachées  plusieurs  No- 
velles  ;  vice  qui  accuse  à-la-fois  et  la 
cupidité  du  souverain  et  la  yénalité 
des  magistrats.  Les  embarras  de  fi- 
nances qu'éprouva  Justinien  ne  peu- 
vent justilier  ni  les  exactions  ni  les 
concussions  que  favorisait  la  dépra- 
vation de  ce  système.  On  attribue 
aussi  au  caractère  inquiet  et  versatile 
de  ce  prince  la  manie  qu'il  avait 
d'innover  en  tout.  Aucun  empereur 
ne  fiit ,  il  est  vrai ,  plus  ami  des  in- 
novations législatives  ;  mais  cette 
manie  était  encore  entretenue  par 
une  vanité  excessive.  Il  avait  la  pré- 
tention ridicule  d'être  un  habile  ju- 
risconsulte ;  et  l'on  sait  qu'il  n'hési- 
tait pas  à  trancher  d'un  seul  mot  de 
sa  toute-puissance  impériale  les  hau- 
tes questions  de  droit  civil  et  public 
que  les  plus  beaux  génies  de  l'an- 
cienne Rome  avaient  cru  devoir  agi- 
ter et  débattre  long-temps.  C'est  sans 
doute  de  la  solution  qu'il  prétendait 
avoir  donnée  de  ces  mêmes  questions 
que  dérivent  les  cinquante  fameuses 
décisions  qu'il  avait  rendues ,  et  qu'il 
inséra  dans  son  dernier  Code.  Ces 
décisions  étaient  spécialement  relati- 
ves aux  diUércutes  sectes  qui  parta- 
geaient encore  les  jurisconsultes  de 
son  temps.  Tribonien  fut  de  nouveau 


TRI  5ii 

chargé  de  les  fondre  avec  les  Consti- 
tutions du  Code.  Celte  autre  mission 
n'était  pas  sans  difficultés  :  il  fallait 
surtout  satisfaire  la  vanité  du  prince. 
Tribonien  s'acquitta  de  cette  tâche 
délicate  de  manière  à  concilier  les 
intérêts  de  la  législation  avec  l'a- 
mour-propre  du  législateur  L'ap- 
probation que  Justinien  donna  à  ce 
travail  a  été  confirmée  par  la  pos- 
térité. On  remarque  en  effet ,  dans  le 
Code  de  cet  empereur  ,  un  grand 
nombre  de  lois  beaucoup  plus  sim- 
ples ,  et  surtout  plus  claires  que  les 
anciennes.  De  pareils  services  durent 
valoir  à  Tribonien,  auprès  du  prince, 
une  grande  et  constante  faveur.  Aus- 
si son  crédit  était  si  bien  affermi  , 
que  lors  de  la  révolte  de  Nicée  ,  le 
peuple  ayant  demandé  l'exil  ou  la 
tète  du  ministre  favori ,  Justinien  se 
contenta  de  le  dépouiller  de  sa  di- 
gnité de  questeur  3 mais  bientôt  après, 
Tribonien  fut  replacé  à  la  tête  des 
all'aires.  Aucune  réputation  n'a  été 
plus  attaquée  que  celle  de  ce  juris- 
consulte. Suivant  Y  Histoire  secrète , 
qu'on  ne  peut  attribuer  à  Procope 
sans  mettre  cet  historien  en  contra- 
diction avec  lui-même ,  ce  même  Tri- 
bonien à  qui  il  a  payé  ailleurs  (  in 
Bellopers.  )  un  juste  tribut  d'éloges 
n'est  plus  qu'un  artisan  de  fourbe- 
ries ,  un  vil  et  plat  adulateur  ,  un 
païen,  et  même  un  athée  ^  qui,  fei- 
gnant d'être  chrétien ,  osait  assurer 
à  Justinien  ,  assez  inepte  pour  le 
croire,  que  son  corps  prendrait  avec 
son  ame  son  essor  vers  le  ciel.  Nous 
ne  discuterons  point  ici  l'authenti- 
cité ni  la  véracité  de  cette  préten- 
due Histoire  secrète,  que  d'habiles 
critiques  ont  rangée  jiarmi  ces  pro- 
ductions pseudonymes  et  menson- 
gères qui  ne  méritent  que  le  mé- 
pris (  f'oy.  Procope  ).  Quoi  (fu'il 
en  soit,  si  Tribonien  ne   p.eiit   être 


5ia 


TRI 


absous  de  tout  reproche  comme 
iniiiistre,  il  est  du  moins  reconnu 
qu'il  lendit  à  Justinien  des  services 
éminents  dont  la  postérité  a  profi- 
té. Tribonien  mourut  vers  l'an  5/|  7 
de  J.-C.  Fqy.  Voviwa^e  de  Ludewig 
intitulé  :  Fita  Justinianimagiû  at- 
que  Theodorœ  Augustorum ,  nec- 
non  Triboniani ,  Halle,  i^Si  , 
in-4".  M — R — u. 

ÏRI BOULET  ,  fou  de  Louis  XII 
et  de  François  P"".,  en  titre  d'oiïice , 
était  né  dans  un  des  faubourgs  de 
Blois ,  vers  la  fin  du  quinzième  siècle. 
Comme  les  pages,  les  laquais  et  les 
enfants  abusaient  de  la  misère  de  ce 
pauvre  homme  pour  le  tourmenter  , 
le  bon  roi  Louis  XII  commit  un  de 
ses  officiers  pour  en  prendre  soin 
(Voy.  VHist.  de  Blois  y  par  Bernier, 
aux.  preuves,  p.  89 ).  Il  suivit  ce 
prince,  en  i5o9,  dans  son  expédi- 
tion contre  les  Vénitiens.  JeauMarot, 
à  qui  nous  devons  une  Histoire  en 
vers  de  cette  campagne,  dit  que  Tri- 
boulet  ,  se  trouvant  au  siège  de  Pes- 
chiera ,  fut  tellement  effrayé  du  bruit 
de  l'artillerie, qu'il  se  cacha  sous  uu 
lit;  puis  il  ajoute  : 

Et  croy  qu'encor  y  fut  qui  ne  l'en  eut  tiré  : 
OVbl  de  merveilles  poui-  si  saigifs  crai^uaut  coups, 
Qui  fout  telles  lïemeurs  aux  inuocents  et  foulx. 

Marot  trace  ensuite  le  portrait  de 
Triboulct  : 

(le  la  tète  écorne', 

Aussi  saige  à  trente  ans  que  le  jf»ur  qui  iiit  né  , 
Petit  front  et  gros  yeux  ,  nis  grant ,  taille  "i  Tosle, 
Tislon.ao  plat  H  long  ,  liaull  dos  à  |)ortei  bote  , 
(ihacuii  oonlrefaiseil,  chanta  ,  dansa  ,  prêcha, 
i't  de  tout  si  pluisaut  qu'oiic  hunmie  ne  fâcha. 
(  Sit-^e  de  Pesiiuaire,  ) 

Après  la  mort  de  son  bon  maître, 
Tiiboulet  fut  pris  eu  affection  par 
François  I^"". ,  qui  se  plaisait,  dit-on, 
h.  lui  demander  son  avis  sur  des  cas 
embarrassants.  Si  les  réponses  qu'on 
lui  prête  n'étaient  pas  évidemment 
imaginées,  il  faudrait  en  conclure 
que  ce  pauvre  idiot  avait  à  lui  seul 


IRI 

plus  d'esprit  et  de  jugement  que  tous 
les  membres  du  conseil  royal.  Cette 
réflexion  n'a  point  arrêté  les  compi- 
lateurs à'anas  et  de  dictionnaires  , 
qui  se  s(mt  emparés  à  l'envi  des  pré- 
tendus bous  mutsdcTribouIet.  Dreux 
du  Radier  en  a  recueilli  plusieurs , 
dans  les  Récréations  historiques ,  i , 
5- 10.  lîabelais  ,   dans  son  Panta- 
gruel (liv.  III,  ch.  37  etsuiv.),  don- 
ne à  Triboulet  l'épithèle  de  moroso- 
phe  (  fou  -  sage  )  ;  mais  la  conduite 
qu'il  lui  fait  tenir  à  l'égard  de  Pa- 
nurge ,  qui  vient  le  consulter   sur 
son  projet  de  mariage,  est  celle  d'un 
fou,  très-digne  des  petites- maisons. 
On  a  déjà  vu  l'opinion  que  J.  Marot 
avait  de  Triboulet.  BonaventureDes- 
periers  ,    autre  écrivain  contempo- 
rain ,  ne  le  traite  pas  mieux ,  puis- 
qu'il dit,  dans  un  de  ses  Contes  (  le 
second)  {F.  Desperiebs),   que  c'é- 
tait un  fou  à  vingt-cinq  carats  .  dont 
les  vingt- quatre  fout  le  tout.  Con- 
cluons donc  avec  Bernier  [loc.  cit.), 
que  Triboulet,  loin  d'être  un  de  ces 
fous  spirituels  qui  réjouissent  par  des 
bons  mots  ,  ou  qui  disent  au  hasard 
quelque  chose  de  sententieux,  n'était, 
malgré  sa  célébrité,  qu'un  pauvre 
idiot   dont  les  naïvetés   sans  doute 
n'auraient  point  été  remarquées  sans 
le  bonlieur  qu'il  eut  d'éprouver  la 
bienveillance  de  deux  rois.  Triboulet 
était  mort  avant  i53(j.  Ou  trouve 
son  épilaphe  dans  les  Poésies  latines 
de  Vulleius  ou  Voulté  ,  imprimées  , 
en  i538,  à  Paris,  par  Simon  de  Co- 
lines.  Ce  fut  Brusquct  qui  lui  succéda 
dans  la  charge  de  fou  du  roi  (  Foy. 
BrusquetjYI,  162).  Le  souvenir 
de  cet  insensé  subsista  long- temps  à 
Blois,  où  l'on  disait  de  quelqu'un 
(|u'on  n'estimait  point  :  Je  m'en  sou- 
cie comme  de  Triboulet.     W — s. 

'J'  K 1  ]^  U  ]S  O  (  Pi  1  Bnu  ) ,  doge  de 
Venise,  élu  par  le  peuple,  eu  888, 


TRI 

pour  succéder  à  Jean  II  et  à  Pierre 
Candiano  I*"'. ,  qui  avaient  l'cgné  al- 
terna livemcnt.  Il  fut  e'[;alcmcnt  con- 
sidère de  rcm])creur  d'Orient  ^  qui  le 
revêtit  de  la  dignité  de  protospapa- 
thaire,  et  de  Gui  ou  Guido  deSpolelle, 
empereur  d'Occident ,  qui .  à  sa  re- 
commaudation ,  accorda  plusieurs 
privilèges  aux  Vénitiens,  11  eut  le 
premier  à  combattre  les  invasions 
des  Hongrois,  les  défit,  le  ci8  juin 
go6,  devant  Rialto  etMalaraocco,  et 
procura  ainsi  un  peu  de  repos  à  sa 
patrie.  11  mourut,  en  912,  après 
avoir  gouverne  l'état  de  Venise  avec 
autant  de  sagesse  que  de  bonté.  Orso 
Participacio  II  lui  succéda.  S.  S-i. 
TRIBUNO  MEMMO,  doge  de  Ve- 
nise ,  succéda  ^  en  g-g ,  à  Vital  Can- 
diano. Au  lieu  de  chercher  à  mainte- 
nir la  balance  entre  les  partis,  qui , 
sous  son  gouvernement,  se  formèrent 
à  Venise,  il  se  déclara  j^our celui  des 
Caloprini  contre  les  Morosini ,  et 
commença  lui  -  même  une  guerre  ci- 
vile qu'il  ne  fut  plus  maître  de  ter- 
miner. Les  Caloprini  se  détachèrent 
de  lui ,  en  g83  ,  pour  rechercher  la 
protection  d'Othon  II.  Ils  auraient 
attiré  sur  Venise  la  guerre  la  T^\n?, 
funeste  sans  la  mort  prématurée  de 
cet  empereur.  Tribuno  Memmo  se 
vengea  sur  leurs  maisons,  sur  leurs 
femmes  et  sur  leurs  enfants,  avec  un 
courroux  aussi  implacable  que  s'il 
avait  en  effet  éprouvé  lui-même  tous 
les  outrages.  En  g88  ,  les  Caloprini 
obtinrent ,  à  la  sollicitation  de  l'im- 
pératrice Adélaïde ,  un  sauf- conduit 
de  Tribuno  Memmo  ,  moyennant  le- 
quel ils  rentrèrent  à  Venise  ;  mais 
comme  ils  revenaient  en  gondole  du 
palais  ducal ,  ils  furent  attaqués  par 
les  Morosini,  et  massacrés,  proba- 
blement avec  le  consentement  du  do- 
ge. En  99 1 ,  Tribuno  Memmo  envoya 
son  fils  Maurice  à  Constinlinoplc , 

XLVI.  y 


TRI  5i3 

jiour  assurer  d'avance  sa  succession 
dans  la  dignité  ducale;  mais  avant  le 
retour  de  ce  iils ,  Tribuno  tomba  ma- 
lade ,  et  mourut  dans  le  couvent  de 
Saint- Zacharie  ,  où  il  s'était  fait 
porter.  Son  fils  fut  écarté  par  le 
peuplej  et  Pierre  Oviéolo  lui  fut  don- 
né pour  successeur.  S.  S — i. 

TRICALET  (Pierre -Joseph), 
écrivain  ascétique ,  naquit ,  le  5o 
mars  i  Gg6 ,  à  Dole  (  i  ) ,  d'une  famille 
honorable  qui  subsiste  encore.  Ses 
parents  le  destinaient  à  l'état  ecclé- 
siastique; mais  son  goût  pour  la  dis- 
sipationdevint  un  obstacle  presquein- 
surmontable  à  leurs  vœux.  Après 
avoir  achevé  ses  humanités  à  Besan- 
çon, il  fut  envoyé  à  Nozcroy  pour  y 
faire  son  cours  de  philostjphie  sous 
les  Cordeliers  ,  qui  jouissaient,  dans 
la  province,  de  la  réputation  d'ha- 
biles instituteurs.  La  vie  uniforme  du 
cloître  ce  tai'da  pas  à  l'ennuyer;  et 
il  escaladait,  presque  toutes  les  nuits, 
les  murs  du  couvent.  Pour  faire  ces- 
ser le  scandale,  les  Cordeliers  furent 
forcés  de  le  renvoyer  à  sa  famille;  et 
malgré  les  représentations  et  les  pleurs 
de  sa  mère,  restée  veuve,  il  continua 
de  se  livrer  aux  plus  grands  dérègle- 
ments. Il  arrivait  cependant  à  l'âge 
de  se  décider  pour  le  choix  d'un  état. 
Dans  une  retraite  qu'il  fit  au  séminai- 
re^ afin  de  s'examiner  sur  sa  vocation, 
il  fut  touché  de  la  grâce  ,  réfléchit 
aux  désordres  de  sa  conduite,  et  prit 
la  ferme  résolution  d'eu  changer.  En 
sortant  du  séminaire,  il  quitta  Be- 
sançon sans  faire  part  -î  personne  de 
ses  projets;  et  ce  ne  fut  qu'au  bout 
d'un  mois  qu'on  le  découvrit  aux 
Cordclier'^  de  Nozcroy,  où  il  s'était 


(i)  Suivant  l'abbé  Jonnnet  flic  P.  Bcrlbicr, 
Tricnld  serait  né  dans  le  village  dp  Piipicf  ;  mais 
l'abbé  Goujct  assure  qu'il  est  né  »  Dole,  m  Nous 
parlons,  dit-il,  d'après  l'extrait  baptif-laire.  » 
Cette  pièce,  qui  est  sous  nos  yeux  ,  ne  laisse  en  ef- 
fet aucun  doute  h  cet  é^ard. 

33 


5i4 


TRI 


retiré ,  daus  le  dessein  de  rompre  tou- 
tes ses  habitudes.  Dès  -  lors  il  fil  de 
rapides  progrès  dans  l'étude  des  scien- 
ces sacrées  et  dans  la  pratique  de  tou- 
tes les  verlus  chrétiennes.  Apres  avoir 
reçu  ses  degrés  en  théologie,  il  fut 
ordonné  prêtre ^  et  se  dévoua  tout  en- 
tier aux  fonctions  du  saint  ministère. 
Ayant  résigné  une  cure  considérable, 
qu'il  avait  acceptée  malgré  lui ,  il 
vint  à  Paris,  pour  s'y  perfectionner 
dans  les  sciences  convenables  à  son 
état.  Il  entra  bientôt  (mars  1721  ) 
dans  la  communauté  de  Saint- Nico- 
las-du-Chardonnet,  où  il  sut  mériter 
l'estime  de  ses  confrères.  Il  y  rem- 
plit successivement  les  fonctions  de 
professeur  et  de  supérieur  avec  un  zè- 
le infatigable  et  toujours  croissant. 
On  l'obligea  de  se  charger  de  la  di- 
rection des  filles  de  Sainte-Geneviève 
(  F.  MiRAMioN  ,  XXIX,  1 15)5  et, 
deux  ans  après  (  i-jSS  ) ,  l'arclievc- 
que  de  Paris  le  nomma  l'un  de  ses 
grands -vicaires.  La  réputation  de  sa 
haute  vertu  lui  valut  la  confiance  de 
M""=.  la  duchesse  d'Orléans,  qui  le 
choisit  pour  son  confesseur.  Cette 
princesse  voidut  lui  donner  une  riche 
abbaye  ;  mais  il  la  refusa  constam- 
ment. Le  duc  d'Orléans,  ce  prince  si 
pieux  et  si  éclairé  (  F.  Louis  d'OR- 
LÉANS ,  XXXII,  19.  i),  l'honora 
plusieurs  fois  de  ses  lettres  et  de  ses 
visites,  et  le  choisit  pour  arbitre 
dans  une  discussion  qu'd  avait  avec 
son  fils,  déclarant  qu'il  s'en  rappor- 
terait aveuglément  à  sa  décision. 
L'abbé  Triealet,  accablé  d'infirmi- 
tés, fui  forcé  de  se  retirer,  en  1744, 
à  Yiliejuif ,  oii  le  séminaire  de  Sainl- 
Nicolas  possédait  une  maison.  C'est 
au  milieu  de  soulliauces  continuelles 
cl  souvent  intolérables,  (|u'il  y  com- 
posa plusieurs  ouvrages  (|ui  lui  don- 
nèrent de  nouveaux  droits  à  l 'estime 
cl  à  la  reconnaissance  des  lecteurs 


TRI 

pieux.  Ne  pouvant  pas  écrire  lui-mê- 
me ,  il  avait  choisi  pour  secrétaire  un 
malheureux  qui  n'avait  pas  de  mains. 
Ce  singulier  copiste  écrivait  avec  ses 
deux  moignons,  et  poussait  l'adresse 
jusqu'à  tailler  ses  plumes.  Triealet 
mourut  le  3i  octobre  1-761  ,  à  l'àce 
de  soixante  -  six  ans,  et  lut  inhumé 
dans  le  cimetière  de  Yiliejuif.  On  a 
de  lui  :  I.  Ahréi^é  du  Traité  de  l'a- 
mour de  Dieu,  de  saint  François  de 
Sales  ,  Pans,  1756,  in  -  112.  II.  Bi- 
bliothèque -portative  des  Pères  de 
l'Eglise,  ibid. ,  1758-62,  g  volum. 
in-B**.-  nouv.  édit. ,  revue  et  corrigée 
(  par  Laur.  -Etienne  Rondet  ) ,  ibid, , 
1 787  ,  8  vol.  in- 8".  III.  Précis  his- 
torique de  la  vie  de  Jésus  -  Christ , 
ibid.,  1760,  \n-\i-y  nouv.  éd.,  1777. 
IV.  h'^jwée  spirituelle,  contenant, 
pour  cliaque  jour,  tous  les  exercices 
qui  peuvent  nourrir  la  piété  d'une 
ame  chrétienne,  ibid. ,  1760,  3  vol. 
in-i2.  V.  Abrégé  de  la  pratique  de 
la  perfection  chrétienne ,  tirée  des 
OEuvres  du  P.  Alph.  Rodrigiiez,  ib.^ 
1 762 ,  '1  vol.  in-i  2.  VI.  Le  Livre  du 
chrétien,  dans  lequel  se  trouve  tout 
ce  que  le  chrétien  doit  savoir  et  pra- 
tiquer par  rapport  à  la  rehgion,  ib., 
1762,  in- 18.  VII.  Les  Motij's  de  cré- 
dibilité,  rapjirochés  dans  une  courte 
exposition,  prouvés  par  le  témoigna- 
ge des  Juifs  et  des  Payons ,  etc. ,  ib. , 
2  vol.  in- 12.  Tous  ces  ouvrages  ne 
sont  que  des  extraits  ou  des  compi- 
lations ;  mais  on  y  trouve  de  l'ordre, 
de  l'exactitude  et  du  goût.  L'abbé 
Goujet  a  ])iiblié  V Abrégé  de  la  vie 
de  Triealet,  sur  les  Blémoiies  qui 
lui  avaient  élé  fournis  par  M,  Tin- 
seau  ,  évc'(|ue  de  INevers,  1762,  in- 
12  de  48  pag.  Celle  Vie  se  trouve  à 
la  télé  du  neuvième  volume  de  la  Bi- 
bliothèqne  portative  des  Pères; 
mais  Aiig.  Lotlin  en  avait  déjà  donne' 
un  Précis ,d:ms  le  tome  vu.  On  peut 


I 


TRI 

consulter,  en  outre,  les  différentes 
Notices  sur  Tricalet  ,  par  l'abbe 
Joannct ,  son  compatriote ,  dans  le 
Journal  chrétien,  janvier,  17<)2, 
80-100;  par  le  P.  Berthier,  dans  les 
Mémoires  de  Trévoux ,  lévrier  , 
I  -jôa  ,  528-38  ;  et  par  Fre'ron ,  dans 
VAnnée  littéraire,  17G3,  tome  i, 
239-43.  W— s. 

TRICAUD   (  Anthelme  ) ,   abbc 
de  Belmout ,  littérateur  ,  naquit  à 
Belley ,  le  4  ™ai  1671.  Son  père, 
lieutenant-général  au  baillage  de  cet- 
te ville,   iouissait  de  la  réputation 
d'un  magistrat  éclairé.  Il  acheva  ses 
études  tliéologiques  à  Paris ,  et ,  ayant 
embrassé    l'état  ecclésiastique ,   fut 
pourvu  d'un  canonicat  du  chapitre 
d'Ainay ,  à  Lyon.  L'étude  était  sa 
seule  passion  ,  et  il  y  consacra  tous 
les  instants  dont  il  pouvait  disposer. 
Admis  à  l'académie  de  Lyon,  lors 
de  sa  fondation  ,  il  en  devint  l'un  des 
membres  les  plus  assidus  et  les  plus 
laborieux,  et  y  lut  un  grand  nombre 
de  Dissertations  sur  dillé'rents  points 
d'histoire  ou  de  critique.  Son  oppo- 
sition à  la  bulle  Uni^enitus  ayant 
excité  des  troubles  dans  son  chapitre, 
il  reçut,  en  1735,  l'ordre  de  se  ren- 
dre à  Paris,  où  il  mourut,  au  mois 
de  juillet    1739  (1],  et  fut  inhumé 
dans  l'église  Saint-Etienne-des-Grès. 
Par  son  testament,  il  légua  plusieurs 
ouvrages  d'un  grand  prix  à  l'arche- 
rêque  de  Lyon  (Rocliebriine  ),  qui 
l'avait   fait  exiler  ,  et  partagea   sa 
nombreuse   bibliothèque    entre    ses 
amis  et  les  maisons  religieuses  qu'il 
adéetionnait  le  plus.  Outre  un  Eloge 
du  phvsieien  Puget  yVoy.  ce  nom, 
XXXVI ,  3o4  )  et  plusieurs  articles 
dans  la  Bill,  française  de  du  Sauzet, 

(1)  .Suivant  Prrndli,  T.yonn.  dignes  de  mé- 
moire ,•  mais  d'aprps  le  iiét  ioloi;e  du  touvenl  de 
Siiint-Iionavenlure  de  Lyon  ,  l'abbe'  ïricaud  ne 
mourut  qu'en  1741.  Vny.  la  A'o/irr  rfei  jWk,  dr 
Lyon,  m,  2^6. 


TRI  5 1 5 

on  a  de  l'abbé  de  Belmont  :  I.  Essais 
de  littérature  pour  la  connaissance 
des  livres  (depuis  le  mois  de  juillet 
1702  jusqu'au  mois  de  juillet  1704), 
in-  12,  rel.  en  4  ou  5  vol.  C'est  une 
espèce  de  journal,  dans  lequel  on 
trouve     quelques    articles    curieux. 
L'abbé  Faydjt  en  publia  la  critique, 
sous  le  titre  de  Supplément  aux  Es- 
sais,  1703-4,  6  part,  in-  12  ,  rare. 
C'est  sans  aucune  apparence  de  rai- 
son que  le  P.  Baizé,  dans  le  Catalo- 
gue de  la  doctrine  chrétienne ,  at- 
tribue les  trois  premières  parties  pu- 
bliées sans   nom  d'auteur  à  l'abbé 
Tricand  hii  -  même.    II.  Lettre   à 
M""",  la  comtesse...  ou  Contre- cri- 
tique des  auteurs    de  ce   temps , 
Paris  ,  1704  ,  in- 12  (Barbier,  Dict. 
des  anonjmes  ,   n".    9269  ).  C'est 
sans   doute    une    réponse  à   l'abbé 
Faydit.    III.   Remarques  critiques 
sur   la   nouvelle   édition    du   Dic- 
tionnaire   historique    de   Moréri , 
donnée  en  1704  (par  Vanhier),  Pa- 
ris, 1706,  in  -  T2.  Bayle  trouva  ces 
Remarques  assez  intéressantes  pour 
en  donner  une  nouvelle  édition  ,  Rot- 
terdam ,  1 706 ,  in-80. ,  avec  un  aver- 
tissement et  des  notes ,  dans  lesquel- 
les il  indique  les  faïUes  grammatica- 
les et  corrige  les  erreurs  de  l'abbé 
Tricand.  Desmaizeaux  les  publia  de 
nouveau ,  à  la  suite  du  Dictionnaire 
de  Bayle,  1730,  avec  ses  propres 
observations  ;  et  on  les  retrouve  dans 
toutes  les  éditions  de  ce  Dictionnaire, 
en  y  comprenant  celle  que  l'on  doit 
à  M.  Beucliot,  form.  in-8o.  IV.  His- 
toire des  Dauphins  français  et  des 
princesses  qui  ont  porté ,  en  Fran- 
ce,  la  qualité  de  Dauphines,  Paris , 
17 13  ,  in- 12.  V.  Histoire  de  la  der 
nière  révolte  des  Catalans  et  du  siè- 
ge de  Barcelone ,  Lyon ,  1 7  1 4  .  in- 
12.  VI.  Campagnes  de  M.  le  prince 
Eugène  en  Hongrie  ,  et  des  géné- 
33.. 


LnG 


TRI 


raii.r  vénitiens  en  Mnréc  .  pcnd.Tîn 
les  années  1 7  1 6  cl  1 7 1  -y ,  ib, ,  i  n  1 8 , 
i  vol .  in- 1 'J .  VII .  Relation  de  la  m  ort 
du  feu  pape  (Innocent  XIII)  et  du 
conclai^e  assemblé  pour  l'élection 
de  Benoît  XllI ,  son  successeur , 
Nanci,  I7'i45  in-ï^.  Cet  ouvrage,  le 
plus  curieux,  suivant  Peruetti,  de 
tous  ceux  qu'il  a  publiés,  pensa  lui 
attirer  des  affaires  fâcheuses.  L'abbe' 
Tricaud  est  l'éditeur  de  V  Histoire 
des  savants  ( par  D.  Gandin,  cbar- 
ireux),  Paris,  1708,  in-12.  Suivant 
Barbier,  l'abbé  Tricaud  eut  beaucoup 
départ  au  4'''.  vol.  du  Nouveau  re- 
cueil de  pièces  fugitives.  On  conser- 
ve de  lui  plusieurs  manuscrits  à  la  bi- 
bliothèque publique  de  Lyon  j  entre 
autres ,  on  distingue  :  Observations 
sur  Hérodote  et  Ctésias  ,  dans  les- 
quelles il  s'attache  à  venger  le  père 
de  l'histoire  du  reproche  d'exagé- 
ration et  d'infidélité.  W — s. 

TRICHET  -  DUFRESNE  (  Ra- 
phaël) ,  numismate  et  bibliophile  , 
e'tait  fils  d'un  avocat  au  parlement 
de  Bordeaux  ,  et  naquit  en  cette  ville, 
au  mois  d'avril  161 1 .  Son  père  (i) 
cultiva  ses  dispositions  avec  soin , 
et  l'envoya  de  bonne  heure  à  Paris  , 
où  il  acquit,  dans  la  société  des  ar- 
tistes et  des  savants j  la  connaissance 
des  livres ,  des  tableaux  et  des  mé- 
dailles. Le  duc  d'Orléans  (  Gaston  1 
s'attacha  lejeuneDufresnectluiiiten- 
treprendre  plusieurs  voyages  pour  re- 
cueillir des  antiquités  et  des  objets 
d'art  ,  dont  il  enrichit  son  cabinet. 
Lors  de  la  fondation  de  l'imprimerie 
royale ,  en   1G40,  sous  la  suiiuten- 


(1)  Pierre  TniCHET  ,  aviirat  à  Hordcauj;  ,  mort 
rn  1644*  ^  -''7  °"'  •)  ^^  atileur  d\m  ouvrage  de 
sorcellerie  ,  intiliilé  :  De  Lyc^dœ  wnrfica^  prœsli- 
giis  y  Bordeaux  »  li'i'f.'J  ,  »*l  d  une  tragédie  latine  : 
tS'filinnnéf  i  et  enfin  d'un  traité  sur  les  instruiiienis 
ffr  muiiiiiic^  (lue  ron  ri>nsi-rvait  en  manuscrit  h  la 
kililiolliriiue  de  Sainte-GiMicviève,  Son  porlrait  eot 
grave  in-/|".  ,  il  est  rrpiéiteuté  un  livre  \  la  niuin. 


TRI 

dance  de  Sublet-Desiioycrs  ,  Trichct 
en  fut  nommé  le  correcteur  (2).  11  de- 
vint, après  la  mort  de  Naudé,  biblio- 
thécaire de  la  reine  Christine ,  qui 
avait  déjà  eu  le  projet  de  l'appeler  en 
Suède  (3) ,  et  il  accompagna  cette 
princesse  dans  son  premier  voyage  à 
Rome;  il  profita  de  cette  circons- 
tance pour  visiter  les  principales 
villes  d'Italie,  dans  lesquelles  il  ache- 
ta, pour  sou  compte  et  à  vil  prix^  une 
foule  de  livres  rares  et  curieux.  Un 
passage  du  Chevrœana  (  pag.  3i  ) 
l'accuse  d'avoir  abusé  de  la  confiance 
de  la  reine.  Lui  ayant  conseillé  de  se 
défaire  d'une  partie  de  ses  médailles 
et  de  ses  tableaux  ,  comme  peu  dignes 
de  figurer  dans  sa  collection ,  il  s'en 
rendit  l'acquéreur ,  et  se  trouva  pos- 
séder les  médailles  les  plus  rares  et 
les  tableaux  des  meilleurs  maîtres.  Il 
consacra  ses  dernières  années  à  l'é- 
tude ,  et  l'on  attendait  de  lui  des  ou- 
vrages importants,  quand  il  mourut 
à  Paris  ,  le  4  j"iii  166 1  ,  à  l'âge  de 
cinquante  ans.  On  a  de  lui  :  I.  Une 
Vie  de  Léonard  de  Vinci,  et  une  Vie 
de  L.  B.  Alberti ,  insérées  dans  le 
Trattato  délia  Pittura ,  dont  il  don- 
na, en  i65i  ,1a  première  édition  {V. 
Vinci).  II.  Le  texte  français  de  la 
Briefve  histoire  de  l'institution  de 
toutes  les  religions  (  V.  Fialetti  ). 
III.  E])islola  ad  Petrum  Segui- 
juwi ,  de  Charonodœ  effigie  in  ca~ 
tanensi  numo  argenteo  ,  Paris  , 
iG58,  in -8°.;  réimprimé  dans  les 

(î)  l,e  P.  Jacoli  lui  donne  le  titre  A'inicndant  de 
riiiiprinieric  royale  (  'l'raitc  des  //lus  belles  l'ihlio- 
ihèt/ues .  (iSo).  Les  auleurs  de  la  liibliolhèquc  de  la 
France  le  font  dhcri,  ur  de  cet  elablissenicnt  ,  IV  , 
v.<^  part. ,  2-6  ;  mais  il  paraît  plu»  certain,  d'aprts 
Siuval  et  Piganiol,  suivis  par  M.  Pcignol,  que  Su- 
Met-Uesnoyers,  alors  surintendant  des  bâtiDients  , 
eut  le  lilre  de  surintcudaut  de  riniprimerieroyale,  ' 
'IVichel ,  celui  de  correcteur  ,  el  (^ranioisy  celui 
d'imprimeur  ;  en  deux  ans  il  en  sortit  soixante-dix 
glands  volimies  grecs  ,  latjns  ,  français  et  italiens. 

(3)  Huel,  Commcul.  d,- r.-his  „d  eitm  iieilincn- 
lilnK,  port.  3. 


TRI 

Selecta  numismata  de  P.  Seguin  , 
îbid, ,  i665,  iu-4°-J  et  dans  le 
Tliesaur.  antiquit.  grœcar.  de  Gro- 
nûve,x,  569.  IV.  Une  Éjiîtve  dc- 
dJcatoire  à  Fouquet ,  et  l'Eloge  de 
Jérôme  Maggi ,  a  h  tête  du  Traite 
de  Equideo  ,  dont  il  donna  nue  nou- 
velle édition  (  Fof.  IMaggI  ,  XXVI , 
1 24  ).  Cet  Éloge  faisait  partie  de  sou 
ouvraîTC  :  De  Rerum  italicaruni 
scriptovibus  (4) ,  dont  le  manuscrit 
était  conservé  dans  la  bibliothèque 
des  Augustins  déchaussés  à  Paris. 
V.  Fables  diverses ,  tirées  d'Esope 
et  d'autres  auteurs  ,  avec  des  ex- 
plications,  Paris  ,  1O59,  1689,  iu- 
4".  ,  iig.  de  Sadeler.  Cet  ouvrage  , 
dout  leprincipal  mérite  consiste  dans 
les  gravures ,  a  été  réimprimé  eu 
1 743  ;  mais  on  donne  la  préférence 
à  l'édition  originale.  Le  P.  Labbe 
nous  apprend  (  Bibl.  numaria,  2-]  3, 
édition  de  Rouen  ,  1678)  que  Tri- 
chet-Dufresne  travaillait  à  une  his- 
toire de  l'île  de  Crête  ,  illustrée  par 
les  médailles  ;  et  il  désire  qu'il  se  ji ré- 
sente quelque  savant  capable  de  met- 
tre la  dernière  main  à  cet  important 
ouvrage  (5).  Le  Catalogue  de  la  bi- 
bliothèque de  Dufrcsne,  Paris,  16G2, 
111-4".  ?  <^st  curieux  et  mérite  d'être 
conserve  ;  mais  les  matières  y  sont 
mal  distribuées  ,  et  il  est  d'ailleurs 
imprimé  d'une  manière  très-incor- 
recte (6).  Son  portrait  a  été  gravé 
par  Bosse ,  in-4''.  W — s. 

(4)  Cet  ouTi'iigp  est  dt'sijîné  dans  les  Dictionnai- 
res comme  luic  Histoire  d'Italie, 

(5)  Voici  les  termes  du  P.  I^abbe  ;  F.iilne ,  qut 
inchoato  operi  uUiinani  admovcre  maiiuin  iusci' 
pial  ? 

(6)  Desessarts  (  Siècles  littéraires  ,  VI  ,  274  )  "l'' 
que  Tricïiel  est  cite  ,  dans  le  P.  Jacob  ,  pour  avoir 
U)riné  à  Bordeaux,  sa  pairie,  une  belle  biltlititliè- 
que  ,  qu'il  lêi^iia  nu  roi.  Le  P.  Jacob  (  p.  (îu)")  dit 
.sculcineni  (pu-  «  M.  De  Fresnes  ,  inteiulant  de  l'im- 
»  primeric  royale,  a  fait  une  bibliothèffue  en  celte 
»  ville  de  Bourdeaux  ,  lieu  de  sa  naissance,  fpi'il 
i>  augmente  tous  le»  jours.  »  Mais  il  ne  pouvait  pas, 
en  i6i4»  prévoir  si  De  Fresnes  la  lèguer.ûl  au  rtii. 
Elle  a  été  venduu  eu  détail,  conunr  on  le  voit  par 
le  CiOfalogue  cpu-  notis  venons  de  cilcr. 


TRI  5 17 

TRICOT  (Laurent),  maître-ès- 
arts  et  de  pension  en  l'université  de 
Paris,  mort  dans  cette  ville  le  lo 
décembre  i778_,  s'est  fait  connaître 
par  deux  opuscules  sur  la  grammai- 
re latiue  :  l'uu  est  une  Nouvelle  mé- 
thode ,  Paris  1754,  in-i2^  réim- 
primée plusieurs  fois  ;  l'autre  est  un 
Rudiment ,  Paris  1750  ,  in- 12  j 
ibid, ,  177^  j  treizième  édition.  La 
plupart  des  ouvi'ages  élémentaires 
dont  ou  se  servait  alors  dans  les 
collèges  ne  remplissaient  qu'impar- 
faitement les  intentions  des  maî- 
tres. Quelquefois  les  règles  y  étaient 
énoncées  eu  latin,  c'est-à-dire  dans 
la  langue  même  qu'il  s'agissait  d'en- 
seigner ,  ou  bien  en  vers  techniques 
aussi  mal  sonnants  qu'inintelligibles. 
Tricot  les  exposa  en  français ,  eu 
prose  et  avec  clarté.  C'était  un  hom- 
me très -versé  dans  la  lecture  des 
auteurs  et  qui  connaissait  bien  le 
génie  de  la  langue  latine.  Les  deux 
opuscules  qu'il  publia ,  son  Rudi- 
ment surtout ,  eurent  beaucoup  de 
succès  5  ils  ne  furent  pas  sans  utilité 
pour  les  grammatistes  qui  écrivirent 
après  lui ,  et  qui  souvent  n'ont  été 
que  ses  copistes.  Mais  depuis  un  de- 
mi-siècle, la  manière  d'apprendre 
les  langues  s'est  tellement  perfection- 
née ,  les  ouvrages  de  grammaire  sont 
devenus  si  nombreux  ,  que  ceux  de 
Tricot  ont  cessé  de  ligurer  dans  la  sé- 
rie des  livres  élémentaires. — L'abbé 
T«icoT,né  à  Paris  en  1734,  deviat 
chanoine  de  Saint-Quentin  ,  et  mon- 
tra du  talent  pour  la  poésie  et  l'élo- 
quence. On  trouve ,  daus  l'Almanacli 
des  muscs  et  dans  d'autres  recueils, 
notamment  dans  celui  de  lu  société 
nationale  des  Neuf-Sœurs,  [iliiMcurs 
pièces  en  vers  et  en  prose  de  cet 
auteur.  Il  périt  sur  l'échafaud  ré- 
voluliouuaire,   à   Paris,  en    1794» 

P— KT. 


5i8  TRI 

TRIER  (Jean-Paul),  ne,  à  Mo- 
la  dans  le  duché  de  Saxe-Meinungeu, 
Je  28  novembre  1687  ,  s'est  fait  re- 
marquer par  des  attaques  violentes 
contre  la  religion  protestante,  dans 
laquelle  li  était  ne.  Etant  venu  à  Dres- 
de, en  171 1 ,  il  y  vit  le  czar  Pierre- 
le-Grand,  qui  reclierclia  ses  entre- 
tiens^ et  témoigna  au  roi  Auguste  l'es- 
liine  que  Trier  lui  avait  inspirée. 
Bientôt  après ,  celui-ci,  étant  retourné 
dans  sa  patrie ,  y  fut  nommé  direc- 
teur des  raines  de  Glucksbrunn,  et  il 
remplit,  pendant  cinquante  ans,  ces 
fonctions  importantes.  Il  mourut ,  le 
24  avril  1768,  pleuré  et  regretté  par 
les  mineurs  ,  dont  il  était  l'ami  et  le 
bienfaiteur.  Dans  ses  moments  de  loi- 
sir, il  s'appliquait  à  la  théologie.  Il 
connaissait  à  fond  la  religion  réfor- 
mée et  son  histoire.  Il  a  publié,  sur 
ce  sujet,  plusieurs  ouvrages,  dont 
nous  n'indiquerons  que  deux  :  I.  Ob- 
Sf.rmtions  sur  le  livre  de  la  Concor- 
de (  I  ) ,  qui  est  discuté  et  souvent 
contredit ,  d'après  un  grand  ?iom- 
bre  de  manuscrits  et  documents  au- 
thentiques ,  avec  des  notions  histo- 
riques sur  les  auteurs  de  ce  livre  et 
sur  les  circonstances  remarquables 
qui  ont  rapport  h  son  oris^ine  (  alle- 
nKind),  Francfort  st  Leipzig,  in-^". 
L'auteur  avait  travaillé  pendant  plu- 
sieurs années  à  cet  ouvrage  impor- 
tant ;  et  la  bibliothèque  des  princes 
de  Saxe -Gotha  ,  si  riche  en  manus- 


(i^  «  hc  rwvr.le  la  Concnrrte,    dit  Bossuef, 

>  cmpoM-  de-  pipcfs  qui  sont  de  dificients  auto 
.ctd..,],n.-r<.„tosd.l,..,;I,.s  Uthcr;,.,,s  ont  vo, 

>  noiis  T  dt.n.irr  un  icriieil  de  ce  qu'il  v  a  dp  n 
.  n,.tl,cnl,T,o.T,,.Mv,op.rn,  ,  en', 5-,,,  «Prc-l 
'  c.-lol,rc.,  :,s,Pm|,|,:e.s  ,e„„es  à  Torg  et  à  Beig  , 

>  ift-bH  i)— .  .Tp„,.  raronlerni  pas  coninienl 

.  livre  r„(,„„„.,.,t  .n   Allemagne',  ni  l.s  surprl 

■  et  lo,  v,nl..„en,  dont  on  prriend  qn-  l'on  , 
'  envers  ceux  qnl  le  ii-riireni  ,nl  lesnnposilinns 
'  qiic-lqiips  prine,.,  e|  d<-  quelque,  vil)™.  q,,|  re 

«'■rrrild'v  «onirrlre.  If.isplni  en  a  (•i-rit  nne  li 

'  *",•"   ^'i'•^"i■•'■    '|>ii   "«rnl e7,  l.len  fond-e  en 

'  plupart    de  itc5   lait»  :   ,  V«l   aux    I-iilliérien»  , 

■  .s  V  ...léres-..,,!  ;,  I,  ront,,..!ire.  „   /,„■/„/,•<„, >  , 


TRI 

crits  et  documents  sur  l'histoire  de  la 
réforme ,  lui  étant  ouverte ,  il  y  copia 
tout  ce  qui  pouvait  servir  à  son  plan. 
Cctouvrageexcitadevivesdiscussions 
parmi  les  ministres  luthériens  el  cal- 
vinistes. L'auteur  révélait  un  grand 
nombre  de  faits  et  de  circonstances 
jusqu'alors  inconnus.  Sévère  envers 
ceux  qui  avaient  signé  le  Formula 
concurdiœ  ,  il  s'élève  avec  force 
contre  les  livres  symboliques  de 
son  Ëglise,  qui,  n'étant,  selon  lui, 
que  l'expression  d'une  doctrine  pure- 
ment humaine,  n'étaient  utiles  ni  né- 
cessaires pour  entretenir  Vunité  dans 
l'Eglise  luthérienne.  «  Pour  arriver  à 
»  ce  but,  disait -il,  il  y  a  d'autres 
»  moyens  à  employer.  Les  ministres 
)>  devraient  être  unis  dans  l'esprit  de 
»  Dieu;  ils  devraient  être  humbles  , 
»  doux ,  patients  ;,  tolérants ,  et  ne 
»  pas  mettre  tant  de  prix  à  ces  vai- 
»  nés  formules  qu'ils  ont  inventées 
»  pour  fixer  notre  doctrine.  Ceux  qui 
»  se  sont  attachés  à  cette  sjmbolola- 
«  trie  ont  cherché,  mais  vainement, 
»  à  démontrer  la  nécessité  des  livres 
»  symboliques.  Leurs  arguments  ont 
»  paru  pitoyables;  et  il  y  a  des  coii- 
»  trées  et  dès  royaumes  évangéliques 
»  qui  pensent  que  le  Formula  con- 
»  cordiœ  est  un  livre  absolument  inu- 
))  tile.  »  Trier  démontre  ce  point  en 
douze  chapitres ,  qui  comprennent 
toute  la  doctrine  de  l'Église  luthé- 
rienne. A  la  fin ,  s'appuyant  sur  tren- 
te documents  originaux ,  qu'il  l'ap- 
porte en  entier  ,  il  fait  voir  combien 
les  auteurs  de  la  Formule  étaient  peu 
d'accord  entre  eux,  et  quels  moyens 
violents  on  avait  emplovés  pour  la 
faire  signer.  Crnsius,  lunesli  et  quel- 
ques autres  théologiens  protestants 
parlèrent  de  Trier  et  de  son  ouvrage 
avec  beaucoup  de  modération.  Le 
plus  gr  iid  nondire  cria  très  -  haut. 
Plll'^i<■l^•s  ministres  le  dénoncèrenl  t'H 


TRI 

i;haire  comme  un  hérétique.  Le  con- 
sistoire de  Meinungen  porta  plain- 
te au  duc  régnant;  et  il  annonça 
qu'il  ferait  une  critique  sévère  de 
ses  erreurs.  Trier  écrivit  au  pré- 
sident du  consistoire  une  Lettre  , 
qu'il  a  publiée,  et  dans  laquelle  il 
annonce  l'rancheinent  ses  opinions.  Il 
y  dit ,  entre  autres  ;  «  Boehm,  un  de 
nos  ministres,  a  reconnu  hautement 
que  de  la  forme  que  l'on  donne  à  no- 
tre religion  il  ne  peut  résulter  autre 
«hose  qu'un  faux  christianisme.  »  IL 
Observations  sur  le  catéchisme  de 
Heidelberg.  Ici  l'auteur  traite  les  ca- 
téchismes de  son  Eglise  comme  il 
avait  traité  la  Formule  de  concorde. 
Selon  lui ,  les  catéchismes  sont  une 
source  impure  dans  l'Eglise  luthé- 
rienne ,  où  l'on  peut  s'en  passer,  au 
moyen  de  la  Bible.  Voy.  Biof^raphie 
de  J.-P.  Trier ,  écrite  par  lui-mê- 
me,  et  pid)liée,  après  sa  mort ,  par 
un  de  ses  amis,  Eisenach ,  1770, 
in-80.  G — Y. 

TRÏEST  (  Antoine  ) ,  prélat  bel- 
ge, né,  au  château  d'Auweghem 
près  d'Audeuaerde  ,  en  iSyG,  d'une 
noble  et  ancienne  famille,  après  avoir 
fait  ses  études  à  Louvain  avec  beau- 
coup de  distinction  ,  fut  évêque  de 
Bruges,  en  i6i6,  et  ensuite  de  Gaud. 
Il  édifiait  également  par  sa  pré- 
dication et  par  sou  exemple  ;  il 
signala  sa  charité  envers  les  pau- 
vres ,  non  moins  que  son  goût 
pour  les  lettres  et  les  arts.  La  scien- 
ce de  la  botanique  avait  des  attraits 
j)articuliers  pour  lui  :  il  cultivait 
dans  son  jardin,  appelé  le  Belvédè- 
re ,  beaucoup  d'espèces  de  fleurs  et  de 
plantes  rares;  il  institua  ,  à  l'église 
<le  Saint  -  INiichel  ,  la  confrérie  de 
.saiute  Dorothée  ,  où  les  jardiniers  et 
les  llcuristes  faisaient,  chaque  année, 
une  exposition  de  fleurs,  le  jour  de 
leurpalrone;  usage  qui  s'est  maiii- 


TRI 


519 


tenu    jusqu'à   l'entrée    des    armées 
françaises,  en  1792.  Ami  de  Rubens, 
de  Van-Dyck  ,  de  Teniers  et  de  tous 
les  grands  artistes  de  son  temps  ,  il 
se  plaisait  à  les  occuper,  et  il  avait 
dans  son  palais  neuf  grandes  pièces 
remplies  des  plus  beaux  tableaux. 
C'est  pour  lui  que  Rulicns  peignit  le 
massacre  des  Innocents  et  la  conver- 
sion de  saint  Paul.  Nous  avons  sou 
portrait  peint  par  Van-Dyck  et  gra- 
vé par  Pontius.  Duquesnoy  fit  son 
buste,  ainsi  que  son  mausolée,  qu'on 
voit  encore  aujourd'hui  à  l'éghse  de 
Saint-Bavon.  En  i64o,  un  incen- 
die ayant  détruit  la  toiture  de  cette 
église,  Triest  la  fit  réparer  à   ses 
frais  ,  et  il  pourvut  également  à  la 
dépense  de  la  charpente  du  chœur. 
Cet   homme   distingué  mourut,  eu 
1657  ,  à  l'âge  de  quatre- vingt- mi 
ans.  Il   légua   sa  bibliothèque   aux 
Carmes  déchaussés;  des  sommes  con- 
sidérables au   mont-de-piété  ,  afin 
que  cet  établissement  pût  prêter  aux 
pauvres  sans   intérêt;  d'autres  som- 
mes pour  l'embellissement  de   l'é- 
glise. Enfin  le  tiers  de  sa  succession 
fut  vendu  et  distribué ,  par  ses  exé- 
cuteurs testamentaires ,  aux  pauvres 
de  Gaud ,  auxquels  ,  par  une  autre  de 
ses  fondations ,  on  répartissait ,  cha- 
que jour,  jusqu'à  l'invasion  des  Fran- 
çais, trente  pains  ,  ainsi  que,  tous 
les   mois  ,   un    certain   nombre    de 
chemises.  Schelte  de  Bolswert  a  dé- 
dié à  Triest  sa  gravure  du  tableau 
de  la  conversion  de  saint  Paul  ,  et 
l'on   pourra   juger,   par  les  détails 
qu'on    vient    de  lire  ,    et  qui   nous 
ont  été  fournis  par  M.  Vanhnlthem  , 
dans  son  Discours  sur  l'état  ancien 
et   moderne  de  l'agriculture  et  de 
la  hotani(/ue  dans  les   Pajs  -  Bas 
(Gaud  ,  181 7  ,  iu-8".) ,  que  cette  dé- 
dicace ,   quelque   louangeuse   qu'elle 
soit  ,  ne  fait  que  i-endrc  justice  à 


b'20 


TRI 


celui  qui  en  est  l'objet.  Comparez 
SanderiFlandria  illustrât  a  (Amst. , 
1641  )  ,  tome  I ,  pag.  l'ig.  RI — on. 
TRIEWALD  (Samuel),  conseil- 
ler du  duc  de  Holslein ,  naquit  à  Stoc- 
kliolm ,  eu  1688,  et  lit  ses  e'tudes 
à  UpsaL  Après  avoir  été'  employé  eu 
Allemagne  par  Charles  Xlî ,  il  en- 
tra au  service  du  duc  de  Holstein 
Goltorji,  neveu  du  roi  de  Suède  ^ 
et  fut  charge  de  se  rendre  à  Stock- 
holm avec  l'ambassadeur  du  duc  , 
qui  se  flattait  de  parvenir  au  troue 
de  Suède  :  mais  sou  parti  succomba  • 
et  Triewald  fut  renvoyé',  ainsi  que 
toute  l'ambassade.  Il  passa  le  reste 
de  ses  jours  en  Holstein  ,  où  il  mou- 
rut, en  1742.  On  prétend  qu'il  par- 
lait et  écrivait  neuf  langues.  II  se  li- 
vra surtout  à  la  poésie  suédoise , 
et  contribua  à  la  perfectionner  , 
en  traduisant  plusieurs  morceaux 
de  Boileau  et  de  Lafontaine.  On  a 
aussi  de  lui  des  Poésies  allemandes. 
L'académie  des  sciences  de  Stock- 
holm l'avait  placé  parmi  ses  mem- 
bres ;  et  il  fournit  à  cette  société  sa- 
vante plusieurs  Mémoires ,  qu'elle  fit 
insérer  dans  le  Recueil  de  ses  tra- 
vaux. —  Triewald  (  Martin  ),  frère 
du  ])récédent,  ingéniciu'  et  mécanicien 
habile,  naquit  à  Stockholm  en  iGni. 
Il  fit  un  voyage  en  Angleterre,  oîi  un 
riche  marchand  de  Londres  lui  con- 
fia l'intendance  d'une  mine  de  char- 
bon déterre.  Ayant  vu ,  dans  cette  mi- 
ne, une  pompe  à  feu,  il  l'examina  avec 
som ,  la  peifectionna  ,  et  construi- 
sit plusieurs  autres  machines  qui  le 
firent  connaître  avantageusement.  A 
Londres  ,  il  suivit  les  cours  de  phy- 
sique de  Dcsagnlicrs  ,  et  gagna  la 
confiance  de  Newton.  Après  un  séjour 
de  dix  années  en  Ajigietcrre ,  il  retour- 
na en  Suède  ,  où  il  obtint  des  emplois 
importants  et  répan-dil  le  goût  des 
sciences  pliysi(iues.  11  enrichit  aussi 


TRI 

les  mines  et  les  forges  du  pays  de 
plusieurs  inventions  utiles.  S'ctant 
occupé  d'une  machine  au  moyen  de 
laquelle  on  pouvait  vivre  sous  l'eau  , 
il  écrivit ,  à  ce  sujet ,  en  suédois ,  un 
Traité  qui  fut  imprime'  deux  fois, 
Stockolm,  174 1 ,  in-4''. ,  hg-  H  per- 
fectionna la  méthode  de  purifier  l'air 
dans  les  vaisseaux  (  P^of.  Hales 
(Etienne)  XîX  ,  3-26  ) ,  ainsi  que  la 
culture  des  plantes  exotiques.  11  fut 
nommé  membre  de  la  société  royale 
d'Upsal,  de  l'académie  de  Stockholm 
et  de  la  société  royale  de  Londres.  Les 
Recueils  de  ces  sociétés  savantes  con- 
tiennent plusieurs  Mémoires  de  Trie- 
wald. Il  mourut  en  t747'  ^ — av. 
TRIGAN  (Charles),  historien 
né,  le  20  août  1694,  à  Quètreville, 
diocèse  de  Coutances ,  embrassa  l'é- 
tat ecclésiastique ,  se  fit  recevoir 
docteur  de  Sorbonne,  et  fut  pourvu 
de  la  cure  de  Digoville.  Il  partagea 
sa  vie  entre  les  devoirs  de  son  état 
et  l'étude  des  antiquités  de  Norman- 
die. Ses  paroissiens  lui  durent  la 
reconstruction  de  leur  église ,  qu'il  fit 
bâtir ,  à  ses  frais ,  sur  un  plan  régulier. 
Il  mourut  le  21  février  1764.  On  a 
de  lui  :  1.  Lettre  à  l'abbé  Lebeuf  sur 
quelques  particularités  de  la  vie  de 
saint  Victrice  ,  huitième  évèque  de 
Rouen,  Mém.  de  Tréi>oux ,  1747  , 
mai,  1059-76.  II.  Vie  de  M.  Pâté, 
ciné  de  Cherbourg ,  décédé  en  odeur 
de  sainteté  (le  21  mars  1728),  Cou- 
tances, 1 747 ,  in-8^.  C'est  moins  une 
biographie  de  ce  pieux  ecclésiastique 
qu'une  histoire  du  clergé  de  la  Bas- 
se-Normandie et  des  établissements 
charitables  fondés  par  ses  soins,  dans 
le  dix  -  septième  siècle.  III.  Histoire 
ecclésiastique  de  la  province  de 
Normandie ,  avec  des  observations 
critiques  (t  historiques,  Caen,  lyii;- 
Gi  ,  4  vol.  in-4".  l'allé  finit  en  i2o4  , 
à  la  réunion  de  cette  province  à  la 


TRT 

couronne  par  Philippe-Auguste.  L'au- 
teur en  a  laisse  manuscrite  la  conti- 
nuation jusqu'au  quatorzième  siè- 
cle. Le  style  u'en  est  pas  agréable; 
mais  on  y  trouve  de  l'érudition  et 
une  critique  judicieuse.       W — s. 

TRIGAUT  (Nicolas),  en  latin 
Tngva/f/HA-,  missionnaire,  naquit  à 
Douai  en  1577.  A  l'âge  de  dix-sept 
ans  ,  il  embrassa  la  règle  de  saint 
Ignace,  et  après  avoir  professe  les  hu- 
manités a  Gand ,  il  se  disposa ,  par  l'e'- 
tude  des  sciences  et  des  langues  orien- 
tales ,  à  la  carrière  des  missions.  Il  se 
rendit,  en  i(Jo6,  à  Lisbonne  ,  et  en 
attendant  le  départ  du  bâtiment  qui 
devait  le  transporter  aux  Indes  ,  il 
traça  le  portrait  du  parfait  mission- 
naire dans  la  Vie  du  P.  Gasp.  Bar- 
zis ,  l'un  des  compagnons  de  saint 
François-Xavier.  S'étant  embarqué 
le  5  février  1607  ,  il  arriva  le  10 
octobre  suivant  à  Goa.La  délicatesse 
de  sa  santé  ,  que  la  mer  avait  encore 
affaiblie,  l'obligea  de  s'arrêter  dans 
cette  ville.  Il  n'en  partit  qu'en  1 6 1 0  , 
pour  Macao ,  d'où  il  aborda  enfin  à 
la  Chine.  Chaque  jour  les  mission- 
naires faisaient  de  nouveaux  progrès 
dans  ce  vaste  empire.  Le  désir  d'é- 
tendre de  plus  en  plus  leurs  pieuses 
conquêtes  les  avait  conduits  dans  les 
provinces  les  plus  éloignées  ,  où  ils 
comptaient  de  nombreux  prosélytes  : 
aussi  devenait-il  indispensable  d'aug- 
menter le  nombre  de  ces  ouvriers 
évangcliques.  Le  P.  Trigaut  fat  choisi 
pour  revenir  en  Europe  y  rendre 
compte  de  l'état  et  des  besoins  des 
missions  de  la  Chine.  Arrivé  dans 
l'Inde,  il  jugea  convenable  de  pour- 
suivre sou  voyage  parterre, et,  char- 
gé d'un  sac  de  cuir  qui  renfeiiuait 
ses  provisions,  il  traversa  ,  non  sans 
courir  de  grands  dangers  ,  la  Perse  , 
l'Arabie  déserte  et  une  partie  de  l'E- 
gypte.   Un  bâtiment   marchand   le 


ITvI 


5a  I 


transporta  du  Caire  à  Olrante  ,  d'oi!i 
il  se  rendit  à  Rome.  Ses  supérieurs  le 
présentèrent  au  pape  Paul  V,  qui  l'ac- 
cueillit avec  intérêt ,  et  accepta  la  dé- 
dicace de  l'Histoire  de  l'établissement 
des  missions  chrétiennes  à  la  Chine , 
qu'il  avait  rédigée  sur  les  Mémoires 
du  P.  Ricci.  Le  succès  mérité  qu'ob- 
tint cet  ouvrage  ,  le  premier  dans  le- 
quel on  ait  trouvé  des  notions  exactes 
sur  la  Chine ,  contribua  sans  doute 
à  lui  faire  atteindre  le  but  de  son 
voyage.  II  repartit  de  Lisbonne  ,  en 
1 6 1 8 ,  avec  quarante-quatre  mission- 
naires, qui  tous  avaient  demandé, 
comme  une  faveur  ,  la  permission  de 
le  suivre.  Plusieurs  moururent  dans 
la  traversée  :  il  tomba  malade  lui- 
même  à  Goa  ,  et  sa  vie  fut  long- temps 
en  danger:  mais  enfin  il  se  rétablit^ 
et  s'étant  embarqué  le  20  mai  1620  , 
au  bout  de  deux  mois  d'une  naviga- 
tion périlleuse,  il  atteignit  Macao, 
d'où  il  rentra  dans  la  Chine,  sept 
ans  après  en  être  sorti.  Chargé  de 
l'administration  spirituelle  de  trois 
vastes  provinces,  il  se  livra  ,  sans  re- 
lâche, aux  fonctions  de  son  minis- 
tère, et  cependant  il  sut  trouver  le 
loisir  de  s'iustruire  dans  l'histoire  et 
la  littérature  des  Chinois.  Epuisé  de 
fatigues ,  il  y  succomba  le  1 4  novem- 
bre 1628  ,  à  Nanking  ,  dans  un  âge 
qui  semblait  lui  promettre  encore  de 
longs  travaux.  Outre  la  Fie  du  P. 
Barzis  ,  Anvers  ,  161  o  ,  in  -  8". , 
Colo£;ne  ,  i  ()  1 1  ,  in- 1 2 ,  on  a  de  lui  : 
I.  Epistola,  (le  sud  m  Indiam  navi- 
gatione  ;  insérée  dans  l'ouvrage  de 
Pierre  Jarric  :  Histoire  des  choses 
les  plus  mémorables  advenues  dans 
les  Indes  ,  tome  m,  i,  4i' Cette 
Lettre  ,  écrite  en  français  ,  datée  de 
Goa ,  le  24  décembre  1G07  ,  est  une 
relation  du  premier  voyage  du  P. 
Trigaut  dans  les  Indes;  elle  avait 
été  imprimée  ,  Paris  et  Lyon,  i(io5  , 


522 


TRI 


in- 12.  II.  De  christiand  expedidone 
apud  Sinas  suscepta  ab  societate 
Jesu  ,  ex  Matthœi  Riccii  commen- 
tariis  libri  v,  Au?;sbourg .  i6i5  , 
^-4°.  ;  Lyon  ,  i6i6  ,  même  format; 
avec  des  additions,  Cologne,  1G17, 
in-8'\  (1)5"  traduit  eu  français  ,  par 
le  sieur  de  Kiquebourg-Trigaut;  Lille, 
16 17  ,  in -4".  ,  et  sous  le  titre  de 
Voyage  des  PP.  Jésuites  en  Chine, 
Paris,  1617  ,  in-S'J.;  en  espagnol , 
par  Ed.  Fernaudez  ,  1621  ,  in-40. 
Cet  ouvrage  est  à-la-fois  l'histoire 
de  l'établissement  des  Jésuites  à  la 
Chine  ,  et  comme  on  l'a  dit  ,  une 
excellente  Biographie  du  P.  Ricci 
(  Foy.  GoEs  ,  XVII,  oqo  ,  et 
Ricci  ,  XXXVII,  5i6  ).  Le  pre- 
mier livre  contient  une  description 
abrégée  de  la  Chine ,  des  mœurs  et 
des  usages  de  ses  habitants  ,  ainsi 
que  de  leurs  arts.  Dans  le  chap.  4 
{De  avLihus  apud  Sinas  mechanicis  ), 
il  parle  de  l'imprimerie  tahellaire  , 
qui  se  pratiquait  à  la  Chine  depuis 
cinq  siècles  ;  mais  il  n'en  détermine 
pas  les  commencements  d'une  ma- 
nière aussi  précise  qu'ils  l'ont  été 
depuis  (  Forez  Tai-tsou  ). 
IIL  Annuœ  litterœ  è  regno  Sina- 
rum,  annor.  iGio,  161 1  ,  Angs- 
bonrg  ,  i6i5  ,  in-S".  IV.  Rei  chris- 
tianœ  apud  Japonios  commenta- 
rius  ex  litteris  annuis  soc.  Jesu  , 
annor.  i(3o9  et  seqq. ,  ibid. ,  161 5  , 
in-8".  V.  De  christianis  apud  Japo- 
nios triumphis  ,  sive  de  ç^ravissimd 
ibidem  persecutiune  contra  fidcm 
Chrisli,  exorta  aiino  i6ii ,  libri  k, 
Munich  ,  i6i3  ,  in  -4<^,  ,  fig,  de  Sa- 
deler  (  F.  Rad.:r,  XXXVI  ,  53i  ). 
Cet  ouvrage  a  été  traduit  en  français, 
par  le  P.  Pierre  iVIoriu,  sous  ce  titre: 
Ilisloira  des  martyrs  du  Japon  , 


1)  l.'iiMi.M'riîv 


ill;8. 


ÏRI 

depuis  l'an  i6i2  jusqu'en  1620, 
Paris  ,  1624  ,  iD-40.  Enfin  on  a  de 
ce  laborieux  missionnaire  un  Foca- 
bulaire  chinois  ,  en  trois  volumes  ; 
un  Trai*é  du  Comput  ecclésiastique 
pour  faciliter  aux  nouveaux  chrétiens 
le  moyen  de  connaître  les  jours  oh 
tombent  les  fêtes  et  les  jeûnes  de  l'É- 
glise romaine  ;  une  Paraphrase  la- 
tine des  cinq  King  ;  le  premier  volu- 
me des  Annales  de  la  Chine ,  etc. 
F.  la  Bibl.  societ.  du  P.  Southwel , 
p.  637.  W— s. 

TRIGLAND  (Jacques),  théolo- 
gien hollandais ,  né  à  Harlem  en 
i652,  fut  nommé,  en  1686,  profes- 
seur de  théologie  à  l'université  de 
Leyde,  où  il  fut  aussi  chargé  d'ex- 
pliquer les  antiquités  heljra'iques.  Il 
était  très-estimé  de  Guillaume,  prince 
d'Orange  ,  qui  le  nomma  deux  fois 
recteur  de  l'université  de  Leyde  ,  où 
il  mourut,  en  1705.  Trigland  se  fit 
remarquer  par  son  ardeur  dans 
les  disputes  sur  le  système  de  Jac- 
ques Arminius  et  des  remontrants. 
Ses  écrits  prouvent  plus  d'érudi- 
tion que  de  tolérance  ,  savoir  :  I. 
De  civili  et  ecclesiasticd  potes- 
tate  et  utriusque  ad  se  invicem 
tùm  subordinalione  tùm  coordina- 
tione  ,  occasione  libelli  Fedeliam  , 
de  Episcopatu  Constaniini  Magni  , 
Amsterdam  ,  16.^2  ,  in-12.  II.  //is- 
toria  ecclesiastica  continens  grat'a- 
mina  et  controversias  in  Unitis  Bel- 
gii  Provinciis  ortas  ,  cum  annota- 
tioTubus  ad  historiam  ecclesiasti- 
cani  Joh.  fVytenbos,ardi ,  Leyde  , 
1 05o,  in-fol.  111.  Systenia  dispulatio- 
Tuan  thcologicarurn  in  confcssionem 
et  apologiain  Ilcmonstrantium,  Ley- 
de, [050,  in-4".  W..Anta]}ologia  , 
sive  examen  atque  refulalio  toliits 
apologiœ  lieinonslrantium  ,  llarde- 
wick. ,  \(W)l\,  \n-f\°.  V.  De  sectd 
Karti'oruiii ,  \éiiyàc ,    1700  j    llam- 


TRI 

bourg,  1714  >  iti-4''-  VI.  Commen- 
larius  in  Isaiœ  cap.  4  -,  sive  de 
gratid  electionis  ,  sanctificationis 
et  conservationisj  Amsterdam,  1O69, 
iii-80.  YII.  Sonjecianea  ad  qucedam 
ohscura  fragmenti  de  Dodone  loca, 
dans  le  Thés.  ant.  grœc  Gronovii , 
t.  7.  YIII.  Z>e/oi'e/?/io  patriarchd  in 
sacri  bovis hieroghphico abu'Egj'p- 
iiis  adorato ,  Leyde  ,  1700,  in-^". 
W  Laudalio  funehris  Gidllelmi  III 
Magnce  Britanniœ  régis  ,  Leyde  , 
l'^o-i  ,  in-fol.  X.  De  origine  et 
causis  rituiim  mosàicorum  ,  Leyde , 
i'j02.  XT.  Laudatio  fanehris  Frid. 
Spanheniii ,  Leyde  ,  1701,  in-4°- 
XII.  De  utililate  religioiùs  in  re- 
publicd  ,   etc.  G — v- 

TRIGTJEROS  (Don Candide-Ma- 
rie) ,  litteratem- ,  né  à  Orç;az  en  Cas- 
tille  le  4  sept,  1736  ,  emlirassa  l'état 
ecclésiastique,  et  obtint  un  bénéfice  à 
Carmone.  Il  fut  membre  de  l'acadé- 
mie des  bonnes  lettres ,  de  la  société 
éconoraiquedeSéville,pnisbibliotlie'- 
cairedes  études  royales  à  Madrid,  Il 
<lébutadansla  carrière  deslettrespar 
El  Poetafilosofo,  0  poesias  filosofi- 
cas  en  vers  pentamètres  ,  imprimé 
sans  nom  d'auteur  ,  Séviile  ,  1774  , 
in-4°.  C'est  un  mélange  de  divers 
poèmes  intitulés  :  V Homme  ,  qui  est 
parfois  uncfalble  imitation  de Milton; 
le  Désespoir  ;  —  V Espérance  ;  — 
la  Fausse  liberté  ou  la  Licence  ;  — 
le  Désir  ; — le  Remords  ;  —  la  Ré- 
flexion; —  la  Joie  ;  —  la  Tristesse  ; 
— la  Femme.  Oiioicpie  cet  ouvrage  ait 
eu  des  admirateurs  en  France,  la  pré- 
tention de  l'auteur  à  se  croire  l'inven- 
teur du  rliytlime  dans  lequel  il  avait 
composé  ses  vers  ,  quoiqu'il  fût  déjà 
usité  en  Espagno,lui  donna  des  ridicu- 
les dans  sa  p:>lric  ,  et  il  fut  obligé  de 
convenir  de  son  erreur.  Il  iiublia  en- 
suite :  T.  Poesias  de  Melchlor  DIaz 
de  Tolède,  jioela  del  siglo  xri  , 


TRI  523 

SéviUe ,    1776.   Ce  sont  différentes 
pièces  ,   tant    originales    que    tra- 
duites du   grec  et  du  latin  ,  de  Lu- 
cain,  de  Théocrite,  etc.  Trigueros 
lit  passer  ses  propres  vers  pour  ceux 
d'un   prétendu   poète     inconnu    du 
seizième  siècle  ,  et  il  eut  la  satisfac- 
tion de   voir   que  quelques  lecteurs 
furent  dupes  de  sa  ruse  ,   et  que  les 
autres  rendirent  au  moins  justice  à 
son  ingénieuse  facilité.  II.  Viage  al 
cielo  ,  del  poeta  filosofo  ,  poème  en 
trois  chants  à  la  louange  de  Charles 
III,  et  à  l'occasion  de  l'accouche- 
ment de  la  princesse  des  Asturics  , 
Séviile,  1777.  \\\.S.  Felipi  Neri 
al  Clero  ,  Séviile,  1784  ,  hî-4'>.  C'é- 
tait la  seconde  édition  d'un  poème 
qui ,  à  sa  première  apparition  (  vers 
l'an  1775  ) ,  avait  généralement  dé- 
plu en  Espagne  ,  même  à  un  orato- 
rien  qui  l'avait  demandé  à  Trigueros, 
parce  que  sa  doctrine  offrait   plu- 
sieurs allusions  à  l'expulsion  des  Jé- 
suites, Cet  ouvrage  donna  naissance 
à  divers    écrits    polémiques  ,    dans 
lesquels  le  poète  était  fort  maltraité. 
Ses  envieux  on  vinrent  au  point  de 
l'accuser  d'hérésie  ,  moyeu  toujours 
commode  en  Espagne  pour  atterrer 
et  perdre  son  ennemi.  Trigueros,  sans 
se  laisser  abattre,  usa  de  modération; 
maisvovantquece  moyen  nclui  réus- 
sissait jias  ,  il  eut  recours  à  la  satire, 
et  réfuta  ses  rivaux  dans  l'ouvrage 
suivant  :  IV,  Papel  viejo  y  malo  , 
ou  Lettre  critique  et  apologétique  du 
docteur  D.  M.  M,  A,  C,  M.  T.  avec 
des  notes  et  des  commentaires  ,  par 
un    professeur  de  vim  vi  repellere 
licet  ,     Aletopolis  ,     1777.    V.    La, 
Riada  (l'inondationl,  Séviile,  1784. 
C'est  un  poème  allégorique   sur  le 
terrible  débordement  du  (luadalqui- 
vir  ,  dans  l'hiver  de  17B3  à  1784, 
vl  à  la  louange  de  don  Pedio  Lope/. 
de  Lerena  ,  alors  a.ssist.tnt  de  Séviile, 


524 


TRI 


vt  depuis  ministre  des  finance».  On 
blâma  l'aiitear  d'avoir  pousse  l'adu- 
lation jusqu'à  faire  paraître  Minerve 
sous  les  traits  de  cet  intendant  de 
l'Andalousie ,  qui  étôit  fort  laid,  et  il 
essuya  les  traits  d'une  satire  viru- 
lente de  don  Juan  Forncr.  Il  fut  dé- 
dommage' de  ces  désagréments  par 
les  éloges  qu'il  reçut  de  quelques  lit- 
térateurs français  .  entre  autres  de 
Florian  ,  dont  la  lettre  originale  est 
rapportée  dans  le  tome  iv  de  la  Bi- 
hliothèque  espagnole  deM.  Sempère. 
VI.  Los  Menestrales  (  les  artisans  ), 
comédie  couronnée  par  la  ville  de 
Madrid  ,  et  représentée  à  l'occa- 
sion des  fêtes  de  la  paix  et  de  la 
naissance  des  infimts  jumeaux  ,  don 
Carlos  et  don  Philippe  ,  Pdadrid , 
1784.  Cette  pièce,  au  jugement  de 
Sempère ,  est  une  des  meilleures  du 
théâtre  espagnol  ,  et  l'une  des  pre- 
mières qui  aient  été  écrites  dans  un 
genre  différent  des  anciens  auteurs 
dramatiques  castillans.  Elle  n'a  pas 
laissé  cependant  que  d'essuyer  de 
violentes  critiques ,  comme  trop  sur- 
chargée de  morale ,  et  de  compter 
parmi  ses  détracteurs  don  Thomas 
Yriarte  :  mais  elle  a  trouvé  aussi  des 
apologistes  parmi  les  Français  ;  et 
Sempère  rapporte  à  ce  sujet  une 
pièce  de  vei's  anonyme  ,  qu'il  dit  être 
de  Florian ,  quoiqu'on  n'y  recon- 
naisse point  la  grâce  du  diantre  d'Es- 
telle ,  du  second  de  nos  fabulistes. 
Triguerosestmort  vers  la  lin  du  der- 
nier siècle.  Outre  les  ouvrages  que  nous 
avons  cités,  il  a  publié  :  VU.  Deux 
comédies  ,  El  Tacano  ou  Ducndes 
hay  scnor  D.  Gil  (  V Avare  ou  les 
farfadets  du  seigneur  D.  Gil  )  ,  et 
El  Precipilado  (  l'Impatient  )  ,  en 
prose.  W[\ .  La  A'^ecepsis ,\m\h'C A' un 
assez  mauvais  opéra  italien  ,  et  qui 
cependant  produisit  plus  de  (piatrc- 
vijigt  mille  réauv  (vingt  mille  francs) 


TRI 

à  la  première  représentation,  parce 
qu'elle  fut  la  première  pièce  jouée 
sous  le  titre  de  tragédie ,  et  que  la 
fameuse  actrice  Françoise  Ladveuant 
était  chargée  du  principal  l'ole  (1). 
IX.  Les  Cadres  de  Murillo ,  poème 
lu  à  la  distributiondes  prix  à  l'acadé- 
mie des  beaux-arts  de  Séville.X.  La 
Paix  dans  la  guerre ,  poème  lu  à  la 
société  économique  de  la  même  ville  , 
et  qui  valut  à  l'auteur  une  médaille 
d'argent.  XI.  Relationdesf êtes , tic, 
qui  eurent  lieu  à  Séville  pour  la  ra- 
tification de  la  paix  et  la  naissance 
des  deux  infants  jumeaux. Les  ouvra- 
ges que  Trigueros  a  laissés  manus- 
crits sont  en  bien  plus  grand  nombre: 
neuf  tragédies  ,  Oreste  ,  et  OEdipe 
roi ,  traduites  ou  imitées  du  grec  ; 
Alceste  ,  Scipion  à  Carthage  ,  Cj^a- 
ne  ,  Phèdre  ,  Viting  ,  les  Théseï- 
des  ,  et  les  Guzmans  ;  neuf  comé- 
dies, Y  Ileautontimorwnenos ,  imitée 
deTérence;  DonAtnador,  imitée  de 
V Indiscret  de  Voltaire  ;  la  Délicate , 
le  Critique  ,  le  Théâtre  comique  , 
Trampalantran ,  \eMort  ressuscité^ 
les  Illustres  voleurs,  El  Gazmoho 
(l'Hypocrite),  imitée  du  Tartiiffe 
de  Molière.  Quoique  l'auteur  ait 
adouci  plusieurs  traits  de  son  mo- 
dèle, et  (pie  sa  pièce  ait  été  très-ap- 
plaudie  sur  les  divers  théâtres  d'Es- 
pagne, elle  est  pourtant  mise  à  Y  index 
des  livres  prohibés.  Cinq  jvislorales  : 
la  Belle  matinée ,  la  Zalamcra  , 
Endjmion ,  les  Fureurs  de  Roland 
et  la  Mort  d'Abel ,  les  deux  dei- 
nières  imitées  de  Métastase.  Le  Livre 
des  Psaumes,  mis  en  vers  casiillans, 
avec  des  notes  5  cet  ouvrage  n'a  pas 
été  terminé.  Des  Traductions,  en  vers 


(1)  Cill--  ;■■  liiti;,  la  |>1ii.h  iiail'iilh-  i|ii'iiit  ihi«  l'iis- 
jugiii',  iiiminil  lie  cli'liiiuclii's,  'i  viiiKt-''*"»  »»■'' • 
1.'  Il  i.Mil  17751,  cl  lui  inHi  irc  duii.1  l'iglisc  du 
villiiKC  de  liiiriasol,  i)r;'s  de  Valence  ,  où  l"ou  \oit 
[it'iit-i'lre    encore    son  luiul)eaii. 


TRI 

castillans,  des  Églogiies  et  de  l'Éueide 
tie  Virgile  ,  de  divers  morceaux  de 
riiiade  et  de  l'Odyssée  d'Homère, 
de  plusieurs  Odes  d'Aiiacrcon  y  de 
Sapho  ,  de  Pindare,  d'Horace  ,  de 
divers  passages  de  Sophocle  etd'Eu- 
ripide.Trigueros  avait  commence  nue 
traduction  de  l'Économie  rurale  de 
Columelle  ,   qui  devait  accompagner 
une   édition    du  texte   corrige'^,   et 
cclairci    par  des    notes.    11  s'était 
aussi  livré    à  l'érudition  ,  à  l'his- 
toire naturelle  et  à  l'économie  po- 
litique.  Quelques-unes  de  ses  Dis' 
sertations   sur    des  antiquités   sont 
imprimées  dans  les  Mémoires  de  l'a- 
cadémie de  Séville.  Son  Spccimen 
Florce-Cannoncnsis  ,  son  Traité  de 
V Huile ,  lui  valurent  le  titre  de  cor- 
respondant du  jardin  royal  de  Ma- 
drid. H  a   laissé  des  Discours  sur 
V Amélioration  des  terres  ,  sur  la 
Végétation,  smVIndustrie  apicole 
et   sur  le  Perfectionnement  de   la 
laine;  il  lut  ce  dernier  à  la  société 
économique  de  San  -  Lucar ,  qui  le 
reçut  au  nombre  de  ses  associés  ho- 
noraires: une  Fie  de  don  Augustin 
de  Montianoj"  Lujando  ;  des  Rap- 
ports écrits  par  ordre  surpérieur , 
sur  le  mode  de  perfectionner  une  aca- 
démie royale  des  sciences  naturelles; 
sur  des  établissements  d'hôpitaux  ; 
sur  les  moyens  de  Reformer  la  Zit- 
ferrtf«re  espagnole,  tant  sous  le  rap- 
port de  la  morale  que  du  bon  goût. 
Des  Lettres,  dont  quelques-unes  sont 
des  dissertations  sur  divers  points 
de  littérature  j  enlin  plusieurs  mor- 
ceaux philosophiques  ,  qui  devaient 
entrer  dans  un  ouvrage  périodique 
nommé  V  Observateur.  En   général 
les  nombreux  ouvrages  de  Trigueros 
sont  écrits  avec  précipitation  et  né- 
gligence. A T. 

TRILLER  (Danikl  Guillaume)  , 
poète  allemand  ^né,le  lo  fév.  1695, 


TRI  525 

à   Erfurt,  était,  en  1730,  médecin 
du   prince  de' Nassau  -  Saarlu'uck, 
avec  lequel  il  lit  un voyagcen  Suisse, 
en  France- et  en  Hollande.  Eu  1740  , 
il   était  médecin  du  duc  de   Saxe 
Weissenfels.  Ce  prince  étant  mort  en 
1743  ,  Triller   obtint  la   première 
chaire  de  professeur  à  l'université  d(; 
Witlenberg  ,  avec  le  titre  de  conseil- 
ler et  de  médecin   de  l'électeur  de 
Saxe.  Il  mourut,  dans  ces  fonctions;, 
le  22  mai  1782.  Jusqu'à   ses  der- 
niers moments  il  cultiva  la  poésie  al- 
lemande- et  ses  productions  furent 
très-recherchées  :  ou  y  trouvait  un 
style  simple,  pur  et  facile;  mais  il 
ne  soutint  qu'avec  peine  sa  première 
réputation.   11  se  jeta   mal-adroite- 
ment dans  les  disputes  que  Gottsched 
eut  avec  les  écrivains  de  la  Suisse  ; 
il   écrivit    contre    la    Messiade    de 
Klopstock ,  pour  tourner  en  dérision 
les  hexamètres  de  la  poésie  alleman- 
de,  prévention  qui  fut  universelle- 
ment repoussée.  D'ailleurs   Triller, 
airxiant  avec  passion  la  philologie, 
les  antiquités  et  la  médecine  des  an- 
ciens ,  affectait  l'érudition  dans  ses 
poésies ,  en  y  mêlant  trop   souvent 
ses  recherches    scientifiques.    Voici 
les  principaux  de  ses  ouvrages  ,  qui 
ont  tous  paru  en  allemand.  1.  Jésus- 
Christ  souffrant ,  traduit  de  Hugo 
Grotius  ,  avec   l'original  latin  en 
regard,  et  des  observations ,  Leip- 
zig ,  1723,  in-S".  ;  nouvelle  édition , 
1748.  II.  Considérations  poétiques 
sur  différents  objets  pris  dans  V his- 
toire naturelle  et  la  morale  ,  avec 
des  morceaux  traduits  du  grec  et 
du  latin ,  en  cinq  parties  ,   Ham- 
bourg, 1750  et  1755;,  3  vol.  iu-80. 
III.  Nouvelles  fables  à  la  manière 
d'Ésope  ,  Ihmhonr^,  i75o,  iu-B". 
Dans  sa  préface,rauleur  ayant  vive- 
ment attaqué  les  éci  vains  de  la  Suisse , 
Ernesti ,  qui  fut  charge ,  comme  ceu- 


'>i6 


TRT 


seur,   de  revoir  son   travail ^  sup- 
prima les  feuilles    qui    contenaient 
des  expressions  trop  violentes.  Ces 
feuilles  étant  tombées  entre  les  mains 
des  e'crivains  suisses ,  il  les  firent  pa- 
raître dans  \(t\M  Collection ,  publiée 
à  Zurich  par  Bodiner  et  Breitinger. 
La  querelle  devint  très-vive ,  el  les 
deux  écoles,  celle  de  Gottsclied  et 
colle  de  Zurich,  ne  gardèrent  plus  de 
mesure  dans  leurs  attaques.  I\".  En- 
lèi'einent  du  prince  de  Saxe  ,  ou  le 
Charhoimier  bien   récompensé ,  en 
quatre  livres ,  avec  gravures  et  ob- 
servations  historiques ,  Francfort , 
l'y 43,  in-8"'.  Dans  sa  préface,  Tril- 
1er  prétend  que  son  poème  n'appar- 
tient point  à  l'épopée,   son  person- 
nage principal   n'étant  qu'un  char- 
bonnier, ce  qui  donna,    au  Jour- 
nal savant  de  Gottiugue^  occasion 
d'examiner    la    question    suivante: 
Faut  -  il  chercher   les   caractères 
distinctifs   et  essentiels  du  poème 
épique  dans  l'importance  de  l'ac- 
tion ,   ou  faut-il  les  rapporter  au 
rang  élevé  dupersonnage principal} 
Le  supplément  que  Triller  a  mis  à  la 
suite  de  son  poème  contient  les  deux 
pièces  suivantes  en  allemand:    1°. 
Glagium  Kaujjugense ,  ou  le  prince 
de  Saxe  enlevé ,  en  14  >5,  du  châ- 
teau d' Altenbourg ,  par  Conrad  de 
Kaujfungen  ,avec  les  circonstances 
qui    accompagnèrent   cet    enlève- 
ment ,    etc.  ,   par    Jean    Vulpius  • 
2°.  Jour  de  la   mort  de  la  prin- 
cesse   Marguerite  ,    électrice    de 
Saxe ,  avec  quelques    circonstan- 
ces de  sa   vie ,   et    en   particulier 
l'enlèvement  des  princes   ses  fils , 
par  VV.  Tentzel.  V.  IFurmsamen, 
ou    la   semence   de  vers  ,    poème 
épique,     premier    chant  ,     Franc- 
fort, inOi  ,  iii-H».  D'après  la  préfa- 
ce, ce  premier  chant  devait  rtre  sui- 
vi de  vingt-neuf  autres.  L'auteur,  dé- 


TRt 

courage  probablement  par  les  criti- 
ques qu'il  essuya  ,  n'a  point  conti- 
nué son  ouvrage.  YI  L'inoculation 
de  la  petite  vérole ,  poème  physi- 
que et  moral,  Francfort,  17O6  , 
in-S".  VIL  Poésies  d'Opitz  ,  nou- 
velle édition, publiée  par  Triller, 
avec  ses  obseï  vations  ,  Francfort , 
1746,  in-8'3.  Kultner,  dans  ses  Ca- 
ractères des  poètes  allemands  , 
dit  de  Triller  :  «  Son  expression 
est  toujours  propre,  claire,  élégan- 
te ',  sous  ce  raj.'port ,  il  n'a  au-dessus 
de  lui  aucun  poète  de  l'école  de  Gott- 
schedj  et,  sur  les  poètes  qui  vivaient 
dans  les  temps  de  sa  jeunesse,  il 
l'emporte  peut-être  par  rétendue  de 
ses  connaissances  et  par  les  lumières 
de  sa  critique.  Mais  on  ne  trouve  eu 
lui  ni  cette  force  de  génie,  ni  cette 
fmesse ,  ni  cette  ardeur  d'imagina- 
tion^ qui  sont  les  premièi'es  qualités 
du  véritable  poète.  »  G—- y. 

TRLMMER  (  Mistbiss  Sara  )  , 
Anglaise  ,  a  consacré  une  partie  de 
sa  vie  à  l'instruction  et  au  perfec- 
tionnement moral  de  la  jeunesse.  Elle 
a  composé  dans  ce  but  plusieurs  ou 
vragesqui  sont  estimés:  elle  peut  être 
regardée  comme  la  promotrice  des 
écoles  gratuites  ouvertes  le  diman- 
che en  faveur  des  jeunes  tilles  sans 
fortune,  et  dans  lesquelles  on  leur  en- 
seigne un  état  utile,  en  leur  incul- 
quant en  mcme  temps  les  princijicsdc 
la  morale  et  delà  religion.  INous 
citerons  entre  ses  écrits  :  L  Intro- 
duction à  la  connaissance  de  la 
nature  et  à  la  lecture  des  Ecritu- 
res saintes ,t\;n\ni\c  en  français.  11. 
Abrégé  de  VJIi^toire  sainte  ,  com- 
posé de  leçons  tirées  de  l'Aiwwn 
Testament.  111.  Abrégé  du  Nou- 
veau Testament ,  leçons  composées 
principa  lemenl  d'après  les  Evangiles. 
IV.  Catéchisme  des  saintes  Ecritu- 
res,  contenant  tmc  explication  des 


TRI 

leçons  ci-dessus ,  dans  le  style  de  la 
conversation  familière,  i  vol.  V. 
h' Histoire  sainte ,  tirée  des  Ecri- 
tures ,  avec  des  annotations  et  des 
réflexions.  \i..  Histoires  fabuleuses, 
destinées  à  enseigner  le  traitement 
qu'on  doit  aux  animaux.  Ce  livre 
a  cte  traduit  eu  frauçais  sur  la  a"^*". 
édition  par  David  de  Saint-George 
(  ^  .  ce  nom  )  ,  avec  cette  épigra- 
phe tirée  de  La  ÏMotte  :  Leçon  com- 
mence ,  exemple  achève ,  Genève , 
1789,  2  vol.  in-i2.  YII.  Ij  Econo- 
mie de  la  charité  ,  in-12  ,  17 8". 
L'auteur  y  fait  un  appel  aux  riches 
et  bienfaisantes  dames,  enfiivcur  des 
e'coles  du  dimanche,  et  pour  réta- 
blissement d'écoles  d'industrie ,  où 
l'on  apprendi'ait  à  des  enfants  de 
cinq  ans  à  liler  le  chanvre  ,  à  carder 
et  à  liler  la  lame,  ainsi  que  la  cou- 
ture ,  le  tricot,  etc.  On  trouve  dans 
cet  opuscule  deux  dessins  d'un 
rouet  horizontal ,  inventé  par  M. 
Barton  de  Carlisle  ,  où  douze  petites 
filles  peuvent  liler  à  la  fois  :  le  livre 
est  dédié  à  la  reine,  qui , après  avoir 
admis  l'estimable  institutrice  et  ses 
élèves  h.  travailler  en  sa  présence  , 
se  déclara  la  protectrice  des  écoles 
du  dimanche.  \  IlL  Histoire  d'An- 
gleterre jusqu'à  la  paix  de  Pa- 
ris, 1  volumes.  IX.  Histoire  an- 
cienne. X.  Histoire  romaine.  Ces 
trois  ouvrages  ont  été  réimprimés 
en  1816  ,  avec  des  ligures  en 
bois.  ÎMistriss  Trimmer  avait  bor- 
né ses  prétentions  à  contribuer  à 
l'éducation  des  enfants  des  classes 
inférieures  de  la  société  ;  mais  le 
mérite  de  ses  écrits  en  a  étendu 
l'usage  aux  classes  plus  élevées. 
Elle  entreprit  la  publication  d'un  ou- 
vrage périodique  qui  parut  d'abord 
chaque  mois,  et  ensuite  par  trimes- 
tre ,  sous  le  titre  du  Guide  de  l'é- 
ducation (  thr    Guardian  of  edu- 


TRI  527 

cation) ,  et  qui  eut  vingt-huit  numé- 
ros ,  formant  cinq  volumes.  Cette 
dame  mourutdans  les  premiersjours 
de  janvier  i8i5.  Ou  a  publié,  en 
1816  ,  des  Mémoires  sur  la  vie  et 
les  écrits  de  mistriss  Trimmer,  SLvec 
des  lettres,  des  méditations  et  des 
prières  nouvelles,  choisies  dans  son 
Journal ,  Londres  ,  2  volumes  in-80. 

L. 
TRIÎMOND  (Charles  de)  ,  prieur 
de  Cabrières,  issu  d'une  famille  ori- 
ginaire de  Provence,  naquit  à  Nîmes 
en  iG'Jo.  Un  de  ses  oncles,  chanoine 
et  conseiller-clerc  au  pi'ésidial  de  la 
même  ville,  s'était  fait  connaître  par 
un  recueil  d'Opuscules  ,  intitulé  : 
Leonis  Trimundi ,  mediensis ,  ora- 
tiones  quœdam  ,  epistolœ,  epigram- 
mata  ,  juvenilia  opéra  ,  Lyon  , 
1612  ,  in-i'.i.  Le  neveu  acquit  une  si 
grande  réputation  par  ses  remèdes 
centre  toutes  sortes  de  maladies, que 
de  toutes  parts  on  accourait  pour 
se  faire  traiter  par  lui.  Louis  XIV  le 
lit  venir  à  Paris  en  i6b'o,  pour  la 
duchesse  de  Foutanges  ,  attaquée 
d'une  hémorragie  qui  avait  résisté  à 
tous  les  ell'orts  de  la  médecine.  On 
prétend  que  Trimond  la  guérit;  du 
moins  toute  la  cour  en  fut  persuadée 
et  cria  merveille ,  ainsi  qu'on  peut  le 
voir  par  les  lettres  de  madame  de 
Sévigué.  Cependant  la  duchesse  mou- 
rut l'année  suivante  ,  de  la  maladie 
dont  on  la  disait  délivrée.  La  con- 
fiance du  monarque  pour  le  prieur 
de  Cabrières  ne  fut  point  altérée  par 
cet  événement:  il  l'appela  une  se- 
conde fois  en  iGSG  ,  probablement 
pour  lui  demander  quelque  recette 
contre  la  listule  ;  ce  fut  du  moins  au 
milieu  de  cette  même  année  que  le 
roi  en  subit  l'opération.  Ou  peut  en 
eoiichue  que  l'art  de  l'abbé  de  Ti'i- 
moiid  était  resté  impuissant  dans 
cette  occasion.  Son  prmri])al  spéci- 


3'iS  TRI 

lîque  c'tait  contre  les  hernies.  Le  roi 
Toulut  en  apprendre  la  composiliou  j 
mais  il  fallut,  pour  obtenir  celte  re'- 
vëlatiou ,  qu'il  promît  de  garder  le 
secret  jusqu'à  la  mort  de  l'inventeur. 
Le  prince  ,  Cdele  à  sa  parole ,  prépa- 
ra long-temps  lui-même  le  breuvage 
et  l'emplâtre  qui   formait  le  remè- 
de ;  et  afin  qu'on  ne  sût  pas  quelles 
drogues  il  y  employait,  il  s'en  faisait 
apporter  un  certain  nombre  d'inutiles 
en  même  temps  que  les  nécessaires. 
La  distribution  du  remède  se  faisait 
atout  venant  par  le  vaiet  de  cliam- 
bre  de    service.  Aussitôt  après   le 
de'cès  de  Trimond  ,  la  formule   eu 
fut  publiée  sous  le  titre  de  Remède 
du  prieur  de  Cahrières.  «  C'était , 
»  dit  Sprengel ,  un  composé  d'esprit 
»  de  sel  marin ,  mêlé  à  du  vin  rou- 
»  ge.  »  On  le  prenait  intérieurement, 
et  on  en  aidait  l'action  par  l'usage 
d'emplâtres  astringents.  Ou  trouve , 
à    ce   sujet,    quelques    détails  dans 
VHistoire   du  Moxa  de  Valentin. 
Diouis  dit,  dans  sou  Cours  d'opéra- 
tions de  chirurgie  démontrées  au 
jardin  du  roi,  que  «  le  prieur  de  Ca- 
»  brières  ,  quoiqu'il  fit  mystère  de 
»  tout ,  n'était  ni  charlatan  ni  inté- 
»  ressé ,  et  que  ,  plein  de  charité  ,  il 
»  donnait  souvent  gratuitement  ses 
»  remèdes.  »  Il  mourut  à  Fontame- 
bleau  le  24  novembre  1 686.  V.  S.  L. 
TRINCANO  (Didier-Grégoire), 
ingénieur ,  né ,  le  26  décembre  1719, 
à  Vaux  , bailliage  de  Besançon,  était 
fils  d'un  colporteur  (  i  ).  Ayant  trouve 
les  moyens  d'étudier  les  mathémati- 
ques, il  y  fit  de  rapides  progrès  _,  et 
obtint  bientôt  la  place  de  professeur 
adjoint  à  l'école  d'artillerie  de  Be- 
sançon. 11  servit ,  comme  ingénieur, 


(i)  U  i-!cv.i ,  <l;iii»  lii  «uilf,  l;i  pirlciilion  do  Hcs 
rniJrc  <l'u)ii-  umim-mw  cl  riolil).-  ruiiiillc  du  Mil»' 
I1P7.  ;  main  le  P.  nniiand  {  V.  <:r  nniii  )  ,  «i  «»vaii 
en  ijcm-alogic,  up  \.i  lroiiv.iil  i>a»  foiult-r. 


TRI 

au  siège  de  Fribourg  (  1  'j44)j  f"  Vvo- 
vence,  en  Italie,  et  enfin  au  siège  de 
Berg-op-Zoom  (i';47)-  A  la  paix,  il 
revint  prendre  ses  modestes  fonctions 
de   professeur   suppléant  ;   mais   le 
temps  qu'il  venait  de  passer  à  l'armée 
n'avait  point  été  perdu  pour  son  ins- 
truction. En  17547  il  remporta  le 
prix  des  arts  à  l'académie  de  Besan- 
çon, par  un  Mémoire  sur  cette  ques- 
tion :  Quelle  serait  la  manière  la 
plus  économique  de  fabriquer  du  sel 
en   Franche  ^  Comté  ?    Deux   ans 
après ,  le  dey  de  Tunis  ayant  demandé 
des    ingénieurs   français ,   Trincano 
fut  envoyé  près  de  ce  prince ,  et  fit 
fortifier  la  ville  de  Kairovan.  A  son 
retour  en  France,  il  fut  nommé  pro- 
fesseur de  ma  thématiques  deschevau- 
légers  et  des  pages ,  et  établit  à  Ver- 
sailles une  école  qui  a  fourni  des  élè- 
ves distingués ,  parmi  lesquels  on  doit 
citer  le  fils  de  Trincano  lui-même  et 
M.  Richer,  habile  constructeur  d'ins- 
truments de  physique  {F.  Richer, 
Biographie  des  hommes  vivants ,  v, 
195).  Le  chagrin  que  lui  causa  la 
mort  prématurée  de  ce  fils    chéri 
empoisonna   sa   vieillesse.  Il  eut  le 
malheur  d'être  témoin  des  premiè- 
res   scènes    de    la    révolution ,    et 
mourut  vers  1792.  Il  était  associé 
correspondant  de  l'académie  d'An- 
gers. Les  seuls  ouvrages  que  l'on  con- 
naisse de  lui  sont  :  1.  Discours  sur 
les  fortifications,  et  de  la  nécessité 
d'un  maître  de  mathématiques  pour 
l'infanterie,  Besançon,  1755,  in-4". 
de  60  pag.  II.  Éléments  de  fort  fi- 
calion,  de  l'attaque  et  de  la  défense 
des  places ,  etc. ,  Paris ,  1 768 ,  in-8".; 
2'=.  éd. ,  1 786 ,  2  vol.  in-8". ,  accom- 
pagnés de  5 1  ])l.  Cet  ouvrage  présente 
l'analyse  de  neuf  systèmes  imaginés 
par  l'auteur ,  qui  trouvait  des  raisons 
poiu' les  préférer  à  ceux  de  Cioliiuii 
el  de  Vauh.uij  mais  les  militaires  n'en 


TRI 

ont  pas  juge  de  même.  Peu  de  temps 
après  la  publication  de  cet  ouvrage , 
il  en  parut  une  critique  très  vive  , 
sous  ce  titre  :  Lettre  d'un  ingéiiieur 
tx  un  de  ses  amis ,  Amsterdam  (Pa- 
ris)^ 17^9.  in- 12.  Trincano  répondit 
aux  objections  de  son  censeur  anony- 
me ,  dans  la  préface  de  la  seconde 
édition.   III.    Traité  complet  d'a- 
rithmétique, ib;d. ,  17S1  ,  iu-  8".  ; 
i']87,   même  format. — Trincano 
(Louis-Charles-Victoire),  ûls  du  pré- 
cédent,  né  à   Besançon  en  x"]^^, 
acheva  ses  premières  études  à  Ver- 
sailles. Très-jeune  encore  il  publia  , 
pour  la  défense  de  son  insfituîeur  : 
Réponse   aux   observations  de  M. 
Vahhé  du  Sapt  sur  le  plnn  d'étude 
de  M.    Gaultier  ,    Paris  ,    1768  , 
in- 1'2  de  21  pag.  Bientôt  après,  il 
fut  adjoint  à  son  père,  avec  promes- 
se de  lui  succéder ,  et  obtint  ime  pla- 
ce dans  les  bureaux  de  la  guerre. 
Ayant  profité  de   ses   loisirs  pour 
étudier  le  droit,   il   se  fit  recevoir 
avocat  au  parlement  ,  et  ne  tarda 
pas  à  se  faire  connaître  au  barreau. 
Il    venait  de   concourir    pour  une 
chaii'e  à  la  faculté,  quand  il  fut  atta- 
qué de  la  petite-vérole ,  qui  l'enleva, 
le  5  octobre  178"»,  à  trente-  un  ans. 
Outre  rOpuscHJc  dont  on  a  parié  et 
quelques  Discours  prononces  au  m  > 
sée,  dont  il  était  secrétaire,  il  est  au- 
teur de  deux  ouvrages,  imprimés  avec 
ceux  de  son  père ,  et  qui  prouvent 
l'étendue  et  la  variété  de  ses  connais- 
sances :  Nouveau  sjstèmc  d'ordre 
renforcé,   dans     les   Eléments' {le 
fortification,   i,   26G;   et  Mémoi- 
re  sur  les   logarithmes    et  quan- 
tités négatives ,  à  la  suite  du  Trai- 
té d'arithmétique.    Ou  a    l'Éloge 
funèbre    de    Trincano,    par    Bic- 
quilley,  178(3,  in-8''.  de  4o  pag.  Son 
porlrait  a   été  gravé  par  INl.  Ponce. 
W— s. 


TRI  529 

TRINCAVELLI  (Victor),  l'un 
des  médecins  les  plus  distingués  du 
seizième  siècle  ,  était  né,  en  1 496  ^  i  ) , 
à  Venise,  d'une  famille  honorable  de 
Padoue  ,  où  il  commença  ses  études  : 
il  se  rendit  ensuite  à  Bologne,  et  il 
y  fit  de  si  grands  progrès  dans  la 
littérature  grecque ,  que  ses  maîtres 
eux-mêmes  le  consultaient  sur  le  sens 
des  passages  les  plus  difficiles.  Au 
bout  de  sept  ans,  il  revint  à  Padoue 
continuer  ses  études  médicales  ;  et 
en  terminant  ses  cours,  il  reçut  le 
laurier  doctoral.  De  retour  à  Venise, 
il  s'y  fit  bientôt  connaître  avanta2;eu- 
sement  comme  praticien  et  comme 
helléniste.  Il  ne  tarda  pas  d'être 
pourvu  de  !a  chaire  de  philosophie, 
que  la  démission  de  Sébast.  Fosca- 
rini  laissait  vacante  ;  et ,  malgré  les 
devoirs  que  lui  imposait  cette  place, 
j1  trouva  ,  dans  une  sage  distribution 
de  son  temps,  des  loisirs  pour  se 
perfectionner  dans  la  médecine  et 
dans  la  philologie.  C'est  à  cette  épo- 
que qu'il  donna  ,  sur  des  manuscrits 
découvei'tj  récemment ,  des  éditions 
d'une  foule  d'ouvrages  grecs,  qui  n'é- 
taient encore  connus  que  par  à.Gs 
versions  latines  infidlles  ou  défec- 
Ineusesl  Le  noble  dévouement  de  Trin- 
ravelU  h  l'égard  des  habitants  de 
l"î!c  Murano,  atteints  d'une  maladie 
epidémique  ,  accrut  beaucoup  sa  ré- 
putation comme  médecin.  Son  re- 
tour à  Venise  fut  une  sorte  de  triom- 
plie.  Admis,  par, acclamation  ,.au 
collège  de  médecine  de  cette  ville  ,iil 
fut,  en  i55i,  choisi  pour  succéder 
à  J.-B.  Alonti  ,  dans  la  faculté  de 
Padoue.  L'iniluence  qu'exerça  Trin- 
cavelli  sur  cette  école  al  prodigieuse. 


(i)  Vtr5i4i|',  suna&l  TlraboM-lii,  ô.ul  on  ne 
re<::uiiuait  pasici  J'euclituilp^ui'iUq^rf  ,  V.</(>/vu  J'/- 
laUlleral.  ilaliann ,  VII,  67.^;  en  i^-'n  suivant  la 
nt>\i\e\\o  Bin^rtiph.  mc-hrule,-  moi»  c'est  nue  f.iiitt 
IViMigmpliiquc. 

34 


53o 


TRI 


Il  y  changea  l'enseignement  médical^ 
en  rappelant  les  élèves  à  rëtiidc  des 
mcdccnis  grecs ,  et  notamment  d'Hip- 
pucrate  ,    dont  personne  avant  lui 
n'avait  explique'  les  ouvrages  en  Ita- 
lie. Sa  vénération  pour  le  père  de  la 
ve'ritable  médecine  ne  le  rendit  ce- 
pendant point  injuste  à  l'égard  des 
médecins  arabes.  En  rejetant  leurs 
idées  purement  spéculatives ,   il  sut 
distinguer  les  principes  que  l'obser- 
vation leur  avait  fait  admettre ,  et 
conserva  de  leur  pratique  tout  ce  qui 
lui   parut   utile.   Le    traitement   de 
Trincavelli  comme  professeur,  fixe' 
d'abord  à  neuf  cent  cinquante  florins, 
fut  porté  dans  la  suite  à  onze  cents  ; 
mais  l'exercice  de  son  art  aurait  été' 
pour  lui  la  source  d'une  fortune  im- 
mense, s'il  eut  eu  moins  de  désintéres- 
sement. Malgré  son  âge  avancé,  il  fut 
envoyé  par  le  sénat  dans  la  Garniole, 
pour  donner  des  soins   au   résident 
delà  république,  qu'il  eut  le  bon- 
heur de  guérir  5  mais,  à  son  retour  à 
Venise  ,  il  tomba  malade  de  fatigue, 
et  mourut,  le  21  août  i568  (2),  à 
l'âge  de   soixante  -  douze   ans.   Ses 
obsèques  furent  célébrées  avec   une 
grande  pompe  ,  aux  frais  de  l'état. 
Parmi  les  éditions  princeps  d'auteurs 
grecs  que  l'on  doit  à    ïrincavelli  ^ 
nous  citerons  :  les  OEuvrcs  de  The- 
mistius  ,  i534  ,  pptit  in-fol.  —  Les 
Commentaires  de  Jean  le  grammai- 
rien ,  sur  Arislote,  i535-3G  ,  4  vol. 
in-fol.  —  \j  Histoire  de  V expédition 
d'Alexandre,  par   Arrien^    i535, 
in-8''.  —  Le  il/«/»/fi/ d'Épictète  avec 
le  Commentaire  d'Arrien,    i535  , 
in  -  8".   Les  Sentences  de  Stobée  , 
1 53  5  ,  in-4".  ,  et  enlin  les  Poèmes 
d'Hésiode,  i53'j,in-4".  Les    OEu- 
vres    médicales    de    Trincavelli  , 


(a)  On  lit  d.iiis  (|iiclf|iir»  niilfurs  ,  en  i5(i3  ;  m.ii» 
ï'cil  fucoTB  uim  faute  d'itinircsnion. 


TRI 

dont  chaque  partie  avait  été  pu- 
bliée séparément ,  ont  été  recueil- 
lies en  2  volumes  in-folio,  Lyon, 
1 586 ,  1 592  ;  et  Venise ,  1  Sgg ,  pré- 
cédées de  la  Vie  de  l'auteur  ,  par 
Maruccini.  Outre  des  Commentaires 
sur  quelques  livres  d'Aviccnne  ,  sur 
les  Prognostics  d'Hippocrate,  et  sur 
plusieurs  opuscules  de  Galien,  cette 
collection  renferme  divers  traités  sur 
les  principales  branches  de  l'art  de 
guérir,  tels  que  de  la  Saignée  à;ms  les 
maladies  inflammatoires;  une  Prati- 
que  médicale,  en  deux  livres;  rnic  Ma- 
tière médicale,  avec  un  traité  de  la 
jîréparation  desremèdes,  etc.  Les  pro- 
grès de  la  médecine  rendent  ces  ou- 
vrages à-peu-près  inutiles;  mais  on  a 
du  les  lire  long-temps  avec  fruit.  On 
doit  encore  à  Trincavelli  ,  sous  le 
titre  de  Consilia  medica,  un  Recueil 
de  consultations  des  méd-ecins  ses 
contemporains  ,  qui  fait  bien  con- 
naître la  pratique  du  temps.  L'édition 
de  Bàle,  1587  ,  in-fol.,  était  la  meil- 
leure avant  celle  qu'a  donnée  récem- 
ment M.  Sprengel,  précédée  de  la 
vie  de  Trincavelli,  qu'on  a  citée  plus 
haut.  Il  faut  consulter ,  pour  plus  de 
détails,  les  iScnffor.  Veneziani  du  P. 
Degli  Agostini ,  11 ,  Sag.    W — s. 

TRINCI  (  CoNUAD  DE  ) ,  prince  de 
Foligno  ,  fut  élevé  à  la  souveraineté, 
le  22  décembre  iS^y  ,  après  que  son 
frère  Trincio  de  Trinci  eut  été  as- 
sassiné. Il  devait  à  l'appui  du  parti 
Gibelin  la  souveraineté  de  Foligno  , 
qui  était  déjà  dcinenrée  un  demi- 
siècle  dans  sa  famille.  Tantôt  traite 
par  les  papes  comme  rebelle,  tantôt 
reconnu  couiinc  vicaire  de  l'Eglise  , 
dans  sa  petite  principauté  ,  il  con- 
serva son  indépendance  au  milieu 
des  guerres  civiles  (jiii  d<;solaient  l'I- 
talie. Enfin,  parles  ordres  d'Eugène 
IV,  le  patriarche  Vitelleschi  assiégea 
Foligno  en  14^9»  ^^  ayant  été  in- 


TRI 

trodiiit  dans  la  ville  par  trahison , 
vers  la  fin  de  l'aunëc,  il  fit  tiaucher 
la  tête  à  Conrad  de  ïrinci  et  à  ses 
deux  fils,  et  réunit  celte  petite  prin- 
cipauté à  l'état  de  l'Église.  S.  S — i. 
TRIONFETTI  (Jean-Baptiste), 
botaniste  ,  ne,  à  Bologne,  en  i656, 
dut  abandonner  les  sciences  natu- 
relles ,  pour  obe'ir  à  la  volonté'  de 
son  père,  qui  le  destinait  au  bar- 
reau. 11  apprit  le  droit  à  Rome, 
oîi  il  cultiva  en  secret  ses  ancien- 
nes e'tudes.  Plus  occupé  de  bota- 
nique que  de  jurisprudence ,  on  le 
ci-ut  digne  d'occuper  la  place  de  di- 
recteur au  jardin  public  de  Rome, 
en  1698.  Il  entreprit  des  voyages  , 
herborisa  en  différentes  provinces,  et, 
au  bout  de  dix  ans  ,  parvint  à  ras- 
sembler sur  le  Jauicule  environ  six 
mille  espèces  tirées  en  grande  partie 
des  états  romains.  Cette  collection , 
qui  doit  paraître  très -bornée  de  nos 
jours,  étaitalors  une  des  plus  considé- 
rables de  l'Italie.  Elle  avait ,  en  outre , 
le  mérite  de  recomposer  la  flore  du 
Latiiim.  Trionfetti  se  préparait  à  eu 
dresser  le  Catalogue  ^  lorsqu'il  em- 
brassa la  défense  de  son  maître  Sba- 
raglia  contre  Malpighi.  Cette  que- 
relle le  jeta  dans  plusieurs  erreurs  , 
qu'on  luivitsoutenir  avec  aussi  peu  de 
sens  que  de  modération.  Malgré  ce- 
la ,  il  peut  être  considéré  comme 
le  fondateur  du  jardin  botanique  de 
Rome.  Il  mourut  dans  cette  ville , 
à  la  fin  de  novembre  1708.  Ses 
ouvrages  sont  :  I.  Observationes  de 
ortu  ctvcgelatkmc  planiarum ,  ciim 
novarum  stirpium  Idstorid ,  Rome, 
tH85,  in-4°-  ,  suivi  d'im  catalogue 
de  plantes  alpines  les  plus  rares. 
Dans  cet  ouvrage,  l'auteur  semble 
en  vouloir  à  Bartholin  (  V^.  Bar- 
TH0[,iN,III,  4^3);  mais  ses  coups 
portent  plus  haut  :  ils  sont  dirigés 
contre  Redi  et  Malpighi.  II.  Sj'llog. 


Tlil 


53 1 


plantaruin  horto  romano  addita- 
ruin,  il)id. ,  1687  ,  in-4".  III.  Pro- 
lusio  ad  puhlicas  herbarum  osten- 
tiones  ,  cm  accesstrunt  noi>arum 
stirpium  descriptiones  ,  i])ideni.  , 
1700,  in-4''.  IV.  Findiciaruiii  ve- 
rilatis  à  castigationibus  f/iiarum- 
dam  propositionum ,  qiiœ  habcntur 
in  opusculo  de  Ortu  et  vegctatione 
plantarum ,  etc.,  ibid.,  170^,  iu- 
4".,  i""®.  partie  et  la  seule  publiée. 
Voy.  Fantuzzi ,  Scnttori  Bolognesi, 

VIII,    116. ÏRIONFETTl   [LéLlus)^ 

frère  aîné  du  précédent ,  et  meilleur 
botaniste  que  lui,  a  beaucoup  écrit 
sans  avoir  rien  imprimé.  Il  fut,  pen- 
dant quarante  ans,  professeur  de  phi- 
losophie et  d'histoire  naturelle  à  l'u- 
niversité de  Bologne,  et  le  premier 
président  de  l'institut  des  sciences  , 
que  le  comte  Marsigli  venait  de  fon- 
der dans  la  même  ville.  Il  y  mourut, 
le  2  juillet  1722,  à  l'âge  de  soixante- 
quinze  ans.  On  trouvera  chez  le  mê- 
me Fantuzzi,  vi  11,  1 18,  le  Catalogue 
des  ouvrages  inédits  de  ce  professeur. 
Voyez  aussi  son  Éloge,  par  Alexan- 
dre Macchiavelli ,  dans  le  Giornale 
de'  letterati  cTItalia,  tome  xxxv  , 
art.  4.  A — G — s. 

T  R I P  (  Luc  ),  poète  hollandais , 
né  à  Groningue ,  et  membre  distingué 
de  la  magistrature  de  cette  ville  ,  y 
mourut  en  1783.  Il  a  laissé  un  Re- 
cueil de  Méditations  poétiques  sur  des 
sujets  religieux,  sous  le  titre  de  Loi- 
sirs utilement  employés  ,  Leyde  , 
1774,  in-S".  Ce  volume,  peu  consi- 
dérable ,  a  suffi  pour  lui  assigner  un 
rang  très-distingué  parmi  les  poètes 
de  sa  nation.  Sa  verve  est  riche  et 
féconde.  On  y  regrette  quelquefois 
l'absence  d'harmonie  et  l'emploi 
d'exj)ressions  un  peu  mystiques.  M. 
de  Vries  lui  a  rendu  justice,  dans 
son  Histoire  de  la  poésie  hollandai- 
se,  tome  II,  p.  246-a5'2.  M — on. 
34.. 


53a 


TRI 


TRIPPEL  (Alexandre),  sculp- 
teur ,  no  à  Scliafl'house  en    i  ']47  , 
mourut  à    Rome  eu  1793.  A  neuf 
aus  ,  il  fut  envoyé  chez  un  parent,  à 
Londres  ,  pour  apprendre  la  menui- 
serie et  la  construction  des  instru- 
ments de  musique  ;  mais  le  gc'nie  du 
jeune  artiste  le  dirigea  vers  l'art  du 
sculpteur.  Il  se  perfectionna  dans  le 
dessin ,  et  suivit  son  frère  à  Copenha- 
gue. Le  professeur  Wiedcvelt  devint 
son  maître  en  sculpture.  Après  huit 
ans  de  séjour  en  Danemark ,  il  se  ren- 
dit à  Berlin ,  où  ses  espérances  furent 
trompées.  De  i^etour  h  Copenhague  , 
il  fut  couronué  plusieurs  fois  à  l'a- 
cadémie. Après   un  séjour  de    trois 
ans  à  Paris ,  où  il  se  fit  connaître  par 
le  beau  modèle  de  son  groupe  allégo- 
rique sur  la  Suisse,  il  se  rendit,  en 
inn-1^  à  Rome,  oi'j  il  travailla  avec 
beaucoup  de  succès ,  jusqu'à  sa  mort. 
Une  partie  considérable  de  ses  ou- 
vrages se  conserve  en  Pvussie.  Il  se 
distingua  autant  par  la  noble  simpli- 
cité dans  l'invention,  que  par  la  fines- 
se, la  netteté  et  la  justesse  d'exécution. 
Son  goût ,  perfectionné  par  l'étude 
des  antiques,  se  reconnaît  dans  tous 
ses  bas-reliefs ,  dans  ses  bustes  et  dans 
ses  groupes  allégoriques.     U — i. 

TRLSSINÔ  (  GiovAN-GioRGio  ), 
'  poète  italien  ,  appelé  en  France  Tris- 
siii  ou  le  Trissin,  naquit  à  Viccnce 
le  <S  juillet  1 47^  :  le  nom  de  son  j)ère 
et  de  ses  a'ieux  est  quelquefois  écrit 
Tressino  ou  Dressino.  Paul  Béni  a 
romposc  mie  Histoire  (i)  de  cette 
famille  :  il  la  montre  déjà  illustre  à 
Vicencc ,  au  douzième  siècle.  Le  Tris- 
sin  n'avait  que  sept  ans  (2)  lors- 
qu'il pli  dit  son   père  ,  dont  le  pré- 


Ci)  ■[rnllnu,  ,l.-li:  vilaine  .■  fiilli  il/iiJii  J.  lia 
fiimi^lia  'J'ri'Uiin  ,  l'uilimp  ,  iCj'i  ,  in-/}".  Mn/yu- 
rliflli  rir  i  iiiiiiai»s^iit  pas  <  elln  ••dilion,  cl  criiynit 
(jue  ce  livre  élait  ri'»U'  innnii.icril. 

(a)  Quoique!  bii>i;iaplics  (literil  ncuranii. 


TRI 

nom  e'tait  Gaspard  ;  et  il  ne  paraît 
pas  que  sa  mère ,  Cecilia  Bevilaccjua  , 
née  à  \  érone  ,  ait  prl-  un  grand  soin 
de  son  éducation  littéraire.  Il  com- 
mença tard  ses  études  :  ses  parents 
avaient  craint  que  l'application  ne 
compromît  la  santé  d'un  iils  unique; 
c'est  ce  qu'on  lit  (3)  dans  une  lettre 
que  Parrasio  (  F.  Parbuasius  ,  Au- 
lus-Janus ,  XXXIII ,  a3  )  lui  adressa 
plusieurs  années  après.  Quelques-uns 
même,  et  particulièrement  J.-B.Im- 
periali  (  Mus.  histor..,  p.  43  ),  ont 
prétendu  qu'à  vingt-deux  aus  il  n'a- 
vait pas  encore  appris  la  grammaue 
latine.  Cette  assertion  a  été  contre- 
dite :  Tiraboschi  ne  la   ti'ouve  pas 
rigoureusement  réfutée.   Quoi   qu'il 
en  soit,  Trissino  eut  pour  premier 
maître  un  prêtre  de  Yicence ,  nom- 
mé François  de  Gragnuola.  Il  étudia 
ensuite  à  Padoue,  si  nous  eu  crovous 
Papadopoli  (  F.  XXXIÏ,  5i4-j  i  5), 
auteur  d'une  Histoire  de  l'université 
de  celte  ville;  mais  ce  fait  aussi  a 
semblé  doute;ix.  0;i  s'accorde  à  dire 
qu'il  répara  promptement  le  temps 
perdu  ^  que  la  littérature  ancienne, 
grecque  et  latine,  lui  devint  bientôt 
familière  ;  qu'il  dévorait  les  livres, 
et  que  Démétrius  Clialcondyle  (  F. 
VII,  G27; ,  dont  il  suivit  les  leçons  à 
I\Iilan,  admirait  la  rapidité  de  ses 
progrès  (4).  Si  Lilio  (iregorio  Gi- 
rakîi   (  Foj.  XVII,  438)  élait  en 
même  temps,  comme  on  l'assuie  , 
l'un  des  auditeurs  de  Chalcoudylc  , 
les  études    du  Trissin   à  Milan    ne 
sont  à   placer  qu'en  i5o7  :  il  avait 


(3)  /trccssisll  senif  ad  sUidia  lilleranim,ex  iiidiil 
gctiil  imrcntiiin  t/ni  filio  timehani  unico  in  spein 
mecessionit  et  inaxinlariim  o/ium  clarissima  Jaini- 
liœ  su>ci}>to. 

(4)  Diï  hnni  !  Qiiiim  rilo  non  modo  lutinnm  ,  srd 
eliitm  ^rcucain'^'ohisli  liiii^uain  ,  l'uiior  hclltiu  li- 
brarum  uuUm    M.    ('•■lo  .'...    Pnrdicanlein    Dm,,- 


..l;i,uil;,< 


royutn  t/itani 
Irriiii  ...    ta/h-  niidit  ■         ■         • 

odir  l'ievi  lanliim  fiii'Jl-cisie.  Parrasio,  dan»  I»  lue- 
■...•iHho. 


TRI 

alors  vingt-sept  ans  j  et  il  y  a,  dans 
l'histoire  de  sa  vie  ,  quelques  autres 
faits  dont  les   dates  sont  antérieu- 
res à  celle-là.  Il  lit,  en  eircl,  à  l'âge 
de  vingt-deux  ans  ,  c'est-à-dire  en 
i5oo  ou   i5oi  ,  un  premier  voyage 
h  Rome ,  y  passa  deux  années  ;  et , 
de  l'etour  à  Yicence  ,  il  épousa  Gio- 
vanna  Tiene  ,  que   Zeno   et  Maffci 
appellent,  par  erreur^  GiovannaTris- 
sina.  L'epuque  de  ce  mariage  n'est 
pas  bien  déterminée  :  plusieurs  bio- 
graphes    indiquent   l'année    i5o4; 
Niceron  et  Ginguené,   iSoSj  Maf- 
fei ,  i5o2.   ÎSous  savons  du  moins 
que   Trissino    eut    de   sa    première 
femme  deux  llls ,  dont  l'un ,  nomme' 
Francesco ,  périt  fort  jeune;  nous  par- 
lerons bientôt  de  l'autre  ,  que  distin- 
guait le  prénom  de  Giulio  :  leur  mère 
ne  vécut  que  jusqu'en  i5io.L'amiée 
suivante  moui'ut  DémétriusChalcon- 
dyle,  à  qui  Trissin  lit, par  reconnais- 
sance, élever  un  monument  avec  luie 
inscription  qu'Argelati  a  transcrite, 
et  qui  se  lit  encore  dans  une  église  de 
Milan  (5).  Dès  les  premières  années 
du  pontificat  de  Léon  X,  Trissmo 
revint  à  Rome,  oii  son  savoir,  ses 
talents  et  ses  mœurs  lui  concilièrent 
l'estime  publique.    Il   avait    étudié 
non-seulement  les  belles-lettres ,  mais 
aussi  les  sciences  mathématiques  et 
physiques,   la  théorie   de   tous  les 
beaux-arts,  et  spécialement  de  l'ar- 
chitecture. Déjà  connu  par  quelques 
essais  poétiques,  il  devint  célèbre,  en 
i5i4  ou  i5i5,  par  sa  tragédie  de 
Sophonisbc.  On  a  dit,  et  Voltaire  a 
répété  plusieurs  fois  ,  qu'elle  fut  re- 
présentée en  i5t4?  à  Vicence,  sur 
un  magnifique  théâtre ,  construit  tout 


(5)/*.  Ifl.  Dcmeliio  Chalcandylœ  nlheiiiensi .  in 
ttudiis  liltcraruin  grœcar.  emincnlissimo ,  c/iii  vixil 
annos  I.WVII,  ineiit.  V,  ri  ohiil  n/iHo  ivinxi  J. 
(ieorg.  'J'iitsinuf ,  Oa'/i.  JlUus  ,  Praccptori  o/j- 
ttino  et  sanciissimo ,  posuil. 


TRI 


533 


exprès  pour  elle.  Ce  récit  n'est  pas 
invraisemblable,  quoiqu'on  ait  pré- 
tendu quelquefois  que  cette  pièce  n'a- 
vait été  achevée  qu'en  i5i5.  D'au- 
tres disent  que  le  pape  Léon  en  fit 
donner    une    représentation    solen- 
nelle :  Voltaire  s'est  abstenu  de  rap- 
porter ce  fait,  qui  n'est  aucunement 
prouvé,  selon  ïiraboschiet  Gingue- 
né. Dans  une  lettre  de  Rucellai  (  P^. 
XXXIX,  a5o-'i52 )  au  Tiissin , da- 
tée du  8  novembre  1 5 1 5  ,  il  est  dit 
que   peut-être  la   Sophoiiishe  sera 
jouée  devant  le  pape,  durant  le  sé- 
jour qu'il  doit  faire  à  Florence  :  il 
iaut  noter  pourtant  que  ces  mots  ne 
se  trouvent  point  dans  l'une  des  co- 
pies manuscrites  de  cette  épître.  Ce 
qui  est  avéré  ,  c'est  que  Trissino  eut 
le  bonheur  d'inspirer  à  Léon  X  une 
haute  idée  de  ses  talents  et  de  ses 
limiièrcs.  11  fut  chargé,  par  ce  pon- 
tife<,  de  plusieurs  négociations  im- 
portantes :  il  remplissait  une  mission 
de  cette  nature  à  Venise,  depuis  le 
mois  de  septembre  i5i()  jusqu'au  5 
janvier  i  5i  -y,  comme  on  le  v^oit  par 
des  lettres  de  Bembo.  Envoyé  pareil- 
lement auprès  du  roi  de  Danemark 
Christian  II ,  et  de  l'empereur  Ma- 
ximilien,  avant  i5i9,  Trissino  s'ac- 
quitta si  bien  de  ces  fonctions ,  qu'il 
sut  mériter  à-!a-fois  les  bonnes  grâ- 
ces du  pontife  qui  les  lui  confiait,  et 
celles  du  chef  de  l'empire.  Celui-ci 
lui  accorda  le  droit  de  mettre  la  Toi- 
son d'or  dans  ses  armoiries,  et  de 
prendre  le'surnom  tlal  Vello  d'oro  ; 
c'est  ainsi  que  sont  signées  deux  let- 
tres qu'il  a  écrites  depuis  au  cardi- 
nal Madrucci,  évêque  de  Trente.  Il 
avait  aussi  reçu  de   Maximilien  la 
([ualitc  de  chevalier  et  de  comte  : 
Charles-Quint,   auprès  duquel  il  a 
rempli  de  semblables  missions  après 
iTut),  hii  confirma  ces  litres  et  ces 
privilèges.    Mais    a-t-il   été  inscrit 


534  TRI 

dans  l'ordre  des  chevaliers  de  la  Toi- 
son d'or?  On  ne  s'accorde  pas  sur 
ce  point.  Manni  l'aUlrme,  dans  le 
tome  XV  (  p.  iSt  ^  de  ses  Observa- 
tions sopra  i  Sigilli;  mais  Tira])os-- 
dû,  et,  avant  lui,  Apostolo  Zeno  , 
l'ont  conteste  :  ils  pensent  que  le  sur- 
nom Fello  d'oro,  et  le  titre  de  che- 
valier étaient,  pour  le  Trissin,  indé- 
pendants l'un  de  l'autre  ;  ils  obser- 
vent qu'il  ne  s'est  jamais  permis  de 
les  réunir,  et  en  concluent  que  la 
permission  de  s'en  décorer  n'a  point 
entraîné  son  inscription  dans  cet  or- 
dre. Toutefois  il  avait  joint  à  ses 
armes  les  mots  grecs  tô  Çr)Toû|:x£vov 
âloirô'j  (  qui  cherche  trouve  ),  em- 
pruntés de  V OEclipe-Roi  de  Sopho- 
cle (  v.  1 1  o  ).  Léon  X  étant  mort  en 
décembre  x52i  ,  Trissino  revint  à 
Viccnce  :  en  1 5^3  ,  il  y  prit ,  dans 
sa  propre  famille ,  une  deuxième 
épouse,  Bianca  Trissina  ,  dont  il  eut 
bientôt  un  fils  ,  nommé  Ciro  ,  et  une 
il  Ile.  Profitant  de  ses  loisirs  polir  se 
livrer  à  ses  goûts  littéraires,  il  pu- 
blia  ,  en  iSag,  plusieurs  écrits  rela- 
tifs à  l'orthographe  italienne,  à  la 
grammaire  ,  à  la  poétique.  Cepen- 
dant Clément  VII ,  souverain  pon- 
tife depuis  iSaS,  réclama  ses  ser- 
vices, et  l'envoya,  comme  avait 
fait  Léon  ^  auprès  du  gouvernement 
de  Venise  ,  et  à  la  cour  de  Charles- 
Quint.  Au  couronnement  de  cet  em- 
pereur ,  à  Bologne,  en  i53o  ,  le 
Trissin  porta  la  queue  de  la  robe  du 
[>ape.  Après  cette  cérémonie ,  il  se 
hâta  de  regagner  Vicence,  d'où  il 
continua  néanmoins  de  faire  quel- 
ques voyages  à  Iiomc.  Il  jouissait 
d'une  égale  considération  dans  ces 
deux  villes  ,  aussi  bien  qu'à  Ve- 
nise :  partout  on  le  comblait  d'hon- 
neurs.Quoiqu'il  eût  perdu,  en  iSaS, 
h'  j)lus  intime  de  ses  amis ,  Jean 
Ruccllai  ,  q\ii  lui  avait  dédié  le  poè- 


TRI  ,     ^ 

me  des  Abeilles ,  et  auquel  il  avait 
lui-même  consacré  un  de  ses  livres 
de  grammaire  ,  il  lui  restait  d'hono- 
rables relations  avec  plusieurs  hom- 
mes de  lettres  ,  par  exemple  avec  son 
ancien  condisciple  Giraldi ,  et,  selon 
Crescimbeni,avec  le  Vénitien  Girola- 
ino  Mohno  (G).  C'est  vers  l'an  i535, 
qu'il  a  commencé  de  contribuer  au 
développement  des  talents  de  l'archi- 
tecte André  Palladio  ,  qui  était  né 
en  i5i8  :  il  fut  sinon  son  maître, 
du  moins  son  protecteur  ,  son  ami  et 
quelquefois  son  guide;  il  le  mena 
plusieurs  fois  à  Rome.  On  dit  plus  ; 
on  raconte  qu'il  lui  enseigna  les  pre- 
mières règles  de  l'architecture ,  qu'il 
lui  expliqua  Vitruve  ,  qu'il  lui  donna 
le  nom  même  de  Palladio ,  et  qu'il 
lui  fournit  les  dessins  du  palais  de  la 
villa  Cricoli  ;  mais  ces  faits  _,  et  sur- 
tout les  deux  derniers  ont  été  cou^ 
testés  (  F.  Palladio  ,  XXXII ,  4'^9~ 
435  ).  Cette  maison  de  campagne  de 
Cricoli  appartenait  au  Trissin  (■])  : 
de  là  est  datée  l'une  des  deux  lettres  , 
qu'il  a  écrites,  en  i538^  au  duc  de 
Ferrare ,  Hercule  II ,  et  qui  montrent 
à  quel  point  il  avait  gagné  l'estime 
et  la  confiance  de  ce  prince.  Depuis 
long  -  temps  il  prospérait  :  les  pertes 
qu'il  avait  essuyées  pendant  huit  ans 
de  guerre  avant  i5i3  ,  étaient  am- 
plement réparées  par  les  bienfaits  des 
papes  et  des  empereurs;  il  en  convient 

(0)  Cirolamo  Molino,  noble  Vriiilirn,  raquit 
«•n  i5oo.  n  c'iait  (ils  de  l'ietro  Moliiio  ri  de  Cliiarn 
f'.aiicllo.  Des  sa  jeunesse  ,  il  cultiva  l'aiullié  de 
plusieurs  hommes  célèbres,  tels  que  le  Trissin  et 
IJeiiilm.  II  einplnyait  une  partie  de  sa  fortune  à  se- 
courir d'estimables  lilteruteurs,  qu'il  voyait  lut- 
ter contre  une  extrême  pénurie.  Pour  se  mieux 
livrer  lui.raêuic  j'i  l'élude  des  lettres  et  des  scien- 
ces ,  il  fuyait  les  emplois  publics  cpii  seraient  ve- 
nus le  cbîrcber.  Ses  poi'sie»  italiennes  lui  avaient 
ocquis,  en  \Ul\a  ,  quelque  renohuncc  ;  il  mourut  5 
Venise,  le  «J  septinilire  iSGçi.  Ses  vers  ont  été  re- 
cueillis en  ir>73  ,  nn  vol.  ii'i  8".,  imprime  dnu» 
cette  même  ville.  J.  M.  Verdixolli  .1  écrit  une  no- 
tice sur  s:i  vie. 

(i)  On  lit  s\a  l'ardiitravo:  /Icndemiœ  Tiifsinca: 


TRI 

dans  une  lettre  à  son  ancien  précep- 
teur, François  de  Gragnuola  ;  mais  la 
fortune  réservait  (juelques  chagrins  à 
sa  vieillesse.  D'abord  il  eut  à  soute- 
nir un  long  et  pénible  procès  conlre 
des  communes  qui  dépendaient  de  lui; 
ensuite  il  lui  fallut  plaider  avec  son 
propre  fils,  ce  Giulio,  né  du  premier 
mariage,  et  qui  était  devenu  arclu- 
prêtrc  de  la  cathédrale  de  Vicence. 
Le  tendre  attachement  du  Trissin  à 
sa  seconde  femme ,  et  sa  prédilection 
pour  le  fils  ,  Ciro  ,  qu'elle  lui  avait 
donné,  excitèrent  la  jalousie  de  Giu- 
lio, qui,  brouillé  bientôt  avec  la  belle- 
mère  ,  ne  tarda  point  à  l'être  avec  le 
père  même  :  il  réclama  l'héritage  de 
sa  mère  Giovanua  Tiene,  revendiqua 
la  plus  grande  partie  des  biens  de  la 
famille  ,  et  jusqu'à  la  Villa  Cricoli. 
Irrité  de   ces  prétentions,  Trissino 
résolut  de  s'éloigner  du  lils  ingrat  qui 
les  élevait  ;  il  quitta  Vicence  pour  se 
retirer  à  l'Isola  di  Murano  près  de 
Venise,   et  y  travailler  plus  tran- 
quillement   au    poème   de    Yltalia 
liberatada    Go»t;,  qu'il  avait  entre- 
pris depuis   i525.   Mais  une  autre 
affliction   lui  survint  :  il  perdit ,  en 
i54o,  sa  deuxième  épouse,  Bianca 
Trissina  :  ce  malheur  lui  fit  prendre 
la  résolution  de  retourner  à  Rome , 
où  Ciro,  son  jeune  fils  ,  l'accompa- 
gna. L'étude  seule  pouvant  le  conso- 
ler ,  il  reprit,  dans  cette  ville,  ses 
travaux  littéraires,  et  s'y  livra  aAcc 
tant  d'ardeur,  qu'en  iS/j^,  il  publia, 
outre  sa  comédie  des  SiniilUmi  ou 
des  Méncchmes  ;,  les  premiers  chants 
de  son  grand  poème  ;  les  autres  pa- 
rurent l'année   suivante.  Cependant 
l'archiprêtre  Glullo   poursuivait    le 
procès  d'autant  plus  vivement ,  qu'il 
se  sentait ,  d'une  part ,  menacé  d'une 
exhérédallon   totale  ,  et  de  l'autre , 
soutenu  parles  intrigues  et  le  créditée 
la  plupart  des  membres  de  sa  famille 


TRI 


53Î 


maternelle.  Le  Trissin  se  vit  obligé  de 
se  transporter  à  Venise  en  i548;  et 
a  cause  de  la  goutte  qui  le  tourmentait, 
il  ne  put  faire  ce  triste  voyage  qu'en  li- 
tière. Avant  le  jugement  définitif  ,  il 
voulut  aller  à  Vicence  ,  et  y  trouva 
Giulio  usant  de  l'autorisation  qu'on 
lui  avait  donnée  de  faire  saisir  tous  les 
biens  en  litige.  Il  restait  au  père  fort 
peu  d'espoir  d'en  recouvrer  jamais 
la  possession  ;  car  le  fils  ne  gardait 
plus  de  ménagements  depuis  qu'il  sa- 
vait qu'en  effet  le  Trissin,  annidant  un 
premier  testament,  en  avait  signé  un 
autre  où  il  léguait  tous  ses  biens  à 
Ciro  et  aux  enfants  de  Ciro,  après 
lesquels,  s'ils  venaient  à  manquer, la 
maison  de  Cricoli  passerait  à.  la   ré- 
puljlique  ,  et  les  autres  propriétés  se- 
raient partagées  entre  les  procura- 
teurs de  Saint-Marc.  La  cause  fut  ju-- 
gée  enfin;  et  Trissino  père  ,  dépouillé 
de  la   meilleure  partie  de   ce   qu'il 
avait  possédé.  Pour  la  dernière  fois, 
il  quitta  Venise  et  Vicence ,   après 
avoir  composé  huit  vers  latins  (8)  , 
où  il  se  plaignait  de  la  dureté  de  sou 
fils  et  de  l'iniquité  de  ses  juges.  Le 
fond  de  raflalrc  n'est  point  assez  ex- 
pliqué dans  les  monuments  et  dans 
les  livres  ,  pour  que  nous  sachions  si 
le  second  de  ces  reproches  était  fon- 
dé ;  le  premier  le  serait  en  toute  hy- 
pothèse. Réfugié  à  Rome  ,  en  i54c), 
le  Trissin  y  mourut  l'année  suivante. 
Succombant  à  son  infortune  ,  il  ter- 
mina sa  carrière ,  au  commencement 
de  décembre  i  55o  ,  âgé  de  soixante- 
onze  ans.  On  l'inhuma  dans  l'église 
de  S.  Agala  di  Suburra  ,  près  d'An- 
dré-Jean Liiscaris.  Il  existe  une  rela- 


(8)  i>n,i-ramu<  Icrras  ,  i.lio  siih  cnrdiiu-  muiidi , 

(Jiiai!->.b  mihi  cripilui  fraude patmiui  doiiitn 
Et  fwel  hanc  fraudent  renelûm  iciilditlia  dura 

(Qiire  nali  in  palrein  comprobal  imidias  , 
Qiuc  tialiim  voluil  rciifrcluin  a-l.ile pnrentem 
"  yltque  agnim  nnlimtis  pctlere  limitibus, 
CaradomiK.ualeau  duUa.p.e  ■.■al-le  Penulcf; 
.V.iHi  mi.criannloi  rri^nraJiro  Ifitt. 


53(i  TRI 

tlon  fort  ddtaîîlce  de  «a  mort  et  de 
ses  obsèques ,  par  Carlo  Tieue ,  dout 
la  sœur  avait  épouse  Ciro.  Une  ins- 
cription en  riionneur  du  poète  se  lit 
dansTéglisede Saint-Laurent  à Vicen- 
ce  ;  elle  y  a  ète'  placée  en  1 6 1 5 ,  par  son 
]ictit-lils  Pompée  Trissiuo  :  ses  fonc- 
tions diplomatirpies  et  ses  qualités  ho- 
norifiques y  sont  retracées,  beaucoup 
plus  que  ses  titres  littéraires.  11  y  est 
dit  qu'il  a  été  décuré ,  pour  lai  et 
pour  ses  descendants  ,  aurei  velleris 
insignibus et  comitis  dignitate,  et  que 
les  plus  illustres  princes  avaient  as- 
piré à  l'honneur  qu'il  obtint  de  por- 
ter la  queue  du  manteau  pontilical 
au  couronnement  de  Charles  -  Q'jint. 
On  ne  sait  par  quelle   étrange  mé- 
prise Vo'taire  et,  d'après  lui,  Gham- 
lort  et  Chénier  l'ont  fait  prélat,  non- 
ce ,  archevêque  de  Bénévenî.  C'était 
peut-être  afin  de  lui  trouver  un  rap- 
port déplus  avec  le  cardinal  Bibbie- 
iia  (  Fof.  Dovisi ,  XI ,  6-26  ,  627  ) , 
qui  a  composé  en  Italie  la  première 
comédie  dans  le  goût  classique,  com- 
nie    Trissino   la   première  tragédie 
régulière.  Scipion  Maffei  a  donné , 
«■n  1  "j'iQ ,  à  Vérone,  chez  l'imprimeur 
^^^llarsi,  une  édition  des  OEuvres  de 
Giovan- Giorgio  Trissiuo,  en  deux 
volumes,  petit  in-folio  ,  dont  le  pre- 
mier contient  ses  poésies  ;  le  second  , 
ses  écrits  en  prose.  Le   tome    i'=''. 
comprend  quatre  parties,  savoir,  le 
poème  de  Vltalia  Uherata  ;  Sopho- 
Jtisbe ,  tragédie  ;  i  Siinillimi ,  comé- 
die •  et  les  lîime  ou  jnèccs  diverses. 
Nous  nous  arrêterons  d'abord  à  celles- 
ci  ,  parce  qu'on  les  peut  considérer 
comme  de  simples  essais,  dont  la  plu- 
part ont  été  composés  avaut  tous  les 
.iutres  ouvragcsdel'autcur,  ainsi  qu'il 
le  déclare  lui-même  eu  les  adrcssantau 
(aiduial  flidolli  :  Id  maggior parte 
J'itrono  par  me  iiclla  mia  jiiinia  gio- 
i-iiivzza  cuinjjoslc.  Cintjuanle  -  neuf 


JRI 

Sonnets,  treize  Ballades,  treize  Can- 
zoni  ^  trois  Madrigaux,  deux  Églo- 
gues,  deux  Sirventes  et  un  Dialogue  eu 
quatrains  :  telles  sont  ces  diverses 
poésies,  toutes  assez  peu  dignes  d'exci- 
ter notre  curiosité  ,  selon  M.  de  Sis- 
mondi.  On  ne  pourraity  remarquer  en 
effet  que  la  liberté  que  le  poète  a  prise 
dans  ses  Odes  ou  Canzoni^?,o'\\  de  faire 
les  strophes  inégales  ,  soit  de  mêler 
des  vers  de  sept  syllabes  à  ceux  de 
onze.  Certains  rigoristes  se  sont  ré- 
criés contre  ces  licences,  qui  semble- 
raient aujourd'hui  fort  pardonnables, 
si  elles  étaient  rachetées  par  l'origi- 
nalité des  idées  ,  par  la  vérité  des  sen- 
timents :  mais  des  pièces  froidement 
galantes  remplissent  la  plus  grande 
partie  de  ce  recueil.  Quelques  autres, 
adressées  aux  papes  Clément  YII  et 
Paul  III ,  aux  cardinaux  Ridolfi  et 
Farnèse ,  etc.  ,  sont  un  peu  moins 
fastidieuses,  sans  être  beaucoup  plus 
lyriques.  Nous  désignerons,  comme 
les  meilleures  de  toutes,  celles  qui  sont 
imitées  des  Odes  d'Horace  :  Donec 
gratiis  eram  tihi ,  etc.,  Exegi  mo- 
nwnentum,  etc. ,  et  qui  ont  été  insé- 
rées dans  un  recueil  assez  rare  de 
traductions  italiennes  de  ce  poète  la- 
tin :  Odi  diverse  d'Orazio ,  Venise  , 
i6o5 ,  iu-4".  La  première  édition  des 
Rime  du  Trissin  est  de  iS^g,  à  Vi- 
cence ,  chez  ïolomeo  Janicolo ,  gr. 
in-8'\  11  y  a  dans  l'édition  de  Maffei 
quelques   morceaux  de  plus  et  dix 
pages  de  vers  latins.  Baillet  dit  que 
Trissino  faisait  aussi  des  vers  grecs , 
et  qu'ils  ont  été  conservés  dans  cer- 
tains cabinets  d'amateurs;  mais  on 
n'en  a  rien  publié.  Quelques  Sonnets 
italiens  qui  avaient  échappé  à  Maffei 
ont  été  mis   au  jour  depuis   1729. 
Parmi  ceux  qu'il  a  recueillis,  il  en 
est(pii  se  retrouvent  dans  les  poésies 
d'un  ver.silicalciirdiu|iialorzièjiie  siè- 
cle ,  imprimées  en  i  SSy;  mais  il  y  a  là 


TRI 

probablement  quelque  erreur  de  co- 
piste ou  d'éditeur.  Le  Trissin  se  se- 
rait-il attribué,  en  i5ii9,  de  si  misé- 
rables rimes  ,  s'il  n'avait  eu  le  mal- 
heur d'en  être  en  etiét  l'auteur  ?  C'est  à 
sa  Sophonisbe  qu'il  a  dû,  eu  i5i5, 
l'éclat  de  sa  réputation  poétique.  Ce- 
pendant cette  tragédie  n'a  été  impri- 
mée que  neuf  ans  plus  tard  :  la  dédi- 
cace à  LéonX  n'accompagnait  qu'un 
manuscrit.  La  plus  ancienne  édition 
est  de  1 524  '  à  Rome ,  clicz  Arrigbi , 
in-4°.  Les  suivantes  sont  de  \  icence , 
in-4''. ,  i5'2Q;  Rome,  i54o  ,  in-  12  ; 
Venise,  Giolito,  in-12,  i553,  1 062 
et  i585,  etc.  Le  Teatro  italiano , 
publié,  en  i"j'i3 ,  à  Vérone  (  3  vol. 
in-8°.  ),  s'ouvre  par  la  Sophonisbe. 
Mellin  de  Saint -Gelais  (XXXIX, 
5']'] ,  578  )  l'a  traduite  en  prose  fran- 
çaise, et  les  cLœurs  en  vers,  Paris  , 
Danfrie,   iSog,  in  -  8".  Une  autre 
version  ,    dans   notre  langue  ,   par 
Claude  Mermet  (XXVllî,  881), 
parut  à  Lyon  ,  cliez  Odet ,  in  -  8". , 
en  1 584.  IMontcbréticn  ,  Montreux  , 
Mairet ,  Pierre  Corneille,  La  Grange- 
Chancel  et  \  oltaire  ,  qui  ont  succes- 
sivement traité  le  sujet  de  Sophonis- 
be ,  ont  plus  ou  moins  imité  le  poète 
italien.  La  pièce  de  celui-ci  avait  été 
fort  louée  par  le  Tasse  ,  qui  la  jugeait 
comparable  aux  chefs  -  d'œuvre  des 
anciens.  Elle  est  encore  plus  célébrée 
d.ins  un  Discours  sur  la  tragédie,  par 
îs'iccûlù  Rossi  de  Vicence.  Il  faut,  se- 
lon Se.  Maflei ,  avoir  le  goût  dépi-avc 
pour  n'y  point  admirer  une  compo- 
sition régulière ,  des  sentiments  pa- 
thétiques,  des  beautés  du  premier 
ordre.  Voltaire  y  reconnaît  la  prc- 
mièr'^  tragédie  raisonnable  et  pure- 
ment écrite  «  que  l'Europe  ait    vue 
après  tant  de  siècles  de  barbarie.  » 
Ginguené  eu  doimc  mie  analyse  exac- 
te; et  s'il  y  mêle  cpiclques  observa- 
tions critiques,  s'il  regrette  que  le 


TRI 


537 


style  n'ait  pas  toujours  assez  de  no- 
blesse et  de  gravité,  il  trouve  que  la 
fable  est  heuieuscment  conduite;  que 
les  incidents  naissent  les  uns  des  au- 
tres :  que  les  caractères,  tous  drama- 
tiques, contrastent  naturellement  en- 
tre eux  ;  que  le  chœur  se  montre  tel 
que  le  veut  Horace;  et  que  le  dénoue- 
ment, tout-à-fait  digue  d'être  qualifié 
tragique ,   réunit  tout   ce   qui    peut 
émouvoir  la  pitié.  C'est  aussi ,  aux 
yeux  de  M.  de  Sismondi,  la  prcmièic 
tragédie  régulière,  depuis  le  renou- 
vellement de  l'art,  ou  plutôt  c'est  la 
dernière  des  tragédies  de  l'antiquité, 
tant  eUe  est  calquée  sur  celles  d'Eu- 
ripide I  et  si  l'on  n'y  retrouve  point 
tout  le  génie  antique,  si  la  noblesse 
des  personnages  ne  se  soutient  pas 
constamment  ,   du  moins   le   poète 
n'est   pas   toujours  un  simple  imi- 
tateur :   il  a    des   mouvements   de 
vraie  sensibilité;  il  fait  répandre  des 
larmes.  Mais  cette  composition  célè- 
bre a  rencontré,  dans  ces  derniers 
temps ,  des  juges  plus  sévères,  parmi 
lesquels  il  convient  de  compter  d'a- 
bord Alficri,  puisqu'il  a  mis  sur  la 
scène  italienne  une  Sophonisbe  nou- 
velle, qui  d'ailleurs  n'est  pas ,  de  son 
propre  aveu ,  un  de  ses  chefs  -  d'œu- 
vre. Andrès  et  M.  Roscoe  n'ont  guère 
vu  que  des  défauts  dans  celle  du  Tris- 
sin :  l'action  leur  paraîtlanguissante , 
le  dialogue  prolixe ,  le  style  bas  et 
sans  coloris.  Nous  ne  saurions  sous- 
crire à  une  censure  si  peu  restrein- 
te.   La    pièce .    malcré   ses   imper- 
lections,  est,  a  notre  avis,  le  prmci- 
pal  titre  de  gloire  du  poète  de  \  i- 
cence ,   et   mérite  d'être  considérée 
comme  un  monument  des  progrès  de 
l'art  :  elle  a  rouvert  h  la  tragédie  la 
carrière  classique,  c'est-à-dire  celle 
du  bon  goût,  ou,  ce  qui  revient  en- 
core au  même,  cille  de  la  raison  et 
de  la  nature.  Elle  fait  époque  aussi 


538 


TRI 


dans  rhistoifc  particulière  de  la  ver- 
sificatiou  italienne,  en  ce  que  les  vers 
ne  sont  pas  rimes  ,  excepte  quelque- 
fois dans  les  chœurs  et  en  un  fort  pe- 
tit nombre  d'autres  passages.  Cette 
liberté^  reprochée  d'abord  au  poète, 
est  restée  à  ses  successeurs  dans  le 
genre  dramatique.  Ils  lui  doivent  de 
les  avoir  affranchis  d'un  joug  sous  le- 
quel il  s'est  fait,  en  leur  langue  et 
dans  la  nôtre,  tant  de  mauvais  vers. 
Sur  les  théâtres  d'Italie,  les  versi 
sciolti  ont  e'te'  généralement  adop- 
tes ,  à  l'exception  des  chœurs  et 
des  airs.  Est-il  bien  vrai  pourtant 
que  le  Trissin  ait  donne  le  premier 
exemple  des  vers  libres?  Palla  Ru- 
cellai  lui  en  fait  honneur  (9)  j  et  Cres- 
cimbeni  n'en  paraît  pas  douter.  Ce- 
pendant Quadrio,  après  avoir  dit 
que  telle  est  l'opinion  commune,  ajou- 
te qu'elle  est  contredite  par  des  au- 
teurs qui  attribuent  cette  invention 
soit  à  Jacobo  Nardi,  soità  Sannazar, 
soit  même  à  Jean  Rucellai.  A  l'cgard 
de  ce  dernier^  la  lettre  de  son  frère 
Palla  suffit^  ce  semble,  pour  l'écar- 
ter de  cette  concurrence.  Les  vers  de 
Sannazar  sont  rimes,  et  mêles  seule- 
ment de  prose ,  non  de  vers  libres.  Il 
s'en  rencontre  en  effet  de  tels ,  au  nom- 
bre de  viugl-trois,  servant  d'argument 
à  la  comédie  de  V Amicizia ,  de  Jac. 
Nardi;  mais  cette  pièce  elle-même  est 
tout  entière  in  tarza ,  et  parfois  in 
ottava  rima.  Ainsi  quand  elle  serait, 
comme  nous  le  croyons ,  antérieure  à 
la  Sofonisha,  et  quand  elle  remonte- 
rait aux  dernières  années  du  quin- 
zième siècle  ,  ce  qu'Aposlolo  Zeno 
conteste  à  Fontanini  ,  l'idée  cTom- 
ploycr  les  vcrsi  sciulli  dans  tout  le 

(O)  P.  Buccllai  lui  ccril  (  «  J'ni  Jhsle  il piimo 
n  clic  i/iiedo  modo  di  scrifcre  in  veni  malrnii ,  li- 
»  l'cii  dalle  lintc ,  itoririle  in  hue;  il  ijiial  mndnfli 
»  poi  lia  miii  frnlcllo....  nhrnrcinlo  ni  :tuiln.  «Pal- 
la Rnci'llai  ('iail  fri-ro  <U>  Jraii ,  doul  ou  n  \e  poi'iiio 
df.  Alxillc^  ,  ,.|c. 


TRI 

cours  d'un  poème  n'en  appartien- 
drait pas  moins  à  Trissino.  II  ne 
manqua  pas  d'appliquer  ce  genre  de 
versilication  à  sa  come'die  des  Siniil- 
linii ,  qu'il  mit  au  jour  en  1547.  En 
imitant,  comme  Tout  fait  plusieurs  au- 
tres poètes,  les  Mènechmes  de  Piaule , 
il  y  introduisait  des  chœurs ,  à  la  ma- 
nière d'Aristophane ,  se  conformait 
scrupuleusement  aux  règles  antiques , 
et  faisait  toutefois  dans  les  noms  et 
les  mœurs  les  changements  que  re'cla- 
maient  les  temps  modernes  :  mais  il 
n'avait  point  emprunte  la  force  co- 
mique du  poète  latin  j  et  cette  come'- 
die est  restée  ,  s'il  faut  l'avouer^ 
bien  médiocre.  Elle  fut  imprimée 
avec  une  de'dicace  au  cardinal  Far- 
nèse,  à  Venise,  in -8°.  ,  en  1647  et 
1 548  ;  c'est  une  seule  et  même  édi- 
tion. On  en  cite  une  de  Vicence,  du 
même  format  et  de  la  même  année. 
Nous  n'en  connaissons  pas  d'autres  , 
sinon  dans  les  OEuvres  complètes  de 
l'auteur.  11  publiait  en  même  temps 
son  poème  de r/ffl;Zm  liherata  daGot- 
fi;savoir ,  en  1 547, les  neuf  premiers 
chants  ,  à  Rome,  chez  Dorici,  avec 
une  dédicace  à  Charles- Quint;  eu 
1 54B ,  les  neuf  livres  suivants  ,  puis 
les  neuf  derniers  à  Venise ,  chez  Gia- 
uicolo  :  ce  sont  trois  vol.  in-8".,  de- 
venus rares.  Au  premier  doit  être 
joint  un  plan  du  camp  de  Bclisaire; 
au  deuxième,  un  plan  de  Rome  :  l'un 
et  l'autre  gravés  en  bois.  Ce  poème 
n'a  été  réimprimé  qu'en  1729  ,  épo- 
que où  il  rc])arut,  tant  dans  le  recueil 
des  ouvrages  de  Trissino  que  dans 
l'édition  pailiculière  ,  donnée  par 
Ann.  Antonini  (  V.  11 ,  '-igS  ),  Paris  , 
Briasson  ,  3  vol.  iii-8".  Une  autre  a 
été  ])ub!iée  à  Livourne  (  sous  le  nom 
de  Londres),  en  1779,  3  vol.  in- 
19..  On  a  long-temps  recherché  les 
exemjil aires  non  carloiniés  de  l'édi- 
lioii  originale.  Lcsaulirs  en  dillorcnt 


TRI 

par  le  changement  de  trois  vers  ,  à 
la  page  127  du  tome  11^  de  deux 
mots  à  la  page  '>/i8 ,  et  par  le  retran- 
chement de  3o  vei's  à  la  page  i3i. 
Fontanini ,  et  après  lui  d'autiTS  bi- 
bliographes ,  ont  pre'tendu  que  la 
cour  de  Rome  avait  exige  ces  cor- 
rections ,  parce  qu'elle  se  trouvait 
offensée  de  quelques  traits  satiriques 
sur  les  papes  du  moyen  âge 5  et  M. 
Roscoe  a  jugé  à  propos  de  publier 
une  copie  de  ces  trente-trois  vers  du 
seizième  chant  :  mais  nous  croyons 
devoir  observer  qu'ils  sont  dans  l'é- 
dition de  Vérone ,  donnée,  en  172g  , 
avec  approbation  et  privilège.  D'ail- 
leurs il  y  aurait  eu ,  comme  l'a  re- 
marque' Zeno,  bien  d'autres  modi- 
fications à  faire  à  ce  poème ,  si  on 
l'avait  soumis  re'ellement  au  genre  de 
censure  que  Fontanini  et  M  Roscoe 
supposent  qu'il  a  subi.  Le  Trissin  n'a 
éprouve,  de  la  part  des  pontifes  éclai- 
res qui  régnaient  de  son  temps  ,  au- 
cune disgrâce,  aucun  reproche,  pour 
avoir  tracé  librement ,  et  aussi  éner- 
giquement  qu'il  le  pouvait  faire ,  le 
tableau  des  abus  et  des  scandales  que 
lui  offrait  l'histoire  de  leurs  prédé- 
cesseurs. Le  malheur  de  son  poème 
est  d'avoir  peu  fixé  l'attention  de 
son  siècle  et  de  la  postérité.  II  avait 
mis  plus  de  vingt  ans  à  le  composer , 
et  croyait  y  avoir  transporté  tou- 
tes les  beautés  des  chefs-d'œuvre 
poétiques  de  la  Gi'èce  et  de  Rome , 
dont  il  avait  fait  tout  exprès,  disait- 
il  ,  une  étude  particulière.  Mais  avant 
iSgo  ,  Vltalia  lïberata  était  déjà 
presque  plongée  dans  l'oubli.  Il  y  a  , 
écrivait  le  ïasse ,  qui  pourtant  louait 
ce  poème  j  '1  y  a  hien  peu  de  gens 
qui  en  fassent  mention ,  et  encore 
moins  qui  le  lisent  :  «  Mcntovato  da 
»  pochi ,  letlo  da  pochissimi.  »  On 
s'en  est  fort  peu  occupé  dans  tout  le 
cours  du  dix  -  septième  siècle.  Ra])iu 


TRI 


5ot) 


s'est  contenté  d'y  remarquer  ime  es- 
pèce d'imitation  de  l'Iliade  ^  mais  , 
en  1708,  Gravina  y  trouve  d'heu- 
reux emprunts  ,  des  inventions  ingé- 
nieuses ,  un  style  pur  et  sage  (  casto 
e  frugale);  en  un  mot  un  véritable 
poème  épique.  Crescimbcni  est  moins 
indulgent  :  il  leproche  au  Trissin  les 
minutieux  détails  et  les  descriptions 
ridicules  ou  môme  ignobles  dont  il  a 
rempli  son  ouvrage  (10).  Cette  criti- 
que serait  justifiée  surtout  par  le 
morceau  du  troisième  chant  que  Vol- 
taire a  cité  et  traduit.  Voltaire  juge 
néanmoins  que  le  plan  est  sage  et  ré- 
gulier, et  il  a]oute  (lue  l'oinrage  a 
réussi;  ce  qui  nous  paraît  un  peu  dé- 
menti par  cet  esjiace  de  cent  quatre- 
vingt-un  ans  durant  lesquels  il  n'a  pas 
été  une  seule  fois  léimprimé.  Lahar- 
pe  dit  avec  plus  de  justesse  que  la 
nature  avait  refusé  au  chantre  trop 
faible  de  l'Italie  délivrée  le  beau  feu 
qui  animait  ces  anciens  poètes  dont 
il  se  vantait  de  suivre  les  traces.  Il 
n'avait  emprunté  d'eux,  suivant  An- 
drès ,  qu'une  méthode  exacte  et  ré- 
gulière ;  et  ce  n'était  pas  à  son  imagi- 
nation froide  et  stérile  qu'il  était  ré- 
servé de  reproduire  l'antique  épopée. 
Ginguenc,  après  un  examen  détaillé 
de  toutes  les  parties  de  ce  poème , 
conclut  qu'il  est  ennuyeux  ,  languis- 
sant et  illisible.  On  l'a  déclaré  depuis 
l'un  des  plus  mauvais  qui  aient  jamais 
paru  en  aucune  langue  (  Littéral,  du 
midi,  tome  11,  pag,  ()()).  C'est  le 
plus  triste  et  le  plus  fastidieux  qui 
existe,  au  dire  de  M.  Roscoe,  qui  en 
trouve  le  style  rampant  et  le  plan  vi- 
cieux. Quelque  rigoureux  que  soient 
ces  jugements,  il  est  dilUcicile  d'en 
]iorter  d'autres  quand   on  s'est  don- 


(1  o'I  Hcfcif.endn  miniilissiiiiaiiieiilr[l'iilli'  (tel  ve^- 
lirsi  di  Giustininno  )  e  la  cumiria  ,  e  I  il  giiilihonr, 
e  Ircnlte,  fie  srni-pe ,  e  il  raut  ilell'  nri/im  r  il 
elrii/'pn  cnl  t/nnle  nsciuf,4'  le  inani ,  rt/r. 


54o 


TRI 


né  la  peine  de  lire  les  vingt  -  sept 
chants  de  l'Italie  délivrée  des  Gollis. 
J{l!e  est  aussi  en  vers  non  rimes  •  et 
c'est  pour  cela  peut-être  qu'elle  plai- 
sait tant  à  Gravina  ,  mortel  ennemi 
de  la  rime.  Toutefois  les  t'er^i  sciolti, 
admis  au  théâtre ,  dans  les  poèmes 
didactiques  et  en  plusieurs  autres 
genres ,  ne  l'ont  point  été  dans  l'épo- 
pée :  Vottava  rima  s'est  maintenue 
en  possession  de  ces  grandes  compo- 
sitions. De  Thou  assure  que  l'inven- 
tion des  vers  libres  n'a  pas  réussi  au 
Trissin:  c'est  trop  dire,  puisqu'ils 
ont  prospéré  dans  sa  Sophonisbe  ; 
mais  il  se  peut  que  l'emploi  qu'il  en 
a  fait  dans  Vltalia  liherata  ait  con- 
tribué au  mauvais  succès  de  cette 
œuvre  _,  quoique  à  vrai  dire  elle  ne 
fut  digne  ,  à  auc:m  égard  ,  d'être 
mieux  accueillie.  Le  projet  de  la  re- 
faire en  vers  rimes  a  été  conçu,  on  ne 
sait  par  quels  oisifs,  au  commen- 
cement du  dernier  siècle ,  à  ce  que 
rapportent  Crescimbeni  et  Quadiio. 
Ils  étaient  vingt-sept ,  et  devaient  ri- 
mer chacun  un  chant  :  ils  ont  eu  la 
sagesse  ou  le  bonheur  d'abandonner 
cette  entreprise.  Entre  les  ouvrages 
écrits  par  Trissino  en  prose  italien- 
ne ,  les  premiers  dans  l'ordie  chro- 
nologique sont  une  Harangue  au  do- 
ge de  Venise  André  Gritti ,  impri- 
mée à  Rome,  en  i5o,/j ,  in  -  4". 5  les 
Portraits  des  plus  belles  femmes  d'I- 
talie, et  une  Epitrc  sur  la  conduite 
que  doit  tenir  une  veuve.  Les  Por- 
traits ,  publiés  aussi  en  i524  ,  in-4''., 
à  Rome,  y  ont  eu  une  seconde  édi- 
tion ,  du  même  format,  en  i53i. 
L'auteur  y  fait  mention  de  la  jeune 
Bianca  Trissina  de  Vicencc,  qui  de- 
vint sa  seconde  épouse,  en  iSaG, 
quelque  temps  après  la  composi- 
tion de  ce  livre.  La  veuve  à  la- 
(juellc  l'Ejtilrc  est  ailrrssée  est  IMar- 
glierita  Pia  Sansevenna.  Celte  pièce , 


TRI 

dont  la  première  édition  est  en- 
core de  1 52  4 ,  à  Rome ,  in-4''.  ■.  a  été 
réunie  aux  deu'i  articles  précédent») , 
à  la  Soplwnishe  et  à  une  Canzone  , 
dans  un  volume  in  -  8°.,  imprimé  à 
Venise,  chez  Penzio,  en  i53o,  et 
reproduit  chez  Bindoni ,  eu  1 54ç).  En 
se  reportant  de  nouveau  à  i524  ,  on 
trouve  la  première  édition  ,  donnée  à 
Rome ,  chez  Arrighi ,  in  -  /^•\ ,  d'une 
Epître  à  Clément  VII,  sur  les  lettres 
qu'il  convient  d'ajouter  à  l'alphabet 
italien.  Il  y  a  deux  systèmes  généraux 
d'orthographe  moderne  :  l'un  tend  à 

conserver  les  traces  de  l'érvoiolocie  ; 
1»  •  '  1     '  ^-   ' 

1  autre,  a  représenter  la  prononcia- 
tion. Les  Italiens  du  seizième  siècle 
adoptaient  ce  second  système  j  et 
pour  mieux  contribuer  à  l'établir,  le 
Trissin  proposait  d'abord  de  distin- 
guer Vè  ouvert  de  l'e  fermé,  qui  est 
en  effet  une  autre  voix  ou  voyelle.  Il 
écrivait  l'e  fermé  par  l'e  ordinaire  , 
et  le  premier  par  l'epsilon  grec  ê.  Il 
employait  ensuite  l'oméga  w  pour  Vô 
grave  ou  long,  et  Vo  simple  pour  le 
bref  ou  l'aigu.  Il  voulait  encore  qu'on 
distinguât  les  deux  prononciations 
ou  valeurs  de  z  par  l'emploi  du  z 
simple  et  du  zêta  Ç;  celles  de  s  par  s 
et  f.  Enfin  il  demandait  qu'on  ne  con- 
fondît plus  les  voyelles  i  et  u  avec  les 
consoimes  j  et  ^K  Cette  dernière  ré- 
forme est  la  seule  que  les  Italiens 
aient  admise;  et  c'est  au  Trissin  qu'ils 
la  doivent.  Eu  vain,  pour  accréditer 
les  antres ,  il  les  fît  exécuter  dans 
l'impression  de  sa  Soplwnishe  et  de 
ses  divers  ouvrages.  Ces  innovations 
n'eurent  pas  d'imitateurs^  et  furent 
vivement  attaquées  par  des  littéra- 
teurs alors  renommés  ;  Firenzuola  , 
Liburnio  ,  Lodovico  Martelli ,  Cl. 
Tolomci  :  elles  n'eurent  guère  (pi'un 
seul  apologiste,  V inoeuf  Orradini ,  de 
Pérousc.  La  Lettre  à  Clément  VII  , 
où  elles  avaient  été  pioposées,  eut  une 


TRI 

sccoiilIc  edilion ,  en  1 52Q ,  a.  Vicence , 
cliez  ïolomco  Gianicolo ,  in  -  4°-  ? 
faite,  est -il  dit,  avec  les  caractères 
inventés  pai  l'aiileiir.  Cette  note,  qui 
s'est  appliquée  à  des  e'ditions  de  t.es 
autres  livres  ,  induirait  en  erreur  ,  si 
l'on  en  concluait  qu'il  a  imagine , 
dessine  de  nouveaux  caractères  ty- 
po<^raphiques  :  il  ne  s'agit  que  des 
re'fornies  orthographiques ,  dont  il 
voulait  offi'ir  l'exemple.  En  iSsq  ,  il 
fit  imprimer,  parle  même  Gianicolo, 
les  Duhhii  ^rammaticali ,  in-folio  , 
la  Granimatichella  ,  in  -  4^.  _,  le 
Castellano ,  iu-4".  ;  les  quatre  pre- 
mières parties  [dmzioni)  d'une  Poé- 
tique ,  in-fol.  ;  et  en  ce  même  format 
la  traduction  italienne  du  livre  du 
Dante  (  Foy.  X ,  5-24  -  5'26  )  sur 
l'éloquence  ou  la  langue  vulgaire. 
Dans  ses  Doutes  de  Grammaire  ,  il 
soutient  et  développe  sou  système 
d'orthographe,  et  s'applique  à  prou- 
ver que  i'aîphabet  latin  ne  suiât  pas 
pour  représenter  toutes  les  voyelles 
et  toutes  les  consonnes  que  les  Italiens 
prononcent.  La  Grammaticlictta 
ne  se  borne  point  à  celle  controverse  : 
elle  présente  des  notions  élémentaires 
sur  les  noms ,  les  verbes  et  les  autres 
espèces  de  mots  ,  dont  le  langage  se 
compose.  Le  principal  objet  du  Dia- 
logue intitulé  II  Castellano  est  de 
montrer  que  la  langue  d'Italie  doit 
s'a])peler  italienne,  et  non  pas  (lo- 
renline  ou  toscane ,  comme  l'ont 
voulu  divers  litlcVnteurs  du  moine 
siècle.  Le  titre  de  Châtelain jim\)OiC li 
cet  opuscule ,  était  une  sorte  d'hom- 
mage  à  J.  Rucellai  ,  alors  gouvei-- 
neur  du  château  Saint-Ange  ;  et  il 
suit  de  là  que  c'est  un  livre  écrit 
avant  i^m),  même  avant  iî)25  , 
date  de  la  mort  de  Rucellai ,  qui  , 
d'une  autre  part ,  n'a  gouverné  ce 
château  qu'après  i5'2i  :  tel  est  l'in- 
tervalle dans  lequel  ce  Dialogue  a  été 


TRT  54 1 

adressé  à  Cesare  Trivulzio.  En  faisant 
cet  envoi ,  le  Trissin  prenait  le  nom 
d'Arrigo  Doria  ;  il  ne  se  nomme  lui- 
même  qu'en  troisième  personne  dans 
le  cours  du  livre.  11  y  en  a  une  se- 
conde édition,  faite,  en  i583,  chez 
Maraareîli  ,  à  Ferrare  ,  in-8".  Après 
avoir  publié  les  quatre  premières  di- 
visions de  sa  Poétique ,  ïrissiuo  en 
composa  une  cinquième  et  une  sixiè- 
me, qui  n'ont  pas  vu  le  jour  de  son 
vivant  ,  mais  seulement  en  iSfia  ou 
63  _,  à  Venise  ,  chez  Arrivabene  j 
in-4°.  ;  et  à  Vicence  ,  eu  1 58o  ,  mê- 
me format.  On  a  peu  parlé  de  cet 
ouvrage,  qui  est  néanmoins  le  plus 
étendu  que  l'auteur  ait  écrit  en  prose  : 
il  y  traite  du  style  poétique  ,  des  ri- 
mes et  de  la  versification  5  de  diA^ers 
genres  de  petits  poèmes  ,  tels  que  les 
sonnets  ,  les  ballades ,  les  canzoni  , 
les  sirventcs ,  ptiis  de  la  comédie  et 
de  la  tragédie,  du  poème  didactique 
et  de  l'épopée.  Les  vues  générales 
n'y  sont  pas  très-élevées ,  ni  très- 
profondes  •  mais  les  détails  ont  de  la 
précision  ,  et  ce  recueil  d'observa- 
tions et  d'exemples  ne  se  lit  pas  sans 
intérêt  ni  sans  fruit.  Le  Trissin  a 
rendu  aussi  un  service  aux  lettres  en 
faisant  connaître  ,  jiar  une  traduc- 
tion ,  un  livre  du  Dante  dont  le 
texte  n'avait  pas  été  encore  imprimé. 
On  crut  d'abord  que  Trissino  était 
le  véritaljle  auteur  de  l'ouvrage; 
et  ensuite  on  prétendit  qu'il  n'en 
était  pas  même  le  traducteur  ,  que 
Dante  l'avait  écrit  à-la  fois  en  latin 
et  en  italien.  Cette  question  s'est 
éclaircie,en  l57'j,pa;-la  publica- 
tion du  texte  :  la  version  resta  au 
Trissin  ,  et  fut  réimprimée  à  Fer- 
rare,  en  i583  ,  in-8'\  Mafïéi ,  en 
l'insérant  dans  les  OEuvres  com- 
plètes du  traducteur,  V,n  lapprochée 
du  latin.  On  vient  de  voir  qu'en 
iD'.M),  Trissino  avait, en  très-grande 


54^ 


TRI 


partie,  "vidé  son  portefeuille  :  de  là 
jusijii'en  i54o  ,  il  n'a  publie  aucune 
production  nouvelle  j  mais  on  connaît 
quatre  lettres  écrites  par  lui  dans 
cet  intervalle:  la  première  est  adres- 
sée ,  en  i53i  ,  à  François  de  Gra- 
gnuola  ;  la  seconde ,  datée  de  Cricoli, 
et  du  5  mars  loS-j ,  est  insérée  dans 
la  Descrizione  di  tutta  Vltalia  de 
Leandro  Albert!  :  elle  contient  les 
renseignements  qu'Alberti  lui  avait 
demandés  sur  la  grotte  ou  carrière  de 
Costozza,  au  territoire  vicentin.  Elle 
n'a  point  été  recueillie  par  Malîei , 
non  plus  que  deux  Lettres,  de  1 538, 
au  duc  de  Ferrare  ,  Hercule  II ,  qui 
se  conservent  dans  les  archives  ,  et 
que  Tiraboscliia  fait  connaître;  elles 
sont  orthograpbiées  selon  le  système 
de  l'auteur.  Par  l'une  ,  il  s'excuse 
d'avoir  manqué  de  se  rendre  à  Fer- 
rare;  sa  goutte  et  ses  infirmités  l'en 
ont  empêché  :  la  deuxième  nous  ap- 
prend que  le  duc  l'avait  consulté  sur 
le  choix  d'un  préccj)teur  à  donner  au 
jeune  prince  son  lils;Trissin  répond  en 
indiquant  Buonamici,  Roraolo  Ama- 
seo  ,  Battista  Egnazio,  Pierio  Valé- 
riane. ...  et  Bartolommeo  Ricci ,  qui 
fut  en  effet  choisi.  Ce  que  Trissino  a 
mis  au  jour  en  i54o  est  un  opuscule 
latin,  intitulé  :  Grammalices  intro- 
ductionis  liber  primas ,\(iione,  chez 
Putelctto  ,  in-iu,  mince  abrégé  de 
grammaire  latine,  rempli,  aux  trois 
quarts  ,  de  déclinaisons  et  de  conju- 
gaisons. Dans  le  cours  des  dix  années 
suivantes  ,  nous  n'aurions  d'autres 
écrits  en  prose  à  indi(}ucr  ici  que  les 
dédicaces  des  Simillimi  et  de  Vltalia 
libcrata;  les  lettres  écrites  en  i5.|8, 
à  l'occasion  de  ce  dernier  jioème ,  à 
l'empereur  Charles-Quint  et  au  car- 
duial  Madru*  ci  ,  et  deux  Lettres  la- 
tines à  Sadolet,  insérées  l>ag.  ^58  et 
ciôf)  du  tome  iv  (in-4".  ) ,  du  Catalo- 
gue de  Crevenna  ,  à  qui  les  Volpi  en 


TRI 

avaient  envoyé  une  copie  :  elles  ne 
sont  point  datées  ;  mais  ou  voit 
qu'elles  sont  écrites  après  la  perte 
du  procès  ,  apparemment  en  i549. 
Crevenna  a  pareillement  publié  (ibid. 
pag.  254-2j8)  six  Sonnets  du  Tris- 
sin ,  qui  presque  tous  étaient  restés 
inédits  j  usqu'en  1775:  mais  le  plus  re- 
marquable avait  paru,  depuis  cent 
ans,  dans  \a.  Bihliotecavolante àe  Gi- 
nelli;  c'est  celui  oii  le  poète  se  plaint 
de  son  iils  et  de  ses  juges  (  i  r).  Voilà 
quels  sont  ses  ouvrages  connus  :  le 
vicentin  Michel  Angelo  Zorzi  en  dé- 
signe plusieurs  autres  ,  manuscrits 
ou  imaginaires  ,  qu'il  intitule  Ora- 
zioni  (on  n'a  publié  que  la  harangue 
à  Gritti;  leTrissin  en  a  prononcé  plu- 
sieurs autres  )  ;  Dialo^lii  diversi 
(  Madei  ne  donne  qu'un  seul  dialo- 
gue ,  savoir  le  Castellan ,  mais  les 
portraits  sont  aussi  en  forme  d'en- 
tretien )  ;  la  Retorica;  la  Corre- 
zione  délia,  tragedia  Rosmunda 
(  on  sait  qu'en  effet  Trissino  avait 
été  prié  de  revoir  cette  tragédie 
de  son  ami  Ruccllai  )  ;  La  base  del 
Cristiano  ;  il  Frontespicio  ed  il 
Capitello  délia  vita  umana  ;  la 
Colonna  délia  republica  y  Com- 
mento  délie  cose  d'Italia  ;  Rerum 
vicentinai'um  compendium  ,  avec 
cette  note  à  la  lin  :  Hœc  scripsi  post 
depopulationem  urbis  Romœ  (1527) 
dàm  legatus  eram  apud  Remp.  Ve- 
nelam  pro  Clémente  VU ,  P.  M. 
Zorzi  a  examiné  ce  dernier  opuscule 
et  l'a  trouvé  trop  déploiable  pour 
être  attribué  au  Trissin.  D'autres  le 
font  auteur  d'un  traité  italien  d'ar- 
chitecture ,  d'un  traité  latin  du 
libre  arbitre  ,    etc.    En    général  , 


(11)     II'  ^■'iifiij'tior delta  ingiusla  l/^ira 
/■'  lia'  ifiiiiliri  fiiù  corolti  e  JiUst 

Ch'ah'lna  l'JCnropa 

Il  ■.(iiigue  mio  iriidel  mi  fit  lu  gnerrii. 
( hitlr.  io  mi  parlo  povero  c  vclttsto  , 
Siropitialo,  in/'enno  f  etc. 


TRI 

et  si  l'ou  excepte Traj.Boccaliui,  les 
auteurs  italiens  ont  parlé  avec  estime 
du  caractère  ,  des  talents  et  des  ou- 
vrages deTrisslno.  Cependant  Baillel 
et  Apostolo  Zcno  ont  observé  que  les 
académiciens  florentins  ont  eu  con- 
tre lui  quelques  mouvements  de  ja- 
lousie ou  d'animosité  :  sa  réputa- 
tion ,  un  peu  exagérée  peut  -  être 
par  Rucellai  ,  par  Giraldi ,  par 
Varchi ,  les  divers  liommages  qu'il 
recevait  de  toutes  parts,  et  le  succès 
e'clatant  de  sa  Sophonishe ,  pouvaient 
leur  porter  omhragej  ils  ne  le  voyaient 
pas  sans  déplaisir  ouvrir  des  carriè- 
res nouvelles,  proposer  des  innova- 
tions grammaticales  -,  et  s'efforcer 
d'ôter  à  la  langue  le  nom  de  leur  pa- 
trie, qui  jusqu'alors  avait  eu  le  droit 
de  se  croire  la  métropole  de  la  litté- 
rature italienne.  Mais  cette  rivalité 
même  lui  était  honorable ,  et  elle  a 
pu ,  de  son  temps ,  accroître  sa  célé- 
brité, qui,  à  vrai  dire  ,  s'est  depuis 
soutenue  par  tradition ,  puitot  que 
parla  lecture  et  l'admiration  immé- 
diate de  ses  poèmes.  Si  on  ne  peut 
plus  guère  le  compter  au  nombre 
des  hommes  de  génie ,  du  moins  il 
conservera  toujours  un  i-ang distingué 
parmi  ceux  qui  ont  donné  une  heu- 
reuse direction  à  la  littérature  mo- 
derne. Nous  avons ,  dans  le  cours  de 
cet  article,  nommé  les  écrivains  qui, 
en  des  livres  d'histoire  littéraire  , 
ont  publié  des  notices  sur  sa  vie  et 
sur  ses  ouvrages  :  Crescimbeni,Qua- 
drio,  Fontanini  et  Ap.  Zcno,  Domen. 
Mar.  Mauni,  Tiraboschi, .  .ISiceron 
(tome  XXIX,  p.  104-119),  Voltai- 
re ,  Ginguené ,  M.  de  8ismondi  ,  etc. 
Nous  indiquerons  de  plus  Tomasini 
(  Illuitr.  viror.  Elogia  ,  tome  11 , 
pag.  47  )  ;  Ghilini  (  Teatro  d'uo- 
mini  Icttcrali  ,  tome  I,  p.  108); 
Mich.  Ang,  Zor/.i  (p.  3(j8-448  du 
tome  m  de  la  Raccolta  d'opuscoli 


TRI 


Bifi 


scientijici  etc.  )  ;  Pier.  Filip.  Gas- 
telli,  auteur  d'une  vie  du  Trissin  , 
imprimée,  en  i-jôS  ,  à  Venise;  An- 
giolgabricllo  di  S.  Maria  (  p.  249- 
272  du  tome  m  des  Scrittori  vi- 
centini  ).  Les  Notices  placées  en 
1729  à  la  tête  des  OEuvres  de  ce 
poète  sont  trop  succinctes  ;  mais 
on  y  trouve  son  portrait  qui  se  ren- 
contre aussi  dans  les  éloges  de  To- 
masini,  dans  le  tome  ler.  de  la 
Galleria  di  Minersa ,  et  qui  a  été 
gravé  d'après  l'origiual  peint  par 
Jean  Belliui.  —  Les  Annales  civi- 
les et  liitérairesnous  ont  conservé  la 
mémoire  ou  les  noms  de  quelques 
autres  Trissins,  qui ,  selon  toute  ap- 
parence ,  étaient  de  la  même  famille 
que  celui  dont  nous  venons  de  par- 
ler. I.  En  lOOQ,  Léonard  Tbissin, 
habitant  de  Vicence  ,  ayant  em- 
brassé contre  Venise  le  parti  de 
l'empereur  3Iaximilieu ,  vint  à  Tré- 
vise  pour  prendre  possession  de 
cette  place ,  au  nom  de  ce  prince. 
11  arrivait  sans  troupes ,  et  n'avait 
point,  à  beaucoup  près,  sur  l'esprit 
des  habitants,  l'influence  dont  il  s'é- 
tait vanté  auprès  des  ministres  autri- 
chiens. Le  peuple  s'ameuta  ,  le  chas- 
sa et  pil'a  les  maisons  de  ceux  qu'il 
avait  séduits  :  on  mit  une  garnison 
dans  la  ville.  Peu  après,  Léonard  Tris- 
sin commandaitpourlNIaximilien  dans 
Padoue ,  et  n'avait  à  sa  disposition 
que  huit  cents  hommes  :  il  ne  par- 
venait à  se  faire  des  partisans  qu'en 
Acndant  ou  distribuant  les  biens  qui 
appartenaient,  dans  ce  territoire,  à 
des  patriciens  de  Venise.  3îais  on 
supportait  ce  joug  avec  impatience  , 
et  d'ailleurs  la  ville  était  mal  gardée  : 
André  Gritti  (  F.  XVIII,  5i5  )y 
pénétra  dans  lanuit  du  1 6  au  i  7  juil- 
let, et  força  la  garnison  île  se  ren- 
dre. Léonard  ,  fait  prisonnier  de 
guerre  ,  échappa  au  supplice  par  sa 


544 


TRI 


qualité  de  commissaire  impérial  {V. 
V Histoire  de  Fenise  de  M.  Dax'ii, 
liv.  XX,  n,  io-i3).  II.  Louis  Tris- 
sm  ,  de  Viccnce  ,   est  auteur  d'un 
iii-8°.  intitulé  Problematum  mcdi- 
cinaliuni  libri  Q ,  ex  Galeni  sen- 
tentid ,  publié  à  Bâle  ,  eu  i547,  et 
réimprimé  en  i  629 ,  à  Padoue.  Dès 
l'âge  de  vingt  ans ,  il  était  profes- 
seur de  philosopliie  à  Ferrare,  et  at- 
tirait un  grand  nombre  d'auditeurs; 
il  moux'ut ,  en  i  543 ,  victime  de  son 
inconduite  :  il  avait  à  peine  atteint 
sa  vingt-sixième  année,  Eloy  dit  que 
c'était  dommage  ,  parce  que  son  ju- 
gement sain  ,  son  esprit  pénétrant  et 
sou  ardeur  pour  le  travail  auraient 
contribué  aux  progrès  de  la  médeci- 
ne ,  à  laquelle  ii  s'était  consacré.  HT. 
Antonio-Maria  Trissino,  chevalier 
■vicentiu,  embrassa  la  vie  monasti- 
que chez  les  Camaldules  de  Monte- 
Corona  ,  et  fit  imprimer,  en  i->49i 
sous  le  nom  du  Solitaire  {del  Solita- 
rio  ) ,  des  Poésies  sacrées  et  morales, 
en  langue  italienne,  un   vol  in-isi. 
Elles  ont  eu  une  deuxième  édition 
avec  des  additions  [Nuovi  componi- 
menti),  à  Vicence ,  en  i G54 ,  i"-i  2- 
IV.  Alessandro  Trissîno,  né  aussi  à 
Vicence  ,  et  parent  du  poète ,  selon 
la  conjecture  de  Ginguené,  embrassa 
le  protestantisme  :  il  n'est  connu  que 
par  une  longue  Lettre  qu'il  adressa, 
le   sio   juillet  1 5^0,  au  comte  Léo- 
nard Tiene,  pour  l'exhorter  à  s'ins- 
crire parmi  les  réformes  ;  elle  a  été 
imprimée  en  i  j-ja.  V.  Quadiio  nom- 
me un  Fraucesco  Tuissi>o  entre  les 
poètes  dont  les  vers  ont  été  rassem- 
bles à  Bologne,  en  1600,  dans   le 
volume  in-4"-  qui  porte  le  litre  de 
TcmpinalV  illuslv.  sign.  Aldohran- 
dini ,  cardinale ,  etc.  VI.  Le  même 
Quadrio  fait  mention  de  Monsignor 
TnissmoTinssiNi  jarchiprèfre  d'Ar- 
cignano  ,  et  l'im  des  poètes  viccntins 


TRI 

dont  les  vei's  ont  été  recueillis  par 
Taddeo  Bartolini ,  sous  le  titre  de  la 
Céleste  mensa  di  dodici  spirituali 
vii>ande ,  etc. ,  Venezia ,  Guei-igli , 
I G  I  5  ,  in-4''.  VIT.  Gasp.  Trissino  , 
natif  encore  de  Vicence ,  et  clerc  ré- 
gulier somasque,  a  traduit  en  vers 
latius  la  Sophonisbe  de  Gian-Gior- 
gio  ,  et  dédié  cette  version  au  pape 
Urbain  VIII  (  i(i-23-iG44  ).  On  ne 
l'a  point  imprimée  ;  il  s'en  conserve 
deux  manuscrits  chez  les  Somasques 
de  Vicence.  Le  premier  vers  Lassai 
dove  poss'io  voltar  la  lingua?  est 
traduit  par  Me  miseram  !  mœsta 
quid  tandem  loquar  ?  mais  à  ce  que 
noui  apprend  Apostolo  Zeno ,  une 
autre  main  a  écrit  Qiio ,  misera, 
li/igiiam  inflectere  possum  meam  ? 
tiaductioa  plus  littérale.  Dans  la  dé- 
dicace à  Urbain ,  ce  pontife  est  re- 
mercié du  soin  qu'il  a  pris ,  aussitôt 
après  son  installation,  d'honorer  les 
cendres  de  Jean- Georges  Trissin, 
enterré  à  Rome,  à  S.  A  gâta  di  Su- 
burra.  «  Cineres....  insigiii  honore 
»  ajfecisti ,  cum  primùm  ad  summi 
»  pontificatûs  fastigium  es  promc- 
»  tus.  »  D — N — u. 

TRISTAN  (  NuNO  )  ,  voyageur 
portugais  ,  partit  de  Lisbonne  en 
i44o ,  peu  après  Gonzalez, qu'il  trou- 
va sur  les  côtes  d'Afrique,  et  qui , 
pour  couronner  ses  premiers  succès, 
lui  conféra  la  dignité  de  chevalier  , 
dans  le  lieu  qui  en  prit  le  nom  de 
Puerto  del  Cavallero.  Après  avoir 
quitté  ce  navigateur,  qui  retourna  en 
Portugal  avec  quelques  prisonniers , 
Tristan  s'avança  jusqu'au  Capo  Bian- 
co  ou  Cap  Blanc;  mais  n'y  ayant 
trouvé  persoiuic ,  quoiqu'il  y  décou- 
vrit des  traces  d'hommes  ,  il  remit  à 
la  voile  pour  le  Portugal.  La  vue 
de  l'or  apporté  d'Afrique  par  An- 
toine Gonzalez  ,  et  l'espérance  d'une 
aussi    riche     capture  ,     engagèrent 


nu 

Tristan  à  faire  un  nouveau  voyage. 
En  144^7  i'  s'avança  sur  la  cote 
d'Afrique,  découvrit  quelques  îles, 
et  ramena  des  esclaves  avec  quel- 
ques richesses.  En  i44^j  ''  ^'^  "" 
autre  vovagc,  dans  lequel  il  enleva 
vingt  esclaves.  Ces  succès  engagèrent 
le  prince  Henri  à  le  presser  de  partir 
de  nouveau^  en  i447-  Cette  fois  il 
s'avança  jusqu'au  Rio  -  Grande,  à 
soixante  lieues  au-delà  du  Cap  Vert. 
Ayant  entrepris  de  remonter  ce  fleu- 
ve, dans  une  chaloupe,  avec  quel- 
ques -  uns  de  ses  gens  ,  il  fut  at- 
taque' par  une  multitude  de  nègres 
armés  de  flèches  empoisonnées.  Pres- 
que tout  son  monde  périt  dans  cette 
attaque  ;  et  lui  -  même  y  fut  Liesse  à 
mort.  Quatre  de  ses  compagnons , 
après  avoir  erré  long-temps, rapporn 
tèrent  enfin  en  Portugal  la  nouvelle 
de  la  mort  de  Tristan ,  dont  le  prince 
fut  vivement  afflige.  M — le. 

TRISTAN  (Louis),  grand-pré- 
vôt de  Louis  XI ,  fut  le  plus  cruel 
agent  de  celui  de  nos  rois  qui  s'est 
montrcle  plus  inexorable.  Ncdaus  les 
premières  années  du  quinzième  siècle , 
il  embrassa  ,  dès  sa  plus  tendre  jeu- 
nesse ,  la  carrière  des  armes ,  et  fit 
avec  quelque  distinction  ,  contre  les 
Anglais,  les  guerres  de  Charles  VIL 
Dunois  le  créa  chevalier  sur  la 
brèche  de  Frousac  ^  où  il  était 
monté  à  l'assaut  avec  quarante-neuf 
gentilshommes  ,  le  29  juin  i45i. 
Tristan  fît  ensuite  la  guerre  sous 
Louis  XI ,  et  il  fut  remarqué  de  ce 
monarque ,  qui  l'attacha  bientôt  à  sa 
])ersonne,et  le  nomma  grand-prévôt 
de  son  hôtel.  Ce  fut  dans  ce  terrible 
emjiloi  que  Tristan  devint  l'instru- 
ment de  toutes  les  persécutions  et  de 
tous  les  sanguinaires  caprices  de  son 
souverain.  Ce  prince  le  nienait  par- 
tout à  sa  suite;  il  l'appelait  son  com- 
père, et  il  l'admettait  dans  sa  fami- 

XLVI. 


TRI 


545 


liarité  la  plus  intime.  D'mi  mot  ou  ' 
d'un  geste ,  il  lui  faisait  exécuter  les 
ordres  les  plus  cruels  (  F,  Louis  xi , 
XXV,.i43  et  suiv.  ) ,  et  souvent  des 
erreurs  funestes  ne  se  réparèrent 
qu'en  immolant  de  nouvelles  victi- 
mes. Le  roi  lui  ayant  un  jour  ordon- 
né de  mettre  cà  mort  un  ofllcierqiiilui 
avait  déplu ,  il  se  trompa  en  faisant 
périr  un  malh>eureux  prêtre  que 
Louis  XI  aimait  beaucoup  ;  et  lors- 
que le  monarque  lui  dit  le  lendemain 
que  l'homme  dont  il  avait  ordonné 
la  mort  venait  d'être  rencontré  ga- 
lopant sur  la  route  d'Arras: — «  Je 
puis  vous  assuiTr,  lui  répondit  Tris- 
tan ,  que  s'il  a  été  rencontré ,  ce  ne 
peut  être  que  sur  le  chemin  dcRouenj 
car  dès  hier,  jie  l'ai  fait  jeter  à  la 
rivière,  dans  un  sac.  »  Ce  genre  de 
supplice  était  celui  que  Tristan  em- 
ployait le  plus  souvent  -,  et  lorsque 
les  exécuteurs  de  ses  ordres  san- 
guinaires traversaient  la  foule ,  ils 
criaient  :  Laisiez  passer  la  jus- 
lice  du  roi.  Quelques  historiens 
ont  dit  qu'il  fit  périr  ainsi  plus  de 
quatre  mille  personnes.  Cet  hom- 
me féroce  mourud  dans  un  âge  avaii 
ce ,  laissant  à  son  iils  ,  Pierre  Tris- 
tan-l'Ermite,  de  grands  biens ,  entre 
autres  la  principa  uté  de  Mortagne  en 
Gascogne,  qui  passa  dans  la  maison 
de  Matignon ,  et  plus  tard  dans  celle 
de  Du  Plcssis-Riciielicu.     M — d  j. 

TRISTAN  (  Louis  ) ,  peintre ,  né 
à  Tolède  en  i586  ,  fut  élève  de 
Dominique  Théotocopulos,  surnom- 
mé le  Grec.  Il  sut ,  avec  un  discer- 
nement bi;;n  rare  ,  dans  un  âge  aussi 
tendre ,  acquérir  les  ]«illantcs  qua- 
lités et  ériter  les  défauts  de  son 
maître,  qui  loin  d'être  jaloux  de  son 
talent  se  plut  à  le  cultiver  et  à  Ini 
confier  les  ouvrages  qu'il  ne  pouvait 
faire  lui-même.  Ayant  été'  chargé 
dépeindre  jiour  les  ffycronimites  de 
35 


546  TRI 

la  Sesta  ^  une  Cène,  que  son  maÎLic 
avait  rofiiscc  ,  il  rcs^o'cuta  à  la  satis- 
faclinii  tic  la  comiaimaïUé  :  mais  le 
prix,  lie  doux  cents  ducats  qu'il  en 
demandait  ayant  paru  excessif,  elle 
fit  des  représentations  au  maître  , 
appuyées  particutièreinent  sur  la  jeu- 
nesse de  l'artiste.  Le  Grec  ayant  exa- 
miné le  tableau  ,  prit  un  bâton,  et  le 
levant  sur  Tristan,  il  l'accabla  de 
reproches  et  l'appela  le  déshonneur 
de  la  peinture:  les  piîres  cherchèrent 
à  le  calmer ,  en  disant  que  Tristan 
n'avait  agi  ainsi  que  faute  de  discer- 
nement ,  et  qu'ils  s'en  rapportaient  à 
sa  décision.  «  En  effet ,  répondit  le 
»  Grec  ,  cet  enfant  ne  sait  ce  qu'il 
»  fait.  Son  tableau  vaut  cinq  cents 
»  ducats  :  si  vous  les  lui  refusez  ,  je 
»  garde  l'ouvrage  ,  el  je  le  paierai  de 
»  mon  argent.  «  Les  Moines  lui  payè- 
loiit  cette  somme.  Tristan  n'avait  que 
trente  ans  lorsqu'il  peignit  les  cé!c- 
bres  tableaux  du  grand  antel  d'Ye- 
pes  :  en  1619  ,  il  lit  le  portrait  du 
cardinal  de  Sandoval , archevêque  do 
Tolède,  ainsi  que  plusieurs  autres 
excellents  ouvrages,  tant  publics  que 
particuliers.  Ses  deux  cliefs-d'œuvro 
sont  peut-être  le  Moïse  frappant  le 
rocher .  et  Jésus  au  milieu  des  doc- 
teurs de  la  loi ,  que  l'on  conserve  à 
Madrid.  On  cite  encore  la  Trinité ^ 
qu'il  peignit  en  ili-.iG  ,  et  dont  les 
ligures  sont  de  grandeur  naturelle, 
routes  ses  productions  se  distinguent 
par  un  dessin  jiur  et  correct ,  par  un 
eoloiis  frais  et  gracieux  ,  par  une 
composition  claire  et  pleine  de  vie, 
enfin  par  toutes  les  qualités  d'un 
grand  j)eintrc  :  mais  ce  qui  doit 
mettre  le  sceau  à  sa  l'cjmtalion  , 
c'est  que  Yélasfjuez  le  préféra  pour 
maître  à  tous  les  artistes  ([ui  do 
son  temps  (lorissai<,iit  en  lùu'ope. 
Tristan  moiuut  \  Tulèdf,'  en    i()^o. 


TRI 

TRISTAN    (JrAN),  sieiir  de 
Saint  Ainmit  et  du  Piij  d^ Amour , 
savant  el  laltorieiix  numismate  ,  na- 
quit à  Paris  vers  la  (in  du  seizième 
siècle.  Son  père,  auditeur  à  la  cham- 
bre des  comptes  (i),  l'ayant  laisse 
maître  d'une  biilianle  fortune  ,  il  re- 
fusa d'entrer  dans  la  carrière  de  la 
magistrature  ,  afin  de  se  livrer  plus 
librement  à  son  goût  pour  l'étude,  el 
forma  bientôt  une  collection  de  mé- 
dailles la  plus  nombreuse  et  la  plus 
belle  qu'on  eût  vue  jusqu'alors  en 
France.  Pour  se  donner  un  rang  dans 
le  monde ,  il  avait  acheté  la  cliargn 
de  gentilhomme  ordinaire  de  la  cham.- 
bre  du  roi  ;  mais  il  ne  paraissait  à  la 
cour  que  lorsque  son  devoir  l'y  ap- 
pelait, et  employait  tous  ses  loisirs 
h  l'étude  des  médailles.  Ayant  acquis 
des  connaissances  très-étendues  dans 
la  numismatique  ,  il  résolut  de  pu- 
blier l'histoire  des  empereurs  par  les 
médailles  ,  et  fit  paraître,  en  i535  , 
la  première  partie  de  cet  ouvrage  , 
en  promettant,  s'il  était  accueilli  , 
de  donner  la  continuation.  Ce  volu- 
me, qui  finit  à  Commode,  est  orné 
de  seize  planches  de  médailles  très- 
bien  exécutées  ,  et  de  deux  gravures 
représentant  la  fameuse  agalhe  de  la 
Sainte-Chapelle,  qui  fait  partie  ,  au- 
jourd'hui ,  du  cabinet  du  roi ,  et  les 
bas-reliefs  du  tombeau  du  consul  Jo- 
vin  ,  à  Reims  {Foy.  Jovm  ,XX1I , 
78  ).  L'édition  ayant  été  promple- 
ment  épuisée ,  l'auteur ,  quoiqu'il  eût 
éprouvé  des  pertes  considérables ,  en 
iG3G  et  1(537 ,  par  suite  de  la  guerre, 
le  fit  réimprimer  en  \iM\5  ,  avec  dos 
corrections  et  des   additions ,  et   y 
joignit  deux  autres  volumes,  ipii  fi- 
nissent à  Valentinien.La  vie  de  Tris- 


(Hjcililiislaii  .l;iil,    Milvniil   li.iillct  ,    Irprlil- 
tih  .l'un  v.iultnr  «riinih-  d'iiii  l."iiiK  du  Hernivcisiv 

,iiu.'   n.iln.iii  ,  ai.li.'iui'nl   MoigiicJay.    ^"g-  'l<:i 

.<ii'<i/i/<  .  fil.  iii-zj".  ,  MI  .  :Uo. 


TRI 

tan  de  Saint-Amaut  ne  prdsente  plus 
qu'une  suite  do  querelles  sur  diUereisf  s 
points d'c'nidilion, avec  Gaspard  Ge- 
vart.  Angeloui ,  le  P.  Sinnondet  J,-J. 
ChiUlet.  Ti'op  convaincu  de  sa  supé- 
riorité sur  tous  les  antiquaires  de  son 
temps,  il  ne  pouvait  pas  supporter 
la  moindre  objection,  même  de  la 
part  de  ses  meilleurs  amis.  C'est  ainsi 
que  le  P.  Sirmond  ,  avec  lequel  il 
était  lie ,  s'e'tant  écarté  de  son  senti- 
ment dans  une  dissertation  sur  une 
înédaiile  d'Annibalicn  ,  Tristan  ,  ou- 
bliant les  égards  qu'il  devait  au  sa- 
vant jésuite,  l'attaqua  dans  une  Let- 
tre pleine  d'invectives.  Le  P.  Sirmond 
ne  put  s'empêclier  de  lui  répondre 
avec  quelque  vivacité  ;  mais  son 
irascible  adversaire  passa  toutes  les 
Ijornes  de  la  défense  dans  sa  dou- 
ble réponse  ,  dont  la  dernière  parut 
peu  de  temps  avant  la  mort  de  l'il- 
lustre jésuite  (  Voy.  les  Antiq.  de 
Baillet ,  édition  in -4°.,  p.  3'28  ). 
Tristan  mourut  en  iCi56.  On  a  de 
lui  :  L  Commentaires  historiques  , 
contenant  l'histoire  générale  des 
empereurs  ,  impératrices ,  Césars  et 
tyrans  de  l'empire  romain ,  etc.  , 
Paris,  1644?  3  vol.  in-fol.  Il  y  a  des 
exemplaires  avec  la  date  de  i65^. 
Le  premier  volume  renferme  les  deux 
grandes  planches  dont  on  a  parlé  ; 
mais  les  médailles  ,  imprimées  avec 
le  texte ,  en  précèdent  l'explication. 
A  la  suite  du  premier  volume  ,  on 
doit  trouver  une  partie  séparée  de 
vingt  -  trois  feuillets.  C'est  viiie  ré- 
ponse très-vive  de  Tristan  de  Saint- 
Amant  à  Gasp.Gevart  [F.  ce  nom)^ 
lequel  avait  critiqué  son  explication 
des  médailles  de  Claude  et  de  Ves- 
pasien^  ayant  au  revers  les  mots  : 
Faci  yïugustœ.  Cet  ouvrage  est  un 
trésor  d'érudition  •  aussi  les  amateurs 
le  rcclierchcnt-ils  toujours  avec  em- 
pressement. On  y  désirerait  plus  d'or- 


dre  et  moins  de  digressions,  quoi- 
qu'elles oilrent  toutes  de  l'intérêt. 
Suivant  Ducange  ,  Tristan  a  commis 
beaucoup  d'erreurs;  mais  il  instruit, 
même  quand  il  se  trompe.  II.  Ad 
Jacob.  Sirrnondmn  cjnstola  ,  Paris 
i()5o,  in-8".  \\\.  Anlidotum  sive 
œqua  et  jiista  defcnsio  adversùs 
querulam  Jacob.  Sir  mon  di  resvon- 
sionem  ,  ibid.^  i65o  ,  in-S".  IV. 
Anti-sophisticum  sii^e  defensio  se- 
cundaadversùs  malignum  etsophis- 
ticum  Jacob.  Sirmondi  Anti-Tris- 
tajuan  secimdum  (2),  ibid.,  i6ji 
iu-8o.Ces  trois  pièces  sont  très-rares, 
V.  Lettres  écrites  de  Rome  ,  par 
?.î.  de  La  Motte  Hermcnt  sur  le  sujet 
d'un  libelle  intitulé  :  //  Bonino ,  etc. , 
ibid.,  i65o,  in-40.  C'est  une  réponse 
à  la  critique  qn'Angeloni  ou  plutôt 
Bellori  avait  publiée  des  Commen- 
taires historiques  de  Tristan  ,  ou- 
vrage dans  lequel  Angeloni  se  trouve 
fort  maltraité  (  F.  Angeloni  ,  II , 
i65  ).  Yl.  Traité  du  Lys ,  symbole 
divin  de  l'espérance  :  contenant  la 
juste  défense  de  sa  gloire  ,  dignité 
et  prérogative  ;,  ibid.,  i656,  in-4'^. 
C'est  une  réfutation  de  l'ouvrage  de 
J.-J.  Cliiftlet  (  Foy.  ce  nom  )  :  De 
iîisignibus  remm  Francorum.  Le 
portrait  de  Tristan  est  gravé  ,  in- 
fol.,  à  la  tête  de  ses  Commentaires. 
W— s. 
TRISTAN-L'HERMITE  (Fran- 
çois ),  poète  dramaticpie  ,  naquit,  en 
1601  _,  au  cliâteau  de  Souliers  ou 
Soliers,  dans  la  Marche.  Il  se  pré- 
tendait issu  de  Tristan  l'Ermite , 
grand-prévôt  de  Louis  XI ,  et  comp- 
tait au  nombre  de  ses  ancêtres  le  fa- 
meux Pierre  l'Ermite,  auteur  de  la 


(•).)  Les  deux  écrits  que  le  P.  .SiriuoiiilpuLliii  dans 
celle  mémorable  dispnle  sont  intitules  :  Aiil^'iis- 
t^iiius;  et  Anti-Tristaiiiis  scciindus.  lU  ont  ete  re- 
cueillis dans  le  qu^lriciue  v<>l.  de  se»  Œuvres  cem- 
lilitct.   y .  SlKMOND. 

3j.. 


5/18 


nu 


jiicinicjc  croisade  {Fqyez  Pierre, 
XXXIV ,  4no  ).  Ayant  cte  conduit  à 
la  cour,  dans  son  enfance,  il  fut  pla- 
ce près  du  mar(juis  de  Verneuil ,  fils 
naturel  d'iloiui  IV.  A  treize  ans ,  il 
eut  le  malheur  de  tuer  on  duel  un 
gardc-du-corps ,  et  s'enfuit  en  Angle- 
terre ,  pour  se  soustraue  à  la  rigueur 
des  édits.  Apres  diverses  aventures, 
se  trouvant  sans  ressource  ,  il  prit  la 
re'solution  de  passer  en  Espagne,  pour 
re'cîamer  la  protection  de  don  Juan 
de  Velasf[ue/. ,  son  parent.  Comme  il 
traversait  le  Poitou ,  l'argent  vint  à 
lui  manquer,  et  il  eut  recours  à  là 
bienveillance  de  Scévole  de  Sainte- 
Marthe  {F.  ce  nom),  pour  obtenir 
les  moyens  de  continuer  son  voj'age. 
Scévole  accueillit  avec  bonté'  un  jeu- 
ne homme  qui  montrait  des  disposi- 
tions pour  les  lettres  ,  et  le  retint  chez 
lui  quinze  ou  seize  mois.  Sur  la  re- 
commandation de  son  protecteur  , 
Trislan  obtint  eusuUe  ia  place  de  se- 
crétaire du  marquis  de  \  illars-Bîonî- 
pezat,  qu'il  suivit^  en  iG'io,  à  Bor- 
deaux ,  au  passage  de  la  cour.  11  fut 
reconnu  par  IM.  d'Humicres  ,  pre- 
mier gentilhomme  de  la  chambre , 
qui  le  fit  rentrer  en  grâce.  De  retour 
à  Paris,  il  fut  attaché,  comme  gen- 
tilhomme, à  Gaston,  duc  d'Orléans, 
et  employa  ses  loisirs  à  travailler  pour 
le  théâtre.  Sa  tragédie  de  Mariam- 
ne  {i) ,  représentée  en  iGS^,  eut  un 
succès  jusqu'alors  sans  exemple.  Elle 
le  dut  en  partie  an  jeu  de  Mondory, 
célèbre  acteur ,  (jui  termina  sa  car- 
rière dramaticpuî  [lar  le  rôle  d'Héro- 
de;  mais  c'est  a  tort  ([ue  l'auteur  du 
Parnasse  ififoriné  (Guéret)  dit  que 
iMondory  ('^,)  mourut  des  cHiorts  qu'il 


(i)  Cette  pièce  ,  dont  It  succîs  surpassa  celui  de 
la  lUétlii'deP.CMruviHc  ,  et  balança  celui  du  Ciii , 
••si  resli'C  c«-nl  ans  au  lliêàlri'  ;  suivant  Ffinlenelle , 
CorA;illc  en  l<iuait  le  cini|ui^nie  actf.  A   •  T. 

1»)  MoXnniiY.  nei  Orléans,  VIT»  la  (in  du  dix- 
M-[itiènie  siirlc,   fut  un  dcK  |)1ii^  .grands  coiiicditns 


TRI 

fit  pour  rendre  lesfurcursdu  roi  juif, 
au  cinquième  acte.  La  pièce  de  Tris- 
tan se  ressent  de  l'enfance  de  l'art  ; 
mais  le  sujetn'était  pas  heureux, puis- 
que Voltaire  lui-même  n'a  pu  le  ren- 
dre intéressant  {F.  Voltaire).  Ce- 
pendant elle  eut  un  assez  grand  nom- 
bre de  l'eprésentaîions  ;  et  l'auteur  , 
regardé  ])ar  ses  contemporains  com- 
me le  rival  de  Corneille,  compta  ses 
triomphes  par  ses  pièces  ,  toutes  ou- 
bliées maintenant,  si  l'on  en  excepte 
Mariainne.  En  i<j49,  l'académie 
française  ouvrit  ses  poites  à  Tristan 
(3).Aimé,  recherché  des  grands  et  des 
beaux-esjnits ,  il  aurait  pu  mener  une 
vie  agréable  j  mais  son  goût  pour  les 
plaisirs  et  sa  passion  efirénée  pour  le 
jeu  le  jetèrent  souvent  dans  de  grands 
embarras.  Le  désordre  habituel  de 
ses  vêtements  lui  fit  appbquer  ce  vers 
de  la  première  satire  de  Boileau  : 


de  son  temps.  Il  acquit  une  telle  vépulation  dans 
le  rôle  d'IIerode ,  que  le  cardinal  de  Richelieu 
voulut  en  juger  par  lui-même,  et  ne  put  s'em- 
pêcher de  verser  des  larmes.  Mais  l'abbé  de  Bois- 
Robert  qui  était  présent  ,  s*étant  ■^  anté  de  faire 
mieux  encore  ,  déflama  eo  eflét  avec  tant  de  véhé- 
mcuce,  qu'il  fit  pleurer  Mondory  lui-même  {f'oy- 
BoIS-RoBKKT).  Ce  comédien  fiit  frappe  d'apoplexie 
eu  jouant  le  rôle  d'Hérode.  Il  ne  mourut  pas  sur 
la  scène;  mais,  paralysé  long-temps  de  la  langue  et 
d'une  partie  du  corps,  il  ne  put  y  reparaître,  et  se  re- 
tira dans  une  maison  qu'il  avait  près  d'Orléans.  Le 
caj  diual  le  Gtrevenir  pour  jouer  dans  Y  Iveiiglc  île 
Stiirnte  ,  Iragi-coniédie,  à  laquelle  l'érainence  avait 
eu  part.  Mondory  ne  put  achever  que  deux  actes,  et 
retourna  dans  sa  retraite,  où  il  uionrut ,  vers  i(î'|6. 
riclie  de  huit  à  dix  mille  francs  de  renie,  que  lui 
faisaient  le  ministre  et  quelques  grand»  seigneurs. 
Il  était  l'orateur  de  sa  troupe  et  composait  les  dis- 
cours d'anuouces  et  le»  coiuplinieuls  d'ouverture 
et  de  clôture  ,  dont  l'usage  aboli  par  la  révolution  , 
avait  au  moins  l'utilité  de  maintenir  les  acteurs 
dans  la  dépendance  du  public  et  dans  le  respect 
iiu'ils  lui  doivent.  Mondory  joignait  au  talent  do 
la  parole  l'art  de  faire  des  vers  ,  comme  ou  peut 
in  juger  par  deux  pièces  qu'il  adressa  à  Scudery 
Il  laissa  de  vifs  regrets  et  de  longs  souvenirs  que 
liarou  seul  put  ellacer.  Le  père  Rapiu,  l'abbé  de 
Marolles  ,  Scudery  ,  le  grand  Corneille  lui  ont 
donné  des  éloges  ,  et  Tristan,  dans  sa  préface  de 
la  tragédie  de  l'enlhce  ,  où  il  attribue  le  peu  d< 
succès  de  celte  pièce  à  l'absence  de  Moudory  , 
donne  une  jusl.-  idée  du  talent  de  cet  acteur  qui 
■  l'exprimait  pas  moins  les  sentiments  de  l'anie  par 
Je  jeu  de  sa  phTsiuoouiie  que  par  sou  geste  cl  sa 
déclamation.     "  A— T. 

(31  II  renqilaça  Colomhv  i  sou  s\icce.s»eur  fut  Lu 


TRI 

l'ajsc  l'i'té  sans  liMi;c  et  l'liiv>pr  sans  raatrlciiu. 

Ccpciiclant  il  est  certain  que  Boileau 
n'avait  point  en  vue  Tristan.  C'est  à 
tort  qu'un  n'a  cesse  de  le  représenter 
languissant  dans  la  misère ,  d'après 
une  cpitaphe  insérée  dans  tous  les  re- 
cueils ,  et  que  l'on  prétend  fausse- 
ment qu'il  avait  composée  pour  lui- 
même  (4).  Ou  sait  qu'il  avait  fait  ac- 
cepter un  logement  et  sa  table  à  Qui- 
nault ,  son  élève  ;,  et  qu'il  lui  légua  ;, 
par  son  testament,  une  somme  con- 
sidérable (  F.  QUINAULT,  XXXVI, 
420).  Tristan  mourutd'une  maladie 
de  poitrine,  dans  l'hôtel  de  Guise,  le 
7  sept.  i655  ,  et  fut  inhumé  à  Saint- 
Jean  -  en  -  Grève.  La  nature  l'a- 
vait fait  poète  :  mais  son  style  est 
déparé  par  la  bizarrerie  des  idées  et 
la  recherche  des  expressions.  Les 
pièces  de  Tristan  sont  au  nombre  de 
huit  :  cinq  tragédies  :  Mariamne  , 
1637,  in-4"-  ;  Penihée ,  1689,  in- 
4*^.;  la  Mort  de  Sénèque  ,  i645, 
iu-4'^.  ;  la  Mort  de  Crispe,  i645,  in- 
4°.;  Osman,  i65G,in-r2;  une  tra- 
gi-comédie :  la  Folie  du  sage  ;,  1 645 , 
in-4°.  ;  nne  pastorale  :  AmarilUs  ou 
la  Célimène  de  Rotrou  ,  accommodée 
au  théâtre ,  iG53 ,  in  -  4".  ;  et  enfui 
une  comédie:  le  Parasite ,  i054  ,  i»- 
4°.  ( •">).  Mariamne  eut  au  moins  trois 
éditions  dans  la  nouveauté,  puisque 
la  troisième  est  do  iGSg.  Elle  a  été 
réimprimée  en  1724,  précédée  d'une 

(4)  Voici  celte  pièce  : 

lil)loui  de  l'cclal  Je  la  splcudem-  raondame  , 
Jo  me  flattai  toujours  d'mie  espérance  vaine  , 
l'aisaut  le  chien  touchant  aupjès   d'un  giand  sei- 
gneur , 
'Je  me  vis  toujours  pauvre  ,  et  lâchai  de  paraître. 
Je  vécus  dans  la  peine  ,  attendant  le  bouhecir  , 
lit  mourus  sur  un  coftrc  en  atlendant  mou  maille. 

(5)  Peut-être  l'aul-il  ajouter  parmi  1rs  tragédies 
de  Trislau  :  La  C'/iule  du  l'Iiaclon  ,  i(i.^i),  in  4°- 
imprimée  sous  le  nom  de  Tristan  l'Ilerinile  de  /'"- 
zellr.  Les  rédacteurs  du  i'alalvgue  de  lu  bibl.  du 
roil'atlrihuent  à  l'aulcui-  de  Mariamne  ;  mais  l'.ir- 
liiit,  dans  son  Utiloirc  ilu  Théùlie  Fntiirnii  ,  con- 
jectme,  d'après  nue  uote  mauuscrite  trouviîo  sur 
un  exemplaire  de  cette  pièce  ,  qu'elle  est  d'un  Je 
SCS  Irères. 


TRI  549 

Vie  de  l'autem-.  J.-B.  Rousseau  l'a 
retouchée  en  1731.  Enfin  elle  fait 
partie,  ainsi  que  la  Mort  de  Crispe 
et  Pcnthee  ,  du  tome  second  du 
Théâtre  fiançais  ,  ou  Recueil  des 
meilleures  pièces  de  théâtre,  Paris, 
1787  ,12  vol. iii-i2;6).0nade Tris- 
tan trois  Recueils  de  vers  :  I.  Les 
Amours{']) ,  Paris,  i638,  in-4",  IL 
La  Lyre  ,  V  Orphée  et  Mélanges  poé- 
tiques,  ibid. ,  1641  ,  in-4".  III.  Les 
Fers  héroïques,  ibid.-,  1648,  in- 
4".  On  trouve  un  chois,  de  pièces  de 
Tristan  dans  les  Muses  illustres  de 
Colletct,  Paris,  i658,  in  -  12  ;  dans 
le  tome  1  de  la  Biblioth.  poétique  de 
Lefort  de  la  Morinière ,  etdans  le  to- 
me XX  des  Annales  poétiques.  Plu- 
sieurs pièces  de  Tristan  ont  été  tra- 
duites en  anglais  par  Stanley  (  F. 
ce  nom  ).  Ses  autres  ouvrages  sont: 
i.  Lettres  mêlées,  Paris,  1642, 
in  -  8^.  II.  Plaidoyers  historiques , 
ou  Discours  de  controverse ,  ibid. , 
1643  ou  i65oj   in-8''.  On  conjec- 


(f>)  Il  existe  h  la  Bibliothèque  du  nu  nu  manus- 
crit de  la  tragédie  de  Mariamne  ,  d'une  fort  belle 
écriture  sur  vélin ,  et  relié  en  maroquin  ,  avec 
compartiments  ,  fleurs  de  Ivs  ,  etc.  Il  est  probable 
que  c'est  l'exemplaire  que  Tristan  présenta  îi  Gas- 
ton ,  duc  d'Orléans,  à  qui  la  pièce  est  dédiée. 
C'est  d'après  ce  manuscrit  ,  (pie  les  éditeurs  de  la 
Feiite  Bibliothc</ue  des  théâtres  ont  donné  ,  en 
1-84  )  ^^^  ioTt  bonne  édition  de  "Mariamne  avec 
des  variantes  indiquées  ,  soit  dans  le  texte  ,  soit  en 
notes,  par  des  guillemets.  On  la  trou\e  ,  précédée 
du  portrait  de  Tristan  ,  d'une  notice  sur  sa  vie,  du 
catalogue  analytique  de  ses  pièces  de  théâtre  ,  et 
de  celui  des  tragédies  de  Hlaiiarnne  ,  dans  la  pre- 
mière annifë  (devenue  rare)  de  ce  recueil  ,  avec  le 
Veuceslai  de  Roirou  ,  la  SofiUonisbe  de  Mairct,  el 
le  Scévole  de  Du  Ryer.  A — T. 

(")  Cet  ouvrage  fut  d'abord  publie  sous  le  litre 
suivant  :  J'iaintes  d'AcanIc  et  autres  ueiifies  du  A 
Tristan  ,  Paris  ,  Itilaiue  ,  iG34  ,  164  pages  in-4°.  . 
avec  un  l"ronlis|)ice  gravé.  L'auteur  de  cette  note 
ou  po.ssède  un  lr«s-bel  exemplaire.  On  remarque 
cuuime  une  singularité  qu'il  ait  été  imprime  cf  a- 
près  l'approlialion  d'un  chanoine  hollandais  [  Lc- 
grrus  Van  llonlsum  .  censeur),  datée  d'Anvers ,  le 
10  jum  iG3i.  Ce  qui  n'est  pas  moius  extraordi- 
naire, c'est  qu'il  n'eu  soil  tait  aucune  meutmu 
dans  nos  bibliographies  les  plus  eslinu-es.  .Vu  reste, 
ce  l'ail  prouve  que  Trislau  était  dej.>  connu  c.ujme 
poète  plusieurs  années  avant  qu'il  eût  donne  au  pu- 
M.c  ..a  tragédie  de  .V«ri«m«.-.  M--  -'» 


.55q  TUl 

Inrc,  d'.ijircs  l'averfisscinciit ,  que 
Tristan  n'en  est  que  l'ëditcnr.  III, 
Le  Page  disgracié  ,  où  l'on  voit 
(le  vifs  caractères  d'hommes  de 
toiïs  tempcr.Uiicnts  et  de  tontes 
professions,  ibid. ,  i643,  in  8".  j 
ï(i65  ou  i(J67  ,  'X  volumes  in-  \'l. 
C'est  la  véritable  histoire  de  la  jeu- 
nesse de  l'auteur  ;  «  et ,  dit  l'ahLe' 
d'Olivet,  il  n'a  pas  eu  grand  besoin 
de  recourir  au  mensonge  pour  lui 
donner  lout-à-f;iit  l'air  de  roman 
(  Hist.  de  Tacad.  franc.)  (8).  IV. 
Les  Heures  de  la  Sai?ite  Fierge , 
tant  eu  vers  qu'eu  prose,  ib. ,  i653, 
in-i2.  Euiin  on  lui  attribue  la  Carte 
du  royaume  d'amour ,  insérée  dans 
le  premier  tome  du  Recueil  de  pièces 
en  prose  ,  les  plus  agréables  de  ce 
temps,  Paris,  1658,  in-  12,  Outre 
V Histoire  de  l'académie  française, 
on  peut  consulter,  sur  Tristan,  le 
Dict.  de  J!>Si\\c -,l' Histoire  du  Théâ- 
tre Français,  v,  196;  le  Parnasse 
français,  247  ,  et  la  Bihl.  de  l'abbc 
Goujet,  XVI,  202.  Son  Portrait,  gra- 
vé par  Daret,  iu-4".,  fait  partie  du 
i?ec«(=z7  de  Des  Rochers,       W — s 

TRlSTAN-L'HERMITE  (  Jean- 
Baptiste  ) ,  seigneur  de  Souliers  , 
frère  du  précédent ,  cultiva  aussi  la 
poésie;  mais  s'appliqua  surtout  à 
riiisloire  et  à  la  science  héraldique. 
Il  était  chevalier  de  Saint-Michel  et 
gentilhomme  ordinaire  du  roi  j  il 
mourut  vers  1670.  Sa  fille  avait 
épousé  le  comte  Esprit  de  Modcne  , 
historien  de  la  Réi'olution  de  Na- 
ples{F,  l'art.  ModÈne,  XXIX,  197, 
ou  Jean-Raptiste  est  qualilié  beau- 
frère  du  comte  de  Modcne,  dont  il 
était  le  beau-père).  Au  reste  il  ne  jia- 
raîf  pas  avoir  porté  le  nom  de  Tris- 


^K^  l'<lli..M.ii  ji.iiLs  ;.i)iiirli(l  r|i.cTiiMaii  linviiil- 
'ail  11  un  roiuaii  en  |i|iii>ii'iir.s  volumes,  iiilitiili.'  ; 
/a  (Uiiiimciic ,  Iliilvirc  (Ui  iilnl,.- ;  iiiuisi)  u'm  iit- 
(.i:.i«l..r„(  V..y.  lliA.d    V  l.ml.). 


TRÎ 

tan,  qui  était  celui  de  son  frère,  du 
moins  ne  l'a-t-il  pas  dans  les  actes 
qu'il  a  passés  et  qui  sont  dans  les  aiv 
chives  de  la  maison  de  Raimond- 
Modène.  On  a  de  lui  des  compilations 
généalogiques  en  assez  grand  nombre, 
mais  peu  estimées  ,  parce  qu'ilne  les 
composait  que  pour  flatter  ceux,  dont 
il  espérait  des  pensions  et  de  l'ar- 
gent. Guichenon ,  qui  lui  reproche 
sa  vénalité,  ajoute  :  «  On  devrait  , 
dans  une  république  bien  ordonnée , 
défendre  d'écrire  à  des  gens  faits 
comme  cola.  (  Voy.  la  BihL  hist.  de 
la  France,  n°  4^791  )•  Outre  quel- 
qjies  pièces  de  vers  disséminées  dans 
les  Uccueils  du  temps ,  et  une  éd. 
du  Cabinet  de  Louis  XI,  Paris, 
16(34,  iu-i2,  collection  assez  cu- 
rieuse et  qu'on  retrouve  à  la  suite 
des  Mémoires  de  Comiues,  dans  les 
éditions  publiées  par  D.  Godefroy  et 
l'abbé  Lengleî-Dufresuoy,  on  cite  de 
notre  auteur  :  I.  Eloges  de  tous  les 
premier  sprésident  s  du  parlement  de 
Paris,  dejynis  qu'il  a  été  rendu  séden- 
taire jusqu'à  présent  ,  avec  letus 
généalogies,  Paris,  i645,  in-fol. 
F.  Blanchard  a  eu  part  à  cet  ouvrage. 
II,  Généalogie  de  du  Laurens ,  ori- 
ginaire de  Naples,  Arles,  i656,  in- 
4*^.  lïl.  La  Ligurie  française,  oa 
les  Génois  afTectionnés  à  la  France , 
Paiis,  i657,in-4°.,  très-rare.  IV. 
La  Toscane  française,  ibid. ,  1G57 
et  i6Gi,in-4".  V.  Les  forces  de 
Lyon,  contenant  le  pouvoir  et  la  do- 
mmation  de  cette  ville,  avec  les  ar- 
mes de  tous  les  chefs  de  sa  milice, 
capitaines  ,  lieutenants  et  enseignes  , 
Lyon,  i()58,in  fol.  Guichenon  nous 
apprend  que  l'auteur  colportait  cet 
ouvrage  de  maison  en  maison.  Je 
mourrais  de  faim  ,  ajoute-t-il,  avant 
que  de  faire  un  si  lâche  métier  {Bihl. 
de  la  France,  4  o  1 08  ).  V I .  Les  Pré- 
siiL'nts  nés  des  étals  de  LaiigncdoCy 


TRI 

OH  chronologie  des  archevcqucs  cl 
primais  de Narhonne ,  Arles,  iCJSq, 
in-4''.  VU.  Discours  historique  et 
généalogique  sur  l'ancifuue  el  illus- 
tre maison  de  Mancini ,  Paris ,  i  G6 1 , 
iu-4*'.  VIII.  Les  Corses  français  ^ 
contenant  l'Histoire  généalogique  , 
Ole. ,  ibid ,  1 6(3'i  _,  in- 1 2.  IX.  ÎVaples 
française,  ibid,  i663  ,  in-4"- X. 
Histoire  généalogique  de  la  maison 
de  Soutiré ,  ibid,  iGG5,iu-4o.  XI. 
Histoire  généalogique  de  la  noblesse 
de  Touraine  et  pays  circonvoisins  , 
enrichie  des  armes  de  chaque  fa- 
mille et  de  quelques  portraits,  ibid., 
166"^  ou  jGGg,  iu-lbl.  Le  portrait 
de  ce  compihiteur  a  été  grave  dans 
divers  formats,  W — s. 

TRITHÈME  ou  TRITHEIM 
(  Jean  ),  historien  et  ih.colugien,  na- 
quit, le  1'='".  février  i4^'2,  dans  Té- 
lectorat  de  Trêves ,  h  Tiittenheim  j 
et  c'est  de  ce  nom  qu'on  a  formé  ic 
sien.  Sou  père  est  désigné  par  ceux, 
de  Joanncs  de  Monte ,  Jean  Heiden- 
berg  ou  Eidenberg ,  et  qualifié  tantôt 
vigneron,  tantôt  chevaUer.  Ou  dit 
aussi  qu'Elisabeth  de  Longovico  ou 
de  Longvvi,  mère  de  Trithème,  était 
d'une  noble  famille.  Ayant  perdu  son 
cpou"x.  douze  à  quinze  mois  après  la 
naissance  de  leur  lils ,  elle  resta  sept 
ans  veuve ,  et  prit  ensuite  un  second 
mari ,  dont  elle  eut  plusieurs  enfants  : 
ils  moururent  tous  fort  jeunes ,  ex- 
cepté un  seul,  nommé  Jacques.  L'édu- 
cation de  Jean  Trithème  avait  été 
fort  néghgce.  A  peine  à  quinze  ans 
avait- il  commencé  d'apprejidre  à  li- 
re :  mais  il  se  sentait  du  goût  pour 
l'étude  ;  et  ce  penchant  devint  si  vif, 
qu'il  résolut  de  s'y  livrer,  malgré  la 
défense  de  son  beau-père.  Les  mena- 
ces et  les  mauvais  traitements  ne 
l'cirrayèrcnt  plus  jet  s'il  ne  pouvait 
étudier  à  son  aise  eu  |)lein  jour,  il 
allait  passer   une  partie  de   la  nuit 


TRI 


55 1 


chez  un  voisin,  qui  lui  euseiguail  tant 
bien  que  mal  à  lire ,  à  écrire ,  à  décli- 
ner et  conjuguer  des  mots  latins.  Il 
vit  bientôt  que  cette  instruction  ne  le 
conduirait  pas  fort  loin,  et  prit  le 
parti  de  quitter  la  maison  ma  tenu  lie, 
mipatient  de  fi-c'qucntci-  de  meilleu- 
res écoles.  Ses  talents  se  déve!o])pè- 
reut  à  Trêves,  puis  eu  quelques  au- 
tres villes  ,  particulièrement  à  Ilei- 
delbcrg.  Lorsqu'il  crut  avoir  acquis 
un  assez  grand  fonds  de  connaissan- 
ces ,  l'idée  lui  vint  de  retourner  à 
Tritlcuheim.  11  se  mit  en  route  au 
commencement  de  l'année  1482  :  le 
25  janvier,  il  arrivait  à  Spauhcim. 
Les  neiges  qui  tombèrent  durant  tou- 
te cette  journée  le  forcèrent  de  s'ar- 
rêter au  monastère  de  ce  lieu ,  non 
sans  un  secret  pressentiment  qu'il  y 
fixerait  sa  demeure.  En  effet ,  ajirès 
y  avoir  séjomné  une  semaine,  il  dé- 
clara qu'il  renonçait  au  monde  ,  quit- 
ta l'habit  séculier  le  2  février ,  fut 
admis  au  nombre  des  novices  le  21 
mars ,  et  fit  profession  le  2 1  novem- 
bre. II  était  encore  le  deruier  des  pro- 
fès  quand  ses  confrt'res  l'élurent  pour 
a])bé,  le  g  juillet  1482.  Si  l'on  vou- 
lait supposer  ,  contre  l'opinion  de 
Mercier  de  Saint -Léger  (Mém.  à  la 
suite  du5«^.  de  VHist.  de  l'imprim 
de  Pr.  Marchand),  qu'alors  l'année 
commençait  à  Pâques  eu  Allemagne  , 
il  y  aurait  lieu  de  modifier  les  dates 
que  nous  venons  d'énoncer,  et  de 
substituer  à  1 4H2  et  83  ,  1 483  cl 
84.  Mais  dans  cette  hypothèse  peu 
plausible,  l'élection  de  Jean  Trithè- 
me,  âgé  de  vingt-deux  ans  et  demi  au 
plus ,  semblerait  encore  bien  précoce. 
Pour  en  être  moins  étonné,  il  faut 
songer  d'une  part ,  que ,  studieux 
comme  il  était,  et  doué  des  plus  heu- 
reuses dispositions  ,  il  avait  dû  f  lire 
de  grands  progrès  diu-ant  les  six  ou 
sept  années  précétlcnlcs ;  de  l'autre, 


>52 


TRI 


qu'à  la  fin  du  quinzième  siècle  ,  les 
monastères  de  l'ordre  de  saint  Be- 
noît ne  se  peuplaient  que  de  sujets 
fort  médiocres  ,  et  ne  possédaient 
plus ,  à  beaucoup  près,  autant  d'hom- 
.  mes  de  mérite  qu'ils  en  avaient  compte 
jadis  et  qu'ils  en  ont  retrouve'  depuis. 
Aussi  l'abbaye  dont  ïrithème  pre- 
nait possession  était-elle  dans  un 
état  si  déplorable  ,  qu'eiTrayé  des 
obligations  qu'il  venait  de  contrac- 
ter ,  il  craignit  de  n'avoir  point 
assez  d'expérience  et  d'autorité  pour 
les  bien  remplir.  On  avait  négligé 
même  le  soin  du  temporel.  Les 
bâtiments  tombaient  en  ruine;  les 
biens  étaient  aliénés,  ou  engagés,  ou 
mal  régis.  D'énormes  dettes,  qu'il 
fallait  payer ,  rendaient  celte  admi- 
nistration de  plus  en  plus  difficile. 
Cependant  le  jeune  abbé  vint  à  bout 
de  remédier  à  tant  de  désordres  :  il 
fît  des  réparations  et  des  construc- 
tions ,  opéra  des  remboursements , 
rétablit  l'équilibre  entre  les  recettes 
et  les  dépenses.  Son  zèle  s^excrçait 
avec  plus  d'ardeur  encore  sur  le  ré- 
gime intérieur  et  moral  de  sa  com- 
munauté. Il  exigea  des  mœurs  plus 
régulières;  et  persuadé  qu'aucune  ré- 
forme ne  serait  efficace  au  sein  de  l'i- 
gnorance et  de  l'oisiveté ,  il  s^efïbrça 
de  ranimer  les  études  sacrées  et  pro- 
fanes. Dans  ses  sermons  à  ses  moines, 
il  leur  recommande  surtout  de  lire  et 
d'écrire  :  selon  lui ,  le  meilleur  travail 
manuel  auquel  ils  puissent  se  livrer 
est  de  transcrire  des  livres.  Il  vou- 
drait les  voir  presque  tous  occupés  de 
cet  exercice  honorable  ou  des  servi- 
ces accessoires  qu'il  entraîne,  com- 
me de  préj>ai'(a'  le  j>arclicmin ,  l'encre 
et  les  plumes;  de  régler  les  pages  ^  de 
corriger  les  fautes^  d'enluminer  les 
litres  et  les  capitales,  et  de  relier  les 
tomes.  Au  moyeu  de  ces  copies  et  des 
acquisitions  qu'il  faisait,  soit  d'an- 


TRI 

ciens  manuscrits  ,  soit  des  livres  qui 
s'imprimaient  depuis  i45o,  il  par- 
vint à  former  une  riche  colleclion.  Il 
n'avait  trouvé  dans  ce  couvent  que 
quarante-huit  volumes  ,  ou  même  que 
quatorze,  à  ce  qu'il  dit  quelque  part  : 
il  y  en  avait  seize  cent  quarante-six 
en  i5o'^  ,  et  bientôt  après  ^  deux  mil- 
le ,  en  tout  genre  et  en  toutes  langues, 
spécialement  on  latin  ,  en  grec  et  en 
hébreu.  Ou  venait  voir  par  curiosité 
cette  bibliothèque  nouvelle ,  qui  pa- 
raîtrait si  chétive  aujourd'hui.  On 
était  d'ailleurs  assez  attiré  à  Span- 
heim  par  le  désir  de  connaître  le  sa- 
vant abbé,  dont  la  réputation  s'était 
rapidement  étendue.  Des  seigneurs , 
des  prélats  _,  des  hommes  de  lettres  , 
accouraient  d'Italie ,  de  France  et  de 
toutes  les  parties  de  l'Allemagne  ^ 
pour  jouir  de  ses  entretiens.  Les  prin- 
ces qui  ne  pouvaient  le  visiter  eux- 
mêmes  lui  envoyaient ,  nous  dit  -il , 
des  nonces  et  des  orateurs ,  pour  trai- 
ter d'affaires  littéraires.  Quoiqu'on 
rendît  hommage  à  sa  piété  autant 
qu'à  sou  savoir  ;  à  la  pureté  de  ses 
doctrines  théologiques  autant  qu'à 
la  variété  de  ses  connaissances;  quoi- 
qu'il prescrivît  sans  cesse  de  puiser 
la  science  de  la  religion  à  ses  vérita- 
bles sources,  c'est-à-dire  dans  les 
Livres  saints  plutôt  que  dans  les  écrits 
des  philosophes  et  les  controverses 
des  docteurs  scolastiques ,  il  se  vit 
pourtant  soupçonné  d'erreurs  graves, 
accusé  de  nécromancie  et  de  magie. 
La  renommée  avait  fait  delui  un  sor- 
cier qui  évoquait  les  démons  et  les 
morts ,  qui  prédisait  l'avenir ,  et  usait 
d'enchantements  pour  surprendre  les 
voleurs.  On  racontait ,  par  exemple, 
que  l'empereur  Maximilicn  ne  se  con- 
solant pas  (le  la  mort  de  sa  pi'cniière 
épouse,  Marie  de  Bourgogne,  Tri- 
tlième,  qui  se  trouvait  à  la  cour  de 
ce  prince  et  qui  prenait  pitié  de  sa 


TRI 

douleur,  avait  otTert  de  ha  faire  ap- 
paraître la  défunte-  qu'en  effet,  Ma- 
ximilien  et  l'un  de  ses  courtisans  s'e- 
tant  renfermes  avec  l'abbé  dans  une 
chambre  écartée,  Marie  s'était  mon- 
trée à  leurs  yeux  ,  parée  de  son 
éclat  accoutumé  ;  que  pour  être  plus 
sûr  que  c'était  bien  elle  -  même  , 
son  auguste  époux  avait  cherché  et 
trouvé  une  verrue  qu'il  savait  être 
située  à  la  nuque  de  la  princes- 
se j  mais  que  ^  cédant  bientôt  à 
l'effroi  mortel  dont  le  frappait  ce 
spectacle,  il  avait  ordonné  à  Tri- 
thème  de  finir  à  l'instant  un  si  terri- 
ble jeu,  en  lui  défendant  de  jamais 
renouveler  de  pareilles  expériences. 
Si  ce  conte  avait  besoin  d'être  réfuté, 
il  le  serait  assez  par  sa  date;  car  Ma- 
rie de  Bourgogne  est  morte  en  1482, 
époque  où  Trithème  n'avait  que 
vingt  ans,  et  n'était  encore  ni  abbé 
ni  connu  dans  le  monde.  En  i5o5, 
Philippe ,  comte  palatin  du  Rhin  ,  le 
pria  de  venir  à  Heidelberg ,  où  il  vou- 
lait conférer  avec  lui  sur  une  affaire 
monastique.  Trithème  s'y  rendit,  y 
tomba  malade ,  et  y  reçut  la  nouvelle 
d'une  révolte  qui ,  en  son  absence  , 
venait  d'éclater  contre  lui ,  dans  son 
couvent  de  Spanheim.  Pour  être 
mieux  informé  des  détails  et  des  sui- 
tes de  cette  révolution  claustrale ,  il 
se  l'ctira  d'abord  à  Cologne,  puis  à 
Spire  ;  mais  il  apprit  que  ses  moines 
persévéraient  à  s'affranchir  de  son 
autorité,  qu'ils  ne  voulaient  plusd'im 
abbé  qui  prétendait  les  obliger  à 
s'iustruire  et  à  se  comporter  raison- 
nablement. De  son  côté ,  il  résolut  de 
ne  jamais  retourner  auprès  d'eux , 
quoiqu'il  se  sentît  rappelé  dans  leur 
monastère  par  la  bibliothèque  qu'il 
y  laissait  et  par  le  souvenir  de 
tout  le  bien  qu'il  y  avait  fait  durant 
vingt-deux  années.  On  lui  conféra 
l'abbaye  de  Saint-Jacques  à  Wurtz- 


TRI  553 

bourg;  il  en  prit  possession  le  i5  oc- 
tobre  1 5o6 ,  y  passa  les  dix  der- 
nières années  de  sa  vie  ,  n'acceptant 
aucune  des  places    plus   éminentes 
qu'on  s'empressait  de  lui  otl'rir  ail- 
leurs ,  et  y  mourut  le  26  décembre 
i5i6  :  nous  écartons  la  date  iSiQ 
que   donne  G.  J.  Vossius,  trompé 
par  Bellarmin.  L'abbé  Trithème  fut 
enterré  dans  ce   couvent  de  Saint- 
Jacques  ,   où  il  avait  paisiblement 
poursuivi  le  cours  de  ses  travaux  lit- 
téraires.—  Neuf  de  ses  Ouvrages  ont 
été  réunis  sous  le  titre  d'Opéra  his- 
torica,  par  Marquard  Freher  (.  V. 
XVI ,  19) ,  Francfort,  i6oi ,  in-fol. 
l.Chronologia  mystica  deseptemse- 
cundeis  sive  iiitelligentiis  orbes  post 
Deum   movenlihus.    Une  ancienne 
doctrine  platonique  ou  cabalistique  , 
renouvelée  et  modifiée  au  quinzième 
siècle ,  plaçait  dans  chaque  sphère 
céleste  une  intelligence  chargée  de  la 
gouverner.    Le  livre    où  Trithème 
veut  rattacher  des  notions  historiques 
à  ce  système  a  paru  en  allemand  ,  à 
Nuremberg,  en  i5'22  j  in-4'^-   Dans 
les  éditions  d'Augsbourg ,  i545,  iu- 
8».  j  de  Cologne  ,  in-S". ,  1 56^  ;  de 
Strasbourg ,  in-4°-  ,  1600  ,  il  est  en 
langue  latine  ,  ainsi  que  tous  les  arti- 
cles qui  vont  suivre.  II.  Chronique 
(  fabuleuse  )    des  Francs  ,   depuis 
Marcûviir  jusqu'à  Pépin,  mise  au 
jour  à  Mayence ,  en  1 5 1 5, et  à  Paris, 
en  i539  ,  in-fol.  ;  insérée  ,  eu  1574» 
au  tome  m  de  la  collection  des  his- 
toriens d'Allemagne  de    Schardius. 
III.  Originede  lanation  des  Francs , 
d'après  Hunebauld  j  autre  tissu  de 
fables  ,  selon  les   critiques   moder- 
nes ,  publié  ,   avec  le  précédent ,  à 
Mayence,  à  Paris,  et  dans  le  Recueil 
de  Schardius ,  et  reproduit  par  Ludc- 
vvig  {Script. herbipol.  Francf.,  1 7  1 3). 
Ce  roman  remonte  à  l'an  i4o  avant 
J.-C.j  et  descend  jusqu'au  milieu  du 


554  fRÏ 

huitième  siècle  de  notre  crc.  IV. 
Chroni(]iws  des  ducs  de  Bai>ièrc  et 
des  comtes  Palatins ,']us(\n  en  i  ^~j^), 
impiimc'c  à  Francfort,  iii-4".  ,  en 
1 544  et  '549,  et  traduite  en  alle- 
mand par  Phil.  Ern.Voop;eliu  ,  Franc- 
fort, iGiG,  iu-4''.  V-  Deluminari- 
bus  Germaniœ  :  il  en  a  parades  édi- 
tions in  "4".  à  Utrcclit,  en  l495  ; 
à  Mayence  ,  eu  i497'  P^ri^i  ^es  Al- 
lemands déclares  illustres  dans  ce 
catalogue ,  il  en  est  dont  aucun  autre 
livre  ne  fait  mention.  Les  notices 
jointes  à  tous  ces  noms  sont  fort  suc- 
cinctes ,  mais  qiielfpiefois  remarqua- 
bles par  leur  singularité'.  VI.  De 
scriptoribus  ecclesiasticis,  se'rie  chro- 
nologique de  963  articles  sur  un  égal 
nombre  de  pères  de  l'Église  et  de 
tlie'ologiens ,  depuis  le  pape  Clément 
T*^"".  jusqu'à  l'auteur  lui-même,  qui 
achevait  ce  travail  en  i494>  et  le 
dédiait  à  l'ëvcque  de  Worins,  Jean 
de  Dalberg.  Le  nom  de  chaque  per- 
sonnage amène  un  expose  sommaire 
des  principaux  traits  de  sa  vie,  et 
l'indication  de  ses  ouvrages.  Mai- 
gre' beaucoup  d'omissions  et  d'er- 
reurs, ce  livre  a  e'te'  fort  utile  à 
ceux  qui  ont  depuis  mieux  traite'  la 
même  matière  •  on  le  consulte  encore 
aujourd'hui.  Les  premières  éditions 
sont  de  Bàlc  ,  i494?  in-fol.;  de 
Mayence, en  la  même  année , iu-4".  ; 
de  Paris,  in-4°.  ,  en  1497  "  ^^^  ^"^' 
vantes  contiennent  des  additions  et 
des  appendices  j  elles  ont  ctc' public'es 
in-4". ,  à  Paris ,  en  1 5 1 2  ;  à  Cologne, 
i53i  et  i546j  à  BA!e ,  iSgl,  ctc. 
La  dernière  et  la  meilleure  est  celle 
qui  fait  ])arlie  de  la  bibliothè(|ue  ec- 
cle'siastique  de  J.  Alb.  Fabricius  , 
Hambourg,  17  18,  in-fol.  (T.  XIV, 
Oo  ).  Aubert  Le  Mire  (  XXïV ,  55 , 
5(i  )  a  fait  des  sup|)lèineiils  à  res 
notices,  et  les  a  ronlinuécs  de  \f\K)\ 
à  1  f)/|  o.  V 1 1 .  Chr<mi(jiU(r llirsati^e  : 


TRI 

cet  ouvrage  ,  dont  le  litre  n'annonce 
que  la  chronique  d'un  nioiiaslère  , 
renferme  un  grand nombic  de  détails 
importants  qui  appartiennent  à  l'his- 
toire de  l'Allemagne  et  de  la  France. 
L'année  83o  est  l'époque  oh  s'ou- 
vrent ces  annales  qui ,  dans  l'édition 
deBâle,  î55g,  in-fol.,  finissaient  en 
i3']o.  Trithèmc  les  avait  condiiites 
jusqu'en  i5i3  ;  mais  son  manuscrit 
ayant  péri  dans  un  incendie  ,  on 
croyait  celle  deuxième  partie  perdue 
sans  ressource  ,  lorsque  Mabillon 
(  F.  XXVI ,  2  )  en  découvrit  une 
copie  dans  l'abbaye  de  Saint-Gall 
qu'il  visitait.  Il  exhorta  les  reli- 
gieux de  ce  monastère  à  la  publier  5 
et  l'ou  vit  ,  eu  effet,  sortir  de  leurs 
propres  presses,  en  1690,  1  vol. 
in-fol.  ,  contenant  cette  chronique 
tout  entière.  Elle  a  servi  depuis  aux 
écrivains  qui  se  sont  occupés  de 
l'histoire  du  moyeu  âge  ;  Voltaire 
lui-même  l'a  citée  dans  l'Essai  sur 
les  Mœurs  des  Nations  :  quant  aux 
mentions  qu'il  lui  a  plu  de  faire  de 
l'abbé  Trithème  en  un  autre  ouvrage, 
on  sait  qu'elles  sont  purement  ima- 
ginaires. Ou  a  de  cet  abbé  une  Vie 
de  Frédéric,  comte  palatin  ,  dit  le 
Victorieux  ,  imprimée  in-4". ,  à  Co- 
logne, en  1G02  :  mais  ce  n'est  pas  un 
ouvrage  de  plus  ;  car  elle  est  extraite 
des  Annales  d'Hiisange.  VllI.  La 
Chronique  de  VAhbaje  de  Span- 
heim,  depuis  1 124  jusqu'en  i5ii  , 
paraissait  pour  la  première  fois  ,  eu 
1601  ,  dans  le  Recueil  des  livres  his- 
toriques de  l'auteur  :  elle  n'est  cu- 
rieuse que  par  les  détails  qu'il  y 
donne  sur  sa  propre  vie.  IX.  On  l'it 
avec  plus  d'intérêt  les  deux  livres  de 
ses  Lctlres  familières  à  des  princes 
d'Allemagne  ,  à  des  prélats ,  à  des 
savants  ,  au  nombre  desquels  se 
trouve  son  demi  -  frère  Jacques ,  qui 
était  deveiMi  docteur.  Scsautre,s  cor- 


TRI 

rcspoiidants  sont  Elisabeth  deLoiii^- 
vA  ,  sa  mère  ;  Joachim  ,  ciectcur  de 
BrandelDourg  •  Fi  ëdoric  ,  électeur  de 
Saxe;  le  pape  Jules  II  ;  l'arclievcquc 
de  Cologne  Hermaiin;  Jac.  Wiinp- 
feliug  ;  Cour.  Celtes  ;  Conr.  Pciilia- 

ger ;  Charles  Bonelles,  dont  nous 

aurons  occasion  deieparler,  etc.  Tri- 
thème  avait  écrit  Lien  plus  de  Let- 
tres ;  celles  qui  subsistent^  au  nom- 
bre de    cent  quarante  ,    tiennent  à 
riiistoire  civile  ,  ecclésiastique  ellit- 
téraii'e  de  son  temps  :  elles  ont  été 
publiées  à  Ilaguenau,  en  i536,  in- 
4*^.  Il  y  en  a  des  extraits  dans  les 
Lettres  choisies  de  Rich.  Simon,  t. 
IV  .  pag.  i3i-i4o;  et  dans  les  Mis- 
ccll.  lipsiens.  nova ,  t.  ii  ,  part,  i  , 
pag.  log-iiS.  —  Vingt  autres  pro- 
ductions dcTritlième  ont  été  recueil- 
lies ,  on  1 6o4  ,  sous  le  litre  d' Opéra 
spiiitualia ,  par  les  soins  du  jésuite 
J.  Busée  (  F.  VI  ,  367  ) ,  IMayeuce  , 
in-fol,;  et  nous  avons  à  distinguer  , 
dans  ce  volume,  deux  articles  encore 
historiques.    X.  Chronique  du  mo- 
nastère de  Saint  Jacques  à  Wurtz- 
bourg  ,  rédigée  en  iSog  ,  et  iusérée 
par  Ludewigdans  un  Recueil  d'écrits 
relatifs  à  celte  ville  ,  que  nous  avons 
déjà  cité.  XI.  Quatre  livres  sur  les 
hommes  illustres  de  l'ordre  de  Saint 
Benoît  :  la  première  édition  est  de 
Cologne,  in-4'^. ,    iS^S.    Baillet  dit 
qu'il  n'y  a  rien  de  moins  exact  que 
ce  qui  a  été  écrit  sur  cet  ordre  par 
Tri  thème  ,  dont  on  doit  néanmoiiis 
estimer  la  diligence  ,  expressions 
qui    peuvent    sembler    singulières  , 
]ors([ii'onsc  souvient  qu'au  temps  de 
Baillet ,    les  termes  de  diligence  et 
d' exactitude  s'employaient   comme 
à-peu-juès  synonymes.   XII.    Deux 
livres  de  Sermons  ou  exhortations 
aux  moines  sont  digues  aussi  d'être 
remarqués  :  ces  discours ,  écrits  en 
latin,  comme  tout  ce   qui   précède 


TRI 


Sf.K 


et  tout  ce  qiu  suit .  se  recommandent 
par  la  pureté  do  la  morale  ,  par  la 
naïveté  du  style  ,  et  par  l'interot  de 
quelques  délails  :  nous  en  avons  l'ait 
usage  dans  la  première  partie  de  cet 
article.   Trithème  les  avait  compo- 
sés, à  l'âge  de  vingt-quatre  ans  ,  en 
i4<'''0  :  on  a  dit  même  que  c'était  la 
date  de  l'édition  qui  eu  l'ut  publiée  à 
Strasbourg  ,  chez  Knoblauch  ,  in- 
ful.  ;  mais  nous  croyons,  avecFr.G. 
Freytag  (  Anal.  1  o  1 1  - 1 0 1 3  ),  qu'ils 
n'ont  été  imprimés  qu'en  i5i6.  L'er- 
reur provient  de  ce  que  Knoblauch 
a  copié,  à  la  fin  du  second  livre, 
la  souscription  du  manuscrit  auto- 
graphe ,  laquelle  porte  en  ellet  la  date 
i4H6   comme  celle  de  la  rédaction 
définitive.  Il  tant  uotcrd'ailleurs  que 
le  privilège  accordé  par  l'empereur , 
pour  cette  impression  ,  n'est  que  de 
i5i4-  Ces  mêmes  Exhortations  cé- 
nobiliques  ont  reparu  à  Anvers  ,  in- 
S'^. ,  en  15^4;  à  Florence,  in-4*'- , 
en  1577J  à  Milan,  'ii-4°->  ^"  ï^4'i- 
On  en  rencontre  des  extraits  dans 
les  Aménités  littér.  de  Schelhoru  , 
tom.iv,p.  28ti-294.XlII.n£vOixbç, 
sit>e  lugubris  liber  de  statu  et  ruind 
monastici  ordinis  ;ce  tableau  du  dé- 
plorable état  des  communautés  mo- 
nastiques avait  été  joint  aux  sermons 
dans   l'édition  de  Florence.  XIV- 
XXIX.  Seize  Traités  ou  Opuscules 
ascétiques  ou  mystiques,  dont  nous 
croyons  huitile  de  transcrire  ici  les 
titres  ,  mais  parmi  lesquels  sont  com- 
pris deux  ouvrages  sur  les  miracles 
de  la  Vierge  Marie  ;  l'un  en  deux  li- 
vres et  l'autre  en  trois.  —  J.  Busée, 
après   avoir   réuni  ces  vingt  pieux 
écrits  ,  s'aperçut  qu'il  en  avait  omis 
six  ,  et  se  hâta  de  les  publier ,  dès 
i6o5,  à  Mavence,  en  un  volume  in- 
8".,  qu'il  intitula  Paralipomènes,  et 
qui  renfermait  en  même  temps  dos 
Opuscules  de  Pierre  de  Blois  etil'IIinc- 


556 


TRI 


mar.  Ce  volume  ,  qui  a  été  réimpri- 
me in-H".  jàGologuC;,  en  1624,  ajoute 
six  articles  aux  OEuvres  de  l'abbe' 
cleSj)aiilieira.  XXX.  Antipalus  ma- 
leficiorum  ,  l'Adversaire  des  malé- 
fices, en  quatre  livres ,  dont  il  y  a  une 
édition  de  i555,àIngolstadt ,  in-4"- j 
ce  ([ui  n'empêche  pas  Biisée  ,  ou 
son  libraire  ,  de  les  qualifier  nunc 
primùm  editi,  au  frontispice  du 
Recueil  de  i6o5.  XXXI.  Curio- 
sitas  regia ,  réponses  à  huit  ques- 
tions théoloj^iques  proposées  par 
l'empereur  Maximiiien.  Ce  livre 
avait  été  aussi  déjà  imprimé  et  mê- 
me plusieurs  fois ,  Oppenheim,  1 5 1 1 
et  i5i5,  in  4^-;  Spiie  ,  iSi:*.,  in- 
fol.- Cologne,  i533et  i534,in-8°.; 
Francfort ,  1 55o  ,  in-S".  ;  Mayence  , 
1601  ,  même  format  5  Cologne,  i6o3, 
in- 12.  XXXII.  Deux  livres  sur  les 
Carmes  illustres,  ouvrage  qui  était 
pareillement  connu ,  au  moins  de- 
puis iSgS,  ]jar  les  éditions  qu'un 
cai'me  en  avait  publiées  à  Florence, 
in-4'^. ,  cent  ans  après  celles  que  Pan- 
zer  indique  sous  les  dates  149*2  et 
1494  ,  in  -  4"'  1  <^t  mayençaises  , 
l'une  et  l'autre.  ICntre  les  réimpres- 
sions postérieures  à  i6o4,  nous  ne 
citerons  que  celle  de  iG43  ,  in-8°., 
à  Cologne;  c'est  la  meilleure  d'un 
ouvrage  assez  curieux.  XXXIII. 
Panégyrique  de  sainte  Anne  , 
production  que  l'on  retrouve  en- 
core dans  les  Annales  typographi- 
ques de  Panzer,  comme  imprimée 
en  1494?  iii-4"'  ■>  t^"'^  ^  Mayence 
qu'à  Lei()zig  :  mais  il  paraît  que  les 
articles  XXXlVctXXXV  étaient  en 
cfict  inédits  avant  iGo5  :  l'un  est  un 
oflicc  en  riioniieur  de  sainte  Anne  et 
de  saint  Joacliim;  l'autre  un  cata- 
logue des  livres  grecs  (|iie  Trilhème 
avait  ])laccs  dans  la  bibliothècpie  de 
son  abbaye  de  S{)aiilieim.  —  Ce  ne 
sont  poMit  cncoie  là  toutes  les  ceu- 


TRI 

vres  du  laborieux  abbé  :  il  nous  res- 
te de  lui  trois  autres  pieux  écrits, 
des  livres  de  physique  occulte,  et  deux 
productions  plus  fameuses  j  qui  ont 
contribué  à  le  faire  accuser  de  sor- 
cellerie. XXXVI.  Fie  de  Rahan- 
Maur  (  F.  XXXVI ,  465-468) ,  in- 
sérée dans  la  collection  des  Bollan- 
distes,  au  4  février.  XXXVII.  Fie 
de  saint  Maxime ,  évoque  de  Mayen- 
ce ,  et  non  de  saint  Martin  ,  arche- 
vêque de  Trêves  ,  comme  l'a  supposé 
Wharton  :  elle  est  dans  les  Acta 
Sanctorum  de  Surins, au  18  novem- 
bre. XXXVni.  Eloge  du  bienheu- 
heureux  Rupert  (  i  )  ,  abbé  de  Tuy , 
à  la  tête  des  œuvres  de  ce  théolo- 
gien, éditions  de  1 638  et  de  1754. 
XXXIX.  Philosophia  naluralis  , 
de  (Teo7rtfl7zf/«  ,  Strasbourg ,  i5o9, 
in-8'^.  La  géomancie  est  une  divina- 
tion qui  se  pi'atique  en  remarquant 
ou  en  traçant  sur  la  terre  des  points, 
des  lignes,  des  cercles  ou  d'autres 
figures.  XL.  Traité  de  chimie  ou 
d'alchimie  ,  réuni ,  en  i  SgS ,  à  des 
extraits  de  Ripley  (2),  in-8°. ,  com- 
pris aussi  dans  le  tome  iv  du  Thea^ 
trum  chemicum  ,  et  imprimé  à  part 
en  161 1  ,in-8o.  Is.  Vossius  en  pos- 


(i)  Rmitrt,  uë  eu  Allemagne,  devint  abbé  de 
Tuy  en  iii3  el  y  mourut  eu  ii35,  considéré 
comme  un  savant  et  pieux  personnage.  U  a  laissé 
des  écrits  tliéologiques  et  historiques  ,  des  li^mucs 
et  d'autres  -vei-s  latins.  Ses  ouvrages  ont  ele  impri- 
més plusieurs  fois  ,  quoiqu'on  y  ait  repris  cer- 
tains passages  qui  ont  fourni  aux  ProlcslauLs  de» 
objections  contre  le  dogme  de  la  Iranssubslanlialion. 
Les  dernières  éditions  sont  de  l'arls  ,  i(i38  ,  2  vol. 
in-lol  ;  de  Venise  ,  1754,  4  ^"l-  >n-fol.  Foj.  ,  sur 
r;a;bé  Rupert ,  Foppeus  ,  liildioih.  liclg.  ,  l.  Il  , 
p.  1087  ,  1088  i  Vlhst.  tiitéiaire  de  la  Fraïue  , 
t.  XI ,  p.  I\>-'X  ,  etc. 

(«)  Georges  Kiplcjr  ,  alchim!s,tc  anglais  ,  chanoi- 
ne de  liridlinglon,  vivait  sous  Ldouard  IV,  auquel 
il  u  dédié,  en  1477  ,  sou  livre  des  Dou/.c  Portes.  H 
était  fort  riche  et  laissait  croire  qu'il  devait  sou 
opulence  à  sou  art.  U  envo\ait  ,  dil-on  ,  bea«c(uip 
.r..i  .inx  «hevaliei  s  <le  KhJdes  ,  pour  les  aider  à  se 
drléndrc  coulre  les  Turcs.  I,e  Ltiu  r  ,/iiu.lcciin  /mr- 
liiiuin.  .1  elr  inqirinic  à  l.eyde  ,  en  iSgj),  in  8".  ,  cl 
l'on  a  recueilli ,  dans  le  mime  format ,'  .^  Cassel ,  en 
i(i4i),  tous  les  ouvrages  de  <  hiinic  de  cet  auteur. 
Il  est  mort  en  i4<J.).  A  ..y  Mauget  ,  bloy. ,  etc. 


TRI 

scd;iit  un  manuscrit  en  langue  alle- 
mande jet  l'on  cite  comme  public  eu 
cet  idiome,  à  Ingolsladt ,  i555,  iu- 
4". ,  un  livre  de  Tritlièmc  sur  les 
empoisonnements  et  maléfices  :  ce 
u'est  peut-être  qu'une  traduction  de 
l'article  xxx  ci-dessus.  XLT.  LaPo- 
Ij' graphie,  en  6  livres,  est  un  plus 
célèbre  ouvrage,  dont  la  première 
édition  ,  donnée ,  en  1 5 1 8  ,  à  Op])cn- 
heim,  in- fol.  ,  devient  aujourd'hui 
fort  rare.  Les  auti'es  sont  de  Franc- 
fort ,  i55o,  in-4".  ;  de  Cologne, 
1 564  et  1 5']  I  ,in-8'\;dc  Strasbourg, 
in-8".,  i6oo  et  i6i3,  etc.  Gabriel 
de  Collangc  {F.  IX ,  25 1  )  eu  fit  une 
version  française  ,  imprimée  à  Paris, 
en  1 54 1 ,  iu-4''-,  sous  le  titre  dePo/r- 
graphie  et  universelle  escriture  ca- 
balistique,  avec  la  clavicule,  etc.- 
et  quoique  ce  volume  se  fût  assez  ré- 
pandu ,  un  Frison,  nomme  Domini- 
que de  Hottinga,  eut  l'audace  de  le 
faire  paraître  sous  son  propre  nom , 
en  français  et  dans  le  même  format, 
avec  une  préface  ,  où  il  déclarait  que 
ce  travail  lui  avait  coûté  de  pénibles 
veilles  :  il  ne  disait  pas  un  seul 
mot  du  traducteur  Collauge ,  ni  de 
l'auteur  J.  Tritbème.  Celte  publica- 
tion ,  fameuse  dans  l'histoire  des 
plagiats,  est  de  1G20,  à  Erabden  : 
le  catalogue  de  Crevenna  en  indique 
un  exemplaire  ,  daté  de  i6'2i,  à 
Groningne.  A  l'égard  de  l'ouvrage 
même ,  on  doit  observer  d'abord  que 
Trithèmc  n'applique  point  le  nom  de 
Poljgraphie  à  des  mélanges  d'écrits 
de  dilicrents  genres  ou  sur  divers  su- 
jets :  il  veut  enseigner  à  écrire  un 
même  mot  de  plusieurs  manières.  Il 
donne  treize  nouveaux  alphabets  , 
composés  soit  de  lettres  étrangères 
les  unes  aux  autres ,  soit  de  carac- 
tères de  convention  ou  de  purs  chif- 
fres. L'auteur  avait  quelque  con- 
naissance   des   aucienucs  notes    de 


TRI  557 

Tyron  ,  augmentées  par  Sénèquc 
père  ,  et  depuis  par  saint  Cyprien  , 
à  l'usage  des  chrétiens  persécutés. 
Il  en  existait  fort  peu  de  copies 
au  commencement  du  seizième  siè- 
cle :  Trithème  se  fé/icite  d'avoir 
pu  en  acheter  une  ,  que  des  moi- 
nes ignorants  vendaient  à  vil  prix  j 
et  les  auteurs  du  Nouveau  Traité  de 
diplomatique  (  îom.  2,  pag.  19,6, 
et  tom.  3  ;,  pag.  i5o  )  lui  attribuent 
l'honneur  d'avoir  le  premier  publié 
et  interprété  quelques-unes  des  notes 
tyroniennes.  Les  rédacteurs  du  Jour- 
nal des  savants  reconnaissaient,  en 
1678  (  24  janvier  ) ,  qu'il  avait  fort 
contribué  aux  progrès  de  l'art  d'é- 
crire en  chiffres.  XLII.  Stegano- 
graphia,  hoc  a^t ,  ars  per  occultam 
scripturam  animi  s  ni  voluntatem 
ahsentibus  aperiendi,  cerf  a  :  prœ- 
fixa  est  clavis.  David  Clément 
{Bibl.  cur.  p.  94)  fait  mention  de 
deux  volumes  iri-8°. , très-rares,  qui 
ont  paru  en  1 55 1  à  Lyon ,  et  qui  con- 
tiennent ,  à  la  suite  de  certains  traités 
de  H .  Corn.  Agrippa ,  de  P.  de  Aba- 
no  ,  etc. ,  la  Stéganographie  de  Tri- 
thème;  mais  les  éditions  de  ce  livre 
qu'on  désigne  ordinairement  comme 
les  plus  anciennes  ne  sont  que  du 
dix-septieme  siècle,  Francfort ,  1 606; 
Darmstadt ,  i  G.11  ;  Cologne  ,  chez 
Egmond,  i635,  in-4°.  Les  termes 
inouïs  et  bizarres  dont  cet  ouvrage 
est  parsemé  le  firent  prendre  pour 
un  livre  de>raagie  ;  Richard  Simon 
convient  que  l'auteur  s'exprimait  de 
manière  à  faire  croire  qu'il  y  avait 
de  la  diablerie  dans  son  fait.  Bouelles 
{F.  V  ,  288)  ,  qui  s'en  était  forme 
cette  idée  lorsque  Trithèmelui  avait 
communiqué  ce  Traité  encore  manus- 
crit ,  se  hâta  de  dénoncer  une  œu- 
vre si  dangereuse,  et  continua  de 
jeter  de  si  hauts  cns,  que  le  com- 
te  palatin  Frédéric  II  ,  surnomme 


558 


TRI 


pourtant  le  Sajçe  ,  livra  aux  flammes 
l'autographe,  ([lu  se  conservait  dans 
sa    l)ii)Uotlic([iic.   Cette    prévention 
s'accrédita  dans  le  cours  du    sei- 
zième siècle  :  on  eu  retrouve  de  for- 
tes traces  dans  les  écrits  de  Wier, 
de  Brow  er ,  de  Possevin  ,  de  Bodiu 
même.  Des  lecteurs  plus  attentifs  ju- 
gèrent que  l'auteur  n'avait  emprunté 
des  magiciens  que  leur  langage  :  il 
eut  pour  apologistes  et  pour   inter- 
prèles ,  d'aboi'd  un  abbé  du  monas- 
tère de  Sèon  eu  Bavière  {SigismujuJi 
abhatis ,  etc.,  Trithemius  sui ipsius 
vijidex,  Ingolstadt,  iGi(3  ,in-4'^.  )  j 
puis  un  duc  deBrunsvvick-Luuebourg 
(  f^oy.  VI ,  i4i  )  ;  ensuite  Garamuel 
(VU,  109-1  II),  Gasp.  Scliott(XL  , 
23 1  -234  ) ,  Naudé  (  XXX ,  5q7  ) , 
Wolfg.  Ern.  Heidel,  Morholf,  Rich. 
Simon  ,  etc.  Il  avait  au  surplus  dé- 
clare lui-même  avec  une  extrême  in- 
génuité qu'il  n'aspirait  ni  à  pénétrer 
des  mystères  ,  ni  à  opérer  des  pro- 
diges j  qu'il  ne  se  mêlait  aucunement 
de  sorcellerie;  que  s'il  avait  lu  néan- 
moins des  livres  qui  enseignaient  cet 
art  des  démons  ,  c'était  pour  en  con- 
cevoir plus  d'iiorrcur  et  pour  se  met- 
tre plus  en  état  de  les  réfuter.  Aussi 
ne  comprendrons-nous  pas  au  nom- 
bre de  ses  productions   un  volume 
in-8°. ,  publié,  en  161 2  ,  comme  tiré 
de  ses  manucrits  :   Vcterum  sopho- 
riiin  sigillaet  imagines  magicœ, etc.  : 
ce  livre  avait  été  imprimé  dès  i5o2, 
comme  l'une  des  parties  du  Spécu- 
lum lapidum  de  Camille  Léonardi , 
a  IVsaro  ,  in -4"-  —  Nous  n'avons 
pas  non  plus  tenu  compte  de  quel- 
ques opuscules  dont  P.uixcr  cite  des 
éditions  et  transcrit  les  titres,  et  que 
les  autres  bibliographes  ontomis^soit 
qu'ils  n'en  eussent  pas  connaissance, 
soit   (ju'ils    les    aient    lépulés  pour 
nuls  :  Traclaliis  tlii'isus  in  scx  ca- 
pitula (le  causis  gucirarunij  etc.; 


TRI 

De   iKrd   conversione    vientis  ad 
Deuni  y  Oratio  de  dnodccini  cxci- 
diis  ohseivaidiœ  regidaris  :  ce  sont 
trois  in-4". ,  sans  date;  Collalio   de 
repuhlicd Ecclesiœ  et  monachorum 
ordinis  S.  Benedicli,  1  4f)3  ,  in-4".  ; 
De  iinmacnlatd  Concepliune  Mariœ 
epistola  ,  Strasbourg,  iu-4".,  i49^ 
et  i5o6;  Oratio  de  curd  pastorali , 
Mayence  ,  in-4''.  ,  i49^^j  Oratio  de 
operaiione  divini  amoris,m-^°.  , 
1497 -Ces  pièces  ne  sont  '  en  général  y 
que  des  extraits  de  quelques-uns  des 
ouvrages  ascétiques,  mystiques,  histo- 
riques, ci-dessus  indiqués.  Mais  quel- 
que longue  qu'ait  été  la  liste  que  nous 
venons  d'offrir  ,  il  est  indispensable 
d'y  ajouter  comme  XL!!!*-',  et  dernier 
article  le  livre  intitulé  Nepiachus  , 
dans  lequel  Trithème  fait  l'histoire 
de  son  enfance ,  de  ses  études ,  de  ses 
travaux,  et  que  J.  G.  Eccard  a  inséré 
dans  le  tome  second  de  sa  collection 
d'écrivainsdu moyeu  âge. — .\tantde 
livres  de  Trithème  on  atu'ait  à  join- 
dre une  trentaine  de  compositions 
inédites ,  si  l'on  s'en  rapportait  au 
catalogue  qui  en  a  été  dressé  et  qui 
se  lit  dans  la  Bibliothèque  latine  med. 
et  inf.  œlatls  de  Fabricius  ;  mais  ou- 
tre les  articles  purement  imaginaires, 
il  y  eu  a  plusieurs  qui  se  confondent 
avec  ceux  qui  ont  été  imprimés  ;  ils 
n'en  diOcrent  que  par  les  titres:  quel- 
ques-uns même  avaient  été,  à  l'iusu 
de  Fabricius,  publiés  sous  les  propres 
titres  qu'il  leur  donne.  Il  ne  resterait 
guère  à  distinguer  dans   cette  liste 
qu'une  vie  de  sainte  Irmine  ,  fille  du 
roi  Dagobcrt;  des  Questions  sur  le 
Psautier  et  sur  l'Evangile  de  saint 
Jean;  :\o  livres  ,  ou  plutôt ,  comme 
Mansi  l'observe  ,  1 4  livres  de  Ques- 
tions  naturelles  ;   et  un  sJipplément 
à  la  Siéganographie.  Ces  livres,  .ui- 
jourd'hiii  perdus  ou  inconnus, a\aient 
été  réellement  composés  par  Trilhè- 


TRI 

me  :  i!  nous  rapprend  dans  ceux  qui 
sii]).sibtenl.  A  vrai  dire,  cuire  tous 
ses  ouvrages  ,  on  n'en  cunipterait 
pas  plus  de  six  qui  aient  conserve 
quelque  intérêt  :  ce  sont,  avant  tout , 
ses  Annales  d'Hirsauge ,  puis  ses  No- 
tices sur  les  auteurs  ecclésiastiques  , 
ensuite  ses  Lettres ,  et  si  l'on  veut  ses 
Sermons  ;  enfin  et  scidement  comme 
livres  curieux ,  sa  Polygrapliie  et  sa 
Stc'gnnographie.  Quand  \Miarton 
prononce  que  peu  d'écrivains  l'ont 
c'gale,  et  qu'aucun  ne  l'a  surpassé  , 
l'exagération  de  cet  éloge  est  sensi- 
ble. D'Artigny  se  contente  de  le  placer 
au  rang  des  historiens  estimés  j  et 
quoique  ce  jugement  soit  plus  raison- 
nable, il  y  aurait  encore  lieu  de  le 
modifier  5  car  la  chronologie  de  l'ab- 
bé de  Spanheim  est  souvent  fautive, 
et  le  cardinal  Bona  trouvait  des 
inexactitudes  dans  ses  récits  :  Bayle 
en  a  relevé  une  qui  concerne  Platina  , 
dont  Trithème  prolonge  raal-à-pro- 
pos  la  détention  jusqu'à  la  mort  du 
pape  Paul  II.  Possevin  lui  reproche 
de  n'avoir  point  assez  de  respect 
pour  la  cour  de  Rorae^  tandis  que 
Scioppius  ,  au  contraire,  loue  sa  pié- 
té ,  sa  véracité,  sa  candeur,  et  lui 
souhaiterait  seulement  une  critique 
plus  judicieuse.  Trithcme,  ch  elîct, 
partage  la  crédulité ,  les  préjugés ,  le 
mauvais  goût  des  auteurs  allemands 
de  son  siècle  :  il  raconte  les  appari- 
tions et  les  métamorphoses  d'un  es- 
prit follet  nommé  Hudekin  ;  il  tient 
pour  réels  les  enchantementsde  Faust, 
et  il  est  le  premier  qui  ait  parlé  un 
peu  au  long  de  ce  prétendu  magicien; 
il  est  enfin  persuadé  qu'on  peut ,  à 
force  de  science  et  de  vertu  ,  trans- 
porter les  corps  à  de  longues  distan- 
ces. Kn  liltératuic  ,  sou  goût  est  si 
jx-néclaiié,  qu'il  est  presque  tenté 
tle  jnéféicr  !e  Mantciuan  (Spagiuioli) 
à  Virgile.  11  était  hii-môme  peu  ha- 


Tfil  559 

bile  daiis  l'art  d'écrire  ,  malgré  tout 
ce  qu'il  av.'iit  d'instruction,  d'imagi- 
nation et  de  facilité.  Comme  ihéofo- 
gien  ,  il  a  été  loué  par  Richard  Si- 
mon, pour  avoir,  bieii  avant  les  Pro- 
testants ,  recommandé  l'étude  immé- 
diate de  la  Bible,  et  pour  s'être 
plaint  des  professeurs  et  orateurs  qui 
citaient  les  philosophes  plus  que  les 
apôtres  ,  qui  prêchaient  Aristote  plus 
que  Jésus -Christ.  Ou  a  conservé  le 
portrait  de  Trithème  ;  et  l'on  puise 
dans  ses  propres  ouvrages  ,  particu- 
lièrement dans  son  Ncpiachus  ,  des 
renseignements  sur  sa  vie  ,  plus  sûrs 
que  ceux  qu'en  donnent  d'autres  No- 
tices. On  peut  néanmoins  consulter  la 
Lettre  de  Bouelles  à  Germain  de 
Ganay ,  dans  les  Bovilli  opuscula  , 
Paris  ,  1610  ,  in-fol.  ;  le  Finax  mis 
par  Duraclusius  à  la  tête  des  édi- 
tions de  la  Polvgraphie,  les  préli- 
minaires de  l'édition  donnée  par  J, 
Busée  des  Opéra  spiritualia  ,  ceux 
de  la  SteganograpJiia  vindicata  de 
W.  G.  Heidel-  les  articles  Trithème, 
delà  Biblioth.  med.  et  inf.  de  Fabri- 
cius  ,  des  j\Iémoires  de  Niceron  , 
tome  XXXVIII ,  pag.   212-233,  etc. 

D— N— U. 

TRITTO  (Jacques),  composi- 
teur, né  à  Allamura ,  dans  le  royaume 
de  Naples,  en  1785,  apprit  la  mu- 
sique au  conservatoire  de  la  Pietà  , 
sous  la  direction  de  Nie.  Fago  ,  sur- 
nommé le  Tarentino  ,  et  y  fît  de  tels 
progrès,  qu'aprèsla  mort  de  son  maî- 
tre, on  le  choisit  pour  le  remplacer. 
Partisan  de  l'ancien  svstème  mélo- 
dramatique italien,  il  s'efforça  de  le 
soutenir  ]iar  sa  voix  et  par  son 
exemple.  Il  a  laisse,  sous  le  titre  de 
Scuola  del  contrappunto ,  ossia  teo- 
rica musicale ,  Milan,  i8if>,  in-^^., 
un  tiailé  dans  lequel,  après  avoir 
développé  les  principes  de  l'harnio- 
iiic,  il   donne   les  règles   gciicralcs 


56o  TRI 

pour  cliitrrer  les  difTcrents  mouve- 
ments de  la  basse.  Tritto  ne  fut  pas 
heureux  au  the'àtre  :  cependant  on 
pourrait  citer  plusieurs  de  ses  pièces 
({u'on  applaudit  encore  en  Italie, 
telles  que  la  P^ergine  del  Sole , 
Apelle  e  Campaspe ,  parmi  les  ope- 
ras  sérieux  ,  et  la  Sciiola  degli 
amanti ,  il  Convitato  di  Pietra ,  i 
due  Gemelli,  dont  il  a  cnricln  la 
scène  comique.  Il  a  montre  beau- 
coup plus  de  talent  dans  les  musi- 
ques d'églises ,  parmi  lesquelles  on 
admire  un  Credo  à  cinq  voix ,  et  une 
grand'Messe  à  huit^  avec  accompa- 
gnement de  deux  orcbestres.  Lors- 
qu'aux  anciens  conservatoires  de 
Naples  on  voulut  substituer  un  éta- 
blissement imique^  sous  le  nom  de 
Collège  royal  de  Musique,  Tritto 
lit  partie  du  comité  charge'  de  la  di- 
rection de  cette  nouvelle  école.  Par- 
mi ses  collègues  e'taient  FenaroU 
et  Paisiello ,  auxquels  il  siu-vècut , 
et  M.  Zingarelli  _,  qui  lui  a  succède 
dans  la  place  de  premier  maître  de 
la  chaml)re  et  de  la  chapelle  du  roi. 
Il  est  mort  à  Naples  ^le  17  sept.  1824, 
à  l'âge  de  89  ans.         A — g — s. 

TRIVETH  ou  TREVETH  (Ni- 
colas )  y  historien  et  philologue  , 
ne  vers  1208,  fut  élevé  par  les 
Dominicains  de  Londres  ,  et  fit  , 
sous  leur  direction  ,  de  rapides  pro- 
grès dans  les  lettres.  Son  goût 
pour  l'étude  l'ayant  décidé  à  embras- 
ser la  vie  l'cligieuse  ,  il  fut  envoyé, 
par  ses  supérieurs,  à  l'académie  d'Ox- 
ford ,  où  il  fit  ses  cours  de  philoso- 
Î)hie  et  de  théologie  ,  de  la  manière 
a  jilus  brillante.  Il  se  rendit  ensuite 
à  Paris  j  après  y  avoir  perfectionné 
ses  connaissances  parla  frc'qucntalion 
des  savants  ,  il  retourna  j)rendrc  le 
bonnet  de  docteur  à  Ovford  j  et  re- 
vint enfin  à  Londres  ,  où  ses  confrè- 
res montrèrent  d'autant  j)lus  de  joie 


TRI 

de   le    revoir    qu'ils    l'avaient    cru 
perdu  pour  eux.  Elu  prieur  de  son 
couvent,  il  partagea  le  reste  de  sa 
vie  entre  l'étude  et  renseignement ,  et 
mourut  en  io'xf\  ,  avec  la  réjiutation 
d'un  des  hommes  les  plus  instruits 
et  les  plus  laborieux  de  sou  siècle.  Il 
nous  reste  de  Triveth  des  ouvrages 
de  théologie  ,  de  philologie  et  d'his- 
toire ,  qui  prouvent  l'étendue  et  la 
variété  de  ses  connaissances^  mais  on 
doit  convenir  avec  Leland  {Script. 
Britann.  ,  ch.  332) ,  que  le  style  en 
est   barbare.   Le  P.  Quelif  en   cite 
trente-cinq  ,  dont  il  indique  les  di- 
verses copies  que  l'on  connaissait  de 
son  temps  daus  les  bibliothèques  de 
France   et   d'Angleterre   (  Scriptor. 
ord.  Prœdicat. ,  i,  56i-65).  Les 
pi'incipaux  sont  :  I.  Des  Commen- 
taires sur  la   Genèse ,  l'Exode,   le 
Lévitique ,  les  Paralipomèues  et  les 
Psaumes.  II.  U Exposition  des  vingt- 
deux  livres  de  la  Cité  de  Dieu ,  de 
saint  Augustin.  Thom.  Walleys  ou 
Valois  ,  autre  dominicain  anglais  , 
conçut ,  après   Triveth ,   le  dessein 
d'expliquer  l'ouvrage   de  saint  Au- 
gustin ,  mais  ne  l'exécuta  que  sur  les 
dix  premiers  livres.  Dans  la  suite,  les 
copistes  complétèrent  son  travail  avec 
celui  de  Triveth  ;  et  c'est  ainsi  que 
ce  Commentaire  se  trouve  imprime 
dans  l'édition  de  la  Cité  de  Dieu  _, 
Maïence,  SchoelFer,  i473,  iu-fol.  Il 
en  existe  plusieurs  autres  éditions  du 
quinzième  siècle,  Bâle,  '479  ;  Tou- 
louse, 1488,  Venise,  1489  ,  et  Fri- 
bourg  en  Brisgaw ,  i494'  ï^-  U" 
Commentaire  sur  le  traité  de  Boéce, 
de  la  consolation  de  la  philosophie^ 
il  est  inédit.  C'est  à  tort  que  quelques 
critiques  ont  cru  que  l'ouvrage  de 
Triveth  avait  été  publié  sous  le  nom 
de  saint  J'homas  d'Aquin.  Ce  Com- 
mentaire n'est  )).'is  digne,  en  edet,  du 
grand  docteur  dont  il  porte  le  nom  ; 


TRI 

mais  le  P.  Quetif  a  démontré  (  loc. 
cit.  )  que  Triveth  n'eu  est  pas  non 
plus  l'auteur.  IV.  Des  Notes  philo- 
logiques sur  les  déclamations  ,  les 
opuscules  et  les  tragédies  de  Sénè- 
que  ;  sur  Tite-Lice  (  i  ) ,  Juvénal  et 
les  Métamorphoses  d' Ovide.  V.  Des 
Annales  depuis  l'origine  du  monde 
jnsqu'à  la  naissance  de  J.-C*  et 
depuis  la  naissance  du  Sauveur  jus- 
qu'à la  fin  du  treizième  siècle.  On  ne 
connaît  aucun  manuscrit  de  la  se- 
conde partie.  VI.  Un  Catalogue  des 
rois  Anglo-Saxons  ,  pendant  la  du- 
rée de  l'Heptarcliie.  Vil.  Annales 
ah  anno  ii36  ad  ann.  i3o7.  C'est 
une  histoire  fort  intéressante  des  rois 
d'Angleterre  de  la  maison  des  Planta- 
genets.  Dom  d'Achery  l'a  publiée  sur 
un  manuscrit  d'Eraer.  Bigot  ,  revu 
par  Adi".  Valois,  dans  leSpicilegium, 
tome  VIII  de  l'édition  in-^'*.,  et  tome 
III  de  l'édition  in-fol.  Ant.  Hall,  sa- 
vant anglais ,  revit  cette  histoire  sur 
les  manuscrits  d'Oxford  et  de  Lon- 
dres ,  et  la  fit  réimprimer  séparé- 
ment ,  Oxford ,  1 7 1 'j  ,  in  -  8".  Il  faut 
joindre  à  cette  édition  un  second  vo- 
lume publié  par  Hall ,  ibid. ,  1722  , 
in-8*^.  ,  qui  contient:  Annalium  Ni- 
col.  Triveticontinuatioadann.  1 336, 
auct.  anonym.  y  Adam.  Murimu- 
thensis  Chronicon  cum  continuatio- 
ne.  Outre  les  auteurs  déjà  cités,  on 
peut  consulter  Fabricius^jSiZ'/,  med. 
et  infini,  latinitatis  ,  etc.       W — s. 

TRÏVISANO.   r.  Trevisano. 

TRIVISANO  (  Bernard  ).  Foj. 
Bernard  le  Trevisan. 

TRIVISANO  (Marc)  ,  biogra- 
phe ,  né  au  commencement  du  dix- 
septième  siècle  ,  d'une  ancienne  fa- 
mille vénitienne ,  fut  un  des  élèves 


(i)  Un  bi'Bti  uiaiiusrritsur  vélin  de  ce  conuncn- 
falrc  sur  Tilc-Ijivc,  est  cilé  dans  le  Catal.  do  la 
faibliotb.  Mac-Cai'tliy ,  u».  ^^T"- 


TRI  56 1 

les  plus  distingués  de  Paul  Sarpi.  Il 
se  rendit  si  célèbre  par  un  trait  ex- 
traordinaire de  générosité  envers  son 
ami  Nicolas  Barbarigo  ,  que  Char- 
les I*^»'. ,  roi  d'Angleterre  ,  chargea 
son  ambassadeur  à  Venise  de  "lui 
envoyer  les  portraits  des  deux  amis. 
Marc  y  que  depuis  lors  on  sur- 
nomma le  Héros ,  servit  avec  dis- 
tinction dans  la  guerre  du  Frioul ,  en 
16 16,  En  quittant  l'épéc  ,  il  se  livra 
à  la  composition  de  plusieurs  ou- 
vrages ,  dont  la  plupart  n'ont  point 
été  imprimés  11  mourut  ,  à  Venise, 
vers  1674.  On  a  de  lui  :  I.  Vita  di 
Francesco  Erizzo ,  principe  di  Ve- 
nezia  j  Venise,  i65i,  in  -  4"*.  II, 
Le  azioni  eroiche  di  Lazaro  Mo- 
cenigo ,  ibid.  ,  1609,  in-4''.  III. 
L'immortalità  di  G  B.  Rallerioo  y 
ibid.  ,  1671 ,  in-4''.IV.  Pompe  fu- 
nehri  celehrate  a'  suoi  concitta- 
dini  morti  nell'  ultima  guerra 
controilTurco ,  ibid.,  16-^3,  in-4'*. 
Sa  Vie  a  été  écrite  par  Pona.  A-g-s. 
TRIVISANO  (  Bernard  ) ,  ne- 
veu du  précédent  ,  philosophe  , 
né  d'une  ancienne  famille ,  à  Veni- 
se^ en  i652  ,  ne  dut  la  conser- 
vation de  sa  Aie  qu'à  la  fermeté  de 
son  père.  Le  chirurgien,  ne  sachant 
plus  comment  vaincre  les  difficultés 
d'un  accouchement  extraordinaire  , 
proposait  de  sauver  la  mère  aux 
dépens  de  l'enfant.  «  Sauvez -les 
»  tous  les  deux,  ou  perdez- les  en- 
»  semble  ,  »  répondit  le  sévère  pa- 
tricien ;  et  cette  inflexibilité  épargna 
peut-être  deux  victimes.  Placé  sous 
les  yeux  d'un  onele paternel ,  le  jemie 
Bernard  lit  des  progrès  dans  les  lan- 
gues ,la  géographie,  l'histoire,  la  phi- 
losophie et  la  politique  :  il  montrait 
surtout  du  penchant  pour  les  mathé- 
nialiques,  qu'a  défaut  de  l>oiis  livres 
élémentaires  ,  il  apprit  sur  de  vieux 
cahiers  de  son  a'ieul.  Il  ne  fut  pas 
36 


56-2  TRI 

plus  heureux,  en  philosophie  :  les  sec- 
tateurs d'Aristotc,  aux  prises  avec 
les  platoniciens^  parlaient  beaucoup 
sans  s'enteudre.  I^es  élèves  ,  embar- 
rasses par  le  jargon  barbare  de  leurs 
maîtres  ,  en  adoptaient  aveuglement 
les  opinions  •  et  c'est  ainsi  que  l'er- 
reur, se  perpe'tuant  par  l'ignorance  , 
étendait  ses  ténèbres.  Loin  de  se  con- 
former aux  usages  établis,  Trivisauo 
voulut  tout  connaître  par  lui-même. 
Il  examina  les  différents  systèmes, 
et  aprèsles avoir  comparés  ensemble, 
il  se  décida  pour  celui  qui  lui  parut 
moins  exigeant.  Son  éducation  se  per- 
fectionna dans  les  voyages  :  il  visita 
l'Allemagne,  la  France,  l'Angleterre. 
Accueilli  partout  avec  distinction  ,  il 
le  fut  particulièrement  à  la  cour  de 
Louis  XIV,  qui  avait  des  raisons 
pour  flatter  l'orgueil  national  des 
Vénitiens.  A  son  retour  eu  Italie  , 
Trivisano  ,  qui  se  trouvait  à  la  tête 
d'une  grande  fortune ,  en  employa 
une  partie  à  l'augmentation  de  sa 
bibliothèque  et  de  ses  collections 
de  statues  et  de  médailles.  Ce  musée, 
formé  en  jiartie  des  débris  de  celui 
des  ducs  de  Mantoue  ,  et  dont  paille 
avec  étonnement  Montfaiicon  {Diar. 
ital. ,  pag.  69  ) ,  est  devenu  ensuite 
la  propriété  de  la  famille  Giusliniaiii 
à  Venise.  Bernard  fit  un  assez  long 
.séjour  à  Rome,  où  il  avait  accompa- 
gné sou  frère  François,  nouvellement 
élevé  à  l'épiscopat.  Rappelé  dans  sa 
patrie,  il  fut  nommé  gouverneur  (ca- 
pitano)  de  Belluue  ,  et  peu  après 
magistrat  de  la  qnarantia.  Il  allait 
obtenir  l'araba-ssade  de  Constanljno- 
ple,  lor.sque  ,  par  un  édit  ,  le  sénat 
écarta  des  hautes  charges  de  la  ré- 
publique les  familles  qui  avaient  des 
individus  au  .service  du  Saint-Siège. 
'J  livisano,  compris  dans  cette  exclu- 
sion ,  .se  livra  entièrement  à  l'élude  ;  il 
composa  un  grand  nombre  d'mivra- 


TRÎ 

ges,  dont  la  plupart  n'ont  pas  è'té  im- 
primés.  Embrassant  les  objets  les  phis 
variés  ,  et  quelquefois  même  les  plus 
disparates ,  il  écrivit  sur  la  politique, 
sur  la  morale ,  sur  la  philosophie ,  sur 
le  droit,  et  il  rédigea  en  même  temps 
la  relation  de  ses  voyages ,  des  gram- 
maires pour  le  grec  et  pour  l'hébreu, 
et  jusqu'à  des  traités  de  chiromancie 
et  d'art  cabalistique.  Nommé  pro- 
fesseur public  de  philosophie  ,  il 
entreprit  un  grand  travail  pour  en 
faciliter  l'étude  à  ses  élèves.  11  allait 
le  livrer  à  l'impression ,  lorsqu'il 
mourut,  le  3i  janvier  1720,  dans 
sa  terre  de  Vogliano  près  de  Cone- 
gliano.  Il  prit  part  à  la  rédaction  du 
Giomale  de  lettcrati  d'Italia ,  fon- 
dé par  Zeno  ,  Vallisnieri  etMaffei, 
avec  lesquels  il  fut  très-lié.  On  a  de 
lui  :  1.  L'immort alita  delV  anima  , 
Venise,  1699,  in-4*'.  IL  Médita- 
zioni  filosofiche ,  ibid. ,  1 704 ,  'm-/f. 
C'est  le  jnemier  volume  d'im  ouvra- 
ge qui  devait  en  avoir  huit  :  Foy. 
Zeno  ,  Lettera  discorsii>a  intomo 
alla  gra?id'  opéra  délie  Medita- 
zioni  filosofiche ,  etc. ,  ibid. ,  1  704 , 
in-8".,  et  les  Actes  de  Leipzig, 
1706,  pag.  249.  IIL  Prœlectiones 
fundamentales  ,  Venise  ,  1 7 1 9 ,  in- 
8'\,  contenant  dix-neuf  leçons  de  phi- 
losophie ,  et  dont  les  huit  premières 
avaient  paru  ,  en  I7  12,  sous  le  titre 
de  Cursus  philosophicus ,  in -8".  Le 
P.  Bertolli  en  donna  la  même  an- 
née un  extrait,  suivi  (Tnn Synopsis, 
sur  un  nouveau  .système  de  l'auteur. 
IV.  Dc'lla  laguna  di  Fenezia,  ibid., 
17  i5,  in-4".;  et  17 18,  in-4".  ,  édi- 
tion corrigéeel  augmentée. Ce n'estlà 
que  le  prodrome  d'un  grand  ouvrage 
auquel  il  avait  employé  plusieurs 
années  de  travail  j  il  y  rend  compte 
'de  ses  recherches  sur  l'ancien  état 
du  bassin  et  du  littoral  vénitien  :  il  en 
dres.se  le  plan  ,  et  en  montre  les  altc- 


TRI 

rations  :  mais  ses  calculs  sont  aussi 
inexacts    que  les   principes  sur  les- 
quels il  les  établit.  Domine'  par  Tidee 
qu'il  n'y  a  rien  à  craindre  des  riviè- 
res qui  se  jetent  dans  VEstuario  ,  il 
présente  les  objets  sous  un  faux  as- 
pect ,  n'ayant  d'autre  but  que  d'ac- 
créditer son  système  (F.  Zendrini). 
V.   Une   Introduction  à  l'ouvrage 
intitule  :  Rijlessioni   sopra  il  huon 
gusto  intomo  aile  scienze  ed  aile 
arti  ,  di  Lamindo  Pritanio  (  Mura- 
tori),  ibid.,  1708  ,  in- 12.  —  Deux 
lettres  à  Vallisnieri,sur  un  prétendu 
phénomène  ;  dans  le  Giomale  de' 
letterali  d'Ilalia,  xxxii ,  384-  — 
Et  Deux  dissertations  anonymes  , 
dans  im  Recueil  pour  la  mort  de  sa 
fille  Elisabeth ,  ibid. ,  1  -jo'i  ,  in  -  8°. 
Voy.  son  Eloge  par  Lioni  ,  dans  le 
Journal  ci-dessus   cité  ,   xxxiv  ,  i . 
A — G — s. 
TRIVULCE  (  Jean -Jacques  )  , 
Milanais  ,  d'une  famille  ancienne  et 
illustre ,  était  né ,  vers  l'année  1 447  ? 
d'Antoine  Trivulzio  , seigneur  deCo- 
dogno  et  de  Pontcnura  ,  et  de  Fran- 
ceschina  Visconti.  Il  fit  ses  premiè- 
res armes  sous  François  Sforza,  duc 
de  Milan ,  qui  l'envoya  ,  à  peine  âgé 
de  dix-liuit  ans ,  avec  son  fils  Galeas 
Marie  ,  servir  en  France  le  roi  Louis 
XI.  Dans  la  ligue  du  duc  et  du  pape 
contre  les  Vénitiens,  en  i483,  il  fut 
un  des  lieutenants-généraux  de  l'ar- 
mée alliée.  Galeas  Marie  l'avait  dé- 
signé pour  être  un  des  conseillers  de 
régence  de  son   fils    Jean    Galeas  • 
mais  l'arabition  de  Louis-le-Maure , 
oncle  et  tuteur  du  jeune  duc  ,  l'ayant 
éloigné  des  affaires,  il  reprit  la  car- 
rière militaire  et  servit  chez  divers 
princes  étrangers.  Il  s'était  engagé 
avec  Alfonse  II ,  roi  de  Naples  ,  en 
i4o4'  '^^  moment  où  Charles  VIII 
porta  la  guerre  en  Italie,  et  il  accom- 
pagna, dans  la  Romagnc,  Ferdinantl 


TRI 


563 


fils  d' Alfonse  ,  qui   ne  sut  point  ar- 
rêter la  marche  des  Français.  Char- 
gé ensuite  de  la  défense  de  Capoue, 
il  rendit  cette   ville  ,   après  une  si 
courte    résistance^  qu'on   le    soup- 
çonna d'avoir  trahi  la  maison  d'A- 
ragon. ^  En    effet    il    entra   bientôt 
dans    l'armée    française  ;    et    sui- 
vant Charles   VIII ,  à  son  retour  , 
il  combattit  vaillamment  pour   ce 
prince  à  la  bataille  du  Taro.  Avant 
de  repasser  les  Alpes ,  le  roi  lui  con- 
fia la  défense  d'Asti ,  qui  apjiarte- 
nait  au  duc  d'Orléans,  et  lui  laissa 
cinq   cents  gendarmes  pour  garder 
cette  ville  ;  mais  ces  cavaliers  fran- 
çais ,  ne  voulant  point  obéir  à   un 
étranger  ,   l'abandonnèrent    presque 
tous.    Trivulce   cependant  réussit  à 
garder  celte  ville  avec  le  secours  des 
Guelfes  de  Lorabardie  ,  dont  il  s'ef- 
força de  réveiller  l'ancienne  animo- 
silé.  Lorsque  le  duc  d'Orléans,  de- 
venu  roi   de   France,  se  prépara  à 
la   conquête  du  Milanais  ,  le  com- 
mandement d'Asti  devint  plus  im- 
portant.  Trivulce  y  conduisit ,    en 
1 499 ,  une  nouvelle  armée,  et  il  éten- 
dit de  là  ses  intrigues  parmi  les  Lom- 
bards. Aidé  par  les  Guelfes ,  il  con- 
quit, en  moins  d'un  mois,  tout  le  du- 
ché de  Milan  ,  et  contraignit  Louis 
le  Maure  à  s'enfuir  eu  Allemagne. 
Louis   XIî  ,  pour  récompense,  lui 
donna  en  fief  la  ville  de  Vigevano  , 
et  le  nomma  maréchal  de  France  et 
gouverneur  du  Milanez.  Mais  autant 
l'esprit  de  parti  de  Trivulce  avait 
favorisé  ses  conquêtes ,  autant  il  de- 
vint fatal  à  son  administration, lors- 
qu'il accabla  ses  ennemis  de  tout  le 
poids    d'un   gouvernemeiit  despoti- 
que, et  de  tout  l'acharnement  d'un 
chef  de  factieux.  Ces  violences  exci- 
tèrent,  en  i5oo,  la  révolte  du  Mi- 
lanez et  le  retour  en  Italie  de  Louis 
le-Ma!ire.  Triwdce  cependant  eut  ic 


564 


TRI 


bonheur  d'arrctor  toiit-à-conp  celte 
révolution  ,  eu  iais.int  prisonniers 
les  deux  Sforze  d.Tus  Novare.  II  se 
distingua  de  nouveau  dans  la  guerre 
qu'excita  en  Italie  la  ligue  de  Cam- 
bray,  et  conduisit  l'avant-garde  de 
Louis  XII  à  la  bataille  d'Agnadel. 
La  mort  de  Charles  d'Amboise(  lo 
mars  1 5 1 1  )  lui  fit  déférer  le  com- 
mandement général  :  Gaston  de  Foix 
fit  ses  premières  armes  sous  lui  dans 
cette  campagne.  Trivulce  avait  ma- 
rié sa  lîlle  Françoise  à  Louis  Pic,  le 
plus  jeune  des  frères  du  comte  de  la 
Mirandole.  Il  excita  son  gendre  et 
ensuite  sa  fdle  à  demander,  au  nom 
de  son  petit-fds  Galeotto  ,  la  posses- 
sion de  cette  forteresse  importante  , 
qui  lui  fut  livrée  en  effet.  Avant  la 
lin  de  la  même  campagne,  Gaston 
de  Foix  fut  nommé  général  de  l'ar- 
mée française,  et  Trivulce  ne  fut 
plus  que  son  lieutenant  et  son  con- 
seil; mais  peut  être  est-il  juste  de  lui 
attrd)uer  la  plus  grande  part  dans 
les  victoires  du  jeune  héros.  Ijamort 
de  Gaston  rappela  Trivulce  au  com- 
mandement suprême.  Il  se  croyait 
sur  le  point  de  conquérir  encore  une 
fois  le  duché  de  Milan ,  et  de  faire 
prisonnier  Maxirailien  Sforze,  com- 
me il  avait  fait  de  son  père  ,  lorsque 
l'arrivée  imprévue  d'une  armée  suisse 
rompit  ses  mesures  :  il  fut  battu  à 
la  Uioute ,  près  de  Novare  ,  le  6  juin 
1 5 1 3,  et  les  Français  attribuèrent  sa 
défaite  a  l'obstination  aveelaquelle  il 
avaitétablisoncarapdaus  un  mauvais 
emplacement.  Cependant  Trivulce  fut 
employé  de  nouveau  en  1 5i  5,  sur  les 
frontières  d'Italie  ,  par  François  l"'. 
II  ouvrit  à  ce  monarque  le  ])assagc 
des  Al]>cs,  et  il  le  init^'i  même,  le  ifji 
août,  de  surprendre  ,  à  Villefianche, 
Prosper  Colonne,  le  gc-néial  ennemi. 
Plus  tard,  il  eut  une  grande  part  à 
la  victoire  de  Marignan.  A  l.i  (in  de 


TRI 

la  campagne  ,  François  I*^' .  le  char- 
gea de  conduiredes  secours  aux  Vé- 
nitiens; mais  il  ne  put  se  rendre 
maître  de  Brescia  ^  dont  il  entre- 
prit le  siège  avec  eux.  A  son  retour , 
ayant  éprouvé  quelques  dégoûts 
à  la  cour ,  où  François  l".  ma- 
nifesta des  soupçons  contre  lui ,  et 
ne  voulut  point  entendre  sa  justi- 
fication, il  s'éloigna  et  ne  fut  plus 
employé.  II  mourut  à  Châtres ,  ou 
Arpajon,  le  5  décembre  i5i8.  Il 
avait  demandé  qu'on  inscrivît  cette 
épitaphe  sur  son  tombeau.  «  Hic 
qiiiescit  qui  nimquàm  quievit  ». 
Quoique  dans  l'habitude  de  sa  vie  il 
fût  très-avare,  on  le  voyait,  dans  de 
certaines  occasions ,  surpasser  les 
plus  riches  monarques  en  magnifi- 
cence et  en  prodigalité.  Il  avait 
amassé  une  immense  fortune  par  des 
moyens  quelquefois  peu  honorables. 
Il  avait  épousé,  en  premières  noces, 
Marguerite,  nièce  du  fameux  Bar- 
théleini  Coleoni;  il  n'en  eut  point 
d'enfants.  Il  épousa  ensuite  Béatrix 
d'Avalos ,  sœur  du  marquis  de  Pes- 
caire,et  il  en  eut  un  fils,  nommé 
Jean-Nicolas,  qui  mourut  avant  lui. 
Voy.  Rosmiui,  Istoria  dcllavita  e 
délie  Gesta  di  Gian-Giacopo  Tri- 
vulzio ,  sopramiominato  il  Grande, 
IMilan,  i8i5,  -2  vol.  in-4''. ,  fig. 
—  TuivuLCE  (René),  frère  du  pré- 
cédent, s'attacha  au  parti  o])poséaii 
sien ,  et  se  déclara  Gibelin  au  mo- 
ment où  son  frère  chercliait  à  renou- 
veler  le  parti  Guelfe.  11  demeura 
fidèle  à  Louis-le-Maure,  qui  le  char- 
gea du  commandement  de  ses  ar- 
mées. Luttant  contre  une  fortune 
toujours  contraire,  René  montra  au- 
tant de  bravoure  f|ue  de  dévouement 
à  son  maître.  Ajuès  la  captivité  de 
Louis-le-Maure ,  il  entra  au  service 
des  Véiiiliens,  et  il  y  denic'ua  jus- 
(pi'à  sa  mort.  S.  S — i. 


TRI 

TRIVULCE  (Théodore)  ,  fils  de 
Pierre  et  neveu  de  Jean-Jacques  , 
entra  au  service  de  France  pendant 
la  guerre  de  Naples ,  et  fut  un  des 
généraux  qui  sévirent  contraints,  en 
1 5o4  ,  de  livrer  Gaële  à  Gonsalvc  de 
Cordoue.  Il  effaça  le  souvenir  de  ce 
premier  revers  par  sa  brillante  con- 
duite à  la  bataille  d'Agnadel ,  en 
i5oQ,  et  à  celle  de  Raveuue,  en 
l5i2.  Après  la  mort  de  Barthëlemi 
d'Alviano ,  il  fut .  du  consentement 
du  roi  de  Finance,  cbargé  du  com- 
mandement général  de  l'armée  véui- 
lienne.  II  l'exerça  plusieurs  années 
avec  gloire  j  mais  lorsque  Milan  fut 
surpris  ,  le  1 9  novembre  i  5'J  i ,  par 
Prosper  Colonne  et  le  marquis  de 
Pescaire  ,  Théodore  Trividce  ,  qui 
était  accouru  désarmé  pour  apaiser 
le  tumulte ,  fut  fait  prisonnier  ,  et  ne 
recouvra  sa  liberté  qu'au  prix  de 
vingt  mille  florins  d'or.  Les  Vénitiens 
ayant  quitté  l'alliance  de  la  France 
pour  celle  de  l'empereur,  Trivulce, 
tout  dévoué  à  la  premièi-e  puissance, 
renonça  au  commandement  de  l'ar- 
mée de  la  république,  et  entra  au  ser- 
vice de  François  I*^''.  Cbargé  par 
lui  du  gouvernement  de  Milan ,  en 
i;")',i4,  pendant  le  siège  de  Pavie  , 
il  évacua  cette  ville  lorsque  le  roi 
fut  fait  prisonnier.  11  obtint ,  en 
I  52^ ,  le  bâton  de  maréchal  deFran- 
c<^  et  fut  chargé  du  gouvernement 
de  Gênes  ;  mais  il  s'y  laissa  surpren- 
dre par  André  Doria,  auquel  il  fut 
obligé  de  livrer  cette  ville  et  sa  cita- 
delle. Il  devint  ensuite  gouverneur 
de  Lyon  ;  et  c'est  dans  cette  ville 
qn'il  mourut,  en  i53i ,  ne  laissant 
qu'une  fille.  S. — S — 1. 

TRIVULC?:  (Antoine),  frère  du 
précédent ,  se  déclara  pour  les  Fran- 
çais lorsqu'ils  se  rendirent  maîtres 
du  Milanez,  et  fut  fait  cardinal  en 
i5oo  ,  à  la  demande  du  roi,  parle 


TRI 


565 


pape  Alexandi-e  "VI.  Il  mourut  eu 
i5o8.  —  Trivlixe  (Scaramutia) , 
neveu  de  Jean- Jacques,  fut  un  excel- 
lent jurisconsulte,  puis  conseiller- 
d'état  en  France  ,  sous  Louis  XII , 
et  successivement  évèque  de  Côme 
et  de  Plaisance,  et  cardinal.  Il  mou- 
rut le  9  août  1527.  — Trivulge 
(  Augustin  ),  neveu  de  Théodore ,  fut 
abbé  de  Fromont,  en  France  ,  et  ca- 
méricr  du  pape  Jules  II ,  puis  évéque 
de  Ba'ieux,  de  Toulon,  de  Novare  et 
archevêque  deReggio.  Après  la  prise 
de  Rome  par  les  troupes  de  Charles- 
Quint,  il  fut  emmené  en  otage  à  Na- 
ples, où  d  lit  paraître  une  grande 
fermeté.  Il  était  ami  deBembo  et  de 
Sadolet ,  eî  d  avait  composé  une  his- 
toire des  papes  et  des  cardmauxj 
mais  il  mourut  à  Rome,  le  3o  mars 
1548,  avant  de  l'avoir  fait  impri- 
mer. —  Triwlce  (Antoine),  neveu 
de  Jean-Jacques  ,  fut  référendaire 
des  deux  signatures ,  puis  évêque  de 
Toulon,  et  ensuite  vice-légal  d'Avi- 
gnon. Il  s'opposa  avec  force  à  l'en- 
trée de^  hérétiques  dans  le  Comtat  ; 
fut  envoyé  légat  en  France  ,  où  il 
eut  part  à  la  conclusion  du  traité  de 
Catcau-Cambresis :  puis,  s'élant  mis 
en  chemin  pour  l'etourner  en  Italie  , 
il  momut  d'apoplexie ,  à  une  journée 
de  Paris,  le  2(>  juin  i55g.  — Tri- 
vulge (  Jean  -  Jacques  -  Théodore  ) , 
petit-neveu  du  précédent,  après  avoir 
servi  avec  gloire  dans  les  ai'mées  de 
Philippe  III,  embrassa  l'état  ecclé- 
siastique ,  et  fut  fait  cardinal  en  1626. 
Il  devint  ensuite  vice-  roi  d'Aragon, 
puis  de  Sicile  et  de  Sardaigne,  gou- 
verneur-général du  Milanez,  et  am- 
bassadeur d'Espagne  à  Rome.  Il 
mourut  à  Milan,  le  3  août  i()3'j. 
Son  pelit-fîls  étant  mort  sans  posté- 
rité ,  en  1678  ,  la  famille  Gallio  prit 
le  nom  de  Trivulce ,  et  c'est  de 
celte  dernière  famille  que  descendait 


566 


TRO 


Aiexandie  Trivulce,  qui  coininaii- 
<la  la  garde  nationale  de  Milan,  après 
l'invasion  des  Français,  en  1796,  et 
t{ui ,  devenu  bientôt  après  gênerai  et 
ministre  de  la  guerre,  mourut,  le  3 
mars  i8o5  ,  à  Paris,  où  il  était  venu 
pour  assister  au  couronnement  de 
Buonaparte.  Voy.  Litta^  i  Tm-idzi 
dans  son  ouvrage  intitule  :  Délie 
famiglie  celehri  d'Italia  ,  Milan  , 
181Ç) ,  in-fol. ,  fig.  Z 

TROC  (Michel  -  Abraham  ),  ju- 
risconsulte et  littérateur,  ne'  à  Var- 
sovie et  établi  à  Leipzig,  pendant 
y^ie  partie  du  dix-huilième  siècle,  a 
publié,  dans  cette  dernière  ville,  un 
recueil  intitulé  :  Bibliotheca  polojio- 
poëlica ,  1  vol.  in-8«. ,  contenant  des 
poésies  polonaises,  dont  la  plupart 
^ont  des  traductions  du  latin  et  du 
français.  On  a  aussi  de  lui  un  Dic- 
tionnaire polonais  ,  allemand  et 
français.  Il  a  eu  part  à  Y  Inventaire 
des  Lois  et  Constitutions  de  Pologne, 
commencé  par  Ladovius,  et  conti- 
nué par  Zaluski  j  l'édition  ,  soignée 
par  Troc,  a  paru  à  Leipzig  eu  l'jSS. 
Voy.  Bibliotheca  poëtarum  polono- 
rum  de  Zaluski ,  art.  Troc.    C-au. 

TROGUE.  Fojez  Pompée. 

TROILI  (  Placide  ) ,  historien , 
lie ,  vers  l'année  1 687 ,  à  Montaîbano, 
embrassa  la  règle  de  Cîteaux.,  et  pro- 
nonça ses  vœux  dans  un  couvent 
nommé  le  Sagittaire^  en  Calabre. 
Appelé  à  la  tête  de  cette  maison,  il 
dut  se  transportera  Rome,  pour  sou- 
tenir ses  droits  contre  les  prétentions 
des  religieux  toscans ,  qui  aspiraient 
au  privilège  de  les  gouverner.  Tandis 
qu'on  applaudissait  au  zèle  de  l'abbé, 
on  apprit  avec  surprise  qu'il  venait 
de  répandre  un  Mémoire  entière- 
ment opposé  à  ses  publications  anté- 
rieures. Cette  déloyauté,  d'autant 
])lus  inexplicable  (pi'aucun  motif 
connu  ijc  l'avait  provoquée,  aurait 


TRO 

eu  les  suites  les  plus  funestes  pour  le 
Sagittaire ,  si  l'autorité  temporelle 
n'eût  refusé  d'enregistrer  la  bulle 
qui  plaçait  cette  communauté  sous 
une  juridiction  étrangère.  En  atten- 
dant, Troïli,  jugé  par  ses  frères, 
fut  privé  du  titre  d'abbé  et  expulsé 
du  couvent.  En  vain  demanda-t-il 
au  Saint  -  Siège  la  révision  de  cet 
arrêt.  Ses  réclamations  ne  furent 
point  entendues ,  et  il  Uii  fallut  im- 
plorer ,  comme  une  grâce ,  la  permis- 
sion de  se  retirer  dans  une  autre  pro- 
vince. Il  choisit  le  monastère  deReal- 
valle,  oii  il  termina  sa  vie  dans  l'é- 
tude et  la  prière.  Ayant  formé  le 
projet  d'écrire  l'histoire  du  royau- 
me de  Naples^  il  s'y  prépara  par 
d'immenses  lectures  ,  en  mettant  à 
contribution  les  anciens  et  les  mo- 
dernes, les  nationaux  et  les  étran- 
gers, et  en  fouillant  les  vastes  collec- 
tions de  Grœvius  ,  de  Gronovius ,  de 
Burmanu,  de  Muratori.  Ces  maté- 
tériaux,  rassemblés  sans  ordre  ,  fu- 
rent employés  sans  discernement. 
Des  détails  oiseux  _,  des  digressions 
inutiles ,  une  foule  de  renseignements 
n'ayant  presque  point  de  rapport 
avec  l'histoire  napolitaine,  et  qui  ne 
s'y  trouvent  que  parce  qu'ils  étaient 
dans  la  tête  de  l'auteur ,  composent 
le  fond  de  cette  compilation ,  dans 
laquelle  l'érudit  se  montre  plus  sou- 
vent que  l'historien.  Cet  ouvrage  fut 
attaqué  par  Zavarroni ,  Palmieri  et 
un  anonyme  (1).  Tro'ili  se  défendit 
contre  les  deux  premiers  :  il  dédai- 
gna ou  n'osa  point  réjiondre  à  l'autre. 
Au  sortir  de  cette  querelle,  il  traça 
le  plan  d'une  histoire  ecclésiastique , 
qu'il  eut  le  tem])s  de  pousser  jusqu'au 


U)S"ii.',  <|iii  cile  Ics.-crùs  de /„viirr„ni  .^1  .le 
r.iliiiiiii  i  ,  ilcilaïf  i(;in)rt'i- crliii  de  l'iuumviiii'.  lin 
voici  If  liliT  :  r.t-tlera  ili  un  ainiro  al  Hcv.  /'.  /). 
l'iiiriilo  Truilo ,  so/jra  fa  Sun  Staria,  Nn|>Us,  175*, 


TRO 

sixième  volume.  11  en  légua  le  ma- 
nuscrit au  couvent  de  Realvalle ,  où 
il  mourut  en  avril  1757.  Ses  ouvra- 
ges sont  :  I,  Istoria   générale  del 

reame  di  Napoli ;  una  colle 

prime  popolazioni ,  costumi,  leggi, 
polizia,  uomini  illustri  e  vionarchi. 
Naples,  1748-54,  5  tomes  en  11 
volumes  in-4°.  Le  dernier  volume , 
outre  les  tables  des  matières ,  con- 
tient seize  tableaux  chronologiques 
des  anciens  peuples  ,  des  rois  et  des 
vice -rois  du    royaume  de   Naples. 

II.  Dissertazione  in  dijesa  di  S. 
Tommaso  di^quino,  ibid. ,  1749  , 
in-4°.  ,  contre  une  imputation  de 
Summonte  {F.  cenom,XLIV,2i6). 

III.  Risposta  apologetica  à  Mgr. 
Zavarroni  ,  vescovo  di  Tricarico  , 
ibid.,  i75o,in-4°.  IV.  Digressione 
inlorno  alla  briga  con  Zavarroni  e 
Palmieri,  dans  le  quatrième  volu- 
me, quatrième  partie  de  l'histoire. 
V.  Dissertazione  intomo  aile  due 
pretese  chiese  Cattedrali  nella  città 
di  Napoli ,  ibid. ,  1753  ,  m-/^^.  {F. 
Mazzochi  ,  XXVIII  ,  32  ).  VI. 
Theologia  positivo-scholastico-his- 
lorica ,  '\h\à..  ^  i'j5\  ,  2  vol.  in-fol. 
Cet  ouvrage ,  dont  il  est  resté  huit 
vol.  inédits ,  est  extrêmement  rare. 
VIL  I pregiudizj  che  sopporta  la 
città  di  Napoli  sopra  i  heneficj  ec- 
clesiastici ,  che  si  possedono  da' 
forestieri,  ibid.,  in-S'».  Voy,,  So- 
fia ,  Storici  Napoletani,  pag.  600. 

A — G — s. 
TROILIUS  (Samuel),  archevê- 
que d'Upsal ,  ne,  en  1706  ,  dans  la 
Dalc'carlic,  où  son  père  était  pasteur, 
iit  ses  études  à  (J  psal ,  et  publia,  dans 
cette  ville,  une  Dissertation  :  De  mag- 
gnetismo  morumnalurali,  qui  lui  iit 
obtenir  le  degré  de  maître -es -arts 
dans  la  faculté  de  philosophie.  Né 
avec  un  grand  talent  pour  la  parole, 
jl  résolut  de  s'appliquer  à  la  prédi- 


TRO  567 

cation,  et  d'entier  dans  la  carrière 
ecclésiastique.  Ses  succès  y  furent  ra- 
pides. Après  avoir  été  pasteur  d'une 
paroisse  de  Stockholm  ,  il  devint 
successivement  grand -aumônier  du 
roi ,  évêque  de  Vesteras  et  arche- 
vêque d'Upsal.  Cette  dernière  digni- 
té lui  donna  occasion  de  faire  briller 
son  éloquence  aux  diètes  ,  en  qualité 
d'orateur  de  son  ordre.  Ses  connais- 
sances étendues  le  firent  admettre 
dans  l'académie  des  sciences  de  Stoc- 
kholm. Il  mounit  en  1 764 ,  et  fut  en- 
terré dans  l'église  cathédrale  de  Ves- 
teras ,  où  on  lui  érigea  un  monument. 
Il  a  laissé  des  Mandements ,  des  Orai- 
sons funèbres  et  un  grand  nombre  de 
Sermons  prononcés  dans  diverses 
circonstances  solennelles.  Sou  Eloge 
fut  lu  à  l'académie  des  sciences  ,  par 
C. -Fréd.  Mennander,  évèque  d'A- 
bo  ,  et  a  été  imprimé  à  Stockholm  , 
en  1 765.  Les  enfants  de  l'archevêque 
Troïlius  avaient  été  anoblis  avant 
sa  mort.  C — au. 

TROILIUS  (Uno  de  ),  archevêque 
d'Upsal,  fils  du  précédent ,  naquit  à 
Stockholm  en   1746,  fut  destiné  à 
l'église ,  et  fit  ses  études  à  Upsal ,  où 
il  soutint,  en  1766  ,  une  thèse,  dont 
le  titre  était  :  Spécimen  philosophiœ 
^ommcte.L'anuée suivante,  eu  pré- 
sence du  roi  ei  de  la  reine  de  Suède  , 
il  eu  soutint  une  autre  sur  la  question 
de  savoir  :  Si  les  hommes  peuvent 
être  heureux  sans  les  arts  et  les 
sciences  ;  et  enfin  une  troisième  ;,  eu 
177O;,  sous  la  présidence  du  savant 
Ihre,  son  maître  :  De  runarum  in 
Suecid  anliquitate.  Ayant  mérité, 
par  ses  succès  ,  de  voyager  aux  frais 
de  l'université  ,  il  visita  l'Allemagne, 
la  France  et  l'Angleterre.  A  Paris  ,  le 
comtedcCreutz,  ambassadeurdc  Suè- 
de ,  le  mit  eu  rapport  avec  la  plupart 
des  écrivains  célèbres.  U  fit  une  vi- 
site à  Jean- Jacques  Rousseau,  qu'il 


568 


TRO 


trouva  cojDiaiitde  la  musique.  Le  phi- 
losophe ne  se  dérangea  pas  pour  le 
jeune  Suédois  -,  mais  au  nom  de  Lin- 
né, que  prononça  Troïlius,  il  jeta  sa 
plume  en  s'ecriant:  «Ahîque  je  serais 
heureux  si  je  pouvais  voir  ce  grand 
homme!  »  A  Londres,  le  voyageur 
trouva  Solander  ,  son  compatriote , 
qui  venait  de  faire  le  tour  du  monde 
avec  Cook,  et  passa  des   journées 
agréables  et  instructives  avec  Banks, 
qui  lui  proposa   de  l'accompagner 
dans  le  voyage  qu'il  était  sur  le  point 
de  faire,  avec  Solander^  en  Islande. 
Troïlius  accepta  cette  proposition.  11 
visita ,  avec  ces  célèbres  naturalistes, 
l'île  de  Staffa,  puis  l'Islande,  d'où 
ils  revinrent  à  Edimbourg  et  à  Lon- 
dres. Eu  1773,  il  retourna,  par  la 
Hollande,  en  Suède.  Il  était  encore 
sans  fortune  et  sans  place  ;  et  quoique 
Banks  lui  eût  offert  sa  maison ,  Troï- 
lius avait  cru  devoirproposer  ses  ser- 
vices à  sa  patrie.  Le  roi  le  nomma  d'a- 
bord aumônier  de  régiment,  et  le  char- 
gea de  traduire  de  l'anglais  les  Mé- 
moires de  Whitelock ,  ambassadeur 
de  Cromwel  auprès  de  la  reine  Chris- 
tine de  Suède.  Cette  traduction  fut  im- 
primée, en  1774  ,  aux  frais  du  gou- 
vernement. L'année  suivante  ,  le  roi 
le  nomma  son  prédicateur  ordinaire. 
Son  voyage  en   Islande   avait    fait 
du  bruit;  et  comme  Banks  ne  pu- 
blia jamais  rien ,  on  pressa  ïroilius 
de  mettre  au  jour  ses  observations 
sur  cette  île  remarquable.  En  consé- 
quence, il  fit  paraître ,  en  1777  ,  ses 
Lettres  sur  un  voyage  en  Islande , 
Upsal,  in -8".  Elles  furent  traduites 
en  plusieurs  langues.  Une  traduction 
française  par Lindblom, secrétairedw 
roi,  fut  imprimée  à  Paris,  en  1 781 ,  in- 
8". ,  avec  cartes  cl  figures.  Celle  re- 
lalion,   pour  laquelle  Troïlius  a  pu 
jMofllcr  des  observations  de  Banks, 
de  Solander  el  de  l'astronome  Lind, 


TRO 

qui  tous  l'avaient  accompagné,  a 
beaucoup  d'intérêt^  et  renferme  une 
foule  de  renseignements  exacts  et  cu- 
rieux. La  traduction  française  fut  re- 
vue par  l'auteur,  et  on  l'a  enrichie  des 
notes  des  traducteurs  anglais  et  alle- 
mand. Nommé  évêque  de  Linkœ- 
ping ,  puis  président  du  consistoire  de 
Stockholm  ,  Troïlius  eut  occasion  de 
se  distinguer  à  la  diète  du  royaume  ; 
et  il  fut  promu,  en  1786,  à  l'arche- 
vêché d'Upsal ,  la  première  dignité 
ecclésiastique  en  Suède.  Dans  ce  pos- 
te éminent,  il  travailla  sans  relâche 
au  bien  de  l'Église  suédoise  et  à  l'a- 
mélioration du  clergé.  La  réforme  de 
la  liturgie  fut  en  partie  sou  ouvrage. 
Aux  diètes  de  1789,  1792  et  iFoo  , 
il  fut  l'orateur  du  clergé.  En  sa  qualité 
device-chancelierdel'universitéd'Up- 
sal,il  eut  beaucoup  de  part  aux  pro- 
grès des  études.  Peu  de  temps  avant  sa 
mort ,  i!  envoya  quelqu'un  en  Suisse, 
pour  bien  connaître  la  méthode  d'en- 
seignement de  Pestalozzi.  Troïlius  pu- 
blia un  Recueil  de  Mémoires  relatifs  à 
l'histoire  de  l'Eglise  et  de  la  réfor- 
me enSuède^  Upsal,  1790-95,5  vol. 
in-8".  Il  était  membre  des  académies 
et  des  ordres  royaux  de  Suède.  Ce 
prélat  mourut  le  27  juillet  i8o3. 
Son  Éloge,  par  Adierberlh,  est  insère' 
dans  le  tome  ix  des  Mémoires  de 
Vacadémie  des  belles  -  lettres,  de 
Stockhobn.  D — g. 

TROLLE  (Gustave),  archeyê- 
qne  d'Upsal,  né,  en  Suède,  vers  la 
lin  du  quinzième  siècle,  était  d'une 
des  familles  les  plus  puissantes  du 
royaume;  et  son  ])ère,  Éric  Trolle  , 
avait  prétoidu  à  la  dignité  d'admi- 
nistrateur, aj)rès  la  mort  de  Swantz- 
Sture;  mais  Suénon  Sturc  le  jeune, 
fils  de  Swantz  ,  l'avait  emporté ,  et 
régnait  avec  gloire.  Gustave  Trolle 
était  alors  à  Rome.  Sture,  connais- 
sa)it  son  ambition  ,  et  désirant  le  ga- 


TRO 

gner  par  un  procédé  généreux,  le  fit 
nommer  archevêque  d'Upsal.  Trollc 
accepta  la  dignité,  mais  s'en  servit 
pour  perdre  l'administrateur.  Arrivé 
en  Suède,  il  entra  eu  négociation  avec 
Christian  II ,  roi  de  Danemark ,  et  se 
refusa  à  toutes  les  mesures  de  conci- 
liation que  Sture  lui  proposa.  Les 
états  le  déposèrent ,  et  son  château 
fut  raséj  alors  il  appela  le  roi  de 
Danemark  ,  et  lança ,  de  concert  avec 
le  pontife  de  Rome  ,  l'interdit  de  l'E- 
glise contre  l'administrateur  et  ses 
partisans.  Sture  ayant  été  blessé  mor- 
tellement dans  un  combat  contre 
Christian,  TroUe  reprit  les  fonctions 
d'archevêque  à  Upsal ,  et  plaça  ,  eu 
i5io,  la  couronne  de  Suède  sur  la 
tête  du  monarque  danois ,  qui  signala 
.son  avènement  par  le  massacre  de 
Stockholm.  Gustave  Wasa  entre 
prit  de  venger  les  Suédois  j  l'ar- 
chevêque voulut  l'arrêter ,  mais  il 
fut  battu  et  réduit  à  quitter  le  royau- 
me. Il  s'attacha  à  la  fortune  de  Chris- 
tian. Ce  prince  ,  détrôné  en  Suè- 
de ,  en  Danemark  et  en  Norwége , 
se  retira  en  Flandre ,  où  Trolle  le  sui- 
vit. Il  l'accompagna  ensuite  dans 
l'expédition  qu'il  fît  en  Norwége  ,  et 
qui  le  rendit  prisonnier  de  Frédéric , 
son  successeur  en  Danemark.  Trolle 
fut  réduit  quelque  temps  à  l'inactionj 
mais  il  reparut  sur  le  théâtre  de  l'in- 
trigue et  des  combats ,  lorsqu'après 
la  mort  de  Frédéric,  il  s'éleva  ,  en 
Danemark,  un  parti  pour  Christian. 
Use  flattait  que  le  monarque  détrôné 
rentrerait  dans  ses  états ,  et  que  Gus- 
tave Wasa  succomberait  dans  la  lut- 
te qui  allait  s'engager  j  mais  il  périt 
dans  un  combat  sanglant,  près  de  la 
ville  de  IMalmoé ,  en  i535  (  V.  Gus- 
tave Wasa  ,  Suénon  Sture  le  jcu- 
NE  et  Christian  II  ).         C — au. 

TROLLE  (Geouge-IIerman  de)  , 
contre-amiral  de  Suède ,  né  en  1680^ 


TRO  569 

servit  dans  sa  jeunesse  en  Angleterre 
et  en  Hollande,  et  acquit  une  grande 
expérience.  Étant  devenu  capitaine 
de  haut  bord ,  il  combattit ,  pendant 
la  guerre  de  Charles  Xll ,  contre  les 
Danois  et  les  Russes  :  tombé  comme 
prisonnier  entre  les  mains  de  ceux-ci, 
il  fut  présenté  à  Pierre-le-Grand ,  qui 
voulut  le  retenir  à  son  service  ;  mais 
il  refusa  ,  et  après  avoir  essuyé  une 
longue  et  pénible  captivité,  il  retour- 
na en  Suède.  La  compagnie  des  In- 
des de  Gothenbourg  ayant  été  fondée 
en  i-jSa  ,  Trolle  prit  le  commande- 
ment du  premier  navire  que  cette 
compagnie  expédia  pour  la  Chine , 
et  fut  le  premier  Suédois  qui  fit  ce 
voyage;  il  ramena  son  vaisseau  avec 
une  riche  cargaison ,  malgré  les  op- 
positions des  Hollandais,  qui  le  retin- 
rent quelque  temps  à  Batavia.  Après 
avoir  commandé  plusieurs  expédi- 
tions dans  la  Baltique  pendant  la 
guerre  de  lyi^  ,  il  fut  nommé  con- 
tre-amiral ,  et  reçut  des  lettres  de 
noblesse.  Il  mourut  en  1  -^65  ,  lais- 
sant un  fils,  mort  depuis  peu,  et 
qui  fut  amiral  de  Suède ,  sous  le  rè- 
gne de  Gustave  III ,  qui  l'employa 
pour  rétablir  la  flotte  suédoise  ,  de 
concert  avec  Chapmard.     C — au. 

TROLLE  (Herluf),  amiral  da- 
nois ,  né  le  16  janvier  i5i6  ,  était 
fils  d'un  amiral  ,  et  fut  destiné  à  la 
marine.  Il  faisait  ses  études  à  Copen- 
hague ,  lorsque  cette  ville ,  dont  le 
comte  d'Oldenbourg  s'était  emparé , 
fut  assiégée  par  le  roi  Christian  III. 
Il  devait  être  emmené,  comme  un  des 
otages ,  à  Mekienbourg;  mais ,  sur  les 
représentations  de  son  oncle  l'arche- 
vêque, on  le  laissa  à  Copenhague  , 
})our  continuer  ses  études.  Les  trou- 
bles du  royaume  étant  apaisés ,  il 
vint  à  la  cour  de  Christian  III ,  qui 
lui  donna  constamment  des  marques 
d'une  haute  confiance.  Il  se  trouvait, 


570  TRO 

en  1 558 ,  à  ïa  suite  de  ce  prince  , 
lorsqu'il  se  rendit  à  Kallundborg , 
pour  y  visiter  Christian  II  ,  qui  y 
était  prisonnier.  En  1 55g ,  au  cou- 
ronnement de  Frédéric  II ,  il  fut  créé 
cbevalier.  En  i56i,  il  fut  chargé 
d'établir  des  mines  dans  plusieurs 
domaines  du  roi  :  on  découvrit  des 
veines  d'argent  j  mais  le  produit 
n'ayant  pu  couvrir  la  dépense  , 
l'entreprise  tomba.  Nommé  amiral , 
en  i564 ,  il  quitta  le  port  de  Copen- 
hague ,  à  la  tète  de  vingt  -  cinq  vais- 
seaux de  guerre  j  et  fit  sa  jonction 
avec  la  flotte  de  Lubeck.  Ayant  dé- 
couvert la  flotte  suédoise  sous  les 
ordres  de  l'amiral  Baggé  ,  il  n'hésita 
pas  à  l'attaquer,  et  se  dirigea  contre 
le  vaisseau  amiral,  qu'il  prit  à  l'abor- 
dage ;  c'était  le  plus  grand  que  l'on 
eût  vu  dans  les  mers  du  Nord  :  il 
sauta  en  l'air  par  l'imprudence  d'un 
matelot,  et  l'on  n'eut  quele  temps  de 
sauver  une  partie  des  prisonniers,  par- 
mi lesquels  se  trouvait  l'amiral.  Eric 
XIV,  roi  de  Suède  ,  mit  en  mer  une 
autre  flotte  sous  les  ordres  de  l'amiral 
Horu ,  et  l'on  eu  vint  une  seconde  fois 
aux  mains ,  près  de  l'île  d'yEland  , 
oîi  le  roi  de  Suède  s'était  rendu  lui- 
même.  Le  combat  dura  deux  jours  , 
et  les  Suédois  perdirent  de  nouveau 
le  vaisseau  de  l'amiral  qui ,  avec 
deux  autres  vaisseaux ,  se  brisa  con- 
tre les  rochers.  Les  flottes  ayant  été 
séparées  par  le  vent ,  les  Suédois 
s'emparèrent  de  trois  vaisseaux  da- 
nois ,  qui  s'étaient  égarés.  Avant 
l'entrée  de  l'hiver ,  Trollé  regagna 
le  port  de  Copenhague ,  d'où  il  sor- 
tit le  i-^^'.  juin  i565,  j)our  aller  à  la 
recherche  des  Suédois  :  les  ayant 
rencontrés  ,  il  dirigea  de  nouveau 
ses  elTorls  sur  le  vaisseau  de  l'ami- 
ral ,  (ju'il  chercha  en  vain  à  prendre 
à  l'abordage.  Il  avait  euloun-  deux 
auties  vaisseaux  cnncniis  ,  et  il  leur 


TRO 

criait  de  se  rendre  ,  lorsqu'il  reçut 
deux  blessures  au  bras  gauche  et  aux 
reins.  La  douleur  et  le  sang  qu'il 
perdait  ne  l'empêchèrent  pas  de 
continuer  à  donner  ses  ordres ,  et  il 
ne  voulut  être  pansé  qu'après  ses 
ofliciers  et  ses  soldats.  Ce  retard 
rendit  sa  situation  plus  dangereuse.. 
On  gagna  les  côtes  du  Danemark  , 
et  il  mourut  le  25  juin  i565.  Avant 
de  commencer  sa  dernière  campa- 
gne ,  un  de  ses  amis  l'engageait  à  ne 
pas  tant  s'exposer  :  «  Pourquoi  som- 
»  mes -nous  donc  nobles ,  répondit- 
»  il  ?  Pourquoi  portons-nous  des  dé- 
»  corations  ?  pourquoi  avons -nous 
»  des  biens  ,  des  châteaux  ?  »  Trollé 
s'était  uni  à  une  dame  de  son  rang  ; 
comme  il  n'eurent  point  d'enfants  , 
ils  employèrent  une  grande  partie  de 
leurs  biens ,  qui  étaient  considéra- 
bles ,  à  fonder  des  écoles  ,  des  hôpi- 
taux, et  d'autres  établissements  de 
bienfaisance  G — y. 

TROMBELLI  (  Jean-Chrysos- 
tome)  ;,  philologue,  né,  en  1 697 ,  près 
de  Nonantola ,  resta  orphelin  en  bas 
âge ,  et  fut  élevé  sous  la  direction  de 
son  oncle,  notaire  à  Bologne.  Il  lit 
ses  humanités  chez  les  Jésuites,  aux- 
quels il  préféra  les  chanoines  ré- 
guliers de  Saint  -  Sauveur ,  dont  il 
embrassa  l'institut,  eu  1713.  En 
sortant  de  ses  études ,  il  fut  nommé 
lecteur  de  philosophie  à  Candia- 
no  près  de  Padoue.  Il  n'y  resta  que 
trois  ans.  Au  bout  de  ce  terme,  ou 
le  rappela  à  Bologne  ,  pour  lui  faire 
occuper  une  chaire  de  théologie.  La 
sévérité  de  ces  fonctions  ne  l'empê- 
cha pas  de  revenir  de  temps  en  temps 
vers  la  poésie  ,  par  laquelle  il  avait 
débuté;  mais  il  y  renonça  entière- 
ment lorsiju'clu  abbé,  en  1737,  il 
n'aspira  (pj'.i  une  réputation  plus  so- 
lide. Élevé  successivement  aux  chae- 
ges  les  plus  éiniucntes  de  l'ordre,  il 


TRO 

eu  devint  le  chef  en  i -jÔG.  En  par- 
lant de  son  administration ,  on  ne 
doit  point  oublier  le  zèle  qu'il  mit  à 
l'augmentation  delà  bibliothèque  du 
couvent  ,  pour  laquelle  il  fit  des  ac- 
quisitions importantes  en  livres,  ma- 
nuscrits, médailles  anciennes  et  du 
moyeu  âge.  Après  avoir  publié  une 
Collection  d'Opuscules  inédits  des 
Pères  de  l'Église,  il  composa  un 
grand  ouvrage  sur  le  culte  des  saints. 
Ce  dernier  travail  lui  mérita  l'appro- 
bation de  Benoît  XIV  ,  qui  chargea 
le  cardinal  Querini  d'en  témoigner 
sa  satisfaction  à  l'auteur;  mais  vers 
le  même  temps ,  parut  à  Leipzig  une 
suite  de  Dissertations  (i) ,  dans  les- 
quelles cet  ouvrage  était  violemment 
attaqué.  Malgré  la  vivacité  de  son 
caractère ,  Trombelli  hésitait  à  ré- 
pondre. Il  n'aimait  pas  les  disputes 
littéraires  ;  et  sans  les  instigations 
de  ses  amis  et  les  ordres  du  pape ,  il 
n'aurait  pas  songé  à  se  défendre. 
Loin  d'imiter  son  adversaire ,  qui 
l'avait  accablé  de  sarcasmes,  il  écri- 
vit son  apologie  avec  autant  de  mo- 
dération que  de  doctrine.  Riesling  en 
fut  lui-même  frappé,  et  il  lui  adressa 
une  lettre  pour  lui  demander  son 
amitié  et  son  portrait.  En  sortant  de 
cette  querelle,  Trombelli  recueillit 
des  matériaux  pour  rédiger  les  Mé- 
moires de  sou  abbaye  ,  dont  il  place 
la  fondation  avant  l'année  ii36.  Il 

frononça  aussi  plusieurs  Discours  à 
institut  de  Bologne ,  dont  il  avait 
été  reçu  membre.  Le  plus  remarqua- 
ble est  celui  dans  lequel  il  expose  les 
prétentions  de  difïérents  peuples  à 
l'invention  de  la  boussole.  Accablé 
d'années ,  saus  être  encore  épuisé  par 
le  travail ,  il  courut  le  plan  d'un  ou- 
vrage immense  sur  les  sacrements , 


(i)  ,/<!«/;.  [lii,l,if/>lii  Kir^liiii^ii  exrrrilationes  an- 
ù-troiubclUimu:  ,   Ltijuig  ,    175«  ,  iu-8". 


TRO  571 

et  qu'il  poussa  jusqu'au  treizième  vo- 
lume, sans  pouvoir  le  terminer.  11 
mourut  le  i[\  janvier  17B4.  Ses 
principaux  ouvrages  sont  :  I.  Fa- 
vole  ,  Bologne,  i^So  ,  in  4"-  IL 
Le  Favole  di  Fedro  ,  Iradotte 
in  ver  si  volgari  ,  Venise  ,  1735  , 
in-8*». ,  avec  le  texte  et  les  tables  de 
l'édition  ad  usum  Delphini ,  par  Da- 
net.  Il  en  existe  plusieurs  réimpres- 
sions. III.  Le  Favole  di  Avieno  e 
di  Gahria,  ibid.,  1785,  in-S".  Les 
premières  sont  traduites  en  vers  ita- 
liens ,  et  les  secondes  en  vers  latins 
et  italiens.  C'est  la  seule  traduction 
italienne  dé  ces  deux  fabulistes.  Celle 
qui  avait  été  exécutée  par  Ange-Ma- 
rie Ricci  est  restée  inédite.  Le  livre 
est  dédié  à  la  célèbre  Laure  Bassi , 
avec  laquelle  Trombelli  fut  très  -  lié. 
IV.  Le  cento  Favole  di  Facrno ,  c 
una  di  Battista  Mantovaiio ,  trad. 
en  vers  italiens  ,  ibid. ,  1786  ,  in-S». 
Argelati  {Bihlioteca  dé  volgariz- 
zatori  ) ,  qui  ne  cite  aucune  traduc- 
tion italienne  de  Faerne,  n'a  pas  su 
indiquer  le  recueil  dans  lequel  avait 
été  imprimée  la  fable  du  Mantouan 
(  Foj.  ce  nom ,  XXVI,  53 1  ).  A  la 
suite  de  ces  traductions  ;  il  y  a  quel- 
ques vers  latins  de  l'auteur.  V.  De 
cullu  sanctorum  dissertationes  de- 
cem ,  quitus  accessit  appcndix  de 
cruce ,  Bologne ,  1751  et  suiv. ,  0  v. 
in-4°.  VI.  Priorum  quatuor  de  cul- 
tu  sanctorum  dissertationum  vin- 
diciœ ,  ibid. ,  1751,  in  -  4 "•  C'est 
la  réponse  aux  critiques  de  Riesling; 
elle  parut  sous  le  nom  de  Philalethes 
Âphohos.  Voy.  Zaccaria,  Storia  let- 
teraria  d'Italia ,  \\\  ,  57.  VII.  Vc- 
terum  Patrum  latinorum  opuscnla, 
nunquàm  antehac  édita  ,  ib. ,  1 7rn  - 
55, 7,  part,  en  un  vol.  iu-/|". Voy.  le  mê- 
me ouvrage  ,  m  ,  iG.  WU.Mcmorie 
istorichc  ccncerncnti  le  due  cauo- 
nichc  di  sauta  Maria  di  Beno  e  di 


572  TRO 

San  Sahatore,  ibid.,  1752,  iii-40., 
fi  g.  L'e[)0([iic  (le  la  fondation  de  ces 
abbayes  paraît  avoir  c'te  beaucoup 
trop  reculée.  Au  moins  le  P.  Trom- 
belli  est  eu  contradiction  avec  Pen- 
notti,  auteur  estime  d'une  Histoire 
des  chanoines  réguliers,  publiée  en 
latin,  à  Rome,  en  iQ'i\.  La  con- 
grégation de  Saint -Sauveur  avait 
eu  deux  autres  historiens  ,  Mazza- 
grugno  et  J.  -  B.  Segni.  TX.  Jrte 
di  coiioscere  Veta  de  codici  lati- 
iiied  italiani,  ibid. ,  1 756  et  1 778 , 
iu-4". ,  fig.  L'auteur  désavoua  la  ré- 
impression qui  parut  sous  le  titre  de 
Diplomatica ,  Naples,  1780,  in-S". 
X.  Mariœ  sanciiss.  vita  ac  gesta , 
cultiisquc  un  adhibitus ,  Bologne, 
1 761 ,  6  vol.  in-80  XL  Fita  e  culto 
diS.  Gioseppe ,\h\à.,  i7G7,in-8'>. 
XIL  Fila  e  culto  de  SS.  Gioacchi- 
no  ed  Anna,  ibid.,  1768,  in  -  S'', 
XIIL  Tractatus  de  sacramentis 
per  polemicas  et  liturgicas  disser- 
liones distrihuti,\h'ià. ,  i  770  etsuiv., 
i3  vol.  iu-4".  L'auteur  n'a  parlé  que 
du  baptême,  de  la  confirmation,  de 
l'extrème-oncfion  et  du  mariage.  C'é- 
tait la  partie  la  plus  difficile  de  l'ou- 
vrage. Pour  les  autres  sacrements,  il 
aurait  trouvé  de  grands  secours  dans 
les  traités  de  Morin,  d'Hallier  etd'Ar- 
nauld  (  F.  ces  noms ,  II ,  5oi  ;  XIX, 
3475  XXX,  166).  XIV.  Deacûs 
nauticœ  inventore ,  dans  les  Actes 
de  l'institut  de  Bologne,  tome  a, 
part.  3,  pag.  333;  traduit  en  Alle- 
mand par  Kiesling  (  Foy.  Collina 
Abbonuio,  IX,  2(i8).  Trombelli  a 
aussi  traduit  le  Traité  de  Bossuct  sur 
le  passage  d'Isaïe  :  Ecce  concipiet , 
etc. ,  et  sur  le  Psaume  xxi ,  en  rele- 
vant plusieurs  erreurs  de  Simon  et  de 
Grolius.  L'abbé  IMiiigarelli  et  Guide 
'^•T'ttti  (irenl  frapper  une  médaille 
à  l'elligic  de  Troud)elli,  avec  celle 
inscription  :  Feutilis  et  yAïuus  • 


TRO 

NAM    DENÈ    CULTUS   AGER.    Voycz 

Garofilo  Vincent,  De  vitdJ.-Chry- 
sost.  Trombelli  commentarius ,  Bo- 
logne, 1788,  in -8".;  et  Fantuzzi, 
Scrittori  bolognesi ,  \ui ,  12a. 

TROMMIUS  (  Abraham  Vander 
Trom  ,  en  latin  ) ,  savant  théologien, 
naquit  à  Groningue.  Jean  Trom  , 
son  père,  y  remplissait  une  charge 
municipale  ,  et  était  un  des  anciens 
de  l'Église.  Il  fit  ses  études  dans  sa 
ville  natale ,  avec  beaucoup  de  suc- 
cès •  et ,  suivant  l'usage  répandu  géné- 
ralement en  Hollande,  acheva  sou 
éducation  par  les  voyages.  Après 
avoir  visité  l'Allemagne  ,  il  s'arrêta 
quelque  temps  à  Bâie ,  pour  se  per- 
fectionner dans  la  connaissance  de 
l'hébreu  ,  sous  la  direction  de  Jean 
Buxtorf.  Il  parcourut  ensuite  la  Fran- 
ce et  l'Agleterre  ,  et  à  son  retour  en 
Hollande  ,  fut  nommé  pasteur  du 
village  de  Haren.  Il  ne  quitta  ce  mo- 
deste emploi  qu'en  1671  ,  où  il  vint 
exercer  à  Groningue  les  fonctions 
du  saint  ministère,  qu'il  y  remplit 
pendant  quarante-huit  ans  ,  avec  un 
zèle  que  l'âge  ne  put  affaiblir.  Peu  de 
temps  avant  sa  mort,  l'université  de 
Grouingue  ayant  été  rétablie ,  les 
professeurs  de  la  faculté  de  théologie 
s'empressèrent  de  lui  conférer  le  titre 
de  docteur  ,  comme  une  marque  de 
l'estime  qu'ils  faisaient  de  ses  talents. 
Trommais  mourut ,  en  1719,;»  qua- 
tre-vingt-six ans.  C'était  un  homme 
de  mœurs  douces ,  et  fort  laborieux. 
Il  avait  été  marié  quatre  fois;  mais 
il  survécut  à  tous  ses  enfants.  On  doit 
à  Trommius  la  continuation  de  la 
Concordance  flamande  de  la  Bible , 
par  Jean  Marliuius  de  Dantzick,  des 
flemartptes  critiques  sur  la  version 
des  Psaumes  eu  vers  flamands,  par 
Pierre  Dalhemis;  et  un  CtUt'chisme 
abrégé  ,  dans  la  même  langue;  mais 


TRO 

l'ouvrage  aiicpiel  il  doit  toute  sa  rc- 
jiutalion  est  le  suivaul  :  Concorâan 
tiœ  ^rœcœ.  versionis  ,  tuilgb  diclœ 
LX\  Interpretum,  cujiis  voces  sccun 
dum  ordinem  elcmentonmi  ser- 
in onis  ^rœci  digestœ  recensentur  , 
Amsterdam,  1718,  2  vol.  in-fol.  ;  il 
y  a  des  exemplaires  grand  papier. 
On  trouve,  à  la  fin  du  second  volume, 
un  lexique  grec  et  hébreu  du  P.  de 
Montfaucon ,  tire'  de  son  édition  des 
He^plesd'Origène;  la  Concordance 
des  éditions  de  Rome  et  de  Francfort, 
de  la  version  des  lxx  ,  par  Lamb. 
Bos ,  et  enfin  un  lexique  hébreu  et 
chaldaique.  Trommius  avait  entre- 
pris ce  travail ,  qui  lui  coûta  seize 
ans  de  soins  et  d'application ,  dans 
le  but  de  remédier  aux  défauts  de  la 
Concordance  de  Conrad  Kirclier(/^^. 
ce  nom  ,  XXII ,  4^9  ) ,  dont  le  prin- 
cipal est  que  les  mots  grecs  y  sont 
rangés  suivant  l'ordre  de  l'alphabet 
hébreu.  Il  dit,  dans  sa  Préface,  qu'il 
s'est  servi  de  l'édition  de  Wechel , 
Francfort ,  1 597  ,  que  son  prédé- 
cesseur aA'ait  employée  (  I  ).  On  aurait 
désiré  qu'il  donnât  la  préférence  à 
celle  du  Vatican  ,  beaucoup  plus  es- 
timée des  savants.  Malgré  l'incontes- 
table supériorité  du  travail  de  Trom- 
mius sur  celui  de  Kirclier  ,  Jean 
Gagnier  ,  professeur  d'Oxford  ,  se 
déclara  pour  l'ancienne  concordance 
(  V.  Gagnier  ,  XVI,  2G3)j  Trom- 
mius lui  répondit  avec  beaucoup  de 
douceur  et  de  politesse  par:  Epistola 
apologetica....  qud  se  modeste  tue- 
tur  contra  animadversioncs  ,  etc.  , 
Amsterdam,  1718  ,  in-4".  de  12  p. 
Lcclerc  a  rendu  compte  de  cette  polé- 
mique dans  le  tome  x  de  la  Bihlioth. 


(1)  Cela  nVsl  pas  absolument  exact.  Rirclicr  s'é- 
tait servi  ,  comme  il  nous  l'aiipreiKl  lui-même  dans 
son  AverUsfemenI ,  de  l'odition  de  Bàle,  i558,  in- 
S". ,  laite  sur  colle  des  Aide»,  dont  l'édition  de 
Weclicl  est  eKalcuiL'iil  une  c^pic. 


TRO,  573 

ancienne  et  moderTie ,  où  il  apprécie 
d'une  manière  équitable  les  travaux 
de  KircLcr  et  de  Trommius.  On  trou 
ve  une  Notice  sur  ce  savant  dans  les 
Mémoires  de  Paquot ,  pour  seivir  à 
l'Histoire  littéraire  des  Pars-Bas 
1 ,  5o5  ,  édition  in-fol.        W — s. 

TROMP  (  Martin  ,  fils  d'Harpert 
ou  d'Herbert) ,  célèbre  marin  hollan- 
dais ,  né  à  la  Brille  en  1597,  fit  son 
apprentissage  de  mer  auprès  de  son 
père,  qui ,  au  combat  de  Gibraltar, 
sous  l'amiral  Heemskerk,  comman- 
dait une  frégate  ,  et  qui ,  quelque 
temps  après  ,  fut  tué  à  son  bord  dans 
une  action  contre  un  forban  anglais, 
à  la  côte  de  Guinée.  «  Camarades . 
»  ne  vengerez-voiis  pas  la  mort  de 
«  mon  père?  w  tel  est  le  cri  que  ne 
cessait  de  pousser  Martin ,  alors  âgé 
de  onze  ans.  Le  bâtiment  lui-même 
ayant  été  pris ,  il  tomba  au  pouvoir 
du  vainqueur,  qui  pendant  deux  ans 
et  demi  l'employa  comme  mousse. 
Rendu  à  sa  patrie  ,  il  était  lieutenant 
à  bord  d'un  vaisseau  de  li2;ne,  en 
1 622  ,  et  reçut ,  deux  ans  après ,  du 
prince  Maurice,  le  commandement 
d'une  frégate.  Eu  1629  ,  l'illustre 
amiral  Pit-Hein  {F.  Hein)  ayant 
passé  à  bord  du  bâtiment  de  Tromp, 
réputé  le  meilleur  voilier,  il  y  fut  tué 
à  côté  de  lui.  Des  dégoûts ,  occasion- 
nés par  des  passe-droits ,  lui  iirent , 
pendant  quelque  temps  ,  abandonner 
une  carrière  où  il  s'était  déjà  fait 
connaître  avec  tant  d'avantage  ;  mais, 
en  1637,  ou  lui  rendit  de  nouveau 
justice  :  le  stathouder  Frédéric-Henri 
le  créa  lieutenant-amiral,  et  lui  con- 
fia le  commandement  d'une  escadi'c 
de  onze  vaisseaux,  avec  laquelle  il 
battit  les  Espagnols,  très-supérieurs 
en  nombre,  leur  prit  deux  bàîinuiits 
et  dispersa  le  ic>le.  Celte  victoire  lui 
valut  une  chauie  d'or  de  la  pari  des 
états,  et  l'ordre  de  Saint-Michel,  de 


574  TRO 

la  part  du  roi  de  France.  Trorap 
conlimia  ,  dans  le  cours  de  cette  raè- 
mc  campagne,  à  signaler  sa  va- 
leur contre  les  Espagnols ,  mal- 
gré la  partialité'  que  l'Angleterre 
manifestait  en  leur  faveur.  Ayant  re- 
çu de  Hollande  des  renforts  considé- 
rables, et  sa  {lotte  ayant  e'té  succes- 
sivement portée  à  soixante-dix  Lâti- 
ments  ,  il  attaqua ,  le  2 1  octobre ,  les 
Espagnols,  devant  les  Dunes,  et, 
quelques  efforts  que  ceux-ci  fissent 
pour  éviter  un  engagement ,  il  par- 
vint à  brûler  le  vaisseau  de  l'amiral 
d'Oquendo ,  qui  sauta  en  l'air  avec 
quinze  cents  hommes  d'équipage , 
força  un  grand  nombre  de  bâtiments 
à  se  jeter  à  la  côte,  et  s'empara  de 
treize  galions  richement  chargés.  Peu 
de  temps  après  cette  victoire ,  la  fa- 
mille de  Tromp  s'accrut  d'une  fille  , 
qui  reçut  au  baptême  les  noms  de 
Anna-Maria- Fictoria-  Martensis- 
Harpensis -  Trompensis-  Dunensis. 
Cet  amiral  rendit  encore  d'impor- 
tants services  à  sa  patrie,  surtout  dans 
les  campagnes  de  i64oet  1641  jraais 
après  i'avéncment  de  Cromwel  au 
protectorat  d'Angleterre,  l'Anglais 
devint  un  adversaire  plus  digne  de 
la  vaillance  de  Tromp.  Ce  fut  lui  qui 
commença  les  hostilités  avec  l'ami- 
ral Robert  Blake,  le  20  mai  i652. 
Tromp  avait  sous  son  coramaude- 
meiit  quarante-deux  vaisseaux,  et 
Blake  cinquante  :  l'engagement  dura 
quatre  heures,  et  la  luiit  mit  fin  au 
combat  y  où  Tromp  perdit  deux, 
vaisseaux.  Il  éprouva  ensuite  un 
plus  grand  chagrin,  ce  fut  de  voir 
Bluter  et  de  \^'it  prendre  le  com- 
mandement des  flottes  hollandaises 
et  combattre  les  Anglais.  Rappe- 
lé au  commandement ,  il  eut  une 
nouvelle  a  lia  ire  avec  Blake  ,  sur 
les  côtes  d'Angleterre,  le  3  deVem- 
Inv     i<55'2  ,    prit   deux    vaisseaux. 


TRO 

et  Tui  troisième  le  lendemain.  I/a- 
vantagc  resta  complètement  aux 
Hollandais,  Blake  s'étant  retiré  vers 
la  Tamise  ;  mais  ce  combat  ne  fit 
que  préluder  à  \m  autre  bien  plus 
acharne.  Pendant  trois  jours  consé- 
cutifs, c'est-à-dire  du  28  février  au 
2  mars  i653,  Blake  et  Tromp  se 
mesurèrent  de  nouveau  à  la  hauteur 
de  Portiand  et  de  Bevesier  :  de  part 
et  d'autre  ou  avait  environ  soixante- 
dix  vaisseaux  ;  mais  ceux  des  Anglais 
étaient  de  plus  fort  calibre.  Ruiter  et 
l'élite  des  marins  Bataves  secon- 
daient Tromp;  il  eut  fortàseplaindre 
des  antres  chefs.  La  flotte  marchan- 
de ,  qu'il  escortait,  ne  laissa  pas  que 
d'entiaver  aussi  ses  opérations.  L'en- 
nemi se  retira  le  troisième  jour  vers 
les  côtes  d'Angleterre.  Tromp  fit  en- 
trer la  presque  totalité  de  son  con- 
voi. La  perte  des  Hollandais  fut  de 
neuf  vaisseaux  ,  celle  des  Anglais  de 
six  ;  mais ,  leurs  équipages  étant  plus 
forts,  ils  perdirent  jilus  de  monde. 
Les  Hollandais  sehâtèrentde  l'éparer 
leurs  pertes ,  et  le  commandement 
fut  encore  remis  entre  les  mains  de 
Tromp  ,  qui  ne  s'en  chargea  qu'a- 
vec répugnance.  H  témoigna  des 
inquiétudes  sous  le  rapport  de  la 
quantité  et  delà  qualité  des  bàtiments,^ 
et  sous  celui  de  l'équipement  et  des 
équipages.  Toutefois  il  se  dévoua. 
Un  premier  combat  eut  lieu  à  la  hau- 
teur de  Nieuport,  le  12  juin  i653. 
Richard  Deane  commandait  la  flotte 
andaise, forte  d'environ  cent  voiles. 
Les  Hollandais,  étaient  a -peu- près 
égaux  par  le  nombre,  mais  non  par 
la  force  des  vaisseaux.  Deane  fut 
tué  au  commencement  du  combat. 
L'action  dura  de  onze  heures  du  ma- 
tin à  neuf  heures  du  soir  :  elle  re- 
coiumença  encore  le  lendemain  à 
la  hauteur  de  Dunkerque.  Ou  se  fit 
be,iucoup  de  mal;    sans  que    l'af- 


TRO 

laire  fût  décisive.  11  y  cul  une  secon- 
de bataille  sur  les  côtes  de  la  Hol- 
lande, à  la  hauteur  de  Catwick,  le  8 
août.  Ce  jour  demeura  sans  re'sultatj 
enfin  on  recommença  le  lendemain. 
Le  vice-amiral  de  Wit  avait  eu  le 
temps  de  rejoindre  la  flotte  hollan- 
daise avec  son  escadre  de  vingt-sept 
vaisseaux.  Tromp  comptait  sous  son 
commandement  cent-six  voiles.  L'a- 
miral anglais  Monk  s'ëloignaj  Tromp 
le  ])oursuivit  toute  la  nuit.  Le  sur- 
lendemain ii  y  eut  uu  nouvel  engage- 
ment. Les  Hollandais  traversèrent  la 
flotte  anglaise;  mais  Tromp  fut  tue' 
à  son  bord,  ce  qui  n'empêcha  pas 
la  continuation  du  combat.  Ruiter  et 
Jean  Evertszoon  firent  des  prodiges 
de  valeur.  La  flotte  aiiglaise  fat  tra- 
versée jusqu'à  quatre  fois  ;  plusieurs 
de  ses  bâtiments  coulèrent ,  un  sauta 
en  l'air  :  sa  perte  fut  de  huit  vais- 
seaux j  celle  des  Hollandais  de  dix. 
De  part  et  d'autre  on  chanta  victoi- 
re; toutefois  les  Anglais  avouèrent 
qu'elle  leur  avait  coûte'  cher.  Une 
perte  irréparable  fut  celle  de  Tromp. 
Son  corps  reçut  de  pompeux  hon- 
neurs à  Deift ,  et  un  monument  v 
fut  e'ievc  à  sa  mémoire.  On  peut  voir 
les  médailles  frappées  en  son  hon- 
neur,  dans  Y  Histoire  métallique  des 
Par^-^aj,  par  YanLoon.  M — on. 
TROMP  (  Corneille  )  ,  fils  du 
précédent  ,  né  à  Rotterdam  le  9 
sept.  1629  ,  s'illustra  dans  la  même 
carrière.  Son  éducation  ayant  été 
toute  dirigée  vers  ce  but,  on  le  vit, 
dès  l'âge  devingt-iui  ans  (iGSo),  ca- 
pitaine de  haut-bord  dans  l'escadre 
du  commandeur  Dcwildt,  qui  fut 
chargé  de  réprimer  l'empereur  de 
Maroc  ,  et  le  réduisit  à  conclure 
i\n  traité  dans  les  intérêts  de  la  Hol- 
lande. En  i652,  il  se  trouva  à  la 
bataille  que  Van  Galen  livra  aux  An- 
glais devant  Porto-Longone,  et  il  y 


TRO  575 

prit  à  l'abordage  leur  vaisseau  le 
Samson  :  il  passa  sur  ce  bâtiment,  le 
sien  ayant  été  extrêmement  maltraité 
dans  lecombat,etileut,peu  de  temps 
après ,  le  chagrin  de  se  le  voir  enle- 
ver par  surprise,  et  au  mépris  du 
droit  des  gens  ,  dans  la  rade  de  Li- 
vourne.  Le  i3  mars  de  l'année  sui- 
vante ,  il  se  mesura  de  nouveau  avec 
les  Anglais  devant  Livcurne.  Van 
Galen  avait  sous  son  commandement 
seize  bâtiments  et  un  brûlot.  Les  An- 
glais étaient  au  nombre  de  quatorze 
vaisseaux  de  ]ilus  fort  calibre ,  et  de 
deux  brûlots.  Tromp  s'acharna  par- 
ticulièrement contre  le  Samson ,  qui 
sauta  au  moment  d'être  pris  à  l'abor- 
dage. La  victoire  resta  aux  Hollan- 
dais ;  mais  ils  la  payèrent  cher  par 
la  mort  de  leur  amiral  Van  Galen. 
Tromp  fut  promu  au  grade  de  con- 
tre-amiral. Les  affaires  du  nord  de 
l'Europe  ayant  donné  lieu  ,  en  i656, 
à  un  grand  déploiement  de  forces  de 
la  part  de  la  Hollande,  Obdam, 
Ruiter  et  Tromp  y  figurèrent  avec 
distinction  ;  mais  \r  voie  des  négo- 
ciations aplanit  les  difficultés.  Après 
cette  courte  campagne ;,  Tromp  vécut 
dans  la  retraite,  et  il  ne  reparut  sur 
le  théâtre  des  événements ,  qu'en 
1 66'i .  Envoyé ,  à  cette  époque ,  dans 
la  Méditerranée  pour  escorter  un 
convoi  marchand ,  il  châtia  rudement 
les  pirates  algériens.  Mais  de  plus 
graves  intérêts  ne  tardèrent  pas  à  ré- 
clamer son  activité.  Charles  II  ou- 
bliait les  obligations  qu'il  avait  eues 
aux  Etats-Généraux  pour  remonter 
sur  le  trône  d'Angleterre,  et  l'on 
avait  de  l'inquiétude  pour  un  riche 
retour  attendu  de  l'Inde.  Tromp  fut 
chargé  d'en  couvrir  la  rentrée. 
Avant  sous  lui  une  escadre  de  vingt- 
deux  vaisseaux,  il  reconnut  la  flotte 
marchande  auprès  de  Faitliil  ,  et , 
sans  aucune  rencontre  hostile,  il  la 


576  TRO 

conduisit  à  sa  destination.  La  guerre 
avec  l'Angleterre  éclata  en  1 665,  Il 
y  eut,  le  i3  juillet,  irae  action  entre 
les  flottes  des  deux  puissances^  cha- 
cune forte  d'une  centaine  de  vais- 
seaux de  ligne.  Le  duc  d'York  com- 
mandait celle  de  l'Angleterre.  Was- 
senaer  d'Obdam  ,  avec  le  grade  d'a- 
miral-lieutenant,  commandait  celle 
des  États.  L'action  fut  désastreuse 
pour  la  Hollande.  Tromp  se  signala 
par  sa  bravoure.  Son  vaisseau  V^- 
viour,  de  quatre-vingt  deux  canons, 
fut  extrêmement  maltraite.   On   se 
préparait  à  de  nouveaux  efforts  ;mais 
on  n'était  pas  d'accord  sur  le  choix 
du  chef.  On  rendait  justice  au  cou- 
rage et  à   l'expérience  de  Tromp  j 
mais  il  était  repoussé  à  cause  de  son 
dévouement  à  la  maison  d'Orange.  Il 
fut  cependant  nommé,  avec  adjonc- 
tion de  trois  plénipotentiaires  des 
États  -  Généraux  ,  De  Wit,  Huygens 
et  Boreel ,  qui  furent  chargés  de  mo- 
dérer ses  pouvoirs.  Déjà  il  était  au 
Texel  ,    à  bord  de  son  vaisseau  , 
quand  la  rentrée  de  Ruiter,  f]^'u  ar- 
rivait de   la   côte   de  Guinée ,  vint 
tout  déranger.  Cet  amiral  reçut  aus- 
sitôt le  commandement  de  la  flotte. 
Tromp  refusa  de  servir  sous  ses  or- 
dres ;  mais  il  consentit  à  icster  sur  la 
flotte  en  attendant  son  rappel.  L'es- 
cadre hollandaise  essuya  ,  cette  an- 
née, deux  désastres  imprévus:  ce  fut 
une  violente  tempête,  et  une  maladie 
épidémique  qui  se  déclara  parmi  les 
équipages.    Au    commencement   de 
l'année  suivante ,  Tromp  obtint  d'ê- 
tre  transféré   de  l'amirauté    de  la 
Meuse   à  celle  d'Amsterdam,  et  il 
reçut  le  commandement  du  vaisseau 
Hullandia ,  de  quatre-vingt  deux  ca- 
nons. Le   i»^'"  juin,  la  flotte  hollan- 
daise,  forte  de  quatre -vingt   cinq 
vaisseaux,  et  commandée  par  Ruiter, 
mil  en   mer,  et  se  dirigea  sur  les 


TRO 

côtes  d'Angleterre.  Le  1 1 ,  elle  eut 
en  vue  la  flotte  anglaise,  d'environ 
quatre-vingts  bâtiments ,  commandée 
par  Albemarle.  L'engagement  com- 
mença vers  une  heure  après-midi ,  et 
dura,  avec  beaucoup  d'acharnement, 
des  chances  inégales  et  de  courtes  in- 
terruptions, pendant  quatre  jours. 
La  perte  fut  considérable  de  part  et 
d'autre.  Tromp,  dans  im   moment 
ti'ès-critique ,  fut  dégagé  par  Ruiter , 
et  lui  dut  son  salut.  L'issue  du  com- 
bat fut  des  plus  glorieuses  pour  les 
armes  hollandaises ,  ce  qui  n'empê- 
cha pas  les  Anglais  de  chanter  vic- 
toire, et  de  faire  de  grandes  réjouis- 
sances ,  que  leur  propre  historien  , 
l'évêque   Burnet,   appelle  une  mo- 
querie de  Dieu  et  un  mensonge  à 
la  nation.  (History  of  his  own  time, 
tome  I,  pag.  229  ).  On  se  battit  de 
nouveau  le  4  et  le  5    aoûtj  mais 
Tromp  encourut ,  dans  cette  affaire, 
de  graves  reproches.  Loin  de   se- 
conder Ruiter  ,   comme  il   l'aurait 
dû  ,  il  semble  avoir  joui  du  danger 
où  il  le  voyait ,  et  cet  amiral  ne  d  it 
son   salut  qu'à  la   plus  savante  et 
la    plus    courageuse    retraite.   L'a- 
vantage que  remporta   Tromp  sur 
le   vice -amiral  Smith  fut  loin  de 
couvrir  ime  faute  aussi   grave.  Le 
champ  de  bataille  resta  aux  Anglais, 
quoiqu'ils  eussent  perdu  quatre  vais- 
seaux ,  ce  qui  était  le  double  de  la 
perte  des  Hollandais.  Ruiter  se  plai- 
gnit amèrement  de  Tromp ,  qui  ré- 
crimina sans   succès.  Les  États  de 
Hollande  ,  sur  la  représentation  du 
grand    pensionnaire  de  Witt ,   reti- 
rèrent à  Tromp  sa   commission  de 
lieutenant-amiral  ;  et  il  lui  fut  en- 
joint de  rester  provisoirement  à  la 
Haye,  et  défendu  ,  de  communiquer 
avec   la   flotte.    C'est  alors    que   le 
coîiile  d'Estrades,  ambassadeur  de 
l'^rance ,    lui    lit    des    propositions 


TRO 

pour  passer  au  service  de  cette  puis- 
sance ;maiselles  ue  letentèi-entpoint. 
Cependant  on  ne  lui  tint  pas  long- 
temps rigueur  pour  l'obligation  de 
résider  à  la  Haye ,  et  il  lui  fut  per- 
mis de  se  retirer  dans  une  maison 
de  plaisance  qu'il  s'était  constiiiite  à 
Gravesand.  Cette  maison  offrait,  dans 
la  bizarreriede  son  architecture,  l'as- 
pect d'un  vaisseau  de  guerre ,  et  elle 
porte  encore  aujourd'hui  ^  le  nom  de 
Trompenhurg.  Tromp  était  à  la 
Haye  en  1672  ,  à  l'époque  du  mas- 
sacre des  frères  de  Wit,  et  il  est 
accusé  d'avoir  assisté  et  même  ap- 
plaudi à  cet  horrible  boucherie.  La 
canaille  criait  :  «  Vive  Tromp  !  à 
bas  les  De  Wit!  »  Au  bout  de  sept 
ans  de  repos  il  fut  rétabli  dans  ses 
fonctions  (lô^S)  par  Guillaume  III, 
la  république  étant  en  guerre  à-la- 
fois  avec  l'Angleterre  et  la  France. 
Une  réconciliation  eut  lieu ,  sous 
d'imposants  auspices  ,  entre  Ruiter  et 
Tromp  :  toutes  les  personnalités  fu- 
rent saciùlîées  au  besoin  de  la  patrie. 
Ruiter  eut  le  commandement  de  la 
flotte,  forte  de  cincpiante-deux  vais- 
seaux de  ligne  et  de  cinquante  autres 
bâtiments ,  dont  vingt-cinq  bnilots. 
La  flotte  des  alliés  était  de  cent 
cinquante  voiles ,  dont  quatre-vingt- 
dix  vaisseaux  de  ligne.  On  se  trouva 
en  présence  de  l'ennemi^  le  7  juin. 
Le  combat  s'engagea  vers  une  heure 
après-midi.  Tromp  commandait  l'a- 
vant-garde  ;  il  changea  de  bord  jus- 
qu'à trois  fois.  Dans  un  moment  de 
détresse ,  Ruiter  vint  à  son  secours  et 
le  dégagea.  La  nuit  mit  fin  au  com- 
bat. Dix  vaisseaux  ennemis  avaient 
e'té  brûlés  ou  coulés  à  fond.  Les  Hol- 
landais n'avaient  perdu  que  quel- 
ques brûlots,  point  de  navire  de 
haut -bord;  ils  couchèrent  sur  le 
champ  de  bataille.  Le  but  des  alliés, 
qui  était  de  faire  une  descente ,  fut 


ÏRO  577 

manqué.  On  se  battit  encore  le  1 4  du 
même  mois.  L'affaire  fut  moins  gra- 
ve; mais  elle  ne  finit  encore  qu'avec  le 
jour.  Les  alliés  se  retirèrent  le  lende- 
main. Dans  les  premiers  jours  de  juil- 
let,  Ruiter  alla  vainement  défier  les 
alliés ,  à  la  hauteur  de  Harvvich,-  mais 
le  21  août^  une  nouvelle  bataille  s'en- 
gagea sur  les  côtes  de  la  Hollande 
près  du  Helder.  Tromp  eut  encore  des 
obligations  d'assistance  à  Ruiter.  Ce- 
lui-ci se  battit  avec  ua  acharnement 
extrême  contre  le  prince  Robert.  Les 
Anglais  perdirent  quelques  bâtiments; 
les  Hollandais  n'en  perdirent  aucun. 
De  part  et  d'autre ,  on  était  fort  en- 
dommagé; et  l'ennemi  se  retira ,  le 
lendemain ,  vers  les  côtes  d'Angle- 
terre. Les  alliés  avaient  menacé  la 
Hollande  d'une  descente.  Les  États 
projetèrent  d'en  faire  une  sur  les  cô- 
tes de  France  ;  et  Tromp  fut  chargé 
de  l'expédition.  Il  sortit  du  Texel,le 
17  mai  1 674.  Les  troupes étaientcom- 
mandées  parle  comte  de  Horn,  qui, 
le  23  juin,  fit  un  débarquement  à 
Belle-Isle;mais  la  forteresse  ayant  été' 
jugée  inattaquable ,  ou  se  remïjarqua. 
Un  nouveau  débarquement  eut  lieu  à 
Noirmoutiers,  le  3  juillet.  On  y  leva 
des  contributions ,  etc.  De  là  Tromp 
alla  chercher  ,  à  Cadix  ^  un  con- 
voi marchand ,  avec  lequel  il  rentra 
au  Texel.  Le  roi  d'Angleterre  ayant 
témoigné,  l'année  suivante,  un  ex- 
trême désir  de  voir  Tromp  ,  il 
se  rendit  à  Londres,  ou  sa  pré- 
sence fut  une  espèce  de  triomphe. 
Le  roi  le  nomma  baron  ,  et  le  com- 
bla des  distinctions  les  plus  flatteu- 
ses. En  1O76,  les  États  ayant  réso- 
lu de  prêter  secours  au  Danemark 
contre  la  Suède ,  Tromp  fut  envoyé 
à  Copenhague  avec  une  flotte.  Le  roi 
le  décora  de  l'ordre  de  l'Éléphant, 
Peu  de  jours  ajirès  son  arrivée  ,  la 
flotte  danoise  dut   au  renfort  qu'il 

37 


578  TRO 

avait  amcnc  une  victoire  signalée. 
Il  rendit  encore  d'autres  services 
aux  Danois  ,  et  retourna  auprès 
du  prince  d'Orange ,  qui  e'tait  dans 
son  camp  à  Saint-Omer.  Il  fut  revêtu 
du  titre  de  lieutenant-amiral-géne'ral 
des  Provinces-Unies,  dignité'  devenue 
vacante  par  la  mort  de  Ruiter.  En 
1691,  Guiilaume  III  lui  confia  le 
commandement  de  la  flotte  destinée 
à  agir  contre  la  France  ;  mais  il  mou- 
rut a  Amsterdam ,  le  29  mai.  Son 
corps  fut  transporte'  à  Delft ,  et  so- 
lennellement dépose  dans  le  raausole'e 
paternel ,  le  G  juin.  Ses  héritiers  (  il 
ne  laissa  point  d'enfants)  honorèrent 
sa  mémoire  d'une  médaille,  que  l'on 
peut  voir  dans  l'Histoire  métallique 
des  Pays-Bas ,  par  Van  Loon,  to- 
me IV,  pag.  43.  Ce  même  ouvrage 
en  offre  une  autre,  tome  11 ,  pag.  53o. 
Sa  vie  a  été  publiée  à  la  Haye,  1^94 
in- 112.  M — ON. 

TRON  (  Nicolas  ),  doge  de  Ve- 
nise, succéda,  eu  1471 ,  à  Christo- 
phe Moro.  C'était  un  homme  riche, 
libéral  et  magnanime  ;  mais  la  brié- 
A'eté  de  son  règne ,  et  les  limites  étroi- 
tes de  l'autorité  ducale ,  ne  lui  per- 
mirent de  se  distinguer  par  aucune 
action  remarquable.  Il  mourut  le  28 
juillet  1473.  Nicolas"  Marcello  lui 
succéda.  S.  S — i. 

TRONCHAY  (  George  du  ), 
fds  d'un  conseiller  au  présidial  du 
IVIans  ,  fort  distingué  dans  les  lettres, 
naquit  à  Moranne  près  d'Angers ,  en 
i54o,  et  devint  lui-même  très-sa- 
vant dans  la  connaissance  des  mé- 
dailles, et  dans  celle  du  grec  et  du 
latin.  Il  faisait  d'assez  jolis  vers  pour 
le  temps,  c\  l'on  trouve  plusieurs  de 
ses  pièces  dans  le  Me'naç^iana  ;  beau- 
coup d'aulrci  sont  restées  manuscri- 
tes. iMéiiage  dit  que  l'on  faisailgraud 
cas  de  sa  Remontrance  des  plain- 
tes du  tiers-état  du  Maiiu:  ,  de  sa 


TRO 

Grammaire  française ,  de  son  livre 
des  étjmologies ,  de  celui  des  pro- 
verbes ^  etc.  Il  mourut  au  Mans  en 
i582.  —  Son  frère  Louis  du  Tron- 
CHAY,  qui  avait  écrit  une  Histoire 
des  troubles  religieux,  restée  manus- 
crite ,  fut  tué  par  des  soldats ,  en 
1 569 ,  comme  partisan  de  la  religion 
réformée.  —  Tronchay  (  Louise- 
Agnès  de  Bellère  du  )  ,  naquit  au 
château  du  Tronchay  près  d'Angers 
en  1639  ,  et  fut  douée  de  tous  les 
avantages  extérieurs.  Ses  parents  lui 
ayant  donné  une  brillante  éducation, 
la  destinaient  à  un  riche  établissement; 
mais  elle  montra  ,  dès  l'enfance ,  un 
penchant  décidé  pour  la  vie  religieu- 
se ,  et  demanda  avec  instance  qu'il 
lui  fût  permis  de  prendre  le  voile 
dans  un  couvent.  Sa  mère ,  s'oppo- 
sant  à  ce  projet  ,  l'envoya  chez 
une  de  ses  parentes  fort  attachée 
aux  plaisirs  du  monde  ,  espérant 
qu'elle  contracterait  le  même  goût , 
ce  qui  arriva  en  effet.  Mais  Ml'*'. 
du  Tronchay  rougit  bientôt  de  ce 
changement  et  revint  à  ses  pre- 
miers projets.  Elle  se  rendit  alors  à 
Charonne,  où  elle  se  fit  recevoir  dans 
le  couvent  de  l'Union  chrétienne. 
A  peine  y  était  -  elle  entrée ,  que 
le  souvenir  de  ses  fautes  troubla  son 
esprit  au  point  que  l'on  fut  obligé  de 
la  renvoyer  ,  et  qu'après  avoir  erré 
dans  différents  hospices  elle  fut  en- 
fermée à  la  Salpêtricre  comme  folle. 
Revenue  à  elle,  M^^''.  du  Tronchay 
consacra  tout  son  temps  aux  pauvres, 
et  se  vit  forcée  bien  souvent  elle- 
même  de  recourir  à  la  charité  pu- 
blique. Elle  mourut  a  Paris  en  1C94. 
Sa  Vie  a  été  écrite  sous  ce  titre  :  Le 
Triomphe  de  la  pauvreté  et  des  hu- 
miliations ,  ou  la  f'^ie  de  M'-^''  du 
Tronchay  ,  appelée  communément 
Sœur  Louise ,  Paris,  i733,  in- 12. 
Cet  ouvrage  est  rempli  de  visions  , 


TRO 

d'extases,  et  de  tout  le  merreilleux, 
que  l'on  trouve  daus  les  écrits  du 
même  genre.  M — d  j. 

TRONCHET  (  François-Denis  ) 
naquit  à  Paris  en  l'j'^fJ.Son  pcre  , 
procureur  au  parlement,  le  destina 
de  bonne  heure  à  la  profession  d'a- 
vocat ,  où  il  apporta  une  volonté 
forte,  un  esprit  vigoureux,  et  une  rai- 
son supe'rieiire.  Formé  à  l'école  des 
jurisconsultes  les  plus  distingués,  il 
se  produisit  au  barreau,  mais  n'y 
fit  qu'une  courte  apparition  :  sa  voix, 
dépourvue  de  timbre  et  voilée  ,  sem- 
blait l'éloigner  des  luttes  de  la  plai- 
doirie ,  et  la  solidité  ,  la  rectitude 
de  son  jugement ,  sa  vaste  érudition , 
sa  passion  pour  l'étude  ,  l'appelaient 
aux  triomphes  du  cabinet.  Doué 
d'une  pénétration  qui  portait  la  lu- 
mière dans  les  questions  les  plus  com- 
pliqviées,  il  rejetait  l'erreur  à  laquelle 
il  s'était  laissé  surprendre  avec  le 
même  empressement  qu'il  saisissait 
la  vérité  ;  il  s'enfonçait  avec  une  pa- 
tience admirable  dans  les  exposés 
les  plus  inextricables ,  découvrait 
avec  rapidité  les  moyens  qui  recom- 
mandaient une  cause ,  et  révolait  aux 
athlètes  éloquents  qui  venaient  inter- 
roger son  expérience  toutes  les  res- 
sources où  pouvaient  puiser  leurs  ta- 
lents. Gerbier  surtout  aimait  à  se 
fortifier  daus  ses  entretiens ,  et  à 
préparer  avec  lui  ces  discussions 
brillantes  qu'il  embellissait  de  tous 
les  prestiges  de  son  art.  Lorsque  les 
parlements  furent  dispersés  par  le 
ministère  Maupeou,  Tronchetfci'ma 
son  cabinet ,  pour  se  consacrer  tout 
entier  aux  sciences  et  aux  lettres. 
Après  le  retour  des  cours  souverai- 
nes ,  il  montra  une  indulgence  écale 
'  I  j      •        ■         •  ^     ' 

a  Ja  moflestic  qui  avail  accompagne 

son  sacrilicc,  et  n'épargna  aucun  ef- 
fort pour  rétablir  l'iiarmonic  entre 
ocuxdc  ses  confrères  qui  avaient  inii- 


TRO  579 

té  son  exemple  et  ceux  qui  s'en 
étaient  écartés.  Bientôt  la  révolution 
qu'avait  éprouvée  la  magistrature 
fut  suivie  d'événements  d'une  toute 
autre  importance.  ïroncliet  venait 
de  succéder  à  Gerbier  dans  la  pre'- 
sidence  de  l'ordre  des  avocats  ,  lors- 
que les  états- généraux  furent  convo- 
qués après  une  interruj)tion  de  près 
de  deux  siècles.  La  capitale  fit  tom- 
ber sur  Tronchet  l'honneur  de  la 
représenter.  Persuadé  de  la  nécessite' 
des  réformes,  mais  ami  de  l'ordre 
autant  qu'étranger  à  une  ardeur  in- 
considérée d'innover,  il  résista  de 
tout  son  pouvoir  à  l'ébranlement  de 
l'ancienne  constitution;  s'opposa  so- 
lennellement à  ce  que  la  chambre  des 
communes  se  formât  en  assemblée 
nationale  ,  et  défendit  avec  persévé- 
rance les  ]U'opriétés  qu'une  pliilan- 
tropie  mal  éclairée  voulait  impru- 
demment attaquer;  il  conserva  un 
ascendant  d'autant  plus  remarquable 
qu'il  combattait  sans  relâche  le  cri 
des  passions.  Mirabeau  l'appelait  le 
Nestor  de  V aristocratie  ,  et  v^oyant 
un  jour  ses  collègues  fatigués  de  la 
lecture  d'un  long  discours  de  Tron- 
chet ,  et  peu  disposés  à  l'écouter  : 
«  Messieurs ,  leur  dit-il ,  veuillez  vous 
»  souvenir  que  M.  Tronchet  n'a  pas 
)>  la  poitrine  aussi  forte  que  la  tête.  » 
Pendant  !a  session  de  l'assemblée 
constituante ,  Tronchet  fit  partie  du 
comité  de  constitution ,  et  fut  honore 
de  la  ])résidcncc.  Ce  fut  par  son  or- 
gane que  la  ville  de  Paris  déclara 
qu'elle  renonçait  à  ses  privilèges.  Il 
appuya  la  suppression  des  droits  de 
primogéniture  et  de  masculinité,  et 
l'égalité  dans  les  partages.  Le  3o  jan- 
vier 1791  ,  il  réclama  contre  l'inser- 
tion de  son  nom  dans  la  liste  du  club 
monarchique.  Comme  il  lit  de  fré- 
quents ra])ports  sur  les  matières  féo- 
dales ,  on  le  crut  assez  généra lemenr. 


i8o 


TRO 


l'auteur  des  décrets  qui  les  concer- 
naient ,  quoiqu'il  eut  souvent  mani- 
feste un  avis  contraire.  Il  prit  une 
{grande  part  aux  débats  sur  l'ordre 
judiciaire  ,  sur  les  jurés,  sur  la  sou- 
veraineté d'Avignon  ;  et  si  ses  idées 
ne  furent  pas  toujours  accueillies,  on 
rendit  hommage  à  la  sagesse  de  ses 
vues  et  à  l'étendue  de  ses  connaissan- 
ces. II  apercevait  les  vices  de  la 
constitution  à  laquelle  il  avait  tra- 
vaillé ;  mais  il  sentait  le  danger  de  la 
retoucher  dans  un  moment  de  fer- 
mentation. Il  vota  la  révision  de  celte 
loi  fondamentale  après  plusieurs  lé- 
gislatures ,  et  se  hâta  de  redemander 
à  sa  retraite  de  Palaiseau  les  jouis- 
sances qu'elle  lui  avait  procurées  en 
1770,  dans  le  recueillement  d'un  tra- 
vail varié.  Mais  après  le  renverse- 
ment absolu  de  l'édifice  monaixhi- 
-que ,  il  n'y  eut  bientôt  plus  en  France 
aucun  asile  assuré ,  et  le  choix  que 
Louis  XVI  fit  de  Tronchet  pour  le 
défendre  en  présence  des  convention- 
nels qui  venaient  de  se  constituer  ses 
juges  (  Foj.  Louis  XVI  et  Male- 
SHERBEs)  vint  ajouter  aux  dangers 
de  sa  position.  Tronchet  vit  certai- 
nement toute  l'étendue  de  ces  dan- 
gers ,  et  nous  devons  dire  qu'il  s'y 
dévoua  sans  la  moindre  hésitation  ; 
mais  il  est  probable  qu'il  ne  comprit 
ni  tout  ce  qu'une  telle  mission  avait 
de  grand  et  d'important,  ni  tout  ce 
qu'aurait  pu  faire  à  sa  place  un  ora- 
teur éloquent  et  sensible ,  un  publi- 
ciste  profoiid  et  courageux.  C'était 
en  homme  d'état,  et  par  de  grandes 
considérations  politiques,  que  Louis 
XVI  devait  être  défendu;  Tronchet 
ne  pouvait  le  défendre  qu'en  avocat 
et  en  jurisconsulte.  Ce  prince  fut 
néanmoiris  cxlrèinement  touche  de 
son  zèle, cl  il  lui  donna  un  témoigna- 
ge durable  de  sa  reconnaissance  en 
l'inscrivant  dans  soa  testament.  Après 


TRO 

la  catastrophe ,  Tronchet  retourna 
dans  sa  retraite  de  Palaiseau,  où 
quelques  mois  plus  tard  le  comité  de 
sureté-générale  voulut  le  faire  arrê- 
ter; mais  il  sut  se  dérober  aux  re- 
cherches jusqu'à  la  chute  de  Robes- 
pierre. Après  cet  événement ,  il  re- 
couvra son  repos  ;  mais  voyant  que 
sa  fortune  était  iiisufllsante  pour  les 
besoins  croissants  de  sa  vieillesse ,  il 
rouvrit  son  cabinet  de  consultation  , 
et  les  familles  s'empressèrent  d'ex- 
ploiter le  trésor  de  sa  sagesse  et  de 
son  expérience.  Il  avait  pris  soin  de 
recueillir  ses  consultations  :  elles  ex- 
cédaient le  nombre  de  dix-huit  cents. 
Le  département  de  Seine-et-Oise  l'en- 
leva à  ces  occupations  pour  le  porter 
au  conseil  des  anciens.  Il  y  siégea 
pendant  quatre  ans ,  multiplia  ses 
travaux  sur  les  lois  relatives  aux  suc- 
cessions ,  aux  légitimes ,  aux  renon- 
ciations,  au  régime  hypothécaire, 
aux  domaines  congéables,  fit  un  rap- 
port sur  les  ascendants  d'émigrés  ,  et 
un  autre  tendant  à  purger  la  procé- 
dure par  jurés  du  subterfuge  de  la 
question  intentionnelle.  Après  les  évé- 
nements du  1 8  brumaire  (  novembre 
1799  )  ,  la  cour  de  cassation  lui  dé- 
cerna le  titre  de  sou  premier  prési- 
dent. Chargé  de  la  rédaction  d'un 
projet  de  Code  civil ,  de  concert  avec 
Bigot-Préameneu ,  Portalis  et  Malle- 
ville  ,  il  fit  prédominer  une  grande 
partie  de  nos  lois  municipales  sur  les 
institutions  du  droit  romain.  Les 
procès-verbaux  du  conseil-d'ctat  dé- 
jiosent  de  la  sagacité  qu'il  développa 
dans  les  conicrences,  et  contiennent 
les  lumineuses  observations  dont  il 
enrichit  cette  longue  et  mémorable 
discussion.  Infatigable  dans  une  vieil- 
lesse avancée  ,  il  travaillait  jusque 
dans  le  bain.  Il  avait  deviné  l'instinct 
and)i lieux  du  jeune  guerrier  qui  avait 
recueilli  en  France  l'héritage  de  la 


TRO 

rcv.olutiou,  et  ne  cachait  pas  son 
eloigucnient  pour  ce  favori  de  la  for- 
tune. Celui-ci  n'aimait  pas  davantage 
Tronchet  ;  mais  il  avait  démêle' ,  il 
admirait  dans  cet  homme  de  bien 
une  qualité  qu'il  possédait  lui-même 
si  éminemment,  l'inflexibilité  de  ca- 
ractère ;  il  réunit  sou  vœu  à  celui  du 
tribunat  et  du  corps  législatif,  en 
1801,  pour  porter  au  sénat  l'hono- 
rable vieillard  ,  et  le  jjroclama  , 
en  lui  donnant  sou  sulfrage  _,  le 
premier  jurisconsulte  de  France. 
Doté  de  la  riche  sénatorerie  d'A- 
miens ,  Tronchet  fit  encore  en- 
tendre quelquefois ,  dans  le  premier 
corps  de  l'état,  les  accents  de  sa  mâle 
raison.  Une  maladie  que  rien  n'an- 
nonçait l'emporta  en  peu  de  jours, 
en  1 806.  11  fut  le  premier  des  séna- 
teurs dont  la  dépouille  fut  transpor- 
tée sous  les  voûtes  du  Panthéon;  lui- 
même  avait  accompagné  quinze  ans 
auparavant  à  cette  funèbre  demeure, 
en  sa  qualité  de  président  de  l'assem- 
blée constituante ,  le  corps  du  fameux 
Mirabeau.  M.  François  de  Neuchâ- 
teau  ,  président  du  sénat ,  prononça 
sou  Oraison  funèbre.  M.  de  La  Malle 
célébra  les  vertus  de  son  ancien  cou- 
frère,  par  un  discours  digne  de  l'un 
et  de  l'autre;  etM.deLavalléepublia 
sur  lui  une  Notice  historique.  Sous 
des  formes  austères  j  usqu'à  la  rudesse, 
Tronchet  cachait  un  cœur  sensible  à 
l'amitié.  N'accordant  rien  à  ces  fri- 
volités de  la  vie  que  l'on  est  convenu 
d'apjieler  des  plaisirs ,  il  donna  tout 
son  temps  aux  sciences  et  aux  lettres. 
Il  voulut  connaître  les  mathémati- 
ques ,  lorsque  déjà  il  touchait  au  ter- 
me de  sa  carrière ,  et  il  fit  dans  cette 
science  des  progrès  assez  rapides.  11 
a  laissé  en  manuscrit  une  traduction 
de  l'Introduction  de  l'Histoire  de 
Charles -Quint,  par  Robcrtson,  un 
abrégé  de   l'Histoire   d'Angleterre, 


TRO 


58 1 


par  Hume ,  un  tableau  de  l'établisse- 
ment du  Mahométisme  _,  des  traduc- 
tions en  vers  de  quelques  fragmenis 
de  l'Arioste,  de  Milton,  de  Thom- 
son ,  etc.  ;  enfin  une  tragédie  de  Ca- 
ton  d'Utique.  F — t. 

TRONGHIIS  (  Théodore  ) ,  théo- 
logien protestant,  naquit  à  Genève 
en  i582.  Rémi  Tronchiu,  son  pè- 
re, officier  au  service  d'Henri  IV, 
était  issu  d'une  ancieime  famille  d'Ar- 
les ,  alliée  aux  premières  maisons  de 
Provence,  dont  une  branche  s'était 
réfugiée  à  Genève ,  à  l'époque  de  la 
Saint -Barthélemi.  Théodore  Tron- 
chiu se  livra  ,  de  bonne  heure,  à  la 
culture  des  lettres ,  sous  les  auspices 
de  Théodore  de  Bèze ,  son  parrain. 
A  l'âge  de  dix-huit  ans  ,  on  l'envoya 
étudier  h.  Hcidelberg  ,  puis  à  Leyde. 
Il  s'y  perfectionna  dans  la  connais- 
sance des  langues  orientales  ,  et  se 
lia  d'amitié  avec  Arminius  ,  Scahger 
et  Heinsius  ,  qui  apprécièrent  son 
érudition  et  son  éloquence.  Il  voyagea 
eusuite  en  Angleterre  et  eu  France , 
où  il  se  lia  avec  plusieurs  savants. 
De  retour  à  Genève,  il  y  fut  nommé 
successivement  professeur  d'hébreu 
et  de  théologie  ,  et  recteur  de  l'aca- 
démie. Chargé  par  l'Eglise  de  cette 
ville  de  repoudre  au  célèbre  jésuite 
Cotton,  qui  venait  de  puljlier  sa  Ge- 
nève plagiaire ,  Tronchiu  fit  paraî- 
tre sa  réplique  sous  le  titre  de  Cotton 
plagiaire.  11  prit  part  au  synode  de 
Dordrecht,  eu  1618,  comme  député 
de  sa  ville  natale,  et  se  fit  remarquer 
dans  cette  assemblée  en  soutenant  les 
principes  qui  firent  condamner  les 
dogmes  d'Armulius.  En  i633,le  duc 
de  Rohan,  ambassadeur  de  Fran- 
ce chez  les  Grisous  ,  le  demanda 
h.  l'Église  de  Genève,  pour  résider 
auprès  de  lui  ,  et  l'aider  de  ses  con- 
seils dans  les  guerres  de  religion.  En 
iG55,  Tronchiu  fut  charge  par  l'É- 


>82 


TRO 


glise  calviniste ,   de  conférer    avec 
le  ihéolopiieu  écossais   Jean   Dury  , 
pour   tacher  de  reunir  les    Luthé- 
riens et  les  Reformés.  Il   composa 
divers  écrits  sur  ce  sujet ,    et  en- 
tretint une  correspondance  fort  éten- 
due  avec    plusieurs    princes     pro- 
testants ,  dont  il  s'était  concilié   la 
Licnveillance.   Tlic'odore    Tronchin 
parvint  à  une  heureuse  vieillesse  ,  et 
mourut  cà  Genève  en  i65'j. —  Tron- 
cniN  (  N.  Dubreuil  ) ,  de  la  même 
famille,  né   en    i()4o  ,  et  mort  en 
Hollande    en    1721  ,   rédigea   long- 
temps la  gazette  française   d'Ams- 
terdam, qui  eut  la  plus  grande  célé- 
brité, et  jiublia  divers  ouvrages  de 
politique.  Y oyezV Histoire  littéraire 
de  Genève ,  par  SeneLier ,  et  la  Bi- 
bliothèque historique  de  Haller. 
S — V — s. 
TRONCHIN    (  Théodore  )  ,    un 
des  médecins   les  plus  célèbres  du 
dix-huitième  siècle  ,  issu  de  la  même 
famille  que   les  précédents  ,  naquit 
à  Genève   en  1709.  Son  père,  l'un 
des  plus  riches  banquiers  de  cette 
ville  j   ayant  été  ruiné  par  la  chute 
du  système  de  Law  {Voy.  ce  nom  ), 
Tronchin  fut  envoyé  dès  l'âge  de 
seize   ans,    en   Angleterre  ,   auprès 
de    lord   Bolingbroke   sou   parent. 
Mais   cet    homme   d'état   se    trou- 
vait alors  en  disgrâce  :  il  ne  put  ren- 
dre d'autre  service  au  jeune  Gene- 
vois ,  que  de  diriger  ses  études  ,  et 
de  lui  prociuer  l'amilié  de  plusieurs 
savants.  Tronchin  suivit  les  cours 
de   l'université    de  Cambridge.    La 
lecture  des  ouvrages  de  Bocrhaave  lui 
inspira  un   si  vif  désir  d'entendre 
Boerhaave    lui-même  ,  qu'il   passa 
aussitôt   en  IJuIIaude ,  où   il    se  li- 
vra   avec    passion  à   l'étude  de  la 
médecine  sous  les  auspices  de   cet 
homme  illustre.  Ayant  su  que  sou 
maître  avait  dit  que  les  soins  qu'il 


TRO 

donnait    à   sa   chevelure     devaient 
lui    faire    perdre    bien    du  temps , 
il  cou])a  à  l'instant  ses  cheveux ,  et 
parut  le  lendemain,  dans  cet  état, 
aux  leçons  de  Boerhaave,  frappé  d'é- 
tonnemcnî  à  la  vue  d'un  ])areil  sa- 
crifice. Ses    cours    étant  teiminés  , 
Tronchin  s'établit  à  Amsterdam  ,  et 
fut  nommé  président  du  collège  de 
médecine  et  inspecteur  des  hôpitaux. 
Il  é))Ousa  une  petitc-lille  du  grand- 
pensionnaire  Jean  de  Wit    (  Foj. 
ce  nom  )  et  le  stathouder  lui  ofirit  la 
place  de  son  premier  médecin;  mais 
ses  compatriotes  le  réclamèrent.  Il 
revint  à  Genève,    en    1750,  et  le 
conseil-d'état  lui  donna  le  titre  de 
professeur  honoraire  de  médecine. 
Il  ne  se  crut  pas   dispensé  néan- 
moins d'ouvrir  un  cours.  Il  s'y  atta- 
chait principalement  à  combattre  les 
préjugés  dont  la  médecine  était  alors 
infectée  ^  et  à  inspirer  aux  élèves  une 
salutaire  défiance  des  théories  tradi- 
tionnelles. Mais  le  grand  service  que 
Tronchin  rendit  à  l'humanité ,    et 
que    la    découverte   de  la   vaccine 
ne  doit    pas  faire   oubher ,    fut    la 
pratique  de  l'inoculation.  Après  en 
avoir  donné   le    salutaire    exemple 
dans  sa  jiropre  famille  (  i  ) ,    il  ne 
négligea  rien   pour  la  propager  en 
Fiance.  Mettant  une  noble  gloire  à 
ravir  tant  de  victimes  à  une  raort 
prématurée  :  a  rinoculation  ,  disait- 
il  ,  ne  fait   que  millésimcr  l'espèce 
humaine,  tandis  que  la  ])elile  vérole 
naturelle  la  décimait.  «  Les  souve- 
raius  se  disputèrent  l'avantage  de  le 
posséder  dans  leurs  états.  L'impéra- 
trice Elisabeth  lui  ht  des  proposi- 
tions pour  l'attirer  en  Russie.  11   fut 
appelé  à  Paris,  en  1750,  pour  ino- 
culer les  enfants  du  duc  d'Orléans  ; 
et  eu   i^Gii,   le  duc  de  Parme  lui 

(1  )  A  .  le»  Mt'indircs  elc  lu  ('.uudauiiiic  sui  l'iiiu- 
citidi'wn. 


TRO 

confia  les  siens.  Ce  >  prince  vou- 
lut le  rcteuir  auprès  de  lui ,  et  le 
fît  aclmomc  au  rang  des  patri- 
ciens. Mais  Trouchin  préféra  le  sc- 
ieur de  sa  patrie  aux  offres  les  plus 
Lrillantes.  Fixé  à  Genève ,  ■  il  s'y 
voyait  consulté  par  l'Europe  entiè- 
re. Cependant  le  duc  d'Orléans  ,  par 
SCS  instances  réitérées  ,  parvint  à  lui 
faire  accepter  la  place  de  sou  pre- 
mier médecin.  Ses  manières  nobles 
et  gracieuses  ,  son  empressement  à 
soulager  tous  les  maux  ,  ajoutè- 
rent un  sentiment  d'affection  à  la 
haute  estime  que  l'on  ne  pouvait 
refuser  à  ses  rares  talents.  L'ex- 
trême variété  de  ses  connaissan- 
ces ,  et  le  charme  de  sa  conversation 
rehaussé  par  la  physionomie  la  plus 
heureuse,  iirent  rechercher  le  doc- 
teur Trouchin  ,  comme  homme  du 
monde  ,  par  ceux  qui  n'en  avaient 
pas  besoin  comme  médecm.  Ilcompta 
parmi  ses  amis  les  hommes  les  plus 
illustres  dans  la  philosophie  et  dans 
les  lettres  ,  tels  que  Voltaire,  J.-J. 
Rousseau  ,  Diderot,  Thomas,  etc. 
Voltaire  ,  qu'il  avait  beaucoup  con- 
tribué à  lixer  dans  le  voisinage  de 
Genève  et  (ju'il  assista  dans  sa  der- 
nière maladie  ,  a  célébré  ses  talents 
dans  des  vers  qui  feront  passer  son 
nom  à  la  postérité  (a).  Étrauger  à  tout 
système,  il  s'efl'orçait  constamment 
de  propager  une  hygiène  simple  et 
naturelle.  Les  femmes  et  les  enfants 
étaient  l'objet  de  ses  soins  particu- 
liers :  chez  les  unes,  il  traita  la  ma- 
ladie alors  à  la  mode  (  les  vapeurs  ) , 
par  le  grand  air ,  l'exercice  cl  l'oc- 
cupation; il  alfranchit  les  autres,  au- 
tant tjuc  possible,  des  ligatures  qui 
déformaient  leur  taille  et  détruisaient 


{iS  M  faudrait  pouvoir  oublier,  pour   riionririii 
Hc  Viillairc  .  f|ii'il  a  voulu    i  iiliciilisri   Troi;chi.i 
son  ami  ,  Haus  \a  Querrc  de    Oenivc  (  P'cy.  Vol 

•iajreV 


TRO  583 

kur  sauté.  Il  fit  disparaître  la  mé- 
thode absurde  d'enfermer  les  mala- 
des dans  une  atmosphère  empestée  , 
en  les  privant  de  toute  communica- 
tion avec  l'air  extérieur.  Il  perfec- 
tionna les  procèdes  de  l'inoculation  , 
en  substituant  les  vésicatoircs  à  l'in- 
cision, toujours  un  peu  douloureuse, 
et  surtout  eifrayante  pour  les  enfants. 
Naturellement  sensible  et  bienfaisant , 
il    consacrait     régulièrement    deux 
heures  par  jour  à  recevoir  les  pau- 
vres. Pendant  ces  consultations  ,  il 
avait  un  sac  d'argent  près  de  lui , 
donnant  à  chaque  malade  de  quoi  se 
procurer  les  médicaments  qu^41  pres- 
crivait. Un  de  ses  amis  lui  recoiu- 
maudaut  un  infirme  hors  d'état  de 
payer  ses  soins  :  <i  J'aurais  bien  mau- 
vaise idée  de  moi,  dit-il,  s'il  fallait, 
à  mon  âge.  m'averlir  de  faire  mon 
devoir.   »  Ses  libéralités  étaient   si 
nombreuses  que,  malgré  le  produit 
très-coDSidérablede  l'exercice  de  sou 
art,  il  ne  laissa  à  ses  enfants  qu'une 
fortune  médiocre.  Trouchin  mourut 
à  Paris,  le  3o  uov.  1781 ,  dans  sa 
yS".  année.    Lorry  ,   médecin   dis- 
tingué ,  qui  assistait  à  ses  derniers 
moments ,  s'écria  avecdouleur  :  a  Ah  ! 
si  ce  grand  homme  pouvait  nous  en- 
tendre ,  il  se  guérirait  lui-même  !  » 
Thomas  a  fait  de  Tronchin  un  tou- 
chant éloge  dans  une  Lettre  à  M'"". 
Necker  {\S  janvier  1782);  «  il  fai- 
»  sait,  dit-il,  le  bien  en  silence,  tou- 
))  jours  utile,  toujours  calme  ,  aussi 
»  indilférent  à  radmiratioù  qu'à  l'en- 
»  vie,  n'ayant  pas  plus  le  faste  des 
»  paroles  que  celui  des  actions ,  ne 
»  confiant  qu'à  l'infortune  le  secret 
»  de  ses  vertus,  et  ne  révélant  au 
»  public  son  génie  que  par  ses  hien- 
1)  faits  »  (3).  Tronchin  était  trop  oc- 


(î)  Voyc7.  aussi  le  Portrnil  du  duciciu  7'roiirh.: 
■V*t  i&iiuiu) ,   Jdiif  s.i  Corref/ipudancc ,  mui   ï7fi'' 


584 


TRO 


cupé  pour  pouvoir  laisser  beaucoup 
d'écrits.  Outre  des  articles  de  méde- 
cine, (\ai)S  VEncfclopédie ,  et  une 
édition  des  OEuvres  de  Baillou(  r. 
ce  nom  )  avec  une  Préface ,  on  n'a 
de  lui  que  deuxtlièses:  Denjviphd; 
De  clytoride ,  Leyde ,  l '^ 36  ,  in-4°. } 
et  un  petit  traité  :  De  colicd  picto- 
riim,  Genève,    1757,  in-8°.   (4), 
qui  fut  vivement  critiqué  par  Bou- 
vart  (  F.  ce  nom  ,  V ,  4^9  )  ;  et  en- 
fin des  Observations  sur  la  cure  d'u- 
ne oplitalmie,  et  sur  des  hernies  épi- 
ploïqiies  internes,  dans  le  tome  v  des 
Mémoires  de  V  académie  de  chirur- 
gie. Senebier    assui'e  (  Hist.  littér. 
de   Genèi>e ^   in,    i4o  )  ^1"^  Tron- 
chin    avait  laissé ,    en  manuscrit  , 
un  grand  nombre  d'ouvrages  pré- 
cieux sur  presque  toutes  les  parties 
de  l'art  de  guérir;  mais  on   ignore 
ce  qu'ils  sont  devenus.   On  a  fré- 
quemment témoigné  le  désir  d'avoir 
le  Recueil  des  consultations  de  cet 
liabile  praticien;  mais  on  ne  doit  plus 
espérer  qu'il  paraisse  jamais.  Le  zèle 
de  Troncliin  pour  l'inoculation  et  sa 
pratique  éclairée    sont   ses  titres  à 
l'estime  publique.   Il  était  membre 
des  ])rincipales  académies  de  l'Eu- 
iT)pe.  Louis  et  Condorcet  prononcè- 
rent son  Eloge  ,  le  premier  à  l'aca- 
démie de  chirurgie,  et  le  seconda 
Tacadémie  des  sciences.  On  trouve 
ime  Notice  sur  Tronchin  dans  le 
Nécrolo^e  des  hommes  célèbres  de 
France,  xvii,257-Gg.Les  jouruaiix. 
et  les  mémoires  contemporains  (5) 


M)  ^f'  l'vrc  est  intitule ,  dans  quelques  dic- 
tionnaires :  fJe  colicâ  Pictunum  ,  ce  qui  voudrait 
dire  la  colique  de»  Poitevins,  au  lieu  de  la  colique 
des  peinlics. 

fï)   On  peut  voir  dans  \c^ Souvenirs  de    Filicle , 

]w*j-  J>]"'»*,  de  Genlis  ,  un  e\einple  très-rcuinrqua- 
•  !i-  de  l'iqii>areutc  inaen»iliilitc- ,  où  In  passion  d  ob- 
fiYvir  avait  pu  ronduire  Tronc  liiu  ,  le  plus  doux 
<*i  le  plus  sensible  des  bouimes  ;  celle  anendole  se 
trouve  re|i<-lec  dan»  une  noie  des  IfJcmoires  de 
JVl""'.  de  (lenlis  ,   Il ,  7()-. 


TRO 

contiennent  sur  lui  des  détails  et  des 
anecdotes  qui  n'ont  pu  trouver  place 
dans  cet    article.  Son  portrait  a  été 
gravé  d'après  Liotard,  in-4<>. ,  avec 
une  rare  perfection.      S-v-s  et  W-s. 
TROJJCHIN   (  Jean  -  Robert  )  , 
jurisconsulte ,  parent  du  précédent , 
naquit  à  Genève  en  1 7 1 1 .  Il  n'avait 
que  vingt-huit  ans  lorsque  sa    pro- 
fonde connaissance  du  droit  public  le 
fit  choisir  pour  négociafeur  d'un  traité 
entre  le  roi  de  Sardaigne  et  la  répu- 
blique de  Genève.  Nommé  bientôt 
après  procureur-général,  il  se  vit  à  la 
tête  de  l'ordre  judiciaire  de  son  pays. 
On  y  conserve  ,  dans  les  archives  , 
ses  réquisitoires  et  ses  conclusions  en 
matière  criminelle^  comme  des  chefs- 
d'œuvre  de  savoir,  de  raisonnement 
et  de  style.  Quelques-uns  des  Discours 
qu'il  prononça  dans  le  grand  conseil 
sont  imprimés  et  pourraient  soute- 
nir la  comparaison  avec  ceux  des  ora- 
teurs les  plus  célèbies.  Il  était  généra- 
lement regardé  comme  fort  supérieur 
à  sa  place.  C'est  ce  que  Yoltaire  a 
exprimé  d'une  manière  un  peu  tri- 
viale, en  disant  que   le  procureur- 
général  Tronchin  à  Genève  lui  sem- 
blait le  grand  acteur  Baron  sur  un 
théâtre  de  la  foire.  Lord  Mansfield  ^ 
grand  -juge  d'Angleterre,  disait  plus 
noblement:  «  Dans  notre  pays, Tron- 
chin eût  été  chancelier.  «  Les  arrêtés 
du  conseil-d'état  au  sujet  de  VEmile 
cl  du  Contrat  social  de  Rousseau, 
et  de  la  personne  de  ce  célèbre  écri- 
vain, donnèrent  lieu  à  des  discussions 
orageuses.  Tronchin  prit  la  défense 
du  gouvernement  dans  un   ouvrage 
intitulé  :  Lettres  écrites  de  la  cam- 
pagne ,  qui  ajouta  à  sa  réputation. 
Jean  -  Jacques   y    répondit   par   les 
Lettres  de  la  montagne ,  dont  l'cJo- 
quencc  trop  passionnée  accrut  l'e/rer- 
vesccnce  du  peuple  genevois,  et  fit 
triompher  la  démocratie.  Les  mesures 


TRO 

qui  fureut  prises  pour  apaiser  mo- 
mentanément ces  dissensions  e'tant 
peu  conformes  aux  principes  que  pro- 
fessait Tronchin  ,  il  renonça  aux  af- 
faires publiques ,  et  se  retira  à  la 
campagne.  C'est  là  qu'il  fit  le  plus 
noble  usage  d'une  fortune  considéra- 
ble, dotant  plusieurs  établissements 
de  charité',  rechercliant  le  mérite 
indigent,  soutenant  les  jeunes  gens 
que  l'insuffisance  de  leurs  moyens  au- 
rait arrêtes  dans  la  carrière  vers  la- 
quelle ils  se  sentaient  portés.  Les 
étrangers  les  plus  distingués  étaient 
accueillis  dans  sa  letraite  •  il  était 
en  correspondance  avec  les  hommes 
les  plus  marquants  de  cette  époque  , 
tels  que  Montesquieu  ,  lord  Manslield, 
Malesherbes ,  Voltaii'e  et  l'historien 
Jean  de  Millier ,  qui  avait  été  l'ins- 
tituteur de  ses  enfants.  Telle  était  la 
vie  honorable  et  douce  que  menait 
Tronchin  ,  lorsque  les  progrès  de  la 
révolution  française  et  l'approche  de 
Tarmée  conventionnelle  qui  menaçait 
Genève  ,  api'ès  avoir  envahi  la  Sa- 
voie ,  remplirent  son  ame  de  tris- 
tesse ,  et  le  déterminèrent  à  se  retirer 
dans  le  pays  de  Vaud ,  où  il  termina 
sou  existence  en  1793,  à  l'âge  de 
quatre-vingt-deux  ans.  S — \^ — s. 
TRONCY( Benoît  du),  né  après 
le  commencement  du  seizième  siècle, 
était ,  da  temps  de  la  Ligue,  contrô- 
leur du  domaine  du  roi  et  secrétaire 
de  la  ville  de  Lyon.  Lors  de  la  ré- 
duction de  cette  ville  à  l'obéissance 
d'Henri  IV ,  il  fut  du  nombre  des 
magistrats  destitués  de  leurs  fonc- 
tions ,  disgrâce  qu'il  supporta  très- 
impatiemment  ;  car  il  fit  beaucoup  de 
démarches  pour  obtenir  une  indem- 
nité fondée  principalement  sur  ce  que 
l'emploi  dont  on  le  privait  était  une 
]ilace  de  finance,  qu'il  avait  aclictée. 
llsoutenaitd'aïUci.'rs  que  loin  d'avoir 
été  opposé  à  la   cause  du  roi  il  lui 


TRO  585 

avait  rendu  d'éminents  services.  S'il 
en  faut  croire  une  des  requêtes  qu'il 
présenta^  et  dont  nous  avons  vu  l'o- 
riginal autographe,  du  Troncy  au- 
rait connu,  publié  et  déjoué  les  des- 
seins d'Henri  de  Savoie ,  duc  de  Ne- 
mours ,  qui ,  abandonnant  le  parti 
des  Guises,  voulait  faire  tomber  la 
ville  sous  sa  domination  particulière; 
il  aurait  été  arrêté  parce  duc,  qui 
lui  aurait  mistrois  fois  le  poignard  sur 
le  cœur  ,  pour  lui  faire  avouer  d'où  il 
tenait  ces  renseignements  ;  et,  sur  son 
refus  constant,  il  aurait  été  jeté  dans 
la  prison  de  la  ville,  d'où  le  peuple 
l'aurait  tiré.  Quoi  qu'il  en  soit,  toutes 
les  plaintes  de  du  Troncy  furent  inu- 
tiles ;  et  il  mourut ,  vers  1600  ,  sans 
avoir  rien  obtenu.  1\  avait  publié,  en 
1 584  7  "'^^  traduction  du  Traité  de 
la  Consolation ,  attribué  à  Ciccrou  , 
et  dont  le  texte  avait  été  imprimé, 
pour  la  première  fois ,  l'année  pré- 
cédente. Cette  traduction  a  pour  ti- 
tre :  Excellant  opvscvle  de  Marc 
Tvlle  Ciceron,par  lequel  il  se  con- 
sole soj'  mesme  sur  la  mort  de  sa 
fille  TuUia  :  reniplj  d'une  infinité 
de  belles  sentences ,  confirmées  par 
histoires  et  exemples  de  grands  et 
signalez  personnages ,  tant  grecs 
que  latins,  n'a  gueires  trouué  et 
mis  en  lumière  :  traduit  du  latin  en 
français  par  Benoist  du  Troncj' , 
contrerolleur  du  domaine  du  rqy 
et  secrétaire  de  la  ville  de  Ljon. 
A  Lyon  ,  par  Benoist  Bigaud  , 
M.  D.  Lxxxiin  ,  avec  privilège,  in-8". 
de  80  feuillets.  Le  volume  est  dédié 
A  3/.  (François)  de  Mandelot ,  sei- 
gneur dudit  lieu  (de  Mandelot)  et 
de  Passy,  gouverneur  de  Lyon  à  cet- 
te époque.  A  la  suite  de  la  dédicace 
se  trovivent  deux  Sonnets  à  la  louan- 
ge du  traducteur,  l'un  par  P.  Tami- 
sier,  l'autre  par  D.-P.  G.  Une  note 
margmalc,  au  verso  du  feuillet  cj, 


)86 


TRO 


prouve  que  du  Troncy  ne  croyait  pas 
à  rauthenticite  du  livre  dont  il  don- 
nait la  traduction.  «  Si  Ciceron,  dit- 
»  il ,  estoit  le  vrai  autheiir  de  ce  trai- 
»  te',  il  contrariei'oit  à  soy  raesme , 
»  ayant  tant  et  si  excellemment  loue' 
»  la  vieillesse ,  en  son  livre  De  senec- 
n  tute.  »  Du  Troncy  paraît  avoir 
encore  compose  l'ouvrage  facétieux 
intitule  :  Fornwlaire fort  récréatif  de 
tous  contracts ,  doiiations ,  testa- 
mens ,  codicilles  et  autres  actes  qui 
sontjaicts  et  passés  pardevaiit  no- 
taires et  tesmoins.  Faict  par  Bre- 
din  le  Cocu ,  notaire  7'oyal  et  con- 
treroolleur  des  basses  marches  au 
royaume  d'Utopie;  accompagné , 
pour  l'édification  de  deux  bons 
compagnons ,  d'un  dialogue  par  lui 
tiré  des  OEuvres  du  philosophe  et 
poète  grec  Simonides ,  de  l'origine 
et  naturel  fœminini  generis,  Lyon, 
Rigaud,  i594,  i6o3  ,  1610  et  1018, 
petit  in-i'2  ;  re'imprirae'  à  Lyon ,  par 
Jean  Huguelau ,  162-],  mcme  format. 
Les  e'ditions  de  161 8  et  1627  ont 
286  pages.  Ce  petit  livre,  dont  quel- 
ques endroits  rappellent  la  manière 
de  Rabelais  ,  ne  porte  point  le  nom 
de  du  Troncy  ;  mais  l'avis  au  lecteur 
est  signé  Bonté  ny  croist  :  or ,  ces 
mots  se  trouvent  être  l'anagramme 
exacte  de  Benoist  Troncy.  M.  Peri- 
caiid  aîné ,  de  l'académie  de  Lyon  , 
l'a  remarqué  le  premier,  dans  une 
Dissertation  qui  a  élc  insérée  dans  le 
Journal  de  la  librairie ,  du  10  août 
1821,  et  dans  le  Dictionnaire  des 
anonymes  et  pseudonymes  de  Bar- 
bier, 2'=.  édition,  n".  G8i3.  M.  Pe- 
ricaud  ajoute  (juelques  autres  raisons 
qui  tendent  également  à  élal)lir  l'i- 
dentité du  Irailuclcur  de  la  Consola- 
tion et  de  l'auleur  du  Formulaire. 
Lafontaine  a  i)eul-êlre  j)uisé  dans  le 
second  de  ces  ouvrages  les  sujets  de 
sa  fable  de  la  Gouda  cl    l'Arai- 


TRO 

gnée  (  1  ) ,  et  de  son  conte  intitulé  le 
Bdt  (2).  C.  R. 

TRONSON  (Louis),  supérieur- 
général  de  la  congrégation  de  Saint- 
Sulpice ,  né  à  Paris,  le  17  janvier 
1622^  était  lils  d'mi  secrétaire  du 
cabinet  du  roi ,  et  eut  Louis  XIII 
pour  parrain.  ïl  semit,jeuneencore, 
sous  la  conduite  de  i'abbé  Olier,  qui 
venait  de  commencer  le  séminaire 
de  SaiutSulpice  ,  et  devint  un  de  ses 
plus  zélés  coopéra teurs.  Il  s'appli- 
qua non-seulement  à  la  tliéologie, 
mais  aussi  à  une  étude  aprofondie 
de  l'écriture  et  des  monuments  de  la 
tradition^  et  c'est  là  qu'il  puisa  cette 
facilité,  cette  onction  avec  lesquelles 
il  parlait  et  écrivait.  Son  abord  ou- 
vert ,  ses  manières  graves  mais  pré- 
venantes, sa  conversation  instructi- 
ve ,  tout  contribuait  à  lui  gagner  les 
cœurs  de  ses  élèves.  M.  de  Brelon- 
villicrs  ,  successeur  d'Olicr  ,  étant 
mort  en  1676,  Tronson  fat  élu  supé- 
rieur de  Saint-Sulpicc;il  forma  dans 
le  séminaire  un  grand  nombre  de  su- 
jets, dont  plusieurs  parvinrent  aux 
premières  dignités  dans  l'église  de 
France.  Fénélon  fut  un  de  ses  élèves, 
et  il  s'établit  entre  eux  une  intimité 
fondée' ur  l'estime.  Pb^.sicurs  cvcqucs 
consultaient  Tronson ,  et  il  dirigeait 
des  personnes  d'un  haut  rang  ,  entre 
autres  la  duchesse  de  Guise ,  fille  de 
Gaston,  duc  d'Orléans j  M"".  (>ol- 


(0  Livre  m,  fable  8.  U  poni  .^^alernoi.l  ;.vi..r 
pris  ce  sii|el  dans  le  Passetciiifis  de  Messire  Fiait- 
îois  /.<■  i'im/c/i/e,  ?.o  éilition,  Paris,  i5(l3,  p.iR 
8}  ,  ou  feuille  L,  pas.  5  (  V.  POCLCHUK,  XXXV, 
5'.0)  ou  dans  les  Coules  et  Discours  d'Eiitiiipcl , 
lleuucs,  iOo3,  in-8o.  ,  cliap.  5  (T.  IlUFAII.  , 
XU  i4»  )•  <^es  sources  étaleut  plus  à  la  portée  du' 
i,on  homme  que  le»  fables  latines  de  Nicolas  Gel-bel 
el"ulrcs,  indi(pi('es  par  les   comiueulaleurs. 

h,)  Ce  coule  existe  aussi  eu  prose  dans  le 
Moyen  de /j.iivenir  de  Beroalde  de  Vervllle  ,  iuipri- 
mépour  la  (.remière  fois  vers  le  cuninieuccnienl 
du  div-seplii-mesiaie,  cUap.  lO,  lit.  Ï7iè.ïc,  et  en 
%c.s  dans  une  .satire  du  livre  III  de  Jean  Vau.pi.- 
liu  de  r.a  l'rcsnay''-  ^".V-  ^''*  '^^'"''■"  /"'''''V""  ■ 
(j.icn,  ( '.halles  .lliici' .  il»i-.«,  ii;-S". 


TRO 

beit  ,  femme  du  ministre  ;  le  duc 
de  Beauvilliers  et  d'autres  seigneurs. 
On  le  vit  prendre  part  à  un  grand 
nombre  de  bonnes  œuvres  et  aux  af- 
faires les  plus  importantes  de  l'Egli- 
se. Non -seulement  il  fut  associé 
à  Eossuet  et  à  M.  de  Noaillos  , 
pour  les  conférences  sur  le  quié- 
tisme ,  mais  ces  conférences  se  tinrent 
à  Issy,  dans  la  maison  de  campagne 
du  séminaire.  Il  est  souvent  parlé  de 
Tronson  dans  le  récit  de  la  querelle 
du  quietisme  qui  compose  une  partie 
de  {'Histoire  de  Féiiélon,  par  le 
cardinal  de  Bausset  ;  et  le  vénérable 
supérieur  y  paraît  toujoui's  avec  le 
caractère  le  plus  bonorable.  11  éta- 
blit sa  congrégation  dans  les  sémi- 
naires de  Bourges ,  d'Autun ,  de  Tul- 
les et  d'Angers  ,  et  mourut  à  Paris 
le  26  février  1700,  regardé  comme 
un  des  ecclésiastiques  les  plus  sages, 
et  les  plus  capables.  Il  refusa  plu- 
sieurs fois  répisco])at.  Entretenant 
dans  tous  les  diocèses  une  corres- 
pondance à  laquelle  on  était  étonné 
qu'il  pût  suHlre  ,  il  composa  ce- 
pendant :  I.  Les  Examens  parti- 
culiers,  à  l'usage  des  séminaires  , 
Lyon  ,  1690  ,  souvent  réimprimés. 
IL  Forma  cleri,  ou  Recueil  sur  les 
mœurs  des  ecclésiastiques  ,  d'abord 
eu  3  vol.  in-i'^,  puis  achevé  après 
la  mort  de  l'auteur,  et  publié  en 
1 727  ,  in-4^'.  Ou  en  a  donne  une  nou- 
velle édition  eu  1824,  3  vol.  in- 
8°.  On  a  aussi,  dans  ces  derniers 
temps,  mis  au  jour  quelques  ouvra- 
ges de  Tronson ,  qui  se  conservaient 
en  manuscrit  dans  sa  congrégation  ; 
savoir  le  Traité  de  V obéissance , 
1822,  iu-i2j  le  Manuel  des  sémi- 
naristes ou  entretiens  sur  la  maniè- 
re de  sanctifier  ses  principales  ac- 
tions ,  avec  quchpics  autres  o])uscu- 
les ,  1823,  2  vol.  in  12,  et  la  /?<?- 
traite  ecclésiastitfue ,  suivie  de  mé- 


TRO  5H7 

ditations  sur  l'humilité  .  >823  ,  in- 
12.  Nous  savons  qu'on  prépare  une 
Vie  de  Tronson ,  et  nous  croyons 
que  cet  ouvrage  serait  non  -  seule- 
ment édifiant  par  le  récit  de  ses 
vertus,  mais  encore  intéressant  par 
les  détails  qu'il  pourrait  fournir  sur 
les  affaires  de  TEglise  de  France  à 
cette  époque.  P — c — t. 

TRONSON  DU  COUDRAY  (Pm- 
lippe-Charles  -  Jean  -Bap- 
tiste)  ,  officier  d'artillerie,  naquit  à 
Reims,  le  8  septembre  1788  ,  d'une 
famille  de  commerce  très  -  ancienne 
dans  cette  ville.  11  comptait  parmi 
ses  ancêtres  Louis  Tronson,  seigneur 
du  Coudray,  secrétaire  du  cabinet 
du  roi  et  intendant  des  finances  ,  en 
i658.  Le  jeune  Tronson  du  Cou- 
dray prit  de  très-bonne  heure  le  parti 
des  armes  ;  entré  dans  le  corps  des 
mineurs  .  il  s'y  distingua  par  des 
talents  supérieurs.  Il  avait  surtout 
fixé  la  confiance  de  M.  Gribeauval  , 
l'uu  des  meilleurs  juges  en  cette 
matière.  L'amitié  tendre  et  éclai- 
rée de  cet  officier -général  avait  ac- 
céléré l'avancement  du  jeune  Tron- 
son du  Coudray,  d'autant  plus  qu'aux 
talents  capables  de  justifier  la  faveur 
celui-ci  joignait  cette  adresse  ,  ce 
caractère  insinuant  et  souple  qui  la 
donnent.  Dans  les  divisions  qui ,  de 
son  temps,  agitèrent  le  corps  de  l'ar- 
tillerie, il  avait  joué  un  rôle  et  sou- 
tenu avec  courage  le  parti  auquel  il 
avait  cru  devoir  s'attacher.  A  l'é- 
poque de  la  guerre  d'Amérique ,  le 
congrès  ,  instruit  de  sa  réputation  , 
lui  fit  des  offres  séduisantes,  qu'il 
accepta.  Airivé  aux  États-Unis  ,  et 
ayant  obtenu  le  grade  de  général- 
major  d'artillerie  dans  l'armée  de 
fTashington ,  il  semblait  n'avoir  plus 
qu'à  recueillir  les  honneurs  et  la 
fortune  ;  du  moins  ne  paraissait-il 
avoir  à  redouter  que  les  dangers  at- 


588 


TRO 


taches  aa  métier  des  armes  :  mais 
il  ue  put  éviter  son  malheureux  sort, 
et  en  passant  sur  un  bac  la  rivière  de 
Schuy-lkill  pour  rejoindre  l'armée^ 
un  cheval  ombrageux  le  précipita 
dans  le  courant,  où  il  se  noya ,  le  1 1 
septembre  1 777  ,  venant  à  peine  d'at- 
teindre sa  trente-neuvième  année.  Les 
ouvrages  qu'il  a  laissés  sont  :  I.  Ob- 
servations sur  un  ouvrage  attribué 
à  Jeu  M.  De  Falière  y  1770.  II. 
Jj  artillerie  nouvelle ,  ou  examen 
des  changements  faits  dans  V ar- 
tillerie française  depuis  1 765,  Ams- 
terdam ^  1772  ,  in-80.  III.  Mémoire 
sur  la  meilleure  méthode  d'extraire 
et  de  raffiner  le  salpêtre ,  Paris, 
1774,  in-8".  IV.  Mémoire  sur  les 
forges  catalanes  comparées  aux 
forges  à  hauts  fourneaux  ,  1770, 
in-80.  V.  Mémoire  sur  la  manière 
dont  on  extrait  en  Corse  le  fer  de 
la  mine  d'Elbe,  Paris,  1775,  in-S». 

VI.  Nouvelles  expériences  et  obser- 
vations sur  le  fer ,  avec  deux  Let- 
tres extraites  du  Journal  de  physi- 
que et  d'histoire  iiaturelle  de  M. 
l'abbé  Rozier,  Paris  ,  1775  ,  in-80. 

VII.  L'ordre  profond  et  l'ordre 
mince  considérés  par  rapport  aux 
effets  de  l'artillerie,  177O,  in-S". 

VIII.  Réponse  à  la  critique  de  cet 
ouvrage  ,  Amsterdam  ,  1 776,  in-8". 
ÎX.  Discussion  nouvelle  des  chan- 
gements faits  dans  l'artillerie  , 
i770,iii-8".  J — 15. 

TRONSON  DU  COUDUAY 

(  GtllI.LAUME-ALEXAIVDRE  )  ,  frcrC  du 

précédent ,  né  à  Reims  le  18  novem- 
bre 1750,  le  dernier  de  dix  enfants, 
fut  destiné  d'abord  à  l'état  ecclésias- 
tique. On  lui  lit  faiic,  dansée  des- 
sein ,  de  bonnes  éludes  au  collf'ge  de 
Rciiiis  ,  puis  il  entra  au  s('miiiairc  de 
cette  ville,  et  y  obtint,  dans  son 
cours  de  théologie  ,  les  mêmes  succès 
qui  avaient  signalé  ses  premières  ^\.\\- 


TRO 

des.  Son  esprh  avait  acquis  tme  force 
prématurée,  et  la  détermination  qu'il 
ne  tarda  pas  à  prendre  dut  annoncer 
à  sa  famille  que  sa  conscience  était 
déjà  celle  d'un  homme  trop  scrupu- 
leux pour  prendre  avec  Dieu  et  avec 
le  monde  d'autres  engagements  que 
ceux  qu'il  se  sentait  capable  de  rem- 
plir. En  sortant  du  séminaire,  le  jeu- 
ne Tronson  déclara  qu'il  ne  se  sen- 
tait point  appelé  à  l'état  ecclésiasti- 
que, et  il  embrassa  la  carrière  du 
commerce.  Après  avoir  voyagé  dans 
le  nord  de  l'Europe^  il  revint  à 
Reims ,  où  l'attendaient  des  tracasse- 
ries bien  faites  pour  décourager  l'ar- 
deur avec  laquelle  il  s'était  d'a])ord 
livré  à  sa  nouvelle  profession.  Le 
procès  que  lui  intenta  un  scieur  Dela- 
place,  dans  les  affaires  duquel  il  était 
intéressé,  développa  tout-à-coup  chez 
lui  les  talents  oratoires  qu'il  avait 
reçus  de  la  nature.  Il  plaida  lui-mê- 
me sa  cause  avec  une  énergie  et  une 
éloquence  peu  communes;  et  le  gain 
de  son  procès  détermina  sa  vocation 
pour  le  barreau.  Encouragé  par  les 
suffrages  de  ses  concitoyens ,  Tron- 
son du  Coudray  vint  à  Paris ,  en 
1778.  La  première  cause  qu'il  fut 
appelé  à  défendre  fut  celle  du  sieur 
Gazeaux,  accusé  d'avoir,  de  coin- 
plicité  avec  la  comtesse  de  Solar, 
suppiimé  l'état  d'un  jeune  sourd- 
muet,  présenté  par  son  instituteur, 
l'abbé  de  L'épée ,  comme  l'unicpic  re- 
jeton de  cette  famille  illustre.  L'im- 
portance de  la  cause  en  elle-même, 
les  intérêts  puissants  qui  s'y  ratta- 
chaient, la  bonne-foi  et  la  conviction 
manifestes  du  principal  adversaire, 
le  respect  (pi'iuspnait  sa  personne, 
tous  ces  obstacles  n'elTrayèrent  pas 
Trousou  du  (]()U(lray.  liCs  deux  IVlé- 
inoires  qu'il  publia  en  faveur  de  son 
client  |)euv('iit  être  regardés  comme 
les  monunn;nts  d'une  logi(pie  vive  ot 


TRO 

pressante,  d'un  goût  dont  l'ancien 
barreau  n'offre  pas  de  nombreux  mo- 
dèles, d'un  style  dont  la  simplicité 
n'exclut  jamais  ni  l'élcgance  ni  la 
noblesse.  La  beauté  d'un  organe  plein 
et  sonore,  et  la  majesté  de  la  décla- 
mation fortifiaient  encore  chez  Tron- 
son  du  Coudray  le  pouvoir  de  l'élo- 
quence; l'innocence  du  sieur  Cazeaux 
fut  proclamée  par  ses  juges.  Ce  pre- 
mier succès  fut  le  présage  de  ceux 
qui  attendaient  Tronson  dans  le  cours 
de  son  honorable  carrière.  Eveillée 
par  un  triomphe  aussi  éclatant,  l'at- 
tention publique  se  fixa  sur  lui ,  et  la 
confiance  d'une  nombreuse  clientelle 
vint  bientôt  récompenser  ses  etlbrts. 
Outre  ses  fréquentes  plaidoiries,  la 
publication  d'un  grand  nombre  de 
Mémoires  consolida  en  peu  de  temps 
sa  réputation.  Les  circonstances  et 
les  hommes  sont  déjà  bien  loin  de 
nous  •  mais  la  lecture  de  ces  Mémoi- 
res offre  toujours  de  l'attrait  à  qui- 
conque sait  apprécier  la  puissance 
de  la  raison,  les  grâces  du  style  et  la 
finesse  de  la  plaisanterie.  On  n'a  pas 
oublié  surtout  celui  qu'il  composa 
pour  le  barreau  de  Nogeut-le-Ro- 
trou^  contre  un  savetier  de  cette 
ville ,  qui  prétendait  se  faire  admet- 
tre dans  l'ordre  des  avocats.  Le  Mé- 
moire pour  la  demoiselle  Sainval , 
actrice  de  la  Comédie  française ,  con- 
tre une  autre  actrice ,  la  dame  Ves- 
tris,  peut  être  considéré  comme  un 
traité  complet  des  devoirs  que  les 
chi^s  d'emploi  ont  à  remplir  envers 
leurs  doubles.  Ce  traité  est  revêtu 
des  formes  les  plus  piquantes  et  les 
plus  ingénieuses  :  il  n'a  perdu  aucun 
des  cléments  du  succès  qu'il  obtint 
lors  de  sa  publication.  La  révolution 
trouva  Tronson  du  Coudray  parve- 
nu au  milieu  d'une  carrière  que  de 
nouveaux  succès  rendaient  chaque 
jour  plus  briliautc.  L'ancien  régime 


TRO  589 

l'avait  environné  de  considération, 
il  n'avait  aucun  intérêt  à  l'attaquer. 
Aussi,  bien  que  la  nécessité  de  quel- 
ques réformes  ne  pût  échapper  à  la 
rectitude  de  son  esprit ,  on  ne  le  vit 
ni  insulter  au  passé,  ni  accueillir 
aveuglément  les  folles  espérances  de 
l'avenir.  Un  Mémoire  plein  de  cou- 
rage contre  le  pillage  de  la  manufac- 
ture de  Réveillon  vint  révéler  au 
public  toute  la  pensée  de  Tronson 
du  Coudray  sur  les  excès  de  la  li- 
berté naissante  et  déjà  sanguinaire 
comme  la  tyrannie.  Lorsque  les  bri- 
gands dont  il  avait  deviné  les  projets 
eurent  réussi  à  ensevelir  sous  les  dé- 
bris du  trône  les  lois,  et  jusqu'aux 
moindres  formes  de  l'ancienne  mo- 
narchie,  Tronson  n'abjura  pas  le 
respect  qu'il  av'ait  voué  à  la  royauté^ 
et  se  rangea  au  nombre  des  plus  fi- 
dèles serviteurs  du  roi  malheureux. 
Target  avait  refusé  de  défendre 
Louis  X\T  devant  la  Convention. 
Le  bruit  s'était  faussement  répandu 
que  Tronchet  lui-même  refusait  de 
prêter  son  ministère  à  la  plus  juste 
des  causes.  Tronson  écrivit  au  prési- 
dent de  la  Convention ,  pour  sollici- 
ter l'honneur  de  remplir  un  devoir 
sacré.  Un  tel  exemple  pouvait  deve- 
nir dangereux;  la  lettre  ne  fut  pas 
même  insérée  dans  les  procès-ver- 
baux de  la  Convention  ;  mais  Tron- 
son ne  perdit  pas  courage  ;  il  réitéra 
l'ollie  de  défendre  l'auguste  accusé, 
dans  une  nouvelle  lettre  qu'il  adressa 
à  tous  les  journaux,  sous  la  date  du 
16  décembre  1792.  Cette  lettre  fut 
publiée  en  ces  termes,  par  le  journal 
du  soir ,  que  rédigeait  alors  M.  Etien- 
ne Feuillant.  «  Je  crois  devoir  ren- 
»  dre  publique  l'oUre  que  je  faisais 
»  le  1 4  de  ce  mois  à  la  Convention 
))  nationale  de  défendre  Louis  ^  oOrc 
»  que  probablement  on  n'a  pas  jugé 
»  à   propos  de  lui    conimuniquer , 


Syo  TRO 

»  ]),'ircc  qu'elle  devenait  inutile  dans 
»  les  ciicoiistances.  J'aurais  rej^arde 
))  comme  inconvenant  et  iiidiscret  de 
»  provenir  le  choix  de  Louis  5  mais 
))  les  feuilles  du  soir  ayant  annonce 
»  que  le  citoyen  Target  lui  refusait 
»  ses  conseils ,  et  suppose  que  le  ci- 
»  toyen  Tronchet  n'avait  pas  accep- 
»  té ,  il  m'a  paru  affreux  que  l'ac- 
»  cuse  du  Temple  fût  délaissé  par  les 
»  hommes  qui  se  consacrent  par  état 
»  à  la  défense  des  malheureux.  Je 
»  sentais  vivement  qu'une  cause  de 
»  ce  genre  demandait  de  tous  autres 
»  talents  que  des  discussions  judi- 
»  ciaires;  mais  j'ai  cru  qu'étant  un 
1)  des  anciens  du  barreau  actuel , 
»  c'était  un  devoir  pour  moi  d'aller 
»  au-devant  des  périls  que  d'autres 
))  semblaient  redouter.  J'ai  donc 
»  écrit  sur-le-champ  au  président  de 
))  la  Convention,  pour  l'avertir  que 
»  j 'offrais  à  Louis  de  le  défendre  à 
»  la  barre.  On  ne  me  fera  prolwble- 
»  ment  pas  l'injure  de  supposer 
)>  qu'une  fausse  gloire  m'ait  détermi- 
M  ué;  j'étais  au  contraire  à-peu-près 
11  sûr ,  vu  la  brièveté  du  temps  ,  de 
»  compromettre  les  intérêts  de  mon 
»  amour-propi-e.  C'est  donc  tout  sim- 
»  plement  un  devoir  que  je  croyais 
»  remplir,  et  je  veux  que  mes  cou- 
»  citoyens  en  soient  instruits.  y>  La 
généreuse  ambition  de  Tronson  du 
Coudray  ne  fut  point  satisfaite  ;  mais 
de  nobles  compensations  vinrent  s'of- 
frir à  son  courage.  Les  victimes  sans 
nombre  qui  furent  traduites  au  tri- 
bunal révolutionnaire  trouvèrent 
toujours  en  lui  un  défenseur  prêt  à 
affronter  la  rage  de  leurs  bourreaux. 
Apres  s'être  souillée  du  régicide ,  la 
révolution,  dans  les  neuf  premiers 
mois  de  i'"9^,  avait  sacrifié  avec 
une  égale  fureur  et  les  hommes  dont 
la  naissance ,  la  fortune  ou  la  vertu 
lui  portaient  ombrage,  et  ceux  mê- 


TRO 

mes  dont  les  crimes  l'avaient  le 
plus  puissamment  servie.  Altérée  du 
sang  royal,  elle  arracha  enfin  de 
la  prison  du  Temple  la  reine  de  Fi-an- 
ce ,  pour  la  traîner,  dans  les  pre- 
miers jours  d'octobre,  devant  les 
juges  qui  avaient  l'eçu  la  mission 
d'immoler  tant  de  nobles  innocents. 
Tronson  du  Coudray  fut ,  avec  Chau- 
veau  -  Lagarde,  choisi  d'office  pour 
défenseur  de  Marie- Antoinette.  L'his- 
toire ,  en  racontant  les  détails'du  pro- 
cès où  cette  reine  infortunée  se  mon- 
tra toul-à-la-fois  la  digne  fille  de  Ma- 
rie-Thérèse et  la  digne  épouse  du  pe- 
tit-fds  deLouis  XlV(  ^.Marie-An- 
toinette), n'oubliera  pas  l'éloquen- 
ce de  Tronson  du  Coudray ,  surtout 
le  respect  profond  et  le  dévouement 
sans  bornes  dont  il  fit  preuve  pour 
son  auguste  cliente.  Après  la  mort  de 
Marie  -  Antoinette  ,  Tronson  fut  dé- 
noncé et  arrêté.  Il  allait  être  mis  en 
jugement ,  c'est-à-dire ,  traîné  au  sup- 
pbce ,  lorsque  la  Convention,  peut- 
être  par  un  reste  de  pudeur,  décréta 
son  élargissement.  Tronson  dis])arut 
du  théâtre  de  tant  d'horreurs.  Il  at- 
tendit, dans  la  retraite,  un  meilleur 
temps,  jusqu'au  jour  où  les  électeurs 
de  Seine-et-Oise  le  portèrent  au  con- 
seil des  anciens,  conjointement  avec 
Tronchet,  Le  Brun  et  Dumas.  La 
tribune  publique  ne  le  trouva  pas 
moins  éloquent  que  le  barreau;  mais 
aussi  elle  le  trouva  toujours  fidèle  à 
cette  modération  ,  à  cette  probité  po- 
litique qui  ne  l'avaient  jamais  aban- 
donné. «  Tronson-Ducoudray ,  dit 
»  M.  Ch.  de  Lacretclle  (i),  brillait 
»  surtout  dans  les  répliques ,  et  lors- 
»  qu'il  n'avait  pas  le  temps  d'embellir 
»  ses  discussions.  J'ai  parlé  de  son 
»  courasre  et  de  son  dévouement  dans 


{1)  ffiiliiiir  fli:  Fn/Hrc  pendaul  le    dix-huilu-nif 
lièclo,  loin.  SIV  ,  (lag-  lî. 


TRO 

»  le  procès  de  la  rrinc.  Cotait  par 
»  un  elFort  de  caractère  et  par  l'im- 
»  pulsion  d'une  arae  honnête  qu'il 
»  tenaitau parti  modère  ;car  il  avait 
»  un  excès  de  chaleur  et  un  éclat 
»  d'imap;ination  qui  eussent  fait  la 
»  fortune  d'un  tribun  du  peuple.  » 
L'opinion  de  la  France  se  pro- 
nonçait chaque  jour  avec  une  nou- 
velle force  contre  le  Directoire.  ïron- 
son  n'hésita  pas  à  se  dcclarer  ouver- 
tement l'interprète  des  vœux,  qu'où 
formait  de  toutes  parts.  Malheureu- 
sement ni  lui  ni  ses  amis  dans  les 
deux  conseils  ne  surent  prévenir  , 
en  agissant  avec  vigueur,  les  atta- 
ques de  leurs  ennemis.  Le  dix  -  huit 
fructidor  éclata  sur  la  tète  de  Tron- 
soii ,  de  Barthélemi,  Murinais  ,  Pi- 
clipgru  et  de  tant  d'antres  hommes 
honorables  ,  comme  le  9  thermidor 
aurait  éclaté  sur  la  tête  de  Tallien , 
si  l'instinct  de  son  propre  sa! ut  n'a- 
vait poussé  l'homme  du  a  sep- 
tembre, à  diriger  d'avance  sur  Ro- 
bespierre la  foudre  qui  menaçait 
de  l'écraser  lui  -  même.  Tronson  et 
ses  collègues  furent  arrêtes,  enfermés 
au  Temple,  puis  traînés  sur  un  cha- 
riot et  dans  une  cage  de  fer  à  Ro- 
chefort ,  d'où  ils  furent  embarqués 
pourCaïenue.  Nous  renvoyonsles  lec- 
teurs aux  Anecdotes  secrètes  sur  le 
1 8  fructidor,  au  Journal  de  Ramel  et 
aux  Mémoires  de  M.  de  Laruc  ,\)Oi\v 
connaître  jusqu'à  quels  excès  fut  por- 
tée envers  ces  illustres  victimes  la 
barbarie  du  Directoire.  Le  climat  de 
Caïenne  parut  encore  trop  salubre  : 
ils  furent  transportés  à  Synamari , 
oîi  plusieurs  d'entre  eux  devaient 
trouver ,  dans  une  lente  agonie ,  le 
terme  de  leurs  souifrances.  Le  ver- 
tueux Murinais  y  succomba  le  pre- 
mier ;  Tronson  voulut  louer  l'hom- 
me juste  à  l'aspect  de  sa  tombe  ;  il 
composa  l'éloge  funèbre  de  son  col- 


TRO  691 

lègue  ,  et  le  prononça  ,  avec  la  mê- 
me solennité  qu'il  aurait  déployée  à 
la  tribune ,  devant  ses  comjjagnons 
d'infortune  et  en  présence  des  sol- 
dats de  la  garnison  et  des  nègres  ac- 
courus pour  l'entendre.  Il  avait  pris 
pour  texte  ce  verset  du  psalmiste  : 
Super Jlumina  Bahrlonis  illic  sedi- 
vms  etjlevimus,  cùni  rt-cordarcmur 
Sien.  «  Sa  touchante  éloquence,  dit 
»  Ramel  ^  son  organe  si  plein  d'har- 
»  monie,  la  vive  peinture  qu'il  (itdes 
»  malheurs  de  la  France ,  l'éclat  dont 
»  il  fit  briller  le  courage,  la  loyauté, 
•>■>  la  candeur  et  l'innocence  du  vieil- 
»  lard,  nous  firent  verserdes  larmes. 
»  Les  soldats  et  les  nègres  furent  d'à 
»  bord  émus,  puis  tellement  entraî- 
»  nés,  que  le  fort  retentit  de  leurs 
»  gémissements.  »  Tronson  ,  déjà 
malade  avant  de  quitter  la  France, 
ne  ]iut  résister  long-temps  aux  maux 
toujours  croissants  qui  venaient  l'ac- 
cabler. Quelques-uns  de  ses  compa- 
gnons d'iufort'uie  avaient  suivi  de 
près  Murinais  ;  d'autres  se  disposaient 
à  affronter  les  hasards  d'une  naviga- 
tion périlleuse,  pour  aller  chercher  au  \ 
rivage  de  Surinam  l'hospitalité  que 
leur  l'efusait leurpatrie. La  veiilede  sa 
mort,Tronson  disait  àRamel,run  d'en, 
tre  eux  :  «  Mon  cher  Ramel ,  empor- 
')  tez-moisivouspouvez.»  Prèsd'espi- 
rer ,  il  en  fit  appeler  plusieurs.  Voici 
les  dernières  paroles  qu'il  leur  adres- 
sa :  «  Si  vous  revoyez  mes  amis,  di- 
»  tes -leur  que  mon  dernier  soupir  a 
»  été  pour  eux  et  pour  mon  paysj 
»  n'oubliez  pas  mes  enfants  (2).  »  En 

(9.)  Esmenartl  (Poème  Je  la  navigition  ,  ch.  (i). 
parlant  du  lupnel  des  proscrits  de  Syaniari ,  après 
la  rliule  du   nirectoirc,  rappel    qu'il   u'avait    pas 
été  donne  à  Tronson  de  voir  ,  adresse  à  son  ombre 
celle  touchante  apostrophe  : 
Adieu,  tombeau  sacre,  lugubre  luonuiuenl , 
Cendres  de  l'orateur  dont  le  xMe  eloi|ni'nl 
Di  fendit  >ans  espoir,   mais  avec  tant  de  iliarmes  , 
La  grandeur  dans  les  l'ers,  la  béante  dans  les  larmes! 
Ombre  illustre,   enrh.iîuée  ?i  ces  bords  pleins 

d'efl'roi , 


592  TRO 

effet  ses  enfants  n'avaient  pas  cessé 
d'être,  dans  son  exil,  l'objet  de  sa 
tendre  sollicitude.  11  y  avait  rédige  , 
pour  eux  ,  des  instructions  qu'à  son 
lit  de  mort  il  remit  à  sou  ami  M. 
Barbé -Marbois,  qui  lui  ferma  les 
yeux.  On  a  prétendu  à  tort  que  ces 
instructions  avaient  été  perdues.  M. 
de  Marbois  a  rapporté  en  France  et 
remis  à  la  famille  de  Tronson  du 
Coudray  ce  manuscrit  si  précieux 
pour  elle  (3).  C'est  le  code  de 
l'honnête  homme  et  du  bon  ci- 
toyen. Tronson  du  Coudray  avait 
laissé  trois  enfants.  L'aîné ,  Alexan- 
dre, a  péri  dans  la  campagne  de 
Russie.  Un  autre  fils  et  une  fille  ont 
survécu  j  et  tous  deux  ont  éprouvé 
les  effets  de  la  munificence  et  de  la 
bonté  royales.  On  annonce  ,  comme 
e'tant  sous  presse ,  un  Recueil  de  ses 
Plaidoyers  et  de  ses  Mémoires  les 
plus  remarquables.  Ce  Recueil,  dé- 
dié à  Sa  Majesté,  est  publié  par  son 
fils  Emile  Tronson  du  Coudray ,  ca- 
pitaine d'infanterie^  et  par  son  gen- 
dre ,  M.  INIichelin,  conseiller  réfé- 
rendaire à  la  cour  des  comptes. 
A.  L— D. 
TROOST  (Corneille)  ,  peintre 
d'Amsterdam  ,  né  en  1697  ,  fut 
élève  d'Arnold  Booneu.  Après  être 
resté  deux  ans  et  demi  dans  l'école 
de  ce  maître  ,  et  s'être  rendu  fami- 
lière la  peinture  à  l'huile ,  au  pastel  et 
en  détrempe,  il  se  décida  à  n'en  plus 
avoir  d'autre  que  la  nature  j  et  ses 
premiers  ouvrages  annoncèrent  un 
talent  si  éminent,  qu'ils  excitèrent 
l'envie  de  tous  ses  rivaux  :  ils  se  mi- 
rent à  le  décrier  j  mais  le  public  en 


L'amilic  drsoice  ,  cii  les  qiiiUaiit  sans  toi , 
Sur  ta  luuibc  du  luuiiis  courbe  uu  lidèlc  ombrage, 
etc. ,  etc. 
(3)  lien  eiislc  une  édition  «on»  ce  lllrc  :  /ns- 
tnicliuns  ridi^KCf  pour  srf  cii/anls  cl  ses  ronci- 
toyens  ,  en  171)8  ,  in-8".  sau»  (latc  ,  mais  postliu- 
lue.  A.  Il— T. 


TRO 

jugea  tout  autiement ,  et  Troost  vit 
ses  productions  recherchées  par  tous 
les  amateurs.  Il  se  montra  également 
suj)ériciu-dans  la  peinture  historique, 
dans  celle  de  genre  et  dans  le  por- 
trait. L'ouvrage  par  lequel  il  fit  con- 
naître sa  supériorité  est  un  tableau 
représentant  les  portraits  en  pied  et 
de  grandeur  naturelle  des  cinq  ins- 
pecteurs du  collège  des  médecins.  La 
plupart  des  directeurs  des  diiférentes 
corporations  de  la  ville  se  firent  pein- 
dre par  lui,  et  firent  placer  ces  por- 
traits dans  les  salles  de  leurs  séances. 
Il  peignit  aussi  les  directeurs  de 
l'hospice  des  orphelins,  et  ceux  de 
la  confrérie  des  tonneliers.  Il  fit  éga- 
lement deux  autres  tableaux  pour  la 
salle  des  chirurgiens.  On  regarde 
comme  son  chef-d'œuvre  celui  dans 
lequel  il  a  représenté  les  principaux 
chirurgiens  d'Amsterdam,  assis  au- 
tour d'une  table  sur  laquelle  est  un 
cadavre,  tandis  que  le  professeur,  de- 
bout et  le  scalpel  en  main ,  fait^  une 
démonstrationd'anatomie.Toutesles 
j^arlies  de  ce  beau  tableau  méritent 
des  louanges  ;  il  y  règne  une  belle 
harmonie ,  et  le  fond  clair  sur  lequel 
les  figures  se  détachent  domie  une 
grande  valeur  aux  objets  placés 
sur  le  premier  plan.  On  met  aussi  au 
nombre  de  ses  productions  capitales 
le  portrait  de  Boerhaave ,  qui  fut 
placé  dans  la  salle  d'anatomie.  Ses 
petits  tableaux  étaient  peut-être  plus 
recherchés  encore.  Ce  sont  des  scè- 
nes familières  ,  tirées,  eu  grande 
partie ,  des  comédies  les  plus  en 
vogue  de  son  temps ,  et  qui  l'on  fait 
surnommer  le  IFatteau  hollandais. 
La  composition  en  est  spirituelle  et 
gaie  ,  quelquefois  même  un  peu  librej 
mais  la  touche  en  est  légère  et  facile, 
lacoulcurdélicate  et  transparente. On 
vante  surtout  un  corj)S-de-gardc  où 
sont  assemblés  des  officiers  jla  cham- 


TRO 

bre  d'une  accouchée  hollandaise  ; 
une  dame  et  un  jeune  seigucur  faisant 
delà  musique;  Job  snrson  fumier  j  la 
fille  ravie ,  ou  le  tuteur  trompe'  ;  les 
philosophes,  ou  la  1111e échappée  ;  le 
bureau  des  paysans  à  Puytewec  ;  et 
particuhèrcmeut  une  composition  in- 
génieuse tirée  du  Tartuffe  de  Molière, 
Ses  dessins,  qiii  sont  nombreux,  sont 
également  recherchés  :  ils  sont  ordi- 
nairement au  crayon,  et  retouchés 
aA  ec  le  pinceau.  Troost  se  maria  ,  et 
eut  cinq  filles  ,  dont  l'une,  nommée 
Sara  ,  peignit  le  portrait  avec  un 
talent  remarquable.  II  mourut  d'une 
attaque  dégoutte,  le  7  mars  i^So. 
Il  a  gravé  eu  manière  noire  les  pièces 
suivantes  de  sa  composition:  î.  Buste 
d'un  vieillard  à  grande  barbe  et  vu 
de  profil.  II.  tJne  jeune  fille  qui 
dessine  à  la  loupe.  III.  Portrait  de 
Locatelli ,  peintre  de  Bergame.  IV. 
Portrait  du  poète  Vlaming,  avec  deux 
vues  hollandaises.  Les  ouvrages  de  ce 
peintre  ont  beaucoup  exercé  le  burin 
des  graveurs  ;  et  les  estampes  faites 
d'après  ses  scènes  familières  sont  re- 
cherchées à  cause  de  la  gaîtc  et  de  la 
vérité  qu'il  a  su  faire  régner  dans  ses 
compositions.  P — s. 

TROSCHEL  (  Jean  ) ,  graveur  au 
burin  ,  né  à  Nuremberg  vers  1 592 , 
reçut  de  Pierre  Isselburg  celte  ma- 
nière large  et  cette  beauté  d'exécu- 
tion qui  distinguent  son  burin.  Ses 
progrès,  sous  ce  maître  habile ,  fu- 
rent extrêmement  rapides,  et  il  se  fit 
une  juste  réputation  par  une  Suite 
de  beaux  paysages  qu'il  exécuta  pen- 
dant qu'il  fréquentait  cette  école.  Il 
grava  ensuite  le  Portrait  de  l'empe- 
reur Ferdinand  II,  ainsi  que  la 
belle  estampe  qui  représente  la  Nou- 
velle  maison  de  justice  de  Nurem- 
berg. Précédé  par  la  renommée  de 
son  talent,  il  se  rendit  à  Rome,  en 
1O62,  il  y  fut  accueilli  de  la  manic- 

XLVI. 


TRO  593 

re  la  plus  distinguée  par  Villamena , 
qui  le  prit  chezlui,et  lui  confia  l'exé- 
cution de  plusieurs  ouvrages  impor- 
tants. Troschel  l'emporta  bientôt  sur 
tous  ses  concurrents  par  une  facilité 
étonnante  et  une  grande  finesse  d'exé- 
cution ;  sou  bunn  était  tout  à-la-fois 
ferme  et  moelleux ,  et  ses  ouvra^^es 
décèlent  le  sentiment  de  la  couleur. 
Les  plus  remarquables  sont  :  I.  La 
Conception  de  la  Fierge ,  d'après 
Bernard  Castelh.  II.  Une  très-gran- 
de thèse ,  dédiée  au  cardinal-prince 
Maurice  de  Savoie.  III.  U empereur 
Julien,  auquel  on  montre  le  cœur 
d'un  taureau,  sur  lequel  se  trouve 
empreinte  une  croix  surmontée  d'u- 
ne couronne,  d'après  Antoine  dalle 
Pomarance.I  V.  Le  Portrait  de  Louis 
XIF,  que  l'on  regarde  comme  son 
chef-d'œuvre.  Cet  artiste  fut  trouvé 
mort,  en  1(333,  au  bas  de  son  escalier, 
et  fut  enterré  d'une  manière  hono- 
rable dans  l'église  de  Sainte-Marie  du 
Peuple ,  à  Rome.  Plusieurs  de  ses  es- 
tampes sont  marquées  de  son  chiffre, 
formé  des  lettres  H  T  entrelacées. — 
Pierre  Troschel  ,fils  du  précédent  et 
son  élève,  naquit  à  Nuremberg  vers 
l'an  1620.  Sans  avoir  la  célébrité  de 
son  père,  il  ne  fut  pas  dénué  de  ta- 
lent; il  a  gravé  quelques  pièces  au 
burin  ,  marquées  des  lettres  initiales 
de  son  nom  P.  T.,  avec  la  date.  P-s. 
TROST  (Martin),  orientaliste,  né, 
en  i588  ,  à  Hoexter  en  Westphalie, 
fut  professeur  de  langue  hébraïcjue 
àKoethen  .  Eelmstadt,  Rostock-et 
enfin  à  Wittenbcrg  ,  où  il  mourut  le 
8  avril  i63t).  Ou  a  de  lui  :  1.  Novum, 
Testamentum  syriacè  cuni  versione 
latind,  item  variantes  lectiones  ex 
quinque  imprcssis  editionibus  col- 
leclœ  ,  Koetlien,  i(52i  ,  in-  4"-  H- 
Kœdem  variœ  lectiones,  dans  le  t.  6, 
Bib.  poly.  Faltoni.Ml.  Lexicon  s;^- 
riacitm  ex  induclione  omnium  exeni- 
38 


594  TRO 

plariuni  N.  Testamenti  sjriaci 
adornatum  ,  adjectd  vocahulorum 
signijicatione  lat.  et  g'erm.,Koctheu, 
i(j'i3,  \n-f\*\\N . De mutationc punc- 
toruin  hebrœorum  générait  ,  Wit- 
lenberg,  i(j33,  in-4".  V.  Gramina- 
tica  hebrœa  generalis ,  oui  accedit 
ch(ildœo-sjriasmus ,  ibid.  ,  secon- 
de édition  ,  \63'j  ,  in-4".  Eadem 
recognita  et  locupletata  ,  ibid.  , 
i663,  in-4°-  —  Trost  (  Jean-Mar 
tin  ) ,  rae'decin ,  fds  du  précèdent  , 
a  publie  :  T.  De dj-senterid,  Runtkel, 
I  ti'j'j ,  in-  4°.  II-  De  Ijthiasi ,  ibid., 
167S,  in-4°.  111.  De  febre  per  se 
nunquam  lethiferd ,  Halle,  1714? 

in-4''.  Gr Y. 

TROTTI  (le  clievalier  Jean- 
Baptiste  ),  peintre  ,  ne  à  Crémone 
en  1 555  ,  fut  le  disciple  chcri  de 
Bernardino  Campi,  qui,  du  vivant 
même  de  son  élève,  publia  la  Vie 
fpi'en  avait  écrite  le  Lama.  Campi 
n'aima  aucun  de  ses  élèves  avec  au- 
tant de  tendresse.  Il  lui  doima  la  main 
de  sa  nièce ,  et  l'institua  ,  en  mouiant, 
héritier  de  son  école.  Trotti  ayant 
été  appelé  à  Parme ,  pour  y  pein- 
dre en  concurrence  avec  Augustin 
Carrache,  et  ayant  mieux  réussi  à 
la  cour  que  son  compétiteur,  Augus- 
lin  disait  que  c'était  un  mauvais  os 
(  mal  osso)  qu'on  lui  avait  donné  à 
ronger.  C'est  de  là  que  lui  vient  le 
surnom  de  Malosso  ,  qu'il  adopta 
sans  diiricnlté;  il  l'a  même  placé  an 
lias  de  quelques-uns  de  ses  tableaux,, 
cl  le  transmit ,  presque  coinnic  un 
héritage  à  son  neveu.  Ainsi  il  regar- 
da comme  un  éloge  ce  (pii ,  dans  la 
bouche  du  Carrache,  n'était  que  l'ex- 
pression du  blàmc.  En  cllcl,  quel  que 
fût  le  taloit  de  Trolti  ,  il  n't-galait 
son  rival  ni  pai-  la  beauté  du  dessin 
ni  par  le  goûl  sohdc  de  la  pcinluie  j 
mais  il  avait  des  f|iialiléM  piltorcs- 
ques  exIrèiiK'iiH'iit  .vf'duis.inles  ,  el  (jui 


TRO 

pouvaient  justifier  la  préfe'rence  qu'il 
obtenait  chez  beaucoup  de  personnes. 
Il  ne  suivit  la  manii:re  de  Beiuiardino 
que  dans  ses  premières  productions. 
Plus  tard ,  il  lit  une  élude  particu- 
lière du  Corrège;  mais  c'est  au  'So- 
jaro  surtout  qu'il  s'efforça  de  ressem- 
bler. Il  imita ,  dans  la  plupart  de  ses 
ouvrages,  son  style  riant,  aimable, 
franc  et  brillant ,  la  variété  de  ses 
raccourcis  et  l'esprit  qui  anime  le 
mouvement  de  ses  figures.  Peut-être 
en  abusa-t-il  jusqu'à  un  certain  point, 
en  prodiguant  le  blanc  et  d'autres 
couleurs  éclatantes,  sans  les  éteindre 
autant  qu'il  l'aurait  dû,  par  des  de- 
mi teintes.  C'est  ce  qui  fait  que  l'on 
reproche  à  quelques  -  uns  de  ses  ta- 
bleaux de  ressembler  à  de  la  peinture 
sur  porcelaine,  de  manquer  de  re- 
lief, ou ,  comme  Baldinucci  le  remar- 
que, d'être  parfois  un  peu  durs.  Ses 
têtes  sont  d'une  beauté  ravissante  ;  el- 
les s'arrondissent  avec  grâce ,  et  leur 
sourire  est  plein  d'amabilité  :  mais, 
dans  le  même  tableau ,  il  ne  se  gêne  pas 
pour  en  répéter  presque  exactement 
les  traits,  la  couleur  et  la  pose.  C'est 
à  la  précipitation  excessive  avec  la- 
quelle il  travaillait  qu'il  faut  attri- 
buer ce  défaut;  car  lorsqu'il  le  veut, 
il  sait,  non  -seulement  varier  ses  fi- 
gures, mais  ses  comjiositions  ,  com- 
me le  prouveut  d'une  manière  bien 
remarquable  la  Décollation  de  saint 
Jean  ,  à  Saint-Dominique  de  Crémo- 
ne, et  les  diilérentes  Conception  de 
la  Vierge  qu'il  fit  pour  les  églises  de 
Saint-François  et  de  Saint- Augustin 
de  Plaisance.  Dans  toutes  ,  on  voit 
briller  quelque  idée  nouvelle.  11  sa- 
vait prendre  également  le  style  qu'il 
voulait.  Il  peignit,  dans  l'église  du 
dôme  de  Crémone,  un  Christ  en 
croix ,  entouré  de  plusieurs  saints  , 
dans  le  meilleur  goût  vénitien.  La 
Saillie  Marie  Egyptienne  repoiissée 


TRO 

du  temple,  que  l'on  voit  dans  l'e'gli- 
sc  de  Saint-Pierre  de  la  même  ville , 
tient  beaucoup  du  style  de  l'école  ro- 
maine; et  une  Piété,  que  l'on  voit  à 
Saïut-Abondio,  prouve  qu'il  n'a  pas 
dédaigné  de  paraître  un  Carrache. 
Les  talents  qu'il  déploya  dans  les  pein- 
tures à  fresque  lui  méritèrent  l'iion- 
neur  d'être  fait  chevalier.  Les  plus 
célèbres  sont  celles  qu'il  a  exécutées 
dans  le  palais  de  Parme  appelé  le 
Jardin.  La  coupole  de  Saint-Abondio 
est  également  une  vaste  machine. 
Dans  cet  ouvrage ,  il  est  vrai ,  Trotti 
ne  fit  que  suivre  les  dessins  de  Jules 
Campi  ;  mais  il  y  déploya  une  telle 
puissance  de  pinceau,  une  si  grande 
vigueur  de  coloris ,  qiu'il  égale  l'inven- 
tion ,  s'il  ne  la  surpassepas.  Toutefois 
on  ne  ])eut  disconvenir  que  Jules  et 
ses  imitateurs  ne  savent  point  varier 
leurs  groupes  d'anges  avec  l'art  que 
déployèrent  depuis  les  Carraches.  On 
a  tâché  d'atténuer  le  reproche  de 
dureté  fait  à  Trotti,  en  le  faisant  re- 
tomber sur  ses  élèves  ou  ses  collabo- 
rateurs ,  dont  les  tableaux  lui  ont  été 
attribués  à  tort.  Cela  peut  être  vrai 
pour  quelques-uns;  mais  il  en  reste 
de  signés  par  Trotti ,  particulière- 
ment à  Plaisance,  qui  pèchent  réel- 
lemeut  par  ce  défaut ,  ce  qui  l'empê- 
che d'être  mis  au  premier  rang  des  ar- 
tistes. Il  forma  un  grand  nombre  d'élè- 
ves,entreautreslesdeux  frères  Ermé- 
negilde  etManfredi  deLodi,  Etienne 
Lambriet  Christophe  Augusta.  J.-B. 
Troltimourutaprès  l'an  1602. — Eu- 
clide Trotti  ,ncveu  et  élèvedu  précé- 
dent, fut  un  de  ses  plus  heureux  imi- 
tateurs. Il  ne  reste  dans  sa  patrie  que 
deux  tableaux  qu'on  puisse  lui  attri- 
buer avec  certitude  ;  ce  sont  deux  su- 
jets tirés  de  la  rie  de  l'apôtre  saint 
Jacques  ,  que  l'on  voit  dans  l'église 
de  Saiut-Sigismond.  Ils  avaient  d'a- 
bord clé  ébauches  par  Jules  Calvi  ; 


TRO 


5()5 


mais  Euclide  les  termina ,  et  y  dé- 
ploya une  imitation  du  style  de  son 
oncle  qu'on  ne  peut  trop  louer.  On 
croit  que  le  tableau  de  l'Ascension  , 
à  Saint-Antoine  de  Milan  ,  est  entiè- 
rement de  lui.  C'est  une  très  -  belle 
composition  et  d'un  style  plus  grave 
que  ne  le  sont  ordinairtmeut  les  pro- 
ductions du  vieux  Malosso.  Ce  sont 
les  seules  peintures  qu'on  lui  attri- 
bue; et  il  ne  put  guère,  en  effet ,  en 
produire  un  plus  grand  nombre  :  car, 
jeune  encore ,  s'étant  rendu  coupable 
du  crime  de  haute  trahison,  il  fiit 
mis  en  prison ,  où  il  mourut ,  à  ce 
qu'on  croit,  du  poison  que  lui  firent 
prendre  ses  parents ,  pour  lui  épar- 
gner l'infamie  d'un  supplice.  P — s. 

TROTZ  (Curetien-Henbi),  doc- 
teur en  droit,  né  en  1701  à  Col- 
berg  ,  fut  professeur  de  droità  Frane- 
ker  en  Hollande,  recteur  de  l'acadé- 
mie, et  professeur  de  droit  hollandais 
à  Utrecht.  Cette  dernière  nomination 
fut  d'autant  plus  flatteuse  qu'il  n'y 
avait  point  de  chaire  vacante  à  l'uni- 
versité ,  et  que  le  magistrat  lui  fît  un 
traitement  extraordinaire.  II  mourut 
dans  cette  ville,  en  1773.  Trotz  a 
publié:  I.  De  termino  moto,  Utrecht, 
1780,  in-4".  C'est  un  traité  de  Tori- 
gine  àes  bornes,  selon  le  droit  des 
nations  ;  du  respect  religieux  qu'elles 
ont  toujours  montré  pour  la  sainteté 
des  bornes  ;  du  crime  que  commet 
celui  qui  transpose  les  bornes  de  son 
champ,  etc.  II.  /.  Gothofredi  opé- 
ra juridica  minora  ,  sive  libelli  , 
tractatus ,  etc.  ,Leyde,  i733,in-fol. 
III.  Ch.  ïVœchtleri  opuscula ,  avec 
des  observations  critiques ,  ibid.  , 
1733,  in-8".  ÏV.  Hermanus  Hugo 
de  prinid  scrihendi  origine  et  uni- 
ver  sd  rei litterariœ  antiquitate,  etc. , 
Utrecht ,  1 738 ,  in-B".  V.  Edm.  Me 
rilli ,  Tricassini ,  jurisconsulti ,  à 
consiliis  régis  ,  in  acadeniid  metro- 
38.. 


>gfj 


TRO 


polis  Biturigum  primicerii ,  in  qua- 
tuor libros ,  Institutionum  imperia- 
lium  commentarii  principales ,  etc., 
ibid.,  1739,  in-4".  VI.  Gui.  Ma- 
rani  opéra  omnia  seu paratitla  Di- 
gestonan  et  vaiii  traclaliis  juris  ci- 
vilis  ,  cum  autoris  vitd  ,  ibid.  , 
1741 7  in-fol.  VII.  De  Ubertate  sen- 
tiendi  dicendique  jurisconsultispro- 
prid ,  Franeker,  174I5  in-4''-  VIII. 
Thèses  juris  publiai  ad  leges  fun- 
damentales  Fœderati  Belgii ,  ibid. , 
1745  à  1747  ,  in  -  4".  IX.  Jus 
agrarium  Fœderati  Belgii ,  ibid.  , 
1753,  2  vol.  in-4°.  X.  Jus  agra- 
rium Bomanonim  .  ibid.  ,  1753  , 
in- 4"'  Ces  deux  derniers  ouvrages 
sont  mis  au  nombre  des  livres  rares. 
X I .  De  jure  Fœderati  Belgii  puhlico, 
Utreclit ,  1 755  ,  in-4°.  Il  s'était  pro- 
posé de  publier  les  OEuvres  de  Sym- 
maque ,  avec  des  notes.  Il  paraît  que 
son  travail  est  resté  manuscrit.  On 
dit  qu'il  est  l'auteur  du  Macldavel 
républicain ,  qui  parut ,  de  son  temps, 
en  hollandais  j  mais  on  n'en  a  point 
la  certitude.  G — y. 

TROUILLET  (Jacques-Joseph), 
historien,  né  le  19  février  17 16  à 
Ornans,  en  Franche- Comté ;,  em- 
brassa l'état  ecclésiastique ,  et  fut 
pourvu  de  la  cure  de  sa  ville  natale. 
L'académie  de  Besançon  ,  nouvelle- 
ment fondée,  excitait  dans  la  pro- 
vince une  honorable  émulation.  L'ab- 
bé Trouillet  se  présenta  pour  dispu- 
ter les  prix  qu'elle  proposait  au  con- 
cours j  et  quoiqu'il  eût  un  adversaire 
redoutable  dans  l'abbé  Bcrgicr  (  V. 
ce  nom),  il  sortit  vainqueur  de  la 
lice,  presque  aussi  souvent  qu'il  y  des- 
cendit. Admis  dans  cette  cumna"nie, 
il  y  lut  plusieurs  Mémoires  pleins 
d'érudition  ,  et  le  Vlan  d'une  His- 
toire des  saints  de  Franclu--Cnmte\ 
qu'il  se  proposait  de  publier.  Le  sa- 
vant abbé  liullcl  (  F.  «;c  nom  ),  son 


TRO 

maître ,  et  depuis  son  ami ,  l'institua 
son  héritier;  mais  il  s'empressa  de 
faire  l'abandon  de  tousses  droits  aux 
parents  pauvres  de  ce  professeur.  Il 
remplaça  Bergier ,  nommé  chanoine 
de  Paris ,  dans  la  charge  de  princi- 
pal du  collège  de  Besançon;  mais  il 
ne  tarda  pas  de  s'en  démettre  pour 
retourner  dans  sa  ville  natale,  où  il 
reprit  les  fonctions  du  saint  minis- 
tère ,  consacrant  ses  loisirs  à  l'étude 
des  lettres  et  de  l'histoire.  Ayant  re- 
fusé de  prêter  le  serment  exigé  des 
ecclésiastiques ,  il  fut  arrêté  pendant 
la  régime  de  la  terreur,  et  mis  en  ré- 
clusion. Quelques  amis  timides  en- 
levèrent alors  de  son  cabinet  tous 
ses  manuscrits  et  les  jetèrent  au  feu , 
dans  la  crainte  que  s'ils  tombaient 
dans  les  mains  des  révolutionnaires 
on  n'y  trouvât  des  motifs  pour  tra- 
duire l'auteur  devant  les  tribunaux. 
Devenu  libre ,  il  eut  à  regretter  les 
travaux  de  sa  vie  entière  et  sa  bi- 
bliothèque qu'un  zèle  aveugle  n'a- 
vait point  épargnée.  Il  accepta  l'asile 
qu'un  de  ses  confrères  lui  olfrait  à 
Lons-ie-Saunier ,  et  il  y  mourut  le  3 
mai  1809.  Outre  l'ouvrage  dont  on 
a  parlé ,  on  a  de  ce  savant  modeste 
quatre  Dissertations  sur  les  sujets 
suivants:  I.  Quel  était  V  Hercule  ap- 
pelé Ogmius  par  les  Gaulois,  et 
pourquoi  la  représentation  de  ce 
Dieu  était-elle  accompagnée  des 
attributs  que  rapporte  Lucien  ?  Le 
Mémoire  de  Trouillet  fut  couronné 
en  1 756,  Bergier  obtint  l'accessit.  II. 
Quelles  étaient  les  voies  romaines 
flansles  pays  des  Séquanois  ?  Dom 
Jourdain  f  /  '.  ce  nom  )  obtint  le  prix  • 
mais  Trouillet  eut  l'accessit,  175G. 
III.  Est-ce  à  titre  de  conquête  ou 
d'hospitalité  que  les  Bourguignons 
Jurent  admis  dans  les  Gaules  ? 
couronné  en  1758.  IV.  Quelles 
ont  été  les   villes  principales  du 


TRO 

comte  de  Bourgogne  depuis  le  on- 
zième siècle  7  Ce  Mémoire  de  Trouil- 
let  partagea  le  prix,  en  1759,  avec 
celui  de  dom  Bertliod  {F.  ce  uoiu). 
Ces  ouvrages  sont  conservés  en  ma- 
nuscrit dans  les  Recueils  de  l'acadé- 
mie de  Besançon ,  ainsi  que  le  sui- 
vant :  V.  Notice  des  registres  pa- 
roissiaux du  diocèse.  Voy.  son  Elo- 
ge par  M.  Grappin ,  dans  les  procès- 
verbaux  de  cette  compagnie  ,  séan- 
ce du  2  décembre  1809,         W — s. 
TROUVILLE  (Jean-Baptiste- 
Emmanuel-Hermand  de), ingénieur 
hjdraulicieu,  naquit  à  Paris,  en  i  ']^Q, 
et  fit  ses  études  au  collège  des  Gras- 
sins ,  de  la  manière  la  plus  brillante. 
Passionné  pour  la  physique,  il   la 
cultiva  dès  sa  jeunesse  avec  beaucoup 
d'ardeur ,  et  dépensa  en  expériences 
des   sommes   considérables.    L'aca- 
démie des  sciences  ayant  demandé  , 
en  1787  ,  les  moyens  les  plus  écono- 
miques  de  fournir  de  l'eau  à   une 
grande  ville ,  Trouville  lui  présenta 
un  Mémoire  contenant  la  description 
d'une  machine  à  l'aide  de  laquelle  il 
se  flattait  d'élever  les  eaux  de  la 
Seine  en  quantité  suffisante  pour  four- 
nir à  tous  les  besoins  des  habitants 
de  Paris  ,  et  pour  entretenir  la  plus 
grande  propreté  dans  les  rues.  L'a- 
cadémie ne  lui  adjugea  pas  le  prix 
(l);  mais  elle  reconnut  dans  son  tra- 
vail des  vues   utiles   et  ingénieuses. 
L'état  de  sa  fortune  ne  lui  permettant 
pas  de  faire  en   grand  l'expérience 
de  ses  inventions ,  il  réclama  ,  le  5 
septembre    1790,    de    l'Assemblée 
constituante ,  des  secours  ,  à  l'effet , 
dit-il ,  de  construire  une  machine  qui 
doit  transporter  les    fleuves  et  les 
mers  sur  les  plus  hautes  montagnes. 
Sa  demande  fut  renvoyée  à  une  com- 
mission ,  et  un  décret  du  3   février 

(1)  Ce  |<rix  fut  (Icccriii;  h  M.  Gouduuiii-Dcshais. 


TRO 


^97 


1791    chargea  le  comité  d'agri<-ul- 
ture  d'examiner  sa  machine ,  et  d'en 
faire  dresser  le  devis.  L'inventeur  l'a- 
vait nommée  Pompe  à  feu ,  à  froid  et 
à  chaud,  à  cause  delà  possibilité  de 
la  faire  marcher  par  le   moyen  du 
feu  ,  sans  en  changer  la  constructioa 
(2).  En  1792  ,  Trouville  présenta  à 
la  municipalité  de  Paris  un  projet 
d'inondation  artificielle  au  moyen  de 
deux  grands  rései-voirs ,  servis  cha- 
cun par  une  nouvelle  machine  à  va- 
peur ,  capable  d'élever  à  trente  pieds 
de  hauteur  trente-trois  mille  sept  cent 
quati-e-vingt-douze  toises  cubes  d'eau 
en  quarante-huit  heures  ,   avec  sept 
cent   vingt  livres   de   charbon.   Eu 
1798  ,  il  réclama  l'exécution  du  dé- 
cret dont  on  a  parlé,  et  demanda  que 
le  conseil  des  Cinq-Cents  nommât  , 
dans  son  sein ,  une  commission  char- 
gée de  vérifier  un  nouveau  moyen 
qu'il  avait  découvert  pour  porter  les 
eaux  dans  tous  les  quartiers  de  Paris 
sans  le  secours  d'aucune  mécanique  j 
et  de  prendre  connaissance  de  son 
plan  pour  l'établissement  d'un  canal 
du  Havre  à  Paris  ,  par  le  parc  de 
Versaifles ,  dont  il  n'évaluait  la  dé- 
pense qu'à  cinquante  millions.  L'an- 
née suivante ,  il  remit  au  ministre  de 
la  marine  un  projet  pour  le  curage 
du  port  de  Marseille.  Le  moyen  qu'il 
proposait   ,  quoique  ingénieux  ,  fut 
abandonné ,   parce   qu'il  en   aurait 
coûté  douze   mille    francs  pour  un 
premier  essai.   Trouville  s'était  as- 
socié un  collaborateur  nommé  Pois- 
senet,  qui  dessinait  pour  lui.  Ils  pré- 
sentèrent ensemble,  en  1800  ,  à  la 
première  classe  de  l'institut ,  un  Mé- 
moire sur  une  machine  qu'ils  appe- 
laient Aero-jUmalc  ,  qui  était  une 
application  des    moyens   employés 

(il  f)n  Iruiivc  la  dcscri|itioii  de  ci-llc  inachiuc 
ànuiU  Vulltlm  u».  i\Qdf  liiSociclc  d'iTiicinnn- 
ffemeifl. 


5.jS 


TRO 


depuis  les  temps  antiqnes ,  dans 
l'Inde  et  rAmorique,  pour  traverser 
les  fleuves  au  moyen  de  cordes 
d'e'corce  ou  de  chanvre  tendues 
d'une  rive  à  l'autre ,  et  qui  sont  re- 
présentées maintenant  par  les  ponts 
suspendus  construits  en  {ils  ou  en 
barres  métalliques.  Le  mécanisme 
proposé  par  Trouville  et  Poisscnet 
avait  pour  objet  de  procurer  à  ceux 
qui  traversent  les  fleuves,  et  qui 
se  trouvent  placés  dans  une  nacelle 
suspendue  aux  cordes  ,  faisant  l'ofîi- 
ce  de  pont,  les  moyens  de  faire  mou- 
voir celte  nacelle  tant  dans  le  sens 
horizontal,  transversal  au  courant  , 
que  dans  le  sens  vertical.  Ces  mes- 
sieurs avaient  m.inifesté  de  bien  hau- 
tes espérances  sur  l'ulilité  de  leur 
mécanisme:  il  ne  s'af!;issait  pas  seule- 
ment de  faire  franchir  des  rivières  , 
des  torrents  ,  des  précipices  à  des 
voyageurs,  mais  de  pouvoir,  dans 
certauis  cas  de  débâcles,  sauver  les 
hommes,  les  animaux  et  mtrae  les 
clléts  entraînés  par  les  eaux,  de  fai- 
re passer  une  armée  avec  son  ba- 
gage, et  même  son  artillerie  ,  d'un 
plateau  de  montagne  à  Vautre , 
pour  éviter  des  circuits,  dont  les  lon- 
gueurs peuvent  être  très -nuisibles 
aux  opérations  militaires,  etc.  Des 
expériences  furent  faites  à  Paris  dans 
le  jardin  de  Tivoli,  sur  des  cordes 
susj)enducs  à  des  points  fixes  ,  dont 
la  distance  était  d'un  peu  moins  de 
cent  mètres;  raisonnant,  tant  d'après 
ces  expériences  que  d'après  des  con- 
sidéi  ations  beaucoup  plus  générales , 
J'aiifeur  de  cet  article,  rapporteur 
d'une  commission  dont  il  était  mem- 
lue  avec  MM.  Bossut  et  Lcgendre  , 
conclut  que  la  machine  projïosée 
ii'ofTiail  qu'une  utilité  très-bornée 
dans  des  circoustaiices  fort  rares,  vl 
ne  ])ouvait  pas  d'ailleurs  être  eui- 
ployc'c  avec  sûreté  au    passage  des 


TUO 

grandes  rivières.  Cette  conclusion 
fut  adoptée  par  la  première  classe 
de  l'institut.  Trouville  crut  avoir 
trouvé  l'occasion  de  faire  un  essai 
de  ses  découvertes  ,  en  se  char- 
geant du  dessèchement  de  la  Hol- 
lande, et  il  proposa  au  gouvernement 
batave  de  dessécher  le  lac  de  Har- 
lem. Cette  dernière  démarche  ne  fut 
pas  moins  inutile  que  les  précédentes. 
II  avait  dépensé  ,  dans  des  vues  d'u- 
tilité publique ,  toute  sa  fortune  et 
celle  de  sa  femme.  Il  mourut  pauvre 
et  oublié  ,  vers  la  fin  d'août  i8i3. 
Ses  Mémoires  et  ses  machines  sont 
déposés  au  Conservatoire  des  arts  et 
métiers.  On  trouve  une  courte  Notice 
sur  cet  artiste  dans  le  Moniteur  du 
ï6  septembre  1 81 3.  F — ny. 

TROYA  d'ASSIGNY  Louis), 
prêtre  appelant ,  du  diocèse  de  Gre- 
noble, vint  à  Paris,  où  il  exerça 
le  ministère  dans  l'hôpital  de  la 
Salpêtrière.  On  le  soupçonna ,  avec 
quelque  fondement  ,  de  travailler 
aux  Nouvelles  ecclésiastiques,  quand 
cette  feuille  commença  de  paraî- 
tre. \\  fut  arrête  au  mois  d'octobre 
17*28,  et  mis  à  la  Bastille;  mais 
on  lui  rendit  la  liberté  au  mois  de 
mai  suivant.  Depuis,  l'abbé  Troya 
resta  caché  dans  Paris  et  s'occupa 
de  la  composition  de  brochures  sur 
les  disjiules  du  temps.  Ces  écrits,  qui 
parurent  tous  anonymes,  sont  :  1. 
Dénonciation  faite  à  tous  les  évo- 
ques de  France  par  le  corps  des 
pasteurs  ou  autres  ecclésiastiques 
du  second  ordre ,  des  Jésuites  et  de 
leurs  doctriiu'S  ,  i7'27  ,  in  -  4"-  H- 
Catéchisme  historique  et  dogmati- 
que sur  les  contestations  qui  divi- 
sent VEi^lise,{{v:  concert  avec  l'abbé 
Founpu-vaux,  ijx(^  ,\n-\'i.;  succcs- 
sivnncut  augnicnlé  et  réimprimé, 
li'i'dilion  de  i^rj  est  en  5  vol.  in- 
!•>..  TU.    Viscours  de  S.   Grégoire 


TRU 

de  Nazianze  contre  Julien  l'apos- 
tat,  1735,111-12.  IV.  Discours  de 
S.  Grégoire  di^  Nazianze  sur  l'ex- 
cellence du  sacerdoce ,  1747  ^  ^  ^• 
in-i3.  V.  Fin  du  chrétien,  o\\  Trai- 
té dogmatique  et  moral  sur  le  petit 
nombre  des  élus ,  3  parties  ,  1751  , 
3  vol.  in-i^.  C'est,  dit  feu  Barbier, 
une  refonte ,  avec  augmentation  de 
la  Science  du  salut ,  ouvrage  d'Oli- 
vier Dehors  des  Doires,dit  d'Amclin- 
conrt.  VI.  La  Vraie  doctrine  de 
l'Eglise  au  sujet  des  abus  qui  se 
sont  introduits  dans  son  sein,  I75i^ 
2  vol.  in-  12.  C'est  la  même  chose 
que  la  Suite  du  Catéchisme  histori- 
que et  dogmatique  ;  et  l'ouvrage 
parut  sous  ces  deux  titres.  VII.  Trai- 
té dogmatique  et  moral  de  l'espé- 
rance chrétienne ,  l'jSS  et  1755,  3 
vol.  in-12.  VllI.  S.  Augustin,  con- 
tre l'incrédulité ,  avec  le  plan  de  la 
religion ,  1 7  54  5  ^  "^'ol.  in-i  2.  Cet  ou- 
vrage est  tire'  de  la  Cité  de  Dieu  de 
saint  Augustin.  IX.  Dissertation  sur 
le  caractère  essentiel  à  toute  loi  de 
l'Eglise  en  matière  de  doctrine 
(  1755),  in-  12.  Ou  croit  l'abbé 
Troya  auteur  d'autres  écrits  sur  les 
mêmes  matières.  Il  mourut  en  octo- 
bre 1772.  P — c — T. 

TRUAUMONÏ  (La).  T.  Rouan. 

TRUBLET  (Nicolas  -  Charles- 
Joseph  ) ,  tre'sorier  de  l'Eglise  de 
Nantes  ,  archidiacre  et  chanoine  de 
la  ville  de  Saint-Malo  ,  sa  patrie  , 
naquit  au  mois  de  de'cembre  i6()7. 
En  1721  ,  après  la  mort  de  Clé- 
ment XI  ,  Trublet  suivit  à  Ro- 
me l'abbé  de  Tenciu,  nommé  cou- 
claviste  du  cardinal  de  Bissy.  Le 
séjour  de  Tencin  dans  cette  capi- 
tale paraissant  devoir  se  prolonger  , 
Trublet  obtint  son  aveu  pour  rctotir- 
ncr  à  Paris.  11  s'était  fait  connaî- 
tre de  bonne  heure  dans  la  littéra- 
ture.  On  sait  avec   quelle    sévérité 


TRU 


59: 


l'impression  du  Télémaque  avait 
été  défendue ,  pendant  les  dernières 
années  de  Louis  XIV.  L'activité  de 
la  police  n'empêchait  pourtant  pas 
qu'il  n'en  circulât ,  même  à  Ver- 
sailles, des  éditions  nombreuses^  édi- 
tions infidèles  ,  sans  doute  ,  puis- 
qu'elles étaient  faites  en  Hollande ,  sur 
des  brouillons  dérobés  à  l'immortel 
auteur  de  cet  ouvrage  :  mais  enfin  la 
prohibition  était  éludée.  Le  livre  le 
plus  moral  que  nous  ayious  ,  entrait 
chez  nous  en  contrebande,  quand  la 
majeure  partie  de  l'Europe  le  lisait 
et  l'admirait.  L'année  1715  alfrau- 
chit  nos  presses ,  et  Télémaque  put 
paraître.  Ce  fut  à  cette  occasion  que 
Trublet  écrivit,  en  1 7  1 7 ,  dans  le  Mer- 
cure ,  un  article  très-bien  pensé  ,  qui 
mérita  l'attention  deFoiitenelle  et  de 
La  Motte.  Singulièrement  flatté  du 
suffrage  de  deux,  hommes  qui  tenaient 
le  sceptre  de  la  littérature,  il  s'éclaira 
de  leurs  conseils  et  rechercha  leur 
estime  et  leur  amitié:  il  en  était  di- 
gne. De  ce  moment  ,  il  s'attacha  , 
disons  inieux^  il  se  voua  tout  entier 
à  ces  deux  écrivains  ;  il  adopta  tous 
leurs  systèmes  littéraires ,  sans  se 
permettre  un  doute  ;  il  entra  daus 
cette  espècede  conjuration  qui  se  tra- 
mait autour  d'eux ,  contre  la  poésie 
française  ,  eu  faveur  de  la  prose  ;  et 
comme  on  ne  manque  jamais  d'ou- 
trer une  hérésie  qu'on  embrasse,  il 
alla  plus  loiu  qu'eux  ;  car  il  osa  dire 
que  des  vers  français  ,  et  même  de 
beaux  vers  (  il  citait  ceux  de  Vol- 
taire )  ,  lus  de  suite ,  ne  pouvaient 
l!être  sans  ennui.  Voltaire  ne  lui 
pardonna  jamais  l'application  à  la 
Henriade  de  ce  vers  de  Boileau  sur 
la  Pucellc  : 

Et  je  ue  sais  poiirciuoi  je  balUo  en  la  lisant. 

L'application  était  dure  et  incoiivenau- 
te.Voltairo  prit  ou  voulut  prendre  pour 


6oo 


TRU 


iiiK?  injure  ce  qui  n'e'tait  qu'un  hom- 
mage maladroit.  Certes ,  le  bon  abbe 
Tniblet  n'avait  pas  eu  l'intention  de 
l'ollenser  :  mais  il  n'avait  pas  assez 
craint  de  lui  déplaire  •  et  c'en  était 
assez  pour  blesser  un  homme  qui  , 
supérieur  à  tant  d'égards  ,  n'était 
pas  au-dessus  du  plaisir  de  se  venger. 
Trublet  ,  long  -  temps  impuni ,  fut 
enfin  immolé  dans  \e  Pauvre  Diable, 
un  de  ces  redoutables  badiuages  qui 
ne  coûtaient  rien  à  la  verve  satirique 
de  Voltaire  ,  et  qui  défaisaient,  sans 
retour ,  une  réputation  plus  solide- 
ment établie  que  ne  l'était  celle  de 
Trublet.  Le  Pauvre  Diable  eut  un 
grand  succès  ,  et  par  malheur  ,  il  le 
méritait.  Avouons  pourtant  que  l'au- 
teur s'y  permet  tout,  jusqu'à  la  plus 
sale  indécence.  On  plaignit  presque 
Fréron ,  si  grossièrement  insulté  • 
et  le  mépris  pour  les  vers  de  Pom- 
pignan  parut  injuste.  Le  portrait 
de  Gresset ,  si  spirituellement  tra- 
cé ,  fit  sourire  et  n'ota  rien  à  sa  gloi- 
re. Trublet ,  que  ses  talents  ne  recom- 
mandaient point  assez  pour  échapper 
au  ridicule ,  n'en  perdit  rien.  Ce 
vers  si  plaisant  ; 

U  compilait ,  compilait ,  compilait , 

est  resté  gravédans  toutes  les  mémoi- 
res et  ])Our  jamais  attaché  au  nomdu 
Compilateur.  Trublet  s'était  mis  sur 
les  rangs  pour  l'académie, dès  17 36, 
époque  de  la  publication  d  e  ses  Essais. 
11  prévoyait,  sans  doute,  qu'onlefe- 
raitaltendre,  etne  se  trompait  guère. 
Une  sollicitation  long-temps  inutile  ne 
le  découragea  point.  Il  vit  toute  cette 
compagnie  se  renouveler  avant  qu'il 
y  fût  admis.  D'oii  venait  tant  d'obs- 
tination à  repousser  un  écrivain  es- 
t  i  iné  de  Montesquieu ,  de  Ma  uper  tuis , 
du  j)résiflent  Ilénaiilt  et  de  beaucoup 
d'autres  ?  Il  passait  jiour  lui  des  au- 
teurs an  Journal  chrétien ,  quoiqu'il 


TRU 

n'en  convînt  point.  Or  ce  journal 
était  en  attitude  hostile  à  l'égard 
de  plusieurs  académiciens  influents. 
Aussi  dès  qu'une  place  était  vacante, 
s'agitaient-ils  pour  en  écarter  l'abbé 
Trublet.  Ils  se  relâchèrent  un  mo- 
ment de  cette  vigilance  en  1 76 1  ; 
la  porte  de  l'académie  resta  plus  ou- 
verte qu'ils  ne  le  croyaient ,  et  Tru- 
blet s'y  glissa.  Ses  ouvrages  sont  :  I. 
Essais  de  littérature  et  de  morale , 
dont  la  première  édition  parut ,  en 
1786,  chez  Briasson ,  un  vol.  in-12. 
Ils  ont  été  réimprimés  plusieurs  fois, 
notamment  en  4  vol.  in-12  ,  et  ont 
ététraduits  en  des  langues  étrangères. 
Des  pensées  détachées  dont  ce  recueil 
se  compose,  il  en  est  peu  qui  soient 
neuves  ;  mais  la  plupart  sont  rendues 
avec  agrément ,  et  presque  toutes 
avec  précision  et  clarté.  «  Cet  ou- 
vrage ,  de  bon  qu'il  est ,  poui'rait 
devenir  excellent,  sans  y  rien  ajou- 
ter^ et  en  se  bornant  à  n'y  faire  que 
des  ratures.  »  C'est  le  jugement 
qu'en  porte  d'Alembert.  II.  Panégy- 
riques des  saints ,  etc. ,  un  vol.  in- 1 2; 
Briasson  ,  lySS.  Une  seconde  édition 
parut  en  1764;,  2  vol.  Ces  Discours^ 
purement  écrits,  mais  froids  ,  sont 
précédés  de  réflexions,  très-bonnes  à 
lire  ,  sur  l'éloquence,  et  particulière- 
ment sur  l'éloquence  de  la  chaire. 
III.  Mémoires  pour  servir  à  V his- 
toire de  la  vie  et  des  ouvrages  de  M. 
de  La  Motte  et  de  M.  de  Fonte- 
nelle ,  un  vol.  in-12,  Amsterdam, 
1761.  Le  projet  de  ne  rien  laisser 
ignorer  de  ce  qui  regardait  Fonte- 
nellccntraîuaitnécessairemcntdcs  dé- 
tails minutieux.  On  ne  sait  trop  pour- 
quoi Palissot  prétend  faire  un  tort  à 
rabbéTrubk'ld'une amitié  pourFon- 
tciielle  portée  ius(|u'au  dévouement: 
il  était  permis  d'aimer  beaucoup 
l<\)iilenille,  et  ce  sentiiuent-là  n'ol- 
fcnsait  pcrsoune.  La  seule  ambition 


TRU 

qu'eût  jamais  eue  Trublet,  celle  d'en- 
trer à  l'acadéinie  française ,  était  sa- 
tisfaite. Il  avait  perdu  tous  ses  amis. 
Des  vapeurs  mélancoliques  et  des  in- 
firmités lui  faisaient  désirer  une  vie 
tranquille.  Retire,  dès  1767  ,  à  Saint- 
Ma!o  ,  dans  le  sein  de  sa  famille  ,  il 
y  vécut  jusqu'en  1770,  cher  à  tous 
ceux  qui  savaient  mettre  un  prix  aux 
qualités  estimables ,  au  mérite  d'un 
esprit  solide ,  enfin  aux  charmes 
d'une  conversation  toujours  instruc- 
tive et  toujours  amusante.  Z. 

TRUCHET  (  Jean  ),  mécanicien, 
né  à  Lyon  en  1657  ,  était  fils  d'un 
marchand  connu  par  sa  droiture 
et  sa  probité.  A  Vàç^e  de  dix -sept 
ans,  il  entra  dans  l'ordre  des  Car- 
mes ,  et  prit  le  nom  de  P.  Sébastien. 
La  vue  des  machines  inventées  par 
Servières  (  f^.  Grollier  ,  XVIII , 
525  )  lui  révéla  son  génie  pour  la 
mécanique.  Envoyé  par  ses  supé- 
rieurs à  Paris ,  pour  y  faire  ses  cours 
de  philosophie  et  de  théologie ,  il 
n'étudia  guère  que  la  physique  et  la 
géométrie  ;  et  encore  ne  fut-ce  que 
dans  leurs  rapports  avec  sa  scien- 
ce favorite.  Louis  XIV  avait  reçu 
de  Charles  II  ,  roi  d'Angleterre  , 
deux  montres  à  répétition ,  les  pre- 
mières qu'on  ait  vues  en  France.  Ces 
montres  s'étaut  dérangées  ,  on  les 
remit  à  Martineau,  l'horloger  du  roi , 
pour  les  raccommoder  ;  mais  elles 
étaient  fermées  par  un  secret  qu'il 
ne  put  deviner  ^  et  il  eut  le  courage 
de  déclarer  que  si  le  P.  SeTîasticn  ne 
parvenait  pas  à  les  ouvrir ,  il  fallait 
se  résoudre  à  les  renvoyer  en  Angle- 
terre. Le  jeuue  religieux  les  ouvrit 
assez  facilement,  et  les  racommoda  , 
sans  savoir  qu'elles  fussent  au  roi. 
Quelques  jours  après ,  Colbert  le  lit 
appeler.  N'imaginant  pas  ce  que  le 
ministre  pouvait  a  von-  à  lui  dire  ,  il 
se  rendit  tout  tremblant  à  son  au- 


TRU 


601 


dience,  et  fut  très-surpris  d'en, rece- 
voir, avec  des  éloges,  le  brevet  d'une 
pension  de  six  cents  livres,  dont  la 
première  année  lui  fut  payée  sui'-le- 
champ.  D'après  les  conseils  de  Col- 
bert, le  P.  Sébastien  étudia  l'hydrau- 
lique, et  y  fit  de  rapides  progrès.  II 
eut  une  très-grande  part  à  la  condui- 
te des  eaux  dans  les  jardins  de  Ver- 
sailles ;  et ,  comme  le  dit  Fonteuelle , 
on  doit  lui  tenir  compte  non -seule- 
ment de  ce  qui  fut  exécuté  siir  ses 
vues,  mais  encore  de  ce  qui  ne  le  fut 
pas  sur  des  vues  fausses.  Il  imagnia 
une  machine  pour  transporter  les 
plus  grands  arbres  sans  les  endom- 
mager. C'est  cette  machine  si  simple 
et  si  commode  que  les  charpentiers 
nomment  un  diable ,  à  cause  de  sa 
force ,  et  dont  ils  font  un  si  fréquent 
usage.  Les  principales  manufactures 
du  royaume  lui  furent  l'cdevables 
d'un  grand  nombre  de  modèles  ou  de 
perfectionnements.  Il  construisit  pour 
le  roi  deux  tableaux  mécaniques  qui 
furent  long  -  temps  au  nombre  des 
curiosités  de  Marly  (  i  ).  L'un  , 
que  le  roi  nommait  son  petit  opéra  , 
changeait  cinq  fois  de  décorations  à 
vue  j  l'autre,  plus  grand  et  plus  ingé- 
nieux encore,  repi'ésentait  un  paysage 
où  tout  était  animé.  La  réputation 
du  P.  Sébastien  s'était  répandue  dans 
toute  l'Europe.  Le  duc  de  Lorraine, 
qui  voulut  l'avoir  dans  ses  états,  et 
le  czar  Pierre-le-Grand ,  le  comblè- 
rent de  marques  d'estime.  Un  olli- 
cier  suédois  ,  qu'un  coup  do  canon 
avait  privé  de  ses  deux  mains ,  vint 
le  prier  de  lui  en  faire  d'artiliciclles; 
mais  ses  autres  occupations  ne  lui 
permirent  pas  d'achever  cet  éton- 
nant ouvrage.  Il  ne  se  faisait  en 
France  aucun  grand  canal  sans  qu'on 


(i\  l'onloiirllc  a  décrit   CCS  deux  tibliuui    dam 
iuii  liloije  du  P.  Tiuclicl. 


6o2 


TRU 


prît  son  avis ,  et  il  eut  seul  la  direc- 
tion de  celui  d'Orléans.  Admis  com- 
me honoraire  à  i'acade'mie  des  scien- 
ces, en  1O99,  il  fut  charge  par  ses 
confrères  d'examiner  les  machines 
soumises  au  jugement  de  racade'mic. 
Il  en  découvrait  les  défauts  d'un  coup- 
d'œil,  et  indiquait  aux  inventeurs  le 
moyen  de  les  perfectionner.  Quoique 
fort  répandu  dans  le  monde,  le  P. 
Sébastien  n'en  remplissait  pas  moins 
tous  ses  devoirs  de  religion  avec  une 
scrupuleuse  exactitude.  Il  passa  ses 
dernières  années  dans  des  infirmités 
continuelles ,  et  mourut  le  5  février 
172g,  à  l'âge  de  soixante-douze  ans. 
II  eut  part  à  la  description  de  l'art 
de  l'iraprimerief/^.  Jau&eon,XXI, 
4 18  ).  On  a  de  lui ,  dans  le  recueil  de 
l'académie  :  I.  Explication  de  la 
machine  qui  a  été  faite  pour  exami- 
ner l'accélération  des  boules  qui  rou- 
lent sur  un  plan  incliné,  et  la  compa- 
rer à  celle  de  la  chute  des  corps, 
aun.  1699,  p.  a83.  II.  Mémoire 
sur  les  combinaisons  des  carreaux 
mi-partis,  ann.  1704,  p.  3G3.  III. 
Observations  (^lG  la  hauteur  du  baro- 
mètre, faites  à  Glermont  et  sur  le 
Mont-d'Or,  comparées  avec  celles 
de  Maraldi,  ann.  1705,  p.  219.  Le 
Recueil  des  machines  de  l'académie 
eu  contient  trois  du  P.  Sébastien  : 
Machine  pour  diriger  un  tuyau  de 
lunette  de  cent  pieds,  i ,  p.  qS.  — 
Description  d'une  voûte  plate ,  ibid. , 
i63. — Machine  pour  transporter  de 
grands  arbres,  iv,  107.  Foulcnelle 
a  fait  l'éloge  du  P.  Truchet;  on  a 
son  portrait,  in-fol. ,  gravé  par  Tho- 
massin,  d'après  Cheroii.      W — s. 

ÏRUCIISÈS  (  Gi.iîUARo) ,  neveu 
du  cardinal  d'Augsboiug  ,  descen- 
dait d'une  noble  et  auciciiuc  famille 
de  Sonabc.  Ayant  embrassé  l'état 
ecclésiastique  ,  il  fut  nommé  doyen 
du  chapitre   de   Strasbourg  ;  et    cm 


TRU 

1577  il  fut  e'iu  archevêque  de  Colo- 
gne ,  sur  la  démission  de  Salcnlin  , 
comte  d'Iseubourg  ,  qui ,  resté  le 
seul  mâle  de  sa  famille  ,  abdiqua 
pour  se  marier.  En  1579,  l'empe- 
reur le  désigna  l'un  de  ses  commis- 
saires à  la  diète  convoquée  à  Colo- 
gne ,  pour  aviser  aux  moyens  de 
pacifier  les  troubles  des  Pays-Bas. 
Gebhard  proposa  d'appeler  sur  cette 
assemblée  les  bénédictions  du  ciel  , 
par  une  procession  à  laquelle  furent 
invités  les  religieux  et  religieuses  du 
voisinage.  Il  y  vit  la  belle  Agnès  de 
Mansfeld ,  chanoiuesse  de  Guerichen, 
et  conçut  pour  elle  une  passion  si 
violente  et  si  subite  qu'on  la  re- 
garda comme  un  ert'et  de  la  magie. 
Les  frères  d'Agnès  l'ayant  menacé 
de  le  tuer  s'il  ne  réparait  pas  le 
scandale  qu'il  avait  donné,  Geb- 
hard épousa  secrètement  sa  maîtresse 
au  mois  de  janvier  i58"2.  Voulant 
conserver  avec  sa  femme  l'électoral 
de  Cologne ,  il  fit  ])rofession  de  la 
réforme,  qu'il  tenta  d'introduire  dans 
son  diocèse  ;  mais  le  chapitre  et  les 
magistrats  de  Cologne  se  réunirent 
pour  s'opposera  son  dessein  ;  et  Geb- 
hard ,  ne  croyant  plus  devoir  garder 
aucun  ménagement  ,  conduisit  son 
épouse  à  Rosenthal  ,  où  il  fil  bénir 
leur  mariage  par  un  ministre  lutlié- 
rien.  L'empereur  et  le  pape  ayant 
épuisé  tous  les  moyens  de  douceur 
pour  le  ramener,  il  fut  excommunie 
par  le  Saint-Siège,  et  le  chapitre  de 
Cologne  élut  à  sa  place  Ernest  de  Ba- 
vière. Gebhard,  alors  ,  leva  des  trou- 
pes pour  se  maintenir  dans  la  posses- 
sion de  son  archevêché  ;  mais  il  fut 
chasséde  lionn,  et  obligé  de  se  réfugier 
cnllollande,  avec  sa  femme, en  i584. 
11  y  ])rit  du  service  ,  et  fit  la  campa- 
gne  de    i58G  ,  sous  les   ordies  du 

•  •  •     1 

comte  de  Lcicesler.    Ayant  lait  de- 
mander à  la  reine  Elisabeth  la  per- 


TRU 

mission  de  passer  en  Angleterre,  il 
ne  put  l'obtenir  ;  cependant  cette 
j)riuccsse  donna  l'ordre  à  son  am- 
bassadeur à  la  Haye  de  lui  compter 
deux  mille  ëcus.  l^a  belle  Agnès  se 
flattant  de  réussir  à  changer  la  reso- 
lution de  la  reine  ,  par  le  moyen  du 
comte  d'Essex  ,  se  rendit  alors  à 
Londres  ;  mais  Elisabeth  ,  instruite 
que  son  favori  avait  otl'ert  à  Agnès 
un  appartement  dans  sa  maison  ,  la 
iit  rembarquer  sur-Iecluunp  ,  après 
lui  avoir  fait  donner  mille' e'cns  pour 
les  frais  de  son  voyage  (  V.  la  Fie 
d'Elisabeth  ,  par  Grëg.  Leti  ).  Geb- 
bard  parvint  à  rentrer  dans  Bonn 
en  1 587  j  il  eu  fut  chassé  de  nou- 
veau l'année  suivante,  et  il  perdit , 
en  1 589 ,  Rhinberg  ,  la  seule  ville 
qui  lui  restât  dans  l'électorat  de  Co- 
logne. Il  se  vit  a  lois  réduit  à  men- 
dier ,  en  Allemagne,  des  secours 
qu'il  ne  put  obtenir  ,  et  il  y  mourut 
misérable  ,  en  iGoi.  Un  certain 
Léon  Waramund  a  publié  un  écrit 
en  latin  ,  dans  lequel  il  cherche  à 
prouver  que  Truchsès  ,  par  son  ma- 
riage, n'avait  point  perdu  ses  droits 
à  l'archevêché  de  Cologne j  mais  il 
fut  réfuté  solidement  par  Gonçales 
Pierre  de  Léon.  F.  Bayle  ,  Répon- 
ses aux  questions  d'un  provincial , 
cil.  Lix.  Mich.  d'Isselt  a  donné  l'His- 
toiredes  guerresde  Gcbhard  et  d'Er- 
nest de  Bavière  (  F.  Isselt  ,  XXI  , 
3Gi  ).  W— s. 

TRUDAINE  (Daniel-Charles)  , 
conseiller-d'état ,  intendant-général 
des  finances  ^  et  membre  de  l'acadé- 
mie à(^.^  sciences  ,  naquit  à  Paris  le  3 
janvier  1703.  Son  père,  magistrat 
d'une  proliité  rigide  ,  était  prévôt 
des  marchands  du  temps  des  billets 
de  banque.  Law  ayant  ])roposé  une 
opération  sur  les  rentes  dues  par  le 
domaine  à  la  ville  de  Paris,  il  crut 
ne  devoir  pas  s'y  prêter  :  il  fut  dis- 


TRU 


()o3 


gracié  par  le  régent,  qui,  en  îe  dé- 
plaçant ,  lui  conserva  son  estime  et 
ses  bontés ,  et  lui  dit  :  Nous  vous 
aidons  uté  de  votre  place  parce  que 
vous  êtes  trop  honnête  homme.  Le 
fils ,  après  avoir  été  successivement 
conseiller  au  parlement,  et  intendant 
d'Auvergne  ,  devint  directeur  des 
ponts  et  chaussées  ,  place  qui  lui  a 
valu  i'estime  de  la  nation,  par  l'e'- 
tendue  de  ses  projets  ,  la  justice 
qu'il  mettait  dans  les  détails  ,  et  l'é- 
conomie avec  laquelle  il  en  dirigeait 
tous  les  travaux  II  forma  une  école 
d'ingénieurs  d'où  sont  sortis  tant 
d'hommcshabiles  qui  ont  commencé, 
sous  sa  direction,  la  construction  de 
ces  superbes  routes  qui  rendent  les 
communications  si  faciles  dans  toute 
l'étendue  du  royaume  :  les  ponts 
d'Orléans ,  de  Moulins  ,  de  Tours  , 
de  Saumur ,  les  projets  et  les  pre- 
miers fondements  du  pont  de  Neuilly, 
sont  les  résultats  du  zèle  particulier 
qu'il  avait  mis  à  cet  objet  impor- 
tant. Il  fit  servir  sa  place  au  conseil 
du  commerce, à  favoriser  l'industrie, 
et  à  lui  procurer  une  liberté  trop  res- 
treinte jusqu'alors.  Il  avaitporté  ses 
vues  sur  toutes  les  parties  de  l'admi- 
nistration ,  et  s'était  occupé  de  tous 
les  projets  qui  pouvaient  contribuer 
à  la  prospérité  de  l'état.  Il  mourut 
le  ig  janvier  1769.  Son  lils  l'in- 
formant ,  dans  sa  dernière  maladie , 
de  l'intérêt  universel  qu^on  prenait  à 
son  état ,  et  de  la  considération  dont 
il  jouissait  :  Eh  bien,  mon  ami, 
lui  dit-il ,  je  te  lègue  tout  cela. 
T— D. 

TRUDAINE   DE   MONTIGNY 

(  Jean-Charles-Philibert)  ,  fils  du 
précédent,  naquit  en  1733  à  Clei- 
mont  en  Auvergne,  où  son  porc  était 
intendant.  Il  reçut  une  éducation 
vraiment  distinguée  ,ot  montra  ,dans 
la  suite  de  sa  vie  ,  dos  connaissances 


6o4 


TRU 


presque  universelles.  Trudaine  père 
étant  devenu  intendant-général  des 
finances,  son  fils  lui  fut  adjoint, 
en  i']5']  ,  avec  promesse  de  la  sur- 
vivance, et  le  remplaça  en  176g. 
11  administra ,  avec  autant  de  zèle 
que  de  lumières,  les  différentes  par- 
ties de  son  département  ;  mais  son 
caractère  était  moins  ferme  que  celui 
de  son  père.  On  l'accusait  aussi  d'ai- 
mer la  dissipation  ;  du  reste  ,  il  ne 
négligeait  aucun  de  ses  devoirs.  L'ab- 
bé Morellet  a  dit  de  lui  dans  ses  Mé- 
moires :  «  Voulant  un  peu  plus  qu'il 
»  ne  pouvait,  il  n'en  était  pas  moins 
»  un  liomme  estimable  et  bon,  éclai- 
»  ré,  juste  et  ami  du  bien.  »  Tru- 
daine possédait  la  théorie  de  plusieurs 
sciences  ,  étrangères  en  apparence  à 
son  administration  ,  et  qui  sont  très- 
utiles  en  effet.  Ce  fut  cet  avantage  qui 
lui  valut  une  place  de  membre  hono- 
raire à  l'académie  des  sciences  :  il 
refusa  la  place  de  contrôleur-général* 
celle  d'intendant  des  finances  dont  il 
était  revêtu  ayant  été  supprimée  avec 
toutes  les  autres,  en  1 7 7  7 ,  il  fut  rendu 
à  lui-même  ,  à  l'amitié  et  à  la  société 
des  savants  et  des  gens  de  lettres.  Il 
ne  regretta  que  le  bien  qu'il  ne  pou- 
vait plus  faire  dans  l'administra- 
tion des  manufactures ,  et  dans  le 
département  des  ponts  et  chaus- 
sées. L'éducation  de  ses  deux  fils  et 
des  recherches  qu'il  projetait  sur  ia 
physique  et  la  chimie  lui  prépa- 
raient d'autres  jouissances  :  mais  sa 
santé  ,  affaiblie  par  le  travail ,  le  fit 
succomber ,  par  une  mort  inat- 
tendue ,  le  5  août  de  celte  même  an- 
née 1777.  Coudorcet  a  donné  de 
lui  un  Elo^c  où  il  dit  (ju'aiix  vertus 
(lu  magistrat  cl  du  citoyen ,  Trudaine 
joignait  les  agrénienls  de  l'homme 
du  monde  ,  et  (|ue  la  facilité  de  sou 
caracli-renercnlraîna  jamais  à  don- 
ner son  conscnlcmcnl  .1    une  chose 


TRU 

injuste.  Il  était  désintéressé  et  noble, 
sans  faste.  A  la  mort  de  son  père  , 
comme  il  était  appelé  à  lui  succéder 
dans  le  conseil  des  finances  et  dans 
celui  du  commerce,  il  pria  Louis  XY 
de  lui  permettre  de  ne  pas  recevoir 
les  appointements  de  sa  place.  «  On 
me  demande  si  rarement  de  pareilles 
grâces ,  dit  le  roi ,  que ,  pour  la  sin- 
gularité du  fait,  je  ne  veux  pas  vous 
refuser.  »  A  l'âge  de  vingt-six  ans  , 
Trudaine  avait  composé  une  comé- 
die en  trois  actes  et  en  prose  ,  hiti- 
tulée  :  le  Jaloux  puni ,  dont  Collé 
fait  le  plus  grand  éloge  dans  sou 
Journal,  année  1764.  Le tiibut qu'il 
paya  publiquement  ,  comme  acadé- 
micien ^  à  la  mémoire  de  son  père 
Dan.-Ch.  Trudaine  (i),  est  le  seul 
morceau  de  lui  que  l'on  connaisse  im- 
primé. Son  portrait  a  été  gravé  par 
Saint-Aubin ,  d'après Cochin.  Deson 
mariage  avec  M^^''.  de  Fourqueux,  il 
eut  deux  fils.  L'aîné,  qui  était  mari 
d'une  demoiselle  de  Courbeton ,  avait 
peut-être  moins  de  moyens  et  d'esprit 
que  le  cadet  ;  mais  son  caractère 
était  aussi  attachant.  L'un  et  l'autre 
avaient  paru  disposés  à  voir  ,  avec 
des  illusions  favorables,  la  révolution 
française  de  I789,  jusqu'au  moment 
où  elle  tarda  si  peu  à  être  ensan- 
glantée par  une  suite  de  crimes  afl'reux. 
Ils  recevaient  dans  leur  intimité  le 
fameux  peintre  David ,  qui  lit  pour 
Trudaine  auié  son  tableau  de  la 
mort  de  Socrate.  Protégé  par  les 
deux  frères  ,  et  n'ayant  reçu  chez  eux 
que  des  marques  d'intérêt  et  de  bien- 
veillance ,  il  s'est  inoulré  ingrat  à 
leui  écard.  Les  deux  Trudaine  furent 
incarcérés  à  Sa  ml- Lazare  en  1794' 
lis  s'aimaient  Icndremenl  ,  et  lors- 
(picleur  jugcineulàmort  fut  proiion- 


{i)yuy.  l'Histoire  de  l'Jcadémic  de  sciences  , 


TRU 

ce  par  le  tribunal  rcvolutionnaire  , 
le  plus  avance'  eu  âge  demanda  la 
parole  pour  solliciter  la   grâce  du 
plus  jeuue,  disant  que  lui  seul  devait 
périr,  puisqu'il  avait  seul   marque' 
par  la  manifestation  de  ses  princi- 
pes monarcliiques  ,  et  par  le  rôle 
politique  qu'il  avait  joué.  Ils  furent 
immolés  ensemble  le  8  thermidor  , 
an  II  (1794)- — Tnidame  de  La  Sa- 
blière (1)  (c'est  par  ce  dernier  nom 
que  l'on  désignait  le  plus  jeune  des 
deux)  fut  conseiller  au  pailement  de 
Paris  ;  c'est  lui  qui  esquissa  ,  sur  un 
des  murs   de  sa  prison ,  un  arbre, 
faible  encore ,   avec    cette   devise  : 
Fructus  matnra  tuUssem.       L-p-e. 
TRUMBULLouTRUMBAL 
(Guillaume),  bomme  d'état  an- 
glais _,  naquit,  en    i636,  à  East- 
Harapsted  dans  le  comté  de  Berks , 
où  son  père  était  juge  de  pais.  Son 
grand-père  avait  rempli  les  fonctions 
d'envoyé  de  Jacques  I*^»".  auprès  de 
l'archiduc  Albert  d'Autriche.  Il  fut 
élevé  dans  la  maison  paternelle  et  k 
l'école  d'Oakingliam  ,  puis  à  l'uni- 
versité d'Oxford.  Devenu  bachelier 
es  lois ,  en  lôSg ,  il  voyagea  en  Fran- 
ce et  en  Italie.  En  166G ,  il  retourna 
au  collège  pour  terminer  ses  études 
de  droit ,  et  pratiqua  ,  l'année  sui- 
vante ,  comme  avocat  à  la  cour  du 
vice-chancelier.  Ce  fut  vers  cette  épo- 
que qu'il  se  fit  remarquer  du  chance- 
lier Clarendon  ,  et  qu'il  fut  chargé 
des  affaires  de  la  cour  de  la  chancel- 
lerie. Reçu  docteur  es  lois ,  en  1667 , 
il  suivit  les  cours  de  justice.  Sa  clien- 
tellc  fut  très-nombreuse  j  et  il  obtint, 
vers  iG-j^ ,  la  survivance  de  la  place 
de  clerc  du  petit  sceau  {signet),  oc- 
cupée par  sir  Philippe  Warwick,  et 
qui  lui  échut,  en  iG8oi,  par  la  mort 


(9)  0  iKiiM,  a')iiiilo  au  sien  riait,  relui  de  sou 
aiciili-,  |i<lit.-(illedc  Mme.  «le  La  SahltJro  ,  l'auiio 
.\e  Lafonlaiiie. 


TRU  6o5 

de  ce  dernier.  Il  accompagna,  en  i683, 
lord  Darmouth  à  Tanger,  en  qualité 
de  juge-avocat  de  la  flotte  ;  de  retour 
en  Angleterre,  il  fut  choisi ,  en  1 685, 
pour  remplir  les  fonctions  d'envoyé 
extraordinaire  auprès  de  la  cour  de 
France.  Il  s'y   trouvait  à   l'époque 
de  la  révocation  de  l'édit  de  Nan- 
tes ,  contre  laquelle ,  disent  les  his- 
toriens anglais,  il  crut  devoir  faire 
des  observations  qu'on  n'écouta  pas. 
Ses  démarches  en  faveur  des  Protes- 
tants ayant  déplu ,  il  fut  rappelé  en 
1686,  et  nommé  ambassadeur  ex- 
traordinaire auprès  de  la  Porte  Otho- 
mane.  La  révolution  de  1688  n'ap- 
porta aucun  changement  à  sa  posi- 
tion ;  et  il  continua  de  rester  à  Cons- 
tantinople  jusqu'en  1691.  En  1695  , 
il  obtiut  l'emploi  de  loid  de  la  tréso- 
rerie, devint  membre  du  conseil  pri- 
vé, et  enfin  principal  secrétaire -d'é- 
tat. Il  était  aussi  gouverneur  de  la 
compagnie  de  Turquie.  11  avait  long- 
temps siégé  à  la  chambre  des  com- 
mîmes ,  comme  représentant  l'uni- 
versité d'Oxford.  Il  résigna  tous  ses 
emplois  en  1697, et  se  retira  à  East- 
Hampsted  ,  où  il  mourut  le  i4  dé- 
cembre 1716.  TrumbuU  était  fort  lié 
avec  Pope  et  avec  Dryden.  Ces  deux 
poètes  célèbres  attachaient  le   phis 
grand  prix  à  ses  jugements.  On  croit 
que  ce  tut  lui  qui  douua  à  Pope  l'idée 
de   traduire   l'Iliade ,    et  à  Dryden 
l'Enéide.  Le  premier  a  composé  l'É- 
pitaphe  de  Trurabull;  et  l'on  a  con- 
servé, dans  ses  OEuvres,  quelques 
Lettres  qu'il  en  avait  reçues.    D-z-s. 
TRUSLER  (  John  ),  écrivain  an- 
glais ,  né  en  1735,  exerça  successi- 
vement diverses  professions,  et  des- 
servit une  cure  aux  environs  de  Lon- 
dres. En  1771  ,  il  conçut  un  projet 
dont  la  réussite  commença   sa   for- 
tune :  ce  fut  d'alu'éger  les  sermons 
des  théologiens  les  plus  distingués, 


Go6 


TRY 


et  d'imprimer  ces  abrèges  sons  la 
forme  de  manuscrits  ,  de  manière  à 
e'pargner  aux  ecclésiastiques  non- 
seulement  le  soin  de  composer  leurs 
discours ,  mais  aussi  la  peine  de  les 
transcrire.  Cette  entreprise  fut  en- , 
couragée  ,  même  par  des  dignitaires 
de  l'église  anglicane  !  Trusler,  deve- 
nu imprimeur  et  libraire  ,  alimenta 
son  établissement  des  productions  de 
sa  plume  ,  dont  plusieurs  ont  du 
moins  le  mérite  de  l'utilité.  Ayant 
acquis  quelque  aisance  ,  il  se  retira 
dans  une  terre  qu'il  possédait  au 
comté  de  Middlesex  ,  et  mourut  eu 
1 8 1 5.  On  a  de  1  ui  ^  entre  autres  écrits  : 
Ï.JIogarth  moralisé,  in-8°. ,  l'^GG. 
II.  Chronologie  ,  vue  concise  de 
l'histoire,  1769,  in-12;  parmi  de 
nombreuses  réimpressions  ,  il  y  en  a 
une  en  1  vol.  in- 12  ,  suivis  d'un 
troisième  vol.  en  i8o5.  III.  Agricul- 
ture pratique  ,  1780,  in-80.  IV. 
Abrégé  des  connaissances  utiles  , 
1784,  in-12.  V.  Les  Temps  mo- 
dernes ,  ou  les  Aventures  de  Ga- 
briel Outcast ,  1785  ,  3  vol.  in- 12. 
VI.  Vue  sommaire  des  lois  consti- 
lulionnelles  d'Angleterre,  I788  , 
in-8".  VII.  Vie  et  Aventures  de 
fVilliam  R amble ,  1793,  3  vol. 
in-i'i.  VIII.  L'art  du  Jardinage  , 
in-S".  IX.  Essai  sur  la  propriété 
littéraire  ,  1 798 ,  in-8"^.  X.  Mémoi- 
res sur  sa  vie,  i^""".  partie,  i8o(3. 
XI.  Pensées  philosophiques  sur 
l'homme  ,  181  o  ,  2  vol.  in-i2.  L. 
TUYPHIODORE  ,  grammairien 
<^l  poète  grec.  Tout  ce  que  nous  sa- 
vons de  lui ,  d'après  Suidas  ,  c'est 
qu'il  était  Égyptien  ,  et  qu'il  avait 
«omposé  plusieurs  poèmes  ,  dont  ce 
lexicographe  nous  a  conservé  les  ti- 
tres, (.c  sont  les  Maralhoniqucs  , 
Ilippt)daniie  ,  la  Destruction  de 
J'niic  ,rl  nue  Odjssée  lipogramma- 
lique  ,  c'est-à-dire  ([lie  ,  dans  iliaruii 


TRY 

des  vingt-quatre  chants  qui  la  com- 
posent,  une  lettre  de  l'alphabet  est 
omise  ;  Valpha  ,  par  exemple  ,  dans 
le  premier  livre  ;  le  bêta  ,  dans  le 
second,  et  ainsi  de  suite,  jusques  et 
y  compris  Voméga.  Une  idée  aussi 
bizarre ,  et  dont  Trypliiodore  n'est 
pas  même  l'inventeur ,  le  place  ua- 
turellement  à  cette  déplorable  épo- 
que de  décadence  et  de  mauvais  goût 
où,  par  de  puériles  combinaisons  de 
syllabes  et  le  pénible  artifice  de  la 
disposition  des  mots ,  on  s'efforçait  de 
suppléer  au  défaut  d'idées  et  à  l'ab- 
sence totale  du  génie.  Le  temps,  qui 
a  fait  justice  de  ces  ridicules  inven- 
tions ,  ne  nous  permet  plus  d'en  ap- 
précier le  singulier  mérite.  Il  ne 
nous  reste  rien  de  l' Odjssée  de  Try- 
phiodore,  qui  n'était,  au  surplus, 
qu'une  imitation  de  V Iliade  de  Nes- 
tor de  Larande,  qui  vivait  au  com- 
mencement du  troisième  siècle.  Il 
paraîtrait  donc  assez  vraisemblable 
que  Tryphiodore  écrivait  à  la  fin  du 
cinquième  siècle ,  ou  au  commence- 
ment du  sixième  ,  et  qu'il  fut  par- 
conséquent  le  contemporain  de  Co- 
luthus  (  Voyez  ce  nom  ,  IX  , 
334  ).  La  Destraction  de  Troie  , 
lliov  àO.wiTtç  ,  est  le  seul  des  ou- 
vrages de  Tryphiodore  qui  soit  par- 
venu jusqu'à  nous.  Ce  petit  poème, 
de  six  cent  quatre-vingt-un  vers ,  est 
plutôt  l'esquisse  rapide  que  le  ta- 
bleau de  cette  grande  catastrophe 
si  admirablement  décrite  ])ar  Vir- 
gile ,  au  second  livre  de  l'Enéide. 
Elle  oH're  néanmoins  quelques  traits 
qui  nous  semblent  dignes  d'être  re- 
marqués. Tel  est ,  entre  autres  ,  l'en- 
droit où,  sous  la  figure  d'une  vieille 
f  roycnne  ,  Vénus  vient  révéler  à  Hé- 
lène le  complot  formé  p.ir  les  Grecs  , 
cl  rav(rlir  que  son  époux  Méuélas 
fait  partie  des  guerriers  que  renferme 
le  ventre  du    fatal  colosse.    Hélène 


TRY 

court  an  lemplc  de  Minerve ,  où  le 
cheval  de  Lois  vient  d'être  placé  : 
elle  appelle  les  guerriers  à  voix  basse , 
et  leur  parle  de  leurs  femmes,  A  cette 
voix ,  à  ce  tendre  souvenir ,  leur  cœur 
s'émeut;  et  l'un  d'eux  est  tout  près 
de  répondi-e  à  l'appel  :  mais  Ulysse 
le  prévient ,  et  l'étrangle  à  l'instant. 
Cet  épisode  ne  manque  point  d'inté- 
rêt ;  mais  voilà  tout  ce  qu'il  y  a 
dans  le  poème  ;  le  reste  est  d'une  sé- 
cheresse purement  analytique  et  que 
ne  rachète  nullement  le  mérite  du 
style.  Voilà  pourquoi ,  sans  doute  , 
il  a  traversé  tant  de  siècles  ,  sans 
trop  appeler  l'attention  des  savants 
ou  des  gens  de  lettres.  Il  en  est 
même  résulté  de  singulières  mépri- 
ses de  la  part  de  ses  biographes. 
Nous  citerons  entre  autres  le  docteur 
Lemprière  ,  qui  nous  apprend  (  arti- 
cle Tnphiodore  )  que  cet  écrivain 
est  auteur  d'un  poème  en  vingt- 
quatre  chants ,  sur  la  destruction 
de  Troie;  il  suffisait,  pour  voir  le 
contraire,  de  la  simple  inspection  de 
l'ouvrage  ,  et  pour  se  convaincre 
qu'il  n'est  point  écrit  dans  le  système 
bizarre  dont  l'auteur  avait  fait  l'ap- 
plication à  son  Odyssée.  Nous  avous 
sous  les  yeux  la  treizième  édition  de 
cette  Biographie,  classique  en  An- 
gleterre ,  et  devenue  ailleurs  le  tj|ie 
(le  tontes  celles  que  l'on  met  entre 
les  mains  de  la  jeunesse.  Elle  est 
incomplète,  ou  très  -  fautive  dans 
sa  partie  bibliographique,  et  omet 
ou  indique  mal  les  éditions  des  écri- 
vains dont  elle  parle.  L'auteur  ne 
dit  pas  un  mot  de  celles  de  Tryphio- 
<lore,  qui  cependant  en  a  eu  plusieurs. 
Son  poème  parut  d'abord  dans  les 
deux  premières  éditions  de  Cointus 
de  Smyrne ,  et  dans  les  collections 
de  Henri  Kstienue  ,  de  Lectius  et  de 
Néandcr.  Quelques  savants  des  sei- 
zième et  dix-septième  siècles  le  pu- 


TRY  607 

blièrent  ensuite  ,  à  Paris  ,  à  Fr.mc- 
fort,  etc.;  mais  le  texte,  jusqu'alors 
très -incorrect,  ne  commença  à  re- 
cevoir (juelques    améliorations    que 
dans  l'édition  d'Oxford ,  pubhéc  en 
174 ï  •)  in-8<». ,  par  Jacques  Merrick. 
Elle  fut  suivie ,  en  1 765  ,  de  celle  de 
Bandini ,  qui  parut  à  Florence  ,  et 
pour  laquelle  l'éditeur  eut  à  sa  dis- 
position deux  manuscrits,  dont  il  ne 
tira  presque  aucun  parti  pour  la  cor- 
rection du  texte.  Ce  soin  était  ré- 
servé  à    Thom.   Northmore  ,    qui 
donna  successivement  deux  éditions 
de    la    Destruction  de    Troie  ;   la 
première,  à  Cambridge,  1791  ,   et 
la  seconde,  à  Londres  ,  1804  ,  in-8". 
La  dernière ,  et  la  meilleure  sous  tous 
les  rapports ,  est  celle  de  Leipzig  , 
in-8'^.  ;  elle  est  accompagnée  d'un  sa- 
vant  Commentaire  ,   ouvrage   d'un 
jeune  littérateur  de  Berlin ,  M.  Fr. 
Aug.    Wernicke ,    enlevé,  à  vingt- 
trois  ans  ,  aux  lettres  qu'il  cultivait 
avec  succès.  On  trouve  une  traduc- 
tion française  de  Tryphiodore  dans 
les  Nouveaux  mélanges  de  poésies 
grecques  ,etc.  (  par  Scipiou  Al  lut  ), 
1779  ,  in-8".  5  il  en  existe  aussi  des 
versions  latines  en  prose  et  en  vers  ; 
une   traduction  en  vers  anglais  de 
Merrick ,  et  une  en  italien  de  Salvini. 
A_D— R. 
TRYPHON  ou  DIODOTE  étaitné, 
suivant    Strabon  (  xvi ,  2  ) ,  à  Cas- 
siana  ,   forteresse   sur    le   territoire 
d'Apamée.  11  embrassa  le  parti  d'A- 
lexandre Bala  ,  et  se  signala  dans  la 
guerre  que  cet  usurpateur  eut  à  sou- 
tenir contre  Demctrius  Nicator.  Après 
la  mort  d'Alexandre ,  il  fit  recon- 
naître Antiochus  {V.  II,  u58  ),  son 
fils  ,  roi  de  Syrie ,  et  fut  déclaré  son 
tuteur.  Croyant  devoir  s'a-surer  l'ap- 
pui des  Juifs  contre  les  tentatives  de 
Demctrius  pour  remonter  sur  le  trône 
de  ses  pères,  il  fit  confirmer  Joua- 


6o8 


TRY 


thas  dans  la  charge  de  grand  sacri- 
ficateur ,  et  nommer  Simon  ,  son 
frère ,  gouverneur  du  pays  qui  s'e'- 
lend  depuis  Tyr  jusqu'aux  confins  de 
l'Ethiopie.  Mais  Diodote  (c'est  le 
nom  qu'il  portait  alors)  ayant  forme' 
le  projet  de  s'emparer  du  troue  de 
Syrie,  craignit  que  Jonathasje  plus 
fidèle  allie  du  jeune  Antiochus,  ne  fût 
un  obstacle  à  ses  desseins  ,  et  cher- 
cha ,  depuis ,  l'occasion  de  le  sur- 
prendre pour  le  faire  mourir.  S'c'tant 
avance  jusqu'à  Belhsan,  ou  Scytho- 
polis ,  avec  un  corps  de  troupes  , 
Jonathas  s'y  rendit  aussitôt,  suivi 
de  quarante  mille  hommes  d'élite. 
Force'  de  dissimuler  ,  Diodote  le  re- 
çut avec  de  grands  honneurs  ,  et  lui 
ayant  persuade'  de  conge'dier  son  ar- 
mée ,  le  conduisit  à  Ptole'maïde  ,  et 
l'y  retint  prisonnier.  Mais  les  Juifs  , 
ayant  élu  Simon  à  la  place  de  Jona- 
thas ,  avaient  pris  des  mesures  pour 
garantir  leur  pays  d'une  invasion. 
Diodote  eut  encore  recours  à  la  ruse  : 
il  promit  de  rendre  Jonathas  ,  et 
reçut  ,  pour  sa  rançon ,  cent  talents 
et  ses  deux  fils,  qu'il  devait  garder  en 
otage.  Au  mépris  de  ses  serments , 
le  perfide  Diodote  entra  dans  la  Ju- 
dée, dont  il  ravagea  les  frontières  : 
mais  la  fermeté  de  Simon  l'ayant 
obligé  de  se  retirer,  il  égorgea,  dans 
sa  fuite,  Jonathas  avec  ses  deux  fils 
(  F.  JoîVATUAS  et  Simon  ).  Peu  de 
temps  après  il  iit  mourir  sou  royal 
pupille  ,  et  répandit  le  bruit  que  ce 
jeune  prince  s'était  tué  par  accident. 
On  dit  qu'il  avait  séduit  les  méde- 
cins d'Antiochus  ,  malade  de  la 
pierre,  et  (]n')ls  le  fiicnt  jicrir  d;ins 
l'opération.  Les  soldats,  gagnés  par 
ses  largesses  ,  le  déclarfreul  roi  de 
Syrie.  Il  prit  alors  le  nom  de  Try- 
plion.  Ne  pouvant  se  maintenir  sur 
le  trône  qu'avec  l'agrénient  des  llo- 


TRY 

mains  ,  il  chargea  des  députés  d'of- 
frir au  sénat  une  statue  de  la  Vic- 
toire ,  en  or ,  du  poids  de  six  mille 
jiièces.  Mais  le  sénat,  feignant  d'igno- 
rer la  mort  d'Antiochus  ,  reçut  le 
présent  au  nom  de  ce  prince,  qui  fut 
confirmé  dans  la  possession  du  trône 
de  Syrie.  Cependant  ïryphon  ,  ces- 
sant de  se  contraindre  ,  se  livrait 
sans  pudeur  à  ses  goûts  dépravés.  Il 
devint  odieux  à  ses  sujets,  et  se  vit 
bientôt  abandonné  de  ses  alliés  et 
même  d'une  partie  de  ses  soldats. 
Antiochus  (  Evergètes  ou  Sidètes  ), 
frère  de  Demetrius  Nicator ,  profita 
de  cette  disposition  des  esprits  pour 
reiîtrer  dans  la  Syrie,  dont  il  chassa 
l'usurpateur.  Tryphon  se  réfugia  d'a- 
bord à  Dora  ,  sur  les  bords  de  la 
mer-  mais  Antiochus  étant  venu  faire 
le  siège  de  cette  place  ,  il  s'enfuit  sur 
un  vaisseau  et  se  retira  dans  Ortho- 
riade ,  où  il  se  vit  bientôt  assiégé.  Il 
parvint  encore  à  s'échapper  ,  et 
ayant  semé  de  l'argent  sur  la  route  , 
pour  retarder  les  soldats  qui  le  pour- 
suivaient (  V.  les  Stratagèmes  de 
Frontin ,  ii  ,  i3),  il  put  gagner  Apa- 
mée.  Antiochus  l'atteignit  enfin  dans 
cette  ville,  et  le  fit  tuer,  suivant  Jo- 
seph e  (  Histoire  des  Juifs,  xiii ,  l'i.). 
Quelques  auteurs  disent  que  Tryphon 
se  donna  lui-même  la  mort.  On  place 
cet  événement  à  l'an  i54  avant  lère 
vulgaire.  Tryphon  avait  occu])é  le 
trône  de  Syrie  pendant  trois  ans. 
On  a  des  médailles  de  ce  prince  ,  en 
petit  bronze  et  en  argent,  et  des  mé- 
daillons d'argent.  Les  médaillons 
sont  très-rares,  et  leur  valeur  est 
considérable.  (  V.  la  Description 
des  Médailles  antiq. ,  par  M.  M  ion- 
net ,  v  ,  'y'.i  ).  Vaillant  a  recueilli, 
dans  son  Seleucidarum  iinpcriiim  , 
beaucoup  de  détails  sur  Tryphon. 
W— s. 


FIN    DU    QXrAllANTi;-SlXli:Mt.    VOLUMli. 


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